HISTOIRE D U BAS EMPIRE. T O ME SEPTIEM E.  I  HISTOIRE d u B ASEMPIRE, EN CO MMENgANT a CONSTANTIN le Grand. Par Monfieur L E B EAU, Profeffeur Émirite en W' nive rsitè de Paris l Profejfeur d'Éloquence au College R o ya l Secretaire ordinaire de Monseigneur le Duc d'0'rlea ns , & ancien Secretaire perpétuel de l' Académie Royale des Inscriptions et Belles-Lettres. tome septiem e. a MAESTRICHT, Chez Jean-Edme Dufour & Phil. Roux, Imprimeurs-Libraires, aflociés. M. D Ó C. LX XX.   FAS TE S CONSÜLAIRES Des années dont 1'hiftoire eft contenue dans ce Volume. • Ann, Fxavius Avitus Marianïnus & Asclepiodo- TUS. • 415 O.STINUS & VlCTOR. 424 Theodosius Aug. XI & Valentinianus Csfar. 4a; Theodosius Aug. XII & Valentinianus Aug. I!. 426 Hierius & Ardaeurius. 427 Flavius Constantius Felix Victor & Tau- RUS. 42S Florentius & Dionysius.. 429 Theodosius Aug. XIII & Valentinianus Aug. III. 430 Bassus & Flavius Antiochus» 431 Flavius Aetius & Valerius. 432 Theodosius Aug. XIV & Petronius Maximus. 435 Areobindus & Aspar. 434 Theodosius Aug. XV & Valentiniakus Aug. IV. 435 Flavius Anthemius Isidorus & Senator. 436 Aetius II & Sigisvultus. 437 Theodosius Aug. XVI & Anicius Acilius Gla- brio Faustus. 438 Theodosius Aug. XVII & Festus. 439 Valentinianus Aug. V Sc Anatolius. 440 Cyrus folus. 441Eudoxius & Flavius Dioscorus. 442Petronius Maximus II & Paterius. 443 Theodosius Aug. XVIII & C^ecina Decius Al- binus. 444 Valentinianus Aug. VI & Nomus. 445 Aetius III & Q. Aurelius Symmachus. 446 Axypius & Ardaburius. 447 Rufius Pratextatus Postumianus & Flavius Zeno. 's 448 Protogenes & Asterius. 449 Valentinianus Aug." VII & Genhadius Avie» nus. 4jo ' Tornt VII. *  FASTES CONSULAIRES. Ann.' Ftxvius Marcianus Aug. & Adelphius. 45^1 Sporacius & Flavius Herculanus. 452 VlNCOMALUS & OriLIO. 453 Aetius & Studius. 454 Valentinianus VII & L. Anthemius. 451; Varanes & Joannes. 456 Flavius Constantius & Rufus. 457 Flavius Leo Aug. & Julius Valerius Ma- jorianus Aug. 458 patricius & RlCIMER. 459 Magnus & AruLLumus. 460 Severinus & Dagalaïphus. 461 Flavius Leo Aug. II & Libius Severus Aug. 462 Flavius Cscina Basilius & Vivianus. 465 Rusticius & Flavius Anicius Olibryus. 464 Armanaricus & Flavius Basiliscus. 465 Flavius Leo Aug. & Tatiajots. 466 PUSEVS & JOAHHES. 467 SOMMAIRE  1- 5 OMM AI RE d u LIVRE TRENTE-UNIEME. ï. ThÉ o do se , Empereur £ Oriënt & cFOccidmt. li. Jean ufurpe l'Empin eTOccldcnt. m. Commencements d'Aetius. IV. Thiodofe fe ditermine a ètablir Valtntinitn dans VEmpire d'Occident. V. Guerre contre Jean. vi. Prife & mort de Jean. vil. Vaüntinien III Empereur. vin. Premières loix de Valentie men. IX. Loix de Thiodofe. x. Modé-. radon de Thiodofe. XI. Incurfwn des Huns. xii. Les Goths affegent Arles. XIII. Conduite de Boniface en Afrique. Kiv. Changement de Boniface. XV. Sa révolte, xvi. Genféric, Roi des Vanda~ les. XVII. II paffe en Afrique. Xviir. Les Francs obliges de repaffer le Rhin. XIX. Attaques des Barbares. XX. Guerres des Sueves en Efpagne. XXI. Etat de 1Afrique. xxil. Boniface rentredansfon devoir. xxin. Cruautés des Vandales* XXiv. Vices des Afrïcains. XXV. S'uTome VIL A  I a Sommaire du Liv. XXXI'. ■ge iHippone. xxvi. Succes a"Aetius.. xxvii. 5, Germain d'Auxerre remporu une vicloire fur les Saxons & les Picles.. xxviii. Défaite de Boniface. xxix. Troubles a Conjlantinople. xxx. Nejtorius , Evêque de Conjlantinople. xxxi. ■Conduite de Nejtorius au commencement de fon Epifcopat. xxxii. Loix contre la projlitution. xxxiii. Loix contre les kéréüques. xxxiv. Convocation du Concile d'Ephefe. xxxv. Concile d'Ephefe. xxxvi. Suite de Ühijloire du Nejlorianifme. xxxvii. lmpofiure d'un Juif, xxxviii. Mort de. Boniface. xxxix. Aetius rétabli. xl. Aventures de Sébaftien. xli. Embrafement a Conjlantinople. xlh. Loifur les biens des Eccléjiaftiques & des Moines. xliii. Honoria chaffée de la Cour. xliv. Divers événements en Oriënt. xlv. Paix avec Genféric. xlvi. Révolte des payfans. xlvii. Soulevement des Armoriques. xlviii. Défaite des Bourguignons. xlix. Guerrt .des Bourguignons & des Huns. l. Nar^ ibowiÊ dfjiégée par les Fijigoths^  H I S T O I R E D U BA SE MP IR E. L IVRE TRENTE-ÜNIE ME. THÉODOSE II, VALENTINIEN III. HONORius , monrant fans poftérité , laiffoit a Théodofe un droit léghime fur PEmpire d'Occident. Le jeune Valentinien ne pouvoit y prétendre que du chef de fa mere Placidie. Mais cette Princeffe étant née de Galla, feconde femme du grand Théodofe, ne venoit k la A ij The o do» se II. Ann. 423. I. Théod». fe * Empe» reurd'O*. :ident, Sócr. L % :. 23. idac„ ctr*  Théodo- se II. Ann. 423. II. Jeanufurpe 1'Empire d'Occidem.Soc. 1. 7. t. 23. Profp. chr. Idac. chr. Marcel, ehr. . Philofi. 1. 2. f, II. 4, H I .S T 0 I R E fucceffion impériale qu'après les enfants de Flaccille , première femme de ce Prince. Théodofe n'avoit voulu reconnoïtre le titre d'Augufte ni dans Conftance, ni dans Placidie, qui, retirée depuis pen a la Cour d'Orient avec fon fils Valentinien, n'y étoit confidérée que par fa qualité de tante paternelle de 1'Empereur. Lorfque Théodofe eut rec^i la nouvelle de la mort de fon oncle, il la tint cachée pendant quelque temps , jufqu'a ce qu'il eut fait les difpofitions néceffaires pour s'affurer de 1'Occident. Dans ce deffein, il fit fecretement filer des troupes en Dalmatie du cöté de Salone, efpérant par ce moyen prévenir les troubles auxquels fon éloignement pouvoit donner occafion. L'ambition d'un homme, qui fembloit être peu redoutable, rompit toiU tes ces mefures. Jean, Secretaire d'Etat d'Honorius, appuyé de Caftin , Général des troupes d'Occident, prit le titre d'Empereur. II avoit été employé dans les négociations avec Alaric , dont il étoit eftimé ; c'étoit peutêtre le m'ême qui avoit reju du ty-  du Bas-Empire. Liv. XXXI. 5 ran Attale la charge de Maïtre des offices. On le repréfente comine un homme doux & affable , prudent & auffi vertueux què peut 1'être un ufurpateur , fourd k la calomnie , modéré , & qui ne fe permit aucune action de cruauté ni d'avarice. Dès les premiers jours de fon ufurpation, il députa vers Théodofe pour en obtenir la paix. Ses Envoyés furent arrêtés, jettés en prifon, &c enfuite relégués dans les ifles de la Propontide. Selon quelques Auteurs, Théodofe fe contenta de les traiter avec mépris, & les renvoya avec une réponfe menac:mte. Ce procédé annon^oit la guerre. Jean s'y prépara, en donnant la liberté aux efclaves, pour en faire des foldats, & en appellant les Huns a fon fecours. II leur envoya pour eet effet Aetius, qui s'étoit déclaré en fa faveur, & qu'il récompenfa de la charge de Maïtre du palais. II eft temps de faire connoïtre ce perfonnage célébre, grand Capitaine & rufé politique, qui fauval'Empire, & fittrembler 1'Empereur; un de ces génies puiflants 6c dangereux, que leur proA üj THÉono'- SE II. Ann. 423* Proc. Evand. L l. c. 3. Greg. Tur, l 2. c. 8. Valef. rsr. Fr. I. 3. Noris hifi. Pil. Li. e. 22. TUI. VaÜnt. III. art. I. Ann. 424.' III. Commen- cement d'Aëtius. Profp. chr. Sidon. carm. J. Jorn. de reh. Get. c. 34- Greg. Tur. f. 2. c. 8. Valef. rer. Fr. I. 3. TUI. Valent. III. art. I.  Théodo- se II. Ann. 424. 1 1 i 1 t 1 3 ö ff I S T o r 3. E pre force détruit, & que leur éiévation précipite. II étoit né a Doroftore en Méfie.. Son pere Gaudence, le plus diftingué de laProvincede Scythie, ayant fervi avec réputation, parvint Ua dignité de Général de la cavalerie Romaine & a celle de Comte d'Afrique , après la mort de Gildon. II Exécuta les ordres d'Honorius pour la deflruöion des idoles de cette Province, & quelque temps après, il fut tué en Gaule par des foldats mutinés. Son fils Aëtius, né d'une mere Itatienne très-noble & rrès-riche, fut ilevé entre les gardes de 1'Empereur, & pafTa trois ans auprès d'Alaric, aujuel il avoit été donné en ötage. Dans ■et état d'inaction, fon génie ardent k attif fit une profonde étude de la 'Serre, dont le camp d'Alaric étoit dors la meilleure école. Le Roi des Soths reconnut fes talents : i! le re-> lemanda encore pour étage quelque emps après ; mais Honorius le refufa, Sc 1'envoya en cette qualité chez les iuns. Aëtius., fort femblable a 1'an:ien Alcibiade, &c propre a prendre oute forte de carafteres, fe fit ainer de cette nation , dans le temps  du Bas-Empire. Liv. XXXI. 7 menie qu'il s'inftruifoit de fes forces & de fa maniere de combattre, pour fe mettre en état de la vaincre un< jour. Revenu k la Cour, il s'acquit une grande coniidération par fes qualités perfonnelles.. fl étoit de taille moyenne & bien proportionnée, d'ure air maled'un tempérament vigoureux, infatigable, & fupportant aifément la faim, la foif, les veilles;: adroit aux exercices du corps, & trésinftruit des connoifTances qui font 1'ornement de 1'efprit; d'une droiture inflexible lorfque fon ambition n'étoit pas intéreffée; libéral; auffi prudent que courageux ; fon ambition, déguifée avec adreffe, ne fembloit être que grandeur d'ame. Cette paffion fut encore animée par le caraclere de fa femme, fille de Carpilion , Comte des domeftiques. Elle defcendoit d'une familie Royale des Goths, & porta dans Ia maifon d'Aëtius la flerté barbare qu'elle tiroit de fon origine. Brülant du defir d'élever fes enfants a 1'Empire, jaloufe de tous ceux qui leur faifoient ombrage elle auroit, par fes confeils fanguinaires, fait périr Majorien, don,t le mérite fembloit la A, iv Ihéodo- se II. Aan, 414-j  Théodo- se II. Ann. 414, IV. Théodofe fe détermine a établir Valenti»iien dans 1'Empire d'Occi- . «lent. Socr. I. 7, t. 23, 24. Philofi. I. 12. c. II. Profp. chr. ldac. chr. Marcel, chr. Chr. Alex. Olympiod. Proc. Vand.l,\, e. 3. & H 1 S T 0 I X E menacer qu'il feroit un jour leur maïtre , fi elle eut trouvé dans fon mari une ame auffi cruelle que la fienne. Tel étoit Aëtius, que Jean envoya chez. les Huns; il lui étoit facile d'obtenir des fecours de cette nation guerriere. II avoit ordre d'attendre que les troupes de Théodofe fufTent entrées en Italië, & de venir enfuite leur couper la retraite, & les charger par-derriere , tandis que Jean les attaqueroit de front. Le nouveau tyran, fuivant 1'exemple des Empereurs, prit le titre de Conful, le premier de Janvier de 1'an 424. II fe donna Caflin pour collegue. Son Confulat ne fut point reconnu dans 1'Empire d'Orient, ou Viftor fut revêtu de cette dignité par Théodofe. La révolte de Jean fit connoïtre k ce Prince combien il lui c'toit difficile de contenir les deux Empires fous fon obéifTance. II fe détermina donc k céder 1'Occident k fon coufin. II confentit enfin k donner k Placidie la qualité d'Augufte, qu'il lui avoit refufée jufqu'alors , & il conféra & Valentinien celle de Nobiliffime. II les fit auffi-töt partir pour 1'Italie avec  nü Bas-Empire. Liv. XXXI. 9 une armee nombreufe, fous !e commandement de trois Généraux. C'étoient Ardabure , qui venoit de fe fignaler dans la guerre contre les Perfes, Afparfon fils,& Candidien , attaché depuis long-temps a Placidie. Lorfqu'ils furent arrivés a Theffalonique , Heiion , Maïtre des offices , envoyé par Théodofe, revêtit lë jeune Valentinien de la pourpre des Céfars. Ce Prince n'avoit encore que einq ans; ce qui n'empêcha pas Théodofe de lui flaneer fa fllle Eudoxie , agée feulement de deux ans. Le mariage s'acoomplit treize ans après. H paroït par la fuite de 1'hifloire que Théodofe abandonnant 1'Occident a Valentinien , fe réferva la poffeffion de i'Illyrie occidentale. L'année étarrt trop avancée pour entreprendre de pafïer les Alpes, 1'armée s'arrêta fut les frontieres de Dalmatie, oü elle demeura pendant l'hy ver. Tout FOc1 cident reconnoilToit Jean pour Empereur, a 1'exception de 1'Afrique, oü Boniface commandoit. Ce guerrier intrépide & fidele a Placidie , qu'il n'avoit ceffé de fecourir depui: fa difgrace, maintint la Province dan: A v Théodo- se II. Ann. 424. Theoph.p. 7*- Greg. Tur. I. 2. c. 8. Thcoph. Rain. ex mf. Profp. Sirm. not. apud Sidon, p. lij. Pagi ad Bar. Tilt. Theod. II. art. 15. Noris- hifi. Pek l. 1. c. 24.  G DOSE II. Ann. 424. Ann. 42;. V. Guerre contre Tean. Socr. I. 7, c. 23. Olympiad. Philojl. I. 12. c. II. Cod. Th. L. 10. Ut. ï o. leg. 3 3. X. 16. ///, 3. % 47 '& /ii God, ( ] ] 1 1® HlSTOIRE la foumiffion a fes maitres légitimes» Le tyran y envoya des troupes; mais cette diverfion n'eut d'autre efFet que d'affoiblir 1'armée, dont il avoit befoin en Italië. II y eut cependant quel» ques troubles dans la Gaule. Exupérance , Préfet de cette Province &r réfidant a Arles , fut tué dans une fédition par les foldats; & Jean laiffa ce crime impuni. Le tyran ne eroyant pas encore fa puiffance af?_rmie, n'ofoit fortir de Ravenne. II craignoit fur-tout les principaux de Ia ville de Rome & les Evêques attachés k leur légitime Souverain. Au-lieu de travailler k les gagner par des bienfaits, il dépoiiilla le Sénat de Rome, & les Eglifes de leurs privileges.. Il öta la jurifdiclion aux Evêques, & ordonna que les caufes eccléfiaftiques fuffent pertées fans diftinclion pardevant les Juges féculiers. II fe vit bientöt fur les bras toutes les forces de 1'Orient. Au retour hi printemps, les Généraux de Théolofe prirant de force la ville de Saone en Dalmatie. S'étant enfuite fé>arés , Ardabure s'embarqua fur la ner Adriatique pour paffer en Italië -s  du Bas-Empire. Liv. XXXI.' n Afpar, a Ia tête de la cavalerie, marcha en diligence vers Aquilée, conduifant avec lui Placidie & Valentinien ; Candidien employa le refte des troupes a réduire les autres Places qui s'étoient foumifes au tyran. Afpar furprit Aquilée. Mais Ardabure ne fut pas fi heureux; une violente tempête 1'ayant jetté du cöté de Ravenne , il fut pris avec trois de fes galeres. Cet accident caufa d'abord de mortelles inquiétudes a fon fxls & a Placidie. La marche des Huns qui, fous • la conduite d'Aëtius , approchoient ! de 1'Italie , redoubloit leurs allarmes. ' Mais la.prife d'Ardabure fut le falut ; de Valentinien. Le tyran traita fon ' prifonnier avec honneur, efpérant ' par fon moyen engager Théodofe a , un accommodement. Le Général , adroitck infmuant, parut entrer dans ' fes vues, tandis qu'il travailloit four- ' dement a gagner les foldats déja mé- ' contents de 1'ufurpateur. Lorfqu'il fe 1 crut affuré du fuccès, il le fit favoir ; a fon fils-, qui marcha auffi-töt vers ' Ravenne. Pour entrer danscette ville, ; il falloit traverfer un marais qu'on A vj Théodo- se II, Ann. 42?, VI. Prife & nort de ean. loer. I. 7. . 23. "hit.1.12,. . 11, 12* ?lympiod. yrofp. chr. Marcel, hr. CaJJiod. hr. dac. chron. Cod. Th. .4. til. 14. eg. unie. Proc. 7and. I. i. • 3- fheoph. p. '3-  ThéodO' SE II. Ann. 425. Greg. Tur. I. 2. e. S. Valef. rei: Fr. I. 3. Pagi ad Sar. Norii. hifi. Pel. I. i. t. 14. ï£ HlSTOlRE. croyoit impraticable. Un berger s'ofc frit k conduire Afpar & fa cavalerie par un gué qui n'étoit connu que de lui feul. On accepta la propofition , & le berger tint parole. Les habitants étant dans une pleine fécurité, Afpac trouva les portes de la ville ouvertes : les foldats de Jean, après une légere réfiftance , le livrerent aux ennemis. II fut envoyé k Aquilée, 011 Placidie fe vengea de ce malheureux par les outrages les plus cruels. On lui coupa la main droite,. & après 1'avoir promëné fur un ane dans le Cirque, oü il fut expofé aux infultes d'une populace effrénée , on lui traneha la tête. II avoit régné prés de deux ans. Caftin fut exilé en Afrique , Sc abandonné a la difcrétion de Boniface, qu'il avoit outragé. Humilié par la difgraee, il fe jetta k fes pieds, & trouva un afyle auprès de eet ennemi généreux. Selon la date d'une loi du Code Théodofien , Symmaque lui fut fubftitué dans le Confulat. Tout réuffilToit au gré de Placidie. Candidien fit en peu de jours la conquête de la Dalmatie, de 1'Iftrie U de la Pannonie. II ne reftoit plus  du Bas-Empirz. Liv. XXXI. ^ 13 t d'ennemis que les Huns, qui arrivé- ; rent au nombre de foixante mille trois jours après la mort de lufürpateur. Afpar leur livra bataille; il y eut de part & d'autre un grand earnage, fans événement décifif. Enfin, Aetius fit fon traité avec Placidie, recut le titre de Comte, & engagea les Huns a force d'argent k reprendre la route de leur pays. Théodofe apprit la défaite de Jean, lorfqu'il célébroit les jeux du Cirque k Conftantinople.. II qnitta auffi-töt le fpeftacle, invitant Je peuple a yenir rendre graces a. Dieu de la victoire accordée a fes armes. Tous les fpeftateurs fuivirent fon exemple, & chantant deshymnes, ils accompagnerent 1'Empereur k 1'Eglife, oü ils demeurerent tout le jour. II partit peu de temps après , dans le deffein d'aller lui-même en Italië, pour y donner au jeune Céfar le titre d'Augufte, & pour affermir l autoeité du nouyel Emperenr. Mais une maladie 1'arrêta k Theffalonique. II chargea Hélion., devenu Patrice, de porter k fon coufin les ornements impériaux, & revint a Conftantinople. Kélion fe ren- [hÉODO" SE lL Vnn. 42 j. vir. Valentinien Em* pereur. Socr. I, 7. e; 23. 24i Phil.1 IZ. c. ir. Profp. chn Idac. chn Marcel. chr. . Olymplorl. Chr. Alen Greg. tur. h 2. c. 8. Pagi ad Bar. Grut; infcr. V.  Théodoi se II. ValentinienIII. Ann. 42 j, VIU. Premières loix de Valentinien.Cod. Th. 1. A' tit. ii. lég. 3. L. 6. tit. 2. leg. 14. L. 10. io.%33. L. 16. tit. 2. leg. 46, 47. etc j. ^62,63, 64. T't. 7. leg. 7- tit. S. leg- 2S. Nov. Valent. 2 & 12. CW. Juff. ( i. fit. 14. % 4- T4 TI I S T O I R: B-, dit a Rome , oh Placidie & Valentinien vinrent le trouver de Ravenne; Valentinien ,.. qui étoit dans fa feptieme année , fut proclamé Empereur le 23 Oclobre, Ce fut apparemment dans ce même temps que fa foeur Honona fut auffi nommée Auguiie. Le gouvernement de 1'Empire, pendant Je bas age du Prince,.fut confié a Placidie. Le premier foin de cette PrincefTe firt d'infpirer a fon fils 1'horreur de 1 heréfie & Ie refpeft pour lEglife ;, qualités très-eftimahles dans un Souverain , mais qui ne purent couvrir le vice d'une éducation molle & ef-_ féminée. Sa mere travailla plus a for> mer fa croyance que fon efpritni lès. mceurs^ auffi fut-il toujours très-catholique, fans être jamais chrétien.. Lorfqu'il n'étoit encore mie Céfar, Placidie fit publier en fon nom plufieurs loix contre les hérétiques& les fchifmatiques : ils furent bannis loin des villes , de crainte que leur poifon ne s'y répandït. II refioit encore quel?ues étincelles du fchifme d'Eulale,. Sc fes anciens partifans refufoient de •econnoitre h Rape Céleftin, qui avoit  hu B/ts-Empire: Li'j. XXXI. 15 fuccédé a Boniface, Vingt ans après? Valentinien renouvella contre lés Manichéens en particulier la rigueur dè toutes les loix précédentes. Les devins &£ aftrologues furent traités comme les hérétiques. Placidie adrefTa a Patrocle, Evêque d'Arles , uneConftitution par laquelle les Evêques Pélagiens étoient invités a revenir de leur erreur dansl'efpace de vingt jours; iinon ils étoient menacés d'être chaffés de leur fiege. II y a grande apparence que Patrocle , Prélat fimoniaque, & qui vendoit le facerdoce a prix dargent, avoit follicité cette loi pour avoir un prétexte de perfécuter fes ennemis ; car on ne voit par aucun monument hiftorique qu'il y ait eu en ce temps-la dans la Gaule des Evêques Pélagiens. Cette même Conftitution défendoit aux Juifs d'exercer la profeflion d'Avocat qu'Honorius leur avoit permife , de fervir dans les armées, d'avoir aucun efclave chrétien. Jean avoit aboli les privileges desEglifes; Placidie les rétablit, & rendit aux Evêques la jurifdicrion dont ils avoient joui dans les caufes eccléfiaftiques, Au commencement de 1'art Théodo- se II- Valen- tin1en III. Ann. 425 . Sirmond. Conc.GalL . t. 1. p. 54. & append, Cod. Th. Baronius. Pagi ai Bar,  Théodo- se U. ValentinienIII. Ann. 415. 16 !~f I S T 0 ï R E 416, Valentinien 'ayant le titre d'Empereur, on publia encore fous fon nom deux loix favorables a la Religion : par 1'une, les apoftats font privés du droit de tefter & de rien recevoir, foit par donation , foit par teftament; par 1'autre, les teftaments, des Juifs qui désbéritent leurs enfants eonvertis au Chriftianrfme, font déclarés de nul effet, & leurs enfants font rétablis dans leurs droits. Placidie fongea dans le même temps a concilier k fon gouvernement rafTecriorr des peuples. Le Sénat ofFroit en hommage au nouvel Empereur une fomme d'argent confidérable; elle en remit une partie aux Sénateurs, & fit préfent du refte a la ville de Rome» Elle impofa fdence aux délateurs, qui fe préparoient a faire retentir les tribunaux d*accufations contre les partifans du tyran. Celui-ci avoit donné la liberté aux efckves pour les enröler dans fon armee; Placidie les fit rentrer fous le pouvoir de léurs maitres, & interditaux afFranchis le fervice militaire. Elle remit le Sénat en poffeffion de fes anciens privileges.. Sous le regne d'Honorius, lesfermiers  du Bas-Empïre. Liv. XXXI. 17 du Domaine avoient ufurpé fur les autres fujets une forte de tyrannie : a la faveur des titres dont ils fe faifoient décorer, ils fe prétendoient exempts de répondre aux Juges ordinairesjilstroubloient même 1'exercice de la Juftice , protégeant leurs créatures, s'ingérant dans les affaires publiques & particulieres, abufant en toutes manieres de leur credit. Tout ce manege d'intrigues & de faveur leur futinterdit; ils furent dcpouilles de tous les titres qu'ils ufurpoient, & obligés k fe foumettre k 1'ordre judiciaire tel qu'il étoit réglé par les loix, qui, felon les termes de cette ordonnance , commandent aux Princes memes. Cette maxime fi précieufe au genre humain, & qui fait la principale différence du defpotifme & de h monarchie , fut quatre ans après publiée k la face de tout 1'Empire d'Oc cident par une loi expreffe, qui me rite d'être rapportée en entier : L Majejié (ouveraine fe fait honneur en re connoiffant quelle eft foumife aux loix La puiffance des loix fait le fondemen de li nótre. II ya plus de grandeur rèeh le ; c'étoient des courfes de chars, jui obligeoient a de grandes dépenes.Ifidore, Préfet d'Illyrie, ayantre'refenté k 1'Empereur 1'état d'indience oü fe trouvoit la ville de Delhes 5 comprife alors dans cette Pro»  du Bas-Empire. Liv. XXXI. 19 vince , il difpenfa toutes les villes d'Illyrie de ces contributions, défendit de les exiger, & ordonna que chaque ville ne feroit obligée qu'aux fraix des jeux qui fe donneroient dans fon enceinte. Théodofe le Grand avoit interdit les fpeciacles les jours de Dimanches; Honorius étendit cette défenfe aux jours de fêtes , & Théodofe le Jeune y ajouta le temps depuis Paques jufqu'a la Pentecöte. Les Provinces ne pouvoient députer a 1'Empereur, fans avoir auparavant communiqué aux Préfets du Prétoire le contenu de leurs requêtes. Ceux-cis abufarit de leur autorité , s'étoientattribué le droit d'y répondre eux-mê' mes-; en forte que le Prince n'étoil plus inftruit des befoins de fes fujets, Théodofe réprima par une loi cette ufurpation des Préfets; il ordonm que les Députés fuffent introduits ï fon audience y pour lui préfenter leur: plaintes ou leurs demandes. Les ter res données par le Prince ou dé chargées des impofitions ordinaires payoient une taxe dans les befoin: de 1'Etat: Théodofe régla cette taxe afin qu'elle ne dépendït pas du capri Théod©;' se II. "Valentinien III. Ann. 4iji k  Tiiiono- se II. Valentinien m. Ann. 425, j 1 ] 1 ] 1 20 H I S T O I Z E ce des Gouverneurs : il ne 1'exigea jamais avec rigueur, & fit fréquemment des remifes de ce qui reftoitdü au fifc. Mais la loi laplus célebre de ce temps-la, eft celle qui établit la prefcnpnon de trente ans, après lefquels les droits dont on a joui paifiblement & fans réclamation pendant cct intervalle, ne peuvent plus être difputés: loi utile a la fociété civile, afin que les procés & les querelles ne puiffent éternellement lé reproduire, & que 1'état & les polTefiions des particuliers ne flottent pas dans une perpétuelle incertitude. Valentinien adopta cette loi vingt-cinq ans après pour lïmpire d'Occident. Théodofe fut le premier qui donna une forme conftante a 1'Académie de Conftantino?le. II fonda vingt chaires de Gramnaire, dix pour la langue Latine , auant pour la langue Grecque; huit chai•es de Rhétorique , cinq de R.hétoriuie Grecque , trois de Latine ; une )our la Philofophie, & deux pour la urifprudence. II afligna des claffes fé)arées fous les portiques du Capitole. 1 défendit a tout autre maïtre de donier des lecons publiques ; Sc a ces  du Bas-Empire. .Lh. XXXI. 21 profefleurs du Capkole , d'enfeigner dans aucune maifon particuliere, fous peine de perdre les privileges attachés k leur profeflion. Ces privileges étoient confidérables: après vingt ans d'exercice, ils étoient honorés du titre de Comtes du premier ordre, &c alloient de pair avec les Lieutenants des Préfets du Prétoire. Pour être admis a ces places diftinguées, il falloit fubir un examen en préfence du Sénat; c'étoit cette augufte compagnie qui jugeoit du mérite des prétendants; on exigeoit d'eux une probité irréprochable, le fond de la fcience, la facilité de la produire au-dehors, 1'intelligence des auteurs, & 1'érudition propre de leur art. La principale vertu de Théodofe & celle qui faifoit le fond de fon caractere, étoit une fage & noble modeftie. Placé entre Dieu & fes fujets, il appercevoit 1'efpace immenfe qui le féparoit de la Divinité, & 1'étroit intervalle qui le diftinguoit des aiitres hommes. II ne put fouffrir les hommages prefque divins qu'une adulation paffée en coutume rendoit aux itatues des Empereurs. On les ornoit TlIÉODO^ se II. ValentinienKL Ann. 425,' X. Modération de Théodofe. Cod. Th. I, 15. tit. 4. leg. unie. & ibi Paraut' Ion. Vitte Patrum part. 2. c. 14. Cedren. p, 33?-  3"HÉ0t>0se II. ValentinienIII. Ann. 42 j. S2 PI 1 S T O ƒ R~S de fleurs, on bruloit devant elles de Pencens & d'autres parfums, on fe profternoit a leurs pieds. 11 profcrivit ces honneurs idolatres, & ordonna de réferver a 1'Etre fnprême tous ces fignes d'adoration , qui ne peuvent convenir aux hommes, quelque élevés qu'ils foient. On raconte que ce Prince s'étant éloigné de fes gens dans une chaffe, ar-riva fort fatigué k une cabane écartée : c'étoit la celluie d'un Anachorete, qui étoit venu d'Egypte s'établir dans le voifinage de Conïtantinople. L'Anachorete le prit pour un Officier de la Cour, & le recut avec honnêteté. Ils firent la priere, & s'af[irent. Théodofe entra en converfation, & lui demanda ce que faifoient les moines d'Egypte : lis priem pour nous, répondit le Solitaire. L'Empereur jettant les yeux de toutes parts, ne vit dans la celluie qu'une corbeille ou étoient un morceau de pain & un vafe plein d'eau. Son höte 1'invita a manger & k boire. Le Prince 1'ac* cepta; & après ce repas frugal, s'é% tant fait connoïtre pour ce qu'il étoit , commeleSolitairefejettoitafespieds, il le releva^ en lui difant: Que vous  Txv Bas-Empire. Liv. XXXI. z§ 4tts htunux , rnon pere , de vivre foin des affaires du Jiecle ! Le vrai bonheur nhabite pas fous la pour pre. Je n ai jamais trouvè de plus grand plaijir qua manger votre pain & d boire votre eau. En même-temps fes gens qui le cher•choient étant arrivés, il partit en fe recommandant aux prieres de 1'Anachorete. Celui-ci craignant que cette aventure ne lui attirat quelque confidération , quitta fa celluie, & s'enfuit en Egypte. Pendant que Théodofe & Placidie s'occupoient a réformer les abus qui s'introduifoient de plus en plus dans les deux Empires, les Huns , mécontents du peu de fuccès de leur expédition précédente, fe jetterent dans la Thrace, tk ravageant tout le pays, marcherent vers Conftantinople, ne menacant-de rien moins que de la ruiner de fond en comble. Théodofe n'ayant point alors de troupes a leur oppofer, eut recours aux prieres, & le Ciel prit fa défenfe. Plufieurs de ces fcarbares fur ent tués de la föudre" avec Rougas leur chef; la pefte défola le relle de leur armée, & ils furent contraints de regagner le Da»ube. II y Théodo se II. ValentinienIII. Ann. 4ïf» Ann. 416. XI. Incurfiors des Huns. Socr. I. 7. r. 43. Theod. I. 5. c. 36. Theofh, 73.  Théodo- SE 11. Vaien- TINIEN III. Ann. 416. XII. LcsGorhs affiégent Atles. Profp. chr. Sidon. carm. 7. Jfid. chr. Cot. Pagi ad Mar,' ■ 24 HlSTOIRE eut cette année de grands troubles dans Alexandrie, dont les habitants s'égorgeoient les uns les autres. On ignore les caufes & les circonftances de ces maffacres trop ordinaires dans cette ville féditieufe. Aëtius commencoit a fignaler fon courage au fervice de Valentinien. Théodoric, Roi des Goths établis dans 1'Aquitaine, méprifant le gouvernement d'une femme, voulut étendre fes Etats, & yint mettre le fiege devant Arles. Les Goths pouffoient les attaques avec vigueur, lorfqu'Aëtius vint les forcer k lever le fiege. On fit avec eux un nouveau traité, & on leur donna plufieurs Gaulois en otage. Entre les autres étoit Théodore, parent de eet Avitus qui fut depuis Empereur. Avitus 1'étant allé voir a Touloufe, infpira tant d'eftime a Théodoric, que ce Prince lui St les offres les plus avantageufes pour l'attirer k fon fervice. Mais Avitus, fidele aux engagements de fa naiflan:e, s'excufa de les accepter. A peine la ville d'Arles fut-elle délivrée du péril, qu'elle vit alfalTiner Patrocle , fon Evêque : il fut percé de plufieurs coups  mv Bas-Empire. Lh. XXXI. a? coups par un Tribun nommé Barnabe. On crut que ce Prélat, d'ailleurs indigne de 1'épifcopat qu'il avoit üfurpé, fut la victime de la haine que lui portoit Félix, auffi niéchant que lui. Félix étoit devenu Général des troupes d'Occident a la place de Caftin , & avoit retu le titre de Patrice. ïl fit encore dans ce même temps maffacrer a Rome un faint diacre, nommé Titus, qui fut tué pendant qu'il remplifToit les fonöions de fon miniftere, en diftribuant aux pauvres les aumönes de 1'Eglife. Ce Général, auffi jaloux & auffi fourbe qu'il étoit violent & fanguinaire, s'unit en fecret avec Aëtius pour perdre Boniface, le feul Officier de 1'Empire dont 'ie mérite & le crédit leur donnoient de l'omhrage, Placidie avoit k Boniface les plus grandes obligations: feul il 1'avoit généireufement fecourue, lorfqu'elle étoit bannie d'une Cour, & méprifée dansï'autre. D'ailleurs,il fe comportoit ên Afrique avec tant d'équité & de défintéreffement, que, pour fe foutenir, il fembloit n'avoir befoin que de fa vertu. Sa ivaleur faifoit trembler les Tom t VIL 8 Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 416. Ann. 427» XIII. Conduite He Boniface en Afriqu».  Théodo- se 11. ValentinienIII. Ann. 427. 2Ó HlSTOIRE barbares voifïns, qui n'ofoient plus fortir de leurs montagnes pour venir infulter la Province. Tantöt h la tête d'une armee, tantöt avec une petite troupe, il les avoit toujours terraiTés. Brave de la perfonne , il avoit même tué plufieurs de leurs chefs en combat fingulier. On rapporte de lui un trait de cette vaillance brufque & im-, pétueufe , qui s'affortit mieux au caraöere d'un aventurier, qu'a celui d'un grand Capitaine. Un payfan vint fe plaindre a lui d'un Officier barbare qui fervoit dans les troupes Romaines, & qui entretenoit avec fa femme un corrimerce adultere : il en demandoit juftice au Général. Boniface, après s'être infortné du lieu oü il faifoit fa demeure, lui ordonna de refter dans le camp, & de revenir le trouver le lendemain. Pour lui, dès que ïa nuit fut venue , il part fecrete«lent, court a toute bride au domicile qui lui avoit été indiqué & qui étoit éloigné de trois lieues, coupe la tête au barbare qu'il furprend avec la femme, & fe rend au camp avant le jour. Le payfan s'étant préfenté devant lui felon fes ordres, Boniface lui mon-  nv BasïEmmzk. Lw. XXXI. 27 tre la tête fanglante, lui demande s'il la reconnoït,& le renvoy e tout tremblant d'une fi prompte & fi févere juftice. Ce guerrier li courageux le laiffa vaincre par une paffion funefte, qui le plongea dans les plus grands malheurs. Placidie 1'ayant chargé d'une commifSon, il devint dans ce voyage cperdument amoureüx d'une fille fort riche, nommée Pélagie; & perdant alors de vue toutes les réfolutions de retraite & de continence qu'il avoit formées après la mort de fa première femme , il 1'époufa. Elle étoit née Arienne ; & quoiqu'elle eut abjuré 1'héréfie pour parvenir a cette alliance, fon cceur y fut toujours attaché. Les Ariens prirent autorité dans fa maifon; ils baptiferent la fille qui naquit de ce manage. Boniface lui-même, oubliant toute fa vertu , fe livra par la fuite k des concubines, Baronius conjeclure, avec beaucoup de vraifemblance, que la commifïion de Boniface étoit pour 1'Efpagne ; qu'il vit Pélagie a la Cour du Roi des Vandales qui étoient Ariens, & que ce fut cette alliance qui forma fa liaifon 1 avec ces barbares. A fon retour en B ij Théqdq- se IL Valentinien ra. Ann. 427. XIV. Changement de Boniface. Mare. chr. St. Aug. ep. 2io. Baronius. TUI. Valent. 111. art, 5.  Théodo- se U, Valentinien III. 'Ann. 427. XV. Sa révolte. 5. Aug. ep. 220. F'rofp. chr. Proc. Vand.l.l. €. 3. Hifi. Mifcelt. I. 14, TUI. vee de S. Aug. art. 334 6- Vaient. UI. art, 5. IS H I S T O I R E Afrique, Placidie récompenfa fes fervices de la charge de Comte des Domeftiques. Gette nouvelle dignité augmenta la haine de, fes rivaux; ils ne fongerent plus qu'a le pouffer a bout; dc voici la rufe qu'ils mirent en oeuvre. Aëtius, qui n'avoit celTé d'entretenir avec lui une feinte amitié, lui manda par une lettre fecrete, que tout étoit changé pour lui a la Cour-; que tlmpé' ratrice avoit juré fa pene; quelle étoit fur le point de le rappeller; & que, s'il quittoit t'Afrique, fa mort étoit affurée. II lui faifoit valoir eet avis fidele, & lui recommandoit un fecret inviolable. En même-temps il va trouver Placidie; il lui protefte qu'étantami de Boniface, ce neji qu'avec un extréme regret qiül fe voit ebligé de dévoiler fes projets pernicieux; mais quil doit tout facrifier d Hntérêt de fon Prince : que ce Général na Ji bien difendu 1''Afrique, que pour s,y rendre indépendant; quil s'en regarde déja comme Souverain. Si vqus voulei, continua-t-il, démafquer,fa trahifon , envoye^-lui ordre de revenir a. la Cour. II nobéirapas, & vouspourrei alors le traiter, comme rebelle. Un  du Bas-Empire. Liv. XXXI. 29 ennemi dêclaré eji moins a crainire quun fujet perfide. II n'en fallut pas davantage pour faire oublier a Placidie tant de fervices importants. Crédule 8c toujours prête k recevoir tous les foupcons, elle fuivit le confeil d'Aëtius. Boniface , prévenu par la fourberie d'Aëtius, recoit fort mal 1'Envoyé de 1'Impératrice ; il fe répand en invectives, & fans rien dire de 1'avis qu'il a regu , il déclare qu'il va faire payèr bien cher a Placidie fa cruelle ingratitude. AufTi-töt il leve des troupes, & devient criminel pour défendre fon innocence. Placidie, convaincue de la fidélité & du zele d'Aëtius , 1'admet dans tous fes confeils. Félix le feconde , & la guerre eft décidée contre Boniface. On fait pafTer des troupes en Afrique fous Ia conduite de trois Commandants, Mavorce, Galbion & §incecès. Ils affiegent le rebelle dans une place que lhifroire ne nomme pas. Sincecès trahit les deux autres qui font tués; Sc il éprouve enfuite le même fort, voulant trahir Boniface. On envoye en leur place 1'e Comte Sigifvult, qui fe rend maitre de Canhage & d'Hippone. Cependant B üi, se II. ValentinienIII. Ann, 417.  Théodo- SR tl. Valentikien III. Afin. 427 xvi. Genféric, Roi des Vandales. na. Vit. I. 2. Sidon. carm. 5. Idac. chr. Ifid. chr. ■ Vand, 3° .' ff i S T O I R E les Barbares, que Boniface avoit coatenus jufqu'aiors, profitant de la diftorde des Romains, fe répandent dans laProvince, & y font d'affreux ravages. Ce fut en cette occafion que St. Auguflin écrivit a Boniface une lettre touchante, oü, fans examiner la juftice de la guerre qu'il fait a 1'Empire, il luimontre 1'abymeoü fon relTentiment i'a plongé, & 1'exhorte a la pénitence. Boniface , aveuglé par la colere, n'étoit plus en état d'écouter ces falutaires avis. II fut fans doute plus docile a ceux de fa femme, qui lui ofiroit une relTource puiflante dans Ie fecours des Vandales. Dans fon défefpoir,il prit la funefle rélblution de partager 1'Afrique avec eux, plutot que de la remettre a fon Souverain., qu'il ne regardoit plus que comme fon meurtrier. Depuis la défaite de Caflin, les Vandales avoient achevé la conquête de la Bétique, en fe rendant maïtres de Séville, nomméealors Hifpalis. Leur Roi Gonderic, après 1'avoir faccagée, étant pret d'entrer dans 1'Eglife de St. Vincent, la plus riche & la plus refpeclée de cette ville,. pour en piller  du Bas-Empire. Liv. XXXI. 31 les trélbrs , tomba mort; & eet événement tut coniidéré de toute 1'Elpagne comme une punition divine. II laiffoit des enfants; mais Genferic, fon frere batard , leur fut préféré par les Vandales. il s'étoit fait une haute réputation de valeur, quoiqu'il fut d'afTez petite taille & devenu boïteus par une chüte de cheval. II tiendroit un rang honorable entre les Princes les plus illuftres, s'il n'eut pas fouillé fa conquête par d'énormes cruautés; guerrier intrépide, habile légiflateur, profond politique, adroit a former des intrigues & a divifer les nations qu'il vouloit fubjuguer; parlant peu , mais avec autorité & énergie; méprifant le luxe & les plaiiirs. Le fang des Orthodoxes qu'il répandit a grands flots , a rendu fa méinoire exécrable; il les perfécuta d'autant plus cruellement, qu'il étoit, dii-on , apoftat. Né d'une mere efclave, par laquelle il fut élevé dans la croyance catholique, il fe fit Arien par ambition. On lui reproche encore d'avoir facrifié a une politique inhumaine la veuve & les enfants de fon frere Gonderic. Lorfqu'il fe vit maitre de la Mauritanië, B iv rKÉODOse ][. Valentinien III. A.nn. 417. Pioc. Vand. I. I. r. 3. }orn. tic ■eb. Gei. c. 33- Mariana, m Hifp. Ruznaic hifi* perfect Vandali-  Théodo- SL II. ValentinienIII. Ann. 42S. XVII. II paffe en Afrique. Via. vu. 1. 1. Pro/p. chr. ldac. chr. £hr. Alcx,. Proc. Vand.l. 1. f. 3. Jorn. Ac reb. Get. c. 33- Theoph, p. Si. * 1 , ] I 1 1 1 1 32 II I S T O T K E il les fit noyer dans le fleuve Ampfaga, qui bornoit la Numidie. Boniface invita Genferic a paffer en Afrique , a condition qulls partageroient entre eux cette vafle contrée , & qu'ils fe prêteroient un fecours rautuel contre leurs ennemis. Le Roi des Vandales ne balanca pas d'accepter des propofitionsfi avantageufès. L'établiffement qu'on lui offroit étoit beaucoup plus -étendu que ce qu'il occupoit en Efpagne, partagée entre trois peuples différents & toujours en guer= re. Le Général Romain lui fournit des vaiffeaux; & toute la nation reeut or> dre de fe préparer au départ. Genferic étant pret a s'embarquer , apprit que Hermigaire, Capitaine Sneve, ravageoit les Pro vinces voifines. Pour ie pas déshonorer fes armes, en doniant a croire que fon départ étoit une uite , & qu'il cédoit a Ia terreur que es Sueves lui infpiroient, il les va :hercher avec une partie de fes trouws , les atteint en Lufitanie , & les aille en pieces. Hermigaire, emporé par fon cheval, fe noye prés de Méida dans le fleuve Anas> aujourd'hui a Guadiane. Le vainqueur va rejoui-  nu Bas-Empirb. Liv. XXXF: 33dre fa flotte , & paffe Ie déiruit ait, ■ mois de Mai. Arrivé en Afrique-, il fit le dénombrement de fon peuple, qu'il trouva monter a quatre-vingts mille hommes, en y comprenant les s vieillards, les enfants & les efclaves.. Mais Genferie, pour rendre fa puiffance redoutable, faifoit courir le bruit que ce nombre étoit celui de fes foldats. Quoique l'hiftoire ne fpécifie pas quelles Provinces d'Afrique furent abandonnées aux barbares, la fuite des événements fait affez connoïtre que Boniface leur céda les trois Mauritanies, & que le fleuve Ampfaga fut la borne de la domination de* barbares. Les Romains & les Sueves s'emparerent en Efpagne des pays que les Vandales avoient quittés, & qu'ita ne cefferent de difputer jufqu'a ce quela puiffance Romaine fut entiéremenfc abattue en Occident. Pendant que la jaloufië d'Aëtius faifoit perdre a 1'Empire une grande partie de 1'Afrique, & mettoit en danger tout le refte de cette belle Province , fa valeur regagnoit le terrein dont les Francs s'étoient; empa^ rés enrdeci du Rhin. II fit un grand, B. v se II. VaieH* TI NIES III. Lnn. 4iSo xvnx Les Francs obligés de repafler le. Rhin. Profp. chr. CafiiuL..  ff."!, O DOSE II. Vaien- TINIEN III. Ann. 418 Sidon. carm. 5;. Agath.l I, Jorn. dt reb. Get. c, 34- Greg. Tur. I. i. c. 9. Vahf. rer. Fr. I. 1. TUI. Valeut. (II, art. 7. §4 II I S T O I R E cai-nngc de cette nation, Sc la for~ ca d'abandonrier la Gaule , & de repaffer le fleuve. On ne fait fi cette défaite termina le regne de Pharamond, ou commenca celui de fon fuceeffeur. Pharamond mourut cette année 428. Clodion lui fuccéda: celui-ci eft regardé par plufieurs Auteurs comme le premier Roi des Francois ,. paree qu'il fut le premier qui les ftxa pour toujours dans la Gaule, ainfi que nous le verrons dans la fuite. -Le nom de Chevelu qu'on lui donne, convenoit alors a tous les Rois ■des Francois. Différents en cela des autres barbares, ils étoient curieux de leur chevelure; ils 1'arrangeoient avec foin , & y employoient diverfes fortes de poudres & d'effences* ■Partagée pardevant, elle flottoit avec grace fur leurs épaules : c'étoit 1'ornement diftincfif de la familie Royale. Le refte de la nation avoit communément les cheveux blonds; mais elle les portoit fort courts, ou noués fur ie fommet de. la tête , en forte qu'ils retomboient fur le front, & que le cou étoit découvert. Un Auteur acheve de nous peindre les Francois de  du Bas-Empir.e. Liv. XXXI. 35 ce temps - la. Ils étoient de grande taille , avoient les yeux bleus , fe ra- 1 foient la barbe, porto ient de larges baudriers , & des habits ferrés fur le corps, & qui ne defcendoientque ( jufqu'au-deffus du genou. Leurs armes étoient des boucliers légers, des javelots forts courts qu'ils lan^oient avec force en courant a. l'ennemi,5c des haches qui porterent leur nom, Sc furent appellées Francifques.. La vifloire d'Aëtius leur enleva leur conquête, mais non pas leur courage, ni même leur ancienne renommée. Jamais tant d'orages ne s'étoient formés a la fois contre la puiffanee Romaine.. Les Francs iur les bords du Rhin ,. les Vifigoths dans la Gaule méridionale, les Sueves en Efpagne, ks Vandales en Afrique, & au feptentrion de 1'kalie, les Juthonges & les peuples-des Alpes révoltés,. s'efforeoient comme a 1'envi de démembrer 1'Empired'en envahirlesProvinces. Valentinien auroit era befoin d'aufcant de Généraux qu'il avoit de peuples k combattre; & tifHt|e>ferfei:. fource ne confifloit qu'en dnvx. Capitaines, braves Si habiles k la véB vj. 'heodo- se II. ^alenriNIEN.III. inn, 418» ïnn. 429*- XIX. Attaques; des Barbares.. Tdl. I7alint. Ilh cur. «ti.  Théodo- s-e II. Valentinien in, Aon. 419, - XX; Guerreï •sïes Suaves en Efpagne. ldac. clir. Ifid. ehr. Suev. TUI. Valera, m. *rt, 32. ~>6 II I S T O I R B rité : mais Boniface étoit rebelle, Sc Aëtius. fongeoit bien plus a détruire fon rival qu'a fauver 1'Empire. Les autres Commandants, difperfés fur les frontieres, avoient fi peu de mérite , que lUiftoire n'a pas même daigné en recueillir les noms. On fait cependant celui de Caflius qui commandoit dans la Gaule Narbonnoife pour la défendre contre les Vifigoths : mais il n'efï connu que par le fervice qu'il rendit a la ville d'Arles , en contribuant d élever Saint Hilaire fur le fiege épifcopal. Les peuples de Galice, abandonnés- par les Romains , fe défendöient contre les Sueves avec un courage opiniatre. Cantonnés dans les forts & dans les chateaux de leurs montagnes, ils ne ceffoient de courir fur les barbares. Ils en enlevoient un fi grand nombre , qu'Herménéric fe vit obligé de confentir è 1'échange des prifonniers, & de leur accorder la paix* Elle fut bientöt rompue par les Sueves, accoutumés au pillage. Idace , Evêque de Chiaves, alors ville épifeopale comprife dans la Galice fous le nom-d'Jqtta Flayw, pafla en Gau-  nu Bas-Empire. IJv. XXXI. 37 le pour implorer le fecours d'Aëtius qui faifoit la guerre aux Frangois. Én même temps,Théodoric , Roi des Vifigoths, defirant d'étendre fa domination en Efpagne, & voulant profiter de ces troubles,, députa Vetton aux peuples de Galice, pour leur offrir fa prote&ion. Ils la jugerent auffi. dangereufe que les hoftilités des Sueves , & s'excuferent de 1'accepter. Aëtius ne crut pas dëvoir engager 1'Empire dans une nouvelle guerre; il prit le parti de négocier avec les Sueves, & leur envoya, avec Idace, le Gomte Genforius , qui fut bien reen d'Herménéric. Ge Prince confentit a un traité de paix , dont les Evêques furent médiateurs. On lui donna des étages; & comme les Efpagnols fe reconnoifloient encore fujets de 1'Empire , on députa 1'Evêque Symphofe, pour obtenir la ratification de ï'Empêreur. Sur quelque difficulté que fit la Cour de Ravenne, Herménéric recommenea les ravages : mais Cenforius, député de nouveau avec Frétimond, renoua, la négociation. Une longue maladie qui affoibliffoit le Roi des Sueves,. contribus Théodc-» SE II. Vaien- TJNIEN III. Ann. 4;o,  -Théódose IL ValentinienIII. Ann. 429. XXL Etat de I'Afrique. C»d. Th. I. tl. tit. li hS- 34, 35- L. 12. tit.. X.leg.i$ft iS6.tit. 6. 38 H f S T O r R E fans doute a la faire réttffir, & détermina Herménéric k céder la courónne k fon rils, nommé Réchila. J'ai conduit 1'Hiftoire des Sueves jufqu'a 1'année 438. Herménéric avoit régné vingt-huit ans depuis fon entrée en Efpagne. II mourut en 441, après fept ans de maladie. Quoique les Vandales fuflent déja poffelTeurs de la Mauritanië , & que Boniface , a la tête des troupes dont il étoit chéri, eut élevé 1'étendard de la révolte, cependant la Numidie & la Proconfulaire obéilTbient encore k 1'Empereur. Mais tandis que ces Provinces étoient attaquées au -dehors , elles étoient défolées au-rledans par les commis chargés d'y recueillir les impöts. Le Comte Bubulcus fut député a la Cour, pour obtenir du foulagement. La Cour eut égard 3'Ux remontrances du Comte: elle envoja des édits, dont la fageffe eft. ïoujours éludée par i'avidké des exac:eurs, beaucoup plus ingénieux k perjétuer les abus , que le Gouvernement a les réformer. Comme ces vexa?ions étoient communes dans tout 'Empire, Placidie crutles arrêter par  nu Bas-Emppre. Lw. XXXI. 39 itne Conftitution générale, qui menacoit les coupables a 1'avenir , fans punir les excès paffes. Elle favoit que les fujets ne demandent jamais plus de ménagement que dans les temps de troubles & d'allarmes ; mais elle ignoroit peut - être que ce font ces temps-la- merries ou les Officiers corrompus, s'ils font enhardis par 1'im» punité , profitent des befoins de 1'Etat pour remplir les leurs, qui font fans bornes. ' Cette Princefle ne pouvoit concevoir que Boniface , qui lui avoit donné tant de preuves detachement dans fa difgrace, eut attendu qu'elle fut maitreffe de 1'Empire, pour (e déclarer fon ennemi. Elle envoya en Afrique un -Officier de conflance , afin de s'éclaircir avec lui, & de le ramener a 1'obéifïance. Le Comte Darius, choifi pour cette commiffion délicate, étoit un homme vertueux , éloquent, & - ami de Boniface. Ce Général, naturellement franc & ouvert,. ne put tenir contre les reproehes que lui faifoit Darius; & pour juftifier fa conduite , il lui mit fous les yeux la let.tre d'Aëtius. Darius retourne aufii- Théodo- se II. Valentinien III.. Ann. 419.. XXIT. Boniface rentre dans fon. devoir.. St. Aug. ep. 219. Proc. Vand. I. I. f. 3. TUI. vie de.S.Aug.art.347.  Théodo- se Ik ValentinienIII. Ann. 419. Ann. 430. XXIII. Cruautés des Vandales. Viel. Vit. prxf. & 1. 1. art. I, 3. 3' ■4 0 H I S T 0 1■■ R E tot a Ravenne,. & inftruit Placidie de cette noire impofture. Elle en fut indignée; mais dans la fituation oü fe trouvoient les affaires ,il étoit d'une extréme conféquence de ne pas allarmer Aëtius. Elle tint donc iecrete la trifte découverte qu'elle venoit de faire , & renvoya Darius avec ordre de jurer de fa part a Boniface , qu'elle lui rendoit toute fa bienveillance, & qu'elle ne lui demandoit que fes bons offices pour réparer les maux qu'il avoit attirés fur 1'Afrique. Boniface r touché de repentir, employa tout fon crédit auprès des Vandales pour les engager a retourner en Efpagne. ïl n'en put obtenir qu'une treve de quelques mois, pour la füreté de laquelle ils mirent entre les mains de Darius un de leurs Officiers, nommé Vérimode, qui étoit allié de Boniface. Le terme de la treve étant expiré,. Genferic , qui regardoit Boniface* comme un perfide, depuis qu'il avoit ceffé de 1'être, fe déclara hautement fon ennemi. II lui fignifia que le Traité fait entre eux ne fubfiftoit plus, fe mit en marche a la tête de fon armee. Jamais invafion ne fit couler tant  vu Bas-Empire. Liv. XXXI. 41 de lang, & ne couvrit la terre de tant de ruines. La cruauté , naturelle aux Vandales, étoit encore animée par le dépit de fe croire méprifés, & par la haine contre les Catholiques. Aufli furieux Ariens, que guerriers barbares, ils étoient tout enfemble conquérants & perfécuteurs, les deux plus terribles fléaux qui puilTent affliger les hommes, & ils joignoient les tourments aux malTacres. Leur fureur aveugle détruifit d'abord ce qu'ils prétendoient pofleder enfuite , & ils commencerent 1'établiiTement de leur Empire, par faire un vafte défert.La plus riante contrée de 1'Univers & la plus fertile, peuplée de villes florifïantes, enrichie d'une ancienneopulence, fut défolée par le fer, par le feu , par la famine. Au rifque de périr eux - mêmes , ils n'épargnoient ni les moifTons , ni les arbres fruitiers, pour faire mourir de faim les malheureux qui s'étoit refugiés dans les cavernes ou fur les montagnes, Ni le rang, ni la naiffance, ni la foiblelTe du fexe ou de 1'ïige ne trouvoient grace auprès de ces cceurs impitoyables.. Ils chargeoiejit de far-. Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 430^ St. Aug. ferm. de temf. bar* bar. Salv. da gub. I. 7. Proc. Vand.l. W c. 3. Baronius. Du Pin. hi{l.D.onata.  Tuéoijc se II. Vaien t1nien III. Arm. 4jc 4- H I S T O I R £ ■ deaux les femrnes & les perfonnes les - plus illuitres, & les faifoient avancer a coups d'aiguillons. Arrachant les enfants des bras de leurs meres, ils les éerafoient contre les pierres, ou les déchiroient en les écartant par les pieds. Lorfqu'après avoir attaqué une forterefTe, ils la jugeoient iraprenable^ils affembloient a 1'entour une multitude de prifonniers, & les égorgeoient, afin que 1'infeöion de leurs cadavres portat Ia mort chez les afïiégés, & les forcat a fe rendre. Leur zele inhumain pour 1'Arianifme fit une infinité de martyrs. On ne voyoit par teute 1'Afrique qu'Evêques, Prêtres, vierges confacrées a Dieu , families entieres , les uns privés d'une partie de leurs membres , les autres chargés de chaines & atténués par la faim. Plus de chants dans les Eglifes; les Eglifes mêmes étoient pour la plupart réduites en cendres; plus de fêtes , plus de célébration du faint Sacrifice. Les Donatiftes efpérerent en yam fe mettre a couvert en favorifant les Barbares dans la pourfuite des Orthodoxes; ils n'en furent pas nüeux traités; on les maffacroit fans  i>u Bas-Empire. Lh. XXXI. 43 diftinftion avec ceux qu'ils trahiffoient. Les Auteurs Chrétiens de ce tempsla s'accordent tous a regarder cette horrible défolation de 1'Afrique, comme le chatiment des crimes de fes habitants; & les Vandales difoient euxmêmes que ce n'étoit pas de leur propre mouvement qu'ils ufoient de tant de rigueur; mais qu'ils fentoient une force intérieure qui les y ponflbit malgré eux. En efFet, s'il eft permis aux hommes d'interpréter les jugements de Dieu , jamais barbares ne portereut plus fenfiblement le caraöere de miniftres de la vengeance divine. L'Afrique étoit de touie la terre le pays le plus corrompu par UaiTemblage de tous les vices. Les Africains avoient été de tout temps décriés pour 1'impudicité; ils y joignoient alors 1'effronterie la plus outrée. Au milieu de Carthage & des grandes villes-, .fóus les yeux mêrnes des Magiftrats , on voyoit de jetines hommes fe promener par les rues avec des coëfFures & des parures de femrnes, pour annoncer qu'ils, faifoient profeffion publique de la plus monflrueufe in- Théoiiü- se II. valentinienIII. Ann. 43c XXIV. Vices des Africains. St. Aug. ferm. de temp. barbar, Sah'. de Gub. I. 7. Profp. prom. I. 4>.  Thécdo- se II. Vai.en- ttkien III. Ann, 430. : ] 1 ( ] -] 1 i j 44 H I S T O I/X s famie. Des excès fi contraire a Ia nature , étoient une- fliite de 1'aveuglement produit par tous les autres crimes. Auffi rien n'étoit fi commun parmi les Africains que 1'ivrognerie , Ia mauvaife foi, le meurtre , 1'impiété & le blafphême. Endormis profondément clans le fein de la débaucbe, les plus terribles éclats de Ia colere divine ne purent qu'a peine les réveiller de cette funefte léthargie. Dans le temps que les Barbares mettoient tout a feu 6k a fang dans les campagnes , la licence régnoit dans ies villes, & les fpeöacles du Cirque n'étoient pas même interrompus. II fallut que les Vandales les réduififfent ;n efclavage , pour réformer leurs nceurs. Ces Barbares étoient chaftes orfqu'ils arriverent en Afrique : c'elï in témoignage que leur rendent les krivains qui leur font d'ailleurs le noins favorables. Ils avoient horreur les crimes qui attaquent la pudeur. Is défendirent, fous peine de mort, es prcftitutions ; ils fermerent les ieux de débauche, & profcrivirent es courtifanes, ou les forcerent h\ e marien  nu BaS'Emmrèï Liv. XXXI. 4$ Genferic avoit abandonné la Mauritanië, pour fe jetter dans la Numidie & dans la Proconfulaire, Provinces beaucoup plus riches & plus peuplées. II s'y empara de toutes les villes, excepté de Cirthe, d'Hippone & de Carthage. Boniface, avec des forces trop inférieures , bafarda une bataille : il fut défait, & contraint de fe renfermer dans Hippone. Le vainqueur vint 1'y affiéger a la fin de Mai ou au commencement de Juin. C'étoit une des principales villes de la Numidie, lituée au bord de la mer, célebre depuis plufieurs fiecles , & qui 1'eft devenue beaucoup davantage par 1'éclat immortel que St. Auguftin , pour lors fon Evêque, a répandu dans tout le monde chfétien. Ce faint Prélat, accablé des infirmités de ia vieillelTe, mais foutenu par la charité dont il étoit embrafé, faifoit plus pour fon peuple, que les guerriers qui défendoient les murailles. Au milieu de ces mortelles ailarmes , il fortifioit les cceurs abattus, il leur apprenoit a tirer avantage des maux de ce monde; il leur montroit une patrie oü le fer des Vandalss ne pou- Théodo- se II. Valen- tinten III. Ann. 43©s' XXV. - Siege d'Hippone. S. Aug. ftrmo de temp. barbar. Pufid. vit. Aug. c.ic,. Profp. chr. Proc. Vand.l. u e. 3. Baronius. TUI. vie de S. Aug. art. 347, 349» 351.3S3-  ThéodO' se II. ValentinienIIJ. Ann, 430, XXVI. 'Succès d'Aëtius. Profp. chr. Mare. chr. ldac. ehr, Sidon. wm. 7. 4 6 IllSTÜIHE voit atteïndre. Nous avons encore fon dernier fermon, oü refpire une compafïion vraiment paternelle, joiiv' te a une conftance évangélique. Pendant les trois premiers mois du fiege , il ne cefla de prendre foin des pauvres, de prêcher , de prier, de veiller pour fon troupeau. Enfin, fuccombant a tant de travaux, il tomba malade, & mourut le vingt-huitieme d'Aoüt, agé de foixante & feize ans: génie pénétrant , fécond , étendu , choifi de Dieu pour terrafïer les ennemis de fon Eglife , & pour défendre la toute-puilTance de la grace divine qui triomphe dans fes écrits. Le fiege d'Hippone continua jufqu'au mois d'Aoüt de 1'année fuivante. Quoique les Vandales eufTent fermé le port , ils ne purent ni prendre la ville, ni la forcer a fe rendre : prefTés eux-mêmes par la famine , ils furent obligés de lever le fiege qui avoit dure quatorze mois. Tandis que Boniface étoit affiégé dans Hippone , fon rival Aëtius fe rendoit a la fois redoutabie & néceffaire a Placidie. AiüTi hardi a fe défaire des fes propres ennemis, qu'a  du B.is-Empire. Liv.XXXI. 47 repoufler ceux de 4'Empire, il fouleva les foldats a Ravenne, & fit maffacrer Félix, fa femme Padufie , & un Diacre, nommé Grunnite, qui tramoient une intrigue pour le perdre. Aetius avoit été nommé 1'aanée précédente Général des armées Romaines, a la place de Félix; & quoique celui-ci eut regu en même-temps le titre de Patrice, il ne put pardonner a fon ancien ami la préférence qu'on lui donnoit pour le commandement des troupes. C'efï ainli qu'après s'être intimement unis pour détruire Boniface , la même ambition les arma 1'un contre 1'autre. Félix avoit été Conful en 418. II nous refle une infcription au fujet d'un préfent qu'il 'avoit fait a 1'Eglife de St. Jean de Latran , de concert avec fa femme Padufie. Aëtius efFaca bientöt ce forfait par des fticcès éclatants. Une troupe de Viiïgoths étant venus ravager les environs de la ville d'Arles, il les tailla en pieces, & fit prifonnier Anaulfe leur chef. De-la il fe tranfporta en Rhétie, & défit les Juthonges qui ravageoient ce pays. Les Noriques &i les Vindéliciens s'étant ré- Théodó- se n. ValentinienIII Ann. 430. Grut. infcr. Mcixir. 5- Valef. rtr. Fr. I. 3. TUL r!e de S. Hilaire d'ArUs , art. ii.  Théodo- se II. ValentinienIII» Ann. 430. XXVII. S. Germaind'Auxerre remporte une viöoire fur les Saxons & les Pifles. Be Ja, hift. 1. 1. C. 30. «j.3 ff t S T O / 8. 'È voltes pour fe joindre aux Juthon» ges, il les battit, & les fit rentrer dans le devoir. Avitus, qui fut depuis Empereur , 1'accompagna dans toutes ces expéditions : il y donna des preuves de fon courage; & Sidoine, qui le flatte peut-être, dit qu'Aëtius ne fit rien fans lui, & qu'il fit beaucoup fans Aëtius. Celui-ci fut pendant une grande partie des deux années fuivantes occupé dans la Gaule è combattre les Francois, qu'il vainquit. II leur accorda la paix , qui ne fut pas de longue durée. Ce fut pendant cette guerre qu'Aëtius traita pour la Galice avec les Sueves, ainfi que je 1'ai raconté. On recut cette année la nouvelle d'une viüoire beaucoup plus furprenante que toutes celles d'Aëtius. LePélagianifme faifant des progrès dansla Grandè-Bretagne, patrie de Pélage & de Céleflius, le Pape Céleftin y avoit envoyé Germain,Evêque d'Auxerre, tk Loup, Evêque de Troyes. Ces deux Prélats, foutenus de cettegrace dont ils défendoient la caufe, confondirent 1'héréfie. Comme ils fe difpofoient au retour, les Bretons imnlorerent  r>u Bas-Empi&s. Liv. XXXI. 49 plorerent leur fecours contre une autre forte d'ennemis , que ces faints Evêques n'avoient pas commiffion de combattre. Depuis que les Romains avoient renoncé a la défenfe de la Grande-Bretagne, les Saxons, joints aux Pictes, ne cefïbient de défoler le pays. Une nombreufe armée de ces deux nations s'avangoit alors pour écrafer celle des Bretons, qui n'étoit pas en état de leur réfiffer. C'étoit le temps du Carême. Les deux Evêques re rendirent au camp , baptiferent un grand nombre de foldats, & releverent leur courage par la confiance qu'ils leur infpirerent dans le fecours du Ciel. On célébra la fête de Paques en pleine campagne , & 1'on marcha aux ennemis. Germain, qui avoit dans fa jeuneffe pratiqué le métier de la guerre, fit 1'office de Général; il alla reconnoitre le pays a la tête d'une troupe légere; &ayant remarqué un vallon qui fe trouvoit fur le paflage , il y cacha une embufcade , & attendit les Saxons de pied ferme. A 1'approche de 1'armée ennemie, il donna le fignal; c'étoit Yalkluia dont il étoit convenu pour cri de guerre. Ce Tornt VU. C Théodo- se II. "Valentinien III. Ann. 430.  Théodo- se II. Valen- timien Hl. Ann. 430. Ann. 431. XXVIII. Défaite de Boniface.PoJJÏd. vit. Aug.c. 28 Evagr. I.2 c. 1. Proc. Vand. I. i c. 3. 