'■t I  HISTOIRE D U BAS EMPIRE. T O M E HU I T I E M E.   HISTOIRE BAS EMPIRE, a CONSTANTIN le Grand. Par Monfieur L E BEAU, Profejfeur Émérite en TV niv e rs it é de Paris , Profejfeur d'Éloquence au College Royal, Secretaire ordinaire de Monseigneur le Duc 23 Orle a ns, & ancien Secretaire perpétuel de l'Académie Royale des Inscriptions et Belles-Lettres. tome h u 1 t ie me, A MAEST RICHT, Chez Jean-Edme Dufour & Phil. Roux, Imprimeurs-Libraires, aflöciés. D U EN CO MME N CA NT M. DCC. LXXX.   FASTES CONSULAIRES Des années dont 1'Hifloire eft contenue dans ce Volume. Ann. f us^rs & Joannes. *6i Anthemius Aug. II folus. ?68 ïlavius MaRCIANUS & ZENO. 46a jordanes & severus. ATO Leo Aug. IV & Anicius Probiawus: 471 festus & marcianus. AL, Leo Aug. V folus. %Z Leo Junior Aug. folus. Tl? Zeno Aug. II folus. %J Flavius Basilius II & Harmatius. 476 Poft Confulatum Basilu II & Harmatii, 477 Illus folus. ZLk Zeno Aug. III folus. 2to Basilius Junior folus. .ii PtACIDUS folUS. *Sl Severinus Junior & Trocondus. 7si Faüstus folus. 7g Theodoricus & Venantius. JrI Q. Aurelius Symmachus folus. 2«c decius & longinus. 78A Ft. Boethius folus. >g7 Claudiüs Dynamius & Sifidius. tgg Anicius Probinus & Eusebius. 2s0 Flavius Faustus Junior & Longinus II. 400 Olybrius Junior folus. 7x, Anastasius Aug. & Rufus. 7q, Eusebius II & Albinus. VC, Turcius Rufus Afronianus Asterius Se Pr,esidius. Flavius Viator & jEMiriAUus, 40? Paulus folus. Z \ Anastasius Aug. II folus. lx* joannes scytha & PaULINUS. 2oS joannes GlBBUS & asclepio. 4go Patricius & Hyfatius. ?£. Tornt VUL * 5  'FASTES CONSULAIRES. Aan, Pompeiu's & Rufius Magnüs Festds Avienus. 501 Probus & Rufius Magnus Ffstus Avienus Junior. , . '■ ;oi Dexicrates & Volusianus. jo3 Cethecus folus. 504 Sabinianus & Manlius Theodorus. 50; Areobindus Sc Ennodius Messala. 50S Anastasius Aug. III Sc Venantius.. 507 Venantius 8c Celer. 50S Importunus folus. '. 509 Anicius Manlius Severinus Boethius folus. 510 Secundinus 8c Flavius Fëlix. ju Muschianus "& Paulus. 511 Clementinus 8c Anicivs Pk'oeus. 513 M. Aurelius Cassiodorus Senator folus. 514 Anthemius 8c Elorentius,^ 515 Petrus folus. 516 Anastasïus Acg.. IV Sc Flavius Agapitus. 517 2vïagnus folus. 51S Anicius Justinus Aug. ScEutharicus Amalus. 519 vltalianus 8c rusticus. j20 Flavius Anicius Justinianus 8c Valerius. 521 Q. Aurelius Anicius Symmachus 8c Anicius Manlius Severinus Boethius. jax Flavius Anicius Maximus folus. 523 Anicius Justinus Aug. II 8c Opilio. 524 Flavius Theodorus Philoxenus 8t Flavius Anicius Probus Junior. 525 Flavius Anicius Olybrius fólus. 516 fExnvs Agorivs.Basilius MavoRtius folus. 527 i SOMM A.IRE  SOMMAIRE .XÏ3 X .w/;- -•.eme, art. 2. 4 H 1 $ T O I R S fe ; on murmuroit fecretement de voir uh Sueve fouler anx pieds Ia majefté de 1'Empire , faire & détruire h fon gré les Empereurs. Trois Princes affaffinés 011 empoifonnés dans 1'efpace de neuf ans ne montroient que tropavec quelle infolence ce barJjare fe jouoit de la pourpre Impériale , & que s'en rapporter h lui pour 1'élection d'un nouveau Souverain , c'étoit lui laifler le choix de fa victime. On crut devoir s'adreffer a 1'Empéreur d'Orient; & comme Anthemius , illuftre par fa naifTance, par fon manage, par fes richeffes, 1'étoit encore par fes dignités & par les fuccès qu'il avoit eus dans la guerre,, le Sénat & le peuple Romain le demanderent a Léon par une députa-" tion folemnelle. II étoit par fa mere petit-fils de eet Anthemius , qui avoit fi fagement gouverné 1'Empire d'Orient dans les premières années de Théodofe le jeune. Son pere Procope , qui, fur la fin du regne de ce même Théodofe , s'étoit fignalé dans la guerre contre les Perfes, defcendoit .de ce parent dé Julien, famettx par fa révolte contre Valens. Quoique  du Bas-Empire. Liv. XXXF. 5 Ricimer fut détefté , il étoit trop puiflant en Italië , pour qu'il fut poffible d'y établir malgré lui un Empereur. Mals il fut le premier a favorifer Anthemius, & fit avec lui une convention particuliere. Anthemius avoit trois fils, Marden, Romule, Procope, & une fille.Ricimer la demanda en mariage, & le defir de régner y fit confentir Anthemius. Celui-ci commandoit alors la flotte que 1'Empire entretenoit dans 1'Hellefpont: il vint a. Conftantinople, regat de Léon le titre de Céfar ; &c fans craindre la pefte qui défoloit alors FItalie, il partit h la tête d'un cor*ege fi nombreux, qu'Idace 1'appelle une armée. II étoit accompagné de plufieurs Comtes, & entre autres de Marcellin, qui s'étoit établi une Souveraineté en Dalmatie. Léon, ayant befoin de Marcellin pour la guerre qu'il fe propofoit de faire a Genféric, 1'avoit attiré a fa Cour, & le ménageoit avec beaucoup de complaifance. Anthémius approchant de Rome, trouva le Sénat & le peuple affemblé a trois milles de la ville, 011 il fut proclamé Augufte le dou~ A iij- — ™ Léon. Anthémius.Ann. 467,  Léon. Anthemius. Aon. 467, n. Gouvernementd'Anthéjnius. Baronius. Fleury, hifi. Ecchf. 1.29. c. 27. TUI. Anthem. art. 3» C HlSTOIRE zieme d'Avril. L'image du nouveaiï Monarque d'Occident fut recue en grande pompe a Conftantinople, & portee par Férence, Préfet de cette ville. Avant que de quitter la Cour d'Orient, Anthemius avoit fait de fa maifon une Eglife, un höpital pour les vieillards, & un bain public. La première de ces difpofitions fuffit pour démentir le témoignage d'un Auteur Payen, qui prétend qu'il étoit idolatre dans le cceur, & qu'il avoit deffein de rétablir le culte des Dieux» Les Auteurs Chrétiens , au contraire r louent fa piété, dont ils n'ont peutêtre d'autre preuve que la fondation de quelques Eglifes.. La réputation du nouvel Empereur , faifoit efpérer qu'il alloit rétablir la gloire de 1'Empire d'Occident. Mais ce grand corps , privé de la meilleure partie de fes membres & accablé de langueur , n'étoit plus en état d'être foutenu ; & ceux qui fembloient les plus capables de le relever , tomboient avec lui. Amhémius avoit amené de Conftantinople un hérétique Macédonien , nommé Phllothée, qui s'appuyant de la  du Bas-Empirb. Liv. XXXV. 7 faveur du Prince , prétendoit introduire dans Rome la tolérance des diverfes fectes, & leur faire aceorder desEglifes. Le Pape Hilaire, qui avoit fuccédé a Saint Léon, s'y oppofa fortement. II fit a ce fujet des remontrances publiques a 1'Empereur dans 1'Eglife de Saint-Pierre, & il engagea ce Prince a faire ferment, qu'il ne permettroit jamais cette dangereufe innovation. Le mariage de Ricimer fut célebré avec une pompe digne du Souverain , & d'un fujet plus puiffant que le Souverain même. Ce fut vers ce temps-la que Sidoine revint k Rome, pour folliciter quelque remife d'impöts en faveur de 1'Auvergne. Au commencement de 1'année fuivante , Anthemius ayant pris le Confulat, Sidoine fut encore engagé a prononcer 1'éloge du Prince en préfence du Sénat. C'étoit le troifieme Empereur en 1'honneur duquelil employoit fa mufe demi-barbare, & il devoit être rébuté du peu de fuccès de fes magnifiques prédi&ions. II futen récompenfe honoré de la charge de Préfet de Rome, A ïy LÉON. Anthemius.Ann. 467. A.nn. 46S. III. Sidoine Préfet de Elome. Sid. carm. i. Idem :p. 9. i. 5. :p. 16.1,9. 16. '  léon. Anthemius.Ann. 46S, IV. Loix J'Anthémius &de Léon. Cod. Th. noy, Cod. Jufl. 1. I. tit. 4. 1;. th. 11, H- 8.9» 10. 8 HlSTOlKE • & quelque-temps après du titre de Patrice. On craignoit a Rome Ia famine, & le Préfet appréhendoit encore davantage les emportements du peuple, que la faim avoit coutume de mettre en fureur contre les Magiftrats. Mais 1'arrivée de quelques vaiffeaux venus de Brinde, &quiapportoient du bied de la Grece, diffiperent les allarmes du peuple & celles du Préfet. II nous refte peu de loix d'Anthémius. Conftantin avoit défendu, fous peinede mort, les mariages desfemïnes avec leurs efclaves : Anthémius déclara que celles qui épouferoient leurs afFranchis, feroient punies par la confifcafioa de leurs biens & par le bannifTement perpétuel ; que les enfants qui naïtroient de ces alliances , feroient cenfés illégitimes & efclaves du domaine. Cette loi tendoit a maintenir 1'honneur des families; il en fit une autre pour en confereer les biens. Celle-ci ne fut promulguée qu'après la réponfe de 1'Empereur Léon, qw'Anthémius fe faifoit un devoir de confulter comme fon pere. Souvent les biens conflf-  du Bas-Empike. Liv. XXXK $ qués & abandonnés enfuite a des perfonnes qui les obtenoientde la libéralité des Empereurs, fe trouvoient appartenir a des maitres légitimes, qui en avoient été injuftement dépouillés. Conftantin avoit prononcé qu'en ce cas la donation fubfifïeroit que le Prince dédommaeeroit les intéreffés comme il le jugeroit a pro > pos. Léon , jugeant cette décifion in »■ jufte, répondit que les particuliers devoient être regus a pourfuivre leur droit, nonobftant toute donation du Prince; ce qu'il appuye de ces belles paroles : Quelajuftice itant leplus nobU appanage de la majefté fouveraine, les Princes ne doivent fe croire permis que cequi fe/l aux particuliers. Léon fit auffi cette année deux loix remarquables : 1'une défend de proftituer quelque perfonne que ce foit, & de contraindre a monter fur le théatre aucune femme libre ou efclave : 1'autre interdit la profefiion d'Avocat a ^fout autre qu'aux Catholiques. Ce Prince porta plus loin que fes prédécefieurs la haine du paganifme. Les EmpereursChrétienss'étoienf jufqu'alors bornés a défendre 1'éxercice deA v léon. Anthé-- mius. \nn. 468.  léon Anthé- mius. A.nn, 468, *0 HrSTOIRE 1'idolatrie; mais ils n'avoient poinfc forcé leurs fujets a faire profeffion de la Religion Chrétienne. Léon, non content de renouveller les peines déja prononcées contre le culte idolatre & contre 1'apoftafie, enjoint a ceux qui n'ont pas encore recu le baptême, de fe tranfporter aux Eglifes pour le recevoir , &c de faire baptifer leurs domeftiques, leurs femmes,. leurs enfants; ceux-ci fans délai s'ils font encore dans 1'enfance; mais s'ils font adultes, après qu'ils auront été inftruits felon les canons : ceux qui fe feront baptifer feulement par intérêt pour conferver leurs biens om leurs émplbis, fans s'embarrafTer de retirer du paganifme les perfonnes qui leur appartiennent, feront exclus des emplois, privés de leurs biens, & punis de la maniere qui conviendra : car la loi ne détermine rien de plus précis. A ces peines, elle ajoute celle de 1'exil pour ceux qui ne feront pas baptifés; & celle de mort, s'ils font convaincus de perfifter dans la pratique d'un culte idolatre après lè baptême recu. Elle öte de plus aux Payens le droit d'enfeigner, ëc les  du Bas-Empire. Liv. XXXV. n exclut de toute particioation aux dif- tributions publiques. La ceffion de Narbonne & de fon territoire fait aux Vifigoths, coupoit la communication de 1'Italie & de 1'Efpagne , oü il devenoit impoffible de faire filer des troupes pour y conferver ce qui refloit encore a 1'Empire. La Galice & une partie de la Lufitanie obénToient aux Sueves: les Goths étoient maïtres de la Catalogne & de la Bétique. Les Romains pofledoient encore plufieurs villes dans la Province de Carthagene & dans la Tarragonoife. Mais dépourvus de tout fecours , ils étoient réduits a demeurerfpe&ateurs desguerres que fe faifoient Rémifmond & Euric , jufqu'a ce qu'ils devinffent eux-mêmesla proie du vainqueur. Depuis que Maldra s'étoit emparé de Lifbonne, les Romains profitant des di-. vifions des Sueves, y étoient rentrés, & Lufidius, né en cette ville , y commandoit la garnifon Romaine. C'étoit un traitïe qui en ouvrit les portes a Rémifmond. Une armée de Vifigoths, qu'Euric venoit d'envoyer contre les Sueves, étoit alors arri'A vj Léon. Anthemius.Ann. 468. V. Fin de Ia puiffance Romaine en Efpagne. Idac. chr. Mariana , hifi. Efp. I. J.f. 5,13.  LÉON. Anthemius.Ann. 46S VI. Caufes de la guerre entre l éon & Genféfic. Prifi. p, 74- 1% HlSTOlRE vée a Mérida ; elle entra en Lufifanie, pillant & maffacrant fans diftinction les Sueves & les Romains qui leur étoient affujettis. Les Sueves s'en vengerent par d'autres ravages. Rémifmond mourut; mais les deux peuplescontinuerent adéfolerlepays, jufqu'a ce que 1'Empire d'Occident .étant entiérement détruit par Tinvafion d'Odoacre , Euric pénétra en 477 , jufqu'au fond de TEfpagne, conquit la Lufitanie , s'empara de Pampelune & de Sarragoce, & par la ruine de Tarragone, acheva d'éteindre la puiflance des Romains, qui depuis plus de fix cents ans poffédoient cette belle & rkhe contrée. Toute 1'Efpagne fe trouva pour lors fous la domination des Goths, a 1'exception de la Galice, oü lesRois Sueves fe maintinrent encore pendant un fiecle jufqu'au regne de Leuvigilde, qui anéantit la Monarchie des Suevess & la réunit a celle des Goths. Tandis que les autres barbares aftaqiioient les extrémités de 1'Empire, Genféric, le plus habile & le plus redoutable de tous j portoit le fer & le feu jufques dans fes e-.railles. La  du Bas-Empire. Liv.- XXXV. 13 Sicile & 1'Italie, tant de fois ravagées, ne fourniffant plus au pillage, il fe jetta fur 1'Empire d'Orient; & fous prétexte que quelques vaifTeaux de Léon avoient infulté les contrées maritimes de fes Etats, il envoya fes flottes faire le dégat dans les ifles & fur les cötes de la Grece. Pendant 1'intervalle qui avoit fuivi la mort de Sévere, il n'avoit cette de folliciter Léon d'une part, & de 1'autre Ricimer, de donner 1'Empire a Olybre. II lui fembloit a la fois avantageux & honorable de voir le beau-frerede fon fils Hunéric afïis fur le tröne d'Occident. Léon, peu difpofé è le fatiffaire, ayant préféré Anthemius, lui envoya Phylarque pour 1'en inftruire, & lui déclarer que s'il ne mettoit fin a fes ravages, 1'Empereur feroit obligé de 1'y forcer par les armes. Le fierVandale, encore plus irrité de ces menaces que du peu de fuccès de fes follicitations , répondit a 1'Ambaffadeur , qu'il n'étoit pas befoin de déclaration de guerre; que les Romains avoient déja rompu la paix, & qu'il fauroit bien leur répondre autrement que par des bra-« LÉON. Anthemius.Ann. 46?. Proc. Vand.U I, c 6. Valef. rer. Fr. I. 5. TilLLcon, art, 16.  Léon. Anthé 3uius". Ann. 46: VIL Prépara tifs de Léon. Evag. I. : c. 16. Sid. carn i. Theod. i l. 1. Proe. Vand. I. 1 e. 6. Theoph. 1 59. ldac. ch Mare. ch CaJJiod, chr. 14 H1 s t 0 1 r e - vades. En même-temps , il envoya , fes corfaires infefter les cötes de 1'Empire d'Orient, & donna ordre d'affembler fes troupes. Phylarque de retour répandit 1'allarme dans Conftantinople : on ne douta pas que Genféric n'eüt deffein de s'emparer de la Lybie & de 1'Egypte ; & la renommee publioit déja qu'il étoit devant le port d'Alexandrie. Léon eut befoin de la fermeté du folitaire Daniël pour calmer fes craintes. II réfolut de faire un dernier effort pour s'affranchir des infultes d'un fi opiniatre ennemi. On épuifa pour cette expédition une grande partie des tréfors & des forces de 1'Empire. Léon, naturelle" ment ayare, n'épargna cependant aui. cune dépenfe pour encourager les fol. dats & les matelots. II équipa une flotte de onze cents treize galeres, montée de cent mille foldats. Mais • il falloit que ces batiments ne fnf,. fent que des barquesmédiocres, puifqu'on n'y compte que fept mille ral meurs. Cette entreprife coüta cent ' trente mille livres pefant d'or , fans cpmpter une fomme confidérable que  39u BaS'Empirë. Liv. XXXV. 15 fournit Anthemius. Ce.Prince envoya auffi un corps de troupes fous les ordres de Marcellin. Bafilifque, frere de 1'ImpératriceVérine, fut, pourle malheur de 1'Empire, chargé du commandement général. Le rendez-vous de la flotte étoit en Sicile, d'oü elle devoit faire voile vers les cötes de Carthage. Marcellin avoit ordre de s'emparer de la Sardaigne , ou les Vandales s'étoient établis. Héraclius d'Edeffe, fils de Florus, qui avoit été Préfet d'Egypte, & un Ifaurien nommé Marfe, furent envoyés pour attaquer les Vandales du cöté de la Tripolitaine. C'étoient deux guerriers pleins de valeur. Un armement fi formidahle fit trembler toute l'Afrique. Marcellin chafTa les Vandales de la Sardaigne, & vint rejoindre Bafilifque , lorfqu'il étoit encore en Sicile. Héraclius & Marfe ayant raflemblé les troupes de 1'Egypte , de la Thébaïde & de la Cyrénaïque, s'embarquerent dans le port d'Alexandrie, & firent voile vers Tripoli. Ils y défirent une armée de Vandales, réduifirent en peu de tempstoutes les villes de cette Provinee, LÉON. Anthé- mius. Ann. 46$. Cedren. p, Manaffes i p. 59, 60. Jorn. fucctff. Damafi. apud Phot. p. 1048. MaUla, p; 29. Zon. t. II. p. 50. Nkeph. CalL. L. 15, c 27. Suid. voce Bacrihicrx.o;&Xei- Vahf. rtr. Fr. I. 5. VIII. Mauvais fuccès de cette expédition.  LÉON. Anthemius.\nn. 468. i 3f5 II I S T 0 I R R & laiffant leurs vaifleaux dans le port de Tripoli, ils prirent la route de terre pour fe rendre a la grande armee , qu'ils croyoient déja aux portes de Carthage. Bafilifque étoit arrivé a quatorze lieues de cette ville; & s'il y eüt fur le champ conduit fa flotte , il s'en feroit rendu maïtre fans coup férir. Les Vandales effrayés ne fongoient qua prendre la fuite. Genféric, lui-même confterné de la perte de la Sardaigne & de la Tripolitaine, n'ofoit efpérer de fe défendre contre une puiffance capable de fubjuguer 1'uniyers. II fe rafïura, quand il vit le Général Romain demeurer a 1'ancreaupromontoire de Mercure. Cette inaftion de Bafilifque n'étoit pas 1'effet de fa flupidité naturelle; il y entroit de la trahifon. Afpar, & fon fïls Ardabure, mécontents de Léon, qui s'étoit affranchide leur tyrannie, cralgnoient que la conquête de l'Afrique ne rendït ce Prince aÖez puiffant pour ofer les punir. Ariens fanatiques, ils 2toient portés d'inclination pour Genréric , qu'ils regardoient comme le irotefteur de leur fefte. Connolffant 'ambitiorv de Bafilifque, üs lui avoient  w Bas-Empire. Liv. XXXK 17 promis de 1'aider de tout leur pouvoir a monter fur le tróne , s'il faifoit échouer 1'entreprife dont 1'Empereur lui confioit 1'exécution; & ce perfide leur avoit vendu k ce prix la fidélité qu'il devoit a fon Prince. Genféric, qui n'étoit point inftruit de ce fraité fecret , fongea de fon cöté a mettre en oeuvre la corruption qui lui avoit déja fi bien réufli dans 1'expédition de Majorien. II entretenoit toujours une flotte dans le port de Carthage, & des troupes prêtes a embarquer. II les fit monter fur fes vaiffeaux, & raffembla un grand nombre.de barques légeres , qu'il Iaiffa vuides. Comme il attendoit un vent propre k 1'exécution du deffein qu'il méditoit, il enVoya demander k Bafilifque une treve de cinq jours, pour avifer aux conditions de paix qu'il devoit propofer k 1'Empereur. II accompagna cette demancle d'une fomme d'argent confidérable , qu'il fit fecretement délivrer au Général. L'avare Bafilifque, ravi de voir qu'on lui payoit de nouveau une trahifon a laquelle il s'étoit déja engagé , accorda tout, & fe tint en rade fans léon. Anthemius.Ann, 46$.  LÉON. ANTHEMIUS. Ann. 46S. 13 H 1 S T 0 I R E faire aucun mouvement, & fans obferver ceux de 1'ennemi. Dès que le vent, que Genféricattendoit avec impatience, eüt commencé a s'élever, les Vandales fortent du port pendant la nuit, & s'avancent vers le promontoire, trainant avec eux les barques dont ils avoient fait des brülots en les rempliffant de matieres combuftibles. Arrivés prés des Romains , ils mettent le feu a ces barques, qui, pouffées par le vent, vont donner au milieu de la flotte Romaine , &: portent 1'incendie dans tous les batiments dont elles approchent. Bientöt ce nombre prodigieux de ïnats, de voiles & de cordages, n'offre plus que 1'image d'une forêt, que le feu dévore au milieu d'une nuit épaifle. La mer elle-même paroit une foiirnaife ardente. Les cris confus , mêlés au fifflement des vents , au mugiffement des vagues, au pétillement des flammes, troublent les matelots & les^ foldats. Les uns a demi-brülés fe précipitent dans les flots; les autres voylant gagner a la nage les vaiffeaux qui ne font pas encore embrafés, font tnis en pieces, ou affcvmmés k coups  du Bas-Empire. Liv. XXXV. 19 de croc & de rames. Au milieu de eet affreux défordre, les Vandales fondent fur eux, les accablent de traits, abordent les navires qui échappent aux flammes. II fe livre autant de combats qu'il y a de batiments. Plufieurs Romains vendirent bien cher leur vie, a la honte de leur lache Commandant , qui fut le premier a prendre la fuite. L'hiftoire a confervé la mémoire du Lieutenant-Général de la flotte; c'étoit Jean Daminec, natif d'Antioehe : ce brave Officier , environné d'ennemis qui s'étoient jettés fur fon bord, fe défendit longtemps avec une valeur héroïque. II fe fit un rempart de ceux qu'il abattoit a fes pieds. Enfin, accablé par Ie nombre, comme Genzon, fils de Genféric , touché de fon courage , lui crioit de fe rendre, lui promettant la vie, il fauta tout armé dans la mer, en difant : Non, Jean nt fe- verra pas Vefclave de ces ckiens. Tel fut le fuccès de la derniere expédition contre Genféric. Ni Léon, ni aucun autre Empereur n'ofa plus attaquer eet invincible ennemi. Bafilifque trajnant après lui les débris de LÉON. Anthemius.Ann, 46Si IX. Suites de a défaite.  Léon. Anthemius. Aun, 468, Léon maïie fa nlle a Zénon. Evag. I. 1, t. 15. 20 H I S T 0 1 R E fa flotte & de fon armee, dont il avoit perdu plus de la moitié, retourna en Sicile chargé d'ignominie. Avant qu'il fortït de cette ifle, Marcellin , trop généreux pour contenir fon indignation, fut affaffiné. Après la perte de Fhonneur, c'étoit la plus grande que 1'Empire pouvoit faire encore. Héraclius & Marfe ayant appris en chemin la défaite de 1'armée, regagnerent le port de Tripoli, & ramenerent leur flotte en Egypte. Bafilifque , qui méritoit autant de morts qu'il avoit perdu de foldats, arrivant a Conftantinople, fe réfugia dans 1'afyle de Sainte-Sophie. Vérine fa fceur obtint fa grace ; & pour le fouflraire a la haine publique, elle Tenvoya en Thrace k Héraclée. Son exil ne fut pas long; le crédit de 1'Impératrice lui _ rendit bientöt toute fa faveur ; mais Afpar & Ardabure , ainfi qu'on le verra dans la fuite, n'eurent pas le temps de le récompenfer de fa trahifon. Léon commen$oit k fe défier de leurs intrigues; & pour fe ménager un appui contre des hommes fi puiffants èc fiaudacieux, il fongea k s'at-  bv Bas-Empire. Liv. XXXV. m tacher la nation des Ifaures. Ce peuple , ;qui n'étoit dans 1'origine qu'un amas de brigands cantonnés dans les montagnes de 1'Ifaurie, s'étoit rendu fameux par fes ravages & par une téputation de valeur indomptable. Trafcaliffée, nommé par d'autres Tarafifcodifée, & auffi Aricmefe, étoit d'une race renommée entre ces montagnards, & fa naiffance lui donnoit un grand crédit dans la nation. Léon 1'attira auprès de lui, 1'honora de la dignité de Patrice, lui donna le commandement de fa garde; & pour comble de faveur, il lui fit époufer Ariadne, 1'aïnéede fes deux filles. C'étoit approcher bien prés du tröne un barbare qui ne méritoit nullemerit eet honneur. II étoit très-mal-fait de corps & d'efprit, fans talents, fans aucune iortede connoiffances, fans moeurs, & meme fans courage. II avoit eu une première femme nommée Arcadie, dont il, lui reftoit un fils. II changea fon nam barbare en celui de Zénon, devenu célebre par la grande puiffance k laquelle s'étoit élevé Zénon Hlaiinen , clans les dernieres années de, Théodofe le jeune. Le nouveau LÉON. Anthemius.Ann. 46 Theopfi. p. lil. Candid. p, iS. Anon. Va%fi Agath. I. 4, Zon. l. ƒ/, ?■ 50, JI. Malcla, p. 30. Suld. VOOë  LÉON. Anthemius.Ann. 469 XI. 'Afpar veut fain périr Zé non. Theoph. p 100. XII. Troubles gxcités SS HlSTOIRE Zénon fut encore revêtu d'une dignité que 1'autre avoit poffédée : il fut fait 1'année fuivante Général des trou- ■ pes d'Orient. Pour le décorer de tous les titres qui pouvoient 1'égaler aux plus illuf\ tres perfonnages de 1'Empire, Léon le nomma Conful, & lui fit prendre le ■ nom de Flavius, attaché depuis Conftantin k la Maifon impériale. Marcien , fils d'Anthémius, fut fon collegue pour 1'Occident. Afpar, jaloux de la fortune de Zénon, qui détruifoit fes projets & les prétentions de Bafilifque, réfolut de faire périr le nouveau favori. Les barbares ayant fait une incurfion dans la Thrace, Léon y envoya fon gendre, avec ordre aux Gouverneurs de lui fournir des troupes. Les foldats, gagnés par 1'argent d'Afpar , formerent le complot d'affafliner leur Général. Ils étoient fur le point de 1'exécuter, lorfque Zénon, averti k temps, fe fauva a Sardique. Les foupcons tomberent fur Afpar, qui étoit en effet 1'auteur de cette intrigue criminelle. Ce fut peut-être la raifon qui engagea 1'Empereur k éloigner Zénon,  du Bas-Empire. Liv. XXXV. 23 & a 1'envoyer en Oriënt pour commander les troupes dont il étoit Général. Zénon alla réfider k Antioche, oü il fut fuivi par un Moine brouillon & audacieux , nommé Pierre, & furnommé/e Foulon, paree qu'il avoit exercé ce métier. Chaffé de deux monafteres k caufe de la corruption de fa doftrine & de fes mceurs, il devint flatteur & parafite, fit fa cour aux perfonnes puiflantes qui étoient comme lui infeftées des erreurs d'Eutychès, & s'infinua dans les bonnes graces de Zénon. Arrivé a Antioche, il fe joignit aux Apollinariftes , qui étoient en grand nombre dans cette ville; il les fouleva fecretement contre 1'Evêque Martyrius; & lorfqu'il eut allumé le feu de la difcorde, il repréfenta k Zénon que 1'unique moyen de calmer ces troubles étoit de fe défaire de Martyrius , & d'établir un nouvel Evêque. II lui fit entendre en même-temps, qu'il fe croyoit lui-même plus propre que perfonne a ramener les efprits; il le pria de contribuer a cette bonne ceuvre, & pour lui en faire mieux fentir le mérite, il lui promit une grande fomme d'argent. Zé- léon. Anthé- mius. Ann. 469.' par Fierre leFoulon. Theod. L. I. 1. Theoph. p, 97, 9S. Niceph. Call. I. I J. c. lS. Cedrcn. p. 349- Anajlaf. p. 44- TUI. Leon, art. ao , 21.  LÉON. Anthemius.Ann. 469, 24 H I S T 0 1 :i E \ non trouva fes raifons très-perfuafives, Martyrius fut.chafle, & Pierre inftallë en fa place. Auffi-töt celui-ci leva le mafque , & fe déclara ouverte-* ment pour la doctrine d'Eutyehès : ce qui excita dans la ville une grande divifion. Martyrius s'étant retiré.a Conftantinople, y trouva des accufateurs qui le chargerent de crimes atroces. Mais le Patriarche Gennadè, Prélat vertueux & éclairé , défendit fi bien fon innocenee, que l'Empereur le renvoya avec honneur. Martyrius, de retour h Antioche , voyant la ville en défordre, & la.faction de Pierre appuyée de tout le pouvoir de Zénon , crut devoir céder k 1'orage : il fe démit publiquement de Fépifcopat, en reprochant au Clergé & au peuple leur rébellion contre 1'Eglife. L'ufurpateur viftorietix ne ménagea plus rien. II aff^mbla des Synodes, dans lefquels il fit autorifer. fes erreurs; il ordonna des Evêques qui lui relTembloient. Mais ce triomphe ne fut pas de longue durée ; il apprit bientöt que l'Empereur , inftruit par Gennade , avoit ordonné de le reléguer dans 1'Oafis.- II prévint par  du Bas-Empire. Liv. XXXP. 25 Ja fuite 1'exécution de eet ordre; & s'étant déguifé, il fe rendit k Conftantinople, oü il fe tint caché jufqu'au temps oü Bafilifque , devenu maitre de 1'Empire, entreprit de relever le parti d'Eutychès. Julien fut élu felon les regies canoniques pour remplir le fiege d'Antioche. Léon témoignoit beaucoup de zele pour la religion & pour les intéréts de 1'Eglife. Conftantin avoit défenêu de faire le Dimanche aucun a£te judiciaire ; & de tous les travaux, il n'avoit permis que ceux de 1'agriculture. Les deux Théodofes avoient interdit pour ce jour-la toute efpece de fpedtacles : Léon recommanda par «ne nouvelle loi la fan&ification du Dimanche. II fut défendu d'exiger en ce jour le payement des impöts ou des dettes particulieres, de faire aucune procédure hi aucune vente : les divertiflements publics furent prohibés ; & fi le jour de la naiflance des Empereurs ou de leur élévation k 1'Empire tomboit au Dimanche, les fêtes & les fpeftacles ordinaires devoient être différés. Toute contravention k cette loi étoit punie de la Tornt VIU, B Leon. Anthé- mius. Ann. 469, XIII. Loix de Léon en faveur de Ia religion. Cod.- Jufi. I. I. tit. 2. hg. 14. tit. 3-'kg' 29i 31 . 31» 35. tit. 11. leg. 8.1. 3. tit. 11. Ug, 9- Theod. X.' /. 1. Chr. Alex. Glycas, p. 264. Malela, p. 28.  LÉON. AnthÉ- MIUS. A.nn. 469. 26" HlSTOlRE privation des emplois & de la confifcation des biens. II défendit encore d'aliéner les fonds appartenants aux Eglifes; il confirma les privileges qui leur avoient été accordés par les Empereurs précédents, ainfi qu'aux höpitaux & aux monafteres. Mais la loi qu'il publia contre la fimonie mérite jd'être rapportée toute entiere : » Lorf» qu'il s'agit, dit-il, de nommer un » Evêque, foit pour cette ville im» périale, foit pour toute autre Eglife » du monde Chrétien , c'eft Dieu » feul qu'il faut confulter; l'éleftion » doit fe faire felon la confcience , » avec des intentions pures , & une » perfuafion fincere, que celui qu'on É choifit eft digne d'une place li fainte » & fi refpeöable. Que perfonne ne » prétende acheter 1'épifcopat: le prix » du facerdoce, c'eft le mérite, & » non la richeffe. Oü la corruption » ne s'étendra-t-elle pas, fi elle pé* » netre jufques dans la maifon de » Dieu ? Que Favarice , cette pefte »> des mceurs , ceffe donc d'appro» cher des autels : qu'on la repoufle » loin dufanduaire. Que pour 1'hon>> ijeur de notre fiecle, on ne choi-  dü Bas-Émpire. Liv. XXXP. a? » fifle que des Evêques chaftes, hum»> bles , irréprochables, afin que la » bonne odeur de leur vertu purifie » tous les lieux oii ils portent leurs » pas. Loin de courir au-devant de » 1'épifcopat, il faut que celui qu'on » defiine a cette place, fe faffe cher>> cher; il faut qu'on foit obligé de » le contraindre, qu'il fe refufe aux » prieres, qu'il fe dérobe aux folli» citations , qu'il ne fe rende qu'è la »> nécelfité d'accepter ce fardeau : il » eft indigne de cette place, s'il n'y » a pas été porté malgré lui. Si quel» qu'un efl: convaincu d'y être entré » par argent; fi 1'on découvre qu'un » éleöeur en ait recu, foit pour don» ner fon fuffrage, foit pour ordon» ner un Evêque, le corrupteur, & » celui qui s'eft laiffé corrompre » étant également coupables, feront »> foumis aux mêmes peines. Tout w accufateur fera re^u k les pour» fuivre; on procédera contre eux » comme criminels de leze-majefté; » ils feront dégradés du facerdoce , » & notés d'infamie a perpétuité ". Deux ans après, Léon, pour arrêter les cabales des mauvais Moines . Bij LÉON. Anthé- mius. Ana. 4691  ■ LÉON. Anthé- mius. Arm. 469. XIV. Pluies exceffives.Mvag. I. %, *> 14. \ xv. ■ 'Brouilleries d'A".- ʧ H I S T 0 I R E femblables a Timothée Elure, k Théodofe de Jérufalem & k Pierre le Foulon, défendit aux Moines de fortir de leurs monafteres, & de fe répandre dans les villes ; laiflant feulement cette liberté aux Procureurs chargés des affaires de leur communauté; mais k condition que ceux-ci ne fe mêleroient point de difputes de Religion ; qu'ils ne tiendroient point de congrégations ; que dans les conteftations qui s'éleveroient entre les fideles, ils ne chercheroient point a féduire les fimples; il les menace de chatiments rigoureux, s'ils fortent des bornes prefcrites par cette loi. Conftantinople & la Bithynie eurent beaucoup k fouffrir cette année de 1'abondance des pluies. Pendant trois ou quatre jours de fuite, il tomba du ciel des torrents. Des villages entiers furent fubmergés; des montagnes furent applanies. Dans le lac de Boane, prés de Nicomédie, il fe forma plufieurs ifles du limon , des pierres & des autres matieres que les eaux avoient entrainées. La dignité fouveraine s'aviliffoit de plus en plus en Occident, Magnus  nu Bas-Empire. Liv. XXXV. 19 Félix , qu'Anthémius avoit fait Patrice, fils de ce Gaulois célebre qui avoit été Conful & Préfet du Prétoire fous Ie regne de Majorien, quitta la Cour, & fe retira dans un monaftere. Ricimer, qui ne pouvoit régner , ne pouvoit cependant fe réfoudre k obéir , fe brouilla bientöt avec fon beau-pere. Comme ils avoient chacun leur Cour, dés qu'on s'appercut de leur méfintelligence, les flatteurs qui les environnoient} s'emprefTerent de fouffler le feu de la difcorde. Ricimer, laiffant Anthémius a Rome, fe retira k Milan; & toute I'Italie appréhendoit les fuites de cette rupture. En efFet, on fe préparoit de part & d'autre a la guerre. Anthémius accufoit Ricimer d'entretenir des intelligences avec les barbares, & de les exciter fous main k prendre les armes. Ricimer reprochoit k l'Empereur fes injuftes foupcons, & le repréfentoit comme un Prince jaloux, ombrageux, implacablc dans fa colere. Pour détourner une guerre civile prête k éclater, les perfonnes les plus diflinguées de la Ligurie vinrent a Milan fe jetter aux pieds de B iij LÉON. Anthémius.Arm. 469. thémius & de Ricimer.Ennoi. Vita Epiph. p. 371 &  LÉON. Anthémius.Ann. 469. ] i i : < j XVI. Epiphane les réconcilie. 30 HjSTOIRB Elicimer, & le conjurer de tenter !es voies de conciliation , avant que i'en venir a des extrêmités funeftes. Le Sueve eut bien de la peine a. fe 'éfoudre a faire les avances envers ron maïtre & fon beau-pere. Enfin, .1 confentit k députer k Rome EpiDbane, Evêque de Pavie. Ce Prélat i'avoit encore que trente ans; mais ron éminente vertu & fa profonde !ageffe le faifant refpecïer de 1'Ernjereur & de tout 1'Empire , on le ugea plus propre que perfonne a'une légociation fi difficile. On dit qu'An:hémius apprenant fon arrivée, s'é:ria : Que Ricimer fait bien emprunter 'a vertu qu'il n'a pas ! qu'il fait bien :ouvrir fa malice! après m'avoir outraré, il me combat par fes rufes dans les ieputations qu'il m'envoye : il choift le reul homme capable de me vaincre. Epiphane étoit éloquent, & ce talent étoit relevé par un extérieur noble & majeftueux, qui attira les re^ards des Courtifans. Lorfqu'il fut ievant Anthémius : » Prince, lui dit> il, nous devons rendre graces k >> la Providence divine de nous avoir i accordé un Empereur qui fait que  du Bas-Empihe. Liv. XXXV. 31 » Dieu donne la bonté, & qu'il aime » fes dons. Le Maïtre des Souverains » foule aux pieds 1'orgueil des hom» mes; il opere par la concorde ce » que la bravoure ne peut exécuter* » Les Monarques qui font fes ima» ges, doivent comme lui écouter" h les prieres. La clémence eft le luf» tre de la puiflance : elle la fait bril» Ier d'un doux éclat, qui la rend ai» mable. C'eft cette vertu qu'implo» re aujourd'hui Ricimer, ou plutöt » toute 1'Italie. En faifant grace a un » barbare, vous la mériterez de Dieu » pour vous-même. Ce fera pour » vous un triomphe glorieux, &qui >> vous fera propre, d'avoir vaincü » fans répandre de fang. Eft-il une » plus folide victoire, que celle qu'on »> remporte fur foi-même ? Pouvez» vous tirer d'un fier barbare une ven» geance plus complete que de le faire » rougir a force de bienfaits ? L'évé» nement des combats efl incertain ; » & fuppofé qu'il fe décide en vo» tre faveur, ce que les deux par»> tis auront perdu, fera perdu pour » votre compte. Confidérez que c'eft *> mettre de fon cöté la juftice & la; B hr léon. Anthémius.Ann. 46$.  Léon. Anthémius.Ann, 469 52 Bist 01 re » raifon, que d'être le premier a of» frir la paix ". Anthémius répondit en foupirant, qu'il avoit comblé . Ricimer de faveurs; qu'il 1'avoit honoré de fon alliance; il s'étendit fur fon ingratitude , fur fes entreprifes contre 1'Etat, fur fes Iiaifons avec les barbares : fe fier a un gendre li perfide , n'étoit-ce pas lui fournir de nouveaux moyens de nuire ? » Ce n'eft » pas, dit-il, que je le craigne; je *> fuis le feul homme de 1'Empire » pour qui je n'appréhende rien; mais » je crains pour le falu-t de 1'Etat; » & c'eft le feul genre de timidité » permis a un Souverain. Je connois » Ricimer , continua -1 - il, & c'eft » pour moi un grand avantage: avoir » démafqué un traïtre, c'eft 1'avoir » défarmé. Mais fi vous êtes fa cau». tion, vous qui, éclairé de la lu» miere & foutenu de la grace diw vine, pouvez pénétrer & arrêter * fes mauvais defleins, je ne vous » refufe rien. S'il vous trompe par « fes artifices ordinaires, il lé fera » lui-même bleffé avant que de pren» dre les armes. Je me remets en» tre vos mains, & je vous accorde  du Bas-Empire. Liv. XXXV. 33 » la grace que j'étois réfolu de re- ! » fufer k Ricimer. C'eft affurer mon » vaiffeau au milieu de la tempête, » que de le gouverner par vos con» feils ". Epiphane remercia l'Empereur , & rendit graces a Dieu de ce qu'il infpiroit au Prince des fentiments fi conformes k la bonté divine. II prit le ferment d'Anthémius, & retourna en Ligurie. II arriva quatorze jours après a Pavie, oü il fut recu avec d'autant plus de joie qu'on avoit moins efpéré la paix. Quoique fous des regnes fi foibles, les concuffions & même les trahifons demeuraffent fouvent impunies , quelquefois cependant la juftice reprenoit fes droits , & rien ne contribuoit tant a faire fuccomber les coupables, que leur audace & 1'affurance qu'ils avoient de 1'impunité. Arvande avoit été Préfet de la Gaule pendant cinq ans en deux fois. Dans fa première préfefture , il avoit gouverné la Province avec beaucoup d'hu« manité. Dans la feconde, il 1'avoit pillée fens miféricorde ; & fes exactions ne pouvant encore fuffire aux dépenfes exceffives de fon luxe, il B v Léon. Anthémius. Ann, 469. XVII. Condamnationd'Arvande. Sid. I. iJ ep. 7. & ibi Sirm. Cafwd. chr. Paul diac, l. 6.  léon. Anthémius.41111,469. i i i t i i « i s ï I r i s c cl p 34 & r s t o i r £ avoit contracré des, dettes énorm»; Pour fe mettre a 1'abri des pourfuites de fes créanciers, il crut n'avoir d autre reflburce que de brouiller les affaires, & de mettre la Gaule entre les mains des barbares, dont il Efpéroit de grandes récompenfes. II ecnvit au Roi des Vifigoths, pour l'engager a prendre les armes, a tomber fur les Bretons de 1'Armorique , qu'il fubjugueroit fans peine , & a partager la Gaule avec les Bourgui^nons. II ajoutoit k ces confeils pluïeurs projets extravagants, mais qu'il :royoit propres k réveiller 1'humeur urbulente & belliqueufe du Prince. Jendant qu'il tramoit cette intrigue :riminelle, fe croyant affuré de réufir, il redoubloit d'infolence, & acumuloit de plus en plus fur fa tête \ haine publique dont il étoit charé. Sa lettre fut interceptée par les rincipaux de la Gaule qui épioient ;s démarches. La Province députa iifll-töt k Rome Tonance Ferreol, ncien Gouverneur, qui s'étoit fait hérir des peuples autant qu'Arvane en étoit détefté. On lui donna our adjoints Thaumafte & Petro-  du Bjs-Empjre. Liv. XXXV. 35 ne, recommandables par leur vertu & par leurs talents. Ils étoient munis d'un décret public qui les commettoit pour dénoncer le Préfet au nom de toute la Gaule. Ils portoient en même-temps la lettre d'Arvande, qui n'avoit aucune connoiffance qu'elle eüt été furprife. Sur la requête des Gaulois , l'Empereur envoya ordre de 1'arrêter & de le conduire a Rome par mer. Le coupable étant arrivé eut d'abordle Capitole pour prifon , fous la garde d'Afellus, intendant des finances, qui étoit lié d'amitié avec lui. Ses amis & entre autres Sidoine lui confeilloient de rabattre de fa fierté & de fon aflurance, qui ne fervoient qu'a le rendre plus odieux, & de fe défier de fes adverfaires , qui avoient peut-être quelque coup imprévu a lui porter, &c qui ne cherchoient qu'a exciter fa hardieffe, pour tirer de fa bouche quelque réponfe téméraire. II rebuta leurs confeils avec hauteur, les traitant de laches, & difant qu'il favoit ce qu'il avoit a faire , que fa bonne confcience lui fuffifoit, & que même il confentiroit a peine d'employst B v; LÉov. Anthémius. Ann, 4691  Léon. Anthé- MITJS. Ann. 469, i i i < t l 35 H 1 S T 0 1 R E un avocat pour fa défenfe. II continua de fe promener, magniiïquement vetu, dans leCapitole, de recevoir des vifites , d'écouter avec complaiiance les flatteries des parafites qu'il admettoit a fa table , de pafier le temps dans les magafins des marchands, a fe faire montrer, & a acheter des bijoux & des étoffes précieuies, fe plaignant fans ceffe des loix, du gouvernement, du Sénat & da Prince. Enfin, le Sénat s'affembla pour proceder k 1'examen. II s'y renditfort a/ufté, & dans une parure brillante : fes adverfaires au contraire fe préfenterent en habit de deuil, dans un exterieur conforme au miférable état de la Province , dont ils étoient députés. On fit entrer les deux partjes; & comme les anciens Préfets lyoientdroit de féance, Arvande ou« Jbant qu'il étoit accufé , allas'affeoir mprès des juges. Ferreol, quoiqu'il ut Senateur, fe tint avec fes colle[uesïur les derniers bancs de la falie. 3n écouta les plaintes des Députés. rant qu'ils ne parierent que des vexaions d'Arvande, celui-ci ne perdit as contenance, perfuadé qu'un eri-  nu Bas-Empire. Liv. XXXV. 37 ine avoit ceffé de 1'être depuis qu'il étoit devenu fi commun. Les accufateurs firent enfuite lefture de la lettre adreffée au Roi des Vifigoths. On s'étoit attendu qu'il s'infcriroit en faux; & pour le convaincre, on avoit arrêté fon fecretaire, qui reconnoiffoit Pavoir écrite fous fa dióïée. Mais on neut pas befoin de cette "dépofition. Arvande j aveuglé par fon arrogance, fans attendre qu'on 1'intefrogeat, s'écria qu'il étoit véritablement 1'auteur de la lettre, & répé* ta trois ou quatre fois qu'il ne la défavouoit pas. Toute 1'aflemblée fe récria : les juges prononcerent que, de fon propre aveu, il étoit coupable du crime de leze-majefté. Ce ne futqu'en ee moment que le bandeau lui tomba des yeux, & que changeant de couleur, il vit 1'abyme oü il s'étoit lui-même précipité. On le déclara déchu des privileges que lui avoient acquis fes deux préfeftures. Alors revêtu de ces magnifiques habits , fous lefquels il avoit parit infulter a fes juges, & qui ne lui attiroient plus que la rifée & 1'indignation du peuple, il fut conduit k léon- Anthémius.Anti. 469*  LÉON. Anthémius.Ann, 469 Ann. 470. XVIII. - Seronat &Romaiii punis de morr. Sid. I. 2. ep. 1,6.1. 5. ep. 13. I. 7. ep. 7. Damafc. fpud Phot, 38 HlSTOIRE la prilbnpublique. Quinzejours après'; il recut fa fentence de mort, & fut enfermé dans 1'ifle du Tibre, pour y attendre dans les horreurs du plus affreux défefpoir , le délai des trente jours, qui devoient, felon les loix, s'écouler entre la condamnation & le fupplice. Pendant eet intervalle, Sidoine & fes autres amis ( car les grands criminels en trouvent toujours) fe donnerent tant de mouvements, que l'Empereur commua fa peine en celle de la confïfcation & d'un banniffementperpétuel. Sidoine,dansletemps même qu'il intercédoit pour lui, ne pouvoit s'empêcher de dire , qu'Arvande étoit bien lache & bien malheureux, s'il craignoit rien plus que de furvivre k tant d'ignominie. Cette indulgence d'Anthémius encouragea les concuffions & les rapines, & fit voir que ces avides raviffeurs, efpérant toujours dérober a la confïfcation une partie de leur pillage, ne font point retenus par la crainte de 1'exil, paree qu'ils ne connoifTent point de patrie, & qu'ils ne craignent que la mort. Séronat, fuccefieur d'Arvande dans la préfe&ure  nu JJjs-Empire. Lïv. XXXP. 39 êes Gaules, 1'imita dans fes extorfins, Sc recut enfin la punition qu'Arvande avoit méritée avant lui. Cet événement doit tomber fur 1'année fuivante, dans laquelle Jordane, fils de Jean le Vandale, étoit Conful avec Sévere. Ce Sévere étoit un payen né k Rome ; mais le trifte état de 1'Empire 1'avoit déterminé k fe retirer dans Alexandrie. Cette ville étoit alors le centre des études & du favoir. II s'y appliqua aux Lettres & a la Philofophie, pour fe diftraire de la vue des maux dont fon fiecle étoit affligé: la bonne opinion qu'il avoit d'Anthémius le ramena en Italië , oü il fut bientöt élevé au Confulat & k la dignité de Patrice. Séronat, auffi avare & auffi perfide que fon prédéceffeur , défoloit comme lui la Provin» ce, & formoit des intrigues avec Euric, qu'il alloit fouvent vifiter, tantot k Aire, tantöt a Touloufe. II avoit deflein de lui livrer TAuvergne; & pour accoutumer les habitants au joug des barbares, il rendoit la juflice feion les loix des Vifigoths, au-lieu de fuivre les loix Romaines. La nobleffe, qui n'efpéroit pas grand fecours LÉON. Anthémius.Ann. 470; p. 1040, 1049. Suid. voet Paul Diac \ l. 6.  Léon. Anthémius.Ann. 470. XIX* Euric prend les armes contre 1'Empire. Sid. I. 3. ep. 19./. 7. tp. 6. /. 8, 4° &1ST0IHE de la foibleffe d'Anthémius , fongeoit déja k quitter le pays; plufieurs em* braffoient 1'état eccléfiaftique, pour fe fauver des violences du Gouverneur. La rigueur des exaöions produifit la difette; & c'étoit alors un proverbe répandu dans la Gaule, que ce qui faifoit une bonne année , c'étoit plutöt 1'humanité des Magiftrars, que la température des faifons. Les habitants de 1'Auvergne ne s'abandonnerent pas néanmoins, & firent connoïtre a Rome eet impitoyable concuffionnaire. On leur rendit juftice cette fois, & Séronat fut puni de mort. Romain, élevé au rang de Patrice , fubit le même fort. II fut conv'aincu d'avoir afpiré k 1'Empire. C'étoit le même Officier que Valentinien, vingt-deux ans aupara vant, avoit député vers Attila avec Romule Sc Promote. Aryande & Séronat avoit excité le Roi des Vifigoths a dépouiller les Romains de ce qui leur reftoit dans la Gaule. Ricimer, plus adroit, mais encore plus méchant, ennemi fecret de l'Empereur fon beau-pere, cherchoit k le ruiner aux dépens même  nu Bas-Empire. Liv. XXXV. 41 de 1'Empire, & a lui fufciter des guerres qui découvriroient fa foiblefle. Genféric, plus redoutable & plus habile que tous ces traitres, voulant enfin vivre en repos, & occuper ailleurs les forces des deux Empires , employoit 1'argent & 1'intrigue pour foulever lesOftrogoths en Oriënt, & les Vifigoths en Occident. Euric , Roi d'une nation belliqueufe, embrafé luimême du defir des conquêtes, n'avoit pas befoin de tant d'aiguillons pour courir aux armes. II pouvoit ne s occuper que de la guerre, fans craindre aucune révolution, aucun défordre dans fes Etats, II avoit pour miniftre Léon, homme de génie & d'une exacte probité, defcendu de Fronton, célebre Orateur. Conful fous Antonin, & qui avoil donné des lecons d'éloquence k Mare Aurele. C'étoit ce Léon , auffi habik politique que favant jurifconfulte , qui diftoit au Prince ce qu'il devoi répondre aux Ambaffadeurs, qui dref foit les traités, qui compofoit les ordonnances. Quoiqu'il fit profeffior de la foi Catholique, le Prince A' rien, ennemi des Orthodoxes , non LÉON. Anthé» mius. Ann. 470^ ep.'S.Sf ibi Sirm. Jorn. ie reb. Gtt. c. 45 . 47Greg. Tuü 1.1. c. 18, 19 , ao, 25- Aimoin. ï, l. c. 7. Pagi ai Bar. TUI. Anthemius , art. 8. VaUf. rtf, Fr. I. 5. XX. Caraftere de Léon miniftre d'Euóc l  Léon. Anthémius. Ann, 470. j < , 1 XXI. Euric dé- 1 fait les Bretons. < I I e f e 4» HlSTölRR feulement 1'épargnoit, mais le chénffoit même, paree qu'il fentoit l'importance de fes fervices & 1'étendue de fes lumieres. II refpeöoit fa vertu. Le miniftre, de fon cöté, ne s'étudioit qu'a concilier au Prince 1'affeöion de fes fujets , & méprifoit les richeffes , uniquement curieux de jcience & d'honneur; frugal au milieu de la bonne chere, toujours fimplement vêtu dans une Gour oü brilloit la magnificence; loin d'attirer fur lui les bienfaits du Prince, il ne fongeoit qu'a les répandre fur les au:res; perfuadé que le cceur des homnes de mérite étoit la plus utile enquête qu'il püt procurer a fon naitre. Euric brüloit d'envie de réunir fous a puiffance tous les pays compris ntre la Loire, 1'Océan , la Méditerannee& le Rhöne. Anthémius, aprenant qu'il étoit prêt a fe mettre n campagne , donna ordre de rafümbler les troupes de la Gaule, & ngagea Riotham , Roi des Bretons e l'Armorique, a marcher contre les 'ifigoths. Ce Prince s'étant embarue a la tête de douze mille hom-  nu Bas-Empire. LH. XXXV. 43 mes ,-vint par la Loire , entra dans le Berry, & Fut recu dans] Bourges. Comme Euric s'approchoit avec une armee nombreufe , Riotham, pour avoir feul 1'honneur du fuccès, alla a fa "rencontre avantque d'être joint par les troupes Romaines. La bataille fut livrée prés du bourg de Déols fur les bords de 1'Indre. Les Bretons, après avoir long-temps difputé la victoire , furent vaincus avec une grande perte; & Riotham, forcé d'abandonner le pays, fe retira fur les terres des Bourguignons, qui tenoient pour 1'Empire. Ce fuccès rendit Euric maïtre d'une grande partie du Berry. Dans le même temps, Childéric, Roi des Francais, achevoit de conquérir le pays au-dela de la Loire. Odoacre, chef d'une troupe de Saxons , dont nous avons déja parlé , étoit refté maïtre d'Angers depuis la mort d'Egidius, & gardoit cette vilk au nom de 1'Empire. II avoit avet lui quelques cohortes Romaines commandées par le Comte Paul. Ayan été battu par Childéric prés d'Or léans, il s'enfuit a Angers; mais n< léok. Anthémius.Ann. 470. XXH. Guerre d'Odoacre & des Francois.  Leon. Anthémius.Ann. 470 i 1 -y < XXIII. Etat du Royaurne 1 44 Histoirr fe fentant pas en état de tenir contre Ie vainqueur qui Ie pourfuivoit opiniatrement, il fe fauva par la Loire. Childenc, étant arrivé Ie Iendemain, forca la ville, & fit maffacrer Je Comte Paul. LeSaxon, découragé par ces mauvais fuccès, renonca au fervice de 1'Empire. Les Romains, dont il s'étoit détaché, fe trouve' rent affez forts pour le battre ; il perdit dans une rencontre un grand nombre de foldats ; ce qui donna aux J/rancois occafion de s'emparer des i«es de Ia Loire, oü les Saxons s'étoient fortifiés , pour avoir la liberté de regagner 1'Océan en cas de difgrace. Odoacre, également maltraité par les Romains & par les Francois, pnt le parn de traiter avec Childérjc , & fe joignit è ce Prince, pour ittaquer les peuples de 1'Armorique. Is les vainquirent. Les Saxons s'éabhrent dans le pays de Nantes, & lans une partie de ce qu'on nomme mjourd hui Normandie, oü 1'on trou'a en effet encore long-temps après Les Saxons prés de Bayeux. Les Bourguignons fervoient les Rolains plutöt par jaloufie & par crainte  du Bas-Empire. Li'v. XXXV. 45 des Vifigoths, que par attachement aux intéréts de 1'Empire. Dans le cours de cette guerre, ils s'oppoferent conftamment aux progrès d'Euric, & défendirent 1'Auvergne que ce Prince s'efforcoit d'envahir. Ils poffédoient alors un aflez grand pays. On peut conjefturer qu'une partie leur avoit été cédée par les Empereurs, & qu'ils s'étoient eux-mêmes peu-a-peu agrandis, k la faveur des troubles de 1'Empire devenu comme flottant par le fréquent changement des Princes. Ils étoient maïtres de Lyon, de Vienne , de la Province Séquanoife, & de celle qui porte aujourd'hui le nom de Dauphiné. II paroit même qu'ils avoient pafle la Saone, & que leurs Etats s'étendoient depuis Langres & Dijon jufqu'audela de 1'Ifere. Gondiac, étant mort vers ce même temps , laifia quatre fils qu'il avoit eus de la foeur de Ricimer , & qui ayant partagé le Royaume de leur pere, font fouvent pour cette raifon nommés Tétrarques dans les Chroniques. C'étoit Gondebaud, Godigifcle, Chilpéric & Gondomar. Tous ces Princes hériterent du titre léon. Anthémius.Ann. 470V des Bourguignons.Sid. /.. j; ep. 4. I. J. tp. 6, 7. Ennod. Vit. Epiph. p^ 202 , 208, 400 , 403, 404 , 408. Greg. Tur± l. 2. c. 2J, 28. /. 3. c, i. Greg. Turl epit. c. nf 17- _ Vignier j chr. Burg. Pzgi ad Bar. an. 5 56.  LÉON. Anthémius.Ann. 470, 46* HlSTOIRE de Maïtre de la milice de l'Empire« Ils ne demeurerent pas long-temps unis. Les deux plus jeunes ayant appellé a leur fecours les barbares d'audela du Rhin , firent la guerre k leurs aïnés, 6c les battirent prés d'Autun. Gondebaud difparut dans la défaite, 6c paffa pour mort. A la faveur de ce bruit, il fe fauva en Italië , oü le crédit de Ricimer fon beau-pere, le rendit affez puiflant pour contribuer k. faire un Empereur, comme nous le verrons bientöt. Etant enfuite revenu dans la Gaule , il fe vit en peu de temps k la tête d'une nombreufe armée , afliégea dans Vienne fes deux freres, les forca de fe rendre, & les mit a mort. II fit égorger tous leurs enfants males, & n'épargna que les filles de Chilpéric, dont 1'aïnée prit le voile dans un monaftere , 6c la cadette fut élevée a la Cour de fon oncle. C'eft la PrincefTe Clotilde, qui, dans la fuite, époufa Clovis. La femme de Chilpéric étoit eftimée dans toute la Gaule pour fa fageffe 6c fa bonté; mais fa vertu ne la fauva pas de Ia cruauté de fon beau-frere : il la fit noyer dans le Rhöne, & parta-  du Bas-Empire. Liv. XXXV. 47 gea le Royaume de Bourgogne avec Godigifcle qui lui avoit toujours été attaché. Lorfque la nouvelle de la défaite de Bafilifque étoit arrivée k Rome, le bruit s'étoit en même-temps répandu en Occident, qu'Afpar avoit été dépouillé de toutes fes dignités, & que fon fils Ardabure avoit été puni de mort, pour avoir favorifé les Vandales. Ce qui fait connoitre que dés ce temps-la, on les foupconnoit généralement de trahifon. Cependant Léon, foit qu'il n'en eüt pas de preuves affez certaines, foit qu'il ne fe crüt pas affez fort pour punir des traïtres li puiffants, ne fit alors contre eux aucune pourfuite. Afpar, foutenu de fes trois fils, tous confulaires, ne rabattit rien de fon infolence. Irrité contre l'Empereur de ce qu'il différoit toujours d'exécuter fa promeffe , il ne ceffoit de décrier ' fon gouvernement, & de traverfer toutes fes volontés. II ne craignit pas même de lui manquer ouvertement de refpeft par des paroles très-offenfantes. L'aigreur mutuelle en étoit venue h tel point, que 1'un ne pou- LÉON. Anthé- mius. Inn. 471; XXIV. Maffacre 1'Afpar & i'Ardabu■e. laai. chr; Mare. chr, Cajfiod. :hr. Via. Tun, Candid. p, 18. Proc. Vand. /• Ij :. 6. Theoph. pi 101. Chr. Alexi Evag. I, 2; 16. Jorn. de 'eb. Gei. e. Idem de Cucceff. Niceph. Caü. 1.1 J. :. 27. Zon. t. II, 1. 49. Cedren. pi 550. Maïela, p. '5,  Léon. Anthémius. Ann. 471. Joel. p. ï7i. Damafc. apud Phot. P' IO41. 1 < j I -1 ] 1 1 J i 1 ï ï t < 48 HlSTOTRS voit fe conferver que par la per re de 1'autre. Cependant Léon , moins fier & plus timide , tenta encore une fois de regagner eet efprit hautain & intraitable. II fe détermina enfin a lui tenir parole, & a donner la qualité de _ Céfar a un de fes fils. Ardabure qui étoit 1'aïné, Arien auffi obftiné que fon pere, ne pouvoit efpérer de parvenir a 1'Empire. L'Empereur jetta les yeux fur Patrice , fecond fils d'Afsar. C'étoit un caraftere plus doux k plus flexible; il paroiffoit difpofé i préférer une couronne a 1'honneur le fes préjugés. Léon le déclara Céar; & pour lui donner plus de droit 1 ce titre , il lui fïanca Léontie fa fe:onde fille , qui n'étoit pas encore ïubile. Un choix fi peu attendu foueva toute la ville de Conftantino»le. Le Sénat porta fes plaintes a 1'Emlereur; le peuple infulta Patrice dans e cirque; le Clergé & les Moines, uivis d'une foule d'habitants, ayant ^ Patriarche k leur tête, vinrentau alais fuppliant n grand cris I'Empeeur de fe défigner un fucceffeur Ortiodoxe , & de ne pas expofer les ^atholiques aux traitements crueb qu'ils  du Bas-Empire. Liv. XXXF. 49 qu'ils avoient éprouvés fous les malheureux régnes de Conftance & de Valens. Léon les appaifa en leur déclarant, qu'il n'avoit choifi Patrice que paree que celui-ci renoncoit.a fes erreurs, & que le nouveau Céfar donneroit bientöt des preuves de la pureté de fa foi a la face de tout 1'Empire. On le crut fur . fa parole, & les cris féditieux fe changerent en acclamations. Dés le commencement de cette émeute, Afpar &L fes fils s'étoient retirés a Chalcédoine dans i'Eglife de Sainte-Euphémie ; le Patriarche fut envoy é pour leur affurer qu'ils n'avoient plus rien a craindre; mais ils refuferent de fortir'de eet afyle , li l'Empereur ne venoit en perfonne, pour les ramener en füreté dans Conftantinople. Léon voulut bien déférer a leurs delirs; il les traita magnifiquement dans fon palais, & la concorde fembloit être réiablie; mais le fier Afpar prenant pour un nouvel outrage , d'avoir eu befoin de grace de la part de celui qu'il méprifoit comme fa créature, ne fut pas long-temps k renouer le fil de fes pernicieufes intrigues. Léon fut averti Tornt VUL C LÉON. Anthémius.Ann. 471.  LÉON. Anthémius.Arm. 471. 5® HlSTOIRE qu'Ardabure travailloit k foulever les Ifaures, que l'Empereur feflattoit d'avoir attachés a fes intéréts. Zénon lui manda en même-temps que Martin , Officier d'Ardabure, étoit venu lui déeouvrir que la réfolution étoit prife de faire périr PEmpereur. Sur eet avis, Léon envoya ordre k Zénon de fe rendre au plutöt k Chalcédoine, pour être prêt a feconder fon beau-pere, au cas qu'il eüt befoin de fecours. Dés qu'il fut que Zénon y étoit arrivé, il manda au palais Afpar & fes fils. Ceux-ci s'y étant rendus fans défiance, Afpar & Ardabure furent maflacrés par les eunuques. Patrice, percé de plufieurs coups, s'échappa, & ne reparut que fous le regne d'Anaftafe. Dans la fuite , Zénon , qui ne put déeouvrir fa retraite, voulant lui öter toute efpérance d'époufer Léontie , la donna en mariage a Marcien, fils d'Anthémius, Empereur d'Occident. Patrice', dans fa retraite, époufauneautrefemme, dont il eut Vitalien, qui fe rendit célebre dans la fuite. Ermenaric, troifieme fils d'Afpar , le feul qui ne s'étoit pas trouvé au palais avec fon pere,  au Bas-Empire. Liv. XXXV. 51 s'enfuit en Ifaurie. Zénon, dont il étoit ; aimé, ne le croyant pas complice des crimes de fon pere, favorifa fon évalion, ck M fit dans la fuite époufer la fillé d'un de fes batards. Après la mort de Léon, Ermenaric revint a Conftantinople, & y paffa fes jours avec honneur. Telle fut 1'iffue des funeft.es intrigues de 1'orgueilleux Afpar , qui en fe donnant un maïtre avoit prétendu retenir le droit de lui commander. Quelque coupable qu'il fut, le furnom de Macela, que fa mort a fait donner k Léon, & que les Auteurs de ce temps-la expliquent par le mot de meurtrier, montre que la poftérité, ce juge incorruptible des Souverains, n'approuve pas toujours ce qu'on appelle raifon d'Etat , èc qu'elle ne pardonne point a un Prince , qui, par fa foibleffe, s'eft laifTé réduire a la nécefiité de fubftituer les ■aflaffinats aux formes régulieres de la juftice. Les biens d'Afpar furent confifqués , & l'Empereur fit publier des édits, qui ötoient aux Ariens toutes les Eglifes, avec défenfe de tenir aucune aflemblée. Le maffacre d'Afpar excita de C ij LÉON. Anthémius.Uns 471. XXV. Suites de  léon. Anthémius.Ann. 471. ce maffacre. Theoph. p. 201. Chr. Alex. Malela, p. 18. 52 UlSTOïRE grands mouvements dans Conftantinople. Chef .de la milice, il avoit a fes ordres un grand nombre de troupes , la plupart de la nation des Goths, dont les Officiers lui étoient dévoués. Oftrys , Capitaine Goth , qui pörtoit le titre de Comte, vint a la tête de fes foldats pour forcer le palais : les gardes du Prince réfifterent avec courage, & il y eut de part & d'autre beaucoup de fang répandu. Enfin , Oftrys fut contraint de fe retirer, emmenant avec lui une concubine d'Afpar, célebre pour fa beauté. Quoiqu'Afpar eüt été odieux, le peuple ne put s'empêcher de donner des éloges a la fidélité & a la valeur d'Oftrys : on crioit par toute la ville , qu Afpar, qui avoit trouvé tant d amis pendant fa vit , ntn avoit tu quun après fa mort. Cependant Oftrys ne fut pasje feul : Théodoric le louche , frere ou neveu de Ja femme d'Afpar, accourut a la nöuvelle du maffacre; & s'étant joint a Oftrys, il vint avec lui jufqu'aux portes de Conftantinople. La ville étoit en grand danger, fi Bafilifque & Zénon ne fuffent venus au fecours avec ce qu'ils  n .. r< t :.. wvrr ff. DU JiAS-tliMPlRt.. J^ru, . 3j purent rafïembler'de fotdats. Leur arrivée diffipa les barbares , & rétablit la tranquillité dans la ville. Oftrys & Théodoric demeurerent en armes , & ravagerent la Thrace jufqu'a 1'accord qvze Léon fit avec eux, & qui ne fut conclu que deux ans après. Léon avoit a craindre que les Rois Oftrogoths établis en Pannonie ne fe joigniffent a ces nouveaux ennemis, qui fortoient de la même origine. II voulut s'affurer de leur amitié. Théodémir faifoit alors la guerre en Germanie. II n'avoit pas oublié 1'ingratitude de Hunimond, Roi des Sueves , qui lui étant redevable de la vie , étoit venu ravager fon pays. Le Roi des Oftrogoths laiffa paffer quatre années fans faire aucun mouvement. Enfin, lorfque les Sueves ne s'attendoient a rien moins qu'a une irruption foudaine , il fe mit en marche au milieu de 1'hyver, fuivi d'une nombreufe infanterie ; & ayant pafle le Danube dont les eaux étoient glacées, il fonditiur eux, défola leur pays , & pouffa fes ravages dans la contrée qu'habitoient les Allemands, leurs voilins & leurs alliés. A fon reC iij * LÉON. Anthémius.Ann. 472. XXVI. Théodoric renvoyé a fon pere. Jorn. de reb, Get, c, 55- PtulDiae, l. 6.  LÉON. Anthémius.Ann. 471, ?4 HlSTOIRÉ tour en Pannonie, il recut avec les plus vifs tranfports de joie fon fils Théodoric, que Léon lui renvoyoit avec de riches préfents. Ce jeune Prince, agé pour lors de dix-huit ans , en avoit pafle dix k la Cour de Conftantinople. Plein de reconnoiflance du traitement honorable qu'il y avoit recu, il brüloit d'envie de fe fignaIer en fervant 1'Empire. II apprit qu'un chef de Sarmates, nommé Babaï, ayant traverfé le Danube, avoit battu Camond, Commandant des troupes Romaines , & s'étoit emparé de Singidon dans la haute Méfie. II raflemblaauflï-tötfix mille volontaires, qu'il trouva entre fes amis & fes clients , partit avec eux k 1'infu de fon pere, alla chercher Babaï, le défït & le tua, reprit Singidon, & revint couvert de gloire annoncer k Théodéxnir fon départ, fa viöoire, &c fa conquête. Singidon ne fut pas rendue aux Romains; Théodémir la joignit a fes Etats, dont elle étoit frontiere, & l'Empereur aima mieux perdre cette place que 1'amitié de ce Prince guerrier. L'année fuivante, un phénomene  du Bas-Empihe. Liv. XXXP. 55 extraordinaire effraya Conftantinople. Le'.onzieme de Novembre, tandis qu'on célébroit les jeux du Cirque, a 1'heure de midi^l'air s'obfcurcit tout-a-coup, Sc d'épaiffes tenebres fe répandirent fur toute la ville. On crut voir une pluie de feu qui tomboit du ciel-avec abondance : mais ce n'étoit que des cendres fortie du Mont-Véfuve, 8c pouffées par le vent jufqu'a cette diftance. Les toits en demeurerent couverts a la hauteur de quatre doigts. Quoique la caufe en eüt été reconnue , le peuple aima mieux continuer de croire que c'étoit un véritable feu, que la miféricorde divine avoit changé en cendres : 6c en mémoire de eet événement , on inftitua des proceffions 6c des aöions de graces qui fe célébroient tous les ans au mois de Novembre. Plufieurs villes furent renverfées en Afie par des tremblements de terre. Acace, Evêque de Conftantinople, voyant la décadence de 1'Empire en Occident, crut 1'occa' fion favorable pour obtenir ce qu'A natolius avoit en vain entrepris ; qu( le frege de Conftantlnople fut élev< C iv léon. Anthémius.Ann.-472." XXVII. Cendres du Véfuve portées a Conftantinople. Cajfwd. Var. I. 4. ep. 50. Proc. Got. I. 2. c. 4. Theoph. p. 103. Ctdr. p. 350. Zon. t. II. p. 50. Chr. Alex. Mare. chr. Theod. T. U ï. Pagi ad. Bar.  LÉON. Anthémius.Ann, 471, XXVIII. Qiybre Empereur.£vag. I. 2, t. l6. Ennod. Vit. Epiph. p, 380. Cajfwd. chr. Mare. chr. Vicc. Tun. ' Proc. Vand.l. I. c 7. Theoph. p. 101 , 102. Jorn. de rel. Get. c. 45- Paul Diac. I. 6. Joel, p, 171. Malela, p. 29. 3°Hijl. Mif. eelt, Baronius, 5$ II I s t 0 1 r e ' aii-deffus de ceux d'AIexandrie & d Antioche. II employa les follicitations de l'Empereur Léon. Mais le Pape Simplicius s'y oppofa avec tant de vigueur, que cette tentative demeura encore fans efFet. Après la mort d'Afpar & de fon fils, Léon en avoit mandé la nouvelle a Anthémius. Ricimer, qui fe fentoit auffi odieux a fon maïtre, qu'Afpar 1'avoit été k Léon, con?ut de la défiance ; il craignit que eet exemple ne lui devint funefie : Sc pour fa propre füreté, il réfolut de prevemr Anthémius. Etant donc parti de Milan a la tête d'une armée, il marcha vers Rome, & campa prés du pont Milvius. La ville étoit divifée en deux facïions; les uns, fideles k l'Empereur, étoient réfolus de foute™.un fiege; les autres, gagnés par Ricimer, vouloient quWlui ouvrit les portes de la ville. A la première nouvelle de cette révolte, Léon avoit envoyé Olybre, pour rétablir la paix entre l'Empereur & le rebelle. Quelques Auteurs prétendent que Léon le fit partir avec le titre d'Empereur pour régner en la place d'Anthémius, qu'il  nu Bas-Empire. Liv. XXXF. 57 croyoit perdu fans reffource. Mais auroit-il li lachement abandonné celui qu'il avoit lui-même élevé k 1'Empire , & au fils duquel il avoit donné fa fille en mariage ? II efl plus vraifemblable qu'il choifit Olybre pour négocier la paix, & qu'il le préféra a tout autre , paree qu'il étoit bien aife de 1'éloigner a caufe de fes liaifons avec Genféric. Olybre fe rendit a Rome en diligence; & au-lieu de travailler a faire ceffer la guerre civile, il accepta la couronne que lui déféra la faöion de Ricimer. Selon la chroniqtie d'Alexandrie, Olybre fut forcé malgré lui de prendre le titre d'Empereur : mais les preffantes follicitations que Genféric renouvelloit én fa faveur toutes les fois que le tröne étoit vacant, ne permettent pas de douter de fon ambition. Anthémius ,"trahi par celui même qui devoit êtré fon libérateur, fe réfugia dans 1'afyle de Saint-Pierre : &; fes fujets fideles ri'ofanf plus fortir de leurs maifons , y mouroient de faïm & de maladiè. Lé rebelle entroit dans 'Römé, lorfqu'un Seigneur Goth établi en Gaule, nom- ..,. •• iu] , . ...' e-v - - LÉON. Anthémius.\,nn. 472.' Pagi ad Bar. Valef. rer. Fr. I. 5. Buch.Belg. I. 18. c.7.  Lèon. Antwé- mius. Aan. 472 5§ HlSTOIRE mé Bilimer, zélé poür le fervice de l'Empereur, y arriva avec un corps d'armée. II y eut un fanglant com> bat au pont d'Hadrien. Bilimer y perdit la vie, & les troupes furent taillées en pieces. Ricimer viótorieux s'empara de la ville le onzieme de Juillet ; il la livra au pïllage, al'ex'ception des deux quartiers oü il cantonna fes troupes, & oü fes partifans fe retirerent. C'étoit depuis foixantedeux ans la troifieme fois que cette ville infortunée devenoit la proie d'un vainqueur barbare. Anthémius fut malTacré ; il avoit régné cinq ans & trois mois. Olybre demeura maïtre de 1'Empire, autant qu'il pouvoit 1'être fous le glaive de Ricimer. II fut bientöt délivré de ce Tyran , qui mourut de maladie, & expira dans les plus cruelles douleurs le dix-huitïeme d'Aoüt fuivant. Perfide , inhumain, abufant d'un pouvoir qu'il ne devoit qu'a la foiblefTe de fes maïtres, quatre fois il donna , il arrachaquatre fois la couronne Impériale. Mais quoique tant de forfaits ayent noirci fa mémoire , on ne peut s empêgher d*avouer} qu'il fut grand  nu Bas -Empire. Liv. XXXV. 59 Capitaine 8c feul digne de ce nom \ en Occident. II s'étoit empare, maleré les Papes, de 1'Eglife de SainteAgathe, oü les Ariens de Rome tinrent leurs afïemblées. Olybre par un fentiment de reconnoiffance , que fon bienfaiteur, s'il eüt vécu plus longtemps, auroit fans doute bientot etfacé , conféra la dignité de Patrice a Gondebaud, neveu de Ricimer. C ett la feule adion de fon regne dont la mémoire fe foit confervée. II mourut de fa mort naturelle le vingt-troifieme d'Oaobre de cette année, trois mois 8c douze jours après Anthemius , laiffant de fa femme Plaadie une fille nommée Julienne. Plaadie paffa fes jours en Oriënt, 8c Hune ric, fucceffeur de Genféric , remerci; par une ambaffade l'Empereur Ze non, du traitement honorable qu i faifoit a fa belle-foeur. Ce fut pa cette confidération que ce Roi de Vandales permit a 1'Eglife de Cai thage d'élire un Evêque. Zénon vov lutd'abord donner Julienne pour feu me a Théodoric, fils de Théodémn a condition qu'il feroit la guerre 1'autre Théodoric > furnommé le Lo C vj LÉON. 3LYBRE. \.nn. 47*' l L r s i- '» a x-  LÉON OtYÜP. Ann. 4; Ann. 47 XXIX Glycérins Er pereur. _ CaJJlod èhr. Mare. cl Evag. I. e. 16. Jorn. reb. Get. 45- Theoph. 102. Paul Dia l. 6. Ennod. Epiph. p 381. TUI. Odo, tre, art. j 60 HlSTOIlLB- - che. Mais cette entreprife n'ayant pas L eu ,de 'uccès , elle époufa le Général Aréobinde, célebre dn temps d'Anaftafe. Elle fe fignala par la fermeté avec laquelle elle ïéfifta a ce Prince , qui vouloit la contraindre a condamner le Concile de Chalcédoine. = . Olybre étant mort, 1'Empire d'Oc3- cident, refferré dans des bornes étroites, & ne renfermant plus que 1'Italie, 1- Ia Dalmatie, & une petite partie de la Gaule, demeura fans maïtre pendant quatre mois & demi, L'inutilité r. des derniers Princes depuis Majorien u avoit accoutumé les peuples a 1'anarh chie; a peine s'étoit-on appercu fous c les trois regnes précédents qu'il y eüt un Souverain. Tant de chütes préci'' pitéês n'effrayerent point Glycérius, :. II étoit Officier de la garde impériale. Le Patrice Gondebaud , qui auroit bien voulu fuccéder a la puiffance de fon oncle Ricimer, lui perfuada de prendre la pourpre, & lui ménagea * le fuffrage des foldats. II fut proclamé Augufte a Ravenne le 5 de Mars 473 , fans avoir demandé le confentement de Léon. On ne fait rien de la naiffance de Glycérius, ni de fes aventu-  du Bas-Empire. Liv. XXXV. 6r res jufqu'a fon avénement k 1'Empire ; & tout ce qu'on fait de fon regne, c'eft qu'il avoit quelque probité, qu'il honoroit beaucoup le faint Evêque Epiphane, qu'a la priere de ce Prélat il pardonna aux habitants de Pavie une infulte qu'ils avoient faite a fa mere, & qu'a force d'argent il détourna de 1'ltalie une armée d'Oftrogoths qui venoient en faire la conquête. Voici ce que 1'hiftoire nous fournit fur cette expédition. Ricimer avoit contenu les Oftrogoths qui redoutoient fa valeur. Après fa mort, ils fe trouverent trop refferrés dans les bornes de la Pannonie. Comme leurs fréquentes incurfions avoient défolé tout le pays au-dela du Danube, accoutumés au pillage, ils demanderent a leurs Princes de les conduire fur les terres de 1'Empire, & de leur procurer un établiffement plus commode. Leurs Rois convinrent entre eux que Théodémir, qui avoit de plus grandes forces, entreprendroit la conquête la plus difficile , &c qu'il attaqueroit 1'Empire d'Orient en Illyrie, tandis que Vidémir fe jetteroit en Italië, oü il devoit LÉON. GlïcÉ'. rius. Ann. 473. XXX. Vidémir vient attaquer 1'ltalie. Jorn. dl reb. Gct. c. 56. PaulDiac. I. 6. Buch.Bih. 1.1%. e. e.  