HISTOIRE D U B A SE MP IR E. TOME QUATRIEME.   HISTOIRE D U B ASEMPIRE. L1VRE SEIZIEME. VALENTINIEN VALENS, Jovien avoit régné trop peu de temps pour établir dans fa familie la fucceffion impériale. Le Conful Varronien, encore au berceau, fut oublié aufli-töt après la mort de fon pere. On ne fe reffouvint de lui dans la fuite que pour fon malheur. Une barbare politique lui fit crever un ceil, A iij Valentinien.Ann. 364. i. Infortune de Varronien. Chryfofl. ad Philip?, hem. 15.  Va lek» tinien. Ann. 364. IL Valentinien eft élu Empeïeur. Amm. I. 26. c. 1. Zof. U 3. Vhilofi. I. s. c s. ; Zon. t, II, « J ( 1 C t c F d I t r c % e C ö . H I S T O I R B de crainte qu'il ne fut tenté du defir de s'élever a 1'Empire. L'armée étant venue a Nicée, les Officiers du premier ordre tinrent confeil pour élire un Empereur. Ils s'accordoient tous a chercher une fagefle confommée & un mérite reconnu. Plufieurs d'entre eux, éblouis par i'ambition, croyoient voir ces quaités en eux-mêmes. Mais, pour le )onheur de 1'Empire, leur amour)ropre ne trouva pas affez de partians. Selon Zofime, ce fut en cette )ccafion que Sallufte Second eut 1'honïeur de refufer le diadême : il s'exufa fur fa vieilleffe; & comme on ui demandoit fon fils, il répondit ue fon fils étoit trop jeune, & que 'ailleurs il ne le croyoit pas né pour ette place éminente. Quelques-uns ropoferent Equitius qui commanoit une compagnie de la garde des .mpereurs; d'autres, Januarius, Inmdant des armées d'Illyrie. Ils fusnt tous deux rejettés : le premier omme étant d'un caraöere dur Sz roffier; 1'autre, paree qu'il étoit trop loigné & trop peu connu. Mais les ïénéraux les plus eflimés, tels que  nu Bas-Emvire. Liv. XVI. 9 le haute & dégagée, fa force naturelle qui croiflbit tous les jours par 1'habitude des fatigues de la guerre, Péclat de fon teint, un regard martial, des traits nobles & réguliers lui donnoient un air tout a-la-fois guerrier & majeftueux. A ces avantages corporels, il joignoit une valeur tempérée par la prudence, un zele ardent pour la juftice, un efprit fin, penetrant, circonfpecl:; un difcernement exquis, une parfaite connoiffance de tout ce qui concernoit 1'ordre militaire. Ses mceurs étoient réglées : il parloit peu, mais il s'exprimoit avec une éloquencenaturelle,pleinede force & de feu. Quoiqu'il fut grave & férieux, il n'avoit pas négligé les talents d'agrément; il écrivoit avec grace, il favoit même faire des vers; il réufiïfloit dans les puvrages de plaftique & de peinture : il avoit du génie pour inventer de nouvelles armes : dans les repas qu'il donnoit, il fe piquoit d'élégance, & de propreté plus que de magnifkence. Ces bonnes qualités couvroient de grands défauts: une févérité exceflive, peu di£férente de la cruauté; une humeur A y Valentinien.A.nn. 364.  Valentinien,Ann. 364, V. Difgraces précédentes de Valentinien, 10 HjSTOJRË fougueufe & prompte a s'enflammer; une économie qui approchoit fort de 1'avarice; trop de préfomption &c de conflance en fes propres lumieres; une paflion pour la gloire qui le rendoit jaloux des fuccès dont il n'avoit pas 1'honneur. Mais ces défauts ne fe développerent que dans 1'exercice de la puiffance fouveraine. La grandeur d'ame fembloit faire le fond de fon caraftere; & dans tous les emplois par lefquels il avoit paffé, avant que de parvenir a 1'Empire, 11 avoit toujours paru fupérieur k fa fortune. Tout jufqu'a fes difgraces, fervit k fon élévation. Les calomnies de Barbation 1'avoient ruiné a la Cour de Conftance; mais elles lui avoient procuré la confidération qui fuit le mérite perfécuté. Sa fermeté dans la Religion Chrétienne en le faifant exiler fous Julien, 1'avoit fait efnmer des Chrétiens, & admirer des Payens même. II étoit devenu cher k Jovien par le péril qu'il avoit couru dans la Gaule en s'oppofant au progrès d'une rébellion naiffante. Si 1'on en croit Aurélius Viclor j  du Bas-Empire. Liv. XVI. n Valentinien fit quelque difficulté d'accepter 1'Empire. II arriva a Nicée le 24 de Février, & ne voulut pas fe montrer aux troupes le lendemain. C'étoit, felon Ammien Marcellin, un efFet de fuperftition; paree que ce jour étoit la biflexte que les Romains mettoient au nombre des jours malheureux. Peut-être ce délai n'étoitil qu'une fuite de fa réfiftance. Le Préfet Sallufte étoit inftruit de plufieurs fourdes intrigues; il favoit que quelques-uns des Généraux n'avoient confenti qu'a regret k l'élection, &c qu'ils n'avoient pas renonce au deflein de la traverfer. Pour faire avorter ces projets, & prévenir les troubles qui pourroient s'élever dans 1'affemblée oü Valentinien devoit être proclamé, Sallufte, ayant réuni le foir du 25 tous les Officiers d'un grade fupérieur, les engagea k convenir enfemble que nul d'entre eux, fous peine de mort, ne fortiroit le lendemain matin de la maifon oii il étoit logé» Ceux mêmes contre qui 1'on prenoit une précaution fi extraordinaire, n'o.ferent le contredire pour ne pas fe démafquer : ils pafferent la nuit dans A vj Valentinien. Ann. 364. VI. 11 eft pro- clamé par les foldats.Amnt. 1. 26. c. i, 2. ViS. epit. ïdace. Chr. Alex. TUL Va- Icnt. not./fr.  Valentinien.Ann. 364, VII. On veut le forcer a fe nommer un collegue. Amm. I. a6. c. 1. Theod. 1,4. t. j. Soi. I. 6. t. 6. Philofi. I, 8. t, 8. 12 HlSTOIRE 1'inqtiiétude & dans 1'attente de quelque changement qui leur feroit favorable. Leurs efpérances s'évanouirent bientót. Au point du jour, les troupes fe rendirent dans une plaine aux portes de Nicée. Valentinien s'étant préfenté, monta avec la permiffion de 1'affemblée fur un tribunal élévé, & fut proclamé Augufte tout d'une voix. On ceignit fa tête du diadême, on le revêtit des ornements impériaux, au bruit des acclamations réitérées. II étoit %ée de 43 ou 44 ans. II alloit commencer un difcours qu'il avoit préparé, lorfque tout-acoup un grand murmure s'é'eva: tous les foldats frappent leurs boucliers; tous demandent a grands cris qu'il fe nomme fur le champ un collegue. Quelques-uns crurent alors que cette demande étoit infpirée par les rivaux fecrets de Valentinien, qui fe ménageoient encore cette refTource. Mais le cri étoit trop général pour être la voix d'une cabale : c'étoit 1'effet naturel d'une impatience militaire. Les foldats qui avoient vu périr trois Erapereurs dans 1'efpace de deux ans Sc  nv Bas-Empire. Lh. XP7. 13 quelques mois, vouloient s'affurer contre de fi fréquentes révolutions. Le bruit croiflbit de plus en plus, & il étoit a craindre que cette première agitation ne produifit un dangereux orage. Valentinien, le plus intrépide de tous les Princes, fentit que de céder dès le premier pas a la volonté des foldats, c'étoit leur laiffer prendre 1'autorité qu'ils venoient de lui conférer. Montrant dohc un air alTuré, après avoir impofé filence aux plus turbulents, en les traitant de féditieux, il paria en ces termes. » Braves défenfeurs de nos Pro» vinces, vous venez de m'honorer » du diadême. Je connois tout le n prix de cette préférence, a laquelle » je n'ai jamais afpiré. Toute mon » ambition s'étoit bornée a me pro» curer la fatisfaftion intérieure qui » couronne la vertu. II dépendoit de » vous tout-a-l'heure de me choifir » pour votre Souverain; c'eft a moi »> maintenant k décider des mefures » qu'il faut prendre pour votre fïï» reté & votre gloire. Ce n'eft pas » que je refufe de partager ma puif- Valen- tinien'. Ann. 364. vm. II réfifte * la volonté des foldats.  Valentinien.Ann. 364. i i l 1 1 I > l > > > y. >; « » C 14 H I S T O I R B » fance : je lens tout le poids de la » couronne ; je reconnois qu'en m'é» levant fur Ie tröne, vous n'avez » pu me placer au-deffus des acci►> dents de 1'humanité. Mais votre ►> éleöion ne fe foutiendra qu'autant » que vous me laifferez jouir des » droits dont vous m'avez revêtu. •> J'efpere que la Providence , fecon•> dant mes bonnes intentions, m'é" > clairera fur le choix d'un collegue > digne de vous & de moi. Vous fa- > vez que dans la vie privée, c'eft > une maxime de prudence, de n'a- > dopter pour affocié que celui dont » on a fait une férieufe épreuve. > Combien cette précaution eft-elle > plus néceffaire pour le partage du > pouvoir fouverain, ou les dangers > font fi fréquents , & les fautes irré» parables ?Repofez-vous de tout fur 1 ma vigilance. En me donnant 1'Em■ pire, vous ne vous êtes réfervé que Phonneur d'une fidelle obéiffance. Songez feulement k profiter du repos de 1'hy ver pour rétablir vos forces, & vous préparer a de nouvelles viöoires ". La noble fermeté de e difcours arrêta les murmures. II  'nu Bas-Empire. Liv. XVI. 15 fit en même-temps aux troupes les largelTes que les Empereurs avoient coutume de répandre a leur avénementa 1'Empire. II acquit dès-lors toute 1'autorité qu'auroit pu procurer un long regne foutenu avec dignité; 8c ces fieres cohortes , qui, un moment auparavant, prétendoient lui commander, frappées d'une impreffion de refpefl: qui dura autant que fa vie, le conduifirent au palais, au milieu de leurs aigles & de leurs enfeignes, avec toutes les marqués d'une entiere foumiflion. Perfonne n'avoit contribué autant que Sallufte a 1 elévation de TEmpereur. Dès que eet ami généreux le vit allure fur le tröne, il lui demanda pour récompenfe de fes lervices la permiffion de fe démettre de la préfefture, & de paffer en repos le refte de fa vieilleffe. Eh ! quoi, lui répondit Valentinien , ne mave^vous donc chargé d'un Ji pefant fardeau, que pour rnen laijfer accablé, fans vouloïr rn aider a le foutenir ? II refufa conftamment de confentir a la retraite de Sallufte : heureux s'il n'eut jamais trouvé que de ces Miniftres, qui ne fe fer- Valen- tinien. Ann. 364, IX. II r'.tient Sallufte dani la pr fefture. Zon. t. lh  Valentinien.Ann, 364. X. II prend pour collegue fon frere Valens. Amm. I. 26. c. 4 , £• /. 31. e. 14. Via. epit, Themifi.cr. 6, S. Zof. I. 4. Idace, Chr. Alex. Soc. 1. 4. t. 1. Philofl. 1. S. e. 8. Valef. in htbdomo TUI. Talent, not, 11. 16 H t S T 0 t R E vent pas eux-mêmes en fervant le Prince, & qui n'appercoivent clans leur ernploi que les obligations qu'il leur impofe. Valentinien , ayant donné ordre qu'on fe préparat k partir dans deux jours, affembla les principaux Officiers pour les confulter fur le choix de celui qu'il devoit aflbcier k 1'Empire. II avoit déja pris fon parti. Son frere Valens, de fept ans plus jeune que lui, avoit quelques vertus de particulier, nulle qualité d'un Prince. II étoit chafte , fidele & conftant dans 1'amitié; mais lent, parefïeux, timide , avare; fans génie pour trouver par lui-même des expédients , quoiqu'il eüt 1'efprit affez jufte pour difcerner le meilleur confeil; fans ufage des affaires , dont il avoit une averfion naturelle ; fans connoiffance des lettres, ni même de 1'art militaire. II parut équitable, jufqu'a ce qu'il fut le maitre de commettre impunément des injuftices. II faifoit confifter la fermeté d'ame dans une dureté fauvage, Ie zele de la juftice dans une colere fouvent aveugle, la douceur du cara&ere dans la facilité k  vu Bjs-Empirjs. Lh. XVI. 17 fe laiffer conduire par des flatteurs. il avoit le teint bafanné, un oeil couvert d'une catara&e, la taille médiocre, un peu trop chargée d'embonpoint, les jambes de travers. Malgré les défauts de Valens, la tendrelïe fraternelle 1'emportoit dans le coeur de Valentinien fur 1'intérêt de 1'Etat. D'ailleurs, il ne craignoit pas le parallele; & il s'attendoit bien k Conferver la fupériorité fur un tel collegue. Avant que de fe déclarer, il auroit fouhaité qu'on eüt provoqué fon choix, en lui confeillant de jetter les yeux fur Valens. C'étoit dans ce deffein qu'il confultoit fes Généraux. Cette rufe politique n'eut pas le fuccès qu'il efpéroit. Tous garderent un profond filence; le feul Dagalaiphe ofa luidire : Prince,fivous chérijfe^ votre familie , vous ave^ un frere, Jivous aime^ tEtat, ckercke^ le plus capable, Cette franchife piqua vivement 1'Empereur; mais il fut diflimuler fon chagrin, & partit pour Conftantinople. En pafTant par Nicomédie, il donna k Valens la charge de grand Ecuyer avec le titre de Tribun. Le 28 de Mars, peu de jours après fon arrivée Valentinien.Ann. 364.  nu Bas-Empire. Liv. XVI. 37 dans leur patrie : 11 ejl honteux, dit-il dans fa loi, que des gens qui fe vantent de foutenir les plus rudes affauts de la fortune, nayent pas le courage de partager avec leurs citoyens le poids des chargespubliques.il excepta cependant de cette forte de banniffement, ceux qui s'étoient diltingués par des vertus conformes k leur profeffion. Comme les Chrétiens étoient en grand nombre ,& qu'il étoit k craindre qu]ils ne fe vengeafïent par quelque violence des maux que les Payens leut avoient fait fouffrir du temps de Julien , on prenoit la précaution de placer aux portes des temples une garde de foldats. Valentinien fit défenfe d'employer a cette fa&ion des foldats Chrétiens; ce que les Magiftrats. la plupart Payens, fur-tout k Rome & dans 1'Italie, affeftoient de fair< pour avilir la Religion Chrétienne Dès le temps que les deux Empereur étoient dans ie chateau de Médiane ils avoient ordonné que les biens fonds, dont Julien avoit enrichi le temples , fuffent appliqués au domai ne impérial. Lorfque Valentinien vint k Milan Valentinien. Valens. Ann. 3.64» > r k  nv Bas-Empire. Liv. XFI. 59 leva fur un pavois pour le montrer aux troupes, Le nouvel Augufte fourint fort mal fa dignité; pale & tremblant, commeun criminel, ilremercia avec baiTefle les auteurs de fon élévation, leur promettant plus de richeffes &C d'honneurs qu'il n'en auroit pu donner, fuppofé même qu'il fut jamais devenu paifible poffeffeur de 1'Empire. Dans ce ridicule appareil, il fortit cfcorté d'une garde nombreufe. Les foldats, fous leurs enfeignes, marchoient en ordre de bataille; & pour jetter 1'efFroi, ils frappoient k grands coups de javelots leurs boucliers, qu'ils tenoient élévés fur leurs têtes, -afin de fe mettre k couvert des pierres & des tuiles dont on auroit pu les .accabler du haut des toits. Entre les premiers de la ville, les uns étoient déja arrêtés; les autres furpris de eet événement imprévu , fe tenoient renfermés, fans favoir quel parti prendre. Le peuple fortant dans les rues, ne témoignoit d'abord qu'une curiofité froide & indifférente. Cependant. la haine univerfellement répandus contre Pétrone, jointe aux charme, C vj Valentinien. Valens. Ann. 36;. XXXII. II fe rend maitre de C. P. Amm. i bid. Themifi. or. 7. lof. I. 4,  Valentinien.Valens. A.nn. 36y. /o H I S T O I R E plein de valeur, qui s'étoit donné au tyran, & qui en avoit recu pour récompenfe Ia charge de Maitre du palais. Ne pouvant refter oifif, il communiqua fon deffein a quelques-uns des foldats qu'on avoit laiffés a Conftantinople , & les ayant fait palier par mer a Drépane , nommée alors ' Hélénope, il courut a Nicée, &s'en empara. Pour recouvrer cette place importante, Valens détacha Vadomaire, avec un corps de troupes, & le chargea du foin de ce fiege. Vadomaire étoit ce Roi des Aliemands, que Julien avoit fait enlever & conduire en Efpagne. Les nouveaux Empereurs 1'avoient rappellé de eet exil; il s'étoit attaché k Valens, qu'il fervit toujours avec courage & fïdélité. Valens, de fon cöté, ayant paffé par Nicomédie , vint attaquer Chalcédoine dont Procope étoit maitre. II y trouva une vive réfiftance. Les habitants Pinfultoient du haut des murs, en 1'appellant buveur de, bïerre ; c'étoit la boiffon du petit peuple era Illyrie & en Pannonie. L'Empereur jura qu'il s'en vengeroit, & qu'il raferoit les murs de Ia ville. Cependant,  du Bjs-Empire. Liv. XP7. 71 rebuté par le défaut de fubfilïance & par 1'opiniatreté des affiégés, il fe difpofoit k Ia retraite, lorfque les troupes enfermées dans Nicée, fortant tout-a-coup k Ia fuite de Rumïtalque, taillent en pieces le détachement de Vadomaire, & vont fans perdre de temps, tomber k 1'improvifte fur Valens qui étoit encore devant Chalcédoine. II étoit perdu fans relTource, s'il n'eüt pas été averti a propos. L'ennemi le fuivit de prés, & il n'échappa qu'avec peine a la faveur du lac de Sunone & des détours du fleuve Gaullus : par cette fuite précipitée, toute la Bithynie refta au pouvoir de Procope. L'Empereur regagna promptement Ancyre. Ayant appris que Lupicin lui amenoit d'Orient unrenfort confidérable de troupes, il reprit courage , & envoya Arinthée, 1'un de fes plus habiles Généraux, pour chercher 1'ennemi. Celui-ci arrivant a Dadaftane, bourgade devenue depuis peu célebre par la mort de Jovien, ie rencontra vis-a-vis d'Hypéréchius, jufqu'alors Officier du palais. Mais Procope qui fai/oit des Généraux com- Valentinien.Valens. Ann. 365. XXXIX. Arinthée fe fait livrer un des Généraux de Procope. Amm. ibid. Bafil, ep. 269.  Valentinien.Valens, Ann. 365. XL. Siege de Cyzique. Amm. ibid. Zcf. I. 4. Sox. h 5. e. 14. ■Philofl. I. 9. c, 6, 72 HlSTOIRB me il s'étoit fait Empereur, Tavoit misa latête d'un detachement. Arinthée le méprifoit trop pour daigner le combattre. II fit alors une adtion dont on ne voit point d'autre exemple , &c qui fut couronnée du fuccès, C'étoit 1'homme de la plus haute taille Sc le mieux fait de fon fiecle; fon extérieur vraiment héroïque lui donnoit un air d'empire. Profitant de eet avantage,il ordonna aux foldats d'Hypéréchius de faifir eux-mêmes leur chef, & dele lui amener enchaïné. Ces paroles eurent 1'efFet d'une viétoire ; ils obéirent; & trainant avec eüx leur Général devenu leur prifonnier, ils fe rangerent fous les enfeignes d'Arinthée. Procope fut bientöt avantageufement dédommagé de cette perte. Cyzique , capitale de PHellefpont, étoit alors remplie de richeffes. Vénufius, chargé du payement de toutes les troupes de 1'Orient, y avoit dès le comr mencement destroubles tranfporté la cailTe militaire, comme dans la place la plus füre. C'étoit d'ailleurs un des plus riches dépots des tréfors de 1'Empire. Deux clafTes nombreufes d'habitants  du Bas-Empihe. Liv. XVI. 73 bitants étoient fans ceffe occupées, 1'une a la fabrique de la monnoie, 1'autre aux ouvrages d'une célebre manufaöure pour Phabillement des foldats. La place étoit renommée dès le temps des guerres de Mithridate, tant par 1'avantage de fa fituation, que par la force de fes murailles. Mais ce qui faifoit alors fa foibleffe , c'eft qu'elle étoit défendue par Sérénien, chef d'une garnifon aufïï foible que fon commandant. Procope la fit aluéger par terre & par mer fous la conduite du Général Marcel fon parent. Les attaques n'eurent d'abord aucun fuccès. Les afTiégeants étoient accablés d'une grêle continuelle de traits, de pierres, de javelots, qui rendoient les approches très-meurtrieres. L'unique moyen de prendre la ville, étoit de forcer Pentrée du port: mais elle étoit fermée d'une groffe chaïne de fer, que les vaiffeaux, malgré les plus violents efforts, ne purent jamais rompre. On effaya en vain de la couper a grands coups de hache. Les foldats, les Officiers, épuifés de fatigues, ne demandoient qu'a lever le fiege, lorfqu'un Tribun , nommé Alifon, obTome IV. D Valentinien.Valens. Ann. 365.  Va len- TiNIEN. Valens. Ann. 365. 74 HlSTOIRE tint qu'on lui permit de faire une derniere tentative. Pour entrer dans le port, il falloit tourner le dos aux murs de la ville : le Tribun ayant joint enfemble trois navires, s'en fervit comme d'une plate - forme pour y établir quatre rangs de foldats les uns derrière les autres : le premier rang reftoit debout, 6c les trois autres s'inclinoient de plus en plus, en forte que le quatrieme fe tenoit fur les genoux. Leurs boucliers qu'ils rejettoient en-arriere , étant quarrés 6z exaöement rapprochés par les bords , formoient un talus, fur lequel les fleches 6c les pierres lancées du haut des murs, couloient comme Peau fur la pente d?un toit: cette ordonnance fe nommoit torcue. Elle étoit en ufage dans le ftege des places. Le Tribun couvert de cette forte de défenfe, approche de 1'entrée du port, 6c ayant ïoulevé la chaïne , 6c placé un des anneaux fur une enclume , il vint k bout de le rompre a coups de marteaux 6c de haches, 6c d'ouvrir Ie port k la flotte. La ville fe rendit auffitöt. Cette a£tion mémorable fauva la vie k ce Tribun, lorfque'dans la fuite on fit mourir les partifans de Pro-  nu Bas-Empike. Liv. XVI. 75 cope. Valens lui conferva même fon rang dans le fervice : il périt dans la fuite en Ifaurie, oü il fut tué par une troupe de brigands. Procope s'étant en diligence tranfporté k Cyzique, fit grace a tous les affiégés. Ce fut, felon Philoftorge, k la priere d'Eunomius, que les Ariens avoient nommé Evêque de cette ville, & qu'ils avoient enfuite eux-mêmes dépofé. Sénérien fut excepté del'amniftie générale ; il fut chargé de fers , & conduit dans les prifons de Nicée. Hormifdas, fils de 'ce Prince Perfe, qui s'étant venu refugier a la Cour de Conftantin, avoit fervi avec zele Conftance & Julien, s'étoit jetté dans le parti du rebelle. Procope lui donna le gouvernement de 1'Hellefpont 6c le titre de Proconful, avec pouvoir de commander les armées, & de régler les affaires civiles; rendant ainfi au Proconfulat toute 1'autorité qui avoit été attachée k cette charge au temps de la République. Hormifdas avoit époufé une femme riche , d'illuftre naifl'ance &c recommandable par fa vertu. Quelques jours après la prife de Cyzique, comme il fe promenoit Dij Valentinien.Valens. Ann. 36;. XLT. Hormifdas le fils, partifan de Procope. Amm, ibid.  valentinien. Valens. Ann. 3Ó5. XLH. Vexations de Procope. Amm. ihid. Themifl.or. 7- Philoft, l 9., r. 6. 76 H I S T O I R E feal avec elle fur le rivage, afTez loin du vaifléau qui les y avoit conduits, ils furent furpris & fur le point d'être enlevés par un parti ennemi. Mais ce jeune guerrier, malgré les traits qu'on lancoit fur eux, défendit & fa femme & fa propre vie avec tant de courage & de bonheur, qu'ils eurent le temps de regagner leur vailTeau, & de sechapper enfemble. L acquifition d'une ville fi importante enfla le cceur de Procope. II regarda ce fuccès comme le gage d'un bonheur inaltérable, & ne fe crut plus obligé de garder aucune mefure. Cette ame foible n'avoit point de cara&ere ; il prit celui de la profpérité: il devint fuperbe, violent, inhumain, auffi injufte que Pétrone. 11 oublia que c'étoient les excès de ce Miniftre qui lui avoient a lui-même tenu lieu de mérite. Arbétion, ce politique corrompu, dont nous avons parlé tant de fois, ne s'étoit point encore ouvertement déclaré : aux fréquentes invitations du tyran, il répondoit en s'excufant fur fes maladies & fur les infirmités de fa vieillelTe. Procope fit enlever tous les meubles de la mai-  nu Bas-Empire. Liv. XVI. 77 fon qu'Arbétion poiTédoit a Conftantinople : elle étoit remplie de tréfors, fruits des crimes d'une longue vie. Par cette violence,il foulevoit contre lui un homme qui n'avoit jamais été un ami utile , mais qui fut toujoursun ennemi dangereux. Peut-être lui auroit-on pardonné cette injuftice exercée aux dépensd'un injufte raviffeur, mais il ne ménagea perfonne. Sans aucun égard pour les privileges des Sénateurs, il impofa fur tous les fujets des contributions exceffives ; il exigea dans 1'efpace d'un mois le tribut de deux années; & les habitant' de Conftantinople , qu'il avoit féduits par tant de magnifiques promeffes, fe virent en peu de temps réduits f une extréme mifere. On recherch; ceux qu'on foup§onnoit d'être atta chés a 1'Empereur. L'impie Aëtius qui vivoit a Lesbos, fut a cette oc cafion en danger de perdre la vie il fe rendit a Conftantinople, ou pei après il mourut de maladie. Les phi lofophes n'avoient pas fujet de fe loue: de Valens : cependant Procope les ac cufa d'intelligence avec ce Prince; & quoiqu'il prétendit lui-même au: D iij Valentinien.Valens. Ann. 36 j. [ I i t C  vu Bas-Empire. Liv. XVI. 83 cha la tête, Si abattit en-même-temps la rébellion. Valens , dans le premier acces de fa colere, fit maffacrer Florence & Barchalba , dont la trahifön, quoiqu'odieufe,. ne méritoit pas la mort, fi Procope n'étoit qu'un traitre & un rebelle. Ainfi périt Procope , agé de prés de quarante & un ans. Sur la foi des aftrologues, il s'étoit flatté de parvenir au comble de la grandeur : après fa mort, ces impofteurs, pour fauver Phonneur de leur fcience chimérique, publierent qu'ils avoient entendu le comble des maux, Ö£ non pas de la fortune. Marcel, parent de Procope, commandoit la garnifon de Nicée. Zozime rapporte que le tyran lui avoit mis entre les mains un manteau de pourpre , aux mêmes conditions qu'il en avoit lui-même recu de Julien. Dés que ce Général eur appris la mort de Procope, il fit tuer Sérénien qu'il tenoit prifonnier. Ce meurtre fauva la vie a beaucoup d'innocents , que Valens, par les confeils de ce méchant homme qu'il écoutoit volontiers , n'auroit pas manqué d'immoler a une aveugle vengeance. Après cette D vj Valentinien.Valens. Ann. 366. XLVII. Mort de Marcel. Amm. I. 26 , c. 10. Zof. li 4.  Valentinien. Valens. Ann. 366, XL VIII. Punition des complices de Procope. Amm. ibid. Zof. I. 4. Tbem, or. 7- Liban. vit. & or. 14, 84 HlSTOIRB exécution, Marcel courut a Chalcédoine, oü il fe fit proclamer Empereur par une troupe de défefpérés. II comptoit fur trois mille Goths qui venoient de pafTer en Afie pour fecourir Procope. D'ailleurs, il n'appréhendoit rien du cöté de FUlyrie, oü la mort du tyran étoit encore ignorée. Mais un pouvoir li foiblement appuyé fut détruit fans peine. II n'en coüta a Valens que d'envoyer une troupe de foldats braves & hardis, qui enleverent Marcel comme un criminel, & le jetterent dans un cachot. On Ten tira peu de jours après pour lui faire endurer de cruels rourments, & le mettre a mort avec fes complices. La conduite de Valens k 1'égard des partifans de Procope, eft un problême hiftorique qu'il n'eft pas aifé de réfoudre. Ammien Marcellin & Zozime font une affreufe peinture des rigueurs qui furent exercées k cette occafion. Selon ces Auteurs, non-feulement on fit la recherche de tous ceux qui avoient prêté du fecours au rebelle, qui avoient participé k fes confeils, qui avoient eu  Valentinien.Valens. Ann. 366. UIT. Guerre contre les Aliemands. Amm. I. 27, c.1,1. . Zof. I. 4. Alfat. il- I luft.p. 41 j, , * 416. ( i 1 1 £)0 HlSTOIRE norable , pour prendre celui de fort reftaurateur. On la nommoit auffi Trimomium, a caufe des trois montagnes furlefquelles elle étoit batie. Elle fubfifte encore aujourd'hui fous le nom de Philippopoll. C'étoit une place importante, qui pouvoit fermer le paffage k Equitius, dont le deffein étoit de traverfer la Thrace pour marcher au fecours de Valens. Elle foutint le fiege, & ne fe rendit qu'a la vue de la tête de Procope, que Valens envoyoit a fon frere dans la Gaule. Equitius , naturellement dur & impitoyable, traita les habitants avec beaucoup de rigueur. Valentinien recut la tête de Pro:ope, lorfqu'il venoit de remporter, jar la valeur de Jovin fon Général, :rois viétoires furies Aliemands. Cette ïation que Julien avoit tant de fois faincue , ayant rétabli fes forces penlant une paix de quatre années, en^oya dès le mois de Janvier, plufieurs :orps de troupes qui pafferent le Rhin ur les glacés, & fe répandirent dans e pays oü ils firent beaucoup de ra'ages. Charietton , dont nous avons aconté les aventures, commandoit  Valentinien.Valens. Ann. 366. LIV. Valentinien veut punir les fuyards. <12 H I S T O 1 R E qu'a Rheims , n'eut pas plutöt appris cette facheufe nouvelle , qu'il fe rendit au lieu du combat. Ayant rallié fes foldats difperfés, il s'informa avec foin du détail de 1'aÖion. II reconnut que la cohorte des Bataves avoit été la première k fuir. II ordonna aulTitöt a toute Parmée de prendre les armes; & l'ayant affemblée dans une plaine voifine, après avoir décharge fa colere fur les Bataves par des reproches fanglants, il leur commanda de mettre les armes bas ; il les déclara efclaves, & permit a quiconque voudroit de les acheter, & de les tranfporter ou il jugeroit a propos. Les Bataves, confternés & couverts d'opprobres, reftoient immobiles. Alors toute 1'armée fe profterne aux pieds -de 1'Empereur, elle le fupplie de ne pas éternifer par eet affront la mémoire de leur défaite. Tous les foldats proteftent pour eux & pour les Bataves , qu'ils font prêts k laver leur honte dans le fang des ennemis. Valentinien fe laiffa fléchir, & les fommant de leur parole, il mita leur tête Jovin , Général de la cavalerie, avec ordre d'aller chercher les Aliemands  du Bas-Empire. IJv. XVI. 93 qui s'étoient divifés en trois corps féparés 1'un de Pautre. Jovin n'avoit pas moins de circonfpeöion & de prudence que de bravoure & d'activité. Marchant en ordre de bataille, toujours attentif a couvrir fes flancs dans Ia crainte de quelque embufcade, il arriva prés de Scarponne. Ce n'eft maintenant qu'un hameau, nommé Charpeigne, a une lieue au-deflus de Pont-a-MoulTon. II y furprit les ennemis, qui n'eurent pas le temps de fe mettre en défenfe ; & par une attaque prompte & vigoureufe, il détruifvt entiérement ce corps de troupes. Profitant du premier fuccès, il s'avanga vers un autre corps, qui, après avoir pillé les villages voifins, campoit prés de la Mofelle. S'en étant approché au travers d'un vallon couvert de bois, il trouva les Aliemands difperfés fur les bords du fleuve; les uns fe baignoient, les autres peignoient leur longue chevelure , & travailloient k lui donner, felon leur coutume, une couleur rouffe & ardente; la plupart s'amufoient k boire enfemble. II fait k l'inftant fonner la charge; & tandis que les en- Vaien- TIMEN. Valens. Ann. 366. LV. Viöoires de Jovin.  Valentinien.Valens. Ann, 366. 94 HlSTOIRB nemis, pouffant des cris menacants, courent a leurs armes, & s'empreffent de former leurs bataillons, 11 fond fur eux ,v& les taille en pieces. II ne s'en fauva qu'un petit nombre a la faveur des défilés & des forêts. Ces deux corps étant entiérement défaits , il en reftoit un troilieme beaucoup plus nombreux, qui ayant pénétré plus avant dans le pays, étoit campé prés de Chalons-fur-Marne. Jovin , pour achever fa victoire, marche promptement de ce cöté-la, & trouve les ennemis bien préparés a le recevoir. S'étant campé avantageufement, il fait repofer fes foldats. Dès que le jour paroit, il range fon armée en bataille. Elle étoit inférieure en nombre; mais le Général fut par la difpofition de fes troupes, mafquer ce défavantage. Au fignal donné, les deux armées s'ébranlent. Les Aliemands parurent d'abord effrayés a la vue des enfeignes de leur nation, qu'ils appercevoient dans l'armée Romaine; ils s'arrêterent; mais bientöt le defir de venseance les enflammant d'un nouveau :ourage , ils en vinrent aux mains. On fe battit toutle jour. La victoire  nu JjJS-Empire. Liv. XFI. 95 In'auroit pas été fi lohg-temps difputée, fans la lacheté du Commandant des troupes légeres", nommé Balchobaude, Officier auffi fanfaron hors de 1'aétion que poltron dans 1'aftion même. Dans le fort du combat, il fe retira avec fa troupe. Un fi mauvais exemple pouvoit rendre cette journée funefte a 1'Empire; mais les autres corps continuerent k combattre avec tant de valeur, qu'ils tuerent aux ennemis fix mille hommes , ck en blefferent quatre mille ; ils en eurent de leur cóté douze cents de tués &c deux cents de bleffés. La nuit fit cefler le carnage. Les vainqueurs ayant pris du repos , Jovin les fit fortir du camp aux approches du jour. Voyant que les barbares s'étoient retirés k la faveur des ténehves, il fe mit a leur pourfuite. Ils avoient pris trop d'avance ; & quelque diligence qu'il fit, il ne put les atteindre. Comme il revenoit fur fes pas, il apprit qu'une cohorte qu'il avoit détachée pour aller piller le camp des Aliemands, y avoit furpris le Roi de cette nation peu accompagné, & que s'en étant faiüe,elle Valentinien.Valens. Ann. 366. LVI. Suite de "es vicioires.  nu Bas-Empire. Liv. XVI. 97 par leurs vices. Les monumenrs de ces temps-la nous en font connoïtre un affez grand nombre, qui méritent de la poftérité des éloges ou des cenfures. Mamertin, qui avoit joué un fi grand röle fous le regne de Julien, fe maintint encore dans la préfeéture de 1'Italie & de 1'ülyrie pendant la première année du regne de Valentinien. Mais il fut dépofé dès 1'année fuivante, & peu de temps après, accufé de péculat. Ammien Marcellin ne dit pas quel fut le fuccès de cette accufation , &c fon filence même forme un facheux préjugé contre ce Préfet, que THiftorien fans doute a voulu ménager, par honneur pour la mémoire de Julien. C'efl; encore une chofe digne de remarque, que eet Auteur nommant tant de fois Mamertin , ne lui donne jamais de louange ; ce qui fuffit dans les circonftances pour faire foupconner que ce favori de Julien n'en méritoit aucune. Vulcatius Ruflnus, fon fuccefTeur dans la Préfedture d'Italie, s'étoit acquis 1'eftime publique pendant le cours d'une longue vie ; on le regardoit comme un honime parfait. Mais il déshonora fa Tome IV, E Valentinien./alens. Vnn. 366.  Valentinien.Valens. Ann. 366. p3 HlSTOIRE vieillefTe par une extréme avidité qui Ie rendoit peu délicat fur les moyens d'acquérir, pourvu qu'il efpérat pouvoir cacher fes rapines. II obtint de Valentinien le rappel d'Orfitus, Préfet de Rome. Celui-ci avoit été condamné comme coupabledepéculat furl'accufation de Térentius. Ce Térentius eft un exemple des jeux bifarres de la fortune. C'étoit un boulanger de Rome, qui devint Gouverneur de la Tofcane. On raconte a fon fujet un événement plus afforti au cara&ere &c a la condition du perfonnage , qu'a la dignité de 1'Hiftoire. Quelques jours avant qu'il arrivat en Tofcane, un ane étoit monté , en préfence de tout le peuple, fur le tribunal dans la ville de Piftoie, & s'y étoit mis a braire de toutes fes forces : ce qu'on ne manqua pas de fe rappeller comme Pannonce du Magiftrat futur , lorfqu'on vit Térentius affis furie même Tribunal. Cet homme , hardi & fans honneur, fut quelques années après, convaincu d'avoir fabriqué des actes, & condamné k mort comme fauffaire. no.'i Le plus renommédes Magifirats de  du Bas-Emtire. Liv. XVI. 99 ce temps, eft L. Aurélius Avianius Symmachus, pere de celui dont il nous refte dix livres de lettres. II fut Vicaire de Rome, Préfet de la même ville, Conful fubrogé, & revêtu des premières dignités facerdotales. II étoit favant & modefte. Les Payens révéroient fa vertu; les Chrétiens honoroient fa probité & fes talents. Le Sénat 1'avoit plufieurs fois député aux Empereurs; & nous avons vu qu'étant allé trouver Conftance a Antioche, il s'étoit attiré 1'eftime de toute la ville. II étoit toujours le premier confulté dans les délibérations du Sénat : fon autorité, fes lumieres,fon éloquence lui donnoient le premier rang dans cette célebre compagnie. Ce fut a la requête du Sénat que, dans la fuite, Gratiën & Valentinien II lui firent élever une ftatue dorée, dont 1'infcription qui s'eft confervée jufqu'a nos jours, forme un éloge complet. Valens lui en fit ériger une femblable k Conftantinople. Sa préfefture fut un temps de tranquillité & d'abondance. II fit conftruire k Rome un pont magnifique , qui communiquoit de la ville a 1'ifle E ij Valentinien. Valens. Ann. 366. LVIII. Symraaque Préfet de Rome. Amm. I. 27, c. 3. Symm. /. i , ep. 38, & in Aucl, ep. 1 , 6. Grut. infcr, ccczxx.3. TUL Valent. art, ii.  Valentinien. Valens. Ann. 366, L1X. Lampade. Amm, ibii. IOO HlSTOIRE du Tibre; c'eft, felon 1'opinion commune , le pont de St. Barthelemi, nommé dans 1'ancienne infcription le pont de Gratiën, qui fut achevé trois ou quatre ans après la préfeöure de Symraaque. Tant de fervices furent trop tot oubliés. Quelques années après , un miférable de la lie du peuple s'avifa de débiter dans Rome , qu'il avoit ouï dire a Symmaque, qu'il aimoit mieux perdre fon vin, que de le vendre au prix auquel le peuple defiroit que le vin füt vendu cette année. Sur ce rapport, fans autre preuve, le peuple alla mettre Ie feu a la maifon de eet illuftre Sénateur , fituée au-de'a du Tibre. Ce bel édifice fut réduit en cendres, & Symmaque obligé de s'enfuir. II revint bientöt après avec un nouvel éclat, k la priere du Sénat qui lui avoit fait une députation. II vivoit encore en 381 ; & il eut un avanlage que Ia nature a refufé k la plupart des grands hommes, ce fut de lailTer un fils héritier de fes rares qualités. Lampade lui fuccéda dans la préfe&ure de Rome. C'étoit ce Préfet  nu Bas-Empire. Liv. XPI. ici du Prétoire dépofé fous Conftance, pour les fourberies dont il fut convaincu dans 1'affaire de Sylvain. II avoit gagné les bonnes graces de Valentinien par une affedtation de févérité, & une apparence de vertu. Vain & avide de louanges jufqu'au ridicule , il cherchoit occalion de rétablir les anciens monuments pour y faire graver en fon honneur des infcriptions pompeufes, comme s'il en eüt été le fondateur. Tous les frontifpices, toutes les rnurailles des édifices publics portoient en gros caraöere le nom de Lampade; & la plaifanterie de Conftantin, qui, pour une femblable raifon, appelloit Trajan Pherbe pariétaire, lui auroit été beaucoup mieux appliquée. Sa vanité lui fit faire un jour une adfion qui n'avoit befoin que rFun autre motif, pour être très-digne d'éloge. Etant Préteur, il donnoit un magnifique fpeöacle : après qu'il eut répandu beaucoup de largeffes, comme le peuple ne ceffoit de demander des libéralltés pour les Comédiens , pour les cochers du Cirque, pour les gladiateurs, voulant montrer en mêmeE iij Valentinien.Valens. Ann. 366»  Valen TINIEN. Vaieks. Ann. 366, 102 HlSTOIRE temps fa générofité & le mépris qu'il faifoit des recommandations populaires , il affembla tous les mendiants qui avoient coutume de fe tenir aux portes de 1'Eglife de St. Pierre au Valican, & leur diftribua des fommes confidérables. Sa préfeöure fut troublée par plufieurs féditions : il y en eut une dans laquelle il penfa périr; & il 1'auroit bien mérité , s'il étoit jamais permis a ceux qui doivent obéir, de fe venger par eux-mêmes des injuftices de leurs fupérieurs. Comme il faifoit batir ou réparer quantité d'édifices, au-lieu d'y employer les fonds deftinés a eet ufage, il envoyoit par la ville fes Officiers, qui prenoient chez les marchands les matériaux néceffaires qu'on refufoit enfuite de payer. Le peuple, irrité de ce brigandage, s'étant attroupé autour de fa maifon , alloit y mettre le feu, s'il n'eüt été diffipé k coups de pierres & de tuiles, dont on 1'accabloit du haut des toits. Comme il revenoit en plus grand nombre , le Préfet prit le parti de s'évader; il demeura caché hors de Rome , iufqu'a ce que la fureur du peuple fut appaifée.  nu Bas-Empire. Lh. xyi. icj Un Magiftrat de ce caradtere n'étoit capable que de {bulever les efprits. Auffi ne refta-t-il que fept ou huk mois en charge. Juvertius fut mis a fa place vers le milieu de cette année 366. Celui-ci, né a Sifcia en Pannonie, étoit Quefteur lorfqu'il fut- nommé Préfet de Rome. Son intégrité & fa prudence le rendoient propre a rétablir le calme„ Son gouvernement auroit été heureux & paifible , fi 1'ambition n'eüt allumé dans le fandtuaire une querelle fanglante, qui remplit 1'Eglife de fcandale, & la ville de trouble & de tumulte. Le Pape Libere mourut le 14 de Septembre, après avoir renu le St. Siege plus de quatorze ans. Le premier Octobre fuivant, Damafe fut canoniquement élu. Quoiqu'il n'y eüt encore qu'un demi-fiecle que le Chriftianifme jouilToit de la liberté, la prééminence de 1'Eglife Romaine avoit attaché tant d'honneur a fon fiege, qu'il étoit dès-lors un objet de jaloufie pour ces ames mondaines , qui ne cherchent dans les dignités eccléfiaftiques que ce qui leur eft étranger. C'étoit dans ce temps-la que PrétexE iv Valentinien.Valens. Ann. 366. LX. Schifme d'Urfin. Amm. ibidt & c. 9. Hier. ep. 6i,0 Chr. Soc. 1.4, c. 2.S. Soi-1. 6," C. 22. Baron. an. 368, 369. Pagi ad Baron. Fleury , hifi. ecclef. I. 16. c. 8, 20,39,& /.i8,c.i6,  Valentinien.Valens Ann. 366. 106 H I S T O I R E, &C. en fon abfence, foutinrent la révolte; & quoique Prétextat, par ordre de Valentinien , les eüt chaffés a main armée de la feule Eglife qu'ils poffédoient dans 1'enceinte de Rome , ils continuerent de s'affembler en particulier hors de la ville. En 1'année 371, Valentinien permit k Urfin de fortir de fon exil, & de fe retirer oü il voudroit, pourvu qu'il fe tint étoigné de Rome a la diftance de cent milles. Cet efpritbrouillon profitaencore de cette indulgence pour fe joindre aux Ariens, & exciter de nouveaux troubles qui ne furent tout-a-fait étouffés qu'en 3 81, après le Concile d'Aquilée. Gratiën , fur la remontrance du Concile, bannit Urfin a perpétuité. Le PapeDamafe n'avoit point pris de part aux Violences que le zele outré de fes défenfeurs leur avoit fait commettre. Ce fut un Prélat autfï illuftre par fes Vertus que par fa doftrine ; & fa mémoire eft en vénération dans 1'Eglife qui 1'a mis au nombre des Saints.  107 SOMMAIRE X) u LIVRE DIX-SEPTIEME. I. j4.LTÊRATION dans le caraclerè des Romains. II. Confuls. III. Maladie de Valentinien. IV. Graden Augufle. V. Paroles de Valentinien a fon fils. VI. Caraclerè du Que/kur Eupraxe. vit. TAe'odofe dans la Grande - Bretagne. V 111. Confpiration de Valentin étouffee. IX. Théodofe bat les Saxons & les Francs. X. La ville de Treves furprife par les Aliemands. XI. Mort du Roi Vithicabe. XII. Aclions cruelles de Valentinien. XIII. R igueurs de Valentinien dans l'exercice de la jufiice. XIV. Prétextat Préfet de Rome. xv. Valens fe déclare pour les Ariens. XVI. Athanafe eft encore chaffl de fon fiege. xvn. Commencement de la guerre des Goths. XVIII. Leur origine & leurs migrationsK XIX. Guerre & incurfions des Goths. XX. Leur cara&ere & Uurs mozun, XXI, Divifion en Vifigoths E vi  Ï08 SOMMAIRE DU LlV. XVI[*. & OJlrogoths. XXII. Caufes de la guerre des Goths. XXIII. Valens refufe de rendrz les prifonniers. XXIV. Difpojition pour la guerre contre les Goths. xxv. Première campagne. XXVI. Seconde campagne. XXVII. Guerre de Valentinien en Allemagne. XXVIII. Difpojition des Romains & des Aliemands. XXIX. Bataille de Sult^. XXX. Second mariage de Valentinien. XXXI. Reglement pour les Avocats. XXXII. Loi contre les concuffïons. XXXIII. Etabliffement des Médeeins de charité. XXXIV. Probe Préfet du Prétoire. XXXV. Caraclerè de Probe. XXXVI. Olybre Préfet de Rome. XXXVII. Valentinien fortifie les bords du Rhin. XXXVIII. Romains furpris & tués par les Aliemands. XXXIX. Punitions fèveres. XL. Suite de la guerre des Goths. XLI. Paix avec les Goths. XLII. Forts bdtis fur le Danube. XLIII. Valens d Conftantinople. XLIV. lncurfions des Jfaures, XLV. Ravages en Syrië.  109 HISTOIRE D U B AS-E M P I RE. LIVRE DIX-SEPTIEME. VALENTINIEN, VALENS, GRATIËN. L'ancienne politique Romaine, toujours ambitieufe , quelquefois injufte, en avoit du moins impofé a 1'univers par des dehors de probité & de juftice. Ici 1'hiftoire va nous montrer desRois affaffinés, des Valentinien.Valens. Ann. 367^. Alteration daes  Valentinien.Valens. Ann. 367. le caractere des Romains, II. Confuls. l-iban, vit. Amm. I. 31. c. j. TUI. ralens, art, 6. I HO H I S T 0 I R E peuples maffacrés contre la foi des traités; la trahifon fubftituée au courage ; la bonne foi facrifiée a 1'intérêt, ce principe deftruöeur de luimême; la réputation, ce puiffant reffort de la profpérité des Etats, perdue pour toujonrs, & les Romains avilis par les vices avant que d'être vaincus par les barbares. Jovin, Conful en 1'année 3 67 , auroit trouvé place entre les grands hommes de 1'ancienne République. On 1'a vu dans le temps même que Jovien le dépouilloit du commandement dans la Gaule , y maintenir généreufement 1'autorité de 1'Empereur. On vient de raconter fes exploits guerriers, comparables a ceux de L. Marcius en Efpagne après la mort des deux Scipions. Mais Lupicin fon collegue, n'avoit pas 1'ame plus élevée que le. caraöere de fon fiecle. Ses talents militaires , fa févérité dans £ maintien de la difcipline , une conloiffance affez étendue de la litté■ature & de la philofophie, I'avoient ft* eftimer de Julien, quoiqu'il füt Chrétien. Maisil étoit avare &injufte. Nlous verrons dans les années fuivan-  du Bas-Empire. Liv. XVII. m res les funeftes effets de ces vices. Valentinien fut attaqué a Rheims d'une longue maladie qui le réduifit a 1'extrémité. II fe formoit déja a la Cour des cabales fecretes pour lui donner un fucceffeur. Les uns propofoient Rufticus Julianus, chargé d'expédier lesbrevets, & de dicfer les réponfes que le Prince faifoit aux requêtes. II étoit éloquent & habile dans les lettres , mais cruel & fanguinaire. D'autres penchoient pour Sévere, Comte des domeftiques, qui méritoit en toute maniere la préférence fur Rufticus. Perfonne ne parloit en faveur de Gratiën, qui n'avoit encore que huit ans. Le rétabiiffement de PEmpereur fit avortertous ces projets. Ayant enfin recouvré la fanté vers le mois d'Aoüt, il fe rendit dans la ville d'Amiens. Le danger qu'il venoit de courir, & les follicitations de fa bellemere & de fa femme le déterminerent a nommer Augufte fon fils Gratiën, Après avoir difpolé les efprits a feconder fes intentions, il aflembla fes foldats le 24'. d'Aoüt dans une plaine aux portes de la ville; & étant mont« Valentinien.Valens. Ann. 367. III. Maladie de Valentinien. Amm. I. 27, c. 6. Zof. I. 4. Symm. I. 3. ep. 1,6,7, 11,13,15. Pancirol. in not.imp* or.c.93. IV. Gratiën Augufte. Amm. ibid. Zof. ibid. Idace. Viel. epit. Soc. I. 4. c. 10. Hier. Chr. Chr. Altx,  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. 'i } ] 112 HlSTOÏRB fur un tribunal, environné des grands de fa Cour, il prit par la main le jeune Prince, & Ie préfentant aux troupes :» C'eft vous, dit-il, braves fol» dats , qui m'avez choifi par préfé» rence a tant d'illuftres Capitaines : » vous avez droit de prendre part a » mes déübérations, & la tendreffe » paternelle attend aujourd'hui vos » fuffrages. Le Souverain Maitre des » Empereurs & des Empires , le pro- * teöeur de la puiffance Romaine » qu'il rendra immortelle , m'infpire •> les plus belles efpérances; & un •> projer que je n'ai confti que pour >> votre füreté, ne peut manquer de •> vous plaire. C'eft fur cette doublé * confiance que j'ai formé le deffein •> d'affocier mon fils a lEmpire. Vous * le voyez depuis long-temps entre : > vos enfants,& vous Paimezcomme > un gage précieux de la tranquil- > lité publique. II eft tem]>s qu'il en » devienne 1'appui. II eft vrai qu'il > n'eft pas né comme nous dans les * travaux, qu'il n'eft pas endurci clans > les fatigues de la guerre. Son age > ne Pen rend pas encore capable. > Mais fon heureux naturel ne dé-  nu Bas-Empjre. Liv. XVII. 113 » ment pas la gloire de fon aïeul, & » fi je ne fuis pas abufé par mon » amour pour lui, & par le deur ar» dent de votre félicité, voici ce que » fes inclinations naiffantes me pro» mettent pour la profpérité de 1'Èm» pire : cultivé par 1'étude des let» tres , il faura bientöt pefer dans >> une jufte balance les bonnes & les » mauvaifes adfions; il fera fentir au » mérite qu'il en connoit le prix; il » entendra la voix de la gloire; il y » courra avec ardeur: vos aigles & » vos enfeignes compoferont fon cor» tege ordinaire. II faura fupporter » les incommodités des faifons , la » faim, la foif, les longues veilles, » II combattra , il expofera fa vie » pour le falut des fiens; & rempli » des fentiments de fon pere , il ché» rira 1'Etat comme fa familie ". L'ardeur des foldats interrompit 1'Empereur : chacun fembloit partager avec Valentinien la tendreffe paternelle chacun vouloit prévenir fes camara des par les témoignagesde fon amour Ils proclameren! tout d'une voix Gra tien Augufte. Alors PEmpereur, tranfporté d< Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367»  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. V. Paroles de Valentinien a fen fi!s. 114 11 I S T 0 I R E joie, embraffant tendrement fon fils," après lui avoir pofé le diadême fur la tête , & 1'avoir revêtu des autres ornements impériaux, lui adreffa ces paroles que le jeune Prince éeouta avec attention : „ Vous voila, mon » fils, élevé a la dignité fouveraine » parlavolontédevotremere,&par » le fuffrage de nos guerriers. Vous » ne pouviez y monter fous des auf» pices plus heureux. Collegue de » votre oncle & de votre pere, pré» parez-vous a foutenir le poids de » 1'Empire; a franchir fans crainte, » a la vue d'une armee ennemie, les » glacés du Rhin & du Danube; a » marcher k la tête de vos troupes; » averfer votre fang, & a expofer vo»> tre vie avec prudence , pour dé» fendre vos fujets ; k reffentir tous »> les biens & tous les maux de 1'Etat, » comme vous étant perfonnels. Je » ne vous en dirai pas davantage » en ce moment; ce qui me refte de » vie, fera employé a vous inftruire. » Pour vous, foldats, dont la valeur » fait la füreté de 1'Empire, confer» yez , je vous en conjure, une affec» tion conftante, pour ce jeune Prin-  Valen-' TINIEN. VAEENS. Gratiën Ann. 367. Il3 HlSTOIRE Joviens , & ceux qu'on appellolt les Vainqueurs. II marche aufïï-tót vers Londres, ville ancienne & dès-lors capitale du Pays. Comme il avoit divifé fon armee en plufieurs corps féparés , il rencontra en chemin diverfes troupes d'ennemis qui ravageoient la campagne, & emmenoient avec eux grand nombre d'hommes & de beftiaux. II tombe fur eux , les met en fuite, enleve leur butin , & le rend aux habitants qui lui en abandonnerent volontiers une partie pour récompenfer la bravoure de fes foldats. II entre enfuite comme en triomphe dans Londf es. Cette ville, auparavant remplie d'allarmes, & qui ne s'attendoit pas a un fecours fi prompt & fi efficace, recut avec joie fon libérateur. Théodofe s'y inftruilit de 1'état de la Province : il apprit que les Piöes, qui fe divifoient en deux peuples, les Calédoniens & les Vecturions , s'étoient joints aux Ecoffois venus d'Hibernie, & aux Attacottes, autre nation tres-belliqueufe; & que tous ces barbares , difperfés par pelotons , embraffoient dans leurs ravages une grande étendue de pays.  du Bas-Empire. Liv. XVII. 119 } Théodofe fentoit tout 1'avantage que I des troupes réglées avoient fur des I brigands indifciplinés : mais il n'étoit ï pas queftion de bataille rangée: pour venir a bout de joindre 6c de battre ces ennemis , il lui falloit partaü ger fon armée en un grand nombre ! de petits corps, qui fe répandiffent au loin; 6c il avoit befoin de beaucoup de troupes. 11 fit publier une amniftie en faveur des déferteurs qui : reviendroient k leur drapeau, & rapJ pella les vieux foldats, qui ayant eu I leur congé, s'étoient difperiés dans le ii pays. En même-temps pour 1'aider Si dans cette expédition , il demanda a 1 1'Empereur, Dulcitius, Officier d'une ij capacité reconnue; 6c pour affurei i enfuite le repos de la Province pai 3 un fage gouvernement, il pria qu'or i lui envoyat Civilis en qualité de ViI caire des Préfets : c'étoit un homrn? i d'un caradtere vif& ardent, mais pleir I de droiture 6c de juftice. Après avoii [ pris ces prudentes précautions, il parI tit de Londres avec une armée con i fidérablement augmentée , & vint- i bout de délivrer le pays, prévenan par-tout les-ennemis, leur drefTan: Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. I !  Valentinien.Valens. Gratiën Ann, 367. VIII. Confpiration de Valentin étouffée. Amm. I. a8,c. 3. Zof, 1,4. 120 HlSTOIRE des embufcades a tous les paffages; les enveloppant, & taillant en pieces leurs partis les uns après les autres. Ce qui affuroit le plus fes fuccès, c'eft qu'étant infatigable, il fe trouvoit par-tout, payant lui-même de fa perfonne; & que dans toutes les opérations militaires, il ne commandoitrien dont il ne donnat 1'exemple. Ayant donc rechaffé les barbares dans leurs forêts & leurs montagnes, il rétablit les villes & les fortereffes; il garnit de troupes les frontieres, & rendit a ce pays défolé par tant de ravage une tranquillité durable. La Grande-Bretagne étoit divifée enquatre Provinces : des pays reconquis fur les barbares, il en forma une cinquieme; & pour honorer la familie de 1'Empereur, il lui donna le nom de Vakntia. C'eft l Ecoffe méridionale : elle fut enfuite gouvernée par un Confulaire. Le cours de cette expédition fut traverfé par une confpiration, qui auroit déconcerté tous les projets d'un Capitaine moins aftif & moins prudent. Un Pannonien, nommé Valentin , beau-frere de Maximin que nous  nu Bas-Empire. Liv. XVII. iai nous verrons bientöt Vicaire de Rome & Préfet du Prétoire, avoit été condamné pour crime, & relégué dans la Grande-Bretagne. Cet homme fuperbe & turbulent, réfolut de s'emparer de la Province, & d'y prendre le titre d'Empereur. II étoit furtout animé contre Théodofe, qu'il croyoit le feul capable de faire échouer fes pernicieux deffeing. II avoit déja gagné les autres exilés &c un affez grand nombre de foldats, lorfque Théodofe en fut averti. Ce Général, prompt & intrépide, s'étant faifi de Valentin ik de fes plus zélés partifans, les livra entre les mains de Dulcitius pour les faire mourir. Mais par un trait de prudence, il défendit de les appliquer a la queftion, de crainte de donner 1'allarme aux autres conjurés, & de faire éclater le complot, que le fupplice des chefs ne manqueroit pas d'étouffer. On avoit établi depuis long-temps dans la GrandeBretagne , ainfi que dans le refte de 1'Empire, des ftationnaires, chargés de veiller fur les mouvements des barbares , & d'en avertir les Généraux Romains. Ils furent convaincus d'a- Tome IV. F Valentinien.Valens. Gratiejt Ann. 367.'  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. IX. Théodofe bat les Saxons&lesFrancs. Amm. ibid. & 1.27, t' 8. Cland. in IV. confulatu Honorii, & ibi Barth. Pacat. paneg, c. 5. Orof. I. 7. c. 32. Sidon.l.%, ep. 6. Cluv. Germ. ant. I. l,c. 18, & l. 3 , c. ai. TUL Valent. art. *7 & **? iaa Histoire voir par une trahifon criminelle fervi d'efpions aux ennemis, qui leur faifoient part de leur butin. Théodofe chaffa tous ces furveillants perfides , & laiffa aux habitants le foin d'informer eux-mêmes les Commandants des fujets de leurs allarmes. Après avoir réprimé les incurfions des barbares qui ravageoient 1'intérieur de la Grande-Bretagne, il voulut en mettre les cötes en füreté contre les courfes des Saxons. Cette nation avoit originairement habité le pays qu'on nomme aujourd'hui la Holface, &une partie du Duché de. Slefwick. Chaffés par les Chattes & les Chérufques, ils avoient pafte 1'Elbe, & s'étoient établis entre des marais alors inacceffibles, dans la contrée occupée par les Francs, qu'ils avoient forcés de reculer jufqu'aux embouchures du Rhin. De-la ces deux peuples s'étant joints enfemble dès le temps: de Dioclétien, infeftoient la Gaule & la Grande-Bretagne. Les Saxons étoient de grande taille, fort difpos, & d'une hardieffe extréme. Une longue chevelure flottoit fur leurs épau- i les; ils étoient vêtus de courtes ca*  du Bas-Empire. Liv. XFH. 123 faques , & armés de lances, de petits botteliers & de longues épées. Accoutumés dès leur bas age k braver les périls fur mer ainfi que fur terre , ils montoient de petites barques légeres, oü, fans aucune diftinftion de rang, tous ramoient, combattoient, commandoient & obéiffoient tour-atour. Après une defcente, avant que de fe rembarquer, ils décimoient leurs prifonniers , pour offrir a leurs divinités d'horribles facrifices; & plus cruels qu'ils n'étoient avares, ils traitoient avec barbarie les malheureux qu'ils avoient tranfportés dans leur pays, aimant mieux les garder pour leur faire fouffrir de longstourments, que de recevoir leur rancon. Ce furent ces incurfions fréquentes des Saxons, qui firentnommer rivages Saxoniques, les deux cötes oppofées de la Gaule & de la Grande-Bretagne. Théodofe pourfuivit ces pirates jufqu'aux ifles Orcades, & il en détruifit un grand nombre. II paffa enfuite fur leurs terres, & fur celles des Francs qui habitoient alors vers le bas Rhin & le Vahal. II y fit le dégat, &C retourna a la Cour, oü 1'Empereur le combla F ij Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. X. La ville de Treves furprife par les AlIemands. Amm. I. 27, c. 10. Al/at. illuft.p.416,417. XI. Mort du Roi VLthicabe. 124 HlSTOIRE d'éloges, & lui conféra la dignité de Général de la cavalerie. Ces exploits de Théodofe , que nous avons racontés de fuite, doivent avoir rempli plus de deux années. Valentinien étoit parti de Treves pour une expédition dont 1'hiftoire ne nous donne aucune connoiffance. Randon, Roi d'un canton d'Allemagne, profita de fon éloignement pour exécuter un deffein qu'il méditoit depuis long-temps. L'Empereur avoit retiré la garnifon de Mayence, il 1'employoit apparemment dans fes troupes. Un jour de fête, auquel les Chrétiens, dont la ville étoit peuplée, étoient affemblés dans 1'Eglife , le Prince Allemand s'étant fecretement approché avee une troupe légere, entra fans obftacle, fit prifonniers les hommes & les femmes, pilla les maifons , & enleva &les habitants 6c leurs richeifes. Les Romains s'en vengerent, mais avec lacheté & perfidie , fur un autre Roi de la même nation. Vithicabe, fils de Vadomaire, régnoit dans le pays que nous nommons aujourd'hui ie Brifgau, & dansles contrées yoi-  nv Bas-Empire. Llv. XVII. 125 fines. Ce Prince étoit foible de corps, & iujet a de fréquentes maladies, mais hardi & courageux. II ne pouvoit pardonner aux Romains 1'enlevement de fon pere; il pardonnoit encore moins k fon pere de s'être racheté de 1'exil en fe mettant au fervice des Romains; & les dignités dont Vandomaire étoit revêtu a la Cour de Valens, ne paroifloient au grand coeur de fon fils, que les triftes ornements d'un ignominieux efclavage. C'étoient pour lui autant d'affronts, dont il cherchoit a fe venger. Les Romains le prévinrent ; & après avoir inutilement tenté de le prendre par force ou par rufe, ils eurent recoursa un crime odieux, dont leurs ancêtres avoient abhorré & puni la fimple propofition , dans la perfonne du Médecin de Pyrrhus, le plus retoutable ennemi de Rome. Ils corrompirent un domeftique de Vithicabe, & ce fcélérat fit périr fon maitre. Ammien Marcellin n'explique pas fi ce fut paf Ie fer ou par Ie poifon; il ajoute feulement que le coupable craignant la punition qu'il n'avoit que trop méritée, fe réfugia auffi-töt fur les terres de 1'Empire. F iij Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367,  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. XTÏ. 'Adrions cruelles de Valentinien. Amm. I. 27, c. 7, & l. 30, c. 8. Zof. I. 4. Kieren, ep, 49- Sulp.Sever. dial, 2 , c. 6. Zon. 1.11. p. 29. Cod. Th. 1, 7, tit. 13, 1'g- 4. 5/„ 9 , tit. 40, /e£. io. /. 13 , tit. 19, leg. j. ï*6 HlSTOIRE L'Hiftoire ne nomme pas Valentinien dans le récit de ce forfait atroce; mais il ne dit pas qu'il ait puni Je traïtre ; & ce Prince demeurera dans tous les fiecles fletri du foupcon d'y avoir confenti, & du crime de n'en avoir pas fait une éclatante juftice. _ Inexorable fur des objets qui méritoient plus d'indulgence , il fit brüler vif pour des fautes légeres Dioclès, ancien Tréforier général de 1'IÏlyrie. II condamna au même fupplice ceux qui, par une lacheté devenue pour lors affez odinaire, fe coupoient les doigts pour fe fouftraire a la milice. Etant en Gaule, il fit défendre 1'entrée de fon palais a St. Martin, que le feulmotif de charité y conduifoit, pour intercéder en faveur des malheureux. L'innocence même fut plus d'une fois la viftime de fes emportements. Un certain Diodore, qui avoit été agent du Prince, étant en procés avec un Comte, le fit afligner k comparoitre devant le Vicaire d'Italie. Le Comte partit pour la Cour, 8c fe plaignit au Prince de cette audace. Sur cette plainte, PEmpereur,  dv Bjs-Empire. Liv. XVII. 1S7 fans autre examen, condamna a la mort, & Diodore, & trois fergents qui s'étoient chargés de la fignffication. L'arrêt fut exécuté k Milan. Les Chrétiens honorerent leur mémoire ; & le lieu oü ils furent enterrés, fut appellé lafépulture des Innocents. Quelque temps après, un Pannonien, nommé Maxence, qui étoit apparemment en faveur auprès du Prince, fut condamné dans une affaire , dans laquelle trois villes étoient intéreffées, Le juge chargea les décurions de ces villes , d'exécuter promptement la féntence. Valentinien 1'ayant appris , entra dans une violente colere; il ordonna qu'on fit mourir ces décurions; & rien ne les auroit fauvés, fans la noble hardieffe du Quefteur Eupraxe : Arrhe\ Prince, lui dit-il; écoute^ un momem votre bonté naturelle; fongei que lei Chrétiens honorent en qualité de martyn ceux que vous condamne^ d la mort commt criminels. Florence, Préfet du Prétoire de la Gaule, imita dans une autre rencontre cette généreufe liberté, auffi falutaire aux Princes qu'A leurs fujets L'Empereur, irrité contre plufieur villes, pour une faute digne de par F iv Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann, 367, 128 HlSTOlRE don, commanda qu'on fit mourir dans chacune trois décurions : Et queferat-on, lui dit Florence, s'ilne s'entrouve pas twis dans chacune de ces villes ?Faudra-t-il attendre que ce nombre foitrempli, pour les mettre d mort? Ces paroles calmerent la colere du Prince. Ce fut pour Valentinien une faveur du Ciel, d'avoir fous fon regne plufieurs Officiers vraiment zélés pour fa gloire , qui, d'un génie tout oppofé a celui des courtifans , s'efforcoient d'adoucir la dureté de fon caraclerè. Ce Florence, fort différent de celui du même nom, qui s'étoit rendu fi odieux du temps de Conftance, ne s'occupoit que du foulagement de fa Province. Valentinien exigeoit le payement des impöts avec une rigueur impitoyable , & ne menacoit de rien moins que de la mort ceux que leur indigence mettoit hors d'état de fatisfaire. Florence obtint cependant une loi pour modérer dans la Gaule la dureté des impofitions; elle donnoit k ceux qui fe trouvoient trop chargés le temps de porter leurs plaintes aux juges des lieux, & de leur demander une taxation plus conform me a 1'état de leur fortune.  