4. Theoph. p, 82, 90. Hifi. Mi/cell. I. 14, Saroniut, 5 <3> H I S T 0 I R E- cri répété par les Bretons , & redoublé par les échos des montagnes , porta 1'épouvante dans le cceur des Saxons & des Pictes. Ceux-ci fe crurent enveloppés d'une multitude innombrable; en même-temps les troupes de 1'embufcade fondirent fur eux; ils prirent la fuite, jetterent leurs armes ; & emportés par une aveugle terreur , la plupart fe précipiterent dans le fleuve voifin. II n'en couta pas aux Bretons une goutte de fang. Les deux Prélats, vainqueurs des Pélagiens & des Barbares , retournerent en Gaule , après avoir rétabli la tranquillité dans 1'Eglife & dans la nation. L'année fuivante , les Vandales ayant levé le fiege d'Hippone, Boniface recut un fecours d'Orient. Théodofe, voyant avec douleur les progrès des Barbares en Afrique, y envoya un grand corps de troupes fous la conduite d'Afpar, fils d'Ardabure. Les deux Généraux réunis livrerent bataille a Genfèric, qui les défit entiérement. Afpar fe rembarqua, & Boniface ne put empêcher le vainqueur de retourner a Hippo-  mj Êas-Empire. Liv. XXXI. $i sne , dont les habitants , épouvantés de la défaite de 1'armée Rornaine , avoient abandonné la ville. Les Vandales y mirent le feu, en forte qu'il ne reftok plus a PEmpire que Cirthe & Carthage. Genferic, ayant fait dans cette bataille un grand nombre de prifonniers, donna ordre de les affembler devant lui, afin de s'inforsmer par lui-même de la qualité de chacun d'eux. Ils fe rendirent a la porte de fa tente; & comme la chaleur étoit exceilive, la plupart manquant de forces , s'affirent dans la plaine, attendant leur rang pour comparoïtre devant le Prince. Genferic en remarqua un, qui s'étant étendu fur la terre, dormoit tranquillement, tandis qu'un aigle arrêté au-deffus de lui, tenok fes ailes éployées, comme pour le défendre des ardeurs du foleil. Ce Prince, avec de grandes qualités, n'étoit pas exempt de fuperftion; il croyoit aux préfages. ïl fait venir ce prifonnier; & f ayant interrogé , il apprend qu'il fe nomme Marcien, & qu'il eft Secretaire 4 HlSTOIRE vocatlon,daté du 19 Novembre43o? porte le nom des deux Empereurs, Sc eft adreffé a tous les Evêques du monde. Les Métropolitains, avec ceux de leurs fuffragants qu'ils voudroient choifir, eurent ordre de fe rendrea Ephefe pour le jour de la Pentecöte de 1'année fuivante. Le Concile commenca le 22 de Juin. II s'y trouva environ deux cents Evêques de 1'Orient, de 1'Egypte Sc de la Macédoine. Le déplorable état oü 1'Afrique gémiffoit, retint les Evêques de cette Province : mais Capréolus , Evêque de Carthage, écrivit en leur nom une lettre d'excufe, par laquelle il s'uniflbit a Cyrille. Le Pape Céleftin y envoya trois Légats pour y aflifter en fon nom Sc au nom des Evêques d'Occident. Cyrille y préfida, & comme Vicaire du Saint Siege, Sc comme Evêqüe d'Alexandrie. II fut 1'ame de cette fainte AiTemblée, Sc 1'objet principal de la haine de Neftorius & de fes partifans. Candidien, Comte des domeftiques ,,fut chargé d'y maintenir 1'ordre Sc la paix: cömmiffion dont il s'acquitta fort mal, en öroublant toute la ville d'Ephefe par  du Bas-Emptre. Liv. XXXI. 65 une partialité déclarée en faveur de Neftorius. Ce Prélat, hautain & opiniatre, vint a Ephefe avec un nombreux cortege;, bien réfolu de n'épargner ni fraude ni violence pour triompher de fes adverfaires. Sommé juridiquement de comparoitre devant les Evêques affemblés, il refufa de reconnoitre leur autorité. II fallutexaminer fa doflrine dans fes écrits en fon abfence , & il fut dés la première feilion condamné , chargé d'anathêmes, excommunié, & déclaré déchu de 1'épifcopat. En vain les Prélats écrivirent a Théodofe pour lui rendre compte de leur déeilion; Candidien interceptoit leurs lettres; & de concert avec l'héréfiarque, il prévint tellement Théodofe par de faufTes relations, que ce Prince manda aux Evêques qu'il étoit fort mécontent de leur procédé , &T qu'il n'y auroit aucun égard. Les réponfes & les députés du Concile ne pouvoient parvenir a l'Empereur, on leur fermoit toutes les entrées ; & la vérité auroit fuccombé, ii ce n'étoit fon privilege de forcer enfin les pluspuiffants obftacles , & de furmonter toutes les ca,- Théodq- se n. ValentinienIII. Ann. 431,  Théodo- se II. ValentinienHL Ann, 431, 6.6 lï I S T 0 I R E bales formées contre elle. Jean , Evêque d'Antioche, n'étant arrivé a Ephefe qu'après 1'ouverture du Concile & la condamnation de Neftorius, refufa de venir a rAffemblée : il en forma lui-même une autre, compofée de quarante-trois Evêques, les uns partifans de ï'héréfie, les autres trompés par Neftorius, qu'ils croyoient injuftement perfécuté. Ils tinrent leurs féances dans une hötellerie; & tandis que le vrai Concile, attentif a ne jamais s'écarter des Tormes régulieres, | lancoit les foudres de 1'Eglile contre ïean & fes adhérents, le Conciliabule, fans obferver ni regie ni forme, pronongoit contre Cyrille & contre Memnon , Evêque d'Ephefe , la fentence de dépofition. D'un cöté, 1'autorité légitime; de 1'autre, 1'emportement & la violence , détruifoient toutes les décilions du parti contraire. On écrivoit de part & d'autre k l'Empereur : les lettres des fchifmatiques arrivoient feules j ufqu'a lui; ils étoient appuyés du crédit des Eunuques. Le Comte Irénée, ami de Neftorius, fit publier dans 1'Eglife de Conftantinople lexcommunication portee contre  rw Bas-Empire. Liv. XXXI. 67 Cyrille : mais les députés de 1'Evêque d'Alexandrie étant furvenus, la Cour fe divifa en deux partis. L'Empereur commencoit a craindre que fa Religion n'eüt été furprife : il prit le parti d'envoyer fur les lieux un Officier principal pour agir en fon nom, öc rétablir le bon ordre. Dans cette vue , il ordonna que Cyrille, Memnon & Neftorius demeuralTent dépofés, &C que les autres Evêques fe ré* nilTent en un feul corps. Jean, Intendant des finances, fut choifi pour exé> cuter cette réunion. II fit arrêter le; trois Evêques; mais il ne put engager les Orthodoxes a communiqué) avec Jean d'Antioche. Auffi partia que Candidien , il continua d'en im< pofer a Théodofe. Enfin, le vrai Concile , bien informé que toutes les inftructions & toutes les plaintes qu'i envoyoit a l'Empereur étoient inter eeptées, dépêcha un homme de con fiance déguifé en mendiant, & 1< ehargea de lettres qu'il porta enfer méés dansun baton creux. Elles étoien adrelTées aux Evêques, au Clergé aux Abbés, & en particulier k Dal mace, qui n'étant forti de fort mo. Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 433, i  Théodo- se II. ValentinienIII. Ann. 431, 68 HlSTOIRE naftere depuisquarante-huit ans, étoit cependant très-connu par la fainteté de fa vie. II avoit le titre d'Archimandrite, c'eft-a-dire, chef de tous les monafteresde Conftantinople. Ces lettres mirent toute la ville en mouvement. Le Clergé fit a l'Empereur de refpeflueufes remontrances. Les Moines fortirent de leurs monafteres, & marchant en proceffion, en chantant des hymnes, a la fuite de leurs Abbés, Dalmace, k la tête de tous , ils vinrent au palais fuivis d'une foule de peuple. L'Empereur fit entrer les Abbés, qui lui remirent entre les mains la lettre du Concile. II ouvrit alors les yeux, & fe rendit aux avis de fa fceur, qui 1'aida k démêler la vérité obfcurcie par tant d'impoftures. II permit aux Evêques des deux partis de lui députer pour plaider leur caufe devant lui. En même-temps il envoya ordre a Neftorius de fortir d'Ephefe, lui permettant de fe retirer ou il voudroit, pourvu qu'il ne revint jamais a Conftantinople. Chaque parti nomma huit députés, qui recurent ordre d'attendre lEmpereur k Chalcédoine, de crainte que leur arrivée a Conl-  DU Bas-Empire. Lh. XXXI. 69 tantinople n'allumat le feu de la difcorde. Théodofe les écouta favora! blement dans cinq audiences; mais 1 ne pouvant réunir des efprits fi divi! fes, il les congédia, lailTant fubfifter 1 k condamnation de Neftorius & tout ; ce qui avoit été décidé dans le Concile , fans rien prononcer cependant ; contre Jean d'Antioche & fes partifans. II ordonna que Cyrille & Memnon fuffent élargis, & que chaque Evêque fe rendït au plutöt dans fon diocefe. En retournant a Conftantinople , il y conduifit les députés du vrai Concile, pour y ordonner un Evêque : on choifit pour cette place éminente unfaint PrêiTe nommé Maxirmen. Ce fut ainfi qu'après cinq mois :des plus violentes agitations, fe termina ce Concile, regardé comme le 'troifieme Concile écuménique, par: ce que tout 1'Occident y prit part dans le perfonne des députés du Pape Céieftin, &c que fes décifions furent revues de toute 1'Eglife. Ce confentement univerfel de 1'Occident ne put ramener Jean d'Antioche , ni les Prélats de fon parti, dont le plus célebre étoit Théodoret, Théodo- se II. Valentinien. III. Ann. 431; XXXVI. Suite de 1'hiiïoire du Neftoriwiifme..  Tméodo- se II. .ValentinienHL Ann. 431, ■Evag. 1,1, c. 7. Cod. Th, L. 16. tit. 5- I'S' 66. Cod. Jufl. 1. I. tit. 1. hg. 3. Earonius. Pagi ad Bar. Till. vie de S. Cyril. art. 10O 6fuiv. Fleury , hifi. Ecclef. I. 26. art. 16 & fuiv. AJfemani , iib. Oriënt. t. IV. p. 75 , 80 , 82 , 522, 513- M. de Guithes , fur les Chrétiens étahlis a la Chint. Mémoires de. 70 HlSTOIRE Evêque de Cyr, renommé par la fainteté de fa vie, par fon éloquence, & par fes favants écrits. Ils demeurerent long-temps perfuadés de 1'innocence de Neftorius. L'Empereur n'épargna aucun foin pour procurer une union li delirable. II écrivit au fameux foütaire Siméon Stylite, pour le prier d'obtenir de Dieu la paix de ITïglife. II ehargea le Secretaire d'Etat Ariftolaiis 6c le Comte Denys, Général des troupes d'Orient , de s'employer avec ardeur k la réconciliation. Enfin, après deux ans de négociations, la eoncorde fut rétablie. Jean fe réunit de bonne foi avec Cyrille; il anathamatifa Neftorius, & fe déclara contre 1'héréfie , qu'il n'avoit jamais approuvée , mais qu'il avoit refufé d'appercevoir dans ceux qui en étoient infectés. Théodoret revint peu-a-peu au même parti. Les Prélats opiniatres furent dépofés.Pour achever de profcrire le Neftorianifme , l'Empereur fit publier le 3e. d'Aoüt 435, une loi femblable a celle que Conftantin avoit faite autrefois contre les Ariens; il ordonna qu'on éviteroit même de prononcer leur  du Bas-Empire. Liv. XXXI. 71 nom, & qu'on leur donneroit celui de Simoniens, c'eft-a-dire, de fectateurs de Simon le magicien, eet infigne importeur. II défendit de. copier , de lire, de garder aucun de leurs livres, qui feroient tous recherchés & brülés publiquement; comme auffi de leur donner retraite pour tenir aucune aiïemblée, fous peine de confifcation de tous les biens. Quatorze ans après, cette loi fut renouvellée par une autre encore plus rigoureufe, qui prononcoit peine de mort contre les réfraftaires : celle-ci ordonnoit de plus, que les Evêques & les Clercs attachés aux erreurs de Neftorius, fufTent chaffés des Eglifes', & les laïcs frappés d'anathême : elle permettoit a quelque perfonne que ce fut de les accufer; el!e défendoit de rien enfeigner, ni même de rien dire qui fut contraire aux décrets de Nicée & d'Ephefe. Le Comte Irénée, qui, pendant le Concile , avoit fervi Neftorius de tout fon pouvoir, ayant été depuis ce temps-lÈl élu Evêque de Tyr , quoiqu'il fut veuf de deux femrnes , l'Empereur déclara fon ordination nulle & illégitime : il lui en- Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 431, VAcad. t. XXX,  Theodo- se II. Valentinien BK, Ann. 431. 7E 'Histoirh joignit de fe retirer dans fa patrie, avec défenfe d'en fortir, & d'y répandre fes erreurs, L'Héréfiarque, qui s'étoit d'abord retiré dans fon ancien monaftere aux portes d'Antioche, continuant d'y dogmatifer, fut exilé dans 1'Oafis. Les Blemmyes, ayant fait une irruption dans ce pays, 1'emmenerent prifonnier , & lui donnerent enfuite la liberté. II vint a Panopolis en Thébaïde , d'oü le Gouverneur de la Province le relégua fur la frontiere dans la ville d'Eléphantine. On le ramena quelque temps. après a Panopolis, pour le reléguer encore. Alnfi, chaffé fans celTe, fans ceffe rappellé , changeant a tout moment d'exil, vil rebut de toutes les contrées qui déteftoient fes blafphêmes, accablé de maux &c de fatigues, mais toujours ohfiiné, il mourut dans 1'impénitence. Son héréiie ne fut pas éteinte par fon éloignement, ni même par fa mort. Maximien n'ayant vécu que deux ans & demi fur le (iege de Conftantinople , les partifans de Neftorius , qui étoit encore dans fon monaftere d'Antioche, demandoient avec de grands cris qu'on le rappellat,  BL7 Bas-Empirb. Liv. XXXI. 73' rappellat, & menacoient de mettre le feu a 1'Eglife & k la ville. Pour prévenirces deffeins pernicieux, Théodofe, par le confeil deTaurus&de fes autres Miniftres , permit fans différer aux Evêques qui fe trouvoient pour lors a Conftantinople, de mettre Proclus fur le tröne épifcopal. Dans une conjonóture fi preffante, il crut pouvoir fe difpenfer des regies prefcrites par les Canons, d'autant plus que Proclus étoit univerfellement defiré a caufe de fon grand favoir & de fa vertu. Après la mort de Neftorius , fes feétateurs recherchoient fesreliques comme celles d'un Martyr. Son apologie a été écrite er* Syriaque par plufieurs Auteurs. Sa doctrine s'efl étendue jufqu'aux extrêmités de TOrient. On voit par le célebre monument de pierre , qui fut déterré en 1615 , prés de Sigan^fu dans le Chenfi, Province de la Chine, & dont 1'autorité eft appuyée fur des preuves inconteftables , que le Neftorianifme fut prêché dans ce Royaume dès 1'an 636 de Jefus-Chrift; & qu'alors plufieurs Prêtres Neftoriens yinrent de Balk , ville du Chorafaa Tom VIL D Théodo- se II. Valentinien. III. Ann. 43 z*.  Théodo- se II. Valentinien III. Ann, 431. Ann. 432.. XXXVII. Iropofture d'un Juif. Soc. I. 7. ft 3$. 74 HiSTOIRB prés de 1'Oxus, jufques dans Ia Chine, oü le Chriftianifme avoit pénétré par les Indes dès le premier-liecle de 1'Eglife. Les Livres Syriens. nous apprennent qu'au huitieme liecle , il y avoit dans la Chine un Métropolitain foumis au Patriarche que les Neftoriens avoient en Chaldée. Cette fecte hérétique eft détruite en ce pays : après s'y être altérée de plus en plus par un mélange d'idolatrie Indienne , elle a entiérement difparu. Mais elle fubiifte plus ou moins corrompue dans 1'Egypte, 1'Arabie , la Chaldée, la Perie , les Indes & la Tartarie. Au feizieme liecle , les Neftoriens nommoient encore Neftorius dans le Canon de Ia. Meffe au nombre de ceux qu'ils ré-, véroient comme les plus laints perfonnages. Une erreur fubtile & métaphyfique telle que celle de Neftorius, devoit s'introduire fans beaucoup de peine. Mais ce qui arriva vers ce temps-la dans 1'ille de Crete, montre qu'une illufion, quelque grofliere qu'elle foit, trouve toujours des têtes préparées a la receyoir, & que.  nu Bas-Empire. Liv. XXXI. 75 le plus infenfé fanatifme peut devenir épidémique. Cette iile étoit peuplée de Juifs. Un d'entre eux fut affez impudent pour publier qu'il étoit Moïfe, que c'étoit lui qui avoit autrefois traverfé la mer Rouge a la tête des Tribus d'Ifraël, & que Dieu 1'envoyoit de nouveau pour conduire fon peuple au travers de la mer dans la terre de promifïion. II parcourut en une année toutes les villes de Crete, femant par-tout fon impofture. Les Juifs, enivrés de fes magnifiques promefles, le fuivoient en foule avec leurs femrnes &c leurs enfants, abandonnant leurs poiTeffions. A mefure qu'il avancoit, la troupe de fes fectateurs groffifToit toujours, & 1'illufion acquéroit un plus grand crédit. Le jour fixé pour le départ, il les conduit a la pointe d'un promontoire, & leur ordonne de fe précipiter avec une pleine confiance que les abymes vont s'ouvrir , & leur laiffer un chemin fee entre les eaux. On s'empreffe; les plus difpos franchiffent le faut les premiers, & périlTent, les uns brifés par les rochers, les autres engloutis dans les flots. C'en D ij Théodo* se II. Valentinien III. Anrt. 432;  Théodo- se II. Valen-. tinien III. Ann. 432. XXXVIII Mort de Boniface. Via. Vit. I. 1. Profp. chr. ldac. chr. Marcel, thr. Proc. Vand.1. I, c. 3. Theoph. p. S2. Du Cange diff. de inf. civi nutr.ijm, art. 60, 7<5 HlSTOIRB étoit fait de tout ce peuple, s'il né fe fut trouvé en ce lieu des pêcheurs & des marchands Chrétiens, qui retirerent des eaux quelques-uns de ces miférables, & chafferent les autres du rivage. Ceux qu'on avoit fauvés, ctant enfin détrompés , défabuferent leurs camarades. On chercha Timpofteur, qui ne fe trouva point; & par une imagination moins dangereufe. que la première, on fe perfuada que c'étoit un démon, qui avoit emprunté la figure humaine. Un grand nombre de ces Juifs quitterent avec cette erreur celle de leiur religion , & fe convertirent au Chriftianifme. La religion ne couroit aucun ri£t que en Occident ; mais la rivalité d'Aëtius & de Boniface y eau fa de grands troubles. Boniface étoit revenu de 1'Afrique, ayant laiffé en fa place Trigetius pour s'oppofer aux progrès de Genferic. II fut bien regn de Placidie, auprès de laquelle il étoit déja juftifié. Aëtius étoit alors occupé en Gaule a réprimer les incuriïons des Francois. L'Impératrice qui le haïlToit, mais qui le craignoit encore davantage, n'avoit ofé lui öter le comman-;  du Bas-Empire. Lw. XXXI. 77 dement des troupes ; & diffimulant fon reffentiment , elle 1'avoit même honoré du Confulat de cette année 432. Lorfque Boniface fut arrivé, elle fe crut affez forte pour abattre la puiffance d'un fujet fuperbe, qui,outre la perte de 1'Afrique dont étoit caufe fa perfidie, s'étoit encore rendu criminel en fe rendant redoutable a fon Souverain. Pour ie bleffer par 1'endroit le plus fenfible , elle affecta de combler Boniface de faveurs : elle fit frapper des médailles oü fon nom étoit gravé au revers de la tête de l'Empereur : élle lui conféra le titre de Patrice, & le créa Grand-Maitre de la milice, c'eft-a-dire , Général des armées de 1'Empire : c'étoit dépouilIer Aëtius. Celui ci n'eut pas plutöt appris cette nouvelle, qu'il revint en ïtalie avec fes troupes. Boniface, k la tête de celles qui fe trouvoient dans Ravenne, marcha au-devant de lui. II fe livra un combat, dans lequel Aëtius fut vaincu , &c Boniface bleffé de la main de fon rival. II mourut de cette bleffure au bout de trois mois. Placidie, inconfolable de la perte D Üjj Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 432;  Théodose II. ValentinienIII. Ann. 432. XXXIX. Aëtius rétabli. ldac. thr. Frofp. chr. Marcel, thr. Viel. Vit. I. 1. Suid. voet OsoSi- fiof. Valef. rer. Fr. I. 3. Pagi ad 'Bar. TUI. Valent. 111. art, 10. 78 HlSTOIRE de ce grand Capitaine, fit paiTer tous fes titres & toutes fes charges fur la tête du Comte Sébaftien fon gendre. C'étoit un homme également habile pour le confeil & pour 1'exécution, vaillant, laborieux, vigilant. Aëtius s'étoit retiré fur une de fes Terres, oü il fe tenoit caché pour fe dérober au reffentiment de 1'Impératrice. Mais ayant été découvert, Sc fur le point d'être enlevé par un de fes ennemis, il fe fauva d'abord k Rome, oü ne trouvant pas de fïïreté, il paffa en Dalmatie, Sc de-lk en Pannonie, pour implorer 1'ailiftance des Huns, fes anciens amis , dont le Roi , nommé Roua ou Rugula , lui donna quelques troupes. L'approche d'Aëtius, fuivi de ces barbares, jetta 1'allarme dans Ravenne. On envoya des députés a Théodoric , Roi des Vifigoths , pour lui demander du fecours. Enfin, la timide Placidie crut que le meilleur parti étoit de regagner Aëtius. Elle traita donc avec lui, le rappella a la Cour , lui rendit toutes fes dignités, y ajouta encore celle de Patnee; Sc dans ce foible gouvernement, un fujet coupable gagna plus par fa rébel--  nu Bas-Empire. Liv. XXXI. 79 lion, qu'il n'avoit auparavant obtenu par fes fervices. Sébaftien fut facrifié; il lui fallut chercher afyle a la Cour de Conftantinople. N'y trouvant que cette froide & ftérile confidération que donne une illuftre infortune, il s'ennuya de n'être qu'un objet de compafTion, & fe mit a la tête d'une troupe de pirates qui infeftoient 1'Hellefpont & la Propontide. Bientöt las de cette vie criminelle & miférable tout enfemble , il paffa en Aquitaine auprès de Théodoric, Roi des Vifigoths: il trouva moyen de s'emparer deBarcelone; mais en ayant été chaffé peu de temps après, il fe retira en Afrique k deffein d'y fervir Genferic , & de fe venger de fon injufte difgrace, Ce Prince venoit alors de s'empara de Carthage : il fe fouvenoit de Tincontlance de Boniface; & craignan qua fon exemple fon gendre ne vouKit, par une feconde trahifon , racheter la faveur de Placidie en: ff rendant maitre de cette ville, i! ré {blut de s'en défaire, & fe fervir di prétexte de la religion. Un jour, er préfence de toute fa Cour : Je comp D iv Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 432; XL. Aventures rle Sébaftien. I l  TtitoDtr- SF Ü. V.< i isXIXJ£M IIL -Aon, 432, i Ann. 433. XLI. Embrafement a 'Confiantinople.Mare. chr. tO H 1 S T 0 I R E te , dit-il a Sébaftien , fur votre fiditjti: mais pourn? en affurer davantage , je fouhaite que vous embraffie^ notre religion , & que vous recevie^ le Baptême de nes Evêques. Sébaftien ie fit apporter un pain de la table du Roi, & le montrant a Genferic : Prince, lui dit-il , faites rompre ce pain en morteaux, faites-le tremper, paitrir de nouveau , & remettrt au four. S'iLen fort meillcur qu'il nejl maintenant, je ferai ce que defire Votre Majefté. Par cette réponfe aufïï ferme qu'ingénieufe, le Roi, convaincu de fa réfolution, prit le parti de le faire mourir en 449. On trouve fon nom dans un Martyrologe. En effet, il expofa fa vie pour conferver fa foi, & ce facriSce a pu expier les fautes de fa vie jaffée. Mais, felon la remarque de VI. de Tillemont, il eft toujours dan*ereux de fe hater de canonifer les Srands. Les incendies étoient fréquents k Conftantinople. L'année 43 3 , il y en ïttt un, le plus terrible que cette ville :üt encore éprouvé depuis Conftan:in. II commenca le 17 d'Aoüt dans 'arfenal de la marine, & pendant  du Bas-Empi&e. Lèu* XXXI. 81' deux jours 6c deux nuits, il confuma toute la partie feptentrionale de la ville. Les greniers publics, les bains d'Achille 6c tous les environs, furent réduits en cendres. L'Eglife des Novatiens fut dans ce quartier le feul édifice qui réfifta aux Hammes. Ces hérétiques en flrent un miracle, qu'ils attribuerent aux mérites & aux prieres de leur Evêque Paul; 8c en mémoire de eet événement , ils inftituerent une fête annuelle qui fe célébroit le 17 du mois d'Aoüt. Une loi du 15 Décembre 434, nous apprend qu'en ce temps-la ceux qui s'engageoient dans la vie monaftique , y confervoient 1'ufage 8c la propriété de leurs biens. S'ils mouroient fans teffament 6c fans hérétiers légitimes , leur fuccefHon, felon k droit commun, étoit dévolue au fifc Théodofe renonga h ce droit de déf bérence a 1'égard des Evêques, dei ■autres Eccléfiaftïques, des Religieus 6c Religieufes. ïl déclaraqu'après leu: *mort, les Eglifes 6c les monaftere ïeroient leurs héritiers, s'ils n'en a yoknt point laiiTé d'autres, & ejê D ¥ Théodo* se m ValentinienIII. Ann. 43j. Chr. AVex. Socr. I. 7, «• 3% Ann. 434. xtn. Loi fur les biens des Eccléfiaftïques & des Moines. Cod. Th. I. f. tit. 3. ; leg, unis.  Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 434. XLIII. Honoria chaffée de la Cour. Mare. chr. Prlfc.Rhet. ï. 40. PaulDiac. I. 5. Jorn. ie reb. Get. art. 42. Sr dcrcgn.fuc«ƒ. gS HlSTOIlLE leurs biens fuffent libres de tout engagement. On vit alors un de ces événements fcandaleux, que le filence étoufTe dans les families obfeures , mais dont le bruit éclate dans les palais, & retentit jufqu'è la poftérité. Une Princeffe de feize ans, fille, fceur, niece & couline germaine d'Empereurs , chaffée de la Cour de fon frere qu'elle avoit déshonorée, arriva couverte de honte a Conftantinople. Placidie, mere d'Honoria, ne croyoit pas que fa fille put prendre un mari fans avilir le nom d'Augufte dont elle étoit décorée; & peut-être ne lui avoitelle procuré ce titre, que pour l'obliger a une virginité perpétuelle , de crainte de donner un rival a fon fils Valentinien en lui donnant un beau-frere. Honoria paroiffoit peu difpofée a fe prêter a ces arrangements politiques : 1'exemple de Pulchérie & de fes fceurs qu'on lui citoit fans ceffe, la touchoit moins que fa propre inclination. Elle en donna tant de foupcons, qu'on crut qu'il étoit néceffaire de la garder étroitement, Cette contrainte révolta fa vi-  nu Bas-Empire. Liv. XXXI. S3 vacité naturelle ; elle chercha t-ous les moyens de s'affranchir de eet efclavage : 6c bien moins fenfible au fort de 1'Empire qu'au fien propre, elle jetta les yeux fur Attila, qui venoit de monter fur le tröne. Elle entendoit dire que c'étoit un Prince qui ne refpiróit que la guerre 6c Fagrandiffement de fon Empire. La férocité qu'on lui attribuoit efFrayoit moins Honoria, que la condition a laquelle elle fe regardoit comme condamnée ; 6c elle voulut être elle-même une des conquêtes du Roi des Huns. Dans cette réfolution défefpérée, elle trouva moyen de lui dépêcher un Eunuque affidé, pour lui déclarer qu'elle le choififfoit pour époux , 8c qu'elle lui tranfmettoit tous les droits que fa naiffance lui donnoit fur la fucceffion du grand Théodofe. En conféquence , elle 1'invitöit a venir au plutot en Italië, 6c elle lid envoyoitun anneau pour gage de Ia foi conjugale. Mais elle ne fe fit pas fcrupule de violer eet engagement romanefque. Comme Attila tardoit trop a fon gré, elle s'abandonna a fon Intendant, nommé Eugene, 8: ce con> D vj Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 434.  Théodo- se II. ValentinienIII. 'Ann. 434. Ann. 435. XLIV. Divers ëvéne- ments en Oriënt. Cod. Th, l. 14. tit. 2.6'. leg. 2. God. ad . 'leg. 3. tit. 5- U 11. ' Cod. Th. j Mare. chr. . Theoph.p. $0, ] Cedrtn: p, ] 34ïv * Theod. II. t *rf. 21. J r a €4 HlSTOIRB merce fecret éclata bientót par des fignes non éqtiivoques. Placidie irritée, la chaffa du païais. Honoria, portant avec elle fon ignominie, fe réfugia auprès de Théodofe; & la Cour d'Örient, accoutumée a voir trois PrincelTes chaftes & vértueufes, la recut en rougiffant de fa honte. Nous Verrons dans la fuite quel avanrage Attila fut tirer de ces avances. La paix fe maintenoit en Oriënt 5 & ces années fournilTentpeu d'événements dans cette partie de 1'Empire» Nous allons rafTembler en peu de mots :eux de 1'année 43 5 & de la fuivante. Théodofe orna la ville de Conftantinople d'une nouvelle place a laquelle I donna Ion nom. Le Théatre d'Aleïandrie s'écroula tout-a-coup pendant }ue le peuple afTiftoit a un fpeöacle, k cinq cents foixante & douze perbnnes furent écrafées fous les ruines, .es Payens & les Juifs , irrités des oix féveres dont j'ai déja fait rnenion, fe fouleverent en Syrië, en Phélicie, en Paleftine, en Arabie. A aodicée de Syrië, les Juifs fe faifient de 1'Archidïacre, le trainerent u théatre> tk 1'y firent mourir dans  r>v Bas-Empire. Liv. XXXI. 85 les fupplices. Ces excès furent arrêtés par le chatiment des plus coupables. L'Empereur alla par mer k Cyzique , & après un féjour de trois femaines, pendant lefquelles il combla cette ville de bienfaits , il revint a Conftantinople. II augmenta de cent dix boiffeaux par jour la diftribution gratuite de bied qui fe faifoit au peuple d'Alexandrie. Gigance, Cappadocien, Gouverneur de i'Auguftamnique , Provkice d'Egypte dont Pélufe étoit la capitale , avoit crnellement vexé les habitants en les accablant d'impofitions exceffives. Plufieurs d'entr'eux avoient été obligés d'abandonner leurs biens , &c de s'exiler de leur patrie. L'Empereur ordonna de mettre aux fers eet injufte Magiftrat; il lui fit faire fon procés, & le punit par la confifcation de fes biens. Des Moitïes turbulents vouloient exciter de nouveaux troubles en faifant condamner Théodore, Evêque de Mopfuefte , mort dans la communion de 1'Eglife. Ce Prélat avoit été le maitre de Neftorius , & 1'on prétendoit trouver dans fes écrits la fource de 1'héréfie prof-erke a Ephefe. Théodofe étouffa pour Théodo» se II. ValentinienIII. Ann. 4}f»  Thegdo- se II. Valentinien. III. Ann. 435. XLV. Paix avec Genferic. via. vu. 1. 1. Profp. chr. Proc. Vond. e. 4. lfid. chron. Vand. Hifl. Mifsell. I. 14, M HlSTOTRR lors ces nouvelles femences de difcorde, qui fe ranimerent dans la fuite, & produifirent de longues ckfacheufes conteftations. L'Occident ne jouiffoit pas de la même tranquillité. Les Gaulois révoltés , les francs r les Bourguignons , les Vifigoths, donnoient un continuel exercice aux armes Romaines. Ce fut un foulagement pour 1'Empire de n'avoir pas en même-temps a combattre les Vandales. Trigetius, fucceffeur de Boniface, fit la paix avec Genferic. Ce Prince politique ne fe laifTant pas éblouir de fes fuccès paffés, crut devoir affurer fes conquêtes avant que d'en ajouter de nouvelles. II confentit a payer tous les ans un tribut, dont il favoit bien qu'il s'affranchiroit dès qu'il le jugeroit a propos. A cette condition', 1'Empire lui cédoit en propriété la Proconfulaire, a 1'exception de Carthage, la Byzacene, & ce qu'il avoit conquis de la Numidie. Genferic s'engagea par ferment a ne rien entreprendre fur le refte de 1'Afrique, dont les Romains demeureroient paifibles poffeffeurs. Pouir' fureté de fa parole, il  i nu Bjs-Empire. Liv. XXXI. 87 ;donna fon flls Huneric en ötage. Mais ;il fut fi bien perfuader la Cour de Ra| venne de fa fincérité , qu'on ne tarda pas a lui renvoyer fon flls. Ce traité pÉnt conclu le 11 Février 435. La Gaule, défolée par tant de ra1 vages, étoit encore épuifée par fes I Magiftrats. Leuravarice, plus deftructive que 1'épée des ennemis, forca : les habitants les plus diftingués d'aller :.chercher auprès des barbares 1'hu1 manité qu'ils ne trouvoient plus chez les Romains. Les payfans, qui n'avoient de reffource que dans leur défefpoir, prirent les armes y s'attrou: perent; & fous le nom de Bagaudes, qui, depuis le regne de Dioclétien, étoit devenu commun a ces fortes de rebelles, ils fe mirent a ravager ; les terres, qu'ils avoient inutilement 1 cultivées pour des maitres ingrats 6c I cruels. Un certain Tibaton fe mit k \ leur tête; & 1'efprit de révolte s'éi tant répandu dans tout les pays depuis la Loire jufqu'au fond de la Belgique , les efclaves fe fouleverent, & fe joignirent aux féditieux. Ils s'emparoient des chateaux; ils en conf1 jtruifoient même dans les lieux avan- Théodo^ SE II. Vaien- TINlEtf III. Ann. 43 f, XL VI. Révolte des payfans. Projp. Tiro. Idac. chr, Salv. di gub. I. 5. God. ad leg. 14. tit. 14. I- ij. Cod. Th. Pagi ad Bar. TUL. Va., lent. III. art, 11,  Théodo- se H. Valentinien nr. Ann. 435. 88 Hl S T O I R E tageux pour leur fervir de retraite ; & Fon rapporte que Saint-Maur auprés de Paris fut autrefois appellé le chdteau des Bagaudes. II eft aifé d'imaginer les excès auxquels fe porta une multitude groffiere, que la mifere avoit rendu fauvage & féroce. Cette guerre du ra deux ans. Enfin , Tibaton fut pris & puni du dernier fupplice. Les autres chefs de la faciion furent, les uns, mis a mort, les autres condammés a une prifon perpétuelle. Ce feu mal éteint fe ralluma encore neuf ans après dans Ia Gaule ; mais il avoit auparavant paffé en Efpagne, ou il fit d'horribles ravages. En 441, .Afture, Général des troupes de 1'Empire , extermina un grand nombre de Bagaudes dans un combat prés de Tarragone. Deux ans après , Mérobaude, fon gendre & fon fucceffeur, les battit'encore prés d'Aracelle , aujourd'hui Huarte-Araquil, a fix lieues de Pampelune vers 1'occident. Ce Général fut peu de temps après rappellé k la Cour par les intrigues de fes envieux. En 448, Bafile , homme hardi & violent, fe déclara leur chef, Ss fit Ia guerre aux  du Bas-Empixe. Ltv. XXXI. troupes de Théodoric, qui avoient i paffe les Pyrénées pour détruire ces ibrigands. Après avoir battu les Vifi: goths, il les pourfuivit jufques dans ji'Eglife de Tarazone, oii ils s'étoient Iréfugiés, & les paffa tous au hl de Tépée , avec Léon , Evêque de cette ville. II ravagea enfuite les environs :de Saragoce. Cette même année ks ;payfans s'étant de nouveau foulevés : dans la Gaule , un Médecin , nommé Eudoxe, fut accufé d'avoir allumé cette fédition ; & pour éviter le i chatiment, il fe réfugia aupfès d'Attila , qui faifoit alors trembler les deux Empires. II eft encore parlé de : ces Bagaudes fous la troilïeme année rdu regne de Marcien. Fréderic, frere : de Théodoric II, Roi des Vifigoths, faifant la guerre au nom de 1'Empire , les défit dans la Province Tarra: gonoife. Les Armoriques s'étoient en même-temps foulevés, foit de concert \ avec les Bagaudes, foit qu'ils fiffent la guerre féparément & en leur pro: pre nom. Litorius , un des Généraux de 1'Empire, & le plus puiffant après Aëtius auquel il devoit fa fortune, Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 435, XL VIT. Soulevement des Armoriques. Sidon. carm. y & 7. & ibi not. Simt  Théodo- SE II. Vaien- TIN1EK ni. Ann. 435. TUI. Vatent. 111. art, II. XL VIII. Défaite des Bourguignons.Proj'p. chr. Idac. chr. Sidon. earm. 7. Cajjiod. thr. Socr. I. 7. c. 30. Baronius. Vale/, rer. Fr. I. 3. TUL VaUnt. UI. art. 12. & vie de S. Uilaire d'Jrles,art, 11. 90 HlSTOIRB marcha contre eux avec une troupe: de Huns auxiliaires. Majorien, qui i devoit être fort jeune dans cette ex- ■ pédition, y fit connoitre fon cou- ■ rage. La guerre continua pendant 1'hy- ■ ver. II y eut des combats fur les bords; de la Seine, de la Le-ire, du Clain i en Poitou, & de 1'Allier. La ville : de Tours fut attaquée, & défendue. Enfin , les rebelles furent foumis ,, ou du moins réprimés : car il paroit,: qu'ils ne rentrerent jamais dans une; entiere & parfaite obéiffance aux loix: de 1'Empire. Nous remettons aux années fuivan- • tes a parler des incurfions des Francs ,, qui ne purent encore fe procurer un i établiffement durable. Mais le Royau- ■ me des Bourguignons, fondés depuis; vingt-trois ans, fe vit dès ce temps-la prés de fa ruïne. Leur Roi Gon- ■ dicaire, qui portoit le titre d'allié des; Romains, s'ennuyant d'un trop long; repos, porta le ravage dans la Bel-gique. Aëtius, accourut au fecours; de cette Province avec une année d'E- j rules , de Huns, de Francois & de: Sarmates. II entretenoit des liaifonsj avec tous ces barbares : c'étoient des?  pu Bas-Empihe. Liv. XXXI. 91 reffources qu'il fe ménageoit par une artificieufe politique, pour fe foutenir en cas de difgrace, & pour être en état de faire la loi a fon Souverain. En attendant qu'il eut befoin de leur fervice, il les employoit a celui de 1'Empire , dont ils étoient les ennemis naturels. Avitus fervoit dans cette armée. Gondicaire fut entiérement défait, &c réduit a demander la paix qui lui fut accordée. Aëtius ne fe mit pas fort en peine d'affurer aux vaincus la jouiffance de cette paix. Les Huns, qui faifoient partie de fon armée, ayant été congédiés après la guerre, fe jetterent, peut-être a fon infligation, dans le pays des Bourguignons , & leur tuerent dans une bataille vingt mille hommes. Gondicaire fut du nombre des morts, avec prefque toute fa familie. Les vainqueurs s'arrêterent dans un canton du pays, d'oii ils ne ceffoient de faire des courfes , pillant les campagnes , & maffacrant les habitants. Contre ces cruels ennemis, les Bourguignons n'implorerent pas le fecours d'Aëtius , dont la fincérité devoit leur être fufpefte; ils eurenl Théodo^ SE II. Vaiest- TINtEN III. Ann. 435. Alfat. ilhifi. t. l.p, 42S. Ann. 436. XLIX. Guerre des Bouh" guignons & des Huns.  Théodo- se n. ValentinienTit. Ann, 436. 92 HlSTOIRE recours au Dieu des Romains, dont'! la protection étoit plus affurée. Ceux: d'entr'eux qui n'avoient pas encore i reeu le Baptême, allerent a Treves; • & après un jeune de fept jours, ils; furent baptifés par St. Sévere, alors i Evêque de cette ville. Animés d'un nouveau courage, ils marcherent au nombre de trois mille contre les Huns, dont 1'armée étoit de dix mille hommes. La nuit précédente, Uptar, Roi des Huns, étoit mort d'un excès de table. Les Huns, fans chef, furpris de cette attaque imprévue , furent taillés en pieces. Ceux qui échapperent de la défaite, abandonnerent la contrée. Quelques Auteurs croyent que eet Uptar eft le même qu'Ocfar, frere de Roua & de Mundiuque, dont le dernier fut pere d'Attila. Gondicaire eut pour fucceffeurs Gondiac & Chilpéric, foit que ces deux Princes ayent partagé fes Etats, foit qu'ils ayent régné conjointement & par indivis. Grégoire de Tours dit que Chilpéric établit fon féjour a Geneve. En effet, ce fut è-peu-près en ce temps\k qu'Aëtius fit donner aux Bourguignons ce que nous nommons la^Sa-  nu Bjs-Empire. Liv. XXXI. 93 voie, qui comprenoit alors une grande partie de ce qu'on appelle anjourid'hui ie Dauphiné. Pendant cette guerre des Bourguiignons , les Vifigoths attaquoient la Province Narbonnoife. La paix conidue dix ans auparavant avec Théo^ doric, n'avoit pas fait perdre a ce Prince le defir d'étendre les Etats jufqu'au Rhöne. II avoit déja donné plufieurs atteintes au traité par des acïtes d'hoftilité. Cette année 436 , il en vint k une rupture ouverte. Après ijs'être emparé de plufieurs places, il )|mit le fiege devant Narbonne. La ' ville , dépourvue de munitions, ne (fouffrit pas moins de la famine & de la pefte, que des attaques de 1'enneimi. Litorius, qui venoit de réduire aes Armoriques , recut ordre de courir au fecours de Narbonne. II y conduifit en diligence la cavalerie des (Huns, dont il s'étoit fervi dans fon expédition.Ces barbares, accoutumés au brigandage, ne faifoient mille diftincfion d'amis & d'ennemis. En traiverfant 1'Auvergne , ils la ravagerent avec la férocité qui leur étoit naturelle. Avitus, déja renommé pour fa Théodo.» se II. ValentinienIII. Ann. 436; L. Narbon* ne affiégéeparlesVifigoths^ Sidon. cartn. 7. Profp. chrj ldac, chrj lfid. chr. Got. Hifl. Mif. cel. I. 14; Valef. rer, Fr. I. 3. Page ad Bar. TUI. vie de s. Hilairc d'Arles , art, 11.  Theodo- SE II. ValentinienUT. Ann, 436, 94 fflSTOIRE valeur, s'étoit retiré a Clermont W patrie, après la viétoire d'Aëtius fur les Bourguignons, ï\ laquelle il avoit eu grande part. II apprit qu'un de fes efclaves venoit d'être tué par un cavalier barbare. II prend auflï-töt fes armes, monte a eheval; & s'étant fait paffage a grands coups d'épée au travers de 1'efcadron des Huns, il va chercher le meurtrier qu'on lui avoit défigné. II pouvoit le tuer fur Ie champ, 1'ayant pris au dépourvu ; mais pour faire refpecter a ces barbares la valeur Romaine, il lui qrdonna de fe mettre en défenfe, & de prendre carrière. On s'écarte pour les voir combattre. Dès le premier choc , Avitus perce le barbare de part en part, tk le renverfe mort par terre. II fe joint enfuite a Litorius , & marche avec lui vers Narbonne. Les cavaliers portant en croupe chacun deux boiffeaux de bied, donnerent fur les affiégeants avec tant de furie, qu'ils pénétrerent dans la ville , & y retablirent Pabondance. Avitus étoit efiimé de Théodoric, qui avoit tenté de 1'attirer a fon ,feryice. Après avoir rafraichi la place,  bu Bjs-Empize. Lh. XXXI. 95 iil en fortit pour conférer avec le Roi des Vifigoths, qu'il engagea a faire retraite , plutöt que de s'obftiner a un :fiege, dont il ne pourroit retirer que jdu déshonneur. Théodo- SE II. ValentinienIIL Ann. 436.  ■ SOMM AIRE  97 SOMMAIRE D V LIVRE TRENTE-DEUXIEME. AR I AG E de Valentinien. ir. Perfécution des Vandales. III. Succes des ■Sueves en Efpagne. IV. Etablijfement des Frangois dans la Gaule. V. Ils fe ren- dent makres de Cologne. VI. Pirates en -Oriënt & en Occident. VII. Tranflation des Reliques de St. Jean Chryfoflóme. VIII. Publication du Code Tfiéodojïen. IX. Défauts de ce Code. X. // a. été regu mime par les barbares. XI. Loi de Conf■ tantin abrogie. ~x.il. Nouvelles loix de Théodofe. XIII. Voyage SEudoxie a Jérufalem. xiv. Carthage prife par Genferic. xv. Banniffement des Evêques & des perfonnes difiinguèes. XVI. Gouvernement de Genferic. XVII. Défaite de Litorius. XVIII. Siege de Ba-ras. XIX. Royau■me des Alains dans la Gaule. xx. St. Léon rêconcilie Alhin avec Aëtius. XXI. Loix de Valentinien. XXII. Genferic fait =unt defcente en Sicile. XXIII. Mort ie Tome VIL E  SOMMAIRE Paulin. XXIV. Eudoxie fe retire a Jent' falem. XXV. Hijloire de Cyrus. XXVI. Puiffance de teunuque Chryfaphe. XXVII. Affaffnat de Jean le Vandale. XXVIII. I lotte envoyée contre les Vandales. XXIX. Attaques de tous les barbares. XXX. Fin du Royaume d''Armenië. XXXI. Partage de rArmenië entre les Romains & les Perfes. XXXII. Commencement de difcorde entre les Romains & les Huns. XXXIII, Traité honteux entre les Huns & les Romains. XXXIV. Conquêtes i'Attila en Tartarie. XXXV. Commencement desguerres d''Attila en Europe. XXXVI. Négociations inutiles. XXXVII. Ravages des Huns. XXXVIII. Cruautés de Genferic. XXXix. Confuls. XL. Voyage de Théodofe enAfie. XLI. Loix de Théodofe. XLII. Crédit de Nomus. XLIII. Mort d'Arcadia. XLIV. Diofcore, Evêque d'Alexandrie. XLV. Maffacre a Confandnople. XLVI. Chryfaphe abufe de fon pouvoir. XLVII. Loix de Valentinien. XLVIH. Les Bretons demandent du fecours. XLIX. Loi fur les fêpultures. L. Reckiaire fuccede d Rechila, Roi des Sueves. LI. Horrible tremblement de terre. LH. Murs de Conjlantinople rebdtis. LUI. Puiffance £ Attila. .UV.Sonportrait. LV. Son infolence, LVI.  du Livre XXXIK 99 II fubjugue Les Acatires. LVII. // ravage la Thrace, LVIH. Défaite des Généraux Romains. LIX. Paix avec Attila. LX. Réjifance des habitants d''Afemonte. LXI. Hijloire de Zénon. LXII. Evénements a Conjlantinople. LXI li. Eocaric arrêté par St. Germain. LXIV. Mérovée, Roi des Francois. LXV. Confulat d'AJIure. LXVI. Famine en Italië & en Gaule. LXVII. Conduite dAttila d £ egard des Romains. LXVIII. Théodofe veutfaire afjaffner Attila. LXIX. Complot formé pour ce deffein. LXX. Ambaffade envoyée par Théodofe d Attila. LXXI. Comment cette ambaffade ejl recue par les Huns. LXXII. Attila donne audience d Maximin. LXXIII. Conduite £ Attila, pour convaincre les Romains de leur perfidie. LXXIV. Sujet de querelle entre Valentinien & Attila. LXXV. Réception £ Attila dans fon palais. LXXVI. Fejlin d'Attila. LXXVII. Départ des Ambajfadeurs. LXXviii. Reproches £'Attila d Théodofe. LXXIX. Attila fe laijfe appaifer. LXXX. Chryfaphe foutient l'héréjie a"Eutychès. LXXXU Théodofe favorife l'kérejiarque. LXXXU. Faux Concile d'Ephefe. LXXXIII. Suites du Conciliabule. LXXXIV. Mort dz. Théodofe II. E ij   HISTOIRE D U BA SE MP IR E. LIVRE TREN TE-DEUXIE ME. THÉODOSE II, VALENTINIEN III. Valentinien ayant atteint fa dix-neuvieme année , envoya Volufien , Préfet de Rome, a Théodofe , pour demander Eudoxie, qui lui étoit promife depuis treize ans. Théodofe propofa d'abréger le voya%~l de fon coufin en fe tranfportant E iij 101 FlIÉODOse II. Valentinien III. Knn. 437. I. Mariage  Théodo se II. .■ValentinienIII. 'Ann. 437. «le Valen- linien. Socr. I. 7. . i. Juftin. novel 11. Jorn. de 'regn. fuc- ri. Perfécution des "Vandales. Vrofp. chr, Bamiius, 102 HlSTOIRE avec fa fille k ThefTalonique. Mais le jeune Empereur voulut aller jufqu'a Conftantinople , oü il arriva le 2t d'Odobre. Le mariage fut célébré le 29 de ce mois; & les deux époux, après avoir honoré de leur préfence les fêtes ordinaires en ces brillantes occafions , allerent pafler 1'hyver a Theffalonique, d'oü ils ne revinrent en Italië que 1'année fuivante. Par le contrat de mariage, la do nation que Placidie, au nom de Valentinien, avoit déja faite a Théodofe de 1'Illyrie occidentale, fut de nouveau confirmée ; & 1'on blama Ia Cour de Ravenne d'avoir, par cette conceflion , affoibli 1'Empire d'Occident, déja entamé par les barbares fur toutes fes frontieres. Sirmium % dans la feconde Pannonie, redevint le fiege du Préfet du Prétoirc Depuis le partage de 1'Illyrie, ce Magiftrat fiégeoit a Theffalonique : il fut cinq ans après obligé d'y revenir, lorfqu'Attilla eut ruiné Sirmium. Genferic, tranquille pofleffeur de la plus belle contrée de 1'Afrique , y commencoitune perfécution , qui ne fut interrompue que par de courts  du Bas-Empire. Liv. XXXII. 103 intervalles pendant les cent annéesque les Vandales régnerent dans ces Provinces. L'Arianifme, auffi fanguinaire que 1'Idolatrie , fe déchaïna avec fureur cöntre les Catholiques. Les Evêques étoient chaffés , outragés, trainés dans d'affreux délerts, o\\ ils étoient expofés aux bêtes féroces & a toutes les miferes de la vie. Genferic n'épargna pas fes Officiers les plus fideles , qui chériffoient fa perfonne, mais qui déteüoient fon erreur. Ce fut pour 1'Eglife de ce fiecle unc nouvelle matiere de triomphes. La conftance des martyrs croiffoit dans la même proportion que la rage des perfécuteurs : tk Pon vit encore des enfants & des femrnes furmonter par un courage invincible, toute la cruauté des tyrans. Les Sueves s'emparoient en Efpagne des pays que les Vandales avoienl abandonnés. Leur Roi, Richila, Prince plein de feu & de bravoure, fuivant les traces , de fon pere Herménéric , défit, prés de la riviere de Xenil, nommée alors Singilis dans 1; Bétique , le Général Andevote , qu< l'Empereur avoit envoyé avec urn E iv. Théodo- se II. ValentinienIII. Ann. 437i Ruinart ad na. na. r; 431. Ann. 43S. UI. Succes ' des Sueves en Et . pagne. ldac. chr, ' lfid. chi art, \ Suev. Mariana , ' hifl. Efp. I, J. « 3*  Théodo- se H. .ValentinienIII. Ann. 438, j i i i I c ï 1 T c S 1°4 H 1 S T O I R £ armée. Andevote fut tué dans la bateille, & le vainqueur fit un riche butin , qui lui fervit k pouffer plus lom fes conquêtes. Après avoir fou. mis toute la Bétique, il paffa en Lulitanie, & fe rendit maïtre de Mérida, qui en étoit la capitale. La prife de cette ville acheva de détruire ce qm reftoit d'Alains en ce pays. Le Comte Cenforius, que l'Empereur avoit chargé de traiter avec les Sueves , n'ayant pu fe faire écouter, fut affiégédans Myrtilis, aujourd'hui Mertola fur la Guadiane, & obligé de fe rendre. Réchila réduifit fous fa puiffance la Province de Carthagene, & la défaite de Vitus lui en afïura Ia jofleflion. Ce Général ayant paffé les yrenees avec une armée nombreue de Romains & de Vifigoths, qui 'étoient joints k lui dans 1'efpérance ie s'enrichir du pillage, commenca >ar devafter le pays qu'il avoit or■re de recouvrer ou de défendre. Le Loi des Sueves vint k fa rencontre: 1 viöoire ne balanca pas: Vitus prit epouvante dès Ie commencement du ombat; & par fa fuite , il laiffa les ueves maitres de tout le pays, qu'ils  nu Bas-Empire. Liv. XXXII. 105 ravagerent. Réchila, après neuf ans de regne & de conquêtes perpétue!les , mourut a Mérida en 447. II eut pour fucceffeur fon fils Réchiaire. Théodoric, après avoir levé le fiege de Narbonne, n'avoit pas quitté les armes. Aetius marcha contre ce Prince, &. lui tua huit mille hommes. Mais un plus redoutable ennemi menacoit d'envahir la partie feptentrionale de la Gaule. La paix qu'Aëtius avoit faite avec les Francois en 431, ne s'accordoit avec le caraftere ni de la nation, ni du Prince qui la commandoit alors. Clodion brüloit d'impatience de s'établir dans la Gaule, éc d'effacer 1'afFront fait a fes armes par la victoire d'Aëtius. II paroit même que par le traité de paix, on avoit cédé aux Francois quelque portion des contrées dont ils avoient été chaffés en 428. Clodion faifoit alors fa rélidence en-deca du Rhin dans le chateau de Difparg, qu'on croit être Doesbourg entre Bruxelles & Louvain. En 438 , ce Prince ayant envoyé des coureurs jufqu'a Cambray pour reconnoitre le pays , fe mit en marche, traverfa la forêt CarbonE v Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 438. IV. Etabliffements de» Francois dans la Gaule. Profp. chr. Idac. chr. Salv. de Guh. I. 6. Sidon. carm. J. Prifc, p. 40. Greg. Tur. 1.2. c. 9. Sigeb. chr. Ado.chron. Sigon. de Imp. Occ. I. 12. Valef. ter. Fr. I. 3. Pati ai Bar'. TUI. Va. tent. III. art. 7, 8, 12, iS. Mém. Acad. t. rm. P.  Jhéodo- se ii. .ValentinienHÏ. 'Ann. 438. 46S. 507 & fuiv. Chifflu anaft. Childér. p. il. ïo(j HlSTölRE niere, battit un corps de troupes qnl s'oppofoit k fon paffage, furprit la garnifon , s'empara de la ville, & pouffa fes conquêtes jufques fiir les bords de la Somme. II fe rendit maïtre de Tournay & d'Amiens. Aëtius arriva trop tard pour fauver ces villes. Mais comme les Francois vouloient s'étendre dans 1'Artois, il les furprit prés de Lens, pendant qu'ils, ne fongeoient qu'a fe divertir a 1'occafion du mariage d'un de leurs Capitaines. Ce fut une déroute , plutöt qu'une défaite. Majorien, qui fervoit alors fous Aëtius, fe diftingua en cette rencontre. II reff a aux Francois affez de forces pour fe maintenir dans les places dont ils s'étoient mis en poffeffion. On conjefture qu'Aëtius , las de verfer fans ceffe le fang des Romains pour repouffer une nation opiniatre & indomptable, fit la paix avec Clodion , & lui céda la fouveraineté des pays qu'il venoit d'envahir. C'eft de cette année 438 qu'on peut dater avec certitude i'établiffement fixe & permanent des Francois dans la Gaule. Clodion choifit pour capitale de fon nouveau Royaume,  nv Sjs-Empire. Lh. XXXII. 107 ou Cambray , ou Amiens, ou Tournay. Les fentiments divers des Auteurs fe partagent entre ces trois villes. Aetius contrada même avec lui une étroite amitié : il adopta le plus jeune de fes flls, qu'il combla de riches prefents; & il 1'envoya a Ravenne pour obtenir de l'Empereur la ratification du traité , & pour lui offrir les fervices de la nation Francoife. Le Rheteur Prifcus rapporte qu'il avoit vu ce jeune Prince a Rome; & Fon croii avec quelque fondement que c'étoii Mérovée, rils & fucceffeur de Ck> dion. , , Dans ce même temps, un detache ment de Francois ravageoit le terrl toire de Trêves & de Cologne. Trê ves, la principale cité de la Gauli depuis le regne de Maximien Her cule, image de la ville de Rome pa le luxe & la débauche,, autant qu par le rang & la célébrité, futfacca gée pour la quatrieme fois. Le fer £ le feu n'épargnerent ni les habitants ' ni les édifices. II paroit par la fuil de Fhiftoire que les vainqueurs 1'; bandonnerent après le pillage. Ma ils conferverent Cologne, qu'ils fu E vi Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 438. V. Ilsferendent mai' tres de ; Cologne. F s l »e K is-  Théodose II. vaientinienIII. Ann. 43S, VI. Pirates en Oriënt 8c en Oecident.Profp. chr. Marcel, thr, VIL Tranflation des Relitjues de S. Jean Chryibftame a Conftanri-" nople. Secr. ƒ. 7. I08 HlSTOlRE prirenr dans un temps de réjouiffan» ces, tandis que les principaux de Ia ville faifoient enfemble un grand feftin. Les Francois étoientpayens. Auffi les anciennes chroniques ne donnentelles point d'Evêques a Cologne depuisl'an 430 jufqu'a Clovis ; non plus qu'a Tournay ni k Cambray depuis 1'invafion des Vandales en 407 , jufques vers la fin de ce fiecle. Tandis que le continent de 1'Afrique, de 1'Efpagne & de la Gaule étoit ravagé par tant de guerres fanglantes , la mer étoit couverte de pirates, qui défoloient les cötes des deux Empires. Ils firent une defcente en Sicile. Une autre troupe de ces brigands couroit la Propontide & rHellefpont. Cotrad, leur chef, fut pris & exécuté a Conftantinople avec plufieurs de fes camarades. Ce fut pour cette ville un fpedtacle auffi édifiant, que pompeux & magnifique, d'y voir rentrer comme en triomphe un illuftre mort, qui, rrente quatre ans auparavant, en étoit forti chargé de difgraces, Scaccablé de tout le poids de la colere de fon Souverain. Proclus, defirant réunir i  du Bas-Empire. Liv. XXXII. 109 fon Egüfe ceux qui s'en étoient féparés depuis 1'exil de Jean Chryfoftöme , engagea l'Empereur a faire transférer a Conftantinople les Reliques de ce faint Evêque. Théodofe envoya des Sénateurs a Comane, ou Chryfoftöme avoit confommé fon fajcrifice. II voulut que la tranflation fut décorée de la pompe la plus folemnelle. II paffa lui-même le détroit avec 1'Evêque Proclus, JesMagiftrats & une foule de peuple, pour aller J au-devant jufqu'a Chalcédoine. Le J corps de eet illuftre Prélat y arriva {le 27 de Janvier , & fut placé dans 1 la galere de l'Empereur. Dès qu'on | eut abordé a Conftantinople , on le ! tranfporta dans un char a 1'Eglife des | SS. Apötres. Pendant cette pieufe cérémonie, Théodofe donna toutes les ; marqués du regret le plus fincere, * pour réparer 1'injuftice de fa familie. I II pleuroit fur le cercueil, il le couI vroit du manteau Impérial; & y ap■ pliquant le front & les yeux, il im| ploroit auprès de Dieu 1'interceffiors I du faint Prélat en faveur de fon pere, 1 & fur-tout de fa mere, dont la haine implacable 1'avoit fi cruellement per- Théodo-, se II. Valentinien m. Ann. 438. Theod. t. 5, c. 36. Theod. Li l. 1. Marcel, chr. Theoph. pi 80. Baronius. TUI. vie dc S. Jean Chryf. art^ 134.  Théodo- se II. Vaeentinien III. Ann. 438. VIII. Publicatie n du Code Théodofien, JEunap. vi~ ta AZdcfii. Novel. Theod, 1 , 2. Novel. Va ■ lent. 13. God. ProUi. ad cod. Theod. TUL Theod. 11, ■art, 2 2. Ritterhus. de jur. Juft. c. 3. Doujat , hift. jur, fiv. c. j. ITO HlSTÖIRE fécuté. Tout le peuple verlok des larmes de joie : on eroyoit encore voir, encore entendre Chryfoltöme: on bénilToit 1'Etre fuprême, éternel dans fa gloire, & irnmortel dans fes Saints auxquels il la communiqué. On combloit de louanges 1'humble piété de Théodofe, la générofké de Proclus ; & dès ce moment, tous les cceurs s'étant réunis, la diviiion ceffa dans 1'Eglife de Conftantinople. Théodofe s'occupoit dans ce même temps d'un objet digne de 1'attention d'un Souverain. Jufqu'au temps de Dioclétien, les loix émanées de 1'autorité Impériale n'avoient point été recueillies en un corps. Détachées les unes des autres, elles échappoient a la plus laborieufe recherche. Sous Dioclétien , deux favants Jurifconfuttes, Gregoire, & Hermogénien, les raffemblerent, en commencant au regne d'Hadrien , qui avoit donné au droit Romain une nouvelle forme, en publiant i'Edit perpétuel. Ils compoferent chacun un Code qui porta leur nom, & dont on retrouve des fragments dans les Ouvrages des Ecrivains poftérieurs. II paroit que ces  nu Bas-Empirb. Liv. XXXII. nt deux Codes furent autorifés par quelque Conftitution impériale; mais ils étoient fans doute trop imparfaits. Les décifions des divers Empereurs fouvent contradi&oires , jettoient dans les jugements beaucoup d'ineertitude & d'embarras. La fcience du Droit n'en étoit devenue ni plus claire , ni plus facile. Pour fe guider dans ce labyrinthe, il falloit encore confulter une infinité de volumes: & Eunapius, qui vivoit fous Gratiën, dit que de fon temps la bibliotheque d'un Jurifeonfulte faifoit la charge de plufieurs chameavix. D'ailleurs ,un grand nombre de ces loix, nées dans le fein dv Paganifme, ne s'accordoient plus ave« la Religion Chrétienne: en forte qu< Théodofe fondoit des chaires de Ju rifprudence dans 1'Académie de Conf tantinople, & que le nombre des Ju rifconfultes diminuoit tous les-jours Pour ranimer cette étude, & donne au Droit public & privé une form plus affurée, il réfolut de compofe un nouveau Code. II choifit pour l'ex( cution de ce projet, huit perfonne d'une probité reconnue & d'une fcier ce confommée, Le chef de cette hc Théodo-se II. ValentinienIII. Ann. 43 §.' Giannonc » hifi. Neap. I. x. f. 7« r r > s  Théodo- se II. ValentinienIII. Ann, 438. ItZ HïSTOIRB norable commiffion étoit Antiochusi qui avoit été Préfet du Prétoire, & Confulen43i. Ce travail demandoit des hommes integres , judicieux &C parfaitement inftruits. II s'agiffoit de réunir dans un feul volume les ordonnances des divers Princes ; de rejetter celles qui étoient ou injuftes , ou inutiles, ou oppofées k d'autres plus recevables; de réduire fous le même titre celles qui avoient rapport au même objet, d'en corriger les fautes & les altérations, de les abréger en ne préfentant que le difpofitif, la raifon & la fandtion de la loi, fans enchangerl'efprit,nienaltérer lefens. Comme la Religion doit être 1'ame du fyftême politique, il fut décidé qu'on ne feroit entrer dans ce recueil que les loix des Princes chrétiens, & qu'on ne remonteroit pas au-deffus du temps de Conftantin. Dans eet efpace de cent vingt-fix ans, quinze Empereurs avoient travaillé a régler toutes les parties de 1'adminiftration civile, militaire & eccléfiaftique. Ce projet fut communiqué a Valentinien , qui, pour en procurer une exécution com plete, ouvrit les archives de l'Em°  Dv Bas-Empihe. Liv. XXXII. n'3 pire d'Occident. On raffembla en feize livres les difFérentes fortes de conftitutions publiées dans les deux Empires, les édits, les refcrits, les ordres adreffés aux Magiftrats, les difcours des Empereurs au Sénat, les pragmatiques, les aétes & les décrets du Confeil; enfin, un grand nombre de mandements envoyés aux Gouver* neurs des Provinces & aux autres Officiers. Pour laifTer a chaque Prince la gloire qui lui étoit düe, on eut foin de marquer a la tête des loix le nom de ceux qui en étoient les auteurs , & celui des Magiftrats a qui elles étoient adreflees: la foufcription exprime le lieu oü elles ont été données & la date par les Confulats. Ces attentions ont fait de ce Code un monument hiftorique très-précieux. Dès que ce grand ouvrage fut achevé, Théodofe, par un Edit du 15 de Février de cette année, déclara qu'a commencer au premier de Janvier prochain, les loix comprifes dans ce recueil auroient feules autorité dans 1'Empire, & qu'elles ferviroient de régie certaine pour la Jurifprudence des tribunaux. II donna ordre de pu- Théodo- se II. Valen- tiniehUI. Ann. 43 Si'  Théodo- se II. ValentinienIII. Ana. 438. IX. Défauts «Ie ce Code. piacees ious un titre qui ne leur convient pas ; quelques-unes coupées en deux & féparées fous différens titres, de maniere que chaque partie en eft tronquée, & manque même quelquefois de fens & de conftrudtion. II s'y en eft gliffé qui portent un caractere de fuperftition, ou qui favorifent 1'hé- 114 HlSTOTRS blier ce Code dans toutes les Provinces. Les Ordonnances qui furent dans la fuite ajoutées par lui & par les autres Empereurs jufqu'a la légiflation de Juftinien , prirent le nom de Novelles. Ce Code fut adopté dans 1'Empire d'Occident. Neuf ans après, les deux Empereurs s'envoyerent mutuellement les loix qu'ils avoient ajoutées dans eet intervalle; & chacun fit publier celles de fon collegue, afin que les deux Empires fuffent gouvernés felon le même efprit, & foumis a une difcipline uniforme. j Malgré la capacité & les foins des rédacteurs, Jes critiques les plus clairvoyants reprochent ? Code plufieurs imperfedions. En 3f-rég?ant les loix, on les a quelquefois obfeurcies : il y a des omilTions importantes; on y trouve des loix répétées , d'autres  \ du Bjs-Empire. Liv. XXXII. 115 tréfie : loix faites dans des temps de t ténebres &de diviiion, mais qui n'au| roient pas dü reparoïtre fous les aufi pices d'un Prince zélé pour la Reüigion & pour la doctrine orthodoxe. ICes défauts n'empêchent pas que ce I Code ne foit très-eftimable ; & que 3 pour les loix qu'il contient, il ne Ibit | même préférable au Code de JuftiI nien, ou le texte de ces loix eft fouI vent infidélement rapporté & altéré i en plufieurs manieres. L'autorité du Code Théodofien s'éI tendit jufques chez les peuples barbait res, & fe conferva long-temps. II ne i fubfifta que quatre-vingt-dix ans en I Oriënt, oh il avoit pris naiffance : J Juftinien 1'abrogea pour en établir un t nouveau. Mais en Occident, il fur| véquit a 1'Empire. Théodoric, &fe; i fucceffeurs en Italië, après avoir foit5 mis les Romains, fe foumirent euxt mêmes k la loi Romaine. Les Francs 3 les Bourguignons , les Lombards qu i avoient apporté avec eux leurs pro 3 pres conftitutions, eurent affez d'hu ri manité pour laiffer aux peuples fub ij jugués 1'ufage de leur ancien Code Les Vifigoths fe 1'approprierent. Leu Théodo» se II. Vaien- tinien. III. Ann. 43?,' X. II a été re5U même par les BarbareSi I t  Théodo- se II. .ValentinienIII. Arm, 438. 116 HlSTOIRE Roi Alaric, la vingtieme année de fon regne, 506 de Jefus-Chrift, après avoir pris confeil des Evêques & des Nobles de fes Etats, fit publier un Code qui fut nommé le Code Alaric. C'étoit un abrégé de celui de Théodofe , ou 1'on fit entrer quelques extraits des Codes Grégorien &Hermogénien , des Sentences de Paul, des Inftituts de Caïus, & des Novelles. Ce recueil eft appellé 1'abrégé dAnien , auquel il a été fauffement attribué, paree qu'Anien, Référendaire d'Alaric, en foufcrivit les exemplaires, afin de leur donner le fceau de l'authenticité. Goiaric , Comte du palais , en avoit été le rédacteur. Les Vifigoths dans la Gaule & dans 1'Efpagne , fuivirent le Code Alaric pendant prés de cent cinquante ans, jufqu'a ce que Chindafvinde, qui commenca fon regne en 64% , y fubftitua d'autres loix. Durant les fiecles d'igno» rance, le Code Théodofien demeura long-temps enféveli dans 1'obfcurité. Fean Sichard, Profeffeur en Droit k Fubinge dans le feizieme fiecle, le tira ie la pouffiere des bibliotheques, &Z e donna au public, mais tronqué &t  nu BaS'Empire. Liv. XXXII. jjnutilé. Jean du Tillet, Greffier du iParlement de Paris , le fit paroïtre en smeilleur état. Cujas en a donné une lédition plus complete. Enfin, Jacques >Godefroi 1'a enrkhi d'un commenitaire, ou 1'on admire deux qualités ^qui ne vont pas toujours enfemble; la plus vafte érudition avec la plus ifaine & la plus judicieufe critique. A peine ce Code eüt-il été publié, ique Théodofe lui-même en réforma jquelques loix, & en ajouta de nou?velles. Conftantin , dans le deffein fd'augmenter en peu de temps la ville j'de Conftantinople, avoit déclaré que ;ceux qui pofTédoient des terres dans : le Pont & dans 1'Afie proprement dite, ' n'en pourroient difpofer par vente, i par teftament, ni fous quelque titre Ique ce fut, a moins qu'ils n'euffent rune maifon a Conftantinople. Depuis i cetEmpereur, la ville étoit devenue affez grande & affez peuplée, pour 1 n'avoir plus befoin d'attirer de nouI veaux habitants par cette forte de con; trainte. Ainfi, Théodofe abrogea la l loi de Conftantin par une nouvelle I ordonnance, dont le préambule efl très-remarquable : Nous fommes dij rHÉODOSE II. Valentinien III. A.nn. 43 8. XI. Loi de Conftantin abrogée. NovelTheod. 