HISTOIRE z> u B ASEM PI RE. T O ME QVINZIEME,   HISTOIRE z> u BASEMPIRE. EN COMMENgANT a CONSTANTIN le Grand. Por Monfieur LE BEAU, Profeffeur Émérite en 1'UniVERSITÊ de Paris, Profeffeur d'Éloquence au College Royal% Secretaire ordinaire de Monseigneur le Duc d'Orleans , & ancien Secretaire perpétuel de z.'Académie Royale des Jnscriptions et Belles-Lettres. TOME QUINZIEME. A MAESTRICHT, Chez Je an-Edme Dufour & Phii« Roux, Imprimeurs-Libraires, aiïöciés. M. D CC. L XXX.   SOMMAIRE LIVRE SOIXANTE-DTXIEiME. ï. & ÉNÉROSITÊ de Manuel. ii, Thèodora enlreprend de rétablir le cultt des images, in. Jea-n Lécanomante chaffï IV. Fin de l'héréfïe des Iconeclafies. V. Théophile abfous apres fa mort. VI. Solemnité pour le retabliffemem du culte des Images. Vil. Méthodius calomnié & juftifié. vin. Vaine entreprije des Sarafins. ix. Malheureufe expédition en Abafgie. x. En Crett. XI. En Afie. xil» Echange des prifonniers. XIII. Les Ef~ clavons fubjugués en Grece. XIV. Ignace fuccede a Méthodius. xv. Cornerfion des Cha^ares. xvi. Ravages des Pauliciens. XVII. Commencements de Bafile. XVIII. Les Macèdoniens retour-neut dans leur pays. XIX.. Bafiie a Conjlantinople. xx. II devient riclie. XXI. Premier Ecuyer de CEmpenur. xxil. ExpédiTome XF, A  % SOMMAIRE don en Egypte. XXIII. Converfion du Roi des Bulgares. xxiv. Et de la nadon. XXV. Mariage de Michel. XXVI, Troubles dans le palais. XXVil. Affaffnat de Théoclijle. XXVIII. Thhdora quitte le gouvernement. XXIX. Bajile, grand Chambcllan. XXX. Débauches de Michel. XXXI. Courfes de Cirque. XXXII, Diffpation des finances. XXXIII. Ordres cruels donnés dans la debauche, XXXIV. Bardas Céfar. XXXV. Théodora renfermée avec fes files. XXXVI. Gouvernement de Bardas, xxxvu. Bardas irrité contre Ignace. XXXVIII. Photius Patriarche. XXXIX. Ignaceperfécuté. XL, Photius veut tromper le Pape. XLI. Prudente conduite du Pape. XLII. Concile ou Ignace ejl dépofé. XLIII. Traitements cruels faits a Ignace pour le faire re» noncer a fon fiege. XLIV. Zele du Papt pour Ignace, XLV. Fourberie de Photius. XLVI. Concile & lettres du Pape contre Photius. XLVII. Guerre contre les Sarafins. XLVIII, Autre défaite de Mi-r (hel. XLIX. Ravages £Omar. L. Défaite d'Omar. LI. Bdtiments de Michel, LH. Irruption des Ruffes. LUI. Les os de Copronyme & de Jtan Lécanomants brülés. LIV. Michel fait époufer a B&\  d u L i v. LX Xe. 3' file fa concubine. lv. Complot formi contre Bardas. lvi, Affaffinat de Bardas. lvii. Suites de ce meurtre. lviii. Conduite de Photius. lix. Les Légats du Pape ne font pas requs a Conflantinople. lx. Photius prononce contre le Pape une fentence de dépofition, lxt. Bafile ajjocié a tEmpire, lxii. Complot & punition de Symbace. lxiii. Michel veut faire périr Bafile. lxiv. 11 fait un nouvel Empereur. lxv. Mort de Michel. lxvi. Fin tragiquc des meur' êritrs de Michel. A ij   HISTOIRE D U B AS-EMPIRE. LIVRE S0IXANTE-DIX1EME. MICHEL III, dit l'Ivrogne. Jamais Théophile n'avoit mieux fervi 1'Empire , qu'en choififfant Théodora pourle gouverner pendant la minorité de fon fils, agé de trois ans. II lui avoit donné pour confeil Ie Patrke Théoftifte, avec Manuel A jij Michel III. Ann. 842. i. Générofité de Manuel.  MlCHEl III. Ann. 84a. Cedr. p. Zon. t. II, p. IJl. Manaff. pag. 101. Contin, Thto. pag. 91. Genef. p. 37. 6 H 1 s t o 1 n e & Bardas ; 1'un oncle, 1'autre frere de 1'Impératrice, & les avoit nommés tuteurs du jeune Prince. Manuel étoit fans contredit le premier homme de 1'Empire, tant par fa vertu que par fa valeur; & il parut bien en cette occafion qu'il n'auroit tenu qu'a lui de fe mettre k la place de ion pupille. Dès que Théophile eut expiré, il fit affembler dans le Cirque les foldats & le peuple, & leur demanda felon la coutume le ferment de fidélité. On crut qu'il le dem'andoit pour lui-même, & 1'on s'écria de toutes parts : Vive Manuel, longues années a Manuel. Mais ce grand homme, plus öffenfé qu'honoré de ces acclamations : Arrêit^ , dit - il ; vous avei un Empereur; mon devoir & mon plus grand honneur ejl de défendre Jon enfance , & de lui conferver au prix de mon fang théritage de fonpere. En même-temps il cria le premier, vive Michel & Théodora. Après quelques moments de filence , il s eleva quelques voix qui répéterent les mêmes paroles. Enfin, toute Paffemblée, plutot pour obéir a Manuel que par #ucun autre motif, prêta le ferment  bü Bjs-Empirë. Lh. LXX. f ördinaire , & fe fépara r'emplie d'admiration pour cette ame généreufe, qui refufoit un honneur tant defois arraché par la violence, & acheté par les crimes les plus noirs. Quoique Théophile , au lit de la mort , eüt fait jurer Théodora & Théoftiftej qu'ils ne permettroient jamais le culte des Images, ils ne fe eroyoient pas obligés k garder un ferment téméraire. Mais la difficulté étoit d'obtenir le confentement de Manuel, qui, d'ailleurs affez indifférent fur ces queftions théologiques, penfoit que, pouréviter de nouveaux iroubles, il falloit laiffer les chofes dans 1'état oü les avoit mifes le défunt Empereur. Une maladie qui le conduifit en peu de jours aux portes de la mort, fit plus fur fon efprit que n'auroient pu faire les plus fortes remontrances. Les Moines de Stude, en qui il avoit une confiance particuliere , lui infinuerent qu'un moyer infaillible de recouvrer la fanté étoii de promettre k Dieu la réparatior de 1 injure faite aux faintes Images II fuivit leur confeil; & dès qu'il eiv repris fes forces, il fe montra difpofs A iv Michel m. Ann. 8421 II. Théodora entreprend de rétablir le culte des Images. Leo. p* 457- Cedr. ft 534. * Zon. torn. II. p- 153. I54.M5- Manajf. pag. 100 , ioi , IGlé Joel. p» 179. Continu Theo. pag* 92. & feqq. Sym. p. 418, fiqq- Georg. p. 526, 527, , fis.1 Genef. p. ; 37,&feqq. ', Qrat. ia  III. Ans. 842. fi/himrefti**t. Imag. »pui Comiefis. Solland.in Tkiodora. fleury, fcft.Eccltf. 4$. art. ] i 1 r 1 l a s J 14 H I S T O I R E pour fon mari un arrêt de condamnation. Pour efFacer ces taches imprimées a fa mémoire, elle s'avifa d'un expediënt totit-a-fak nouveau , &• qui montroit en elle moins de lumiere que d'amour conjugal. Elle fupplia les Peres du Concile d'accorder è fon mari une indulgence générale de tout Ie mal qu'il avoit commis dans la caufe des images, & d'arrêter par leurs prieres les effets de Ia juftice divine. Elle leur demandoit cette grace au nom des faintes images, comme une récompenfe de fon zele a les rétablir. Une demande fi peu attendue étonna les Evêques; ils demeuroient dans Ie filence. Enfin, N4éthodius prenant la parole :» Prin'> cefTe, dit-il, le defir que vous té>> moignez du falut de votre époux, > eft légitime. Une tendre piété vous > 1'infpire, & la Religion ne le défap- > prouve pas. Mais cette même Reli- > gion nous apprend, qu'il n'eft pas * en notre pouvoir de le fatisfaire. > Les clefs du Ciel ne nous ont été > confiées , que pour Touvrir a ceux > qui, pendant leur vie, font effort » pour y entrer. Nous pouvons, il  nu Bas-Empire. Liv. LXX. 13 t> eft vrai, par nos prieres, foulager les »> ames de ceux qui font fortis de ce « monde avec des fautes légeres & » dans des fentiments de pénitence. »> Mais pour ceux qui meurent hors » du fein de 1'Eglife, ou chargés de » crimes qu'ilsn'ont pas même com« mencé d'expier par une vraie dou» » leur, ils re^oivent dans 1'autre mon» de 1'arrêt irrévocable d'une con»> damnation éteïnelle. Nos prieres w ne peuvent diminuer leurs peines. » Eh bien ! repliqua 1'Impératrice, »> puifqu'un regretfincere eftun comw mencement de pénitence, je ne fuis >> pas fans efpoir pour le falut de » Théophile. J'étois a cöté de fon » lit, prête a recevoir fes derniers fou» pirs; quoiqu'abymée dans la dou» leur, je trouvois encore affez de » force pour 1'exhorter k reconnoitre » fon erreur ; je lui repréfentois les » fuites f'uneftes de fon trépas, les » fupplices de 1'autre vie, 1'exclufion » des graces & des prieres de 1'Eglife, » les malédi&ions , 1'horreur publi» que dont fa mémoire feroit flétrie. » Dieu toucha fon cceur en même» temps que ma voix tremb^ante frap- MlCHEL m. Ann. S4S,  Michel III. Aan. 842. VI. Solemnité pour le rétabliffe-. ment du culte des Images» *4 // I s T O / R E » poitfes oreilles; ilfoupira, II ïm» plora la miféricorde divine; ilme » demanda quelques images; baifa » avec ferveur celles que je lui pré» Jntai, &expira dans les tranfports » de la plus vive componéHon ". Apres avoir ainfi parlé, elle fe retira pour laiffer aux Evêques la Iiberté de dehbérer. Quoique plufieursd'entre eux doutaffent de la fidélité de ce recit, cependant tous s'accorderent k dire, que, fuppofé le repentir de Théophile au moment de la mort, iïs le dédaroient abfous de 1'excommunication qu'il avoit encourue. Tout le Clergé de Conft antinople a la fuite de 1'Impératrice , fit pour lui une neuvaine dans 1'Eglife de Sainte-Sophie; K ce fut alors une opinion commune, que rEmpereur ayant mérité 1'enrer, avoit été délivré des peines éternelles aprèsfamort, par 1'abfolution des Evêques & par les prieres des Sdeles. La paix de 1'Eglife étant folidement affermie, 1'Impératrice voulut célébrer eet heureux événement par une fête qu'elle indiqua pour le premier Dimanche de Carême. Les ha-  du Bjs-Empws, Liv. LXX. 15 bitants des Provinces voifines accoururent a cette folemnité. Les Meines defcendirent en foule du mont Olympe, du mont Ida, dn mont Athos, Ia plupart portant fur leurs corps les preuves honorables de leur conftance dans les tourments de la perfécution. On paffa la nuit en prieres dans 1'Eglife de Sainte-Marie de Blaquernes & le lendemain toute 1'affemblée fe rendit en proceffion a Sainte-Sophie. L'Eglife étoit magnifiquement ornée; & pour folemnifer le triomphe des images, 1'Impératrice y avoit raffemblé toutes celles qui avoient éehappé aux Iconoclaftes. Après la eélébration de 1'Office divin , elle donna un grand feftin aux Evêques & aux Grands de 1'Etat. Pendant le repas, comme elle fixoit fouventles yeux fur le célebre confefleur Théophane, qui venoit d'être fait Archevêque de Nicée , il lui en demanda la caufe. J'admire, dit - elle , votre patience, & je détejie la cruaaté de ceux qui om chargé votre front des caracleres que fy vois imprimés. Détejle^ donc tEmpereur Théopkile ^détejïe^ votre mari y repliqua Théophane ; je lüi ai MlCHEJE, BI. Aan. 84.Ï  Michel 111. Aan. S42. vn. Méthodius caiomnié & t6 TIlSTdIRB promis de lui faire Ure ces caracleres, & je lui tiendrai parole , devant ce Juge aufji incorruptible que févere, aux yeux duquel la pourpre des Empereurs na pas plus d'eclat que le fac qui couvre lepauvre. A ces mots , Théodora, pénétrée d'une vive douleur : EJl-ce donc la, s'écria-t-elle, l'effet de vosparoles ? Ne m'avei - vous pas tous promis de vous intérejfer pour le falut du malheureux Theophile ? Et vous vous prépare^ a Vaccufer devant le Tribunal de Dieu ? Comme elle fondoit en larmes, Méfhodius élevani fa voix, réprimanda Pimpitoyable Théophane , & confola 1'Impératrice en lui proteftant qu'ils tiendroient leur promeffe; & que Théophane lui - même, k 1'exemple du divinMédiateur, feroit le premier a demander grace pour fes perfécuteurs. Ce jour eft encore célébré dans 1'Eglife Grecque; on le nomme la Fête de 1'Orthodoxie. Jean Lécanomante, enfermé dans un Monaftere, fe confumoit de rage & de dépit. L'Impératrice, ayant appris qu'il s'emportoit a la vue des ïaintes images, jufqu'a leur crever les yeux, voulut d'abord lui faire le mê-  nv Bas-Empire. Liv. LXX. 17 me traitement. Mais s'étant laiffée fléehir, elle fe contenta de lui faire donner deux cents coups de fouet. Ce méchant homme, loin de fe corriger par le chatiment, réfolut de perdre Méthodius. De concert avec fes partifans, il fuborna contre lui une veuve. C'étoit la mere de Métrophane, dont la fainteté fit oublier dans la fuite 1'infamie de celle qui lui avoit donné le jour. II fut Evêque deSmyrne, & fignala fon zele én faveur d'Ignace contre Photius. Cette femme s'étant laiffé corrompre par 1'argent des Iconoclaftes, accufa le faint Prélat de lui avoir fait violence. Une accufatioh fi grave mit en mouvement toute la ville de Conftahtinople. Les Orthodoxes d'un cöté, les Iconoclaftes de 1'autre, s'intéreffoient avec une égale ardeur dans une caufe oii l'héréfie devoit tirer un extreme avantage de la condamnation de fon plus grand ennemi. Le tribunal fut compofé de Prélats & de Magiftrats féculiers. On fit comparoitre la femme qui expofa efFrontément le prétendu crime de Méthodius. Celui-ci demeuroit dans le filenee, ik fes adverfaires Michel III. Ann. 842.  Michel in. Ann. S42. 18 BlSTOIRÊ triomphoient déja, lorfqueManuel, perfuadé de fon innocence,fit étaler aux yeux de 1'accufatrice les inftniments de la queftion la plus rigoureufe, & lui déclara qu'on ne pouvoit la croif e fur fa parole dans une accufation de cette importance; & que pour preuve de la vérité, il lui falloit endurer la torture. Effrayée de cette menace, qu'on fe préparoit k exécuter , elle avoua qu'elle avoit été féduite ; elle nomina les fuborneurs, Sc fpécifia la fomme d'argent qu'elle avoit reeiie, ainli que le lieu de fa maifon dans lequel on la trouveroit. On la trouva en eifet, & la conviction d'une fi noire ealomnie porta le dernier coup au parti des Iconoclaftes. Les calomniateurs alloient fubir lapeine qu'ils avoient méritée, fi Méthodius n'eüt pas encore donné une preuve de fa douceur, en demandant grace pour ces feélérats. La feule vengeance qu'il exigea d'eux, fut que tous les ans dans la proceffion folemnelle qui fe feroit a Sainte-Sophie en mémoire du rétabliffement des images , ils marcheroient k la tête, une torche a la main; tk qu'ils feroient  nu Bas-Empize. Lhf. LXX. 19 témoins de 1'anathême qu'on pro- : nonceroit contre l'héréfie. C'étoit une forte d'amende honorable a la- i quelle ils furent affujettis tant qu'ils vécurent. La mort de Théophile parut aux Saralins une occafion favorable ponr ( attaquer Conftantinople. Ils mirent en mer une flotte de quatre cents voiles, commandée par Apodinar. Mais une violente tempête fit échouer ce projet. Les vaiffeaux furent brifés & fubmergés fur la cöte de Lyeie, prés du Cap Chélidonien. II n'en retourna que fept en Syrië. Théoöifte étoit le plus puhTant des tuteurs du jeune Empereur. Prudent & expérimenté dans les affaires du gouvernement, admis k tous les Confeils, il tenoit le premier rang après 1'Impératrice. Mais non content des talents qu'il poffédoit, il vouloit briller par ceux qu'il n'avoit pas. II crut qu'il manqueroit quelque chofe a fa gloire, s'il n'y ajoutoit pas celle que donnent les armes. II fit la guerre & fut toujours battu. Dès le commencement du nouveau regne, il fe chargea d'une expédition en Abaf- MlCHEt III. Lnn. S42. VIII. kraine esreprifeles Sari ins. Georg. mg, 5 ih A.nn. S43» IX. Malheiife expédition en Abafgie. Contiri' Theo. pag, 116.  Michel III, Anrt. 843. Arm. 844, X, En Crete. Leo. p. 4Ï7- Contin. Theo. pag. 12ó. Sym. p. 43 3- Georg. p. 518, 529. 20 H I S T 0 I R E gie, & fe mit en mer avec une flotte nombreufe. Une partie de fes vaiffeaux fut abymée par une tempête. Ceux qui gagnerent le rivage, ne furent pas plus heureux; ils devinrent la proie des Sarafins qui égorgerent tous les foldats. Théoftifte, échappé du maffacre, revint k Conftantinople. Ce mauvais fuccès lui attira les railleries publiques ; mais ne le corrigea pas. II n'en fut que plus arde.nt k chercher de nouvelles occafions de réparer un échec qu'il n'imputoit qu'a la fortune. Une feconde défaite caufée par fon imprudence un an après , lui fournit encore des raifons d'apologie. Théodora entreprit d'illuftrer fa régence par le recouvrement de Tifle de Crete. Elle équipa une grande flotte qui fut chargée de troupes. Ce formidable appareil furprit les. Sarafins , qui n'étant pas préparés k foutenir un fi puiffant effort, eurent recours a la rufe. Ils firent courir le bruit que depuis le départ de la flotte, 1'Impératrice avoit öté la couronne a fon fils , pour faire un nouvel Empereur qu'elle avoit choifi pour  du Bas-Empire. Lh. LXX. 21 époux. Ils avoient gagné par argent : quelques Officiers pour donner crédit h cette nouvelle. Théoftifte, affez fier & affez puiffant pour difputer la couronne a tout autre qu'a fon maitre légitime , part aufli-töf pour Conftantinople, abandonnant fon armée h la merci des Sarafins, qui en firent un grand carnage. De fi facheux revers n'étoient pas encore d'affez fortes lecons pour eet ; homme vain & préfomptueux. Les Sarafins lui en donnerent 1'annéefuivante une troifieme plus terrible que les autres, & qui acheva de convain- Cre,-tOU,t,1^mPire' excePté lui feul, qu'il n etoit pas né pour la guerre. Omar, Emir de Mélitine étant entré dans 1'Afie,Théodora, roujours preventie en faveur de Théoöifte, paree qu'il lui étoit fidélement attaché, Ie chargea de cette expédition. II partit avec une armée plus nombreufe que celles qu'il avoit perdues. Iviais ce ne fut que pour effuyer une plus fanglante défeite. II fut battu prés du mont Taurus, tk prit la fuite, Iaiffant fur la place quarante mille homnies de fes troupes. La plus grande Michel III. tan, 844; Inn. 84J, XI. En Alïe,  Michel III. Arm, 84;. partie de ceux qui reftoient, redoutant fon cara&ere dur & implacable, fe donnerent aux Sarafins, embrafferentle Mahométifme, & s'enrölerent dans leur armée. De ce nombre étoit Théophane le Pharganite , renommé pour fa force & pour" fa valeur, qui, dans la fuite, ayant obtenu fecretement fon pardon de 1'Empereur, s'échappa des mains des Sarafins , rentra au fervice de 1'Empire, & fut fait Grand-Maitre de la garde-robe. Le vaincu trouva encore moyen de fe difculper auprès de 1'Impératrice; elle lui facrifia même fon propre frere, qu'elle n'aimoit pas. Théoaifte, on ne fait par quelle raifon , rejetta fur lui la caufe de fa défaite , 6c Bardas eut ordre de s'éloigner de la Cour. Au contraire, le favori, malgré fes infortunes, demeura en poffeffion de tout le crédit & de tout I'éclat qui pourroit fuivre les plus brillantes viaoires. II fit batir un fiiperbe palais, des bainsmagnifiques, & planter des jardins délicieux. Comjne il fe fentoit d'autant plus charge de lahaine publique, qu'il étoit dans sane plus haute faveur a la Cour,  bij B.is-Empire. Liv. LXX. 23 11 fe fit donner un appartement dans le palais de rEmpereur , le ferma d'une porte de fer, & obtint une garde pour la füreté de fa perfonne , précautions finiftres qui furent toujours des pronoftics plutöt que des préfervatifs d'une fin funefte, Ces défakes réitérées avoient fait perdre a 1'Empire beaucoup de foldats , dont un affez grand nombre étoient prifonniers chez les Sarafins. L'Impératrice propofa donc un échange & le Calife 1'accepta. II reftoit a Conffantinople des Sarafins pris dans les guerres de Théophile. Les Commiffaires des deux nations fe rendirent avec leurs prifonniers au bord du fieuve Lamefe k une journée de Tarfe. Ils étoient féparés par un pont. On y faifoit paffer en même-temps un Grec & un Sarafin. Le Calife Motafem, zélé pour une feöe de Mahométans , qui traitoit d'hérétiques les Mufulmans de différente doctrine , avoit ordonné de ne délivrer que ceux qui déclareroient qu'ils eroyoient 1'Alcoran créé , & que dans 1'autre vie on ne verroit pas Dieu face a face. A chaque prifon? MlCHEI. III. Ann. 845, XII. Echange des prifonniers. Abulfara* ge  Michel III. Arm. 84;. Ann. 846. XIII. LesEfcIavons fubjugués en Grece. Conjl. Porph, de adm, imp. (. jo. 24 HlSTOIRE nier que les Sarafins recevoient, ils s'écrioient : Dieu eft grand ; c'étoit le cri ordinaire de leur nation. Les Grecs, a 1'arrivée d'un des leurs, chantoient Kyrie eleifon. On n'en délivra de chaque cöté que cinq mille trois cents fbixante. Après eet échange, les Sarafins entrerent en armes fur les terres de 1'Empire pendant 1'hyver. Mais cette incurfion leur devint funefte. Plufieursmoururent de froid; d'autres furent pris; le plus grand nombre fe noya au paffage d'une riviere. II y avoit plus de foixante ans que Staurace, fous le regne de Conftantin , fils d'Irene , avoit chaffé de la Grece les Efclavons. Mais pendant que les Princes Iconoclaftes s'occupoient a faire la guerre aux images, cette nation remuante étoit rentrée dans le pays, qu'elle ravageoit impunément. Théodora ne crut pas devoir abandonner aux Barbares cette belle contrée. Elle fit lever des troupes dans la Thrace , la Macédoine & la partie de 1'Illyrie qui appartenoit encore k 1'Empire , & mit a leur tête Théoclifte fon premier Ecuyer,  du Bas-Empirs. Liv. LXX. 25 cuyer, moins élevé en honneur , mais plus habile dans la guerre que Théoétifte le tuteur. Ce Général, entré en Theffalie, battit les Efclavons autant de fois qu'ils oferent en venir aux mains, & les chaffa devant lui jufqu'au fond du Péloponnefe. Deux peuplades d'Efclavons , nommés Ezérites & Milinges , cantonnés dans les défilés dumontTaygete, qu'on nommoitalors Pentada&yle, depuis Sparte jufqu'a la mer, ne purent y être forcés, & Théoftifte fe contenta de leur impofer un tribut. Les Ezérites établis a 1'Orient de la montagne , confentirent k payer tous les ans trois cents pieces d'or, qui ne font guere que quatre mille livres de notre monnoie; les Milinges a 1'Occident n'en payoient que foixante. C'étoit tout ce qu'on pouvoit tirer d'un peuple pauvre, dépourvu des reffources du commerce. Théoöifte demeuradans Ie pays en qualité de Préteur ; & ces peuples refterent en paix fous des Gouverneurs Grecs , jufqu'au regne de Conftantin Porphyrogenete. L'Impératrice avoit rappellé les Confeffeurs exilés, Pour effacer tou- , Tome XV, B Michel III. Ann. 846. XIV. Ignace  Michel 111. Ann. 846. Méthodius. Leo. p. 460. Contln. Theo. p. 120. Sym. p. 434 ,435Gcorg. p. 532- Joel. p. 179. Oriens Ckrifi. torn. I , pag. 244, 245. Mich. Monac. de j'anclo Ignatio apud Surlunr. Bolland. inTheodora. Flenry , hifi. ecclef. I. 48. art. 22. '.6 HlSTOIRE :es les traces de la perfécution, elle it rapporter a Conftantinople les :orps de ceux qui étoient morts en ;xil. C'étoit Méthodius qui lui avoit infpiré cette pieufe penfée. La tranf[ation de Nicéphore fut célébrée avec ia pompe laplus folemnelle; ce faint Patriarche, mort depuis dix-huit ans , avoit été inhumé dans un monaftere au - dela du Bofphore. Méthodius fe tranfporta lui-même a fon tombeau, L'Empereur, le Sénat , une foule d'habitants, un cierge a la main, allerent au-devant jufques fur le Bofphore. Le corps fut porté d'abord a Sainte-Sophie , & enfuite a 1'Eglife des Apötres, oii il fut enterré le 13 Mars 846. Après avoir rendu eet honneur a Nicéphore , Méthodius alla rejoindre dans le ciel ce généreux athlete , dont il avoit partagé les combats. II mourut le 14 Juin, &c eut pour fucceffeur Ignace , auparavant connu fous le nom de Nicétas. C'étoit le troifieme fïls de Michel Rhangabé. Léon 1'Arménien 1'avoit fait eunuque pour lui öter 1'efpérance de monter fur le Tröne de fon pere. II s'étoit attaché aux célebres Con*  nu Bas-Empire. Liv. LXX. 27 feffeurs Joannice & Théophane, qui I'avoient inftruit & formé a la vertil. Ayant embraffé la vie monaftique, il prit le nom d'Ignace , & fonda lui-même plufieurs monafteres. II étoit dans la quarante-huitieme année, lorfque Ion éminente fainteté plus encore que fon illuftre naiffance, 1'éleva fur le fiege de Conftantinople. Peu de temps après 1'clection d'Ignace , les Chazares firent favoir a Théodora qu'ils defiroient embraffier le Chriftianifme, & la prierent d'envoyer quelqu'un pour les inftruire. Leur Religiën n'avoit été jufqu'alors qu'un mélange de Judaïfme & de Mahométifme. Ils promettoient en reconnoiffance d'être déformais conftamment attachés k 1'Empire, Sc commencerent par renvoy er tout ce qu'ils avoient de prifonniers. Conftantin, furnommé le Philofophe, qui prit alors le nom de Cyrille, fut choifi pour cette miffion. Arrivé dans Ia Cherfonefe Taurique , il apprit la iangue Slavonne que parloient les Chazares ; il inventa Talphabet Slavon , ces peuples n'ayant point encoB ij ■ MlCHliL III. Ann, 846,' Ann. 847, XV. Converlion des Chazarei^. Bolland in Cyrillo & Methodio nona Mar', tii.  