LÉON. Glïcemus.Ann, 473, XXXI. Théodé mir atti que ï'IUj rie. Jorn. 1 reb. Get. 56. Sigon. t Imp. occL Valef. rt Fr. I. 5. 62 HlSTOIRB trouver moins de réfiftance. Vidémir, a la tête de tout fon peuple, prit fa route par le pays des Ruges, qui habitoient alors ce qu'on appelle aujourd'hui la Bafle-Autriche. En vain Flaccitée , Roi des Ruges, voulut lui difputer le paffage. Vidémir traverfa 8c pilla le Norique; mais il mourut en entrant en Italië. Son fils , qui portoit le même nom que lui, fe laiffa gagner par les préfents que lui envoya Glycérius, & paffa en Gaule ou il fe joignit aux Vifigoths, avec lefquels cette branche des Oftrogoths demeura confondue. Le jeune Vidémir fe contenta de partager la gloire & la fortune d'Euric,. qu'il aida dans les conquêtes que ce Prince fit- en Gaule & en Efpagne. Théodémir fut plusheureux. Après " avoir paffe la Save fans oppolition de •. la part d'une peüplade de Sarmates établis fur les bords de cette riviere, ' il alla s'emparer de Naïfle, & prit ' Ulpiane par compofition. II for^a plu|e fieurs paffages qui jufqu'alors étoient r\ regardés comme impraticables. Ayant pénétré en TheiTalie, il prit ck pilla Héraclée 6c Larifle. La valeur héroï-  du Bjs-Empire. Liv. XXXV. 63 que de fon fils Théodoric ne contribuoit pas moins a fes fuccès que fon propre courage. Etant revenu a Naïffe, il y laiffa garnifon , & marcha vers Theffalonique, capitale de toute 1'Illyrie. Léon y avoit envoyé le Patrice Clarien pour la défendre, Dès le commencement du fiege, Clarien, jugeant qu'il ne pouvoit tenii long-temps contre de fi puiffants efforts, prit le parti de traiter ave< Théodémir, qui fe fit payer une gran de fomme d'argent, pour confentir l fe retirer. Cet accommodement parti culier entraïna la paix générale. L'Em pereur, étant entré en négociation céda aux Goths les territoires de Pau talie, d'Europus, de Bérée , de Me diane, & de plufieurs autres ville dans cette partie de 1'Illyrie. C'étoi établir fur la frontiere de la Thrac des voifins dangereux; mais dans 1'éta oü fe trouvoit 1'Empire, on croyoi gagner tout ce qu'on n'étoit pas foi cé d'abandonner. Cette paix étoit d'ailleurs néceffair pour empêcher Théodémir de donne la main aux autres Oftrogoths, qui depuis deux ans, défolgient la Thraci LÉON. GlYCÉRIUS. Ann. 473. » S t t t e xxxn. r Théodoric le lou- > che fait la paix avec Léon.  LÉON. Glycé- RIUS. 4.nn. 473. Male. p. »*. 93- 64 Histoi&b Oftrys & Théodoric le Louche con- ■! tinuoient de venger la mort d'Afpar» Léon leur envoya Logius le Silentiaire, pour entendre leurs propofitions. Ils demandoient que Théodoric fut mis en pofejjion de l'héritage d'Afpar; qu'on tui accorddtunétabliffement dans la Thrace; qu'on lui confèrdt la charge de Général de F infanterie & de la cavalerie qu'Afpar avoit poffèdèe. Léon rejettoit les deux premières demandes; il accordoit feulement la troifieme, qu'il femble cependant qu'il auroit dü principalement refufer. L'héritage d'Afpar, & quelque coin de la Thrace, étoient-ils donc d'un plus grand prix qu'une charge qui mettoit entre les mains de Théodoric toutes les forces de 1'Empire ? Quel gouvernement que celui oü 1'argent eft plus eftimé que 1'honneur & la füreté! Théodoric , irrité du refus , envoya une partie de fes troupes affiéger la ville de Philippes, & alla lui-même avec le refte attaquer Arcadiopolis. II la prit par famine , les habitants, qui attendoient inutilement du fecours, s'étant laiffés réduire a une telle extrêmité, qu'ils mangerent les chevaux,  du Bas-Empire. Liv. XXXP". 65 & même les cadavres humains. Les troupes qui affiégeoient Philippes, fe contenterent de brüler les fauxbourgs, & ne firent point d'autre dommage. Les Goths, après avoir tout ravage, ne trouvant point eux-mêmes de quoi fubfifter, entrerent en négociation. La paix fut faite, h condition que l'Empereur leur payeroit tous les ans deux milles livres d'or; que Théodoric pofTéderoit en propriété un canton de la Thrace ; qull feroit revêtu de la charge de Maïtre de l'un« & de 1'autre milice, qu'il auroit le titre de Roi des Goths ; que l'Empereur ne donneroit retraite a aucun déferteur, & que les Goths fer viroient 1'Empire dans toutes les guer res , excepté contre les Vandales Cette exception acheve de faire con noïtre que Genféric étendoit fes in telligences chez tous les ennemis d< 1'Empire , & qu'il entretenoit ce mouvements. Léon fe rendoit méprifable aux bar bares. Par le traité conclu avec le Perfes fous le regne de Théodofe 1 jeune, on étoit convenu que ni le Romains, ni les Perfes ne prendroien LÉON. Glycé- rius. Ann. 473. - XXXIII. - Amorcefe Sarafin. Male. p. j. Proc. Paf. I. I. c. 19.  LÉON. Glycé- RIUS. i-nrr. 473. i ] "< ] i ï i 1 I c i 1 r r b 11 il 66 HlSTOIRE fous leur proteöion les Sarafins qui fe détacheroient de leur Souverain naturel. LeSarafin Amorcefe, foit par mécontentement, foit par inconftan:e, quitta la Perfe, & fe retira en Arabie. II fe mit a ravager les pays voirins , épargnant les fujets de 1'Empire ; mais traitant en ennemis les Sa-afins tributaires de la Perfe. Ayant jeu-a-peu étendu fes conquêtes , il i'enipara de 1'ifle de Jotabé qui apjartenoit aux Romains dans le golfe \rabique : cette ifle eft éloignée d'enmon quarante cinq lieues de la pointe lu golfe, ou étoit fituée la ville d'Aïa. Amorcefe chaffa les Officiers comnis pour le recouvrement des imtöts, fe les fit payer k lui-même, >c fe rendit maïtre des bourgs & des 'illages établis fur la cöte du golfe. 4algré eet acte d'hoftilité, il recherha 1'alliance de Léon, & voulut obïnir de lui le commandement de tous ;s Sarafins de 1'Arabie Pétrée, qui ïconnoiflbient 1'autorité de 1'Empi?. Dans ce deffein , il députa d'aord Pierre, Evêque du pays ; enlite, fur 1'invitation de rÉmpereurs fe rendit lui-même a Conftantino-  pn Bas-Empjrê. Liv. XXXF. 67 ple. Léon, oubliant le traité fait avec les Perfes, le recut avec diftinaion, le fit manger a fa table; & fous prétexte qu'il méritoit des honneurs finguliers pour avoir embraffé la religion Chrétienne, il le fit affeoir dans le Sénat au-deffus de tous les Patrices. II lui céda 1'ifle de Jotabé, Sibeaucoup plus encore qu'il ne demandoit, & ne le congédia qu'après lui avoir donné fon portrait enrichi de diamants de grand prix. II obligea même chacun des Sénateurs a lui faire un préfent. Tant d'honneurs rendus ai un chef de brigands aviliffoient l'Empereur, & infpiroient au Sarafin même plus de fierté & de préfonaption que de reconnoiffance. On blamoit encore Léon d'avoir fait connoitre h ce barbare le mauvais état de 1'Empire , en lui permettant de traverfer tant de villes, oü il n'avoit trouvé que du luxe & du défordre, & point de foldats. On jugeoit que fi l'Empereur vouloit lui accorder 1'honneui de Commandant, il devoit lui en envoyer le brevet en Arabie, plutöt qiu de lui laiffer voir de fi prés la majefo Romaine prefque entiérement éclipfée LÉON. Glycé- RIUS. Ann. 473  Léon. Glycé- rius. Ann, 473. XXX.1V. Léon donne a fon petit- fils la qualité d'Augufte. Candid, p. 18. Theod. L. I. 1. Theoph. p, 102. Evag. 1. 2. e. 17. Proc. Vand. I. i. c 7. Zon. t. II. p. 51. Cedr. p. 350. Mare. chr. Viel. Tim. CaJJiod. chr. Glycas, p. 264. Ann. 474. XXXV. Mort de Léon. <58 HlSTOIRH Zénon étoit chéri de fon beau-pere; ce qu'il devoit moins fans doute a fes qualités perfonnelles, qu'a 1'adreffe de fa femme Ariadne. Cette Princeffe vouloitrégner, & elle avoit difpofé fon pere a défigner Zénon pour fon fucceffeur. Ce deffein révolta le peuple de Conftantinople. Le nom des Ifaures étoit odieux, & la difformité de Zénon augmentoit encore 1'averfion publique. Ce fentiment de haine fut porté a un tel excès, que le peuple fe fouleva dans les jeux du cirque, & maffacra un grand nombre d'Ifaures. Léon, n'efpérant pas ramener les efprits, nomma Auguite fon petit-fïls qui portoit auffi le nom de Léon. C'étoit un enfant qui, fur la fin de 475 , ne pouvoit avoir que quatre ans, Ariadne fa mere n'ayant époufé Zénon que vers la fin de 46b'. Ce choix fut agréable au peuple, qui, dans ce jeune Prince, conïidéroit fon aïeul plutót que fon pere. Le nouvel Augufte fut feul Conful 1'année fuivante, & fe vit bientöt feul Empereur. Dés le mois de lanvier, fon aïeul mourut d'une dyf-  nu Bas-Empire. Liv. XXXV. 69 fenterie. La maladie .fut longue, & confuma tellement ce Prince, ;qu'il ne lui refta plus que la peau éten- . due fur les os. II avoit vécu 73 ans, & en avoit régné 17 moins quelques jours. II fut enterré dans le maufolée de Conftantin. Les Grecs lui ont donné le furnom de Grand, quoique dans fes adlions on ne voye rien qui mérite un titre fi honorable. Les objets croiffoient fans doute aux' yeux . de la nation , a mefure qu'elle perdoit de fa propre grandeur. Léon ne fe rendit mémorable que par la fondation de quelques Eglifes. Verine', veuve de Léon, acquit par la mort de fon mari plus de pouvoir qu'elle n'en avoit eu pendant qu'il vivoit. Cette femme ambitieufe, dont les vices s'étoient jufqu'alors couverts dii voile d'une fauffe piété, s'étant jointe a fa fille Ariadne , travailla de concert avec elle a gagner les efprits en faveur de Zénon. Elles réuffirent auprès du Sénat & de 1'armée. C'étoit déja Zénon qui gouvernoit fous le nom du jeune Empereur ; mais elles craignoient que dans le cours d'une longue régen- LÉON. Glyce- RIUS. Ann. 474. Evag. I. 2, c. 17. Mare. chr. Via. Tun. Cajjiod. chr. Cedren. p. 350. Zon. torn. II. P. 51. Malela. Theoph. p. 103. Glycas, p. 263. Manaff. p. 60. Joel, p, 171. XXXVI. Regne de Léon II. Candid. p, 18. Anon. Valef. Theoph. p. 103. Chr. Alèx. Evag. I. 2. c. 17Theod. L, l. I.  GtYCÉR1US.LÉON II. Ann. 474. Zon. torn. 11. p. 51. Cedr. p. 35°- Malela. Ado. chr. Paal Diac. I. 6. Baronius. 70 HlSTOIRS ce, le Prince ne leur échappat, & que Zénon étant fans titre, ne füt écarté par quelque étranger plus capable que lui de foutenir le poids des affaires. Elles fe flattoient de gouverner Zénon, qui ne s'occupoit que de fes plaifirs , & qui devoit toute fa fortune k fa belle-mere & k fa femme. Elles réfolurent donc de 1'affocier k la fouveraineté; & Ariadne ayant fait la lecon a fon fils, le neuvieme de FévrierJ, elle le conduifit k 1'Hippodrome, & le plaga fur un tröne, comme pour le montrer au peuple. Zénon s'étant approché pour lui rendre fon hommage, le Prince lui mit le diadême fur la tête, & le déclara fon collegue, en le nommant Augufte. Léon ne vécut pas longtemps après. Au mois de Novembre fuivant, il mourut de maladie, & 1'on foupconna fon pere de 1'avoir empoifonné. Plufieurs Auteurs ont écrit que Zénon voulant poignarder fon fils, Ariadne qui confervoit encore un refïe de compaffion maternelle , fubftitua une autre vidtime; & qvi'ayant tenu caché le jeune enfant, ellel'engagea enfuite dans la cléricature, ou  nu Bas-Empip.e. Liv. XXXF. 71 il vécut jufqu'au régne de Juftinien Mais ce récit a tout 1'air d'une fable Les foupcons ne furent point étouf fés par la conduite que tint le nou vel Empereur. Efclave des paffion les plus infames , il fembloit ne fain confifter le privilege de Souverain qu dans la liberté de les fatisfaire im punément a la face de toute la terre Lache Sc fanfaron , il paroiffoit tou jours pret k marcher en perfonn contre les barbares ; Sc lorfque fe . armées n'attendoient plus que fa pré fence, il fe replongeoit dans fes dé bauches. Ignorant 8c fans expérience il gouvernoit au gré de fes caprices colere , défiant, jaloux , n'oublian jamais les injures qu'il croyoit avoi recues. Ce fut de la difgrace Sc de 1 mort qu'il paya les plus importanl fervices. Son avarice fut différent de celle de Léon; celui-ci avoit ac cumulé des tréfors qui auroient p fervir a relever 1'Empire : Zénon pi loit pour répandre ; aufli prodigu que ravifleur, il eut bientöt diffip les fommes immenfes que Léon li avoit laiffées; Sc pour continuer f profufions, il accabla fes fujets dlr ZÉNON. Nepos. ' Ann. 474. • XXXVII. ; Zénon feul Em- pereur. ; Evag. l. y. . c. 1, 3, 27. Theoph. p. • 103. Male. p. ; 87 - 97- Damafc, 3 apud Photm . p. 105$. Zon. torn. ' n, P. si- , Cedr. p. • 35i - 354-. Suid. vo' t cib.Z,{]V0V, r Aoyfivor, S e a e é li :s i-  ZÉNON. Népos. Ann. 474. XXXVIII Fils & {vetes de Zérion. rion. 72 HlSTOIRE pots. L'Egypte payoit avant lui cin» quante livres d'or : il fit tout d'un coup monter cettecontribution k cinq cents livres. Toutméehant qu'il étoit, il vouloit être loué, & il affeétoit des vertus qu'il n'avoit pas. Dans ce deffein, il répandoit de grandes aumönes, qui ne lui coütoient que des crimes & d'injuftes confifcations.Par une vanité encore inconnue dans ce temps-la, il fe faifoit peindre les fourcils, les cheveux & la barbe , s'imaginant corriger ainfi fa laideur naturelle. Faifant un bizarre mélange de dévotion apparente & d'impiété réelle, il confultoit le faint Solitaire Daniël, ik bien plus fouvent des magiciens qui abufoient de fa ftupide crédulité. II réuniffoit tous les vices de la bafleffe qu'il tenoit de fon éducation grofliere , avec ceux de la puifTance qu'il avoit acquife fans la mériter. II avoit eu d'Arcadie, fa première femme , un fils qu'il nomma Zénon , & qu'il deftinoit a lui fuccéder. II lui cónféra de bonne heure plufieurs dignités, & lui donna des maïtres pour le former aux exercices. Mais la  du Bas-Empis.e, Liv. XXXF. 73 la jeuneffe de la Cour s'empara de 1'efprit de ce jeune Prince, & le plongea dans un abyme de débauches. Bientöt dégoüté de toute occupation honnête, enivré du poifon de la flatterie , ne voyant que le diadême qui lui étoit deftiné , enflé d'un orgueil & d'une arrogance qui fe montroit fur fon vifage & dans fa démarche, il traitoit les autres hommes comme fes efclaves. La Providence divine voulut bien épargnei a 1'Empire les maux dont ce monf tre naifTant fembloit le menacer. Unc cruelle dyffenterie 1'emporta dans ü première jeuneffe. Zénon avoit dein freres, plus capables d'exciter fa mé chanceté naturelle, que de la rete nir. L'un, nommé Conon, n'ufoit d< fon pouvoir que pour répandre l fang : c'étoit un barbare affamé d meurtre öc de carnage. II paroit qu'i mourut avant Zénon. L'autre, nomm Longin, lui furvécutpourle malheu de 1'Empire. Tous les deux abufoier de 1'autorité de l'Empereur, pour ra vager les Provinces, envahiffant U riches poffeffions, & vendant 1'in punité aux plus grands criminel Tornt VUL D ZÉNON. NÉPOS. Ann. 474. ï r t s .Si  Zénon. Nepos. Ann. 474. 74 HlSTOIRE Mais Longin étoit le plus odieux par fes débordements. Toujours ivre, il paffoit fa vie: avec des libertins & des courtiers de débauche, qui, en même-temps qu'ilslui faifoient leur cour, trompoient fon incontinence. Après lui avoir promis de lui livrer des femmes diflinguées par leur naiffance & par les dignités de leurs-maris, ils lui amenoient dans de fuperbes équipages des proflituées richement vêtues, qui fe paroient des noms les plus illuftres. Toutes les fois qu'il fortoit en public , il affectoit de jetter au peuple des brafTelets & d'autres bijoux. 11 faifoit enlever les femmes & les filles même des Magiftrats , lorfqu'elles avoient le malheur de plaire a,fes yeux. II ne refpeaoit pas dayantage les loix de la Religion. Etant a Pêges, ville de laMégaride prés de l'ifthme de Co.rinthe, il apprit qu'il y avoit dans le voifinage un monaftere de filles fort pauvres, mais dont plHfieurs étoient très-belles. II s'y inïroduifit fous prétexte de leur difïribuer des vivres & des habits, & ï'en fortit qu'après avoir profané par es violences cette retraite fecrée.  m Bjs-Empire. Liv. XXXV. 75. Dans une Cour fi corrompue, il u'y avoit que deux hommes de bien; c'étoitErythre, Préfet du Prétoire, & Ie Patrice Pélage. Nous aurons occafion dans la fuite de faire connoitre celui-ci. Mais nous ne pouvons différer de parler d'Erythre, paree qu'il fe retira des affaires dès le commencement du f egne. de Zénon. II exercoit avec honneur les fondtions de la Préfecture, lorfque Zénon parvint a 1'Empire. Dès qu'il vit le tréfor épuifé par le luxe & par les débauches du Prince , comme il étoit trop humain pour lui chercher des reffources dans 1'oppreffion des fujets déja furchargés d'impöts, il demanda fa retraite, Sc 1'obtint aifément, Tout 1'Empire , excepté Zénon & fa Cour, fut fenfiblement affligé de perdre 1'unique Magiftrat qui s'occupoit du bien public. L'indignité dc Sébaftien fon fucceffeur augmenta en> core les regrets. Celui-ci trafiquoi de tous les emplois. Lorfque l'Empereur conféroit une charge, le Préfe la rachetoit pour la revendre plu: cher a un autre, & le Prince parta geoit avec lui le profït de eet infa D ij ZÉNOJf. Népos. Ann. 474. XXXIX. ErythteSc Séhaflien Préfetsdu Prétoire.  zénon. Nét os. Ann. 474. XL. Népos Empereur d'Occident. lorn. de reb. Gei. c. 45- Idem de fucceff. Evag. I. 2. e. 16. Théopk. p. 102. Mare. chr. Sid. I. 5. ep. 6. /. 8. V. 7Anon. Valef. Male. apud Thot. p. 171. Caffiod. ehr. Pagi ad Bar. Buch.Belg. l.i$,c 10. 1 ] 7*5 Histoire me commerce. Sébaftien ne trovtvoit rien d'injulte ni de difficile pour s'enrichir lui-même, en fourniffant a l'in< fatiable avidité de Zénon. Léon n'avoit reconnu pour Empereurs ni Olybre, ni fon fucceffeur Glycérius. Se croyant en droit de donner un maitrea 1'Occident, quelques mois avant fa mort, il avoit envoyé en Italië Julius Népos, après lui avoir fait époufer une niece de fa femme Vérine. Nepos, fils de Népotien , qui avoit commandé en Dalmatie, étoit par fa mere neveu de Marcellin, que nous avons vu maïtre d'un canton de cette Province. Léon fit partir avec lui un de fes Officiers, nommé Domitien, qui avoit ordre de le proclamer Empereur, lorfqu'il feroit arrivé en Italië. Népos s'étant embarqué avec des troupes, entra dans le port de Ravenne, d'oü Slycérius, averti de fon approche, étoit forti pour fe fauver.du cöté de R-ome. Le nouvel Augufte le pouriiivit; & 1'ayant afiiégé dans Porto i 1'embouchure du Tibre, il le forga ie fe rendre., & de renoncer a 1'Emlire» On lui coupa les cheveux, &c  du Bas-Empire. Liv.XXXF. 77 il fut fur le champ ordonné Evêque de Salone en Dalmatie. II avoit régné environ quatorze mois. Népos recut de nouveau a Rome le titre d'Empereur le 14 de Juin, lorfque Zénon régnoit déja en Oriënt conjointement avec le jeune Léon. Sidoine fait un grand éloge de Népos: il le repréfente comme un Prince zélé pour la juftice , qui, pour 1'avancement de fes Officiers, ne confidéroit que la capacité & la vertu, fans avoir aucun égard a la fortune. Gondebaud, qui avoit gouverné 1'ltalie pendant prés de deux ans fous les regnes d'Olybre & de Glycérius , s'enfuit en Bourgogne, & tacha de foulever fes freres contre le nouvel Empereur, Mais Népos avoit déja pris foin de prévenir ces Princes par des préfent' & par la conceffion de quelquej villes. Euric ne fut pas fi aifé a conténir. Plein de mépris pour ces Empereurs éphémeres, jugeant bien que Népos affis fur un tröne fi chancelant, n'y feroit pas plus affuré que fes prédéceffeurs, il crut 1'occafior favorable pour achever de fe rendr< D üj ZÉNON. NÉPOS. kun. 474. XLI. Euric attaquel'Auvergne. Sid. 1. 3 ep. 1 7 3 4,8-^-5 : ep. 6, iz  ZÉNON. NÉPOS. Ann. 474 l. 6. ep. 6, l 7- ep. 6, 7. carm. 12. & Ui Sirm. Bnnod. Vital. Epiph. p. 3»i. Jorn. de reb. Get. c. 45- Pagi ad £ar. Lucan, Pharf.l.i. I - • ! ] 1 1 ( 1 7§ H 1 s t 0 i R b maïtre de la Gaule Méridionale jufqu au Rhöne. II ne lui reftoit plus a conquénr que 1'Auvergne. Les Auvergnats s'étoient autrefois flattés du nom de freres des Romains : ils prétendoient tirer comme eux leur origine de Ia ville de Troye. Ces traditions, quoique fabuleufes, les attachoient i 1'Empire, & les vexations de _ leurs derniers Gouverneurs n'avoient pu étouffer en eux cette anaenne afFeflion. Euric étant venu afüeger la capitale du pays, nommé aujourd'hui Clermont, dont Sidoine etoit alors Evêque, les habitants fouffrirent avec patience la faim , le fer, jel feu , la pefte & tous les maux d un fiege opiniatre. Après avoir repoufTé les affauts des Vifigoths, ils fortoient eux-mêmes de leur vi'lle, Sc alloient les attaquer dans leurs re:ranchements , brülant, renverlant, létruifant toutes les machines & tous' es ouvrages. Leurs fauxbourgs étant eduits en cendres & leurs murs en tartie abattus, ils fermoient les brehes avec des palifTades , & ne ra•attoient rien de leur conftance & le leur hardieffe. Les Bourguignons  du Bas-Empihe. L'w. XXXV. 79 qui étoient venus a leur fecours, enfermés avec eux dans la ville, leur étoient a charge plus qu'ils ne les défendoient, s'emparant des fubfiftances ; en forte que les habitants mouroient de faim, arrachoient les herbes qui croiffoient au pied de leurs murailles; Sc cette nourriture miférable , iouvent pernicieufe , faifoil périr les uns, tandis qu'elle foutenoit a peine la vie languiffante de; autres. Mais leur principale défenft confiftoit dans la valeur Sc clans 1'ac tivité d'Ecdice : il étoit né dans leui ville, & avoit épouféunefillede l'Empereur Avitus. C'étoit un excellen guerrier, Sc felon la remarque d'ui Auteur contemporain, dans cette dé cadence de 1'Empire d'Occident, o n'étoient pas les gens de mérite qu manquoient a 1'Etat, mais les pla ces Si les emplois qui manquoien aux, gens de mérite. Ecdice fe trou va hors de Clermont, lorfqu'Euri vint en former le fiege. A cette nou veile, il accourut efcorté feulemen de dix-huit cavaliers, & donna têt bailTéefurl'armée ennemie, qui, étor née de cette attaque imprévue, Sc 1 D iv ZÉNON. NÉPOS. Ann. 474. t i t t eie  ZÉNON. NÉPOS Ann. 47< XLII. Générofité d'Ecriice.Sid. I. 3. ep. 2. /. 6. ep. 12. Greg. Tur. k 1. e, 24. croyant mieux accompagné, fe retn-a fur une hauteur efcarpée. Ecdice .. Iflir tua plufienrs foldats de leur arnere-garde ; & fans avoir perdu un leul de fes gens, il entra comme en tnomphe dans la ville, au milieu des cns de ,0Ie des habitants,qui, du haut de leurs murailles, avoient été fpectateurs de cette adtion hardie. II partagea la bourgeoifie en divers corps, oc forma une petite armée , k latête de Iaquelle il fit de frequenties forties & toujours avec fuccès. Dans ces combats, les Goths étoient fi maltraités, qu afin de cacher leur perte, ils coupoient la tête k leurs morts, qu'on diftmguoit aifément è leur longue cheyelure. Enfin ,1'hy ver approchant, Eunc fut obhgé de lever le fiege, bien refolu de revenir au printemps, & ue ne pas quitter cette entreprife, qu il n'eüt réduit Clermont fous fa puillance.- La retraite des Vifigoths laiffa Ia ville en proie a deux maux plus redoutables que 1'ennemi. La divifion fe mit entre les habitants , les uns voulant foutenir un nouveau fiege, & les autres abandonner la ville. En  du Bjs^Empias. Liv. XXXV. 8t même-temps, une affreufe famine défoloit tout le pays , que. les Vifigoths avoient ravagé. Un Prêtre de Lyon, nommé Conftance, dont la vertu étoit connue & reipectée en Auvergne, vint rétablir la concorde. Par fes larmes, par fes prieres, par la force de fa perfuafion, il ramena dans la ville ceux qui s'étoient déja retirés, & anima tous les habitants a réparer les breches de leurs murailles, & a fe mettre en état de défenfe. On trouva dans les richeffes & dans la générofité d'Ecdice une reffource contre la famine. Auffi charitable que courageux, il envoya fe« domeftiques dans les territoires voifins avec des chevaux & des chariots pour lui amener ceux qui manquoien du nécefiaire. Toutes fes maifons ; ia ville & a la campagne devinren des höpitaux , oü 1'on diftribuoit de aliments a tous les pauvres, tant qu dura la difette. 11 s y raffembla plu de quatre mille perfonnes des deu fexes. L'abondance étant revenue , i leur fournit des voitures pour re tourner chacun dans leurs demeure: Saint Patiënt, Evêque de Lyon, dor D v ZÉNON. Népos. Ann. 474» t : i t > s i 1  ZÉNON. NÉres. Aan. 474, XLIII. Négociattonspourla paix. Sid. I. 3. ep. 7. I. 4. «P-IJ./.7. V- 6, 7- Ennod. Vit. Epiph. p, 381. 7V/r. 4 2. f. 2;. ] 1 I t ï f r 1 H I S T O I li F. na auffi dans cette famine des marqués d'une charité vraiment paftorale. Ce fut alors que Sidoine, pour attirer la miféricorde divine fur 1'Auvergne accablée de tant de maux , etabht dans fon diocefe les proceffions des Rogations, que Saint Mamert, Evêque de Vienne , avoit inftituées fix ans auparavant pour le fien dans une calamité publique. L'hyver fe paffa en négociations du cöté des Romains, & en préparatifs- de guerre de la part des Vifigoths. Népos , ne fe fentant pas affez fort pour foutenir la guerre contre Euric, lui envoya le Quefteur Licinien pour traiter avec lui. Ce député étoit en même-temps chargé de aorter a Ecdice le brevet de Patrice, hgnité qu'Anthémius lui avoit pronife autrefois. Licinien avoit toutes es^ qualités d'un habile négociateur ; 1 étoit d'ailleurs incapable de trahir es intéréts de fon maïtre , ce qui toit alors devenu trés-ordinaire. Ceendant il ne put réuffir. En vain plueurs Evêques de la Gaule fe joignisnt k lui pour le feconder, Euric ne oulut entendre a.aticune propofï-  au Bas-Empire. Liv. XXXV. 83 tion , fi 011 ne lui cédoit l'Auvergne^: " il menacoit même de paffer le Rhó- ' ne , Sc de pouffer fes conquêtes juf- a qu'au pied des Alpes. Les Auvergnats ne craignoient rien tant que de tomber fous la puiffance de ce Prince cruel Sc fanguinaire : ils oftroient de foutenir encore tous les hafards Sc tous les maux d'un fiege, réfolus de mourir fur les remparts de leur patrie ; Sc fi 1'on fe déterminoit a. livrer 1'Auvergne aux Vifigoths, ils demandoient en grace qu'on leur permit de s'exiler eux-mêmes, & aallef s'établir dans quelque autre contrée de 1'Empire. L'Evêque Sidoine entretenoit fon peuple dans ces fentiments : il avoit en horreur 1'arianifme, qui ne tarderoit pas d'entrer dans fon diocefe avec les Vifigoths. Euric étoit perfécuteur ; il avoït mis k mort ou exilé les Evêques Orthodoxes de fes Etats; il faifoit fermer les Eglifes , Si la doörine Catholique étoit prefque abolie dans toute 1'Aquitaine. Népos, touché du défefpoir des peu■ pies de FAuvergne, fe voyoit cependant hors d'état de les conferver. II D vj 'ÉNON. •ÏÉPOS. nn. 474- XLIV. L'Auver- gne cédée a Euric,  ZÉNON. NÉros. Ann. 474, Sid. I. 7. V-I7-/.8. ep. 9. /. 9. ep. j.&iti Sirm. Greg. Tur. I. 2. c. 20, 24. Ennod. Vital. Epiph. p, 382, 383, 483. Jorn. de reb. Get. c. ' 45- PaulDiac. 1 /- 6. , V'lef. rer. Fr. I. j. ] Pagi ad ] Bar. , Buch.Belg. . l.ti.e.10. j i i a li d f< ü H H I S T 0 I R E falloit, k quelque prix que ce fut, iatisfaire Euric, pour fauver è 1'Empire ce qui lui retfoit encore entre le Rhöne & les Alpes. II fit une dermere tentative; ce fut de députer au Roi des Vifigoths Epiphane de Pavie, dont 1'éloquence foutenue de la grace divine avoit autrefois défarmé 1'indomptable Ricimer. Le faint Prélat trouva Euric plus inflexible. La paix ne fut conclue qu'a condiüon que 1'Auvergne refleroit aux Vi%oths. Ecdice fe retira au-dela du rlhone; & ne pouvant paffer en Itaie oii Népos le rappelloit a 1'arrivée 1 Odoacre, il vécut chez les Bour;uignons dans la retraite & dans la >iété, faifant de grandes aumönes. iuric enferma Sidoine dans Ie chaeau de Liviane, a quatre lieues de .arcaffone : lui ayant enfuite rendu i hberté a la follicitation de Léon on miniftre, il le fit venir a fa Cour, aus prétexte de régler avec lui les ffaires de 1'Auvergne, & le retint >ng-temps comme en exil a Boreaux, oü ce Prince faifoit alors fon :jour. II donna le gouvernement de nouvelle conquëte a Vidorius, qui  du Bas-Empjre. Liv. XXXV. 85 le garda fix ans. Celui-ci fe comporta d'abord avec équité , & mérita de Sidoine les plus grands éloges. Mais enfuite s'étant livré a la débauche, il devint cruel, & fe rendit odieux k la Province. Craignant même pour fa vie, & n'ofant retourner k la Cour d'Euric, inftruit de fes méchancetés , il s'enfuit a Rome oü fes débordements exciterent tant d'horreur , qu'il fut tué par le peuple k coups de pierres. La paix conclue avec Euric ne raffuroit pas entiérement l'Empereur, II envoya ordre au Patrice Orefte de raffembler des troupes, & de les faire palier en Gaule. Orefte étoit Romain d origine , né en Pannonie. Nous 1'avons vu fecretaire d'Attila, auquel il s'étoit attaché lorfque les Huns devinrent les maitres des bords de la Save. Son pere Tatule étoit au fervice de ce conquérant. Après la mort d'Attila, Orefte vint en Italië avec de grandes richefTes , qui formant alors une recommandation puhTante, & fe trouvant jointes k un efprit ambitieux & adroit, 1'éleverent jufqu'au rang de Patrice. II avoit époufé zénon. Népos. Vnn. 474. Ann. 475. XLV. Auguilule Empereur. Jorn. de reb. Gel. c. 45- Prifc. p. 37- Anon. Valef. Evag. I. 2. c. 16. Proc. Got. I. 1. c, 1. Cajfod. chr. Theefh. p. 102. Mare. chr.  ZÉNON. WÉros. Ann. 475. PaulDiac. I. 6. Sid. I. 5. cp. 6, 7. Baronjus. Pagi ad Bar. Valef rer. Fr. I. 5. Biïch. Belg. 1.1%. c. 10, 11 , 12. TUL Odac. art. 6. Muratori rer. hal. I. '5. 86 // I S T O I R E la fiïle du Comte Romule, qui fut en 448 .Député par Valentinien au Roi des Huns. II étoit a Rome lorfqu'il recut les ordres de Népos qui réfidoit è Ravenne. Ayant levé des troupes & fc voyant chef d'une petite armée , il lui vint en penfée qu'il valoit mieux être maïtre que Général de 1'Empire, Sc il marcha vers Ravenne. Pour dépouiller de fi foibles Souverains, il fuffifoit de 1'entreprendre. Népos n'effaya pas deréfifter; dès qu'il apprit la révolte & la marche d'Orefte , il s'embarqua le 28 d'Aout, Sc s'enfuit a Salone, fans eraindre Glycérius, qu'il en avoit fait Evêque : c'étoit un fpeftacle fingulier de voir réunis dans la même enceinte , deux Princes , le détröné & i'ufurpateur, réduits a la même forEune. Orefle étant entré dans Ravenne , au-lieu de prendre lui-même le fjorn d'Empereur , le fit donner a fon Sis nommé Romule, ainfi que fon aïeul maternel, Sc furnommé Angufte ivant même que de parvenir k 1'Empire ; en forte qu'étant Empereur, il lortoit deux fois ce nom , comme "on nom propre > Sc comme fon ti-  du Ba-s-Empihe. Liv. XXXV. 87 tre de fouveraineté. Les Romains, par une lorte de mépris, 1'appellerent communément Auguftule, a caufe de fa grande jeuneffe. II fut proclamé le 29 d'Aoüt 475, felon d'autres le dernier de Septembre; quelques Auteurs different eet événement au dernier d'Oftobre. L'hiftoire ne dit de ce Prince que ce qu'Homere dit de Nirée, qu'il étoit parfaitement beau , fans lui attribuer aucune autre qualité , ni même aucune aftion. Orefte gouvernoit fon fils & 1'Empire par les confeils d'un Prêtre Iralien , nommé Pirmene, dont on loue la capacité, fans en donner aucune preuve. Les Rois Bourguignons demeurerent attachés a Népos , efpérant qu'il fe rétabliroit. Mais lorfqu'ils virent qne fa difgrace étoit fans reffource, ils s'approprierent tous le pays jufqu'a la Durance. Les Evêques d'Arles, d'Aix, de Marfeille & les autres de la contrée entre la Durance & la mer, gouvernerent les peuples au nom de Népos , tant qu'il vécut. Après fa mort, ils fe foumirent a Odoacre. Mais ce Prince politique fe tint renfermé dans les bornes de 1'Italie , & céda ce pays ZÉNON. NÉros. A.nn. 47;.  88 H i s t o i r e Sax Vifionrric U A • ZÉNON. AVGVSTULE. Ann. 47 $, XL VI. Paix avec Genféric. Evag. I. 3. c. 2. Male. p. «7- Proc. Vand. I. 1. c 7- Theoph. p. 103. via. vu. i. 1. Cedren. p. t 1 ] I t J | .—a „ , v*^1JL ja uuuunarion s etendit alors jufqu'aux Alpes. Népos conlerva une ombre d'autorité dans la Dalmatie. Orefte, voulant s'appuyer de la proteftion de 1'Empire d'Orient, fit partir pour Conftantinople deux Députés , nommés Latin & Madufe , dont le premier étoit Patrice. Ils trouverent la ville dans un grand trouble; Bafilifque étoit devenu maïtre des affaires par la fuite de Zénon, comme je vais le raconter, après avoir rapporté quelques événements qui precéderent cette révolution. Zénon, ivré a fes débauches, laifioit les barbares mfulter impunément les frontie■es de 1'Empire. Les Sarrafins rava'eoient la Méfopotamie ; les Huns iyant paffé le Danube pilloient la [hrace. La Grece étoit enallarmes: ^enfer qui fe laffoit plutót du re)os que de la guerre, avoit repris es armes , & recommencoient fes «rateries. Afin d'arrêter fes ravages, 'enon lui députa un Sénateur nomne Sévere , qu'il décora de la di;mte de Patrice, pour donner plus 1 ecteta cette ambaffade. Sévere étoit  tov Bjs-Empirb. Liv. XXXF. 89 1'homme du monde le plus _ capable : de réuffir dans cette négociation. Jufte , défintérefle, plein d'honneur, il étoit digne du fiecle des Fabricius 8c ■ des Curius. Ces belles qualités me portent a croire que c'étoit le mê> me qui avoit été Conful en Occident 1'année 470, & qu'ayant embraffé le Chriiiianifme, comme on peut le conjecturer par 1 intérêt qu'il prit a la Religion dans le cours de fon ambaffade, il avoit eu quelque raifon de paffer au fervice de la Cour d'Orient. Genféric , malgré fa dureté naturelle, avoit le jugement droit & 1'ame élevée; il /connoiffoit le prix.de la vertu, Dès qu'il apprit qu'on fongeoit k lui envoyer une ambaffade , ii fit partir une flotte , & prit Nicopolis en Epire. Sévere, arrivé a Carthage, fe plaignant de eet afte d'hoftilité : fétois en droit cfagir en ennemi, lui répondit Genféric, maintenant que vous vene^ faire des propoftions de paix, je fuis pret d vous entendre. Le Roi ne tarda pas a concevoir une haute eftime pour Sévere. Charmé de fa fageffe, il prenoit plaifir a 1'entretenir; & il 1'eftima en- ZÉNON. A.UGUSTULE.i.ntl.475  Zénon. Augus- tuz.e. Ann. 47 5, J ] < ï ( I f f t c tl 9° H I s T 0 I r e ' core davantage, lorfque le député Uu eut fait connoitre fa grandeur d'ame. Comme Genféric vouloit lui faire accepter des préfents confidérables , il les refufa, en difant que 1'unique prefent digne d'un Ambaffadeur tel que lui, c'étoit la permiffion de titer d efclavage les fujets de 1'Empire : Eh bun ƒ repartit Genféric , > vous donne gratuitement tous ceux qui mappamennentainfiqiCa mes fils: pour Les autres qui font tombés en partage d mes foldats, je n'en fuis pas le maüre ; mais je vous ptrmets de les racheter. Sévere ayant remercié le Roi, fit auffitot vendre fa vaifTelle & fes équipages ; & joignant a cette fomme out ce qu'il avoit d'argent, il reti■a des mams des Vandales, autant qu'il Hit, de pnfonniers Romains. Le fier :onguerant, fubjugué par tant de géicrofite, accorda tout a Sévere; il onclut aveC 1'Empire un traité d'amtie: perpétuelle; & cette alliance ut fidelement obfervéepar lui & par is iucceffeurs jufqu'au regne de Jufmen. Malgré la haine mortelleque renfenc portoit è la doftrine Calolique, Sévere obtint la liberté de  du Bas-Empire. Liv. XXXF. 91 Religion pour la ville de Carthage; 1 1'Eglife fermée depufs long-temps fut ouverte ; les EccléTiaftiques bannis eurent la permiffion de reprendre leurs fonftions; & ce que les forces de 1'Empire n'avoient pu exécuter, fut le fruit de la vertu d'un feul hom me. Théodémir, Roi des Oftrogoths, un des plus grands Princes qui fuffent alors , étant mort cette année, eut un fucceffeur encore plus grand que lui. Ce fut fori fils Théodoric, le héros de ce fiecle. II avoit pour lors vingt-deux ans. Zénon s'empreffa de le féliciter fur fon avénément a la couronne". II 1'attira h fa Cpur ;■ & 1'ayant d'abord comblé d'honneurs pour* le trahir enfuite, il éprouva tour-a-tour ce que peut la valeur pour reconnoitre les bienfaits , &C pour fe venger de la perfidie. L'incapacité de Zénon ne lui laiffa point de reffource contre les cabales qui fe formerent dans fon propre palais. Vérine, fa belle-mere, qui 1'avoit placé fur le tröne , fe croyoit en droit de tout obtenir. Irritée d'un refus, elle réfolut de le perdre, & ZÉNON. AUGÜSTU LE. Ann. 47 s ■ XLVII. Théodoric Roi. Jorn. de reb. Get- e, 56, 57. XLVIII. Confpiration contre Zénon. Theod. L. I. 1. Evég. I. 3. e. 3.  ZÉNOÏf. Augus- tüle. Ann. 475, Candid. p. 18, 19. Male, p. 94. Jorn. fucceff.Theop. p. 103 , 104. Agath. 1.4. Proc. Vand.l.i. c- 7. Viel. Tan. Mare. chr. Anon, Valef. Chr. Alcx. Cedr. p. 351. Jo 'él. p. 172. Glycas, p, 264. Manajfes, p- 60. Maltla, p. 31; Suidt vocc ■ TUL Zé- i non, art, « 6, 19. j 1 92 &ISTOIRE rrama contre lui une confpiration fecrete. Cette femme difTolue aimoit patrice, maïtre des Offices, & 1'on foupconna dans la fuite que fon but etoit de 1'époufer & de le faire Empereur. Mais s'il efl vrai qu'elle eüt ce deffein, elle fe garda bien de le decouvnr k fon frere Bafilifque & a ion coufm Harmace, qu'elle neut pas de peine a faire entrer dans le complot. Elle promit la couronne k Bafilifque , bien alTurée fans doute qu'il tomberoit dès qu'elle cefferoit de le foutemr. Harmace entretenoit avec Zenomde, femme de Bafilifque, le même conamer.ee que Patrice avec Vénne. II fe prêta donc avec ardeur a une entreprife qui devoit mettre fa maitreffe fur le tröne. II devoit k la paffion de cette Princeffe tout ce qu'il ivoit de richeffes& de confidération 1 Ia Cour. C'étoit un jeune homme rain & frivole, idolatre defabeaue, umquement occupé de fes che^eux & de fa parure. Sous le re;ne de Léon, il avoit eu quelque part lyec Théodoric le Louche k une ex•edition contre des Thraces révol&i & paree qu'après la défaite de  du Bas-Emtikl. Liv. XXXF. 93 ces miférables, il leur avoit fait couper les mains, il prenoit la cruauté pour la valeur, & fe croyoit grand homme de guerre. Affedfant de paroïtre armé & habiüé comme Achille efl repréfenté dans les monuments, il fe promenoit dans le cirque fur un cheval qui lui difputoit de fïerté : une multitude imbécille, toujours féduite par 1'appareil, le fuivoit, & lui donnoit dans fes acclamations le nom de Pyrrhus, fils d'Achille, quoique, felon la remarque d'un ancien Auteur, de tous les perfonnages de l'Iliade, Paris fut le feul auquel il put reflembler. Vérine , moins perfuadée des talentsmilitaires d'Harmace, qu'il ne 1'étoit lui-même , crut devoir s'affurer d'un meilleur Capitaine. Elle trouva moyen de gagner Illus , homme de conduite & de courage. II étoit Ifaurien, ainfi que Zénon , dont il avoit été 1'ami lorfqu'ils menoient tous deux une vieprivée. Mais Illus, réglé dans fes mceurs, inftruit dans les fciences & dans les lettres, zélé pour la juftice , n'avoit pu fouffrir les vices de Zénon devenu Empereur. On fe ménagea le fecours de zénon. Augüs- tule. Ann. 475,  ZÉNON. AUGUSTÜLE. Aiin. 475, XLIX. Zénon s'enfuit en Ifaure. 94 HlSTOlIiE Théodoric Je Louche , en cas qu'il y eüt une guerre a foutenir. Mais Vérine méprifoit trop Zénon pour le juger capable d'aucune réiïftance. Ainfi comptant fur la lacheté du Prince, lorfqu'elle eut dreiTé toutes fes batteries, elle courut elle-même 1'avertir du danger qui le menacoit; & feignant d'en être allarmée, ellel'intimida detelleforte, qu'il quitta fon palais pour fe retirer a Chalcédoine. A peine y fut-il arrivé, qu'il apprit que Vérine & Bafilifque étoient k la tête des révoltés. Effrayé de cette nouvelle, il prit des chevaux de pofte, & k la faveur de la nuit& d'une grande pluie qui tomboit alors , il s'enfuit en Ifaurie avec 1'argent qu'il put emporter. II y fut fuivi de fa mere & de quelques Courtifans qui craignoient d'être immolés k la haine publique. Sa femme fe déroba fecretement; & ayant pafTé le Bofphore pendant une tempête, elle le joignit en chemin. Ce n'efl pas qu'elle fut affez vertueufe pour être encore attachée k un mari de ce carattere; mais elle -aimoit mieux périr en exil, que de tomber entre les mains de fa mere,  'ju Bas-Empire. Liv. XXXP. 95 & de voir fa couronne fur la tête de Zénonide. Zénon , arrivé en Ifaurie, s'enferma d'abord dans une forterefle nommée Vare ou Ubare, oü ne fe croyant pas en füreté, il fe retira dans celle de TefTede. La fuite de Zénon laifToit le champ libre aux conjurés fans effufion de fang. Mais le peuple, indigné contre ce Prince, prit les armes, Sc fit un horrible maffacre des Ifaures , qui fe trouvoient en grand nombre a Conftantinople. Illus ne put retenir cette fureur, Sc fe trouva lui-même heureux d'être épargné. Au milieu de ce trouble, Bafilifque étant venu d'Héraclée, oü il étoit pour lors, fut proclamé Empereur dans une campagne prés de la ville. Vérine lui mit ellemême la couronne fur la tête. II donna aufli-töt le nom d'Augufte a fa femme Zénonide , Sc a Mare fon fils , celui de Céfar. Peu après , il conféra auffi k fon fils le titre d'Augufte. 11 prit le confulat pour 1'année fuivante avec Harmace, qu'il nomina Général des armées de Thrace. _ Tel étoit 1'état de 1'Empire d'Orient, lorfque celui d'Occident fut Zénon, Augus- tule. Ann. 475, l. Bafilifque Empereur. Ann. 476. LI. Odoacre  Zénost. Augus- tule. Ann. 476. s'empare de l'Italie. Proc. Got. 1. ï.c. 1. PaulDiac. I. 6. Theoph. p. 102. Jorn. de reb. Get, c. 46. Idem de ficcejf. Anon, Valef. Greg. Tur. I. 2. C. IS. 19- Aimoin. I. 1. e. 9. Valef. rer, Fr l. 5. Ilaronius, €)6 HlSTO/RE enfin entiérement abattu. L'Italie gémiflbit fous la tyrannie d'Orefte, qui, la trouvant épuifée, 1'accabloit encore de nouveaux impöts. Les peuples , mêlés de barbares, ne connoiffoient plus de patrie. Sans attachement pour des Princes, qui, femblables a des fantömes, ne s'élevoient que pour difparoitre, 1'habitude des révolutions les avoient accoutumés a n'en craindre aucune. Ils n'étoient plus Romains, & peu leur importoit de quels barbares ils feroient obligés de prendre le nom. Dans ce découragement général, Odoacre vint renverfer ce tröne qui tomboit de luimême. Cet Odoacre n'elt pas le guerrier Saxon que nous avons vu dans la Gaule. L'origine & le pays de celui-ci font incertains. On lui denne pour pere un Edecon ou Edic, qui n'elï pas mieux connu. II n'y a pas d'apparence que ce fut cet Ed«con, Officier d'Attila, qui fut envoyé en ambaffade a Théodofe le jeune. Les divers Auteurs font Odoacre Goth, Erule, Squire,Turcilinge, paree qu'il fut chef d'une armée mêlée de toutes ces nations. Ce qu'il y a de cer- tain,  nu Bjs-Empire. Liv. XXXV. 97 tain, c'eft qu'il étoit de très-baffe naiffance. On rapporte qu'en paffant par le Norique, comme il étoit allé vifiter Saint Séverin , célebre alors par fes miracles, & que fa haute taille 1'obligeoit a fe tenir courbé dans la celluie du Solitaire, le Saint lui prédit que Dieu 1'éleveroit bientöt audeflüs des autres hommes, & lui feroit quitter les méchants habits de peaux dont il étoit couvert, pour le revêtir de gloire & de puiffance. On ne convient pas non plus de la maniere dont il s'empara de l'Italie. Les uns difent que les Erules , les Squires & les autres barbares enrölés dans les troupes de 1'Empire, fe voyant en plus grand nombre que les foldats Romains, concerterent enfemble , & porterent 1'infolence jufqu'a demander a Orefte, qu'il leur abandonnat le tiers des terres de l'Italie ; que, fur fon refus, ils fe mutinerent, & qu'Odoacre, qui netóit que foldat de la garde impériale, leur ayant promis de les mettre en poffefiion de ce-qu'on leur refufoit, ils le choifirent pour leur chef. Selon d'autres Ecrivains, Odoacre, a la tête Tomt VIII. E ZÉNON. AUGUSTULE. Ann. 476. . ?1  7.LNON. AUGOSTULE. Ann. 476. LIT. Dépo'fition d'Au- Epiph. p. 586,389. Evag. I. 2. c. 6. Theoph. p. 102, 103. Paul Diac. I. 6. Jorn. de reb. Gct. c. 46. Idem de fuccef. Anon. Va- Cajfiod. chr. Mare. chr. Proc. Got. 1. I. c. I. Val./, rer. Fr. I. 5. Muratori , rer. hal. I. , 15. Tilt. vie de 1 Si. Eugene, < art. 14. 98 II I S T OIR E d'une multitude de ces barbares, vint des extrêmités de la Pannonie, & ayant traverfé le Norique, il entra en Italië par la vallée de Trente, femant par-tout la terreur. Quoi qu'il en foit, Orefte , ayant rafTemblé quelques troupes , vint a fa rencontre en Ligurie. Mais trop foible pour livrer bataille a une fi nombreufe armee, découragé d'ailleurs par la défertion d'une partie de fes foldats, il fe renferma dans Pavie. Odoacre 1'y fuivit , emporta la ville de force, y fit un grand carnage , nut le feu aux Eglifes & aux maifons. Dans ce faccagement, la fceur de 1'Evêque Epiphane ayant été mife aux fers , le Prélat s'expofant fans crainte au milieu du pillage & du meurtre, alla trouver Odoacre : il s'en fit refpefter par fon intrépidité, & obtint la délivrance de fa fceur Sc d'un grand nombre d'autres prironniers. Orefte fut pris, conduit k ^laifance, & eut la tête tranchée le wngt-huitieme du mois d'Aoüt, jour luquel 1'année précédente il avoit >bligé Népos k prendre la fuite. Le LdeSeptembre, Odoacre entra dans  du 3as-Empis.e. Liv. XXXV. 99 Ravenne. Paul, frere d'Orefte, y fut tué. Auguftule, abandonné de tous, fe dépouilla lui-même de la pourpre : le vainqueur, par compaffion pour fon age, lui laiffa la vie, 6c 1'envoya avec plutieurs de fes pa-rents dans le chateau de Lucullane en Campanie, entre Naples & Pouzzoles, oii il vécut avec affez de liberté. On lui affigna une peniion de lix mille fous d'or, qui font prés de quatre-vingts mille livres de notre monnoie. Le Prêtre Pirmene, principal Confeiller d'Orefte , craignant pour fa vie , fe retira dans le Norique auprès de Saint Séverin. Dès le vingt-troiiieme d'Aoüt, aufli-töt après la prife de Pavie, Odoacre avoit recu le titre de Roi: il s'en contenta, fans prendre jamais ni la pourpre, ni le nom d'Empereur. Nous verrons même dans la fuite qu'il fembloit reconnoïtre 1'autorité des Empereurs d'Orient. Ceux-ci, plus jaloux de leur titre, qu'attentifs a conferver leur Empire, prétendirent depuis ce temps-la que la qualité d'Empereur leur appartenoit exclufivement. Rome fe foumit au nouveau maïtre, & les barbares s'étant réoandus dans l'IE ij zénon. Augus- tule. Ann. 476.  Zénon Ann. 47 IOO HlSTOIRE • talie, la fubjuguerent toute entiere. 5 Quelques villes qui tenterent de fe défendre, furent faccagées & ruinées. Odoacre établit fon féjour a Ravenne ; il diflribua, felon fa promelTe, a fes foldats le tiers des terres de l'Italie. D'ailleurs, il ne changea rien dans la forme du gouvernement, & il conferva les magiftratures Romaines , li ce n'elt qu'il paffa plulieurs années fans nommer de Confuls pour 1'Occident. II traita avec Genféric , qui lui céda la Sicile, a 1'exception de Lilybée, mais a condition qu'il lui en payeroit tribut, comme au Souverain. On 1'accufe d'avoir été jaloux de la nobleffe, qui fembloit lui reprocher la baflelTe de fon origine, d'avoir tiré des peuples des fommes immenfes qu'il prodiguoit a fes favoris , d'avoir laché la bride a 1'infatiable avidité de Pélage fon Préfet du prétoire, qui faifoit payer aux fujets le doublé des taxes impofées par le Prince. Mais il corrigea une partie de ces défordres fur les remtmtrances d'Epiphane, qu'il écoutoit avec refpedï, Ce faint Prélat fut honoré d'un Roi barbare Óc Arien, plus qu'il ne 1'avoit  du Bas-Empire. Liv. XXXV. 101 été d'aucun Empereur Catholique ; il obtint une exemption d'impöts pour cinq années en faveur de la ville de Pavie, qui travailloit a fe relever de fes ruines. Odoacre laiffa toute liberté aux Orthodoxes, & témoigna une ünguliere vénération pour Saint Séverin, qui lui avoit prédit fa haute fortune. II avoit 1'ame grande & élevée , comptant affez fur fa valeur pour être exempt de ces craintes &c de ces défiances, qui enfanglantent fouvent les nouvelles conquêtes. Les Romains, fous le regne d'un barbare, furent plus heureux, qu'ils ne 1'avoient été depuis long-temps fous leurs Princes naturels. Ce fut par cette révolution que s'éteignit 1'Empire d'Occident. II avoit fubfirté cinq cents fix ans, li 1'on prend pour époque de fon commencement la bataille d'Actium : douze cents vingt-neuf ans, fi 1'on remonte jufqu'a la fondation de Rome. Nous avons vu les divers degrés par lefquels s'étant affoibli peu-a-peu fous les premiers fucceffeurs de Conftantin, il fe précipita vers fa ruine fous ceux du grand Théodofe. Sa chüte, E iij Zénon. Vnn, 476. tra. Fin de 1'Empire d'Occident.  Zénon. Ar.n, 476. ïoa IllSTOIRE, &c. qui fe préparoit depuis long-temps, fut a peine fentie du refte du monde ; il tomba fans bruit; c'étoit la mort d'un vieillard, qui, privé de fes forces & de 1'ufage de fes membres , expire de caducité. Comme notre deffein fe renferme dans 1'hiftoire de 1'Empire, nous abandonnons ici ce xpii regarde 1'Occident, dont nous ne parierons plus, qu'autant que les événements de 1'Empire d'Orient pourront nous y rappeller. Quoique Rome & l'Italie ayent été alors détachées de 1'Empire, cependant les Empereurs d'Orient & leurs fujets retinrent le nom de Romains, eu égard k 1'origine de la puüTance de ces Princes. Nous continuerons de les appeller ainli jufqu'au temps de Charlemagne. C'eft alors qu'un nouvel Empire établi en Occident prendra feul le nom de Romain , &c nous obligera de défigner fous le nom d'Empire Grec les Etats des Empereurs de Conftantinople.  103 S O M M A I R E D V LI VR E TRENTE-SIXIEME. AUVAIS gouvernement de Bafilifque. II. IIfe déclarepour Chèréfiie d'Eütychès. III. Embrafement d Confiantinople. IV. Zénon dé/dit & affiègè. V. Zénon revient a Conflantinople. VI. Mort de Bafilifque. vil. Mort d''Harmace. vin. Conduite de Zénon rétabli. IX. Hunèric fuccede d Genféric. X. Députation efO•doacre & de Népos d Zénon. XI. Mouvements de Théodoric le Louche, xil. Mort d.'Héraclius. XIII. Zénon a recours d Théodoric l'Amale. XIV. Trahifon de Zénon. XV. Les deux Théodorics fe réunifent. XVI. Députation des deux Théodorics d Zénon. XVII. Ldchetè de Zénon. XVIII. Paix avec Théodoric le Louche. XIX. Ravage de t"Amale. XX. Révolte de Marden. XXI. Théodoric le Louche rnarche vers Confiantinople. XXII. Guerre de Théodoric t Amale. XXIII, Nègociation de Z'ê- E iv  104 SOMMAIRE DU LlV. XXXVle. non avec Théodoric l'Amale. XXIV. Rufc de Sidimont pour rendre Théodoric l'Amale mattre de Dyrrachium. XXV. Théodoric PAmale s'en empare. XXVI. SébaJti'en Général. XXVII. Conférence de Théodoric VAmale & d'Adamance. XXVIII. Sabinien défait l'arriere-garde de Théodoric. XXIX. Ambajfades réciproques de Zénon & d'Hunéric. XXX. Tremblements de terre. XXXI. Nouveauxfujets de brouilleries avec Théodoric le Louche. XXXII. Zénon fe prepare d lui faire la guerre. XXXIII. Découverte des intelligences que Théodoric le Louche entraenoit dans Confi tantinople. XXXIV. Mort de Théodoric le Louche. XXXV. Zénon trouble 1'Eglife. xxxvi. Pierre le Foulon d Antioche. xxxvii. Pierre Mongus d Alexandric. .XXXVIII. Hénotique de Zénon. XXXIX. Excommunication d'Acace. XL. Illus féduit par Pamprépius. XLI. Vérine veut faire périr Illus. XLli. Même defein d'Ariadne. XLHI, Léonce prendle titre d'Empereur. XLIV. Succes dlllus & de Léonce. XLV. Défaite as les ferments pour 1'afTurer de la >art de l'Empereur, qu'on lui laiferoit la vie. Le Patriarche contribua ncore a lui perfuader de s'en remetre a la clémence de Zénon. Dès qu'il ut forti, l'Empereur fit affembler le énat & les Evêques qui fe trou'oient a Conflantinople, comme pour ?s confulter fur le traitement qu'il  du Bas-Empire. Liv. XXXPL 115 devoit faire au rebelle , dont il avoit déja prononcé dans fon cceur la fentence de mort. Bafilifque fut condamné a être relégué avec Zénonide & leurs enfants dans le chateau de Limnes prés de Cucufe en Cappadoce. lis y furent jettés nüds dans une citerne feche , qui fut enfuite fermée 6c gardée par des foldats, afin qu'on ne put leur porter aucune nourriture. On les trouva quelque temps après morts de froid 6c de faim, fe tenant embrafTés les uns les autres. Zénon crut n'avoir pas violé les ferments qu'il avoit faits, de ne leur point öter la vie. Harmace, peu touché de Ia mort cruelle de Zénonide, dont 1'amour criminel avoit élevé fa fortune, jouiffoit tranquillement du fruit de fon parjure. Revêtu de la dignité qui lui avoit été promife, il voyoit fon fils déclaré Céfar. Ce jeune enfant alTifta aux jeux du Cirque, aflis fur un tröne a cöté de l'Empereur , 6c partagea avec le Prince 1'honneur de couronner les cochers victorieux ; mais Zénon avoit trop promis a Harmace pour lui tenir parole. II s'acquitta en- Zékon. inn. 477. VIL Mort de Sarma:e. Erag. I. 3; :. 24. Cani. p, 19. Proc. Vand. I. IV •• 7. Theoph, 7. 107. Chr- Alex, Phot. p. 171. Zom. p. i3-  ZÉNON. Ann. 477, Manaff. p, 61. Malela, p. 33- Suid. voec A'p/J.0,- VIII. Conduite de Zénon rétabli. Evag. I. 3, c. 11. Anon. Valif. Cod. JUJI. IÏÖ H I S T 0 I X E vers ce traïtre en le faifant alTamner dans Ie palais. Ariadne eut compaffion du fils; elle obtint de Zénon qu'il fe contentat de le dépouiller de la qualité de Céfar,- & de 1'engager dans le Clergé. II fut dans la iiute Evêque de Cyzique, & il remplit cette place plus'dignementqu'une vocation forcée ne donnoit lieu de 1'efpérer. Tout dans la mort d'Harmace portoit le cara£tere de fa perfidie : le confeil en fut donné par Illus , qui 1'avoit engagé k trahir Bafilifque : il fut tué de la main d'un barbare du pays de Thuringe, nommé Onulphe, qui lui devoit fa fortune : Harmace 1'ayant recu dans fa maifon, 1'avoit comblé de richefles ; il lui avoit procuré la dignité de Comte, & enfuite celle de Général des troupes d'Illyrie. Les biens d'Harmace furent confifqués. Les lecons de 1'adverfité femblerent d'abord avoir corrigé les vices de Zénon : il récompenfa par des libéralités le zele du Sénat & du peuple. Conftantinople retentiffoit d'éloges; on y voyoit de toutes parts ïlever des ftatues a l'Empereur. Son  dv Bas-Empire. Liv. XXXPI. 117 premier foin fut d'aller avec 1'Impératrice viilter le faint Solitaire Daniël , aux prieres duquel il attribuoit le fuccès. II fit batir a Séleucie en Ifaurie une magnifique Eglife de Ste. Thecle, qu'il croyoit avoir vue en fonge lui annoncer fon rétabliffement, & il la décora de riches préfents. II écrivit au Pape Simplicius pour lui attefter la pureté de la foi : & il en recut a fon tour des lettres de félicitation, ou le Pape 1'exhortoit a chaffer d'Alexandrie Timothée Elure, & a maintenir 1'autorité du Concile de Chalcédoine. En conféquence, Zénon cafTa toutes, les ordonnances rendues par Bafdifque au préjudice de la foi & des Evêques Catholiques. Pierre 'e Foulon , déja chaffé d'Antioche par Jean d'Apamée, fut canoniquement dëpofé dans un Concile, &relégué a Pityonte. Jean fut lui-même anathématile : on élut h fa place Étienne dont la doftrine étoit orthodoxe. Elure prévint l'orage qui alloit tomber fur fa tête , & s'empoifonna. Mais les hérétiques qui étoient en grand nombre dans Alexandrie, firent élire a la place d'E- ZÉNON. Ann. 477. I. 1. tit. ï. leg. 16. Liberat. c% IJ, 16. Theoph. p. 107. na. Tun. Cedr, p. 352- Anafi. p, 46. Baronius. TUI. Zi. non , artm IO. . Hem Aeacc,a(t,l2,14. Fleury , hifi. ecclef. 1. 29. art. 491 50.  ZÉNON. Ar.a. 477. IX. Hunéric fuccede a Genféric. Proc. Vand. 1.1. c. 7Ifid. chr. na. vu. 1. 1. Via. Tun. Till. vit de St. Eugene, ll8 HlSTOIRE lure Pierre ,furnommé Mongus, c'eft-adire , lé begue , homme habile, mais perfide & fanguinaire, qui changeoit de foi felon fes intéréts. II avoit eu part au maffacre de Protérius & k tous les crimes d'Elure. Anthémius, Préfet d'Egypte, recut ordre de l'Empereur de bannir cet indigne Prélat: ce qu'il exécuta par le miniftere des Moines, qui le chafferent du palais épifcopal trente-lix jours depuis qu'il s'en étoit emparé. Solofaciole fut rétabli; mais Mongus demeura caché dans Alexandrie , oü dans la fuite il excita de nouveaux troubles. Zénon paroiffoit animé d'un fi grand zele pour les intéréts de 1'Eglife, que, dans une lsttre k Solofaciole, il lui reprochoit trop d'indulgence a 1'égard des hérétiques. Genféric étoit mort dès le vingtcinquieme de Janvier de cette année, après un regne de cinquante ans. Ce fut le plus grand Prince de fon fiecle. Invincible dans toutes les batailles, oü il fe trouva en perfonne, créateur d'une marine redoutable , maïtre de Carthage & vainqueur de Rome, auffi ferme a.maintenir le bon I  du Bas-Empire. Liv. XXXPI. 119 ordre dans fes Etats, qu'habile k troubler ceux de fes ennemis; après s'être établi par la guerre, il laifla fon Royaume puiffamment afFermi par la paix, & mourut dans tout 1'éclat de fa gloire au milieu d'une familie nombreufe. Sa mémoire feroit en honneur entre les plus fameux conquérants, s'il n'eüt répandu le fang des Catholiques, qu'il perfécuta avec fureur plutöt par un faux principe de politique, que par zele de Religion. Avant fa mort, il régla 1'ordre de fucceffion des Rois Vandales, de la maniere qu'il crut la plus propre a maintenir 1'autorité Royale , & a épargner a fes fujets les guerres civiles & les défordres ou la foibleffe des minorités : il ordonna que la couronne pafferoit toujours a celui de fes defcendants en ligne mafcutine, qui fe trouveroit le plus agé. Cette loi, qu'il fit inférer dans fon teftament comme une loi fondamentale, devint funefte a fa familie. Le Prince régnant, qui defiroit de lailTer la couronne k fes fils, faifoit pénr les autres Princes de fa.maifon qui fe trouvoient plus avancés en age, Himéric, ZÉNON. Ann. 4771, Male. f. 95-  ZÉNON. Ann. 477 I20 HlSTOIRE fils & fiicceffeur de Genféric, ufa le premier de cette barbare politique. Son frere Théodoric fut mis a mort fous de faux prétextes, avec fa femme , fes enfants & tous ceux qui leur étoient attachés. Hunéric ne tenoit de fon pere que la naiiTance; il n'avoit aucune de fes grandes qualités•: avide & impitoyable, il accabla fes fujets d'impöts; lache & voluptueux , il laifla éteindre dans le cceur des Vandales cette ardeur guerriere, qui les avoit rendus la terreur des Romains. II cefla d'entretenir ces armées & ces flottes que Genféric tenoit toujours prêtes, pour prévenir par fa diligence les entreprifes de fes ennemis. Les Maures révoltés fe faifirent du mont Aurafe en Numidie, a treize journées de Carthage, & s'y maintinrent en liberté tant que les Vandales demeurerent en Afrique. Hunéric ne fit la guerre qu'aux Catholiques, qu'il traita d'abord avec douceur, & qu'il perfécuta enfuite plus cruellement que n'avoit fait Genféric. Méprifé des étrangers, détefté de fes fujets, il mourüt après un regne d'enyiron huif ans, & laiffa fon Royaume  du Bas-Empire. Liv. XXXVI. 121 Royaume tellement affoibli, qu'il ne continua de fe foutenir que par la lacheté & la foiblefTe de Zénon & d'Anaftafe. Les troubles de 1'Orient avoient été utiles a Odoacre, pour affermir fa nouvelle puhTance. Lorfqu'il les vit terminés par le retour de Zénon , il craignit que ce Prince ne vint lui difputer fa conquête ; & pour 1'endormir par une vaine apparence de foumiflion, ce barbare, plus habile que tous les Romains, & qui efti,moit le pouvoir réel beaucoup plus que les titres, fe conduifit avec 1'adreffe d'un politique confommé. 11 ne doutoit pas qu'il ne fut odieux & a Zénon & au Sénat de Rome. II fe fervit du Sénat même pour arauier Zénon par de belles paroles, & d'Auguftule, pour y engager le Sénat. Le jeune Prince, qui, fans doute, n'ofoit rien refufer a fon vainqueur, conjura les Sénateurs d'envoyer une . députation a Conftantinople en faveur d'Odoacre, & par cette démarche il fembloit faire connoïtre qu'il étoit content de fon fort, & que fa renonciation a 1'Empire étoit volon- Tome VUL F ZÉNON. Ann. 478. X. Députation d'Odoacre & de Népos a Zénon. Male. p. 84. 93 > 94- Anon, Valef. Candid. p* 19. Mare. chr, Cajfiod. chr. Phot. p.  Zénon. Ann. 478. 122 HlSTOIRE taire. Les Députés furent chargés de remettre entre les mains de Zénon les ornements Impériaux, & de lui dire , que Rome n'avoit pas befoin d'un Empereur particulier; que Zénon fuffifoit feul pour foutenir ce nom augufie dans les deux Empires; que le Sénat avoit choifii Odoacre pour défendre tOccident par fa prudence & par fa valeur; qu'il prioit l'Empereur de confcrer d ce Général la dignité de Patrice , & de fe repofer fur lui du Gouvernement de l'Italie. Dans le même temps que ces envoyés arriverent a Conftantinople, Zénon recut d'autres députés de Népos , qui venoient le féliciter de fes heureux fuccès, & le fupplier d'aider «leur maitre a rentrer dans fes Etats. lts lui repréfentoient que la caufe de Népos étoit celle de tous les Souverains ; que Zénon devoit avoir appris par fa propre expérience d terraffer les ufurpateurs. Ils deittandoient de 1'argent & des troupes pour réuffir dans une fi jufte & fi noble entreprife. Ehtre deux députations fi contraires , Zénon inclinoit du cöté de Népos. La conformité de fortune & lesfolJkitations de Vérine, dont Népos a-  mj Bas-JEmpire. Liv. XXXVI. 125 voit époufé la niece , faifoient fur lui toute 1'impreffion qu'il étoit capable de reffentir. II répondit donc aux Députés d'Odoacre, que les Empereurs d'Orient n avoient pas d fe louer des habitants de Rome & de Ültalie : que de deux Princes que Conftantinople leur avoit envoyés , ils avoient fait périrAnthémius, & chaffé Népos: que leur Souverain légitimevivant encore, ils n'avoient dtautre parti d prendre que de le rappeller & de lui obéir: que fi la dignité de Patrice fattoit Odoacre, ildevoit la demander d Népos, qui étoit le maïtre cTen difpofer, & qui ne lui refuferoit pas cet honneur, s'il fe mettoit en devoir de le mériter : que pour lui il favoit bon gré d Odoacre d'avoir pris Vhabillement Romain: que puifqu'il deJiroit le nom de Patrice. il ne lui reftoit plus qu'a en montrer les fentiments, en remettant fon Souverain en pojfejjion de fes Etats. Ce qui s'accordoit mal avec cette réponle fage & meiurée, c'eft que dans la lettre que Zénon écrivoit a Odoacre, il lui donnoit le titre de Patrice qu'il lui refufoit de vive voix, tant ce Prince étoit bifarre & inconlequent. II répondit F ij ZÉNON. Ann, 47S,  ZÉNON. Ann. 478 XI. Mouvetnents de Théodoric leLou. che. Evag. I. 3. e. 25. Theoph. p. 108. XII. Mort I24 HïSTOIRB favórablement aux Députés de Népos, & leur fit de belles promeffes qu'il n'exécuta pas. Népos vécut encore deux ans en Dalmatie, & fut tué en 480 prés de Salone, par deux de fes Officiers , Viator & Ovida. On foupconna Glycérius, qu'il avoit fait Evêque de Salone, après 1'avoir dépouillé de 1'Empire, de s'être ven. gé par cette trahifon. Ovida, qui s'étoit voulu rendre maïtre de la Dalmatie , fut défait & tué par Odoacre 1'année fuivante. Tous les fujets de 1'Empire recon, noiflbient Zénon. Mais Théodoric le Louche qui s'étoit déclaré en faveur de Bafilifque, n'étoit pas de caractere a pofer les armes, fans faire acheter la paix. Après avoir ravagé toutes les campagnes de Thrace jufqu'& 1'entrée du Pont-Euxin dans le Bofphore, il s'approcha de Conftantinople. II fongeoit a raflïéger, lofqu'il découvrit un complot formé par fes principaux Officiers pour le livrer a l'Empereur. ÉfFrayé de ce péril, il s'éloigna de la ville, & fe retira dans les montagnes de la Thrace. Zénon envoya pour le pourfuivre  au Bas-Empire. Liv. XXXVI. 125 quelques troupes commandées par Héraclius, qui, dans la guerre contre Genféric, avoit eu en Afrique des fuccès rapides, que Bafilifque avoit mal fecondés. II étoit brave, mais téméraire, faifant confifter la valeur. dans une audace précipitée. II fut enveloppé & pris dans une embufcade. L'Empereur ne voulant pas perdre un Général li courageux, fit propofer une rancon k Théodoric, qui demanda cent talents , ce qui faifoit lix cents cinquante-lix mille livres de notre monnoie courante. Zénon, qui n'étoit pas affez généreux pour payer cette fomme, la fit fournir par les parents d'Héraclius. Celui-ci étant mis en liberté, marchoit vers Arcadiopolis, lorfqu'il fut attaqué par une troupe de Goths, dont 1'un lui déchargea un grand coup d'épée fur 1'épaule. Un foldat de Pefcorte arrêtant le meurtrier : Ne fais-tu pas , lui dit-il, quel efl celui que tu frappes. Je le fais, repartit 1'autre, & il ne nous échappera pas. En même-temps fes camarades fe jettent fur Héraclius, lui coupent la tête & les mains, en difant : Voila ce qu'il a mérité. C'éF iij ZÉNON. Ann. 47 S. d'Héraclius. Male. p. 87. 88. Suid. voet H'pst-  ZÉNON. Arm. 478. XIII. [iZénon a re cours a Théodoric 1'Ama1c.Male. p. 79» 8?> S9 , 96, 97- Jorn. de reb. Get. t. 57- 125 HlSTOIRE toit Ia vengeance cruelle d'une auffi cruelle févérité exercée par ce Général fur quelques foldats Goths qu'il avoit dans fes troupes, & que pour une faute légere il avoit fait j etter dans une foffe, & accabler de pierres par toute 1'armée. On s'attendoit bien que Théodoric le Louche , ayant diflipé les troupes qu'on avoit envoyées a fa pourfuite, ne fe tiendroit pas long-temps éloigné de Conftantinople. Zénon réfolut de lui oppofer Théodoric 1'Amale. Ce jeune Prince, qui étoit demeuré fidele a Zénon pendant la révolte de Bafdifque, gouvernoit trönquillement fes fujets, & paroiffoit fincérement attaché au fervice de 1'Empire. Aufïï l'Empereur 1'avoit-il comblé d'honneurs; il lui avoit donné le rang de Patrice, & la charge de Général des troupes du palais; il 1'avoit même adopté pour fon fils d'armes. Cette forte d'adoption, dont on commence alors a voir des exemples dans 1'hiftoire, & qui s'eft confervée dans notre ancienne chevalerie, étoit fans tloute un ufage introduit par les Goths & par les nations Germaniques. Le  dv Bas-Empire. Liv. XXXVI. 127 pere d'armes donnoit ou envoyoit a celui qu'il adoptoit, des chevaux & une armure complete, Le fils adojpté n'acquéroit pas le droit de fucceffion; mais 1'un & 1'autre contraaoient un étroit engagement de s'entr'aider dans les guerres qu'ils auroient a foutenir. Malgré ces démonftrations d'amitié, Zénon craignoit prefque autant fon allié que fon ennemi. II n'ofoit compter fur une fidélité conftante de la part du Prince qu'il avoit adopté. II fentoit que le voifinage des Goths, depuis leur établiffement ende^a du Danube, étoit une fource perpétuelle d'allarmes; il con?ut donc le projet de fe délivrer de cette nation turbulente, fans qu'il en coutit rien a 1'Empire, & de détruire les deux Théodorics 1'un par 1'autre. C'eüt été en effet un grand coup de politique , fi Zénon eüt été capable d'y réuffir. Dans ce deffein, i fomma Théodoric 1'Amale de fe joindre aux Romains pour combattre 1'an tre Théodoric. L'Amale, par une bra vade de jeune guerrier, répondit d'a bord que fes forces fuffifoient feule: pour défaire cet ennemi; mais aprè F iv ZÉNON. Anm 478. i  ZÉr-'ON. Ann. 47S XTV. Ti ahifo: Ae Zénor I2o HlSTOIRE y avoir plus mürement réfléchi, il deinanda du fecours. Zénon affecta aulïi-töt de faire les plus grands préparatifs. II fit venir les troupes cantonnées fur les Lx)rds du Pont-Euxin, tant en-decè qu'au-dela du Bofphore. On affembla des charriots & des voitures de toute efpece; on acheta du bied, des bceufs & toutes les provifions néceffaires pour une importante expédition. Marcien fut nommé Général. Claude, Commandant des troupes étrangeres & des Goths qui fervoient a la folde de 1'Empire , eut ordre de venir joindre 1'armée. Tout étant prêt pour le départ, ' l'Empereur envoya dire a Théodoric 1'Amale qu'il étoit temps de marcher a 1'ennemi , & de remplir les obligations que lui impofoient les qualités de Patrice, de Général, de fils de l'Empereur. Théodoric, qui connoiffoit la foibleffe & 1'inconftance de Zénon , répondit que rien ne 1'arrêteroit, pourvu que Zénon lui promït avec ferment, que jamais il ne traiteroit avec Théodoric le Louche. Zénon jura qu'il ne s'écarteroit en rien des conventions, a moins que  su Bas-Empihh. Lh. XXXVI. 129 1'Amale ne les violat le premier. Sur 1 cette affurance , 1'Amale partit avec fes troupes qui étoient campées auprès de Marcianople. On lui avoit donné parole qu'a 1'entrée du mont Hsemus, il trouveroit Marcien avec dix mille hommes de pied Sc deux mille chevaux; que prés d'Andrinople, il feroit encore joint par un corps de vingt mille fantaffins & de fix mille chevaux, Sc que s'il en defiroit dayantage , on en tireroit autant qu'il en voudroit des garnifons d'Héraclée & des autres places. Toutes ces promeffes furent fans effet. Théodoric 1'Amale ne trouva pas un foldat au pied du mont Haemus, ni auprès d'Andrinople. Les guides qu'on lui avoit donnés , au-lieu de le conduire par les chemins les plus fürs Sc les plus commodes , engagerent fon armée dans des routes étroites, efcarpées, bordées de précipices, jufqu'a ce qu'il fut arrivé au pied du mont Sondis. Cette montagne, qui faifoit partie du mont Rhodope, étoit fi roide, qu'il étoit impoflible de la franchir en préfence d'un ennemi. Théodoric le Lou cjie y étoit campé, Sc 1'Amale fui ZÉNON. Lnn. 47S,  Zénon. Ann. 47S. XV. les deux Théodorics feréufüSCent, 130 BlSTÖIRE obligé de fe loger dans le vallon; Ces deux guerriers, renfermés entre ces montagnes, ne pouvoient faire aucun mouvement fans combattre, C étoient des efcarmouches continuelles pour s'enlever mutuellement leurs chevaux, leurs troupeaux, leurfourrage. Souvent Théodoric le Louche voltigeant autour du camp ennemi r infultoit 1'Amale, 1'appellant un par/ure, un trattre, un enfant imbécille r qui ne voyoit pas que le deffein de t'Empereur étoit de les armer 1'un contre Üautre pour Us detruire tous deux, & qu'il Atoit indifférent aux Romains lequel des deux vainquit l'autre, paree que le vainqueur affoibli ne pourroit éviter de périr £ fon tour. Ne devoient-ils pas fe joindre d vous ? ajouta-t-il : lis ne vous ont envoyé que des prornejfes trompeu* fes; ils ne vous ont laijjé que la honte d'avoir trahi votre nation. Ces paroles faifoient une vive impreffion fur les fbldats de 1'Amale; ils conrent è fa tente ; ils s'écrient r Que ces reproches font juf es ; que c'ejl une folie de s'armer contre leurs parents pour fervir des nlliés perfides. Le Louche, profitant de cette première émotion, monte h  hv Bas-Empire. Liv. XXXVI. 