12,  .Théodo- se II. lValen- tinien in. Ann. 438. Ann. 439. XII. Nouvelles loix de Théodofe. A'or. Theod. 3 , 6 , 17. Socr. I. 7. f. 48. Salv. de gub. I. 6. Baronius. Hó' II I S T O I R E po/és a croire , dit ce Prince, que nous recevons un bienfait, lorfque nous trouvons occajïon de faire du bien d nos fujets. Nous regardons un jour comme perdu pour nous, quand nous riavons pu tennoblir par quelque aclion de bienveillance. Nos liblralitês laijjènt dans notre ame une fecrete fatisfaclion. Rendre les hommes heureux, c'ejl la plus noble fonction des Princes : elle rend thomme coopérateur de Dieu même. La plus grande partie de 1'année fuivante fut encore employee k la légiflation. Depuis Porphyre &c Julien, les payens avoient effayé de donner une nouvelle forme a 1'idolatrie. Les Dieux de 1'antiquité n'étoient plus que des êtres fecondaires fubordonnés au Dieu fuprême : c'étoit une religion philofophique enveloppée d'allégories & de myfferes. On fe flattoit d'éviter par ce moyen les abfurdités qui réfultoient de la pluralité des Dieux. Julien avoit été le défenfeur du nouveau fyftême, & fes écrits étoient en grand crédit. St. Cyrille les réfuta. Théodoret compofa en douze livres unOuvrage trés-éloquent, ou il pourfuivit le Paganifme jufques dans ce  nu Bas-Empire. Liv. XXXII. 119 dernier retranchement. Théodofe, attribuant a la vengeance divine le dérangement des faifons, la ftérilité de la terre, & tous les maux qui affligeoient 1'Empire, réprima, par une loi plus févere que les précédentes, Paudace des Idolatres , auxquels il joignit les Juifs & les Hérétiques. Les Payens furent menacés de mort, s'ils facrifïoient en quelque lieu que ce fut. Les jugements du Préfet du prétoire étoient fans appel : le Prince crut que ce droit n'appartenoit qu'au Souverain, dont on ne peut appeller quau tribunal de 1'Etre fuprême. II permit donc de revenir contre Ia fentence des Préfets, par requête au Prince, pourvu qu'elle fut préfentée dans 1'efpace de deux ans, a compter du jour oü les Préfets feroient fortis de charge. Cette loi eft adreffée -k Thalaffe, Préfet du prétoire d'Illyrie, qui, peu de temps après, étant revenu a Conftantinople pour y recevoir la préfecture d'Orient, que l'Empereur lui deftinoit, fut, contre fon attente , fait Evêque de Céfarée enCappadoce. Les loix civiles ne s'ac(pordoient pas encore avec la loi di- rHÉODOse II. Valentinien UI. A.nn. 439.  Théodo- se II. .ValentinienIII. 'Aan. 439. XIII. Voyage «VEudoiie a Jeïufalem.Socr. I. 7. c. 46. Evag. l.l. e. 20. Mare. chr. Theod. leit. 1.2. Theoph. F' 74- 1ÜO HlSTOIRB vine fur 1'article des mariages. Conftantin & Honorius s'étoient contentés de refferrer le lien conjugal, en rendantle divorce plus difficile & plus défavantageux. Théodofe porta une nouvelle atteinte a 1'indiffolubilité de cette union , en déclarant que les loix de ces deux Princes étoient trop dLires , & que pour la répudiation , il falloit s'en tenir aux anciennes loix Romaines & aux décifions des anciens Jurifconfultes. C'étoit perdre le terrein , que fes prédéceffeurs avoient gagné pour rapprocher les loix civiles de celles de 1'Evangile , fur un point oii les paffions s'efforcent toujours de s'en écarter. Lorfqu'Anthémius avoit aggrandi 1'enceinte de Conftantinople, on avoit conftruit un nouveau mur du cöté de la terre. Théodofe fit border Ia ville d'une muraille du cöté de la mef. II avoit fait vceu d'envoyer a Jérufalem fa femme Eudoxie pour y offrir de riches préfents , s'il voyoit fa fille mariée. L'Impératrice partit avec de grandes fommes dargent, qu'elle devoit diftribuer aux pauvres de la Paleftine. Cette Princefle, élevée dans  ■mj 3AS-EMPIR.E. Lh. XXXII. I2Ï I dans 1'école de fon pere, n'avoit pas ) perdu le goüt des déclamations. En I paffant par Antioche, elle prononI £a un difcours a la louange de cette I ville en préfence du Sénat & du peu5 ple. Elle étoit affife fur un tröne d'or i enrichi de pierreries , & termina eet | éloge par un vers d'Homere , qui I fignifioit qu'elle fe faifoit honneur d'êj tre iffue de même fang que le peu| ple dAntioche. Cette ville étoit GrecJ que d'origine. Les habitants, flattés I de ces paroles , y répondirent par j de grandes acclamations. Ils placerent jdans le Sénat une ftatue d'or d'Eu] dbxie, & une autre de bronze dans I le Mufée: c'étoit le nom que portoit 11'Académie d'Antioche, a 1'imitation } de celle d'Alexandrie. L'Impératrice I récompenfa ces honneurs par des bienr faits éclatants : elle fit préfent a la ï ville d une fomme confidérable pour lacheter du bied. Théodofe, k fa fol3 licitation, augmenta 1'enceinte d'Anitioche, & donna deux cents livres I d'or pour la réparation des Thermes ; de Valens. Elle répandit d'abondanI tes largeffes dans toutes les villes de « fon paffage ; mais fur-tout a JérufaTomt VII. F Théodo» se II. ValentinienIII.Ann. 439»'  Théodo- se II. Valen- tjnie1t III. Ann. 439. XIV. Carthage prife par Genferic. Profp. chr. ldac. chr. Mare. chr. Chr. Alex. na. Vit. 1.1. art. 4, 5- JJid. chron, Vand. Salv. de gub. I. 6. Profp. prom. I. 3. c. 38. ?roc. Vand.l. 1. c. 5. Idem de ttdif. I. 6. c. 5. Pagi ad Har. TUI. vie de S. Eugene, art. 5,6, 7,8,9. 122 II I S T O I R S lem. L'Evêque Juvenal, pour reconnoitre la pieufe libéralité de cette Princeffe, lui mit entre les mains plufieurs reliques, qu'elle rapporta cette année même k Conftantinople. La puiffance des Vandales fe fortifioit de plus en plus en Afrique. Genféric fe voyoit avec peine privé de la poffefTïon de Carthage, capitale du pays dont il étoit le maitre. Le traité de paix ne put le retenir; il s'en empara par furprife le 19 d'Octobre:& cette cité fameufe, dont la conquête avoit coüté tant de fang aux Romains, & qu'ils poffédoient depuis cinq centsquatre-vingt-cinq ans, paffa au pouvoir des Vandales. En entrant dans la ville, Genféric arrêta par des ordres féveres I'avidité des foldats: il défendit le maffacre & le pillage; mais c'étoit pour fe réferver lui-même toutes les richeffes des habitants. II leur ordonna par un Edit de lui apporter tout ce qu'ils avoient d'or, d'argent, depierreries, de meubles précieux, & les forca par les tourments k déclarer tous leurs tréfors. II conferva les maifons des particuliers : mais auffi ennemi des plai-  du Bas-Empire. Liv. XXXIL 143 isrs que de la Religion catholique, il détruifit également les Eglifes & les théatres. II laiffa cependant fubfifter quelques Eglifes après les avoir pillées. II abandonna les unes aux Ariens, & changea les autres en cafernes pour y loger fes foldats. Ce qui reftoit de monuments du Paganifme fut alors renverfé : on abattit le temple de Mémoire & toute la me qui portoit le nom de la déeffe Célefte, bordée des plus fuperbes édifices. Le bruit de la ruine de Carthage retentit jufqu'aux extrémités de la terre ; & Ion peut dire que fes débris couvrirent une grande partie de 1'Occident. Elle avoit un Sénat célebre: de tant de perfonnes illuftres, les unes furent réduites en fervitude , les autres , dépouillées de toute leur fortune , furent d'abord reléguées dans des déferts, enfuite bannies de 1'Afrique, & contraintes de traverfer les mers. La plupart porterent en Italië le fpectacle de leur mifere. On fit embarquer dans des vaiffeaux brifés & prêts a faire naufrage 1'Evêque Quodvultdeus , avec un grand nombre d'Eccléfsaliiques, & on les fit fortir du port F ij Théodo- se II. Valentinien, HL Aren. 439. XV. Banniffement des Evêques & des persfonnestfif.tlnguées.  Théodo- se II. Valentinien III, Ann. 439. It4 HlSTOIRË de Carthage fans vivres & même fans habits. La Providenceles fauva contre toute efpérance; ils aborderent heureufement a Naples. Le culte Catholique fut profcrit; celui des Ariens fut feul permis dans tous les Etats de Genféric. Leur difcipline eccléfiaftique reffembloit affez dans 1'extérieur k celle de 1'Eglife. Ils avoient des Moines, des Diacres, des Prêtres, des Evêques, un Patriarche. Les Vandales eurent Ordre de chaffer du pays ou de retenir en efclavage tous les j Evêques Catholiques , & toutes les perfonnes diftinguéespar leur naiffanee ou par leurs titres. Plufieurs de ces exilés étant venus un jour trouver Genféric, pendant qu'il fe promenoit au bord de la mer felon fa coutume , fe jetterent k fes pieds, le fuppliant de fouffrir, qu'après avoir perdu tous leurs biens, ils puffent demeurer dans la contrée fous la domination des Vandales , pour effuyer les larmes de leurs compatriotes. Mais Genféric lancant fur eux des regards menacants : j Tai rèfolu , leur répondit-il, jexterminer votre nation, & vous êtes ajfe^ hardis pour me faire une pareille deman-  nu Bas-Empi&e. Liv. XXXII. 125 de! II alloit fur 1'heure les faire jetter dans la mer, fi les Officiers n'euffent, a. force de prieres, obtenu qu'il laiffat la vie a ces malheureux. Genféric, outre fes fujets naturels, avoit avec lui des Alains &c d'autres barbares, qui tous étoient compris fous la dénomination de Vandales. II les divifa en divers corps fous quatre - vingts Capitaines , auxquels il donna un nom qui fignifioit, Cammandants de mille hommes. En entrant en Afrique, il avoit voulufaire croire qu'il étoit fuivi de quatre - vingt mille hommes, quoiqu'il n'en eut pas alors cinquante mille. Ils fe multiplierent par les mariages & par leur union avec les peuples Africains. Le Roi avoit trois hls, Hunéric , Genzon &c Théodoric : il leur abandonna les terres & la perfonne même des plus riches habitants , qui devinrent les efclaves de ces Princes. II fit deux lots des autres terres ; les meilleures & les plus fertiles furent diftribuées aux Vandales , exemptes de toute redevance : ces terres fe trouvoient dans la Province Proconfulaire, & par ce moyen il retenoit fes foldats prés de F iij Théodo- se H. Valentinien'III. . Ann. 430. XVI. Gouvernementde Gen» féric.  Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 439. Vandales, Aucune place ne fe trou- lüö II I $ T O I R 8 Carthage, ou il fïxa fa réfidence.' Quant aux fonds d'un moindre rapport, il les laiffa aux anciens poffefïeurs, &les chargea de fi groffes taxes , qu'a peine les produits pouvoient-ils fufEre au payernent. II foumit la Gétulie, & prit le titre de Roi de Ia terre & de la mer. Les conquérants qui veulent former un établiflement durable, fongent pour 1'ordinaire k s'y fortifier &c k fe mettre hors d'infulte. Genféric, par une politique toute contraire , fit démanteler toutes les villes d'Afrique, de crainte que les Romains , venant a lui faire la guerre , ne trouvaffent des places de défenfe dont ils pourroient fe prévatoir, & que les peuples n'en devinffent plus hardis a fe foulever, & plus difficiles a réduire. II ne laiffa fubfifter que les murs de Carthage, & d'un trés - petit nombre d'autre villes : encore ne fe mit-il pas en peine de les entretenir; en forte qu'ils fe ruinerent auffi avec le temps. Cette conduite, qui parut d'abord fort fage, caufa dans la fuite la -ruine prompte &c totale de 1'Empire des  nu Bas-Empire. Liv. XXXII. 117 va en état d'arrêter Bélifaire, lorfqu'il vint attaquer 1'Afrique. Quoique moins féroces que les Vandales , les Viligoths donnoient des allarmes continuelles. En cette année , 1'Empire recut de leur part un fanglant affront. Litorius, occupé depuis trois ans a leur faire la guerre, tenoit leur Roi Théodoric affiégé dans Touloufe. Ce Général comptoit beaucoup fur fa propre valeur, fur celle des Huns auxiliaires qu'il commandoit, & fur les promeffes flatteufes des Arufpices &C des Devins, dans lefquels il mettoit un aveugle confiance. Théodoric , moins préfomptueux, quoique plus habile, lui députa des Evêques pour lui faire de propofitions de paix. Elle furent rejettées avec mépris. Le Roi des Vifigoths eut recours a Dieu; il fe couvrit d'un cilice, paffa la nuit en prieres; & ce Prince hérétique, humilié devant 1'Arbitre fouverain des victoires , obtint la grace qu'il demandoit. Ayant donné fes ordres, & rangé fon armée en bataille dans la ville, il fortit au point du jour. Le combat fut long-temps douteuxj la vicloire fembloit fe décider F iy Théodo- se II. ValentinienIII. Ann. 439; XVII. Défaite de Litorius. Profp. chr. ldac. chr. Jfid. chron. Got. Caffiod. chr'. Salv, de gub. I. 7. Sidon. earm. 7. Jorn. de reb. Ga. c. 34. Pagi eed Bar.  Théodo- se II. ValentinienIII. Ann, 439, XVIII. Sicge de BdZiS, 123 Histoirb pour les Huns, lorfque Litorius, emporté par une fougue inconfidérée , s'alla jetter au milieu des ennemis: H fut blefie & fait prifonnier. Cet accident mit le défordre dans fes troupes : les Huns prirent la fuite. Le fier Général , les mains liées derrière le dos, fut conduit dans la ville , oü , après qu'il eut effuyé les infultes de la populace , on Je jetta dans un cachot. II y fut réduit a un fi extreme défefpoir, qu'il fit compaffion aux ennemis mêmes , & Pon crut lui faire grace en lui ötant Ia vie. Le vainqueur pouvoit avancer jufqu'au Rhöne : le reffentiment dont il étoit animé contre les Romains , qui avoient armé contre lui la férocité des Huns, 1'excitoit a la vengeance. Mais ce Prince, aufli modéré que vaillant, écouta les propofitions d'A vitus, alors Préfet des Gaules, avec lequel il étoit lié d'amitié. II voulut bien même ne tirer aucun avantage de fa viöoire y & conclut la paix aux mêmes condU tions qu'il avoit propofées avant le combat. Les Huns qui avoient fervi fous Litorius, allerent alfiéger Bazas x fous  nu Bas-Empire. Liv. XXXII. 12$ la conduite de leur Roi Gauféric. Les prieres de 1'Evêque èc celles du peuple fauverent cette ville ; & les barbares, après d'inutiles efForts , furent contraints de lever le fiege.^ Quelques Auteurs ne placent eet événement que douze ans après. La nation des Huns étoit partagée en diverfes hordes fous des chefs indépendants les uns des autres. On les voit difperfés dans les deux Empires , depuis les frontieres de Perfe jufqu'aux extrémités de 1'Occident. Outre Bleda & Attila , qui régnoient déja fur la plus confidérable partie de la nation, on voit ici Gauféric a la tête d'une autre troupe. On croit devoir rapporter a ce temps-ci ce que dit un Auteur , que Bafic & Curfic,Princes des Huns, après avoir fait la guerre aux Perfes, vinrent a Rome offrir leurs fervices a Valentinien. II faut peutêtre auffi mettre au nombre de ces Princes, Vitric, dont on ne fait rien autre chofe, finon que c'étoit un Prince allié de 1'Empire , & qui fe diftinguoit alors par fon courage & pasr une inviolabie fidélité. Depuis quelques années- T Aëtius F v Théodo- se II. ValentinienIII. Ann. 439. Profp. chr. Paulinut Petrocor. vitaS.Martini , l. 5, Prifp. p. 64. Greg. Tur. de glor. mart. I. i. c. 13. Valef. rer. Fr. I. 3. Pagi ai Bar. M. de Guignes , hifi. des Huns j 4.  Theo dose II. Yaeen- tinien III. Ann. 440, ^ XIX. Royaume des Aïains dans la Gaule, Profp. Tiro. Valef. ren Fr. I. 4. Pagi ad Sar. TUI vie de S. Hilairz d'Arles t art. li, XX. St. Léon réconciJie Albin & Aëtius. Profp. chr. Pagi ad Bar. TUI. Va. hm. lil. art, 17,19. IJ© HlSTOIRE n'étoit pas forti de Ia Gaule; & tar£ dis que Litorius agiflbit comme fon Lieutenant contre les Vifi^oths , ce Général obfervoit les mouvements des Francois , dont Ia valeur entreprenante lui caufoit plus d'inquiétude. En 440, il donna aux Alains le Pays de Valence a partager avec les habitants. Sambida , fucceffeur de Goar, étoit alors Roi des Alains. Deux ans après, ils chafferent les anciens poffefleurs, & demeurerent feuls maïtres du pays. Mais ee petit Royaume , enclavé dans la Viennoile, ne fubfifta pas long-temps. Aëtius avoit encore établi vers 1'embouchure de la Loire , une autre colonie d'Alains , qui s'unirent dans la fuite aux Bretons de TArmorique r & c'eft pour cette raifon que le nom d'Alain eft devenu li commun dans la Bretagne. Aëtius étoit alors en dinerend avec Albin, perfonnage confidérable , qui fut dans la fuite Préfet du prétoire , Confcil & Patrice. Dans la crainte que cette divifion entre deux hommes puiffants n'excitat des ttoubles dans la Gaule, on y envoya Léon , Diacre de TEgüfe de Rome. Léon, auffi réf-  nu B/is-Empirb. Liv. XXXII. ïji peöable par fa fainteté , que capable ; de manier les efprits avec prudence, vint a bout de les réconcilier. II étoit encore dans la Gaulé, lorfque le Pape Sixte III, étant mort le 18 d'Aoüt, d fut élu pour lui fuccéder , Sc recut une députation folemnelle de la part de la ville de Rome, qui 1'appelloit a cette place éminente. II fut la remplir pendant vingt-un ans avec une capacité Sc une fageffe qui lui ont mérité le furnom de Grand. ■ Valentinien paffa toute cette annee ; k Rome, Sc y fit plufieurs loix. Ce Prince , quoique peu réglé dans fes moeurs, étoit zélé pour la juftice. II :i condamna un homme diftingué, nomi mé Apollódore, a rendre une maifon , dont on difoit qu'il s'étoit eraparé par violence. Ce jugement fii honneur au Prince; mais il' s'en fi I encore davantage en le réformant en fuite, Sc en caffant fa propre fentence | lorfqu'il en eut reconnu i'injufiice. I órdonna que les lettres de grace ac i cordées aux homicides, fuffent ex< minées par les Tribunaux ; que s' étoit reconnu que 1'homicide tut vt löntaire , & la grace obtenue fur i F vi riEÉODOse U. Valentinien HL \.nn. 440. Idem, vie ieS. Léon, art. 2. XXI. Loix da Valentinien.Novel. 19, 20, h, 39 ' 4° . 41 , mter Theod. & 3. inter Valent, » f il >- n  Théodo- se II. ValentinienIII. Ann. 440. ] ( < ( 1 I HlSTOIRB faux expofé, les Juges, fans y avoir égard, procédaffent a la punition du coupable -y & que les Officiers de la Chancellerie qui les auroient expédiées , fuffent privés de leur charge 9 & relégués pour cinq ans. Perfuadé que les exesnptions & les privileges, accordés aux corps ou aux particuliere, font pour 1'ordinaire le fruit de 1'intrigue, & toujours une furcharge pour le public, il défendit aux Magiftrats par des loix réitérées, d'avoir égard aux refcrits qui lui auroient été furpris pour affranchir quelqu'un des obligationsgénérales. A ces loix, nous en joindrons une autre qui fut donnée l'année fuivante a Ravenne, Gomme les perfonnes qualifiées étoient difjenfées de ce qu'on appeftoh fonctions? rordidesy 1'avarice , toujours fubtile Sc ■ëconde en chicanes, avoit renfermé bus cette dénomination les fonctions. es plus effentielles au falut de 1'Etat;: ;elles de fournir des miliciens &t des rivres pour les troupes, de fabriquer les armes, de réparer les murailles les villes & les chemins publics. Vaentinien abolit toutes ces faufles fubilités; il declara que 3 fans diftin&ioa-  du Bas-Empirë. Liv. XXXII. 133 1 d'hommes, de qualités, de privileges, ; tous ceux qui recueilloient le revenu j des terres quelles qu'elles fuffent, tous ! ceux qui étoient revêtus de dignités, I foit civiles foit eccléfiaftiques, dans toute 1'étendue de 1'Empire, contribueroient aux charges publiques. GenI féric faifoit de grands préparatifs, il | équipoit une ftotte, & 1'on ne fayoit | encore de quel eöté il porteroit fes. armes. L'Empereur prit les précautions néceffaires pour fe trouver en état de défenfe a tout événement. II eut foirc de faire remplir les magafins de Rome, & d'y appeller un grand nombre d'habitants , en procurant de nouvellesfacilités au commerce. II exempJta les citoyens de la milicea condi1tion qu'ils fe chargeroient de la garde | des remparts & de la réparation des tmurailles, des tours & des portes a | ians que perfonne en fut difpenfé. II scondamna a de grandes peines ceux | qui donneroient retraite aux déferS teurs. Le port des armes étoit défen» Idu; mais dans le péril préfent, il ex» ihorta tous fes fujets a les prendre^ i & k concourir avec ardeur & fidélité a la défenfe de 1'Etat & de leurs pro? Ihéodgm se II. Valentinien ra. Ann. 443.  Théodo- se II. VatenTinien III. Ann. 440. XXII. Genféric fait une defcente en Sicile. Profp. chr. Idac chr. Chr. Alex. Caffiod. Var. I. t. ep. 4. TUL vie de S. Eugerte, art. 11, &34 IlrsToixe pres forrunes. II déclara que chaque particulier demeureroit le maitre de toutes les prifes & de tout le butiri qu'il auroit fait fur 1'ennemi. Au premier avis de 1'armement de Genféric, Sigifvult., Général des troupes de 1'Empire , avoit donné des ordres pour la füreté des cötes & des villes maritimes. Aëtius traverfoit la Gaule pour repaffer les Alpes, & un grand corps de troupes, envoyé par Théodofe , marchoit vers l'Italie. Cet orage , dont les menaces allarmoient toutes les cótes de 1'Empire , tomba fur la Sicile. Ce qui fait connoïtre le géniefupérieurde Genféric, c'efl qu'il fut en peu de temps créer une marine formidable. Lorfqu'il avoit paffé en Afrique , il n'avoit pas un vaiffeau. Les Vandales ignoroient abfoment 1'art de la navigation, & dans leurs entreprifes fur mer ils n'avoient fait ufage que de bateaux avec lefquels ils cötoyoient les rivages. Dès que Genféric fe vit maitre de Carthage , il fongea a profiter d'un port fi avantageux; il acheta des vaiffeaux de piraies, pendant qu'on en conftrui» fok d'autres; il enróla des matelois  I nu Bas-Empire. Liv. XXXIL 10 & des pilotes étrangers pour en for-' mer dans fa nation ; il fit exercer fes troupes aux opérations de marine, & bientöt il équipa une flotte capable de porter au-dela des mers la terreur de fes armes. Pour premier effai de fes forces rrraritimes, il fit une defcente en Sicile, ravagea \e pays, & afïiégea Panorme. Cette ville fut vaillammentdéfenduepar Caffiodore , aïeul de eet illuftre Miniftre d'Etat, qui fut digne dans la fuite de partager les foins du grand Théodoric. Genféric reffa dans cette iüe affez long-temps pour y faire des martyrs. Maximin , chef des Ariens en Sicile , ayant été condamné par les Evêques Gatholiques, faifit cette occafion de fe venger. II anima contre eux le zele fanguinaire du Roi des Vandales , qui entreprit de les forcer a recevoir l'Arianifme. Quelques-uns eéderent-a la violence : d'autres préférerent la mort a 1'apoftafie. La vigoureufe réfiftance des affiégés obligea Genféric a repaffer en Afrique, Théodofe, ayant appris ia retraite des Vandales,rappella fes troupes . I «jui étoient déja arrivées au pied de: rHEODO? SE II. VA LEK- TIN1EÏÏ III. Ann, 449» XXÏIK Mort de Pauün. Mare, chii  Théodo- se II. ValentinienIII. Ann. 440. Evag. I. 1. c. 21, 22. Chr. Alex. Theoph, p. 85 , 88, 94. Theod. LeH. I. 1. Prife. p. 69. Zon. t. II. P- 37Cedr. p. 337. 343- Codin. cng.p. 56. Mahla. Manaffes, ?• 5 5, Glyc. p. 3)61. 1"3 ff FIlSTOIRS Alpe's Juliennes. Ce Prince, tranquiile jufqu'alors, commenca cette annéei a reffentir des chagrins domeftiques , dont Famertume empoifonna le refte de fes jours. Paulin lui étoit tendrement attaché dès fon enfance, ils ! avoient paffé enfemble eet heureux temps de la vie, ou le cceur ignore encore le déguifement ainfi que la défiance, & oü I'amitié n'eft contrainte ni par Ie refpeót, ni par la réferve. Emules dans leurs études , & toujours amis, le mariage de Théodofe , loin d'afFoiblir leur union, en avoit rtflerré les nceuds. Paulin avoit contribué a 1'élévation d'Athénaïs; en relevant fes qualités briilantes , il avoit ] fixé fur elle les regards du Prince. Théodofe Pen aimoit davantage, il le combloit d'honneurs, il lui avoit ' conféré la charge de Maïtre des offices , & lui deftinoit les plus hautes ; Jignités de 1'Empire. L'eftime autant que la reconnoiffance attachoit a Paulin le coeur de PImpératrice : elle fe plaifoit 'a le voir , a 1'entendre; elle retrouvoit en lui le goüt qu'elle avoit pour les lettres, joint aux qualités les plus effentielles 1 c'étoit un confident  nv Bas-Empire. Liv. XXXII. 137 fur, un guide éclairé & fidele au milieu, du labyrinthe de la Cour, inconnu a la Princeffe ; & ce commerce innocent procuroit a Eudoxie toutes les douceurs que permet la vertil. On vit alors dans un Prince, d'un caractere doux & aimable, combien eft dangereufe 1'intime familiarité avec un Souverain. Une fombre & cruelle jaloufie, fufcitée fans doute par 1'envie maligne & meurtriere de quelques courtifans, embrafa le cceur de Théodofe. II ne vit plus dans Paulin qu'un perfide corrupteur ; til 1'ayant envoyé fous quelque prétexte k Céfarée de Cappadoce , il lui fit óter la vie. Les Hiftoriens les plus authentiques ne difent rien de plus fur un événement fi mémorable. Les Grecs poftérieurs débitent a ce fujet un conté frivole, qu'ils ont accrédité en fe copiant les uns les autres. Evagre , qui vivoit k la fin du fixieme üecle . écrivain plus fenfé tk plus férieux , fait entendre que cette fable avoit déja cours de fon temps, mais il ne daigne la rapporter. Nous aimons mieiu iraiter fon filence judicieux , que d'ajnufer les le&eurs de romans, qu; Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 44?* i  Théodo- se n. Valentinien m. Ann. 440. XXIV. Eudoxie retire a Jérufa- lem. 1 » 1 t l C j ï a c c h c tl le V' fn cc ToS HlSTOIHB pourroient par hafard jetter les yeux fur eet ouvrage. m La mort de Paulin étonna tout 1'Empire. Maïs Eudoxie en reffentit une douleur d'autant plus vive, qu'elle regarda cette injuftice comme un coup mortel porté a fon honneur. Elle s'éloigna de Théodofe, qui, prévenu de noirs foupcons, ne fit rien pour \a rappeller. Enfin, déteftant le dialeme & la Cour, & regrettant la vie >bfcure qu'elle avoit qwittée avec ant de joie vingt ans auparavant, :11e demanda, & obtint fans peine la •ermifiion de fe retirer è Jérufalem, 11 eile avoit déja fait un voyage. La iloufie de l'Empereur y fuivit cette 'nnceffe infortunée. Théodofe, ayant ppnt que le Prêtre Sévere & le Diare Jean, qu'elle avoit choifis pour Jmpagnonsde fon exil volontaire, vifitoient fouvent, & qu'elle les smbloit de préfents , envoya Satrain, Comte des domeftiques, qui s fit mounr fans aucune forme de ■ocès. Irritée de cette nouvelle iriIte, Eudoxie s'emporta a un tel exs, qu'elle fit tuer Saturnin : forfait us capable de noircir fon innocen-  nu Bas-Empire. Lh. XXX1T. 139 ce , que de la venger. L'Empereur fe contenta de la punir en lui ötant tous fes Officiers, & la réduifant a une condition privée. Elle vécut encore vingt années dans les larmes & dans la douleur la plusamere, tfchant d'effacer par fes bonnes ceuvres le crime que fon honneur outragé lui avoit fait commettre. Elle fit relever les murs de Jérufalem , qui tomboient en ruïne. On conftruifit par fes ordres & è fes dépens des Eglifes & des Monafïeres, oii elle paffa la plus grande partie de fa vie en des exercices de piété & de pénitence. Depuis Hélene, mere de Conftantin , jamais on n'avoit rendu tant d'honneur aux faints lieux de la Palefiine. Ayant furvécu dix ans a fon mari, elle choifit pour fa fépulture 1'Eglife de SaintEtienne qu'elle avoit fait batir: elle protefta en mourant que fa liaifon avec Paulin n'avoit jamais rien eu de criminel; & qu'elle n'avoit aimé dans fa perfonne que 1'ami de Théodofe. & un prote&eur généreux, qui ayoil fecondé en fa faveur les ihtention< de Pulchérie. Quelques Auteurs yeu' lent qu'Eudoxie ait été rappetlée i Thïodo- se II. Valentinien III. Ann. 440i  Théodo» se II. Valentimen. DX Ann. 441, XXV. Hiftoire de Cyrus. Profp. chr. Mare. chr. Eva?. I. x. t. 19. Cod. Th. Nov. 10. Authol. I. 5. c. 12. /. 4. e. 18, *3- 27. ' C4-. AUx. ( Thcoph. p. 1 «3. , Zon. t. ƒƒ. « f-41,43- 1 Ï4». . OmJk c MaleU. 1 Coiin. C 2**M* ( ?»-** //. I m. ij. ( I4ö II I S T O I R B la Cour plufieurs années après , & qu'elle fe foit une feconde fois retirée^a Jérufalem après la mort de Théodofe. La difgrace d'Eudoxie n'entraina pas d'abord celle de Cyrus, que cette PrincefTe avoit élévé a une haute fortune par 1'eftime qu'elle faifoit de fa vertu, de fon habileté dans les lettres, & de fon talent pour Ia poéfie. Cyrus étoit Egyptien , de Ia vil. de. Pf n°polis. Protégé par Eudorie, il étoit parvenu au rang de Pa:rice; & dès 1'an 439, il réuniffoit leux des charges les plus éminentes le 1'Empire , étant en même-temps 'réfet de Ia ville de Conftantinople, k Préfet du Pretoire d Oriënt. II conèrva pendant quatre ans la premiee de ces dignités , & ne la perdit [ue par fa difgrace. Théodofe , le royant même auffi propre pour la uerre que pour les emplois civils, 11 donna le commandement de ce orps de troupes qu'il envoyoit en )ccident pour fecourir Valentinien ttotre les entreprifes de Genferic. orfqu'Eudoxie fe retira de la Cour, :>tus étoit déja défigné Conful pour  j nu Bas-Empïrs. Liv. XXXII. 141 ii 1'année fuivante, Sc il exerga cette I charge avec honneur. II fut même feul j Conful dans les deux Empires; VaI lentinien , fans qu'on en fache la raiI fon , n'ayant nommé perfonne au i Confulat pour 1'année 441 : ce qui 1 n'avoit d'exemple que dans le temps 1 ou les Goths avoient ravagé 1'Italie. s La conduite irréprochable de Cyrus, : le lbutenoit au milieu de 1'orage, 1 auquel fa protectrice avoit fuccomJ bé. C'étoit un Magifirat auffi integre ■{ qu'éclairé, un Philofophe vraiment 2 fage , qui, loin d'être ébloui des fa- 3 veurs de la fortune, fe défioit de fes ; careffes , & s'attendoit a fon inconf| tance : c'eft une réflexion qui lui étoit . familiere, &C qu'il répétoit fouvent I a fes amis. II ne fut pas trompé. Une I eftime trop marquée de la part du I peuple bleffa la jaloufie du Souverain: ï & ce grand homtne ne fut pas le deri nier a qui des éloges imprudents ayent \i fait plus de mal que des accufations 1 n'en auroient pu faire. Nous avons 1 dit que Théodofe avoit entrepris de A munir Conftantinople d'une muraille é le long de la mer : Cyrus fut chargé ;1 de ce grand ouvrage. II 1'acheva fi Théodose II. ValentinienIII. Ann. 441.  Théodo- se II. ValentinienIII. &>n, 441. 1 ; ] J 1 1 f c i 1 1 c e P ti c P u p 14- HisToiks promptement & avec tant de fuccès^ que , dans les jeux du Cirque qui fuivirent, le peuple appercevant Cyrus , le falua par une acclamation générale, en répétant plufieurs fois : Conflantin a fondé la ville , & Cyrus fa renouvellée. Théodofe, qui affiftoit au fpe&acle, fut piqué de cette préférence donnée a un fujet, comme d'une injure faite a fa perfonne. L'envie, jui veille toujours, ne perdit pas cet:e occafion d'aigrir le Prince : on lui >erfuada que Cyrus tramoit des com>lots criminels, 5: qu'il avoit un pari déja formé. L'Empereur, fauffenent allarmé, le dépouilla de laPréeöure & de tous fes biens. Cyrus [uitte la Cour fans regret; & s'étant ïtté dans le fein de 1'Eglife pour fe aettre k couvert des trifies effets de 1 calomnie, il fut ordonné Prêtre , L bientöt après Evêque de Cotyée n Phrygie. La cabale le pourfuivit ifques dans cette retraite. On fit enïndre aux habitants de Cotyée que étoit un payen déguifé, peut-être irceque dans fes poéfies il avoit fait fage des fidions du Paganifme. Le ;uple, affemblé dans 1'Eglife le jour de.  du Bjs-Empire. Liv. XXXII. 143 Noël, pouffoit déja des cris féditieux , & alloit le mettre en pieces , fi le Prélat ne fut monté avec une noble affurance dans la chaire épifcopale, & n'eüt donné en peu de mots des preuves de fa foi, qui calmerent ce zele furieux. II rempliffoit avec fageffe fa nouvelle dignité, mais il ne la garda pas long-temps. Pour fe fouftraire au regards de 1'envie qui ne ceffoit de lui fufciter de nouveaux chagrins, il fe renferma dans le filence de la vie privée. La, dans le fein de fes études, il fe repofa des agitations de la Cour; & béniffant fa difgrace , il vécut jufques fous 1'Empire de Léon. On cite avec de grands éloges plufieurs de fes Poëmes : il ne s'en eft confervé que quatre épigrammes, dont le bon goüt fait regretter le refte de fes Ouvrages. II avoit fait batir a Conftantinople en 1'honneur de la Sainte-Vierge, une Eglife , qui fut célebre dans la fuite fous le nom d'Eglife de Cyrus. Théodofe perdoit peu-a-peu toutes les reffources qu'il pouvoit trouver dans fa Cour , pour foutenir fa foibleffe. II lui reftoit encore un ap- Théodo- se II. Valentinien III. Ann, 441, XXVI. PuiiTance de 1'eunuque Chryj faphe.  Théodo- se IL ValentinienIII. Ann. 441. Theoph. p. 8-4. Manajf. p, 56. Mahla. Suid. vott &go£ó- Hik KXVII. Afiafliaat 144 HlSTOIRE pui affuré dans la prudence de Pulchérie ; mais depuis quelque temps il ne la confultoit plus : la cabale des eunuques lui avoit infpiré de 1'éloignement pour une fceur qui lui tenoit lieu de mere. Chryfaphe, leur chef, après 1'avoir détaché de tous fes amis les plus fideles , s'empara de fon efprit, & demeura feul maitre abfolu des affaires. Outre la charge degrand Chambellan, il avoit celle de Commandant de la garde, & portoit devant le Prince 1'épée Impériale. C'étoit un barbare, dont le nom propre étoit Zummas. Une belle figure faifoit tout fon mérite: d'ailleurs, il' raffembloit tous les vices, dont uh feul fuffit dans un Miniftre pour le rendre le fléau d'un Empire. Malfaifant par caraftere, avare , raviffeur, impie , fanguinaire , fans foi, fans rnceurs, fans honneur, il flétrit toute la gloire dont les confeils d'Anthémius & de Pulchérie avoient couronné Théodofe, & rendit la fin du regne de ce Prince auffi trifte & aufli honteufe, que les commencements en avoient été heureux. Le premier exploit de Chryfaphe' fut  i *£/ Bas-Empire. Liv. XXXII. 145 ifut le meurtre de Jean, furnommé je Vandale, paree qu'il étoit de cette jnation. II s'étoit dévoué au fervice de 1'Empire , &i fa fldélité, jointe a füne brillante valeur, lui avoit métrité le titre de Général. Le perfide eunuque, craignant apparemment fon inflexible probité, le fit tuer en Thrace mar un Officier,' nommé Arnégifcle, iqui voulut bien acheter les bonnes ;|graces du Miniftre par un indigne afIfaffinat. Nous verrons dans la fuite leomment le fang de ce brave guerriei ifut vengé par fon fils. Le nouveau Miniftre, pour occujper 1'efprit du Prince, & fe rendre ïiui-même plus néceffaire, crut qu'il falloit faire la guerre. II eut bientöt (après beaucoup plus d'ennemis qu'il m'en auroit defiré : mais alors , fous ^prétexte de fervir Valentinien, il équitpa une flotte pour porter la guerre jen Afrique. L'appareil en fut magniIfique. Elle étoit compofée de onze icents batiments. Le commandemenl [ifut partagé entre cinq Généraux, ïAréobinde, Afylas, Innobinde, Arinthée & Germain. Cette armée navale laborda en Sicile, Genféric réf«lut de Tornt VIL G Théodo- se II. Valen- TINIEtT III. Ann. 441. de Jean 1c Vandale. Mare. chr. Chr. AUx. Theoph. p. 83. xxvra. Flotte envoyéecontre les Vandales. Profp. chr. lfid. chron* Fand. Theoph. p, 87, 88.  Théodo- se II. ValentinienIII. Ann. 441. XXIX. Attaque detousles barbares. Mare. chr. Prifc p. 37 , 72Proc. Per/, l. I. c. 15. & adi/. L 3.c. 6. Strab, L 12. I46 MlSTQIRK la nüner avant qu'elle arrivat en Afrique. Feignant d'être effrayé d'un armement fi formidable, il entra en négociation avec Théodofe, & fut bien la trainer en longueur. Toute 1'année fe paffa en députations mutuelles, les Généraux attendant toujours les derniers ordres de l'Empereur. L'année fuivante, les ravages des Huns obligerent Théodofe a rappeller ces troupes pour la défenfe de 1'Illyrie. La Sicile étoit ruinée, 1'armée prefque détruite par la difette & les maladies. Genferic donna la loi, & acquit un nouveau droit fur 1'Afrique. II fallut que Théodofe, par un traité, s'e reconnüt Souverain des pays qu'il poffédoit. Tel fut le fruit d'un armement qui avoit épuifé les forces & les tréfors de 1'Empire d'Orient. Cette expédition, fi mal conduite, entraina encore des fuites plus facheufes. Ce fut pour tous les barbares comme un fignal de guerre. Les Zannes, les Sarafins, les Ifaures en Afie, les Huns en Europe, dans 1'Afrique les Afiuriens, & les autres barbares voifins de 1'Ethiopie & de 1'Egypte , voyant toutes les forces Romaines  i nu Bas-Empire. Lh. XXXII. 147 Itournées contre les Vandales, attaJquerent 1'Empire de toutes parts. Les ■■ Perfes entrerent en Méfopotamie. Afpar fut envoyé pour repouffer les Satrafins, les Ifaures & les Zannes. Ceuxci avoient été connus dans 1'antiquité [fous le nom de Macrones : ils habi(toient Pextrêmité feptentrionale de cette branche du mont Taurus, qui as'avance entre la Colchide & 1'Ibéarie. C'étoit un peupie indompté &£ ijprefque fauvage, qui, établi depuis spong-temps fous un climat rigoureux & dans un pays ftérile, ne vivoit que de rapines. Ils adoroient les forêts„ ales oifeaux & les autres animaux. [ L'Empire fut obligé dans la fuite de Jleur envoyer tous les ans une ceritaine quantité d'or, pour racheter fes rjfrontieres de leurs brigandages. Ardrhace, fils de Plintha, que nous avons avu Conful en 419, fut chargé de comlibattre les barbares de 1'Afrique. II les Ssdéfit, & mourut peu après de malaidie. Mais les ennemis les plus redoutables étoient, fans comparaifon, les aPerfes & les Huns. Depuis la mort indigne de Para, & la paix faite avec les Perfes en 374, G ij Théodo- se II. Valentinien III. Ann, 44x4 XXX. Fin ciu Royauraa  Théodo- se II. ValentinienIII. Ann. 441. «T Armenië. Mare. chr. Evag. I. i. c. 18. Proc. Ptrf. 1. i. C. 2, 10, 17. I. 2. e. 3 , & de eedif. I. 3-c. i , 5. Agath. I. 4. Suid. voce A'vctfa- Ahulfarag. TUI. Theod. II. art. 26,27. Affemani, bib. Oriënt. t. UI. p. 397. ; 148 BlSTOIRE Sapor s'étoit emparé d'une partie de 1'Arménie. Cependant ce Royaume n'étoit pas anéanti. Les Arfacides, qui tiroient leur origine d'un Roi des Parthes , quoiqu'abandonnés des Romains , avoient confervé le titre de Rois & le domaine de plufieurs Provinces ; & a la faveur des montagnes dont ce pays eft rempli, ils s'étoient maintenus contre la puiffance des Perfes. Arface , qui régnoit du temps de Théodofe II, laiffa deux fils, Tigrane & Arface : il les inftitua tous deux héritiers de fes Etats; mais il afligna a Tigrane une portion quadruple de celle d'Arface. Celui-ci, mécontent d'un partage fi inégal , implora le fecours de 1'Empire. Tigrane , hors d'état de réfifter aux forces Romaines, aima mieux tout perdre , que de rien céder k fon frere : il fit au Roi de Perfe une donation de tous les Etats que lui avoit laiffé fon pere, & fe retira lui-même en Perfe , pour y vivre en fimple particulier. Arfice, craignant d'être accablé par des ennemis fi redoufables, k de n'être que foiblement fecouru 1 sar les Romains, moins intéreffés k  du Bjs-Empire. Liv. XXXII. 149 le défendre', que les Perfes ne 1'étoient a le ruiner, imita la conduite de fon frere :ilabandonna fonRoyaume k Théodofe , fous la condition que fa familie conferveroit une liberté entiere, & que jamais elle ne feroit affujettie a payer aucun tribut. Théodofe accepta ces offres; & pour acte de poffeffion, il fe hata de faire batir une fortereffe , qu'il nomma Théodofiopolis , fur une colline , k deux lieues au midi de la montagne d'oii fortent les deux fources de 1'Euphrate & de 1'Araxe. Varane V venoit de mourir après vingt ans de regne. Son fils Ifdegerd II lui avoit fuccédé. Pendant la révolution arrivée en Arménie , ce Prince étoit occupé dans le Chorafan a pourfuivre un fujet rebelle. A fon retour, il apprit que Théodofe s'emparoit de 1'Arménie, & il fe mit en devoir de foutenir la donation de Tigrane, & les prétentions que Sapor avoit formées fur tout le pays. Dix-huit ans étoient a peine -écoulés, depuis que les Romains & les Perfes avoient juré la paix pour • cent ans, Mais dans la penfée d'IfdeG iij Théodo- se II. Vaien- tiniek ni. Ann, 441, XXXI. Partage de 1'Arménie entre les Romains & les Perfes;  Théobq- se II. .ValentinienIII. Ana, 44j, I50 H I S T O I S. B gerd, les Romains étoient les aggreffeurs; & d'ailleurs les ferments des Princes cedent pour 1'ordinaire aux intéréts politiquès , fource féconde d'interprétations. A la nouvelle des préparatifs du Roi de Perfe, Théodofe fit partir une armée fous la conduite d'Anatolius. Ce perfonnage itlufire avoit conclu le précédent traité avec Varane : il fortoit du Confulat, & étoit décoré du titre de Patrice. Outre fes autres grandes qualités , il en avoit une qui ne fert pas moins un Général, que la capacitc & le courage: il aimoit 1'honneur plus que Pargent, & n'épargnoit aucune dépenfe pour fe procurer des fuccès. Lorfqu'il arriva en Méfopotamie, Ifdegerd avoit déja paffé le Tigre, & s'avancoit en bataille vers les Romains. Les deux armées étant en préfence , Anatolius, qui n'avoit pas perdu 1'efpérance d'un accommodement, connoiffant le caractere franc & généreux du Roi de Perfe, defcendit de cheval, & marcha feul a fa rencontre pour conférer avec lui. Le Roi fe fentit honoré de eet excès de confiance : il le recut avec politeffe &  du Bas-Empire. Liv. XXXII. 151 cordialité; mais il ne voulut entamer aucun traité dans le lieu même, paree que ce terrein appartenoit aux Romains. II retourna fur fes terres; & ayant écouté favorablement Anatolius , il conclut avec lui une treve d'un an , pendant laquelle on régla les cönditions d'une paix durable. Les troubles excités alors dans la Perfe, & 1'argent qu'Anatolius fut répandre a propos, rendirent encore le Monarque plus facile. On convint par un traité folemnel, que la partie de 1'Arménie, qui formoit 1'héritage de Tigrane, feroit cédée aux Perfes, & celle d'Arface aux Romains; & que ni 1'une ni 1'autre des deux nations ne pourroit conftruire de place forte fur la frontiere. La partie qui demeuroit aux Perfes, & qui étoit de beaucoup la plus étendue, prit le nom d< Perfarménie» Le domaine des Romains fut gouverné par un Officie! qui porta le titre de Comte. Ifdegerc avoit publié de fanglants édits contre les Chrétiens : il fit ceffer la perfécution fur la recommandation d< l'Empereur. La dextérité d'Anatolius avoit ter G iy Théodo- se II. Valenïjnien Hl. Aan. 443. E ■ xxxw. Commen-  Théodo- se II. .ValentinienIII. Ann. 441. cement de ttifcorde entre les Romains & les Huns. Prifc. p. 47- Profp. Tiro, Jorn. de reb. Get. e. 35- TUI. Atü1", c. 1. 152 H I S T O I R B miné fans combat les différends de 1'Empire avec la Perfe. Mais la guerre des Huns, qui commenca cette année, inonda de fang la Méfie, la Pan« nonie & 1'IIlyrie. Nous verrons bientöt 1'Occident entier, depuis le PontEuxin jufqu'a 1'Océan , devenir un théatre d'horreurs, couvert de ruines , d'embrafements & de carnage. De tous les chefs des Huns , Roua, lié d'amitié avec Aëtius, étoit le plus puiffant. Théodofe II ne s'étoit garanti de fes attaques, qu'en s'obligeant a lui payer tous les ans un tribut de trois cents cinquante livres d'or. Quelque temps après , Roua étant averti que plufieurs nations voifines du Danube & du Pont-Euxin , avoient formé une ligue fecrete avec j 1'Empire, il fit menacerThéodofe de rompre avec lui, s'il n'abandonnoit ces peuples. L'Empereur réfolut de lui, envoyer une ambaflade pour 1'ap- 1 paifer; mais avant qu'elle fut en état de partir, on apprit la mort de Roua. j II ne laifloit que deux freres & deux neveux, flls de Mundiuque, qui étoit ! mort avant lui. Ses freres, nommés Oftar & (Ebarfe, céderent la cou-  pu Bas-Empike. Liv. XXXII. 153 ronne a leurs neveux, fils de 1'ainé. Ceux-ci fe nommoient Bléda & Attila. Ils régnerent enfemble. C'étoit 1'année 433 ou 434. Ce fut a ces deux Princes que Théodofe députa Plintha & Epigene. Ce dernier étoit Quefteur du palais, renommé, dit-on, pour fon habileté & fa prudence, dontil ne donna pas de grandes preuves dans cette négociation. Ces députés arriverent a Margue, ville de Méfie, fituée a 1'embouchure d'une riviere de même nom , qui fe jette dans le Daniibe. Les principaux Seigneurs des Huns fe rendirent hors de la ville : la conférence fe tint a cheval; les Huns traitant ainfi toutes les affaires, ck les députés, pour foutenir 1'honneur de 1'Empire, ne voulant pas conférer h pied avec des cavaliers. Les Romains s'obligerent a rendre les transfuges, a remettre entre les mains des Huns les prifonniers Romains qui étoient revenus fur les terres de 1'Empire fans avoir payé leur rangon, ou a donner pour chacun d'eux huk pieces d'or ( environ quarante écus de notre monnoie courante); 1 ne G v Théodq- se II. Valentinien1 III. Ann. 441.' XXXIII. Traité honteux pour les Romains.  .Theodo- se II. Valek- tiniew III. Ann, 441. 1 1 1 XXXIV. Conquê- ' tes et'Atti- ' la en Tar- 1 tarie. ( M. de Gut~ gnts , hifi. 1 des Huns, i l. 4. ( i t t r 1^4 &ISTOIRB fournir aucun fecours aux barbares qui feroient en guerre avec les Huns , & a payer tous les ans un tribut doublé du précédent, c'eft-a-dire , fept cents fivres d'or. On convint que les foires & les tnarchés feroient également ouverts aux Huns & aux Romains , & que les deux nations y iouiroient des mêmes franchifes. La paix fut conclue a ces eonditions. Era :onféquence, on livra aux barbares :eux de leurs eompatriotes qui s'é:oient réfugiés chez les Romains. Ils ürent tous attachés en croix dans le :hateau de Carfe, & deux Princes Ju fang royal qui fe trouverent de ze nombre , ne furent pas épargnés. Après un traité, li honteux pour 'Empire. Bléda & Attila porterent a guerre du cöté du Septentrion & le POrient. Ils s'étendirent au loin lans la Tartarie; & le bruit de leurs irmes fe fit entendre jufques dans la ^hine, ou ils envoyerent des Ambafadeurs. Ceux que les Chinois leur nvoyoient a leur tour furent arrêïs par les Tartares ; ce qui fut le fu;t d'une grande guerre au fond de Oriënt feptentrional Ce fut dans ces  nv Bas-Empire. Liv. XXXII. 155 affreufes. contrées qu'Attila fit 1'apprentiffage de fes conquêtes : il ren-N dit a fes foldats la vigueur féroce de leurs peres; & pour leur apprendre a vaincre les hommes, il les accoutuma fous des climats glacés & ftériles a combattre tous les maux de la nature, Sc la rigueur même des élé° ments. Ces expéditions éloignées occuperent les deux Princes pendant les fix ou fept premières années de leur regne. Enfin, 1'arr 441 , fe regardant comme des athletes affez exercés pour lutter contre 1'Empire, ils chercherent une occafion de rupture, qu'une ambition injufte trouve toujours auffitót qu'elle le defire. Les forces de Théodofe, alors difperfées, laiffoient fans défenfe le paffage du Danube ; & 1'on peut bien foupconner Genféric d'avoir été affez politique pour détourner 1'orage qui le menacoit, en fufcitant une guerre a 1'autre extrêmité de 1'Empire. Dans ttne foire oü s'étoit rendu ungrand nombre de marchands des deux nations, les Huns fe jetterent fur les Romains, les maffacrerent, & fe rendirent maitresde G vj rHÉODOse II. Valentinien III. Un. 44? 1 XXXV. Commen:ementdes guerres d'Attila en Euarlé, & une fanglante fédition qui 'alluma dans Ie Cirque k Conftantiïople. En voici Poccafion. Dès le emps des premiers Empereurs, les cochers  du BaS'Empize. Liv. XXXII. itfp cochers du Cirque étoient diftingués par différentes couleurs, le blanc, le rouge, le bleu & le verd. Les uns rapportent ces couleurs a la diverfité des faifons , les autres k la différence des éléments. Chaque livrée avoit fon écurie k part; & quatre cochers, un de chacune, couroient enfemble, & fe difputoient le prix. Cette diverfité faifoit naitre entre les fpectateurs mêmes une ardente émulation; chacun fe paflionnoit pour une couleur : ce qui fit donner a ces différents partis le nom de faclions. Les Empereurs fe mêloient dans ces cabales jufqu'a 1'indécence, & fouvent jufqu'a la fureur. Caligula prenoit fréquemment fes repas dans 1'écurie de la faction verte; Vitellius fit mourir des citoyens, pour avoir parlé avec mépris de la faction bleue; & nous verrons dans la fuite que ces jaloufies, aufli violentes que frivoles. cauferent quelquefois de grands défordres. La fédition qui s'excita cette année k Conftantinople, coüta h vie k un grand nombre de fpecta< teurs. Une maladie épidémique avoit en Tornt VII. H Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 44'. Tcrtull. de /peel. c. 9. Snet. Cw lig.e. 55. Idem. Vitelt. e. 14. CaJJiod. nar. I. 3> ep. 51. Cedren. pi •47.  Théodo- se II. 'ValentinienIII. 'Ann. 446. XL VI. L'Eunu- «jue Chry. faphe a- bufe de fon pou- voir. Mare. chr. ^ Theoph. V- 84. Evag, I. 2, t. 2. Nieeph. Call. 1.14. €. 47. Tili. vie de S. Léon , ' ■sn, ij, j 1 1 < i f d ti aj » I70 ■ H I S T O T R B levé beaucoup d'hommes & d'ani* maux; elle continua 1'année d'après, qui fut encore funefte a Conftantinople par une famine fuivie de la pefte^L'Evêque Proclus étant mort, le Prêtre Flavien fut mis en fa place. Sa vertu lui attira bientöt la haine de Peunuque Chryfaphe, qui avoit entiérement fubjugué Théodofe. C'étoit la coutume, que 1'Evêque nouvellement ordonné, envoyat a l'Empereurdes Eulogies : on nommoit ainli Un pain, que le Prélat avoit béni. Flavien les ayant envoyés a 1'ordinaire, le Miniftre, avare & peu religieus , lui fit dire que l'Empereur n'avoit pas befoin d'une fi chétive aénédiftion , & qu'il feroit bien d'enfoyer la fienne en or. L'Evêque ré>ondit qu'il n'avoit d'or entre les nains que les vafes facrés , & que Chryfaphe n'ignoroit pas que ces rihefles appartenoient a Dieu & aux auvres. L'Eunuque , vivement piué de ce refus, concut dès-lors le eflein de faire dépofer ce refpecible Prélat. Les Grecs poftérieurs outent,que n'efpérant pas pouvoir. iuffir fans éloigner Pulchérie, jl con-  du Bas-Empire. Lfo. XXXII. 171 traignit cette Princeffe de fe retirer a 1'Hebdome, oü ils prétendent qu'elle demeiira jufqu'après le faux Concile d'Ephefe. Mais ce récit paroit démenti par les lettres que Saint Léon écrivit a Pulchérie dans eet ;intervalle : ces lettres fuppofent qu'elle viyoit a la Cour, quoiqu'elle y eut fens doute.; peu de crédit. Je n'ai rien dit de ce qui fe paffa dans 1'Empire de Valentinien, pendant les lix dernieres années. L'Hiftoire ne nous en conferve que quelques loix , & un petit nombre d'événements que je vais réunir ici en peu de mots. Valentinien, touché de compaffion pour les Africains, chaffés par les Vandales, & dépouillés de tout, fongea a leur procurer les foulagements qui ppuvoient adoucir leur mifere. II défendit a leurs créanciers de les pourfuivre pour dettes, jufqu'a ce que les débiteurs fuflent rentrés en pofTefTion de leurs biens , a moins qu'ils n'en pofTédafTent dans d'autres Provinces. On voit que ,ce Prince fe flattoit de recouvrer bientöt 1'Afrique. II déclara ces débiteurs quittes de tout intérêt . en forte qu'on ne Hij Théodo*. se li. Valentinien III. Ann. 446.' XL VII. Loix de Valentinien.Novel.Valent. inttr Thcodofia.— nas 22 » -3» 24,' 41 . 47. Inter Va* lentinianas. 2. Baroniusi TM. vie de S. Hilairt d''Artes , art. 19. Fleury, hifi. ecclejm l. 27. ar», 4, 5-  Théodo- se II. Valen- TIW1EN III. Aon. 446. ! 1 1 i < ( S72 II I S T O I R E pourroit jamais répéter fur 'eux que le capital. II permit aux Avocats Africains de plaider dans toutes les Jurifdictions; car alors chaque Avocat étoit attaché au fervice d'un Tribunal. II ordonna que le temps ou leurs fonctions avoient été interrompues par 1'invafion des Vandales, leur feroit compté pour parvenir au rang de ClarifTimes; au bout d'un certain temps j de fervice, ils acquéroient ce titre, I qui étoit celui des Sénateurs dont ils partageoient les privileges ; que les appels interjettés dans les Tribunaux de 1'Afrique , feroient relevés devant Ie Préfet de Rome; c'étoit mettre 1'Afrique au rang des Provinces fuburjicaires; qu'on n'accorderoit aucun :ongé aux foldats de la frontiere ; que :hacun profïteroit des prifes qu'il au•oit faites fur 1'ennemi; enfin , que es tributs feroient réduits au huitiene. Cette rédudfion faite , la Numilie payoit tous les ans quatre mille leux cents fois d'or, fourniffoit les dvres & les fourrages pour dpuze ents foldats, & pour deux cents cheraux; la Mauritanië dë;Stefe payoit ;inq mille fois d'or, & nourrilToit  i nu Bas-Empire. Liv. XXXII. 173 i cinquante chevaux. Le lol d'or efl: \ évalué dans cette loi a quarante boifi feaux de froment , ou a deux cents -\ foixante & dix livres de viande, ou | a deux cents feptiers de vin : ce qui I peut donner la valeur intrinfeque du J fol d'or, & la proportion établie dans ï ce temps-la entre les principales den» i rees. Ce Prince infifte beaucoup dans j une de fes loix fur la primauté du 1 Siege apoftolique fondé par St. Pieri re, chef du corps épifcopal: La paix ne peut, dit-il, fubjijkr entre les EgliI fes quautant qu elles reconnoitront tou, tes un même chef Hilaire,Evêque d'Ar3 les, fut fepréfenté a Valentinien con> i me rebelle a 1'autorité du faint Siege. 1 Le Pape Saint Léon , prévenu par les J ennemis de ce digne Prélat, 1'avoit i condamné dans un Synode, & retranj ché de fa communion, mais fans le dépofer. L'Empereur entra dans cette j conteftation : il défendit a Hilaire de faire aucun acfe d'autorité hors de fon diocefe, ce qu'on 1'accufoit d'aI voir entrepris; il déclara qu'il ne fe■ roit permis a aucun Evêque de rien 1 innover, s'il n'y étoit autorifé par le : Pape; que tous les Evêques rece-; H iij Théodo» se II. Valentinien III. Ann. 446.  Théodo- se II. ValentinienIII. Ann, 446. leurs titres, fourniront pour lalevés 174 Histoire vroient comme une loi les ordonnances émanées du Siege de Rome, & qu'un Prélat cité en jugement par le Pontife Romain , s'il refufoit de comparoïtre, y feroit forcé par le Gouverneur de la Province. Telle étoit la Jurifprudence canonique de Valentinien. Cette loi, comme le remarque Baronius, eft très-propre k faire voir combien les Empereurs ont contribué a établir la grandeur & 1'autorité des Papes. Mais les procédés de Saint Léon, a 1'égard d'Hilaire d'Arles, n'ont pas empêché 1'Eglife de mettre ce dernier au nombre des Saints qu'elle invoque. St. Léon avoit découvert de nouvelles abominations des Manichéens, & les avoit fait connoïtre en plein Sénat par 1'aveu même des coupables : l'Empereur prononca contre eux toutes les peines établies contre les facrileges, & priva cette déteftable fefte de tous les droits de la fociété civile. Par une autre loi, attendu les grandes dépenfes que les circonftances exigeoient, & 1'épuifement du tréfor, il ordonne que tous ceux qui font diftineués par  du Bjs-Empirë. Liv. XXXII. l?s des troupes des fommes proportioiv i nées a leurs dignités ; dïaque milii cien eft eftimé trente fois d'or; ce qui ■ revient a quatre cents- livres de no- ■ tre monnoie. C'eft apparemment a ; quoi fe montoit alors la paye du foli dat, & la dépenfe néceffaire pour fon ! équipement tk fa fubfiftanGe pendant i une année. Mais nous voyons que ; dans ce temps-la 1'eftimation du mi! licien varie felon la volonté des Prin( ces, fans doute k proportion des be1 foins de 1'épargne, Les Bretons, accablés de maux par i les ravages continuels des Picfes, imI plorerent encore une fois le fecours \ des Romains. Errants dans leurs foj rêts, &c réduits k la pature des aniI maux, la faim en obligeoit un grand nombre k fe livrer eux-mêmes k ces brigands inhumains. D'autres défen| doient encore leur liberté : cachés I dans les cavernes entre les montai gnes, ils en fortoient de temps en ■ temps pour fondre fur leurs ennemis. I Us écrivirent en Gaule au Général , Aëtius, Conful pour la troifieme fois \ en 446; cette lettre trempée de leurs 1 larmes, portoit pour titre : Gémijfe~. H iv Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 446. XL VIII. Les Bretons demandentdu fecours. Gildas de excid. Brit.' Bcda, hifi. I. i. c. 13. Hifi. Mi£ cel. I. 14»  I Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 446. Ann. 447. XLIX. Loi lur les fépultures. Nov. j. Vahnt. Baronius. t7Ó HlSTQIRB miffements des Bretons. Ils y depei- 1 gnoient ainfi leurs délaftres: Les bar* bares nous pouffent vers la mer ; la mer 1 nous repoujfe vers les barbares. Toujours entre deux morts, prêts d être égorgés ou. fubmergés, nous riavons aucun fecours, & nous n'en pouvons attendre que de Dieu & des Romains, s'ils veulent bien être en notre faveur les minijlres de fa. miféricorde. De fi touchantes fupplications furent fans effet. Aëtius ne pouvoit abandonner la Gaule fans 1'expofer toute entiere , & fans fe mettre lui-même en danger de n'y plus retrouver de paffage. On regardoit la Grande-Bretagne comme une Province retranchée du corps de 1'Empire , & perdue fans reffource. L'idolatrie étant enfin abattue,les Chrétiens, & fur-tout les Eccléfiaf- f tiques, comme pour venger le fang de tant de Martyrs, s'acharnoient k détruire les idoles. Sans aucun égard a la beauté des ouvrages , ils les rompoient en pieces, & les enfeveliffoient fous des fondements de murailles ou dans des foffes profondes, d'oii la curiofité s'efforce maintenant de les retirer pour 1'avancement des  nu Bas-Empire. Liv. XXXII. 177 arts & Pembelliffernent des palais. ' Les tombeaux éprouvoient auffi ce 1 zele deftructeur; & 1'avarice encore plus que le zele alloit chercher dans les cendres des morts, ce qu'on pou- ; voit avoir enterré de précieux avec eux. On enlevoit les marbres des fépultures , & fous prétexte de religion , on outrageoit 1'humanité. Valentinien défendit ces excès dans une loi du treize Mars 447 ; & par une levérité qui n'étoit pas moins exceffive, il condamna les Eccléfiaftiques, qui feroient convaincus d'avoir détruit des tombeaux , a la profcription & au banniffement 'r les perfonnes qualifiées , a perdre la moitié de leurs biens, & a être déclarées infames ; & les autres a la mort. La puilTance des Sueves croiffoit de plus en plus en Efpagne. Leur Roi Réchila étant mort au mois d'Aoüt de cette année, laiffa la couronne a fon fils Réchiaire, qui trouvant des rivaux dans fa familie , eut befoin de rufe & d'adreffe pour fe mettre en poffeffion de 1'héritage de fon pere. II fut le premier Roi Catholique H v 'héodo* se II. Valentinien III. Lnn. 447* L. Réchiaire fuccede a Réchila , Roi des Sueves. lias. thr. IfiS. chron. Sutv. Jom. de reb. Gti. s. 44.  .Théodo- se II. .ValentinienIII. 'Ann. 447. Mariana, hifi. Efp. I. j. c 3. I78 ff/STOIRB des Sueves : mais il ne fut pas pour cela moins ambitieux. II forma le deflein de s'emparer de toute 1'Efpagne, & d'en chafTer entiérement les Romains. Cependant, 1'hiftoire ne Paccufe pas d'avoir eu part k la mort du Comte Cenforius, qui fut affafliné k Séville la première année du regne de Réchiaire. Le foupcon de ce forfait tombe plutöt fur Théodoric , paree que 1'afTaflin, nommé Agiulfe, étoit un barbare de la nation des Varnes attaché au fervice des Vifigoths. Réchiaire époufa une fille de Théodoric; & dès qu'il fe vit poffeffeur paifible de fes Etats, il alla attaquer les Gafcons fujets de 1'Empire , qui habitoient ce qu'on appelle aujourd'hui la Navarre. Après avoir fait le dégat dans ce pays , il pafla dans 1'Aquitaine , pour y rendre vifite a fon beau-pere. Etant retourné en Efpagne avec des troupes auxiliaires de Vifigoths, il s'empara par furprife de la ville de Lérida, d'oüil enleva un grand nombre d'habitants, 5c ravagea le pays de Sarragoce. Enfuite après avoir conclu un traité avec les Romains, il fe retira dans fes  du BaS'Empire. Liv. XXXIL 179 Etats qui comprenoient la Galice , la Lufitanie & la Bétique. Nous le ver- ' rons après la mort de Valentinien y profiter des défordres de 1'Empire pour étendre fes conquêtes. Le mauvais état des affaires en Efpagne caufoit peu d'inquiétude. A mefure que 1'Empire d'Occident s'affoibliffoit, il reffentoit moins les coups qu'on lui portoit dans les Provinces éloignées; ainfi qu'un corps paralytique, oii 1'efprit & la vie concentree dans le cceur, perdent leur communication avec les extrémités. Mais l'Orient moins affoibli-, fentoit auffi plus vivement fes pertes. La nature même fembloit s'entendre avec Attila pour bouleverfer la terre,; tandis que ce barbare conquérant la couvroit de fang & de carnage. Un jour de Dimanche, vingt-iixde Janvier, fur les neufheuresdu matin, on entendit a Conftantinople un de ces bruits fouterreins, qui annoncent les tremblements de terre. Tous leshabitants parent auffi-töt la fuite ,.en un momen les Eglifes & les maifons refteren abandonnées. Les plus foibles trou verent dans leur effroi des forces pou H vj ["héodo- SE IE Valentinien III. knn. 447« LI. Furieuit tremblement de terre. Mare. chr. Chr. AUx. Evag. I. 1. c. 17, 18. Niceph. Call. 1.14. e. 46. Anthol. I, 4. c. iS. Du Cange Conft. l.l, p. 39, 5-1 TM. Theod. art. tt f'  Théodo- se II. Vaien- tiniek III. Ann. 447. ï&o HlSTOlRE fe fauver; on emportoit les malades dans leurs Hts, les enfants dans leur berceau, & tout ce grand peuple faili d'épouvante, fe réfugia en confufion dans les campagnes les plus voifines; en forte que dans le défaftre qui finvit, perfonne ne perdit la vie. Bientót toute la ville retentit d'un horrible fracas; les murs batis trente-quatre ans auparavant par Anthémius, s'éeroulerent avec cinquante-fept tours ; les ftatues dont les places étoient ornées, & les édifïces de pierre dans Ia place de Taurus, furent renverfés. Ce tremblement, le plus terrible qu'on eut jamais vu dans un pays oü ces accidents étoient fréquents, fut auffi le plus général. II s etendit dans tout POrient & dans Ia Thrace. La longue muraille qui fermoit la Cherfonefe, tomba toute entiere: des bourgs & des villes furent abymées en Bithynie, dans 1'Hellefpont, dans les deux Phrygies. Ce fléau détruifit une grande partie d'Antioche, & n'épargna pas Alexandrie. La terre changea de face en plufieurs endroits; on vit des fources tarir; on en vit fortir avec abondance dans des terreins aridesj des monta-  du Bas-Empire. Liv. XXXII. 