Michel m. Ann. 847. Ann. 848. XVI. Ravages des Pauliciens. Petrus Siculus.Ccd. p. 541 »„ 5 42. Zon. torn. 11. p. 156. Contin. Theo. p. 103, 104. 28 Hl&TOIRE re d'écriture alphabétique , & rraduifit 1'Evangile & les parties de I'Ecriture-Sainte, qu'il crut les plus utiles a leur inftrucfion. Ses travaux furent couronnés du fuccès; toute la nation étant devenue chrétienne, il y laiffa des Prêtres, & paffa chez les Moraves, qui defiroient fuivre 1'exemple des Chazares. II y demeura quatre ans & demi avec fon frere Méthodius; & ces deux Miniftres de 1'Evangile en établirent la croyance dans cette eontrée. Ils vinrent a Rome fous le Pontificat d'Adrien II, & furent faits Evêques. Méthodius, après la mort de fon frere, fut employé avec le menie fuccès a Ia converfion de la Bohème. Ces peuples s'étoient portés d'euxmêmes k embraffer le Chriftianifme ; Théodora voulut contraindre lesPauliciens de renoncer k leurs erreurs. Cette feöe impie, animée par les rigueurs qu'on employoit pour la détruire , fe multiplioitdejour en jour, & fe vengeoit par des affaffinats. Ils avoient maffacré Thomas , Evêque de Néocéfarée, & Paracondace, Gouverneur de la Province. Théodora  du Ras-Empire. Liv. LXX. ao réfolut de les convertir ou de les exterminer. Elle envoya dans ce delTein Léon, fils (TArgyre, Andronic, rils de Ducas, & Sudalis qui porterent chez. ce malheureux peuple les fupplices & la mort. Ils en flrent, dit-on, périr cent mille, dont les biens furent confifqués. Le refte fugitif & caché dans les bois, menoit une vie fauvage. Le Pont, la Cappadoce, la petite Armenië étoient infeftées de leurs brigandages. Ils étoient fans chef, Sergius qui les avoit commandés ayant été tué a coups de hache dans une forêt. Un aventurier , d'une audace déterminée , vint fe mettre a leur tête. C'étoit le Manichéen Carbéas, attaché au fervice de Théodote Méliffene, Préfet d'Orient. Ayant appris que fon pere avoit été exécuté k mort, il s'enfuit de chez fon maitre, raffembla cinq mille Pauliciens, &c fe refugia auprès de TEmir de Mélitine , qui 1'envoya au Calife. Ce Prince, charmé de fufciter k 1'Empire un implacable ennemi, 1'affura de fa proteftion, & lui donna pour habitation le mont Argée en Cappadoce. Bientot les Pauliciens difperfés fe renB iij Michel III. Ann. 84S. Conft. Porph. in thematc Colanis. De l'Ifie ainot. in Tabul. geog. ex Conft. Porph* Fieury , hifi. ccclef. 1. 48. ars. 35.  Michel III. Aon. 848 3° H I S T O I R E ■ direnr auprès de lui; en forte que le terrein du mont Argée fe trouvant trop étroit pour Jes contenir, Carbeas leur fit batir une nouvelle ville fur les confins du Theme de Colonée , dans 1'Arménie mineure. Cette ville qu'il nomma Téphrique ou Tibrique devint un repaire de brigands & de fcélérats. C'étoit 1'afyle de tous les Pauliciens, auxquels on donnoit la chafle dans le refte de 1'Empire. Les libertins , les banqueroutiers , les meurtriers, les gens pourfuivis pour crime s'y refugioient pour y jouir de rimpunité & de la liberte. Ils fe joignirent avec Omar, Emir de MéLtine, &Alim, Emir deTarfe, pour ravager les terres de 1'Empire. Alim s'étant féparé des deux autres , périt en Arménie avec toute fon armee. Omar demeura uni avec Carbéas, & faccagea les Provinces d'alentour. Pétronas, frere de 1'Impératrice, fut envoyé pour réprimer leurs incurfions. II paroit qu'au-lieu de les attaquer, il fe tint fur la défenfive, & qu'il fe contenta de ne fe pas laiffer battre. Les confeils fecrets de la Providen»  du Bas-Èmpire. Lh. LXX. $i ce élevoient alors par degrés, dans ! la Cour de Conftantinople, un Ma- ' eédoniennommé Bafile, qu'elle avoit A tiré de la pouffiere, pour le placer un jour fur le Tröne. II étoit né fous c le regne de Michel Rhangabé, de pa- * rents pauvres, qui gagnoientleurvie du travail de leurs mains, dans une 4 bourgade voifine d'Andrinople. Cet- A te contrée de la Thrace faifoit alors 5 partie du gouvernement de Macé- / doine. Lorfque Bafile fut Empereur, 'f on lui forgea une généalogie , qui faifoit defcendre fon pere des Arfacides, & fa mere de Conftantin le , Grand. On voulut même lui faire accroire que fa familie, tant du cöté paternel que du cöté maternel, re- ; montoit au grand Alexandre. Ces fables adoptées par plufieurs Hiftoriens, accréditées fur-tout par fon petit-fils Conftantin Porphyrogenete, étoient de 1'invention de Photius, qui • regagna par ces menfonges flatteurs les bonnes graces du Prince, qu'il . avoit mérité de perdre. Je vais rapporter les principaux événements de la vie de Bafile, jufqu'au temps oii il parvint a la charge de premier B iv llCHEL 111. nn. S$ i, XVII. ommenïtnentse Bafile. Leo. p. 58, 459. 60. Cedr. p. 57, 6" :qq. '.on. t. 11. ■ 163, 64,16;, 73- Manajf, >ag. 105 » 106, 107. Glycas 5 >*g- 294» 197. Joil. p. 179. Conft. Porph. p. 133, & reqq. Sym. p. 433 , 434. Georg. p. 529, & feqq. Gene/, p. 51,51,53. Du Cange fam. By{. p. 138,  Mjche: III. Ann. Sj M. de Gu. g>>es , hij des Huns p. JIO, XVIII. Les Maeédoniensretournent dans Jeurs pays. 32 Hl s t 0 I r e ' fC7er' I1 étoit encore au berceau, ■ lorfque Crum prit Andrinople , oü :. ie trouvoit alors fa familie; & il fut , tranfporte en Bulgarie avec les auf. tres habitants. Ces malheureux exi' les conferverent leur Religion ; ils la ftrent meme connoitre aux Bulgares, dont plufieurs 1'embrafferent dès-lors! Zocus, fucceffeur de Crum , après JJeucom, qm n'avoit régné que peu de temps, Prince féroce & inhïimain, «rite des progrès du Chriftianifme, «mounr Manuel, Archevêqued'Andnnople , avec un grand nombre <1 autres, parmi lefquels plufieurs parents de Bafile recurent la couronne du martyre. Cruellement traités par Mortagon, fucceffeur de Zocus, & depuis par Baldimer, petit-fils de Crum , les Cnretiens refolurent de fe tirer des mams de ces Barbares. Entre ceux qu'on avoit conduits en Bulgarie fe trouvmt un guerrier nommé Cordyle. II fe déroba du pays, & alla demander a 1'Empereur des vaiffeaux pour tranfporter fes compatriotes a Conftantinople. Théophile, alors Empereur, envoya un nombre fuflifant  du Bas-Empire. Liv. LXX. 33 de barques, qui fe tinrent a Pancre au bord du pont Euxin. Cordyle I'ayant fait favoir aux Macédoniens, ils commencerent a marcher vers la mer avec leurs families & leurs effets. Les Bulgares ks pourfuivirent; & il y eut un grand combatr, oh les Macédoniens , animés par Cordyle, Sc par leur défefpoir, déêrent entiérement les Bulgares. lis approchoient du rivage ou les barques les attendoient, lorfqu'ils virent accowir der* riere eux un nombre innombrable de Hongrois. Ce nouveau peuple étoit un melange de Turcs, de Chazares & d'Igours, qui d'abord établis au nord des Palus Méotides, chaffés enfuite par les Patzinaces, vinrent fe jetter dans la grande Moravie, oü ils furent connus fous le nom de Hongrois. Ce nom venoit de celui d'Onogours , donné par corruption aux Hordes d'Igours , qui ayant paffé le Volga, fe joignirent aux Turcs originaires du même pays. Ils fe nommoient auffi Madgiaires, du nom d'u ne Horde de Chazares, qui fe mêl; avec eux. A leur vue, les Macédo niens fe crurent perdus; ils fe prépaB v Michel III. Ann. 8 ft. I  Michel III. Ann, 851. XIX. Bafile a ; Conftantinople, 4 < j i x <3 fi 4 ü II d< cc 34 Histoirs rerent cependant a combattre. Les Hongrois leur firent dire; qu'ils ne s oppoferoient pas a leur embarquement, pourvu qu'ils leur abandonnaffent tout leur bagage. Surlerefus de fe laiffer dépouiller, il fcHut en vemr aux mains; & deux jours de Imte les Macédoniens rnirent en fuite les Hongrois. Délivrés enfin de ces snnemis, ils s'embarquerent& arriperent a Conftantinople , oü 1'Empe■eur les recut avec joie , & les renroya dans leur patrie. Bafile avoit alors vingt-cinq ans, ion pere étantmort, ilfemitau ferrice de Zanzès, Gouverneur de Maédoine. Mais ne trouvant pas dans :et état dequoi faire fubfifter fa mere 't &s freres encore en bas age, il éfolut d'aller a Conftantinople. Jaïais les fortunes ne font plus rapides ue dans un état qui fe forme ou qui i détruit. Balile étoit bien fait & 'une taille avantageufe. Les graces de >n extérieur étoient accompagnées une force de corps extraordinaire, quitta fa mere & fa familie quifon)iten larmes, leur promettant avec nfiance un état plus keureux. Soa  nu Bas-Empire. Lh. LXX. 35 deffein étoit de s'attacher k quelque grand de 1'Empire, & de s'avancer k fon fervice. Arrivé fur le foir k Conftantinople , oü il ne portoit que les livrées de la mifere, comme il n'y connoiffoit perfonne, fatigué du chemin, il fe repofa fur les degrés de 1'Eglife de Saint Diomede, voifine de la porte de la ville, & s'y endormit. Tout eft miracle aux yeux du vulgaire dans les commencements de la fortune d'un homme, qui, du dernier rang, s'éleve aux premières dignités de la terre. Les Hiftoriens de ces temps-la, fok par crédulité, fok par flatterie , fement les prodiges fut tous les pas de Bafile; on me permettra de n'en pas rapporter un feul. Le Gardien de 1'Eglife y rentrant , la nuk déja fermée, appercoit ce jeune homme, il en a compaffion, lui donne l'hofpkalké ; & fatisfait de fes réponfes, il le met en état d'entrer au fervice de quelque perfonne confïdérable. Un coufin de 1'Empereur. nommé le petk Théophile, k cauft de fa taille, fréquentok ce monafte re : il fe piquoit d'avoir a fa fuite le: domeftiques les plus grands & le B vi Michel III. Ann. 851. i  Mjchel III. Ann. 851. XX. II de Went riclie, 1 ] 1 1 i 1 1 I 3^ H 1 S T ê 1 R E mieux faits: il prend Bafile h fon fervice ; & après avoir éprouvé fon intelligence, fa vigueur & fon zele , il le fait fon Ecuyer, & lui donne le nom de Céphalas, paree qu'il avoit Ia tête fort groffe. Céphalas fuivit Théophile dansle Péloponnefe, ou 1'Impératrice 1'envoyoit. II s'acquit dans cette Province plus de confidération que fon maitre; & lorfque Théophile partit pour Conftantinople, après s'être acquitté de la cöfnmiffion dont il avoit été chargé , Bafile, qu'il laifia malade a Patras, trouva les plus grands fecours dans la générofité d'une veuve extrêmement riche, nommée Daniélis. Non contente de lui avoir procuré la fanté, elle le combla de richeffes , lui lonna trente efclaves, lui forma ua ïquipagé & un train honnête, peruadée qu'un homme de ce mérite ne >ouvoit manquer de parvenir. Elle ie lui demanda pour toute reeonnoifance que d'adopter pour fon frere,' in fils uniqüe qu'elle avoit, & de conribuer a fon avancement. Bafile, de'enu prefque auffi opulent que fon ïaitre, continua de le férvir avecl^  nu Bas-Empire. Liv. LXX. 37 inême zele qu'auparavant^ II acheta de grandes terres en Macédoine, & borna route fa vanité a enrichir fa mere & fa familie. Quelque temps après fon retour, Antigone, fils de Bardas, & neveu de 1'Impétratrice, fit un grand feftin aux principaux Seigneurs de la Cour. II invita les députés des Bulgares qui fe trouvoient pour lors a Conftantinople , 011 le Roi des Bulgares avoit toujours des réfidents en temps de paix. Ces Barbares vantoient la force cPun de leurs domeftiques, qui, difoient-ils, n'avoit pas encore trouvé fon pareil k la lutte. Théophile , qui étoit du feftin, crut fe faire honneur en gageant contre eux que ce lutteur invincible ne tiendroit pas contre vin de fes gens. On fait venir dans la falie Bafile & le Bulgare. Bafile Feut a peine faifi, qu'il le terraffa au grand étonnement des convives. Cet exploit valut a Bafde une grande victoire dans 1'efprit du peuple. On ne parloit k Conftantinople que de ü force extraordinaire. L'Empereur er youlut faire ufage pour lui-même. I avoit acheté un cheval parfaitemen Michel III. Ann. 851. XXI. Premier Ecuyer de 1'Empereur.  Michel III. Ann. Sj i. ; ! ] i i Ann. 852. 1 XXII. \ Expédition enE- \ gypte. Abulfara- 1 S<. i é F t ( g \ Ti li 3"8 II I s T 0 I R S beau, mais indomptable; aucun de fes Ecuyers n'ofoit le monter, tk PEmpereur dans fon impatience commanda de lui couper les jarrets. Bafile qui fe trouvoit préfent a la fuite de fon maitre , s'oftrit a le monter & a le réduire. On le prit au mot, & il :int parole. L'Empereur, charmé de a vigueur & de fon adreffe, le denanda fur le champ k Théophile ; il ui donna place entre fes Ecuyers ; k bientöt ayant fait 1'épreuve de la upériorité de fes talents, il Ie mit 1 leur tête. Les Sarafins continuoient de fourïir des fecours aux Pauliciens , qui avageoient le Pont tk la Cappadoce. rhéodora, dont les troupes avoient i mal réuffi en Afie, fous la conluite de Théoöifte, efpéra plus de uccès dans une Province plus éloinée, oü les Sarafins ne s'attendoient as k être attaqués. Une flotte de rois cents vaiffeaux alla fous trois ^ommandants aborder a la cöte d'Eypte. Un desGénéraux, fuivi de cent oiles , forga 1'entrée du port de Daïiette. Entre le port tk la ville étoit ne paffe ou barre, oii 1'on n'avoit  nu Bas-Empire. Liv. LXX. 39 de 1'eau que jufqu'a la ceinture. Les Grecs s'y jetterent, & trouverent la ville déferte. Ils la pillerent, & y mirent le feu. Les habitants fe fauvoient a Mefra , capitale du pays. Ils 1'abandonnerent encore a 1'approche des Grecs , qui les ayanl pourfuivis jufque-la, pillerent auffi cette grande ville. Ils emmenerert'1 fix cents femmes. Une infinité d'autres avoient péri dans la fuite ave< ieurs enfants. La converfion des Bulgares ef 1'événement le plus mémorable de c< regne ; voici quelle en fut 1'occafion Leur Roi Bogoris, perfuadé que 1< temps étoit venu de venger les Bul gares, tandis que 1'Empire étoit gou verné par une femme, envoya lu déclarer la guerre. Théodora répon dit avec courage, que s'il entroit fu les terres de 1'Empire, elle iroit au devant de lui, èc qu'elle efpéroit 1 vaincre; mais que fi elle étoit vain cue, il auroit encore a rougir de n'« voir combattu qu une femme. Le Rc Barbare, étonné d'une réponfe fi fi( re , congut de 1'eftime pour cetl Princeffe, & renouvella le traité 4 Michel III. Ann. 85 a» ,-?Ann. 85}. XXIII. ' Conver! fion du . Roi des Bulgares. | Cedr. p. - 541- Leo. p. r 460, 46a. - Zon. torn. » n.p. 155, - 156. Anafl. in - Nkolao. j Contin. Theo. f. - ioi , 101, e i°3- Sym. p. 435 >439t 440.  Michel III. Ann. Georg. Gcnef. pt 41 . 46. ' Annal. Metens. Annal. Benin. Sigeb. Chron. Regino Chr. Bolland. In Theedora. Du Cange 1 fam. ; Bulgar. p. 1 310. 311. Du Pin, 1 Diff. 1. de j antiq. te- , ctef.kdifc. c.li. 1 Fleury , 1 hifi. ecclef. t. jo. art. C ty&fuiy. C s c I s I 4© HisTöirs paix. Dans le cours de lanégociation: 1'Impératrice offrit k Bogoris telle fomme d'argent qu'il voudroit pour Iarancon d'un Moine nomméThéodore Cupharas , depuis long-temps prifonnier en Bulgarie , dont elle refpe&oit la fainteté. Bogoris convint d'en faire un échange avec fa fceur; elle avoit été prife trente-huit ans au' parayant fous le regne de Léon 1'Arménien, & étoit retenue dans la Cour de Conftantinople, fans que Moriaan ni fon fucceffeur fe fuffent mis ;n peine de la délivrer. Cette Prin:effe au berceau lorfqu'elle fut prife, ivoit été baptifée & élevée dans la leligion chrétienne, dont elle étoit rès - inftruite. De retour auprès de on frere, elle ne ceffoit de lui en aire 1'éloge, & de 1'exhortera 1'emiraffer &: a renoncer aux illufions de idolatrie. Le Moine Théodore avoit éja jetté dans 1'efprit de Bogoris uelques femences de Chriftianifme. a fceur acheva de 1'ébranler, & le iel fembloit agir de concert avec la rinceffe. Une maladie contagieufe 'etant répandue dans la Bulgarie, ogoris eut recours au Dieu de fa  nu Bas Empire. Liv. LXX 41 fceur, & cefléau ceffa prefque auffitöt. II étoit convaincu ; mais la crainte de foulever fes fujets, entêtés de leurs fuperftitions, le retenoit. II fallut 1'effrayer pour le faire plier fous le joug de 1'Evangile. II faifoit peindre une galerie de fon palais, par le Moine Méthodius , qui paffoit pour le meilleur peintre de ce temps-la. Ce Prince, naturellement dur Se féroce, lui recommanda de faire choix d'un fujet terrible. Méthodius repréfenta le jugement dernier, & les fupplices des réprouvés avec les circonftances les plus capables d'infpirer la frayeur. L'explication de ce tableau glaca d'effroi Bogoris lui-même ; il commenga de craindre Dieu plus que fes fujets. II fit favoir a Théodora qu'i! n'attendoit qu'un Miniftre de la Religion chrétienne pour recevoir le basterne; elle lui envoya un Archeyêque qui le baptifa pendant la nuit & lui donna le nom de Michel. Malgré les précautions de Bogori 1 pour tenir la chofe fecrete ,1e brui s'en répandit bientót dans tout l pays. Les Bulgares fe révoltent pour conferver leurs Dieux,ilsYeu Michel III. Ann. 853. ; XXIV. t Et de la nation. 9  MlCHEt m. Ann, Sjj. j < 1 S i I t \ fi ti il ti le ei P; & la fa cc til 4^ Hl s t o i r e Jent fedéfairede leur Roi. Un nombre innombrable de féditieux vient attaquer fon palais. Plein de courage & fortifie par le fecours du Gel portant une croix fur fa poitrine, il' «ort a la tete de quarante-huit de fes domeftiques, fond furies rebelles, & porte 1 effroi dans cette multitude tumiltueufe. Ils prennent la fuite; & ■evenus de leur épouvante, ils fe renlent a la Religion viöorieufe. L'Im>eratrice leur envoye Cyrille qui decent lapötredes Bulgares, comme 11 avoit ete des Chazares & des Moaves. Les Annales Francoifes rapporent que Louis , Roi de Germanie, oulut auffi contribuer a la converon des Bulgares. II étoit lié d'amie avec Bogoris, & fur fa. demande, lm envoya des Evêques & desPrêes. Mais ces Miniftres trouvant dans pays d'autres miffionnaires, déia ivoyes par le Pape, ne voulurent is entrer en concurrence avec eux retournerent en Germanie. Dans iiiite, cette conquête fpirituelle cau- beaucoup de jaloufie & de vives nteftations entre Rome & Conftaniople,  nu Bas-Empire. Liv. LXX. 43 Michel n'avoit encore que quinze ans; mais il étoit prématuré pour la débauche. Emporté par un tempérament fougueux, il n'étoit retenu ni par la Religion, ni par 1'autorité de fa mere & de fes tuteurs, ni par la crainte de la honte puhlique , attachée aux défordres des Princes. II devint éperdument amoureux d'Eudocie, fille d'Inger, grand Tréfcrier, qui étoit de 1'illuftre familie des Martinaces. La beauté de cette fille embrafa le jeune Prince , & fes^ artifices fédu&eurs le tinrent enchaïné. Ce fut en vain que pour le retirer de cette habitude criminelle , fa mere lui fit époufer une autre Eudocie, fille de Décapolite , auquel les Hiftoriens ne donnent aucun titre, mais quidoit cependant avoir été d'un rang fupérieur a Inger. Michel accepta cette Eudocie pour femme, & garda pour maitreffe 1'autré Eudocie , qu'on diftingue par le furnom d'Ingérine. Le libertinage du Prince troubla la tranquillité de la Cour; elle devinl orageufe , pleine d'intrigues & de noirs forfaits. Les gens de bien le; plus affeüionnésau Souverain, fureni Michel HL Ann. 854. XXV. Mariago de Michel.iès. p. 457. 45»' Sym. p- 433- Gcorg. p. 519. xxvr. Troubles dan» le palais. Leo. p. 460, 4&!> 461.  Michel III. Ann. 854. Cedr. p, 544- Zon. torn. 11. p. 156, *57, iï.8. Glycas, pag. 242. Manajf, pag. 103 , ( 104. Contin. ' 104, £• , fm- Sym. p. i 435- 3 Georg. J3*. 533- ï Genef. p. £ 4l.4i,43' c r ï 1 F A a' c; v. Hl 44 HlSTOlXB les viöimes des ambitieux & des fourbes, les vrais ennemis de leur maïtre qu ils trahiflbient en fervant fes pafiions. Damien, premier Chambellan du Pnnce , & bien avant dans fa conhance, fe laiffa gagner par Bardas, depuis hint ans éloigné de la Cour, K qui devoit bientöt Ie détruire luiueme. II obtint fon retour d'abord a -onftantinople, enfuite au palais , >u Bardas fe fit par fes libéralités auant de eréatures qu'il y avoit d'Offi:iers. II n'afpiroit a rien moins qu'a Empire; & pour y parvenir,il ne alloit qu'écarter d'auprès de 1'Empeeur ceux qui avoient affez de génie >our pénétrer fes mauvais deffeins, '£ affez de zele pours'y oppofer. Mihel, demeuré feul, devoit être aiféient renverfé. Bardas profita d'aord d'une brouillerie furvenue entre Jéoöifte & Manuel. U fe joignitè heoctifie pour rendre fufpea au rinee le plus fidele de fes tuteurs. lanuel, fauffement accufé , prévint ree fageffe les fuites funeftes de la ilomnie; il fe retira de la Cour pour vre en fimple particulier dans fa aifon, féqueftré de toute affaire, &  nu Bas-Empire. Liv. LXX. 45 n'allant au palais que lorfqu'il y étoit mandé pour quelque délibérstion importante. II changea dans la fuite cette maifon en monaftere , & y mourut dans la pratique des vertus chrétiennes. Après s'être fervi de Théoótifte pour éloigner Manuel, Bardas entreprit de fe défaire de Théo&ifte jnême. II engagea Damien dans ce complot, en lui repréfentant que 1'Empereur étoit en age de régner par lui-même, qu'il étoit temps de le tirer de 1'efclavage, oü le retenoit fa mere gouvernée par ce tuteur impérieux. Damien, homme de peu d'efprit, qui n'avoit d'autre fentiment que celui d'une aveugle tendreffe pour fon Prince, fe laiffa facilement perfuader. Un coup d'autorité que Théodora venoit de faire, indifpofa le jeune Prince contre elle. Son Gouverneur étoit un homme fans mérite, placé par 1'intrigue dans ce pofte important. II n'avoit réuffi qu'a corrompre fon éleve par 1'exemple de fa vie déréglée, & par la baffeffe de fes inclinations. L'Impéfatrice, long-temps dupe de fon hypocrifie, & prévenue Michel III. Ann. S j 4; XXVII. Affaffinac deThéoc-, tift«.  Michel Hl. - Ann. 854. 46 II I S T O I R E par des témoignages infideles , jufqu'a lui confier léducation de fon fils, n'avoit pu s'en défaire lorfqu'elle eüt reconnu fon mauvais choix. II s'étoit attaché les plus puiffants de Ia Cour , & fur-tout fon éleve par fes criminelles complaifances. Michel qui fortoit de fes mains, trop content de fes fervices, vouloit 1'élever aux premières dignités. Mais 1'Impératrice s'arma cette fois de fermeté pour s'y oppofer. Cétoit, difoit-elle, avilir le Prince & £ Empire, que £abandonncr a des mains indignes les grands emplois , qui 7te Je Joutiennent dans leur èclat que par le mérite de ceux qui les exercent. Bardas profita de cette réiiftance pour animer 1'Empereur contre Théofiifte : Cétoit lui, difoit-il, qui faifoit agir & parler 1'Impératrice. A leurs yeux, Michel étoit & feroit tou~ jours un enfant ; il ne manquoit a Théoclijle que le nom d'Empereur, qu'il étoit Jurlepoint de prendre ; le complot étoitförmé. Théoclijle alloit époufer Théodora , ou tune de fes files ; on devoit crever les yeux a Michel, & le tenirenfermé dans un monajlere, Ji ton jugeoit a propos de le laffer vivre. II  bu Bas-Empire. Ltv. LXX. 47 n'en falloit pas tant pour allumer la colere du jeune Empereur. La mort de Théoflifte eft arrêtée ; Bardas preffe 1'exécution. On convient de le tuer, lorfqu'il viendroit a 1'appartement de 1'Impératrice. L'Empereur voulut être lui - même témoin du meurtre & donner le fignal. Lorfqu'il fut que Théo&ifte approchoit, il s'avance au milieu de fes gardes, fuivi de Damien tk de Théophane le Pharganite, tk fe mettant au-devant de Théocufte qui tenoit en fes mains des papiers, qu'il alloit, felon fa coutume, communiquer a Théodora : A qui vas-tu, lui dit - il , rendre compte de mes affaires? Cejl a moi qu'il appartient de les entendre. Lis-moi ces papiers. Théoöifte, tout tremblant, en ayant fait la leöure , regoit ordre de retourner chez lui. A peine a-t-il fait quelques pas, qu'il entend le fignal de fa mort: Tue^, tue{, crioit Michel: parole horrible & inouie dans la bouche d'un Prince. Théoctifte, qui n'étoit pas accompagné, doublé le pas tk. fuit vers le cirque. Bardas le devance, tk le prenant par les cheveux, luj frappe le vifagea coups de poing. Michel - III. Ann. S54,  Michel III. Ann. 854. 