nu Bas-Empire. Liv. XXF1I. 195 mettre a celui qui feroit nommé fon fucceffeur , afin de ne pas déchirer l'Eglife par un fchifme; mais il les avertit en même temps qu'ils trahiroient leur confcience, s'ils foufcrivoient a la condamnation de leur Evêque , dont ils connoiflbient 1'innocence. II fe déroba enfuite par une porte fecrete , pour ne pas exciter de fonlevement parmi le peuple , & fe mit entre les mains des foldats, qui lui firent paffer le Bofphore. Ceux qui attendoient le Prélat a la porte de 1'Evêché pour s'oppofer a fon départ, n'eurent pas plutöt appris fon évafion , qu'ils coururent au bord de la mer dans le deffein de prévenir fon embarquement. II étoit trop tard. Ils appercurent de loin la barque qui voguoit avec viteffe vers la cöte de Bithynie. Alors tendant les bras a leur Pafteur, & lui difant les derniers adieux , ils lui témoignoient par leurs fignes & leurs mouvements ce qu'ils ne pouvoient plus lui faire entendre par leurs cris. Dès qu'ils Feurent perdu de vue, ils coururent en foule a l'Eglife , pour implorer la miféricorde diyine. A peine y fontI ij Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann, 404. XXXVI. Suites de fon exil. Pallad.vir. Chryf. Cod. Th. /. 16. tit. 2. H- 37» tit. 4. leg, 5,6. Soc. I. 6. c. 18, 19 , 20. Theod.l. y. c. 34. So-t, l. 8. C. 22 , 23, 24.  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann, 404. I96 HlSTOIRE ils entrés, qu'une flamme s'élevant du tröne épifcopal, fe répand avec tant de rapidité, qu'en un moment l'Eglife eft embrafée. Saifts d'eftroi, ils fe jettent en tumulte hors de l'Eglife. Le feu, pouffépar un vent violent, fe communiqué k la falie du Sénat. C'étoit un fuperbe édifice, couvert de'plomb , embelli des plus riches ornements §£ de colonnes de marbre le plus précieux. On y voyoit les ftatues des jMufes que Conftantin avoit fait tranfporter du mont Hélicon; elles furent alors fondues par les flammes. II n'échappa de 1'incendie que deux ftatues de marbre, celle de Jupiter de Dodone, & celle de la Minerve de Linde. On les trouva entieres & fans aucun dommage , fous les débris de 1'édifice. De ce magnifique batiment, il ne refta que des ruines. L'Eglife ne fut pas entiérement confumée; mais feulement le toït, & Ia partie voifine du tröne de 1'Evêque. On foupconna les fideles attachés k Jean, & qu'on appelloit alors foannites. Quelques Auteurs Chrétiens les accufent même expreflement. Cependant les tortures ne firent rien  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann, 404. 198 HlSTOIRE autrefois voulu faire Evêque de Tarfe, il 1'avoit refufé, en jurant fur les Evangiles qu'il n'accepteroit jamais 1'Epifcopat. Le Pape, tout 1'Occident, une grande partie de 1'Orient, le regarderent comme intrus. Ces oppofitions donnerent encore lieu k d'étranges violences. Les Evêques attachés a Chryfoftöme furent chaffés, mis dans les fers, relégués aux extrémités de 1'Empire; ceux qu'il avoit inftallés, furent dépofés; ceux qu'il avoit dépofés, furent rétablis. Le peuple s'affembloit hors des villes, dans les bois , dans les campagnes. En vain Arcadius publia des édits menagants; en vain il enjoignit aux Gouverneurs des Provinces d'empêcher ces affemblées. Ce fut alors que plufieurs Dames du premier rang, entre autres Olympias, veuve de Nébride, & Pentadie, veuve de .Timafe , fouffrirent avec courage les plus durs traitements, plutöt que d'abandonner la caufe de leur Evêque. Elles le confolerent dans fon exil par leurs lettres; elles le fecoururent par leur libéralité; elles lui facriherent leur repos, leur fortune & celle de leur  nu Bas-Empire. Lm. XXVll. 199 I familie. Le généreux Synefe, quoi- qu'il dut 1'Epifcopat a Théophile, f ne put fe réfoudre a trahir lajuftice I en fa faveur; il foutint toujours 1'in] nocence de Chryfoftöme. Saint Nil, I qui de Préfet de Conflantinople étoit 1 devenu folitaire dans les déferts du | mont Sinaï, répondit a 1'Empereur I avec cette liberté qu'infpire le déj tachementdes chofes du monde. Ar1 cadius lui avoit écrit pour lui deman| der le fecours de fes prieres : le fos litaire lui confeilla de faire pénitence \ des maux qu'il faifoit a l'Eglife. Le ) Pape Innocent ne fe défifta jamais de ij fon attachement au Prélat exilé. Ho(j norius prit hautement fa défenfe ; il Ij écrivit a fon frere pour lui repréfen| ter fon injuftice; il demanda unconI cile de 1'Orient & de 1'Occident; il 1 lui recommanda plufieurs Evêques i que le Pape envoyoit a Conftantinoj ple pour travailler a la réunion. Ils ? furent traités indignement, & ren- voyés fans réponfe. Les troubles ne ' furent terminés ni par la mort d'EuI doxie , qui les avoit fufcités , ni par celle de Jean, qui vécut trois ans dans ï fon exil, ni par celle d'Arcadius, I iv Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 404,  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 404. XXXVII. Mort de Sr. Jean•Chryfoftóme.Chryf. ep. é8, 127. Pallad.vit. Chryf. Soc. I, 6. C. 21. Theod. I. 5- 345o?. /. 8. c. 28. Marcel. Chr. Zon. p.%$. Baronius. TUI. vie de S. JeanChryf. art. 99 . 123, 324. I31- Fleury , hifi.Ecclef. 1. 22. art. 13. Vita Chryf, apud BB. fiOO UlSTÖIRE qui ne furvéquit au Saint Prélat que fept mois & demi. Cette divilion fubfifta pendant plus de dix ans , jufqu'a ce qu'Attique, fuccefTeur d'Arface, eut confenti a rétablir la mémoire de Chryfoftöme, en infcrivant fon nom dans les Dyptiques. La difgrace de Chryfoftöme ayant excité tant de mouvements a la Cour, & dans tout 1'Empire d'Orient, nfc peut être regardée comme un événement étranger a notre hiftoire. Je raffemblerai en peu de mots les principales circonftances de fon exil. On le conduifit d'abord a Nicée, d'oü on le fit partir le 4 de Juillet pour Cucufe , ville prefque déferte fur les confins de la Cappadoce & de la petite Arménie, pays pauvre & ftérile, expofé aux incurfions des- brigands de 1'Ifaurie. Eudoxie avoit choifi ce lieu comme le plus propre h faire fentir au faint Evêque le poids de fa vengeance. Ce voyage de foixante & dix jours avec des incommodités extrêmes, caufées par la mauvaife fanté du Prélat, par la difticulté des chemins, par la crainte perpétuelle des [faures, &par laméchanceté des Moi-  du Bjs-Empize. Ltv. XXFIL 201 nes vendus a fes ennemis, & plus impitoyables que les Ifaures. Enfin, il arriva a Cucufe. La compaflion des habitants lui procura les fecours que - pouvoit lui fournir un lieu fi miférable. Les courfes des barbares tenoient ce pays dans des allarmes continuelles. Au milieu de ces défaftres & de ces craintes, quoiqu'il fut fi éloigné de fon troupeau, il ne le perdit pas de vue; manquant de tout pour lui-même, il trouva d'abondantes reffourcespour foulager Pindigence des autres. il étendit fa follicitude paftorale fur tout 1'Orient; il travailloit avec zele par de faints Miflionnaires, a la converfion de ce qui reftoit encore de Payens dans la Phénicie & dans toute la Syrië. Chryfoftöme , i\ 1'extrêmité de 1'Empire, avoit beaucoup plus d'influence fur l'Eglife d'Orient, que fes fucceffeurs Arface & Attique aflis fur le fiege de Conflantinople. Ses ennemis , quoique triomphants, en con^urent de la jaloufie: ils obtinrent qu'il fut relégué a Pityonte fur le Pont-Euxin dans le payi des Zannes. On 1'y fit conduire pai des foldats fans pitié, qui s'efforcoien I v Arcadius. Honorius. r/hoédose II. A.nn. 404. t  Arcadius.Honorius. Théodo se II. Ann, 404 XXXVIII Hiftoire «Ie Maruthas.Soc. I. 6. e. 15. So-i. /. 8. €. 16. . Oriens Chryf. 1.11. p. 99S. Fleury, hifl.Ecchf. 1- 21. art. 46. Afftmani, SM. or. t. 1 P- 174- 2ö£ HlSTOIRE d'accroitre les fatigues d'une route longue & pénible. On leur avoit promis récompenfe li le Saint mouroit en chemin : ils la mériterent par leur barbarie. Ce corps foible & atténué, fuccomba enfin a tant de maux. II mourut aComane le 14 dé Septembre de 1'année 407, après plus de trois ans d'un laborieux exil : ame vraiment héroïque, dont les vertus & les écrits immortels couvriront d'un éternel opprobre Ia jaloufie de Théophile , les fureurs d'Eudoxie, & Ia cruelle lacheté d'Arcadius. Je ne dois pas oublier un fait qui tient au récit de la perfécution de St. Jean Chryfoftöme, & qui donne occafion de développer quelques circonftances de 1'hiftoire de ce tempsla. Depuis que le Tigre ne fervoit plus de borne commune a 1'Empire & a la Perfe, les deux Princes, dont les Etats fe joignoient fur la frontiere, ne pouvoient manquer d'avoir enfem'ble de fréquents démêlés. Maruthas, Evêque en Méfopotamie, fut chargé par Arcadius d'une commiflion auprès d'Ifdegerd. L'hiftoire n'en dcnne aucun detail; mais elle nous  vu Bjs-Empirb. Liv. XXFII. 2*53 apprend que ce Prélat zélé pour la propagation de la foi, profita de cette occafion pour 1'étendre dans la Perfe. II y fit un grand nombre de converfions; & malgré la jaloufie des mages , il fut gagner les bonnes graces d'Ifdegerd, & le rendre favorable aux Chrétiens. Maruthas revint a Conflantinople dans le temps que fe formoit la cabale qui compofa le Concile du Chefne. II fut d'abord féduit par les ennemis de St. Jean Chryfoftöme; mais cet Evêque plein de droiture s'étant appercu de leur malignité, fe fépara d'eux, & retourna dans fon Diocefe. Sa ville épifcopale étoit fituée en Méfopotamie, prés du fleuve Nymphius, a dix lieues d'Amide, & a cinq lieues de la fource du Tigre. II lui donna dans la fuite le nom de Martyropolis, paree qu'il y recueillit un grand nombre de reliques de; martyrs de Perfe. Cette ville fut prife par les Perfes fous 1'Empire d'Anaf tafie; reprife & rétablie par Juftinien Elle eft célebre dans 1'Hiftoire des Ara bes fous le nom de Miafarekin. Pen dant 1'exil de St. Jean Chryfoftöme Maruthas revint k Conflantinople, & I vj Arcadius.Honorius.Thoédo- se II. Ann. 404,  Arcadius.Honorius.Théodo- SE II. Ann. 404. XXXIX. Mort d'Eudoxie. Profp. Chr. Marcel. Chr. Soc. I. 6. t. 19 , & l- 7- c. 36. So-i. I. S. c. 27. Zon. t. II. P- 39- Photius tod. 77. Cedr. p. . 334- Cod. Th. I. 15. tit. 1. hg. 42. Cang. Conft. * P- 9h l 2. . 204 HlSTQIRB fe joignit aux amis du faint Prélat, qui 1'engagea par fes lettres a retourner en Perfe. 11 y fit de nouvelles conquêtes au Chriftianifme, & contribua a maintenir la concorde entre la Perfe & 1'Empire. II s'acquit tant de crédit fur 1'efprit d'Ifdegerd, que ce Prince fut fur le point d'embraffer la Religion Chrétienne , & qu'iï ne cefta de la favorifer tant que Maruthas demeura dans fa Cour. Trois mois après que St. Jean Chryfoftöme fut forti de Conflantinople , on y vit tomber le 30 de Septembre une grêle, dont les grains étoient de la grofleur d'une noix.Un auteur contemporain , parle d'une grêle qui, dans ee temps-la , ravagea diverfes contrees, & dont les grains pefoient huit livres. Le fixieme d'Otfobre fuivant, Eudoxie mourut d'une fauffe couche. La Providence divine termina les jours de cette Princefle , après s'en être ervie pour exercer la vertu de Chryfoftöme. Eudoxie fut enterrée dans 'Eglife des Apötres, ou plufieurs fie:les après, on voyoit fon tombeau le porphyre, entre ceux de fon mari \rcadius & de fon fïls Théodofe, Elle  nu Bas-Em-pihe. Liv. XXFiL 205 avoit conftruit a Conflantinople un palais & des thermes. Sélymbrie en Thrace, entre Héraclée & Conflantinople, avoit obtenu d'Arcadius, la permiffion de changer fon nom en celui d'Eudoxiopolis. Eudoxie ,flattée de cet honneur, procura a cette ville une augmentation de revenus. Sélymbrie étoit très-ancienne ; elle tiroit fon nom de fon fondateur Sélys, ancien héros ou Roi de ce Pays. Bria, dans le langage des Thraces, fignifioit ville. Pendant les troubles de Conflantinople , les Huns firent impunément des courfes dans la Thrace. Mais les Provinces d'Afie fouffroient encore de plus grands maux de la cruauté des Ifaures. Ces barbares s'étoient tenus renfermés dans leurs montagnes ■ pendant le regne de Théodofe. Altérés de fang & avides de butin, ils en fortirent cette année, & ne cefferent pendant quatre ou cinq ans, de défoler les contrées voifines , déja prefque ruinées par la guerre de Tribigilde.^ Ils étendirent même leurs ravages jufqu'au Pont-Euxin , a 1'Euphrate , & au fond de la Syrië, Quelques ban- Arcadius.Honorius. Théobose II. Ann. 404. p. 142. /. 4. p. 110. TiU. Arcad. not. 30. Strab. I. 7. Phil.1. ii. c. 7. Steph.Byr. XL. Ravages des Ifaures. Chryf. ep. 14, 64, 110. Zof 1. 5. So{. I. 8. c. 25. Phil.l.iï. c. 8. Marcel. Chr. Cod. Th. l.t).tit.$}, I'S- 7. Suid. A'p- TUI. Arcad. art. *4.  Arcadius.Honorius. ThéodO' se II. Ann. 404, 20Ö HlSTOIRE ■ des pafferent en Cypre; ils firent trembler Antioche & Jérufalem. Cependant ils n'avoient ni affez de forces , ni aflez de connoiffance de la guerre, pour entreprendre des fieges ; mais ils faccageoient les places fans défenfe, les bourgs, les villages, & laiffoient les campagnes couvertes de fang^ & de ruines. Ils ofoient même pénétrer fous divers déguifement dans les villes les mieux gardées , pour y faire des vols & des maflacres. Ces brigands étoient fi dangereux, qu'Arcadius , peu de jours avant fa mort, envoya ordre aux Gouverneurs des Provinces d'Afie, d'en faire une exacte recherche, & de ne fufpendre les pourfuites contre eux, ni pendant le carême, ni Ie jour de Paque ; quoique ces jours fuflent un temps de furfis pour toutes les procédures crimin elles. Ils commencerent leurs ravages par la Pamphylie. Dès qu'on eut appris cette nouvelle a Conflantinople , on envoya contre eux Arbazace avec des troupes. II les repoufla d'abord dans leurs montagnes, prit plufieurs de leurs fortereffes, & en maffacra un grand nombre, Mais ce Gé-  nu Bas-Empire. Lïv. XXF1I. 207 néral, avide d'argent, & perdu de débauche, trainoit a fa fuite plus de mufïciennes, de danfeufes, & de proftituées, que de foldats. S'étant lailfé corrompre par les barbares, il partagea leurs vols. II fut rappellé. On alloit lui faire fon procés; mais il fe tira de péril en partageant a fon tour avec Eudoxie , 1'argent qui faifoit fon crime. Le facrifice d'une partie lui fauva le refte; & il lui en reftoit encore afTez pour fournir a fes plaifirs, & pour oublier au milieii des infamies domeftiques , celle donl il demeura couvert k la face de toui 1'Empire. Sopater, Gouverneur de h petite Arménie, quoique fans troupes & fans autres reffources que cel les de fon attivité & de fa pruden ce, fut délivrer fa Province de ce: incurlions. L'année fuivante vit dans le Con fulat les deux plus célebres perfonna ges des deux Empires; Stilicon pou la feconde fois en Occident, & An thémius en Oriënt. Anthémius étoi petit-fils de ce Philippe, Préfet d'0 rient fous Conftance, qui avoit étran glé de fes propres mains, Paul, Evê Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 404; l ■ Ann. 405.' - XLl. Confulat d'Anthét mius. . Idac.faft. Chryf. ep. " 14Ï. - Soc. I. 7. t. l.  Arcadius.Honorius.Théodo- SE II. Ann. 40;, Sid. carm. 2. Baronlus. TUI. Honor. art. 27. & Theod. le jeune, art. I. 2o8 HlSTOIRE que de Conflantinople. Le petit-füs, auffi attaché aux regies de la juftice, & auffi bienfaifant que fonaïeul avoit été injufle & cruel, jouiffoit déja de tout le crédit que pouvoit laiffer a un homme vertueux , un Prince de peu de jugement. Anthémius avoit été AmbalTadeur en Perfe ; il étoit maïtre des Offices lorfqu'il fut nommé Conful; & cette année même il fut revêtu de lapréfeclure d'Orient, qu'il pofféda long-temps. II recut 1'année fuivante le titre de Patrice; & ces divers degrés 1'éleverent au Gouvernement général de 1'Empire d'Orient durant le bas age de Théodofe. Ce fut a la prudence de ce rare 'Miniftre, que le jeune Prince fut redevable des fuccès & de la tranqnillité de fes premières années. Le petit-fils d'Anthémius fut lui-même dans la fuite placé fur le tröne impérial. Rien ne donne une plus jufle idéé du mérite de cet homme illuflre, que les éloges d'un Prélat plein de difcernement, & qui n'étoit rien moins que flatteur. St. Jean Chryfoftöme lui écrivit de fon exil, qu'au'lieu ck li féliciter tfayoïr réuni le Confulat & la préfeSure ,  nu SJS'Eupire. Liv. XXFII. aco il felicitoü ces deux dignitésdefe trouver fibien placées; que la vertu alloit trouver a Vabri de fon tribunal un afyle afjuré; & que le temps de fa magifirature feroit pour tout ÜOriënt une fête perpétuelle. , Cependant 1'Afrique oriëntale eprouvoit alors de grands ravages. Les Maziques , & les Aufhiriens fe jetterent d'un cöté dans la Tripolitame , de 1'autre dans la Libye & dansl'Egypte, dont ils défolerentla frontiere. Céréal, commandant des troupes de la Cyrénaïque, étoit un poltron, qui ne favoit faire la guerre qu'aux peuples qu'il étoit chargé de défendre, II couroit la Province pour en tirei de 1'argent; il congédioit les foldat: pour profiter de leur paye. Les Maz* ques méprifant un tel Général, vin rent pijler & brüler les campagnes ils avancerent jufqu'a Cyrene , & j mirent le fiege. Aux approches du dan ger, Céréal s'étoit jetté dans un vaif feau, & fe tenoit en mer a quelqu diftance du rivage. Les foldats, aban donnés de leur chef & tremblants d peur, fe cachoient dans des cavernei Ces barbares n'étoient cependant ne Arcadius.Honorius.Théodo- se II. Ann. 405. XLIT. Ravages en Afrique. Syn. ep. lil,129, 131 , 132. Phil.hu. c. 8. TUI. vie de Synefe, art, 7- 1  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann, 40 j. xini. Intrigues de Stilicon avec Alaric, Orof. I. 7. *• 37, 3S. Cod. Th. I. 2. tit. 16. I. Zof. 1. J. Olympiod. Soi. I. 8. c 25. /. 9. c 4. Greg. Tut. ; hifl. Franc. ■ l. 2. c. S. ' Claud, dc ^ laud. Sti-- 1 ne 1.2. ; < 1 210 ƒƒ / S T O I R B moins queredoutables. Quelques Prêtres des villages voifins ayant pris les armes & affemblé leurs payfans au iortir de la meffe, marcherent k 1'ennemi, & le battirent. Un diacre, nommé Faufle, fe fignala par fon courage. Sans autres armes qu'une pierre qu'il tenoit k Ia main, il tua un grand nombre de barbares. II ne fallut pas d autres forces pour délivrer Cyrene cc la Province. L'Empire d'Orient n'étoit attaqué que fur fesfrontieres. Mais celui d'Occident étoit déchiré dans fes entrailles par les intrigues de Stilicon, & par une nouvelle irruption des barbares. L'ambitieux Stilicon, non content de gouverner 1'Empereur, avoit depuis long-temps concu le deffein le fe rendre maitre de 1'Empire. Honorius n'avoit point d'enfants , & la :emeraire précaution de Sérene 1'ay ant nis hors d'état d'en avoir, il ne faloit qu'écarter du tröne d'Occident e fils d'Arcadius pour y faire moner un jour Euchérius, fils de Stilicon, * coufin des deux Princes. Les droits le Ia famdle impériale devoient mêae pafTer k Euchérius par fon ma-  nu Bas-Empire. Liv. XXVIL mi riage projetté avec Placidie, fille de Théodofe & de Galla, & feule héritiere de 1'Empire, fi les enfantsde Flaccille mouroient fans poftérité. , Pour réuffir dans fes projets, Stilicon crut avoir befoin d'Alaric; il vouloit s'en fervir pour affoiblir d'abord 1'Empire d'Orient, & pour jetter enfuite tant de trouble en Occident, qu'il put aifément s'en emparer au nom de fon fils, fans attendre la mort d'Honorius qui n'avoit encore que vingt ans. Le Roi des Goths, plein de dépit depuis le mauvais fuccès de fa derniere expédition, ne refpiroit que vengeance. Mais ne fe fentant pas encore alTez fort pour entreprendre de nouveau la conquête de 1'Italie, il prêta 1'oreille aux propofitions de Stilicon. 11 y a tout lieu de croire que ces deux politiques guerriers fe jouoient mutuellement; &que le deffein fecret de 1'un & de 1'autre étoit de travailler d'abord de concert k ruiner les Empereurs, & de fe défaire enfuite chacun de fon allié pour demeurer feul maitre de 1'Empire. Stilicon ofFroit k Alaric de grands avantages, s'il vouloit fe joindre a lui pour Arcadius. Honorius. :héodo se ir. ^.nn. 405  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 40J. < < XLIV. Radagaife 1 en Italië. Orof. I. 7. I 37. 212 II I s T O .I R B attaquer 1'Illyrie oriëntale; il prétendoit que cette Province toute entiere devoit appartenir a Honorius, comme elle avoit appartenu k Valentinien premier & k Gratiën, & qu'elle étoit une dépendance inaliénable de 1'Empire d'Occident. Alaric , neuf ans anparavant, s'étoit engagé au fervice d'Arcadius, fous letitre de Commandant des troupes en illyrie : en contractant un engagement contraire, il reent le même titre pour le fervice d'Honorius. Auffi-töt il paffe de nouveau en Epire, & diftribue fes quartiers Ie long de la mer, depuis Dyrrachium jufqu'au golfe d'Ambracie. Stilicon devóit Ie venir joindre avec une nombreufe armée; & pour rompre dès-lors tout commerce avec I'Orient, il fit garder les ports & les 'ivages, avec défenfe d'y Jaiffer aborIer aucun vaiffeau des Pays foumis i Arcadius. Ce fut en cette occafion jue Stilicon mit pour ötage entre les nains d'Alaric le jeune Aè'tius, qui levint fi fameux dans la fuite. Une allarme imprévue fufpendit 'exécution des deffeins de Stilicon, ladagaife étoit entré en Italië cinq  du Bas-Empire. Liv. XXFI1. 213 ansauparavant avec Alaric, &n'ayant pu prendre Aquilée, il avoit repafle les Alpes. Jaloux peut-être de la préférence que Stilicon fembloit donner a Alaric, il appella fous fes enfeignes toute la jeuneffe de ces nations guerrieres, qui habitoient au~dela du Rhin & du Danube, & paffa les Alpes l la tête de deux cents mille hommes II étoit Goth & Payen, fort attachs au culte de fes Dieux, auxquels i avoit fait voeu de facrifier Rome en tiere. Cruel & moins politique qu'A larie, il ne fe propofoit que le maf facre & le pillage. La marche de cetti armée" formidable répandit la conf ternation dans Rome. Les Payens feul triomphoient : ils publioient que c'e toient les Dieux mêmes qui venoïent ven ger leur culte profane; que Jupiter chajj du Capitole , armoit le bras de Rada gaife pour foudroyer une ville impie qu'il étoit jufle que Rome fut réduite a, même état auquel elle avoit rêduit le Temples. Tout retentiffoit de blafphê mes contre la Religion Chrétienne Cétoit, difoit-on , la ruine des Etats & le flèau de tunivers. Stilicon apprenant que Radagail Arcadius.Honorius.ThéodO' se II. Ann. 40;. Aug. civ. I. 5. c. 23. Profp. Chr. Marcel. '■ Chr. [ Zof.l.U Olympiod. ■ TiU. Ho- . nor. art. ' 23 & not. 20. ê i s » e  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 405. XLV. Sa défai- te. 214 HlSTOIRE pafloit le Danube, courut a Pavie pour y raffembler des troupes, & marcher enfuite au-devant de 1'ennemi, a deffein de lui fermer le paffage des montagnes. II réunit 30 légions, telles qu'elles étoient alors, e'eft-adire, très-peu nombreufes, & plus femblables k des cohortes qu'aux légions anciennes. Les Alains auxiliaires fe rendirent auprès de lui. Mais rien ne lui fut d'un plus grand fecours que la bravoure de deux chefs étrangers qui vinrent lejoindre avec leurs troupes. Uldès, Roi des Huns, qui avoit déja fi bien fervi 1'Empire contre Gaïnas , craignant pour lui-même la puiffance de Radagaife, palTa Ie Danube , & accourut au fecours de 1'Italie. Sarus, Capitaine Goth , indépendant d'Alaric dont il étoit même ennemi, partifan intrépide , qui voltigeoit fans ceffe k la tête de deux ou trois cents hommes, vint s'ofrrir k Stilicon, & s'attacha au fervice de 1'Empire. C'eft k ces deux guerriers qu'on attribue principalement la défaite de Radagaife. Stilicon n'ayant pu faire affez de diligence pour le prévenir, il étoit déja  du Bas-Empire. Liv. XXFII. 215 en Tofcane , & faifoit le fiege de Florence. Son armé étoit divifée en trois corps fous trois chefs différents. II fayoit fi peu la guerre, qu'avant que , d'être inftruit de la marche des ennemis , il vit un de fes quartiers attaqué , enveloppé , taillé en pieces par les Huns, & fut obligé de lever le fiege , & de fe retirer en défordre. II perdit même 1'avantage que lui donnoit la fupériorité de fes forces : au-lieu de garder la plaine, il fe laiffa enfermer entre les montagnes de Féfule, oü les Romains, fe rendant maitres des paffages, firent périr fonarmée de faim, de foif,& de maladies. Radagaife défefpéré, fe déroba fecretement a fon armée, & voulut fe fauver feul. II fut pris, chargé de chaïnes , & décapité a la vue des barbares. Ce fpeótacle acheva de les abattre; ils mirent bas les armes. II en reftoit encore un fi grand nombre, qu'on les vendoit par bandes comme des troupeaux, une piece d'or par tête, c'eft-a-dire, treize a quatorze francs de notre monnoie. Mais déja confumés de faim & de maladies , ils périrent tous en peu de Arcadius.Honorius.[héodo- SE II. V.nn. 40 j.  Arcadius.Honorius.Théodo- se II. Ann. 405 Ann. 4C6. XLVI. Invafion des barbares. Orof. 1. 7. t. 3 8. Cod. Th. I. 7- tit. 13. leg. 16,17. Symm. I. 6. ep. 64. Zof. I. 6. Profp. chr. Cajfwd. chr. Pagi ad £aron. 2l6 HlSTOIRE temps. D'une fi prodigieufe armée, il n'échappa que douze mille Goths ; c'étoit un corps d'élite que Stilicon prit a la folde de 1'Empire. Le Sénat & le peuple Romain, convaincus par cet événement de la foibleffe de Jupiter, firent ériger un are de triomphe fur lequel furent placées les ftatues des trois Auguftes, Arcadius , Honorius, & Théodofe. L'Italie étant délivrée d'un fi grand péril, Stilicon pafla 1'année fuivante a faire des difpofitions néceflaires pour aller joindre Alaric. II fit donner a Jove la qualité de Préfet d'IIlyrie. II n'y en avoit point eu dans 1'Empire d'Occident depuis que Gratiën ayant cédé a Théodofe en 379 une grande partie de Plllyrie, le refte étoit entré dans le département du Préfet d'Italie. Jove eut ordre d'engager Alaric a fe mette en campagne , avec Faflurance que Stilicon le fuivroit bientöt a la tête de 1'armée Romaine. On promit des récompenfes k ceux qui ferviroient dans une guerre, dont le but étoit, difoit-on, de procurer une paix folide. C'étoit fous ce nom fpécieux que Stilicon dégui- foit  du Bas-Êmpihb. Liv. XXVII. 217 foit 1'entreprife qu'il avoit formée de troubler la paix des deux Empires pour enlever 1'Iilyrie a Arcadius. Comme les guerres, & plus encore 'les exattions, avoient infenfiblement dépeuplé 1'Italie & les Provinces d'Occident, on enröla les efclaves. Les Sénateurs de Rome ofïrirent pour chacun des leurs jufqu'a cinq livres pefant d'argent. On ignore fi leurs ofTres furent acceptées. Mais tous ces préparatifs dèvinrent inutiles par une nouvelle irruption de barbares , qui étant entrés dans les Gaules, firent trembler 1'Italie , & forcerent Stilicon de fe tenir fur la défenlive, aulieu de fonger a envahir les Provinces Orientales. Ce politique artificieux , aVoit Padreffe d'envelopper fes intrigues d'un voile fi épais, que 1'Hiftoire ne peut les pénétrer avec certitude. De-la vient qu'entre les Ecrivains, les uns lejuftifient, & ne voyent en lui qu'un zele toujours fincere , mais fouvent impuiffant, pour le fervice de fon maitre; les autres, au contraire, n'y apper^oivent qu'une ambitieufe perfidie. En combinant les démarches de Stilicon avec les évéTome VI, K Arcadius.Honorius. r/héodo- se a; A.nn. 4cé.  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 406. 2I§ HlSTOIRS nements, voici ce que je crois reconnoitre dans fa conduite. II entretenoit des intelligences avec tous les barbares , capables par leur fituation & par leurs forces , de jetter I'allarme dans 1'Empire. Après la conquête de 1'Illyrie , il avoit deffein de mettre en mouvement les barbares d'au-dela du Rhin & du Danube pour produire dans POccident des révolutions qui accableroient Honorius. Ce Prince fans courage, devoit, s'il ne périffoit pas, ou fe dépouiller de Ia puifTance fouveraine, & la laiffer a Stilicon, feul capable de la foutenir, ou s'il s'obflinoit a trainer un nom inutile, en être dépouillé par force. Ce projet fut dérangé par 1'impatience des barbares , plus faciles è émouvoir qu'a cOntenir. Ils n'attendirent pas le fuccès de la guerre d'Orient, pour fe jetter dans les Gaules. De nouveaux effaims fuivirent les premiers ; & l'Occident fe vit inondé de ces peuples, qui, femblables a des flots , fe renverferönt les uns fur les autres. Dans une fi violente agitation, les places les plus fortes tomberent, les Provinces furent ruinées; jufqu'a  nu Bas-Empire. Liv. XXF1I. 219 ce qu'enfin après tant de fecouffes & d'orages, tout obftacle étant détruit, ces nations fe repoferent , & s'établirent fur le terrein oü elles s'étoient répandues. Les Alains, les Vandales & les Sueves furent les premiers qui détruifirent les barrières de 1'Empire ; ce furent eux qui commencerent a öter la vie k ce yafte corps , en tranchant fes extrémités. J'ai fait connoitre les Alains dans 1'Hiftoire du regne de Valens; il me refte a recueillir ce que 1'antiquité nous apprend des Vandales & des Sueves jufqu'a leur irruption dans la Gaule. . Ceux qui entreprennent de rechercher 1'origine des nations , s'accordent rarement entr'eux ; femblables a des voyageurs, qui voulant découvrir le cours d'un fleuve inconnu en remontant jufqu'a fa naiffance, fe partageroient a la rencontre des^ rivieres qui fe rendent dans le même lit, & qui, fuivant ces différents canaux, arriveroient k des fourcesforl éloignéesl'une de 1'autre. Iln'efl peutêtre fur la terre aucun peuple qui ne foit formé' du mélange de plufieim nations; fon Hiftoire fe divife en pluK ij Arcadius. Honorius. Théqdose II. Ann. 406. XLVII. Origine des Vandales. Ta,cit. dl mor. Germ. c- 2. Plin. I. 4. c. 28. Capitol. in Marco. c. 17. , Vopifc. in Aurel. c. 33. & in Proho , r, 18. Eutr.- in Mm, Df.'  Arcadius.Honorius.Théodo- se tl. Ann. 406. xipp. excerpt. Patric. excerpt. Vio,l. 55. Mamert. in genethl. Maxim. c. 17- Salv, it gub. I. 7. Proc. hel. Vani.l. I. C. 2 , 22. Jorn. de reb. Get. c. 22. Orof. I. 7. c 38. Conftant. dt adminiftr. imp. c. 25. Theoph. p. 81. TTolfg. la\. I. II, Buchtr. ie Belg. I. 3. C 2. JLeihnit\ de 220 HlSTOlRg fieurs rameaux , & conduit è diverfes origines. Les Vandales, felon les uns, font originaires de Germanie; ils font les mêmes que les Viniles ou Vindiles , lün des cinq anciens peuples qui occupoient ce vafte pays. Selon les autres, c'eft une peuplade de Goths venus de la Scandinavië. Je penfe que ces deux fentiments fe doivent réunir. Les Vandales arrivés en Germanie avec les Goths dont ils faifoient partie , fe féparerent du refte de la nation; ils s'unirent avec les anciens Viniles ; & laiffant dans la fuite leurs compatriotes pénétrer dans les déferts de la Sarmatie, & s'avancer jufqu'aux Palus Méotides, ils refterent dans le pays oü ils étoient déja établis entre 1'Elbe & la Viftule, féparés de ce dernier fleuve par les Gépides qui en habitoient les bords. Le nom de Vandales s'étant communiqué aux anciens Viniles, tous les peuplesauparavant compris fous cette derniere dénomination , prirent le nom de Vandales. On renferma fous :e terme générique les Vandales proprement dits, les Bourguignons, les Puiges, les Hcrules, les Anglois, les  du Bas-Empirs. IJv. XXVll. 221 Thuringes, les Lombards, & un grand nombre d'autres nations moins céle^ bres; & c'eft pour cette raifon que divers Auteurs font venir tous ces peuples de la Scandinavië, quoiqu'ils foient peut-être la plupart d'origine purement Germanique. Les Vandales proprement dits, occuperent le Meckelbourg & la Poméranie. Les Auteurs louent leur chafteté ; mais ils les taxent d'avarice & de perfidie. Ils prétendent que ce peuple étoit le plus foible de tous les peuples barbares qui attaquerent 1'Empire. Ce qui n'eft pas difncile k comprendre. Les Vandales n'étoient dans 1'origine, qu'une petite partie des Goths; & ceux qui entrerent dans les Gaules, ne faifoient qu'une portion des Vandales. Cette nation fe montre pour la première fois dans l'Hiftoire fous le regne de Marc-Aurele : s'étant joints aux Marcomans, aux Quades, & aux Sarmates, ils s'emparerent de la Pannonie , d'oii ils furent chaffés par cet Empereur. Ces Vandales n'étoient qu'un démembrement du gros de la nation , qu'ils avoient laifTée aux environs de la K iij Arcadius.Honorius.Ihéodo- se II. Ann. 406. orig. Er. art. 16. Cluv. ant. Germ. I. 3. c. 46. Grotius proleg. ad hifi. Goth. TUI. vie de S- Eugene, art. l. Valef. rer. Fr. I. 3. Cellar. geog. ant. I. 2. c. 5. §. 2. art. 6;. XLVIII. Abrégéde leur hiftoire.  Arcadius.Honorius. Théodo se II. Ann, 406 $22 HlSTOIRE mer Baltique, pour venir avec les Ruges & les Hérules s'établir dans la Bohème vers les fources de 1'El. be. Ce n'eft que cette feconde peuplade qui fe fit connoïtre aux Ro' mains. II paroit qu'ils étoient alliés de 1'Empire dès le temps de Commode , puifque ce Prince traitant avec les Marcomans, exigea d'eux qu'ils n'inquiéteroient point les Vandales. Caracalla, au contraire, fufcita une guerre entre eux & les Marcomans. Sous 1'Empire d'Aurélien , ayant ofé pafler le Danube, ils furent battus , & obtinrent la paix, Ils oublierent ce traité auffi-töt après la mort d'Aurélien, & s'étant joints ad'autrespeuples de Germanie , ils pénétrerent dans les Gaules, fe rendirent maïtres en deux ans de foixante & dix villes, & traiterent ce pays comme leur conquête. Pröbus marcha contre eux, les défit en plufieurs combats, & les ayant obligés de fe rendre a difcrétion , il en envoya un corps confidérable dans la GrandeBretagne pour garder le pays contre les incurfions des autres barbares. La tracé de ces Vandales fe conferve en-  nu Bas-Empire. Liv. XXVIL 223 core dans le nom de Vandelsburg prés de Cambridge. Deux ans après, le même' Empereur tranfporta une autre colonie de Vandales en-deca du Danube pour peupler 1'Illyne & la Pannonie; mais ils ne le virent pas plutót éloigné, qu'ils prirent les armes, & porterent le ravage par terre & par mer dans toute 1'étendue de 1'Empire. II fallut les pourfuivre; & ceux qui échapperent au carnage, regagnerent leurs forêts de Bohème. Pendant le regne de Dioclétien, les Vandales, unis avec les Gépides, eurent une guerre a foutenir contre les Goths & les Taïfales. Sous les regnes fuivants ,il s'en détacha encore une nouvelle peuplade , que les Empereurs établirent en Pannonie. On voit dans la fuite une colonie de Gépides établis dans le voifinage de Singidon & de Sirmium. Ces Vandales y vécurent ioumis a la domination Romaine. C'étoit chez eux qu'étoit né Stilicon. II ne lui fut pas difficile de les porter a la révolte. Ils inviterent leurs compatriotes de Bohème a venir profiter d'une occafion fi favorable : ceux-ci étoient les K iv Arcadius.Honorius. Théodose II. Aan. 406.  Arcadius.Honorius. Théodose I'. Ann, 406. . j i < XLIX. Origine j des Sueves. I Caf. bel. < Gal. I. 4. . c i. Strab. I. 4. I *24 M 1 s t 0 1 n & plus nombreux; ils ne reconnoiffoient d autres maitres que leurs Rois. Le defir du pillage 6c 1'efpérance de s'étabhr dans une riche contrée , étoit pour eux un puiffant attrait. Ils fe diviferent en deux bandes, dont 1'une fut deftinée a partir a la fuite de leur R.01 Godigifcle; 1'autre demeura dans le pays avec les Ruges & les Hérules. Ceux qui reftoient furent charges du foin des terres, 6c des habitations de leurs camarades, ils devoient les conferver aux poffefTèurs comme une retraite en cas d'infortune. On verra dans la fuite de 1'Hiftotre avec quelle ftdélité ils s'acquitterent de cette commiffion. Après :es difpofitions, Godigifcle, k la tête le fes troupes, fe mit en marche; en jalfant, il prit fous fes étendards les ^andales de Pannonie , 5c tous enemble fe rendirent fur les bords lu Rhin. Les Sueves dont 1'Hiftoire fait ici nention, ne font qu'une très-petite >artie de cette immenfe nation des üeves, qui avoit autrefois occupé out le pays renfermé entre 1'Elbe, a Viflule.la mer Baltique 6c le Da-  nu Bas-Empire. Lh. XXFll. 225 nube. Selon quelques Auteurs, elle s'étendoit même jufqu'aux extrémités du nord, & peuploit la Scandinavië, en forte que les Goths euxmêmes feroient Sueves d'origine. C'étoit une nation Nomade, qui vivoit de lait &de la chair de fes troupeaux, & qui n'avoit d'autre occupation que la chafTe Sc la guerre. Du temps de Jules-Céfar, le nom de Sueves, quoi' que plus refferré, fe donnoit encore a une grande partie des Germains Cent hordes ou tribus difFérentes four niffoient chaque année chacune mille combattants; il en reftoit autant dan: le pays qui prenoient les armes ■. leur tour 1'anhée fuivante; St jamai une tribu ne demeuroit plus d'un a; fur le même terrein. Dès le temp d'Augufte, les Sueves pei'direntbeau coup de leur ancienne puiffance : ph fieurs nations s'en détacherent, Sc r reconnurent plus leur tige commun Ceux qui confervoientle nom deSu ves habitoient alors a la droite c Rhin, depuis Bale jufqu'a l'embo chure du Mein , & s'étendoient a 1'< rient jufqu'au-dela de 1'Elbe en fi vant la forêt Hercynie. Ce fut en K v Arcadius.Honorius.Théodo- SE II. Ann. 406. Plin. t. 4. c 25 , 28. Tac. it mor. Gtrm. c. 38. & annal. I. 2. c. 63. Ptol. I. 2. c. 11. ' Xiph.il. irt Domit. ■ Bucher. ie Belg. I. 6. 1 c. 7. i Cluv. ^ Gtrm. ant. s 28. I- e XI 1>\i- ce  Arcadius. Honorius.Théodo- se II. Ann. 4c6. ! I 3 1 t t 3 H x< S ti s r< tr di 2*6 &ISTOIRE pays qu'ils éprouverent la force des armes Romaines. Ils furent obligés de fe retirer dans la Bohème avec leur Roi Maroboduus. On en tranfporta un grand nombre dans la Gaule. Sous le regne de Tibere , cette nation fut encore affoiblie par plufieurs pertes. Maroboduus, attaqué par les autres Germains ennemis de leur Monarchie, vit les Lombards qui faifoient partie de fes fujets, s'en férarer pour s'enfoncer plus avant en Sermanie vers le feptentrion, & pour e mêler avec les Vandales, qui n'a/oient pas encore quitté leur ancienie demeure. Ce Prince, moins heueux que vaillant, fut réduit è fe jeter entre les bras des Romains pour rouver un afyle contre les furieux iTauts de la liberté Germanique. Quelue temps après, les Vendales vin?nt partager la Bohème avec les neves, & les chafferent d'une pare de ce pays. Depuis ce temps , les teves ne fe font connoitre que rament par quelques courfes, & queltes ravages peu confidérables. On ouve les membres de ce grand corps fperfés fur toute la face de la Ger-  nu Bas-Empirb. Llv. XXF1I. 117 | manie. On en rencontre en Pannonie, & jufque fur les bords de FO:i céan dans le voifinage des Frifons. | On les voit tantöt mêlés avec les Sar| mates, tantöt dans la Rhétie. Les Allemands s'étoient établis dans le pays : que les Sueves avoient habité le long du Rhin; & ce ne fut qu'après un long temps que les Sueves Hermondures vinrent reprendre la place que leurs ancêtres avoient occupée vers les fources du Danube , & donnerent leur nom a la Souabe. Après le fiecle des premiers Céfars, il paroit que | cette nation, auparavant fi étendue, l déchirée par les irruptions diverfes I des autres barbares, & brifée par tant de chocs, fe divifa en plufieurs parties, dont chacune avoit fon Roi, ' & formoit un corps a part. Ce fut un de ces corps qui, fous la conduite du Roi Herménéric , vint fe joindre aux Vandales pour partager avec eux les dépouilles de la Gaiüe. Au bruit de leur marche accourut une multitude de volontaires. Huns, Sarmates , Quades , Gépides, Turciünges, Saxons. Mais de toutes les nations qui compofoient cette ligue , la K vj Arcadius. Honorius. rHÉODO- se 11. A.nn. 406.  Arcadius. Honorius.Théod< se II. Ann. 401 L. Les Alains fe joignent eux. Orof. 1. ■ f. 40. Grcg. Tu hifi. Fran, 1. 2. C C). Vahf. r, rum. Fr. 3. Pagi a Baron. Ruinart perf. y„nt t. i. 228' H 1 S T 0 I R E *- PIus pniffante étoit celle des Alains. Depuis que les Alains avoient été forcés par les Huns d'abandonner les „ bords du Tanaïs , ce peuple guerrier, divifé en plufieurs bandes in- I pendantes les unes des autres , & n'ayant plus de demeure fixe, erroit le long du Danube toujours en ar- j i mes, & prêt k vendre Ion fecours, foit aux autres barbares contre les " Romains, foit aux Romains eux-mê- -. mes. Gratiën en avoit attiré un grand • nombre k fa Cour; & la diftinöion . dont il les honoroit, lui avoit été r. funefte. Ils avoient eu part aux plus i éclatantes viftoires de Théodofe; & Stilicon les avoit employés dans fes guerres contre Alaric. Les fecretes • intrigues de ce perfide Miniftre les mirent en mouvement; ils furent les premiers a prendre les armes pour fe jetter dans la Gaule. Deux corps nombreuxd'Alains partirentdesbords du Danube fous la conduite de deux chefs, Goar & Rependial, qui portoient le titre de Roi. Après avoir traverfé le pays des Marcomans & des Thuringes, ils arriverent au bord du Rhin, 011 les Francs étoient éta-  du Bjs-Empire. Liv. XXVII. 229 blis, & s'y arrêterent pour attendre les Vandales & les Sueves. Pendant ce féjour , la méfintelligence s'étant mife entre les deux Rois, Goar fe fépara de Refpendial, & déclara qu il préféroit 1'amitié des Romains a 1'intérêt du pillage. Honorius le récompenfa dans la fuite, en lui donnant un établiffement prés de Mayence. Cette peuplade d'Alains fubfifta quelque temps dans la Gaule fous la domination de fes Rois particuliers. On lesy voit encore cinquante ans après; & Sambida, fucceffeur de Goar, obtint la pofTeffion d'une grande étendue de terres abandonnées dans les environs de la ville de Valence en Dauphiné. s Les Francs ne voyoient qu'avec jaloufie tant d'aventuriers venir fous leurs yeux s'emparer. d'un pays qui étoit a leur bienféance, & fur lequel ils faiibient depuis long-temps_ de continuelles entreprifes. Ils avoieir laiffé le chemin libre aux Alains; mai: ils avoient deffein de revenir fur eux & de les combattre féparément aprè s'être défaits des Vandales & des Sue ves. Dès qu'ils furent que les Van Arcadius.Honorius. rHÉODO- se II. Ann. 406. LI. Les Alains ,les Vandales êcles Sueves paffent le ; Rhin mal. gré les Francs. >  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 406. 230 H I S T 0 I R £ , «QfV. dales approchoient, ils marcherent a leur rencontre, leur livrerent bataille , & leur tuerent vingt mille hommes, avec leur Roi Godigifcle. II n'en feroit pas échappé un feul , fi Refpendial n'eüt été averti alTez a temps pour accourir au fecours de fes alliés. Ce Prince plein de valeur perca 1'armée des Francs , joignit les Vandales, rallia les fuyards, & revint a leur tête charger les vainqueurs qui furent battus, & terraffés a leur tour. Bientöt après, les Sueves arriverent. Gonderic ou Gontharis, fils de Godigifcle, fut déclaré Roi des Vandales; & les trois nations pafferent Ie Rhin prés de Mayence, le dernier jour de 1'année quatre cent fix, époque fatale de la ruine de 1'Empire dans les Provinces d'Occident.  231 S O M M A I R E D V LIVR E VINGT-HUITIEME. ,.R A VA GES des barbares dans la ,i Gaule. II. Paffage des Bourguignons & des Allemands. III. Conflantin prend la pourpre dans la Grande-Bretagne. IV. II paffe en Gaule. V. Guerre de Sarus I contre Conflantin. VI. Conjlant, ƒ/.$ ie | Conflantin, /è rerai /«rfjzre de l'Efpagne. | VII. Didyme & Vérinien font la guerre Ij a Conflant. vilï. Conflantin reconnu | Empereur par Honorius. IX. Honorius I e)j<:>«/è Thermantie. X. Alaric vient dans I /e Norique. XI. Mouvelles intrigues de Stilicon. XII. Olympe découvre d £Emi pereur les deffeins de Stilicon. XIII. Afi/ t _pcre ie /Wie. XIV. Stilicon fe retire d Ravenne. XV. Mor/ ie Stilicon. XVI. Ij iVfort £ Euchérius. XVII. iwrei ie /*z I wzott ie Stilicon. XVIII. Gouvernement | i'Olympe. XIX. Loz*. XX. ^Azn'c reB commence la guerre. XXI. Aftr* ie 5e-  2} 2 SOMMAIRE rene. XXII. Siege de Rome. xxill. Négoclation avec Alaric. XXIV. Conclufion du traite. XXV. Retraite <£Ala-i ric. XXVI. Mort d'Arcadius. XXVII. Bdtiments conjlruits d Conflantinople. XXVIII. Derniers réglements d'Arcadius. XXIX. Commencements de Théodofe II. XXX. Fobie de la tutelle d'Ifdegerd. , XXXI. Confeillers d'Anthémius. XXXIr. Défaite des Huns. XXXIII. Loix contre les Juifs. XXXIV. Sédition d Conf-, tantinople. XXXV. Conflantin trompe Honorius. XXXVI. Géronce fe révolte contre Conflantin. XXXVII. La GrandeBretagne & les Armoriques fe mettent tn liberté. XXXVIII. Les Alains , U» Sueves & les Vandales entrent en Efpagne. XXXIX. Partage de l'Efpagne entre les barbares. XL. Douceur du gouvernement des barbares. XLI. Honoriusmanque au traité fait avec Alaric. XLH. Secours de Rome défait par Alaric. XLIII. Ataulfe joint Alaric. XLIV. Difgrace ttOlympe. XLV. Changement dOfficiers. \ XLVI. Généride, XLVII. Soulevement des \ foldats a Ravenne. XLVIII. Négocia-l tion avec Alaric. XLIX. Doublé impru- ■ dence de Jove. L. Nouvtlles propojïtions \ d'Alaric, tl. Anale Empereur. Lil. lil  du Livre XXVI Ue. 233 nornrne des Officiers. lui. 7/ vent fe rendre maüre de 1'Afrique. liv. Trahifon de Jove. lv. Honorius regoit un fecours d'Orient. lvi. Alaric leve le fiege de. Ravenne.   HISTOIRE D V BASEMPIRE. L1VRE VING T-H UIT 1 E ME. ARCADIUS, HONORIUS, THÉODOSE II. LA frontiere de la Gaule le long du Rhin étant demeurée fans défenfe depuis que Stilicon en avoit retiré les garnifons pour les employer contre Alaric, les barbares ne trouverent aucun obftacle a leur paffage. Arcadius.Honorius.Théodo se II. Ann. 407 I. Ravage: 235  Arcadius.Honorius.Theodo- se II. Ann. 407. «les barbares dans Ja Gaule. Orof. I. 7. 38, 40. Hieron. epit. adHcliod. & ad Ageruchiam. Salv. de gubcrn. 1, 6, 7- Profp. pront. Zof. 1. 6. Greg. Tur. hiji. Franc. I. 2. C. 9. Valef. rerum Franc. I. 3. Pagi ad Baron. Pontan. erlg. Fr. I. 4. c. 1. Sigon. de lmp.Occid. I. 10. Ruin, per- 235 II I S T O I R E Un Auteur du temps, dit que fi 1'Qcéan fe fut déhordé dans la Gaule, fes eaux n'y auroient pas caufé tant de dommage. Ils fe répandirent d'abord dans la première Germanie, qui renfermoit les territoires de Mayence, deWorms, de Spire ScdeStrafbourg. Mayence fut prife & faccagee; plufieurs milliers de Chrétiens furent égorgés dans l'Eglife , avec Aurée leur Evêque. Worms fut détruite après un long fiege. Spire, Strafbourg, & les autres villes de moindre confidération, éprouverent la fureur de ces cruels ennemis. Ils s'emparerent de Cologne dans la feconde Germanie. De-la ils paiïerent dans es deux Belgiques , portant par-tout la défolation & le carnage. Treves fut pillée :Tournay, Térouenne. Arras, Amiens, St. Quentin, ne'purent arrêter ce torrent. Laon fut la feule ville de ces cantons qui tint contre leurs attaques ; ils fe virent obligés d'en lever le fiege. Ces barbares, furieux Ariens, la plupart même encore idolatres, firent dans toute la Gaule grand nombre de imrtyrs. Nicaife, Evêque de Rheims, eut la tête  du Bas-Empire. Liv. XXVIIL 237 tranchée après la prife de fa ville épifcopale. Ils traiterent de même Didier, Evêque de Langres. Ils pafierent les habitants au fil de 1'épée,, & mirent le feu a la ville. Befancon vit maflacrer fon Evêque Antidius. Sion fut prife ; Bale ruinée. Ils s'étendirent jufqu'aux Pyrénées : les deux Aquitaines , la Novempopulanie, les deux Narbonnoifes, Provinces auparavant les plus fortunées de la Gaule, ne furent plus couvertes que de cendres & de ruines. Peu de villes purent réfifter a cette fureur par 1'avantage de leur fituation. Ils détruifirent Marfeille : ils affiégerent inutile' ment Touloufe ; & 1'on attribua le falut de cette ville aux prieres de for faint Evêque Exupere. La faim dé voroit ceux que le fer ennemi avoil épargnés. Dans toute 1'étendue de h Gaule, auparavant fi peuplée , on ne rencontroit plus que des cadavres vivants, qu'on diftinguoit 'k peine de; morts dont la terre étoit jonchée Ces horribles ravages ne ceffereni pendant trois ans. - Les Alains, les Sueves & les Van dales s'étant avancés dans 1'intérieu Arcadius.Honorius.Théodo- se II. Ann. 407. fic. Vani. c. i. TUI. Honor. art. I^.Sfvieit s. Didier. Ai/at. illuftr, t. i. p. 415. II. . Paffage ' des Alle-  Arcadius.Hororius.Théodo- se II. Ann. 407. mands & des Bour- guignons. Orcf. L 7. c 32. Soc. I. 7. • c. 30. Profp. Chr. Grég. Tur. hifi. Fr. L 2. c. 9. Valef. rer. Fr. t. 3. TUL Honor. art. 25 . 51. Al/at. Uluflr. t. 1. p. 258 & fcqq. & 426. i i ! 238 II I S T O I R E de la Gaule , les Allemands & les Bourguignons , k leur exemple , pafferent le Rhin pour avoir part au pillage de cette riche contrée. Les Allemands s'emparerent des bords du fleuve depuis Bale jufqu'a Mayence, & demeurerent en pofleflion de ce pays jufqu'au temps qu'ils en furent chafles par les Francs. Les Bourguignons , fous la conduite de leur Roi Gondicaire, fe rendirent maïtres de 1'Helvétie , aujourd'hui la SuilTe , jufqu'au mont Jura. Peu de temps après, ils s'étendirent dans le pays des Sé-, quanois & des Eduens , jufqu'a la Loire & k 1'Yonne. C'efl ce qu'on appelle k préfent le Duché & le Comté de Bourgogne. Cette nation puiflante Sc pleine de valeur avoit des mceurs plus douces & plus pacifiques que les autres barbares. Ils traiterent les peuples conquis avec plus d'humafité. Ils étoient encore payens , lorfju'ils entrerent dans la Gaule. Inf:ruits par les Miffionnaires que les ïvêques des Gaules leur envoyerent, Is embraflerent avec docilité la reigion Chrétienne dans fa pureté; éniiite ils fe laiflerent corrompre par  nv Bas-Empire. Liv. XXVIII. 239 le commerce des Goths, qui les infecterent des erreurs de 1'Arianifme. Le bruit de tant de ruines , dont la Gaule retenthffoit, effraya les troupes Romaines cantonnées dans la Grande-Bretagne. Elles craignirent a la fois ce déluge de nouveaux barbares, 5c les attaques de ceux de 1'Ecoffe 6c de 1'Hibernie. N'efpérant aucun fecours de 1'Empire , elles fe donnerent un Empereur, 6c choifirent d'abord un Officier, nommé Mare. A 'peine fut-il é]u , qu'on s'en défit pour mettre en fa place Gratiën , qui ne parut pas plus digne de la couronne. On la lui öta avec la vie au bout de quatre mois, Sc 1'on revêtit de la pourpre un fimple foldat qui portoit le nom de Conflantin. Ce nom refpefté fembloit être d'un bon augure; Conflantin y joignoit quelque valeur , mais peu "de capacité. La foibleffe 5c les troubles de 1'Empire firent toute fa force, 6c le foutinrenl pendant quatre ans. S'il fe fut contenté de régner dan< la Grande - Bretagne , comme avoil fait autrefois Caraufe , il auroit pt jouir plus long-temps du fruit de for Arcadius.Honorius,Théodo- se II. Ann. 407. III. Conflantin prend Ia pourpre dans laGrandeBretagne.Orof. I. 7. c. 40. Zof. I. 5 , 6. So\. I. 9. c. 11. Olympiod. Profp. chr. Proc. Vand. 1.1. c. 2. VaUf. rer. Fr. Z„ 3. Buch. Bclg.l. 13. c. 5. Al/at. üluftr. t. I, p. 427. IV. II paffe, en Gaule. t  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 407. : i 1 1 240 HlSTOIRE ufurpation. Mais, a 1'exemple de Ma- . xime, dont il n'avoit ni la méchanceté, ni 1'habileté , il voulut s'emparer de tout 1'Occident, & pafla la mer. Etant abordé a Boulogne , il s'y arrêta quelque temps a recevoir les hommages de toutes les Provinces de la Gaule, qui le reconnurent pour Souverain depuis le Rhin jufqu'aux Alpes & aux Pyrenees. Ce qui reftoit de foldats difperfés dans cette étendue de pays vinrent le joindre. Liménius, Préfet du prétoire, & Cariobaud , Commandant des troupes, prirent la fuite. 11 partagea fon armée en différents corps, dont il donna le commandement a quatre Généraux qui devoient agir fous fes ordres. C'étoient Juftin , Nébiogafte, Edobinc, Francois , ScGéronce, né dans la Grande-Bretagne. Avant que le les féparer , il marcha a leur tête :ontre les barbares qu'il défit dans .ine grande bataille. On croit qu'elle e donna dans le pays des Nerviens, mjourd'hui le Haynaut. II en auroit iir le champ délivré la Gaule, s'il :üt fu profiter de la viöoire. Mais, aute de les pourfuivre, il leur donna  nu BaS'Empire. Liv. HXVIII. 241 na le temps de réparer leurs pertes, & fe lailTa enfuite tromper par les traités qu'il fit avec eux. II s'avanca jufqu'au Rhin, 6c s'allia avec les Francs au-dela du fleuve ,6c avec les Allemands établis en-deca, dans le pays qu'on nomme aujourd'hui 1'Alïace.. , Honorius étoit a Rome, ou il paffa toute cette année , lorfqu'on vint en même-temps lui annoncer la mort d'Alaric en Epire, 6c i'ufurpation de Conflantin dans la Gaule. La première nouvelle fut bientöt démentie ; mais le rapport des Officiers de la Gaule qui venoient fe rendre auprès de lui, confirma la vérité de 1'autre. II manda Stilicon , qui étoit pour lors a Ravenne, toujours occupé de fes préparatifs pour la guerre d'Illyrie. Stilicon envoya Sarus a la tête d'une armée pour chaffer 1'ufurpateur. II comptoit fur ce Capitaine dont il avoit éprouvé la valeur dans la guerre contre R.adagaife. Conflantin avoit féparé fes troupes, 6c s'étoit retiré dans Valence, ville alors trés-forte , oii il fe croyoit en fïïreté. Sarus alla d'abord attaquer Juf- Torne FI, L Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 407. V. Guerre de Sarus contre Conftantin.  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 407, < ' i 1 ] j i Ann. 408. VI. < Gonftaat, 242 H 1 s t 0 l r e tin , qui fnt défait Sc tüé. II vint enfuite aflïéger Conflantin dans Valence. Néobiogafte fit propofer a Sarus une conférence; elle fut acceptée ; Nébiogafle fut recu avec de grandes démonftrations d'arnitié ; 6c après les ferments prêtés de part 8c d'autre , Sarus, aufli perfide que vaillant, tua de fa propre main ce Général. Cependant Edobinc Sc Géronce approchoient avec une forte armée. Sarus ne jugea pas a propos de les attendre; il décampa de devant Valence après fept jours de fiege, 8c regagna les Alpes avec peine, harcelé lans ceffe par ces deux Généraux, 5c obligé de laiffer tout fon butin aux Bagaudes, qui ne lui ouvrirent qu'a :e prix le paffage des montagnes dont Is .s'étoient emparés. On fait déja ju'on appelloit Bagaudes, des payans révoltés qui s'attroupoient pour avager le pays. Conflantin placa une >artie de fes troupes a 1'entrée des Upes pour former une barrière, 8c e retira dans la ville d'Arles, oü il tablit fa réfidence. Les barbares continuoient leurs lourfes 6c leurs pillages fans fixer 1  nu Bas-Empire. Liv. XXFIIL 243 leur demeure en aucun lieu. Ce n'étoient que des brigandages qui troubloient la pofTeffion du nouvel Empereur fans la détruire. Conflantin , fe voyant donc maïtre de la Gaule, autant qu'on pouvoit 1'être au milieu de ces défordres, forma fa maifon fur le modele de celle des Empereurs. II nommades Officiers civils & militaires, & choifit pour Préfel du prétoire un Gaulois, nommé Apollinaire, né a Lyon , homme d'ur grand mérite , également habile dan; la fcience de la guerre & dans 1; Jurifprudence. On lui donne ce' éloge, qu'il fut conferver fa libert< fous la domination des tyrans. Ce A pollinaire fut le premier Chrétiei de fa familie , & 1'aïeul de St. Sidoi ne, Evêque de Clermont en Auver gne. Rien n'étoit plus important pou Conflantin que de s'emparer de 1'El pagne, qui étoit depuis long-temp une dépendance de la Gaule , aim que la Grande-Bretagne; Conftanti avoit encore une plus preffante rai fon de/ie pas négliger cette conquête Théodofe avoit laifTé en Efpagne de parents riches &c puiffants: attaché L ij Arcadius.Honorius. Théodcse fi. Ann. 408. fils de Conflantin , fe rend maitre de l'Efpagne. Orof. 1.7. e. 40. ; zo/. 1. $, ' 6. L Si don. I. ■ 3. ep. 12. • /. 5. 'ep. 9. ' & ili nor. l Sirm, l Olympiod. So{. I. 9. " f. ii , 12. . Greg. Tur, { '.l.tf.cj. S i 1 s $  Arcadius. Honorius.Théodo se ii. Ann. 408 VIL Didyme & Vérinien font la guerre a Conftain. M4 HlSTOIRR ! par les liens du fang a la familie régnante, il étoit a craindre qu'ils ne vinffent fondre fur 1'ufurpateur du . cöté des Pyrénées, en même-temps qüHonorius 1'attaqueroit du cöté des Alpes. Mais dans la conjonöure préfente, Conftantin ne pouvoit quitter la Gaule fans courir rifque de la perdre. II avoit deux fils, Conflant & Julien; le premier avoit embraffé letat monafiique; il le nomma Céfar ^ le maria, & 1 envoya en Efpagne avec une armée compofée de barbares qu'on appelloit les Honoriaques, paree qu'Honorius les avoit formés en cohortes, & incorporés dans les troupes de 1'Empire. II lui donna pour confeil le Général Géronce , le Préfet Apollinaire; ilretint auprès de lui Julien, qu'il honora du titre de Nobiliflime. Conftant , ayant paffé les Pyrénées au commencement du Printemps, ne rencontra de réfiftance que de la part de deux freres pleins de valeur, nommé Didyme & Vérinien. Ils étoient coufins d'Honorius , & trèspuiffants en Lufitanie. Divifés auparavant 1'un de 1'autre pour des inté-  du Bas-Empirb. Liv. XXVIII. 245 rêts domeftiques, ils s'unirent pour la caufe commune , & réfolurent de maintenir jufqu'a la mort 1'autonte légitime. D'abord ils marcherent vers , les Pyrenees avec ce qu'ils purent ramaffer de foldats. Ayant été vaincus , ils fe retirerent dans leur pays, affemblerent leurs efclaves & leurs laboureurs; & a la tête de cette petite armée qu'ils entretenoient a leurs dépens , ils remporterent fur Conftant plufieurs avantages , & te réduifirent plus d'une fois a 1'extrémité. Enfin , comme il arrivoit fanscefTe k 1'ennemi de nouveaux fecours, il fallut fuccomber. Ils furent pris avec leurs femmes , chargés de chaïnes, & conduits en Gaule. Deux autres de leurs freres, nommés Théodofiole & Lagodius,qui habitoient dans une autre contrée de l'Efpagne, fe fauverent 1'un auprès d'Honorius, 1'autre en Oriënt versie jeune Théodofe , qiü avoit déja fuccédé a fon pere, ainfi que nous le dirons dans lafuite. Conftant, maïtre de toute l'Efpagne, étant rappellé par fon pere , abandonna a fes foldats, pour les récom1penfer de leurs fervices , le pillage L iij Arcadius. Honorius. IThéodose 11. A.nn. 40S.  Arcadius.Honorius. Théodc se II. Ann. 40! VIIÏ. Conflan tin recon nu Empe reur par Honorius. ^246 H 1 s t 0 1 r e " du territoire de Palentia, ville aujourd'hm du Royaume de Léon. II lailTa è Sarragoce, fa femme, fa Cour, & tous fes bagages. II confia la garde " du palTage des Pyrénées a Géronce !. & aux Honoriaques. En vain les habitants du pays le fupplierent de leur lamer ce foin , dont ils s'étoient toujours fidélement acquittés ; il leur préféra ces barbares, & il eut lieu de s'en repentir dans la fuite. Ces fuccès, qu'on ne pouvoit gue. re efpérer d'un jeune homme élévé ■ dans un Monaflere, cauferent beaucoup de joie a Conflantin. Aveuglé par la tendrefle paternelle fouvent d'accord avec la vanité, il attribuoit tout a fon fils , & comptoit pour rien les confeils de Géronce & d'Apollinaire. Peu content même de la no. ble franchife de celui-ci, il lui öta Ia préfefture , pour Ia donner a Décimms Rufticus, apparemment meilleur courtifan. II éleva fon fils a Ia quahté d'Augufte, & lui ceignit Ie diadême. Ufant cruellement de fa victoire, il fit fecretement mourir Didyme & Vérinien. Avant qu'Hononus en fut inftruit, Conflantin lui dé-  Dü B4S-EMPIRE. Liv. XXVIU. 247 puta plufieurs de fes eunuques pour traiter avec lui. H repréfentoit qu'il n'avoit accepté qu'a regret 1'autonté fouveraine ; qu'il avoit fallu céder a la violence des foldats ; il le prioit de lui conferver un titre dont il ne vouloit faire ufage que pour le fervice d'Honorius & de 1'Empire. Honorius , qui voyoit alors Alaric en Tofcane, & qui croyoit par cette condefcendance fauver la vie a Didyme & a Vérinien, confentit a tout, & lui envoya même la pourpre Impériale. Cette députation n'arriva k Ravenne qu'a la fin de cette année après la mort de Stilicon & k fiege de Rome, deux événements , également fameux, dont il eft temps de rendre compte. Quelque favorables que les Auteurs payens foient k Stilicon , il ne faut point d'autre preuve de fa perfidie, que 1'indifférence avec laquelle il vit 1'Occident devenu la proie des barbares. Maitre de toutes les troupes , il ne fit aucun mouvement poui délivrer ces malheureufes Provinces & tant que vécut Arcadius , il ne s'occupa que du projet qu'il avoi L iv Arcadius.Honorius. rHÉODOse II. A.rtn. 408. IX. Honorius époufe Thermantie. Zof. I. 5. Olympwd. Rein.in/cr. p. 3*7»  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 408, j 4 4 1 I , ƒ F £ f< ü TT, ti r; 24% H I S T 0 I R £ formé de ruiner ce Prince , en lui enlevant d'abord Flllyrie. Sa femme Serene n etoit guere moins ambitieufe; mais elle aimoit tendrement Ion coufm Honorius qu'elle avoit eleye; & perfuadée qu'une guerre civile entre les deux freres ne pouvoit etre que funefte k tous les deux, elle employoit fon crédit auprèsdu jeune Empereur pour traverfer 1'entreprife de fon mari. Dans le temps que Conflantin entra dans la Gaule, Stilicon etoit prêt k partir pour aller joindre Alaric en Epire; & Palarme repandue en Italië , ne 1'au-oit pas retenu, fi Honorius, k la olhcitation de Sérene, nel'eüt manie a Kome pour avifer aux moyens iarreter le rebelle. Au commencenent del année 408 , Stilicon & Séene ie trouverent encore dans des ïntiments oppofés. Honorius avoit erdu, quatre ans auparavant, Marie • première femme : Sérene propont de lm faire époufer fon autre Ue, nommee Almilia Materna Therantia : Stilicon refufoitd'y confenr, oc il ne manquoit pas de folides ■ilons, qui , dans fa bouche , n'é-  nu Bas-Empire. Liv. XXPIII. 249 toient cependant que des prétextes. C'étoit également 1'ambition qui pouffoit Sérene & qui retenoit Stilicon : mais celle de Sérene, quoiqu'eUe conduisït a une alliance illicite, étoit au fond moins criminelle : cette Princeffe cherchoit encore a perpétuer fon crédit en plac^nt fur le tröne fa feconde fille. Stilicon , au contraire, pour demeurer maitre de la fucceffion, ne vouloit pas courir une feconde fois le rifque de procurer un héritier a Honorius. Sérene Temporta en cette rencontre. Ce mariage, oppofé a toutes les loix , fut aufli malheureux qu'inutile. Stilicon , étant retourné a Ravenne , apprit qu'Alaric, s'ennuyant d« 1'attendre en Epire depuis trois ans venoit avec fon armée le chercher er Italië. Ce Prince ayant traverfé 1; Dalmatie, s'étoit avancé jufqu'a E mone : de-la il étoit entré dans 1< Norique par les défilés des monta gnes qui bordent la haute Pannonie ' & dont les paffages font fi étroits qu'il ne faudroit qu'une poignée d foldats pour le défendre contre 1'at mée la plus nombreufe. Alaric , ai L v Arcadius. Honorius. Théodose II. Ann. 408. X. Al-aric vientdans 1 !e Norique.' Zof. I. yj " Olympiod, • Rutil. itin, . /. 2. So-i. I. 8. c. 25 , & I. , 9. c. 4. Philofi. I. ^ 12. r. 2.  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 408, j 1 1 J 1 a » » » » 250 H I S T 0 I R B rivé fans obftacle fur cette fronttere de litalie , députa vers Stilicon ; il lui demandoit une fomme d'argent en dedommagement du féjour qu'il avoit fait en Epire pour y attendre, les Romains, & de Ia marche qu'il venoit de faire pour venir en Italië. Stilicon,laiffant les députés k Ravenne, partitpour Rome, afin de conerer avec 1'Empereur & le Sénat fur Ie parti qu'on devoit prendre. La plupart des Sénateurs opinoient pour la guerre: Stilicon, fnivi d'un petit nom>re qui n'ofoit lui contredire, fouenoit au contraire qu'il falloit conenter Alaric; & comme les autres 111 demandoient pourquoi il préféoit k la guerre une paix *honteufe chetee k pnx d'argent : „ C'eft, répondn-i], paree que la demande d Alanceftjufte.il n'afi Iong-temps fejourné en Epire, que fur ma parole. Nous étions convenus qu'il fe joindroit k moi pour la conquête de 1'Illyrie que 1'Empereur d Onent rettent avec injuftice; & ce projet glorieux feroit déja exccute fans les ordres de 1'Empereur, qui, me rappeljant a Rome, a mis  nu Bas-Empire. Liv. XXVIU. 251 nUft*r\<* a infin dénart ". II mon- tra en même-temps Ia lettre d'Honorius, & ne put s'empêcher de le plaindre de Sérene, qui, par des confeils timides , traver/oh, difoit-il, les intéréts de 1'Empire. Le ton de maitre que prenoit Stilicon fit plier ceux qui étoient les plus contraires k fon avis : on décida qu'on donneroit au Roi des Goths quatre mille livres pefant d'or. Lampadius, frere de ce Théodore dont j'ai parlé, futle feul qui ofa faire connoitre qu'il n'approuvoit pas ce parti : Ce üefl pas ici un traité de paix, s'écria-t-il hardiment, c'ejl un contrat de fervitude. Ces paroles, que Ciceron avoit autrefois prönoncées dans ce même lieu contre Marc-Antoine ,firent tremblei . celui même qui les avoit proférées Au fortir du Sénat, Lampadius, crar gnant le reflentiment d'un Miniftre abfolu, fe réfugia dans une Eglife voifine. La promefle d'une fomme fi con fidérable retint Alaric. Stilicon fon geoit k 1'aller joindre pour exécutei enfin le projet formé fur 1'Illyrie. I fut encore arrêté par un nouveai L vj Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 40S. [i2«. Philipp. c. 14. XI. Nouvelles intrigues de l Stilicon. Zof.l. f. S0l. l.j. f, 4.  252 H I S T O I R B contrp-tpmnc U~ : , .. Arca- DiUS. Hoko- rius. Théodo- se II. Ann. 408, Valef. rcr. fr. U J. ] < 1 l 1 I I ----- w..^*. nuuunuj vouioit aller a Ravenne pour fe faire voir aux troupes. Dans une conjonfture oii 1 on avoit tout k craindre d'un ennemi auffi redoutable qu'Alaric qui étoit deja en Italië, il étoit important de gagner leur affeftion. Sérene toujours zelee pour la confervation du Prince le prelfoit de fortir de Rome. Cette ville n'étoit pas en état de défenfe, & la perfonne de 1'Empereur y demeuroit expofée au premier caprice d Alaric. Stilicon, au contraire, n'approuvoit pas ce départ ; il mettoit tout eAn auvre pour 1'empêcher. II allameme jufqu'a engager Sarus, fon ami, k exciter une lédition dans Ravenne pourintimiderle Prince, & le detourner dece voyage. II elf difficile de fuivre Stilicon dans les détours Jbfcurs de fa politique; mais 1'oppoition opimatre qu'il apportoitau dé>artd'Honorius, faitcroire qu'il foup. :onnoit dès-lors quelque deffein trane contre lui, & qu'il efpéroit s'en ;arantir en tenant 1'Empereur enferné dans Rome. II employa pour dernere reffource un Avocat célebre , ornmé Juftinien, fon confeil & fon  du Bas-Empirs. Liv. XXVIII. 253 ami intime. Celui-ci fit de vains efforts pour retenir 1'Empereur a Rome; & par un effet de fa pénétration naturelle, ayant prefTenti 1'orage qui fe formoit fecretement contre Stilicon , il s'éloigna, & difparut pour n'être pas écrafé par la chüte de fon protefteur. Honorius alla donc a Ravenne. Ily lailTa Stilicon , & prit la route de Pavie, oü il avoit marqué le rendez-vous des troupes qu'il devoit envoyer contre Conftantin. Lorfqu'il fut arrivé a Bologne , il manda. Stilicon pour appaifer une mutinerie qui s'étoit élevée entre les foldats de fa garde. Stilicon étant venu , affembla les féditieux ; & pour fe faire aimer aux dépens du Prince, illeur déclara qu'il avoit ordre de les chatier , & même de les décimer fans miféricorde. Ces paroles les ayanl jettés dans la confternation, comme ils demandoient grace , il feignit de de fe laiffer attendrir, & leur promit de s'eroployer pour obtenir leui pardon, qu'il n'eut pas même la pei ne de demander. C'étoit un jeu d< Stilicon ; le défaut d'Honorius n'é toit pas d'excéder en févérité. Avan Arcadius. Honorius.Théodose II. Ann. 408: I t  Arcadius.Honorius. Théodose IT. Ann. 408. 