131 lendemainfur une éminence qui commandoit le camp de 1'Amale, &c de-la élevant fa voix : » Fils indigne du » brave Théodémir, dit-il, pourquoi » traïnes-tu a la mort tes compatrio» tes ? Combien as-tu déja perdu de » foldats ? Et ceux qui te reftent, at » quel état les as-tu réduits? Ils font » partis chacun avec deux ou trois » chevaux; je les vois maintenant k » pied, fe traïnant a ta fuite com» me des efclaves au travers des ro» chers 6c des précipices. Vous êtes » cependant, foldats, des hommes » libres; vous êtes tous d'une race >> auffi noble que la fienne. Vous vi» viez dans 1'opulence avant cett< » guerre malheureufe, &c vous pé >> riffez maintenant de faim & de mi « fere ". Frappé de ces difcours, tou le camp gémit & fe fouleve contr 1'Amale : fes foldats demandent ei tumulte qu'il fafle la paix avec leur compatriotes; s'il le refufe, ils me nacent de 1'abandonner. L'Amale, ir rité lui-même de la perfidie des Ro mains, envoye propofer une entre vue k Théodoric le Louche. Les deu chefs conferent enfemble fur les bord F vj ZÉNOW. Ann. 47SI t 1 S t s  ZÉNON. Ann. 478. XVI. Députation des deux Théodorics a Zénon. 134 IllSTOIRB d'une riviere qui les féparoit, & conviennent de vivre en paix. Après avoir confirmé cette réconciliation par leur ferment, ils envoyerent tous deux des députés a Conftantinople. L'Amale reprochoit a Zénon de lui avoir manqué de parole, & de Pavoir réduit a la néceflïté de traiter avec 1'ennemi; il demandoit qu'on fournït des vivres a fes troupes jufqu'au temps de la récolte, qu'autrement elles ne pourroient fubfifter que de pillage. L'autre Théodoric rappelloit le traité conclu avec Léon : il en demandoit 1'exécution, & les arrérages des deux mille livres d'or qu'on étoit convenu de lui payer tous les ans. On ne dit pas ce qui fut répondu aux députés de Théodoric le Louche; Zénon répondit a ceux de 1'Amale, en rejettant fur leur maïtre le reproche d'infidélité, que les Généraux Romains étoient en marche pour le joindre, lorfqu'ils avoient appris qu'il trahiflbit 1'Empire, & qu'il fe réuniffoit avec 1'ennemi. S'il vouloit abandonner fon nouvel allié, on lui promettoit fur le champ mille livres d'or, dix mille livres d'argent,  'z>«7 BjS'Empire. Liv. XXXVI. 133 & une penfion annuelle de dix mille pieces d'or, qui font prés de cent quarante mille francs de notre monnoie; on lui offroit en mariage Julienne , rille d'Olybre , qui avoit été Empereur d'Occident, ou telle autre Romaine qu'il voudroit choifir dans les maifons les plus illuftres. D'ailleurs , Zénon traita avec affez de mépris les députés de 1'Amale , quoique ce fuffent des Officiers d'un rang diftingué. II lui renvoya, de fon cöté, Philoxene & Julien, pour 1'engager a rompre avec 1'autre Théodoric. Leurs efforts furent inutiles. L'Amale perfifta dans la foi qu'il avoit jurée, & cette nouvelle répandit 1'allarme dans Conftantinople. L'un des deux Théodorics avoit été jufqu'alors un ennemi redoutable ; comment pourroit-on réfifter k leurs forces réunies? ©ans ce découragement général, Zénon publia qu'il alloit marcher lui-même k la tête de fes troupes, & partager avec elles tous les périls de la guerre. II n'en fallut pas davantage pour relever les courages abattus, Chaque foldat brüloit d'ar- Zenon. kan. 47$, XVIt. Lacheté deZénonc  ZÉNONr Ann, 478 HISTÖIÉ.È deur de le fignaler fous les yeux de fon Souverain. Ceux qui auparavant achetoient de leurs avares Généraux la difpenfe du fervice militaire, s'emprelToient alors de s'enröler. Déja les partis des deux Théodorics étendoient leurs pillages jufqu'a la Propontide: un detachement de 1'armée Romaine furprit & fit prifonniers les coureurs de Théodoric le Loudhe. Une cohorte de Théodoric 1'Amale s'étant avancée jufqu'a la longue muraille qui fermoit la Cherfonefe, fut taillée en pieces. Mais la fuite rie répondit pas a ces heureux commeneements. Zénon fe replongea bientöt dans fa molleffe naturelle, & renonca au deffein de fe mettre en campagne. Peu s'en fallut que cette lacheté ne lui coütat la couronne & la vie ; les foldats indignés s'attroupoient : tout le camp qui étoit aux portes de Conftantinople, retentifToit de murmures. Pourquoi, difoient-ils , auffi Idches que nom Empereur, fouffrons-nous tavilijjïment du nom Romain? Pourquoi, ayant les armes d la Pnain , laijjbns-nous tomber & expirer dans Fignominü les forces de 1'Etat ?  su Bas-Empire. Liv. XXXVI. 135 La révolte alloit éclater, & le feroit fans doute communiquée au peuple de la ville, fi Zénon, par 1'avis de Marcien , ne fe füt haté de congédier 1'armée , fous prétexte que la paix étoit faite. C'étoit en effet Punique refTource qui reftat a Zénon. Comme il avoit 1 trouvé 1'Amale inflexible, il s'adref- , fa a Théodoric le Louche, qui, fans ' s'embarrafTer de fon allié , fit en cette occafion la loi a l'Empereur. La paix fut conclue avec lui , a condition qu'on lui entretiendroit une armée de treize mille hommes, tels qu'il les voudroit choifir ; qu'il auroit le commandement de deux compagnies de la garde Impériale , & une des deux charges de Général des troupes du palais; qu'on lui rendroit tous les tltres & toutes les dignités qu'il avoit recues de Bafilifque ; que les enfants d'Afpar, s'il en reftoit, rentreroient en poffeflion de leurs biens, & pourroient habiter en füreté dans la ville qu'il plairoit k Zénon de leur aflïgner pour demeure. En conféquence de ce traité, Zénon dépouilla 1'Amale de la charge de Général, pour ZÉNON. LBO. 47 Si xviri. 'aix avec fhéodoicleLou*:he. Malt. ^„  Zénon. Ann. 478 XIX. Ravage <1< 1'Amale, Ann. 47; XX. Révoli I36 HlSTOIRB en revêtir Théodoric le Louche , au» qucl il envoya auffi de 1'argent pour le diftribuer k fes foldats. Cet accommodement piqua Théodoric 1'Amale d'une furieufe jaloufie. II étoit encore indigné qu'un allié, dont on n'avoit pu le détacher par les offres les plus avantageufes, eüt traité féparément avec Zénon. II réfolut de faire fentir k l'Empereur, que la paix qu'il venoit de faire, ne pouvoit lui procurer aucun repos. II vint donc a la tête de fes troupes dans les plaines voifines du mont Rhodope , la plus belle &C la plus fertile contrée de la Thrace, pillant, maffacrant, détruifant par le fer & par le feu ce qu'il ne pouvoit emporter. L'autre Théodoric apprenant ces ravages, loin de courir au fecours de fes nouveaux alliés, fe réjouiffoit de leurs défaftres, difant qu'il falloit laffer faire tami & le fils de l'Empereur ; que la feule chofe qui taffhgeoit étoit de voir périr de pauvres laboureurs , tandis que Zénon & Vérine dormoient , tranquilltment. Le mépris que Zénon s'attiroit par " fa lacheté, lui fufcita aucommence-  nu Bas-Empire. Liv. XXXVI. 137 ment de 1'année fuivante un nouveau rival dans la perfonne de Marcien. Ce Général étoit fils d'Anthémius qui avoit régné en Occident. Sa mere Euphémie étoit fille de l'Empereur Marcien , dont il portoit le nom. II avoit épouféLéoncie, feconde fille de Léon, & ce mariage fondoit les prétentions qu'il avoit k 1'Empire. Léoncie étant née lorfque Léon étoit déja fur le tröne, Marcien, quoique naturellement doux & tranquille, fe laiiTa perfuader que la couronne lui appartenoit a meilleur droit qu'a Zénon, qui n'y étoit parvenu que par fon mariage avec Ariadne, née avant que Léon fut Empereur : prétention auffi ancienne que frivole, & renouvellée toutes les fois que 1'ambition de régner n'a eu befoin que d'un prétexte. Ses freres Procope & Romule entrerent dans le complot, qui fut conduitavecbeaucoup de fecret.Marcien étoit aimé des gens de guerre : il en gagna un grand nombre. Ce qui reftoit de partifans de Bafilifque fe joignit k lui; & au jour marqué, les conjurés s'étant rendus en armes dans vine place de Conftantinople, il fe ZÉNON. Ann. 479, de Marcien. Evag. I. 3. c. 26. Theod. L. I. t. Male. p. 86, 87. Cand. p. 19, 10. Theoph. pi 109. Proc. Are. c. 12. Suid. voet UcipTpéTlOf. j #  ZÉNON. Ann. 479. % 138 H I S T 0 1 R E mit k leur tête & marcha vers le palais. Au premier bruit de cette émeute, Illus, maitre des Offices, affembla promptement toutes les troupes de la garde , & vint a la rencontre des révoltés. II y eut un combat dans lequel Illus futrepouffé avec un grand carnage, & obligé de fe renfermer dans le palais. Marcien 1'y affiégea; & s'ii eüt profité de 1'ardeur de fes foldats, il étoit maitre du palais & de 1'Empire : Illus étoit prêt k fe rendre, & il ne fut retenu que par un Philofophe Payen nommé Pamprépius, qu'il écoutoit comme un grand Prophete , &c qui 1'afTura que le Ciel fe déclaroit pour Zénon. La nuit étant furvenue , Marcien qui fe croyoit déja Empereur, remit 1'attaque au lendemain ; & pendant qu'il paffoit le temps k boire & a dormir,. Illus lui débaucha, par argent , une grande partie de fes foldats. Ses deux freres, auffi imprudents que lui, furent pris cette nuit même dans les thermes de Zeuxippe oü ils fe baignoient. Le lendemain Illus étant forti battit k fon tour Marcien, qui fe voyant abandonné, s'enfuit dans 1'Eglife des  dv Bas-Empirb. Liv. XXXVI. 139 Apötres. Zénon, qui affectoit encore un caraftere de clémence, le fit ordonner Prêtre par le Patriarche, &£ 1'envoya fous bonne garde a Céfarée en Cappadoce. Peu de temps après, Marcien s'étant évadé & excitant de nouveaux troubles en Galatie, ful pris dans un monaftere ou il s'étoil caché, conduit a Tarfe , & enferms avec ia femme Léontie dans le chateau de Papyre en Ifaurie , oii il fy nit fes jours. Procope & Romule s'é' chapperent des mains d'Illus, & f< réfugierent auprès de Théodoric 1< Louche. Après la mort de ce Prince, ils fe retirerent a Rome. On n< fait duquel des trois freres étoit f31Zénon qui vivoit du temps de Juf tinien, & qui mourut fans enfants pei de temps après avoir été nommé Pré fet d'Egypte. Ce fut en fa perfonm que s'éteignit la poftérité de 1'Em pereur Marcien , & celle d'Anthé mius. Théodoric le Louche n'avoit fai la paix , qu'en attendant une occa fion favorable de recommencer 1 guerre. Dès qu'il apprit la révolte d Marcien , il affembla des troupes ZÉNON. Ann. 479» i t XXI. . Théodo.' ricleLou. che mar2 che vers Conftan' tinople.  Zénon. Ann. 479 Male. p 86. Mare. chr I40 HlS T 0 I R E ! comme pourvenir au fecours de l'Empereur. II croyoit trouver Conftantinople divifée au-dedans par la guerre civile, & fans défenfe contre les ennemis du dehors. II fe flattoit même d'être recu a bras ouverts par le peuple qui déteftoit les Ifaures dont Zénon avoit rempli la ville. L'Empereur, qui pénétroit fes intentions , allarmé de ce. nouveau péril, lui dépêcha un courier pour le remercier defabonne volonté, & pour lui dire que la révolte étant étouffée, il n'avoit plus befoin de fon fecours, & que dans Pagitation oii les efprits étoient encore, la vue d'une armée étrangere ne feroit capable que d'exciter de nouveaux troubles. Théodoric répondit que fes troupes étoient trop fatiguées pour retourner fur leurs pas, fans avoir pris quelques jours de repos; & il continua fa marche jufqu'au promontoire d'Anaple fur le Bofphore, a quatre milles de Conftantinople. Zénon , dont la frayeur croiffoit a mefure qu'il voyoit approcher cet allié formidable, forca fon avarice pour fatisfaire celle de Théodoric & des Goths. II fit partir  nu Bas-Empire. Liv. XXXPI. "141 Pélage le Silentiaire , Officier fidele &c intelligent, qui, k force d'argent & de promefles, vint a bout d'engager les Goths k s'en retourner, & délivra la ville dün grand danger. L'entrée de Théodoric y auroit infailliblement allumé une guerre fan'glante. Les Ifaures étoient bien réfolus de difputer opiniatrément le terrein ; ils avoient même déja préparé de longues perches garnies d'étoupes fouffrées, & d'autres matieres inflammables , a defTein de mettre le 'feu aux édifices', s'ils étoient forcés d'abandonner la ville. Les Goths tenoient Zénon dans de perpétuelles inquiétudes. Les deux Théodorics, 1'un allié perfide, Pautre ennemi déclaré , étoient pareillement k craindre. S'ils euflent agi de concert, c'en étoit fait de 1'Empire; mais par une forte de fatalité, ils fe fervoient mutuellement decontre-poids; & balancant leurs forces , attachés tour-a-tour & oppofés a Zénon, ils fe jouoient également de la foibleffe de ce Prince. Pendant que Théodoric le Louche, chargé des préfentsde l'Empereur, fe retiroit dans fes Etats, ZÉNON. Ann. 479. XXII. Guerre Théodoric 1'Ama» le. Male. p, 78, 79» 80.  Zénon. Ann. 479 XXIIÏ. Négocia tion de Zénon 5 de Théo doric 1'A male. I42 'ff I S T 0 1 R E Théodoric 1'Amale ravageoit la Macédoine. II pilla Stobes, une des principales villes de cette Province, &c fit pafTer la garnifon au fil de 1'épée. Comme il approchoit de Theffalonique, les habitants qui ne recevoient aucun fecours de l'Empereur, s'imaginant que Zénon lui-même les trahiffoit, fe fouleverent, abattirent fes ftatues , coururent a la maifon du Gouverneur pour y mettre le feu, & 1'auroient brülé ou maflacré, fi les Eccléfiaftiques & les Magiftrats ne Peuffent fauvé des mains de ces furieux, en le faifant fortir de la ville, bleffé de plufieurs coups. On eut beaucoup de peine è calmer cette fougue populaire; les habitants fe déterminerent enfin a fe mettre en défenfe ; ils confierent les clefs de Theffalonique a leur Evêque , &c fe donnerent un chef. Zénon, informé de cette émeute, prit le parti de traiter avec 1'Amale. II lui députa Artémidore & Phocas, qui avoit en même-temps le titre de Général, & celui de fecretaire du Prince. Ces envoyés rappellerent a Théodoric les bienfaits de Zénon; ils lm  nu Bas-Emmle. Liv. XXXVI. 143 reprocherent fon ingratitude a 1'égard de ce Prince, qu'ils tacherent de juftifier; ils l'exhorterent a fufpendre les hoftilités, & k députer k la Cour, lui faifant efpérer qu'ilobtiendroit toute juftice. Théodoric fe laiffa perfuader; il envoya avec eux des Députés, & défendit a fes troupes d'employer le fer ni le feu ; mais comme il ne pouvoit fubfifter qu'aux dépens des campagnes, il en exigea des contributions. S'étant éloigné de ThefTalonique, il alla camper aux portes d'Héraclée , furnommée Sintique, prés du fleuve Strymon. L'Evêque racheta la contrée du pillage, eru'obligeant a nourrir 1'armée de Théodoric. Les envoyés, de retour k Conftantinople , firent fentir k Zénon qu'il n'avoit point de temps a perdre, &c que Théodoric ne pourroit long-temps contenir des barbares avides de butin. Sur cet avis, l'Empereur fit partir le Patrice Adamance, qui avoit été Préfet de Conftantinople ; & pour lui donner encore plus de confidération , Zénon le revêtit des honneurs du Confulat, mais fans lui conférer cette charge, II lui donna or- ZÉNON. \nn, 479,  'ZÉNON. Ann. 479, XXIV. Rufe d< Sidimont pour ren> pire. Retirez-vous en Dardanie; »> vous y trouverez des contrées fer» tiles, qui n'attendent que la cul» ture. L'Empereur eft prêt de vous » les abandonner ; la terre vous y » prodiguera des tréfors qui ne vous  " du Bas-Empirb. Liv. XXXVI. 153 » coüteront point de Tang ". Théodoric répondit, qu'il acceptoit ces offres; mais que fon armée qui commenqoit d fe remettre defesfaügues , ne pourrok confentir d entreprendre fur le champ un fi long voyage; qu'il falloit la laffer pafer thyver en Epire, oü il promettoit de demeurer en repos, fans faire ni ravage, ni nouvelle entreprife ; qu'au commencement du printemps, il prendroit la route de la Dardanie avec les Commiffaires que l'Empereur lui enverroil pour ten mettre en pojfejfion. II ajouta, que fi c'étoit la volonté de l'Empereur, il dépoferoit duns ttlle ville que Zénon voudroit indiquer , tous les bagages & tous les Goths hors d'état de combattre, & qu'il donneroit en ótage fa mere & fa fceur pour répondre de fes promejfes, Ce qu'il promettoit étoit d'entrer er Thrace avec fix mille de fes meilleuri foldats, 6c de fe joindre a 1'armée d< 1'Empire pour exterminer ce qu'il ] avoit de Goths dans cette Province En récompenfe de ce fervice, il de mandoit qu'on lui rendit la charge d Général dont on Tavoit dépouill pour en revêtir Théodoric le Loi che, 8c qu'il lui. fut permis de v« G v ZÉNON. 1V1111. 479. é  Zixox. Aan. 479. XXVIII. Sabinien défait I'arriere- ] garde de 1 Théodotic. Male. p. '1 84. 8j, ; 86. Mare. chr. ' i i } e s c g ï.54 HlSTOIRB nir a la Cour, & d'y vivre a la Romaine. II offroit encore d'entrer en Dalmatie, fi l'Empereur le jugeoit a propos, & d'en chalTer Népos qui prétendoit y exercer les droits de la ïbuveraineté. Adamance lui répondit, qu il iï'étoit autorifé d rien conclure avec lui, tant que les Goths rejleroient enEpire; qu'il alloit informer t'Empereur de fes propofitions, & qu'il attendroit d Lychnide la réponfe du Prince. La conférence s'étant ainfi terminée, ils fe féparerent. Mais comme Théodoric avoit romJU la première négociation en s'em>arant de Dyrrachium , Sabinien renlit la fecondè inutile par la défaite Tune partie des Goths. Les troupes luxquelies il avoit donné rendez-vous 1 Lychnide étoient affemblées, lorf[u'on vint 1'avertir qu'un corps conidérable de Goths, fuivi de charriots i£ d equipages , traverfoit la Canda'ie prés de Lychnide. La Candavie ft cette chaine de montagnes qui 'étendent par le travers de la Macéoine, depuis Dyrrachium jufqu'au olfe de Therme fur la mer Egée. Ces !oths faifoient I'arriere - garde de  dv Bas-Empirê. Liv. XXXVI. 15$ _ Théodoric, commandée par fon fre- : re Theudimont. Ils étoient reftés bien j loin derrière , paree qu'étant chargés de bagage dans des chemins prefque impraticables, ils ne marchoient qu'a petites journées. Sabinien envoya fes gens de pied faire le tour de la montagne , après les avoir avertis du lieu ou ils devoient s'embufquer. II retint avec lui les cavaliers; &c partant 4 1'entrée de la nuit, il atteignit au point du jour les ennemis qui étoient en marche, & fondit fur eux. Theudimont, furpris de cette attaque imprévue, n'eut rien de plus preffé que de fauver fa mere dont il étoit accompagné ; & ayant mis entre les Romains & lui un foffé profond & large, il fit rompre le pont fur lequel il 1'avoit paffé. La plupart de fes foldats qui n'avoient pu paffer avec lui, fe voyant enfermés entre le foffé &C 1'ennemi, fe jetterent d'abord en défefpérés fur la cavalerie Romaine qui les ferroit de pres. Mais lorfqu'ils apper^urent 1'infanterie qui defcendoit de la montagne pour venir tomber fur eux, ils perdirent courage, & fe laifferent égerger fans réfiftance. G vj ZÉNON. inn. 479.  Zénon. Ann. 479. J 1 1 ] i i 156 II I S T 0 I 3. E Sabinien fe trouva maitre de deu& mille charriots, d'un grand butin , & de plus de cinq mille prifonniers* Après avoir brülé une partie des charriots , qu'il étoit difficile de conduire au travers de ces montagnes, il revint a Lychnide, oü il trouva Adamance de retour. II fit mettre aux fers les prifonniers les plus diftingués, & diftribua les autres aux foldats, ainfi que le butin. II avoit demandé aux villes du voifinage une certaine quantité de charriots pour 1'ufage de 1'armée : il les difpenfa de cette cóntribution. Adamance manda a l'Empereur ce qui s'étoit paffé dans la conférence; Sabinien, de fon cöté, lui rendit compte ie fa viöoire, & lui confeilla de ne joint faire de paix avec le barba■e , qu'il efpéroit chaffer du pays, ou ~aire périr avec fes troupes. Zénon üivit ce confeil, & envoya ordre a \damance de revenir a Conflantino>le, & de dire de fa part k Sabinien Jc a Genton , que tout accord étoit ompu avec Théodoric, & qu'ils eufént k lui faire la guerre fans aucun nénagement. Genton étoit un Goth brt puifTant en cette contrée, & dér  du Bas-Empire. Liv. XXXVI. 157 voué au fervice des Romains. Adamance donna de grands éloges aux foldats , & leur promit de la part de l'Empereur des récompenfes dignes de leur courage. II partit enfuite au milieu des acclamations de 1'armée. Sabinien, pendant cette année & la fuivante, continua la guerre contre Théodoric. Mais il avoit affaire a un guerrier infatigable, qui joignoit k Pa&ivité & k 1'audace de la jeuneffe la prudence & Thabileté de 1'age avancé. II ne put lui arracher fa proie en le chaffant de Dyrrachium; mais il Pempêcha d'étendre fès conquêtes , & mourut en 481 , avec la gloire d'avoir fauvé la Grece , & relevé 1'honneur de 1'Empire. La mort de Genféric avoit déüvré Zénon d'une grande inquiétude. Hunéric ne paroiffoit occupé qu'a vexer fes fujets, & a fe livrer k fes plailirs. Cependant comme Genféric s'étoit toujours réfervé des prétextes de guerre, pour les faire valoir dans 1'occafion , Zénon craignoit qu'il ne prit envie a fon fucceffeur de troubler le repos de 1'Empire. Genféric avoit toujours prétendu que Léon s'étoit ZÉNON. Ann. 470. Ann. 4S0. XXIX. Ambaffades reciproquesde Zénon & d'Hunéric. na. vu. 1. 3. Male. p. 95 . 96. iiarenius.  ZÉNON. Ann. 480. TUI. vit At Si. Eugen. en, ïo, 17. 158 HlSTOIRE emparé des biens de Placidie, qui devoient appartenir a Hunéric en- vertu de fon ■ mariage avec Eudoxie , fille de Placidie & de Valentinien. De plus, il n'avoit ceffé de demander des dédommagements pour des vaiffeaux de Carthage, faifis pendant la guerre. Pour ne laiffer fubfifter aucun fujet de rupture. Zénon envoya en 480 une ambaffade k Hunéric. II choifit pour cette commilTion Alexandre, In« tendant de Placidie, veuve d'Olybre & fceur d'Eudoxie, paree que cette Princeffe avoit confervé du crédit auprès du Roi des Vandales fon beaufrere. Alexandre trouva Hunéric difpofé k entretenir la paix, & revint a Conftantinople avec des AmbafTadeurs de ce Prince, chargés d'aflurer l'Empereur qu'Hunéric vouloit contracter avec lui une amitié inviolable ; qu'il renonqoit pour toujours a toutes les préttntions de fon pere ; qu'il rejfentoii vivement le traitement honorable que l'Empereur faijoit d fa belle-foeur , & qu'il ne perdroit aucune occajion cTen marquer fa reconnoiffance. Zénon renvoya ces AmbaiTadeurs chargés de préfents; & pour récompenfer Alexandre d'une  nu Bas-Empire. Liv. XXXFI. 15:9 fi heureufe négociation, il le fit Intendant de fon domaine. Alexandre avoit obtenu d'Hunéric, qu'il permettroit d'élire un Evêque a Carthage, dont le fiege étoit vacant depuis 24 ans. Mais cette confolation accordée aux Catholiques ne fut pas de longue durée. Ils virent bientöt chaffer leurs Evêques, &c ils efliiyerent une perfécution plus cruelle que celle de Genféric. Ce fut en vain que pour adoucir la barbarie d'Hunéric, Zénon , a la priere du Pape Félix, lui députa Vrane en 484. Non-feulement Vrane rié put rien obtenir, mais même Hunéric fit border d'échafauds, de cheyalets & de bourreaux les rues par oü le député Romain devoit fe rendre au palais , afin qu'il fut témoin lui-même des horribles fupplices de ceux pour lefquels il venoit demander grace. Ces cruautés ne fe terminerent qu'a la mort de ce méchant Prince, qui, cette année même, expi ra , rongé de vers. On peut, felon quelques Auteurs, rapporter a Pan 480 un grand tremblement de terre, que d'autres hif- , ■toriens placent plutöt ou plus tard. . ZÉNON. A.nn. 4S0. XXX. rrerabirnents de errs. Mare. chr.  ZÉNON. Ann. 480. Theoph. p. 108. Cedren. p. 352. 353. Chr. Alex. in ann. 487- Maleia, p. 35- Ann. 481 XXXI. Nouveaux fu jets de brouillerie avec ThéodoricleLotche. Male. p, 87. 88, 94. 95- IÖO HlSTOIRE II arriva le 24 ou 25 deSeptembre, II ne s'étendit pas beaucoup dans la ville de Conftantinople ; mais il fut violent, & dura quarante jours k diverfes reprifes. Deux portiques, quelques Eglifes & grand nombre de maifons écraferent fous leurs ruines beaucoup d'habitants. La ftatue du grand Théodofe, pofée fur une colonne dans la place de Taurus, fut abatue; un pan des murailles de la ville s'écroula. Ce tremblement infecta 1'air d'une odeur qui fe fit fentir durant plufieurs jours. Nicomédie &c Hélénopolis en Bithynie , ayant éprouvé le même malheur, Zénon fit de grandes largeffes , pour réparer le dommage que ces deux villes ayoient fouffert. L'Empereur ne pouvoit être tran1 quille, tant qu'il voyoit en Thrace Théodoric le Louche, toujours ennemi dans le cceur, toujours prêt k ' profiter des défordres de 1'Empire. Procope & Romule, freres de Marcien , qui s'étoient réfugiés auprès de . ce Prince, donnoient de 1'inquiétude k Zénon. II les fit demander a Théodoric , qui répondit, qu'// ne  nu Bas-Empire. Liv. XXXVI. 161 defiroit rien tant que de fatisfaire tEmpereur ; mais que les Goths, ainji que toutes les nations du monde , fe croiroient coupables d'une lachetê criminelle, s'ils livroient d la mort ceux qui étoient venus chercher un afyle entre leurs bras: que Procope & Romule étoient bien réfolus de n'offenfer perfonne, d moins que l'Empereur ne fe tint offenfé de voir vivre des malheureux. Cette réponfe irrita Zénon. II apprit en même-temps que Théodoric fe préparoit fourdement a la guerre. Afin de s'afTurer des intentions de ce Prince, il lui envoya des Députés pour lui dire, que l'Empereur vouloit bien lui abandonner par un traité perpétuel & irrévocable, tout le pays dont il s'étoit emparé, d condition qu'il n'entredendroit plus de troupes, qu'il feroit ferment de fidélité d 1'Empire , dont il fe reconnoitroit le vajfal; & que pour ajfurance de fa fncérité, il donneroit fon fils en ótage. Théodoric répondit, que fe laijfer défarmer, ce feroit Je trahir lui-même; qu'il ne pouvoit faire fubjïjler fis foldats que par la guerre, & que l'incertitude des combats ne Veffrayoit point; que cependant fi tEmpereur s'tngageoit d lui four- ZÉNOK. Ann. 451  ZÉNON. Ann. 481 XXXII. Zcnon f prépare lui fair 3a guerre 162 HlSTOIRE nir Pent rellen de fes troupes, ilpromettoit de ne point commencer les hofiilités, & qu'il étoit pret d mettre fon fils entre les mains de Zénon, comme un gage de fa bonne foi. II envoya auffi de fa part des Députés a l'Empereur , pour lui protefter qu'il ne demandoit qu'a vivre en repos, fans former aucune entreprife : il le prioit de réfléchir fur la différence qu'on devoit mettre entre lui & Théodoric 1'Amale, & de confidérer lequel des deux avoit fait plus de mal a 1'Empire : que pour lui, quoiquil fut beaucoup plus en état de nuire , il avoit toujours ménagé les Romains dans le temps méme qu'il étoit fiorcé de leur faire la guerre. La jaloufie que Théodoric le Lou; che faifoit paroïtre contre 1'Amale, . venoit de ce que celui-ci étoit en ter. mes d'accommodement avec les Romains. Sabinien étoit mort; mais il avoit affez vécu pour faire fentir k Théodoric 1'Amale, qu'il lui étoit impoffible de réfifter long-temps aux fbrces Romaines, & qu'il fuccomberoit enfin k une puiffance fi fiipérïeure. Ces réflexions 1'avoient dé-  du Bas-Empire. Liv. XXXVI. 1^3 terminé è. renouer la négociation. II confentoit a fortir de Dyrrachium; mais il demandoit un autre établiffement, de 1'argent 8c des vivres. Zénon, qui craignoit la guerre, auroit bien voulu fatisfaire les deux Théodorics. II confulta le Sénat, qui lui repréfenta , que les revenus publiés ne pouvoient fuffire d raffdfer l'aviditê des deux Princes; qu'a la vérité, fes fujets avoient jufqu alors porté avec {ele le fardeau des contributions ; mais quetant épuifés, ils ne pouvoient qua peine foutenir l'entreiien des troupes de 1'Empire : que cependant ils feroient un effbrt pour fournir de quoi contenter 1'un des deux Théodorics ; que c'étoit d l'Empereur d décider qui des deux méritoit la préfêrence. Sur cette réponfe , Zénon ayant affemblé dans le palais les Officiers de fes gardes 6c ceux des autres corps de troupes qui fe trouvoient a Conftantinople, leur expofa fes fujets de plaintes contre Théodoric le Louche. >> Ce barbare, in» grat 8c cruel, ajouta-t-il, héritier » de toute la haine que fes ancêtres » ont porté au nom Romain, ne cefle » de ravager la Thrace : il fait cou- ZÉNON. Ann. 481.  ZÉNON. ^nn. 4S1. XXXIII. Découvertc des 164 HlSTOIRE » per les mains aux prlfonniers; il » détruit les laboureurs , & ruïne la » culture des terres ; il a été le priny> cipal auteur de la révolte de Ba» filifque; il m'a voulu engager moi» même a congédier toutes les trou» pes Romaines, pour ne prendre » a mon fervice, que des Goths; » Pambition de ce fourbe eft de fe » faire nommer feul Général, pour » fe rendre maïtre des forces de TEm» pire, & lesanéantir. Je vous ai con» voqués pour favoir votre fenti» ment fur le parti que je dois pren» dre ; je fais qu'un Prince ne peut » trouver de meilleur confeil que » dans le zele & Pexpérience de fes » Officiers ". A la vivacité de ces paroles, les Officiers fentirent ce qu'ils avoient arépondre. llss'écrierent tous d'une voix , qu'il falloit traittr en ennemi Théodoric le Louche & ceux qui Is favorifoient. Zénon toutesfois ne fe prefTa pas de rendre réponfe aux députés de ce Prince j il vouloit auparavant s'alTurer du fuccès de la négociation avec Théodoric PAmale. Dans cet intervalle, on découvrit une correfpondance que Théodoric  nu Bas-Empike. Liv. XXXVI. 165 le Louche entretenoït a Conftantinople. Anthime, médecin , Marcelin & Etienne 1'avertiffoient de tout ce qui fe paffoit a la Cour. Pour 1'encourager davantage, ils lui envoyoient même de fauffes lettres, qu'ils fuppofoient être des principaux Officiers , qui 1'exhortoient a marcher au plutöt vers Conftantinople , oü il trouveroit quantité d'amis prêts a fe joindre a lui. Ces lettres ayant été interceptées, les coupables furent mis entre les mains d'Illus, maïtre des Offices, qui, affifté de trois Sénateurs, inftruilit leur procés. On fe contenta de les condamner a être frappés de verges & bannis a perpétuité; Zénon fe faifant encore un honneur de ne point prononcer d'arrêt de mort. Un accident imprévu tira Zénon d'embarras,& renverfa tous les projets de Théodoric le Louche. C'étoit la coutume des Goths de fufpendre devant la tente du Général une javeline a deux fers, les deux pointes vers la terre, a la hauteur de cinq ou lïx pieds. Théodoric voulant s'exereer , fe fit amener fon cheval , & ayant fauté éeffus avec fon impa- ZÉNON. Ann. 481, intelligencesqueThéo^ doric le Louche entretenoït dans Conftantinople. XXXIV. Mort de Théodoric le Louche. Mare. chr. Evag. I. 3. c. 25. Theoph. p. 108, 112. Jorn. de reb. Get. c. 57. Sr de reg.fucaff.  ZÉNON. Ann. 481. 165 HlSTOIRE tience naturelle, avant qu'il fut affermi fur la felle, le cheval qui étoit fougueux fe drefla fur les pieds de derrière, Sc le porta fous la javeline, oü Théodoric s'agitant violemment, fe perca les flancs. II mourut de cette blefïure peu de jours après. Zénon, délivré d'unlï dangereux ennemi, devint moins attentif a ménager Théodoric 1'Amale, que nous nommerons déformais du feul nom de Théodoric. La négociation fut rompue; 8c le Roi des Goths , auquel felon les apparences, fe donnerent les troupes de 1'autre Théodoric , vint ravager la Macédoine Sc la ThelTalie, oü il faccagea la ville de Lariffe, qui en étoit la capitale. L'Empereur prit enfin le parti de 1'appaifer k force de bienfaits. II le déclara Général des milices de la Cour, 8c Préfet de Thrace. L'ayant engagé k venir k Conftantinople , il lui fit dreffer une ftatue équeftre devant le palais , Sc le défigna Conful pour 1'année 484. En écharige de Dyrrachium, que Théodoric rendit k l'Empereur, Zénon lui céda en propriété une partie de la Dace inférieure Sc de la baffe  dv Bas-Empirb. Liv. XXXVI. 167 Méfie , oü le Roi des Goths établit ia réfïdence dans la ville de Noves. La paix étoit rendue a 1'Empire; mais la foibleffe & 1'ignorance de l'Empereur , qui prétendoit décider en fouverain des dogmes de la foi, excitoient de grands troubles dans 1'Eglife d'Orient. Nous allons réunir ici en peu de mots ce qui fe paffa fut ce fujet jufqu'a la fin de fon regne, Comme nousfaifons 1'hiftoire de 1'Empire , & non pas celle de 1'Eglife , notre deffein dans tout cet ouvrage eft de ne toucher les matieres eccléfiaftiques, qu'autant qu'elles ont eu d'influence fur les affaires de Pétat. L'ambition d'Acace, Evêque de Conftantinople , fut la première fource de tous ces maux. Ce Prélat voulant faire valoir les nouvelles prétentions de fon fiege, malgré 1'oppofition de Rome , fe détacha des Papes, qu'il avoit auparavant refpeftés comme chefs de 1'Eglife univerfelle, & s'appuya de deux hérétiques turbulents & audacieux, qu'il avoit lui-même condamnés. Nous parcourrons d'abord tout de fuite & fans interruption les défordres que Pierre le Foulon excita ZÉNON. Ann. 482. 485. XXXV. Zénsn trouble 1'Eglife Liberat. c, 17 » lS. Theod. I. I. 2. Evag. I. J. C. 12 & fin- Theoph. pi IIO, 112, 113,114, IIJ. Candid. p, 19. Vilt. Tun. Anafl. p. 46, 47. Cedr. p, 351- Malela. p. 33- Baronius. Pagi ad Bar. Manfi ad Bar. TUI. vita -d'Acace , art, 17 & fuiv. Fleury, l. 29. art. 50  ZÉNON, Ann. 482 483. 6* fuiv. I. 3 c. art. 14 & fuiv. Oriens ■Chrift. p. 726. XXXVI. Vicrre le Foulon a Antioche. 163 HlSTOIRE dans Antioche , & nous parierons enfuite de ceux dont Pierre Mongus remplit la ville d'Alexandrie, & dont les fuites furent encore plus durables & plus pernicieufes. Etienne, Evêque d'Antioche, étant mort trois ans après fon éleétion, eut pour fucceffeur un autre Etienne, qui, après un an d'épifcopat, fut affaffiné dans une Eglïfe par les partifans de Pierre le Foulon. Les ineurtriers furent punis par ordre de l'Empereur , qui fit élire un Evêque pour Antioche. Cette élection fe fit a Conftantinople , k caufe des troubles dont Antioche étoit agitée. Calendion fut facré par le Patriarche Acace, & gouverna fon Eglife pendant quatre ans , après lefquels Acace fit rappeller Pierre le Foulon, & le rétablit fur le fiege épifcopal. Calendion fut relégué dans POafis. On 1'accufoit d'avoir favorifé Illus, dont nous raconterons bientöt la rébellion. Mais fon véritable crime étoit de vivre en communion avec le Pape , dont Acace s'étoit déclaré 1'ennemi. Pierre le Foulon, ayant gagné a force d'argentla faveur du Prince & des Courtifans, leva  öf7 Bas-Empire. Liv. XXXVI. 169 ieva Pétendard contre le Concile de Chalcédoine. II s'affocia de fentiments avec Pierre Mongus, & fe porta aux dernieres violences , chafTant, profcrivant,mafTacrantceux qui refufoient de communiquer avec lui. II foutint, & fit Evêque d'Hiérapolis , Xénaias, efclave Perfe, Manichéen, qui n'avoit pas même recu le baptême, & qui brifoit les images : digne précurfeur des Iconoclaftes.Le Foulon mourut en 488 , frappé des anathêmes de 1'Eglife de Rome : il eut Pallade pour fucceffeur de fa dignité & de fes erreurs. Alexandrie n'étoit pas dans un état moins déplorable. La mort de Timothée Solofaciole jetta cette Eglife dans un défordre qui dura plus de cinquante ans, & dont on peut dire que les effets funeftes fubfiftent encore. Ce Prélat fentant que fa fin approchoit, écrivit a l'Empereur, & lui envoya Jean Talaïa, Prêtre refpefté pour fa fcience & fa vertu. Timothée prioit Zénon de faire en forte qu'on lui donnat un fuccefTeur Catholique. L'Empereur accorda une fi jufte demande; il combla de louan- Tomt VIII. H ZÉNON. A.nn. 4S2; 4S3. XXXVII. Pierre Mongus i Alexan^ drie.  ZÉNON. Kna. 4S2. 483. 170 HlSTOI&B ges Talaïa dans une lettre qu'il écrivit au Clergé d'Alexandrie; & ces éloges joints au mérite de Talaïa déterminerent les fuffrages en fa faveur. 11 fut canoniquement élu après la mort de Timothée. Mais Acace, quitournoit a fon gré 1'efprit de l'Empereur, détruilït bientöt les favorables difpofitions de ce Prince. Ce Patriarche étoit irrité contre Talaïa, paree que n'ayant pas recu de lui de lettres fynodales felon ï'ufage, il s'en croyoit méprifé. II n'y avoit cependant d'autre faute de la part de Talaïa, que d'avoir adreffé a Illus fon ami, les lettres qu'il écrivoit a l'Empereur Sc au Patriarche après fon inftallation. Le courrier qu'il envoyoit n'ayant plus trouvé Illus h Conftantinople, alla lui porter ces lettres a Antioche, 8c la révolte d'Illus fut caufe qu'elles ne furent pas rendues. C'en fut affez pour porter un Prélat hautain 8c vindicatif, a ruiner Talaïa. Acace n'eut pas de peine a perfuader a l'Empereur , que cet Evêque, entiérement dévoué au perfide Illus, n'étoit entré dans Pépifcopat que par brigue & par cabalej que dans les divifions  du Bas-Empire. Liv. XXXVI. 171 qui partageoient Alexandrie, il falloit fur ce fiege un efprit fouple & infinuant : & que Pierre Mongus étoit plus propre que tout autre k ramener la concorde. Zénon en écrivit au Pape Simplicius, qui répondit avec fermeté qu'il ne confentiroit jamais au rétabliffement de Mongus, hérétique déclaré, & tout-a-fait indigne de Pépifcopat. Zénon , offenfé de ce refus, pafla outre; & pour préparer les voies k Mongus, il publia le fameux édit, appellé 1''Hénotique, c'eft-a-dire, 1'édit d'union , par lequel il prétendoit ramener tous les Orientaux a la même croyance. Ses flatteurs lui perfuadoient qu'il devoit être 1'arbitre de la foi, & qu'il en favoit plus que tous les Prélats. L'édit étoit adreffé aux Evêques , aux Eccléfiaftiques, aux Moines & auxpeuplesd'Alexandrie, d'Egypte, de Libye & de la Pentapole Cyrénaïque. L'Empereur y déclaroit qu'il ne falloitadmettre d'autre fymbole que celui de Nicée; il anathématifoit Neftorius & Eutychès; mais il ne parloit du Concile de Chalcédoine, que pour prononHij Zénon. Ann. 4S2a 433. XXXVIII Hénotique de Zé« non.  ZÉNON, Ann. 48: 483. 172 HlSTOIltE s eer anathême contre tous ceux qui, foit dans ce Concile, foit dans tout autre , auroient avancé des opinions contraires au formulaire de foi qu'il propofoit. Ce formulaire a la vérité ne contenoit rien que de conforme aux dogmes Catholiques. Zénon ex> hortoittous les fïdelesa fe réunir dans le fein de 1'Eglife : il leur promettoit la faveur de Dieu & la bienveillance du Prince. Cet édit, compofé fans doute par Acace, fit beaucoup de bruit. Prefque tous les Orthodoxes le rejetterent, paree qu'il fembloit attribuer des erreurs au Concile de Chalcédoine, & que d'ailleurs il n'appartenoit pas a un Empereur de faire des définitions de foi. Cependant Zénon proteftoit dans une lettreauPapeFelix, fucceffeurde Simplicius, qu'il étoit inviolablement attaché aux dogmes approuvés par le Concile de Chalcédoine : il ne fouffroit pas qu'on les condamnat publiquement; mais en même-temps il laiftoit impunis tous les attentats contre la foi de ce Concile : il en protégeoit même les plus violents adyerfaires, Pierre le Foulon, & Pierre  bv Bas-Empire. Liv. XXXVI. 173 Mongus. Ce fut a caufe de cet édit que le nom de ce Prince fut, après fa mort, effacé des diptyques , du confentement de toute 1'Eglife, lorfque la paix fut rétablie entre les Evêques d'Orient & ceux d'Occident, fous les regne de Juftin. Toutefois 1'Eglife n'a jamais direöement condamné 1'hénotique de Zénon. Pergamius, qui commandoit en Egypte, & Appollonius, Gouverneur de ia Province , furent chargés de chafTer Talaïa , de rétablirMongus, & de faire foufcrire l'édit de l'Empereur. Talaïa avoit déja pris la fuite: il fe réfugia d'abord <\ Antioche auprès d'Illus, & de-tè en Italië , oü le Pape Félix , après avoir fait de vains efforts pour le remettre en poffeffion de fon Eglife, lui conféra 1'Evêché de Nole en Campanie. Mongus fut le premier a foufcrire 1'hénoti-que: il fit plus ; il prononca publiquement anathême contre le Concile de Chalcédoine : Ie corps de Timothée Solofaciole fut déterré par fon ordre, & jetté hors de la ville dans un lieu défert. Auffi fourbe que violent & emporté , lorfqu'Acaee, indigné de ces attentats, lui eüt H iij ZÉNON. Ann. 48 i. 4S3.  ZÉNON. Ann 481. 483. XXXIX. Excommunication d'Acace. 174 UlSTOJRE envoyé des expres pour s'informer de la vérité, il nia hardiment les faits: il écrivit d'une part a Zénon, au Pape & au Patriarche Acace, qu'il recevoitavec refpedtle Concile de Chalcédoine ; & de 1'autre il mandoit a Pierre le Foulon, & aux autres Prélats hérétiques, qu'il le rejettoit abfolument. L'édit d'union fut une feconde femence de divifion & de difcorde. On en vit naitre un effaim de nouvelles héréfies , qui déchirerent le fein de 1'Eglife d'Orient. On compte jufqu'a dix fectes différentes d'Acéphales: c'étoit une forte de fe&ateurs d'Eutychès, qui n'avoient point de chef particulier. Les uns trouvoient Pierre Mongus trop outré, les autres trop doux & trop condefcendant. En vain l'Empereur^ s'efforga de rétablir la paix : Cofme & Arfene qu'il envoya pour cet effet, ne purent y réuflïr. Le Pape Félix, députa deux Evêques a Conftantinople avec des lettres pour Zénon & pour Acace : il leur repréfentoit ce qu'ils avoient fait autrefois contre Mongus, & les exhortoit a ne pas fe déshon«rer eux-mêmes en  nu Bas-Empire. Liv. XXXFI. 175 foutenant celui qu'ils avoient fi ]uftenient condamné. Les Légats étant arrivés a Abyde furent arretés, jettés en prifon, & menacés de mort s'ils ne confentoient a communiquer avec Mongus. On employa pour les corrompre les careffes & les préfents; on leur jura que s'ils fe prêtoient au defir de l'Empereur, la caufe feroit réfervée en entier au jugement du Saint Siege. Séduits par ces promeffes, & fatigués des mauvais traitements, ils fuccomberent enfin. Mais étant revenus a Rome couverts d'ignominie, rapportant au Pape des lettres de Zénon & d'Acace pleines d'injures contre Talaïa & d'éloges de Mongus, ils furent dépofés & excommuniés par le Pape dans un Synode. Félix , après avoir inutilement tenté toutes les voies de douceur, pronon9a Pexcommunication contre Acace dans un Concile de foixantefeptEvêques.11 en donna avis a l'Empereur; & quoique Zénon eüt fait garder les chemins pour empêcher que la fentence ne parvïnt k Conftantinople , il fe trouva des Moines affez hardis pour la fignifier au PaH iv ZÉNON. Aan. 4S2. 483-  zénon. Ann. 48: 4S3. inn. 484, XL. Illus (é. I7Ö H 1 S T 0 I R E triarche. Ils furent purris de cette harf dielTe, les uns par la prifon , les autres par des fupplices. Toutefois il y eut dans Conftantinople même des Abbés & des monafteres entiers, qui demeurerent attachés au Saint Siege. Ils éprouverent de la part de Zénon & d'Acace, les plus indignes traitements. Prefque tout 1'Orient fuivit Acace, & cette divifion dura trentecinq ans. La mort de Pierre le Foulon en 488 , celle d'Acace & de Mongus, 1'année fuivante, ne mirentpas £h a ces troubles. Fravita , Evêque de Conftantinople, après Acace, imita fa conduite , & ne tint le fiege que quatre mois. Ses lüccefTeurs , quoique Catholiques , ne furent point admis a la communion de 1'Eglife Romaine, jufqu'au regne de Juftin , paree qu'ils ne voulurent point effacer des (liptyques lenom d'Acace. Après Pierre Mongus , le fiege d'Alexandrie fut fuccefTivement rempli par fept Prélats hérétiques, qui Poccuperent jtifqu'en 538. Zénon ne couroit aucun rifque en perfécutant les Catholiques. Mais le reffentiment d'Illus, auquel il devoit  bv Bas-Empire. Lïv. XXXFI. 177 fon rétablifTement, tui fufcita un ennemi beaucoup plus dangereux. Illus, maitre des Offices, recommandable par fes grandes qualités , jouiiToit de la plus haute faveur. II 1'auroit toujours méritée, s'il ne fe füt laiffé féduire par un impofteur, nommé Pamprepius, dont j'ai déja dit un mot en pafTant, mais que je dois ici faire connoïtre. C'étoit un Payen né a Panopolis en Thébaïde; efprit remuant, hardi, ambitieux. Après avoir enfeigné la grammaire dans la ville d'Athenes, il fe livra aux chimères de la Theurgie , qui faifoit toute la philofophie des Payens de ce temps-la, &c vint k Conftantinople avec la réputation d'un homme extraordinaire. Marfe, 1'Ifaurien, ce même guerrier que nous avons vu fe fignaler en Afrique fous le regne de Léon, 1'introduifit chez Illus qui fe piquoit de littérature. Illus fe laiffa éblouir par les talents d'un homme qui étoit a la fois Grammairien , Poëte , Orateur, politique, & fur-tout grand aftrologue. II lui affigna des penlions, füi en procura de la part de 1'Emperevtr, & le Et entrer dans le Sénat. Ayant H v ZÉNON. Ann. 484. duit par Pampré- pius. Candid. f-, 19. Théoph. p° ito. Phot. p. 1049 , 1057 , f072. Suid. voce TiU. Zinon , artr 19.  Zénon. Arm. 4S4. i i?8 histöire été obligé de faire un voyage en Ifaurie, il le lailTa a Conftantinople. Le prétendu Philofophe, éloigné de fon proteöeur, ne tint pas long-temps contre fes envieux, qui perfuaderent k l'Empereur que ce Payen employoit les fecrets de la divination , pour infpirer a Illus des deffeins criminels. Zénon le chaffa de la ville, & Pamprépius fe retira a Pergame. Dès qu'IIïus eut appris qu'il avoit lui-même fervi de prétexte a la difgrace de fon ami, il s'attacha k lui plus étroitement que jamais : il le fit venir en Ifaurie, & le ramena avec lui a Conftantinople. Tout cela s'étoit paffé avant la révolte de Marcien, dans laquelle Pamprépius procura la viöoire 3. Illus en relevant fon courage par fes prédictions. Leur accompliffement augmenta la réputation du Philofo» phe, & Illus ne faifoit plus rien fans le confulter. Cet impofteur, de concert avec Marfe, Payen comme lui^ infeéta Illus des impiétés du paganifme; Léonce, dont nous parierons bientöt , fe laifla aufli corrompre : ils fornierent le projet infenfé de rétablir 1'idolatrie. Un mauvais Prêtre, no^iné  du Bas-Empire. Liv. XXXFI. 179 Marcien, épicurien dans le cceur Sc entêté d'aftrologie, fe joignit a eux, & contribua lui-même k pervertir Illus. Verine haïffoit également Zénon & Illus : Zénon ne cherchoit qu'a la rabaiffer; Illus la méprifoit, Sc vouloit la faire chafïer de la Cour. Elle tenta d'infinuer a Zénon que le maïtre des Offices afpiroit k 1'Empire. Mais trouvant dans le Prince trop peu de confiance en fes paroles, Si. trop de timidité pour attaquer un homme fi puifTant, elle entreprit de faire affaffiner Illus. Un Alain qui s'étoit chargé de cette commiffion, manqua fon coup, futarrêté, Sc déclara qu'il avoit été engagé k ce forfait par Epinice , un des domeftiques de Vérine. Epinice fut livré entre les mains d'ülus; Sc fur la promeffe de 1'impunité Sc même d'une récompenfe, il avoua qu'il n'avoit agi que par les ordres de Vérine. Zénon abandonna fa bellemere au reffentiment d'Illus, qui étant venu k bout fous quelque prétexte de la faire fortir de Conftantinople oü elle avoit trop de partifans, Sc de la faire paffer a ChalH vj ZÉNON. Ann. 484. XLI. Vérine veut faire périr Ulus. Evagrl. 5. e. 17. Thtod. L. I. 1. Candid. f. 19. Tkeoph. p. 109. Phot. p. 1057 . 1071. Zom. p. 5*- Malela, p. 3J-  ZÉNON. Ann. 484 XLTI. Même deffein d'Ariadne. Evag. I. 3 c. 27. Candid. p, 20. Theoph. p, 109 , 110. fAarc. chr, Phot. p. 1057. Zon.p.^. Malela, p. 35. 36. Jorn. fucceff. Jofui Styliies , apud Affemani hihl. Or. p, aó2. l!ÏO HlSTOIRE cédoine, fe faifit de fa perfonne, & la fit conduire dans une fortereffe de Cilicie , d'oü elle fut tirée peu après pour être enfermée dans le chateau de Papyre, oü étoient déja fa fille Léontie & Marcien fon gendre. Ariadne , touchée de compaflion pour fa mere, qui la fupplioit par fes lettres de la faire fortir de prifon, obtint cette grace de l'Empereur , a condition qu'Illus y voudrost bien confentir. Elle tacha en vain de fléchir Illus par fes prieres & par fes larmes; il fut inexorable; il alla même jufqu'a outrager 1'Impératrice, en lui difant, qu'il n'ignoroit pas qu'elle s'ennuyoit de voir la couronne fur la tête de fon mari. La Princeffe, outrée de colere , alla fe plaindre a Zénon , lui déclarant qu'il pouvoit choifir qui d'elle ou d'Illus devoit refter dans le palais. Zénon, qui fouhaitoit lui-même la perte d'Illus , & que la crainte feule retenoit, permit a la Princeffe de fatisfaire fa vengeance, fi elle pouvoit y réuffir fans qu'il parut y avoir part. Le reproche d'Illus a 1'Impératrice étoit d'autantplus capable de 1'irriter, qu'il étoit fondé.  nv Bas-Empire. Liv. XXXVI. 181 On foupconnoit dès-lors une intrigue d'Ariadne avec Anaftafe le Silentiaire. Selon Jornande , Illus en avoit donné avis a l'Empereur, & Zénon avoit chargé un de fes Officiers de tuer Ariadne. Mais la nuit même deftinée pour cet affaffinat, 1'Impératrice ayant été avertie a temps, fe réfugia fecretement dans la maifon de 1'Evêque ; & le lendemain Zénon qui croyoit la chofe exécutée, fe tenant renfermé comme s'il eüt été plongé dans une profonde trifteffe, fut fortétonnéde voir entrer Acace qui lui repréfenta 1'atrocité de ce forfait, & 1'innocence de la Princeffe. Zénon confentit qu'elle revint au palais ; & k fon retour elle obtint la permiffion de fe venger d'Illus. Tel eit le récit de Jornande , & tout efl: croyable d'une Princeffe telle qu'Ariadne & d'un Empereur tel que Zénon. Tous les Auteurs conviennent fur la maniere dont la vengeance fut entreprife. Ariadne donna ordre a Urbice , fon chambellan, de la défaire de fon ennemi. Un foldat de la garde prit le temps qu'lllus montoit 1'efcalier du cirque , & lui déchargea un coup d'épée qui ZÉNON. Inn. 484  ZÉNON. Ann. 484, XLIII. Léonce prend le titre d'Empereur.Evag. I. 3. f. 27. liberat. c. 17, 18. Candid. p. 20. na. Tun. Thcod. L. 1. 2. Theoph. p, 110, III. Anafl. p. 46. ' Zon, p. 53 Jorn, fuc eeff. Malela , p. 36. Jofué Stylytts. TM. Zénon , art. I82 HlSTOIRE ne lui abattit que 1'oreille droite, un des gardes d'Illus ayant détourné le coup. Zénon crut le laver du foupcon en faifant mourir 1'alTaflin , & en jurant k Illus qu'il n'avoit eu aucune connoiffance du deffein formé contre lui. Mais ni ce ferment, ni la mort du meurtrier ne perfuaderent Illus. Après avoir manqué deux fois de perdre la vie, il vit bien qu'il n'y avoit pour lui nulle füreté k la Cour. II réfolut de fe venger; & fous prétexte d'avoir befoin de changer d'air pour achever la guérifon de fa bleffure, il demanda la permiffion de palier en Oriënt. Non-feulement Zénon lui accorda fa demande, mais même pour lui témoigner plus de confiance, il le nomma Général des troupes d'Orient , & lui donna la nomination des Commandants fubalternes. II lui permit encore d'emmener avec lui tous les Sénateurs qu'il jugeroit k propos, & entr'autres Léonce , qui, felon la promeffe d'Illus, devoit retirer Vérine du chateau de Papyre, & la ramener a Conftantinople. Le Général , trop bien accompagné par 1'im-  du Bas-Empire. Liv. XXXVI. 183 prudence de l'Empereur, fe rendit k Antioche avec fon frere Troconde, qui avoit été Conful en 462, Léonce , Marfe , & Pamprépius, qui lui promettoit de la part de fes Dieux les plus heureux fuccès. II raffembla toutes les troupes de FOrient ; & fe voyant k la tête d'une puilTante armée , au-lieu de prendre pour lui le titre d'Empereur, il le donna k Léonce. Celui-ci étoit un Syrien né a Chalcis, habile dans les lettres 8c dans le métier de la guerre : il avoit été revêtu de la charge de Général des troupes de Thrace. Illus, qui étoit 1'ame & le chef de 1'entreprife, ne lui cédoit fans doute 1'autorité fouveraine que pour un temps, bien réfolu de détruire fa créature, & de s'emparer lui-même de 1'Empire, quand la révolution feroit affez affermie. Pour colorer cette ufurpation par une forme du moins apparente, ils allerent chercher Vérine dans fa prifon; 8c 1'ayant gagnée par les plus belles promeffes, ils 1'amenerent k Tarfe, oü cette Princeffe, en préfence de 1'armée, mit elle-même la couronne imj>ériale fur la tête de Léonce, 8c le ZÉNON. Ann. 484»  zénon. Ann, 4S4, 184 HlSTOIRE proclama Empereur. Elle adrefïa errfuite une lettre circulaire a tous lesGouverneurs & Commandants de l'O rient, de 1'Egypre & de la Libye ; elle étoit concue en ces termes: » Vé» rine Augufte, a tous nos Préfets & » nos peuples, Salut : Vous favez » que 1'Empire nous appartient, &£ » qu'après le décès de Léon notre » époux, nous avons élevé a la puif» fance fouveraine Trafcaliffée, qui » a pris le nom de Zénon. Nous ef» périons qu'il rendroit nos peuples » heureux. Mais voyant que par fon » infatiable avarice, il n'eft propre » qu'a les accabler, nous avons cru » nécefTaire de vous donner un Em» pereur vraiment Chrétien, qui, fe m conformant aux regies de la reli» gion & de la julïice, fut relever » 1'Etat penchant vers fa ruine, gouv> verner les peuples, & contenir nos » ennemis, A ces caufes, nous avons » couronné le trés - Dieux Léonce1. » Ayez k le reconnoitre pour Em» pereur des Romains; & que qui» conque lui refufera obéilTance, foit » traité comme rebelle ". Cette lettre fut reeue avec de grandes acclar.  du Bas-Empire. Liv. XXXFI. 185 mations; la plupart des villes de Syrië fe foumirent k Léonce. Vérine fut mal récompenfée de fa complaifance. Dès qu'Illus n'eut plus befoin de fon autorité, il la renferma de nouveau dans le chateau de Papyre, oit elle mourut quelque temps après. Sa fille Ariadne fit dans la fuite rapporter fon corps a Conftantinople. Le nouvel Empereur étant retourné a Antioche avec Illus, fe mit en campagne k la tête de foixante & dix mille hommes. II avoit tiré de Pa- pyre de grandes fommes d'argent, que Zénon y avoit mifes en réferve comme dans une place de füreté, en . cas qu'il lui arrivat encore quelque difgrace. Les Ifaures, jufqu'alors at- ! tachés k Zénon leur compatriote, s'é- / toient donnés a Léonce qui les avoit ] attirés par une folde plus confidérable que celle qu'ils recevoient de Zénon. Les petits Princes de 1'Arménie Romaine, qui étoient vaffaux héréditaires de 1'Empire, vinrent auffi fe joindre a lui; & ce fut en punition de cette félonie que Zénon les deftitua dans la fuite , & qu'il établit dans ce pays des Commandants fans ZÉNON. Ann. 484^ XLÏV. Succes i'lllus. Theod. L. '■ 1. Theoph. p. [II. Proc. etdif. • 3. c. I. Tom. fucf- .od. orig. •■ 43'ofué Styyiss.  ZÉNON. Ann. 48/! Ann. 485 XLV. Défiite d'Illus. Evag. /, \ c. 27. Libtret. 1 18. Thioph, 1 lS6 Hl S T 0 1 R E ■ clroit d'hérédité, comme dans le refte de 1'Empire. Léonce & Illus, fuivis " d'une li nombreuie armée, firent de grands ravages. Ils prirent Chalcis de Syrië , patrie de Léonce ; & luivant le confeil de Pamprépius, ils tacherent d'attirer k leur parti le Roi de Perfe k force d'argent. Ils n'eurent pas le temps de confommer cette négociation, qui eüt été pernicieufe k 1'Empire. Ils remporterent d'abord une grande victoire. Longin, frere de Zénon, marcha contr'eux : la bataille fe livra prés d'Antioche : Longin fut entiérement défait, & fe fauva prefque feul. II fut pris dans fa fuite, & enfermé dans une fortereffe. Métronin fut envoyé par Léonce k la tête de cinq cents cavaliers, pour furprendre Edeffe; mais cette entreprife n'eut pas de fuccès. La profpérité d'Illus ne fut pas de • longue durée. L'année fuivante, Théodoric qui fortoit du confulat, fut envoyé contre les rebelles avec des trou- . pes de terre & de mer, dont les Goths faifoient partie. Zénon lui donna pout ' collegues Cottaïs, & Jean, furnommé . le Scythe, apparemment paree qu'il  du Bas-Empire. Liv. XXXVI. 187 étoit Goth d'origine; car les Auteurs de ces temps-la déngnent fouvent les Goths par le nom de Scythés. L'armée de Léonce & d'Illus fut taillée en pieces dans une fanglante bataille prés de Séleucie en Ifaurie. Cette victoire délivra Longin de fa prifon. II revint a Conftantinople oü l'Empereur le défigna Conful, & le nomma chef du Sénat. Des honneurs fi mal placés, loin d'effacer fa honte, la gravoient plus profondément dans 1'efprit des peuples. Illus, Léonce & Troconde, fe réfugierent dans le chateau de Papyre, avec Pamprépius leur oracle. Marfe étoit mort de maladie dans le cours de cette guerre. La puiffance de Léonce n'avoit duré qu'un an. La fituation du chateau de Papyre le rendoit imprenable. II étoit bati fur un rocher qui s'élargifToit par le haut, & que 1'on comparoit au col d'un chameau qui auroit porté une tête d'éléphant. On n'y pouvoit monter que par un chemin fort étroit pratiqué dans le roe, & qu'une poignée de foldats pouvoit défendre contre la plus forte armée. Comme il n'étoit poflible de le prendre que par ZÉNON. Ann. 4S5. 111, 112, 116. Maltin, p. 36. Cod. orig. p. 43. Mare. ehr. Chr. Edeff. apud Affemani, Bib. Oriënt. 1.1. p. 406. Pagi ad Bar. XLVI. Mort d'Illus Sc de Léonce. Candid. p. 20. Theod. L. I. 2. Evag. I. 3. c 17. 35Mare. chr. Via. Tun. Theoph. p. 112, 113, 114, n6«  ZÉNON. Ann. 4S5. Phot. p. 1049 > 1060. Ma.hU, p. 37- lom, fuceeff. Jofué Sty- l88 II I S T O IR E famine, Théodoric ayant formé Ie blocus , lailTa devant cette place Jean le Scythe & Cottaïs, & retourna a Conftantinople avec fes Goths. Dès le commencement du fiege, Illus avoit fait fortir fon frere Troconde, qu'il avoit chargé de raffembler des troupes, pour forcer les retranchements, & lui ouvrir un paflage. Troconde fut pris par les aftiégeants , qui lui couperent Ia tête. Comme les afliégés ignoroient cet événement, Pamprépius les amufoit par fes prédictions, leur promettant de jour en jour que Troconde alloit arriver avec le fecours. Enfin, après trois ans de patience , la difette augmentant tous les jours, Illus & Léonce, qui avoient perdu toute -efpérance, fans perdre Ie courage, découvrirent que Pamprépius lui-même les trahiffoit. Ils firent trancher la tête a ce perfide, qui étoit 1'auteur de tous leurs maux, ie la jetterent dans les retranchements i'es ennemis. Ils fe feroient laiffés mourir de faim phitöt que de fe rendre, fans une autre trahifon, qui eut >lus de fuccès. Le frere de la femme iie Troconde alla par ordre de Zé-  bu Bas-Empirb. Liv. XXXFL 189 non fe renfermer avec eux. On !e recut avec joie, comme un homme que la mort de fon beau-frere animoit d'une jufte vengeance. II trouva le moyen de faire monter de nuit les ennemis, & de les rendre maïtres du chateaux. Les vainqueurs firent couper les mains aux foldats de la garnifon qu'ils avoient furprife, & les renvoyerent dans ce trifte état. Illus & Léonce furent décapités; leurs têtes portées a Conftantinople, furent promenées dans le cirque, & plantées fur des pieux dans le quartier de Syques, au-detè du golfe, oü elles donnerent au peuple un affreux fpedïacle pendant plufieurs jours. On pleuroit la trifte deftinée d'Illus , a qui fes grandes qualités fembloient promettre une fin glorieufe. II n'avoit échappé a la fureur de deux Impératrices, que pour être le jouet d'un vil impofteur, qui, après avoir altéré toutes fes vertus, 1'avoit enivré de folies efpérances, & précipité dans un abyme de malheurs. L'Empereur, pour regagner les Ifaures, fut obligéde leur afligner fur Pépargne une penfion annuelle de cinq mille livres d'or. ZÉNON. Ann, 4S;.  ZÉNON. Ann. 48$. XLVII. Théodoric défait les Bulgares. Ennod' Paneg. Theoph. p. ï 37- Jorn. de reb. Get. c. 5- Confi. Porphyr.Them. r- 3°5- Dit C'ange, Tam. By\. p. 305. M. de Guignes , hift. des Huns , l. 6, p. 514, & Mém. Acad. t. XXX. p. 242. 190 IlTSTOIRE Théodoric, de retour k Conftantinople , ne fe crut pas long-temps en fiïreté dans la Cour d'un Prince défiant & jaloux. II fe retira a Noves en Mélie, lieu de fon féjour ordinaire. La qualité de Général de la Thrace Fobligea bientöt k prendre les armes pour éloigner de cette Province un nouvel orage qui la menacoit. Les Bulgares avancoit le long du PontEuxin, & marchoient vers le Danube. C'eft la première fois que ces barbares font nommés dans 1'hiftoire. Ils avoient pris leur nom du fleuve Volga , dont ils avoient habité les bords. Le nom d'Hunogundures qu'ils porterent d'abord , fait penfer que leur origine a quelque rapport a celle des Huns. Théophane les joint avec les Huns, & leurs migrations diverfes procédant toujours d'Orient en Occident, confirment cette conjecture. On les trouve d'abord prés du Volga; on les voit enfuite établis vers les Palus Méotides fur les bords du fleuve Cophin ou Kubanqui eft Tandenx Hypanis du Bofphore. Enfin, ils pafferent le Tanaïs, & firent craindre a TEmpire les mêmes ravages qu'il  du Bas-Empire. Lïv. XXXP1. 191 avoit éprouvés de Ia part des Runs. Cette nation, dès qu'elle fe fit connoïtre, jetta la frayeur dans le coeur des Romains. Les Auteurs en parient comme d'un fléau envoyé de Dieu pour chatier les Princes 6c les peuples. Les Bulgares étoient tous égaux ; on ne méritoit de titre chez eux qu'en tuant un ennemi. Accoutumés a fupporter la faim, ils fe nourrifToient du lait de leurs cavales, & leurs chevaux étoient habitués k demeurer Iongtemps fans nourriture. Théodoric, en fervant 1'Empire dans une circonftance fi périlleufe, n'attendoit aucune reconnoiffance de Zénon. Mais pour un coeur tel que le fien, le péril avoit des attraits, & la gloire étoit une affez riche récompenfe. II marcha contre ces barbares, dont Ie nom feul faifoit trembler l'Empereur dans fon palais ; il paffa le Danube, les alla chercher fur les bords du Boryftene, les défit, 6c bleffa dans le combat leur chef nommé Libertem, qui ne lui échappa que par Ia fuite. L'année fuivante 486 , vit expirer dans la Gaule le dernier refte de la puifTance Romaine. Syagrius, n'ayant ZÉNON. Ann. 4$;, Ann. 486, XL VIII. Mort de  ZÉNON. Ann. 486. Syagrius. Sigon. dc Imp. ÖC' cid. /. 15. XLIX. Révolte des Sama ritains. Proc. adij l. S-£-7Malela, p 33. 34. 37. 192 HlSTOIB-E plus de reffource que dans fa valeur, avoit pris le titre de Roi; & quoiqu'environné des armes Francoifes, il s'étoit confervé un petit Etat dont SoilTons étoit la capitale. Clovis régnoit depuis cinq ans. Ce jeune Prince , avide de combats & de conquêtes, attira Syagrius a une bataille. Le Général Romain fignala fon courage y mais il fallut céder a la fortune & a la valeur de Clovis; & s'étant couvert le vifage de fon fang pour n'être pas reconnu, il s'enfuit a Touloufe, oü régnoit Alaric, Roi des Vifigoths, qui venoit de fuccéder a fon pere Euric. Le vainqueur 1'arracha de cet afyle, en menacant Alaric de lui déclarer la guerre. Syagrius, livré a Clovis, eut la tête tranchée , & avec lui fut a jamais détruit 1'Empire Romain dans cette contrée. La défaite d'Illus avoit rétabli la tranquillité en Oriënt. La Syrië étoit rentrée dans 1'obéiffance, lorfqu'elle fe vit de nouveau embrafée par les fureurs du fanatifme. Zénon étoit paf' fionné pour les jeux du cirque. Ce Prince , auffi frivole que lache & voluptueux, prenant parti dans les courfes  du Bas-Empire. Liv. XXXVI. 19.3 fes de chars, s'étoit déclaré pour la faction verte, Sc cette faction, devenue infolente par la faveur, s'emportoit fouvent aux excès dont font capables; des efprits brutaux, lorfqu'ils fe flattent de 1'impunité. Dans la ville d'Ant.ioche, les 'cochersde cette livrée Sc leurs partifans s'étant attroupés, firent main-balTe fur les Juifs: pas un ne fut épargné. Zénon 1'ayant appris, fe contenta de rappeller Théodore , Comte d'Orient, & de le dépouiller de fa charge. Mais loin de faire un exemple des meurtriers, comme on lui difoit qu'après avoir égorgé les Juifs, on avoit brülé leurs cadar vres : Et pourquoi, repartit-il, ne les avoir pas brülés vifs, ainji qu'ils l'auroient mérité? Une parole fi inhumaine Sc fi indigne d'un Prince qui doit être le pere de tous fes fujets, mit les Juifs au défefpoir. Les Samaritains, toujours entêtés des fuperftitions Judaïques, fe révolterent : ils prirent pour Roi un chef de brigands, nommé Juftufa, Sc s'étant affemblés en armes fur le mont Garifim , ils defcendirent dans la ville de Néapolis, aujourd'hui Naploufe, Sc anciennement Sichem , Tornt VUL I Zénon. (Un. 486.  ZÉNON. Ann. 486, 194 H I S T D I R E fituée au pied de cette montagne. C'étoit le jour de la Pentecöte : ils maffacrerent dans 1'Eglife ce qu'ils y trouverent de Chrétiens; fe jetterent fur 1'Evêque Térébinthe qui célébroit le facrifice, lui porterent plufieurs coups d'épée, lui couperent les doigts, & profanerent l«s faints myfteres. De-lil ils coururent a Céfarée, capitale de la Paleftine, oü ils égorgerent un grand nombre de Chrétiens, & brüIerent 1'Eglife de Saint-Procope. Juftufa, ceint du diadême, fit célébrer devant lui les jeux du cirque en fïgne de triomphe. Mais il n'avoit pas affez de forces pour foutenir fa révolte. Afclépiade, Commandant des troupes de Paleftine , & Rhege, dont la fondtion étoit de pourfuivre les brigands , vinrent fondre fur lui a la tête des cohortes nommées Arcadiennes. II fut défait & pris dans le combat. On lui coupa la tête, qui fut envoyée a Zénon avec fon diadême. L'Eveque Térébinthe, couvert de blefliires, alla en même-temps fe préfenter a l'Empereur, qui confifqua les biens des principaux Samaritains, mit uneiforte garnifon dans leur vil-  du Bas-Empire. Li®. XXXVI. 195 le, & flétrit la nation entiere, en declarant tout Samaritain incapable de porter les armes. L'Eglife de SaintProcope fut rebatie. On changea la . fynagogue du mont Garifim en une Eglife de la Sainte Vierge, toujours gardée par dix foldats. Une autre garde fermoit aux habitants 1'accès de Ia montagne. Ces précautions retinrent les Samaritains tant que Zénon vécut. Mais fous 1'Empire d'Anauafe, il s'éleva une nouvelle émeute, dont les fuites furent moins funeftes. Une troupe d'habitants, animés & conduits par une femme, monta fur le mont Garifim par des endroits efcarpés, pour éviter les foldats qui défendoient le chemin. Ils maffacrerent la garde de 1'Eglife, dont ils s'emparerent. Ils appellerent enfuite a grands cris leurs concitoyens: mais ceux-ci ne jugerent pas a propos de fe joindre a eux, & demeurerent tranquilles. Cette fédition fut bientöt étoufTée par la prudence & par le courage de Procope d'Edefle, Gouverneur de la Province, qui s'étant faifi des rebelles, les punit du dernier fupplice. JuftinieH, ZÉNON. Ann. 4SÓ. L. Autre révolte fous Anaftafe.  ZÉNON, Ann, 48 ( : I96 HlSTOJRE, &C. quelquesannées après, ayant engagé la plupart des Samaritains a embraffer la religiön Chrétienne, rétablit les Eglifes qu'ils avoient détruites , & ajouta des fortifications a celle du mont Garifim, qu'il mit hors d'infulte. II vouloit détruire la feöe Samaritaine ; mais elle s'eft confervée, & elle fubfifte encore aujourd'hui,  197 S O M M AI RE O u L.IVRE TRE^TE-SEPTIEME. l>Tn Éo DOR1C reprmd.Us armes contre Zénon. 11. Zénon lui abandonne VI'talie. ui. Nature de cette donation. IV. Odoacre défait les Ruges. V. Théodoric part pour P Italië.. vt.1 DigreJJioad l'hijloire de t'Empire. VII. Mar che de Théodoric. vm. Odoacre défait pres du fleuve Sontius. IX. Bataille de Férone. X. Suites de cette bataille. XI. Ravages de la Ligurie. XII. Batdille de VAdda. XIII. Siege de Ravenne. XIV. Exploits de Théodoric pendant le fiege. XV. Mort d'Odoacre. XVI. Fondation du Royaume des Ofirogoths en Italië, xvil. Portrait de Théodoric. XVIII. Son gouvernement. XIX. Adminiftration de la juftice. xx. II répare les maux de la Ligurie. XXI. Théodoric regoit d'Anafafe le titre de Roi. XXII. Réparation de Rome & des autres villes. XXIII. Alliances I iij  If>8 SOMMAIRE du LlV. XXXVIF. de Théodoric, XXIV. Amalafonte époufe Eutharic. XXV. Politique de Théodoric d fégard des Princes étrangers. XXVI. Tutelle dTAmalaric. xxvii. Autres güerres de Théodoric. XXVIII. Conduite de Théodoric d £'égard de la religion. XXIX. Il honort les Evéques. XXX. // fait cejfer le fchifme dans Rome. XXXI. Favoris, Généraux, Minifres de Théodoric. Artèmidore. XXXII. Fefius Niger. XXXin. Libérius. XXXIV. Tolonic. xxxv. Caffiodore. XXXVI. Sévérim confpire en fa- veur de (idolatrie. XXXVll. Cruautés de Zénon. XXXVIII. Mort de Zénon,  *99 HISTOIRE D U BA SE MP IR E. L1VRE TRENTE-SEPT1E ME, ZÉNON. LES Goths s'ennuyoient de Ia paix. Peu accoutumés a manier la charme , ils avoient long-temps vécu aux dépens de 1'Empire, & le pillage leur avoit tenu lieu de la culture des terres. RelTerrés depuis cinq ans dans un coin de la Dace & de la Mélie, ils languiffoient dans 1'inadtion & dans I iv ZÉNON. Ann, 487. I. Théodoric reprend les armes contre Zénon.  ZÉNON. Ann. 487, Mare. chr, Proc. Got 4. 1. c. 1 ï. 2. c. 6. Theoph. p III, 113 Paul Diac l 6. Malela, p 3*Sigon. di Jmp. occid fc 15. 20O HlSTOIRE 1'indigence. Que deviendrons-nous ? difoient-ils ; t Empereur eji notre ennemi naturel; la Thrace ejl notre magajin de vivres; cejl en la moiffonnant avec nos épées, que nous avons Juhjijlé. Maintenant , notre Prince ejl un des Généraux de l''Empereur; il efl Préfet de la Thrace , & s'efï obligé d la défendre; les honneurs de Théodoric font notre mifere ; on lui éleve des Jlatues d Conjlantinople, & nous mourons ici de faim. Périjfons : notre Roi devenu Conful Romain triomphera de notre pene. Ces murmures vinrent aux oreilles de Théodoric; il réfolut fur le champ de rompre avec Zénon. Cet Empereur, qui étoit plus a craindre a ceux qui Pavoient fe'rvi avec plus de zele, lui en donnoit fans celTe occalion par les mauvais deffeins qu'il tramoit contre les Goths & contre Théodoric lui-même. Le Rói des Gothsfémit doné en campagne avec fes troupes : il brülatout ce qui fe rencontroit fur fon paiTage; &i ayimt furpris la garnifon de Selymbrie dont il fe rendit maitre, il s'avanca jufqu'au bourg de Melantias a quatre lieues de Conftantinople ; il fit couper 1'aqueduc qui four-  nu Bas-Empire. Liv. XXXVII. zet nifloït de Peau a la ville, & demeura plulieurs jours en ce lieu, s'occupant de tous les préparatifs d'un fiege/ Zénon,.qui fe fentoit peu deforces ÓCtencojje moins de courage, crut qu'il étoit plus facile d'appaifer cet ennemi que de le vaincre. II lui fit propofer une entrevue; &-Théodoric, fans autre füreté. que la timidité de l'Empereur, & la terreur qu'infpiroient fes . troupes toutes prêtes k forcer la ville, entra dans Conftantinople , & fe rendit au palais. II fe défendit des: reproches de Zénon par la néceflité oü -ion peuple étoit réduit: & comme l'Empereur paroiffoit 1'écouter avec bonté, & Pinvitoit même k lui fuggérer les moyens de pro curer aux Goths une meilleure for tttne : // ne vous en coulera que des pa roles, repartit Théodoric. V Italië ap partenoit d vos ptédécejfeurs : 'c'eft le her ceau de votre Empire. Pourquoi Caban donnet-Vous aux Turcilinges &aux En les? Permette\~ moi d'en faire la con quéte : f je rhtjjis dans cette entreprife vous en partagere^ 1'honneur , & je tien drai de vous mon nouveau domaine-: I v ZÉNON. Ann. 487. II. Zénon lui abandonne l'Italie. 1 Anon. Valef. Proc. Got. ' l. I. c. I. !. 2. e. 6. Theoph. p. 115. Jorn. de reb. Get. c. 57- Idem dc fucceff. regn. Sigon. de ' imp-Occid, . I. 15. Baronlus. Vdlef. rer. " Fr.l. 5. '»  202 HlSTÖlRE ZÉNON. Ann, 487 m. Nature de cette donation. Conc. Labb. r. IV, p. •1436. Saronius. Cajf. L 2. 1. Spon. Mif■c.tll.ftcl. 8. Je péris , vous y gagnere^ la pen/ion an~ nuelle que vous vous êtes engagé d nous. payer, Ne vous fera-t-il pas plus glorieux de voir Rome entre les mains de votre fils , que de la laiffer en proie d un tyran è> Cette propoütion plut a l'Empereur; il éloignoit de lui des alliés incommodes & prelque toujours ennemis; il eipéroit que les Alpes feroient le tombeau des Goths; & li contre toute efpérance, ils venoient k réuflir, il ne croyoit pas perdre fes droits. II confsra donc a Théodoric par une pragmatique la polTeffion de l'Italie, & lui en donna Pinveftiture en le couvrant d'un voile, que Paul diacre appelle un volle fiacré. II lui recommanda le Sénat & le peuple Romain. Les Auteurs ne s'accordent pas fur la nature de cette conceffion. Les Romains ont prétendu que Zénon n'envoyoit Théodoric en Italië que cpmme fon Lieutenant pour la conquérir & la remettre a 1'Empereur après la conquête; ou que s'il en cédoit le domaine utile au Roi des Goths, ce n'étoit qu'une donation a vie, qui. ne s'étendoit pas a la poliérité de ce Prince. Les Goths,, au contraire, ont.  7>v Bas-Empire. Lh. XXXVII. 