48 HlSTOIRE Maniacès, Corrrmandant des gardes de nuit, étonné de voir traiter fi outrageufement le grand Logothete, veut le défendre ; Bardas écarté eet Officier , en lui difant, que c'eft un ordre de 1'Empereur; & comme le peuple accouroit en tumulte, il tire fon épée, menace de tuer le premier qui ofera prendre le parti du coupable, ordonne a fes fatellites de le mettre en pieces. L'Empereur arrivé a l'inftant & réitere lemême ordre. Mais aucun n'ofant mettre la main fur un perfonnage fi refpe&able, on le conduit en prifon, fous prétexte de prendre du temps pour le juger felon les formes. Dès que 1'Empereur fut de retour au palais, Comme on craignoit que 1'Impératrice ne fit élargir le prifonnier au moment qu'elle apprendroit fa détention, on envoya un affalTin qui le maffacra dans la prifon. Manuel apprenant cemeurtre, & s'attendant a un pareil traitement, loin de prendre de 1'effroi, allalui-mêmejan-devant de la mort qu'il avoit tant de fois affrontée dans les batailles; & ayant rencontré Bardas : Courage , lui dit-il; ne remets Pêpèe dans lefour- reau  nu Bas-Empire. Eiv. LXX. 49 reau qu après avoir facrifié toutes tes viclimes. Cette hardieffe impofa au lache Bardas; il n'ofa pas attaquer un homme qui méprifoit fes attaques. Théodora déteftoit fon frere, dont elle connoiffoit la noirceur. Manuel & Théoclifte avoient toute fa confiance. A la nouvelle de eet horrible affaffinat, elle accourt toute éplorée k 1'appartement de fon fiis ; elle 1'accable des plus fanglants reproches; & voyant Bardas paroitre a fes yeux: Monjlre d'ingratitude & de perfidie , «'écrie-t-elle, tu méritois la mort; je ne Cai donc épargné que pour la pertz de celui dont les confeils m'ont engagée d te laiffer la vie ? Mon gouvernement étoit fans tache; c'ejt toi qui Cas fouillé de fang ; c'ejl toi qui mets le poignard aux mains de mon fis. Tremble, malheureux; Cexemple que tu viens de donner , tournera contre toi - méme. Puijfe le Ciel te punir feul, & ne pas confondre ta tête avec celle de mon fis que tic injlruits aux ajfajjïnats. Elle fort en le chargeant des plus terribles imprécations; enfuite revenue k ellemême, elle fait réflexion qu'après une fi violente inve&ive , il ne lui Tome XV. C Michel IH. Ann. 854; XXVIII. Théodora quitte le gouvernement.  Michel 1ÏI. Ann. S54, 50 HiSTOlRB refte d'autre parti que la retraite. Ea effet , dans ce moment-la même , on prenoit dans le confeil du Prince des mefures pour la dépouiller du gouvernement. Mais cette fiere Princeffe prévint Bardas; elle fait affembler les Sénateurs, & leur dit:» A» vant que de me décharger du foin ►> des affaires , j'ai voulu vous inftrui» re de Tétat oü elles fe trouventau» jourd'hui. Je laiffe dans le tréför » cent quatre-vingt-dix mille livres ►> pefant d'or, & trois cents mille li» vres d'argent. Ce 'font les épargnes » de mon mari tk les miennes. Je ne » compte pas le mobilier qui eft im» menfe. J'ai voulu vous en inftruire, ■> pour prévenir les difcours de ceux •> qui pourroient, après ma retraite, ■> m'imputer d'avoir laiffé 1'Etat épui■> fé ". Elle fait alors entrer les Rece^eurs du tréfor, qui atteftent la vérité de fes paroles, & les confirment par leurs regiftres. Après cette vériiication , elle remercie les Sénateurs des confeils dont ils 1'ont aidée pendant fon adminiftration; erivoye k ['Empereur tout ce qui concerne le gouvernement , tk fort du palais.  du Bas-Empire. Liv. LXX. 51 Auffi-töt Michel, quine cherchoit plus qu'a la mortifier , lui renvoye les Princeffes fes filles, Thecle, Anne & Anaftafie; & pour la priver de celle qu'elle chériffoir avec prédilection, il fait enfermer Pulchérie dans un Monaftere. Bardas, revêtu de la dignité de Logothete a la place de Théoftifte, ne voyoitplus auprès de 1'Empereur que Damien qui put lui faire ombrage. Dès qu'il n'eutplus befoin de lui pour ruiner les autres, il ne le regarda plus que comme un rival incommode, & fut apprêter Ia calomnie avec tant d'habileté, qu'il parvint a le rendre odieux au Prince. Damien perdit fa charge qui demeura quelque temps vacante. Un pofte fi important fut 1'objet de routes les intrigues. Bardas seffor^oit d'y placer une de fes créatures; chaque courtifan follicitoit pour celui dont il efpéroit dayantage. L'Empereur les trompa tous; il préfera Bafile, déja grand Ecuyer; & Bardas, mécontent de ce choix, ne put s'empêcher de dire afes partifans: Nous avons écarté le rcnard, pour faire place au l'ion-qui Ttotrsdévorcrdtous. C ij Michel III. Ann. S54, XXIX. grand Chambel- lan.  52 HlSTÖlRE •'m^~~! On ne fut pas long-temps k s'apmiilEL Percev°ir que 1'Impératrice ne fe Ann. 8*5 5. trompoit pas fur le compte de fon rils. XXX. Tant de tréfors furent bientöt diffi- Débau- pés. Jamais la puiffance fouveraine Michel.6 n'avoit été plus horriblement avilie. cedr. p. Un Empereur de feize ans , né avec H4> 545, les inclinations les plus baffes, élevé 554.' 5 53' Parun homme qui ne lui avoit appris Zon. tom. que le mal, devenu fon maitre au j6iP' il7t1 moment oü fes paffions fe déchai- Manaff. noient avec violence, fe livra fans pag. ioz, réferve aux excès de la diffolution Ja l°tliycas P^us outrée. Aux premiers fignes qu'il pag. 291 ,' donna de fon caraftere, tous les li*92v. bertins de 1'Empire accoururent aui79?/- F' tour de lui, &firentdu palais unlieu Contin. de débauche. Les repas prolongés The°'iFa§' iu^ïu'^^vreu"e> les intrigues fcanda■122' 1% ' kufes, ks entretiens licencieux, les feqq. courfes du cirque , telles étoient les Sym.^ p. occupations les plus férieufes de 1'Emjeaq! pereur. Ses jeux étoient des farces conft. impies , dans lefquelles une bouffonror^h''&p' nerie facrilege contrefaifoit nos fainfe\q' tes cérémonies , & même nos plus auGemf. p. guftes myfteres. Chaam de fes Cour49* tifans portoit le titre d'un Métrppolitain;v il prenoit lui-même le nom  nu Bas-Empire. Llv. LXX. 53 d'Archevêque deColonée. Le Patriarche étoit un certain Théophile, effronté blafphémateur, que 1'Empereur avoit nommé Himere , c'efl-ar dire, aimabh & charmant, & que toute la ville nommoit le Porc, a caufe de fa phyfionomie & de fes moeurs. "Cette troupe exécrable fe faifoit un divertiffement d'outrager Dieu même, dans la perfonne du faint Patriarche Ignace. Lorfque ce Prélat, a la tête de fon Clergé, faifoit des proceffions dans la ville, ces miférables ayant 1'Empereur au milieu d'eux , alloient a ia rencontre montés fur des anes , comme un chceur de Satyres, jouant des inftruments, chantant des chanfons infames fur le ton des Pfeaumes, & infultant a la piétc des fideles par des gefies obfcenes, Michel n'épargnoit pas même fa mere. La décence de l'hiftoire ne me permet pas de raconter en détail 1'infolence pleine de baffeffe avec laqüelle il la traita un jour , 1'ayanl mandée au palais pour recevoir . difoit-il, la bénédiftion du Patriarche. II fuffit de dire que ce Patriarche étoit 1'impudent Théophile, reC iij MlCKEL III. Ann. 85S.  Michel m. Ann. 8j j. XXXI. Courfes du Cirque. 54 Histojrb vêtu des habits pontificaux, & afïïs a cöté de 1'Empereur. L'Impératrice qui le prenant pour Ignace, s'étoit profternée a fes pieds, 1'ayant reconnu è la groffiéreté brutale avec laqueHe il 1'infulta, s'enfuit en frémiffant d'horreur au milieu des éclats de nre de fon fils & de fes Courtifans;alors fe retournant vers Michel: Tremble, dit-elk, fis impie & dénature; Dim t'a livré d ton fins réprouvé; ü étendra un jour fon bras pour te punir. L'occupation la moins criminelle du jeune Empereur étoient les courfes du Cirque. Confondu avec les cochers, & portant la livrée de la faction bleue, il difputoit d'égal a égal une indécente vicfoire. II étoit fi paffionnépour ce divertiffement, qu'il en faifoit Paffaire la plus importante de fon Empire. Un jour qu'il fe préparoit a courir, il appercut des flambeaux allumés fur lacolline de SaintAuxence, au-dela du Bofphore. C'étoit un fignal qui annoncoit une in:urfion de Sarafins. L'Empereur al'armé, non pas de 1'approche des enlemis, mais de la crainte que les  du Bas-Empire. Liv. LXX. 55 fpecfateurs diftraits par ce fignal menacant, ne donnaffent pas au fpectacle toute 1'attention dont il étoit jaloux, fe mit en courfe; Sc fi-töt que les jeux furent achevés, il ordonna de fupprimer a 1'avenir tous ces fignaux importuns. C'étoit .un établiflement falutaire. Dès que les Sarafins paroiffoient en Afie, la nouvelle en étoit répandue en peu de temps au moyen des flambeaux placés fur des lieux élevés, dont la lumiere fe communiquoit de proche en proche depuis le chateau de Luie , prés de Tarfe jufqu'a Conftantinople. Sur eet avis, les habitants des campagnes fe retiroient dans les places de füreté. Michel aima mieux expofer 1'Afie entjere a un pillage imprévu , que de manquer d'appïaudiffements lorfqu'il fe donnoit en fpectacle. Une autre fois, comme il étoit déja fur un char, attendant le fignal pour partir de la barrière, un courrier envoyé par le Gouverneur de Bithynie, vint annoncer au premier Secretaire d'Etat, que 1'Emir de Mélitine k la tête d'une armée, avoit traverfé 1'Afie, & qu'il étoit a MaC iy Michel III. i.nn. Sj 5.  Michel Hl. Ann. 8;j. ^ H ' ƒ S T O 1 R g lagines Le Miniftre, ayant autfi-t Ne vois-tu pas quü sagu acluellement pour moi de prendre la droite fur ce cocher, & que cejl de-la que dèpend le fuccès de ma courje? Son impiété bifarre & pen daccord avec elle-même, mêloit la «ligion a ,fes jeux ; il alloit recevoir le prix dans 1'Eglife de Blaquernes, ou la ftatue de la Sainte Vierge, magnifiquement paree, lui metloit une couronne fur Ia tête. Non content de fe déshonorer Iui-même, il torcoit les premiers Officiers de 1 Empire de prendre les livrées du Urque, & de courir avec lui. Ua jour, tombé de fon char, il penfa pem au milieu du Cirque. Quelquefois,traverfantles rues de Conftantinople k cheval avec fon infame cortege de Jibertins , il defcendoit dans la cabane d'une pauvre femme ou d'un artifan, prenoit tout ce qui s y trouvok de vin & de viande , appretok lui-même le repas, dreffoit  du Bas-Empihe. Liv. LXX. 57 ra table ; & prenant place avec la familie , buvoit & mangeoit avec excès ; puis il s'en retournoit ivre, blamant & plaignant beaucoup fes prédécefleurs, qu'un fafte orgueilleux avoit privés, difoit-il, des plaifirs fimples & populaires. Ces parties de débauche lui fïrent donner le furnom cYIvrogne, qui le diftingue entre les Empereurs de fon nom. Rien n'étoit capable de le réveiller de cette honteufe Iétargie. Les fléaux dont fon regne fut affligé , ne purent fufpendre un moment le cours de fes indignes plaifirs. Outre les dépenfes énormes qu'il faifoit en chevaux, 1'argent du tréfor fe verfoit k grands flots fur les cochers du Cirque, fur des femmes perdues, fur des hommes encore plus infames, miniftres ou compagnons de fes défordres. II vouloit être parrain de tous les enfants des cochers; & le moindre préfent qu'il leur faifoit k cette occafion , étoit de cinquante livres d'or; fouvent il en donnoit quatre fois autant. Une brutalité de Théophile fut récompenfée de cent livres d'or. Pour fournir k ces folies largeffes/il fouiUa C v Michel III. Vnn. 855. xxxir. Dimpstioa des finances.  MlCHE III. Ann, 8; xxxni. Ordres cruels donnés dans la debauche. m 5& HlSTOiRE l dans,le *réfor d«Eglifes. II pllla fcs autels, fondit lesftatues d'or &d'aru gent , & même les vafes faerés. Toute* ces richeffes étant bientöi epuifees, il ne lui reftoit de refiources que dans ees ouvrages d'or li renommés , précieux monuments de Ia magnificence de fon pere. II s'en Irouva Ie poids de vingt mille livres. Peu de temps avant fa mort, il ordonna de les convertir en efpeces, & de fondre tout 1'or & tout 1'argent de la garde-robe Impériale. Lorfqu'il mourut, il en avoit diffipé ja plus grande partie; & quelque* jours de plus auroient confumé le refte, Pour comble de malheur, fans être naturellement cruel, il le devenok dans livreffe. Ses repas finïffoient le plus fouvent par quelque fanglante tragédie. Plein de vin, mais rdtéré de fang, paffant tout-a-coup d'une joie tumultueufe aux accès d'une fombre fureur , fans aucune raifon, même fans aucun prétexte, il ordonnoit de trancher Ia tête, de crever les yeux, de eouper les pieds & les mains, de brüler Le plus fouyent on fe dif-  du Bjs-Empire. Lh. LXX. go penfoit d'obéir , autrement nul de fes Officiers n'auroit échappé k la mort. Mais malheur k ceux qui avoient des ennemis k la Cour; 1'ordre étoit fur le champ exécuté. L'Empereur revenu de fon ivreffe, apprenant le lendemain ce qu'il avoit commandé la veille, favoit bon gré a fes Officiers de n'avoir pas obéi, ou s'affligeoit lorfqu'on avoit fuivi fes ordres. Mais ce regret ne Fempêchoit pas de fe mettre dès le même jour dans le même état, & de s'abandonner encore k une ivreffe furieufe & fanguinaire. Bardas étoit le plus odieux des courtifans. II découvrit une conjuration tramée contre fa perfonne par le grand Ecuyer. On devoit maffacrer Bardas k fon retour d'une maifon de campagne qu'il avoit prés de Conftantinople. Les conjurés eurent la tête tranchée dans le Cirque. Ce fut a cette occafion que Bafile fut revêtu de la charge de grand Ecuyer, & Bardas fait Curopalate; le crédit de celui-ci croiffant toujours avec fon zele perfide a fervir les débauches de 1'Empereur , on le vit bientöt après élevé au rang de Céfar. 11 C vj Michel III. Ann. 8;t. Ann. S56. XXXIV. Bardas , Céfar. Leo. po 461 , 462, 468. Cedr. p. 545- Zon. torn. ii. p. 158- Glycas s pag. 292. Contin. Theo. pag. 108 , 109. Sym p. 435 .436»  Michel UI. Ann. 856. Georg. P"g- 5 33 . 5 34- Meet. vita Ign. Bolland.in Théodora. XXXV. Théodora renferniée avec fes filles. H 1 S T 0 I R S fignala fa nouvelle dignité par de grandes largeffes , a 1'exemple des anciens Confuïs. II fe fit promener par Ja vdle fur un char brillant, jettant quantité d'argent au peuple. Théodora fut foupconnée d'avoir rorme le complot contre Bardas; &c ee frere inhumain lui eut volontiers ote Ia vie; elle n'auroit pas trouvé de defenfe dans la tendreffe de fon lils , en qui 1'abrutiifement de la débauche étouffoit tous les fentiments de la nature. Mais Ia crainte de 1'indignation publique retint Bardas ; il fe contenta d'enfermer fa fceur & fes nieces. Comme elle revenoit avec fes filles de 1'Eglife de Sainte-Marie de Blaquernes, oii la piété les conduifoit tous les jours, fon autre frere Petronas les enleva, & les tranfporta au palais de Carien. L'Empereur veuh:t en vain engager le Patriarche k leur donner le voile; il répondit qu'en entrant dans le Patriarchat, il avoit fait ferment de ne rien entreprendre contre le fervice ou la gloire du Prince , & que cette violente déshonorerort 1'Empereur. On les dépouilla ie totn 1'éclat qui convenoit a leur  du Bas-Empirb. Liv. LXX. Si naiffance; on les réduifit a 1'état de fimples particulieres. Théodora véeut ainfi jufqu'a la première année du regne de Bafile; elle eft révérée comme Sainte, dans 1'Eglife Grecque. Son fils & fes deux freres cauferent tous fes malheurs. Elle fut plus heureufe de la part de fes filles, qui fuivirent fidélement fes exemples. De fes trois fceurs , Calomarie, Sophie & Irene , dont la vertu égaloit la beauté, Calomarie époufa le Patrice Arfaber , Maitre de la milice; Sophie , Conftantin Babuzique, qui fut revêtu de la même dignité; Irene, la plus jeune &c la plus vertueufe, fut mariée a Serge, frere de Photius, dont elle eut deux fils, Etienne ik Bardas, qui furent tous deux Maïtres de la milice. Irene refta veuve de bonne heure, & paffa le refte de fes jours dans les exercices d'une piété exemplaire, au milieu d'une Cour corrompue. Son occupation fut de vifiter les prifons , d'aller y fecourir les malheureux, & de folliciter leur prompte délivrance, lorfqu'elle les croyoit innocents. Bardas Céfar n'avoit plus qu'un MlCHEt \nn. 8;ó> XXX vx. GouveT'-  MlCHEI III. Ann. Sjé nement de Bardas Cedr. p 547. 5 5° Zon. torn II. p. lóo 161. Contïn. Theo. pag. 115,119 120. Sym, p, 439- Georg. p, 534- Genef. p, 46,47- 2 H I S T 0 I R E pas k faire pour monter au tröne, oh fon ambition afpiroit. Aulïï voyoitk il avec plaifir 1'Empereur fe plonger de plus en plus dans la débauche ; & • tandis que le jeune Prince paffoit les ; jours dans le Cirque , & les nuits k table, Bardas difpofoit des charges & ' des emplois , vendoit Ja juftice, té* formoit les tribunaux , ranimoit 1'étude des loix prefque oubliées, & les faifoit exécuter. L'ignorance & la barbarie des Empereurs précédents avoit flétri & defféché jufque dans la racine le germe des fciences & des lettres. Bardas, fort inftruit luimême, perfuadé qu'elles font 1'ornement d'un Empire, prit foin de les faire revivre. II employa pour eet effet le Philofophe Léon , qui, depuis le regne de Théophile, étoit retombé dans fa première obfeurité. II le mit a la tête de cette noble entreprife, & tira de fon école des maïtres habiles en Philofophie, en Géométrie, en Aiïronomie, en Grammaire. II leur affigna des penfions pour les mettre en état d'enfeigner gratuitement, & les logea dans le palais de Magnaure, qui devint une académie,  du Bas-Empire. Lh. LXX. 63 Pour animer les études renaiflantes, il affiftoit fouvent lui-même aux lecons, il excitoit 1'émulation de la jeuneffe par des louanges & des récompenfes. II vint a bout en peu de temps de réveiller dans le cceur des hommes cette curiofité naturelle , qui s'éteint faute d'aliment, mais que le fouffle bienfaifant d'un Prince peut aifément rallumer. Ces foins généreux de Bardas ne mériteroient que des éloges, fi le motif en eitt été p.ir & défintérefïé. Mais il ne travailloit k 1'honneur de 1'Empire que pour s'en rendre maitre : c'étoit un palais qu'il faifoit rétablir & décorer pour s'y loger enfuite, & tandis qu'il corrigeoit les abns de 1'Etat, il s'abandonnoit lui-même aux plus grands défordres. II avoit deux fils, 1'un nommé Antigone, commandoit les troupes de la garde , 3'autre, dont on ignore le nom, étoit Général des troupes d'Occident; il mourut jeune; mais avant que de mourir, il eut laT honte & la douleur de fe voir déshonoré par fon propre pere. Bardas, au mépris des loix divines & humaines, s'érant fé- MlCHEt III. Aan. 8 f6.  Michel W. Ann. 857. XXXVII. Bardas irrité contre Ignace. Leo, p. 463. CeJr. p. JSi." Zon. torn. II. p. 161 , 162. Manaff. p. 104, 105. Glycas , pag. 243. Joel, p. 179- Contin. Theo. pag 120 , 121, 122. Sym. p. 438,439! 441,442. 443- Georg. p. 53 5- Genef. p. 47, 48.49Anafl. in Benediclo III. & Nieolao I. F-pifioU 64 HlSTOIRE paré de fa femme fans caufe légitime, entretenoit avec fa bru publiquement un commerce fcandaleux. Les remontrances réitérées du Patriarche Ignace ne fervirent qu'a 1'irriter. Enfin, comme il eut 1'audace de fe préfenter dans 1'Eglife, a la fête de 1'Epiphanie pour participer aux faints myfteres, Ignace lui refufa la communion. Peu s'en fallut que Bardas, outré de eet affront, ne le tuat fur le champ : rien ne 1'arrêta que 1'intrépidité du Patriarche, quj, préfentant fa poitrine , le mena?oit de la colere de Dieu. II fortit de 1'Eglife plein de fureur, & de ce moment il réfolut de perdre Ignace. II n'eut pas de peine a faire entrer 1'Empereur dans fes fentiments de vengeance. Le refus de donner le voile k Théodora Sc k fes filles avoit; irrité le Prince ; Bardas fut empoifonner ce refus. II fit encore ufage d'un événement, qui faifoit alors grand bruit a Conftantinople. Un inconnu, nommé Gébon, arrivé depuis peu de Dyrrachium, en habit eccléfiaftique , publioit qu'il étoit fils de Théodora ? né de cette  dv Bjs-Empirë. Liv. LXX. 65 Princeffe avant fon mariage avec Théophile. Quoique cette fable fut dénuée de vraifemblance, & que eet impofteur donnat des marqués de folie, il trouvoit néanmoins dans un grand peuple des efprits toujours difpofés a croire fans examen tout ce qui fe débite au défavantage des Princes. Michel 1'avoit fait enfermer & garder étroitement dans 1'ifle d'Oxia; mais auffi crédule que le peuple, il fe perfuada, fur le rapport de Bardas, qu'Ignace étoit 1'auteur de cette impofture. II réfolut donc de le chalTer de fon fxege, & de lui fubftituer un autre Patriarche. Bardas jetta les yeux fur Photius. Perfonne n'étoit plus propre a feconder fes vues. II ne manquoit ï Photius que la probité pour être le plus grand perfonnage de fon fiecle Né dans une familie illuftre, beaufrere d'Irene, fceur de 1'Impératria Théodora, il avoit recu 1'éducatioi la plus brillante. Riche, en état de f< procurer un grand nombre de livres avide de connoiffances & de gloire fon génie facile , pénétrant, labo rieux, ayoit embraffé toutes les fcien Michel III. Ann. 8 $7. Nicolai Papx. 'Libellus mijfus a Theugncfta ai Nicolaum Pa.' pam. Nicet. vita Igfl. Bolland", in Théodora & in La\aro, 13 Febr. Vita Nicolai Stw ditte. Michel Synt. apui . Surium 13 OS. Oriens ■ Chrift. 1.1. ■ pag. 245 » , 246,247» Fleury, l hift.Ecclef. ■ /. 50. art. 2,3,4- ' XXXVIII > Photius - Patriar-  Michel III. Ann. S57. 1 1 1 J 1 i ( I i c ( T C a n c P <5f> HlSTOIRB ces divines & humaines. Les deux ouvrages qui nous reftent de lui, donnent la plus haute idéé de 1'étendue de fon favoir. Celui qui porte e nom de Bibliotheque, fuppofe une lecture immenfe , & montre un jugement exquis. Le Nomocanon qui elt une concordance du droit canonique ^ & du droit civil , prouve qu'il étoit parfaitement iniïruit des loix de 1'Eglife & de celles de 1'Etar. Succeffeur de Bafile dans Ia sharge de grand Ecuyer, il remplif. Oit en même-t©mps celle de prenier Secretaire de FEmpereur. Mais a dignité de Patriarche, plus flateufe encore pour fon ambition, Ie it fe prêter avec emprelfement aux leffeins de Michel & de Bardas. Ignae étoit aimé de fon peuple; on fe srvit de Grégoire Asbeftas, Evêque e Syracufe, pour le rendre odieux. f Prélat intriguant & vendu k 1'iiquité , excommunié par Méthoius ^ & dépofé par Ignace, étoit mme par Ia vengeance. II s'infiuoit dans les families, femant Ia domme contre Ignace, & relevant hotius par des éloges pompeux. Oo  dv Bas-Empire. Liv. LXX. 67 s'efforca d'engager Ignace a quitter volontairement fon Eglife ; fur fon refus, Bardas le fit chaffer du palais Patriarchal, le 23 Novembre, & reléguer dans 1'ifle de Térébinthe. Le même jour qu'il fut exilé, Gébon fut mis a mort; on lui coupa les bras &c les jambes, on lui arracha les yeux. Bardas vouloit perfuader au peuple, qu'ils étoient coupables du même crime; mais cette impofture trouva peu de crédit. En vain employa-t-on des Evêques & des Patrices pour engager Ignace k donner fa démiffion; il demeura inébranlable. Cette violence révoltoit tous les efprits: plufieurs Prélats murmuroient hautement contre 1'injuftice, & déclaroient qu'ils ne reconnoitroient point pour Patriarche, celui qu'on prétendoit lui fubftituer. Bardas, pour éviter un fchifme, ufa d'un ftratagême d'une ame corrompue, qui entreprend de corrompre les autres. II s'adreffa en particulier k chacun de ces Evêques, &c leur propofa d'abandonner Ignace a condition de lui fuccéder. Pas un feul ne refufa fon confentement k ce prix, L'Empereur, Michel ni. Ann. 8574  Michel III. Ann. 8 j 7, XXXIX. Ignace perfécutc. 