nv Bjs-Empire. Liv. XVII. iao II étoit inutile aux accufés de s'adreffer k PEmpereur pour obtenir des Juges équitables: malgré les plus juftes motifs de récufation, il ne manquoit pas de les renvoyer devant leur juge ordinaire, quoique celui-ci füt leur ennemi perfonnel. Jamais il ne fut adoucir les punitions, jamais il n'accorda de grace k ceux qui étoient condamnés. C'étoit devant lui prefque une même chofe d'être accufé Sz d'être coupable. Les tortures qu'il employoit pour avérer les crimes, égaloient la rigueur des fupplices. II répétoit fans ceffe, que la févéritè eft Pame de la juflice , & que la jujlice doit être tame de la puiffance Souveraine. II ne choifilToit pas de deffein prémédité des hommes cruels & inhumains pour gouverner les Provinces; mais lorfqu'il avoit mis en place des Officiers de ce caraftere, loin de les contenir, il les animoit par des louanges, il les exhortoit par fes lettres a punir rigoureufement les moindres fautes? Ces funeftes encouragements durent coüter la vie k plufieurs innocents. St. Jéröme raconte fort au long 1'hiftoire d'une femme c'e VerF v Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. XIII. Rigueur de Valentiniendans 1'exercice de Ia juftice.  13? H I S T O I R E Valen- , tinien. va1ens. Gratiën Ann. 367. r XIX. Guerres & incurlions des Goths. le nom de Gothie. Ils s'emparerent d'abordde 1'ifle de Rugen, 6c de la cöte méridionale 6c oriëntale de la mer Baltique, jufque dans 1'Eftónie. Les Ruges, les Vandales, les Lombards, les Erules n'étoient que diverfes peuplades des Goths, qui fe féparerent du gros de la nation, & fe firent en Germanie des étabiiffemens particuliers. Ceux qui conferverent le nom de Goths, quitterent au commencement du fecond fiecle les bords de la Viftule; & ayant traverfé les vaftes plaines de la Sarmatie, ils fe fïxerent fur les bords des Palus Méotides. Une partie d'entre eux refufant de fuivre leurs compatriotes, demeurerent k l'Occident de la Viftule : on les nommaGépides, mot qui, dans leur langue, ügmüoitpareffhux. Ces Gépides, quelque temps après, vers le temps de Claude leGothique, après avoir vaincu les Bourguignons, s'avancerent fur les bords du Danube, ou ils commen:erent a inquiéter les Romains. Des Palus Méotides les Goths eni^oyerent divers effaims dans le pays des anciens Getes, vers les embouchures du Danube, 6c ils anéantirent  du Bas-Empir.e. Liv. XVII. 139 peu-a-peu cette nation. Ilsremporterent de grandes viftoires fur les Vandales, les Marcomans & les Quades. Ils commencerent a fe rendre redoutables a 1'Empire fous le regne de Caracalla, & réduifirent les Romains a leur payer des penfions confidérables pour acheter la paix avec eux. Ils Ia rompirent toutes les fois qu'ils crurent trouver plus d'avantage dans la guerre. Souvent on les vit paffer le Danube, & mettre è feu & k fang h Méfie & la Thrace. Ils battirent & tuerent 1'Empereur Dece. Trébonier Galle leur paya tribut. Sous Valérier & fous Gallien, ils porterent le ravagi jufqu'en Afie , oü ils entrerent par li détroit de PHellefpont, après avoi pillé Plllyrie, la Macédoine & la Gre ce. Ils brülerent le temple d'Ephefe ruinerent Chalcédoine, pénétreren jufqu'en Cappadoce ; & dans leur re tour, cette nation barbare, née pou la deftrucfion des monuments anti ques ainfi qvie des Empires, renverl en paffant Troye & Ilion, qui fe rel< voient de leurs ruines. Ils furent bal tus a leur tour par Claude, par Au rélien, par Tacite. Probus les forc Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. t t l f t r a i  Valentinien.Valens. Gratien Ann. 367, XX. Caradïere • & moeurs . des Goths ' Proc. de 1 UI. Van- , dal. ti. e. 2. I Saly, de I 14° &ISTOIRE a la fbumifTion par la terreur de fes armes. Leur puiffance étoit déja rétablie fous Dioclétien. Ils fervirent fidélement Galere dans la guerre contre les Perfes. Ils étoient devenus comme nécelTaires aux armées Romaines ; & nulle expédition ne fe fit alors fans leur fecours. Conftantin employa leur val eur contre Licinius : ils s'engao-erent avec lui par un traité, a fournir aux Romains quarante mille hommes toutes les fois qu'ils en feroient requis. Ce traité, fouvent interrompu par les guerres qui furvinrent entre eux & 1'Empire, étoit toujours renouvdlé au rétabliffement de la paix : il fubfifta jufque fous Juftinien; & ces troupes auxiïiaires étoient nommées '.es Confédérés, pour faire connoitre pe ce n'étoit pas a titre de Hijets, mais d'alliés& d'amis, qu'ils fuivoient es armées Romaines. Ce peuple népour la guerre, n'é:oit curieux que de belles armes. Ils e fervoient de piqués, de javelots, le fleches, d'épées & de maiTues. Hs :ombattoient a pied & a cheval, mais dutöt a cheval. Leurs divertilTements :onfiftoient a fe difputer le prix de  nv Bas-Empire. Uv. XVII. 141 ; l'adrefTe & de la force dans le maniement des armes. Ils étoient hardis & vaillants, mais avec prudence; confi; tants & infatigables dans leurs entre1 prifes, d'un efprit pénétrant & fubtil. \ Leur extérieur n'avoit rien de rude , 1 ni de farouche : c'étoient de grands I corps, bien proportionnés , avec une chevelure blonde, un teint blanc, & une phyfionomie agréable. Les loix de ces peuples Septentrionaux n'étoient point, comme les loix Romaines , chargées d'un détail pointilleux, fujettes a mille changements divers , & fi nombreufes qu'elles échappent h la mémoire la plus étendue. Èlles étoient invariables, fimples , courtes, claires, femblables aux ordres d'un pere de familie. Aufïï le Code deThéodoric prévalut-il en Gaule fur celui de Théodofe; & Charlemagne tranfporta dans fes capitulaires plufieurs articles des loix des Vifigoths. Les loix des Goths fonderent le droit d'Efpagne: elles en furent la fource. Celles des Lombards ont fervi de bafe aux conftitutions de Frédéric II pour le Royaume de Naples & de Skile. La jurifprudence des fiefs en ufage parmi tant d% Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. gubernat , Dei, l. 7. Roderic. Tolet. I. 1, c. 9. Grot. in proleg. ad hifi, Goth.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. I42 HiSTOIHE nations, doit fon origine aux coutumes des Lombards; Sc PAngleterre fe gouverne encore par les loix des Normands. Tous les habirants des cötes de 1'Océan ont adopté le droit maritime établi dans Pifle de Gotland, Sc en ont compofé un droit des gens. La forme même de la légiflation chez les Goths communiquoit a leurs loix une folidité inébranlable.Elles étoient difcutées par le Prince Sc par les principaux perfonnages de tous les ordres; rien n'échappoit a tant de regards pénétrants ; on pratiquoit avec zele Si. avec conftance ce que le confentement commun avoit établi. Pour les charges publiques , ces peuples ne connoifToient point les titres purement honorifiques & fans fonófion : chez eux tout étoit en aftion. Dans toutes les villes &jufques dans les bourgs, étoient des Magiftrats choifis par le fuffrage du peuple , qui rendoient la juftice , Sc faifoient la répartition des tributs. Chacun fe marioit dans fon •rdre : un homme libre ne pouvoit époufer une femme de condition fervile, ni un noble une roturiere. Les femmes n'apportoient pour dot que  du Bas-Empire. Liv. XP7I. 143 la chaftetéck la fécondité. Toute propriété étoit entre les mains des males , qui étoient le foutien de la patrie. II n'étoit pas permis a une femme d'époufer un mari plus jeune qu'elle. Les parents avoient la tutelle des mineurs ; mais le premier tuteur étoit le Prince. Les tranfports de propriété, les engagements, les teftaments fe faifoient en préfence des Magiftrats, & a la vue du peuple : les conventions appuyées de tant de témoins en étoient plus authentiques; Sc le public étant inftruit de ce qui appartenoit de droit a chacun, il ne reftoit plus de lieu aux chicanes , au ftellionat, auxprétentions frauduleufes. Les affaires s'expédioient fans longueurs Sc fans fraix. Pour arrêter la témérité des plaideurs , on les obligeoit de configner des gages. Le fang des citoyens étoit précieux; on ne le répandoit que pour les grands crimes : les autres s'expioient par argent ou par la perte de la liberté. Le criminel étoit jugé fans appel par fes Pairs. Mais.une coutume vraiment barbare,. qu'ils ont enfuite répandue par toute 1'Europe , c'eft que certaines Valen- tiniek. Valens. Sratien, Ann. 367,  oü Bas-Empire. Liv. XVII. 145 même degré de vertu. Nous aurons occafion de parler ailleurs de leur religion. Du temps de Valens, leur puiffance s'étendoit depuis les Palus Méotides jufque dans la Dace fituée au-de]a du Danube. Ils s'étoient rendu maïtres de cette vafte Province, après qu'Aurélien Peut abandonnée. Les Peu eins, les Baftarnes, les Carpes, les Viftohales, & les autres barbares de ces cantons étoient ou exterminés, ou incorporés avec eux. Ils étoient divifés en deuxpeuples , les Oftrogoths, e'eft - a - dire , les Goths Orientaux , nommés auffi Gruthonges qui habitoient furie Pont-Euxin & aux environs des bouches du Danube; & les Vifigoths ou Goths Oceidentaux, appellés encore Thervinges, établis le long de ce fleuve. C'eft ici que 1'Hiftoire commence a diftinguer clairement les deux branches de cette nation. II eft cependant parlé des Oftrogoths fous le. regne de Claude le Gothique; & les meilleurs Ecrivains préfument que cette diftinöior étoit établie dès 1'origine. En effet elle fubfifte encore dans la Swede. Ce: Terne IV. G Valentinien.Valens. Gratjen Ann. 367. XXI. Divifion en Vifigoths & Oftrogoths3orn.and.ie. reb. Gtt. Grot. in proleg. ad hifl. GoOi. T.ebcli. Pol. in Claudio , oidsde leurs bataillons, renverfant  du Bas-Empire. Lm. XVII. 157 & renverfés tour-a-tour, ils abattoient, ils tomboient : ce n'étoit que cris, horreur & carnage. D'un cöté, la bravoure & la fcience militaire; de 1'autre, une fureur défefpérée : la vidtoire balanca long-temps. Enfin, le nombre des Romains crohTant toujours a mefure qu'ils parvenoient au fommet, les Aliemands font enfoncés; tout fe confond; ils reculent en défordre, & toujours prefTés, ils tournent le dos; on les pourfuit fans relache, on les taille en pieces, on les pouffe jufque fur la pente de la montagne. Les uns tués ou mortellement bleffés, tombent en roulant dans les précipices ; les autres fuyent a perte d'haleine par le cherrtin dont .Sébaftien occupoit 1'entrée ; ils y trouvent 1'ennemi & la mort. Quelques-uns échappent, & fe fauvent dans les forêts d'alentour. Cette vie toire coüta beaucoup de fang aux Romains. Ils perdirent Valérien, k premier des domeftiques, & Natufpardon , un des Officiers de la garde, fi renommé par fa valeur, que fon fiecle le comparoit a tous ces ancien; guerriers qui avoient fait 1'honneui Valen- TlUIEN. Vaiens. Gratiën Ann. 36S,  Valentinien.Va lens. Gratiën Ann. 369. XXXVII Romain nirpris t 1(58 HlSTOIRE ruine. Julien en avoit conftruit plufieurs. Valentinien ne voulant pas que la füreté de la Gaule dépendit de la bonne foi des barbares, entreprit de border le fleuve de tours & de chateaux, élevés de diftance .en diftance , depuis la Rhétie jufqu'a POcéan : ce fut a ces travaux qu'il 'employa toute 1'année, pendant laquelle Valentinien Galate, fils de Valens, & Viöor, étoient Confuls. II ne fe fit pas de fcrupule d'empiéter en quelques endroits fur le territoire des AlIemands. II conftruifit fur les bords du Necre une fortereffe, que les uns croyent être Manheim, les autres Ladenbourg. Mais craignant que la violence des eaux qui venoient en frapper le pied, ne la détruifit peu-a-peu, il réfolut de détourner le cours du Necre. On paffa plufieurs jours a lutter contre le fleuve. Enfin, la conftance des travailleurs, piongés clans 1'eau jufqu'au col, furmonta tous les obftacles. II en coüta la vie a plufieurs foldats; mais 1'ouvrage fut achevé, Si la fortereffe mife en füreté. I C'étoit déja une infraétion du trais té. Le fuecès fit pouffer plus loin 1'en- treprife  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 369. XL. Suite de la guerre des Goths Amm. I. 27. ^ 5. 172 HlSTOIRE La guerre contre les Goths fe termina cette année. Les eaux du Danube , qui avoient tenu les campagnes fubmergées pendant toute 1'année pré* cédente , s'étant enfin retirées , les Romains pafferent le fleuve a Nivors fur un pont de bateaux, & étant entrés fur les terres des barbares, ils les traverferent jufqu'aux frontieres des Gruthonges ou Oftrogoths. Athanaric, après quelques légers combats, vint a la rencontre de Valens avec une nombreufe armée : mais il fut défait, & prit la fuite. Les Goths n'oferent plus paroïtre en campagne; retirés dans leurs marais, ils fe contentoient de faire des courfes a la dérobée, & de harceler les Romains. Valens, pour ne pas fatiguer fes troupes, les retint dans le camp, & n'ertvoya a la recherche de ces fuyards, que les valets de Parmée > avec promeffe d'une certaine fomme pour chaque tête qu'ils apporteroient. Ceux-ci, animés par 1'efpérance du gain, devinrent des partifans redoutables. Ils fouilloient les bois & les marais, & firent un grand carnage. Les barbares voyant 1» pays inöndé de lefcur fang, Valens,  nu Bas-Empire. Liv. XVII. 173 obftiné k les détruire, & Textrême mifere oü les réduifoit l'interdiaion du commerce avec les Romains, vinrent aniains jointes demander la paix. L'Empereur rebuta plufieurs fois leurs Ambaffadeurs. Enfin, il fe rendit, non a leurs prieres, mais aux inftances du Sénat de Conftantinople, qui le fupplioit par fes députés de terminer la guerre, & de fe repofer de tant de fatigues. II envoya donc a fon tour Vi&or & Arinthée, pour entrer en négociatiön avec Athanaric. Ces deux Généraux lui ayant mandé que les Goths acceptoient les propofitions, on convint d'une conférence entre les Princes. Athanaric, foit par fierté foit par défiance, refufoit de paffei le Danube, fousprétexte que fon per< Favoit engagé par ferment k ne ja> mais mettre le pied fur les terres de Romains. Valens ne pouvoit fe ren dre auprès du Prince des Goths, fan avilir la majefté Impériale. II fut déci dé que les deux Souverains s'avan ceroient chacun fur une barque ave leurs gardes, & qu'ils s'arrêteroien au milieu du fleuve. Quoique la for me de cette entrevue, dans laquell H iij VAtENtinien. Valens. Gratiën Ann. 369. XLI. Païx avec les Goths. i > t  Valentinien.Valens. Gratiën Aan. 369. 174 H 1 S T O I R £ Athanaric fembloit traiter d egal è égal avec 1'Empereur, parut donnet quelque atteinte a 1'honneur de 1'Empire , cependant la vue des deux armées rangées fur les bords du Danube , formoit pour Valens un fpectacle flatteur. II voyoit d'une part briller fes enfeignes, & fes troupes montrer la fierté naturelle a ceux qui impofent la loi; fur 1'autre bord paroiffoientles ennemis dans une contenance moins fiere, plus honteux qu'abattus de leurs défaites. Les deux Princes fixoient auffi fur eux tous les regards; on obfervoit en filence leurs geftes , leurs mouvements; chacun croyoit entendre leurs difcours. C'étoit un des plus beaux jours de 1'année; le foleil dardoit alors fes rayons avec force. Malgré la grande etaleur, Valens & Athanaric demeurerent debout fur le tillac depuis le matin jufqu'au foir. Le Prince des Goths n'avoit rien de barbare que le langaye; il étoit fouple , adroit, intelligent. II contefta long-temps fur les micles. Enfin , il fallut céder aux yaincueurs, & Valens remporta tout i'avantage. II fut arrêté que les Goths  vv Bas-Empire. Liv. XVII. 175 ne pafferoient pas le Danube ; qu'ils n'auroient liberté de commerce que dans deux villes fur les bords du fleuve; qu'on fupprimeroit tous les préfents, toutes les provifions de vivres qu'on avoit coutume de leur envoyer. Mais Athanaric obtint que la penfion qu'on lui payoit, feroit continuée, Telles furent les conditions de ce traité , qui fut regardé comme très-honorable a 1'Empire. Valens prit pour la füreté de la Méfie & de la Thrace, les mêmes précautions que fon frere prenoit alors pour la défenfe de la Gaule. Etant revenu a Marcianople , il donna ordre de réparer les anciens forts qui défendoient le paffage du Danube, Sc d'en batir de nouveaux. II établit des magafins de vivres, d'armes, de machines ; travailla a rendre plus commodes les ports du Pont-Euxin; diftribua des garnifons dans les places. II rencontroit dans 1'exécution de ces ouvrages de plus grandes difficultés que fon frere : il falloit faire venir de fort loin labrique, la chaux, lapierre. Mais 1'obéiffance Sc la conftance de fes troupes, furmonterent tous ces H iv Valentinien.Valens. Gratiem Ann. 369, XXII. Forts batis fur le Danube. Them, or. 10.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 369. XLIII. Valens a Conftannnople,Jdace. Them, or, 10, XLIV. Incur- fions des Ifaures, Ï76 HlST0IR.B obftacles. Les travaux étoient parfagés entre les foldats divifés en plufieurs bandes : chacun s'empreffoit k Fenvi de remplir fa tache; les Officiers mêmes de la maifon du Prince, ne fe difpenfoient pas des plus rudes fatigues. L'Empereur retourna fur la fin de Pannée a Conftantinople , oü il fut recu avec une grande joie. II y célébra des jeux. Thémiftius prononca dans le Sénat un nouveau panégyrique du Prince : il y releva fes fuccès dans la guerre , & fa fageffe dans la conclufion de la paix. Valens, quoique peu connoiffeur , avoit pris goüt aux éloges; il exigeoit tous les ans un difcours de Thémiftius, qui payoit volontiers ce tribut de flatterie. Dotnitius Modeftus, Préfet de Conftantinople pour la feconde fois , acheva :ette année une magnifïque cïterne, qu'il avoit commencée clans fa première préfeöure, fous le regne de fulien. Elle porta fon nom dans la fuite. Pendant que les forces de 1'Empire POrient étoient occupées a la guerre contre les Goths, les Ifaures, def-  nu Bas-Empize. Liv. XVII. 177 cendus par troupes de leurs rochers , s'étoient répandus dans la Pamphylie & dans la Cilicie, mettant les villes a contribution, & pillant les campagnes. Mufbnius étoit alors Vicaire d'Afie. 11 avoit enfeigné la Rhétorique dans Athenes; mais jaloux de la gloire de Prohérefe qui efTac/nt la fienne, il quitta fon école, Sc fe livra aux affaires. II réuflit d'abord, & s'acquit une fi grande confidération, que le Proconful d'Afie, quoique fupérieur en dignité, lui cédoit le pas lorfqu'ils fe rencontroient enfemble. II recueillit les tribuis de fon Diocefe, fans donner aucun fujet deplainte. Mais ayant appris les ravages des Ifaures, & voyant que les Commandants de la Province, endormis dans une molle oifiveté, ne fe mettoient pas en devoir de les arrêter , il fe crut par malheur grand homme de guerre. A 1; tête d'une poignée de foldats mal ar més, il marche vers une troupe di ces brigands, s'engage dans un défi lé, Sc périt avec tous les fiens dan une embulcade. Les Ifaures, enflés d ce fuccès, & courant avec plus d hardieffe, rencontrerent enfin des troi; H v Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 369. Amm. I. Z7,c. 9. Eunap. in Prohercf. Suid. ia j s  Vaien- TINIEN. Vai.ens. Gratiën Ann. 369, XLV. Pillages en Syrië. Amm. I. 2S, Cl, & MVaUf. I78 II 2 S T O I R E pes réglées qui en tuerent plufieurs , & repouflerent les autres dans leurs montagnes. On les y tint affiégés; on leur coupa les vivres, & on les forca par famine a demander une treve , pendant laquelle les habitants de Germanicopolis, capitale de ces barbares, obtinrent la paix pour toute la nation. Ils donnerent des örages, & demeurerent en repos pendant fix ou fept ans. La Syrië éprouvoit auffi d'horribles ravages. Les habitants d'un bourg fort peuple, nommé Maratocupre, prés d'Apamée, avoient formé entre eux une fociété de voleurs, & s'étoient rendus redoutables. Ils employoient la rufe autant que la force. Déguifés les uns en marchands, les autres en foldats, ils fe répandoient fans bruit dans les campagnes; & s'introduifant féparément dans les villages & dans les villes, ils fe réuniffóient pour les faccager. Comme ils ne fuivoient aucun ordre dans leurs :ourfes , & qu'ils fe tranfportoient ■apidement dans des lieux fort éloimés, on ne pouvoit prévoir leur arivée. Auffi avides de fang que de  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 370. VI. Elévation de Maximin. Amm, l, aS, c i,& ibi Valef. Hier. Chr. Symm. I. jo, ep. 2. 192 HlSTOIKB les, qui ne craignoient plus les regards du Souverain, devint un brigandage. L'Eglife jouiffoit en Occident d'une entiere liberté: fous un Empereur actif &c vigilant, les loix étoient en vigueur. Mais dans Valentinien , la haine du crime dégénéroit en cruauté. Maximin, Vicaire des Préfets , plus méchant & plus inhumain que Modefte, remplifToit Rome & PItalie de fang & de larmes. II étoit né a Sopianes en Pannonie, d'une familie trésobfcure: il defcendoit de ces barbares que Dioclétien avoit transférés endeca du Danube; & fon caraéfere ne démentoit pas fon origine. Après avoir pris une légere teinture des lettres , il embraffa le parti du barreau. Mais bientöt rebuté d'une profefïïon oü le mérite feul peut conduire k la fortune , il fe jetta dans les intrigues de Cour, &l parvint au gouvernement de laCorfe & de la Sardaigne, & enfuite k celui de la Tofcane. II tut appellé k Rome pour être chargé de 1'intendance des vivres. II fe conduifit d'abord avec modération : c'étoit un ferpent qui rampoit fous terre i  du Bas-Empirb. Lh. XVIII. 193 re, jufqu'a ce qu'il eüt acquis affez de force pour pénétrer au grand jour, & porterdes coups mortels. De plus, il s'étoit mêlé de nécromantie, crime irrémiffible auprès de Valentinien ; & comme il avoit un complice, il vécut long-temps dans de perpétuelles inquiétudes. Enfin , s'étant défait de ce témoin, il fe livra déformais fans crainte a fon inclination malfaifante & cruelle, & il en faifit la première occafion. Chilon , qui avoit été Vicaire des Préfets, & fa femme Maxime, accuferent trois perfonnes d'avoir attenté a leur vie par des maléfices.Olybre, Préfet de Rome, k qui la connoiffance de cette affaire appartenoit, étant tombé malade, ils demanderent pour juge PIntendant des vivres; & PEmpereur, pour procurer une plus prompte expédition , foufcrivit k leur requête. Armé de ce pouvoir, Maximin donna libre carrière k fa cruauté naturelle. II fit appliquer a la queftion les accufés, & fur leurs dépofitions, vraies ou fauffes ,il mit k la torture un grand nombre de perfonnes. Chaque interrogatoire produifoit de nouvelles char- Tome IV. I Valentinien.Galens. Sratien Kaa. 370, VII. ü eft chargé de rechercherles crimes de magie.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 370. 194 HlSTÖIRB ges , & le nombre des prétendus coupables fe multiplioit a 1'infini. Des trois premiers accufés, Maximin en fit expirer deux fous les coups de lanieres chargées de balles de plomb, paree que pour les engager a révéler leurs complices, il leur avoit juré qu'il ne les feroit périr ni par le fer, ni par le feu : comme il n'avoit rien juré au troifieme, il le condamna a être brülé vif. Ce barbare Commiffaire, jaloux d'étendre fa jurifdiclion fur les têtes les plus diftinguées, fit entendre k 1'Empereur qu'il falloit redoubler de rigueur pour découvrir tant de forfaits, & pour en tarir Ja fource : & Valentinien, toujours prêt a s'enflammer, déclara que les crimes de cette efpece feroient traités comme ceux de lefe-majefté; & qu'en conféquence nuile dignité, nul privilege n'exempteroit de la torture. Afin d'augmenter le pouvoir de Maximin, il le nomma Vicaire des Préfets; & comme fi ce n'étoit pas affez de cette ame farouche, il lui donna pour adjoint le Secretaire Léon, monftre auffi altéré de fang, auparavant gladiateur en Pannonie, depuis Maitre desoffi-  du Bas-Empmb. Liv. XVIII. ity des barbares contribaoit encore k la corruption des moeurs. Les bords du Rhin & du Danube, dans toute 1'étendue de leur cours, étoient couverts de nations féroces, qui habitant des pays incultes & fauvages, regardoient comme une fortune de s'établir au-dela de ces fleuves fur les terres de 1'Empire. II s'en introduifoit un grand nombre dans les armées Romaines , & fur-tout dans les troupes qui gardoient les frontieres. La garde même des Empereurs en contenoit des corps entiers. Ils s'uniffoient aux Romains par des mariages, & tachoient de faire ainfi difparoitre la tracé de leur origine. II eüt été dès-lors difficile de décider lequel des deiu partis gagnoit davantage a ces alliances, & fi la fimplicité grofïïere de ce: peuples du Nord ne valoit pas biei la politeffe abatardie des Romaiii de ce temps-la. L'Empereur en juge; felon les anciennes prétentions de 1; fierté Romaine; il penfa que le fan] de fes fujets s'altéroit par ces maria ges, & il les défendit par une loi C'étoit bien moins ces méfallian ces, que la bafTefTe de cceur & l Vaien- TINIEK. Valens. Gratiën Ann. 370, XVII. II défend les mariages avec les Barbares.Cod. Th. I. 3 . >'<• >4. leg. unie. & ibi God. I L l r > . XVIII. 1'erfidie 1 de* Ro-  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 370. mains a 1'égard des Saxons.Amm. I, aS,c. 5. Orof. I. 7. c 32. Chr. Hier. Valef. rcrum. Franc. l.l,p. 47. Tdl. Valent. art. ' -3 1 «Of. ( 40. i j ] < ( I c 1 f l j c 210 Bistoirs mauvaife foi qui dégradoient les Romains, & qui les faifoient dégénérer de leur ancienne nobleiTe. Plus de fcrupule a voiler les traités, plus de précautions pour voiler du moins la perfïdie. Une multitude de Saxons, portée fur des barques légeres, vint fe jetter dans la Gaule fur la cöte de POcéan; & s'avancant le long du Rhin, défoloit toute la contrée. Le Comte Nannien, chargé de défendre cette frontiere, accourutavec ce qu'il avoit de troupes. C'étoit un guerrier :xpérimenté; mais comme il avoit jffaires a des ennemis déterminés & >piniatres, ayant perdu dans les fréjuentes rencontres une partie de fes bldats, & fe voyant bleffé lui même, 1 envoya demander du fecours a ïmpereur qui étoit a Treves. Le Jénéral Sévere vint a la tête d'un orps confidérable, & fe rangea en •ataille. La vue d'un fi grand nombre Ie troupes, leur belle ordonnance, éclat de leurs armes & de leurs en?ignes , jetterent 1'effroi parmi les iarbares; ils demanderent la paix. >près une longue délibération, on onfentit a leur accorder une treve:  du Bas-Empme. Liv.XVlIL i\i felon la convention qu'on fit avec eux, on incorpora aux troupes Romaines 1 elite de leur jeunefle, & on permit aux autres de retourner dans leur pays. Pendant qu'ils fe difpofoient a partir, on détacha a leur infu un corps d'infanterie pour leur dreffer une embufcade , & les tailler en pieces dans un vallon qui fe trouvoit fur leur paflage au-dela du Rhin. prés de Duits, vis-a-vis de Cologne Cette perfidie réiuTit: mais elle coüt; plus de fang qu'on ne s'y étoit atten du. Les Saxons marchoient fanscrain te & fans défiance fur la foi du trai té; & ayant paffé le Rhin, ils étoien déja fur les terres des Francs leur alliés. A leur approche, quelques fol dats fortis trop tot de 1'embufcade leur donnerent le temps de fe recor noïtre; les Romains, pouffés vivc ment par les Barbares, qui fondirer fur eux avec de grands cris , prirent 1 fuite. Mais bientót foutenus par leui camarades, qui vinrent fe joindre_ eux, ils retournerent fur 1'ennemi & combattirent avec courage. Ma gré leur effort, ils ailoient être at cablés par le nombre , ft un gros e- Valen- tiniek, Valens. Gratiën Ann. 37°< l t S » t a ■s a »  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 370. XIX. Valentinien appelle les ! Bourgui- < gnons pour faire 1 la guerre aux Alle- 1 jnands. 1 1 1 £ 211 tl I S T 0 I R £ eadron de cavaliers , qu'on avoit pof-tes fur 1'autre bord du vallon, ne füt promptement accouru aux cris des combattants. Ce renfort raffura 1'infanterie. On fe.battit avec fureur. Les Saxons, enveloppés & pris comme dans un piege , fe défendirent jufqu'au dernier foupir. Tous, fans exception, furent viftimes de la mauvaife foi de leurs ennemis; & ce qui montre jufqu'a quel point la morale Romaine étoit alors corrompue, c'eft que cette viftoire, plus honteufe qu'une défaite , a trouvé un ïpologifte dans Ammien Marcellin, l'hiftorien d'ailleurs le plus fage & le plus judieieux de ce temps-la. t Les autres Barbares voifins des fron:ieres en jugerentplusfainement. Une »öion fi noire réveilla toute leur iaine contre un peuple qui rompoit es liens les plus facrés de la fociété mmaine. Macrien, Roi des Allenands, qui avoit onze ans aupara'ant obtenu la paix de Jidien, fem•loit difpofé a venger la caufe comlune des nations. Valentinien, ocupé alors a fortifier les bords du Ihin & du Danube, auroit bien vou-  dv Bas-Empire, Liv. KFIH. 213 ïu ri'être pas forcé d'interrompre ces : travaux. II forma le projet d'oppofer aux Aliemands d'autres Barbares, & de fe procurer la paix tandis qu'ils segorgeroient les uns les autres. II crut pouvoir employer a ce deffein les Bourguignons , qui habitoient dans le voifinage des Aliemands en remontant vers la fource du Mein. Cette nation guerriere , nombreufe ck devenue redoutable a fes voifins, étoit Vandale d'origine. Elle avoit été autrefois refferrée dans des bornes affez étroites entre la Warte & la Viftule, aux environs du lieu oii eft aujourd'hui la ville de Gnefne. Chaffée par les Gépides, elle s'approcha du Rhin, & s'étant jettée dans la Gaule avec les autres Vandales après la mort d'Aurélien, elle fut défaite au retour par Probus. Quelques années après, les Bourguignons s'étant unis aux Aliemands pour rentrer en Gaule, ils y furent encore taillés en pieces par Maximien Hereule , & fe fixerent enfin en Germanie aux dépens des Aliemands, auxquels ils enleverent une partie d« leur territoire. Cette invafion allum? Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 370. XX. Origine 8c mceurs des Bourguignons.Amm. ibid. Orof. l.U c. 32. Hier. chr. Plin. I. 4, c. 28, Sidon. carm. 12. Cluv. ani. Germ. 1. 3, e. 36. Vorburg. t. ii, p.biz, Valcf. rerum Franc. I- i.f.48, & feqq. 6" l- i.p. 158. Alfat. il- lufl-p.W).  Valentinien. ' Valens. Gratiën Ann, 370. 1 ] < 1 ] 214 HlSTQIlLE une haine mortelle entre les deux peuples; & pour perpétuer leurs querelles, ils fe difputoient la propriété du fleuve Sala, dont les eaux propres a faire du fel avoient de tout temps caufé la guerre entre les habitants de fes bords. Les Bourguignons étoient de haute taille, d'un caractere & d'un extérieur farouche , portant une longue chevelure qu'ils frottoient de beurre pour la rendre rouffe : grands mangeurs; aimant une mu(ique rude & groffiere, pour laquelle ils fe fervoient d'une forte de guitarre k trois cordes. Ils donnoient k leur Roi le nom de Hendinos : on le dépofoit lorfqu'il avoit eu quelque nauvais fuccès dans la guerre, ou 511e 1'année avoit été fiérile; car ils e croyoient maitre des événements k des faifons. Leur grand-Prêtre poroit le nom de Sinijlus : il étoit per)étuel, & ne pouvoit être dépofé omme les Rois. Quelques Auteurs aniens donnent aux Bourguignons une irigine , que les meilleurs critiques ejettent comme fabuleufe : ils difent ;ue Drufus & Tibere , beaux - fils 'Augufte, ayant conquis une gran-  au Bas-Empire. Liv. XFllI. 215 de étendue de pays dans la Germanie , y laifferent des garnifons, qui, abandonnées enfuite par les Romains, formerent un corps de nation ; 6c qu'elle prit fon nom des Bourgs, c'efta-dire , en langue Germanique, des chateaux batis fur la frontiere. Cette fable s'étoit déja accréditée chez les Bourguignons eux-mêmes, qui fe faifóient honneur de defcendre des Romains; 6c ce fut un des motifs que Valentinien employa pour les engager a faire la guerre aux Aliemands. II follicita leurs Rois par des meffages fecrets, a venir joindre les Romains pour accabler de concert leurs communs ennemis. 11 leur promit de paffer le fleuve, 6c convint du temps auquel les deux armées fe réuniroient. La propofition fut acceptée avec joie: les Bourguignons firent plus que 1'on n'attendoit: ils fe rendirent au bord du Rhin au nombre de quatre-vingts mille. Une armée fi redoutable fit trembler leurs alliés autant que leurs ennemis. Les Romains n'en tirerent aucun fecours, 6c elle ne fit aucun mal aux Aliemands. Après aVoir quelque temps attendu Valentinien, fans Valentinien.Valens. Sratien kaa. 370. XXI. Ils viennent fur leRhin,& fe retirent mécontents.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 370. Ann. 371. XXII. Valentinien veut 2l6 HlSTOIKE voir aucun effet de fes promelTes, les Bourguignons lui envoyerent demander des troupes d'obfervation , pour couvrir leur retraite. Ils n'en avoient pas befoin fans doute , &t cette démarche ne tendoit qu'a s'éclaircir des mauvaifes difpofitions de 1'Empereur. Ils en furent pleinement convaincus par le refus qu'ils effuyerent. Irrités de fe voir-joués fi indignement, ils égorgerent tout ce qu'ils purent faifir de fujets de 1'Empire, & reprirent le chemin de leur pays, trompés par Valentinien, mais trompant auffi les efpérances de fa politlique artificieufe. La terreur de leur marche mit en fuite les Aliemands qui habitoient fur leur paffage. Ceuxci s'étant répandus dans la Rhétie, furent tués ou pris par le Général Théodofe. Les prifonniers furent par ordre du Prince tranfportés en Italië : on leur donna des terres a cultiver aux environs du Pö, a condition qu'ils payeroient un tribut annuel. Dès que les Bourguignons fe furent retirés, Macrien recommenca fes ravages. Valentinien forma le deffein de 1'enlever, comme Julien avoit fait  nu Bas-Empire. Liv. XVIII. 217 fait enlever Vadomaire. L'année fuivante, Gratiën étant Conful pour la feconde fois avec Probus, PEmpereur , pour tromper le Prince Allemand, paffa une grande partie de l'année a Treves & aux environs, feignant de n'être occupé que de ia réparation des fortereffes. Pendant ce temps-la, il donnoit des ordres , & difpofoit tout pour une expédition fecrete. Ayant été inftruit par des transfuges du lieu oü étoit Macrien, il fe rendit k Mayence au commencement de Septembre avec peu de troupes, pour ne donner a 1'ennemi aucune défiance. Le Général Sévere palTa fans bruit quelques lieues audeffous de Mayence fur un pont de bateaux avec un corps d'infanterie , & s'avanca dans le pays. II avoit ordre de cacher fa marche, & de ne point permettre k fes foldats de s'écarter. Sévere ayant rencontré une troupe de marchands, les fit maffacrer, dans la crainte qu'ils n'allaffent donner avis de fonapproche. Maisappréhendant d'être découvert, & de ne pas fe rroviv'èr affez fort pour réfifter , il fit halte prés d^ Visbad, qu'on ap- Tomc IV, K Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 371.' furprendre Macrien. Amm. I. 29 , c. 4. Cluv. ant, Germ, l. 3, C 7.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 371. XX11Ï. Macrien lui échappe. 218 II I S T O I R E pelloit alors Aqua Mattiaciz, & attendit Valentinien qui vint le joindre au commencement de la nuit. Ort s'arrêta quelques heures en ce lieu, mais fans y camper , paree qu'on n'avoit point apporté de bagage. L'Empereur fit feulement dreffer fur des pieux quelques tapis, qui lui tinrent lieu de tente. On fe remit en marche avant le jour; 1'armée étoit conduite par de bons guides : Théodofe la devancoit a la tête d'un corps de cavalerie; on avoit pris les plus juftes mefures pour furprendre Macrien endormi. L'imprudence des foldats fit échouer 1'entreprife. Les défenfes de 1'Empereur ne purent contenir leur avidité pour le pillage. L'incendie des métairies, & les cris des payfans donnerent Pallarme a la garde du Prince; on 1'enleva a demi-éveillé dans un chariot, & on le fauva fur des hauteurs par des défilés impraticables a une armée. Valentinien fe voyant dérbber fa proie, s'en vengea fur le territoire ennemi, qu'il ravagea dans une étendue de cinquante milles, & revint a Treves fort mécontent d'a-  01/ Bas-Empir2. Liv. XF1IL 219 voir manqué une occalion ménagée avec tant de précautions. Les Aliemands quihabitoient au-dela du Rhin vis-a-vis de Mayence , s'appelloient Bucinobantes S pour öter a Macrien 1'efpérance de rentrer dans ce pays, 1'Empereur y établit pour Roi Fraomaire. Le canton étoit tellement ruiné, que celui-ci aima mieux aller dans la Grande-Bretagne commander en qualité de Tribun, une cohorte d'AlIemands , qui s'étoit mife au fervice de 1'Empire, & qui fe diftinguoit par fa valeur. Valentinien donna auffi quelque commandement dans fes troupes k Bithéride & a Hortaire, Seigneurs Aliemands. Mais peu de temps après, Hortaire, accufé d'entretenii de fecretes intelligences avec Macrien , fut appliqué k la torture, & fur 1'aveu qu'il fit de fa trahifon, i fut brülé vif. La rigueur de Valentinien croil foit tous les jours. Maximin, Préfe des Gaules, aigriffoit de plus en plu fon naturel dur & impitoyable, Le accès de fa colere devenoient plu fréquents, &l fe marquoient dans 1 ton de fa voix, dans 1'ahération d Kij Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 371. i - XXIV. (■ Cruautés de Valen- * timen S dans la s Gaule. Amm, l, s i9, c- 32 Hier. Chr,  Valentinien.Valens. Gratiën Ann, 371. i [\ ] ;;'./.. :i ] 1 220 ƒƒ ƒ S T O I li E fon vifage, dans le défordre de fa démarche, Ceux qui jufqu'alors avoient par leurs fages remontrances travaillé a modérer fes emportements, n'ofoient plus ouvrir la bouche. II n'écoutoit que Maximin. II fit afiommer un de fes pages pour avoir dans une chafTe découplé un chien plutót qu'il ne falloit. Un chef de fabrique Lui ayant préfenté une cuirafTe de fer Ixès-bien travaillée, s'attendoit a en ;tre récompenfé : il fut mis a mort sarce que la cuirafie pefoit un peu moins que Valentinien n'avoit or3onné. Ocliavien, qui avoit été Pro:onful .d'Afrique, encourut la difjrace du Prince. Un Prêtre Chré:ien, chez qui il fe tenoit caché, n'ayant sas voulu le découvrir, eut'la tête :ranchée k Sirmium. Conftantien, ïcuyer de 1'Empereur ,fut lapidé pour ivoir changé fans fa permiffion queljues chevaux de fon écurie. Athaïafe étoit un cocher du Cirque fort •enommé: fes partifans formoient des :abales en fa faveur. Valentinien le nenaca du feu s'il donnoit occafion i quelque émeute; & peu de jours iprès, il lui fit fouftrir ce fupplice fur  nv Bas-Empire. Liv. XFIII. in un fimple foupcon de magie. Afriquain, célebre Avocat, ayant obtenu un Gouvernement, en demandoit un autre plus confidérable : cette ambition pardonnable, & très-ordinaire lui coüta la vie. Comme Théodofe follicitoit pour lui: Eh! bien, dit 1'Empereur, puifqu'il n'ejl pas content de fa place , je vais lui en donner une autre; qu'on lui abatte la tête. Cet ordre cruel fut exécuté. Claude & Sallufte , Tribuns de la garde, furent accufés d'avoir parlé en faveur de Procope lorfqu'il s'étoit révolté. Le confeil de guerre fut chargé de leur faire le procés. Comme on ne trouvoit pas de preuves contre eux, 1'Empereur ordonna aux juges de condamner Claude a l'exil, & Sallufte a Ia mort, promettant de leur accorder leur grace. Les juges obéirent, mais Valentinien ne tint pas fa parole. Sallufte fut décapité, ck Claude ne revint d'exil qu'après la mort de 1'Empereur. II fit périr dans les tourmens de la queftion plufieurs perfonnes dont on reconnut trop tard l'innocence. II employoit, contre la COstume , des Officiers de fes eardes te Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 371.  Valentinien. Valens. Gratiën Ann. 371. XXV. Loix 1U Valentinien.C. T. I. 3 tit. 7 , leg t. '1. 4, tit. 6 hg. 1. /. 6 , tit. 7 leg. i , tit 9, leg. i tit. ii, /ej nnic. tit. 14, leg. i 22S HlSTOtRE pour arrêter les accufés; & ils répondoient fur leur vie du fuccès de leur commifïion. Mais ce qui met Ie comble k la barbarie , & ce qui rencl ce Prince prefquecomparable a Maximien Galere, c'eft qu'il avoit deux ourfes trés - carnaffieres , qu'il nourriffoit de cadavres. L'une portoit le nom de Mica , 1'autre tflnnocentia* II prenoit grand foin de ces cruels animaux ; il avoit fait placer leurs loges a cöté de fon appartement; des efclaves étoient chargés de les fervir &c d'entretenir leur férocité. Après quelques années, il donna la liberté a Innocentia , & la fit lacher dans les forêts , étant, difoit-il, content de fes fervices. Ces traits d'inhumanité qui font horreur, étoient les effets d'un caraclerè fougueux & violent, & non pas , d'une ftupidité brutale. Ce Prince avoit • des lumieres. II fit cette année & la t fuivante plufieurs loix, tant pour con- ferver 1'honneur des families , que • pour régler Pordre politique. Pour ' défendre l«s jeunes veuves de race • fénatorienne contre leur propre foibleffe, il ordonna que celles qui  nu Bas-Empire. Liv. XFII1. 223 roiënt au-deflous de vingt-cinq ans, ne pourroient contra&er un fecond manage fans le confentement de leur pere, ou de leurs parents, fi leur pere étoit mort; que fi leurs parents s'oppofoient k leur deur, &£ qu'ils propofafTent un autre parti, les Juges civils en décideroient, & qu'en cas d'égalité entre les deux partis, on préféreroit celui qui feroit du choix de la femme ; que fuppofé que la veuve eiït lieu de foup^onner que fes proefles parents, devant être fes héritiersfi elle mouroit fans enfants , vouluffent par un motif d'intérêt empêcher ce fecond mariage , elle s'en rapporteroit au jugement des parents plus éloignés, qui n'auroient rien k prétendre fur fa fucceffion, II écartoit par cette loi le manege de féduöion qui altéroit le fang des plus nobles families par des alliances mal afforties, & fouvent déshonorantes. Une autre loi par laquelle il modéroit la rigueur de celle de Conftantin contre les batards & les concubines, ne fut pas fi généralement approuvée : il déclara que fi un homme laiffoit des héritiers en ligne direfte , il pourK iv Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 371. I. i2,k!.i« hg. 3S. l.iban. vit. f. 485 49'  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 371, i ) ] 1 < 4 i i l 1 C 1 e I c c t 1 F 224 II 1 S T O I R B rok léguer a fes enfants naturels & a leur mere le douzieme de fes biens, & le quart, s'il ne laiffoit que des héritiers collatéraux. Valens rejetta d'abord cette loi; mais il 1'adopta dans la fuite. Valentinien régla les rangs entre les grandes dignités : les Préfets de Rome, les Préfets du Prétoire , les deux Généraux de la cavaerie & de 1'infanterie, étoient au mêne degré. Après eux les Quefteurs, e Maitre des offices , les deux Comesdes largeffes, c'eft-a-dire, i'Intenlant des finances & 1'Intendant du lomaine, les Proconfuls, les quatre Zhefs du Secretariat du Prince , les Pointes qui commandoient les tronies dans les Provinces d'au-dela de ï mer, les Vicaires des Préfets. Tel toit 1'ordre des grandes charges de Etat. Les Empereurs fuivants y firent quelques changements, & ajouterent dufieurs autres dignités. Dans ce déombrement, je ne vois pas le Comte es domeftiques, quoique ce füt une ignité déja ancienne, & que Confance le nomme dans une loi avant 2 Maitre des offices. La raifon en eft eut-être que c'étoit une charge du  »v Bas-Empire. Liv. XVIII. 225 palais , & non pas une dignité de 1'Empire. Au milieu des rigueurs que Valentinien exercoit fur les peuples, 1'Eglife étoit tranquille. Valens, au contraire, avoit jufqu'alors épargné fes fujets dans ce qui regardoit le gouvernement civil; mais il affligeoit 1'Eghfe. CePrince prit pour la troifieme fois la réfolution d'aller k Antioche, & partit de Conftantinople vers le mois de Mai. En traverfant 1'Afie, il y trouva les traces funeftes des maux qu'avoient caufés la famine & le tremblement de terre. Les Provinces défolées &c languiffantes, ne fe repeuploient qu'a peine. L'Empereur donnoit audience aux députés qu'on lui envpyoit de toutes parts, &c leur accördoit les graces qu'ils venoient lui demander. 11 fe propofoit deux objets; de rétablir le pays, & d'y fairt dominer 1'Arianifme. 11 relevoit lei villes abattues ; il ajöutoit aux au tres de nouveauxembelliffements, 01 étendoit leur enceinte. On nettoyoi les ports bouchés par les fables , 01 comhlés de vafe : on travaüloit k ren dre les grands chemins plus pratics K. v Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 371. XXVI. Valens traverfe 1'Afie. Zof. i. 4. Them. of. 11. TM. Valens. art. 11,6- not. 10. I t l  Valen-. TINIEN. VAtENS. Gratiën Ann, 371. XXVII. St. Bafile lui réfifte. Greg. Na^. or. 10. Greg. Nyff. I. contra Eunomium Theod. I. 4, e. 17. Soc. 1,4, t. 2$. SoK. 1.6, f. ij. Kaf. I. 2 , , c. o. Bafil. ep. ' 1C4, &e. 226 HlSTOIXE bles. Tout fembloit ranimé par la préfence du Prince. II partagea plufieurs Provinces: Tyanes devintmétropole de la feconde Cappadoce; Sc Icone de la feconde Pifidie. Quelques Auteurs lui attribuent la nouvelle divifion de la Paleftine, de la Cilicie, de la Syrië, de la Phénicie Sc de 1'Arabie. Mais d'autres prétendent , avec plus de vraifemblance, que ces Provinces ne furent partagées, les unes en deux, les autres en trois, que fous le regne de Théodofe ou d'Arcadius. Nous.avons déja obfervé que cette multiplication de départements aggravoit le fardeau des peuples en multipliant les Officiers. Valens, après avoir fait quelque féjour k Ancyre , paffa en Cappadoce. Devant lui marchoit le Préfet Modefte, en apparence pour difpofer ce qui étoit néceffaire a la réception de 1'Empereur ; mais en effet pour préparer un triomphe k 1'Arianifme, qui s'établiftbit dans tous les lieux 3u paffoit Valens. On chaflbit les Evêques orthodoxes; on les exiloit; 3n confifquoit Irurs biens; on inftaloit en leur place des hérétiques,  du Bas-Empire. Lh. XFIIL 227 dont 1'Empereur avoit a fa fuite une nombreufe recrue. C'étoit un orage forti de la Propontide, qui traverfoit la Bithynie, la Galatie, & venoit fondre fur la Cappadoce. Bafile étoit affis depuis peu fur le fiege de Céfarée, capitale de cette Province. L'Empereur avoit en vain employé les plus puiffants du pays pour traverfer fon éle&ion. Ce Prélat fut un rempart inébranlable, contre lequel vinrent fe brifer toutes les forces de 1'héréfie. Valens en approchant de Céfarée, envoya Modefte pour 1'intimider & 1'obliger a. recevoir les Ariens dans fa communion. Le Préfet manda Bafile ; & d'un ton fier &C menacant il lui reprocha d'abord fon opiniatreté k rejetter la doftrine que 1'Empe reur avoit embraffée. Comme il 1< voyoit inflexible : Ne fave^-vous donc pas , lui dit-il, que je fuis le maitr de vous dépouiller de vos biens, de vou exiler, de vous óter même la vie h Celu qui ne pojfede rien, répondit le Prélat ne peut rien perdre, a moins que vou ne voulie^ peut-être marracher ces m, férables vétements & un petit nombre c liyres qui font toute ma richejfe .: qua, K. vj Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 371. > I 9 i f s '*  VALENTINIEN. Valeks. Gratiën Ann, 371. XXVIII. Valens tremble devant St, Bafile. S28 ff 1 S T O I R E a Cex'il, je ne Le connois pas '. toute la terre ejl a Dieu ; elle fera par-tout ma patrie, ou plutót le lieu de mon paffage : la mort me fera une grace ; elle me fera pajfer dans la véritable vie; il y a même long-temps que je fuis mort a celleei. Ce difcours animé de la feule vraie philofophie, mais tout nouveau pour les oreilles d'un homme de Cour, étonna le Préfet : Perfonne , dit-il, ne tria encore parlé avec une pareille hardief e. Cefl apparemment, lui répartit froidement Bafile, que vous n'ave^ encore rencontré aucun Evêque. Modefte ne put s'empêcher d'admirer la fermeté de cette ame intrépide : il alla rendre compte a 1'Empereur du peu de fuccès de fa commiflion : Prince, lui dit-il , nous fommes vaincus par un feul homme : n'efpêre^ ni teffrayer par des menaces , ni le gagner par des carejfes; il ne vous refile que la violence. Valens ne jugea pas a propos d'employer cfabord cette voie; il craignoit le peuple de Céfarée, & fentoit malgré lui du refpecl: pour le faint Prélat. II paffa I'hyver en cette ville. Le jour de PEpiphanie, il fe rendit a  nu Bas-Empire. Liv. XFII1. 229 1'Eglife avec fa garde, & fe mêla parmi les Fideles , pour avoir Phonneur de communiquer avec eux, du moins en apparence. Mais quand il entendit le chant des pfeaumes, qu'il vit la modeftie de ce grand peuple, le bel ordrè & la majefté toute célefte qui régnoient dans le fanéhiaire , le Prélat debout a la tête de fon clergé, auffi recueilli, auffi immobile que s'il ne fe füt paffé autourde lui rien d'extraordinaire, ceux qui 1'environnoient, pénétrés d'un profond refpecf, plus femblables a des anges qu'è des hommes , ce Prince demeura comme ébloui & glacé de crainte. Lorfqüenfuite il fe fut avancé pour prélenter fon ofïrande, comme aucun des Miniftres facrés ne venoit la recevoir felon 1'ufage, paree qu'on ignoroit fi Bafile voudroit 1'accepter ; alors faifi d'un tremblement foudain, il eut befoin d'être foutenu par un des Prêtres qui s'appercut de fa foibleffe. Bafile crut devoir ufer de condefcendance, il re^ut 1'offrande de Valens, En vain , pour ébranler le faint Evêque, PEmpereur le fit tenter tantöt par des Magiftrats, tantöt par des Valentinien.Valens. Gratiën Ann, 371.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 371, XXIX. Mort de Valentinien Galate. 230 HlSTOIRE Officiers d'armée, tantöt par fes eunttques, ck fur-tout par le grand Chambellan nommé Mardonius. II voulut avoir lui-mêmeun entretien avec Bafile. Le Prélat, par fon éloquence toute divine, confondit Valens fans fortir des bornes du refpecf ; & il impofa filence avec une liberté apoftolique k un Officier du palais qui ofoit le menacer en préfence du Prince. Cette converfation adoucit le cceur de Valens : il donna k 1'Eglife de Céfarée plufieurs terres de fon domaine pour iubvenir k la fubfiftance des pauvres & au foulagement des malades. Mais les Evêques Ariens étoufferent bientöt ces difpofitions favorables. L'exile de Bafile fut arrêté. Tout étoit prêt pour fon départ : les Fideles étoient dans les larmes, & les Ariens dans la joie; il ne s'agiflbit plus que de figner 1'ordre. La main de 1'Empereur fe refufa conitamment k fa volonté : elle trembla fans pouvoir tracer aucune lettre, toutes les fois qu'il voulut la contraindre k eet ininfte miniftere. Un autre accident porta dans lemême temps k Valens un coup bien plus fenfible, Son fils uni-  nu Bas-Empire. Liv. XV11I. 231 que, Valentinien Galate, tomba dangereulement malade. Après avoir épuifé tous les remedes humains, 1'Empereur eut recours k Bafile. Le Saint vint au palais : fa feule préfence calma d'abord la violence de la maladie, & fur la promeffe que lui fit Valens, qu'il tui permettoit d'inftruire le jeune Prince dans les principes de la doctrine Catholique, les prieres acheverent la guérifon. Mais 1'Empereur, plus fidele aux engagements pris avec Eudoxe, qu'a la parole donnée k Bafile, ayant peu après fait baptifer fon fils par les Ariens, ce Prince retomba malade & mourut. Valens & Dominica, affligés de ce malheur, envoyerent prier Bafile d'employer fon crédit auprès de Dieu pour détourner la mort dont ils fe croyoient euxmêmes menacés. Le Préfet Modefte s'adreffa auffi a St. Bafile dans une grande maladie ; & reconnoiffant dans la fuite qu'il lui étoit redevable de la vie, il devint fon prote&eur. On voit par plufieurs lettres du Saint que Modefte n'ofoit rien refufer k fa recommandation. Quelque temps après que Valens Valentinien.Valens. Gratiën Ann. }7U  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 371. XXX. St. Bafile arrête une fédition dans Céfarée. 232 HlSTOIZE fut parti de Céfarée, le Saint Evêque y appaifa une fédition, que 1'attachement de fon peuple a fa perfonne' avoit excitée. Eufebe, Gouverneur du Pont & de la Cappadoce, oncle de rimpératrice, & dévoués auxAriens , failïffoit routes les occafions de cha- • griner Bafile. Un de fes afTeiTeurs devenu éperduement amoureux d'une veuve de familie illuftre , vouloit la contraindre a 1'époufer. Pour éviter fes pourfuites foutenues de 1'autorité du Gouverneur, elle fe réfugia dans 1'Eglife, auprès de la table facrée. Le Magiftrat voulant forcer eet afyle, Bafile prit la défenfe de cette femme; il s'oppofa aux gardes envoyés pour la faifir, ck lui procura les moyens de s'échapper. Le Gouverneur irrité cita Bafile devant fon tribunal ; ck le traitant comme un criminel, il ordonna de le dépouiller, ck de lui déchirer les flancs avec des ongles de fer. Le Prélat fe contenta de lui dire : Vous me fere^ un grand bien (i vous marrache?^ le foye qui me caufe de perpétuelles douleurs. Mais les habitants apprenant auffi-töt le péril de leur Evêque, entrent en fur eur; hom,-  nu Bas-Empire- Lh. XFI1I. 233 mes, femmes, enfants, armés de tout ce qu'ils reneontrent, accourent avec des cris terribles a la maifon d'Eufebe; cbacun brüle d'envie de lui porter le premier coup. Ce Magiftrat, un moment auparavant fi fier & fi intraitable , tremblant pour lors, fe jette aux pieds de fa viöime. II n'eut pas befoin de prieres : Bafile, délivré des mains des bourreaux, alla audevant du peuple : fa feuie vue calma la fédition, & fauva la vie a celui qui lui préparoit une mort cruelle. Valens arriva enfin a Antioche au mois d'Avril fous le Confulat de Modefte & d'Arinthée. Libanius , dont la faveur étoit.paffée, commenca par Fennuyer d'un long panégyrique, dont on ne lui permit de prononcer que la moitié. Des foins plus importants occupoient Valens. II fe partageoit entrë les préparatifs de la guerre de Perfe, & le deffein qu'il avoit formé de détruire dans' fes Etats la foi de Nicée. Pour rendre la perfécution moins odieufe, il permit 1'exercice de routes les fuperftitions. Les facrifices fe renouvellerent; on célébroit publiquement les fêtes de Jupiter, Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 371. Ann. 372. XXXI. Valens a Antioche, ldace. God. Chr. Lihan. vit. Them. or. 12. Soc. I. 4, c. 16. Theod. I. 4, e. 23, 24. So-t. I. 6, C 17.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 372. 234 Histotre de Cérès, de Bacchus. La liberté n'étoit refufée qu'aux Catholiques. Mélece fut banni pour la troifieme fois. Les Fideles de fa communion exclus des Eglifes oü ils s'afTembloient, étoient contraints de célébrer les faints myfteres hors de la ville. Pourfuivis par-tout & chaffés par les foldats, ils changeoient tous les jours de retraite.. Plufieurs expirerent dans les tourments ; un grand nombre fut précipitédans 1'Oronte. Ces rigueurs, loin de les abattre , animoient & fortifioient leur zele. Les Moines accouroient de leurs folitudes pour foutenir le courage de leurs freres. Un jour Valens fe promenant dans une galerie de fon palais qui donnoit fur 1'Oronte, vit paffer au bord du fleuve un homme mal vêtu & courbé de vieillefle. On lui dit que c'étoit le Moine Aphraate , refpeöé de tous les Catholiques d'Antioche : Ou vastu > lui dit PEmpereur; tu dcvrois te tenir renfermé dans ta celluie. Prince, lui repartit le vieillard, vous tmbrafe[ 1'Eglife de Dieu ; & quand le feu tjt a la maifon , il faut fortir pour travailler a keindre Cincendie, On dit que  au Bas-Empire. Liv. XFliï. 241 trop crédule , fit égorger fes^ deux Miniftres, & envoya leurs têtes a Sapor comme un gage de fa foumiffion. L'Arménie, alors fans confeil & fans défenfe, alloit être la proie du Roi de Perfe, fi Arinthée ne fut arrivé a propos pour la mettre a couvert. Sapor, défefpéré de perdre le. fruit de fon crime , n'ofa cependant entrer dans le pays; il envoya des députés a Valens pour le fommer d'obferver le traité, & de ne prendre aucun parti dans les démêlés des Perfes & des Arméniens. Ces envoyés ne furent pas écoutés. Dans le même temps,Térence remenoit Sauromace en Ibérie. Comme il approchoit du fleuve Cyrus, Afpacure vint offrir de partager le Royaume avec fon coufin : il proteftoit qu'il céderoit volontiers tout le pays k Sauromace, s'il ne craignoit pour fon fils, qui étoit en ötage entre les mains des Perfes. On envoya confulter 1'Empereur, qui. pour éviter une guerre, eonfentit au partage de 1'Ibérie. Le Cyrus fit la féparation des Etats des deux Princes. Sauromace prit pour fa part les Provinces Tom IK* L Valentinien.Valens. Gratiën Ann, 372. XXXVI. Et de fl: berk.  Valen- timen. Valens. Gratiën Ann. 372. XXXVII. Valens a Edeffe. Soc. I. 4, e. 17. Theod. I. 4, c. 16. So[. l.6,c. »7. 242 , H I S T O I R E limitrophes de 1'Arménie tk de la Lazique ; il laiffa a fon coufin les pays qui confinoient a 1'Albanie & a la Perfe. Sapor fe plaignit hautement de 1'infidélité des Romains, qui, fans égard,,difoit-il, pour fes juifes remontrances, envoyoient des troupes en Armenië contre la foi des ferments , & difpofoient en Souverains du Royaume d'Ibérie. II déclara le traité rompu, &c ne fongea plus qua lever une armée , & a tirer des fecours de fes alliés & de fes vaffaux, afin de ruiner au printemps prochain toutes ces entreprifes' de la politique Romaine. Valens n'attenditpas fi long-temps. II eut encore affez de troupes pour fo rmer une troifieme armée, a la tête de laquelle il marcha lui-même vers la Méfopotamie , a deffein de braver le Roi de Perfe. Ayant paffe PEuphrate, il prit fa route par Edeffe, d'oü il avoit chaffé TEvêque Barfe pour y étabür un Arien. A fon arrivée, il trouva tout le peuple Catholique affemblé dans une plaine hors le la ville, paree que les Eglifes étoient ui pouvoir des hérétiques. II s'em-  ou Bas-Empire. Liv. XVIII. 243 porta contre le Préfet Modefte jufqu'a le frapper, lui reprochant de négliger Pexécution de fes ordres. 11 lui commandade diffiper ces féditieux a coups d'épée, s'ils étoient déformais affez hardis pour s'affembler. Modefte , devenu depuis fa guérifon moins vif pour les intéréts de 1'Arianifme, fit fecretement avertir les Catholiques; il vouloit les fauver du maffacre dont ils étoient menacés. Dés le lendemain, tous accoururent au même lieu avec plus d'ardeur que jamais. Le Préfet, dans la trifte alternative ou de répandre du fang, ou de s'attirer la difgrace du Prince, prit le parti d'obéir, ck de fe tranfporter dans la plaine. En y allant, il apper?ut une femme, dont les cheveux ck les vêtements en défordre , montroient affez fon empreffement : elle traïnoit un enfant par la main, ck fe faifoit paffage a travers les foldats dont le Préfet étoit accompagné. Modefte Payant fait arrêter pour lui demander oh elle couroit avec tant de hate, elle répondit qu'elle craignoit d'arriver trop tard a 1'afTemblee des Fideles, ou noas allons , dit-elle, recevoir L ij Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 372.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 372. XXXVIII II traverfe la Méfopotamie. Them. or. II, & ibi not. Ann. 373. XXXIX. Décenna- 244 Bis t o i r e le manyre. Et pourquoi , lui dit le Préfet, menei - vous cet enfant ? Cejl mon fils, repartit-elle , je veux qu'il foit couronné avec nous. Modefte retourna auffi-töt rendre compte a 1'Empereur de la réfotution des Catholiques ; Sc Valens, convaincu que la violence tourneroit a fa honte Sc k leur gloire , révoqua fes ordres, Sc fortit d'Edeffe. II s'approcha du Tigre fans rencontrer d'ennemis. II n'eut k combattre que les incommodités du climat, dont les chaleurs exceflives produifirent dans fon armée beaucoup de maladies. II fe fit aimer de fes foldats , par le vif intérêt qu'il prit a leur foulagement. On loua fur-tout fes foins infatrgables pour rétablir la fanté du plus diftingué de fes Généraux. On croit que c'étoit le Comte Viöor. Dans le cours de cette expédition , il réduifit, fans tirer l'épée, une tribu de Sarrafins. II retourna enfuite palTer 1'hyver k Antioche. Les deux Empereurs prirent l'année fuivante le Confulat, pour la quatrieme fois* Valens entroit le 28 de  nu Bas-Empire. Liv. XVIII. 