203 toujours foutenu que c'étoit une ceffion abfolue & perpétuelle. Ce qu'il y a de certain, c'eft qu'après la conquêté , les Empereurs d'Orient conlerverent fur l'Italie une apparence de fouveraineté. On les voit écrire au Sénat de Rome, & le Sénat en leur écrivant reconnoït leur domaine fuprême. Voici le commencement d'u* ne lettre du Sénat a l'Empereur Anaftafe, en 515 : Invincible Empereur, Ji la JoumiJJion aux ordres des Souverains ejl ce qui leur plak davantage, vous fierie^ fausfait de la joie avec laquelle votre Sénat a requ vos oracles fiacrés. Nous y avons encore été engagés par notre maitre Cinvindble Roi Théodoric votre fils , qui nous a ordonné de vous obéir ; & nous regardons comme le comble de vos bienfaits, 1'honneur que vous nous fiaites de nous croire dignes de recevoir des ordres de votre part. Ce langage n'eft-il pas celui de la foumiffion , & même de la plus baffe fervitude ? Théodoric fe donna beaucoup de mouvements pour qfotenir de l'Empereur la confirmation du titre de Roi d'Italie , qui lui fut longr temps refufé par Anaftafe. II refte eaI vt ZÉNON. A.rtn. 487,  Zénon. A,nn. 487 204 HlSTOIRE core des infcriptions de monuments érigés en Italië fous fon regne, dans lefquelles le nom de Zénon Augujle eft mis avant celui du Roi trèsglorieux Théodoric. Je ferois porté a croire que Zénon, Prince inconlidéré & peu prévoyant, qui d'ailleurs doutoit fort du fuccès de Pentreprife, abandonna au hafard toutes les fuites de cette conceflion; & que Théodoric , devenu maitre de l'Italie, fentant fon indépendance réelle, voulut bien, pour éviter d'être troublé dans fa pofTeffion, condefcendre a des formalités fans conféquence, & laifTer les Empereurs fe repaitre de déférences chimériques. II faifoit nommer les Confuls par le Sénat de Rome ; mais il donnoit avis de leur élection a PEmpereur, & lui demandoit fon agrément. Cesrnénagements n'empêcherent pas le Roi des Goths de prendre les armes contre l'Empereur. lorfqu'il s'y crut obligé, foit pour foutenir fon horineur, foit pour défertdre fes Etats. Ses fuccefTeurs ont manifeftement reconnu le domaine fuprême des Empereurs; on conferve de leurs monnoies, qui portent leur  nu Bas-Empire. Liv. XXXFIl. 205 nom au revers de la tête de Juftinien. Théodoric, charmé du projetd'une li brillante expédition , retourna aufli-töt k Noves , pour fe difpofer k quitter la Mélie. II étoit jaloux de voir que les Érules, nation inconnue , fe fuffent rendus maïtres de l'Italie , 8c qu'Odoacre y dominat tranquillement depuis dix années, tandis que les Goths qui en avoient été les premiers conquérants , n'y avoient pas confervé un pouce de terre. C'étoit la conquête d'Alaric qu'il prétendoit recouvrer. Fréderic, fils du Roi des Ruges, qui s'étoit réfugié auprès de lui après la défaite de fon pere, 1'animoit encore contre Odoacre. Les Ruges habitoient au-dela du Danube vis-a-vis du Norique , dont ils occupoient une partie , & défoloient le refte par des incurfions continuelles. Odoacre mar. cha contre eux, les défit dans une fanglante bataille, 8c emmena en Italië grand nombre de prifonniers, entre lefquels étoit leur Roi Féléthée, nommé auffi Phéba ou Fa va, parent de Théodoric , 6c Gifa fa femme, Zénon. Ann. 4S7. IV. Odoacre défait les Ruges. Ennod. paneg. Cajf. Chr. Anon. Valef. PaulDiac. de geflis Lang. I. t. c. 19. Sigon. de imp.Occïd. I. ij. Baronias. Valef. rer. Fr. I. 5. TUI. Odoac, art, 17.  ZÉNON. Ann. 4S7. V. Théodoric part pour l'Italie. Ennod. Paneg. Anon. Valef. Mare. chr. Jorn. de reb. Get. c. 57- Proc. Got. I. I. c. 1. Idem. Parf. l.i.c. 8. Idem de «dif. I. 3.. 20Ö HlSTOIRE Princeffe Arienne, & très-cruelle k Pégard des Catholiques. Le vainqueur rentra dans Ravenne avec toute la pompe d'un triomphe. Féléthée, chargé de chaïnes, marchoit devant le char; il eut enfuite la tête tranchée felon Panden ufage des Romains. Gifa fut enfermée dans une prifon. MaisFréderic leur fils , qui s'étoit échappé de la défaite, étant revenu dans le pays , Odoacre envoya contre lui fon frere Onulphe avec une puiffante armée ; Fréderic prit la fuite, & fe retira auprès de Théodoric, qu'il preffa vivement de paffer au plutöt en Italië. L'année fuivante fiit employée prefque toute entiere k faire les préparatifs d'une fi importante expédition. L'hy ver étoit déja venu, lor fque Théodoric fe mit en chemin. Ce n'étoit point la marche d'une armée ; c'étoit une nation entiere qui alloit con-: quérir un nouvel établiffement. Les, Goths, pleins deconfiancedans la fageffe & dans la valeur de leur chef,, abandonnerrt avec des cris de joie les villes & les campagnes de la Dace & de la Méfie; ils fe rendent a Noves fous les drapeaux de leur Roi,  nv Bas-Empire. Lh. XXXF1L zo? partent enfemble chargés de leurs armes qui font toute leur efpérance , & füivis des vieillards, des femmes & des enfants , qu'ils tranfportent fur des chariots avec leur bagage. II y en eut cependant, mais en petit nombre , 'qui, foit par attachement pour les pays de leur nailTance, foit par déiïance du fuccès, n'accompagnerent pas Théodoric. Quelques-uns remonterent vers le Bofphore Cimmérien, oü, fans batir ni ville, ni villages, ils vivoient difperfés dans les campagnes , s'occupant de la culture. Alliés fideles des Romains , ils conferverent dans ce climat fertile la douceur de leur caraftere , fans rien perdre de leur bravoure. Du temps de Juftinien, ils étoient au nombre de trois mille, auffi bons foldats que bons laboureurs, & toujours prêts k fervir 1'Empire. Pour les mettre a couverts d'infulte de la part des barbares^ voifins, Juftinien fit fermer de murailles les gorges des montagnes dont ils étoient environnés. Je pourrois abandonner ici Théodoric , & me contenter de marquer 1 en un mot le fuccès de fon entre- j ZÉNON. Ann. 487. PaulDiac. 1. 6. Cochl. vita Theod. c. 4- Sigon. imp. Occid. 1. 15- Valef. reri Fr. I. 5. VI. Digrefion a 'h tftoire e 1'Era-' 'ire.  VII. Marche de Théo doric. aoS HlSTOIRE prife. Mais fi le détail oii je vais entrer fur fes actions guerrieres & fur fa conduite politique. , eft regardé comme une digreffion dans mon ouvrage, on la pardonnera fans peine a 1'importance de la matiere; & j'efpere même que le lecteur me faura gré de le détourner pendant queltemps de la vue de Zénon & de fon fucceffeur, pour fixer fes yeux fur un des Princes les plus accomplis qui furent jamais. D'ailleurs, Phiftoire des Goths en Italië a des rapports fi effentiels avec celle des Empereurs, qu'elle en eft prefque inféparable.Pour ne pas rompre le fil de ces événements, je les détacherai de Phiftoire de 1'Empire ; & après avoir raconté de fuite les exploits de Théodoric, je donnerai une idéé de fon gouvernement, excellent modele d'une monarchie douce , équitable, pleine de vigueur, & fe foutenant avec gloire moins encore par fes forces , que par les grandes qualités du fouverain. Théodoric partit pendant Phyver pour arriver en Italië au commencement du printemps: comme il man-  du Bas-Empire. Liv. XXXPII. 209 quoit de vaiffeaux pour traverfer la mer Adriatique, il prit la route de Sirmium. Les Goth$, qui ne comptoient guere que fur les moiffons d'autrui, n'avoient pu emporter les provifions néceffaires pourunvoyage fi long , & retardé encore par le paflage des rivieres & par les incommodités de la faifon. Après avoir en peu de jours confumé leurs fubfiftances, ils fe virent réduits a vivre de pillage & de chaffe; tk ces deux reffources ne fuffifant pas pour une fi nombreufe multitude, la famine fe fit fentir, & caufa la pefte. Tel étoit 1'état de Parmée , lorfqu'arrivés a la riviere d'Ulca , ils virent la rive ultérieure hériffée de piqués -&£ de javelots. C'étoit les Gépides, qui , a la follicitation d'Odoacre, venoient fermer le chemin a Théodoric. Leur Roi Trafilla,fucceffeurdArdaric, fe montroit fur le bord , ala tête de-fes foldats; & le parTage fembloit impoffible. Cependant la faim & le défefpoir précipiterent les Goths dans cette riviere fangeufe, oü fe trouvant engagés dans la vafe, & pouvant a peine fe remuer, ils demeuroient expolés  -IO ■ HlSTOIRB a une grêle de traits. L'eau étoit teinte de leur fang ; ils reculoient déja, & alloient prendre la fuite , lorfque Théodoric accourant au bord de la riviere : Si vous voule^ pajfer au travers des ennemis, s'écria-t-il, que les plus braves me fuivent; la valeur n'a pas befoin de multitude de bras : peu acquierent la vicloire, tous en profitent ; leve? vos étendards; je veux être connu des^ ennemis ; je veux être en butte d leurs traits, comme ils vont l'être d mts coups : qu'ils fackent d qui ils doivent fe rendre.^ En même temps il demande k boire, & s'élance dans le fleuve. La vigueur de fon cheval le porte en hii moment a 1'autre rive. Tout tombe deyant lui, ou prend la fuite; il pourfuit les ennemis avec ardeur, d'abord prefque feul, bientötaccompagné d'une troupe nombreufe. Le Roi des Gépides meurt en combattant; Ia nuit fauva les débris de leur armée : on s'empara des magafins, & les Goths y trouverent abondamment de quoi foulager leur faim, & fe nourrir pendant le refte du voyage. Un efcadron de Sarmates pafTa du cöté du vainqueur, & fuivit fa fortune. Bu-  nu Bas-Empire. Liv. XXXFH. tix fa, Roi des Bulgares, ayant paffé le Danube dans le même deffein que Tralilla, n'eut pas un fort plus heureux : il perdit la vie dans la bataille. Après avoir furmonté tous ces obftacles, Théodoric arriva dans la Vénétie au mois de Mars 489. L'Italie étoit tranquille fous la domination d'Odoacre, & ne craignoit rien tant qu'un libérateur. Elle avoit réuni toutes fes forces fous les étendards de ce Prince, qui s'étoit avancé au bord du fleuve Sontius, aujourd'hui Sonzo , entre Aquilée & les Alpes Juliennes, pour défendre 1'entrée de fes Etats. II étoit campé k la tête d'un pont, vis-a-vis de 1'endroit 011 eft maintenant la ville de Goritz. Le fleuve étoit profond , le camp bien paliffadé, & plufieurs Rois barbares étoient venus joindre leurs troupes & celles d'Odoacre. Théodoric campa de 1'autre cöté, & demeura quelques jours dans cette plaine fertile a refaire fes hommes & fes chevaux. Dès qu'ils eurent repris vigueur, il brufqua le paffage du fleu ve, livra bataille, défit Odoacre, & 1'obligea de fe fauver dans fon camp VIII. Ocloacre défait prés du fleuve Sontius. Ennod, Paneg. Caff. chr. Idem. I. I. ep. 18. Anon. Valef. Jorn. de rel. Get. c. 57- Paul Dlac. I. 6. Sigon. imp. Occid. I. 15- Emmanuel, Tcforo 1°. tegno d'Italia. e. 6.  ÏX. Bataille de Vérone. Ennod. Paneg. Caff. chr. Anon. Valef. Jorn. dc reb. Get. c. 5 7- PaulDiac. I. 6. Sigon.imp. Occid- I. Xf. Valef. rer. ■ IV ; . -12 HlSTOTRE II fe clifpofoit a 1'y foreer, lorfqu'Odoaere n'efpérant pas tenir long-temps derrière des paliffades contre un ennemi fi vif & fi impétueux, fortit a la faveur de la nuit; & comme les villes d'alentour, ruinées par Attila, ne pouvoient lui donner de retraite afliirée, il gagna Vérone, & s'y renferma. Le lendemain 28 de Mars, Théodoric entra dans le camp abandonné, & crut dès-lors prendre poffefiïon de l'Italie. C'elt, de ce jourla qu'il datoit le commencement de fon regne, dont 1'hiftoire ne compte les années que de la prife de Ravenne en 493. : Pour ne point laififer d'ennemis derrière lui, il envoya fommer les villes du voifinage , qui fe rendirent fans réfiftance. II alla enfuite chercher Odoacre; &après quelques jours de marche, il arriva pendant Ia nuit, & campa prés de Vérone, réfolu de l'affiéger. Odoacre, ayant recu de nouveaux renforts, avoit rendu Ie courage k fes foldats ; & pour leur montrer plus d?afiurance, dès qu'il jppercut au point du jour les pavilons de Théodoric, il fortit de la  l)v Bas-Empire. Liv. XXXPII. 313 ville, & marcha en diligence pour furprendre 1'ennemi dans fon camp. A fon approche, les Goths, fans attendre ï'ordre, courent aux armes; exercés. depuis long-temps k toutes les évolutionsmilitaires, ils fe rangent en bataille; les trompettes fonnent la charge; on éveille Théodoric qui repofoit dans fa tente c fa femme & fa mere,..qu'il conduifoit avec lui, effrayées de cette attaque imprévue, pouffent des cris de défefpoir; il les raffure en prenant fes armes y il vole k Ia tête des. combatrants »,& trouve fes Goths enfoncés, •& prêts afuir. Sa préfence lesranime, & porte la terreur dans le cceur des foldats d'Odoacre : ceux-.ci fuyent k leur tour : des bataillons entiers font précipités dans 1'Adige, & engloutis dans fes eaux. Odoacre, après les plus grands efforts de valeur, èfl entraïné dans Vérone par les fuyards. Les vainqueurs, acharnés a la pourfuite,, y entrent. pêle-mêle avec les vaincus; & les habitants, faifis d'effroi, fe foumettent au Roi des Goths, tandis qu'Odoacre traverfe la ville, & s'enfuit par la porte oppofée avec  X. Suites de cette bataille.Anon. Valef. Lnnod, Paneg. Idem vlta Epiph. PaulDiac. I, 6. Anon. Cufp. Sigon. imp. Occid. I. i;. TUI. Odsac. art. 214 HlSTOIRE le peu de troupes qui avoient échappé au fer ennemi. Dans cette extrêmité, Odoacre courut a Rome, perfuadé que s'il confervoit cette ville, 1'Empire de l'Italie n'étoit pas perdu pour lui; mais il en trouva les portes fermées; & les habitants déclarerent du haut des murs, qu'ils ne reconnoiffoient pour maïtre que celui qui leur étoit envoyé par l'Empereur. Irrité de cet affront, il fit le dégat dans les environs, & regagna Ravenne, 1'unique place oü il put fe défendre. Cependant Théodoric étendoit fa conquête; il marcha vers Milan, oü commandoit Tufa, Général des armées d'Odoacre. Dans la confternation oü étoient les habitants, que 1'Evêque Laurent exhortoit a reconnoïtre le bras de Dieu dans la défaite d'Odoacre , Tufa n'ofa foutenir un fiege; il fe rendit avec fes troupes, & offrit de les employer au fervice de Théodoric. Epiphane , Evêque de Pavie, craignant pour fon troupeau , vint auffi rendre hommage au vainqueur. Ce Prince le requt avec refpect; & la première fois qu'il le vit : Voici,  nu Bas-Empire. Liv. XXXVII. 215 dit-il a fes Officiers, le plus fort rempart de Pavie ; cet homme, dont (extérieur ejl (i Jimple, n'a pas fon femhlable dans Cunivers. Cejl pour nous ün grand avantage de C avoir vu. Nous pow vons lui confier nos femmes & nos enfants, & ne fonger qu'a la guerre. Tufa ne s'étoit livré a Théodoric que pour mieux fervir Odoacre; il fut fi bien s'infinuer dans la confiance de fon nouveau maitre, que Théodoric lui laifla le commandement des troupes avec lefquelles il s'étoit rendu. II lui ordonna même d'en prendre une partie, pour aller réduire Faënza, qui n'étoit qu'a fix lieues de Ravenne. Plufieurs Officiers de 1'armée des Goths voulurent accompagner Tufa dans cette expédition, efpérant profiter du pillage. Odoacre, fur les avis fecrets de fon Général, étoit venu s'e«fermer dans cette place, comme pour la défendre; mais dès que Tufa fut en préfence , il remit entre les mains d'Odoacre & les troupes & les Officiers Goths qui Pavoient fuivi. Ils furent chargés de fers, & conduits dans les pfifons de Ravenne. Cette trahifon infpira une cruelle défiance  XI. Ravages de la Ligutie. ClG HlSTOIRB a Théodoric ; il fit maflacrer tout le refte des foldats de Tufa, qu'il avoit repartis en divers quartiers; & ayant raflemblé fes troupes affoiblies par deux hatailles, il fe retira dans Pavie. C'étoit la place la plus forte de cette contrée, ,&i Théodoric y. ajouta de nouvelles fortifications.. Mais Ja ville étoit trop petite pour loger commodément tant de foldats , qui, fans compter leur familie, traïnoient avec eux un grand nombre de prifonniers ; en forte que les habitants éprouvoient tous les jours des infultes & des mauvais traitements de la parts des Goths. Epiphane remédioit a tous ces maux; il nourriflbit les indigents, rachetoit les prifonniers, prenoit foin des blefTés &c des malades, adouciffoit par fes largefles la dureté des vainqueurs. Tant que dura Cette guerre, il fut fe maintenir entre les deux Princes rivaux; & malgré la haine qui animoit les deux partis, il s'en- fit également aimer par 1'univerfalité de fon zele & de fa charité épifcopale. Théodoric, pendant Thyver qu'il paffa dans Pavie, s'occupa des prcparatifs  du Bas-Empire. Liv. XXXVII. 2if paratifs de la campagne fuivante. II fe procura le fecours d'Alaric , Roi des Vifigoths, qui promit de lui envoyer fes meilleures troupes , dès que la faifon auroit ouvert le paffage des Alpes. IVlais Gondebaud, Roi des Bourguignons, qui efpéroit s'enrichir par le ravage, fut plus prompt a fe mettre en mouvement. Sous prétexte d'accourir au fecours d'Odoacre , il paffa en Ligurie, pillant les villes & les campagnes, maffacrant une partie des habitants, réduifant 1'autre en efclavage. II entroit comme ami dans les villes, & les traitoit en ennemi. Enfin, chargé de butin , & trainant avec lui une multitude de prifonniers, il repalTa les Alpes , ne laifTant aux deux Princes, qui fe difputoient la poffeflion de cette contrée, que des villes défertes & des campagnes défolées. Les Evêques jufqu'a ce temps-la n'avoient fecouru leur troupeau que par les armes fpirituelles; ils ne leur avoient ouvert d'autre afyle que les Eglifes. Ils commencerent alors a batir des fortereffes '& des chateaux, pour mettre leurs peuples a 1'abri de la violence. HoTorne VIII, - K Ennod. vit. Epiph. Idem. de Laurentio. Idem, Etf charift. Paul Diac. I. 6. Valef, rer, Fr. I. 5. TUI. Odoac, art, 14.  XII. Bataille de 1'Adda. Ennod. rit. Epiph. Anon. Valef. Caff. chr. Valef. rer. Fr. I. 5. TUI. Oioac. art. '4« tlS IIlSTOIRB norat, Evêque de Novare, en donna 1'exemple ; & dans la fuite ces chateaux devinrent fouvent des p'aces de défenfe contre les légitimes Souverains, Le retour de Tufa, & Ia retraite de Théodoric dans Pavie, avoient ranimé les efpérances d'Odoacre. II fe rendit a Crémone, & s'avanca jufqu'a Milan, qu'il faccagea pour punir les habitants d'avoir recu Théodoric. L'Evêque Laurent reffentit les effets de fa colere; cependant ce Prince, naturellement porté a la clémence, lui laifTa la vie. Enfuite il alla mettre le fiege devant Pavie, ou Théodoric fe défsndit avec vigueur: Odoacre avoit Pavantage du nombre des troupes; mais tout fembloit confpirer contre ce malheureux Prince. Les pluies continuelles ruinoient fes travaux ; Ia divifion fe mit dans fon armée , & fes foldats étoient plus acharnés a s'entretuer qu'a combattre les ennemis; ce qui le forga de lever le fiege. En ce moment arriva le fecours d'Alaric. Théodoric, fe trouvant affez fort pour tenir la campagne, fe mit a la pourfuite d'Odoacre. Les dMix ar-  s>ü Bas-Empire. Liv. XXXFII. 215 mees fe rencontrerent aa bord de PAdda le 11 Aoüt 490. Le combat fut opiniatre, & le carnage affreux de part & d'autre. Enfïn, Odoacre vaincu s'enfuit a Ravenne , réfolu de s'y défendre jufqu'k la mort, fans tenter déformais la fortune des batailles. Cette viöoire alTuroit a Théodoric la conquête de tout le pays. II envoya aufli-töt a Zénon Feitus Niger, pour lui demander la permiffion de prendre le titre de Roi d'Italie, Mais Zénon , jaloux des fuccès cte Théodoric, différa de jour en jour, & mourut avant que d'avoir donné fa réponfe. Le vainqueur, de retour a Pavie, laifTa fous la garde d'Epiphane fa mere , fa femme & fa fceur, avec les femmes, les enfants, les vieillards & les bagages inutiles pour un fiege. II laifTa dans la ville une garnifon de Ruges : c'étoit une nation féroce ; mais le faint Evêque fut fi bien les adoucir, que trois ans après ils ne purent le quitter fans verfer des larmes. Après ces difpofitions, Théodoric alla mettre le fiege devant Ravernie. Plus il étoit difficile d'attaquer K ij xm Siege de Ravenne. Cajf. chr. Poe. Goth. I. l.e. 1. Anon. Valef. Ennod. Paneg. Idem. vit. Epiph. Jorn. de reb. Git. c. 57. Anon. Cufp. _ S gon, imf.  Occld, l. IJ. Baronius. Vale/, rer. Fr. I. S. TM. Oioac. art. 14, 15. S20 H I s T O I R E cette ville environnée de fleuves & de marais, plus auffi il étoit aifé d'en former le blocus. Théodoric s'étant campé a trois milles, ferma tous les paflages, en partageant fes troupes en trois corps; il en pofta un dans un lieu nommé Pinetum, a caufe d'une forêt de pins; un autre prés d'une maifon de campagne des Empereurs, qu'on nommoit le petit palais , & le troiiïeme a la tête d'un pont appellé le pont Candidius für le fleuve nommé Uris. Comme la ville étoit bien ponrvue de vivres, & que le port, quoiqu'en grande partie déja bouché par les fables, donnoit néanhïoins encore entrée a des barques légeres, le fiege dura deux ans Sc demi. Odoacre faifoit pendant la nuit de fréquentes forties; & quoiqu'il fut toujours repoufTé, il ne rentroit guere dans la ville, fans avoir ügnalé fon courage , & caufé quelque perte aux affiégeants. Le 15 de Juillet , vers la fin de la première année du fiege, étant forti de nuit a la tête des Erules, il vint attaquer le quartier du pont Caadidius, II forca les retranchements , Sc les Goths fuyoient devant lui, Iorf-  du Bas-Empire. Liv. XXXVII. iir. que Théodoric, qui campoit a Pinetum , accourant k toute bride, rendit le cceur k fes foldats, & repouffa les ennemis dans la ville avec un grand carnage. Levila, chef des Erules, fut tué en paffant TUtis. Théodoric, prévoyant que le fiege feroit long, donna fes ordres pour le continuer avec fïïreté ; & laiffant devant Ravenne une partie de fes troupes, il partit avec le refte, a deffein de réduire les villes qui tenoient encore pour Odöacre. II étoit le vingtdeuxieme d'Aoüt a Pavie, 8c il paffa une année a foumettre les places des deux cötés du Pö dans toute la longueur de ce fleuve. S'étant rendu maïtre de Rimini, il y trouva des barques qu'il fit conduire a Ravenne pour fermer Pentrée du port, &c öter a la ville toute communicatiön avec la mer. Tout lui öbéiffoit dans PEmilie 5c la Flaminie , k 1'exception de Cefene, oïi commandoit Libérius, Officier brave & fidele. La terreur s'étoit répandue jufqu'aux extrêmités de 1'Itahe. Un grand nombre de villes , 6c Rome elle-même envoyerent des députés au Roi des K iij XIV. Exploit1! Ie Tkéoloric peniantlefie;e.  XV. IWort d'Odoacre.Anon, Valef. Caff. chr. Mare. chr. Ennod. Vit. Epiph. Proc. Got. I. l.c.i. Jom. dc rei. Get. c. 57. Theoph. p. 113. Anon. Cufp. Hifi. mifc. 1. I5. PaulDiac. I. 6. Sigon. imp. Oetid. I. IJ. Earonius. Valef. rer. Fr, 1. 5, 222 ïflSTÜIRB Goths, pour l'affiirer de leur foumïffion. Gondamand, Roi des Vandales, fucceffeur de fon onele Hunéric, regrettant la perte de la Sicile, que Genféric avoit cédée k Odoacre, s'efforcoit de la reconquérir. Les fuccès de Théodoric arrêterent fes ravages ï il lui demanda la paix, & 1'obtint en renoncant a fes prétentions. Le fiege continuoit avec lenteur. Les affiégés & les affiégeants étoient également fatigués. Depuis que le port étoit fermé, la famine fe faifoit fentir dans la ville; elle s'accrut k un tel point, que le boiffeau de bied valoit fix pieces d'or, qui font environ quatre vingts livres de notre monnoie, & que les habitants furent réduits k manger les cuirs, & tout ce qu'une faim extréme peut transformer en aliment. Théodoric étoit revenu devant Ravenne avec toute fa familie le 29 d'Aoüt, au commencement de la troilieme année du (iege, & il preffoit la ville avec une nouvelle vigueur. Jean, Evêque de Ravenne, après avoir long-temps exhorté Odoacre, lui perfuada enfin de traiter avec Théodoric , & fe chargea de la négociation.  du Èas-Empize. Liv. XXXPII. 223 Après de longs débats, Odoacre fe réduifit a céder Ravenne & toute l'Italie , a condition qu'il partageroit avec Théodoric le titre de Roi & les honneurs de la Royauté. II donna fon fils Thélane en ötage. Cet accord fut conclu le 27 de Février 493 , &c confirmé par le ferment des deux Princes. Le cinquieme de Mars fuivants Théodoric entra dans Ravenne, précédé de PEvêque & du Clergé, qui étoient venu au-devant de lui, portam les reliques des Saints. II prit auffi-töt le titre de Roi, fans attendre Pagrément de l'Empereur Anaftafe, que Feftus Niger, fon agent , follicitoit a Conftantinople. Anaftafe avoit fuccédé a Zénon, mort en 49T. Odoacre fut d'abord traité avec amitié : il logeoit avec Théodoric dans le palais. Mais on ne vit jamais plus fenfiblement , combien eft violente &c cruelle la jaloulie de la fouveraineté. Peude jours après, Théodoric ayant invité Odoacre a un repas , le tua de fa propre main. Le fils, les parents, les principaux Officiers de ce Prince infortuné, furent maflacrés le même jour avec leurs enfants ; K iv TUL Odoac. are.  XVI. Fonda tion d Royaui «tes Oft goths Italië. Ennod Paneg. Idem. p Epiph. 224 HlSTOIRB meurrre barbare, que les Auteurs favorables a Théodoric tachent d'excufer, en difant qu'il avoit découvert un complot formé contre fa vie. Mais des Ecrivains qu'on ne peut foupconner de partialité , traitent ce forfait d'affafïïnat commis contre la foi des ferments. II a fallu trente ans de vertus & d'aöions les plus éclatantes pour couvrir une tache fi noire, & les derniers temps de Ia vie de Théodoric préfenteront encore des cruautés. Héros accompli dans le cours d'un long regne, il le commenca & le finit comme un tyran. Une fin fi tragique releve la mémoire d'Odoacre. Ce conquérant, qui, de tous les Princes de ce temps-la, étoit le plus femblable k fon vainqueur , paroit encore plus grand, paree qu'il futmalheureux. Après Ia mort d'Odoacre, Théo'a doric n'eut plus befoin de tirer 1'éie pée. Toute l'Italie le reconnut pour •°- maitre. Libérius rendit Céfene. La en Rhétie, le Norique , la Dalmatie fe rangerent fous fes loix. Les Siciliens .. & les Brutiens refufoient feuls de lui obéir; mais Cafliodore, pour lorsre-  du Bas-EmPike. Liv. XXXVII. 225 tiré fur fes terres a Pextrêmité méridionale de l'Italie, fit ufage de fon éloquence pour les déterminer k fe foumettre , leur repréfentant qu'il y auroit de la folie k prétendre fe maintenir contre des forces qui avoient abattu Odoacre. Fréderic, après avoir fervi Théodoric pendant la guerre, étoit retourné dans fes Etats avec les Ruges qui avoient gardé Pavie ; il ne fe vit pas plutöt rétabli, qu'a Timitation de fon pere , il fe mit a ravager le N»rique. Théodoric envoya contre lui une armée qui le défit, chafTa les Ruges de la contrée , & les fit pafTer en Italië pour repeuplet les pays que la guerre avoit défolés Les Erules & les Turcilinges, foldats d'Odoacre , ne pouvoient que donner de perpétuelles inquiétudes comme ils étoient en droit d'accufei Théodoric de parjure, nuls ferment! n'étoient capables de PafTurer de leui fidélité. II prit le parti de les éloigner & leur affigna pour demeure le pay« qu'on nomme aujourd'hui le Piémont II étoit refté en Germanie d'autre; Erules qui n'avoient pas fuivi Odoacre ; Théodoric fit alliance avec eus K y Idem. de Laur. Caff. I. 2. ep. 16. I. 4. ep. 2. Proc. Got. I. I. c. I. Paul Diac. I. 6. Baronius. Valef. rer. Fr.l. 5. Emmanuel Tefauro 1». regno */'/taiia, c, 6*  £20 H I S T O' I R E en adoptant leur Roi pour fon fils d'armes. A Pexemple d'Odoacre, il établit les Goths en leur donnant le tiers de toutes les terres d'ltalie; partage plus équitable que celui des Vifigoths, qui, dans les Provinces conqui-fes en Gaule & en Efpagne, n'avoient laiflé que le tiers des fonds aux anciens habitants. Ce fut alors que du melange de la langue Romaine & des différents idiömes Germaniques, fe forma le jargon barbare qui a donné naiflance a la langue Italienne , devenue enfuite , graces aux heureux génies qui Pont cultivée, une des plus parfaites & des plus agréables de 1'Europe. Telle fut en Italië la fondation du Royaume des Oftrogoths, qui ne fubfifta que foixante ans. Comme Théodoric prévoyoit que la jaloufie des Empereurs ne le laifleroit pas jouir paifiblement de fa conquête , il préféra le féjour de Ravenne a celui de Rome, paree que le voifinage de la mer Adriatique le mettoit plus a portée de s'oppofer a leurs entreprifes. Je vais maintenant iracer le portraitrde ce grand Prince , & faire eonnoitre fon gouvex*  du Bas-Empire. Liv. XXXVII. 227 nement, autant que les Auteurs de ce temps-la dans leurs ébauches confufes , peuvent fournir de lumieres fur un fujet digne d'être traité par les plus habiles Hiftoriens. Théodoric fe nommoit dans la langue de fa nation , Diétérich , comme fon pere Théodémir s'étoit nommé Diethmar. Les Auteurs feptentrionaux Pappellent Théodoric de Vérone , paree qu'ayant remporté prés de Vérone la vidioire qui décida de fon établiflement en Italië, il aima cette ville, y fit quelquefois fa demeure , & prit foin de 1'embellir. II avoit le teint vif &c animé , un air majeftueux , une taille avantageufe, le regard ferein. II étoit terrible dans fa colere, doux & aimable dans la fociété. Libéral & même magnifique, il ïTeftimoit les richefles. que pour les répandre k propos. Auffi grand politique que grand Capitaine , il chercha la paix, & fut faire la guerre. La plupart des écrivains ont avancé , fur la foi d'un Auteur anonyme, que Théodoric n'avoit aucune teinture des lettres; qu'il ne favoit même ni lire ni écrire; qu'il fe fervoit K vj XVII. Portraic de Théodoric.Caff. I. 2. ep. 15. l4. ep. 1. Anon. Va' lef. Proc. Got, l. I. c. 2. Theoph, p, 112. Jorn. de reb. Get. c. 5- Ennod. Paneg. Valef. rer. Fr. I. 5. Cochl. rit. Theod. c, 1. Peringfkiold ad Cochl. p. 241.  228 H 1 S T O I R È d'une lame d'or percée a jour des cinq lettres Tkéod, & que paffant la plume dans cesvuides, il formoit ainfi fa fignature; ils ajoutent, d'après Procope , qu'il ne vouloit pas que les Goths envoyalTent leurs enfants aux écoles, difant qu'ils ne verroient jamais fans craintc la pointe d'une épe'e, s'ils avoient une fois appris d tumbler fous la fe'rule. Mais Procope s'attache moins au vrai qu'au merveilleux; & le récit de Panonyme eft vifiblement copié d'après ce qu'on rapporte de l'Empereur Juftin, dont 1'ignorance n'eft pas douteufe. Théophane dit au contraire que Théodoric étoit fort inftruit, & que pendant les dix années " qu'il avoit paffées a Conftaikinople dans fa première jeuneffe, il avoit pris les lecons des plus habiles maïtres : ce qui en effet eft beaucoup plus conforme a un génie aftif, pénétrant, &avide de gloire. Ce Prince remit les arts en vigueur : il fonda des prix pour ceux qui s'y diftinguoient. Comme il favoit faire de grandes chofes, il honoroit ceux qui favoient les écrire & les tranfmettre a la poftérité. 11 pri; fein de faire  nv Bas-Empirb. Llv. XXXPII. 229 inftruirefa fille Amalafonte, & faniece Amalaberge. Son neveu Théodat fe livra fous fes yeux k 1'étude des Lettres & de la Philofophie. Ce fut la fcience qui procura la faveur de Théodoric , & la dignité de Conful au célebre Boëce. Dans la lettre que ce Prince écrit k Venantius en lui conférant la charge de Comte des domeftiques, il le loue de fon attachement a 1'étude ; il dit que les lettres ajoutent un nouveau lujlre a la plus haute naijfance : que leur fuffrage rend un homme digne des plus grands honneurs. II 1'exhorte a continuer de les cultiver, pour mériter encore de nouvelles récompenfes; il tient le même langage dans plufieurs autres de fes lettres. C'étoit a la vérité Caffiodore qui écrivoit au nom de Théodoric ; mais le fecretaire n'auroit-il pas rendu le Prince ridicule , s'il eüt mis des éloges fi pompeux de la littérature dans la bouche d'un Prince ignorant? D'ailleurs, les Goths étoient fort éloignés de cette groffiéreté que Procope leur attribue. Dion Caffius, qui avoit bötilpofé une hifioire générale des Goths, féduit apparemment  XVIII. Son gou verneJiient.Cajf. I. i. ep. i. /. 2. ep. 24,25. /. J.ep. 20, 23 . 43- l4- 14A7- ep. 3Proc. G01. /. 2. c. 6. Anon. Valef. Chr. Alex Sigon.imp. Occid. I. 15- VaUf. rer. Fr. I. 5. Giannone , *(/?. Neap. I. 3. c. 2. Suet. Claud, e. 23© HlSTOIRB par la prévention qu'infpire a un hiftonen 1'amour de Ion propre ouyrage, alloit jufqu'a les comparer aux Grecs pour la fcience & la fageffe. . Le mauvais gouvernement des de*niers Empereurs avoit fait de l'Italie un théatre de fanglantes révolutions. On peut dire que les barbares en s'en rendant les maitres, en avoient été les libérateurs. Elle commenc^oit a refpirer fous Odoacre; fa tranquillité devint plus afTurée fous le regne de Théodoric : elle fe crut libre , paree qu'elle fe vit gouvernée par les loix. Les Goths ne traiterent pas l'Italie, comme les autres barbares avoient traité leurs conquêtes : ils ne toucherent pas a la condition des perfonnes. Théodoric ne voulut pas régner en conquérant, mais en Roi. II honora le Sénat; les charges furent données aux plus dignes ; il avancoit les defcendants des maifons nobles , & comptoit pour fervices rendus a fa perfonne ceux que leurs ancêtres avoient rendus a 1'Etat. II déclara que les naturels du pays lui feroient auffi chers que fes anciens fujets, & qu'il ne donneroit de pré:  du Bas-Umpire. Liv. XXXVII. rji férence qu'a ceux qui feroient plus fideles a obferver les loix : Nous déujlons, dit-il, les oppreffeurs: ce n'eji pas la force qui doit régner, cejl la juftice : pourquoi établiffons-nous des tr'tbunaux , fi ce n'ejlpour défarmer la violence ? Vous êtes réunis fous le même Empire, que vos cceurs foient unis ; les Goths doivent aimer les Romains comme leurs voijins & leurs freres , & les Romains doivent cherir les Goths , comme leurs défenfeurs. Les Goths, après avoir recu le tiers des fonds, prétendoient être exempts, ckrejettoient les taxes fur les Romains. Théodoric les obligea de payerleur quotepart : lis ont mauvaife grace, difoitil, ds vouloir s'affranchir des tributs; /'en payeplus queux : car jeregarde comme un tribut les foulagements que je dois d ceux qui font dans l'indigence. II n'impofoit fur fes fujets que des taxes proportionnées a leurs forces; & fans examiner s'il étoit en droit de les exiger , il les recevoit comme des préfents. Ayant appris que les Sénateurs fe difpenfoient des contributions, & que le fardeau des charges publiques retomboit entiérement Tiur  ■53- H 1 S T O I R S les pauvres, il leur en fit une forte réprimande, & leur ordonna, par un édit, de remplir leurs obligations, promettant de faire droit fur les plaintes des pauvres, & même de les prévenir par une prompte juftice. II fit fleurir le commerce, que les troubles précédents avoient entiérement miné , & prit un foin particulier d'attirer en Italië les marchands étrangers. Le tréfor public qu'il trouva vuide , fut bientöt rempli par une fage économie. L'abondance revint fous un gouvernement équitable ; foixante facs de bied ne fe vendoient le plus fouvent qu'une piece d'or , qui faifoit treize a quatorze francs de notre monnoie ; c'étoit auffi le prix ordinaire de trente amphores de vin , c'eft-a-dire , d'environ quatre de nos muids. II veilloit avec tant de foin a la füreté publique , que la nuit comme le jour on pouvoit voyager fans crainte ; les maifons de campagne étoient auffi afiurées que des forterefles , & les portes des villes furent inutiles pendant fon regne. Ce neroit qu« pour fe donner un air d'autoriié qu Analt-jie recommandoit  du Bas-Empire. Liv. XXXVII. 233 fbuvent a Théodoric de ménager le Sénat, de fuivre les loix des Empereurs, & de maintenir la concorde entre fes fujets. Cet Empereur avoit lui-même plus de befoin de ces avis , que le Roi des Goths. Les loix Romaines n'éprouverent d'autre changement que d'être exécutées avec plus d'exactitude : Notre dejfein, dit ce Prince dans une de fes lettres, n'eji pas de conquérir, mais de rendre les peuples heureux. Notre triomphe ejl de faire rêgner fur eux leurs propres loix. Quel fruit retireront-ils de notre conquête , que gagneront-ils d être délivrés des barbares, s'ils ne trouvent en nous que dautres barbares qui veuillent les ajfujettir d leurs ufages & d leurs coutumes ? Oü la jujlice tient le fceptre , les droits ne font pas confondus. Le défenfeur de la liberté nefepropofe pas de faire des efclaves. Que les autres conquèrants pillent ou detndfent les villes dont ils fe Jont rendus maU tres; pour nous, notre intention ef de trailer les vaincus de manier e qu'ils re* grettent de n'avoir pas été vaincus plutót. Dans ces principes, il laifTa fublifter les difpolitions du droit Ro- XIX. Adminii-tration de la juftice,  234 HlSTÖIRE main; 1'édit célebre qu'il publia ert cent cinquante-quatre articles, y eft prefque entiérement conforme. II prit Phabillement Romain ; il conferva les mêmes Magiftrats, & ne fit aucun changement a la police ni k la divifion des Provinces; elles continuerent d'avoir leurs confulaires, leurs correcteurs , leurs préfidents , qui étoient choifis d'entre les Romains. II établit de plus dans chaque ville & dans chaque bcurg, grand ou petit, un Comte ou Magiftrat inférieur, afin d'épargner aux habitants la peine & la dépenfe de fe tranfporter au loin pour 1'expédition des affaires courantes. II permit aux Goths de conferver leurs coutumes particulieres; mais pour les objets importants, tels que les fucceffions , les contrats, les délits & les peines, il voulut que les Goths mêmes fuffent foumis a la loi Romaine. Tel étoit 1'ordre judiciaire : dans chaque lieu, le Comte Goth jugeoit feul les différends qui furvenoient entre deux Goths; fi la querelle étoit entre un Goth & un Romain , le Comte prenoit un affeffeur Romain; fi les deux plaideurs  du Bas-Empire. Liv. XXXPIL 233 étoient Romains, ils s'adrefToientaux juges Romains délégués dans toutes' les Provinces. II donnoit toute fon attention a choilïr des Magiftrats integres & éclairés ; s'il fe trouvoit trompé dans fon choix , il punifToit févérement leurs injuftices, fans épargner même les Préfets du Prétoire, Rien ne lui paroiffoit plus indigne que d'abufer du pouvoir pour opprimer les inférieurs, & ce crime étoit irrémiflible. II ne pardonnoit pas plus aux juges qui, foit par négligence, foit par une collufion criminelle, différoient de rendre juftice aux opprimés, & favorifoient ainfi les injuftes prétentions des perfonnes puiffantes. On en rapporte un exemple louable dans le principe , mais répréhenfible par 1'excès de févérité. Pendant qu'il étoit k Rome, une veuve vint fe plaindre alui decequ'ayant depuis trois ans un procés contre un Sénateur, nommé Formus, elle n'avoit pu encore obtenir de jugement. II fit auffi-tot appeller les juges: Si vous ne termine^ demain cette affaire, leur dit-il, je vous jugerai vous-mêmes. Le lendemain la fentence fut rendue.  £36 HlSTÖIRE La veuve étant venue remercier le Prince , un cierge allumé a la main, felon la coutume de ce temps-la: Ou. font les juges ? dit Théodoric; on les amena devant lui: Et pourquoi, leur dit-il , avec indignation, ave^-vous prolongé pendant trois ans une affaire, qui ne vous a coütè quun jour de dificufifion ? Après ce reproche , il leur fit trancher la tête. Cet exemple mit en activité tous les tribunaux. On lui attribue un jugement lemblable a celui que l'Empereur Claude avoit rendu dans une occafion pareille. Une femme mariée en fecondes noces refufoit de reconnoitre fon fils du premier lit. Théodoric , après avoir interrogé le jeune homme, demeura perfuadé qu'elle étoit véritablement fa mere ; & comme elle s'obftinoit a le nier : Eh bien , dit-il, puifquil nejl pas votre fils, ie caffe votre fecond mariage, & je vous ordonne de l'époufer. La mere frémit d'horreur, &avoua la vérité. La fureur des duels régnoit en Pannonie; les diverfes colonies de Huns, de Sueves, de Gépides, qui, depuis long-temps, fe répandoient dans ce pays, y avoient in-  du Bas-Empire. Liv. XXXF1I. 237 traduit cette coutume barbare, & les procés civils fe décidoient fouvent par 1'épée. Théodoric s'efforca d'étouffer ce monftre nauTant. En envoyant le Comte Colofïée pour gouverner la Pannonie de Sirmium, dont il venoit de fe rendre maitre, il.lui ordonna de détruire cet ufage qu'il nomme abominable, & de montrer que les€oths joignent Phumanité Romaine a la valeur nationale : Que les conteflaüons civiles , lui dit-il, ne nous foient pas aujji funejlcs que les guerres : d (égard de nos compatriotes, les armes ne font faites que pour les défendre. Si findigence porte un malheureux d cet exces de rage , relirez-le de la mifere ; perde^ vous-même pour le conferver: quoi qu'il vous en coüte, ce ne fera pas perdre que de gagner la vie dun homme. Infpire^ d ces ames féroces la douceur de notre nation, & que par vos bons traitements ils s'aceoutument d fupporter la vie. Ce fut peut-être pour arrêter le cours des affaflinats, que les derniers troubles avoient rendus plus communs en Italië , qu'il défendit aux Romains de porter aucune arme, pas même un couteau.  XX. ïl répare ïes maux 4. 421 4344- 1 ep. 15,16. 8. ep. 6, 9, 10. /. 264 II I S T O I R E tus recoit ordre de mettre Sy m ma* que en poffellion de toutes les Eglifes de Rome; il obéit a regret, &C donne a Laurent une retraite fur fes terres. Cet anti-Pape mourut peu de temps après, & ce ne fut que fa mort qui put affurer la paix. Le fchifme avoit duré huit ans. Quoique Symmaque eüt fait déclarer par un Concile , que Péleftion des Papes feroit entiérement indépendante des Souverains, Pordonnance d'Odoacre continua cependant d'être exécutée pendant prés de deux fiecles. Ce ne fut qu'en 684, fous le pontificat de Benoit II, que Conftantin Pogonat difpenfa les Papes d'obtenir 1'agrément des Empereurs. Après avoir tracé le tableau du Gouvernement de Théodoric, il eft a propos de faire connoïtre ceux dont la fagefTe a fecondé les intentions de ce grand Prince. Comme ils ont contribué k fa gloire, ils méritent de la partager. Théodoric, invincible dans les combats, fe laiflbit vaincre par les bons confeils; il favoit gré de la contradicfion même, quand elle étoit appuyée de la raifon & de la jufti- ce.  dv Bas-Emplae. Liv. XXXV1T. 265 ce. Celui qui fe préfente d'abord comme le plus ancien nement attaché au Roi des Goths, fut moins un minifïre qu'un favori, titre plus flatteur pendant la vie, mais moins honorable dans 1'hiftoire. Cependant la vertu d'Artémidore & le caracfere de fon maitre lui rendent toute la confidération que le nom de favori pourroit lui öter. Artémidore, Grec d'origine & d'une naifTance illuftre, s'étoit lié d'amitié avec Théodoric, lorfnue ce Prince vivoit a la Cour de Conftantinople. Quoiqu'il fut allié de l'Empereur , & qu'il put afpirer aux premières charges de 1'Empire, il voiilut fuivre le Roi des Goths en Italië : il étoit attaché a fa perfonne plutot qu'a fa dignité. II ne fe mêla jamais des affaires d*Etat; il bornoit fes foins a délaffer le Prince par les agréments de fa converfation, & a lui procurer des plaifirs innocents ; convive amufant,mais courtifan vertueux & vraiment zélé pour la gloire du Souverain. On vit alors un favori profiter de fon crédit pour fervir les gens de mérite, pour foulager les malheureux, & n'en jamais Torne VIII, M 9. ep. 24 , 25. /. 11. ep. 7. Lnnod. Paneg. Idem. parcenef. didafc. Jorn. de reb. Get. c. 58. Vie de Caffiod. par Ste. Marthe.  xxxn. Feftws NiJer. 266 H i & t ® i r a abufer pour parler trial de performer c'eft Théodoric lui-même qui lui rend ce témoignage. Comme ce Prince connoifToit dans Artémidore un heureux mélange de douceur & de fermeté, il le crut propre a calmer les féditions qu'avoit fait naitre le fchifme de Laurent. II le nomina Préfet de Rome; & quoique cette charge donnat par elle-même la jurifdiöion fouveraine fur la ville & fur les Provinces qu'on nommoit Suburbicaires, Théodoric , pour afïïirer davantage dans cette conjon&ure critique 1'autorité du Préfet, fit fpécialement exprimer dans le brévet, qu'il chargeoit Artémidore de protéger les citoyens tranquilles , 6c de punir les féditieux. Feftus Niger avoit des talents moins agréables, mais plus folides. C'étoit un Sénateur des plus diftingués de la ville de Rome. Aum-töt après la bataille de Vérone, il fentitqu'Odoacre alloit périr, & vint offrir fes feryices k Théodoric, qui lui donna Ia charge de Maitre des offices. Savant, vertueux, du moins en apparence, grave & parlant peu, mais fouple,  nu Bas-Empire. Ut). XXXVll. 167 pénétrant 8c adroit k faire parler les autres , Théodoric le jugea propre aux négociations. II 1'employa avec fuccès k la Cour de Conftantinople. Feftus faifoit profefïïon de la docirine Catholique; mais plus politique que religieux, il paroit par 1'hiftoire du fchifme de Laurent, qu'il étoit peu fcrupuleux fur le choix des moyens pour parvenir a fes fins. Auffi Théodoric 1'occupa moins au-dedans qu'audehors, 8c fit plus d'ufage de fes talents que de fes confeils. II n'en fut pas ainfl de Libérius; vertueux fans politique , il étoit perdu, s'il n'eüt trouvé un vainqueur auffi généreux que lui-même. II fervoit Odoacre ; 8c loin de 1'abandonner dans fes malheurs, il lui demeura fidele après que ce Prince infortuné fe fut lui-même trahi en fe livrant k fon rival. Enfermé dans Céfene, Libérius ne ceffa de défendre cette ville, quoique. toute l'Italie fe fut déja foumife k Théodoric ; il ne la rendit qu'après la mort d'Odoacre, 8c ne voulut reconnoitre de nouveau maitre, que lorfqu'il eüt perdu le premier. Un homme de ce caraftere ne M ij xxxni. Libérius.  '63 HlSTOIRE pouvoit être malheureux, même dans la difgrace; le faire repentir de fa vertu, c'eüt été un effort qui paffoit le pouvoir du vainqueur. Ce fut un bonheur pour l'Italie 6c pour Théodoric même, que ce Prince fentit le mérite d'une ame pareille a la flenne; il fut gré a Libérius de fa généreufe réfiftance, 6c le fit Préfet du prétoire. La conduite du Préfet juftifia la confiance du Roi. Auffi fidele a Théodoric qu'il lui avoit été oppofé, il fe comporta dans cette charge avec une intégrité a toute épreuve, augmentant les revenus publics fans diminuer ceux des particuliers, 6c multipliant les richeffes du Prince par 1'économie, 6c par la fimplicité 8c la fidélité du recouvrement. Jamais, fous fon miniftere, lesarmées ne manquerent de munitions de guerre 6c de bouche , fans être a charge aux Provinces. II établit la difcipline parmi des barbares qui ne connoiffoient que la force. Ce fut lui dont le Roi fit choix pour partager les terres entre les anciens habitants 6c les Goths; €c il fut mettre tant d'équité 6c de douceur dans ce partage, que ce qui  duBas-Empire. Liv. XXXVII. 169 fembloit devoir être une fource de querelles & de conteftations, devint le Hen de la concorde des deux peuples. Les Italiens, en cédant le tiers de leurs biens, crurent acheter des défenfeurs pour le refte; 6c les Goths fe contenterent de la part qui leur étoit aflignée , fans chicaner les anciens pofTeffeurs. II fut envoyé plufieurs fois en Gaule pour rétablir cette Province, oü il exerea la charge de Préfet du prétoire fur la fin du regne de Théodoric , 8c au commencement de celui d'Athalaric. Amalafonte le fit revenir k Ravenne, pour profiter de fes confeils. Elle le combh de faveurs. La principale fcience de Théodo- 3 ric étoit Part de connoitre les hom- ' mes. II ne nomma guere de Magiftrats qui n'ayent juftifié fon choix; jamais il ne mit k la tête de fes armées de Général, qui ne foit revenu vieforieux. L'hiftoire nomme quatre Généraux de Théodoric; Ibas qui vainquit les Francois , & qui foutint Amalaric en Efpagne par la défaite de Géfalic ; Pitzia 6c Herduic qui fubjuguerent les Gépides, défiM iij :xxiv. ?olonis.  470 HlSTOIRÊ rent les troupes de 1'Empire, & conquirent la Pannonie, ainfi que je le raconterai dans la fuite; Sc Tolonic ouTolum, qui étant plus jeune que les autres, ne commanda les armées que vers la fin du regne de Théodoric. Ce dernier mérite une attenticCn particuliere. II fortoit d'une des, plus nobles families des Goths. Dès fa première jeuneffe, il fut recu entre les Chambellans du Prince , Sc fe dilïingaa par fon zele pour fon maitre, par fa difcrétion, & par 1'étude qu'il faifoit de la fcience militaire. En 505 , il fit fes premières armes dans la guerre contre les Romains Sc les Bulgares, Sc eut grande part a la victoire. Elevé dans le palais, il fe montra auffi infatigable que les guerriers les plus exercés. A fon retour, Théodoric le fit Maitre des offices , Sc 1'admit a fes Confeils. II le confultoit fur les affaires les plus épineufes; Sc ce Prince fi habile dans Part du gouvernement, trouvoit encore des lumieres dans la pénétration de Tolonic , Sc des reffources dans fon génie. Cet Officier n'ufa jamais de ces détours oü les Courti-  nu Bas-Empire. Liv. XXXVII. 271 fans s'enveloppent; ami de la véritë , il la préfentoit au Prince ; il s'attachoit fuT-tout k démafquer la calomnie, & a détruire fes impoftures. Son zele auffi éclairé que fincere , le portoit quelquefois a s'oppofer aux volontés de fon maitre, qui Pen aima davantage : ayant époufé une femme de la race des Amales , il eut 1'honneur de devenir 1'allié de Théodoric. II partit avec Ibas pour combattre les Francois; & durant le fiege d'Arles, il fignala fa valeur a la défenfe d'un pont que les ennemis attaquoient avec opiniatreté; il les repouffa & rentra dans la ville couvert de bleffures & de gloire. Nous avons parlé de la conduite qu'il tint pour partager avec les Francois les dépouilles des Bourguignons fans expofer fes troupes. L'amour que lui portoit Théodoric parut dans une occafion très-périlleulé. Ils étoient tous deux fur la mer Adriatique, prés d'Aquilée , dans deux barques féparées. Une furieufe tempête étant furvenue, la barque du Roi gagna le rivage; mais celle de Tolonic coula a fond ; tk tous ceux qu'elle portoit ayant M iv  XXXV. Caffiodoss. 27* HlSTOIRB péri, il ftit redevable de fon falut a favigueur extraordinaire; foutenant fon fils d'une main & nageant de 1'autre, il toucha le bord dans le moment oii Théodoric fe jettoit dans fa barque, pour retourner, malgré la tempête, chercher fon ami au milieu des flots. Tolonic furvécut ce bon Prince, & recutd'Athalaricladignité de Patrice. 11 me refte a parler de Caffiodore, le modele des miniftres qui ne font pas de la politique un art oppofé a 1'honneur & a la vertu. II naquit k Squillace dans le pays des Brutiens vers 1'an 470. II fe nommoit Aurélius Caffiodorus Senator. Sa familie connue par fes grandes richeffes, avoit déja produit des hommes recommandables. Son aïeul avoit fauvé Ia Sicile de 1'invafion des Vandales, & nous avons vu fon pere fecretaire d'Etat de Valentinien III, & Ambaffadeur auprès d'Attila. Calïiodore étoit un efprit profond & univerfel. II fortit de fes études avec les talents de tous les grands hommes dont il avoit lu l'hiftoire, & capable de les remplacer. II n'avoit pas encore dix-huit  du Bas-Empire. Liv. XXXVII. 173 ans, lorfqu'Odoacre le fit Intendant de fon domajne : fa fageffe, fa probité, fon intelligence 1'éleverent bientöt k la charge d'Intendant des finances. Ses vertus croiffoient avec fes honneurs. Après la mort d'Odoacre, il fe retira fur fes terres pour fe livrer entiérement k 1'étude. Mais le fervice qu'il rendit a Théodoric en détournant, par fon éloquence, les Siciliens & les Brutiens du defTein qu'ils avoient formé de fe défendre contre les Goths, le fit connoitre a ce Prince, qui lui donna le gouvernement de la Lucanie & du pays des Brutiens. C'en étoit affez pour rendre ces Provinces heureufes; le Gouverneur leur obtint une diminution d'impöts, & rendit la perception du refte plus douce & plus légere. Ses jugements étoient diftés par la plus exacte juftice. Sa réputation croiffant tous les jours, Théodoric 1'appella k la Cour; & ayant reconnu fes talents , il le choifit pour fon fecretaire. Caffiodore s'acquittade cette fbnction pendant la plus grande partie du regne de ce Prince : les lettres qu'il écrivit au nom de Théodoric M y  £74 Hl&TQtRB fbnr un tréfor de faine politique j c'eft 1'ame de Théodoric qui parle; mais la main du fecretaire fe montre trop fbuvent; il aime trop a faire parade de fa fcience : il prête z un grand Roi un ton de déclamateur qui le dépare. A cet emploi honorable,. Théodoric ajouta la dignité de Quefteur, dont les fonctions répondoient è celles de Chancelier parmi nous» Elles eurent encore plus d'étendue entre les mains de CafTiodore ; il ne fut pas feulement 1'organe du Prince ; on peut dire qu'il le repréfentoit dans toutes les parties du gouvernement; & fans porter le nom de premier Miniftre, qui n'étoit pas encore connu s il en eut toute 1'autorité. C'étoit un pofte laborieux fous un Prince vigilant & infatigable, dont il falloit égaler la vigueur, l'aftivité, & foivre ce coup d'ceil rapide qui pénétroit dans toutes les parties de 1'Etat. Néanmoins t3nt d'occupations n'épuifoient pas les forces de CafTiodore, & ne remplifToient pas tous fes moments. II en trouvoit pour étudier 1'Eeriture-Sainte , oü il puifoit fes maximes de politique, Après avoir partagé les  nu Bas-Empire* Liv. XXXFIL travaux de fon maitre , il contribuoit a fon délafTement; Théodoric aimoit k fe repofer dans fes converfations auffi agréables que favantes. Les fonc-tions de toutes les dignités fe rafTembloient dans fa perfonne ; il étoit naturel de lui en conférer les titres ; il fut Maïtre des offices , &c enfin Patrice. Le Confulat n'étoit plus qu'une décoration ; le Prince ne voulut pas qu'elle manquat a fon Minifire : il le nomma Conful en 514. Théodoric étant mort, Caffiodore fervit avec le même zele, fon petit-fils qui lui fuccédoit. Tant qu'Athalaric fut gouverné par- fa mere Amalafonte , il écouta les eonfeils de ce fage Minif» tre; il lui conféra la dignité fuprême de Préfet du prétoire; il lui donna même le commandement des troupes qui gardoient les cötes de l'Italie ; & le nouveau Général, fupérieur a tous les emplois, porta dans celui ci la capacité d'un homme de guerre, & la générofité d'un homme d'Etat : il foulagea le Prince & les peuples en faifant fubfifter les troupes a fes propres dépens. Lesdébauches &£ la mort d'Atjiaiaric, 1'indiM vj,  27ö HlSTOIRE gne traitement fait a Amalafonte ; 1'incapacité de Théodat, les guerres qui ne fe terminerent que par la deftruction des Goths en Italië, ne rallentirent pas le zele de CafTiodore. H continua de fervir TEtat tant qu'il crut pouvoir retarder fa chüte. Enfin , voyant que Ie défordre des affaires rendoit fes confeils inutiles , &qu'après un röle figlorieux, il ne lui reftoit que d'être le fpectateur de la mine de fes maitres, agé de foixante & dix ans , après plus de cinquante ans de travaux continuels, il fe retira a Squillace fa patrie , fit batir le monaftere de Viviers, & confacra le refte de fes jours k la priere, k la conduite de fes Moines , & a des ouyrages utiles a la religion. On croit qu'il vécut plus de cent ans. Outre les écrits que nous avons de lui , il avoit compofé Thiftoire des Goths en douze livres, dont la perte 'n'eft point réparée par Tabrégé qu'en a laiffé Jornandès. Tel fut ce perfonnage mémorable, qui mérita, ainfi que fon maitre , le furnom de Grand; Miniftre vraiment digne du Roi qu'il fervit, & qui peut encore par fes  nu Bas-Empire. Liv. XXXPII. 277 écrits Sc par fes exemples éclairer les Confeils des Princes, Sc y plaider la caufe des peuples. Ce n'eft qu'a regret que je m'éloigne de Théodoric, pour retourner a Zénon, Prince auffi méprifable, que le Roi des Goths eft digne de mémoire. On vit en ce tempsIk Pidolatrie terraffée , faire en Orient quelques foibles effbrts pour fe relever. Elle étoit bannie des temples, mais "elle régnoit encore dans les écoles des Philofophes; ceux-ci n'étoient plus que des rêveurs mélancoliques , qui repaifToient leurs difciples de chimères. Réduits k 1'obfcurité, ils prétendoient être les maitres de la nature par leur commerce avec les efprits; ils fe vantoient d'opérer des prodiges; ils s'admiroient mutuellement; ils écrivoient la vie Sc les miracles les uns des autres : la cabale en faifoit des héros. La groffiéreté du paganifme , entiérement corporel, fubtilifée par Porphyre & par Jamblique, s'étoit évanouie en fumée; il n'en reftoit plus que les vapeurs d'une fombre métaphyfique, qui tournoit la tête k d'orgueilleux, Ann. 4S9. XXXVI. Sévérien confpire en faveur de 1'idora- , trie. Phot. p. 1049 , 1072. Suid. vod 'Aya.uhq? , Técriof, Zacript-oc,'Hpeiio-Kof , lert- MapTvQ? , YlfOKKOÏ , vof. Cod. }. I. 6. tit. 49 , leg. 6. Anthal. I, 2. c. 48. Till.Ana/i.  Zénon. Ann. 489. 27S II I S T O' I R Z mais imbécilles raifonneurs. ProcW qui enfeignoit a Athenes, Marin fon fuccefTeur, Ifidore, difciple de tous les deux , & fon Hiftorien Damafcius , Héraïfque , Géfius, Agapius , Afclépiade ,Erythraeus, s'encenfoient, fe citoient fans celfe, & regardoient en pitié tous les hommes , excepté leurs adeptes. Sévérien de Damas , forti de ces écoles, s'étoit fait un nom a Conftantinople par 1'univerfalité des connoifïances & des talents que fes admirateurs lui attribuoient. On dit même que Zénon , ce qui n'a rien d'incroyable , lui avoit offert la première digaité de 1'Empire , s'il vouloit fe laiffer baptifer. Sévérien préféra la confidération obfcure, mais flatteufe, qu'il avoit dans fon parti-: il forma même un complot pour forcer l'Empereur a rétahlif 1'idolatrie, & peut-être pour le détröner; car le détail de cette confpiration eft inconnu. On fait feulement que Sévérien ^autrefois ennemi mortel d'Afpar & de fon fils Ardabure , eut Pmiprudence de faire part de fon deffein a Erménaric, fils d'Afpar, qui e.n inftruifit Zénon, & qu'il fut obfigé  nu Bas-Empire. Liv. XXXF1L 279 de prendre la fuite pour éviter le dernier fupplice. Héraïfque , autre fanatique de la même fa&ion, fut vivement pourfuivi; mais Géfius, que fa réputation dans la médecine avoit rendu plus riche & plus puifTant que les autres, s'expofa lui-même pour le fauver; il le cacha dans fa maifon; & quelque temps après , Héraïfque étant mort de maladie , Géfius , qui ne craignoit plus rien pour fon ami & fort peu pour lui-même, lui rendit publiquement les honneurs funebres. Agapius, qui avoit ouvert une école a Conftantinople, & plufieurs autres de ces prétendus Philofophes furent pris, & mis entre les mains du Préfet du prétoire, nommé Diofcore. On ne fait quel fut leur fort. II en coüta la vie a Zofime, Sophifte de Gaza ou d'Afcalon, que je ne crois pas le même que 1'hiftorien , quoique M. de Valois femble le penfer. Géfius, ayant lui-même ofé afpirer a 1'Empire fur la foi de deux aftrologues, fut puni de mort: fa folie entreprife donna lieu a plufieurs épigrammes fatyriques que nous avons encore» ZÉNON. Ann. 4S9.  Zénon. Ann. 490. XXXVII. Cruautés de Zénon. Mare. chr. Chr. Alcx. Theoph. p. n6. Manaff, p. 6l. Malela, p. 37- Cedr. p. 354. Suid. voce AébvTtof TM. Zénon , art. J7v 280 H1 s t 0 1 n. e _ Cette cabale féditieufe méritoit Pindignation du Prince. Mais Zénon , auffi peu fenfé que ceux qu'il puniifoit, confii'toit lui-même leurs femblables, pour favoir quel feroit fon fucceffeur. Comme il n'avoit point denfants , il fouhaitoit fort de laiffer le diadême a fon frere Longin , Conful alors pour la feconde fois. Longin , loin d'être digne de 1'Empire, déshonoroit l'Empereur par fa ftupidité & par fes débauches/ Zénon , voyant les meilleures têtes de la Cour oppofées au deffein qu'il avoit de le nommer Céfar, foupconna quelque intrigue. Pour s'en éclaircir , il s'adreffa au Comte Maurien, grand aftrologue , qui lui répondit que fa femme & fa couronne pafferoient après fa mort a un des Silentiaires. II eft très-vraifemblable que cet aftrologue étoit plus inftruit que Zénon , du commerce fecret déja établi entre Ariadne & Anaftafe. Mais les foupcons de l'Empereur tomberent fur le Patrice Pélage. II avoit été Silentiaire, & c'étoit en effet 1'homme de la Cour le plus digne de la pourpre. Vertueux, zélé pour la juf-  du Bjs-Empire. Liv. XXXP1L ajfcj tice, affez généreux pour parler librement a Zénon , il tachoit d'adoucir cet elprit farouche, qui s'abandonnoit a fa cruauté naturelle, depui s que la crainte d'Illus ne le retenoit plus. C'étoit ce même Pélage qui, onze ans auparavant, avoit arrêté Théodoric le Louche, lorfqu'il venoit attaquer Conftantinople. II joignoit les talents k la vertu; &£ fans parler de plufieurs beaux ouvrages, il avoit écrit en vers Phiftoire de 1'Empire depuis Augufte. Zénon ne lui pardonna pas tant de mérite, & fut bienaife de fe défaire d'un cenfeur. II le fit arrêter, fous prétexte que e'étoitun payen déguifé ; il confifqua fes biens fans aucune forme de juftice, & 1'envoya prifonnier k Panorme en Sicile. Ses gardes avoient ordre de 1'étrangler dans la prifon, dès qu'il y feroit arrivé. On dit que Pélage, a la yue des bourreaux, levant les mains au ciel, s'écria : Dieu jujle, vous connoijffez^ mon innocence, cS* vous voyez_ mon fupplice ; on me punit d''avoir tant de fois arrêté La violence £un tyran, & de (avoir empêché de déshononr Le titre de Céfar en le donnant d fon frere: ZÉNON. Ann. 499.  Zénon. Ann. 490, < t 1 1 j Ann. 491, XXXVIII Mort de ( Zcnon, 28a H I S T O I R M Seigneur, arme^ votre juftice pour punir mes barbares menrtriers. Ces paroles , fousle langage du chriftianifme, refpiroient les fentiments d'une vengeance toute payenne, Le corps'de Pélage fut jetté dans Ia mer. Arcadius, ancien Préfet du prétoire, ayant appris la mort d'un homme fi eflimable, ne put retenir fon indignation; il éclata en inveftives contre l'injuftice & la cruauté de l'Empereur , qui, en étant informé, le manda au palais, & donna ordre de le tuer dès qu'il y feroit entré. Arcadius, averti de ce defiein, monta dans fon ^har comme pour fe rendre auprès ie l'Empereur. Mais quand il fut arrivfe devant 1'Eglife de Sainte-Sophie , 1 s'y réfugia , & ne voulut plus for:ir de cet afyle. II évita ainfi une mort rertaine, & fe vit quatre mois après lélivré par celle de Zénon. Ce Prince ït encore mourir, fous divers préextes , plufieurs perfonnages illufres, & entre autres Cottaïs , qui, oint avec Jean le Scythe, avoit forcé Uns dans la forterefle de Papyre. Zénon ne furvêcut Pélage que de [tielques mois. Les Auteurs, ne s'ac-  nu Bas-Empire. Liv. XXXVII. *Ss córdent pas fur le genre de fa mort. Les uns difent qu'il expira dans les douleurs d'une cruelle dyfTenterie, en répétant fans cefTe le nom de Pélage. Le récit des autres eft plus tragique 6c moins vraifemblable. Ce Prince , difent-ils , étoit fujet a 1'épilepfie; 6c ce terrible mal 1'attaquoit furtout dans 1'ivrefTe, dont il s'étoit fait une habitude. La nuit du 9 Avril 491, après un excès de table , il tomba dans une fyncope fi violente, que fes Chambellans, après 1'avoir dépouillé, le crurent mort, 6c le laiffcrent étendu fur une planche. Au point du jour , on lui jetta un linceul fur le corps, 6c Ariadne le fit porter promptement 6c fans pompe a la fépulture des Empereurs, oii le tombeau fut fermé d'une groffe pierre. Elle y pofa des gardes, avec défenfe , fur peine de la vie, de laiffer approcher perfonne , ni d'ouvrir euxmêmes le tombeau , quoiqu'il put arriver. Ilsobéirent; 6c malgré les cris lamentables de Zénon qu'ils entendirent quelques heures après, ils n'oferent lui donner aucun fecours. Le tcjmbeau ayant été ouvert après plu- ZÉNON. Ann. 491. Evag. I. 3. c. 29. Mare. chr. Via. Turt. Caf chr. Chr. AUx. Théoph. p. 116. Anon. Vi.' lef. Ccdrcn. p. 3 5 5- Zon. tornU, P. 5 3Malela ,p. 37- Manaff. p. 62, 63. Anon. Band. imp. Oriënt. 1.1. p. 7 , 10;. Anthol. I. 4. c. 4. Pagi ad Bar. TM. vit a"Euphcme 1 art. I.  ZÉNON. Ann, 491. I ] I ] 1 'l S84 HlSTOTRB fieurs jours, on trouva que ce miférable Prince étoit mort dans un exces de rage, en fe déchirant les bras avec les dents. Ce récit ne fe trouve que dans les Grecs poftérieurs : les anciens n'en ont rien dit. Zénon avoit régné feize ans & demi depuis la mort du jeune Léon : il en vécut 65. Son nom fut dans la fuite effacé du catalogue des Empereurs Catholiques par ordre de Juftin, a la follicitation du Pape Hormifdas. Malgré tous fes vices, la flatterie lui avoit érigé des flatues a Conftantinople, ainfi qu'a fa femme Ariadne. II en avoit aufïï dans Rome; Odoacre lui laiffant volontiers ces honneurs, pourvu qu'il ne prit fur lui aucune autorité. Aux bonnes aöions de ce Prince, qui ne font ni éclatantes ni en grand nombre , on ajoute celles-ci qui méritent rk peine d'être rapportées. II fit confacrer en 1'honneur de la Sainte Vierge e temple de Dindymene, proche de Cyzlque, qu'on difoit avoir été bati >ar les Argonautes. Jean, Evêque de kolonie dans la première Arménie, 5rélat depuis célebre entre les foliaires de Paleftine, fous le nom de Si-  du Bas-Empire. Liv. XXXFI1. 285 lentieux, s'étant venu plaindre de fon : beau-frere Pafinique, Gouverneur de la Province, qui ne refpeöoit pas le droit d'afyle des Eglifes, obtint juftice de Zénon, a la priere d'Euphémius, Patriarche de Conftantinople;, ZÉNON. Lfin, 491.   2§7 SOMMAIRE d u LIVRE TRENTE-HUITIEME. I. astase Empereur. ir. Ca- rapen dAnaftafi. ni. Maria fon Miniftre. iv. Bonnes qualités a"Anafiafe. V. Mariage & parente d'Anafiafe. VI. Ses loix. vu. Les Ifaures chaffés de Conftantinople. vin. Ils prennent les armes. IX. Bataille de Cotyée. x. Sédhion d Conftantinople. XI. Défaite des Ifaures. XII. Opinidtrete'des Ifaures. XIII. Anaftafefedédare contre les Catholiques. xiv. Mauvais deffeins contre Euphérnius. XV. II eft dépofé & exilé. XVI. Anaftaje reftraint (autorité des Préfets du prétoire. XVII. Fin de la guerre des Ifaures. XVIII. Punition des Ifaures. XIX. Aventures de Juftin. XX. Séditian d Conftantinople. XXI. Courfes des Sarrafins. xxil. Arifte défait par les Bulgares. XXIII. Trern-blement de terre. xxiv. Famine cS* pefte en Oriënt., XXV. Mafacre dans le Cir¬ que. XXVI. Abolitwn du chryfargyre,  i88 Sómmaire du Liv. XXXVIir. de la vénalitè des charges, & des comhats dhommes contre les bêtes. XXVII. Courfes des Bulgares & des Sarafins. XXVIII. Commencement de la guerre de Perfe. XXIX. Gutne de Pérofie contre les Nephtalites. XXX. Perfidie de Pèrofe. XXXI. Sa défaite & fa mort. XXXII. Obale fuccede d Pérofe. XXXIII. CabadeRoi de Perfe. XXXIV. Cabade détröné. XXXV. Ses aventures. XXXVI. Cabade rétabli. XXXVII. Ilcommence la guerre contre les Romains. XXXVIII. Jacques le folitaire. XXXIX. ^Siege dAmide. XL. Divers combats entre les Perfes & les Romains. XLI. Continuation du fiege dAmide. XLH. Prife d'Amide. XLIII. Anafitafe envoye une armée contre les Perfes. XLIV. Premières aclions en Méfopotamie. XLV. Succes des Perfes. XLVI. Ravages des Arabes. XLVII. Entreprife de Cabadefiur Confianline. XLVIII. Diverfies tentativesfurEdeffe. XLIX. Anafiafe envoye une nouvelle armée. L. Amide affiégée par les Romains. LI. Suite du fiege dAmide. Lil. Négociationspour la paix. lui. Conclufion de la paix. Liv. Conduite £ Anafiafe d Cégard d'Amide. LV. Nouveaux défafires de la Méfopotamie. lvi. Réparation de plufieurs vilUs, HlSTOIRE  a8o HISTOIRE D U BAS-EMPIRE. ■ LI FR E TRENTE-HU1T1EME. ANASTASE. QuoiQUE Longin fe fut rendu fi odieux par fes défordres, que même après la mort de Pélage, Zénon n'avoit ofé le nommer Céfar , cependant il n'avoit pas perdu 1'efpérance de fuccéder k fon frere. II comptoit beaucoup fur le fecours des Ifaures établis en grand Tornt VUh N Anasta- se. Ann. 491. I. Anaftafe Empereur. Theod. £. 2,  Anasta- se. Ann. 491. Evag.l. 3. c. 29* Mare. chr. na. Vit. Chr. Alex, Theoph. p. 115, 116, 117. Anaft. p. 43. Cedr. p. 354, 357- Zon. p. 53. Jorn. fuC' ecg. Suid. voce e(.T/>/«. Baronius. Pagi ad Bar. 200 HlSTOIRE nombre a Conftantinople, & fur 1'affection d'un autre Longin, Maitre des offices, compagnon de fes débauches, 6c auffi méchant que lui. Ariadne rompit toutes fes mefures. L'eunuque Urbice, miniftre de cette Princeffe , fut agir fi puiffamment auprès du Sénat 8c du peuple, que le 11 d'Avril, deux jours après la mort de Zénon , Anaftafe le Silentiaire fut proclamé Empereur. Mais on rencontroit un obftacle dans la fermeté d'Euphémius, Patriarche de Conftantinople. Ce Prélat connoiffoit 1'attachement d'Anaftafe aux erreurs d'Eutychès; il 1'avoit même chaffé de 1'Eglife, pour Pempêcher de troublerl'enfeignement public en débitant la doctrine hérétique ; & Zénon, qui n'aimoit pas Anaftafe, ayant donné pouvoir au Patriarche de traiter ce téméraire comme il jugeroit a propos, Euphémius 1'avoit menacé de lui couper les cheveux s'il continuoit, & de 1'expofer a la rifée du peuple. C'étoit apparemment dans ce temps-la une punition eccléfiaftique. Rejettant donc Anaftafe comme infeóté des dogmes d'Eutychès, 6c indigne de régner fur  sv Bas-Empire. Liv. XXXVIII. 291 des Catholiques , il refufoit opiniatrément de le couronner. II ne fe rendit aux inftances preffantes d'Ariadne & du Sénat, qu'après qu'Anaftafe eüt déclaré par écrit, qu'il recevoit comme regie de foi les décrets du Concile de Chalcédoine, & qu'il promettoit de ne rien innover contre la doctrine de 1'Eglife. Cette proteftation , fignée de fa main, fut confïée a Macédonius, garde du tréfor de 1'Eglife de Conftantinople, & dépofée dans les archives. Euphémius, après cette précaution, confentit a le couronner. Anaftafe étoit dévot fans être Chrétien; il alloit a 1'Eglife avant le jour , & n'en fortoit que quand le peuple étoit retiré; il jeünoit, il faifoit de grandes aumönes. La multitude, toujours dupe de 1'hypocrifie, admiroit fa vertu; & la première fois qu'il fe montra dans le Cirque avec les ornements de la dignité impériale, tout retentiffoit d'acclamations : on s'écrioit de toutes parts : Régne{ , Prince, comme vous ave{ vécu. On comparoit Ariadne k Pulchérie, qui avoit élevé Marcien fur le tröne par préférence aux perN ij Anasta- se. Ann, 491,  Anasta- se. Ann. 491. II. Caraftere d'Anafta- fe. Bvag. 1. 3". t. 29»34. 41. Anon. Valef. Mare. chr. Phot. p. 104. Joan. Ant. p. 8J2. Proc. hel. Verf. I. 1. c. 8, II. Idem, heli Cot. I. 3. *. 