68 HrsroinB ajoutoit-il, vous timdra parole; maïs pour mériur fon ejtime , & poUr éviter en même-temps tout foupgon , il faut, lorfqu'il vous ofrira k Patriarchat, faire d abord femblant de le refufer par modefiie. Ils approuverent & luivirent ce confeil ; mais ils en furent la dupe, comme ils le méritoient. On les prit au mot, & Photius, laïque choifi par 1'Empereur, paffa dans l efpace de fix jours a 1'Epifcopat; il fut facré le jour de Noël, par Grégoire de Syraeufe. ; Photius, Patriarche , crut n'avoir d'autre devoir a remplir que celui de la reconnoilfance ; il la témoignoit a 1'Empereur par fes complaifances. Ignace n'étoit a fon avis qti'un cenfeur intraitable, qui faifoit gloire d'une auflérité farouche. Pour lui, fouple courtifan , il fe plioit de bonne grace a toutes les inclinations du Prince. II ne faifoit que rire de fes farces facrileges; il étoit de tous fes feffins ; & 1'on rapporte que dans un défi d'ivrognerie, Michel ayant bu cinquante verres de vin, Photius le furpaffa de dix fans s'enivrer. Ce talent & d'autres pareils lui donnoieot une grande  nu Bas-Empire. Llv. LXX. 69 confidération auprès de 1'Empereur. Cependant Ignace manquoit du néceflaire dans 1'ifle de Térébinthe. Les Eccléfiaftiques qui lui demeuroient attachés , étoient déplacés, enfermés , déchirés de coups. Bardas fit entendre k 1'Empereur, qu'Ignace, criminel de leze-majefté, étoit traité avec trop d'indulgence. On envoya donc informer contre lui; & quoiqu'on ne trouvat aucune apparence de preuve, on le tranfporta au promontoire d'Hérée, oii il fut enfermédans uneétabte de chevres. On 1'en tira pour le trainer dans un bourg voifin de Conftantinople, oü le barbare Lalacon , Capitaine de la garde, après 1'avoir cruellement fouetté , I'enferma nud, chargé de chaines & déja malade, dans un cachot glacé. II y demeura quinze jours , prefque fans nourriture. Ces cruautés exercées furcefaint Prélat, pour le förcer k donner fa démilïion, fouleverent tous les Evêques fuffragants de Conftantinople; ils s'affemblerent; ils prononcerent anathême contre Photius, & contre eux-mêmes, s'ils avoient jamais la lacheté de le reconnoitre pour Pa- MlCHEL III, Ann, 857.  Michel III. Ann, 857. 70 II I S T O I R E triarche. Photius, de fon cöté, oppofe a ces Evêques un autre Synode qu'il afTemble dans 1'Eglife de Blaquernes, compofé de_ Prélats, vendus a la Cour. Non content de dépofer Ignace , il prononce la même fentence contre les Evêques fideles a leur Patriarche. Ils furent enfermés plufieurs jours dans une prifon infefte. Ignace y fut transféré lui-même; & comme w préfence les fortifioit, on 1'envoya en exil a Mytilene. Les autres, après d'indignes traitements, furent bannis de la capitale. On coupa la langue au garde des Archives, paree qu'il s'en férvoit pour confondre Bardas & Photius. Nicolas, Abbé du monalïere de Stude, pour n'être pas témoin de tant d'injuftices, s'étoit retiré a Prénete, port de Bithynie, visa-vis de Nicomédie. Bardas, fachant eombien cette retraite pouvoit lui nuire dans 1'efprit du peuple, rempli de la plus grande vénération pour Nicolas , engagea 1'Empereur a paffer avec lui en Bithynie. Ils allerent k Prénete, & employerent d'abord les plus vives follicitations pour obtenir de Nicolas qu'il revint k Conftanti-  nu Bas-Empire. Lh. LXX. 71 nople. L'Abbé ne leur répondit que par des reproches & des menaces de la yengeance divine. L'Empereur irrité fit nommer un autre Abbé de Stude, & ne ceffa tant qu'il vécut de perfécuter Nicolas. Pour ne point interrompre ce récit, je vais rendre tin compte fuccint des artifices & de la tyrannie de Photius , jufqu'a Ia mort de Bardas. C'eüt été pour Photius un grand ayantage d'être appuyé de 1'approbation du Pape; auffi fit-il tous fes efforts pour 1'attirer dans fon parti. II lui députa deux Evêques, & lui manda qu'Ignace , aceablé de vieilleffe & d'infirmités, avoit renoncé a 1'Epifcopat, & ƒ étoit retiré dans un monaftere, ou il étoit traité avec toute forte de refpefts. Cet ufurpateur hypoerite prenoit le ton de 1'humilité apoftolique : il gémiflbit du fardeau terrible qu'on lui avoit impofé; le Clergé, les Métropolitains, 1'Empereur, ce Prince fi doux & fi humain envers tous les aurres, mais cruel envers lui feul, difoit-il, lui avoient fait violenee pour le charger de 1'Epifcopat, malgré fes lames & fon défefpoir. II fe MlCHEE III. Ann. S 5 7 Xt. Photius «reut tromper le Pape.  Michel III. Ann. $57. XLI. Prudente conduite du Pape. 7a HlSTOIRE profternoit devant fa Sainteté pour lui demander fes prieres; il lui envoyoit une profeffion de foi entiérement Catholique. L'Empereur appuyoit ces menfbnges d'une lettre très-refpeöueufe; il faifoit valoir lbn zele a réparer 1'injure faite aux faintes images fous les regnes précédents; il prioit le Pape d'envoyer des Légats pour confirmer dans un Concile la condamnation des Iconoclaftes. Cette ambaffade étoit la plus honorable ; le Patrice Arfaber, oncle de 1'Empereur , étoit accompagné de quatre Evêques , dont deux avoient été dépofés par Ignace ; & pour donner plus de force a leurs difcours , ils portoient de riches préfents. II étoit difficile d'en impofer k Nicolas, affis alors fur la chaire de SaintPierre. Ce Pape, dont la fermeté fit le caraftere, ne voulut rien décider fur 1'afFaire de Photius fans un mür examen. II envoya deux Légats, auxquels il ne donna d'autre pouvoir que d'informer. Ils avoient ordre de fe tenir féparés de la communion de Photius, jufqu'a leur retour. II écriyoit k 1'Empereur pour fe plaindre qu'on  du Bas-Empire. Liv. LXX. 73 qu'on eut dépofé Ignace , fans confulter le Saint Siege, & qu'on eut ordonné un laic pour remplir fa place. II requéroit qu'Ignace rut interrogé, & 1'affaire difcutée dans un Concile en préfence de fes Légats, fur le rapport defquels il formeroit fa décifion. II n'oublioit pas non plus les intéréts de 1'Eglife de Rome; il demandoit la reftitution des patrimoines de Saint Pierre en Calabre & en Sicile, & le rétablilfement de la jurifdi&ion fur rillyrie & les Provinces voifines, transférée par les Empereurs Grecs aux Patriarchen de Conftantinople. II approuvoit la confeflion de foi de Photius ; mais il lui déclaroit qu'il ne pouvoit confentir a fon éleftion, qu'après avoir reconnu qu'elle étoit conforme aux canons de 1'Eglife. Les Légats chargés de ces lettres recurent en chemin des préfents de 1'Empereur & de Photius, qui cherchöient d'avance a les féduire. Arrivés k Conftantinople, ils furent gardés k vue, & féparés de toute communication , afin qu'ils ne pulfent être inftruits de la violence faite k Ignace. On les menacoit des dernieres rif Tornt XV. D Michel III. Ann, Ss7. XLIL Concife oü Ignace eft dépofé.  Michel 111. Ann. S57. 74 TI 1 S T O I R E gueurs, s'ils ne fe prêtoient auxvolontés du Prince. Ils fe rendirent enfin , après avoir tenu huit mois contre les follicitations, les promefles & les menaces. Cependant Photius préparoit le fuccès du Concile qui devoit lui affurer fon ufurpation. On fit revenir Ignace de Mytilene : on le transféra dans 1'ifle de Térébinthe, oü le Commandant de la flotte Impériale , nommé Nicétas, le traitoit ïnhumainement pour faire fa cour au Prince & au nouveau Patriarche. Le Concile s'affembla dans 1'Eglife des Apötres , & fut compofé de trois cents dix-huit Evêques, comme le premier Concile de Nicée; mais ce fut la feule reffemblance qui fe trouva entre ces deux Conciles. Celui-ci ne fut qu'un brigandage. L'Empereur y affifloit k la tête de tous les Magiftrats , dans 1'appareil le plus formidable. Ignace y fut amené plutot comme un criminel que comme un Evêque , & dès qu'il parut, il fut chargé d'injures par 1'Empereur. Les Légats mêmes fe déclarerent contre lui. Plufieurs Métropolitains oferent élever la voix pour le défendre; mais  du Bas-Empire. Liv. LXX. 75 on n'eut égard, ni a leurs julïes demandes , ni a 1'appel qu'Ignace interjettoit au Saint Siege. Bardas s'emporta jufqu'a frapper a coups d'épée 1'Archevêque d'Ancyre, qui faifoit des remontrances a 1'Empereur. O.i prétendit qu'Ignace étoit un intrus, ordonné fans décret d'éleftion. Soixante & douze témoins fubornés confirmoient par ferment ce menfonge manifefte , qu'une poffeffion paifible de onze ans réfutoit affez. Enfin, tous les efforts des partifans de Photius, pour arracher a Ignace an afte de renonciation, étant inutiles, le Concile prononca la fentence de dépofition , & les Légats y foufcrivirent. On ne traita 1'affaire des Iconoclaftes que pour la forme; cette héréfie prefque entiérement éteinte n'étoit qu'un prétexte , dont s'étoit fervi 1'Empereur , pour engager le Pape a envoyer des Légats, comme s'il eut été queftion de la foi. On fit leclure de la lettre du Pape k 1'Empereur , mais falfifiée par Photius; il avoit eu foin d'en retrancher tout ce qui lui étoit contraire & favojable au faint Patriarche. D ij Michel - Hf. Un. 857.  Michel 1U. Ann. 857. XL1II. Traitementscruels faits a Ignace pour le forcer a renoncer a fon fie- ?6 H I S T 0 I R 2 Le Concile s'étoit terminé k la fatisfaclion de Photius; mais pour lui affurer une poffeffion tranquille, il falloit obtenir la démiffion d'Ignace. Afin de Py contraindre, on tenta de laffer fa patience par les traitements les plus inhumains. Tourmenté d'une cruelle dyffenterie , il fut pendant quinze jours enfermé dans le fépulcre de Conftantin Copronyme , livré k trois hommes barbares, qui après 1 avoir meurtri de coups, tantot 1'éteridoient en croix fur le marbre, nud en chemife, par un froid rigoureux; tantöt le tenoient des nuits entieres affis fur le tombeau, dont le haut étoit en arrête , comme fur un chevalet, avec des poids énormes attachés a fes pieds. II demeura fept jours entiërs fans autre nourriture qu'amant qu'il en falloit pour 1'empêcher de mourir, tandis que les bourreaux fe faifoient un divertiffement cruel d'inventer de nouveaux tourments. Enfin, lorfque la douleur & la foibleffe lui eurent öté 1'ufage de fes membres, un de ces fcélérats ayant faifi une de fes mains, lui fit tracer une croix fur un papier, que Photius  nu Bas-Empire. Liv. LXX. 77 remplit enfuite d'un afte par lequel Ignace le reconnoiffoit indigne du fïege de Conftantinople, qu'il avoit , ufurpë contre les canons, Sc déshonoré par une conduite tyrannique. Après cette abdication prétendue, Ignace fut élargi. Le faint Prélat fit ufage de fa liberté pour envoyer au Pape une requête, dans laquelle il lui rendoit compte de la perfécution qu'il avoit foufTerte, Sc le prioit de prendre en main fa défenfe. Elle étoit fignée dedixMétropolitains, dequinze Evêques, & d'un grand nombre de Prêtres Sc de Moines. L'Abbé Théognofte qui 1'avoit compofée , la porta lui-même a Rome en habit déguifé, Sc inftruiiit le Pape de tout le détail de cette criminelle entreprife. Cependant Photius, pour achever fon rriomphe, engagea 1'Empereur a un dernier afte de violence contre Ignace : on devoit le jour de la Pentecöte ie tranfporter a 1'Eglife des Apötres , 011, monté fur le Jubé, on le forceroit de lire Pafte de fa dépofition , Sc de prononcer anathême contre lui-même, après quoi on lui creveroit les yeux, Sc on lui couperoit la main D iij Michel III. inn. 8j7.  Michel ni. Ann. 8-57 XLIV. Zele du Papepour Ignace. ?8 HlSTOIRE ' tlroite. Tout étoit prêt pour 1'exécution de eet horrible projet , lorfque la nuit précédente, Ignace, averti que ia maifon étoit environnée de foldats , fe charge d'un fardeau, & paffe en habit d'efclave au milieu des gardes fans être reconnu. II gagne le bord de la mer, & fe fauve dans les ifles de la Propontide. La paffant fouvent d'une ifle k 1'autre , caché dans les cavernes , dans les forêts, fur les montagnes, ne vivant que d'aumónes, Patriarche & fils d'Empereur, il lui falloit éviter fans ceffe les émiffaires de Photius qui le cherchoient pour 3ui öterla vie. Enfin, un tremblement de terre qui fe fit fentir par diverfes fecouffes pendant quarante jours , parut être un effet terrible de la colere du Ciel. On crioit de toutes parts que Dieu foulevoit la nature contre les perfécuteurs d'fgnace. Michel & Bardas, effrayés eux-mêmes, jurerent publiquement, qull ne lui feroit fait aucun mal. Sur cette affurance, il revint dans fon monaftere. Les deux Légats du Pape, de retour k Rome, fe contenterent de lui rendre compte du réfultat du Conci-  du Bas-Empire. Lh. LXX. 79 !e; ils eurent foin de lui cacher routes les violences & les intrigues , auxquelles ils avoient eux-mêmes participé. Mais le Pape en apprit bien davantage par les aftes que Léon , Secretaire de 1'Empereur, lui apporta deux jours après avec une lettre de Michel & une autre de Photius. Michel demandoit au Pape la confirmation des décrets du Concile. La lettre de Photius étoit un difcours artificieux, diclé par rhypocrifie ; il déploroit fon fort, d'avoir été forcé d'accepter le patriarchat, il regrettoit la vie dcmce & tranquille d'oii on 1'avoit arraché pour le jetter au milieu des orages d'un miniftere laborieux, oü il avoit fans ceffe a combattre les défordres , le fchifme , l'héréfie. On lui reprochoit d'avoir palfé de 1 'état delaïca 1'Epifcopat; il s'en juftifioit par 1'exemple de Neef aire, de Saint Ambroife, de Saint Grégoire Thaumaturge & de plufieurs autres faints Prélats , & il faifoit en même-temps 1'apologie de Nicéphore & de Taraife fes prédéceffeurs. Quant a la jurifdiöion d'Illyrie que le Pape reyendiquoit, il protefioit que, loin D iy Michel III. Ann. 8.57.  MlCHEl III. Ann, Sj7> j 3 i ( 1 80 HlSTOIRB de s'obfïiner a Ia retenir»il regarderoit comme une grace d'être déchargé d'une partie de fon fardeau ; mais comme il s'agiffoit de territoire & de iimites de Provinces, c'étoit, difoitil, une affaire d'Etat, qui dépendoit du confeil de 1'Empereur, II faifoit tin grand éloge des Légats, & tachoit de prévenir le Pape au défavanrage de ceux qui alloient a Rome implorer fa proteflion en faveur d'Ignace. Ces lettres, &plus encore lesactes du Concile, rsrent connoitre au Pape la prévarication de fes Légats. II affembla fon Clergé; & en préfence de Léon, il déclara que fes Légats avoient contrevenu a fes ordres ; qu'il n'avoit point confenti k la dépofition d'Ignace, ni k 1'ordiFiation de Photius, & qu'il n'y confentiroit jamais, a moins que les crines imputés a Ignace ne fulTent prouf és juridiquement. II renvoya Léon ivec cette déclaration, & lui mit mtre les mains deux lettres pour Phoius & pour 1'Empereur, dans lefqueles il réfutoit celles qu'il en avoit repues. II écrivit en même - temps , nais par une autre voie, une lettre  nu Bas-E'mpirz. Liv. LXX. 8t circulaire k toute 1'Eglife cl'Orient : il y déclaroit que fes Légats avoient agi contre fes ordres en foufcrivant a la dépofition d'Ignace, & k 1'éleéïion de Photius. II traitoit Ignace de faint, &c Photius de fcélérat; il vouloit que tous les Evêques rendiffent cette lettre publique. Photius fupprima la lettre qui lui étoit adreffée, & contrefit deux autres lettres, 1'une d'Ignace au Pape, 1'autre du Pape k lui - même. Dans la première, Ignace inve&iroit vivement contre 1'Empereur; dans 1'autre , le Pape s'excufoit k Photius de lui avoir d'abord été contraire; il lui mandoit qu'il avoit enfin découvërt la vérité ; qu'il lui renvoyoit la lettre d'Ignace fans avoir même voulu 1'ouvrir; il lui promettoit une amitié conftante a 1'avenir. II fe fit préfenter ces lettres en pleine audienee dans le palais patriarchal par un fourbe déguifé en moine. II les porte aufli-töt a 1'Empereur & a Bardas; il leur repréfente Ignace comme un fujetperfide , qui, par fescalomnies, s'efforce de rendre le Prince odieux aux étrangers; crime qui. feul, méritoit la mort, D v Michel III. Ann. Sj7. XLV. Fourberie de Photius.  Michel III. •- Ann. 8 57. H m %* UlSTOIRS On donne des gardes a Ignace; oa met fes domeftiques a la queftion ; on interroge le porteur des lettres, qui eft enfin convaincu d'avoir joué cette eomédie de concert avec Photius» Bardas le fait fouetter; mais Photius le dédommage en lui procürant un emploi aflortj k fa condition. Cette ïmpofture découverte fit grand éclat, fans diminuer cependant le crédit de Photius, atiprès de Michel &i de Bardas , qui croyoient tout permis pour perdre Ignace, Ils donnerent peu après une nouvelle preuve de- leur baine. Les Ruffes , dont je parlerai dans la fuite, ayant fait une irruption dans 1'ifle ou étoit le Monaftere d'Ignace, y renverferent un autel , que le Saint Prélat confacra de nouveau après leur retraite. Photius fit >rand bruit de ce qu'Ignace dépofé ïfurpoit encore les fonüions de I'Efifcopat; & pour réparer cette pré:endue profanation, 1'Empereur env'oya deux Archevêques & un Séïateur , qui firent porter 1'autel au jord de la mer , 1'y plongerent qua■ante fqis pour le purifier , & le reilaeerent enfuite, Töutes les graces  Du Bas-EmPire. Liv. LXX. S3 étoient pour Photius; les partifans d'Ignace au contraire n'éprouvoient que des rigueurs. En 864, le jour de 1'Afcenfion, un tremblement de terre allarma toute la ville : pendant virgt-quatre heures, la terre fit entendre dans fes entrailles d'horrihles mugiffements; quantité d'édifices furent renverfés; toutes les fources tarirent. Les habitants étoient en prieres. Bafile, Archevêque de Theffalonique, crut 1'occafion favorable pour faire rentrer Michel en luimême ; il lui repréfenta qu'il attiroit la colere de Dieu en contrefaifant par des jeux facrileges les plus faintes cérémonies de la Religion. Cette remontrance fut payée d'un chatiment cruel; 1'Empereur lui fit rompre les dents Se déchirer le corps k coups de fouets. II plaifantoit luimême fur le Patriarchat de Photius : Himere, difoit-il, ejt mon Patriarche. Photius ejl celui de Bardas ; Ignace, .celui des Chrétiens : & Photius étoii -content de ce partage, auffi hon•teux pour lui que pour ce Prina infenfé. Le Pape recevoit tous les jours eine d'anathême jufqu'a Ia mort, ;'il s'ingéroit k faire ancune fono» ion épifcopale. Grégoire de Syra:ufe, & tous ceux que Photius avoit >rdonnés, furent frappés de, la même enfure. Ignace fut reconnu feul Pariarche légitime , les anathêmes lan:és contre lui, déclarés nuls. On !Xcommunia quiconque oferoit s'op>ofer a fon rétabliffement , ou le roubler dans fes foncfions, lui & ?s autres Evêques chalTés par Phoius. Comme 1'Empereur avoit mané au Pape que les Evêques d'Ocident approuvoient fa conduite, le  dü Bas-Empire. Liv. LXX. 85 Pape leur écrivit pour les inftruire de cette calomnie , a laquelle il proteftoit qu'il n'ajoutoit aucune foi. La lettre de Michel étoit remplie d'injures contre le Pape & 1'Eglife Romaine : Nicolas lui répondit avec douceur, mais avec fupériorité ; il le comparoit k Goliath; & fe comparoit lui-même k David. II répétoit ce qu'il avoit dit dans les lettres précédentes fur Photius. II demandoit de .1'Empereur qu'il fit brüler publiquement un exemplaire de la lettre injurieufe qu'il lui avoit envoyée; linon , il le menacoit d'excommunier & les auteurs de la lettre & les fecretaires, & de Ia faire briiler au milieu de Rome, k la face de toutes les nations qui venoient fans ceffe viliter le tombeau de Saint Pierre. II exigeoit qu'Ignace & Photius fe ■ rendinent tous deux k Rome, pour plaider leur caufe devant lui. Les trois Légats chargés de cette lettre, en recurent aulïï plufieurs autres adreffées aux Evêques, au Clergé de Conftantinople, k Photius , k Bardas, a Ignace, è la femme & a la mere de 1'Empereur, k plufieurs Michel III. Ana. 8sr,  Michel in. Ann. 8^7. Ann. 858.XLVII.Guerre contre les baralins. 86 Histoire membres du Sénat. Lè Pape inftruifoit les Evêques & le Clergé de Conftantinople de ce qui s'étoit paflé a Rome; il fe plaignoit de la lettre outrageante de 1'Empereur. II reprochoit a Photius tous fes crimes. II exhortoit Bardas a réparer le mal qu'il avoit fait, a prendre la défenfe d'Ignace auprès de 1'Empereur, Se a favorifer fes Légats. II informoit Ignace du zele avec lequel il avoit pris Se prenoit encore fa défenfe. II en donnoit avis a Théodora , qu'il exhortoit k la patience. II prioit 1'Impératrice Eudocie de faire ufage de fon crédit en faveur d'Ignace. Enfin, il adreffoit une lettre commune k plufieurs Sénateurs de Conftantinople , pour les engager a s'empioyer pour Ignace , 5c a fe féparer de la communion de Photius. Nous verrons dans la fuite Ie peu d'effet que produifirent ces lettres fur 1'efprit de Photius, de Bardas 5c de 1'Empereur. Pendant les troubles de 1'Eglife Sc de la Cour de Conftantinople , la guerre contre les Sarafins duroit toujours; il fe donna plufieurs combats,  ru Bas-Empire. Liv. LXX. 87 dont les fuccès furent differents. Léon, Général des troupes Impériales, plus habile ou plus heureux que Théoctifle , remporta de grands avantages. II prit de force une place, qu'Elmacin nomme Aïncarja', la détruifit, & emmena tous les habitants en efclavage. II paffa 1'Euphrate, porta le ravage jufqu'aux portes d'Amide , prit & pilla plufieurs chateaux audela du Tigre. D'un autre cöté, 1'Emir de Mélitine, Omar, a la tête d'un camp volant , défola tout le pays jufqu'a Sinope, & fit retraite avant qu'on eut pu 1 atteindre. Le jeune Empereur, enivré des flatteries de fes compagnons de débauche, crut qu'il ne manquoit que fa préfence pour terraffer ces opiniatres ennemis. Accompagné de Bardas, il va mettre le fiege devant Samofate , que les Sarafins avoient reprife Si réparée depuis 1'expédition de Théophile. L'armée arriva le Jeudi-faint, & campa devant- la ville. Les Sarafins , enfermés dans la place, affectant une extréme terreur , laiflerent faire fans oppofition tous les préparatifs [ du fiege. Mais le jour de Paques, tao- MlCHEI III. Ann. 8;S. Elmacin, I. 2. c. II. Leo. p. 461. Cedr. p. 545 . 546. Zon. torn ii. p. 15S. Contin. Theo. p. 109, IIO. Sym. p, 440. Georg. p, 5 34- Genef. p, 43 ' 44-  MlCHEt III. Ann. 858,. Ann. 860. XL VIII. Au'trc dé- 88 II I S T O I R E dis que 1'armée Grecque , dans une pleine fécurité , ne s'occupoit que de la folemnité de la fête, & que fans avoir pris aucune précaution elle affiftoit au faint Sacrifice, les affiégés «uvrent les portes , fortent en pouffant de grands cris, courent avec furie au camp des Grecs. Tout fuit, ou tombe fans réfiftance fous le fer des Sarafins. Michel, fuyant le premier , ne dut fon falut qu'a la viteffe de fon cheval. Les bagages , les tentes, les riches équipages de 1'Empereur font la proie des ennemis. LesPauliciens joints aux Mufulmans, étoient les plus acharnés au carnage. Carbéas, leur chef, fignala fon courage & fa fureur. II tua de fa main grand nombre de Grecs, & n'épargna que ceux dont il efpéroit une groffe rancon. Cent Officiers des plus diftingués , entre lefquels étoient le Général Léon, furent fes prifonniers , & fe racheterent enfuite. Mais il ne voulut jamaisrelacher Léon, quelque fomme qu'on lui offrft, & il le laiffa mourir dans les fers. Deux ans après, Omar rentra dans la Cappadoce avec trente mille hom-  nu Bas-Empire. Llv. LXX. 89 mes; 1'Empereur en affembla quarante-cinq mille, la plupart Thraces 6e Macédoniens; c'étoient les meilleures troupes de 1'Empire. Mais fa plus grande relTource fut dans la perfonne de Manuel. Ce guerrier, qui avoit confervé le titre de Commandant des troupes de la garde , vivoit depuis plufieurs années dans une retraite douce 6c tranquille , fpeftateur éloigné des orages d'une Cour toujours agitée par les plus noires intrigues. Michel 1'obligea de le fuivre dans cette expédition , quoiqu'il fut fort avancé en age. Les deux armées fe rencontrerent prés d'Amalïe , fur les bords de Fins, 6c en vinrent aufli-töt aux mains. Le jeune Empereur , qui vouloit commander fans avoir aucune connoiiTance de la guerre, fe vit bientöt enfoncé de routes parts. AulTi prompt h fuir qu'a livrer bataille , il fut fuivi d'une grande partie de fes troupes. La chaleur étoit exceffive, 6c les chevaux ainli que les hommes fe trouvant excédés de fatigue au bout de deux lieues, on gagna le haut d'une montagne efcarpée, 6c de difficile aecès comme un Michel III. Ann. 860. faite de Michel. Ccd. p. 546. Zon. torn, 11. P- M8j Gtnef. p. 44. 