1 1 i 1 2& HlSTOlRE le départ de Rome, le bruit s etoit deja répandu qu'Arcadius étoit mort: onen.recut alors la nouvelle certa:'ne. Cet événement déconcerteit les projets de Stilicon; il ne pouvoit plus être queflion de 1'expédition d'Illyrie. Honorius, loin de confentir a dépouilIer fon neveu , vouloit partir fur le champ pour mettre ordre aux affaires d'Orient, & affurer par fa préfence Ia fuccelTion d'Arcadius au jeune Théodofe. Stilicon s'y oppofa encore, repréfentant au Prince 1'énorme dépenfe d'un fi long voyage, & le danger d'abandonner le centre de 1'Empire , tandis que le tyran réfidoit dans Arles aux portes de 1'Italie* II ajoutoit qu'on ne devoit pas trop compterfur la honne foi £ Alaric, qui, (tant d la tête d'une armee formidable, Qroit tenté de pénétrer dans le cceur du yays , dès qu'il verrok CEmpereur éloijné: que le meilleur parti étoit d'en'oyer Alaric combattre Conflantin, & de 'e faire accompagner de Généraux fide'es, & £ une partie des troupes Romains qui travailleroient avec lui d rêduire 'e .^ran' 11 offroit de fe tranfporter ui-même en Oriënt avec quatre Ié-  nv Bas Empire. Liv. XKVIU. 255 gions, & d'y agir felon les inftructions que lui donneroit 1'Empereur. '.. C'étoit rendre au jeune Théodofe un fervice bien dangereux que de lui ïi envoyer Stilicon k la tête d'une arI mée. Mais Honorius, facile a tromj per, fe rendit k fes raifons. II lui I ordonna d'exécuter le plan qu'il pro1 pofoit, & continua fa route vers Pa} vie. Stilicon demeura dans Bologne 1 fans faire aucuns préparatifs , & fon 1 inaftion fit comprendre qu'il rouloit j dans fa tête d'autres deffeins que ceux | dont il amufoit 1'Empereur. Il fe trouva un homme affez haJ bile pour les pénétrer, &c alTezhardi 1 pour les dévoiler au Prince. Oly mpe, I né fur les bords du Pont-Euxin, s'éI toit avancé k la Cour d'Honorius. II I devoit fa fortune a Stilicon. Selon les I Auteurs payens de ce temps-la, c'ét toit un hypocrite, qui, fous Ie mafj que d'une auftere vertu , cachoit un I cceur ingrat, & une ambition déme\ furée. Sélon de pieux Ecrivains, c'éi toit un Chrétien zélé pour fon Prin) ce. Symmaque fait 1'éloge de fe: ! moeurs. Honorius 1'aimoit, & s'en! tretenoit volontiers avec lui. Dans h Arcadius.Honorius. THÉODCi se IT. Ann. 408. XII. Oiympe découvre a 1'Empereur les deffeins de Stilicon. Orof. i. 7. c. 37, 3S. Symm. I. 7. ep. cji , & fegq. Idem , /. 9. ep. 60. S.Aug.ep. 124, 129. Claud. de laud. Stille. 1.2,  Aïica-, dius. Honorius. Théodose II. Ann. 408. Zcf. 1. 5. Olympiod. i 2-$6* II ƒ S T 0 I R Ë chemin de Bologne a Pavie, Olympe inftruifit 1'Empereur de la perfidie de fon Miniftre : il lui fit connoitre que c'étoit Stilicon même qui avoit attiré en Occident ce déluge de barbares; que dans fa üaifon avec Alaric, il n avoit eu d'autre vue que de dêtróner Arcadius, & qu'aujourd'hui il fongeoit d dêpouiller le jeune < Théodofe, pour élever fon fils Euchérius; que c'étoit-ld le but de fon voyage a Conflantinople ; que fon inaclïon préfente cachoit des deffeins encore plus crimi-X nels;'qu'il méditoit fur les moyens de ' s'emparer de 1'Empire £ Occident , & qu'il étoit fans doute difpofê d préférer un tróne dont il fe voyoit fi proche , d une conquête êloignêe : que fon | fils avoit déja un parti puijfant; que les payens le defiroient pourmaüre, dans Vejpérance qu'il releveren l'idolatrie ; que \ lepere,Chrêtien en apparence, avoit élevé j ron fils dans lepaganifme, afin derêunir \ linfiles deux grands partis qui divifoient 'out CEmpire : que le mariage d'Euché'ius avec Placidie, projetté depuis long- j 'emps, n'avoit pour objet que dt légitimer " "ufurpation : que Stilicon faifoit acluel-1 tment frapper des monnoies qui paroi-  nu Bas-Ëmpïre. Liv. XXFIll. 257 troient bientót marquées de fon emprtinte & de celle de fon fils : qu'il n'y avoit pas ün moment d perdre, fi t Empereur vouloit conferverfon dïadème & fa vie. Ce qu'Olympe avancoit de 1'inclination d'Euchérius pour le paganifme étoit "connu de tout le monde , excepté peut-être de 1'Empereur; & cette circonftance rend raifon de la partialité de Zozime & d'Olympiodore en faveur de Stilicon. Les difcours d'Olympe effrayoient Honorius, fans lui faire prendre aucune réfolution. Olympe crut devoir forcer 1'indolence naturelle du Prince. Mais i! faut convenir que les refforts qu'i mit en mouvement, annoncent bier plutötun politique fanguinaire qu'ur Chrétien pieux & modéré. Arrivé i Pavie, il s'attacha d'abord a gagne: le cceur des foldats. Prodiguant 1'ar gent, écoutant leurs plaintes, leu confiant en grand fecret ce qu'il pré tendoit avoir découvert des mauvai delTeins de Stilicon , vifitant les ma lades, & leur procurant des foula gements, il faifoit pafler dans leu cceur la haine contre Stilicon & fe partifans. II n'en coüte guere pou Arcadius. ; Honorius.Théodo- se IU Ann. 403. XIIT. Maffacre a Vavie. L l i r s r  Arcadius.Honorius. Théodos'e II. Ann, 408. 1 ] 1 1 j 1 i i 1 < I 258 H I S T 0 I R E fe concïlier 1'affeöion d'une multitude inconfidérée. Olympe devint l'idole de toute 1'armée. Le cinquieme jour 1 1 Empereur aflembia les troupes pour ammer leur courage, & les exhorter a fervir fïdélement 1'Etat & le Prince dans la guerre qu'elles alloient faire en Gaule. Lorfqu'il eut celTé de parler, Olympe leur fit un figne dont il étoit convenu avec les principaux Officiers. Auffi-töt il s'éleve un grand cri; 1'ordre eft donné de faire main-balTe fur tous les traitres ; c'efi ainfi qu'on défigne les amis de Stilicon. On égorge d'abord Limétuus & Cariobaud , qui, après avoir juitté Ia Gaule , comme nous 1'ar-ons dit, s'étoient rendus a Pavie uiprès' de L'Empereur. Vincent, Gé-ïéral de la Cavalerie, & Salvius, -omte des domeftiques , font mis en fieces. Le Prince, faifi d'effroi, fe fau-'e dans le palais. Les foldats fe diflerfent dans les mes , forcent les maions oü les profcrits s'étoient renermés, & fous ce prérexte, ils pilent toute la ville. Honorius , revenu le fa première terreur , effaye d'ap>aifer Ie tumulte; il fort du palais,  dv Bas-Empihe. Lh. XXVIIh 259 vêtu d'une fimple tunique, fans aucune marqué de la dignité Impériale; il fe préfente k ces furieux, il les retient, il les conjure : rien ne les arrête. Ils tuent a fes yeux Némorius, Maitre des Offices, & Patronius, Intendant des finances. Le Quefteur Salvius,pourfuivipar une troupe d'affaffins, fe jette aux genoux du Prince , les embraffe , & eft égorgé k fes pieds. Les meurtres continuent jufqu'au foir. Aux approches de la nuit, 1'Empereur craint pour lui-même, & fe rerire. Ce jour malheureux fe termina par le maflacre de Longinien, Préfet d'Italie , que les féditieux cherchoient depuis long-temps. II étoit payen , lié d'amitié avec Symmaque & avec St. Auguftin, qui avoit taché de le convertir. On ignore fi le Saint y avoit réuffi. Outre ces Officiers , il périt un nombre infini de perfonnes de moindre confidération. Stilicon étoit encore k Bologne, lorfqu'il requt la nouvelle de cette fanglante exécution. II crut d'abord que c'étoit une révolte des foldats contre le Prince. II afiembla auffi-tót les Officiers des barbares auxiliaires a -Arcadius.Honorius. Théodo^ se II. Ann. 40SJ XIV Stilicon fe rerire a Ravenne,  Arcadius. Honorius.Thoédo- se II. Ann, 408, i '•'1 2&> NlSTOlUE dont il étoit accompagné. Tous furent d'avis de marcher a. Pavie, & de faire un malTacre général des foldats Romains, s'üs avoient öté Ia vie a 1'Empereur; mais de ne chatier que les auteurs, li le Prince avoit été épar<*né. Ils alloientfe mettre en marche, forfqu'ils apprirent que Stilicon feul étoit 1'objet delahaine publique, & qu'on n'avoit iriaffacré que fes partifans. Stilicon, intimidé par ce récit, vouloit s'éloigner & fe retirer a Ravenne : les Officiers des barbares perfiftoient dans la première réfolution; ils penfoient que c'étoit attirer Ie péril que de le fuir en cette conjoncture, & qu'il falloit payer de hardieiTe. Stilicon, incertain desdifpofi. : dons du Prince a fon égard , & ne fe croyant pas en état de foutenir une guerre civile, refufa abfolument : Je prendre ce parti. On fe détermina lonc k demeurer a Bologne, ou dans juelque place forte des environs, en ittendant qu'on fut inftruit des feniments de 1'Empereur. Mais le fou;ueux Sarus ne put fouffrir cette inacion timide : le zele qu'il avoit voué a \ ïtilicon fe changea tout-a-coup en  nu Bas-Empire. Liv. XXVlll. 161 mépris, & du mépris ii pafla bienl tot a la fureur contre un homme qui | s'abandonnoit lui-même par fa lache1 té, & qui perdoit fes amis avec lui. Il fe jetta pendant la nuit avec fa i troupe fur les Huns qui formoient la garde de Stilicon, & après les avoir malTacrés tandis qu'ils étoient endormis, il s'empara des équipages du ] Général, & courut a fa tente pour I le tuer lui-même. Stilicon n'eut que : le temps_de fe fauver; il gagna Rai venne a toute bride, en laiffant orI dre par-tout oii il paffoit de fermer : les portes aux barbares. Dès qu'Olympe en fut averti, il envoya de la part du Prince ordre j aux foldats qui étoient a Ravenne, i de fe faifir de Stilicon. Celui-ci 1'ayant j appris au milieu de la nuit, fe ré| fugia aulïi-töt dans une Eglife voii; fine. Le jour venu , plufieurs Offii ciers 1'allerent trouver dans cet afyI le, & lui protefterent avec ferment i] en préfence de 1'Evêque, qu'ils n'a} voient pas ordre de lui öter la vie, | mais feulement de le garder prifon nier. Sur cette affurance , Stilicon fe mit entre leurs mains; il connoilTcii Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 40S, XV. Mort de Stilicon.  Arcadius.Honorius. Théodo se II. Ann. 408 262 HlSTOlRE fon afcendant fur Pefprit de 1'Empereur, & fe flattoif imprudemment qu'il triompheroit de fes ennemis , fi on lui laiffoit le temps de fe reconnoïtre. Mais dès qu'il fut forti de 1'E■ glife, 1'Officier qui avoit apporté le premier ordre, en montraun fecond, par lequel Stilicon étoit condamné a mort, comme traïtre au Prince &c a la patrie. Zofime rapporte que les amis & les domeltiques de ce Général prirent les armes, & accoururent pour le fauver ; mais que Stilicon s'oppofa lui-même a leur zele, & qu'il préfenta fa tête avec courage pour recevoir le coup mortel. C'eft un foible témoignage que celui de cet hiflorien partifan déclaré de Stilicon; & cette foumiffion héroïque ne s'accorde guere avec les intrigues perfides que nous avons racontées d'après les autres écrivains, & que Zofime lui-même ne diffimule qu'en partie. Stilicon eut la tête tran-' chée le 23 d'Aoüt , & termina par ce fupplice une vie éclatante : alTez ambitieux pour former des projets criminels, mais non pas affez décidé , ni peut-être alTez méchant pour  du Bas-Empire. Liv. XX.V1II. 263 les conduire k une prompte exécution. Euchérius, la principale caufe des crimes de fon pere, en fut auffi la viftime. Une troupe de barbares attachés k Stilicon voulant le dérober aux pourfuites de ceux qui avoient ordre de le tuer, 1'enleva de Ravenne, & le conduilit aux portes de Rome. II s'y réfugia dans une Eglife , 6c les barbares le croyant en füreté, déchargerent leur colere fur les campagnes voifines qu'ils ravagerent. Cet afyle ne fauva pas Euchérius ; il en fut tiré par ordre du Prince, & ramené k Ravenne, ou Honorius étoit retourné après un voyage fait a Milan. On lui prononca fa fentence de mort; mais il paroït que 1'Empereur n'ofa la faire exécuter dans Ravenne, par la crainte de quelque foulevement de la part des barbares 6c' des payens. II chargea deux de fes eunuques , Térence 6c Ar face, de le conduire k Rome avec Thermantie qu'il venoit de répudier. Les troupes d'Alaric étoient déja répandues en Italië, 6c Euchérius auroit été enlevé en chemin f fi les gardes n'euf- Arca- dius. Honorius. Thé o dose II. Ann. 40S. XVI. Mort d'Euché- rius. Orof. I. 7. c. 38. Zof l. U Olympiod. Philoft. I. 12. C. 3. Marcel, chr. Chr. Alex. Baronïus. ■ Cod. Th. 1.7. tit. 16. leg. 1. tit. 21. leg. 4. I. 9. tit. 40. leg. 20. it. 42. leg. 20,21,22. /. ii. tit. 28. leg. 4.  Arcadius. Honorius. Théodo- «e n. Ann, 408. XVII. Suites de la mort de Stilicon. 1 1 1 1 1 f I f 1 "264 II I S T 0 I R E fent fait une extréme diligence. Arrivés a Rome, ils remirent Thermantie entre les mains de Sérene fa mere. Cette jeune Princeffe vécut encore fept ans dans 1'obfcurité & dans la douleur, après avoir vu périr toute fa familie, fon mariage n'ayant rien eu de réel que fa difgrace. Euchérius fut mis a mort. Les deux eunuques prirent la route de la mer pour retourner k Ravenne, les Goths étant maïtres de tous les chemins. Ils eurent pour récompenfe, Térence la dignité de grand Chambellan , & Arface le premier rang après lui entre les euuuques du palais. On entendit pendant fept jours k Elome dans la place qui étoit devant 'ancien temple de la paix, un mujiffement fouterrein, dont les amis le Stilicon ne manquerent pas de faire in prodige. Un grand nombre d'enre eux furent enveloppés dans fon ï nalheur. On en fit une rigoureufe echerche, Deutérius, Capitaine des ;ardes de la chambre du Prince, & 'ierre, le premier Secretaire d'Etat, urent appliqués k la queftion; O- 1 ^mpe n'ayant rien pu tirer de leur % bouche,  du Bas-Empire. Liv. XXVIII. 265 bouche, les fit alTommer a coups de baton. On en mit beaucoup d'autrei a la torture, fans que la cruauté des tourments put leur arracher aucun aveu. C'eft ce défaut de preuves légales qui jette de 1'incertitude fur le crime de Stilicon. Mais fa conduite dépofe affez hautement contre lui. I y a grande apparence qu'il étoit déjc criminel, fans avoir encore de complices. II étoit trop habile pour éventer fes projets, avant qu'ils eutTem acquis leur point de maturité. Bathanaire, Comte d'Afrique, avoitépoufe la fceur de Stilicon; on le fit mou rir, & fa charge fut donnée a Héra clien qui avoit prêté fon bras poui trancher la tête a 1'infortuné Miniftre. Le nom de Stilicon fut effacé d( tous les adfes &c de tous les monuments publics. Ses biens &c cewx d« fes partifans furent confifqués. On y confondit les biens de ceux qui lu avoient prêté des fommes d'argent. ils furent déclarés non - recevable; dans leurs demandes. II leur fut défendu a tous d'approcher de la Cour. ni d'entrer dans Rome, a moins qu'il: n'y fuiTent auparavant domiciliés. Or. Tomé VI. M Akckmus.Honorius.Théodo- se II. Ann, 408  Arcadius.Honorius. Tkéodo se II. Ann. 408 XVIII. Gouvernementd'Olympe. Zof. I. 5. Cod. Th. I, 11. tit. 28 leg. 4. , 266 II I S T 0 I R £ étendit la même défenfe fur ceux qui, par la faveur du Général, & fans avoir fervi, avoient obtenu des lettres de vétérance & des grades militaires. Héliocrate fut chargé de la pourfuite des confifcations. C'étoit un homme compatiffant, plus propre a tempérer la rigueur de fa commiffion, qu'a 1'exercer au gré d'Olympe. II encourageoit fecretement les profcrits a fouftraire a fes recherches tout ce qu'ils pourroient fauver de leurs biens. On en fut informé a la Cour ; on le fit venir a Ravenne; & dans cet efprit de févérité qui régnoit alors , il couroit rifque d'être puni du dernier fupplice , s'il ne fe fut mis a couvert dans un afyle facré. Olympe en abattant Stilicon, avoit profité de fa dépouille. Revêtu de la charge de Maïtre des offices , il difpofoit de la maifon du Prince , & ne goüvernoit pas moins abfolument le Prince même. II diftribua les emplois a fes créatures, & 1'Empereur ne donroit de brevets que fur la recommandation d'Olympe. Après tant d'exécutions fang'antes, le nouveau Miniftre vöulut fe faire aimer par quel-  du Bas-Empire. Liv. XXVIII. 167 ques traits de bonté. Ce fut par fon eonfeil qu'Honorius difpenfa 1'Italie de la fourniture des vivres qu'on étoit obligé de porter en nature aux dé- , pots publics pour la fubfiftance des troupes. II excepta auffi les Sénateurs du tribut annuel qu'ils payoient en or pour leurs terres. C'étoit le moyen de rendre odieufe la mémoire de Stilicon , que de faire de fa mort une époque de foulagement & de joie. Cette politique réuffit au-dela même de ce qu'on avoit defiré. Bientöt le nom de Stilicon fut fi détefté , que, par un complot général, les foldats Romains, cantonnés dans les villes de 1'Italie, malTacrerent les femmes & les enfants des barbares qui fervoient dans les armées de 1'Empereur, & qui s'étoient toujours montrés affettionnés a Stilicon. Ils pillerent en même-temps leurs maifons & leurs biens. Cette inhumanité révolta les foldats barbares; ils fe féparerent avec horreur d'une nation fi cruelle & li perfide; & s'étant attroupés de toutes parts, enflammés de rage & de défefpoir, invoquant la juftice divine , ils allerent au nombre de trente M ij Arcadius. Honorius. ["héodose II. Vnn. 40S.  Arcadius.Honorius.Théodo- se IL Ann. 408. XIX. Loix. Zof.l. 5. S.Aug.ep. ■ 91 » 129. 1 Cod. TL l. . I. tit. 7. kg' 7- 1 /. i. tit. 5. ( ^g. 2. 1 l. 10. tit, ■ 10. leg. 25. £ /. 16. tit. f J.%.4*. ,. 43 . 44 , 45,46. i/'ï. \ 10.leg.ie). j. Cod. ƒ,//?. Z. i. fit. 4. e 8. a /. 4. tit. 2. ]. 16. tit. 63. 3. I TM. vie de n S. Aug. art. 171,175, , 176. a Fleury, n hift.EccleJ, f /. 22. are. t€ •ï.6, 17. le 2ÖS H I S T O I R E mille hommes fe jetter entre les bras d'Alaric , réfolus de le fuivre partout, & de venger Ie fang de leurs famdles par le malTacre.des Romains. Dans 1'état oii fe trouvoit 1'Empire, cette défertion lui portoit un :oup mortel. On manquoit de fol:lats, & on en perdoit ua grand nom>re au profit des ennemis qui n'éoient déja que trop redoutables. Mais ivant que de rendre compte de 1'ex)édition d'Alaric, je vais achever l'expofer la conduite d'Olympe dans e gouvernement de 1'Etat. On doit ttribuer a fes confeils les loix qui urent publiées pendant les derniers lois de cette année. Honorius, reenu a Ravenne , rétablit la commnication entre les deux Empires , n révoquant 1'ordre que Stilicon voit donné, de garder les cötes de 1 rner Adriatique , & de fermer 1'enée des ports aux vailTeaux qui veoient de 1'Orient. On interdit le trafic ix Nobles, aux perfonnes élevées en gnités ou richede patrimoine, non is comme une profeilion dérogean, mais paree que la fupériorité de ur crédit ou de leurs rickelTes, pou-  du Uas-Empire. Liv. XXVIII. 269 voir. nuire k ia liberté du commer- ! ce. II fut défendu de prêter,de 1'argent aux Juges , fous peine d'exil, tant pour remprunteur que pour le prêteur; ce fervice rendu aux Ma- 1 giftrats fut regardé comme une forte { de corruption. On chargea les Gouverneurs des Provinces d'apporter une attention particuliere k réprimer les ufurpations des perfonnes puiffantes. Les incurfions des barbares avoient défolé 1'Illyrie occidentale ; quantité d'lllyriens, obligés d'abandonner leur pays, erroient en diverfes Provinces ; & ces fugitifs, fans défenfe & fans appui, perdoient encore leur liberté; on les réduifoit impunément en efclavage. Théodore, Préfet d'Italie pour la feconde fois , eut ordre de les protéger contre cette injuftice. Mais les loix les plus mémorables de ce temps-la, font celles qu'Olympe infpira au Prince en faveur des Evêques & de l'Eglife. II fut permis k tout plaideur de porter fa caufe devant 1 Evêque; la fentence qu'il prononcoit devoit être fans appel , & revêtue de la même autorité que fi elle eut été rendue par le M iij Arcadius.Honoriws.'héodose II. .nn, 4oSi  Arcadius.Hokc- rius. Théodo- se H, Ann. 40 S, I ( < i 1 27ö HlSTOlRB Préfet du Prétoire : il étoit enjoint aux Officiers de Ia juftice féculiere de la faire exécuter. Du vivant de Stilicon, les payens avoient commis de grands excès a Calame en Numidie. Poffidius, Evêque de la ville, n avoit évité leur fureur qu'en fe tenant caché; il en étoit venu porter fes plaintes k 1'Empereur. Après Ia mort du Miniftre, les hérétiques cc les payens devenus encore plus nardis, prétendoient que toutes les loix publiées contre eux pendant le mimftere de Stilicon, étoient anéanties par fa mort. Les Donatiftes en Arrjque fe remettoient en pofleffion des Eghfes ; les payens ouvroient leurs temples; & dans les lieux oii ils étoient les plus forts, ils s'emportoient aux dernieres violences. Deux Evêques perdirent la vie; d'autres urent traités avec outrage. Le Con:ile d'Afrique affemblé a Carthage u mois d'Oclobre de cette année, eputa vers Honorius pour fe plainIre de ces fureurs; & St. Auguftin :n ecnvit k Olympe. Ces iuftes re- nontrances produifirentplufieurs loix :ontre les payens & les hérétiques.  du Bas-Empire. Liv. XXFIH. 171 L'Empereur les déclara exclus de toutes les charges : les Eglifes devoient être remifes entre les mains des Catholiques ; les revenus des temples des payens appliqués a la fubfiftance des troupes ; les fimulacres & les autels détruits, les temples convertis en d'autres ufages ; toutes les folemnités &c les fêtes payennes abolies fans retour ; les Evêques étoient chargé de veiller a 1'exécutioa de ces ordres , & les Officiers publics obligés d'y prêter la main , fous peine d'une amende de vingt livres d'or. Par deux autres loix , on condamnoit a mort ceux qui troubleroient par quelque violence 1'exercice de la Religion Catholique ; & a Texil quiconque oferoit contredire publiquement les dogmes qu'elle enfeigne. Au commencement de 1'année fuivante. 1'Empereur déclara que les Magiftrat: convaincus en ce point de connivence, feroient deftitués de leurs charges, pour être enfuite plus févérement punis, Sc que les Officiers mu nicipaux fubiroient la peine du ban niffement Sc de la confifcation. C( font fans doute ces loix fi avantageu M iv Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 408.  Arcadius.Honorius.Théodo se II. Ann. 408 XX. Aisric reccmmencelaguerre. Zof. 1. j. Olympiod. Soc. I. 7. c 10. -%. I, 5,. c 6. 3 ] 273 Hl S T O I R E fes k l'Eglife, qui ont fervi a couvrir es vices d'Olympe, 5c k lui procurer les fufTrages les plus refpedables. . -f Alaric" attendoir dans le Norique Targent qui lui avoit été promis , lorfqu'il apprit la mort de Stilicon. II fe douta bien que le nouveau Miniftre ne fe croiroit pas obligé k tenir les engagements de fon prédéceffeur. Majs afin de mettre la juftice de fon cóté , malgré fardeur de vengeance dont fes nouveaux foldats éteient embrafés , il envoya des députés k Honorius, pour recevoir Ie payement dont on étoit couvenu. II demandoit en même-temps pour ötages Jafon, fils de Jove, Préfet d'IIly rie , & le même Aè'tius qu'il avoit déja tenu auprès de lui pendant trois ans. II offroit auffi des ötages de fa part, 5c promettoit k ces conditions de fortir duNcrique, 6c de repaffer en Pannonie. Honorius rejetta ces propofitions ; mais il ne prit aucunes mefures pour foutenir fon refus ivec honneur. Au-lieu d'affembler fes :roupes 5c de fermer les paffages k 'ennemi, il fe repofoit de tout fur es foins d'Olympe, qui n'entendoit  nu Bas-Empire. Liv. XXVUL 273 rien a la guerre. Celui-ci fe contenta de nommer des Généraux, Sc il les choifit entre fes créatures; gens auffi incapables que lui, méprifés du public, & qui ne pouvoient que ruiner les affaires. Turpilion fut fait Général de la cavalerie ; Varane de Yinfanterie ; Vigilance fut mis a la tête des troupes de la maifon du Prince. Les Officiers fubalternes ne furent pas mieux choifis. Des difpofitions fi mal entendues n'infpiroient que le défefpoir aux Romains , & le mépris aux ennemis : les uns & les autres y voyoient la ruine prochaine de 1'Italie. Alaric , fe moquant de ces ridicules préparatifs, réfolut d'aller droit a Rome. Ataulfe , frere de fa femme , étoit en Pannonie k la tête d'un corps de Huns & de Goths; Alaric, pour ne rien négliger de ce qui pouvoit affurer fa conquête, lui manda d'entrer en Italië & de le fui.vre. Mais il n'attendit pas la jonction de ces troupes; & fans s'arrêter k aucun fiege , il paffa comme en courant devant Aquilee, Concordia, Altinum & traverfa le Pö a Crémone. Dan: cette marche rapide, il ne rencontre M v Arcadius.Honorius.Théodo- se II. Ann. 408. t  Arcadius.Honorius. Tkéodose II. Ann. 408. i 1 i i J f XXI. Mort de j Sérene, Zof. I. j. C Qlympiod, ■£ 274 HlSTOIRE pas un ennemi qui fe mit en devoir de lui difputer le terrein. II ne trouva pas plus d'obftacle am-dela du Pö. Ayant ravage le territoire de B0I0-' gne, il lailTa fur la gauche Ravenne oii étoit la Cour, s'approcha de Rimini, entra dans le Picenum, Sc tournant vers Rome, il pilla en palTant les villes Sc les chateaux qui fe trouverent fur fa route. A la vue de Narni, il effuya une furieufe tempête ; &c quelques miférables magiciens prétendirent que cette ville leur devoit fon falut, & que c'étoit par la vertu de leurs conjurations-magiques, qu'Alanc avoit été écarté a coups de foudre. On rapporte qu'un pieux folitaire s'étant préfenté devant lui dans fa ;oute, & le fuppliant avec larmes de e défifter d'une entreprife qui alloit :aufer tant de meurtres Sc d'horreurs, 1 lui répondit: Mon pere, ce n eft pas na volontè qui me conduit -, fentends ans cejft d mes oreilles une voix qui ie dit : Marchtr , & va faceager Rome. Dès qu'il parut devant cette ville, ï Sénat fit étrangler Sérene. On Rft> ufoit de s'entendre avec Alaric. Plaidie, foeur d'Honorius, accrédita cè  nu Bas-Empire. Liv. XXVIII. 275 foupcon injufte , peut-être par un efferde jaloufie, paree que Sérene avoit toujours eu plus de part au gouvernement Sc a la tendreffe d'Honorius. Ainfi périt cette PrincelTe , niece du grand Théodofe dont elle fut chérie, Sc qui avoit tenu lieu de mere a Honorius. Elle avoit fait par les graces de fon efprit 1'ornement de deux Cours. Fiere Si ambitieufe , il paroit cependant qu'elle avoit borné fes defirs a tenir après fon coufin le premier rang dans 1'Empire, Si qu'elje partagea les malheurs de fon mari, fans avoir eu part a fes forfaits. Dans le récit de cette énorme injuftice, 1'hiftoire ne dit pas unmot d'Honorius. Elle fe contente de dire que Sérene étoit innocente. Si le Prince fut confulté , c'étoit de fa part une horrible ingratitude; s'il ne le fut pas, ce fut de la part du Sénat ï'attentat le plus criminel, Sc qui montre a quel point le Souverain étoit méprifé. En effet, Rome afïïégée fembloit être rentrée dans fon ancienne indépendance ; Sc du cöté d'Honorius , on eut dit qu'il 1'avoi'l abandonnée a Alaric, Sc qu'il avoil M vj . Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 40S. XXII. Siege de Rome. Zof.l. 5. Olymviod. SoT. In 9. c. 6. TUI. Honor. art. 3*-  Arcadius.Honorius. Théodo se II. Ann. 40S 2?t> HlSTOIRE renonce a tous les droits de la fouveraineté fur Ia capitale de fon Empire. II ne fit aucun mouvement pour . ,a délivrer. Alaric ferma aux affiégés tous les pallages des vivres ; il fe ren• dit maitre de la navigation du Tibre, & en peu de jours la difette fut fi grande , qu'on fut obligé de réduire A Ja moitié, & enfuite au tiers la mefure du bied qu'on diftribuoit au peuple. Hilaire , Préfet de la ville, fut malTacré. Ce fut en cette extrémité que Laeta, veuve de Gratiën , & ja. mere Piffamene , auxquelles Théodofe avoit afligné fur le fifc un entretien honorable, s'acquirentdans leur infortune une gloire fort fupérieure a celle d'un regne long & heureux, en faifant vivre a leurs dépens une grande partie du peuple. La pefte fe joignit bientöt a la famine. Toutes les rues étoient jonchées de cadavres; & comme on nepouvoitles tranfporter hors de Ia ville , dont les ennemis occupoient tous les dehors , Rome n'étoit plets qu'im vafte cimetiere, oü les morts tuoient les wants par la vapeur meurtriere qu'ils txhaloient.  ou Bas-Empire. Lw. XXFI1I. 277 Enfin, après avoir inutilement attenclu de jour en jour du fecours de Ravenne, tout ce qui ne peut fervir d'aliment qu'a une faim défefpérée étant confumé , comme il ne reftoit plus aux habitants d'autre reffource que de fe dévorer les uns les autres, il fe déterminerent a traiter avec 1'ennemi. On choifit pour cette négociation un Efpagnol, nommé Bafile, qui avoit été Préfet de Rome quelques années auparavant, & Jean , premier Secretaire d'Etat, qui étoit connu & aimé d'Alaric. Les afiiégés étoient fi peu initruits , qu'ils doutoient encore fi c'étoit Alaric qui les affiégeoit. Le bruit s'étoit répandu parmi le peuple que Stilicon n'étoit pas mort , & qu'un chef de barbares, autre qu'Alaric, avoit pris fa défenfe, & venoit 1'établir dans Rome. Les envoyés s'étant convaincus par leurs propres yeux que c'étoit au plus redoutable enne mi des Romains qu'ils avoient affaire, voulurent cependant foutenir 1'honneur de 1'ancienne fierté Romaine : dans la première entrevue , ils dirent au Roi des Goths que le peuple Ro- Arca- dius. Honorius. rHÉODO- se II. Ann. 40S. XXIII. Négociation avec Alaric. Zof. i ï. Olympiod, Profop. Cod.Theod, de Bafilio.  Arcadius.Honorius. Théodose II. Aan. 408. XXIV. Concluilon du traité. Zof. I. 5. So\. I. 9. . c. 6. 2>8 IJ I S T 0 I R E main accepteroit la paix , 11 on la propofoit fous des conditions raifonnables ; mais que fi fa gloire étoit intérefiee , il étoit encore plus difpofé k la guerre, & qu'il ne demandoit qu'a fortir pour livrer bataille. A la bonne heure, répondit Alaric avec un grand éclat de rire; jamais ilnejl plus aifé de faucher le foin , que quand Iherbe ejï plus drue. II favoit parfaitement 1'état oü la ville. étoit réduite ; les efclaves barbares qui paffoient a tout moment dans fon camp, Finltruifoient de tout. Auffi propofat-il d'abord les plus dures conditions : Qu'on lui mettroit entre les mains tout ce qu'il y avoit dans la ville , dor , d'argent, de meubles, d'efclaves étrangers. Sur quoi les députés lui ayant demandé, que laiffoit-il donc aux habitants, la vie, répondit-il. Ils obtinrent une treve , tandis qu'ils iroient porter fes propofitions a leurs citoyens , & recevoir leur réponfe. Les payens attendoient encore du fecours de leurs divinités. Les magiciens qui fe vantoient d'avoir fauvé Narni , étoient venus k Rome, & prétendoient avoir encore des fou-  du Bas-Empire. Liv. MVllI. 279 dres & des orages pour délivrer cette ville. Mais afin d'engager les Dieux a. prendre les armes en faveur de Rome, il falloit, difoient-ils Rappeller les anciennes cérémonies, &£ faire des facrifices publics au nom du Sénat & du peuple. Pompéïen , Préfet de Rome , n'ofa, quoiqu'il fut Chrétien, contredire ce caprice d'une populace, que fes malheurs rendoient auffi féroce qu'infenfée. L'événement la détrompa. Les facrifices n'ayant produit aucun effet, il fallut en revenir a s'humilier devant Alaric. Après de longues conteftations, on convint enfin que Rome donneroit cinq mille -livres d'or, trente mille d'argent , quatre mille tuniques de foie, trois mille peaux teintes en écarlate, 'trois mille livres d'épiceries , & qu'elle 'mettroit enötage entre les mains d'Alaric , les enfants des plus nobles citoyens. A ces conditions, Alaric promettoit non-feulement de vivre er paix avec les Romains, mais encore d'employer fes armes pour la défenfs de 1'Empire contre quelque ennem que ce fut. Les Romains demande f ent quelques jours pour obténir 1< ARCAdius. Honorius. Théodose II. Ann. 408, i  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 408. XXV. Retraite d'Alaric, 280 III S T O I R E confentement de 1'Empereur. Hono- . rius approuva tout ; il ne fut plus, queftion que d'exécuter le traité. Ce i n'étoit pas 1'opération la plus facile., Le tréfor public étoit épuifé : il fal- ■ loit avoir recours aux particuliers., Pallade ,^ un des Sénateurs les plus; diftingués, fut chargé d'impofer fur 1 les habitants une contribution pro-. portionnelle. II lui fut impoflible de remplir 1'objet de fa commilTion: chacun cachoit avec foin ce qu'il avoit d'or & d'argent. On fut obligé d'enlever les ornements des Temples,& de fondre les ftatues; ce qui caufa aux payens une douleur très-amere. Ils regretterent fur-tout une ftatue de la Valeur ; & leurs devins prononcerent que dans cet inftant fatal, la bravoure Romaine pénflbit pour jamais. Les Chrétiens penfoient au contraire qu'on ne perdoit la ftatue de la Valeur, que paree que depuis long - temps on en avoit perdu la réalité. Quelque diligence que fit Pallade, la lomme ne put être fournie fur le :hamp. On prit des termes pour acjuitter le refte. Le vainqueur donna  nu Bas-Empirb. Liv. XXFllI. 281 trois jours aux Romains pour venir dans fon camp fe pourvoir de vivres : il leur marqua les portes par lefquelles il leur permettoit de fortir, & leur rendit la liberté de la navigation. Le peuple afFamé yendit ce ;qui lui reftoit de plus précieux pour acheter du pain ; & par cet échange, les Goths emporterent encore une grande partie des richeiTes de Rome. Alaric fe retira en Tofcane, pour y attendre une entiere fatisfadfion. Prelque tous les efclaves s'échapperent de la ville , & fe joignirent aux barbares. II en fortit quarante mille. Le Roi des Goths fit alors une acfion de juftice. Un parti de fes coureurs s'étant avancé jufqu'a Porto a 1'embouchure du Tibre, enleva un convoi de vivres que 1'on conduifoit a Rome. Alaric, irrité d'une infraction du traité qu'on pouvoit luiimputer, n'attendit pas les plaintes des' Romains ; il fit rendre ces vivfes, & punit févérement les auteurs de cette violence. L'Orient fe trouvoit alors dans un état plustranquille, quoiqu'il fütgouverné par un enfant de fept ans. Ar- Arca.- DIUS. Honorius. ritÉODOse II. A.nn, 408. XXVI. Mort d'Arcadius.Hkr. ad-  Arcadius.Honorius. Tïiéodose II. Ann. 408. verf. VigiUnt. Soc. I, 6. c. 23. Ss7. I. 9, c. I. : 1 i 3 I 1 £ 2S2 ƒƒI s T O I R Z cadius étoit mort. Nous n'avons rien 1 dit des trois dernieres années de fa 1 vie, qui fournilTent peu d'événements. En 406, il fit franférer de la Palefline a Conflantinople les os du Prophete Samuel. La nuit du 15 O&obre, il y eut dans cette ville un grand ir> cendie qui donna lieu k quelques loix pour prévenir ces accidents. Les eaux du Nil ne monterent pas k la crue néceflaire pour fertilifer 1'Egypte ; & la Paleftine fut réduite k la flérilité par une caufe encore plus funefle. Des nuées de fautereiles fi épaiffes que l'air en étoit obfcurci , s'abattoient fur Ia terre ; & ces infedes ferrés !es uns contre les autres , fans confondre leurs rangs , avancoient comme en ordre de bataille, & dévoroient toute la verdure. St. Jéröme ,témoin le ce défaftre, dit que les campagnes embioient être couvertes d'un pavé le mofaïgue. Un vent violent em>ortales fautereiles, partie dans la mer tforte, partie dans la Méditerranée: touffées enfuite par les flots fur les ivages, elles s'y accumulerent en li rands monceaux, que la corruption ui fe répandit dans l'air, engendra  i »£/ Bas-Empi&e. Liv. XXPI7I. 283 ; la pefte. Le premier Avril de 1'année fuivante, Conflantinople efluya , au commencement de la nuit, un furieux : orage, accompagné d'un tremblement de terre. Grand nombre de 1 maifons s'écroulerent; plufieurs vail; feaux furent brifés dans le port; &£ : le lendemain le bord de la mer du cöté de 1'Hebdome , fe trouva couvert de cadavres. En 408 , Arcadius échappa d'un grand péril. Une Eglife : fondit tout-a-eoup dès qu'il en fut : forti avec un peuple nombreux qui ;! Taccompagnoit. 11 ne furvécut pas : long-temps k cette faveur de la Proi vidence. II mourut le premier de Mai, j agé de trente & un ans, après avoii ï regné treize ans trois mois & qua> j torze jours depuis la mort de for \ pere. 11 fut inhumé dans l'Eglife de: I Apötres , auprès de fa femme Eu i doxie. II laiflbit un fils nommé Théo f dofe , & trois filles, Pulchérie, Ar 3 cadie & Marine. Entre plufieurs autres édifices, i ij fit conftruire a Conflantinople un< i Eglife de St. Jean, qui fut appelléi I 1'Ai cadienne. Cette Eglife fut par ticuliérement affeftée a ceux qvi'01 Arc v- dius. Honorius. Théodose 11. Ann. 40S. [ xxvir. , Batimeits conftruits ■ a C. P. . Pall. Laufiac. Cedren. f. 312.  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 408, Codin. orig.p. 21, 40. Gyll. to- pog. Conft. I. X. c. 25. 1.4. c. 7. Cang. Conft. 1. 2. p. 132. I. 4- p. 113. Band. imp. or. prxf. p, 13- T. I. anon. p. 12. T. 11, p. 486, 507. Mare. chr. Chr, Ahx. < 284 ff I S T O IR E ' nommoit les Arcadiens. Ce n'étoit pas ce corps de troupes dont nous, avons fait memion ; c'étoit un corps de fix mille citoyens qu'il avoit choifis pour lui faire cortege dans les marches de cérémonie. II les aimoit & fe plaifoit a les honorer de fes faveurs. Les Grecs du moyen age parient fouvent du palais de Laufus bati au centre de la ville : ils difent que ce Laufus fut Patrice, grand Chambellan d'Arcadius & de Théodofe le jeune , & revêtu de plufieurs autres dignités. On croit que c'eft le Gouverneur de Cappadoce , auquel PalIade, Evêque d'Hénélopolis, adrelTa J'ouvrage qu'il a pour cette raifon intitulé Laujiaques. Selon ces Grecs , qui ne méritent guere de croyance, ce palais étoit orné de colonnes de marbre : on y avoit tranfporté ces meryeilles de 1'art qui ont immortalifé la mémoire des plus habiles Sculpteurs de la Grece; la Vénus de Cmde , chef-d'ceuvre de Praxitele, a Junon de Samos , ouvrage fameux le Lyfippe & de Bupale, le Jupiter ^lympien de Phidias. Une feule de :es ftatues avoit autrefois rendu cé-  ] du Bas-Empire. Liv. XXFIIl. 285 jlebre une ville entiere. Ils ajoutent j qu'elles furent détruites par le feu 70 lans après, fous le regne de Balilifjqtie. Ce qu'il y a de plus afturé , c'eft r I que les batiments qui accompagnoient ce palais, & qui fervoient d'hofpice ' I pour loger les étrangers , renferrnoient June cïterne que le favant voyageur I Pierre Gilles croit être celle qu'on ivoyoit encore de fon temps , c'eft-a- dire , dans le feizieme liecle. La voute 1 en étoit foutenue fur deux rangs de ; colonnes de marbre pofées les unes ; fur les autres , chacune de fix pieds : neuf pouces de contour. A chaquè i rangée, on comptoit deux cents douze } colonnes. Mais le plus céiebre moi nument d'Arcadius , eft la colonne ij qu'il fit élever dans la place qui porta I fon nom. Elle eft haute de cent vingt ■ pieds au-deflus de fa baiè. On y mon- te comme dans celle de Trajan par " un efcalier intérieur. Les bas-reliefs . qui tournent en fpirale depuis la bafe i jufqu'au chapiteau , repréfentent le 1 triomphe de Théodofe fur les Goths. . La ftatue d'Arcadius placée au fom-. i met fut abattue par un tremblement i de terre du temps de Léon 1'Ifaurien. Arcadius. Honorius. 'héodose II. Lnn. 408.  Arcadius.Honorius.Théodo- se Ha Ann, 40S, XXVIII. Derniers régiementsrl'ArcadiuvCod. Th. I, 2. tit. 4. leg. 6. 7.9.^f. 34. lig. 10. 236 HlSTQIRE Dans les fiecles poftérieurs, les Grecs i ignorants & fuperftitieux , s'imagine- ■ rent que dans cette colonne , ainfi § que dans les autres de Conftantino- >| ple , réïidoit une vertu magique , 6c 1 que les bas-reliefs étoient autant de talifmans qui annoncoient Ia ruine de f leur ville. Ainli dans leur guerre con- j tre les Latins au commencement du 1 treizieme fiecle, ils en détruifirent k coups de marteaux plufieurs figures, croyant par cette opération abattre leurs ennemis. C'elt a ce caprice groffier, encore plus qu'aux tremblements de terre, qu'on attribue le dommage qu'a fouffert ce beau monument. Selon quelques Auteurs, cette colonne ne fut conftruite que fous TEmpire de Théodofe le jeune en 421; & les bas-reliefs ont rapport k des événements du regne d'Arcadius. L'Hiftoire ne doit pas onrettre les réglements & les loix qui font connoitre les mceurs & les ufages du temps. Les fatyres fe multiplioient fans doute fous un regne ou les places les plus éminentes étoient occupées par des hommes fans mérite. j|' Arcadius renouvella toute lafévérité I  vu Bas-Empike. Lh. XXVIU. 287 des loix précédentes contre les libelles diffamatoires. Les ftatues des Souverains étoient encore révérées avec une forte de fuperftition. On n'ofoit fans un refcrit de 1'Empereur les déplacer pour la recoiaftruöion d'un portique ou d'une maifon qui tomboient en ruine. Une loi de 1'an 406 en donne une permiffion générale, mais a condition que la réparation achevée , on rétablira ces ftatues dans leur premier état. Arcadius fit auffi des efforts pour abréger les procédures, & pour abattre quelques têtes a l'hydre de la chicane qui les reproduit fans cefTe. Sous un Prince fi peu vigilant , ces loix furent fans doute inutiles contre un monftre qui veille toujours. Une loi ancienne ordonnoit aux Juges dans toute 1'étendue de 1'Empire , de prononcer leurs fentences en Latin : c'étoit la langue du peuple qui fe regardoit comme Souverain du monde , & les Empereurs d'Orient n'avoient rien changé a cet ufage, quoique la langue Grecque fut la feule entendue dans la plus grande partie de leur domination. Arcadius lailTa aux Juges la Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 40S. /. 15. tit. X. leg. 44. ff.l.41.titt l.leg. 4S. Cod. Juft. /.-7, tit. 4$, leg. 12.  Arcadius.Honorius.Théodose n. Ann. 408. XXIX. Commencementsde Théodofe II. Sec. L. 7. c. 1. Ser. I. 9. c. 4. Joann. Antioch. £88 Tl I S T 0 1 S. E liberté de faire ufage de ces deux langues. Théodofe, lorfqu'il fuccéda a fon pere, n'étoit agé que de fept ans &c quatre mois. L'Orient avoit tout k craindre; il voyoit un enfant fuccéder k un Prince qui n'étoit jamais forti de la foibleffe de 1'enfance. Arcadius laiffoit 1'Empire dans une forte d'anarchie; il n'avoit fait aucune difpofition pour le gouvernement pendant la minorité de fon fils; on n'avoit rien k efpérer d'Honorius, qui fe foutenoit a peine en Occident. La fageffe d'Anthémius conferva au jeune Empereur fon héritage, & a 1'Empire fa tranquillité. Ce grand homme , que nous avons déja fait connoitre, fe mit k la tête des affaires. II étoit depuis trois ans Préfet du prétoire d'Orient ; mais fa haute vertu &la fupériorité de fon génie, lui formoient dans 1'efprit des peuples un titre encore plus refpettable que fa dignité. II fut bien contenir & les fujets & les ennemis; mais il ne put arrêter les cabales de la Cour, ni réprimer Tinfolence des eunuques , qui ibufoient de 1'enfance du Prince pour furprendre  du Bas-Empirë. Liv. XXVIII. 289 furprendre quelquefois des ordres conformes a leurs paffions. Ifdegerd, Roi de Perfe, étoit de • tous les Princes voifins celui qui devoit caufer le plus d'inquiétude. Ce fut fans doute par un effet de la prudente politique d'Anthémius, que ce Monarque guerrier par inclination, loin de profiter de 1'occafion d'éten- ; dre les bornes de fes Etats, fe déclara leprotecleur de Théodofe. Illuiécrivit une lettre pleine d'affection ; il conclut avec les Romains une paix pour cent ans; il envoya au jeune Empereur un eunuque Grec fort favant, nommé Antiochus, pour 1'inftruire dans les lettres. Antiochus avoit été attaché en Perfe au fervice d'un grand Seigneur, nommé Narfès; il s'étoit fait eftimer du Roi par fes talents; il auroit foutenu cette eftime auprès de Théodofe , s'il fe fut contenté de la gloire modefte que lui donnoit Ie titre de précepteur, Sc s'il n'avoit pas troublé la Cour par une ardente ambition , qui, après lui avoir procuré des honneurs, lui attira des difgraces, comme nous le verrons dans la fuite. Ifdegerd fut fidele a fa parolei Tornt VI. N Honorius.["héodo- se II. Inn. 408. XXX. Fabie de a tuteile 1'Ifde;erd. Proc. iet. ?erf. I. l. •. 2. 4gatk. Theoph, p. '9- Zon. p-40» Cedr. p. (14TUL Theod. II. 101. I.  Honorius.Théodo se n. Ann. 40S XXXI. Confeillers d'Anth'mhis. 2p0 HlSTOIRB ' la paix fubfifta tant gu'il vécut, Sc le traité ne fut rompu que par fon fuc. ceffeur. Cette bienveillance d'un Prince qui fembloit être l'ennemi naturel de 1'Empire, donna lieu au peuple de confondre les idees: il regarda Ifdegerd comme tuteur de Théodofe, paree qu'il s'en étoit déclaré le défenfeur. C'efl fans doute ce qui a fait naitre une fable très-célebre : on imagina qu'Arcadius en mourant avoit nommé Ifdegerd tuteur de fon fils. Les Hifforiens contemporains ne difent rien d'une difpofition fi abfurde, Sc qui, par fa bifarrerie, n'auroit pu leur échapper. Mais Procope qui vivoit cent cinquante ans après, & qui ne donne pas grande opinion de fa critique, a recueilli ce bruit populaire. II a été copié par les Grecs des fiecles fuivants, qui ramafient avec foin Sc fans choix tout ce qui leur paroït merveilleux. Rien n'eft devenu plus fameux dans Phiftoire de ce temps-la, que la fable de la tutelle i'Ifdegerd. Anthémius étoit trop éclairé pour fe perfuader qu'il h'eut pas befoin de :onfeil. II s'en forma un des per fon-  nu Bas-Empirz. Liv. XXPIII. 201 nes qu'il connoiffoit les plus habiles & les plus fidelles : il n'eut égard qu'a ces deux qualités. Ceux dont 1'hiftoire a confervé les noms, méritent de n'être pas oubliés. C'étoient Nicandre , Anaftafe , qui tous deux ne font connus que par un choix fi honorable; Théotime, poëte, mais ennemi de la flatterie , Sc qui méprifoit Part de déguifer la vérité ; Troïle, qui n'a pas dans 1'hiftoire de titre plus relevé que celui de fophifte; mais elle lui attribue des qualités plus précieufes que les titres les plus éminents; un efprit droit, guidé par une profonde étude des affaires, Sc une probité a toute épreuve. Anthémius n'entreprenoit rien fans 1'avoir confulté. Le Miniftre n'étoit pas guerrier, mais il favoit conduire les affaires militaires; Sc fon efprit étendu, judicieux, méthodique, n'étoit obfcurci par aucune pallion. Son entrée au miniftere fut fignalée par un fuccès éclatant. Uldès, Roi des Huns qui habitoient les bords du Danube, avoit fecondé les armes Romaines contre Gaïnas Sc contre Radagaife. II s'ennuya de fervir au-lieu de ravager; " N ij Hord- rius. Théodo- SE 11. Ann. 40?» Synef. ep, 46 , 49 , 75 , 79Soc. I. 7. e. i. TiU. vie de SyncJ~e,art, 7. xxxir. Défaite des Huns. So^, l. 9. f. 5.  Honorius. Théodc se Hï Ann. 40Ï 2p4 HIST01B.B - ce qui étoit beaucoup plus conforme au caraöere de fa nation. Ayant donc - paffé le fleuve k la tête d'une nomm breufe armée, il prit a la faveur d'une trahifon, la ville nommée le Camp de Mars dans la haute Méfie, & fit des courfes dans la Thrace. Le Commandant des troupes de cette Province étant venu le trouver pour traiter avec lui, le Roi barbare demanda que 1'Empire lui payat un tribut tel qu'il jugeroit k propos de 1'impofer : Si vous le payer, dit-il, nous vivrons en paix :Jinon , nous ferons la guerre; & montrant le foleil, il ajouta : II ne tient qu'a moi de conquérir tout ce que cet ajlre èclaire. La négociation fe prolongea; & les Romains difperfés dans le camp des Huns , s'entretenant avec eux, leur donnerent une haute idéé de la douceur du gouvernement , de Péquité & de la libéralité de 1'Empereur , qui, dirigé par un fage Confeil, favoit déja diflinguer le mérite, & honorer la valeur par de brillantes récompenfes. Ces difcours charmoient les Huns. Uldès étoit dur & avare : fes Officiers & fes gardes mêmes fe détacherent de  du Bas-Empire. Liv. XXFIII. 293 lui; ils entrainerent beaucoup de foldats , & pafferent avec eux dans le camp des Romains. Uldès, effrayéde cette défertion, repaffa le Danube. On 1'attaqua dans ce moment; il perdit une grande partie de fon armée. Les Squires , Alains d'origine , qui formoient Parriere-garde, furent tous ou tués, ou pris & conduits a Conflantinople. Comme ils étoient en trèsgrand nombre, on crut qu'il feroit dangereux de les garder dans la ville. Ils fu rent vendus ou donnés en qualité d'efclaves, pour être difperfés dans les Provinces de 1'Afie, avec défenfe de revenir jamais a Conflantinople , ni même en Europe. Longtemps après, les environs du mont Olympe en Bithynie étoient encore peuplés de ces barbares, employés a la culture des terres. II n'eft plus parlé d'Uldès depuis cette défaite. Pendant la foibleffe du regne précédent, il s'étoit introduit grand nombre d'abus qu'Anthémius fe propofa de réformer, non pas tous a la fois, mais avec ménagement, de peur que des remedes violents & multipliés, ne jettaffent 1'Etat, comme un corps N iij Honorius. Théodose II. Ann. 408. XXXIII. Loix contre les Juifs. Cod. Th. I. 16. tit. S. leg 18,21, 22,25,26, 27, 29. tit. 9. leg. 49.  Honorius.Théodo- se II. Ann. 408, Theod. nor. 3. Soe. 1. 7. *. 16. Erag. I. 1, *. 13. Pagi ad Baron. j j ( 1 < i i ( < ï 294 H I S T O 1 R E malade , dans une crife dangereufe. V. commer^a par abolir une fête facrilege inftituée chez les Juifs. Tous les ans, le 14 & le 15 du douzieme mois de 1'année Judaïque, nommé Je fecond Adar, qui répond aux mois de Fevrier & de Mars, les Juifs renouvelloient la mémoire du fupplice d'Aman. Sous ce prétgxte, ils brüloient une croix pour infulter a la Religion Chrétienne. Cette profanation fut interdite fous des peines rigoureufes, & 1'on menaca les Juifs de^ révoquer toutes les permillions qu on leur avoit accordées, s'ils ofoient entreprendre au-dela de ce qui leur étoit permis. Théodofe, dans ia ["tiite, fut obligé de faire plufieurs oix pour contenir cette nation opiïiatre, & éternellement envenimée :ontre les Chrétiens. Nous allons réuïir fous un même point de vue tout :e qui s'efl paffé fous fon regne a ce ujet. U voulut, a la vérité, qu'ils uffent a couvert de toute infulte; il léfendit aux Chrétiens de briiler ou i'ufurper leurs fynagogues; & com|ie on en avoir converti plufieurs en ■glifes, il fit donner des emplace-  fju Bas-Empire. Liv. XXFIIL agS ments pour les reb&tir. Mais d'un autre cöté, il défendit aux Juifs d'en batir de nouvelles; de rien commettre contre le refpett dü au Chriffianifme; de faire des profélytes; d'acquérir par achat ou par donation aucun efclave Chrétien : il les déclara exclus de tout office, foit militaire, foit civil; il abolit la dignité de Patriarche, qui avoit jufqu'alors rélïdé en Oriënt. Le patriarchat étoit héréditaire; le dernier qui le pofféda fut Gamaliel. Théodofe appliqua au fifc le tribui que les fynagogues payoient chaque année a ce chef du Judaïfme, a la place duquel on établit un Primat dans chaque Province. Les reproches de St. Siméon Stylite obligerent dans la fuite Théodofe a révoquer la loi qui ördonnoit la reftitution des fynagogues ufurpées fur les Juifs. Les Chrétiens d'Antioche s'étant emparés d'une fynagogue , & ayant recu ordre de la rendre, le faint folitaire écrivit a l'Empereur avec tant de force, que la loi fut annullée : on ajoute même que le Préfet qui Tavoit confeillée fut dépofé. Ce devoit être Afclépiodote, qui fut Préfet d'Orient depuis Pan 423 N iv Honorius.Théodo- se 11. Ann. 40S.  Honorius.Théodo- se II. Ann. 408. Ann. 409, XXXIV. Sérlition a C. P. Marcel. 1 Chr. Chr. Alex. ■ Cod. Th. I. ] 9. tit. 32. j les. unie. 296 HlSTOlRB jufqu'en 425. C'auroit été fansdoute pumr bien rigoureufement un Confeil, que la politique pouvoit juitifier. Les Juifs de leur part s'échappoient a des violences criminelles, toutes les fois qu'ils ofoient fe flatter de 1'impunité. La dixieme année du regne de Théodofe, dans une fête tumultueufe qu'ils célébroient a Imma, entre Antioche & Chalcis, ivres de vin & de folie, ils faifirent un jeune enfant Chrétien, le lierent a une croix qu'ils éleverent; & leur fureur s'allumant k ce fpeöacle, ils le déchirerent k coups de fouets jufqu'a Ia mort. Les Chrétiens du pays prirent les armes, & les deux partis fe firent une guerre fanglante. L'Empereur en etant inftruit, envoya ordre d'arrêter les auteurs de cette horrible cruauté, 5c de les punir du dernier fupplice. La difette eff une fource de féditions. II s'en éleva une a Conftantilople au commencement de 1'année Üivante. Le retardement de la flotte 1'Alexandrie qui apportoit les moifbns de 1'Egypte, caufa la famine. Le >euple mit le feu a la maifon de Moïaxe, Préfet de la ville; 6c ce Magif-  !>u Bas-Empip.e. Liv. XXVlll. z.97 trat ayant été affez heureux pour fauver fa perfonne, on fe failit de fon char, & on le traina par les rues. Les Généraux Varanne & Arface, avec Synefe, Intendant desfinances, eurent bien de la peine a calmer cette émeute en promettant un prompt foulagement & une févere juftice: elle fe faifoit pour 1'ordinaire aux dépens des boulangers , qu'on fouettoit publiquement au grand contentement de la multitude. Le tumulte étant appaifé, Anthémius prit des mefures pour en prévenir déformais la caufe. Le convoi d'Alexandrie arrivoit fouvent trop tard, paree que la compagnie chargée de ce tranfport, faute d'un nombre fuffifant de vaiffeaux , perdoit, k en raffembler, le temps propre a la navigation. On obligea les vaiffeaux d'Alexandrie même & ceux de 1'ifle de Carpathos a faire la traite, moyennant un falaire convenable, k conditiën qu'ils répondroient des accidents de cette navigation. De plus, Anthémius étabiit un fonds perpétuel de cinq cents livres pefant d'or, pour acheter des bleds lorfqu'on feroit menacé de difette. Ce fonds fut formé N v, Honorius.THÉono- se II. Ann. 409. /. 13. tit.'j. leg. 32. 14. tit. 16. leg. I , 3- . ff. I. 47. tit. 1 1. leg. 10. Plin. hij}, nat. I. 5. c. IO.&/.18. 47-  Honorius.Tiiéodo- se II. Ann. 40,9. ] 3 1 « 1 t f V, r a n 498 HlSTQJRE de la réunion de plufieurs iommes " & en grande partie d'une contribution volontaire des Sénateurs, qui fe prêtoient avec zele aux vues falutaires du Miniftre. II fut défendu è tout Magiftrat d'en appliquer aucuns deniers a quelque autre emploi que ce fut, fous peine de reftituer le doublé. Le pain fait de ce bied, car il n'étoit pas permis de vendre le bied en nature, fe vendoit au peuple a un prix raifonnable ; & le profit de la vente formoit un accroiffement, qui, joint au principal de la fomme , rentrcit lans le tréfor, & fourniflbir pour une mtre occafion une reflburce encore >lus abondante. Vingt-cinq ans après, a fomme de cette épargne fe trou^oit montée a 611 livres dor. C'éoit au Sénat qu'on rendoit compte le toute cette adminiftration. Le Ni!, e vrai Paöole de 1'Egypte, faifoit ufli la principale efpérance de Confantinople. On avoit toujours eu grand sin d'en ménager les eaux: endomïager les digues, arracher les müiers ou les fycomores qui fervoient les foutenir, c'étoit un crime irréuffible; le coupable étoit condam-  du Bas-Empire. Liv. XKFIII. 299 né aux mines. Lorfque la crue du Nil montoit a feize coudées, il produifoit la plus grande fertilité; a douze coudées & au-deffous, c'étoit ftérilité & difette. Ici comme en tant d'autres,occafions, 1'avidité des particuliers nuifoit au bien public: fans attendre que le Nil fut parvenu a la hauteur de douze coudées, ils faifoient des coupures dans les digues du fleuve pour en attirer les eaux fur leurs terres. On fit une loi qui condamnoit les auteurs du délit a être brülés vifs dans le lieu même, & leurs complices a. être relégués dans 1'Oafis, fans efpérance de retour. La fage conduite d'Anthémius relevoit peu-a-peu 1'Empire d'Orient, & le maintenoit dans une telle tranquillité , qu'il fe trouva cette année avoir alTez de forces pour envoyer des fecours k Honorius, réduit "aux dernieres extrémités. Cefl ce que nous allons développer en reprenant la fuite des affaires d'Occident. Conflantin , maïtre de la Gaule & de l'Efpagne, avoit obtenu le titn d'Augufte; il prit encore celui de Con ful, pour être en toute maniere col N vj Honorius. Théodose U. Ann, 409. : xxxv. Conftan tin trom pe Hono ? rius.  Honorius. Théodo' se II. Ann. 409 Zof. I. 6. Olympiod. Grut. infcript. MUI, 6. J 1 1 j I 300 Ü I S T 0 I R E legue d'Honorius, qui partageoit avec Ie jeune Théodofe le confulat de Tannee 409. Honorius ne ménageoit le tyran que pour conferver la vie a Didyme & Vérinien fes parents. Mais ceux - ci ayant été fecretement mis k mort, Conflantin craignit le jufle reffentiment d'Honorius , k qui cette cruauté ne pouvoit être long-temps inconnue. Ii n'étoit pas encore affez bien établi pour foutenir Ia guerre. En attendant qu'il put lui-même la commencer, il falloit amufer TEmpereur par de feintes proteftations. U lui envoya donc un Gaulois, nommé Jove , homme habile & très-capable de manier avec fuccès une négociation fi délicate. Jove employa toute fon adreffe k difculper Conflantin : c'étoit, difoit-il, malgré lui & par Temportement des foldats, que Didyme & Vérinien avoient perdu la vie. Conflantin ne refpiroit que a paix; il ne fe propofoit que le faut & Thonneur de TEmpire: & comne il s'appercut que ces belles paoles ne calmoient pas la colere d'Holoruis, il lui repréfenta Tétat oii fe rouvoit Tftalie; ce qu'il avoit a crain-  du Bas-Empire. Liv. XXVIII. 301 dre d'Alaric, a elperer de Conflantin ; qu'il ne pouvoir., fans un extreme danger, s'attirer en même-temps fur les bras deux ennemis fi puiflants; qu'il trouveroit dans Conflantin un appui afluré; & que s'il maintenoit la paix avec lui , il le verroit bientöt arriver avec toutes les forces de la Gaule, de l'Efpagne 8c de la Grande-Bretagne, pour fauver Rome & 1'Italie. Honorius fe laifla tromper par ces promeffes, qu'il oublia lui-même aufli-töt que Conflantin, pour s'endormir dans fa nonchalance naturelle. Géronce , le plus habile & le plus brave des Généraux de Conflantin, étoit demeuré en Efpagne pour garder les paflages des Pyrénées. II apprit que Conftant étoit prêt d'y revenir , & qu'il amenoit avec lui un autre Général, nommé Jufle, qui devoit prendre le commandement des troupes. Piqué de cette préférence qu'il regardoit comme une difgrace, il gagna les foldats qu'il commandoit, fouleva contre Conflantin les barbares répandus dans la Gaule, & n'ofant prendre lui-même le titre d'Empereur, il le donna a un Officier de Honorius.Tiiéodo- se II. Ann. 409; XXXVI. Géronce fe révolte cent e Conflantin. Zof. I. 6. Soi. I. 9, c 15. Orof. I. 7.' c. 42. Olympiod. Sidon.l. 5. ep. 9. Profp. chr* Greg. Tur» U 2, f. 9»  Honorius. Tkéodose II. Ann. 409. XXXVII. La Grande-Bretagno & les Armoriques fe mettent en liber- 1 té. Zo/. I. 6. Soi. I. 9. < r. 12. ] Sc- II I S T O I R E la garde , nommé Maxime , homme inconnu, fans ambition comme fans capacité, qui ne prêtoit que fon nom aux entreprifes de Géronce. Maxime refta a Tarragone , tandis qwe Géronce qui ne prenoit que la qualité de fon Lieutenant , foulevoit toutel'Efpagne. Conflantin , allarmé de cette révolte, envoya aufïi-töt Edobinc vers les bords du Rhin , pour y chercher du fecours chez les Francs & les Allemands. Conftant , accompagné de Décimius Rufticus, Préfet du prétoire, parcourut toute Ia Gaule pour y raflembler des foldats; & quoique Géronce fut maitre des défilés des Pyrénées, Conftant trouva le moyen de pafter en Efpagne par la connoiftance qu'il avoit du pays. II y foutintla guerre contre les rebelles. Cependant les Alains, les Sueves Sc les Vandales ravageoient la Gaue, la Grande-Bretagne étoit défolée Jar lesPiftes & par les EcolTois. Confantin, dont les troupes étoient oc:upées en Efpagne, n'avoit ni affez Taclivité, ni affez de forces pour fe:ourir en même-temps ces deux im'ortantes Provinces. Ce fut alors que  du Bas-Empire. Liv. XXFlIl. 303 la Grande - Bretagne le détacha de 1'Empire dont elle fe voyoit abandonnée. Honorius reconnut dès-lors 1'impuilTance oü il étoit de la protéger; il écrivit aux Bretons qu'ils fongeaffent a fe défendre par euxmêmes. N'ayant donc d'autre reffource que leur défefpoir , ils prirent les armes, & repoufferent les barbares dans leur pays. Leur exemple réveilla dans les peuples Armoriques, le defir de la liberté. Ce nom qui, en langue Celtique , fignifioit maritimts , avoit d'abord été commun a tous les peuples de la Gaule voifins de l'Océan : il déiignoit alors en particulier les habitants des cötes entre la Seine & la Loire. Ils chalferent les Magiftrats Romains, & formerent entre eux un corps de république, qui ne put long-temps fe foutenir. Cette ligue des Armoriques couvroit leur pays contre de nouvelles incurfions. Le refte de la Gaule, épuifé par des ravages continuels depuis prés de trojs ans, n'offroit plus aux barbares que des ruines ou des places fortes, qu'ils n'ofoient ni ne favoiént affiéger. L'Efpagne leur pré- Hono- rius. Théodo- se tl. Ann. 409. Stda, hifi. c. ii , ii. Gildat. TiU. hifi. des Bretons. TUI. Honor. art. 33. XXXVltl Les A- lains, les Sueves & les Vandales entrent en Efpagne. Orof. I. 7. c. 40, 41. & l. 3. f. 13.  Honorius.Théodc se ii. Ann, 40c S. Aug. ej 180. Salv. c gub. I. 7, Olyntpioc SBl. 1. c C. 12. Prcfp. Ch, Jdac. faji <£• Chrcn. Ifid. ch, Vand. & Sucv. Greg. Tut l. 2. c. 2. Pagi at Baron. Mariana hifi. Hifp l. ,.c 1. Ruin. hifi, ptrfcc. Vand. c. 2, TiU. Honor. art, 39- 3°4 H I S T O 1 R E ; fentoit une nouvelle lource de richeffes. Ce pays, environné de mers . & de hautes montagnes, avoit toujours été moins expoie aux pillages. • La conquête en étoit facile : les for' ces Romaines , partagées entre Confe tant & Géronce, fe déchiroient par une guerre meurtriere. A la faveur ' de 1'un des deux, il étoit aifé de détruire 1'autre. Les barbares entrete- • noient intelligence avec Géronce. S'é" tant raffemblés au pied des Pyrénées, • ils les pafferent le 28 d'Oftobre. Les Honoriaques qui gardoient les dé- , filés, en ouvrirent 1'entrée ; & tandis que Géronce occupoit Conftant dans la partie de la Tarragonoife, nommée depuis Catalogne , les barbares fe répandirent dans le refte du pays. Avec ce torrent entrerent tous les maux deftrufteurs de 1'humanité. Pendant 1'efpace d'une année entiere, l'Efpagne fut un théatre fanglant oü fe renouvellerent toutes les fcenes que 1'Hiftoire met fous les yeux dans la défolation des Etats. Sans diftinction d'age, de fexe, de condition , tout étoit pafte au fil de 1'épée. Les payfans, qui étoient affez heureux  du Bas-Empire. Liv. XXVIIL 305 pour fauver leur vie, fe retiroient dans les places, ils y retrouvoient la même barbarie qui dévaftoit leurs campagnes. Tandis que les Vandales brüloient les fruits de la terre, les eommis des impöts , autre efpeee de Vandales, dévoroientlafubftance des villes , & les foldats , moins ardents a les défendre qu'a les piller , enlevoient le refte. La famine & la pefte, fuites funeftes des ravages, y mirent le comble. Les hommes ie mangeoient les uns les autres; tout étoit en guerre; il falloit fe défendre &c contre les hommes & contre les bêtes: celles - ci fortant des forêts , & dévorant les cadavres dont les campagnes étoient couvertes , s'accoutumoient tellement au fang humain , que ne goütant plus d'autre nourriture, elles attaquoient les hommes vivants. Mais ce qui eft beaucoup plus horrible , on vit des meres fe repaïtre des enfants qu'elles allaitoient; & 1'Hiftoire, qui raconte toujours avec effroi ces cruels effets de la famine , n'a jamais rien rapporté de plus affreux qu'un fait qui fit alors frémit l'Efpagne. Une mere fit rötir & man- Houo- r1us. Théodo- SE II. Ann. 409.  Honorius.Théodo se II. Aon. 40c XXXIX. Partage de l'Efpagne entre les barbare:. ^306 H 1 S T O I R X ' gea fes quatre enfants. Dans Ie maf. facre des trois premiers, on eut pour - elle une compalïion mêlee d'horreur • . on "ut qu'elle les facrifioit pour la confervation des autres, mais quand on la vit égorger le feul qui lui reftoit encore, le peuple de la ville oü fe paffoit cette exécrable tragédie , fe fouleva contre ce monftre d'inhumanite, & raflbmma a coups dé pierres. Les campagnes étant ruinées, les places déja défolées par la famine & par la pefte, ne purent fe défendre. Les Evêques de l'Efpagne montrerent f'?" "n co«rage qui fait honneur è Itghfe. Ils pouvoient fe fouftraire par la fuite aux maux qu'ils fouffroient & a ceux qu'ils avoient encore a craindre; ils fe firent un devoir de mounr avec les déplorables reftes de leur troupeau. EnfTn ,-après plufieurs batailles oü les troupes de Conftant furent toujours défaites, celui-ci fut obhge de s'enfuir en Gaule, & les barbares partagerent entre eux l'Efpagne devenue prefque déferte. Selon quelques Auteurs, ils tirerent au 'ort-;Les Sueves, fous leur Roi Hermenéric, joints a une partie des Van-  nu JJas-Empirs. Lh. XXPIH. 307 dales, s'établirent dans la Galice. Cette Province , alors beaucoup plus étendue qu'elle n'eft aujourd'hui, comprenoit auffi ce qu'on appelleleRoyau me de Léon & la vieille Caftille. Refpendial, avec les Alains, occupa la Lufitanie & une grande partie de la Province de Carthagene. Ce Prince mourut en 41 ^, & eut pour flicceffeur Atace, dernier Roi des Alains. L'autre portion des Vandales, qu'on nommoit Silinges, s'empara de la Bétique. Prefque toute la Tarragonoife, c'eff-adire, la contrée en-dega de 1'Ebre , la nouvelle Caftille depuis Tolede , Ie Royaume d'Arragon & celui de Valence jufqu'è 1'ancienne Sagonte, demeura fous 1'obéiffanee des Romains. Les barbares lailferent tous ces pays a Géronce qui les avoit favorifés dans leur conquête. Les peuples des Afturies défendirent öpiniatrément leur liberté contre les attaque; des Sueves. Herménéric fut enfin obligé, par une longue maladie, de les laifTer en paix. Jamais on ne vit un peuple changer de mceurs auffi promptement qiu ces barbares, dès qu'ils fe virent pai- Honorius.Théodose II. kaa. 409, XL. Douceur du gouverne-  Honorius.Théodo- se II. Ann. 409 ment de! barbares. 