181 gnes s'écroulerent, il s'en éleva d'autres au milieu des plaines. La mer ne fut pas moins agitée; bouillonnant avec furie, elle engloutit des ifles entieres; & quelquefois fuyant du rivage pour fe perdre dans fes abymes, elle laiffoit les vaiffeaux è fee au milieu des fables. Les fecouffes de la terre & de la mer fe fïrent fentir a divers intervalles pendant fix mois, en diminuant toujours de violence. En plufieurs lieux, l'air parut embrafé, & répandit des vapeurs peftilentielles, qui firent mourir quantité d'hommes & d'animaux. Pour rendre grace a la Bonté divine, de ce qu'aucun habitant de Conftantinople n'avoit péri, on inftitua une fête qui fe célébroit tous les ans le vingt-fix de Janvier. Le tremblement y dura plufieurs jours , pendant lefquels l'Empereur, avec tout le peuple, fe tint dans les environs, implorant la miféricorde de Dieu par des prieres continuelles. Dès que le terrein fut afTuré, il fit relever les murs & les tours. Conftantin , Préfet du Prétoire, employa pour cette réparation un fi grand nombre d'ouvriers, qu'elle fut achevée era rHÉODO SE II. Valen- TINIEÏf III. \.nn. 447. in. Murs dé Conftantinople rebatis.  Théodose ii. Valentinien111. Ann, 447, liii. Fuiflance d'Attüa. Cajfiod. chr. Profp. chr. Mare. chr. Prifc. p. 64, 6;. €hf. Alex, IS2 II I S T O I R E foixante jours. On dit que les deuxfactions principales, la bleue & la verte , qui partageoient alors Conftantinople dans les jeux du cirque, s'étant piquées d emulation , s'empreflerent a 1'envi; & qu'ayant commencé 1'une par 1'extrémité feptentrionale, 1'autre par celle du midi, elles avancerent I'ouvrage avec une ardeur li égale, qu'elles fe réunirent au milieu de eet efpace, oii elles conftruifirent enfemble une porte qui fut nommée Polyan* dre, a caufe de la multitude de travailleurs qui s'y trouverent rafTemblés. La ville d'Antioche fut rétablie dans fon ancienne fplendeur par les foins de Memnone, de Zoïle & de Callifte que Théodofe y envoya : ils yajouterent encore denouveaux embellilTements, & Anatolius, Commandant des troupes d'Orient, y fit batir un fuperbe portique. Depuis le traité fait en 441, entre les Romains & les Huns, Théodofe s'endormant fur la foi d'un Prince qui n'en connut jamais, s'abandonnoit a une fécurité toujours fatale aux Empires. II ne favoit pas profiter de la paix, pour fe mettre en état de foutenir ?  i du Bas-Empjre. Liv. XXXII. 183 avec honneur , une nouvelle guerre. ; Attila, au contraire, ferendoitdeplus sen plus redoutable. II fit aiTafliner fon frere Bléda, afin de régner feul, & d'ê3tre le maitre d'exécuter les grands defifeins que projettoit fon ambition. II Me méditoit rien moins que la conquête de 1'Afie & de 1'Europe; & vu fa grande puiffance qui croiffoit tous ïles jours, & la foibleffe des deux Emïpereurs, ce projet n'avoit rien de t chimérique. Outre la nationdes Huns, i qu'il avoit toute entiere reünie fous fes ordres , fa domination s'étendoit hu loin dans ces vaftes contrées, qui 1 confinent d'un cöté a la mer Baltique, 2 & de 1'autre a 1'Océan oriental. Une 1 grande partie des Germains, les Scyéthes, les Gépides, lesErules, les Ruïges, & cette multitude de peuples ;1 qui habitoient entre le Danube , le iPont-Euxin & la mer Cafpienne, li obéifToient a fes loix. II avoit toutes les qualités qui font 1 les conquérants, aimant la guerre, i & ne faifant jamais la paix que pour fj la rompre avec plus d'avantage; poi litique rufé, autant que guerrier intrépidej hardi fans être téméraire; fHÉO DOSE II. Vaien- TINIEM III. \.nn. 447.* Jorn. de ■eb. Get. c, 55 , 49Barenius* liv: Son por-] trait.  T-he o dose II. Valentinien.III. Ann. 447, : 1 ] < i i LV. Son info- 1 lence, ' 1 ( 1S4 HlSTOIRB ^pm£ond dans le confeil. prompt dani 1'exécution; infatigable; fans fcrupule, fans religion. D'ailleurs, les vertus & les vices qui compofent le fond du caractere des autres Princes, fe mêloient dans le fien , & fe prêtoient aux circonftances: franc ou diffimulé, jufte ou injufte, tempérant ou difTolu, humain ou cruel felon fes intéréts: né pour effrayer la terre, ébranler les Empires , & porter d'une extrémité du monde a 1'autre les foudres de la colere divine. Auffi toutes les nations fe font-elles accordées a lui donner Ie titre funefte de fiéau de Dieu. Son extérieur n'avoit rien de grand; mais tout y étoit terrible, & retracoit la érocité de fon origine. II étoit de jetite taille, avoit la poitrine large, a tête diffbrme en groffeur, les yeux >etits & étincelants; peu de barbe & le cheyeux, que les fatigues avoient danchis de bonne heure : le nez écraé, le teint bafanné, la démarche fiere k menagante. Quoiqu'il n'eut point de religion; >erfuadé qu'il en falloit une pour conenir fes fujets, il feignoit d'honorer :ette divinité farouche, qui fait mé-  i nu Bas-Empirb. Liv. XXXII. 185 1 prifer toutes les autres en infpirant < ila fureur de la guerre & 1'amour du ;carnage. Les anciens Rois des Scythes avoient adoré le Dieu Mars fous la : forme d'une épée: elle étoit perdue depuis long-temps. Un patre voyant , une de fes geniffes bleffée , fuivit la j tracé du fang ; & ayant trouvé une épée dont la pointe fortoit de terre, il vint la préfenter k Attila, Ce Prince j fit aufTi-töt répandre le bruit, qu'il j avoit retrouvé Pépée de Mars; & que j ce Dieu lui mettant fon glaive entre les mains, lui donnoit 1'inveftiture de tous les Royaumes, & le droit de faire la guerre k tous les peuples. II parloit & agiffoit conformément h cette idée. Les Romains de ces malheureux iiecles flattoient les barbares qu'ils ne pou voient vaincre. Ils avoienl honoré Alaric du titre de Général des armées Romaines ; Théodofe en re| vêtit Attila par un . brevet dans le! j formes. Le Roi des Huns 1'accept; | pour retirer les appointements atta j chés k cette dignité ; mais il dit et même-temps aux députés: Que ce titre ainji que tout autre, dont ils croiroien l,honorerJ ne Cempêcheroit pas de les com rHÉODOse II. Valentinien III. 4.nn. 44Ti l l 1 t  Théodo- se K. Valentinien. Ml. Ann. 444. ] 1 i LVI. II fubju}?«e les " Acatires. C Prifc. p. r t Jorn. de reb. Get. c. \ ï\ f Suid. voet o M.deGui- £> gnes , hifi. r\ iei Huns, l. 4. 0 ai tc ei L< Ï86 IIlSTOIRE battre, s'ils manquoient d le fatisfaire ; qu'il fauroit bien les contraindre d le re* connoitre non pour leur Général, mais pour leur maitre ; qu'il avoit pour efclaves des Rois fupérieurs aux Gênéraux Romains , & même aux Empereurs. Affeftant ainfï de fouler aux pieds la majeïté de 1'Empire , lorfqu'il commenca la guerre , il porta 1'infolence ui point d'envoyer aux deux Empe•eurs un meffager, qu'il chargea de eur dire : Attila mon maitre & le vore vous ordonne de lui prêparer un paais. Avant que d'attaquef 1'Empire, il 'oulut achever de réduire les nations e la Sarmatie & de la Scythie. II en eftoit une a domprer : c'étoient les icatires, peuple belliqueux, qui ne ivoit que de chaffe &c de la chair de :s troupeaux. Situés entre le Tanaïs l le Volga, au nord du Pont-Euxin ' de la mer Cafpienne, ils étoient ivifés en plufieurs tribus , dont chame avoit fon Roi. Théodofe leur 'oit envoyé des préfents pour les déurner de 1'alliance d'Attila, & les igager dans les intéréts de 1'Empire. : plus ancien de ces Rois avoit fur  nu Bas-Empire. Liv. XXXII. 187 les autres un degré de prééminence. Le député Romain en diftribuant les largeffes de l'Empereur, avoit manqué de fuivre eet ordre. Couridac, le plus ancien de ces Princes, fe croyant méprifé , avertit le Roi des Huns de la liaifon que fes collegues formoient avec les Romains. Attila partit auflitöt a la tête d'une armée; il défitck tua une partie de ces Princes, réduifit les autres fous fon obéiffance, & man; da Couridac pour partager, difoiti il, avec lui les fruits de fa vief oire : mais le barbare évita le piege. Après i s'être retiré dans des lieux inacceflï: bles, il fit répondre au Roi des Huns, • que nêtant qu'un Jimple mortel, & nt \ pouvant envifager le foleil, il ne fe ha I farderoit pas d regarder en face le plui | gr and des Dieux. II fallut qu'Attila fe i contentat de cette réponfe. II fe rendit maitre du refte du pays, dont i i donna la fouveraineté a fon fils aïné II craignoit une irruption des Tar tares orientaux: pour les tenir éloi gnés de fes Etats pendant 1'expéditioi | qu'il méditoit contre 1'Empire, il re nouvella le traité de ligue, qu'il avoi déja fait avec les Empereurs Chinois THÉona- se IK Valentinien ra. Ann. 447» \ l t  Théodo- se II. ValentinienIII. Ann. 447. LVV). Attila rav-ge la Thrace & Ia Méfie. Mtzrc, chr. Chr. AUx. Theoph. p. E8. Jorn. de regn. fuceeff. TUI. Theod. 11. en. 31. LVIII. Défaite i83 Bistoirs Après ces préparatifs, Attila, fuivi des Rois fes vaffaux , dont le plus renommé pour la puiffance & la bravoure, étoit Ardaric, Roi des Gépides, entra fur les terres de 1'Empire avec une armée formidable , portant de toutes parts le ravage & 1'épouvante. L'Illyrie, la Thrace, la Dace, la Méfie éprouverent toutes les horreurs d'une guerre barbare. Outre les places que les Huns avoient prifes ou ruinées dans leur incurfion précédente, ils fe rendirent makres de foixante & dix villes, entre lefquelles on nomme Philippopolis, Arcadiopolis, Marcianople & Conffantie qu'ils raferent, Suivis d'une infinité de prifonniers &i chargés d'un butin immenfe, ils s'étendirent en Thrace jufqu'au PontEuxin d'une part, & de 1'autre jufqu'au fond de la Cherfonefe. Andrinople & Héraclée furent les feules pla- '< ces qui échapperent k leur fureur. Ils ruinerent le chateau d'Athyre entre Selymbrie & Conftantinople. La Macédoine, la ThefTalie furent ravagées, & ce torrent ne s'arrêta qu'aux Thermopyles. L'Empereur ayant fait marcher a  du Sas-Empihe. Liv. XXXII. 189 la hate ce qu'il put raffembler de troupes , les partagea en deux corps. L'.uh fut commandé par Afpar & Aréobin: ce, en témoigna facolere a Anatoliusi  du Bas-Empire. Liv. XXXII. 193 & a Théodule , Commandants des troupes de Thrace, qui étoient encore . auprès de lui; il leur déclara que fi les Afémontiens ne fe foumettoient, il alloit recommencer la guerre. Ces 1 deux CommifTaires fe trouvoientdans ; un étrange embarras; ils avoient pluifieurs fois envoyé des ordres : mais ! les affiégés refufoient d'obéir. Attila i prenoit déja les armes, lorfqu'on rei gut enfin une réponfe des habitants d'Afémonte. On leur avoit demandé I de relacher les Huns qu'ils avoient pris, & de rendre les prifonniers Ro1 mains qui s'étoient réfugiés dans la I place , ou de payer pour chacun I d'eux la fomme convenue; ils réponI doient qu'ils ne pouvoient faire ni l un I ni l'autre; qu'ils avoient laifje' partir les I Romains en liberté, & que pour les Huns ( ils les avoient égorgés ; qu'ils n'en avoient \ réfervé que deux pour les échanger contre 1 deux de leurs bergers, que les barbares t avoient furpris au pied de leurs murailI les; qu'ils étoientprêts d les rendre, pour' 1 vu qu'on leur rendtt leurs bergers: qu'aU' \ trement ils les égorgeroient ainfi que lei | autres. Cette réponfe fiere fit fur At1 tila une impreffion toute contraire a Tomé VIL I Theodo- se II. Valentinien III. Ann, 448.  Théodo- se II. Vaien- hn1en ni. Ann. 448. LXI. Hiftoire de Zénon. Prifc. p. 39 . 69 , 7* > 72. Damaftius, apud Phat. p. IO72. 194 HlSTOIRE celle qu'appréhendoit Anatolius. Soit qu'il admirat dans fes ennemis cette indomptable valeur dont il fe piquoit lui-même, foit qu'il aimat mieux fauver deux de fes gens que de fe venger d'une ville entiere, il fit chercher ces deux bergers. Comme on ne les trouvoit point dans fon camp, il confentit a jurer qu'il n'avoit aucun prifonnier d'Afémonte ; & les habitants jurerent de leur part qu'ils avoient renvoyé tous les transfuges qui s'étoient retirés chez eux. Ce ferment étoit contraire k la vérité; mais les Afémontiens, moins religieux que braves, s'imaginerent que le parjure n'étoit plus un crime, dès qu'il s'agiiToit de fauver leurs compatriotes. Pendant cette guerre d'Attila , Théodofe, qui manquoit de Capitaines, fut obligé d'avoir recours a un chef d'Ifaures , nommé Zénon. II le fit venir a Conftantinople avec fes troupes , & lui confia la garde de cette ville, qui craignoit d'être attaquée par les Huns. Zénon gagna les bonnes graces de Théodofe, & devint en peu de temps un des plus puiffants perfonnages de 1'Empire. II fut  nu Bas Empire. Lh. XXXII. 19$ nommé Général des troupes d'Orient • 1 & Conful 1'année même qu'on fit la ] paix avec les Huns. Ce barbare étoit i trop fier pour plier devant 1'eunuj que Chryfaphe, qui faifoit la loi mêj me a fon Prince. II ofa fe déclarer } hautement fon ennemi, & demanI der plufieurs fois fa tête a 1'Empej reur. II ne refpectoit guere davan| tage Théodofe lui-même, comme il !. le fit voir en cette occafion. Aëtius, 5 qui entretenoit avec Attila une corI refpondance fecrete, lui avoit enI voyé un Gaulois, nommé ConftanI ce, pour lui fervir de Secretaire. ConfI tance, député k Conftantinople, ofI frit fes fervices k Théodofe, pour'enI tretenir fon maïtre dans des difpofi: tions pacifiques, a condition que 1'Em: pereur lui procureroit un mariage 1 avantageux. Théodofe, qui ne crai; gnoit rien tant qu'une rupture avec les Huns, lui promit la fille de Saturnin, ce Comte des domeftiques, ; qu'Eudoxie avoit fait tuer, comme nous 1'avons raconté. Elle étoit gardée dans un chateau. Zénon 1'enleva,' & la fit époufer a un de fes amis, nommé Rufus. Conftance s'en étant I ij Théodo- se II. Valentinien III. Ann, 448.  Théodo- se II. ValentinienIII. Ann. 448. ; IJ)6 HlSTOIRE plaint a fon maïtre, Attila fit dire k Théodofe, qu'il s'en prenoit d lui de l'affront fait d fon Secretaire ; que l'Empereur fe rendoit lui-même coupable de cette violence, en ne la puniffant pas ; que s'il ne fe fentoit pas affe{ de forces pour fe faire obéir de fes fujets, Attila lui offroit les fiennes. Théodofe fut piqué d'une lecon fi hautaine; mais il falloit trouver moyen d'appaifer Attila fans irriter Zénon, qu'il craignoit prefque autant que le Roi des Huns. II fit confifquer les biens de Saturnin; & felon la réflexion de M. de Tillemont, il couvrit fa foiblefle par une injuftice. Chryfaphe profita fans doute de cette audace de Zénon, pour le rendre odieux k l'Empereur : il Paccufa en fecret d'afpirer a 1'Empire. Ce qui fortifioit ce foupcon, c'eft que Zénon étoit payen & zélé pour 1'idolatrie , qu'il paroiflbit vouloir rétablir. II ne paroït pas cependant que Théodofe ait ofé prendre aucune mefure pour rabaifCer ce barbare, que 1'imprudence du Prince avoit rendu trop puiffant. Zénon ne mourut que la quatrieme aniée du regne de Marcien, s'étant r©m-  , du Bas-Empire. Liv. XXXII. 197 ^ s pu la jambe par la chüte de fon che- z val ; & fa mort fut regardée comme un événement heureux, qui délivroit l'Empereur d'un fujet devenu •; redoutable. On rapporte que cette année un J Roi des Indes envoya k Théodofe I un tigre privé, & qu'il y eut a ConfI tantinople un nouvel incendie, qui I confuma deux portiques & deux I tours : le dommage fut fur le chainp ^ réparé par Antiochus, Préfet dupré1 toire d'Orient. En Occident, la dureté du gouvera nement d'Aëtius porta les ArmoriI ques a la révolte. II fit marcher con1 tre eux Eocaric : c'étoit un Prince I payen, Roi d'une peuplade d'Alains, I établis fur la Loire. Quelques Aus teurs le font Roi des Allemands , & I prétendent que ces Allemands étoient l des Francs, paree que les Francs, l étant originaires de Germanie , font I quelquefois appelles Germains. Mais ce n'eft que dans le onzieme ou douI zieme fiecle que le nom ft Allemands I eft devenu commun a tous les Germains. Eocaric étoit prêt d'entrer dans le pays, oii il portoit la défolation I üj r/héodose II. Valentinien III. /Vnn. 44S. LXII. Evénements a Conflantinople.Mare. Ar. LXIIT. Eocaric arrêré par St. Germain. Pagi ad Sar. an. 43S- Til!. Valem. UI. art. 20. Flairy , hift.Ecchf. I. 21. art, 7, 8.  Theodose ir. Valentinien UI. Ann. 448. 398 HlSTOlRE & le ravage. Saint Germain d'Auxerre revenoit alors de la Grande-Bretagne, oii il avoit fait un fecond voyage avec Sévere , Evêque de Treves , pour y confondre encore une fois 1'héréfie Pélagienne , qui reprenoit de nouvelles forces. Ce Prélat, dont la charité embrafToit tous les peuples & tous les befoins de 1'humanité, ne fut pas plutöt averti de la tempête qui menacoit les Armoriques, qu'il alla au-devant d'Eocaric. II le rencontre a la tête de fes troupes; il le conjure d'épargner la Province; il lui repréfente le repentir des habitants , qui étoient d'eux-mêmes rentrés dans le devoir. Ses paroles ne pouvant rien fur ce Prince inflexible 6c avide de pillage, il faifit la bride de fon cheval, & arrête avec lui toute fon armée. Le Roi barbare, étonné de cette hardieffe, & frappé des regards de Germain qui lui impriment le refpect, fe rend enfin a des inftances fi preffantes; il confent a retourner fur fes pas, & k laiffer le.s Armoriques en paix , pourvu qu'ils obtiennent leur pardon d'Aëtius ou de l'Empereur. Germain ? pour achever  du Bas-Empire. Liv. XXXI/. 199 fon ouvrage, fe tranfporte en Italië; fa vertu fe fait refpefter d'une Cour corrompue. On lui avoit déja accordé la grace des Armonques, lorlqu'on apprit une nouvelle révolte de ces peuples inquiets. Aëtius 1'appaifa bientót par le chatiment des coupables. Germain mourut a Ravenne, le dernier jour de Juillet; & l'Empereur fit tranfporter fon corps a Auxerre avec une pompe digne de la fainteté du Prélat & de la majefte de 1'Empire. Aëtius, toujours attentif aux mouvements de la nation Francoife , n'ofoit s'éloigner de la Gaule. Clodion, qui avoit étendu fon domaine depuis le Rhin jufqu'a la Somme, mourul cette année. Mérovée fon fils lui fuccéda, quoiqu'il ne fut que le cadet Soutenu de la puiffance d'Aëtius, pai qui même il avoit été adopté ^ il fu préféré a Clodebaud fon aïné. Ce lui-ci fe retira a la Cour d'Attila qui, peu de temps après, le ramen dans la Gaule. Clodebaud fe trouv a la fameufe bataille des champs Ca talaunique , oii Attila fut vaincu ainfi que nous le raconterons dans 1 I iv Théodose II. ValentinienIII. Ann. 448. LXIV. Mérovée, Roi des Francois. Profp. T'tro. TUL Va. Unt. Ut. art. 20. M.imp Acad. «.' : vin. p. . 465, J°9» > l 1 f 1  Théodo- se li. .ValentinienIII. 'Ann. 449. LXV. Coniulat 'd'Aflure. Sidon. /, S. ep, 6. Labbe def tript. Ec*ltf. t. 11. P- 328, 329- TUL Vatent. ni. «rt. 21. i i i l 1 } 1 20o II I S T 0 I X E fuite, & Mérovée demeura en paiJble poffeffion de lacouronne, qu'il foutint avec gloire pendant les dix annees de fon regne. Ce Prince eft devenu très-célebre; & Ja première race des Rois de France fut défignée dans Ia fuite par le nom de Mérovingienne. Afture, qui fut Conful en 440 avec Protogene, mérite une place dans I niftoire. II s'étoit fignalé en Efpagne par la défaite des Bagaudes en 441. Ilfalloit qu'il eütun penchant toen decidé pour Ia poéfie, puifqu ainfi que fon gendre Mérobaude il laima jufque dans 1'état de caducite, ou elle étoit alors réduite. Après la mort du Prêtre Sédulius, il revit fes poemes, & les donna au public. II sn compofa lui-même, & on lui atTibue un de ceux qui portent le nom ie Seduhus. II prit poffeffion du Conulat dans la ville d'Arles, & ce qui e paffa dans fon inftallation, nous infruit de plufieurs ufages de ce tempsa. Le premier de Janvier, Ia cérénome commencoit avant le jour. .e nouveau Conful, revêtu de la obe nommée Trabea, & affis fur la  nu Bas-Empire. Liv. XXXII. 201 chaife curule , faifoit diftribuer de 1'argent aux afliflants qui fe trouvoient en grand nombre. II donnoit ou envoyoit a fes amis des tablettes qui portoient fon nom & fon image; on les nommoit diptyques , paree qu'elles étoient compofées de deux feuilles d'ivoire. On conferve encore a Liege une de celles du Conful Afture. La folemnité fe terminoit pai un compliment fort long, que prononcoit un des plus habdes Avo- Pendant cette année 1'Italie & 1 Gaule furent affligées d'une fi. extrê me difette , que les peres vendoien leurs enfants, & plufieurs de ceu qui les achetoient, les alloient ven dre aux Vandales en Afrique. Deu ans après, Valentinien caffa par ur loi ces ventes déplorables, h conc tion que 1'argent feroit rendu a 1' cheteur avec un cinquieme en f pour les fraix des aliments. II d clara qu'a 1'avenir quiconque fen convaincu d'avoir achetéun homr libre pour le revendre aux barbare payeroit au fifc fix onces d'or: ame de bien légere, & qui montre co I v Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 449« l LXVI. Famine en Italië t &enGau{ le. Nov. Va" Unt. 11. K TUI. Vae Unt. 111. • art. li. 1- 1- 1S >it ie s, nn-  Théodo- se II. Valestikien III. Ann. 449. ixvii. Conduite d'Attila a 1'égard des Romains.Prifc. p, 36» J7- j 1 1 1 f < r. lx vin. Théodofe veut faire 202 HlSTOlRZ bien la liberté Romaine avoit alors baifle de prix, S'ils s'eftimoient fi peu eux-mêmes , leur lacheté les rendoit encore plus méprifables aux étrangers. Une nature encore faine & vigoureufe, quoique féroce & groffiere, periuadoit aux barbares qu'ils étoient nés pour faire la loi a une nation abatardie par le luxe, & que la puiffance & les tréfors appartenoit a Ja force & a la valeur. Tels étoient les fentiments d'Attila. Depuis qu'il avoit Jccordé la paix a Théodofe , profitant de la foibleffe du Prince, il né :effoit de former de nouvelles pré:entions. L'Empereur, de fon cöté, mettoit toute fon étude a ménagerle loi des Huns: il recevoit fes envoyés tvec honneur, il les combloit de >réfents ; en forte qu'Attila, lorfqu'il 'ouloit enrichir un de fes fujets, 1'en'oyoit fous quelque prétexte en am- ' affade a Conftantinople , & faifoit ayer par l'Empereur les fervices u'on lui rendoit contre l'Empereur ïême. Théodofe fentoit le poids de eet( honteufe feryitude, Mais n'ofant  nu Bas-Empire. Liv. XXXII. 203 s'en affranchir avec courage , il écouta les confeils de Chryfaphe. Ce Miniftre, lache & perfide, fut d'avis de faire affafliner Attila. Valentinien premier, & Valens, n'avoient que trop accoutumé les Romains k ces horribles forfaits. Sous le regne de ces Princes , on avoit vu périr trois Rois par cette voie criminelle. II ne s'agiffoit que de chercherun traitre; on crut 1'avoir trouvé. II venoit d'arriver a Conftantinople un nouvel Am> baffadeur , nommé Edécon. C'étoit un Capitaine des gardes d'Attila, renommé par fa valeur. II étoit accompagné d'Orefte, né en Pannonie, mais devenu fujet & Secretaire d'Attila j depuis que ce Prince s'étoit emparé des bords de la Save. Edécon re mit a l'Empereur les lettres de for maitre. Attila fe plaignoit qu'on n< lui eut pas rendu les transfuges, & que les Romains s'attribuaffent en core la pofTeflion des terres qu'il avoi conquifes : il prétendit que tout L pays qui borde le Danube depuis 1 Pannonie jufqu'a Noves dans la baff Méfie , lui appartenoit : c'étoit un étendue de quinze journées de che I vi Théodq- se II. Vaxen- t1nie» III. Ann. 449; affaffiner Attila. Prifi. F. 37. }«» i t |  Théodo- se II. ,Valentinien III. Aan, 449. 1XIX. Complot formé fonr ce iiflein. 204 HtSTOIRE min. II vouloit que le marché commun aux Romains & a la nation des Huns, ne fe tint plus comme auparavant fur les bords du Danube, mais a cinq journées de-la fur les ruines de Naïffe, qu'il avoit détruite, & oü il fixoit les limites des deux Etats. II demandoit que pour régler tous ces articles, on lui députat les plus illuftrés d'entre les Confulaires, & promettoit de s'avancer jufqu'a Sardique pour conférer avec eux. Si 1'on n'avoit pas d'égard a fes demandes, il menacoit de fe faire juftice par les armes. Edécon, aufortir de 1'audience, alla rendre vifite a Chryfaphe. Un Romain, nommé Vigile , lui fervoit d'interprete. La converfation roula fur la magnificence du palais Im- Eérial, qui avoit frappé les yeux du arbare : il ne pouvoit fe laffer d'admirer le bonheur des Romains, qui poffédoient tant de richeffes. Chryfaphe, tout occupé de fon projet, profita de cette ouverture. II le tira k 1'écart avec Vigile , & lui dit qu'il ne tiendroit qu'a lui d'être auffi heureux, s'il vouloit fervir 1'Empire ; Jure{-moi feultmtnt, ajouta t il,  ru Sjs-Empire. Liv. XXXII. 205 que fi vous refufei Jexécuter ce que je vais vous propofer, du moins vous ne , le révélere{jamais. Edécon 1'ayant pro. mis avec ferment, Chryfaphe lui dit qu'il trouveroit dans la reconnoiffance de l'Empereur des tréfors inépui? ' fables , s'il vouloit le défaire d'Attila. Après quelques moments de re; flexion, Edécon y confentit; & poui y réuflir , il ne demïnda que cinquan t te livres d'or, qu'il diftribueroit, di I foit-il, aux gardes dont il étoit Ca pitaine, & qui lui prêteroient leur .! bras pour 1'exécution. L'Eunuque oi t froit de lui mettre fur le champ cei te fomme entre les mains; mais Edé con lui repréfenta qu'il feroit impo fible de la cacher aux yeux dé ceu qui 1'accompagnoient ; qu'il valo mieux le laiffer partir avec le dépi téqu'on alloit envoyer auRoi: que\ gi'le partiroit avec eux enqualitéd'n terprete;&que \g même Vigile éta enfuite de retour a Conftantinoplt lui feroit tenir la fomme par la vo dont ils feroient convenus. L'Ei pereur approuva toutes ces difpo tions, & ne fit part de cette int gue qu'a Martial. Maitre des offic Théodo- se II. Valentinien III. Ann. 449< i X it 1i1it '» ie (Ir s- •i- 2S.  Théodo- se II. ValentinienIII. Ann, 449. LXX. Ambaflafade envoyée a Attila. Prifc. p. 4S, 4.9, 1 J 1 J 6 t, P i, n d 206 H I S T O 1 K B Maximin fut choifi pour 1'ambaffade; mais on fit affez d'honneur a fa probate, pour n'ofer la mettre dans une n honteufe confidence. C'étoit ce même Officier qui, vingt-fept ans auparavant, avoit habilement négocié la paix avec le Roi de Perfe. L'Empereur mandoit a Attila, que Maximin étoit un homme de naiffance & de merite; qu'Attila ne devoitpas contre la foi des traités, empiéter furies terres des Romains ; qu'on lui avoit déja remis plufieurs transfuges, qu'on lui ert renvoyoit encore dix-fept, & qu'il n'en rejloit plus dans 1'Empire. Maximin avoit ordre de dire de bouche , qu'^r'ila n'étoit pas en droit d'exiger qu'on ut deputdt des Officiers du premier rang} me jamais les Empereurs n'avoient en'oye aux Rois des Huns, fes prédécefeurs, qu'unfoldatouun mejfager; que [our terminer tous les diférends, il iroit bon qu''Attila fit partir Onégefe vee un plein-pouvoir; que la propofton qu'il faifoit de fe rendre d Sardique our y conférer avec un Confulaire, n'éut pas recevable,puifque cette ville ruiee par fes armes, n étoit qu'unmonceau °' C(ndres. Onégefe étoit frere de Scot-  du Bas-Empike. Liv. XXXII. 207 ta , & le plus intime confident d'At- ! tila. L'Hiftorien Prifcus, qui a laifTé ' par écrit tout le détail de cette arnbaffade , avoit été du voyage^ avec I Maximin, &c il parle comme témoin j oculaire. Ils partirent de compagnie ] avec Edécon & Orefte. Sur la rou1 te , il furvint des conteftations entre I les Romains & les Huns fur la préé, minence de leurs maitres; & 1'ons'appercut qu'Orefte étoit jaloux des honneurs qu'Edécon avoit reeus a Conftantinople. En approchant du Danui be, ils rencontrerent plufieurs trou3 pes de Huns, qu'Attilaenvoyoit dé1 ja fur la frontiere , a deffein d'entrer inceftamment dans 1'Empire , fi on différoit de le fatisfaire. Edécon fit demeurer les envoyés a une demilieue au-dela du fleuve , & fe détail cba d'eux pour aller avertir Attila de leur arrivée. Le lendemain, on les conduifit au ; camp d'Attila. Comme ils drelfoient leur tente fur un tertre un peu éle| vé, les barbares les firent defcendre de ce lieu pour camper au pied , paree que latente d'Attila étant dans la plaine, il ne conyenoit pas qu'ils fe lo- rnÉODO- SE II. Vaien- TIN1EN III. Inn. 449. Lxxr; Comment cette amballade eft recue par les Huns. Prifc. p. 5° > 5i» 5*> 53*  Théodo- se II. ValentinienIII. Ann, 449. 208 HlSTOIRE geafient plus haut que le Roi. Un moment après arriverent Edécon, Orelte , Scotta & plufieurs Seigneurs, qui demanderent par ordre du Roi , de quelle commiffion ils étoient chargés. Maximin répondit, qu'il en rendroit compte au Roi lui-méme, que des Ambajfadeurs ne devoient communiquer leurs inflruclions quau Prince auquel ils étoient envoyés; que les Huns ne i pouveient ignorer eet ufage général, & qu'il ne demandoit d'être traité fur ce point que comme on les traitoit eux-mêmes d Confiantinople. Les Huns, paroiffant fort offenfés de ce refus, retournerent vers Attila ;s & étant revenus peu après, ils expoferent euxmêmes a Maximin dans le plus grand détail le contenu de fes dépêches, ajoutant que s'il n'avoit rien a dire de plus, il eut k s'en retourner au plutöt. Maximin, furpris de les voir fi bien informés, fe contenta de dire , que foit que fes inflruclions fuffent telles en effet, foit qu'il en eut £ autres, il n en donneroit communication quau Roi. Sur cette réponfe, ils lui ordonnerent de partir fur le champ. II fe difpofoit a obéir malgré Vigile, qui  du Bas-Empire. Liv. XXXII. 209 blamoit la franchife de Maximin , & qui étant inftruit du complot, auroit fouhaité qu'on eut amufé les Huns pour donner a Edécon le temps d'exécuter ce qu'il avoit promis. Mais Vigile ignoroit qu'Edécon même , foit qu'il eut trompé l'Empereur &c Chryfaphe par une fauffe promeffe , foit que la jaloufie d'Qrefte qui éclairoit de prés toutes fes démarches , lui eut fait changer d'avis , avoit tout révélé a fon maïtre. Maximin alloit partir la nuit même , lorfqu'Attila lui fit dire , qu'il lui permettoit d'attendre le jour ; il lui envoyoit en mêmetemps un bceuf & quelques poiffon: du Danube pour fon repas & celui de fa fuite. Cette attention d'Attih donnoit a Maximin quelque efpérance; mais au point du jour, il reent ur nouvel ordre de fortir du camp. Prif cus, le voyant fort affligé, prit ave lui un Romain qui favoit la langui des Huns; & fans en rien communi quer a Maximin, il alla trouver Scot ta , & lui dit, que Maximin étoit chat gé de propofitions fecretes tres-avanti geufespour la nation; qu'Onégefe en pa, ticulier gagneroit beaucoup , paree qu Théodo- se II. Valentinien m. Ann. 449" l t  Théodo- se II. ValentinienIII. Ann. 449, i i i < c c LXXII. Attila donne au- ^ dience a r Maximin, t Prifi. p. * h A V( ce qi R 2IO HlSTOlRB l'Empereur le demandoït pour traiter a» vee lui les points contejlés , & qu'il rie fortiroit de la Cour de Théodofe qu'avee de riches préfents; que l'abfence d'Onégefe, occupé alors dans le pays des Acatires, étoit pour eux un fdcheux contre-temps ; mais qu'on leur avoit dit que Scotta avoit auffi quelque crédit auprïs I Attila ; que, s'il vouloit l'employer d eur procurer une audience , il en feroit ien récompenfê. Scotta, piqué d'honieur, voulant faire voir qu'il étoit couté de^ fon maïtre , monte k che'al aufTi-töt pour aller trouver Attila. )n fut bon gré a Prifcus de cette lemarche, & Pon fe prépara k 1'aulience qu'on efpéroit. Bientót après on vit arriver Scota avec un ordre de conduire Maxilih & fa fuite a la tente d'Attila. ■11e étoit environnée de gardes. Atla étoit aflis fur un fiege de bois. laximin s'étant avancé, le falua, & II préfentant la lettre de Théodofe: 'os Empereurs , lui dit-il, font des eux pour votre confervation & pour 'le des vótres. Et moi, répondit bruflement le barbare, je fouhaite aux main^s tout ce qu'ils me fouhaitent a  du Bjs-Empire. Liv. XXXII. 211 ; moi-même. Jettant alors fur Vigile des regards de colere, qu'il accompagnoit ! de ter mes injurieux : Comment es-tu \ ajfei hardi, lui dit-il , pour te prêfen-^ . ter devant moi ? Tol, qui ayant feryi : dinterprete d Anatolius , fais parfaite1 ment de quoi je fuis convenu avec lui: I avant que de menvoyer une nouvelle am1 bajfade, les Romains ne devoient-ils pas \ me rendre tous les transfuges qu'ils ont \ d moi? Vigile ayant répondu qu'il 1 n'en reftoit aucun dans 1'Empire, Attila encore plus irrité : Si je ne refpeclois le droit des gens , dit-il d un ton terrible , je te ferois attacher en ; croix, & dèvorer par les vautours, poui te punir de ton impudence; je fais qui i vous retenei encore plufieurs de mes defer, teurs. En même-temps , il fit une lift* ) qui en contenoit les noms, & don ■ na ordre a Vigile de partir avec ui de fes Officiers, nommé Eflas , pou: les redemander a l'Empereur, ou lu fignifier qu'il lui déclaroit la guerre ajoutant avec fierté : Je ne foujfmc pas que mes efclaves portent les armt contre moi, quoique je ne craigne pc les fervices qu'ils peuvent rendre d leu> protecleurs. Eft-il dans votre Empire ui Théodo- se II. Valektinien III. Ann. 449. t f » t s s ■s ié  Thé o dose II. ValentinienIII. Ann» 449. LXXIII. Conduite d'AtriJa pour convaincreles Romains de leur perficüe. P"fe. P, 54- 1 4 I 1 I 1 t J ii F d c 212 HlSTOIRE ville, une forterefe qui puiffe fubjtfler, quand Attila aura rèfolu de la détruire? U commande a Maximin d'attendre la réponfe qu'il vouloit faire a la lettre de l'Empereur, tk de lui remettre les préfents qu'il devoit avoir apportés. Maximin les lui mit entre les mains, & fe retira. ; L'AmbafTadeur étoit étonné d'une réception fi dure. Vigile lui-même, quoiqu'il eut part au complot , ne pouvoit croire qu'Edécon eut ofé en informer Attila, au rifque d'être puni pour avoir écouté des propofitions fi criminelles. II aimoit mieux fe perfuader que la mauvaife humeur de :e Prince étoit un effet des rapports 1'Orefte.^ Pendant qu'il s'occupoit de :es penfées, Edécon vint a leur ten-, e , & ayant pris Vigile a part, il avertit en fecret d'apporter & fon etour 1'argent dont on étoit conveu ; que tout étoit préparé, & qu'il ne moit plus qu'd ce feul point pour paf■r d Cexécution. A peine Edécon étoit- forti, qu'il arriva d'autres Officiers our défendre aux Romains de la part u Prince de ne rien acheter dans le imp des Huns, excepté les fubfif-  nu Bas-Empire. Liv. XXXII. 213 tances néceffaires. C'étoit une rufe 1 d'Attila; il efpéroit convaincre plus ailément Vigile, lorfque celui-ci fe! roit furpris k fon retour avec les cinquante livres d'or, fans pouvoir alléguer aucun emploi vraifemblable, auquel fut deftinée une fi grande i fomme. Après le départ de Vigile & d'Ef; las, Attila s'éloigna des bords du Da; nube, pour fe retirer plus avant vers le Nord, dans les valles plaines de ; la Scythie. Les Romains furent obli; gés de le fuivre avec beaucoup de I fatigues tk d'incommodités. Ils rencontrerent dans ce voyage le Comte Romule , Promote , Gouverneur du Norique , & un Officier de guerre, I nommé Romain, que Valentinien enI voyoit k Attila. Voici le fujet de cette i ambafTade. Sept ans auparavant, lorf; que Bléda & Attila affiégeoient Sir, mium, 1'Evêque de cette ville fit pafI fer au Secretaire d'Attila plufieurs va; fes d'or de fon Eglife, les priant de I les employer a payer fa rancon & ] celle de ce qu'il pourroit d'habitants. lorfque la ville feroit prife. Ce Secretaire étoit Romain 6c ami de 1'E rHEODOse II. Valentinien III. Ann. 449, LXXIV. Sujet de quereüe entre Valentinien& Attila. Prifc. P. 56, 57. 64.  Théodo- se II. ValentinienIII. Ann. 449. i j 1 ■1 2 IA HlSTOIRE vêque. Après le faccagement de Sir- • mium, dans lequel 1'Evêque avoit pé- ■ ri, ce dépofitaire infidele s'appropria 1 le dépot; & étant allé a Rome pour 1 quelque affaire, il le mit en gage pour une fomme d'argent chez un Ban- j quier, nommé Sylvain. Les Rois des I Huns ayant été inftruits de ce larcin, fïrent pendre le Secretaire a fon retour, & fommerent Valentinien de leur livrer Sylvain , d'abord receleur, & enfuite détenteur injufte d'un tréfor qui lui appartenoit par droit de conquête. Attila s'obftinant k cette demande, Valentinien lui envoyoit j ces trois députés, pour lui faire entendre , que Sylvain ne méritoit aucune \ ninition ; qu il avoit prêté fur ces va* I res une fomme d'argent égale d leur va'eur ; quapres la mort de fon débiteur, | / les avoit rendus d 1'Eglife, paree que I 'étoient des vafes facrés, qui ne pou* li 'oient être convertis d des ufages profates ; que fi le Roi ne fe rendoit pas d J le Ji jujles remontrances , tout ce que II Sylvain pouvoit faire étoit de lui en en- ! •oyer le prix : mais que l'Empereur ne levoit pas livrer au fupplice un hommt \ lont il connoiffoit finnocence, Pour i  j)U Bas-Empire. Liv. XXXII. 215 jachever ce qui regarde cette affaire, jl'ambaffade n'eut aucun fuccès. AtItila perfifba a demander Sylvain, & 1 l'Empereur a le refufer. Ce fut dans la fuite un des prétextes dont fe feri vit le Roi des Huns pour porter la j guerre en Occident. Après fept jours de marche, on ar; riva au palais d'Attila. C'étoit un vafte ;édifice, très-élevé, bati de bois, flanjqué de tours de même confïrudtion, 5& environné d'une enceinte de plan1 ches. II n'y avoit point de pierres en jee pays; il avoit fallu faire venirde j Pannonie celles dont on s'étoit fervi jpour batir des bains a 1'ufage d'O) négefe & de fa familie. Au-devant ! du Roi vint un grand nombre de jeui nes filles, chantant des vers a fa louani ge. Elles marchoient k la file par ban) des de fept, chaque bande étoit couI verte d'un voile de toile blanche, qu'elles tenoient tendu au-deffus de : leurs têtes. La femme d'Ornégefe, fui- vie d'une multitude d'efclaves, vint ; préfenter au Prince des rafraïchiffe- • ments. Les principaux Seigneurs fou; tenoient devant lui une table d'ar- * gent maffif. Attila, fans defcendre de rHÉODOse II. Valentinien HL Ann. 449, LXXV. Réception d'Attila dans fon palais. Prifc. p. 58, 63.  Théodo- se II. ValentinienIII. Ann, 449, LXXVI. Feftin d'Attila. Prifc. p. 62 , 63, 65 , 66, 67- 21Ö HlSTOIRE cheval, prit en main une coupe pleine de vin, en but quelques gouttes, & entra dans le palais. Après un jour de repos, il fortit, & ayant fait placer fon fiege a la porte, il paffa une partie du jour a entendre & a juger les conteftations de fes fujets. II rentra enfuite pour-donner audience aux députés des nations barbares. Cependant les Romains après avoir fait des préfents a Cerca , la plus honorée des femrnes d'Attila, & a Onégefe qui étoit de retour, voulurent engager celui-ci a demander au Roi 1'ambafTade de Conftantinople; ils lui promettoient de la part de l'Empereur Faccueil le plus honorable & des préfents de grande valeur. Penfe^-vous, leur répondit Onégefe , pouvoir avec toutes vos richejfes, corrompre ma fidélite' ? J'aime mieux être 1'efclave d'Attila que le plus grand Seigneur de votre Empire. Cejfe^ de vouloir m'attirer d Conjlantinople. Je vous fervirai plus mijt lement ici , en vous ménageant Vefprit du Prince, & en lui infpirant des fentiments de douceur. Sifétois d votre Cour, ce que je ferois pour vous, me rendroit fufpeci a mon mahre. II déclara enfuite  bu Bas-Empirb. Liv. XXXII. &tf k Maximin, qu'Attila exigeoit abfolument de l'Empereur, qu'il lui envoyat en ambaffade Anatolius, Nomus ou Senator, perfonnages Confulaires , & qu'il n'en recevroit point d'autres. Sur quoi Maximin ayant répondu, que de déjigner ainji les Ambaffadeurs , c'étoit les rendre fufpecls d leur Prince. Et bien, repartit Onégefe, pré* pare^-vous donc d la guerre. Cette contefïation n'empêcha pas que Maximin & Prifcus, ainfi que les députés d'Oecident, ne fuffent invités a un repas folemnel qu'Attila donnoit k toute fa Cour. Ce qu'il y eut de plus remarquable, c'eft que tous les convives étant fervis en vaifTelle d'or & d'argent, Attila ne fit ufage que de vafeS de bois, & ne mangea que d'une feule efpece de viande. Ce Prince ne fe diftinguoit que par fa frugalité & pai la fimplicité de fon extérieur. Ses habits , fes armes, fa chauffure, les harnois de fes chevaux n'étoient enrichi; d'aucun ornement : il laiffoit a fe. Officiers 1'ufage de 1'or & des pier reries. Sur le foir entrerent dans 1; falie du feflin deux Poëtes qui chanterent les vittoires d'Attila. Les RO' Terne VIL K Théodo* se II. Valentinien III. Ann. 44#- 1  Théodo se II. Valentinien ra. Ann. 449. XXXVII. Départ des Ambafladeurs, Prifc. p. , «8 , 69 , ! 70. 1 l I 2ïS HlSTOIRB mains obferverent que ce récit embrafoit les jeunes gens d'une ardeur guerriere qui étinceloit dans leurs yeux & fur leur vifage, & que les vieillards verfoient des larmes de regret de n'être plus en age de prendre part a ces glorieux exploits. La fête fe termina par les poftures tk les folies de deux bouffons, qui exciterent dans PafTemblée de grands éclats de rire, tandis qu'Attila , fans changer de contenance, fans laifTer échapper un feul fouris , ne donnoit d'autres fignes de gayeté, que les careffes qu'il faifoit a Hernac, le plus jeune de fes fïls. II 1'aimoiï de préférence , paree que fes Devins lui avoient prédit que fes autres fils périroient fans poftérité, & que celui-la feul feroit le foutien de fa race. Quelques jours après, Attila congédia les Romains. II les traita avec bonté, les admit a fa table, leur fit les préfents, & obligea tous les Seigneurs de fa Cour de leur en faire. A a priere de Maximin; il relachapour a fomme de cinquante pieces d'or ine femme diffinguée, qui avoit été rife dans Ratiaria avec fes enfants,  nu Bas-Empire. Liv. XXXII. ai? & renvoya les enfants fans rangon , difant qu'il en faifoit préfent a l'Empereur. ïl fit partir avec eux un de fes principaux Officiers , nommé Béric. qui avoit déja été en ambaffade a. Conftantinople. En approchant de cette ville , ils rencontrerent Vigile qui retournoit en Scythie, pour y porter a Edécon le prix du forfait qu'il s'étoit chargé d'exécuter. Attila avoit conduit toute cette affaire avec la plus profonde diffimulation. II favoit que Maxi; min n'avoit aucune connoiffance de j ce noir complot, & que Théodofe. Chryfaphe & Vigile étoient les feuls coupables. II avoit amené Vigile aw | point de fournir lui-même les preui ves de fon crime. En arrivant au pa; lais d'Attila, il fut arrêté : on le trouv? i faifi de la fomme; il fut conduit at ! Roi avec fon hls, dont il s'étoit fai i accompagner dans ce voyage. Attil; I 1'inf errogea lui-même; & voyant qw i ce fourbe, confondu dans toutes fe réponfes, tergiverfoit encore fur l'e«i ploi qu'il prétendoit faire de eet ai gent, il donna ordre de tuer foa fil a fes yeux, s'il n'avouoit fur !e eham; K. ij Théodo-, se II. Valen- tiniew III. Ann. 449* LXXVUI R?proches d'At» tila a Théodofe. Prifc. p. 7°. 71 s 39* i. L t l S s ï  Théodo- SE II. ValentinienIII. Ann. 449» i j 1 £20 fflSTOIRE la vérité. A ces mots , Vigile, glacé d'effroi, fe jette aux pieds du Prince; il lui demande la mort, & le conjure de faire grace a fon fils, qui n'a point de part k fon crime: il avoue auffi-töt tout le complot. Attila le fait charger defers, & lui déclare qu'il ne fortira pas de prifon, que fon fils n'ait apporté de Conftantinople encore cent livres d'or pour la rancon de 1'un & de I'autre. C'étoit un fang vil qu'Attila ne daignoit répandre. Toute fa colere fe tourna contre 1'Empereur tk fon Miniftre. II envoya Eflas & Orefte a Conftantinople, avec ordre a Orefte de fe préfenter a l'Empereur portant a fon col la bourfe dans laquelle Vigile avoit apporté les pieces d'or deftinées a Edécon, & de demander a Chryfaphe s'il la reconnoiflbit. Eflas étoit chargé de dire enfuite a l'Empereur , que Théodofe & Attila étoient wus deux de noble race; mais que Théeiofe avoit dérogê d fa nobleffe en develant efclave d'Attila, auquel il payoit 'ribut : qu'il fe comportoit en efclave ld' •he & perfide , ayant retours d la traüfonpour fe défaire de fon maitre: qu'Atila ne lui pardonntroit que lorfqu'il lui  fi nu Bas-Empïre. Liv. XXXII. 221 auroit mis fon Eunuqïte entre les mains, pour être puni comme le miritoient fes 'attentats. Attila recommanda auffi a fes Envoyés de faire donner fatisfaction a fon Secretaire Conftance fur le mariage que l'Empereur lui avoit promis. Une infulte fibien méritée fittrerftbler Théodofe. Elle effraya encore davantage fon ïndigne Miniftre , qui avoit corrompu 1'efprit de ce Prince raaturellement bon , mais par fa foibleffe, auffi dangereux que s'il fut né méchant. Chryfaphe n'avoit point d'amis ; mais comme il étoit le maitre des graces, il avoit des courtifans; & ceux-ci ne le croyant pas perdu fans reffource, n'avoient garde de 1'abandonner. Anatolius &c Nomus , qu'Attila avoit defiré qu'on lui envoyat, tous deux Confulairss & Patrices , s'offrirent pour cette négociation. Ils furent chargés d'adoucir le barbare par des préfents, & de lui promettre pour Conflanee une femm« encore plus riche que la fille de Saturnin. Lorfqu'ils eurent paffé le Danube , Attila qui les aimoit, vint pluI fieurs journées au-devant d'eux, pcui K iij ■1 Théodo- se II. Valen- tin1eit III. Ann. 445; LXXIX. Attila fe taille appaifer. Prifc. f. 71 , 72,.  Théodc- se U. Valentinien m. Ann. 449. 222 HlSTOÏRB leur épargner un chemin long & pé- ■ nible. Le Prince s'expliqua d'abord 1 avec beaucoup d'aigreur: mais il fe : laiffa peu-a-peu appaifer par les préfents & par les foumiffions des dé-I putés. II jura de nouveau d'obferver le traité précédent; il accorda même , plus qu'on n'auroit ofé efpérer, cédant aux Romains tout le pays au i midi du Danube, & promettant de ne plus inquiéter l'Empereur au fujet des transfuges , pourvu qu'il donnet parole de n'en plus recevoir dans fes Etats. II mit en liberté Vigile après avoir recu les cent livres d'or, que le fils avoit tirées de Chryfaphe. Le fuccès inefpéré d'une négoeiation fi épineufe eft un miracle d'adreffe dart* \ les députés. Pour leur donner des mar- j ques fenfibles de bienveillance, Attila j leur remit fans rancon un grand nombre de prifonniers, & leur fit préfent j dechevaux & de fourrures précieufes. Conftance partit avec eux. On lui fit I époufer'a Conftantinople la veuve ' dArmace, qui étoit mort en Afrique feuit ans auparavant. C'étoit une fem- j me diftinguée par fa naiffance , par 1 fa beauté & par fes richeffes. Ce fui ;  nu Bas-Empire. Liv. XXXII. 223 ainfi que le jufte reffentiment d'Attila fut enfin affoupi h la gloire de ce Prince & a la honte de 1'Empire , qui ne fut pas même affez heureux pour y gagner la difgrace de Chryfaphe. Dans le temps que eet Eunuque attiroit fur fon maitre Pindignation d'Attila, il excitoit de grands troubles dans 1'Etat & dans 1'Eglife. Eutychès, Pretre hypoerite & Abbe d un irombreux monaftere prés de Conftantinople , avoit fignalé fon-zele contre Neftorius. ïl s'étoit rendu par ce moyen très-agréable a l'Empereur . qui pourfuivoit vivement les Neftoriens, & qui foupconnant Théodorei d'être attaché a cette fefte, lui avoii ©rdonné de fortir d'Antioche,.&: de ff tenir renfermé dans la ville de Cyr dont il étoit Evêque. Eutychès étoi parrain de Chryfaphe : celui-ci, plu fidele a cette liaifon qu'a fon baptême appuyoit de tout fon crédit eet héré iïarque, qui en s'éloignant de la doe trine de Neftorius, s'étoit jetté dan une erreur oppofée. Neftorius avo divifé Jefus--Chrift en deux perfor nes ; Eutychès confondoit les deu natures après 1'Incarnation, & fouti K iv Ihéodo- se II. ValentinienIII. LXXX. Chryfaphe foutient 1'hér.éfied'E.u?tychès. thcod'.Presb. de incarnatio- neDomini. Theoph. p. 84, 85 . 86. Zon. t. II. p. 43. : Viel. Tun. chr.. ' Baronius. C Pagi. ad i. Bar. TUI. vit ' deS. Léon, - a«.-5,42oFleury,hifiEcclef. S U %T' ""• .t 13, c> ƒ"»'•■ X-  Théodq- iE H. Valentinien ju. Ann. 449. txxxi. Théodofe ftvorife 1'héréfiarque. Theoph. p. 86. Cedr. p. 343- Zon. t. 11, V- 43- 1 Baronius. < P-agi ad . Bar. TUI. vie de S. Léon , C 47, ; 49, $2. i Fleury, L hifl.Ecclef. a i- 17. art. •3' , 34 * 7 O P: n E m 2?4 II I S T 0 I * z noit que Ia Divinité avoit réellement louffert. Mais tout Ie pou voir de Chryiaphe ne put empêcher qu'Eutychès ne fut condamné a Conftantinople dans un Concile de trente Evêques, auquel prefida Flavien, dont 1'Eunuque avoit déja juré la perte. Théodofe étoit lui-même mécontent de Flavien. Ce Prince voulant, a la folhcitation de Chryfaphe, éloigner abfolument des affaires fa foeur ^ulchene, avoit réfolu de 1'engager ,,r-,CeAdans rétat de Diaconele. Wais iEveque, loin de fe prêter è :ette violence, avoit averti Ia Prin:eife qui s'étoit garantie du pieoe fu on lui tendoit. Eutychès trouva lonc a la Cour toute Ia faveur qu'il efiroit. II obtint la révifion de fon igement, & fut encore condamné. ■ tmpereur écrivit au Pape St. Léon. ui etant inftruit par Flavien de ce ui fe paffoit è Conftantinople, fouroya Fhéréfiepar une Iettre célebre, a 1} developpe avec une éloquente ■ecifion Ia doftrine de 1'Egüfe. L'héfiarque eut recours a Diofcore reque d'Alexandrie , ennemi de la emoire de St. Cyrille, & perféeu*  du Bas-Bmpire. Liv. XXXII. 225 teur de fes parents, dont il partageoit les dépouilles avec Chryfaphe.. Ce Prélat obtint de l'Empereur la convocation d'un Concile général,. ou la caufe d'Eutychès feroit de nouveau difcutée. En vain St. Léon s'efforca de détourner l'Empereur de ce deffein, lui repréfentant qu'il étoit inutile de mettre en mouvement toute 1'Eglife, pour examiner une caufe déja jugée, él qui par fon évidence n'étoit fufceptible d'aucun appel. L'Empereur perfïftant dans fa réfolution, St. Léon, pour ne pas abandonner k la cabale les intéréts de la foi, députa trois Légats. Théodofe envoya ordre k tous les Evêques de fe rendre au premier d'Aoüt dans la même ville d'Ephefe, ou Neftorius avoit été condamné. Le turbulent Diofcore fut nommé Préfident du Concile. Barfumas Archimandrite de Conftantinople ,.auffi violent que Diofcore, Sc le plus vif partifan d'Eutychès , fut admis,. contre les regies , entre les Evêques avec droit de fuffrage.. Elpide ,, Coafeiller d'Etat> Euloge Secretaire du Prince ,,affifterent al'affemblée en qualité. de Commiffaires KL v Théodo- se II. VAir.s- tinien. III. Ann. 449.  Theodo se II. ValentinienIII. Ann. 449. LXXXU. Faux Concile ci'Ephei'e.Eva?, I, 1. e. 9 , 10. Via. Tun. chr. Mare. chr. Zon. 1.11. P- 43 • 44- Thevph. p. 86 , 87. .Baronius. Pagi ad Bar. Fleury, kifi.Eeclef. I. 17. art. : 38 fuiv. 1 1 i 1 1 < 226 HlSTOlRB de l'Empereur, & Proclus, Proconi fiil d'Afie, recut ordre de leur prêter main-forte. Les Evêques qui avoient condamné Eutychès devoient aulTi s'y trouver, enqualité, non pas de Juges, mais de parties. Le conciliabuie s'ouvrit le huitieme d'Aoüt. II s'y trouva cent trente Evêques, & dans une ft nombreufe alTemblée, il n'y en eut qu'un trèspetit nombre qui ofaffent facrifier leur intérêt perfonnel a celui de la vérité. Les foldats tenant des chaines, les Moines qui efcortoient Barfumas, les Parabolans d'Alexandrie, fatellites de Diofcore, menacoient des dernieres laolences. On écouta la profeffion de fbï d'Eutychès ; mais on refufa d'en:endre Eufebe, Evêque de Dorylée, "on accufateur. Eutychès fut abfous ; 5n prononca anathéme contre la docrine orrhodoxe des deux natures en ine feule perfonne. Flavien & Euèbe furent condamnés & dépofés. Les jégats réclamerent en vain , difant [ue la violence ne pouvoit former a déeifion d'un Concile. Un d'entre ux, nommé Hilaire, qui fut Pape lans Ia fuite, fut obligé de s'enfuir,  du Bas-Empirs. Liv. XXXH. '227 & n'échappa qu'avec peine a la fureur des adverfaires. Théodoret, quoirqu'abfent, fut dépofé , ainfi que plufieurs Evêques , paree qu'ils paroiffoient rejetter la doctrine d'Eutychès. Anatolius, Apocrifiairede Diofcore , fut ordonné Evêque de Conftantinople -k la place de Flavien. Dommis, Evêque d'Antioche, quoiqu'il eut en la foibleffe de foufcrire, fut dépofé, paree qu'il en témoignoit du repentir. Flavien, ayant mis entre les mains des Légats un Acte d'appel au faint Siege, Barfumas & fes Moines Paccablerent de coups ; Diofcore fe joignit a eux; Sc après 1'avoir cruellement maltraité, il 1'envoya en exil k Hypepes en Lydie, ou ce faint Prélat mourut trois jours après. Ainfi fe termina ce conciliabule monftrueux, que toute la pofterité a défigné fous le nom de brigandage d'Ephefe ; ou la violence arracha les fiiffrages; ou, au-> lieu des. faintes écritures, on ne vit paroïtre que des batons & desépées; au-lien des- louanges; de Dieu 9, on n'entendit que des menaces- &. des blafphêrnes. L'héréfiarque accufé en fut le véritable chef, Chryfaphe en K. vj Theoe©- se IK Valentinien III. Ann, 449.  Théotjo- se II. ValentinienIII. Ann. 449,. EXXXIIl Suites du concilia- bule.. Baronius. TUL vie de Putchérie. Idem-, vie de S. Léon , an. 7 J , Sj, Meury, , hifi. Ecclef. I, 27.' art. 41 & fuiv. Ajjemaxi , BihlL ar, t. » S± 4 » 228 fflSTOZRE fut 1'ame; point d'ordre dans le ju-' gement; point de refpect pour les canons. Les orthodoxes y refterent dans le filence , les hérétiques éleverent la voix. L'erreur y triompha de la vérité, & Diofcore de Flavien. Toute 1'Eglife en gémit, phefe. Son difcours les toucha fenblement. Ils en écrivirent k Théoofe; mais ils n'en tirerent que des roteftations générales d'attachement lafoi Catholique. L'Eglife demeura ïvifée: les Evêques d'Egypte, de Païftine & de Thrace fuivoient Diofore ; ceux d'Orient, de Pont 6c d'A-. e refterent attachés a Ia mémoire & la do&ine de Flavien,, Au commea:  nv Bas-Empirb. Liv. XXXII. 231 cement du regne de Marcien, le corps de ce Prélat fut folemnellement rapporté k Conftantinople, & inhumé dans 1'Eglife des Apötres, fépulture de fes prédéceffeurs. Le LégatHilaire, devenu Pape , fit peindre fon martyre k la voute d'une Chapelle qui fubiifta jufqu'au pontificat de Sixte V. On le voyoit au milieu de 1'affemblee d'Ephefe, environné des fatellites de Diofcore , qui le tuoient a coups de pied. Barfumas, le chef de ces meurtriers , fut le Patriarche des hérétiques Jacobites, qui fubfiftent encore en grand nombre en Oriënt, lis prirent, environ cent ans après, le nom de Jacobites qu'ils portent encore aujourd'hui, de Jacques Baradée, Evêque d'Edeiïe, qui travailla avec ardeui a Paccroiffement de leur fecfe. Marine, fceur de Théodofe ,mourut cette année le troifieme d'Aoüt, L'Empereur fon frere ne luifurvécui que d'un an. Au retour d\m.voyag« de dévotion qu'il avoit fait au tornbeau de St. Jean 1'Evangélifte k Ephe fe , étant allé k la chaffe aux environ de Conftantinople, il tomha de cheva dans la petite riviere nommée Lycus tHÉODO» SE II. Valen- TIN1E» 111. Ann. 449. Ann. 45°J LXXX.1V Mort de Théodofs. ■ Mare. chr. Viel. Turn chr. ! Chr. Alen. Theod.  1 Tkkodon IL VaILN- UI Ann. 450. Theoph, p. 88. Zon. '. 77. 4f. Toe/. 170. Glycas, 260. Codin. ' Coo/?. ] f- 59- | Maltla. Du Cangt 1 Conft.t.4, i ?• HO. , Baronius, l t t I ï i n % P € n 2.P HlSTGIRE & s 'étant démis les vertebres du dos, il expira la nuit fuivante, vingt-huit de Jüillet de Pan 450. II fut inhumé deux jours après dans un tombeau de porphyre fous le portique de 1'Eglife des Apötres , entre fon pere Arcadius. & fa mere Eudoxie. II étoit au milieu de fa cinquantieme année, & avoit régné quarante-deux ans & prés de ïrois mois depuis la mort de fon pere:regne fort long, fi Pon en compte les, mnées, mais qui paroitra court, fi 'on en mefure la durée fur le nombre les belles aöions du Prince. Né avec in caraftere doux & bienfaifant, maisans élévation & fans refTort, il fa'oit obéir; mais il ne fut jamais comnander. Son enfance, fous le minifere d'Anthémius, fut la partie la plus lorieufe de fa vie. Sa fceur Pulchéie étoit capable de le conduire : elle égla fes mceurs, mais elle ne put éleer fon courage. Elle voulut le forler a la fois aux pratiques de la Region- & aux foins du gouvernement, our le rendre tel que fon. aïeul ,.. brétien & Monarque; mais les Euaques éearterent Pulcbërie , & gou»-. ernerent leur maitre au gré de Iëuï&  ! &u Bas-Emmre. Liv. XXXII. 23S Intéréts. La foibleffe du Souverain fe communiquant aux fujets, un fi long regne fut un des plus flériles en grands :hommes. Au-lieu des furnoms de Juffc, de Sage, Xlnvincible, que d'autres Monarques ont recus de la poftérité, iles écrivains Grecs donnent a Theo: dofe ïl, celui de Calligraphe, c'eft• a-dire , qu'il favoit bien peindre les i caraöeres en écrivant: titre bien min; ce 6c qui décele a la fois la difette ] de qualités dans le Prince, 6c la pet titeffe d'efprit de fes panégyriftes. Un Auteur lui donne cependant un fur1 nom plus honorable, en le nommant ] le fecond fondateur de Conftantino[j ple, a caufe des murailles dont il en: vironna cette ville , 6c des batiments 1 dont il prit foin de 1'embellir. Mais '\ s'il orna la capitale de 1'Empire, il laiffa avilir 1'Empire tout entier paï fon incapacité. La Majefté Romains flétrie par Attila, perdit fous fon regne eet éclat, qui 1'avoit jufqu'alors ren= i due refpeaable aux barbares. rHÉODOse II. Valen- t1n1ek Hl. A.nn. 45®.   255 SOMMAIRE D V LIVRE TRENTE-TROISIEME. ï.PuLCHÈRIE, maitre fe des affaires, fait le procis d Chryfaphe. W. Elh jette les yeux fur Marcien. UI. Hifioire de Marcien. IV. Marcien Empereur. V. Choix d'Officiers. VI. Idee du gouvernement de Marcien. VII. Ses loix. VIIIPiété de Marcien. IX. Son ple pour la paix de 1'Eglife. X. Mort de Placidie. XI. Etabüffement des Anglo-Saxons dans la Grande-Bretagne. XII. Lts. Bretons appellent les Saxons d leur fecours. Xlll. Les Anglo-Saxons s'emparentde la Grande-Bretagne. XIV. SuccescfAmirsif\Aiire'lien. XV. Formation de ïkleptarctue» XVI. Attila fe prépare d la guerre. XVII. Marcien envoye d Attila. xvin. Paix in/idieufed'Attila avec Valentinien. XIX. Attila vevt tromper les Romains Cs les Vifigoths. xx. Attila fe met en cam* pagne. XXI. Marche d'Attila jufquaa Rhin. xxil. Ravage de la Gaule. XXIllo  136 Sommaire Aetius dêtrompe Théodoric. XXIV. Ainus ajjemble des troupes. XXV. Siege dOrléans. XXVI. Attila s'arrete dans izs plaines de Champagne. XXVII. Préparatifs du combat. XXVIII. Attila hahngue fes troupes. XXIX. Bataille des champs Catalauniques. xxx. Suites de la bataille. XXXI. Thorifmond & Mérovée retournent dans leurs Etats, XXXII. Retraite £ Attila. XXXIII. Ferreol, Préfet des Gaules. XXXIV. Concile général\ de Chalcêdoim. XXXV. L'Empereur vient \ au Concile. xxxvi. Suites de ce Concile. XXXVII. Guerre contre les Sarrafins & ' les Blemmyes. XXXvin. ^m/a W en Italië, xxxix. Am-geJ du Pó. XL. J>. Zewz va trouver Attila. XLI. GWe d'Attila contre les Vifigoths. XLn' Mort d'Attila, XLITI. Defiruclion de lEmpire d'Attila. XLlv. ZW5 ^///l fements des barbares. XLV. Royaume des Oflrogoths. XLVI. Z^r établiffement en Pannonie. XLVII. ^ f hijloire des Oflrogoths, Jufqu'a la fin du regne de Marcien. XLVlii. Loi de Valentinien. XLIX. Théodoric II fuccede d Thorifmond. L. Mort de Pukhérie. LI. Troublesfufcités par le Moine Théodofe. LU. Mrouilleries de Valentinien & £ Aëtius,  du Liv r e XXXIIR 237 Lin. Dejfeins de Maxime. Liv. Mort d'Aëtius, LV. Suites de la mort d'Aéitius. LVl. Mort de Valentinien. LVII. 1 Maxime Empereur. LVIII. Mort de Ma* '< xime. LIX. Pillage de Rome par Genfé\ric. LX. Marcien députe d Genféric. LXI. \ Hijloire £ Avitus , jufqu'a fon élêvation \ d CEmpire. LXH. Avitus Empereur. LXIII. \Sidoine Apollinaire. LXIV. Complot de \ Marcellin. LXV. Traité dAvitus avec les Oflrogoths. LXVI. Courfe des Erules en Efpagne. LXVil. Origine des Erules. LXVIII. Leurs mceurs. LXIX. Guerre de Réchiaire & de Théodoric. LXX. Etat du Royaume des Sueves après la mort de Réchiaire. LXXI. Défaite de la flotte de Genféric. LXXI1. Commencements de Ricimcr. LXXHI. Avitus dépofé. LXX1V. Guerre de Lapque. LXXV. Calamités en {Oriënt. LXXVI. Mort de Marcien,   220 HISTOIRE D V IBASEMPIRE. 