45«  Michel III. Ann. 86c. 90 H I $ T O I R B pofte de füreté. Un moment après; ils fe yirent enveloppés de 1'armée ennemie, qui, montant a eux avec cette vivacité que donne la viöoire, les auroit bientöt atteints , fi Manuel, kte tête des troupes de la garde, neut repouffé leurs affauts continuels. II falloit fonger k la retraite ou périr. Manuel, dont c'étoit la deftinée de fauver fes maitres, (il avoit deux fois fauvé Théophile) fait changer d'habits k 1'Empereur , pour empêcher qu'il ne foit reconnu ; tk s'étant mis a la tête de cinq cents hommes d élite , il fait porter devant lui 1'étendard de la croix, perce les bataillons des Sarafins, & fe trouve en un moment a la queue de leur armée. S'appercevant alors qu'il n'elt pas fuivi de 1'Empereur, que la crainte avoit arrêté , il retourne avec la même yiteffe, & regagne le pofte oii fe tenoit 1'Empereur. Comme il ne peut déterminer k un effort li hafardeux, ce Prince qui n'étoit brave que loin du danger, Manuel ,toujours a la tête de ce corps invincible qu'il avoit :hoifi, tombe fans ceffe en tant d'endroits fur les aflaillants, les écrafe tk  nu Bas-Empire. Liv. LXX. 91 les foudroye avec tant de vigueur, qu'Omar, épouvanté de cette tempête, manquant d'ailleurs d'eau Sc de fourrage , prit le parti de fe retirer. k quelque diftance ; Sc tandis que les Sarafins, harrafTés Sc couverts de bleffures', fe repofent des travaux d'une fi rude journée, les Grecs, non moins fatigués , mais animé par la néceffité de fuir ou de périr, gagnent la plai,ne , Sc fe trouvent au point du jour hors d'atteinte a la pourfuite des vainqueurs. Omar étoit pour 1'Empire un voifin très-incommode. Vaillart, infatigable , fecondé des Pauliciens, implacables ennemis, il faifoit un défert de la Cappadoce , du Pont, de la Cilicie. Tandis que les Grecs travailloient k réparer leurs pertes, ilcontinuoit de défoler 1'Afie minéure , d'oii il emmena foixante-dix mille prifonniers. Deux autres Généraux Sarafins attaquerent en même - temps cette malheureufe contrée; 1'un avec une flotte de vingt vahTeaux, vint emporter Antioche de Cilicie; 1'autre ayant franchi les défilés du mont Amanus, prit une place qu'Elmacin Michel III. Ann. 86»; Ann. 862. XLIX. Ravages d'Omar. Ccdr. p. 546 , 547Zon. t. II, p. 158, 159. Leo. p. 462. Contin. Theo. p. iii , & feqq. Sym. p. 440. Georg. p. 534.5 3 5- Gcnef. p, 45 1 4Ó-  Michel III. Ann. 861. Elmacin. I. i. e, ii. 1 ;\mhö $ 92 H I S T O 1 R S nomme Ariia, d'oii il enleva cinq mille hommes & dix mille têtes de bétail. L'année fuivante 861, Omar le remit en campagne, iuivi de quarante mille hommes; il pénétra dans le Pont jufqu'au port d'Amife, qu'il prit & pilla. Trouvant cette contrée fans défenfe; il y fit un riche butin enlevant hommes & troupeaux. On dit que eet Emir,aufli fougueux, aufii extravagant que Xerxès, arrivé au bord de la mer, qui s'oppofoit a fes pillages, la fit battre de verges. Ces nouvelles excitoient les murmures de ïa ville de Conftantinople. On gémiffoit de voir qu'un Barbare infultat impunément 1'Empire, fans que ni 1'Empereur, ni te Céfar, endormis dans la crapule, s'éveillaiTent au bruit de tant de ravages. Mais Michel, abruti par fes excès ne cherchoit de gloire que dans les exploits de la débauche; 6fi Bardas n'ofoit s'éloigner de la perfonne du Prince, quinepouvoit vivre iong-temps , & dont il méditoit dèsors d'abréger la vie pour prendre fa slace. En attendant, il ne vöuloit conïer qu'a fa familie le commandement les armées. II jetta les yeux fur fon  nu Bas-Empihb. Liv. LXX. 93 frere Pétronas , qui réfidoit pour lors a Ephefe en qualité de Gouverneur d'Ionie &c de Lydie; il lui envoya ordre de ralfembler au plutöt- toutes les troupes des Provinces voifines, & de marcher contre les Sarafins. II fit partir les compagnies de la garde, avec les troupes de Thrace & de Macédoine, pour aller le joindre k Ephefe. Pétronas n'étoit pas guerrier; mais il ne manquoit pas de prudence. II prit pour confeil, Nazar, Gouverneur de Galatie, plus habile que lui dans les opérations de la guerre, & lui fit part du commandement. Ce fut fans doute par fon avis qu'il préféra une bonne armée a une armée nombreufe, & qu'il ne fe fit fuivre que de foldats choifis & bien difciplinés. Encouragé par les difcours d'un faint perfonnage que le peuple regardoit comme un prophete, il partit, & trouva Omar campé prés d'Amafie, dans un vallon environné de roches efcarpées; le choix de ce campement prouve que ce fameux Sarafin étoit plus redoutable par fa bravoure impétueufe, que par fafcience militaire. Michel III. A.nn, 862. L. Détaite 1'Ofnar.  Michel III. Ann, S62. 94 HlSTOIRE On ne pouvoit fortir de ce vallon que par trois gorges, que ferma Pétronas , ayant divifé fon armée en trois corps. Omar ne s'appere^it de fa faute , que lorfqu'il ne fut plus temps d'y remédier. Toutefois il ne perdit pas courage ; & relevant celui de fes foldats par le fouvenir de leurs exploits , & par le mépris qu'ils devoient faire d'un ennemi tant de fois vaincu, il leur ordonna de fe préparer a combattre le lendemain , &c de rendre luifantes leurs lances &c leurs épées pour les teindre du fang des Grecs. Dès le point du jour , il leur fait prendre les armes, & marche k leur tête pour forcer un des pafTag-es. La difficulté du lieu , la vive réfiftance qu'il y rencontra , rendirent fes efforts inutiles. II retourne en-arriere pour attaquer le paffage oppofé ; il le trouve encore impénétrable. Enfin , réuniffant toutes fes forces, il les porte fur le pofte, oü Pétronas qu'il méprifoit, commandoit en perfonne. Mais c'étoit aüffi 1'endroit le mieux défendu par 1'élite de 1'armée. Après plufieurs charges réitérées, toujours animées par la fureur, & re-  du Bas-Empire. Liv. LXX. 95 pouffées avec la même violence, Omar, écumantde rage, s'élance fur le fer des ennemis, & tombe percé de coups. En même-temps, les Grecs fe jsttent dans 1'enceinte , & les Sarafins enveloppés font taillés en pieces, fans qu'il en échappe un feul. Le fils d'Omar avoit déja paffé 1'Halys pour ravager le pays, lorfqu'il apprit la défaite & la mort de fon pere ; il fut pris avec tout fon detachement, comme il fuyoit vers Mélitine. Pétronas porta la tête d'Omar a Conftantinople , & triompha dans le Cirque. II mourut peu de temps après. Théophile avoit foulé fespeuples par le luxe des batiments ; Michel les épuifa par fes folies libéralités & par fes débauches. C'étoient les feuls objets de fes énormes dépenfes. Paffionné pour les courfes du .Cirque, il fit conftruire pour fes chevaux , qu'il eftimoit plus qu'aucun de fes fujets, une écurie auffi magnihque qu'un palais. Les murs étoient incruftés de marbre & de porphyre. Des fources pures y promenoient leurs eaux, & fe repofoient de diftance Michel III. Ann. 86 v. Ann. 863. LI. Batiments de Michel. Leo. p. 463. Sym. p. 440 , 441. Gcorg. p. 5 3 5- Spon. rrtife, p. 331.  Michel III. Ann. S63. Ann. 864. LH. Irruption 9<5 HlSTOIRE en diltance dans des baffins qui feuvoient d'abreuvoirs. Rien ne le flattoit plus agréablement que la beauté de cette fuperbe écurie. Un jour qu'il la faifoit voir k un citoyen de Conftantinople , homme fimple & peu courtifan, comme il fe vantoit que eet édifice rendroit fon nom immortel: Seigneur, lui dit le Citoyen, Juftinien a bad Sainte-Sophie, il l'a enrichie de tous les ornements d'une pieufe magnificence : cependant on ne parleplus de lui ; & vous efpe're^ quun depót de fumier fera vivre a jamais votre mémoire? Bleffé au vif de cette répartie, il fit chaffer le Philofophe k coups de fbuets par les valets de 1'écurie. Deux inferiptions qui fe lifent encore fur les murs d'Andrinople & de Sélymbrie, nous apprennent cependant qu'il en répara 1'enceinte détruite par les Bulgares. Quoiqu'impie jufqu'au facrilege, il fit batir quelques Eglifes; ilenrichitcelle de SainteSophie d'ornements trés - précieux , entres autres d'un chandelier d'or du poids de foixante livres. •Michel, jaloux de la viöoire de Pétronas, qu'il n'aimoit point, voulut mafcher  du Bjs-Empire. Lfa. LXX. 97 marcher lui-même contre les Sarafins. ïl laitTa Oriphas pour gouverner Conftantinople. II étoit encore en marche, lorfqu'il recut la nouvelle de 1'irruption d'un peuple féroce, inconnu jufqu'alors. Oryphas lui mandoit que les RufTes, fortis des glacés de la Scythie , traverfoient le Pont Euxin fur deux cents barques. Ils étoient déja vers les embouchures du Danube ; & bientöt entrés dans le Bofphore, ils parurent a la vue de Conftantinople. La cruauté de ces Barbares jettoit toute la ville dans de mortelles allarmes. Sans ceffe ils faifoient des defcentes, & maffacroient impitoyablement ce qu'ils rencontroient. Aucune des ifles voifines ne fut k 1'abri de leurs ravages; ils égorgeoient les habitants, enlevoient 1'or & 1'argent des Eglifes, pilloient les Monafteres. Ils faccagerent celui dan: lequel étoit retiré le Patriarche Ignace , & couperent la tête k vingt-deiu Moines. Surl'avis d'Oryphas, 1'Em pereur revint auffi-töt, & paffa 1< canal avec beaucoup de danger : i fe livra aux mouvemens de cette piét< paffagere, qui commence & rinit ave^ Tomé XV. E Michel III. Ann. S64, des Ruffes. Leo. p. 551 , 5 52. Zon. 1.11. p. 161. Contin. Theo. p. 121 , 122.' Sym. p. 445- Georg. p. 5 3 5 . 5 36. Nicet. ia Ign.  Michel III. Ann. 864. 98 HlSTOIRË le péril. Accompagné de Photius & de tout le peuple, il fe rendit en procefSon a 1'Eglife de Blaquernes, pour implorer le fecours de la mere de Dieu , protecïrice de Ia ville. On porta Ja robe de la Sainte Vierge au bord de Ia mer ; on 1'y plongea, comme pour rendre eet élément favorable. Si 1'on en croit les Auteurs contemporains , cette dévotion fut fuivie d'un prompt effet : lamer, auparavant calme & tranquille, s'agita tout-a-coup; les flots foulevés avec violence briferent & fracafferent les barques des Ruffes ; il n'en échappa qu'un très-petit nombre, qui s'étant fauvés k terre, effrayés de ce défaftre imprévu, dont ils apprirent la caufe avec étonnement, vinrent fe faire baptifer a Conftantinople, & s'en retournerent dans leur pays avec un Eyêque pour inftruire leurs comsatriotes. Dans le même temps, une flotte de vingt-fept vaiffeaux Crétois ■avageoit les Cyclades, & pénétra ufqu'a 1'ifle de Proconnefe dans la Propontide, faifant le dégat fur toutes es cötes. Depuis 1'extinöion de 1'héréfie des  du Bas-Empire. Liv. LXX. 99 Iconoclaftes, la mémoire de Conftantin Copronyme étoit devenue aufii odieufe qu'elle avoit été révérée. Mais on ne put voir fans horreur la barfaarie qu'exerca Michel fur le cadavre de ce malheureux Prince, & fur celui de Jean Lécanomante, le Patriarche de Théophile. Les ayant fait tirer de leurs tombeaux, oii 1'on dit que le corps de Copronyme fut trouvé fain & entier, il les fit apporter dans le Cirque, La expofés aux yeux de tout le peuple affemblé pour les jeux , ils furent battus de verges, &enfuite jettés au feu. Après cetaffreux fpeöacle, on fcia le tombeau de Conftantin , qui étoit du plus beau marbre verd, & 1'on en forma le balufire d'une Eglife que 1'Empereur faifoit batir, Rien ne prouve mieux la dépravation d'un fiecle, que le renverfement général des idéés fur le vice & fur la vertu. Que penfer d'une nation, lorfqu'on voit les hiftoriens, qui font d'ordinaire lécho du public, s'accorder a combler déloges des hommes fans honneur, qui ne s'élevent k une haute fortune , que par le fuccès de E ij Michel III. Ann. 865. LUI. Les os de Copronyme & de Jean Lécanomante brülés. Leo. pm 464,467. Zon. p, 165, Ié6. Sym, p. 446 , 449. Georg. p. 536. 54'Glycas , LIV. Michel fait époufer a Bïfile fa concubine.  MlCHEt liL Ann. S65. 'i 100 II I S T 0 I R X leurs crimes? Tel fut ce Bafile que les Ecrivains de ce temps-la nous repréfentent comme un héros de fageffe, dont ils louent la piété, qu'ils feroient même paffer pour un Saint, s'ils n'avoient la bonne foi de raconter les balTeffes öe les forfaits qui lui ouvrirent le chemin du tröne. Nous perrons que pour y parvenir, il n'épargna ni les parjures ni les meurtres. Son crédit croiffoit de jour en [our. A la vérité, s'il eut eu le cceur du Prince entre fes mains, il auroit, ce femble, mieux aimé le porter au bien , que de le plonger dans le crime ; mais fon ambition lui fit trahir le parti de la vertu; Sc crainte de bafarder fa fortune, il eut la coupable complaifance de fe prêter aux défordres de fon maitre. Michel s'ennuyoit du commerce qu'il entretenoit depuis long-temps avec Ingérine : Bafile, peu délicat fur Partiele de 1'honneur, confentit k 1'époufer, Sc livra en échange fa fceur Thecle, auffi ambitieufe 6c plus diffolue que fon frere. Pour confommer ce trafic fcandaleux, il lui fallut répudier fa femme Marie, dont il avoit un fils  du Bas-Empire. Liv. LXX. 101 nommé Conftantin. Elle fut renvoyée en Macédoine, chez fes parents, avec de grandes richeffes, pour la confbler de ce divorce. Le mariage de Bafile & d'Ingérine s'étant fait a la fin de Décembre 865, elle accoucha le premier Septembre fuivant, d'un fils, qui fut nommé Léon, & que bien des gens crurent être le fils de Michel. A force d'infamie, Bafile vint enfin a. bout de franchir 1'intervalle qui le féparoit de Bardas. Egaux en crédit, ils ne s'occuperent plus 1'un & 1'autre que des moyens de fe fupplanter. Bardas étoit foutenu par fa qualité d'oncle de 1'Empereur, par 1'attachement des Officiers & des domeftiques de la Cour qu'il avoit placés pour la plupart, & par fa hardieffe k commettre des crimes. Bafile avoit en fa faveur les liens de la débauche, plus forts que ceux de la nature dans un Prince corrompu , le crédit de fa fceur auprès de fon nouvel amant, & celui qu'une ancienne habitude confervoit k Ingérine. On ne ceflbit de repréfenter a 1'Empereur que fon oncle abufoit de fon nom E iij Michel III. Ann. 865.' Ann. 866. LV. Complot formé contre Bardae. Leo. p.' 464,465, 466. Cedr. pi 5 5 5 > 5 5<5Zon. torn. II. p. 165. Mar.ajf. pag. 10;. Glycas , pag. 293. Contin. Theo. p. 127, 128. Conft. Porph. p. 147, 14S. Sym. P'  Michel III. Ann. 866. 446,447, 448. Gtorg. p, 137, 538» 439- Genef. pw 'A9,,°, ft'. j 1 3 < i i l < 3 ( iC2 H I S T 0 I R E pour commettre des injuiïices ; & Bardas ne donnoit que trop d'occafions de 3'en accufer. Ces remontrances furent fi fouvent répétées, que Michel fe réveillant enfin, réforma plufieurs ordonnances de Bardas, qui recut avec un déplaifir fenfible ce coup mortel porté a fon autorité. Bafile eut encore ladreiTe de ilétacherde Bardas IePatriceSymbace fon gendre, homme ambitieux & violent , Intendant des Pofïes de 1'Empi?ire. Comptei, lui difoit Bafile, fur 'out ce que j'ai de crédit, je ne ctffe de 'ous recommander a 1'Empereur; il vous lime ; il voudroit vous approcher le plus nes de fa perfonne, & vous créer Céfar. ^otre beau-pcre efl le feul objlacle. Ces )aroles appuyées de ferments, allunerent dans le ceeur de Symbace un violent defir d'écarter Bardas; Sc :omme fa charge lui donnoit un libre ccès auprès de 1'Empereur, il lui ininua que Bardas attentoit k fa vie , k que lezele pour fon Prince 1'obli;eoit k révéler les pernicieux defléins le fon beau-pere. II-lui fit enfuite e détail d'une conjuration iuppofée. >ette calomnie, confirmée par le té>»  du Bas-Empire. Liv. LXX. 103 moignage de Bafile, fut auffi-töt crue que débitée. L'Empereur ne fongea plus qu'a prévenir Bardas. Bafile, faifant réflexion qu'on rifqueroit trop fi 1'on ofoit 1'attaquer a Conftantinople , ou il avoit grand nombre de partifans, engagea le Prince k palier en Afie avec fon armée , fous prétexte d'aller reconquérir 1'ifle de Crete : Bardas, ne pouvant fe difpenfer de 1'accompagner, il feroit facile de s'en défaire dans le voyage. Cependant le Philofophe Léon , créature de Bardas, ayant eu quelque foupgon de ce complot, 1'exhortoit k ne pas quitter le palais; que c'étoit fe mettre a la merci de fes ennemis, & que s'il fortoit de Confantinople , il n'y reviendroit jamais. Bardas , touché de ces avis, fembloit réfolu de les fuivre. Ce ne fut que par un parjure exécrable, qu'on parvint k calmer fes allarmes. Le jour de l'Annoncia? tion , Bardas, affiftant k la Meffe, Photius le prit par la main après la leöure de 1'Evangile, & le conduifit k Ia galerie des Cathécumenes, oü fe rendirent en même-temps Michel & Bafile. La le Patriarche, en £ iy Michel III. Ann. 866.  Michel III. Ann. 866. LVI. Aflaffinat jleBardas. *°4 Histoirs préfence de la croix, tenant en main les redoutables myfleres, trempa une plume dans le fang de Jefus-Chrift, & fit figner k 1'Empereur & a Bafile qu'ils n'avoient aucun mauvais deffein contre Bardas, & qu'il pouvoit en fftreté partir avec eux. Toutefois une proteftation fi facrée ne rafïura pas entiérement Bardas : Ia veille du départ, après avoir été a 1'Eglife de Notre-Dame des Voyageiirs, implorer la protedfion de la Sainte Vierge, ( car ces malheurenx fiecles allioient la noirceur des crimes avec les pratiques de dévotion) il invita fes amis k fouper; & comme s'il eut prévu qu'il ne les reverroit plus, il leur diflribua des préfents en les priant de fe fouvenir de lui. L'armée partit le jour de Paques, qui tomboit cette année au fept Avril. Tandis que la flotte faifoit route vers 1'Ifle de Crete en cötoyant le rivage , l'armée de terre, après quatorze jours de marche, vint camper au bord de la mer. Depuis qu'on s'étoit éloigné de Conftantinople , Bafile ne ceffoit de preffer fécretement 1'Empereiur  du Bas-Empire. Liv. LXX. 10$ d'exécuter faréfolution. Mais ce Prince timide, confidérant le grand pouvoir du Céfar , dont le fils Anti- . gone commandoit les troupes de la garde , n'ofoit rifquer un coup fi hardi. Enfin , les conjurés trouverent une occafion de perfuader h 1'Empereur , qu'il étoit perdu lui-même, s'il ne fe hatoit de prévenir une rébellion prête d'éclater. La tente de 1'Empereur étoit dans la plaine; Bardas, fok par vanité , fok par défiance, foit fans deflein , avoit placé la fienne fur une hauteur voifine. On fit entendre a 1'Empereur que le Céfar avoit choifi ce pofte fupérieur, pour tomber fur lui avec les troupes qui lui étoient dévouées, & Michel efFrayé commanda de lui öter la vie, lorfqu'il viendroit le lendemain matin lui demander 1'ordre felon la coutume. Ce fecret communiqué a toute la faöion de Bafile, tranfpira dans le moment Bardas fut averti a 1'entrée de la nuii que la réfolution étoit prife de le maf facrerle lendemain. Mais par un efte de eet aveuglement, qui précipite le: hommes a leur perte , lorfqu'elle el arrêtée dans les confeils du Maïtr E v Michel III. V.nn. 866. É  Michel nr. Aan. 866; i . i lotf II I $ T O I R B ' fouverain, il méprifa eet avis. Cependant il pafla la nuit dans des tranfes eontinuelles, & dès avant le jour il confulta fes anus fur le parti qu'il devoit prendre. Philothée, fon premier Ecuyer & le plus zélé de fes partifans, lui confeilla de faire bonne contenance, & d'aller dès le matin avec fa garde fe préfenter au Prince dans I'équipage Ie plus magnifique. Soyei fur, lui dit - il, que votre intrépidité jointe a l'éclat de votre rang augujie glacera de crainte vos IdcKès en~ nemis. Bardas fuivit ce mauvais confeil. A 1'entrée de la tente de 1'Em- Êereur, il fut reeu avec refpeft par afile, qui, en qualité de premier Chambellan, le prit par lamain&le conduifit au Prince. Tont étoit pret pour 1'exécütion. Les eonjurés a Ia porie de Ia tente attendoient le fignal que vint leur donner Symbace; c'étoit le figne de la croix. Ils entrerent furlechamp; mais la vuedes gardes Ju Céfar, qui étoit venu bien ac:ompagné , les tenoit en allarmes, & eurs bras fembloient' engourdis de :rainte. Bardas alloit échapper, lorfju'e Michel ayant fait approcher Ba-  dv Bas-Ëmpire. Lh. LXX. 107 file , lui dit a 1'oreiile : Veux-tu donc que je périffe ? Ckoijis de la mort de Bardas ou de la m'unne. Bafile tire aufli-töt fon épée en criant: A moi, Iraves gens; fauve\ l Empereur. A ce cri Bardas, fe jette aux pieds du Prince pour demander grace; Bafile lui porte le premier coup, tous les eonjurés fondent fur lui, & Ie mettent en pieces. Les gardes de Bardas entendant les cris de leur Maitre, fe jettoient en foule dans latente pourle défendre, & 1'Empereur couroit le plus grand péril, fi Conftantin, grand Prévöt de l'armée, ne les eut enveloppés fur le champ avec fa troupe qu'il tenoit toute prête ; il les harangua avec véhémence, les menacant de la punition la plus févere s'ils faifoient aucun mouvement, & leur promettanC récompenfe s'ils fe tenoient dans le devoir. II les renvoya donc a leur quartier, les efcortant au travers de l'armée , qui apprit avec effroi cette terrible cataflrophe. La vue des membres du malheureux Prince , que les eonjurés portoient au bout de leurs piqués , redoubla la terreur. Michelj E vj Michel in. Ann. 66é. lvh. Suites de ce meusr tre.  Michel III. Ann, 866 tvm. Conduite «*e Photius. Anafl. in xSicclao. Nicet. in Jga. Fleury , I08 II I S T ö I R F, qui ne ƒ étoit pas propofé d'atitre exploit, s'embarqua dès lemême jour, & partit pour Conftantinople. C'étoit Ie 21 Avril, l'armée le liiivit a petites journées. Comme il abordoit au port d'Acritas prés de Chalcédoine, tout le Bofphore &-tout le rivage étant couvert d'une multitude infinie de peuple qui étoit venu k fa rencontre , il appereut fur le haut d'un rocher un Moine qui lui crioit de toutes fes forces: Triomphe^, Prince ; vous ave{ verfé le fang de votre oncle, de votre fecond pere. Malheur a vous, malheur a vous ; ce fang retombera fur votre tête. Michel & Bafile donnerent ordre k un foldat d'aller couper la tête k ce Moine infolent; mais le peuple étant account, 1'arracha des mains de 1'exécuteur ,^ en criant, que c'étoit un infenfé, poffédédu démon qui le faifoit parIer malgrè lui. Barda's n'avoit ceffé de perfécuter Ignace. Avant fon départ de Conftantinople , troublé fans doute par fes remords, il avoit vu en fonge ce faint Prélat 1'accufer devant le tribunal de Dieu, & demander juftice. Irrité de eette vifion, il avoit donné  du Bas-Empire. Liv. LXX. 109 ordre de le refferrer plus étroitement & de le traiter avec plus de rigueur Après la mort de Bardas, Photius: affez penetrant pour voir que Bafik n'avoit fait périr le Céfar que poui prendre fa place , 8c qu'il n'épargneroit pas 1'Empereur même, pri confeil des conjonftures pour réglei fa conduite. II avoit fait fa cour ; Bardas auquel il devoit fa fortune dès qu'il fut mort, il fe déchain; contre lui; Se comme il ignoroit en core quel feroit le fuccès du comba que 1'ambition de Bafile alloit livre a 1'Empereur, il s'efforca de les mé nager tous deux. Mais pendant qu la Cour occupée d'intrigues Sc d< eabales perdoit entiérement de vu les affaires de la Religion, il exer coit impunément fa tyrannie fur een qui demeurant fideles k leur légitim Patriarche , s'étoient féparés de 1 communion. Les Magiftrats qu'il g£ gnoit par fes libéralités Sc par fo adreffe, fervoientfavengeance. Pon groffir fon parti, il fe fit établir pï 1'Empereur dépofitaire & diftributev de tous les legs pieux : moyen ff d'acheter par fes largefTes grand non Michel III. ' Ann. 866, hifi. ecclef. ■ l. 50. art. , 41, 49 & fuiv, E r L t £ a 1 r r r r  MlCHEI III. Aan. 866 LTX. Les Légats du Pape ne font pas Jecus a Conftantin oplg. (HO HlSTOIRE bre de partifans , fans qu'il lui en coutSt rien. De plus, comme il étoit , très-favant, & qu'il raffembloit dans fon palais une foule de difciples & de gens d'efprit des premières families qui venoient prendre fes lecons, il n'en admettoit aucun qui n'eut protefté parécrit, que fur les affaires de 1'Eglife, il lui demeureroit inviolablement attachés _ Le Pape, de fon cöté, n'oublioit rien pour décréditer Photius. Bogoris , Roi des Bulgares, ayant envoyé a Rome des Ambafladeurs pour confulter le Pape fur plufieurs articles concernant la Religioh, & pour lui demander des Evêques & des Prêtres, le Pape répondit k fes queftions par une grande lettre qui fait un des plus beaux monuments de 1'Hiftoire Eccléfiaftique. Cette occafion lui parut favorable pour faire paffer k Conftantinople les lettres qu'il adreffoit k 1'Empereur, a Photius , aux Evêques & a tous les autres dont nous ayons déja parlé. La route de Bulgarie étoit plus füre que celle de la mer, dont les Grecs étoient les maitres. II fit donc accompagner les deux Eyê-  vu Bas-Empi&e. Liv. LXX. 111 ques qu'il envoyoit aux Bulgares, de trois Légats, qui étant arrivés en Bulgarie, prirent le chemin de Conf tantinople. Mais ils furent arrêtés fur la frontiere par le Commandant, qui les traitant avec infulte , les obligea de retourner fur leurs pas. L'Empereur lui-même dit aux réfidents des Bulgares, que, fans la confidération qu'il avoit pour leur Roi, qui protégeoit ces émiffaires du Pape, il les auroit mis hors d'état de revoir jamais 1'Italie. Photius, plus ardent encore que 1'Empereur, ayant appris que les Légats en Bulgarie le faifoient pafTer pour un ufürpateur, réiblut de pouffer a bout le Pape Nicolas, & de fe venger de 1'excommunication en Ie dépofant lui-même. Pour eet effet,ilmit en oeuvre une impudente fourberie dont on n'a jamais vu d'autre exemple. Comme il étoit parfaitement inftruit des canons & de la difcipline de 1'Eglife, il fuppofa un concile écuméhique, dont il fabriqua les acfes avec tant de foin,que jamais \me pareille affemblée ne paroiffoit avoir été plus réguliere. On y voyoit des accufa- MlCHEt Ut. Ann. S66» LX. Photiusf prononce contre Ie Pape une fentence de dépolltion.  