3°S ff 1 S T 0 I R E ■ fibles poffelTeurs de l'Efpagne. La paix m fur leur caradere un effet auffi fubit & auffi heureux que fur les terres du pays, qui reprirent bientöt une face riante. Dès qu'ils eurent quitté lepee, ils faifirent la charme; & les campagnes abreuvées de fang, montrerent dès 1'année fuivante de riches moiffons, & fe peuplerent de troupeaux. Les vainqueurs, moins avides que les Princes naturels, traitoient les habitants arec plus d'équité & de douceur. Ils portoientl'humanitéjufqu'au point de ne pas contraindre ceux que leur intérêt ou leur inclinarion déterminoient k quitter Ie pays. Ils leur laifToient emporter librement leurs effets; ils leur fourniffoient des voitures, & leur donnoient même une efcorte pour les défendre ; ils fe contentoient d'un médiocre falaire pour leur conferver les biens & la vie, qu'ils pouvoient également leur öter. Rien n'étoit plus facré que leur ferment , & 1'on étoit tenté de croire que les Romains étoient les vrais barbares. Ils fe trouverent bien d'ignorer cette politique fauffe & farouche, qui fe fait une maxime de gouverner  nu Bas-Empire. Liv. XXFI1I. 3®? avec une verge de fer les peuples nouvellement foumis. Leur douceur rappella la plupart de ceux que la terreur avoit difperfés, & les villes virent rentrer dans leur fein une partie de leurs habitants. Les Auteurs dumoyen age confondent enfemble tous les barbares fous le nom de Vandales: ilsnomment ainfi même les Sarrafins. La raifon en eft que les Vandales font devenus les plus célebres par la conquête de 1'Afrique. Auffi toute l'Efpagne porta-t-elle pendant quelque te$ips le nom de Vandalous ; & c'eft dela que celui d'Andaloujie eft refté a la Province nommée anciennement Bétique, qui fut l'habitation particuliere des Vandales. L'Empire d'Occident fe détruifoir. La Grande-Bretagne étoit abandonnée; la Gaule envahie par un ufurpateur; l'Efpagne prefque entiere perdue fans reflburce. L'Italie même n'étoit plus au pouvoir d'Honorius. Alaric campoit en Tofcane , & demandoit avec hauteur & impatience Texécution du traité qui lui avcit fait fufpendre fon bras pret a détruire Rome. On ne fe preffoit pas de lui livrer Honorius. Tbéodose II. Ann. 409, XLI. Honorius manque au traité fait avec Alaric. Zof. I. ,. Sor. I. 9. c. 7. God. Profop. Cod. Th. in Caciliunt^  Honorius. Théodose II. Ann. 409. : 1 XLII. Secours de Rome : 310 H 1 s T 0 1 R E les ötages, ni d'achever le payement \ des fommes dont on étoit convenu. ,;j Le Sénat qui appréhendoit un nouveau fiege , envoya a Ravenne Céci- I lien , Attale & Maximien, qui ayant repréfenté fous les couleurs les plus vives, les maux que Rome venoit d'éprouver, fuppüerent'le Prince de 1 défarmer 1'ennemi en accompliffant les conditions du traité, ou d'envoyer I contre lui une armée pour 1'obliger I a fortir de 1'ltalie. On fe moqua de I leurs allarmes. Les courtifans, tou- I jours d'accord, fans le favoir, avec I les defirutteurs des Etats, bercoient Ie Prince par leurs flatteries, faifoient I fonner bien haut les noms de puiffance Romaine & de majefté de 1'Em- | pire. Au-lieu d'accorder aux députés ,| :e qu'ils demandoient, on crut faire l babilement de leur fermer la bou- t :he , en leur conférant des dignités 1 qu'ils ne demandoient pas. Cécilien, qui avoit été Intendant des vivres 5c tdcaire d'Afrique , fut fait préfet du jrétoire a la place de Théodore; At:ale fut nommé Intendant des finances. Cependant pour ne pas laifler Ro- j ne entiérement fans défenfe, on fit \  du Bas-Empire. Liv.XXPIlI. 311 venir de Dalmatie cinq légions qui ne faifoient en tout que fix mille hommes : mais c'étoit 1'élite des troupes Romaines. Elles marcherent vers Rome fous la conduite de Valens, dont la folie bravoure caufa leur perte. Cet Officier s'imaginant que ce feroit une lacheté honteufe d'éviter la rencontre de Pennemi, prit un chemin dans lequel Alaric 1'attendoit avec fon armée entiere. Toute la troupe fut enveloppée & taillée en pieces. II y en eut a peine cent qui échapperent, entre lefquels furent Valens & Attale, qui revenoit a Rome avec Maximien. Celui-ci fut pris, & ne fut rendu k Marinien fon pere, que pour une rancon de trenie mille pieces d'or, qui montent k environ quatre cents mille livres de notre monnoie. Un renfort que faifoit venir Alaric , fut conduit avec plus de prudence. Nous avons dit que dès 1'année précédente , il avoit mandé Ataulfe, ion beau-frere, qui étoit en Pannonie k la tête d'un corps compofé de Goths & de Huns. Ataulfe, arrêté par plufieurs obftacles, ne put pafler les Alpes que cette année : il prit la. route Honorius. Théodose II. Ann. 409, défait par Alaric. XLIII. Ataulfe joint Alaric.  Honorius. Théodose II. Ann. 409, XLIV. Difgrace d'Olympe. Zof. fi 5. Qlympiod, 31a HlSTOIRB de la Tofcane, pour y joindre Alaric. Honorius , ayant appris que fon armée n'étoit pas confidérable , efpéra de lui couper le paffage. II donna ordre a toutes les garnifons des villes qui étoient fur la route, de fe raffembler, & fit partir avec Olympe trois cents Huns qu'il avoit è Ravenne. Ces troupes réunies formerent un corps fupérieur a celui d'Ataulfe. On 1'attaqua prés de Pife; les Romains lui tuerent onze cents hommes, & n'en perdirent que dix-fept. Mais ils ne purent 1'empêcher de fe réunir avec Alaric. Ils retournerent a Ravenne avec la gloire du fuccès d'un combat, dont tout le fruit refla aux vaincus. Olympe, au-lieu de s'occuper des affaires publiques, ne fongeoit qu'a établir fon pouvoir en pourfuivant les amis de Stilicon. II fit encore arrêter deux freres, Marcellien & Salonius, employés au fervice du Prince. On les accufoit de favoir le fecret de la conjuration imputée a Stilicon. Mais les tortures ne purent tirer de leur bouche aucun éclairciffement. Comme le crédit d'Olympe n'étoit fondé que fur la haine qu'il avoit  nu BAS-ÊUPikE' Liv. XKF1I1. 313 avoit infpirée au Prince contre Stilicon , il ne put long-temps fe foutenir. Les eunuques du palais, toüjours jaloux des Miniftres , yinrent a bout de le détruire , en lui attribuant tous les malheurs de 1'Etat. II fut dépouillé de fa charge de ;Maitre des offices; & craignant un plus mau; vais traitement, il fe retira en Dal*natie. Ayant été retabü quelques temps après, il fut une feconde fois banni de la Cour. Enfin, il termina fa vie par une mort plus funefte que celle de Stilicon. Conftance, beaufrere d'Honorius, après lui avoir fait couper les oreilles , le fit affommer a coups de baton. L'Empire fe feroit plus aifément paffé d'Empereur qu'Honorius de Miniftre. Cette place dangereufe piqua cependant Pambition de Jove. II étoit brouillon , hardi & perfide. Ce Jove n'eft pas le Gaulois dont nous avons parlé, qui étoit attaché au Tyran Conflantin. Celui dont il s'agit maintenant, devoit fon élévation a Stilicon , qui 1'avoit fait Préfet du prétoire d'Illyrie, & qui s'étoit fervi de lui dans fon cosimerce d'intrigues Tornt VU O Honorius. [héodose IL ^nn. 405. XLV. Changement d'of ficiers.  Honorius. Théodose II. Ann. 409. XLVI. Généride. 314 H i s t 0 1 r e avec Alaric. II venoit de fuccéder k ^ecilien , qui n'avoit pas joui longtemps du titre de Préfet d'Italie II etoit décoré de la qualité de Patrice. A fon entrée au gouvernement des affaires, il fit de grands chaneements dans les Officiers. Attaie paffa de la charge d'Intendant des finances a celle de Préfet de Rome; Déraetrius fut nommé pour remplacer Attale; & comme fi le Prince ne eouroit aucun rifque en fe rendant odieux dans de fi fkheufes conjonctures, on chargea Démétrius de faire une fevere recherche de tout ce qui ievoit revenir au fifc. Généride étoit barbare de naifian:e; & payen; mais habile dans Ie netier de la guerre, infatigable, déïnterefTé, libéral. II commandoit la jarnifon de Rome, lorfque 1'année >recedente on avoit publié la loi par aquelle 1'Empereur excluoit de tous es emplois, ceux qui ne profeffoient >as la Religion Catholique. Sur le :hamp, il quitta le baudrier qui étoit a marqué du commandement, & fe etira du fervice. Honorius en étant nformé, Ie. fit venir a la Cour, &  du Bas-Empire. Liv. XXFIIL 315 lui demanda la raifon de fa retraite. Ii répondit fans balancer , qu'il avoit mieux aimé renoncer a fon emploi qu'a fes Dieux. La loi nejl pas faite pour vous , repliqua 1'Empereur : je vous difpenfe d'y obéir; je Juis trop content de vos fervices, pour ne pas les accepter, quelque Religion que vous profejjiei. Généride perfifta dans fon refus, fuppliant le Prince de ne pas 1'honorer d'une diftinófion qui tourneroit k la honte de fes femblables : en forte qu'Honorius, pour ne pas fe priver d'un Officier de ce mérite , fut obligé de révoquer fa loi. Jove donna a Généride le commandement de toutes les troupes de la Dalmatie, de la Pannonie fupérieure, du Norique & la Rhétie; en un mot, de tous les pays qui étoient k l'Orient & au Septentrion des Alpes. Ce brave Officier n'étoit aveugle que fur Partiele de la Religion. II rétablit dans les troupes la difcipline & 1'habitude du travail: il fit défenfe de rien retrancher fur la paye ni fur la ration des foldats, ufage que Pavarice des fubalternes avoit introduit ; il prenoit fur fes propres appointemenfó O ij Honorius.Théodo- se II. Ann. 409.  Honorius.Théod'O' se II. Ann. 409 XL VII. Soulevexnent des foldats a Ravenne. i < i 2 t H 1 s t 0 r r e de quoi exciter 1'émulation par des reeompenfes. Enfia, il fut, tant qu'il commanda, la terreur des barbares voifins , & 1'afTurance des Provinces dont la garde lui étoit confiée. . II paroit que Jove, créature de Stilicon, vouloit changer le fyftênae de ja Cour , & détruire ceux qui avoient contribué a la perte de fon proteöeur. Afin d'y réuffir, fans paroitre y avoir part, il fe fervit d'un Officier nommé Allobic, auffi intri- ] guant tk auffi perfide que lui, &foulëva par fon moyen les troupes qui ie trouvoient a Ravenne. Le peu de refpeft qu'on portoit au Prince faciliteit cette entreprife. Les foldats pren- ! nentles armes, s'emparent du port, & pouflant des cris tumultueux, de- j mandent a parler a 1'Empereur. Honorius, tremblant a cette nouvelle, I leur envoye Jove, qui feignant d'i- J »norer la caufe de cette émeute, iprès les avoir réprimandés en ap>arence, leur ordonne d'expofer leurs lemandes. Ils s'écrient qu'ils ne po?ront les armes , qu'après qu'on leur ura mis entre les raains les Généawx Twrpiliora & Vigilance , avec  du Bas-Empirb. Liv. XXVUL 317 s les eunuques Térence & Arface. Les j deux premiers étoient de la nomination d'Olympe ; les deux autres avoient conduif a Rome Euchérius I poury être mis amort. L'Empereur, i afin d'appaifer les foldats , condamna les deux Généraux au banniffement. ] On les fit embarquer auffi-töt ; &c | dès qu'ils furent en mer, on lesmaffacra par un ordre fecret de Jove, qui craignoit leur reffentiment, s'il i arrivoit qu'un retour de faveur les ; rappellat a la Cour. Térence fut re] légué e'n Oriënt; fa charge de grand Chambellan fut donnée k Eufebe. Arface eut défenfe de fortir de Milan. ■ Valens fuccéda k Turpilion, & Allobic k Vigilance. Ce Valens ne doit pas être confondu avec celui qui s'é| toit fauvé a Rome après la défaite | des légions de Dalmatie. La conformité des noms dans les différents per: fonnages de ce temps-la , pourroil 1 jetter de 1'embarras dans 1'Hiftoire. { II n'efl: pas ici parlé de Varane, qui, fous le mïniftere d'Olympe , avoif 1 été fait Général de la Cavalerie. II i étoit dans le même cas que Turpilion & Vigilance , & 1'on doit croire O iij Honorius. Théodose II, Ann. 409.  Honorius.Théodo- se II. Ann. 409. XLVIII. NégociationsavecAlaric. Zof. I. f. SOT. I. 9, *. 7. Cod. Th. /. 0. rit. 16. kg- 12. é'Innocent, art. 7. . °™/ A 7. 39. 1 i I 1 x e J t I] v 3lS H I S T 0 l R E qu'il ne fut pas mieux traité. Ce changement dans les Offices de Ia Cou^ & de 1'armée, calma la fédition-, & rendit Jove maitre abfolu des affaires. . Rome étoit déja bloquée par Alaric. 11 n'avoit pas été poffible d'y faire entrer de fecours, & la feufe precaution qu'on avoit pu prendre s etoit bornée a chaffer les magiciens, dont la folie avoit troublé la ville pendant le fiege précédent. Le Sénat aeputaune fecondefois a 1'Empereur, Jour lui repréfenter la nécefïïté de :ondure la paix avec Alaric. Celui:i etant maitre de tous les chemins, it efcorter les députés jufqu'a Ra'enne. Le Pape Innocent fe joignit '■ eux, & ne revint a Rome qu'a»rès qu'elle eut été faccagée. Les en'oyes ayant de nouveau expofé a Empereur 1'état de foibleffe oii Roie étoit réduite, le déterminerent nfin a traiter avec le Roi des Goths. ?ve & Alaric fe rendirent a Rimi1, pour y conférer fur les condions d'un nouvel accommodement. s étoient amis depuis qu'ils avoient ecu enfemble en Epire, oü iis a-  nv Bas-Empïtlz. Liv. XXPIII. 319 voient fi long-temps attendu Stilicon & fon armée. Alaric, irrité qu'on lui eut manqué de parole , enchériffoit fur fes premières propofitions : il exigeoit une rétribution annuelle payable en or, une certaine quantité de bied chaque année, 8c la ceffion des deux Vénéties, du Norique 8c de la Dalmatie. Jove inftruifit 1'Empereur de ces demandes, 8c par affedfation de franchife, il écrivit fa dépêche fous les yeux d'Alaric. II envoya en même-temps a Honorius une lettre fecrete, par laquelle il lui confeilloit de conférer au Roi des Goths la charge de Général des troupes de 1'Empire ; étant, difoit-il, bien affuré que cette faveur diftinguée Pengageroit a fe relacher fur les conditions. Honorius , choqué d'une propofition fi téméraire, répondit a Jove , qu'il lui laiffoit le pouvoir de régler la fomme d'argent 8c la quantité de blec' qu'il feroit a propos d'accorder k Alaric ; que Jove, en qualité de Préfei du prétoire, devoit être au fait de; revenus de 1'Etat; mais que pour ci qui regardoit le commandement de: troupes, il ne fe réfoudroit jamais ; O iv Honorius. Théodose 11. Ann. 409, t  Honorius. Théodo se II. Ann. 409 XLIX. Doublé Impru- dence d« Jove, 3"> 'His.toirb ' ; le refnettre entre les mains d'aucwn barbare, • . Jove reeut cette réponfe Iorfqu'ii etoit dans la tente d'Alaric avec un grand nombre d'OfEciers de 1'armée des Goths ; & par une infigne étourderie, il 1'ouvrit devant eux, & en fit hautement la letfure. Alaric n'avoit pas demandé la dignité qu'on lui refufoit ; mais piqué du refus, comme d'un affront fait a fa nation : Vous ne voule^ pas, dit - il, me donner le commandement de vos troupes ; ilfaudra donc me contenier des miennes ;inarchonsdRome.En même-temps il part, & Jove, couvert de confulïon, retourne a Ravenne. Pour réparer fon imprudence, il en fit une feconde. Craignant d'être loupconné d'intelligence avec 1'ennemi, il jura fur la vie de 1'Empereur qu'il ne confentiroit jamais a aucun accommodement avec les Goths; & il engagea tous les Officiers, & 1'Empereur même, a fe her par le même ferment. Après cette proteftation folemnelle, Honorius donna ordre d'affembler toutes les troupes ; il envoya demander a w nation des Huns un fecours de dix \  nu Bas-Empire. Liv.XXFIlI. 321 mille hommes; Sc pour leur fubfiftance , il fit venir du bied & des troupeaux de Dalmatie. II dépêcha en même-temps des coureurs pour fuivre Alaric & obferver fa marche. Alaric avoit 1'ame noble & élevée. Le nom de Rome, 1'ancienne puiffance de cette ville, la mérnoire de tant de héros qu'elle avoit produits, lui imprimoient une forte de refpecf. Ii auroit defiré. s'en rendre maitre fans détruire fa fplendeur : ce qui lui fembloit très-difficile avec une armée telle que la fienne, compofée de barbares avides & féroces, dont un grand nombre bmloit du defir de fe venger fur les Romains du mafTacre de leurs femmes & de leurs enfants. Ainfi flottant encore entrt 1'honneur de conferver Rome & h gloire de la réduire en fon pouvoir il engagea les Evêques des villes pa lefquelles il paffoit, k s'employ er pou la paix auprès de 1'Empéreur. Afii d'en faciliter la conclufion, il vouloi bien fe rabattre k des condition modérées; il n'exigeoit ni comman dement, ni aucun titre; il ne deman doit plus ni rétribution annuelle,i O v Honorius.Théodo- se II. Ann. 409. L. Nouvelles propofitionsd'Alaric, l r 1 t s d  Honorius.Théodc se n, Ann, 409 J2& &I S T 0 I R B 1 la cefiion des trois Provinces; il ie contentoit du Norique, pays toujours . infefté par les courfes des barbares , & dont les Romains ne retiroient ' prefque aucun revenu. ïl laiffoit k .1'Empereur a décider quelle quantité de bied il feroit néceflaire de fournir aux Goths pour fubfifter dansun terrein fi pauvre & fi flérile : a ces conditions, il offroit une alliance inviolable & une ligue défenfive contre quiconque attaqueroit 1'Empire, Cespropofitions portées a Ravenne, paroiffoient plus raifonnables qu'on n'avoit ofé Pefpérer. On convenoit de la douceur & de la modération d'Alaric. Mais Jove & les courtifans mfifterent fur I'obligation contradée par lm ferment irrévocable. Ils difoient hautement que fi 1'on eut juré par le nom de Dieu , on pourroit efpérer de fa miféricorde divine le pardon du parjure; mais qu'après avoir juré par la vie du Prince, on ne pouvoit violer cet engagement fans expofer le Prince même ; morale bifarre & impie, qui , felon la réflexion d'un Auteur payen, montroit affez combien étoient aveugles & aban-  du Bas-Empihe. Liv. XXPHI. 323 donnés de Dieu, ceux qui conduifoient alors les affaires. Les propofitions d'Alaric furent encore rejettées. La fierté qu'on infpiroit k 1'Empereur auroit été digne de Pancienne majefté de 1'Empire, fi elle eut été foutenue par des effets. Mais ici lei Romains n'ont que des paroles; 011 n( voit agir qu'Alaric. II alla camper am portes de Rome, &c menaca les ha bitants de la ruiner de fond en com ble, s'ils ne fe déclaroient pour lu contre Honorius. Comme ilstardoien k lui répondre, il laiffa une partii de fes troupes devant la ville, &" all; attaquer Porto , place importante , f tuée k 1'embouchure du Tibre, qu fe partageant en deux bras k peu d diftance de la mer , fe rend d'un cöt k Oftie, & de 1'autre au port bal par 1'Empereur Claude, & qui fe nom me maintenant Porto. C'étoit le dé pot de toutes les fubfiftances du peu ple Romain. Cette place, aujourd hi ruinée, étoit forte en ce temps-la elle foutint un fiege de plufieurs jour Alaric s'en étant emparé, fit favo aux habitants de Rome, que s'ils di féroient de lui ouvrir leurs portes O'v) Honorius. Théodose II. Ann. 409. LI. Attale Empereur.Zof. I. 6. Olympiod. ■ Soc. I. 7. . c. 10. 5o<. /. 9. 1 <.8,9. t Philoft. U , 12. c. 3. " Orof. I, 7. I c. 42. Proc. • Vand. I. I. c. 2. - DioJ.60. a Suet, • Claud. c, 20. Cellar. _ Geog. ant, l. 2. c. 9. " §. 3. art. II 360. 5. r f. i  Honorius. Théodose II. Ann. 409, 324 fflSTOJRJS il alloit livrer leurs magafins au pil- ; lage. Le Sénat s'affembla , Sc après avoir délibéré fur 1'état de la ville, il confentit a fe foumettre. Le Roi des Goths, pour détacher Rome de 1 1'obéilTance d'Honorius , réiblut de faire un nouvel Empereur. Mais il eut foin de le choifir tel qu'il put lui-même demeurer toujours le maitre. II jetta lesyeux fur Attaledont nous avons déja parlé, & qui étoit pour lors Préfet de Rome. Attale avoit tfop peu de mérite pour donner de I'ombrage a Alaric; 6c un Souverain de ce caraöere n'en pouvoit guere foutenir le nom. Né dans I'lonie,Ies troubles de 1'Etat I'avoient porté aux premières charges, comme dans un' naufrage on voit furnager les matieres les plus légeres. Payen de naiffance , athée dans le cceur, dès qu'il vit Alaric maitre de Rome, il fe fit baptiferpar Sigéfaire, Evêque Arien, qui fuivoit 1'armée des Goths. Ainfi Ce choix ne pouvoit manquer de plaire en même-temps aux payens qui ne regardoient fon changement que comme un déguifement politique ,&c aux Ariens qui fe flattoient de la-  nu Bas-Empire. Liv. XXVIII. 325 voir converti. Les uns & les autres comptoient également fur fa faveur, & Zofime dit que les feuls Anices furent affligés de fon élévation. Cette familie , diftinguée par fa nobleffe &c par fes richeffes, 1'etoit encore davantage par un zele héréditaire pour le Chriftianifme. Le Sénat , devenu efclave des volontés d'Alaric, ayant fait dreffer un tröne, on y placa le nouvel Augufte ; on le revêtit de la pourpre ; on lui mit la couronne fur la tête , & le cérémonial fut d'autant mieux obfervé, que la crainte eft plus formalifte. Attale portoit le nom de Prifcus. il y ajouta celui de Flavius, devenu propre des Empereurs depui; Conflantin. II fe hata de faire ufag< de fon pouvoir en créant de nou veaux Officiers. II donna la préfec ture du prétoire a Lampade , & cel! de la ville a Marcien. Ce n eft ic ni Lampade, frere.de Théodore don il a deja été fait inention, ni Mar cien qui vivoit en Oriënt , & qu fut depuis Empereur. Ce font deu hommes d'ailleurs inconnus. Alan fut nommé Général de 1'infanterie , Honorius. TllÉODOse II. Ann. 409. Lir. Attale nomme ' des Offi! ciers. . Orof. 1. 7. c. 42. • Soc. I. 7. ; c 10. ; Soi. I. 9. c. 8 , 9!• Vale]', rcr. . Fr. I. 2. Baronius. ' Metfatarï ba in Atq talo, i  Honorius. Théodose II. Ann, 409. 326 HlSTOIRE Valens, celui qui avoit été défait par: Alaric, Général de la cavalerie; Jean,, Maitre des offices. Ataulfe, beau-frere: d'Alaric, futrevêtu du titre de Comte des domeffiques, c'eft-a-dire, de Commandant de la garde Impériale. Ter- • tulle fut défigné Conful pour Tan- ■ née fuivante. Après cette diftribution de röles, Attale, Empereur de théa- ■ tre, accompagné de fes gardes , alla prendre polfeffion du palais. Leiendemain il vint au Sénat; & ivrede fa nouvelle grandeur, il y fit un difcours rempli d'arrogance , promettant aux Romains la conquête de 1'univers, & d'autres événements encore plus merveilleux. Les habitants de Rome , auffi vains que lui, furtout les payens, comptoient beaucoup fur ce glorieux avenir; ils attendoient les plus grands fuccès du confulat de Tertulle, connupour fon attachement a 1'idolatrie. Les monnoies qu'Attale fit trapper portent 1'empreinte de fa vanité : on n'y voit plus le labarum, ni la croix de JefiisChrift; c'eft la Vief oire qui couronne le Prince ; c'eft Rome décorée des épithetes pompeufes d'étemelle, d'm-  nu Bas-Empire. Liv. XXV1U. 327 vincible. Socrate rapporte cependant que dès le lendemain qu'Alaric eut fait proclamer Attale , il le dépofa ; & que 1'ayant revêtu d'un habit d'efclave , il 1'obligea de fervir a table les Seigneurs Goths. Mais ce récit n'eft qu'une fable imaginée pour mettre en aftion les fentiments qu'Alaric portoit fans doute au fond de fon cceur. Pour achever la ruine d'Honorius, il étoit important de s'affurer de 1'Afrique. Héraclien y commandoit; & maitre de Carthage, il ne tenoit qu'a lui d'affamer Ia villa de Rome. Alaric étoit d'avis d'y envoyer un corps de bonnes troupes avec un de fe; meilleurs Officiers , nommé Druma, capable de conduire une fi grande entreprife. Mais il éprouva dès-lors qu'i s'étoit trompé en efpérant trouve: dans Attale une docilité proportion née a fon incapacité. Attale étoit igno rant & préfomptueux : pour fe per fuader qu'il gouvernoit lui-même , i s'opiniatroit k contredire Alaric; 6 fe laiffant'abufer par des devins qii lui promettoient que 1'Afrique allo: fe rendre k lui fans combattre, il 1 contenta d'y envoyer un de fes coui Hono- bius. Théodo- se i!. Ann. 409. lui. Attale veut fe rendre ma'itre de 1'Afrique. Oi-of. I. 7. c. AT- . Zof. I. 6, [ 1 l i t e  Ho no' rius. Théodc SE II. Ann. 40; LIV. Trahifo de Jove, 32§ Tl I S T 0 I R E ! tifans, nommé Conflantin , aufli peu guerrier que lui, avec quelques mé- - chantes troupes. Jean propofoit de> mettre entre les mains de cet Officier '" un refcrit figné du nom d'Honorius,) comme fi ce Prince révoquoit la conimiffion d'Héraclien , & lui ordonnoit de laifler le commandement a Conftantin. La rufe pouvoit réuffir, paree qu'on n'étoit pas encore inflruit en Afrique de la révolution arrivée en Italië. Ceconfeilfut rejetté, non pas comme une indigne fourberie , mais comme une précaution inutile. Conflantin aborda en Afrique avec con-' fiance, & fut en arrivant battu & tué, ainfi que toute fa troupe. Héraclièn fit garder tous les ports & les riva-1 ges, pour empêcher le tranfport des bleds en Italië. Dès que Conflantin fe fut embar- 1 qué pour 1'expédition d'Afrique , Attale qui ne doutoit pas du fucces, marcha vers Ravenne. Alaric 1'acl compagnoit avec fon armée. Honorius , faifi d'épouvante, envoya a Rimini les premiers de fa Cour, Jove, Valens, le Quefteur Potamius, & Julien , principal Secretaire d'Etat: il of-  nv Bjs-Empire. Lm. XXPI11. 329 froit de reconnoïtre Attale pour fon eollegue, & departageravec lui PEmpire d'Oecident. Attale répondit fiérernent qu'il ne vouloit point de partage ; il confentoit feulement alaiffer a Honorius la liberté de fe retirer dans le lieu qu'il choifiroit pour fa demeure, oü il promettoit de lui faire un traitement honorable. Le perfide Jove , croyant alors les affaires de fon maïtre entiérement défefpérées , forma une liaifon fecrete avec Attale , & fut affez méchant pour lui confeiller de pouffer a bout Honorius, jufqu'a ce qu'il Peut entre fes mains, &c de le faire eunuque pour le mettre hors d'état de remonter jamais fur le tröne. Mais Attale eut lui-même horreur de cette barbarie; il déclara qu'il n'exigeoit de ce Prince infortuné que de renoncer a la couronne. Jove, dom la trahifon étoit encore fecrete , fii plufieurs voyages a Ravenne. Enfin voyant que les deux partis ne pou voient s'accorder, il fe démafqua, & demeura avec Attale qui lui donn; auprès de lui Ie titre de Patrice, qui ce fcélérat avoit déja auprès de foi légitime Empereur. La conliance d'Hc Hono- ' rius. Théodo- SE II. Ann. 409. I I  Honorius. Théodose IJ. Ann. 409. LV. Honorius reeoit un fecours d'Orient. ■ j i 1 < LVI. Alaric le- ( ve Ie fie- . ge de Ra- 1 venne. 1 33° II I S T 0 I R E norius, toujours malheureux en Miniftres , paffa a fon grand Chambel3an Eufebe. Celui-ci n'en jouit pas long-temps, il fut peu de jours après affommé a coups de baton par Allobic, aux yeux même de 1'Empereur, qui n'eut pas affez d'autorité pour empêcher cette horrible violence. Alaric s'étoit avancé jufqu'a Ravenne , & la tenoit afEégée. Honorius ayant ralfemblé dans le port tout ce qu'il avoit de vaiffeaux, fe difpofoit è prendre Ia fuite, lorfqu'il recut de POrient le fecours dont nous avons parlé. II confiftoit en fix cohortes qui tormoient un corps de quatre mille hommes. L Empereur, un peu raffuré par ce renfort, confia la garde des murs aux foldats Orientaux, paree 511'il fe défioit de la fidélité des fiens sropres. II attendoit des nouvelles de 'Afrique', réfolu , s'il apprenoit ia )erte de cette Province, de fe retirer iiiprès de fon neveu Théodofe, & 1'abandonner 1'Empire d'Occident. Le fiege trainant en longueur, on lécouvrit dans le camp d'Alaric une ntelligence du Général Valens avec es affiégés. Valens fut mis a mort. Le  nu Bas-Empirb. Liv. XXVIII. 331 Roi des Goths, pour ne pas perdre de temps devant Ravenne, lahTa dans fes lignes une partie de fon armée, & marcha avec 1'autre a la conquête des villes de 1'Emilie qui refufolent de reconnoitre Attale. II les emporta toutes, a 1'exception de Bologne, dont il leva le fiege après plufieurs jours. It paffa en Ligurie, qu'il foumit au nouvel Empereur. Cependant on apprit en Italië le fuccès d'Héraclien en Afrique. Le vainqueur envoyoit de 1'argent a Honorius, & continuoit d'arrêter les convois a Carthage ; en forte que Ravenne affiégée, ayant la mer libre, fouffroit moins que la ville de Rome. L'Empereur diftribua 1'argent a fes foldats, & leur infpira par cette libéralité, de 1'attachementpour lui & du courage. A la nouvelle de la défaite de Conflantin , Jove traita fort mal en plein Confeil, les Miniftres d'Attale, &c dit hautement que 1'Afrique étoit perdue pour jamais , fi 1'on n'y envoyoit pfomptement un corps confldérable de Goths. Surquoi Attale, emporté de colere , protefla que jamais il ne fe fieroit k des barbares pour une conquête de cette im- Hoko- r1us. Théodc^ SE H. Ann. 40,9.'  Honorius.Théodo- se II. Ann, 409, j 1 ( < ] 1 332 H I S T 0 I R E , &c. porrance; & fur le champ il fit partir pour 1'Afrique, un corps de Romains auffi foible que le premier. Cette conduite infenfée acheva de convaincre Alaric, qu'Attale, loin d'être entre fes mains un inftrument utile, n'étoit qu'un obftacle au fuccès de fes affaires. Jove, de fon cöté, fentant bien qu'il avoit pris un mauvaisparti, par une feconde trahifon, fe retourna vers fon maïtre légitime; il fut le premier a confeiller au Roi des Goths d'abandonner cette vaine idole, qui n'étoit propre qu'a troubier les opérations.^ II lui perfuada même qu'Attale étoit fon ennemi fecret, & que i'il fe voyoit une fois folidement éta>li, il ne manqueroit pas de faire pé-ir fon bienfaiteur & toute la nation. Ces réflexions jointes aux mécontenernents d'Alaric, & au mépris qu'il tvoit concu pour Attale, détermine■ent le Roi des Goths a lever le fiege le Ravenne, & a renouer la négo:iation avec 1'Empereur. La faifon de 'hyver déja avancé, lui fervit de préexte : il fe retira a Rimini.  333 SOMMAIRE* D U LIVRE VING T-N E U VIE M E. NITÊ de Tertulle. n. Attale dcpouillé. lil. Nouvelle négociation a"A' larie avec Honorius encore rompue. iv. Dernier fiege de Rome. v. Prife de Rome. vi. Saccagement de Rome. yn. Vafes facrés re/peSés par les Goths. vjji. Courage de plufieurs femmes. ix. Etat ou rejla la ville de Rome après ce déJaflre. x. Ecrits cèlebres auxquels cette prife a donnè occafion. xi. Difperfion des Romains xii. Mort d'Alaric. xiii. Indulgence d'Honorius. xiv. Conflantin paffe en Italië, & revient en Gaule. xv. Géronce affiege Conflantin dans Arles. xvi. Commencements de Conftance. xvii. 11 eft envoyé en Gaule. xviii. Mort de Géronce. xix. Mort de Maxime. xx. Viüoire de Conflance & (fUlpkilas. xxi, Mort de Conflantin. xxii. Qpinidtreté des Donatifies, xxm,  334 sommaire Loix d'Honorius contre les Donatijles. xxiv. Conference de Carthage. xxv. Succes de la conférence. xxvi. Jovin prend la pourpre dans la Gaule. xxvii. Ataulfe vient en Gaule. xxviii. Mort de Sarus. xxix. Dardane Préfet de la Gaule. xxx. Mort de Jovin & de Sélajlien. xxxi. Héros , Evêque d?Arles , chaffé de fon fiege. xxxii. Entreprife cTHéraclien. xxxiii. Suites de fa mort. xxxiv. Mort injufle de Marcellin. xxxv. Commencement du Royaumes des Bonrguignons. xxxvi. Conquêtes d'Ataulfe dans les Gaules. xxxvii. Ataulfe époufe Placidie. xxxviii. lis choijiffent Hiraclée pour leur réjïdence. xxxix. Attale reprend la pourpre. xl. Ataulfe fe retire en Efpagne. xli. Divers rêglements en Occident. xlii. Etat de la Cyrénaïque. xlih. Méckancetéd'Andronic. xliv. Ravages des barbares dans la Cyrénaïque. xlv. Conduite de Synefe. xlvi, Jean 5 fucceffeur d'Andronic. XL vil. Anyfe rétablit les affaires de la Cyrénaïque. xlviii. Sages rêglements fous le minijlere d''Anthémius. xlix. Nouveaux murs de Conflantinople. L. Hérétiques rêunis d l'Eglife. li. Affaffmats, ui, Pulquirie Augujle% uil, Ca-  DU LlVRE XXI Xe. 335 raclere de Puïquêrie. LIV. Education de Théodofe. LV. Piété de Théodofe. LVI. Autres qualités louables de ce Prince. LVH. Ses défauts. LVIII. Divers rêglements de Théodofe. LIX. Autres loix. LX. Troubles d'Alexandrie. LXI. Les Moines de Nitrie augmentent le dêfordre. LXH. Majfacre d'Hypatie. LXIII. Loi pour contenir les fêditieux d'Alexandrie,  HlSTOIRE  •337 HISTOIRE D U BA S E M P IR E. L1VRE VING T-NEUV1 E ME. HONORIUS, THÉODOSE II. L'annÉs 410 auroit été la derniere de 1'Empire d'Occident, fi Alaric eut fu conierver &C affermir fes conquêtes, comme il favoitconquérir. Honorius, renfermé dans Ravenne , & prêt k fuir en Oriënt k la première allarme, étoit fi peu afluré de fon état, qu'il ne nomma de ConTome VI. P Honorius. Théodose II. Ann. 410. I. Vanité de Tjrtulle. Orof. I. 7. c. 42.  Honorius. Theodose II. Ann. 410. Profp. chr. Idac fafl. Marcel. chr. CcJfwJ. chr. j j 1 ] 1 II. Attale dé- pouillé. I Zof. I 6. C '33^ Hist6Ixe ful pour 1'Occident ni cette année, ni Ja fuivante. Varane, nommé en Oriënt, fut le feul Conful légitime en 41 o, & le jeune Théodofe pour la quatrieme fois en 411. Tertulle, qui portoit le titre de Conful dans le parti d'Atfale, ne fut reconnu que dans Rome, & feulement autant de temps qu'Attale fut maitre de cette ville. II tomba bientöt avec le fantöme auquel il étoit attaché. II commenca cependant avec fafte 1'exercice de fon Confulat. Le Sénat s'étant alfemblé Ie premier de Janvier felon la coutume , Tertulle, environné de toute la pompe confulaire , lui adreffa la parole en ces termes : Peres Confzripts , je vous park aujourihui en jualité ae Conful & de Pontife : je pof"ede déja la première de ces dignités; e vais bientót rêunir Vautre. Le refte le fon difcours répondoit a ce dé>ut ridicule : il s'annoncoit comme e vengeur des Dieux, & le répaateur de leurs autels 6c de leurs temples. II ne falloit qu'un fouffle d'Alaric our abattre cette vaine grandeur; e qui ne tarda pas d'arriver. Héra-  du Bas-Empire. Liv. XXIX. 339 clien, arrêtant les convois cl'Afrique, réduifoit Rome k une difette encore plus extreme que celle qu'elle avoit éprouvée pendant le fiege. Les monopoleurs ferroient le peu de bied qui reftoit, pour le vendre au prix qu'exigeoitleur avaricehomicide. Enfin, la famine devint fi infupportable , que, dans les jeux du cirque, le peuple défefpéré , s'écria d'une vois unanime : Qu'on mettre en vente la chair humaine , & qu'on en taxe le prix Attale, apprenant ces horreurs, partit du camp d'Alaric, & revint a Rome. II aflembla le Sénat. Prefque tou« les Sénateurs penfoient que le remedck leurs maux ne pouvoit venir que de 1'Afrique; on propofoit de nouveau d'y envoyer Druma avec fe< Goths. Attale , appuyé d'un petil nombre, perfiftoit dans fon premiei avis. Enfin, Alaric, irrité de cette opiniatretéinjurieufe , animé encore pai les confeils de Jove, fit révenir Attale a Rimini; & 1'ayant conduit hor; de la ville , k la vue de tout le peuple, il lui öta le diadême, le dépouill; de la pourpre, & renvoya tous ce: ornements k rEmpereur. II voulu Pij Honorius.Thégdc- se II. A.nn. 410. Olympiod. 5oj. I. 9. c. S, 9. Phihft. I. 12. c. 3. & ibi God. Proc. Vand.l. I. c. 2. Pigi ad Baron. ;  34© III S T 0 I R E bien cenendarit aüx*a« Koko- K!US. TütODOSE II. Ann, 410. III. Nouvelle négociation d'Alaric avec Honorius encore rompue. Zof. 1. 6. Olympiod. Sc{. I. o, c. 8,9. 11. c. 3. CW. Th. I. 9- «/V. 38. hg. 11. i ce miférable ni fon rils Ampéiius. Entre les conditions de fon accommodement^avec Honorius, il demandoit qu'on leur confervat la vie , & il les retint dans fon camp en attendant la conclufion du traité. La chüte d'Attale n'affligea que les Payens & les Ariens de Rome. Par fa dépofition, lesOfficiers qu'il avoit nommés perdoient leurs emplois & leurs titres. Rome ne tarda pas de rentrer fous PobéifTance de fon maïtre légitime. Elleprotefta contre tout ce qui s'étoit paffe dans fon enceinte pendant la tyrannie d'Attale. Par une loi du douzieme de Février, Honorius déclara que les Officiers qui avoient abandonné Attale avant fa dépofition , conferveroient Ie rang qu'ils avoient recu de leur Prince légitime; mais que ceux qui ne s'étoient féparés du tyran qn'après fa difgrace, refteroient privés de Jeurs ïmplois. Tout fembloit difpofé a la )aix. Alaric s'étoit avancéjufqu'a trois ieues de Ravenne ; Honorius de fon :öté avoit oublié le ferment qu'il ivoit fait, de ne'jamais traiter avec  du Bjs-£mpire. U.Vk XXIX. 341 Alaric , & les conférences étoient ouvertes entre le Roi des Goths & les Commiffaires de 1'Empereur, lorfque, pour le malheur de Rome, il furvint un nouveau contre-temps qui renverfa toutes ces efpérances. L'impétueux Sarus s'étoit, depuis la mort de Stilicon, retiré dans le Picenum avecfesaventuriersau nombre de trois cents hommes. Haïffant Alaric autant qu'il méprifoit Honorius, il couroit le pays, incommodant également les deux partis par fes attaques & par fes pillages. Ataulfe i'étant allé chercher avec toutes fes troupes, Sarus, hors d'état de tenir contre des forces trop fupérieures, prit le parti de rejoindre Honorius. Comme il fe perfuada qu'une réconciliation entre les Romains & les Goths ne pouvoit que lui être funefte , il ne ceffoit de crier qu'il étoit honteux de marchander les bonnes graces d'un ennemi qui ne méritoit que vengeance. Voyant que fes difcours n'étoient pas écoutés, il prit fur lui le foin de rompre les conférences; & étant forti de Ravenne a la tête de fatroupe, il vint fondre fur un quartier du camp d'AlaP iij Honorius.Théooo- se II. Ann. 41c.  Honorius. Théodose II. Ann, 410. IV. Dernier fiege de Rome. Orof. 1.7. c. 39,42. Hier. ep. 7. 5o(. /. 9. e. 9. Olympiod. Saronius, \ i 1 V. Prife de Rome. Orof. I. 2. ] «• I9,A 7. j 34* III S T O f R E nc, & tailla en pieces un grand nombre de Goths. Cette perfidie fut fuivie d'une prompte & terrible vengeance. Alaric prit fur le champ le chemin de Rome. II rendit le titre d'Empereur a Attale, qui fervoit de jouet a fa polirique, & le lui öta devant Rome, quand il vit que les Romains ne fe laiffoient plus amufer par cette comédie, & qu'ils refufoient d'ouvrir leurs portes. Le bruit de la marche d'Alaric renouvella ou fit inventer une prédiftion qui annoncoit la prife de Rome pour cette année. Beaucoup de Chrétiens fe retirerent de la ville, après avoir diftribué tous leurs biens aux pauvres. On ignore les circonftances du fiege qui fut affez long. On fait feulement qu'Alaric étant maitre de Porto depuis 1'année pré:edente , la famine qui étoit déja exxême avant 1'arrivée des Goths, pora les habitants aux plus cruelles exrémités. Enfin, Alaric entra dans Rome le '.4 d'Aoüt pendant la nuit. La pli:>art des Auteurs conviennent qu'elle ui fit livrée par trahifon; mais les  du Bas-Empire. Liv. XXIX. 343 Hiftoriens les plus dignes de foi, ne donnent fur ce fujet aucun éclairciffement; & les autres ne débitent que des fables dépourvues de vraifemblance. Quelques - uns en accufent Faltonia Proba, veuve de Probe , ce célebre Préfet du prétoire : ils racontent que cette Dame, touchée de compaffion pour les habitants que la faim réduifoit a fe dévorer les un; les autres, fit pendant la nuitouvrii Les portes de la ville par fes efclaves Mais il faudroit des témoignages plu« affurés pour imputer un crime de cette nature a une femme auffi illuftre pai fa vertu que par fa nailfance ; Sc le fort qu'elle éprouva après la prife de Rome fufHt pour la juftifier. Alaric naturellement porté k la douceur permit k fes foldats de piller la ville mais il leur recommanda d'épargne le fang des hommes Sc 1'honneur de femmes; il leur défendit de brüle les édifices confacrés au culte de 1: Religion ; Sc comme Romulus , pou peupler Rome, y avoit établi un afy le, Alaric en la faccageant, en ou vrit deux pour fouftraire k la fu reur des foldats les déplorables rel P iv Honorius. Théodose fi. Ann. 410. 37, 39* 40. Hier. ep. 8. 12. , l6 , 154 Idac. chr. Olympiod. So{. I. 9. c. 10. S.Aug.civ. I. I. c. I , 4 , 7 , 16 , 31, 33.34- l. 3. e. 29. I. S.c. 23. Idem. fer- mo de Roj mana urhis excidio. ' Rutil. itin. i /. r. ■ Philofl. I. , 12. c. 3. 1 Mare. Chr. Proc. j Vand.1. I. c. 2. Jorn. de • rei. Git. c. . 3°- Cedr. p. ' 3 3 5- Cafiod.  Honorius.Théodo- se II. Ann. 410, Yar. I. 12. 20. Ifid. chr. Goth. Baronius. Patit, & n'épargnoient ni les menaces i les tourments pour forcer les pofifTeurs a livrer ce qu'ils avoient & ï qu'ils n'avoient pas. La famine voit par avance ravagé la ville; il avoit peu de maifons qui ne fufnt en deuil, & qui n'offriffent aux  nu Bjs-Empire. Liv. XXIX. 34.5 yeux du foldat barbare des cadavres ; enfévelis. Ce fpetfacle n'attendriffoit pas ces cceurs impitoyables : des femmes, des enfants furent égorgés fur le corps de leurs maris Sc de leurs peres. La brutalité ne refpetfa que les femmes Sc les filles qui s'étoient réfugiées dans les Eglifes. Le fracas des maifons que 1'embrafement détruifoit, les infultes, les cris, Fi* pouvante , la fuite , répandoient une affreufe confufion : les flammes qui dévoroient une partie de la ville éclairoient toutes ces horreurs; Sc comme fi le Ciel fe fut armé de concert pour chatier cette métropole de 1'idolatrie, un furieux orage fe joignit aux ravages des Goths; la foudre écrafa plufieurs Temples, fondit les lambris d'airain, réduifit en poudre ces ftatues autrefois adorées, que les Empereurs Chrétiens avoient confervées pour la décoration de la ville/ : y- Cependant le relpedt des Goths poui la fainteté du Chriftianifme épargm beaucoup de fang aux Romains. Lï fureur des ennemis s'arrêtoit aux portes des faints lieux j elle n'ofoit franP v Honorius.Phéodo- se II. Vnn. 41a. VIT. Vafes facrés refpedtéspari ks Goths.  Honorius. Théodose II. Ann. 410. 1 i 1 i t » v i e, h a k 34^ H i s T o I r e chir ces bornes facrées ; les 'Goths eux-mêmesy conduifoientceux qu'ils vouloient lauver du mafiacre. Si quelques Eglifes furent embrafées, ce ne fut que par la communication des flammes qui confumoient les maifons voifines, &la Religion , felon fon divin privilege, fe foutint avec gloire au milieu de tant de ruines. Un Officier Goth étant entré dans une maifon qui fervoit de dépot a l'Eglife de St. Pierre, & n'y trouvant qu'une femme avancée en Ége, lui demanda h elle avoit de 1'or & de 1'argent : 7'enai beaucoup, lui répondit-elle fans re déconcerter, & je vais l\xpofer d >os yeux. Elle étala en même-temps m grand nombre de vafes précieux; k comme le barbare étoit étonné de rouver tant de richeffes entre les riains d'une femme qui n'annoncoit ien de düfingué: Ces vafes, dir-elie, ppartiennent dSt. Pierre ;prene^-les, fi ous l'ofei : comme je ne puis les dé•ndre, je vous les abandonne; vous i rendtei compte d celui qui en eft maüre.Le barbare n'ofant toucher ce dépot facré, envoya demander s ordres du Rqi, Alaric ordonna  nu Bas-Empire. Lh. XXIX. 347 de faire porter tous ces vafes a la bafilique de St. Pierre, fous une efcorte affez forte pour en affurer le tranf-. port, &d'y conduire en même-temps cette femme & tous les Chrétiens qui fe joindroient ft elle. La maifon étoit fort éloignée de la bafilique , ce fut un fpecïacle auffi furprenant que magnifique, de voir une longue fuite de foldats, qui, tenant d'une main 1'épée nue , & foutenant de 1'autre les vafes précieux qu'ils portoient fur leurs têtes, marchoient avec une contenance refpeclueufe au travers du bouleverfement & du défordre, & formoient une file éclatante, comme un rayon de foleil qui perce un noir orage. Les Chrétiens accouroient de toutes parts, & fe joignoient a cette efcorte, chantant deshymnes de concert avec les barbares. Plufieurs payens fe mêloientavec eux pour fauverleur vie; & dans cetteproceffionmilitaire, tout avoit l'air d'un triomphe : c'étoit en effet la piété des Goths qui portoit les dépouilles de leur avarice vaincue. Après avoir ainfi traverfé toute la ville, ils arriverent a la bafilique, oü les vafes, & ceux qui P vj Honorius. r/héodo- se ü. A.nn. 410.  Honorius.Tkéodo- se II. Ann. 410, VI [I. Courage de plufieursfemmes. 343 HlSTOIRB les accompagnoient, furent mis en füreté. Les femmes Chrétiennes femblerent alors avoir recueilli le courage que les hommes avoient perdu. Marcelle', illuftre par fa vertu & par fa nobkffe, veuve depuis foixante öz dix ans, occupoit une maifon fur le mont Aventin. Elle y vivoit dans la priere.Sc dans la méditation des faintes Ecritures, avec une jeune fille fort belle, nommée Principie, qu'elle formoitk la piété. Plufieurs foldats étant entrés chez elle, lui demanderent fon or. Elle leur répondit avec un vifage intrépide, qu'elle 1'avoit diftribuéaux pauvres, & qu'elle ne s'étoit réfervé qwe la tunique dont elle étoit couverte. Les barbares, perfuadés que cette pauvreté apparente n'étoit qu'un déguifement, la chargerent de coups. Infenfib!e k la douleur, elle leur demanda pour unique grace de ne la pas féparer de cette jeune fille, que fa beauté expofoit k des infultes plus cruelles que la mort. Cette fermeté toucha des coeurs que les Iarmes n'auroient pas attendris; ils la porterent ivec Principie a la bafilique de St,  nu Bas-Empire. Liv. XXIX. 349 Paul. Marcelle avoit confervé 1'hon- • neur de fa compagne; une autre femme fauva le fien propre par un cou- 1 rage héroïque. Un jeune Officier, épris de la beauté d'une Romaine, après avoir mis tout en ceuvre pour la faire confentir a fes defirs, lui préfenta l'épée nue; 8c comme s'il eut voulu lui abattre la tête, il lui fit une légere bleffure pour la réduire par la crainte de la mort. Mais cette femme généreufe , loin de s'effrayer du fang dont elle fe voyoit trempée, préfentant le colal'ennemi: Recommence, dit-elle, & fonge a mieux f rapper ; je fuis réfolue d perdre la vie plutót que ï'honneur. L'épée tomba des mains du barbare; la rage fit place a Padmiration; il conduifit fa captive a l'Eglife de St. Pierre , & la recommanda aux gardes, leur donnant fix pieces d'or avec ordre de ne la remettre qu'entre les mains de fon mari. C'eft ainfi que Rome, onze cents foixante & trois ans après qu'elle eut été fondée, perdit en un jour cet éclat ! qui la rendoit la première ville de 1 1'univers. Alaric ne la détruifit pas: ] elle avoit, lorfqu'il y entra, yingt 8c Honorius. 'héodcse II. Lnn. 410. IX. Etat oü efta Ia rille de lome a>rès ce léfordre»  350 HlSTOIRE un milles de circuit: cette enrpinrf» Honorius. Théodo se II. Ann, 410, fifta dans fon étendue; mais ce ne fut plus, s'il eft permis de s'exprimer fubfifta ; mais elle renferma beaucoup de ruines. II eft vrai que les Goths épargnerent les édifkes publics: foixante ans après, du temps de Caffiodore , c'eft-a-dire, après deux autres faccagements, dont le Vandale Genféric & le Sueve Ricimer furent les auteurs, on y voyoit encore le cirque, les thermes, les aqueducs, les théatres en leur entier. Alaric fauva beaucoup plus de Romains qu'il n'en fit périr; il n'y eut prefque aucun Sénateur qui perdit la vie, fi ce n'eft qu'il fut méconnu. St. Auguftin ■& Orofe affurent que les défaftres de R.ome en cette conjontfure ne font point comparables a ceux qu'elle avoit éprouyés, foit dans 1'irruption des Gaulois, foit dans les maffacres des guerres civiles, foit dans 1'incendie de Néron. Mais du temps d'Alaric, 1'Empire étoit defféché & caduc: il n'avoit plus cette feve vigoureufe, ni ce refibrt qui lui avoit autrefois rendu fes forces. La majefté du nom Romain fut a jamais flétrie. Rome fnh-  nu Bas-Empire. Lis. XXIX. 351 i; ainfi, qu'un grand cadavre : & quoij qu'elle fe repeuplat bientöt, & qu'en un feul jour on y vit rentrer quator- 1 i'ze mille perfonnes, cependant une { E fois humiliée par Alaric, elle devint I le jouet & la proie des barbares. Après avoir perdu fa grandeur & fes i richeffes, elle ne conferva que fon ; orgueil & fon luxe, vaine écorce de 1 la richeffe & de la grandeur. On ne dit point ce qu'Honorius faifoit a Ravenne pendant le fiege & le faccage■ ment de Rome; & il n'eft pas difHI cile de croire qu'il ne faifoit rien. I Procope raconte a ce fujet que 1'eunuque qui avoit foin de la volière de I 1'Empereur , étant venu lui annoncer f que Rome étoit perdue : Comment cela \ fe peut-il ? répondit le Prince tout alij larmé; il riy a qiïun moment que je i lui ai donné d manger dans ma main. II avoit une poule d'une beauté finguliere , qu'il aimoit &C qu'il avoit nom: mée Rome. L'Auteur ajoute que 1'eunuque lui ayant fait entendre qu'il ;j parloit de la ville, &C non pas de la \ poule, le Prince fe raffura, & fut auffii tot confolé. Le crédit qu'a trouvé un ) conté fi peu Yraifemblable , répété Honorius. 'héodose II. .an. 410,  Honorius.Théodc- se II. Ann. 410. X. Ecrits célebres auxquels cette prife a donné occafion. S.Aug.civ. I. i. c. 1. Orof. I. 1. e. 1. Bojfuct, txpl, de VApoc. c. 4. 352 HlSTOIRB par tous les Ecrivains des fiecles fuivants, marqué du moins quelle idee ce Prince a laiffée de lui-même k la poftérité. Un trait plus certain & digne de remarque , c'eft que les payens qui n'avoient confervé leur vie qu'en fe difant Chrétiens , ou en fe réfugiant dans les Eglifes, furent affez aveuglcs & affez ingrats pour accufer la Religion Chrétienne d'être caufe des malheurs de 1'Empire : ils publierent que Rome n'avoit luccombé fous les effor ts des barbares, que paree qu'elle avoit perdu fes défenfeurs en perdant fes idoles. St. Auguftin réfuta ces blafphêmes dans plufieurs fermons: ce fut dans ce deffein qu'il compofa fon admirable ouvrage de la Citè de Dieu; & qu'Orofe, difciple de ce grand Evêque , écrivit un abrc'gé de PHiftoire Univerfelle. M.'Boffuet, Evêque de Meaux, a fuivi les mêmes traces en ces derniers temps: il a montré dans un ouvrage célebre, que Dieu fe fèrvit du bras d'Alaric pour achever de terraffer 1'idolatrie, & pour venger le fang de tant de martyrs, dont Rome s'étoit abreuvée.  nu Bas-Empire. Liv. XXIX. 353 Les approches d'Alaric avoient fait prendre la fuite a un grand nombre de Romains. II s'en échappa encore pendant le faccagement de la ville. L'Orient, 1'Egypte , 1'Afrique furent peuples de fugitifs; &c tous les rivages de la Méditerranée fe virent couverts des débris de ce grand naufrage. St. Jéröme interrompit fes études pour foulager par fes aumönes & confoler par fes larmes une foule de perfonnes de 1'un & de 1'autre fexe, qui venoient chercher un afyle k Bethléem dans le berceau du Chriftianif'me ; & les faints lieux de la Paleftine furent changés en autant d'höpitaux remplis de mifere & d'indigence. Plufieurs Romains fe retirerent dans les ifles de la mer de Tofcane , &C furtout dans celle d'Igilium , aujourd'hui Giglio. Quoiqu'elle ne fut qu'a deux lieues du continent, & que les Goths fiffent des defcentes dans les autres ifles, toujours repouffés par les; vents, ils ne purent abofder k celle-ci. L'Afrique fembloit être la retraite la plus affurée : auffi ceux qui avoient pu emporter une partie de leurs richeffes s'emprefferent-ils de s'y rendre; mais Honorius.Théodo- se II. Aan. 410.. XI. Difperfion des Romains. Hieron. cpit. 8,11. Rutil. itin. I l. Allg. CÏVr l. 1, c. 32,. 3J.  Honorius. Théodose li, Ann. 410. i 1 i ] 354 H 1 s t 0 1 r e ils y trouverent un maïtre plus barbare que celui qu'ils fuyoient. Héraclien, Comte d'Afrique, étoit avare, cruel, plongé dans le vin & dans la débauche. II profita du malheur des fiigitifs pour affouvir fon avarice. II enlevoit les filles les plus nobles des bras de leurs meres pour les vendre a des marchands Syriens, les plus a vides de tous les hommes. Ni les pupilles, ni les veuves, ni les vierges confacrées k Dieu, ne pouvoient fans argent obtenir de proteéfion ni de juftice. Faltonia Proba s'étoit retirée en Afrique avec fa familie: il fallut abandonner k ce tyran brutal & impitoyable ce qui lui reftoit de fes biens pour fauver 1'honneur de fa fille Julienne & de fa petite-fille Démétriade. II eft vrai que de ces fiigitifs ii y en avoit peu qui méritaffent une véritable compaffion. Bien différents le leurs ancêtres, que la honte d'une léfaite plongeoit dans une morne & 3rofonde trifteffe qui ne fe diffipoit jue par la vidoire, 1'humeur frivole ^ légere de ceux-ci leur faifoit ou)lier leur patrie dès qu'ils 1'avoient jerdue de vue. Ceux qui arriverent  du Bas-Empirë. Liv. XXIX. 355 a Carthage, coururent auffi-tot au théatre ; & prenant parti dans les diverfes faétions qui partageoient les fpectateurs , ils rempliffoient la ville de trouble & de défordre. Alaric , étant maitre de Rome,ne fit rien de ce qu'il avoit a faire. Il devoit s'afTurer par fa préfence la poffeffion de cette ville; ou s'il Ia qüittoit pour conquérir le refte de Ï'Italie, il étoit de la prudence d'y laiffer garnifon, & de marcher d'abord contre Honorius qui trembloit dans Ravenne. Mais , autant qu'on en peut juger par les événements , ce guerrier ne fe propofoit que le pillage de Ï'Italie & de la Sicile ; fon deffein étoit de paffer en Afrique ; c'étoit-la qu'il méditoit de fïxer fes conquêtes, & d'établir fa nation. Outre que cette contrée étoit plus vafte & plus fertile, les Rom ains n'y avoient que peu de forces , qui, une fois perdues, ne pourroient que très-difficilement fe réparer. Une bataille gagnée le rendoit paifible poffefTeur de tout le pays. Dans cette penfée, il abandonna Rome trois jours après qu'il y fut entré, & prit la route de Honorius. Théodose II. Ann. 410. XII. Mort d'Alaric.Orof. I. 7. c. 40. Olywpiod. Aitg. civ. 1.1. c. XO, 14. Idac. chr. Philofl. I. 12. C. 3. Jorn. de reb. Get. c. 30, 31. Baronius. TUI. vie de S. Paulin , art. 44.  Honorius. Théodose If. Ann. 4ie, i I 1 i 1 i i i 35Ö H I S T O I R E la Sicile. 11 emmenoit avec lui grand nombre de prifonniers, & entre autres Placidie , fceur d'Honorius, a laquelle il faifoit rendre tous les honneurs dus k fa naiffance. Ravageant tout fur fon paffage, il arriva devant Nole qu'il affiégea : elle fut prife & faccagée. St. Pauiin, fon Evêque, ne fut pas tourmenté pour être forcé de découvrir fon or &c fon argent j les Goths eux - mêmes favoient que :e faint Prélat n'avoit d'autre tréfor 511e le fein des pauvres. Alaric, ayant ïraverfé la I.ucanie & le pays des Brutiens , pilla & brüla la ville de Rhege. Alors, chargé des dépouilles de toute 1'I.taüe, ayant devant fes yeux la Sicile, d'oii il efpéroit enïore un riche butin, il fit conftruire i la hate des batiments légers, dans efquels il embarqua une partie de es troupes pour tenter le paffage. A >eine eut-on levé Pencre, qu'une horible tempête s'élevant tout-a-coup , ubmergea ou fracaffa toute cette flotek la vue d'Alaric qui fe défefpéoit fur le rivage. .Mortellement affli;é de ce défaflre, il fe retira k Coence , pour délibérer fur ce qu'il  nu B/is-Empire. Lh. XXIX. 357 avoit a faire. Mais la mort vint renverfer tous fes projets : il fut em:; porté par unemaladieenpeu de jours, j & laiffa la couronne a fon beau-frere. Les Goths le pleurerent comme le héros de leur nation; &,fuivant la coutume des barbares du Nord, qui cachoient avec foin les tombeaux des hommes extraordinaires , ils détournerent le cours d'une petite riviere prés de Cofence ; & ayant creufé dans fon lit une toffe profonde, ils y dépoferent le corps d'Alaric avec quantité de richeffes, combierent la foffe, & firent reprendre aux eaux leur cours naturel. Pour s'affurer du fecret , on égorgea les prifonniers ïjui avoient été employés a ce tra| -vail. Pendant le fiege de Rome, lorfqu'Attale eut été une feconde fois ! dépouillé de la pourpre , Honorius accorda une amnifiie générale k tous I ceux qui avoient fervi le tyran. ComI me il avoit le plus grand intérêt a I la confervation de 1'Afrique, il eut 1 foin de ménager 1'affeftion des AfriS cains , en leur remettant tout ce j qu'ils devoient au fifc des années pré- Kono- rius. Théodo- se II. Ann. 410. XÏIT. Indnlgence d'Honorius.Cod. Th. 1. 9. tit. 38, leg. 12. I. II. tit. 28. leg. 5. 6 , 7. 12.  Hcno- rius. Théodo- se II. Ann. 410. XIV. Conflantin paffe en Italië, & revient en Gaule. So{. I. 9. c. 12. Olympiod, TUL Ho. nor. art. 45- 358 H I S T (), [ R. Z cédentes. Les Provinces d'Italie, qui avoient été ravagées par Alaric , furent auffi dans la fuite foulagées par la remife de la plus grande partie des impofitions. Conflantin avoit promis k Honorius de venir en Italië le fecourir contre les Goths. II y vint en effet avec une armée pendant le fiege de Rome; mais c'étoit a deffein de dépouiller Honorius de ce qui lui reftoit. II avoit mis dans fes intéréts Allobic, Commandant de la garde , qui, étant dévoué a Jove, trahiffoit auffi 1'Empereur. Conflantin , ayant traverfé les Alpes Cottiennes, dans 1'endroit qu'on nomme aujourd'hui le pas de Suze, s'ayanea jufqu'a Vérone ; & comme il étoit pret k paffer le Pö pour s'approcher de Ravenne, il apprit la mort d'Allobic. Honorius, averti de laperfidie de ce traitre, qui avoit déja mérité fon indignation par le mafïacre d'Eufebe, 1'avoit fait tuer fur Ie champ. Cette nouvelle arrêta Conflantin qui comptoit fur fes intelligences avec Allobic plus que fur fes propres forces. II reprit le chemin de la Gaule , & rentra dans Arks, oü  au Bas-Empire. Liv. XXIX. 359 fon fils Conftant vint en même-temps le joindre. Géronce , devenu mortel ennemi de Conflantin , paffa les Pyrénées, & vint lui faire la guerre en Gaule, d'oii il efpéroit le chafler, comme il avoit chaffé Conftant de l'Efpagne. Conflantin dépêcha aufli-töt le Général Edobinc pour aller au-dela du Rhin chercher de nouveaux fecours chez les Francs & les Allemands. II envoya fon fils Conftant a Vienne pour garder cette place, $c mettre a couvert les villes fituées le long du Rhöne. Géronce marcha droit k Vienne , y entra , foit par force , foit par trahifon , fit couper la tête a Conftant , &c vint afliéger Conflantin dans Arles. La divifion qui régnoit entre ces rebelles, fourniffoit a 1'Empereur une occafion de recouvrer la Gaule. II donna le commandement des troupes a Conftance. Ce nouveau Général, , qui, du rang de fimple Officier , s'é- 1 leva jufqu'a 1'alliance de fon maïtre, dont il partagea la püiflance of. I. 7. 41. _ Olympiod. Sn. I. 9. :. 16. ProfpfChr.  Honorius.Théódo se II. Ann. 411 Vahf. rer Fr. L 3. XVII. II eft envoyé en Gaule. 360 II J S T 0 I R E , moment qu'elle le montre a la tête des armées. On fait feulement qu'il étoit Illyrien, & qu'il s'étoit avancé dans les emplois militaires fous le regne du grand Théodofe. Les traits de fon vifage étoient nobles & majeftueux : il avoit de grands yeux, la tête élevée, & le front large : en public fon air avoit quelque chofe de rude & de trifte , quoiqu'en partilier il fut affable , civil, enjoué. On dit qu'il aimoit les plaifirs de la^able , & qu'il s'y livroit un peu trop volontiers. D'ailleurs , il étoit acfif, plein de courage , également capable des affaires de la guerre & de celles du gouvernement. II méprifa Pargent jufqu'a fon mariage avec Placidie, qui lui apprit trop a 1'eftimer. Depuis qu'Honorius étoit fur le tröne , les armées n'avoient été commandées que par des étrangers, qui, n'étant attachés a 1'Empire par aucun lien naturel, ne fervoient que leur fortune. Dès que Conftance fut a la tête des troupes, on fentit combien il étoit avantageux d'avoir un Général qui n'eüt point d'intcrêt féparé de celui de TEtat. II partit pour la Gaule,  du Bas-Empire. Lm. XXIX. 361 Gaule, & il ne tint pas a Honorius que fes talents ne deyinffent inutiles. II lui donna un cöllegue: ce fut un Officier Goth , nommé Ulphilas. Mais heureufement pour 1'Empire , cet Officier fut affez fenfé pour reconnoitre dans Conftance une capacité fupérieure, & affez généreux pour facrifier au bien public tout fentiment de jaloufie, en fe comportant comme Lieutenant de celui dont il étoit le collegue : mérite plus rare & plus profond que la fupériorité du génie. Dès que Conftance parut devant Arles, oü Géronce terioit Conflantin affiégé , la plupart des foldats de Géronce, mécontents de la dureté de fon commandement, 1'abandonnerem pour fe ranger fous les étendards de Conftance. Géronce, effrayé de cette défertion , leva le fiege , & s'enfui en Efpagne avec le peu de foldat: qui lui étoient demeurés fideles. II: ne le furent pas long-temps; leur Gé néral fugitif ne leur parut digne qw de mépris ; ils réfolurent de s'en dé faire, & vinrent pendant la nuit pou forcer la maifon oü il s'étoit logt Tornt VI. Q Honorius. Théodose II. Ann. 411. XVIU. Mort .!e Géronce. Orof. I. 7. c. 42. Olympiod. So\. I. 9. c. 13. r  Hono- kius. Théobo- se II. Ann. 411. XIX. Mort de Maxime, 3enfé. Mais Conftance, après 1'avoir  nu Bas-Empire. Liv. XXIX. 365 remercié du fervice qu'il avoit rendu a 1'Etat, loin de fatisfaire fon avidité criminelle, lui ordonna de fortir de fon camp; perfuadé que la préfence de ce monffre d'ingratitude ne pouvoit attirer que des malheurs fur lui & fur fon armée. Conftance, après fa viftoire, étant revenu devant Arles, preffa vivement la ville. Quoique Conflantin n'eüt plus de reffources, il tint cependant encore quelque temps. Enfin, le quatrieme mois du fiege , le bruit s'étant répandu qu'il venoit de s'élever en Gaule un nouveau tyran qui fe préparoit k combattre les Romains avec une armée formidable, Conftance redoubla fes efforts , &c réduifit la ville k la néceffité de fe rendre. Avant qu'on en ouvrit les portes, Conflantin quitta la pourpre ; & pour éviter le chatiment, il fe refugia dans une Eglife , & fe fit ordonner Prêtre. Les habitants demanderent le pardon pour eux, & la vie pour Conflantin & pour fon fils Julien; ce que les Généraux Romains promirent avec ferment au nom de 1'Empereur. Mai» Honorius fe mit peu en peine de FobQ üj Honorius. Théodo. se II. Ann. 411. XXI. Mort de Conflantin. Orof. L. 7. c. 42. _ Olynpiod. s01. I. 9. c. is. Idac. faft. Chron. Mare. chr. Greg. Tur. I. 2. C. 9.  Honorius. Théodose II. Aim, 411, 366 HlSTOIRg feryer. On fit prendre a Conflantin & a fon fils le chemin de Ravenne; & lorfqu'ils furent arrivés fur les bords du Mincius qui paffe a Mantoue, on recut d'Honorius ördre de leur trancher la tête. L'Empereur défavoua fes Généraux pour venger Ia mort de fes deux coufins Didyme & Vérinien ; mais les payens même ont blamé cette atfion comme un parjure. Les têtes du tyran & de fon fils furent portées au bout d'une piqué k Ravenne le 18 Septembre, & de-la envoyées k Carthage, ou elles furent expofées fur des pieux hors de la ville. Carthage étoit après Rome la ville la plus importante de fEmpire d'Occident, & c'étoit pour contenir 1'Afrique dans le devoir, que les Empereurs après la mort des rebelles, y faifbient porter ces marqués fanglantes de leur viöoire. Conflantin y avoit envoyé la tête de Maxence, & Théodofe celles de Maxime Si d'Eugene. L'Afrique étoit alors fort agitée, par les fureurs des Donatifles; & ce fchifme cruel, appuyé d'un grand nombre d'Evêques & de partifans forcenés, faifoit craindre a Honorius quel-  >du Bas-Empire. Liv. XXIX. 367 que rébellion plus rünefte tk plus dif ficile a étouffer que celle de Conftantin. Le caracfere propre de cette^ fefle opiniatre , étoit 1'orgueilSt la violence; tk 1'on vit alors fenfiblement combien le faux 2ele eft voifin de la barbarie. Les Sueves tk les Vandales n'avoient pas exercé en Efpagne autanl de cruautés qite les Circoncellions er Afrique. Ces zélateurs meurtriers inventoient tous les jours de nouveaus fupplices pour tourmenter les Evêques tk les Prêtres Catholiques; & après avoir jetté au feu les livres faints, ils réduifoient en cendres les Eglifes Les Gouverneurs ni les Magiftrats n'a voient pas affez de forces pour le: contenir. A ces traitements intuv mains, les Evêques orthodoxes n'op pofoient que la douceur tk la patien ce; ils propofoient vainement des con férences; ils leur facilitoient le retou: k l'Eglife en confentant que les Evê ques convertis confervaffent leur di gnité. Tous ces ménagements étan inutiles , ils furent obligés d'implore: la prot edfion de 1'Empereur, non pou; faire périr ces cruels ennemis , mai: Q iv Honorius.Théodo- se li. Ann. 411. XXII. Opiniatreté des Donatiftes. Baronïus. Dupin , hifi. Denatifi.TUI. vie de S. Aug. art. 159, 160. & vie de S. Innocent , art. 3.  Honorius.Tbéodc se II. Ann. 41; XXIII. Loix d'Honorius con '*rc lesDc natifles. S. Aug. ef S4I Bier. ep. S Cod. Th. I li. tit. 5 39, 44, 46 > 51 , &*, ii. leg 77//, We ff, 5. ar? Mi,157 153, 159 We «fe S, Paulin,art, 45- 3^8 Histojae : pour les mettre hors d'état de nuire. I s employerent la recommandarion - du Pape Innocent, qui fe porta avec • _> feC0Urir rEgIife Afrique. I heodofe avoit impofé une amende de dix livres d'or a tout Evêque Meretique qui ordonneroit un clerc, . & au clerc qui feroit ordonné. Honorius étendit cette amende fur les • Donatiftes, qui prétendoient n'être . pas compns fous le nom d'hérétiques-. . II pubha un édit, qu'on appelia Hé■ notique, c'eft-a-dire, édit d'union, par lequel il profcrivoit toutes les feéfes féparées de l'Eglife Catholique. II déclara coupables de crime capital quiconque oferoit altérer la foi; & enjoignit aux Magiftrats d'y tenir la main, fous peine deprivation de leurs charges, & d'une punition ultérieure. II obligea k Ia défenfe des Catholiques les corps de ville, & les particuliers mêmes qui auroient des terres prés des lieux oii les Circoncellions exerceroient quelque violence. Cécilien, alors Vicaire d'Afrique, contribua beaucoup k réprimer les Donatiftes. L'union fut rétablie k Carthage ; mais le fchifme rayageoit encore  ou B.is-Empirs. Liv. XXIX. 369 le refte de la Province. La politique Lui donna même bientöt de nouvelles forces. "Pendant qü'Attale formoit des entreprifes fur 1'Afrique , Honorius craignant que les Donatiftes ne fe décldraffent en fa faveur , crut devoir ménager leurs efprits. II leur rendit leurs Eglifes, fuivant en cela les confeils de Jove, d'Héraclien & de Ma* crobe , Proconful de la Province; celui-ci eft 1'Aureur des Saturnales ; il étoit payen. Mais après la dépofition d'Attale , 1'Empereur , k la requête des députés du Concile de Carthage, révoqua cette indulgence par une loi plus févere que les précédentes : il menacoit de confifcation de biens, Si même de mort, les hérétiques ou fchifmatiques qui oferoient tenir pupliquement leurs aflemblées. Mais comme les loix reglent les actions des hommes fans éclairer leur efprit, les Evêques Catholiqaes défirant ardemment de défabufer le peuple Donatifte, demanderent k l'Empereur une conférence avec leurs adverfaires, qu'ils étoient bien afiurés de confondre a la face de toute PAfriq^ue. 11 s'agifToit de décider s'il étoil 9 v. Honorius. Théodose II. . Ann. 411. XXIV. Conférence de Carthage. Cod. Th. t, 16. tit.;. hg. 5i» 54 , 55 > 56. tit. ii. Ug. 3. & ihi God. Orof. I. 7.' C 41.  Honorius. Théodose II. Ann. 411. 5. Aug. contra Gaudent. I. 1. c 19. Idem. ep. 17S. £aronius. Du Pin, hifi. Do- natifi. Norif hifi. Pelag. 1. 1. c. 4. TiU. hifi. des Donat. art. 7S. & vie de S. Aug. art. 22t , 222. Fleriry, hift.Ecclef. I- 22. art. 26 & fuiv. 1 ( sro /// S T 0 I R E vrai, comme les Donatiftes le foutenoient, que l'Eglife eut péri par toute la terre, & qu'elle ne fubfiftit plus que dans le parti de Donat. Pour montrer 1'abfurdité de cette prétention, il fuffifoit d'examiner ce qui s'étoit paffé a la naiffance du fchifme; les peuplës en avoient perdu le fouvenir, & fe laiffoient abufer par les menfonges de leurs Prélats. Malgré la confufion oü étoient alors les affaires, Honorius accorda avec joie la demande qui lui fut faite de la conférence, proteftant que 1'intérêt de la Religion étoit le premier de/es foins? & qu'il voyoit avec regret la divifion qui déchiroit l'Eglife d'Afrique. Conftance, qui commencoit a tenir le premier rang a. la Cour après le Prince, appuya la requête des Evêques Catholiques, &l"Empereur expédial'ordre pour la conférence qui devoit fe tenir k Carthage. Comme toute la queftion rouloit fur des faits, & qu'il ne s'agiffoit nullement de doctrine, 1 nomma le fecretaire Marcellin pour :onvoquer les Evêques, préfider k 'affemblée, & pronencer un jugement léünitif après avoir entendu les rai-  du Bas-Empiilb. Liv. XXIX. 371 fons des deux partis. II ne pouvoit faire un meilleur choix : Marcellin étoit prudent, adif & très-inftruit. II fe tranfporta en Afrique au commencement de 1'année 411, & en conféquence des ordres du Prince , il fit fignifier a tous les Evêques , tant Catholiques que Donatiftes, qu'ils euffenf a fe rendre a Carthage dans le premier de Juin. Les Donatiftes qui promirent de s'y trouver, furent remis en poffefhon de leurs Eglifes: il fut dit que de quelque cöté que fut 1'avantage , on ne feroit aucun man vais traitement aux Evêques du part vaincu, 6c qu'on leur permettroit df retourner en liberté dans leurs Dio cefes. La conférence s'ouvrit, au jou marqué, dans les Thermes Gargilia nes. C'étoit un fallon vatte , éclairé frais en été, fitué au centre de la vil le. II s'y trouva deux cents foixant &c dix-neuf Evêques Donatiftes , en juger par les foufcriptions ; mai ils furent convaincus d'avoir foul crit pour un grand nombre d'abfent: On en compta deux cents quatre vingt-fix du cöté des Catholique: Ceux-ci, avant le jour de Taffen Q vj Honorius.Théodo- se ü. Ann. 411. » i s  Honorius. Theoik se II. Ann. 411 37? 