21. Idem, hifi. art, c. 19. Anon. Band, imp. 292 H 1 s t 0 1■ a e fonnages les plus illuffres. Mais Anaftafe ne reffembloit pas mieux a Marcien , qu'Ariadne k Pulchérie. La joie des Manichéens & des Ariens étoit mieux fondée que celle des Catholiques. La mere dAnaftafe étoit zélée pour les Manichéens, & Cléarque, fon oncle maternel, pour 1'héréfie Arienne. Le nouvel Empereur fit, felon ia coutume, des largefles aux foldats. Sa naiffance ni fes qualités perfonnelles ne lui avoient jamais permis d'efpérer une fi haute élévation. II étoit né k Dyrrachium d'une familie obfeure. Ses parents 1'ayant amené a Conftantinople dans fon enfance, il s'avanca dans le fervice du palais » & parvint au rang de Silentiaire: office de médiocre confidération, & foumis au grand Chambellan. La faveur de 1'Impératrice acheva la fortune d'Anaftafe. II étoit bien fait, d'une taille haute & dégagée; la différente couleur de fes yeux, dont 1'un étoit noir, 1'autre bleu , lui fit donner le furnom de Dicore. N'étant parvenu k 1'Empire qu'a 1'age de foixanteans, il avoit alors les cheveux blancs, &  j)u Bas-Empire. Liv. XXXPTH. 293 étoit prefque chauve. Ce fut un Prince médiocre, fans caradtere décidé, fans principe fixe , & fi peu d'accord avec lui-même , qu'on ne peut le louer prefque d'aucune vertu, fans avoir a le blamer du vice contraire. Pacifique & perfécuteur, avare & libéral, répandant d'une main des aumönes, & raviffant de 1'autre les biens des légitimes polTerfeurs , aboliffant publiquement la vénalité des charges , & continuant de les vendre en fecret : aufli mit-il fouvent en place des Magiftrats voués a 1'injuftice. II retira des Pro vinces les troupes employées a leur füreté, pour épargner la dépenfe de 1'entretien. C'étoit par 1'argent & non par les armes qu'il garantilToit fes Etats des attaques des barbares. II fe faifoit ren- , dre compte des biens des perfonnes riches qui mouroient, & n'en laiffoit aux héritiers que la portion qu'il jugeoit k propos. II ruinoit les habitants des villes , tandis qu'il en réparoit les ftatues & les édifices. Ce fut aux dépens de fes compatriotes, qu'il fit élever autour de Dyrrachium fa patrie , une triple enceinte de muN iij &NASTASE. kna. 491.' ■>r. t. /. pi V7. 165. Jont, fue~ Theoph, pi 116,1iS, 115,131» 13». Chr. Alex. Zon. p, 5?. 54Vii\. Tun. Cedr. p. 357- Manajfes, >. 61. Anaft, p, »8. Walela. p, ?8. Cod. orlg, '• 46.471 iO. Baronlus. Pagi ad Bar. mithem. n dipt. Itod. p, ;o. Ou Cangei "am. Byl. 4naft. TM. Anaft. irt, 3.  AïTASTA- SE. Ann. 491. Le mime, vie d'Eufheme, art, ,3 S<)4 HlSTOIRB railles. II épuifa les Provinces en les obligeant de fournir en argent k trèshaut prix, ce qu'elles fournifToient auparavant en nature pour 1'entretien des troupes. II étoit d'ufage que les corps municipaux fiffent la répartition & la levée des impöts ; il en cbargea des commis & des receveurs, qu'il envoyoit dans chaque ville : ce qui produifit trois maux k la fois; les corps de ville perdirent leur fplendeur & leur conlidération; ces commis s'engrailTerent de la mifere publique , & les revenus du Prince diminuerent par 1'appauvriffement des particuliers. Juftinien corrigea ce défordre, & rétablit 1'ancienne forme de perception. Anaftafe avoit pour principe qu'un Prince peut mentir , & même fe parjurer pour raifon d'Etat : maxime déteftable , puifée dans la morale perverfe des Manichéens, que fa mere lui avoit enfeignée. 11 n'étoit pas plus délicat fur la reconnoiflance que fur la vérité : Jean Talaïa 1'avoit autrefois fecouru dans un befoin preffant; Anaftafe ayant fait naufrage prés d'Alexandrie , Talaïa 1'avoit recueilli avec charité, 6c n'a-  HO Bas-Empire. Liv. XXXVIII. 205 voit rien épargné pour réparer fon infortune. Devenu depuis ce tempsla Evêque de cette grande ville , Sc obligé par la faction hérétique de fe réfugier en Italië , lorfqu'il apprit 1'élévation d'Anaftafe, il efpéra d'en obtenir juftice, Sc fe mit en chemin pour Conftantinople. Dès que l'Empereur fut que cet Evêque approchoit, il lui fit dire de fortir au plutot de fes Etats. L'eunuque Amantius, fon chambellan, fectateur ardent des erreurs d'Eutychès, avoit tout pouvoir fur fon efprit, 8c 1'aigriffoit fans ceffe contre les Catholiques. C'eft aux confeils de cet eunuque Sc k ceux de Marin, principal miniftre d'Anaftafe, qu'on doit attribuer la plus grande partie des maux de fon regne. Marin étoit un Syrien grofTier, brutal, outrageux en paroles , impitoyable a 1'égard des malheureux , & grand ennemi de 1'Eglife. II abufoit de 1'afcendant qu'il avoit pris fur fon maitre, pour fatiffaire ion avidité & celle de toute fa familie. Les Maziques ravageoient la Libye 8c 1'Egypte ; mais le plus grand N iv Anasta- se. Ann. 491. ni. Marin foa Miniilre,  Anasta- se. Ann. 491, i i I 1 1 < IV. Ses bon- ■ nes quali- J «és, ! < 1 »!>6 Histoire fieau de ces Provinces furent les parents de Marin, qui les avoient ehoi«es, par préférence, pour s'y enrichir, comme les plus éloignées des yeux du Prince. Elles eurent d'abord pour Préfet un neveu de Marin encore fort jeune, & déja grand concuflïonnaire. Les confifcations injuftes, Ie fang même des innocents ne lui coütcient rien pour afiouvir fon avarice. Après lui, ces Provinces furent gouvernées par Baffien, fils de Marin; celui-ci furpaffa tellement fon coufin par fes excès & fes violences , qu'il vint a bout de le faire regretter. Les richeffes amaffées en Elypte & en Libye par ces deux Gouverneurs, y attirerent tous les paents du miniftre, qui formoient un rflaim nombreux & fort affamé : ils uccerent le refte du fang de ces peu)les, & leurs amis même s'y renloient en foule pour avoir leur part lu pillage. Ces vices d'Anaftafe, car je mets Vlarin fon miniftre au nombre de fes aces, étoient cependant rachetés par juelques vertus , du moins apparenes. 11 avoit 1'extérieur de la piété;  bu Bas-Empihe. Liv. XXXFI1I. 297 il fonda beaucoup d'Eglifes a Conftantinople ; fa vie paroiffoit réguliere , quoiqu'on lui connüt un fils naturel. II refpectoit les Eccléfiaftiques & les Moines , même Catholiques ; & dans la perfécution qu'il fit aux Orthodoxes, il évita toujours de verfer du fang par lui-même ; mais la licence qu'il laiffa prendre aux hérétiques, caufa d'horribles maffacres. II bannit de Conftantinople tous les délateurs. II montroit affez de prudence & d'intelligence dans la conduite des affaires. II ne donnoit rien a fes plaifirs; & ce qui rendoit fes rapines un peu moins odieufes, c'eft que I'argent qu'il tiroit de fes fujets ne fe diffipoit pas en folies dépenfes; en forte qu'il laiffa fon fucceffeur en état de foulager les peuples. Nous rapporterons plufieurs exemples de fa générofité. Les villes qui avoient éprouvé les défaftres de la guerre, en étoient dédommagées par la remife des impofitions. L'eau ayant manqué a Conftantinople dans un temps de féchereffe il fit conftruire une nouvelle cïterne , qui fut nommée la cïterne de Moce, a caufe de 1'Eglife N v Anasta- se. Ann. 491.  Anasta- se. Ann. 491. V. Mariage & parente d' Anaftafe. 20§ &1STÖIRB de St. Moce dont elle étoit voifine; Les contradictions qui fe trouvent dans le caraöere d'Anaftafe, feront moins difficiles a concilier, fi 1'on .diftingue les temps de fon regne ; il eut le fort des Princes foib-les, & dont les vertus n'ont point de racine : la puifTance fouveraine altera & détruifit enfin le peu qu'il avoit de bonnes qualités. Ariadne n'attendit que quarante jours après la mort de Zénon , pour époufer Anaftafe, qui n'avoit point encore eu de femme légitime. Afin de rendre ce mariage agréable aux peuples, le Prince accorda par un édit la remife des fommes qui étoient dues au fifc. II n'eut point d'enfants; mais fa familie, qu'il tira de Pobf= curité, étoit nombreufe. Outre fa mere qui vivoit encore, & fon oncle Cléarque, il avoit deux freres, 1'un nommé Paul ou Paulin qu'il fit Conful en 496, 1'autre appellé Hypace, & une fceur nommée Magna qui avoit déja plufieurs enfants de Secondin, qu'il fit Patrice & Conful en 511. On connoittrois neveux d'Anaftafe; Pompée, fils d'Hypace; un autre Hy-  vu Bjs-Empire. Liv. XXXVIII. 299 pace , 8i Probe , fils de Magna 8i de Secondin. Irene, fille de Magna, époufa Olybre qui étoit Confui 1'année même qu'Anaftafe fut couronné. Cet Olybre étoit fils d'Aréobinde & de Julienne, fille de l'Empereur Olybre, Sc de Placidie. II ne paroit pas que tous ces parents d'Anaftafe ayent eu d'autre mérite que d'appartenir a cet Empereur. II n'étoit plus queftion que de trouver a cette familie une illuftre origine : un Poëte de ce temps-la n'y fut pas embarraffé; il fit defcendre Anaftafe du grand Pompée , Sc prouva cette généalogie par la raifon qu'Anaftafe, ainfi que Pompée, fubjugua les Ifaures Sc les peuples habitants du mont Taurus. Dés la première année de fon regne, il s'éleva dans la ville Impériale une fédition, dont on ne dit pas la caufe. C'étoit peut-être un effet de cette jaloufie furieufe qu'excitoit parmi le peuple Pémulation des diverfes faftions du cirque. Zénon avoit protégé la faction verte ; Anaftafe fe déclara pour la faction rouge : c'en étoit affez pour allumer une guerre «ivile. Une partie du Cirque Si de la N vj Vnasta- SE. inn. 491. VI. Ses loix. Mare. chr. Cod. Jufi. I. i. tit. 12. leg.6i l. 7. tit. 39- us- 4» 5,6./. 10. tit. 27. leg. i, 2,3. ii. tit. 6l. leg. 14.  Anasta- se. Aan. 49 x, ! i 1 l i t t T. I V li q ti 360 HtSTOIllB ville même fut confumée par les Hammes. Quand on confidere les maffacres & les incendies que cauferenf dans ces temps-la les faétions du Cirque , on s etonne que les Empereurs n'ayent pas entiérement aboli des jeux fi fouvent funeftes , ou du moins qu'ils n'ayent pas armé toute la force des loix pour en arrêter les défordres. Mais ces Princes, paffionnés euxmêmes pour les Ipeftacles, & auffi frivoles que leurs peuples, craignoient Je donner Ia moindre atteinte k leurs iivertilTements, tandis qu'ils nerefjectoient pas la religion même; & egardant cette plaie comme incura)le , paree qu'ils n'ofoient y touher, ils portoient leur attention fur out autre objet de légiflation. Anafafe fit publier cette année des loix rès-fages & très-importantes. Le prelier de Juillet, il adrefia au Préfet latronien une défenfe aux juges d'aoir égard a aucun refcrit particuer du Prince, de quelque nature Li'il put être , fi ce refcrit étoit conaire au droit généralement établi ou lütilité publique; leur ordonnant 5 s'en tenir alors aux conftitutions  dv Das-Eripire. Liv. XXXVIII. 301 générales. Plufieurs autres loix du 19 & du 30 du même mois, établiffent la prefcription de quarante ans en faveur de ceux qui, pendant ce nombre d'années, auront par eux-mêmes ou par leurs auteurs, poffédé avec titre ou fans titre, quelque fonds que ce foit, ou auront joui d'exemption de taille. Cette loi avoit beaucoup plus d'étendue que celle de Théodofe le jeune, qui avoit établi la prefcription de trente ans; elle embraflbit tous les objets que la loi de Théodofe avoit exclus: toute action, foit du public, foit des particuliers, étoit éteinte par la poffelfion paifible de quarante années. On n'exceptoit que les fonctions municipales, & les contributions civiles qui ne fe pouvoient prefcrire, non plus que 1'obligation de fournir fa quote-part desdenrées qu'on exigeoit des Provinces dans les néceffités publiques. Nulle difpenfe furprife au Prince n'étoit valable en ce cas: les fonds & les Officiers de l'Empereur même & de rimpératrice , n'en étoient pas exempts. Longin, frere de Zénon , ne pou- ~ voit voir fans dépit fur la tête d'A- A L A.NASTASE. A.nn. 4913 IR. 491, Vil :s Ifaw»  , — I Anasta- , se. Ann. 492. 1 res ehaf- 1 fés de j Conftan- , tinople. Evag. I. J. ' e- 19» 35- l Theod. L. . I. 2. Mare. chr. Theoph. p. 117,118, 119. Zon.p. 55. Malela, p. 38. 39Jorn. fiic«ff. Pagi ad Bar. Ziphil. in Trajano. (©& HlSTOÏRE ïaftafe la couronne qu'il croyoit lui ippartenir. 11 tramoit des intrigues écretes avec Pautre Longin , Maitre les offices; & les Ifaures, dont pluieurs poffédoient les premières char;es, étoient dévoués k fes volontés. Hes barbares, que la faveur de Zéion avoit rendu puiffants , mépribient le nouvel Empereur, & trai:oient le peuple avec infolence. Pour ;viter la confufion en cet endroit de i'hiftoire , il faut diftinguer trois Lony\ns, tous trois Ifauriens, & ligués snfemble : 1'un frere de Zénon, Pautre Maitre des offices , le troifieme furnommé Sélinontien , paree qu'il étoit de Sélinonte dans la Cilicie montueufe, alors confondue avec 1'Ifaurie. Cette ville fe nommoit auffi Trajanople, depuis que Trajan y étoit mort. Anaftafe ayant découvert les mauvais defTeins du frere de Zénon, Pexila en Egypte , & fit ordonner Prêtre ce fcélérat, flétri des plus infames débauches : horrible abus de ces fiecles malheureux, oii, par une clémence facrilege, pour enchainer Paudace & 1'ambition des hommes les plus criminels, on les condam-  du Bas-Empibe. Liv. XXXVUL 303 noit a recevoir le facerdoce. Longin déshonora pendant fept ans ce facré caradtere , & mourut a Alexandrie. Anaftafe, après 1'avoir éloigné, donna ordre a tous les Ifaures de fortir de Conftantinople, & de fe retirer dans leur pays, leur declarant qu'il ne leur payeroit leur penfion annuelle que fur le pied oü elle étoit, avant qu'Illus & Zénon 1'eufTent augmentée, Cet affront mit ces barbares en fureur : mais il fallut obéir : Anaftafe avoit eu la précaution de raffemblei dans Conftantinople des forces fupérieures. Ils fortirent enmenacant, &c fe rendirent a Nicée. Les deux Longins fe mirent a leur tête. Lorfqu'ils furent arrivés en Phrygie, ih s'arrêterent, & firent venir d'Ifaurie les armes & les tréfors que Zénon y avoit mis en réferve dans les places fortes : car ce Prince, qui, depuü la rébellion de Bafilifque , craignoil toujours quelque nouvelle révolution, avoit regardé ce pays cornm? une retraite affurée. Au fignal de leui révolte, accourut une foule de bar bares & de brigands répandus en granc nombre dans les montagnes de PA- Anasta- se. Ann. 491; VIII. Ils prennent les armes. I  Anasta- se„ Ann. 491. 304 HlSTOIKE fie mineure. Ils eurent bientöt fous les armes cent cinquante mille hommes. Aux deux Généraux fe joignirent Indus, un des principaux de la nation , Athénodore, qui avoit tenu a Conftantinople le rang de Sénateur, & Lilinge, que Zénon avoit fait Gouverneur de 1'Ifaurie. Ce dernier étoit un guerrier renommé, auffi habile pour le Confeil, que brave & hardi dans 1'exécution; & quoiqu'il ne put marcher k caufe de fes inflrmités, & qu'il fut obligé d'être toujours a cheval, il paflbit pour terrible dans les batailles. Mais le plus remarquable entre les Généraux des Ifaures, fut Conon, Evêque d'Apamée en Syrië. Dès qu'il apprit que fes compatriotes avoient pris les armes , il abandonna fon troupeau pour courir au fecours de fa nation; & de Pontife de paix, il devint foldat & chef de rebelles : voila, je penfe , le premier exemple que 1'on trouve en Oriënt d'un Eccléfiaftique portant les armes. Cette armée formidable, mais fans difcipline, ravagea la Phrygie, prit & faccagea plufieurs villes.  nu Bas-Empire. Liv. XXXP1II. 305 L'Empereur avoit tout a craindre, II fit promptement paffer en Afie tou tes les troupes de la Thrace, & les Goths qui étoient reftés dans 1'Empire. II mit a leur tête trois Généraux: Jean leScythe, qui s'étoit déja fignalé par la défaite d'Illus ; un autre Jean, furnommé le boffu , Commandant de la maifon du Prince , & Diogene, Patrice & parent d'Ariadne, Ils rencontrerent les ennemis prés de Cotyée dans les valles plaines de la Phrygie. Les chefs des Ifaures déférerent le commandement général a Lilinge , dont ils reconnoiffoient la capacité fupérieure; & fi ce vaillanl Capitaine n'eüt été tué dès le commencement du combat, il y a lieu de croire qu'il en feroit forti vainqueur, ou qu'il auroit vendu bien cher 1'honneur de fa défaite. Sa mort jetta la conlternation & le défordre dans fes troupes, dont on fit un grand carnage. Ceux qui purent échappet fe fauverent en Ifaurie au travers des montagnes , par des chemins impraticables. Cette bataille finiffoit la guerre , li les Romains ne s'étoient arrêtés a piller le camp & a partager les Anasta- se. Ann. 492 IX. Bataille de Cotyée.  Anasta- se. Ann. 493. X. Sédition 2 Conftantinople.Mare. chr. Ann. 494 XI. Défaite 306 HlSTOIRE dépouilles. Ils laifTerent aux Ifaures le temps de fe retrancher dans des poftes avantageux, oü ils fe défendirent pendant fix années. L'armée victorieufe s'avanca dans leur pays, & y pafi'a 1'année fuivante fans faire aucun exploit digne de remarque. Les Ifaures, maitres des fommets du mont Taurus, & accoutumés k courir fur ces montagnes dont ils connoiffoiént les détours, échappoient k toutes les entreprifes des Romains, & les tenoient dans des allarmes continuelles. Pendant ce temps-la, les factieux jettoient le trouble dans Conftantinople; ils porterent Pinfolence jufqu'a renverier les ftatues de l'Empereur & de 1'Impératrice , & k les trainer par les nies. Les barbares d'au-dela du Danube venoient piller la Thrace, qu'on avoit dëgarnie de troupes pour lesenvoyer contre les Ifaures. Julien, Maitre de Ia milice, ayant raffemblé quelques foldats pour s'oppofer a ces ravages , s'engagea dans un combat de nuit oü il perdit la vie. II y eut 1'année fuivante, en Syrië , un tremblement de terre, qui  bu Djs-Empire. Liv. XXXVIII. 307 renverfa tout a la fois Laodicée, Hiéraple & Tripoli. Antioche, capitale de cette Province, fut agitée d'une autre maniere. Les factions du cirque , qui caufoient tant de troubles k Conftantinople, régnoient auffi dans les grandes villes de 1'Empire. La facïion verte fe fouleva dans Antioche , & Calliopius, Comte d'Orient. ne fauva fa vie que paria fuite. L'Empereur , inftruit de ce défordre , envoya en fa place Conftantius de Tarfe , homme ferme & intrépide, & lui donna plein pouvoir fur les féditieux, Le nouveau Comte réprima leur infolence par de féveres punitions , & rétablit Pautorité des Magiftrats. Le< troupes Impériales remporterent un< feconde viöoire fur les Ifaures. Dü> gene avoit pris la ville de Claudio polis, fituée dans une plaine entre 1< Taurus & 1'anti-Taurus. Les Ifaures pour la recouvrer, defcendirent d' la montagne en grand nombre, 8 vinrent affiéger Diogene renferm dans la ville. Ils fe rendirent maitre de tous les pafTages, &c le tinrent 1 long-temps bloqué , qu'il couroit ril que de mourir de faim avec fes trou Anasta- se. Ann. 494. des Ifaures. Mare. chr. Theoph. p. 119. Malcla, f, 33. » r s 1  Anasta- se. Ann, 494, Ann. 49;, XII. Opiniatreté des Ifaures. Ann. 496, XIII. Anaftafe fe déclare contre les Catholiques. 308 h1 s t 0 r r ë pes. Enfin, Jean le boffu ayant forcé une des gorges du Taurus, tomba furies affiégeants; il fut fecondé par Diogene, qui fit en même-temps une fortie, en forte que les Ifaures furent enveloppés. L'Evêque Conon recut dans ce combat une bleflure, dont il mourut peu de jours après. La défaite des Ifaures n'abattit pas leur courage. Ils regagnerent leurs •retraites , & ne cefferent de fatiguer leurs vainqueurs par de fréquentes allarmes.^ Cependant les Romains étant les maitres de la plaine, les vivres auroient enfin manqué k ces barbrres, fi Longin de Sélinonte ne fe fut maintenu en polTeflion d'Antioche de Cilicie, fituée fur le mont Cragus au bord de la mer. De-lè il faifoit partir des vaifleaux, qui, revenant chargés de vivres, entretenoient Pabondance fur les ftériles montagnes de 1'Ifaurie. Cette guerre fervit de prétexte a: rEmpereur, pour fe défaire d'Euphémius, Patriarche de Conftantinople, qu'il regardoit depuis long-temps comme fon ennemi. Anaftafe, en montant fur le trcne, ne s'étoit pas d'a-  du Bas-Empire. Liv. XXXVIII. 309 bord déclaré contre les Catholiques; il paroiffoit ne defirer que la paix , & ne chercher qu'a calmer les troubles, qui, fous le regne de Zénon, avoient agité 1'Eglife. ICette impartialité apparente augmenta les divifions. Le Concile de Chalcédoine, 1'hénotique de Zénon, & 1'opinion qu'on devoit avoir d'Acace , mort hors de la communion de 1'Eglife Romaine, étoient les trois caufes de difcorde. Tout POccident recevoit le Concile, rejettoit 1'hénotique, & anathématifoit la mémoire d'Acace. II y avoit peu d'Evêques en Oriënt qui fuffent d'accord fur ces trois points. Euphémius s'accordoit avec \ les Papes fur les deux premiers; mais 3 il ne pouvoit fe réfoudre a flétrir la 5 mémoire de fon prédéceffeur, & a ] efFacer fon nom des facrés diptyques. Dès qu'on apprit a Rome 1'élévation " d'Anaftafe, le Pape Félix lui écrivit \ pour le féliciter, & Pengager k dé- 1 fendre la foi Catholique. Mais ne fa- • chant pas encore quelle conduite il l tiendroit dans les affaires de PEgli- « fe, & s'il ne marcheroit pas fur les traces de fon prédéceffeur, il nel'ad- Anasta- SE. Ann. 496. Evag. I. 3. c 30. Theod. L. I. 2. Theoph. p, 119 ,120. Anafiaf. p, 48, 49. Mare. chr. Viel. Turih Zon.p. J4* Cedren. p. HS. Baronius. Pagi ad lar. Fleury, ijl. Ecclef. 30. art, S, 31, ?• ///. vie de 'élix. le même, ie SEuherrt, arrl » 3> 4» 0. te mime, :e de Ma'donius , t. 10.  Anasta- s£. Aan. 496. XIV." Mauvais deffeins contreEU: phémius. 3IO HlSTOIRB mit pas k fa communion. Gélafe ayant 1'année fuivante fuccédé a Félix, écrivit auffi a l'Empereur, & n'en eut point de réponfe; mais il recut une lettre de félicitation de la part d'Euphémius, qui, en montrant un grand defir de la réunion, témoignoit cependant qu'il n'étoit nullement difpofé a effacer des diptyques le nom d'Acace. Gélafe, d'un caraftere inflexible, répondit avec une fermeté qui rompit tout commerce entre lui & Euphémius. Le Pape fit de vains efforts pour perfuader a l'Empereur, que cette obftinafion, en faveur d'Acace , étoit un attentat contre les canons de 1'Eglife : il ne gagna rien fur 1'efprit de ce Prince, qui, las de fe contraindre , commenca dès-lors a manifefter fon penchant pour la fecte d'Eutychès. Euphémius étoit fort oppofé a 1'héréfie. Une indifcrétion de fa part fournit k l'Empereur occafion de le perdre. Anaftafe, ennuyé de la guerre des Ifaures , qui duroit depuis cinq ans, s'ouvrit au Patriarche fur le defir qu'il avoit de la terminer : Mais il faut, lui dit-il, fauyer 1'honneur de  nu Bas-Empire. Liv. XXXF1II. 311 VEmpirt : engage\ comme de vous-même les Evêques qui fe trouvent d Conftantinople , d venir enfemble me prier de pardonner aux Ifaures, & de leur accorderla paix. Euphémius, dépolitaire de ce fecret, eut Pimprudence de le révéler au Patrice Jean, beau-pere d'Athénodore, un des chefs des Ifaures. Le deffein du Prélat étoit feulement de calmer les inquiétudes du beau-pere, en lui faifant connoïtre les intentions pacifiques de l'Empereur a 1'égard de fon gendre. Mais Jean, par une noire perfidie, alla fur le champ déeouvrir a l'Empereur la confidence que lui avoit faite Euphémius. Le Prince en fut irrité, & ne douta point que le Patriarche n'entretint des liaifons fecretes avec les rebelles. Peu de jours après, comme Euphémius paffoit par une rue de Conftantinople, un affaffin voulut lui porter un coup d'épée fur la tête ; mais Paul, défenfeur de 1'Eglife, qui fe trouvoit pour lors a cöté de lui, homme de grande taille 8c très-vigoureux, recut le coup, & tua fur le champ 1'affafTin. Euphémius évita encore une fois la mort : un jour ANASTASE. Ann. 496.  Anasta- SE. Ann. 496 XV. II eft dé. pofé & exilé. XVI. Anaftafe 3E2 II/STOIS.S ' qu'il afTiftoit a une affemblée eccléfiafHque , on vint 1'avertir que des , hommes apoftés 1 attendoient a la porte pour le tuer quand il fortiroit : il prit 1'habit d'un laïc, & fortit lans être reconnu. L'hiftoire ne dit pas qu'Anaftafe fut 1'auteur de ces attentats trop indignes d'un Souverain : mais fa conduite a 1'égard d'Euphémius donne lieu de le foup^onner. Ayant recu la nouvelle d'un avantage remporté fur les Ifaures, il fit dire au Patriarche , que fes prieres en faveur de fes amis ji avoient pas hl exaucées. II affembla les Evêques, & 1'accufadevant eux, mais fans preuve, d'entretenir des intelligences avec les ennemis. Ces Prélats, vendus a la faveur, fans aucun examen , prononcerent contre Euphémius la fentence de dépofition, & l'Empereur fit élire k fa place Macédonius. Le peuple, qui aimoit Euphémius , courut en foule au Cirque, demandant k grands cris qu'on lui rendit fon Evêque. L'Empereur fut inexorable : il exila le Patriarche a Euchaïtes en Paphlagonie. Les Préfets du prétoire profitoient de  do Bas-Empire. Liv. XXXFIII. 313 de la foibleffe des Princes, pour étendre les droits de leur charge, & pour fouftraire aux Empereurs la connoiffance de toutes les affaires. Anaftafe refferra leur autorité, & la réduifit a fes juftes hornes. Les Rois de Pinde lui firent préfent, cette année, d'un éléphant & de deux giraffes : ces animaux extraordinaires fervoient a Pamufement du peuple dans les fpectacles du Cirque. On croit que 1'lnde, dont il eft parlé en ce lieu, eft 1'Ethiopie. Paul, frere d'Anaftafe, fut Conful cette année; a 1'occafion de cette promotion, l'Empereur fit des largeffes aux foldats. La guerre des Ifaures fut enfin terminée en 497, après avoir duré fix ans. Athénodore, & un des deux Longins, furent pris par Jean le Scythe, qui les fit mourir, & envoya leurs têtes a Conftantinople. L'Empereur fit porter a Tarfe celle d'Athénodore : elle fut plantée au bout d'une piqué aux portes de cette ville. Tarfe , capitale de la Cilicie , étoit voifine de Plfaurie : on vouloit par ce fpeöacle intimider ce qui reftoit encore de re- > belles. La tête de Longin demeura exTcme VIII. Q Anasta- SE. Ann. 496. reftrainr 1'autorité des Préfets du préroire. Man, chr. Cod. Juft. I. 10. til, 16. leg. 13. Seal. de emendat. temp. I, 7, Ann. 497. XVII. Fin de Ia guerre des Ifaures. Evag. I. 3. c 35. Mare. chr. Theoph, p. 120. lorn.s fuc•eff. TUI; Anaft. \rt. S.  Anasta- se. Ann. 497, Ann. 498, XVIII. Punition des IfaU' tes. 3M HlSTOIRE pofée a Conftantinople dans le fauxbourg de Syques. Le peuple voyoit avec plailir la punition des Ifaures, qui, fous le regne de Zénon , avoient dominé avec infolence. II y eut cette année une éclipfe de foleil le dix-huitieme d'Avril. Jean le Scythe eut pour récompenfe le Confulat de 1'année fuivante. II reftoit cependant des femences de guerre dans Plfaurie. La ville d'Antioche, fur le Cragus, tenoit encore pour les rebelles : elle fut emportée par Jean le bofïïx , aidé du Comte "Prifcus. Indus & Longin de Sélinonte y furent pris. On les conduilit a Conftantinople , oü ils furent promenés dans le Cirque & dans les rues de la ville, chargés de chaines, & expofés aux infultes du peuple. Indus eut enfuite la tête tranchée. On traita Longin avec plus de rigueur : tranfporté a Nicée, oü la révolte avoit commencé, on le fit mourir dans les tourments. Toute la nation fut punie : on rafa les places fortes; une partie des Ifaures fut tranfplantée dans la Thrace : & la penfion annuelle que leur payoient les Empereurs fut fuppri-  bv Bas-Empire. Liv. XXXFUI. 315 mée pour toujours. Jean le boffu fut auffi récompenfé du confulat pour 1'année 499. Ce fut dans cette guerre que commenc,a de fe faire connoitre Juftin qui devoit fuccéder a Anaftafe. Perfonne alors n'eüt ofé lui promettre une li éclatante fortune , & il ne 1'auroit pas cru lui-même. II étoit né a Bédériane fur les confins de la Thrace & de Plllyrie. Fils d'un pauvre payfan, il paffa fes premières années a labourer la terre. Enfin, accablé de mifere, il quitta fa charrue, & fit partie , avec deux de fes camarades, nommés Zémarque & Ditybifte , auffi pauvres que lui, d'allér chercher un meilleur fort. Ils partirent a pied, portant leurs habits fur leurs épaules, lans argent & fans autre provifion qu'un pain bis dans leur beface. Arrivés a Conftantinople, ils s'enrölerent. Ils étoient agés de vingt ans, & bien faits de leur perfonne; ce qui attira fur eux les regards de Léon qui vivoit encore : il les fit entrer dans fes gardes. Juftin fervit en Ifaurie fous Jean le boffu en qualité de Capitaine. Ce Général, qui maintenoit la difcipliO ij Anasta- se. Ann. 49S. XIX. Aventui res de Juftin. Proc. hifi, are. c. 6. & ibi not, Alamm,  Anasta- se. Ann. 498. XX. Sédition a Conftantinople.Chr. Alex. Makla, p, 39- 3IÖ HlSTOIZE ne avec une extréme vigueur, le fit mettre en priion pour une faute que 1'hiftoire ne fpécifie point: il le condamna même a perdre la vie; ce qui devoit être exécuté Ie lendemain. Mais la nuit étant paffee, il le mit en liberté, fans qu'on en allegue d'autre raifon quüne apparition miraculeufe rapportée par Procope, & qu'il efl; permis de ne pas croire. Juftin parvint fous Anaftafe a la dignité de Sénateur, de Patrice & de Commandant de la maifon du Prince. Lorfqu'il fut Empereur, il avanca fes anciens camarades : & 1'on voit Zémarque Comte d'Orient fous Juftinien. Les féditions devenoient fréquentes k Conftantinople, depuis que les Empereurs s'étoient abaiffés jufqu'a prendre parti entre les faöions du Cirque. La faction verte, irritée de la préférence qu'Anaftafe donnoit k la faction rouge, commit quelques violences. Le Préfet de la ville fit mettre en prifon les plus mutins. Quelques jours après, l'Empereur affiftant au fpectacle, la faction verte lui demanda, avec des cris tumultueux, rélargiffement des prifonniers,  du Bas-Empire. Liv. XXXFIII. 317 Au-lieu de la fatisfaire, il la fit charger par fes gardes. Le peuple prit parti pour les factieux ; on jetta des pierres; & un Maure confondu dans la foule fut afTez hardi pour en lancer une contre l'Empereur, qui n'évita le coup qu'en prenant la fuite. Les gardes fe jetterent aufli-töt fur ces audacieux , & les mirent en pieces. Une fi prompte vengeance, loin d'intimider le peuple, alluma fa fureur: il mit le feu au cirque : deux portiques furent brülés. Les foldats en étant venus aux mains avec les habitants , il fe fit un grand carnage. Enfin , la punition de plufieurs féditieux arrêta les autres; mais le calme ne fut entiérement rétabli, que par une efpece de fatisfaction que l'Empereur fit a la faction verte, en conférant la charge de Préfet de la ville a un de fes partifans nommé Platon. Les Arabes ou Sarafins Scénites, ainfi nommés paree qu'ils campoient fous des tentes des deux cötés de 1'Euphrate, faifoient des courfes fur les frontieres de la Syrië Euphratéfienne. Ces brigands étoient vaffaux O iij \nasta- se. A.nn, 49S. xxr. Courfes des Sarafins. Evag. I. 3,' c 36. Theoph- pn 121.  Anasta- se. Ann. 498. TdlAnafl. art. 10. l'tllar. geog. Ant. I. 3. c. 14. §• 2. art. 45.' 3lS BlSTOIRS des Perfes, & avoient a leur tête Naaman, chef d'une tribu. Eugene , qui commandoit dans cette contrée, guerrier actif 8c intrépide, les chercha, les atteignit prés de Bithrapfe, qui eft, felon les apparences, la même ville que Bithra ou Birtha fur 1'Euphrate, k 1'orient de Thapfaque, 6c les défit dans une bataille. Deux autres chefs de Sarafins, Gamale 6c Agare, s'étoient jettés féparément en Palefïine, 6c la ravageoient. Non contents de brüler les villages, 8c d'infulter les villes, ces barbares pourfuivoient la pauvreté même; ils alloient chercher les folitaires dans leurs déferts, renverfoient leurs cellules^ tnalfacroient ou traïnoient en efclavage ceux qui n'étoient pas affez tot ivertis pour prendre la fuite. Romain, Souverneur de la Palefïine , défit d'abord Gamale, 8c le chaffa du pays. Enfuite il marcha contre Agare , le oattit , 8c le fit prifonnier. Profitant Je cette viftoire, il alla reprendre lans le golfe Arabique 1'ille Jotabé , que Léon avoit cédée au Sarafin Amor:efe. Après plufieurs combats, il en :haffa les Sarafins, 8c y rétablit les  du Das-Empire. Liv. XXXFIII. 319 comptoirs des Romains. Les marchands domicilies dans cette ifle, faiibient le commerce de la mer Rouge ; ils fe gouvernoient en république, & ne payoient a l'Empereur qu'une taxe fur les marchandifes qu'ils recevoient des Indes, felon le tarif qui en fut dreffé. Les Bulgares pafferent le Danube 1'année fuivante, &c vinrent ravager la Thrace. Arifte , Commandant d'Illyrie, marcha contre eux avec quinze mille hommes. II les rencontra fur les bords d'une riviere que les Hiftoriens nommoit Zurteou Zorte. Arif te fut battu , & perdit plus de quatre mille foldats, les uns dans le combat ou dans la fuite, les autres dans la riviere oü ils s'étoient jettés pout gagner 1'autre bord , qu'ils ne puren! franchir & caufe de fa hauteur. Dan; cette occalïon , périrent les meilleures troupes de 1'Illyrie avec les Com; tes Nicoftrate, Innocent & Aquilin Les Romains, pour diminuer leur hon te , prétendirent que les Bulgares s'é toient procuré la viftoire par des en chantements & des invocations ma giques. Une comete qui avoit pan O iy Anasta- se. Ann. 49S. Ann. 499. XXII. Arifte défait par les Bulgares. Mare. chr. Theoph. p. 12$. Zon. p. 56. Cedr. p. 358. Jorn. fuc- j H t  . Anasta- se. Ann. 499, XXIII. TVcmblemenc de tcrre, 1 i ] Ann. 500, XXIV. 0 Famine & 320 H i s t o i r e quelque temps auparavant, fut regardee, après la défaite, comme Fannonce de ce malheur. On remarqua auffi qu ayec les Bulgares étoit arrivé une nuée prodigieufe de corbeaux, qui couvroit ou devancoit leur armee. Au mois de Septembre de cette année , il y eut en diverfes contrées de 1 Onent des tremblements de terre qui ruinerent plufieurs villes. Néocéfarée dans le Pont fut renverfée k la referve de 1'Eglife oü Saint Grégoire Thaumaturge avoit été inhume- Les eaux de 1'Euphrate furent :out-A-coup englouties, & le lit de :e fleuve demeura quelques moments i fee, prés de la ville d'Edeffe. Ni- :°D0liISAqui ét0it Vancienne Emmaiis Paleftine, fut abymée en une nuit; Eghfe feule fut confervée; & de tous es habitants, il ne refta que 1'Evê[ue & fes deux Syncelles, qui s'éoient endormis avec lui dans Ie fancuaire. La chronique d'Edeffe marqué ir cette année une éclipfe au 2? d'Oc-" sbre. , Sous Je confulat d'Hypace, neven Anaftafe, ce Prince fit quelques lar-  du Bas-Empire. Liv. XXXFIIL 321 geffes aux foldats d'IHyrie , pour relever leur courage abattu par leur défaite. Nous voici arrivé k la derniere année de ce malheureux fiecle, qui avoit vu tomber 1'Empire d'Occident, & qui de fix Empereurs en Oriënt, n'en avoit fourni qu'un feul vraiment digne de porter le diadême. Tant de défaftres fe terminerent par une nouvelle calamité. Une nuée de fauterelles couvrit toutes les campagnes, depuis les frontieres de FAffyrie jufqu'a la mer Méditerranée, depuis Nifibe jufqu'a Antioche. Ce fléau produifit une cruelle famine. Plufieurs villes furent abandonnées. L'Empereur, qui ne fut pas affez touché de ces malheurs , fe contenta de faire quelques remifes peu confidérables. On vit alors un facrilege horrible , & qui n'avoit point d'exemples. Des miférables que la faim rendoit furieux & impies, forcerent des Eglifes , & mangerent 1'Euchariftie comme un pain commun. D'autres déterrerent des cadavres, & les dévorerent. La pefte vint enfuite; & comme ce fléau fait plus de peur aux Princes que la famine. Anaftafe deO v Anasta- SE. A.nn. joo. pefte en Oriënt. Mare. chr. Afemani YM. Or. ti 1. p, 179, 171.  Anasta- se. Ann. 500. j 3 1 Ann. joi. 1 XXV. , Maffacre 1 dans le cirque. t Theod. L. J, l. 2. , Mare, chr. 0 r e i 322 HlSTOIRS vint alors plus fenfible, & répandit d'abondantes aumönes. Pour raffembler tous les maux qui peuvent détruire les hommes darft le fein même de la paix, 1'hyver fuivant, le froid fut exceffif. Les Eglifes étoient remplies de pauvres couchés fur la pailie, mourant de maladies, de faim & de froid : la charité des pafteurs ne pouvant fuffire a foulager a la fois tant d'infortunés. La colere du Ciel ie cefTa de défoler cette vafte étenlue de pays, depuis Je mois de No/embre jufqu'au mois d'Avril; & la nortalité fut fi grande, que dans la éule ville d'Edeffe , il ne fe paffa pas le jour qu'on ne vit périr cent a cent rente perfonnes. A Conftantinople, le commencenent du fixieme fiecle s'annon^a par me fédition plus fanglante que celes dont nous avons parlé. La facion verte ayant pris querelle avec 1 faction bleue, forma le complot e la détruire par un maffacre généd. Un jour qu'on célébroit les jeux, He fit porter dans les galeries du cirne des corbeilles couvertes de fruits, >mme pour vendre aux fpeiiateurs:  nu Bas-Empiile. Liv. XXXVIII. 323 mais ces fruits ne fervoient qu'a cacher des armes. Dès que les jeux fu- • rent commencés , les féditienx s'élancent hors de leurs places, fe jettent fur les armes, frappent, bleffent, tuent amis & ennemis. Tout fuit devant eux : on fe prefTe, on fe renverfe, on fe foule aux pieds. La préfence de Conftantius , Préfet de la ville, ne peut ni retenir les uns, ni rafTurer les autres. Dans cette affreufe journée, il périt plus de trois mille hommes, affommés, étouffés & maffacrés. Quelques - uns fe noyerent dans les canaux qui environnoient 1'arene. On ne voit pas que l'Empereur ait pris aucune mefure pour arrêter de • fi grands défordres. Mais il fit alors ' une de ces attions généreufes qui mé- , ritent de plus juftes éloges que les 1 plus éclatantes vicfoires, s'il efl: vrai ' que le plus beau titre des Princes foit 1 celui de peres des peuples, & que 1 la remife d'un impöt onéreux foit \ plus falutaire a leurs fujets que le 1 gain de dix batailles. Tous les hiftoriens reconnoiifent que cette feule a&ion eüt été capable de couvrir tous i O vj V.1TAS TASE. ^.nn. jol* xxvr. ^bolition, lu Chryargyre , le la vélalité des :harges , k des :ombats 1'homnes conre les bêes. Zvag. t J. . 39. Theod. L. , 1.  3 AnasTa- £ SE. Ann. 501. a Theoph. f. 123. T' Anaft. p. 1; 50. CeAr.p. 557, 358, C 36?- a Zon. p. 54- 3 4. c P- l65» r 266. i Manaff. p. V ^3. r Suid. voce g if'ilthem. e in dïptyeo p JLtod. j. Pagi ai JBar. t' AJfemani, rj or. /. ^ *,/>. 268, 11 269. r f; in t e 1 1 jc 24 fflSTOIRE :s vices d'Anaftafe, s'il n'eüt été perïcuteur ; & ce feul trait d'humanité tellement contrebalancé les reprohes qu'on fait a fa mémoire , que,. ïalgré la haffelle de fon efprit & 1 foibleffe de fon courage , fa répuition demeure encore en fufpens, c que plufieurs écrivains le placent u rang des bons Princes. Anaftafe, ttendri fans doute par les calamités ui yenoient de défoler une grande artie de 1'Empire, déchargea fes fu:ts de 1'odieufe impofition qu'on ommoit le chryfargyre. Nous avons xpofé dans Phiftoire de Conftantin , n quoi confiftoit cette taxe, qui n'éargnoit pas la mendicité, & qui tU oit de tout état, de tout age, de )ut commerce, & même de celui e la débauche, une honteufe con•ibution. Théodofe le jeune avoit branché ce qu'elle avoit de plus inime , en ceflant de tolérer les femïes publiques. Anaftafe la fupprima ntiérement, quoiqu'elle produifit de randes fommes. II y fut engagé par ;s follicitations des Solitaires de Pa;ftine, & par 1'adreffe d'un poëte ommé Timothée de Gaza, qui ofa,  du Bas-Empire. Liv. XXXFUI. 325 clit-on, repréfenter fur le théatre la tyrannie des commis & les larmes des peuples. L'Empereur fit plus; il en détruifit jufqu'aux derniers veftiges, afin que 1'avarice de fes fucceffeurs & Pingénieufe avidité des gens d'affaire ne pufTent jamais le faire revivre. Après en avoir brülé les röles, il feignit de s'en repentir, & de reconnoitre qu'il avoit agi avec trop de précipitation, en faifant tarir une des fources les plus abondantes des revenus de 1'Etat. II fit ve» nir devant lui les receveurs; il leur témoigna fon regret, & le defir qu'il avoit de rétablir cette taxe : il leur ordonna de faire une exacte recherche de tous les papiers qui concernoient 1'impolition. Ces hommes avides, affligés de la félicité publique qui ruinoit leur fortune, fe preferent a ce travail avec une ardeur incroyable. Ils fe haterent de fouiller tous les bureaux de recette , & rapporterent a l'Empereur une ample moiffonde titres, de tarifs d'enfeignements de toute efpece, lui proteftant avec joie qu'il ne reftoit dans toute 1'étendue de 1'Empire aucun autre monu- A.NASTASE. A.nn. 501  Anasta- se. Aan. joi 3£Ö HlSTOIRE ment de ce tribut. Le Prince les loua de leur zele, fit allumer un grand feu, & y jetta tous ces malheureux mémoires, comme des femences capables de reproduire des fruits pernicieux. L'abblition du chryfargyre caufa une joie univerfelle : on en fit a EdefTe une fête publique. Une action fi louable éleva pour un moment le cceur d'Anaftafe : elle fut fuivie de deux autres qui méritent des éloges. La vénalité des charges s'étoit introduite, non par un établiffement légal, mais par Pavarice des Princes & des Préfets du prétoirequi vendoient les nominations : les titulaires tiroient aufTi de 1'argent pour faire obtenir le brevet a leurs fucceffeurs. Anaftafe profcrivit cet indigne trafic ; il défendit de donner & de recevoir aucuns deniers pour une charge, fous quelque prétexte que ce fut. Mais 1'inégalité de fon caradfere ne lui permit pas d'être luimême conftamment fidele a fa loi; fon avarice naturelle reprit de temps en temps le deffus, & on 1'accufe de s'être encore quelquefois laifté gagner par les préfents pour ccnférer  nu Bas-Empire. Liv. XXXF11I. 327 les magiftratures a des fujets indignes : car il n'y avoit que ceux-la qui achetaffent ce que le mérite devoit donner. II abolit en même-temps les combats fanglants des hommes contre les bêtes. Cependant, comme la dignité confulaire n'avoit plus d'autre fonótion que celle de donner au peuple ces divertiffements, on continua de repréfenter des chaffes dans 1'amphithéatre , mais fans erfulion de fang humain; elles ne confiftoient plus qu'a éviter, par 1'adreffe & par la légéreté du corps, les attaques des bêtes féroces. II y eut 1'année fuivante de grands tremblements de terre, accompagnés de grêle & d'éclairs dont le ciel parut long - temps embrafé. Le 2.2 d'Aoüt, on vit en Fair k Edeffe pendant la nuit du cöté du feptentrion, un globe de feu qui difparut aux approches de 1'aurore : &£ le même jour la cöte de Phénicie , depuis Béryte jufqu'a Ptolémaïde , reffentit de violentes fecouffes. Les fpéculatifs ohferverent que ce fut ce jour-la même que le Roi de Perfe rompit la paix ayec les Romains en entrant dans Anasta- se. Ann. jok Ann. 502. XXVII. Courfes des Bulgares & des Sarafins. Mare. chr. Vi&. Tun. Theoph. p. 123 , i 24. Anaft. p. 50. Phoi. p. 5. 1 Zon. p. 55- Baronius.  Anas tase. Ann. joi. AJfemani , Bïbl. or. p. XXVIII. Commencementdela guerre de Perfe. Male. chr. Evag. I, 3, t. 37. 328 HlSTOIRE 1'Arméme. Les Bulgares firent des courfes dans 1'lllyrie & dans la Thrace. L'Empereur qui n'avoit point de troupes k leur oppofer, les éloigna k force d argent. Les Sarafins recommencerent a ravager la Syrië. Agare leur chef etoit mort i mais fon frere Badicanm étoit un ennemi encore plus mcommode. Toujours k la tête de fa cavalerie , on le voyoit fanscefTeaccounr, piller, fuir & emporter fon butin, revenir enfuite avec tant de vïtefle, que Romain , Gouverneur de Palefïine, ne put jamais le joindre. Anaftafe fut obligé de traiter avec Arétas, pere d'Agare & de Badicanm; il lm envoya 1 aïeul de 1'HiftonenNonnofe, qui fit la paix, &rendit la tranquillité k la Phénicie, k la Paleftine & k 1'Arabie. Les Perfes commencerent cette année une guerre fanglante. La haine que cette nation avoit concue contre les Romains depuis 1'entreprife temeraire de Craffus, ne pouvoit s'éteindre. La puiflance des Parthes & enfuite celle des Perfes , fervirent de barrière au refte de 1'Orient pour arreter les armes Romaines; & la paix  nu Bas-Empire. Liv. XXXVIII. 329 ne régna entre les deux nations que par intervalles. Cette antipathie mutuelle fubfifta jufqu'a ce que les Sarafins euffent renverfé le tröne des Saffanides. Pour faire connoitre en quel état fe trouvoit la Perfe au'commencement de la guerre que je vais raconter, il eft a propos de remonter jufqu'a la mort de Pérofe. Sous le regne de Léon, Pérofe , Roi de Perfe, avoit combattu les Huns Cidarites ou Nephtalites avec différents fuccès. Vaincu & fait prifonnier, il avoit recouvré la liberté a la follicitation de l'Empereur, en promettant qu'il fe tiendroit tranquille dans fes Etats, fans inquiéter fes voifips. Mais ce Prince turbulent avoit bientöt après recommencé la guerre: il y avoit été plus heureux, & les Nephtalites s'étoient viis obligés de traiter avec lui a des conditions peu ayantageufes. Ils les obfervoient fidélement, lorfque Pérofe prit de nouveau les armes au fujet d'une conteftation fur les limites, qu'il eft impoffible de fixer avec un voifin injufte & ambitieux. Zénon régnoit alors; il avoit auprès de Pérofe un Anasta- se. Ann. jeu, XXIX. Guerres de Pérofe contre les Nephtalites. Proc. hel. Perf. I. ï. e. 34. Eutych. ci 1. p. 109 & jiq. Agath. U 4- Theoph. pl 105. Cedr. pi 3 5 5. Affemani,' Bibl. or. t. I p. 263 £•ƒ*?. 1.11. 7. 57. (. UI. p. 598. Pagl ad Bar,  Anasta- SE. Ann. 502, Af. de Guignes , hifi. des Huns, t. 4. 330 HlSTOIRE AmbafTadeur, nommé Eufebe , homme fage , & qui s'étant rendu agréable au Roi, le fuivit dans cette expédition. A la vue de 1'armée des Perfes, celle des Huns feignant d'être épouvantée, prit la fuite, pour les attirer dans un piege. C'étoit une longue Sc profonde vallée, environnée de hautes montagnes couvertes de forêts , & qui n'avoit point d'iffue. Pérofe s'y engagea témérairement, ne voyant que les Huns qui fuyoient devant lui , fans appercevoir ceux qui filant derrière les montagnes, vinrent occuper 1'entrée du vallon. Ses Officiers reconnurent avant lui qu'ils étoient enfermés ; mais redoutant les emportements de fa colere, ils n'ofoient Pen avertir. Ils engagerent Eufebe a fe charger de cette commiffion dangereufe , auprès d'un Prince violent & impétueux. L'AmbafTadeur prit un détour , & lui fit entendre par un apologue le péril oü il étoit. Pérofe , au défefpoir, ne pouvant ni fuir, ni combattre , ne trouva d'autre reffource que de traiter avec le Roi des Huns. Ce Prince , après lui avoir reproché fa mauvaife foi tk fon im-  du Bas-Empire. Liv. XXXVIII. 331 prudence, confentit a le laiffer fortir du vallon avec fes troupes , a condition qu'il lui payeroit trente mille, talents pour fa rancon, qu'il le reconnoitroit pour fon Souverain en fe profternant devant lui, & qu'il s'engageroit par ferment a ne jamais mettre le pied fur les terres des Nephtalites. La coutume de ces peuples étoit de jurer en tenant dans leur main une poignée de fel : c'étoit la forme de ferment la plus inviolable. Ces propofitions paroiffoient dures Sc humiliantes; Pérofe ne pouvoit même fe profterner devant le Roi des Huns , fans tomber dans une idolatrie criminelle felon fes principes, le feu étant, fuivant la doctrine de Zoroailre , 1'unique objet qu'il fut permis d'adorer. II confulta fes mages ; ceux-ci, moins fcrupuleux que le Roi, qui cependant ne 1'étoit guere , répondirent que pour le ferment il ne devoit pus s'en mettre en peine ; qud £ égard de Cadoration, il etoit aifé de donner le change d tennemi fans inléreffer fa confcience ; que c étoit Vufage des Perfes dadorer le foleil levant; que Pérofe n avoit qu'a fe projlerner der-. Anasta.- se. Ann. 502.  Anasta- se. Ann. 502, XXX. Perfidie de Pérofe. HlSTOIRB vant le Roi des Nephtalites au lever du foleil : & que ce Prince prendroit pour lui l'hommage qui feroit rendu d cet aftre. Pérofe fuivit ce confeil. On voit que ces Cafuifïes Orientaux étoient affez hardis pour braver le parjure , & qu'on avoit déja 1'adreffe de fauver Pidolatrie en dirigeant 1'intention. Le Roi de Perfe, épuifé par fes guerres , ne put trouver dans fes tréfors que vingt mille talents : il donna des ötages pour la füreté du refïe. II fortit des mains des Nephtalites , n'emportant avec lui que le fouvenir de fa honte. Docile a la morale de fes mages, il oublia fon ferment, & ne s'occupa que de favengeance. II avoit déja remis fur pied une grande armée , lorfque les Huns lui envoyerent plufieurs députés pour le fommer de fa parole. Comme il les remettoit de jour en jour, une partie d'entre eux demeura auprès de lui, tandis que les autres reprirent le chemin de leur pays. Le Roi fit mafTacrer ceux qui reftoient, & envoya pourfuivre les autres qui échapperent par leur diligence. Après un fi horrible attentat contre le droit  du Bas-Empire. Liv. XXXVIIL 333 facré des nations , Pérofe fe mit en campagne a la tête de toutes fes troupes. II étoit ennemi des Chrétiens, qu'il perfécutoit cruellement; il en avoit fait tuer trois cents en un jour; en partant il commanda au Marzabane, c'eft ainfi que les Perfes appelloient les Gouverneurs, de détruire pendant fon abfence toutes les Eglifes. Ses fils le fuivirent dans cette expédition ; ils étoient au nombre de trente ; il ne laiffa en Perfe que Cabade , le plus jeune de tous. Les principaux Seigneurs d'entre les Huns apprenant fa marche , allerent en grand tumulte trouver leur Prince , lui reprochant de fe Iaiffer jouer par un ennemi perfide : quelques-uns même oferent ï'accufer de s'entendre avec les Perfes, pour la perte de fa nation : Et quavez-vous perdu jufqu'apréfent, leur dit froidement Achanouar? C'étoit le nom du Roi des Huns. Le temps, répondirent-ils : & c'eft le temps qui dècide des fuccès. Ils vouloient fur le champ marcher a 1'ennemi ; le Roi les retint en difant : Que Pérofe n étoit pas encore forti de la Perfe; que la guerre ne deviendroit Anasta- se. Ann, ;oi;  Anasta- se. Ann. 501. XXXI. Sa défaite & fa mort. 334 HlSTOIRE légitime que lorfque ce Prince, au mépris de fes ferments, feroit entré fur les terres des Huns. Le Roi de Perfe avancoit k grandes journées. Arrivé fur la frontiere, comme il avoit juré de ne jamais pafTer au-delè d'une certaine pierre qui marquoit les limites , par un nouveau fcrupule de confcience, il la fit charger fur un charriot, Sc trainer k la tête de fon armée. Cependant Achanouar, Prince fage Sc auffi rufé qu'il efl: permis de Pêtre dans la guerre , n'avoit pas perdu le temps comme Pen accufoient fes Officiers. Sachant par quel endroit Pérofe entreroit dans fon pays, Sc qu'il ne pourroit prendre d'autre chemin qu'une grande plaine bordée k droite & k gauche de montagnes efcarpées , il avoit envoyé fecretement un grand nombre de prifonniers pour couper d'un profond Sc large foffé toute la largeur de cette plaine , laiffant feulement au milieu le paffage de dix cavaliers de front. On avoit enfuite recouvert ce foffé de branchages , Sc d'une légere couche de terre. Lorfqu'il apprit que Pérofe approchoit  du Bas-Empire. Liv. XXXVIII. 335 de Gorgo, Ia première ville des Huns du cöté de la Perfe, il fit marcher fes troupes; Sc étant arrivé au lïeu oü le traité avoit été juré , il y brüla de Pencens, priant le Ciel de fe déclarer contre les parjures. Un cavalier portoit au bout d'une piqué, a la tête de 1'armée, 1'original du traité , & le fel fur lequel Pérofe avoit prêté le ferment. A la fuite de cet étendard, 1'armée marchoit en bon ordre. Le Roi fit faire halte a quelque diftance de Ia tranchée , & il inftruifit alors les fiens de fon ftratagême. II donna ordre a quelques efcadrons de défiler dans la plaine audela du fofTé pour attirer 1'ennemi, de prendre la fuite dès qu'ils le verroient approcher, Sc d'obferver furtout de bien enfiler le fentier en ne marchant que fur dix de front. L'ordre s'exécute; les Perfes les pourfuivent fans foupconner aucun piege; Sc emportés par leur ardeur, la terre fe dérobant tout-a-coup fous leurs pieds, ils fe précipitent dans le foffé hommes Sc chevaux : les rangs fondent Sc difparoiffent; ils s'écrafent , ils fe percent mutuellement, ANASTA' SE. Ann. 503  Anasta se. Ann. jo2 XXXII. Obale fuccede a Pérofe. S3ö Hjstoire &z ne s'appercoivent de leur chüte que lorfqu'enterrés dans cet abyme , , brifés, fracafiés, entaffés les uns fur les autres, ils fe fentent arracher ce qui leur refte de vie par les traits qui pleuvent fur eux, & par les pierres dont on lesaccable, & qui achevent de combler ce vafte lepulcre. Le Roi y périt avec tous fes fils. On perdit alors Ia plus belle perle qui iïït connue dans 1'univers; elle fervoit de pendant d'oreille a Pérofe, felon 1'ufage des Rois de Perfe. Les Huns la chercherent en vain pendant plufieurs jours pour la vendre a l'Empereur ou a Cabade, qui tous deux a 1'envi en offroient un prix exceffif. Ceux qui éviterent de tomber dans le foffé, furent pris par les Huns. Cette horrible défaite fit une telle impreffion fur Fefprit des Perfes , qu'on défendit, par une loi folemnelle, de jamais pourfuivre les ennemis dans leur pays, même après la viéfoire la plus complete. Pérofe avoit régné 24 ans : ainfi fa mort doit être arrivée dans 1'année 485. Cabade, le feul qui reftoit des trente fils de Pérofe, parut trop jeune pour  du Bas-Empire. Liv. XXXVIII. 337 pour lui fuccéder. Les Perfes mirpnr ïa couronne fur la tête d'Obale , nommé aulTi Balafcès ou Blafès , frere de Pérofe. Ce Prince, d'un caractere doux & pacifique, trouvant le Royaume épuifé d'hommes & d'argent, n'entreprit pas de venger la mort de fon frere. Soupharaï , Gouverneur des Provinces de Perfe limitrophes de 1'Inde, conclut avec les Nephtalites un traité par lequel les Perfes fe foumirent a payer tribut k leurs vainqueurs, Cabade fut donné en' ötage, & cet affujettiffement honteux dura ' deux ans. L'indigence oü fe voyoit réduit le Roi de Perfe, le forca d'avoir recours a Zénon. Dans le traité par lequel Jovien avoit autrefois cédé Nifibe a Sapor, il étoit flipulé qu'aubout de cent vingt ans, les Romains pourroient rentrer en poffeffion de cette ville, en payant aux Perfes une certaine fomme. Obale fit demander cet argent, mais fans offrir de rendre Nifibe. Zénon, occupé alors de la guerre contre Illus & Léonce , loin d'être difpofé a racheter Nifibe , auroit voulu retirer 1'argent que Pamprépius avoit fait donner a PéTomt VIII. P Anasta- se. Ann. 501. Theod, L, I. 2. Théopk. p. 106. Eutych, f. II, p. 127. Agath, l 4. Cedr. p. 3 S 5- Affemanl, Bihl. or. t. I.p. 263 S> feq. t. UI. •>. 400. M. de Gul'nes , hift. les Huns e » 4.  Anasta- se. Ann. 502. 33S H I S T O I R E rofe pour Fengager a fecourir les révoltés. II répondit aux Députés, que les Perfes devoient être contents qu'il les laifTat en pofTefTion de Nifibe. Deux années fe pafTerent encore fans qu'Obale fe vit en état de lever des troupes : ce qui lui attira le mépris de fes fujets. Enfin, Soupharaï, qui avoit été employé a conclure avec les Huns ce traité déshonorant, entreprit d'en affranchir la Perfe. II leva des troupes a fes dépens dans fon Gouvernement qui étoit très-étendu, & marcha contre les Huns a la tête de cent mille hommes. Etant arrivé fur leur frontiere, il écrivit a leur Roi une lettre menacante. Achanouar répondit en rejettant fur la perfidie de Pérofe, la caufe des malheurs dont la Perfe étoit juflement accablée. Les deux armées s'approcherent & en vinrent a une bataille, oü les Huns furent défaits. Le Monarque Nephtalite, de peur d'expofer fon pays aux mêmes défaftres que la Perfe avoit éprouvés, ne s'obftina pas contre la fortune; dès le lendemaih de fa défaite, il demanda la paix, offrant de rendre les prifonniers qu'il avoit en-  du Bas-Empire. Liv. XXXF11I. 339 tre les mains , & de renoncer au tribut, a condition que les Perfes rendroient aux Huns leurs bagages, dont la vicfoire les avoit rendus maitres. Ces conditions furent acceptées. Soupharaï revint triomphant : mais le Roi n'en fut que plus méprifable. II eut encore 1'imprudence de s'attirer la haine des Mages, toujours redoutables a leurs Souverains. II voulut faire conftruire des bains : ce qui parut une entreprife facrilege; les Mages refpecfant Peau comme 1'élément le plus facré après le feu, ik croyant que c'étoit un crime de s'en fervir pour laver les ordures du corps. Ils confpirerent contre lui la quatrieme année de fon regne, fe failirent de fa perfonne, & lui creverent les yeux. C'étoit un fupplice ordinaire en Perfe : on verfoit dans les yeux de Phuile bouillante , ou on les percoit avec une aiguille rougie au feu. Cabade fut mis fur le tröne. Ce Prince, auffi turbulent que fon pere, & un des plus méchants Rois qui ayent jamais régné en Perfe, effuya d'étranges révolutions. Cruel & intraitable, il traita fes fujets en ■ P ij Anasta- se. Ann. 502; XXXHÏ. Cabade Roi de Perfe. Proc. bel. Perf. I. 1, t. 5.  Anasta- se. Ann. 501. Agath. I, 4. Theod. L. I. %. Theoph. p. io6. Cedr. p, 356. AJfemani. Pagi ad Bar. M. de Gui- gnes , hifi. des Huns, 1. 4. 340 HlSTOIRE efclaves. II bouleverfa d'abord fon Royaume, aboliflant les coutumes anciennes, établifTant des loix bifarres, ou plutöt ne reconnoiffant d'autres loix que fes paffions & fes caprices. Entêté des fyftêmes extravagants d'un impofteur, nommé Mazdac, qui s'annoncoit comme le réformateur de la religion re^ue , il commenca par rompre le lien primordial de la fociété humaine, en détruifant lünion conjugale; il déclara, par une loi, que les femmes feroient communes , & il permit aux femmes les plus diftinguées de fe proftituer : ce qui jetta le' défordre & la confufion dans toute la Perfe. C'étoit un de ces efprits audacieux , qui réprouvant toutes. les maximes de la fageffe , toutes les pratiques de la raifon, s'enivrent de leur propre folie; & fiers de contredire les fiecles précédents dont ils ramaffent les idéés de rebut, abfurdes légiflateurs, ne trouvent de vertu que dans le vice, de lumieres qu'en eux-mêmes, de police que dans une vie brutale & fauvage.' Dès le commencement de fon regne, il prétendit fe faire  du Bas-Empire. Liv. XXXVIII. 341 un droit de 1'injufte demande que fon prédéceffeur avoit faite a Zénon. II lui envoya un grand éléphant, Sc lui demanda la fomme dont ce Prince, difoit-il, étoit convenu avec Obale. Ses Ambaffadeurs arrivés a Antioche , lui manderent que Zénon étoit mort, Sc quAnaftafe lui avoit fuccédé : ils lui apprirent en même-temps la révolte des Ifaures. Cabade crut 1'occafion favorable ; il leur donna ordre de preffer Anaftafe, 8c de lui déclarer la guerre s'il refufoit de pay er la fomme exigée. Anaftafe, fans s'effrayer de cette bravade, répondit : Qu'il ne donneroit pas ce que fon prédéceffeur avoit refufé avec juftice ; que fi Cabade demandoit cet argent comme un emprunt , il confentoit d le lui préier; que s'il l'exigeoit comme une dette, 1'Empire ne lui devoit rien. Sur cette réponfe, Cabade auroit pris les armes, ft fon caracïere violent n'eüt pas déja mis en feu fon Royaume , Sc toutes les nations voiiïnes. II avoit fait mourir Soupharaï, auquel la Perfe devoit fa délivrance. Les Arméniens , ■ fujets de la Perfe, éprouvoient une fanglante perfécution, paree qu'étant P iij Anasta- se. Ann. 502.  Anasta- se. Ann. 502, XXXIV. Cabade détröné. Proc. bel. Ptrf. I. x. *• 5- Agath- l. 4- 342 HlSTOIRE Chrétiens, ils refufoient d'adorer Ie feu. Laffés de mauvais traitements , ils devinrent infïdeles a la loi de 1'évangile , qu'ils prétendoient foutenir, & fe révolterent contre leur Prince légitime. Ils renverfent les pyrées, malfacrent les Mages & les autres Perfes , taillent en pieces une armée que Cabade envoyoit contre eux , & députent a l'Empereur pour le prier de les recevoir comme fujets de TEmpire. Anaftafe n'accepta pas la propontion , craignant de fournir a Cabade une jufte raifon de faire la guerre. Dans le même temps, les Cadufiens fe foulevent, & tentent de s'emparer de Nifibe : les Tamyréniens, qui habitoient entre des montagnes inacceftibles, accablés de tributs par Pavarice de Cabade , prennent les armes , & ravagent les contrées d'alentour. Les Arabes, voyant tout en défordre, fortent de leurs déferts, & pillent la Méfopotamie. Les plus grands Seigneurs de la Perfe , indignés de la tyrannie du Prince, & fur-tout de la loi qui proftituoit les femmes, n'étoient pas mieux difpofés. Ils confpirent contre Cabade  nu Bas-Empire. Liv. XXXVIIL 343 Ia onzieme année de fon regne, & 1'enferment dans une prifon. Us choififfent pour Roi en fa place un frere de Pérofe , qui reftoit encore , nommé Zamafpès. Ce Prince, auffi doux & auffi clément que Cabade étoit cruel & emporté, ne voulut pas tremper fes mains dans le fang de fon neveu : il aifembla le Confeil de la nation pour délibérer fur le traitement qu'il falloit faire au Roi détröné. La plupart opinoient k le laifTer vivre, lorfque Gufanaftade, un des premiers Seigneurs de la Perfe, qui commandoit fur la frontiere limitrophe des Nephtalites , s'avangant au milieu de 1'affemblée , & tirant un couteau dont les Perfes fe fervoient pour rogner leurs ongles : Vous voye\, dit-il, ca infirwnent ; tout petit qu'il eft, il peut faire un grand coup , & nous tirer d'inquiétude ; fi vous ne me permettei pas dt inen fervir aujourd'hui pour le repos d la Perfe , vingt mille foldats armes d toutes pieces nen pourront faire autan dans la fuite. Cette propofition fi horreur : le Roi fur-tout s'y oppo fa. On fe contenta de condamner Ca bade k une prifon perpétuelle dan P iv A.NASTA SE. Ann. 501. Theod. I. I. ï. Euty.t. II. p. 176. Theoph. p. 106, 119. Cedr. p. 356. Theop. Stmocdt. 1.4. c. 6. Affemani. t S.  Anasta- SE. Ann. 502. XXXV. Ses aventures. i ] 344 &ISTOIRE Ie chateau de VQubli; ainfi nommé perce qu'il étoit défendu , fous peine de la vie , de prononcer même le nom de ceux qü'on y avoit renfer- mes. Un homme fi violent & fi impétueux auroit bientöt mis fin a fes malheurs, fi la tendreffe de fa femme n eüt adouci fon défefpoir. Elle obtint la permiffion de le vifiter, & de lui porter des aliments. Le Commandant du chateau devint fenfible a la beauté de cette Princeffe infortunée, ol il ofa lui déclarer fa paffion. Elle en fut irritée, & s'en plaignit a fon man. Cabade, moins délicat fur 1'honneur, que paffionné pour la liberté, & fur-tout pour la vengeance, lui ordonna de fe rendre aux defirs de l'infolent Officier. II efpéroit fe délivrer a ce prix; mais fa complaifance ne fit que procurer a fa femme une liberté entiere d'entrer dans a prifon , & d'y refter auffi long:emps qu'elle vouloit. Cependant, un seigneur Perfè, nommé Séofès, ami idele de Cabade, s'étoit venu loger jrès du chateau, pour épier Ie monent de fauver fon maitre. il lui fit  nu Bas-Empire. Liv. XXXVIII. 345 favoir par la Princeffe, que s'il pouvoit s'échapper, il trouveroit des chevaux , & une efcorte dans un certain lieu qui n'étoit pas éloigné. La nuit étant venue, Cabade engagea fa femme a changer d'habit avec lui, "6c a demeurer a fa place. II fortit fous ce déguifement, fans être reconnu par les gardes , qui ne s'appercurent de leur méprife qu'au bout de quelques jours , lorfque leur prifonnier étoit déja hors de la Perfe. On ne dit pas ce que devint la Princeffe : mais Cabade , accompagné de Séofès, alla fe jetter entre les bras du Roi des Nephtalites. Ce Prince généreux le recut avec bonté : il prit foin d'adoucir fes chagrins en lui procurant tous les plaifirs conformes k fon caracfere. La chaffe , la bonne chere, 1'ivreffe, la magnificence des habits & des équipages auroient confolé Cabade , fi 1'ambition pouvoit fe confoler de la perte d'une couronne. Le Roi des Huns porta la bienveillance , jufqu'a lui faire époufei une de fes filles : elle étoit née d'une fceur de Cabade, qui avoit été prife dans une guerre contre Pérofe, C< P v Anasta- SE. Ann. jol.  Anasta- se. Ann. 502, XXXVI. Cabade rétabli. Euty. t. 11. P- I27 , Ene. heil. Ptrf. I. 1, c. 6. Agath. I. 4. Theod. L. 1. 2. Theop. Simocat. 1,4. e. 6. C'edr. p. 356. ■dfiemani. I i < 1 l F \ a 34 H 1 S T O I R E fut de ce manage que fortit dans Ia fuite Ie grand Chofroës. Achanouar mit Ie comble a fes bienfaits, en donnant k fon gendre trente mille hommes pour reconquérir fes Etats. Zamafpès ne fe mit point en peine de lever des troupes pour les oppofer k cette armée : il ne voulut faire aucune réfiftance. Porté malgré lui fur le tröne, il en defcendit fans regret; il alla fe rendre auprès de fon neyeu , & lui remit la couronne , préférant les douceurs d'une vie privée aux embarras de la royauté. Cabade , qui lui étoit redevable de la vie, montra cette fois de la reconnoiffance : il le laiffa vivre en liberté, réfervant toute fa colere pour punir les conjurés qui avoient pris la fuite. La première Province qu'il ren:ontroit en revenant dans fes Etats, ;toit celle oü commandoit Gufanalade : le Roi dit en y entrant, qu'il n donneroir le gouvernement au prenier Perfe qui viendroit ce jour-la -li rendre hommage. A peine eut-il arlé, -qu'il s'en repentit. Les gouernements en Perfe étoient attachés lix families, & il craignoit d'être  du Bas-Empire. Liv. XXXVIII. 347 obligé, ou de manquer a fa parole, ou de commencer 1'exercice de fon pouvoir par violer une loi du pays. La fortune le fervit rnieux qu'il ne méritoit : celui qui vint le premier fe profterner devant lui, 8c le reconnoitre pour Roi, fut Adergudumbade, jeune Seigneur renommé par fa bravoure , 8c parent de Gufanaftade. Ainfi le Roi put, fans exciter de murmures, le récompenfer comme il avoit promis. II continua fa route fans rencontrer aucun obftacle : tout plia devant lui. II fit mourir Gufanaftade 8c les autres corijurés, dans les plus affreux fupplices. II créa pour le fidele Séofès une dignité nouvelle , qui lui donnoit une autorité fuprême fur tous les Magiftrats, 8c fur toutes les troupes du Royaume. Séofès fut le premier 8c le dernier quioccupa un pofb fi élevé 8c fi voifin du tröne. Ca^ bade régna encore trente ans, en ] comprenant le temps de fa prifon 8 de fon exil. II fit rentrer dans l'o béifTance les Cadufiens 8c les Tamy réniens. Les Arabes firent avec lu . une nouvelle alliance , 8c s'engage .rent a lui fournir des troupes con P vj Anasta- SE. Ann. 50i. i  Anasta- se. Ann. J02. XXXVII. II commence Ia guerre contre les Romains. Proc. bel. Per/. I. i. . Idem de i «&yc i. %. C 2, J. ] £vaSc- 37- Theoph. p. ( i24. 1 ■AJJcmani. ( Ü t; li v P< d< 34S Hls T O 1 H E tre les Romains. L'Arménie fut pacitiee des qu'il eut accerdé aux habitants liberté de religion. Les lecons de ladyerfite ne furent pas inutiles a ce Prince : il en devint plus modere; les anciens ufages reprirentleur cours , & 1'honnêteté publique eut toute feule la force d'abolir la loi monftrueufe qui avoit permis la communauté des femmes. U falloit de Poccupation k Cabade. II fe croyoit méprifé d'Anaftafe, K tourna fes armes contre 1'Empire Le 23 d'Aout de Pan 502, il entra JanS 1 Armenië fujette aux Romains, 1 la tete d'une grande armée de Peres & de Huns auxiliaires. II affiégea a forterefie de Théodofiopolis, & la >nt par Ia trahifon d'un Sénateur jommé Conftantin, qui y commanloit. Elle fut pillée, ainfi que les vilss voifines, auxquelles elle fervoit e défenfe. Cabade y laiffa garnifon Hts les ordres de ce même Confmtin, & marcha vers Amide. A dix eues de cette place, prés du fleu? Nymphée, étoit fituée Martyro>hs, ville épifcopale, & affez gran- mais fans autre défenfe, qu'une  du "Bas-Empire. Liv. XXXV1H. 349 foible muraille de vingt pieds de haut & de quatre d'épaiffeur. Théodore, Satrape de la Sophanene , en étoit Gouverneur. Les Romains, a 1'imitation des Perfes, donnoient alors Ie nom de Satrapes aux Commandants des Provinces voifines du Tigre. Les habitants pour fe rendre, n'attendirent pas qu'ils fufTent affiégés; ils fortirent, Théodore a leur tête, portant a Cabade les clefs de leur ville, & le tribut de deux années , tel qu'ils le payoient aux Romains. Le Roi, fatisfait d'une fi prompte foumiflion, les traita comme fes fujets; & fans leur caufer aucun dommage, il leur laiffa Théodore pour Gouverneur au nom des Perfes. A une journée d'Amide, quelques Officiers Nephtalites lui raconterent qu'il y avoit dans le voifinage un homme extraordinaire, qui n'avoit pour demeure qu'une efpece de cage , couverte d'un petit toït, foutenu de pieces de bois plantées en terre, & affez écartées 1'une de 1'autre pour le laiffer voir de tous cötés; qu'il n'avoit d'autre fiege, ni d'autre lit que la terre; qu'il ne vivoit que de lé- Anasta- SE. Ann. 503.. XXXVIII Jacquesle folitaire.  Anasta- se. Ann. 502. 350 HlSTOIRE gumes , 8c ne mangeoit que rarement; que plufieurs de leurs foldats, courant le pays, avoient voulu lui tirer des fleches pour effayer leur adreffé: mais qu'ils avoient fenti leurs bras s'engourdir, 8c qu'ils en étoient revenus avec une impreflion de refpect dont ils ignoroient eux-mêmes la caufe. Celui dont ils parloient étoit Jacques le folitaire, qui s'étoit depuis long-temps retiré prés du bourg d'Endieles, oü il paffoit les jours 8c les nuits dans la méditation des chofes divines. Cabade, curieux de fingularités, fe fit conduire en ce lieu; 8c fatisfait des réponfes que le folitaire fit a fes queffions, il lui offrit telle faveur qu'il defireroit, s'imaginant qu'il alioit lui demander une fomme d'argent. Jacques, plus riche que les Rois de Perfe, lui demanda feulement qu'il voulüt bien, pendant cette guerre, épargner ceux qui viendroient fe réfugier auprès de fa cabane. Le Roi y confentit; 8c pour affurer ce privilege, il lui en fit fur le champ expédier des lettres. Bien des gens profiterent de cet afyle; & pendant le cours de la guerre , la  du Bas-Empire. Liv. XXXVÜI. 351 chaumiere de Jacques fut comme une forterefTe, a 1'abri de laquelle un grand peuple trouva fa fureté. Cabade arriva devant Amide le 5 d'Ocf obre. Cette ville, fameufe par la réfiftance qu'elle avoit oppofée aux armes de Sapor, cent trente-trois ans auparavant, fous le regne de Conftance, n'avoit alors qu'une foible garnifon. Mais les habitants étoient foldats , & pleins d'une valeur intrépide. Les attaques étoient commencées, lorfqu'on vit arriver au camp un Ambaffadeur d'Anaftafe. Dès les premiers mouvements de Cabade , l'Empereur lui avoit envoyé Rufin avec une fomme d'argent, pour 1'engager a ne pas entrer fur les terres de FEmpire. Rufin, ayant appris en chemin que Cabade étoit déja en Méfopotamie , laiffa fon argent a Céfarée en Cappadoce, ck alla trouver ie Roi pour lui offrir cette fomme, s'il vouloit fe retirer dans fes Etats. Le Roi, pour toute réponfe ,1e fit mettre aux fers, continua de battre la place , & envoya Naaman , chef des Arabes, ravager le pays de Haran, Cette Yille eft la même que les Anasta- se. Ann. 502. XXXIX. Siege d'Amide. Proc. bel. Perf. I. i. c. 7. Theoph. p. 124, 125. Evag. I. 3. c 37. Theod. L. I. 2. Cedr. p. 358. AJfemani.  