MlCHEt III. Ann. 866. na HlSTOIRB teurs qui demandoient juftice, des témoins qui dépofoient contre le Pape Nicolas. Photius prenoit d'abord le parti du Pape; il ne vouloit pas qu'on le condamnat en fon abfence; les Peres du Concile décidoient au contraire , & Photius fe rendant enfin a leur autorité, prononcoit, felon 1'avis unanime , la dépofnion de Nicolas; il déclaroit excommunié quiconque communiqueroit avec lui. II trouva Vingt-un Evêques affez corrompus pour foufcrire ces aftes, & il y ajouta lui-même prés de mille foufcriptions. On y voyoit les noms de 1'Empereur, de Bafde, des Légats des trois Patriarches d'Orient, des Abbés,' du Clergé , de tous les Sénateurs. Photius avoit fait figner 1'Empereur pendant qu'il étoit ivre; les autres feings étoient fuppofés. Pour engager Louis, Empereur d'Occident, a chaffer Nicolas du faint Siegè , & pour mettre dans fes intéréts Ingelberge , femme de ce Prince , il portoit 1'audace jufqu'a fuppofer des acclamations dans lefquelles le Concile donnoit a Louis le titre d'Empereur que les Grecs lui refufoient, & a fa femme celui d'Au-  dw Bas-Empire. Liv. LXX. 113 gufte & de nouvelle Pulchérie. II envoya ce Roman fi bien contrefait a Louis & a Ingelberge par deux Evêques , avec des préfents &£ des lettres remplies de flatteries. II compofa enfuite une lettre circulaire qu'il répandit dans tout 1'Orient. II y repréfentoit comme autant d'erreurs capitales les ufages de 1'Eglife Latine, qui ne s'accordoient pas avec les pratiques» de 1'Eglife Grecque ; il accufoit furtout les Latins d'un impiété horrible pour avoir inféré dans le fymbole le mot Filioque; dire que le Saint-Efprit procédé du Fils ainfi que du Pere, c'étoit, felon lui, admettre deux principes dans la Trinité, c'étoit fe rendre indigne du nom de Chrétien : & ce reproche inventé par Photius fait encore aujourd'hui un des prétextes du fchifme des Grecs. Cependant cette addition affez ancienne dans 1'Eglife Latine, n'étoit devenue une héréfie aux yeux de Photius, que depuis qu'il avoit été condamné par le Pape; la profeffion de foi qu'il avoit envoyée a Rome avec fa lettre Synodique huit ans auparavant, étoit conforme dans tous les points a la croyance de FE- MlCHEL III, \.nn. 866,  Michel III. Ann. 866 LXI. Bafile affocié a 1'Erapire. Leo. p, 466. Ccdr. p. 5 56. Zon. e. II. P- 166. Manaff. pag. 107. Glycas P'g. 293. Contin. Theo. pag. 128, 129. Conft. Porpk. p. 148. Sym, p. 448,449. Georg, p, J39- ^ 114 HlSTOIRE ! glife Romaine. II envoya au Roi des Bulgares une lettre pareille avec la , foufcription, fans doute fuppofée, de Michel & de Bafile. Les deux Empereur (car Bafile étoit alors affocié a 1'Empire) demandoient a ce Prince d'obliger les Légats du Pape, d'abjurer ces erreurs, & de reconnoitre Photius pour Patriarche écuménique. Toutes ces fauiTetés de Photius n'étoient appercues ni de Michel toujours enfeveli dans la débauche, ni de Bafile uniquement occupé des projets de fon ambition. Bardas avoit été chargé^ du poids de toutes les affaires, qui, depuis fa mort, retomboit fur 1'Empereur incapable de le foutenir; il le reconnoiffoit lui-même fans en avoir de honte. Jamais ce Prince n'avoit connu d'autre ufage de la puiffance fouveraine qu'une oifiveté licencieufe , ni d'autre privilege que 1'impunité. D'ailleurs, il fe voyoitfans enfants; & quoiqu'il n'eut encore que vingt - fept ans, fa jeuneffe, flétrie dans fa fleur, ne luilaiffoit aucune efpérance de poftérité. II jetta donc les yeux fur Bafile pour 1'affocier a 1'Em-  du Bas-Empjre, Liv. LXX. n)} pire. L'hiftoire nous a confervé le détail de cette inauguration. Le foir de la veille de la Pentecöte, 1'Empereur envoya fecretement ordre a Photius de faire les difpolitions nécelTaires pour couronner Bafile le lendemain. Dès le matin, le peuple affemblé dans la Chapelle du palais, vit avec furprife placer deux fieges fur 1'eftrade deftinée a 1'Empereur. Bientöt après, 1'Empereur fortit de fon appartement dans le plus pompeux appareil. Bafile marchoit derrière lui, revêtu de fon manteau de cérémonie, & portant 1'épée du Prince en qualité de premier Chambellan. Arrivé a la porte de la chapelle , 1'Empereur, fans dépofer fa couronne comme c'étoit la coutu» me, s'avanca jufqu'A 1'eritréedu fanctuaire, & monta fur fon tröne. Bafile s'afïït fur le plus haut degré de 1'eftrade ; au-deffous de lui le grand Logothete Léon tenant en main un cahier; fur le plus bas degré, les Officiers de la chambre de 1'Empereur. Lorfqu'ils eurent pris leurs places, le Logothetefe levant, lut a haute voix ces paroles : Le Céfar Bardas avoit at~ ttntc d ma y/e, 6* fon deffein criminel MtCHEl III. tan. S66  Michel III. Ann. 866. LXII. Complot 8c punition de Symbace. Leo. p. 467. IIÖ IflSTOIRE auroit réuffi, fans la vigilance de Bafile & de Symbace. Il a porté la peine que mériloit fa perfidie. Connoiffant la fidélite de Bafile, le %ele dont il a étéanime pour la confervation de mes jours, & la tendre affe&ion qu'il me porte , jt lui confie le foin de mon Empire ; je partage avec lui mon autorité, & je veux que tous mes fujets le reconnoiffent pour Empereur. Bafile fondoit en larmes. L'Empereur prit fa couronne, & la mit entre les mains de Photius qui la porta fur 1'autel, 8e prononca fur Bafile une formule de prieres. Enfuite les Officiers de la chambre öterent k Bafile le manteau de Chambellan, & le revêtirent des ornemenfs impériaux. Bafile fe profterna aux pieds de 1'Empereur ; 6c Photius ayant repris la couronne fur 1'autel, la pofa fur la tête de Bafile. En ce moment, toute 1'affemblée s'écria : Longues années d Michel & d Bafile, 6c 1'on célébra le faint Sacrifice. L'ambition fit tous les crimes de Bafile. Dans une Cour ou la veru eft enhonneur, on s'efforce de paroitré vertueux pour avancer fa fortune; le malheur des conjontuires avoit  du Bas-Emfire. Liv. LXX. 117 exigé de Bafile un effort tout contraire ; pour s'élever, il lui avoit .fallu fe prêter k des défordres dont il étoit éloigné par caraftere. Dès qu'il n'eut plus rien a defirer, il rentra dans fon naturel; fage, bienfaifant, fobre, modéré dans toute fa conduite, il gagna bientöt tous les cceurs; Sc 1'Empire reconnut que le feul bon ufage que Michel eut fait de fa puiffance, étoit de la partager. Mais Symbace, qui n'avoit contribué a la chüte de Bardas que dans 1'efpérance de monter a fa place, vit avec dépit qu'il avoit été joué par Bafile. Dévoré de jaloufie, il feligue avec George Pegane, Gouverneur d'Hellefpont, qui lui fournit des troupes. Ils fe mettent en campagne, Sc publient un manifefte , rempli de proteftations d'un attachement inviolable a Michel leur légitime Empereur, Sc d'inveclives contre Bafile, fourbe artificieux, qui, né dans la pouflïere, nourri dans la mendicité, apïès avoir trainé fa jeunelfe dans les plus vils emplois, avoit par fes baffes flatteries , réuffi a féduire le Prince, Sc s'étoit enfin aflis k cöté Michel III. Ann. 866. Cedr. p. 566, 567, 569. Zon. tomt II, P. 167. Conft. Por. pag. 149. 150, 163, 164. Sym. pag, 449- Georg. p. 139, 140.  Michel 111. Ann. 866. 118 HlSTOIXE de lui pour le précipiter lui-même. A les entendre,loin d'être rebelles, ils étoient les fujets les plus zélés 6c les plus fideles; c'étoit pour 1'honneur 6c le falut du Prince qu'ils prenoient les armes ; 8c fous ce prétexte, ordinaire aux révoltés , ils ravagent le pays, pillent les villes 8c les campagnes , briïlent les maifons, 8c couvrent les bords de la Propontide 6c du Bofphore de fang 8c de carnage. 11 courent toute la cöte , 8c mettent Ie feu aux vaiffeaux deftinés pour Conftantinople. Bafile fait marcher des troupes dont il donne le commandement a Nicéphore , homme fage 8c prudent , qui, pour ne pas opiniatrer les efprits, 8c faire de cette rébellion naiffante une guerre civile, ne fe preffa point de combattre. II fit courir dans l'armée rebelle des billets d'amniftie, pour ceux qui fe détacheroient des chefs de la révolte, avec promeffe de récompenfe a qui:onque les livreroit. Cet expédient lui réuffit. L'hyver étant venu, les féditieux fe féparerent, 8c les deux :hefs réduits a fe cacher , furent bientót trahis par leurs propres partifans,  du Bas Empirë. Liv. LXX. 119 Pégane futpris le premier, & conduit è Conftantinople. Après qu'on lui eut crevé les yeux & coupé le nez, on Ie fit demeurer pendant trois jours affis fur une pierre prés de la colonne militaire dans la grande place, tenant a la main une taffe, oü les palfants jettoient quelque aumóne. Trente jours après, Symbace fut furpris dans une hötellerie. On le conduifit a 1'Empereur , qui, pour fe divertir aux dépens de ces malheureux, voulut que Pégane allat au-devant de lui, marchant a reculons , & lui portant fous les narines la fumée de 1'encens qu'il tenoit dans un teiTon de terre. On traita Symbace comme on avoit traité Pégane, & de plus on lui coupa Ia main droite. Eniuite on les renvoya dans leurs maiibns,avec défenfe d'en jamais fortir fous peine de la vie. Si 1'on en croit Conftantin Porphyrogenete , petit-fils de Bafde , ce Prince, après la mort de Michel, nonfeulement leur pardonna , mais s'efforca même de les confoler en les comblant de bienfaits, & les faifant fouvent manger a fa table. Depuis que Bafile partageoit avec Michel KL Ann. 866, Ann. 867. Lxni. Michel  Michel Kt Ann. 867. veut faire périr Bafile.Leo. pag. 457.468, 469Cedr. p. 556. 557. $67. Zon. torn. II. p. 166, 167. Manajf, pag. 105 , 107. Glycas , pag. 191. & feqq. Joel. p. 179. Contin Theo. pag ll8 & feqq Conft. Forph. p 15l>ï54 155. 156 158. Sym. j 418, 45< & feqq. . Georg. i 5^6, 54 J43- [20 H I 3 T 0 I R Z Michel la dignité Impériale, les défordres de ce Prince lui étoient devenus plus infupportables : il en croyoit aufli partager la honte, & ne ceffoit de 1'exhorter a changer de vie. Ces fréquentes remontrances le rendirent odieux. Michel écouta plus volontiers fes compagnons de débauche, qui lui confeilloient de fe défaire de ce cenfeiu incommode. L'un d'entre eux s'offrit k 1'exécution; & ayant accompagné Bafile k la chaiïe, illui lanca un trait, comme pour frapper la béte; mais il manqua fon coup. A 1'inflant le cheval de laffaffin s'étant effarouché, emporta fon maitre au travers de la forêt, dans les rochers, dans les précipices. Ce malheureux, prêt de mounr, avoua ■ fon crime, exhortant fes camarades ' a refpefter les jours de Bafile, dont . Dieu fe déclaroit le proteaeur. ' Michel perfifta dans le delTein de ' le faire périr. Après une courfe de .. chars, ojtu felon la coutume, il avoit remporté la viÖoir e, il donna un grand , fouper aux Seigneurs qui avoient couru avec lui ; 1'Impératnce 8c Bafile v affiftoient. Au milieu de la joie J au  nu Bas-Empire. Liv. LXX. 121 du feftin un rameur de la Trirême Impériale, nommé Bafilicin , favori du Prince k caufe de fa bonne mine . & de fes talents en fait de débauche, prit la liberté de fe mêler dans la converfation, & de faire un pompeux éloge de 1'admirable dextérité de 1'Empereur. Michel, dont le vin J avoit déja troublé la raifon , enivré ' encore par des flatteries , dont il étoit idolatre, fit apporter de fa gar- 1 derobe les habits Impériaux, & en 1 revêtit Bafilicin, en lui donnant le titre d'Empereur. Le matelot interdit ayant honte d'accepter ces ornements , jettoit les yeux fur Bafile; mais 1'Empereur fe mit en colere, &c Bafile lui fit figne d'obéir. Michel alors fe tournant vers Bafile : Vois-tut dit-il , que la pourpre lui Jied mieux qu'a. toi ? Je fai fait Empereur; ne fuis-je pas le maüre d'en faire un autre ? II impofe fdence k 1'Impératrice, qui ne pouvant retenir fes larmes, tachoit de lui faire entendre, qu'une pareille extravagance anéantiffoit la majefté Impériale. Pour lui il s'applaudiffoit tellement dece caprice infenfé, que dès le lendemain matin , Tome XF. F MlCHEX, III. Vnn. 867. Niut. in 'ga. Gene/, p. 4. Du Cange 'am. Bi 7. . 138. LXIV. II fait un louvel Lmpeeur.  MlCHEl IU. Ann, 867. LXV. Mort de Michel. 121 JTlSTOlRE il conduilit au Sénat Bafilicin, revêtu de toutes les marqués de fa nouvelle dignité ; il le préfenta aux Sénateurs, leur déclarant qu'il 1'avoit aflbcié a fa puiffance, & les prenant eux-mêmes a témoins qu'il avoit fait un meilleur choix que dans la perfonne de Bafile. Tous les Sénateurs étonnés de cette incroyable folie, demeurerent dans le filence, fe regardant les uns les autres, fans ofer lever les yeux fur 1'Empereur, qu'ils jugeoient entiérement. dépourvu de raifon. Cependant Bafile recevant de toutes parts avis que fa perte étoit réfolue, fe détermina enfin a prévenir 1'Empereur. Théodora, mere de Mi-' chel, enfermée dans un monaftere, avoit confervé un appartement voifin de celui de fon fils, dans le palais de Saint-Mamas, hors de la ville, ©ti elle avoit la liberté d'aller quelquefois prendre 1'air avec fes filles. Elle voulut y donner a fouper a fon fils & a toute fa Cour; elle invita Bafile 8c Ingérine. Bafilicin même ne fut pas oublié. Ce fut cette occafion que choifit Bafile pour fe défaire de fes ennemis; & il eft re-=.  nu Bas-Empire. Liv. LXX. 123 marquable que des conjurations rapportées dans 1'hiftoire , un grand nombre s'eft exécuté dans la fécurité de Ia table, foit par le poifon, foit par le fer. Bafile communiqua ion deffein a plufieurs Seigneurs, diipofés & tout entreprendre pour fe délivrer d'un Prince extravagant qui déshonoroit 1'Empire. C'étoit le 24 Septembra. On fe mit a table a 1'entrée de la nuit, 8c avant neuf heitres du foir, Michel étoit ivre. Bafile s'en étant appercu , fe leva de table, &z lailTant fa femme Ingérine amufer de fes plaifanteries fon ancien amant, il eut foih d'embarraffer la ferrure de 1'appartement de 1'Empereur , afin qu'on ne put le fermer. II revint aulfi-töt, & un moment après 1'Empereur plongé dans le fommeil, fe fit conduirea fon lit par Bafile, qui le quitta après lui avoir baifé la main. Bafilicin, dans le même état que Michel, fe jetta fur un autre lit; tous deux s'endormirent aufli - tot. Un moment après, le Chambellan Ignace fe tenant debout a 1'entrée de la chambre qu'il ne put fermer, vit arriver Bafile avec une troupe armée. F ij Michel III. Ann. 867.  Michel III. Ano. S67. 124 IIlSTOIRB Tandis qu'il s'oppofoit k leur palTage , & qu'on le pouffoit avec violence jufqu'au lit du Prince, 1'Empereur s'éveilla au bruit du tumulte; & comme il levoit les deux mains en jettant de grands cris, un des eonjurés, nommé Jean Chaldée, les lui trancha de deux coups de fabre, & 1'acheva de plufieurs coups. D'autres maffacroient Bafilicin. Pendant ce temps-la , Marien, frere de Bafile, bien accompagné , défendoit 1'entrée contre les domefliques de 1'Empereur, Après cette exécution, Bafile avec fa troupe courut au grand palais, dont il for^a les portes. II y fit venir In? gérine en magnifique équipage, &C renvoya 1'Impératrice Eudocie, chez fes parents. II donna ordre a Paul, fon Chambellan , de pourvoir a la fépulture de Michel. Paul, s'étant tranfporté au lieu de 1'affaffinat , trouva ce malheureux Prince couché par terre , les entrailles hors du corps ; autour de lui, fa mere & fes (beurs fondoient en larmes, & jet» toient des cris lamentables. L'ayant ?nveloppé dans la houffe de fon cheral, il le fit jetter dans une barque 3  nü Bas-Empire. Liv. LXX. iz§ & porter a Chryfopolis, oü il fut enterré fans pompe dans un monaftere. Michel avoit régné vingt-cinq ans & huit mois; il mourut dans fa vingt-neuvieme année. Les Hiftoriens obfervent que les sffaffins de Michel firent une fin tragique; ce qu'ils ne manquent pas d'attribuer a la vengeance divine. Mais Ia profpérité du regne de Bafile, auteur du meurtre , prouve que la juftice de Dieu ne punit pas toujours en cette vie les plus grands criminels. Jacobize, qui avoit tué Bafilicin , étant a la chaffe avec 1'Empereur, laiffatomber fon épée, &i tandis qu'il defcendoit de cheval pour la ramaffer, fon pied s'étant embarraffé dans 1'étrier, le cheval prit 1'épouvante, emporta fonmaitre au travers des vallons & des précipices, & le mit en pieces. Jean Chaldée ctoit k la tête d'une armée ; accufé d'avoir tramé un complot contre 1'Empereur , il fut mis en croix. Affyléon, coufin de Bafile, avoit été relégué dans une de fes maifons de campagne au voifinagne de Conftantinople , en punition des cruautés F ii] Michel III. Ann. 867. Lxyr. Fin tra»ique des iffaffins ie Michel.  Michel III. Ann. 867. 12(5 BlSTOIRE, &C. barbares qu'il exereoit fur fes domeftiques ; une nuit ils Taffaffinerent, & furent brülés vifs après qu'on leur eut coupé les mains & les pieds. Le Perfe Apelates & Conftantin Toxaras qui avoient eu part au meurtre de Michel, périrent auffi d'une mort funefte; 1'un fut rongé des vers, 1'autre fut maffacré dans le pays de Cybire, ou il commandoit. Enfin, Marien , frere de Bafile, s'étant rompu le pied en tombant de cheval, mourut de fa bleffure. La niece de Bafile , qui fut mariée k Participace, Doge de Venife, devoit être fille de ce Marien , ou de quelqu'une de fes foeurs.  i*7 S O M M A I R E d v LIVRE SOIXANTE-ONZIEME. I. B a sile feul Empereur. II. 11 rétablit lesfinances. III. Réforme de la judicature. IV. Tranquillité publique rétablie. V. Photius chafifé ,/aitplace d Ignace. VI. Reconnoijfance de Bafile. vil.' Riglements de Bafile fur la Milice. VIII. Les Sarafins levent le fiege de Ragufe. IX. Les barbares de la Dalmalie rentrent dans Cobéijfance. X. Continuation de Caffaire de Photius. XI. Préparatifs du huitieme Concile général. XII. Concile. Xin. Suite du Concile. XIV. Les Bulgares fe foumettent d 1'Eglife de Confantinople. XV. Evénements divers. XVI. Guerres des Sarafins en Italië. XVII. Prife de Bari fur lts Sarafins. XVIII. La Religion Chrétienne s'étend en Ruffie. XIX. Incurfions des Pauliciens. XX. L'Empereur marche contre eux en perfonne. XXI, BaF iv  tfl8 S O M M A I R E file prend plupairs villes aux Sarafins. XXII. 11 paffe ÜEuphrate. XXIII. Expédition de Malatia. xxiv. Nouvelle expe'dition contre Chryfochir. XXV. Défaite des Pauliciens. xxvi. Dejlruclion de fhéphrique & des Pauliciens. xxvil. Debauches de la fceur & de la femme de Bafile. XXVIII. Converfion des Juifs. XXIX. Bafile piqué par un ferpent. XXX. Guerres contre les Sarafins. XXXI. Cara&ere des Sarafins de ce temps-ld.xxxii. Succès de Bafile en Cilicie. XXXIII. Son retour. XXXIV. ViÜoire <£'Andrê le Scythe. XXXV. Stypiote battu par les Sarafins. XXXVI. Etat de 1'Empire en halie. XXXVII. Contefiation entreRome & Confi tantinopleaufujetdes Bulgares.XXXVUl. Saintetéde Bogoris. XXXIX. Photiusfuccede d Ignace. XL. Conduite de Photius rétabli. XLI. Le Pape reconnoit Photius pour Patriarche. XLH. Concile de Conftantinople en faveur de Photius. XLIII. Suite des événements qui concernent Photius. xi.iv. Mort de Conftantin. XLV. Ménagement de Bafile d Végard de fes fujets. XLVI. Conjuration découverte. XLVil. Mouvements des Sarafins en Orient. XLVlii. Syracufe prife par les Sarafins. XLix. Punition ctHadrim. l. At-  du Livre LXXIe. 119 taque de Chalets. Lï, Les Sarafins de Crete battus furmer. Lil. Autre dé/ai te des Crétois. lui. Artifice de Bafile pour fauver la vie d des déferteurs. Liv. Les Sarafins battus furmer.'LV. Expédition en Steile & en Italië. LVI. Trahifon de Léon. lvii. II eftpuni. lviii. Nouvelle expédition en Italië. lix. Santabaren veut faire périr Léon, fils ainéde F Empereur. LX. DélU vrance de Léon. lxi. Mort de Bafile, Lxil. Condufion du regne de Bafile, F v   131 HISTOIRE D U BASE M P I RE. L1VRE S01XANTE-ONZ1EME* B A S I L E, furnommè U MacÉdonien. Dès que Bafile fe fut mis en poffeffion du palais, il fe fit conduire en pompe k Ste. Sophie, pour y recevoir la couronne des mains du Patriarche. II étoit accompagné de fa femme Eudocie Ingérine , & de fes deux fils Conftantin & Léon. Arrivé F vj Basile. Ann. 867. L Bafile feul Empereur. Cedr. p. 567,568, 569.  B ASItE, Ann. 867. Zon. torn. 11. p. 167. Leo. p. 470. Manajf. p. IG7 , 108. Glycas, p. ^94, *95- Contin. Theo. pag. 108. Conft. Porph. p. * ƒ««■ 436, 4H. 454Georg. pm 1 J43 - 544- Gencf, p. 1 6l. j 1 < ( I t t t 1, c 132 UlSTOlRB au pied de 1'autel, fe prolfernant devant 1'image de Jefus-Chrift, il éleve fa voix & s'écrie : Seigneur vous me donne[ la couronne; je la mets a vos pieds, & je me confacre tout entier a votre fervice. Ces paroles excitent dans I'aiTemblée une forte d'enthoufiafme ; le Ciergé, les Sénateurs , les Officiers du palais appIaudiiTent par des acclamations réitérées; le peuple furtout & les foldats verfent des larmes ie joie, ils fe félicitent d'avoir ua Empereur, qui ayant paffé par tous les degrés de 1'infortune , avoit aporis a compatir aux malheurs des homnes, Ils ne furent pas trompés dans eur efpérance : pour parvenir a Ia :ouronne , Bafile avoit joint au méite perfonnel les reffources de 1'inrigue 65c 1'audace des forfaits : dès [u'il ne lui en coüta plus rien poui |tre vertueux, il ne, corrferva que es bonnes qualités. Son regne ferma iour quelque - temps les plaies que ant de mauvais Princës avoient fai;s a 1'Empire ; ce rut un de ces remees puiflants qui raniment la vieil;iTe, & la foutiennent fur le penbant de la caducité.  