'If I S T 0 ï R B - blée avoient préfenté a Marcellin im ecnt par iequel ils fe foumettoient - a quitter leur fiege épifcopal, fi les , Donatiftes pouvoient prouver que lEghfe fut renferme'e dans le parti de Donat : & fi au contraire les Donatiftes fuccomboient, & qu'ils voulufient fe réunir, les Catholiques offroient de partager avec eux leur titre & leurs foncfions ; en forte que dans chaque Diocefe, il y auroit deux Evêques égaux, dont le furvivant refteroit feul, & que dans les villes oü le peuple n'en voudroit qu'un , ils fe demettroient tous deux pour faire place a une nouvelle éleftion. Afin d'éviter la confufion , on choifit dans chaque parti dix-huit Evêques pour former la conférence : fept devoient difputer; fept autres étoient deftinés a les aider de leur confeil, & quatre a veiller fur les Greffiers chargés de mettre par écrit toutes les paroles qui fortoient de la bouche, foit du Préfident, foit des Evêques. Jamais aöes ne furent rédigés avec une fi fcrupu'eufe exaftitude. Ils font parvenus jufqu'a nous, hors la moitié de la troifieme Sc derniere féance,  du Bjs-Empire. Liv. XXIX. 373 qui fe tint le huitieme de Juin. La difpute fut très-vive : les combattants étoient 1'élite de deux puiffants partis , aguerris depuis un fiecle par des conteftations continuelles. St. Auguftin s'y diflingua par fa préfence d'efprit, par fa pénétration & par fon Javoir. Malgré les chicanes des Donatiftes, Marcellin, après un examen auffi attentif qu'impartial, prononca en faveur des Catholiques : il déclara les Donatiftes auteurs du fchifme; en conféquence, il ordonna a tous les Magiftrats d'empêcher leurs affemblées ; aux Evêques qui demeureroient dans leur parti, de remettre les Eglifes aux Catholiques ; il leur laiffa cependant la liberté de retourner dans leurs Diocefes, felon la parole qu'il leur en avoit donnée. La fentence foumettoit les Donatiftes a toutes les peines portées par les loix. Cette condamnation fut pour les Circoncellions un nouveau fignal de maffacre & de fureur.' Ils tuerent un Prêtre d'Hippone ; ils en traiterent d'autres avec leur cruauté ordinaire. Marcellin ayant fait arrêter les plus coupables, alloit les punir du der- Honc- rius. Théodó^ se II. Ann. 4x1. XXV. Succes de la conférence.  Hcwo- rius. Théodo- se If. Ann.411. 374 Histoike nierfupplice; mais l'Eglife, felon fes anciennes maximes, croyoic que de venger la mort des martyrs, c'étoit les déshonorer. Les Evêques Catholiques, & fur-tout St. Auguftin, obtinrent, a force de prieres, la grace des meurtriers, dont le chef étoit un Evêque nommé Macrobe. Pour toute fatisfacfion , ils demanderent que les crimes & la conviftion des Donatiftes fuffent affiches en public. Comme la fentence de Marcellin n'avoit pas défarmé ces fehifmatiques , la douceur des Prélats Catholiques n'appaifa pas non plus leur rage invétérée. Ils continuerent leurs violences, tandis que leurs Evêques conteftoient la validité du jugement par des chicanes & des calomnies. Ayant ofé en appeller a 1'Empereur, ils recurent pour réponfe 1'année fuivante , une loi qui révoquoit toutes les graces accordées par le paffé, renouvelloit toutes les peines déja impofées, en impofoit de nouvelles , les condamnoit fans exception a des amendes proportionnées a, leur rang, & les menacoit de la conhYcation de tous leurs biens, s'ils demeuroient obfti-  du Bas-Empire. Liv. XXIX. 375 -nés : leurs Eccléfiaftiques étoient exi3 lés leparément les uns des autres ; leurs Eglifes 5c les terres qui en déc pendoient étoient données aux CaI tholiques. Deux ans après, ils furent t déclarés infames, incapables de tef\ ter ni de contra£ler; ceux qui leur I donneroient retraite furent foumis I aux mêmes peines. Mais tandis que l'Eglife s'efforcoit d'épargner le fang 1 de ces forcenés, ils le prodiguoient | eux-mêmes : un grand nombre fe I tuerent de défefpoir. Etant parvenus r a faire périr le Comte Marcellin de I Ia maniere que nous raconterons dans I la fuite, ils fe flatterent d'avoir anéan1 ti par fa mort les effets de la fenI tence qu'il avoit prononcée contre 9 eux: mais 1'Empereur déclara par une nouvelle loi, que la mort du juge ne détruifoit pas le jugement. La conférence de Carthage porta le coup mortel aux Donatiftes ; on en lifoit les actes tous les ans pendant le carême dans les Eglifes d'Afrique. Quoique le fchifme ne fut pas alors touta-fait détruit, &c qu'il en fubfiftat encore des traces dans le feptieme fieele, cependant il étoit déja extrême- Hono- rius. Théodo- SE II. Ann. 411.  Honorius.Théodc- se II.' Ann. 411 XXVI. Jovin prend Ia pourpre dans la Gaule. Orof. t. 7. c 42. Olymplod. PUI.' 12. e. 6. liac. chr. Jornand. de rep. Get. c. De geflh Fr. e. 6. Pagi ad Baron, Al/at. z7lufir. t. J. F- 417. 3?Ö H / S T O I R R ment affoibli , iorfque les Vandales s'étant emparés de 1'Afrique peu de temps après la mort d'Honorius, 1'éteignirent prefque entiérement dans cette Province, en mêlant le fang des Donatiftes avec celui des orthodoxes. Ce que la Religion gagnoit en Afrique tournoit a 1'avantage dc 1'auiorité impériale : mais dans la Gaule, les révoltes fe fuccédoient; & de Ia ruine d'un tyran, on voyoit s'élever un nouvel ufurpateur. Pendant ■que Conflantin fe dépouilloit de la pourpre dans la ville d'Arles, un Gaulois , nommé Jovin, le plus noble de la Province, s'en revêtoit a Mayence. Son ambition fut mife en mouvement par les confeils de Goar, Roi des Alains , & de Gondicaire, chef des Bourgtiignons, qui, ayant favorifé Conflantin , craignoient le reffentiment d'Honorius. Jovin fixa fon féjour a Treves. C'étoit un homme fans mceurs & fans efprit. Comme fi fon pouvoir étoit déja folidement affermi, il ne fongea. qu'a fe livrer h la débauche. Dès les premiers jours, il feignit d'être malade pour attirer chez lui les femmes de la ville.  nu Bas-Empire. Liv. XXIX. 377 Ayant retenu Ia plus belle d'entre elles , époule d'un Sénateur, nommé Lucius , il lui fit violence , 6C porta enfuite 1'efFronterie jufqu'a s'en vanter a fon mari. Lucius avoit du crédit parmi les Francs : outrés de cet affront, il les invita a venir a Treves; 6C fa faftion leur ayant ouvert les portes, la ville fut faccagée. Jovin , qui feul méritoit de périr, trouva moyen de fe fauver. Dans les premiers jours de 1'année fuivante : il vit arriver en Gaule un guerrier qui ne pouvoit être pour lui qu'un ami très-incommode, ou un ennemi trés-redoutable. Ataulfe avoit fuccédé a Alaric, 6C il méritoit de le remplacer. 11 étoit de petite taille, mais beau & bien fait, de "beaucoup d'efprit , ne craignanl pas la guerre, Sc aimant la paix. II racontoit lui-même dans la fuite qu'a' prés la mort d'Alaric, ayant 1'efprii rempli des vaftes projets de fon prédéceffeur, il avoit d'abord concu h defir d'abattre entiérement la puif fance, Sc de détruire même le non: des Romains ; qu'il fe flattoit qiu 1'Empire ayant changé de face en- Honorius. Théodose 11. Ann. 412. Ann. 412. XXVII. Ataulfe vient en Gau'e. Orof. I. 7. c. 43. Olympïod. Profn. Chr. Caffiod. Chr. Sor_. I. 9. c. i?. Proc. Vand. I. I. c. 2. Jorn. de reb. Get, C. ' 31.  Honorius. Théodose II. Ann. 412, i 1 3/8 Histoire tre fes mains, le nom d'Ataulfe deviendroit auffi célebre que celui de Céfar Augufte; mais qu'après de miires réflexions, il avoit reconnu que les Goths étoient encore trop barbabares pour fe plier au jong des loix, & que fans loix un Etat ne pouvant fe foutenir, il perdroit fa nation même en la rendant maitreffe des au*tres; qu'il avoit donc pris le parti d'employer fes forces non a détruire, mais k rétablir; & que faute de pouvoir acquérir la gloire de fonder un nouvel Empire, il s'étoit borné a celle d'en relever un ancien qui tomboit en ruine. Une paffion plus forte dans un jeune Prince que les motifs de politique, lui infpiroit encore des ménagements en faveur d'Honorius. II aimoit Placidie, & de fa captive il defiroit en faire fon époufe. Mais comme il avoit un cceur honnête & généreux, il vouloit auparavant ga^ner celui de la Princeffe. Sur ce plan, il :herchoit k procurer k fa nation un établiffement qui coutat peu a 1'Em?ir?' U"e Srande partie de la Gaule kok déja perdue pour les Romains; die étoit poffédée par des barbares  du Bas-Empire. Lh. XXIX. 379 ou par de foibles tyrans; il réiblut de s'y retirer avec fon armée. II iejourna donc quelque temps en Italië pour y faire repofer fes troupes fans leur permettre de nouveaux ravages: il fe contenta d'exiger des contributions, & entama dès-lors fes négociations avec Honorius. Comme elles trainoient en Iongueur, il paffa en Gaule avec Attale qui d'Empereur étoit devenu Courtifan du Roi des Goths. Ce fut pa: fon confeil qu'Ataulfe alla trouve: Jovin pour lui offrir fon appui, 8 partager avec lui la poffeffion de 1 Gaule. Jovin, fentant le danger d'un alliance fi inégalè qu'il n'ofoit refu fer, ne put s'empêcher de témoigne a Attale , en termes couverts, com bien il lui favoit mauvais gré de c prétendu fervice. Ataulfe 1'entendit &c ce fut le premier fujet de fa hai ne contre Jovin. II en furvint bien tot un autre. Sarus, irrité du meur tre d'un de fes Officiers, nommé Bel lerid, & n'ayant pu en obtenir fa tisfa&ion, avóit renoncé au fervic d'Honorius, & venoit en Gaule f dunner a Jovin. Ataulfe, fon enne Horo- r1us. Théodo- se II. Ann. 412. ■ XXVIII. Mort de 1 Sarui. 1 r ■  Honorius. ThéodO' se II. Ann. 41 2, XXIX. Dardane , Préfet de la Gaule. Hieron. ep. 129. Sidon. I. 5- ep. 9. & ibi not. Sirmondi. Lacarry, hifi. Gall. P- V9' God. ad Cod. Theod. T. 4- p. 501. Grut. infc, cli. 6. TiU. Ho- ; nor. art. 4S. M. Dan- 1 v'Uh, noti- 38Q U I S T O I R E mi perlonnel, ayant appris qu'il approchoit, marcha a Ta rencontre avec un corps de dix mille Goths. Quoique Sarus n'eüt a fa fuite que dixhuir ou vingt foldats, il fe défendit avec une valeur héroïque ; il abattit k fes pieds un grand nombre d'ennemis; étant refté feul, il combattit encore long-temps, jufqu'a ce qu'enfin épuifé de fatigue, couvert de bleffures, & accablé par Ie nombre, ij fut pris & mis a mort. Par la prife d'Arles , & par la défaite du parti de Conflantin, la Narbonnoife & les Provinces voifines étoient rentrées fous la domination Romaine. Un Gaulois, nommé Dardane, réfidoit en ce pays avec le titre de Préfet du Prétoire des Gaules. St. Auguftin & St. Jéröme difent beaucoup de bien de ce perfonnage, & St. Sidoine Apollinaire , beaucoup de mal. Les deux premiers étoient contemporains , mais vivoient dans des :>ays fort éloignés. Sidoine, quoiqu'il ■ ie foit né que dix-huit ans après la 3réfeöure de Dardane , étoit fans loute mieux inftruits du cara&ere de :e Magiftrat, paree qu'il habitoit dans  nu Bas-Empirz. Liv. XXIX. 381 I le même pays, & qu'il trouvoit dans S fa familie une tradition récente des I événements de ce. temps-la. Ii fait en deux mots un portrait fort défavantageux de Dardane, en difant qu'il réuniffoit en lui feul tous les vices des divers tyrans qui avoient envahi la Gaule fous le regne d'Honorius. On lui doit cependant des éloges pour un fervice important qu'il rendit k la Province. Une infcription gravée fur un roe prés de Siftéron fur la gauche de la Durance, nous apprend qu'après avoir fait couper ce roe pour y pratiquer un chemin, il fit batir en ce lieu, qui lui appartenoit, un chateau nommé Théopolis , pour fervir de retraite & de fortereffe aux habitants des environs. Ce lieu, qui n'eft plus qu'un hameau, porte encore le nom de Théoux. Névia Galla, femme de Dardane, & fon frere Claudius Lépidus , qui avoit été Gouverneur de la Germanie, contribuerent k la dépenfe de ce grand ouvrage. Ce Préfet étoit, felon les apparences, le lien de correfpondance entre Honorius & Ataulfe. Son efprit adroit & ir.finuant contribua beair- Hono- rius. Tmeodo- se II. Ann. 412. ce de la Gaule , au toojThéo- polis.  Honorius.Théodo- se II. Ann. 412. XXX. Moit de Jovin & de Sébaftien. Orof. I. 7. c 42. Olympiod. Idac. fa.fl. Chron. Profp. Ckr. Marcel. Chr. Jorn. de reh. Get. c. 32. Greg. Tur. I. 2. c 9. TUI. Honor. art. 48. 3o2 HlSTOIRE coup k détacher le Roi des Goths des intéréts de Jovin. Ils devinrent enfin ouvertement ennemis. Jovin, ayant conféré le titre d'Augufte a fon frere Sébaftien , malgré 1'oppofition d'Ataulfe, celuici manda k Honorius qu'il étoit prêt k conclure la paix avec lui, & k lui envoyer la tête des tyrans, s'il vouloit feulement lui fournir une certaine quantité de bied. Honorius accepta la condition; le traité fut juré de part & d'autre, & Ataulfe commenca a 1'exécuter en tuant Sébaftien , dont la tête fut envoyée a Honorius. Jovin s'enfuit a Valence, oü le Roi des Goths 1'affiégea, le for9a de fe rendre , & le mit entre les mains de Dardane. Ce Préfet tranfporta fon prifonnier k Narbonne, oü il le poignarda de fa propre main. Les têtes des deux rebelles furent, felon la coutume, portées k Carthage. 'La Gaule étant délivrée des tyrans , on pourfuivit leurs principaux partifans. Décimius Rufticus, qui avoit été Préfet du Prétoire fous Conftantin, Agraecius, premier Secretaire 3e Jovin , &c plufieurs autres des plus  du Bas-Ëmpire. Liv. XXIX. 383 qualifïés de la Gaule, s'étant retirés en Auvergne, y furent pris par les Officiers de 1'Empereur, tk moururent dans les tourments. La fin tragique de Rufticus n'empêcha pas que fon fils ne parvïnt k des charges éminentes, du vivant même d'Honorius. Dans ce même temps, la ville d'Arles, k peine remife des maux qu'elle avoit foufferts pendant un long fiege , retomba dans de nouveaux troubles. Elle avoit pour Evêque Héros, difciple de St. Martin , Prélat refpectable par la fainteté de fa vie. Cependant le peuple de la ville fe fouleva contre lui, & le chaffa de fon fiege, fans autre raifon que le defir de faire fa cour k Conftance, alors tout-puiffant a la Cour. On mit k fa place Patrocle, favori de ce Général. Cette violence fut une fomree de divilions entre les Prélats de Ja Province, & 1'on croit qu'elle donna occafion k une loi fameufe d'Honorius, qui déclare que tous les Miniftres des Autels , depuis les fimples Clercs jufqu'aux Evêques, ne pourront être accufés que devant des Evêques ; que les accufateurs, faute de Honorius. Théodose II. Ann. 411. XXXI. Héros , Evêque d'Arles, chafie tte fon fiege. Profp. chr. Cod. Th. 1. 16. tit. 2. Ug. 41. & ibi God,  Honorius.Théodo- SE H. Ann. 412. Ann. 413. XXXII. Entreprife d'Héracüen.Orof. I. 7. c. 42. Hieron. ep. 8. Olympiod. Cod. Th. I. Q. tit. 40. leg. 21. Profp. chr. Idac. fa/7. Chron. Marcel, Chr. 384 H I S T O I IL E prouver leurs imputations feront notés d'infamie; & que le jugement fera rendu en forme juridique & en préfence de plufieurs témoins. Honorius fe contenta de la pub'ication de cette loi, fans réparer Pinjuftice, dans la crainte d'offenfer Conftance. Ce Prince redoutoit fes propres créatures, qui devenoient fes tyrans. A peine la révolte de Jovin futelle étouffée dans la Gaule , qu'il s'en éleva une autre en Afrique. Le Comte Héraclien avoit courageufement défendu cette Province contre les entreprifes d'Attale; mais il donna lieu de penfer que c'étoit pour lui-même , & non pas pour 1'Empire qu'il 1'avoit confervée. Tandis que les Goths pilloient Ï'Italie , il dépouilloit les fiigitifs qui venoient chercher un afyle en Afrique, leur arrachant avec violence ce qu'ils avoient pu fauver des mains des barbares. II avoit moins d'efprit & de prudence que d'avarice Sc d'ambition. Mais Sabin , qui, de fon domeftique étoit devenu fon gen3re, habile, a£tif, intelligent, le guidoit par fes confeils. Héraclien veïoit d'être hon'oré du confulat de 1'année  du Bas-Empire. Liv. XXIX. 3S5 "née 413. Cette dignité lui enfla le cceur ; il commenca a donner des foupcons; & dès qu'il le fentit, il crut que le meilleur moyen de s'en mettre a couvert, étoit de les réalifer par une révolte déclarée. II retint les convois de 'bied deftinés pour Rome, & fe mit en mer avec une flotte de trois mille fept cents voiles. C'étoit le triple de celle deXerxès; & quand 011 comprendroit dans ce nombre les batiments de tranfport & les fimples barques, ce prodigieux armement feroit encore incroyable, malgré le témoignage d'Orofe, Hifiorien fidele & contemporain. La chronique de Marcellin ne compte que fept cents vaiffeaux ; mais elle ne donne a Héraclien que. trois mille foldats; ce qui n'eft guere plus vraifemblable. Quoi qu'il en foit, le détail d'une fi importante expédition eft ignoré. Voici les feules circonftances que 1'Hiftoire nous en ait confervées. Héraclien ayant débarqué en Italië dans le deffein d'aller attaquer Rome, le Comte Marin vint k fa rencontre. II y eut une grande bataille prés d'Otricoli, dans laquelle Héraclien Tornt VI, R Honorius. Théodose II. Ann. 413.  Honorius. Théodose II. Arm, 413. XXXIII. Suites de fa mort. Olympiod. Cod. Th. 1. ci.üt.40. H' 2I- /. 15. tit. 14.% 13. é ihi God. IJ ISTOIRg fut entiérement défait. Idace dit que cinquante mille hommes refterent fur la place. De tant de vaiffeaux, il n'en revint a Carthage qu'un feul qui ramenoit Héraclien vaincu. Ce rebelle eut prefque aufti-töt la tête tranchée dans le Temple de Ia Déeffe Mémoire, ou il fut découvert par les foldats que 1'Empereur avoit envoyés avec ordre de lui öter la vie. Sabin fe fauva a Conflantinople, d'oii Honorius 1'ayant fait revenir, fe contenta de le condamner k 1'exü. Après la mort d'Héraclien , on effaca fon nom de tous les acles publiés & particuliers. C'eft pour cette raifon que plufieurs Chroniques ne marquent pour Conful de cette année que Lucius qui avoit recu cette dignité en Oriënt. C'étoit une ancienne coutume, que les Confuls, en entrant en charge , donnaffent la liberté aux efclaves préfentés par leurs maïtres. Honorius caffa les affranchiffements faits par Héraclien; mais il déclara en même-temps que les efclaves ainfi affranchis, le feroient de nouveau felon la forme légitime, & que  nv Bas-Empirè. L!v. XXIX. 387 ïes maitres ne pourroient les rappeller a la fervitude. Les biens du rebelle furent confifqués ; on s'attendoit d'en retirer des fommes immenfes après tant de concuffions & de rapines; maison ne comptoit pas ce que fon armement en avoit dü épuifer. II ne fe trouva tant en efpeces monnoyées qu'en immeubles, que la valeur de quatre mille livres pefant d'or; ce qui revient a-peu-près a quatre millions de notre monnoie: fomme peu confidérable pour un tyran dans un fiecle oü de fimples particuliers en poffédoient autant en revenu annuel. Conftance demanda &c obtint fur le champ cette confifcation pour fournir aux dépenfes de la folemmité de fon Confulat, oü il devoit entrer 1'année fuivante. L'Empereur ordonna la pourfuite des complices d'Héraclien ; il invita tous les habitanrs de 1'Afrique a les dénoncer ; il défendit de fouftraire aux recherches ni leurs perfonnes , ni leurs biens. Pour achever de détruire le parti d'Héraclien, le Comte Marin paffa en, Afrique. II y trouva Cécilien qui Rij Honorius. Théodose II. Ann. 413. XXXIV. Mort injufte de Marc«lUn.  HONORIUS. ThéodO' SE II. Ann. 413 S. Aug. ep IJl. Orof. L 7. c. 42. Pagi at 'Baron. Dupin , hifi. Donatift.TUI. vie de S. Aug. art. 232, 233. Norif. hifi. Pel.l.l.c. 5- Flcury , hifl.Ecclef. I. 23. art, ii. 3S8 H/STOIRE avoit été Préfet d'Italie en 409. Ils étoient anciens amis & conformes de caracfere; tous deux fourbes, violents , injuftes, impitoyables. Depuis la condamnation des Donatiftes, Marcellin étoit demeuré a Carthage, pour tenir la main a 1'exécution de la fentence qu'il avoit prononcée contre eux. Son frere Apringius , Proconful de la Province 1'année précédente, avoit offenfé Cécilien , & Marcellin étoit entré dans la querelle. L'arrivée du Comte Marin , qui venoit armé de toute 1'autorité Impériale pour chatier les rebelles, fut pour Cécilien une occafion de fe venger. II obtint de fon ami tout ce qu'il voulut; mais, pour fauver les apparences , il fuborna des Donatiftes , qui accuferent Marcellin & fon frere d'avoir trempé dans la révolte d'Héraclien. Ils appuyerent leur accufation d'une fomme d'argent; car ils en defiroieht le fuccès avec plus d'ardeur que Cécilien même. Marin fit aulTi-tót faifir les deux freres; ils furent jettés dans un cachot, ou ils ne recevoient de confolation que de leur bonne confcience & des vifites  du Bas-Empire. Liv. XXlX. 380 de Saint Auguftin, qui connoiffant 1'éminente vertu de Marcellin, 1'aimoit avec tendreffe. Ce faint Prélat & les autres Evêques follicitoient vivement pour les accufés; Cécilien feignoit auffi de s'y intéreffer avec chaleur, Sdes amufoit par de belles paroles. Marin , de fon cöté, faifoit le perfonnage d'un juge attendri, mais forcé de fuivre les regies. II confeilla aux Evêques de députer a la Cour un d'entre eux pour intercéder en faveur des prifonniers; & il promit de furfeoir 1'inftruftion du procés jufqu'au retour du député. On fuivit fon confeil; un des Evêques partit pour la Cour. Peu de jours après, Cécilien vinttrouver St. Auguftin, &luiprotefta avec ferment que Marin s'étoit enfin rendu a fes inftances, & que fans aucun délai, il alloit élargir les deux accufés. Dès le lendemain treizieme de Septembre, ils furent jugés & exécutés fur le champ. Marin s'excufoit fur un ordre exprès qu'il prétendoit avoir recu de la Cour. II en vint un en effet après 1'exécution ; mais c'étoit un ordre de mettre en liberté les deux freres, dont 1'innoR iij Honorius. Théódo se lf. Ann. 413  Honorius,Théodo- se II. Ann, 413, XXXV. CommeneementduRoyaume des Bonrguignons.Profp. Chr. Cajfiod. fafi ■ 39o H I S T 0 I R g cence étoit reconnue de 1'Empereur. La nouvelle de leur fupplice excita dans le cceur d'Honorius 1'indignation dont une ame fi molle étoit capable. II rappella Marin &le dépouilla de toutes fes charges, punition bien legere pour une prévarication fi cruelle. St. Auguftin fait de Marcellin un magnifique éloge : il loue fa probité , fa conftance dans 1'amitié, fon attachement a la Religion , k la priere , a 1'étude; la pureté de fes mceurs, fon défintéreflement, facharité,fon earacfere doux, bienfaifant, modefte , plein de mépris pour les biens préfents, d'efpéranceSf d'ardeur pour les richeftes éternelles. Tant de verrus , auxquelles 1'injuftice de fa mort ajoute un plus grand prix, ont mérité les hommages de tous les fiecles, l'Eglife honore fa mémoire comme celle d'un martyr. C'eft de cette année que l'Hiftoire date le commencement du Royaume des Bourguignons dans la Gaule. Depuis qu'ils s'étoient rendu maïtres de 1'Helvétie en 407, ils avoient avancé vers la Loire. Conftance marcha contre eux i & comme ils de-  du Bas-Empihz. Llv. XXIX. 391 mandoient la permiffion de s'établir dans le pays, ce Général n'ofant les ïéduire au défefpoir, conleilla a l'Empereur de leur accorder une partie des contrées dont ils avoient fait la conquête. On leur céda une portion confidérable du territoire des Eduens & des Séquanois; öc leur Roi Gondicaire fut reconnu pour ami & allié de 1'Empire. Ataulfe prenoit auffi cette qualité : mais la rivalité de Conftance porta ce Prince a des hoftilités. Ils vouloient tous deux époufer Placidie. Conftance la fit redemander par Honorius. Ataulfe la refufa , fous prétexte qu'on ne lui avoit pas envoyé le bied dont on étoit convenu par le traité conclu avant la mort de Jovin. La Gaule reffentoit alors une grande famine, fuite inévitable de tant de ravages. La révolte d'Héraclien ayant réduit Ï'Italie a une égale difette , il n'étoit pas poffible de nourrir Ataulfe & fon armée. Cependanl on lui promettoit de le fatisfaire dè< qu'il auroit rendu Placidie; il s'obf tinoit de fon cöté a exiger pour préalable 1'exécution du traité précédent; R iv Honorius.Théodo-» se II. Ann. 4131 Bucher. de Belg. Valef. rerum. Fr. I. 3- TUL Honor. art. Alfat. it: luftr, t. I p. 418- xxxvr. Conquêtes d'Ataulfedans les Gaules. Olympiod. Rutil. itin. h l. ldace chr. Valef. rer. Fr. I. 3. TUL Honor. art. sr.  Honorius. Théodose II. Ann, 413, Ann. 414. XXXVII. Ataulfe époufe Placidie. Orof. I. 7. c. 40. Olymploi. ' Idac. chr. 'Philojt. I. 12. c. 4. 6ïhi God. ; Jorn. de . rei. Get. c. 3'. ] 4 ■ i Ó92 H 1 s t o I r e l' & Pöu,r appuyer fa demande, il s empara de Narbonne & de Touloufe ■ dans le temPs ^es vendanges. S'étant prefenté devant Bordeaux, il y fut recu comme ami de 1'Empire. II marcha enfmte vers Marfeille, efpérant s y wtroduire fous le même titre. Mais pour s'être approché de trop prés, il y courut rifque de la vie. Boniface, qui commence ici k fe faire connoïtre, ayant fait fermer les portes de la ville, le bleffa d'un coup de trait du baut des murs, & Pobligea de fe retirer avec honte. Le Roi des Goths s'étant retiré a Narbonne , fe confola de ce mauvaIS fuccès en époufant Placidie au mois de Janvier de 1'année fuivante 414- La conquête de cette Princeffe lui avoit coüté plus de temps & de peines que celle d'une partie de la Gaule. Conftance avoit employé i traverfer ce proiet tout ce qu'il lyoit de crédit & d'adreffe. II avoit ache de détacher Ataulfe de cette >ourfiute en lui faifant offrir une Prin:effe Sarmate. Placidie elle-mêmentit long - temps de la répugnance i s umr avec un Roi barbare. Enfin ,  nu Bas-Bmpire. Liv. XXIX. 393 la paffion d'Ataulfe, fecondée des vives follicitations d'un Romain, nommé Candidien , attaché au fervice de Placidie , & que le Roi des Goths avoit mis dans fes intéréts, furmonta tous ces obftacles. Les noces furent célébrées a Narbonne dans la maifon d'Ingénius, un des premiers de la ville. Tous les honneurs furent adreffés a Placidie. La falie étoit parée k la manieredes Romains; la PrinceiTg portoit les ornements Impériaux, Ataulfe étoit vêtu k la Romaine. Entre autres marqués de fa magnifkence, il fit préfent a fa nouvelle époufe de cinquante Pages, qui portoit chacun deux bafïïns, 1'un rempli de monnoies d'or, 1'autre de pierreries d'un prix infini : c'étoient les dépouilles de Rome; & ce fuperbe appareil fembloit réunir enfemble les noces d'Ataulfe , &i les funérailles de 1'Empire d'Occident. Tout dans cette cérémonie retragoit la fragilité des grandeurs humaines. Attale , Empereur quatre ans auparavant, chanta 1'épithalame; il précéda dans cette fonöion Ruftacius & Phoebadius, Poëtes de proFeffion, Les Romains & les Goths, con R v Honorius. Théodose II. Ann. 414.  Honorius.Théodo- se II. Ann. 414. XXXVIII Ils choi- flflent Hc- raclée pour leur réfidence. Gotfrid. Viurb. ch. part. 16. Spon. Mifctl.p.x^j, ' Hifi. Lang, des BB t. l- P- 643. TiU. Ho"er. art. j2. M. Dan- ( *UU , not. j dés Gaules au mot i Anati- ( 411. < C F f c a 1. i< 394 H 1 s t o 1 r e fcndus enfemble , célébrerent cette fête avec une joie unanime. Une infeription trouvée è St. Gille en Languedoc, prouve qu'AtauIfe & Placidie choiiirent pour leur réfidence la ville nommée Héraclée, & aujourd'hui St. Gille, fur la rive' droite du Rhöne , entre Nïmes & Arles. La flatterie y eft portée a un excès qui annonce la naiffance de la barbarie. Ataulfe y eft nommé le trhpuitfant Roi des Rois, le tres-jujle vainlueur des vainqueurs. On le loue d'avoir ehaffé les Vandales ; il avoit jpparemment foutenu quelque guerre contre ces peuples 011 contre les Mams reftés en Gaule; car ainfi jue nous 1'avons obfervé, tous les >arbares étoient compris fous le nom te Vandales. Plufieurs Savants révo[uent en doute, quelques-uns même ombattent Taiithenticité de cette infription. Mais il nous refte d'autres. reuves que St. Gille fut en effet le ege royal d'Ataulfe pendant le peu e temps qu'il demeura en Gaule prés fon mariage. Ce lieu s'appel)it encore dans le douzieme fiecle, ' palais des Goths : les environs de*  nu Bas-Empi&ë. Liv. XXIX. 3,95 St. Gille ont porté le nom de Vallis Flaviana ; & il eft dit dans une bulle de Jean VIII, qui tenoit le St. Siege, dans le neuvieme ftecle, qu'un Roi des Goths, nommé Flavius, avoit fait don de cette vallée a St. Gille. Ataulfe eft nommé Flavius dans 1'infcription ; & quoiqu'on croie communément que Récarede , Roi des Vifigoths en Efpagne a la fin du fixieme ftecle , eft le premier Prince barbare qui ail pris ce nom , on peut fuppofer avec vraifemblance, qu'Ataulfe ayant époufé Placidie , s'attribua le prénorr de la familie Impériale, de laquelk il fe flattoit d'entrer par fon mariage Ataulfe continuoit de Jemandei la paix; & la naiftance d'un fils qu fut nommé Théodofe , lui infpiroi' encore plus le defir de s'unir fincérement avec 1'Empire. Cet enfant devoit en être héritier, ft Honorius mou roit fans poftérité, & que 1'Orien demeurat féparé de 1'Occident. Mai Conftance qui avoit fans. doute de deffeinscontraires, traverfoit de tou fon pouvoir les eftbrts d'Ataulfe ê de Placidie. Enfin, le Roi des Goths indigné d'une ft opiniatre réftftance Honorius. Théodose II. Ann. 414. ' XXXIX. Attale re- prend la ■ pourpre. P,ofp.Chr. , Olympiod. Pauün. Eucharifi. t i S t c »  Honorius. Théodose II. Ann. 414. i ( < J < c ï f XL. Ataulfe fe ^ retire en _ Efpagne. *" Idac. chr. ( Orof. l,7, c- 43. PaulinEu- Ti chari/1, c] Valef. rer. o Fr. !. 3, °< 396 H I S T 0 1 R E pour intimider Honorius, lui préfenta lefantöme qu'Alaric avoit déja deux fois revêtu de Ia pourpre : il la fit reprendre a Attale, mais fans lui donner ni_ argent, ni foldats , ni aucun pouvoir. Ce frivole perfonnage nomma cependant des Officiers , dont nous ne connoiffonsquePaulin, homme riche & puiffant dans 1'Aquitaine. Quelques Auteurs le font fils jfHefpere, & petiffils d'Aufone. II Fut nommé Intendant du domaine 1'Attale, qui n'en avoit aucun ; & lans cette charge imaginaire, il perüt lui-même le fien , qui fut pillé >ar les Goths. II ne lui refta que fa 'ertu, dont il a laiffé des preuves ïans un poëme 'oü il remercie Dieu e lui avoir enlevé les biens de ce londe pour ne 1'attacher qu'a lui Uil. Conftance, devenu ennemiperfonel d'Ataulfe depuis Ie mariage de lacidie, réfolut de le chafler de la ïaule. II vint a Arles, & Ataulfe e fe croyant pas en füreté k Héclée , fe retitra k Narbonne. L'irrination de ce Prince pour la paix, les follicitations de fa femme, qui  nu Bas-Empire. Liv. XXIX. 397 joignoit a beaucoup d'efprit un attachement naturel aux intéréts de 1'Empire, le déterminerent a faire un accord avec les Romains : car il ne put obtenir une paix entiere. II convint de fortir de la Gaule, & de fe retirer au-dela des Pyrénées. On lui cédoit un établiffement en - deca de 1'Ebre, & il s'engageoit k n'avoir fur mer aucun vaiffeau, & k ne faire aucun commerce avec 1'étranger. La commodité du port de Barcelone dont il devenoit le maitre , faifoit craifidre qu'il n'attirat une grande partie du traiic de 1'Occident. En exécution de ce traité, Ataulfe envoya ordre aux Goths de quitter les villes qu'ils poffédoient dans la Gaule, 6 point d'hérir  du Bjs-Empire. Liv. XXIX. 415 tiers naturels, il défendoit aux Catholiques de profiter en aucune maniere de la confifcation , même en vertu d'une donation du Prince , qui ne pourroit être que fubreptice. On croit que 1'avidité de Théodofe , Evêque de Synnade en Phrygie , donna occafion a cette loi. Ce Prélat, plus avare que zélé, pourfuivoit yivement les hérétiques de fon Diocefe ; il les chaffoit de la ville Sc de leurs terres, dont il s'emparoit ; il armoit contre eux fon Clergé; il ks citoit fans ceffe devant les tribunaux; conduite toute oppofée au caraftere de l'Eglife Catholique , felon la remarque d'un Auteur de ce temps-la On lit avec plaifir dans 1'hiftoire comment cet ardent perfécuteur fiv la dupe de fa cupidité. II tourmen toit fans relache Agapet, Evêque de: hérétiques Macédoniens. Réfolu di le perdre, il alla folliciter a. Conl tantinople des ordres rigoureux con tre cet Evêque. Pendant fbn abfen ce, Agapet rentra en lui-même, ab jura fes erreurs, les fit abjurer a fo; peuple, fe réunit avec les Catholi ques; 6c comme il étoit d'ailleurs aim S iv Hono.- rius. Théod.o- se II. Ann. 414^ I.16. tit. 5. leg-48,49. 50. tit. '6. leg. 6, 7.  416 H I S T O I R B & pftimp ;i C„* HonoRixs.Théodo- se II. Ann, 414, LI. Affaffinats. Olympïod. Damafe , 'pad Phot, 107*. ' ] ~ • ' « u»n comrauD cob- entement reconnu Evêque par tout Je^Diocefe, qui n'avoit plus qu'une meme foi. Théodofe revient armé d'un décret: on refufe de le recevoir: il retourne a la Cour, & porte fes plaintes a Atticus, Evêque de Conftantinople. Ce Prélat, charmé d'un changementfi inefpéré, exhorte Théodofe k facrifier fa dignité k 1'intérêt de 1'Eghfe; il le félicite du repos dont 11 va jouir pour Ja plus grande gloire de Dieu après tant de fatigues ; &c il mande en même-temps k Agapet qu'il peut conferver fon fiege fans :rainte d'aucun trouble. Théodofe fut le feul qui eut peine è fe réjouir d une fi heureufe réunion. On doit rapporter a ce temps-ci -m fait mémorable, mais très-obf:ur; paree qu'il ne fe trouve que lans un abrégé confus de 1'hiftoire 1'OIympiodore. Plufieurs hordes de •luns étoient reftées aux environs des 'alüs Méotides. II paroit qu'elles a'oient cbacune leur Prince, qui étoit affal d'un Seigneur plus puiffant, hef de toute cette partie de la naion. L'Hiftorien Olympiodore, né  nv Bas-Empire. Liv. XXIX. 417 k Thebes en Egypte, fut envoyé en ! ambaffade vers un de ces Princes nommé Donat, & il arriva dans ce pays > après une périlleufe navigation. II rapporte lui - même que ce Donat,' trompé par des ferments, fut affaffiné en trahifon ; que Caraton , chef de la nation , fe préparoit k tirer vengeance de cette perfidie, mais qu'il fut appaifé par les préfents de 1'Empereur. Un récit fi tronqué & fi informe laiffe beaucoup d'éclairciffements k defirer. Nous n'avons pas non plus affez de détail fur un autre fait encore plus important. Un Officier payen , nommé Lucius , Préteur a Conflantinople, ou Commandant des troupes de la ville, ayant réfoki de tuer le jeune Théodofe , vint trois fois au palais avec ce déteftable deffein; & trois fois, lorfqu'il tiroit déja. fon épée du fourreau, il fut arrêté par une frayeur, que 1'Hiftorien attribue a une caufe furnaturelle. Damafcius , auteur de ce récit, étoit lui-même payen, & vivoit k la fin de ce fiecle. Soit qu'Anthémius 'fe fut volontairement dépouiilé de fon pouvoir, S v Honorius. rHÉonose II. Inn. 414» LH. Pulchérie Augufte,  Honorius.Theodo- se II. Ann. 414. Theod. t. J. c 36. So{. I. 9. *i 13. Ch. Alex. Mare. chr. Theoph. p. 69 , 70. Ccdren. p. Manaff. r- 53- iw, riisA- Baronins. Cang. Conft. I. 2. />. I4S- Ti/f Wc re les devoirs de Ia Religion , les Kiivres de Ia eharité cbrétienne, &c e foin des affaires de 1'Empire. Ap>liquée k Ja priere, elle> chantoit avec es fceurs les louanges 'de Dieu fe our & la nuit k des"hertres réglées-. a coufume étoit dé rf/angei* avec el?s , & de né fortir qu'en leur com'agnie. D'un accès facile, libérale eners les pauvres, pleihe de refpeél our les Evêques, è!!é 'fit eoftitruire n grand • "Bombre tr'Eglifesd'hê*>  du Bas Empire. Liv. XXIX. 421 pitaux , de monafteres; & jamais ces pieufes fondations ne coüterent un gémiflement aux peuples. Son zele pour la vérité triompha des héréftes qui s'éleverent de fon temps. Tandis que Pulchérie, pour préferver fes fceurs de la dangereufe oifiveté de la Cour , occupoit leur loifir a. la leef ure des livres faints, & aux ouvrages convenables k leur fexe, elle s'appliquoit k former le coeur &c 1'efprit de fon frere. Elle commenca par écartér d'auprès - de lui 1'eunuque Antiochus', qui ayant été jufqu'a'ors fon précepteur, s'occupoit plus des intrigues de Cour & de fes propres intéréts, que de 1'inftrucfion du jeune Prince. Enfuite n'ofant confler k perfonne un emploi fi important, elle s'en chargea elle-mëme. Elle jetta d'abord dans le coeur de Théodofe les fondemeftts d'une piété folide, en le faifant inftruire de la docfrine la plus pure, en 1'accoutümant a prier fouvent* k fréquenter les Eglifes , k les décorer par de fiches offrandes , a refpetfer les Miniftres' des autels , & k honorer la vertu par-tout oü elle fe renconttoit. Honorius. Théodose 11. Ann. 414, LIV. Education de Théodofe. Socr. I. 7. C. 2i , 41 , 42. Theod. I. J. c 36. Sor. I. 1. pref. Sr l. 9. c. i , 3. lfid. Peluf. 1.1.ep. 36. loann. Ant. Theoph. p. 69 , 7° » 87. Manaff. p. 53- Suid. n«a- Qeott- loann. Malela. Cedren . p, 334. 335» 342. Zon.t. II. P> 44» 45'  Honorius.Théodo se II. Ann. 414 TUI. vie d Pulchérie , & vie de S Abraham. 422 H I S T O I R E ■ Comme les pratiques de Religion ne font pas incompatibles avec les vi- . ces du cceur, elle s'étudioit principalement a régler fes mceurs, a lui ' infpirer 1'amour de la juftice, la clémence , 1'éloignement des plaifirs. , Pour la culture de fon efprit, elle fe fit feconder par des maitres vertueux, qu'elle favoit choifir les plus inftruits en chaque genre; 6c ce qui n'eft guere moins utile que d'habiles maitres , elle lui procura des compagnons d'étude capables d'exciter fon émulation : c'étoient Paulin & Placite , qui parvinrent enfuite aux premières dignités. Elle n'oublia pas le foin de fon extérieur : en même-temps qu'elle lui faifoit faire tous les exercices convenables a fon age, elle formoit elle-même fes difcours , fa démarche, fa contenance ; elle lui enfeigna l'art d'ajouter du prix aux bienfaits, & d'öter aux refus ce qu'ils ont d'amer & de rebutant. Jufqu'a ce qu'il fut en age de gouverner, ce fut elle qui dreifa les ordonnances; elles les lui faifoit figner, & lui laiffoit tout 1'honneur du commandemeRt,  du Bjs-Empirb. Ltv. XXIX. 40.3 Cette bonne éducation réuffit en ; partie; mais elle ne fuppléa pas ce qui manquoit de vigueur a 1'efprit i de Théodofe. II poflédoit plufieurs i des qualités qui pourroient faire un bon Evêque ; aucune de celles qui font un grand Prince. II favoit 1'Ecriture - fainte par cceur; il en recueillit avec foin tous les interpretes. Théologien ftudieux, il aimoit a difputer fur les matieres de Religion , & ne s'en mêla que trop : fa iacilité naturelle Pexpofoit a la féduction. II jeünoit fouvent, fur-tout les Mercredis & les Vendredis, felon 1'ancien ufage de l"Eglife. II fe levoit au point du jour, &c chantoit 1'OfEce divin avec fes fceurs : fon palais avoit un peu trop 1'extérieur d'un Monafter®. Abraham, Evêque de Carrhes, ayant détruit dans cette ville, le fameux temple du Dieu Lunus, Théodofe le fit venir a la Cour : le faint Prélat y mourut, & 1'Empereur conferva fa tunique , dont il fe revêtoit en certains jours. Lorfqu'on enleva le corps d'Abraham pour Ie tranfporter en Oriënt, Théodofe voulut marcher k la tête du conyoi % il Honorius.'héodo- se 11. Lfm. 414. LV. Piété de "héodoe.  Honorius. Théodo se H. Ann. 414 424 UlSTOI&E '■ le conduifit jufqu'au port; après le Corps marchoient les Impératrices & toute la Cour. Dans un temps de difette caufée par 1'intempérie des faifons, 1'Empereur affiftant avec le peuple aux jeux du cirque , il furvint un grand orage. Auffi-töt Théodofe , faifant retirer les chars , ordonne au peuple d'adreffer k Dieu fes prieres; il entonne le premier un pfeaume, tous les fpect ateurs chantent avec lui, & le cirque fembloit être devenu un temple. L'air reprit bientöt fa férénité , & Pon dit que ce fut le dernier orage de cette année, qui, après avoir menacé d'une funelfe ftérilité, donna des moiffons abondantes. Dans lesguerres, il imploroit la proteetion du Ciel par de ferventes prieres comme David; mais il n'eut pas le courage & la fcience militaire de ce faint Roi. Le refpeft qu'il portoit aux perfonnes confacrées a Dieu alloit a un point qu'on pent taxer de foiblefTe. Un Moine infolent &c téméraire, irrité contre le Prince qui lui refufoit une grace, fe retira en lui difant : Je vous retranthe de la communion de F Eglife L'heure  du Bas-Empire. Liv. XXIX. 425 du repas étant venue, 1'Empereur, abattu du coup lancé d'une main fi foible, protefta qu'il ne mangeroit point que Pexcommunication ne fut levée , & il envoya prier un Evêque d'obtenir cette faveur de celui qui 1'avoit excommunié. En vain 1'Evêque effaya de difiiper fes fcrupules, en lui repréfentant qu'une pareille cenfure étoit fans effet : Théodofe ne confentit k prendre de la nourriture , qu'après avoir re$u 1'abfolution de ce Moine, qui ne méritoit lui-même aucun pardon. Ce Prince avoit une connoiffance affez étendue des lettres , des arts, des fciences , fur-tout de 1'aftronomie & de 1'hiftoire naturelle. II jugeoit très-bien du mérite des ouvrages d'efprit, & encourageoit les Savantspar des honneurs & des récompenfes. II avoit appris k peindre & a modeier mieux qu'il ne convienl a un Souverain. Perfbnne n'étoit plu: adroit a manier un cheval, k tirer de Pare, a lancer le javelot. Son ex térieur étoit doux & agréable , fi taille moyenne & bien proportionnée, fes yeux noirs & k fleur de tê- Honorius. Théodose II. Ann, 414. LVI. Autres qualités louables de cePrince.  Honorius. Théodose II. Ann. 414. 1 J 426 H t 8 T 0 I R B te , fes cheveux blonds. Sans faire & fans orgueil, frugal , infatigable, fouffrant aifément lë froid Sc le chaud, 3 la faim & la foif; il fut un modele de patience & de douceur; en for- j te qu'il étoit plus maïtre de fes paffions que de fes fujets. Auffi infenfible aux aiguillons de la colere qu'aux attraits de la volupté , jamais il n'écouta les confeils de la vengeance. Un de fes Courtifans lui ayant demandé pourquoi il n'avoit jamais puni de mort une offenfe qui lui fut perfonnelle : // n'efi pas difficile, répondit-il, d'óter la vie d un homme ; mais des qu'il Ca perdue, tl efl trop tard de^ s'en repentir. II ne permit jamais d'exécuter a mort un criminel dans la ville oü il fe trouvoit : la grace j arrivoit toujours avant que le coupable fut parvenu au lieu du fupplice. Il n'approuvoit pas la perfécution fufcitée contre les hérétiques; & quoiqu'il les réprimat par des loix féveres, il croyoit qu'il ne convenoit pas jux Evêques d'armer contre eux le bras ! eculier, & que l'Eglife ne devoit era>loyer pour la défenfe de la foi que a charité & la perfuafion. Un jour i  nu Bas-Ei\ipire. Liv. XXIX. 427 qu'il faifoit repréfenter une chaffe dans le cirque de Conflantinople , le peuple demanda a grands cris qu'on fit venir dans 1'arêne un athlete connu par fa force & par fa hardieffe, pour combattre une bete furieufe tk terrible. Alors 1'Empereur fe levant : Ne fave^-vous pas , s'écria-t-il, que ce neft pas un jeu pour moi de voir couItr lefang des hommes. Cette parole fut une lecon pour le peuple, qui renonca a ces cruels divertiffements. Son humanité a 1'égard des Officiers de fa maifon eft encore une preuve de la bonté de fon cceur. Après avoit employé la journée aux affaires, il donnoit a la lecfure. une partie de la nuit. Mais afin de ne pas obligei fes domeftiques a combattre le fommeil pour veiller avec lui , il faifoit ufage d'une lampe qui s'entretenoit feule, fans avoir befoin d'aucun fervice. Avec tant de bonnes qualités, i lui manqua les deux plus néceffaire! a un Prince; dont 1'une établit for autorité, & 1'autre en efl le fupplé ment. II n'eut ni affez de force pou gouYerner par lui-même, ni affez di Honorius.Théodo- SE II. Ann. 414. : LVII. Ses défauts.1 Zon.f.45. Joann. . Ant. Theoph. fa : 87.  Honorius. Théobose II. Ann. 414. Suid. Uah- %epicc. & @=0o%~ G~IQS. Manaff. p. 5 3- Glyc. p, 262. Cedr. p. 335.. 1 ' I i H I S T 0 I R E difcernement pour bien choifir ceux qui gouvernoient fous fon nom. II craignoit la guerre, & achetoit la paix ; a force d'argent; ce qui le rendit méprifable aux barbares. Facile & ouvert a la flatterie , il échappa fou- ] vent a fa foeur, & fe laiffa dominer par fes eunuques, vils & injuftes confeillers, qui, toujours empreflés a fournir au Prince des amufements pour le diftraire des affaires, & détourner fes regards de deffus leur conduite, accabloient les fujets , interdifoient tout accès aux plaintes & aux re^ montrances, s'enrichiffoient de la mifere publique, vendoient les charges ' civiles & militaires, & rendoient 1'Etat malheureux fous un bon Prince. Ils vinrent a bout de faire en forte que Théodofe, pendant un regne de ! quarante-deux ans, n'exécutat rien de mémorable. Ils dreffoient les édits, Ses ordonnances, les refcrits du Prin- I :e qui fignoit fans les lire. Pulchérie lui avoit fouvent repréfenté les :onféquences de cette confiance in:onfidérée, & Théodofe s'étoit touours défendu de ce reproche avec :ettè opiniatreté puérile, qui nie les  nu Bas-Empire. Liv. XXIX. 429 i: faits les plus évidents pour s'épar- j gner la peine de fe corriger. Afin de j le convaincre, un jour Pulchérie lui j préfenta un écrit qu'il figna , felon 1 fa coutume, fans en faire la leöure. C'étoit une donation par laquelle | Théodofe livroit en efclavage a fa fj fceur fa femme Eudocie. Pulchérie le i üt enfuite rougir de cette dangereufe I négligence. Avant qu'Anthémius fortit de char- I ge, il couronna fon heureux minif- i tere en faifant publier par ordre de ( 1'Empereur, une remife de tout ce f qui reftoit dü au fifc depuis qua- { rante ans, c'éft-a-dire, depuis 1'an- I née 368 jufqu'en 408 : & comme les corps de villes qui avoient cou- ! tume d'avancer au Prince les fom- 1 mes dues par les habitants , répé- | toient, malgré la remife , leurs avan- ) ces vraies ou fuppofées, ce qui au- I roit rendu ce foulagement inutile aux I peuples, les particuliers furent dif- jj penfés du rembourfement. En 433, I Théodofe remit encore ce qui lui >! étoit du pour les vingt années écou- I léés depuis 408 jufqu'en 418. II ac- £ corda des privileges confidérables aux Honorius.Théodo* se II. Ann, 414. LVIII. Divers rêglementsde Théodofe. Theod. I. 5. <:. 38. Cod. Th. 1. ii. tit. 28. leg. 9 , 10. /. 13. tit. 3. leg. 16, 17. Eandurl imp. oriënt, t. /.ƒ1.150. & 1.11. not. p. 856. Ajfemani, hihl. oriënt, tl.p. 185.  Honorius. Théodose II. Ann. 414. Ann. 415. L1X. Autres loix. Cod. Th. I. 9. tit. 28. leg. 2. /. 16. tit. 10. leg. 21, 22,23,24, Marcel, chr. 430 II I S T O I R E ProfefTeurs des arts libéraux & aux Médecins. Mufellus, grand Chambellan , fonda un College a Conftantinople, & y placa une ftatue de l'Empereur. Le zele trop ardent d'Abdas, Evêque de Sufes, fut fur le point de caufer une rupture entre Ifdegerd, & les Romains, & d'exciter une perfécution en Perfe. Ce Prélat ayant abattu un pyrée, c'eft ainlï qu'on nommoit les temples oü les Perfes adoroient le feu, le Roi entra dans une grande colere, fit mourir Abdas, & ordonna de détruire toutes les Eglifes des Chrétiens dans fes Etats. Mais il fe laiffa bientöt adoucir par les follicitations de Théodofe, & fit ceffer la perfécution qui ne fe renouvella qu'après fa mort. L'année fuivante 415, Théodofe fit une loi qui excluoit les payens des charges civiles & militaires. Le petit nombre öuquel ils étoient réduits lui permettoit de porter ce coup k Fidolatrie , fans avoir a craindre aucune facheufe révolution. Dans la fuite, les idolatres qui feroient furpris faifant des facrifices, furent condamnés k 1'exil avec faifie de leurs  du Bas-Empire. Liv. XXIX. 431 biens. Mais il fut en même-temps défendu aux Chrétiens de leur fufciter aucun trouble, tant qu'ils ne feroient rien de contraire aux loix. Ce Prince porta encore plus loin fon zele pour le Chriftianifme; il ordonna que les temples ou autres lieux profanés par un culte facrilege, feroient détruits ou changés en Eglifes , après qu'on les auroit purifiés en y établiffant le figne de notre falut. II ajouta la peine de mort contre tous ceux qui s'oppoferoient k 1'exécution de cette loi. Les Eccléfiaffiques fe croyoient en droit de fouftraire a la juftice les biens de ceux qui étoient pourfuivis pour concullion ou pour péculat ; Sc fans doute cette oeuvre prétendue de charité n'étoit rien moins que gratuite. Théodofe la condamna comme un recélement criminel. La grande Eglife de Conflantinople batie par Conftantin, augmentée par Conftance , Sc brülée du temps de 1'exil de St. Jean Chryfoftöme , fut rebatie Sc dédiée de nouveau le 1 o d'Ocfobre. On acheva auffi la réparation de la falie du Sénat qui avoit été confumée dans Honorius. Théodose II. Ann. 41 j. Chr. AUx. Pagi ad Baron,  HoiJo- rxus. Théodo se n. Ann. 415 LX. Trouble d'Alexan drie. Soc. I. -j t. 13 , 14 Theoph. p 70, 71. Cedr. p 336. Suid. 'P/TStT.'tf Baroniui Pagi a, Baron. 432 lllSTOIRE le même incendie; & le Préfet Au- ■ réliên y fit ériger une ftatue d'or h ■ 1'Empereur. Au mois de Mars de cette année, on vit encore couler le fang dans s les rues d'Alexandrie; & quoiqu'on • ne doive pas croire aveuglément les Auteurs payens ou hérétiques, qui , rejettent fur St. Cyrille tout Podieux de cette fédition, il eft cependant difficile de difculper entiérement cet il- . luftre Prélat, dont le zele approchoit trop du caracfere impétueux de fon oncle Théophile auquel il avoit fuc- . cédé. Les fpeftacles étoient pour les ' Alexandrins une occafion fréquente de divifions : on fe paftionnoit pour les divers aöeurs; & dans une populace naturellement emportée & fanguinaire, les différents partis s'échauffoient jufqu'a la fureur. Les Juifs, qui , depuis la fondation de cette : ville , y habitoient en grand nombre, toujours oppofés aux Chrétiens, pri- j rent querelle avec eux au fujet d'un danfeur. Orefte , Préfet d'Egypte , étouffa les premières étincelles de cette difcorde; mais la jaloufte d'autorité le rendoit ennemi de Cyrille, Evêque:  dv Bas-Empirë. Liv.XXIX. 433 Evêque d'Alexandrie, qu'il accufoit d'entreprendre fur fes droits, & de contröler fes ordonnances. Les Juifs nourrilfoient ces foup?ons par leurs rapports. Un jour que le peuple étoit affemblé au théatre, oü le Préfet avoit coutume de publier fes édits , les Juifs ayant apper^u dans la foule un maïtre d'école, nommé Hiérax, connu par fon attachement a 1'Evêque, fe mirent a crier que c'étoit un féditieux, qui n'étoit venu que pour exciter du trouble, & fronder 1'édit du,Préfet. Orefte, prévenu contre le Prélat, fait arrêter Hiérax: on le tourmente cruellement fur le théatre même. Cyrille, informé de cette violence , mande les plus diftingués d'entre les Juifs, & les menace de chatiments rigoureux, s'ils ne ceffent de perfécuter les Chrétiens. Les Juifs, plus animés que jamais , forment le complot d'égorger les Chrétiens d'Alexandrie ; ils conviennent d'un fignal pour fe reconnoitre; & dès la nuit fuivante, ils font crier par toute la ville que le feu a pris a l'Eglife qui portoit le nom d'Alexandrie. A ce cri, les Chrétiens accourant en Tomt VI. T Honorius. Théodose II. Ann. 415.  Honorius. Théodose fL Ann. 41 j, LXI. Les Moines de Ni- ! wie augmentent ■ le défordre. ( 1 ( C F r c 4,34 HlSTOIRE foule pour y donner du fecours , les Juifs bien armés fe jettent fur eux , & en font un horrible mafTacre. Lejour étant venu, Cyrille, irrité d'une fi noire perfidie, fe fait accompagner d'une nombreufe multitude, & marche aux fynagogues des Juifs. Plufieurs font tués, les autr-es s'enfuyent de la ville, & leurs biens font pillés. Orefte, affligé de voir la capitale de ^'Egypte privée d'une partie fi confidérable de fes habitants, en écrit ï 1'Empereur; Cyrille en fait autant de fon cöté; il veut fe réconcilier Jvec Orefte , qui refufe d'entendre a uicun accommodement. Les Moines de Nitrie avoient déja aeaucoup dégénéré de leur inffitut. Is étoient devenus prefque auffi fau/ages que leur défert ; & dans les merelles du violent Théophile, ils toient plufieurs fois defcendus de eur montagne pour venir a Alexanrie lui tenir lieu de foldats. Ils acourent au nombre de cinq cents our prêter main-forte a Cyrille ; £ ayant rencontré le Préfet dans les nes de la ville , ils environnent fon aar, Paccablent d'injures : un d'en-  nu Bas-Empire. Liv. XXIX. 435 tre eux, nommé Ammonius, le blefle a la tête d'un coup de pierre. Le Préfet tout en fang fe fauve avec pei- i ne dans ia maifon; fes Officiers fe t difperfent ; le peuple indigné prend le parti de fon Gouverneur; on met en fuite les Moines; on fe faifit d'Ammonius, & on le traïne devant le Préfet, qui, n'écoutant que fa colere, lui fait foutfrir une torture fi rigoureufe, que ce malheureux expira dans le fupplice. Cyrille fait enlever fon corps, 1'expofe dans une Eglife, prononce publiquement fon éloge, & 1'honore du titre de martyr. Mais cette chaleur paffagere étant calmée par la réflexion , il revient a lui-même, & laiffe enterrer Ammonius , qui, loin de mériter la vénération des fideles , avoit grand befoin de leurs prieres. La mort d'Ammonius changea la difpofitiorf du peuple. II revint au parti de Cyrille, & con?ut de facheux foup9ons contre Hypatie. Elle étoit payenne, fille de Théon, fameux géometre d'Alexandrie. Plus favante encore que fon pere, elle s'étoit acquis une brillante réputation par fes T ij Honorius.'héodo- se II. mn. 415. LXII. Mort i'Hypacie.  Honorius.Théodo se II. Ann. 415 ] 436 Histoire ' ouvrages & par les lecons publiques j qu'elle faifoit fur toutes les parties ■ de la Philofophie. On accouroit en foule de toute 1'Egypte, & même des autres Provinces, pour recevoir fes inftructions : le célebre Synefe avoit été un de fes difciples. Elle étoit k la tête de Pécole Platonicienne; & pour affortir fon extérieur k fa profeiïïon elle avoit pris le manteau de Philofophe. Auffi renommée, mais plus chaffe que 1'ancienne Afpafie de Milet, quoiqu'elle fut parfaitement belle, elle fe faifoit refpecfer de cette foule d'auditeurs, que fa beauté autant que fon favoir affembloit autour d'elle; & 1'Hiftoire lui rendcetémoignage, qu'au milieu d'une jeuneffe pafhonnée & entiseprenante, la pureté de fes mceurs fe conferva hors d'atteinte même a la médifance. Comme elle recevoit de fré- I quentes vifites des premiers Magiftrats^ & quele Préfet déféroit beaucoup a fes confeils, le peuple fe perfuada qu'elle fermoit le principal obfrr.de k la réconciliation de Cyrille ikd'Oreife. Un jour donc qu'elle brtoit de fa maifon, une multitude  nu Bas-Empire. Liv. XXIX. 437 de féditieux , a la tête defquels étoit Pierre, Letfeur de l'Eglife d'Alexandrie , s'attroupent autour de fon char, 1'en arrachent par force , la trainent k l'Eglife nommée la Céfarée; &C fans égard ni pour la fainteté du lieu, ni pour fon fexe , ni pour 1'humanité même, ils la dépouillent , lui déchirent le corps, la mettent en pieces , & portent les membres féparés les uns des autres k un lieu de la ville nommé Cinaron, ou ils les réduifent en cendres. L'Empereur, ayant été informé de cette horrible cruauté, en fut très-affligé; il en vouloit tirer vengeance; mais il arriva pour lors ce qui n'eft pas rare dans une Cour corrompue ; il n'en coüta aux coupables que de 1'argent pour gagnerles eunuquesles plus puiffants auprès du Prince , qui fe laiffa tromper par un faux expofé ; & le crime demeura impuni. Dans les féditions d'Alexandrie, ceux qui fe fignaloient le plus par leurs violences , étoient des Clercs qui n'avoient d'autre fonöion que de foigner les malades dans les temps de contagion; ce qui arrivoit fréT iij Honorius. Théodose II. Arm. 41 s. LXIII. Loi pour contenir les féditieux d'Alexandrie.Cod. Th. I. 16. 'it. 2.  Honorius. Théodose II. Ann. 415. Ug. 24,43. & ibi God. 538 M I S T O I R E quemment dans cette partie de 1'Egypte. Le danger auquel ils s'expojoient alors, leur avoit fait donner e nom de Parabolans, qui, dans la langue Grecque, fignifie des gens dé< terminés d afromer le péril. II falloit qu'ils fuffent en grand nombre, puit que 1'Empereur, dans la réforme qu'il en fit, les réduifit d'abord au nombre de cinq cents; ce qui ne fuffifant pas pour le fervice des malades, il permit d'en ajouter encore cent autres. L'habitude a braver la mort pour Ie foulagement des eitorens , les avoit rendus d'abord intrépides, enfuite audacieux. Théodofe entreprit de les contenir. Après avoir borné leur nombre , ainfi que nous venons de , dire, il ordonna qu'on n'admettroit dans ce corps que des pauvres; qu'ils feroient choifis par 1'Evêque, a 1'autorité duquel ils obéiroient en toute chofe, qu'aucun d'eux ne pourroit affifter aux fpecta:les, entrer dans le Sénat, ni dans les lieux ou fe rendoient les jugements, a moins qu'il ne fut partie dans une caufe , foit pour lui-même, foit comme fyndic de la com-  j)v Bas-Empire. Liv. XXIX. 439 pagnie. S'ils contrevenoient a ces défenfes, ils étoient chaffés du corps, fans efpérance d'y rentrer, Scfoumis a des peinei proportionnées a la qualité du délit. Mais au-lieu de les reiTerrer par des entraves qui fe relachent toujours k la longue, n'auroit-il pas été plus fage d'abohr tovna-fait ces Parabolans, dont on s'étoit bien paffé pendant tant de fiecles,& qui, pour des fervices paflagers , donnoient a 1'Etat de continuelles allarmes? T iv Honorius.Théodo- SE II. Ann. 41'.'   44i SOMMAIRE d v LIVRE TRENTIEME. i. Mort d''Ataulft. xi, Sigeric & Vallia , Rois des Goths. lil, Vallia fert les Romains en Efpagne. IV. Amnijlie accordée par Honorius. v. Attale remis entre les mains d'Honorius. VI. Confulat de Pallade. VII. Evénements en Oriënt. vin. Tremblement de terre en Oriënt. IX. Mariage de Conftance & de Placidie. X. Etat de !Italië & de la Gaule. XI. Phénomenes. XII. Ajfemhlée des fept Provinces de la Gaule dans la ville d'Arles. XIII. VAquitaine cédée aux Goths. XIV. Edit d'Honorius contre les Pelagiens. XV. Schifme d'Eulale. XVI. Affaires d'Orient. XVII. Loix d'Honorius. XVIII. Naiffdnce de Valentinien. XIX. Guerres des barbares en Efpagne. XX. Commencements de la monarchie Franqoife. XXI. Origine des Franqois. XXII. Récapitulation de leur hiftoire jufqu'a Tv  44* Sommaire du Liv. XXXC. Pharamond. xxiii. Pkaramond entre dans la Gaule. xxiv. Honorius donne le titre dAugufie d Conftance & d Placidie. XXV. Mort de Conftance. xxvi. AHions mêmorables de fon regne. xxvii. Etat de la Grande-Bretagne. xxviii. Affaires ffice fous fes ordres. Pallade le fils, ecommandable par fes qualités peronnelles , fut Proconful d'Afrique. I étoit aöuellement Préfet du Préoire d'Italie , & il conferva cette ignité pendant fix ans. Son mariage  du Bas-Empire. Liv. XXX. 451 avec Célérine le rendoit encore plus illuiire. Cette Dame étoit originaire de Tomes en Scythie ; mais il ^n'avoit tenu qu'a un de fes ancêtres qu'elle ne fut de familie impériale. Céiérin, un de fes aïeux, qui commandoit en Egypte, refufa 1'Empire que fes foldats lui offroient après la mort de Carus. Ce qui augmente le prix de ce refus auffi fage que généreux , c'eft qu'il feroit ignoré, fi le Poëte Claudien ne 1'eüt relevé dans 1'épithalame qu'il compofa pour les noces de Pallade & de Célérine. Ceux qui ont porté la couronne ne méritent pas tous d'être cönnus; mais tous ceux qui 1'ont refufée font dignes de 1'être. Pendant les agitations de 1'Occident , 1'Orient jouiffoit d'une paix profonde par la fageffe de Pulchérie. Elle éloignoit fon frere des principes inhumains du defpotifme ; elle lui apprenoit a refpeóf er dans fes fuj.ets les droits de propriété; elle lui infpiroit cette belle maxime : Que plus les Princes s'abftiennent de toucher aux biens de leurs peuples, plus ils trouvent en eux de reffources dans Honorius. rnÉoDQse II. ^nn. 416» VII. Evénements en Oriënt. Cod. Th. I. 4i tit. 4. leg. 5. & ibi God. Chr. Alex.  Honorius.Théodo- se lli Ann. 416. < 1 ( 1 1 ï \ C 452 Histoire les befoins de I'Erat. Ce fut dans cet efprit que Théodofe eut la générofité de fe dépouiller d'un droit dont jouiffoient les particuliers. Les loix autorifoient les difpofitions que les mourants faifoient de vive voix en préfence de témoins, au préjudice même des teffaments antérieurs. C'étoit une voie ouverte a Pavidité des mauVais Princes. II n'étoit pas difficile de trouver de faux témoins, qui, pour fe fervir eux-mêmes en fervant Pavarice du Souverain, dépofaffent en fa faveur, fans craindre d'être démentis. Domitien confifquoit a fon profit :outes les fuccefTions , pourvu qu'il "e trouvat un feul homme qui attef.at que Pintention du défunt avoit ïté de laiffer fon bien a 1'Empereur. Vlais Augufte, Tibere même & HaInen avoient refnfé de profiter des elfaments faits en leur faveur par les inconnus. Pertinax avoit protefé en plein Sénat qu'il ne recevroit ien de ce qui lui feroit légué de vive oix.^ Théodofe le Grand avoit reoncé a tout ce qui lui pourroit reenir en vertu d'une lettre ou d'un odicile. Théodofe le jeune défendit  du Bas-Empire. Liv. XXX. 453 par une loi d'avoir égard aux paroles d'un mourant, qui contrediroit un teftament précédent, pour déclarer de vive voix qu'il laiffoit fa fucceffion k 1'Empereur ou k quelque perfonne puiffante: il voulut que ceux qui prétendroient appuyer de leur témoignage une pareille déclaration, fuiTent traités comme faux témoins. II laiffoit cependant fubfifler Tanden ufage en faveur des particuliers; mais pour éviter les abus, il y renoncoit pour lui-même, & par la même raifon il en excluoit les perfonnes titrées. Juftinien , dont la légiflation fut moins déiintéreiTée, s'efc contenté de renfermer le Prince dans les bornes du droit commun. Le jeune Empereur avoit fait cette année un voyage dans la Thrace; il revint k Conffantinople k la fin de Septembre, & recut dans la place qui portoit le nom de Théodofe, une couronne d'or, qu'Urfus, Préfet de la ville, lui pofa fur la tête par décret du Sénat. Ce fut dans le miniftere de Pulchérie, un défaut, peut-être pardonnable k fon fexe , de laiffer accoutumer fon frere a recevoir com- Hono- rius. ïhéodose II. A.nn, 416,  Honorius.Théodo- se II. Ann. 417. VIII. Tremblement de terre en Oriënt. Chr. Alex. Mare. chr. Uac. faft. Philoft. I. iï. c. 8. 1 1 i l ! 1 IX. Mariage j de Conftance & < 454 H 1 s t 0 1 r e me dus k fa dignité , des honneurs qui ne font que des jeux d'enfant , lorfqu'ils ne font pas la récompenfe des aftiöns grandes 6c vertueufes. II y eut 1'année fuivante 417 un violent tremblement de terre qui fe fit fentir k Conflantinople le foir du 20 Avrii, jour du Vendredi-faint. Ce fléau s'étendit dans tout 1'Orient : il sbranla Jérufalem & plufieurs villes le Paleftine : Cybire en Phrygie &z 'es villages d'alentour furent abymés. Philoftorge qui recule de deux ans :e tremblement, rapporte qu'en pluieurs endroits on vit tomber des flamnes , & qu'un vent impétueux les :haffa dans la mer ou elles s'éteigni■ent; que les toits 6c les planchers les maifons s'entr'ouvrirent & fe reoignirent enfuite fi exatfement, qu'on ie pouvoit reconnoitre 1'endroit oü ls s'étoient féparés, & que le calme :tant rétabli , on fut étonné de trouwer dans les falies inférieures les nonceaux de grains, qui étoient au>aravant ferrés dans les greniers. Honorius prit pour la onzieme fois e Confulat, 6c le donna pour la fe:onde fois a Conftance. Théodofe  du Èas-Empire. Liv. XXX. 455 voulut bien fans doute lui céder en cette occafion le droit qu'il avoit de nommer un Conful en Oriënt; il s'en dédommagea deux ans après en nommant deux Confuls Orientaux , Monaxe Sc Plintha. Honorius vouloit relever par 1'éclat de fa dignité , 1'époux qu'il donnoit a Placidie, & qu'il avoit déja décoré des titres de Comte Sc de Patrice. II croyoit ne pouvoir mieux reconnoitre les fervices importants de Conftance , qu'en lui faifant époufer fa fceur. L'hérjtier de 1'Empire devoit naitre de ce mariage. Mais la fiere Princeffe, fille, fceur, tante d'Empereurs , Sc veuve d'un Roi, dédaignoit un époux né dans 1'obfcurité, Sc qui ne devoit fa haute fortune qu'a fon mérite. Conftance, de fon cöté, bien affuré de la faveur de fon maitre dont il foutenoit la foibleffe en cette rencontre , loin de s'affujettir a des complaifances pour gagner le cceur de Placidie, agiffoit de hauteur, Sc faifoit fentir fa colere aux domeftiques de cette Princeffe , auxquels il attribuoit 1'opiniatreté de fes Eefus. Enfin, Honorius 1'emporta d'autorité, Sc il fallut cpfil prit lui-mê- Hono- RIUS. Théodo- SE It. Ann. 417. de Placidie. Olympiod. Profp. Chr. ldac. chr. So-r. I. 9. c. 16. Grut. infcript. MXLVill, I. ,  Honorius. Théodose II. Ann. 417. X. Etat de Ï'Italie & de la Gaule. Profp. chr. PhU.1.12. c 5. Rutil. itin. I. I . TiU. Honor, art, 63. 456 IIlSTOIRE me de force la main de Placidie pour la joindre a celle de Conftance. Les noces furent célébrées avec magnificence le premier de Janvier, le jour même que Conftance prenoit pofleffion du Confulat. Ce mariage, quoique force , fut heureux. La concorde s'établit entre les deux époux ; Sc avant la fin de cette année, Placidie mit au monde une fille, qui fut nommée Jufia Grata Honoria. J'ai déja parlé de Pentrée triomphante qu'Honorius fit a Rome cette année. 11 en prit occafion d'exhorter les habitants a travailler aux réparations de leur ville, Sc retourna enfuite a, Ravenne. L'Italie étoit couverte de ruines; on y voyoit partout les traces funeftes du paflage des Goths. La Tofcane , 011 ils avoient fait un plus long féjour , fe reffentoit fur-tout des ravages de ce peuple. deflrucf eur. Les ponts des rivieres , & les digues des lacs dont le pays eft arrofé, étant rompus, les eaux inondoient les campagnes, Sc les chemins étoient devenus impraticables. La Gaule, défolée pendant tant d'années par les courfes des bar- tares  nu Bas-ëmpire. Liv. XXX. 457 bares & par les révoltes des tyrans, n'étoit pas en meiileur état. Cependant 1'autorité de 1'Empire s'y rétabliflbit , & depuis la retraite des Goths, les Armoriques étoient rentrés dans 1'obéiffance. Exupérance, qu'on croit avoir été Préfet des Gaules, les avoit rappellés a leur de voir, Mais ces peuples, que le voifmage de la mer & 1'expérience de la ma rine rendoient plus indépendants, fe révolterent encore plus d'une foi; dans la fuite. Une éclipfe de foleil prefque totale arrivée le 19 de Juillet de 1'ar 418, fert k fixer la date de plufieur: événements de ce temps-la. Elle fui fuivie d'une extréme féchereffe, qu fit périr un grand nombre d'homme! & d'animaux. Une comete fe fit voii pendant quatre mois : quelques Au teurs lui donnent fept mois de du rée. On en peut lire la defcriptioi . dans Philoftorge, qui prétend que c< fut un pronoftic de guerres &C di malheurs. La Gaule étoit pour lors diviféi en dix-fept Provinces; mais les fep Provinces méridionales formoient en Tomé VI. V Honorius.Théodo- se II. Ann. 417. Ann. 418. XI. Phinomenes.Marcel. ; chr. Chr. Alex. Philofl. I. ■ 12. c. 8. ldac. chr. Pttav. chr. 1 : xii. ^ Aflemblée des ' fept Pr««;  Honorius. Théodose H. Ann. 418. vinces de ia Gaule dans la ville d'Arles. Sirm. concil. Galt. t. I. P. 89. & in not. apud Sidon. carm. Pagi ad ' Bar. an. 1 374- ] TUI. vie de Zojime, ] art. 2. 