245 Mars dans la dixieme année de fon regne ; Valentinien y étoit entré un mois auparavant. Pour honorer leurs décennales, le Sénat de Rome leur envoya un préfent confidérable. Les Princes recurent encore des Provinces, felon Pufage, de Por, de 1'argent, des étoffes précieufes. De leur part, ils remirent pour cette année une partie de la taxe impofée fur les terres. Valens exigea de Thémiftius une harangue, qui fut prononcée en fa préfence , apparemment k Hiéraple, ou il avoit coutume de paffer la faifon du printemps , pendant qu'il fit fon féjour en Syrië. Dés que les armées purent tenir la campagne, Sapor envoya des troupes en Méfopotamie. II méprifoit les Romains depuis la retraite de Jovien, & fe promettoit une victoire afTurée. Valens fit partir le Comte Trajan & Vadomaire k la tête d'une belle armée , avec ordre de fe tenir fur la défenfive, afin qu'on ne put les accufer d'avoir fait le premier acre d'hoftilité. Arrivés dans la plaine de Vagabante, ils furent attaqués par toute la cavalerie des Perfes. Ils fe contenL iij Valentinien.Valens* Gratiën Ann. 373. les des deux Empereurs. Idace. Them. or. ii. Symm. 1. io, ep. 2(5.' Zof. I. 4, XL. Secomïe campagne de Valens contre les Perfes. Amm. l: 29, c. I,  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 373. XL1I. Guerre de Ma via, Reine des Sarrafins. Soc. I. 4, 29. Thcod. I. 4 > c. 21. S07.I. 6 , *. j8. Theoph. P' 5 5- Hermant, vie de St. Bafile % l. f , c. 21. Tdl.Arian. vrt, 122, 248 ƒƒ I S T O I 11 R Obédien étoit Chrétien. Les fainfs iolitaires retirés dans les délérts d'Arabie, avoient converti plufieurs tribus de Sarrafins. Un autre de leurs chefs, nommé Zocome, avoit auffi embraffé la foi Catholique. Obédien, étant mort peu de temps après fa victoire fur les Blemmyes, fa veuve Mavia, d'un courage au-defTus de fon fexe, prit fa place, & fe fit obéir de cette nation indocile. Elle étoit née Chrétienne; ayant été enlevée fur les terres de 1'Empire par une troupe de Sarrafins, de captive d'Obédien elle étoit devenue fa femme a caufe de fa beauté. Dès qu'elle fe vit feule maïtreffe du Royaume, elle rompit la paix avec les Romains , fe mit elle-même a la tête de fes troupes, fit des courfes en Paleftine ck jufqu'en Phénicie, ravagea les frontieres de 1'Egypte, ék livra plufieurs batailles dont elle remporta tout 1'honneur. Le Commandant de Phénicie demanda du fecours au Général des armées d'Orient. Celui-ci vint avec un corps confidérable; ck taxant de lacheté le Commandant, qui ne pouvoit réfifter k une femme, il lui ordonna de fe  du Bas-Empire. Liv. XVIU. 249 tenir a 1'écart avec fes foldats , & de demeurer fimple fpe&ateur du combat. La bataille étant engagée, les Romains plioient déja, & alloient être taillés en pieces, lorfque le Commandant de Phénicie , oubliant 1'infulte qu'il venoit de recevoir , accourut au fecours, fe jetta entre les deux armées , couvrit la retraite du Général d'Orient, & fe retira lui - même en combattant 1'ennemi, & le repouffant k coups de traits. Comme la Princeffe guerriere continuok d'avoir partout Pavantage , il fallut rabattre de la fierté Romaine, & lui demander h paix. Elle y confentit , k condition qu'on lui donneroit Moïfe pour Evêque de fa nation. C'étoit un pieux folitaire, renommé pour fes miracles On 1'alla tirer de fon défert par ordrt de PEmpereur, ck on le conduifit £ Alexandrie pour y recevoir 1'ordination épifcopale. Athanafe étoit mor le 2 de Mai de cette année; ck Lu cius, que les Ariens s'efforc.oient de puis long-temps de placer fur le fieg d'Alexandrie , venoit enfin d'en pren dre poffeffion par ordre de Valen; Moïfe , qui n'acceptoit 1'épifcopa L y Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 373- 1 t  Valentinien.Valens. Gratiën Aan, 373, i ] 1 < 1 4 < ] 3 1 252 H I s t a i R E mé de Pautorité impériale, ilmiten oeuvre la cruauté de Magnus. Ce Comte fit venir en fa préfence les Prêtres , les Diacres, & les Moines les«plus diftingués par leurs vertus, dont plufieurs avoient paffé quatre-vingts ans. Après avoir beaucoup vanté la clémence de 1'Empereur, qui n'exigeoit d'eux, difoit-il, que de foufcrire a la dodrine d'Arius , il entreprit de leur perfuader, que cette fignature n'intéreffoit point leur confciencequ'ils pouvoient conferver leur opinion. dans le coeur, pourvu que leur main fe prêtat a 1'obéifTance, & que la né:effité feroit devant Dieu une excufe égitime. Le Comte, ne les trouvant ias difpofés a profiter de feslecons,. es fit jetter en prifon, & les y laiffa. >lufieurs jours, efpérant affoiblir leur :ourage. Mais voyant que les maums traitements & les menaces ne ferfoient qu'a les affermir de plus en >lus ,il les fit cruellement tourmenter lans la place publique d'Alexandrie, te les envoya y les uns aux mines de 'héno, les autres aux carrières de 'roconnefe,. d'autres a Héliopolis en •hémde , ville peuplée de Payens 3  nu Bas-Empire. Liv. XFIII. 259 tués Sc bleffés, fe retirerent en détruifant tout fur leur paffage. Les envoyés de Leptis n'étant pas encore de retour, les habitants dont les malheurs croiffoient fans ceffe, députerent de nouveau Jovin Sc Pancrace. Ceux-ci rencontrerent a Carthage, Sévere & Flaccien , qui leur apprirent que Pallade étoit en chemin. Ils ne laifferent pas de continuer leur voyage. Sévere mourut de maladie k Carthage, Sc Pallade arriva dans la Tripolitaine. Romain, bien averti de Pobjet de fa commiflion, s'avifa d'un ffratagême que lui fuggéra une ingénieufe fcélératefTe. Pour lui fermer la bouche, il réfolut de le rendre lui-même coupable. II fit entendre aux Officiers des troupes que Pallade étoit un homme puiffant. qui avoit Poreillë de PEmpereur, Si que s'ils vouloient s'avancer, il falloit acheter fa recommandation en lui faifant accepter une partie de Pargent qu'il apportoit pour le payement des foldats. Ce confeil fut fuivi, & Pallade ne refufa point le préfent. II alfa enfuite a Leptis, & pour s'inftruire de la vérité, il s'adreffa a deux Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 373. XLVII. Succes (les ariifices de Romain.  du Bas-Empme. Liv. XFI1I. 263 oü il étoit né. Maximin , Préfet des Gaules, avide de condamnations & de fupplices , jaloux d'ailleurs du crédit dont Remi avoit joui long-temps, cherchoit 1'occafion de le perdre. II fü mettre k la queftion un nommé Céfaire, qui avoit eu part a la confiance de Remi, & qui réveilla toutes fes impoftures. Dés que Remi en fut averti, il prévint la punition qu'il méritoit, en s'étranglant lui-même. Après la mort de Valentinien, Erechthius & Ariflomene fe préfenterent a Gratiën , & 1'inftruifirent de la vérité, qui n'avoit jamais été entiérement connue de fon pere. Ce Prince les adrefTa au Proconful Hefperius & au Vicaire Flavien, Magiftrats éclairés, & dont la juftice étoit incorruptible. Ils firent arrêter Cécilius. 1\ avoua dans la queftion que c'étoit lui qui avoit engagé les habitants k défavouer leurs propres députés. Sa dépofition fut envoyée k Gratiën. Romain, toujours prifonnier depuis que Théodofe 1'avoit fait arrêter , ne fe tint pas encore pour convaincu. Auffi hardi a. nier ies crimes qu'a les commettre, il obtint d'être Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 373. Li Suite de cette affaire fous Gratiën.  nu Bas-Empire. Liv. XVIIL 2.6$ ïntrigues, qui jetterent Firme dans le défefpoir : la haine que le Comte s'étoit attirée, donna des partifans au rebelle, & penfa faire perdre a 1'Empire les vaftes contrées de la Mauritanië, ainfi que nous Pallons raconter. Nubel, qui tenoit le premier rang , entre les Maures, laiffa en mourant fept fils, Firme, Zamma, Gildon, Mafcizel, Dius , Salmace , Mazuca , & une fille nommée Cyria. Zamma, ' lié d'amitié avec le Comte Romain, j fut affafliné par Firme fon frere. Le Comte réfolut de faire punir le meur- ' trier, & ce deffein n'avoit rien que ' de louable. Mais Romain ne favoit : pourfuivre la juftice même que par des voies obliques & injuffes. Les amis qu'il avoit a la Cour, & furtout Remi, appuyerent auprès du Prince le rapport de Romain, & öterent a Firme tous les moyens de défenfe qu'on accorde aux plus grands criminels : PEmpereur ne voulut ni écouter fes envoyés, ni recevoir fes apologies. Firme, voyant qu'il alloit être la vicïime de cette cabale, prévint fa perte par la révolte. II y trouva les efprits difpofés. Les conculfions Tome IV. M Valentinien.Valens. Sratien, Vnn. 373. LI. Révolte le Firme. Amm, l. 19» e- 5Zof. i. 4. Orof. i. 7. • 3?Symm, l% , ep. 5S. St. Aug. p. 164, & n Parmen. . i,c. 10, i.  du Bas-Empire. Liv. XFIII. 269 approchoit de la ville de Tubufupte, jfituée au pied d'une chaine de montagnes qui portoient le nom de montagnes de fer, il recut de nouveaux députés de Firme. II - les congédia fans réponfe , paree qu'ils n'amenoient point d'ötages, ainli qu'il en avoit demandé. De tous les freres de Firme, Gildon feul 'étoit demeuré fidele; il fervoit dans 1'armée de Théodofe; les autres fuivoient le parti du rebelle, qui les employoit comme fes Lieutenants. Le Général Romain, s'avancant avec précaution dans ce pays inconnu, rencontra un grand corps de troupes légeres, commandé par Mafcizel & par Dius. Après quelques décharges de fleches, on fe mêla; le combat fut fanglant, & la viefoire demeura aux Romains: ce qui les étonna le plus en cette rencontre, ce furent les cris affreux de ces Barbares, lorfqu'ils étoient pris ou bleffés. On fit le dégat dans les campagnes; on détruifit un chateau d'une vafte étendue qui appartenoit a Salmace ; on s'empara de la ville de Lamfocté. Théodofe y établit des magafins, pour en tirer des M iij Valentinien.Valens. Gratiev Ann. 373,  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 373. LV. Firme fe foi. mei. 1 270 H I S T O / R £ fiibfurances, s'il n'en trouvoit pas dans rintérieur du pays. Cependant Maicizel^ ayant rallié les fuyards & raffemblé de nouvelles troupes, vint attaquer de nouveau les Romains; & •apres avoir perdu un grand nombre desfiens, il n'échappa lui-même que par la vïtelTe de fon cheval. Le rebelle, découragé par ces mauvais fuccès, députa des Evêques pour offnr des ötages & demander la paix. C'etoient apparemment des Evêques Donatifles. Théodofe exigea des vivres pour fon armée. Firme accepta la condition; & ayant envoyé des préfents, il alla lui-même avee confiance trouver Théodofe. A la vue de 1'armée Romaine & de la contenance fiere du Général, il arfecta de paroitre effrayé; il defcendit de cheval, & fe profèerna aux pieds de Théodofe, avouant avec larmes fa témérité, & demandant grace. Le vainqueur le releva, & le rafTura en l'embraffant. Firme remit les vivres ju'i.1 avoit promis, laiffa plufieurs de es parents pour ötages, donna pa■ole de rendre les prifonniers, & fe ■etira. Deux jours après, il renvoya  du Bas-Empire. Liv. XVIll. 271 a Icofie , plufieurs enfeignes militaires, & une partie du butin qu'il avoit fait dans fes courfes. Théodofe reprit la route de Céfarée. Après de longues marches , comme il entroit dans la ville de Tipafe , colonie maritime entre Icofie & Céfarée , il rencontra les députés des Maziques, qui venoient implorer fa clémence. Cette nation belliqueufe s'étoit liguée avec le rebelle. Le Général Romain leur repondit avec fierté, qu'il iroit inceffamment les chercher lui-même pour tirer raifon de leur perfidie. Ils fe retirerent en tremblant, ck Théodofe arriva k Céfarée. Cette ville lui offrit un déplorable fpectacle : il n'y reftoit plus que des mafures ck des monceaux de pierres calcinées par les flammes. La première ck la feconde légion eurent ordre d'enlever les cendres ck les décombres, de rebatir cette belle ville, & d'y demeurer en garnifon. Firme avoit enlevé les deniers du fifc : quelques années après, les Officiers de 1'Empereur prétendirent en rendre les Magiftrats refponfables. Mais 1'Evêque Clément arrêta par fes repréfentations, cette injufte pourfuite; M iv Valentinien.Valen# . Gratiën fl.nn. 373.  Valentinien.Valens. «Sratien Ann. 373. LVI. Punition des déieiteurs. i ( < 1 1 I c c I 2-72 H I S T 0 I R E & le zele de ce charitable Prélat fut appuyé du crédit de Symmaque, Sc loué des Payens même. La nouvelle de la paix s'étant répandue, les Magiftrats de Ia Province & Ie Tribun Vincent ,qui jufqu alors setoient tenus cachés, de crainte de tomber entre les mains de Firme, vinrent Joindre Théodofe. II étoit encore k Céfarée, quand il apprit que Firme n'avoit demandé la paix qu'a. delTein d'endormir fa vigüance, Sc de tomber fur 1'armée Romaine lorfqu elle s'y attendroit le moins. II mar» cha auffi-tot vers la ville de Zuchabban ,^ oü il furprit un détachement de déferteurs Romains, commandés sar plufieurs Tribuns, entre lefquels :toit celui qui avoit pofé fon collier ur la tête de Firme. Pour leur faire :roire qu'il fe contentoit a leur égard 1'un chatiment léger, il les réduifit tu dernier grade de la milice, Sc fe endit,avec eux k Tigave. Gildon Sc Maxime, qu'il avoit envoyés dans Ie »ays des Maziques, revinrent le joinIre dans cette ville ; ils lui amenoient eux chefs de ces Barbares, nommés lellene Sc Férice, qui s'étoient mk  êu Bas-Empire. Liv. XVIII. 275 k la tête de la fadtion de Firme. Ayant réuni tous ces coupables, afin de rendre le fpectacle de la punition plus terrible, & de n'être pas obligé d'y revenir k plufieurs fois,- il ordonna le foir même a des Officiers Sc k des foldats de confiance, defe faifir pendant la nuit de tous ces traïtres, de les conduire enchainés dans une plaine hors de la ville, Sc de faire enfuite affembler autour d'eux toute 1'armée. L'ordre fut exécuté. Théodofe fe rendit en ce lieu au point du jour; St trouvant ces criminels environnés de fes troupes : Fidtltscamarad.es, dit-il k fes foldats, qut penfe^-vous quon dot* ve faire de ces perfides ? Tous s'éerierent qu'ils méritoient la mort. Cette fentence ayant été prononcée par toute 1'armée, le Général abandonna les fantaffins aux foldats pour les affommer k coups de batons r c'étoit 1'ancienne punition des déferteurs. II fit couper la main droite aux Officiers de cavalerie, & trancher la tête aux fimples cavaliers, auffi-bien qu'a Bellene, a Férice, Sc k un Tribun nommé Curandius, qui, dans un combat, avoit refufé de charger 1'ennemi. CetM v Valentinien.Valens. Gratiën Ann, 37 j.  valentinien, Valens Gratiei> Aan, 373, LVH. La guerre recomrocnce. i 1 < I \ r l; i 274 ^ , H I S T O I K £ ■ te févériré ne manqua pas de trouver des cenfeurs parmi les courtifans ialoux de la gloire de Théodofe; mais elle retablit la difcipline en Afrique ; «la luite fit connoïtre que la vigueur dans lexerace du commandement elt plus falutaire aux foldats qu'une raulie indulgence. On alla enfuite attaquer le chÉteau de Gallonas, place très-forte qui fervoit deretraite aux Maures. L'armée yentra par la brêche, paffa tous les habitants au fil de 1'épée, Sc rafa les murailles. De-la Théodofe, après avoir traverfé le mont Ancorarius, comme il approchoit de la fortereffe de Tingita, rencontra une armée de Maziques, qui annoncerent leur aravee par une grêle de traits. Les Romains les chargerent avec vigueur, Sc ces Barbares , malgré leur bravou■e naturelle, ne purent tenir contre les troupes bien exercées Sc bien comnandées. Ils furent taillés en pieces, 1 exception d'un petit nombre qui yant échappé a 1'épée des vainqueurs' mrent enfuite fe rendre, & obtinm leur pardon. Théodofe, qui pénéoit de plus en plus dans 1'intérieur  du Bas-Empire. Li'v. XF1II. 275 de PAfrique, envoya Ie fucceffeur de Romain dans la Mauritanië de Stefe, pour mettre la Province a couvert , & marcha contre d'autres Barbares nommés les Mufons. Ceux-ci, perfuadés qu'on ne leur pardonneroit pas les maffacres & les ravages qu'ils avoient faits dans la Province Romaine, s'étoient joints a Firme, qu'ils efpéroient voir bientöt maitre de tout ce vaffe continent. L'armée de Théodofe, après les divers détachements qu'il avoit été obligé de faire, étoit réduite k trois mille cinq cents hommes. Etant arrivé prés de la ville d'Adda, il apprit qu'il alloit avoir fur les bras une multitude innombrable. Cyria, foeur de Firme, puiffante par fes richeffes, foutenoit avec une ardeur opiniatre la révolte de fon frere : elle mettoit en mouvement toute PAfrique jufqu'au mont Atlas. Tant de Barbares différents de mceurs, de figure, d'armes , de langage, aguerris par 1'ha-i bitude de combattre les lions de leurs montagnes, & prefque auffi féroces que ces animaux, traverfoient ces plaines arides, & marchoient k ThéoM vj .^jü-w.ii Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 373. LVIIÏ. Retraite de Théodofe.  VALENTINIEN. Valens. Gratiën Ann. 373. i < ] I 1 ] e i ! ï r F fi 15 Ê?6 HlSTOIRE dofe. Bientót ils parurent a la vue de l'armée Romaine. On ne pouvoit les attendre fans s'expofer a une perte certame. On prït done le parti de fe retirer. Les Barbares précipitent leur marche; ils atteignent 1'ennemi, 1'enveloppent, 1'attaquent avec furie. Les Romains furs de périr, ne fongeoient qu'a vendre bien cher leur vie, lorfqu'bn appercut un grand :orps de troupes qui approchoit. C'éïoient des Maziques qui venoient fe oindre aux autres Barbares. Mais :eux-ci voyant des déferteurs Ronains a la tête, & s'imaginant que : etoit un fecours pour Théodofe , >nrent la fuite, &le laifferent coninuer Iibrement fa retraite. II arri'ƒ k un chafeau qui appartenoit k dazuca , oii il fit brüler vifs quel[ues déferteurs, & couper les mains plufieurs autres. Après avoir tenu i campagne une année entiere, paree ue 1'hy ver eff inconnu dans ces cliiats_, il revint k Tipafe, au mois de evner, lorfque Gratiën étoit Conu pour Ia troifieme fois avec Eqnius. ^ Pendant qu'il donnoit a fes foldats  nu Bjs-Bmpire. Lh. XVIII. 277 Ie temps de fe repofer, il s'oceupoit lui-même des moyens de terminer la guerre. Une expédition fi longue & fi pénible lui avoit appris qu'il étoit impofJible de réduire a force ouverte un ennemi accoutumé a la faim, a la foif, aux ardeurs de cesfables brülants, courant fans celfe, & échappant i\ toutes les pourfuites. II ne trouvoit d'autre expediënt que de lui enlever toutes fes reflburees, en détachant de fon parti les peuples de ces contrées. Dans ce deffein , avant que de fe remettre en marche, il envoya dë toutes parts des hommes adroits & intelligents , qui, par argent, par menace, par promeffes, vinrent a bout de gagner la plupart des Barbares, Firme étoit toujours en courfe : mais les négociations fecretes de Théodofe, & la défiance que lui infpiroit Tinfidélité naturelle de fes alliés, lui caufoient de mortelles inquiétudes. Auffitöt qu'il apprit que le Général Romain approchoit, il fe crut trahi par les fiens ; & s'étant évadé pendant la nuit, il prit la fuite vers des montagnes éloignées &c inacceffibles. La plupart de fes troupes, abandonnées Valentinien.Valens, Gratiën Ann. 374,. L1X. II fe reiner en campagne  Valentinien.Valens. Gratiën •Ann. 374. LX. Rencontre des Négres. ; 278 FIistoihk de leur chef, fe débanderent. Les Romains, trouvant le camp prefque défert, Ie pillerent, tuerent ceux qui y étoient reftés, & marcherent a la pourfuite de Firme, recevant k compofition les Barbares dont ils traverfoient Ie pays. Théodofe y laiffoit des Commandants, dont la fidélité lui étoit connue. Le rebelle qui n'étoit accompagné que d'un petit nombre d'efclaves, fe voyant pourfuivi avec tant d'opiniatreté, jetta fes bagages & fes provifions pour fuir avec plus de viteffe. Ce fut un foulagement pour 1'armée de Théodofe qui manquoit de fubfiftances. II fit rafraïchir fes foldats, auxquels il diftribua 1'argent & les vivres, & défit fans peine un corps de montagnards, qui s'étoient avancés a fa rencontre jufque dans la plaine. II approchoit de l'Atlas, dont la :ime femble toucher les nues. Ayant appris que les Barbares en avoient rermé tous les paffages , d'ailleurs imjraticables a tout autre qu'aux habi:ants du pays, il retourna fur fes pas; k s'étant campé k quelque diftance, 1 laifTa au rebelle le temps d'afTem-  nu Bas-Empire. Liv. XFI1L 279 bier les Negres , qui habitoient audela de ces montagnes, & que les anciens nommoient Ethiopiens, ainfi que les nations fituées au midi de 1'Egypte. Ces peuples traverferent 1'AtIas a la fuite de Firme, accouranten confufion avec des cris menacants, Leur fJgure affreufe & leur innombrable multitude jetterent d'abord 1'épouvante dans le coeur des Romains, qui prirent la fuite. Théodofe les rallia, les raffura, pilla quelques magalins, oii il trouva des vivres en abondance, & revint a Pennemi. Ses foldats marchoient les rangs ferrés, agitant leurs boucliers, comme pour défier ces noirs fauvages qu'ils ne redoutoient plus. Ceux-ci annoncoient leur fureur par le cliquetis de leurs armes, & par le bruit de leurs targes dont ils fe frappoient les genoux. Toutes ces menaces ne furent fuivies d'aucun effet. Théodofe, content d'avoir rendu 1'honneur & le coeur a fes troupes, ne voulut point hafarder la bataille contre un nombre fi inégal: après s'être tenu quelque temps en préfence, il fit fa retraite en bon ordre; & les ennemis, effrayés de fa Valentinien. Valens Gratie: Ann. 37.  Valentinien./alens. Sratien ïna, 374. LXI. Guerre »ontre les Ifafliens. £8» Bist o i r e contenance , le laifferent s'éloignffr, & fe difperferent dans leurs montagnes, plus promptement qu'ils nëtoient venus. Le Romain alla sëmparer de la ville de Conté, oü Firme avoit renfermé les prifonniers, les croyant en füreté dans une place, que 1'éloignement & la fkuation fur une hauteur mettoient hors d'infulte. On y trouva auffi des déferteurs, que Théodofe purtit avec fa févérité ordinaire. Firme, abandonné des Negres, fe réfugia avec Mazuca fon frere & le refte de fa familie, dans le pays des Ifafliens. C'étoit le peuple le plus puiffant de ces contrées. Le Roi Igmazen étoit guerrier, & célebre par fes vifloires. Le commerce qu'il enfretenoit avec la Province Romaine lui avoit procuré de grandes richeffes. Théodofe lui envoya demander le rebelle; & fur fon refus , il lui dé~ clara la guerre. II y eut une fanglante bataille, oü les Romains enveloppés furent obligés de faire face de toutes parts; & malgré ce défavantage, taillerent les ennemis en pieces. Firme chargea lui-même k la  du Bjs-Empike. Liv. XVIII. 281 tête des troupes : il s'expofa fans ménagement; & ce ne fut qu'après les derniers effórts, qu'il fe fauva par la force & la viteffe de fon cheval, accoutumé a courir fur les rochers & au bord des précipices. Mazuca, fon frere, bleffé a mort, fut fait prifonnier. Comme on le conduifoit a Céfarée , ou il avoit laiffé des marqués de fafureur, il s'arracha lui-même la vie, en déchirant fa playe. Sa tête fut portée dans la ville : elle y fut recue avec cette joie cruelle que produit la vengeance. Théodofe ravagea les terres des Ifafliens. Plufieurs habitants de la Province Romaine, qui s'étoient liés avec ces Barbares, & retirés dans leurs pays, tomberent entre fes mains. Convaincus d'avoir, par de fourdes pratiques, favorifé la rébellion, ils furent condamnés au feu. De-la Théodofe s'avan^a jufque dans une contrée nommée la Jubalene : c'étoit la patrie de Nubel, pere de Firme. Mais il fut arrêté dans fa marche par de hautes montagnes; & quoiqu'il s'en füt ouvert le pafTage malgré les naturels du pays qu'il taili^ $n pieces, cependant, craignant de Valentinien.Valens. Gratiën Ann, 374,  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374. LXII. Vidtoire remportée fur ces Barbares. i i 7 7 t 1 < 282 HlSTOIRE sëngager dans ces défilés dangereux, d tourna vers la fortereffe d'Audia , oü les Jéfaliens, nation féroce, vinrent lui offrir des fecours de troupes & de vivres. Toutes ces marches diverfes avoient pour objet la pourfuite de Firme. 11 fuyoit de contrée en contrée fur ^ cette frontiere fauvage. Enfin , Théodofe, voulant délaffer fes troupes, carnpa prés du chateau de Médiane : il y demeura quelques jours fans ceffer d'agir auprès des barbares, pour les engager k lui bvrer le fugitif. fl apprit qu'il étoit retourné chez les Ifafliens. II marcha auffi - tót de ce :öté-la. Comme il entroit dans le pays, le Roi Igmazen vint hardiment ï fa rencontre : Qui es-tu , dit-il k rhéodofe, & qud defein tamene ici? Le Général Romain , le regardant tvec fierté : Je fuis, lui dit-il , un les Officiers de Valentinien , maitre de oute la terre : il m'envoye pour arrêter '.n brigand : fi tu ne le remets entre mes nains fans différer, tu périras avec toute a nation. Un difcours fi menacant iritale Prince barbare : il nerépondit [ue par des injures, & fe retira plein  nu Bas-Empire. Liv. XFllL 283 de colere. Le lendemain, dès que le jour parut, les barbares vinrent avec une contenance afTurée préfenter la bataille. Le front de leur armée étoit compofé de prés de vingt mille hommes : la feconde ligne , encore plus nombreufe , devoit peu-a-peit s'étendre pendant le combat, & enfermer les Romains qui n'étoient guere plus de trois mille. Les Jéfaliens , malgré les promefTes faites a Théodofe, s'étoient joints k eux. Les Romains, animés par le fouvenir de leurs victoires, refferrant leurs bataillons, & fe couvrant de toutes parts de leurs boucliers, foutinrent fans s'ébranler les efforts des ennemis. Le combat dura tout le jour. Vers le foir, on vit paroitre Firme , qui , monté k 1'avantage, déployant fon manteau de couleur de pourpre , crioit aux Romains, que s'ils vouloient éviter une mort certaine, ils n'avoient point £ autre rejfource que de livrer Théodofe, ce tyran inhumain, cet inventeur de fupplices cruels. Ces paroles n'infpirerent que de 1'indignation a la plupart des loldats, & redoublerent leur courage. Mais il y en eut qui en furent Valentinien.Valens. Gratiën A.nn. 374.  Valentinien.Valens. Cratien Ann. 374. 284 HlSTOIRE effrayés, ck qui ceflerent de combattre. Enfin, la nuit fépara les deux armées; ck Théodofe, profitant des ténebres , retourna a la fortereffe d'Audia. II y paffa fes troupes en revue , & punit ceux qui s'étoient défhonorés par leur lacheté. II leur fit couper la main droite: quelques-uns furent brülés vifs. II s'arrêta quelques jours en ce lieu, veillant fans ceffe pour éviter les furprifes. Cette précaution n'étoit pas inutile. Quelques barbares étant venus attaquer fon camp pendant une nuit fort obfcure, il les repouffa, ck en fit prifonniers plufieurs qui avoient déja forcé le retranchement. II marcha enfuite en diligence vers les Jéfaliens; ók ayant pris pour pénétrer dans leur pays des routes détournées, par lefquelles on ne 1'attendoit pas, il fe vengea de leur infidélité par le maffacre ck le ravage. Après avoir ainfi terminé l'expédition de cette année, il traverfa la Mauritanië Céfarienne , & revint a Stefe, oü il fit mourir dans la torture , ck brüler après leur mort, Caftor & Martinien, les principaux miniftres des rapines & des forfaits  du Bas-Empire. Llv. XFII1. i%$ du Comte Romain. II attendoit des ordres de 1'Empereur pour inftruire le procés du Comte même ; mais Valentinien mourut avant la fin de cette affaire. L'année fuivante, Théodofe retourna dans le pays des Ifafliens, & les défit dans une bataille. Igmazen, accoutumé a vaincre, fut effrayé de ce changement de fortune ; & voyant que fi la guerre continuoit, 1'interruption du commerce le priveroit lui & fes fujets des chofes les plus néceffaires a la vie, il fe détermina a fatisfaire Théodofe. II eut affez de confiance en fa bonne foi & fa générofité , pour aller feul fecretement s'aboucher avec lui. II le pria de lui envoyer Mafille, un des chefs des Maziques, qui étoit fidele aux Romains. Ce fut par 1'entremife de ce Mafille, qu'Igmazen fit favoir k Théodofe : Qu'il dejiroit Jincérement la paix, mais qu'il ne pouvoit acluellement la conclure fans révolterfes fujets : que pour y parvenir, ilfalloity f oreer les Ifafliens par la terreur des armes Romaines, & par des attaques continuelles : qu'ils étoient attachés au parti du rebelle, & Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374. LXIir. Mort de Firme.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374. l i < 1 i ( 1 1 ! é 286 II I S T O I R E qu'ils ne fe lajferoient de l'afjifler, que quand ils fentiroient que Chonneur de le défendre leur cotitoit trop cher; qu'alors ils laifjeroient d leur Prince la libertè de traiter avec Théodofe. Le Romain (uivit ce confeil; il fatigua les Ifafliens par tant de défaites Sc de ravages, que Firme ne trouvant plus de füreté dans leur pays, fongeoit a la cher:her ailleurs, lorfque le Roi s'afTura le fa perfonne. Firme avoit déja recu quelques avis de la fecrete intelli*ence établie entre Igmazen Sc les Ronains. Quand il fe vit arrêté, ne douant plus que fa perte ne füt réfolue , 1 voulut au moins difpofer de fa vie. i'étant donc rempli de vin pour s'éourdir fur les craintes de la mort, 1 prit le moment de la nuit oü fes garles étoient endormis, Sc s'étrangla iii-même. Igmazen en fut affligé : il e faifoit un mérite de conduire le reielle au camp des Romains. II voulut iu moins le livrer mort. Après avoir ecu un fauf-conduit pour lui-même, l fit charger le corps de Firme fur un hameau, & le conduifit a Théodofe, ui s'étoit déja rapproché de la mer, c qui campoit prés d'un chateau voi-  I du Bas-Empire. Liv. XVUI. 2S7 fin de Rufibicari. Théodofe, s'étant affuré par le témoignage de ceux qui connoiffoient le rebelle , que c'étoit véritablement le corps de Firme, reprit la route de Stefe. II y arriva comme en triomphe , au milieu des louanges & des acclamations de tout le peuple de la Province, dont il étoit le libérateur. Va lentinjen.Valens. Gratiën Ann. 374,  SOMMAIRE  Valentinien. Valens. Gratiën Ann. 374. Amm. I. 29 , c. i. Zon. t, 11. P- 33. 292 HlSTOIRB radtere. Enflé des médiocres avantages qu'il venoit de remporter fur les Perfes, il crut n'avoir plus befoin de fe contraindre. Ses courtifans avides qu'il avoit fu retenir aulii-bien que fes vices, commencerent a abufer de leur faveur pour ruiner les families les plus opulentes. Ce Prince, environné de flatteurs, qui fermoient tout accès aux plaintes & aux remontrances, plus obffiné dans fa colere, lorfqu'elle étoit moins raifonnable, crédule aux rapports fecrets , incapable par parefTe d'examiner la vérité, & par orgueil de la reconnoitre , ne lancoit plus que des arrêts dëxils & de confifcations. II fe faifoit un mérite d'être implacable , & il répétoit fouvent: Que quiconque s'appaife aifément, s'écarté aifément de la juflice. Plus de diftinófion entre 1'innocent & le coupable. C'étoit par la fentence de condamnation que les objets de fa colere apprenoient qu'ils étoient foupconnés; ils paffoient en un inftant, comme dans un fonge, de l'opulence a la mendicité. Le tréfor du Prince engloutilToit toutes lesfortunes, pour les verfer enfuite fur fes  vv Bas-Empire. Liv. XIX. 293 ( favoris; & fes largeffes ne le ren- ! cloient pas moins odieux que fes rapines. Tant d'injuftices exciterent la j haine; & la haine publique produifit les attentats. II fe formoit fans ceffe des confpirations contre Valens. Un jour qu'il dormoit tranquillement après fon diner dans un de fes jardins entre Antioche & Séleucie , Uü de fes gardes, nommé Sallufte, fut fur lë point de le nier, & ce Prince ne fut fauvé de ce péril & de plufieurs autres , que par les décrets de la Providence qui 1'avoit condamné a périr de la main des Goths. La même impatience qui faifoit naïtre contre lui tant de complots , excita quelques vifionnaires a rechercher quel feroit fon fucceffeur. Fiduftius, Irénée & Pergamius, tous trois d'un rang diftingué, s'adrefferent pour cet effet a deux devins célebres, nommés Hilaire & Patrice. Je n'expoferai pas ici les ridicules cérémonies que ces devins pratiquerent, & dont on prétend qu'ils firent eux-mêmes le détail dans leur interrogatoire. II fuffira de dire qu'ayant gravé autour d'un baffm les caracferes de 1'alphaN iij ValenriNiEN.Valens. ïratien Vtin. 374, n. Devins confultés pour favoir quel fera fon fucceffeur Amm. ibid. Liban, or. 18. Zof. I. 4. Greg. lVfl{. tp- 137 . 138. Chryfoft. ad vit. Jtm. Cf orat. 3 , contra A~ nomxos.  du Bas-Empire. Liv. XIX. 307 de fa femme ; on 1'accufa d'avoir eu un objet de plus grande importance : les follicitations empreffées de fes parents lui fauverent la vie, mais ne purent lui conferver fes biens. Eufebe & Hypace, freres de 1'Impératrice Eufébie, & beaux-freres de Conftance, n'avoient pas perdu depuis la mort de ce Prince, la confidération qu'une fi haute alliance leur avoit procurée. Héliodore les accufa d'avoir porté leurs vues jufqu'a 1'Empire : il fuppofoit une confultation de devins , & un voyage entrepris pour exciter une révolte : il prétendoit même qu'Eufebe s'étoit fait préparer lesornementsimpériaux. La colere de 1'Empereur s'alluma aufli-töt il ordonna 1'information la plus rigoureufe : fur la requête d'Héliodore, il fit venir des Provinces les plus éloignées une infinité de perfonnes. On mit en oeuvre toutes les tortures; & quoiqu'une fi dangereufe procédure n'eüt fervi qu'a faire éclater 1'innocence d'Eufebe & d'Hypace, 1'accufateur ne perdit rien de fon crédit, &c les accufés furent bannis. II eft vrai que cette in juftice ne fubfifta Valentinien.Valens. Sratien Kan. 374,  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374. XII. Funérailles d'Héliodore. \ 308 HlSTOIRE pas long-temps. Ils regagnerent Héliodore, & obtinrent leur rappel & la reftitution de leurs biens. Peu de temps après, ce calomniateur, abhorré de tout 1'Empire, mais chéri de Valens, mourut de maladie, ou peut - être par 1'effet d'une vengeance fecrete. Valens inconfolable, lui fit préparer de magnifiques funérailles. II avoit réfolu de les honorer de fa préfence; & il ne s'en difpenfa que fur les prieres réitérées de fa Cour, qui fentoit mieux que lui 1'indécence de cette démarche : mais il voulut que les perfonnes titrées, & nommémentles deux beaux-freres de Conftance , marchaflent devant le convoi en habit de deuil, la tête & les pieds nuds, les bras croifés fur la poitrine. Cet aviliffement de ce qu'il y avoit de plus refpeftable dans 1'Empire déshonoroit le Prince , fans honorer la mémoire de cet indigne favori: mais c'étoit le caraéfere de Valens, ainfi que de toutes les ames foibles, defe livrer fans réferve a ceux qu'il aimoit, & de n'obferver k leur égard aucune regie de bienféance & ie juftice. On en vit dans le même  nu Bas-Empire. Liv. XIX. 309 temps un autre exemple. Un Tribun, nommé Pollentien , trés - méchant, mais très-aimé du Prince, avoit ouvert le ventre a une femme enceinte & vivante, pour évoquer les ombres des morts, & les confulter fur le fucceffeur de Valens. Le fait étoit avéré par la confeffion même du coupable. L'Empereur, qui venoit de punir fi rigoureufement cette curiolité dans des circonftances beaucoup moins atroces, ne permit pas de condamner le Tribun; & malgré Pindignation des juges, il le laiffa dans la poffeflion paifible de fes biens & de fon rang. Socrate, & d'après lui Sozomene, rapportent que Valens ordonna de mettre a mort tous ceux dont le nom commencoit par les deux fyllabes THEOD, & que pour éviter cette profcription , quantité de perfonnes changerent de nom. Cet ordre cruel auroit inondé de fang tous les Etats de Valens : rien n'étoit plus commun que cette dénomination dans les noms d'étymologie Grecque. Auffi les Auteurs les plus dignes de foi epargnent a Valens ce trait d'inhu- Valen- tiniek. Valens. Gratiën Ann. 374. XIII. Perfécution excitée contre les Philofophes. Amm, l. 29 , c. 1, 2.' Themifi. or. 7- Eunap. in Max. Liban. vit. Zof. I. 4. Soc. 1.4, f. 15.  Valentinien.Valens Gratiën Ann. 374, So{. 1.6, «■ 3>. Zon. 1.11. F- 33- Suid, ia \ ] 1 < ! < t 1 c e r <3 1. 3IO ff I S T O I R E manité. Mais ils conviennent qu'il fit brüler tous les livres de magie, & qu'il perfécuta vivement les Philofophes, dont la fcience n'étoit alors qu'une cabale. II en fut des livres commes des hommes: on en condamna aux Hammes un grand nombre d'innocents; & cet incendie fit périr beaucoup d'ouvrages de littérature, de phyfique & de jurifprudence. Les délateurs pourfuivoient fans relache les Philoiophes, & les livroient aux Magiflrats , qui les condamnoient fans connoiffance de caufe. II y en eut ^ui s'empoifonnerent, pour fe foufIraire aux fupplices. Libanius échap)a a la haine de Valens, 5£ fi on feut Pen croire, ce fut a la magie neme qu'il futredevable de n'être pas :onvaincu de magie. Le nom de Phiofophe étoit devenu fi funefte, qu'on n évitoitavec foin jufqu'è Ia moindre effemblance dans les habits. Comne on faifoit dans toutes les Provines d'exaöes recherches , on trouva ntre les papiers d'un particulier 1'hoofcope d'un nommé Valens : &c quoiue celui k qui ils appartenoient, alsguat pour fa défenfe qu'il avoit eu  nu Bas-Empire. Liv. XIX. 311 tin frere de ce nom, & qu'il étoit en état de prouver que cet horofcope étoit celui de fon frere, on le fit mourir fans vouloir lëntendre. Ce qui n'étoit que folie & foibleffe d'efprit, devint un crime d'Etat. L'ufage de ces remedes extravagants , qui confiftent en certaines paroles & en pratiques bifarres & ridicules, fut puni de mort. Feftus, Proconful d'Afie , fit périr dans les plus horribïes tourments Céranius Egyptien, Philofophe célebre, paree que dans une ïettre Latine écrite a fa femme, il avoit inféré du Grec, que Feftus nëntendoit pas. Ce Proconful étoit né a Trente, «1'une fort baffe extradfion. Devenu Avocat, il fe lia d'une amitié étroite avec Maximin qui exercoit alors la même profeffion. Pendant que celuici s'avancoit par fes intrigues è la Cour de Valentinien, Feftus paffa en Oriënt, & s'attacha au fervice de Valens. II fut Gouverneur de Syrië, & Secretaire du Prince pour 1'expédition des brevets. Dans ces deux emplois, il fefit aimer par fa douceur, & mérita avec l'eftime publique la char- Valeït- tinien. Valens. Gratiën A.nn. J74. XIV. Cruautés le Feftus.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374, XV. Mort du Philofophe Maxime. 31» ƒ/ IS T 0 I R £ ge de Proconful d'Afie. II étoit le premier è blamer la conduite injufte & cruelle de fon ancien ami : mais la fortune de Maximin le piqua de jaloufie, & étouffa dans fon coeur tout fentiment d'honneur & de vertu. Voyant que ce méchant homme s'étoit élevé a la préfetf ure du Prétoire a force de répandre du fang, il crut devoir tenir la même route pour parvenir a la même dignité. Changeant touta-coup de caraflere, il devint violent, injufte , inhumain; & tandis que PItalie & la Gaule gémiflbient fous le gouvernement de Maximin, Feftus, rival de ce tyran, défoloit 1'Afie par fes cruautés & les injuftices. C'eft a lui qu'on attribue un Sommaire fort court de 1'Hiftoire Romaine, dédié a PEmpereur Valens, auffi-bien qu'une Defcription de la ville de Rome. m Entre les innocents qu'il fit mourir, on ne peut compter le fameux Maxime , dont la mort ne parut injufte qu'aux zélés partifans de 1'idolatrie. Dés le commencement du regne des deux Empereurs, cetimpofteur, après avoir couru rifque de la vie, avoit obtenu  nu Bas-Empire. Liv. XIX. 313 obtenu la permiffion de retourner en Alle. Quoiqu'il n'éprouvat que des difgraces, il ne prit point de part a la révolte de Procope, & il effuya même. a ce fujet une nouvelle perfécution de la part des rebelles. Ennuyé d'une vie fi miférable, il pria fa femme de lui apporter du poifon : elle obéit; mais 1'ayant elle-même avalé en fa préfence, elle expira entre fes bras. II auroit fuccombé a tant de malheurs, fi Cléarque, alors Proconful d'Afie, imbu de fa doftrine, ne fe füt hautement déclaré fon protecfeur. La faveur de ce Magiftrat lui rendit fon repos & fon ancienne fortune. II revint a Conftantinople. Soupconné d'être entré dans le complot de Théodore, il avoua qu'il avoit eu connoiffance de 1'oracle, mais qu'il auroit cru déshonorer la philofophie, s'il eüt révélé le fecret de fes amis. II fut par ordre de 1'Empereur transféré è Ephefe fa patrie, oü Feftus lui fit trancher la tête. Ainfi fut vengé le fang de tant de Chrétiens, que ce fa- . natique avoit fait couler fous le regne de Julien, fon admirateur & fon difciple. Mais la Religion Chrétienne, Tomé lVt O Valentinien.Vaiens. Gratiek Ann, 374.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374. XVI. Para, Roi d' Armenië, attiré a Tarfe. Amm. 1. 30, c. I. 3H II I S T 0 1 R E inftruire a ne fe venger de fes plus mortels ennemis que par des bienfaits, n'eut aucune part a ce fupplice. Elle n'entroit pour rien dans les confeils de 1'ambitieux Feftus, qui, cinq ans après , ayant embraffé 1'idolatrie fans qu'on en puiffe deviner Ia raifon, tomba mort en fortant d'un temple. Les foupcons de Valens qui mettoient en deuil tant de families, ne furent pas moins funeftes au Roi d'Arménie. On perfuada a TEmpereur que Para continuoit d'entretenir des intelligences fecretes avec les Perfes ; on lui dépeignoit ce jeune Prince comme un ingrat & un perfide. Ce rapport étoit du moins hafardé. On avoit lieu de croire que Para, qui ignoroit I'art de feindre, après avoir été quelque temps féduit par les artifices de Sapor, étoit revenu de fon erreur, & il paroiffpit rentré de bonne foi dans le parti des Romains, Mais il avoit un ennemi mortel dans Ia perfonne de Térence, qui réfidoit alors en Arménie de la part de 1'Empereur. Térence, dont les Ecrivains Ecdéfiaftiques font 1'éloge ; paree  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374. XVII. Para s'«chappe. 3IÖ BlSTOIRE ménie. Ce Général faifoit entendre k Valens que la nation déteftoit Para, & que dans la crainte de retomber entre fes mains , elle étoit prête k fe donner aux Perfes. Le jeune Roi ouvrit alors les yeux fur le péril qui le menacoit. II raffembla fes trois cents cavaliers, tous bien montés, & pleins de courage; & fe mettant k leur tête, il fortit hardiment de la ville vers la fin du jour, L'Officier, chargé de la garde des portes, courut après lui a toute bride; & 1'ayant atteint a quelque diftance, le conjura de revenir. Pour toute réponfe, on menaca de le tuer, s'il ne fe retiroit k Pinitant. Peu de temps aprés, Para, fe voyant pourfuivi par une grande troupe de cavaliers, revint fur eux avec les plus braves de fes gens , & fit fi bonne contenance, qu'ils n'oferent hafarder une aftion, & le laifferent librement continuer fa route. Après avoir marché deux jours & deux nuits par des chemins rudes & difficiles, fans prendre du repos , ils arriverent au bord de 1'Euphrate. Comme ils ne trouvoient point de bateaux, &c qu'ils ne pouvoient, fans  dv Bjs-Empire. Lfo. XIX. 317 s'expofer a une perte certaine, entreprendre de traverfer k la nage un fleuve fi large & fi rapide, ils fe crurent perdus fans reffource. Enfin, on s'avifa d'un expediënt. Ce pays étoit un vignoble;, on y trouva quantité d'outres, dont on fe fervit pour foutenir des planches, fur lefquelles ils pafferent, tenant leurs chevaux par la bride. Quelques-uns traverferent •le fleuve fur leurs chevaux mêmes;& tous, avec un extréme danger, mais fans aucune perte, atteignirent 1'autre bord. Ils s'y repoferent quelques momentSj&reprirent leur route avec encore plus de diligence. Valens, averti de Févafion de Para, avoit fur le champ dépêché le Comte Daniël & Barzimer, Tribun de la garde, avec mille hommes de cavalerie légere. Comme le Prince, ne connoiffant pas le pays, perdoit beaucoup de temps dans des détours inutiles, ceux-ci gagnerent les devants par des routes abrégées. S'étant arrêtés dans un lieu ou il n'y avoit que deux paffages éloignés d'une lieue 1'un del'autre, ils fe partagerent fur ces deux chemins chacun avec leur troupe. Un O iij Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374. XVIIÏ. Ilregagne 1'Arménie  Valentinien.Valens. Gratiën Ann, 374. 1 3 a i 2 f b 3lS II I S T O 1 R £ heureux hafard fauva le Roi d'Arméme, Un voyageur, ayant appercu les cavaliers poftés fur ces deux routes, paffa pour les éviter au travers des buiffons & des bruyeres qui rempliffoient 1'intervalle, & rencontra les Arméniens. Onle conduifit au Roi, qu'il inftruifit en fecret de ce qu'il avoit vu. Para le retint pour fervir de guide; & fans faire connoïtre a fes ?ens te danger oü ils étoient, il envoya féparément deux cavaliers, 1'un i droite, & I'autre a gauche, pour >réparer fur les deux chemins des lo;ements & des vivres. Un moment 'prés, il partit lui-même, guidé par le voyageur; & ayant fait paffer fes gens i la file par un fentier étroit & fourré, 1 laiffa 1'embufcade derrière lui. Les tomains s'étant faifis des deux cavaiers , Pattendirent inutilement aux leux paffages tout le refle du jour. II ut le temps de gagner du pays, & rnva dans fes Etats, oü il fut re?u vee une extréme joie. Daniël & Barïmer retournerent k Antioche, couerts de confufion; 6c pour fe dé?ndre_des railleries dont onles accabit, ils publierent que Para étoit un  valentinien. Valens. Gratiën Ann. 374. I 1 j ] 1 1 1 1 i I i 1 \ e n d fi P P 320 H I S T O I R S il, celle-cl eft lafeule que je ne pulfe vous accorder. Alors Térence ramaffant les morceaux de fa requête: Prince, répondit-il ,je me tiens pour récomvenfé; celui qui juge les cceurs me tiendra compte de^mon intention. Valens, par des dépêches fecretes, chargea le Comte Trajan, qui avoit fuccédé a rerence, de le défaire d'un Prince i?nt |a patience augmentoit fa honte. C'étoit a force de crimes vouloir éouffer les remords. Trajan fe prêta ans fcrupule k ce déteffable minifiere. 1 fit fa cour au jeune Prince : il enroit dans fes parties de plaifir ; il lui emettoit fouvent des lettres de 1'Em>ereur,par lefquelles il paroiffoit que ous les nuages de défiance étoient difipés. Enfin, il 1'invita a un feffin. Le •rince s'y rendit. Tout refpiroit le laifir Sc la joie. Trajan fortit au (lilieu du repas; & en fa place on it rentrer un barbare d'un regard ffrayant, tenant en main une épée ue. Les convives , les uns glacés effroi, les autres complices de Pafiffinat, demeurerent immobiles, ou rirent la fuite. Para, ayant tiré fon ajgnard, difputa quelque temps fa  dv Bas-Empire. Liv. XIX. 321 vie, & tomba percé de coups. Ainfi périt ce Prince trop crédule; & ce meurtre, plus affreux dans fes circonftances que n'avoit été celui de Vithicabe, acheva de convaincre les nations étrangerès, que les Romains n'avoient plus de caraftere propre; & que fous un méchant Prince, ils ne refpecloient ni la foi des alliances, ni la majefté des Rois, ni les droits facrés de Phofpitalité. Sapor, accoutumé lui-même aux grands crimes, fut moins indigné de la mort de Para, qu'affligé de ce qu'elle détruifoit fes efpérances. II travailloit alors a regagner le Roi d'Arménie. II menaca d'abord de le venger : mais fatigué de tant de guerres , il prit la voie de la négociation, & propofa a PEmpereur de ruiner entiérement 1'Arménie, qui n'étoit pour les deux nations , qu'un fujet éternel de querelle ck de difcorde. Si ce projet n'étoit pas accepté, il demandoit que Sauromace ck les garnifons Romaines fortiffent de 1'Ibérie , & qu'Afpacure, qu'il avoit établi Roi de ce pays, en demeurat feul pofTeffeur Valens répondit qu'il ne changeroil O v Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374. XXV Négocia-tionsavecSapor. Amm. I. 30, c. 2. Zof. I. 4. Eunap* leg. p. 21.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann, 374. XXI. Aflaffinat de Gabinius , Roi des Quades. Amm. I. 29, c. 6. Zof. 1. 4. C. T. I. 15 , tit. 1, ' % 18. J J t ( I I 2 1 324 H 1 S T O 1 R S por, plus irrité que jamais, donna ordre a fon Général de reconquérir les contrées de 1'Arménie, dont Victor & Urbice s'étoient emparés, & d'atraquer vivement Sauromace, dont les Etats étoient pour lors dépourvus de troupes Romaines. Un furieux o-. ragemenagoitl'Afie, lorfque les mouvements des Goths rappellerent Valens dans la Thrace, & le forcerent de conclure avec Sapor une paix dont on ignore les conditions. Tandis que le meurtre du Roi d'Arménie excitoit 1'horreur de tout l'Orient, 1'Occident fut témoin d'un forfait pareil dans toutes fes circonftanües. Le Roi des Quades fut afTaffiné, paree qu'il avoit fujet de fe plaindre; Sil'onreconnut ,par un nou vel exemjle, que la table dont les droits font acrés jufques chez les nations fauva;es , & qui fut toujours regardée :omme le centre de la confiance &C le la füreté, eft pour cette raifon neme le théatre le plus fouvent choifi ar la perfidie. Valentinien, après voir paffé 1'hyver è Milan, étoit reenu a Treves. II s'occupoit depuis ?ng-temps a garnir de forterefles la  du Bas-Empire. Liv. XIX. 325 frontiere de la Gaule, du cöté de la Germanie, & a réparer les fortifications des villes aux dépens de la Province. Emporté par un trop grand defir d'étendre les limites de 1'Empire , il ordonna de conftruire un fort au-dela du Danube , fur un terrein qui appartenoit aux Quades. Ces peuples , allarmés de cette entreprife , députerent a Valentinien , & obtinrent d'Equitius , Commandant d'Illyrie & aöuellement Conful, que 1'ouvrage demeurat fufpendu jufqu'a la décifion de PEmpereur. Le Préfet Maximin , qui pouvoit tout a la Cour, blama fort cette condefcendance d'Equitius , qu'il traitoit de foibleffe : il difoit hautement que fon fils Marcellien, tout jeune qu'il étoit, foutiendroit mieux 1'honneur Si Pintérêt de 1'Empire, Sc qu'il fauroit bien achever la fortereffe en dépit des barbares. II fut écouté : fon fils fut envoyé avec le titre de Duc de la Valérie; & ce jeune homme, que le crédit de fon pere rendoit hautain &c infolent, fans daigner raffurer les Quades, fit continuer les travaux. Gabinius, Roi de la nation} vint lui repréfenter avec Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374,  Valentinien.Valens. Gratiën Arm. 374. XXII. Les Quades vengent la mort de leur Roi. 1 ( ( I ( 1 326 HlSTOIRE douceur Finjuftice de cette ufurpation. Marcellien feignit de fe rendre a fes remontrances; & l'ayant invité a un repas, il le fit maffacrer au fortir de table. C'étoit la troilïeme tête couronnée qui tomboit fous les coups de la trahifon, depuis le commencement du regne des deux Empereurs. Cette infigne perfidie mit les Quades en fureur. Verfant des larmes de douleur & de rage, ils patiënt le Danube , égorgent les payfans occupés alors aux travaux de la moiffon, & portent de toutes parts le ravage 8c le mafTacre. La Province étoit dégarnie de troupes; on en avoit envoyé la plus grande partie en Afrique avec Théodofe. II ne s'en fallut que d'un moment qu'ils nënlevaffent 'a fille de Conftance, qui traverfoit ''Illyrie pour aller époufer Gratiën lans la Gaule. Meffala , Gouverneur lela Province, fauva ce déshonneur i 1'Empire, & tranfporta promptenent la Princeffe a Sirmium, éloigné Ie prés de dix lieues. Probe, Préfet du 'rétoire, étoit pour lors dans cette alle. Ce Magiftrat, peu accoutumé iux allarmes, prit d'abord 1'épouvan-  du Bas-Empire. Liv. XIX. 327 te; il le préparoit a sënfuir pendant la nuit. Mais étant averti que tous les habitants le difpofoient a le fuivre, ck que la ville refteroit déferte ck ou verte aux ennemis, il eut honte de fa lacheté ; ck s'étant raffuré, il fit nettoyer les foffés , relever les murs abattus en plufieurs endroits , & conifruire les ouvrages néceffaires. Quantité de matériaux , qu'on avoit amaffés pour batir un théatre, lui fervirent a cet ufage. II raffembla les troupes difperfées dans les poftes voifins, & mit la ville en état de défenfe. Les barbares , peu inftruits dans 1'art d'attaquer les places, ck embarraffés de leur butin , n'oferent entreprendre un fiege. Ils changerent de route, ck prirent celle de la Valérie, pour y aller chercher Equitius, auquel ils attribuoient le maffacre de leur Prince , paree qu'ils ne connoiffoient pas Marcellien. Deux légions vinrent a leur rencontre, celle de Pannonie & celle de Méfie. Elles étoient en état de vaincre, fi elles fe fuffent réunies: mais la jaloufie du premier rang qu'elles fe difputoient, les tint féparées. Les barbares profi- Valen- tinien. Valens. Ghatien Ann. 374.  du Bas-Empire. Liv. XIX. 329 les forêts, il en fit un grand carnage. Les Sarmates, découragés par tant de pertes , eurent recours a la clémence du vainqueur, & obtinrent la paix, qu'ils garderent tant qu'ils fe fouvinrent de leurs défaites. Les Quades fe retirerent aufTi, lorfqu'ils apprirent qu'il arrivoit des troupes de la Gaule pour défendre l'Illyrie. Valentinien , après avoir ravage quelques cantons de 1'Allemagne, batiffoit fur le Rhin un fort, que les habitants appellerent enfuite Robur, & dont le terrein eft aujourd'hui renfermé dans la ville de Bale. Dès qu'il apprit, par une lettre de Probe, 1'invafion des Quades en Illyrie, il dépêcha le Secretaire Paternien, pour s'inftruire de tout fur les lieux; & en ayant recu des nouvelles cerraines , il vouloit aller fur le champ chatier 1'audace de ces barbares. Comme on étoit a la fin de Pautomne, on lui repréfenta qu'on ne trouveroit ni vivres, ni fourrages, & que les Princes Aliemands, & fur - tout Macrien, le plus redoutable de tous , profiteroientde fon éloignementpour attaquer la Gaule. II fe rendit a ces Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374. XXIV. Paix avec Macrien. Amm. /. 30, c. 3. Al/at. illujl. p. 181, 419. God. ad Cod. Theod. I. 8 , tit. 5 , leg. 33.  du Bas-Empire. Liv. XIX. 331 années après, s'étant engagé trop avant dans le pays des Francs qu'il ravageoit, il fut furpris & tué dans une embufcade que lui dreffa Mellobaude, Prince guerrier , qui régnoit alors fur cette nation. Après la conclufion du traité, Valentinien fe retira a Treves, oü il pafTa 1'hyver. Sur la fin de"cette année, les pluies continuelles firent déborder le Tibre. Rome fut long-tempsinondée. II fallut porter en, bateau des vivres aux habitants refugiés dans les lieux les plus élevés de leurs maifons. Claude, alors Préfet, pourvut a tous leurs befoins avec une aöivité infatigable, & maintint la tranquillité dans ce peuple mutin & féditieux même au milieu de 1'abondance. Ce Magiftrat fit conftruire un fuperbe portique prés des Bains d'Agrippa ; il le nomma le Portique du Bon Succès, Boni Eventüs , a caufe d'un temple voifin qui portoit ce nom. Les payens adoroient fous ce titre la divinité qui faifoit profpérer les fruits de la terre. Valentinien fit vers ce temps - la plufieurs loix utiles. Pour foutenir les arts qui s'affoibliffoient en même pro- Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374. XXV. Débnrdement du Tibre: Amm. I. zc,, c. 6 , & ibi Valef. XXVI. Loix de Valentinien.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374. C. T.l.4y tit. 17, leg. I. I. 9,i/ï.24, leg.- 3. '• Ij, tit. 4, -'eg. 4. C.J. I. 7, tit. 44%leg. 2.. Hermant, 1 vie de St. Ambr. l,\% , e, 10. 1 1 « ( 1 1 r r c é 1, F P 33a Histot&b portion que la gloire de 1'Empire, ïl accorda aux Peintres de grands privileges. II décida qiPen matiere de rapt, après cinq ans écoulés, on ne feroit plus recu a pourfuivre le crime , m a conrefter la légitimité du manage, ou celle des enfants qui en feroient fortis. II avoit déja ordonné que les juges ne pronónceroient leurs (entences qu'après les avoir écrites ; il ajouta que les fentences qui feroient >rononcées de mémoire, fans avoir ïte mifes par éerit, n'auroient au:une autorité, & feroient cenfées nules , fans qu'il fut befoin d'en fufpenIre 1'effet par un appel. II condamna iu banniffement tous ceux qui, au tiepns de la Religion, formeroient lesaffemblées illicites : il déclara que eux qui auroient été condamnés par e jugement des Evêques Catholiques, ie pourroient s'adreffer a PEmpereur our Ia révifion de leur procés. Floent ,f Evêque de Pouzzoles , avoit onné occafion a ce refcrit : ayant té dépofé k Rome par le Pape & :s Evêques, il eut recours k PEmereur; maisil n'en obtint d'autreréonfe, finon qu'après une condam-  du Bas-Empire. Liv. XIX. 333 nation fi canonique, il n'étoit plus permis a Florent de pourfuivre fa juftification devant aucun tribunal. Auxence, le principa! foutien de 1'Arianifme en Italië, fe maintint jufqu'a fa mort dans le fiege de Milan, quoiqu'il eüt été deux ans auparavant excommunié dans un Concile de quatre-vingt-treize Evêques, tenu a Rome, en conféquence d'un refcrit de 1'Empereur. Mais dés qu'il fut mort, Valentinien qui étoit pour lors a Treves , écrivit en ces termes aux Evêques aflemblés a Milan : Choifïjfei un Prélat, qui, par fa vtrtu & par fa doctrine, mérite que nous le refpeilions nousmêmes , & que nous ucevions fes falutaires correclions. Car étant, comme nous le fommes, de foibles mortels, nous ne pouvons éviter de faire des fautes. Les Evêques prierent 1'Empereur de défigner lui-même celui qu'il croyoit le plus capable; il leur répondit que ce choix étoit au-deffus de fes lumi.eres, & qu'il nappartenoit qu'a. des hommes êclairés de la grace divine, Milan étoit rempli de troubles : la cabale Arienne faifoit les derniers efforts pour placer fur le fiege d'Auxence, un Prélat im- Valen- tinien. Valens. Gratiën Ann. 374. XXVII. St. Ambroife, Evêque de Milan. Paul. vit. Ambr. Bafil. ep. 197. Hier. chr. Soc. /. 4, c 29. Theod. I. 4, 5, 6. So^. 1.6, c 24. Petav.doS, temp. chr. Pagi in Baron. an„ 369. Herm. vie de St.Amb. I. 1 , c. 2 , 3,6-1. 2, c. I. Fleury , HA eccUf. I. 16, (. 20.  VALENTINIEN. Valens. Gratiën Ann. 374. 334 Histoirs bu des mêmes erreurs. Ambroife, aufii diffingué par la beauté de fon génie & par la pureté de fes moeurs, que par fa nobleffe & fes richeffes, gouvernoit alors la Ligurie & PEmilie. Inftruit dans les lettres humaines, il avoit d'abord exercé a Rome la profeffion d'Avocat, & étoit devenu affefTeur de Probe, Préfet d'Italie. Lorfqu'il avoit été chargé du gouvernement de la Province dont Milan étoit capitale, ce Préfet en lui faifant fes adieux lui avoit dit : Gouverne^, non pas en Magiftrat, mais en Evêque. Cette parole devint une prophétie. La contelfation fur le choix de PEvêque s'échauffant de plus en plus, faiioit craindre une fédition. Ambroife, obligé par le devoir de fa charge de maintenir le bon ordre, vint a 1'Eglife, & fit ufage de fon éloquence pour calmer les efprits, & les engager k :hoilir avec difcernement & fans tumulte, celui qui devoit être pour eux m ange de lumiere & de paix. II sarloit encore , lorlque tous d'une :ommune voix, Catholiques & A•iens, s'écrierent qu'ils demandoient tanbroifepour Evêque. Ambroife, fai-  nu Bas-Empire. Lïv. XIX. 335 fi d'effroi, prit la fuite , & il n'oubliarien pour réfifter au defir du peuple. Les Evêques qui approuvoient ce choix, s'adrefferent è rEmpereur, paree que les loix défendoient de recevoir dans le Clergé ceux qui étoient engagés dans des emplois civils. Valentinien fut flatté d'apprendre que les Magiftrats qu'il choififfoit, fuffent jugés dignes de 1'épifcopat ; & dans le tranfport de fa joie : Seigneur, s'écria-t-il, graces vous foient rendues de ce que vous voule^ bien commettre le falut des ames a celui d qui je n'avois confiè que le foin des corps, L'autorité du Prince, jointe aux inftances des Prélats & la perfévérance du peuple, forca enfin la modeffie d'Ambroife. II fut baptifé, car il n'étoit encore que cathécumene, quoiqu'agé d'environ trente-cinq ans. II recut 1'onction épifcopale le 7 de Décembre; & par le crédit que lui procura auprès des Empereurs 1'élévation de fon ame, foutenue d'une éminente fainteté , fon élecf ion fut un événement aulïi avantageiix pour 1'Etat que pour 1'Eglife. Dés les premiers jours de fon épifcopat, on vit un heureux préfa- Valen- tinjen. Valens. Gratiën Ann. 374.  nu Sas-Empire. L'rv, XIX. 337 dont il avoit k fe plaindre. 