11VRE TRENTE-TRO1SI E ME. VALENTINIEN III, MARCIEN, MAXIME, AVITUS. POUR ruiner 1'Empire d'Orient, il ne falloit, après le jeune Théodofe , qu'un Empereur qui lui reffemblat. Attila ne manquoit ni d'ambition pour entreprendre une fi gïorieufe conquête, ni de forces pour y réuffir. Sous un chef fans vigueur, Vajlen- TJTJIEK m. Ann. 45©.' I. Pulchérie , mai•treffe  ValentinienIII. Ann. 450. affaires , fair le procés a Chryfaphe. Thtod.lecf. I. i. Theoph. p. 89. Joann, Am. (.cdren. p. 344Manajfé, />• 57Anafl, p. j 4* ] MaUla,p. J 37- ] ( Voyez ei- ( «Jefïous , 1 art. XVI. t i I <3 U P £1 n -?4* H 1 s t 0 i R B qui ne jugeoit du mérite que d'après fes eunuques, il ne s'étoit formé aucun Général habile & fidele ; plus d'émulation dans les troupes , plus d'amour de la patrie, ni de refpeft pour le Prince dans le cceur des fujets. Les Provinces accablées d'impöts, livrées aux créatures de Chryfaphe , ne connoiffoient point d ennemis plus barbares que leurs Gouverneurs & leurs Magiftrats. Théodofe nelaiffoit d'enfant qu'Eudoxie, mariée a Valentinien; mais ce Prince, déja furchargé du gouvernement de' 'Occident, n'avoit ni affez de cou•age, ni affez de forces pour faire vaoir les droits fur 1'Orient; ik la ré>onfe qu'il fit lui-même k Attila peu' Ie temps après, donne k connoïtre, [ue, felon la jurifprudence recue dans 'Empire, les filles ne pouvoient préïndre k la fucceffion Impériale. Chryiphe, maïtre abfolu de la Cour, al)it difpofer du diadême, c'eft-a-dire, ue eet eunuque alloit régner fous n nom emprunté; & 1'Empire étoit erdu, fi Pnlchérie, qui, depuis vingtk ans portoit le titre d'Auguffe , 'eut fait ufage de 1 autorité que cette qualité,  nv Bas-Empire. Liv. XXXIII. =41 qualité, & plus encore la fupériorité de fon génie lui avoit confervée, malgré la jalouiie des eunuques, & la foibleffe de fon frere. Elle fe mit a la tête des affaires; & pour écarter un indigne rival, & venger 1'Etat, elle fit faire le procés a Chryfaphe. Ce fcélérat vit aufïi-töt s'élever contre lui plus d'accufateurs qu'ii n'avoit eu de courtifans. II fut convaincu de tous les crimes dont la puiffance & 1'impunité rendent capable un méchant homme. Tout dans cette procédure mérita 1'approbation publique, excepté la forme de 1'exécution. Pulchérie, apparemment pour mieux faire fentir la juftice du chatiment, livra le criminel entre les mains de Jordane, permettant a celui-ci d'en difpofer comme il le jugeroit a propos. Jordane étoit fils de Jeaa le Vandale, que Chryfaphe, neuf ans auparavant, avoit fait affaffiner. Ce coup de vigueur fit trembler tous ceux qui avoient abufé de leur crédit auprès du jeune Théodofe. Mais on ne peut louer Pulcl érie d'avoir fouflrait un coupable a la vindifte publique, pour le livrer a la vengeance Tome VIL L Valentinien III. Ann. 450.  Valentinien rii. Ann. 450. IL Elle jetre les yeux fur Marcien. Evag. I. 2. c. 1 , 16. Theod. L. l. i. ldac. chr. Viit. Tun. Mare. chr. Prifc. P, 48. Theoph. p. 89 , 90. Niceph. £«//./. if. c. 1. Zon. f .45. CAr. Manajfe', />• 57,58. Cedr. p. 343- Proc. Vand.l.l. c. 4. 2. Anaflaf. p. 4*. 7oe/, p, hu 242 HlSTOIRE & au caprice d'un particulier. Suivant plufieurs Hifloriens, Chryfaphe ne fut condamné & mis a mort , qu'après l'éledion de Marcien. II étoit fans exemple qu'une femme fut feule revêtue de la puiffance impériale; & Fulchérie, pour ne la pas laiffer paffer en d'autres mains, fe vit obligée de choifir un époux. Elle avoit fait vceu de virginité; parvenue k 1'age de cinquante-deux ans, elle ne fut pas tentée de chercher dans les befoins de 1'Etat une raifon de difpenfe. Elle réfolut de prendre un mari, dont 1'age & la vertu puffent lui répondre qu'il fe conformeroit fans regret a fes intentions, en même temps que par un courage joint a la douceur du caraftere, il travailleroit de concert avec elle a rétablir 1'honneur de 1'Empire. Elle crut trouver toutes ces qualités dans Marcien, dont elle fut démêler le mérite dans la foule des Officiers, entre lefquels il étoit encore confondu. L'obfcurité de la naiffance de ce guerrier avoit retardé fes progrès; & quoiqu'agé de cinquante huit ans, il n'avoit que Ie grade de Tribun,  t-u Bas-Empire. Liv. XXXÏ1I. 243 Marcien étoit né en Thrace d'une familie attachée a la Religion cathoïique, & a la profeffion des armes. Comme il alloit a Philippopolis k deffein de s'engager dans le fervice militaire , il trouva fur fa route lecadavre d'un homme qui venoit d'être alfalTiné. Sa bonté naturelle le porta k s'arrêter pour rendre a eet infortuné les devoirs de la fépulture. Ceux qui le virent occupé de cette pieufe fonclion , le prirent pour 1'aiTafTin: il fut dénoncé aux Magiftrats, conduit en prifon , & interrogé. Quoiqu'il proteftat de fon innocence , les préfomptions parurent fi fortes contre lui , qu'il alloit être condamné , fi Pon n'eüt dans ce moment arrête le coupable, qui, par 1'ayeu de for crime, fauva la vie a Marcien. S'étan préfenté pour s'enröler dans une légion , fa bonne mine & fa contenan ce guerriere lui mériterent d'aborc une diftin&ion extraordinaire. Sui vant 1'ordre établi dans la milice , i devoit être k la queue de fa compa gnie. On l'avan^a dès fon entrée ai rang du foldat dont il prenoit la pla ce; on lui donna même le furnor, L ij Vaien- TINIEK HL Ann. 450. Glycas, p. l6i. Vakf. «rum Fr. I. J. Pagi ad Bar. tm. Marclcnt art. Ir III. Hiftoire de Marcien. I 1 I 1  ValentinienIII. Ann. 4 jo. j < j i 1 4 I 244 ' II 1 $ T O I R E militaire de ce foldat, qui s'étoit appellé Augufie; ce qui, après 1'événemerst, n'a pas manqué detre regardé comme un préfage de ce que] Marcien devoit être un jour. Sa "légion ayant recu ordre de partir pour la guerre de Perfe en 421 , il tomba malade en chemin, & fut laiffé a Sidyme en Lycie. II étoit pauvre, & y feroit mort de mifere , fans les fecours généreux de deux freres, nom* més Tatien ik Jule. Ils le logerent chez eux fans le connoitre , le traiterent avec foin ; & après 1'avoir rétabli en fanté, ils lui donnerent deux cents pieces d'or pour retourner a Conffantinople. Comme en fe féparant de lui, ils lui demandoient par plaifanterie ce qu'il feroit pour eux: s'il devenoit Empereur. Marcien leur; répondit fur le même ton : Je vous \ Irai Patrices. La guerre de Perfe étant erminée, il s'attacha au Général Arlabure, qui le donna dans la fuite a 'on fils Afpar en qualité de Secretaire k de Capitaine de fes gardes- II fer'k dans la malheureufe expéditioti 1'Afpar contre les Vandales; il y fut ris & honorablement renvoyé par I  : du Bas-Empire. Liv. XXXIII. 245 Genféric, comme je Fai déja raconté. II continua de fe fignaler par fa valeur, 6c par une modeftie 6c une i piété rare dans la profeffion militaire. II parvint a force de mérite au rang ; de Sénateur & k la dignité de Tri. bun. II avoit époufé une femme qui i mourut avant qu'il fut Empereur ; elle ne lui laiffa qu'une fille nomi mée Euphémie, qu'il maria dans Ia i fuite k eet Anthémius qui parvint lüimême k la dignité Impériale en Occident. Tel étoit celui que Pulchérie préféra aux Officiers les plus diftingués spar leur rang 6c par leur naiffance. 1 L'ayant fait venir en particulier quelJ ques jours après la mort de Théodofe : Marcien, lui dit-elle , je connois \ votre vertu, & je puis La couronner. Mais \ promette^ moi avec ferment, que fije vous : honore du nom de mon époux, vous ne : me troublerei jamais dans la rtfolution i irrévocable que fai prife de conferver ma ' virginité jufqu'a la mort. A cette con' dition , je fuis préte de vous donner ma main & IEmpire. Marcien ayant prêté le ferment qu'elle exigeoit, la Princeffe manda 1'Evêque, le Sénat, les L iij Valentinien III. Ann. 450, IV. Marciefï Empereur.  Vaien- TINIEN III. Marciek Ann, 450. 24S HlSTQIRE pnncipaux Officiers de Ia Cour & de 1'armée; elle leur déclara qu'elle prenoit Marcien pour époux, & qu'elle le croyoit digne d'être leur Souverain. Le refpect qu'on avoit pour cette grande Princeffe étouffa toute jaloufie. Marcien fut couronné le 241 d'Aoüt dans la place de 1'Hebdome,, defïinée a ces brillantes cérémonies., Le mariage fuivit de prés le couron-. nement. On n'avoit pas attendu lei confentement de Valentinien ; mais; il ne fit aucune difficulté d'approuver cette élect ion. On lui députa pour ■ eet effet Maximin, dont lTiabileté s'é- ■ toit déja fait connoïtre dans fes négociations avec le Roi de Perfe en 422, & avec Attila en 449. II venoit; d'être -revêtu de la charge de grand Chambellan, poffédée depuis longtemps par des Eunuques. Mais fous 1'Empire de Marcien , cette efpece maligne & cruelle n'eut aucun crédit a la Cour; & s'il ne les chafla pas entiérement du palais, du moins il les tint fi bas & tellement éloignés des affaires, que 1'hiftoire n'en nommé aucun pendant le'regne de ce Prince.  au Bas-Empire. Liv. XXXIII. 247 II fit choix d'Officiers capables , non pas de déshonorer leur maïtre en le fubjuguant, mais de 1'aider de kurs lumieres, Sc de faire refpecter fes ordres. II conféra la Préfecture du Prétoire d'Orient a Pallade, que fon humanité & fon zele a fuggérer au Prince les moyens de foulager les peuples , & de remédier aux abus du gouvernement précédent, rendoient auffi cher a l'Empereur qu'aux Provinces. Ce Magiftrat fi eftimable exer5a pendant fix années cette^ charge importante. Euphémius, Maïtre des offices, éclairé, prudent, éloquent, eut la principale part a la confiance du Prince, qui lui fut redevable de [ plufieurs confeils falutaires. Marcien n'oublia pas Tatien & Jule; mais il . ne croyoit pas devoir payer aux dépens de 1'Etat des obligations perfonnelles. II connoiflbit déja la bonté de leur cceur ; il s'affura de leur capacité; & les ayant jugés propres aux affaires, il fit Tatien Préfet de Confs tantinople, & Jule, Gouverneur de i la Libye ou de 1'Illyrie. II n'avoit pas 'i a choifir pour le commandement des I troupes : Afpar & fon fils Ardaburs L iv Valentinien III. Marcien Ann. 450. V. Choix des Officiers. Novel. tit. Prifc. p. 41 > 43Theoph. p. 90. Zon.p.Ah. Cedren , p. 344- Suid. A p- TUI. Marcien , art. 5.  ValentinienIII. Marcien Ann. 4J0. 248 HlSTOlRE étoient les feuls Généraux qui euffent quelque réputation. Cet Afpar, après avoir réufTi dans la guerre contre Jean, avoit été défait en Afrique par Genféric en 431. Un échec ft honteux n'avoit cependant rien diminué de fa faveur, il étoit Patrice, & fort puiffant a la Cour par fes intrigues, quoiqu'il fut Arien , & très-entêté de fes erreurs. Deplus, Marcien avoit été attaché a fon fervice, & ne pouvoit, fans une ingratitude, du moins apparente, lui öter le commandement» II lui en laiffa le titre, & employa fon fils, qui repouffa plufieurs fois avec courage les Huns dans la Thrace & dans lïllyrie. En récompenfe de fes fuccès , Ardabure fut honoré de la charge de Général des armées de, 5'Orient. II y perdit dans le fein de ia paix la réputation qu'il avoit acquife au milieu des combats. Livré a.la molleffe, il paffoit fon temps dans les feftins, dans les fpeclacles» 5c dans toute forte de débauches, nédigeant également le foin de fes trou- " pes & de fon honneur. Cette difette Je bons Généraux étoit moins fa- * sheufe pour Marcien qu'elle n'eüt étê ;  nu Bas-Empire. Liv. XXXIII. HO pour tout autre Prince. Perfuadé que la paix au-dehors étoit néceiTaire pour remédier aux déiordres de 1'intérieur, il étoit bien réfolu de 1'entretenir aütant que la gloire de 1'Empire pourroit le permettre; & s'il étoit contraint de prendre les armes, fa valeur & fon expérience dans la guerre, oii il avoit pafTé par tous les grades, le mettoient en état de commander fes armées , & de fuppléer a 1'incapacité de fes Généraux. Pour faire efpérer a 1'Empire une longue fuite de jours tranquilles & heureux, il ne manquoit a ce Prince que d'être moins avancé en age. Les fatigues de fa vie pafTée lui faifoiem déja reffentir les infirmités de la vieillefTe. II étoit tourmenté des douleur: de la goutte; mais fon ame avoit con fervé tout fon refTort; tk quoiqu'i fut fans lettres, un efprit droit, éclai ré des lumieres de 1'Evangile, gui doit fes démarches plus furement qu les le^ons de la philofophie. Sa dou ceur 6c fa compafiion pour les mal heurs, & même pour les fautes de hommes , firent la reffource de ü . fujets; 61 prudence & fon coura? L v Vaien- tikien III. Marcien Ann, 450. ■ VI. Idéé da gouvernementde Marcien. ; Evag. I. 2.' c. 1. i Manajfc', . P- 58, Theoph. p. 90. Proc. Vand.l.ll c. 4. i Zon.p.tfii . Cedren. p. . 344- Mahla, f * S a6. S  Vaien- Y2NIEN III. Marcien Ann. 4J0. 250 NlSTOIRE en furent la défenfe. La dignité de fes mceurs ennobliffoit la perfonne plus que n'auroit fait une longue fuite d'ancêtres. Frugal, il vivoit encore comme il avoit vécu fous le cafque & la cuirafTe. Hors d'atteinte a 1'avarice, il comptoit pour richefTes non pas celles qu'il auroit pu recueillir des impofitions, & entaffer dans fes tréfors, mais celles qu'il verfoit dans le fein des Provinces épuifées , ou qu'il répandoit en récompenfe des fervices rendus k 1'Etat. Attentif k faire obferver une exacte juftice, il aimoit mieux intimider que punir: la vigilance du Prince, & 1'alTurance du chatiment prévenoit le crime. Quoiqu'il eut un cceur élevé & vraiment viril, il ne manqua jamais au refpect qu'il devoit a Pulchérie; &C tant qu'elle vécut, il ne crut pas fe dégrader en déférant aux confeils de cette fage Princeffe. Dans les acclamations du Concile de Chalcédoine, il fut nommé le nouveau Conftantin; & il me femble qu'on peut dire que depuis PétablifTement des Empereurs, ïi fon regne ne fut pas le plus éclatant, il fut le plus irréprochable.  bv Bas-Êmpihb. Liv. XXXITI. 151 Occupé fans ceffe du foulagement de fes fujets, comme il le déclare au commencement de fes ordonnances, il ne publia cependant qu'un petit nombre de loix; mais elles refpirent une tendreffe paternelle : nulle n eit faite pour le Prince , elles tendent toutes au bien des peuples; & pour n'être pas obligé de les multiplier , il tint la main a 1'exécution. Nous allons en rendre compte en peu de mots. La brigue s'étoit introduite dans les emplois de judicature ; on achetoit la recommandation des hommes puiffants & accrédités. Ce fut le premier objet fur lequel Marcien porta la réforme : il mit ce commerce honteux au nombre des crimes d'Etat; déclarant qu'il ne choifiroit pou remplir les charges , que des gens qui, loin de les briguer , auroient be foin d'être forcés de les accepter: L h tat, dit-il, ne fera jamais mieux fen que par ceux qui redoutent les emplo publics , paree qu'ils en connoijfent tm le poids. Les appels a la Cour fe mu tiplioient au grand dommage des h bitants des Provinces; Marcien f fenfiblement touché de leur mifer L vj Valentinien III. Marcien A.nn. 450, VII. Ses loix. Norel. i , 2,3-4) 5» Cod. Th. I. 16. leg. 20, 27 , 28. & ibi Got. Theod. L. I. 1. > i 's u l- ait - s  ValentinienIII. Marcien Ann, 4j o, i ) ] ) £S- // I S T (9 / R £ pour leur épargner ces dépenfes plus ruineufes que les procés mêmes, il exigea des Juges inférieurs une équite incorruptible ; il ordonna de fuivre fans interruption la gradation des tribunaux; il menaca des plus féveres chatiments les hommes puifTants qui fe moquoient des fentences , &c les Juges timides ou corrompus qui refufoient juftice a la partie Ia plus foible. II défendit expreffément ces détours de procédures qui changent 1'erat primordial d'une caufe, & Ia retirent des mains du Juge naturel pour la faire palier k un tribunal * oii 1'injuftice efpere plus de faveur! En un mot, il ne permit d'appeller au Préfet du Prétoire, que lorfque 1'adverfaire feroit afTez élevé pour s'affranchir ■ de 1'obéilTance , ou Ia caufe affez épineufe pour embarraiTer ies Juges fubalternes ; ou que ceux:i feroient corrompus, ou qu'il s'agi*oit d'une dette publique de grande :onfidération. Les Provinces devoient iu fifc une partie des taxes des anlées précédentes , qu'elles étoient ïors d'état de payer. Pallade implora a compafïïon du Prince, & le Prince  du Bas-Empir.e. Liv. XXXIII. 253 en remerciant Pallade dans fa loi, fait 1'éloge de fon humanité : il donne en même-temps une preuve de la fienne , en accordant aux reliquataires une décharge générale de dix années. Dans les befoins publics, les villes , en aliénant leurs fonds, s'étoient obligées a payer les redevances du fifc, quoique les fonds ne fuffent plus en leur main: ce qui réduifoit ces communautés a une extréme indigence : il caffa ces contrats onéreux, laiffa aux acquéreurs la poffeffion de ces terres; mais les obligea d'en payer les taxes a la décharge de la ville dont ils les avoient acquifes. II interpréta favorablement une loi de Conftantin fur les mariages de£ Sénateurs. Ce Prince leur avoit interdit les alliances des perfonnes viles & abjecfes ; Marcien voulut qu'on entendït par ces termes une naiffance ou une profeftlon déshonorante, & non pas le défaut de fortune : A Diei ne plaife, dit-il, que nous regardion. la pauvreté comme un déshonneur; ell a plus d'une fois été une fource de gloire elk eft fouvent une preuve de vertu 6 dintégrité. Son refpect pour les Ec#lé Valentinien III. Marcien Ann. 459.  ValentinienXII. Marcien Ana, 450. 254 HlSTOIRE fiaftiques lui ferma les yeux fur des abus que fes prédécefTeurs avoient appercus. Valentinien Ier. avoit déclaré nulles les donations qu'une femme feroit aux Eccléfiaftiques & aux Moines. Théodofe le Grand, après avoir renouvellé cette loi a 1'égard des DiaconelTes , leur avoit enfuite permis de difpofer de leurs biens meubles pardonation entre-vifs. Marcien s'arrêtant a cette derniere ordonnance , lui donne toute 1'étendue qu'elle n'avoit pas, & que les Eccléfiaftiques pouvoient defirer : il déclare que toute veuve, Diaconeffe, fille ou femme confacrée a Dieu, pourra donner par teftament, par fidéi-commis, ou en telle forme qu'elle jugera k propos, le total ou une partie de fes biens aux Eccléfiaftiques, aux Moines, aux pauvres ; & il veut que ces donations fortiffent leur plein & entier effet fans aucune contradicfion. II s'efforga d'achever la deftruction de 1'idolatrie, défendant, fous peine de mort, toute pratique extérieure du paganifme , & condamnant a une amende de cinquante livres d'or les Juges & leurs Officiers, qui, après  nu Bas-Empire. Liv. XXXIII. 255 la conviction juridique de ce crime, " négligeroient de le punir. La piété de eet Empereur fe fignala également dans fa vie privée 6c dans 1'exercice de la puifTance fouveraine. II affiftoit a pied aux proceffions folemnelles; 6c fon exemple corrigea le fafie des Evêques de Conftantinople, qui avoient coutume de fe faire porter dans ces cérémonies. 11 voulut engager Anatolius a fuivre 1'ancien ufage ; mais 1'Evêque refufa de paroitre moins model!e que l'Empereur. On peut difücilement croire ce que rapporte Théodore le Lecteur, que ce Prince fit le voyage de Syrië fous un habit déguifé , pour aller vifiter St. Siméon Stylite, qui habitoit fur une colonne prés d'Antioche. II répandoit d'abondantes aumönes; & en rabattant beaucoup de la grandeur de la ftatue, on peut ajouter foi a ce que dit Codin , qu'il fïl fondre un colofTe d'argent haut de . quinze coudées, qui repréfentoit Ik devin Ménandre, 6c qu'il en diftribua 1'argent aux pauvres. Ce Ménandre étoit, felon toutes les apparences, le fameux impofteur , difciph Valentinien HL Marcien \nn. 450. VUL Piété de Marcien. Evag. I. 2. c. 1. Theod L. Theoph. p. 89, 94Cedr. p. 3*4- Anafl. pi 42. Codin. orig.p. 35- Baronius, Till.art.1,  ValentinienIII. Marcien Ann. 4 jo. IX. Son zele pour Ia paix de 1'Eglife. ; 1 < j 1 1 Z I 1 II r P li ei tr ui d< q> d< 25Ö H I S T 0 I 8. E de Simon Ie magicien, maïtre de Bafilide & de Saturnin, qui avoit femé fes erreurs dans une grande partie de 1'Orient. 1 Dès que Marcien fut fur Ie tröne; d confacra 1'ufage de fon autorité, en I employant fans violence en faveur ie Ia doeïrine orthodoxe. II n'avoit ■ien plus a cceur que de ramener tous es fujets a la profeffion d'une même ol II fit tranfporter a Conffantino)le le corps de Flavien, & s'emprelTa Ie reparer les maux qu'avoit produits e faux Concile d'Ephefe. Les Evêques >annis furent rappellés, & Théodoet yn enfin ceffer la perfécution qu'il voit éprouvée pendant les cinq derieres années du regne de Théodofe. 'Empereur écrivit au Pape Léon pour II demander le fecours de fes prie■s: il le conjuroit de s'unir a lui our procurer la paix ?. 1'Eglife, & ipropofoitlaconvocationd'unConle général, oü 1'héréfie qui avoit iomphé a Ephefe, feroit foumife a I nouveau jugement. Le Pape avoit :ja envoyé a Théodofe des Légats, II n'étant arrivés qu'après la mort ' ce Prince, furent bien recus de  nu Djs-Empire. Liv. XXXIII. 25:7 Marcien. On tint en leur préfence k Conftantinople un Synode, dans lequel Eutychès fut condamné. Marcien écrivit au Pape une feconde lettre, par laquelle il 1'invitoit a fe tranfporter en Oriënt, pour préfider au Concile. Pulchérie, qui avoit toujours confervé un grand refpeft pour Saint Léon, agiffoit de concert avec Marcien ; elle rendoit compte a. ce faint Pape de 1'état de 1'Eglife & des bonnes intentions de l'Empereur. - L'Orient goütoit dans une paix tranquille les douceurs d'un fage gouvernement : mais 1'Empire d'Occident dépériffoit de jour en jour. II perdit même alors la foible reffource qui lui reftoit dans les confeils de Placidie. On doit encore faire honneur k cette Princefle d'une loi qui fut publiée cette année. L'Empereur avoit promis de foulager les Provinces. Dans cette loi, il exprime d'abord fon repentir d'avoir trop tardé, & il ne rougit pas de s'avouer coupable en quelque forte: Aux yeux de la probité, dit-il, c'efi déja manquer de parole .que de différer 1'accomplijfement d'une promefe, II expofe enfuite la mifere des ValentinienIII. Marcien A.nn. 450. X. Mort de Placidie. Nor el. Vcliënt. 7. Profp. chr. ldac. chr. Caffioi. I. ii. ep. i. Soi- l. 9. e. 16. , Proc. Vand. I. ï. c. %. Theoph. p. 93. Baronius, Pagi ai Bar. Uabill. it. ltal.p,}c,% 40.  ValentinienIII. Marcien Ann. 450. 1 J < 1 l 1 c e l ï c Ti C l V q 258 HlSTOIRB Provinces, vexées par ceux mêmes qu'on y envoyoit pour empêcher les vexations. Ces impitoyables commiffaires, au-lieu de guérir les maux des peuples, leur tiroient Ie refte du lang qu'ils avoient dans les veines. L'Empereur accorde une remife générale Je tout ce qui étoit du au fifc jufqu'au :ommencement du cycle courant de 'indiftion; c'eft-a-dire, jufqu'au prenier de Septembre 448. On lit dans :ette loi cette précieufe maxime, >eaucoup plus digne d'être préfentée iux yeux des Princes que tous ces !mblêmes, dont la flatterie couvre es murailles de leurs palais: Tout ce •ue perd le Laboureur, eft perdu pour le ?rince; la profplritè du Prince dépend 'e celle du laboureur. On voit par eet xemple & par mille autres femblales , que ce feroit un livre bien caabl_e de former un bon Prince, que elui qui auroit pour titre : Belles mximes débutées par les mauvais Prin's. Placidie mourut a Rome le 17 de fovembre. Son corps fut porté a Raenne , & dépofé dans une chapelle u'elle avoit fait batir pour la fépul- . ire de fon frere Honorius. Son fils  nu Bas-Empirb. Liv. XXXIII. 259 Valentinien y fut auffi enterré clans la fuite. Cette chapelle fubfifte encore ; dans le jardin du monaftere de Saint- Vital; & jufqu'a. la fin du dernier fie- cle , le corps de Placidie s'y conferva I affis fur une chaife de bois de cyprès. On a loué, on a blamé cette Princef: fe , & ce partage d'opinions eft déja un reproche pour fa mémoire. Elle aimoit la juftice; elle fit ou infpira I de bonnes loix: elle avoit Part de fe plier aux circonftances ; mais elle . n'eut pas celui de prévoir, ni de ré- parer les malheurs. Elle gouverna '. 1'Empire de fon fils, mais elle ne fut pas gouverner fon fils même ; elle le ; laiffa corrompre par une éducation \ molle & efféminée. Pieufe, de cette : piété de Cour qui peut s'affortir avec ! les vices , elle fut avare , jaloufe. '< foupconneufe, & fa réputation ne fui pas hors d'atteinte. Sa vie fut aufï : contraftée que fon caractere. Peu con i fidérée a la Cour de fon frere, oi elle fervit de jouet a 1'ambition d< Stilicon : prifonniere , époufe d'ut Roi barbare, mariée de nouveau con : tre fon gré, Impératrice, bannie di la Cour, enfin Souveraine fous le non ValentinienIII. Marcies Ann. 450. I t |  ValentinienHl. Marcien Ann. 450. XI. Etabliffenient des Anglo-Saxcms dans la grandeBretagne. i ( 4 < ( 1 T £ c c c g ii 260 HlSTOIRE de Ion fils, elle abandonna 1'Illyrie, laiffa les troupes languir dans 1'oifiveté; & Valentinien perdit fous fa tutelle tout ce qu'il auroit pu perdre, s'il fut demeuré orphelin. Elle vit les barbares abattre a coups redoublés les fondements de 1'Empire, & fentit en mourant les dernieres fecouffes de ce vafte édifice qui tomboit en ruine. Les Francois , les Vifigoths, les Bourguignons partageoient la Gaule avec un refte de Romains. Les Sueves s'étendoient en Efpagne, les Vandales pofTédoient la plus belle porton de 1'Afrique. Mais la grande-Breagne étoit perdue fans retour. Ce fut :ette année que les Saxons entrerent lans cette ifle, pour y jetter les fonlements d'une puiffance qui fubfifte ncore aujourd'hui. Comme dans cetehifïoire de 1'Empire nous nous proofons de montrer comment les memres de ce grand corps s'en font fuceffivement détachés, nous allons traer en peu de mots la révolution qui hangea la face de la grande-Bretane, Sc qui en fit un Etat féparé Sc idépendant,  nu Bas-Empizb. Liv. XXXIII. 261 Les Bretons, abandonnés par Aë- I; tius, comme nous Pavons raconté fur 1 Pan 446, tirerent des forces de leur i défefpoir. Ils repoufTerent les barba- 1 res. Mais enivrés de leur vicïoire, i ils fe livrerent a la difTolution. Ilsélu- i rent pour Roi Vortigerne , Prince I orgueilleux, imbéciile , énervé par la ) débauche. Les Piftes & les EcofTois \ revinrent bientöt, & firent de nou- • veau trembler les Bretons. Le Roi, ). plus effrayé que fon peuple, prit le par- i ti le plus dangereux; c'étoit d'implo- I rer le fecours de ces mêmes Saxons, I ] ] j J i ( ( 1 1 1 O.62 II I S T 0 I R E Tanet fur les cötes de Kent. Ranimé par leur fecours, il alla combattre les ennemis au-dela du fleuve Humber, les défit, & combla de récompenfes Kengift & fes foldats. _ Cet heureux fuccès , la fertilité de 1'ifle, la foibleffe des habitants attirerent une plus nombreufe colonie. Les Saxons étoient alors établis a 1'embouchure de 1'Elbe dans ce qu'on nommé aujourd'hui le Holftein. Ils entrainerentavec eux les Anglois leurs voifins, & les Jutes, habitants de la Cherfönefe Cimbrique. Ces trois peuples armerent une flotte de dix-huit vaifreaux; & s'étant réunis avec les preniers , ils formerent une armée reloutable. On leur donna des terres, a :ondition qu'ils combattroient pour e falut du pays , & que les Bretons eur fourniroient la folde & les fubiftances. Hengifl avoit une fille paraitement belle; il la fit venir pour econder fes deffeins politiques. Dès [u'elle parut aux yeux de Vortigerne, e Prince , voluptueux jufqu'a la brualité, qui avoit des enfants de fa pro>re fceur, répudia fon époufe légi- . ime, & deyint Ie gendre tk 1'efclaye  nu Bas-Empire. Liv. XXXIII. 263 d'Hengift. Bientöt les Anglo-Saxons, fur des prétextes frivoles, tournerent leurs armes contre les Bretons. On vit commencer une guerre fanglante qui dura vingt années. Vortimer, fils de Vortigerne, auffi vaillant tk auffi vertueux que le pere étoit lache & diffolu, gagna une grande bataille , dans laquelle Horfa , frere d'Hengift, perdit la vie. Le vainqueur ne furvécut pas long-temps; tk. 1'efpérance des Bretons périt avec lui. Hengilt ayant requ de nouveaux renforts de Germanie , remporta trois victoires, & réduifit la grande-Bretagne a 1'état le plus déplorable. Vortigerne , chargé de fers, acheta fa liberté par la ceffion des places les plus importantes. Les Anglo-Saxons s'emparerent de Londres , de Lincoln , d'York ; ils ravagerent les campagnes, ruinerent les Eglifes, égorgerent les Prêtres & les Moines , couvrirent tout le pays de carnage & d'incendie. Les Bretons qui purent échapper au fer ennemi, fe fauverent dans les montagnes du pays de Galles, & dans les rochers de Cornouaille fur le bord de la mer. Un Breton de race Romaine, nom- Valen- tikien III Marcien Ann. 4;0, XIV. Succes  Valentinien in. Marcien Ann. 450. d'Ambroïfe Aurc- li CD, i 1 l 1 i i ï c ï l c r g P ü 564. , HlSTOIRE mé Ambroife Aurélien, s'étoit retï* ré dans 1'Armorique, après avoir perdu fon pere dans un combat contre les Saxons. Touché de compaflion pour les maux de. fa patrie, il repaffe dans la Grande-Bretagne, ralTemblc fes malheureux compatriotes, leur infpire le courage dont il eft animé, étonne également les Bretons & leurs ennemis par des fuccès éclatants, & recouvre les Provinces perdues. Les Jenx nations, fatiguées d'une guere turieufe & opiniatre, demeurent tn repos pendant quatorze ans. Dans :et intervalle, Vortigerne, qui vivoit ■n captivité a la Cour de fon beau>ere, ayant vu égorger dans un fefin trois cents Seigneurs Bretons, fe auve des mains d'Hengift , & fe renèrme dans une tour, oü il meurt frapié du tonnerre. Aurélien reprend les rmes avec le titre de Roi, défait Henift, & le tue 1'année fuivante dans ne feconde bataille. II remporta enore prés d'York une grande vicfoi; fur Efca, fils & iuccefieur d'Henift; mais il y fut blefTé,& mourut su de temps après. II laifToit deux s. Arthur & Cador. Arthur 1'ainé lui  nu Bas-Empire. Liv. XXXIII. 165 lui fuccéda. C'eft ce Prince dont la valeur héroïque a donné lieu a tant de fiÉtions romanefques. La mort d'Arthur, qui fut tué dans une bataille vers le milieu du fixieme fiecle, éteignit entiérement la Monarchie des Bretons. Les Saxons, les Anglois & les Jutes , devenus maitres de 1'ifle jufqu'aux frontieres de 1'Ecoffe , formerent fept petits Royaumes : c'eft ce qu'on appelle 1'Heptarchie. Ils avoient apporté 1'idolatrie ; ils y demeurerent jufqu'a Pan 597 , que le Moine Auguftin , envoyé par le Pape Grégoire le I Grand, vint par une plus heureufe conquête les foumettre a 1'Empire de i la Religion Chrétienne. Enfin, Egberr, contemporain de Charlemagne, réj duifit fous fa feule domination tous { ces petits Etats ; & comme les An; glois poffédoient la plus belle & la 1 plus grande partie du pays , ils doni nerent leur nom a Pifle entiere jufj qu'aux frontieres de 1'Ecofle. Selon | quelques Auteurs , le nom d'Anglej terre étoit connu dès la fin du fixieme fiecle. Les Bretons naturels fe i maintinrent en poftfiffion du pays de Tome VII, M ValentinienIII. Marcien Ann. 450. XV. Formatinn de T.Ieptar-  ValentinienIII. IMarcien Ann. 45 o, XVI. Attila fe prépare a la guerre. Prifc. p. 39, 40. Theoph p, 91. VaUf. rer. Fr. I 4. Bucrt. Belg.l.i7. e. 2. z66 II I S T O I R B Galles; d'autres pafferent dans la partie de PArmorique, qui fut depuis nommée Bretagne. L'ancienne langue des Bretons, qui s'eft jufqu'a ce jour ccnfervée dans ces deux contrées , eft une preuve de la commune origine des habitants. Tandis que 1'Empire d'Occident perdoit pour jamais une de fes plus riehes Provinces , Attila s'occupoit du defièin de ruiner les deux Empires. La mort de Théodofe tk de Placidie, la foibleffe des Romains, fes fuccès paiTés, fon inclination naturelle pour le maffacre tk. le ravage, le portoient a recommencer la guerre ; tk 1'engagement que la Princeffe Honoria avoit prétendu contract er avec lui, fervoit de prétexte. Dès qu'il eut appris l'élecfion de Marcien, il envoya une doublé ambaffade; 1'une a ce Prince, pour lui demander le payement du tribut dont Théodofe Ie jeune étoit convenu; 1'autre a Valentinien pour lui déclarer qu'Honoria , étant fon époufe, il prétendoit qu'on lui remit entre les mains la Princeffe, & avec elle la moitié de 1'Empire dont elle étoit légitime  bv Bas-Empire. Liv. XXXHI. 0.67 feéritiere. Ces deux ambaffades n'eurent aucun fuccès. Marcien répondit fiérement, qu'il ne reconnoiffoit point la convention de Théodofe ; que fi le Roi des Huns fe tenoit en repos, on lui feroit, comme a un Prince allié, les préfents qu'on jugeroit convenables. S'il aime mieux la guerre , ajouta Marcien , fai des armées & des foldats d lui préfenier. La réponfe de Valentinien fut , qu'Honoria ne poU' voit être tèpoufe d'Attila , puifqu'elle avoit de/a un mari; que cette Princeffe n'avoit aucun droit d la Juccefjlon Impériale,paree que che^lesRomains, tEmpire appartenoit aux hommes, d l'excluJlon des femrnes. L'Hiftoire ne nous donne aucun éclairciffement fur ce mariage d'Honoria. II y avoit dixfept ans, qu'ayant été chaffée de la 'Cour d'Occident, elle s'étoit retirée a Conftantinople. II paroït qu'elle étoit revenue a Ravenne, & que, pour enlever au Prince barbare 1'avantage qu'il pouvoit tirer de 1'imprudence de cette Princeffe, on lui avoit donné un mari que 1'Hiftoire ne fait pas connoitre. Quoique Marcien ne craignït pas M ij Valentinien UI. Marcien Ann. 450. xyn. Marcien  Vaientinien III. Marcien Ann. 450. envoye a Attila. Prifc p. 71. 73- 260* HlSTOIRE la guerre, cependant, pour prévenir les maux qui en font une fuite inévitable, il envoya une ambafTade au Roi des Huns. II choifit pour cette commifïion Apollonius, dont le courage intrépide mettoit en füreté 1'honneur de 1'Empire : eet Apollonius étoit frere de Rufus, k qui Zénon avoit fait époufer la fille de Saturnin. Pour lui donner plus de confidération, Marcien 1'honora du titre de Duc. L'Ambaffadeur s'étant rendu a la Cour d'Attila , ne put obtenir audience. Le barbare, irrité du refus de Marcien, qu'il méprifoit comme un foldat de fortune, fit dire a Apollonius, qu'il n'avoit pas le loifir de £entendre ; mais. qu'il lui ordonnoit de lui envoyer les ■préfents qu'il étoit chargé de lui remettre de la part de fon maitre. Apollonius répondit avec fermeté , que fi les richeffes qu'il apportoit tentoient le Roi des Huns , il n avoit que deux moyens de fe fatisfaire : c'étoit. ou de les recevoir comme des préfents en lui donnant audience, ou de les enlever comme des dépouilles, en lui ötant la vie. Cette noble hardieffe étonna tellement Attila, qu'il laiffa partir 1'Am-  du Bas-Empire. Liv. XXXIII 269 baffadeur, fans lui fufciter d'autre inquiétude. Egalement irrité contre les deux Empereurs, Attila balancalong-temps avant que de décider lequel des deux il devoit d'abord attaquer. Plufieurs raifons le déterminerent a porter fes premiers efforts du cóté de 1'Occident. Cette partie de 1'Empire, déja entamée par d'autres barbares , étoit moins en état de réfifter a fes armes. Eudoxe, qui s'étoit refugié k fa Cour, après la guerre des Bagaudes, ainfi que je 1'ai raconté , lui faifoit entendre qu'il confervoit dans la Gaule de fecretes intelligences. Claudebaud , fils ainé de Clodion, le conjuroit avec inflance d'employer fon bras invincible a 1'établir fur le tröne ufurpé par fon cadet Mérovée , & 1'affuroit qu'il trouveroit entre les Francois un parti prêt k fe ranger fous fes étendards. Mais nuile follicitation n'étoit plus puiffante que celle de Genféric. Ce Prince, auffi habile politique que brave guerrier, craignant le reffentiment de Théodoric , cruellement irrité de 1'horrible traitement fait a fa fille, vouloit tenk les VifiM iij ValentinienIII. Marcien Ann. 450. XVIII. Paix infidieufed'Attila avec Valentinien. Prifc. p. Profp. chr. Jorn* dc reh. Got* c* 36. Caffiod. I. ep. 4.  ValentinienIII. Marcien Ann, 4; o, XIX. Attila ve.iw 270 HlSTOIRB goths occupés dans leur propre pays; II n'épargnoit point 1'argent pour engager le Roi des Huns a fe jetter . dans la Gaule. Attila, étant donc en* fin réfolu d'attaquer Valentinien, voulut couvrir fon invafion de quelque prétexte. II lui envoya une feconde ambalTade , pour demander encore une fois Horioria, & lui fit repréfenter 1'anneau de cette Princeffe comme une preuve de 1'engagement qu'elle avoit contracté. L'Empereur lui fit la même réponfe que la première fois; mais pour défarmer , s'il étoit poili-" ble, un fi formidable ennemi, il lui envoya Cafliodore, pere de celui que fes grands emplois auprès de Théodoric , Roi d'ïtalie, ont rendu célebre. Ce député étoit Secretaire d'Etat, & lié d'une étroité amitié avec Aëtius , dont le fils, nommé Carpiüon ^ 1'accompagna dans cette ambaffade. Attila recut Cafliodore mieux qu'il n'a> voit recu Apollonius. II conclut avec lui un nouveau traité, &c le renvoya fort fatisfait du fuccès de fon ambaffade. Ce traité n'étoit qu'un piege. Le Roi des Huns voulut amufer 1'Em-  Dü Bas-Empire. Liv. XXXIII. 171 peveitr par une faufTe apparence de • paix. II travailloit k mettre en mouvement tous les peuples, foumis k fa puilTance, & tous les Rois fes vaf- ' faux. Son deffein étoit d'écrafer en même-temps les Romains & les Vfc figoths. Mais pour empêcher que fes préparatifs n'allarmaffent 1'un & 1'autre peuple , il écrivit k Valentinien , qu'il étoit bien éloigné de rompre avec les Romains ; qu'il n'en vouloit qu'a Théodoric , leur commun ennemi; il prodiguoit k l'Empereur dans les termes les plus énergiques, toutes les affurances d'un attachement inviolable. II mandoit dans le même temps a Théodoric, qu'il alloit lui prêter la main , pour le rendre vraiment Roi: il lui rappelloit les maux, qu'il avoit foufferts en combattant contre 1'Empire ; il Pexhortoit k fe détacher d'une nation tyrannique , dont Palliance étoit un véritable ef~ clavage , tk k fe joindre a lui pour rnériter enfemble le titre glorieux de libérateurs de 1'univers. A la faveur de ce doublé déguifement, ce Prince deitru&eur efpéroit empêcher la réunion des deux M iv ValentinienIII. Harciem Vnn. 4; o. :romper es Romains 5c les Vifigoths. Jorn. a"t rcb. Gst. c. 36. Hifi. Mifcsl. /. !}■ Ann. 451,XX.Attila fe"  ValentinienIII. Marcien Ann. 451. met en campagne. Sidon. carm. 7. Som. de reb. Get. c. 35 , 38Hifi. Mi/, ccll. I. 15. H I S T O 1 R E nations, traverfer Ia Gaule entiere i piller les villes, & chargé de dépouilles,fe jetter enfuite en Italië , oh il lui feroit aifé de renverfer le tröne des Empereurs. II fe mit en marche a la tête d'une de ces armées, que la colere Divine appelle quelquefois des diverfes contrées du monde , & raflemble fous un chef pour punir la terre. Celle d'Attila étoit de cinq cents mille hommes , quelques Auteurs difent de fept cents mille. II trainoit a fa fuite tous les barbares du Nord: c'étoient avec les Huns, les Ruges, les Gépides , les Erules, les Turciïinges, les Bellonotes, les Gelons, les Neures , les Burgundes & les Oflrogoths. Dans la marche , fe joignirenta lui les Sueves, les Marcemans, les Quades, IesTuringiens.Chacunde ces peuples avoit fon Roi; mais tous ces Princes trembloient devant Attila, dont ils étoient les vaffaux, ou plutot les efclaves. Un figne de tête, un coup d'ceil étoit pour eux un ordre abfolu, auquel ils obéiiToient fans rmirmure. II y en avoit deux qu'Attila diffinguoit dans cette foule de Rois. Ardaric, Roi des Gépides, é-  du Bas-Emmre. Liv. XXXIII. 273 toit en grande coniidération auprès du Monarque des Huns, par le nombre de fes foldats, & plus encore par fa valeur, par fa fïdélité , par fa prudence : il aflïftoit a tous les confeils. L'autre étoit Valamir , Roi des Oftrogoths , accompagné de fes deux freres Théodémir & Vidémir. Ces trois Princes , plus nobles que celui qu'ils reconnoifToient pour maitre, étoient de la race des Amales, la plus illuftre de la nation Gothique. Valamir fe rendit recommandable par fa difcrétion , par fa douceur &c par une franchife qui , jointe k la bravoure , forme le vrai caractere du héros. Les anciens Auteurs ne nöus apprennent rien de clair ni de précis, fur la route que tint Attila jufqu'a fon entrée dans la Gaule. Les fentiments des modernes font partagés fur ce fujet. Les uns lui font traverfer la Germanie , par le centre , pour arriver a Cologne. Les autres le conduifent le long du Danube , pour lui faire paffer le Rhin auprès du Lac de Conftance. Ce dernier fentiment, qui eft le plus nouveau, me paroït M y Valen- TINIEM III. Marcien \na, 45 x, XXL Marche d'Attila jufqu'au Rhin. Sid. carm. 7- Pree, atdif. I. 4. c. 5. Paul Diac. Valef. reu Fr. I. 4. Èuch. Belg.l. 17. c. 3. Jlfat, iU  ValentinienIII. Marcien Ann. 451. luft.t.I.p. 178. 274 H I S T O I R 8 auffi le plus vraifemblable. Le vei' image du fleuve, la commodité de la voie Rornaine , la facilité des convois qu'il pouvoit tirer de la Méfie & de la Pannonie, & qui remontoient ie Danube a la fuite de fon armée, devoient lui faire préférer cette route a celle de Pintérieur de la Germanie, encore couverte de vaftes forêts , & prefque impraticable a une innombrable cavalerie. De plus, Procope rapporte qu'Attila détruifit en paffant les forts que les Empereurs avoient élevés fur les bords du Danube; & Paul, Diacre, nous repréfente , les Bourguignons difputant au Roi des Huns le paffage du Rhin. Je croirois même que 1'armée , divifée en deux corps,cötoyoit le Danube, le fleuve entre deux. L'un de ces corps entrainoit fur fon paffage les nations Germaniques , attirées par Pefpérance du pillage, tandis que 1'autre , ravageant la Méfie & la PanJionie, détruifoit les forts , qui ne eonfifloient pour la plupart qu'en une tour garnie de quelques foldats. Toute 1'armée dut fe réunir aux fources du Danube, ck paffer le Rhin prés  du Êas-Empme. Liv. XXX1Ï1. 27T «Je Bale, oü le voifinage de la forêt Hercynie facilitoit la conftruction, & le tranfport des barques & des canots. Les Francs , qui habitoient au-deIW du Rhin vers les bords du Necre, fe joignirent a 1'armée d'Attila, & ceux qui tenoient dans la Gaule le parti de Clodebaud , vinrent bientöt fe rendre auprès de ce Prince qu'ils vouloient placer fur le tröne. Mais les Bourguignons entreprirent d'arrêter le torrent qui venoit inonder POccident, & de défendre le paffage du Rhin. Leur hardielïe ne fut pas heureufe : ils furent repouffés ik taillés en pieces. Les Huns aeheverenl de détruire dans ces contrées ce qui avoit échappé aux ravages des Vandales , des Sueves & des Alains. Ce fut alors que la ville des Rauraques celles de Vindoniffe & d'Argentova ria furent entiérement renverfées Leurs ruines ont donné naiffance { B&le, a- Windifch Ik a Colmar, balies dans leur voifinage. Attila, cö toyant les bords du Rhin , traverfi la Germanie fupérieure, aujourd'hu 1'Alface r^Sti-asbourg, Spire , Vorm ne s'étoient point encore relevées dé M vj ValentinienIII. Marcièh: Ann. 45 e. XXII. Ravage de la Gaule. Idac. chr. Greg. Tur. I. 2. C. 5 6. Buch. Belg.l.lJ.c. 3. TUI. Attila , c. 7. Alfat. iP-laftr.t.I.p.179,429.- I' L i  Valentinien III. Marcien Ann, 451. i ] I I i 1 I 1 < 276 &ISTO/RJS puis les invafions précédentes. II pil— la & faccagea Mayence; il vint affiéger Metz; la force des remparts, qui réfiftoient a toutes les attaques', ayant rebuté fes troupes, il fe retira a Scarpone, fortereffe a quatorze milles de Metz, tk envoya de-la des détachements qui prirent & brülerent Toul tk Dieufe. Cependant les murs de Metz, qui avoient été ébranlés par les^ machines, étant tombés d'euxmêmes, les Huns accoururent, y engerent le 7 d'Avril, veille de Paques, égorgerent un grand nombre d'habitants de tout age tk de tout fexe, emmenerent les autres avec 1'Evêque . & mirent le feu k la ville, qui fut réduite en cendres, a 1'excep:ion d'une Chapelle de Saint Etienie. II n'eft pas poffible de fuivre par )rdre les courfes des Huns. On fait eulement que ces vafïes contrées, :omprifes entre le Rhin, Ia Seine, a Marne & la Mofelle , reffentirent oute la fureur de ces peuples féoces. Comme Attilas'annoncoit pour 'arni allié des Romains , tk qu'il pu'lioit que fon deffein étoit d'établir Clodebaud, Roi légitime des Fran-  nu Bas-Empire. Liv. XXXIII. 277 cois, &c d'aller enfuite combattre les Vifigoths au-dela de la Loire, plufieurs villes Romaines lui ouvrirent d'abord leurs portes. Les violences qu'elles éprouverent ayant répandu la terreur, les autres effayerent de fe défendre. Mais nul rempart ne pouvoit tenir contre ce déluge de barbares. Tongres, Rheims , Arras, §C la capitale du Vermandois, furent emportés de force. Treves , autrefois la plus floriffante ville des Gaules , mais la plus malheureufe dans ce iiecle d'invafions Sc de ravages, fut faccagée pour la cinquieme fois. Les partis ennemis , dont chacun formoit une armée , difperfés dans les campagnes , portoient de toutes parts le fer tk le feu. Ce fut dans une de ces courfes que Childéric,?fils de Mérovée, fut enlevé avec Ia Reine, fa mere, &i délivré aulfi-töt par la valeur d'ua Seigneur Francois, nommé Viomade, qui donna dès-lors a ce Princej agé de feize ans, une preuve éclatante de fon zele & de fa fidélité. Attila s'avangoit vers la Loire. Leshabitanti de Paris prirent Pallarme, & alloien! abandonner leur ville , fi Sainte Ge ValentinienIII Marcien Ann. 4ji>  Va len- tinien III. Marcien Ann. 451, XXIII. Aëtius détrompe Théodoric. Sid. carm, !• Jorn. de reb. Get. c, 36. Greg. Tur. l.ï.c.7. Valef. rer. Fr. I. 4. Pagi ad Sar. Bucff. Belg.l. 17. <•. 2 , 3TUI. Attila , art, 9, £?3 HlSTOTRË nevieve ,qui vivoit alors, ne les eltl? raflurés, en leur promettant de la part de Dieu, que les barbares n'approcheroient pas de leur territoire. Cette prophétie fut vérifiée par Fél vénement. Attila, ayant paffe la Seine dans un autre endroit, alla mettre Ie fiege devant Orléans. Sur la nouvelle de la marche d'Attila vers la Gaule , Aëtius avoit paffe les Alpes, & s'étoit rendu a Arles avec peu de troupes. II comptoit fur celles qu'il trouveroit dans la Province, & principalement fur le fecours des Vifigoths,que Fintérêtcommun devoit réunir avec les Romains.Mais lorfqu'il apprit que Théodoric , trompé par les faufTes proteftationsd'Attila, ne faifoit aucun mouvement pour s'oppoferaux progrès du Prince barbare , il lui dépêcha Avitus, afin ie le tirer de eet aflbupiffement. Avitus, accoutumé a traiter avec Théodoric, dont il avoit gagné Peftime, lui ■epréfenta que fon inaclion lui feroit iunefte : qu'Attila ne cherchoit qu'a iivifer les Romains & les Vifigoths, sour les accabler plus facilement. II Mi mit fous les yeux la lettre d'At-  nu Bas-Empire. Liv. XXXIII. 279 tila a Valentinien : Vous voye^, a- jouta-t-il, quelle confiance vous deve{ prendre aux paroles cl Attila. N'efi-ce pas courir a votre perte, que de vous repofer fur la foi d'un barbare aujtfl perfide que cruel? Les Goths doivent' ils donc rien efpèrer des Huns ? N'ontils pas été les premières victimes de leur fureur ? Cette nation farouche ne s'efiellepasd'abordmontrée enEurope, tein~ te du fang des Goths ? Prince , ne vous abufei pas ; vous êtzs l'ennemi naturel des Huns : ils vous ont fait trop de mal, pour vous pardonner jamais. Apres avoir chajfé vos peres des bords du Danube , ils viennent vous pourfuivre aux extrémités de la Gaule, pour achever d'exterminer votre 77^/0/2. Théodoric étoit plein de courage. Convaincu de la mauvaife foi d'Attila , il répondit que les vicloires de ce conquérantfanguinairene £ cjfrayoientpas ; que la Providence divine avoit fixé un terme d tous les fuccïs criminels , & qu'Attila le trouyeroit dans la valeur des Vifigoths. Auffi-tót il donne fes ordres. La crainte d'une invafion prochaine raffesihle en peu de temps une nom- Valen- TJNIE,ÏT III. VlARCIE» Vnn. 451. XXIV. Aëtius affemble fes «crupes.  ValentinienIü. Marcien Ann. 451. 1 J 1 i ] < 1 < 1 i i 280 HlSTOIïlE breufe armée. II laiiTe dans fes Etats quatre de fes fils, Fréderic, Euric I Rotemer & Himmeric; tk fe mettant a la tête de fes troupes avec fes deux aïnés, Thorifmond tk Théodoric, qui voulurent partager Ie péril aveci leur pere, il marche vers Arles pour fe joindre aux Romains. Aëtius avoit : déja dépêché des couriers dans toute ; la Gaule, tk chez les peuples alliés, Igs invitant a s'unir a lui pour écar- j ter 1'horrible tempête qui défoloit .'Occident. Toute la Gaule prit les 1 irmes. Mérovée accourut avec fes Francois; les Bourguignons, les Arnoriques, les Letiens, les Ibrions ,' jeuple de la Vindélicie, les Ripuai■es C on nomme ■ ainfi ceux qui habi- , oient entre la Meufe & la Mofelle ), les Saxons même, établis vers les )ouches du Rhin, .& des Sarmates lont plufieurs cohortes avoient été ' ransférées en Gaule, fe rendirent ivec une incroyable diligence auprès l'Aëtius. II fe vit bientót environné le tant de troupes, que 1'armée d'Atila déja beaucoup moins nombreue qu'elle n'avoit été d'abord , n'étoit ,uere fupérieure a la fienneSj  vu Bas-Empire. Liv. XXXUI. 281 Dans ces défaftres publics, la chaïité épifcopale fuppléoit a la timidité,ou remédioitalaperfidie des Commandants; & 1'Eglife, deftinée k comhattre les ennemis invifibles, s'occupoit des périls temporels de fes enfants. Sangiban , k la tête_ d'une troupe d'Alains, commandoit dans Orléans. Mais on le foupconnoit d'entrenir avec Attila de fecretes intelligences, & fon inaftion aux approches de 1'ennemi confirmoit ces foupcons. Ce Satsgiban étoit, felon quelques Auteurs, le même que Sambida, Roi des Alains, établis dansje Valentinois, dont nous avons déja parlé ; felon d'autres, c'étoit le fucceffeur d'Eocaric, chef d'une autre colonie d'Alains, qu'Aëtius avoit placé vers 1'embouchure de la Loire. Anianus, qu'on nomme vulgairement Saint Agnan, alors Evêque d'Orléans, Prélat refpe&able par les vertus, tk rempli de ce courage qu'infpire le mépris de la vie préfente, prit fut lui tous les foins d'un commandant Avant qu'Attila eüt pafTé la Seine, 1'Evêque fe hata de relever les murs de la ville; il fit des amas de yivres. ValentinienIII. Marcien Ann. 451, XXV. Siege d'Orléans.Sid. I. 8. ep. 15. I7. ep. 12. Jorn. de reb. Get. c. 37, 3«- Theoph. p. 90. Greg. Tur. I. 2. c. 7. Valef. rer. Fr. 1. 4. Baronius. PaSi ad Bar. Ti!!. Attila , art. 8, 9 , I0'  Valen- t2 kiest III. Marcien Ann. 451, 1 < 1 | ] i 1 ( i 282 Histoirb tk par la fervetir de fes prieres tk de celles de fon peuple, il s'efforca d'armer le Ciel contre les barbares. Pour preffer le fecours d'Aëtius, il fe rendit en diligence k Arles, tk revint fe renfermer dans Orléans, réfolu d'y périravec fon troupeau , fi la ville n'étoit pas fecourue. Bientöt après fon retour, les Huns arriverent; ils attaquerent avec fureur la partie de la ville qui étoit fur la rive droite de la Loire; ils mirent en oeuvre toutes les machines alors en ufage dans les fieges , tk livrerent plufieurs affauts. Pendant que les hommes :ombattoient fur les murailles, les femrnes & les enfants, profïernés ivec leur Evêque aux pieds des auels , éievoient leurs cris vers Dieu, k jmploroient fon affiftance. Une >luie orageufe qui dura trois jours, ït ceffer les attaques; tk le Prélat, >rofitant de eet intervalle , alla trouwer Attila dans fon camp, pour en >btenir quelque compofition. II fut ebuté avec infolence. L'orage ayant :elTé, les Huns donnerent un nonkel alTaut; & redoublant leurs efbrts, ils enfoncerent les portes, &c  'nu Bas-Empire. Lh. XXXIII. 283 entrerent en foule. Les habitants, 1 fuyant de toutes parts , n'attendoient i que le pillage & la mort, lorfqu'ils 1 entendirent fonner les trompettes Ro- t maines, tk virent une nouvelle ar- i mee, qui, comme li elle fut defcen- i due du Ciel, fondoit avec rapidité 1 fur les Huns. C'étoient Aëtius tk Théo- j doric a la tête de toutes leurs trou- j pes. Ils étoient entrés dans la ville de E 1'autre cóté de la Loire, en même I temps qu'Attila y entroit par la porte oppofée. Ce barbare, qui paiToit l pour invincible dans les batailles, 1 faifoit li mal la guerre, il étoit li peu i inftruit des mouvements de 1'ennemi, ) qu'Aëtius traverfa toute la Gaule mé- i ridionale tk vint d'Arles a Orléans , I fans que les Huns en euffent aucu- 1 ne connoiffance. Les Romains tk les r Vifigoths trouvant les Huns en dé- i fordre, en font un horrible carnage* .! Orléans eft inondé du fang de fes vain- ; queurs : les uns fe jettent en foule • hors des portes : les autres, aveui glés par la terreur, fe précipitent dans • le fleuve. Le Saint Evêque , aux yeux 1 duquel les barbares étoient des homI mes, couroit de toutes parts pour a*- Valen- tinien III. Marcien Ann. 451,  ValentinienIII. Marcien Ann. 451. XXVI. Attila s'arrête dans les plaines de Champagne. Jorn. de reb. (iet. c. 36. Valef. rer. Fr. I. 4. Buch. £elg.l.i7. «. 3. ; TUI. Atti- , la , art. 7 , 11,6- not, ' 2. I I 1 ( I c I 2S4 IIlSTQIRE rêter le maffacre: il fauva un grand nombre de ces malheureux, qui demeurerent prifbnniers. Attila, hors de la ville, rallioit les fuyards : frémilTant de fureur, il reprit la route de la Belgique; & Orléans fut alors pour la première fois le rempart de la Gaule , & le terme fatal des conquêtes de fes ennemis. Aëtius & Théodoric fuivoient Attila , fans harceler fon armée, fe croyant fort heureux s'ils pouvoient, fans coup férir, le conduire hors des terres de 1'Empire. II palTa prés de Froyes qui n'avoit alors ni garnifon, li même de murailles. Cette ville attribua fon falut aux ferventes prieres de Saint Loup, fon Evêque. On ht que ce Saint vint avec fon cler*é au-devant du Roi des Huns ; & jue , comme Attila fe vantoit d'être 'e Jléau de Dieu, le Saint lui réponlit, quil ne falloit doncpas lui refifer, & 1'invita même a venir dans fa aile. On ajoute que le barbare, adoui par cette foumilïion, palTa outre ; nais qu'il obligea 1'Evêque de 1'ac- I ompagner jufqu'au paffage du Rhin, romettant de le renyoyer alors, &c  »u Bjs-Empire. Liv. XXXIII. 285 imi'il lui tint parole. Tout ce récit cpourroit bien n'être qu'un tiffu de ifables. La proximité d'Aëtius 6c de (Théodoric pouvoit empêcher Attila ;de s'arrêter au pillage de Troyes. Les adeux armées qui marchoient a peu |de diftance 1'une de 1'autre , étant arjpvées dans les valles plaines qui, mn fiecle après, ont donné le nom a la Province de Champagne , le Roi ;des Huns, honteux de fe retirer en [jfugitif, voulut fe venger par une battaille , de 1'affront qu'il avoit re^u la Orléans. Le terrein ne pouvoit êItre plus favorable pour déployer la ■icavalerie des Huns. Ces plaines, au [rapport de Jornandes, s'étendoient ten longueur a cinquantes lieues fur )trente-cinq delargeur.il les nomme iichamps Catalauniques, ou plaines de ;Mauriac , déja fignalées par la viftoiire d'Aurélien fur Tetricus. Les mo;> je fuis, & je ne puis oublier qui j»> vous êtes. LaifTons les encourageh> ments vulgaires a ces Généraux !*> malaffurés, qui trainent après eux i> des ames timides , . accoutumées a » dormir dans le fein de la paix. Vo» tre état naturel, c'eft la guerre; >> votre plus douce paffion , c'eft la » vengeance. Une bataille eft pour m vous un jour de fête ; célébrons ValentinienIII. Marcien Ann. 4ji, XXVIII. Attila ha» rangue fes troupes. Jorn, de reb. Get. c. 39.  Valentinien hl Marcien Ann. 451, 288 HlSTOIRE » celle-ci avec jöie. Voila vos victi» mes : immolez-les a votre gloire,;: » aux manes de vos compagnons « qu'ils ont égorgés par furprife. Ici » la bravoure n'a rien a craindre de » la rufe & de 1'artifice : ces vaftes » campagnes ne peuvent recéler au» cune embufcade ; tout eft ouvert, » tout eft affuré a la valeur. Qu'eft» ce que cette troupe que vous al» lez combattre ? Un amas confus de » nations foibles, efféminées, qui! » fe craignent , qui fe déteftent les1 » unes les autres, qui fouhaitent mu»> tuellement leur perte, & qui fe dé» chiroient par la guerre, avant que: »'la crainte de vos armes les eut » reünies & comme reflerrées en-' » femble. Ils tremblent déja avant: » la bataille. C'eft la terreur qui leur-i » a prêté des aïles pour courir a eet» te éminence; ils fe repentent de; » s'être engagés dans ces plaines; ilsi » cherchent des lieux élevés poutó » être hors de la portée de vos traits,. » tk. voudroient pouvoir fe cacheri » dans les nues. Nous connoiflbnsi » déja les Romains; je ne crains que: » la promptitude de leur fuite ; fans. » attendre;  du Bas-Empire. Liv. XXXIII. 0.89 | » attendre les premiers coups, ils ! I w ont coutume de fuir devant la pouf| » fiere que font lever les pieds de j » nos chevaux; ne leur laiffez pas J j » le temps de fe mettre en bataille; ' » jettez-vous fur leurs bataillons, fur j » leurs efcadrons flottants ; & fans 1 » vous arrêter a pourfuivre fur eux I » votre victoire , chargez les Alains, » les Francois, les Vifigoths; ce font »> ceux-la feuls qu'il eft befoin de » vainere; ce iont-la les nerfs de » cette armée : tout le refte tombera »> avec eux. Songez que votre deftin » ne dépend pas de 1'ennemi; nuls » traits ne pourront atteindre celui I» que Mars réferve pour chanter m fhymne de la viöoire : celui qui i» doit mourir, trouvera la mort hors I» du péril. C'eft dans cette carrière \» que la fortune a fufpendu la cou» ronne due a vos exploits paffes ; » elle ne vous a fauvés de tant de m batailles , que pour vous récom» penfer ici par un triomphe glo!»> rieux. C'étoit pour vous conduire *> en ces lieux, qu'elle ouvroit a vos I ancêtres la route des Palus Méo-. ■ tides, fermée, inconnue pendant Tome VIL N Valentinien 111. Marcien Lnn. 451,  -Valentinien m, Marcien Ann. 4; i. XXIX. Bataille des champs Catalauaiques. Jorn. de reb. Get. c. 36. 37, 38, 40. Theoph. p, 90. Caffiod. chr. & Var, l. 3.ep. 1. na. Tun, Freculf. t JI, l. J. 6 14. Valef. rer Fr. I. 4. TUI, Attila, art, 12 290 H I S T O I R E w tant de fiecles. Ce champ de ba» » taille étoit le théatre de gloire, » que nous promettoient tant de fuc» cès inouis. Armez-vous d'une no» ble fureur; abreuvez-vcus de lang, » ralTaffiez-vous de carnage. Que ce» lui qui fe lentira atteint d'une blef» fure mortelle, n'expire qu'après » avoir immolé fon ennemi. J'irai le » premier a la charge : meure qui» conque refufera de fuivre Attila ". Après ces paroles, il rangea fon1 armée. 11 fe réferva le centre aveci fes Huns , tk placa les autres nations fur les ailes. Ardaric, a la tête des Gépides, commandoit 1'aile droite^ Valamir étoit a 1'aile gauche avec fes Oflrogoths. Aëtius & Théodoric, ani-i més d'une émulation mutuelle, fe dif-i -pofoient auffi a fignaler leur valeurj Aëtius pritle commandement de 1'aile gauche, ou il placa les Romains; Théodoric, fuivi des Vifigoths , fe .mit è. la tête de 1'aile droite. Sangi-i ban, dont ils fe défïoient, fut placé au centre avec les Alains & les au-i tres auxiliaires, afin qu'étant ainfi en-! fermé, il fut forcé a faire fon devoir Jamais 1'Europe n'avoit vu deux ar«;  nv Bas-Empirb. Liv. XXXIIL 291 mees fi nombreufes en préfence 1'une de 1'autre. C'étoit le nord & le midi qui venoient s'entre-choquer avec fureur : 1'ambition d'un feul homme alloit faire périr des nations entieres, &c détruire en peu d'heures ce que ia nature s'étoit efforcée de produire •& de former pendant une longue fuite d'années. Attila, a la tête de tant de Rois, s'annoncoit comme le maitre du monde : Aëtius, le défenfeur de > 1'Occident, le fléau des barbares , nourri dans les combats & toujours I vainqueur, bridoit d'impatience de : couronner tant d'exploits par une il1luftre vicfoire;,&Théodoric, qui avoit 1 .vu fonder dans la Gaule le Royaui me des Vifigoths, vouloit le cimenter du fang des Huns dans cette mémora, ble journée. Les plaines hériffées de fer plus loin que la vue ne pouvoit t-s'étendre, préfentoient un fpedfacle i terrible, qui devint bientöt affreux l.par la rage des combattants. L'hiftoij-re n'a pasi entrepris de tranfmettre a jla poftérité le détail d'une bataille, idont les circonftances particulieres iconfondues & enfévelies dans une ; foule fi prodigieufe - ont dü échanN ij ValentinienIII. Marcien Ann, 45 ia  Valentinien m. Marcien Ann. 451. 292 HlSTOTRS per même a la connoilTance des Généraux. Elk fe contente de dire , que jamais en li peu de temps on ne vit tant d'exemples divers d'une impétueufe & opiniatre fureur. Un riiiffeau qui traverfoit la plaine fut bientöt gonflé de fang, & les bleffés qui, mourant de foif, fe trainoient fur fes rives, y expiroient en buvant fes eaux corrompues. Les Romains & les Vifigoths fe difputerent par des efforts incroyables 1'honneur de la vicfoire, & chaque Hiftorien en attribue la plus grande part a fa nation. Les Romains même conviennent que Théodoric contribua puiffamment au fuccès de la bataille , dans laquelle il termina glorieufement fa vie. Ce Prince, avancé en age, mais plein de feu & de vigueur, courant de rang en rang pour animer fes foldats, fut abattu de cheval, & foulé aux pieds de fes cavaliers. Ce fut un Officier Oftrogoth , nommé Andage, de la race des Amales, qui le per^a d'un dard. Les Vifigoths , dans le tumulte de 1'aöion, ne s'appercurent pas de la chüte de leur Roi - & continuerent a combat-  , du Bas-Empire. Liv. XXXIII. 