3. ( Mém. Acad. t, vm, p. ( 4». 1 J c c f i a c c c 453 HlSTOIAE femble un corps ; c'étoient Ia Viennoife, les deux Aquitaines, la Novempopulanie , nommée auffi troifieme Aquitaine , les deux Narbonnoifes & les Alpes maritimes. Elles avoient è part un Diredfeur des finances & un Directeur des domaines. Depuis Conflantin, la ville d'Arles avoit acquis une grande confidération. Valentinien II & Honorius 1'avoienr denree de privileges particuliers : ils 'appelloient dans leurs refcrits la mere le toutes les Gaules. C'étoit-la que les Zonfuls qui fe trouvoient en Gaule, ïntroient en charge; les Préfets du 3rétoire & les autres Magiflrats fu>érieurs y réfidoient comme dans la :apitale. Elle s'étoit même depuis [uelques années érigée en métropole ccléfiaftique au préjudice de Vien!e, dont 1'Evêque d'Arles étoit Sufragant, & le Concile de Turin avoit écidé que les deux Evêques parraeroient la Province. Pétrone , Prést du Prétoire , dans les premières nnées de ce fiecle , avoit ordonné ue tous les ans entre Ie treizieme 'Aoüt & le treizieme de Septembre, n tiendroit dans la ville d'Arles 1'af-  nu Bas-Empihb. Liv. XXX. 459 femblée des fept Provinces, qui feroient repréfentées par leurs Magiftrats ou leurs députés, öc que fous la préfidence du Préfet, on y délibéreroit des affaires les plus importantes. Cet ordre avoit été interrompu par 1'invafion des tyrans & par les ravages des barbares. Conftance en fit revivre 1'ufage. II obtint a cet effet un édit d'Honorius daté du 17 d'Avril de cette année, & adreflé k Agricola, Préfet des Gaules. L'Empereur y releve la ville d'Arles par 1'avantage de fa fituation, & par Pétendue & 1'atfivité de fon commerce , qui réunit dans fon port les produdfions de tout Punivers. II impofe une amende aux Magiftrats ou Députés qui ne fe rendront pas k PafTemblée dans le temps prefcrit. Si cet édit fut exécuté, il ne put 1'être qu'une fois. Cette année même, Conftance, du confentement de l'Empereur, permit k Vallia de revenir s'établir en Gaule. II lui céda la feconde Aquitaine &c la Novempopulanie c'eft-a-dire , le Poitou, la Saintonge, le Périgord , le Bordelois, PAgénois, 1'Angoumois & toute la GafV ij Honorius. Théodose II. Ann.4!S. XIII. L'Aquitaine csdée aux Goth?. Profp. chr. Jdac. chr. 1 Sid, carm, 2. Olympiod. Jorn. di rtb. Get. c. 33-  Honorius.Théodo- se II. Ann. 41S. Ifid. chron, Goth. Valef. rer. Fr. I. 3. Grot. proleg. ad hift. Goth. Giann. hijl. Nap. L 2. c. 4. TUL Honor. art. 60. & vie de S, Exupere. Mém. Acad. T. nu. P, 430. 4<$9 HlSTOIRE cogne jufqu'aux Pyrenees. Les Romains fe réferverent la Narbonnoife , a 1'exception de Touloufe, dont Vallia & fes fucceffeurs firent leur capitale , & ou ils régnerent fous le titre de Rois des Vifigorhs pendant quatre-vingt-huit ans , jufqu'a ce que Clovis eut détruit leur puiffance par la défaite d'Alaric. Tout ce pays fut nommé Gothie. La conjetture de M. deTillemont, que ces Princes ne pofféderent ces terres qu'a titre de vaffaux de 1'Empire, me femble deftituée de tout fondement. Les guerres fréquentes qu'ils firent aux Romains, pour étendre leur domination jufqu'au Rhöne & a la Loire, prouvent affez qu'ils étoient indépendants. Quelques Auteurs ont fuppofé que Vallia, en acquérant un fi grand domaine dans la Gaule, avoit confervé ce qu'il poffédoit en Efpagne. Mais cette fuppofition n'eft appuyée d'aucun témoignage hiftorique ; elle eft au contraire démentie par Jornandès, qui fait entendre que, felon les conditions du traité conclu auparavant avec les Romains, Vallia leur abandonna toutes fes conquêtes. II paroït  nu Bas-Empire. Liv. XXX. 461 même par la fuite de 1'hiftoire , que la ceftion dont nous parions ici, fut un échange, & que toute la Tarragonoife retourna au pouvoir de 1'Empire. Cet échange étoit fans doute bien avantageux pour les Goths; &£ il n'eft pas aifé de deviner la faifon qui put y déterminer les Romains. On peut foupconner que Conftance craignit que, malgré le traité, il ne fut difRcile d'arracher des mains de Vallia , les Provinces d'Efpagne qu'il avoit reconquifes fur les Alains & fur les Vandales. Mais fallüt-il perdre l'Efpagne entiere ; n'étoit-ce pas une faute capitale d'admettre les barbares dans le cceur de 1'Empire, pour eh fauver une extrêmité ? Les montagnes des Pyrénées n'étoient-elles pas une barrière naturelle, plus forte & plus füre que des traités, qui tombent au plus léger prétexte ? Vallia , après avoir enfin folidement établi fa nation errante depuis fi long - temps , mourut la même année, couvert de gloire : Prince auffi habile politique que brave guerrier, qui, fous le perfonnage généreux de vengeur de 1'Empire , fut 1'affoiblir, & gagner beauV lij Honorius. TlIÉODOt se II. Ann. 418.  Honorius. Théodose II. Ann, 418. XIV. Edit d'Honorius contre les Pélagiens. S. Aug. de dono perfev. c. 2. Norif. hifi. P Pelag.l.i, ' ^•1,3.4, ' »3. 14- J Baranius. ( Pagi ad , Baron. ' TiU. vie de ( S, Aug. art. i 2S2, 2S4. Fleury , ' hifi.Ecclef. < l. 23. art, 1 4Ö2 H 1 S T O 1 R E coup plus qu'il n'auroit pu faire s'il s'en fut déclaré 1'ennemi. II ne laiiTa qu'une fille; elle époufa un Prince desSueves, dont elle eut le célebre Ricimer , qui fut tour-a-tour le détenfeur & le fléau de Rome & de fes Empereurs. Après la mort de Vallia,les Goths élurent pour RoiThéodoric, qui joignoit a la douceur du caraaere une grande force de corps Sc im courage capable de foutenir, Sc même d'étendre un Royaume naiffant. 3 _ Au milieu des troubles de 1'Erapire, la foi de l'Eglife s'étendoit 6c s'affermilToit de plus en plus. L'Arianifme long-temps affis fur le tröne, ;toit contraint de ramper dans 1'obf:urité, 8c Ie fchifme meurtrier des Donatiftes s'éteignoit infenfiblemenf lepuis la conférence de Carthage, orfqu'on vit éclater une héréfie ca:hée jufqu'alors dans les replis téné>reux du cceur humain, 8c aufli antenne que le monde , puifque ce ut celle des anges rebelles. Fille de, 'orgueil qu'elle flatte, ennemie de Ia ;race qu'elle veut afl'ervir a la voonté humaine, elle emprunta 1'or-  nu Bas-Empire. Lid. XXX. 463 gane de Pélage, efprit fubtil, artificieux,hypocrite, qui, fans changer defentiments, favoit changer de langage. Comme cette héréfie ne s elt jamais armée que de fophifmes, & que les Empereurs n'y ont pns de part que pour la foudroyer par leurs édits, je me contenterai de la faire connoïtre en peu de mots. Pelage, Moine de la Grande-Bretagne , vinl k Rome vers 1'an 400 , fous le Pon tificat d'Anaftafe , & s'étant affocrt avec Céleftius, noble Ecoffois, qu t! avoit imbu de fes erreurs, il alla le: répandre en Italië, en Sicile, en Afrique , en Afie. Ses dogmes fe rédui foient a trois points : Que la grac nous eft donnet en confèquence de no mérites : Que l'homme peut vivre fan pêché : Que le pêché du premier homm ne ieft point communiqué a fes defcen dants. Sa doftrine fut d'abord ana thématifée par un Canale de Carth; ge : le Pape Innocent la condamn pareillement. L'héréfiarque eut ceper dant 1'adrefTe d'en impofer k un Cor cile de quatorze Evêques affembk a Diofpolis en Paleftine : il fe fauv par des équivoques, 6c fut déclai V iv Honorius.Théodo- se II. Ann. 418. f S e H a s a é  Honorius. Théodose II. Ann. 418, j 1 1 < ( ■\ I i & è r I r 4Ö4 II 1 S T 0 I R £ orthodoxe. II trompa même pendant quelque temps le Pape Zofime; mais ce Fontife ayant ouvert les yeux prononca fa condamnation; & cette ientence fut appuy de d'une loi d'Honorius. L'Empereur y déclare qu'ayant appns par le bruit public que Pélaee öc Celeftius enfeignent des erreurs qui troublent 1'union de l'Eglife & la tranquillité de 1'Etat, il leur ordonne de fortir de Rome; que toutes perfonnes feront recues a déférer aux juges ceux qui font infeftés ie la meme dotlrine. II condamne m banniffement perpétuel les opiiiatres qui feront convaincus de la outemr. Cette loi fut publiée par es Prefets d'Italie & des Gaules. Moiaxe , Préfet d'Orient, la fit auffi ■xecuter dans 1'étendue de fa jurifliftion. Elle fut confirmée 1'année fui'ante par un édit donné a Ravenieje neuvieme.de Juin. Dix-huit -veques qui refuferent de foufcrire la condamnation de Pélage , furent épofés. Le plus connu par fon opiïatreté & par fes écrits , eft Julien, veque d'Eclane, ville aujourd'hui "nee, fubfiftante alors en Campa-  nu Bas-Empirb. Liv. XXX. 465 patüe , a cinq lieues de Bénévent. L'autorité de 1'Empereur fut encore néceffaire pour appaifer un fchifme qui s'éleva dans Rome a la fin de cette année, & qui tint les efprits divifés pendant les trois premiers mois de 1'année fuivante. Le Pape Zofime étant mort le vingt-fix de Décembre , le Clergé fe partagea fur le choix du fuccefleur. Boniface & Eulale furent tous deux élus, & le peuple prit parti dans Ia querelle. Symmaque , Préfet de Rome , fils de cet illuftre Sénateur fi connu du temps de Gratiën & du grand Théodofe, favorifoitEulale, dont 1'élecfion étoit moins réguliere. II envoya k l'Empereur un rapport plus conforme a fon inclination qu'a la vérité ; & Honorius ordonna de chaffer Boniface, & de réprimer fes partifans Mais le Prince ayant été détrompt par une lettre du Clergé attaché ; Boniface, révoqua cet ordre, & conv manda que , 1'affaire demewrant fuf pendue, Boniface & Eulale fe ren droient k Ravenne avec leurs élec teurs , pour y débattre leur droi devant lui & fon confeil. II mand; V v Honorius. Théodose II. Ann. 41S. XV. Schifme d'Eulale. Anafi. vit. pontif. c. 43- Aciuariutti Symmach. Sigeb. chr. Baronius. Pagi ad Baron. FUury , hifi.Ecclcf. I. 24. c, 7, 8,9- [ t l  Honorius. Théodose II. Ann. 418, 1 ] 1 1 < 466 H 1 s t n 1 & e en même-temps plufieurs Evêques ée diverfes Provinces , qui devoient etre juges dans une caufe fi importante a la paix de l'Eglife. Comme ce différend ne pouvoit être terminé avant la fête de Paque, il chargea Achillée , Evêque de Spolete , de celébrer 1'office k Rome pendant ces faints jours. Les deux contendants avoient défenfe de rentrer dans la ville avant la décifion. Boniface obéir; mais Eulale étant revenu k Rome trois jours avant qu'Achillée y arrivat, les efprits s echaufferent : il y eut un grand combat; Symmaque luimême y courut rifque de la vie; &c les deux partis fe menacoient mutuellement d'en venir aux extrémités le jour de Paque , pour s'emparer de l'Eglife de Latran. Le Préfet , qui s'étoit prudemment détaché des intéréts d'EuIale, ayant averti 1'Empereur de cette fédition, recut srdre de le faire fortir avec mena:e d'un traitement rigoureux pour ui & fes partifans, s'il différoit d'o)éir. Eulale réfifta cependant, & il allusie chafler k main armée. Cette >piaiatreté acheva de donner gain  vu Bas-Empire, Liv. XXX. 467 de caufe a fon rival. Honorius, de Pavis du Concile, prononca en faveur de Boniface. Ce Pontife, recommandable par fa vertu &c par fon favoir, fut recu avec joie , &c la tranquillité fut rétablie. Eulale s'éloigna de Rome. Sa difgrace le guérit des accès de 1'ambition ; & quelques années après , Boniface étant mort, comme une partie du Clergé lui offroit le Pontificat, il préféra fa retraite a une dignité qu'il fe repentoit d'avoir trop ardemment recherchée. Ce fchifme donna occafion aux Empereurs, & enfuite aux Rois d'Italie , & aux Princes féculiers, de fe mêler de 1'élecfion des Papes. L'Hiftoire de 1'Empire d'Orient fournit ici un événement très-fingulier, dont elle ne donne aucun détail. Le Comte Plintha, Goth de naiffance, fe révolta en Paleftine, fut défait, &£ 1'année fuivante 419 , il devint Conful, Général des troupes de 1'Empire, Sc très-puiiTant a la Cour , a laquelle il rendit dans la fuite d'importants fervices. Sous le confulat de ce Comte & de Monaxe , le Préfet de Conflantinople, nommé AëV vj Honorius. Théodose 11. Ann, 41S. Ann. 419. XVI. Affaires d'Orienr. Soc. I. 5. c. 23. Cod. Th. 1. q. tit, 40. leg. 24. & ihi God. Mare. chr. Prife. rhet. P- 47Chr. Alexl Pall. Lauf. c. 63.  Honorius. Théodo se II. Ann. 415 TiU. Theod. art ii. 468 H I S T O I R Ê ■ tius, coïfrüt rifque de perdre la vie par un affaffinat. Le 23 de Février, ■ comme il fortoit de la grande Eglife _ avec fon cortege pour fe rendre au palais oü 1'Emperéur I'avoit mandé, . un vieillard, nommé Cyriaque, lui préfenta un rouleau de parchemin , qöi fembloit être une requête; mais c'étoit 1'enveloppe d'un- poignard, dont le Préfet fe fentit frappé au cöté droit de Ia poitrine. Le fer ne perca que fes habits. On ignore la caufe & les fuites de cet affaffinat. Cet Aè'tius, qui fut quelques années après Préfet d'Orient & Patrice, fit conftruire a Conflantinople une citerne qui porta fon nom. II ne doit pas être confondu avec le fameux Aëtius, attaché a la Cour d'Occident, & qui eft devenu auffi célebre par fes forfaits que par fes viftoires. Les barbares voifins du Pont-Euxin ne manquoient pas de bois propres k la marine; mais ils ignoroient l'art de les mettre en ceuvre. Ils attiroient des conftrucleurs Romains dont plufieurs furent pris par ordre de l'Empereur & mis en prifon. Afclépiade, Evêque de la Cherfonnefe Tau-  du Bas-Empire. Liv. XXX. 46$ rique , obtint leur grace; mais Théodofe défendit, fous peine de mort, d'enfeigner aux barbares 1'artde conftruire des vaiffeaux. Malgré la bonté naturelle du jeune Prince , & de fa fceur Pulchérie , les tributs s'exigeoient en Oriënt avec une extreme rigueur. Les Receveurs des deniers publics , qui, dans les nonvaleurs, perdent fouvent plus que le Prince, exercoient des cruautés beaucoup plus puniffables, que le défaut de payement. Pallade, qui compofoit alors la vie des folitaires, raconteque, dans le temps qu'il écrivoit, un homme qui devoit au fïfc trois cents écus d'or, fut jetté dansun cachot, & déchiré a coups de fouets; qu'on lui enleva fes trois fils; que fa femme, qui avoit pris la fuite , fut plufieurs fois arrêtée , & autant de fois traitée auffi cruellement que fon mari; & qu'enfin , mourant de faim , elle étoit réduite a errer dans les déferts. Ces traitements inhumains étoient tout-a-fait contraires k une maxime gravée dans le cceur des deux Empereurs , & qu'on lit a la tête d'une Honorius. Théodose II. Ann. 419» XVII. Loix d'Honotiu;. Cod. Th, k  Honorius. Théodose II. Ann. 419. 9. tit. 25. leg. 3. & ibi God. Append. Cod. Th. apud Sirmond. Majoriani nvyel, S. 470 Bis t 0 j r e des loix qu'Honorius fit publier cette année : Que fous le regne des bons Princes, Chumanite doit tempérer la juftice. La loi étend le droit d'afyle a cinquante pas hors des Eglifes, afin que les malheureux qui s'y font réfugiés, puiffent fortir de Penceinte, Sc refpirer un air plus Iibre. Une autre loi ouvre aux Evêques la porte de toutes les prifons, Sc leur permet d'y porter aux prifonniers tous les foulagements fpirituels 8c temporels. L'hérélie de Jovinien, qui combattoit 1'excellence de la virginité, avoit été profcrite par les loix de l'Eglife &c de 1 Etat : mais elle fe défendoit a la faveur des pafhons humaines. On voyoit des filles confacrées a Dieu, renoncer k leurs vceux pour s'engager dans le mariage, ou ie livrer k la débauche. Honorius ordonna que les fédufteurs feroient punis du bannifTement perpétuel, avec confifcation de leurs biens ; il déclara que quiconque les accuferoit, feroit une aöion religieufe, 8c ne feroit point cenfé délateur. L'Empereur Majorien ajouta même dans la fuite, qu'en ce cas, les biens du  nu Bas-Empirs. ttVj XXX. 471 coupable feroient dévolus k 1'acculateur. Le mariage de Placidie avec Conftance avoit déja donné une Princeffe. On vit naitre aRavenne, le deuxoule trois de Juillet 419 , un héritier de 1'Empire. II fut nommé Flavius Placidus, ou Placidius Vakntinianus. Peu de temps après la naiffance, Honorius lui conféra Ie titre de NobiliJJim& ; c'étoit, felon 1'ufage de ces temps-la , le défigner pour fon fucceffeur. L'Empereur n'y confentit qu'avec peine fur les vives inftances de fa fceur. On rapporte que la ville de Stefe en Mauritanië fut agitée par un violent tremblement de terre ; qu'elle refta abandonnée durant cinq jours, tous les habitants s'étant fauvés dans les campagnes, & qu'il y eut deux mille perfonnes , qui, dans cette allarme, demanderent Sc recurent le baptême. Depuis que les Vifigoths avoient quitté l'Efpagne, Honorius y avoit envoyé Aflere avec la qualité de Comte pour gouverner les pays dont les Romains étoient demeurés les maitres. Les Vandales Sc les Sueves Honorius.Théodo* se II. Ann. 419. XVIII. Naifl'ance de Valentinien.Frofp. chr. Idac. chr. Mare. chr. Philoft. I. 12. C. IC. Olympiod. Baronlus. Pagi ad Baron. TUI. vie de St.Jcrumc a art. 141. XIX. Guerres des barbares en Efpagne. Idac. chr. Ifid. chron , Vand.  Honorius.Théodo- se II. Ann. 419, Greg. Turen, hifi. Franc. I. 2. c. 9. Mariana, hfi. Hifp. I. J. c. 3. Ann. 420, XX. Commencememsde Ia monarchieFrancoi- 472 H 1 S T 0 I Z E qui partageoient la Galice, n'ayant plus d'ennemis étrangers , tournerent leurs armes les uns contre les autres. Gonderic , Roi des Vandales , tenoit Herménéric, Roi des Sueves, affiégé dans des montagnes , qu'on croit être celles d'Arvas entre Léon & Oviedo. Aftere, fuivant les regies d'une fage politique , pritle parti des plus foibies; & conjointement avec Maurocel, Lieutenant des Préfets , il tomba fur les Vandales, & les obligea de quitter la Galice. En abandonnant la ville de Brague qui appartenoit alors a cette Province, ils déchargerent leur colere fur les habitants, dont ils maffacrerent un grand nombre. Nous raconterons dans la fuite de quel cöté ils porterent leurs armes. Aftere, en récompenfe de ce fuccès, recut la dignité de Patrice. C'eft ^ 1'année 420, &au troifieme confulat de Conftance, que la plupart des Auteurs rapportent les commencements de la Monarchie Francoife dans la Gaule. Les Francs , depuis prés de deux fiecles, s'efforc;oient de franchir la barrière, que  du Bas-Empire. Liv. XXX. 473 le Rhin, bordé de fortereffes &c de ' garnifons, oppofoit a leur établitfement dans cette Province. Toujours r armés, toujours ennemis, quoique forcés quelquefoisa faire Ia paix, vain« 1 cus en-deca du fleuve , fouvent vainqueurs au-dela, jamais fubjugués , ils ne cefferent de fatiguer 1'Empire , jufqu'a ce qu'enfin profitant de fon affoibliffement, ils fe rendirent maitres du pays qu'ils avoient tant de fois ravage. Cette nation, devenue auffi célebre par le favoir que par les exploits guerriers, s'efi exercée depuis la renaiffance des lettres a rechercher fa véritable origine. Pour ne pas parler des vieux romanciers ,&des chroniqueurs fabuleux, qui donnent les ; Troyens pour ancêtres aux Frangois, ' divers Auteurs les font venir des Palus Méotides , de la Pannonie , de la Scandinavië. Les critiques les plus éclairés fe font partagés en trois fentïments. Les uns prétendent qu'en s'établilfant dans la Gaule, ils n'ont fait que rentrer dans leur ancienne patrie, & qu'ils étoient la poftérité de ces anciens Gaulois, qui, fous Honorius. ?héodose II. tnn. 42Q. XXI. Origine ies Fran;ois. *reg. Tur. üft. Franc. '. 2. C. 9. Valef. reum. Fr. •rtef. & l. I , 3. Leibnit-t le orig. Fr. S- ibi Ecard. Pontan. mg. F. 1. I, e. 3 , 8. . 4. c. 10, LI. Cluv. Germ. ant. '. 3. c, 20.  Honorius. Théodose II, Ann. 420. No tit. Imp. Pagi ad Baron. TiU. Ho. nor. art. 59: Me'm.Trev, Janv.iyid, p. ic. D. Vciff. dig.furVorigine des Franeois. Wm, Acad. t. 1. hifi.p.Kjg. t. u. p. S67.578, 600. t, IV. p. 675. t. vin, p. 506. t. X. p. 517. t.xvni, hifi. P. 54. t.XX,p. 76. M. Crevier , hifi. des Emp, '■ X. p. 156. 474 li I S T 0 I R z la conduite de Sigovefe, prés de ilx cents ans avant Jefus - Chrift, avoient paffe le Rhin, & s'étoient fixés aux environs de la forêt Hercynienne. Cette opinion ne me paroit établie fur aucun fondement folide. Les autres cherchent leur berceau dans la Germanie f oü 1'Hiftoire commence a les appercevoir. Entre ces derniers Auteurs , il y en a qui les font defcendre des bords de la mer Baltique; ce font, felon eux, des reftes des anciens Cimbres. Sous le regne de Marc-Aurele, difent-ils, les Marcomans s'étant avancés vers le midi, ce mouvement fe communiqua aux barbares les plus feptentrionaux; les Goths & les Bourguignons tirerent au fud-eft , & les Francs au fud-oueft: ceux-ci vinrent fe placer entre 1'Elbe Sc le Vefer ; Sc par une feconde migration , entre le Vefer Sc le Rhin , oü ils fe font fait connoïtre aux Romains. L'opinion qui me femble la mieux appuyée, c'eft que les Francs ne furent pas une nation unique Sc féparée, mais une ligue formée de plufieurs nations, qui fe réunirent en un feul corps.  vu Das-Empire. Liv. XXX. 475 Les Sicambres , les Brutteres, les Chamaves, les Cattes, les Saliens &C plufieurs autres peuples Germainsrenfermés entre le Rhin, le Mein, le Vefer & 1'Océan , pour contrebalancer la puiffance des Sueves, maitres d'une grande partie de la Germanie, avoient autrefois formé enfemble une affociation fous le nom commun de Sicambres. Ceux-ci ayant été détruits fous le regne d'Augufte , les peuples qui compofoient cette ligue fe diviferent, & reprirent chacun leur propre dénomination. Ce qui fubfifla jufque vers le milieu du troifieme fiecle. Alors pour être plus en état de défendre leur liberté & leur franchife contre la puiffance Romaine, ils fe réunirent de nouveau, 8t* prirent le nom de Francs , qui , dans Ia langue Germanique, fignifie libre. Le climat heureux &le terrein fertile de la Gaule les attiroient en-de5a du Rhin. Ils commencerent a y faire des courfes dès le temps de Gordien Pie. Aurélien, qui n'étoit encore que Tribun d'une légion , les défit prés de Mayence. Gallien les«Srrêta plu- Hono- rius. rHÉODOse II. Kna, 410. XXII. Récapitulation de leur hiftoire jufqu'a Pharamond.  Honorius.Théodo- se II. Ann. 420. 4?6 II 1 s T O I S. E fieurs fois fur les bords du Rhin : mais a la faveur des troubles de fon regne , ils traverferent la Rhétie , franchirent les Alpes, & porterent le ravage jufqu'a Ravenne. Auffi hardi fur mer que fur terre , ils devinrent pirates, défolerent les cötes de la Gaule & de l'Efpagne, & pillerent Tarragone. Battus par Poftume, ils le fervirent enfuite contre Gallien. Probus, avant que d'être Empereur les défit en perfonne ; Empereur , il les yainquit par fes Généraux. Ceux qu'il avoit relégués fur le bords du Pont-Euxin s'embarquerent, & coururent les cötes de la Grece, de 1'Afie & de 1'Afrique, prirent Syracufe, &c revinrent en leur pays par 1'Océan. Joints avec les Saxons, ils pillerent les contrées maritimes de la Belgique & de 1'Armorique, & furent repouffés par Caraufe. Maximien leur accorda la paix, & en fit paffer des colonies dans la Gaule. Conftantius en ufa de même après les avoir chaffés de 1'ifle de Betau dont ils s'étoient emparés. Ceux qui avoient paffe dans la Grande-Bretagne pour ijcourir Allectus, furent  !>v Bas-Èmpihs. Üv. XXX. 477 taillés en pieces clans la ville de Londres. Conflantin fe fignala par leur défaite, &C déshonora fa vi£toire par la mort, cruelle -qu'il fit fouffrir k leurs Rois prifonniers. II fit un pont k Cologne, paffa le Rhin, & couvrit leur pays de carnage. Un des plus beaux titres des Empereurs, & des plus chérement achetés, fut celui deFrancicus. Les vaincus fe releverent bientöt de leurs pertes , & donnerent de l'exercice a la valeur de Crifpe & a celle de Conftant, fils de Conflantin. Ils fecoururent Magnence, & commencerent k fe meier des intrigues de Cour. Plufieurs d'entre eux, y avancerent leur fortune, & le palais des Empereurs fe trouva bientöt rempli de Seigneurs Francois. Sylvain, Mérobaude,Ricomer, Mellobaude, Bauron , Arbogafte, parvinrent aux premières dignités. On vit alors un grand nombre de Francs dans les troupes Romaines. On en trouve des cohortes entieres placées en Gaule , en Efpagne, en Syrië, en Méfopotamie, & jufqu'en Thébaïde , aufli-bien que dans les troupes Au palais. C'étoient des corps que Honorius. Théodose II. Ann. 410.  Honorius. Théodose II. Ann. 420. 4"3 HlSTOIRE Conflantin & fon fils Conflance avoient compofés de prifonniers ou de volontaires qui fe donnoient au fervice de 1'Empire. La nation n'en f étoit pas pour cela moins ópiniatre a pourfuivre fes deffeins de conquête. j Julien, encore Céfar , reprit Colo- ] gne fur les Francs, il les chafla de laToxandrie, dont lesSaliens, peuples Francois , s'étoient emparés. II battit les Chamaves ck les Attauriens, autres peuples de la même nation, & leur donna la paix. Leurs rava- \ ges continuerent fous le regne de Gratiën, & ne furent que foiblement réprimés par Valentinien II. Génobaude , Marcomir & Sunnon , Rois des Francs, tk fils de Priam, dont le nom a donné occafion a beaucoup de fables, furent défaits en-deca du Rhin , & remporterent k leur tour 1 une plus grande viöoire au-dela du fleuve. Valentinien n'ofa leur refufer \ la paix qu'ils demandoient. Ils furent j les premiers k la rompre trois ans après; mais ils fe laifferent intimider 1 par les ravages d'Arbogafte, & par les troupes nombreufes qui fuivoient Eugene. Us fe mirent k fa folde dans |  nu Bas-Empire. Liv. XXX. 4.70 la guerre contre Théodofe. Après la défaite du Tyran 6z la mort de Théodofe , ils céderent aux menaces de Stilicon , qui vint. dans leurs pays prendre des ötages pour s'affurer de leur foumiffion. Leur Roi Marcomir, Prince remuant & belliqueux , fut tranfporté en Tofcane ; Sunnon, fon frere, fut affaftiné. La frontiere paroiffoit être hors d'infulte, lorfque Stilicon , qui ne cherchoit qu'a troubler les affaires de 1'Empire, retira les garnifons des bords du Rhin , fous prétexte d'en avoir befoin contre Alaric ; & la Gaule demeura ouverte. Les Francs s'étant inutilement efforcés de s'oppofer au paffage des Vandales , des Sueves & des Alains, entrerent en Gaule après eux, & fournirent des troupes auxiliaires aux tyrans, avec lefquels ils efpéroient partager les dépouilles del'Èmpire. Mais la valeür & la fageffe de Conftance délivra la Gaule des tyrans & des barbares, &c les Francs repaflerent le Rhin. Conftance, 1'année d'après fon mariage avec Placidie, étant retourné a'Ravenne, s'occupoit moins des af- Hono- rius. Théodo- se II. Ann. 420. XXIII. PharcSmond entre da' s 11 Gaule.  Honorius.Théodo- se II. Ann, 410. 480 HïSTOIRB faires de 1'Empire, que du projet qu'il avoit formé de Te faire donner le titre d'Augufte. Les Francs profiterent de fon éloignement. La Gaule étoit alors partagée entre quatre nations différentes. Les Viligoths poffédoient la feconde & la troifieme Aquitaine; les Bourguignons tenoient une grande partie de ce qu'on appelle aujourd'hui le Duché & le Comté de Bourgogne , la Savoie & tout le pays qui s'étend jufqu'aux fources du Rhin ; les Allemands habitoient 1'Alface depuis Bale jufqu'a Mayence. Les autres parties de la Gaule appartenoient encore aux Romains. Je ne compte pas ici les Alains, qui, réduits a un petit nombre, n'avoient point encore de demeure fixe. Les Francs étoient gouvernés par plufieurs Rois qu'on choififfoit dans la plus noble familie de chaque peuple, & qui fe diftinguoient par leur chevelure longue Sc flottante, tandis que le refte de la nation portoit les cheveux relevés & noués en pannache fur le fommet de la tête. Ces Rois les conduifoient a la guerre; & leur autorité étant d'ailleurs très-bornée par le Confeil de Ia nation,  nu Bas-Empirb. Lh. XXX. 481 nation, ils font appelles par les Hiftoriens tantöt Rois, tantót chefs, tantöt Princes, Reges , Duces, fubreguli ■ ou regales. Théodémir, fils de Ricomer , régnoit en même-temps que Génobaude, Marcomir & Sunnon , fans doute fur un autre peuple de la ligue Fran§oife. Pharamond, fils de Marcomir, a la tête des Bruóferes, des Chamaves, des Cattes, des Anfivariens & des Saliens, paffa le Rhin, avec plufieurs autres Rois de différentes tribus , entre lefquels il paroit qu'il étoit le plus puiffant. M. de Valois conjetfure que ce Prince avoit été donné en ötage a Honorius 1'an 395. Si ce fait eft véritable, il avoit dü apprendre dans la Cour de cet Empereur a méprifer les Romains de ces temps-la. On croit qu'il s'établit en Toxandrie & dans le pays de Tongres , c'eft-a-dire, depuis Maeftricht jufqu'au confluent de la Meufe & du Vahal. Mais il étendit plus loin fes courfes. II paroit que ce fut alors que la ville de Treves fut pour la troifieme fois prife & pillée par les Francs. Une multitude d'habitants fut paflee au lil de 1'épée; & ce qvii fait con- Tome VI. X Honorius. rHEODÖ- se II. l.nn.4ie.  Honorius. Théodose II. Ann, 420. 482 II I S T 0 I R E noïtre combien étoient frivoles & méprifables les Gaulois de ce malheureux fiecle, c'eft que les Francs s'étant retirés de Treves couverts de fang 6c chargés de butin , lorfque la ville étoit réduite a un état déplorable, les Nobles, pour fe confoler du défaftre de leur patrie, demanderent a 1'Empereur la permiffton d'établir k Treves les jeux du cirque; ce qui leur fut refufé. Ces jeux ne fe célébroient plus alors en Occident qu'a Rome & a Ravenne, foit que les finances des villes fufient épuifées, foit que les fréquentes invafions des barbares tinflent les peuples dans de continuelles allarmes. Cet établiflement des Francs dans la Gaule ne fut pas permanent. Pharamond n'y régna que huit ans. La derniere année de fon regne, ou la première du regne de Clodion fon fuccefleur , Aëtius obligea les Francs de refourner dans leurs anciennes demeures au-dela du R.hin. Nous avons fuivi dans ce ré:it 1'opinion commune. De favants Critiques révoquent en doute 1'exif:ence même de Pharamond. Ils ne ïxent 1'époqHe de la fondation de  du Bas-Empire. Liv. XXX. 483 la monarchie Francoife, qu'a Pan 43 8, lorfque Clodion affura aux Francs la poffeftion de Cambray & du pays voifin jufqu'a la Somme. Mais ils conviennent que cette nation paffa dans ce temps-la en Gaule; qu'elle s'empara des contrées voifines. du Rhin, & qu'elle n'en fut chaffée qu'en 428. Conftance , Général des armées d'Occident, Patrice & beau-frere de 1'Empereur , gouvernoit depuis dix ans toutes les affaires de 1'Empire. Uindolence & Pincapacité du Prince lui laiffoit 1'ufage du pouvoir fouverain ; mais il fouhaitoit ardemment d'en pofféder la propriété. L'ambition de Placidie ne donnoit de repos ni a fon mari,ni a fon frere; elle excitoit Pun, èlle follicitoit 1'autre. Honorius, jalouxde fon titre, quoiqu'il ne fit rien pour le foutenir avec dignité, fentoit de la 'répugnance a Ie partager. Enfin, incapable d'une longue réfiftance, il céda aux importunités, & Ie 8 de Février 421, il déclara Conftance Augufte, fans Pavoir nommé Céfar. Placidie recut peu de jours après le même honneur. Le nouvel Empereur envoya auffi-tot en X ij Honorius. Théodose II. Ann. 420; Ann. 421. XXIV. Honorius donne le titre d'Augufte a Conftance &a Placidie.Profp'.Cnr. Idac. chr, Olympiod. So{. I. 9. c. 16. Phil.1. 11. c. 10. Proc. Vand. I. 1. c ?; Theoph, p. 72. Cod.Ta.li 16. tit. 2, l& 4J. Pagi ad Button.  Honorius. Théodose II. Ann. 421. XXV. Mort de Conftance. Idac. chr. Olympiod. 5oj. I, 9. c. 16. Phil.l. 12. , t. 10. Proc. ' Vand. 1.1. i c. 3. 1 Theoph. p. 71. 1 Mdbil.itin. '< ltal.p. 39', , 4°. Baron. } 1 i < 4§4 II I S T 0 T R S Oriënt, felon la coutume , fon portrait & celui de Placidie. Mais Théodofe refufa de reconnoitre pour collegue un homme né li loin du tröne. II renvoya les deux portraits, lans donner au député aucune réponfe ; & les ordonnances publiées en Drient depuis la nomination de Conftance jufqu'a fa mort, ne porterent in tête que les noms d'Honorius &c ie Théodofe. Ce refus piqua vivement Conftan:e. II fe préparoit k fe venger en por:ant la guerre en Oriënt, lorfqu'une nort prématurée 1'enleva après fix 3U fept mois de regne. On dit que :e Prince, après avoir tant deiiré la miffance fouveraïne, n'y trouva plus, lès qu'il en fut revêtu, qu'un farleau incommode. II regrettoit les )laifirs de la vie privée , & fonpioit fans ceffe après la liberté qu'il ivoit perdue. Ce chagrin , joint au léplaifir que lui cauloit le mépris de rhéodofe, abrégea fes jours. II mouut a Ravenne d'une inflammation de >oitrine, & fut enterré dans un maublée que fa femme fit conffruire prés ie l'Eglife de St. Vital. Placidie lui  du Bas-Empip-E. Liv. XXX. 4S5 avoit ouvert le chemin du tröne; mais elle lui fit perdre plus qu'elle ne lui donna : elle corrompit fa vertu en lui communiquant Pavarice dont elle étoit infeöée. Conftance, défintéreffé, généreux , noble avant que d'entrer dans la familie impériale, devint, après cette alliance, avide, injufte, oppreffeur. On vit après fa mort venir a Ravenne un grand nombre de perfonnes pour redemander les biens qu'il leur avoit enlevés. La molletfe d'Honorivis le rendit fourd a ces plaintes; &i la puiffance de Placidie , qui exercoit fur fon frere un empire abfolu, fit taire la juftice. Ce Prince, dans le court efpace de fon regne, fit cependant plufieurs aftions dignes de mémoire. II chaffa de Rome Céleftius , le compagnon de Pélage; & cet hérétique étant allé folliciter Théodofe pour obtenir un Concile, fut encore banni de Conftantinople. Conftance n'ofant abolir entiérement les loix qui permettoient la répudiation, la rendit par un nouveau réglement plus défavantageufe, & par conféquent plus rare. II fe déclara 1'ennemi du paganifme , & fit X iij Honorius. Ihéodose II. Ann, 411. XXVI. Aclions mémorables rle fonregne. Phot. biblist, p. 44» »8l , Profp. prom. I. 3. c. 38. Salv. de gub. I. 8. Cod. Th. I. 3. tit. 16. Ug. 2. TUI, vie de  Honorius.Théodo se II. Ann. 421 S. Aug. aft 224. Pagi aa Baron, XXVII. Etat de la GrandeSretagne. Gildas de excid.Brit. 436 Histoirb ' detriiire jufqu'aux fondements le temple de la Deeffe Célefte k Carthage, ■ ainfi qlie nous Pav.ons déja raconté. , l,t Par fon ordre ""e ftatue coloflale placée prés de Rhege fur le bord du détroit de Sicile, k laquelle une ancienne fuperftjtion attribuoit ja vertu de garantir cette ifle des erabrafements du mont Etna & du ravage des barbares. Pour produire ces effetsmerveilleux, on entretenóit ua «eu perpetuel dans un des pieds de ce cololfe, tandis que 1'autre étoit remph d'eau. Unimpofteur, nommé -LU banius, qui fe vantoit de pouvoir , par art magique, fans troupes ni fans ioldats, exterminer les barbares, étant venu k Ravenne, fe faifoit écouter du peuple. Conftance le regardoit comme un fou qu'il fuffifoit de tenir enferme. Le zele impérieux & cruel de PJacidie, qui menacoit fon mari de: faire divorce s'il laiffoit vivre un magicien, le contraignit de mettre a mort ce miférable. Depuis que les Romains avoient ïbandonne la dcfenfe de la Grande, eretagne, ce pays demeuroit expofé aux courfes des Picïes & des Ecof-  nu Bjs-Empïre. Liv. XXX. 487. fois. Les Bretons, affoiblis par des ravages continuels, envoyerent k Ravenne implorer le fecours de 1'Empire. Ils promettoient une éternelle obéiffance , fi on les délivroit de ces cruels ennemis. Conftance y envoya une Iégion qui défit les barbares, les repouffa jufque dans leur pays, & repaffa la mer, après avoir exhorté les habitants a relever le mur autrefois conftruit par 1'Empereur Sévere, entre les golfes de Clyd & de Forth. Les Bretons, qui manquoient de courage tk d'ouvriers intelligents, fe contenterent de batir a la hate un rempart de gazon, bordé d'un large fofle. Cet ouvrage ne fut qu'une foible défenfe contre les barbares, qui revinrent avec une nouvelle fureur. dès qu'ils furent aflurés de la retraite des Romains. Les malheureüx infulaires députerent de nouveau a RavennJ après la mort de Conftance. Leun députés parurent devant 1'Empereui en habits déchirés, & la tête con verte de poufliere. Honorius , ton ché de leurs maux, leur envoya en core des troupes, qui, après les avoi déüvrés des barbares, leur déclare X iv Honorius.Théodo- se m Aan. 421.' Beda, hifi. I. i. c. ii, TiU. hifi. des Bretons.  Honorius. Théodose II. Ann. 411, i 488 BlSTOlRE rent: Que fEmpire n'étoit plus en êtat dentreprendre des expêditions filaborieufes & fi éloignées; que les Brttóns ne devoient plus en efpérer de fecours, & qu'ils n avoient befoin que de courage pour fe défendre contre des barbares indifciplinês & faciles d vaincre. Les Romains , exercés au travail, & qui n'avoienr pas encore oublié 1'architefture militaire, les aiderent a conftruire un mur de pierres d'une mer a 1'autre entre le golfe de Solway & Pembouchure de la Tine, au même endroit oü avoit été celui d'Hadrien. Ce mur avoit douze pieds de haut fur huit d'épaifTeur. lis éleverent auffi des tours le long de la cöte vers le midi , oü 1'on avoit k craindre la defcente des barbares, tant de 1'Ecoffe que de la Germanie. Ils leur enfeignerent a forger des armes, leur laifferent des foldats inftruits pour les former aux exercices, s'efforcerent ie leur infpirer du courage , & partirentpour ne plus re venir. Le départ les Romains fut un fignal pour les barbares. Les Pides & les Ecoffois, 31-efque nuds, hériffés de poil comne les bêtes de leurs forêts, altérés  du Bas-Empirê. Liv. XXX. 489 de fang & de vengeance, revinrent en plus grand nombre. Les Bretons, tremblants 6c vaincus d'avance par la terreur , fe montrerent fur le mur 6C fur les éminences des environs; ils n'oppoferent qu'une foible réfvftance. Les barbares les percoient a coups de traits : ils les tiroient avec des crocs de deffus la muraille , 6c en faifoient tin horrible carnage. Tout fuit devant eux; la muraille 6C les villes font abandonnées. Les habitants qui peuvent échapper au fer ennerni fe difperfent dans les bois, ou mourant dè faim Sc devenant eux-mêmes fauvages, ils font réduits a ne vivre que de leur chaffe, Sc a défoler leurs propres campagnes. Ils pafferent trente années dans ce déplorable état, jufqu'a 1'arrivée des Saxons qu'ils appellerent a leur défenfe, Sc qui leur firent encore éprouver de plus grands maux. L'Empire d'Orient fe foutenoit avec plus de vigueur, Sc fa décadence étoit moins fenfible. II y avoit eu en 41c une fédition dans laquelle les foldats avoient tué Maximin leur Commandant, On ne fait ni le lieu, ni le: X v Honorius.Théodo- se II. Ann. 421. XXVIIÏ. Affaires d'Orient. Mare. chr. Chr. AUx.  Honorius. Théodose ILN Ann. 411, XXIX. Hiftoire d'AthénaïsMarc. chr. Chr. AUx. Soc. I. 7. f. 21. Evag. I. 1, t. 20, Vtiou Be- ' hliotl p. 1 1S9.V3, ] 416, Theoph. p. 1 72- i £• 4J* 4-9° fllSTOlRE circonftances de cette révolte. II pa» roït qu'elle fut auffi-tót étouffée. L'annee fuivante, le ly de Février, on nt, en préfence de 1'Empereur , entrer 1'eau pour la première fois dansune citerne que Pulchérie avoit fait creufer. Quoique Conftantin & fes fuccefieurs euffent fait venir beaucoup d'eau a Conflantinople , cependant la ville en manquoit fouvent dans les chaleurs de 1'été, qui' faiioient tarir toutes les fources. Ce fut pour cette raifon qu'on batit un grand nombre de cïternes , ouvrages admirables par le travail & par la vafte. etendue de ces réfervoirs. . Théodofe avoit vingt ans accomphs , & fa fceur lui cherchoit une époufe dans les plus illuftres maifons de 1'Empire. Paulin, qu'une tendre imitié attachoit a" Théodofe depuis. 'enfance,.partageoit ce foin avec Pul:hérie ; & ils éprouvoiènt tous deux :ombien il eft difficile de rencontrer mfemble toutes les graces & touteses vertus. Pendant qu'ils s'occupcient le cette recherche , une jeune Athéïienne, conduite par 1'infortune,. vint f- Conflantinople. Elle étoit fille de  nu Bas-Empire. Liv. XXX. 491 Léonce, célebre fophifte d'Athenes; &c fon pere trouvant déja en elle tous les dons de la nature, avoit pris le plus grand foin de cultiver fon efprit. II y avoit beaucoup mieux réuffi que dans 1'éducation de fes deux fils , qui n'eurent d'autre mérite que d'être freres d'Athénaïs : c'étoit le nom de cette fille. Léonce étoit riche ; il moitrut, & fit en mourant un teftamenl bifarre : Je laijfe, difoit-il, tous me: biens d mes deux fils Valere & Gênéjïus, d condition qu'ils donneront a leu fceur cent pieces a"or : pour elle , foi merite qui V lieve au-dejfus de fan fexc lui f era 'd'une affe\ grande reffource. Le cent pieces d'or ne faifoient guer que treize a quatorze cents livres d notre monnoie aftuelle. Athénaïs déshéritée pour la raifon même qv rend les autres peres plus favorables xonjura d'abord fes deux freres d réparer cette injuftice, ck de lui a corder fa légitime , les prenant a t« moin qu'elle n'avoit pas mérité cet difgrace , &C leur repréfentant qi 1'indigence de leur fceur feroit poi eux, finon un fujet d'affliction , c snoins un reproche continuel. C X vj Honorius. Théodose II. Ann. 411. Cedren. p. 3 36. Glycas , p, 261. Manaffi, {■ 53- Mdcla irt Theod.jun. p » 9 : » i > e :e ie ir .11  Honorius.Théodc se II. Ann. 411 XXX. Mariage c!e Théodofe. 492 Hl S T O I R E - ames vulgaires n'écouterent que 1'intérêt; & pour oublier leur fceur, ils - la chafferent de la maifon paternel. le. Elle fe réfugia chez une tante qui la conduifit a Conflantinople pour y folliciter la caffation du teftament. Elles s'adrefferent a Pulchérie. Afhénaïs étoit d'une beauté éblouiffante; elle expofa le fujet de fes plaintes avec des graces fi touchantes, que Ia Princeffe fut auffi charmée de fon efprit que de fa beauté. Pulchérie s'informa de fes mceurs; & ayant appris qu'elles étoient irréprochables, elle crut avoir trouvé dans cette jeune fille ce qu'elle cherchoit vainement a la Cour. Elle fit auffi-töt part a fon frere de cette heureufe découverte. Ce récit excita dans le jeune Prince une vive impatience de voir Athénaïs. Pulchérie, fous prétexte de s'inftruire plus en détail de 1'objet de fa requête, la fit entrer dans fon appartement , oh Théodofe, fans être appercu d'elle , eut le temps de la confidérer d'un lieu oh il étoit avec Paulin. Tous deux furent frappés de 1'éclat de fa perfonne, tandis que Pulchérie admiroit la jufteflè, les gra-  nu Bas-Empirb. Liv. XXX. 493 ces & la modeftie de fes difcours. Théodofe en devint pafïionnérnent amoureux, & n'eut point de repos que le mariage ne fut conclu. Léonce étoit payen ; Athénaïs, élevée dans la religion de fon pere, fut inftruite du Chriftianifme , & baptifée par Atticus, qui changea fon nom en celui d'Eudocie. Elle y ajouta le nom d'JElia que portoit Pulchérie. Les noces furent célébrées le 7 de Juin , & cette brillante folemnité fut accompagnée de fêtes & de jeux qui continuerent pendant plufieurs jours. Eudocie mit au monde 1'année fuivante une fille qui fut nommée Licinia Endoxia. Elle recut le titre d'Augufte le x de Janvier 413. Les freres d'Eudocie avoient mérité fon reffentiment : ils prirent la fuite3 & fe cacherent dès qu'ils apprirent qu'elle étoit devenue femme de leur Sotiverain. La Princeffe, plus généreufe & plus habile qu'ils n'étoient en fait de vengeance , ne voulut les punir que. par des bienfaits. Elle les fit chercher & conduire a Conflantinople. Lorfqu'ils parurent devant elle, tremblants & déconcertés : Ne craigne{ rien,, leur dit-elle; Honorius. Tkéodo se II. A.nn. 421  Honorius. Théodose II. Ann. 421. 494 HlSTOIRE loin de vous favoir mauvais gre , js vous regarde comme les auteurs de mon elevation. Ce riejl pas votre duretè qui m'a bannie de la maifon paternelle ; c'ejl la Providence divine qui ma prife par la main pour me conduire fur le tróne. Elle procura k Valere la dignité dé ; Maïtre des offices, & a Généfius celle de Préfet du Prétoire d'lllyrie. Cette Princeffe conferva fous la pourpre le goüt qu'elle avoit pour les lettres. Elle compofa des poëmes, qui ont fait 1'adnüratión de fon fiecle & de la poftérité. Elle traduiftt en vers les cinq livres de Moïfe, Jofué, les Juges , Ruth, les Prophéties de Daniël &c de Zacharie. Photius releve dans fes ouvrages, la beauté de la poéfie jointe a la fidélité de la traduftion. II fait encore un grand élóge d'un' poëme qu'elle compofa en trois livres k la louange du martyr Cyprien, qui avoit fouffert la mort dans la perfécution de Dioclétien. Ce poëme , prefque entier, vient d'être retrouvé k.rFlorence, dans la bibliotheque de Laurent.de Médicis. Le manufcrit eft du dixieme fiecle. Le favant Bibliothécake, Ange-Marie Bandini,  nu Das-Bmpire. Lh. XXX. 495 auquel la littérature doit cette précieufe découverte, promet d'en faire part inceffamment au public. Pulchérie, dès fon entrée dans le miniftere, avoit éloigné de la perfonne de Théodofe 1'eunuque Antiochus , qui ayant été Gouverneur du Prince dans fon bas age, s'étoit rendu maitre de Ion efprit. Cet ambitieux avoit trouvé moyen de fe rapprocher, & balancoit auprès du jeune Empereur, le crédit même de Pulchérie. II étoit parvenu a la charge de grand Chambellan & au titre de Patrice. Ses injuffices le rendoien odieux , mais fes artiflces &c fes intrigues lui confervoient fon pouvoir Eudocie, peu de temps après fon ma riage, s'étant déclarée contre lui, 01 eut moins de peine a faire connoi tre a Théodofe que cet infolent fa vori méprifoit également 1'Empereu & i'Impératrice, & qu'il s'oublioi jufqu'a vouloir gouverner 1'Empire ou il ne jettoit que du défordre pa fes concuflions. Le Prince , enfin dé iabufé , le dépouilla de fa charge, & confifqua fes biens. Antiochus, pon fe mettre a couvert des-fuites eneor Honorius.Tiiéodose ir. Ann. 421. XXXI. Difgrace d'Antiochus.Zon. t. II. p. 41. Theoph. p. 83. Snid. Av-r rioyos & : esc^ó- ; TUI. ■ Thaod. art: 31 5- «os. • l. I t t > r £  4$^ li I S T O I R E oluS fllnPITPC niTA rotte. A\fm-ift> Honorius. Théodose II. Ann. 421. XXXII. Entrepri- fe de 1'Evêque de Conflantinople.Cod. Th. I. 16. tit. 2. leg. 45. O ibi God. Cod. Ju/1. 1. i. tit. 2. leg. 6. /. ii. tit. 20. unie. 1 7- -~ uiipatv. puu- voit entraïner, s'engagea dans le Clergé. II acheva fa vie, qui ne fut pas longue, au fervice de l'Eglife de Sainte-Euphémie' a Chalcédoine. Théodofe , par une loi expreffe, déclara les eunuques incapables de porter jamais le titre de Patrice. Ce fut dans ce temps-la qu'on vit éclater la première étincelle de cette funefte jaloufie, qui embrafa dans la fuite l'Eglife d'Orient, & qui 1'a enfin féparée de l'Eglife Romaine, Atticus, Evêque de Conflantinople, Prélat aufïï adroit qu'il paroiffoit doux & modefte , proflta du chagrin que caufoit k Théodofe la promotion de Conftance, pour engager ce Prince a étendre les droits de fon Eglife. Sur une conteftation lurvenue entre les Evêques de 1'Illyrie oriëntale, Théodofe ordonna par une loi que les queftions de difcipline concernant 1'IUyrie, feroient décidées par le concile de la Province avec Ia participation de 1'Evêque de Conflantinople , nik qui jouit, dit-il, des •pirogatives de l'ancienne Rome. Les termes de la loi étoient ménagés &  nu L'as-Empire. Liv. XXX. 497 équivoques; mais c'étoit en effet enlever a 1'Evêque de Theffalonique, Vicaire du faint Siege, 1'autorité qu'il avoit fur 1'Illyrie oriëntale, Sc la faire paffer aux Evêques de Conflantinople. De plus , 1'éloge de cette derniere ville inféré dans Ia loi faifoit foupconner que Théodofe entendoit qu'il y eut entre les deus Eglifes de Rome Sc de Conflantinople la même égalité d'honneur Sc de jurifdiófion qui fubfiftoit entre le« deux Empires. Le Pape Boniface s'oppofa fortement a cette prétention ; il fit défendre fes droits par 1'Evêque de Theffalonique; il engagea Hono rius a prendre le parti de l'Eglife Romaine. Ce Prince en écrivit aThéo dofe , qui, après la mort de Conftance, confentit arévoquerfa loi. Ce pendant cette loi qui ne fubfiftoi plus, a été inférée dans le code dt Juflinien, Sc celle qui 1'annulloit, n< fe trouve pas même dans le code d( Théodofe : ce qui fait connoitre qu'a prés la loi révoquée, la jaloufie con tre le fiege de Rome Sc la paffior en faveur de l'Eglife de Conftanti nople, fubfifterent toujours. Honorius. ThéodO' se II. Ann. 411 1  498 H i s t ö i r r Hono- RTUS. Théodo- se II. Ann. 421. XXXIII. Perfécution des Chrétiens en Perfe. Soc. I. 7. c. iS. Theod. 1. J. c. 38. Marcel, chr. Theoph. p, 73- Agath. I. 4. Proc. Perf. I. t. c. 2. Cod. Tk.!. 7- M. 16. hg. 3. & Ui God. Cod. Jufl. L S. tit. ia. hg. j o. AbulfaraS'- Baronius. AJfemani , Bibl. or. t. 1. p. 182. TUI. Theod. art. 11. La guerre de Perfe commenca cette année. Les Auteurs orientaux la font durer quatre ans : les hiftoriens cl'occident la terminent dès la feconde campagne. Nous en raconterons de fuite les événements que 1'Hiftoire nous a confervés. Ifdegerd, qui avoit entretenu une paix conftante avec 1'Empire , étant mort en 420 , après un regne de 21 ans , fon fils Varane , cinquieme du nom , lui fuccéda. Ce Prince, auffi ennemi du Chriftianifme que zélé pour fa fauffe religion , commenca fon regne par une perfécution très-fanglante. II ne fut jamais de nation plus ingénieufe que les Perfes a rafHner fur la cruauté des fupplices ; ils en ont inventé d'inouis, qui font frémir la nature; & les martyrs de ce pays prouvent encore mieux que tous les autres la force invincibie de la grace divine. La perfécution fit naitre Ia guerre ; c'étoient deux chofes prefque inféparables. Les Chrétiens qui pouvoient échapper a la rigueur des édits , alloient chercher leur fïïreté fur les terres de 1'Empire; Sc quoique les Mages, acharnés a leur perte, euf-  nu Bjs-Empire. Liv. XXX. 499 fent pofte fur la frontiere des gardes de Sarrafins pour les arrêter, il s'en fauva un grand nombre dont la plupart fe retirerent k Conflantinople. Ils y trouverent une relTource afiurée dans 1'humanité du jeune Empereur. On raconte k ce fujet un fait digne .de mémoire. II y avoit en Perfe un Grecnommé Afpébete, qui étant néidolatre, s'étoit établi dans le pays des Sarrafins, oii fa valeur 1'avoit fait élire chef d'une tribu. Etant alors au fervice de la Perfe, il fut chargé comme les autres Capitaines de la même nation, d'arrêter les Chrétiens qui fuyoi,ent en Méfopptamie. Mais cet infïdele, touché de compaflïon , loin de leur faire obftacle , favorifoit leur fuite. Varane en fut averti. Afpébete, redoutant fa cruauté , emporta tous fes biens, & fe réfugia avec fa familie fur les terres des Romains. Anatole, Préfet d'Orient, lui donna un établiffement en Arabie, & le commandement des Sarrafins foumis a 1'Empire. Quelque temps après,le fils d'Af-" pébete ayant été guéri d'une paralyüe par les prieres d'un faint folitai- Hono- r1us. Théodo- se II. Ann. 4213  Hono- bius. Thécdo- se II. Ann. 421. XXXIV. Caufes de Ja guerre entre les Perfes & les Romains. 500 IIlSTOIRE re, le pere fe fit Chrétien avec fa familie & fon peuple, dont il fut dans la fuite nommé Evêque. II prit le nom de Pierre, & fut par fa fainteté un des Prélats les plus célebres de 1'Orient. Varane envoya redemander a l'Empereur fes fujets fiigitifs. Théodofe répondit avec courage : Que tEmpire étoit un afyle toujours ouvert aux innocents : Que le Chrijlianifme faifoit tout le crime- de ceux que le Roi pourfuivoit : Que les Empereurs riavoient point de titre plus glorieux que celui de défenfeurs de la Religion Chrêtienne, & rque pour trainer en Perfe ceux dont Varane vouloit verfer lefang, il faudroit qu'il vint les arracher d'entre fes bras. Sur cette réponfe généreufe ; le Roi de Perfe ufa de repréfailies ; il refufa de rendre les travailleurs que PEmpereur avoit prêtés aux Perfes, pour fouiller les mines d'or de leur pays,. & il fit faifir tous les effets des marchands Romains qui fe trouvoient alors dans fes Etats. Théodofe s'attendant a une rupture onverre., prit toutes les précautions d'une fage politique. II leva  du Bjs-Empiae. Liv. XXX. $01 des troupes, &c mit a leur tête trois Généraux, Ardabure, Aréobinde &£ Avitien,, Les deux premiers étoient barbares d'origine, comme leur nom le fait connoïtre. Ardabure, le plus renommé des trois, étoit Alain, Sc Arien de Religion, mais connu par fa bravoure öc par fes talents miliraires. Chez les Romains, qui dégénéroient, on trouvoit encore beaucoup de foldats, mais peu de Généraux. L'Empereur permit a tous les habitants de PAfie, depuis le Tigre jufqu'a 1'Hellefpont, d'enfermer leurs terres d'une enceinte de murailles, pour les mettre a couvert des incurfions. On voit par cette loi que les particuliers ne pouvoient enclore leurs poiTeffions fans la permiffion du Prince. Par une feconde loi, il renouvella la défenfe de tranfporter chez les barbares des marchandifes, dont ils pouvoient faire ufage au préjudice de 1'Empire, telles que du fer, des armes, Sc même des vivres. Les Perfes , fous la conduite du Général Narfès , fe mirent en campagne au printemps de 1'année 411, Honorius. Théodose If. Ann, 411» XXXV. Viiloire d'Ardabu- re.  Honorius.Théodo se II. Ann. 421 Soc. I. 7 c. 18. Theod. 1 5- c. 36. Marcel. Chr. XXXVI. Guerre en Méfopotamie. 502 II I S T O I R B Mais des pluies abondantes Sc continuelles retarderent leur marche, Sc ■ donnerent aux Romains le temps de _ les joindre dans 1'Arzanene. C etoit une des cinq Provinces cédées par Jovien aux Perfes en-deca du Tigre. • H fe livra une grande bataille oü ks Perfes furent vaincus. On en recut trois jours après la nouvelle k Conflantinople , quoiqu'il y eut une diffance de prés de quatre cents lieues. Telle étoit la prodigieufe diligence d'un courier nommé Pallade. On difoit de lui qu'il favoit rapprocher les diftances, Sc qu'a mefurer par fes journées 1'étendue de 1'Empire , ce n'étoit qu'un petit Etat. Narfès, après fa défaite, lailTa Ardabure faire le dégat dans 1'Arzane» ne. Ayant rallié les fuyards Sc raffemblé de nouvelles troupes, il gagna les plaines de Méfopotamie. II efpéroit s'avancer jufqu'a 1'Euphrate. Ardabure, inllruit de fa marcbe, le fuivit avec toutes fes troupes, Sc 1'atteignit devant Nifibe qui faifoit la borne des deux Etats. Narfès envoya défier le Général Romain , lui demandant le jour Sc 1q lieu oü ils  du Bas-Empire. Li«. XXX. 503 pourroient terminer la guerre par une bataille décifive. Arbadure répondit a cette bravade, que ce n'étoit pas 1'ufage des Généraux Romains, de concerter les opérationsde la guerre avec leurs ennemis. En même-temps il rec;ut un renfort confidérable que lui envoyoit 1'Empereur. Narzès, trop foible pour tenir la campagne devant une armée fi nombreufe, s'enferma dans Nifibe. Les Romains afliégerent la ville , établirent leurs batteries, & donnoient de fréquents alTauts. Les affiégés fe défendoient avec vigueur. Varane, ayant appris la défaite de fon armée, le ravage de PArzanene, & le fiege de Nifibe, prit le parti d'aller en perfqnne fecourir cette place importante. Ce Prince étoit vaillant, acfif, adroit k manier lesarmes, & d'une force exraordinaire. Pour couper le retour a 1'armée d'Ardabure, il réfolut d'envoyer un grand corps de troupes vers 1'Euphrate, en même-temps qu'il marcheroit luimême vers Nifibe. Dans ce deffein, il demanda des fecours aux Sarrafins, Cette nation étoit partagée en Honorius.Théodo- SE II. Ann, 421. XXXVII. Varane paffe le Tigre.  594 ÏIistoirs Honorius.Théodo- SE II. Ann. 421, fon chef, qui, felon fon inclïnation ou fes intéréts, combattoit pour les Romains ou pour les Perfes. Alamundare, chef d'une tribu puilfante, guerrier intrépide 8c hafardeux, vint k la tête d'une cavalerie innombrable offrir fesfervices a Varane, lui promettant de pénétrer jufque dans la cceur de la Syrië, 8c de les rendre dans peu de jours maitre d'Antioche. II part auffi-töt, 8c cette nouvelle va jetter 1'effroi dans Conffaatinople. On a recours aux prieres; les Eglifes font remplies d'une foule de perfonnes qui implorent la protetfion du CieL Déja cette multitude de Sarrafins couvroit les bords de l'Euphrate,lorfque frappés d'une terreur panique , ils s'imaginerent que 1'armée Romaine les pourfuivoit, 8c qu'elle alloit fondre fur eux. Dans cette allarme , fans fe raffurer par leur 'grand nombre, ils fe confondent, fe preffent, fe renverfent les uns fur les autres, 8c ne fachant oü lë fauver paree qu'ils fe croyoient enveloppés , ils fe précipitent dans 1'Euphrate hommes Sc chevaux. Pas un  du Bas-Empirs. Liv. XXX. 505 ün n'atteignit 1'autre bord; &, s'il en faut croire Socrate , cent mille Sarrafins furent enfévelis fous les eaux. Cependant Varane marchoit vers Nifibe avec toutes les forces de fes Etats. Ardabure ne jugea pas a propos de Pattendre ; il mit le feu a fes machines, & regagna les terres de 1'Empire. Le Roi de Perfe , après avoir fait lever le fiege de Nifibe, ne voulut pas quitter la Méfopotamie fans quelque exploit mémorable. II alla afliéger Rhéfene, nommée Théodofiopolis depuis que le grand Théodofe 1'avoit rétablie & fortifiée. II fit conftruire des tours d'attaque , & d'autres machines propres a battre des murailles. Le fiege dura un mois entier. La plus forte défenfe de la place, dépourvue de troupes , étoit 1'Evêque Eunome, Prélat d'une éminente ifainteté. II infpira aux habitants le courage des plus braves foldats; il fe trouvoit a toutes les attaques , donnant les ordres , & animant les Combattants du gefte & de la voix, Enfin, il obligea les Perfes d'abandonner leur entreprife ; ce qui ar* Tornt Vh Y Honorius. Théodose II. Ann, 421. XXXVIII Siege de Théodo- fiopolis. Tkeod. I. 5. c 36. Cedr. p. 338. i  Honorius.Théodo- " se II. Ann. 421. Ann. 422. XXXIX. Divers fuccès des Romains. Soc. I. 7. c. 18, 20. 21. So-i. U 9, c. 4, 506 HlSTOIRE riva de cette maniere. Un des Rois> vaffaux de Varane, s'étant approché a Ia portée de la voix, poffédé de Ia même fiireur que Rhabfacès & Sennachérib, proféroit contre le Dieu des Chrétiens les plus exécrables blafphêmes. Eunome, faifi d'indignation, fait pointer une ballifte qui portoit le nom de Saint Thomas, &c la pierre partant avec violence, va fracafler Ia tête de ce Prince impie. Varane , effrayé de ce coup, & rebuté d'une fi vigoureufe réfiftance, leve le fiege, & retourne en Perfe. On rapporte qu'il y eut cette année en Paphlagonie, une fi cruelle famine , que les habitants défefpérés , vendoient leurs propres fils , après les avoir fait eunuquespour en tirer un plus haut prix. La guerre conti nua 1'année fuivante. Les trois Généraux Romains fe fignalerent. Un Seigneur Perfe étant venu défier le plus brave des Romains , Aréobinde ne voulut céder a perfonne la gloire de le combattre ; il courut a lui, le faifit au corps , & 1'ayant renverfé de cheval, il le peroa de fa lanee. Les Grecs du moyen  du Bas-Empihe'. Liv. XXX.- 507 age ont, a leur maniere, embelli ce combat par des circonftances romanefques. Ardabure furprit & tua dans une embufcade fept Officiers Généraux de 1'armée ennemie. Avitien acheva de détruire ce qui reftoit de Sarrafins au fervice de Varane. Les habitants de Nifibe, toujours guerriers , mais devenus auffi ennemis de 1'Empire & du Chriftianifme, qu'ils avoient été autrefois attachés a 1'un tk a 1'autre, étant fortis en armes pour fe joindre k 1'armée des Perfes, furent enveloppés & taillés en pieces. Ces premiers fuccès promettoient aux Romains une campagne glorieufe. Cependant Théodofe aima mieux en profiter pour faire ceffer la perfécution par un traité de paix. It employa dans cette négociation Hélion, Maitredes offices, qu'il eftimoit finguliérement, Anatole , Préfet d'Orient ^ tk Procope , gendre du célelebre Anthémius , & pere d'un autre Anthémius qui fut depuis Empereur. Ce Procope defcendoit de celui qui avoit ufurpé la fouveraineté fous le regne de Valence. Ces plénipotentiaires -étant arrivés au camp y ij Honorius. Théodose II. Ann. 422. Theod. I. S.c. 38. Evag. I. I. c. 19. Sid. carm. 2. Theoph. p. 75- Cedr. p. 341. Malela in Theod jan. Pagi ad Baron. Affemani, hibl. oriënt. t.I.p. 22;. t>. Curt. I. 3. c. 3. XL. Négociation pouf la paix.  Honorius. Théodose II. Ann. 422. XLI. Défaite des Immortels. 1 ] 1 1 1 « ] 1 i ] 5öS , HlSTOIRE des Rotnains en Méfopotamie , en-' voyerent au Roi de Perfe un Officier de marqué, nommé Maximin, pour preffentir fes difpofitions. Maximin étoit homme d'efprit, 6t propre k conduire habilement une affaire fi délicate. Afin de ne pas compromettre 1'honneur de 1'Empire , il dit au Roi qu'il étoit envoyé non par l'Empereur, mais par les Génèraux de l'armee Romaine; que c'étoit a regret qu'ils faifoient la guerre d un Monarque dont ils refpecloient la haute vertu autant qu'ils admiroient fa valeur ; qu'ils étoient ajfurés d'oh tenir t'agrément de leur Souverain, f le Roi ne refufoit pas d'entrer en négociation. Varane, inffruit du mauvais état 3e fon armée , qui périffoit faute ie fubfilfances, étoit difpofé k la )aix. Mais les Immortels s'y op)oferent. C'étoit un corps de dix nille cavaliers, qui fubiiftoit en Perfe lepuis les premiers fucceffeurs de Dyrus: milice fameufe & la plus iluftre de 1'Empire Perfan par la nojleffe, la magnificence & la valeur. }n les appelloit Immortels, paree que eur nombre ne diminuoit jamais,  nu Bas-Empjre. Liv. XXX. 509 Sc que celui qui fnouroit étoit auffitöt remplacé par un autre. Comme il étoient en grande confidération auprès des Rois de Perfe , ils perfuaderent a Varane de nrécouter aucune propofition , qu'ils n'euffent eux-mêmes faitun dernier effort pour vaincre les Romains. Ils fe flattoient de les furprendre. Le Roi, plein de confiance en leur courage, y confentit; Sc afin que les Romains ne fuffent pas avertis de leur marche, ii fit enfermer Maximin. Les Immortels fe partagerent en deux troupes; 1'unevint fe préfenter de front devant un grand corps détaché du refte de 1'armée , tandis que 1'autre ayant pris un détour gagna les derrières r Sc fe mit en embufcade a deffein de chargec les Romains en queue pendant le combat. C'en étoit fait de ce corps d'armée, fi le ftratagême eut réiifïi. Mais une fentinelle ayant du hauï d'une éminence appercu 1'embufcade, vint promptement en donner avis a Procope qui fe trouvoit en cet endroit. Auffi-tót Procope, a la tête de tout ce qu'il peut ralTembler d'efcadrons, fe jette entre les combattants Sc le; Y ii] Honorius. Theodose II. Ann. 422.  Honorius.-Théodo- se II. Ann. 422, XLII. Conclulïon de la jaix. 5IO H I S T 0 J & E troupes de 1'embufcade; il taille celles-ci en pieces : revient enfuite fur les premiers qui attaquoient de front, & qui n'étant pas fecourus, furent enveioppés & entiérement défaits. La deftruöion d'un corps qui faifoit 1'honneur & la principale force de la Perfe, acheva d'abattre la fierté de Varane. II fit venir Maximin ; & feignant d'ignorer cet événement funeft e : Quoique je fente bien, lui ditil, la fupériorité de mes forces, j'ai rè~ fiéchi fur les maux inféparables de la guerre, lors même quelle ejl heureufe. Je confens d traiter avec vous. Maximin ayant fait part de cette ouverture aux trois députés , ils fe rendirent a Ctéfiphon , & conclürent avec le Roi une paix pour cent ans. Elle en fubfifta quatre-vingts , jufqu'a la douzieme année du regne d'Anaftafe. On convint que le Roi laifferoit aux Chrétiens liberté de religion. Mais cet article ne fut pas fidélement obfervé. La perfécution recommenca peu de temps après, & continua pendant toutle regne de Varane , quoiqu'avec moins de fureur. La nouvelle de la paix caufa autant  nu Bjs-Empire. Liv. XXX. 511 de joie k Conflantinople, que la guerre y avoit répandu d'allarmes. Les Orateurs & les Poëtes s'efforcerent k 1'envi de célébrer les louanges de 1'Empereur. Eudocie elle-même compofa fur ce fujet un Poëme en vers héroïques. Procope, qui avoit le plus contribué k la paix, fut honoré du titre de Patrice, & nommé Général des troupes d'Orient. Mais celui qui s'acquit dans cette guerre la gloire la plus folide , & qui en recut fans doute la récompenfe la plus précieufe & la plus durable, fut Acace , Evêque d'Amide. Dans le ravage de 1'Arzanene, les Romains avoient enlevé grand nombre d'habitants qu'ils trainoient a leur fuite Ces malheureux, au nombre de fep( mille, étoient réduits a la plus af freufe mifere. Les foldats, qui, dans c« pays ftérile, manquoient fouvent eux mêmes de fubfiftances, les laiflbien périr de faim. Acace, digne Mjniftr< du Dieu qui répand fes bienfaits fu tous les hommes, eut pitié de ces in fideles. II étoit pauvre, mais fon Egli fe étoit riche. Du confentement d Jon Clergé qu'il embrafa de la mê Y iv Honorius. TnÉonose II. Ann. 421. XL III. Générofité d'Acace , Evêque d'Amide.  Honorius. Théodose II. Ann. 422. ] t i < i 1 1 f h h d B xirv. Divers g événe- ments en °i Oriënt. h Marcel, „ ». 5 Theoph. p, d 7Z« f] 512 Hl S T 0 1 R g me charité, il en vendit les ornements & jufqu'aux vafes facrés , racheta ces prifonniers des mains des foldats, les revêtit, leur fournit de 1'argent pour leur voyage, & les renvoya en Perfe. .Cette générofité fit juprès de Varane plus d'honneur aux Romains que toutes leurs vitloires. :1 demanda avec inltahce a voir ce prélat, auquel il devoit la confervaion d'un fi grand nombre de fes ujets. Acace eut ordre de Théodofe Ie fatisfaire le defir du Roi. Ilobéit, >C fut recu è la Cour de Perfe, com' ne le bienfaiteur de la nation. Vaan e , inftruit qu'il ne pourroit lui ïire accepter aucun préfent, le comla d'honneurs capables de flatter tout omme, qui n'en auroit pas atfendu immortels de la part du Maitre des ois. Dans_ le mois de Mars de cette mée, il parut une comete dont la ueue étoit fort longue & fort brilnte. Elle fe fit voir pendant dix trits un peu avant Ie lever du foleil. y eut en Oriënt des tremblements ï terre : 1'année fut fiérile. Les Huns rent „une irruption dans la Thrace,  nu Bas-Empire. Liv. XXX. 513 Callifte, Préfet d'Egypte, fut affaffiné dans Alexandrie par fes propres efclaves. * L'Efpagne étoit en proie a des ennemis moins puiffants, mais plus opiniatres que les Perfes. Les Vandales , chalTés de la Galice, fe jetterent dans desbarques; Sc ayant fait le tour de l'Efpagne, ils allerent attaquer les ifles de Majorque Sc de Minorque , qu'ils mirent k feu & a fang. De-la ils pafferent fur la cöte voifine, 6c ruinerent Carthagene, que les Romains avoient auparavant reprife fur les Alains. Cette ville, autrefois batie par les Carthaginois, étoit la plus floriffante de l'Efpagne fur la Méditerranée. Elle fut alor: réduite k quelques mafures. La com modité du port fut caufe qu'elle f< televa dans la fuite : mais elle ne re couvra jamais fa première fplendeur La dignité de métropole dont elf jouiiloit , paffa a Tolede. Les Van dales poufferent plus loin leurs con quêtes, Sc s'emparerent de la Béti que, dont les Romains s'étoient re mis en poffeffion depuis que Valli y avoit détruit les Silinges. Pour ai Y v Honorius.Théodo- se II. Aan. 412. XLV. Conquêtes des VantSales en Efpagne. Idac. chr. Grcg. Fur. hifi. Fr. I. 2. c. 9. Mariar.a r hifi. E/p L 5. c ï.  $14 JrllSTOIRE rpfpr ra t-rwrant- U~„„~: 1 Honoruus. Théodose II. Ann. 422, XLVI. Commencementsde Boniface. Olympiod. Profp. chr. S. Aug. ep. 5°, 70, 205. Baronius. lilt. vie de S. Aug. art, J71, 272. ^v. ii/ii^ui , iiuuuuiib donna ordre a Caftin de palier en Efpagne avee une armée. Ce Général avoit été deux ans auparavant employé contre les Franeois, lorfqu'ils étoient venus fe jetter en Gaule. On ne fait ce qu'il fit alors; mais il efl certain qu'il ne les avöit pas obligés de repaffer le Rhin. Pour affurer les fuccès de Caftin , 1'Empereur voulut qu'il fut accompagné de l'Officier le plus brave & le plus expérimenté de 1'Empire. C'étoit le Comte Boniface, né en Thrace, & qui s'étoit fait connoitre dès 1'an 413 ,^en défendant Marfeille contre Ataulfe. II fut employé en Afrique d'abord en qualité de Tribun. Bientöt , par des fervices éclatants, il parvint a la dignité de Comte, c'eft-adire, de Commandant des troupes de la Province. Sa vigilance & fon courage le rendoient redoutable aux barbares, en même-tems que fa juftice , fon défintéreffement, fa fermeté, jointe a fa douceur, lui attachoient !e cceur des peuples. Sa piété fervente , qui faifoit 1'honneur & la joie de 'Eglife , lui avoit infpiré la penfée de  nu Bjs-Empire. Lh. XXX. 515 ren oneer aux avantages & aux efpérances du fiecle pour fe renfermer dans un monaftere. Saint Auguftin , qui entretenoit avec lui la liaifon la plus fainte & la plus étroite , Favoit détourné de ce deffein , en lui repréfentant què les talents qu'il avoit recus de la Providence, pourroient être plus utiles dans les affaires 6C dans les emplois, que dans la retraite. Boniface étant venu a Ravenne par ordre de 1'Empereur, éprouva de la part de Caftin tous les dégoüts que peut donner a un fubalterne fupérieur en mérite, un Général jaloux , altier & intraitable. 11 jugea qu'il ne pouvoit attendre de cette expédition que du déshonrieur , fans rendre aucun fervice a 1'Empire. II fe retira donc a Porto , & de-la en Afrique. Quoiqu'il en eut fans doute obtenu la permiffion de 1'Empereur , cependanl comme elle fut fecrete , fa retraite caufa de 1'inquiétude, & fut blamée dans le public comme un trait de dé' fobéiffance. Le préfomptueux Caftin, s'applaudiffant d'avoir: écarté un Lieutenam qui lui faifoit ombrage, paffa les Py- Honorius.TüÉoDe- se II. Ann. 42ï. ■ XLVII. Expédition de ' Caftin en Efpagne.  Honorius. Théodose II. Ann. 421. Idac. chr. Salv. de g"b. I. 7. Valef. rer. Fr. I. 3. i i .3 .( t 1 f s é xLvin. Loix ^ rl'Konorius. U $16 UiSTOTrs rénées avec une armée nombreufe, augmentée encore des troupes auxiHaires qu'il recut de Théodoric, Roi des Vifigoths. Arrivé dans la Bétique,^l enférma d'abord 1'armée des Vandales, &c les réduifit a une telle extrêmité, qu'ils offrirent de lë rendre a des conditionsraifoanables. Leur propofition fut acceptée, & le traité mré de part tk d'autre fur le livre ies Evangiles. Mais le perfide Caftin , qui n'avoit intention que de les Jtnufer pour les exterminer plus fa:ilement, marcha auffi-töt contre eux tvec toutes fes forces. Les Vandaes, fans perdre courage, vinrent aulevant de lui faifant porter le livre les Evangiles 3 la tête de leur armée. 1 y eut une fanglante bataille, oü es Vifigoths, foit par perfidie , foit [u'ils -euflent horreur de celle de Cafin, refuferent de combattre, & 1'aandonnerent. Le Général Romain it entiérement défait, & obligé de 'enfuir a Tarragone, après avoir peru vingt mille hommes. Honorius fit cette année tk la fuiante plufieurs ordonnances qui font ne preuve de fa bonté naturelle, 1 ,  nv Bjs-Empire. Liv. XXX. 51? Mais , fans lui faire injuftice , on peut clouter qu'il ait tenu la main a 1'exécution. Ces loix réprimoient 1'avidité fouvent cruelle des créanciers; elles modéroient les impofitions, & foulageoient les Provinces accablées; elles réformoient plufieurs articles de la procédure criminelle, portant réglement de Juges dans les caufes qu: concernoient les Sénateurs_, défendam d'avoir égard aux mémoires fecret: qui feroient fournis contre les accu fés, d'écouter les dépofitions des af franchis contre leurs patrons. Conf tantin , Valentinien I & le gram Théodofe, fe conformant aux ancier nes loix, avoient défendu aux_ Of ficiers employés dans les Province d'y faire aucune acquifition : Hono rius, importune fans doute par le follicitations de Pavarice , eut la fo; bleffe d'abroger une loi fi équitabh Depuis la mort de Conftance, 1 tendreffe naturelle d'Honorius ppu fa fceur Placidie, s'étoit accrue jui qu'a faire naitre des foupcons , qui dans une Cour corrompue, trouvei toujours des efprits préparés a les n cevoir. Elpidia, nourrice de Placidie Honorius. Théodose II. Ann. 422.' Cod. Th. I. 2. tit. 1. leg. 12. tit. 1 j- H- unie. I. 4. tit. \ XX. leg. 2. , /. 8. tit. 8. ' leg. 10. ' /. 9. tit. J. . leg. 19. tit. 6. leg. 4/. II. tit. I 2b.7eg.IJi . i'4- , Cod. Th. t. ' 11. p. 642. S s a XLIX. r Placidie cliaHée de la Cour » de Raven- It ne. _ Olympiod. Profp. chr. > Cafliod. chr.  Honorius. Théodose II. Ann. 422. -. i i 1 i ] i ( Ann. 423. L. * Mort 5l8 ƒƒ ƒ s T 0 r R E & Léontée, fon Intendant, dans Iefquelselle avoit une aveugleconfiance, vmrent k bout, par des rapports mahns, de divifer le frere & la fceur, & de changer leur union en une haine mortelle. L'Empereur fe perfuada que fa fceur entretenoit de fecretes intelligences avec les barbares. Un grand nombre de Goths , après la mort d'Ataulfe , étoient demeurés attachés k la veuve de leur Prince, & l'avoient fuivie k Ravenne. Ils prirent fon parti avec chaleur; Ravenne Étoit partagée en deux faftions , qui sn venoient tous les jours a des querelles fanglantes. Enfin , Honorius lonna ordre a Placidie de fortir de a Cour. Elle alla fe jetter entre les )ras de Théodofe avec fes deux enants. De tous les courtifans de fon rere , qui avoient été les fiens, il rf eut que le Comte Boniface qui ie 1'abandonna pas dans fa difgrace. Nui envoya d'Afrique les fecours lécelfaires pour. foutenir 1'honneur le fon rang, & redoubla de zele a 1 fervir. Le reffentiment de Placidie, qui Lirpaffoit fon frere en efprit & en  nu Bas-Empire. Liv. XXX. 519 courage, auroit pu exciter de nouveaux troubles, fi la mort d'Honorius n'en eut prévenu les fuites. II mourut d'hydropifie a Ravenne^ le 15 d'Aoüt de cette année 423 , agé de 38 ans 11 mois & fept jours, après avoir régné 17 ans & 7 mois moins un jour depuis la mort de fon pere. Ce fut un malheur pour ce Prince d'être né pour régner : dans une condition privée , il auroit mérité quelque eftime. Son carattere &c fon gouvernement forment un contrarie perpétuel : il étoit doux , & fon regne ne fut pas exempt de cruauté : il ne refpiroit que la paix, & 1'Occident fut défolé par d'horribles guerres : il chériffoit fa familie; tous ceux de fes parents qui vécurent fous fon empire , furent ou mis a mort ou bannis : fes loix ne tendoient qu'au foulagement de fes fujets, & fes fujets furent accablés. Sa foibleffe produifit tous ces maux : toujours gouverné, il ne prêta que fon nom aux affaires. Son pere avoit raffermi les fondements de la puiffance Romaine; fon incapacité les laiffa ébranler : & 1'on peut le regarder comme la première Honorius.Ihéodo- se II. A.nn. 413. d'Honorius. Soc. t. 7. c. 23. Phil.1. li. C. ii. Olymplod. Idac, fajl. ckron. Profp. chr. Marcel, chr. Cajjiod. chr." Chr- Alex, Theoph. p. 72. Cedr. p. 336. Pagi ai Baron. Mahil. itin. hal. p. 145TUI. Honor. art. 65.  Honorius.Thiodo- SE II. Fin du Terne fixieme. 520 H 1 s t 0 1 r e , grV. caufe de la chüte de 1'Empire d'Occident, qui, après avoir éprouve les plus violentes fecoulTes pendant les cinquante années fuivantes, s'écroula enfin tout-a-fait. Vers le milieu du fejzieme fiecle, on crut avoir trouvé fon corps a Rome dans l'Eglife de St. Pierre avec ceux de fes deux femmes , Marie & Thermantie. Si la chofe eft véritable, il faudroit qu'il y eüt été tranfporté de Ravenne, oü Pon voit encore fon maufolée , qu'on fuppofe avoir été bati par ordre de fa fceur Placidie.  EXTRJ1T DES REGISTRES de l'Académie Royale des Infcriptions & Belles-Lettres. Du Vendredi 5 Février 1762. M. 1'Abbé de la Eleterie & M. Caperonnier, Commiffaires nommés par 1'Académie, pour 1'examen d'un Ouvrage manufcrit de M. Le Beau, Secretaire de ladite Académie , intitulé : Hiftoire du Bas-Empire, Tomes V & VI , en ont fait leur rapport, & ont dit qu'après avoir examiné cet Ouvrage , ils n'y ont rien trouvé qui ne fit honneur a 1'Auteur & a 1'Académie. En conféquence de ce rapport , & de leur approbation par écrit, 1'Académie a cédé a M. Le Beau fon droit de privilege pour 1'impreffion dudit Ouvrage En foi de quoi nous avons figné le préient certificat. A Paris, au Louvre, ce Vendredi 5 Février 1762. De la Bleterie, Directeur. La Curne de Sainte-Palaye^ Penfwnnaire,      HISTOIRE D U BAS-EMPIRE. T O M E S 1 X 1 E M E.   HISTOIRE d u BASEMPIRE, en co mme n ca nt a CONSTANTIN le Grand. Par Monfieur LE BEAU, Profiteur Éméritc en VUniversitê de Paris, Profijfeur d Eloquence au College Roya l Secretaire ordinaire de Monseigneur le Duc D örleans, & ancien Secretaire perpüuel de l Academie Royale jdes Inscriptions et Belles-Lettres. t o m e sixieme. A MAESTRICHT, Chez Jean-Edme Dufour & Phil, Roux, Imprimeurs-Libraires, aflöciés. M. DCC. LXXX.   SOMMAÏRE D U LIVRE V I N G T-S I X I £ M E. I. 1 AB LEAU de t'Empire a la monde Théodofe. n. Cavfes de fa décadence. lil. Foiblejfe des deux Empereurs. iv. Caraclere des deux Minijlres. V. Corruption générale des mceurs. VI. Suplrioritè des barbares. VII. Olybre& Probin, Confuls. Vin. Premières aclions de Stilicon après la mort de Théodofe. IX. Arcadius époufe Eudoxie. X. Caraclere a"Eudoxie. XI. Rufin appelle les barbares. XII. Irruption des Huns en Oriënt. XIII. Irruption des Goths. XIV. Stilicon pacifie les barlans d'Occident.. xv. II marche contrc Alarie. XVI. Mort de Rufin. XVII. Eutrope Miniftre. xvill. Suites de la mort. de Rufin. xix. Courfes des barbares. XX. Famine a Rome. xxi. Troifieme confulat d'Honorius. XXII. Ravages dA'larie dans la Grece. XXIII. II fe rendmaiïre d'Athenes. XXIV. II détruit te temple d'ELeufis. XXV. // mine Ie PéfoponTome VI. A  % SOMMA1RE nefe. XXVI. Stilicon va rechercher A'larie. XXVII. Eülrope fe déclare ennemi de Stilicon, xxvill. Cruautés cfEutrope. XXIX. Difgrace de Timafe. XXX. Pu~ xition de Earge. XXXI. Exploits militaires SEutrope. XXXII. Loix d'Arcadius & SHonorius. XXXIII. Loix contre Pidoldtrie. XXXIV. Loix fur les Juifs. XXXV. Loix contre les hérétiques. XXXVI. Loix en faveur, de l'Eglife. XXXVII. Loix civiles. XXXVIII. Phénomene d Conjlantinople. xxxix. Hiftoire de Synefe. XL. Difcours de Synefe a Arcadius. XLI. Extenfion du crime de le^e-majejlé. XLII. Divers évenements de cette année en Occident. XLIII. Révolte de Gildon. XLIV. On apprend cette nouvelle d Rome. XLV. Préparatifs cCHonorius. XLVI. Mafceyl ejl chargé de cette txpédition. XLVII. Départ de la fotte. XLV lil. Défaite & mort de Gildon. XLIX. Punition de fes partifans. L. Mort de Mafceyil. O. Mariage d'ffonorius. IJl. Divers réglements pour l''Occident. LUI. St. Jean-Chryfojlóme, Evéque de Conflantinople. Liv, Tremblement de terred Conflantinople. LV. Piétéd'Eudoxie. LVI. Eutrope Conful. LVll, Révolte de Trihigilde, Lvnr, Conduite des rebelles*  DU L I V R E XXVI4. 3 LIX. Défaite de Tribigilde. LX. Défaite de Léon. LXI. Gaïnas fe déclare contre Eutrope. LXii. lfdegerd, Roi de Perfe. LXin. Difgrace d Eutrope. LXIV. fe réfugié dans l'Eglife. LXV. Difcours de St. Jean-Chryfoflóme. LXvi. Exil d'Euirope, LX vu. Sa mort. A ij   HISTOIRE D U B ASEMPIRE. L1VRE VINGT-S 1XIEME. ARCADIUS & HONORIUS. Théodose laiffoit a fes fuccefleurs un tröne éclatant de gloire. Sa fageffe avoit réprimé les vices intérieurs, qui travaillent fourdement k la deftruftion des Etats; fa valeur avoit repoufle les Barbares, qui s'empreffoient de toutes parts a forcer les barrières de 1'Empire. Mais les flls de ce grand Prince ne pofféderent aucune de fes vertus héroïA iij Ann. 395. L Tableau de 1'Empire, ala mort do Théodofe.  6 HïSTOlRE Arca- DIUS. Hono- RIUS. Arm. 395. U. Caufes de fa dé« cadeace. 1IJ. Foibleffe rtes deux Empereurs.Socr. 1. 6. e. 2;. Philoft. I. 11. e. 3. ..„vluwtIU vjuc uc ld uun- te; & cette bonté fans vigueur devint prefque inutile a leurs fujets; elle épargna tout au plus aux peuples les maux que les Empereurs auroient pu leur faire par eux-mêmes, fans les mettre a couvert ni de Pinjuftice des fubalternes , ni des infultes des ennemis étrangers. Plus la vertu de Théodofe 1'avoit élevé au-deffus des Princes ordinaires, plus la chüte de 1'Empire fut rude & fenfible , lorfqu'il tomba dans de fi foibles'mains. Le regne d'Arcadius& d'Honorlus eft 1'époque d'oü 1'on peut dater le déclin de la puiffance Romaine. Quatre caufes y concoururent; ou , pour mieux dire, la foibleffe des Empereurs fut la caufe principale : elle en produifit trois autres; la corruption des Miniftres , la dépravation générale -des moeurs , & 1'afcendant que prirent les Barbares. Arcadius , qui régnoit en Oriënt, étoit agé de 18 ans. Quoiqu'il portat depuis douze ans le titre d'Augufte , il n'étoit pas pour cela plu's capable d'en foutenir la gloire. En vain fon pere s'étöit appliqué a le for-  r>v Bas-Empire. Liv. XXVI. f ïïïer par une excellente éducation, & par fes propres exemples. La nature avoit retufé a ce jeune Prince le fond néceffaire poitr faire éclore & germer ces heureufes femences. II étoit fans efprit, fans jugement, fans fermeté; également incapable de fe donner luimême, ou de prendre des autres un bon confeil, & de le fuivre avec conftance. Son extérieur n'avoit rien qui put couvrir fes défauts; fa taille mince & petite , fon vifage fee & bafanné , un parler lent & trainant, des yeux endormis , & qui ne s'ouvroient qu'avec peine , tout annoncoit la foibleffe de fon ame. L'hiftoire ne lui attribue d'autres vertus que la douceur , & quelque zele pour la Religion; mais ces deux qualités , fi précieufes dans un Prince 5 furent toujours prêtes a céder aux impreffions de fa femme , de fes miniftres, de fes eunuques; & faute de lumieres, elles tournerent fouvent au dommage de lareligion & de fes fujets. Honorius, a qui Théodofe avoit laiffé 1'Empire de 1'Occident, revêtu depuis plus d'un an de la qualité d'Augufte, étoit dans fa onzieme année. Ce feroit bien Aviv Arca- dius. Honc- rius. Ann. 39J„' Orof. I. 7. c. 37. Zof.!. 6. Olympiod. Prac. bel. Perf. I. c. 2 , & Vandal. t.l.c. 2. Cedrtn. p. 3*7-  Arcapius.Hono- RIUS. Ann, 395. ÏV. Caratlere des deux Miniftres. Claud de laui. Stilic. Idem lans Seren, S • ff if( T O 1 R SI ' mal juger de fon caraftere, que de s'en rapporter aux flatteries hyperbohques du Poëte Claudien. U avoit au-deffus de fon frere les graces de 1'extérieur; mais on voit dans fa conduite la même incapacité , la même indolence. II feut cependant convenir que fa piété paroit avoir été plus fohde & plus éclairée. C'eft fans doute pour cette raifon que quelques autres Eccléfiaftiques nous repréfentent le Ciel armé pour la défenfe de ce Prince, & abattant fous fes pieds tous les ryrans que fon regne vit s'élever & difparoitre. Pour moi, loin de lui faire un mérite d'avoir furvécu a tant de rebelles, je regarderois plutót ces attentats multiphés comme une preuve de fa foibleffe. S'ii eüt fu porter le fceptre, auroit-on fi fouvent entrepris de 1'arracher de fes mains ? Des Princes de ce caraérere avoien't befoin de trouver ailleurs les reffources qui leur manquoient en eux-mêmes. II leur falloit des Miniftres habiles, yigilants, pleins de vigueur, auffi détachés de leurs propres intéréts , que zélés pour leur maitre &  nu Bas-Empire. Liv. XXVI. 9 pour la patrie. Théodofe étoit utilement fervi de Rufin & de Stilicon. Le génie fupérieur de ce Prince, qui gouvernoit par lui-même, avoit tenu en refpeft ces deux ambitieux. II crut fervir 1'Empire en confiant a Rufin la conduite d'Arcadius, & k Stilicon celle d'Honorius. Mais dès qu'il eut fermé les yeux, les deux Miniftres leverent le mafque ; ils fe regarderent comme Souverains; ils régnerent en effet tant qu'ils vécurent; & ils avoient tellement accoutumé leurs maïtres k cette forte d'efclavage ,.qu'après leur mort, Arcadius &c Honorius, toujours enfants, ne firent jamais que ramper fur le tröne. Rufin fongea même dès les premiers jours k prendre le titre d'Empereur. C'étoitun homme k qui le crime ne coutoit que la peine du déguifement : cruel par caraftere, mais revêtant fes cruautés des apparences de la juftice; avare , vendant les charges, les faveurs du Prince, les fecrets de 1'Etat; défolant les Provinces par des concuffions, & puniflant févérement les concuffionnaires. Sa puiflance ne dura pas une année : il ne lui en fallut pas davaaA v Arcadius.Honorius.Ann. 395,, Idem in Ruf. Orof. i:7. c 3S. Zof l. T. Philoft. i. II. c. 3. Profp. prom. I, 3, c. 3S. Saïd. Grut. infcr. CCCCXI1. 3- Cod. Th !. 6. tit. 30, H- 15 . 16, 17.  Ahcanivs.HonoRius.Ann, 395. 10 II I S T Q I R E tage pour préparer la ruine de 1'Empire par la plus noire trahifon, en y appellant les barbares; & il eut dans le miniftere un fuccefleur digne de lui. Stilicon n'avoit pas moins d'ambition; mais il étoit plus mefuré dans fes démarches. IL n'épargnoit pas les biens des fujets ; il vendoit, comme Rufin , Ia juftice & 1'injuftice : dans les deux Empires, il falloit également fe réfoudre k tout perdre pour échapper aux violences ou aux calomnies des délateurs ; les belles maifons, les grandes terres fe trouverent bientöt réunies entre les mains de Rufin & de Stilicon. Mais Stilicon favoit donner k fes vices un air de grandeur ; il étoit raviffeur & libéral, diffolu & plein de courage , s'attachant les ïbldats par une noble familiarité , & fouvent aux dépens de Ja difcipline. II avoit encore fur Rufin Pavantage de la naiffance. Quoiq-u'il fut Vendale d'origine , il devoit les commencements de fa fortune k fon pere qui s'étoit fignalé au fervice de TEmpire. II s'étoit lui-même acquis beaucoup de réputation dans toutes les guerres. Théodofe 1'avoit ho-  Arca- bius. Hono- . rius. Ann. 395. nu Bas-Empire. Liv. XXVI. 11 noré des charges de grand Ecuyer , de Général de 1'infanterie & dê la civslerie, de Comtedes domeftiques. L'alliance de l'Empereur le relevoit encore au-deffus de ces dignités. Sa femme Sérene, niece de Théodofe, ne lui procuroit pas feulement une éclatante confidération; elle le fervoit avec adrefie dans les intrigues de Cour : tandis qu'il étoit a la guerre, elle éclairoit les démarches de Rufin; elle écartoit les traits de 1'envie ; elle donnoit a fon mari de bons confeils. Théodofe, avant que de mourir, avoit accordé fon nis Honorius avec Marie, nlle de Stilicon & de Sére^ie. En un mot, Stilicon étoit déja environné de tout 1'éclat du tröne; Rufin s'efFor^a de s'en revêtir ; & la majefté Impériale fut entiérement éclipfée dans Arcadius & Honorius: la flatterie publique négligea des Princes inutiles pour n'encenfer que les vrais Monarques*; & le Poëte Claudien porte le mépris de fon Souverain jufqu'a dire ouvertement a Stilicon , qu'il eft heureux d'avoir l'Empereur pour gendre ; mais que l'Empereur eft encore plus heureux de A'vi  Arca- dius- Hono- rius. ' Ann. 39 j. I < 1'avoirpoiii-beau-pere. Bientót il s'aflembla autour des deux Miniftres , ime Cour plus brillante que celle de leurs manres : elle fe forma de tout ce qu il y avoit dans 1'Empire de gens fans foi & fans honneur , qui couroient après la fortune : on vit fortir de la pouffiere & des lieux de débauche, un effain de miférables , qui, en peu detemps, engraiffés du fang des peuples, parvinrent k éblouir les yeux par la magnificence de leurs habits & la pompe de leurs équipages. Tout etant vénal, les Miniftres & leurs fubalternes multiplierent a 1'infini les offices & les emplois du palais. Les deux Empereurs , Ia cinquieme snnee de leur regne, entreprirent la réforme des bureaux de la Cour. Arcadius y réferva deux cents quatrevingts employés, avec lix cents dix furnuméraires. L'abus alloit encore ^lus loin dans Ia Cour d'Occident; honorius crut faire beaucoup de ref:reindre au nombre de fix cents qua•ante-fix les com-mis de 1'Intendant les finances, & k celui de trois cents, :euxde 1'Intendant du domaine, fans ompter les furnuméraires. Julie-u  nv■ Bsis-EmpiRE. Liv. XXVI. 15 avoit borné a dix-fept le nombre des agents du Prince : ils s'étoient depuis fon regne montés k dix mille. On concoit aifément quëlle furcharge c'étoit pour les fujets, & combien tant de mains avides enlevoient aux revenus du Prince. La corruption qui régnoit k la Cour s'étendit dans routes les parties de 1'Etat. Les magiftratures n'ëtoient plus que des brigandages autorifés. Ceux qui s'étoient appauvris par 1'achat de leurs charges, s'enrichifloient de nouveau par 1'exercice ; & même après leur temps expiré, ils confcrvoient le droit de piller , en forte que leurs fucceffeurs ne devenoient que leurs collegues de vexations & de rapines. Les Officiers municipaux établis pour être les tuteurs des cités, s'érigeoient eux-mêmes en tyrans. La contagion paffa jufque dans le fan&uaire; & un faint Prêtre de ce temps-la fe plaint de cetefprit d'avidité , qui, joint k la diffolution des moeurs, s'introduifoit dans le Clergé & dans les monafteres. La difcipüne militaire déja fort affoiblie, fe relacha tout-a-fait. On ne reconnoït plus nilaforme deslégions, Arca- bius. Honorius.Ann, 59), V. Corruption générale des moeurs. ifid. Pelu. !. 1. ep. ' +85,487Salv. de *ubern. I. 4-- S. 7- Synef. ep* 6*7.  Arca. mus. Honorius.Ann. 395. VI. Supériorité des barbares. Salv, de gui. I. 5. 14 HlSTOIRE ni 1'ancienne valeur Romaine. TouteS les fortes de débauches, également compagnes du luxe & de la mifere , fe répandirent dans 1'Empire. Le crime perdit fa honte; il ouvrit même fouvent la route de la fortune. La fraude paffa pour une fubtilité ingénieufe. L'hifloire en rapporte un exemple arrivé la première année du regne d'Arcadius. Euthalius de Laodicée étoit employé en Lydie : il tourmentoit la Province par fes concuffions. Rufin, qui fe réfervoit ce privilege , le fit condamner a une amende de quinze livres d'or, & envoya des Officiers fideles pour le forcer a payer. Euthalius leur compta la fomme , &z 1'enferma dans un fac qu'il fcella du fceau public. Mais il eut 1'adrefTe d'y fubftituer un autre fac parfaitement femblable. La Cour ne fit que rire de cette fourberie; on voulut voir Euthalius ; ce fut la caufe de fon avancement; on le nomma Gouverneur de la Cyrénaïque. Ce débordement de tous les vices nuifit plus a TEmpire que la pefie , la famine, les tremblements de terre &tous les fléaux dont ces regnes mal-  du Bas-Empire. Llv. XXVI. 15 heureux furent affligés. II fit même plus de mal que 1'épée des barbares, qui ne trouverent tant de facilité a défoler& en vahir les Pro vinces, que paree qu'ils n'y rencontrerent plus de Romains. Ce fut alors que ces conquérants étrangers prirent Pavantage furies armes de 1'Empire. Les Francs, les Goths, les Huns, les Sueves, les Alains & les Vandales, avoient déja perdu une partie de leur férocité originaire ; mais ils en confervoient encore toute la vigueur & tout le reffort. Leurs efprits rudes & grofïiers étoient d'une trempe plus forte que des ames abatardies par les vices. Leurs Capitaines étoient des hommes de coeur & de génie. Alaric fut un guerrier fupérieur a tous ceux de 1'Empire, non-feulement en valeur & en fcience militaire, mais auffi en prudence &c même en humanité & en bonté. Genféric fut cruel, mais grand fjolitique & grand Capitaine; & fans a perfécution qu'il fufcita en Afrique contre les Catholiques, fa mémoire feroit en honneur. Ce qui prouve le bon gouvernement de ces Princes, c'eft qu'un grand nombre de Arcamus.Honorius.Ann. 395. Philoft. U 11. c. 7. > VaUf. rer. Franc. I. 6. Ruinart m na. vit. not. 199.  Arca"bius.Honorius.Ann, 395. VH. Olybre fcProbin, Confuls. Claud. de Glibr. & Prob. conf. Hitron, ep. 8. 16 HIST01R.E fujets de 1'Empire le préférerent h celui fous lequel ils étoient nés. Des Provinces entieres les recnrent avec joie : les habitants des autres quittoient en foule leurpays, pour s'aller jetter entre les bras des Goths 5c des Vandaies, ou ils trouvoient un afyle contre les exactions & la tyrannie. Ce fut alors que ces étrangers s'étarrt emparés d'une. grande partie de 1'Empire, les peuples qui demeurerent fujets des Empereurs, fe diftinguerent en prenant tous en général le nom de Romains. Les autres furent nommés barbares; mais ce nom cefTa d etre odieux. Théodoric , Roi des Oftrogoths, faifant des loix différentes pour fes fujets naturels & pour ceux qu'il avoit conquis, donne aux premiers le nom de barbares,. & aux autres celui de Romains. Après avoir mis fous les yeux du leéleur le tableau général de 1'état oü fe trouvoit 1'Empire , il eft temps de pafTer au récit des événements. Pavertis que je cefie ici de marquer exaöement les Confulats. Les Princes font prefque toujours confuls : les autres ne font la plupart connus que  au Bas-Empire. Lh. XXFI. vt par les falies; leurs attions & leun qualités perfonnelles ne leur donnen aucun rang dans 1'hiftoire. En efFet le droit des Confuls fe réduifoit alor: a fervir de date. Les années de Pen vulgaire fuffiront pour régler la fuit< des faits. Je me contenterai de don ner féparément la lifte des Confuls & je ne placerai dans mon récit qu< ceux qui font dignes de mémoire. J'a déja fait mention du confulat de dein freresOlybre ScProbin, de Pilluftri maifon des Anices. Théodofe, a 1; priere du Sénat Romain , les avoi nommés Confuls pour cette année 395 Claudien releve en leur perfonne-1; connoiffance des lettres, Péloquence la modeftie, Péloignement de toute débauche, une prudertce avancé* dans la première jeunefle. Nous avon en faveur d'Olybre une autorité moin fufpeöe de flatterie. St. Jéröme di qu'il fut enlevé par une mort préma turée ; que Rome le pleura, mai qu'il fut heureux de n'avoir pas ét' témoin de la prife &c du faccagemen de Rome; qu'il joignit ^ux vertu domeftiques celles de 1'homme pu felic, & qiPil fut le pere de Saint* ■ Arca.- DIUS. I Hono- ; RIUS. Ann, 3S1 I l f; i t  Arca- DIUSj Honorius.Ann. 395. VIII. Premières actions de Stilicon après la mort de Théodofe. Claud. heil. Gild. & de lüud. Stille. I. l ,2. Cod. Th. I. M.f/'r. 14. leg. 9,u, 12, l8 H I S T O I R E Démétriade, célebre dans Phiftolre de 1'Eglife. Le premier foin de Stilicon après la mort de Théodofe, fut de partager également les tréfors de ce Prince entre fes deux nis. II en fit porter la moitié a Conflantinople. II s'occupoit en même-temps a étouffer une difcorde prête a éclater entre les foldats, & qui pouvoit devenir funefie. Les vainqueurs Sc les vaincus ne compofoient plus qu'une même armée : ils étoient campés enfemble aux portes de Milan. Mais tant de nations différentes de moeurs, de religion, de langage, s'accordoient mal. D'ailleurs, les foldats de Théodofe méprifoient ceux d'Eugene; leurs railleries & leurs infultes rallumoient dans le cceur des vaincus une haine mal éteinte. Stilicon étoit aimé des troupes; il vint a bout de réunir les efprits. II drelïa le plan d'une amniftie générale qu'Honorius fit publier quelques mois après pour tout 1'Occident. C'étoit 1'exécution d'un ordre que Théodofe avoit donné par fon teftament. Les loix qui furent publiées a ce fujet 7 déclaroient que tous ceux  du Bjs-Empire. Liv. XXVI. 19 qui avoient porté les armes pour le tyran , & qui avoient rec;u de lui quelque charge ou quelque emploi que ce fut, étoient purgés de toute infamie, &qu'ils rentroient enpoffeffion de 1'état & des dignités dont ils avoient joui avant Pufurpation; fans pouvoir cependant conferver les titres ou les emplois que le tyran leur avoit conférés. Tous les acles civils paffes volontairement & fans fraude ni violence du tempsdel'ufurpateur, étoient déclarés valides: on ordonnoit feulement d'en efFacer le nom des Confuls choifis par Eu gene, &C d'y fubftituer la date des Confuls nommés en Oriënt. On ajoutoit que tout ce temps de trouble & de défordre feroit cenfé nonavenu, & qu'il ne pourroit être compté pour remplir le terme fatal des prefcriptions. Après ces difpofitions néceffaires a la tranquillité de 1'Occident, Stilicon, qui prétendoit avoir recu de Théodofe une égale autorité fur les deux Empires , étoit réfolu d'aller k Conflantinople pour y faire reconnoitre fes droits, & dépouiller Rufin de tout pouvoir. Mais afin de ne laiffer der- Arca- D1US. Honorius.Ann. 395  Arca- dius. Honorius.Ann. 395, IX. Arcadius époufe Eu-ioxie. Zof.l. 5. Soc. I. 8. .<-. 6. Phil.l.w. c. 6. Chr. Ahx. ap IIlSTOIRS riere lui aucun fujet de crainte, il voulut auparavant s'affurer des barbares de la Germanie. II partit pour renouveller avec eux les anciens traités qu'ils venoient de violer en fourniflant des fecours a Eugene. L'Empire d'Orient étoit en paix, & rien ne venoit diftraire les projets de Rufin. II afpiroit au titre d'Ernpereur, dont il avoit déja toute 1'autorité; Ócl'inaétion du Prince , qui, fans examiner les volontés de fon miniftre , s'étoit fait une loi d'y foufcrire, lui permettoit de tout efpéren II crut abréger le chemin du tröne en mariant fa fille avec Arcadius :il lui en fit jetter des propos par les eunuques de la chambre , toujours puiffants auprès des maïtres foibles. Rufin comptoit fur le fecret de cette intrigue; mais & peine fut elle formée, qu'elle étoit déja divulguée dans Conftantinople. Son orgueil qui croiffoit tous les jours, annon§oit fes prétentions : il n'en devenoit que plus odieux. Dans une circonftance fi critique, il eut 1'imprudence de s'éloigner d'Arcadius , qu'il ne devoit pas perdre de vue : Florence t Préfet des  nu Bas-Empire. Lh. XXFI. ai Gaules dans le temps que Julien, encore Céfar , gouvernoit ces Provinces , s'étoit dérobé par la fuite au jufte reflentiment de ce Prince, dès qu'il 1'avoit vu maïtre de 1'Empire. Lucien fon fils ayant reparu a la Cour de Théodofe, avoit gagné les bonnes graces de Rufin , en lui abandonnant les plus belles terres. II n'en couta au miniftre que de pröcurer a Lucien la faveur d'Arcadius, & la dignité de Comte d'Orient. Le nouveau Comte commengoit a remplir cette charge beaucoup mieux qu'on ne pouvoit 1'efpérer d'un hommequi.l'avoit achetée. II étoit jufle, défintéreffé ; on voyoit en lui toutes les qualités qui font le bonheur des peuples, & l'honreur de ceux qui commandent. Exaft obfervateur des regies, il ne donnoit rien k la faveur. Euchérius , grandoncle d'Arcadius, lui ayant demandé une chofe injufte, fut piqué de fon refus, & s'en plaignit k PEmpereur , qui en fit des reproches k Rufin. Celui-ci voulant montrer fon zele , & trouvant très-mauvais qu'unfubalterne qu'il protégeoit , prétendit être plus honnête homme que lui, part Arcadius. Honorius.Ann. 39}  Arcadius. Honorius.Ann. 39 j öa HlSTOIRS de Conflantinople fans rien dire de fon defTein , vole a Antioche oü il arrivé de nuit, & fe fait fur le champ amener Lucien. Le Comte, qui ne méritoit que des louanges , eft frappé k coups de fouets, & fi rudement, qu'il expire au milieu de ce fupplice. On le reporte chez lui dans une litiere fermée : on efpéroit faire croire aux habitants d'Antioche qu'il étoit mort fubitement. Mais le peuple qui chériffoit Lucien , ne fut pas dupe d'un menfonge fi grolfier : il murmuroit hairtement de cette eruelle injuftice; & ce fut pour le diftraire & I'appaifer, que Rufin fit jetter les fondements d'un portique, qui furpafla en magnificence tous les édifices d'Antioche. II retourna auffi-töt a Conflantinople. Tous fes projets étoient renverfés. Eutrope, un des eunuques du palais, jaloux du pouvoir de Rufin , avoit profité de fon abfence , pour tourner d'un autre cöté le coeur du jeune Empereur. Eudoxie étoit fille de Bauton, ce Comte Francois qui avoit rendu k 1'Empire des fervices fignalés. II avoit en mourant confié Féducation de fa fille a Promote  du Bas-EmpIre. Liv. XXFI. 213 fon ami, que Rufin fit enfuite périr. Les deux fïïs de Promote , qui, malgré le miniflre, étoient fort accrédités a la Cour, paree qu'ils avoient été élevés avec Arcadius, continuerent de prendre foin d'Eudoxie. Ils la firent inftruire par un pieux Eccléfiaftique, nommé Panfophius , qui fut depuis Evêque de Nicomédie. Ils aimoient trop Eudoxie qu'ils regardöient comme leur foeur, & ils avoient trop de raifons de détefter Rufin , pour ne pas fe prêter avec zele au defTein d'Eutrope. Eudoxie étoit belle; Eutrope vanta fa beauté au jeune Prince; il lui préfenta fon portrait, &c n'eut pas de peine a lui perfuader qu'elle méritoit la préférence, Le mariage fut arrêté pour le 17 d'Avril. Rufin arriva quelques jours auparavant. II ne douta point que les préparatifs, dont il trouva tout le palais occupé, ne fuffent pour les noces de fa fille. Toute la Cour le psnfoit comme lui. Afin de lui rendre la difgrace plus fenfible , Eutrope avoit engagé le Prince au fecret, pour jouir, difoit-il, du plaifir de la furprife de Rufin, On ordonne, felon la coutu- Arca.- dius. Honorius.Ann. 39j.  Arcadius.Honorius.Ann. 39 j. X. Caractere iVEuao- xie. Zof. 1.5. Thit.Lu. c. 6. Ce Ar en. p, 334- TUI. Arend, art, 3. 24 UlSTOIRS me, des réjouiffances publiques. Eutrope fait porter en pompe au travers de la ville, les habits que PEmpereur envoyoit a fon époufe future. Tout le peuple qui fuivoit en foule, les croyoit dèftinés a la fille de Rufin, & les Officiers même qui les portoient, n'avoient pas d'autre penfée. Quand on fut arrivé devant la maifon de Promote, Eutrope y fit entrer ces orntments; il en revêtit Eudoxie , & le mariage fut célébré ce jour même. Arcadius ne fit que rire de 1'étonnement de Rufin; il continua de lui donner fa confiance. Rufin , de fon cöté, ne rabattit rien de fes vues ambitieufes; mais il réfolut de perdre Eutrope. Eudoxie tenoit beaucoup du caraftere de fa nation. Altiere, hardie, opiniatre, elle dominoit abfolument Arcadius. Elle fut cependant elle-même gouvernée par fes femmes & par fes eunuques, qui ne reffembloient pas tous a fon Chambellan Amantius. Celui-ci étoit d'une éminente fainteté, charitable, plein de zele pour 1'Eglife & de refpec"! pour fes Miniftres. On doit attribuer a fes confeils toutes  ï>u Hjs-Empire. Liv* XXVJ. s$ toutes les bonnes ceuvres d'Eudoxie ; comme on peut en grande partie imputer aux autres, les aétions d'avaïice, d'injuftice & de violence qui ont terni la vie de cette Princeffe. Sa chafteté même ne fut pas hors de foupcon. Le mariage d'Arcadius fit fentir a Rufin 5 qu'il avoit en la perfonne d'Eutrope , un ennemi capable de le traverfer dans les intrigues de Cour. II redoutoit encore davantage les armes de Stilicon, qui s'entendoit avec Eutrope. II craignoit de voir bientöt aux portes de Conflantinople ce rival dangereux. Afin de le retenir en Occident , & de forcer en même-temps Arcadius a parfager avec fon Miniftre le titre d'Empereur, il prit le parti •de troubler le repos de 1'Empire , en y introduifant les barbares, au rifque de fe perdre lui-même* Dans cette réfolution défefpérée, il depêcha vers le$ Huns qui habitoient au-dela du Danube, pour les \ inviter a fe jetter fur 1'Afie. Ces peuples féroces, qui ne refpiroient que ' Ia guerre & le pillage, ayant pafte i le Tanaïs, defcendirent du Caucafe 1 Tome VL B Arcadius.Honorius.Ann. 39|. Xï. Rufin ap» pelle les barbares. Orof. I. 7, c. 371. Soc. I. 6. C. I. L 8» C. I , XI!. Irruption les Huns inOrienr. Claud. in ïufi l. 2 , v in Eutr* . 2. 'Her, ep, 3.  arcadius. Honorius.Ann. 395. Chryf, de panit. hom. 4. Cod. Th. I. 15. tit. I. leg. 34. Soc. U 6. c. 1. Philoft. 1. II. c. 8. Jljfemani. Bibl. or. t. I. p. 263. Idem de monophyfitis , c. 9. Chr. Edejf. 26 HlSTOIUS au mois de Juillet comme des loups affamés. Rien ne réfifta a leur fureur. Ils faccagerent 1'Arménie, la Cappadoce , la Cilicie, la Syrië; & traïnant ou chaffant devant eux une roultitude incroyable de prifonniers, ils arriverent devant Antioche. Cette ville, pleine de confïance en fon Evêque , comptoit moins fur la force de fes remparts, que fur le fecours du Ciel; & tandis que les cris menacants des Huns retentiffoient autour des murs, Jean Chryfoftöme raffembloit fes concitoyens dans 1'Eglife comme dans un afyle, & raffuroit leurs cceurs par fon éloquence divine. La Phénicie, la Paleftine , 1'Arabie, 1'Egypte même, trembloient déja de frayeur. On croyoit a tous moments voir les Huns arriver k Jérufalem, pour y piller les tréfors que la dévotion de toute la terre avoit accumulés dans cette ville. Les habitants 1'avoient abandonnée pour fuir au bord de la mer. On préparoit des vaifTeaux; & quoique les vents fuflent contraires, on appréhendoit moins les orages que le fer de ces ennemis cruels. Mais Antioche fut une digue qui ar-  nu Bjs-Empire. Liv. XXVI. i-t rêta ce torrent. Les Huns retournerent fur leurs pas en s'étendant juf qu'aux bords du Tigre, & laiffan par-tout des traces fanglantes de leui pafTage. La Syrië, au pied du mon Taurus, Samofate dans la Commagene, Arrride & Macépra&a en Mé iópotamie, Arzun & Hazaneta er Arménie, furent entiérement ruinées Ces ravages] durerent tout Phyver & une partie de 1'année fuivante. Le lache Addée, Général des troupes d'Orient, ne fe mit pas même en mouvement pour s'y oppofer. Après Ia retraite des Huns, Arcadius obligea par une loi toutes les villes de TOrient, de fe fermer de murailles, & de réparer celles que le temps ou les barbares avoient détruites. En même-temps que Rufin attiroh les Huns en Oriënt, il écrivoit fecrerement a Alaric, & lui faifoit tenir de grandes fommes d'argent pour rafTembler des troupes, & venir k leur tête fondre fur la Grece, 1'affurant qu'il n'y rencontreroit aucun obftacle. Ce traïtre facrifioit ces Provinces , pour former une barrière entre lui & Stilicon, Alaric étoit alors méB ij Arcadius.; Honorius.Ann. 395, 1 xirr. Irrup- tion des Goths. Zof.I. j, Claud. in Ruf. 1.1,1, Marcel, Chr,,  Arcadius.HotjoRius.Arm. 39J. 2$ H I S T 0 1 R E content de 1'Empire, & très-difpofé a 1'attaquer. II prétendoit avoir affez bien fervi Théodofe dans la guerre contre Eugene, pour mériter des diftinftions. Se croyant méprifé, il s'étoit détaché de 1'armée avec les Goths qu'il commandoit, & marchoit vers le Danube. Les lettres & les préfents de Rufin , favorifoient fon refTentiment. II joignit a fes troupes un grand •nombre de Huns , de Sarmates & d'Alains, qui avoient pafTé le fleuve fur les glacés pendant 1'hy ver. Suivi d'une nombreufe cavalerie, il ravagea la Méfie, la Thrace, la Pannonie. Ses partis couroient toute 1'IUyrie, depuis la mer Adriatique jufqu'a Conflantinople. Les Goths campoient a la vue de cette ville, & défoloient les environs. Tout étoit dans une étrange confternation. Arcadius, fans troupes ainfi que fans confeil, trembloit dans fon palais. Rufin feul prenant 1'habillement des barbares, ofa fortir de la ville, 8c entrer dans leur camp pour traiter avec eux. II en fut bien r ecu, & les engagea a fbrce d'argent, a s'éloigner de Conflantinople. II firoit vanité du fuccè's de cette né-  du Bjs-Empire. Liv. XXVI. 19 gociation; elle ne fervit quafortifier Ie foupcon de fa perfidle. Cependant Stilicon ayant traverfé la Rhétie , parcouroit les bords du Rhin jufqu'a fon embouchure avec une promptitude incroyable. II recut fur fon paflage les hommages de tous les barbares voifins. Les Rois des Sueves & des Allemands demanderent la paix, & lui donnerent leurs enfants en ötages. Ils lui ofFrirent de joindre leurs troupes a celles d'Honorius en qualité d'auxiliaires. Stilicon refufa des fecours trop puiflants pour n'être pas dangereux : il fe contenta de tirer de leur pays quelques recrues. Les peuples Germains, depuis le Rhin jufqu'a FEJbe, vinrent traiter avec lui. II compléta les garnifons qui bordoient la frontiere de la Gaule. II arrêta les pirateries des Saxons. Les Piftes qui défoloient la Grand e-Bretagne, prirent 1'épouvante , comme s'il eüt été prêt a paffer la mer, & fe retirerent dans leurs montagnes & dans leurs marais. La terreur de fon nom, & peut-être 1'argent qu'il favoit répandre, lui pro©uroient ces fuccès fans tirer Pépée. B iij Arcadius.Honorius. Ann. J9-J.' XIV. Stilicon pacifieles barbares d'Occi- dent. Claud. de laud.Stilic. I. i. Idem de 4°. Conful. Honor. Idem in. Eutr. I. I. Greg. Tur. hifi. Franc. I. 2. C. Cj. Valef. rer. Franc,!. 2.  Arcadius.Honorius.Ann, 395. XV- ïl marche contre Alaric.Claud. m Ruf. I. 2. Idem de Jaud. Stilic. I. 1. Zcf, l. PhiU.11, t. 3. Marcel. Oir. 30 HtSTOtRE De tous ces peuples guerriers, les Francs étoient les plus redoutables. Ils avoient pour Rois deux freres, dont la valeur turbulente Sc impétueufe s'étoit déja fait connoitre. Marcomir & Sunnon, ainfi fe nommoient ces Princes, fe foumirent alors aux conditions que le Général Romain leur impofa. Maispeu de temps après, Marcomir ayant donné quelque foupcon de fa fidélité, Stilicon le fit enlever; & après 1'avoir quelque temps tenu prifonnier dans la Gaule , il le fit tranfporter en Tofcane , oii ce Prince mourut. Sunnon , qui menacoit de venger fon frere, fut tué dans fon pays, oü Stilicon entretenoit des intelligences. Ce Miniftre, auffi heureux qu'infatigable, ne fut pas plutöt revenu k Milan, qu'il fe mit a la tête de 1'armée pour aller chercher Alaric dans la Grece. Son deffein fecret étoit de s'avancer enfuite jufqu'a Conflantinople. li paffa les Alpes Juliennes, Sc traverfa la Dalmatie. 11 conduifoit une armée nombreufe, compofée des troupes de 1'Orient Sc de POccident, qui avoient fervi fous les ordres de  du Bjs-Empire. Liv. XXVI. 31 Théodofe & d'Eugene. Au bruit de fa marche, Alaric raffembla tous fes différents corps dans les plaines de la Theffalie. Son armée coniiftoit prefque toute en cavalerie. II enferma dans Penceinte de fon camp une grande étendue de paturages; il 1'environna d'un doublé foffé & d'une doublé paliffade; il le fortifia encore d'une efpece de rempart formé par fes charriots de bagage. Les bceufs d'attelage furent deftinés a la nourriture des foldats. II avoit pris toutes les précautions poffibles pour fe maintenii dans ce pofte aufli long-temps qu'il le jugeroit a propos. Stilicon, arrivs k la vue des Goths, leur préfente h bataille ; & fur leur refus, il fe dil pofe k les forcer dans leurs lignes Les troupes de 1'Occident avoien 1'aile droite; celles de 1'Orient étoien' placées k 1'aile gauche. Tous étoien embrafés d'une égale ardeur, que U Général animoit encore par fes p* roles; & ce jour alloit décider di fort des deux nations. L'armée Ro inaine pouffant de grands cris, quf redoubloient les échos du mont Olym pe , s'ébranloit déja pour 1'affaut B iv Arcadius.Honorius.Ann. 395 b  Arcadius. Honorius.Arm. 39 j XVI. Mort de Rufin. Claud. in Ruf.l. 2» 32 H I S T 0 I Z E lorfqu'on appercut des cavaliers qtu accouroienr a route bride. C'étoit un ordre d'Arcadius adrefle aux troupes de 1'Oriënt. II leur commandoit de fe détacher fur le champ & fans aucun délai de 1'armée d'Occident, & de revenir a Conflantinople. Rufin , allarmé de la marche de Stilicon, avoit diöé eet ordre a 1'Empereur. Les foldats Orientaux refufoient d'obéir;. indignés de fe voir arracher des mains une viétoire qu'ils croyoient affurée, ils proteftoient a Stilicon qu'ils étoient prêts a le fuivre, & a ne reconnoitre d'autres ordres que les fiens. Stilicon , outré de dépit, n'ofa cependant les retenir; c'eüt été déclarer la guerre a Arcadius. II fit fonner la retraite ; & s'étant éloigné de Pennemi il renvoya les Orientaux fous la conduite de Gaïnas. Connoiflant la hardiefle de ce Capiraine, il convint feeretementaveclui desmoyensde faire périr Rufin. Pour lui n'étant plus en état de tenir la campagne, il reprit la route d'Italie, L'armée d'Orient, la trifleffe fur le vifage, & la rage dans le cceur, vint i Thefialonique, Ce fut-la que Caï-  nv Bm-Empjue. Lh. XXVI. 33 iias découvrit fon deffein aux Officiers. Tous fe porterent avec joie a venger fur le traitre Rufin leuï honneur & celui de. 1'Empire. On dit même que les foldats furent inftruits du complot; & le fecret qu'ils garderent , eft un des exemples de la retenue que la haine peut infpirer k une multitude naturellement légere tk indifcrete. Après avoir paffé par Héraclée, comme ils approchoient de Conflantinople, Gaïnas pritles devants pour annoncer k 1'Empereur 1'arrivée de fes troupes, & le prier de venir, felon la coutume, recevoir leurs hommages hors de la ville. Rufin attendoit cette occafion brillante pour fe faire nommer collegue de 1'Empereur. II avoit la parole du Prince , & il fe tenoit affuré du confentement des foldats. On avoit déja frappé k fon coin 1'argent qu'il devoit diftribuer aux troupes & au peuple : le palais étoit orné avec magnificence , &c le feftin commando pour la fête de la proclamation. L< matin du vingt-fept de Novembre Arcadius fe tranfporte k 1'Hebdome ©uTarmée s'étoit rendue. Rufin mar B y Arcadius.Horo- rius. Ann. 39;. Soc. 1.6. C. i. 5ot. /. 8. C i. Phil.1. ii, c. 3. Zof.l. 5. Marcel. Chr. Chr. Alex, t  Arcadius.Honorius.Ann. 39;, 1 1 i < 34 Histoizz ehoit k cöté. de lui, profitant avec complaifance de lavantage que lui donnoit fa bonne mine. L'Empereur, en arrivant, falue les enfeignes, feIon 1'ufage militaire, dont ne fe difpenfoit pas même le Souverain. Rufin félicite les foldats; il careffe les Officiers ; & tandis que ceux-ci 1'amufent par de feintes proteftations de zele & de refpedf, 1'armée, par un mouvement concerté, environne le Prince & Ie Miniftre. Rufin, ébloui de fa gloire , n'appercoit rien de ce qui fe paffe autour de lui; il prefle 1'Empereur de monter fur le tribunal, & de fe déclarer fur Ie choix qu'il fait d'un collegue. En ce moment, au fignal que donne Gaïnas, un foldat, tirant fon épée , la plonge dans Ie corps de Rufin. Tous a 1'inftant fondent fur lui; on le perce de coups, on le déchire. Son corps difparoït (bus tant de bras acharnés; on ne rérerve que fa tête & fa main droite. Arcadius, témoin de cette rage, & eint du fang de fon Miniftre, reire avec effroi, & s'enferme dans on palais. On plante la tête au bout l'une piqué, une pierre dans la bou*  nu Bas-Empire. Liv. XXV/. che pour la tenir ouverte. L'armée chantant fa viöoire entre dans Conftantinople k la fuite de cette horrible enfeigne, que le peuple en foule infulte a coups de pierres. Une troupe de foldats tenant la main de Rufin , la préfentoif aux paffants, en difantï Donnei a ce miférable qui nen eut ja* mais affe{ ; & chacun s'empreffoit de payer le cruel fervice qu'ils venoient de rendre a 1'Empire. Ce Miniftre, auffimalheureuxque coupable, n'eut pas befoin d'un tombeau fuperbe, qu'il s'étoit fait conflruire. Eutrope, dont la perte étoit affurée, li Rufin eut réuiïi, profita de 1'épouvante d'Arcadius, pour s'emparer de 1'efprit de ce Prince , toujours pret k fe livrer k celui qui ofoit entreprendre de s'en rendre maïtre. C'étoit un eunuque déja avancé en age. Vil jouet de la fortune, rebut de la plus infame débauche , cent fois acheté & cent fois revendu , après avoir pafle de 1'Arménie oix il étoit né, en Affyrie, d'Affyrie en Galatie, recueillant tous les vices des divers pays & de fes différents maitres, il tomba entre les mains d'un 8 vj Arcadius.Honorius»Inn. 395» XVIT. Eutrope Miniftre. Claud. in Eute.L i o 2. Zof. I. %. Phil.l. ii., f. 4- Suid. EVMars. Chr,  Arcadius.Honorius.Ann, . I a i B li 3^ HlSTOIRÉ Officier, qui le venclit a fon Gené°~ ral Arinthée. Celui-ci le donna a fat fille qu'il marioit, pour la fervir dans les offices les plus bas. ChafTé de cette maifon comme un efclave inutile k caufe de fa vieilleffe, il parvint a s'introduire chez Abundantius. Ce General lui procura une place entre les derniezs eunuques du palais. Dans une telle variété d'aventures , Eutrope avoit acquis la foupleffe d'un fcélérat; il y joignit un grand fond d'hypocrifie. Théodofe, dont le princiaal talent n'étoit pas celui de conïoitre les hommes, 1'avanea a fon "ervice, 1'honora même de quelque :onfiance. Ce fut lui qu'il envoya en igypte pour confulter un faint Soitaire fur la guerre qu'il entreprenoit lontre Eugene. Eutrope devint grand Ilhambellan, rival de Rufin, & foi* ucceffeur dans fes crimes comme lans fa puifTance. II n'étoit ni moins vare, ni moins cruel, ni moins am* 'itieux. Ces vices qui, dans Rufin, yoient afligé 1'Empire , le flétrif)ient dans un eunuque. Dès le preüer pas dans le miniflere, il écartade i Cour Marcel „ Maïtre des offiees,,  nu 3a3-Emp!r.b. Lh>. XXFJ. 37 dnnf il redmitnit la vprrn . & donna fa charge a Hofius, Efpagnol, né & élevé dans 1'efclavage , qui n'avoit d'autre mérite que d'être un excellent cuifinier, & un très-méchant homme. Tous les biens de Rufin furent failis au profit du Prince; c'eft-a-dire, qu'Eutrope s'en appropria la meilleure partie, & qu'il abandonna k fes créatures ce qui étant de moindre prix, fe trouvok être k leur bienféance. Comme 1'avare favori avoit dépouillé une infinité de particuliers après fa mort, tous fe croyoient en droit de reprendre ce qu'une injufte violence leur avoit ravi. Ces recouvrenaents auroient fort diminué ie butin d'Eutrope. C'eft pourquoi dès le commencement de 1'année fuivante, Arcadius défendit par une loi a toute perfonne de fe mettre par foi-même en poffeflion d'aucun des biens de Rufin, fous peins d'une confifcation générale des fien-s propres; déclarant que jufqu'a 1'examen juridique, le préjugé devoit être en faveur du fifc. Cette loi avoit quelque chofe de fpécieux; elle laifToit aux iégitimespropriétaires, 1'efpéran- Arcadius.Honorius.Ann. 395,. XVIII. Suites de la mort de Rufin,, Sytnm. I. 6. ep. 14^ Cod. Th. I. 9. tit. 420. %- 14 1 ijZo/ /. 5. Mare. Chr. Baroniu»,  Arcadius.Hono- riu5. Ann.39J. XIX. Courfes des barbares. TUI, Ar. eed. art. 38 JJlSTOIAM ce de recouvrer par les formes de la jufKce, ce qui leur appartenoit. Mais Eutrope étoit le maitre des jugements, Sc très-réfolu fans doute de ne rien perdre de fa proie. II confentit cependant k laiffer k la femme & k la fille de Rufin, les biens qui leur étoient propres ; Sc pour fe faire honneur dans tout 1'Empire de cette aétion d'équité, il engagea l'Empereur k déclarer par une loi, que les parents d'un profcrit, qui n'auroient point eu de part k fon crime, n'en auroient pas k fa punition. Après le maffacre de Rufin , fa femme Sc fa fille s'étoient réfugiées dans une Eglife. Eutrope leur ayant donné parole qu'il ne leur feroit fait aucun mal, leur permit de fe retirer a Jérufalem. Elles y pafferent le reite de leurs jours. Rufin Iaiffa encore une foeur nommée Sylvie, qui ayant confacré a Dieu fa virginité, devint célebre par fa fainteté Sc par la connouTance des divines Ecritures. Pendant cette année, les Sarrafins firent des courfes dans la Paleftine , Sc maffacrerent plufieurs folitaires dans le défert de Thécué, Ce défert  nv Bas-Emjpirb. Liv. XXVI. 39 qui commencoit au bourg de Thécué, a douze milles de Jérufalem vers le midi , s'étendoit le long de la mer Morte jufqu'a !a mer Rouge. Les Maziques, peuple barbare de la Libye, vinrent auffi troubler la tranquille folitude de Scéthé. Les Moines qui purent échapper a leur fureur, prirent la fuite , &c ne revinrent qu'après la retraite de ces brigands. II y eut a Rome une extréme difette. Gildon qui commandoit en Afrique , &c qui fongeoit k s'en rendre maitre, arrêtoit par fes chicanes & fes artifices, le départ de la flotte de Carthage. Le peu de bied qui fe trouvoit k Rome etoit gaté & mal-fain. On ne parle en cette occafion d'aucun remede apporté par le gouvernement. Les Sénateurs firent acheter du bied k leurs fraix dans les Provinces. Cette reflburce étant épuifée , on fut obligé de retrancher fur la diftribution qu'on faifoit au peuple par mefure. Malgré cette épargne, il ne reftoit de provifion que pour vingt jours, & Rome s'attendoit a routes les horreurs de Ia famine. Le Sénat fit un nouyel effort j il diftrjbua encore k Arcadius.Honorius.Ann. 395. 27 , & vit ie Si. Arfene, art. 9- Cellar. geog. ant. I. 3. c. 13. §• 145. XX. Famine a Rome. Symm. I. 4. ep. 21. /. 6, ep. 14, 26,  Arcadius.Honorius.Ann. 396. XXI. Troifieme Confulat * d'Honorius. Claud. prxf.de 30, Conful. Honor. & de 4°. Con- fit- Symm. I. J , ep. 80, & feqq. I. 6. ep. 40. Cod. Th. T.6,p. 373- Sah. de gub. I. 6. Sidon. Apoll. carm. 9. Grut. infcript. cccxci. 5. TUI. Honor. not. 3. & vie de S. Amhr, «/» 76. 40 Bist q i r e fes dépens du bied & de la vlam-fe. Ces fecours ménagés avec économie firent fubfifter la ville jufqu'a 1'ar» rivée de la flotte. L'année 396 commenca par une fête brillante. Honorius entroit dans fon troifieme confulat. Toutes les perfonnes diftinguées , qui fe trouvoient en Occident, fe rendirent k Milan. La ville de Rome députa le Poëte Claudien pour complimenter le Prince. II s'en acquitta par un Poëme flatteur; & depuis ce temps, il ne manqua jamais 1'occafion de prodiguer a Honorius les louanges les plus outrées. II en fut récompenfé par des charges honorables, & par une ftatue qu'Honorius, a la requête du Sénat, lui fit ériger k Rome dans Ia place de Trajan. Pour le payer de fes hyperboles , 1'infcription réunit dans faperfonne tout le mérite d'Homere & de Virgile enfemble. L'ouverture du confultat fut célébrée avec une pompe extraordinaire» On amufoit ainfi le jeune Prince, tandis qu'A!aric défoloit la plus belle portion de .'Empire. Mais un accident funefte :roubIa la joie de cette folemnité,  nu Bas-Empire. Liv. XXVI. 41 L'ufage cruel de faire battre des hommes contre des bêtes féroces dans 1'amphithéatre, n'avoit pu encore être aboli. Honorius donna au peuple de Milan le fpeftacle d'un combat de léopards, qu'on lui avoit envoyés de Libye. Pendant ces jeux, des foldats, par ordre de Stilicon, allerenl enlever de PEglife un criminel nommé Crefcone , qui s'y étoit réfugié. St Ambroife, accompagné de fon Oergé , s'oppofa en vain k cette violence Les foldats arracherent Crefcone d« 1'autel qu'il tenoit embrafFé , & retournerent comme en triomphe z 1'amphitéatre. Tandis qu'ils rendoieni compte k Stilicon de 1'exécution d« fes ordres, les léopards s'élancerem fur eux , & les mirent en pieces. Stili con, frappé de terreur, alla faire fatif faftion au faint Evêque. II fauva h vie a Crefcone ; cependant comm< eet homme étoit convaincu de trèS' grands crimes, il ne put fe difpenfei de 1'exiler ; mais il le rappella pei de temps après. Honorius ne gard; pas le confulat 1'année entiere. Quoique depuis Conftantin , il foit rare ment parlé de Confuls fubrogés, i Arca • DiÜS. Honorius.Ann. 3964 l t i {  Arca- bius. Honorius.Ann. 396. XXII. Ravages d'Alaric dans la Grece. Claud. bel, Get. zc/.i:,. Sigon. de Imp. Occid, l. 10. ] ( 1 42 H I S T O 1 R E eft cependant certain qu'il y en eut cette année. Symmaque rapporte que Ie 21 d'Avril, jour anniverfaire de Ia fondation de Rome, au milieu de la folemnité pompeufe qui fe célébroit ce jour-la,,le Conful fubrogé fe rompit la jambe en tombant de fon char emporté par les chevaux qui avoient pris 1'épouvante. Depuis le retour de Stilicon , Ia Grece étoit en proie aux barbares. Alaric perdit d'abord trois mille hommes au paffage du fleuve Penée, oü quelques troupes Theffaliennes s'étoient placées en embufcade. Ce futla le feul échec qu'il recut en traverfant la Grece entiere jufqu'aux extrêmités du Péloponefe. Rufin lui avoit promis qu'il ne rrouveroit aucune réfiftance. Pour lui tenirparole, il avoit envoyé en Grece avec la qualité de Proconful, Antiochus, fils de ce Mufonius , habile Rhéteur, & Général ignorant, tué trente ans auparavant dans un combat contre les [faures. Auffi peu guerrier que fon >ere, mais plus perfide & complice le la trahifon de Rufin , Antiochus ie fongea qu'a favorifer les fuccès  du Bas-EmpIüE. Liv. XXVI. 42 de Pennemi, comme s'il eut été l fa folde. Un autre traïtre, nommé Géronce, gardoit le pas des Thermopy' les , oii trois cents Spartiates avoien autrefois arrêté Parmée nombreufe d< Xerxès. Alaric n'eut befoin que d'ui foldat pour annoncer fon approche Géronce fe retira aufll-töt, & laiff; le défilé ouvert aux Goths, qui fi répandirent dans PAchaïe. Ils paffe rent Phyver a ravager les campa gnes, a piller & ruiner les villes égorgeant les hommes, trainant ei efclavage les femmes & les enfant' Toute la Béotie fut couverte de fani & de ruines. Thebes feule fut fau vée par la force de fes remparts : i auroit fallu Pafïiéger dans les formes & Alaric fe hatoit d'arriver a Athe nes. La conquête en étoit facile. Un foible garnifon ne pouvoit défendr une place de fi grande étendue; & pour la réduire par famine, il fuffi foit de s'emparer du port de Piréc C'étoit fans doute Pancienne gloire d cette ville fameufe , qui échauffoi le grand cceur d'Alaric, & qui lui inl piroit un ardent defir de s'en rendr Arcadius. Honorius.' Ann. 396. t t * I * l > : xxnt. , Ilferend maitre 1 d'Athe- - nes. Hier. ep. 3. Synef. ep. - 135- t Zof l. 5. Philojl, U 12, C, 2.  Arcadius.Honorius.Ann. 396, < < 44 HiSToia.2 ! maitre. Mais, felon un Auteur de ce temps-la, il ne reftoit plus que le cadavre ou même 1'ombre d'Athenes. On n'y retrouvoit plus que les noms de ces lieux devenus célebres par tant de beaux ouvrages. On y montroit encore PAcadémie , le Lycée, le Portique; mais la Philofophie y étoit éteinte. Les Gouverneurs Romains avoient prévenu les barbares en dépouillant ces lieux de leurs ornement^ ; & depuis peu, un Procónful avoit enlevé du portique nommé Poecile, les tableaux de Polygnote. Ils avoient fubfifté huit cents ans. II ne reftoit aux Athéniens que le miel du mont Hymette. Ce peuple dépourvu de force & de valeur, mais vain, menteur & entêté de fa noblefle ainfi que d'idolatrie, publia pour lors que Pallas, revêtue de fon armure éclatante , avoit elle-même en cette occafion paru fur la muraille, 5c qu'Achilles s'étoit préfenté devant Alaric tel qu'il fe montra aux Troyens iprès la mort de Patrocle ; ce qui ivoit jetté, difoit-on, tant d'effroi lans le coeur des Goths, qu'ils avoient )ffert la paix aux habitants. Mais des  r>u Bas-Empirë. Liv. XX.FI. 43 Auteurs moins crédules rapportent que les Athéniens fe rendirent fans attendre les premières attaques. Alaric , qui n'étoit barbare que de nom, voulant épargner cette ville, n'y entra qu'avec un petit nombre de fes Officiers. On lui fit 1'accueil le plus honorable. II foupa dans le Prytanée avec les citoyens les plus diftingués ; & ayant recu de riches préfents, il fortit d'Athenes dès le lendemain , & s'en éloigna auffi-tót fans caufer dans I'Attique aucun dommage , jufqu'a ce qu'il fut arrivé a Eleufis. Alaric, quoiqu'Arien, étoit Chrétien de bonne foi: il déteftoit le paganifme. II détruifit a Eleufis le temple de Cérès, oü 1'idolatrie fe tenoit retranchée comme dans un fort, contre les édits des Empereurs Chrétiens. C'étoit 1'afyle de la plupart de ces fanatiques , qui avoient abufé Julien. Valentinien II avoit aboli les myfieres; Alaric renverfa 1'édifice de fond en comble, & enfévelit fous fes ruines ces fuperflitions fi renommées, qui, durant tant de fiecles, en avoient impofé aux peuples & aux Princes, Ce fut le feul dégat'qu'il fit Arcadius.Hono. rius. Ann. 396,* XXIV. II détruit le temple d'Eleufis. Eunap. in Maximo (? Prifeo,  4<5 HlSTOlRR clans l'Attique. Les Prêtres furent dif- Arca- DIUS. Honorius.Ann. 396. XXV. II ruine le Péloponefe.Zof. L XXVI. Stilicon perfés; plufieurs périrent par 1'épée des barbares. II y en eut qui moururent de douleur : de ce nombre fut le célebre Prifque d'Epire, autrefois chéri de Julien, & qui étoit pour lors agé de quatre-vingt-dix ans. Les Goths prirent la route du Péloponefe. Mégare, qui fe trouvoit fur leur paffage, fut prife & pillée. Géronce étoit campé au milieu de 1'ifthme de Corinthe : il y fit ce qu'il avoit fait aux Thermopyles. Par fa fuite, la prefqu'ifle fut ouverte aux ennemis. Les villes n'y étoient pas mêmes revêtues de murailles; 1'ifthme faifoit toute leur défenfe. Corinthe , Argos, & toutes les places d'alentour , furent emportées d'emblée. Lacédémone ne fit pas plus de réfiftance. Cette ville, autrefois rivale d'Athenes , confervoit encore moins de fon ancienne grandeur. La politique Romaine 1'avoit depuis longtemps afFoiblie. Ses Magiftrats, aufïï laches qu'avares & perfides , ne prirent aucune précaution pour fa füreté. La Grece faifoit alors partie de  nu Bas-Empire. Liv. XXVI. 47 1'Empire d'Orient; mais Arcadius, qui ne voyoit pas même ce qui fe paffoit fous fes yeux, fe repofoit de tout fur Eutrope; & le nouveau Miniftre fongeoit moins k repouffer Alaric, qu'a fe rendre maïtre de la Cour. C'étoit-la qu'il faifoit la guerre a ceux dont il redoutoit le crédit. Stilicon, qui ne craignoit point de rivaux auprès d'Honorius, entreprit de fauver 1'honneur de 1'Empire. Le printemps ctant venu, il fit embarquer fes troupes au port de Ravenne ; & ayant eules vents favorables, il aborda en peu de jours dans le Péloponefe. II fe mit aufli-töt en marche pour aller chercher les Goths. Leur armée fatiguée pendant tóut 1'hy ver par dej courfes continuelles, fe trouvoit fort aftbiblie. Alaric, battu en quelques rencontres, ayant gagné les forêts de 1'Arcadie, fe retrancha fur le mont Pholoé. Stilicon vint 1'y affiéger , & détourna le cours d'une riviere, qui arrofant le pied de la montagne, fourniflbit 1'eau aux ennemis. Ils périffoient de foif & de maladies. Stilicon , fans coup férir, les auroit forcés k fe rendre, s'il eut été plus occupé de Arcadius. Honorius.Ann. 396. va chercher Alaric. Claud. dt laud. Stille,de 40. ) Confulat. honor. Orof. l.y. 57»  Arcadius.Honorius.Ann. 396. XXVII. Eutrope fe déclare ememi de Stilicon. Claué. bel. Get, & in Eutr, l. 1, %/. 1.j. 48 I/lSTOtRE fa globe que de fes plaifirs. Mais ce Général voluptueux s'étoit fait fuivre dans cette expédition, d'une troupe de femmes & de farceurs, II paffoit le temps en débauches, & fes foldats lans difcipline , abandonnoient leur pofte pour piller les campagnes voilines. Alaric, plus vigilant, profita de ce défordre; il s'échappa pendant la nuit; & h la faveur des forêts , il gagna 1'ifthme, fans rien perdre de fon butin, II fe retira en Epire , oh il continua fes ravages. La conduite que tint alors Stilicon, le fit foupgonner d'intelligence avec Alaric. II ne femit pas même en devoir de le pourfuivre; & s'étant rembarqué , il laifTa le pays auffi défolé par fes troupes que par Pennemi. Tant que Rufin avoit vécu, Eutrope avoit entretenu avec Stilicon une correfpondance fecrete. Dès que leur ennemi commun eut perdu la vie, 1'eunuque qui fuccédoit a Rufin dans le miniftere, lui fuccéda aufïï dans fa haine & dans fa jaloufie contre le Miniftre d'Occident. II fit entendre a Arcadius que 1'expédition de Stilicon dans le Péloponefe , étoit un attentat  du Bas-Empire. Liv. XXn. 43 aftentat contre les droits de 1'Empire d'Orient, & que fon deffein étoit de rendre Honorius maitre de la Grece, II engagea le Prince a déclarer en plein Sénat, Stilicon ennemi de 1'Empire. Les terres & les maifons que ce Général avoit en Oriënt, fureni confifquées, Ce décret outrageant fit naïtre entre les deux freres une inimitié, dont les fuites ne pouvoient manquer d'être funeftes, s'ils eufTent été plus capables d'agir. En mêmetemps, pour contenir Alaric, & 1'attacher même aux intéréts d'Arcadius, Eutrope traita avec lui, & le fit nommer Commandant des troupes de 1*11— lyrie oriëntale, qui renfermoit la Grece. C'étoit, par une infigne baffefle, avilir Ia majefté impériale, en récompenfant les infultes & les ravages , comme on récompenfe les fervices. Tandis que eet indigne Miniftre favorifoit les ennemis de 1'Empire, il accabloit de difgraces ceux qui en étoient les défenfeurs, dont il redoutoit la vertu & le pouvoir. Abundantius fut la première viöime de fes noires défiances. II ne méritok ce Tomé FI% C Arcadius. Honorius.Ann. 3960 XXVÏIfc CruautéS d'Eutro- pe. Claud. hé Eutr. I. I. Hier. ep. }. Zof, l. s.  