Anasta- se. Ann. ;o2, XL. Divers corabats entre les Perfes & les Romains. i i ] ] j 3 » i 352 H 1 S T 0 I R E Grecs & les Romains ont nommée Carrhes, célebre par la défaite de CrafTus. Alypius 011 Olympius, commandoit un corps de troupes aux environs de Conftantine. Je me fuis trompé dans 1'hiftoire de Conftance , en difant, d'après Cellarius, que Conftantine étoit 1'ancienne Nicephorium fur PEuphrate. C'étoit 1'ancienne Anthémunte , nommée aufli Antipolis , a laquelle Conftance donna fon nom, l'ayant réparée & agrandie en 350. Les Hiftoriens du pays la placent entre Amide & Nifibe , a cinquante-fix [lades , environ deux lieues & demie , de 1'une & de 1'autre ville. Les Arabes Pont nommée Tela-Mauzalat. Ze nom de Tela ou Tel, donné a juantité de villes en Méfopotamie &c ;n Syrië, fignifie en langue Syriajue , montagne ou colline. Olym)ius étoit un guerrier brave & prévoyant : il avoit pris foin de fourür de vivres pour long-temps Amile, & toutes les places d'alentour. 1 fe joignit a Eugene, Gouverneur le Mélitine dans la petite Arménie, k tous deux réunis, battirent le 19  du Bas-Empire. Liv. XXXVIII. 353 Novembre le detachement de Naaman. Mais pendant qu'ils s'arrêtoient a partager les dépouilles, ils furent furpris 6e battus a leur tour a Telbefme, village prés de Conftantine. Naaman fit le dégat depuis Haran jufqu'a EdefTe, dont les habitants travaillerent avec ardeur a réparer leurs murailles, 6e a fe mettre en état de défenfe. Mais le Prince Arabe fe contenta de piller les environs , 6e retourna au camp devant Amide avec plus de dix-huit mille prifonniers. Les deux Généraux Romains, après avoir rallié leurs troupes, ne fe fentant pas affez forts pour tenir la campagne, fe féparerent. Olympius fe renferma dans Conftantine : Eugene entra dans 1'Arménie, 6e reprit Théodofiopolis. L'attaque 6e la défenfe d'Amide continuoit avec une égale vigueur. Les béliers battoient la muraille de toutes parts; les habitants rabattoient les coups avec des poutres, qui, fufpendues par les deux bouts a des poulies , venoient tomber en travers fur la tête des béliers. D'ailleurs , les murs étoient d'une fi forte ftructu- Anasta- se. Ann. 502.' XLI. Continuation du fiege d'Amide.  Anasta- se. Ann. $02. 354 HlSTOIRE re, qu'ils réfiftoient a la violence des machines. Cabade, rebuté du peu d'effet de fes batteries, fit élever une plate-forme de terre beaucoup plus haute que les murs, & d'oii la ville étoit vue a découvert. Pour rendre encore ce travail inutile, les affiégés pratiquerent un fouterrein, & le conduifirent jufquesfous la terrafTe, qu'ils creuferent dans Pintérieur, la foutenant par des étais a mefure qu'ils enlevoient la terre, en forte que la furface fubfiftoit dans le même état fans s'affaifTer. Lorfqu'ils y virent les Perfes montés en grand nombre, & laneant de-la dans la ville des traits & des pierres , ils abattirent ou brülerent les étais ; & la terraffe s'éboulant tout-a-coup, enfévelit ceux qu'elle portoit. II ne refloit plus d'efpérance a Cabade , que dans un affaut général : il fait appliquer les échelles a plufieurs endroits a la fois. Les habitants fe défendent avec fureur; les pierres, la poix bouillante, le plomb fon du pleuvent de toutes parts fur les alfaillants; les Perfes prennent la fuite; Cabade les force a coups de cimeterre de remonter a 1'efcalade:  du Bas-Empire. Liv. XXXVIII. 355 il tue de la propre main ceux qui refufent d'obéir. Le fecond affaut n'a pas un meilleur fuccès : plein de dépit & de rage , il eft contraint de faire fonner la retraite. Ce fiege meurtrier duroit depuis trois mois. Les affauts fanglants tk ] inutiles, lesfréquentes forties, les ma- ' chines dont la muraille étoit bordée, èc qui foudroyoient fans celfe 1'armée des Perfes, déiéfpéroient Cabade, qui jufqu'alors n'avoit pas épargné fes foldats ; on dit qu'il lui en coütoit déja cinquanté mille hommes. II prit enfin le parti de lever le fiege, &c donna 1'ordre pour décamper Ie lendemain. Les habitants en furent inflruits par des transfuges ; & fe livrant a une joie effrénée , ils commencerent a infulter Cabade, Paccablant des injures les plus outrageantes : les femmes fur-tout, dépouillant toute pudeur, porterent Peffronterie aux excès les plus indécents. Cabade, outré de colere, réfolut de périr ou de fe venger; & fes Mages lui promirent qu'il feroit bientöt maitre de cette populace infolente. En effet, deux jours après, un foldat ayant re- A.NASTASE. S.nn. J03. XLII. 'rife d'Anide.  Anasta- SE. Ann. 503. 356 HlSTOIRE marqué Pentrée d'un ancien fouterrein qui n'étoit bouché que de petites pierres, y entra pendant la nuit, & reconnut qu'il aboutiffoit a 1'intérieur d'une tour dont on avoit confié la garde a des Moines. II en avertit Cabade, qui, la nuit fuivante , y fit couler des foldats. C'étoit le 10 de Janvier : il faifoit un grand froid , & il tomboit une groffe pluie. Les Moines s'étoient enivrés la veille k 1'occafion d'une fête, & dormoient profondément. Ils furent égorgés fans bruit. Quelques Auteurs rapportent que ce furent les Moines eux-mêmes qui trahirent la ville, en donnant a Cabade connoiffance du fouterrein, & que, pour récompenfe de leur perfidie, ils furent égorgés les premiers. On trouva les pofles abandonnés: les fentinelles , pour éviter le froid & la pluie , s'étant retirés dans les maifons. Les foldats qui étoient entrés briferent les portes, & Cabade ordonna de paffer tous les habitants au fil de 1'épée. Cet ordre cruel fit périr plus de quatre-vingt mille perfonnes , fans compter ceux qui furent noyés dans le Tigre , jettés dans des puits,  du Bas-Empi&e. Liv. XXXFIII. 357 ou mis a mort de quelque autre maniere qui fit difparoitre leurs cadavres. Pendant que Cabade, étincelant de rage , traverfoit la ville , monté fur fon éléphant , & animant la fureur de fes foldats, un Prêtre d'Amide, courbé de vieilleffe, fe jetta au-devant de lui, en criant; Songe^, Prince, qu'il ejl indigne d'un puijfant Monarque d'égorger des vaincus. Et pourquoi , dit Cabade , m'avez_-vous Ji opinidtrément réjijlé ? Hélas, répondit le vieillard , Dieu vouloit que vous duffiez_ votre conquête d votre valeur, & non pas d notre lacheté. Cette réponfe flatta la vanité de Cabade , & calma fa colere : il fit ceffer le maffacre, permettant feulement le pillage. II prit pour lui les plus diftingués des prifonniers , & abandonna les autres a fes foldats. Les Hifforiens de Syrië rapportent un fait qui n'efï pas hors de vraifemblance. Au moment de la prife d'Amide , un Roi Sarrafin, qui étoit chrétien,obtint de Cabade qu'on ne fit aucun mal a ceux qui fe feroient réfugiés dans 1'Eglife principale dédiée a Dieu , fous 1'ïnvocation des Quarante Martyrs. Cabade étant entré dans cette Eglife, y Anasta- se. Ann, 503,  Anasta- se. Ann, 503. XLIII. Anaftafe envoye une ar- 358 H I S T O I li E appercut une image de Jefus-Chrift, & demanda ce que c'étoit: fes gens lui répondirent que c'étoit fimage du Dieu des Nazaréens. Le Roi la falua, en difant: C'eft vraiment-ld celui qui ma apparu, & qui ma dit: Refte & reqois de moi la ville & les habitants , paree qu'ils mont offenfé. II ne laiffa pas de piller 1'Eglife : mais il épargna ceux qui s'y étoient retirés. Ayant enfuite établi dans la ville une garnifon de trois mille hommes fous les ordres d'Eglon, il alla camper au mont Sigar, entre Amide & Nifibe, & renvoya Rufin a l'Empereur, pour lui porter la nouvelle de la prife d'Amide, Cet événement répandit tant d'allarme dans la Méfopotamie, que les habitants fe préparoient a quitter le pays, & a paffer 1'Euphrate. Mais Jacques, furnommé le voyageur, fameux dans cette contrée par fes ouvrages d'éloquence & de poéfie, raffura, par une lettre circulaire, les peuples confternés, en leur infpirant la confiance en Dieu. Dès qu'Anaftafe avoit appris qu'Amide étoit affiégée, il avoit levé en Thrace une armée de cinquante-deux  nu Bas-Empire. Liv. XXXFUI. 359 mille hommes, compofée fur-tout de Beffes & de Goths. II en avoit donné le commandement a trois chefs, Hypace fon neveu , Patrice le Phrygien, & Aréobinde. Celui-ci étoit fils de Dagalaïfe, Conful en 461 , & petit-fils de cet Aréobinde qui s'étoit fignalé dans la guerre de Perfe, fous le regne de Théodofe le jeune. Du cöté de fa mere Dagifthée , il étoit petit-fils d'Ardabure, que Léon avoit fait maffacrer. Son mariage le rendoit encore plus illuftre; il avoit époufé Julienne, fille de 1'Empereur Olybre , & il en avoit eu Olybre, Conful en 491. C'étoit le meilleur Général de 1'Empire , & les Hiftoriens Pappellent le grand Aréobinde. II auroit fans doute été plus heureux , s'il n'avoit point eu de collegues. Hypace & Patrice, plus courtifans que Capitaines, aimerent mieux traverfer les fuccès d'Aréobinde que de vaincre par fes confeils; & leur jaloufie fit avorter les grands projets de cette campagne. Jamais armée a fon départ de Conftantinople, n'y avoit lailfé de plus brillantes efpérances : celle-ci ratniffoit toute la bravoure & toute ANastase.Ann. 50J, mée contre les Perfes. Proc. bel. Pcrf. I. x. c 8. Mare. chr. Theoph. p, lij. Jcifue Sty* lires , apud Affemani , p. 273 & feqq. Till.Anafl. ore. ij.  Anasta- S E. Ann. J03 360 HlSTOI&E la gloire militaire de 1'Empire. On y diftinguoit le Comte Juftin, & Zémarque fon compagnon de fortune , & auffi brave que lui; Patrice, fils d'Afpar, qui avoit ofé reparoitre depuis la mort de Zénon, & qui prenoit le nom modefte de Patriciole, avec fon fils Vitalien ; Romain, que nous avons vu vainqueur des Sarafins en Palefïine & en Arabie. Borufe, Timoflrate , le Comte Pierre, & plufieurs autres Officiers célebres par leur valeur. On y voyoit auffi des Capitaines étrangers, de grande réputation ; Pharafmane le Lazique, Gogidafcle , & Sbéfas, qui commandoient les Goths; Afuade, chef d'une tribu d'Arabes. Si le mérite des fubalternes pouvoit fuppléer a 1'incapacité des Généraux, ou réparer les maux que caufe la jaloufie, il y avoit dans cette armée affez de valeur pour faire la conquête de la Perfe. Afin qu'elle ne manquat d'aucune des chofes néceffaires au fuccès des expéditions , Anaftafe avoit nommé pour Intendant & Tréforier des troupes, 1'Egyptien Apion, homme de tête, déja élevé au rang de Patrice; & comme  bv Bas-Empirr. Liv. XXXVIII. %6i me il connoiffoit fon zele pour le bien public, fon adf ivité & fa prudence, il lui avoit donné 1'autorité la plus étendue clans 1'exercice de fa commiffion, le declarant indépendant des Généraux, & tenant en cette partie la place de l'Empereur. Lorfque 1'armée Romaine pafTa PEuphrate, Amide étoit déja prife. & Cabade étoit campé prés de Nifibe. La première faute que firent les Généraux, fut de fe féparer. Hypace & Patrice prirent avec eux quarante mille hommes , & marcherent du cöté d'Amide comme pour 1'affiéger : üs ne laiflerent que douze mille hommes a Aréobinde, qui marcha vers Nifibe. Apion fit de la ville d'Edeffe le magafin de 1'armée, & prit de fages mefures pour la füreté des convois. Les deux Généraux trouvant Amide en état de défenfe, n'oferent 1'affiéger, & s'amuferent a ravager le pays. Mais Aréobinde, avec fa petite armée , harceloit fans ceffe les Perfes : attentif a choifir des poltes avantageux, il ne laiflbit échapper aucune occafion de les battre; il les attaquoit féparément : dans une rencontre, il Tomt VUL O. Anasta.- se. Ann. 503. XLIV. Premières actions en Méfopotamie.  Anasta- se. Aan. 503. XLV. Succes «les Perfes. 3/}2 II I S T O I K. B défit un corps de vingt mille hommes , & pourfuivit les fuyards ,ufqu'aux portes de Nifibe. Un foldat Goth ayant tué dans ce combat le premier des Généraux de Cabade, fe faifit de fon épée & de fon braffelet enrichi de pierredes, & vint les offrir a Aréobinde, qui les envoya k l'Empereur comme un témoignage de fa viftoire. Enfin, Cabade après avoir perdu une grande partie de fes troupes , fut obligé de s'éloigner de Nifibe. II attendoit un renfort confïdérable de Perfes , de Huns & d'Arabes , qui arriverent au mois de Juillet. C'étoit une nouvelle armée dont il donna le commandement k Conftantin. Ce traitre s'étant échappé de Théodofiopolis, lorfque cette ville fut reprife par Eugene, étoit venu fe réfugier dans le camp de Cabade. Au contraire, Théodore, que Cabade avoit laiffé dans Martyropolis, avoit quitté cette ville dès qu'il s'étoit vu en liberté, 8c s'étoit rendu au camp devant Amide. Auffi Anaftafe, k la fin de la guerre , loin de le punir, le loua d'avoir fauvé, par une feinte foumiffion, les  uw Bas-Empire. Liv. XXXP1IL 363 habitants d'une place qui n'eut pas manquée d'être emportée d'aflaut. A la tête des nouvelles troupes, Conftantin alla chercher Aréobinde, qui, fe fentant trop foible , eut recours a fes deux collegues. Ceux-ci, fous prétexte du fiege d'Amide, qu'ils ne faifoient pas, refuferent de le fecourir. Ce brave Général fe voyant ahandonné, vouloit repaflér 1'Euphrate & retourner a Conftantinople. Apion vint a bout de le calmer, & lui perfuada de demeurer en Méfopotamie. II fe retira en diligence a Conftantine, avec perte de fes bagages qui furent enlevés par les Perfes. Hypace & Patrice, charmés de cette difgrace, voulurent en tirer avantage: ils marcherent a Conftantin qu'ils furpaflbient en forces. Celui-ci s'étant retiré a leur approche, alla rejoindre Cabade, qui s'avancoit avec toutes fes troupes. Les deux Généraux n'étant pas inftruits de la marche du Roi , & croyant n'avoir affaire' qu'a Conftantin, rencontrerent les coureurs de 1'armée: c'étoient huit cents Nephtalites , que Pharafmane & Théodore taillerent en pieces, Le brave Naaman qui les Q ij ^NASTASE. inn. 503,'  Anasta- se. Ann. $03. i < ] 3 < i t 1 £ f h c il n 3<54 H / s t 0 1 r e conduifoit, échappa avec une bleffure mortelle, & alla porter cette nouvelle a Cabade. Auffi-töt le Roi, redoublant de viteffe, accourut avec toute fa cavalerie. Hypace & Patrice, glorieux de ce premier fuccès, s'étoient arrêtés prés du chateau de Suphrin ou Afpharin , a quinze lieues d'Amide : ils ne fongeoient qu'a fe repofer & a fe rél'ouir de leur victoire. Leurs foldats defarmés, affis au bord d'un ruiffeau, préparoient leur repas ; quelques-uns Ie baignoient : les Généraux étoient 1 table, lorfque leurs- coureurs vin•ent a toute bride leur annoncer que es Perfes arrivoienr. Les foldats, lans un extreme défordre , ont a >eine le temps de prendre leurs hauts & leurs armes : les Perfes fonlent fur eux avec furie : la plupart ont paffés au fil de 1'épée; les aures font fairs prifonniers; quelquesns fe fauyent fur les montagnes voines; mais 1'épouvante dont ils font Üfis trouble leurs yeux , & glacé airs coeurs : ils roulent dans les prépices. De toute cette grande armée, n'échappa prefque que les deux Géïraux qui prirent la fuite les pre-  du Uas-Empire. Liv. XXXF11I. 3S5 miers, & qui courant toujours fans regarder derrière eux , repafferent 1'Eupbrate, & fe retirerent a Samofate. Le Comte Pierre, réfugié avec quelques foldats dans le chateau de Suphrin , fut livré par les habitants a Cabade, qui fit égorger les foldats, & garda le Comte prifonnier. Cependant les Arabes, portantpartout le fer & le feu, défoloient la Méfopotamie. Ceux qui fuivoient le parti des Romains, fe jettent fur les terres de Naaman, enlevent les troupeaux , tuent les bergers , obligent la tribu entiere de s'enfuir au fond du défert. Les Arabes, fujets des Perfes , attaquent Ia ville de Chabour, & font repouffés par Timoflrate qui commandoit dans Callinique. Mais Ajamondare , chef de la plus confidérable tribu, fe fignaloit par fes ravages. Ce nom üAlamondan efl déja fameux dans les guerres de Perfe , fous les regnes précédents. C'étoit un norii commun aux Rois de Hira, ville d'Affyrie, a trois milles de Capha. Ces Princes , qui fe nommoient auffi Monder, étoient de la tribu des Lachemites, qui defcendoient de La- Q üj Anasta- sk. Ann. 503. XLVI. Ravages des Arabes.  Anasta- se. Ann. 503. XL VII. Sntrepril"e de Cabade fur Conftantine, 366 H 1 S T O I X. B chem , petit-fils de Saba, fils de Jectan. Naaman étoit de cette familie. Alamondare, ennemi mortel des Romains , ne bornoit pas fes hoftilités a la Méfopotamie; il paffoit fouvent 1'Euphrate, couroit jufqu'en Palefïine , brüloit les villages, pilloit les campagnes , & ne revenoit jamais de fes courfes fans ramener des milliers d'efclaves. Les folitaires , qu'il n'avoit pas coutume d'épargner, fuyoient dans les villes. Jean le Silentieux dejneura feul expofé aux infultes de ces barbares, & il en fut refpeété. Naaman, irrité de fa bleffure, confeilloit au Roi d'attaquer Edeffe. La prife de cette place faifoit tomber toutes les autres, & rendoit les Perfes maitres de la Méfopotamie entiere. Aréobinde s'y étoit renfermé. Mais ce qui raffuroit davantage les habitants , c'étoit la promeffe qu'ils croyoient que Jefus - Chrift avoit faite autrefois a leur Roi Abgare , qu'Edeffe ne feroit jamais prife. Cette perfuafion, quoique mal fondée, leur infpiroit un merveilleux courage, & les rendoit en effet invincibles. Elle s'étoit communiquée aux peuples voi-  nu Bas-Empire. Liv. XXXVIII. 367 fins; & malgré les ïnftances de Naaman , qui n'écoutoit que fa colere, Cabade s'éloigna d'Edeffe. Ce Prince ■fuperftitieux avoit encore une autre raifon de défiance : en arrivant devant Edeffe, il s'étoit adreffé a fes Mages pour favoir s'il vïendroit a bout de s'en rendre maïtre; ils s'étoient accordés k lui répondre qu'il ne la prendroit pas , paree qu'en leur montrant la ville, il avoit étendu la main droite ; ce qui étoit, difoientils , un ilgne de falut. II tourna donc fes armes vers Conftantine, ou il ménageoit une fecrete intelligence avec les Juifs. Comme leur fynagogue touchoit aux murailles, ils y avoient pratiqué des fouterreins pour introduire les Perfes pendant la nuit. Le Comte Pierre, prifonnier dans le camp de Cabade , ayant découvert cette trahifon , feignit qu'il avoit laifté quelques hardes en dépot chez Léonce, Gouverneur de la ville , & obtint la permiflïon d'aller les redemander. U approcha des murs, avertit les Romains du deffein des Juifs , 6i demanda des habits qu'on lui jetta en effet pour déguifer fa rufe. Léonce. Q iv Anasta- se. Ann. ;oj.  Anasta- se. Ann, 503 36S H I S T O I R £ punit les coupables, & redoubla de vigilance. Barhadade , Evêque de Conftantine, Prélat auffi intrépide que refpecfable par fa fainteté, partage les travaux du Commandant; il fait la ronde des fentinelles , anime les habitants , leur adminiftre 1'Euchariftie fur les murailles, afin qu'ils ne foient pas obligés dequitter leur pofte; enfin, réfolu de s'expofer lui-même pour fauver fon peuple, il les aifemble ; Je vaisy leur dit-il, trouver t'ennemi, pour Vengager d s'éloigner de notre ville ; f ai confiance que le Tout-puijfant donnera de la force d mes paroles; mais quoi qu'il m'arrivé, quand vous me verrie{ expirer aux pieds de vos murs dans les plus cruels fupplices, ne vous effrayei pas ; mes derniers foupirs imploreront pour vous le fecours du Ciel; défendez-vcus avec courage. II fort en même-temps de la ville, portantauRoi de Perfe des préfents de peu de valeur : c'étoit du vin, des figues feches, dumiel, des pains de froment. Sa préfence étonna Cabade , & fes paroles fortifiées de la grace divine, firent une vive impreffion fur ce fier Monarque. Le Prélat lui repréfenta  ru Bas-Empzre. Liv. XXXFIII. 369 . que Confiantine étoit une ville pauvre, habitée par des miférables , négligée même par les Romains qui nen faifoient aucun cas, & n'y avoient pas laiffiê de garn ifion ; que la conquête des autres places ten rendroit maitre fans coup fêrir ; que ce feroit dèshonorer fon armée , que de Carrêter devant une bicoque fi mèprifiable: Cabade , toujours occupé du deffein de prendre Edefle , fe laifTa perfuader par ce difcours ; & pour récompenfer le Prélat de fon miel &c de fes figues , il lui fit préfent de toutes les provifions qu'il avoit amaffées pour un fiege- II retourna donc devant EdelTe, & campa vers la fin du mois d'Aoüt au bord de la riviere de Galab, qu'on nommoit auffi le fleuve des Medes. II y demeura vingt jours. Les habitants, réfolus de fe bien défendre, travaillerent a fe fortifier;. & pour ne rien laifTer au-delA de leurs murs dont 1'ennemi put tirer avantage, le 6 de Septembre., ils mirent eux-mêmes le feu.a leurs fauxbourgs, après en avoir retiré les reliques des martyrs. Trois jours après, Cabade fit propofer a Aréobinde une conférence Q v Anasta- s e. Ann. 5cj. xLvm. Divarfes tentatives fur Edeffe.  ANAS TASE. Ann. J03. 1 1 I 3/0 B I S T 0 I R E pour traiter de la paix, lui donnant Ie choix, ou de laiffer entrer dans la ville Afpebede, qui étoit revêtu de la charge d'Altabide., (ce mot figniiioit chez les Perfes le Général de la cavalerie ) ou de venir lui-même k 1'Eghfe de Saint Serge , qui n'étoit pas éloignée d'EdefTe. Aréobinde fe rendit au lieu indiqué; mais comme le Roi demandoit dix mille livres d'or, & qu'Aréobinde n'en offroit que fept mille, 1'entrevue fut fans effet. Tandis que Cabade étoit campé devant EdefTe, Patriciole, avec fon fils Vitahen , qui s'étoient retirés a Samofate k h fuite de Patrice & d'Hypace , pafia 1'Euphrate a la tête de quelques troupes légeres. II furprit un détachement de 1'armée des Perfes , & le tailla en pieces. Son defTein étoit de fe jetter dans EdefTe : mais trouvant les paflages fermés, il revint a Samofate. Dans ce même temps, Naanan mourut de fa blelTure, blafphéiiant le Dieu qui protégeoit les Chréiens. Sa mort jetta dans le coeur de "abade une nouvelle terreur ; il dé:ampa, & marcha vers Haran, qui ï'étoit qu'a une journée d'EdefTe. II  ru Bas-Empire. Liv. XXXFI1L 371 envoya devant lui une troupe d'Arabes battre la campagne. Les Haranites fortent fur eux, en tuent foixante, &c prennent le Général des Huns, qui s'étoit joint a ces Arabes. C'étoit un Seigneur des plus nobles de fa nation,. & fort aimé de Cabade, qui promit de ne point attaquer la ville, ft on lui rendoit le prifonnier. Les habitants le renvoyerent aufTi-töt; & pour montrer au Roi de Perfe qu'ils étoient en état de fe défendre, ils lui firent en même-temps préfent de cinquante béliers. Les Arabes ravagerent le pays jufqu'a 1'Euphrate : c'étoit ce qu'ils appelloient la terre de Sarug, paree que cet ancien Patriarche,. bifaïeul d'Abraham,. y avoit fait fa demeure. Dans cette décadence de 1'Empire, les contrées orientales reprenoient leurs anciens noms, que les conquêtes des Macédoniens leur avoient fait perdre, mais qui s'étoient toujours confervés dans la langue des Arabes. Le 17 de Septembre, Cabade revint encore fe.préfenter devant Edefl'e : il defiroit ardemment de s'en emparer; mais la v.ue de cette ville fembloit le glacer Q vj A.NASTA.SE. Knn. ;o;;  Anasta- se. Ann. 503, ■ 37* H 1 s t 0 / r e d'effroi. Cette impreiiïon, qui s'étoit commumquée k les troupes, infpiroit au contraire tant de confiance aux habitants, que ceux-ci laiflérent pendant un jour entier leurs portes ouvertes k la vue de 1'armée, fans qu'aucun des Perfes ofat y entrer pour eflayer la vérité de 1'oracle. On dit meme que des enfants, fortis de la ville , alloient impunément infulter les ennemis. Sur lefoir, Cabade alla camper au bourg de Cubes. Le lendemain, Aréobinde lui fit dire qrfil devoit enfin reconnottre qdEdejfe étoit fous la garde du Tout-puiffant. Le Roi répondit qu'il fe contenteroit de deux mille livres d'or, pourvu qu'on lui rendit tous les prifonniers faits depuis le commencement de la guerre. Le Général Romain demanda une treve de douze jours, pour avoir Ie :emps de confulter fes collegues : il 'obtint en rendant quatorze prifonliers, & donnant en ötage le Comte 3afile. Cabade fe retira plus loin, au >ourg de Dahabana. Mais dès le lenlemain, il envoya Hormifdas, pour lemander fur le champ les deux mille ivres d'or. Aréobinde, irrité de cette  nu Bjs-Empire. Liv. XXXPUI. 373 ïnconftance, répondit que le Roi n'avoit qu'a rendre le Comte Bafile, & qu'on étoit prêt a foutepir le fiege. Cabade revint le 24 de Septembre, & s'étant cette fois approché de la ville, comme il dreffoit fes batteries, les habitants firent fur lui une fi furieufe fortie, que, fans perdre im feul homme , ils le repoulferent avec grand carnage. Alors, perdant toute efpérance, il pilla les Eglifes & les monafferes des environs; & tournant vers 1'Euphrate, il fe rendit maïtre de Batnes. Aréobinde récompenfa le courage des EdefTéniens, en leur diftribuant k chacun trois cents deniers : ce qui faifoient environ cent foixante livres de notre monnoie. Après la prife de Batnes, Cabade fit attaquer Callinique.Timoftrate, ayant fait une fortie, prit le Général, & tailla en pieces les foldats. L'hyver approchoit, & la faifon n'étoit pas favorable pour un fiege, que la valeur du Commandant devoit rendre long & diffkile. Le Roi, qui ne cherchoitqua fauver ledéshonneur d'une retraite, fit dire k Timoftrate, que fi on lui rendoit fon Général, il pro- Anasta- se.. Ann. 503,  AlJASTASE. Ann. 503. XLIX. Anaftafe envoye une nouvelle armée. 374 HlSTOIRS mettoit de fe retirer : qu'autrement il détruiroit la ville jufqu'aux fondements. Timoftrate renvoya le prifonnier, & Cabade, après une expédition fi fatigante, dont il ne remportoit d'autre fruit que la prife d'Amide , qui lui avoit coüté une armée, apprenant que les Huns avoient rompu la paix, & qu'ils étoient entrés dans fes Etats, repafla leTigre, laiffant a fes Généraux le foin de continuer la guerre. II emmena prifonniers Olympius qu'il avoit pris dans une rencontre, le Comte Pierre, & Bafile d'EdefTe, qu'il retenoit contre le droit des gens. On dit qu'ayant éprouvé la commodité des bains d'Amide , a fon retour en Perfe, il enfit conftruire dans toutes les villes de fon Royaume, & qu'il vint a bout de vaincre fur ce point la répugnance des Mages. Pendant que les armées Romaines réuffiflbient fi mal en Méfopotamie par la divifion des Généraux, Anaftafe voyoit Conftantinople en proie a la fureur des factions. Le cirque fut encore cette année inondé de fang. Le fils naturel de TEmpereur y.per-  nu Bas-Empire. Liv. XXXPI11. 375 dit la vie,. & fa mort fut vengée par ! le fupplice des plus féditieux, &c par ' le bannifTement des autres. Le Prince, mécontent de fes Généraux, rappella Hypace : il laiffa Patrice, qui fe fit plus d'honneur lorfqu'il fut feul. Apion , voyant que la mauvaife conduite des Commandants rendoit fes foins inutiles, demanda, &C obtint fon rappel. Calliopius de Bérée, aujourd'hui Alep, fut chargé a fa place des fonctions d'Intendant de 1'armée. Hypace ful remplacé par Céler, Maïtre des offices. Céler étoit lllyrien & compatriote de l'Empereur, qui lui donna encore un collegue nommé Théodore. Ce Prince timide fe croyoit plus en füreté a Pabri d'une multitude de Généraux : il ignoroit que cette ariftocratie de Commandants eft tout-Afait oppofée au bien du fervice ; & que c'eft fur-tout dans la guerre que fe vérifie ce paradoxe, quun fieul homme de merite vaut mieux que plufieurs. Céler étoit homme d'efprit & bon Général: Anaftafe lui donna une nouvelle armée, & quelque fupériorité fur les autres Généraux. Les troupes s'étant mifes en marche, appriren$ Inasta- se. tnn. 503,  Anasta- se. Ann. 503. Ann. 504.. L. Amide affiégée par les Romains, 3/6 II 1 S T O I R- B k Hiérapolis la retraite de Cabade; & comme on étoit a la fin de Décembre, Céler leur diftribua des quartiers dans les villes de la Syrië, de PEupJaratéfie ,. de PArménie & de FOfrhoëne. Pour foulager la Méfopotamie , 6c pour engager les peuples a demeurer fideles a 1'Empire, Anaftafe fit a cette Province la remife des impofitions de cette année. Pendant 1'hyver, la garnifon d'Amide ne craignant plus les Romains, ouvrit les portes de la ville, & permit _aux habitants de fe répandre aux environs pour faire leur commerce comme en pleine paix. 11 y avoit d'ordinaire en cette faifon , une foire célebre aux portes d'Amide. Les marchands Perfes s'y rendirent de toutes parts, & y apporterent quantité de marchandifes. Patrice, qui étoit en quartier a Mélitine, en étant averti, paffe 1'Euphrate, 8e marche en diligencè vers Amide. Les Perfes, qui avoient des troupes dans le voifinage, vont a fa rencontre avec des forces fupérieures. Patrice prend d'abord la fuite ; mais pourfuivi par les mnemis, 8c rencontrant fur fon paf-  Ttv Bas-Empiüe. Liv. XXXVIII. 377 fage un fleuve rapide , nommé Calat, tellement groffi par les pluies, qu'il n'étoit guéable en aucun endroit; il devient brave par défefpoir, retourne avec fureur fur les Perfes, les renverfe , fait leur chef prifonnier, & les mene battant jufqu'a Amide qu'il alllege. Céler, informé de ce fuccès imprévu, raffemble toutes fes troupes au mois de Mars; & ayant pafTé 1'Euphrate vis-s-vis de Callinique , il va camper a Rhéfene. Timoftrate, par fon ordre, court avec fix mille cavaliers enlever les troupeaux qui paiffoient en grand nombre fur le mont Sigar , & les mene au camp. Au mois de Mai, Céler va joindre Patrice devant Amide. Un corps de dix mille Perfes, qui venoit au fecours de la ville, n'ofe approcher, & s'arrête a Nifibe. Apion fut envoyé au port d'Alexandrie , prés d'lffus, nommé aujourd'hui Alexandrette, pour y recevoir les vaiffeaux chargés de bied qui venoient d'Egypte, & faire partir les convois. Calliopius, qui réfidoit k EdefTe, fit fournir cette année par les habitants huit cents mille boilfeaux de froment. Anasta- SE. Ann.  Anasta- se. Ann. 504, "37? HlSTOlRg & 1'année fuivante fix cents trente mille. Les Romains tenterent d'abord de prendre la ville de force : mais voyant que leurs efforts étoient fans fuccès, & que les attaques ne leur coüteroient pas moins de fang qu'elles en avoient coüté è Cabade, ils prirent le parti de la bloquer pour la réduire par famine. Contramin fe trouvoit renfermé dans Amide : craignant d'être puni de fa trahifon s'il attendoit la prife de la ville, il en fortit avec deux femmes Perfes de la première nobleffe , que Cabade lui avoit données. 11 fut pris par les coureurs des Romains, &amené au camp. On le mit fous la garde de quelques Arabes , pour le conduire a EdefTe : l'Empereur 1'ayant fait venir a Conftantinople , lui laifTa la vie; mais il Ie fit ordonner Prêtre, & 1'envoya a Nicée, avec défenfe de rentrer jamais dans la ville impériale. Adidès, :hef d'Arabes, déferta auffi du ferv\ce des Perfes, & pafia dans le camp les Romains. Le fiege trainant en ongueur, Céler laifTa Patrice devant a place , & entra dans 1'Arzaneme. II füt un horrible ravage, ruinant les  eu Bas-Empire. Liv. XXXFIIL 379 ehateaux qui n'étoient batis que de briques & de terre , & paflant les A habitants au fil de 1'épée. II pénétra A jufqu'au pont du Tigre qu'on nommoit le pont dc fcr, & ramena fes foldats chargés de butin. Pendant Ie même temps, Aréobinde fit une courfe en Perfarménie : il tua dix mille hommes, tk emmena trénte mille prifonniers. A fon retour, il tailla en pieces prés de Nifibe , les dix mille Perfes qui s'y étoient retirés, & qui vinrent pour le combattre. Maflacès, Seigneur puiffant en Arménie, quitta le ïervice de Cabade pour fe foumettre a 1'Empire. Patrice voulut a fon tour fe fignaler par une expédition. II paffa le Tigre, & porta le ravage dans une grande étendue de pays. La ville d'EdefTe fourniffoit des vivres en abondance a 1'armée Ro- ; maine. L'Evêque Pierre, profitant de m' la eonjoncf ure , alla trouver 1'Em- / pereur, & lui demanda la remife du p' tribut pour cette année. Anaftafe , u 1'ayant réprimandé d'avoir quitté fon ar pofte dans un temps oii fa préfence ~ étoit néceflaire, lui accorda fa de- M 4 NASTASE. nn. 5,04,' Lr. iuite dn :ge d'Aide. roe. bel. rf. I. I. 9- :m , hifi. ■• c. 23, are. chr. eoph. p, 7- rc!7iani.  Anasta- se. Ann. 504. 1 ] 3 I 1 1 ] t t t C 33o Hl S T O 1 R E mande, & étendit cette grace a toute ja Méfopotamie, tant que dureroit la^guerre. Mais Ia famine étoit extréme dans Ia ville affiégée. Dès les premiers jours du fiege, la garnifon s'étoit faifie de tous les magafins de vivres, fans vouloir en faire part aux habitants; en forte que ces infortunés, après avoir confumé leurs provifions , & toutes les chofes que la rage de la faim convertit en nourriture, fe virent réduits a manger les cadayres, & même a fe dévorer les uns les autres. Eglon, Commandant Je la place, homme dur & impitoyable, tenoit en bride ces défefpérés, k fe rendoit encore plus redeutable nie la mort, qui chaque jour en emJortoit un grand nombre. Après avoir m périr^tant de malheureux, il péit lui-même par fon imprudence. Un >ayfan du voifinage, nommé Gadanas, avoit coutume de fe gliffer de mit dans la ville, ou il apportoit a tglon du gibier & des fruits, fans tre apper^u des fentinelles. II alla rouver Patrice, & ofTrit de lui metre entre les mains le Commandant, c deux cents hommes de la garni-  flü Bas-Empire. Liv. XXXVIII. 3SI fon, li on lui promettoit récompenfe. On lui promit tout ce qu'il voulut. La nuit étant venue, il déchira fes habits, fe fit quelque légere bieffure, & fe rendit dans la ville 3 1'ordinaire. II dit a Eglon qu'il avoit été rencontré par des brigands du camp des Romains ; qu'il s'étoit échappé de leurs mains , après en avoir été maltraité; que leur coutume étoit de roder de nuit aux environs dAmide par bande de quatre eu cinq , pour voler & majfacrer ceux qu'ils rencontroient: mais quil feroit facile den délivrer le pays; qu'ils ne faudroit qu'en furprendre deux ou trois bandes pour rendre les autres plus timides. Eglon lui ayant demandé ce qu'il falloit faire : Je connois, dit Gadamas, leur rendez_ -vous ordinaire ; j'irai la nuit prochaine d la découverte , & lorfqu'il fera temps, je viendrai vous dvertir : cinquante hommes vous fuffroient; mais comme il fe pourroit faire que cinq ou fix bandes de ces voleurs fe joigniffent enfemble , pour les accabler d coup fur, prene^ deux cents hommes; mais ne vous fie{ d perfonne : je ne répondrois pas de Vaclivité ni de la bravoure d'aucun autre. Je vous conduirai par des routes qui Anasta se. Ann. 504  Anasta- se. Ann. 504 Ann. 505 Lil. Négo«iationspour Ia paix. 38a H~I S T 0 I R E me font connues, hors de la vue des fentinelles. Eglon, moins rufé que vail. lant, qui s'ennuyoit de demeurer fi long-temps enfermé dans Amide fans rien faire , prit cette petite expédition pour une partie de chafle. Gadamas alla rendre compte a Patrice, qui fit polier mille foldats en embufcade dans le lieu indiqué. La nuit fuivante , Eglon & fes deux cents hommes donnerent dans le piege : mais ils fe défendirent fi opiniatrément, qu'il fallut les tuer tous fur la place, fans en pouvoir prendre un feul. ! Les deux partis defiroient égale' ment la paix. Outre la guerre des Huns qui occupoit les forces de Cabade , la famine défoloit la Perfe» Les Cadufiens s'étoient foulevés, & 1'on apprenoit tous les jours quelque nouvelle révolte dans les Provinces éloignées. La garnifon d'Amide étoit k la veille de manquer de vivres : les Officiers cachoient avec grand foin la difette , & faifoient bonne contenance; mais ils fentoient bien qu'ils n'avoient de reffource que dans un prompt accommodement;. tk ils é-  nu Bas-Empire. Liv. XXXFII1. 383 toient prêts k 1'accepter a des conditions honorables. D'un autre cöté, les Romains fe rebutoient de la longueur du fiege : ils craignoient de refter dans des lignes expofés k toutes les incommodités de 1'hyver; la fituation avantageufe de la ville, 8c la force de fes murailles leur ötoient toute efpérance de Pemporter d'affaut; 8c ne connoifTant pas 1'état de la place afliégée, ils la croyoient affez pourvue de vivres pour attendre du fecours. Cabade fut le premier k propofer la paix. II envoya Afpébede, fon Aftabide, c'eft-a-dire le Général de fa cavalerie, pour entrer en conférence avec Céler. On convint d'abord d'une fufpenfion d'armes , a condition que les prifonniers feroient rendus de part 8c d'autre, 8c que les Romains laifferoient entrer un convoi dans Amide. Ces deux conditions furent jurées par les Généraux , 8c par tous les Officiers. L'échange des prifonniers fut exécuté fïdélemenr. Le Comte Pierre 8c Bafile d'Edeffe furent remis entre les mains de Céler. Olympius étoit mort dans fa captiyité; fon corps fut rapporté dans un Anasta» ■ se. Ann. j05,  Ahasta- se. 'Ann. 505 3^4 HlSTOIRË cercueil; 1'Aftabide & les valets d'Olympius protefterent qu'il étoit mort , de maladie , & que les Perfes n'avoient ufé d'aucune violence a fon égard. Mais Céler manqua de bonne foi fur Partiele dü ravitaillement d'Amide. II avoit expres éloigné de la conférence un Officier nommé Nonnofe , afin qu'il ne fut pas engagé par le ferment. Ce Capitaine attaqua le convoi qui confiftoit en trois cents chameaux chargé d'armes & de vivres , s'en faifit, & maflacra fes conducteurs. Sur les plaintes qu'en fit 1'Aftabide, Céler répondit qu'il n'avoit aucune part a cette action , qu'il n'en connoiffoit pas même 1'auteur, & qu'il 1'abandonnoit a Ia vengeance des Perfes, s'ils pouvoient le déeouvrir. Afpébede fit femblant de fepayer de ces menfonges, & continua de travailler au traité de paix. Mais comme la négociation fe prolongeoit, & que les neiges incommodoient fort Parmée Romaine, Céler ne laiffa dans les lignes qu'autant qu'il failoit de foldats pour les garder, & envoya le refte en quartiers dans Conftantine, dans Rhéfene & dans EdefTe. Afpébede  dv Ras-Empire. Liv. XXXVIII. 385 Afpébede, voyant les forces Romaines ainli divifées, profita de la conjondture pour déclarer a Céler, que s'il ne concluoit la paix fans différer, il alloit 1'y contraindre par les armes ; & il fe mit aufli-töt a la tête de fon armée : il avoit eu foin de raffembler , par des ordres fecrets, tout ce qu'il y avoit de troupes dans les diverfes garnifons. Céler voulut en vain réunir les fiennes ; il envoya dans les quartiers le Comte Juftin, qui ne put vaincre Fopiniatreté des foldats : ils refuferent de fe mettre en campagne dans une faifon li ïï\cheufe; & Céler , craignant d'être accablé par les Perfes, accepta enfin a regret les conditions propofées. On convint que les Romains donneroient onze mille livres d'or; que les Perfes rendroient Amide, &c toutes les places prifes dans cette guerre , & qu'il y auroit entre les deux nations une treve de fept ans. On ne trouve ici que mille livres d'or énoncées dans les Hiftoriens de 1'Empire; mais je crois devoir m'en rapporter aux Auteurs de 1'hiftoire de Syrië, paree que la fomme qu'ils ex- Tome VUL W Anasta- se. Ann. jO$; lih; Conclu- fion de la paix,  anasta' se. Ann,- joj 3Sö HlSTOIRR ■ priment s'accorde mieux avec 1'importance de la place que les PetTes . rendoient aux Romains. Armonius, Secretaire d'Etat, député pour cet effet, figna le traité , mais fous la condition qu'il feroit approuvé de l'Empereur. Cet accommodement n'étoit pas honorable pour PEmpire. Les Romains rachetoient Amide , que Cabade leur avoit enlevée de vive force, Mais Anaftafe fe voyoit mal fervi. 11 ne tarda pas d'envoyer la ratification, & même des préfents a Cabade , 1'afPurant qu'il fouhaiteroit que la paix devint perpétueile. Les Romains en entrant dans Amide, la trouverent au même état oü elle étoit, lorfqu'elle avoit été prife par les Perfes. Ils n'avoient détruit -ni endomr magé aucun édifice, excepté 1'Eglife de Saint-Siméon. Eglon y avoit logé, & après fa mort, fon fils, tranfpo.rté de colere, y avoit mis le feu. Dans la^ vifite des magafins, on fut étonné du peu de provifions qui s'y trouverent. II y avoit long-temps que h ration du foldat avoit été tellement diminuée, qu'il ne recevoit pas même le -néeeffaire, Cependant en fup-  ou Bas-Empire. Liv. XXXFIll. 387 putant le nombre des Perfes qui compofoient la garnifon, & la mefure des vivres qu'on leur diftribuoit chaque jour, on trouva qu'il ne reftoit de fubfiftances que pour fept jours. Les Généraux Romains ne purent s'empêcher d'admirer la conftance des Perfes , &C de reprocher aux foldats Romains leur lacheté & leur impatience, qui leur avoient fait perdre 1'honneur de forcer les ennemis a fe rendre a difcrétion. C'eft ainli que la guerre de Perfe , après avoir duré trois ans fans relache, fe termina au mois d'Avril 505. Pour repeupler Amide, devenue le tombeau de fes habitants, & pour récompenfer Edefïe des fecours qu'elle avoit fournis pendant le fiege , l'Empereur accorda pour fept ans a la ville d'Amide une exemption totale de tributs, & déchargea de la moitié la ville d'EdefTe. Non content de cette libéralité, il fit porter en Méfopotamie de grandes fommes d'argent pour le foulagement des pauvres; & Flavien , Patriarche d'Antioche , y envoya auffi d'abondantes aumömes. Mais Anaftafe, après avoir R ij Anasta- se. Ann. 505, LIV. Conduite d'Anaftafe a 1'égard d'Amide. AJfemani ,' t. l.p.266. Gr feq. t. II. p. 50.  Anasta- se. Ann. 50J. 1 1 t 1 "SS HlSTOIRE remédié aux maux dont Amide étoit affligée, troubla, par fon imprudence ^ le repos de cette Eglife. Jean, Evêque d'Amide, étoit mort avant le fiege. Pour remplir fa place, les habitants avoient demandé a Flavien d'Antioche le Prêtre Nonnus, & Flavien y avoit confenti. Le nouveau Prélat envoya Thomas, fon Chorévêque , a Conftantinople , pour rappeller les habitants qui s'y étoient retires au commencement de la guerre. Thomas , au-lieu de s'acquitter de^fa commiffion , follicita pour luimême auprès de l'Empereur 1'Evêché d'Amide, comme s'il eüt encore été vacant , & 1'obtint par fes intrigues. Anaftafe écrivit a Flavien en fa fa- ^eAUr',,& !xi§ea de lui qil'ü confirmat 1'élection faite contre les regies i Conftantinople. Un procédé fi peu :anonique, eut cependant fon effet. Thomas chaffa Nonnus, & ufurpa fon ïglife. Le Prélat dépoffédé eut re:ours a Flavien, qui, n'ofant s'op)ofer aux -volontés de l'Empereur, lédommagea Nonnus eh lui conféant 1'Evêché de Séleucie. Treize ans prés, Thomas étant mort, Nonnus  dv Bas-Empire. Liv. XKXP11I. 389 rentra en poffeffion de 1'Eglife d'Amide. Les Arabes, nation inquiete 8c ennemie de la paix, n'avoient pas quitté les armes. Sujets les uns des Perfes , les autres des Romains, ils continuoient leurs incurlions 8e leurs ravages. Céler, qui étoit revenu a Apamée, donna ordre a Timoftrate de contenir ceux qui obéifToient aux Romains ; 6c le Commandant de Nifibe obligea les autres de rentrer dans le devoir. Mais une autre forte d'ennemis ravageoit la Méfopotamie. Les bêtes féroces, qui, dans le cours d'une guerre meurtriere, s'étoient accoutumées h fe repaitre de cadavres, infeltoient les chemins, attaquoient 6c dévoroient les voyageurs, fe jettoient en troupes non-feulement dans les métairies 8c dans les villages, mais même dans les villes, qu'elles remplifToient de carnage. II fallut armer; des troupes 6c leur faire la guerre, pour les repoufTer dans leurs forêts. Quoique la paix avec la Perfe parut afTurée pour long-temps, Anaftafe ne négligea pas de fortifier la barrière de 1'Empire. Eulo^e, GouR iïj Anasta- se. Ann. 505.' LV. Nouveaux défaftres de la Méfopotamie. LV!. Réparation de plufieurs villes.  AKASTASE. Ann. 505. Proc. bel. Pcrf. I. 1. e. 10. Idem de ti'if. 1. 3. Affemanl. 1 ] i 1 < 39° H I S T O I R E yerneur d'Edeffe, recut deux cents vingt livres d'or pour réparer les murailles de cette ville, & pour 1'embellir au-dedans par de nouveaux édifïces. Pharafmane y fut laiffé avec un corps de troupes pour veiller k la füreté du pays. Les murs de Batnes, qui étoient tombés en ruine, furent relevés. Théodofiopolis , en Arménie , n'étoit qu'un chateau : Anaftafe en fit une ville , ayant environné d'une muraille la colline fur laquelle le chateau étoit bati. Cette muraille étoit fort large , mais elle n'avoit que f rente pieds de hauteur; ce qui la rendoit facile k efcalader, fur-tout aux Perfes, qui, étant trés-légers, fe ferpoient de fort longues échelles, & fembloient voler comme des oifeaux i^ers le haut des murs les plus élevés. D'ailleürs, elle étoit commandée par .in rocher voifin. Juftinien répara ces léfauts dans la fuite : il éleva la mtiaille au doublé de la hauteur que ui avoit donnée Anaftafe; il 1'enaronna d'une fauffe-braie, & d'un bffé large & profond; il fit efcar>er le roe, & le rendit inacceffible; :n forte que cette ville , qui fut la ré-  nu Bas-Empire. Liv. XXXFHI. 391 iidence du Général des troupes d'Arménie , devint le plus fort boulevard de 1'Empire du cöté de la Perfe. Anaftafe avoit voulu lui donner fon nom.1 mais il éprouva que les Princes, maitres de la fortune & de la vie même de leurs fujets, n'ont pas le même empire fur le langage : la place conferva le nom de Théodoïiopolis. R iv Anasta- se. Ann. 505.   393 SOMMAIRE D V LIVRE TRENTE-NEUVIEME. I. GuERRE en Pannonie* II. Défaite de Sabinien. III. Statne dAnaftafe. IV. Nouvelles brouilleries avec les Perfes. V. Renouvellement de la paix. VI.- Sédition d Antioche.. vu. Impofture punie. VIII. Anaftafe fait bdtir la longue muraille. IX. Converfton des Immirenes. X. Anaftafe refufe la poffeffton du détroit dt Derbent, xi. Ravages de L'Italie. XII. CWy«to Clovis^ XIII. Ordinations regardées comme des punitions. XIV. /« défaits par les Lombards. XV. Anaftafe recoit les Erules dans'f Empire. XVI. Sédition contre Marin. xvil. Premier exernple dune guerre entreprife pour la défenfe de la Foi. XVIII. Conduite d'Anaftafe au fujet de la religion jufqu'a la. guerre de Perfe. XIX. La perfécution fc renouvelle après la- guerre de Perfe. XX. Sévere & fes Moines excitent de grands troubles. XXI. Exil & dépofttion de MaR v  394 Sommaire du Liv. XXXIX8. cédonius. xxil. Timothée fuccede d Mdcidonius. xxiii. Furieufefédition d Conftantinople. xxiv. Suites de cette fe'dition. xxv. Flatien ckajfé d'Antioche. xxvr. Eutychiens confondus par Alamondare'. xxvii. Troubles d Jérufalem. xxviii. Commencement de la guerre de Vitalien. xxix. Hypace vaincu. XXX. Cyrille furpris. xxxi. Anaftafe feint de vouloir rendre la paix d 1'Eglife. XXXII. Vitalien approche de Conftantinople. xxxiii. Invention de Proclus. xxxiv. Combat naval. XXXV. Miroirs ardents de Proclus. xxxvi. Paix avec Vitalien. xxxvii. Anaftafe élude fes promejfes. xxxviii. // recommence d perfécuter les Catholiques. xxxix. Mort d'Ariadne. xl. Sigif mond, Roi des Bourguignons', Officier de CEmpire. xli. Liberté d'un Evêque. xlii. Sédition d'Alexandrie. xliii. Irruption des Barbares. xliv. Horrible tremblement de terre en Dardanie. xtv. Dernieres aclions dAnaftafe. xlvi. Mort d'Anaftafe.  395 HISTOIRE D U BAS EMPIRE. L1VRE TRENTE-NEUVIEME. •i ituO 396 IIlSTOIRE plus cFexercice aux Romains , & leur attira une guerre qui les couvrit de honte, Mondon, qui defcendoit d'Attila, après avoir été attaché a Traféric , Roi des Gépides , tomba dans la difgrace de ce Prince, s'enfuit audela du Danube, & ravagea d'abord les campagnes a la tête de quelques brigands. Sa troupe grofTifTant toujours , il fe vit bientöt affez fort pour s'emparer du chateau de Herta, fur le bord du Danube du cöté de la Pannonie, & il ofa prendre le titre de Roi. Mais trop foible pour fe défendre dans cette place contre les Gépides, il implora le fecours de Théodoric , dont il fe déclara le vaffal. Les Gépides s'étoient rendus maitres de la baffe Pannonie; leur Roi Traféric, fils & fucceffeur deTrafilla, faifoit fa rélidence a Sirmium qui en étoitla capitale. Cette Province étant a Ik bienféance de Théodoric, il ne laiffa pas échapper Foccalion de la réitnir au Royaume d'ltalie. Mais en habile politique, il ufa d'adreffe pour s'en faciliter la conquêté. La nation des Gépides étoit clivifée en deux peuples, qui avoient chacun leur Roi;  du Bas-Empire. Liv. XXXIX. 397 & ces deux Rois étoient jaloux 1'un de 1'autre. Traféric eroyoit amufer Théodoric par de fréquentes ambaffades: il fe trompa lui-même. Tandis que fes envoyés étoient traités avec honneur a la Cour de Ravenne, le Roi des Goths travailloit fourdement a gagner 1'autre Roi nommé Gundéric; & lorfqu'il eut réuffi , il fit partir une armée fous la conduite de Pitzia & de Herduic. Traféric, pris au dépourvu, n'eut d'autre refTource que d'abandonner la Pannonie , fans ofer combattre, & de fe retirer audela du Danube. Les Goths fe mirent en pofTeflion de Sirmium ; & ce fut alors que la Pannonie inférieure changea de nom, & prit celui de la riviere de Save qui la traverfoit : on la nomina la Savie. Théodoric envoya Coloffée a Sirmium pour gouverner la Province; & comme il reftoit dans ce pays un grand nombre de Gépides , il en compofa dans la fuite une armée, qu'il fit palfer dans la Gaule , pour défendre ce qu'il y poffédoit entre le Rhöne & les Alpes, contre les entreprifes des Francois & des Bourguignons. Anasta- se. Ann. 50}j  Anasta- se. Ann. joj. II. Défaite de Sabinien. i : < i ( 1 c i a 398 HlSTOIRB Sabinien commancloit alors les troupes d'Illyrie. Son pere, lous le regne de Zénon, s'étoit fignalé en combattant contre Théodoric. Le fils recut ordre d'Anaftafe d'affiéger Herta, &c de délivrer la Province des brigandages de Mondon. Sabinien ralfembla ce qu'il avoit de troupes. Les Bulgares, ennemis naturels de 1'Empire, ne laifferent pas de fe joindre aux Romains, pour venger fur un vaffal de Théodoric la défaite & Ia mort de leur Roi Béfa, vaincu & tué par les Goths. Avec ce renfort, 1'armée compofée de dix mille hommes, & fuivie d'un grand nombre de charriots chargés d'armes & de vivres, marcha vers le chateau de Herta. Mondon ne pouvoit tenir contre des for:es fi fupérieures ; il fit promptement avoir aux Généraux de Théodoric le langer ou il étoit. Pitzia accourut luffi-töt a la tête feulement de deux Dille hommes de pied, & de cinq ents chevaux. II atteignit les ennelis fur les bords du fleuve Margus, ui fe jettoit dans le Danube prés de i ville du même nom. Dès qu'il les ppercut, il fit faire halte, & fe tour-  t>u Bas-Empire. Liv. XXXIX. 399 nant vers fes foldats: Camarades, ditil , vous connoiffe^ votre Roi; nos ennemis le connoiffent auffi: ils Vont vu combattre. Montrez-leur que vous lui reffemblez. 11 vous voit, tout abfent qu'il ejl: rien ne lui èchappera des aclions de bravoure que vous alk{ faire. En mêmetemps, malgré 1'inégalité du nombre, il fait fonner la charge. Les Goths , réfolus de vaincre ou de mourir, s'élancent avec furie: ils s'attachent furtout aux Bulgares, qui font une plus opiniatre réfiftance. Les Romains fuyent; mais les deux nations barbares, acharnées 1'une fur 1'autre, fe difputent quelque temps la victoire. Enfin , les Goths, par de prodigieux efforts, viennent a bout de terraffer les Bulgares. Sabinien, ayant perdu prefque toutes fes troupes, fe fauve dans un chateau voifin, nommé Nato. Pitzia, pour faire honneur a fa nation , en montrant que les Goths n'étoient avides que de gloire , fait jetter tous les charriots dans le fleuve, & défend de dépouiller les morts; il les laiffe tout armés fur le champ de bataille, comme autant de trophées de fa victoire. Cyprien, qui parvint aux pre- ANASTA-j S E. Ann. 505,  Anasta- SE. Ann. 50;. Ann. 506. III. Statue d'Anaftafe. Hare. chr. Theoph. p. 127, t28. Ualda. p. 42. Ccdr. p. 358. 400 H I S T O I R E mieres dignités de la Cour des Goths; fignala fon courage dans ce combat. Tolonic & Vitigès y donnerent les premières preuves de cette haute valeur , qui fit dans la fuite conférer a Tolonic la dignité de Général, & qui éleva Vitigès fur le tröne de fa nation. Une défaite fi honteufe abattit le courage du foldat Romain, & lui fit long-temps redouter les Goths comme des ennemis invincibles. Cependant on élevoit des fiatues en 1'honneur d'Anaftafe ; & comme la flatterie redouble d'efTort, a mefure qu'elle fe fent plus oppofée k la vérité & a la raifon, un Paphlagonien, nommé Jean, & furnommé Caïphe , alors Intendant général des finances, imagina quelque chofe de monftrueux pour honorer le Prince. II obtint de lui la permifiion de faire fondre plufieurs des ftatues de bronze, dont Conftantin avoit dépouillé les villes de Grece & d'Afie, pour décorer la nouvelle Rome. De ces ouvrages des plusgrands maitres, on fit une ftatue coloffale d'Anaftafe. Elle fut poiée dans la place de Taurus fur une haute colonne, oü Pon voyoit aupa-  du Bas-Empire. Liv. XXXIX. 401 quün tremblement de terre avoit abattue & brifée. Le traité de paix conclu avec Cabade , ne paroiffant pas une füreté fuffifante contre fon caractere bouillant & impétueux, Céler confeilla a 1'Empereur d'élever une forterefTe fur la frontiere; & Thomas, Evêque d'Amide , détermina ce Prince a choifir Pemplacement de Dara. C'étoit 'un bourg peu confidérable, bati, difoiton, par Alexandre, fitué è cinq lieues de Nifibe , environ a une lieue de la frontiere des Perfes. Anaftafe en aggrandit 1'enceinte; il y fit conftruire des Eglifes, des bains publics, des portiques , des magafins de vivres , des citernes, & tout ce qui peut contribuer , foit a la commodité , foit u Pornement d'une ville du premier ordre. II Penvironna de murailles, & lui accorda de grands privileges. On y vit bientöt les ftatues du Prince, qui lui donna le nom d'Anaftafiopolis, 6c y fit transférer le corps de 1'Apótre Saint Barthelemi, qu'on venoit de déeouvrir dans 1'ifle de Chypre. Cette place devint dans la fuite aufti impor- Anasta- se. Ann. 50Ó. IV. Nouvelles brouilleries avec les Perfes. Evag. I. 3,' c. 37. Theod. L. I. 2. Proc. bel. Perf. I. i. c. 10, 16. Idem. de cedif. I. 2. e. 1. Theoph. p. 12.9. Chr. Alex. Cedr. p. 359- Malela, /).' 41. Niceph. Cdll, I.164 c. 37. Affemani , SM. or. t. II. p. 58.  Anasta- se. Ann. 506. j ] 1 1 i i 1 i < V. Renouvelle- ' ment de ] la paix, ( ] 402 H I S T 0 I R E tante que Théodofiopolis: ce furent les deux boulevards de 1'Empire du coté de la Perfe, lorfque Juftinien eut réparé les défauts des fortifications de Dara. II avoit fallu d'abord les achever k la hate, paree que les Perfes s'oppofoienta la conftruction. Cabade, occupé pour lors de la guerre contre les Huns, ne 1'eut pas plutöt terminée, qu'il fit porter fes plaintes a TEmpereur, de Finfracfion du traité fait avec rhéodofe II, par lequel les deux Prinses s'engageoient mutuellement k ne rortifier aucune place fur la frontiere. .1 fit en même-temps fller vers Dara es troupes qu'il avoit en Méfopotanie. Pharafmane, de fon cöté, partit 1'Edeffe pour couvrir les travailleurs; 1 laifTa dans cette ville une garnifon le Goths fous le commandement de Etomain . qui eut beaucoup de peine i réprimer les violences que ces barjares exergoient fur les habitans penlant 1'abfence de Pharafmane. Céler étoit au-dela de 1'Euphrate, )ü il faifoit fortifier Birtha & Euro)us. Dès qu'il apprit les mouvements les Perfes, il paffa promptement k Ldeffe avec fes troupes, & fit dire k  du Bas-Empire. Liv. XXXIX. 403 1'Aftabide que les Romains ne craignoient pas les batailles: mais qu'il feroit fans doute plus fage d'épargner le fang des deux nations. II attendit inutilement la réponfe pendant cinq mois. Afpébede étoit mort, & fon fucceffeur defiroit que la guerre fe renouvellat entre les deux peuples, pour avoir occafion de faire ufage de fon pouvoir. Pendant ce fejour, Céler laiffa prendre aux foldats une licence extréme ; ce qui irrita tellement les Edefféniens, qu'ils afficherent des libelles injurieux contre le Général, dans les lieux les plus fréquentés de la ville. Cependant par Pordre d'Anaftafe, qui ne vouloit point de guerre, Céler fe tranfporta d'Edeffe a Dara, pour s'aboucher avec 1'Aftabide. A fofce d'argent, il obtint de Cabade, qu'il laiffat fubfifter les fortifications de Dara. Le traité fut renouvellé; & Céler étant revenu k EdefTe, dont il avoit réfolu de punir les habitants, leur fit grace a la priere de Bahadade Evêque de Conftantine. Les Edefféniens réparerent leur infolence par les honneurs qu'ils lui prodiguerent k fon arrivée : & Anasta- S E. Ann. 506,  Anasta- se. Ann. 507. VI. Sédition a Antioche. Malcla, p. 40. 404 II I S T 0 I R E trois jours après, il repafia 1'Euphrate. L'Empire étoit en füreté du cöté de la Perfe; mais les querelles de religion , dont'nous parierons dans la fuite, déchiroient fes entrailles , &C la foiblefTe du gouvernement encourageoit la licence. Bafile d'EdefTe, honoré de la charge de Comte d'Orient depuis fon retour de Perfe, réfidoit a Antioche. II n'eut pas affez d'autorité pour réprimer Paudace d'un cocher du cirque, nommé Calliopas. Ce miférable étant venu de Conftantinople en cette ville, y porta Pefprit de fédition , aifé k répandre dans un grand peuple. Toujours vainqueur dans les courfes des chars, il fut bientot 1'idole de cette multitude oifive & frivole , qui adore ceux qui la divertifTent. Fier de cette vaine réputafion , après s'être fignalé dans les jeux Olympiques qui fe célébroient a Daphné, il fe mit a la tête des fpectateurs, qui, pour couronner la fête, faifis d'un enthoufiafme meurtrier, coururent a la fynagogue que les Juifs avoient en ce lieu, en maflacrerent plufieurs, pillerent la fynagogue, y planterent une croix, & prétendirent  nu Bas-Empire. Liv. XXXIX. 405 eh faire une Eglife en 1'honneur du martyr Saint Léonce. L'Empereur, ayant appris ces excès, rappella Bafile, & nomma Comte d'Orient Procope, auquel il donna un Lieutenant plein de fermeté & de vigueur, nommé Ménas. A 1'arrivée de Procope , les féditieux fe retirerent dans une Eglife de Saint-Jean hors de la ville. Ménas s'y étant tranfporté avec une troupe de foldats, n'y trouva plus qu'un certain Eleuthérius, qui s'étoit réfugié fous 1'autel. II le perca d'un coup de lance, lui fit couper la tête, ik en paflant fur le pont d'Antioche, il la jetta dans 1'Oronte. Cette exécution févere mit les factieux en fureur : ils courent a 1'Eglife de Saint-Jean, enlevent le cadavre d'Eleuthérius, & le rapportent dans la ville fur un brancard , comme le corps d'un martyr. Ménas marche contre eux; il fe livre un fanglant combat au milieu de la ville; le Lieutenant eft accablé par le nombre. Deux bafihques, deux portiques, le prétoire du Comte d'Orient font détruits par les flammes. Le Comte s'enfuit: Ménas eft pris , rautjlé, trainé par les rues, pendu a une Anasta- s e. Ann. 507,  ANASTASE. Ann. 507. VII. Impofture puhie. Theoph. p. iiS. Cedr. p. 3 59- Malela, p. j 39- ] < 4 i I i x 3 1 f 4°6 JJ/STOIRE ltatue de bronze au milieu de la place publique; enfin, jetté hors de la ville, & réduit en cendres. La rage étoit épuifée, & la crainte du chatiment avoit fuccédé i\ Ia fureur, lorfque le Comte Irénée, natif d'Antioche, arriva avec des ordres féveres. Tout trembla devant lui; & la punition des coupables n'excita plus que la terreur. A mefiire que 1'ignorance s'établiffoit, rimpofture en tout genre prenoit crédit, & le nombre des dupes fe multiplioit. Un Alchimifte, nommé fean, de la ville d'Amide, fe fit eftiner dans Antioche comme un adepte lu premier ordre, qui avoit trouvé a tranfmutation des métaux. II fit iccroire aux orfevres de la ville que juelques morceaux d'or qu'il leur nontra, étoient de fa compofition, qu'il s'étoit fait un grand tréfor. 'ar cet artifice grofiier, il trompa une nfinité de perlonnes en leur vendant e faux or. Sa renommée parvint ux oreilles de l'Empereur, qui vou.it voir ce rare perfonnage. Jean lui t préfent d'une bride toute d'or, & :mée de pierres précieufes. Mais peu  nu Bas-Empire. Liv. XXXIX. 407 de temps après, l'Empereur ayantreconnu la iupercherie de ce charlatan, le relégua a Petra en Arabie, oü il mourut de mifere , maladie inévitable a ces hommes merveilleux. Les Huns & les Goths avoient fouvent porté 1'allarme jufqu'aux portes de Conftantinople. Les Bulgares ne paroiflbient pas moins a redouter. Les environs de la capitale de 1'Empire étoient peuplés de bourgs & de maifons de plaifance, remplies de richeffes. Afin de les mettre a couvert des incurfions des barbares, Anaftafe fit conftruire une muraille, qui s'étendant du Pont-Euxin a la Propontide jufqu'au midi de Selymbrie, dans la longueur de dix-huit lieues, fermoit tout Pefpace compris entre les deux mers & le Bofphore. Elle étoit éloignée de douze ou treize lieues de Conftantinople , & avoit par-tout vingt pieds de largeur. Cet ouvrage, monument de la grandeur & de la foibleffe Romaine, étoit flanqué de tours qui communiquoient les unes aux autres. Juftinien fit dans la fuite boucher ces Communications, afin que ft les ennemis pénétroient dans Pen- Anasta- se. Aan. 50;. VIII. Anaftafe ^ait batir la longue muraille. Proc. atdif. I- 4- c. 9. Evag. I. 3, c. 38. Zont pt 58. Chr. Alcx Suid. voC '■ k'va.sa.o~ioc Gyll de Conftant. 1. i, C. 21.  Anasta- s e. Ann. 507. IX. Converfion des Immirenes. Theod. L. I. 2. Niceph. Call.1. 16. f. 37. Ann. 508, X. Anaftafe refufe la poiTeffion du détroil de Derbent.Proc. lel. Perf. I. 1. c. 10, 16, 408 H 1 S T 0 I R E ceinte, chaque tour devïnt une fortereffe qu'il faudroit forcer féparément. On peut rapporter au même temps la converfion des Immirenes, peuple d'Arabie fujet des Perfes. Suivant une ancienne tradition, c'étoit dans 1'origine une peuplade d'Ifraélites, que la Reine de Saba avoit amenés avec elle a fon retour dans fes Etats : mais ils étoient devenus idolatres. On ignore de qui & a quelle occafion ils recurent, fous le regne d'Anaftafe, Ia lumiere de 1'Evangile. Peut-être furent-ils inftruits par les Homérites leurs voifins, qui, depuis plus de cent foixante ans, avoient embraffé la foi chrétienne. Ils envoyerent des Ambaffadeurs a Anaftafe, pour lui demander un Evêque. L'Empereur Léon avoit refufé k Pérofe de fe joindre k lui pour garder le paffage de Perbent, nommé alors les portes Cafpiennes. Ambafuc, chef d'une horde de Huns , s'en empara. Ce Prince, ami de l'Empereur & de 1'Empire, fe voyant dans une extréme vieillefTe, offrit de.vendre aux Romains ce défilé important. Mais  bu Bas-Empire. Liv. XXXIX. 409 Mais Anaftafe, confidérant la difficulté d'entretenir une garnifon dans un lieu défert & ftérile , féparé du territoire de 1'Empire, le reinercia de fa bienveillance, & n'accepta point fes offres. Ambafuc étant mort peu de temps après, fes fils furent chafTés par Cabade qui fe remit en poffeflion du défilé. Le refus d'Anaftafe fut loué pour lors comme 1'effet d'une fage politique. On le blama fept ans après, comme un défaut de prévoyance. Les Huns Sabirs ayant forcé le paflage, vinrent piller 1'Arménie, la Cappadoce, la Galatie & le Pont, pénétrerent jufqu'a la ville dEuchaïtes & aux frontieres de Lycaonie, & s'en retournerent chargés de butin. L'Empereur, qui n'avoit pas pris les précautions néceffaires pour empêcher ces ravages, eut au moins le foin de foulager par fes libéralités ceux qui en avoient le plus fouffert. On. environna de murailles les bourgs ïes plus confidérables de la Cappadoce; on y conftruifit des forterefles; & ces Provinces furent exemptées d'impofttions pour trois ans. Ce fut a 1'occafion de cette courfe des Huns Tom* VUU S ANASTASE. Ann. joSV Evag. I. J, e. 43. Mare. cAr.' Theoph. p, I3S. c'edr. p, 361. Anaft. p. 55 Malela, p. 44. Tm. vu. d'Euph. art. 12. M. de Gui%nes , hifi. des Huns 9 r. 4.^.319.  Anasta- SE. Ann. 508. XI. Ravages de l'Italie. Jorn. fuc«•<#• Mare. chr. ] ■t 1 i } < t i i < l , k 1 410 HlSTOIRE qu'Euphémius, exilé a Euchaïtes, fe fauva de ce lieu, &c alla mourir k Ancyre, Son fucceffeur Macédonius exilé dans cette même ville, comme nous le dirons dans la fuite, fe retira pour lors a Gangres, oü peu de temps après il finit auffi fes jours. On foupjonna l'Empereur de les avoir fait périr 1'un & 1'autre. La défaite de Sabinien irritoit Anaftafe. ,11 dilféra cependant fa vengean:e pendant trois ans, jufqu'a ce qu'il nt les troupes de Théodoric occu)ées contre les Francois. Alors il envoya fur les cötes d'Italie une flotte le deux cents voiles, commandée >ar Romain, Comte des domeftiques, k par Rultiqiie, Capitaine de la garde. Juk mille foldats débarquerent en ^alabre, ravagerent tout lepaysjufju'a Tarente , qu'ils attaquerent inuilement. Après cette expédition plus :onvenable a des pirates qu'a des Ronains, ils repafferent la mer. Théoloric, pour mettre hors d'infulte les :ótes de la mer Adriatique, employa e relte de cette année ik le commenement de la fuivante a faire confruke mille batiments légers, égalej?  du Bas-Empire. Liv. XXXIX. 411 ment propres k la guerre & au tranfport: & il léiir donna ordre de fe rendre le treizieme d'Aoüt dans le port de Ravenne. Ces précautions arrêterent l'Empereur qui fe préparoit a une nouvelle defcente. Mais pour piquer la jaloufie de Théodoric en relevant fon rival, il aftecta de combler d'honneurs Clovis , feul capable de balancer la puiffance du Roi d'Italie. II lui envoya le brevet de Conful, avec le manteau confulaire. II lui fit encore préfent d'une tunique de pourpre, & d'une couronne d'or enrichie de pierreries. C'étoit un Confulat honoraire , & quelques critiques penfent même qu'il ne faut entendre ici que le titre de Patrice, dont les Empereurs prétendoient honorer les Rois étrangers, & que Grégoire de Tours aura confonduavec le Confulat. Quoi qu'il en foit, ces honneurs ne prouvent en aucune maniere que Clovis reconnüt la fouveraineté des Empereurs; mak feulement qu'Anaftafe cherchoit a s'attacher ce conquérant, pour tenir en échec Théodoric. Le Roi des Francois re$ut ces préfents a Tours dans S ij Anasta- se. Ann. 508. XII. Confulat de Clovis. Greg. Tnr.' /. 2. c. 38. & ibi Rui-, nart. Aimoin, lm i. c. 22Sigeb. chf, Sigon, imp* Occid. I. 16. Falef. rer. Fr. I. 6. Pagi alt Bar. Mém. Aead. t. XX. p. 174.  AnastaAnn. jog Ann. 109, 510, in. XIII. Ordinstions regardéeseomme des punï- 1 üions. ; 412 HlSTOIRS 1'Eglife de Saint-Martin avec beaiacoup de folemnité, & prit dans la fuite le titre de CÖnful & celui d'Augufte. Ces noms étoient agréables k fes nouveaiix fujets, qui avoient été fi long-temps foumis k 1'Empire. II envoya la couronne a Rome pour être placée dans la bafilique de SaintPierre, non pas comme un hommage qu'il faifoit de fa puiflance au Pape, ainfi que 1'oht ridiculement avancé des Auteurs Ultramontains,mais comme un témoignage de fa dévotion pour le Prince des Apötres. Quelquesuns reculent de deux ans le Confulat de Clovis; ce qui rend cette date incertaine, c'eft que cesConfulats honoraires ne font point marqués dans les faftes;ce n'étoit qu'un titre fans foncfion, qui n'étoit point notifié aux fujets de 1'Èmpire. Les incendieS faifoient beaucoup de ravages a Conftantinople. II y en eut deux fort confidérables dans les deux années 509 & 510. Le fecond futfi violent, qu'une ftatue de bronte dans la place du Strafege, fe trouva rondue en partie. Anaftafe fit mettre 1 fee & nettoyer le port de Julien,  du Bas-Empire. Liv. XXXIX. 413 que les amas de vafe avoient prefque comblé. Apion, qui avoit rendu de fi bons fervices a 1'Empire pendant le fiege d'Amide, encourut la difgrace de l'Empereur, & fut ordonné malgré lui Evêque de Nicée. On regarda dans la fuite cette ordination comme nulle. Juftin étant parvenu a 1'Empire , & ayant rappellé ceux qu'Anaftafe avoit injuftement exilés, fit revenir Apion k la Cour : & connoiffant fa capacité & fa droiture, il le nomma Préfet du prétoire. Le perfide Conftantin avoit été fait Prêtre; l'Empereur, qui renverfoit toute la difcïpline eccléfiaftique , ne le crut pas encore affez enchainé par la prêtrife : pour 1'exclure plus irrévocablement de tout emploi civil ou militaire , & comme pour aggraver fa punition , il le fit facrer Evêque de Laodicée. Juftin, dès fon arrivée k 1'Empire, chaffa de cette Eglife cet indigne Prélat, qui confervant toujours fon caracf ere de traitre, s'étoit vendu aux fecf ateurs d'Eutychès. Pendant 1'année 511, le ciel parut fouvent embrafé du cöté du nord: j c'étoient fans doute dgs aurores bo- ' S iij i Anasta- SE. Ann. $ir. Mare. chr. 'Fheoph. p, 142. Oriens Chrift. t. II. p. 796. tnn. ; ix. XIV, ■miss dé-  Anasta- se. Ann. 512. faits par les Lombar ds. Mare. chr. Proc. bel. Got. li 2. c. 14. PaulDiac. de geftis Lang. I. 1. *. 20. TM. Anaft. art, 22, 4*4 HlSTOlRE réales. On marqué en cette année une éclipfe defoleil le 2.9 de Janvier. Mais un événement plus intéreflant pour 1'Empire, ce fut rétabliffement des Erules fugitifs fur les terres des Romains. Pour expliquer a quelle occafion 1'Empereur leur donna un afyle, je fuivrai Ie récit de Procope, préférablement a celui de Paul Diacre, qui, felon fa coutume, débite ici beaucoup de fables. Les Erules qui étoient demeurés en Germanie, aVoient acquis une grande puiffance dans cette vafte contrée. Ils avoient vaincu & rendu tributaires les Lombards & tous les peuples voifins. Enfin, faute d'ennemis, ils furent obligés Je pofer les armes. Mais ils ne puent Iong-temps fupporter le repos, jui leur fembloit une forte de létharjie. Au bout de trois ans, la nation :clata en murmures , & bientöt en nvecf ives contre fon Roi, nommé Ro[olfe. Les Rois des Erules n'en avoient uere que le nom: ils étoient abfolus lans la guerre , mais très-peu refpecés dans la paix; il falloit qu'ils reuffent a leur table tous ceux qui ouloient manger avec eux, & qu'ils  nu Eas-Empirs. Liv. XXXIX. 415 effuyaffent les emportenients de leur ivreffe. Un Prince a table n'étoit plus qu'un convive, qu'on pouvoit infulter impunément. C'étoit-la que les Erules outrageoient Rodolfe. Ce n'étoit, ales entendre , qu'un lache, un efféminé, qui laiffoit abatardir leur courage. Rodolfe, piqué au vif de ces reproches, réfolut de faire la guerre, fans avoir d'ennemis. La nation des Erules n'étoit pas affez civilifée pour fe ménager ces prétextes que les nations polies ont toujours fous la mam. pour juftifier une guerre injufte. II; avoient la bonne foi d'être ouvertement déraifonnables. Rodolfe n'avoii aucun fujet de fe plaindre des Lom bards, qui rempliffoient fidélemen les conditions du traité. Toutefois i fe prépara a les aller attaquer dan leur pays. Les Lombards, informé de ces difpofitions, hu firent deman der humblement pour quelle raifoi il vouloit leur faire la guerre : S Pon peut, difoient-ils, nous convain ere d'avoir foujtrait quelque portion di tribut que nous devons payer , nou fommes prêts cty fatisfaire avec u/u re. Si U tribut vous femble trop léger S iv Anasta- se. Ann. 512.. i l i t i f  Anasta- se. Ann. 512. 