nu Bas-Empi&e. Liv. LXXI. 133 II donna fes premiers foins au rétablhTement des finances. Les largeffes qu'il avoit faites felon 1'ufage , dans la cérémonie de fon couronnement, avoient été tirées de fes propres fonds. Dès qu'il fut coiironné, il fit ouvrir le tréfor impérial en préfence des principaux du Sénat & des Officiers du premier ordre. II ne s'y trouva que trois cents livres pefant d'or, & quelques facs d'argent. II fe fit apporter les regiflres de 1'emploi; & après avoir examiné les divers articles des énormes profufions de fon prédéceffeur, il délibera fur le parti qu'il devoit prendre pour réparer tant de pertes. Le Confeil étoit unanimement d'avis de faire rapporter toutes ces fomnaes par ceux qui les avoient revues : 1'Empereur ufant d'indulgence, même pour des gens qui nyen méritoient pas, n'exigeaque la moitié de la reftitution ; & cette möitié diminuée encore par les fraudes & les fubterfuges , ne produifit au tréfor que trente mille livres pefant d'or: fomme bien modique pour fournir aux befoins d'un grand Empire; mais qui jointe au retranche- Basile. Ann. 867Ï n. II rétabliï les finances.  Basiie. Ann. 867. III. Réforme de la judicature. 1 ' 1 1 ] ( ] 1 ; Ï34 Mistoire ment de toute dépenfe fuperflue, fe trouva fuffifante pour foutenir les fraix de plufieurs guerres, non-feulement fans furcharger les fujets , mais même gn diminuant les impöts. II fembla, difent les Hiftoriens, que Dieu voulut récompenfer Bafile de fes libéralités & de fes aumönes par la découverte de plufieurs tréfors enfouis dans la terre, que 1'on vit fans murmure adjugés au fifc, devenu le tréfor de 1'Etat. Tout étoit corrompu : les charges étoient purement vénales. On n'avoit befoin ni de probité, ni de fcience, ni de mceurs , pour déciler du fort des autres hommes. Baïle employa toute fon attention k :hoifir des juges éclairés & verueux , fupérieurs a 1'argent , k la iaveur, k lacrainte, uniquement faforables au bon droit & k 1'inno:ence. Pour bannir abfolument 1'in:érêt de tous les tribunaux, il fit pu>lier dans tout 1'Empire des éclits jui défendoient aux juges de rien •ecevoir des parties fous quelque préexte que ce fut; & fe chargeant luinême de récompenfer leurs travaux,  nu Bas-Empire. Liv. LXXL 135 il leur aflïgna des honoraires fuffifants pour vivre fans luxe & proportionnésa leur dignité; mais a condition qu'ils rempliroient exa&ement leurs foncfions. II fit plus , §c c'eft ce qu'il n'imita d'aucun Prince, & ce qu'aucun Prince n'a jamais imité de lui; il avoit obfervé qu'un homme riche, mais injufte, prend fouvent avantage de fon opulence pour fufciter des chicanes a un homme fans fortune, qui, ruiné par les délais & par les fraix des procédures avant que d'avoir obtenu juftice, eft forcé d'abandonner fon droit. Pour tenir la balance égale entre le pauvre & le riche, il fe mit du cöté du pauvre, & affigna des fonds pour faire fubfifter les plaideurs indigents jufqu'a la décifion de leur procés. C'eft fur-tout dans les campagnes, dans les Province's & loin des yeux du Prince, que la tyrannie des hommes puiffants écrafe leurs inférieurs : Bafile, ennemi de 1'oppreffion , vonloit être informé dè toutes les vêxations; & fi la magiftrature étoit trop foible pour les arrêter, il 1'appuyoit de toute la force de Patttorité fouveraine. La grande falie Basiie. \nn. 867.  Basile. Ann. 867. 136 . NrsTtiiiiE nommée Chalcé, qui fervoit de vefübule au palais , &C dans laquelle fe rendoit la juftice, menacoit ruine; il la répara, & 1'embellit; il établit encore deux autres tribunaux, 1'un dans le palais de Magnaure, 1'autre dans le Cirque. II affiftoit lui-même aux jugements, lorfque les autres affaires lui en laiffoient le loifir; fa préfence. procuroit un doublé avantage; elle contenoit les juges dans les hornes d'une exacte juftice , & leur concilioit le refpeft des peuples. Mais tl n'y avoit aucun tribunal qu'il fréquentst plus affiduement que la chambre du Tréfor ; c'étoit-la que fe décidoient les affaires qui concernoient le recouvrement des impöts, fource féconde d'injuftices. Plus févere a l'égard des financiers qui exigeoient ce qui h'étoit pas dü, qu'a l'égard des fujets qui ne payoient pas.ce qu'ils devoient, il aimoit mieux fouffrir la perte de fes droits, que de prêter fon nom k des injuftices criantes. Les röles des Receveurs étoient écrits en notes inintelligibles au peuple ; ce qui donnoit lieu k des exaccions arbitraires j il ordonna qu'ils  du bas-Emtixz. Liv. LXXI. 13-7 feroient écrits en lettres communes & fans abbréviations , afin que chacun put vérifier a quelle fomme il étoit taxé. Les dépenfes des bureaux avoient été jufqu'alors fur le compte des peuples; c'étoit un accroiffement a la contribution :*Bafile le retrancha, & prit fur fon compte les fraix des regiftres & des commis. II entre^ prit encore un plus grand ouvrage; ce fut la réforme des loix. Le corps du droit civil étoit un amas confus de loix furannées & abolies par 1'ufage, mêlées avec celles qui étoient en vigueur ; il s'agiffoit de fupprimer les premières , d'éclaircir & d'abréger les autres, & de les réduire dans un ordre méthodique & facile a retenir. Bafile commenca par faire traduire en Grec celles qui n'étoient qu'en Latin. Mais fon projet ne fut exécuté en entier que par fon fils Léon. C'eft ce qu'on appelle le recueil des Bafiliques. J'en parlerai plus en détail fous le regne de Léon. Le vigilance de 1'Empereur, qui, non content de couper toutes les branches de 1'injuftice, en arrachoit jufqu'a la racine, fit circuler danstou- Basile. Ann. 867. IV. Tranquillité pubüque rétablie.  Basiie. Ann, S67. 1 < i i 1 t 1 1 ] j j f3* H I S T O I M. 2 tes les veines de 1'Etat la paix, la (ïïreté, 1'abondanCe, L'Empire femdoit renaitre fous un ciel pur Sc fe-ein ; la violence & la fraude enchaiïées lahToient refpirer la foiblelTe & :'innocence. Chacun labouroit fa ter•e, & tailloitfa vigne, fans crainIreque des mains avides vinlTentlui mlever le fruit de fes travaux. ia brtune des peres étoit alTurée aux :nfants, dont le nombre n'étoit plus in fléau pour les families. Au bout le quelque temps, les murmures Sc es plaintes, devenues depuis longemps le langage commun de 1'Em>ire, ceiTerent li abfolument, qu'un our 1'Empereur s'étant tranfporté élon fa coutume a la chambre du rréfor, il ne s'y trouva point de equête contre les exaöeurs. Etonné le ce filence, il fe perfuada qu'on cartoit les perfonnes léfées, & que 3 finance, toujours anfli entreprelante & aulli adroite qu'avide, eralêchoit les plaintes de parvenir juf[u'a lui. Dans cette penfée, il enoya de toutes parts des hommes de onfiance, pour s'informer par euxnêmes de 1'état de fes fujets. Après  du Bas-Empire. Liv. LXXI. 139 d'exa&es perquifitions, on lui rapporta qu'en efFet perfonne n'avoit a fe plaindre. Cette nouvelle prefque incroyable lui tira des larmes de joie ; il remercia Dieu d'un changement qui n'avoit pu être opéré que par fa main toute - puiffante. Quel Prince feroit comparable a Bafile, s'il étoit jamais permis d'acheter par un parricide le pouvoir de fauver les Etats ? Le foin des affaires civiles ne lui faifoit pas perdre de vue celles de 1'Eglife. Dès les premiers jours de fon regne , il affembla dans fon palais les Evêques qui fe trouvoient a Conftantinople, & quin'étoient pas créatures de Photius. Après avoir pris leur avis fur la conduite qu'il devoit tenir avec eet ufurpateur, il le chaffa du fiege, & 1'enferraa dans un monaftere. Ce fut en cette occafion que 1'on furprit les faux acfes du prétendu concile fuppofé par Photius, dont j'ai parlé fous le regne précédent. L'exemplaire en fut porté au Sénat, & expofé aux yeux du peuple , qui fut frappé d'horreur k la vue d'une fi étrange impofture. Ces aft es furent repréfentés a Photius dans le huitieme Conci- Basile. (Vnn. 86"', V. Photius chaffé fait place k Ignace. Nicet. in lgn. Cd. p. 569. Leo. p. 470. Conjl. Porph, p. 163. Sym. p. 454- Georg. pag. 454. Anafi. in Nicolao. Bolland, in Théodora. Fleury , hift. ecchf. I. 5i. art. a, 4, 6, 8.  Basile. Ann. 867. Oriens, Chrifl. 1.1. Vt- 247. 248. 140 tl I J T O I R S le, & eondamnés au feu. Ailfli-têt après la dépofition du faux Patriarche , Elie, Commandant de la flotte, fut envoyé avec le vaiffeau impérial, pour ramener le Patriarche légitime. Ignace rentra folemnellement dans fon Eglife le Dimanche vingt - trois Novembre, le même jour auquel il avoit été chalTé de la ville dix ans auparavant. Tous les Prélats , tous les Abbés & les Moines qui avoient partagé fa difgrace , furent rappellés. Dès qu'il fut rétabli, il frappa d'interdicf ion Photius, & tous ceux qu'U avoit ordonnés, ou qui avoient communiqué avec lui. Pour réparer tant de fcandales, il obtint du Prince la convocation d'un Concile général. Bafile députa au Pape Nicolas fon Ecuyer Euthymius, pour le prier d'y envoyer fes Légats ; il écrivit en même - temps aux trois Patriarches d'Orient & a tous les Evêques de 1'Empire pour les appelier au Concile. Mais le Pape Nicolas étoit mort le treize Novembre , & le député de 1'Empereur trouva fur le Saint Siege Hadrien II. Si 1'on en croyoit que£ques Auteurs, la difgrace de Photius  du Bas-Empire. Liv. LXXI. 141 n'auroit été qu'un efFet de vengeance de la part de 1'Empereur. Ce Prince, difent-ils, s'étant préfenté un jour de fête a la fainte table, Photius lui refufa lacommunion , le traitant d'ho* micide & de meurtrier de fon Prince. Mais outre qu'un trait fi remarquable n'auroit pas échappé aux plus graves Hiftoriens , il ne s'accorde nullement avec le caracfere fouple & flatteur de Photius, qui ne facrifioit qu'a fa fortune. De plus, fa dépofition fut une des premières aftions de Bafile , plufieurs même la placent au lendemain de fon couronnement; ce qui me paroït trop précipité. Bafile avoit des füretés a prendre pour s'affermir lui-même, avant que de s'occuper du rétablilTement d'Ignace. Après avoir mis ordre aux affaires de 1'Etat, il jetta les yeux fur ceux qui 1'avoient fervi dans fon indigence. Le Gardien de 1'Eglife de Saint-Diomede fut élevé a Ia dignité d'Eco- : nome de Sainte-Sophie, & de Syneelle du Patriarche. II avoit trois freres, gens de mérite; Pu» fut fait Commandant de la garde de nuit; un autre, Préfet de Ia chapelle du Prin- . Basile, Ann, 867. tan. 86Si VI. Recon. 10'ilTance ie Bafile, Cedr. po ;86,587. Zon. lom, I. P- 173. Leo. p. f7' >472'  Basile. Ann. 868. Conft. ¥orph. p. 194 • & feqq. Sym. p. 456. Georg, p. 545- 142 HlSTOIRB ce; le troifieme , grand Tréfoxier de 1'Empire. Le fils de Daniélis , que Bafile avoit adopté pour frere , fut revêtu de la charge de grand Ecuyer. Daniélis elle-même vint a Conftantinople, pour rendre fes hommages au Prince, dont elle avoit commencé la fortune. Jamais Princefle étrangere n'avoit paru dans un fi brillant équipage ; jamais le plus puiffant Prince n'avoit fait a 1'Empereur de fi riches préfents. Bafile la recut avec tous les honneurs qu'il auroit rendu k fa propre mere. II 1'honora même de ce titre augufte. Elle poflédoit dans le Péloponnefe une vafte étendue de terres; elle én fit une donation a 1'Empereur. Après avoir féjourné k Conftantinople autant qu'elle voulut, comblée d'honneurs,elle retourna dans fa patrie, & laiffa encore k fon départ une marqué de fa magnificence : 1'Empereur faifoit batir une Eglife dédiée au Sauveur , dont le pavé étoit de la plus belle mofaïque ; elle donna de fuperbes tapis pour le couvrir tout entier. Tous les ans elle envoyoit a 1'Empereur des préfents de grand prix. Quoique fort avancée  du Bjs-Empire. Liv. LXXI. 143 en age , elle lui furvécut, & vint une feconde fois k Conftantinople rendre viiite k 1'Empereur Léon , fils & fucceffeur de Bafile. Sa libéralité inépuifable fe fignala encore en faveur de ce Prince; elle 1'inftitua même fon héritier, k la place de fon fils qu'elle venoit de perdre; & pria 1'Empereur d'envoyer un de fes Officiers pour faire 1'inventaire de fes hiens. L'Officier qui la fuivit de prés la trouva morte ; il exécuta ridélement toutes les difpofitions marquées dans le teftament. Outre la grande étendue des domaines, dans lefquels on comptoit quatre-vingts métairies , le mobilier étoit immenfe , fant en or & en argent monnoyé, qu'en meubles & en vafes précieux , en beftiaux, en chevaux, en efclaves. L'Empereur en affranchit trois mille, qu'il envoya en Italië fur les terres dévaftées par les courfes des Sarafins. Quoique 1'Empereur fut légataire univerfel, elle avoit laiffé a un petit-fils qui lui reftoit, une fortune égale k celle des plus riches particuliers. L'hiftoire ne dit pas par quels moyens Daniélis étoit parvenue k cette opulence; elle B ASIT.E, Ann. 86S.  BAsir.E. Ann. S6S. VII. Réglenaents de Bafile fur la Milice. Cedr. p. 569, 570. Conft. Porph. p. 164 , l6j. I44 HlSTOIRB n'en auroit pas même parlé, fans fa générofité a la répandre. On ne fait pas le nom de fon mari, & en effet s'il n'étoit difiingué que par fa fortune , il ne mérite pas d'être connu. Michel avoit lahTé les frontieres expofées aux Sarafins du cöté de 1'Occident, aux Pauliciens du cöté de 1'Orient, & Bafile fe "préparoit k les défendre. Mais il falloit mettre fur pied de nouvelles armées. Faute de paye ou de fubfiftance , prefque tout avoit déferté; il ne reftoit que de nouvelles milices fans habits , lans armes, fans courage. Bafile rappella au drapeau les anciens foldats, qu'il attira par fes largeffes; il incorpora dans les vieilles cohortes les nouvelles levées, qu'il fit dreffer aux exercices. L'exemple des vieux foldats , les travaux affidus, l'exa&itude de la difcipline, les récompenfes &c les chatiments diflribués avec juftice, eurent bientöt formé de bonnes troupes, & lui rendirent des forces fuflifantes pour rétablir 1'honneur de 1'Empire. _ Les Croates, les Serves & toutes ces  du Bjs-Empire. Liv. LXXI. 145 ces nations Efclavonnes qui habitoient la cöte de la Dalmaiie avoient fecoué le joug de 1'Empire, & ne reconnoiflbient pour maïtres que leurs propres Seigneurs. La plupart même avoient abjuré le Chriftianifme. Les Sarafins de Carthage profiterent de ces mouvements ; ils vinrentavec une flotte de trente-fix voiles débarquer en Dalmatie fous la conduite de trois chefs hardis & expérimentés. Après s'être rendus maitres de plufieurs villes , ils allerent mettre le fiege devant Ragufe, capitale du pays, & la tinrent long-temps afliégée. Les habitants fe défendirent avec grand courage; mais fe voyant enfin réduits a Fextrêmité, ils envoyerent demander du fecours k Michel qui vivoit encore, Que devoient - ils attendre d'un Prince toujours plongé dansl'ivreffe, & qui auroit abandonné une Province plutöt qu'une partie de débauche? Parbonheur pour eux, Michel étoit mort avant que leurs députés arrivaffent k Conftantinople, & Bafile qui reflèntoit vivement tous lesmaux de 1'Empire, fe hata de les fecourir. II équipa une flotte de cent Tornt XV, G Basile. Ann. 868. VIII. Les Sarafins levent le fiege de Ragufe. Cedr. pi 569.5/6, 577- Zon. t. II. p. 167, 169 , 179. Conft. Porph. p. 169,I78, 179, 1S0. Idem de adm. imp. c. 29, 30. Leo Ta3. c. 18,  Basile. Ann. S68. . IX. Les Barbares de la Dalmatie rentrent dans robéiffance. I4.6 HlSTQ/RE vailTeaux, la chargea de troupes, & mit a la tête de cette expédition le Patrice Oryphas , grand Amiral , dont 1'expérience égaloit la valeur. Les Sarafins ne 1'attendirent pas ; dès qu'ils apprirent qu'il étoit en mer, ils leverent le fiege qui duroit depuis quinze mois, & gagnerent les eötes de 1'Italie. Cette aitivité de Bafile fit fentir aux Efclavons que 1'Empire avoit un maitre capable de les contraindre k 1'obéilTance. Comme ils entendoient en même-temps louer fa douceur & fa juftice, ils lui députerent pour lui offrir leurs hommages, & pour le prier de les recevoir au nombre de fes fujets. Bafile leur pardonna leur révolte , fit partir avec leurs députés des Officiers pour rétablir le bon ordre , avec des Prêtres pour les inftruire & les ramener au fein de 1'Eglife. Dès qu'on fut a la Cour que ces peuples rentroient dans la foumiflion , toutes les cabales fe mirent en mouvement, toutes les intrigues s'animerent pour faire nommer tel ou tel Gouverneur. C'étoit 1'ufage du regne précédent. Michel  du Bas-Empire. L'iv. LXXI. 147 avoit vendu toutes les places importantes, ou les avoit laifle vendre par fes favoris. Bafile repouffa toutes ces mains avides, qui offroient de grandes fommes pour les regagner avec ufure par le pillage de la Province; & de peur que ces nations n'euffent k fe repentir de leur retour a 1'obéiffance, il leur permit de choifir ellesmêmes leurs Préfets & leurs Magiftrats. II taxa feulement les redevances que chaque ville payeroit k 1'Empire. Cette forme d'adminiitration , qui approchoit du gouvernement paternel , rendit ces peuples plus heureux & plus tranquilles , qu'ils ne f avoient été dans une tumultueufe fiberté; & la nation Efclavonne , la plus étendue de toutes les nations de 1'Europe , & qui s'étant établie dans ce qu'on nomme aujourd'hui 1'Efclavonie, s'étoit répandue dans la Bohème , la Moravie, la Siléfie, la Pologne, & dans une partie de laRuffie, devint auxiliaire de 1'Empire dont elle avoit ravagé les frontieres. Bafile , pour alTurer fa puiffance & prévenir les projets qu'on pourroit for< mer fur fa fucceffion, nomma EmG ij Basile. Ann. S4S.  Basile. Ann. S6S. X. Continuation cie 1'affaire de Photius. I48 UlSTOIRE pereur Conftantin fon fils ainé, qu'il avoit eu de Marie fa première femme. La plus importante affaire dont Bafile fut alors occupé , étoit de donrter une forme réguliere a la dépofition de Photius. Ce Prélat, armé de toutes les forces que peut fournir le génie animé par Pambition , par Ia jaloufie & par le dépit, remuoit tout 1'Empire du fond de fa retraite. Pendant les dix années qu'il avoit gouverné 1'Eglife de Conftantinople , il avoit rempli le plus grand nombre des fieges de 1'Orient. Trois cents Evêques, la plupart fes créatures, foutenoient avec chaleur fes intéréts, & refufoient de reconnoitre Ignace. Aufïi-tót après 1'expulfion de Photius, Bafile en avoit écrit au Pape; il le confultoit fur la conduite qu'il devoit tenir a l'égard de ceux qui avoient été ordonnés par le faux Patriarche , ou qui communiquoient avec lui. Hadrien, dans fa réponfe, félicitoit Bafile de la juftice qu'il avoit rendue a Ignace , & déclaroit qu'il foutiendroit ce Prélat avec le même zele que Nicolas fon prédécefTeur. II écrivoit auffi a Ignace, &  du Bas-Empire. Lh. LXXI. 149 lui témoignoit fa furprife de ce qu'il ne 1'avoit pas informé de fon rétabliffement; il lui promettoit 1'appui du Saint Siege. Ignace remercia le Pape , Sc le confulta comme avoit fait 1'Empereur fur la maniere dont devoient être traités les partifans de Photius. II ïe prioit d'envoyer fes Légats a ce fujet pour affifter au Concile général. Hadrien , inftruitde tout ce qui s'étoit paffe, tint un Synode dans lequel Photius fut frappé d'anathême : les acfes du Conciliabule qu'il avoit tenu k Conftantinople furent foulés aux pieds & brülés; on ajouta cependant que s'il fe foumettoit k les candamner lui-même , on ne lui refuferoit pas la communion laïque; Sc que fes adhérents, s'ils reconnoiffoient leur faute, feroient traités avec indulgence. On prononca la fentence d'excommunication Sc de dépofition contre tous ceux qui, après avoir eu connoiffance de ce décret, retiendroient des exemplairés du Conciliabule. Quant a Bafile, quoique fon nom parut dans la foufcdption de ces aöes ainfi que celui d'Ignace même, on déclara qu'il y G iii Basile. Ann. S68,  Basile. Ann. S69. XI. Préparatifs du huitieme Concile général. Hadrianï 'll.epifiols. Nicet. in 'lgn. Cuilldmus èn Hadriano II. Surius in Uicet. Fltury , hifi. ecdif. I. 51. art. 3, 26, & fuiv. Oriens Chtifi. p. 34S. 150 HlSTOIRE avoit été fauffement inféré ,& qu'on le reconnoiffoit pour Empereur trèseatholique. Les aftes de ce Synode furent portés k Conftantinople par trois Légats, qui devoient affifter au Concile général convoqué par Bafile. Hs étoient chargés de deux lettres du Pape, 1'une k 1'Empereur, 1'autre au Patriarche. II mandoit qu'il falloit examiner dans le Concile la caufe des Clercs qui avoient communiqué avec Photius, dépofer de tout ordre ceux que ce faux Patriarche avoit ordonnés, recevoir les autres qui foufcriroient a la formule que leur préfenteroient les Légats, brüler les exemplaires du Conciliabule , & faire foufcrire a tous les Evêques les décrets du Synode de Rome. L'Empereur, averd que les Légats étoient en ehemin, envoya au-devant d'eux un de fes Ecuyers jufqu'a Theflalonique ; ils furent traités avec de grands honneurs dans tout le voyage ; leur entrée k Conftantinople le 25 Septembre fut accompagnée de la pompe la plus folemnelle ; & ces Légats dans toute leur conduite foutinrent  du Sjs-Empirb. Liv. LXXI. 151 avec dignité la primauté du Saint Siege. L'ouverture du Concile fe t\t \e cinquieme d'O&obre 869 , dans 1'Eglife de Sainte-Sophie. Les Légats du Pape y tenoient la première place. Après eux fiégeoient le Patriarche Ignace, &z les Légats des trois autres Patriarches d'Orient. Les Sarafins , gagnés par les préfents plutöt que par les prieres de 1'Empereur, leur avoient accordé la liberté d'aller a Conftantinople , fous prétexte de travailler au rachat des prifonniers qui fe trouvoient entre les mains des Grecs. Onze des principaux Officiers de la Cour affifterent a toutes les feffions pour y maintenir le bon ordre. II y eut dix feffions, & la derniere ne fut tenue que le 28 & dernier jour de Février de 1'année fuivante. L'Empereur n'affifta pas aux premières ; mais on lut d'abord une lettre par laqüelle il exhortoit les Evêques a la douceur &S a la concorde. On obligea les Légats du Pape de faire exhibition de leurs pouvoirs; ce qu'ils firent avec quelque répugnance , prétendant que ja: G iy Basiie. Vnn. 869, X!I. ConcUe,  Basiie. Ann, S69» Ï52 HlSTÖIRE mais dans aucun Concile, on n'avoit uie de cette formalité a l'égard des Légats de 1'Eglife Romaine. Ils apportoient de Rome un formulaire de réunion, qui fut accepté de tout le Concile. Cette piece contenoit d'abord une reconnoiflance implicite de la primauté de 1'Eglife de Rome ; enfuite 1'anathême contre toutes les héiiéfies, contre Photius en particulier, & contre tous ceux qui demeureroient attachés k fa communiën; uneacceptation des Conciles tenus k Rome, par les deux Papes Nicolas & Hadrien en faveur d'Ignace , 8z la condamnation des Conciles tenus par Photius, pendant fon ufurpation. On recut k la pénitence, on admit même au Concile les Evêques confacrés par Méthodius & par Ignace, mais que la violence ou la crainte avoit jettés dans le parti de Photius, & qui demandoient humblement pardon de leur foibleffe. On fit la même grace aux Prêtres & aux autres Clercs, Photius fut cité k comparoitre; mais il fallut 1'amener malgré lui. Cet homme , aufli artificieux qu'intrépide , affectant tous les  dü Bas-Èmpïre. Liv. LXXt. 153 dehors de 1'innocence , s'efforca de rendre odieufe cette fainte affemblée, en fe comportant devant elle comme le Sauveur avoit fait devant les tribunaux au temps de fa paffion. A la plupart des queftions qu'on lui fit, il garda un profond filence; lorfqu'il fut force de parler , il emprunta dans fes réponfes les paroles de Jefus-Chrift. On le renvoya avec indignation, L'Empereur afiifta en perfonne aux fixieme, feptieme & huitieme feffions. Sa préfence ramena plufieurs Prélats fchifmatiques; mais les autres réfifterent en face a 1'Empereur , qui, fort inftruit lui-même de 1'hiftoire & des loix de 1'Eglife v entreprit de les confondre. Euthymius , Evêque de Céfarée en Cappadoce , Zacharie de Chalcédoine , Eulampius d'Apamée, fe fignalerent entre les autres par leur audace. Ce fut en vain que le Prince fit prononcer par fon fecretaire Conftantin un difcoursqu'il avoit lui-même compofé, & qui ne refpiroit que douceur & charité. lis demeurerentfourds a fes remontrances paternelles. Photius & fes adherents comparurent G y. Basile. Ann, 86?,  Basue. Ann, 869, Ann. 870. XIII. Suite du Concile. 