11 leur répondit qu'il s éclairciroit de la vérité des faits fur les lieux mêmes, & que les infracleurs des traites ne lui échapperoient pas. 11 arriva bientöt k Carnunte, ville de la haute Pannonie , alors déferte & prefque ruinée, mais fituée avantageufement pour arrêter les ■ incurfions des Barbares. On croit que cëft aujourd'hui Pétronel fur le Danube , entre Vienne & Hainbourg. II y demeura trois mois a réparer les dommages que la Province avoit foufferts, & k faire les difpolitions néceffaires pour aller attaquer les ennemis dans leur pays. On attendoit de fa févérité naturelle qu'il informat de la trahifon faite a Gabinius, & de la perfidie ou de la lacheté des Officiers chargés de garder la frontiere, qui avoient ouvert aux Barbares 1'entrée de la Province. Mais felon fa coutume de traiter avec dureté les foldats , & de pardonner tout k leurs Commandants, il ne fit aucune recherche fur ces deux objets. II ne put cependant fermer les yeux fur le mauvais gouvernement de Probe. Ce Préfet du Prétoire, ja- Tome. IV, P Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 375,, XXIX. II apprend les vexations de Probe»  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 375. j 1 338 UlSTOIRE loux de fe conferver dans cette fuprême magiffrature, fuivoit une politique tout-a-fait indigne de fa haute naiffance. ConnoifTant 1'avidité du Prince, au<-lieu de le ramener a des fentiments d'humanité & de juftice, il pe sëtudioit qu'a fervir fa paflion pour 1'argent. Financier impitoyable, il imaginoit tous les jours de nouvelles impofitions. Ses vexations allerent fi loin, qu'entre les principaux habitants des Provinces de fa jurifdi£Hon, plufieurs abandonnerent le pays; la plupart, déja épuifés & toujours pourfuivis, nëurent plus d'autre féjour que les prifons ; quelquesuns fe pendirent de défefpoir, Cette tyrannie excitoit les murmures de tout 1'Occident. Valentinien étoit le feul qui n'en füt pas inftruit: content de 1'argent qu'il recevoit, il fe mettoit peu en peine des moyens employés pour le recueillir. Cependant des injuftices fi criantes le révoltecent lui-même, lorfque les gémiffements des peuples furent enfin parvents jufqu'a fes oreilles. Les Proyin:es avoient coutume d'envoyer au 3rince des députés pour rendre té?  du Bas-Empirb. Liv. XIX. 339 moignage de la bonne conduite des Gouverneurs. Probe , ayant forcé la Province d'Epire de fe conformer a cet ufage, elle députa a 1'Empereur, lorfqu'il étoit aCarnunte, un Philofophe cynique, nommé Iphiclès, autrefois ami de Julien. II fe défendit d'abord d'accepter cette commiffion ; mais on Pobligea de partir. II étoit connu de 1'Empereur, qui, après 1'avoir entendu , lui demanda fi les louanges que la Province donnoit au Préfet étoient bien linceres : Prince, répondit-il, entre les extorfions qui nous font gèmir, l'éloge que Probe nous arrache, n'ejl pas celle qui nous coüte le moins. Cette parole pénétra jufques dans le coeur de Valentinien. II continua d'interroger Iphiclès, & lui demanda des nouvelles de tous les Epirotes diftingués qu'il connoifToit. Aaprenant que les uns étoient allés chercher un domicile au-dela des mers, que les autres s'étoient donné la mort, il entra dans une violente colere. Léon, Maitres des offices, qui afpiroit luimême a la préfec~ture, & qui, s'il y fut jamais parvenu, auroit fait regretter tous fes prédéceffeurs, n'ouP ij Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 37j.  HISTOIRE D U BAS-EMPIRE. EN C O MME N C A N T a CONSTANTIN le Grand. Par Monpeur LE BEAU, ProffleurÊmêritc en WniversitÊ de Paris, 1'rofeffeur d Eloquente au College Rot al. Secretaire ordinaire de Monseigneur le Duc d Orleans , & ancien Secretaire perpétuel de l Academie Royale ves Inscriptions et Belle s-Lettres. TOME QUATRIEME. A MAESTRICHT, Chez Jean-Edme Dufour & Phil. Roux, Imprimeurs-Libraires, aflociés. M. DCC. LXXX.   S O M M A ï R E D V LIVRE S E I Z I E M E. I. IN F ORTUN E de Varronien. II. Valentinien e(i élu Empereur. III. Hiftoire du pere de Valentinien. IV. QaaIhés de Valentinien. V» Difgraces prècédentes de Valentinien. VI. // efi pre clamè par les foldats. vu. On vent lt foreer a fe nommer un collegue. VIII» 11 réjïjle a la volonté des foldats. IX. 11 rttient Sallujle dans la prèfeclure. X. II prend pour collegue foh frere Valens. XI. Députations des villes. XII. Sévérité exceflive de Valentinien. XIII. Motivetnents des barbares. XIV. Maladie des deux Princes. XV. Procédures rigoureuJes contre les prüendus magiciens. XVI. Premières loix des deux Princes. XVII. Divifion des Provinces de ÜEmpire. XVIII. Divers reglements de Valentinien. XIX. Valentinien a Milan. XX. 11 donns übertide religion. XXI. Conduite de Vd~ Tome IV. A  2 sommaire lentinien a F égard des hérétiques. XXII. A régard de CEglife Catholique, XXIII. Valens a Confiantinople. XXIV. Etabliffement des défenfeurs. xxv. Tremhlement de terre. XXVI. Valentinien en Gaule. XXVII. Valens apprend la révolte de Procope, xxviil. Aventures de Procope. XXIX. Méchanceté de Pétrone, biau-pere de Valens. XXX. Intrigues de Procope, xxxi. Procope prend le titre v Bas-Empire. Liv. XVI. 19 moins par vertu que par incapacité, il n'ofa jamais lui difputer 1'avantage que lui donnoit le mérite. Les deux Empereurs prirent le nom de Flavius, attaché aux fucceffeurs de Conftantin. Ils recurent des députés de plufieursVilles de 1'Empire, qui venoient, felon 1'ufage, leur préfenter des couronnes d'or, & demander quelques graces. Valentinien leur répondit avec dignité & en peu de mots : il les renvoya plein de refpeft pour fa perfonne , & fatisfaits de fes promeffes. Ce fut apparemment en cette occafion que les deux Empereurs voulurent honorer la ville de Nicée, oü Valentinien avoit recu le diadéme. J Ayant divifé la Bithynie en deux Pro vinces, ils établirent Nicée métropole de la feconde : mais par un refcrit poftérieur, ils déclarerent que ce titre accordé k Nicée, ne porteroit aucun préjudice aux droits -de Nicomédie. Les conteftations qui furvinrent enfuite entre les Evêques de ces deux villes toujours rivales, furent jugées dans le Concile de Chalcédoine ; il décida que 1'Evêque de Valentinien.' Valens. Ann. 364, XI. Députation des villes. Eunap. in 'cgat. p. 1:8» Conc.Chal■et.acl.iT,'. TUI. Va'ent. art. 9, 5" not. II, Oriens , :hrifl. 1.1. 640.  Valentinien. Valens. Ann. 364. XII. Sévérité exceffive de Valentinien. Codin. or. F- 25, 35. XIII. Mouvements des barbares. Amm. I, 26, c. 4. 20 IIlSTOIRE Nicomédie jouiroit des droits de Métropolitain dans les deux Bithynies; & que les changements que les Princes jugeoient a propos de faire dans le gouvernement civil, ne devoient point altérer 1'ordre déja établi dans 1'Eglife. Dans les derniers temps de 1'Empire Grec, on voyoit k Conftantinople fur une arcade Ia ftatue de Valentinien, au-deffous de laquelle étoit un boiffeau de bronze, placé entre deux mains de même métal. L'infcription marquoit qu'un marchand de bied, ayant vendu a faufle mefure, 1'Empereur lui avoit fait couper les deux mains. Cette hiftoire pourroit bien n'être qu'une fable inventée par les derniers Grecs, pour 1'explication du monument. Mais elle ferviroit du moins k montrer quelle impreffion on avoit toujours confervée de 1'extrême févérité de Valentinien. Ce Prince, affociant fon frere k la puiffance fouveraine, avoit réfolu de partager le gouvernement des diverfes Provinces de 1'Empire. Les entreprifes des barbares, qui, après la  du Bas-Empire. Liv. XVI. ai mort de Julien, s'étoient réveillés de' toutes parts, le preffoient d'exécuter ce deffein. Les Allemands ravageoient la Gaule & la Rhétie; les Sarmates & les Quades, la Pannonie; les Pictes, les Eceffois, & les Attacottes, peuple jufqu'alors inconnu, & dont il n'eft plus parlé depuis ce tempsIk, allarmoient la Grande-Bretagne par des courfes continuellesjles Aufturiens & d'autres nations Maures, infultoient PAfrique avec plus d'audace que jamais; la Thrace voyoit fes campagnes pillées par différents partis de Goths. Du cöté de l'Orient, le Roi de Perfe faifoit revivre d'anciens droits fur PArménie: il prétendoit que la mort de Jovien, avec lequel il avoit traité, lui rendoit la liberté de reprendre ce pays, dont les anciens Rois de Perfe avoient été en pofTeflion. Une fievre violente furvenue en même-temps aux deux Empereurs, les tint dans l'inaftion pendant plufieurs jours. La mémoire de Julien leur étoit odieufe : ils foupconnerent les amis de ce Prince d'avoir employé contre eux des maléfices : ces crain- Valen- tinien. Valens. Ann. 364. Cellar. Gsog. I. 2. c. 4. art. 70. XIV. Maladie des deux Princes. Amm. ibid, Zof. I. 4. Eunap. in Max. Thanifl. <"■. 7.  Valentinien. Valens. Ann. 364. TUI. Va- lent. not, i j j < ] < 22 HlSTOJRE tes frivoles leur étoient infpirées par les favoris de la nouvelle Cour, qui avoient fbin de les répandre parmi le peuple de Conftantinople. La prévention alla fi loin, que les Empereurs ordonnerent a ce fujet des informations juridiques, dont ils chargerent le Quefteur Juventius , & Urface, grand-Maïrre des offices; celuici étoit un Dalmate dur & cruel. Valentinien en vouloit fur-tout k Maxime, il n'avoit pas oublié les mauvais fervices que ce Philofophe fanatique lui avoit rendus auprès de Fulien. Maxime fut donc amené prifonnier k Conftantinople, avec Prifque, qui avoit partagé avec lui les bonnes graces du défunt Empereur. Après un févere examen , Prifque fut reconnu innocent, & renvoyé dans 'Epire fa patrie. Mais le peuple & es foldats étoient déchainés contre Maxime. II fut appliqué a la tortu-e; & quoiqu'on n'eüt découvert au:un indice du crime qu'on lui immtoit, cependant comme on le foup;onnoit d'avoir profité de fa faveur >afTée pour amafTer de grandes rihelTes, on le condamna, felon Eu-  nu Bas-Empire. Lh. XPI. 2 nape, a une amende que toute I philofophie de ce temps-la n'auroi pu acquitter. On fut obligé de la ré duire a une fomme modique. Pou la recueillir, on lui permit de retour ner en Afie. ( Lespreftiges de ces prétendus magiciens qui avoient peuplé la Com de Julien, avoient répandu dans toul 1 Empire un foupcon de fortilege. On attnbuoit a la magie les accidents les plus naturels. On recherchoit avec emprefTementlaconnoifTancedun art fi merveilleux. Apronien, que Julien etant en Syrië avoit envoyé è Rome pour y exercer la charge de Préfet, ayant perdu un oeil dans ce voyage fe perfuada que c'étoit 1'effet d'un malehce. Prevenu de cette idée,il n'eut pas_ plutót appris la mort de Julien, qu'il fit une exade recherche de tous ceux qui étoient foupconnés de magie. II ne manqua pas de rrouver beaucoup de coupables. II les fit arrêter & apphquer k la torture au milieu de lamphithéaïre, k Ia vue du peuple toujours avide de ces fpeclacles cruels. Après les avoir forcés d'avouer leur crime, & de révéler leurs cornpli- 5 f Valentinien.Valens. " Aan. 364.' XV. ' Procédures rigoureufesconrre les prétendus magiciens Amm, l, 26. c. 3. Ilieron. vit, Hilarïonis. CaJJlod. Var. I. 3. ep. 51. Cod. Th l, 9. tit.16. % 11. -A 13. tit, 5, 6. 1. 14. tit. 2. 3,4,1*, 17,21,22. & ij. tit. 1. C J. I. 1. tit, 2S. US. I,  Valentinien.Valens. A.nn. 364 24 H I S T O I 3. E ces, il les faifoit mettre k mort. Cette févérité, animée par la vengeance, vint k bout de purger Rome d'un grand nombre d'impofteurs ou de fcélérats imbécilles, qui prenoient eux-mêmes pour des fortileges les poifons dont ils faifoient ufage. On remarqua entre les autres un cocher du Cirque, nornmé Hilarin, qui fut convaincud'avoir envoyé fon fils encore jeune al'école d'un magicien, pour y apprendre le fecret de vaincre fes concurrents. On étoit perfuadé dans ce fiecle, que plufieurs cochers du Cirque avoient recours k la magie pour donner de la vïteffe k leurs chevaux, & pour arrêter ceux de leurs adverfaires. Hilarin fut condamné k perdre la tête ; & comme on le conduifoit a la mort, s'étant échappé des mains des bourreaux, & réfugié dans une Eglife, il en fut tiré par force & exécuté. Cependant eet entêtement criminel ne céda pas entiérement a la rigueur des fupplices. Quelques années après, on convainquit un Sénateur d'avoir mis un de fes efclaves entre les mains d'un maitre de magie, qui s'étoit chargé de Pinftrmre de fes fecrets. Ce Sénateur  du Bjs-Empire. Liv. XVI. 25 nateur fegarantit, a fbrce d'argent, de la peine qu'il méritoit, & il affe&a même, dit Ammien Marcellin, témoin oculaire, d'infulter a fes Juges par la pompe de fes équipages, & par un éclat infolent & fcandaleux. Au refte, Apronien, ce Juge févere, prit de fi juftes mefures pour entretenir Fabondance dans Rome, que tant qu'il fut Préfet, on n'entendit aucun de ces murmures fi ordinaires dans cette viile féditieufe. Ce fut auffi dans la fuite un des principaux foins de Valentinien. On le voit dans fes loix occupé fans ceffe de la quantité &c de la qualité des fubfiftances de Rome, & trés-attentif a protéger les compagnies chargées de 1'approvifionnement. Les deux Princes n'étoient pas encorerétablis de leur maladie, qu'ils I commencerentleuradminifiration pu- J blique par deux loix très-fages. La c première avoit été en vigueur dans 1'ancienne république : 1'avarice 1'a- * voit peu-a-peu abolie. Ils défendirent t aux Officiers des Magiftrats d'acheter 8 aucun fonds, ni même aucun efclave £ dans la Province oii ils étoient em- \ Tome IV. B C Valentinien. Valens. Ann. 364. xvr. remieres )ix des euxPrines. CU, in 'crr. I, 4. 10. oi. Th. I. . tit. ij. g. Prints, leg. im. leg, 'mnis.  Valentinien. Valens. Ann. 364. 11. tit. Iï. leg. 3. /. 13. tit. r.leg. 5,9. /. 16. tit. 2. leg. 10. 26 B/STOIRE ployés. Valentinien, dans la fuite; comprit dans cette défenfe tous les biens meubles & immeubles , & il Pétendit 'fut les Magiftrats même, de quelque ordre qu'ils fuffent, & fur tous ceux qui étoient chargés d'une fonöion publique. II déclara que ces ventes feroient nulles ; que la chofe, foit qu'elle fut demeurée au pouvoir de 1'acheteur, foit qu'elle eüt paffé en d'autres mains a quelque titre que ce füt, feroit rendue au premier vendeur, fans qu'il füt obligé de reftituer 1'argent qu'il en avoit recu; &C que fi ceiui-ci difFéroit pendant cinq ans de faire fes diligences pour le recouvrement, fon droit feroit dévolu au fifc. Ce Prince penfoit, ainfi que les anciens Romains, que tout achat eft un brigandage lorfque le contrat n'eft pas parfaitement libre de la part du vendeur. La feconde loi tendoit a préparer les fonds néceffaires pour foutenir la guerre contre tant de barbares qui menacoient 1'Empire : elle déclaroit que nul négociant ne feroit exempt de la taxe impofée fur ceux qui faifoient commerce par eux-mêmes ou par leurs  du Bas-Empire. Liv. XVI. 27 commis: qu'il n'y auroit fur ce point aucun privilege, ni pour les Officiers de la maifon du Prince, ni pour les perfonnes élevées en dignité, qui devoient donner Pexemple du zele a fubvenir aux befoins de 1'Etat; ni pour les Clercs qui font une profeffion particuliere decontribueraufoulagement des miférables : ce font les termes de la loi. Conftance avoit exempté de eet impöt les Eccléfiaftiques, paree que, difoit-il, leur gain retournoit au profït des pauvres : Valentinien tira du même principe une conféquence toute oppofée : il crut que 1'aumöne en eft plus belle quand elle prévient la mifere, & que c'eft un plus grand mérite de foulager fes concitoyens en partageant leur fardeau, que d'attendre a les relever lorfqu'ils en feront accablés. II déclara même dans la fuite que les exemptions de cette taxe, fondées fur des refcrits des Princes précédents, feroient cenfées nulles, & qu'on n'y auroit aucun égard; Vers la fin d'Avril, les Empereurs partirent de Conftantinople, & prirent le chemin de 1'Illyrie. Ils féjour- 1 B ij v. Valen* tinien. Valens. Kxva. 3Ó4. 0 XVII. Oivifion :s Pronces de impire.  Valentinien. Valens. Ann. 364. Amm. I. 26. c. 5. Zof. I. 4. Th.tod. I. 4 <• 5- So[. I. 6. c. 6. Philoft. I. S. c. 8. Pagi in Baron. an. 365. TUI. Valens. not, 4- C. T. I. 7. tit. 4- l'-g. 12. /. 10. tit. 39. leg. 7. 3. 13. tit. 5, 6. /. 15. t/t.i. 13. 23 HlSTOlRE nerent a Andrinople jufqu'au miüeu du mois de Maï. Comrae ils étoient fuivis de leurs troupes , Valentinien, très-exa£t a faire obferver la difcipline, fut averti en approchant de Sardique, que les foldats ne fe contentoient pas de 1'étape, mais qu'ils exigeoient fur leur paffage des contributions arbitraires. II réforma fur le champ eet abus par une loi adreffée a Viöor, Maïtre de la milice, & qui fut publiée par tout 1'Empire. Ils arriverent au commencement de Juin a Naïffe, oii ils s'arrêterent prés d'un mois. Ce fut dans le chateau de Médiane , a une lieue de cette ville, qu'ils firent le partage des Provinces. Valentinien laiffa a fon frere celles qu'avoit d'abord poffédées Conftance , c'eft-a-d re} 1'Egypte, toute 1'Afie Si la Thrace : ce qui fut appellé 1'Empire d'Orient. II ie réferva tout POccident, qui comprenoit 1'Illyrie clans toute fon étendue , 1'Italie, 1'Afrique,laGaule, 1'Efpagne & laGrande-Bretagne. II y avoit alors dans 1'Empire plu.fieurs habiles Généraux qui s'étoient formés fous les ordres 61 par les exemples de Julien. Valen-  nu Bjs-Empirb. Liv. XFI. 29 tinien prit a fon ferviée Jovin, Général des troupes de la Gaule; Dagalaïphe, Général de la cavalerie, & Equitius, qu'il fit Commandant des troupes d'Illyrie. II donna k Valens Niöor, Arinthée, tous deux grands Capitaines , & Lupicin qu'on croit différent de celui qui avoit été dans la Gaule Lieutenant-Général de Julien. Sérénien, eet Officier perfide, qui avoit contribué a la perte de Gallus fon bienfaiteur, rentra pour lors dansle fervice militaire. II s'étoit term caché fous le regne de Julien, dont il ne devoit attenclre que des fupplices. II n'avoit d'autre mérite atiprès des nouveaux maïtres de 1'Empire , que d'être comme eux né en Pannonie.C'en fut affez k Valens pour 1'attacher k fa perfonne; il lui conféra la dignité de Comte des domeftiques. Les Empereurs partagerent auffi les troupes & les Officiers du palais. Avant que de partir de NaïfTe, ils fongerent a réparer le mal que Julien avoit voulu faire au chriftianifme en interdifant aux Chrétiens 1'inltru&ion publique. Toutes les perfonnes que leur -fcience, jointe k la tér B iij Valentinien.Valens. Ann. 364,  Valentinien. Valens. Ann, 364. XVIII. Divert régle- 30 H I S T O I R E gularité des moeurs , rendoit capables d'inftruire la jeunefle, eurent la permilïïon d'ouvrir de nouvelles écoles, ou de rentrer dans celles qu'on les avoit obligés de quitter. Pour arrêter les courfes des Barbares, ils envoyerent ordre aTautomede ou Teutomere , Capitaine Franc, qui commandoit les troupes de la Dace fur les bords du Danube, de réparer les tours qui fervoient a couvrir de ce cöté-la les frontieres de 1'Empire, &C d'en faire conftruire de nouvelles dans les lieux oü elles feroient néceffaires: ils lui déclaroient que fi le terme de fon commandement expiré, il laiffoit ces ouvrages en mauvais état, il feroit obligé de les faire rétablir a fes propres dépens. S'étant enfuite rendus k Sirmium, oü ils palTerent fix femaines, ils fe féparerent vers le milieu du mois d'Aoüt. Valentinien prit la route de Milan, & Valens celle de Conftantinople. Sallufte étoit Préfet du prétoire d'Orient; Mamertin, d'Italië &d'Illyrie, & Germanien, des Gaules. Valentinien fe propofoit Conftantin pour modele. II avoit deffein de  dv Bas-Empire. Liv. XVI. %l réformer le gouvernement de Julien; mais il aimoit 1'argent, & Julien n'avoit aimé que la gloire. De plus, le tréfor épuifé par la malheu-reufe expédition de Perfe , avoit befoin d'être rempli pour fournir aux dépenfes des armées que les attaques des barbares obligeoient de lever & .d'entretenir. Ces raifons laifferent a Julien 1'avantage du défintéreffement & de la libéralité. Ce Prince avoit modéré les préfents que les villes de 1'Empire envoyoient en diverfes occafions aux Empereurs : il avoit voulu que ces hommages fuffent purement volontaires. Valentinien les exigea a titre de contributions; il n'en difpenfa que les Sénateurs déja chargés de taxes encore plus onéreufes. II régla par plufleurs loix la conduite des Juges & des Gouverneurs ; il leur enjoignit de prononcer leurs jugements en public, k portes ouvertes, parcè qu'il étoit k craindre que dans les audiences fecretes, 1'intrigue ne prévalüt fur la juftice. II voulut qu'ils fe rendiffent populaires par leur facilité k fe laiffer aborder, par leur défintéreffement , par une équité incor6 iv Valentinien. VAtÉNS, ' Ann. 364. ments de Valentinien.C. T. I. j. tit. 7. leg. 2, 4, 5/. 8. tit. ?. leg. 10,11. /. 9. ««.30. leg- 1 , 2. tit. 3 6. leg. IJ, 16. I. II. tit. 3°- H-IL 34-""'. 3ï. leg. 1. 1. 11. tit.1. leg. J7,iS- mitqu'a certaines perfonnes de raon»  du Bas-Empire. Liv. XVI. 33 ter-acheval dans ces Provinces , & défendit le porr des armes a tous ceux qui n'en auroient pas obtenu la permiffion expreffe. II réforma plulieurs abus dans les jugements & dans Pufage de la courfe publique. II fit de nouveaux réglements pour maintenir dans les villes 1'ordré municipal. Pendant tout le cours de fon regne, il ne perdit jamais de vue ces objets, qu'il regardoit comme trèsimportants. Ces fages difpofitions firent 1'occupation de Valentinien pendant les mois de Septembre & d'Octobre, qu'il paffa dansles villes d'Emone , aujourd'hui Laubach en Carniole, d'Aquilée , d'Altine 8c de Vérone. II fe rendit a Milan vers Ie commencement de Novembre. Cette ville ancienne , grande , peuplée , fituée dans un territoire fertile, ck célebre par fes écoles, qui, dès le temps d'Antonin, lui avoient mérité le nom dc nouvelle Athenes, étoit alors la capitale du Vicariat d'Italië. Valentinien la choifit préférablement a la ville de Rome pour Ie lieu de fa réfidence^tant qu'il feroit dans ces co«' B v Valentinien.Valens. Ann. 364. XIX. Valentinien a Milan. Amm. I. ï6. c. 5. C.T.l. ir. tit. 30. leg, JV Grut, infcr, CLXXVII. 4- Giann.hr, Nap. I. 2.  Valentinien.Valens. Ajui. 364. i ! ] i ï i 1 1 XX. H donne t Jiberté de religion. Amm. I. * 3ö. c 9. £ Zo/. I. 4. ,. Symm. I. ic. ep. u. P Liban. de J templis. .. Cod. Th. 1. " 9. tit. 16. tl 1'g- 7, 9.J, /. 10. tit. . 1. leg. 8. J< 7. 11, tit, ti 34 & i s t 0 i r e trees, paree qu'elle étoit placée comme au centre de fon Empire. A fon arnvee il trouva le peuple divifé par unfchifme. Ce Prince, moins éclairé que zele pour la concorde, prit d'abord le mauvais parti. Comme il s'étoit prefcrit pour regie de ne point e meier de difputes de Religion , fon uftoire eft prefque entiérement dé;agee des affaires eccléfiaftiques. Pour en détacher tout-a-fait, je vais préenter ici fous un feul point de vue a conduite qu'il a tenue pendant tout on regne par rapport au chriftianifne en général, & a 1'Eglife Cathoique en particulier. Valentinien étoit fincérement ataché a la Religion Chrétienne , k lauelle il avoit fous Julien facrifïé fa artune. Mais perftiadé que les con:iences ne font point du reffort de i jurifdidion impériale , il n'entrent pas de les contraindre; il n'étenit fon pouvoir fur les affaires de Region , qu'autant que celles-ci renoient dans 1'ordre politique. D'ailms, iï fe voyoit a-peu-près dans s mêmes circonffances oü Conftann s'étoit trouvé a fon avénement k  du Bas-Emp irb. Liv. XVI. 35 rEmpire. Ce Prince & fes enfants avoient travaillé, mais avec ménagement &z circonfpection , a la deftruction de 1'idolatrie. Julien Pavoit relevée de fes ruines : le regne de Jovien avoit été trop court pour 1'abattre de nouveau. Ainfi le paganifme, encore enivré du fang des martyrs qu'il avoit fait couler pendant le regne de Julien, avoit repris aflez de forces pour ne pouvoir être terraffé fans de violents combats. Valentinien, qui vouloit maintenir la paix dans fes Etats, déclara dès les premiers jours de fon regne, qu'il permettoit k fes fujets de fuivre la Religion que chacun d'eux avoit embraffée. Les loix qui accordoient cette liberté ne font pas venues jufqu'a nous , mais elles font clairement rappellées dans une de celles qui nous reftent de ce Prince, & atteftées également par les Auteurs Chrétiens & Payens de ce temps-la. Cette tolérance n'étoit pas feinte & fimulée comme celle de Julien. Valentinien conferva aux Prêtres Payens leurs anciens privileges; il défendit de leur fufciter aucun trouble; il promit même -des titres hoB vj Valentinien. Valens. Ann. 364. I. leg. 60, 75. I. 13. tit. 3.%.7,8. /. 16. tit. i.leg. 1.  Valentinien.Valens. Ann. 364. 36 HlSTOltXË norables a ceux de leur ordre, qtri fe feroient acquittés de leurs fonctions avec fageffe. II laitïa fubfifter les droits des veftales,. & 1'autel de la Vi&oire. II roléra les divinations qui fe pratiquoient fans maléfice. II avoit d'abord défendu les facrifkes. no&urnes que Julien avoit rétablis ; mais Prétextat, Proconful d'Acha'ie, lui ayant repréfenté qu'il alloit jetter les Hellenes dans le dernier défefpoir, s'il leur ötoit la liberté de célébrer leurs myfteres, 1'Empereur voulut bien fe relacher fur ce point,. a condition que, dans ces cérémonies,, en n'ajouteroit rien aux anciens ufages. Cependant, Libanius nous apprend que ce Prince, fur la fin de fon regne, défendit d'immoler des animaux, & qull ne permit que d'offrir de Pencens. Les faveurs dont Julien avoit comblé les philofophes ^ avoient mis cette profefïion fort a la mode 1 toutes les villes, tous les villages en avoient vu naitre des effaims nombreux, qui s'étoient répandus dans tout 1'Empire, & qui avoient infeöé la Cour. Le nouvel Empereur leur donna ordre de retourner  Valentinien.Valens. Ann. 364. XXI. Conduite de Valentinien a 1'égard des héré- tiques. Soc. I.4. f. 1, 28. 5o?. /. 6. «• 7. Hifl. mifc. I. 12. Theoph, p, 46. Ambr, ep. IJ. Cod. Th. 1. 16. tit. 5. leg. 3. tit. i>. leg. 1. Ti//, ralent, art. /. J- I'S- 5 9. C £- #i God. C "7. 13. , 1 o. leg. 4 , . 6 , & ibi i God. 1 l. ij. tit. 7-l'g.',ï, , 4,8,9,6- \ ibi God. j/. 16. tit. 1. leg. 17, 18,20,21, n 22, ération pour la fête de Paques, qu'il ïonoroit comme la fête de la déli'rance du genre humain, il ordonna [ue dans ce faint jour, on donneroit Ia iberté aux prifonniers ; il en excepta es criminels dont 1'impunité feroit •ernicieufe a la fociété; les facrile;es,lesmagiciens,lesempoifonneurs,es adulteres, les ravifTeurs, les honiiides, & les coupables du crime de efe-Majefté. Conftantin n'avoit pu bolir dans la ville de Rome les fpecacles des gladiateurs, Valentinien dcendit de condamner a ces combats ruels les Chrétiens convaincus de uelque crime que ce füt. Les a&eurs e théatre étoient alors de condition ervile, il ne leur étoit pas libre de enoncer a leur profeffion : 1'Empeeur ordonne dans fes loix , que les x>médiens qui, étant en péril de mort, ecevront le Baptême & 1 Euchariftie, e pourront être forcés a monter de ouveau fur le théatre, s'ils revienent en fanté : mais il veut qu'on exaline avec attention 1'état de leur madie , qu'on en informe les Magif-  du Bas-Empire. Liv. XVI. 41 trats chargés du fbin des fpeftacles, & qu'on ne leur adminiftre les Sacrements avec la permiffion des Evêques, que dans le cas ou le danger de mort feroit évident. Ces précautions qui rendoient l'entrée de 1'Eglife plus difficile auxComédiens,font blamées par de graves Auteurs; d'autres les juftifient par les profanations ordinaires alors aux gens de théatre, qui ne demandoient fouvent les Sacrements que pour fe délivrer de leur fervitude , & qui retournoient enfuite a 1'idolatrie. Les filles des Comédiennes étoient affiijetties a la profefïion de leurs meres; le Prince ne permit d'y contraindre que celles qui fe défhonoroient par la débauche. Gratiën & Valentinien II fuivirent 1'efprit de cette loi; ils affranchirent du théatre les Comédiennes qui embrafferoient le Chriftianifme, pourvu qu'elles menaffent une vie réguliere. Valentinien voulut que les amendes qui feroient exigées dans les caufes eccléfiaftiques, fulTentuniquement appliquées au foulagement des pauvres. II témoigna toujours beaucoup de refpeét pour les Evêques; il s'abftenoit de leur rieo Valentinien.Valens. Ann, 364, %  VALENTINIEN. Valens. Ann. 364. i 1 ( ] 42 U/ST01&E prefcrire, ni de rien innover dans les regies de 1'Eglife, lors même que ces regies fembloient pouvoir être changées avec avantage, perfuadé que cette réforme excédoit fon pouvoir. Par des loix qui ne fe font pas confervées jufqu'è. nous , il avoit ordonné que dans les caufes qui concernoient la foi ou 1'ordre de TEglife, les Evêques ne fuflent jugés que par des Evêques. II rendit aux Eccléfiaftiques & aux Moines tous les privileges dont le Paganifme, rétabli par Julien , les avoit dépouillés ; mais il leur interdifoit en même-temps toute liberté fcandaleufe, tout manege d'intérêt : il leur défendit, fous peine de banniffement, de fréquenter les maifons des veuves & des orphelines. II déclara nulles & dévolues au fïfc les donations qu'une femme leur feroit de fon vivant ou par teftament, & il profcrivit ces fraudes pieufes qui fe cachent fous le fldéi-comTiis. Dans les mêmes vues que Conf:antin, il ne permit d'admettre k la :léricature ni les riches particuliers jui devoient porter les charges pu)liques, ni les décurions, a moins  du Bas-EmpIRE. Lh. XVI. 43 qa'iis ne fnTent ceflion de leurs biens, foit k Pordre municipal, foit a quelque parent qui fe chargeroit de leurs fondtions. Ces dernieres loix font cenfurées comme peu favorables k la Religion; mais il ne feroit pas difficile de montrer que Phonneur & la forcede 1'Eglife ne confiftent pas dans 1'opulence perfonnelle de fes Miniftres; au-lieu que 1'ordre politique, par un efFet de la foibleffe inféparable des chofes temporelies, a befoin de richeffes pour fe foutenir. II y avoit dès-lors plufieurs monafteres de filles. Cette pieufe inftitution, nee d'abord en Egypte, avoit depuis environ trente ans paffé en Italië & en Gaule. Valentinien étoit chafte ; ce fut pour honorer cette vertu qu'il exempta de taille les biens des vierges confacrées k Dieu. II étendit cetts exemption fur les veuves qui ne paffoient pas k de fecondes noces, & fur les enfants des deux fexes tan1 qu'ils étoient en puiffance de tuteurs. Valens étoit encore dans les merries fentiments que fon frere; mais il n'avoit ni le même difcernement. Valentinien. Valens. Ann. 564. XXIII. Valens k C. P.  Valentinien. Valens. Ann. 364, Tkeod. I. 4- c I1. Them. or. 6. TUI. VaIcnt. nat. 20. j 44 His t 0 1 r e ' ni Ia même fermere. Déja trop chargé du poids de 1'Empire, il voulut dans la fuite fe rendre arbitre de la Religion; & tandis que 1'Eglife jouiffoit en Occident d'un repos tranquille, elle fut expofée en Oriënt aux plus violentes agitations. Dès que ce Prince fut arrivé k Conftantinople, j,.fe fre°dlt au Sénat> oü paroilToit deja la ftatue de fon pere Gratiën, érigée a la première nouvelle de 1'éleftion de Valentinien. II y prononca un difcours, dont Thémiftius fait un grand éloge; je ne crois pas cependant qu'on en puifte rien conclure en faveur de 1'éloquence de Valens. Mais ce fophifte en cite deux belles maximes qui méritent d'être recueilHes : la première, c'eft qu'il eft keumix pour desfujets d'avoir des Princes qui ayent été nourris loin des délices & de la mollefe, loin de laféduclion des flaneurs , dans les travaux, dans les ülarmes, dans les incommodités de la ne. La feconde, c'eft qxïuv Etat e(l vlus enpéril, quand Heften proie aux ielateurs, que lorfqu'il eft attaqué par 'es barbares; comme les maladies interns font plus dangereufes que celles qui  nu Bas-Empire. Liv. XFI. 45 font produites par des caufes étrangeres. Thémiftius répondit a ce difcours par un de ces panégyriques, dont la matiere eft roujours plus riche & plus féconde au commencement du regne d'un Prince médiocre, qu'elle ne 1'eft a la fin de fa vie. II y releve avec tout Pappareil de fon art la concorde qui régnoit entre les deux freres. Ils prirent, felon la coutume, le conïiilat pour 1'année fuivante 365. En cette occafion , tous les deux de concert, défendirent a ceux qui portoient cette nouvelle dans les Provinces, d'exiger aucun préfent des habitants, & aux Gouverneurs de fouffrir ces exadtions illicites. Ils permirent cependant aux perfonnes riches de faire quelque libéralité k ces envoyés. Cette exception rendit la défenfe inurile, comme on le voit par les loix fuivantes ; paree qu'il eft plus fur & plus facile d'enchainer la cupidité, que de la contenir dans de juftes bornes. Julien, meilleur politique , avoit abfolument profcrit ces rapines déguifées fous le titre de gratifications. Les deux Empereurs s'accorderent Valentinien.Valeis. Ann. 364.  Valentinien.Valens. Ann. 365, XXIV. Etabliffe- ment des défen- feurs. Cod. Th. I. 8. tit. IJ. leg. Vim, (? ibi God, C.J.l, U uit. JJ. / 46 fllSTOIRE encore a faire chaciïn dans leur Empire un établiffement très-avantageux a ces citoyens, qui , dépourvus de crédit 6c de richeffes, n'ont d'autre appui que la jufiice des fupérieurs; foible reffource que la corruption, la négligence ou la crainte rendent trop fouvent inutile. Ils inftituerent dans chaque ville des Défmfeurs. Ce n'étoit pas une magiftrature , mais une fonöion autorifée, telle a-peuprès qu'avoit été pour la ville de Rome celle des Tribuns dans leur première inftitution. Ils étoient tirés de Pordre des bourgeois notables, qui n'étoient ni décurions, ni officiers desMagiflrats. Les Evêques, les Clercs, les polTefTeurs des fonds, Pordre rnunicipal concouroient k leur éleftion, qui devoit être confirmée par les Préfets du Prétoire. lis étoient élus pour cinq ans, & ne pouvoient ni fe difpenfer de eet emploi, ni le quitter avant ce terme, fans une permiflïon de l'Empereur. C'étoient les protecfeurs de ceux qui n'en avoient point: ils décidoient comme arbitres des contefiations peu importantes , &c déféroient les autres aux Juges or-  nu Bas-Empire. Liv. XVI. 47 dinaires. II étoit de leur devoir de s'oppofer aux violences, aux taxations injuftes , k Pinfolence & aux concuffions des Officiers fubalternes, a Piniquité des Magiftrats, auxquels il fut ordonné de leur donner en tout temps unlibre accès. Ilsdevoient auffi maintenir la difcipline, faire arrêter les coupables, & les mettre entre les mains des juges, s'oppofer a 1'impunité, & combattre la faveur qui multiplie les crimes en protégeant les criminels. Mais leur pouvoir n'étoit point armé de la force coaétive, il fe bornoit aux follicitations , aux remontrances, aux oppofitions juridiques; & fi 1'on n'y avoit point d'égard, ils devoient porter leurs plaintes aux tribunaux fupérieurs. Cet établifTement civil fut bientöt adopté dans la police eccléliaftique; les Eglifes choifirent auffi des défenfeurs, c'eft-a-dire, des laïcs chargés de foutenir leurs intéréts devant les tribunaux féculiers. Jamais les tremblements de terre ne furent auffi fréquents que dans ce fiecle. II en arriva un cette année , fi femblable k celui dont nous avons Valentinien. Valens. Ann. 3 6 y«. XXV. Trcmble» ment de terre. Amm. I,  Valentinien.Valens. Ann. 365. a6, c. 10. Jdace. Chr. Alex. Soc. I. 4. c. 3. Bier. Chr. & vit. Hi- lar. & in lf.c. 15. Cellar. geog. I. 3. c. 4. ar/. : i i 1 1 1 48 HlSTOIRE parlé fur Tan 362, qu'Ammien Marcellin les a confonclus. Le 21 de Juillet, ce terrible fléau fut annoncé par des éclairs redoublés qui parurent au lever du foleil. La terre fut agitée par de violentes fecouffes dans toute 1'étendue de 1'Empire. La mer fur plufieurs cötes recula a une grande diftance, & découvrit des montagnes & des vallées cachées jufqu'alors au fond de fes abymes. Revenant enfuite avec fureur, elle inonda fes rivages, renverfa quantité d'édifices dans les villes voifines, fubmergea des milliers d'hommes & de beftiaux , 5c porta des vaifl'eaux bien loin dans les terres. Ammien Marcellin rapporte qu'en pafTant plufieurs années après ?ar le territoire de Méthone, aujouri'hui Modon dans la Morée, il y vit a carcaffe d'un navire, que la vioence des eaux avoit ponfTé a deux nilles du rivage. La Sicile fouffrit )eaucoup de cetremblement.En Ara>ie , les murs d'Aréopolis, nommé lans 1'Ecriture-Sainte, Ar & Rabbathnoab, autrefois capitale du Pays des kloabites, tomberent en une nuit. Valentinien; ayant paffe un an en Italië ,  nu Bas-Empire. Liv, XVf. 49 ïtalie, partit pour la Gaule dans le mois d'Oótobre , & arriva a Paris au commencement de Novembre. Pendant qu'il étoit encore en chemin, il recut en un même jour la nouvelle d'une incurfion des Aliemands dans la Gaule, & de la révolte de Procope en Oriënt. Les Aliemands avoient envoyé des députés a la Cour; mais au-lieu des préfents réglés depuis long-temps par 1'ufage, on ne leur avoit donné que des chofes de peu de valeur; & fur le refus qu'ils avoient fait de les accepter, Urface, Maitre des offices, naturellement emporté & brutal, les avoit traités avec beaucoup de hauteur & de dureté, Toute la nation fe croyant outragée en leur perfonne, prit les armes,& envoya des partis au-dela du Rhin Mais fur la nouvelle que Dagalaïphc venoit les chercher, ils prévinreni fe rencontre, & fe retirerent. L'Empereur qui s'étoit avancé jufqu'a Rheims. revint a Paris, oii il paffa 1'hyver è prendre des mefures pour la défenfi; de la Province. 11 raffembla des trou pes, il mit de fortes garnifons dans les places fituées fur le Rhin. Ce ful Tomé IV, C Valentinien.Valens. Ann. 36;» XXVI. Valentinien en Gaule. Amm. I. 26. c. 5. Zof. I. 4. Sext. Rufus. God. ai Cod. Th. t. 2. p. 283. Mém. Acad. t. 8, p. 4°3'  Valentinien.Valens. Ann. 36J. 1 j 5© H I S T 9 ƒ R E peut-être dès cette année que ce Prince fit une nouvelle divifion de la Gaule. Augufte Pavoit partagée en fix Provinces : Dioclétien, pour diminuer la puiffance des Gouverneurs en refferrant les hornes de leur jurifdiftion , y avoit établi douze départements. Valentinien en fit quatorze ; il détacha de laViennoife les Alpes maritimes , & partagea 1'Aquitaine en deux parties. Quelques années après, ce même Empereur, 011 Gratiën fon fils, ayant encore démembré quelques-unes de ces Provinces, en forma dix-fept dans le Diocefe ou Vicariat de la Gaule : c'étoient les quatre Eyonnoifes, les deux Belgiques, les deux Germanies, la Séquanjque, les Alpes Grecq ues & Penomes, la Viennoife, les deux Aquiraines, la Novempopulanie, les deux Narbonnoifes & les Alpes maritimes. C'eft cette divifion que 1'Eglife a fui/ie pour 1'ordinaire dans 1'établiffenent des métropoles. Tel fut le derïier état de la Gaule jufqu'au temps >ü les Francs , les Goths & les Bour;uignons envahirent ces belles Provinces.  nu Bas-Empire. Liv. XVI. 51 Pendant que Valentinien fortifioit fes frontieres, Valens fut fur le point de fe voir arracher le diadême dont fon frere 1'avoit honoré. Je vais raconter fans interruption toute la fuite de eet événement, oü 1'imprudence de 1'ufurpateur, & la trahifon de fes Capitaines fervirent Valens beaucoup mieux que fon prepre courage. La paix de trente ans conclue par Jovien ne rafTuroif pas 1'Empire contre les entreprifes de Sapor. On craignoit que ce Prince guerrier & ambitieux ne fut moins difpofé a tenir fa parole, qu'a profiter de 1'acquifition de Nilibe, qui lui ouvroit une libre entree en Méïbpotamie. En efFet, les Perfes faifoient déja des mouvements. Pour les obferver de plus prés, Valens partit de Conftantinople, & prit le chemin de Syrië. En traverfant la Bithynie, il apprit que les Goths, tranquilles depuis le regne de Conftantin, & devenus, k la faveur d'une longue paix, des ennemisplus redoutables, réuniffoient toutes leurs forcesa deffein de pénétrer dans la Thrace. II fe contenta de faire marcher vers la frontiere un nombre fuffifant C ii VAtENTINIEN. Valens. Ann. 365. XXVII. Valens apprend la revolre de Procope. Amm. /. 26. c. 6,7. Zof. I. 4.  Valentinien. Valens. Ann. 365. XXVIII. Aventures de Procope, Amm. I, 26. c. 6. Zof. I. A, Themift, »r. 7. Philofl. !. r>. c. 5. { 1 ( 3 i ?! II I S T 0 I R E de troupes, & continua fa route. II étoit a Céfarée en Cappadoce, oü il attendoit la fin des chaleurs pour entrer en Cilicie , lorfque Sophronius, un de fes Secretaires, qui s'étoit échappé de Conftantinople, vint lui annoncer que Procope avoit pris le titre d'Augufte, & qu'il étoit maitre de la capitale de PÈmpire. Procope , né & élevé en Cilicie , étoit parent de Bafiline, mere de Julien. Une alliance fi illuftre jetta de i'éclat fur fa perfonne dès fes premières années; & fon intelligence dans les maneges de Cour le fit parvenir auprès de Conftance a la dignité de Secretaire du Prince & de Tribun. II étoit aflez bien fait, d'une taille avantagïufe , mais un peu courbé, toujours les yeux baiffés vers la 'erre. II n'y avoit point de grade auquel il ne put afpirer, lorfque Confance mourut. Cet événement, loin le renverfer fa fortune, éleva enco•e plus haat fes efpérances. Julien lui lonna le titre de Comte. La réguarité de fes mceurs le faifoit eftimer; nais fon humeur fombre & taciturne nfpiroit de la défiance. Cependant  du Bas-Empire. Lï9. Xyi. 53 Julien fe fentoit trop de fupériorité fur lui pour le craindre : il le lailTa en Méfopotamie a la tête d'un corps de troupes confidérable. On difoit même, comme nous 1'avons déja raconté, qu'il lui avoit donné ordre de prendre la pourpre, s'il apprenoit que 1'Empereur füt mort dans la guerre de Perfe. En effet, fa conduite k i'égard de Julien qu'il ne fecourut pas, peut faire penfer qu'il avoit quelque intérêt a le laiffer périr. Si le'fait eft véritable, fa criminelle politique fut trompée. Jovien ne fut pas plutöt monté fur le tröne que Procope fongea a fe mettre k couvert de fes foupeons. II s'étoit répandu un faux bruit, que Julien en mourant avoit défigné Procope pour fon fucceffeur. II n'en falloit pas tant pour allarmer le nouve u Prince qui venoit de faire périr un des plus braves Officiers, par ce que dans l'éle&ion il avoit ëu quelques voix en fa faveur. Procope prit donc occafion des funérailles de Julien , dont il fut chargé, pour s'éloigner de la cour & fe tenir caché, en attendant des temps plus favoraMes. II fe retira d'abord avec fa femC iij Valentinien.Valens. kan. 365.  Vaien- tinien. Valens. Ann. 365, 54 UlSTOJRE me & fes enfants dans une terre qu'il poffédoit prés de Céfarée en Cappadóce. Jovien, a qui fa fuite le rendoit plus fufpeft, en fut bientötaverti; il envoya des foldats pour le prendre & le ramener. Le fugitif fe mit lui-même entre leurs mains; & proteftant qu'il étoit prêt a les fuivre, il obtint la permifïïon de faire fes adieux k fa femme & k fes enfants. II fit en même-temps fervir aux foldats un grand repas ; & profitant de leur ivreffe, il gagna le Pont-Euxin avec fa familie, & paffa dans la Tauride. II ne fut pas long-temps k s'appercevoir qu'il avoit affaire a des barbares perfides, qui ne manqueroient pas de le trahir k la première occaiion. II prit donc le parti de repaffer avec les fiens dans 1'Afie Mineure. La, changeant tous les jours de retraite, évitant la rencontre des hommes, caché dans les forêts, dans les cavernes, dans les rochers les plus inacceffibles, il vécut quelque temps d'herbes & de fruits fauvages. Enfin, preffé de la faim, & réduit k la plus affreufe mifere , il fe détermina a fe rapprocher de Chalcédoine par des fentiers  du Bas-Empïre. Liv. XVI. 55 écartés. II n?avoit de rcflburce que dans Ja fidélité d'un aini qui vivoit a la campagne fur le tcrritoire de cette ville. Cet ami, nomnie Stratege, étoit un ancien Officier du palais, qui s'étoit retiré avec le titre de Sénateur. Le malheureux profcrit lui confia fa vie & fa familie. II fe tint auffi quelque temps caché dans une terre de Phérétique Eunomius, qui étant alors abfent, prétendit dans la fuite n'en avoir eu aucune connoiffance. De cette retraite il paffoit fouvent a Conftantinople, oü fa maigreur extreme, & fon extérieur déplorable le déguifoient affez pour empêcher qu'il ne füt reconnu. II y recueilloit avec unejoie fecreteles murmures du peuple qui déteftoit le Gouvernement. Valens fe rendoit plus odieux par les vices de Pétrone fon beau-pere que par les fiens propres. De fimple commandant d'une cohorte, Petrone étoit tout-a-coup parvenu au rang de Patrice, la première dignité de 1'Empire après le Souverain. C'étoit un homme auffi mal fait d'efprit que de corps, fans honneur, fans pitié, C iy Vat rxTivirx. VAtsvs. Ann. ;C:;. XXIX. Méchanceté de Pétrone , beau-peie de Valens Amm. ibid. Cod. Th. I. Q,tit.34, H- 7, 8.  Valentinien. Vaiens. Ann. 36J. 1 56 HlSTOIRE fans humanité. Le rang que tenok Albia Dominica fa fille, lui perfuadoit qu'il étoit au-deflus même de PEmpereur, dont il traitoit les fujefs comme fes efclaves. Pour affouvir fon infatiable avarice, il recherchoit les dettes du fïfc depuis le regne d'Aurélien, faifant valoir des titres furannés & profcrits : également incapable d'écouter & de rendre des raifons, i! inventoit de nouvelles tortures ; il arrachoit aux miférables ce qu'ils ne devoient pas; il fe repaiffoit de leurs larmes; on le vit plufieurs fois pleurer lui-même de dépit, paree qu'il étoit forcé de renvoyer quelqu'un abfous fans 1'avoir dépouillé. On le comparoit aux Séjans, aux Cléandres, aux Plautiens, & a tous ces Miniftres déteftés, que la poftérité compte au nombre des crimes de leurs maitres. On fouffroit de grands maux, on en attendoit encore de plus jrands : les nobles étoient ruinés; e peuple &c les foldats écrafés; tous ^émiffoient de concert; & pénétrés 1'une douleur d'autantplus vive qu'ele étoit plus contrainte, tous adrefoient en fecret des voeux au Ciel pour  du Bas-Empire. Llv. XVI. 57 être délivrés par quelque heureufe révolution d'un Gouvernement fi tyrannique. Les écrits outrageants qu'une vengeance impuiffante répandoit fous main contre 1'Empereur & fon beaupere, porterent alors Valens a rendre un édit rigoureux contre les libelles diffamatoires : il condamnoit a mort, non - feulement les auteurs, mais encore ceux qui oferoient publier de pareils écrits, ou même les garder. La difpofition des efprits fit concevoir a Procope un delfein fupérieur k fon génie encore plus qu'a fa fortune. II crut que le défefpoir général lui rendroit facile k exécuter ce que le fien lui fuggéroit. N'ayant k rifquer qu'une vie plus déplorable que la mort, il réfolut de périr, ou de fe rendre maitre de fÈmpire. II fe découvrit d'abord a un eunuque de la Cour,nommé Eugene, difgracié depuis peu , & très-capable par fon reffentiment & par fes richetTes de le feconder avec zele & avec fuccès. Eugene lui promit de facrifler tout pour une fi noble entreprife. On yoyoit alors tous les jours paffer par C v Valentinien.Valens. Aan. 36J. XXX. Inrrigues de Procope. Amm. iiïti. Zof. I. 4.  Valentinien. Valens. Ann. 365. XXXI. Procope prend le litre d'Empereur. Amm. ibid. Themifi. er. 7. 2oAl'4, Hier. Chr. ldace. Soc. I. 4, t. 3. TUI. Valens, not. 1. 53 HlSTOlRE Conftantinople des troupes qui filoienr vers 1'intérieur de la Thrace, pour garnir les bords du Danube. Deux cohortes venoient d'arriver, & devoient féiourner dans la ville pendant deux jours. Procope, qui connoifToit plufieurs de leurs Officiers, les gagna par fes promeltes; ils s'obligerent par ferment a le fervir. La révolution fut rapide. Dès la nuit fuivante, fes partifans vont faifir \es Magiftrats dans leurs lits; ils trainent les uns dans les prifons; ils font aux autres une prifon de leur maifon même. Au point du jour, le vingt-huitieme de Septembre, Procope fe rend aux bains dAnaftafie, oü les deux cohortes"étoient logées. Cétoit un vafie édifice qui avoit pris le nom d'une foeur de Conftantin. Les conjurés,qui, pendant la nuit, avoient engagé dans leur complot leurs camarades & les foldats, le recoiventavec joie au milieu deux, & forment fa garde. Comme on ne trouvoit pas de quoi lui faire les ornements impériaux , on 1'habilla de plufieurs pieces qui lui donnoient 1'air d'un Empereur de théatre. En eet état, on 1'é-  Valentinien. Valens. Ann. 36$. I ('O H j S T O 1 R E de Ia nouveauté, rendoit agréable a la plupart cette révolution fubite. Les efclaves, la vile populace, les bas officiers du palais, les vieux foldats qui avoient obtenu leur congé, fe joignent de gré aux rebelles, ou font entrainés par force. Les habitants d'une condition plus honnête & d'un efprit plus fenfé, s'échappent de la ville, paffent le Bofphore, & vont avec emprefTement fe rendre au camp de Valens. Procope a cheval traverfoit la foule, affeöant un air affable & un fourire populaire a travers lequel on démêloit aifément fes craintes. Etant arrivé prés de la falie du Sénat, il monta fur le tribunal; & comme 1'affemblée nombreufe dont il étoit environné, au-lieu des acclamations ordinaires, demeuroit dans un morne filence, il fe crut au dernier moment ie fa vie, un tremblement univerfel e faifit, & il refta long-temps de )out fans pouvoir proférer une paole. Enfin, faifant un efFort, il comnenca d'une voix foible & entrecou>ée a parler de fon alliance avec la amille des derniers Empereurs. Ses lartifans le tirerent d'embarras en 1'in-  hu Bas-Empire. Liv. XVI. 61 terrompant par un murmure flatteur, fliivi auffi-töt des acclamations confufes du peuple qui le proclama Empereur. Plus heureux qu'il n'avoit efpéré, il entre dans le Sénat,oün'ayant trouvé aucun Sénateur, mais une poignée de gens fans aveu, il va en diligence prendre poffeflion du palais impérial. II attire le peuple par toutes les amorces que les tyrans ne manquent pas de préfenter d'abord pour gagner les efprits : il promet d'abondantes largefïes & la réduófion des impöts. II fait ouvrir le tréfor public, les magafins , les arfenaux; il commence lui-même le pillage, & abandonne le refte k 1'avidité du peuple. Pour animer la confiance des habitants par une vaine apparence de fuccès, il faifoit fecretement partir de Conftantinople des couriers, qui rentrant bientöt après couverts de fueur & de poufliere, feignoient d'apporter des nouvelles de 1'Orient, de l'Illyrie, de 1'Italie, de la Gaule. Ils débitoient hardiment que Valentinien étoit mort, que tout plioit au nom du nouveau Prince; &, ce qu'on au- Valentinien.Valeks. Ann. 365. XXXIII. Artifices de Procope. Amm. 1. 26. e. 7. Themifi. or. 7' Zof. lt 4.  Valentinien. Valens. Ann. 365. XXXIV. II donne les charges a fes partifans. 2 H I S T O I R .E rok peine a croire, fi la chofe n'étoit atteftée par un Auteur contemporain , Procope fe faifoit préfenter publiquement des Députés fuppofés de la Syrië, de 1'Egypte, de 1'Afrique, de lEfpagne, qui venoient lui ofFrir les hommages de ces Provinces éloignées, comme fi, par enchantement, ils euffent été tout-a-coup tranfportés des extrémités de 1'Empire. II falloit paroitre dupe d'un artifice fi groffier, pour éviter d'être mis aux fers, & jetté dans les prifons. Tout étoit plein d'émiffaires & de délateurs qui obfervoient 1'air du vifage, les paroles, le filence même. • 11 deffitua les Magiftrats établis par 1'Empereur, & mit en leur place fes créatures. Sallufte fecond avoit enfin obtenu la permifïïon de quitter la préfeöure du Prétoire. Nébride, qui lui avoit fuccédé, & Céfaire, Préfet de Conftantinople, furent enfermés dans des prifons féparées, afin qu'ils ne puffent avoir enfemble aucune comtnunication. Le tyran les forca d'é:rire dans les Provinces tout ce qu'il vonlut. II conféra la charge de Préfet le la ville k Phroneme, & celle de  nu Bas-Empire. Liv. XFI. '63 Maïtre des offices a Euphrafe, tous " deux Gaulois , tous deux fort verfés dans 1'étude des lettres; mais la 1 faveur du tyran fait peu d'honneur ' k leur probité. Gumoaire & Agilon furent rappellés au fervice qu'ils avoientquitté, & chargés du commanment des troupes. Araxé, beau-pere d'Agilon, obtint par fes baffes fiatteries & par le crédit de fon gendre, la dignité de Préfet du prétoire.Quantité d'autres acheterent k prix d'argentles offices du palais & les Gouvernements des Provinces; quelquesuns en furent pourvus malgré eux: c'étoit dans toutes les fortunes un bouleverfement général : on voyoit des hommes de néant s'élever de la pouffiere, & des perfonnes de la plus haute naiffance tomber dans les dernieres difgraces. Le Comte Jule étoit a la tête des armées de Thrace : Procope n'efpéroit pas de gagner un Officier fi brave & ft fidele ; il craignoit bien plutöt qu'a la première nouvelle du foulevement, il ne vïnt rompre fes mefures. L'ufurpateur 1'ayant attiré k Conftantinople par une lettre qu'il contraignit Nébride de lui écrire Valen- riNIEN. /alens. k.nn. 565.  Va len- tjnien. Valens. Ann. 365. XXXV. II fe prépare a la guerre. 1 I i 1 64 HlSTOIRE comme de la par.t de Valens, s'affura de fa perfonne. Cette fourberie le rendit fans coup férir maitre de toute la Thrace, dont il tira fes principales forces. II fit répandre de grandes fommes d'argent parmi les troupes, qui fe rendoient de toutes parts dans cette Province pour gagner les bords du Danube: ck les ayant reünies en un corps,& enivréesde magnifiquespromelTes, il leur fit prêter ferment en fon nom avec d'horribles imprécations. Afin de les attacher davantage a fa perfonne, il avoit pris le nom de Conftantin; & portant entre fes bras la fille de Conftance, agée de trois ans, il leur préfentoit, les Iarmes aux yeux, ce dernier rejetton d'u1e familie qu'ils avoient refpedfée : il eur répétoit fans ceffe qu'il étoit pa•ent & héritier de Julien : il leur monroit une partie des ornements de la lignité impériale, que Fauftine , veu^e de Conftance, lui avoit remife. lomme il étoit important pour lui le s'emparer de 1'Illyrie , paree qu'il nterrompoit par ce moyen la comnunication entre les deux Empires,  vu Bas-Empire. Liv. XVI. 65 & qu'il mettoit une barrière entre lui & Valentinien, il envoya a eet effet les plus affeftionnés de fes partifans , chargés de préfents, & furtout de pieces d'or frappées au coin du nouvel Empereur : mais ces émiffaires ne purent échapper aux recherches d'Equitius, qui commandoit les troupes d'Illyrie. Celui-ci les fit arrêter & mettre a mort; & pour prévenir les entreprifes que le rebelle pourroit former fur fa Province, il ferma trois pafTages qui y donnoient entrée; 1'un, par la Dace voifine du Danube; 1'autre, par le pas de Swcques; le troifieme, par un défilé nommé Acontifma, fur la frontiere de la Thrace ckde la Macédoine, vis-a-vis de 1'iile de Thafe. Equitius, qui n'avoit encore que la qualité de Comte, mais qui eut bientöt après celle de Maitre de la milice , défoloit 1'Illyrie par des rapines & des exaftions; mais il ne manquoit, ni de vigilance, ni d'activité pour la défendre. Dès le commencement des troubles, il en avoit été informé par le Tribun Antoine qui commandoit dans la Dace; &C quoique eet avis Valentinien.1/alens. \nn. 365. XXXVI. Valentinien apprend la révolte. Amm. t. a6. c. 5. Zof. I. 4- Hier. Chr. inan. 373.  Valentinien. Valens. Ann. 365. 1 1 j I I i < 1 £ F t 66 Hl S T O I R E fut aflez vague & fans aucun détail, il avoit cru devoir fur le champ le raire paffer k Valentinien. Ce Prince ne fachant d'abord fi fon frere viyoit encore, ou fi Procope lui avoit ote la vie avec le diadême , étoit fort embarraffé fur le parti qu'il devoit prendre. Son premier delTein fut de retourner en Illyrie. L'exemple récent de Julien lui faifoit craindre que la rebelhon ne fe communiqué bientot dans toute 1'étendue de 1'Empi- " re : mais comme il recevoit en-mêmetemps la nouvelle d'une incurfion des Aliemands , fes premiers Officiers retenoient fon ardeur; ils lui confeil'Oient de ne pas laiffer la Gaule exJofee aux plus funeftes ravages. Les ieputes des principales villes de cette mportante Province appuyoient ces :on(eils des plus vives inftances; ils ^/■fPIefentoient leurs allarmes, leur oibleffe ; que fon nom feul ferviroit te defenfe k leur patrie, & jetteroit 1 terreur parmi les barbares. Inftruit e letat de fon frere par des avis ofteneurs, il fe rendit enfin , & coninua fa route vers Paris, en difant ue Procope n'étoit que fon ennemi  du Bas-Empire. Liv. XVI. 67 & celui de Valens; mais que les AlIemands étoient les ennemis de 1'Empire. II s'en tint k cette idéé; & lorfque dans la fuite fon frere Peut averti des progrès de Procope, il lui laiffa le foin de fe défendre. il fe contenta de prendre des précautions pour mettrea couvert 1'Empire d'Occident. Craignant que Procope ne format quelque projet fur 1'Afrique , il y envoya Néothérius, un de fes Secretaires ; Mafaucion, Officier de fes Gardes , inftruit de 1'état du pays oü il avoit été élevé par le Comte Crétion fon pere, & un de fes Ecuyers nommé Gaudence, dont il connoiffoit depuis long-temps la fidélité. Valens étoit fur le point de fortir de Céfarée pour entrer en Cilicie, lorfqu'il apprit la révolte de Procope. II retourna auffi - tot en Galatie, A mefure qu'il avancoit, les progrès du tyran faifoient croitre fes aliarmes, A la nouvelle de ce qui s'étoit paffe k Conftantinople, eet efprit timide tomba dans le même abattement oü la révolte de Scribonien avoit autrefois plongé PEmpereur Claude : il ne fongeoit plus qu'a dépofer le dia- Val en- tinien. Valens. Ann. 365. XXXVII. Premiers fuccès de Procope. Amm. i. 16, c. 7. Sueton in Claud. c, 35-  Valentinien.Valens. Ann. 365. 1 1 i ( 1 < i i 1 1 1 .< I I > > > > > > 58 HlSTOIRE dême, & il eut befoin de toute la fermeté de fes Officiers pour foutenir fa foibleffe. Enfin, fur leurs remon:rances , il fe détermina a défendre "a couronne , & fit prendre les devants a deux légions renommées, rvec ordre d'attaquer Pennemi par:out oü elles le rencontreroient. A eur approche, Procope, arrivé demis peu prés de Nicée, s'avanca en 3hrygie jufques fur le bord dufleu/e Sangarius. Déja les deux corps ftoient en préfence , & les fleches :ommen9oient a voler de part &c l'autre , lorfque Procope , pouffant bn cheval entre les deux troupes, ixa fes regards fur un Officier enneni, nommé Vitalien ; & comme s'il 'eüt connu , il 1'invita en langue laine a s'approcher. L'étonnement que aufoit cette démarche imprévue, fufiendit le combat. Procope, ayant aiordé Vitalien avec politeflé :» Voila • donc, lui dit-il, a quoi fe termine 1 cette antique fidélité des armées ■ Romaines! Voila 1'effet de leurs * ferments religieux! C'eft donc pour 1 des inconnus, c'eft pour le fervice ' d'un vil Pannonien , le deftrudteur  du Bas-Empire. Liv. XVI. 69 » & le fléau de 1'Empire , que vous » tirez vos épées! Vous voulez, bra» ves foldats, au prix de votre fang » & de celui de vos freres, lui af» furer la puiffance fouveraine , k » laquelle, jufqu'au moment de fon » indigne éledtion, il n'ofa jamais af» pirer ! Déclarez-vous plutöt pour » 1'héritier de vos anciens maïtres, » k qui la juftice met les armes a la » main , non pas pour piller les Pro» vinces, mais pour rentrer dans les » droits de fa familie ". Ces paroles prononcées d'un ton pathétique éteignirent toute 1'ardeur de la troupe ennemie ; ils baiffent leurs aigles & leurs enfeignes, & fe joignent aux foldats de Procope : au cri de bataille fuccedent des acclamations de joie; tous proclament Procope Empereur, & les deux corps réunis le reconduifent au camp, en jurant au nom des Dieux que Procope fera invincible. Ce premier fuccès fut fuivi de plufieurs autres. Pendant que Procope agiffoit en Afie, le Tribun Rumitalque méditoit k Conftantinople une entreprife hardie. C'étoit un Thrace- Vaien- tinien. Valens. A.nn. 365. xxxvni Siege de Chalcédoine. Amm. !, 26. c. S , & iti Val. Soc. I. 4*. rêter a la révolution. Mais il fe bor-  nu Bas-Empire. Liv. XVI. 79 na mal-a-propos a s'affurer des villes voifines. 11 y rencontra beaucoup d'oppofition de la part du Vicaire d'Afie, nommé Cléarque. Celui-ci étoit riche , d'une familie illuftre , né dans la Tfiefprotie en Epire, payen fanatique, entêté de magie, &c adorateur de ces philofophes infenfés qui avoient féduit Julien. Auffi étoit-il ennemi de Sallufte, qu'il traitoit de vieillard imbécille, paree que Sallufte, idolatre comme lui, étoit plus fage & plus modéré. Cependant Cléarque fervit utilement Valens en traverfant par töutes fortes de moyens les deffeins de Procope. Pendant que Valens, retiré dans la ville d Ancyre, fe préparoit a terminer la guerre , il lui naquit le 18 de Janvier un fils , qu'il nomma Valentinien Galate, paree qu'il étoit né en Galatie. C'eft mal-a-propos que quelques Auteurs le font naïtre de Valentinien. Ce Prince, n'eut juiqu'en 371, aucun autre fils que Gratiën, né le 18 d'Avril en 359. Gratiën, agé de prés de fept ans , fut Conful cette année avec Dagalaïphe. Dès que la faifon permit de tenir D iv Valentinien.Valens. Ann. 36 j.. Ann. 366. XLIV. Naiffance de Valentinien Galate.Idace. Chr. Alex. Themifi. or. 9, & Hard. in notis. Soc. I. 4, c. 9. 1^. TUI. Valens, nat, 3-  Vaien- TINIEN. Vaiens. Ann. 366. XLV. Bataille de Thyatire. Amm. 1. 26 , c. 9. Zof. U 4. 80 HlSTOIRE la campagne, Valens, ayant recu les nouvelles troupes que lui amenoit Lupicin, partit d'Ancyre , & mit garnilbn dans Peffinunte, pour conferver ce pays dans 1'obéifTance. Le rebelle mettoit 1'artifïce en ufage autant que la force des armes : conduifant avec lui dans fa litiere la fille de Conftance & fa mere Fauftine, il animoit les foldats k la défenfe d'une veuve & d'une orpheline, dont il fe difoit le parent & le prote£teur. Valens, a defïein de furprendre Gumoaire cantonné dans la Lydie, prit fa route par des chemins rudes & difficiles, au pied du mont Olympe. Pour oppoier k Procope un Général rufé & artificieux, il attira a fon.fervice Arbétion, irrité du pillage de fes biens, & le mit k la tête de fes troupes. II ne fut pas long-jemps fans avoir fujet de s'en applaudir. Les deux armées fe rencontrerent prés de Thyatire en Lydie. Arbétion , par de fourdes pratiques, débaucha un grand nombre de foldats , qui fe rendirent a fon camp, & 1'inftruifirent de 1'état des ennemis. 