Arcadius. Honorius.Ann. 396 XXIX. i^ilgjl uwe 5<3 H I S T O I R E traitement que par 1'aveugle protection dont il avoit honoré ce méchant homme. C'étoit lui qui avoit tiré Eu, trope de la pouffiere, pour le produire a la Cour, & ce fut Eutrope qui prit foin de Pen punir. Sur un faux prétexte , Abundantius fut dépouillé de fes biens, dont le Miniftre s'empara, & relégué a Pityonte fur le Pont-Euxin, au-dela du Phafe. Après la mort d'Eutrope, on lui perjnit de fe retirer a Sidon, oü il finit fes jours dans Pindigence. L'infolent eunuque, fe voyant élevé au-deftus des loix, ne s'embarrafTa plus de fauver les apparences. Auffi avare qu'impitoyable, il vendoit tous les offices, tous les gouvernements; il fouioit aux pieds la noblefle , dont il fentoit qu'il devoit être méprifé. Un grand nom étoit un grand crime; c'étoit une grace de n'en être puni que par le bannifTement. Bientöt les déferts de Libye furent peuplés d'illuftres exilés : fouvent même, fans attendre qu'ils y mouruflent de faim^ de foif & de mifere, le Miniftre les y faifoit maftacrer. De tous ceux qui avoient un grand  nu Bas-Empire. Lh. XXVI. gï crédit a la Cour & dans les armées, Timafe étoit celui qui donnoit le plus d'ombrage a Eutrope. Ce Général renommé joignoit a fes talents militaires beaucoup de défauts. Hautain , ambitieux , intéreffé, aufli fier de fes richeffes que de fes exploits, livré aux plaifirs , il bravoit la haine du Miniftre, & affecloït de le méprifer. Celui-ci jura fa perte. II favoit par expérience qu'il eft aifé de trouver des traitres entre les créatures des hommes puiflants. II s'adreffa k un fcélérat, nommé Barge, favori de Timafe. Barge étoit né a Laodicée en Syrië, ou il avoit fait le métier de charcutier. Convaincu de fripponnerie, il^ s'étoit fauvé a Conflantinople; d'oii ayant été banni par de nouveaux tours d'adrefle, il alla vivre a Sardes, oü il ne fut pas longtemps a fe faire connoïtre. Timafe, en paffant par cette ville , prit dn goüt pour ce fourbe infinuant & flatte ur, qui le divertiflbit par fes plaifanteries. II 1'attacha a fon fervice 9 lui donna enfuite le commandement d'une cohorte, & 1'amena avec lui a Conflantinople, oü if le fit féte* C ij Arcadius.Honorius.Ann. 396,; de Timafe. Zof. I. U St>i. U 8. c. 7. Suid. T/-' Baronius. TUL Arcad. art, 8,  Arcadius. Honorius.Ann. 396 5^ II i s t 0 i jï e ' voir malgré 1 'arrêt de fon banniffement. Ce fut-la 1'infcrument dont Eutrope fit choix pour ruiner Timafe. $ II n'eut pas de peine è le fuborner. Barge, bien inftruit de fon röle, accufa Timafe d'afpirer a TEmpire, 5c produifit de fauffes pieces. La caufe fe plaidoit devant 1'Empereur. Eutrope , en qualité de grand Chambellan, étoit debout auprès du Prince, & gouvernoit de fes regards tout le tribunal. II s'appercut qu'on murmuroit de voir un homme de la di-. gnité de Timafe a la difcrétion d'un miférable tel que Barge. Par fon confeil, Arcadius fe retira , & laiffa le jugement a Saturnin & a Procope. Le premier étoit un vieillard comblé d'honneurs , mais qui déshonoroit fa vieillefle par une fervile complaifance a fe prêter aux caprices & aux iniquités du Miniftre. Procope , gendre de Valens, étoit une ame rude & groffiere , mais amie de la vérité, & qui la difoit fans crainte. II prit hautement le parti de la juftice; il repréfenta a Saturnin qu'il étoit honteux de facrifier un Général recomünandable par tant de titres, aux ca-  du Eas-Empire. Lh. XXVI. 53 lomnies d'un fcélérat couvert d'opprobre : que 1'ingratitude de Barge, qui plongeoit le poignard dans le fein de fon bienfaifteur, & les infamies de fa vie paffee, ne fuffifoient que i trop pour faire rejetter fon accufktion. Malgré des remontrances fi bien fondées, le timide Saturnin prononca la condamnation de Timafe , & fa fentence fut confirmée avec éloge par 1'Empereur. L'infortuné Général fut conduit dans les affreux déferts d'Oafis. Le bruit fe répandit enfuite que fon fils Syagrius, s'étant dérobé aux pourfnites des foldats envoyés pour le faifir lui-même, avoit fauvé fon pere a Ia tête d'une troupe de gens déterminés. Peut-être n'étoit ce qu'une fable inventée par Eutrope, & publiée par fes amis. D'autres difent que quatre ans après , on trouva le corps de Timafe étendu fur lest fables d'Oafis, fok qu'il fut mort de foif, fok qu'il eut volontairement abrégé fes jours, pour éviter une fin plus tragique. Ce qu'il y a de certain , c'eft que depurs ce temps-la on ne revit plus ni le pere ni le fils» Après le départ de Timafe, fa femC iij Arcadius. Honorius. Lfln. 39Ó.  Arcadius.Honorius.Ann, 396. XXX. Punition As Barge. Z'f. I. 5. 54 II. I S T 0 I R 3 me Pentadie fe retira dans une Eglife, pour fe fouftraire a la haine d'Eutrope. On ignore le traitement qui lui fut fait en cette occafion. Mais elle.. furvéquit a 1'ennemi de fa familie, & fe confacra au fervice de 1'Eglife en qualité de diaconelfe. Elle efïïiya. .dans la fuite une nouvelle perfécution a caufe de fon attachement k St. Jean Chryfoflöme, qu'elle fecourut avec zele dans fon exil. Eutrope, délivré d'un fi redoutabie ennemi, récompenfa d'abord Paccufateur; il lui donna un commandement militaire, dont le revenu étoit confidérable, ik lui promit encore de plus grandes faveurs. Mais il connoifToit trop bien les rraitres pourfe fier a celui-ei. II ne cherchoit que Poccafion de s'en défaire. Barge fut obligé de faire un voyage. Sa femme , qui vivoit mal avec lui, fe concerta avec Eutrope pour préfenter a 1'Empereur un libelle rempli d'accufations atroces. Auffi-tót Barge eft arrêté, conduit a la Cour, convaincti, & puni du fupplice qu'il méritoit. L'hifloire ne s'exprime pas plus clairement; mais en cette rencontre,  nv Bjs-Empire. Liv. XXPI. 55 ces termes doivent figniher une mort ignominieufe. Tout 1'Orient regarda eet événement comme un julle effet de la vengeance divine. Ce n'étoit pas affez pour Eutrope de gouverner 1'Empereur & 1'Empire ; il voulut paroitre guerrier. II fe mit a la tête de quelques troupes ramaffées au hafard, &. alla chercher en Arménie le refre de ces barbares, qui, depuis 1'année précédente , pilloient 1'Afie. II entretenoit avec eux les intelligences que Rufin avoit fbrmées , &c étoit bien fur de n'être pas battu. En effet, il en fut quitte pour leur fervir de rifée. II eut des conférences avec leurs Capitaines, qui ne continuerentpas moins leurs ravages, jufqu'a ce qu'ils fe fuffent chargés de burin. Revenu a Conflantinople, Eutrope vantoit fes exploits & fes fatigues; il trouvoit des adulateurs qui relevoientfa modeftie, & Pexhortoient a modérer fon courage. Ces expéditions ridicules divertiffoient les courtifans frivoles, tandis que la honte de 1'Empire faifoit gémir les citoyens généreux. Pour amuier 1'Empereur, Eutrope mit fur pied un nouveau corps C iv Arcadius.Honorius.Ann. 396.' XXXI. Exploits militaires d'Eutrope. CUud. in Eutr. I. i„ & prxf. U 2. Ceir. p. 327. Suid. EuTpoTTlèf.Notit, Imp, Oriënt,  Arcadius.Honorius.Ann. 396, XXXII. Loix ti'Arcaöius & d'Honoarius. 56 fflSTO/ÜE de troupes. auouel il d'Arcadiens; comme fi c'eutétéangmenter les forces de 1'Etat, que d'ajouter de nouveaux noms & des bras inutiles, au-lieu de travailler k rétabhr la vigueur des anciens corps qui dépériffoient, faute de difcipline. Mal gre les défordres qui énervoieat les deux Empires, on vit la légiflation fe foutenir avec une autorité apparente. Jamais Empereur, avant Juftinien, ne publia tant de loix que ces deux Princ.es. Ils renouveilerent prefque toutes les anciennes; ils en établirent une infinité de nouvellesce qui fait connoitre que la multitude des ordonnances prouve moins la fagefle du gouvernement, que 1'inquiétude de ceux qui gouvernent, le déréglement des fujets , & le défaut d'attention & de vigueur k les faire obéir, Un vafle édifice ébranlé de toutes partsa befoin d'un grand nombre de foutiens, qui, bientót pliant eux-mêmes , demandent a être appuyés par d'autres , jufqu'a ce qu'enfin tous s'écroulentavec la maffe entiere , & ne font que groffir les ruines. Dans les loix d'Arcadius & d'Honorius > les  du Bas-Empire. Liv. XXVI. $7 mêmes font fouvent répétées; quelquefois elles fe détruifent mutuellement: on voit les EmpereuPs avouer eux-mêmes leur foibleffe, en défendant de leur dernander des graces &c des privileges contraires h leurs ordonnances, & d'avoir égard a leurs propres refcrits, lorfqu'ils dérogenfc au droit établi. II eft a propos de donner une idéé générale des plus impor-tantes de ces loix.. L'idolatrie refpiroit encore; elle fe défendoit en quelques lieux. II en fubiiftoit des traces fenfibles jufque dans les fon&ions publiques. Les Confuls nourriffoient encore des oifeaux facrés , & confultoient les augures. La fuperftition régnoit au milieu de la licence des fpeclacles. II reftoit un grand nombre de temples, fur-tout hors dès villes. Les Empereurs réunirent leurs forces pour achever d'abattre le paganifme. Ils défendirenl d'entrer dans aucun temple , de célébrer aucun facrifice en quelque lieu. en quelque temps que ce fut, fou: les peines déja prononcées par Théodofe, Ils menagoient du même cha^ timent tout Magiftrat qui manqueroi C v Arcadius. Honorius.Ann. 396. xxxtrt. Loix contre 1'idolatrie. Cod. Th, l. 15. tit. I. leg. 36. tit. 6. hg. l , 2. /. 16. tit. lO.leg. 13. 6- feqc. ufque ad 21. Salv. de gub. I. 6. TUI. vit dé St. Amb. art. 76. Cod. hfi. I. II. tit. , 69. leg. 4. Hifi. Mij' cd. I, 23,  Arcadius.Honorius.Ann. 396, j < < I 1 t F $ r \ É F a S 56 fflSTOIRg a punir les coupables; & de mort tout Officier qui n'exécuteroit pas les ordres du Magiftrat. On abolit les privileges accordés aux Miniftres des idoles. On ruina les temples des campagnes , & leurs démolitions furent employees a réparer les ponts, les chauffées , les aqueducs. Quelquesuns furent vendus au profit du tréfor. On ordonna de détruire les autels , & d'abattre les ftatues, en épargnant celles qui ne fervoient qu'a 1'ornement des lieux publics. Les reve*us des temples furent appliqués k 'entretien des troupes; & les édifi:es dans les villes furent convertis, foit 'n Eglifes, foit en magafins,. ou en 1'autres ufages pour 1'utilité de 1'Eat. On menaca de confifquer les teres ou les maifons des particuliers, ui feroient infeftées de quelque fuerftitiori payenne. On célébroit en yrie une fête très-licencieufe, nomïée Ia Maïume , du nom d'un bourg oifin de Gaza , oü elle avoit pris auTance. Elle avoït été fupprimée ar Conftance , rétablie par Julien , bolie de nouveau par Théodofe. Les yriens en murmuroient, Arcadius  du Bas-Empire. IJv. XXF1. 59 permit ce divertilTement, k condition qu'on en banniroit la licence. Trois ans après , convaincu par 1'expérience qu'il eft plus facile d'anéantir une fête diftbiue, que d'en exclure la débauche, il 1'abolit par une loi: il en fubfiftoit cependant encore quelque veftige prés de quatre cents ans après, fous 1'Empire de Léon , fils de Conftantin Copronyme. On peut remarquer que le zele de ces Princes pour éteindre les reftesde 1'idolatrie, n'eut rien de cruel; ils n'en détruifirent que les objets; ils épargnerent les perfonnes; &c laiflerent fubfifter cette diftinftion glorieufe entre la vraie religion qui chérit les hommes comme fes enfants, & les fauffes fuperftitions qui les tyrannifent comme des efclaves. Aufti le germe heureux du chriftianifme , qui abhorre le fang, fi ce n'eft le fien propre , croiflbit &l s'étendoit de plus en plus. Ce fut fous le regne d'Honorius que Viörice, E vêque de Roueh, convertit par fes prédications les peuples encore idolatres qui habitoient entre la Somme & la Meufe. Fritigile, Reine des Marconians, inftruite par les écrits de Sc, C vj, Arcadius.Honorius.Ann. 396.  Arcadius,Honorius.'Ann. 396» XXXIV. Loix fur ïes Juifs. Cod. Th. 1. 16. tit, s. leg. 10. &feqq.uf. que ad 28.. & ihi Got. *>. 9. leg. 3. 60 H i S T O i R e Ambroife, embraffa la Religion Chrétienne; elle Finfpira a fon mari & a route fa nation; elle leur perfuada de s'attacher aux Romains par une alliance durable. En effet, parmi ce grand nombre de peuples harbares, qui, dans ce fiecle, inonderent PEmpire, il n'eft jamais parlé des Marcomans, quoiq.u'ils n'en fuffent féparés que par le Danube. Fritigile fit ellemêmele voyage de Milan, pourrecevoir la bénédiftion de St. Ambroife : mais elle n'y arriva qu'après la mort du faint Prélat. Ces Empereurs traiterent les Juifs avec beaucoup d'équité. D'un cöté, ils ne permirent pas aux Chrétiens de les inquiéter dans leur commerce, de détruire leurs fynagogues, de lescontraindre a violer leur fabbat, d'infuJter leurs Miniftres, auxquels ils conferverent leurs titres & leurs privileges. DePautre, ils défendirent aux Juifs de pervertir les Chrétiens, de forcer perfonne a recevoir la circoneifion , de commettre aucune irrévérence contre la vraie religion, & de fcatir de nouvelles fynagogues. Souvent les Juifs, pourfuivis pour dettes  nu Bjs-Empirs. Liv. XXVI. 61 ©u pour crimes, fe réfügioient dans les Eglifes, & fe faifoient baptifer pour fe tirer d'embarras ou de péril: Arcadius leur interdit eet afyle, & défendit de les ad'mettre a la profeffion du Chriftianifme , a moins qu'ils n'eufTent payé leurs dèttes, ou prouvé leur innocence. En Occident-, les Juifs furent exclus du fervice militaire & des emplois du palais. On leur permit feulement d'exercer la profeftion d'A'vocat, & d'entrer.dans les charges municipales. Plufieurs, afin d'éviter quelque punition, on pourd'autres intéréts, avoient fait abjuration , mais fans recevoir le bap-tême. Honorius ordonna aux Magiftrats de renvoyer k leurs fynagogues ces faux Chrétiens , dont 1'hypocrifie déshonoroitle Chriftianifme. II fut permis aux Juifs de pofleder dés efclaves Chrétiens, pourvu qu'ils leur laiffaflent le libre exercice de leur culte. Le Patriarche, chef de route la religion Judaïque qui réfidoit en Orient, exigeoit chaque année un tribut de toutes les fynagogues : dans les brouilleries qui furvinrent entre les deux Empereurs, Honorius défendit Arcadius. Honorius.Ann, 396  Arcadius.Honorius.Ann. 396. XXXV. Loix contra les hérétiques.Cod. Th. I. 16. tit. 5. leg. 25. & feqq. ufque ad^l.&ibi God. tit. 10. leg. 13. S.Aug. contra Crefcon. I, 4, PkiLl.11. c. 5. &ibi God. Pagi ad Baron. 1 3 i i j 62 H I S T O I R B cette collecte en Occident; mais s'étant enfuite réconcilié avec fon frere , il perrnit qu'elle fe fit i 1'ordinaire. Pour ce qui concerne les hérétiques, Arcadius fut plus ou moins févere a leur égard , felon les inclinations particulieres de fes Miniftres. Eutrope haïffoit mortellement les Eunomiens : il fit dépofer a Tyane, Sc confia h la garde des Moines de cette ville le corps d'Eunomius, mort en Cappadoce , que fes Seftateurs vouloient ttanfporter a Conflantinople,. pour 1'enterrer auprès de fon maïtre Aëtius. Aufïï les Eunomiens font-ils de tous les hérétiques, les plus maltraités dans les loix publiées par Arcadius du vivant d'Eutrope. En gé-ral, les deux Princes renouvellerent les loix de leurs prédéceffeurs contre les hérétiques. Ils les èxclurent des smplois de la Cour ; ils leur défenlirent les affemblées-, & les procefions qu'ils faifoient a Conftantino)le , même pendant la nuit. Leurs dercs furent chafles de cette ville, ceux des Eunomiens de toutes les killes d'Orient. Arcadius ordonna de >rüler publiquement tous les livres  du Bas-Empiae. Liv. XXf7. 6*3 Contenant la doftrine d'Eunomius , avec peine de mort pour quiconque feroit convaincu d'en avoir retenu quelque exemplaire. Les Manichéens étoient encore en grand nombre; Honorius les réprima par de rigoureufes ordonnances; il les dépouilla de tous leurs biens, leur öta le droit de tefter, & de faire aucun contrat; déclara dévolus au fïfc les lieux oii ils tiendroient leurs affemblées. II défendit même d'avoir aucun égard auxrefcrits qu'ils pourroient obtenir de lui, pour s'afFranchir de la rigueur des loix. Jovinien répandoit a Rome le poifon d'une nouvelle doctrine; 1'Empereur le condamna a être fouetté avec des lanjieres garnies de plomb, &c relégué h perpétuité dans 1'ifle de Boa en Dalmatie; fes adhérents furent difperfés dans d'autres ifles avec menace d'un chatiment plus févere contre ceux qui feroient dans la fuite convaincus de perfiiter dans ces erreu rs. Mais les plus audacieux de tous les hérétiques , étoient les Donatiftes , toujours auffi puifTants en Afrique, que violents & féditieux. Acharnés les uns fur les autres par un fchif- Arca- DIUS. Honorius.Ann, 396»  H H i s t o i Arcadius.Honorius.Ann. 396. XXXVI. Loix en faveur de l'Eglife. Cod. Th. 1. l. tit. 4. I'S- 7/.9,t;'«,4P, me furieux, ils n'en étoient pas moins animés d'une haine commune contre l'Eglife Catholique. St. Auguftin ,Evêque d'Hippone en 3.95 , les combattoit, par fes écrits, pendant qu'Honorius s'efForcoit de les réprimer par fes loix. Pour les couvrir de honte, ce Prince fit afficher en public , la requête perfide qu'ils avoient autrefois préfentée a 1'Empereur Julien : il leur impofa de grofTes amendes \ il confilqua les biens des plus obftinés ; il condamna leurs Evêques 5c leurs Prêtres k l'exil; il donna leurs Eglifes aux Gatholiques; il leur défendit, fur peine de mort, de s'affemf bier : en un mot, il réunit fur leurs têtes tous les chatiments prononcés contre les autres fettaires. Mais leut opiniatreté 1'emporta fur cesrigueurs: ils ne céderent qu'a Pépée des Van^dales, qui mêlerent leur fang k celui des orthodoxes. II paroit qu'Arcadius fut moins que fon 'frere occupé des intéréts de VEglife. II ne la fervit qu'en réprimant 1'idolatrie , & les fedes qui n'étoient pas moins contraires k la tranquillité de l'Etat,.On remarque plus de.zele.  nu Bas-Empire. Liv. XXVI. 65 'dans Honorius. Dès les premiers iours de fon regne, il renouvella tous les privileges accordés k l'Eglife par fes prédéceffeurs, declarant qu'il étoit difpofé a les augmenter, loin d'y porter aucune atteinte r il condamna k une amende de cinq livres d'or, les particuliers qui oferoient les violer, & les Magiftrats, qui négligeroienf de les maintenir. II défendit, fous peine de mort, de faire aucune injure aux Miniftres de la Religion , ou de troubler le cultedivin. L'Eglife avoit jufqü'alors employé des clercs a la pourfuite &c k la défenfe de fes caufes; on lui permit de fe fervir d'Avocats {Séculiers , qui furent nommés défenfeurs desEglifes; c'eft J'origine des Avoués ; & 1'Empereur recommanda aux Magiftrats de leur procurer une prompte expéditioh. Les Eccléfiaftiques furent exempts des contributions extraordinaires , fans être difpenfés de payer les tributs ordinaires. II confirma la jurifdi&ion des Evêques, fans préjudicier au reffoit des laks; les Evêques furent déclarés juges des affaires qui concernoient la Religion èc la difcipline ecclé- Arca- DlVt. Honorius.Ann. 396. leg.. 16. tit. 41.l'g. 3/. II. tit. 16.leg.z1. 21. 1. 16. tit. 2. leg. 29, 3° . 31 , 34 , 35 . 38. tit. 7. leg. I. tit. II. leg. I, Soc. I. 6. c. 8. So{. I. 7. c. 5. Profp. prom. I. 3.'. c. 38. pleury , hifi.Ecclef.. I. 20. arté. IJ-  -Arcadius.Honorius.Aan. 396. i ■ ^ 1 % \ 6tt HlSTÖIRE fiaftique. Pour conferver aux Miniftres dès Autels cette fleur de réputation, que le fouffle le plus léger eft capable de ternir, il leur défendit de faire loger avec eux des autres femmes , que leur mere , leurs £1les, ou leurs fceurs. Les Eglifes jouiffoient du droit d'afyle attaché autrefois aux temples des payens. Mais ce privilege donnoit Keu a des abus ^réjudiciables a 1'intérêt public. Les débiteurs échappoient par ce moyen ï leurs créanciers , les criminels a a juftice,. les efclaves au pouvoir le leurs maitres; les particuliers y ■ecouroient pour fe fouftraire aux :harges publiques. Quelquefois mêne les Evêques , pour avoir un jrétexte de retenir les réfugiés dans 'enceinte de l'Eglife ,. leur conféoient la cléricature. Eutrope , afin 'öter cette reffource a ceux qu'il ouloit perdre, fit abolir par une loi -,droit d'afyle; & bientöt étant tornié lui-même dans la difgrace du Prine, il fut obligé d'y avoir recours. iprès fa mort, la loi qu'il avoit fugérée, fut efFacée des regiftres pulles. Mais Arcadius en laifia fubfifter  nu Bas-Empirb. Liv. XXVI. 67 une grande partie, qui ne tendoit qu'a réfonner les abus des afyles. II fut défendu aux Eccléfiaftiques d'arracher par force des mains des Magiftrats, ou de retenir les perfonnes condamnées pour crime : on leur permit feulement d'appeller du jugement, s'ils y foupconnoient de Terreur ou de 1'injuftice; &C eet appel étoit reIe vé devant les P-réfets du prétoire, dont la fentence devoit enfuite être exécutée fans oppofuion. Les. Evêques devenoient refponfabtes des violences que les Clercs ou les Moines commettoient a cette occafion. L'afyle fut interdit aux efclaves & aux débiteurs; &c les Eglifes furent obligées a payer les dettes dont elles auroient empêché la pourfuite. Ces reftri£tions d'un droit abufif, ne firent rien perdre aux Eglifes du refpecf qui leur étoit dü. Elles furent toujours confidérées comme un tréfor facré, oü les biens des fideles étoient en fiïreté. On en voit un exemple au commencement du regne d'Honorius. Une veuve avoit dépofé une grande fomme d'argent dans l'Eglife de Pavie. Un courtifan obtint Arcadius.Honorius.Ann. 396.  Arcadius.Honorius.Ana. 396, XXXVII. Loix civile.'. Cod. Th. l. 2, Kt. 9. leg. S. /. 8. tit, 5. leg. 3 5- & ƒ«!/?•_ ufl"' ad f'nem. I. 9. tit, i. is. /. ii. tit, 28. 2. &fcqc.uf. que ai 15, 68 Histoire de 1'Empereur un refcrit pour s'eri mettre en' poffeffion. Les Magiftrats & les Officiers preflbient 1'exécution de eet ordre ; le Clergé n'ofoit rëfifter. Panfophius , Evêque de Pavie , encouragé par les avis de St. Ambroife, s'oppofa feul a eet enlevement, & défendit 1'entrée du lieu oü étoit le dépot. II fallut fe contenter d'une reconnoifïance de 1'Evêque. On revint peu après avec un nouvel ordre. Le Prélat, pour toute réponfe, fit lire I'hiftorre d'Héliodore, ft févérement puni pour avoir vouluenlever les dépots facrés du temple; & fa fermeté fit révoquerle refcrit de 1'Empereur. Les deux. Princes étoient portés par eux-mêmes a procurer le foulagement de leurs fujets. En exécution du teftament de Théodofe, ils remirent les fommes qui étoient dues au fifc dans le temps de la mort de leur pere. Nous avons encore plufieurs de leurs loix qui déchargent tantöt quelques Provinces , tantöt 1'Empire entier du payement, foit du total, foit d'une partie des reftes de certaines impoütions, Ils firent auffi  du Bas-Empire. Liv. XXFI. 69 des réglements utiles pour 1'entretien & la réparation des murailles des villes, des grands chemins, des aqueducs & des autres édifices publics. Arcadius obligea même les Gouverneurs coupables en ce point de négligence, a faire a leurs dépens ces réparations. II recommanda aux juges la diligence de 1'expédition dans les procés criminels. On voit par les écrits de Saint Jean-Chryfoftöme, que les ferments étoient devenus dans ce fiecle d'un ufage fi commun, qu'ils fembloient avoir perdu leur fignification. Le parjure étoit compté pour rien ; & il n'eli point de défordre que ce faint orateur combatte plus fréquemment, ni avec tant de véhémence. Arcadius , pour faire refpecter le ferment , ordonna que tout majeur, qui, de fa propre volonté & fans contrainte, auroit juré une convention , foit par le nom de Dieu , foit par celui du Prince , feroit tenu de 1'exécuter a la lettre, fans pouvoir revenir contre fon ferment par aucune requête adreilée aux juges, ni même au Prince ; finon , qu'il feroit déclaré infame, outre qu'il per- Arca.- dius. Honorius.Ann. 396. 1.15. tit. u hg. 32. & feqq. ufque ad 49. S. Ambrof. orat. in fan, Theodu.  Arcadius.Honorius.Aan, 396. XXXVIII Phénomene a C. V. S. Aug. de urbis excidio. Profp. chr. Marcel. tant arrivé, tous fuyent en défordre, tous abandonnentleur patrie, en pouffantdescris lamentables. L'Empereur même fuit avec eux. Cette multitude, effrayée s'arrête k quelques milles ; & la face tournée vers Conflantinople , ils adrefTent k Dieu leun prieres. On appercoit tout -k- coup s'élever une épaiffe fumée. A cette vue, les cris redoublent; enfin , 1'ah redevient ferein ; &c 1'heure prédite étant paffée, on envoya examiner 1'état de la ville, qui fut trouvée fans aucun dommage. Le peuple y retourna avec la même joie que s'il eut recouvré la vie. Dans le premier de ces météores , la phyfique de nos jours pourroit reconnoitre une aurore boréale , accompagnée de circonftances imaginées par la terreur ; &2 dans le fecond , Peffet d'un feu fouterrein, qui s'étoufFe avant que d'awoit forcé fa prifon, Arcadius.Horo- r1us. Ann. 39<;  Arcadius.Honorius.Ann. 397 XXXIX. Hiftom de Synefe. Vita. Syne fti apud Petav. TUI. vic d, Synefe. 72- II/STOTRB L'année trois cents quatre - vingtdix - lept , préfente un phénomene beaucoup plus étonnant a mon avis : , un Cenfeur parlant hautemeni au milieu d'une Cour corrompue , & un ■ miniftere tyrannique qui 1'entend fans punir fa vertueufe franchife. La Pentapole Cyrénaïque appartenoit k 1'Empire d'Orient, c'en étoit la borne du coté de 1'Afrique. Tous ces fiéaux qui peuvent affliger la terre concouroient k ruiner ce pays fertile & cultivé. Les Aufturiens & les Maziques portoient le fer & le feu dans les campagnes; ce qui leur échappoit étoit la proie d'un ennemi plus deftrucfeur encore qu'une nombreufe armée de barbares : des nuées de fauterelles , apportées par le vent du midi, dévoroient les femences , & rnangeoient 1'écorce des arbres, jufqu'a ce que le même vent redoublant de violence les emportat dans la mer. Les tremblemenTs de terre renverfoient les villes ; tous ces maux produifoient la famine ; & Cyrene, autrefois fi opulente & fi célébrée par ks Poëtes, n'étoit plus qu'un défert femé de ruines, La Province défolée eaivoya  bv Bas-Empire. Liv. XXVI. 73 envoya plufieurs des principaux habitants k Conflantinople , pour obtenir de 1'Empereur quelque foulagement. Le chef de la députation étoit Synefe ; & Synefe eft un de ces hommes qui méritent que 1'hiftoire s'arrête a les peindre. 11 étoit né k Cyrene. Sa familie, li les prétentions en étoient bien fondées, devoit être la plus noble qui fut alors ; elle remontoit jufqu'a Euryfthene, premier Roi de Lacédémone dans la race des Héraclides, onze cents ans avant Jefus-Chrift. Synefe prit dans Alexandrie les let:ons de la fameufe Hypatie, fille de Théon , qui Finftruifit de la philofophie Platonicienne. Un riche patrimoine lui permettoit de fuivre fon inclination. II s'éloigna des affaires , & embrafta une vie douce & tranquille, conforme k fes moeurs. L'étude fit fes délices, & fa chafTe fon amufement. Fuyant la barbarie de fon temps , il fe tranfportoit dans les fiecles les plus polis de la Grece; c'étoit-la qu'il vivoit; il fembloit en être un refte précieux; il en prit le goüt & le langage; écrivain pur , élégant, ingénieux, mais Tome VI. D Arcadius. Honorius.Ann, 397.  Arcadius.Honorius.Ann, 397, 74 II 1 S T 0 T & z un peu trop chargé de métaphores. II fe maria dans Alexandrie, & eut trois enfants qui moururent jeunes. II étoit encore laïque, & ne faifoit pas même profeffion du Chriflianifme, lorfqu'il fut député a la Cour. Un fi beau génie, un cceur fi heureufement difpofé, fut enfin éclairé des rayons de la grace divine. Les Chrétiens , dont il étoit eftimé , s'emprefferent a 1'inftruire ; il aimoit Ia vérité, il recut le baptême . & Tan 410, on voulut le faire Evêque de Ptolémaïde. II y réfifta de bonne foi, & il ne donnoit que de trop fortes raifon de fon refus. Attaché, difoit-il, a fa femme, ainfi qu'a la doctrine de Pythagore & de Platon, il ne pouvoit ni renoncer au mariage, ni adopter plufieurs dogmes de l'Eglife, contraires a fa philofophie. Les delïrs des Evêques & du peuple 1'emporterent enfin fur fes répugnances : la grace divine purifia fon cceur, & fubjugua fa raifon; il fut ordonné Evêque, & fe fignala par fa prudence, fa douceur & fon courage. Nous en verrons des preuves dans Ia fuite. Quoique ce Prélat fut un mode-  nu Bas-Empire. Liv. XXVI. 75 le de vertu chrétienne, on peut dire que Platon refpire encore dans les écrits qu'il compofa pendant fon épifcopat. II ne put fe défaire de ce tour de penfées & d'expreflïons, qui lui étoit devenu familier dans fa jeuneffe ; & dans le langage chrétien ,ilconferva , pour ainfiparlerd accent du paganifme. Les députés étoient chargés de préfénter a 1'Empereur une couronne d'or, & dedemanderune remife d'impofitions. Synefe profita de cette occafion pour inftruife le jeune Prthce. II lui adrefTa un difcours plus rernarquable encore par une généreufe liberté, que par la force & les graces de 1'éloquence. On croit communément qu'il le prononca devant Arcadius en plein Sénat; ce qui ne paroit guere vraifemblable. Cette piece fait honneur au Prince en mêmetemps qu'a 1'Orateur; elle montre que fi Arcadius n'avoit ni affez de lumieres pour difcerner la vérité, ni affez de force' pour la fuivre, du móins il lui permettoit encore de parler. Synefe y peint le vérifable Monarque ; il fronde cette pompe extérieure , dont la fplendeuf afFeéte de s'acD ij Arcadius.Honorius.Ann. 397. XL. Difcours de Synefe a Arcadius. Syn. wspt hélcti. Hem, ep, 6l.  Arcadius. Honorius. mn. 397. ■ i 1 76 HlSTOIkE croitre k mefure que le mérite réel décroït & s'anéantit. Quoiqu'il vit alors tant de barbares placés dans les premières dignités de 1'Etat, il s'éleve librement contre cette coutume, de prodiguer les honneurs aux ennemis naturels de 1'Empire; il confeille d'éloigner ces étrangers, qui ne font nés, dit-il , que pour être efclaves des Romains. II tracé d'unpinceau ferme & hardi les défauts du gouvernement adtuel, raffoiblifTement des troupes Romaines , 1'afcendant que prennent les barbares dans les armées, les maux que leur infolence va infailliblement produire, la préférence que des hommes fans mérite ou même vicieux, obtiennent k !a Cour fur des Officiers vertueux 5c zélés pour la patrie. II exhorte 'Empereur a fe choifir des amis fin:eres & éclairés , a fe faire aimer des :roupes ,a ne nommer pour Gouverneurs & pour Magiftrats , que des lommes défintéreffés, & qui aiment es peuples, paree que ceux-la feuls fiment le Prince , & a veiller par ui-même fur la conduite de ceux qu'il :mploye. Cette liberté qui devoit être  nu Bas-Empirb. Liv. XXVI. 77 fi dangereufe fous le miniflere d'Eutrope , n'attira cependant aucune difgrace a Synefe. II n'en fut puni que par le peu de fuccès de fes avis. D'ailleurs, il réuffit danslbbjet de fa députation; il obtint un foulagement pour fon pays , oü il retourna comblé de gloire après trois ans de féjour a Conflantinople. Eudoxie mit au monde le 17 de Juin, une fille, qui fut nommée Flaccille , comme fon aïeule paternelle, §c qui ree^it en naiffant le titre de Nobilifïïme. L'Hifloire n'en parle plus, & il paroït qu'elle mourut dans 1'enfance. Peu de jours après, Ewtrope conduifit Arcadius a Ancyre, capitale de Galatie, a plus de qua- , tre-vingt-dix lieues de Conflantinople. L'eunuque avoit imaginéce voyage, qui devoit être fait tous les ans < dans la belle faifon, pour amufer le ' Prince, & le diflraire du foin des af- ' faires, dont il vouloit feul être le maitre. Tout 1'été fe palToit en divertiffements & en fêtes: au retour, l'Empereur rentroit a Conflantinople avec autant d'appareil que s'il fut revenu triomphant de la Perfe & des Indes. D iij Arcadius.Honorius.Ann. 397; XLT. Extenfion du crime tle lefemajefté. Claud. Eutr. I. 1, Marcel. :hr. Chr. Alex. TUI. Arad. art. I, 26. art. '9- ?od. Th. I. I. tit. 14. 'g- 3- & bi God.  Arcadius. Honorius. Lnn. 397 78 IÏISTOI&B • Ce fa* dans ce féjour qu'Arcadtus publia cette loi fameufe, qui condamne a la mort, avec confifcation des biens, comme coupable du crime de lefe-Majefté, quiconque aura confpiré »u feulement formé le deffein de confpirer contrela vie des Confeillers du Prince, des Sénateurs, des grands Officiers, des principaux Magiftrats, quand même le complot n'auroit pas eu d'exécution. Les rils du criminel (oat privés du droit de rien recevoir par héritage, exclus de toute charge & de tout emploi , condamné k une infamie & k une mifere perpétuelles: ceux qui 'oferont intercéder pour eux auprès de 1'Empereur, font déclarés infames : les filles ne peuvent hériter que du quart du bien de leurs meres : les criminels font dépouillés du pouvoir d'émanciper leurs enfants, & d'aliéner aucune portion de leur bien par dot, par donation, ou fous quelqu'autre titre que ce foit : après la mort de leurs femmes, le douaire dont elles avoient joui, paffe au fifc; il n'en revient que le quart aux filles. Tous ceux qui participent au crime, font  du Bas-Empire. Liv. XXVI. 79 foumis aux mêmes peines pour eux & pour leurs enfants. On promét récompenfe a ceux qui, dès le commencement du complot, viendront en donner avis , & feulement l'impunité k ceux qui le décöuvriront après y avoir trempéeux-mêmes. Les Jurifconfultes difpiltent fur la juftice de cette loi. Sans entrer dans cët examen, qui n'eft pas du réiTort de 1'hiftoire, il nous fuffit d'obferver qu'elle fait affez conrtoitre le mécontentement général qu'excitoient 1'indignité , la cruauté , les rapines de ceux dont Eutrope rempliffoit les charges du palais, le Sénat, les arméés, les tribunaux. Dans ce foulevement des efprits, le Miniftre étendit jufque bien loin du Prince le crime de lefe-Majefté, afin de fe mettre a couvert lui & fes fubalternes contre les coups du défefpoir. En un mot, cette loi doit être confidérée comme la fauve-garde d'Eutrope & de fes créatures. L'Italie ne s'étoit point jufqu'alors refientie des incurfions des barbares; & quoique les Empereurs panuTent avoir abandonné le féjour de Rome , D iv 'Arcadius.Honorius.Ana. 397. XL IJ, Divers événements de cette sn-  Arcadius.Honorius.Ann. 397, nee en Occident. Symm. 1. 4- ep. 12. Pantin vit. Amb. Olympiod. Ëaronius. Pagi ad Haron. TUI. vie de S. Amb. art. 79. Fleury, hifi.Ecclef. I. 20. art. 22.6-Z.22. an. 47, 80 H I S T O I R E pour rèfider aMilan, Rome jouiffoit encore d'un état très-floriffant. L'opulence de cette ville, fi long-temps maitreffe du monde, feroit incroyable, fi elle n'étoit atteftée par des hiltoriens qui n'ont jamais été fotipconnés de menfonge, ni même d'exagération. On y voyoit plufieurs families, dont le revenu annuel, réduit k notre monnoie préfente, feroit la fomme de plus de quatre millions de livres. Les families du fecond ordre avoient communément un million & plus de revenu. Symmaque, diftingué par fes talents & par fes titres, ne 1'étoit pas par fes richeffes; il dépenfa cependant cette année pour les jeux de la préture de fon fils , prés de deux millions. II eft vrai qua la recommandation de Stilicon, il fut aidé de quelques libéralitésd'Honorius. Plufieurs années après, Maxime, qui, dans la fuite ufurpa 1'Empire, fit dans une occafion pareille une dépenfe doublé de :elle-la. L'Occident perdit alors un lomme qui, fans richeffes, faifoit fon Mus grand ornement. Ambroife tomba dangereufement malade. Stilicon  nu Bas-Empire. Liv. XXVI. 81 eftimoit & révéroit ce grand Saint, quoique fa fierté eut été obligée de plier devant lui. Lorfqu'il apprit fa maladie, il s'écria que la perte d'Ambroife entraineroit celle de 1'Italie. II manda les principaux habitants de Milan, qu'il favoit être amis du Prélat, & les envoya pour le folliciter d'obtenir de Dieu par fes prieres, que fa vie fut prolongée. Le Saint leur répondit : Je riaipas vêcu parmi vous de maniere que faye hontt de vivre encore ; /mais je ne crains pas de mourir, paree que nous avons un bon maitre. II expira le Sarnedi-faint quatrieme d'Avril, agé de 57 ans; & fa mort priva 1'Empereur & 1'Empire du fecours de fes prieres & de fes confeils, dans les périls dont 1'Occident étoit menacé. Tandis que le< Empereurs lancoient des édits contrt fidolatrie, lespayens, contraints d'o béir dans les grandes villes oü le; Magiftrats & les forces militaires lei contenoient, fe foulevoient dans le: lieux oü les Chrétiens étoient en petit nombre & fans défenfe. Les ha bitants de la vallée d'Anaune, a hui ou neuf lieues de Trente, maffacre' D v Arcadius.Honorius.Ann. 397,'  Arcadius. Honorius.Ann. 397 XLni. Révolte de Gildon. Claud. bel. Gild. & de laud.Stilic. I. I. & in £utr. I. i. Zcf. I. 5. Orof. I. 7. r.36. Marcel. Chr, 5*2 HlSTOlRB rent trols faints Miffionnaires, qui travailloient avec fuccès k Ia converfion des idolatres. Les meurrriers furent pris; on alloit en faire juftice. Mais les Chrétiens obtinrent leur grace de 1'Empereur, afin de ne pas déshonorer par une vengeance, le fang des Martyrs. Cet afte de douceur & de charité ne défarma pas la fureur des infideles. Trois ans après , Vigile, Evêque de Trente, fut tué k coups de pierres. Ces attentats étoient faciles k ré~ primer, mais il fe formoit du cöté du midi un orage beaucoup plus a craindre. Gildon commandoit depuis douze ans les troupes d'Afrique avec Ia qualité de Comte. Quoiqu'allié de Théodofe par le mariage de fa fille Salvine avec Nébride, neveu deFlaccille , il s'étoit attiré Pindignation de ce Prince, en refufant de lui fournir aucun fecours contre Eugene. La mort du vainqueur avoit fauvé k ce perfide le chatiment qu'il méritoit; & 1'impunité ne 1'avoit rendu que plus audacieux. Comme il méprifoit fa jeuneffe, Sc 1'incapacité des deux Princes, il réfolut de fecouer le joug  nu Bas-Empire. Liv. XXFI. 83 de 1'Empire. L'exemple de Firme, fon frere , qui avoit fuecombé dans une entreprife pareille, ne 1'effraya pas. Gildon ne Tégaloit ni en courage , ni en artifices; mais il le furpalfoit encore en cruauté & en fcélératefTe. Livré a tous les excès de la débauche, quoique dans un age avancé, enlevant les filles, corrompant les femmes, avare & diffipateur, il mettoit en oeuvre la calomnie , le fer & le poifon pour öter la vie k ceux dont il vouloit ravir les biens ou 1'honneur. Sa table même étoit un piege redoutable : fouvent il y invitoit ceux qu'il avoit réfolu de perdre, & il les faifoit égorger au milieu du feftin. Après le maffacre des maris, il livroit les femmes les plus nobles de Carthage, a la brutalité des Maures , des Ethiopiens &C des Negres dont il avoit formé fa fuïte. Toujours accompagné d'un cortege faftueux , il impofoit par cet appareil aux barbares voilins; & leurs Rois étoient fes clients. II ménagea d'abord Honorius , & lui donna quel» ques marqués de foumilïïon. Mais bientöt ayant lié correfpondance avec D vj Arcadius.Honorius.knn. 397.  Arcadius.Honorius.Aftn, 397 XL1V. On apprend cette nouvelle a Rome. Claud. dc laud. Stilic. 1.1,2, 3- & de bel. Gild. & in £utr. I. i. Symm, l, 4- ep. 4., U- I gne , comme pour lui donner une fê I te, lorfqu'ils paffoient enfemble fu: I un pont , Stilicon ayant donné ui I fignal, fes gardes faifirent auffi-to Arcadius.Honorius.Ann. 39S. L. Mort de Mafeézil. Orof. I. 7. c. 36. lof. I. J. I 1  Arcadius, Honorius.Ann. 39S. LI. Mariage c'Honcrius. 94' TI I. S 'T O I R E Mafeézil, & le jetterent dans le fleuve. IL fut englouti en un moment, tandis que Stilicon en rioit comme düneplaifanterie : a£Hon atroce, qui feule méritoit la fin tfagique par laquelle fut têrminée dans la fuite la vie de ce politique barbare. Un Auteur contemporain, d'ailleurs refpectable par fon zele pour la Religion, prétend que Mafeézil s'attira cette fin funefte , paree qu'il avoit violé 1'afyle facré, en tirant par force d'une Eglife des malheureux qui s'y étoient réfugiés. II eft vrai que tous les événements humains font 1 'exécution d'une fentence prononcée par le fouverain Jüge. Eft-il auffi certain qu'il nppartienne aux hommes d'en pénétrer & d'en expliquer les motifs ? D'ailleurs, qui fait fi les circonftances qu'on nous laiffe ignorer, ne rendroient pas du moins excufable la violence que 1'on impute a un homme auffi recommandable par fa piété que par fa valeur. Mais-la noire perWie de Stilicon ne peut admettre au:une excufe. Le Sénat Romain avoit déja pluieurs fois député au jeune Prince  nu Bas-Empire. Liv. XXVI. 95 pour le prier d'honorer de fa préfence la capitale de fon Empire. A la nouvelle de la défaite de Gildon, il fe flatta qu'Honorius viendroit a Rome y célébrer fa vidfoire. On y faifoit de fuperbes préparatifs. On avoit dreffé un are de triomphe. Mais cette efpérance fut vaine. Stilicon fentoit trop bien qu'il gouvernoit d'une maniere plus abfolue le Prince & la Cour a Müan, qu'il n'auroit fait fous lesyeux d'un Sénat, encore fier de fes anciens droits. Rome ne laiffa pas de témoigner fa joie en érigeant des ftatues k Honorius Sc a Stilicon. Les inferiptions en fubfiftent encore: elles font remarquables, paree que les deux Empereurs y partagent également 1'honneur du fuccès : ils y font tous deux nommés heureux & invincibles. Ce qui fait connoitre qu'aufli-töt après Ia mort de Gildon, Ia concorde fut rétablie entre les deux Princes, quoique la haine ne fit que s'accroïtre entre les deux Miniftres. La bafe de la ftatue de Stilicon eft chargée des éloges les plus pompeux. On attribue k fes confeils & a fa prudence, la délivrance de 1'Afrique. II y eft Arcadius.Honorius.Ann. 398. Claud. de laud. Snlic.l. I. & de nupt, Honor. & Marix, & deb'.Conf. Honor. Zof. I. 5. Mare. Chr. Grut. infe. cclxxxvij 3. ccccxij.  Arcadius.Honorius.Ann. 39S. LIT. Divers réglementspourl'Oceidenr. Symm. 1. 7. ep. 38. Claud. de laud. Stilte. I. z. & epithal. 9-5 HlSTOIRR appellé gendre de Théodofe & beaupere d'Honorius. Le premier de ces titres a rapport a fa femme Sérene, que Théodofe avoit chérie comme fa fille, & peut-être même adoptée; le fecond défigne le mariage de fa fille Marie avec Honorius, qui venoit d'être célébré pendant la guerre d'Afrique. Le Prince ne commen^oit que fa quatorzieme année ; & Marie n'étoit pas encore nubile. Mais Sérene hata le mariage, afin d'affurer davantage fa puilfance Si" celle de fon mari. Cependant, pour amortir dans le jeune Prince une ardeur prématurée, elle s'adreffa, dit Zofime, è une femme qui prétendoit avoir des fecrets propres a produire cet effet. Le remede ne fut que trop efficace. Marie mourut quelques années après, fans que le mariage eut été confommé. L'arrivée des bleds d'Afrique a Rome avoit ramené Pabondance: l'Empereur fit plufieurs réglements pour la maintenir. II s'introduifoit un abus dans les Provinces: les habitants, par flatterie ou par crainte, érigeoient des ftatues d'airain, d'argent,quelquefoisd'or auxGouvcrneurs&aux Magiftrats, & la  nu Bas-Empire. L!v. XXFI. 97 la dédicace de ces ftatues étoit accompagnée de préfents. Honorius défendit aux Provinces de décerner de pareils honneurs fans la permiffion du Prince; & aux Magiftrats de les accepter, fous peine d'être notés d'infamie, & de rendre au fifc le quadruple de ce qu'ils auroient recu. Sur la fin de cette annee,il vintaMilandes Ambaffadeurs de la part des Francs, des Allemands, des Sueves & des Sicambres. Ces peuples avoient fait quelques incurfions; ils demandoient h paix. L'Empereur la leur accorda; ï. leur donna même des Rois, en- exigea des ötages, &c les obligea de fournir des troupes qu'il incorpora a fe; armées. On voit par une loi de 1'année fuivante, qu'un alTez grand nomhre de Germains venoient volontai rement s'établir en-de^a du Rhin, & qu'on leur aflignoit des terres , qu'il cultivoient eux & leurs enfants, a 1; charge d'une redevance. Ces terre portoient le nom de Létiques; & l'oi donnoit a ces barbares le nom de Le tes, dont Porigine eft apparemmen Germanique. Cette dénomination le diftinguoit des peuples vaincus, qu'01 Tome FI, E AllCAdius. Honorius. Ann. 398. PM. & m Eutr. I. i. Cod. Th. t. i3.t«. ïr. leg. 9. /. 14. tit. 3. leg 20. tit. 15. leg. 4. til. 19. leg. unie. God. ad Cod.Th. I. 7. tit. 20. hg. 12. Cod. Ju/ï. I l.tit.%4. . kg- i . 1 Vger. Bri■ tan. ecclef. . antiq. p. , 336 , 595. I t S l  Arcadius.Honorius.Ann. 398. LOT. Saint Jean .Chryibf. 9S HlSTOIRg tranfplantoit quelquefois hors de leur pays. Ces Letes étoient obligés au fervice militaire; ils formoient plufieurs cohortes diftinguées entre elles , foit par le nom des nations dont ils étoient originaires, foit par celui des Provinces oit ils étoient établis. II y eut aufli des mouvements dans la GrandeBretagne. Les barbares de 1'Hibernie ayant mis en mer un grand nombre de barques , mena^oient d'une defcente: les Piöes recommen^oient leurs courfes; les Saxons infeftoient les cötes orientales. Les Romains, depuis 1'Empire de Claude , avoient toujours entretenu dans cette ifle , tantöt plus, tantöt moins de troupes. Stilicon y établit une légion, & nomma un Officier pour la défenfe de la cöte oppofée au pays des Saxons. Cet Officier eut le titre de Comte de la cótt Saxonique. Telles étoient les occupations de Stilicon, lorfqu'il apprit avec étonnement, qu'Arcadius avoit riommé Eutrope Conful pour 1'année fuivante. Eutrope avoit rendu cette année a l'Eglife de Conflantinople un feryice fignalé, dont il ne fut pas long-  nu Bjs-Empire. Liv. XXVI. 99 temps a fe repentir. Nectaire, Evêque de cette ville , étant mort le 27 de Septembre de 1'année précédente, plufieurs Prélats s étoient affemblés en Synode pour remplir cette place importante. La fplendeur de la ville & la préfence de la Cour , procuroient a 1'Evêque de Conflantinople une grande conlidération. Quoiqu'il n'eut point encore de jurifdittion fur les autres Evêques, leur déférence lui avoit établi une forte d'autorité fur les vingt - huit Provinces rènfermées dans les trois départements de Thrace , d'Afie & de Pont. II étoit comme le chef perpétuel d'une efpece de Concile compofé des Prélats qui fe trouvoient toujours en affez grand nombre a la Cour; & par ce rnoyen , fon pouvoir fe faifoit fentir dans tout 1'Orient. Jean Chryfoftöme , Prêtre d'Antioche , étoit célebre par fon éloquence & par fa vertu. Les fuffrages du Clergé & du peuple , fe réunirent en fa faveur. L'Empereur approuva fon élection. Le feule Théophile , Evêque d'Alexandrie, s'y oppofa long-temps. Ce Prélat, hautain , intriguant, ambiEij Arcadius.Honorius.Ann. 39S. töme , Evêque de C. P. Soc. I. 6. <•• 3- Theod.' I, J. c. 27. St>[. I, 8. c. 2. Theoph. v. 64. Baronius* TUL vh de S. JeanChr. art. 40. Vita Chryf. apud BB*  -Arcadius. •Honorius.Ann. 39S. 'IOO HlSTOIRE tieux , vouloit placer fur ce grand fiege une de fes créatures , dont il ! s'étoit fervi avec fuccès dans des ma- 1 neges de politique. Enfin , Eutrope , j qui cette fois fe fit honneur d'appuyer un mérite éclatant, impofa filence a Théophile , en le menagant de le faire juger lui-même par le Synode, fur plufieurs accufations graves qu'on intentoit contre lui. II ne s'agiffoit plus que de tirer d'Antioche Jean Chryfoflöme. II étoit chéri d'un peuple dont on craignoit 1'humeur turbulente ; & 1'on n'efpéroit pas que Jean , plus difpofé k füir les honneurs qu'a les rechercher, vouk"it s'aider lui-même en cette rencontre. II fallut employer Ia rufe pour tromper k Ia fois le peuple & le Prélat défigné. Afiere , Comte d'Orient, fe tranfporta par ordre de 1'Empereur a Antioche; & ayant propofé k Jean de fortir avec lui de la ville pour aller enfemble aux fépultures des Martyrs, il Ie fit enlever & conduire a Conflantinople. II y fut ordonné le 26 de Février par Théophile même, qui garda dans fon cceur un dépit amer d'avoir échoué dans  du Bas-Empire. Liv. XXFI. loi fes intrigues. Cependant la phyfionomie du nouveau Prélat, qui annoncoit un caraftere de févérité & de vigueur, confolaThéophile , par 1'efpérance detrouverdans peu de temps 1'occafion de fe venger. II ne fut pas trompé. Chryfoftöme, élevé dans la retraite , nourri dansl'étude & dans la pratique des vertus aufteres du Chriftianifme, étoit fimple , ouvert , ne voyant que fes devoirs; génie fublime, mais fans foupleffe, & tout-a-fait incapable de ces ménagements & de ces complaifances, qui fauvent la vertu , &c la rendent excufable a la Cour. Dès fon entrée dans 1'épifcopat, il fe rendit odieux par une conduite , qui, dans une ville moins corrompue, ne lui auroit attiré que des louanges. La foibleffe & le fafte de Nectaire, avoit caufé le relachement de la difcipline ; Chryfoftöme, auffi févere pour lui-même que ferme a 1'égard des autres , retrancha les dépenfes ordinaires de fes prédéceffeurs & les appliqua a des fondations d'hö pitaux ; les autres Prélats en furen mécontents: il réforma les clercs d( fon Eglife, &C les obligea d'affift& E iij Arcadius. Honorius.Ann. 59?. j  Arcadius. Honorius.Ann. 398 uy. Trembleracnt de terre a C. P. Claud. in iutr. I, 2. Chryfoft. 1. ex Homiliis unr decim nupcr editie , Vita Chryf, Jtpud BB. ica Histöire avec rui au offices de la nuit; fon Clergé en murmura comme d'un nouveau joug qu'on lui impofoit: il prêcha contre le luxe des hommes puiffanrs; Eutrope s'en tint offenfé , & devint fon ennemi. Le faint Prélat eut bientöt befoin de cette^ éloquence qui avoit tant de fois arrêté les défordres, & calmé les inquiétudes du peuple d'Antioche. II ne fe pafioit guere d'année , que Conflantinople n'éprouv&t quelque tremblement de terre : il y en eut un terrible vers la fin de celle-ci. On entendit d'abord un mugiffement fouterrein; un moment après, la terre s'ouvrit en plufieurs endroits; il en fortit des flammes. Le Bofphore étant dans une violente agitation, la mer fe répandit en bouillonnant fur fes deux rivages, & inonda une partie de Conflantinople & de Chalcédoine. On voyoit un grand nombre de maifons brüler au milieu des eaux. Saint Jean Chryfoftöme , après ce défaftre , comparoït la ville k un vaiffeaux brifé par un naufage, dont il ne refte que des débris diïperfés. Les plus riches habitants s'enfuirent fur  nu Bas-Empire. Liv. XXF1. 103 les montagnes voifmes, abandonnant toutes leurs richeffes k ceux qui s ex-, pofoient k périr eux-mêmes par 1 avidité du pillage. Lorfque le mal eut cefTé, 1'Evêque employa le pouvoir de la parole divine pour arrachei cette proie des mains des raviffeürs, & pour confoler fon peuple, en lw montrant une autre patrie , ou le: tréfors ne peuvent être enleves,» dont les fondements font inébran ïables, Un mois après, toute la ville tu öccupée d'une pompe brillante , qu fit oublier ce malheur. On transfe ra pendant la nuit k la lumiere d'u ne infinité deflambeaux , les relique de plufieurs Martyrs au bourg de Dr> pia, éloigné de trois lieues de Conl tantinople. Llmpératrice Eudoxie £ voit ces dehors de piété qui faver fi bien s'entendra avec les vices d coeur. Elle affifta k cette cérémonï dans la contenance la plus édifiant A la tête de toutes les femmes, < fans aucune marqué de fa dignite elle marchoit a pied derrière les r< liques, tenant le voile qui les co; vroit. Elle étoit fuivie des Mag: E iv. Arcadius.Honorius.Ann. 398. i : tv. • Piété 1 d'EUdo- * xie, . Chryf. si & 3. ex Homilih - undccim. ^ Baroniuf» VitaCh-vf. cpild BBa t LE e k  Arcadius.Honorius.Ann, 398 LVI. ïutrope Conful. Claud. in Eutr. I. 1 3. & de laud. StiHe. I. 2. Zof. 1. J. Profp. Chr. Jdac fafl. Mare. Chr. Cafiiod. Chr. Chr. Alex. Suid. Ev— JW. Cod. Th. 1. 9. tit. 26. leg. i. t ii. tit. ' 8, leg. r, ; 1 ( T»4 flfSTOIRE trats , & d'une foule de peuple, qui chantoit des hymnes. Saint Chryfoftöme prononca une homélie dans laquelle il releva par de juftes éloges, Ia pieufe humilité d'Eudoxie. L'Empereur fe rendit le lendemain aDrypia, & donna tous ces fignes de dévotion, qui fe font remarquer dans un Souverain, Mais en même temps, il fe déshonoroit en s'afferviflant a un homme, qu'aucun de fes fujets n'auroit accepté pour efclave. L'infolence d'Eutrope croiflbit fans mefure , ainfi que Paveuglement d'Arcadius. Le Miniftre fembloit ne dicïer au Prince des loix utilès, que pour eflayer fon pouvoir en les violant impunément. Eutrope ruinoit les Provinces , tandis qu'Arcadius faifoit des loix contre les concuffions i 1'Empereur défendoit fous des peines fe'veres la corruption & la brigue dans la pourfuite Jes offices ; & le Miniftre les venloit a la face de tout 1'Empire. II ivoit même trouvé un fecret pour iccroitre ce honteux commerce; c eoit de multiplier les gouvernements te les tribunaux. Ce fut alofs que  du Bjs-Empire. Liv. XXffT. 105 la Cilicle, la Syrië, la Phénicie furent chacune divifées en deux départements. Son énorme puiffance lerendoit redoutable ; & comme rien ne reffemble tant a 1'adoration que la crainte , le Sénat & le peuple fe profternoient devant lui ; on 1'appelloit le pere de 1'Empereur; & 1'Empereur , pour ne pas démentir cette ridicule flatterie, lui conféra le titre de Patrice. On lui dreffoit des ftatues de tous les métaux, fous toutes les formes , dans toutes les places : on en voyoit une dans la falie du Sénat, décorée d'une infcription flatteufe , oü 1'on relevoit for illuftre naiflance, & fes exploits guer riers : il y étoit nommé le troifiemi fondateur de-Conflantinople , aprè Byzas & Conilantin. Cependant i paffoit les nuits a table, & les jour au théatre , achetant par fes largel fes de vils applaudiflêments. Comm s'il eut pu fe jouer de la nature ainfi qu'il fe jouoit de 1'Empereur t de 1'Empire, il fe maria; Sc fafen me, que Claudien , par une ironi piquante , appelle fa fceur , preno fur les Dames 1'afcendant que fonm E v Arcadius.Honorius.Ann. 39S, [ » 1 S e > c \r e tt k  Arcadius. Honorius. Lnn. 398. 1 i ic<5 H1 $ t 0 1 r s ri avoit pris fur les hommes. La faveur de cet eunuque fe répandit fur Jes femblables : les eunuques prirent Ie pas a la Cour ; on leur portoit envie; & comme Fambition eft folie & forcenée , on en peut eroire les Hiftoriens qui rapportent qu'un grand nombre d'hommes d'un age ïriür, perdirent Ia vie en voulant fe mettre en état de fuivre cette nouvelle route de fbrtune. II ne reftoit k Eutrope que très-peu de chemin k faire pour atteindre au titre d'Empereur; & il y afpiroit. II pritd'abord celui de Conful. Ce fut fe premier & Ie dernier eunuque qui ofat prétendre a cette dignité. Un événement fi bifarre futregardé comme un prodige. L'Occident refufa de le reconapïtre. B femble même qu'Arcadius n'ait ofé, felon Ia coutun.e, en donier avis a fon frere. Du moins eft1 certain qu'Honorius n'en écrivit ■ien au Sénat de Rome , comme c'éoit Panden ufage. Rome n'apprit :t tte étrange nouvelle que par le bruit mblic; & les acles de cette année !99 , ne furent datés en Occident fue ;du nom de Mallius Théodorus,  nu Bjs-Empire. tik XXPT. 107 qu'Honorius fembloit avoir choifi pour couvrir la honte du Confulat. Cétoit un des plus nobles & des plus vertueux perfonnages de 1'Empire. Nous le ferons connoïtre dans la (vips. La coutume étoit déja établie, que lorfque 1'Empire étoit partagé entre deux Empereurs, chacun d'eux nommoit un Conful , 1'un pour l'Orient, 1'autre pour 1'Occident. Eutrope, enivré de gloire , célébra par des jeux magnifiques , fon avénement au Confulat. A cette fête. en fuccéda une autre non moins briljante, pour Paccouchement de Hmpératrice. Elle mit au monde le ic de Janvier , une feconde fille , qui fut nommée jElia Pulché-ria. Ce jom fut heureux pour 1'Empire : il donnoit la naiffance a une PrincefTe qu devoit en être le plus ferme foutiei dans un necle de foibleffe & de lan gueur. Tout refpiroitla joie,&l'oi ne parloit a la Cour que du voya ge d'Ancyre , lorfqu'on apprit qu la Phrygie étoit en feu. Tribigilde Capitaine Goth , quicommandoitun cohorte de fa nation avec le titre d Comte t venoit de quitter la Cour E Vj; arcadius.. Honorius.Ann. 35>8i. Ann. 399. Lvn. Révolte de Tribigilde.Claud. in. Eutr. I. i. Zof. I. 5. Soc. I. 6. c. 6. \ Theod. I. 1 5- 32| So-r. I. 8. c. 4. " Phil /.ii. 1 c. 8. Marcel. Chr. S Chr. Alex. > e e- 5'  Arcadius. Honorius. inn. 399. ïo3 Histqirz fous prétexte de fe rendre a fon qüartier pour y faire Ia revue de fa troupe. II étoit parent de Gaïnas , & n'avoit ni moins de hardieffe , ni moins de haine contre Eutrope. Gaïnas, qui avoit fi bien fervi cet eunuque par le maflacre de Rufin; ne fe croyoit pas affez récompenfé par la charge de Commandant-Général de la cavalerie & de 1'infanterie. Auffi avare & aiifti ambitieux qu'Eutrope luimême, il étoit jaloux de fes richeffes & de fa puiffance. II ne fe voyoit qu'avec dépit obligé de fervir un efclave, & n'afpiroit a rien moins qu'a déplacer le Miniftre pour s'élever luimême jufqu'a PEmpire. Le mécontentement univerfel flattoit fes efpérances. II s'ouvrit a Tribigilde, qu'il trouva auffi indigné de n'être pas mieux payé de fes fervices ; ils convinrent d'agir de concert, & de cacher leur intelligence. Tribigilde, étant arrivé a Nacolie en Phrygie , oii étoit fon quatier, fait prendre les armes h fa cohorte, livre au pillage les villes de la Province qu'il trouve fans défenfe , & porte par - tout Ie carnage & la terreur. Les brigands  du Bas-Empire. Liv. XXVI. 109 & les miférables , que les concuffions d'Eutrope avoient multipliés, fe joignent a lui , & forment une armee nombreufe; on ravage , on égorge, on n'égargne ni les enfants, ni les femmes. Toute 1'Afie tremble d'effroi : la Lydie eft abandonnée; les habitants fe fauvent dans les ifles, ou fe difperfent. L'allarme fe repand fur les cötes de la mer , & pa vint bientöt a Conflantinople. - Le Miniftre, tremblant de crain.te quoiqu'il montrat au-dehors une fauf fe affurance, fait fecretement offri i\ Tribigilde tout ce qu'il voudra de mander. Ses propofïtions étant rejet tées avec hauteur , it met fur pie deux armées. L'une étoit compofe des Goths qui habitoient en gran nombre dans Conflantinople ; il e donne le commandement a Gaïna Celui-ci, auteur de la révolte, jouo fon röle avec adreffe; il parloit pli haut que perfonne de 1'honneur c 1'Empire , de la vigueur néceffaire e cette conjonaure. Eutrope le charg< de mettre a couvert la Cherfonne de Thrace & de défendre le paffaj de 1'Hellefpont, Cétoit 1'ouvrir a Ti Arcadius.Honorius.Ann. 399; , LVÏH. Conduite des ;ebetf les. - Claud. in. Eutr. I. 2. e d n it is e n a re ;e i;  Arcadius.Honorius.Ann. 399, i 1 i 1 i J » 1 I l l 1 c i f T 1 S ■* c ■li HO H I S T 0 I R E bigilde, s'il jugeoit a propos de tourner de ce cöté-la. Léon fut mis a !a tête de 1'autre armee, qui devoit agir en Afïe. Ce Léon étoit 11 n cardeur de laine, qui avoit avancé fa fortune par les voies toujours ouvertes aux ?ens fans honneur auprès des Miniffres corrompus. Flatteur, efpion, caomniateur, fans courage & fans au:une connoiffance de la guerre, mais anfaron & préfomptueux , il étoit ■ecommandable par le talent de man;er avec excès ; auffi étoit-il d'une ;roffeur extraordinaire. Gaïnas étant :n marche versla Cherfonnefe, ne fut 'as plutot arrivé a Héraclée, qu'il lépêcha des courriers k Tribigilde , »our 1'inviter a s'approcber de 1'Helefpont. Le bonheur de 1'Empire vount que ce barbare n'écoutat point cet vis. Entraïné par 1'ardeurdu pillage, l tourna vers la Pifidie qu'il mit a ;u & a fang. Léon, qui craignoit fa encontre,. fe tenoitfur les bords de Hellefpont, fous prétexte que s'il en éloignoii, le rebelle pourroit enoyer par une autre route des détahements qui viendroientdéfolercet; belle Province. Ainfi Tribigilde 9  nu Bas-Empire. Liv. XXVI. m maïtre de la campagne , emportoit d'emblée toutes les places, & en maffacroit les habitants. Gaïnas, feignant d'être indigné de FarFront que recevoit 1'Empire , paffa en Afie. Mais pour décourager fes propres troupes, & fe difpenfer d'agir , il affetfoit de repréfenter fans ceffe Tribigilde comme un ennemi redoutable par fes rui fes, & qu'il étoit très-dangereux d'oi bliger a combattre. lis fe contentoit i donc de le fuivre de loin , évitant le combat par une feinte prudence, Sc i fe rendantfpeöateur des ravages, fans y oppofer aucun obftacle. 11 lui eni voyoit même fecretement des renJ forts pour aider fes fuccès. Après avoir faccagé la Pifidie, Tri; bigilde s'avanga en Pamphylie, Si \ s'engagea dans des gorges de montagnes impraticables a la cavalerie. I approchoit de Selge, ville autrefoi; peuplée Sc guerriere. Ce n'étoit plu: alors qu'une petite place fituée fur un< colline, qui commandoit le défilé pa: öii devoit paffer 1'ennemi. Un habi tant de cette ville, nommé Valentin ancien Officier, voyant qu'on laifToi i la Province a la merci des barbares Arcadius»Honorius.Ann. }99i L1X. Défaite de Tribigilde, » t  Arcadius.Honorius.Ann. 399. LX. Défaite de Léon. 112 IllSTOIRE entreprit de les arrêter. II rafiembla tout ce qu'il put d'efclaves & de payfans, aguerris par les incurfions fréquentes des Ifaures, & les pofta fur ; les hauteurs. Tribigilde étant entré pendant la nuit dans le défilé, Valentin fait pleuvoir fur fes gens une fi horrible grêle de pierres, il fait rouIer fur eux tant de rochers, que la plupart y reftent enfevelis. Ce vallon fe terminoit a un marais profond, bordé d'une éminence efcarpée , oü 1'ori ne pouvoit monter que par un fentier tortueux , a peine affez large pour deux hommes de front. Valentin avoit confié la garde de ce pofte a un des principaux habitants, nommé Florence , qui avoit plus de trou- ] pes qu'il n'en étoit befoin pour en défendre 1'accès. Tribigilde gagna Florence par argent, & s'échappa feulement avec trois cents hommes. Tous les autres périrent, foit dans le fond du vallon, foit dans le marais oü la terreur les avoit précipités. Tribigilde, délivré de ce péril, tornba bientöt dans un autre. Les habitants des villes voifines, profitant de fa foiblefle, prennent les armes, fe  du Sas-Empjre. Liv. XXVL 113 réuniffent, 1'enveloppent, & 1'enferment avec fes trois cents hommes dans une plaine étroite entre deux fleuyes : c'étoient 1'Eurymédon & le Mélas, dont le premier paffe au travers d'Afpende, & 1'autre a 1'orient de Sidé deux villes anciennes de la Pamphylie. Tribigilde, réduit a cette extré mité, en donne avis a Gaïnas. Celui ci, allarmé du danger de fon ami, mai n'ofant fe déclarer ennemi de 1'Em pire en le fecourant ouvertement imagine un moyen de lefauver, 6 en même-temps de fe défaire de Léon le favori d'Eutrope. Ce lache Géne ral avoit enfin quitté 1'Hellefpont, & marchoit a la fuite & comme a 1'abi de 1'armée des Goths. Gaïnas , pon lui laiffer, difoit-il, 1'honneur d'un viöoire affurée, 1'exhorte a prendi les devants , a fe joindre è Valenti & aux Pamphyliens, & a preffer Tr bigilde qui ne pouvoit éviter de p< rir, fi on lui fermoit le paffage d< deux rivieres. Léon n'ofa fe refufi a une expédition fi aifée. II alla can per a la vue des ennemis. Mais il r favoit ni choifir un pofte avantageu? ni maintenit 1'ordre & la difciplii Arcadius.Honorius.Ann. 39S ; % * i r e e n !S ;r 1- ie ie  A'RCAD1US. Honorius.k.nn. 399, 114 HlSTÖIRE dans fon camp. Ses foldats , tirés de la plus vile populace de Conflantinople , auffi peu aguerris & auffi diffolus que leur Général, ne connoiffoient ni garde, ni fentinelle;toujours hors du camp & difperfés dans les campagnes, ils ne s'occupoientque de pillage. Cependant Gaïnas envoyoit de temps en temps a Léon des detachements fous des Officiers affidés, avec des ordres fecrets de faire tout ce qu'il falloit pour détruire 1'armée de Léon, & pour faciliter 1'évafion de Tribigilde. Ces prétendus fecours ne travailloient qua augmenter le défordre, & tuoient même les foldats de Léon qu'ils trouvoient écartés. Enfin , Tribigilde, qui, par une crainte fimulée, nourriffoit de plus en plus la folie affufance de Léon , fort pendant fe «uit de fon camp, furprend le Général & les foldats ivres & endormis : les Goths de Gaïnas fe joignent a Tribigilde; on égorge fans réfiftance les foldats de Léon : celui-ci, furchargé d'embonpoint, & fuyanta perte d'haleine, eft englouti dans un marais voifin. Toute 1'armée périt dans fcs eaux, ou eft paftée au fil de 1'épée.  nu B/is-Empire. Ltv. XXVI. 115 Le vainqueur s'étant ainfi ouvert le chemin, retourne en Phrygie, raffemble de noüvelles troupes, & recommence fes ravages avec plus de fureur. Gaïnas écrit a 1'Empereur: » Que Tribigilde eft invincible ; que » le Ciel fe déclare évidemment pour » lui, & qu'il femble que la terre lui » enfante des foldats; qu'il marche » vers 1'Hellefpont; qu'il faut fe ré» foudre a perdre 1'Afie, ft on ne lui w accorde fes demandes : que pout » lui il manque des forces néceffai» res pour arrêter ce torrent; qu'il » n'eft capable que de donner un bon » confeil, c'eft de livrer Eutrope. » puifque Tribigilde offre la paix l » cette condition : que le Miniftre, » s'il aime 1'Etat, ne peut fe refu» fer au falut de 1'Empire ; & qu'a» prés tout il eft raifonnable de fau » ver 1'Empereur aux dépens du Mi » niftre ". Arcadius recoit en même-temp que cette lettre, une autre nouvelli qui augmente fes craintes. Le brui fe répand qu'un Roi guerrier vien de monter fur le tröne de Perfe; qu'i fe prépare déja k pafTer le Tigre, 6 Arcadius.Honorius. Ann. 399, LXI. Gaïnas fe déclare contre Eutrope. ' LXII.. ; Ifdegerd , r Roi de C Perfe. t Proc bel. 1 Perf. 'l. U T ca. " Agath, l. 4.  H<5 H I S T O I R E miP 1'Orïfnt tri „ Arcadius. " Honorius.Ann. 399. Abulf. in Arend. TUI. Arend, art. LXIH. Difgrace d'Eutrope. Claud. in Eutr. I, 2. r*f- Zof.l. y. Soc. I. 6. *• 5. So-r. I. 8. t. 7. T - —»" '<-«cuiu encore rous les maux que lui a caufés la valeur opiniètre de Sapor. En effet, Varanes IV, après avoir régné onze ans toujours en paix, venoit d'être affaffiné par fes fujets; forfait rare chez les Perfes , paree que, felon les loix du pays, toute la familie du meurtrier étoit mife a mort. Ifdegerd fon frere lui avoit fuccédé. Ce Prince avoit une grande réputation de courage,^ 1'on ne doutoit pas qu'il ne profitat des troubles de 1'Empire, pour faire valoir les anciennes prétentions de la Perfe. Cependant il maintint conftamment la bonne intëlligence qu'il trouva établie avec les Romains. Quelques Auteurs Ie taxent de cruauté a 1'égard de fes fujets, & rapportent qu'il en acquit le furnom de Mèckant. Au milieu de ces allarmes, le timide Arcadius n'ofe entreprendre de réprimer 1'audace de Gaïnas ; il ofe encore moins le fatisfaire en lui livrant Eutrope ; &c ce pernicieux Miniftre auroit encore triomphé de k bainepublique, fi, parun effet de cet aveuglement, dont la vengeance di-  du Bas-Empme. Liv.XXVl. 117 vine frappe les fcélérats qu'elle veut punir , il n'eüt lui-même aidé a fa perte. Maitre de 1'Empereur, il vouloit dominer la fiere Eudoxie; & dans une conteftation qu'il eut avec elle, il la menaca de la chaffer de la Cour. L'Impératrice , fi indignement outragée, prend entre fes bras fes deux enfants, & va fe jetter aux pieds de fon mari, fondant en larmes , repréfentant avec les traits les plus vifs 1'infolence d'un vil eunuque, demandant vengeance , & faifant rougir 1'Empereur d'une foibleffe qui le déshonore, Ses cris pénetrent jufqu'au cceur d'Ar cadius : réveille de fa léthargie , ï donne par écrit ordre a Eutrope d« fortir fur le champ de la Cour , & lui défend, fous peine de la vie, de f< préfenter devant lui. Arcadius s'irritoit rarement; mai: plutót par parefle que par fermeté il ne revenoit jamais en faveur d< ceux qui avoient encouru fa difgra ce. Eutrope, frappé de ce coup terri ble, & plus effrayé encore du fou venir de fes crimes, qui ne lui pré fente que des bourreaux 6c des fup plices, fe réfugié dans une Eglife, 8 Arcadius. Honorius. Ann. 399. PUI. Lu. c. 6. Niceph. CM.l. 13. c. 4. TUI. Ar- cad. net. 2.1, i Lxm 11 fe réfugié dans : l'Eglife. Claud. in . Eutr. I. 2. pmf. • • Soc. I. 6. ■ c. 5. Sol. lc 7- ► Ckryfofi.  