193 tre avec courage. Après avoir enjfpncé les Oflrogoths qu'ils avoient 1 en face, ils chargerent les Huns en I flanc avec tant de vigueur, qu'Attila I lui-même courut un grand rifque. Ef•| frayé pour la première fois de fa vie, ;|il fit fonner la retraite a la fin du jour. Le camp des Huns étoit environné jde leurs chariots, qui formoient une IpalifTade impénétrable. Attila les remtplit de tireurs d'arc; il en garnit en?core toutes les avenues du camp , 3spour en défendre les approches. Cespendant Thorifmond , hls de Théo| doric, qu'une bouillante valeur avoit cjemporte au milieu des efcadrons engnemis,. revenant du combat au comijmencement de la nuit, prit le camp Jd'Attila pour celui des Vifigoths, Sc sne s'appercut de fon erreur que lorffjqu'il fe vit attaqué. Comme il fe défendoit avec courage, il recut a la tête une bleffure qui 1'abattit de fon cheval : mais il fut fauvé par fes ;gens. Aëtius courut la même fortu:ne ; il fe trouva enveloppé d'ennetmis, tk ne dut fon falut qu'a la même obfcurité qui 1'avoit féparé de 'fes troupes : il revint a fon camp N iij Valer- tinien III. Marciin üan. 451. XXX. Suites de a bataile.  ValentinienIII. Marcien Ann. 451, 294 HlSTOIRE fans favoir qui de lui ou d'Attila étoit vainqueur, & fit paffer la nuit £l fes^ foldats fous les armes. Le lendemai»» les premiers rayons du jour découvrirent aux yeux des deux armées, le fpectacle le plus horrible & le plus afïligeant pour 1'humaité. Dans toute cette vafte étendue qu'avoient occupée les deux armées, la terre étoit: jonchée de cadavres. Trois cents mil- 1 le hommes, felon les un* , & felon 1 ceux qui réduifent au moindre nom- ■ bre la perte des deux armées, cent: foixante tk deux mille hommes, cou-1 ehés fans vie , & la plupart défïgurés par de cruelles bleffures, condamnoient par un fanglant & affreuxi exemple cette rage inhumaine, qui anime les mortels a s'entre-détruire. Les Romains Sc les Vifigoths ne fö reconnurent vainqueurs, que lorfqu'ils virent Attila fe tenir enfermê dans fon camp. Cependant ce Prince, tel qu'un lion, qui, du fond de fa taniere, effraye encore de fesrugiffements les chaffeurs qui Pont pourfuivi, faifoient retentir fes retranchements du fon des trompettes &z de« autres inftruments de guerre, comn  nu Bas-Empike. Liv. XXXIII. 295 me s'il eut été prêt a fortir k chaque inftant. De deffus fes chariots partoit fans ceffe une grêle de fleches qui écartoit les ennemis. On prit le parti de le tenir affiégé, dans 1'efpérance de le réduire par famine. Ce fut alors que pour ne pas tomber dans un indigne efclavage, après avoir été le maitre de tant de Rois, il fit dreffer au milieu de fon camp un bücher des felles de fes chevaux, a deffein de s'y brüler lui-même, dès qu'il fe verroit réduit k la nécefiité de périr ou de fe rendre. L'abfence de Théodoric, dont la mort étoit encore ignorée, caufoit a fes deux fils de mortelles inquiétudes. Après 1'avoir long-temps attendu, ils le firent chercher fur le champ de bataille, oii il fut enfin trouvé fous un monceau de cadavres. On célébra fes funérailles k la vue des ennemis avec tous les honneurs militaires , & les Vifigoths mêlerent leurs larmes au fang des Huns dont ils étoient couverts. Ce Prince méritoit leurs regrets. II avoit régné avec gloire pendant trente-deux ans, &z s-'étoit rendu auffi cher k fes fujetsN iv Valentinien III. Marcien %.nn. 451. XXXI. Thorifmond Sc Mérovée retournent darts leurs Etats. Jorn. de reg. Git. e, 41. Vahf. rtr. Fr. I. 4.  Vaien- TINIEN. III. Marcien Aim. 451, £96 HlSTOIRB que redoutable aux Romains. Au milieu de cette pompe funehre, Thorifmond, Fainé de fes fils, fut proclamé Roi. Ce Prince, auffi brave que fon pere, embrafé du defir delevenger, vouloit de fa fépulture courir a 1'attaque du camp d'Attila ; mais il crut ne devoir rien entreprendre fans confulter Aëtius , dont il refpeftoit les talents & 1'expérience. Ce Général politique, après s'être fervi des Vifigoths & des Francois pour arrêter Attila, ne fongeoit plus qu'a les éloigner. II craignoit que deux Princes tels que Thorifmond & Mérovée ne voulufTent recueillir tout le fruit du fuccès, & qu'ils ne s'unifTent pour achever de détruire en Gaule la puiffance Romaine. Dans cette penfée, il confeilla au nouveau Roi de retourner promptement dans fes Etats , lui repréfentant qu'il y avoit laiffé quatre freres , très-capables de s'emparer de la couronne en fon abfence, s'il ieur laiffoit le temps de fentir leurs Forces & de former leur complot. En nême-temps , pour flatter la vanité. de ce jeune Prince, il honora fa va-, leur d'une récompenfe militaire, di-  du Bas-Empire. Liv. XXXIII. 297 gne par fon prix d'être offerte a un Roi. C'étoit un bafïin d'or pefant cinq cents livres. Thorifmond prit 1 aifément les fentiments de défiance que lui infpiroit Aëtius: il partit aufïïtót avec fes Vifigoths, pour retourner a Touloufe, oü les témoignages de joie tk de tendreffe qu'il recut de fes freres, étoufferent fes foupcons auffi promptement qu'il les avoit coneus. La même rufe réuffit auprès de Mérovée. Aëtius lui fit craindre les intrigues de Clodebaud; tk par ce doublé artifice, il fe défit de ces fecours qui pouvoient devenir dangereux. L'éloignement des deux natïons étrangeres, les plus puiffantes de celles qui s'étoient jointes a Aëtius , diminuoit confidérablement fes forces. Mais dans 1'état ou fe trouvoit le Roi des Huns, il en refioit affez aux Romains, pour mettre ce Prince hors d'Etat de rien entreprendre. Des cinq. cents mille hommes qui avoient fuivi Attila au fortir de fon pays, il en avoit fans doute perdu un grand nombre dans les diverfes attaques des forts le long du Danube. Ce Prince barbare eftimoit le temps plus que les homN v Vai en- tinien III. Marcien Ann. 4ï e» XXXII. Retraite d'Attila. Jorn. Je reb. Gel. e, 41. Valef. rer. Fr. I. 4. TUL Attila, art. ij.. & Marcien^ art. 7. Al/at. illuflr. 1.1, p, 179 5 4^9'  ValentinienIII. Marcien Ann. 451. SJlS HlSTOIRE mes; & dans la rapidité de fes conquêtes, il prodiguoit le fang de fes foldats. Les marches forcées, ladifette, les maladies en avoient encore fait périr un grand nombre avant que d'entrer dans la Gaule. II en étoit refté un corps nombreux dans lTllyrie, oii ils furent défaits cette année même par Ardabure. Qu'on y ajoutè les pertes inévitables dans la prife &C le faccagement de tant de places, dans le fiege d'Orléans , dans la furprife qui obligea les Huns d'abandonner Cette ville, tk le carnage qu'ils effuyerent dans la plus langlante bataille qui fut jamais , on ne fera pas étonné qu'Aëtius ait congédié plus de la moitié de fes troupes, & que Grégoire de Tours ait dit qu'Attila fe retira peu accompagné. Ce Prince, ayant appris la retraite des Vifigoths tk des Francois, penfa d'abord que ce n'étoit qu'une feinte pour 1'attirer hors de fon camp; mais lorfqu'il en fut afTuré, il fe mit en campagne, tk marchant en bon ordre, paree qu'il étoit fuivi d'Aëtius, il regagna le Rhin én diligence , & retourna dans fes Etats par la Pannonie - en cötoyant  du Bas-Empire. Liv. XXXITL apjr encore le Danube. Quelques Auteurs ; ont écrit que clans ce retour, il faccagea Langres & Befancon, 8c qu'Aëtius auffi-töt après la bataille, s'étoit 3 retiré dans la Province Lugdunoife ' ou même en Italië. L'un 8c 1'autre de ces faits eft également dépourvu de vraifemblance. II eft beaucoup plus probable qu'Aëtius ne fut pas affez mal-habile pour s'expofer a perdre le fruit de fa viöoire ; qu'il ne revint k Arles qu'après avoir vu Attila audetè du Rhin ; 8c que fi Langres 8c Befancon ont été faccagées par Attila , ce n'a pu être que lorfque ce Prince entra dans la Gaule , Sc qu'il ruina tant d'autres villes. Tel fut le fuccès de cette expédition, qui laiffa dans tout 1'Occident une impreflion d'horreur 8c d'épouvante, que le nom d'Attila renouvelle encore après tant de ftecles. Les ravages d'Attila & le féjonr de 1'armée même d'Aëtius, qui fubfiftoit aux dépens de la Gaule, avoient réduit cette Province k un Etat dêplorable. Pour la ruiner a jamais, il ne falloit plus qultn Intendant avare qui, k la faveur de ces troubles , auN vj- Vaien- t1n1eï* Ui. rlARCIEIï k.nrt; 45 s- xxxin. Ferréol, Préfet des Gaules. Sid. I. I. tp. 7. I. 7. 12;. Idem , garm. 24,  .valentinienIII. Marcien Ann. 451. Novcl. Valent. intei Thtodof. 37- ldac. chr. TUI Va Unt. lil. art. 24. Mém. Acad. t. III. Hifi. p. 180. 300 JrJlSTOIRS roit achevé de tirer le fang des peuples , & le feroit enrichi du refte de leurs dépouilles. Ce fut le feul fléau que n'éprouva pas cette malheureufe contrée : elle trouva au contraire dans Féquité & dans la fagefTe de Tonance Ferréol, un foulagement qu'elle pouvoit a peine efpérer. Ce Magiftrat, digne de toute la reconnoiffance de la poftérité , étant alors Préfet de la Gaule, futy établir un lï bon ordre, que loin d'être obligé d'impofer de nouvelles taxes, il diminua les anciennes. Actif & fécond en expédients pour le bien des peuples, il réparoit les maux que caufoit la guerre. Auflitöt après le paffage des armées, les campagnes reprirent une face riante; & la terre qui recele fes tréfors, & dont les plus cruels ennemis ne peuyent détruire que la furface, fe vit dès 1'année fuivante couronnée de fruits & d'abondantes moiffons. Sidoine rapporte qu'après la retraite d'Attila , les Gaulois firent a Ferréol une forte de triomphe plus flatteur que la magnificence des anciennes pompes Romaines, & qu'ils le porterent fur leurs épaules dans un bran-  nu Bas-Empire. Liv. XXXIII. 301 card avec degrands applaudiffementS' II étoit, par fa mere, petit-fi's de Syagrius, Conful en 3^1, & Préfet d'Itaiie pendant trois ans. Sa femme Papianille étoit, felon quelques Auteurs , fille d'Avitus , qui fut Empereür. Ce qui a pu le faire croire, c'eft qu'elle portoit le même nom que la femme de Sidoine , qui étoit en effet fille d'Avitus. Ce grand homme doit a fa renommée plus qu'a toute autre raifon 1'Honneur que lui a fait un de nos hiftoriens, de le prendre pour la tige de la troifieme race de nos Rois. Après avoir fibien fervi 1'Etat, il pafla «ne heureufe vieilleffe dans la retraite 1 & dans la pratique des vertus chré] tiennes. Un paffage de Sidoine mal enij tendu a fait penfer a quelques-uns j qu'il étoit mort Evêque d'Arles. Ses ij vertus , en lui procurant une gloire | véritable , kii ont encore après fa ( mort fait prêter des titres , qui n'ont I d'autre fondement que le refpett dü j a fa mémoire. II eut trois fils, To1 nance, Rorice & Firmin , dont le 1 mérite fut enféveü dans les défordres i & les ténebres des temps oü ils vécurent, II parut cette année une comete Valen- tiniek III. Marcien Aan. 45 s,  Valentinien in. Marcien Ann. 451, XXXIV. Concile général de Chalcédoine.Theod. L. I. i. Evag. I. 2. «.2,4,18. Cod. hfi. I. i. tit. 2. hg. 12. Tit. 7. leg. 6. Tit. ii. leg. 7- Tit. IZ.leg. 5- Theoph. p. 9°, 91Cedr. p. 345- Anafi. in Marciano. Baronius. Pagi ad Bar. 3«ï HlSTOIRÈ qui commenca de fe faire voir le 18 de Juin , tk qu'on appercevoit encore le premier d'Aoüt. II y eut en Galice de fréquents tremblements de terre. Valentinien foulagea 1'Afrique opprimée par les Vandales, tk fit des libéralités confidérables a ceux que les ravages de ces barbares avoient ré» duits a 1'indigence. Dès le mois d'Avril, Marcien avoit envoyé Tatien, Préfet de Conftantinople, offrir a Valentinien toutes les forces de i'Orient, tk 1'aflurer d'une parfaite correfpondance. On en vit les effets 1'année fuivante. Mais Marcien employa celle-ci a terminer une affaire importante , qui intéreffoit toute 1'Eglife. Depuis le conciliabule d'Ephefe, 1'héréfie d'Eutychès triomphoit; Théodofe 1'avoit appuyée jufqu'è la fin de fa vie, tk 1'impétueux Diofcore employoit tout ce qu'il avoit de pouvoir a perfécuter les Evêques Catholiques. Pulchérie n'eut pas plutót placé Marcien fur le tröne, qu'elle Lui confeilla de fancf ifier les commencements de fon regne, en réparant les maux qu'avoit caufé 1'aveugle prévention de fon prédéceffeur. Marcien,  , nu Bas-Empire. Liv. XXXIII. 30$ par des lettres circulaires datées du 17 de Mai, convoqua un nouveau Concile général k Nicée en Bithynie pour le premier de Septembre. Cette convocation mit en mouvement a Conftantinople les partifans d'Eutichès; ils formoient des conventicules en divers lieux pour fe concerter; ils portoient jufqu'au pied des Autels 1'efprit de divifion & de cabale, applaudiffant par des acclamations a leurs prédicateurs, interrompant les autres par leur tumulte. L'Empereur fut obligé de défendre ces facfions fcandaleufes, fous peine du dernier fupplice. Cependant les Evêques fe fendoient a Nicée; & comme une infinité de clercs, de moines & de laïcs, attachés a la doörine d'Eutychès, y accouroient de toutes parts pour troubler le Concile , Pulchérie donna ordre a Stratege, Confulaire de Bithynie , de chaffer de la ville cette foule turbulente & féditieufe. Marcien, k la priere des Légats du Pape, qui craignant 1'audace de Diofcore, déclaroient qu'ils n'afhfteroient pas au Concile , fi l'Empereur n'affuroit par fa préfence la liberté des fuffrages} tranf- Valen- tinien III. Marciew Ann. 451. TUL VaUnt. 111. art. 24. Fkury , hifi. EccUf. I. 27. art. 51. /. 28. art. i & fuiv. Le Quien i Oriens Chrifi. t. 1. c. 6 & feaq. Liherat Diac. c 13.  Vaien- TINIEN - 111. Marcien Aan, 45ï. i ( < 1 ( < 3 1 304 HlSTQlRB. féra le Concile a Chalcédoine, paree que les courfes des Huns dans 1'lllyrie 1'empêchoient de s'éloigner de Conftantinople. On s'affembla dans 1'Eglife de Sainte-Euphémie , fituée dans un lieu très-agréable , a deux ftades du Bofphore. Le Concile s'ouvrit le huitieme d'Octobre. Dix-neuf des premiers Officiers de 1'Empire y affifterent pour maintenir le bon ordre. II s'y trouva lix cents trente Evêques, d'autres difent cinq cents vingt: dans les actes, on ne lit les noms que de trois cents foixante. Fous ces Prélats étoient fujets de 1'Empire d'Orient, excepté deux Evêques d'Afrique, & les quatre Légats lu Pape qui préfiderent. Anatolius, Evêque de Conftantinople, n'eut féan:e qu'après les Légats. La défolatioa le 1'Occident ne permit pas aux Evêrpies de quitter leurs Eglifes. Ce Con:ile répara le fcandale du concilia)ide d'Ephefe. La dodfrine d'Euty:hès fut condamnée ; on renouvella :n même-temps la condamnation déa portée contre Neftorius : Diofcore ut frappé d'anathême &. dépofé. Les utres Evêques qui s'étoient unis a,  du Bas-Empire. Liv. XXXIII. 305 lui contre Flavien, protefterent qu'ils avoient cédé a la violence, demanderent pardon de leur foibleffe; &C ayant prononcé anathême contre Eutychès , furent réconciliés k 1'Eglife. On déclara que la lettre de Saint Léon k Flavien, contenoit la foi la plus pure fur le myftere de 1'Incarnation, & cette lettre forma la définition du Concile contre Ferreur d'Eutychès. L'Empereur affifta en perfonne k la lixieme feflion qui fut tenue le 15 d'Octobre. II s'en étoit abfenté jufques-la, pour laifTer aux Evêques une entiere liberté fur ce qui regardoit la décifion du point de foi. II harangua en langue latine : c'étoit encore celle de 1'Empire, &c fon difcours fut interprété en grec en faveur des Evêques Orientaux, dont le Concile étoit compofé. Ce qui marqué Fattention de 1'Eglife Romaine k foutenir fon rang de primauté, c'eft que Julien, Evêque de Cos, Légat du faint Siege , quoiqu'il fut Grec , qu'il fut parfaitement cette langue, &c qu'il parlat a des Grecs, ne s'exprima qu'en latin, & un autre Evêque lui fervoit d'interprête , paree qu'il étoit de Vaien- TINIESï ui. Marciev Ann. 451. XXXV. L'Empereur vient au Concile.  ValentinienIII. Marcien Ann. 451. 306 UlSTOIRE la majefté de 1'Eglife Romaine de ne point emprunter une langue qui lui étoit étrangere. L'Empereur protefta qu'a 1'exemple de Conftantin, il n'avoit voulu entrer dans cette fainte aflemblée, que pour appuyer de 1'autorité Impériale les fuffrages des Evêques, èt nullement pour les contraindre : il exhorta les Prélats a ne conlidérer que la vérité tk la tradition de 1'Eglife ; il fit lire la définition de foi arrêtée par le Concile; elle fut foufcrite par tous les Evêques , qui protefterent enfuite k haute voix que leur foufcription étoit Kbre & volontaire. Entre autres louanges qu'ils donnerent a 1'Empereur tk k 1'Impératrice dans leurs acclamations, ils nommerent Marcien le nouveau Conftantin, tk Pulchéde la nouvelle Hélene. Enfuite, pour faire difparoitre toute femence de divifion , l'Empereur dé-clara que ceux qui oferoient contredire la doctrine confirmée par le Concile , feroient chaffés de Conftantinople , privés de leurs emplois, & foumis aux peines canoniques. II propofa enfuite au Concile un projet de réglements, dont  nu Das-Empire. Liv. XXXIII. 307 il fit Ta lecïure, priant les Evêques de les confirmer par le fceau de leur autorité, s'ils les jugeoient utiles k 1'Eglife. Cétoient des articles de police eccléfiaftique qui fe reduifoient k trois. Par le premier, l'Empereur déclaroit qu'il honoroit fincérement la fainteté de la vie monaftique ; mais que quelques Moines, abufant du refpect que méritoit leur inftitut, pour troubler PEglife & 1'Etat, il étoit a propos d'ordonner que les Moines fuffent foumis k la jurifdidtion de 1'Ordinaire, & qu'ils vécuffent en repos, uniquement appliqués au jeune & k la priere, fans fe mêler d'afTaires ni eccléfiaftiques, ni féculieres, k moins qu'ils n'en fuffent chargés expreffément par 1'Evêque dans des cas de néceffvté. Le fecond article défendoit également aux Clercs & aux Moines de s'engager dans des affaires pécuniaires, comme de faire valoir des fermes, foit par eux-mêmes, foit pat les mains d'autrui, ou de fe charger d'une intendance, fi ce n'étoii celle des terres de 1'Eglife , dont 1'Evêque leur auroit confié le foin. L'Em pereur propofoit par le troifieme ar Valen- tikien III. Marcien Ann, 451,  ValentinienIII. Marcien Ann. 4ji, i l 1 ] ] 1 ] ] 1 I t t f i f 3^8 M i s t o i r e ticle, de défendre aux Clercs qui fervoient une Eglife de paffer au fervice d'une autre Eglife , a moins qu'ils ne fuffent chaffés de leurs pays par Jes barbares , fous peine d'excommunication , tant contre le Clerc qui abandonneroit fon Eglife, que contre 1'Evêque qui le recevroit. Ces trois articles furent approuvés par acclamation, & inférés dans les canons du Concile. Marcien demanda snfuite que, par honneur pour cette ainte affemblée, la dignité de méfropole fut conférée a la ville de Chalcédoine, mais de maniere que :e titre fut purement honorifique, & ie préjudiciat en rien aux droits de ^komedie, ancienne métropole de ïithynie. Les Evêques y confentient unanimement, & demanderent a permilïion de retourner dans leurs, )iocefes. LEmpereur les pria de deneurer encore quelques jours pour égler plufieurs affaires , qui, fans inerefïer la foi, caufoient cependant es divifions entre les Prélats. Elles Lirejnt terminées dans les fept jours -üvants , & 1'affemblée fe fépara le remier de Novembre.  mu Bas-Empire. Liv. XXX1H. 309 Tel fut le 'Concile de Chalcédoine, le quatrieme des Conciles généraux. Les décifions qu'il prononca fur la foi furent recues de toute 1'Eglife. On voit dans ce Concile 1'origine des penfions fur les bénéfïces: on affigne a quelques Evêques dépofés une fomme d'argent pour leur fubfiftance fur le revenu des Eglifes qu'ils ont gouvernées. Depuis le Concile d'Ephefe, 1'Evêque de Jérufalem prétendoit la primatie de la Paleftine; 1'Evêque d'Antioche la lui céda dans le Concile de Chalcédoine , Sc fe réferva feulement les deux PhésNnicies & 1'Arabie : ce concordat fut i confirmé par 1'autorité des Evêques i & des Magiftrats. Mais le canon le ' plus célebre , Sc qui fit naïtre dèsi lors, Sc plus encore dans la fuite de : vives conteftations, fut celui qui, 1 confirmant le décret du fecond Concile général, donnoit k 1'Eglife de Conftantinople le premier rang après celle de'Rome, Sc lui attribuoit jurifdiction fur les trois diocefes de Thrace, d'Afie Sc de Pont. Les Légats du Page réclamerent contre ce décret fait en leur abfence; le Pape ValentinienIII. Marcien Ann. 451. XXXVI. Suites de ce Concile.  ValentinienIII. Marcien Ann. 451. 310 Z/ISTO/AE Saint Léon, en qualitée de confervateur de 1'ancienne difcipline, refufa conftamment de reconnoitre ce canon , malgré les inftances de Marcien , 6c foutint les prééminences des deux fieges d'Alexandrie 6c d'Antioche fur celui de Conftantinople. L'ambition de la nouvelle Rome donnoit de 1'ombrage a 1'ancienne ; & pour éloigner 1'Evêque de Conftantinople de 1'égalité a laquelle il paroiffoit afpirer , 1'Eglife Romaine ilevoit 1'empêcher de franchir les deux degrés qu'occupoient les deux fieges intermédiaires. D'ailleurs, cette pré-tentioH s'appuyoit fur un principe faux , & qui affoiblifToit le fondement de la primauté de 1'Eglife de Rome. Au-lieu de reconnoitre dans cette prééminence 1'inftitution apoftolique , on fuppofoit que Rome n'étoit le premier fiege , que paree que cette ville étoit la première de 1'Empire ; d'oii Pon concluoit qua Conftantinople étant devenue ville Impériale, fon Evêque devoit avoir le premier rang après celui de Rome. On voit que.ee raifonnement con4wifo.it a prétendre enfin 1'égalité,  nu Bas-Empire. Liv. XXXIII. 311 puifqu'elle étoit établie entre les deux Empires. Mais la fermeté invincible de Saint Léon, fit enfin plier Anatolius; &c Marcien , qui avoit d'abord fecondé avec complaifance 1'ambition de fon Evêque, fe défifia de fes follicitations. On croit même , mais fans beaucoup de fondement, que ce Prince avoit en vue d'anéantir cette femence de difcorde par la loi qu'il publia Pan 454 ; il y confirme les privileges que les Princes précédents ont accordés aux Eglifes , & caffe toutes les conceffions obtenues par brigue & par faveur contre la teneur des anciens canons. Si cette loi regarde les prétentions des Patriarches de Conftantinople, il eft certain qu'elle ne les détruifit pas. Ils furent bien dans la fuite tirer avantage du canon de Chalcédoine. On voit par la lettre fynodale adreffée a Saint Léon, que le Concile, en favorifant le projet d'Anatolius, ne retranche rien du refpect dü k 1'Eglife Romaine : il reconnoït le Pape pour chef de PEglife univerfelle. C'eft depuis ce Concile que le titre de Patriarche eft devenu commun aux cinq grands fie- Valen- tin1en III. Marcien Ann. 451.  Valentinienlil. Marciek Ann. 451 316 IllSTOIRE ges, Rome, Alexandrie, Antioche , Conftantinople & Jérufalem. Ce titre s'eft même communiqué clans la fuite a quelques mëtropoles de moindre confidération, comme a celle d'Aquïlée. L'Empereur appuya par plufieurs loix les décrets du Concile; il défendit les difputes de Religion, traitant d'impiété & de facrilege l'audace qui fe permet 1'examen après la décifioni de tant d'Evêques. II révoqua la loi de fon prédéceffeur donnée contre: Flavien en faveur d'Eutychès & du. conciliabule d'Ephefe; il foumit les; fecfateurs opiniatres de 1'héréfiarque a toutes les peines déja décernées Êontre les hérétiques. Malgrécesédits^ lesEutychiens conferverent leur crédit en Egypte & en Paleftine : & le zele de Marcien , qui mérita les éloges de Saint Léon, ne s'alluma pas au point de lui faire ouhlier que les hérétiques, quoique hors de 1'Eglife, étoient cependant fes fujets. II n'employa aucune violence pour faire figner les décrets du Concile; il fe contenta d'éloigner Diofcore, qui fut •relégué a Gangres en Paphlagonie, Protérius fut établi avec beaucoup de  du Bas-Empire. Liv. XXXIII. 313 de difficulté fur le fiege d'Alexandrie; & cette éleöion fufcita bientöt de nouveaux troubles, dont nous parlerons dans la fuite. Les affaires de 1'Eglife occuperent Marcien une partie de 1'année fuivante ; mais ne 1'empêcherent point d'étendre fes foins & fa vigilance fur les autres parties de 1'Etat. Ceux qui entroient dans le confulat avoient coutume de faire des largeffes au peuple : l'Empereur ordonna que eet argent qui fe perdoit en diftributions frivoles, fut appliqué plus utilement a la réparation du grand aqueduc de Conftantinople. On vit cette année tomber trois pierres fort grofies aü milieu d'une campagne de Thrace; & comme on ignoroit la caufe naturelle de ce phénomene , on les fuppofa tombée du cieL Les Sarrafins faifant des courfes, furent défairs prés de Damas par Ardabure, Général des troupes d'Orient. Dorothée, Gouverneur de Paleftine , les pourfuivit jufques dans le pays de Moab. Maximin , grand Chambellan, auffi habile dans la guerre que propre aux eraplois de la Cour, avoit été envoyé Tornt VIL O Valen- TINIEM III. Marwei? Ann. 452,, XXXVI!» Guerres contre les SarafinsSt les Blemmyes.Mare. chr. Prifc. p. 40, 41. Proc. Perf. I. l.c. 19, Niccph. CalLl.it. e. 9. Jorn. ie regn. fut'  ValentinienIII. Marcien Ann. 452. 314 HlSTOIRS par l'Empereur, pour arrêter les ravages des barbares qui défbloient la Thébaïde: en paflant a Damas, il y trouva les députés des Sarafinsqui vevoient demander la paix. Elle fut concilie aux conditions que voulut leur impofer Ardabure. Maximin étant arrivé dans la Thébaïde, défit les Blemmyes, dont les courfes continuelles infeftoient la frontiere de 1'Egypte. La valeur de ce Général, jointe a fon humanité, lui gagna les cceurs de ces peuples féroces; & plus par eftime que par crainte, ils demanderent k traiter avec lui, promettant de refter en paix tant qu'il demeureroit dans la Thébaïde. Maximin n'acceptant pas cette condition, ils offrirent de ne point prendre les armes, tant qu'il vivroit. Cette propolition étant encore rejettée , ils convinrent enfin d'une treve de cent ans : les conditions furent, qu'ils relacheroient, fans rancon , les prifonniers qu'ils avoient faits, tant dans la derniere incurfion, que dans les précédentes; qu'ils rendroient le bétail qu'ils avoient enlevé, ou qu'ils payeroient ce qu'ils ne pourroient rendre ; qu'ils  du Bas-Empire. Liv. XXXin. 315 donneroient en ötage les enfants des premiers de la nation. On leur accorda la permiifion de paffer dans rille de Philes, pour aller au temple d'Ifis : c'étoit une ancienne fuperftition. Dans 1'Hle de Philes, fituée au milieu du Nil, k quatre ou cinq lieues au-deffus de Syene, fur la frontiere d'Ethiopie, étoit un fameux temple d'Ifis. Dioclétien j avoit établi des autels communs aux > Romains & aux barbares. Le temple 1 étoit deflervi par des Prêtres des deux inations, & ce culte facrilege n'étoit 4 pas encore aboli. Les Blemmyes s'y ilrendoient dans un certain temps de ll'année, emportoient la DéefTe dans leur pays; tk après 1'avoir confultée a leur maniere , ifs la rapportoient idans fon temple. Maximin , appaTemment plus politique que délicat ien fait de Religion, confentif a cette pratique idolatre. Pour rendre même le traité plus inviolable a ces barbares , il en fit attacher 1'original aux murailles du temple d'Ifis en préfence de leurs députés. Les ötages furent livrés, tk ce fut la première fois que les Romains en recurent des BlemO ij ValentinienIII. Marcien Ann. 45 2.  valentinienIII. Marcien Ann. 45 z. XXXVlll Attila vient en Italië. Profp. chr. ldac. chr. VaUf. rer. Fr. I. 4. 316 HlSTOlfLB myes. Mais peu de jours après, Maximin étant mort de maladie , les barbares enleverent de force leurs étages , & recommencerent la guerre. A cette nouvelle , Florus, Préfet d'Egypte, partit d'Alexandrie, & ayant fait une extréme diligence, il raffembla les troupes Romaines, fondit fur les Blemmyes, &c les forea d'abandonner le pays. Mais la principale attention de Marcien fe portoit a obferver les mouvements d'Attila. 11 favoit que eet irréconcilable ennemi fe préparoit a une nouvelle irruption. 11 découvrit que le defTein du Roi des Huns étoit d'envahir 1'Italie , & détacha auffi-tot une partie de fes troupes pour courir au fecours de Valentinien. Sa prévoyance ne fut pas inutile. Attila fe mit en marche, traverfa la Pannonie & le Norique, portant par-tout la défolation. On eut dit que c'étoient les Romains qui avoient été vaincus, tant ils étoient confternés, tandis que les Huns brüloient d'ardeur, & ne refpiroient que les combats. Aëtius, qui auroit dü fermer les paffages des Alpes, effrayé lui-mê-  du Bas-Empire. Liv. XXXIII. 317me de cette invafion foudaine, fongeoit a quitter 1'Italie pour fe fauver en Gaule : il confeilloit a Valentinien de fuir avec lui. Cependant la honte 1'emporta fur la terreur : Valentinien fe renferma dans Rome, 6c abandonna tout le pays au-dela. du Pö , fe perfuadant que le pillage de ces riches Provinces pourroit affouvir 1'avarice 6c la cruauté de 1'eiv nemi. Les Huns ayant pris 6c pillé fur leur paffage la capitale des Vindéliciens, nommée aujourd'hui Augfbourg , traverferent les Alpes Juliennes, 6c vinrent mettre le fiege devant Aquilée , ville grande, commercante, bien fituée , environnée de fortes murailles , 6c défendue par une nombreufe garnifon. Le fleuve | Natifon qui la baignoit a 1'Orient, | formoit a fon embouchure un port | éloigné de la ville de prés de trois lieues, oü étoit affemblée la flotte : que 1'Empire entretenoit dans la Vé: nétie. Cinquante - deux ans aupara< vant, Aquilée avoit réfifté aux efh forts réunis d'Alaric 6c de RhadagaiI fe, 6c elle tint encore lons;-temps conÖ iij ■ ValentinienIII. Mahcïen Ann. 451, XXXIX. Ravages au-dela du Pó. Jorn. dt rtb. Gst. c, 42. Proe. Vand.l. i, e. 4. Theoph. p. 92. Confttsne. Porphyr.de adm. imp. c. 28; CaJJiod. L 12. ep. 24. Suid voce MêtM- PaulDUc. Baronius. Valef. rer. F,. I. 4.  ValentinienUI. Marcien Ann. 4J2. 318 HlSTOIRB tre les furieux aflauts d'Attila. Les Huns étoient rebutés , & le Roi fe préparoit a lever le fiege , lorfqu'il appercut une cicogne, qui, abandonnant le nid qu'elle avoit dans une des tours , tranfportoit quelques-uns de fes petits fur fon dos, les autres volant a peine devant elle , & les alloit dépofer dans la campagne loin de la ville. Ce Prince conjeclura par la retraite de eet oifeau que la tour étoit proche de fa ruine , & fe tournant vers fes foldats : Voyeqvous, leur dit-il,. eet habitant <£Aquilée qui déloge avec fa familie ; il efl mieux ir.flruit que nous de l'état des murs , & nous avertit qu'ils font prêts d tomber. II n'en fallut pas davantage pour les animer ; ils retournent k 1'attaque, & font jouer toutes leurs machines : un pan de muraille s'écroule, & ouvre une large breche. Les habitants & la garnifon font faits prifonniers ou paffes au hl de 1'épée. La ville eft faccagée,& réduite en cendres. On rapporte qu'une femme , nommée Dugna, des plusnobles d'Aquilée, parfaitement belle & auffi l vertueufe , qui habitöit dans une  nu Bas-Empire. Liv. XXXIII. 319 des tours dont le pied étoit baigaé par le fleuve, apprenant que les Huns étoient maïtres de la ville , fe précipita. pour fe fouftraire a la brutalité des foldats barbares. Les Huns, altérés du fang des Romains, courent toute la Vénétie ; ils détruifent Concordia, Altinum , Padoue , Vicence , Vérone, Brefce & Bergame. Ils fe jettent enfuite dans la Ligurie, pil— lent Milan & Pavie, mais fans y mettre le feu. Attila étant entré dans Milan , appercut fous un portique un grand tableau, oü l'Empereur étoit repréfenté aflis fur un tröne d'or , &£ une multitude de Huns étendus morts fur la terre, comme après une fanglante défaite. II ordonna d'effacer le tableau , & s'y fit peindre lui-même aflis fur le tröne, & devant lui l'Empereur chargé d'un fac rempli d'or, qu'il répandoit a fes pieds. Ce fut dans ce ravage que les habitants de la Vénétie & de 1'Emilie fe fauverent dans les ifles du Golfe Adriatique, & y batirent des cabanes, qui ont donné 1'origine a la ville de Venife. Cafliodore, qui écrivoit cinquante ans après, en parie comme d'une ville déja O iy Valen- TINIEIf III. Marcien Ann. 451.  ValentinienIII. Marcien Ann. 452. XL. Sr. Léon ra tiouver Attila. Jorn. de rib. Git. c. Paul D ine. Hifi. Mifiel. I. 15. Cajpod. thr. Jdac. chr. Tri/ï. p. 40. Sid. 1. 1. ep. 9. Sigon. imp, Occid- l. 15- Valef. rer. Fr. I. 4. 320 HlSTOlRB fameufe & remplie de noblefle. Plus de trente ans avant 1'arrivée d'Attila , les Padouans, maitres des Lagunes , avoient attiré des habitants dans Fifle de Rialte, dont ils avoient fait un afyle, ou 1'on fe réfugioit fous leur proteöion. Mais les foixante Sc douze illes, dont la réunion forme la ville de Venife, ne fe peuplerent que dans Pinvafion des Huns. Attila s'avanca jufqu'a 1'endroit oii le fleuve Mincius fe jette dans le Pö prés de Mantoue, au milieu d'une plaine nommée alors la campagne d'Ambulée. II s'arrêta en ce lieu pour délibérer s'il marcheroit a Rome. Son armée étoit fort diminuée par les maladies & par la difette de vivres. Les partis qu'il en envoyoit au-del& du Pö pour faire le dégSt, ne revenoient point: ils étoient tous taillés en pieces par Aëtius. Ce Général ayant recu le fecours de Marcien, couroit toute la contrée a la tête d'un camp volant, Sc furprenoit les détachements des Huns , qui, fans connoitre le pays, fe laiffoient emporter k 1'avidité du pillage. Cependant il reffoit encore au Roi des Huns af-  nu Bas-Empire. Liv. XXX11L 321fez de troupes pour achever la conquête de 1'Italie, li fes principaux Officiers, frappés d'une crainte fuperftitieufe, ne Pèuffentfait balancer. La mort d'Alaric, qui avoit fuivi de prés le faccagement de Rome, leur faifoit appréhenderle même fort pour Attila. Mais Valentinien redoutoit avec beaucoup plus de raifon, 1'approche de 1 'ennemi. Le Confeil de ce Prince, & le Sénat plufieurs fois confulté, ne trouverent point d'autre reffource, que de lui envoyer des députés pour effayer de le porter k la paix. Le Pape Saint Léon , qui favoit que Dieu difpofe a fon gré des cceurs les plus inflexibles, fe chargea de cette périlleufe négociation: on le fit accompagner de Gennadius Avienus, & de Trigétius. Avienus étoit un perfonnage illuftre , Conful deux ans auparavant, & qui prétendoit defcendre de Valerius Corvinus. Trigétius avoit été Commandant en Afrique , & Préfet da prétoire d'Italie. Ces députés furent mieux regus qu'ils nel'efpéroienteux-mêmeS. Saint Léon , armé d'une puiffance invifible, mais fupérieure a toutes les forO v Vaien- t1nieh III. Marcien Ann, 4J2.  ValentinienUi. Marcien Ann, 4J2, 322 IIlSTOIRS ces humaines , parut devant le Roï des Huns avec cette fainte intrépidité, dont Raphaël a fi bien fait revivre le divin caraöere dans 1'admirable tableau qui repréfente cette grande entrevue. La fermeté du Prélat étonna le conquérant barbare, que les plus puiffants Rois fes vaffaux n'envifageoient qu'en tremblant. Attila confentit a écouter les propofitions de Valentinien, & fit cefTer les hoffilités. On convint de lui payer un tribut annuel. A cette condition, il accorda une treve, & reprit au commencement de Juillet le chemin du Danube, menacant cependant de revenir avec de plus grandes forces , fi l'Empereur ne lui envoyoit Honoria fa femme avec la part qui étoit due a cette Princeffe dans les tréfors de fon pere. On rapporte que les •Huns, qui s'étoient attendus & s'enrichir du pillage de Rome, mécontents d'une fi prompte retraite, difoient que leur Roi qui ne pouvoit être vaincu par les hommes , s'étoit laiffé vaincre par deux animaux féroces, un lion & un loup. C'étoit une allufion grofiiere au nom de Saint  du Bas-Empire. Liv. XXXIIF. 3,^ Loup, qui, 1'année précédente , avoit fauvé la ville de Troyes , & a celui de Saint Léon qui venoit de iauver Rome. PendantPexpédition d'Attila, Marcien avoit battu une autre troupe de Huns dans la Pannonie. Attila , de retour, 1'envoya menacer de punir fon audace, & d'aller a main armée fe faire payer le tribut qui lui étoit dü felon la convention de fon prédéceffeur. II ne paroit pas que Marcien fe foit effrayé de ces bravades. Le ravage de 1'Italie fut, felon toute apparence, le dernier exploit d'Attila. Cependant nous n'ofons pafier fous lilence une autre guerre, que Jornandès prétend qu'il fit encore cette année. Cet Ecrivain , dont 1'autorité n'eft que médiocre , mais qui a été fuivi par beaucoup d'autres, rapporte que ce Prince , réfolu de chatier les Vifigoths, après s'être vengé des Romains, prit la route de la Gaule ; qu'il attaqua d'abord les Alains établis dans le Valentinois; que Thorifmond , perfuadé qu'Attila tomberoit enfuite fur fes Etats, courut a leur fecours, & qu'ayant défait les O vj ValentinienIII. Marcien Ann. 452, XLI. Guerre d'Attila contre les Vifigoths. Jorn. de reb. Get. c. 43- Idae. chr. Prifc. p. 40. Greg. Tur. I. 2. c. 7. Valef. rer. Fr. I. 4. Buch. Belg. 1.17. c. 6.  ValentinienHl. Marcien Ann. 452. xin. Mort d'Attila. Jorn. de reb. Get. c. 49- Prifc. p. n- Mare. chr. ldac. chr. Caffwd. chr. Fia. Tan. Thecph. p. 93- Paul Diac. Malela. 314 HlSTOIRR Huns dans une fanglante bataille, ii les forga de fortir de la Gaule avee honte. Les meilleurs critiques rejettent abfolument ce récit, & Grégoire de Tours femble le contredire , lorfqu'il attribue k Thorifmond la gloire d'avoir dompté les Alains. M. de Tillemond conjecture que les Alains étant en guerre avec les Viligoths , appellerent k leurs fecours quelques troupes de Huns, & que Thorifmond défit lesuns & les autres. Quoiqu'Attila nefoit mort que 1'année fuivante, cependant, pour achever rhiftcire de ce Prince, nous allons dire de quelle maniere il termina fa vie, & comment fut détruite après lui la formidable puiffance qu'il avoit établie. Attila, felon la coutume de fon pays, avoit un grand nombre de femrnes, entrelefquelles étoit même une de fes fiiles , nommée Efca; les loix de ce peuple barbare ne s'oppofant pas a ces alliances inceftueufes. A fon retour d'Italie , il vou» lut encore époufer une jeune fille, d'une beauté rare, nommée fldico. [1 s'abandonna a la joie dans le feftln des noces; &l s'étant rempli de  , du Bas-Empire. Liv. XXXIH. 325 vin, comme il dormoit couché fur ; le dos, il fut fuffoqué par une hémorrhagie a laquelle il étoit fujet. Le jour étoit déja avancé, lorfque ; fes Officiers, furpris de ne le point voir paroïtre, après avoir inutilement ; tenté de le réveiller par leurs cris, : forcerent les portes de fa tente. lis '. le trouverent fans vie, noyé dans : fon fang, tk a fes pieds la jeune épou: fe enveloppée de fon voile, tk fon; dant en larmes. Alors, felon leur ufage , ils s'arrachent les cheveux, tk i fe balaffrent le vifage par des incifions : cruelles : C étoit, difoient-üs, avec des i larmes de fang qu'il falloit pleurer un • guerrier ji redoutable. On drefTe au milieu d'une vafte plaine une tente de : foie : on y place fur un lit fuperbe '. le corps d'Attila. Les Cavaliers les 1 plus nobles de la nation faifant a 1'en: tour des évolutions üfitées dans les ifunérailles militaire», chantoient fur mn ton lugubre des vers qui con' tenoient eet éloge : Attila, le plus •grand Roi des Huns , fils de Mundiu■ que , Souverain des plus vaillantes nalions de tunivers , qui, ayant étendu fa puiffanceplus lom qd'aucun autre Prin- Valen- tinien III. Marcien. Ann. 451.  ValentinienIII. Marcien Ann. 451. 32Ö li I S T O I R E ce avant lui, a feul poffédèles Royau~ mes de la Scythie & de la Germanie, qui a fait trembler les deux Empires Romains, & s'eft laiffè ftèchir par leurs prieres pour ne pas actiever de les détruire, & pour fe contenter d'un tribut annuel, toujours heureux, toujours invincible , eft mort fans douleur, fans bleffure, au milieu de la profpirite' de fes peuples & de fa propre joie. Qui peut apptller mort, une fin qui neft digne que d'envie ? Toute 1'armée rangée en cercle autourde latente pouffoit des hurlements lamentables. A ces marqués de douleur fuccéda un feftin, ou 1'on but & 1'on mangea avec excès: c'étoit encore la coutume des Huns de mêler la débauche a la trifteffe des funérailies. Le corps fut enfermé dans trois cercueils Pun dans 1'autre, le premier de fer, le fecond d'argent; tk le troilieme qui contenoit les deux autres, étoit d'or : ce qui fignifioit des moralités qui ne méritent pas d'être expliquées. On enterra avec lui des armes prifes fur les ennemis, des harnois ornés de pierreries, & quantité d'autres richeffes. Pour en dérober la eonnoiffance  : nu Bas-Empirb. Liv. XXXIIL 327 k ceux qui feroient tentés de les enlever, le corps fut fecretement mis 1 en terre pendant la nuit : & on égorgea ceux qui avoient fervi a creufer i la folfe. Ce récit de la mort d'Attii la eft mieux fondé, que celui de quelI ques Auteurs , dont les uns difent qu'il fut poignardé par fa nouvelle I époufe, les autres par un de fes gari des qu'Aëtius avoit corrompu. Ce Prince laiffoit un grand nom: bre d'enfants , qui, nés de diverfes femrnes, & féparés les uns des au■ tres depuis leur naiffance, fe reconj noiffoient a peine pour freres. Tous 1 voulantrégner,déchirerent le Royaume de leur pere par des guerres civiles ; & rompant les liens qui te) noient enfemble toutes les parties de 3 cette vafte puilTance, ils la réduili. rent a rien. Ellac, le plus agé d'en' tr'eux, & le plus femblable a fon > pere par fa valeur, avoit été deftiné pat Attila pour être le maitre de fes freres, auffi-bien que des peuples ! foumis a 1'Empire des Huns. Mais les autres demandoient un partage. i Dans ces troubles, Ardaric , Roi des ■Gépides, indigné de voir traiter tant ValentinienIII. Marcien Ann. 4 5 2, XLIII. Deftruction de 1'Empire d'Attila. Jorn. de reb. Get. c. 50. na. Tun. Tbeoph. p, 93-  Vaientikien III. Marcien Ann, 45 z. 328 HlSTOIRZ de braves nations comme de vils troupeaux, & d'être lui-même confidéré comme une portion de 1'héritage d'Attila, leva 1'étendard de la révolte. Ce fut un fignal pour tous les autres Rois. Les uns fe liguent enfemble , les autres fe joignent aux fils de leur défunt Souverain. Tous ces barbares divifés , comme autant de corps qui avoient perdu leur tête commune, Huns , Goths , Gépides , Ruges, Erules , Sarmates , fe heurtent, fe brifent , fe détruifent par des chocs terribles & réitérés. La Pannonie fut le théatre oh ces peuples féroces s'entre-déchirerent, tk donnerent aux Romains le fpedtacle effrayant d'une r3ge barbare. Après plufieurs combats , les Gépides vainquirent les Huns dans une fanglante bataille : trente mille Huns tk auxi-. liaires des Huns refterent fur la place. Ellac y perdit la vie après avoir fait des prodiges de valeur : ceux de fes freres qui s'étoient unis a lui contre Ardaric, fe réfugierent fur les bords du Pont-Euxin , d'oii les Huns avoient autrefois chaffé les Goths. Les Gépides s'emparerent de la Da-  : nu Bas-Empire. Liv. XXXIII. 329 : ce ancienne au-dela du Danube , & demanderent a Marcien la paix & mne folde annuelle, s'oblïgeant k porter les armes au fervice de 1'Empi:re : ce qui leur fut accordé; & ce ; traité fubfiftoit encore du temps de 1 Juftinien. Les autres barbares s'établirent en divers cantons en-dega du Danube; iles Sarmates mêlés de Huns, dans Flllyrie ; les Squires & les Alains , ;dans la Méfie; les Ruges, fur la frontiere du Norique. Hernac, Ie plus jeujne des enfants d'Attila, choifit fa demeure a 1'extrémité de la petite Scyjthie vers les bouches du Danube : .quatre autres de fes freres, dans Ia cnouvelle Dace en-dega du fleuve» Tous ces barbares fe foumirent k 1'Emipire, & prirent avec les Gépides le :nom de confédérés. On ne doit pas croire que Marcien leur cédat la pofifeflion entiere des Provinces, dans llefquelles il leur permettoit d'habiter. On leur aflignoit des campagnes : ils s'y logeoient fous des tent es ou dans des cabanes. On leur abandonnoit quelques villages & quelques villes idéfertes: les autres places demeuroient Valentinien III. Marcien Ana. 4; 2. XLIV» Divers ïtabliffe- tnents des barbares. Jorn. it reb. Gel. e, $0. Mc'm. Acai. t. xxx, p. -59.  Valentinien ui, Marcieï Ann. 45 a XLV. Royaume (ies Oflrogoths.Jorn, de 33° Histoixe en la puiffance des Romains. La terre cultivée par ces mêmes bras, qui auparavant 1'avoient ravagée , fournifïbit abondamment a la fubfiftance des nouveaux colons, & de ce qui reftoit d'anciens habitants. Dans les montagnes de Tranfylvanie , fur la frontiere de la Moldavië, fe trouve encore aujourd'hui une nation, qui ne fe confond avec aucune autre. Elle porte le nom de Sek-hel. On rapporte que fa maniere d'écrire étoit autrefois de haut en-bas, felon 1'ufage des Chinois & des Tartares voifins de la Chine , d'oii les Huns font originaires. Une autre tracé de cette origine, c'eft 1'égalité des conditions, établie anciennement chez les Huns. Sur ces traits de relfemblance , on regarde communément ce peuple comme un reffe des Huns d'Attila , que leur pofition, dans un terrein impraticable, a mis a couvert des révolutions qui ont tant de fois ehangé la face de ces contrées. Mais la puiffance la plus confidérable qui fe forma des débris de celle d'Attila, fut le Royaume des Oftrogoths. Depuis 1'irruption des Huns  du Bas-Empirb. Liv. XXXIII. 331 en Europe, une grande partie de la nation Gothique étoit demeurée foumife a ces barbares; tk tandis que la race des Balthes dans la peribnne d'Alaric tk de fes fucceffeurs, établiffoit avec gloire le Royaume des Vifigoths dans les Provinces occidentales, la poflérité des Amales qui régnoit fur les Oflrogoths, gémilfoit fous la tyrannie des Huns, dont ils étoient vaffaux. Après la mort du fameux Ermanaric , dont nous avons parlé , les Oflrogoths formerent deuxRoyaumes féparés. Vithimir tk Hunimond, tous deux fils de ce Prince, fe mirent chacun a la tête d'une partie de la nation. Vithimir ayant été tué^dansune bataille contre les Huns, tk fon fils Videric, encore enfant, ne lui ayant pas long-temps furvécu , Vinithaire, qui étoit auffi de la race des Amales , fut choifi pour chef par fes compatriotes, alors fubjugués par les Huns. Ce Prince, auffi brave , mais moins heureux qu'Ermanaric, fupportant ce joug avec impatience, tk fongeant a s'en affranchir , entreprit d'abord d'accroitre fa puiffance. II alla faire la guerre aux Antes, qui habitoient Vaien- TINIEN m. Marcien Ann. 451. rib. Ga. c. '4, 31. 48, 50.  Valentinienlil. Marcien Ann. 452, 332 HlSTOIRE entre le Niefter & le Danube, & fut vaincu dans la première bataille. Mais bientöt il prit fa revanche avec avantage; Sc pour répandre la terreur de fes armes, il fit mettre en croix le Roi vaincu avec fes fils, Sc foixante Sc dix des principaux de la nation. Balamber, Roi des Huns,jaloux des fuccès de Vinithaire , marcha contre lui avec Hunimond, fils d'Ermanaric, qui régnoit fur 1'autre partie des Oftrogoths. Vinithaire remporta fur eux deux grandes victoires; mais dans une troifieme bataille, il fut tué d'un coup de fleche, Sc Balamber mit entre les mains de Hunimond le commandement général de toute la nation. Ce Prince fit la guerre aux Sueves avee fuccès. Après fa mort régna fon fils Thorifmond, qui, la feconde année de fon regne, ayant gagné une grande bataille fur les Gépides, mourut d'une chüte de cheval au milieu de fa victoire. Bérimond, fon fils, devoit lui fuccéder; mais dédaignant une couronne jointe a 1'efclavage, il fe déroba fecretement de fon pays avec fon fils Vidéric, Sc fe retira auprès d'Alaric. II vécut a la Cour des Rois  \ du Bas-Emmre. Liv. XXXHL 333 ' Vifigoths , fans fe faire connoitre , i pour ne pas donner d'ombrage a ces { Princes. II n'eut pas befoin de fa naift fance , pour parvenir a une haute ; confidération. Sa vertu tk fon grand > génie lui procurerent la confiance de Théodoric, dont il ne fut reconnu 1 qu'après fa mort. Dans la fuite , fon ; petit-fils époufa Amalafonte, fille du 1 grand Théodoric, Roi d'Italie : tk ce { mariage réunit les deux branches des Amales. La retraite de Bérimond produifit, chezles Oflrogoths, une anarchie qui dura quarante ans. Enfin, ] Valamir fut placé fur le tróne par le i vceu unanime de la nation. II étoit fils de Vandalaire, & petit-fils de Vinithaire : il avoit deux freres, Théodemir tk Vidémir. Quoique laroyau= té appartint a Valamir , il la partagea 1 avec fes cadets; & la couronne qui \ fépare fouvent par de mortelles jaloufies les freres les mieux unis, fut pour ï ceux-ci le lien d'une concorde inal51 térable. Vaffaux d'Attila , ils le fuivirent dans toutes fes guerres. Mais après fa mort, voyant les Gépides établis dans 1 la Dace, & les Huns retirés dans leurs Vaien- TINIEK UI. Marcien Ann. 45 :„ XLVI. Leur éta- bliflement en Pannonie.  ValentinienIII. Marcien Ann. 45a. Jorn. de reb. Get. e. jo. 5'- XLVII. Suite de 334 HlSTOIRE anciennes demeures , ils aimerent mieux demander des terres aux Romains , que d'affoiblir par des guerres & des conquêtes fouvent ruineufes, leur nation , qui, fortant de 1'efclavage, avoit befoin de repos pour fe rétablir. Marcien leur donna pour habitation la Pannonie dans toute fon étendue, depuis la Méfie fupérieure jufqu'au Norique, & depuis la Dalmatie jufqu'au Danube. Ces Princes étoient regardés comme vaffaux de 1'Empire, qui leur payoit tous les ans une certaine fomme dargent, pour la défenfe de fes frontieres. Une autre peuplade d'Oftrogoths, très-nombreufe & indépendante de Valamir, fut placée dans la Méfie au pied des montagnes. Elle y vivoit encore fous le regne de Juffinien. C'étoit un peuple pauvre, qui n'étoit nullement guerrier: il n'avoit d'autres richeffes que fes troupeaux, fes paturages & fes forêts. La terre n'y produifoit que peu de froment, & point du tout de vin, dont ils ne connoiffoient pas même 1'ufage, ne fe nourriffant que de lait. Les trois freres partagerent entre  dv Bas-Empire. Liv. XXXHL 335 eux la Pannonie. Valamir occupoit la partie oriëntale. Théodémir habitoit les environs du lac Pelfo : Videmir étoit placé entre les deux. A peine étoient-ils établis, que les fils d'Attila vinrent les chercher comme des efclaves fugitifs. Ils attaquerent Valamir féparé de fes freres. Quoiqu'il n'eüt que peu de troupes a leur oppofer, il les battit; & les harcelant fans ceffe, il n'en laiffa échapper qu'un petit nombre qui repafferent le Danube. Le courrier qu'il envoya a fon frere Théodémir pour lui porter cette heureufe nouvelle, en rapporta une autre qui ne caufoit pas moins de joie k toute la nation. Elle en auroil caufé bien davantage, fi les Goths euffent pu prévoir que 1'enfant qui venoit de naitre feroit un jour un de! plus fages tk des olus vaillants Prince; qui euffent jamais porté la couronne Le jour même que les Huns avoien été défaits , il étoit né un fils a Théo démir; tk quoiquela mere, nomméi Erelieve, ne fut qu'une concubine les loix de la nation le deftinoient ; être 1'héritier de fon pere. Ces violentes fecouffes, qui ébran ValentinienLU. Marcien Ann. 452. 1'hiftoire des Oftrogoths jufqu'a la fin du regne de Marcien. Jorn. de reb. Git. e. t » l . XLVUI. Loi de  Valentinienlil: Marcien Ann. 451. Valentinien.Novd. 12. 336 HlSTOlUB loient tout 1'Empire, ne réveilloient pas Valentinien endormi dans le fein des plaifirs. Deux loix qu'il fit cette année, toutes deux datées de Rome, 1'une du 15 d'Avril, 1'autre du 19 de Juin , prouvent qu'il demeura renfermé dans cette ville , tandis qu'Attila mettoit a feu & a fang les contrées de 1'Italie au-dela du Pö. La première de ces loix eft remarquable. On fe plaignoit fréquemment des ju? gements rendus par lesEvêques; l'Empereur déclare dans fa loi, que les Evêques n'ont le pouvoir de juger ni les laïcs, ni même les clercs en matiere civile qu'en vertu d'un compromis ; & que felon les conftitutions des Empereurs, 1'autorité des Evêques & des Prêtres ne s'étend que fur les caufes qui concernent la Religion. II permet aux Evêques de fe défendre par Procureur dans les affaires criminelles, quoique les loix óbligent les accufés de comparoitre en perfonne. II ne veut point qu'on admette a la cléricature, ni qu'on regoive dans les monafteres ceux qui ne font pas maitres de difpofer de leur perfonne. II interdit aux clercs 'tout  du ëas-Empirb. Liv. XXXIII. 337 tout commerce. II défend aux Eccléfiaftiques de fe faire adjuger leslieux publics, fous prétexte de les convertir a des ufages religieux; & il impofe une amende aux Magiftrats qui admettront ces requêtes. Cette loi renferme encore un grand nombre de difpofitions fur les défenfeurs des Eglifes, fur les fucceflions, fur la prefcription de trente ans , fur la prompte expédition des jugements, ïiir les appels, fur la vente des terres qui dépendoient du domaine. II caffe une loi du jeune Théodofe favorable au divorce , & rappelle fur ce point 1'ordonnance de fon pere Conftance. Valentinien ne refiembloit pas mal k un propriétaire, qui s'occuperoit a embellir & a arranger 1'intérieur de fa maifon, tandis qu'on travailleroit k en fapper les fondements. Thorifmond , Roi des Vifigoths, Prince remuant & belliqueux, brüloit d'ardeur d'éprouver contre les Romains mêmes le courage qu'il avoit employé a combattre 1'ennemi commun dans les plaines de Mauriac. II s'avanga jufqu'aux portes d'Arles k la tête de fon armée. La ville, hors d'éTome VIL P Valentinien III. Marcien inn. 45 ï. ».nn. 45 J. XLIX. Théodo•ic II fuc:ede k rhorifnond. Jorn. de rel. Get. c.  ValentinienIII. Marcien Ann. 4J3Sid. I. U ep. z. I. 7€p. 11, 6tarm. 17. Ifid. chr. Got. Profp. chr. Idttc. chr. Greg. Tur. I. X. C. 7. Valef. rer. Pr. U 4. Roi, comme pour le défendre , il IV joigrut aux alTaüins qui entrerent en 338 Uistoirb tat de fe défendre, alloit tomber au pouvoir des Vifigoths, fi Ferréol, Préfet des Gaules, ne fut accouru au fecours. 11 venoit fans troupes, mais il valoit feul une grande armée. Le refpeftque lui avoit mérité fa vertu, lui fervant de fauve-garde, il alla trouver Thorifmond dans fa tente ; & par fon éloquence douce & infinuante, il fut manier li adroitement eet efprit fier & intraitable, qu'il lui fit abandonner fon entreprife, & 1'engagea même k venir diner avec lui dans la ville d'Arles. Thorifmond, de retour k Tpuloufe , honteux de s'être lailTé fi facilement défarmer, fe préparoit k recommencer la guerre , lorfque fes freres, qui croyoient la paix néceflaire aux Vifigoths, ne pouvant Tetenir eet efprit impétueux, formerent 1'horrible complot de s'en défaire. Un jour, pendant qu'il fe faifoit tirer du fang pour une légere indifpofition , fon Chambellan qu'ils avoient corrompu, vint brufquement lui annoncer, qu'on en vouloit k fa . vie; & s'étant jetté fur les armes du .  nu BjS'Empjrs. Liv. XXXIII. 339 même-temps. Ce Prince, vaillant & robufte, s'étant faifi d'une efcabelle avec le bras qui lui reftoit libre, fe , défendit long - temps , & en abattit plufieurs h fes pieds: mais enfin il fut accablé par le nombre. II étoit dans la troifieme année de fon regne. Théodoric, Païné de fes cinq freres, lui fuccéda. Celui-ci réuniffoit en fa perfonne toutes les grandes qualités de fon pere. Son extérieur étoit noble & majeftueux; il dormoit peu, & aflïftoit avant le jour aux offices de 1'Eglife; mais, de 1'aveu même de Sidoine fon panégyrifte , c'étoit plutöt habitude que véritable dévotion. II donnoit la plus grande partie du jour aux affaires de fon Royaume. Sa ta. ble étoit bien fervie , mais fans luxe; il aimoit a y plaifanter avec fes amis; car il en avoit, quoiqu'il fut leur maitre, & qu'il fut garder fa dignité ; ce qui n'ötoit rien a la douceur de fon commerce. II avoit dès fa jeu, neffe cultivé fon efprit par 1 etude des Lettres. Moins bouillant, mais auffi brave que fon frere, il favoit préparer & laiffer mürir fes entreprifes. Jamais Prince n'auroit paru plus digrtc P ij Valen- tiniew III. Marciek Ann. 4 j 3.  ValentinienIII. Marcien Ann. 4i 3. L. Mort de Ptilchérie. ïdac. chr. Theod. L. I. I. Mare. chr. Theoph. p. 90, 91. Zon.p.A%. Cedren. p, 345Anaftaf.Baronius. Pagi adBar. , '\ I 340 HlSTOIRB de la couronne, s'il ne Peftt pas acquife par un crime. Ce n 'étoit pas un malheur pour les peuples de perdre des Princes ambitieux & fanguinaires, tels qu'Attila & Thorifmond, nés pour la deftruction des hommes. Mais cette même année, tout 1'Orient pleura amérement la mort de 1'Impératrice Pulchérie. Elle avoit feule foutenu la dignité impériale fous le regne de fon frere; & après fa mort, elle avoit placé le diadême fur une tête digne de le porter. Tant que fes confeils furent écoutés, 1'Etat fut heureux, & 1'Eglife triompha des erreurs. Pulchéfie mourut comblée de gloire le 18 de Février, après avoir vécu 54 ans ik un mois. Cette Princeffe avoit pendant toute fa vie fecouru les pauvres avec une bonté maternelle; elle les lailfa en mourant héritiers de tout ce qui lui reftoit de richelfes, & Marcien exécuta fidélement ces pieufes Jifpofitions. Léon, fucceffeur de Mar:ien, fit ériger la ftatue de Pulché■ie fur fon tombeau, & PEglife infitua une fête en 1'honneur de cete vertueufe Impératrice , dont la  du Isas-Empire. Liv. XXXIII. 341 mémoire eft encore en vénération. Pulchérie n'eut pas la confolation de voir la paix entiérement rétablie dans 1'Eglife. Un Moine impie, nommé Théodofe, chaffé d'Alexandrie pour fes crimes, profita des conteftations théologiques , pour s'élever h une haute fortune. Sans religion ainfi que fans mceurs , mais affeftant un grand zele pour la confervation de la foi , il vint en Paleftine pendant que le Concile de Chalcédoine étoit encore aflemblé; tk publiant a haute voix que c'étoit une conlpiration formée contre la doelrine orthodoxe, & que Neftorius triomphoit ,, il attira quantité de Moines ignorants, tk féduifit même Eudocie qui vivoit a Jérufalem , tk dont la dévotion tendre étoit facile a s'allarmer. Juvénal, Evêque de Jérufalem, étant revenu de Chalcédoine, Théodofe tk fes partifans firent tous leurs efforts pour Pobliger a fe rétracter : & comme il demeuroit ferme, ce Moine furieux voulut 1'affaffiner. L'Evêque prit la fuite, & fe retira auprès de l'Empereur. Auffi-töt Théodofe s'étant fait facrer par fes partifans , s'empare de P iij la foi , il vint en Paleftine pendant e™s-l- ValentinienIII. Marcien Ann. 453. LI. Troubles fufcités par Ie Moine Théodofe. Evag. I. zl c. 5. Theoph. p. 92. Niceph. €alLl.l%. c. 9. Anafiaf. Baronius. Pagi ad Bar. Fleury , hifi. Ecdef. I. 28. art. 36, 41. 42, 44-  Valentinien nfc Marcien Ann, 45 3. 34t HlSTOlRE 1'Eglife de Jérufalem, ordonne des Diacres, des Prêtres , des Evêques , fait maffacrer ceux qui lui réfiftoient, exerce les plus horribles violences pour forcer les Catholiques h prononcer anathême contre le Concile. Dorothée, Gouverneur de Paleftine, occupé alors a faire la guerre aux Sarrafins dans le pays des Moabites, ainfi que nous 1'avons raconté, accourt è Jérufalem avec fes troupes. Les partifans deThéodofe 8c les gens d'Eudocie lui ferment les portes, &C ne lui en permettent 1'entrée qu'a condition qu'il fe rangera de leur parti. Les Moines féditieux écrivent a Pulchérie pour la furprendre; cette Princeffe , au-deffus de la féduöion , leur répond avec une fermeté mêlée de douceur; êc fa réponfe eft accompagnée d'une lettre de Marcien, qui, aprèf leur avoir reproché leurs exces, leur promet le pardon s'ils reviennent de leur égarement. Mais Théodofe étoit plus redouté dans la Paleftine que l'Empereur , & fa tyrannie fubfifta pendant prés de deux ans, jufqu'a ce qu'enfin Dorothée ayant recu ordre de Parrêter, il s'enfuit au mont Sinaï  du Bas-Empire. Liv. XXXIII. 343 ~t pour échapper au fupplice qu'il avoit mérité. Les plus coupables de fesfectateurs furent punis: Juvénal rentra dans fon fiege, & Eudocie reconnut { enfin fon erreur. Marcien témoigna dans cette occafion un zele tempéré par la douceur de fon caradere. II écrivit aux Evêques pour les exhorter aramener les peuples , aux Abbés & aux Moines pour les défabufer, a Saint Léon pour le prier d'expofer fes fentiments avec tant de clarté, que la calomnie ne put y donner une maligne interprétation ; & ce grand Pape , quoiqu'il fe fut déja nettemenf expliqué dans fa lettre a Flavien, ne crut pas qu'il fut de la dignité pontificale de s'en tenir a ce qu'il avoit prononcé, & de refufer de nouveaux éclairciffements. L'Occident perdit 1'année fuivante fon plus puiffant appui. Aëtius avoit foutenu 1'Empire par de grands exploits, qui, dans une Cour corrompue & jaloufe, tiennent fouvent lieu de grands crimes. S'il eut été auffi défintéreffé & auffi fage , qu'il étoit habile & vaillant guerrier, il fe feroit tenu heureux qu'on lui pardonnat fes vicP iv Valentinien III. Iarcien tnn. 413- Ann. 45 4* LU. Brouilleries de Valentinien & d'Aëtius. Profp. chr. Sid, carm. U  Vaien- tinien V III. Marcien Ann. 4J4# Volef. rer. Fr. I. 4, tm. Deffeins 4e Maxime. Sidel. i. tp. ij. Sirm. nor. nd Sid. p. 37. Proc. Vand. I. i. 4. Theoph. p, 93. 344 Histoirb toires, & qu'il put impunément con» tinuer de fervir 1'Etat; mais fon ambition & plus encore celle de fa femme, vouloit vendre fes fervices au plus haut prix. Valentinien, n'ayant pointd'enfant male, Aëtius n'afpiroit a rien moins qua faire fon fils Gaudence héritier de 1'Empire. Cette pré« tention révolta d'abord l'Empereur : il en témoigna fon indignation. Mais peu de temps après, craignant un Général fi puiffant & fi hardi, il lui rendit fes bonnes graces; le maitre & le fujet fe jurerent une amitié mutuelle; Eudocie, fille de Valentinien, fut promife a Gaudence; ik cette réconciliation produifit, fon effet naturel : elle laiffa dans le cceur du Prince un profond reffentiment. Cependant la foibleffe & les diftraftions du Prince, qui ne s'occupoit férieufement que de fes plaifirs, 3uroient peut - être effacé cette impreflion funefte, fi elle n'eut été entretenue par 1'efprit le plus dangereux qui fut alors a la Cour. Petroïius Maximus , petit - fils du tyran Vlaxime par fa mere, comblé de ri:heffes, puiffant par le nombre de  dv Bjs-Empire. Liv. XXXIU. 