11 corrompit Gumoaire lui-même, qui auroit pu éviter une action s  nu Bas-Empire. Lh. XVI, 81 & fe retirer fans aucunrifque. Le com- bat s'étant engagé, le jeune Hormifdas, fidele au parti qu'il avoit em- , braffé, fit des prodiges de yaleur; / & malgré la trahifon du Général, il balancoit la vicloire. Alors Arbétion quittant fon cafque & montrant fes cheveux blancs : Enfants, cria-t-il aux foldats ennemis, reconnoiffe^votre pere : vous ave^ la plupart fervifous mes ordres ; joigne^-vous d un Général de qui vous ave{ appris d vaincre, plutót que de vous perdre avec un brigand dont la mine ejl ajfurée. Vous n'ave^point d'autre Empereur que Valens. A ces paroles, on entend de toutes parts répéter dans 1'armée ennemie : Valens Empz~ reur. Prefque tous les foldats fe rangent du cöté d'Arbétion , & Gumoaire fe fit prendre lui-même 8c conduire au camp de Valens. A la nouvelle de ce fuccès inefpéré , 1'Empereur partit de Sardes pour marcher au-devant de Procope en Phrygie. 11 fe livra le 17 de Mai, prés de Nacolie, une feconde bataille. C'étoit le fort du rebelle d'être trahi par fes Généraux. Agilon, auffi perfide que Gumoaire, voyant le comD v Valek- rlNIEN. Galens. .nn. 366. XL VI. Défaite 85 mort de Procope. Idace. Amm. ibid. Zof. I. 4. Them. ot. 7- Philoft. I. 9. «• 7-  Valentinien.Valens. Ann. 566. Grcg.Nyjf. contra fatum, i ] 3 i < < f c ï a P a 82 HlSTOIRE bat engagé, court a toute bride fe jetter dans Parmée de Valens ; forj exemple entraïna des bataillons en'riers, qui baiffant leurs enfeignes, paffent leurs boucliers fous leurs bras; ce qui étoit un figne de défertion, &C fe rendent a PEmpereur. Procope abandonné prend laTuite ; il gagne les bois & les montagnes voifines, fuivi de deux de fes Officiers, Florence & Barchalba, que la néceffité plutöt que 1'inclination avoit engagés dans fon parti. Ils errerent toute la nuit, toujours dans la crainte d'être pourfuivis & reconnus k la clarté de Ia une. Enfin, Procope, abattu de.fa:igue & de douleur, defcend de che^al, & fe jetre au pied d'un rocher. A, plongé dans une trifteffe morrele , il déploroitfon infortune & laperidie de les Officiers, lorfque fes deux ompagnons , craignant de partager vee lui fes derniers malheurs, le fai.ffent, 1'attachent avec les courroies e fon cheval, & au point du jour amenent au camp, & le préfentent PEmpereur. Ce malheureux, fans roférer une parole ni lever lesyeux , :tendit le coup mortel, qui lui tran-  dü Bas-Empib.e. Liv. XVI. 85 connoiffance du complot fans en donner avis ; mais on n'épargna même ni leurs parents, ni leurs amis, quelque innocents qu'ils fuffent. On ne diffingua ni Page, ni la dignité. L'Empereur prêtoit 1'oreille avec empreffement a cette foule de fcélérats, toujours prêts a dénoncer ceux dont ils efperent les dépouilles. On épuifa la cruauté des bourreaux. Ceux que le Prince traita avec plus d'indulgence, furent profcrits, exilés :onvit des perfonnes illuftres par leur naiffance & par leurs emplois panes , réduites k vivre d'aumönes. Le fang ne celTa de couler, que quand PEmpereur & fes courtifans furent raffafiés de confifcations & de carnage, & la victoire de Valens devint une calamnité publique. D'un autre cöté, Thémiftius, dans un difcours qu'il prononca peu de temps après, fait le plus grand éloge de la clémence de Valens a Pégard des vaincus. II eft vrai qu'un panégyrifte ne mérite guere d'en êtr« cru fur fa parole, fur-tout lorfqu'il parle devant le Prince, dont la préfence anime la flatterie & déconcerte la vérité : mais avec Thémiftius s'ac- Valentinien.Valens. Ann. 366,  Valentinien.Valens. Ann. 366. XLIX. Hiftoire d'Andronic. L 'ban. vit, & er, 28. 86 II I S T 0 I R E corde Libanius dont Pautorité eft iei d'un tout autre poids, que dans les louanges qu'il prodigue a Julien. Ce fophifte ne devoit pas aimer Valens, déclaré contre fa cabale , & qu'il accufe même d'avoir cherché l'occafion de le faire périr. Cependant, ck dans 1'hiftoire qu'il a laiffée de fa propre vie , & dans deux difcours compofés après la mort de Valens, il lui rend ce témoignage , qu'il épargna les amis du tyran, & qu'il ne marqua aucun reffentiment contre la ville de Conftantinople , quoique cette ville ayant outragé le Prince par des écrits &C par des décrets injurieux, ne dut s'attendre qu'a des chatiments. II attribue même la mort de fon difciple Andronic k tout autre qu'a PEmpereur. Andronic, Gouverneur de Phénicie , s'étoit rendu recommandable par fon défintéreflement, par fa douceur , par fa juftice. Lié d'amitié avec Procope , le tyran 1'avoit appellé auprès de lui , & lui avoit confié le Gouvernement de la Bithynie, & enfuite de la Thrace. Quoiqu'il ne fe vit qu'k regret dans un parti dont il prévoyoit  du Bas-Empire. Liv. XVI. 87 la ruine prochaine, il fervit fidélement Procope; & dans fon défaftre , il crut indigne de lui de trahir un ami malheureux. II ne voulut pas même fe fouftraire par la fuite a la vengeance du vainqueur qui auroit été, dit Libanius , afiez généreux pour lui 'pardonner, fi le courtifan Hiérius, animé cont-re Andronic par une ancienne inimitié , n'eüt follicité fon fupplice. Ce qui peut encore beaucoup adoucir les couleurs dont Ammien Marcellin s'eft étudié a peindre en général les cruautés de Valens , c'eft que eet Hiftorien, amateur des détails, ne déiigne en particulier aucun de ceux qui furent les vicfimes de cette prétendue inhumanité. II ne cite que trois rebelles qui étoient en efFet les plus coupables; mais ces trois exemples prouvent plutöt la clémence que la cruauté de Valens. Araxe , Préfet du prétoire, obtint grace de la vie a la priere de fon gendre Agilon; il fut feulement relégué dans une ifle, d'oü il revint même bientöt après. Valens envoya a Valentinien , Euphrafe, Maitre des offices, &Phrone- Valen- timen. Valens. Ann. 366. L. Conduite de Valens a 1'égard de quelques partifans de Procope. Amm. I. 16, c. 10.  Valentinien.Valens. Ann. 366. LI. Ruïne des murs de Chalcédoine. Them. or. II. Soc. I. 4. c. 8. Soc. I. 6. t. 9. Zon, 1.11. p. 32. Cedren, t. 1, p. 310. §8 HlSTOIRB me, Préfet de Conftantinople, pour décider de leur fort. Euphrafe obtint le pardon; Phroneme fut exilé dans la Cherfonefe; & la différence de traite-ment dans deux caufes pareilles doit être attribuée, felon Ammien Marcellin, a 1'amitié dont Julien avoit honoré Phroneme. Cet Hiftorien, toujours zélé pour la gloire de Julien, dont il avoit fait fon héros, & mécontent de Valentinien & de Valens qui le laifferent fans emploi, fuppofe que ces deux Empereurs haiïfoient ce Prince , paree qu'ils ne pouvoient 1'égaler, & qu'ils pourfuivirent fa mémoire dans la perfonne de fes amis, aufli-bien que dans fes établiffements qu'ils prenoient k tache d'abolir. Valens avoit juré qu'il détruiroit les murs de Chalcédoine. Ils étoient de la plus belle ftruöure, batis de larges pierres quarrées. II donna ordre de les démolir. Cependant il fe laiffa fléchir aux prieres des députés de Conftantinople , ,de Nicomédie St de Nicée. Mais pour ne pas manquer k fon ferment, il y fit faire plufieurs breches, qu'on referma de blocage. Les pierres de ces démolitions, tranf-  du Bas-EmpirE. Liv. XVI. 89 portées a Conftantinople, fervireht k la conftruftion des thermes de Carofe. Valens leur donna ce nom , qui étoit celui d'une de fes filles. II fit batir un aqueduc qui réuniffant plufieurs fources de la Thrace , conduifoit k Conftantinople une grande quantité d'eau. Le bruit fe répandit, fansdoute après la mort de Valens, que fur une des pierres tirées des murs de Chalcédoine, s'étoit trouvée une infcription, qui annoncoit d'avance en termes clairs 1'invafion des Goths & la fin tragique de Valens. Avant la défaite de Procope, Equitius, voyant que tout 1'effort de la guerre feportoit du cöté de 1'Orient. entra dans la Thrace par le défilé dc Sucques, & alla mettre le fiege devant Philippopolis. Cette ville, nommée d'abord Eumolpiade, réparée en fuite & aggrandie par Philippe, pen d'Alexandre, avoit recu de ce Prina le nom de Ponéropolis, c'eft-a-dire la ville des méchants ; paree qu'il avoi ramaffé pour la peupler , tous les va gabonds & les icélérats de fes Etats Elle quitta bientót ce nom peu ha Valentinien.Valens. Ann. 366. LH. Siege de Philippopolis. Amm. I. 26, c. 10. ' Plin. I. 4 , ■ c. 18. . SuirL in Aihcuv » t  nu Bas-Empire. Liv. XVI. 91 alors dans les deux Germanies avec le titre de Comte. II raffembla fes meilleures troupes, & fe joignit au Comte Sévérien, qui étoit en quartier a Chalons-fur-Marne avec deux cohortes. S'étant réunis, ils marcherent en diligence, & après avoir pafTé un pont, ils appercurent 1'ennemi, qui, fans leur laiffer le temps de fe mettre en bataille, fondit fur eux avec tant de violence, que les Romains, culbutés dans le ruiffeau, fe débanderent, &i prirent la fuite. Sévérien, vieillard fans force, fut abattu de cheval,& tué par un cavalier ennemi. Charietton perdit auffi la vie, pendant qu'il s'efForgoit, & par fes reproches & par fes exemples d'arrêter d'une part les fuyards, de 1'autre la fougue des vainqueurs. Les Aliemands enleverent 1'enfeigne des Bataves , & 1'emporterent dans leur camp en exprimant leur joie par des danfes & des chants de vi&oire. C'étoit pour eux un glorieux exploit, & dans les batailles fuivantes ils porterent cette enfeigne comme un trophée, jufqu'a ce qu'on 1'eüt arrachée de leurs mains. L'Empereur, qui s'étoit avancé juf- Valentinien.Valens. Ann. 366,  Valentinien. Valens. Ann. 366. LV1I. Cara&en des diver Magiftrat de ce temps-la. Amm. I. 17.C 3.7 96 II I S T O 1' R F. 1'avoit penclu a un gibet. Indigné contre le Tribun, il alloit le condamner a mort, fi eet Officier n'eüt été difculpé par les foldats mêmes, qui protefterent que c'étoit fans ordre & par un emportement militaire, qu'ils avoient ufé de cette vengeance. Jovin, après tant de glorieux fuccès, revint a Paris, oü TEmpereur étoit déja retourné. Valentinien alla au - devant de lui, & le nomma Conful pour 1'année fuivante. II y eut encore pendant celle-ci, contre divers partis d'Aliemands , plufieurs aftions moins confulérables, & que 1'Hiftoire n'a jugé dignes d'aucun détail. Cette campagne fit refpeöer a ces barbares les limites de 1'Empire, & mit la Gaule a couvert de leurs incurfions. L'Empereur paffa 1'hyver a Rheims, pour être plus a portée de veiller h la fureté de la frontiere. La conduite des Magiftrats du pre! mier ordre contribuant beaucoup, foit ' è la force & a la gloire, foit au déf5 honneur & k Paffoibliffement des Empereurs & des Empires, 1'Hiftoire ne doit point oublier ceux qui fe font rendu célebres par leurs vertus ou par  Valentinien. Valens. Ann, 366. 104 HlSTOIRB tat, au rapport de St, Jéröme, difoit au Pape Damafe : Faites-moi Evêque de Rome, & je me ferai Chrhien, Ammien Marcellin, prévenu ainfi que Prétextat des idees groffieres du Paganifme, comptant les abus entre les privileges de Pépifcopat, après avoir parlé des troubles qui liirvinrent k 1'occafion de 1'élettion de Damafe, s'exprime en ces termes : Qiiand je cnnjidere l'éclat qui environne les dignites de la ville de Rome, je ne trouvepas étrange que les ambitieux faffent les plus grands efforts pour y obtenir le Siege épifcopal. Ils voyent qu'a la faveur de ces places éminentes , ils pourront s\n~ richir des pieufis ojfrandes des Dames, fe faire porter dans des chars, paroüre fuperbement vêtus, avoir une table mieux fervie que celle des Rois. Ctpendant, ajoute-t-il par une réflexion plus fenfée, ils entendroient bien mieux leur propre bonheur, Ji moins occupés de ré~ pondre a la grandeur de Rome par celle de leur dépenfe, ils fe rapprochoient davantage de eer tams Evêques des Provinces , que leur frugalitè, leur jimplicitè, leur modejlie rend précieux a la Divinitè, & refpeUables d fes yrais adora.-  du'Bjs-Empire. Liv. XVI. 105 leurs. Ce fut fans doute eet éclat extérieur de 1'épifcopat qui anima Urfin , Diacre de 1'Eglife Romaine, a difputer cette dignité a Damafe. Ayant formé un parti, il fe fit ordonner contre toutes les regies. La fédition éclata. Juventius, fecondé de Julien, Préfet des vivres, condamna a 1'exil Urfin 8c fes plus zélés partifans. Le peuple fchifmatique lesarracha des mains des Officiers, &£ les conduiiit a la Bafilique Sicinienne, nommée maintenanty^i/z/e Marie-majeure. La, comme dan> une citadelle, Urfin foutint un fiege contre le parti de Damafe. On mit le feu aux portes, on découvrit le toït. Le combat fut fanglant, & cent trentefept perfonnes de Pun &c de 1'autre fexe , fouillerent de leur fang la Bafilique. Juventius, ne pouvant calmer eet horrible défordre, & craignant pour fa propre vie, fe retira dans une maifon de campagne. Dés que PEmpereur en fut inftruit, il condamna Panti-Pape au banniflément. Mais lut ayant permis 1'année iuivante de revenir , il fut obligé deux mois après de le bannir une feconde fois : il Pexila en Gaule. Les fchifmatiques, E y Valentinien.Valens. Ann. 366. wt  nu Bas-Empire. Liv. XVII. 115 » ce, que je confie k votre fklélité, »> & qui va croïtre k l'ombre de vos » lauriers ". Les acclamations fe renouvellerent: on combloit de louanges les deux Empereurs. Les graces du jeune Prince, la vivacité quibnlloit dans fes yeux, attiroient tous les regards. II méritoit les éloges que lui avoit donnés fon pere; 6c il auroit égalé les Empereurs les plus accomplis , s'il eüt vécu plus long-temps, & fi fa vertu eüt pu acquérir affez de maturité & de force, pour n'être pas obfcurcie par les vices de fes courtifans. Valentinien lui conféra le titre d'Augufte, fans 1'avoir fait paffer, feIon la coutume, par le degré de Céfar : il en avoit ufé de même a 1'égard de fon frere Valens. L. Véru étoit le feul jufqu'alors, qui, fans avoi: été Céfar, eüt été élevé au rang d'Au gufte. Dans cette brillante proclamation Eupraxe de Céfarée en Mauritanië employé pour lors dans le fecreta riat de la Cour, eut 1'avantage de fi gnaler fon zele. II fut le premier s'écrier : Gratiën mérite eet honneur il promet de reffembkr d fon aïeul i Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367, » VI. Cara&ere ' du Quef- teur Eu- praxe. k y V  Valentinien.Valens. Gratiën Ann, 367. yn. Théodofe dans la GrandeBretagne. Amm. I. 27- c. S , & l. 28 , er. 3- Tacat. paneg, c. 6. Symm, l. 10» ep. I. ÏIÖ H I S T 0 I R B afon pere. Ces paroles lui procurerent la quefture, dignité beaucoup plus éminente alors, qu'elle n'avoit été du temps de la République, & qui renfermoit une partie des fonttions attribuées parmi nous au Chancelier de France. Eupraxe n'étoit cependant rien moins que flatteur. II laiffa au contraire de grands exemples d'une franchife inaltérable. Plein de droiture, attaché inviolablement aux devoirs de fa dignité, il fut auffi incorruptible que les loix , qui parient toujours le même langage, malgré la diverfitédes perfonnes; & ni 1'autorité, ni les menaces d'un Prince abfolu, & qu'il étoit dangereux d'irriter, ne lui firent jamais trahir les intéréts de la vérité & de la juftice. L'Empereur étoit en chemin pour fe rendre aTreves, lorfqu'il apprit que les barbares qui habitoient la partie feptentrionale de la Grande - Bretagne , étoient fortis de leurs limites, qu'ils portoient par-tout le fer & le feu , qu'ils avoient tué le Comte Nectaride qui commandoit fur la cóte maritime , & furpris dans une embufcade le Général Fullofaude. II fit fur  du Bas-Empire. Liv. XVII. 117 fe champ partir Sévere , Comte des domeftiques : mais 1'ayant prefque auffi-tot rappellé, il y envoya Jovin, qui manda a 1'Empereur que le péril étoit plus grand qu'il ne penfoit, & que la Province étoit perdue, li 1'on n'y faifoit paffer au plutöt une nombreufe armée. Toutes les nouvelles qui venoient de cette ifle, confïrmoient ce rapport. Pour remédier a ces défordres, Valentinien jetta les yeux fur un Officier déja connu par fes fervices. II s'appelloit Théodofe, Efpagnol de naiffance , & d'une familie illuftre. Sa valeur jointe a une longue expéric-nce, étoit encore relevée par fa bonne mine, par une éloquence vive &c militaire, & par une noble modeftie. Dés qu'il eut Ia commiffion de 1'Empereur, il fe vit a la tête d'une brave jeuneffe, qui s'empreffoit k fervir fous fes ordres. L'activité étoit une des qualités de Théodofe. II arrivé k Boulogne, & paffe fans danger k Rutupies, le port le plus proche dans la Grande-Bretagne. Quatre cohortes des plus renommées y abordent a fa fuite: c'étoient les Bataves, les Erules, les Valentinien.Valens. Gratiën Ann, 367. Claud. in confulatu Honorii,  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. XIV. Prétextat Préfet de Rome. Amm. 1. 27, c. 9, • 49Vita Ath. ipud Phoc. Vita Ath.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. in edit. Beried. Pagi apud Baron, an, 37°. 134 HlSTOIRE d'Alexandrie, il avoit eu Fhonneur d'être toujours la première vidfime que les ennemis de 1'Eglife facrifioient k leur fureur; & les coups portés a eet illuftre Prélat, étoient devenus le fignal de la perfécution générale. Tatien, Préfet d'Egypte, entra dans Alexandrie, & y fit publier un édit contre les Orthodoxes. Les fideles déterminés a tout fouffrir eux-mêmes, prirent 1'allarme pour leur Evêque ; ils repréfenterent qu'Athanafe n'étoit pas dans le cas exprimé par les ordres de 1'Empereur, puifque Julien, loiu de le rétablir, 1'avoit chaffé de nouveau. Tatien ne fe rendant pas k ces raifons, le peuple fe difpofoit k la défenfe; on étoit a la veille d'une fanglante fédition. Le Préfet fufpendit eet orage, en demandant le temps d'inftruire 1'Empereur, & de recevoir de nouveaux ordres. Les efprits étant un peu appaifés, Athanafe, trop éclairé pour ne pas pénétrer les intentions du Préfet, & ne voulant pas être une occafion de défordre, fortit fecretement de la ville, & fe déroba également a fes ennemis & a fes amis. Tatien, qui n'ayoit cherchéqu'a amu-  nu Bas-Empire. Liv. XVII. yft fer les Alexandrins , voulut auffi profiter de ce calme pour exécuter fa commiffion. II fetranfporta pendant une nuit avec une nombreufe efcorte a la maifon de 1'Evêque , mais il ne 1'y trouva plus. Athanafe s'étoit renfermé hors de la ville, dans le tornbeau de fon pere , oii il fe tint caché pendant quatre mois. Les tombeaux , fur-tout en Egypte, étoient alors des batiments affez étendus pour y loger. Cette évafion caufoit autant d'allarme aux enneifiis d'Athanafe qu'a fon troupeau. Valens craignoit que fon frere, comme avoit fait autrefois Conftant, ne prit en main la défenfe de ce Prélat refpeöé de tout 1'Empire. Eudoxe & fa cabale n'appréhendoienl pas moins qu'un génie fi fécond en reffources, ne vïnt a bout de fe ménager a la Cour de Valens la même faveur , qu'il avoit quelquefois troiv vée auprès de Conftance. Cette crainte prévalut fur leur haine; ils furem les premiers a folliciter fon retour Valens envoya ordre de le rétablii dans fon Eglife, oü ce généreux athlete, fignalé par tant de combats, cinc fois banni &c cinq fois rappeüé, tou Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. (  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. XVII. Commencementdela guerre des Goths ( ] ] 1 < I3<5 H I S T O I R E jours perfécuté avec 1'Eglife, & triomphantavec elle, demeura paifible pendant les fix dernieres années de fa vie. La perfécution de Valens déchiroit le fein de 1'Eglife, fans mettre 1'Empire en danger. Mais la guerre qu'il commen'ca cette année contre les Goths, attira, par un enchainement de caufes dépendantes les unes des autres , la ruine de la puiffance Romaine en Occident. Les Goths, quelquefois vainqueurs , fouvent vaincus, mais fourniffant toujours a de nouvelles guerres par leur innombrable multitude, avoient pendant fix vingts ans exercé les armes Romaines. Domptés depuis trente-cinq ans par Conftantin, tranquilles fous le regne de Conftance, ils entretenoient avec les Romains un libre commerce par le Danube. Plufieurs d'entr'eux s'étoient dévoués au fervice des Empereurs, & étoient par^enus aux principales dignités de la "our & de 1'armée. Comme c'eft ici jue commencent les grands événenents qui changerent enfin Ia face de 'Empire, il eft a propos de donner ine idéé plus claire de leur origine te de leurs progrès, autant qu'il eft  nu Bas-Empjre. Liv. XVII. 137 poffible de percer les ténebres dont leur première Hiftoire eft enveloppée. L'origine des Goths fe perd, comme celle de toutes les nations célebres, dans la nuit de Pantiquité. Leurs migrations & leurs conquêtes font caufe que les anciens Auteurs les ont confondus avec les Scythes, les Sarmates,les Getes & les Daces. Entre les modernes, les plus habiles critiques fe partagent a leur fujet en deux fentiments. Suivant les uns, ils font nés dans la Germanie, & ce font ceux queTacite appelle Gothons, qui habitoientle territoire deDantzick, aux embouchures de la Viftule. Selon une autre opinion , plus généralement recue,& qui me paroitmieux fondée, eet établiffement ne fut que leur feconde habitation. Plus de trois cents ans avant 1'Ere Chrétienne, ils étoient fortis de la Scandinavië, cette grande péninfule, qu'on a cru être une ifle jufque dans le VIe. fiecle,& que les anciens ont appellée la fource &la pépiniere des nations. On voit encore la tracé de leur origine dans la Snede, dont une grande Province a conferve Valentinien.Valens. Gratie» Ann. 367. XVIII._ Leur origine & leurs mi-] grations. Jornand. de reb. Get. Ifidtr. chr. Goth. Proc. dt UIL Goth. l.4,c- 5- Cluv. ant, Germ. I. 3 , c 34. 46. Grot. in proleg. a& hifl. Goth,  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. \ } 1 1 1 1 1 i 1 1 i 1 i 1 1 ] 1 144 HlST1>IRB :aufes ambiguës étoient décidées par le duel. L'adultere étoit puni de Ia peine la plus févere : la femme coupable étoit livrée a fon mari qui devenoit maitre de fa vie. Les enfants nés d'un crime n'étoient admis li au fervice militaire, ni i\ la fonc» :ion de juges, ni recus en témoimage. Une veuve avoit le tiers des )iens-fonds du défunt, fi elle ne fe ■emarioit pas; autrement elle n'emjortoit que le tiers des meubles. Si :11e fe déclaroit enceinte, on lui donïoit des gardes; & Penfant né dix nois après la mort du pere, étoit cenfé llégitime. Celui qui avoit débauché ine fille, étoit obligé de 1'époufer, li a condition étoit égale; finon il faloit qu'il la dotat; car une fille défïonorée ne pouvoit fe marier fans lot; s'il ne pouvoit la doter, on le "aifoit mourir. Ils regardoient la pu•eté des mceurs comme le privilege le leur nation : ils en étoient fi jaoux, que, felon un Auteur de ces emps-la, puniffant la fornication dans eurs compatriotes,ils la pardonnoient mx Romains comme & des hommes foibles, & incapables d'atteindre au même.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. XXII. Caufes de la guerre des Goths Themifi. or. 8, 10. Eunap. p, 18. Zof.l. 4. 146 HlSTOIRE deux peuplades avoient des Princes differents, iffus de deux races célebres dans leurs annales ; celle des Amales qui régnoit fur les Oftrogoths , & celle des Balthes fur les Vifigoths. Ils ne donnoient a leurs Souverains que le nom de Juges; paree que le nom de Roi n'étoit, felon eux, qu'un titre de puiffance & d'autorité; au-lieu que celui de Juge étoit un titre de vertu & de fageffe. Dés le commencement du regne de Julien , les Goths fe voyant méprifés par ce Prince, avoient fongé aux moyens de relever leur réputation. Depuis fa mort, la frontier e étoit mal gardée ; les foldats Romains, prefque fans armes & fans habits, étoient auffi fans force & fans courage. Leurs Commandants en avoient congédié la plupart pour profiter de leur folde. Les fortereffes tomboient faute de réparations. Cette négligence favorifoit les entreprifes des Goths. N'ofant encore faire une guerre cuverte, ils envoyoient des partis audela du fieuve, & remportoient toujours un butin confidérable. La pe-  au Bas-Empire. Liv. XP1I. 147 the Scythie étoit la plus expofée k leurs incurfions. Le Danube s'élargiffant vers fon embouchure, inondoit une grande étendue de terrein, qu'on ne pouvoit traverfer k pied k caufe de la profondeur de la vafe, ni dans des barques, paree que les eaux y étoient trop baffes. Les barbares fe fervant de petits bateaux plats, venoient faire le dégat dans les ifles & fur les bords du fleuve; & ils étoient rembarqués & hors d'infulte ayant qu'on eüt pu accourir au fecours. On fut réduit a leur payer des contributions, pour racheter la Province de ces ravages. Lorfqu'ils furent que Valens s'éloignoit, & qu'il prenoit le chemin de la Syrië, toute la nation fe mit en mouvement; &z PEmpereur fut obligé de détacher une grande, partie de fes troupes , pour aller défendre la frontiere. Soit que les Goths ne fuffent pas encore affez préparés, foit qu'ils vouluffent laifTer les Romains fe ruiner euxmêmes par une guerre civile, ils fe contenterent alors d'envoyer a Procope un fecpurs de trois mille hommes. Geux-ci ayant appris la défaiG n Valentinien.Valeks. Gratiën Ann. 367.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. xxm. Valens ïefufe de rendre les .prifonniers. Amm. L 3.7, 5° Zof. l. 4- Eunap. p, iS. 148 H I S T 0 IR E te & la mort du tyran , lorfqu'ils marchoient pour le joindre, reprirent le chemin de leur pays , pillant &£ ravageant tout fur leur paffage. Mais avant que d'avoir pu regagner les bords du Danube, ils furent enveloppés, forcés malgré leur fïerté a mettre bas les armes , &£ diftribués comme prifonniers de guerre dans plufieurs villes de la Thrace. C'étoient des fujets d'Afhanaric, Prince des Vifigoths, dont Conftantin avoit tellement aimé & honoré le pere, qu'il lui avoit fait ériger une ftatue dans Conftantinople. Athanaric envoya des Grands de fa Cour, pour fe plaindre du traitement fait k fes foldats , & pour les redemander. Valens, de fon coté, députa le Général Viöor, pour entrer en conférence avec le Prince. Viöor demandoit par quellje raifon les Goths, alliés de 1'Empire, s'étoient portés a fecourir un rebelle contre fon Souverain. Athanaric montroit des lettres par lefquelles Procope avoit imploré fou affiftance, comme parent de la familie de Conftantin, & légitime héritier de la couronne impériale. 11 ajoutoit  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. XXV. Première campagne Amm. I. 27, 5Zof. I. 4. Idace. Chr. Hier. Soc. I. 4, c. 10. Soi. I. 6. c. 10. Chr, Akx. HlSTOIiE libéralité lui gagna tous les coeurs; une ardeur nouvelle embrafoit fes foldats, & il en auroit trouvé autant qu'il avoit de fujets. Ses bonnes intentions furent pleinement fecondées par Auxone, Préfet du prétoire. Ce Magiftrat ajouta un nouveau prix a la générofité du Prince, par Féquité du recouvrement, ne permettant dè rien exiger au-dela de ce qui étoit dü , & réprimant les vexations des fubalternes.Cette modération ne 1'empêcha pas de remplir tous les engagements de fon miniftere. Tant que dura la guerre, 1'armée ne manqua ni de vivres, ni d'autres provifions. II les faifoit tranfporter par le PontEuxin , dans les places lituées fur les bords du Danube, qui fervoient de magafins. Au milieu du printemps, Valens partit de Conftantinople, & alla camper fur le Danube, prés du chateau de Daphné bati par Conftantin. II paffa k fleuve fans oppofition fur un pont de bateaux. Les Goths, épouyantés d'un appareil fi formidable, avoient abandonné le plat pays, & s'étoient retirés dans les montagnes  du Bas-Empire. Liv. XVII. 151 de Sérres, efcarpées & inacceffibles h une armée. Tout le fruit de cette campagne fe borna a des pillages. Arinthée, k la tête de divers partis, enleva grand nombre de families, qu'il furprit dans les plaines avant qu'elles euffent eu le temps de gagner les montagnes & les défilés; & 1'armée Romaine, fans avoir fait aucune perte ni aucun exploit mémorable, revint a Marcianople dans la baffe Méfie. Valens y paffa 1'hyver a exercer fes foldats, & a faire les préparatifs de la campagne prochaine. Cette année, il tomba le 4 de Juillet a Conftantinople, une grêle d'une prodigieufe groffeur, qui tua plufieurs habitants. L'année füivante, fous le fecond confulat de Valentinien & de Valens , le débordement du Danube retint 1'Empereur en Méfie. Etant refté inutilement pendant tout 1'été campé fur les bords du fleuve, il retourna vers la fin de 1'automne a. Marcianople, oii il célébra, felon 1'ufage, la folemnité de la cinquieme année de fon regne. II y fit venir fon fils, qui n'avoit pas encore deux ans accomG iv Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 367. Ann. 368. XXVI. Seconde camp;^118 Awa- ioid. Themifl. or. 8. Grsg. or. 10. Soc. 1. 44 c. 10. Soi l. 6,c. 10. Chr. Ahx.  Val en tinien. Valens. Gratiën Ann. 368. XXX. Second mariage deValen- ' tinien. . Amm. ibid. &l.z8,c. 1 2, /. 30, ' <■ 5. ( Aufon. in Mo/cl. 1 Soc. I. 4, < c. 30. Jorn. de rcgn. 1 Chr.Alex. j Sulp.Sever. dial. l,<, ' 6. c Zo/ /. 4. f Zon. 1.11. . p. 30. 1 Cod.Th.l. t 7 . 8 , 1 leS- 2' , f f c 158 HlSTOIRE des armées Romaines, lorfqu'elles koient invincibles. Valentinien mit fes troupes en quartier d'hy ver, & retourna a Treves : il avoit choifi cette ville pour ron féjour ordinaire dans la Gaule. [1 y triompha avec fon fils. Ce fut rers ce temps-la qu'il répudia Seve-a, fa première femme, & mere de Gratiën, pour époufer Juftine, veure de Magnence & fille de Jufte, qui, bus le regne de Conftance, avoit été jouverneur du Picenum. On dit que ïevera, ayant acheté une maifon de ampagne fort au-deflbus de fa vaeur, Valentinien, indigné de voir a femme abufer ainfi de Pautorité le fon rang, rendit la maifon a 1'anien poffeffeur, & chafla Severa de on palais. Quelques hiftoriens ont tnaginé k ce fujet une intrigue amoueufe, plas digne d'un roman frivoï, que de la gravité de 1'hiftoire. Ce ïcond mariage étoit contraire aux oix de 1'Eglife, mais non pas aux yix Romaines. Juftine avoit deux -eres, Conftantien & Céréal, qui rrent fucceftivement revêtus de la harge de grand Ecuyer. Tant que  du Bjs-Empire. Liv. XVII. 159 Valentinien vécut, elle renferma dans fon cceur 1'héréfie d'Arius dont elle étoit infectie. Elle fe contentoit d'éloigner de PEmpereur, autant qu'elle le pouvoit, les Prélats Catholiques. Elle étoit belle, adroite, impérieufe; mais elle connoiffoit trop la fermeté de fon mari, pour entreprendre de le féduire ou de le vaincre. Ce Prince, loin de prêter fon bras aux perfécuteurs, ne permettoit de troubler aucune des religions établies dans 1'Empire; & refpeöant le culte divin, lors même qu'il étoit défiguré par Pilluuon & le menfonge, il défendit par une loi de donner des logements aux foldats dans les fynagogues des Juifs. Le trait de juffice auquel on attribue la difgrace de Severa, n'eft pas conftaté par un témoignage afTez authentique : il ne fe trouve que dans la Chronique d'Alexandrie. Mais on ne peut refufer .Walentinien la louan ge d'avoir montré une averfion extréme pour toute apparence d'injuftice & de concuffion. Ce caractere d'équité éclate dans la loi qu'il publia cette année pour régler la con- Valen- tinien. Valens. Gratiën Ann. 368. XXXI. LoifurUs Avocats. C. J. I. l. tit. 6, leg. 6, 7.  Valentinien.Valens. Gratiën A.nn. 368, XXXII. Loi contre les concuffions. 160 UlSTOI&E. duite des Avocats. Après avoir profcrit ces traits outrageants , qui tranfforment un plaidoyer en libelle diffamatoire, il interdit aux Avocats toute convention avec leurs clients: il leur défend de rejetter comme infuffifant ce qui leur eft offert par une libre reconnoifTance , ni d'allonger a defTein les procédures. II permet aux perfonnes titrées d'exercer cette noble profefïion, pourvu qu'elles Ia rempliffent avec nobleffe; & que, renoncant k un vil intérêt, elles n'en retirent d'autre récompepfe que 1'honneur de défendre Pinnocence &i la juftice. Deux ans après, afin que deux p'aideurs n'euffent 1'un fur 1'autre aucun avantage que par la qualité de leur caufe, il ordonna que les juges donneroient aux deux parties, des Avocats d'une égale capacité; & il défendit a 1'Avo-cat, nommé pour foutenir le droit d'une des parties, de refufer fon miniflere fans une raifon valable, k peine d'interdicfion perpétuelle. II fit trembler a leur tour ces Officiers de Province , qui abufent de 1'autorité que leur donne leurs fonc-  nu Bas-Empire. Liv. XF11. 161 tions,pour fe faire craindre deshabitants , & les affuiettir a des fervitudes onéreufes. II leur défëndit, fur peine de mort & de confifcation de tous leurs biens, d'impofer aucune corvee atix habitants de la campagne pour leur fervice particulier , d'en exiger aucuns préfents, qui étoient devenus par abus des redevances annuelles, d'accepter même ce qui leur feroit volontairement offert; & pat un excès de févérité, il condamna è la même peine 1'habitant qui, poui fauver l'Officier concuffionnaire, pré tendroit 1'avoir fervi de fon propn mouvement, & fans eo être requis Pour ce qui regardoit les travaux pu blies, il les épargnoit aux payfans iur-tout dans les temps oü la terr demande leurs peines & leurs foins llvaut mieux, difoit-il, aller chercht dans les maifons oijives des villes de bras inudles pour les occuper d ces ou vrages, que d'arracher les laboureurs des travaux qui font fubfifler les villt mémes. La ville de Rome vit alors naitr dans fon enceinte un établiffemer honorable a la Religion Chrétienne Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 368. C.T. 11, tit. 10, leg. i , & tit. ii , leg. unie. 6" ibi Gód. f r s i s e xxxin. t Etabliflemenf des 9  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 368. Médecins de charité C.T.l. 13, üt. 3 , leg. §, 9, 10. « I 1 : 1 1 \ ] i i t 162 IllSTOIRE & conforme k 1'efprit de 1'Eglife, qui, animée d'une tendreffe maternelle pour tous ceux qu'elle renferme dans fon fein, embraffe avec prédile&ion les indigents comme la portion la plus foible de fa familie. Valentinien choifit, entre les Médecins de Rome, des perfonnes habiles, qui fuffent mettre plus d'honneur a prendre foin des pauvres, qu'a rendre aux riches des fervices intérelfés. II en inftitua quatorze, un pour chaque quartier. II leur afïïgna un entretien honnête fur le trélor public. II leur permit d'accepter ce que les malades guéris leur offriroient par reconnoiflan:e, mais non pas d'exiger ce qu'ils mroient promis par crainte avant eur guérifon. II ordonna que les pla:es vacantes feroient données au :oncours, fans nul égard k Ia faveur ïi aux plus puiffantes recommandaions. Les Médecins déja en foncion, examinoient les récipiendaires, k. jugeoient de leur capacité : il faloit au moins fept fuffrages pour être :hoifi ; & fur un refcrit du Prince jui confirmoit 1'éleftion , le Préfet le la ville expédioit les pro vinons.  du Bas-Empire. Liv. XFÏL 163 Quelque temps après, il difpenfa les Médecins de Rome & les Profeffeurs des lettres 8c des Iciences, de fournir des miliciens, Sc de loger des gens de guerre : il les exempta en général, eux &C leurs femmes , de toutes charges publiques. Probe étoit alors Préfet du Prétoire, 8c Olybre Préfet de Rome. Ces deux perfonnages méritent d'être connus. Sextus Petronius Probus étoit le fujet de 1'Empire le plus illuftre par fa naifTance , par fes richeffes, par le nombre Sc la durée •de fes magifrratures. II étoit fils de Cselius Probinus, Conful en 341 , & petit'fils de Petronius Probianus, qui avoit été honoré de la même dignité en 321. Sa maifon étoit intimement unie Sc comme incorporée par des alliances, k celles des Aniees Sc des Olybres. Ces trois families, les plus nobles de ce temps, avoient été les premières a embralfer fous Conftantin la Religion Chrétienne. Les richeffes de Probe le faifoient connoitre de tout 1'Empire; il n'y avoit guere de Provinces oii il ne poffédat dt grands domaines. Son nom étoit fa- Valentinien.Valens. 'Gratiew Ann. 3ÓS. XXXIV. Probe Préfet du Prétoire. Amm. I. 17, c. it, &ibiVahj: Grut. infcr. CCCCL. 2 , 3."4, 5- Reinef. infc. p. 63. Trui. in Sym. I. 1 , v. S51Aufin. ep. 16. CtW. de Olyb. Cf Prob. confulatu.God.ad Cad. Theod. t. &t. VI, p. 379- TM. Valent. art. , 18, 19.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 36S. 1 1 ! I 16 4 IJ I S T 0 1 n E meux jufques chez les nations étrangeres; & Pon raconte que deux des plus grands Seigneurs de la Perfe, étant venus k Milan pour entretenir St. Ambroife, ils allerent k Rome dans le deffein de s'affurer par leurs propres yeux de ce qu'ils avoient ou'i dire de la puiffance & de 1'opulence de Probe. II avoit été Proconful d'Afrique en 358. Cette année 368, il fuccéda a Vulcatius Rufinus, qui mourut Préfet d'Italie & d'Illyrie. II conferva cette dignité pendant 8 ans jufqu'a la mort de "Valentinien. Ses infcriptions lui donnent auffi la quaiité de Préfet du Prétoire des Gaules. II partageaavec Gratiën 1'honneurdu Confulat en 371. Sa femme Faltonia Proba étoit de Ia familie des Anices, lc fut recommandable par fa vertu. De ce mariage fortirent trois fils, héritiers des biens & de Ia réputation le leur pere. Ils furent tous trois [ïonorés du Confulat; & la gloire de :ette illuftre maifon fe perpétua dans ine longue poftérité, & fe foutint neme après la chüte de 1'Empire en Accident. Si Pon s'en rapporte aux infcrip-  tju Bas-Ëmpirë. Liv. XP1L iê$ tions, aux panégyriftes, aux écrivains : eccléfiaftiques , qui peuvent s'être laiffés éblouif par la proteöion éclatante que Probe accordoit a la vraie Religion, on ne vit jamais de magiftrat plus accompli. II eft repréfenté dans ces monuments comme un homme admirable par fa vertu, fa piété, fa libéralité, par fon éloquence &C par une érudition univerfelle; furpaffant la gloire de fes ancêtres , les plus grands perfonnages de fon fiecle, les dignités même dont il fut revêtu. Mais Ammien Marceilin employé des couleurs bien difféfentes pour peindre le caraöere de Probe. C'étoit, felon lui, un ennemi auffi dangereux qu'un ami bienfaifant : timide devant ceux qui ofoient lui réfifter, fier & fuperbe avec ceux qui le redoutoient; ianguiffant & fans force hors des dignités; n'ayant d'ambition qu'autant que lui en infpiroient fes proches, qui abufoient de fon pouvoir; non pas affez méchant pour rien commander de criminel; mais affez injufte pour protéger dans les fiens les crimes les plus manifeffes: foupconnani tout, ne pardonnant rien; diffimulé; Valentinien.Galens. Sratient Vnn. 368. XXXV. Cara&ere de Probe.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 368. XXXVI. Olybre Préfet de Rome. Amm. I. 28, e. 4. Grut infcr. cccttu.x. TUL Vahnt. art. 2c. l66 h I S T 0 I R E careffant ceux qu'il vouloit perdre ; au comble de la plus haute fortune toujours. agité, toujours dévoré d'inquiétudes qui altérerent fa fanté. On prétend que 1'Hiftorien a noirci ce portrait par un effet de pr.évention contre un Chrétien fi zélé; mais il faut donc nier auffi les aclions qu'il attribue a Probe, & que nous raconterons dans la fuite ; elles s'accordent avec cette peinture; & d'ailleurs pourquoi le même Hiftorien auroitil dans k même temps rendu juftice a Olvbre, qui n'étoit pas moins attaché a la Religion Chrétienne ? Olybre, qui avoit encore les noms de Q. Clodius Hermogenianus, fuccéda cette année k Prétextat dans la Préfeéture de Rome, qu'il exerca pendant trois ans. II avoit été Confulaire de la Campanie, & Proconful d'Afrique. II fut dans la fuite Préfet du Prétoire de Plllyrie & de 1'Orient: il parvint auConl'ulat en 379. Dans le gouvernement de Rome , il veilla au maintien de la tranquillité de 1'Etat & de 1'Eglife, toujours troublée par les partifans d'Uriin. L'hiftoire 'oue fa douceur , fon humanité, fon  du Bas-Empire. Liv. XVII. 167 attention a n'offenfer perfonne, ni dans fes a£tions, ni dans fes paroles. Ennemi déclaré des délateurs, il étoit fort éloigné de profiter de leur malice pour enrichir le fifc. II avoit autant de droiture que de difcernement 6c de lumieres. Mais il étoit trop adonné a fes plaifirs ; & quoiqu'il füt les accorder avec les devoirs de fa charge, & qu'ils n'euffent rien de criminel aux yeux des payens, cependant cette vie voluptueufe étoit oppofée a la religion qu'il profeffoit; 8c Ammien Marcellin même la cenfure comme indécente dans un grand Magiftrat. Après la bataille de Sultz, Valentinien avoit fait un nouveau traité avec les Aliemands. Les deux nations s'étoient engagées a ne point entrer fur les terres 1'une de 1'autre. La convention étoit réciproque; mais les AlIemands vaincus étoient les feuls qui euffent donné des ötages. La fuite va faire voir que la parole des Romains n'étoit pas une caution fuffifante. Drufus avoit autrefois fait batir fur les bords du Rhin un grand nombre de fortereHes; elles étoient tombées en Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 368. Ann. 369. XXXVII. Valentinien fortifie les bords du Rhin. Amm. I. 28, e. 2. Alfit. illuft.p, 418,  du Bjs-Empire. Liv. 'XF2I. 169 treprife. La montagne de Piri, fituée quelques lieues au-deffus, vers4'endroit oü eft aujourd'hui Heidelberg , étoit un pofte avantageux. L'Empereur forma le delTein de la fortifier. II envoya un gros détachement de fon armée avec le Secretaire Syagrius, chargé de la direftion des ouvrages. On commencoit a remuer la terre, lorfqü'on vit arriver les principaux de la nation Allemande. lts fe profternerent aux pieds des Romains, les conjurant avec inftance de ne pas violer la foi jurée : Cette antique fidélitt dont vous vous vantie^, leur difoient-ils, vous élevoit au rang de nos Dïeux ; m vous déshonorei pas vous-mêmes , & nt nous réduifei pas au défefpoir par unt injigne perfidie. Qtiefpére^-vous de cettt fortereffe > Penfe\-vous qu'ellepuiffefubfijler,fi nos ferments ne fubfijlent pas } Voyant qu'ils n'étoient pas écoutés. ils fe retirerent en pleurant la perte de leurs enfants, qu'ils avoient donnés pour ötages. Dès qu'ils fe furenl éloignés, on appercut une troupe dc Barbares, qui fortoient de derrière un cóteau voifin, oü ils s'étoient tenüï cachés pour attendre la réponfe. SartJ Tomé IV\ H Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 369. tués par les Aliemands.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 369. XXXIX. Punitions féveres. Chr. Alex. Zon. t. II. P. 30. Cedrcn. t. J, P- 310. Suid. in 'S.cihiflQf. J/O HlSTOIRE donner aux Romains le temps de fe reconnoitre, ni de prendre leurs armes, ils fondent fur les travailleurs , & les paffent au fil de 1'épée avec leurs Capitaines, Arator & Hermogene. II n'échappa que Syagrius, qui vint apporter k 1'Empereur cette trifte nouvelle. Ce Prince, impétueux dans fa colere, lui fit un crime de s'être fauvé feul, & le caffa comme un lache. Pendant ce même temps, la Gaule étoit défolée par des troupes de brigands qui infeftoient tous les grands chemins. On n'entendoit parler que de pillages & de meurtres. Entre ceux qui perirent par les mains de ces affalEns, fut Conftantin , grand Ecuyer , frere de 1'Impératrice Juftine. Ce n'étoit pas la fojbleffe du Gouvernement qui faifoit naitre ces défordres. Jamais Prince ne fut plus prompt k punir, ni plus rigoureux dans les punitions, II iit mourir un grand nombre de Sénateurs & de Magiftrats, convaincus de concuflions §c d'injuftices. L'eunuque Rhodane, grand Chambellan, fier de fa puiffance & de fes richeffes, s'empara des biens d'une veuve, nommée Béréni-  nu Bas-Empire. Liv. XVII. 171 ce. Elle s'en plaignit k 1'Empereur, qui lui donna pour juge Salufte , honoré du titre de Patrice , depuis qu'il étoit forti de la préfefture. Celui-ci condamna Rhodane, & PEmpereur en conféquence ordonna la reftitution des biens. Mais 1'eunuque, loin d'obéir,prit k partie Salufte iui-même. Par le confeil du Patrice ,1a veuve alla fe jetter aux pieds de PEmpereur , pendant qu'il afTiftoit aux jeux du Girque, & 1'inftruifit avec larmes de 1'opiniatreté de fon perfécuteur. Rhodane étoit debout auprès du Prince. Valentinien, tranfporté de colere, le fit aufTi-töt précipiter dans 1'arêne, & brüler vif aux yeux des fpectateurs, tandis qu'un crieur publioit a haute voix fon crime & fa défobéiffance. Tous les biens du coupable furent abandonnés k Bénénice. Le Sénat & le peuple, quoique faifis d'horreur, applaudirent k cette exécution terrible ; la renommée la publia avec effroi dans tout 1'Empire. Mais la colere de ceux qui gouvernent n'étant qu'un mouvement paffager, ne produit que des impreffions de même nature; & Pinjuftice trembla fans fe corriger. H ij Valentinien.Valens. Gratiën A.nn. 369. •*  nu Bjs-Empme. Liv. XPIL 179 butin , ils égorgeoient ceux qu'ils avoient dépouillés, arrachant la vie, lorfqu'ils ne trouvoient plus rien a enlever. lis fe faifoient un jeu du brigandage, & ils poufferent 1'infolence jufqu'a s'expofer au milieu d'Apamée. Un d'entre eux fe déguifa en gouverneur de la Province, un autre en receveur du domaine; le refte de la troupe prit des habits de fergents &c d'archers. Le gouverneur avoit droit de condamner k mort, & le receveur du domaine de faifir les biens de ceux qui avoient été condamné. En eet équipage, ils entrent fur le foir dans Apamée, précédés d'un crieur qui publioit la fentence de condamnation d'un des plus riches habitants. Ils forcent la maifon , maffacrent le maitre avec les domeftiques qui n'eurent pa; le temps de fe mettre en défenfe , en levent 1'argent & les meubles, &f< retirent précipitamment avant le jour Le bourg qui fervoit de retraite ; ces brigands, fut bientöt rempli d toutes les richeffes de la Province Enfin , par ordre de 1'Empereur, o raffembla des troupes; on alla le afTiéger. I!s furent tous paffes au f H vj Valentinien.Valens. Gratiew Ann. 369. I S 1  Valentinien.Valens. Gratiën Ann, 369. 180 ƒƒ / S T O I R E, de 1epée;& pour en détruirela race; on mit le feu a leur habitation. Les femmes qui fe fauvoient avec leurs enfants a la mammelle, furent repouffees dans les Hammes. Rien n'échappa a 1'incendie; & les cruautés de ces fcelérats furent punies par une vengeance auffi cruelle.  i8i. •ff —^P^ »* S OMM AI RE LIVRE DIX-HUITIEME, Elfs ètabllt Démophile fur le fiege de Conflantinople. II. Perjêcution. des Catholiques. III. Valens fait brüler vifs quatre-vingtsEccléfiafliques. IV. Famine. V. Modejle Préfet du Prétoire. VI. Elévation de Maximin. VII. 11 ejl chargé de rechercker les crimes de magie. vin. Ses cruautés. IX. Condamnations. X.Funeftes artifices de Maximin pour multiplier les accu/ations. XI. Hifloire ctAginace. XII. Méchanceté de Simplice, fuccejfeur de Maximin. XIII. Calomnie contre Aginace. xiv. Sa mort. XV. Ampélius Préfet de Rome XVI. Reglement de Valentinien pour les études de Rome. XVII. // défend les mariages avec les barbares. XVIII. Petjidie des Romains d Cégard des Saxons. XIX. Valentinien appelle les Bourguignonspour faire la guerre aux Aliemands, xx. Origine & moeurs  iSi SOMMAIRE des Bourguignons. xxi, Ils viennent fur le Rhin, & fi retirent mécontenis. XXIÏ. Valentinien veut furprendre Macrien,Roi des Aliemands. XXIII. Macrien lui êchappe. XXIV. Cruautés de Valentinien dans la Gaule. XXV. Loix de Valentinien. XXVI. Valens traverfe l'AJie. XXVII. St. Bafile lui ré/ijle. X X V 111. Valens tremble devant St. Bafile. XXIX. Mort de Valentinien Galate. XXX. St. Bafile arréte une fiedition dans Cèfarèe. XXXI. Valens d Antiocke. XXXII. Sapor stempare de PArmenië. XXXIII. Adrefifie d'Olympias. xxxiv. Para,fils d'Ofympias, retabli, & chafle de nouveau. XXXV. Valens prend la defenfe de £ Armenië, xxxvi. Et de l'Ibérie. xxxvn. Valens d Edeffe. xxxvill. II traverfe la Mlfopotamie. XXXIX. Décennales des deux Empereurs. XL. Seconde campagne de Valens contre les Perfes. XLI. Courfes des Blemmyes. XLII. Guerre deMavia, Reine des Sarrafins. XLIII. Perfècution en Egypte. XLIV. Troubles d'Afrique. XLV. Plaintes de ceux de Leptis éludées par les intrigues du Comte Romain. XLVI. Nouvelles incurflons des Aufluriens. XLVII. Succes des artifices de Romain. XLVIII. Innocents mis d mort.  D U LlVR E XVIII*. 183 XLIX. Découverte & punition de timpo/iure. L. Suites de cette affaire fous Gratiën. LI. Révolte de Firme. Lil. Théodofe envoyé contre Firme. LUI. Conduite prudente de Théodofe. Liv. Ses premiers fuccès. LV. Firme fe foumet en apparence. LVI. Punition des déferteurs. LVII. La guerre recornmence. LVIII. Belle retraite de Théodofe'. LIX. 11 fe remet en campagne. LX. Rencontre des Negres. LXI. Guerre contre les Ijfajliens. LXII. Vicloire remportée fur les barbares. LXIII. Mort de Firme,   iS5 HISTOIRE D U B AS E M P I RE. L1VRE DIX-HUITIE ME. VALENTINIEN, VALENS, GRATIËN. LE s entreprifes de Sapor avoient déterminé Valens,dès lafeconde année de fon regne,a s'approcher de la Perfe. Mais la révolte de Procope & la guerre contre les Goths Pavoient arrêté pendant cinq ans. Au commencement de 1'an 370 , étant Conful Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 370. I. Valens établitDé-  Valentinien.Valens. Gratien Ann. 370. mophile fur Ie fiege de C,P. liace. Hier. Chr. Chr. Altx. Soc. I. 4, c 13, 14. s07.1. 6, c 13. Philofi. 1. ] 9, c. 8,10. j Vita Ath. "pui Phot. < | J ( r a r 1. i V P n d r< fi l8Ö H I S T 0 I R £ avec fon frere pour la troifieme fois, il reprit fon premier deffein. Après avoir affifté le 9 d'Avril a la dédicace de 1'Eglife des SS. Apötres , nouvellement rebatie, il partit de Conftantinople, & prit le chemin d'Antioche. Ce voyage fut encore interrompu par une autre forte de guerre : c'étoit celle que Valens avoit déja dé:larée a 1'Eglife Catholique, & qu'il -ecommenca pour lors avec plus de ureur. A peine étoit-il arrivé k Niconédie,qu'il apprit la mort d'Eudoxe, bn Théologien, entre les mains du[iiel il avoit juré un attachement in'incible a la doélrine d'Arius. Les ^riens remplirent auffi-töt le fiege de Conftantinople par 1'élection de Déïophile, cetEvêque de Bérée, qui voit fait preuve de fon zele pour Arianifme, en travaillant k féduire : Pape Libere. D'autre part, les Caïoliques, profitant de 1'abfence de Empereur , choifirent Evagre. Le arti hérétique , plus hardi & plus ombreux, fe préparoit a exercer les ?rnieres violences, lorfque 1'Empe'ur ■> craignant les fuites d'une fédi?n, envoya des troupes avec or-  nu Bas-Empire. Liv. XVIll. 187 dre de chaffer Evagre. Dans ces circonffances, il n'ofa s'éloigner , 6c demeura pendant plufieurs mois dans la Bithynie 6c fur les bords de la Propontide, d'oü il revint a Conftantinople. II fit bien voir qu'en prévenant les troubles, il n'avoit pas eu deffein de ménager les Orthodoxes. II favorifoit par lui- même 6c par fes Officiers, toutes les pourfuites de leurs ennemis. Les outrages , les confifcations de biens,les chaines,les fupplicesétoient leur partage. Valens avoit rapporté de la Méfie une haine plus envenimée contre eux. II prétendoit avoir reen un affront de Brétannion , Evêque de Tomes, capitale de la petite Scythie. En voici Poccafion. L'Empereur s'étant rendu dans cette ville, entradans 1'Eglife , 8c voulut engager le Prélat a communiquer avec les Ariens dont il étoit accompagné. Mais Brétannion, après lui avoir répondu avec fermeté qu'il ne connoiffoit pour Orthodoxes que ceux qui étoient attachés k la foi de Nicée, fe retira dans une autre Eglife. II y fut fuivi de tout le peuple, 6c Valens demeura fevd avec fa Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 370. II. Perfécution contre les Catholiques. Soc. I. 4, c. 14. Soi. 1. 6, C, 14 , 20.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 370, III. Valens fait brüler vifs 80 Eccléfiaftiques. Soc. I. 4, c. ij. So?. /. 6, c. 14. Iheod. I. 4, c. 22. Zon. t. 11. p. 30. Cedr. t.1, p. 311. Suid. in 188 H I S T 0 I R E fuite. Dans Ie premier mouvement de fa colere, il fit faifir le Prélat, & 1'envoya en exil. Peu de jours après, intimidé par les murmures des habitants , tous guerriers , & qui pouvoient donner la main aux barbares, dont ils n'étoient féparés que par le Danube, il leur rendit leur Evêque. Mais il conferva dans fon coeur un vif reffentiment, qui éclata dans la fuite, fur-tout contre le Clergé. Les Catholiques de Conftantinople nepouvoientfe perfuader que le Prince füt Pauteur des traitements inhumains qu'ils éprouvoient. lis fe flatterent de Pefpérance d'en obtenir quelque juftice, & députerenta Nicomédie quatre-vingts Eccléfiaftiques des plus refpeclables par leur vertu. Valens écouta leurs plaintes, & diffimula fa colere; mais il ordonna fecretement au Préfet Modefte de les faire périr. Le Préfet, craignant que toute la ville ne fe foulevat, fi on les mettoit publiquement h mort, pronon^a contre eux une fentence d'exil, a laquelle ils fe foumirent avec joie , & il les fit embarquer tous clans le même navire. Les matelots avoient ordre d'y mettre le  su Bas-Empire. Liv. XVIII. 189 feu, lorfqu'ils feroient hors de la vue du rivage. Dès qu'ils furent arrivés au milieu du golfe d'Aftaque , 1'équipage fauta dans la chaloupe, laiffant le vaiffeau embrafé. II fut pouffé par un vent impétueux dans une anfe, nommée Daddict, ou il acheva d'être confumé. De ces quatre-vingts Prêtres, il ne s'en fauva pas un feul; tous périrent dans les flammes ou dans les eaux. On regarda comme une punition de cette horrible cruauté la famine qui affligea cette année tout 1'Empire, 6c principalement la Phrygie & la Cappadoce. Elle fut extréme,& la plupart des habitants de ces deux Provinces furent obligés d'abandonner le pays. La charité de Saint Bafile fe fit alors connoïtre de toute 1'Alie. II n'étoit encore que Prêtre de Céfarée, 6c Dieu le préparoit a fuccéder dans 1'Eglife a la gloire du grand Athanafe, qui approchoit du terme de fa pénible Sc brillante carrière. Bafile étoit fort riche, mais il vivoit dans toute la rigueur de la pauvreté évangélique. II faifit avec empreffement cette occafion de fe défaire avantageufement Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 370. IV. Famine. Idace. Chr. Hier. Greg., Na{. or. 20. Greg.NyJf. or. in laad, Bafil.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 370, V. Modefte Préfet du Prétoire, Amm. I. 29, c i , & l. 30, c. 4, c> ibi VaUf. Zof. I. 4. Greg, Na{. or. 20. . Philoft. I. 9 5 c. 11. 190 Hjstoihe de fes biens. II vendit fes terres, acheta des vivres, & nourrit pendant cette famine un nombre infini de pauvres, fans diftinclion de Juif, de Payen &£ de Chrétien. Ce fut un malheur pour Valens de trouver dans le Préfet du Prétoire , non pas une ame généreufe qui füt oppofer de fages remontrances a des ordresinjuftes & cruels, mais un coeur impitoyable, prêt k facrifier la vie des innocents, & 1'honneur même de fon maitre. Tel étoit Modefte. Comte d'Orient fous Conftance , il s'étoit prêté k 1'humeur fanguinaire de ce Prince dans la recherche d'une conjuration chimérique. On voulut le rendre fufpeö a Julien; mais ce politique fans religion, qui n'adoroit que la fortune, gagna bientöt les bonnes graces du nouvel Empereur, en facrifiant aux idoles; il obtint pour récompenfe la préfefture de Conftantinople. Arien zélé fous Valens, il fut une feconde fois revêtu de la même charge ; & Auxone étant mort, il lui fuccéda dans celle de Préfet du Prétoire. II fut fe conferver dans cette dignité jufqu'a la mort de TEmpereür  du Bas-Empirë. Liv. XF111. 191 par fes bafïes complaifances. II admiroit fans ceffe les vertus que ce Prince n'avoit pas, & flattoit les vices qu'il avoit. Valens étoit pareffeux & ennemi des affaires; mais le fentiment de fes devoirs fe réveillant quelquefois dans fon coeur, il fe propofoit de les remplir, & de rendre la juftice a fes fujets. Alors tout le palais prenoit l'allarme ; les eunuques fe croyoient en grand péril : fous les yeux de 1'Empereur, Pinnocence alloit refpirer, & leur licence alloit être enchainée ; tous fe réuniffoient pour détourner Valens d'un deffein fi dangereux. Modefte, qui rampoit devant les eunuques, s'empreffoit de lui faire entendre quelamajefté impériale ne pouvoit, fans s'avilir, defcendre jufqu'è des objets de fi peu d'importance. II débitoit ces belles maximes avec une apparence de zele & d'intérêt pour la gloire de fon maitre. Comme il avoit affaire a un efprit groflier, fans principe & fans étude, aidé de la pareffe naturelle a Valens, il lui perfuada tout ce qu'il voulut; & 1'adminiftration de la juftice, abandonnée a des ames Ycna- Valen- tinien. Valens. Gratiën Ann. 370,  bv Bas-Empire. Liv. XFII1. 195 l ces. Le nouveau titre de Maximin, & 'i'union d'un collegue fi bien afforti, le rendirent plus redoutable. II s'attribua la connoiffance de toutes les fortes de crimes, &C s'érigea en Inquifiteur général» . Tout 1'Occident étoit confterné : 1'innocence ne voyoit nulle reffource contre des procédures précipitées, oü la peine n'attendoit pas la convi&ion. Entre tant de malheur eux, rHiftoire ne diftingue qu'un petit nombre des plus remarquables. Hymece ,qui avoit été Vicaire de Rome fous le regne de Julien, étoit eftimé pour fa vertu. On croit qu'il étoit oncle de Ste. Euftochium, f» connue par les éloges que lui donne St. Jéröme. Lorfqu'il gouvernoit 1'Afrique en qualité de Proconful, il diftribua aux habitants de Carthage, dans un temps de ftérilité, v le bied qu'on deftinoit a Ia fubfiftance de Rome. II vendit ce bied au prix d'un fol d'or pour dix boiffeaux. La récolte qui fuivit ayant été fort abondante, il racheta la même quantité de bied fur le pied d'un fol d'or pour 'trente boiffeaux, remplit les greniers, & renvoya au tréfor du Prince le proI ij Valek- tinien. Valens, Gratiën1 Ann. 370. VIII. Ses eruau» tés.  Valen- TINIJEN. VAtENS. Gratiën Ann. 370. 196 HlStOIAE fit qui réfultoit de cette opérationi L'Empereur devoit des récompenfes k un fi exa£t défintéreffement; il aima mieux foupconner Hymece de malverfation, & confifqiia une partie de fes biens. L'injulfice rïen demeura pas la. Un délateur inconnu accufa ïecretement Amantius, Devin alors fort renommé, d'avoir prêté fon miniftere k Hymece pour opérer des maïéfices. Le Devin ^ appliqué k la torture , perfiftoit dans ia négative, lorfqu'on trouva dans fes papiers un billet de la main d'Hymece ; celui-ci le prioit d'employer les fecrets de fon art pour adoucir la colere de PEmpereur , & il laiiTok échappe-r quelques traits fatyriques fur Pavarice & la dureté du Prince. On n'examina pas la vérité de ce billet. Frontin y aflefTeur du Proconful, accufé d'avoir trempé dans cette inrrigue obfcure, s'avoua coupable dans les tourments de la queftion, & fut relégué dans la Grande-Bretagne. Amantius fut mis a mort. On conduifit Hymece a Ocriculum pour y être jugé par Ampélius, Préfet de Rome, & par le Vicaire Maximin; comme il fe voyoit  du Bas*Empire. Liv. XVIII. 197 fur le point d'être condamné, il en appella a 1'Empereur. Le Prince renvoya au Sénat la connoiffance de cette affaire. Après une exaüe révilion du procés, on fe contenta d'exiler Hymece dans 1'iile" de Bua en Dalmatie ; & Valentinien fe montra fort offenfé qu'on 1'eüt condamné k une peine fi légere. Pour appaifer fa colere, le Sénat lui députa Prétextat, Vénuftus & Minervius. Ces trois Sénateurs, diftingués par leur mérite & par leurs anciens fervices , le fupplierent de vouloir bien proportionner les punitions a la nature des crimes, & ne pas dépouiller le Sénat de fes anciens privileges , en affujettiffant les Sénateurs k la torture lorfqu'il ne s'agiffoit pas du crime de lefe-Majefté. Valentinien les rebuta d'abord, difant qu'il n'avoit jamais donné de pareils ordres,& que c'étoit une calomnie. Mais le Quefteur Eupraxe , toujours ferme dans les intéréts de la juftice & de la vérité, lui repréfenta avec refpeft, que les remontrances du Sénat étoient bien fondées. Cette liberté ramenale Prince a de fages réflexions; I iij Valentinien.Valens. jRATIEN \.aa. 370, IX. Condamlations.