Arcadius.Hono- KIUS. Ann. 399. in Eutr. & poft fugam Eutropii, Profp. prom, l. 3. '■ ?8- , Suid. Eu- TUI, vic dg S. JeanChryf, art, #6. i < 1 LXV. Difcours . de Saint Jean- { Chryfof- 1 tóme. Il8 H I S T O I R E va chercher afyle dans ce lieu facré,' qu'il avoit lui-même dépouillé de ce droit. L'Empereur envoye plufieurs de fes gardes pour 1'en arracher par force. Si. Jean Chryfoftöme s'oppofe a leur violence: il défend un ennemi mortel, dont il s'étoit par fa vertu attiré la haine. On le faifit lui-même; on Ie conduit comme un rebelle au palais , entouré de foldats armés: il paroit d'un air intrépide devant l'Empereur , & obtient qu'Eutrope puifle demeurer en füreté dans 1'enceinte de lEglife. Tous les foldats qui fe trouvoient alors a Conflantinople, s'affemblent auffi-töt autour du palais; ils pouflent de grands cris; ils font retentir leurs armes; ils demandent Eu:rope pour en faire juftice. L'Empereur e préiente a cette multitude mutinée; ës ordres ne font pas écoutés; il faut ju'il ait recours aux prieres; il les :onjure de refpecfer 1'afyle facré; & ce ï'eft enfin qu'a force de larmes qu'il aent a bout de calmer leur colere. La nuit fe paffe dans une extrêne agitation. Le lendemain le peuile fe rend en foule a l'Eglife. Tous is yeux font fixés fur Eutrope: on  nu Bas-Empire. Liv. XXVI. 119 ne peut fe laffer de confidérer cet impérieux Miniftre , honoré la veille de tous les ornements du confulat, applaudi dans le cirque & fur les théatres, environné de flatteurs empreffés , 1'idole de la Cour & la terreur de 1'Empire , maintenant abandonné, piie , tremblant, attaché a une colonne fans autre lien que fa frayeur , caché dans le fein de l'Eglife qu'il a méprifée. Jamais le fanfluaire n'avoit paru fi redoutable, que lorfqu'on y voyoit ce lion abattu : c'étoit un captif enchainé au pied du trophée de la croix : fpe&acle terrible, qui 1 mettoit en aöion tant de fentences i de l'Ecriture fur la fragilité des granI: deurs humaines. Cette vue n'infpiroit que 1'effroi : 1'éloquence du Prélat I tira des larmes. II prononga un difj cours dans lequel, après une peinture pathétique de 1'état ou ce miférable étoit réduit, il excita dans les cceurs une compaflion Chrétienne. Tout 1'auditoire , auffi pale & auffi tremblant qu'Eutrope, reffentoit fon J, infortune , &c ce peuple nombreux j' qui n'avoit apporté a l'Eglife que des \ fentiments de haine &i de vengean- Arca- dius. Homo- rius. Ann. 399  Arcadius.Honorius. Ann. 399 LXVI. Exil d'Eu trope. Claud. h Eutr. prxj Zo/. I. 5 Chryf.pofi fugam Eu trop. Cod. Th. t 9. tit. 40 hg. 17,18 /. 10. til é. hg. unk & ihi God Soc. I. 6 f. 5. So-t. I. 8 t. 7. Philofi. i II. c. 6. é iii Gorf. Eu II» HISTOIS.E ce , fortit en gémiflant & en implo» rant la miféricorde divine & la clémence de 1'Empereur. Eutrope étoit en füreté dans fon ' afyle ; mais en étant forti pendant la . nuit, pour fe fauver ailleurs, il fut arrêté & condamné a un exil per'. pétuel dans 1'ifle de Cypr'e, Quelques ' ennemis de l'Eglife accuferent St. Jean . Chryfoftöme d'avoir trahi ce malheureux ; c'étoit un foupcon injufte& . honteux, dont le Prélat prit foin • de fe juftifier publiquement. Nous ' avons encore la fentence prononcée . alors par le Prince, Sc publiée dans ■ tout 1'Orient : il veut que pour abo'. lir la mémoire du Confulat d'Eutrope, . Sc effacer 1'ignominie qu'il a imprimée fur cette dignité, fon nom foit rayé ! de tous les aft es & de tous les monuments; il le déclare déchu du titre de grand Chambellan, de celui de Patrice, Sc de tous les autres honneurs ; il ordonna que fes ftatues, qui ne font propres, dit-il, qu'a fouiller les regards, de quelque matiere qu'elles foient, en quelque lieu public ou particulier qu'elles fe trouvent, foient abattues öc détruites; qu'il  du Bas-Empirs. Liv. XXVI. m tjuil foitconduiten Cypre fous bon, ne garde , & que le Préfet du prétoire veille continuellement fur fes dé: inarches , pour le mettre hors d'é; tat de trainer de pernicieufes intrigues. II fut donc tranfporté en Cypre; & celui qui avoit eu tant d'adorateurs , ne fe trouva par un feu! .; ami pour partager fes malheurs. Cette :: femme même, qu'il avoit fait paffer j pour la fienne, refufa de lefuivre, 1 & demeura dans Conflantinople. 1 jouiffant des biens qu'Eutrope avoil accumulés fur fa tête , & qu'on vouJ hit bien ne hu pas öter. L'EmpeI reur déclara par une loi générale . I que les parents Sc les amis des criI minels , ne feroient point jnquiéI tés, s'ils n'avoient point participé av I crime. C'étoit, par un jufte retour, I faire revivre a 1'occafion d'Eutrope, la loi équitable qu'Eutrope avoil fuggérée en faveur de la familie de Rufin. Ce n'étoit pas affez pour Gaïna; I de voir Eutrope abattu : il follicij, tók vivenient fa mort ; & les ani ciens courtifans du Miniftre , 1'ayanl | trahi dans fa difgrace , craignoienf Tome VI, F. Arcadius.Honorius.Ann. 399. lxvit; Sa mort  Arcadius.Honoaius.Aan, 399 12» BlSTOIRB ' qu'une révolution ne le mit en état de fe venger de leur perfïdie : cette cabale appuyée'd'Eudoxie, n'eut pas de peine a déterminer le Prince. On accufa Eutrope d'avoir ufurpé les droits de la puiffance fouveraine; la preuve en étoit, que dans les jeux célebré pour la folemnité de fon conftilat, il avoit employé les chevaux de Cappadoce, dont 1'ufage étoit réfervé a la feule perfonne de 1'Empereur, On auroit pu fans doute le condamner fur des griefs d'une toute autre importance; mais il eut fallu faire des informations réguiieres, & 1'on vouloit abréger la procédure. On le ramena de 1'ifle de Cypre a Pantichium prés de Chalcédoine. Le Préfident de la commiilion établie pour lid faire fon procés, fut Aurélien, Préfet du prétoire d'Orient. Eutrope eut la tête tranchée. Zofime rapporte que, pour le tirer de l'Eglife , on lui avoit promis avec ferment au nom de 1'Empereur, de lui conferver la vie; mais qu'on fit accroire au Prince que ce ferment ne 1'obligeok que pour Conflantinople, & qu'il fauveroit le parj ure en fai-  nu Bas-Empire. Liv. XXF7. 123 fant mourir Eutrope a Chalcédoine. Si ce fait eft véritable, c'eft; un exemple d'une condarnnation criminelle dans les juges, quoiqu'elle fut jufte dans la perfonne du coupable. F ij Arcadius.Honorius.Ann, 399.'   SOMMAIRE D V LIVRE VINGT-SEPTIEMË. TRATS en Occident. IIÏ Superjlitions détruites. III. Ruïne de tidoldtrie en Jfrique. IV. Abolition de privileges. V. Confulat de Stilicon. VI. Alaric entre en Italië. VII. Eudoxie gouvernc Arcadius. VIII. Gaïnas fe réunit avec' Tribigilde. IX. Aurélien , Saturnin & Jean , livrés d Gaïnas. X. Accord £ Arcadius avec Gaïnas. XI. Gaïnas demande* une Eglife a Conflantinople pour les Goths Ariens. XII. Funefles dejfeins de Gaïnas fans effet. ~X.UI. Gaïnas fort de Conflantinople. XIV. Majfacre des Goths. XV. Gaïnas fe retire. XVI. Dlfaite de Gaïnas au paffage de £ Hellefpont. XVII. Mort de Gaïnas. XVIII. Comete & trembltmeni de terre. XIX. Naijfance de Théodofe le jeune. XX. Troubles excités par les Ariens d Conflantinople. XXI. Ruïne des temples de Ga^a. XXII. Alaric rentre en Ito* F iii I2f  tt l6 SOMMAIRE DU LlV. XXVII6. lie. XXIII. Stilicon ajfemble des troupes. XXIV. II revient d Milan. XXV. Incertitude fur la bataille de Pollence. XXVI. Ricit de cette bataille. XXVII. Retraite dt'Alaric. XXVIII. La Cour SOccident s'établit d Ravenne. XXIX. Speilacle des gladiateurs aboli. XXX. Honorius vient a Rome. XXXI. Mort de t'Impératrice Marie. XXXII. Caufes de la perfécution fufcitée contre Saint Jean-Chryfojlómè. XXXIII. Son premier exil. XXXIV. Son retour. XXXV. Second exil. XXXVI. Suites de fon exil. XXXVU. Mort de St. Jean-Chryfofióme. XXXVIII. Hijloire de Maruthas. XXXIX. Mort d'Eudoxie. XL. Ravages des Ifaures. XLI. Confulat £ Anthémius. XLH. Ravages en Afrique. XLIII. Intrigues de Stilicon avec Alaric. XLIV. Radagaife en Italië. XLV. Sa dêfaite. XLVI. Invajïon des barbares. XLVH. Origine des Vandales. XLVIII. Abrégé de leur hijloire. XLIX. Origine des Sueves, L. Les Alains fe joignent d eux. LI. Les Alains, les Vandales & les Sueves paffent le Rhin malgré les Francs,  12-7 HISTOIRE D U BA SE MPIRE, L1VRE VING T-S E PT IE MEi ARCADIUS & HONORIUS. Pendant que la dignité confulaire fe flétriffoit en Oriënt par 1'élévation ck'par le fupplice d'Eutrope, 1'Occident la voyoit fe foutenir avec éclat dans la perfonne de Malfius Théodorus. Ses vertus & fes talents lui avoient procuré fans intrigueune longue fuite d'honneurs ; F iy Arcadius.Honorius.Ann. 399.' f, Magiftrats ej* Occident. Claud, it,  128 H I S T O I R E & CP mii pfr nlnr !>_/>• Arcadius.Honorius.Ann. 399. Confulatu Mallii Theoi. & epigr. 44. Symm. I. 4- ep. $ , 7, /. 5. eP- 4 , 5 , 6,9, io,' 16..'. 7. e^. 8. 6 feqq. 5° . 94, .05, 103. i-S.ep.62. S. Aug. de *rdine, /. I. c. 11. Idem, de TÏta beata. Idem , ritracl. I. 1. c. 2. Rutil, kin. Sid. carm. 9- 1 Grut. ( CLxxir. ' 9- « God. pro- j Th. • < ^„..^ tuuuic , 1 f mme cles plus grands hommes qui vécuffent alors. Né payen , il avoit embraffé la Religion chrétienne , & il en pratiquoit les maximes. Cette raifon n'empêchapas Symmaque de rechercher fon amitié , ni Claudien de compofer un poëme a fa louar.ge : mais elle fut le principal attrait qui le fit aimer de Saint Auguftin. Ce grand Saint lui dédia fon livre de la vie henreufe; & dans fes ^premiers écrits, il le combla de tant d'éloges , que dans fes Rétraöations , il fe taxe luimême de les avoir exagérés. Théodore ayant dès fa jeuneffe étudié avec fuccès 1'éloquence & la jurifprudence, fut dans la fuite un des 15 o Avocats attachés a la jurifdiöion du Préfet du prétoire : c'étoit d'entre eux que les Préfets choififfoient les Magif:rats, pour les préfentera 1'Empereur, jui leur donnoit le brevet de leurs :harges. II fut d'abord Proconful d'Anque , enfuite Gouverneur de Ma:édoine , Quefteur du palais , & Inendant du domaine. Après la mort Ie Gratiën, il fe retira en Ligurie, >our fe livrer entiérement a 1'étude  du Bas-Empirb. Liv. XXVII. 129 OC ci lögauimuv. " ^..j^*- t fieurs ouvrages de phyfique & de morale; mais c'eft a tort que quelques-uns lui attribuent le Poème aftronomique, dont 1'Auteur porte re nom de Manilius. Quelques années après, Stilicon, pour s'aider de fes confeils, le ttra de fa retraite, &c le fit Préfet du prétoire des Gaules. Ere 397,.Théodore paffa a la préfeclure d'Italie, qu'il exergoit encore lorfqu'il fut nommé Conful, & dont on le voit une feconde fois revêtu neui ans après. II étoit fupérieur aux affaires, inacceflible a la faveur ainli qualahaine, défmtérefTé , fourdaux follicitations injuftes, mais toujours prêt a écouter les juftes demandes. grave fans orgueil, & doux fans foibleffe. On ne lui reproche que d'avoir donné trop de temps au fom meil; & Claudien le comparant ave< pn autre Préfet, grand concuffion naire 'p qu'il rie nomme pas, invit< toute fltalie a prier le Giel de fair* en forte que Théodore ne dorme ja mais , & que 1'autre dorme toujour' II eut un frere, nommé Lampadius homme de mérite, & qui fut Préfetd E y Arcadius.Honorius.Ann. 3994 fer. de vita> Mallii TJieodori*- y fe  13* H i s t n t t> 0 Arcadius.Honorius.Ann. 399, Rome. L'entrée de Théodore dans ie confulat fut célebre par le concours des perfonnes illuftres qui vinrent honorer cette folemnité. C'étoit la coutume que 1'Empereur invitat par fes lettres è cette cérémonie , ceux & qui il vouloit témoigner une finguliere faveur, Honorius y invita Flavien, fils de ce rebelle opiniatre qui avoit perdu la vie en combattant pour Eugene. Ce jeune homme avoit confervé fes biens par la clémence de Théodofe : il méritoit par lui-même de 1'eftime ; mais la mémoiré odieufe de fon pere le condamnoit a une forte d'exil. Le généreux Théodore n'en fut que plus ardent a le protéger : il le recommanda a Stilicon. Flavien fe reffentit bientot du crédit de ce Miniftre; il fut fait cette année même Préfet de Rome. Théodore eut pour fuccefleur dans la préfecture d'Italie, un homme que Phiftoire ne doit pas oublier : c'étoit Valérius Meflala, qui faifoit remonter fon origine jufqu'a Valérius Publicola. Cette haute nobleffe étoit foutenue par 1'intégrité des moeurs, par 1'élévation du génie f  nu Bjs-Empire. Liv. XXVll. 131 Sc par 1'amour des lettres. Rutilius, : un des meilleurs Poëtes de ce tempsLa, ajoute a ces belles qualités le talent de la poéfie. Les louanges que ( lui donne ce zélé idolatre , quelques expreffions de Symmaque, Ss un fragment d'infcription antique, font foupgonner que Meffala étoit payen. En effet, il reftoit encore un grand nombre d'idolatres dans les families même les plus illuftres, Sc ils ne ceffoient de fe flatter qu'ils verroient relever le culte des Dieux. On faifoit courir une prophétie, felon laquelle Pierre avoit par magie accrédité la Religion de Chrift: mais Penchaptement alloit tomber; le terme du Chriftianifme étoit fixé i la fin du quatrieme fiecle. On y étoit arrivé, Sc les payens attendoient ce miracle, lorfqu'Honorius publia contre .'idolatrie les loix dont j'ai déja expofé le précis. On parle d'une machine cruelle, qui avoit échappé a la connoifTance de Théodofe, Sc qui fut alors détruite : c'étoit une figure'de dragon d'énorme grandeur, renfermée a Rome dans un lieu fouterrein. Oa Arcadius.Honorius.knn. 399. IT. Superftiions déïuites.5. Aug. it ■iv. I. 18. 53 , 54Rutil. itin. Profp. prom. I. 3 • :. 38. Cod. Th. !. 16. tic. 10. leg, 15,16,  tja H 1 S T O I R E arcadius. Honorius.Ann. 399 III. Ruïne de 1'idolatrie en Afri Salv. de ■ gub. I. 8. a Vip. tiU 22. & ibi 1 God. Pagi ad j Baron. ' TiU. vie de e S. Aug. art. ? 124. 6* Honor. art. S 14, 63. 5 Fleury, .5 hijl. ecclef. I. 10, art. 42. e \- f1f.1-  Arcadius.Hono bius. Ann. 391 13+ HlSTOIRB I - fainte nomme la Reine du Ciel, U que les Juifs, dans le temps de leur ■ prévarication, avoient fouvent adou rée. Ce culte apporté en Afrique par Didon , s'étoit répandu par toute la terre. On envoyoit de toutes parts des offrandes aCarthage; & Célefte étoit une des divinités qu'on pouyoit, felon les loix Romaines , inftituer héritiere. Le temple étant fermé depuis la loi de Théodofe en 391 , le terrein s'étoit couvert de ronces & d'épines, ou les payens difoient qu'étoient cachés une infinité de ferpents & d'afpics, qui gardoient ce lieu facré, & en défendoient 1'accès contre les Chrétiens facrileges» Cette menace n'effraya perfonne. On j nettoya la place, on abattit la ftatue ; & Aurélius , Evêque de Carthage, fit du temple une Eglife qu'il dédia k Jefus-Chrift. II y célébra avec un concours extraordinaire,la folemnité de Paques. Un grand nombre de payens fe convertirent. Cependant la fuperftition ne tomba pas avee la ftatue : fur la foi d'une prétendue prophétie, les payens débitoient que la Déeffe triompheroii un jour de  nu Bas-Empire. Liv. XXVII- 135 fes deitruöeurs. On recommenca même a lui offrir des vittimes; & ce , qui femble incroyable, il y eut des Chrétiens affez groiTiers pour mêler ce culte impie avec le culte de Dieu. I Conftance ayant été nommé Augufté en 421, arrêta ce défordre en I faifant abattre le temple jufqu'aux ] fondements : la place fut deftinée a I fervir de cimetiere commun. Cette I deftrutfion d'idolesordonnée par Ho| norius, fouleva les payens en quel| ques villes : ils maffacrerent a Su| fes en Byzacene, foixante Chrétiens , ( qui avoient brifé une ftatue d'Her:| cule. Ce fut cette année qu'Honorïus I alla pour la première fois a Raven1 ne, ou trois ans après il fixa fa réI fidence. II n'y féjourna que peu de j jours. Etant de retour a Milan, il réforma par une même loi deux abus qui afïligeoient les Gaules. II y avoit 1 dans ces Provinces beaucoup de riI ches habitants, que leurs privileges I exemptoient du payement des tri4 buts. Ainfi le fardeau tomboit fur le« | moins capables de le foutenir. Q mal en avoit produit un autre. Les Arcadius.Honorius.Ann. J99» rv. Abolition de privileges. Got. chr. Cod. Th. U ii. tit. i, leg. 2^,  Arcadius.Honorius.Ann, 399, Ann. 400, V. Confulat de Stylicon. Claud. de laud. Stilic. I. 2. c. 3- Idem , de 6". Conf. Honor. Symm, l. 4> 'P- 3r> 136 H I S T O t R R débiteurs du hYc, obligés a fe défaire de leurs terres, ne trouvoient k les yendre qu'a condition qu'après s'enêtre dépouillés, ils continueroient d'en payer les charges. C'étoit roirloir tirer de ces malheureux ce qu'ils. n'avoient plus. Les Provinces porterent leurs plaintes k 1'Empereur. II abolit toutes les exemptions, réduifit tous les habitants au droit commun , ordonna une répartition proportionnée a la fortune de chacun , & défendit ces tranfacfions injufr.es,. qui tout a la fois ruinoient les vendeurs , & rendoient la perception des deniers du fïfc abfolument im~ poffible, r Stilicon, moins jaloux des titres d'honneur que de la réalité du pouvoir, avoit jufqu'alors différéde prendre le Confulat qu'il donnoit aux autres. II fut Conful 1'année fuivante avec Aurélien. II célébra fon entrée dans cette charge avec toute la pompe qui convenoit au véritable maitre de 1'Occident, II alla enfuite a Rome , oü il ne s'étoit pas montré depuis cinq ans. II y regut les hommages du Sénat & du peuple. On lui  du Bas-Empire- Liv. XXF1I. 137 prodi 1 plice que la crainte de la mort. A' prés les avoir condamnés a perdre 1; Arcadius.Honorius.Atin. 400« 1  Arcadius.Honorius.Ann. 4<3( X. Accord «TArcadius av< -Gaïnas. 144 HlSTOIRE • tête, il donna fecretement ordre k 1'exécuteur de leur faire feulement fentir le tranch'ant de 1'épée , & il les envoya en exil. ïls revinrent k '' Conflantinople après la mort de Gaïnas. Quelques années après, Aurélien , étant une feconde fois Préfet du prétoire , fut honoré dii titre de Patrice, & le Sénat lui fit drefTer une ftatue , comme au libérateur de la patrie. Le Général des Goths pouffaplus avant le mépris de la majefté Impéc riale; il obligea 1'Empereur a venir le trouver k Chalcédoine pour trailer desconditions de Paccord. Ils conférerent enfemble dans l'Eglife de Sainte-Euphémie , aux portes de la ville. On convint que Gaïnas tk Tribigilde poferoient les armes ; qu'ils feroient recus dans Conflantinople avec leurs foldats, & qu'ils y pourroient demeurer en füreté ; que Gaïnas conferveroit la qualité de Général , & qu'il feroit décoré des ornements confulaires. Le traité fut juré de part & d'autre : mais le ferment n'étoit fincere que du cöté d'Arcadius, Gaïnas rentra dans Conflantinople,  nv Bas-Empire. Liv. XXFIL 145 tïnople, aufti mal intentionné qu'il en étoit parti. Jean Chryfoftöme, zélé pour la con> verfion des Goths, avoit ordonné des Prêtres Catholiques de leur nation. II envoyoit les uns vers le Danube pour inftruire leurs compatriotes, & ils en convertiflbient un grand nombre. II employoit les autres a I Conflantinople. Le faint Evêque leur avoit donné l'Eglife de St. Paul, oü les Goths Catholiques s'aflembloient: il y faifoit lire des paflages choifis de 1'Ecriture-fainte, traduits en leur lant gue; il les inftruifoit lui-même par 'j le fecours d'un interprete; il formoit ij des catéchiftes & des prédicateurs enI tre ceux de leurs miniftres qui montroient plus de talent pour la parole. Gaïnas & les Goths Ariens étoient obligés de s'aiTembler hors de la ville fous des tentes. La loi de Théodofe leur avoit interdit 1'ufage de toutes les Eglifes. La fierté de Gaïnas ne put fouffrir cette diftindtion. II demanda ! k 1'Empereur une Eglife pour lui & I pour ceux de fa fuite. Arcadius n'oi foit rien refufer k celui auquel il venoit d'être forcé de facrifier fes plus Tornt FL G Arcadius.Honorius.Ann. 409a' XI. Gaïnas «lemande une Eglife a C. V. pour les Goths Ariens.' Hier. ep. *fi 5 Prince , ajouta-t-il en fe tournant » vers Arcadius, c'efl k vous a main» tenir les faintes ordonnances de vo»> tre pere. Vous perdriez moins en » renoncant au nom d'Empereur, » qu'a celui de Prince Catholique; » & vous ne pouvez conferver ce » dernier titre , fi vous abandonnez » la maifon de Dieu k un culte qui » 1'outrage ". Ces paroles foudroyerent 1'audace de Gaïnas; il fe retira confus, renfermant fa douleur & fa honte, mais fe prom ettant d'être bientot le maïtre de toutes les Eglifes. La charge de Commandant-Général de la cavalerie & de 1'infanterie j lui donnoit autorité fur toutes les troupes. II ne retint dans Conflantinople que les Goths, & difperfa tous j [es autres foldats dans les villes & dans !es villages d'alentour. II éloigna même fous divers prétextes la plupart  du Bas-Empire. Liv. XXVII. 149 des troupes de la garde Impériale: en forte que Conflantinople fembloit être dévenue barbare, 6c que les citoyens naturels fe voyoient réduits a une forte de eaptivité. Le deffein de Gaïnas étoit de commencer par enlever 1'argent des banquiers, dont les cotnptoirs étoient réunis dans une des places de la ville ; ce devoit être le lignal d'un pillage & d'un mafiacre général. Mais ce projet ayant tranfpiré , & les banquiers ayant ferme leurs comptoirs & tranfporté leur argent en lieu fur, it envoya au commencement de la nuit une troupe de Goths avec ordre de mettre le feu au palais. Ceux-ci, frappés fans doute d'une terreur panique, crurent voii un grand nombre de foldats Romains bien armés, qui faifoient le guet & en défendoient Papproche. Ils retour nerent avec effroi en rendre compte a Gaïnas. Ce Général, qui favoitqu'i ne pouvoit y avoir alors de troupei Romaines a Conflantinople , fe moqua de leur épouvante , 6c en envoya d'autres. Ceux-ci, prévenus dt cette vifion, re vinrent encore fur leun pas* La même chofe arriva la nui G iij Arcadius.Honorius.Ann. 40a. PUI. Lm c. S. Martel. Chr. Chr. AUx. i  Arcadius. Honorius.Ann. 400. xin. Gaïnas fort de C. Po J5° HlSTOIRE fuiyante. Enfin , Gaïnas vouïut s'inftruire par fes propres yeux; Sc foit que les Officiers du palais, avertis du defTein de Gaïnas, euffentufé de quel. que flratagême, foit que le récit de tant de foldats eut fait impreiTion fur ttneame d'ailleurs intrépide, il s'imagina voir cette armee nocturne, & fe perfuada que c'étoient des troupes qui fe tenoient cachées pendant le jour. Les Auteurs contemporains, auffi crédules que les Goths', donnent a cette apparition une caufe qui difpenfe de tout examen; ils s'accordent a dire que ce fut un miracle, Si qu'une multitude d'anges vinrent monter la garde autour du palais. Les Goths fe croyant environnés d'ennemis invifibles, n'ofoient plus fe féparer, ni paroitre dans les rues qu'en ordre de bataille. Gaïnas craignoit d'être furpris & accablé; il penfoit qu'il falloit fe rendre maïtre des dehors, pour empêcher les troupes répandues autour de Conflantinople de venir fe joindre k celles qu'il y croyoit cachées. II partagea les Goths en deux corps, dont 1'un devoit demeurer dans Ia ville, Sc 1'autre cara-  du Bas-Essii'IRE. Liv. XXVII. 151 ! per avec lui dans le voifinage, juf- * qu'a ce qu'il fut en état d'attaquer de concert les habitants par dedans &C par dehors. Feignant donc d'être malade & d'avoir befoin d'un air plus 1 :| pur & plus libre , il fortit avec une partie de fes gens qui cachoient leurs ï armes, & alla camper a 1'Hebdome, D'autres difent qu'il prit un prétexte» . de dévotion, & qu'il feignit dalier \ faire des prieres pour fa fanté dans ; l'Eglife de St. Jean-Baptifte, batie dans '< 1'Hebdome par Théodofe. La terreur dont les Goths étoient I frappés , jetta le défordre parmi eux. I Une grande partie de ceux qui avoient I ordre de demeurer, fe jpignit a ceux I qui partoient; leurs femmes & leurs , enfants fe prefToient de les fuivre. Un I départ fi précipité allarma le peuple ; on foupeonna quelque mauvais deffein. On fe renferme dans les maifons , on prend les armes, quelquesI uns quittent la ville & vont chercher leur füreté dans les ifles & dans les I bourgs des environs. La nuit fe paffe I en tumulte. Une pauvre femme qui | avoit coutume de mendier a une des portes de la ville, y étant allée de G iv Arcadius,Honorius..nn. 40c, XIV. Maffa:re des joths.  ARCADIUS. Honorius.Ann. 400, 152 Hls t 0 t r e grand matin, & voyant ce mouvement des Goths qui entroient & fortoient pour emporter leurs efFets, fe perfuade qu'ils ont deffein de brüler la ville ; elle fe met a crier & k les accabJer d'injures. Un Goth voulani fa faire taire, s'approche d'elle la hache levee pour lui abattre la tête j tin foldat de la garde qui pafToit paria tue le Goth , & encore un autre qui voulonvengerfon camarade. On pouffe des cris; le peuple accourt arme de tout ce qu'il trouve fous fa main; fans ordre & fans chef, il tombe fur les Goths qui fe défendentj on fait un grand carnage; enfin , la multitude 1'emporte fur les barbares; als font obligés de gagner le camp de Gaïnas. On ferme les portes. L'Empereur déclare par un cri public Gaïnas ennemide 1'Etat, &ordonne de faire main-baffe fur les Goths, dont enyiron la cinquieme partie fe trouvoit renfermée dans la ville. Ceuxu croyant leurs compagnons égorges, mettent bas les armes, & demandent la vie. En même-temps, Gaïnas & fes gens fe rapprochent pour les fecourir. Les habitants fe parta-  nu Bas-Empire. Liv. XXVII. 153 gent; les uns montent fur la muraille & repouffent les Goths du dehors, lesautres fe jettent fur ceux du dedans; ils les percent de traits, les affomment, les maffactent. Plus de fept mille Goths fe renferment dans une Eglife voifine du palais comme dans un afy» le : c'étoit celle ou les Catholiques^dc leur nation avoient cöutume de s'affembler. L'Empereur ordonne de les y forcer, & de ne leur faire aucun quartier. Pour n'avoir point a combattr( des gens défëfpérés-, on met le fei au toit de l'Eglife, on les accable de: débris de la charpente embrafée. II furent brülés avec 1'édifiee. Ce maf facre fe fit le \i de Juiljet. Gaïnas s'étant démafqué avec fi pei de fuccès, n'avoit plus de relTourc qu'en une guerre ouverte. II s'éloi gna de Conflantinople, dansle deffei de s'emparer de la Thrace. Les vil les y étoient en état de défenfe, & 1< habitants aguerris par lesineurfions di barbares, contre lefquels ils comba toient prefque continuellement depu plusde vingtans. On avoit retiréd campagnes &£ mis en fureté dans 1 places Cortes , les grains r. les fruit © y Arca-- dius. Honorius.Ann. 40^ I l XV. 3 Gaïnas fe retire. " Zof.l. 51 Soc. I. 6. _ c. 6. Theod.l. 5. £ c. 32, 3 3. :s Soi. 1. 3. . c. 4. L. Phil.l.U. IS c. 8. es es  Arcai mus. HonoKIVS. Ann; 400, Défaite de Gaïnas au paflage de 1'Hellefpont. W1. h 154 H I S T O t 11 E les troupeaux. II ne reftoit plus a Gaïnas que des mafures & 1'herbe des champs. Cependant on redoutoit autant fa cruauté que fa bravoure, & perfonne n'ofoit aller ni le combattre, ni même traiter avec lui. Dans cette crainte univerfelle s on eut recours a Jean Chryfoftöme, le feul homme intrépide qui fut dans Conflantinople. II accepta cette commiffion plus dangereufe pour lui que pour tout autre, après la liberté avec laquelle il avoit confondu Gaïnas. Ii alla le trouver en Thrace, & 1'on vit en cette rencontre combien eft: forte & vicforieufe Pimpreftion que fait la vertu. Le barba^ averti de fon approche, va bien loin au-devantde lui; il lui prend la main, & Papplique fur fes yeux; il lui préfente fes enfants & leur fait embrafler les genoux du^ faint Evêque. Toutefois on ne voit pas que cette députation ait produit aucun effet. Les Goths ne trouvant pas de quoi fubfifter, fe retirerent dans la prefqu'ifle de Thrace. Gaïnas defiroit traverfer PHellefpont, & retourner en Afie dont il efpéroit fe rendre maitre,  i,u Bas-Empire. Liv. XXr/Ii 155" 11 forca la longue muraille , qui s'étendant depuis Cardie fur le golfe de Mélas, jufqu'a la Propontide ,,fermoit la Cherfonefe, & borda de fes troupes la cöte du détroit. L'Empereur qui n'avoit pour 1'ordinaire d'autre confeil que celui d'Eudoxie, confulta cette fois le Sénat, & fit un bon ehoix. II oppofa au rebelle un Capitaine de la même nation, plein de valeur & d'expérience. C'étoit*Fravite, qui, vingt ans auparavant, avoit fignalé fon zele en tuant Eriulphe, chef de la faaion des Goths conjurés contre 1'Empire. II n'avoit encore fait que le métier de partifan; on 1'avoit employé avec fuccès k purger la Syrië des brigands qui Pinfeftoient depuis la Cilicie jufqu'en Paleftine. On rapporte qu'il étoit d'une complexion délicate & fujet aux maladies; mais que la vigueur de fon ame f urmontoit la foibleffe de fon tempérament. On ne lui reproche que d'avoir été opiniatrément attaché au paganifme, rapportant tous fes fuccès a la puiffance de fes Dieux. II raffembla les troupes , & vint fe poftei fur la cöte d'Afie vis-a-vis de Gaïnas j G vj Arcadius.Honorius.Ann. 400. Soc. 1. 6. c. 6. So[. I. 8. c. 4. Phil.l. ii. c. 8. Mare. chr. Chr. AUx. SuU. Qpct,-  Arcadius. Hokqhius. Knn, 400. 15^ UlSTOIRB pour lui difputer le paffage de 1'Heïlefpont. Les deux armées demeurerent campées pendant quelque temps, le détroit entre deux. Fravite profita de cette inaction. Les troupes de 1'Env pire étoient lans vigueur, fans courafj?\Peu ïn^truites des évolutions nulitaires. II les dreiTa par de continuels exercices , & fut leur infpirer tant d'ardeur & de co.Miance, qu'elles ne defiroient que 1'öccafion de fe iignaler. Pour lui, toujours en aöion , il veilloit jour & nuit fur la difcipline de fori camp & fur les projets de Gaïnas. II avoit formé une petite flotte avec des vaiffeaux légers ramaffés de toutes parts; en forte qu'il étoit maïire de la mer; & ne fe hafardant qu'avec prudence, il alloit lui-même vifiter les cötes , & éctairoit de prés Jes mouvements des ennemis. Enfin, Gaïnas ayant épuifé les fubfiftanees,, ïéfolut de rifquer le paffage. II fit faire des bateaux è la hate pour le tranfport des hommes & des ehevaux; & les ayant chargés de troupes, il les abandonna dans le détroit, avec okdre de gagner a force de rames Ie hoxd oppofé. II fe perfuadoit que la  nv Bjs-Empire. Liv. XXV1L 157 flotte de Fravite ne tiendroit pas contre des troupes aguerries Sc beaucoup plus nombreufes, dont elle fe verlok inveftie de toutes parts. Les Goths étoient fort mauvais conftructeurs, Sc ces bateaux étoient fi mal faits, qu'il étoit prefqu'impoffible de les gouverner. Fravite les laiffa d'abord avancer: quand il les vit en défordre, emportés parle courant, aloi-s fe mettant a la tête de fa flotte, Sc prenant le deffus du vent qui fouffloit avec force, il alla heurter de fa proue le premier bateau, & le coula a fond avec toute fa charge. Ses gens imiterent fa manoeuvre. Les Goths a decouvert , percés de fleches, tachoienl en vain d'aborder les vaiffeaux ennemis, qui, 'femblables k des tours flot tantes, brifoient, renverfoient,zbymoient tout ce qu'ils choquoient. Li feule agitation des flots féparoit le planches mal jointes, Sc détruifit plu fieurs bateaux. Bientöt l'Hellefpon fut couvert de débris & de cadavres au travers defquels les vaiffeaux d Fravite voguoient en Hberté, ache vant k coups de crocs, de rames , t de traits ceux qin tachoient de fe fat yer a la nage» Arcadius. Honorius. Ana. 40 l i t > £  Arcadius.Honorius. Ann. 400, XVII. Mort de Gaïnas. Zof. I. 5. Soc. I, 6, t. 6. Sor. I. 8. ' c. 4. Philofi l. 11. c 8. Mare. chr, Chr. AUx. TUI. Arcad. nor. 18. ] t i < i ) 1 1 < 150 HISTQIRB Gaïnas étoit reflé fur lerivage avec une partie des troupes. Après cette perte irréparable, il quitta la Cherfonefe. Fravite fe retira dans fon camp fur la cöte d'Afïe. II ne s'étoit trouvé aucun courtifan qui ofat partager le péril avec lui; il s'en trouva beaucoup qui cenfurerent fa conduite: c'étoit, difoit-on, un traitre, qui n'avoit pas pourfuivi Gaïnas dans fa retraite, paree qu'il ménageoit fes compatriotes, & qu'il vouloit perpétuer la guerre. Fravite, informé des mauvais offices qu'on lui rendoit a la Cour, s'y tranfporta aufli-töt. II fut innocent dès qu'il parut; fa noble afIirance déconcerta la calomnie , & 'Empereur le nomma Conful pour 'année fuivante. Cependant Gaïnas ivec le refte de fes troupes faifoit liligence pour regagner le Danube. Draignant d'être attaqué fur fa route, k fe défiant des Romains qui étoient lans fon armée, il les fit tous mafacrer, & paffa le fleuve avec fes •arbares, a deflein de fe fixer dans es anciennes demeures des Goths. dais Üldes, chef des Huns de ces antons, aima mieux acheter 1'ami-  nu Bas-Empire. Liv. XXF1I. 159 fié des Romains aux dépens de ce ! fugitif , que de laiffer établir un voilin fi dangereux. II vint 1'attai quer k la tête de fes troupes. II fe i livra plufieurs combats dans lefquels ' I les Gotbs difputerent la vitfoire. Enï fin, après une défaite totale , Gaïj nas fut tué en combattant avec courage. Le vainqueur envoya fa tête k \ 1'Empereur , qui la recut le troifie[ me de Janvier de 1'année fuivante. i Arcadius reconnut ce fervice par des ;l préfents confidérables , & par un 1 traité d'alliance qu'il conclut avec les ; Huns. Peu de temps après, des efi claves fugitifs & déferteurs, qui fe I difoient de la nation des Huns , raj vageant les campagnes de la Thra; ce , Fravite, chargé de cette expédii tion, détruifit ces brigands , & en li délivra le pays. Tribigilde avoit perdu i la vie, foit dans Pentreprife du pafi fage de Hellefpont, foit dans les com1', bats contre les Huns. On appercut cette année k Conf■< tantinople une comete d'un grandeur : extraordinaire , & qui paroiflbit c I très-voifine de la terre. Comme elle £ ? fe montra dans le temps que Gaïnas ti Arcadius. Honorius. ina, 400; XVIII. omete& embleient de tre.  Arcadius. Honorius.Ann. 400. Synef. ep. 61. S. Chryf. in aria hom. 7, 41. Ann. 401. XIX. Kalffance de Théodofe le jeune. Snip. Sey. dij!. i. Soc. I. 6. t. 6. Soi. I, 8. <• 4. Theod Ucl, l. z. Mare. chr Chr. Alex Thcoph. p 66. Zon. t. 11 p. 3S. Grut. inft ccccixir 3. ïöo H I S T 0 1 R E travailloit a fe rendre maitre de la ville ,. on ne manqua pas d'y voir un pronoftic des plus grands malheurs, fl y avoit eu dès le eommencement de 1'année un tremblement de terre, qui fe renouvelloit plufieurs fois le jour. Selon St. Jean Chryfoftöme,: 1'efFroi qu'il caufa opéra grand nombre de converfions, qui ne fe foutinrent pas long-temps après que la terre eut celTé de trembler. Fravite eut pour collegue dans le confulat, Ragonius Vincentius Celfus, qui, depuis quatre ans, étoit Préfet du prétoire des Gaules. C'étoit un homme vertueux, & fort ami de St. Martin. II avoit d'abord été Avccat au Tribunal du Préfet de Rome. Sa probité & fes talents 1'éleverent : par de gr és aux premiers honneurs. . Etant Intendant des vivres, il rem- ■ plit les fonclions de fa charge avec : tant d'équité , qu'après qu'il en fut t , forti, les compagnies fouaiifes a cette : magiflrature , lorfqu'elles n'avoient t plus rien a efpérer ni a. craindre de : lui, fe réunirent pour lui ériger une 3 • ftatue. Elles eurent foin de eonfa- crer dans 1'infcription cette gloneufe e  nv Bas-Empire. Liv. XXVII. 161 circonffance, pour faire connoitre que la flatterie n'avoit eu aucune part au témoignage de leur eftime. Les troisannées fuivantes fourniffent peu d'événements pour 1'Empire d'Orient. Le froid fut fi excefiif dans 1'hyver de 40 ï , que le Pont-Euxin fut glacé J pendant un mors. Les glacés s'étant enfuite rompues , Conflantinople , ' pendant plufieurs jours, en vit flotter des montagnes, qui fe confervoient encore long-temps entieres dans la Propontide. La même année, au mois de Janvier, il naquit a Arcadius, un fils qu'il nomma Théodofe. II lui donna dès fa naifTance le titre de Céfar; V annee fuivante celui d'Augufte, & le confulat lorfque cet enfant finifioit fa feconde année. En 402, on parle encore d'un grand tremblement de terre a Conflantinople. L'année fuivante, le dix ou onze de Février, Eudoxie accoucha de Marine, fa quatrieme ck derniere fille. Arcadius rétablit & augmenta une ville ancienne de Thrace , nommée Bergules , au pied du mont Rhodope , entre Andrinople & Héraclée : elle prit le nom d'Arcadiopolis, Auca- d1us. Honorius.Inn. 401. Zod. Pre '00.. Cod. rt>. TUI. Arad, not, 12.  Arcadius. HoiioRius.Ann. 401. XX. Troubles excités par les Ariens a C. V. Soc.l. 6. <. 8. Till. Hoir nor. art. . *9- 1 e c  Arcadius.Honorius.Théodo- se H. Ann. 401, XXV. Incertitlides fur la bataille de Pollener, 1 1 170 fl I S T O I S. 2 lui avoit oppofé fur 1'autre bord, & gagna Milan a toute bride. L'approche de ces cavaliers jetta d'abord 1'allarme dans la ville ; on les prit pour des ennemis. Mais dès qu'on eut reconnu Stilicon, on courut en foule au-devant de lui, & on le recut avec de grandes acclamations de joie. La bataille de Pollence , qui , felon 1'opinion la plus vraifemblable, fut livrée le 6 Avril 402 , eft un événement célebre, mais enveloppé d'incertitudes. Les Poëtes du tems donnent la viöoire a Stilicon : ce témoignage n'eft pas d'un grand poids. Zoftme nous manque en cet endroit. Entre les Hiftoriens, qui ne font ici que des chronologiftes ou des abréviateurs , les uns attribuent tout le fuccès aux Goths ; mais ils font Goths eux - mêmes : les autres le partagent entre les Goths & les Romains; ceux:i me femblent plus croyables. II y ï toute apparence que cette bataille fut une de celles -oü les deux partis fgalement vainqueurs & vaincus, s'atribuent chacun la victoire. Je vais ecueillir les circonftances qui me ;aro'iflent s'accorder le mieux enfem-  nu Bas-Empire. Liv. XXF1I. 17 r ble & avec la fuite des événements. Alaric, averti de la marche de 1'arfnée de -Rhétie , tenta de gagner par un traité ce qu'il ne pouvoit efpérer d'une victoire. 11 députa vers Honorius , & lui propofa ou de permettre aux Goths de s'établir en Italië, dans laquelle ils vivroient tranquillement & en bonne intelligence avec les Romains, ou d'accepter la bataille , pour décider laquelle des deux nations céderoit le pays k 1'autre. L'Empereur, après en avoir délibéréavec fon Confeil, offrit aux Goths un établiiTement au-dela des Alpes. Alaric y confentit; il paffa le Pö , & fe mit en marche vers les Alpes qui féparent la Gaule de 1'Italie. Cette conceffion , fuggérée par Stilicon, n'étoit qu'un piege pour tromper Alaric. Stilicon , k la tête de fon armée, qui arriva dans le même temps, le fuivit, cherchant 1'occafion de le furprendre. II crut 1'avoir trouvée prés de Pollence, oü le Roi des Goths s'étoit arrêté pour faire repofer fa cavalerie. Pollence étoit une ville de Ligurie fur le fleuve Tanaro, C'eft encore aujourd'hui un bourg du Piémont, un peu auH ij Arcadius. Honorius.Théodo- se II. Ann. 402. XXVI. Récit de cette bataille.Claud. beh Get. & de 6°. Conf. Honor. Prud. in Sym, l. 2. Oraf. I. 7. c. 37. Profp.Chr. Caffiod. Chr. Jorn. de reh. Get. c. 30. Hifi. Mifcell. I. 13. TUI. Honor. art, 19.  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 402. IJl HlSTOIRE defïous de Quierafc. Le jour de Paques tomboit cette année le 6 d'Avril; & les Goths, fe repofant fur la foi des Romains, ne s'occupoient que de la célébration de cette grande fête, lorfque Stilicon mit fes troupes en bataille. Pour diminuer en quelque forte 1'odieux de fa perfidie., il ne voulut point fetrouver a Paclion, & chargea du commandement de 1'armée , un Capitaine barbare & payen, nommé Saül, qui avoit fervi fous Théodofe. Alaric, furpris d'un mouvement fi imprévu , eut bientöt rangé fon armée en bon ordre. Quoiqu'engagé dans les erreurs de 1'Arianifme, il étoit religieux : réfolu d'éviter le combat ce jour-la, il fetint fur la défenfive : enfin, il fe vit forcé d'en venir aux mains, & fit ufage de toute fa valeur. II eut d'abord de 1'avantage. A la tête des Alains qui fervoient dans 1'armée Romaine, étoit un guerrier de petite taille, mais d'un grand courage, exercé dans les combats, couvert de cicatrices & de gloire. Stilicon avoit concu d'injuftes foupcons de fa fidélité , & 1'avoit offenfé par des reproches outrageants.  du Bas-Empire. Liv. XXFU. 173 ! Cet Officier généreux, mais féroce, & ennemi des apologies, voulut prouver fon innocence k fa maniere; il fe précipita avec fa troupe au travers de 1'armée des Goths, & y trou;i va une mort honorable. Les Alains prirent la fuite , & ils entrainoient avec eux le refte de la cavalerie, lorf1 que Saül la fit foutenir par 1'infan; terie; ce qui changea la face du comi; bat. Après une vigoureufe réfiftance, ii les Goths plierent; on les pouiTa bien I loin avec un grand carnage ; leur jj camp fut pillé; la femme d'Alaric y I fut prife avec fes enfants; les prifonI niers, qu'il traïnoit en grand nomi| bre , furent délivrés de leurs fers, & I fe joignirent aux vainqueurs. Tout I étoit perdu pour Alaric, excepté le I courage & la préfence d'efprit. Ce " fut alors, que voyant les Romains f plus occupés du pillage que du com\ bat, il rallia fes troupes, & les ani| mant par fon exemple, il retourna \ fur 1'ennemi avec tant de vigueur,qu'il li lui arracha la vitfoire, ck lui rendil I cette journée auffi funefte k la fin . I qu'elle 1'ayoit d'abord été pour le: i Goths. H iij Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 402.  Arcadius. Honorius.Théodo- se II. Ann. 401. XXVII. Retraite «T Alaric. I?4 MlSTOIKE Une bataille fi fanglante avoit également affoibli les deux partis. Les Romains, en déroute , fauverent cependant le butin qu'ils avoient fait dans le camp des Goths. Alaric fe retira fur 1'Apennin. II y manquoit de vivres, & Stilicon auroit pu lui fermer la retraite. Mais le Général Romain eraignit que le défefpoir ne portat Alaric dans Ie coeur de 1'Italie, & n'expofat Rome même a fa fureur. II convint avec lui que les Goths fortiroient du pays, prenant le même chemin par lequel ils étoient entrés, fans faire aucun dégat fur leur route : il lui rendit fa femme ; mais il garda fes enfants pour ötages. Alaric reprit donc le chemin des Alpes Juliennes. Stilicon le fuivoit de prés, bien réfolu de Pattaquer dès que les Goths lui en fourniroient le prétexte en faifant quelque dégat; ce qui étoit inévitable dans une armée de barbares peu capable de difcipline, & qui manquoient de tout. Comme ils approchoient -de Vérone , Stilicon prétendit que les Goths avoient contrevenu au traité , & les chargea avec toutes fes troupes. Les deux  nu Bas-Empire. Liv. XXVll. 175 Généraux fe iignalerent en cette rencontre. Stilicon fe trouvoit par-tout, faifant en même-temps le devoir de foldat Sc de Capitaine ; Alaric s'expofoit au plus fort de la mêlée; il auroit été pris fans la précipitation des Alains auxiliaires de 1'Empire, qui, par une ardeur inconfidérée, jetterent le défordre dans 1'armée RO' maine. Le Roi des Goths dut fon falut k la viteffe de fon cheval. I fut encore rallier fes troupes; Sc n'ctant point abattu par tant de mauvai; fuccès, il cherchoit entre les mon tagnes un chemin pour entrer en Rhé tie , Sc pafTer de-la dans la Gaule Mais Stilicon , qui avoit des efpion dans fon armée, prévenoit fes del feins Sc lui fermoit tous les paffages Alaric , dépourvu de fubfiftances , f retrancha au pied d'une montagne La faim , la contagion qui fe mi dans fes troupes, la vue de fes en fants prifonniers que les foldats Ro mains lui montroient de loin ave. infulte ; enfin , tous les maux qu'i éprouvoit déja, Sc ceux qu'il devoi craindre pour 1'avenir, n'étoient pa encore capables de dompter ce fie H iv Arcadius.Honorius.Théodo- se II. Ann. 402. tl ï t S r  Arcadius. Honorius.Théodo- SE II. Ann, 402, XXVIII. La Cour d'Occident s'établit a Ravenne. Zo/ I. j. I"Ö IIlSTOIRE courage. II ne quitta 1'Italie que lorfqu'il fe vit lui-même abandonné. Ses foldats mourants de faim & de maladies , paffoient dans le camp des Romains. Des bataillons entiers défertoient, gagnés fecretement par 1'argent de Stilicon. En vain, Alaric frémiflant de courroux, atteftant la foi qu'ils avoient jurée, leur préfentant fon épée & fa poirrine, prête k recevoir la mort, s'efforcoit de les retenir. Enfin, refté prefque feul, plein de dépit & de rage, ils'enfoncadans les montagnes; & s'arrachant avec peine de 1'Italie qu'il avoit regardée comme fa proie, il reprit le chemin de rillyrie, réfolu de réparer fa honte, &c de faire racheter bien cher aux Romains , un fuccès qu'ils devoient a leur perfidie, plutöt qu'a leur valeur. Cette guerre, commencée dans 1'automne de 1'année précédente, fut terminée k la fin du printemps de celle-ci. L'Empereur avoit tremblé plus d'une fois pendant le cours de cette expédition d'Alaric. On jugea que les Goths ayant appris le chemin des Alpes , Milan n'étoit plus un féjour af-  du Bas-Empi&e. Liv. XXVll. 177 furé pour la Cour. 11 y avoit plus de cent ans que Maximien Hercule y avoit établi fa réfidence, comme dans le lieu le plus propre pour arrêter les incurfions des Allemands, Sc pour fe porter felon le befoin, foit en Germanie, foit en Illyrie. La proximite des barbares avoit été la raifon pout laquelle ce Prince guerrier avoit choifi Milan; ce fut celle qui détermim le timide Honorius a 1'abandonner Stilicon transféra la Cour a Ravenne Cette ville fituée fur le golfe Adria^ tique, étoit d'un difficile accès, & donnoit, en cas de péril, la facilifr de paffer en Epire. Ravenne ,fondé par des Theffaliens dans le pays de anciens Henetes, renouvellée par un colonie de Sabins, Sc comprife au trefois dans FOmbrie., étoit enfuit devenue la capitale d'une Provinc particuliere nommée Flaminie, qi faifoit partie du Vicariat d'Italie. Eil porta d'abord le nom de Rhéné, pai ce qu'elle étoit environnée d'eaux ce que ce mot fignifie felon 1'étymc logie grecque. Elle avoit la mer a l'c rient, a 1'occident des marais, au fe tentrion le fleuve Utis, aujourd'hi H v Arcadius.Honorius.Théodo- se II. Ann. 402. Strab. I. 3. Plin. I. 3. c. 15. 16. Proc. . Vani.1. I. c. 2. Jorn. de ' nb, Get. c, • 29. ( Valsf. reu [ Fr. I. 3. ; Pagi ai > Baron. ' TUI. Honor. art. - iS , 21. & - not, 17. e e ii e > 11- )• ii  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 402, 1 l ] 1 ] t ( ii 1/8- II I S T O I Zi E Montónt, au midi Ie fleuve Badéfis " maintenant Ronco, Une branche du Po , qu'on appelloit le foffé d'Afcon, baignoit les murailles du cöté du feptentrion. L'Empereur Augurk avoit encore fait tirer du même fleuve un canal profond, qui circuloit jufqu'è la mer du cöté du midi, & dont une branche traverfoit la ville. Pour arriver a Ravenne du cöté de Ia terre, il n'y avoit qu'une chauffée étroite au travers des marais. La mer formoit un port affez fpacieux pour contenir deux cents cinquante vaiffeaux. C'étoit dans ce port qu'Augufte & fes fuccelTeurs entretenoient la flotte qu'ils avoient fur la mer Adriatique. La ville étoit divifée en trois parties ; la plus occidentale fe nommoit proprerient Ravenne; la partie oriëntale oü ;toit le port, avoit le nom de Claffis, \ caufe de la flotte : entre ces deux martiers, étoit celui qu'on appelloit a Céfarée. Le terrein de celui-ci étoit mi, affermi par le fable, par les cailoux, & propre au paffage des voiures. Malgré les marais & 1'abonance des eaux, l'air étoit très-pur Ravenne, paree que Ia mer mon-  nu Bas-Empire. Liv. XXFII. 179 tant dans les canaux , emportoit par fon reflux tout ce qui auroit pu le corrompre. Le courant des deux rivieres contribuoit au même effet. Ce qui rendoit ce lieu fi fain , que les Empereurs 1'avoient choifi pour y faire entretenir & exercer les gladiateurs, dont ils avoient grand foin de conferver la vigueur Si la fanté. Du temps de Jornandès, Evêque de cette ville, qui écrivoit au milieu du fixieme fiecle, le port étoit déja comblé, ck changé en de fertiles vergers. Depuis Honorius, Ravenne continua d'être le fiege de 1'Empire en Occident , tant qu'il fubfifta; & c'eil ce qui aJait donner a cette contrée le nom de Romanie ou Romagne, qu'elle conferve encore aujourd'hui. L'effroi que le nom d'Alaric répandoit en Italië, avoit caufé la défertior dans les troupes. Honorius fit l'anné< fuivante quatre loix pour remédiei a ce défordre. II ordonna la recherche des déferteurs, défendant de leu donner afyle, fous peine de confïï cation des terres & des maifons qu leur auroient fervi de retraite. II per mit même aux particuliers de leu H vj Arcadius.Honorius.Théodo- se 1!. Ann, 40 ii Ann. 403. : XXIX. Speüacles des gladia- " teurs abo- . lis. . Cod. Th. 1 Ly.tttilS, - leg.ll, lï, 13, 14. I. 1 l. 15. II. Ug. U  Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 403. Symm. /. 10. ep. 61. Prud. in Sym. I. 2. Theod. I. J. f. 26, iSü fflSTOJRE courir fus & de les tuer, s'ils les trouvoient exercant des brigandages, unique reffource de ces foldats fugitifs. Cette année fut la derniere oü Rome vit couler le fang des gladiateurs , fpeftacles inhumains , qu'une cruauté héréditaire avoit jufqu'alors maintenus malgré la loi de Conftantin. L'Eglife en gémilToit ; & Prudence, dans fon poëme compofé après la bataille de Pollence, venoit defupplier Honorius de le profcrire. Mais une priere fi raifonnable auroit peutêtre été inutile fans un accident fingulier. Un faint Anachorete , nommé Télémaque, étoit venu de 1'Orient h Rome, exprès pour engager les Romains a renoncer a ces jeux homicides. Un jour de fpeöacle, il vint au milieu de 1'arêne , & fe jettant entre les combattants , il s'obftinoit a les féparer. Les fpeéfateurs, irrités contre cet inconnu qui venoit interrompre leurs plaifirs, le tuerent k coups de pierres. L'Empereur , en étant informé , honora Télémaque comme un martyr , & prit occafion de ce meurtre pour abolir a jamais ce cruel divertiflement.  bv Bas-Empirb. Liv. XXFII. 181 A peine Honorius fut-il établi a Ravenne, que les deux principales villes de 1'Italie , Rorne &c Milan , fe difputerent a 1'envi 1'honneur de pofféder 1'Empereur. Toutes deux lui députerent les plus confidérables de leurs citoyens. Rome 1'invitoit a venir recevoir, après la défaite d'Alaric , les mêmes hommages qu'elle lui avoit préparés cinq ans auparavant après la vi&oire remportée fur Gildon. Elle lui repréfentoit qu'elle étoit la Mere & la Reine des autres villes , le berceau de 1'Empire, & la demeure naturelle de fes maitres; qu'elle les avoit poffédés dans fon fein pendant plus de trois fiecles, & qu'elle ne pouvoit penfer, fans une extréme douleur, que depuis Conftantin, elle n'eüt vu qu'en pafTant trois de fes Princes , Conftance , Valentinien II & Théodofe. Le Confulaire Mailius Théodorus , député de Milan , appuyoit fa demande fur une poffefiion de centannées; c'étoit, felon lui, une prefcription glorieufe qui formoit a Milan un droit de préférence fur Rome ; il conjuroit PEmpereui d'honorer de fa préfence une ville Arcadius.Honorius.Théodo- se I!. Ann. 403. XXX. Honorius vient a Rome. Prud. in Sym. /. 2, Symm. I. 6. ep. 52, 63. Claud. de 6°. Conf. Honor. S.Aug.Pf. 140.  Arcadius. Honorius.Théodo- SE II. Ann. 403. l!>2 HlSTOIHE accoutuméë aux regards des Souverains. Comme Stilicon retenoit l'Empereur k Ravenne, & ne fe hatoit | pas de fatisfaire k 1'emprefTement de Milan ni de Rome, le Sénat Romain , affembléletreizieme de Juin, envoya une feconde • députation , qui 1'emporta enfin fur la jaloufe politique de Stilicon. Ce Miniftre craignoit que fon autorité ne fut éclipfée par celle du Sénat. Honorius, étant donc parti de Ravenne, paffa par Fano dans 1'Ombrie , d'oü il vint k Narni, & arriva k Rome dans les premiers jours de Décembre. On le recut avec joie &c magnificence. 11 en coüte peu aux Princes pour fe faire louer : on le loua beaucoup de ce qu'il n'avoit pas permis que les Sénateurs marchaffent devant fon char , quoique fa fceur Placidie & Euchérius, fils de Stilicon, lui euffent rendu cet honneur. Stilicon étoit affis dans le même char que le Prince. Les foldats de la garde, armés de toutes pieces & richement vêtus, avec leurs chevaux bardés de fer , 1'accompagnoient en ordre de bataille. L'Empereur, s'étant rendu au Sénat, y fit, felon Tanden ufage,  nu Bas-Empire. Liv. XXFLl. 133 le récit des événements de la derniere guerre. II fe retira enfuite au palais en faifant jetter de 1'argent au peuple. Saint Auguftin , quivivoit en ce temps-la, nous donne lieu de croire qu'il alla premiérement offrir fes prieres aux tombeaux de St. Pierre & de St. Paul: les Empereurs Chrétiens, lorfqu'ils arrivoient a Rome, commencoient k rendre ce pieux hommage k ces faints Apötres. Les jours fuivants, Honorius donna dans le cirque, le fpecf acle de courfes de chars, de combats de bêtes féroces, de carroufels; & le premier de Janvier de 1'année fuivante , il prit pour la fixieme fois le titre de Conful. Ce Prince palTa k Rome plus de la moitié de cette année. II n'en fortit au plutöt qu'aumois d'Aoüt pour retourner a Ravenne. Ce fut dans cet intervalle que mourut 1'Impératrice Marie. On a retrouvé le corps de cette Princeffe dans la bafiüque de St. Pierre au Vatican vers le milieu du feizieme fiecle : il tomba en pouflïere dès qu'il fut expofé a Pair. On avoit enterré avec elle beaucoup de richeffes; & 1'on retira de fes habits le poids de Afxa- dius. Honorius. Théodose II. Ann. 403. Ann. 404. XXXI. Mort de 1'Impératrice Marie. Aringhi Roma fuittor. I. 2. c. 9. Mabill. itin. hal, p. 145. TiU. Honor. art. 18,  Arcadius.Honorius. Théodo' se II. Ann. 404 Grut. infcript. cclxxxvij 4- XXXII. Caufes d< Ia perfécutionfulcitée coiv treS. Jear Chryfoftöme.Chryf.hom contra ludos 6* thea tra. Soc. 1.6. c. 7,9i10' »«i IJ» 14. Soi. I. 8, c.<).&feqq, Zof.l. 5 Zon. t. J7 p. 38.; Vt){. Abulf. it ' Arcadio," 184 HlSTOIRE trenre-fix livres d'or. Le corps de fa fceur Thermantie, qu'Honorius époufa auffi en 408 , fut trouvé dans le même lieu avec la robe Impériale, & les autres marqués de Ia fuprême dignité. On ne rapporte d'Honorius, pendant fon féjour de Rome, aucune acfion digne de mémoire , finon qu'il tenta vainement par fes lettres, d'infpirer a fon frere des fentiments plus équitables en faveur de St. Jean Chryfoftöme. Cet illuftre Prélat étoit pour lors attaqué par toutes les paffions humai■ nes, qui fe vengeoient de la guerre que fon zele leur avoit déclarée. L'avarice des riches, Porgueil des grands, le luxe des femmes, 1'inquiétude des momes relachés, & tous ces vices réunis dans les Eccléfiaftiques corrompus , fufciterent contre lui un violent orage. 11 n'avoit jamais ceffé de déclamer contre les fpedf acles, qui ne refpe&oient pas les jours même confacrés par les plus faints myfteres. L'année 399, on avoit donné le vendredi-faint des courfes de chars dans le cirque, & le famedi-faint des jeux de théatre. Le Prélat avoit parlé  nu Bas-Empire. Liv. XXV1L 185 } avec véhémence contre des défordres fi fcandaleux;il avoit menacé d'excommunication ceux qui fréquentoient \ les fpeöacles. Cette vigueur révolta tous ceux qui vouloient allier leurs . plaifirs avec 1'extérieur du Chriftianifme. On intrigua , on foufïla la caj lomnie. Trois femmes , diftinguées i par leur naiffance & par leurs ri:i cheffes, mirent en oeuvre tout leur art a former des cabales; elles fu• rent fecondées par les Officiers de la ; Cour. L'Impératrice Eudoxie étoit a ! leur tête. On avoit aigri fon efprit I par des rapports pleins de maligni(j té : on prétendoit que le Prélat la H défignoit dans fes difcours publics, 1 fous le nom de Jézabel. Plufieurs EI vêques convaincus de fimonie , & | qu'il avoit dépofés dans un concile, d'autres, jaloux de fes talents fupérieurs, fortifierent le parti. Le plus violent de fes adverfaires étoit Théophile, Evêque d'Alexandrie: celui-ci avoit fait les plus grands efforts pour traverfer 1'élecfion de Chryfoftöme; ! il ne pouvoit lui pardonner cette haute réputation de fainteté & d'éloquence qui 1'avoit elevé fur le fiege Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 404. Bdronius, Pagi ai Baron. TiU. vie ie S. Jean- Chryfoflé- merart.6$. 66 , 70. & vie ie Theoph. art. I5.I7» 1 8. Flenry ,' hifl.Ecclcf. I. 21. art, 9,11. VitaChryf. apui BB,.  Arcadius.Honorius. Thé o Dose II. An,n. 4°4' XXXIII. Son premier exil. Zof.l. 5. Soc. I. 6. c. 15. Theod. I. 5. c. 34. /. 8. *: 17. Theopfi. p. 67. Fotius cod. 59- Baronïus. Pagi ad Baron, lS6 fllST&IRE de Coaflanfinople, & qui i'y foutenoit avec éclat. La protection que Jean venoit d'accorder a des moines injuflement perfécutés par Théophile, aigriflbit encore cet efprit hautain & vindicatif. Ces moines, chafles d'Alexandrie , ayant préfenté une requête a 1'Empereur, le Prince manda Théophile , qui, après quelques délais, fe rendit k Conflantinople: Chryfoftöme reent ordre d'informer contre lui; majs il s'en excufa par refpect pour ce Prélat. L'argent & les intrigues de Théophile changerent bientöt la fcene. II étoit venu comme accufé ; la faveur de 1'Impératrice le rendit juge de Chryfoftöme. On fit venir a Conflantinople les Evêques qu'on favoit être mal-intentionnés contre le faint Prélat. Ses ennemis réunirent toute leur malice pour compofer un libelle d'accufations. Faute de crimes réels, ils en inventerent de faux, & lui en firent de fes vertus. Leur complot étant formé , un prétendu concile s'aflembla au Chelne , fauxbourg de Chalcédoine. Chryfoflöme y fut cité ; il refufa de comparoitre, a moins qu'on  bv Bas-Empire. Liv. XXVII. 187 ne confentit a exclure du nombre de fes juges, fesennemis déclarés, qu'il nomma. Ayant été condamné par contumace & dépofé, il appella de cette fentence au jugement d'un concile général. Arcadius fut prié par les Evêques de prononcer fur la peine qu'il méritoit. Le Prince, animépar Eudoxie, le condamna au banniffement. Cependant le Prélat ne faifoit aucune démarche pour conjurer la tempête. Sa voix, toujours libre & affurée , fe faifoit entendre dans l'Eglife de Conflantinople. Le peuple. zélé pour fon Pafteur, accouroit er foule ; les ouvriers quittoient leui travail, les laboureurs leurs campa^ gnes, les mariniers leurs vaiffeaux tous étoient prêts k mourir pour lui ils montoient la garde autour de 1 maifon épifcopale. Chryfoftöme, tro inftruit des maximes de 1'Evangile pour fe défendre contre 1'injuflice d fon Souverain, fe dérpba au zele d fon peuple; il fe livra aux Officiei chargés de le faire fortir de Con tantinople. On attendit la nuit , < on le conduifit au port d'Hiéron fi la cöte de Bithynie; d'oü il fe r( Aeca- dius. Honorius. Théodcse II. Ann. 404» TUI- rie de S. JeanChryf. art. 72 . 75- FUury, hifi. Ecclef. I. 21. art. 18, 19. 20, 21. Vita Chryf. apud BB, Cellar. Geog. ant, ' 3. c. 8. • §- 9- i > l } 1 e e 'S-. r- ir  Arcadius.Honorius.Théodose n. Ann. 404. XXXIV. Son retour.Chryf. t.}. p. 427. FaUad.vit. Chryfofl. Suc. 1. 6. c. 16, 17. Theod. I. 5- <■• 34.' Sc-i. I. 8. e. 18, 19. Cedrcn, p. 331- Theoph. p. 67. Zof.l. 5. TUL vie de S. JeanChryf. art. 76, 77. 79- VitaChryf epud BB, 188 HlSTOlRB tira dans la petite ville de Prénete, fur le golfe d'Aftaque , vis-a-vis de Nicomédie. Le lendemain , le peuple, inftruit du départ de Chryfoftöme , court au palais, demandant fon Evêque, accablant d'injures ce conciliabuleodieux , implorant la juftice de 1'Empereur. T01U retentiflbit de gémiflements & de cris. Sévérien, Evêque de Gabales, un des plus furieux adverfaires du faint Prélat, ayant voulu payer de hardiefle, & étant monté dans la chaire de la grande Eglife pour inveöiver contre Chryfoftöme, fut trop heureux de pouvoir échapper par la fuite a 1'indignation publique. L'Impératrice, effrayéede ce tumulte , demande elle-même le rappel de 1'Evêque : on envoye de tous cötés pour le chercher. Le Bofphore eft couvert de barques qui paflent en Afie. L'eunuque Brifon, ami fidele de Chryfoftöme , le trouve a Prénete , & le ramene a Conflantinople. Le Saint s'arrêta hors de la ville, ne voulant y rentrer qu'après avoir été juftifié par un autre 'concile, dont il demandoit la convocation. Mais il ne fut pas le.  du Bas-Empire. Lh. XXVII. 189 maitre de différer. Le peuple , fe croyant joué par ce délai qu'il attribuoit aux artifkes de la Cour, menacoit d'en venir aux extrêmités. Chryfoftöme fut donc obligé d'entrer dans la ville. On le recut comme en triomphe , accompagné d'un cortege innorabrable, qui , portant des flambeaux & chantant des hymnes, le conduifit a l'Eglife des Apötres. On le for§a malgré lui de s'affeoir fur la chaire épifcopale & de bénir le peuple. II pronon?a le lendemain un difcours, dans lequel, fans nommer Théophile, il le défigne fous le nom d'Egyptien, & le compare avec le Roi d'Egypte, qui, ayant.enlevé la femme d'Abraham, ' fut forcé, par la colere divine, de la rendre le lendemain k fon mari, fans avoir pu fatisfaire fa paffion criminelle. Eudoxie 1'envoya féliciter comme fi elle n'eüt eu aucune part k fon exil: elle lui proteftoit qu'elle s'eftimoit plus heureufe d'avoir procuré fon retour , que de porter le titre d'Impératrice. Théophile, opiniatre k lbutenir 1'honneur de fon jugement, voulut engager la Cour Arcadius.Honorius. Théodose IL Ann. 404.  Arcadius.Honorius.Thécdo"se II. Ann. 404, XXXV_. Second exil. Pallad.vit. Chryf. Cod. Th. 1. 16. tit. 4. leg. 4. Soc. I. 6. t. 18. Tktod. I. J. c 34. So{. /. 8. t. 20 , 21 , 2-2. Zof. I. 5. Profp. chr. Marcel, Chr. Chr. Alex. Theoph. p. 68. Cedren. p, 331. 190 IIlSTOIAE dans une nouvelle querelle. On craignit une fédition , & on lui impofa filence. Comme les Egyptiens, qui fe trouvoient alors en grand nombre a Conflantinople , déclamoient haurement contre 1'Evêque rappellé, le peuple i'rrité fe jetta fur eux; il y en eut de tués. Théophile, Sévérien* & leurs partifans prirent la fuite; & couverts de confufion, ils fe retirent dans leurs diocefes. Le faint Evêque ne jouit que pendant deux mois d'une tranquillité plus utile a fon peuple qua lui - même. Eudoxie avoit excité contre lui le premier orage : la flatue de cette Princeffe fut 1'occafion d'une perfécution encore plus cruelle. Cette fatale flatue fut pofée au mois de Septembre 403 , fur une colonne de porphyre, dans la place fituée entre l'Eglife ^ de Sainte-Sophie & le palais Impérial. Elle étoit d'argent : la dédicace en fut célébrée par des jeux de théatre, des danfes, & par toute forte de divertiffements tumultueux. Le bruit en retentiflbit dans l'Eglife ; & 1'Evêque , ne pouvant contenir fon indignation, laiffa échap-  du Bas-Empire. Ltv. XXF1I. 191 I per dans un difcours public quelques plaintes contre ces réjouiffances im- I portunes, qui troubloient le fervice | de Dieu. On eut foin d'envenimer i fes paroles en les rapportant a Eu!i doxie. La fiere Impératrice fe crut II perfonnellement outragée : elle ap1 pella de nouveau a Conflantinople, i ïes Evêques , ennemis de Chryfoftö1 me. Le zele des plus grands Saints ' n'eft pas toujours exempt d'amertu- me : Pintrépide Prélat, au-lieu d'u! fer de condefcendance pour adoucir la colere d'Eudoxie, 1'irrita davani tage. II commencaun fermonpar ces i mots : Voici encore Hérodiade en fur'u; I elle danfe encore ; elle demande encore la tête de Jean. Quoique le difcours que nous avons entre les mains, & \ qui débute par ces termes tranchants, j ne foit pas 1'ouvrage de ce véhément 1 orateur , mais la foible production 1 d'un fophifte oifif, 1'hiftoire ne nous i permet pas de douter que ces paroi les ne foient forties de la bouche de l. Chryfoftöme ; & c'eft un des faits I les plus fameux & les plus conftants I de ce temps-la. On peut juger de la 1 fureur d'Eudoxie; elle jura la perte Arcadius. Hororius.Théodo> se II. Ann. 404. Abulf. in Arcadio. TUL vit dc S. JtanChryf. art. So & fuiv. & not. 70, 79. Fleury, hifi. ectlef. L 21. art. 23 Sr fuiv. Vita Chryf. apud EB.  Arcadius.Honorius. Théodo se IT. Ann, 404 192 HlSTOIRB de 1'Evêque , & fit tout de bon le perfonnage qu'il ofoit lui attribuer. On invita Théophile k revenir ; il étoit trop orgueilleux pour reparoitre dans cette ville d'oii il venoit de , fuir avec honte; mais il envoya des inftructions & des émiffaires. L'Empereur refufa de venir a l'Eglife le jour de Noël, & fit déclarer a 1'Evêque qu'il ne communiqueroit pas avec lui jufqu'a ce qu'il fe fut juftifié. Chryibitöme, de fon cóté, ne demandoit d'autre grace que celle d'être entendu. Mais fes adverfaires redoutoient trop la force de fon efprit & de fon éloquence. Ils fuivirent une forme de procédure fuivant laquelle ils croyoient qu'il n'étoit pas néceflaire de Pentendre. Sans renouveller contre lui les anciennes accufafions, &c fans en intenter de nouvelles, ils prétendirent qu'il avoit encouru la cenfure portee par le concile d'Antioche , qui déclaroit incapable d'être jamais rétabli dans fon fiege, & indigne même d'être entendu en fes défenfes, tout Evêque, qui, condamné dans un concile , feroit rentré dans fon Eglife, fans avoir  du Bas-Umpire. Liv. XXV7I. 193 été auparavantabfousparunautreconcile. Chryfoftöme étoit aflifté de quarante-deux Evêques , qui lui étoient demeurés attachés. En vain ils repréfenterent au Prince que la dépofition de Chryfoftöme n'étoit qu'un afte de violence, un vrai brigandage; qu'il avoit été rappellé par rEmpereur même , & qu'il n'avoit ceffé de demander un c'oncile pour y juftifier fon innocence. Eudoxie ne permettoit a l'Empereur de rien écouter; &, par une loi du 19 Janvier 404, ce Prince défendit a tous les Officiers de la Cour 6c de la Magiftrature , d'affifter a des conventicules féditieux , fous peine de privation de leurs charges 5c de confifcation de leurs biens. 11 appelloit ainfi les aiïemblées des fideles, auxquelles préfidoit Chryfoftöme. On peut lire dans 1'Hiftoire Eccléfiaftique, les défordres qui fuivirent. On y voit 1'audace des perfécuteurs, qui raffurent la confcience allarmée de 1'Empereur, 6c qui forcent les Magiftrats a la cruauté ; les violences excercées fur les Prêtres 6c fur le peuple ; la fête de Paque , qui arriva cette année le 17 Avril, enfanglan- Tome VU I Arcadius.Honorius. Théodose II. Ann. 404,  Arcadius.Honorius.Théodo- se ii. Ann. 404. 194 HlSTOlRB tée par des meurtres; la profanatlon des laints myfteres; les Eglifes changées en prifons ; les tortures employees pour forcer les fideles k ahathématifer leur Evêque ; des aflaflins deux fois apoftés pour tuer Chryfoftöme, qui obtient leur grace ; 1'aveuglement du Prince , qui, trompé par des Prélats hypocrites, ferme les yeux k leurs forfaits , &c les oreilles aux remontrances & aux plaintes les plus juftes. Ce fut alors qu'Honorius écrivit at fon frere pour lui repréfenter les maux de l'Eglife, & 1'exhorter k faire cefler ces violences. La lettre fut inutile. On n'eut pas plus d'égard k la propofition faite par le Pape Innocent, de convoquer k Rome un concile général, afin d'appaifer tous ces troubles. Les Evêques ennemis redoublerent leurs inftances pour obtenir 1'exil de Jean. Eudoxie les appuyoit, & le foible Prince y confentit. Le 10 de Juin, il fit fignifier au Prélat qu'il eut k fprtir de Conflantinople. Chryfoftöme obéit; il fit fes adieux aux Evêques qui ne 1'avoient pas abandonné; il exhorta fon clergé a fe fou-  du Bjs-Empire. Liv. XKFI1. 197 découvrir. Optat, Préfet de Conftantinople, pay en & ennemi des Chrétiens, ne leur épargna pas les rigueurs. Pendant plus de deux mois, on tourmenta des Prêtres, des Diacres, des femmes, de jeunes enfants : quelques -uns moururent au milieu des fupplices , fans qu'on en put tirer aucun aveu ; & la caufe de cet incendie demeura inconnue. L'Empereur fit enfin ceffer par une loi ces informationscruelles; mais il ordonna en même-temps de faire fortir de la ville tous les Evêques & les Clercs étfangers, & de faifir toutes les maifons qui leur donneroient retraite, ou qui ferviroient aux afiemblées de ceux qui fe fépareroient d'Arface. C'étoit le nouvel Evêque élu fept jours après le départ de Jean. II étoit agé de quatre-vingts ans, fans talents &£ fans autre mérite que d'être frere de Nectaire, prédéceffeur de Chryfoftöme, &c de le prêter avec complaifance a toutes les volontés de la Cour. On Ie payoit ainfi des témoignages qu'il avoit portés contre le Saint. II ne put fans parjure monter fur le fiege de Conftantinople. Son frere 1'ayant I ii; Arcadius.Honorius.Théodo- se ,11. Ann. 404.