345 fes amis & de fes créatures, avoit paffe par toutes les dignités^de 1'Empire. II étoit né 1'année même de la mort du grand Théodofe en 395. Admis dès 1'age de dix-neuf ans au Confeil d'Honorius, il avoit été Intendant desfinances, & Préfet de Rome avant Page de vingt-cinq ans. Un an après, lorfque Conftance portoit le titre d'Auguffe , le Sénat & le peu ple Romain , dont Maxime étoit aimé, avoient obtenu de ce Prince & d'Honorius la permiflion de lui ériger dans la place de Trajan une ftatue, dont la bafe &£ Pinfcription fubfiftent encore. Deux fois Préfet d'Italie , & deux fois Conful , il avoit recu dans fon fecond confulat deux honneurs finguliers; l'Empereur avoit fait frapper des médaillons qui portoient au revers le nom & Firn age de Maxime repréfenté en habit confulaire : c'étoit en quelque forte Paflocier aux honneurs (te la fouverainet-é. De plus „ Valentinier. avoit déclaré par une loi, que déformais ceux qui auroient été. deus fois Confuls,. auroient le pas. mêm< fur les Patrkes, Cette dignité fu £ v Valentinien III. Marcien Ann. 45 4. Nov. inter Theodof. 45- Grut. tnfc^ CCCCXLIX 7. Vahf. rer. Fr. I. 4. Buch. Belg. 1.17, c. 7.  ,Valen- tinien Hl. Marcien Arm. 454. 1 S4Ö HlSTOISLE encore conférée a Maxime deux ans après en 445. Afin qu'il ne lui manquat rien de ce qui paroit contribuer a la félicité humaine , il avoit une femme dont la vertu égaloit la beauté : mais cette beauté fit le malheur de 1'un & de 1'autre. Quoiqu'Eudocie, époufe de Valentinien, fut pourvue de toutes les graces, ce Prince tellement livré a la débauche, qu'il mettoit en oeuvre les refforts impuiffants de la magie pour parvenir au terme de fes defirs, concut une violente paflion pour la femme de Maxime, que fa vertu tenoit éloignée de la Cour. Un jour qu'il jouoit avec Maxime , il lui gagna jufqu'a fon anneau. Aufli-töt retenant ce Courtifan auprès de lui fous quelque prétexte, il envoye fecretement un exprès muni de eet anneau, dire i\ la femme de Maxime de la part de fon mari, qu'elle fe rendit fur le champ au palais pour faluer 1'Impératrice. A la vue de 1'anneau, elle ne douta pas que le meflage ne vint de Maxime: elle fe fit porter en litiere au palais, ou ayant été conduite dans un appartement écarté, elle fut la vief ime de  du Bas-Empirb. Liv, XXXI/L 34? la violence efFrériée de Valentinien. Etant retournée dans fa maiion, le défefpoir dans le coear, elle accabla fon mari des plusfanglants réproches, 1'accufant d'avoir confenti k cette infamie. Maxime, auffi irrité qu'elle, tk dévoré du defir de la vengeance, réfolut de laver eet outrage dans le fang de l'Empereur. L'ambition fe joignit au reffentiment, tk lè rendit plus actif. Mais pour ne rencontrer aucun obftacle, il falloit écarter Aëtius; . Maxime avoit appris a la Cour par un long ufage, 1'art de diffimuler. II mit d'abord dans fa confidence 1'eunuque Héraclius , miniftre fecret des plaifirs du Prince, tk par cette rai* fon maitre de fon efprit. On travailla fourdement a détacher d'Aëtius tout ce qu'il avoit d'Officiers. 11 s'en trouva peu de fideles. Sou Quefteur devoit être le plus facile k gagner. I! avoit un fils déja connu par fa bravoure .& par fes talents militaires : c'étoii Majorien que la femme d'Aëtiu: , avoit voulu perdre, le regardant com me un rival dangereux pour fes. en fants. Aëtius, moins méchant que f femme, s'étoit.contenté dei'éloigne P vj Valentinien III. Marcien A,nn. 454. LIV. Mort d'Aëtius. Mare. chr. Pro/p. chr. Sid. carm, Iddc. chr. Theoph, p. 9?- Vitc. Tan. Cafllod. chr. Evag. I. 2. c. 7Proc; Vand. U I. . c' 4" Jorn, regn, ■ fucccff. ma. Mif- cell. U H. f- Greg. Tur. I, %. t, s«  Valek- TJNIËN UL ?il arcie> Ann. 454 Vahf. rcr: fr. I. 4. 34? HlSTOIRS ' 6c de 1'envoyer dans fes terres. Cependant le Queffeur fut incorruptible : il fallut lui cacher le complot formé contre fon Général. Enfin, Héraclius fit entendre nettement i\ l'Empereur, qu'il n'y avoit pas un moment a perdre; qu'il alloit périr, s'il ne prévenoit Aëtius. Valentinien allarmé mandaaufïï-tot le Général : ce* lui-ci, fans défiance, vient au palais , accompagné de quelques amis, & entre autres de Boèce, Préfet du prétoire. On fait entrer Aëtius feul ;& comme il n'appercevoit aucun changement fur le vifage ni dans les manieres de l'Empereur, il commence a le preffer d'acquitter enfin fapromeffe, 6c de terminer le mariage de fon fils avec Eudocie. Alors Valentinien entrant dans une violente colere, tire fon épée, 6c la plonge dans le fein d'Aëtius : Héraclius 6c les gardes du Prince fe jettent fur lui, 6c 1'achevent. Boëce 6c les autres, dont tout le crime étoit d'être attachés au Géneral, font introduits féparément, 6c maffacrés fans miféricorde. Après cette cruelle exécution, l'Empereur qui, fans le fayoir, préparoit lui-même fa  du Bas-Empirb. Liv. XXXIII. 349 . mort, ayant demandé a un de fes Of- ficiers , s'il n'avoit pas bien fait de fe délivrer d'Aëtius : Prince, lui répondit 1'Officier , ce n eft pas d moi a juger des aclions de Votre Majejté ; tout ce que je fais, c'eft que vous vous êtes coupé La main droite avec la main gauche. Aëtius fut tué vers la fin de cette année. Ce guerrier n'étoit pas fans doute irréprochable. La noire calomnie qu'il inventa contre Boniface, la perte de 1'Afrique, raffaflinat de Félix, la mort de Boniface , la difgrace injufte de Sébaftien , les Alpes laiffées ouvertes & Attila, font autant de crimes dont plufieurs méritoient la mort. Mais tous ces crimes étoient pardonnés , du moins par les hommes, & une fauffe imputation le fit périr, lorfque fon grand courage étoit plus néceffaire que jamais au falut de 1'Empire. Son juge devenu fon executeur a tait oublier tous les forfaits du coupable, pour noircir a jamais fa propre mémoiré. C'eft ainfi que la Providence divine, qui avoit marqué le terme fatal de 1'Empire, abattoit le bras feul capable de le foutenir , & que par Vaientiniek III. llARCIEH iaa. 4H° LV. Suites de la mort d'Aëtius. ldac. chr. Mare. chr. Sid. carm. Vahf. rtr. Er. I. 4. 'Buch. Belg. 117. c i, 7.  valentinienIII. Marcien Ann. 4.J4. 350 H I S T O 1 R E cette chaïne invifible, qui lie enfemble tous les événements humains, elle fe fervit de Valentinien pour punir Aëtius, & de la mort d'Aëtius pour attirer enfuite la punition de Valentinien. II fembloit qu'avec ce grand Capitaine tomboient toutes les défenfes de 1'Empire. Au br-uit de fa chüte, les barbares fe mirent en mouvement de toutes parts. Les pirates Saxons menacoient les Armoriques; les Francois, fous la conduite de Mérovée , s'étendirent dans la Belgique, &ravagerent les contrées de Mayenrce, de Metz tk deRheims : ils s'emparerent de la ville de Bar. Les Allemands de la Suabe pafferent le Rhin. Valentinien, craignant que cette mort n'entrainatlarupture des traités, dont Aëtius étoit Pauteur,. envoya des députés aux nations alliées, pour juftifier fa conduite,. tk renouveller les engagementsprécédents. II mandaMaiorien, comme feul capable de remplacer Aëtius k la tête des armées: ibne fe trompoit pas; mais Majorien rFarriva qu'après la mort de Valentiaient, tk trouva. Maxime maitre de 1'Empire,,  du Bas-Empiz'e. Liv. XXXIII. 351 Valentinien-, après s'être privé de ' 1'unique défenfeur qu'il put oppofer è fes ennemis, fembloit encore s'entendre avec eux pour fe perdre luimême. II donnoit aveuglément fa confiance aux anciens Officiers d'Aëtius, qui après avoir trahi leur maitre , ne fentoient plus que les remords de leur perfidie. Viöor de Tunes, dit même que Pinfame Héraclius entra dans le complot: ce qui n'a rien que de vraifemblable ; celui qui trahit 1'honneur de fon Prince en lervant fc criminels defirs, étant 1'homme du monde le plus capable d'attenter a fa vie. Maxime avoit eu plus de peine a préparer la mort du Général, qu'il n'en eut a fe défaire de l'Empereur. Le 16 de Mars , trois ou quatre mois après l affaffinat d'Aëtius, Valentinien étant i\ Rome, fe faifoit porter en litiere au champ de Mars, apparemment pour faire la revue de fes troupes qu'il y avoit affemblées. Deux barbares , qui avoient été Officiers d'Aëtius , nommés Optila & Thrauftila, prirent ce moment pour fe jetter fur lui, &£ le percer de coups. Ils maffacrerent en même-temps Héraclius; & la Valentinien III. Marcien Kna. 455. EVI. Mort de Valentinien.Idac. chr, Profp. chr. Mare. chr, Cajjiod. chr. Chr. Alex, Evag. I. 2* c 7- Viic. Tun. Sid. carm. 5. 6- 7. I. 2. ep. ij. Theoph. p. 93- Cedr. p. 345- Jorn. regn. fuccejf. Proc. Vand.l.U c. 4. Niceph. Cal!. I. ij. c. 11. Zon.p. 48. Anajlaf. Greg. Tur. I. 2. <:. 8. Valef. rer. Ir. I. 4.  Valentinienlü. Marcien Ann. 45;. 352 IIlSTOIRS mort de ce fcélérat ne prouve pas qu'il fut innocent de celle de fon mai- 1 tre : Maxime dut s'acquitter ainfi de ce qu'il de voit k fa perfidie, pour s'en garantir lui-même. Ainfi périt k lai vue de fes foldats, fans être défendu» de perfonne, Valentinien troifieme, Prince populaire par foibkfle , tyran par débauche, jaloux du mérite qui le fervoit, dédaignant la nobleffe , abandonné au luxe, Sc faifant confifter la dignité Impériale dans la parure & dans 1'impunité des crimes; afTervi aux barbares; efclave d'une me> re ambitieufe Sc de fes ennuques; toujours renfermé dans fon palais , comme les anciens Monarques d'Aflyrie , Sc tellement accoutumé a une vie molle Sc retirée, qu'il ne fortit d'Italie qu'une fois pour aller chercher I fa femme; que jamais il ne vit un I camp,Sc que tous fes travaux fe bor- j nerent a paffer de Ravenne aRome, | 8c de Rome a Ravenne. Sous fon re- | gne,lesVenda!ess'emparerent des plus 1 belles Provinces dePAfrique, les Vi- | figoths s "ét endirent jufqu'au Rhöne , L les Sueves fe rendirent martres de la | plus grande partie de l'Efpsgne, les t  nv Bas-Empirb. Liv. XXXIII. 353 'Francois s'établirent clans la Gaule, ; la Grande-Bretagne fut envahie par \ les Anglo-Saxons ; & s'il ne devint i pas lui-même 1'efclave d'Attila, ce ne j fut ni a fa prudence, ni a fon courage qu'il en fut redevable. On peut dire | qu'en fa perfonne finit 1'Empire d'Occident. Ses fuccefTeurs ,' au nombre de huit, périrent ou furent dépofés dans 1'efpace de vingt-un ans, &c doivent plutót être appelles Rois d'Italie qu'Empereurs. II mourut dans fa trente-fixieme année , ayant régné 19 ans 4 mois & 21 jours , depuis qu'il avoit 1 regu le titre d'Augufte. Le lendemain, Maxime fut proclamé Empereur. II avoit defiréla fouveraineté avec la plus grande ardeur, & la capacité qu'il avoit montrée dans les autres dignités, faifoit croire qu'il fauroit régner. II ne fallut que vingtquatre heures pour le défabufer luimême , & pour détromper les Romains. Ebloui de fa propre élévation, accablé du poids des affaires, eet homme , accoutumé aux douceurs d'une vie paifible , qui régloit a fon gré toutes fes heures, & partageoit fon temps entre des devoirs bornés Valentinien mi Marcien Ann. 45 LVII. Maxime Empereur.  Vaien- tinien III. Marcien Ann. 455, 354 HlSTOIRE fes plaifirs, fe trouva déplacé dès Ie premier jour. Son palais lui fembla une prifon, & les foins de la Souveraineté un fupplice. On 1'entendit plufieurs fois répéter ces paroles : Heureux Damock , de n avoir eu dfupporter que pendant la durèe d'un repas le trijle fardeau de la Royauté! Dans eet embarras de l'Empereur , tous les refiorts de 1'Empire fe démonterent; la confufion fe mit dans le palais, le défordre dans Rome & dans les Provinces, 1'efprit de révolte parmi les peuples confédérés. Les meurtriers d'Aëtius & de Valentinien ,feuls courtifans de Maxime , lui donnoient a lui-même de juftes allarmes. II accéléra fon malheur par fon imprudence. Sa première femme n'avoit pas long-temps furvécu a 1'affront qu'elle avoit éprouvé. Maxime, pour mettre le comble a fa vengeance, contraignit Eudoxie , veuve de Valentinien , a 1'époufer, &c donna Eudocie, fille du Prince, a fon fils Pallade, qu'il nomma Céfar. II s'imagina gagner le cceur de fa nouvelle époufe , en lui protefiant que 1'amour dont il brüloit pour elle, avoit été 1'uni-  du Bas-Empire. Liv. XXXIII. 355 que attrait qui lui avoit fait fout en- treprendre. La Princeffe , indignée de cette déclaration, crut qu'étant la caufe de la mort de fon mari, elle s'en ^ rendroit complice , fi elle ne la vengeoit pas. Marcien lui parut trop doux & trop modéré, pour fervir fa colere a fon gré. Elle aima mieux s'adrefTer a Genféric , & lui dépêcha fecretement un exprès avec de riches préfents. Elle lui mandoit, qu'elle gémiffoit dans la captivité la plus ajfreufc , êtanl forcée de recevoir les embrajjements d'un traitre encore fouilié du fang de fon époux ; quil étoit de t honneur du Roi des Vandales de venger fon allié, & de fon intéret de dépouiller le meurtrier ; que le lache ufurpateur ne connoiffoit que les affaffinats ; & que dès qu'elle appercevroit fon libérateur. elle iroit elle-même le prendre par la main pour l'introduire dans Rome. II n'étoit pas befoin d'une follicitation fi preflante pour engager Genféric a venir piller Rome. II ne tarda pas k fe mettre en mer avec une puiffante armée. A la nouvelle de fon approche , Pallarme fe répand de toutes parts. Maxime, plus tremblant ValentinienUI. lARCIEN mn.455. LVIH. Mort de Maxime.  VALENTINIEN itf. Marcien Ann, 455. L1X. Pillage de Rome par Genféric, Via. Tun. Mare. chr. Use. chr. Profp, chr. 356 HlSTOIRE que les femrnes les plus timides , ne prend d'autre précaution que celle de permettre a tous les habitants de s'enfuir. II quitte lui-même le palais Impérial; & comme il traverfoit la ville pour aller chercher ailleurs fa füreté , le peuple , indigné de fa laeheté, 1'accable d'une grêle de pierres , & les Officiers d'Eudoxie s'étant jettés fur lui, un foldat Romain , nommé Urfus, le perce d'un coup d'épée. C'étoit le jour de la Pentecöte, qui tomboit cette année au douzieme de Juin. Ainfi il n'avoit régné que trois mois moins cinq jours, heeft régner que de porter une couronne importune au milieu des regrets 6c des remords. II devoit être agé d'environ foixante ans. Son cadavre fut mis en pieces, & jetté dans le Tibre. Son fils Pallade fut apparemment maffacré avec lui ; il n'en eft plus parlé dans la fuite. Trois jours après le maffacre de Maxime, Genféric entradans Rome, qui n'ofa irriter par une réfiftance inutile, ce Prince fanguinaire. Le Pape Saint Léon fut encore cette fois lé falut de fon peuple. II obtint de Gen-  dü Bas-Empire. Liv. XXXIII. 357 féric qu'il n'employeroit ni le fer , ni le feu , tk qu'il laifTeroit fubfifter les habitants tk les édifices. Le pillage dura quatorze jours, & le butin fut immenfe. Depuis le faccagement d'Alaric , arrivé quarante-cinq ans auparavant, Rome s'étoit remplie de richeffes: d'ailleurs, les Goths n'avoient ofer toucher aux vafes facrés , que Genféric ne refpecta pas. Tous les tréfors du palais , les meubles précieux , la vaiffelle d'or tk d'argent, les pierreries, les ornements Impériaux furent enlevés. On chargea un vaiffeau de flatues de tous métaux, & ce vaiffeau fut eng'outi dans une tempête avant que d'arriver a Carthage. Les Vandales emporterent la moitié de la couverture du temple de Jupiter Capitolin: elle étoit d'un cuivre trés-fin , doré a une grande épaiffeur. On ne dit pas quelle raifon les empêcha d'emporter le reffe. Les vafes d'or, tk les autres dépouilles du temple de Jérufalem , qui avoient autrefois honoré le triomphe de Vefpafien & de Tite, furent tranfportées en Afrique. Entre les habitants , les Vandales enleverent ceux ValentinienIII. Marcien Ann. 45 5. Evag. I. i. c. 7. Theoph. p. 93. Cedr. p. 345Anafl. lfid. Vand. chr. Niceph. Call.l. ij. c. ii. Sid. carm. 2 . 7- Hifi. Mif- ccU. I. 15. Vicï. Vit. I. 1 Proc. Vond.l. 1; c. 5. I. 2. c. 9. Zon.p. 48. Cod. Juft. I 1. tit. 27. leg. i. Baronius. Pagi ai Bar. Vale/, rer. Fr. I. 4. Bueh. Belg. I. 7, <. 9.  Valentinien iii. Marcie* Ann. 45 j 35$ HlSTOIRE que leur jeuneffe ou leur adreffe en quelque profeffion rendoient plus propres a les fervir. Quoiqu'Eudoxie eut appellé Genféric ,elle n'évita pas la captivité ; elle fut conduite a Carthage avec fes deux filles Eudocie & Placidie, & avec Gaudence , fils d'Aëtius. II eft vrai que les Princefiês furent traitées avec honneur. Eudocie , qui eft aufii quelquefois appellée Honoria comme fa tante, fut m&riée a Huneric, fils aiué de Genféric. Placidie auroit été forcée d'époufer un autre fils, fi le Roi n'avoit apprit qu'elle étoit fiancée a Olybre , le plus diftingué du Sénat, qui, avant la prife de Rome, s'étoit fauvé a Conftantinople. Ce n'eft pas que Genféric fut de caractere k refpecter eet engagement ; mais il favoit qu'Olybre étoit puiffant, & il étoit bien-aife de s'attacher un homme qui pouvoit devenir Empereur. Les autres prifonniers éprouverent toutes les rigueurs de la plus dure fervitude. Ils ne trouverent d'adoucifiement k leurs maux, que dans la charité de 1'Evêque de Carthage. Ce Prélat, compatiffant 6c généreux , vendit les va-  bv Bjs-Empire. Liv. XXXIII. 359 fes d'or & d'argent de fon Eglife, raeheta le plus grand nombre qu'il put de ces infortunés, les rafTembla dans deux bafiliques, ou il leur diftribuoit tous les jours les aliments néceffaires; il y fit dreffer des lits; la plupart étant malades, il les vifitoit, il les fervoit lui-même ; & fans égard a fa vieilleffe, il paffoit les nuits dans ces pieux & charitables offices. II fut la vicfime de fon zele, &c mourut dans fes travaux. Après fa mort, Genféric défertdit d'ordonner desEvêques dans la Province proconfulaire : il renouvella avec plus de «ruauté que jamais la perfécution contre les Catholiques , & 1'étendit dans toutes les contrées oü il portoit le ravage, Depuis la prife de Rome, s'étant rendu maitre du refte de 1'Afrique, c'efl-a-dire , de la Numidie entiere & des deux Mauritanië , il ne ceffa d'infefter tous les ans la Sicile & 1'Italie, fous prétexte qu'on ne lui délivroit pas les biens de Valentinien & d'Aëtius, dont il avoil les enfants entre les mains. Ses flottes ravageoient les cötes de Sardaigne, du Péloponefe, de 1'Epire, de Marcien Ann. 455-  Marcien Ann. 45 5. LX. Marcien députe a Genféric. Evag. I. 1. c 7. Theod. L. L 1. Proe. Vand. I. 1. t, 4. Prifc. p. | 73- , Mar- , eien.art.c), ' i < I 360 II I S T O I R E la Dalmatie : elles pénétroient jufqu'au fond du golfe Adriatique. Souvent s'embarquant lui-même au printemps avec les Vandales tk les Maures, il portoit la défolation fur tous les rivages, brülant les villes du continent & des ifles, & traïnant les habitants en efclavage. Un jour qu'il fortoit du port de Carthage, le pilote lui ayant demandé de quel cöté il devoit conduire la flotte : Vers les peuples que Dieu veut punir , répondit Genféric. La nouvelle du pillage de Rome, & de la captivité de la familie Impériale , affligea fenfiblement Marcien. II fe regardoit comme Souverain des deux Émpires depuis la mort de Valentinien , tk il n'avoit pas reconnu Maxime pour Empereur. Comrie Genféric avoit paru le ménager ufqu'alors, il fe flatta que ce Prin:e auroit égard a fes demandes : il ui députa donc pour le prier de cefer fes ravages, tk de lui remettre ;ntre les mains les Princefles prifonüeres. Genféric refufa 1'un & 1'autre vee hauteur. Marcien, fe perfuadant [u'un Ambafladeur Arien réufliroit mieux  du Bas-Empiré. Liv. XXXIII. 361 rnieux auprès de Genféric , lui envoya Bléda, Evêque de lafedte Arienne. L'Evêque ne fut pas plus favorablement écouté. En vain ce Prélat prit lahardielfe de repréfenter au Roi des Vandales, que fa profpérité préfente ne devoit pas lui enfler le cceur jufqu'au point de méprifer le reffentiment d'un Prince guerrier, qui pourroit rendre a 1'Afrique tous les maux que 1'Afrique portoit en Italië. Genféric crut faire affez , que de pardonner cette bravade. Ceux qui prétendent que Marcien s'étoit engagé par ferment & ne jamais employer les armes de PEmpirecontre les Vandales, ainfi que jel'airaconté,fuppofentenconféquence qu'il dévora eet affront. Mais d'autres Auteurs qui regardent apparemment comme une fable eet engagement de Marcien , difent qu'il fe difpofoit k pafier en Afrique lorfqu'il mourut. Procope le blame d'avoir tenu fa parole : il me femble qu'il ne feroit blamable que de 1'avoir donnée. L'Empire d'Occident avoit vu dans 1'efpace de quatre mois couler lefang, de deux Empereurs. Mais quelque fanglant que foit un tröne, il a tou- Tome VIL Q Marcien Ann. 45 5. ixr. Hifloirtd'Avitusjufqu'a fion élé-  Marcien Ann. 4.5 5-, ■ration a 1'Empire. Sid. carm. 7- Greg. Tur. I. X. c. II, ai Vahf. rer. Fr. L 4. Buch. Belg. I. 7. *. 9, 3S2 HlSTOIRS jours des attraits pour 1 ambition. Après la mort de Maxime, Avitus ofa fouhaiter la dignité fouveraine, tk Pobtint pour fon malheur. II étoit Sénateur Romain , iffu d'une familie Gauloife de PAuvergne, plus illultrée par les charges que par les richeffes. II comptoit entre fes ancêtres des Préfets & des Patrices. II avoit été élevé avec foin dans 1'étude des Lettres, tk dans les exercices du corps. On dit qu'il étoit li robufte , qu'étant encore, dans la première jeuneffe, il tua dans une chaffe, d'un coup de pierre, une louve affamée , qui alloit fe jetter fur lui. Sa fageffe & fon éloquence le firent choifir pour aller demander k Honorius la remife d'un impót qui ruinoit PAuvergne; & Conftance qui n'étoit pas encore Empereur, lui fit obtenir ce qu'il demandoit. Nous avons vu 1'empreffement de Théodoric pour 1'attirer k fa Cour, tk le refus d'Avitus, qui demeura fidélemeift attaché au fervice de 1'Empire, tk n'en fut que plus eftimé du Roi des Vifigoths, dont il obtint la paix toutes les fois qu'il fut employé k la demander. II fervit avec honneur dans tou-  j)V Sas-Empire. Liv. XXXIII. 363 tes les guerres fous le commandement d'Aëtius. Préfet de la Gaule , il gouverna cette Province avec intégrité. Aëtius fe fervit de lui pour détromper Théodoric, qui fe repofoit fur la promeffe d'Attila, & pour 1'engager k marcher contre 1'ennemi commun. Après la défaite d'Attila, Avitus s'étoit retiré dans fes terres pour y mener une vie tranquille. Maxime, Empereur, le tira de fa retraite, & le nomma Général de la cavalerie & de 1'infanterie. Sa réputation arrêta les courfes des barbares, qui commencoient a ravager la Gaule, Les Vifigoths fe préparoient k la guerre; Avitus leur envoya Meflien, qu'il fit Patrice dans la fuite, & le fuivit bientöt lui-même. Théodoric étant allé i fa rencontre ayec un de fes freres , ils entrerent tous trois dans Touloufe; Avitus' marchoit entre les deux Princes; c'étoit la place ^honneurs la majeflé de 1'Empire,' qui expiroit en Occident, fe faifoit encore refpecter même de fes vainqueurs. La paix n'étoit pas encore conclue , lorfqu'on apprit a Touloufe la mort de Maxime. Théodoric Vhériffoit Avitus, 1'an* Marcien Ann. 45$. LXII. Avitus  Marcien Avitüs. Ann. 45 5. Empereur. Sid. carm. 7- Ifid. chr. Got. Evag. I. a. f. 7. Idac. chr. na. Tim. Pro/p. chr. Greg. Tur. I. i. c. 11. Valef. rcr. Er. I. 4. Buch. Belg. 1.17. C. Cf. TUI. Avit. At Danville, notice des Gaules au mot Ugerxum, Lxin. Sidoine Apollinaire. 364 II I S T 0 I R E cien ami de fa familie. II avoit été élevé entre fes bras, & des fon enfance il avoit puifé dans fes converfations le go ut qu'il confervoit pour les Lettres. II le preffa de prendre la pourpre, & lui promit d'employer fon pouvoir a 1'élever k 1'Empire & k 1'y foutenir. II ne paroit pas que ce Prince ait eu befoin de redoubler fes inflances. Toute la noblefTe de la Narbonnoife, qu'il futmettreen mouvement , s'affembla a Ugernum, qu'on croit être Beaucaire. On convint de fe rendre dans trois jours k Arles , oü fe fit la prpclamation le huitieme d'Aoüt. Théodoric, avec fes freres, ne tarda pas a venir féliciter le nouvel Empereur, & lui offrir publiquement les fecours de fa nation. Cet empreflement en faveur d'Avitus paffa des Gaules en Italië : Avitus vint k Rome, oü le Sénat & le peuple 1'attendoient avec impatience. II étoit accompagné de fon gendre Sidoine, un des plus illuftres perfonnages de ce fiecle. C. Sollius Apollinaris Sidonius, petit-fils de cet Apollinaire, qui fut Préfet des Gaules fous le tyran Conftan-  j/u Bas-Empiile. Liv. XXXHl. 365 tin, étoit né a Lyon. 11 avoit d'abord porté les armes : il les quitta bientót pour fe livrer entiérement aux Let! tres, tk mit fa gloire a fe diffinguer par les talents de l'efprit. Ses poénes, que nous n'admirons plus, lui firent i une brillante réputation dans un iie1 cle, oii le goüt Sc la langue même avoient dégénéré. Avitus lui donna i en manage fa fille Papianille. Anthé: inius qui régna dans la fuite , lui conI féra les dignités de Préfet dë Rome I & de Patrice. On dit que Sidoine étoit t fi vivement touché de Ia mifere d'auj trui, que fouvent, a 1'infu de fa femI me, il emportoit quelqu'un des vafes j: dargent de fa table, tk les donnoit | aux pauvres; en forte que Papianille, 1 moins détachée de 1'amour du luxe» ij étoit obligée de les racheter. 11 fut en 1 47 z élu, malgré lui, Evêque de Ia cai pitale de PAuvergne, nommé aujour| d'hui Clermont. Sa vertu reconnue fl lui avoit mérité les firffrages du Clergé i èc du peuple; elle parut encore avec tl plus d'éclat pendant les dix années de a fon épifcopat, tk fut couronnée après I fa mort par les honneurs que 1'Eglife arend a fa mémoire. II laiffa un hls Q Hj Marctbn Avitus. Ann. 45 5^ Sid. I. 1. ep. 3. /. 3. ep. I. /. 9. ep. 16 & Ui Sirni. Vita Sid. apud Sirm. prxf. ad notas ia Sid. Greg. Tur. I. 2. e, at, Ut  Marcien Avitus. Ann. 45 5. LXIV, Complots de Mar«ellin.Prifc. p. 74- Proc. Van d. 1.1. e. 6. Phot. p. JO48. Mare. chr. Sid. I. 1. ep. 1i. Suid. voce Ma.px.ehhJvof & Xeihyg-"llot. & ihi nette Kufttri. $66 II 1 S T O 1 R £ nommé Apollinaire, & deux filles. Tandis que Théodoric travailloit a mettre Avitus fur le tröne, il fe tra'moit en Gaule une conjuration fecrete pour y placer Marcellin. C'étoit un payen d'une naiffance diftinguée. Sa probité, fa prudence, fa valeur renommée, fon expérience dans l'art militaire, jointe a tous les agréments d'une éducation polie, lui avoient attiré grand nombre de partifans. L'éclat de ces belles qualités étoit k la vérité un peu terni par le fanatifme; il vouloit palfer pour prophete : mais ce travers d'efprit fervoit encore a lui concilier les imbécilles, qui, dans tous les liecles, forment un peuple nombreux. Un fophifte, nommé Salufte, qui s'étoit hé d'amitié avec Marcellin, lui avoit communiqué cette extravagance. Salufte fe donnoit pour un homme infpiré; il affecloit 1'apathie Stoïcienne; & fon dit que, curieuxde favoir jufqu'a quel point i! peurroit fopporter la douleur,. il mit un jour fur fa cuitTe toute nue un charbon allumé, qu'il fouffla longtemps pour entretenir le feu & mefurer fa conftance. II nous refte en-  nu Bas-Empis.e. Liv. XXXIII. 367 core de ce Salufte un ouvrage intitulé : Des Dieux & du Monde. Marcellin avoit été ami d'Aëtius: le meurtre de ce Général Pirrita tellerrvent que dès-lors il concut le deffein de fe foulever contre Valentinien» II fut prévenu par Maxime; mais il ne ceffa. de travailler a fe former un parti pendant le peu de temps que régna ce tyran. Maxime mourut avant que Marcellin fut en état de fe déclarer» II continua fes intrigues- durant le regne d'Avitus. Un affez grand nombre de jeune nobleffe trempoit dans le complot. A la tête de fes partifans étoit Pceonius , homme fans naiffance, mais riche,~& qui s'étoit fait un grand crédit en mariant fa fille i\ un Gaulois illuftre , dont 1'hiftoire ne nous apprend pas le nom.. Toutes ces intrigues formées contre Avitus, devinrent encore inutiles par la mort précipitée de cet Empereur. Marcellin fe laffa de dreffer des batteries contre des Princes qui difparoiffoient avant qu'il put les abattre; & il prit enfin le parti de s'attacher de bonne foi au fervice de Majorien, fuceeffeur d'Avitus. Q iv Marcien Aviïus. Ann. 4* s*  Marcien Avitus. Ann. 455. LXV. Traité «TA ritus avec les Oftro- gcths. Sid, carm, Idac. chr, TUI. Avitus, Ann. 456. LXVI. Courfe des Erules en Efpagne.Sid. carm. 7. & ibi nat. Sirm. Idac, chr. 368 HlSTOIRB Le premier ibin d'Avitus, parvenu a 1'Empire, fut d'envoyer des députés h Marcien, pour lui faire part de fon élévation, & lui demander fon amitié. En même-temps, il prit, felon 1'ufage , le Confulat pour 1'année fuivante. Marcien , qui aimoit la paix, ne refufa pas de le reconnoitre pour fon collegue; mais il ne changea rien aux Confuls qu'il avoit déja déltgnés. C'eft pour cette raifon que le Confulat d'Avitus, n'eft point marqué dans les faftes. Afin de couvrir 1'Italie contre les incurfions des barbares du Nord, dont les ravages avoient été fi funeftes , Avitus fit un voyage en Pannonie, ou il conclut un traité avec les Oflrogoths, qui s'engagerent a fervir de barrière. II vit en ce pays les ruines récentes de la ville de Sabarie, qui venoit d'être détruite par un tremblement de terre. Etant revenu a Rome fur la fin de 1'année, il célébra le premier de Janvier la folemnité de fon entrée au Confulat. Sidoine, fon gendre, prononga en cette occafion un poëme que nous avons encore, & dans lequel il hafarde, felon l'ufage 9 de raar  dv Bas-Empirê. Liv. XXXI//. 369 gnifiques prédicf ions,quela Providence ne jugea pas a propos d'accomplir. Cet éloge fut récompenfé d'une ftatue d'airain qu'Avitus fit ériger a Sidoine dans un portique de la place de Trajan. On vit cette année une' nation barbare, deftinée a porter le dernier coup a 1'Empire d'Occident, faire en Efpagne le premier effai de fes cruautés tk de fes ravages. Quatre cents Erules abordés dans fept bar* ques fur les cótes de Galice, pénétrerent jufiqvi'a Lugo , mettant tout a feu tk a fang. Les habitants du pays s'étant enfin attroupés, ils furent forcés de regagner la mer; mais fans autre perte que celle de deux de leurs gens. En fe retirant, ils firent encore des defcentes fur les cötes des Cantabres tk des Vardules, dont le pays fe nomme aujourd'hui la Bifcaye. Comme les Erules, peu connus vonl fe fignaler entre les autres barbares. il eft a propos d'expofer ici leur origine, autant qu'il eft poflible de ladéjnêlef dans le cahos de Phiftoire de cc temps-la. Ce peuple, forti autrefois dc Ia Scandinavië avec les Goths don il faifoit partie 3 fe fépara du gros d< Q v Marcien Avitus. Ann, 45,4, LXVIÏ. Origine des Erules. Jorn. de reb. Gei, c. Sid. I. S.. eF. 9. , Proa Got, l. 2. e. 14. 1. Jt.e.%0,  Marcien Avitus. Ann. 456. Idem. Vand. I. 2. e. 4. Vaul Diac. hifi. Lang. I. i. e. 2». Fredeg. app. c. i f. Buch. Belg. t. 10. TUI. Avit. Cellar. Geog. ant. I. 2. C. 5. §. 2. art. 64, Snnod. vita B. Anto1 iMI?' 370 HlSTOIRE la nation ; & s'étant joint aux Ruges & aux Vandales, s'arrêta entre les embouchures de POder & de la Viftule. On croit que ce font les Erules que Tacite appelle Lemovii. Dans la fuite, toujours unis aux deux autres nations , ils vinrent s'établir dans les forêts de la Bohème. S'y étant rtiultipliés, ils fe féparerent; &£ formant un corps nombreux, ils allerent habiter les environs des Palus Méotides : ils furent fubjugués par le eélebre Ermanaric, Roi des Offrogoths. L'incurfion des Huns ayant changé toute la face du Nord , ils remonterent vers le Septentrion, & regagnerent leurs anciennes demeures , oii ils fe fixerent de nouveau dans le voiftnage des Varnes ou Varins, qui habitoient les cötes de ce qu'on nommé aujpurd'hui le Meckelbourg. Les Saxons & les Anglois étant pour la plupart paffes dans la grande-Bretagne, les Varnes, leurs voifins, defcendiarent le long des cötes de la Frife , & fe firent un Royaume aux environs des embouchures du Rhin, oü ils fubfilïerent plus de cent ans. Les Erules prirent leur place s ck s'étendireaï  du Bas-Empire. Liv. XXXHf. 371 fur la cöte oü fe déchargent PElbe, le Vefer & 1'Ems. C'eft de-la qu'ils commencerent a courir les mers, & k porter la défolation jufqu'en Efpagne. Ils palloient pour les plus inhumains & les plus féroces de tous les barbares. Ils immoloient des hommes. Ennodius dit que, dans leurs courfes, ils facrifioient préférablement les Moines , comme des vi&imes plus agréables a leurs divinités. Les malades & les vieillards ne mouroient pas chez eux de mort naturelle.. Ceux qui fe fentoient appefantis par la vieilleffe, ou attaqués d'une longue maladie , étoient obligés de prier leurs parents de les délivrer de cet état facheux, qui les rendoit inutiles k la nation. On dreffoit aufii-tót un bücher fort élevé,.au haut duquel on portoit celui qui devoit mourir; enfuite on y faifoit monter un de fes compatriotes , armé d'un poignard : mais il ne falloit pas que ce fut un de fes parents. Lorfque celui-ci étoit defcendu, après avoir rendu au- malade ou au vieillard le crue! fervice qu'il avoit demandé r on mettoit le feu Q v| Marcien Avittss, Ann. 456. LXVIII. Leurs mceurs.  Marcien Avitus '. Ann. 456. 3?2 HlSTOIRE au bucher : on recueilloit les os, & on les enterroit. Si le mourant étoit marié, il falloit que fa femme, pour prouver fa vertu, fe pendit auprès du bucher; autrement elle étoit défhonorée, & deve-noit un objet d'exécration pour toute la familie du mort. Les Erules, ne vivant que de chaffe & de pillage, étoient des voifins trèsincommodes. Contre 1'ufage des barbares de ces contrées, ils fe faifoient payer un tribut par les peuples vaincus. Ils avoient le teint verdatre, kpeu-près de la couleur de la mer dont ils habitoient les bords. Ils alloient nuds au combat, foit par affeöation de bravoure, foit pour êfre plus légers. Auffi étoient-ils d'une vitelfe extraordinaire ; & pour cette raifon , tous les peuples guerriers en vouloient avoir dans leurs armées. Nous en avons vu dans les troupes d'Aëtius & dans celles d'Attila. Les Empereurs d'Orient en prirent k leur folde dans la fuite. D'ailleurs, cette nation étoit en horreur a toutes les autres; il étoit rare de trouver entre les Erules un homme qui ne fut pas perfide, brutal, inconftant, adoft-  m Bas-Empire. Liv. XXXIII. 373 né au vin, & k ces excès affreux que ; < réprouve la nature. Réchiaire , Roi des Sueves en Ef1 pagne, Prince guerrier & entrepre1 nant, auroit été un ennemi beaucoup : plus redoutable pour les Romains, : fi Théodoric , ami d'Avitus , ne fe ! fut chargé de réprimer fon audace. ] Quatre ans auparavant , Manfuet, i Comte d'Efpagne , & le Comte FronI ton , envqyés par Valentinien , ai voient conclu avec lui un traité de l paix. Mais ce Prince, préférant Tart grandiffement de fes Etats k toute auI tre confidération, étendoit fans ceffe 1 fon domaine; tk profitant des trouj bles de 1'Empire, il paroiffoit avoir I concu le proiet de s'emparer de toute I FEfpagne. Fronton lui fut une feconI de fois envoyé par Avitus. Afin d'apI puyer le député Romain , Théodo1 ric, beau-frere de Réchiaire, en joi| gnit un de fa part, pour le fommer >j de fa parole, & 1'avertir que les RoI mains ck les Vifigoths étant unis pat I 1'amitié la plus étroite , il ne pou1 voit attaquer les uns fans s'attirer les autres fur les bras. Rcchiaire étoh :i trop fier pour écouter patiemmem Warcibm Avitus. \nn. 456. LX1X. Guerre de Réchiaire & de Théodoric. Jorn. de reb. Cet, c. 44- Idac. chr. Jfid. chion. Gut. Sr Suev. Vale/, rer. Ir. I. 4. Buch. Belg. 1.17, c. 10. TUI. Arit. t  Marcien Avitus. Ann. 456. 374 II I S T O I R £ ces remontrances menacantes; il répondit que Théodoric pouvoit 1'attendre a Touloufe; qu'il iroit inceffamment lui porter fa réponfe a la tête de fon armée. En même-temps, il fe jette dans la Tarraconoife, y fait un horrible ravage, & ramene en Galice un grand nombre de prifonniers. Théodoric , piqué au vif de cette infulte, leve des troupes, appelle a fon fecours les Rois des Bourguignons , Gondiac& Chilpéric, paffe les Pyrénées, & va chercher Réchiaire. II étoit fecretement eonvenu avec Avitus, que les conquêtes qu'il pourroit faire fur les Sueves, refteroient aux Vifigoths» La bataille fe donna le 5 d'OÖobre, h quatre lieues d'Aftorga, furies bords de la riviere d'Orbegue. Elle fut très-langlante; la plupart des Sueves y périrent ou furent faits prifonniers : il ne s'en fauva qu'un petit nombre, entre lefquels Réchiaire bleffé s'enfuit au fond de la Galice. S'étant jetté dans une barque pour échapper aux Vifigoths qui le pourfuivoient, il fut repouffé fur la cöte par les vents ce-ntraires, & fe retira dans un lieu nommé alors  »u Bas-Empire. Liv. XXXIII. 375 Portucal, a 1'embouchure du Douro : on croit que c'eft aujourd'hui Porto, dont Pancien nom s'eft communiqué k tout le Royaume. II y fut pris & conduit a Théodoric, qui le fit garder en prifon , jufqu'a ce qu'il eut achevé de réduire la Galice. Les Vifigoths marcherent auflïtöt a Brague, capitale du pays, 8c réfidence des Rois Sueves. Ils y entrerent fans réfiftance le 28 d'Octobre ; & a 1'exception du maffacre que Théodoric épargna aux habitants, cette ville éprouva tous les maux qu'on peut craindre d'un ennemi victorieux. Elle fut pillée : hommes, femrnes, enfants, tout fut réduit en efclavage. Comme les Vifigoths étoient Ariens, & que Réchiaire avoit fait embralTer a fon peuple la Religion Catholique; en haine de ce changement , on profana les Eglifes , dont on fit des écuries & des étables. La plupart des autres villes s'étant renduesau vainqueur, Théodoric, pour alTurer fa conquête, fit trancher la tête au Roi prifonnier. Cette guerre cruelle entre deux beaux-freres, afToiblit beaucoup le Royaume des Sueves» MarcienAnitus.Ann. 456.  Marcien Avitu Ann. 456. LXX. Erat du Royaume des Sueves après la mort de Réchiaire. 375 HlSTOIKB A Pextrêmité de la Galice s'étoient cantonnés quelques Sueves , qui, jaloux de Phonneur de leur nation ,. ayant appris la mort de leur Roi, élurent pour le remplacer un Seigneur du pays, nommé Maldra. De plus , dans les montagnes des Afturies fe maintenoit encore un refle d'anciens Romains , qui , défendant leur liberté a la faveur des lieux inacceflibles qu'ils habitoient, ne s'étoit jamais foumis aux Sueves, & reftiferent de fe .oumettre a Théodoric. 11 fe forma encore un autre parti : c'étoient des brigands , qui, prenant le nom de Romains , pillerent les environs de Brague. Théodoric, ne croyant pas fa préfence nécetlaire pour achever de réduire des ennemis qu'il méprifoit, fe contenta de laiffer en Galice Agiulfe avec quelques troupes , &C paffa en Lufitanie 011 il demeura pendant 1'hyver. Cet Agiulfe étoit de la nation des Varnes. C'étoit le même qui, neuf ans auparavant, par un ordre fecret de Théodoric le pere, avoit affaffiné le Comte Cenlorius. II avoit utilement fervi le nouveau Roi des Vifigoths dans. fa conquête ,  nu Bas-Empire. Liv. XXXIH. 377 & ce Prince crut ne pouvoir mieux faire que de lui confier le foin de la conferver, & de détruire cette poignée d'ennemis qui s'obftinoiënt a le défendre. On verra dans la fuite , par la conduite d'Agiulfe , ce que les Princes doivent attendre de ceux qui ont gagné leur confiance par des forfaits. Pendant que Théodoric s'occupoit a conquérir la Galice , il recut une nouvelle qui dut lui être très-agréable, paree qu'il haïffoit mortellement Genféric, depuis le fanglant affront que ce Prince avoit fait a fa fceur. Avitus, qui étoit retourné a Arles, lui envoya le Tribun Héfychius pour lui porter des préfents, & lui faire part de la vidfoire remportée fur la flotte des Vandales. L'Empereur , voulant arrêter leurs pillages, avoit député en Afrique pour faire fouvenir Genféric du traité fait en 442 , par lequel le partage de 1'Afrique ayant été réglé entre lui & Valentinien , on étoit convenu d'une paix durable : il le mena§oit de la guerre, s'il continuoit fes pirateries. Le Roi, pour réponfe a ces remontrances y Marcien Avitus^ /Vnn. 456, lxxl Dcfaite de la flotte de Genféric. na. vu. I. i. Prifc. p. 7%- Idac. chr.. Sid. carm.. 2. Valef. rer. Fr. I. 4. Buch. Belg. 1.17.. c. 10.  Marcien Avitus. Arm. 4J-6. 1XXII. Commencementsde Ricimer. j Sid. carm. a , 5. 1 Ennod. vit, I Epiph. Jorn. de < reb. Gtt. c, < 4T- ] Grej-. Tur. , i. Z.C II. 1 Baronius, ^ VaUf. rer. , Fr. 4. ( Belg, 1-17. ( «.ii. , 77//. ^v/r. . J i 3?8 HlSTOIRB mit en mer une flotte de foixante voiles. Ori ne fait fi elle avoit ordre de defcendre en Gaule ou en Italië. Elle fut rencontrée prés de Pifle de Corfe par le Comte Ricimer. La fe donna un grand combat, 011 les vaiffeaux de Genféric furent partie coulés a fond, partie mis en fuite. Après cette victoire, Ricimer paffa en Sicile , oii il défit prés d'Agrigence un autre corps de Vandales, qu'on y avoit débarrpiés pour ravager le pays. Ricimer, dont nous voyons ici es premiers fuccès, fut un de ces ïommes extraordinaires , nés pour le alut ou pour la deftruction des Em)ires. 11 étoit fils d'un Prince Sueve, k d'une fille de Vallia, Roi des Vifi;oths. S'étant, dès fa jeunefle, attaché LU fervice de Valentinien, il apprit e métier de la guerre fous Aëtius , k parvint a la dignité de Comte. 3'étoit une ame forte tk vigoureufe, igalement capable d'aöions héroïjues & de grands forfaits. Intrépide» lans les périls, fécond en reflburces lans les confeils, éloquent, adroit, nfinuant, affez hardi pour emporter le force ce qu'il ne pouvoit gagner par  du Bas-Empirb. Liv. XXXHL 379 adreffe; mais fans foi, fans honneur; ne recevant de loi que de fon ambition. II eut pu trois fois s'emparer de la pourpre : il aima mieux en revêtir des idoles qu'il élevoit pour les abattre è fon gré. II faifoit profeffion de la Religion Arienne ; mais fon cceur n'en connoiffoit aucune. La victoire qu'il venoit de remporter, en élevant fon courage , lui infpira du mépris pour l'Empereur: Avitus contribuoit lui-même a fe rendre méprifable. Après s'être diltingué par fon mérite dans Pétat de particulier , il ne fut pas plutöt maitre de 1'Empire, qü'il fe déshonora par fes déréglements. Ricimer étant promptement retourné en Italië , fouleva contre lui le Sénat Romain, & excita dans Ravenne une fédition furieufe, dans laquelle une partie de la ville fut brülée, & le Patrice Ramite maffacré. Théodoric , occupé : alors dans la Galice , n'eut pas le I temps de fecourir Avitus, qui, ayant ; paffé les Alpes a la première nouvelle ; du foulevement, rencontra prés de 1 Plaifance Ricimer a la tête de quelques troupes. II fe livra un combat Marcien Avitus. Ann. 4; 6. LXXIIT. Avitus dépofé. lilac. chr. Caffiod. chr. na. T«n. Evag. I. 1, c. 7. Theoph, p, 94. Jorn. it rei. (iet. c, 45. Greg, Tur. I. 2. c. II, Valef. rtr. Fr. I. 4. Bucfr. Belg. c. 10,11. TUL Aviu  Marcien ■Avitus. Ann, 4j6. 380 IIlSTOIRB le 16 ou 17 d'Oöobre : Avitus füt défait & pris. Le vainqueur voulut bien lui lailTer la vie , & le fit facrer Evêque de Plaifance. Mais peu de jours après, Avitus ayant appris que le Sénat vouloit le faire mourir, prit le parti de fe fauver en Gaule. Son deffein étoit de fe retirer a Brioude en Auvergne, dans 1'Eglife de Saint-Julien, comme dans un afyle inviolable. II portoit avec lui de riches préfents, qu'il deftinoit a 1'ornement de cette Bafilique. Mais il mourut en chemin. Son corps fut :>orté a Brioude, & enterré aux pieds du faint Martyr. II avoit régné quatorze mois & neuf ou dix jours. Meffien, fon Miniftre, fut mis a mort 'e 17 Décembre fuivant. Après Ia mort d'Avitus, le tröne refta vacant aendant le refte de cette année, tk ia plus grande partie de la fuivante. II eft vraifemblable que les Empereurs d'Orient, Marcien, tk Léon qui üiccéda k Marcien dans cet intervalse , prirent fom des affaires d'Italie Sc des Gaules, tk qu'ils fe porterent pour Monarques d'Occident, comiiie il étoit arrivé après la mort d'Ho-  du Bas-Rmpirr. Liv. XXXIIL 381 noriiïs, & après celle de Valentinien troifieme. . L'Occident, agité par tant de violentes révolutions, devoit porter envie a la tranquillité dont l'Orient étoit redevable a la fageffe de Marden. Quoique ce Prince eut paffe fa vie dans la profeffion militaire, il avoit coutume de dire qu'un Monarque ne doit jamais faire la guerre, tant qu'il lui eft libre de vivre en paix. Mais en même-temps, il n'oublioit pas de maintenir par les armes fa gloire & la füreté de fes fujets. Les Lazes, peuples barbares, qui habitoient autrefois au Nord du PontEuxin, s'étoient emparés de la Colchide, qui prit le nom de Lazique. II paroït même que 1'Empire leur avoit cédé k certaines conditions la poffeflion de ce pays. Gobaze, qui rcgnoit alors, avoit donné k fon fils le nom de Roi; & ce jeune Prince voulant réalifer ce titre par des conquêtes , faifoit des incurfions fur les terres des Romains. Dès 1'année précédente, Marcien avoit envoyé contre lui une armée, qui, après quelque fuccès, étoit revenue k Conftan- Marcien Avitus. Ann. 456. LXXiV. Guerre de la Lazi> que. Prifc. f. 4i . 73 . 74- Zon. p. 49. Cellar. Geog. Anr. l- c 9. art. 23,  Marcien Ann. 456. 1 38a HrsrotRg tinople aux approches de Phyver» cette faifon étant trop rigoureufe fous le climat de la Lazique. Cette armée avoit beaucoup fouffert dans fes marches au travers des forêts & des montagnes. L'Empereur, fe préparant a une nouvelle expédition, délibéroit fur la route qu'il feroit prendre a fes troupes. Celle de la mer auroit été la plus courte; mais la cöte de Lazique n'avoit point de port pour favorifer une defcente. II réfolut donc de faire marcher fon armée par 1'Arménie. Ce pays étant partagé entre les Perfes & les Romains, il falloit sbtenir le confentement du Roi de Perfe , afin qu'il n'inquiétat pas les troupes Romaines dans leur marche. Cependant Gobaze ne fe fentant pas affez de forces pour réfifter a celles de 1'Empire , envoya demander du fecours a Ifdegérd. II ne put en obtenir, paree que ce Prince avoit alors befoin de toutes fes troupes pour faire la guerre aux Huns nommés Cidari» tes, qui font les mêmes que les Huns Euthalites dont nous avons déja paré. II fe détermina donc a entrer en aégociation avec Marcien. L'Empe-;  dv ISas-Empire, Liv. XXXIII. 283 reur exigea pour préliminaire , que Gobaze optat entre ces deux partis; 1 ou d'öter la couronne k fon fils, ou de Ia dépofer lui-même, proteftant qu'il ne fouffriroit pas qu'il y eut deux ! Rois dans la Lazique, Gobaze fe fou' mit k cette condition , & céda la coui ronne a fon fils. Marcien lui fit eni fuite donner ordre de venir fur les ; terres de 1'Empire, pour rendre comp! te de fa conduite. Le Prince y conI fentit, fur la parole qu'on lui donna 1 qu'il n'éprouveroit aucun mauvais : traitement. Lorfqu'il fut fur la fronj tiere, on lui envoya le Comte Dej nys, qui conclut avec lui un traité iavantageux. Par ce procédé qui refipiroit encore 1'ancienne fierté Roi maine , Marcien foutint la dignité de 11'Empire, que fes prédécefleurs n'a; voient que trop avilie. Ses fujets n'éprouverent fous fon regne que les maux dont la fagefle humaine ne pouvoit lesgarantir. On rapporte qu'il tomba cette année en Phrygie des nuées de fauterelles, qui ■dévorerent tous les fruits. Une lonigue féchereffe brfila entiérement les femences dans 1'Afie mineure & dans Marciem Ann. 4f6. txxv, Calamités enOrienf. Mare. chr. Evag. I. 2,  Marcien Ann. 456. Ann. 457. LXXVI. Mort de Marcien. Mare. chr. Idac. chr. Chr. Alex. Vilt. Tun. Theod. L. I. 1. Theeph. p. 94- tvag. L 2. c. 8. Cedren. p. 346. Zon.p. 49. Joel , p. 171. Malela , p, *7. 5S4 II I S T & I R S la Paleftine; en forte que les aliments mal-fains, auxquels les habitants furent obligés de recourir, cauferent des maladies mortelles. Une enflure extraordinaire , jointe a une toux opiniatre tk a une inflammation qui fe répandoit par tout le corps , leur faifoit d'abord perdre les yeux, tk les emportoit en trois jours. Dans cette ealamité, l'Empereur s'emprelTa de procurer aux Provinces affligées, tous les foulagements qui étoient en fon pouvoir. Mais ni la famine, ni les maladies ne furent pour 1'Orient des accidents aufTi funeftes que la mort de Marcien. Ce Prince, li digne de régner longtemps, mourut a Conftantinople le 26 de Janvier de 1'année fuivante , après cinq mois de maladie, dans la foixante tk cinquieme année de fon age. II avoit régné fix ans, cinq mois tk trois jours. II fut enterré dans 1'Eglife des Saints Apötres, fépulture ordinaire des Empereurs , ou , comme le difent quelques Auteurs, dans celle de Sainte-Zoé qu'il avoit fait batir. Zonare dit qu'Afpar fut foupfonné de 1'avoir empoifonné, Sa mémoire eft  &u Bas-Empire. Liv. XXXIII. 385 eft honorée dans 1'Eglife Grecque, qui en célebre la fête avec celle de Pulchérie; & 1'hiftoire le met au rang de ce petit nombre de Souverains , qui, nés dans 1'obfcurité , font parvenus a la couronne fans la deiirer, & qui ont juftifié, par leurs vertus & par leurs talents ? le choix de la Providence. Tome VIL R Marcien Ann. 457. Codin. orig.p. 6(S„ 61.   387 S O M M A I R E D ü LIV RE TRENTE-QU ATRIEME. I. Léon Empereur. n. Son caractere. III. Premières aclions de Léon. IV, Troubles a" Alexandrie. V. Maffacre de Protérius. VI. Conduite de Léon d Tégard du fchifme d'Alexandrie. VII. Majorien élevé d TEmpire. VIII. Portrail de Majorien. IX. Ses loix. X% Princi,paux Officiers de Majorien. XI. Pozonius, Préfet des Gaules. XII. Conduite de Théodoric. XIII. Gtterres des Sueves. XIV. Lettre de Majorien au Sénat. XV. Bataille de Sinueffe. XVI. Guerre en Gaule contre les Vifigoths, XVII. Majorien paffe les Alpes. XVIII. Majorien tn Gaule. XIX. Egidius, Roi des Frangois. XX. Tremblement de terre d Antioche. XXI. Paix avec les Vifigoths. XXII. Expédition de Majorien rendue inudle par Genféric, XXlii. Mort de R ij  388 SOMMAIRE Majorien. XXIV. Sévere Empereur. XXV. Le grand Théodoric donné en étage a Léon. XXVI. Genféric renvoye d Conftantinople Eudoxie & Placidie. XXVII. Léon ne peut ohtenir de Genféric qu il ceffe de piller Citatie. XXVIII. Mouvements des peuples feptentrionaux. XXIX. Moines qui confervent les dignités féculieres. XXX. Marcellin stempare de la Dalmatie. XXXI. Brouilleries cTEgidius & d'Agrippin. XXXII. Révolte d'Egidius. XXXIII. Guerre d'Egidius. XXXIV. II ejl chajffé par les Francois. XXXV. Etat de tEmpire dans la Gaule après la mort cIEgidius. XXXVI. Affaires dlEfpagne. XXXVII. Avancement de Bafilifque. XXXVIII. Pérofe, Roi de Perfe , trompe indignement le Roi des Cidarites. XXXIX. Ambaffade de Pérofe d Léon. XL. Embrafement d Conjlantinople. XLi. Mort de Sévere. XLll. Gouvernement de Ricimer. XLIII. Euric fuccede d Théodoric. XLIV. Gobaze vient d Conjlantinople. xlv. Guerre entre les Goths & les Huns. XLVI. Entre les Goths. & les Squires. XLVII. Entre les Goths & les Sueves de Germanie, XLVlll. Entre les Romains  du Liv. XXXIVe. 389 & les Huns. XLIX. Autre guerre entre les Huns & les Romains. L. Rufe des Romains pour faire périr les Huns. LI. Maffacre des barbares. Lil. Pérofe vainqueur des Cidarites, LUI. Hijloire Jtlfocafe, R iij   HISTOIRE D U BASEMPIRE. 11VRE TRENTE-QUA TR1E ME. LÉON, MAJORIEN, SÉV E R E II. MARCIEN laiffoit 1'Empire tranquille Si floriffant. 11 avoit rétabli entre toutes les parties du gouvernement cette heureufe harmonie qui fait la profpérité des Etats. Les peuples écoutoient les Magiftrats comme la voix du Prince; ceux-ci n'exR iv 391 LÉON. Ann. 457. I. Léon Empereur.Idac. chr. Mare. chr. Via. Tun.  LÉON. Ann. 457. Candid. Jfaur. Chr. Alest. Jorn, de regn. fuc- Malela. Suid. vo~ tcib. Aicac. "Lï]vav. Theoph, p, 95- JotL Cedren, p. 346. Zon. t. II. f- 49. 51. Manatfe. Maronius. TUI. Léon, ««. 1,1, ] ] I 1 ] ( 1 1 1 S92 H 1 S T O I S. £ cédoient pas les bornes de leur pouvoir; les gens de guerre attendoient les décifions du Sénat, &le Sénat étoit parfaitement uni. Afpar, qui, fous un Prince foible, auroit été trop puiffant , avoit confervé fon crédit fans ofer en abufer. Après la mort de Marcien , fon ambition le follicitoit vivement de s'emparer de 1'Empire; mais étant Alain de nahfance & Arien de Religion'1, très-obffiné dans fon erreur, il n'efpéroit pas pouvoir réunir les fuffrages. II aima mieux faire un Empereur, fous le nom duquel il fe flattojt de régner. II jetta les yeux fur Léon , fïmple Tribun, qui commandoit a Selymbrie, tk qui lui devoit fa fortune, ayant d'abord été Intendant des domaines d'Afpar , tk enfuke avancé aux emplois militaires >ar la faveur de ce Général. Mais 'exemple de Marcien, qui, après avoir :té attaché a fon fervice, s'étoit monré fon maïtre lorfqu'il fut devenu impereur, I'engagea h faire fes conlitions, II avoit trois fils, Ardabure, 'atrice, tk Ermenaric ; il tira proneffe de Léon , qu'il en éleveroit in a la dignité de Céfar. Le Tribun  I nu Bas-Empihe. Liv. XXXIF. 393 promit tout ce qu'on voulut; & Afpar ayant ménagé les efprits des Sénateurs, le fit prociamer Empereur le feptieme de Février, dans 1'Hebdome, en préfence de 1'armée, qui accepta volontiers pour maitre celui que le Sénat paroiffoit avoir choifL Léon recut la couronne des mains du Patriarche Anatolius : c'eft le premier Souverain qui ait été couronné par un Evêque. II ne paroit pas qu'on ait fait alors aucune mention d'Anthémius , mari d'Euphémie , fille de Marcien , quoique fon beau-pere 1'eüt revêtu des premières dignités en le faifant Conful en 455 , Maitre de la milice, & enfin Patrice. Le nouvel Empereur ne concut même de lui aucune jaloufie: il 1'employa dans plufieurs glierres, & le favorifa dans Ia fuite de tout fon pouvoir pour 1'élever fur le tröne d'Occident. Léon étoit né dans la Dace d'lllyrie, ou dans le pays des Beffes, habitants du mont Hcemus. Auffi eft-il eommunément nommé Léon de Thrace. II étoit d'une taille fort mince & fort déliée. II avoit de 1'efprit, de la prudence, des mceurs irréprochaR v 1 LÉON. Ann. 457. II. Son carailere.  LÉON. Ann. 45 7. 394 HlSTOIRE bles. Son zele pour la doctrine Catholique, fon refpect pour les Evêques qu'il confultoit, & pour le fameux folitaire Daniël, qui vivoit fur une colonne prés de Conftantinople, fa magnificence dans la fondation de plufieurs Eglifes, lui ont mérité de grands éloges de la part des Papes & des Prélats de fon temps. Quoiqu'il fut abfolument fans étude, il eftimoit les lavants; & 1'on dit qu'ayant accordé une penfion k un Philofophe célebre, nommé Eulogius, comme un de fes eunuques lui repréfentoit que cet argent feroit mieux employé k payer les foldats : Plüt d Dieu , ditil , que je fujfe ajfe^ heureux pour navoir d payer que les gens de Lettres. II avoit coutume de dire , que le Prince doit reffembler au foleil, qui répand fa chaleur bienfailante fur tout ce qu'il éclaire. Un Auteur qui ne lui eft poftérieur que d'un demi-fiecle, fait de ce Prince un portrait affreux. Si on veut Pen croire, Léon fut un monftre d'avarice & de cruauté : il envahiffoit les biens de fes fujets, fubornant des délateurs a gages, U fuppofant lui-même de faux cri-  bv Bjs-Empire. Liv. lXXX/r. 395 mes, lorfqu'ikne trouvoit pas de délateurs. II entaflbit dans fes tréfors 1'or de tout 1'Empire; & dépouillant les Provinces de 1'opulence dont elles avoient joui fousle regne de Marcien, il les mettoit hors d'état de payer les contributions ordinaires. On ajoute qu'il étoit inexorable dans fa colere , &c que la flatterie , qu'il aimoit autant que les bons Princes la déteftent , étoit 1'unique moyen de 1'appaifer. Si ces traits odieux font conformes a la vérité, du moins lui eüton 1'obligation d'être feul méchant, & de retenir le caractere violent & emporté de fa femme Vérine. Tant qu'il vécut, cette Princeffe hypocrite parut s'éloigner des affaires pour fe renfermer dans les exercices de piété. Dès qu'il fut mort, elle troubla 1'Empire par une ambition démefurée , & elle le déshonora par fes débauches. Afpar, qui avoit placé Léon fur le tröne, s'attendoit bien a difpofer a fon gré de l'Empereur & de 1'Empire. II le fommoit fans ceffe de la parole qu'il lui avoit donnée, denommerCéfar un de fes trois fils. Mais Léon R vj LÉON. Ann. 457. III. Premières actions de Léon. Zon. t, II. p. 49- Cedr. p. 346.  LÉON. Ann. 457. Manajfn. TUI. Léon, art, 3. AJfemani, JBitl. or. t. 1 p. 2x5. 396 H I S T 0 L R E vouloit régner , & différoit toujours d'exécuter cette promeffe. Un jour qu'Afpar le preffoit avec importunité, & que prenant en main un pan de la robe Impériale, il lui difoit ; Convient-il d celui qui porte cette pourpre de manquer d fa parole ? II lui convient encore moins , répartit Léon, de fouffrir qu'on lui faffe la loi comme d un efclave. Le récit de Cédrene eft différent. II raconte qu'Afpar ayant tiré de l'Empereur a force d'importunité, une promeffe de conférer a un hom me de la fecte la préfeöure de Conftantinople, Léon, dès la nuit fuivante, en revêtit un Catholique; ce qui attira la plainte & la réponfe qui viennent d'être rapportées. La première année du regne de ce Prince fut lignalée par un fuccès éclatant des armes Romaines : mais toutes les circonftances du fait_ font reftées dans Pobfcurifé. On ignore jufqu'au nom du peuple vaincu. Tout ce qu'on fait, c'eft qu'une nation barbare s'étaat jettée dans la Province de Pont avec une armée innombrable, y fut entiérement défaite. D'un autre cöté, les Sarrafins pillerent la ville de  du Bas-Empire. Liv. XXXIV. 397 Bethfur en Méfopotamie. Les habitants étoient la plupart idolatres, & adoroient Vénus la grande divinité des Arabes. En cette même année, Alexandrie vit dans fon enceinte une de ces fanglantes tragédies, qui ne fe renouvelloient que trop fouvent dans cette ville féditieufe. Diofcore , condamné par le Concile de Chalcédoine, ayant été relégué a Gangres en Paphlagonie, Protérius avoit été élu pour remplir fa place. Cette éledtion fouleva les feclateurs d'Eutychès qui fe trouvoient en grand nombre dans Alexandrie. Ils attaquent les Magiftrats , accablent de pierres les foldats qui accouroient pourdilïiper les féditieux, tk lesobligent de fe réfugier dansun ancien temple. On y met le feu; les foldats y font brülés vifs avec 1'édifice. Marcien, qui régnoit alors, in-formé de cette révolte fit embarquer deux mille hommes, qui arriverent le lixieme jour dans leport d'Alexandrie. Ces troupes envoyées pour contenir les mutins, augmenterent le défordre par les violences qu'elles exercerent fur les femrnes tk fur les LÉON. Ann. 457, IV. Troubles rt'Alexaadrie. Evag. I. 2. 5. 8,9, 10, 11. Theod. l. I. I. Theoph. p. 9t . 91. 94. 95Cedren. p, 347- Anaftaf. Via: Tun. Jinronius. Pagi ai Bar. Fleury , hifi. Ecclef. I. 29. art. 5 , 12. Tili. Léon, art. 3.  LÉON. Ann. 457. V. Manacre de Protérius. 398 HlSTOIRB filles, comme dans une ville prife d'affaut. Florus , qui commandoit dans Alexandrie, retrancha les diftributions de bied, ferma les bains publics, interdit les fpeétacles; tk comme les féditieux avoient menacé d'arrêter le convoi qui partoit tous les ans pour Conftantinople, l'Empereur ordonna de faife defcendre par le Nil tout le bied de PEgypte a Pélufe, & non pas a Alexandrie : ce qui caufa la famine , tk réduifit ce peuple infolent a recourir aux larmes & aux prieres. Florus fe laiffa fléchir; & ayant obtenu grace de l'Empereur, il rendit aux habitants tout ce qu'il leur avoit öté. Quatre années fe pafferent fans révolte ouverte des hérétiques; mais non pas fans allarmes de la part de Protérius. Enfin, la nouvelle de la mort de Marcien ranima 1'audace du parti de Diofcore. Pendant que Denys, Préfet d'Egypte, étoit occupé dans la Thébaïde, ils fe foulevent, élifent pour Evêque Timothée Elure, & le font facrer par deux Prélats excommuniés. Ce Timothée étoit un Moine, qui, s'étant féparé des Catho-  nu Bas-Empire. Liv. XXXIF. 39? liques après la condamnation de Diofcore, s'étoit mis a la tête de quelques autres Moines infectés ainfi que lui des erreurs d'Eutychès. II étoit foutenu de quatre ou cinq Evêques condamnés par un Concile, & exilés par ordre de Marcien. Cet importeur, pour groffir fon parti, rödoit de nuit autour des cellules des Moines , & leur parlant au travers d'une canne creufe, il les appelloit par leur nom, fe difant un ange envoyé de Dieu pour leur ordonner de rejetter le Concile de Chalcédoine, & de placer fur le fiege d'Alexandrie, Timothée fon ferviteur. A la première nouvelle de ces troubles , Denys revint en diligence, & trouvant que Timothée étoit alors abfent d'Alexandrie , il Pempêcha d'y rentrer. Auffi-töt les partifans de celuici deviennent furieux ; ils courent en foule a 1'Eglife oü 1'Evêque célébroit les faints offices: c'étoit le 28 de Mars, jour du jeudi-faint. Protérius fe réfugié dans le baptiftere; on le pourfuit, on le maffacre cruellement avec fix de fes Prêtres : & après 1'avoir expofé aux infultes des hérétiques, LÉON. A.nn. 45 7,  LÉON, Ann. 457. 