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann, 370. X. Funeftes artifices de Maximin pour 196 HlSTOIRB il rétablitlè Sénat dans fes droits. Mals il n'öta pas a Maximin le pouvoir de continuer fes procédures cruelles. Lollien, fils de Lampade, ce Préfet de Rome dont nous avons parlé ailleurs, étoit encore dans la première jeuneffe; il fut convaincu d'avoir copié un livre de magie : comme on alloit prononcer contre lui la fentence d'exil, fon pere lui confeilta d'en appelier a 1'Empereur. On le conduifit a la Cour, ou, loin de trouver 1'indulgence que fon age devoit efpérer, il fut mis entre les mains de Phalangius, Gouverneur de la Bétique, qui, plus barbare encore que Maximin, le fit mourir par la main du bourreau. Les femmes même ne furent pas épargnées. On en fit mourir plufieurs de la plus haute naiffance pour caufe d'adultere ou de proftitution. II y en eut une des plus qualifiées qui fut trainée toute nue au fupplice; mais le bourreau fut brülé vif en punition de cette infolence, qui ne lui étoit pas commandée. Jamais les calomniateurs ne manquerent quand la calomnie fut écoutée. Cependant Maximin, comme s'il eüt appréhendé que les pafïïons hu-  nv Bas-Empire. Liv. XVIII 199 I maines ne puffent pas fournir par ellesmêmes affez de matiere k fa cruauté, employoit la rufe pour facihter & j multiplier les accufations. On dit qu'il tenoit une corde pendue aune des fenêtres de fa maifon pour la commodité des délateurs, qui, fans fe faire S connoitre, venoient de nuit y attacher leurs billets. Le fimple énoncé tenoit lieu de preuve. II avoit des émiffaires I fecrets, qui, difperfés dans la ville, affe&oient de gémir de 1'oppreffion geil nérale, exagéroient la barbarie duVicaire, & répétoient fans ceffe que 1'ul nique reffource des accufés étoit de I nommer , au nombre de leurs comI plices, des hommes puiffants qu'on j n'oferoit condamner; que les foibles f. & les petits, s'attachant k eux comme I dans un naufrage, pourroient fe fauI ver avec eux. Ces funeff.es artifice: ; épouvantoient tous les nobles; c'étoit en quelque forte mettre leurs têtes k prix; ils s'humilioient devant ce 1 homme fuperbe; ils ne le faluoien t qu'en tremblant; ils reconnoiffoien 'i la vérité de fes paroles, lorfque fai fant vanité de fa propre malice, i difoit infolemment : Perfonne ne dol I iv Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 37c. multiplier les accufations. I  Valentinien. Vaiens. Gratiën Ann. 370. XI. Hiftoire d" Aginace 200 II 1 s T 0 I R E. fe flatter tfêtre innocent, quand je veux qu'il foit coupable. < En effet, ni le crédit, ni la nobleffe, ni la plus haute fortune ne pouvoient fe défendre de fes attaques meurtrieres. Aginace fortoit d'une familie ancienne & illuftre. II avoit été Gouverneur de la Byzacene, & fous la préfefture d'Olybre, il étoit Vicaire de Rome. Offenfé de la préférenceque 1'Empereur avoit donnée dans Paffaire de Chilon a Maximin , Magiftrat fubalterne, il réfolut de renverfer la fortune naiffante du nouveau favori. Maximin portoit déja Parrogance jufqu'è méprifer Probe, Préfet du Prétoire , & le plus grand Seigneur de 1'Empire. Aginace tacha d'exciter la jaloufie de Probe; il lui offrit fes fervices pour écarter un aventurier fuperbe, qui ofoit fe mefurer avec un homme de fon mérite & de fon rang. Probe, en cette occafion, donna lieu a des foupcons qui le déshonorerent : on prétendit qu'il avoit facrifié Aginace a fa foible politique , & qu'il avoit eu la lacheté de mettre entre les mains de Maximin les lettres d'Aginace. Maximin , réfolu de prévenir  du Bas-Empire. Liv. XVHL 201 celui - ci, ne s'occupa plus que des moyensde le perdre; ck fon ennemi, plus vif & plus ardent que prudent & circonfpe£t, ne lui en fourniffoit 1 que trop d'occafions. Vief orin, confident de Maximin , venoit de mourir , laiffant par teftament a fon ami des fommes conlidérables. Aginace publioit qu'il n'en laiffoit pas encore affez ; que ce n'étoit qu'une petite portion des prorits que Vittorin avoit faits, en vendant par un infame trafic les fentences de Maximin : il inquiétoit Anepfie, veuve de Viflorin, la menacant de la dépouiller d'une for-. tune li mal acquiie. Anepfie, pour s'appuyer d'une protedfion puiffante, fit encore préfent a Maximin de trois mille livres pefant d'argent, feignant que fon mari 1'avoit ainfi ordonné par un codicile. Mais ce Magiftrat, auffi avare que fanguinaire, n'eut pas honte de lui demander la moitié de toute la fucceffion ; & pour envahir le refte , il lui propofa le mariage de fon fils avec la fille de Victorin, ce qu'Anepfie n'ofa refufer. Les chofes étoient dans eet état, lorfque Valentinien rappella Maximin I v Valentinien.Valens. Jratien toin. 370. XII. Méchancetc de  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 370. Simplice , fucceffeur de Maximin» 1 Xïïï. Calomnie ' contre A- j jinace. j ' i 1 I I 2C2 H 1 S T Q I R E a la Cour, & le nomma Préfet dn Prétoire de la Gaule. II lui donna Urficin pour fucceffeur, dans la charge de Vicaire du Préfet d'Italie. Urficin étoit d'un caraftere modéré. Dés la première affaire qui fut portée devant lui, il s'attira par fa douceur, ïe mépris de la Cour & la difgrace du Prince. L'Empereur, 1'ayant auffitöt révoqué comme un Magiftrat foible & inutile, mit k fa place Simplice. Celui-ci, né dans la ville d'Emone, méritoit de fuccéder a Maximin dont il étoit le confeil. C'étoit un efprit fombre & rempli de la plus noire méchanceté. II débuta par des fupplices ; & confondant enfemble les innocents & les coupables, il s'efforca de furpaffer fon prédéceffeur ?ar fon acharnement contre la nodeffe. Simplice s'étoit chargé de toute Ia ïaine de Maximin contre Aginace. I trouva bientöt Poccafion d'immoer cette vi&ime a fon proteöeur. Un fclave d'Anepfie , maltraité par fa naitreffe, alla de nuit avertir Similice, qu'Aginace avoit employé pour t corrompre} les fecrets de la magie.  du Bas-Empire. Lh. XVIII. aoj Simplice en donna fur le champ^avis è la Cour, & Maximin obtint de 1'Empereur un ordre de faire mourir ce Magicien fuborneur. Cependant, craignant d'attirer fur lui-même 1'indignation publique, s'il faifoit périr un Sénateur des plus illuftres par les mains de Simplice fa créature , il tint Pordre fecret jufqu'a ce qu'il eüt trouvé un miniftre propre a 1'exécuter. 11 ne le chercha pas long - temps, Un Gaulois, nommé Doryphorien, homme grofTier & brutal, mais capable de tout faire pour fa fortune, s'offrit a le fervir avec ardeur. Maximin le fit nommer a la charge^ de Vicaire, & lui mit entre les mains Pordre de PEmpereur. II Pavertit d'ufer de diligence, s'il vouloit prévenir tous les obftacles. Doryphorien ne perdit pas un moment. II apprit en arrivant qu'Aginace étoit déja arrêté &l gardé dans une de fes terres. II le fit tranfporter a Rome avec Anepfie, La mort d'Aginace étoit réfolue ^ il ne s'agiffoit que de revêtir cette _injuftice de quelque forme judiciaire, On s'étudia a donner a 1'interrogatoire Pappareil le plus effrayant. Or 1 vj Valentinien.Valens. Gratiën Ann. XIV. Sa mort. Amm. ibid. Cod. Th. leg, i.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann, 370. J 5 i 1 i J T l £ & f; «1 204 fJlSTQ/RE introduifit Aginace pendant la nuit dans une falie éclairée de la lugubre Iumiere de quelques flambeaux, & remplie de roues tk de chevalets préparés pour tourmenter fes efclaves, & pour leur arracher, contre les loix Romaines, la condamnation de leur maitre. Ces malheureux, déja affoiblis par les rigueurs de la prifon, furent livrés en proie a la cruauté des bourreaux. Au milieu d'un affreux Glence , on n'entendoit que la voix menacante du juge, & les gémiffements de ceux qu'on déchiroit par les :ortures. Enfin , une fervante cédant mx douleurs, laiffa échapper quelque )arole équivoque k la charge de fon naitre. Auffi-töt, fans attendre d'aure éclairciffement, on prononca Ia entence d'Aginace; & quoiqu'il en ppellat au jugement de 1'Empereur, 1 fut traïné au fupplice, & exécuté. inepfie fut enveloppée dans la mêie condamnation ; & ni la qualité de elle-mere du fils de Maximin , ni Ie icrifice qu'elle avoit fait de fes biens £ de fa propre fille, ne purent Ia '"ver de la mort. Maximin, quoi11'éloigné de Rome, continuoit d'y  nu Bas~Empixe. Liv. XFI1I. 205 régner clans la perfonne de fes fucceffeurs animés de fon efprit. Nous verrons dans la fuite quelle fut la digne récompenfe de tant de forfaits. Les Préfets de Rome dont Pautorité étoit fupérieure a celle des Vicaires , auroient pu arrêter ce torrent d'iniquités, fi leur vie molle & voluptueufe ne les eüt pas rendus trop infenfibles aux malheurs publics, & trop timides pour s'oppofer aux entreprifes des favoris. Olybre fe contenta de gémir en fecret. Principe qui lui fuccéda, n'eft connu que de nom, & ne fut en charge que très-peu de temps. Ampélius, quoiqu'il _ eüt de bonnes intentions , fe laiffa lui-même entrainer, & fe prêta quelquefois k Pinjuftice. II étoit d'Antioche. II fut Maitre des offices, Proconful d'Achaïe & d'Afrique. Homme de plaifir, il ne lailToit pas d'aimer la regie. Le peuple, quoique dans 1'oppreffion, étoit livré au luxe & a tous les vices qui en font la fuite : Ampélius entreprit de le réformer. II publia a eet effet plufieurs réglements, qu'il n'eut pas la fermeté de faire exécuter. Les moeurs fe corrompoient juf- Valen tinien. Vaiens. Gratiën Ann. 370. XV. Ampélius Préfst de Rome. Aitm. I. 28, c. 4,* ibi VaUf. Symm. la 5. 'P- 54> 56.  Vales- tinien. Vaeeks. Gratiej Ann. 370 XVI. Réglements de Valentinien pour les études de Rome. Cod. Th. 1. 14, tit. 9 /. I. Giann. hijl Nap. I. I, c. 10. St. Aap. Yonf.l.%, ' . 8. 206 II I S T O I R B que dans leur fburce. L'inftruftion publique, le premier germe de vertu &de bonne difcipline dans lesEtats, s'altéroit de plus en plus. Piongés dans la débauche, les jeunes gens ne venoient plus aux académies de Rome que pour fatisfaire aux formes de 1'ufage. Ils ne fréquentoient que les jeux , les fpetïacles, les femmes de mauvaife vie. Le cours des études étoit devenu un cours de libertinage & de défordre. La matricule des Profefleurs étoit encore remplie, mais leurs le5ons étoient abandonnées. Les plus habiles maitres, au milieu de leurs écoles froides & folitaires, craignant d'éloigner leurs difciples par une régularité que 1'autorité publiTque n'auroit pas foutenue, & de peupler a leurs dépens les académies de Province, fe croyoient forcés detoIérer les déréglements, de pardonner l'ignorance, & de pafTer tout hors la fouflradtion de leurs honoraires. Valentinien fentit la néceffité de la réforme fur un objet fi important, & donna dans cette vue une confKtution célebre. II ordonne que les jeunes gens qui viendront étudier a Rome  Dv Bas-Empike. Liv. XFHL 207 apporteront des lettres de congé expédiées par les Magiftrats de leur Province, oii feront énoncés leur nom , leur patrie, leur naiffance, les titres de leurs peres & de leur familie ; qu'en arrivant a Rome, ils préfenteront ces lettres au Magiftrat. chargé de la police de la ville, & qu'ils déclareront k quel genre d'étude ils ont deffein de s'appliquer : qiie ce Magiftrat fera inftruit de leur demeure, & attentif a examiner s'ils s'occupent réellement des études auxquelles ils ont déclaré qu'ils fe deftinoient: qu'on éclairera leurs démarches ; qu'on obfervera s'ils ne fréquentent pas des compagnies criminelles ou dangereufes, s'ils n'affiftent pas trop fouvent aux fpeöacles , s'ils ne paftent pas le temps en feftins & en parties de plaifir. Pour ceux qui, par leur mauvaife conduite, déshonorens les études, il ordonne au Magiftrat de les chatier publiquement, & de Jes renvoyer auffi-töt dans les lieux d'oii ils font venus. II ne permet aux étudiants des Provinces de demeu. rer k Rome que jufqu'a 1'age de vingt ans : ce tenue expiré, il enjoint au Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 370,  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 370. 208 HlSTOIRÈ Préfet de la ville de les obliger paf force, s'il en eft befoin , de retourneer dans leur patrie. Et afin que rien n'échappe a la vigilance publique, il vent qu'ils s'infcrivent tous les mois fur un regiltre, oü feront marqués leur nom, leur qualité, leur patrie, leur age ; & que tous les ans cette matricule foit envoyée au Secretariat de PEmpereur, qui s'inftruifant de leurs progrès & de leur mérite, tiendra une note de ceux dont PEtat pourra titer quelque fervice dans les différents emplois. Cette conftitution étoit vraiment digne d'un grand Prince , li Pon eüt tenu la main a 1'exécution. Mais dans les maladies politiques, la vue des maux fait multiplier les remedes, & le défaut de vigueur & de conftance dans 1'ufage de ces remedes rend è la fin les maux incurables. Cependant une loi fi fage ne fut pas entiérement fans effet; & quelques années après, St. Auguftin quitta 1'Afrique pour aller enfeigner ^Rome, oü les écoles, quoiqu'il y régnat plufieurs abus, étoient, ditil, mieux difciplinées qu'a Carthage. Valentinien crut que le melange  nu Bas-Empirb. Liv. XVIII. 235 1'Eglife eut alors obligation k Thé- ; miftius. Cet Orateur, Déïfte dans le . coeur , quoiqu'idolatre dans la pra- 1 tique, repréfenta k 1'Empereur: Quil < en étoit de la Religion comme de tous les arts qui fe perfectionnent par la difpute : que les diverjes fecles étoient autant de différentes.voies qui toutes aboutiffbient au même terrne , ceft-d-dire , a Dieu même : que la contrariété des opinions furlanature divine entroit dans les vues de l'Etre fuprême, qui a voulu fe cacher aux hommes; & que la diverfité de culte, loin de lui dêplaire, lui étoit aulfiagrêabk , que la diffhrojc. Au fervice 7eft dans une armée d un General, dans une maifon d un pere de familie. Des raifons fi abfurdes firent, dit-on , quelque imprefïion fur un Prince'föiole & ignorant; fans s'adoucir tout-a-fair, il relacha beaucoup de fa. cruauté , & tourna fa principale attention fur les affaires de la Perfe. Le traité de Jovien avoit abandonné Arface a la vengeance & k Pambition de Sapor. Auffi-töt après la mort de cet Empereur, le Roi de Perfe entreprit de s'emparer de 1'Armenië. Auffi artificieux que guerrier, Valen:inien. ralens. r rat1en iiin. 371. XXXH. Sapor s'emparc de 1'Arménie. Amm. I. 27, c. 12.  Valentinien.Valens. Gratiën Aan, 372, ( 1 < 23<5 Hl S T O I R E ij trompa la nation par des traités; il la fatigua par des attaques imprévues : il corrompit ou fit périr une partie des Seigneurs. Enfin , n'épargnantm les careffes, ni les pariures , d attira a un feftin Ie Roi Arface. Ce Prince imprudent fe vit enlever au milieu des convives: on lui creva les yeux, on le chargea de chaines d'argent, vaine diftinftion dont les Perfes honoroient les prifbnniers illuftres ; on 1'enferma dans Ie chateau d Agabanes, oü I'attendoit une mort cruelle. Sapor, deyenu par cette perfide maitre de ce grand Royaume, porta fes armes dans 1'Ibérie; & pour infulter a la puiffance Romaine , ayant chaffe Sauromace qlie les Romains avoient placé fur h tröne, il y etabht Afpacure, coufin de ce Pfini ce. L'eunuque Cylace & An.bane {■un Gouverneur d'une Provinc, * 1'autre un des Généraux d'Arface* ivoient trahi leur maitre, pour fe lonner a Sapor : il leur confia le gouvernement de 1'Arménie, avec ordre le faire tous leurs efforts pour s'em>arer d'Artogéraffe, ville très-forte, ni étoient enfermés les tréfors, le  nu Bas-Empire. Liv. XVIII. 237 rils Sc la veuve du malheureux Arface. Cette Princeffe étoit Olympias, autrefois fiancée a 1'Empereur Conftant. Les deux Commandants vinrent mettre le fiege devant la ville. Comme elle étoit batie fur une montagne efcarpée, ck que les neiges ck la rigueur de 1'hyver en rendoient les approches encore plus difficiles, Cylace prit Ia voie de la négociation. Accoutumé a gouverner des femmes, il fe flattoit de tourner a fon gré 1'efprit de la Reine. II en obtint füreté pour lui Sc pour Artabane; ils fe rendirent tous deux dans la place. Ils prirent d'abord le ton menacant; ils confeilloient a la Reine d'appaifer par une prompte foumiflion,la colere d'un Prince impitoyable. Mais la Princeffe , plus habile que ces deux traitres, leur fit une peinture fi touchante de fes malheurs & des cruautés exercées fur fon mari ; elle leur fit valoir avec tant de force fes reffources, Sc les avantages qu'ils trouveroient euxmêmes dans fon parti, qu'attendris a la fois Sc éblouis de nouvelles efpérances, ils fe déterminerent a tra- VAtENTINIEN. Vaiens. Gratiën Ann. 372. XXXIII. Adreffe d'Olympias.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 371. 238 H 1 S T 0 1 R E hir Sapor a fon tour. Ils convinrent que les affiégés viendroient a une certaine heure de la nuit attaquer le camp, 6c promirent de leur livrer les troupes du Roi. Ayant confirmé leur promeffe par un ferment, ils retournerent au camp , 6c publierent qu'ils avoient accordé deux jours aux affiégés pour délibérer fur le parti qu'ils avoient a prendre. Cette fufpenfion darmes produifit ducöté des Perfes la négligence 6c la fécurité. Pendant que les affiégeants étoient piongés dans le fommeil, une troupe de brave jeuneffe fort de la ville, s'approche fans bruit, pénetre dans le camp, égorge les Perfes, la plupart enfevelis dans le fommeil, 6c n'en laiflent échapper qu'un petit nombre. Olympias ne fut pas plutöt délivrée , qu'elle fit fortir de la place fon fils Para, 6c 1'envoya fur les terres de 1'Empire. Valens lui affigna pour afyle la ville de Néocéfarée dans le Pont, oü il fut traité avec tous les égards dus a fon rang 6c aux anciennes alliances de fa familie avec 1'Empire. Cylace 6c Artabane, efpérant tout  nu Bjs-Empire. Liv. XVIII. 239 de la générofité de 1'Empereur, le prierent par leurs députés de leur renvoyer Para, leur Roi légitime, avec un fecours capable de le maintenir. Valens, qui ne vouloit pas donner a Sapor occafion de lui reprocher d'avoir le premier rompu le traité, fe contenta de faire reconduire le Prince en Arménie par le Général Térence, mais fans aucunes troupes. II exigea même de Para qu'il ne prit ni le diadême, ni le titre de Roi. Ce ménagement n'en impofa point a Sapor. Outré de colere, il entra en Arménie a la tête d'une puiffante armée, & mit a feu & a fang tout le pays. Le Prince & les deux Miniftres, hors d'état de rélïfter a ce torrent, fe retirerent entre les hautes montagnes qui féparoient les terres de 1'Empire d'avec la Lazique; on appelloit alors ainfi Pancienne Colchide. Cachés pendant cinq mois dans les cavernes &£ dans 1'épaiffeur dés forêts, ils échapperent a toute's les recherches de Sapor. Enfin, las de les pourfuivre, & déja incommodé des rigueurs de 1'hyyer, il brüla tous les arbres fruitiers, mit garnifon dans les chateaux Valentinien.Valens. Gratiën fVnn. 372. XXXIV. Para rétabli , & chaffé de nouveau.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 372. XXXV. Valens prend la défenfede 1'Arménie Amm. ibid. Them. or. ii. 240 HlSTOIRE dont il s'étoit emparé par force ou par intelligence, & vint attaquer Artogérafle , qu'il emporta après une vigoureufe réfiftance. II s'y rendit maitre des tréfors , & de la perfonne de la Reine, qu'il emmena captive en Perfe. Ces événements avoient précédé Parrivée de Valens a Antioche. Dès que 1'Empereur eutraffemblé fes troupes , il fit partir deux armées; 1'une marcha en Arménie k la fuite d'Arinthée; Térence conduifit l autre en fbérie. Les affaires d'Arménie avoient changé de face. Sapor, qui favoit prendre toutes fortes de formes, fouple Scinfmuant, fier & intraitable, felon la diverfité des circonftances & de fes intéréts, avoit féduit la fimplicité .du !eune Prince, en lui promettant fon illiance & fa prote&ion. II 1'avertiffoit avec une bienveillance apparente , qu'il expofoit fa dignité & même fa perfonne ; que Cylace & Artabane ne lui laijfoient que le. nom de Souverain; qtfil étoit en effet leur efclave : & que navoit-il pas d craindre de deux perfides, quil fembloit par une aveugle confiance inv'utr d une troifieme trah'ifon ? Para , trop  Valentinien.Va lens. Gratiën Aan. 373. XLT. Courfes des Blemmyes. TUI. Valens. art. 13- Cellar. geog.antig, 1. 4, (. I, art. 15,6c. 8 , art. 16, 31. 246 H I S T 0 I R R toient d'en foutenirle choc, & fe battoient en retraite ; mais enfin, fe voyant pouffés avec vigueur, ils cbargerent a leur tour; & après avoir fait un grand carnage, ils demeurerent maitres du champ de bataille. Les deux Monarques vinrent joindre leurs troupes. II fe livra plufieurs petits combats, dont les fuccès furent balancés. Enfin , ils convinrent d'une trêve pour terminer leurs différends. L'été s'étant paffé en négociations infruöueufes, Sapor fe retira a Ctéfiphon, & Valens a Antioche. Pendant que Valens étoit occupé de la guerre de Perfe, les Sarrafins fe défendoient contre des barbares venus du fond de 1'Ethiopie, & attaquoient eux-mêmes les frontieres de 1'Empire. Sur les cötes de la mer d'Ethiopie, le long du golfe Avalite, habitoit une peuplade de Blemmyes, nation cruelle, dont 1'extérieur même étoit affreux. Ils étoient différents de ceux que nous avons déja vus a 1'Occident du Nil, vers les extrémités méridionales de 1'Egypte. Un vaiffeau d'Aila en Arabie échoua fur leurs cötes; ils s'en faifirent, s'y  nv Bas-Empire. Liv. XVIll. 247 embarquerent en grand nombre; & devenus pirates, fans connoitre la mer, ils réfolurent d'aller a Clyfma, port d'Egypte très-riche ck très-fréquenté, vers la pointe occidentale du golfe Arabique. Ayant pris leur route trop a 1'Orient, ils aborderent a Raïthe , qui appartenoit aux Sarralins de Pharan. C'étoit le 28 Décembre 372. Les habitants , au nombre de deux cents, voulurent s'oppofer a la defcente, mais ils furent taillés en pieces; leurs femmes ck leurs enfants furent enlevés; les Blemmyes maffacrerent quarante folitaires qui s'étoient réfugiés dans 1'Eglife de ce lieu. Ils fe rembarquerent enfuite pour gagner Clyfma. Mais leur vaiffeau n'étant pas en état de faire route, ils égorgerent leurs prifonniers, defcendirent de nouveau fur le rivage , 6k mirent le feu aux palmiers dont le lieu étoit couvert. Cependant Obédien, Prince de Pharan, ayant raffemblé fix cents archers Sarrafins, vint fondre fur les Blemmyes; & quoique ceux-ci fe battiffent en défefpérés, ils furent tous paffes au nl de 1'épée. L iv Valentinien.Valens. Gratlen Ann. 375.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 373. XLTII. Perfécution en Egypte. ' Greg. Nar. or. 23. , Bafil. ep. Epiph. hx.' 1 r'f. 68. { Euf. I. 2 , . c. 4. 1 Orof.l.j, I c- 33- I Soc. I. 4, , c. 19, 20, * 21.13. p 29. £ 4,c 18, J J9, 20. n Si. 1.6, \. 250 " H I S T O J R E qu'a regret, refufa conlfamment Pimpofition des mains d'un ufurpateur hérétique. II fallut Penvoyer aux Prélats orthodoxes relégués dans les monfagnes. Le nouvel Evêque acheva de détruire Pidolatrie dans le pays de Pharan. II maintint Paliiance de Maria avec les Romains; & cette Reine , pour gage de fon attachement k 'Empire, donna fa fille en mariage m Comte Viftor. La mort d'Athanafe fit renaïtre tou:es les horreurs dont Alexandrie avoit ké deux fois le théatre pendant la ne de ce faint Prélat. Pierre, le fidele " :ompagnon de fes travaux, qu'il avoit ;n mourant défigné pour fon fucceféur, ne fut pas plutöt établi par Ie iiffrage du Clergé, du peuple & des -vêques des contrées voifines, que 'aüade, Préfet d'Egypte, qui étoit 'ayen, faifit cette occafion de venger ds Dieux, en fervant la haine de 1'Emereur contre les Catholiques. II rafïrnble une troupe d'Idolatres & de rifs, entre par force dans 1'Eglife , rofane le fanctuaire & 1'autel par s abominations les plus exécrables; anime lui-même 1'infolence & la  su Bjs-Empire. Liv. XVllL 251 fureur de fa cohorte effrénée. On maffacre les hommes, on foule aux pieds les femmes enceintes; on traïne toutes mies dans les nies de la ville 1 les fllles Chrétiennes ; on les aban- ' donne k la brutalité des Payens; on 1 les affomme avec ceux que la compaffion excitoit a leur défenfe; on 1 refufe a leurs parents la trifte confolation de leur donner la fépulturé. Bientöt arrivent Euzoïus, Evêque Arien d'Antioche, ck le Comte Magnus, Intendant des finances, celui qui s'étoit fignalé en faveur du Paganifme fous le regne de Julien. Ils ramenoient comme en triomphe Lucius, le dernier perfécuteur d'Athanafe. Les follicitations des Ariens, ck les fommes d'argent répandues a la Cour , avoient enfin couronné fon ambition. Les Payens le recurent avec joie ; ck au-lieu des Pfeaumes ék des Hymnes dont les villes retentiffoient d'ordinaire a la première entrée des Evêques, on entendoit crier de toutes parts : Tu es Üami de Sérapis, cejl le grand Sérapis qui tamene a Alexandrie. La conduite du nouveau Prélat répondit a ces acclamations impies. Ar^ L vj Valentinien.Valens* Sratien Lnn 373. 'aul. diac. n Valcnu Suid. in  du Bas-Empire. Liv. XVIII. sl$$ qui les accablerent d'outrages. Léur départ caufa une douleur extréme dans Alexandrie; le peuple les accompagna jufqu'a la mer en verfant des larmes, ck fuivirent des yeux leur vaifleau avec des cris lamentables. La perfécution s'étendit par toute 1'Egypte. Les fupplices que la rage de 1'idolatrie avoit inventés contre les Chrétiens, fe renouvellerent avec plus de fur eur contre les Catholiques, par un effet de cet acharnement naturel aux divers partis d'une même Religion. On vit des hommes dévorés par les bêtes dans les fpeftacles du Cirque. Onze Evêques d'Egypte, qui s'étoient rendu redoutables aux Ariens par leur fainteté ck par leur doctrine, furent envoyés en exil. Les déferts n'étoient plus un afyle. Trois mille foldats commandés ck conduits par Lucius, allerent porter le trouble ck la terreur dans les tranquilles folitudes de Nitrie & de Scétis. On y chaffoit les Moines de leurs cellules, on les égorgeoit, on les lapidoit : ceux qu'on traitoit avec le moins d'inhumanité, étoient dépouillés, enchaïnés, battus de verges, traxnés a Ale- Valen- tinien. Valeks. Gratiën Ann. J73»  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 373. XLIV. Troubles d'Afrique Amm. I. 27,'. 9.* j 28 ,c.6,' &l- 30, c. ' 2. I 1 < i 254 H 1 s t 0 1 r e xandrie, oü, par.ordre de 1'Empereür, on les forcoit de s'enröler dans la milice. Pierre avoit échappé aux meurtners avant 1'arrivée de 1'ufurpateur; & s'étant fecretement embarqué , il ie réfugia a Rome auprès du Pape Damafe , oü il demeura jufqu'a la mort de Valens. Pour mettre fous les yeux des Romains une image des cruautés exercées dans Alexandrie , il porta avec lui une robe teinte du fang des martyrs, & il inftruifit toute la terre de ces horribles violences , par une lettre pathétique adreffée a l'Eghfe ^univerfelle. Lucius, méprifé tant qu'Athanafe avoit vécu, devint le tyran de 1'Eglife, & conferva cette injufte puiffance pendant les cinq annees fuivantes. Les autres contrées de 1'Afrique éprouvoient dans le même temps 1'autres malheurs. La Tripolitaine déa ravagée par les Barbares, ne foufroit pas moins de la part des Offï:iers chargés de la défendre; & la révolte de Firme qui éclata cette anïée, défoloit la Mauritanië. L'avarice k les impoftures du Comte Romain urent la caufe de ces délaffres. Cette  hv Has-Empire. Liv. XPIII. 255 fanglante tragédie, chargée d'intrigues ck de funeftes incidents, commenca avant le regne de Valentinien, ck ne fut terminée que fous celui de Gratiën. Pour n'en pas interrompre le fil, nous en avons jufqu'ici différé le récit, ck nous en allons donner toute la fuite. Jovien vivoit encore, lorfque les habitants de Leptis attaqués par les Aufturiens, ainfi que nous 1'avons raconté, implorerent le fecours de Romain, Commandant des troupes en Afrique. Ce Général avare ayant exigé pour les défendre des conditions auxquelles il étoit impoffible de fatisfaire, ils réfolurent de porter leurs plaintes a PEmpereur. Ils nommerent pour députés Sévere ck Flaccien; .& fur la nouvelle que Valentinien venoit de fuccéder a Jovien , on les chargea en même-temps de lui offrir , felon la coutume, les préfents de la Province Tripolitaine. Romain n'étoit pas moins artificieux que cruel ck avare; il avoit k la Cour un puiffant appui dans la perfonne de R emi, qui fut depuis Maitre des offices, avec lequel il partageoit le fruit de fes rapines, Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 373. XLV. Plaintes de ceux de Leptis, éludées par les intrigues du Comte Romain.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 373, 1 256 HlSTOIRE pour en acheter Pimpunité. II favoit que PEmpereur, prévenu en faveur de fes Officiers, ne vouloit jamais les croire coupables, & qu'il ne puniffoit que les fubalternes. Dès qu'il fut infiruit de la réfolution des Leptitains, il dépêcha en toute diligence un courier a Remi, pour le prier de faire en forte que 1'Èmpereur voulut bien s'en rapporter fur toute cette affaire k lui-même, & au Vicaire d'Afrique , dont il étoit fur : c'étoit demander avec imprudence que le coupable füt déclaré juge. Les députés vinrent a la Cour: ils expoferent leurs malheurs, & préfenterent le décret de la Province, qui en détailloit toutes les circonffances. Ruricius, Gouverneur de la Tripolitaine, y avoit ioint fon rapport, conforme aux plaintes des habitants. L'Empereur en fut frappé. Remi fit 1'apologie de Romain ; mais fes menfonges ne purent :ette fois que balancer la vérité. Valentinien promit de faire juffice après ine exacte information. II accorda même k la priere des députés, qu'en ittendant fa décifion, Ruricius feroit :hargé du commandement des armes  nu Bjs-Empire. Liv. XVUL 257 auffi-bien que du gouvernement civil, Les amis du coupable éluderent ces difpofrtions équitables de 1'Empereur. lis obtinrent que le commandement demeurat au Comte Romain, & vinrent a bout d'éloigner 1'information, & de la faire enfin tout-afait oublier, en mettant toujours enavant d'autres affaires , qu'ils difoient plus importantes & plus preffées. La Province de Tripoli attendoit avecimpatience quelque foulagement de la part de 1'Empereur; lorfque les barbares , animés par leurs premiers fuccès, revinrent en plus grand nombre , ravagerent le territoire de Leptis & celui d'CEa , ville confidérable de la même contrée, maffacrerent les principaux du pays qu'ils furprirent fur leurs terres, & fe retirerent avec un riche butin. Valentinien étoit alorj dans la Gaule. La nouvelle de cette feconde incurfion réveilla dans fon ef prit le fouvenir de la première : il envoya le Secretaire Pallade poui payer les troupes d'Afrique, & poui prendre connoiffance de 1'état de \i Tripolitaine. Avant que celui-ci fü Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 373. XLVI. Nouvelles incurfions des Aufturiens.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 373. ( J < j ( < I r E f< n h n P 258 II I S T O I R g arrivé, les Aufturiens, femblables & ces amrnaux féroces qui reviennent affames a 1 endroit oir ils fe font déja repus de carnage , accoururent une troifieme fois; ils égorgerent ceux qui tomberent entre leurs mains; couperent les arbres & les vignes, enleverenttource qu'ils n'avoientpu emporter dans les irruptions précédentes. Teints de fang & chargés de butin, ■Is s approcherent de Leptis, conduilant devant eux un des premiers de a ville, nommé Mycon, qu'ils avoient urpns dans une de fes métairies. II ïtoitbleffe, &ils menacoient de 1'é5orger, fi l'on ne payoit fa rancon. ja femme traita avec eux du haut les murailles; & leur ayant jetté argent qu ils demandoient, elle le fit ■nleverpar-deffus le mur avec des Cortes. II mourut deux jours après. Les abitants, & fur-tout les femmes, qui avoient jamais vu leur ville affiéee , ie croyoient perdus fans ref>urce. Tout retentiffoit de gémiiTe»ents & de cris. Cependant après uitjouw de fiege, les barbares qui entendoient rien è 1'attaque des aces , voyant plufieurs des leurs  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 373. J 1 i t c XLVIII. Innocents J mis a mort. j* h f; ti c A P 2Ö0 H I S T 0 I R E habitants diftingués, nommés Erechthuis & Ariffomene, qui lui firent une peinture fidelle de leurs calamites, & Ie conduifirent fur les lieux ravages par les barbares. Pallade, témoin lui-même du déplorable état de ce pays, vint trouver Romain, lui reprocha fa négligence , & le menaca d'informer Ie Prince de ce qu'il avoit vu : A la bonne heure, lui réponfit Ie Comte; mais je l'informerai moi ie votre péculat: il faura que vous ave? ipphqué d votre profit une partie de la olde de fes troupes. Ce peu de paroles idoucit Pallade ; il devint ami de Ronain; & de retour a Treves, il peruada a PEmpereur que les plaintes les Tnpolitains n'étoient qu'un tiffu te calomnies. Ij fut renvoyé en Afrique avec ovin, Pun des deux derniers dépu;s. L'autre étoit mort a Treves. Palide étcit chargé conjointement avec : Vicaire d'Afrique, de vérifier les uts allégués par la feconde députaon : il avoit ordre encore de faire super Ia langue è Erechthius & a nftomene, qu'il avoit, contre fa prore confcience, dépeints comme des  du Bas-Empire. Liv. XVIII. 261 importeurs. Romain, dont la fourberie ' étoit inépuifable en reffources, ne fut pas plutöt inrtruit des ordres donnés pour cette feconde information , qu'il réfolut d'en profiter pour fe défaire de tous fes adverfaires. II envoya k Leptis deux fcélérats adroits & propres aux plus noires intrigues. L'un, nommé Cécilius, étoit Confeiller au Tribunal de la Province. Par leur moyen, il corrompit un grand nombre d'habitants qui cléfavouerent Jovin; & Jovin lui-même, intimidé par des menaces fecretes, démentit le rapport qu'il avoit fait k 1'Empereur. Pallade inflruifit Valentinien de ces rétraöations; & ce Prince, fe croyant joué par les accufateurs de Romain , condamna a la mort Jovin, & trois autres habitants comme complices de fes calomnies. II prononca le même arrêt contre Ruricius; & ce Gouverneur integre, qui n'avoit d'autre crime que d'avoir, felon le devoir de fa charge , travaillé a foulager les maux de fa Province, fut exécuté k Stefe en Mauritanië. Le Vicaire fit mourir les autres a Utique. Flaccien fut affez heureux pour Valentinien.Valens. Sratien Vnn.373.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 373, XLIX. Découverte & punition de 1'impofture. i ( ] I < I I i r 2 j i 1 I 2*4 H 1 S T O I Jl E ' bet Grec, ils fufpendirent au-deflus un anneau enchanté, qui, par fes vibrations diverfes, marqua les lettres, dont 1'affemblage formoit la réponfë de 1'oracle. Elle étoit concue en vers héroïques, & fignifioit que le fucceffeur de Valens feroit un Prince accompli ;.que leurcuriofuè leur feroit funefle, mais que leurs meurtriers éprouveroient eux-mêmes la verzgeance des Dieux, & périwient par le feu dans les plaines de Mimas. Comme 1'oracle ne s'étoit exprimé fur le Prince futur quën des termes généraux, on demanda quel étoit fon nom. Alors 1'anneau ayant frappé fucceffivement fur ces lettres THEOD, un des aflïfiants s'écria que les Dieux défignoient Théodore. Tous les autres furent du même avis; &£ la chofe parut fi évidente, qu'on s'en tint-la fans poufTer plus loin la recherche. II faut avouer que fi ce récit étoit yrai dans toutes fes cir:onftances, jamais 1'art magique n'auroit enfanté une prédiéfion plus jufte fi plus précife. C'eft ce qui doit en aire douter : en effet, les Auteurs ie s'accordent pas fur le moyen qui ut employé. Les uns difent qu'on  bu Bas-Empire. Liv. XIX. 29$ fit ufage de la nécromancie : quelquesuns racontent qu'on traca fur la terre un grand cercle, autour duquel on marqua, a diftances égales, les lettres de 1'alphabet; qu'on les couvrit enfuite de bied, & qu'un coq placé au centre du cercle avec des cérémonies myftérieufes , alla choifir les grains de bied femés fur les lettres que nous venons de dire. Ce Théodore, en faveur duquel ort étoit fi fortement prévenu, étoit né en Gaule, d'autres difent en Sicile, d'une familie ancienne & illuftre. Une éducation brillante avoit perfeftionné fes talents naturels, & les graces de 1'extérieur y ajoutoient un nouvel éclat. Ferme & prudent, bienfaifant & judicieux , modefte & favant dans les lettres, il étoit chéri du peuple, refpe&é des grands, cónfidéré de 1'Empereur ; & quoiqu'il ne tint que le fecond rang entre les Secretaires du Prince , il étoit prefque le feul qui füt affez courageux pour lui parler avec franchife, & affez habile pour s'en faire écouter. Euférius, qui avoit été Vicaire d'Afie, & qui étoit dans le fecret de la confultation, 1'inftruifit N iv Valentinien.Valens.' Gratiën Ann. 374"< III. Cara£tere de Théadore;  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374. IV. Découverte de •cette intrigne. 1 1 C a 6 296 N 1 S T 0 I * B des prétendus deffeins du Ciel fur fa perfonne.^ Une tentation fi délicate fit connoitre que fa vertu n'étoit pas a 1 epreuve de 1'ambition. Théodore fe fentlt flatté, & auffi-töt il devint criminel : il écrivit a Hilaire qu'il acceptoit Ie préfent des Dieux , & qu'il rSbée 1'°CCafion de remPlir II nën eut pas Ie temps. La confpiration oij 1'on avoit déja ensagé un grand nombre de perfonnes confidérables, fut découverte par un accident imprevu. Fortunatien, Intendant du domaine, pourfuivoit deux de fes :ommis , coupables d'avoir détourné es deniers du Prince. Procope, arient delateur, les accufa d'avoir vouu fe tuer d'embarras, en faifant péir Fortunatien, & de s'être adreffés >our cet effet a un empoifonneur nomne Pallade , & a 1'aftrologue Héliolore. L'Intendant du domaine fit aufi-tot faifir Héliodore & Pallade, & ss mit entre les mains de Modefte 'refetdu Prétoire. Dans les tourments e la queftion, ils s'écrierent qu'on voit tort d'employer tant de riueurs pour éclaircir un fait fi peu im-  nu Bas-Empire. Liv. XIX. 297 portant; que fi on vouloit les écouter, ils révéleroient des fecrets d'une toute autre conféquence, & qui n'alloient a rien moins qu'au renverlement général de PEtat. A cette parole on fufpendit les tourments, on leur ordonna de dire ce qu'ils favoient. Ils étoient inftruits de la confpiration, & ils en expoferent toute 1'hiftoire. On leur confronta Fiduftius, qui avoua tout. Euférius fut mis en prifon. On informa le Prince de cette découverte. Les courtifans, & fur-tout Modefte , sëmpreffoient k 1'envi d'exagérer le péril, & d'enflammer la colere du Souverain; & comme il paroiffoit dangereux de faire arrêter tant de perfonnes, dont plufieurs avoient un grand crédit, le Préfet, flatteur outré & impudent, élevant fa voix : Et quel pouvoir, dit-il, peut rèjifler a PEmpereur? II pourroit, s'il Iavoit entrepris, faire defcendre les ajlres du ciel, & les obliger de comparottre d fes pieds. Cette hyperbole infenfée ne révolta nullement 1'imbécille vanité de Valens. On envoya en diligence a Conftantinople pour enlever Théodore N v Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374, y. Théodore eft arrêté.  Vaien tinien Vaiens Gratie Ann, 37, VL Punition de quelques conurés. 298 HlSTOIRS - qu'une affaire particuliere y avoit rappellé. En attendant fon retour, on . paffoit les jours & les nuits a inter* roger les complices qui fe trouvoient " dans Antioche; & fur leurs dépofitions, on dépêchoit de toutes parts jufques dans les Provinces les plus éloignées, pour faifir les coupables,* & les amener a la Cour, Plufieurs d'entre eux étoient diftingués par leur nobleffe & par leurs emplois. Les prifons publiques, & même les maifons particulieres , étoient remplies de criminels, chargés de fers, tremblants pour eux-mêmes & plus encore pour leurs parents & leurs amis dont ils ignoroient le fort. Théodore arriva : comme on appréhendoit quelque violence de fes partifans, on le fit garder dans un chateau écarté fur le territoire d'Antioche. Sa difgrace avoit du premier coup abattu fon courage; & fon ame qui avoit paru fi ferme a la Cour, ne fe trouva pas d'une trempe affez forte pour fe fourenir a la vue d'une mort prochaine qu'il avoit méritée. Valens forma un tribunal compofé des grands Officiers auxquels préfi-  du Bas-Empire. Liv. XIX. 299 dok le Préfet du prétoire. On donnoit alors la queftion aux criminels dans la falie même de Paudience, en préfence de tous les juges. Quand les bourreaux eurent étalé a. leurs yeux les inftruments des diverfes tortures, on fit entrer Pergamius. C'étoit un homme éloquent & hardi. Mais fentant bien qu'il ne pouvoit éviter la mort, au-lieu de nier fon crime & de défavouer fes complices, il prit une voie toute contraire; & foit pour effrayer Valens, foit pour prolonger fa vie, il n'attendit pas les interrogations des juges qui paroiffoient embarraffés , & dénonga des milliers de complices, nommant avec une volubilité incroyable tout ce qu'il connoiffoit de Romains dans toute 1'étendue de 1'Empire : il demandoit qu'on les fit tous venir , & promettoit de les convaincre. Une pareille dépofition devenant inutile par l'impoffibilité d'en éclaircir la vérité, on lui impofa filence pour lui prononcer fon jugement, qui fut fur le champ exécuté. Après qu'on en eut fait mourir plufieurs autres que 1'hiftoire ne nomme pas , on envoya chercher dans la N vj Valentinien.Valens. Graties Ann. 374.  Valen- - tinien. Valens. Gratiën Ann, 374, VIT. Interrogatoire de 'Théodore & des principaux complices, 1 ] « 3°s Histöirb prifon Salia, qui avoit été peu de temps auparavant Tréforier général de la Thrace. Mais pendant que fes gardes le détachoient pour le faire fortir du cachot, frappé dëffroi comme d'un coup de foudre, il expira entre leurs bras. On introduifit enfuite Patrice & Hilaire; on leur ordonna de faire Ie détail de leur procédé magique. Comme ils héfitoient d'abord, on leur fit fentir les ongles de fer, & on les forca ainfi dëxpofer toutes les circonftances de la confultation. Ils ajouterent par amitié pour Théodore, qu'il ignoroit tout ce qui s'étoit paffé. Ils furent mis a mort féparément. Ces fupplices n'étoient que le prélude de la principale exécution. On fit enfin comparoitre enfemble tous les conjurés diftingués par des emplois & des titres d'honneur. A la tête des coupables étoit Théodore, portant fur fon vifage tous les fignes d'une profonde douleur. Ayant obtenu la permiflion de parler, il en jfa d'abord pour demander grace par es^ plus humbles fupplications. Le 3réfident 1'interrompit, en lui difant ju'il étoit queftion de réponfes pré-  nv Bas-Empirz. Liv. XIX. 301 ciles, & non pas de prieres. Théodore déclara qu'ayant appris d'Euférius la prédicfion qui faifoit fon crime , il avoit plufieurs fois voulu en informer 1'Empereur; mais que le même Euférius Pen avoit toujours détourné, fous prétexte que cette prédiöion n'annoncoit qu'une deffination innocente , & qu'il parviendroit a 1'Empire par lëffet d'un accident inévitable, auquel il n'auroit lui-même aucune part. Euférius, appliqué k une queftion cruelle, s'accordoit parfaitement avec Théodore ; mais la lettre écrite a Hilaire les démentoit tous deux. Tous les autres , entre lefquels étoient Fiduftius & Irénée, furent interrogés & convaincus. Eutrope, alors Proconful d'Afie , le même dont nous avons un Abrégé de 1'Hiftoire Romaine , & dont Saint Grégoire de Nazianze parle avec éloge, quoiqu'il füt payen, avoit été injufiement confondu avec les conjurés. L'envie attachée au mérite avoit faifi cette occafion de le perdre. II fut redevable de fa confervation au Philofophe Pafiphile, qui réfifta conftamment k toute la violence des tor- Valen- tinien Vai.eks. Gratie» Ann. 374.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374. i ] vm. Leur fup- J plice. ( c t F k o t( d di m C( tr lo V£ S»2 H 1 S T O I R 3 tures, par Iefquelles on sëfforcoit de lui arracher un faux témoignage. Un autre Philofophe, nommé Simonide, fignala fa hardieffe : il étoit encore ,?TtJ^n,e ' mais déja célebre par l auftente de fes mceurs. On 1'accu(oxt d'avoir été inftruit de toute 1'inJigue par Fiduftius. II en convint, X ajouta qu'iVyavoit mourir, mais qu'il vefavoitpas trahir un fecret. Fidélité ouable, fi elle n'eüt pas été em>loyée a favorifer un crime. Le Tribunal ayant envoyé toutes es dépofitions a 1'Empereur, le pria le prononcer fur la punition. II conamna tous les accufés k perdre la ïte. Le feul Simonide, dont 1'intréïdite lui parut une infulte, fut deftiné un fupplice plus rigoureux. Valens rdonna qu'il füt brülé vif. Ils furent >us exécutés dans la place publique Antioche, a la vue d'une multituï innombrable , qui oublia leur crie pour s'attendrir fur leur fuppli• La haine qu'on avoit concue conï 1'Empereur, leur tint lieu d'apogie, & le peuple voulut croire t entre ceux qui périrent alors, 1'ance du Prince avoit enveloppé  nu Bas-Empwe. Liv. XIX. 303 un grand nombre d'innocents. La conftance de Simonide rendit encore lëxécution plus odieufe. II fe laiffa dévorer par les flammes fans poufler aucun foupir, fans changer de contenance, & renouvela le fpeéfacle de cette effrayante fermeté, dont le Phllofophe Pérégrin avoit fait volontairement parade fous le regne de Mare Aurele. La femme de Théodore, qui égaloit fon mari en noblefle, dépouillée de fes biens, fut réduite a vivre en fervitude; n'ayant fur les femmes nées dans 1'efclavage que le trifte privilege de tirer des larmes k ceux qui, en la voyant, fe rappelloient fa fortune paffée. Les bons Princes font féveres par néceflité , & indulgents par caractere ; leur penchant naturel les ramene promptement aces fentiments de douceur, qui font autant leur félicitéque celle de leurs fujets. Mais Valens ne fe laffa point de punir; il ouvrit fon coeur a tous les foupcons, fes oreilles a tous les délateurs; & pendant quatre années, il ne ceffa de frapper,' jufqu'a ce que les Goths , exécuteurs de la Juftice divine , 1'appellerent Valentinien.Valens. Gratiën Ann, 374, IX. Funefte crédit de Pallade & i'Hélioiore,  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374. 3°4 II 1 s t o i r e lui-même au bruit de leurs armes, pour recevoir la punition de tant de cruautés. Pallade & Héliodore, qui n'avoient évité le ftipplice qu'en dénoncant les conjurés, s'autorifant du fervice qu'ils avoient rendu a 1'Empereur , étoient devenus redourables k tout 1'Empire. Maitres de la vie des plus grands Seigneurs, ils les faifoient périr ou comme complices de la conjuration , ou comme coupables de magie, crime profcrit depuis longtemps, mais devenu irrémiffible depuis qu'il avoit donné naiflance au dernier complot. Ils avoient imaginé un moyen infaillible de perdre ceux dont les richeffes excitoient leur envie. Après les avoir accufés, lorfqu'on alloit par ordre du Prince faifir leurs papiers, ils y faifoient gliffer des pieces qui emportoient une condamnation inévitable. Ce cruel artifice futrépété tant de fois, & caufa Ia perte de tant d'innocents, que plufieurs families brülerent tout ce qu'elles avoient de papiers, aimant mieux perdre leurs titres, que de sëxpofer a périr avec eux. Héliodore étoit plus puiffant &  du Bas-Empire. Liv. XIX. 305 plus accrédité que Pallade , paree qu'il étoit encore plus fourbe & plus méchant. II avoit été d'abord vendeur de marée. Comme il paffoit par Corinthe, fon höte qui avoit un procés , tomba malade, & le pria de fe rendre pour lui a Paudience. Lorfqu'il eut entendu les Avocats, il fe perfuada qu'il réuffiroit dans cette profeffion : il partagea fon temps entre fon commerce & 1'étude des loix, La nature lui avoit donné 1'impudence, &ce talent fuppléa a tous les autres. II trouva affez de dupes pour faire une médiocre fortune. S'étant enfuite adonné a l'aftrologie, il s'attacha a la Cour. Parvenu a la faveur du Prince par la voie que nous avons racontée, les courtifansle combloient de préfents, & il les payoit en accufations calomnieufes contre ceux qu'ils haïffoient. Sa table étoit fomptueufe; il entretenoit dans fa maifon plufieurs concubines, auxquelles toutes les perfonnes en place fe croyoient obligées de payer un tribut. Le grand Chambellan lui rendoit de fréquentes vifites de la part de PEmpereur. Valens, quife piquoit d'éloquence juf- Valen- tinien. Valens. Gratiën Ann. 374. X. Hiftoire d'Héliodore.  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374, XI. Innocents condamnés, 1 ( 1 I t 1 t £ c b rr t( P ft f fii cc 30Ö ff I S T Q I &B que dans ces cruelles fentences qu'il prononcoit contre les innocents, s'adreflou è Héliodore pour donner k ion flyle le tour & les graces oraroires. Ces deux fcélérats firent périr plus de nobleffe que n'en auroit détruit une maladie contagieufe. Diogene ancien Gouverneur de Bithynie, étoit rioble, eloquent, chéri de tous par la douceur de fes moeurs; mais il étoit 'iche ; il fut mis k mort. Alypius, aurefois Vicaire des Préfets dans la grande-Bretagne, le même que Juien avoit mutilement employé pour ebatir le temple de Jérufalem, s'é3it retiré de Ia Cour & des affaires, a calomnie vint 1'arracher de fa re- ',aitu-?n raccufa de magie avec fon Is Hier.ocle, dont la probité étoit >nnue. Le pere fut condamné au mniffement, & le fils k la mort. Comie on trainoit celui-ci au fupplice, »ut le peuple d'Antioche courut au Uais de 1'Empereur, & obtint par s cns la grace de ce jeune homme u n avoit befoin que de juftice. Baf:n, Secretaire de 1'Empereur, avoit nlulte les devins fur la groffeffe  du Bas-Empire. Liv. XIX. 315 qu'il étoit fort attaché a la foi Catholique, étoit d'ailleurs un efprit fombre , darigereux, ardent a femer la difcorde. Appuyé du témoignage de quelques Seigneurs Arméniens, qui vouloient perdre leur Prince paree qu'ils Pavoientoffenfé,il ne ceffoit d'écrire k la Cour, Sc de remettre fous les yeux la mort de Cylace Sc d'Artabane. Ces imprefhons malignes firent leur effet fur Valens. II manda le jeune Monarque pour conférer avec lui fur des affaires preffées Sc importantes. Para étoit imprudent par caradfere autant que par jeunefTe; Sc jamais fes malheurs paffés ne purent 1'inftruire k la défiance. II partit avec trois cents cavaliers ; & étant arrivé k Tarfe, il y fut retenu fous divers prétextes. On lui rendoit tous les honneurs dus k fa dignité; mais 1'éloignement de la Cour, Sc le profond filence qu'on gardoit fur des affaires, qu'on lui avoit annoncées comme preffantes , commencoient k lui donner de 1'inquiétude, lorfqu'il apprit par des avis fecrets que Térence follicitoit vivement 1'Empereur dënvoyer au plutöt un autre Roi en ArO ij Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374.  du Bas-Empire. Liv. XIX. 31$ ênchanteur, & qu'il s'étoit rendu invifible lui & fa troupe. Ce conté abfurde trouva croyance a la Cour, entêtée pour lors de magie 6i de fortileges. Le Roi d'Arménie, naturellement doux &C paifible, dévora fans fe plaindre l'injure qu'il avoit recue. II demeuroit fidele aux Romains. Mais Valens ne pouvoit lui pardonner de s'être affranchi d'un indigneefclavage, II fe vengea par une horrible perfidie du mauvais fuccès de la première, Le Comte Trajan avoit fuccédé a. Térence. Celui-ci, a fon retour d'Arménie , fit une adtion qui feroit digne d'un Héros du Chriftianifme, & qü montre entre mille exemples, que h méchanceté du caradfere n'altere pa; toujours la pureté dela croyance. Va lens, content des fervices de Térence. 1'invita a lui demander telle recompenfe qu'il defxreroit. Le Comte lu préfenta une requête, par laquelle i ne demandoit ni or, ni argent, ni aucune dignité, mais feulementune Eglife pour les Catholiques. L'Empereur irrité la mit en pieces : Dc mandcT-moi toute autre chofe, lui ditO iv Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374. XIX. II eft affaffiné. [  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374. j ( 3 J J J t l 322 HlSTOlRE rien aux difpofitions précédentes, & qu'il étoit bien réfolu de maintenir les deux Royaumes dans 1'état oü ils fe trouvoient alors. Le Roi de Perfe récrivit que le feul moyen de terminer toutes les difputes, étoit de sën tenir au traité de Jovien , & que pour en bien affurer les conditions, il falloit raffembler, en préfence des deux Princes, tous les Officiers qui en avoient été garants de part & d'autre. Sapor ne cherchoit qu'a fatiguer Valens par des chicanes : il n'ignoroit pas qu'il propofoit rimpofTible , & que la plupart de ceux qui avoient Ggné le traité, étoient morts depuis ce temps-la. L'Empereur, pour mettre fin h toutes ces repliques, envoya ïn Perfe le Comte Viéfor, Général 3e la cavalerie, & Urbice, Duc de a Méfopotamie, avec une derniere •éponfe, dont il déclaroit qu'il ne fe lépartiroit pas ; elle contenoit en übffance : Que Sapor, quife vantoit de ujlice& de déjintérejfement, manifejlolt "on ambition & fon injujtice par les defeins qu'il formoil fur t Armenië, après voir protejlê aux Arméniens qu'il ne is troubliroit jamais dans l'ufage de  do Bas-Ëmpire. Liv. XIX. 323 leur liberté & de leurs loix : que f Empereur alloit retirerfes troupes de tlberie; mais qu'il n abandonneroit pas la défenfe de Sauromace ; & que fi Sapor inquiétoit ce Prince, Valens f auroit bien lef oreer d rejpecler la proteclion de 1'Empire. Cette déclaration étoit conforme a 1'équité & a la majefté impériale. Mais les Envoyés paflerent leur pouvoir; & fans y être autorifés par TEmpereur, ils accepterent en fon nom la ceffion de quelques cantons de 1'Arménie, que les Seigneurs du pays abandonnerent aux Romains. Valens ne jugea pas k propos de défavouer fes députés. Peu après leur retour k Antioche, arriva le Suréna, qui offroit au nom du Roi de Perfe de laiffer k Valens la librepoffeffion de ces contrées , pourvu qu'il renoncat k la défenfe de 1'lbérie & du refte de 1'Arménie. Cet Ambaffadeur fut recu avec magnificence ; mais fa propofition fut rejettée, & 1'on fe prépara a la guerre. Ces négociations avoient duré deux ans. Valens devoit entrer en Perfe au commencement du printemps avec trois armées : il prenoit a fa folde des troupes auxiliaires des Goths. SaO vj Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374,  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374, XXIII. Ie jeune Théodofe repouffe les Sarmates. Amm. ibid. Zof. I. 4. Them, or, ïS. 32S HtSTOTRE terent de cette méfinteliigence : ils' tomberent d'abord fur la légion de Méfie; & lui ayant paffe fur le ventre avant qu'elle eüt eu le temps de prendre les armes , ils attaquerent celle de Pannonie; elle fut taillée en pieces, & il ne s'en fauva qu'un petit nombre de foldats. Théodofe, fils de celui qui pourfuivok Firme en Afrique, & de Thermantie, illuftre Efpagnole, commandoit dans la Méfie. II étoit agé de vingt - huk ans. Déja connu par Ia valeur qu'il avoit montrée en plufieurs guerres fous le commandement de fon pere, il fe fit alors cette haute réputation qui 1'éleva dans la fuite a la dignité impériale. Les Sarmates, ammés par les Quades leurs voifins , fe jettent en Méfie : Théodofe. a la tête d'une poignée de nouvelles levées, n'ayant de refiburce réelle que dans fa bonne conduite & dans fon courage, défit les ennemis autant de fois qu'il put les joindre. Tantöt courant a leur rencontre jufqu'aux bords du Danube, il fervk lui-même de barrière a 1'Empire : tantöt les attendant è des pafTages dangereux & dans  Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 374, 33° Histoire raifons, & réfolut d'attendre le printemps. Mais afin de ne laiffer derrière lui aucun fujet d'inquiétude, il voulut s'affurer de Macrien par un traité de paix, & 1'invita a une entrevue prés de Mayence. Le Roi Allemand, glorieux de fe voir recherché , fe rendit au bord du Rhin , & parut dans une contenance fiere k la tête de fes bataillons, qui faifoient retentir leurs boucliers, en les frappant de leurs épées. L'Empereur , en cette occafion, facrifia au delir de la paix la prééminence de la majefté impériale : il raffembla un grand nombre debateaux; & traverfant le fleuve avec fes foldats rangés fous leurs enfeignes,il s'approcha de Macrien, qui l'attendoit fur 1'autre bord. Lorfqu'ils furent k portée de s'entendre, & que les barbares eurent fait filence, les deux Princes entrerent en conférence. Ils convinrent des articles de la paix, & la confirmerent par leur ferment. Macrien, jufqu'alors fi inquiet Se fi turbulent, devint de ce moment un allié fidele, & ne ceffa jufqu'a fa mort de donner des preuves de fon Jttachement aux Romains. Quelques  Valentinien.Valens. Gratiën Aan. 374. Ann. 375. XXVIII. Valentinien marche en Pannonie. Amm. 1. jo, e. 5. Zof. la. Idace. Hier. Chr. Re'mef. inf. claff. 20, infcript, 432. 336 HlSTOIRE fage de la généreufe liberté dont il feroit ufage avec les Princes, & des égards que les Princes auroient pour fes avis. II fe plaignit k 1'Empereur de quelques abus qui s'étoient gliffés dans la Magiftrature. Valentinien lui répondit: Je connoiffbis votre franchife ; elle ne ma pas empêché de vous donner mon fuffrage. Continue^, comme la loi divine vous Üordonne, de nous avertir de nos erreurs. L'année fuivante fe pafTa toute entiere fans éleöion de nouveaux Confuls. Elle n'eft défignée dans les faftes que par ces têrmes : Après le troiJieme Confulat de Gratiën, ayant pour collegue Equitius. II vaut mieux dire qu'on en ignore la raifon, que de 1'attribuer aux occupations de Valentinien , qui fe préparoit k tirer vengeance des Quades & des Sarmates. Le printemps étant déja avancé, le Prince partit de Treves. II marchoit en diligence vers la Pannonie, lorfqu'il rencontra des députés des Sarmates , qui fe profternant k fes pieds, le fupplierent d'épargner leur nation, lui proteftant qu'il ne la trouveroit ni covipable, ni complice des excès dont  Valentinien.Valens. Gkatien Ann. 37j. XXX. II ravage le pays des Quades. Amm. I. jo.c. 5,8. Zo//. 4. 340 II 1 S T 0 I R E blioit pas d'aigrir le Prince. Probe; qui fe trouvoit alors k la Cour, effuya les plus terribles menaces, & il ne devoit s'attendre.qu'a en relfentir les effets, fi Valentinien füt revenu de cette expédition. Le Préfet voulut regagner les bonnes graces de PEmpereur par de nouvelles iniquités , couvertes d'une apparence de zele. Le Secretaire Fauftin, neveu de Juventius, ancien Préfet de la Gaule , fut cité au tribunal de Probe pour crime de magie. II s'en juflifioit par des preuves, du moins auffi fortes que les charges. Pour achever de le perdre, on alléguoit qu'un certain Nigrinus, le priant de lui procurer un emploi dans le fecretariat, il lui avoit répondu : Faius-moi Empereur, &je vous ferai Secretaire. La malignité fut donner un fi mauvais tour k cette plaifanterie innocente, qu'elle coüta la vie a Fauftin & k Nigrinus. Tout étant prêt pour entrer fur les terres des Quades, PEmpereur fit partir Mérobaude & le Comte Sébaftien avec un détachement d'infanterie. Ils avoient ordre de mettre tout k feu & k fang. Pour lui, afin  du Bas-Empihe. Liv. XIX. 341 dëmbrafler une plus grande étendue de pays, il alla pafler le Danube fur un pont de bateaux a Acincum, aujourd'hui Bude , capitale de la Hongrie. Ce Prince étoit brave de fa perfonne , & ne méprifoit rien tant que les laches & les timides. Cependant, par une bifarrerie de tempérament, il ne pouvoit sëmpêcher de palir toutes les fois qu'il voyoit ou croyoit voir 1'ennemi. C'étoit même un moyen dont fes courtifans fe fervoient dans 1'occalion pour arrêter les emportements de colere auxquels il étoit fujets. Dés qu'il entendoit dire q«e les ennemis approchoient, il changeoit de couleur, & fe calmoit aufü-töt. II n'en étoit pas moins hardi a afffonter le péril, & il s'attendoit a trouver dans le pays des Quades de quoi fignaler fa valeur. Mais ils s'étoient retirés avec leurs families fur les montagnes , d'oü ils confidéroient avec frayeur les troupes Romaines qui portoient de toutes parts le ravage & Pincendie. On traverfa le pays ; on égorgea fans diftin&ion d'age ni de fexe, tous ceux qui n'avoient pas eu la précaution de gagner les P iij Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 375,  Valentinien.Valens. Gratiën Ann.37j. 342 HlSTQl&B hauteurs; on brüla les habitations, & 1'Empereur revint a Acincum fans avoir perrlu un feul homme. On approchoit de 1'hyver. II choifit , comme le lieu le plus commode pour y paffer cette faifon, la ville de Sabarie, nommée a préfent Savare fur le Raab. Mais avant que de s'y retirer, il remonta le Danube, & fit élever des redoutes, qu'il garnit de foldats pour affurer fes quartiers & défendre le paffage du fleuve. S'étant arrêté a Bregetio, qu'on croit être une ville nommée aujourd'hui Pannonie fur le Danube, au-deffus de Srrigonie, il y paffa quelques jours , pendant lefquels, s'il en faut croire 1'hiftoire fuperftirieufe de ce temps-la, plufieurs prodiges lui annoncerent une mort prochaine. Le jour qu'il mourut, comme il fortoit de grand matin, lëfprit occupé d'un fonge qu'il croyoit funefte, fon cheval s'étant cabré en forte qu'il ne put le monter , il s'emporta contre fon Ecuyer, & donna ordre de lui couper la main droite. Mais Céréal, chargé de cette cruelle exécution , la différa avec beaucoup de rifque pour lui-même j & la mort  bu Bas-Empire. Liv. XIX. 343 de 1'Empereur les fauva tous deux. On ne manqua pas de regarder encore comme un pronoftic de la mort de Valentinien , les tremblements de terre qui s'étoient fait fentir cette année dans 1'ifle de Crete Sc dans toute la Grece, oü 1'Attique feul en fut exempte. Les campagnes déja couvertes de glacés ne fourniffoient plus de fubfiftances, Sc 1'armée étoit fur le point de prendre fes quartiers, lorfqu'on vit arriver une troupe de barbares mal vêtus, Sc dont 1'extérieur n'avoit rien que de méprifable. C'étoit une députation des Quades. Equitius les ayant introduits devant le Prince, ils y parurent en tremblant Sc dans la contenance la plus humiliée. Ils demandoient le pardon du palfé , Sc la paix, proteftant avec ferment, que les chefs de la nation n'avoient point eu de part aux ravages dont PEmpereur pourfuivoit la vengeance; que les payfans voifins du Danube voyant baar fur leurs terres une fortereffe, avoient pris l'allarme, & s'étoient joints aux Sarmates pour arrêter cette injufle entreprife, Valentinien , choqué de ce P iv Valentinien.Valens. Gratiën Ann, 375. XXXF. Mort de Valentinien. Amm. I. 30 , c. 6 , 10. Viel. epil. Zof. I. 4. Hier. Chr* Soc. I. 4 , e. 30. Soi. 1.6, c. 36. Chr. Mare.  