1 ; < i 1 c r. i; j« r n XV. Anaftafe j: recoit les Erules ]>; dansl'Em. 1'j pire. k s'< CC 2 CORMirons d taugmenter. Ro> ces, & mai-cha vers la frontiere. Une ecoutee. Enfin, pour la troifieme fois ils.firent d,re au Roi des Erules : Que ZTf ' f?,?' "n8r" P™** les *rmes pour fe défendre; qu'ils s>en rap. nrtoient aujugement de Dieu , qui Jut ionner dia plus légere vapeur afeljfZ -es paroles n exciterent que la rifée fdeÏ /fifrsdeJ,eilrsf««èspafTés? ^ de la fuperionté de leurs forces arehent aux ennemis avec mépris; ur Roï eft tué; il n'en échappe k -peefevamqueurs qu'untrès-petit ZTJffande perte les mIt ho« etat de fe niaintenir en poffeffion du 'ys dont ils s'étoient emparés. Ils bandonnerent; & trainant avec eux ->rs femmes & leurs enfants, après ife,a.rretes <ïuelq»e temps dans la mree qu avoient habité les Ruges.  nu Bas-Empirb. Liv. XXXIX. 417 comme ils n'y trouvoient qu'une folitude inculte, preffés par la faim , ils s'approcherent des Gépides. Ceuxci les fouffrirent d'abord dans leur voifinage :. ils les recurent même fur leurs terres. Mais bientöt la compaffion fe tournant en mépris, ces hötes barbares devinrent des maitres cruels, &leur firent éprouver les traitementsles plus inhumains, enlevant leurs troupeaux, abufant de leurs femmes, tk aggravant leur infortune par les outrages. Les Erules, auffi impatients dans 1'efclavage, qu'ils avoient été infolents dans Ia profpérité , pafferent le Danube, & chercherent un refuge fur les ff ontieres des Romains. Ils y trouverent de l'humamté. Mais il falloit que ce peuple féroce fut accablé, ou qu'il accablat les autres. Dès qu'ils eurent commencé. a refpirer, ils revinrent a leur infolence naturelle. Pour arrêter leurs excès, Anaftafe fut obligé d'envoyer contre eux une armée. Les Romains les défirent, & en tuerent un grand nombre. ïls pouvoient détruire la nation entiere j mais ceux qui avoient échappé au carnage, vinrent fe jetter aux pieds des S- v A.NASTASE. Ann. 512*'  Anasta- se. Ann, 512, Ann. 513. XVI. Sédition con:re Marin. Surius in Slo. Saba, 5°- D". Baronius. Fleury , hifl.Eccicf. I- 31, art. j J 1 1 3 1 4l8 BlSTÖIRg Généraux, demandantgrace, &promettant de fervir déformais fidélement 1'Empire. Anaftafe en eut pitié: il leur accorda la vie & un territoire prés du Danube. Ils ne tinrent pas parole, & jamais ils ne furent d'aucun fecours aux Romains. Nous verrons fous le regne de Juftinien des traits de leur perfïdie. La fécherefle & les fauterelles défoloient la Paleftine. Ces fléaux en produifirent deux autres ; la famine & la pefte: ce qui dura pendant cinq années, jufqu'a la fin du regne d'Anaftafe. L'Empereur, informé du malheureux état de cette Province, la déchargea des impöts. Mais par le :onfeil de fes Minïftres, il en rejetta 'e fardeau fur les Provinces voiftnes. Elles n'étoient guere moins miférasles. Le fameux folitaire Saint Sabas "e trouvoit a Conftantinople pour les iffaires de 1'Èglife. II courut implorer a juftice de l'Empereur, & lui repréénta li vivement la mifere des peu)les, qu'Anaftafe en fut touché, & >aroiflbit difpofé a porter lui-même a perte des impofitions qu'il rémetoit a la Paleftine. Mais Marin, fon  nu Bas-Empire. Liv. XXXIX. ai9 principal Miniftre, homme dur & impitoyable, fit échouer ce bon deflein, en difant que ceux qui trouvoient ces impöts trop onéreux, étoient autant de Neftoriens. Ce nom feul faifoit horreur au foible Anaftafe, infatué des erreurs d'Eutychès. L'imputation de Neftorianifme étoit pour les méchants un moyen fur de noircir dans fon efprit la vertu même. Dès-lors il ne voulut plus entendre parler d'adoucifTement. Sabas menaca Marin de la juftice divine. Le Miniftre n'en tint compte; mais peu de temps après, le peuple, indigné de la violence avec laquelle fon zele politique faifoit triompher le parti d'Eutychès, fe fouleva, pilla fes biens, brüla fa maifon, & lui auroit öté la vie , s'il ne fe fut dérobé par la fuite a la fureur des féditieux. On commenca pour lors k violer les plus faintes maximes de la morale chrétienne, pour foutenir la foi catholique; on vit un faux zele combattre 1'héréfie par la rébellion : premier exempïe de ces guerres criminelles, oü une orthodoxie meurtriere confacre fes fureurs k la Religion S yj Anasta- se. Ann. 513. ' ^ Ann. 514. XVII. Premier exemple d'une guerre entreprifepour la défenfe de la foi.  Anasta- SE. Ann. 514, 1 < J ] j| v 1 ( ■ 4 XVIII. Conduite j. «i'Arafta- . fsiulujei 1 4^0 H I S T 0 I R E qui la défavoue , & prétend défendrt? la caufe de Dieu en fe revoltant contre Dieu même, dont les Princes, quoiqu'impies & hérétiques , font les Lieutenants dans la fphere des chofes temporelles. L'Eglife, née fouslè glaive des perfécutions, avoit appris dès le berceau a demeurer foumife aux puiffances légitimes qui s'efForcoient de la détruire. Pendant la tyrannie de 1'Arianifme, fous le regne fanguinaire de 1'idolatrie renaifl'ante, elle avoit refpeöé 1'autorité de Conftance, de lulien & de Valens. Elle venoit de foufTrir fans murmure les caprices de Zénon. Mais Pignorance effa^antpeui-peu les maximes de Pévangile, Vialien trouva foixante mille hommes üfpolés a croire fur fa parole, qu'ils levoient en confcience prendre les arnes contre un Prince qui favorifoit 'erreur. Pour développer les caufes le cette guerre, il eft a propos de nettre fous les yeux du lecteur, la onduite qu'avoit jufqu'alors tenue Anaftafe au fujet de la Religion. Après Pinjufte dépofition d'Euphénius, Macédonius avoit été placé fur ; fiege de Conftantinople. Quoiqu'il  du Bas-Empire. Liv. XXXIX. 42-t fut attaché a la doctrine de 1'Eglife , & qu'il fit profeffion de refpecfer le concile de Chalcédoine, il avoit foufcrit 1'hénotique de Zénon, n'y voyant rien qui bleflat directement la foi Catholique. Cette molle complaifance ne put lui fauver la difgrace du Prince. C'étoit entre fes mains qu'Euphémius avoit dépofé la proteftation, par laquelle Anaftafe, avant que de recevoir le diadême, s'étoit engagé a maintenir les déciftons du concile. Dès que Macédonius fut Patriarche, l'Empereur lui redemanda cet acfe, qu'il démentoit par fa conduite; ce Prince alléguoit pour prétexte qu'un écrit de cette nature déshonoroit la majefté impériale. Le refus conftant du Prélat piqua vivement l'Empereur, qui n'avoit apparemment confenti a 1'élévation de Macédonius y que dans Pefpérance de retirer plus aifément de fes mains une piece fi importante. Cependant Anaftafe diiïïmula fa haine pendant quelque temps. II parut même favoir gré au Patriarclie des démarches qu'il faifoit pour réunir les efprits. Mais il ne fe rapprochoit pas lui-même de la conimunion dus Anasta- SE. Ann. 514J de la religion jufqu'a la guerre de Perfe. Evag. I. 3.' e. 3** 32. Theoph. p, 122 , I2J.' Anaft. p, 49- Cedren. p, 3 53. Baronlus» Fleury , hift. ecetejl i. 30. art. 47- TUI. vie de Maced. art* 61 ia,  AN AS TASE. XIX. ha perfécution fe renouvelle aprèsla guerre de Perfe. Theod. L. I. 2. Theoph, p. 128. If2> ff/STOIRE faint Siege. En vain le Pape Anaftafe II, fucceffeur de Gélafe, le preffoit de fe réconcilier avec 1'Eglife Romaine, en abandonnant 1'hénotique de Zénon, & en condamnant la mémoire d'Acace. Symmaque, qui avoit fuccédé au Pape Anaftafe, ne fut pas plus heureux : l'Empereur ne répondit a fes lettres que par des reproches; & pour témoigner le mépris qu'il faifoit de fes remontrances, il envoya dans les villes de 1'Orient des ordres féveres contre les Orthodoxes, qui refufoient de communiquer avec les fectateurs d'Eutychès. II empêcha Macédonius d'adreffer au Pape une lettre fynodique pour marqué de communion; & Pallade, Patriarche d'Autioche , étant mort, il fit nommer Flavien, qu'il croyoit favorable a 1'héréfie : mais il y fut trompé. La guerre de Perfe fufpendit pour quelque temps les mauvais deffeins d'Anaftafe. Dès qu'elle fut terminée, il ne s'occupa plus que de celle qu'il faifoit a 1'Eglife. Bien différent de rhéodoric, qui, tout Arien qu'il étoit, protégeoit les Catholiques, & favoit ïellement contenir une fecte naturels  nu Bas-Empire. Liv. XXXIX. 413 lement impérieufe, qu'aucune difpute de Religion ne troubla la paix de fes Etats, Anaftafe entreprenoit de forcer les confciences; il attifoit le feu de la divifion, en mettant en place des efprits turbulents ; 8c ce Prince , qui ne penfoit que d'après fes miniftres 5c fes favoris, prétendoit, a force de mauvais traitements , contraindre les autres hommes i\ penfer d'après lui. Comme il joignoit les erreurs de Manès a celles d'Eutychès, il fit peindre dans la chapelle de fon palais quelques-unes de ces figures bifarres 8c monftrueufes, qu'on voit encore aujourd'hui fur les pierres nommées Abraxas, 8c qui ne font que des allégories extravagantes, inventées par les Gnoftiques, 8c renouvellées par les Manichéens : ces peintures fouleverentle peuple accoutumé a ne voit dans les Eglifes que des images édifiantes. Tout étoit en trouble a Conf tantinople. Les Hérétiques, fiers de h faveur du Prince, infultoient les Catholiques dans leurs affemblées : le; Catholiques fe défendoient avec ani mofité. Les Empereurs avoient juf- qu'alors 'affillé a 1'ofüce de PEglife, & Anasta- se. Anaft. p. 50. Zon. p. 56. Ccdr. p. 3 59- Fleury , hift. ecchf. I. 30. art. 5 6.  NASTASE. 4H Histoirb aux proceffions publiques fans autré garde que leur majefté même, foutenue du refpect qu'infpire la Religion ; Anaftafe, craignant pour fa perfonne , fe fit efcorter par le Préfet a la tête de fes gardes ; 6c cette précaution, qui révolta d'abord les efprits, paffa en coutume, 6c fut obfervée par fes fucceffeurs. Pour accroitre encore 1'agitation 8c le tumulte,il fit venir a Conftantinople Xénaias le Manichéen , que Pierre le Foulon avoit fait Evêque d'Hiéraple , 8c qui foulevoit toute la Syrië contre le Patriarche Flavien. L'Empereur comptoit beaucoup fur 1'audace de ce furieux, Mais fon arrivée révolta tellement le clergé, les moines 8c le peuple entier, qu'on fut obligé, peu de jours après, de Ie faire fecretement évader. II n'étoit pas difficile k l'Empereur de trouver des Prélats. courtifans : mais il lui fut impoflible de faire plier Macédonius. II réfolut de s'en défaire. On fuborna pour 1'aflaffiner un fcélérat, nommé Acholius, qui manqua fon coup, 6c fut découvert. Le Patriarche , loin de pourfuivre la vengeance de ce crime, prit le cri»  nu Bas-Empire. Liv. XXXIX. 425 minel fous fa protection, 8c fe char- gea de le faire fubfifter a fes dépens. Cet héroïfrne évangélique ne toucha point l'Empereur. II continua de chercher les moyens de perdre Macédonius. 11 avoit entrepris d'anéantir le concile de Chalcédoine. Flavien d'Antioche déguifoit fes Jentiments par une lache complaifance ; Jean Nicéote, Patriarche dAlexandrie, Prélat violent & féditieux , étoit hautement déclaré pour 1'héréfie; il promettoit même a l'Empereur deux mille livres d'or, s'il venoit a bout de faire généralement condamner le concile. Anaftafe ne trouvoit de réfiftance ou verte, que de la part de Macédonius. Pour lui en marquer fon refTentiment, il öta le droit d'afyle & fon Eglife, & le transféra aux Eglifes des hérétiques. Mais ce qui fortifia le plus le parti d'Eutychès, fut 1'arrivée des moines de Syrië, qui vinrent a Conftantinor ple a defTein d'en chafTer le Patriarche. Ils avoient pour chef un moine audacieux & turbulent, nommé Sévere , qui fit un grand róle dans ces troubles. IlétoitdeSozopolisen Pifidie, & avoit exergé a Béryte la profefTioü Anasta- se. XX. Sévere & fes Moi. nes excitent de grands troubles. Evag. I. J. c. 33. Theod. L, l. z. Liherat. ci iS. Theoph. pi 129, 130, 132, 134. Anaft. pm 50, 51. Fleury , hift. ecclcf. I. 31. art. 10, U«  Anasta- Si, I : ! 42(5 H I S T O I R E d'Avocat. Payen de naiffance, il Ie rut toujours dans le cceur, & n'embraffa en apparence la Religion chrétienne, que pour éviter le chatiment qu'il avoit mérité par les crimes. II fe fit moine, & fut chaflé du monaftere a caufe de fon opiniatreté a défendre les erreurs d'Eutychès. S'étant retiré k Alexandrie, il devint Secretaire de Pierre Mongus, & troubia toute la ville, femant la.divifion entre les hérétiques mêmes; ce qui produifit de fanglantes querelles. Enfin , les Magiftrats voulant faire arrêter ce perturbateur, il prit Ia fuite, & fe rendit a Conftantinople k la tête de deux^ cents moines, animés comme lui d'un zele furieux & meurtrier. L'Empereur les recut avec joie, comme un renfort propre a fervir fes deffeins. Mais peu de jours après, on rit arriver dé Paleftine un effaim de moines orthodoxes auffi nombreux, jui venoient pour combattre le parti le Sévere, & pour fecourir Macélonius : fi le Patriarche eüt été auffi fiolent que fes ennemis, Conftantilople feroit devenue le théatre d'une 'Uerre civile.  du Bas-Empire. Lh. XXXIX. 427 Les efprits s'aigriftbient de plus en plus. Les Schiftnatiques, au milieu de roffice divin, mêloient aux prieres de 1'Eglife des paroles qui renfermoient le venin de leur héréfie; & les Catholiques irrités voulant leur impofer filence, éclatoient en injures , & s'échappoient a des violences qui augmentoient le tumulte. Enfin, le peuple, indigné des affronts dont on accabloit le Patriarche, s'afTembla en foule autour du palais. Tout retentifToit d'inveftives atroces contre l'Empereur : on Pappelloit manichéen, tyran indigne de régner. Anaftafe effrayé fit fermer les portes, & donna ordre de lui tenir un vaiffeau pret pour le tranfporter en Afie. II avoit juré la veille qu'il ne verroit plus Macédonius; dans Pépouvante ou il étoit, il le manda; & le Prélat vint au palais au travers des applaudiflements du peuple & des foldats mêmes, qui 1'encourageoient & le combloient de bénédictions. II paria avec fermeté a l'Empereur, lui reprochant d'être ennemi de 1'Eglife : le Prince , abattu par la crainte, feignit d'être touché de ces reproches, & prom.it A.NASTASE. XXI. Exil & dépofxtionde Macédonius.Theoph. p. l$2,lH, 134,135» 136. Theod. L. I. 2. Mare. chr. Evag. I. 3. c. 31 , 31» 44. Scdren. p. 3 59 - 36c Viel. Tun. Liherat. c. 19- Zon. torn. II. p. 55, 56. Chr. Alex. Niceph. Call.l.lG. c. 26. Manaff. p. 62. Anaft. p. 51 , 52. 53- Hifi. Mifcell. I. 15. Malela, p. 44 1 45-  Anasta- SE. Baronius. Fleury , hifl.EccUf. I. 31. art. 11 1 '3 > 19. 27//. 11 . 13 . 14. 42S HlSTOIRB de rétablir la paix. Ce n'étoit pas fon intention : peu de temps après, il mit entre les mains du Patriarche une profeflion de foi captieufe & infufïïfante, a laquelle Macédonius fe laifTa tromper; ce qui jetta Tallarme parmi les Catholiques; & le Prélat fut obligé de fe juftifier publiquement, en proteftant de fon attachement au concile de Chalcédoine. Ce concile étoit le fléau des partifans d'Eutichès & de Diofcore. Anaftafe voulut fe faifir des act es originaux, dépofés dans le tréfor de TEglife de Conftantinople. Céler , Maitre des offices, alla les deman der de la part de 1'Empereur; &z comme fur le refus du Prélat il menacoit de les enlever de force, Macédonius , après avoir enveloppé ce facré dépot, le fcella de fon fceau, & le placa fur Tautel, le mettant ainft fous la garde de Dieu même. Céler n'ofa y porter la main; mais Teunuque Calépodius, Econome de 1'Eglife, les enleva la nuit fuivante, & les porta a TEmpereur, qui les mit en pieces, & les jetta au feu. Croyant avoir détruit ce monument redoutable a 1'héréfie, il ne fongea plus qu'a fe dé-.  du Bas-Empire. Liv. XXXIX. 429 faire de Macédonius. Deux impof- 1 teurs fubornés accuferent le Prélat de ' crimes infames. Ce fut en vajn que 1'accufé confondit la calomnie , en prouvant qu'il étoit eunuque. Le peuple , le Sénat, 1'Impératrice Ariadne s'intéreffoient vivement pour le Patriarche , a caufe de la pureté de fa foi, & de la fainteté de fes mceurs. Mais nulle confidération ne put arrêter Anaftafe. Comme il craignoit la fédition, il le fit enlever pendant la nuit, & conduire a Euchaïtes oü étoit fon prédéceffeur Euphémius. Timothée, tréforier de 1'Eglife, fut placé le lendemain fur le fiege de Conftantinople. C'étoit un Prêtredécrié pour fes débauches, qui lui avoient même attiré des furnoms infames; mais d'un caractere très-propre a s'élever dans des temps de troubles. Sans foi, comme fans honneur, tantöt il admettoit, tantöt il rejettoit le concile de Chalcédoine , 5c nioit hardiment, felon fes intéréts préfents, qu'il eüt jamais fait 1'un ou 1'autre. La plupart des Eccléfiaftiqués Orthodoxes, ou prirent la fuite , ou furent jettés dans les prifons, On fit le procés a Lnasta- XXII. . rimothée "uccede a Vlacédolius.  &NASTAS E. 430 HlSTOIZE Macédonius déja exilé: il fut condamné fans être entendu, par les Evêques courtifans, tout a la fois accufateurs, témoins & juges. Plufieurs Prélats de 1'Orient, la meilleure partie du Clergé, des moines & du peuple de Conftantinople lui demeurerent attachés. Timothée en fit reléguer un grand nombre dans rOafis. Ce Patriarche impie & cruel, attroupa des payfans brutaux; & s'étant mis a leur tête, il forca les monafteres qui lui étoient oppofés, renverfa les autels, fit fondre les vafes facrés, & maflacra les moines. Mais ni fatyrannie, ni la faveur que le Prince prêtoit k fes violences, ne purent intimider les perfonnes les plus vertueufes de la Cour. Julienne, fertime d'Olybre , refufa eonflamment de le reconnoitre, malgré fes artifices, foutenus des plus vives follicitations de l'Empereur. Pompée, neveu d'Anaftafe, aima mieux encourir la difgrace de fon oncle, que de trahir la caufe d'un Prélat qu'il refpeftoit. On s'empreflbit d'envoyer k Macédonius des foulagements qui furpaffoient fes befoins. A la Cour d'Anaftafe , le Patriarche exilé confer-  du Bas-Empire. Liv. XXXIX. 431 voit plus d'amis que n'en avoit l'Empereur. Quelque temps après , Macédonius ayant été obligé par une incurfion des barbares, de quitter Euchaïtes pour fe retirer a Gangres, comme il étoit prêt de mourir, il chargea un de fes clercs de dire a l'Empereur : Qu'il alloit Vattendre devant le tribunal du Juge des Souverains de le. terre. Macédonius refpeftoit 1'Eglife Romaine. Pour terminer les difputes, il avoit demandé plufieurs fois a l'Empereur un concile général, auquel préfidat 1'Evêque de Rome. Néanmoins il mourut hors de la communion des Papes , paree qu'il ne voulut jamais efTacer des diptyques le nom d'Acace. On ne laifTe pas de le compter parmi les Saints. Après la mort de ce Patriarche, l'Empereur croyoit ne plus trouver d'obftacle au triomphe de la doctrine d'Eutychès. Ce Prince ignorant fe piquoit a la fois de théologie & de bel efprit. II entreprit de réformer les faints Evangiles, difant qu'ils avoient été compofés par des gens fans lettres. Ebioui des fophifmes de 1'héréfie, il a'écoutoit que Timothée & les Théo^ Anasta.-, s e, XXIII. Furieufe ledition i a Conftan? tinople.  Anastass. i J 1 1 i e 432 fl I S T O I R B logiens du parti, dont Pardeur témc* raire 1'expofoit fans cefTe a de nouveaux dangers. Le Miniftre Marin, & Platon, Préfet de Conftantinople, allerent par fon ordre a la grande Eglife un jour de Dimanche; & montant a la tribune, ils entonnerent une formule hérétique, qui bleflbit les öreilles des Orthodoxes. Ceux-ci les interrompirent, & furent chargés en même-temps par une troupe de foldats, qui en tuerent plufieurs dans 1'Eglife même, & en traïnerent quelques autres dans les prifons, oü on Ses laifTa mourir de faim & de mifere. Les mêmes excès fe renonvellerent peu de jours après dans 1'Eglife de Saint-Thomas, & il y eut encore plus Je fangrépandu. Le lendemain, jour ie proceflion folemnelle , les Catholiques , aigris par les cruautés qu'on venoit d'exercer contre eux, fe rendent ?n foule dans le cirque; & tandis que es Eccléliaftiques, les enfants & les 'erames y chantent des prieres conbrmes i\ 1'ancienne liturgie, les aures fe difperfent dans la ville, mafacrent les moines que Sévere avoit imenés; & de concert avec les foldats  hu Bjs-Empïr'è. Liv. XXXIX. 433 dats portent au milieu du cirque toutes les enfeignes militaires , comme • pour établir en ce lieu le camp de la Religion. La pfalmodie fe change en clameurs féditieufes ; on charge de malédictions Anaftafe: les uns demandent'pour Empereur Aréobinde, les autres Vitalien. On abat les ftatues du Prince. Céler & Patrice fe préfentent pour appaifer le peuple : une grêle de pierres les met en fuite. On pille la-maifon de Marin, on la brüle ainft que celle de Platon. On trouva dans la première un moine chéri de PEmpereür; après qu'on Peut égorgé, on promena fa tête au bout d'une piqué, en criant : Voild C ennemi de la Trinitè. On poignarda une Religieufe, paree qu'elle étoit en crédit auprès du Prince. Ces deux cadavres liés enfemble, furent trainés par les rues & réduits en cendres. Marin & Platon auroient éprouvé les mêmes effets de la rage populaire, s'ils euflent été découver-ts. On cherchoit Aréobinde pour le proclamer Empereur; mais ce fage Officier avoit pafte le Bofphore dès le commencement du tumulte. Tome VUL T Vnasta- se.  Anasta- se. XXIV. Suites d< la fédition. 434 H i s t o i ii e Après toutes ces violences, la multitude teinte de fang fe raffemble dans le cirque; ils fe rapgent en proceffion, . & marchent au palais, portant des croix & le livre des Evangiles, & chantant les prieres Catholiques. Ils les interrompent bientöt pour demander a grands cris qu'on leur livre Marin & Platon, auteursde tous ces maux: ds vont, difent-ils , les faire dévorer per les bêtes. Heureufement l'Empereur, pour fe .dérober a cette fougue impetueufe, s'étoit allé cacher dans le fauxbourg de Blaquernes, oü fa femme Ariadne 1'accabloit de reproches. La révolte dura trois jours, pendant lefquels le cirque ofFroit le fpeÖacle d'une dévotion rebelle & fanatique; des croix & des enfeignes, des htanies & des cris féditieux. Enfin , la fureur fe rallentifiant peu-apeu , Anaftafe hafarda de fe montrer au peuple fans aucune marqué de fa dignité, dans une cqntenance humble &. fuppliante. II fit Crier par un héraut , qu'il étoit prêt a dépofer le diadême. Dès qu'il parut fur les degrés du cirque, il fe fit un grand filence; alors élevant fa voix: Si vous m  du Bas-Empjre. Liv. XXXIX. 435 pouvez_, dit-il, voir la couronne fur ma tête, ce ri eft pas fans doute que vous prétendiez_ vivrefans Empereur: choifij[e{-en un autre. Fajje le Ciel quil foit plus heureux : du moins naura-t-il pas un plus fmcere dejtr que vous le foye\ vous-mêmes. Ces paroles entrecoupées de fanglots toucherent lé penple : ceux qui auparavant ne parloient que de le mettre en pieces, verfent des larmes avec lui, & le prient de reprendre le diadême. II leur protefte, de fon cöté, avec ferment, qu'il ne les troublera plus, ni dans leur culte, ni dans leurs dogmes. Toute cette multitude fe fépara fatiffaite de ces promefTes, qu'Anaftafe ne pouvoit accomplir tant qu'il auroit un miniftre tel que Marin, & des direfleurs de confcience tels que Sévere, Timothée& Jean d'Alexandrie. Les jours fuivants furent employés k la recherche des chefs de la fédition. On en fit mourir un grand nombre; le peuple qui avoit fecondé leur rage avec tant de chaleur, aflifta froidement a leur fupplice , & n'en remporta qu'une impreftion de terreur. II ne tint pas a Sévere qu'une fcene fi affreufe ne fe renouvellat dans la T ij Anastase. XXV. Flavien cbaiïé  AsASTASE, d'Antioche. , ] 1 1 J 1 e 43 Hl S T 0 I R g ville d'Antioche. Le Patriarche Ffavien avoit ufé d'artifice pour fauver fa foi, fans s'attirer la perfécution. Sa politique fut inutile. Le furieux Sévere, qui vouloit domineren Syrië , oir il avoit autrefois elfuyé des affronts bien mérités, perfuada au Prince que Flavien étoit un ennemi caché. II arma contre le Prélat la même efpece de foldats qu'il avoit employée k Conftantinople contre Macédonius. On vit arriver a Antioche Xénaias, fuivi d'une foule de moines fchifmatiques , qui menacoient Flavien des dernieres violences, s'il ne prononcoit anathême contre le concile & contre la lettre du Pape Léon. D'autres moines zélés pour Flavien Sc pour la doftrine Catholique , ac:oururent auffi dans le deffein de s'opx>fer aux ennemis du Prélat. La ville ■ut bientöt embrafée du feu d'une guerre civile. On tua, on jetta dans 'Oronte un grand nombre de fchifnafiques. II fut aifé a Sévere de faire >affer Flavien pour auteur de la fédiion. L'Empereur envoya ordre de ï chaffer, & de le conduire a Pétra n Arabie, & avec lui plufieurs Evê»  du Bas-Empire. Liv. XXXIX. 437 ques, des Eccléfiaftiques & des Moines,, qui fortirent de la ville chargés de fers. Sévere fut inftallé en fa place, & devint le tyran de 1'Eglife de Syrië. II y eut cependant des Evêques qui refuferent d'accepter fes lettres fynodiques; & il s'en trouva deux affez hardis , pour lui faire fignifier une fentence d'excommunication. C'étoient Cöme d'Epiphanée & Sévérien d'Aréthufe. Un diacre, déguifé en femme , mit la fentence entre les mains de Sévere, & s'échappa au travers de la foule , avant que le nouveau Patriarcheput favoir ce qu'on lui préfentoit. Anaftafe , informé de cette hardieffe, ordonna au Gouverneur de Phénicie, nommé Afiaticus, de chaffer de leurs fieges Cöme & Sévérien. Mais cet Officier lui ayant mandé que ces deux Prélats avoient beaucoup de partifans, & que pour exécuter fes ordres, il faudroit tirer 1'épée, Anaftafe lui récrivit de n'en rien faire ; tk ce fut alors qu'il lui dit cette parole mémorable, qui feroit grand honneur s'il y eüt été plus fidele, mais qui devenoit ridicule dans fa bouche : fe croiroispayertrop chtr le TK; Anasta.- se.  Anasta- se. xxvr. Héréti«mes confonduspar A!araondare. 433 II I S T O I R E fuccès de f affaire la plus importante. s,if en co/itoit d mes fujets une goutte de fang. Sévere, en poffeffion du fiege d'Antioche, voulut faire des conquêtes au parti d'Eutychès jufques chez les barbares. Cabade, Roi de Perfe, d'abord perfécuteur du chriftianifme, après avoir verfé beaucoup de fang, avoit enfin reconnu que les vrais Chrétiens font les plus fideles fujets des Princes mêmes qui fuivent une autre croyance. II avoit donné dans fes Etats liberté de Religion. Alamonclare , le plus puiffant des Rois Sarrafins fujets de la Perfe, s'étoit fait inftruire des principes du chriftianifme; & ayant trouvé cette Religion plus raifonnable que celle de fes peres, il avoit recu le baptême. Sévere fe fit un point d'honneur de gagner a fa fecf e un guerrier, dont le nom faifoit trèmbler la Syrië & la Phénicie. II lui envoya deux Evêques, pour lui infpirer les erreurs d'Eutychès , dont la principale confifioit a ne reconnoitre en JefusChrift qu'une feule nature ; la nature divine, k laquelle devoient s'attribuer la naiffance, les fouffrances &c la mort du fils de Dieu. Le Sarrafin,  du Bas-Empire. Liv. XXXIX. 439 après les'avoir écoutés, leur promit de fe décider le leridemain. Pendant ' la feconde entrevue, un de fes Officiers étant venu lui dire un mot a Foreille , il feignit de tomber tout-acoup dans une profonde trifteffe : & comme les Prélatslui en demandoient réfpectueufement Ia caufe : Hélas ! leur dit-il, j'apprends que tArchange Michel vient -de mourir. Les Prélats lui repréfentant pour le confoler, qu'on le trompoit, & qu'un Ange étoit immortel de fa nature. Et quoi! leur repliqua-t-il, vous voule?^ bien me perfuader que la nature divine a fubi la mort. Cette brufque réfutation , appuyée d'un regard & d'un ton militaire, déconcerta les deux convertifleurs. Ils ' prirent fur le champ congé d'un Prince auffi expéditif dans les difcuffions théologiques, que dans fes incurfions guerrieres. Le parti d'Eutychès recut a Jérufalem un autre 'affront, qui lui fut beaucoup plus fenfible. L'Empereur j s'efforcoit depuis long-temps de ga- : gner Elie, Patriarche de cette ville. 1 Irrité de fa réfiflance, il avoit enfin , réfolu de le chaffer de fon fiege : mais e T iv ^NASTASE. XXVII. rrc iibles Jérufaera. 'hcoph. p'. 31, 136. Niceph. •all.l. 16. . 32 > 34»  Anasta- se. Saroniui. F leury , hifi.Ecclef. /. 31. art. 13 , 20. TUL vie de Maced, art. «8, 1 1 1 i < < < 1 44° HlSTQlAE le faint folitaire Sabas étant allé i' Conftantinople, avoit trouvé moven d'appaifer le Prince. En vain Sévere, devenu Patriarche d'Antioche, effaya de ïiirmonter la conftance d'Elie. Le voyant auffi peu touché de fes menaces que de fes raifons , il eut recours a Pautorité impériale, & fit venir des foldats pour chaffer Elie de Jérufalem. Sabas, k la tête de fes Moines, forca les foldats d'abandonrier la ville. Anaftafe donna ordre k □lympius, Duc de Paleftine, de s'y ïranfporter avec fes troupes-. Elie céla k la violence , & les fchifmatipies mirent en fa place un nommé tean. Sabas revint avec fes Moines; 1 agit fi puifiamment fur 1'efprit du ïouyel Evêque, qu'il le détache du >arti de Sévere. L'Empereur en eft fientöt informé.. Un de fes Courtians , nommé auffi Anaftafe , faifit :ette occafion pour fe faire donner e commandement en Paleftine ; il 'engage a payer a l'Empereur trois :ents livres d'or , Vil ne vient pas 1 bout de faire rentrer Jean dans la :ommunion de Sévere. II ne conveloit pas a la majefté impériale d'ac-  du Bas-Empixe. Liv. XXXIX. 441 cepter de pareilles offres : mais 1'Em- : pereur aimoit Pargent, tk c'étoit un 1 moven de vendre cette place en paroiflant la donner. II révoque donc Olympius , & le nouveau Commandant, arrivé & Jérufalem, commence par fe faifir de la perfonne de Jean, qu'il met en prifon , en lui proteftant qu'il n'en fprtira qu'après avoir figné fa réunion avec Sévere. Le Patriarche feint de céder a la perfécution ; ü promet au Duc d'anathématifer publiquement le Concile de Chalcédoine , pourvu qu'on le mette en liberté». Deux jours après, le Duc s'étant rendu a 1'Eglife pour être témoin de 1'exécution de cette promeffe, eft fort furpris d'entendre Jean prononcer anathême contre les adverfaires du Concile. Les Moines, affemblés en grand no'mbre a la fuite de Sabas tk de 1'Abbé Théodofe, tk foutenus de tout le peuple, font craindre une ledition pareille a celle de Conftantinople. Anaftafe fe retire couvert de confufion. A cette nouvelle, l'Empereur fe difpofoit a exiler Jean , Sabas tk Théodofe. Les deux Abbés lui écrivirent une lettre que nous T v LNASTASE.  Anasta- se. XXVIII. CommeneementdeJa guerre de Vita- ; lien. Evag. I. 3. ] »• 43- t Theoph. p. j *34» 137. / 23S. <■ Mare. chr. C na. Tun. $ Jont. fuc- „ ceff. O Cedr. p. v 36o, 361 Anaft. p. 54, 55. c< Zon.p.tj. fh Malda , p, r 42» 43» , 44. 442 H 1 $ T 0 I R E avons encore , dans Iaqueüe ils fe plaignent de 1'abus que les héréfiques tont de fon autorité; ils le fupplient d arreter les violences; & fans mei nager Sévere, qu'ils repréfentent comme Ie fleau de Ia religion , ils proteftent qu'ils ont réfolu de perdre la vie , plutöt que de trahir la foi. Anaftaie, occupé pour lors de la guerre contre Vitalien , perdit de vue les affaires de Ia Paleftine. Tel étoit 1'état de 1'Eglife d'Orient, jorfque Vitalien , fils de Patriciole , X petit-fils d'Afpar, emporté par ce sele aveugle, qui, dans les fiecles >oiterieurs, a caufé tant de maux, enrepnt de défendre la religion par les rmes II avoit gagné Ie cceur des .atholiques, en déclamant fans ceffe ontre la perfécution qui leur étoit ilcitee. L'exil de tant d'Evêques ; lur-tout de Macédonius & de Flaien, fut en apparence Ia principale tule de fa revolte : il demandoit que 's Prelats fuffent rétablis dans leur ?ge. Quoiqu'on ait prétendu jufti, ;r fes mtentions, on peut cepennt foupconner fans témérité , que . religion n'étoit qu'un voile dont  nv Bas-Empire. Liv. XXXIX. 443il couvroit fon ambition : elle n'a jamais eu de plus noble emploi auprès des chefs de parti; 8c Vitalien devoit être tenté de profiter de tfaffeétion que le peuple avoit fait paroïtre pour lui dans la fédition de Conftantinople, en lé demandantpour Empereur au-lieu d'Anaftafe. Les habitants de la Thrace, de la Méfie & de ja petife Scythie, 1'invitoient depuis long-temps a fe déclarer défenfeur de la foi : ils accoururent avec joie fous fes enfeignes. Deux corps nombreux de Huns 6c de Bulgares, attirés par 1'amour du pillage, fe joignirent a lui : en trois jours, il affembla lbixante mille hommes. C'étoit un guerrier d'une capacité médiocre ; mais il eut affaire k des Généraux encore moins habiles; Sc li 1'on excepte les Bulgares 6c les Huns, dont la férocité naturelle aiguifoit le courage, fes troupes étoient animées par le fanatifme. II les équipa d'abord, -8c les fit fubfiffer aux dépens d'Anaftafe. Un convoi confidérable de vivres, d'argeht, d'armes 6c de toutes fbrtes de munitions, que l'Empereur envoyoit aux armées de Thrar T vj Anasta- se. Ann. 514. Call I.16. c. 58. Hifi. mlfi. I, 15. Baronius* Pagi ai Bar.  Anasta- SE. Ann. 514. XXIX. Hypace vaincu. i 1 i 1 1 < < 1 XXX. Cyrille •rpris. ' a 444 Histqihe ce & d'Ulyrie, tomba entre fes mains, & lui fut d'un grand fecours. II marcha vers Conftantinople en ravageant tout le pays. Hypace, neveu de l'Empereur, vint au-devant de lui k la tête de foixantecinq mille hommes. Cette armée fut mife en déroute. Hypace fut pris, chargé de chaïnes, & enfermé par dérifion dans une cage de fer, qu'on portoit a la fuite des troupes vidforieufes. Vitalien forca la longue muraille, & vint camper a 1'Hebdome. De-la, il étenJit fes quartiers dans 1'efpace de fept oulles, jufqu'a la porte dorée prés iu golfe de Céras; de forte que fon srmée bordoit toute la bafe du triande qu'occupe le terrein de Conftaninople entre la Propontide & le gol'e. II y demeura huit jours, pendant efquels Anaftafe ne celfa de lui faire lorter par Théodore , des paroles [u'il n'avoit pas deffein de tenir, quoi[u'il les confirmat par des ferments. Vitalien s'y laiffa tromper, & reprit 1 route de Méfie. A peine fut-iléloigné, qu'il apprit u'Anaftafe, ayant rallié fes troupes, voit mis Cyrille a leur tête. Le nou-  nu Bas-Empir.e. Liv. XXXIX. 445 veau Général alla chercher Vitalien au fond de la Thrace. II y eut une bataille fanglante, dont le fuccès fut douteux. Mais Cyrille ayant eu depuis 1'avantage en plufieurs rencontres , Vitalien fe retira vers le mont Hémus : & Cyrille, croyant la campagne finie, alla fe repofer h Odeffus. Plongé dans les plus infames débauches, il ne fongeoit qu'a fe divertir, lorfque Vitalien, après avoir corrompu , par argent, les foldats qui gardoient les portes, fe rapprocha pendant la nuit, entra dans la ville avec un détachement de fes troupes , furprit & égorgea Cyrille qu'il trouva couché entre deux femmes perdues. Les foldats de Cyrille fe donnerent a lui; il s'empara d'Odeffus & d'Anchiale , fit des courfes dans toute la Thrace, & jetta de nouveau 1'allarme dans Conftantinople. Les murmures du peuple, qui favorifoit Vitalien, intimiderent Anaftafe. Iffeignit de vouloir pacifier les troubles de 1'Eglife. Le Pape Hormifdas venoit de fuccéder a Symmaque; l'Empereur lui écrivit une lettre datée du 18 de Décembre 514, pour Anasta- se. Ann. 514. Ann. 51 j, XXXI. Anaftafe feint de vouloir rendre Ia paix a 1'Eglife.  Anasta- se. Ann. 5ij, XXXII. Vitalien approche de Conftantinople. ( J 44<5 H I S T 0 I R E 1'inviter k fe trouver a un Concile general qui fe tiendroit a Héraclce, oc dont il fixoit 1'ouverture au premier de JuiHet de 1'année fuivante. On y devoit terminer les conteftations qui divifoient 1'Eglife , & juger la caufe des Evêques dépoffédés. Ayant appns que Vitalien avoit, de ion coté, député au Pape,. il écrivit encore a Hormifdas le iz de Janvier fuivant, pour lui demander fa mediation ; & il fa envoya un des Patrices, qu'il chargea auffi d'une lettre pour le Sénat. II prioit cette compagnie d'engager le Pape a procurer la tranquillité de 1'Eglife & de PEmpire. Ce Prince artificieux fembloit defirer ardemment la paix, qu'il troubloit lui-même par fon attachement opiniatre a 1'héréfie, v7ltiiern' informé des démarches, d Anaftafe, le connoiffoit trop pour Ie fier a ces avances trompeufes. Sans 2n attendre le fuccès, i] fy mit en, :ampagne dès le mois de Mars, por-ant la défolation fur fon parlaer Jne flotte qu'il avoit équipée penlant lhyyer,.& qui n'étoit compoee que de petites barques, accom-  du Bas-Êmpire. Liv. XXXIX. 447 pagnoit fa marche fur la gauche, le long du rivage du Pont-Euxin & du Bofphore. Sa cavalerie vint infulter le fauxbourg de Syques , ravageant les environs, brülant les villages, enlevant les habitants, Pourmontrer le mépris qu'il faifoit des troupes d'Anaftafe, il fe contentoit de défarmer les foldats qu'il faifoit prifonniers , & les vendoit enfuite une obole par tête. II étabüt fon camp prés de la baie de Softhene fur le Bofphore , a deux lieues & demie de Conftantinople. Son defléin étoit de s'emparer de la ville du cöté de la mer, en forcant Pentrée du port. Anaftafe avoit fait venir d'Athenes le Philofophe Proclus : ce n'eft point le fameux Platonicien, dont il nous refte encore plufieurs ouvrages : il ne vivoit plus alors , étant mort vers 485. Celui dont il s'agit, étoit un Phyficien de même nom , auquel les Grecs attribuent en cette occafion des opérations merveiüeufes. Je les rapporterai fans m'en rendre garant. II raflura d'abord l'Empereur qui avoit perdu courage , & lui confeilla de raffembler tout ce A.NASTASE. Ann. 51;, XXXIIÏ. Invenion de Proclus.  Anasta- se. Ann. jij. i 1 < 448 Histoire qu'il avoit de troupes dans la ville & aux environs, de les embarquer, & de faire attaquer Vitalien. S'adreffant alors a Marin qui étoit préfent : Je vous mettrai entre les mains, lui ditil, de quoi anéandr la Jlotte ennemie. II fe fit en même-temps apporter une grande quantité de foufre vif; & après 1'avoir préparé & divifé en menues parcelles : Vous n'aure^ pas befoin d'autre fecours, ajouta-t-il; livrei le combat après le lever du foleil, & vous verrei réauire en cendres tous les vaijfeaux ou vos fieches porteront quelque partie de cette mattere. Marin, qui n'étoit pas homme de guerre, pria l Empereur de le faire accompagner de quelqu'un des Généraux. Anaftafe manda Patrice Ie Phrygien, & Jean, qui n'eft défigné que par la qualité de fils de Valériatie. II leur donna ordre de faire embarquer ce qu'on avoit aflembié de foldats, & d'aller chercher la flotte ïnnemie. Mais ces deux Officiers fe ettant aux pieds de PEhiperëur , le upplierent.de les difpenfer d'un em)loi, dont ils fe reconnoiflbient in:apables : Nous n'entendons rien aux ombats de mer, difoient-ils : nous ai-  du Bas-Empire. Liv. XXXIX. 449 mons mieux nous avilir nous-mêmes par cet aveu , que d'expofer, par une préfomption criminelle, le falut du Prince & de tEmpire. Cette fincérité généreufe, qui, au défaut de la capacité, eft la chofe du monde la plus eftimable, ne fit qu'irriter l'Empereur. Ce Prince, qui penfoit fans doute que la commiffion du Souverain donne le talent qu'elle exige, les chaffe de fa préfence avec indignation, & chargea Marin feul de 1'entreprife. Le Miniftre, devenu Général, raffembla dans le port tous les vaiffeaux & toutes les barques qui fe trouvoient difperfées, tant fur le golfe de Céras, que fur le Bofphore & fur le: cötes de la Propontide. II les garni de troupes , auxquelles il diftribu; cette matiere inflammable que lu avoit donnée Proclus, 8i il leur en feigna la maniere d'en faire ufage Vitalien, de fon cöté , fit embarque; les Runs Sc les Goths de fon armée & fit voile vers Conftantinople. Ma rin n'étoit pas encore forti du golfe en forte que les deux flottes fe ren contrerent entre le fauxbourg de Sy ques & la ville. Le combat commen Anasta- se. Ann. 515Ï XXXIV. Combat naval. I i 1  Anasta- SE. Ann. jij, i j 1 450 & i s t o i r e ca fur la troifieme heure du, jour , & Marin fut heureux d'avoir affaire a un ennemi fi peu expérimenté. Dès que Vitalien vit fes vaiffeaux en feu ilprit la fuite, & regagna fon camp! La plupart des barques embrafées fe firent echouer au rivage de Syques Les matelots & les foldats gagnerent Ja terre; mais il n'en échappa qu'un Petit nombre. On patïa tout le jonf a pourfuivre & k maffacrer ces heureux. Vitalien décampa la nuit fuivante, & fit tant de diligence, que Mann perdit 1'efpérance de 1'atteindrè le lendemain. Le vainqueur rentra Jans la ville au milieu des acclama:Jons de fes flatteurs, glorieus luineme d une victoire qui ne lui avoit >as coüté plus de peine qu'une pronenade fur le golfe. J'ignore ft cete invention de Proclus a quelque ■apport au feu Grégeois. Ge feroit a première fois qu'il parohroit dans mitoirc. On ne commenca d'en faire iiage que cent cinquante ans après, ous le regne de Conflantin Pogonat. >e qu il y a de certain, c'eft qu'il en-oit du foufre dans la compofition u feu Gregeois. Les Auteurs Grecs  du Bas-Empire. Liv.' XXXIX. 451 difent qu'il n'étoit pas befoin de met- '. tre le feu a la compofttio.n de Pro- 1 clus : & que le mouvement feul, joint f a 1'ardeur des rayons du foleil, fuffifoit pour 1'enflammer. Selon Zonare, ce fut par le moyen de miroirs ardents que la flotte de Vitalien fut embrafée. Proclus en \ avoit fait faire d'airain, & les avoit fufpendus aux murailles de Conftantinople vis-a-vis de la flotte ennemie. Ils opérerent le même effet que ceux d'Archimede avoient autrefois produit fur la flotte Romaine devant Syracufe, fi Pon veut en croire des Auteurs poftérieurs a Archimede de quatre cents ans : car les plus anciens & les plus graves Hiftoriens n'en parient pas. II feroit auffi très-poffible que ces prétendues inventions de Proclus fuflent controuvées par les Hiftoriens Grecs du moyen age , palftonnés pour le merveilleux : difpofttion très-voifine du menfonge. Cet événement n'eft rapporté que par Zonaras & par Malela. Ils ajoutent qu'aprés ce fervice important, Proclus demanda la permiffion de retourner k fon école d'Athenes; qu'il refufa lNASTASE, .nn. 515. XXXV. Miroirs rdenrsde 'rocius.  Anasta- SE. Ann. 'jij, XXXVI. Paix avec Titalien. i ] 1 J < I r c r y c p ri B di P' ta cc ch & Tl Ct( 452 H 1 S T O ƒ R E quatre cents livres d'or que l'Empereur lui ofFroit pour récompenfe, & qudrnourut peu de temps après. . Anchiale, fur Ia cöte du Pont-Euxm, entre Méfembrie & Apollonie, etoit la place d'armes de Vitalien S'y ïtant retiré après la perte de fa flotte, 1 y faifoit de nouveaux préparatifs ^Empereur, encore effrayé du péil qu il venoit de courir, réfolut d'ap- ƒ fut. II Iu, fit porter par desSénaeurs des propofitions d'accommodeïent Vitalien demandoit le rappel es Evêques , & Un Concile généal,auquel le Pape préfideroit, pour reformër tout ce qu'on avoit fait 5ntre 1 interet de 1'Eglife Catholique. our Ja furete de ces conditions , il l le contentoit pas du ferment de impereur, il exigeoit encore celui \ Senat ent.er, des Magiftrats & des incipaux dentre le peuple. Anaf'e, que cette défiance déshonoroit nfentit: a tout. Le traité fut coni. Vitahen fut comblé de préfents, dectare General des troupes de Ia |racequ ,1 avoit ravagée. Hypace >it detenu dans un chateau de la  du Bas-Empire. Liv. XXXIX. 453 Méfie; pendant le cours de la guerre, Vitalien avoit refufé de Péchanger contre un de les Lieutenants, nommé Uranius, quoiqu'on lui offritde retour onze cents livres d'or. La paix étant faite, fans qu'Anaftafe, qui craignoit les incidents, eut rien de ftipulé en faveur de fon neveu , Secondin, pere d'Hypace, obtint par fes prieres & par fes larmes la liberté de fon fils, pour la raneon duquel Vitalien fe contenta de quatre-vingt-dix livres d'or. II alla lui-même le tirer de fa prifon, & le renvoya a fon oncle. Ainfi fe termina cette guerre entreprife contre 1'efprit du chriftianifme, fous prétexte de défendre la Catholicité. Elle ne fut utile qu'au chef qui fit acheter la paix. La religion, loin d'y gagner, perdit le mérite de la foumilfion & de la patience chrétienne. Dès que la paix fut conclue, Anaf- : tafe chercha les moyens d'en éluder : les conditions. II avoit témoigné au t 1 Pape Hormifdas un grand defir d'ap- f paifer les troubles de 1'Eglife, & con- 1 voqué un Concile a Héraclée. Le Pape ' lui envoya cinq Légats chargés d'une p réponfe, dans laquelle, après avoir ] i A.SASTAS£. Kan. ÏXXVH. Anaftafe lude fes romef- :S. larc. chr. 'iel. Tuni Ennod. irantf. 'heoph. pi J7.I38 39.  Anasta- s e. Ann. 515. Anaft. p. 54; 5 5- Cedr, p. 360. Hifi. mi/c. /. 15. Cod. Juft. 1. 1. tit. 2. hg. iS. Sigon. lmp. Occid. I. 16. Baronius. Fieury , hifi Ecclcf. I. 51. art. 454 Histoire loué le deffein de l'Empereur, il lui mandoit qu'il étoit pret a fe rendre lui-même k Conftantinople, file Prince étoit vraiment réfolu de réparer les maux paffés, d'anathématifer les hérétiques , de recevoir le Concile de Chalcédoine , & de condamner Acace. L'inftruction que le Pape donna k fes Légats, eft un chef-d'oeuvre de politique chrétienne : toutes leurs démarches y font compaffées , toutes leurs paroles y font pefées avec une extréme fageffe. Théodoric fe joignit au Pape; & ce Prince Arien, mais généreux , voulut bien contribuer au rétabliflement de la concorde dans 1'Eglife Catholique. II envoya le Préfet de Rome, nommé Agapit, pour y exhorter Anaftafe. Le Sénat Romain chargea auffi les Légats d'une ettre, dans laquelle il reconnoiflbit -a fouveraineté de l'Empereur. J'en fi parlé dans 1'hiftoire du regne de Cénon. Cette compagnie rendoit ténoignage du zele dont le faint Pontife :toit animé pour la réunion. L'Eni^oyé de Théodoric fut le feul qui ie perdit pas fon temps auprès d'Alaftafe : il n'obtint rien pour la paix  nu Bas-Empire. Liv. XXXIX. 455 de 1'Eglife ; mais il conclut un traité par lequel ce Prince renoncoit a toute entreprife fur l'Italie. Le voyage des Légats fut entiérement inutile. L'Empereur, guidé par les confeils du Patriarche Timothée, ne cherchoit qu'a regagner- le peuple de Conftantinople. II y réuffit en paroiffant confentir a tout, excepté a la condamnatiorï d'Acace, dont la mémoire étoit chere au peuple. On lui fut bon gré de fon attachement a 1'honneur de ce Prélat. On blamoit, au contraire, Pinflexibilité du Pape & de fes Légats. Le Prince lés amufa de belles paroles : il les retint jufqu'a-Pété fuiva'nt, en les traitant toujours avec honneur; &'pour marquer davantage la fincérité de fes fentiments , il les fit accompagner a leur; retour par Théópompé, Comte des domeffiques, & par Sévérien , Confeiller d'Etat. Ces deux députés portoient au Pape de la part de l'Empereur, une profeffion de foi trés-orthodoxe : mais ils demandoient en même-temps,que, pour éviter le feandale, la mémoire d'Acace fut épargnée. Cette demande étoit jettée éxprès pour rompre la né- Anasta* SE. Ann. 515,'  Anasta. se. Ann. 515 XXXVII II recom. mence ; perfécuter les tholiques 456 fllSTOIRE gociation. Auffi le Pape , convaincu de la duplicité d'Anaftafe, rehvoya les députés fans rien conclure. [ Une feconde légation du Pape neut pas un plus heureux fuccès. Anafta' le, après avoir en vain tenté de corrompre les Légats, les congédia avec • défenfe d'entrer dans aucune ville. Ayant appris qu'ils avoient répandu des proteftations dans les Provinces, il rompit ouvertement avec le Pape; comme on lui repréfentoit que par cette conduite, il violoit le ferment qu'il avoit fait a Vitalien, ce fut a cette occafion qu'il répondit, que les maximes d'Etat difpenfoient un Prince de tenir fa parole, füt-elle confirmée par un ferment. Pour acheyer de gagner le peuple de Conftantinople , il fonda un revenu de foixante-dix livres d'or qui devoient être employées aux fraix des enterrements; en forte qu'il n'en coütat rien aux particuliers. Croyant alors pouvoir lever le mafque fans aucun danger, il congédia deux cents Evêques, qui s'étoient déja rendus a Héraclée pour le Concile. II fit venir k Conftantinople les principaux Evêques  bu Bas-Empire. Liv. XXXIX. 457 ques Catholiques d'Illyrie; les mauvais traitements qu'ils y reeurent, révolterent leurs collegues , qui , au nombre de quarante, renoncerent a la communion de Dorothée , Evêque de Theffalonique, leur métropolitain, & s'unirent au Pape. Les violences recommencerenl de toutes parts. Sévere, Patriarche d'Antioche, fuivi d'une troupe de fcélérats , attaqua un grand nombre de Moines de Syrië, qui étoient en chemin pour fe rendre a un monaltere, oü ils devoient délibérer fur Pétat de 1'Eglife. On en tua trois cents cinquante ; on en bleffa plufieurs; on les pourfuivitjufques dans les Eglifes oü ils fe réfugioient. En vain ceux qui échapperent de ce carnage , porterent leurs plaintes a l'Empereur;ils en furent rebutés avec mépris, lis s'adrefTerent au Pape, qui ne put leur envoyer que des confolations. C'eft ainli que ce Prince qui fe vantoit d'épargner le fang des Catholiques , le prodigüoit en effet par la liberté qu'il donnoit de le verfer impunément. Ariadne mourut au milieu de ces êroubles. Quoique cette Princeffe fut Tome VIII. V, Anasta- s e. Ann. 515. XXXIX. Mort d'Ariadne.  Anasta- s e. Ann. 515. Mare. chr. V,a. Tan. Theoph. p. Evag. I. 3. c. 43. Cedr. p, 361. Malela, p. 42 , 44" i 1 I < ] < < Ann. 516. ] XL. ( Sigifmond , 45$ II E S T O i R E déréglée dans fes mceurs, elle demeura toujours attachée a la doctrine Catholique, dont elle avoit recu les inftriiöions dans le palais de l'Empereur Léon fon pere. Souvent elle avoit traverféles mauvais delfeins des deux Princes, qu'elle époufa fucceffivement. Elle étoit fecondée dans fes bonnes intentions par Magna , fceur d'Anaftafe, par fon neveu Pompée , & par Anaftafie, femme de ce dernier. Mais 1'affeöion pour le parti d'Eutychès Pemportoit dans le coeur du Prince, fur celle qu'il avoit pour fa familie. Ariadne, qui avoit époué Zénon en 468 , devoit avoir en/iron foixante-cinq ans , lorfqu'elle nourut en 515. Cette même année a ville de Rhodes fut renverfée par in tremblement de terre. C'étoit, lepuis fa fondation, la troifieme fois ju'elle éprouvoit ce malheur. Pour a rel ever de fes ruines, Anaftafe fit liftribuer une fomme d'argent k ce [tri reftoit d'habitants. Depuis long-temps, les Rois des iourguignons fe faifoient honneur ies titres de dignité qu'ils recevoient es Empereurs. Gondiac avoit porté  do Bas-Empirb. Liv. XXXIX. 459 celui de Maitre de la milice. Ses quatre fils avoient hérité de ce titre. Gondebaud , qui rella le dernier, étant mort en 516, fon fils Sigifmond députa un de fes Officiers a l'Empereur, pour lui notifier fon avénement a la couronne, & lui demander fa bienveillance. Théodoric, qui avoit alors quelque fujet de querelle avec Sigifmond, quoique ce Prince fut fon gendre, refufa le paffage au député. Anaftafe prévint le nouveau Roi; il lui confirma les dignités qu'il lui avoit déja conférées du vivant de fon pere, & en ajouta de nouvelles. Sigifmond, dans fes lettres, fe déclare Officier de l'Empereur ; il parle même comme fujet de 1'Empire : on lui donne les qualités de Patrice & de Comte des largeffes. Anaftafe n'avoit accordé a Vitalien le commandement des troupes de Thrace, que pour fatisfaire le peuple de Conftantinople, qui chériffoit ee Général. Lorfqu'il crut FafFection publique refroidie , il lui öta cette charge pour la donner a Rufin. Vitalien n'en murmura pas, & parut embraiTer volontiers le repos d'une vie V ii ANAS TASE.Ann. ; 16'. Roi des Bourgui*nons , Officier de 1'Empire. Valef. rer. Fr. I. 7. Till.Anafa art, 23. XLT. Liberté d'un Evêjue. Mare. chr. Cedr. p. J61. Niceph. Ca/U.it. :. 3S.  Anasta- SE. Ann. 516 4Ö0 III S T O I R E privée. On rapporte a ce même temps une lecon hardie, qu'un Evêque fit a l'Empereur. Anaftafe croyoit être grand Théologien , & les flatteri&s du parti nourriffbient en lui cette ridicule préfomption» 11 entendit parler d'un Evêque Cafholique, nommé Eniande, comme d'un homme invincible dans la difpute. II le fit venir, & fe mit en devoir de le convaincre, ajoutant a fes raifons des promefles, qu'il favoit par expérience être encore plus perfuafives. Eniande, après Favoir écouté , lui dit avec courage : >i Prince, ce n'eft pas votre Ma» jefté que je viens d'entendre; c'eft » Eutychès, Diofcore & Sévere. II »» n'eft pas befoin de leur répondre : » ils ont été cent fois confondus. •» Cette pourpre impériale dont vous » êtes revêtu., donne ici de la force »> a vos paroles ; mais vous ne la » porterez pas au tribunal du fouw verain Juge : votre foi y paroitra »> toute nue. Vous 1'avez laiffé cor»> rompre par 1'impofture : inftruifezw vous ï fongez que vous êtes Em»> pereur, & non pas Evêque. Vo« tre fonèion eft d'écouter & de pro-  du Bas-Empire. Liv. XXXIX. 461 » téger 1'Eglife que Jefus-Chrilt a ra» chetée par fon fang : c'eft le répan» dre de nouveau que de la perlé» cuter ". L'Empereur confus, tacha de couvrir fon embarras par une affectation de douceur. II offrit au Prélat une fomme d'argent confidérable-. Eniande, quoique fort pauvre, fe retira fans vouloir rien accepten. Le peuple d'Alexandrie n'étoit occupé depuis Diofcore que de difputes de religion. Le parti d'Eutychès dominoit dans la ville; les fuccefleurs de Pierre Mongus s'étoient toujours mis a la tête , & les Magiftrats dévoués aux volontés du Prince, le foutenoient avec chaleur. Les Catholiques n'en montroient pas moins a défendre la vérité;,& Pefprit de mutinerie , naturel aux. Alexandrins, aigriffoit les conteftations.. Cette animofité mutuelle éclata Pan 517, au fujet de la mort du Patriarche Jean Nicéote. Les Magiftrats, par ordre d'Anaftafe, placerent fur le liege épifcopal Diofcore , coufin de Timothée Elure. Une ordination fi peu réguliere révolta les habitants de la campagne : il accoururent en grand nomY iij Anasïa- se. Ann. 516» Ann. 517. XLII. Sédition d'Alexandrie. Theoph. p. 139. 140Anaft. P. Malela, p. 4i. Fleury , hift.Ecdef. /. 31. art. 29.  Anasta- SB. Ann, 517. ! i .1 1 j J ( 1 462 filSTÖlRE bre, criant qu'on fouloit aux pieds les faints canons; qu'ils ne pouvoient reconnoitre pour Patriarche , qu'un homme élu dans la ville par les Evêques d'Egypte. Pour appaifer ces clameurs, Diofcore fe fit élire & ordonner de nouveau par le Clergé d'Alexandrie. Théodofe, Préfet d'Égypte, fils du Patrice Calliopius, & Acace, Commandant des troupes, affiftoient k cette cérémonie. Le Préfet voulant haranguer 1'afTemblée , débuta par un éloge de l'Empereur. Auffi-töt une foule de peuple 1'interrompt, on 1'accable d'injures; les plus ludacieux montent a la tribune ou il étoit, fe faififfent de fon fils qui itoitafiis auprès de lui, le jettent en aas, & le maflacrent. Acace, k la tête les foldats, diffipe les féditieux, ar•ête les plus mutins, & les fait pufir de mort. L'Empereur, informé ie ce défordre, fe préparoit a chatier eyérement toute Ia ville. Diofcore 'étant tranfporté a Conftantinople, e fit un mérite d'appaifer fa colere. Aais bientöt le peuple, aigri par le hStiment, s'en vengea fur Théodofe néme. L'huile manqua dans la ville;  nu Bas-Empire. Liv. XXXIX. 463 c'étoit alors une des néceflités de la vie, paree que 1'huile étoit d'un grand ufage pour les bains. La fureur fe rallume ; Théodofe eft mafTacré ; & cette fédition fe termina comme la première par la mort des plus coupables. Les troubles de 1'Empire attiroient les barbares. Une nuée de peuples inconnus paffa le Danube, défit prés d'Andrinople Pompée, ne veu de l'Empereur, ravagea la Macédoine, & pénétra dans la Theffalie, d'un cöté, jufqu'aux Thermopyles, de Pautre, jufqu'aux frontieres de 1'Epire. Comme ils trainoient a leur fuite une multitude de prifonniers ; Anaftafe envoya mille livres d'or a Jean, Préfet d'Illyrie, pour les racheter. Mais cette fomme ne fuffifant pas, les barbares en retinrent un grand nombre qui ne revirent jamais leur patrie; ils en égorgerent plufieurs a la vue des villes qui refuïoient de leur 011vrir leurs portes. Timothée, Patriarche de Conftantinople , étant mort, eut pour fucceffeur Jean le Cappadocien. QuoiqueSyncelle de Timothée, Jean étoit Catholique dans Is. coeur ; ' V iy Anasta- SE. Ann. 517. XLIII. IrruptioTX des barbares. Mare. chr. Vicz. Tun. Jorn. fuc«f. mm. dipt. Leod, P. 6. Du Cangc, Fam. Byz. Pagi ^d Bar.  AtJ-ASTASE. Ann, 517, Ann. 51S. XLIV. Horrible ïremble«ïent de terre en Dardanie. Mare, chr. AH H 1 S T 0 I R E mais l'Empereur ne permit fon elevatiën , qu'après 1'avoir obligé de foufcrire la condamnation du Concile de Chalcédoine. Anaftafe , Conful cette année avec Agapit, ne doit pas être confondu avec TEmpereur. II en étoit le petit-neveu , fils de Pompée. On conferve encore deux diptyques de fon Confulat, 1'un a Bourges, 1'autre a Liege. Agapit eft ce Préfet de Rome que Théodoric avoit envoyé è Conftantinople. La Dardanie, qui faifoit partie de l'Illyrie, s'étendant depuis Ia Méfie fupérieure jufqu'au mont Haemus , venoit de voir fes campagnes défolées par les barbares. Ses places, qui avoit feryi de retraite aux habitants, furent détruites 1'année fuivante par un tremblement de terre le plus épouyantable dont 1'hiftoire fafle mention. De vingt-quatre, tant villes que bourgades ou forterefTes, deux furent entiérement abymées, & les autres ruinées en grande partie; Scuoes, capitale de la Province, fut dérruite toute entiere: il n'y périt perfonne, paree qu'elle étoit abandonlée dès 1'année précédente. La terre  nu Bas-Empire. Liv. XXXIX. 465 s''Ouvrit , & il en fortit des étincelles tk des flammes, comme d'une fournaife ardentë. Ce gouffre , large de douze pieds, tk d'une immenfe profondeur, s'étendoit 1'efpace de dix lieues. Sur toute cette lifiere , les montagnes fe fendirent, les rochers, les arbres des forêts, les édiflces furent engloutis dans cet abyme, qui nefe referma qu'après plufieurs jours. L'Empereur, agé de quatre vingtfept ans accomplis, avoit confervé fa fanté & fa force. II s'occupoit alors a enfermer d'une enceinte Mélitine , capitale de la petite Arménie. Cette ville voiline de 1'Euphrate s'étoit , ainll que plufieurs autres , formée d'un camp Romain. ■ Augufte avoit placé en ce pofte une légion, pour garder la frontiere de Cappadoce, Trajan y fit batir; ee lieu fe peupla peu-a-peu, tk devint enfin la principale habitation de la contrée, qu'or nommoit alors 1'Arménie mineure Mais la ville n'avoit point encore d* murailles. Anaftafe entreprit cet ouvrage , qui fut interrompu par f mort, mais achevé dans la fuite pa Juftinien. Une confpitation vraie 01 V v Anasta.- se. Ann. ;iS. XLV. Dernieres aflions d'Anaftafe- Proc. xiif. I. 3. c. 4. Zon. p. 57- Cedr. p. 362. Ir,t  Anasta- se. A.nn. 518, XL VI. Mort d'Anaftafe.Anon. Valef. Mare. chr. na. Tun. Evag. I, 3, c 43- Theoph.p, J4t. Conc. t. ir.p.36<. Zon. p. 57- Anaft. p, lom. fue«ff. 1 Theod. I. i 1.2. , Cedren, p. 362, 363. '( JManaffes, l f. 61 , 62. j Joel. p. , .172. »« 4Ö<5 Hl S T 0 I R E fuppofée, caufa Ia mort de plufieurs Officiers du palais. On conjecture que ce n'étoit qu'un prétexte pour perdre ceux qu'on favoit être les plus attachés a la doctrine Catholique. Juftin & Juftinien furent accufés, mis en prifon , & coururent un grand rifque: pais ils trouverent les moyens de fe juftifier, & furent élargis. \ La Providence les réfervoit pour réparer les maux qu'Anaftafe avoit caufés a 1'Empire & k 1'Eglife. Ce Prince, après un regne de 27 ans & prés de trois mois, mourut le premier de Juillet. Sa mort efl diverfement racontée. Quelques Hiftoriens difent_ fimplement qu'il mourut de maladie. D'autres ajoutent, que, par punition divine, il tomba en démence quelque temps avant fa mort. Mais :et accident n'auroit rien de mira:uleux dans un vieillard prefque nolagénaire. Selon d'autres , on lui ivoit prédit qu'il feroit tué par le onnerre. Pour éviter ce malheur, >n avoit conltruit, par fes ordres, ne voute fouterreine qu'il croyoit npénétrable, & 1'on avoit conduit es canaux de la citerne du palais dans  du Bas-Empire. Liv. XXXIX. 467 töus les appartements pour éteindre Pincendie. Un grand orage étant furvenu, mêlé d'éclairs tk de tonnerres efFrayants , le Prince , abandonné de fes Officiers, fut tué d'un coup de foudre, comme il cherchoit a gagner fa retraite. Ses obfeques ne furent remarquables que par les infultes du peuple. II fut inhumé fans aucun appareil auprès de fa femme Ariadne, qui lui avoit donné 1'Empire, pour lequel il n'étoit pas né , tk dont il auroit été 1'opprobre, s'il n'eüt aboli le chryfargyre. Cette feule action demande grace a la poftérité, pour une grande partie de fes vices. Quelques Auteurs lui donnent quatre-vingt-dix années de vie : fuivant 1'opinion la plus commune, il étoit dans fa quatre-vingt-huitieme» Lorfque fon fucceffeur eut rendu la paix k 1'Eglife y fon nom fut effacé des diptyques ; 6c le Pape Nicolas premier, écrivant k l'Empereur Michel III, le met au rang, des perfécuteurs de la foi avec Néron v Dioclétien & Conifance» On dit que fous le regne d'Anaftafe, en creufant le terrein de 1'Eglife de Saint-Ménas , dans la citadelle de Conftantir v vi Anasta.- se. Ann. 51S. Cod. orig, p. iS, 6a. Jofué Stylites , apud Affcmani. Pagi ad Sar. Band. Imp, Or. t. I. p. io, 27. TUI. Anajl. art% aó.  Anasta- s e. Ann. jiS, 4<58 H I S T O I R E, Q?c. nople, on découvrit une grande fofïe qui renfermöit quantité d'os de géants, & que l'Empereur les fit tranfporter dans le palais.  4&> SOMMAIRE D V LIVRE QUARANTIEM E. IJST Empereur. II. Son caractere. ÏJI. Jujlinien, ntveu de Juftin. IV. Femme de Juftin. V. Jujlin fe déclare pour les Catholiques. VI. 11 travaille d la réconciliation avec 1'Eglife Romaine. Vil. Succes de cette affaire, vin. Expulfion de Sévere. IX. Rétabliffement de la paix dans 1'Eglife de l'Orient. X. Mort d'Amanlius & de fes complices. XI. Affafftnat de Vitalien. XII. Affreux défordres caufés par les faclions du cirque. XIII. Punition des faclieux. XIV. Confulat de Jujlinien. 'XV. Zathius, Roi des La^es, regoit la couronne de Jujlinien. XVI. Cabade en ejl irrité. XVII. Perfidie de Ziligdespunie. XVIII. Cabade propofe d Juf in £ adapter Chofroês. XIX. Confeil de Proclus. XX. Conférence entre les Romains & les Perfes. XXI. Difgrace des députés. XXII. Manichéens majfacrés en Perfe. XXIII, Loi de Juf in contre les  47° Sommaire du Liv. XL'. hérétiques. xxiv. Gurgene, Roi dlbirie , Je met fous la proteclion de Juftin. xxv. Les Perfes s'emparent de l'lbérie. xxvi. Commencements de Eélifaire. XXVii. Guerre des Etiopiens & des Hamérites. xxviii. Cruautés de Dunaan, Roi des Homérites. xxix. Hardieffe d'un Sarafin. XXX. Elisbaan, Roi d'Ethiopië , rétablit Le chrifiianifime che^ Les Homérites. xxxi. BrouilLeries de Jufiin & de Théodoric, au fujet des Ariens. xxxil. Mort de Boèce & de Symmaque. xxxiii. Conduite & mort du Pape Jean. xxxiv. Defiruclions & réparations de villes. XXXV. Incendie & tremblement de terre d Antioche. XXXVI. Jufiin rétablit cette ville. XXXVll. Mort de Théodoric. xxxviii. Gouvernement d'Amalafonte. XXXIX. Athalaric reconnu Roi par l'Italie & par Jufiin. XL. Jujlinien Augufie, XU, Mort de Jufiin.  HISTOIRE D U BA SE MP IR E. LIVRE QU A R AN T IE ME. JUSTIN. ANASTASE laiffoit trois neveux, qu'il avoit comblés de richefles, honorés des premières dignités, alliés par des mariages aux plus nobles mailons de 1'Empire. Mais au milieu de cet éclat ëmprunté, leurs qualités perionnelles leur donnoient fi peu de confidération, qu'ils auroient eu be- JUSTIN- Ann. 51S. I. lult in En» ïereur. Evag. I. 4,' >; 1,2. Proc. VanA. I, ll •• 9» 471  Justin. Ann. 513. Idem. di eedif. I. 4. c. i. Idem, hifi. are. e. 6 , 9. fi. ibi Alam. Theoph. p. 141. Anafiaf. p. 56. Chr. Alex. Jorn. fucceff. Mare. chr. Viel. Tan. Zon. 1.11. p. 58. Manajf. p. 63 , 64. Cedr. p. 363. Joel, p. 17a. Malda, p. 46. Cod. orig. p. 19. Baronius. Pagi ad 'Bar. Valef. rer. Fr. I. 7. Du Cange fam. Byr. p. Of. 472 HlSTOIRE foin de trouver, comme leur oncley. une Ariadne, qui les portat fur le tröne. Leur ambition ne leur attira ni partifans, ni même 1'honneur dangereux de donner de la jaloufie ou de 1'inquiétude au fuccelTeur : ce ne fut qu'au bout de quatorze ans, que le peuple foulevé contre Jufiinien ie rappella le fouvenir de ces Princes, & caufa leur perte. Les Souverains, tels qu'Anaffafe , confondent leur maifon avec 1'Etat, & lailfent leurs principaux domeftiques difpofer des affaires de 1'Empire. Amantius, grandChambellan, avoit tant de pouvoir, que ne fe croyant exclus du tröne que paree qu'il étoit eunuque , il entreprit d'y placer une de fes créatures , qui s'ap^ pelloit Théocrite, fous le nom duquel il comptoit régner. II s'adrefTa donc a Jufiin, Capitaine de la garde , & lui confia une grande fomme d'argent, pour acheter a Théocrite les fuffrages des foldats & du peuple. II croyoit Juftin affez accrédité, pour travailler avec fuccès en faveur d'un autre ; mais tröp peu pour abufer de cette confiance en fe . recommandant luimême. Amantius fe trompa. Juftin,  du Bas-Empjre. Liv. XL. 473 malgré fon éducation groffiere, avoit toute la foupleffe & la rufe d'un courtifan délié; ce n'étoit pas fans doute fa feule bravoure, qui, de la charme, 1'avoit fait parvenir au commandement de la garde impériale. II diftribua en fon propre nom 1'argent d'Amantius; & fa grande réputation dan: les armées, foutenue de ces largeffes lui gagna auffi-töt le cceur & des foldats & du peuple & du Sénat, don il étoit membre. II fut proclamé Empereur le neuvieme de Juillet. Ui nommé Jean, dont on ne fait que 1 nom , eut auffi quelques partifans qu le revêtirent de la pourpre ; mais c fantöme tomba de lui-même. Jufti ne daigna pas le pourfuivre férieufe ment. Toutefois, felon la mauvail politique de ce temps-la, pour öte toute efpérance a ce foible conciu rent, il lefit deux ans après facrer Ev< que d'Héraclée en Thrace. La dévc tion de Juftin n'étoit pas fcrupuleuftil effaya de couvrir la haffelle de i naiffance, en prenant ie nom d'Anici Peut-être s'étoit-il déja fait adopte dans cette illuftre familie, avant qu d'être Empereur. II voulutmême a Justin. Ann. 518. Spanhcun de ufü O pr&Jl. nam. t. II. p. Lucianus in To.xjrit i i 1 e r » a r  Justin. Ann. 51S. II. Son cara frere. I 474 Histoire cher Parrifïce dont il s'étoit fervi pour s'élever k 1'Empire. On voit par les lettres refpecïives de Juftin & du Pape Hormifdas, que le Prince tachoit de perfuader qu'on lui avoit fait violence; & que le Pontife feignoit au moins de le croire. Juftin étoit d'une taille au-defTus de la médiocre; fon extérieur annoncoit un tempérament robufte; il avoit le vifage large, & haut en couleur, les traits réguliers , le regard fier, la mine guerriere. L'age de foixantehuit ans, étoit pour lui un nouveau titre de recommandation. Les Romains Orientaux craignant les malheurs qu'ils avoient éprouvés fous les regnes d'Arcadius & de Théodofe II, qui étoient montés jeunes fur le tröne, fembloient être déterminés a n'y placer que des vieillards. Les quatre derniers Empereurs avoient commencé fort tard a régner; & nous verrons :elui-ci fe déterminer , avec. peine, i prendre pour collegue fon neveu, 3arce qu'il n'étoit agé que d'environ quarante ans. Juftin,ignorant jufqu'a ie favoir ni lire ni écrire , fe fervoit jour figner fon nom d'une lame d'or,  nu Bjs-Empis.e. Liv. XL. 475 pareille a celle dont j'ai parlé dans Fhiftoire de Théodoric. Concentré jufqu'alors dans le militaire, il étoit peu au fait des affaires politiques; mais il pofTédoit la fcience propre des Princes, celle qui, chez eux, fupplée k toutes les autres, le grand art de connoitre les hommes & de mettre en oeuvre leurs talents. II fe guidoit par les lumieres de fon Quefleur Proclus. Cet Officier fecondoit, par fon intégrité, les bonnes intentions de fon maitre , & le remplagoit par fa capacité. Un tel miniftre convenoit a un Prince d'un efprit droit & d'un cceur généreux. On raconte de Juftin un trait mémorable , qui, dans un fiecle groffier & corrompu, retracoit 1'heureufe fimplicité des mceurs antiques. Eulalius, après avoir été fort riche, étoit devenu extrêmement pauvre. Se voyant prêt de mourir , il inftitua l'Empereur fon hériter: il laiffoit trois filles en bas age; outre qu'il chargeoit le Prince de les faire élever & de les doter , il le prioit encore d'acquitter fes dettes. Jultin fe regardant comme le pere de fes fujets, accepta la fucceffion: il remplit avec fïdélité toutei Justin. Ann. 518.  Justin, Ann. jiS. III. Ji:ftinien, neveu de Juflin. ] < i ) i I a t: F È c 4"Ó HlSTOIHE les conditions du teftament. On admira également la confiance naïve du fujet, & la noble générofité du Prince; & la Grece fe crut pour un moment ramenée a ces jours heureux, oü Corinthe avoit vu faire & accepter comme un legs précieux une pareille donation teftamentaire. Juftinien, neveu de l'Empereur, partageoit les foins du gouvernement, II avoit trente-cinq ans lorique Juftin parvint k 1'Empire. II étoit né k Tauréfium, bourgade de Dardanie, voiiine de Bédériane, patrie de fon onde. II portoit dans fon pays le nom PUprauda. Son pere fe nommoit iftok, & fa mere Bigléniffe, noms barbares que les Romains traduiiirent ?ar ceux de Juftinien, de Sabbatius 5c de Vigilantia. Lorfque Juftinien ut Empereur, il fit de Tauréfium une 'die, qui prit le nom de Tetrapyr;je a caufe de fes quatre tours. Aurès de cette ville,'il en fit bfuir une utre qu'il nomma, la première Jufnienne, & qui devint capitale de la rovince, & réfidence du Primat d'Ilfrie, Son enceinte qui étoit fort étenue, renferma tout ce qui peut con-  du Bas-Empire. Liv. XL. 477 tribuer a la fplendeur d'une cité principale; des Eglifes magnifiques, des aqueducs, de iirperbes édifices, de vaftes portiques, des places, des fontaines, de larges rues , des bains publics. Elle fut bientöt peuplée d'une multitude d'habitants. Juftinien , pour honorer Bédériane, oü fon oncle déja avancé dans les emplois militaires , lui avoit procuré une éducation meilleure que celle qu'il avoit lui-même recue, la rebatit toute entiere, &y ajouta des fortifications. 