1 VI. Conduite de Léon a 1'égard du ] fchifme : d'Alexandrie. 1 1 1 1 ] 1 | I ] < < 1 ] J » I 1-00 BlSTOIRE dans un lieu nommé Tétrapyle, on xaine fon cadavre par les rues. La -age des meurtriers s'emporte jufqu'a lévorer une partie de fes entrailles: sn brüle le refte, & on en jette les :endreF au vent. Le récit de ces horreurs fit frénir les deux Empires. Léon , dès les jremiers jours de fon regne, avoit nontré fon attachement a la foi Caholique, en écrivant aux métropoitains pour confirmer les ordonnan:es de fes prédéceffeurs, & en pariculier celles de Marcien en faveur lu Concile de Chalcédoine. Plufieurs ïvêques orthodoxes allerent a Confantinople porter leurs plaintesa 1'Em>ereur des viplenees exercées a Ale.andrie. Quatre Prélats hérétiques s'y endirent auffi avec des lettres de rimothée. Les deux partis préfenteent leur requête. Les Schifmatiques lemandoient un nouveau Concile, k les Orthodoxes ne s'y oppofoient >as , quoiqu'ils déclaraflent qu'ils ne e jugeoient pas néceffaire. L'Empeeur, pour ne point s'ériger en juge le la foi ni de la difcipline eccléfiafique, écrivit une lettre circulaire a  dv Bas-Empire. Liv. XXXIP. 401 tous les Evêques des grands fieges, les priant d'afTembler leurs Suffragants, & de lui mander leurs avis fur le Concile de Chalcédoine, & fur 1'ordination de Timothée. II confulta même plufieurs folitaires célebres par leur fainteté; & comme il ne rejettoit pas la propofition d'un nouveau Concile, il écrivit au Pape Léon pour 1'inviter a fe rendre en Oriënt. Le Pape lui répondit fur le champ que la caufe avoit été jugée fans retour a Chalcédoine , & que renouveller les difputes au gré du parti condamné, c'étoit les rendre interminables. II ne voulut pas même dans la fuite confentir a une conférence demandée par les partifans de Timothée. Tous les métropolitains, a 1'exception d'un feul, firent a l'Empereur la même réponfe , que les décifions du Concile de Chalcédoine étoient faintes & irrévocables; qu'il n'étoit pas befoin d'un nouveau Concile; que Timothée n'étoit qu'un hérétique meurtrier, qui, loin d'avoir aucun droit fur 1'Eglife d'Alexandrie , ne méritoit que des chatiments. Léon, afTuré par ce concours unanime, envoya LÉON. Ann. 4f^a  LÉON. Ann. 457. 402 HlSTOIRB le Duc Stylas pour punir les coupables, & chafièr Pufurpateur, qui perfécutoit les Catholiques avec une extréme cruauté. Le Duc fit couper la langue a ceux qui avoient eu part au meurtre de Protérius. Timothée obtint la permiffion de venir a Conftantinople. II étoit appuyé de la protecfion d'Afpar & de celle de Bafilifque , frere de Plmpérarrice Verine y & attaché dans le cceur aux fentiments d'Eutychès. Mais les remontrances de Saint Lécn, qui fe hata de prévenir le Prince, eurent plus de fuccès que les intrigues & les artifices. Timothée fut relégué k Gangres , ou Diofcore avoit fini fa vie; & comme il continuoit d'y dogmatifer , & d'y exciter des troubles, Léon donna ordre de le conduire a Cherfone, ville de la Cherfonnefe Taurique , que les Grecs avoient nommée au- j trefois Héraclée. II y fut retenu fous bonne garde, jufqu'a ce que Bafilifque, étant devenu maitre de 1'Empire , le rappella, ainfi que je le rapporterai dans la fuite. On placa fur le fiege d'Alexandrie un autre Timothée ? furnommé Solofaciole, qui \  du Bas-Empire. Liv. XXXIV. 403 ne reffembloit que de nom a ce fcélérat. Cette grande affaire que nous avons racontée fans interruption, ne fut terminée qu'en 460. Depuis la mort d'Avitus , Marcien , & après lui Léon, avoient le titre de Souverains en Occident; mais la puiffance réelle étoit entre les mains de Ricimer. Etant né Sueve, il ne pouvoit fe flatter d'ohtenir jamais la dignité impériale; mais il pouvoit la donner. Julius Valérius Majorianus , connu par fa valeur & par fes autres qualités éminentes, étoit lié d'amitié avec ce barbare. II avoit pris part a la révolte contre Avitus. Ricimer fe perfuadoit qu'un guerrier , fans expérience dans la conduite des affaires , fe regarderoit toujours comme fa créature, & fe gouverneroit en tout par fes confeils. II fongea donc a Pélever a 1'Empire. Afin de lui en ouvrir le chemin, il obtint pour luimême de Léon le titre de Patrice, & pour Majorien celui de Général des troupes d'Occident. Ces deux dignités leur furent conférées le même jour, vingt-huitieme de Février. Majorien eut auffi-töt occafion d'exercer LÉON. Majorien.Ann. 457. VII. Majorien élevé a 1'Empire. Idac. chr. Mare. chr. Via. Tum. Catfiod. chr. Sid. carm, 5. 6- /. 1. ep. ii. &■ Sim. nor» p. 125. Jorn. de reb. Get. c, 45- Idem , de regn. fucceff. Evag. I, 2a c. 7. Proc. Vand. 1. l, e. 7. Valef. rw, Fr. I. 4.  léon. Majorien.Ann, 4J7. 2 VIII. Portrait | de Majorien. ] 1 1 ( 1 I { t I 434 HlSTOIRÊ le pouvoir que lui donnoit Ia charge. Ayant appris que neuf cents Allemands étoient defcendus dans la Rhétie, & qu'ils ravageoient les plaines nommées Campi Canini, dans le pays des Lépontiens, prés du lac Verbanus , dit aujourd hui le lac Majeur, il envoya contre eux un Officier , nommé Burcon, qui les tailla en pieces. Cependant Ricimer difpofoit les efprits a feconder fes intentions. II obtint 1'agrément de Léon, & vers la fin de cette année, Majorien , du confentement de tous les ordres de 1'Etat, fut proclamé Augufte dans une campagne appellée les lethes colonnes, a deux lieues de Ravenne. Ricimer avoit mieux choifi qu'il ie defiroit. Majorien avoit trop de nérite pour faire fur le tröne un öle fubalterne. II s'étoit inftruit du nétier de la guerre fous les ordres 'Aëtius; & après s'être diftingué dès 'an 438 dans un combat contre les 'rancois , il avoit continué de fe :gnaler dans toutes les guerres. II s'éoit formé aux vertus civiles fous un naitre encore plus capable de don-  nu 3as-Empire. Liv. 'XXX1F. 405 ner de bonnes lecons; c'étoit la difgrace. Banni de la Cour par la mortelle jaloufie de la femme d'Aëtius, & retiré dans fes terres, il avoit eu le loifir de réfléchir fur les obffacles que rencontre la vérité pour pénétrer jufqu'aux oreilles des Souverains, fur les cabales qui leur font perdre leurs plus utiles ferviteurs, fur la mifere des peuples dévorés par ceux qui font commis pour les gouverner, les juger & les défendre, & fur tant d'autres objets, que les nuages qui environnent le tröne dérobent a la vue des Princes. Né avec un efprit fupérieur, toujours occupé de grands deffeins , auffi conftant que yif 'a les pourfuivre, actif, infatigable, intrépide, la puiffance fouveraine lui donna le moyen de développer tout ce qu'il avoit de talents & de vertus. II fe rendit par fes qualités guerrieres formidable aux ennemis de 1'Empire. Sa bonté, fa libéralité, fafranchife, & cette gaieté noble, qui, fans fe rabaiffer , porte la joie dans les coeurs, le rendoit cher a fes fujets. A ces qualités de 1'ame, il joignoit celles du corps, la force, 1'agilité, Léon. Majorien. A.nn. 457.  LÉON. Majorien.Ann. 457. IX. Ses loix. Cod. Th. Nov. Major. 1,1, 4.5.8,9- Fleury , Mfl.Ecclef. I. 29. art, tu 406 Histoirb 1'adrefTe dans tous les exercices. II fembloit que la Providence 1'eüt réfervé pour relever 1'Empire penchant vers fa ruine : elle avoit réuni dans fa perfonne les vertus de fes prédécelfeurs , fans mélange d'aucun de leurs vices. Valentinien avoit laiffé 1'Etat dans un grand défordre. Les deux regnes fuivants avoient paffé comme deux orages. Les Provinces fe clépeuploient: les hommes puilTants tyrannifoient les peuples , & les impöts publics achevoient de les dépouiller. La mifere, qui engendre les mêmes crimes que 1'excefiive opulence , avoit entiérement corrompu les mceurs. Majorien fe propofa de remédier a ces maux. II rétablit dans chaque ville des défenfeurs pour mettre les foibles a couvert de 1'oppreflion , felon 1'inftitution de Valentinien premier , & publia de fages réglements pour rendre au corps municipaux leur ancienne fplendeur. II fit une remife générale de ce qui étoit dü au fifc jufqu'au commencement de fon regne , & ordonna que les impóts fuffent déformais levés par les Gouver-  nu Bas-Empire. Liv. 'XXXIV. 407 neurs des Provinces, & non par les Officiers du fifc , qui s'étoient fait un art de ruiner le peuple a force d'exadlions. Le zele de Majorien, pour 1'honneur de la religion, lui fit jetter les yeux fur les Monafteres. II fut touché de compaffion d'y voir tant de vicfimes de 1'indigence ou de 1'ambition de leurs parents, qui, pour avantager leurs autres enfants , forcoient la vocation de leurs filles, &£ les renfermoient dès leur première jeuneffe dans ces prifons facrées , qu'elles déshonoroient fouvent par leurs défordres. Plein de refpect pour la vie religieufe , il voulut qu'elle ne fut embraffée qu'avec une enti: re liberté,&après une müre délibération. A cet effet, il défendit de donner le voile aux Religieufes avant 1'age de quarante ans, & ordonna que les parents qui les engageroient avant cet age, fulfent privés du tiers de leurs biens, & que les Diacres , qui auroient prêté leur miniftere fuffent profcrits. II traite dans fa loi cette violence de parricide , & permet aux filles qui l'ont éprouvée, de rentrer en poffeffion de leurs droits , & de fe léon. Majorien.Ann. 457.  LÉON. Majorien.Ann. 457. 408 IJlSTOIRE marier", lorfqu'elles deviendront iibres par la mort de leurs peres, pourvu qu'elles n'ayent pas encore atteint 1'age de quarante ans. Par un femblable motif, il défend dans une autre loi, de forcer perfonne a entrer dans 1'état eccléfiaftique; & il permet k ceux qui auront fouffert cette contrainte , de fe pourvoir pardevant les juges civils, pour être relevés de leur engagement. L'Archidiaere fera condamné a dix livres d'or au profit de celui qu'il aura forcé , & 1'Evêque fera renvoyé au Pape pour être puni. S'il y a collufion de la part des peres & des meres, ils font con* damnés k céder a ce fils le tiers de leurs biens. Majorien excepte nommément la violence faite a quelqu'un pour le contraindre d'accepter 1'épifcopat : il favoit trop bien qu'on n'eft obligé d'y forcer que ceux qui le méritent davantage. II défend, fous peine de mort, d'arracher de 1'afyle de 1'Eglife , ceux qui s'y font refugiés. II renouvelle les peines prononcées par fes prédéceffeurs contre le rapt des filles confacrées k Dieu. Dans la loi qui favorife la liberté des-  nu Bas-Empixe. Liv. XXXIF. 409 des vceux, il réforme aufli les abus de la viduité. Entre les veuves, il diftingue celles qui ne fe remarient point par tendrefTe pour leurs enfants, de celles qui, n'ayant point d'enfants de leur mariage, ne reffent dans la viduité que pour mener une vie plus libre. II loue les premières, &c leur laifTe la Iiberté de demewrer veuves. Mais il veut que les autres, fi elles font au-deflbus de quarante ans, foient obligées de fe remarier dans 1'efpace de cinq ans après la mort de leur premier mari, ou de céder la moitié de leurs biens a leurs héritiers naturels, fi elles en ont, au fifc fi elles n'en ont pas. II óte aux meres le pouvoir d'avantager un de leurs enfants au préjudice des autres; ce qui leur étoit permis par les loix précédentes. II veut que fi celles quï ont des enfants, laiflent en mourant leur bien a 1'Eglife ou a des héritiers étrangers, fans caufe légitime d'exhérédation de leurs enfants, le teftament foit nul. Pour diminuer cette avidité , fi voifine de la friponnerie, qui fait par de légeres amorces attirer de riches héritages, il ordonne Tornt VUy S LÉON. Majorien.A.nn. 457.'  LÉON. Majorien.Ann. 457. 410 HlSTOJRE que quiconque fera inftitué héritier ou légataire , fans y avoir un droit naturel, fera obligé de rendre au fifc le tiers de ce qui lui aura été laifle. Rogatien , Gouverneur de Tofcane, avoit relégué pour un temps un homme convaincu d'adultere ; celui-ci, n'ayant pas obéi a la fentence , Majorien fut confulté , tk répondit que la peine impofée étoit trop légere pour un crime fi énorme : il enchérit en ce point fur les loix de fes prédécelTeurs, ordonnantque le coupable foit banni a perpétuité hors de 1'Italie entiere, tk que tous fes biens foient confifqués; s'il ne garde pas fon ban, l'Empereur permet a quiconque le reconnoitra , de le tuer , même dans 1'enceinte de la ville de Rome; & il veut que cette fentence tiennelieude loi perpétuelle, pour faire connoitre , dit-il , que Vhonneur du mariage ejl fous la garde publique. Telles font les loix de Majorien. Sévere, fon fuccefleur, jugea a propos d'abolir la plus célebre ; celle qui concernoit la liberté des Religieufes Sc le mariage des veuves. II y a cependant beaucoup d'apparence , que  rw Bas-Empirè. Liv. XXXIP. 411 la' loi qui défend de donner le voile aux filles avant qu'elles ayent atteint Fage de quarante ans , avoit été publiée par le confeil de Saint Léon. Ce Pape, fi fage & fi éclairé, en fit, par une ordonnance exprefle , un point de difcipline eccléfiafiique. Les meilleures loix deviennent inutiles , quand le Prince ne fait pas choifir ceux qui font chargés de les faire exécuter. Majorien fut fecondé par des Officiers d'un grand mérite , foit dans 1'ordre civil, foit dans 1'ordre militaire. On ne peut lui faire honneur de ce qu'il nomma Pdcimer au commandement des armées : ce choix étoit indifpenfable ; il devoit la couronne a ce guerrier; & dès qu'il fut Empereur, il lui rendit la charge de Général que Ricimer lui-même lui 1 avoit auparavant procurée. On fait de grands éloges d'un Secretaire, nom- mé Pierre , auquel il donna fa con- ' fiance, & qui joignoit a une probité ' irréprochable des connoiflances for-tétendues, & le talent de bien écrire en profe&en vers. Egidius, fameux dans les annales de notre nation, commanda les troupes de la Gaule oü il S ij Leon. Majorien.Ann. 457. X. Principïux Officiers de Majorien. Idac chr. Prifc. p. 41. Sid. carm. 3. 5,14, 13' & l- 1. '■?■ 11, L 1. cP. ?. U h ep- 13, IJ- Sirin. nol. \d Sid. p„ ^ , 136. rreg. Tur. . 2. e. 11. 'ahf nu ■'r.l-h  LÉON. Majorien.Ann. 457. XI. Peeonius I'réfet de Gaules. Sid. I. 1 ep. II. Sirm. not ad Sid. p 12. II I S T O 1 £ E étoit né. II tiroit, ainfi que Ferréol,' fon origine de Syagrius, Conful en 382. Cet Egidius infpira aux Francois une fi haute eftime de fon courage , qu'ils le choifirent pour leur Roi, comme nous le dirons en fon ïieu. Marcellin , dont nous avons déja parlé, n'étoit pas moins recommandablepar festalents militaires. Majorien lui conféra la dignité de Pairice, & 1'envoya a la tête d'un corps de Goths en Sicile , pour mettre cette ille a couvert des incurfions de Genféric. Magnus étoit encore un des plus accrédités a la Cour de Majorien. Né a Narbonne , il defcendoit dePhilagre, Préfet d'Orient en 382. Sidonius lui attribue les qualités les plus eftimables. II fut fait Préfet des Gaules fur la fin de 1'année fuivante, a la place de Paeonius , qui, par une hardieffefinguliere, s'étoit emparé de cette 'charge. Ce Paeonius, dont nous avons fait ! mention au fujet des complots de Marcellin, voyant celui-ci découragé • par tant de révolutions fubites, n'ofa prendre fa place ,& afpirer a 1'Em', pire. Ce n'elt pas qu'il manquat ni  du Bas-Empirë. Liv. XXXI'F. 413 d'ambition , ni de richeffes. 11 amaffoit beaucoup d'argest par une épargne fordide, &c le prodiguoit enfuite pour s'élever. II avoit de plus cette affabilité groftiere, & ce langage populaire fi propre a gagner la multitude , & a exciter la fédition. Mais la haffelle de fa naiffance lui parut un obftacle invincible. Après la mort d'Avitus , il fe contenta de profiter de 1'interregne, pour fe déclarer Préfet des Gaules de fa feule autorité. Majorien, élevé a 1'Empire, craignit de caufer une guerre eivile , s'il entreprehoil de le dépouiller. II prit le fage parti de lui envoyer le brevet de cette charge , & lui en laiffa 1'exercice pendant une année entiere; après laquelle , fa puiffance étant affermie , il lui donna Magnus pour fucceffeur. Cette habileté du Prince lui gagnalè coeur de Paeonius, dont la vanité fatisfaite ne fongea plus qu'a jouir de la conlidération que lui laiffoit le titre d'encien Préfet. La nouvelle de la dépofitlon d'Avitus, bientöt fuivie de celle de fa -mort, affligea fenfiblement Théodoric. II aimoit tendrement ce Prince \ S iij Léon. Majorien. . Ann, 457. XII. Conduite de Thcodoric. Idai, ckr.  LÉON. Majorien.Ann. 457. tfid. chr. Got. & Suev. Jorn. de reb. Gei, c. 44- T.U. Major, art. 2 , 5,6,7. 414 J1/ST0IX3 il 1'avoit élevé a 1'Empire, & il ju» gea bien que celui qui profïteroit des dépouillesd'Avitus, fe déclareroit ennemi des Vifigoths. II réfolut de terminer au plutót les affaires d'Efpagne , pout retourner dans fes Etats. Pendant 1'hyver, qu'il paffa en Lufttanie , il y ruina beaucoup de villes, & réduifit par un fiege Mérida, capitale de la Province. II en fortit au commencement d'Avril pour repaffer en Gaule; & comme il apprenoit qu'Agiulfe, qu'il avoit laiffé en Galice, s'étoit joint aux Sueves, & fe faifoit reconnoitre pour Souverain, il détacha une partie de fon armée fous la conduite de fes meilleurs Capitaines, avec ordre de marcher contre le rebelle , & de lui óter la vie. Ces troupes étant arrivées devant Aftorga , qui tenoit pour les Romains , fe préfenterent comme des alliés qui demandoient feulement le paffage f pour aller faire la guerre aux Sueves leurs communs ennemis. Mais dès qu'elles furent entrées, elles firent bien connoitre qu'il n'y avoit plus d'alliance entre les Romains & les Vifigoths. Au fignal donné, el-  du Bas-Empire. Liv. XXX1P. 413 les malTacrent les habitants fans diftinclion, forcent les Eglifes, enlevent les vafes facrés, renverient les Autels. Deux Evêques qui fe trouvoient dans la ville, font emmenés prifonniers avec leur clergé : on met le feu aux maifons, tk on ravage toute la campagne d'alentour. Palentia n'efl pas mieux traitée. Mais les Vifigoths ayant affiégé le chateau de Caviac, a dixlieuesd'Aftorga,y confumerent en vain beaucoup de temps, tk furent obligés de fe retirer avec une perte conlïdérable. Ils continuerent leur marche pour aller chercher Agiulfe. Ce perfide ayant été défait tk pris dans une bataille , eut la tête tranchée k Portucal au mois de Juin , & cette armée des Vifigoths retourna en Aquitaine. Les Sueves qui avoient fuivi le parti d'Agiulfe fe diviferent en deux facfions; les uns fe foumirent a Maldra, qui avoit fuc • cédé a Réchiaire, les autres fe donnerent un Roi nommé Frantane. Maldra entra en Lulitanie, &z s'empara de Lisbonne. Frantane étant mort 1'année _fuivante, tous les Sueves fe réunirent S iv LÉON. Majorien.Ann. 457- Ann. 458. Xlli. Gucrres  LÉON. Majorien.Ann 458. «les SueTres» $ï6 NlSTOIRE fous le commandement de Maldra, & ravagerent les bords du fleuve Douro. Les conquêtes de Théodoric étoient prefque entiérement perdues pour les Vifigoths: mais ce Prince n'avoit pas renoncé au deffein de s'emparer de 1'Efpagne*. II y envoya une armée fous la conduite de Cyrila , qui pénétra jufques dans la Bétique. Peu de temps après, Cyrila fut rappellé , 6c Suniéric alla prendre fa place avec de nouveaux renforts. Les Sueves continuoient leurs ravages; 8c tandis que Maldra défoloit la Lufitanie, Remifmond fon fils achevoit de ruiner ce qui appartenoit aux Romains dans la Galice. Une troupe d'Erules vint encore accroitre ces défordres. Ayant débarqué fur les cötes de Galice, ils commirent d'horribles cruautés aux environs de Lugo , traverferent toute 1'Efpagne , & s'avancerent jufques dans la Bétique, 011 ils furent apparemment exterminés par Suniéric : car l'hiftoire n'en parle plus. Portucal tenoit encore pour les Vifigoths; Maldra s'en rendit maitre : mais les habitants du pays irrités du meurtre de quelques Seigneurs, fe révolterent  nu Bas-Empire. Liv. XXXIV. 4T7 contre lui; Sk ce Prince cruel qui avoit fait affaÖiner fon propre frere, fut lui-même maffacré la troilïeme année de fon regne. Ce n'étoit dans cette malheureufe contrée que ravages, perfidie , cruauté. Les Sueves habitoient la viile de Lugo conjointement avec les Romains originaires , qui avoient leur chef particulier. Pendant les fêtes de Paques, les Sueves fe ]etterent fur les Romains, qui ne fongeoient cpi'è célébrer ces faints jours, & les égorgerent avec leur chef. Népotien, Général des armées de Théodoric, étoit venu joindre Suniéricdans la Bétique; ils envoyerent une partie de leurs troupes a Lugo pour y furprendre les Sueves. Mais des traitres qui fe trouvoient dans ce détachement, ayant donné avis de leur marche , ils revinrent fans avoir rien fait que quelque pillage. Quoique la Galice ne fut plus qu'un monceau de cendres &c de ruines, Remifmond & Frumaire s'en difputoie-nt la fouveraineté,& s'efforcoitnt de la mériter par de nouveaux ravages. Frumaire, d'intelligence avec de perfides habitants , s'empara de Chiaves; il üt priS v LÉON. Majorien.Ann. 45S.  Léon. Majorien.Ann. 45 S. XIV. Lettre de Majorien au Sénat. Mare. chr. Cod. Th. nor. Majoriani, tit. 3- 418 HlSTOIRE fonnier Idace, Evêque de cette ville, Sc auteur de la chronique qui nous inftruit de tous ces événements. Ce Prélat trouva moyen trois mois après de fe retirer des mains des Sueves, Sc de revenir a Chiaves. Remifmond, de fon cöté, défoloit le territoire de Lugo & d'Orence. Cependant Suniéric pouffoit fes conquêtes: il fe rendit maitre de Scalabis, aujóurd'hui Santaren fur le Tage. Pendant la confulion de ces guerres , la paix fe renouvelloit de temps en temps entre les Sueves Sc les Vifigoths, pour être auffi-töt rompue. On ne ceffoit de voir des députés paffer de Galice en Aquitaine, & d'Aquitaine en Galice, pour porter de part Sc d'autre des propolitions d'accommodement. Ce détail renferme tout ce qu'on fait de ces guerres jufqu'a la mort de Majorien. Les deux Empereurs ayant pris le Confulat felon la coutume pour 1'année 458, la première qui commencoit depuis leur avénement k 1'Empire, Majorien qui étoit encore k Ravenne, écrivit au Sénat une lettre remplie de modération Sc de fageffe. » Souvenez-yous, dit-il aux Sé na-  nv Bas-Empire. Liv. XXXIV. 419 » teurs, que par une élection abfo» lument libre, de concert avec no» tre invincible armée, vous m'avez » conféré la dignité Impériale. Je ne » Fai acceptée que pour obéir k la » voix publique, ne voulant pas vi» yre pour moi feul.ni me montrer » ingrat envers la patrie k laquelle » je dois tout ce que je fuis. Veuil» le la divine Providence juftifier vo» tre choix, en m'accordant des fuc» cès pour votre avantage & pour » celui de 1'Etat. Le jour des calen» des de Janvier, j'ai pris fous d'heu» reux aufpices les faifceaux confu» laires, afin que la préfente année, » ajoutant ce nouvel honneur a no» tre Empire naiffant, foit marquée » de notre nom. Aidez de vos con» feils celui que vous avez fait Em» pereur. Agifions de concert pour » le falut tk 1'honneur de 1'Empire. » Soyez aflurés que je ferai régner Ia » juftice, & que les récompenfes fe» ront réfervées a la vertu. Qu'on » ne craigne point les délateurs; je » les ai condamnés lorfque j'étois » particulier; il ne me refte qu'a les » punir. La calomnie ne pourra nuiS vj LÉON. Majorien. ■ Ann. 4;S.  ■ LÉON. Majorien.Ann. 4 J 8. XV. ■Bataillf de Siniu fe. Sid. car> 5. & ib Sirm. Proe. Vand. I. e. J. 420 HlSTOIRB » re qua celui qui en fera 1'auteun » J'aurai foin des afFaires militaires » avec mon pere le Patrice Ricimer. » FafTe le Ciel que par notre com» mune vigilance, 1'Empire Romain » ne recoive aucune atteinte ni des » ennemis étrangers, ni de ceux qui » attaquentfa conflitution intérieure! » Je me flatte que vous rendez jafti» ce a la pureté de mes intentions: » après avoir partagé vos périls tk. » vos inquiétudes , j'ofe me promet» tre votre attachement. Pour ce qui » regarde les affaires publiques, vous » trouverez en moi 1'autorité d'un » Empereur avec la déférence d'un » collegue ; tk fi le Ciel feconde mes » defirs, j'efpere ne pas démentir le » jugement que vous avez porté en » ma faveur ". Le fecours que ce Prince religieux f attendoit de la divine Providence, " ne lui manqua pas au befoin. Les có». tes de la Campanie furent attaquées ; par une flotte nombreufe, chargée de Vandales & de Maüres. Elle étoit comi. mandée par Serfaon, beau-frere de Genféric. Les Maures débarquerent entre le Liris 6c le Vulturne, èc fe  nu Bas-Empire. Liv. XXXIV. 421 mirent a piller le territoire de Sinueffe, qui s'étendoi't de la mer au mont Maflique. Les Vandales demeurant dans leurs vaiffeaux, attendoient tranquillement le butin que les Maures devoient leur apporter. Pour garantir de ces pillages fi fréquents les cótes de 1'Italie, Majorien avoit difpofé des corps de troupes , qui, de pofte en pofte!, pouvoient aifément fe réunir & défendre 1'endroit attaqué. A 1'approche des barbares , un corps nombreux de Romains fe trouva bientót raflemblé prés de Sinueffe. Ils fondirent fur les Maures ; &£ leur ayant coupé le retour vers la mer, ils les chafferent vers les montagnes. Les Vandales, pour courir au fecours de leurs gens, fortent de leurs vaiffeaux. II fe livre un combat fanglant, oü les Vandales font défaits & forcés de regagner la mer en défordre, laiffant fur le champ de bataille Serfaon, percé de coups. On fit encore un plus grand carnage des Maures qui furent aflbmmés dans les montagnes. L'unique moyen de faire ceffer ces ravages, étoit d'aller attaquer Genféric en Afrique, 6c de ruiner fapuif- LÉON. Majorien.rVnn. 458» XVI. Guerre en Gaule contie les  Léon. Majorien. Ann. 458. Vifigoths. Sid. carm, 5- Sirm, not. Md. Cajflod. chr. Idac. chr. Buchr Belg.l. 17. C 13. 422 IIlSTOIRS fance. C'étoit un projet dont Majorien étoit occupé, tk il faifoit k ce deffein de grands préparatifs. Mais avant que d'entamer une entreprife fi difficile, il falloit pacifier la Gaule , oü Théodoric avoit foulevé plufieurs peuples contre le nouvel Empereur. Ce Prince, jufqu'alors ennemi mortel de Genféric , s'étoit réconcilié avec lui par la haine qu'il portoit a Majorien , tk les deux Rois travailloient a engager les Sueves dans leur parti. Egidius, Commandant des troupes de Ia Gaule, défendoit la Province avec courage. Ce Général affiégé dans une ville qui n'efr. pas nommée, voyant arriver un fecours conlidérable , .fit une fi vigoureufe fortie, qu'il diflipa entiérement les troupes de Théodoric , joignit le fecours, & marcha vers Lyon qui avoit recu les Vifigoths. II fallut affiéger la ville qui fouffrit beaucoup pendant ce fiege. Forcée enfin de fe rendre, elle fut dépouillée de fes privileges, tk obligée de recevoir une garnifon, qui n'y fit guere moins de défordre que n'en auroient fait des ennemis. Pierre, Secretaire de Majorien , envoyé peu de temps après dans  du Bas-Empire. Liv. XXXIV. 4*3 cette ville, eut compaffion de fes malheurs : il prit des ötages , & obtint de l'Empereur qu'il lui pardonneroit fa révolte, & qu'il en retireroit la garnifon. Arles fut affiégée par Théodoric : Egidius en fit lever le fiege. Majorien, retenu jufqu'alors en Italië, partit de Ravenne après le combat de SinuefTe & la retraite des Vandales. II prit le chemin de la Gaule, pour achever de rétablir la tranquillité dans cette Province. Son deffein étoit de paffer enfuite en Efpagne, oü fa flotte devoit le venir joindre pour le tranfporter en Afrique avec fon armée. II avoit raffemblé un grand nombre de barbares , les uns confédérés, les autres fujets de 1'Empire. On voyoit a la fuite des Baflarnes, des Sueves, des Huns, des Alains, des Ruges. des Bourguignons, des Oflrogoths, des Sarmates. Les habitants des bords du Tanaïs & ceux du Caucafe fe venoient ranger fous fes étendards. La renommée de ce Prince , autant que 1'efpérance de s'enrichir des tréfors de Genféric , les avoit attirés a cette célebre expédition. A la tête d'une partie de ces troupes 9 léon, Majorien.Ann. 45 S» XVII. Majorien paffe les Alpes,.  léon. Majorien.Ann, 458, 424 Hjstoirb Majorien fe mit en marche au mois deNovembre, pour paffer les Alpes, malgré les glacés & les frimatsde 1'hyver. Dès la première journée , les Huns auxiliaires, excités par leur chef Tuldila, fe mutinerent, & refuferent de marcher. L'Empereur n'eut pas befoin de chatier cette défobéiffance. Les autres barbares , ne prenant 1'ordre que de leur indignation , fe jet>tent fur les mutins , les taillent en pieces, & puniffent eux-mêmes ce qui pouvoit être pour eux d'un dangereux exemple. L'armée fe foutenant a peine fur les glacés, & prefque enfevelie dans les neiges, traverfoit les Alpes avec une fatigue incroyable. Un Officier barbare, qui conduifoit 1'avantgarde, tranfi de froid, & perdant courage , quoiqu'il fut né dans les fri•mats du nord, s'arrêta en murmurant, & retint toutes les troupes , qui le fuivoient en files ferrées dans ces fentiers étroits & gliffants. Alors Majorien , qui marchoit lui-même a pied, pour encourager fes foldats en partageant leurs fatigues, vole a la tête des bataillons, & prenant les devants, affurant fes pas avec fa piqué, par cet  du Bas-Empire. Liv. XXXIP. 425 exemple plus puiffant que les ordres les plus féveres, il enlraina après lui toute 1'armée. Depuis la mort de Valentinien II pendant 1'efpace de 66 ans, la Gaule tantöt envahie par des tyrans , tantöt délblée par les barbares, n'avoit point vu fon Empereur. Majorien alla d'abord a Lyon , qui fe reffentoit encore des fuites facheufes de fa révolte. Sidoine, attaché a la mémoirede fon beau-pere Avitus, ®ardant Majorien comme fon ennemi perfonnel, s'étoit engagé dans la rébellion. II avoit obtenu fon pardon en même - temps que les autres habitants. A Parrivée de l'Empereur, il prononca le panégyrique en vers que nous avons encore , & dans lequel il releve par de pompeux éloges les aöions du Prince, & le deffein qu'il a formé de délivrer 1'Afrique. Peu s'en fallut qu'une révolution furprenante ne rehdït aux Romains toute la partie feptentrionale de la Gaule, que les conquêtes des Francois leur avoient enlevée. Après la mort d'Aëtius, Mérovée, pour éten- LÉON. Majorien. Ann. 45S. XVIII. Majorien en'Gaule. Sid. carm. 4 . 5.13. Sirm. ad Sid.p.lié, XIX. Egidius , Roi des Francois. Greg. Tur. I. 1. c. 12. Aimoin, /. I. c. 7.  LÉON.S Majorien. Ann. 458. Valef. rer. Fr. I 4. Buck. Belg.L. 17. C. 12. 426 HlSTOIRE dre fes Etats, avoit pafle laSomrne; & a la faveur des troubles de 1'Empire , il avoit conquis en trois ans tout le pays jufqu'a la Seine. Etant mort cette année, il eut pour fucceffeur fon fils Childéric, qui, dès le commencement de fon regne, fe rendit odieux par fes débauches effrénées. Ses fujets s'étant révoltés, ce jeune Prince fut obligé des'enfuir en Thuringe. Le choix que firent les Francois pour remplir fa place, feroit incroyable, s'il n'étoit atteffé par tous les Hiftoriens. Quoique la nation fut bien réfolue de conferver fes conquêtes, &z de maintenir fon indépendance , elle donna Ia couronne a Egidius dont elle effimoit la valeur & la juftice. Egidius, auparavant ennemi, alors Roi des Francois, fut affezhabile pour réunir deux dignités qui fembloient fe détruire, indépendant de 1'Empire en qualité de Roi, obéifTant aux Empereurs comme Général de leurs armées , jufqu'a fa révolte contre Sévere. Ce qui augmente le paradoxe, c'eft que pendant prés de huit années que dura un affortiment fi bizarre, Egidius, maitre tout enfemble  du Bas-Empiïle. Liv. XXXIV. 427 de la nation Francoife tk des troupes Romaines de la Gaule , n'ait pas tenté ou d'enlever la Gaule entiere aux Romains pour accroïtre fa puiffance , ou de leur rendre les conquêtes des Francois; ce qui auroit pu lui procurer a lui-même la couronne Impériale. Nous ne fommes pas affez inftruits des détails de ces temps-la, pour prononcer lequel des deux eut été plus facile, & quelle raifon a pu empêcher Egidius de 1'entreprendre. Je crois cependant qu'il lui étoit plus aifé de dépouiller les Romains que les Francois. La puiffance de ceuxci étoit récente, mais auffi plus verte tk plus vigoureufe. D'ailleurs , il elf. a croire qu'Egidius étoit éclairé de prés par le confeil de la nation; & que fur-tout Viomade, homme puiffant tk ami fecret du Roi fugitif, étoit attentif k veiller fur fes démarches , pour ne pas laiffer anéantir un Royaume, qu'il efpéroit bien rendre un jour a Childéric. L'hiftoire de POrient ne nous fournit pour cette année ni pour les deux fuivantes aucun événement mémorable, fi ce n'eft un violent tremble- léon. Majorien.A.na. 453. XX. Tremble■nent de ioche.  LÉON. Majorien.Ann. 458 Erag. l. 2. c. 12. Theoph. p. 95- Cedr. p. 347- Zon. t. II. P- 50. Niceph. CalLl.i<. c. 20. Mare. chr. Pagi ad Bar. 4^3 HlSTOlRB ment de terre, qui détruifit une grande partie d'Antioche. Les Empereurs avoient a 1'envi décoré cette ville de palais , de portiques & de bains publiés. Mais la débauche y étoit portée aux derniers excès , & 1'on regarda comme un eftet de la colere divine le fléau dont elle fut alors affligée. Le quatorze deSeptembre 458, a dix heures du foir, la partie qu'on appelloit la ville-neuve, & qui étoit la plus magnifique & la plus peuplée, fut tout-a-coup ébranlée & prefque entiérement renverfée. Le relïe de la ville ne fouffrit aucun dommage. La ruine de tant de beaux édifices fut réparées par les libéralités de Léon. II remit fur les impóts la fomme de mille talents d'or, qui font plus de quatre millions de livres de notre monnoie. II déchargea de toute contribution ceux dont les maifons avoient été détruites ou endommagées, acondition qu'ils auroient foin de les rétablir, & donna de grandes fommes pour relever les batiments publics. Ce tremblement fe fit fentir dans Plfaurie , dans 1'Ionie , dans 1'Hellefpont, & jufques dans la Thrace &l dans les  öo Bas-Empire. Liv. XXXIF. 4.19 ifles Cyclades. Plufieurs édifïces tomberent k Cnide & dans 1'ifle de Cos. Deux ans après, Cyziqtie éprouva le même défaftre. Une partie des murailles s'écroula, & grand' nombre d'habitants furent abymés ou écrafés fous les ruines de leurs maifons. Majorien ne féjourna pas longtemps k Lyon. Après avoir donné fes ordres pour rendre k cette ville fon ancien luftre, il alla paffer 1'année fuivante dans la ville d'Arles , ou il avoit donné rendez-vous au refte des troupes qu'il devoit conduire en Afrique. Ontravailloit k 1'équipement d'une flotte dans les ports d'Aquilée, de Ravenne & de Mifene. Elle devoit être forte de trois cents vaiffeaux. Cependant Théodoric, ayant rappellé d'Efpagne le Général Cyrila, étoit d'abord réfolu de continuer la guerre. Un combat dans lequel il fut défait, le fit changer de deffein. II fe détacha de 1'alliance de Genféraic pour en contra&er une nouvelle avec Majorien, qu'il s'engagea même a fecourir contre les Vandales. Au commencement de 1'année fuivante, tout étoit prêt pour 1'expédi- LÉON. Majorien.Ann. 458, Ann. 459. XXI. Paix avec les Vifigoths.Idac. chr. lfid. chr. Got. Cod. Th. nov7 Muj. tit. 2. Vahf. rer. Fr. I. 4. Buch. Belg. 1.17. c. 13. Ann. 460. XXII. Expédi-  léon. Majorien.Ann 460. tion de Majorien ren du e inutile par Genféric.Idac. chr, Vi3. Tun. Prifc. p. 41» 74Proc.Vand.l.l. c. 7. Jorn. de rei. Cet. c. 45- Marius Ayent. Bueh. Belg. I. 17. c. 16. TUI. Maj. art. 7 , fr Léon, art. 430 IIlSTOIRS tion. L'armée étoit rafTen-.blée aux portes d'Arles; & la flotte a 1'ancre dans le golfe d Alicant prés de Carthagene, attendoit les ordres de l'Empereur pour fe rendre au détroit de Cadix, oü elle devoit pfendre les troupes de terre, & les tranfporter en Afrique. Majorien, ayant paffés les Py» rénées, fe rendit aSaragoce au mois de Mai. Sa réputation de valeur infpiroit a fes foldats les plus heureufes efpérances , & faifoit craindre a Genféric une guerre périlleufe. Le Roi des Vandales tenta d'abord les voies d'accommodement : mais l'Empereur ne voulant point y entendre, Genféric commenca par faire le dégat dans la Mauritanië, ruinant toutes les fubfiftances, & e.üpoifonnant toutes les eaux. 11 prit encore un moyen beaucoup plus fur pour faire échouer 1'entreprife de Majorien. II pratiqua des intelligences fur la flotte Romaine , & il y trouva des traïtres qui préférerent 1'argent au devoir & a 1'honneur, & qui livrerent leurs vaiffeaux aux Vandales, lorfque ceuxci fe préfenterent comme pour combattre. Majorien, ayant appris cette  du Bas-Empire. Liv. XXX1F. 431 l nouvelle pendant qu'il approchoir de 1 Carthagene, fe vit forcé de repaffer | les Pyrenees , tk de retourner a Arj fes, pour réparer la perte de fa flotte. Genféric , lui ayant une feconde fois ; envoyé des députés, le trouva plus : difpofé a écouter fes propofitfons. On j ignore les conditions du traité; mais I la paix fut conclue pendant 1'hyver 1 fuivant , que Majorien palTa dans la j Gaule. Les Alains de 1'Armorique pri1 rent les armes , tk furent réprimés par ! Egidius. On croit que c'étoit Genféric, qui, par des intrigues fscretes, 5 les avoit mis en mouvement. L'Empereur, après avoir fait la paix « i avec les Vifigoths tk les Vandales , i :& afTuré par ce moyen les frontie: res de lltalie par terre tk par mer, . > revenoit a Ravenne ; lorfque Riciimer, jaioux de la puiffance fouverai- A Ine, tk regardant.comme une uflir- cl ipation 1'autorité légitime que Majo- E men exercoit, forma le deffein de Pen c;!dépouiller, tk 1'exécuta par un com- 1 ;plot de fes partifans k Tortone dans le Milanez, le fecozid jour d'Aoüt; Te 'id'autres difent le fept de Juillet. II le * ^ttuer, cinq jours après a trois lieues « et LÉON. Majorien.Ann. 460, Lnn, 461. XXIII. Mort de lajorien. Idac. chr. \arc. chr, Cajfwd. vag. I. 2. 7- heoph. p. r. Torn. de '. Get. c. dem , de ?n. fuc-  LÉON. Majorien.Ann. 461. TUI. Maj. art. 8. XXIV. Sévere Empereur. Idac. ch Chr. AU. CaJJlod. chr. Evag. I. c. 7. Theoph, 97- 431 H I S T 0 I R E de cette ville fur les bords de la riyiere d'ïria. Ces Hens facrés & mdiffolubles qui attachent les fujets a leur Souverain étoient alors tellement affoiblis, qu'il ne paroït pas qu'on ait fait aucun efTort pour défendre ni la couronne , ni même la vie d'un Prince fi digne d'être conferve. il avoit régné trois ans & fept ou huit mois. II fut enterré fans pompe; ö£ la fimplicité de fon tombeau comparée avec les faftueux monuments de tant de mauvais Princes, faifoit naitre des réflexions plushonorables pour lui que les plus fuperbes maufolees. Quatre mois avant la mort de Majorien, 1'Eglife avoit perdu fon. chef, & 1'Occident fa principale detente, & fon plus grand honneur dans la perfonne du Pape Saint Léon. II étoit mort le onzieme d'Avril. f Ricimer, pour ne pas être trompe cette fois dans le pro jet qu'il avoit formé de régner fousle nom d'un aur. tre choifit un homme fans reputation comme fans mérite, propre a porter ainfi qu'une ftatue, la pourpre Im1. périale. C'étoit un Lucamen, nomme Vibius Severus , & furnommé SerP* penün  nu Bas-Empire. Liv. XXXIV. 433 pentin. Tout ce qu'on rapporte de lui avant fon regne, c'eft qu'il fut complice de la mort de Majorien. Ricimer, maïtre des fuffrages, le fit proclamer Augufte a Ravenne le 19 ou 20 de Novembre; & peu de jours après, le Sénat de Rome fut obligé de confirmer cette éle&ion. Léon n'avoit pas été confulté, aufii ne reconnut-il pas d'abord Sévere pour fon collegue. Ce Prince étoit alors en guerre avec les Oftrogoths. Marcien s'étoit engagé a leur payer tous les ans une fomme a titre de récompenfe de leur fidéüté. Léon, différant d'acquitter cette convention , ils lui envoyerent des députés, qui furent témoins des diftincfions honorables qu'on accordoit a Théodoric, fils de Triarius, & aux Goths de fa fuite. Ce Théodoric, furnommé le Louche , étoit un Prince Oftrogoth, mais d'une autre race que celle des Amales. Dans les troubles qui fui- j yirent la mort d'Attila, il s'étoit rendu indépendant; & fuivi d'une troupe ' d'aventuriers de fa nation qui s'étoient attachés a fa fortune, il avoit fixé fon féjour a la Cour de ConfTome VII. T Léon. Séverf. Ann. 4ÓJ. Jorn. de reb. Gtt. c. 45- Valef. rer, Fr. I. 4. Buch. Belg. Lij, c. 16. Pagi ad Bar. XXV. Le grand Théodoric donné en ötage a Léon. Prifc. ?. 74- PaulDiac. 1.6. Jorn. de ■eb. Get, c, ï2. Sid. carm. !. Theoph. >. 112. Anaji. p.  LÉON. SÉVERE. Ann. 461, 434. HlSTOIRB tantinople , dans laquelle il avoit un grand crédit, paree qu'il étoit frere ou neveu de la femme d'Afpar. On lui forma un petit Etat dans la Thrace, avec une penlion annuelle. Les députés de Valamir étant revenus en Pannonie fans avoir obtenu ce qu'ils demandoient, ce Prince, piqué de jaloufie , tk fe croyant méprifé, prend les armes avec fes deux freres. Ils ravagent 1'Illyrie , détruifent plufieurs villes, battent le Commandant de la Province, qui, après fa défaite ,abandonna le pays. Léon envoya contre eux Anthémius, gendre de Marcien. Ce Général remporta quelques avanlages, tk obligea les Oflrogoths de fegagner la Pannonie, oh il n'ofales pourfuivre. On ne pouvoit fe promettre un long repos de la part de ces guerriers entreprenants. Pour s'épargner une continuelle inquiétude, l'Empereur prit le parti de les fatiffaire. II leur envoya des députés pour fe plaindre de 1'infracf ion du traité; & fur les plaintes qu'ils firent a leur tour de ce qu'on négligeoit de leur fournir 1'argent dont on étoit convenu, & qui leur étoit nécelïaire pour  nu Bas-Empitie. Lh. XXXIV. 43$ leur fubfiftance , Léon leur fit payer les arrérages, y ajout-a de nouveaux préfents, & s'engagea pour 1'avenir a leur donner tous les ans trois cents livres d'or. II exigea feulement que pour gage de leur fidélité , on lui mit entre les mains Théodoric, fils de Théodémir. Ce jeune Prince entroit dans fa huitieme année, & fon pere, dont il étoit chéri, ne confentit a 1'éloigner que fur les inftances réitérées de Valamir. Théodoric, qui avoit recu de la nature toutes les graces de 1'efprit & du corps, gagna bientöt la tendreffe de Léon & 1'affeclion de toute la Cour. Léon avoit deux filles; Afiadne, née avant qu'il fut Empereur, & Léontie qui doit être venue au monde la première année de fon regne. En 461, Vérine lui donna un fils qui mourut peu de temps après. Le chagrin que lui caufa cette perte fut adouci par un heureux événement , qui iiitéreffoit 1'honneur de 1'Empire. Depuis fept ans, les Empereurs follicitoient Genféric de renvoyer Eudoxie , veuve de Valentinien , & fes filles qu'il retenoit k Carthage. II fe T ij LÉON. SÉVERE. Ann, 461. Ann. 461. xxvr. Genféric renvoyeè C. P. Eudoxie & Placidie. Prifc. p. 42. 74Idac. tfAr. Evag. I. 2, c. 7. Proc. VaniA. X. ■■ 5- Theoph. p. ?4i 102.  LÉON. SÉVERE. Ann. 461. Nkeph. Call.l. IJ. t. 12. Anaflafc, Zon. t. II. p. 48. TUI. Léon, art. 6. 436 HlSTOIS-B rendit enfin cette année aux inftances de Léon, &£ fit partir pour Conftantinople Eudoxie &t fa fille Placidie avec un cortege honorable. L'aïnée, Eudocie, qu'il donna pour femme k fon fils Hunéric, demeura en Afrique. II auroit fait époufer Placidie a un autre de fes fils, fi elle n'eüt auparavant été fiancée k Olybre. La politique empêcha Genféric de rompre cet engagement. Olybre , iffu de la familie des Anices, & aufïi illuftre par fon rang dans le Sénat •que par fa naiffance, pouvoit parvenir k 1'Empire d'Occident qui changeoit fi fouvent de maitre. En lui rendant fon époufe , Genféric s'en faifoit un ami , dont il tireroit dans 1'occafion de grands avantages. Anfli ne ceffa-t-il depuis ce temps-la de faire tous les efforts pour élever Olybre a 1'Empire : & ce fut un nouveau prétexte pour ravager les cötes d'Italie & de Sicile. II alléguoit encore d'autres prétentions. Léon , pour obtenir la délivrance des Princeffes , avoit envoyé en Afrique une partie des biens de Valentinien, qu'on avoit tranfportés k Conftantinople.  du Bas-Empire. Liv. XXXIV. 437 C'étoit un préfent qu'il faifoit a Hunéric pour fervir de dot k Ia Princeffe fa femme. Le Roi des Vandales prétendoit de plus qu'on lui remit ce qui reffoit en Italië des biens paternels d'Eudocie ; & comme il avoit entre les mains Gaudence, fils d'Aëtius , il exigeoit auffi qu'on lui tint compte de 1'héritage de ce Général. Eudoxie, de retour a Conftantinople , alla rendre grace au faint folitaire Daniël, aux prieres duquel elle attribuoit fur-tout fa délivrance. Elle voulut 1'engager par les plus vives inftances k defcendre de fa colonne , lui offrant le choix d'une de fes terres, oii il pourroit en liberté mener une vie pénitente. Daniël refufa conftamment les offres de 1'Impératrice , qui ne put obtenir de lui que fa bénédicfion. Olybre époufa Placidie avec 1'agrément de l'Empereur. Eudocie vécut feize ans avec Hunéric , & lui donna un hls qui lui fuccéda. Mais fe laffant de la compagnie d'un Prince Arien, qui perfécutoit cruellement les Catholiques, elle s'échappa de 1'Afrique par le fecours d'un Officier fidele , nommé T iij Léon. Séverf. Ann. 462.  LÉON. SÉVERE. Ann. 462., XXVII. Léon ne peut obtenir de Genféric qu'il ceffe «ie piller 1'Italie. Prifc p. 41. 42. 74- Proc. Vand.l. 1. e. 6. 438 HlSTOIRZ Curque, & vint paffer a Jérufafess le refte de fes jours dans les exercices de piété, k Pimitation de 1'Impératrice Eudocie , fon aïeule maternelle. Elle y finit bientot fa vie, & laiffa tous fes biens aux pauvres & k 1'Eglife de la RéfurreéHon. Genféric entretenoit la paix avec l'Empereur Léon. Mais les cótes de 1'Italie étoient continuellement rava^ gées par fes flottes. II fe rendit maïtre de la Sardaigne. Ricimer réclamoit la foi du traité fait depuis peu avec Majorien. Genféric fe prétendant libre de tout engagement par la mort de ce Prince, refufoit de rien entendre, a moins qu'on ne lui abandonnat 1'hérit-age de Valentinien & d'Aëtius. II étoit impoflible de garnir de troupes toutes les villes expofées aux defcentes des Vandales , & les Romains manquoient de vailTeaux. Ils en demanderent a Léon , qui s'excufa fur les traités fubfiftants entre 1'Empire d'Orient & Genféric. II confentit feulement k s'intéreffer auprès du Roi des Vandales, pour 1'engager a ceffer fes hoftilités. A ce deffein, il députa en Afrique le Patrice Tatien s  du Bas-Empire. Liv. XXXIV. 439 qui ne put rien gagner fur ce Prince inflexible. Une révolution arrivée dans le Nord, porta fur les frontieres de 1'Empire un flot de barbares, jufqu'alors inconnus. Des Tartares vinrent du fond de 1'Orient déplacer les Abares; ceux - ci chafferent les Sabirs , qui, pouffés vers 1'Occident, tomberent fur les Igours feptentrionaux. Les Igours habitoient vers la fource de 1'Irtis , ou ils s'occupoient de la chaffe de martes zibelines, dont ils faifoient commerce avec les Romains. Forcés de quitter leurs demeures tk divifés en trois hordes ou tribus, ils pafferent le Volga , attaquerent les Acatires, & les obligerent de reculer vers le Caucafe. S'étant établis dans leur pays, tk fe trouvant voiiins de l'Empereur, ils envoyerent k Léon des Ambaffadeurs pour demander fon alliance. Léon fit un accueil favorable a ces députés, tk les renvoya comblés de préfents. On commence a voir dans ce tempsla chez les Grecs une forte de dévotion bizarre & même dangereufe, qui joignoit les engagements du fieT iv LÉON. SÉVERE. Ann. 462. XXVIII. Mouvements des peuples feptentrionaux Prifc. p. M.de Gutgnes , hifi. des Huns, t. II. p. 316,3171 XXIX. Moines qui conferventles digni-  Léon. sévere. Ann. 462. tés fécuculieres.Theod. L. I. 1. Theoph. p. 97, 5*8' XXX. Marcellin s'empare V vj LÉON. A.nn. 466. XL VII. Entre le! Goths ,Jc les Sueves deGermanie.  Léon. Ann. 466. xl vin. Entre lei Romains & les Huns. Sid. carm 2. Valef. rtr Fr. I. 5. 468 IIlSTOIRE frayés : commandés par deux Rois qui donnoient k la fois 1'ordre & 1'exemple , ils chargerent rennemi avec tant de valeur, que bientöt cette vafte étendue ne fut plus couverte que de monceaux de cadavres. Les Goths, ravis de joie d'avoir une feconde fois vengé un héros eher a la nation, paflerent les quatre années fuivantes en repos; mais bien réfolus de porter a leur tour au milieu de la Germanie , la ruine & la défolation dont les Sueves étoient venus les menacer. Tout étoit en armes fur les bords du Danube. Hormidac, chef d'une troupe de Huns, ayant paffé le fleuve fur les glacés au fort de 1'hyver, entra dans la Dace qui féparoit les deux Méfies. Anthémius recut ordre de marcher contre lui avec un autre Général, que l'hifloire ne nomme pas. Les Huns furent vaincus & obhgés de fe renfermer dans Sardique. Le fiege fut long; & quoique les troupes Romaines manquaffent fouvent de vivres, Anthémius fit obferver une fi exact e difcipline, que les campagnes d'alentour ne fe reflentirent point  du Bas-Empire. Liv. XXXIP. 469 du voifinage de 1'armée. Enfin, les Huns réduits a Pextrémité lortirent en armes, &c livrerent bataille. Ils avoient corrompu par argent le collegue d'Anthémius; & dès le commencement du combat, ce traitre pafla du cöté des ennemis, croyant qu'il alloit entrainer avec lui la cavalerie qu'il commandoit. Perfonne ne le fuivit, & tous les efcadrons vinrent fe ranger auprès d'Anthémius qui combattoit a la tête de 1'infanterie. Les Huns, repouffés dans la ville avec un grand carnage, demanderent a capituler : ils ne furent recus a compofition, qu'après qu'ils eurent eux-mêmes maffacré le perfide Général. Les fils d'Attila qui régnoient aux environs du Pont-Euxin, envoyerent dans ce même temps a Léon une ambaflade. Ils demandoient qu'on oubliat toutes les querelles pafTées, & qu'on rétablit le commerce entre les Romains & les Huns, comme il fubfifloit avant les guerres d'Attila; en forte que les deux peuples euffent des foires & des marchés libres fur les bords du Danube. Cette propofition fut rejettée, Léon ne croyant pas de- LÉON. Ann. 466. XLIX. Autre guerre entre les Huns & les Romains. Prifc. P. 44, 4546. Mare. chr. Chr. Alex. Jorn. de 'tgn. fue-  LÉON. A-nn. 466. 470 HlSTOIRE voir donner aucune entree clans fes Etats a une nation, qui les avoit défolés avec tant de ftireur. Dengiiic', irrité de ce refus, réfolut de s'en veriger par les armes. II ne put engager dans la guerre fon frere Hernac, qui régnoit paifiblement dans la petite Scythie avec le titre d'allié des Romains. Lorfqu'il fe fut avancé avec fes troupes jufqu'au Danube, Anagafte, qui commandoit en Thrace, fe préfenta fur 1'autre bord, & lui envoya demander pour quelle raifon il venoit attaquer les terres de 1'Empire. Anagafle étoit hls de cet Arnégifcle, qui avoit perdu la vie vingt ans auparavant, en combattant contre Attila. Dengific ne daigna faire aucune réponfe; mais il envoya fignifier'a. l'Empereur, que fi on ne lui donnoit des terres dans 1'Empire, tk de 1'argent pour payer fes troupes, il alloit apprendre aux Romains qu'il étoit fils d'Attila. A cette bravade, Léon répondit fans s'émouvoir, que les Huns obtiendroient tout de lui, quand ils le reconnoitroient pour leur Souverairi. Sur cette réponfe, Dengific ne fongea plus qu'a combattre. Aufli fier  au Bas-Empire. Liv. XXXIV. 4?r que fon pere, il ne Tegaloit pas en capacité. L'hiftoire ne dit pas laquelle des deux armées paffa le fleuve, tk Fon ne fait fi les aflions de cette guerre fe pafferent en-dega ou au-dela du Danube. A la nouvelle de Papproche des Huns, Bafilifque , Oftrys, Capitaine Goth fort renommé, tk attaché au fervice d'Afpar, ainfi que les autres Officiers qui fe trouvoient k la Cour, allerent joindre Anagafle, pour partager la gloire de cette importante expédition. Les Huns, qui ne connoiffoient pas le pays, ce qui feroit croire que cette guerre fe fit plutót en-dega du Danube, s'engagerent dans un vallen dont les Romains ferrnerent toutes les iffues. Bientót la faim les forca de demander k traiter de paix. Ils offrirent de fe foumettre , pourvu qu'on leur donnat des terres. Le Général leur répondit qu'il alloit confulterl'Empereur. Ilsrepliquerentque Ia faim ne pouvoit attendre ces délais, tk qu'il falloit répondre fur le champ , ou que tandis qu'il leur reftoit encore affez de forces pour yendre bien cher leur vie, ils en feroieni ufage pour mourir en gens de coeur; Léon. Ann. 4660  LÉON. Ann. 466 L. Rufe dei Romains pour faire périr le! Huns. 471 H I S T 0 1 RE Anagafte, après avoir term confeil, leur déclara qu'on vouloit bien leur fournir des vivres en attendant Ia réponfe de l'Empereur, a condition qu'ils partageroient leurs troupes felon 1'ordre tk la diffribution des troupes Romaines, en forte que les Officiers Romains feroient chargés du foin de nourrir la divifion qui feroit alTignée a chacun. Dengific , outre les Huns fes fujets naturels, avoit raffemblé fous fes enfeignes un grand nombre d'aventuriers : c'étoient des Goths qui, depuis la difperfion de leur nation, erroient dans ces contrées, tk qui ne s'étant foumis a aucun Prince , vivoient de la folde qu'ils recevoient de ceux auxquels ils engageoient leur fervice. Ils formoient dans fon armée un corps prefque auffi nombreux que celui des Huns. Entre les Romains , étoit un Lieutenant d'Afpar , nommé Chelcal, Hun de naiftance, mais qui, dans le defir d'avancer fa fortune , s'étoit dépouillé de cette inclination naturelle que 1'on conferve ordinairement en faveur de fes compatriotes, même après les avoir quittés. C'étoit lui qui, dans le Confeil 9  nu Sas-Empire. Liv. XXXIV. 473 avoit ouvert 1'avis de divifer ainfi les ennemis, pour femer plus aifément la défiance entre les Huns & les Goths, & les armer les uns contre les autres. .Chargé de Jföurnir Pétape a une divilïon, ou les Goths faifoient le plus grand nombre, il alfembla les principaux , & leur dit: Qu'affuriment la réponfe de l'Empereur feroit favorable ; que ce Prince ne confultant que fa bonté naturelle, leur accorderoit des habi tations : mais que les Huns profiteroient ftuls de fa libéralité. Ne fave\vous pas, ajouta-t-il, que cette nation nemend rien d l'agriculture, & qu'elle méprife ce travail ? Vous fere^ leurs laboureurs & hurs efclaves ; & pour eux, femblables d des fangliers, ils dévorcront les fruits & les moiffons que vous aure%_ arrofées de vos fueurs. Qjiefl devenue cette antipathie originaire, qui féparoit les deux nations ? Vos ancêtres nont-ils pas juré que jamais les Goths ne feroient d'allianee avec les Huns ? Le parjure a fofmê votre ligue j t'avilijfement & la mifere en feront le fruit. Je nai pas oublié que je fuis moimême de la race des Huns; mais je ne puis taire ce que me dicient la juf. LÉON. Ann. 466,  LÉON. Ann. 466. LI. Maffacre des barbares. 474 H I S T 0 I R 3 tice & la compafjion que minfpire vOf tre fort. Les Goths, féduits par ce ton de bienveillance , conviennent entre eux de fe défaire des Huns, dont ils croyoient déja voir le bras levé fur leurs têtes. Le complot fe communiqué fecretement a toute la nation. Les Goths de chaque divi^on prennent les armes en même-teir.p>, fe jettent fur les Huns, qui, étant furpris Sc féparés, font taillés en pieces avant que d'être en état de fe défendre. Pendant ce matTacre , les Romains fondent fur les deux nations, & en font un fanglant carnage. Mais les Goths s'appercevant qu'on ne les épargne pas, fe réuniffent ; la fureur & la honte de fe voir trompcs redouble leurs forces ; ils fe font jour au travers des bataillons ennemis, Sc" fortent du vallon teints du fang des Huns & des Romains. On ignore la fuite de cette guerre. Dengific échappa du maffacre ; mais il fut tué deux ou trois ans après par Anagaffe. Sa tête apportée a Conftantinople pendant qu'on y célébroit les jeux du eirque , & plantée au bout d'une lan-  mj Bas-Empire. Liv. XXXIV. 475 ee, fervit de fpedtacle pendant plufieurs jours. Ardabure fut auffi employé dans cette guerre , oü 1'on rapporte qu'il tua Bigele , Roi des Goths. Si les Perfes n'attaquoient pas dans ce même temps la frontiere oriëntale , on en avoit obligation aux barbares leurs voifins. Pérofe, a peine délivré des mains des Cidarites, avoit recommencé la guerre contre cette nation. Pendant qu'il portoit toutes ïès forces vers 1'Oxus, une tribu de ces Igours dont j'ai parlé, nommée les Saragures, après avoir fubjugué les Arcatires & les autres peuples des environs du Volga, tenterent d'entrer dans la Perfe par les portes Cafpiennes. Ce que les Auteurs de ce temps-la appellent de ce nom, n'eft pas ce col étroit que les anciens nommoient ainfi entre les montagnes qui féparent la Médie du pays des Parthes 1 c'eft le paffage refièrré entre le mont Caucafe & la mer Cafpienne qu'on nommoit autrefois les portes Albaniennes, & qu'on appelle aujourd'hui le détroit de Derbend. La fortereffe de Juroïpac, fituée au même lieu ofa fe voit maintenant le chateau de Der- LÉON. Ann. 4Ó61 LH. Pérofe vainqneur des Cidarites. Prifc. p. 44. 46. Cellar. Geog. ans. 1. 3. c. 18. art. 21. c. 24, art. 4*  Léon. Ann. 466. Ann. 467, LUI. Hiftoir' dlfocafe. 476 IJJSTOIRS bend, fermoit ce paffage ;& les Saragures ne pouvant y pénétrer, prif ent leur route par Plbérie qu'ils ravagerent, & fe répandirent dans la grande Armenië. Pérofe envoya encore demander du fecours a Léon, & il en recut la même réponfe que ce Prince lui avoit faite deux ans auparavant. Se croyant méprifé de l'Empereur, il faifit avec joie 1'occafion de lui donner une grande idéé de fa puiffance. Ayant vaincu les Cidarites, & emporté de force une de leurs places nommée Balaam, il fit porter a Conftantinople la nouvelle de ces fuccès. Ses députés déployerent toute la pompe des expreffions orientales pour relever cette viftoire & les forces de leur maitre. Leur vanité n'eut pas lieu d'être fatisfaite;Léon les congédia après les avoir écoutés avec indifférence. 11 étoit alors beaucoup plusoccupé des inquiétudes que lui donnoit Genféric, & d'un événement qui fit un grand éclat a Conftantinople. Ifocafe étoit un Pbilofophe payen, de la ville d'Eges en Cilicie ; il vint s'établir a Antioche , 6c s'y acquit  bv Bas-Empire. Liv. XXX1F. 47? une fi grande réputation de fcience 6c de probité, que Pufée, Gouverneur de Syrië, après 1'avoir honoré de plufieurs dignités, lui procura celle de Quefteur. II fe fit refpecfer par une intégrité incorruptible dans 1'adminiftration de la juftice. S'étant enfuite tranfportéa Conftantinople, il fut acCufé d'avoir contre les loix facrifié aux idoles, & tramé des complots en faveur de, 1'idolatrie, qu'on prétendoit qu'il vouloit rétablir. Léon, très-attentif au maintien de la Religion , le fit arrêter & conduire a Chalcédoine , pour y être jugé par Théophile, Gouverneur de Bithynie. II y avoit alors a Conftantinople un homme de grand crédit, nommé Jacques, premier médecin de la Cour, & fi eftimé de toute la ville, que le Sénat lui avoit fait drefier une ftatue dans les thermes de Zeuxippe , oii 1'on plagoit celles des hommes illuftres. II s'étoit mis en pofleffion d'en ufer très-librement avec 1'Empereur. Lorfque Ie Prince le mandoit pour le conful ter fur fa fanté, Jacques n'attendoit pas fa permiflion pour s'affeoir devant lui; & 1'on rapporte qu'ura LÉON. Ann. 467. Chr. Alexi Theoph. p. 99. Zon. t. II. p. 49- Manaffi, p. 59. Cedr, p, 349- Anajlaf. p. 45- . Malela, p. 27, 28. Mare. chr. Viel. Tun,  LÉON. Ann. 467. 478 H I S T 0 I R E jour les Officiers, choqués de cette liberté, & toujours délicats fur 1'étiquette, ayant enlevé tous les fieges de la chambre , il s'affit fur le lit ou rEmpereur étoit couché, difant que c'étoit un précepte des anciens maitres , que le médecin n'ordonnat qu'étant aflis. II étoit du même pays qu'Ifocafe. Allarmé du danger de fon compatriote , il alla repréfenter a l'Empereur, qu'un homme de ce mérite & de ce rang , ne devoit être jugé que par le Sénat, & par le Préfet du prétoire. Léon fe rendit a fes remontrances, & fit ramener Ifocafe a Conftantinople. Le Sénat s'affembla dans le Zeuxippe. Pufée, pour lors Conful & Préfet du prétoire, qui préfidoit au jugement, voyant amener devant lui 1'accufé chargé de fers comme un infigne criminel, lui dit d'un ton de reproche : Voyexjvous, Ifocafe, a quel ètat vous êtes rèduit ? Je le vois; lui répartit le Philofophe, & je rien fuis pas Itonné : je ftds homme, & en cette qualité il riefi rien que je nefois expofé a fouffrir. Juge^-moi feulement avec autant cféquité, que neus ayons enfembk jugé les autres. Ces pa-  irv Bas-Empire. Liv. XXXJF. 479 roles prononcées avec fermeté frapperent vivement le peuple affemblé en foule autour du tribunal. On implore par une acclamation générale la juftice de TEmpereur : on arrache Ifocafe des mains des gardes; on le porte a la grande Eglife, oü s'étantrenfermé comme dans un afyle, II fut inffruit des principes du Chriftianifme , & recut le baptême. L'Empereur , moins irrité de cette émeute populaire , que touché de la converïion d'Ifocafe , le traita comme s'il eift été abfous, & le renvoya dans fa patrie. Cette année 467, on vit pendant dix jours une comete ou une nuée embrafée, qui avoit la forme d'une trompette ou d'une lance. On parle auffi d'un tremblement de terre oui fe fit fentir k Ravenne. Fin du Tornt fepthme. LÉON, Ann. 467.