Valentinien.Valens. Gratiën Aan. 37 j. 344 HlS-TOtRE reproche, leur demanda avec mépris? Qui ils étoient, & fi les Quades n'avoient pas d'autres députés a lui envoyer. Ils répondirent: Qu'ils étoient les premiers de la nation , & qu'elle n avoit pu lui témoigner plus de refpeci quen les députant eux-mémes. Alors ce Prince fier & emporté : Quel malheur pour 1'Empire , s'écria-t-il, de m'avoir choiji pour Souverain, puifque fous mon regne, il devoit être déshonoré par les infultes d'un peuple ft miférable ƒ II prononca ces paroles avec un fi violent effort, qu'il fe rompit Partere pulmonaire. Saifi d'une iüeur mortelle, & vomiffant le fang en abondance , on le porta fur fon lit. Ses Chambellans, pour n'être pas fbupconnés d'avoir accéléré fa mort, manderent promptement les Officiers de 1'armée. On fut long-temps a trouver un de fes chirurgiens, paree qu'ils s'étoient difperfés par fon ordre pour panfer les foldats attaqués d'une maladie épidémique. Enfin, on lui ouvrit la veine, dont on ne put tirer une goutte de fang. Le Prince, refpirant i\ peine, mais plein de connoiffance, fentant approcher fon dernier mo-  nu Bas-Empir.e. Liv. XIX. 345 ment, témoignoit par le mouvement de fes levres, par des fons forcés & inarticulés , & par Fagitation de fes bras, qu'il vouloit parler. Mais il ne put former aucune parole : fes yeux enflammés s'éteignirent; des taches livides fe répandirent fur fon vifage; & après une longue & violente agonie, il expira le 17 de Novembre, dans la cinquante-cinquieme année de fon age, après avoir régné douze ans moins cent jours. II fut la derniere vief ime de cette fougueufe colere qui avoit coüté la vie a un grand nombre de fes fujets': Pvince guerrier, politique , religieux; mais violent, hautain, avare, fanguinaire; & trop loué peut-être par les Auteurs Chrétien, qui, par 1'effet d'une prévention trop ordinaire, lui ont pardonné tous fes défauts pour une feule vertu qui leur étoit favorable. On embauma fon corps;. il fut porté k Conftantinople l'année fuivante; mais il ne fut dépofé que fix ans après dans la fépulture des Empereurs. Outre Gratiën né de Sévéra fa première femme, il laiffoit quatre enfants qu'il avoit eu de Juftine : un fils du mê P y Valentinien.Valens. Gratiën Ann. 375.  VALENS. Gratiën Valentinien II Ann. 37j. XXXII. Valenti. nien II, Empereur. Amm. I. 3°, f. ia. Zof. I. 4. ldace. Viel. cpit. Aufon. grat. acf. Soc. I.4, 31. Philofi. I. 9. t. 16. Chr. Ahx. . God. chr. ^.95,101. 1 TM. Grat. ] •rt. 2, Sr not. 3,6Valtnt. 1 bw, 30, c t f Ji tl r V 34S titSTOtAB me nom que lui, & trois filles^Juifa> Grata & Galla ; les deux premières ne furent pas mariées : Galla fut la feconde femme de 1'Empereur Théodofe. L'armée affemblée darts la ville d Acincüm , craignoit que les foldats Gaulois, natirrellement audacieux & turbulents, qui s'étoient plus d'une fois^rendus arbitres de 1'Empire, ne fe hataffent de nommer un Empereur étranger a la familie impériale. Ils étoient encore au-dela du Danube, bien avant dans le pays des Quades, fous les orJres de Mérobaude & de Sébaftien. On prit donc le parti de -ompre le pont qui communiquoit lux terres des Quades, & de manIer Mérobaude de Ia part de 1'Em)ereur, comme li ce Prince eüt enure été vivant. Mérobaude, dont Ie lom fait croire qu'il tiroit fon ori;ine ^des Francs , étoit affeftionné i même allié par un mariage a la imille de Valentinien. Se doutant de t yériré, ou peut^être en étant infuit par le courier, il publia que Empereur lui donnoit ordre de rensyer les foldats Gaulois avec le  r)ü BJs-Empïhe. Liv. XIX. 347 Córrite Sébaftien, pour veiller a la défenfe des bords du Rhin , menacés par les Aliemands. II étoit de la prudence d'éloigner Sébaftien , avant qu'on apprït la nouvelle de la mort de 1'Empereur: non pas quece Comte donnat par lui-même aucun foupcon> mais il étoit eftimé & chéri des troupes. Après avoir pris ces précautions, Mérobaude s'étant promptement rendu a Acineum, propofa, de concert avec le Comte Equitius, de conférer Ie titre d'Augufte a Valentinien, agé de quatre ans, qui fe trouvoit alors a trente lieues de 1'armée avec fa mere Juftine. Les efprits y étoient déja difpofés. Ainfi Céréal, oncle maternel du jeune Prince, partit fur Pheure, & 1'amena au camp. Ces démarches fe firent avec une fi extréme diligence , que le x~j de Novembre , dix jours après le décès de 1'Empereur, fon fecond fils fut proclamé Augufte felon les formes ordinaires. Tous les Auteurs, excepté Ia Chronique d'Alexandrie, abregent encore de cinq jours cet intervalle, & placent la proclamation de Valentinien II, au ii de Novembre; ce qui me parok P vj Valens. Gratiën Valentinien II Ajxa. 37j.  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 375. xxxm. Conduite de Gratiën a 1'égard de fon frere. 348 HlSTOIRE incroyable. On peut conjefturer par quelques traces légeres k peine marquées dans 1'hiftoire, que 1'armée Romaine ne quitta ce pays qu'après avoir remporté fur les Quades & les Sarmates un nouvel avantage , & qu'on accorda la paix k ces peuples. On s'attendoit bien que Gratiën auroit d'abord quelque mécontentement qu'on lui eüt donné un collegue fans le confulter. Mais on comptoit fur la bonté de fon cceur, öc 1'on ne fut pas trompé. II aima tendrement fon frere, qu'il regarda comme fon fils , & prit foin de fon éducation. II le nomma Conful pour l'année fuivante, & ce jeune Prince fut collegue de Valens, qui prit le Confulat pour la cinquieme fois. Quelques Hiftoriens difent que 1'Occident fut alors partagé entre les deux freres,& que Gratiën laifTa k Valentinien PItalie, 1'Illyrie & PAfrique, fe réfervant k lui-même la Gaule, 1'Efpagne & la Grande - Bretagne. D'autres prétendent que ce partage ne fe fit qu'après la mort de Valens; mais felon Popinion la mieux fondée, Gratiën gouverna feul tout 1'Ocsi-  nu Bas-Empire. Liv. XIX. 349 dent jufqu'a fa mort, qui arriva lorfque le jeune Valentinien n'avoit pas encore douze ans accomplis. II ne partagea donc avec fon frere que le titre & les honneurs du commandement, & non pas les Provinces de 1'Empire. La jeuneiTe de Gratiën pouvoit donner de Pinquiétude, fi fes bonnes qualités n'euffent raffuré les efprits., II étoit né a Sirmium le 18 d'Avril de 1'an 359. Ainfi il n'étoit agé que de feize ans ck demi dans le temps de la mort de fon pere. Marié depuis un an a Conftantie, fille de Conftance, il n'avoit'nul penchant a la débauche, ck jamais il ne connut d'autre femme que la fienne. Aufone. le meilleur Poëte de ce temps-la. avoit été chargé de fon éducation: & le jeune Prince, dès-lors honor< du titre d'Augufte, ne s'étoit dif tingué des enfants ordinaires que pa: une foumiflion plus refpe&ueufe. Spi génie heureux ck docile avoit aifé ment pris le goüt des lettres : plu vertueux que fon maitre, il n'avoi appris de lui qu'a tourner agréable ment des vers, a s'exprimer ave Valens. GRATIE» Valentinien II Aan. 37;, XXXIV; Caraftete de Gratiën encore Céfar. St. Ambr. ferm. de div. 2. Aufon. ia; grat. aci. Themifi. or. 9 , 13, 15. Idacc. Viel. epit. Chr. Alex. Sulp.Scvcr. , /. 2. I S t :  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 377. I ( 1 ( 2 a 1 \ XXXV. Qualités c de Gratiën Em- c ptreur. Ié éi di h, fc gf nc Pr av 350 H i s t o i r k grace, k compofer des difcours. Bien fait de fa perfonne , il s'étoit adonné aux exercices du corps, il s'y étoit même livré avec paffion. II furpaffoit ceux de fon age k la courfe, a la lutte, k tirer de 1'arc, k lancer le javelot avec force & avec adreffe: Jerfonne ne favoit mieux manier un :heval. Sobre, frugal, dormant peu, : etoit dans les exercices qu'il metoit tout fon plaifir; mais il y mit ufT^ toute fa gloire; & 1'on reprohe a fes infiituteurs de ne s'être pas ppliqués k le former de bonne heure ux affaires d'Etat, & k lui infpirer : goüt des études politiques qui coniennent a un Souverain. L'ufage de la puiffance abfolue ne langea rien dans fon caraöere. II smmengoit toutes fes journées par priere, & fa piété ne fut jamais juivoque. Sa démarche étoit mo;fte, fa eontenance réfervée , fes ibits décents, mais fans luxe. Dans n confeil, il montroit de 1'intellince & une prudence naturelle; il manquoit que de lumieres. II étoit ompt k exécuter. Son éloquence oit de Ia force & de la douceur.  nu Bas-Empirb. Lh. XIX. 351 !1 avoit trouvé le palais plein d'allarmes & de terreur, il en fit un féjour aimable. On n'y entendit plus de gémiffements; on n'y vit plus d'infïruments de tortures. II rappella fa mere, ik. un grand nombre d'exilés; il ouvrit les prifons a ceux que la caIomnie y tenoit enfermés; il rendk les biens confifqués injuftement, Sc fit oublier la dureté du gouvernement de fon pere. II remit ce qui reftoit k payer pour les impofitions des années précédentes, faifant publiquement brüler les cédules des redevances. II rendoit k fes amis tous les devoirs de Famitié la plus tendre. Traitant fes foldats comme fes enfants, il alloit vifiter les bleffés, affiftoit k leurs panfements, faifoit charger fes muiets de leurs bagages, leur prêtoit fes propres chevaux, les dédommageoit de leurs pertes. Toujours acceflible, écoutant avec patience , raffurant par fa bonté ceux que fa majefté intimidoit, interrogeant lui-même ceux qui venoient lui porter leurs plaintes, il faifok confifter fon bonheur k répandre des graces, & k pardonner. II n'eut qu? Valens. Gratiën Valentinien ii Ann. 377.  Valens. Gratiën Valentinien H Ann. 375. Ann. 376. XXXVI. Mort de Théodofe Hier. Chr. Ambr, crat, in funere Theodof. Symm. I. IO, ep. I, 22. Theod. I. 5 . 5Oróf. I. 7, f. 33. Jorn. de regn. Juc«ƒ. Grut. in/er. CCCCXII. 3. 352 IIlSTOIRX trop d'indulgence, & il ne vécut pas affez long-temps pour apprendre qu'il eft auffi nuifible aux Etats de ne pas chatier les crimes, que de nepas récompenfer les fervices. II s'attacha k St. Ambroife; mais tous ceux qui approcherent de fa perfonne, n'eurent pas les fentiments de cette ame élevée & généreufe; & 1'Empire , fous un Prince jufte, humain, libéral, reffentit encore quelquefois les triftes effets de 1'i'niquitë, de la cruauté & de 1'avarice. La première aftion de fon regne fut la plus blamable de toutes. Pour en effacer 1'horreur, il auroit fallu k Gratiën une vie plus longue, & des vertus plus éclatantes. Théodofe ayoit été fous le regne de Valentinien , 1'honneur & le foutien de FEtat. Sa valeur venoit de conferver 1'Afrique, & fa fageffe y avoit rétabli la paix & le bon ordre. Tout 1'Empire célébroit fes exploits. Lui feul n'en étoit pas ébloui; 1'habitude des grandes aftions lui en cachoit le prix; & quoiqu'il füt fur tout autre füjet fort éloquent, rien n'étoit plus fimple ni plus fuccint que le compte  nu Bas-Empire. Liv. XIX. 353 qu'il rendoit de fes vittoires. II fembloit ne mériter que des triomphes, lorfqu'il recut fon arrêt de mort. La poftérité ignore la caufe d'un fi étrange événement, Sc c'en eft affez pour faire trembler les fujets, lorfqu'ils voyent monter fur le tröne un Prince encore jeune Sc fans expérience, quoiqu'avec les plus excellentes qualités. Tout ce que 1'Hiftoire nous apprend , c'eft que ce guerrier invincible fuccomba fous une intrigue de Cour, Sc fous les coups meurtriers d'une cruelle jaloulie. II fut exécuté è Carthage. Accoutumé a braver la mort, il la vit approcher fans effroi, & la rendit par fa fermeté aufïï glorieufe fur 1'échafaud, qu'elle 1'eüt été fur un champ de bataille. Après avoii demandé Sc recu le baptême, poui s'ouvrir 1'entrée d'une vie immortelle, il préfenta lui-même fa tête è Pexécuteur. L'Empire le pleura ; or lui érigea dans la fuite des ftatues l Rome Sc dans les Provinces; lei Payens 1'honorerent du titre de Divus; Sc Gratiën lui-même femble n'avoir pas différé de reffentir une dou leur amere d'une fi noire ingratitude Valens. Gratiën Valentinien II Aan. 376. Reintf. claff. 3, infcr. 72. Fléchiirr vie de Théod.l.1, c. 44TUL Grat. net. 5.  Va leks. Gratiën Valentinien II Ann, 376. i 1 < 4 1 I t I a { h 354 Histoire Le choix qu'il fit peu de temps après de Théodofe Ie fils pour I affocier a 1'Empire, prouve autant fes regrets, qu'il juftifie Ia mémoire du pere. Le jeune Théodofe qui brilloit déja d'une gloire perfonnelle, fe déroba pour lors aux traits de 1'envie : il fe retira en Efpagne oü il avoit pris naiffance. Quelques Auteurs épargnent a Gratiën une fi atroce injuftice ; ils en chargent Valens : ce Prince, difentijs, facnfia Théodofe k fes craintes : d le fit mourir avec tous ceux dont [e nom commencoit par les quatre lettres fatales. Mais outre qu'il eft au moins incertain que Valens ait fait ïénr perfonne pour une caufe fi frivole , Théodofe ne fut mis k mort jue deux ans après cet oracle prétenlu dont nous avons parlé; & ce qui •ft encore plus fort, il n'étoit pas ujet de Valens. Carthage, oü s'exécua cette funefte tragédie, faifoit parie de 1'Empire de Gratiën; & lejeuie Empereur n'étoit pas affez uni vee Valens, pour fe prêter, par une cnminelle condefcendance, aux alirmes chimériques de fon oncle. II eft plus probable que ce fut le  bv Bas-Empire. Liv. XIX. 355 dernier efFet de la méchanceté de Maximin. Ce barbare, teint du fang de tant de families illuftres, après avoir déshonoré le regne de Valentinien par des cruautés fans nombre, efpéroit noircir des mêmes horreurs celui de Gratiën. La jeuneffe du Prince augmentoit encore fa hardieffe & fon infolence. Gratiën ne tarda pas a le connoitre, ck bientöt il défarma fa fureur. Les efclaves & les affranchis étoient les inftruments les plus ordinaires que Maximin mettoit en oeuvre. Gratiën ordonna que ceux qui oferoient accufer leurs maitres de tout autre crime que de celui de lefe-majefté, feroient, fans être entendus , brulés vifs avec leurs libelles de dénonciation. Bientöt après, Maximin lui-même , convaincu de plufieurs crimes, eut la tête tranchée. Simplice fubit la même peine en IIlyrie; ck Doryphorien, autre miniftre de Maximin, après avoir été renfermé dans la prifon de Rome, en fut tiré par le confeil de la mere de PEmpereur , pour expirer dans les plus rigoureufes tortures. Après la punition de ces hommes fanguinaires , Gra- Valens. gratiën Valentinien II Ann. 376. XXXVII. Punition de Maximin. Amm. I. 28, c. iv (yibiValef. Symm. I. 10, ep. 2. C. T. I. 9, tit. r, leg. 13 ,tit. 6 , leg. i , z,tit. 35, H- 3TUI. Grat. nat. 4.  Valens, Gratie» Valentinien I] Ann, 376. XXXVIII Loix de Gratiën, C. T. 1.10, tit. lp, hg. I' 13 , tit. 3 . l*g. ii. /.ij, tit. i. hg. 19. /• 16 , t/V. a>,e£-23, 14,5 , 4,5, & ibi God. tit. 6 , hg. 2. God. Chr. Hier. ep. 7. Symm. I. 9tu, pour mieuxdire, ils n'en avoient ucune, errants dans les montagnes >£ dans les forêts, fuivis de leurs nomireux troupeaux, tranfportant avec ux toute leur familie dans des cha-  du B.is-Empire. Lsv. XIX. 363 rlots trainés par des bceufs. C'étoit la que leurs femmes renfermées s'occupoient a filer ou k coudre des vêtements pour leurs maris, & k nourrir leurs enfants. Ils s'habilloient de toile ou de peaux de martres , qu'ils laiffoient pourrir fur leur corps, fans jamais s'en dépouiller. Ils portoient un cafque, des bottines de peau de bouc, & une chauffure fi informe & fi grofliere, qu'elle les empêchoit de marcher librement: auffi n'étoient-i!s pas propres k combattre k pied. Ils ne quittoient prefque jamais leurs chevaux qui étoient petits ck hideux, mais légers & infatigables. Ils y palfoient les jours ck les nuits, tantöt montés en cavaliers, tantöt affis a la maniere des femmes. Ils n'en defcendoient ni pour manger, ni pour boire; ck lorfqu'ils étoient pris de fommeil , fe laifTant aller fur le cou de leur monture, ils y dormoient profondément. Ils tenoient k cheval le confeil de la nation. Toutes les troupes de leur Empire étoient commandées par vingt-quatre Officiers, qui étoient k la tête chacun de dix mille cavaliers; ces corps fe divifoient en Q ij Valens. Gratiën Valentinien II A.nn. 376.  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 376. i 1 i i I I 1 364 H I S T O I A E efcadrons de mille, de cent & de dix hommes. Mais dans les combats, ils n'obfervoient aucun ordre. Pouffant des cris affreux, ils s'abandonnoient fur 1'ennemi: s'ils trouvoient trop de réfiftance, ils fe difperfoient bientöt, & revenoient k la charge avec la viteiTe des aigles& la fureur deslions, ;nfoncant & renverfant tout ce qui fe •encontroit fur leur paffage. Leurs leches étoient armées d'os pointus, mffi dur & auffi meurtriers que le èr. Ils les lancoient avec autant d'aIrefTe que de force, en courant a :outebride, &même enfuyant. Pour :ombattre de prés, ils portoient d'une aiain un cimeterre, & de 1'autreun ület, dont üs tachoient d'envelopper ,'ennemi. Une de leurs families avoit e glorieux privilege de porter le premier coup dans les batailles; il i'étoit permis k perfonne de frapper 'ennemi, qu'un cavalier de cette familie n'en eüt donné 1'exemple. Leurs femmes ne craignoient ni les bleffu■es, ni la mort; & fouvent après une léfaite, on en trouva parmi les morts 5c les bleffés. Dès que leurs enfants jouvoient faire ufage de leurs bras,  nv Bas-Empire. Liv. XIX. 30*5 on les armoit d'un are proportionné a leur force : affis fur des moutons, ils alloient tirer des oifeaux, & faifoient la guerre aux petits animaux. A mefure qu'ils avancoient en age, ils s'accoutumoient de plus en plus aux fatigues & aux périls de Ia chaffe: enfin, lorfqu'ils fe fentoient affez forts, ils alloient dans les combats repaitre de fang & de carnage leur férocité na* turelle. La guerre étoit pour eux 1'unique moven de fe fignaler: les vieillards languiffoient dans le mépris; la confidération étoit attachée a 1'ufage aftuel des armes. Ces barbares, tout groffiers qu'ils étoient, ne manquoient ni de pénétration, ni de fineffe. Leur bonne foi étoit connue: ils ignoroient 1'art d'écrire; mais en traitant avec eux, on n'avoit pas befoin d'autre füreté que de leur parole. D'ailleurs, ils avoient au fouverain degré tous les vices de la barbarie : cruels, avides de 1'or, quoiqu'il leur fut inutile; impudiques, prenant autant de femmes qu'ils en pouvoient entretenir, fans aucun égard aux degrés d'alliance ni de parenté: le fils époufoit les femmes de fon pere : adonnés k Q "i Valens. Gratiën Valentinien II Ann, 576.  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 376. XLÏÏ. idéé générale de Jeor hiftoire.Af. de GuiS""i l- I. j •■ 1 56G H X S T & I S. E 1'ivrognerie, avant même qu'ils euffent connu 1'ufage du vin, ils s'enivroient d'un certain breuvage compofé de lait de jument qu'ils laiffoient aigrir. Les Romains ont cru qu'ils n'avoient aucune religion, paree qu'on ne voyoit aucune idole qui füt 1'objet de leur culte; mais, felon les Auteurs Chinois , ils adoroient le ciel, la terre, les efprits & les ancêtres. L'ancienneté de cette nation remonte auffi haut que 1'Empire Chinois. Elle étoit connue plus de deux mille ans avant J. C. Huit cents ans après, on la voit gouvernée par des Princes, dont la fucceffion eft ignorée jufque vers 1'an 210 avant 1'EreChrétienne. C'eft a cette époque que i'Hiftoire commence è donner la fuite 3es Tanjou : ce nom qui, dans la angue des Huns, fignifioit fils du :iel, étoit le titre commun de leurs vlonarques. Les Huns, divifés en di/erfes hordes, qui avoient chacune fon chef, mais réunis fous les ordres 1'un même Souverain , ne ceffoient le faire des courfes fur les terres de eurs voifins. La Chine, pays riche te fertile, étoit fur-tout expofée k  du Bas-Empire. Liv. XIX. 367 leurs ravages. Ce fut pour les arrêter, que les Monarques Chinois firent conftruire cette fameufe muraille,qiu couvre la frontiere feptentrionale de leurs Etats dans 1'efpace de prés de quatre cents lieues. On retrouve dans 1'ancienne Hiftoire des Huns tout ce qui a fervi a établir 8c k étendre les plus puiffants Empires, de grandes vertus 6c de plus grands crimes. Les vertus y font brutes 6c fauvages; les crimes font plus étudiés 6c plus réfléchis. Mété, le fecond de leurs Monarques connus, s'étant renduredoutable par des forfaits, porta fes conquêtes depuis la Corée 8c la mer du Japon jufqu'a la mer Cafpienne. La grande Bukharie 8c la Tartarie occidentale obéiffoient a fes loix. II avoit alTujetti vingt-fix Royaumes. II fit plier la fierté Chinoife, 8c k force d'injuftices 8c de violences, il réduifit 1'Empereur de la Chine a lui accorder la paix, 8c k faire 1'éloge de fon humanité 8c de fa juftice. Ses fucceffeurs régnerent avec gloire pen dant prés de trois cents ans. La gloire de cette nation confiftoit dans le fuccès de fes brigandages. Enfin, la difQ iv Valens. Gratiën Valentivien II Ann. 376.  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 376, XLin. Origine des Alains Af. de Guitnes, l. 4, P- 279 , 38o, 281. Amm. l. 31 , e. 2. Luc.Pharf. i8& 10. : Proc. bel. ■ Got. I. 4 , ] t- 3 , Vandal. Li, c. ' 3*58 Histoire corde s'étant mife entre les Huns ,* ceux du Midi étant foutenus par les Chinois & par les Tartares Orientaux, torcerent ceux du Nord d'abandonner leurs anciennes demeures. Les vamcus fe retirerent du cöté de 1'Occident; & vers le commencement du fecond fiecle del'Ere Chrétienne, ils vinrent s'établir prés des fources du Jaik, dans le pays des Baskirs, que plufieurs Hiftoriens ont nommé Ia grande Hongrie, paree qu'ils ont cru que les Huns en étoient originaires. La, ils fe réunirent a d'autres peuplades de leur nation , que les révolutions précédentes avoient déja portees vers la Siberië. ' Ces pays avoient été anciennement occupés par les Alains ; & cette naüon qui contribua a la deftruöion de 1'Empire Romain, mérite auffi d'être connue. Les Alains tirent leur lom du mot Aün, qui, en langue rartares, fignifie montagne, paree qu'ils labhoient les montagnes fituées au ^ord de la Samartie Afiatique. C'éoit un peuple Nomade, ainfi que les mtres Tartares. Environ quarante ms avant J, C., ils furent obligés de  no Bas-Empihe. Liv< XIX. $69 céder les contrées du Nord a une colonie de Huns révoltés, qui s'étoient féparés du corps de Ia nation , & de fe retirer vers les Palus Méotides. Ils s'étoient depuis long-temps rendus formidables. Tous les peuples barbares, jufqu'aux fources du Gange , furent foumis aux Alains, ofprirent leur nom. Procope les appelle une nation Gothique ; les Chinois les confondent avec les Huns. En effet, par 1'étendue de leurs conquêtes , ils approchoient fort prés des fources de 1'Irtis , & les diverfes hordes qui fe détachoient de temps en temps de la nation des Huns, fe portant toujours du cöté de FOccident,. il devoit fe former un melange des deux peuples. Cependant la figure des Alains annongoient une autre origine. Ils étoient connus des Romains dés le temps de Pompée, On les vit plufieurs fois fous les premiers Empereurs , franchir les défilés du Caucafe , & faire des irruptions dans la Médie, dans FArménie, dans la Cappadoce , d'oü Arien les chaffa fous le regne d'Hadrien. Du temps de Gordien, ils pénétrerent jufques dans la Q v Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 376.  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 376. XLIV. Mceurs des Alains. 1 1 ] ( ] 1 I l ■% ri T ij fi r li ti 3 70 H I S T O I R E Macédoine, & ce Prince éprouva leur valeur dans les campagnes de Pmhppes. Les Alains étoient de haute fiature & d'une belle phyfionomie. Ils avoient les cheveux blonds, le regard plus fier que farouche. Quoique légérement armés & fort agiles, ds étoient toujours k cheval, & tenoient k déshonneur de marcher a pied. Leur facon de vivre tenoit beaucoup de celle des Huns; mais ils ïtoient moins fauvages. Errants par roupes dans les déferts de Ia Tararie, ils ne connoiffoient d'autre ha>itation que leurs chariots couverts l'écorces d'arbres. Ils s'arrêtoient dans es lieux oü ils trouvoient des patuages pour leurs troupeaux : rangeant surs chariots en cercle, ils formoient ne vafte enceinte; c'éroit-la leur ille ; ils la tranfportoient ailleurs uand les paturages étoient confuïés. Toujours les armes a la main , s faifoient leur occupation de Ja chaf!, & leur divertiffement dë Ia guer■ : ils y apportoient plus d'intelgence & de difcipline que les aues Barbares. Mourir dans une ba-  dv Bas-Empire. Liv. XIX. 371 taille, c'étoit le fort le plus digne d'envie : on méprifoit comme des laches, & on chargeoit d'opprobres ceux qui mouroient de vieilleffe ou de maladie. L'aftion la plus glorieufe étoit de tuer un ennemi; ils lui enlevoient la peau avec la tête, & en faifoient une houffe pour leurs chevaux. Ils adoroient le Dieu Mars, qu'ils repréfentoient par une épée plantée en terre. Ils prétendoient connoïtre Pavenir par le moyen de certainesbaguettes enchantées. Tous étoient nobles ; ils n'avoient aucune idéé de 1'efclavage. Leurs chefs portoienl le nom de juges : on déféroit ce) honneur aux guerriers les plus expérimentés. Les Huns établis dans le pays de Baskirs, preffés eux-mêmes par de nou velles peuplades qui venoient inon der la Tartarie Occidentale, defcen dirent vers le Midi, traverferent 1 Volga , & vinrent attaquer les Alain: Après plufieurs fanglantes batailles ceux-ci furent forcés d'abandonne le pays. Les uns s'enfoncerent dar les montagnes de la.Circaffie, oü lei poftérité fubfifte encore aujourd'hu Q vj Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 376. ! XLV. . Les Huns paffent en Europe. " M. de Gui- 3 gnes, l. 4 » p. 289 , • 290. , Amm. I. r 3l*c- 3- 5 zof.1.4. lS Agath. U i 5- 37.  Ghatien Valentinien II Ann, 376. Jorn. de rei. Get. *• *4, 3 1 1 I I C t c c S?2 H I S T O I R £ une partie pafla le Tanaïs, ck quelques-uns s'arrêterent fur Ie bord occidental de ee fleuve; d'autres , après avoir erré quelque temps, fe fixerent aux environs du Danube. Les Huns couvrirent de leurs tentes les vaftes gaines entre Ie Volga & le Tanaïs; & fi Pon s'en rapporte è Jornandès,. bornes par les Palus Méotides, ils ignoroient même qu'il y eüt au-dela aucune terre. Quelques-uns de leurs chaffeurs pourfuivant une biche, traverferent après elle les Palus, & furent étonnés de trouver un gué qui es conduiiit a 1'autre bord.. La vue i un beau pays qu'ils découvrirent iu-del;t, les ftirprit encore davanta;e; & le rapport qu'ils en firent k a nation, lui fit prendre la même oute. Selon d'autres Auteurs, ce fut m bceuf piqué par un taon, qui leur ervi de guide. Zofime dit que le liion charrié par le Tanaïs, avoit forié un banc au travers du Hofphore jmmérien. Mais 1'Auteur de PHifsire des Huns rejette avec raifon es traditions fabuleufes. Les Huns ne trent^guidés que par Ia paffion des enquêtes qui leur étoit naturelle;  ou Bas-Empikr. Liv. XIX. 373 ils* pafferent le Tanaïs comme ils avoient paffe le Volga, felon Fufage des peuples Tartares, qui traverfent les plus grands fleuves k la nage en tenant la queue de leurs chevaux, ou fur des balons qu'ils forment avec leur bagage. Les Alains & les autres barbares voifins du Tanaïs, furent les premiers qui éprouverent la fureur des Huns. Ceux qui échapperent au maffacre fe joignirent au vainqueur; & cette innombrable cavalerie vint, fous les ordres d'un chef nommé Balamir, fondre fur les Oftrogoths. Ermanaric, de la race des Amales, régnoit alors avec gloire. Les Goths le comparoient au grand Alexandre ; il avoit étendu fes conquêtes du Pont-Euxin a la mer Balfiqne, & une grande partie de la Scythie & de la Germanie étoit foumife a fa domïnation. Agé de cent dix ans , il ne manquoit encore ni de force, ni de courage. Mais il n'eut pas Phonneur de mourir en défendant fa couronne. Un Seigneur du pays des Rhoxolans, nation fujette a Ermanaric, s'étant joint aux Huns, le Prince,outré de colere ,fit Valens. Gratieu Valentinien II Ann. 376. XL VI. Ils cha(V fent les Oftrogoths.  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 376. XLVII. Défaire des Vifigoths. 374 Histoire attachet Ia femme de ce déferteur a la queue d'un cheval indompté qui la mit en pieces. Un frere de cette femme la vengea en pergant Ermanaric d'un coup d'épée. Sa bleffure le mettant hors d'état de combattre les barbares, il fe tua de défefpoir. Vithimir, fon fucceffeur, réfifta quelque temps; enfin, il fut défait & tué dans une bataille. II laiffoit un fils encore enfant, nommé Videric, fous la tutelle d'Alathée & de Saphrax, guerriers intrépides & expérimentés. Cependant preffés par les vainqueurs, ils prirent le parti de palier le Boryfihene, & de fe retirer au-dela du Niefter. Les Huns firent un horrible carnage; ils n'épargnerent ni les femmes , ni les enfants; & tout ce qui n'avoit pu fe dérober a leur fureur par une fuite précipitée, périt fous ie tranchant de leurs cimeterres. Athanaric, Prince des Vifigoths, étoit trop brave pour prendre 1'épouvante. II réfolut de les attendre de pied ferme; & s'étant retranché avantageufement fur le bord du Niefter , il envoya Munderic avec plufieurs autres Capitaines, jufqu'a vingt  du Bas-Empire. Liv. XIX. 375 milles de fon camp, pour obferver lesmouvements des ennemis, & lui en apporter des nouvelles. Pendant ce temps-la, il fit les difpofitions de la bataille. Ses précautions furent inwtiles. Les Huns ayant appercu les cavaliers , jugerent qu'il y avoit plus loin un corps plus confidérable : ils attendirent la nuit; & laiffant k cöté Mundéric , qui fe repofbit avec fa troupe comme fi 1'ennemi eüt été fort éloigné, ils gagnerent le fleuve k la faveur de la lune , le pafferent a gué , & tomberent brufquement fur Athanaric avant le retour de fes coureurs. Le Prince, furpris de cette attaque imprévue , n'eut que le temps de fe fauver fur des montagnes de difHcile accès, & laiffa fur la place une partie de fes foldats. Inftruit par cette épreuve de ce qu'il avoit k craindre d'un ennemi fi impétueux, il fe cantonna entre le Danube & le Hiéraflüs, nommé aujourd'hui le Pruth, & il s'enferma d'une muraille qui traverfoit d'un fleuve k 1'autre. Les Huns, dont la marche étoit rallentiepar lebutin dont ils s'étoient chargés, lui laifferent le temps d'achever cet ouvrage. Valens. Gratiën Valentinien II Ann, 376.  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 376. XLVÏÏt. Les Goths s'affemblent fur les bords du Danute. Amm. ibid. lfidor. chr. Got. Thcoph, P- 5 5- Soc. 1. 4t 31. Eunap, Ug. P. le,. 1 1 1 ] i 1 i 1 i < 3?<5 // ƒ S T 0 I R E La terreur s'étoit répandue dans toute la nation des Goths. L'extérieur affreux des Huns n'imprimoit pas moins de frayeur que la cruauté de leurs ravages. On publioit au loin que des monfires fortis des lacs &c des déferts de la Scythie, venoient dévorer les peuples de 1'Europe, & qu'ils défoloient tout fur leur paffage. Une difcorde civile tenoit alors les Vifigoths divifés. Une partie de la nation s'étoit féparée d Athanaric,. & avoit choifi pour chefs Alavif & Fritigerne. II s'étoit livré des cornets , dans Iefquels ces deux Capi:aines , aidés de quelques fecoursdes ilomains , avoient remporté 1'avanage. La difette ou fe trouvoit Athaïaric, refTerré entre deux fleuves, déacha encore de hu' un grand nom>re de fes fujets. Quantité d'autres pie Ia crainte raffembloit de toutes >a/ts, fe joignirent i\ eux; & tous 'étant réunis, ils convinrent enfem>le de fe fouftraire a la barbarie de eurs nouveaux ennemis. La Thrace embloit leur offrir une retraite füre te commode. C'étoit un pays fertile, [ue le Danube, bordé de places for-  du Bas-Empi&e. Liv. XIX. 37? tes, défendoit contre les incurfions étrangeres. Ils fe rendirent au bord de ce fleuve fous la conduite d'Alavif & de Fritigerne , au nombre de prés de deux cents mille hommes , propres a la guerre, réfolus d'abandonner les demeures oü ils étoient établis depuis cent cinquanté ans. Valens. Gratiën Valentinien H Ann, 376.   379 SOMMAIRE d v LIVRE VINGTIEME. I. Les Vifigoths obüenntnt la permiffion de paffer en Thrace. II. Ils pafifent le Danube. III. Mauvaife conduite des Romains. IV. ÜArianifme s'établit cht{ les Goths. V. Les Oftrogoths demandent le pajfage qui leur eft refufê. VI. Avarice des Romains. VII. Révolte 'des Vifigoths. VIII. Horribles ravages en Thrace. IX. Siege a"Andrinople. X. Valens & Gratiën y envoyenl des fiecours. XI. Les deux armées fe préparent au combat. XII. Bataille de Salces. XIII. Suites de la bataille. XIV. Ravages par toute la Thrace. XV. Succes de Frigérid. XVI. Préparatifs de Valens. XVII. lrruption des Aliemands dans la Gaule. XVIII. Bataille d''Argentaria. XIX. Gratiën réduit les Aliemands Lentiens. XX. II fe met en marche pour aller joindre Valens. XXI. Valens d Conftantinople.  380 SOMMAIRE DU LlV. XXe. XXII. Sébaftien Général. xxm. II taille enpitces un grand parti de Goths. XXIV. Valens marche aux ennemis. XXV. Rufe de Fritigerne. XXVI. Valens range fon armée en bataille. XXVII. Nouvelle rufe de Fritigerne. XXVIII. Bataille a°Andrinople. XXIX. Fuite des Romains. XXX. Mort de Valens. XXXI. Perte des Romains. XXXII. Divers traits du caraclerè de Valens. xxxin. Les Goths attaquent Andrinople. XXXIV. Belle défenfe des affiégés. XXXV. Les Goths marchent d Périnthe. XXX vi. Ils font repouffés de devant Conftantinople. XXXVII. Maffacre des Goths en Afte. xxxvin. Ravages des Goths. XXXIX. Théodofe rappellé. XL. Vicloire de Théodofe. XLL Gratiën rétablit en Oriënt les affaires de 1'Eglife. XLII. Aufone Conful. XLHI. Théodofe Empereur. XLIV, Partage de TEmpire, .  38. HI S T OIR E D U B ASEMPIRE. LI F RE VINGTI EME. VALENS, GRATIËN, VALENTINIEN II. \ Lupicin, Comte de la Thrace, étoit en cette qualité Général de toutes les troupes de la Province , & Maxime avec le titre de Duc, commandoit les garnifons de la frontiere. A la nouvelle d'un mouvement fi extraordinaire, ils s'avancerent au bord du Danube Dour en défendre Valens. Gratiën Valentinien li Ann. 376. I. Les Vifigoths obtienacnt  m Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 376. la permiffion de paffer en Thrace. Amm, I. 31, e. 4. Hier. Chr. Zof. U 4. Idace. Eunap, leg. p. ig, 10. Soc. I. 4, c. 33. S07. 1.6, c- 37. Orof. I. 7, c. 33. Jorn. de rel. Get. c. 1 iJ< i i t t J 1 t ■ 382 HlSTOIRE le paflage. Ils virent fur la rive oppofée une multitude inombrable qui leur tendoit les bras en pofhtre de fupplianrs, & pouffoit de grands cris.. Les principaux de la nation des Vifigoths s'étant jettés dans une barque, vinrent expofer leurs défaftres, conjurant les Romains de leur accorder un afyle, & proteflant qu'ils fe confacreroient au fervice de 1'Empire ïvec une fidéliré inviolable. On leur répondit qu'il falloit attendre les orires de 1'Empereur. On dépêcha aufïï:öt des couriers a Antioche, & les léputés des Vifigoths parfirent avec ;ux. Les avis furent d'abord partagés lans le Confeil. Mais dés qu'on fen:it que Valens étoit flatté d'acquérir ;n un moment tant de nouveaux filets, on s'empreffa de feconder fa ranité : C'étoit, difoit-on , la. fortune lu Prince qui lui amenoit des troupes <.jfe{ nombreufes pour former une armée nvincible : qu'au-lieu des recrues qu'il Iroit tous les ans des Provinces, il en ireroit de l'or : que cet accroijfement de brces alloit donner a 1'Empire d'Oriënt 'ne fupériorité décidée : qu'on ne devoit ien craindre d'un peuple ignorant & grof  na Bas-Empire. Llv. XX. 3S3 fier : que ce n'étoit qu'une multitude de bras, dont PEmpereur régleroit les mouvements a fon gré, & que la politique Romaine fauroit prof ter du fervice de ces barbares tant qu'ils feroient fideles, & les détruire des qu'ils deviendroient fufpecls. Ces mauvaifes raifons fuffilbient dans une occalïon oü il n'en falloit aucune, paree que 1'Empereur avoit pris fon parti. II accorda aux Vifigoths le palfage & un établiffement en Thrace, a condition qu'ils remettroient auparavant leurs armes entre les mains des Officiers Romains. Pour avoir des gages de leur fidélité, il ordonna que les plus jeunes feroient tranfportés en Alie, & il chargea le Comte Jule de veiller k leur entretien. Pendant le cours de la négociation, quelques Goths plus fougueux & plus hardis que les autres, s'ennuyant d'attendre la réponfe de 1'Empereur, entreprirent de forcer le paflage. Ils aborderent, mais ils furent taillés en pieces. La nation envoya fur le champ porter fes plaintes a Valens, qui regardant déja les Goths comme fes fujets, caffa les Officiers qui avoient Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 376. II. Ils paffent le Danubej  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 376. III. Mauvaife conduite des Rp« mains. 384 HIST01R.E- fait leur devoir : peu s'en fallut même qu'il ne les condamnat a mort. Enfin, la permiflion de 1'Empereur arriva, & les conditions qu'il exigeoit furent acceptées. Lupicin fit paffer fur la rive oü les Goths étoient affemblés, des Officiers & des foldats, avec ordre de n'en laifTer embarquer aucun qui n'eut rendu fes armes. On prépara en diligence des barques, des bateaux plats, des canots. Les Vifigoths s'y jettoient en foule , mais tous n'atteignirent pas 1'autre bord. Quelques-uns furent emportés & engloutis par la rapidité du fleuve que les pluies avoient groffi depuis peu. D'autres coulerent a fond avec les bateaux trop chargés, ou qui fe brifoient en fe heurtant mutuellement. 11 y en eut d'affez téméraires pour fe jetter a la nage, ils fe noyerent. On employa plufieurs jours & plufieurs nuits a ce paflage. Les barbares abordoient avec tant de confufion, qu'on entreprit inutilement de les compter. La plupart garderent leurs armes. Ceux qui étoient chargés de les défar-^ mer, fongerent bien plutöt a fatif- faire  r>u Bas-Empirb. Liv. XX. 385 faire leur avarice & d'autres paflions encore plus honteufes. Ils enlevoient dans la jeuneife des deux fexes tout ce qui plaifoit a leurs yeux; ils raviffoient les filles a leurs meres, les femmes a leurs maris; ils faififfoient les troupeaux & les bagages de quelque valeur. Les Goths abandonnoient tout, n'étant occupés que du foin de leurs armes ; ils achetoient même a grand prix la permiffion de les conferver, perfuadés que leurs javelots 8i leurs épées leur rendroient bientöt plus qu'ils ne perdoient. Ainli fe préparoit la révolution qui alloit éclater ; & 1'on peut dire qu'en cette occafion les Romains firent le röle des Barbares, & les Barbares celui qui convenoit k des Romains. Les Vifigoths, contents d'avoir échappéala fureur des Huns , s'étendirent le long du Danube, dans les plaines & fur les montagnes de la Méfie & de la Thrace. Ils fe confoloient de leur infortune , qui leur faifoit trouver un climat plus doux & un pays plus riche & plus fertile. Ce fut alors que 1'Arianifme jetta chez les Goths de plus profondes ra- Tome IV. R Vaiens. Gratiën Vale tinien ii Ann. 376. IV. L'Arianifme s'éia-  Valens. G ra tien Valentinien II Ann. 376. blit chez les Goths. Hier. Chr. St. Aug. de Civ. I. iS,c. ja. Soc. I. 4, e. 32. Theod. I. So_i. I. 6, e. 37Orof. I. 7. f- 3*. 33Jorn. de reb. Get. e. Ifid. chrcn. Goth. Yulcanius ds litteris & lingua Goth. Till.Arian. *n. 132, *33- fleury t hifi. ecclef. I. 16 , c. 36. 38$ H I S T 0 I S. E Cines. II y avoit environ un fiecle que la Religion Chrétienne s'étoit introduite parmi eux. Leur EvêqueThéophile avoit affifté au Concile de Nicée : mais la croyance orthodoxe commencok è s'altérer depuis quelque temps. Ils avoient pour Eveque Ulphilas , Cappadocien d'origine , Prélat plus zélé qu'éclairé fur les matieres alors conteftées dans 1'Eglife. II avoit converti un grand nombre d'idolatres : ear l'idplatrie étoit encore parmi les Goths la Religion dominante , .& Athanaric perfécutöit même les Chrétiens avec violence. Ulphilas encourageoit les fideles : il contribua aufli par fes fages avis a adoucir les mceurs de la nation ; fes paroles étoient refpecfées comme des loix. Les Auteurs anciens lui attribuent Phonneur d'avoir inventé 1'alphabet Gothique , & communiqué aux Goths la connoiffance des lettres. Cependant il paroit par les caraöeres Runiques, gravés fur les rochers de la Suede, & qu'on croit antérieurs a la migration des Goths9 que ce peuple avoit 1'ufage de 1'écriture avant que de quitter le pays de  nu Bas-Empire. Liv. XX. 387 fon origine. La langue Gothique en traverfant la Germanie & la Scythie, düt fe charger de plufieurs termes étrangers; elle dut auffi contraster quelque teinture de la langue Grecque, par le voiinage des colonies Grecques établies fur le bord du Pont-Euxin. En effet, on appercoit plufieurs cara&eres Grecs dans 1'alphabet attribué a Ulphilas. Ce qu'il y a de certain , c'eft qu'il traduifit la Bible en langue du pays, a 1'exception des Livres des Rois, qu'il ne voulut pas mettre fous les yeux des Goths, de peur que la leef ure de tant de guerres n'enflammat encore la paffion que ce peuple avoit pour les combats. Mais il ne fut pas en garde contre les artifices des Ariens: il fe laiffa corrompre , & corrompit enfuite fa nation. II s'étoit trouvé en 360 , au Concile de Conftantinople, oü les Anoméens Pavoient engagé a figner le formulaire de Rimini. Fritigerne ayant enfuite embraffé FArianifme en reconnoiffance des fecours que Valens lui avoit prêtés contre Athanaric, 1'erreur s'étoit peu-a-peu répandue. Enfin, lorfque les Goths Rij Valens. Gratiën Valentinien U Ann. 376.  Valens. Gratiën Valentinien II Ann, 376. Ann. 377. V. Les Oftrogothsde.nandent le pafiage qui leur eft refufé. Amm. I. 3'. <• 4- 388 HlSTOlRE demanderent a Valens la permiffion de paffer en Thrace, Ulphilas étant le chef de la députation, les Evêques Ariens qui fe trouvoient a la Cour , profiterent de Poccafion pour achever de le pervertir. Ils lui firent entendre qu'il ne s'agiffoit entre les deux partis que d'une difpute de mots, & ne 1'appuyerent de leur crédit auprès de PEmpereur, qu'a condition qu'il prêcheroit leur Doctrine. Valens fit partir avec lui plufieurs Evêques Ariens. Ainfi les Vifigoths infeclés de 1'héréfie, la communiquerent aux Oftrogoths, aux Gépides, aux Vandales , aux Bourguignons. Tous ces peuples la porterent avec eux dans leurs conquêtes, & y demeurerent opiniatrément attachés. Les Oftrogoths, campés au bord du Niefter, y pafferent Phyver dans de continuelles allarmes , appréhendant fans cefTe d'être forcés dans leurs retranchements, & foulés aux pieds par la cavalerie innombrable des Huns. Au retour du printemps, Gratiën étant Conful pour la quatrieme fois avec Mérobaude , Alathée & Saphrax, tuteurs de Vidéric, s'appro-  du Bas-Empire. Liv. XX. 389 cherent du Danube, & envoyerent demander a Valens la même grace qu'il avoit déja accordée a leurs compatriotes. On s'appercut enfin, qu'on ne pouvoit, fans un danger évident, recevoir tant de Barbares dans le fein de 1'Empire. On leur refufa le paffage. Ce refus öta toute efpérance a Athanaric, qui fe fouvenoit d'ailleurs, que huit ans auparavant, il s'étoit lui-mêmefermé cet afyle, lorfque, pour fe difpenfer de fe rendre auprès de Valens, i! avoit alJégué un ferment qu'il avoit fait de ne jamais entrer fur les terres des Romains. II prit donc le parti de fe retirer dans un lieu nommé Caucalande , environné de hautes forêts ck de montagnes inaccellibles, dont il chaffa les Sarmates. Toute la prudence humaine eüt été néceffaire pour contenir cette nation turbulente ck indocile. Mais il fembloit que Valens avoit raffemblé autour des Vifigoths, tout ce que 1'Empire avoit alors d'Officiers injufies, violents, raviffeurs. Lupicin ck Maxime , les chefs & les plus avares de tous , s'acharnerent fur ces nouveaux R iij Valens. Gratiën Valentinien U Ann. 377. VI. Avarice des Romains. Amm. 1. 31 . c. 4. Hier. chr. Orof. I. 7, c. 33. Idice. Jam. ie reh. Get, c, 26. Jjider. chr. Goth,  Valens, Gratiën Valentinien II Ann. 377, 3pO ' HlSTOIRE hötes comme fur une proie; & après les avoir dépouillés, ils les abandonnoient encore k 1'avidité de leurs fubalternes. Au-lieu de leur fournir des fubfiflances, on ferma les magafins. On leur fit acheter bien cher les plus miférables nourritures; ils furent réduits a manger des chiens; on leur vendoit un chien pour un efclave ; & ces malheureux , après s etre défaits de tout ce qu'ils poffédoient, furent réduits a livrer leurs propres enfants, auxquels ils ne pottvoient conferver la vie qu'au prix de leur liberté. Les principaux même de la nation ne furent pas exempts de cette néceffité déplorable. Ils n'avoient plus de reffource que dans le défefpoir; & il alloit éclater lorfque Lupicin prévoyant 1'orage, les fit preffer par fes foldats d'abandonner les bords du Danube, & d'avancer dans 1'intérieur du pays, oü il efpéroit les affoiblir, ou les détruire en les féparant les uns des autres. Pendant que les troupes Romaines qui gardoient le paffage du fleuve, s'en éloignoient pour efcorter les Barbares , Alathée & Saphrax ne  du Bas-Empike. Liv. XX. 391 voyant plus d'obftacle, traverferent ! le Danube en diligence a la tête des , Oftrogoths, & fuivirent la tracé de Fritigerne. Ce Général prudent & avifé, inftruit de ce qui ié paffoit derrière lui, continua fa marche, mais avec lenteur, pour leur donner le temps de le joindre. On arriva a Marcianople; & ce fut en ce lieu que la guerre s'alluma. Lupicin ayant invité a urf repas Alavif & Fritigerne, avec un pe* tit nombre des principaux Seigneurs de la nation, placa des gardes aux portes de la ville pour en interdire Fentrée aux Barbares. Ceux-ci demandant avec inftance la permiffion d'entrer pour acheter des vivres, la querelle s'échauffa; on en vint aux mains; les Goths, animés par la faim & par la fureur, fe jetterent fur les foldats Romains, les maffacrerent, & fe faifirent de leurs armes. Lupicin, plongé dans les excès de la débau» che & déja plein de vin, étant informé de ce défordre, Faugmenta par un trait de perfidie : il rit égorger la garde d'Alavif & de Fritigerne. Cet ordre cruel ne put être fi fecreteR iv Valens. Jratien Valen- rlNIEN H \.nn. 377. VII. Révolte les Vifigoths.  Valens. Gratiën Valentinien li Ann. 377, 392 H J S T O I R jg ment exécuté, que les cris des mourants ne pénétraffent jufque dans la lalle du feftin; & dans le même moment la nouvelle s'en étant répandue hors de la ville, les Goths, perfuadés qu'on en vouloit a leurs Capitaines, accoururent en foule, pouffant des cris horribles, & menacant de la plus terrible vengeance. Fritigerne, qui avoit Fefprit préfent Sc Fame intrépide, voulant s'échapper des mains de Lupicin, & fauver avec lui les Seigneurs qui 1'avoient accompagné, fe leve, s'écrie que tout eft per du, fi on ne les laijfie fbrtir pour fie montrer a la nation qui les croit égorgés; que leur préfence peut fieule rêtablir le calme. En même-temps, il met 1'épée k la main, & fort de la ville avec fes camarades. II eft recu avec des acclamations de joie : Alathée & Saphrax venoient d'arriver. Toute la nation monte k cheval; on déploye les étendards; les Goths marchent, & avec eux le carnage & Fincendie. Lupicin raffemble a la hatetout ce qu'il a de troupes, les pourfuit avec plus de hardieffe que de prudence , tk les atteint k trois lieues de Marcianople. A la vue des  du Bas-Empire. Liv. XX. 393 Romains , la rage des Barbares s'allume ; ils fondent fur les bataillons les plus épais, ils percent, ils maffacrent, ils taillent en pieces tout ce qu'ils rencontrent. Ceux mêmes qui font défarmés, fe jettent a corps perdu fur 1'ennemi, ils lui arrachent fes armes; ils enlevent les enfeignes : prefque tous les Romains périlTent avec leurs Tribuns. Lupicin, épouvanté d'une fi étrange furie , prit la fuite dès le commencement du combat, & regagna a toute bride Marcianople. Les vainqueurs s'emparerent des armes des vaincus; & ne trouvant plus de réfiftance, ils porterent au loin tous les défaftres d'une guerre fanglante. La prudence de Fritigerne, foutenue d'une éclatante valeur, lui attiroit la confiance de la nation, & fes avis n'étoient jamais contredits. 11 répandit les Goths dans toutes les parties de la Thrace, mais avec ordre. Leurs différents corps fe donnoient la main les uns aux autres, & avoient tous un point de réunion, Les gens du pays qui fe rendoient 2 eux, ou qu'ils faifoient prifonniers. R v Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 377, VIII. Horribles ravages de la Thrace.  Vaiens. Gratiën Vaeen- tin1en II Ann. J77. 394 II i s T 6 1 & e leur fervoient de gtiide pour les conduire dans les cantons les plus ri« ches & les mieux pourvus de vivres. Leurs compatriotes enlevés autrefois par les Pirates de Galatie, & vendus en Thrace, ceux que la famine les avoit eux-mêmes obligés de vendre quelque jours auparavant, venoient en foule les rejoindre. Les ouvriers employés au travail des mines, ck qui étoient furchargés d'impöts, accouroient auffi fe jetter entre leurs bras t ceux-ci leur furent d'un grand fecours pour déterrer les magafins, & pour découvrir les fouterreins oii les habitants fe cachoient eux-mêmes avec leurs richelfes. Toute la Thrace fut bouleverfée ; rien n'échappa a leurs recherches que ce qui étoit inacceffible : & tandis qu'on fouilloit les entrailles de cette terre malheureufe, fa furface étoit couverte de fang & de flammes. On maffacroit les enfants entre les bras de leurs meres , on bruloit les vieillards dans leurs cabanes ; les jeunes hommes & les leunes femmes étoient feuls réfervés pour un efclavage plus cruel que la mort même.  au Bas-Empirb. Liv* XX. 395 Les Vifigoths Sc les Oftrogoths féunisj compofoient une armée innombrable : il y avoit outre ceux-la un troifieme corps, commandé par Suéride & Colias. C'étoient des Vifigoths, indépendants de Fritigerne, arrivés en Thrace avant 1'irruption des Huns. Valens, qui n'efpéroit pas un grand fuccès de la négociation entamée avec Sapor, les avoit pris a la folde de 1'Empire, & les tenoit campés auprès d'Andrinople , a deffein de les faire paffer en Afie, & de les joindre aux troupes d'Orient, dés que la guerre feroit déclarée. Ils ne prirent d'abord aucune part au fouIevement de la nation : contents de la paye qu'ils recevoient de 1'Empereur , ils demeuroient fimples fpe&ateurs des hoftilités de leurs compatriotes. Valens leur ayant donné ordre de paffer 1'Hellefpont, ils témoignerent qu'ils étoient prêts d'obéir ; ils demandoient feulement le payement de leur folde, des vivres, & deux jours de délai pour préparer leurs équipages. Le Magiftrat d'Andrinople, irrité de quelque dégat qu'ils avoient fait dans une terre qui R vj Valens. Gratiën Valentinien H Ann. 377. IX. Siege d'Andrinople. Amm. I. 31, c. 6,  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 377. 39Ö HlSTOIRS lui appartenoit, reeut fort mal leur demande; pour toute réponfe, il fit armer la bourgeoifie, & fignifia aux Goths que s'ils ne partoient fur le champ, il alloit les faire charger. Les Goths, plus étonnés qu'allarmés de cette bravade, ne s'en mirent pas fort en peine : tant qu'on s'en tint aux injures, ils les recurent fans s emouvoir. Mais quand ils virent leur camp attaqué, & les traits pleuvoir fur eux, ils tomberent k grands coups d'épées fur cette populace téméraire, en tuerent une partie, repoufferent lereftedans la ville; & comme Fritigerne n'étoit pas éloigné, ils allerent fe joindre k lui; & revinrent enfemble mettre le fiege devant Andrinople. S'il n'eüt été befoin que de valeur, Andrinople étoit prife. Les Goths bravoient la mort avec une audace intrépide: les fleches, les javelots, les pierres lancées des machines en abattoient un grand nombre, fans rallentir le courage des autres. Mais Fritigerne voyant que , faute d'entendre 1'art des fieges, le fang de tant de braves gens couloit en pure perte, laiffa devant la ville  du Bas-Empire. Liv. XX. 397 un detachement pour la tenir bloquée, &c décampa avec le refte de fes troupes , difant qu'il ne faifoit pas la guerre aux murailles, & que les Goths trouveroiem dans les campagnes de la Thrace, beaucoup plus de prqfit & moins de péril. Valens apprit avec douleur ces triftes nouvelles. II fe hata de conclure la paix avec Sapor , & réfolut d'aller a Conftantinople. Comme 1 été étoit déja fort avancé, & que la Thrace avoit un befoin preffant de fecours, il envoya d'avance Profuture & Trajan, a la tête des légions qui revenoient d'Arménie. C'étoient des troupes d'une valeur éprouvée. A leur approche, les Goths fe retirerent audela du mont Hcemus. Les Romains s'emparerent des paffages , è deffein de leur fermer Pentrée de la Thrace , & d'attendre les fecours que Gratiën envoyoit a la priere de Valens. Frigérid, excellent Capitaines amenoit des troupes de la Gaule & de la Pannonie; & Ricomer, Comte des domeftiques, marchoit féparément avec un autre corps, tire auft de la Gaule, mais dont la plus grand* Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 377. X. Valens & Gratiën envoyent des fecours.Amm. I, 31 ,c. 7. I  Valens. Gratiën Valentinien li Ann. 377. XI, les deux armées fe préparent au con> bat. 1 398 HlSTOlRË partie déferta dans la route, & retour* na fur fes pas. On foupoonna le Conful Mérobaude d'être Pauteur fecret de cette défertion, paree qu'il craignoit que la Gaule, trop dégarnie, né demeurat expofée aux incurfions des Aliemands. Frigérid, attaqué de la goutte, fut obligé de s'arrêter en chemin; &c Penvie ne manqua pas de publier que ce n'étoit qu'un prétexte pour couvrir fa timidité. Ricomer, s'étant donc chargé de la conduite des deux corps, joignit Profuture &C Trajan, lorfqu'ils marchoient k Salees, ville de la petite Scythie. A quelque diftance de cette ville, campoit un corps innombrable de Goths. Leurs chariots rangés en cercle autour d'eux, leur fervoient de paluTades. Les Généraux Romains, qui brüloient d'envie de fe fignaler, fe tenoient prêts k les attaquer au premier mouvement qu'ils feroient r)our décamper; car ces Barbares :hangeoient fouvent de pofition. Les Soths, inftruit de ce deflein par les :ransfuges, prirent le parti de refter ?n place; & voyant que 1'armée Ronaine fe fortifioit tous les jours par  du Das-Empihë, Liv. XX. 309 de nouveaux renforts, ils rappellerent les détachements qui couroient la campagne. Toutes leurs forces s'étant réunies, la vue d'une fi grande multitude refferrée dans 1'enceinte de leurs chariots, embrafoit leur courage : un murmure confus, mêlé au bruit de leurs armes, annoncoit leur impatience; & pour les fatisfaire, leurs Généraux déclarerent qu'ils livreroient la bataille le lendemain. Ils paflerent la nuit fans dormir, préparant leurs armes, & appellant a grands cris le jour qui fembloit devoir leur apporter la viftoire. Les Romains qui entendoient ce tumulte, n'oferent prendre du repos, craignant d'être attaqués dés la nuit même; & quoiqu'inférieurs en nombre , ils efpéroient tout de la protecfion du Ciel & de leur bravoure. Aux premiers traits de la lumiere, les trompettes fonnerent dans les deux camps 1 on prit les armes; &c les Barbares après avoir, felon leur ufage, fait ferment entr'eux de vaincre ou de mourir, allerent en courant s'emparer des éminences , pour fe porter de-la avec plus de force Sc Valens. Gratie» Valentinien IL Ann. 377. XII. Bataille de Salces,  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 377. 400 HlSTOI&R de rapidité fur 1'armée ennemie. Les Romains fe rangerent dans la plaine, chacun ferme dans fon pofte , fans qu'aucun fortit de la ligne. Les deux armées refterent ainfi quelque temps immobiles, s'obfervant 1'une 1'autre, dans une conte.nance fiere & menacante. Les troupes de Valens s'animerent par le cri accoutumé, & les Goths par des chanfons guerrieres, fur les exploits de leurs ancêtres. Le combat s'engagea par de légeres efcarmouches. Après les décharges defleches & de javelots, ils s'approcherent la piqué baiffée , & couverts de leurs boucliers, ils fe choquerent avec fureur. Les Goths, plus difpos & plus agiles, fe rallioient plus aifément, lorfque leurs rangs étoient rompus. Une partie d'entre eux étoit armée de fortes maffues d'un bois durci au feu, qu'ils manioient avec beaucoup de dextérité. L'aile gauche des Romains plioit déja, & alloit fe mettre en déroute, fi elle n'eut été foutenue par un grand corps qui fe détacha du centre, & repouffa les ennemis. Le carnage devint horrible; tout fe mêia; on combattoit,  nu Bjs-Empire. Liv. XX. 401 on fuyoit de part & d'autre. Les cavaliers tailloient en pieces a grands coups de fabre, les fantaffins qui fuyoient; les fantaffins, coupantles jarrets des chevaux, abattoient les cavaliers, & les tuoient k terre. Le champ de bataille étoit jonché de morts, de mourants, de blefTés. Cet affreux fpeftacle animoit encore la rage des combattants; comme s'ils reprenoient de nouvelles forces dans le fang de leurs camarades , ils ne fe laffoient ni de porter, ni de recevoir des coups ; & la fin du jour les furprit encore, affamés de carnage. La nuit les fépara malgré eux; ils retournerent dans leur camp, frémiffant de fureur, & défefpérés de laiffer fur la place un fi grand nombre de leurs plus braves foldats. Cette journée fut également funefte aux deux partis. La perte des Romains fut moindre k la vérité, mais beaucoup plus fenfible que celle des Barbares , dont le nombre étoit fort fupérieur. On enterra a la hate les Officiers les plus diftingués; le refte fut abandonné fans fépulture; & après les ravages & les combats de cette Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 377-  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 377. XIII. Suites de la bataille Amm. I. 31 , c. 8. 402 HlSTOIRB guerre meurtriere, les plaines dé Thrace, dépouillées de cultures 6c blanchies d'olTements, ne préfenterent, pendant plufieurs années, quf les horreurs d'un vafte cimetiere. Les Romains fe retirerent a Marcianople , 6c les Goths , renfermés entre leurs chariots, n'oferent en fortir pendant fept jours. Ce délai donna aux Romains le temps de fermer les gorges du mont Hcemus, afin d'arrêter de nombreufes troupes de Barbares qui campoient encore entre les montagnes 6c le Danube. On efpéroit que tous les grains 8c les fourrages ayant été tranfportés dans les piaces fortes, ces Barbares mouproient de faim dans les plaines défertes de la Méfie. Ricomer retourna en Gaule pour y chercher de nouveaux fecours. Valens ayant recu la nouvelle d'une bataille fi fanglante Sc fi peu décifive, envoya Saturnin avec un grand corps de cavalerie, pour fe joindre a Profuture 6c a Trajan. Cependant les Barbares enfermés dans la Méfie, après avoir confumé tout ce qui pouvoit fervir k leur nourriture, prelfés de la faim, ta-  du Bas-Empire. Liv. XX. 403 choient de forcer leurs barrières. Toujours arrêtés par la vigoureufe réfiftance des Romains, ils implorerent le fecours de ces féroces ennemis, qui les avoient chaffés de leurs ferres, & attirerent par 1'efpérance du pillage, un grand nombre de Huns & d'Alains. Saturnin, qui étoit déja arrivé, craignant avec raifon que ce torrent n'emportat par fa violence ceux qui défendoient les défilés, replia fes poftes les uns fur les autres, & retira toutes les troupes. Les paffages étant ouverts, les Barbares pénétrerent par toutes les gorges des montagnes. Toute la Thrace, depuis le Danube jufqu'au mont Rhodope, & même a la Propontide, ne fut plus qu'un théatre d'horreurs, de maffacres, de rapines &c des violences les plus brutales. Les habitants, dépouillés, meurtris de coups, enchainés k la felle des chevaux, fuivoienl les cavaliers Barbares, & tombant de laffitude, étoient traïnés &c déchiréj en pieces. Les chemins étoient remplis de filles & de femmes qu'on chaffoit a coups de fouet comme des trou peaux; on n'épargnoit pas les fettv Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 377. XIV. Ravage* de toute la Thrace,,  Valens. Gratiën Valentinien II Ann, 377, i I ( i xv. Succès de Frigerid. j 1 J t 1 1 % 4°4 H ï S T O I R R mes enceintes, & leurs malheureux enfants captifs avant que de naïtre, ne recevoient la vie que pour la perdre aufli-töt, ou pour gémir longtemps de ne 1'avoir pas perdue. La ieuneffe, la pudeur, la nobleffe étoit la proie du foldat ivre de fang & de débauche. Un grand corps de Barbares rencontra, prés de !a ville de Deulturn, le Tribun Barzitner, qui campoit avec plufieurs cohortes. C'étoit an Officier expérimenté; la multitude des ennemis lui ötoit 1'efpérance, "ans lui öter le courage. II rangea en jaraille fa petite troupe, & chargea ui-même a la tête des plus braves. ^près des prodiges de valeur, il fuc:omba fous le nombre; mais la déaite de cette poignée de Romains :oüta cher aux vainqueurs. Frigérid, rétabli de fa maladie, cam)oit prés de Bérée, attendant 1'occaion d'attaquer les Barbares avec a-antage. Les Goths, qui connonToient a prudence & fa capacité, le redouoient comme le plus dangereux de surs ennemis, & le cherchoient pour accabler avant qu'il eüt réuni de plus randes forces. II fut averti de leur  nu Bas-Empire. Liv. XX. 405 approche; & plus jaloux de la confervation de fes troupes que d'une fauffe gloire, il fe retira par les montagnes & les forêts , a deffein de regagner l'IUyrie. Sa valeur trouva dans cette retraite une occaüon de fe fignaler. II rencontra Farnobe, Capitaine Goth, partifan redoutable , qui conduifoit une troupe de Taïfales, Sc ravageoit tout fur fon pafTage. Les Taïfales , Scythes de nation, établis dans Fancienne Dace, au-dela du Danube, s'étoient depuis peu alliés avec les Goths; & ayant pafTé le fleuve, pil— loient le pays abandonné par les Romains. Frigérid les enveloppa & les attaqua fi brufquement, qu'ayant tué Farnobe, & fait un grand carnage, il n'en auroit pas laiffé échapper un feul, fi ces miférables n'euffent mis les armes bas, demandant la vie è mains jointes. II les fit conduire en Italië, aux environs de Modene, de Rhege & de Parme, pour y cultiver les terres qui manquoient d'habitants. Les Taïfales étoient alors en horreur a toutes les nations, a caufe de leurs ufages abominables. Un jeune homme ne pouvoit s'afFranchir de la plus in- Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 377.  