11 rétablit Ulpiane qui tomboit en ruine, tk la nomma, la feconde Juftinienne: a peu de diftance , il batit encore Juftinopolis, en mémoire de fon oncle; tk. pour mettre cette Province a couvert des incurfions des barbares, non-feulement il borda le Danube de forts & de chateaux dans toute la longueur de fon cours, mais même il fit conftruire dans les campagnes des redoutes fort proches 1'une de 1'autre , pour fervir de défenfe aux habitans du voifinage , fuppofé que les barbares vinffent a bout de pafTer le Danube par force ou par furprife. Ainfi 1'élévation d'une familie obfcure fit la fü- JUSTIN. Ann, 518  Justin. Ann. ; i S. IV. Femme de Juflin, 4?8 B/STOIS.E reté & I'ornement de cette contrée, expofée auparavant a tant de ravages, & prefque déferte. La femme de Juftin fe nommoit Lupicine. Elle étoit née chez les barbares. Juftin , dans les premières années de fon fervice, 1'avoit achetée comme efclave, & en avoit fait fa concubine. C'étoit le nom que portoient ces femmes du fecond rang , dont le mariage étoit conforme aux regies de 1'Eglife, quoique les loix Romaines leur refufaffent le titre d'époufes. Son mari devenu Empereur la fit couronner, 8c dans les acclamations du peuple on lui donna le nom iVEuphemia, qu'elle retint, en y ajoutant ceux A'JtlUa Marcia, pour s'ennoblir davantage. Mais ces beauxnoms ne corrigeoient pas le caraftere ruftique 8c groffier qu'elle tenoit de fa naiffance , 8c qui n'avoit pu fe polir a la fuite de fon mari dans les armées. Elle eut du moins la difcrétion de ne fe point meier des affaires d'Etat, &c la prudence de s'oppofer, tant qu'elle vécut, au mariage de Juftinien avec Théodora, dont nous parierons dans la fuite. Elle mourut avant Juftin, fans  du Das-Empire. Liv. XL. 479 lui laiffer de poftérité. Flattée de la conformité du nom, elle fit batir k Conftantinople une Eglife en 1'honneur de Sainte Euphémie; on placa dans cette Eglife une ftatue de 1'Impératrice : elle y fut enterrée après fa mort. L'Empire étoit tranquille au-dehors. Mais 1'opiniatreté d'Anaftafe a favorifer 1'héréfie d'Eutychès, avoit allumé le feu de la difcorde dans la capitale & dans les Provinces. Juftin fe propofa de 1'éteindre. H falloit pour cet effet réunir les efprits des Orientaux au fujet du Concile de Chalcédoine , accepté des uns, rejetté des autres , & réconcilier les Eglifes de Rome & de Conftantinople , féparées de communion depuis la fentence prononcée contre Acace par le Pape Félix , il y avoit trentequatre ans. L'Empereur, zélé pour la doctrine Catholique , fongea d'abord a la rendre triomphante. L'entreprife n'étoit pas difficile, fur-tout a Conftantinople, ou le Patriarche & la plus grande partie du peuple n'attendoient qu'un moment de liberté pour profcrire 1'héréfie. Le Dimanche Justin. Ann. 518. V. Juftin fe déclare pour les Catholiques. Liberat. c. 19. Cod. Jufl. I. 1. tit. ;. leg. 12. Malela, p. 46. Zon.p. 58, Sigon. Imp. Occ. I, 16. Baronius. Pagi ad Bar. Fleury , hifi. ecclef. I- 31. art. 34 Gr fuiv.  Justin. fVnn. 51S 480 E I S T. O IR E quinzieme de Juillet, fept jours après la proclamation . de l'Empereur, ce 1 Prince s'étant rendu a la grande Eglife , fut falué par les acclamations du peuple, qui fouhaitoit une longue vie a l'Empereur 8c a 1'Impératrice, les nommant le nouveau Conjlantin & la nouvelle Hélene. On demanda enfuite d'une voix unanime que l'Empereur fit ceffer le. fchifme qui divifoit 1'Eglife de Conftantinople depuis 1'injufte dépofttion de Macédonius; qu'il chaffat d'Antioche 1'impie Sévere; que le Patriarche déclarat qu'il recevoit le Concile de Chalcédoine ; 8c qu'on flétrit la mémoire des Manichéens : c'étoit Anaftafe qu'on défignoit fous ce nom odieux. On demandoit même que les cadavres des Manichéens fuifent exhumés 8c privés de fépulture. Alors Jean de Cappadoce, qui, fous le dernier regne, étoit demeuré dans le filence , monta dans la tribune , 8c protefta. de fa foumiffton auxquatre Conciles généraux, 8c nommément a celui de Chalcédoine. A ces paroles, le peuple renouvella fes acclamations; mais il exigea de plus, que le Patriarche. dit anathême  nu Bjs-Empiae. Liv. XL. 481 k Sévere, & que pour réparer les infultes faitesau faint Concile, & pour lui rendre un hommage éclatant, on en célébrat une fête iblemnelle. Le Patriarche prononca Fanathême fur le champ; & dès le lendemain on fit la fête du concile de Chalcédoine , que 1'on folemnife encore aujourd'hui dans 1'Eglife Grecque. Le peuple, plus nombreux même que la veille, commenca par demander hautement qu'on rapportat a Conftantinople les os d'Euphémius & de Macédonius; qu'on inlérat leur nom dans les diptyques , ainfi que celui du Pape Saint Léon, &c la mémoire du concile de Chalcédoine ; qu'on rappellat les Evêques exilés pour la foi, &c qu'on chafiat du palais Amantius, le perfécuteur desOrthodoxes. Le Patriarche leur reprélenta , que, pour procéder canoniquement, il falloit affembler un fynode : mais le peuple redoubla fes cris, & ne permit pas de commencer le faint Sacrifice, qu'on n'eüt inféré dans les diptyques ce qu'il defiroit. Quatre jours après, le Patriarche affembla les Evêques, qui fe trouvoient pour lors a Conftantinople au nombre de quaTomt Vlll. X JustinInn. 5ito  Justin. Ann. 518, VI. II travail- le a la ré- '. concilia- ■ tion avec 1 1'Eglife i Romair.e. ! 482 HlSTOIRE rante. Ils confirmerent authentiquement ce que le peuple avoit exigé. Cependant les hérétiques faifoient leurs eiTorts, pour perdre les Catholiques dans Fefpr.it du nouveau Prince , en les accufant de Neflorianifme, felon leur artifice ordinaire : mais Juftin ne prit pas le change; après d'exactes informations, il fit publier un édit qui ordonnoit la foumifTion au concile , le rappel des Evêques orthodoxes, & Pexpulfion des intrus. Par un fecond édit, il défendit aux hérétiques d'exercer aucune charge publique , & il les excfut du fervice militaire. Ces ordres du Souverain changerent toute la face de POrient. La liberté étant rendue, on tenoit de toutes parts des conciles, oü Ia vérité auparavant abattue par les intrigues Sc par les violences de Perreur, fe relevoit avec gloire. Après avoir fi heureufement commencé la réunion des Eglifes d'Orient, 'Empereur s'occupa du fecond objet, :'eft-a-dire, de la réconciliation avec 'Eglife Romaine. Le premier d'Aout, 1 écrivit au Pape Hormifdas, pour lui srnoncer fon avénement a 1'Empire :  du Bas-Empire. Liv. XL. 483 il lui demandoit 1'affiftance de fes prieres. Le Pape lui répondit, en 1'exhortant a procurer a 1'Eglife une paix univerfelle. Par une feconde lettre datée du feptieme de Septembre, l'Empereur prioit le Pape d'envoyer des Légats pour travailler a la réunion. Cette lettre étoit accompagnée de deux autres , 1'une de Juftinien , 1'autre du fynode de Conftantinople. Elles furent portées a Rome par Gratus, Comte du coniiftoire. A fon arrivée, Hormifdas affembla un fynode pour délibérer fur les propolitions des Orientaux. Quoique le Pape defirat fincérement la paix, il déclara qu'il n'accorderoit fa communion a Jean de Conftantinople, qu'après que celuici auroit condamné la mémoire d'Acace. II exigeoit même qu'on effacat des diptyques les noms d'Euphémius & de Macédonius, paree que ces Prélats , quoiqu'irréprochables dans la foi, avoient perlifté a conferver dans les diptyques le nom d'Acace; ce qui étoit, felon le Pape, un ménagement criminel, & une forte de cóllulion avec les hérétiques. C'étoit 1'article le plus délicat. ComX ij Justin. Ann. 518  Justin. Ann. j 19. VII. Succes de cette affaire. 4#4 HlSTOlRE ment engager 1'Eglife de Conftantinople a profcrire en quelque forte la mémoire de deux Evêques, recommandables par la fainteté de leur vie , & par la perfécution même qu'ils avoient foufferte , en défendant la doctrine Catholique ? Cependant le Pape étoit réfolu de ne rien relacher fur ce point, de la rigueur inflexible de fes prédécelfeurs. Après avoir confulté Théodoric, qui, felon les maximes d'une faine politique, defiroit la paix dans 1'Eglife, quoiqu'il en fut luimême féparé, Hormifdas, au commencement de 1'année fuivante, envoya cinq Légats chargés de lettres pour l'Empereur, pour le Patriarche, pour les Catholiques en général , & en particulier pour toutes les perfonnes qui pouvoient, par leur crédit, contribuer au fuccès de cette affaire. Ces Légats trouverent dans leur voyage les efprits difpofés k rentrer dans la communion de 1'Eglife Romaine, excepté a Theffalonique, dont 1'Evé*que Dorothée fe défendit de foufcrire le formulaire dreffé par le Pape, avant que la queftion eüt été décidée a Conftantinople. Juftin avoit envoyé  du Bas-Empire. Liv. XL. 485 k leur rencontre deux perfonnes dif- tinguées, Etienne & Léonce, qui les 3 trouverent a Lychnide. Ils entrerent k Conftantinople le vingt-cinquieme de Mars, accompagnés de Juftinien, de Pompée, de Vitalien & de plufieurs Sénateurs, qui étoient venus audevant d'eux, avec une foule de peuple jufqu'a trois lieues de la ville. L'Empereur leur donna audience dans le Sénat: il recut avec refpecf la lettre du Pape. Le Patriarche, après quelques débats , confentit, pour le bien de la paix , k foufcrire le formulaire qui lui étoit préfenté, & a effacer des diptyques le nom d'Acace & ceux de fes fuccefleurs, ainfi que ceux de Zénon & d'Anaftafe. Les Evêques qui fe trouvoient k Conftantinople, & les fupérieurs des monafteres donnerent auffi leur foufcription. On fe rendit enfuite a la grande Eglife : tout retentiffoit d'aöions de graces & d'acclamations, qui réuniffoient les louanges de l'Empereur & celles du Pape. Juftin fit publier cette heureufe nouvelle dans les Provinces: elle caufa la plus grande joie dans tout 1'Orient. Le Pape & l'Empereur s'en féliciterent X iij USTIN. nn, 519.  Justin. A»n. 519. 4S6 HlSTOIRB mutuellement par Iettres. Ce fut ainfi que la divifion qui fubfiftoit depuis trente-cinq ans, fut terminée le vingthuitieme de Mars 519, jour du Jeudifaint. Au refte , Euphémius & Macédonius, quoiqu'effacés des diptyques , ne furent pas cenfés excommuniés. Leur mémoire continua d'être en vénération; elle fut même honorée dix-fept ans après dans le concile de Conftantinople fous Ie Patriarche Mennas: ils y furent déclarés de trèsfaints Evêques en préfence des Légats, qui n'y firent aucune oppofition. Dorothée, Evêque de Thelfalonique, avoit promis de fe réunir, quand 1'accommodement feroit conclu a Conftantinople. Un des Légats partit avec Ie Comte Licinius, pour le fommer de fa parole : mais il fut mal recu; le peuple, foulevé par 1'Evêque, fe jetta fur le Légat, le bleffa, & 1'auroit mis en pieces, s'il ne fe fut réfugié dans une Eglife. On tua deux de fes domeftiques, & un habitant qui avoit 'ogé les Légats a leur paffage. L'Empereur en fut irrité; il donna ordre 1'amener Dorothée a Héraclée , & :1e 1'y garder en attendant qu'on inf-  du Bas-Empire. Liv. XL. 487 fcruif it fon procés. Mais ce Prélat, riche & intriguant, trouva moyen de corrompre fes juges. II fut renvoyé a Theffalonique, & il en fut quitte pour faire au Pape, par lettres, une iatisfaction légere , qui conliftoit k nier les faits dont il étoit coupable. L'Eglife Catholique avoit dans la perfonne de Sévere, Patriarche d'Antioche, un adverfaire beaucoup plus redoutable. Ce chef de parti, feconde de fes deux fatellites Xenaïas d'Hieraple & Pierre d'Apamée, fe promettoit bien de troubler 1'accord conclu k Conftantinople, ou du moins d'entretenir en Syrië la guerre cruelle qu'il faifoit aux Orthodoxes^ Mais il ne put tenir contre Ia puiffance de Vitalien. Ce Général rappellé k la Cour, jouilfoit alors de la plus haute confidération; il venoit d'être nommé Maitre de la milice , & déligné Conful pour 1'année fuivante. II déteftoit Sévere, comme le chef de la faction hérétique; il entroit auffi dans fa haine un fentiment de vengeance, paree que ce Prélat violent le déchiroit par fes invettives dans fes fermons. II obtint de l'Empereur un crX iv Justin. Ann. 519. VIII. Expulfion de Sévere. Evag. I. 4, c. 4. Liberat. c. 19. Mare. chr. Theoph. p. 141,142, 143, 146. Anaft. p, 56. Jorn. fuecejf. Zon. p. 58 , 59- Ccdr. p. 363. Baronius. Pagi ad Bar. Fleury . hifi. Ecclef. I. 3*. art. 44 . 45 » 48, 52.  Justin. Ann. 519 IX. Rétablif- . lemient de fa paix | 488 HlSTOIRE ore cle chaffer Sévere, & de lui couper Ja langue. Le Comte Irénée, chargé de faire exécuter cet ordre, fe rendit a Antioche : mais malgré les mefures qu'il avoit prifes, Sévere eut le bonheur de s'évader, & de fe fauver k Alexandrie , 011 il fut recu a bras ouverts par le Patriarche Timothée, qui venoit de fuccéder a Diofcore. II y trouva Julien d'Halicarnaffe, chaffé pareillement de fon fiege. Ces deux efprits turbulents ne demeurerent pas Jong-temps unis. Poifédés de la fureur des controverfes, ils s'embarrafferent dans des difputes théologiques, qui allumerent entre eux la diviiion, & la répandirent dans la ville d'Alexandne. Xenaïas & Pierre d'Apamée furent bannis. Les hérétiques fuyoient de toutes parts: les Evêques Catholiques revenoient k leurs Eglifes. Paul fut placé fur le fiege d'Antioche; mais deux ans après, fe voyant décrié pour fes mceurs, & craignant d'être pourliuvi juridiquement, il abdiqua; & Euphrafms fut élu en fa place. L'Empereur travailloit a guérir les ilaies qu'Anaflafe avoit faites a 1'Ejhfe. II joignoit a la fermeté une  nu Bas-Empire. Liv. XL. 489 adroite politique. Les bienfaits accompagnoient les chatiments , & en adoueiffoient la rigueur. En mêmetemps qu'il chaffoit les Evêques hér rétiques,, il répandoit des libéralités dans leurs diocefes. Antioche re§ut pour fa part mille livres d'or ;. & les autres villes furent a proportion gratifiées. L'ordination d'Apion , que fa difgrace avoit fait Evêque, fut déclarée mille & illufoire. Juftin, qui connoiffoit fon mérite , le rappella auprès de lui, & 1'honora de Ia charge de Préfet du prétoire. Après tant de violentes agitations, le calme revint enfin dans 1'Eglife ;. & par un jufte tempérament de févérité & de douceur, tout fe balanga de telle forte, que chaque chofe reprit fa fituation naturelle. Mais quoique la tempête fut appaifée , les flots n'étoient pas entiérement tranquilles. Des Moines de Scythie, orthodoxes cl la vérité. mais querelleurs, au-lieu d'éviter toul fujet de difpute, affectoient des expreflions. hardies & lingulieres ,, qui révoltoient les efprits. Vitalien lein -étoit favorable; c'en étoit affez poui qug Juftinien., jaloux du crédit d« X v Justin. Ann. 519. clans 1'Eglife d'Oriertc.  Justin. Ann. J19, i 4 i < i x. Mortd'A- t mantius .1 & de fes § compli- j ces. Ereg.l.4. f t. 2. 1( 49° ElSTOIRB Vitalien , leur fut. oppofé. Ils allerent a Rome, efpérant perfuader au Pape, que dans leurs fubtilités métaphyfiques , il s'agilfoit des plus grands intéréts de la Religion. Hormifdas ne les écouta pas; tk ils furent enfin, a leur grand regret, réduits au filence. D'un autre cöté, les Neftoriens triomphoient de la défaite du parti d'Eutychès. II y eut dans la ville de Cyr des fanatiques, qui promenerent dans un char 1'image de Théodoret, qu'ils regardoient mal-èpropos comme un des chefs de leur feöe. Ils célébrerent la fête de Neftorius, a qui ils donnoient le titre le martyr. Toutes ces étincelles de bhifme furent promptement étoufées. L'Empereur ayant donné ordre le faire des informatiosis, & de puur les auteurs de ces mouvements, iergius, Evêque de Cyr, fut dépoé & banni. Les affaires de 1'Eglife n'occupoient ias tellement l'Empereur, qu'il néligeat celles de 1'Etat. II répara les ijuftices du dernier regne. Les Gééraux Diogénien & Philoxene , exi:s par Anaftafe, furent rappellés &  nu Bas-Empire. Liv. XL. 4.91' rétablis dans leurs dignités. Philoxene fut honoré du confulat en 525. Mais une affaire plus intéreffante, paree qu'elle étoit perfonnelle , devoit partager 1'efprit de Juftin. Amantius reffentoit 8c caufoit tout a la fois de mortelles inquiétudés. L'Empereur êc Peunuque ne pouvoient fe pardonner 1'un a 1'autre, le premier 1'entreprife de Peunuque pour fe donner un maitre a fon choixj; le fecond, 1'artifice par lequel Juftin avoit rompu fes mefures, 8c s'étoit rendu fon maïtre. lis fe craignoient tous deux; 8c la crainte devoit rendre Peunuque entreprenant , 8c l'Empereur circonfpedt, mais attentifa le prévenir. Une confpiration vraie ou fauffe, fervit a Juftin de raifon ou de prétexte poui fe défaire d'un fujet fi dangereux Amantius fut arrêté avec Théocritt fa créature, & les chambellans André, Ardabure 8c Mifaël, accufés d'ê tre fes complices. André eut la têt< tranchée avec Amantius : Juftin f contenta d'exiler a Sardique Mifaël 8 Ardabure. Mais Théocrite, qui avoi oféafpirer a 1'Empire, fut traité ave plus de rigueur. On Paffomma dan X vj Justin. Ann. 519. Proc. hifi. are. c. 6. &• ihi Alam. Mare. chr. ViH. Tun. Chr. Alcx. Jorn. /mceff. Zon, p. 58. Ccdr. f> 363. t z S  Ju.TIN Ann. 519, ] » ] ( I 1 49* H 1 s t 0 1 r e la prifon a coups de pierres & de fiatons : & fon cadavre fut jetté dans la mer. Procope prétend qu'Amantiüs n etoitcoupable d'aucun autre crime, que d'avoir infulté de paroles Jean de Cappadoce. Juftinien, tout-puiffant auprès de fon oncle, chériffoit ce Patriarche; il favorifoit fon ambition , qui fut portee a un tel excès, que Jean ofale premier s'attribuer le titre faftueux de Patriarche écumémque; titre fatal, qui enfla d'orgueil les fucceffeurs, & qui prépara, quoique de loin, ce fchifme funefte, par equel 1'Eglife d'Orient fe fépara de lEghfe Romaine, au milieu du neuvieme fiecle. Juftinien appuya luimeme ces prétentions mal fondées, en donnant dans fes conftitutions le tiom d'Ecuménique au Patriarche de !a ville impériale. C'eft ici le fecond iegre d'ambition dans les Evêques de a nouvelle Rome. Ils s'étoient d'abord :leves au-deffus des Evêques d'Aexandrie &d'Antioche; & deux Coniles généraux , celui de Conftantino'le & celui de Chalcédoine leur a'Oient attribué cette préféance, malre Poppofition du faint Siege : ici  . du Bas-Empip.e. Liv. XL. 493 ils prennent un titre qui devoit donner de la jalouiie a 1'ancienne Rome elle-même. S'il eft vrai que Jean de Cappadoce ait été la cauie de la mort d'Amantius, il ne jouit pas long-temps de fa vengeance. II mourut au commencement de 1'année fuivante, & eut pour fucceffeur Epiphane fon fyncelle. Le lüpplice du grand Chambellan , univerfellement détefté, paree qu'il protégeoit ouvertement les Manichéens , n'excita aucun murmure. Mais 1'aflaflïnat de Vitalien , qui fuivit de prés, révolta tous les efprits. C'étoit par crainte plutöt que par fentiment d'eftime & de bienveillance, que Juftin 1'avoit rappellé a ïa Cour : il vouloit éclairer de prés les démarches d'un homme affez puiffant pour faire trembler fon Souverain. Afin de lui öter toute défiance , il le combloit d'honneurs , & lui faifoit part des affaires les plus importantes. Vitalien avoit été employé dans les négociations avec le Pape, pour la réunion des deux Eglifes : il étoit attuellement revêtu du Confulat. Ces diftindtions offenfoient Porgueil de Juf- JUSTIN. Ann. 510.' XI. Affaffinat de Vitalien. Evag. 1, 4, c. 3. Proc. Hifl. are. c, 6. & ibi Alam. Mare. chr. Viil. Tan. Theoph. p, 142,. Jorn. fucceff. Zon. p. 59- Pagi ad Bar.  Justin. Ann. 5 2.0 494 JT l S T O ƒ R E tinien : il ne pouvoit pardonner k Vitalien la préférence que le peuple donnoit k ce Général. Dans les fynodes de Tyr & d'Apamée , on avoit fouhaité par acclamation une longue viea Vitalien Porthodoxe, fans dire un feul mot de Juftinien ; ce qui piqua celui-ci d'une telle jaloufie, qu'il réfolut de perdre ce concurrent. Pour mieux cacher fon deffein , il avoit juré a Vitalien une amitié fraternelle , en participant avec lui aux faints myfteres. C'étoit une énorme profanation qui s'introduifoit dans ce temps-la, & qui fubfifta long-temps après. Les peuples idolatres avoient cimenté leurs traités & leurs alliances, en buvant du fang humain. Par une imitation lacrilege , les Chrétiens , pour afTurance d'une liaifon indifToluble, buvoient enfemble dans la coupe facrée; ce qui s'appelloit ju* rer la foi fraurndk, ferment terrible & fouvent violé. II le fut en cette occalion. Des afTaffins appoftés par Juftinien, percerent Vitalien de feize coups de poignard, comme il fortoit du palais. Deux de fes amis, Paul & Célérien, furent alTaffinés avec lui.  nu Bas-Empi^ke. Liv. XL. 495 Juftinien , chargé de Pindignation publique , lui fuccéda dans la dignité de Maitre de la milice. II aimoit les fpeóVacles; & fa paflion déclarée en faveur de la faction bleue, infpira tant d'audace a ceux qui la compofoient, que pendant trois années, plufieurs villes de 1'Empire , & fur-tout Conftantinople & Antioche , éprouverent tous les défordres 6c toutes les cruautés des guerres civiles les plus fanglantes. La faction verte, qui étoit nombreufe & puiffante devenue furieufe de la préférence que Juftinien donnoit a fes rivaux, s'emporta a toutes fortes d'excès; & les chatiments ne faifoient qu'aigrir ces féditieux. L'animofité étoit fi violente entre les deux partis, qu'ils avoient juré de s'exterminer mutuellement. Les bleus pour fe diftinguer , s'aviferent de prendre un extérieur & un vêtement qui les rapprochoit des barbares, dont ils avoient déja la férocité. Laiffant croitre leurs mouftaches & leurs barbes, a la maniere des Perfes, ils fe rafoient le devant de la tête, 6l confervoient les cheveux de derrière , a la mode des Huns & des Sarrafins. Justin. Ann. 5iO. XII. Affreux défordres caufés par les factions du Cirque. Proc. Hifl. are. c. 7. Cy ïbi. Alam. Mare. chr. Theoph. p. 141. Anaft. p. 56. Zon.p.jc). Cedr. p. 364. Malela, p. 49'  Justin. Ann. 51c 49<5 HlSTOlRE Ils portoient des robes très-riches dont les manches d'une exceflïve largeur venoient fe refTerrer au poignet. Le refte de leur habillement étoit celui des Huns. D'abord ils ne fortoient armés que Ia nuit; pendant le jour, ils ne portoient que des poignards cachés fous leur robe, & ils n'attaquoient que leurs adverfaires. Bientöt leur audace s'étant accrue par 1'impunité,iisdevinrent brigands de profellion. S'attroupant a 1'entrée de la nuit, ils dépouilloient les paffants , fouvent même ils les maffacroient de peur d'être dénoncés. La terreur étoit ü grande, qu'on n'ofoit fortir après le foleil couché. Comme les Magiftrats évitoient de punir ceux de cette faction, dans la crainte d'encourir la dilgrace de Juftinien , elle acquéroit chaque jour de nouvelles forces. Toute la jeuneffe diffolue, tous les bandits s'y jetterent en foule; prefque toute la facfion verte déferta pour fe ranger de ce parti; les autres furent ou maflacrés, ou mis a mort par la juftice, ou obligés de fuir, & de fe cacher. Alors les bleus , demeurés maitres du ehamp de bataille, redou-.  pu Bas-Empirs. Liv. XL. 497 bierent de méchanceté & de violence : ils fe vendoient aux fcélérats qui vouloient faire aflaliiner leurs ennemis. Tout homme dont on leur avoit payé la mort, devenoit pour eux de la faction verte. Ce n'étoit plus la nuit, c'étoit en plein jour qu'ils égorgeoient, qu'ils maffacroient, fouvent même fous les yeux des Magiftrats. lis s'étoient exercés k ttier un homme d'un feul coup, ék s'en faifoient honneur comme d'un effet d'adreflé. II n'y avoit pkis de füreté en aucun lieu : les Eglifes n'étoient plus des afyles ; ces meurtriers alTafïinoient au pied des autels, pendant la célébration des faints myfteres. Les créanciers étoient forcés de rendre aux débiteurs leurs obligations, les maitres de donner la liberté a leurs efclaves, les peres d'abandonner leurs biens a leurs fils enrölés parmi ces brigands , les filles & les femmes de fe livrer a leur brutalité. On raconte qu'une femme fe promenant avec fon mari le long du Bofphore du cöté de Chalcédoine, fut enlevée par une troupe de ces forcénés , qui la jetterent dans leur barque; & que, pour prévenii Justin. Ann. 510,  Jt.-tik. Ann. 520, xnr. Punition des factieux, 1 1 1 I 1 I li d ji d 493 I'I I S T O I R E la perte de fon honneur, elle fe précipita dans les flots k la vue de fon epoux, qui fe défefpéroit fur le rivage. On déguifoit k l'Empereur ces horribles excès, & ce ne fut qu'au bout de trois ans qu'il ouvrit enfin les yeux, Pour remédier a tant de maux , il nom ma Préfet de Conftantinople un homme ferme, vigilant, incorruptible, nommé Théodote, qui avoit été Comte d'Orient. Ce Magiftrat intrépide, oppofa a cette audace effrénée la plus rigoureufe lévérité. II fit décapiter, pendre , brüler grand nombre de ces fcélérats. Perfuadé que le :hatiment des illuftres criminels, eft Hus propre que tout autre k défarner le crime, il fit moiirir un cerain Théodote, furnommé Slicca, jeuie homme diftingué par 1'opulence & »ar la nobleffe de fa familie. Mais comne fi 1'impunité étoit le privilege de 1 haute fortune, fes parents qui n'acuent pu ni fléchir , ni corrompre 1 juftice du Magiftrat, vinrent a bout e féduire la. foiblefle de rEmpereur. iftin ^ trouvant mauvais que Théoote n'eüt pas pris des. ordres par-  du Bas-Em?ire. Liv. XL. 499 ticuliers pour une exécution fi éclatante, le priva de fa charge , & le relégua en Oriënt. Théodote fe voyant expofé au reffentiment de tant de coupables, alla fe cacher a Jérufalem, oü il vécut dans une obfcurité, que fa bonne confcience rendoit préfikable a fes honneurs paffés. Juftin mit a fa place Théodore, furnommé Taganiftès, qui avoit été Conful quinze ans auparavant. Celui-ci trouvant le mal déja fort affoupi, acheva de calmer peu-a-peu la fureur des faftieux, & fit enfin ceffer de fi affreux défordres. La tranquillité fut auffi rétablie dans Antioche, par le Préfet Ephrem, natif dAmide. L'Empereur, pour éviter tout ce qui pouvoit rallumer ces cruelles diffentions, interdit les fpectacles du cirque pour le refte de cette année. Les afteurs & les danfeurs furent bannis de toutes les villes d'Orient , excepté d'Alexandrie, oü un peuple innombrable , également féditieux & paffionné pour le théatre, n'auroit pu fouffrir cette privation. Les jeux Olympiques établis a Antioche depuis le regne de Commode, furent abolis pour toujours. Justin, Arm. ;2c..  Justin. Ann. ;2i. XIV. ! Confulat 1 rle Jufti- j rien. Mare. chr. \ i 1 1 1 I ■\ C r r c a q p ti h n Ji n le n rr P yoo H I S T 0 I R E Juftinien, Conful 1'année fuivan* te, voulut dédommager le peuple de 'interruption des jeux du cirque, par a magnificence du fpeöacle qu'il donia a ion entrée dans le Confulat. II r dépenfa prés de huit millions de li'res, felon notre maniere de comper , foit en diftributions d'argent, bit en machines , foit en animaux féoces , & en courfes de chars. On 'vit 'aroitre a Ia fois dans 1'amphithéatre ingt lions & trente léopards, fans ompter d'autres animaux moins raes. Outre les récompenfes ordinaies , Juftinien fit préfent aux cochers es chevaux mêmes avec lefquels ils voient couru , & de leurs harnois ui étoient d'une grande richeffe. Le euple , enivré d'une joie extravagan!, troubla lui-même fes plaifïrs : le tecfacle fut interrompu par le tuiulte ; & la derniere courfe de chars i put être exécutée. Le Confulat de ïftinien ne fournit point d'autre évé;ment. Dans les fiecles de foibleffe , s divertiflements & les fêtes deviensnt Paffaire la plus férieufe & la plus émorable. Elle remplit toute la caicité des efprits , & fait oublier tout  nu Bas-Empire. Liv. XL. 501 le refte : elle tient alors auprès des Princes le même degré d'importance, qu'auprès des femmes & des enfants dans les fiecles de vigueur. La bonne intelligence de Juftin & de Théodoric, paroit en ce que l'Empereur ne nomma point de Confuls pour 1'année 522, & qu'il laiffa le Roi d'Italie maitre de difpofer du Confulat. Ce Prince conféra cette dignité a Symmaque &C a Boëce, tous deux fils du célebre Boëce , cet illuftre Sénateur, qui, peu de temps après, tomba dans une difgrace dont fa vertu auroit dü le garantir, ainfi que nous le raconterons dans la fuite. Mais fi Juftin étoit tranquille du cöté de 1'Occident, il vit rallumer la guerre entre 1'Empire &c la Perfe. Les Rois de Lazique, qui étoit 1'ancienne Colchide, avoient été vaffaux de 1'Empire. Ils ne payoient aucun tribut, & la feule marqué de leur dépendance confiftoit en ce qu'après la mort du Roi, l'Empereur envoyoit au fucceffeur les ornements de la royauté. C'étoit une forte d'inveftiture. Ces Princes étoient même difpenfés de fournir aux Romains des troupes auxiliaires; mais ils étoient Justin. Ann. 512. XV. Zathius, Roi des Lazes,re<;oit la couronne de Juftin. Proc. P'erf. I. %. c. 15. Theoph. p. l4 t . 144Anaft. p. 56 , 57- Chr. AUx. Zon.p. 59. Cedren. p. 363, 364. Malela, p\ 47 , 48. Hijl. mift. I. 15. liaronlus. Paoi ad Bar. m. de Guignes , hifi. des Huns , | 4.  Justin. Ann. 522. 1 1 rt r 502 M 1 s t o 1 a. e chargés de garder les paflages du mont Caucafe, & d'empêcher les Huns de pénétrer dans les Provinces de 1'Afie. Comme la Colchide avoit autrefois appartenu aux Perfes, Cabade prétendoit rentrer dans les droits de fes anciens prédécefieurs : fous le regne d'Anaftafe, il avoit traité avec les Lazes, & s'étoit mis a la place des Empereurs; il avoit même exigé que e nouveau Roi vint recevoir la cou-onne en Perfe. Anaftafe avoit fermé es yeux fur cette ufurpation; & Jufin fuivoit fon exemple. Cabade avoit :ouronné Damnazès le dernier Roi, >eut-être petit-fils de ce Gobaze qui :toit venu k Conftantinople, fous le egne de Léon en 466. Cette inau;uration étoit accompagnée de cérénonies conformes a la Religion des 'erfes.' Après la mort de Damnazès, bn fils Zathius,qui vouloit embraffer e chriftianifme, au-lien de fe rendre n Perfe, vint a Conftantinople, prier uftin de lui faire donner lebaptême, i de le couronner, afin qu'il ne fut as obligé de prendre part a des céréïonies payennes, en recevant la cousnne des mains du Roi de Perfe.  nu Bas-Empire. Liv. XL. 503 Jufiin ié rendit a fes defirs. Pour 1'attacher davantage aux Romains, il lui fit époufer Valériane, fille du Patrice Nomus, & le renvoya comblé de fiches préfents. Cabade, irrité de ce procédé de Juftin , lui fit dire qu apparemment il s'ennuyoit de la paix , puifqu'il la rompoit en débauchant fes vaffaux : quil devoit favoir que de temps immèmorial les Rois des Layes étoient fujets de la Perfe. Juftin , qui ne jugeoit pas a propos de rompre avec Cabade, évita d'entrer en éclaircifTement au fujet de la Lazique; il répondit feulement, quil n'avoit jamais penfé d ufurper les droits £au■trui; que Zathius étant venu d Conftantinople pour être admis au nombre des adorateurs du Dieu unique & véritable , il auroit cru faire un crime de le rebuter : qu'apres l'avoir initiê aux myferes du chriftianifme, il t avoit renvoyê dans fes Etats. Cette réponfe n'étoit rien moins que fatisfaifante; auffi Cabade fe prépara-t-il a la guerre. Juftin, de fon cöté, fongea a fe mettre en défenfe. II s'appuya du fecours de Ziligdès, Roi des Huns établis au nord du défilé de Derbend. II acheta Palliance de ce Justin. Vnn. 522, XVI. Cabadeen :ft irrité.  Justin» Ann. 522. XVH. Perfidie de ZUigdéspume. xvin. Cabade propofe a Juftin d'atioptetChofroës. Proc. Per/. i, 1. e, 11, 504 HlSTOI&E Prince, qui s'engagea, par ferment 1 k fervir l'Empereur contre la Perfe. Mais il apprit bientöt que Ziligdès avoit accepté les mêmes propofitions de la part de Cabade, tk qu'il étoit allé le joindre en perfonne avec un corps de vingt mille hommes. Cette perfidie eut le fuccès qu'elle méritoit. Jufiin en inftruifit Cabade par une lettre, & lui fit entendre que le Roi des Pluns étoit payé pour trahir les Perfes , lorfque la bataille feroit engagée; il s'exprimoit enfuite en ces termes : Etant freres comme nous fommes , ne vaut-ïl pas mieux demeurer unis, que de nous expo/er d fervir de jouet d ces chiens ? Sur cet avis, le Roi manda Ziligdès, & 1'ayant convaincu par fon propre aveu, il le tua fur le champ. La nuit fuivante, il fit maffacrer les Huns, qui n'étant pas informés de la mort de leur Roi, repofoient tranquiliement dans leurs tentes. Cabade, fatisfait de la franchife de Juftin, lui envoya un Ambaffadeur pour renouveller le traité. II crut que laconjoncture feroit favorable a 1'exécution d'un projet très-fingulier, mais nécefTaire ,  na Bas-Empire. Liv. XL. 505 néceffaire, a ce qu'il croyoit, pour fon repos, & pour maintenir après fa mort 1'ordre qu'il prétendoit établir dans fa fuccefïïon. Ce Prince, outre un grand nombre d'enfants naturels , avoit quatre fils légitimes, Caofès, Zamès, Chofroës & Phtafouarfan. II avoit concu contre Painé une averfion d'autant plus forte, qu'elle n'étoit fondée que fur le caprice. Le fecond, Prince eftimé de toute la nation pour fes qualités héroïques , étoit borgne, & tout défaut corporel excluoit du tröne de Perfe. Cabade aimoit tendrement Chofroës , qu'il avoit eu de la fille du Roi des Huns fa femme chérie, & il le deftinoit pour être fon fucceffeur. Mais il craignoit pour ce fils bien-aimé le droit de Caofès, & le mérite éclatant de Zamès. II voulut donc lui affurer la protection de 1'Empire , & chargea 1'Ambaffadeur, qu'il envoyoit a Juftin , d'une lettre concue en ces termes: Vous n'ignorei pas les jujles fujets que j'ai de me plaindre. Je fuis néanmoins difpofe d tout oublies Ceft remporter une gloritufe vi&oire, que de facrifier d Camitie' des droits qu'on ejl en itat de pourTome VUL Y Justin. Ann. 512, Theoph. pm 143. Zon. p. 59-  Srwmamm Justin. Ann. ?2i XIX. Conlei de Proclus. 50Ö ff J S T 0 I R S.. fuivre. Je vous- dtmande en recompenfe une faveur, qui non-feulement do'u nous umr a jamais, mais encore farmer entre les deux trations, une liaifon fraternette & une alliance inaltèrabte. Cefi d'adopter pour votre fis , mon fils 'Chofroës, l herititr de ma couronne. Une propofition fibrillante éblouit d'abord Juftin & Juftinien. Ils alloient 1'accepter avec joie, & dreffer Pafte d'adoption , fi le Quefteur Proclus, ce fage Miniftre, toujours en garde contre les nouveautés les plus féduifantes , ne leur eüt repréfenré : Que cette demande fi fiattetifie couvroit un defifein pernicieux : qu'adopter Chofroës, c'étoit fadmettre d la fiucceffion impériale. Voule^vous donc, grand Prince , ditil a Juftin , être le dernier Empereur Romain? Et vous, Seigneur, ajouta-t-il en s'adreflant a Juftinien : Voulei-vous prononcer contre vous-même une fientence tfexhérédation ? Le fils de Jufiin aura plus de droit d 1'Empire que jon neveu. Les loix des barbares s'accordtnt en ce point avec les nótres, & le fuffrage des nation s appuiera l'ambitionde votre rival. Songe^ quen donnant dans cepiege, vous renonce^ d vos légitimes efpérances, &  du Bas-Empihe. Liv. XL. 507 que vous reconnoijfei dès aujourd'kui Chofroës pour votre maitre. Et f vous lui difpute^ dans la fuite un droit que vous lui aurei cédé, que de fang il faudra répandre ! Ces réflexions leur ouvrirent les yeux. Ils ne délibéroient plus que fur le parti qu'il falloit prendre, pour éluder la propofition de Cabade, lorfqu'ils en recurent une feconde lettre, par laquelle il prioit Juftin de régler les formalités de 1'adoption, & de prefcrire les démarches que fon fils devoit faire felon les ufages des Romains. Cet empreffement confirma les foupcons que leur infpiroit Proelus. II leur confeilla d'envoyer au plutöt des députés pour confommer 1'ouvrage de la paix, & pour répondre au Roi que 1'adoption par les armes étoit la feule en ufage a 1'égard des étrangers. Cette efpece d'adoption ne donnoit aucun droit a 1'hérédité. Juftin fit donc partir Hypace , neven d'Anaftafe , & le Patrice Rufin. Cabade envoya de fon cöté Séofès , le plus puiflant Seigneur de la Perfe, & le Général Mébodès. Ils fe rencontrerent fur la frontiere. Chofroës s'étoit lui-même avancé jufqu'aux bords Y ij Justin. Ann. 51Ï, XX. Conférences entre les Romains & les Perfes,  SoS H i s t o i r g du Tisfre. a rl Justin. Ann. 522. XXI. Difgrace des députés. i i i i a deffein de ie rendre k Conftantinople, dès que les députés feroient d'accord. Dans le cours de la conférence, Séofès propofa entre autres articles, que les Romains renoncaffent pour toujours a toute prétention fur la Lazique, & qu'ils reconnuffent les R-ois de Perfe pour les Souverains légitimes de ce pays. Hypace rejetta cette demande avec indignation, & déclara de fon cöté que Chofroës ne pouvoit être adopté que par les armes : ce qui fut également rejetté par les Perfes. Ces contradiöions firent rompre la conférence. Chofroës, outré de dépit, retourna en Perfe, & jura qu'il fe vengeroit de cet affront. Séofès , ce Perfe généreux, qui avoit autrefois rendu la liberté k Cabade , jouiffoit de la plus grande autorité^ dans le Royaume de Perfe. Ce rang élevé fuftifoit pour lui attirer des aloux: & fon caractere fier & hautain ui fufcitoit une foule d'ennemis. Son iélintéreffement a toute épreuve, & bn zele ardent pour la juftice ne leur ivoit donné jufqu'alors aucune prife. Is profiterent de la colere de Chof-  du Bas-Empire. Liv. XL. 509 roes, & du mécontentement de Cabade. Comme Séofès avoit eu plufieurs entretiens tête-a-tête avec Hypace, Mébodès, jaloux de cette diftinèion, Paccufa auprès du Roi de s'être entendu avec le député Romain, qui étoit lui-même mal intentionné, & d'avoir, a defTein de rompre la négociation , mis en-avant 1'article de la Lazique , dont il n'étoit point chargé paf fes inftructions. Les ennemis de Séofès ajoutoient : Que c'étoit un novateur, un impie , qui fouloit aux pieds les loix nationales, & adoroit des divinités inconnues; que contre la loi expreffe qui défendoit cfenterrer les mons, ayant depuis peu perdu fa femme, il Ü avoit fait inhumer. Ces prétendus crimes, incapables par eux-mêmes de faire impreffion fur un Prince aulïi peu fcrupuleux que Cabade , furent envenimés par le poifon de 1'envie. Tout le Sénat de la Perfe, oü Séofès avoit prefque autant d'ennemis que de juges, s'affembla pour juger, ou plutót pour condamner a mort le plus grand homme de la nation. Cabade, ingrat& perfide , feignit d'être fort afïligé du malheur de fon ami, mais de n'ofer lui Y iij Justin. Ann. 52?.  Justin. Ann. 5 22, Ann. 523. XXII. Manichéensmaffacrés en Perfe. Theoph. p, 145, 146. Ccdr. p. 364. 5IO HlSTOIRE fauver la vie par refpedt pourles loix» Cette injufte fentence fut executie , & la charge fuprême dont Séofès avoit été honoré, & qui Pélevoit au-deffus de tous les Magiftrats & de tous les Officiers du Royaume, fut fupprimée pour toujours. On avoit donné a cette dignité le nom KAdraftadaranfalane. Rufin, a 1'exemple de Mébodès, voulut auffi faire périr Hypace. II 1'accufa d'avoir agi d'intelligence avec Séofès pour renouveller la guerre. Hypace fut heureux de vivre fous un Prince plus humain, & dans un pays oü Pon fuivoit une forme de procédure plus réguliere. Ses Officiers ayant fouffert les plus rigoureufes tortures fans le charger d'aucune infïdélité, il en fut quitte pour la perte de fes emplois ; mais on les lui rendit dès 1'année fuivante, par la faveur de Juftinien. Lerefus d'adopter Chofroës, autrement que par les armes, devoit attirer une guerre fanglante. Cabade s'y préparoit, & Juftin fe difpofoit a la foutenir. Dans ces conjonchires, le Roi de Perfe découvrit une intrigue tramée par les Manichéens dans fes Etats. Ces fedtaires avoient feit de grands  du Iïas-Empire. Liv. XL. «pfi progrès dans la Perfe, a la faveur du dogme des deux principes conforme a la doctrine de Zoroaftre. Ils avoient des profélytes entre les" plus grands Seigneurs. Phthafouarfan, fils de Cabade , qui 1'avoit eu de Sambucé fa propre fille, étoit dès Penfance infecfé de leurs erreurs : Nous fommes en état, lui dirent-ils , d'engager votre pere d vous cider dès-dpréfent le diadême ,Ji vous nous promette^ de faire régner avec vous la doctrine célefede Manès. Le jeune Prince leur donna fa parole. Cabade, infbrmé de ce complot, feignit 'd'y donner les mains; il co-nvoqua une affemblée générale des Etats de la Perfe, pour affilter au couronnement de fon fils ; il ordonna en particulier aux Manichéens de s'y rendre tous avec leur Evêque, leurs femmes & leurs enfants; il donna le même ordre aux Mages, a leur chef Glonazes & a Bazanes, Evêque des Chrétiens, qu'il aimoit paree qu'il le croyoil excellent médecin. Lorfqu'on fut af femblé, il dit aux Manichéens: Qji 'u approuvoit leurs dogmes, & qu'il favoii bon gré d fon fis de les avoir embraffês, ■ quen conféqutnee fü a'lloit lui tranfmttm Y iv JUSTItf. A_nn. 523. Zon. p. 59- Hift. Mifc. I. iS.  Justin. Ann. 523, ( 3 '3 1 xxm. Loi de Juftin contre les ' héréti- | ciues. < Cod. Jufl. C /. i. tit. 5. C I'S- 12. { Theoph. p. 146. C Cedr. p. t 364. g  nu Bas-Empire. Liv. XL. 513 tyr' Aréthas, & laiffe pour Roi aux Homérites un Chrétien, nommé Abraham. L'Evêque Grégentius, fucceffeur de Jean, & que 1'Eglife a mis au nombre des Saints, donna aux habitants du pays des loix qui furent publiées au nom du nouveau Roi. Elisbaan, de retour en fes Etats , defcendit du tróne , envoya a Jérufalem. comme un hommage de fa piété, fa couronne d'or enrichie de pierredes: il embraffa la vie monaftique, & palfc le refte de fes jours au fond d'une folitude dans les auftérités de la péni tence. 11 eut pour fucceffeur Hellef tée, dont nous aurons occafion di parler fous le regne de Juftinien. Le zele de Juftin, en faveur de 1; Religion, fut moins heureux en Occi dent, &. caufa de grands troubles ei Italië. Si Théodoric eüt vécu plu long - temps , 1'Arianifme maltraifr par l'Empereur , mais protégé par l Roi des Goths, auroit, felon tout apparence, excité une cruelle guerre Quoique la loi de Juftin contre le hérétiques exceptat nommément le Goths, Théodoric n'en fut pas moir irrité.. U regarda comme une infuh Justin. Ann. 523. I ***"*™^- . Ann. 524.' t XXXI. Brouii' leries de 'i Juftin & , de Théo' doric au : fujet des . Ariens. c Anon. Va* S Mare. chr. S Caff. I. X. ep.6,1. 3» ep. 2'3.  524 H i s t o i r E Justin. Ann. 524. Jioet. conf. Phil. I. 1. Proc. Got. I. I. c. 1. Theoph. p. 145. Anaft, p. 5 O. & vita Joan. Papa. Hift. mifc. I. 15. Paul Diac. 17- Cochl. vita Theod. c. IS. Sigon. t Imp. Occ. I. 16. vita Boet. Val- 1 lin. j Baronius. Pagi ad 5 Bar. Valef. rer. ' Pr. I. 7. ' Fhury, l hift. ccclef. C l- 31. art. I 58- l. 32. art. J , 7. c V a ( la difgrace des Ariens, qui étoient exclus de leurs Eglifes, ainfï que du palais & des armées. II croyoit leur avoir affuré la liberté de confcience dans 1'Empire, en la laifTant aux Catholiques dans fes Etats. Dès qu'il vit que Juftin commencoit d'attaquer les Ariens, il lui écrivit plufieurs lettres pour le retenir. II lui repréfentoit, que. de prkendre dominer fur les efprits , "'étoit ufurper les droits de la Divinité] jue par la nature même des chofes, la luijfance des plus grands Princes fe borne i la police extérieure; qu'ils ne font en iroit depunir que ceux qui troublent l'orirepublic, dont ils font les confervateurs ; y qu'en bonne politique, fhéréfie la plus langereufe eft celle d'un Prince, quifé•are de lui une partie de fes fujets , uni'uement paree qu'ils ne croyent pas ce ■u'il croit lui-même. Juftin répondoit, u'il ne prétendoitpas gêner les confeienes ; mais qu'il étoit le maitre de choifir eux par qui il vouloit êtrefervi; & que 'ordre public exigeant l'uniformité du 'dte extérieur, il étoit en droit de n'ounr les Eglifes qua ceux qui s'accordoient vee lui dans les exercices de Religion. -es réponfes pouvoient être tournées  du Bas-Emfire. Liv. XL. 525 contre les Catholiques de l'Italie. Mais Théodoric , porté a la douceur & a la tolérance, réfolut de députer a Juftin , pour lui infpirer les mêmes fentiments; & dans le deffein de rendre cette ambaffade plus folemnelle, il y voulut employer le chef de la Religion Catholique. Le Pape Hormifdas étoit mort 1'année précédente, & Jean lui avoit fuccédé. Théodoric 1'ayant fait venir a Ravenne, lui donna ordre de partir pour Conftantinople, & de demander a Juftin, qu'il rendit aux Ariens leurs Eglifes, qu'il leur laiffat liberté de Religion , & qu'il remït entre leurs mains ceux qui les avoient quittés pour fe faire Catholiques; car il prétendoit que ces nouveaux prolélites n'avoient changé de communion que par contrainte. II menacoit le Pape, s'il ne réuïfiffoit pas , d'ufer de repréfailles fur les Catholiques, & de les traiter avec autant de rigueur, qu'il leur avoit jufqu'alors montré de douceur & de clémence. En vain le Pape le fupplia de le difpenfer d'une commilflon li peu conforme au caractere qu'il devoit foutenir. Le Roi voulut être obéi: il joignit au Pape Justin. Ann. $24  Justin. Ann. 524. XXXII. Mort de Boëce & de Symmaque, 52 6 II I S T O I li E cinq Evêques, & les fit accompagner de quatre Sénateurs , Théodore, Importunus, & deux autres nommés tous deux Agapit, dont 1'un étoit Patrice & diltingué par fon favoir & par fon éloquence. Théodoric 1'envoyoit pour tenir tête aux plus habiles d'entre les Catholiques, s'il étoit queftion de difpute. Les mauvais traitements que les Ariens éprouvoient en Oriënt, répandirent de fombres nuages dans 1'efprit de Théodoric. Après avoir été pendant plus de trente années le modele des Princes juftes, fages , bons & généreux, il devint è Page de loixante & dix ans, défiant & cruel. Cette altération dans fon caractere éloigna de fa perfonne les hommes vertueux, & rapprocha ces indignes courtifans, toujours attentifs a profiter des foiblefPes de leur maitre, pour fervir leurs propres paflions. CafTiodore fe défit de toutes fes charges, & fe retira de la Cour. Théodoric, qui fentit bientót le befoin qu'il avoit de fes talents, k rappella ; mais il paroit qu'il ne le :onfulta plus. Boëce, Ufo d'une familie riche, ancienne & combiée d'hon-  du Bas-Empir.e. Liv. XL. 527 neurs, & plus recornmandable encore par fa vertu, par fon éloquence, par la vafte étendue de fes eonnoiffances, avoit mérité la confiance du Prince , & PefTime univerfelle. Elevé dès fa jeunefTe au rang de Patrice, Conful en 5 10, il avoit vu en 5x1, fes deux fils revêtus enfem'ble du Confulat. La charge de Maitre des offices 1'approchoit du Prince , & mettoit entre fes mains tous les emplois de la Cour. Après la mort de fa première femme, fille de Feftus, Sénateur illuftre, il avoit époufé Ia fille de Symmaque., Patrice , Conful en 485 , & chef du Sénat. II s'étoit rendn eélebre par des ouvrages de rhétorique, de mathématiques & de philofophie. II avoit fait une profonde étude de la Religion; & non content de 1'honorer par fes mceurs, il la défendoit par fes écrits. Son intrépide probité fut caufe de fa perte. Protecteur déclaré de 1'innocence , il s'attira la haine des oppreffeurs. Cyprien , grand Référendaire, (c'étoit le Garde-des-fceaux) Conigafle & Triguilla , devenus puifTants auprès du Roi depuis qu'il prêtok 1'oreille a la calomnie, fe liguerent Justin: Ann. 524  Justin. A^m. 524. < i 1 528 HlS T O T R E enfemble pour fe défaire d'un cenfeur incommode qui s'oppofoit a leurs concuflïons. Le Préfet du prétoire vouloit , dans un temps de difette, furcharger la Campanie déja trop foulée; Boëce plaida devant le Roi la caufe de cette malheureufe Province, 1'emporta fur le Préfet, qui, par vengeance, fe joignit a fes ennemis. El fauva Paulin, perfonnage confulaire, dont ces calomniateurs efpéroient Penvahir les biens. Enfin, Boëce, après avoir tant de fois fait triompher la luliice, fuccomba lui-même fous les ïfforts de la cabale. Cyprien accufa e Patrice Albin, Conful en 493, d'enxetenir de fecretes intelligences avec 'uitin , pour le rendre maïtre de Plalie. Boëce_, perfuadé de fon inno:ence, ofa dire en préfence du Roi: ti Albin ejl coupabk, je le fuis moinême avec tout le Sénat. Ces paroles pui tendoient a juftifier 1'accufé, fuent empoifonnées par la malignité les délateurs; on les fit remarquer Théodoric comme Pinfolent aveu ['une confpiration formée par Boëce i par le Sénat. On fuborna trois fcéérats, nommés Bafile, Opilion & Gaudence»  du Bas-Empirë. Liv. XL. 529 Gaudence. Bafile, Officier du palais, en avoit été chafTé pour fes débauches : on lui promit de payer fes dettes. Les deux autres avoient été condamnés k 1'exil pour différents crimes; & comme ils différoient d'obéir , Théodoric leur prefcrivit un terme, au-dela duquel, s'ils fe trouvoient dans Ravenne, ils feroient marqués au front, & chaffés de la ville. Le jour même que cet ordre leur fut fignifié, on leur promit leur grace, & 1'on admit leur requête contre Boëce. Ils 1'accuferent de trahifon , & produifirent en preuve des lettres contrefaites, fur lefquelles Théodoric le condamna. Boëce fut enfermé dans le chateau de Calventiane, entre Milan & Pavie. Ce fut-la que ce vertueux prifonnier compofa le célebre ouvrage, intitulé Confolationdc la Philofophie, dont 1'objet eft de juftifier la Providence divine, qui femble quelquefois abandonner la vertu a d'injultes perfécutions. On y trouve quelques traits contre Théodoric, qui ont befoin d'excufe, & qui démentent un peu les belles lecons que donne 1'auteur. La conduite que le Pape Tornt Vlll. Z Justin. A.nn. 514.  Justin. Ann. 524. i i 1 —_1 Ann. 52j. t XXXIII. ]. Conduite & mort P «*u Pape é Jean, £ h< 9 53° li I S T O I s. E Jean tenoit a Conftantinople, irrita de plus en plus Théodoric; & les ennemis de Boëce aigrirent tellement ce Prince, qu'après fix mois de prifon , il le fit appliquer a la torture, pour tirer de fa bouche Paveu d'une conjuration chimérique. On lui ferra ft violemment le crane avec des cordes, que les yeux lui fortirent de la tete ; & comme il perfiftoit k nier ce crime imaginaire, on PafTomma k coups de batons. Son beau-pere Symmaque, enveloppé dans la même accufation , fut conduit en prifon a Ravenne , tk eut la tête tranchée 1'année in vante. Exemple funefte k tous les 3nnces , puifqu'il eft capable d'écarer de leur perfonne la vérité, & d'efrayer ce nombre infini d'ames pufilmimes , qui eftiment la vie plus que i juftice & 1'honneur. ^Le Pape Jean apprit avec une ex■ême douleur la mort de Boëce , tk détention de Symmaque. II n'étoit 35 moins affligé de la négociation )nt il étoit chargé, On le recut k onftantinople avec les plus grands mneurs. C'étoit Ja première fois i'on y voyo it unEvê^ue de Ro-  du Bas-Empirjs. Liv. XL. 531 rrie. Le Sénat, le Clergé, le peuple, : précédés de croix , Sc portant des cierges, allerent au-devant de lui juf- ' qu'a dix milles de la ville. L'Empereur fortit hors des murs, & fe profternant a fes pieds, lui demanda fa bénédiftion. Epiphane , 1'ayant invité a faire 1'office, il n'y voulut confentir-qu'a condition qu'il auroit dans 1'Eglife la place d'honneur au-deffus du Patriarche : ce qui lui fut accordé. Le jour de Paques, qui tomboit cette année ^5 , au trentieme de Mars, il célébra la liturgie en latin, felon les rits de fon Eglife. Tous les Auteurs conviennent qu'il fut trèsattentif a foutenir les prérogatives de fon fiege; mais ils ne s'accordent pas lur la maniere dont il exécuta fa commiffion. Les uns dilent qu'il s'en acquitta de bonne foi, Sc que pour conferver aux Catholiques d'Italie le repos dont ils jouiffoient , il obtint de Juftin liberté de religion en faveur des Ariens, & la reffitution de leurs Egüfes; mais qu'il ne deman-r da pas que les Ariens convertis fuf» fent rendus a leur feófe. Si 1'on en croit les autres, il fit tout le conZ ij Justin. Lnn. 515.  Justin. Ann. j2j / 1 ï r 532 HlSTOIRE traire de ce qui lui étoit ordonné. Lom d'engager Juftin k rendre aux Ariens leurs Eglifes, il confacra luimeme k 1'ufage des Catholiques celles qui fe trouverent dans les lieux oh il féjourna. Tous ces Hiftoriens pretendent faire honneur au Pape ; ils tirent également fon éloge de ces' deux récits contradicfoires : ce qui prouve qu'on pourroit auffi facilement y trouver matiere k la cenfure. Mais le refpect pour le jugement de 1 Eglife, qui honore ce Pape comme un martyr, dok nous impofer filence. La rigueur avec laquelle il fut traité k fon retour, porte plutót a croire qu'il n'avoit pas rempli les mtentions de Théodoric. Dès que les députés furent revenus a Ravenne, Théodoric les fit mettre en prion. Le Pape y mourut le vingt-fepïeme de Mai de 1'année fuivante. Son :orps fut porté k Rome dans 1'Eglife le Saint-Pierre ; & fes funérailles fuent d'autant plus folemnelles, que e zele, pour honorer fa mémoire, toit une forte de vengeance que le euple tiroit du Prince, & des enemis du faint Prélat. 11 eut pour fuc-  du Bas-Empire. Liv. XL. 533 ceffeur Félix III , appuyé de Ia recommandation de Théodoric. En cette année 515 , plufieurs villes furent ruinées par des inondations, ou par des tremblements de terre. Une nuit le Scirtus, qui traverfoit EdefTe , s'enfla tout-a-coup fi prodigieufement, qu'il inonda toute la ville , dont il renverfa une partie conlidérable, & fit périr des milliers d'habitants. Cette riviere étoit d'une grande commodité pour EdefTe; mais elle en fut auffi le fléau, jufqu'a ce que Juftinien eüt fait creufer un canal, qui recevant une partie des eaux dans le temps des débordements, n'en laiffoit couler dans la ville que le volume ordinaire. Juftin foulagea par d'abondantes largeffes la mifere des Edefféniens : il fit rebatir les édifices ruinés, & voulut qu'Edeffe portat fon nom : mais Tanden fubfifta toujours. II donna auffi le nom de Juftinopolis a la ville d'Anazarbe,métropole de la feconde Cilicie ; elle avoit été abymée toute entiere par un tremblement de terre : c'étoit la quatrieme fois depuis fa fondation. Juftin la rétablit. La moitié de PomZ iij Justin. Ann. 525. XXXIV. Deftructions 8créparationsde villes. Evag. L 4. c. 8. Proc. xiif. I. X. c. 7, Théoph. p. 146. Ccdr. p. 365, 366. Zon. t. 11. p. 60. MaUla, p. 50. Niccpk. Call. 1.17. f. 3. Ghcas , p. 266. Chr. Edcff. apud Affin. p. 412.  Justin. Ann. 525. Ann. 526, XXXV. Incendie & tremblementéc terre a Antioche. Evag. I. 4. c. 56. Proc. Per/. 1. 2. c. 14. Theoph. p. 247. 148. Mare. chr. Phot. p. 774- Cedr. p. 365 , 366. . Malela.p. ' 49. 5°. J«- 1 Anaft. p. , 534 H 1 s t 0 1 r 2 péiopolis, autrefois Soli, autre ville de Ciücie , fut engloutie avec fes habitants. Ces horribles fecouffes fe firent fentir pendant une année entiere , en des lieux très-éloignés les uns des autres. Dyrrachium & Corinthe périrent en partie. Conftantinople ne fnt pas exempte de crainte; mais elle éprouva moins de dommage. Tous ces malheurs furent réparés par les libéralités de l'Empereur. Tandis que la terre fe couvroit de ruines, depuis les bords de PEuphrate jufqu'aux rivages de la mer Adriatique, le feu ravageoit la ville d'Antioche. On ne put jamais déeouvrir ni la caufe, ni 1'origine de cet embrafemenr. II éclata d'abord dans 1Eglife de Saint-Etienne. Les fiammes 5 eleverent prefque auffi-tót en d'autres endroits éloignés : q'étoit a la fois plufieurs incendies, qui dévorerent jn grand nombre de maifons. Juftin , ï la priere du Patriarche Euphrafe , ?nvoya deux mille livres d'or, pour •éparer le dommage. A peine ce fra/ail étoit-il commencé , qu'un défafre beaucoup plus affreux , fit de Ia alle entiere un monceau de pierres  iw Ê'as-Empire. Liv. XL. 535 & de cendres. Le vingt-neuvieme de Mai , lendemain de 1'Afcenlion, a 1'heure de midi, la terre, par de violentes fecouffes , renverfa les édifices de la partie occidentale , tk le tremblement fe communiquant avec rapidité de proche en proche, tout s'écroula, hormis les batiments foutenus par la montagne, qui ne fut point ébranlée. Comme les foyers des euifines étoient alors allumés dans toutes les maifons, les Hammes fe répandirent de toutes parts. En même-temps une fournaife fouterreine qui faifoil bouillonner le fol de la ville, exha> loit de brülantes vapeurs. Les cendre; ardentes, emportées en 1'air par un vent furieux, retomboient en pluis de feu,, tk enflammoient le toit des maifons, tandis qu'un autre incendie s'élevoit des parties inférieures. Li grande Eglife batie par Conftantin, réfifta pendant deux jours a la violence du feu, qui dévoroit tous lei édifices d'alentour : enfin, envelop' pée de Hammes tk comme calcinée elle tomba avec un horrible fracas Le mal fut fi fubit tk fi imprévu, qui peu de perfonnes purent échappe; Z iv Justin. Ann. 516. Hï(l. mifc. I. 15. Pagi ai Bar. Garn.tr. prxf adLiberatum. Fieury, hift.Ecdef. h 32. atu  Justin. Ann, 526 53<5 // ƒ s t o i r e par une fuite précipitée; & cette grande ville, la plus peuplée de 1'Orient, & ou la fête avoit ralTemblé tous les habitants d'alentour, devint le tombeaii de deux cents cinquante mille perfonnes. La plupart périrent par la chute des édifices, d'autres furent confumés par le feu. Mais Ie plus hornble de tous ces défaftres , c'eft qu'il fe trouva des brigands affez inhumains pour accourir des campagnes, & venir chercher dans le fein de la mort la matiere d'un cruel pillage. Le fpectacle déplorable d'une ville prife d'affaut, & faccagée par de barbares ennemis, ne repréfente que foiblement la defolation d'Antioche. Une foule innombrable de malheureux , eftropiés, brifés, a demi-brülés, a demimorts, courant éperdus au travers des rues & des places, pour fe fauver des flammes & des débris, rencontroient des meurtriers qui leur arrachoient, avec la vie, les miférables reftes de leur fortune, & qui bientöt après tomboient eux-mêmes écralés avec leur butin déteftable. On parle fur-tout d'un Officier du paiais, du corps des Silentiaires, nom-  nu Bas-Empixe. Liv, XL. 537 mé Thomas , qui ayant fait de fes domeftiques autant d'affafïïns, s'étoit établi a une lieue de la ville8c les envoyoit de-la piller Sc malTacrer ceux qui fuyoient d'Antioche, dont on lui apportoit les dépouilles. Ce fcélérat ne vécut que quatre jours dans ce brigandage; il fut frappé de mort fubite au milieu de fon magaiira, qui fut aulTi-töt pillé par le peuple. Dans toutes les calamités générales, il fe rencontre desmiracles de bonheur. Quelques habitants furent aflèz heureux pour fe trouver enfevelis dans leur demeures fans être écrafés; on retira au bout de vingt Sc même de trente jours de delfous les décombres, des hommes qui vivoient encore, 5c dont plufieurs expirerent dès qu'ils furent en plein air; des femmes qui étant enceintes avoient accouché fous les ruines, Sc y avoient même allaité.leurs enfants. Ces infortunés abymés avec leurs maifons, s'étoient nourris des provifions qui s'y trouvoient. Ce trenv blement, le cinquieme depuis la fondation d'Antioche , 8c le plus funefte de tous, dura fix jours avec la même violence ; il fe renouvella pendant fi> Z v Justin. Aan. 516.  Justin. Ann. 526. XXXVI. Juftin rétablit cette ville. ] ( 1 538 HlSTOIRE mois a plufieurs reprifes, quoiqu'avec moins de furie; mais pendant un an tk demi, le terrein ne fut pas entiérement affermi. On reffentit encore de temps en temps diverfes fecoufles dans 1'étendue de fept lieues aux enyirons d'Antioche. Daphné tk Séleucie furent renverfées. L'Empereur, fenfiblement affligé, fit ceffer tous les fpedtacles k Conftantinople; il quittale diadême.& la pourpre, pour fe revêtir d'un fac tk fe couvrirde cendres : il aimoit Antioche , oü il avoit autrefois féjourné fimple foldat, dans ce printemps de la vie que la vieilleffe regrette même furie trêne. Pendant la femaine de ia Pentecöte, il alla tous les jours en procelfion a 1'Hebdome, a la tête du Sénat & du peuple en habits de deuü, Fondant en larmes, & implorant la miféricorde du Tout-pniffant. II ne re borna pas k ces témoignages d'une jrofonde douleur; il envoya d'abord e Comte Carin, avec cinq mille livres d'or, pour fubvenir aux befoins es plus urgents; il le chargea de faire miever les décombres, fouiller dans es ruines, & rendre aux poffeffeurs  du Bas-Empire. Liv. XL. 539 tout ce qu'on pourroit retrouver de leurs effets. II fit partir enfuite les Patrices Phocas & Allérius avec de beaueoup plus grandes fommes, pour rétablir les édifices, les aqueducs & les ponts de 1'Oronte. Quelques Auteurs difent qu'il y employa cinquante millions de livres. II s'agiffoit de batir une nouvelle ville. Les foins paternels de l'Empereur furent heureufement fecondés par le Comte d'Orient.. C'étoit Ephrem, Magiftrat favant, & religieux , animé de cette charité active qui defcend a tous lei befoins de Phumanité. Le Patriarche Euphrafe avoit été écrafé fous les rui' nes de fon Eglife, d'oii fes plainte: s'étoient faitentendre pendant un joui entier, fans qu'il eüt été poffible d< le fecourir. Le Clergé & le peuple pleins de reconnoiffa'nce , choifiren Ephrem pour Evêque, avec Pagré ment de l'Empereur. II pafTa des em plois civils aux fonctions du facn miniftere, & s'en acquitta én gram Prélat, édifiant 1'Eglife par fa piété la défendant par fes écrits, & fe mon trant le pere de ce peuple qu'il avoi feuvé de la mort. Justin. Ann. 516,' l E  Justin. Ann. 526. XXXVfl. Mort de Théodoric. Proc. Got. l.i.c. i. Anon. VaItf. Sigon. Imp. Occ. I. 16. Earonius. i < 1 1 t 1 7 r h & u cl d 54-3 Hl S T 0 I R E ; Théodoric ne fut pas Iong-temps a is repentir de fa cruauté, a 1'égard de Boece & de Symmaque. Le déplaifir qu'il en concut , le plongea dans une fombre mélancolie qui lui caufa la mort. Je ne m'arrête pas ici aux fables que des Hiftoriens trop credules ont débitées a ce fujet. Se voyant prés de fa fin, il fit affembler les prmcipaux d'entre les Goths ^ les Romains , qui fe trouvoient k Ravenne, & leur préfentant Athalaanc, fils d'Eutharic & de fa fille Analafonte ,il le déclara fon fucceffeur. 1 leur ordonna de prêter ferment de idéhté a ce jeune Prince, qui n'avoit 'ncore que huit ans, & leur recomnanda de le refpeöer, de ménager e Sénat & le peuple Romain, & d'enretenir la paix avec l'Empereur. II ïourut le trentieme d'Aoüt, agé de 4 ans, après trente-trois ans d'un sgne très-glorieux, fi 1'on en excepte ;s deux de-rnieres années. Guerrier abile & intrépide , conquérant jufle t humain, Roi pacifique, il fut par n heureux mélange de févérité & de ouceur, contenir fes fujets victorieux ans une exafte difcipline, 6c fe faire  du Bas-Empire. Liv. XL. 541 chérir des peuples vaincus. II s'étoit fait conftruire de fon vivant un maufolée , qu'on voit encore a Ravenne, & dont le döme eft d'une feule pierre d'Iftrie, & d'une mafte énorme. La difliculté du tranfport & de la pofe, a dü furpaffer tout ce que 1'antiquité admire en ce genre dans les prodigieux travaux des Egyptiens. On en verra bientöt une defcription plus détaillée dans les Mémoires de PAcadémie Royale des Infcriptions & BellesLettres. Amalafonte prit la tutele de fon fils. L'impreffion de refpecf. que Théodoric lailfoit dans 1'efprit des Goths , donnoit une grande autorité a. fa fille, & cette Princeffe étoit par fes qualités perfonnelles tellement au-deffus de fon fexe, qu'une nation fiere & délicate fur le point d'honneur fe fit gloire de lui obéir. Un extérieur majeftueux annoncoit 1'élévation de fon ame; un efprit vif & pénétrant, mais fage, ferme & modéré, formoit fon caraflere. Cet heureux naturel avoit été cultivé par une éducation male & férieufe. Outre le grec &C le latin, elle pofféc'oit la langue de toutes les Justin. Vnn. jzó. XXXVIII Gouvernementd'Amalafonte.Proc. Got. 1.1. C, i, 13- Caff. I. S. '■p. 1,2.3. ♦ , 5,6,7, 8. I. 9. ep. 21. /. 11. ep. I. Sigon. Imp. Oce, l. 17.  Justin. Ann. 526 ét : ( J 542 HlSTOIRE nations qui étoient en commerce avec les Goths, & répondoit a leurs Envoyés , fans avoir befoin d'interprête. Avec un grand fond de connoiffance, & beaucoup de facilité pour s'exprimer, elle parloit peu; mais fes paroles étoient pleines de fens. Acfive & toujours tranquille au-dehors, elle favoit terminer fans effort & fans bruit les plus importantes affaires. Un fecret impénétrable écartoit les obftacles, & affuroit le fuccès de fes entreprifes. Affable , libérale, fidelle a fes promefles, elle gagna le cceur des peuples, qui n'aiment pas toujours ce qu'ils admirent. A fon entrée dans la régence, elle ne fit aucun changement dans le miniltere; uniquement occupée du bien de 1'Etat, elle n'avoit pas befoin de fe faire des créatures. Elle employa les excellents Officiers que Théodoric avoit choifis ; & Caffiodore reprit a part qu'il avoit eue autrefois aux ufaires publiques. Les Romains fu■ent traités avec beaucoup de dou:eur; & tant qu'elle gouverna, ils Teurent rien a fouffrir de 1'humeur iltiere & violente des Goths. Elle  du Bas-Empire. Liv. XL, 543 rendit aux enfants de Boëce & de Symmaque, l'héritage de leurs peres. Pour donner a fon fils une éducation P<.omaine , elle voulut qu'il fréquentst les écoles publiques , & lui donna pour gouverneurs trois vieillards , les plus fages & les plus éclairés de ha nation des Goths. On négligeoit de payer les appointements des Profefiéurs de Rome; elle chargea le Sénat de veiller a leurs intéréts : II n'ejï pas jujle, difoit-elle, qu'ils foient expo/és d effuyer des refus, ni qu'ils per* dent Uur temps en follicitations. Ce qui cara&e'rife les nations policées, & les diftingue des barbares , c'ejl t'ejtime des let* tres & de ceux qui les cuïtivent & les enfeignent. Amalaric, Roi d'Efpagne , & petit-fils de Théodoric , fe plaignoit de fon partage. Pour éviter tout fujet de guerre entre deux peuples unis par leur origine , Amalafonte lui eéda la partie des Gaules, fituée entre les Pyrénées & le Rhöne, réfervant feulementaux Oftrogoths ce qui s'étendoit du Rhöne aux Alpes, dont elle abandonna même quelque portion aux Francois. Elie lui rendit aufïi toutes les richeffes que Théodoric Justin. Ann. j ié.  Justin. Ann. jió. XXXIX. Athalaric reconnu Roi par l'Italie & parJuftin, l ! I 544 f/lSTOIRB avoit enlevées de Carcaffonne, & le diipenfa du tribut qu'il payoit pour 1'Efpagne. Auffi-töt après la mort de Théodóric, elle envoya au Sénat de Rome le Comte Sigifmer, pour recevoir le ferment des Sénateurs, & pour leur jurer au nom du nouveau Prince la confervation de leurs privileges. Elle fit auffi prêter ferment au peuple Romain , a toutes les villes de l'Italie , de la Dalmatie & de la partie des Gaules qui dépendoit du Royaume des Oftrogoths; promettant de fon cöté un gouvernement équitable, du les Goths & les Romains ne feroient diftingués , que paree que les premiers fupporteroient feuls les fatigues de la guerre pour la défenfe des mtres. Elle notifia en particulier aux Evêques 1'avénement de fon fils a la :ouronne ; elle leur demanda le fe:ours de leurs prieres, & les-exhorta i la vigilance pour maintenir j entre es peuples, la concorde & la pureté les mceurs. Suivant les dernieres infruétions de Théodoric, elle ne né;!igea pas Pamftïé de l'Empereur; elle ui envoya des Ambaffadeurs pour re-  nu Has-Emptre. Liv. XL. 545 Rouvelier les traités, en lui rappellant que fon pere avoit été honoré du confulat a Conftantinople , & du titre de Roi d'Italie ; que fon mari avoit été adopté par Juftin même, & qu'en conféquence fon fils avoii droit de compter fur la protection de l'Empereur. Juftin n'étoit pas dans de; difpofitions favorables. La querellc furvenue au fujet des Ariens, Favor aigri contre Théodoric; il faifoit mê me fecretement agir les Lombards qui s'étant établis depuis plus de trente ans dans le pays auparavant habite par les Ruges au-dela du Danube , fi jetterent dans la Pannonie occupéc par les Oftrogoths. Mais Amalafonte fut prendre de fi juftes mefures, qu'ih furent repouffés. Juftin, ayant échoue dans cette entreprife , écouta les propofitions de la Princeffe, & lui envoya des AmbalTadeurs pour Paflurei de fa bienveillance. II ne manquoit a Juftinien que le nom d'Empereur; il en avoit toute 1'autorité. II étoit Patrice , Général des armées ; fon oncle , en Padoptanl pour fon fils, 1'avoit nommé Nobiliflime : mais il ne fe hatok pas de Justin. Ann. 5ï6. Ann. 527. XL. Juftinien. Augufte. Evag. I. 4. c. 9 Mare. (kré  JVSTIN. Ann. 517. Via. Tun. Theoph. p. 14S. Anajl. p. 5S. Infl. navel. 117. tit. 1. Zon.p.60. Proe. Pirf. I. I. c. 13. Idem, hift. are. c. 6 , 9. & rit Alam. Chr. Alex. ( Jorn. fueecg. 1 Cedr.p. < J&6. j Joel, p. 1 £W. cr;£. ( f. 60. 1 Pagl ad Sar. < Du Cange ( fam. By-. . 95- ; Baud.ïmp, J Or. ï. /. 1 anon. p, 1, 54-<•«,i: 717, £ 7jS, 811. t; <3 54^ H 1 s r 0 1 s. s le prendre pour collegue. Un jour que le Sénat, croyant fans doute le flatter, le fupplioit de conférer le titre d'Augufte a un Prince qu'il avoit déja honoré de tous les autres, il répondit en montrant fon manteau de pourpre : Prieir Dieu de ne jamais voir un jeune homme revetu de cet habit, C'étoit ainfi qu'un Prince , prefque octogénaire, nommoit tin homme de quarante ans. Cependant étant tombé malade , il manda les Sénateurs le Feudi-faint, premier jour d'Avril 5 27, ie en leur préfence, il afTocia Juftiïien a 1'Empire, en lui donnant la jualité d'Augufte , ainfi qu'è fa femne Théodora. C'eft de ce jour-1A que ultinien comptoit le commencement !e fon regne, comme on le voit par 3 loi qu'il fit onze ans après, pour irdonner, que tous les adtes fuflent latés de 1'année du regne de PEmereur actuellement fur le tröne. Le >ur de Paques fuivant, le Prince & 1 Princeffe recurent folemnellement t couronne des mains du Patriarche piphane. Ils allerent enfuite fe mon•er au peuple affemblé dans le cirue, & furent reconduits au palais  nu jIas-Empire. Liv. XL. 54-7 avec de grandes acclamations. Suivant Fopinion qui me paroit la plus próbable, Juftinien avoit alors quarantecinq ans : car 1'année de fa naiflance n'eft pas certaine. On fait feulement que le onzieme de Mai, il en célébroit Fanniverfaire par des jeux publics. Juftin nefurvécut que quatre mois. II mourut le premier d'Aoiit d'un ul~ cere au pied, caufé par un coup de fleche , qu'il avoit autrefois recu dans une bataille, tk qui, mal guéri, fe rouvrit a la fin de fes jours. II étoit agé de foixante-dix-fept ans, tk avoit régné neuf ans tk vingt-trois jours. Son corps ne fut pas porté dans 1'Eglife des faints Apötres , fépulture ordinaire des Empereurs. II avoit voulu être inhumé auprès de fa femme, dans 1'Eglife de Sainte-Euphémie. Le regne de ce Prince fe reffentit de fa vieilleffe. II avoit épuifé fa vigueur a mériter la couronne : il n'y parvint que lorfqu'il fut a peine en état de la foutenir. Fin du Tomé huiüeme» Justin. Ann. 527, XLI. Mort da Juftin.  EXTRAIT DES REGISTRES de l'Académie Royale des Infcriptions & Belles-Lettres. Du Vendredi ao Janvier 1764. M . FAbbé de la Bleterie & M. Caperonnier, Commiflaires nommés par PAcadémie, pour 1'examen d'un Ouvrage manufcrit de M. Le Beau, Secretaire perpétuel de ladite Académie, intitulé : Hiftoire du Bas-Empire, Tomes Vil 6> V1U, en ont fait leur rapport , & ont dit qu'après avoir examiné cet Ouvrage, ils n'y ont rien trouvé qui ne fit honneur a J'Auteur & a 1'Académie. En conféquence de ce rapport, & de leur approbation par écrit, 1'Académie a cédé a M. Le Beau fon droit de privilege pour 1'impreffion dudit Ouvrage. En foi de quoi nous avons figné le préfent certificat. A Paris, au Louvre, ce Vendredi 20 Janvier 1764. GIBERT, DireSleur. TERCIER, Seus-Direfour.