Valens. Gkatien Valentinien II Ann. 378. XVI. Préparatifs de Valens. Hier. Chr. Orof. I. 7, e. 33. [Soc. I. 4, «■ 33 . 34 , 36. Sor. I. 6, 37, 39Jorn. de regn. fuc- 406 HlSTOIRE fame fervitude, qu'après avoir feu!, & fans aucun fecours, tué un ours ou un fanglier. L'année fuivante commenca avec le fixieme Confulat de Valens, & le fecond du jeune Valentinien. Les inquiétudes que tant de défaftres caufoient k Valens, rendirent le calme k 1'Eglife Catholique. La perfécution ceffa dans tout 1'Orient. On dit même quece Prince fe répentit des maux dont il avoit affligé les Orthodoxes , & qu'il rappella les Evêques & les Prêtres exilés. Pierre rentra dans Alexandrie, avec des lettres du Pape Damafe, qui confirmoit fon éleclion; & le peuple chaffa Lucius, qui fe retira k Conftantinople. Plufieurs autres Prélats revinrent dans leurs Eglifes, foit par un ordre exprès de PEmpereur , foit qu'occupé de foins plus prefTants, il eüt perdu de vue les intéréts de 1'Arianifme. Ce Prince reconnoiffoit alors fon imprudence. II s'étoit flatté que les Goths feroient la garde perpétuelle de PEmpire, & qu'il n'auroit plus befoin de troupes Romaines. En conféquence, il avoit congédié la plupart des yétérans, tk  du Bas-Empjre. Liv. XX. 407 taxé ies villes & les villages k une fbmme d'argent, au-lieu des foldats qu'ils devoient fournir. Trompé dans ces vaines elpérances, il fe vit obligé de lever a la hate de nouvelles troupes , & fe diipofa a partir d'Antioche. Gratiën fe préparoit auffi a marcher au fecours de fon oncle , & il avoit déja fait prendre les devants a plufieurs cohortes, lorfqu'il fe vit obligé lui.*-même de défendre fes Etats. L'exemple des Goths avoit réveille les Barbares voifins de la Gaule. Les Aliemands, nommés Lentiens., dont le pays s'étendoit vers la Rhétie, rompant le traité fait avec eux fous le regne de Conftance, commencerent k ravager la frontiere. lis étoient attixés par un de leurs compatriotes, qui fervoit dans les gardes de Gratiën ; .& croyant trouver la Gaule dégarnie de troupes, ils fe diviferent en plufieurs corps, pafferent le Rhin fur les glacés au mois de Février, & coururent au pillage. Deux légions qui eampoient dans le voifinage, tomberent fur eux, & les forcerent de repaffer le fleuve avec une grande perte. VALENS. Gratiën Valentinien II Ann. 378, XVII. Irruption des Aliemandsdans la Gaule. Amm. i. 31, c. 10.  Vaiens. Gratiën Valen tinien ii Ann. 378. xviii. Bataille d'Argentaria.Amm. ibid, 6ibiValef. Hier. Chr. Orof. 1. 7 , c. 33. Viel. epit. TUI. Grat. not. 10. Alfat. illufl.p.Vjl, 408 HlSTOIRE Tous les Lentiens prirent aufli-töt les armes, & 1'on vit rentrer en Gaule quarante mille combattants, qui ne refpiroient que vengeance. Gratiën, allarmé de cette irruption imprévue, rappella les cohortes qui étoient déja en Pannonie; & ayant raffemblé ce qui reftoit de troupes dans la Gaule, il en donna le commandement au Comte Nannien & a Mallobaud. Celui-ci étoit un Roi des Francs, qui s'étoit attaché au fervice de 1'Empire, & qui tenoit a honneur de porter le titre de Comte des domeftiques. Nannien , naturellement circonfpeft, vouloit difTérer le combat; mais Mallobaud , dont le courage étoit ardent & impétueux, brüloit d'impatience d'en venir aux mains. Son avis 1'emporta; on marcha aux Aliemands, qui attendirent fiérement les Romains dans la plaine d'Argentaria. Cette ville, alors une des principales de la première Germanie, n'eft plus maintenant qu'un village , nommé Horburg, fur la droite de la riviere d'Ill, vis-a-vis de Colmar. Le combat étoit a peine engagé , que les Romains, frappés d'une terreur panique , fe débanderent,  nu Bjs-Empis-E. Liv. XX. 409 débanderent, & fe jetterent a 1'écart dans des fentiers étroits & couverts de bois. Ce défordre, qui devoit caufer leur perte, leur procura le fuccès. S'étant rallies prefque auffi-töt, ils revinrent a la charge avec tant d'audace, que les Barbares s'imaginerent que Gratiën venoit d'arriver avec des troupes fraïches. La terreur paffa de leur cöté; ils fe retirerent, mais en bon ordre, s'arrêtant de temps en temps pour difputer la vicfoire qu'ils n'abandonnoient qu'a regret ; &l Pon peut dire qu'au-lieu d'une bataille , cette journée vit plufieurs fanglants combats. Enfin, les Aliemands, toujours vaincus, & réduits au nombre de cinq mille, fe fauverent k la faveur des bois. Ils laifferent trente mille morts, entre lefquels fe trouva leur Roi Priarius , qui mourut les armes k la main. Le refte fut fait prifonnier. Gratiën vint joindre fon armée vi&orieufe, & paffa le Rhin a deffein d'achever de détruire cette nation remuante & infidelle. A la nouvelle de fon approche , les Lentiens, affoiblis par leur défaite, ne prirent ce- Tome IV. S Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 378. XIX. Gratiën réduit les AliemandsLentiens.  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 3.7S. 1 : i 1 < t 1 5 1 410 II I S T O I R E pendant pas encore le parti de fe foumettre. Ils abandonnerent leurs habitations, & fe réfugierent avec leurs femmes & leurs enfants fur des montagnes efcarpées , réfolus d'en difputer tous les rochers comme autant de forterelTes, Si de s'y défendre kifqu'a la mort. Pour les forcer dans ces pofies avantageux, le nomare étoit inutile ; il n'étoit befoin 311e de courage & d'agilité. Ainfi Sratien tira de chaque légion cinq :ents hommes d'élite. Ceux-ci, animés par 1'exemple du jeune Empe'eur, qui s'expofoit lui-même, s'efforgoient de gagner le haut des ro:hers, bien affurés de battre les enlemis , s'ils pouvoient feulement les itteindre. II en coüta beaucoup de ang de part & d'autre. Les Allenands, qui ofoient defcendre a la ren:ontre des Romains , n'échappoient )as a leurs coups : les Romains, ac:ablés de pierres énormes , rouloient ivec elles jufqu'en-bas ; & comme il itoit facile de reconnoitre Pefcorte le 1'Empereur, les pierres & les ja'elots pleuvoient fur-tout de ce cötéa, & toutes les armes de fes gardes  nu Bas-Empire. Lh. XX. 411 furent brifées. L'attaque continua fans relache depuis midi jufqu'a la nuit. Gratiën affembla le Confeif. On convint que de s'obftiner a forcer les ennemis, c'étoit vouloir perdre toute 1'armée : on jugea qu'il étoit plus a propos de les réduire par famine. Dans ce deffein, on commencoit déja h difpofer les poiïes, lorfque les AlIemands s'en étant appercus, s'évaderent par des fentiers inconnus , &c gagnerent d'autres montagnes encore plus élevées. On les fuivit, & on fe préparoit a leur coüper tous les pafrages. Enfin, effrayés d'une pourmite fi opiniatre, ils demanderent grace , & Fobtinrent, k condition qu'ils donneroient leur plus vigoureufe jeuneffe pour être incorporée aux troupes Romaines. Un exploit fi difficile, exécuté avec tant de vivacité, retint dans le devoir tous les Barbares d'Occident, & Gratiën fit connoitre de quoi il eüt été capable dans la guerre, s'il eüt pu modérer fa paffion pour la chaffe, & fon goüt pour les amufements frivoles. Le traïtre qui avoit donné des avis aux ennemis, fut découvert, & mis k mort. S ij VaienJB Gratie» Valentinien n Ann. 37S.  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 378. XX. II fe met en marche pour aller joinrlra Valens. Amm. 1. 31, (. 10, 11 , 12. Cellar. geog. antiq. 1. 7. , c. 3 , §• 41, * *• 7, §• 41- . j ] 1 41* H I S T 0 I R E Après avoir fait les difpofitions néceffaires pour la füreté de la Gaule , Gratiën prit fa route par la Rhétie. $1 paffa par Arbon au bord du lac de Conftance, & arriva a Lauriac, ville du Norique , célebre en ce temps-Iè : c'eft aujourd'hui le village de Lork fur le Danube, entre les rivieres de Traun & d'Ens. Le jeune Empereur fit alors une faute trop ordinaire aux Souverains. Frigérid alloit fermer le pas de Sucques, pour empêcher les Barbares de pénétrer en Occident. Ce Général étoit habile, fage,.d'un efprit folide, actif, mais plus occupé de projets utiles que d'entreprifes brillantes, tel, en un mot, que , dans de fi fachéufes conjonftures, il auroit fallu le retenir au fervice, s'il eüt voulu fe retirer. Tandis qu'il travailloit avec tele i\ fervir FEtat, les courtifans Dififs le ruinerent dans 1'efprit de Sratien ; il 1'éloigna, & envoya pour e remplacer le Comte Maurus , fan"aron, étourdi, intéreffé : c'étoit le néme qui avoit mis fon collier fur a tête de Julien , lorfqu'on avoit >roclamé ce Prince Empereur , &c  du Bas-Empire. Liv. XX. 413 qu'on lui cherchoit un diadême. Gratiën ayant mandé a fon oncle la viöoire qu'il venoit de remporter fur les Aliemands, fit conduire fes bagages par terre; & s'étant embarqué fur le Danube avec fon armée , il arriva a Bononia, & s'arrêta quatre jours a Sirmium. Une fievre intermittente ne 1'empêcha pas de continuer fa marche jufqu'a une ville de Dace , nommée k camp de Mars. II fut attaqué dans cette route par un grand corps d'Alains, qui lui tuerent plufieurs foldats. De-la il dépêcha^ k Valens, le Comte Ricomer, pour 1'avertir qu'il alloit incefTamment lc joindre , & .pour le prier de Pattendre, & de ne pas s'expofer feul av péril d'une bataille qui devoit décider du fort de 1'Empire. Valens étoit arrivé k Conftanti nople le trentieme de Mai. II y trouv. le peuple dans la confternation. Le: Goths faifoient des courfes jufqu'auj portes de la ville. L'Empereur ame noit avec lui un corps nombreux di cavaliers Sarrafins, que Mavia , leu Reine , lui avoit envoyés lorfqu'i étoit parti d'Antioche. II les employ S iij Valens. Gratiek Valentinien II A.nn. 378» . XXI. 1 Valens a Conftantl' nople. ; Amm. I. 31 , c. ii. Eunap. \ leg. p.ll. f Zof. I. 40 j ldace. SOC. I, 4 1 f. 37.  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 3 7 8. Theod. I. 4, c 29, 30. Hifl. Mifi. I. il. Theoph. p. 55. 56. Zon. t. II. p. 31. Cidr. t. 7, P- 313. Suid. in I I 1 < 1 ) < t i t 4r4 HlSTOJRE avec fuccès a nettoyer la campagne de tous les partis. Ces cavaliers, courant avec la rapidité de 1'éclair, chargeoient a leur avantage, & échappoient a toutes les pourfuites, rapporfant tous les jours un grand nombre de têtes d'ennemis. Valens, mécontent du fuccès de la bataille de Salces, óta k Trajan le commandement des troupes; & comme il 1'accabloit de reproches : Prince , lui répondit hardiment ce Général, ce n'eft pas nous que vous deve^ accu/er. Quel fuccès pouvie^-vous efpèrer dans un temps ou vous faifiei la gucrre * Dieu même, dont vous perfècutiei les vrais ado.ra•eurs ? Tout retentiffoit de murmures :ontre Valens : on lui reprochoit 1'avoir introduit les Goths dans 1'Em)ire, & de n'ofer fe montrer devant sux, ni leur livrer bataille. Le onziene de Juin, comme il affiftoit aux eux du Cirque, tout le peuple s'éria : Qu'on nous donne des armes, & 'ous irons combattre, L'Empereur , ouré da- colere, partit auffi-töt avec on armée, menacant de ruiner la ille de fond en comble k fon resur, & d'y faire paffer la charrue,  du Bas-Empire. Lh. XX. 415 pour la punir de fon infolence actuelle , & des attentats qu'elle avoit autrefois commis dans la révolte de Procope. Lorfqu'il fortoit des portes, un folitaire, nommé Ifaac, faififfant la bride de fon cheval : Prince, lui dit-il, ou coure{-vous ? Le bras de Dieu ejl levé fur votre tête : vous ave£ affligé fon Eglife; vous en avei bannï les vrais Pafteurs; rende^-les a leurtroupeau, ou vous périrei avec votre armée. Je reviendrai, repartit Valens en colere , & je te ferai repentir de ta folk prédiiïion. En même-temps, il donna ordre de mettre aux fers ce fanatique , & de le garder jufqu'a fon retour : J'y confens, s'écria le folitaire . óte{ - moi la vie, fi vous conferve^ la votre. On voit par ce difcours d'Ifaac. que, fuppofé que Valens eüt permi; aux Evêques Catholiques de retourner a leurs Eglifes, cette permiffior n'étoit pas générale. Chargé de ce: malédiaions, il alla camper a fix lieue: de Conftantinople , prés du chateai de Mélanthias, qui appartenoit au: Empereurs. II y féjourna quelque temps, s'ap pliquant a gagner le coeur de fes fol S iv Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 378. - XXII. Sébaftien Général.  Valens. Gratiën Valentinien II \nn. 378. Amm. ibid. Zof. I. 4. Suirt. in tif. i ! 1 i 416 ff I S T O I R £ dats par de bons traitements, & par des manieres douces & familieres. Les Goths, qui s'étoient avancés jufqu'aux bords de la Propontide, n'eurent pas plutöt appris que PEmpereur étoit forti de Conftantinople avec une nombreufe armée, qu'ils repafferent le mont Rhodope, & retournerent vers Andnnople, dans le deffein d'y réunir leurs troupes, dont une partie étoit campée prés de Bérée & de Nicopolis. Valens, inftruit de ces mouyements, & craignant pour Andrilople, y envoya Sébaftien , dont ïous avons eu tant de fois occafion ie parler. C'étoit le Héros de ce tempsa; & comme il étoit Manichéen^ck ;rand ennemi des Catholiques, les \riens & les Payens même affecoient d'en faire beaucoup d'eftime. ^mmien Marcellin le repréfente comne un parfait Capitaine : brave avec wudence, ménageant le fang de fes roupes plus que le fien propre, mé•rifant 1'argent & toutes les commolités de la vie, aimant fes foldats, nais auffi attentif a punir leurs déordres qu'a récompenfer leurs ferices. 11 s'étoit attaché a Valentinien;  du Bas-Empire. Liv. XX. 417 & après la mort de ce Prince, on * avoit appréhendé, comme nous 1'a- ( vons dit, que Paffeöion des troupes ne 1'élevat fur le tróne. Les calomnies des eunuques , trop puiffants ' dans les deux Cours d'Occident, ck toujours ennemis du mérite, le déterminerent a paiTer au fervice de Valens ,. qui le recut a bras ouverts , ck voulut mettre en oeuvre fes talents. L'ayant revêtu de la charge de Général de 1'infanterie a la place de Trajan, il lui permit de prendre a fon choix trois cents hommes dans chaque légion , pour les condüire au fecours d'Andrinople. Sébaftien , voyant la molleffe ck la lacheté qui s'étoient introduites dans les troupes de Valens, choifit parmi les nouvelles levées les foldats les mieux faits, & qui donnoient plus de fignes de courage ; perfuadé qu'il étoit plus facile de difcipliner des milices, que de ramener a la difcipline des troupes qui s'en étoient écartées. II les iépara du refte de 1'armée, les formant par de fréquents exercices è toutes les évolutions, puniffant févérement la défobéiftance, ck leui S v Aalens. Jratiest Valen:inien H Lnru 378.  Valens. Gratiën Valentinien n Ann. 378. XXIII. II taille en pieces un grand parti de Goths. s ] 3 I ] J i i t 3, t cl V V 4*8 H I S T 0 I R~ R infpirant cette fenfibilité pour fa louange qui-produit de grandes actions, & qui en facilite la réconvpenfe. II paroit que Ia modeftie n'étoit pas une des vertus de Sébaftien. II partit a. la tête de fon détachement, promettant a Valens qu'il apprendroit bientöt de fes nouvelles. A fon approche d'Andrinople, les habitants y craignant quelque furprife , fermerent leurs portes , & fe mirent en levoir de le repouffer. Mais après 'avoir reconnu, ils le recurent avec oie. Dès le lendemain, il fortit fans >ruit, & ayant appris de fes coueurs qu'on appercevoit fur les bords ie 1'Hebre un grand corps d'ennenis qui ravageoient la campagne, il ttendit la nuit. Alors faifant filer fes roupes derrière des éminences & ar des chemins fourrés, il furprit ;s Goths a la faveur des ténebres y smba fur eux avec furie , & n'en lifla échapper qu'un petit nombre. reprit en cette occafion une ft proigieufe quantité de butin, que la ille & les plaines d'alentour ne pou >ient le contenir, Fritigerne, allar-  du Bas-Empire. Livi XX. 419 mé de cet échec , rappella tous fes partis répandus dans la Thrace , & g^*^ Ié retira prés de la ville de Cabyle, vaien- dans des plaines fertiles & décou- xinienII vertes, ou il n'avoit a craindre ni la nn'3' 8, difette, ni la furprife. Ce fuccès & quelques autres en- xxiv. ^ / < A- > if •. „ Valens core , que SeDalhen n oubhoit pas marche d'exagérer dans les lettres qu'il écri- aux ennevoit a Valens, relevoient le coura- nilf- _ . 7 , , . . , . Amm. I. ge de ce Prince. Mais ce qui le pi- ?I c. tl< quoit vivement, c'étoit la célebre Zof. 1.4. viftoire de fon neveu, dont il reent alors la nouvelle. II n'aimoit pas Gratiën, ennemi de FArianifme , Sc qui, fans le confulter, avoit reconnu un nouvel Empereur. Jaloux de la gloire que ce jeune Prince venoit » d'acquérir, Valens brüloit d'envie de PefFacer par un exploit éclatant. II fe voyoit a la tête d'une belle armée; les vétérans , qu'il avoit imprudemment congédiés, étojent revenus joindre leurs drapeaux; tout ce qu'il y avoit de bons Officiers dans 1'Empire marchoient a fa fuite. Trajan même, quoique difgracié, n'avoit pas voulu manquer a fon Prince dans une occafion fi importante* S vj  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 378. 420 HlSTOIRR L'Empereur partit donc de Mélanthias ; & étant averti que les ennemis , afin de lui couper le paffage des vivres , fe difpofoient a fe rendre maitres des défilés du mont Rhodope, dés qu'il les auroit traverfés, il y laiffa un corps de cavalerie & d'infanterie. Trois jours après fon départ, il apprit que les Barbares marchoient vers Nicée, & qu'ils étoient déja a quinze milles d'Andrinople. Sur un faux rapport de fes coureurs, qu'ils n'étoient qu'au nombre de dix mille hommes, il fe hata d'aller a leur rencontre. II fut bientöt détrompé par des avis plus certains. Pendant qu'il fe retranchoit prés d'Andrinople , arriva Ricomer avec les lettres de Gratiën, qui Ie prioit de 1'attendre. Valens aflembla le Confeil. Sébaftien & la plupart des Officiers opinoient a donner bataille fans aucun d i'ai: ils difoient que VEmpereur ne devoit partager avec perfonne l'honneur d'une vicloire affurée; que les Barbares, déja vaincus les jours précécédents , n étoient pas en état de la difputer. Vief or , Général de la cavalerie , plus fage & plus expérimen.té  nu Bas-Empire. Liv. XX. 421 que Sébaftien, penfoit au contraire ,; qu'z7 falloit profiter de la jonclion des { legions Gauloifes , pour faciliter la vicloire : qu'il feroit même plus prudent de ne rien hafarder contre une fi grande multitude de Barbares; de les ajfoiblir par des Jurprifes & des attaques reitérées; de leur couper les vivres , & de les riduire par la famine a fe rendre, ou d fe. retirer des terres de Ü Empire. Mais les confeils de Victor, autrefois fi eftimés de Jwlien , avoient moins de crédit auprès de Valens, que les flatteries de fes courtifans. Son avis ne fut pas écouté, & la bataille fut décidée. Fritigerne, pour de meilleures raifons que Valens, defiroit autant que lui de prévenir 1'arrivée de Gratiën. Mais il attendoit Alathée &Saphrax, qu'il avoit mandés avec leurs troupes , & qui ne pouvoient arriver que le lendemain. Pour amufer 1'Empereur, il lui députa quelques-uns de fes moindres Officiers, a la tête defquels étoit un Prêtre Chrétien. Ils apportoient une lettre par laquelle les Goths s'engageoient a entretenir avec les Romains une paix éternelle, fi /ALENS. jRATIEN VALENriNIEN 11 Vnn. 37S. XXV. Rufe ót Fritigerne  Valens. Gratlen Valentinien II Ann. 378. XXVI. Valens range fon arrnée en bataille. Amm. ibid. Zof. I. 4. Idace. Soi. /. 6, c. 40. 422 II I S T 0 I R S Pon vouloit leur abandonner la Thrace avec tout ce qui s'y trouvoit de grains & de troupeaux. Le Prêtre étoit chargé d'une autre lettre fecrete de Fritigerne, qui témoignant un grand defir de mériter Famitié de PEmpereur, lui mandoit qu'il avoit affaire d une nation turbulente & in~ confidérée; quelle dtmandoit avec empreffement un combat qui ne pouvoit que lui être funejle ; que pour Vamener a des conditions raifonnables, il fallo'u lui montrer les forces Romaines dont elle n'avoit nulle idee : que la vut de (Empereur & de fon armee porteroit dans le cctur des Goths une impreffion de refpecl &decrainte. Valens renvoya les députés fans réponfe. Mais cette négociation confuma la journée, & augmenta la vanité de Valens, & 1'ardeur qu'il avoit de combattre. C'étoit tout ce que fouhaitoit Fritigerne. Le lendemain, neuvieme d'Aoüt, PEmpereur, dés la pointe du jour, fe mit en marche, laiffant fous les murs cPAndrinople les bagages avec une garde fiiffifante. Le Préfet du Prétoire , la maifon du Prince, fes tréfors & fes équipages furent mis en fü-  du Bas-Empire. Lm. XX. 423 reté dans la ville. La chaleur étoit exceffive ce jour-la-. Après une marche de huit milles par des chemins rudes & difficiles, on appercut le camp des Barbares bordé de leurs chariots, & 1'on entendit leurs cris confus & menacants. Valens n'avoit dreffé aucun plan de bataille; il ne connoiffoit ni Ie terrein, ni les forces des ennemis; il rangea fon armée au hafard. La cavalerie formoit les deux aïles. L'aile droite fut placée en-avant , & couvrit une grande partie de 1'infanterie. L'aile gauche avoit marché dans un tel défordre, que les cavaliers, difperfés ca & la par les chemins, arrivoient eonfufément, & prenoient leurs rangs avec peine» Fritigerne, déja rangé en bataille, fentoit bien que c'étoit-la le moment de charger 1'ennemi : mais ce prudent Capitaine, afin de ne point donner de jaloufie aux Oftrogoths, ne vouloit rien faire en 1'abfence d'Alathée & de Saphrax, qu'il attendoit k chaque inftant. Pour leur laiffer le temps de le joindre , il fit porter a Valens par quelques foldats de nouvelles propoü- Valens„ Gratiën Valentinien Iï Ann. 378, XXVIT. Nouvelle rufe de Fritigerne  Valens, Gratiën Valentinien II Ann, 378, 424 HlSTOIRE tions de paix. L'Empereur demanda que pour traiter avec lui, on envoyÉt des députés d'un caraclerè plus relevé. Fritigerne trainoit les chofes en longueur; &l cependant 1'armée Romaine, qui n'avoit pris aucune nourriture , fe confumoit de faim , de foif & de chaleur. Outre les ardeurs du foleil, Fair étoit encore embrafé par la vapeur des flammes que les Goths allumoient a deffein, mettant le feu aux arbres, aux moiffons, aux cabanes dans toute 1'étendue de la plaine. Enfin, Fritigerne fit dire a Valens par un héraut, que s'il vouloit lui envoyer en ötage quelques perfonnes diftinguées , il iroit luimême le trouver pour conclure la paix, malgré 1'ardeur & 1'impatience de fes foldats. Cette propofition étant acceptée , on jetta les yeux fur le Tribun Equitius, grand Maitre du palais, & parent de 1'Empereur. Mais comme il avoit été fait prifonnier par les Barbares, & qu'il s'étoit échappé, ilrefufa de fe remettre entre leurs mains, craignant d'en recevoir quelque mauvais traitement. Ri- ) corner s'offnt de lui-même, perfua-  nu Bas-Empire. Liv. XX. 425 dé qu'une telle commiffion étoit digne d'un homme de courage, ck que tout fervice étoit honorable dés qu'il étoit périlleux. Avant qu'il fe fut rendu auprès de Fritigerne, deux efcadrons de la garde de 1'Empereur, emportés par une impatience téméraire , allerent fans avoir re§u Pordre donn'er piqué baiffée fur les ennemis; ck dans ce moment, Alathée ck Saphrax arrivant avec leur cavalerie, fondirent fur eux, taillerent en pieces tous ceux qu'ils purent atteindre, & repoufferent le reffe avec Ricomer jufqu'au gros de 1'armée Romaine. La bataille devint générale. Les deux armées s'ébranlerent en lan^ant une grêle de fleches & de javelots; elles fe choquerent avec fureur, ck fe balancerent quelque temps. Les cavaliers de l'aile gauche des Romains pénétrerent jufqu'aux chariots qui formoient 1'enceinte du camp des Barbares; mais n'étant pas fecondés , ils furent rompus & renverfés par la multitude des ennemis. Alors toute la cavalerie tourna le dos, & ce fut la principale caufe de la défaite. L'infanterie Valens. Gratiën Vaientinien II Ann. 37S. XXVIII. Bataille d'Andrinople. Amm. I. 3 l, c. 11, 13. Hier. Chr. Sol. I. 6, c. 40. Orof. I. 7, c. 33.  Valens. Gratiën Valentinien II Ann, 378, XXIX. Fuite des Romains, 426 H 1 s- T O I Jk E qui demeuroit a découvert, fut bientöt enveloppée, & tellement refferrée, que les foldats n'avoient le libre ufage ni de leurs bras, ni de leurs armes. Aveuglés par une nuée de pouffiere , ils ne pouvoient ni adrelfer leurs coups, ni éviter ceux des Barbares, qui s'abandonnant fur eux, les écrafoient fous les pieds de leurs chevaux. Dans une épaiffe obfcurité, on n'entendoit que le bruit des armes, Ig cri des combattants, les gémiffements des mourants & des bleffés. Le maffacre ayant éclairci les rangs, les Romains, quoiqu'épuifés defatigue, retrouvoient des forces dans la rage & le défefpoir. La terre n'étoit plus couverte que de fang, de carnage, de morts couchés fous des mourants. Enfin, ce qui reftoit des Romains rétiniffant leurs efforts, ils s'ouvrirent un pafrage, tk prirent la fuite. L'Empereur, environnéd'un monceaux de cadavres, & abandonné de fes gardes, s'alla jetter au milieu de deux légions qui fe défendoient encore. Trajan, réfolu de périr avec lui, s'écria que Punique reffource étoit de rallier auprès du Prince les débris  nu Bas-Ëmpire. Liv. XX. 42? de rarmée. Aufll-töt Ie Comte Victor courut a 1'endroit oü 1'on avoit placés les Bataves pour fervir de réferve; & ne les trouvant plus, il jugea que tout étoit perdu, & fe retira avec Ricomer & Saturnin. Cependant les Barbares, altérés de fang, pourfuivoient a toute bride les füyards, les uns épars dans la plaine, les autres ramafTés en pelotons, fe précipitant & fe percant mutuellement de leurs propres épées. Les Goths ne faifoient point de prifonniers. Les chemins étoient bouchés de cadavres d'hommes & de chevaux amoncelés. Le malfacre ne celfa qu'a la nuit qui fut fort obfcure. Valens ne parut plus depuis cette funefté journée. On ne retrouva pas même fon corps. Perfonne n'ofa pendant plufieurs jours approcher du champ de bataille, oü les vainqueurs s'arrêterent pour dépouiller les morts, Toutes les circonftances de la mort de Valens rapportées par les Hiftoriens, ne font fondées que fur des bruits incertains. Les uns difent qu'au commencement de la nuit, ce Prince, ayant pris 1'habit d'un limple fol- Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 37S, XXX. Mort de Valens. Amm. I. jl.O 13, & 14. Lihan. or, de ulcifc. morte Juliani, c J. Uier. Chr. Eunap. vit. Max. Via. epit. ldace. Orof. I. 7, 33-  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 378, Chry/ofi. ai vid.jun. & ep. ad Philip, hom. 15. Soc. I. 4, «• 37- Iheod. I. 4> c. 31. 5or. I. 6, c. 40. PMo/?. /. 9 .c- l7. 2o/ /. 4. Zon. t. II. p. 31 , j2. Cedren. t. l,p. 314- 4.28 NlSTOIRS dat, & s'étant mêlé dans la foule des fuyards, fut tué d'un coup de fleche. Libanius le fait mourir en héros : il dit que fes Officiers le conjurant de mettrefa perfonne en füreté, Sc fes Ecuyers lui offrant d'excellents chevaux , il répondit qu'il feroit indigne de lui de furvivre d tant de braves gens , ó* qu'il vouloit s'enfevelir avec eux; qu'en même-temps, il fe jetta au fort de la mêlée, & qu'il périt en combattant. L'opinion la plus généralement recue , c'eft que ce Prince étant bleffé , Sc ne pouvant plus fe tenir a cheval, fut porté dans une cabane par quelques-uns de fes eunuques: la, tandis qu'on panfoit fes blefTures, furvint une troupe d'ennemis, qui trouvant de la réliftance, & ne voulant pas s'arrêter devant cette chaumiere, oü ils ignoroient que füt 1'Empereur, y mirent le feu, Sc la brülerent avec ceux qui s'y étoient renfermés : il n'en échappa qu'un feul, & ce fut de lui que les Goths apprirent la fin tragique de Valens. Ils furent très-affligés d'avoir perdu 1'honneur de tenir entre leurs mains le Chef de 1'Empire. On ajoute qu'après  nu Bas-Empire. Llv. XX. 459 la retraite des Barbares, comme on cherchoit entre les cendres de cette cabane les os de Valens , dont on ne put retrouver un feul, on découvrit un ancien tombeau avec cette infcription : lei efi enterrè Mimas, Capltainc Macédonien. Ce fait, s'il étoit véritable, feroit 1'accomplifTement de 1'oracle, que nous avons rapporté dans 1'hiftoire de Théodore. Valens, naturellement timide, avoit été fi frappé de cette prédiófion, que ne connoiflant du nom de Mimas que la montagne voifine de la ville d'Erythres en Ionie , il ne pouvoit depuis ce temps-la entendre fans trembler lenom de cette Province. Quelques Auteurs rapportent qu'avant la bataille, il avoit confulté les devins pour favoir quel en feroit le fuccès, & qu'il fut trompé, comme il étoit ordinaire, par des réponfes équivoques. Jamais une plaie fi profonde n'avoit affligé 1'Empire; & les Hifloriens du temps ne trouvent dans les annales de Rome que la bataille de Cannes qui puifTe être comparée a celle-ci. Les deux tiers de 1'armée Romaine Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 37S, xxxr. Perte de* Romains.  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 378. XXXII. Divers laits du 430 IllSTOIRE refterent fur la place avec trente cinq Tribuns & Commandants de cohortes. Entre les Capitaines diftingués qui y périrent, on nomme Trajan , Sébaftien , Valérien , grand Ecuyer; Equitius , Maitre du palais; Potentius, Tribun de la première compagnie des cavaliers. Ce dernier étoit un jeune homme de grande efpérance, déja auffi recommandable par fon mérite, que par celui de fon pere Urficin, dont 1'injufte difgrace arrivée fous le regne de Conftance , donnoit du prix & de 1'éclat aux vertus du fils. La nouvelle de cet événement funefte s'étant répandue, on fe rappella quantité de circonftances , la plupart frivoles, dont on fit après coup autant de préfages de la mort de Valens. fe n'en rapporterai qu'une feule. On fe reftbuvint que, pendant le long (éjour de ce Prince dans la ville d'Antioche, il s'étoit rendu fi odieux, que le peuple voulant affirmer quelque chofe, difoit communément par ferme d'imprécation : Qu'airiji Falens ouijfe être brulê vif. II avoit régné quatorze ans, quatre mois & treize jours. Ses actions  nv Bas-Empire. Liv. XX. 431 que nous avons racontées fuffifent pour donner une julïe idee de fon caraftere. II ne fera pourrant pas inutile d'y ajouter quelques traits, qui pourroient n'avoir pas été affez fentis dans le détail de fon hiftoire. II fe déterminoit lentement, foit a donner les charges, foit a les öter.Tl étoit ennemi des brigues formées pour les obtenir, & s'étudioit fur-tout k réprimer 1'ambition de fes parents. Jamais 1'Empire d'Orient ne fut moins chargé d'impöts que fous fon regne : fon avarice n'ofoit s'attaquer qu'aux biens des particuliers; mais il ménageoit les Provinces, modérant les tributs déja établis, n'en impofant pas de nouveaux, exigeant fans rigueur les anciennes redevances , ne pardonnant jamais les concuffions aux hommes en place. II avoit grand foin de s'inftruire de 1'état de fes finances. Ses prédéceffeurs étoient dans 1'ufage d'abandonner k ceux qu'ils vouloient gratifier, les biens dévolus au fifc; ce qui redoubloit Pavidité des courtifans, Valens permettoit k chacun de défendre fes droits contre les entrepri% fes du fifc; êê quand les biens étoient Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 378. caraftere de Vfilens Amm. I. 31, t. 14. Them. #r, S.  Valens. Gratiën Valentinien II Ann. 378. xxxm. Les Goths a (liegen t Andrinople. Amm. I. 31, c. 15. 432 HlSTQIRB déclarés caducs , il en partageoit Ia donation entre trois ou quatre perfonnes, afin de diminuer ï'empreffement a pourfuivre, en diminuant Ie profit qu'on pouvoit retirer des pourfuites. II répétoit fouvent cette belle parole d'un ancien : Que c'eji auxpeftes , aux tremblements de terre , & aux autres jléaux de la nature, d faire périr les hommes, mais aux Princes d les conferver. Cette maxime ne fut jamais que dans fa bouche. L'hiffoire de fon regne nous montre un Prince fans lumieres pour connoitre fes devoirs, fans aftivité pour les remplir, injufte , fanguinaire, qui ne fit paroïtre de vigueur qu'a perfécuter 1'Eglife. II ne laiffa de fa femme Dominica que deux filles, Carofe & Anaftafie. L'une des deux époufa Procope , qui n'eft guere connu que par le titre de gendre de Valens. Pendant la nuit qui fuivit la ba* taille, les Romains échappés de la défaite, fe difperferent de toutes parts. Dès que le jour parut, la plus grande partie des Barbares marcha vers Andrinople. Ils favoient par le rapport des transfuges, que les grands Officiers  ëv Bas-Empixe. Llv. XX. 433 ciers de 1'Empire & les tréfors de Valens y étoient renfermés. Ils y arriverent fur les neuf heures du matin, & environnerent la ville, réfolus de braver tous les périls d'une attaque précipitée. Les habitants n'étoient pas moins déterminés a fe bien défendre. Le pied des murs étoient au-dehors bordé d'une multitude de fantaffins & de cavaliers, qu'on n'avoit pas voulu recevoir dans la ville, & qui ecartant 1'ennemi a coups de flechei & de pierres, défendirent pendani cinq heures Papproche du foffé, toujours en butte eux-mêmes a tous le; traits de 1'ennemi. Enfin, la plupar ayant perdu la vie, tröis cents qu reftoient encore, mirent bas les ar mes, & pafferent du cöté des Barba res, qui les égorgerent fansmiféricor de. Ce fpeöacle infpira tant d'hor reur aux habitants, qu'ils réfolurer de périr plutöt que de fe rendre. L« Goths s'avancant jufqu'au bord d foffé, faifoient pleuvoir fur la mi raille une grêle de traits, lorfqu'u furieux orage , mêlé de tonnerres a freux, les obligea de fe retirer a 1' bri de leurs chariots. De - la ils i Tome IV. T Gratiën Valentinien II Ann. 37S. t S LI l- n fï-  Gratiën Valentinien II Ann. 378. XXXIV. Belle défenfe des affiégé*. | 1 434 Histoirz rent lommer les affiégés de fe rendre fur le champ, leur promettant la vie fauve. Le porteur de cet ordre n'ayant pas été recu dans la ville , ils y envoyerent un Prêtre Chrétien. La lettre fut lue & méprifée: on employa le refte du jour &. une partie de la nuit fuivante, i\ préparer tout ce qui étoit nécelfaire pour une vigoureufe défenfe. On doubla les portes en-dedans de gros quartiers de pierres; on fortifia les endroits les plus foibles; on dreffa les batteries; on placa de diftance en iiftance des vafes remplis d'eau, paree que la veille plufieurs foldats qui borioient le haut de la muraille, étoient tnorts de foif. Les Goths, dépourvus de machines, & ne fachant pas même faire les approches, n'imaginoient d'autre moyen que de tuer a coups de traits :eux qui paroiffoient fur les murailes, & de monter enfuite al'efcalade. Mais comme ils perdoient beaucoup dIus de monde qu'ils n'en abattoient, ls eurent recours è un ftratagême qui mroit réuffi, s'il eüt été mieux con;erté, Ils engagerent quelques défer-  nu Bjs-Empirë. Liv. XX. 435 teurs a retourner dans la ville, comme s'ils fe fufTent échappés des mains des affiégéants : ces traïtres devoient mettre fecretement le feu en divers endroits , pour faciliter 1'efcalade, tandis que les affiégés s'occuperoient k éteindre 1'incendie. Sur le foir, les déferteurs s'avancerent au bord du fbfTé, tendant les bras, & demandanf avec inftance d'être recus dans la place. On leur ouvrit les portes; on les interrogea fur les deffeins des ennemis. Comme ils ne s'accordoient pas dans leurs réponfes, on en con$ut du fqupcon; on les appliqua k la torture. Ils avouerent leur trahifon, & eurent la tête tranchée. Au milieu de la nuit, les Barbares ne voyant pas paroitre de Hammes, & fe doutant que leur rufe étoit découverte 9 combierent le foffé, & vinrent enfoule attaquer les portes, s'efforcant de les enfoncer ou de les rompre. Leurs principaux Capitaines animoient leurs efforts, & s'expofoient eux-mêmes avec encore plus de hardieffe. Les habitants & les Officiers du palais fe joignant aux foldats de la garnifon, oppofoient la plus vigoureufe réfiir T ij Gratie» Valentinien Iï Aan. 37S.  Gratiën Valentinien II Ann, 373. 436 NlSTOIRB tance. Aucun trait jetté même au hafard dans les ténebres fur une fi grande multitude, ne tomboit en vain. Comme on remarqua que les Barbares faifoient a leur tour ufage des fleches qu'on tiroit fur eux, on ordonna aux archers de couper la corde qui tenoit le fer fermement emmanché dans le bois. Mais rien ne caufa plus d'effroi aux ennemis , que la vue d'une pierre énorme, lancée d'une machine, & qui vint en bondiflant rouler a leurs pieds. Ils en furent tellement épouvanté, qu'ils alloient prendre la fuite, fi leurs Généraux, faifant tonner toutes les trompettes, ne fe fuffent avancés a leur tête, leur montrant la ville, & leur criant: Voila le magajin oü font enfermées les richejfes que l'avarice de Valens vous a tnlevées; voila la prifon de vos femmes cv de vos filles arrachées de vos bras, & qui gémijfentdans une honttufe captivitL Tous aufli-töt courent tête baifiee vers les murailles; ils plantent les echelles; chacun s'empreffe de monter le premier : on décharge fur eux des quartiers de roche, des meules de moulin, des fragments de colon-  nu Bas-Empïre. Liv. XX. 437 nes. Les echelles font brifées, & avec elles tombent les uns fur les autres les foldats écrafés de ces maffes foudroyantes , ou percés de javelots. D'autres fuccedent, & font encore renverfés. Mais comme ils voyent auffi un grand nombre d'habitants tomber du haut des murailles , ils s'encouragent, ils fe preffent les uns les autres, ils plantent de nouveau leurs échelles fur des monceaux de carnage; & n'obfervant plus aucun ordre, ils montent & font précipités par pelotons. Cette horrible attaque, oii la rage des afliégeants & des affiégés étoit égale , dura depuis le milieu de la nuit jufqu'a la nuit fuivante. Alors les Goths défefpérés fe retirerent fous, leurs tentes, la plupart fanglants & eftropiés, s'accufant mutuellement de n'avoir pas écouté Fritigerne qui les avoit voulu détourner de cette funefte entreprife. Au matin, ils tinrent confeil, & fe déterminerent a prendre la route de Périnthe, qu'on nommoit aufli Héraclée. Les transfuges leur promettoient un riche butin. Ils marcherent donc de ce cöté-la fans fe hater a T iij Gratiën Valentinien II Ann. 378, XXXV. Les Goths marchent a Périnthe. Amm. /. 31, c. 16.  Gratiën Valentinien II Aan. 3.78. 1 ! ] ] XXXVI. Ils font repoufles de devant Conftantinople. 438 H I S T 0 1 R E ne rencontrant ni ne craignant attcun obftacle. Lorfque les habitants d'Andrinople furent affurés de leur retraite, les foldats qui avoient fi bien défendu la ville, n'etant pas inftruits de la mort de Valens, & croyant qu'il s'étoit retiré du cöté de 1'Illyrie, réfolurent d'aller en diligence rejoindre 1'Empereur. Ils partirent pendant la nuit avec tous les bagages, & prenant des chemins détouraés & couverts de bois, dans 1'inzertitude oü ils étoient, ils fe partagerent en deux divifiohs : les uns tournerent vers Philippopolis & Sariique; les autres vers la Macédoine. Cependant les Goths ayant recu un renfort confidérable de Huns & d'Alains , que Fritigerne avoit attirés, ramperent k la vue de Périnthe. Le nauvais fuccès de 1'attaque d'Andriïople leur öta 1'envie d'approcher de a ville; mais ils défolerent les vaftes ilaines d'alentour. L'avidité du pillage les conduifit a Conftantinople. Ils en infultoient déa les fauxbourgs, & couroient jufqu'aux portes. Dominica, veuve de Galens, fauva par fon courage la ca-  nu Bas-Empme. Liv. XX. 439 pïtale de 1'Empire : elle ranima les habitants confternés; elle leur diftribua des armes; elle tira de grandes fommes du tréfor pour les exciter par fes largeffes a leur propre défenfe. La principale reffource de la ville confiftoit dans une troupe de cavaliers Sarrafins, qui fortirent fur les ennemis avec une audace détermince , & donnerent a grands Coups dè cimeterre au travers de leurs efcadrons. Pendant ce combat, qui fut fanglant & opiniatre , un Sarrafin, nud jufqu'a la ceinture, portant une chevelure longue & flottante, pouffant des fons lugubres & menacants, armé feulement d'un poignard, vint fe lancer au milieu des Goths; & au premier qu'il égorgea , il attacha fa bouche fur la plaie pour en fucer U fang. La vue d'une férocité fi brutale gla^a d'effroi les ennemis ; ils fonnerent la retraite, & allerent campei a quelque diftance, n'ofant plus approcher de trop prés d'une ville qui leur fembloit être un repaire d'animaux farouches. Quelques jours aprés, lorfqu'ils eurenf confidéré s loifir la valte étendue de Confianti T iv, Gratie* Valentinien li Ann. 378. Amm. ibid, Soc. t. j, c. i. So-,. T. 7, c. ï.  Gratiën Valen- TINIEN H Ann. 378. XXXVII. Maflacre des Goths en Afie. Amm. ibid, Z'f.lA. 44° HlSTOIRS nople, la hauteur de fes tours & de fes palais, qui reffembloient a autant de fortereffes, la multitude infinie de fes habitants, la commodité du Bofphore qui lui donnoit une communication toujours libre avec 1'Afie & les deux mers, ils défefpérg» rent de la réduire ni par la force, ni par la famine. Ayant donc détruit tous les travaux qu'ils avoient commencés pour un fiege, après avoir, par les différentes forties, perdu plus de foldats qu'ils n'en avoient tués, ils fe retirerent póur fe répandre vers riilyrie. L'Afie auroit peut-être éprouvé les mêmes défafires, fi le Comte Jule n'eüt pris une de ces réfolutions extrêmes , que l'humanité détefte, que la politique prétend juftifier par la néceffité, mais qui ne paroiffent jamais vraiment néceffaire aux yeux de la bonne foi & de Ia juftice. Ce Comte ayant, par ordre de Valens, conduit en Afie les plus jeunes d'entre les Goths, les avoit difperfcs en diverfes villes au-delè du mont Taunis, dans la crainre que s'ils étoient réunis , ils nc fe portaffent a quelque  du Bjs-Empire. Liv. XX. 441 violence. II fut averti que cette jeuneffe fougueufe, inftruite du traitement fait au refte de la nation, & de fa révolte , formoit des complots fecrets; & que par des meffages mutuels, envoyés d'une ville k l'autre, elle prenoit des mefures pour fe rendre maïtreffe des lieux oü elle étoit établie, & pour venger fes parents ck fes compatriotes. Sur cet avis, il prend fon parti ;-il écrit k tous les Commandants des places. Conformément k fes ordres, on affemble les Goths dans chaque ville pour leur faire favoir: Que l'Empereur dejirant les incorporer d fes fujets, veut leur donner de Üargent & des terres; quils ayenl donc d fe rendre un tel jour d la métropole. Ces jeunes Barbares,ravis de joie, oublient leurs complots, ils attendent avec impatience le jour marqué, ck fe rendent k 1'ordre. Tout étoit préparé pour les recevoir. Dés qu'ils font alfemblés dans la place publique de chaque capitale, les foldats , cachés dans les maifons d'alentour, fe montrent aux fenêtres, & les accablent de pierres & de traits. On paffe au fil de 1'épée ceux qui prenT v Gratiën Valentinien II Ann. 37S.  Gratiën Valentinien II Ann. 378. XXXVIII Ravages des Goths Amm. ibid. £- L10 , .c. 4- Greg. Na^. or. 14. Hier. p. 3. Chryfoft. cd vii..Jnn. Ambr. ep. 1. Idacc. Hermant, ' ■vie de St. Amb. I. 2 , ' e. 11,14. j Idem f vie t de St. Sa- ' f l' , 1.6, ] t. 10, 11. J éelairciff. t 1 C I 44a II I S T O I R X nent la fuite; & dans un feul jour,1 en diverfes villes, comme par un même fignal, un nombre infini de ces malheureux fut facriflé a une défiance fanguinaire. Ce malfacre juflifia les cruautés que leurs peres exercoient alors en Occident. Les autres Barbares d'au-dela du Danube , Sarmates , Quades , Marcomans, vinrent fe joindre aux Goths, aux Huns, aux Alains. Réunis par leur haine commune contre les Romains , & par le defir du pillage, ils ravageoient, ils brftloient, ils détruifoient la petite Scythie, la Thrace, la Macédoine , la Dardanie, la Dace, a Méfie. Leurs partis étendoient leurs :ourfes jufques dans la Pannonie, la [)almatie, l'Epire & l'Achaïe. Le Zom'te Maurus, fucceffeur de Fri(érid, avoit laiffé forcer le Pas de Jucques. Le fang Romain couloit de>uis Conftantinople jufqu'aux Alpes uliennes. Les femmes & les filles toient violées; les Prêtres trainés en fclavage, ou tués avec les Evêques; ss Eglifes changées en écuries; les orps des martyrs déterrés. Ce n'éoit dans toutes ces contrées que deuil,  Du BaS-EmpirE. Liv. XX. 443 gémiffements, une trifte & affreufe image de la mort. Murfe fut ruinée, Pettau livrée aux Barbares ; & on föupconna de cette trahifon un certain Valens, que les Ariens avoient inutilement voulu faire Evêque de cette ville. Fritigerne voyant que tout fuyoit devant lui, difoit : Qu'il s'étonnoil de timpudence des Romains qui fe prétendoient maitres d'un pays quils ne favoient pas défendre : quils le poffedoient fans doute au même titre que des troupeaux pojfedent la prairie ou ils paiffent. On ne voyoit de toutes parts que des prifonniers expofés en vente. Les Eglifes en rachetoient un grand nombre ; & St. Ambroife fignalaen cette occafion fa charité inépuifable : il vendit lés ornements du fan&uaire, il auroit vendu les vafes facrés, fi les befoins Feuffentexigé. Quantité d'Illyriens abandonnerent leur patrie, & fe retirerent en Italië aux environs d'Imola, oü il femble que Gratiën leur donna des terres. Ils y porterent 1'héréfie d'Arius , qu'ils auroient répandue jufqu'a Milan, fi le faint Evêque n'en eüt préfervé le pays. Les Goths, dans T vj Gratiën Valentinien II Ann. 378.  Gratiën Valentinien II Ann. 378. XXXIX. Théodofe eft rappellé. Lihan, de vlcif. mortc Juliani, c. I. Them. or. 16. Pacat. paneg- 9. Viel. cpit. lda.ce chr. Mare. Chr. Zof. I. 4. Joann. Ant. in excerptis Valef. 444 HlSTOIXË le cours de leurs ravages, trouverent plufieurs Catholiques de leur nation, qui, pour fe fouftraire ala perfécution d'Athanaric , s'étoient jettés entre les bras des Romains. Ils les inviterent a fe joindre k eux & k partager les dépouilles. Mais ces généreux fugitifs refuferent de contribuer a détruire leur afyle : ils aimerent mieux, les uns fe laiffer égorger, les autres quitter leurs terres, & fe retirer en des lieux forts d'afliette, pour conferver la pureté de leur foi, & la fidélité qu'ils avoient promife k 1'Empire. - Cependant le Comte Victor, auflitöt après la défaite, étoit allé porter a Gratiën cette trifte nouvelle. Peu de temps enfuite, on fut informé de la mort de Valens; & ce fut pour 1'Empereur & pour tout 1'Empire un furcroït d'affliétion. Gratiën fe rendit en diligence a Conftantinople k travers mille périls. Dans le défordre oü il voyoit les affaires, il fe fouvint de Théodofe, qui, après la mort de fon pere, s'étoit retiré de la Cour. II fentit quel fecours 1'Empire, fur le penchant de fa ruine, pourroit tirer ie la valeur & de 1'expérience de  du Bas-Empire. Liv. XX. 445 ce guerrier , & il réfolut de le rappeller. Théodofe vivoit depuis deux ans a Cauca fa patrie, que les uns placent en Galice, les autres dans le pays des Vaccéens, aujourd'hui la Province de Beïra en Portugal. Quelques Auteurs le font naitre a Italique prés de Séville , patrie de Trajan; ils prétendent même, fans beaucoup de fondement, qu'il étoit de la familie de cet Empereur : mais ce fut un plus grand honneur k Théodofe d'avoir les vertus de Trajan, que de luiappartenir par la naiffance. La gloire de fon pere & la fienne 1'avoient fuivi dans ion exil volontaire. Soumis aux loix, fobre, laborieux, auffi libéral qu'il étoit riche, il faifoit, fans le favoir, dans 1'état de particulier le plus utile apprentifTage de la fouveraineté. II fecouroit fes amis & fes compatriotes de fes confeils & de fa fortune: la mifere des Provinces qu'il voyoit de prés, lui imprimoit dèslors ces tendres fentiments, que Ia Providence devoit bientöt rendre efücaces. Souvent il fe retiroit k la campagne, & trouvoit un délaffement innocent dans les travaux de Pa- ÉRATIEH VALENriNIEN II Ann. 37S. Theod. I. < , 5 > 6Zon. 1.11, P- 33TUI.Theod. art. 1,2, &■ nou 1,1, 4- Cellaf. geog. ant. il.U, §.66.  Gratiën Valentinien II Aan, 37S. XL. Vi&oire de Théodofe. 1 ] I i < i r r 1 a n d il d u e 446 ff I S TV 1 R' s griculture. II avoit époufé Flaccillej, vraiment digne de lui par fa vertu & par fa nobleffe : il en avoit déja un fils nommé Arcadius, lorfqu'il recut 1'ordre de retourner auprès de 1'Empereur. II quitta fa retraite en foupirant, 'fans defirer , ni prévoir la haute fortune qui 1'attendoit a IaCour. Dés qu'il fut arrivé, Gratiën Ie mit a la tête des troupes qu'il avoit rafremblées. Théodofe marcha auffi-töt :ontre une grande armée de Goths % de Sarmates, & leur livra bataille >rès du Danube. Les ennemis furent :nfbncés du premier choc, & mis en uite. On les pourfuivit avec ardeur; >h en fit un grand carnage; il ne s'en mva qu'un petit nombre qui repaffeent le fleuve. Le vainqueur ayant fis fes troupes en füreté dans les vil;s voifines, retourna a la Cour, & Ha lui-même porter a 1'Empereur la ouvelle de fa viöoire. Une expéition fi rapide parut d'autant plus ïcroyable, que les défaites préeéentes avoient laiffé dans les efpritsne vive imprefiion de terreur. Les tivieux de Théodofe, plus défefpé-  nu Bas-Empirb. Lh. XX. 447 ris que les ennemis vaincus, olbient 1'accufer de menlbnge ; c'étoit, a les entendre, un importeur qui avoit pris la fuite après la défaite de fon armée. L'Empereur lui-même ne fut convaincu de la vérité y qu'après le retour des exprès qu'il envoya fur les Iieux, pour s'inftruire par leurs propres yeux, & lui faire un rapport fidele. Cette victoire raflura Conftantinople , & réprima 1'audace des Barbares , en leur apprenant que la valéur Romaine n'étoit pas entiérement éteinte. Gratiën, après avoir mis ordre aux affaires de 1'Orient, retourna a Sirmium, oü fon premier foin fut de réparer les maux que fon oncle avoit faits a la Religion. Valens , avant fon départ d'Antioche, avoit permis aux Evêques exilés de revenir dans leurs Eglifes. Mais la fupériorité que confervoit toujours le parti Arien, avoit rendu cette permiffion prefque inutile. Gratiën ordonna par un édit que les Prélats bannis rentreroient fans nul obftacle en poffefflon de leurs fieges. Cependant, comme en pouffant a bout les Ariens, qui dominoient.dans la plupart des villes de Gratiek Valentinien II Ann. 378. XLI. Gratiën rétablit en Oriënt les affaires de 1'Eglife.Soc. I. j, c. 1. Theod. l.<, c. 2. Soi.l.y,c. 1. Joan, Am. Zon. t. II, F- 33C. T. 1.16, tit. 5, leg. 5- l. lt , tit. 39. leS-7,  Gratiën Valentinien II Ann. 378. XL1I. Aufone Conful. Aufon. grat. aci. & adSyagr, & 448 IIISTÖIR.B 1'Orient , il étoit k craindre qu'ils n'appellalTent a leur fecours les Goths protecleurs de la même héréfie, il accorda aux diverfes communions, comme nous 1'avons déja dit, la liberté de s'alfembler, & 1a révoqua dés l'année fuivante, lorfqu'il crut la tranquillité de 1'Empire mieux affermie* II arrêta les nouvelles entreprifes des feüateurs de 1'anti-Pape Urfin ; & fur la requête qui lui fut préfentée de la part du Pape Damafe, &£ d'un grand nombre d'Evêques alTemblés k Rome, il prefcrivit les regies qu'on devoit obferver dans le jugement des Evêques & des caufes eccléfiaftiques. Les accufations de magie avoient depuis quelque temps fait périr beaucoup d'innocents : dés le commencement de cette année, Gratiën avoit déclaré, que laccufateur feroit obligé de prouver le crime en toute rigueur, fur peine d'être luimême févérement puni, Le jeune Prince ne fe vit pasplutöt maitre de nommer les deux Confuls, qu'il voulut donner k fon Précepteur Aufone une marqué éclatante de fa reconnoiffance, Aufone, né a Bor-  du Bas-Emurb. Lh. XX. 449 deaux, avoit d'abord fuivi le barreau. LI le quitta pour préndre une chaire de Grammaire & enfuite de Rhétorique, qu'il enfeigna long-temps dans fa patrie. Appellé k la Cour par Valentinien , il fat chargé de £inftruc.tion de Gratiën déja Augufte, & il 1'accompagna dans 1'expédition d'AlIemagne en 368. II en ramena une jeune captive, nommée Biffula, dont il devint bientöt Pefclave, & qui contribua k égayer fa mufe naturellement lafcive & licencieufe. II fut honoré du titre de Quefteur; & après la morl de Valentinien, Gratiën le fit Préfei du Prétoire, d'abord d'Italie, enfuit< des Gaules. II étoit revêtu de cett< derniere dignité, lorfqu'il fut élev< au Confulat; & ce fut pour cett< raifon que Gratiën lui donna le ran< au-deffus d'Olybre fon collegue, qu avoit été Préfet de Rome en 368 & les deux années fuivantes. Aufon nous a confervé la lettre par laquell PEmpereur lui annonca fa promotion elle étoit concue en ces termes: Lorj que je délibérois fur le choix des Confu, que je dtvois nommer pour l'année pre chaine, je me fuis adrejfé a Dieu poi Gratiën Valentinien Iï Ann. 378. in epieed. patris. Idace. Scalig. vita Aufon. TUI. Grat. ar/. 8, XI» 21, 6" not. S, 9; Mém. Acai. dis Infcript. t. XV, p. 115 C/ fuiv. t >■ y 's 't  Gratiën "Valentinien II Ann, 378. ] < i < i i 1 450 &ISTOI&S confulter fa volontè, comme vous favtr quejefais dans toutes mes entreprifes, . CJ>'!Lme v°usfouhaitei voüs-même que jefafe. J'ai cru lui obéir en vous défignant premier Conful. Je vous rends ce que je vous dois, & je ne fuis pas encore quitte avec vous après vous l'avoirrendu. Quoique cette lettre femble former un préjugé favorable a la pjete d Aufone, la religion de ce Poëte n en eft pas moins problématique. Entre les critiques, les uns faifant attention a quelques pieces chrétiennes repandues dans fes écrits, founennent qu'il étoit Chrétien , d'autres prétendent que ces pieces lui font tauffement attribuées, & que le pa'amfme qui refpire dans fes véritasles ouvrages, ne permet pas de dou■er quil ne füt Payen. Ce qu'il y a ie plus certain, c'eft que 1'extrême icence de fes Poéfies prouve que s'il :toit Chrétien, il ne I'étoit que de lom. La faveur s'étendit fur toute fa amdle : Jule Aufone fon pere, qui •toit Médecin , porta le titre de Préet d'Ulyrie : Hefpere, fon fils, fut »lca,re de Macédoine, Proconful d'Anque, & enfin Préfet du Prétoire  du Êas-Empjrb. Ltv. XX. 451 des Gaules eonjointement avec lui. Thalaffe Ion gendre fut auffi Proconful d'Afrique. L'Empire ne s'étoit jamais vu fi prés de fa perte. Les Barbares Septentrionaux, arrêtés jufqu'alors par le Danube, avoient franchi cette barrière. La Thrace, la Dace, l'Illyrie n'étoient couvertes que de fang & de cendres. Les Francs, les Aliemands, les Sueves, & les autres nations Germaniques murmuroient au-dela du Rhin : ils fe préparoient a s'emparer de la Gaule, qui leur avoit déja coüté tant d'efforts, ck dont la conquête irritoit toujours leurs defirs. Les Ibériens, les Arméniens, les Perfes menaeoient les bords du Tigre & de 1'Euphrate. II fembloit que le moment étoit arrivé, oii 1'univers, vaincu par les Romains. alloit rompre fes fers & enchaïner fe; anciens maitres. Gratiën, agé de vingi ans, ne pouvoit trouver affez de ref fources ni en lui-même, ni dans ur enfant tel que fon frere Valentinien qui entroit dans fa huitieme année 11 avoit befoin d'un bras puiffant, qu 1'aidat a foutenir un fardeau prêt ; 1'accabler. II eut affez de fageffe pou Gratiën Valentinien II Ann. 379. XLIH. Théodofe Empereur Greg. Na%. or. 14. Pacat..paneg. c. 11, 12. Them. or. IA 1 16. C/W. de quarto confulalu Ha- ïS'e. Aug.. de eiv. I. 5,. c. 25. Sidon, Apol.carm^ 2. Zof.l. 4. Viel. epit. Soc. I. 5 , C. 2. Theod. I. 1 5 , e. 6. . '.So^. I. 7 , e. 2. 1 ldace chr, . & fafi. \ Profp.Chr^ Chr. Mar1 cel. f Chr. Alex.  Gratiën Valentinien II Ann. 379. Zon. t. II, p. 24. TUI. Grdt. art. 9, 452 HlSTOIRZ le fentir, & de force d'efprit pour le déclarer. Nul autre motifque 1'intérêt public ne le détermina dans fon choix. II jetta les yeux fur Théodofe, agé pour lors de trente-trois ans, & qui joignoit k la plus brillante valeur la prudence d'un age avancé. C'étoit celui que tout 1'Empire auroitnommé,. s'il eüt été a fon choix de fe donner un maitre. Le jeune Empereur, s'il n'eüt confulté qu'une politique jaloufe & timide, auroit craint & les vertus & le reffentiment de Théodofe , dont il avoit facrifié le pere è une cruelle calomnie. Mais n'étant pas moins affuré de fa grandeur d'ame que de fa capacité, il le fit venir a Sirmium; & comme il agiffoit avec franchife, & qu'il avoit pris fermement fon parti, il lui déclara en préfence de toute fa Cour qu'il vouloit 1'affocier k lEmpire. Théodofe, inftruit par les malheurs de fa familie, n'attendoit qu'une difgrace pour récompenfe de fes fervices. Lorfque le diadême lui fut préfenté de la main de 1'Empereur, il n'en fut pas ébloui; il n'y vit que les pénibles devoirs, & les dangers du pouvoir fuprême;  nu Bas-Empire. Lh. XX. 453 & plus effrayé de la déclaration de Gratiën, qu'il ne Peut été d'une fentence d'exil, il refufa avec une fincérité capable de convaincre les courtifans mêmes. II ne fe rendit qu'avec beaucoup de peine aux ordres réitérés du Prince, & n'accepta la fouveraineté que par un dernier aöe de foumiffion & d'obéiffance. II recut le titre d'Augufte le 19 de Janvier de l'année 379. Le choix du nouveau Trajan fut applaudi de tout 1'Empire. On comparoit Gratiën a PEmpereur Nerva. Les envieux n'oferent murmurer qu'en fecret, & furent les plus empreffés a témoigner leur joie. Gratiën partagea les Provinces avec fon collegue; il lui donna'tout ce qu'avoit poffédé Valens, c'eft - k - dire, 1'Orient & la Thrace. II lui céda même une grande partie de Flllyrie, qui fut alors divifée en deux. La Pannonie , le Norique & la Dalmatie demeurerent k FEmpire d'Occident. La Dace, la Méfie, la Dardanie, la Prévalitaine, la Macédoine, 1'Epire, la Theffalie, 1'Achaïe, c'eft-a-dir e, toute Pancienne Grece, en y comprenani Gratiën Valentinien II Ann. 379. XLIV. Partage de 1'Empire,  Gratiën Valentinien II Ann, 379, Fin du Tornt quatritmt. ( 454 ÏÏISTOIRB, &c. le Péloponefe , la Crete, & toutes les ifles furent attachées a PÈmpire d'Orient. La plupart de ces Provinces étoient occupées ou défolées par les Barbares; & ce n'étoit donner k Théodofe qu'un accroiiTement de travaux & de périls. Theffalonique devint la capitale d'Illyrie Oriëntale, qui fut gouvernée par un Préfet du Prétoire particulier. Le gouvernement de 1'Illyrie Occidentale entra dans le département du Préfet du Prétoire d'Italie. Entre les Généraux qui avoient jufqu'alors fervi en Occident, Ricomer & Majorien s'attacherent a Théodofe. Majorien avoit fuccédé au Comte Maurus dans 1'emploi de Général des troupes d'Illyrie : il fut l'aïeul maternel de 1'Empereur, qui porta fon nom dans la fuite. Après ce partage, qui donnoit k 1'Empire d'Orient une plus vatte étendue, Gratiën s'arrêta encore quelque temps a Sirmium, & Théodofe alla commencer k Theffalonique le cours d'un regne k jamais mémorable.  EXTRAIT DES REGISTRES de l'Académie Royale des Infcriptions cV Belles-Lettres. Du Lundi 30 Juillet 1759; M. 1'Abbé Sallier & M. MitOT. CommilTaires nommés par 1'Académie, pour 1'examen d'un Ouvrage manufcrit de M. Le Beau, Secretaire perpétuel de ladite Académie , intitulé : Hiftoire du Bas-Empire, Tomes 111 & IV, en ont fait leur rapport, & ont dit qu'ayant examiné cet Ouvrage, ils n'y ont rien trouvé qui ne fit honneur a l'Auteur& a 1'Académie. En conféquence de ce rapport, & de leur approbation par écrit, 1'Académie a cédé a M. Le Beau fon droit de privilege pour 1'impreffion dudit Ouvrage. En foi de quoi nous avons figné le préfent certificat. A Paris, au Louvre, ce Lundi 30 Juillet 1759. La Curne de Sainte-Pai.aye, Dirctleur de t'Académie, Sallier, Sous-DirtSettr^