154 HlSTOIRE devant lui; mais toujours opiniatres^ ils furent anathématifés. L'impofture du faux Concile, fuppofé par Photius , fut mife au grand jour par des dépofitions authentiques. II reftoit encore a Conftantinople quelques Iconoclaftes, dont le chef étoit un certain Théodore Crithin; 1'Empereur les fit amener au Concile; ils abjurerent leur erreur, a 1'exception de Théodore, qui fut aufti frappé d'anathême. Après une interruptïon de trois mois, la neuvieme feffion fe tint le iz Février 870. On y fit comparoitre les témoins qui avoient dépofé contre Ignace dans le Conciliabule de Photius. Ils avouerent qu'on leur avoit arraché un faux témoignagne par violence tk par menaces; ils demanderent pardon de leur crime, tk anathématiferent Photius. On leur impofa une pénitence. II en fut de même des faux Légats que Photius avoit envoyés k Rome pour y porter les a£les de fon Conciliabule. La derniere feffion fut la plus nombreufe* L'Empereur y affifta avec fes fils Conftantin tk Léon, yingt Patrices  du Bas-Empihe. Lïv. LXXI. 155 & trois Ambaffadeurs de 1'Empereur Louis. II les avoit envoyés pour demander du fecours a Bafile contre les Sarafins qui ravageoient 1'Italie, &c pour traiter d'un mariage entre le fils de Bafile & la fille de Louis. On y voyoit aufïi des députés de Bogoris, Roi des Bulgares. II s'y trouva cent deux Evêques. On confirma les décrets des Papes Nicolas & Hadrien , pour Ignace & contre Photius; on déclara que Photius n'avoit jamais été Evêque; que fes ordinations, fes confécrations étoient nulles. On le chargea d'anathêmes ainü que fes adhérents. Entre les canons qui furent prononcés en préfence de 1'Empereur, il y en a deux qui font connoitre que cette préfence ne gênoit nullement la liberté du Concile : on défendit, fous peine de dépofition , d'avoir égard a 1'autorité & au commandement du Prince pour 1'ordination des Evêques; on taxa d'ignorance le fentiment de ceux qui prétendoientque la préfence du Prince étoit néceffaire pour la validité d'un Concile. On condamna avec horreur cette impiété. facrilege qui G vj Basile. Ann. 870^  Basile. 'Aan. 870. '7$$ II I 8 T & I R B s'étoit fait un jeu de contrefaire- fes cérémonies de la Religion j on foumit a la pénitence publique ceux qui avoient concouru k ces profanations, & les Evêques mêmes qui les avoient tolérées; ce qui tomboit fur Photius, La définition du Concile contenoit la profeflion de foi, 1'anathême contre les hérétiques, nommément contre les Monothélites & les Iconoclaftes , & la condamnation de Photius, On lut enfuite un difcours de 1'Empereur , qui, après avoir remercié les Evêques , déclaroit que li quelqu'un avoit k fe plaindre de quelque déciiion du Concile, il eut a produire acfuellement fes raifons,, paree qu'après la féparation de Paffemblée , perfonne ne feroit difpenfé d'obéir, fous peine d'encourir fon indignation. 11 exhorta les Evêques k inflruire par eux-mêmes leur troupeau, du moins dans les jours particuliérement confacrés au Seigneur, & k maintenir 1'union dans 1'Eglife; les laïcs , k refpeéter leurs Pafteurs, quand même ils n'auroient d'autre mérite que celui de leur enfeigner la vérité, & k s'en rapporter k eux pour la décifiou  su Bas-Empi&e. Liv. LXXI. 157 des queftions théologiques, fans s'embarralfer des difputes qui ne font pas de leur relïort. Pour la foufcription des acfes, 1'Empereur auroit voulu foufcrire le dernier, comme fe reconnoiffant inférieur a tous lesEvêques en matiere de foi; du moins il ne foufcrivit qu'a la fuite des Légats ; après lui fes deux fils, enfuite tous les Evêques. Ils n'étoient qu'au nombre de cent deux , paree que Photius avoit dépofé la plupart de ceux qui avoient été ordonnés par fes prédéceffeurs , & qu'aucun de ceux qu'il avoit ordonnés n'étoit reconnu par le Concile. Un Auteur contemporain rapporte que les foufcriptions furent écrites avec une plume trempée dans le fang de JefusChrifl, ufage terrible du plus redoutable myftere, dont nous avons déjs vu dans ces 'deux fxecles des exemples fans doute abufifs. Les Légats du Pape s'appercurent que dans une lettre d'Hadrien inférée aux aétes, ore avoit retranché les éloges que le Pape donnoit a 1'Empereur Louis; ils s'en plaignirent, 6t les Grecs répondirent ropoferent la queftion qu'ils étoient hargés d'éclaircir. Ce qui faifoit la lifficulté , c'eft qu'avant 1'invafion les Bulgares Ie pays avoit fait partie ie 1'Empire Grec , tk que cependant e pays, alors Chrétien, avoit été aurnis a Ia jurifdiöion de 1'Eglife e Rome, qui le gouvernoit par fon  nu Bas-Empire. Liv. LXXL 161 Vicaire , 1'Archevêque de ThelTalonique. Les Grecs prétendoient que FEglife devoit fuivre le fort de 1'Empire, tk que les Romains en fe détachant des Empereurs pour fe donner aux Rois Francois , n'avoient pu entrainer avec eux la Bulgarie ; que ce pays rentrant dans le fein de 1'Eglife , tk n'étant qu'un démembrement de 1'Empire de Conftantinople, devoit auffi s'attacher au iiege de Conftantinople. Les Légats nioient le principe avancé par les Grecs, que le gouvernement de 1'Eglife dut fuivre le partage du gouvernement temporel; ils foutenoient qu'il fuffifoit que la Bulgarie , avant que de devenir payenne, eut dépendu immédiatement du Pape, pour en dépendre encore lorfqu'elle redevenoit chrétienne ; que 1'Eglife Romaine avoit même acquis un nouveau droit fur ce pays, par la foumilïion volontaire du Roi des Bulgares, & par la poffefïïon que le Pape Nicolas en avoit prife en y envoyant des Evêques tk des Prêtres que la nation avoit recus, tk qu'elle gardoit encore avec refpect : qu'ainfi la queftion étoit dé- Basile. Ann. 870,  Basile. Ann. 870 162 HlSTOIRE cidée , & qu'il ne s'agifioit plus d'examiner a quelle Egliïe devoit appartenir la Bulgarie, mais fi on 1'arracheroit a 1'Eglife Romaine, a laquelle elle appartenoit de droit & de fait. Malgré la force de ces raifons, les Grecs déciderent en leur propre faveur. La fentence qui fut mife entre les mains des AmbaiTadeurs, portoit, que les Légats d'Orient, comme arbitres entre les Légats du Pape & le Patriarche Ignace , avoient jugé que la Bulgarie devoit être foumife a la jurifdidtion du fiege de Conftantinople. La hauteur avec laquelle les Légats du Pape avoient foutenu dans le Concile la prééminence du fiege de Rome, avoit déja indifpofé Bafile; leur réclamation contre ce jugement, & le mépris qu'ils témoignerent de la décifion des Grecs, prétendant que le Pape feul avoit droit de juger toute 1'Eglife , le choqua encore davantage. II difiimula cependant, les traita avec honneur, & les fit accompagner par un de fes ecuyers jufqu'a Dyrrachium. Mais il pourvut fi mal a leur füreté pour le refte du voyage, que s'étant em-  nu Bas-Emtire. Liv. LXXI. 163 barques fur le golfe Adriatique, ils furent pris , dépouillés & retenus par des pirates Efclavons. Bafile s'intéreffaenfuite, ainfi que le Pape, pour , leur liberté , & ils retournerent a Rome vers la fin de cette année. Le Pape, mécontent de cê qui avoit été décidé au fujet des Bulgares, fit des reproches a 1'Empereur du peu de foin qu'il avoit pris de fes Légats; il menaca Ignace de le punir canoniquement , s'il ofoit difpofer de la Bulgarie, & prononca d'avance excommunication contre ceux qui, fur la mifïïon du Patriarche de Conftantinople , s'ingéreroient a faire dans ce pays aucune fonition facerdotale. Mais ces menaces n'empêcherent pas les Bulgares de fe conformer a la décifion des Grecs, & de renvoyer 1'Evêque qui leur avoit été donné par le Pape. Je vais rappeller quelques événements , dont j'ai différé de parler, pour ne pas interrompre ce que j'avois a dire fur le huitieme Concile général. Le 9 Janvier 869 , jour auquel les Grecs célébroient la fête de Saint Polyeucte, un tremblement Basile. Ann. 870, XV. Evénements divers. Cedr. p, 569. Zon. torn. II. P. 167. Nket, ia  Basile. Ann. 870. Leo. p. 470. Conft. Porph. p. 164. Sym. p. 454. 456. Georg. p. 454- Genef. p, 54- Du Cangti firn. Byh p. 140. Band. Imp, or. t. 1. p. 52, & ibi not. 1 1 ] J 164 II I S T O I IL E de terre renverfa plufieurs Eglifes k Conftantinople. Celle de la SainreVierge, dans la place du Sigma, s'é.croiila tout-a-coup pendant 1'office, & écrafa tous les afliftants k 1'exception de douze, entre lefquels étoit le Philofophe Léon. Les fecoufles dont ia terre fut violemment agitée, fe firent fentir, a diverfes reprifes, 1'efpace de quarante jours. Aucommencement d'Octobre 870, une horrible tempête détruifit encore plufieurs palais; le vent roula comme un parchemin le plomb qui couvroit la maifon patriarchale , & le jetta par terre. Bafile avoit déja deux hls, Conftantin qu'il avoit affocié k 1'Empire , & Léon auquel il fit le même honneur le jour de 1'Epiphanie en 870. II lui naquit le 23 Novembre 869, untroifiemefils, auquelildonna le nom d'Alexandre , & qu'il honora ;ncore de la couronne Impériale 'année fuivante. En 870, il eut un juatrieme fils, qui fut baptifé fous le ïom d'Etienne, le jour de Noël. II e confacra dès la naiffance au fervice de 1'Eglife , & il lui deftinoit e fiege de Conftantinople, qu'Etien-  nv Bas-Empire. Liv. LXXI. 16$ ne occupa- en effet dès 1'age de 16 ans, fous le regne de fon frere Léon, après la feconde dépofition de Photius. Bafile eut auffiquatre filles, qui toutes vécurent dans la retraite d'un Monaftere. Depuis que les Sarafins étoient dans Bari, ils ne celToient de ravager toute la partie méridionale de 1'Italie. A la faveur des divifions qui caufoient des guerres continuelles entre les divers Princes de cette contrée, les Sarafins de Sicile pafferent en Calabre, & s'emparerent de plufieurs places. Appellés au fecours, tantöt par les Princes de Bénévent, tantöt par ceux de Salerne ou par les Comtes de Capoue, ils les ruinoient les uns par les autres, & profitoient de leurs dépouilles. Maïtres de Tarente, ils mettoient a contribution toute PApulie. II leur arrivoit de fréquents renforts , foit de la Sicile, foit de 1'Afrique, pour réparer les pertes qu'ils' faifoient dans leurs courfes. Ils oferent même pénétrer jufqu'a Rome, pillerent les bafiliques de Saint-Pierre 6c de Saint-Paul, ravagerent tous les . environs, détruifirent Fondi, affié- ' j Basile. Ann. 870. Ann. 871, XVI. Guerres des Sarafins en fc talie. - Cedr. p. 577 , & Cm- Zon. uil, p. 170, 171. Glycas ï P"g- 295. Conft. Porph. p. I8l, & Sym. p. 458 , 459Du Cange ram. Eyz. ■>. 140. Gïann. lift. Nap. : s. Ahrègè de 'lift. d'1al. torn.//» ; 534, * uiv.  Basile. Ann. 871. Eccart comment. Franc, orunt. t. II. p. 564. 568, 570, J7Ï- IÖ6 IllSTOIRE gerent Gaëte, & ruinerent l'armée de Louis, Roi d'Italie, qui venoit pour les combattre. Quoique vaincus en bataille par Céfaire , Duc de Naples , ils continuerent le fiege de Gaëte, jufqu'a ce qu'une violente tempête eut fait périr prefque tous leurs vaiffeaux. Louis revienta Bénévent avec une armée, il chaffe les Sarafins de ce territoire. Mais leur flotte défole les cötes de la Méditerranée ; ils font des courfes en Tofcane, ruinent de fond en comble la ville de Luni, &C fe préfentent a 1'embouchure du Tibre, d'oii une nouvelle tempête les écarté & brife leurs vaiffeaux. Louis, devenu Empereur , forme le fiege de Bari pour en déloger les Sarafins; mais au bout de quelques mois, il ei! obligé par leur courageufe réfiftance de regagner la Lombardie. Les Princes de Salerne & de Bénévent n'oat pas un meilleur fuccès; ils font battus, & leur défaite ouvre le paffage aux Sarafins pour aller ravager le territoire de Naples , qui appartenoit encore a 1'Empire Grec. Bari étoit la place d'armes des Sarafins; c'étoit-la qu'ils réuniffoient leurs forces,  du Bas-Empirs. Liv. LXXT. 167 & d'oü ils fe répandoient dans tout le continent de 1'Italie. Adalgife II, Duc de Bénévent, fut réduit k leur payer un fubfide annuel , pour fe mettre k couvert de leurs ravages. Toutes ces conventions étoient en pure perte ; ces barbares recevoient 1'argent, tk continuoient leurs courfes. Une bataille gagnée fur les troupes Italiennes, les mit en poffeffion d'une grande partie du Duché de Bénévent , dont ils ruinerent les Eglifes & les Monafteres, tk détruilirent plufieurs villes confidérables. L'Empereur Louis, mal fervi par les Princes Italiens , échoue encore dans une feconde entreprife, formée pour reprendre Bari; il èft battu , tk le fecours de fon frere Lothaire, Roi de Lorraine, nelui procure que des fuccès peu importants. Enfin, en 868, après avoir pris fur les Sarafins, Matera , Venufe tk Canufe , il recommence avec toutes fes forces le fiege de Bari. Pour 1'attaquer du cöté de la mer, il a recours k Bafile; il fait avec lui un traité d'alliance , par lequel il promet fa fille Hermengarde en mariage au jeune Conftantin. Les BASItE. Ann, S71,  Basile. Ann, 871, XVII. Prife de Bari fur les Sarafins, l6i UlSTOIRE Hiftoriens Grecs font honneur k Bafile de la reprife de Bari; ils difent que ce Prince ne jugeant pas la flotte d'Oryphas affez forte pour réuffir dans cette expédition , obtint des troupes de Louis pour faire le fiege par terre , tandis qu'Oryphas attaqueroit la place du cöté de la mer; que 1'Amiral Grec joignit a fes vaiffeaux ceux de Ragufe Sc de toute la cöte de Dalmatie ; Sc qu'avec ces fecours, les Gïecs reprirent la ville, fe rendirent maitres de tout le pays d'alentour , chafferent les Sarafins , Sc rapporterent leurs dépouilles a Conftantinople : qu'ils laifferent a Louis les prifonniers Sarafins avec letir Soudan , dont ces Hiftoriens racontent beaucoup de fables. Les Ecrivains Occidentaux, que je crois mieux inftruits de ces événements , attribuent a l'Ei„pereur Louis, la gloire de cette conquête. La flotte Greque , difent-ils, compofée de deux cents voiles, après avoir tenu la ville affiégée pendant quelquetemps, fe retira dans le port de Corinthe , Sc laiffa Louis devant Bari. Le Prince Francois remporta plufieurs avantages  du Bas-Empit<ê. Lh. LXXL 169 avantages fur différents partis de Sarafins qui venoient au fecours de la ville. Enfin, apirès un fiege de quatre ans, il entra dans Bari par affaut le 13 Février 871 , Se paffa tout au nl de 1'épée. Comme toutes ees places avoient appartenu aux Empereurs Grecs , il n'étoit pas poflible que Bafile ne concüt quelque jaloufie contre le Prince Francois , qui n'en faifoit pas la conquête poirr les rendre a leurs anciens maitres. D'ailleurs, Louis paroiffoit avoir des deffeins fur Naples & fur Amalfï, villes encore fujettes a 1'Empire Grec; il entroit dans leurs querelles ; il protégeoit tantöt les uns, tantöt les autres, felon leurs befoins, 8c plus encore felon fes vues ambitieufes. Ainfi aulieu de féliciter Louis de fes fuccès, Bafile lui fit des plaintes de ce qu'il prenoit le titre d'Empereur des Romains, prétendant qu'il devoit fe contenter de celui d'Empereur des Francois ; il ajoutoit qu'il étoit redevable aux Grecs de la prife de Bari; que c'étoient leurs efforts qui avoient réduit cette ville a 1'extrémité, tandis que les Francois, renfermés dans leur Tornt XV, H Basile. Ann, 871.  Basile. Ann, 871. i i i 1 170 II I S T O I li E camp , ne s'occupoient que de leurs plaifirs; & qu'ainii le véritable Empereur Romain avoit fur cette ville un doublé titre, celui de 1'ancienne polTeffion, & celui de la nouvelle conquête. Louis répondit fiérement, que le titre d'Empereur des Romains lui appartenoit légitimement; que fes peres le tenoient de Dieu & des Romains mêmes; il fe plaignoit a fon tour de la mauvaife foi des Grecs, lesNapolitains, leurs fujets, donnant afyle & fourniflant même fecretetnent desfecours aux infideles : Quelle ion, difoit-il, les Grecs peuvent - ils nétendre a la prife de Bari ? Après avoir rait une vaine parade de courage dans in ou deux affauts, nont-ils pas abanionnè le fiege, dont ils ont laijfé tous les travaux & les dangers aux Francois ? Leur Commandant Oryphas, au'ieu Sècarter les vaiffeaux Sarafins qui lenoient fecourir la ville affiégée, na •mployé fa flotte qu'a ravager les cótes ie CEfclavonie Frangoife. II menacoit 'Empereur Grec d'ufer derepréiailes , s'il ne déclommageoit fes fujets les torts qu'ils avoient recus. II Pinritoit k envoyer une flotte capable  du Bjs-Empire. Liv. LXXI. 171 de fermer aux Sarafins 1'entrée du golfe Adriatique , tandis qu'il travailleroit lui-même a les chaffer de la Calabre, pour aller enfuite délivrer la Sicile du joug de ces barbares. Si 1'on en croit les Ecrivains d'Occident , Bafile craignoit le caractere entreprenant de ce Prince &c de la nation Frangoife; il aimoit mieux avoir pour voiiins les Sarafins que les Francois. Aufiï entra -1 - il dans les complots qu'Adalgife , Duc de Bénévenl , formoit contre Louis , dont la hauteur & la dureté lui étoient devenues infupportables. Plufieurs villes de laCampanie , duSamnium , de la Lucanie, fe révolterent, & recurent des troupes Grecques. Louis fut lui-même arrêté dans Bénévent. Mais étant forti de prifon au bout dequarante jours, il reprit toutes ces places, diflipa les complots fecrets des Grecs, & ne leur laifla que la honte d'avoir traverfé par de fourdes manoeuvres la délivrance de 1*1talie. Les progrès du Chriftianifme en Ruffie & la deitru&ion totale des Pauliciens, confolerent Bafile du peu H ij Basile. Ann. 871. XVIII. La Reü- gion Chrétien-  Basile. Ann. S71. jies'étend en Ruffie. Cedr. p. 589 , 590. Zon. t. II. P- 173 . 174. Glycas y pag. 298. Conft. Porph. p. 211 , 212. XIX. Incurfions des Pauliciens. Petrus Skulus, Cedr. p. 570, & feqq. Zon. torn. II. p. 167, 168. Leo. p. 471.472- 1/2 HlSTOIRE de fuccès de fes intrigues en Occident. Les courfes des Rulles fous le regne précédent, leur avoient déja fait connoitre la Religion Chrétienne. Bafile profita de cette ouverture pour conclure avec eux un traité de paix; & après avoir adouci par des préfents leur férocité naturelle, il leur fit accepter un Archevêque ordonné par Ignace. Les inftruftions de ce Prélat, que Dieu voulut bien rendre fécondes par fa grace, firentdans ce pays beaucoup de Chrétiens, qui reconnurent pour leur mere 1'Eglife Grecque. Mais le Prince & le gros de la nation demeurerent encore longtemps attachés a 1'idolatrie. Les Pauliciens établis dans Téphrique, & ligués avec les Sarafins de Malatia, ne ceffoient de ravager 1'Afie mineure. Ils poufierent leurs courfes d'un cöté jufqu'a Nicée & a Nicomédie, de 1'autre jufqu'a Ephefe, oü ils pillerent & profanerent 1'Eglife de Saint-Jean PEvangélifte. Carbéas étant mort , ils avoient a leur tête fon fils Chryfochir, aufli prudent que brave, mais fier & mortel ennemi de 1'Empire. Bafile, na-  vu Bas-Empire. Liv. LXXl. 173 turellement pacifique , tui envoya Pierre de Sicile pour traiter du rachat des prifonniers , & pour 1'engager, s'il eft étoit pofïible, a vivre en paix & a épargner le fang des Chrètiens. II lui offroit beaucoup d'or, d'argent & d'étoffes, dont les Pauliciens avoient befoin pour s'habiller, ignorant tout art de manufaftures. Pierre demeura neuf mois a Théphrique; il réuffit a racheter les prifonniers ; mais il trouva un obftacle invincible a la paix dans la haine opiniatre & dans la fierté indomptable de Chryfochir , qui répondit info* lemment a 1'Empereur, que s'il vouloit la paix , il eut a renoncera 1'Empire d'Orient, & a fe contenter de ce qu'il poffédoit au-dela du Bofphore ; qu'autrement, il fauroït bien 1'y forcer par les armes. En même-temps, pour appuyer ces bravades par des effets, il marcha vers Ancyre, dont il ravagea le territoire ainfi que celui de Comane, dans Ie Pont, & s'en retourna avec un butin immenfe & grands nombre de prifonniers. Piqué viveme-nt d'une infulte fi marquée, 1'Empereur leva une armée, H iij Basile. Ann. S71. Conft. Porph. p." 165, & few- Sym. p. 455 ,45^- Georg. p' 544 , 546. Genef. p. 5 5 , 57 1 & fin* XX. L'Empereur marj  Basile. Ann. 871. che contr'eux en perfonne. i < I 1 3 < 4 i I74 Histoiiiz & youlut la commander en perfonne. II difoit fouvent qu'un Prince fe doit a fes peuples, & que pour affurer leur tranquillité, il doit renoncer a lafienne. Des fentiments figénéreux le rendoient digne des plus grands fuccès. Néanmoins les commencements de cette campagne ne furent pas heureux. Soit défaut d'expérience, foit qu'il fe laiiTat emporter par une trop bouillante valeur , il fut battu plufieurs fois, & même il auroit été pris dans un combat, fans le fecours d'un foldat Arménien qui Ie fauva des mains des ennemis. Ces échecs réitérés n'abattirent pas fon :ourage; il s'inftruifit par fes pro5res défaites ; & devenu fupérieur i lui-même, il lutta conftamment :ontre la fortune , & vint k bout le la furmonter. Chryfochir, vaincu i fon tour, fe retira dans Téphrique, te lailTa les Grecs maitres de la cam>agne , fur laquelle Bafile fe ven;ea du pillage de 1'Afie. Après avoir léfolé tous les environs , il tenta le prendre la ville d'affaut; mais la rouvant aujTi forte par fes remparts me par le nombre de fes défenfeurs,  du Bas-Empire. Lïv. LXXI. 175 & bien pourvue de vivres , d'ailleurs ne pouvant faire fubfifter fon armée dans un pays qu'il avoit ruiné, il 1'abandonna, 8c fe contenta de détruire les chateaux d'alentour. Ayant ainfi rétabli fon honneur 8c réparé fes pertes, il revint a Conftantinople , chargé de dépouilles, 8c trainant après lui un nombre infini de prifonniers. Son premier foin a fon retour fut de récompenfer le foldat auquel il devoit 1'honneur 8c la vie. Ce brave homme étoit demeuré inconnu fans fe vanter de fon fervice , 8c fans fe préfenter k 1'Empereur. Bafile le fit chercher ; on eut de la peine k le démêler entre une foule d'autres , qui tous accouroient avec avidité a la récompenfe, comme libérateurs du Prince. Enfin, reconnu par 1'Empereur, il avoua modeftement que c'étoit lui qui avoit eu le bonheur de tirer fon Prince du péril oü 1'avoit précipité un excès de courage. II fe nommoit Théophylafte. Comme Bafde vouloit le combler de biens 8c d'honneurs : » Seigneur, lui dit le foldat, je fuis » né pauvre, 8c je remercie la ProH iv Basile. Ann. 871,  Bashe. Ann. 871, Ann. 872. XXI. Bafile prendplu- . ileurs vil- • les aux Sa- 1 rafins. » < < 1 ?6 II I S T O I R E » vidence; elle m'a procuré un hort» neur plus précieux que toutes les » richeffes. Les dignités ne me flat» tent pas; je ne fins pas né pour » elles. Ma vie eft k votre Majefté; » en Pexpofant pour vous, je ne fai» fois que vous rendre un bien qui » vous appartient. Mais fi vous êtes » affez généreux pour vouloir payer » un iaerifice que je vous devois, » je ne vous demande qu'un peu de » terre pour faire fubfifter ma famil» le ". Bafile, étonné d'un defintéreffement fi rare, lui donna une des terres du Domaine Impérial; & ce Théophylacfe fut pere de Romain Lécapene, qui parvint'dans la fuite a 1'Empire. Dans le voifinage de Théphrique ?toient plufieurs places peuplées de Sarafins, dépendantes du gouvernenent de Malatia, mais alliées des Pauliciens. Intimidés par les. ravages jue Bafile venoit de faire, ces peu>les envoyerent demander la paix te 1'alliance de 1'Empereur. La ville le Taras fut la première k fe déta:her des Etats du Calife. Un Prince ^rménien, nomjné Curticius, mai-  du Bjs-Émpihe. Liv. LXXL 177 tre du chateau de Locane , & d'un affez grand terri'toire , d'oü il faifoit fréquemment des courfes fur les terres de 1'Empire , fe foumit avec tout fon peuple. La réputation de juftice & de clémence que Bafile s'étoit acquife depuis le commencement de fon regne , venoit de recevoir un nouveau luftre de fon éclatante valeur. L'année fuivante, il fe chargea encore des fonftions de Cé néral; & pour öter aux Pauliciens le fecours des Sarafins, qui faifoienl leur principale force , il marcha vers Malatia. Cette ville avoit été ruinée par Théophile , aufli-bien que Samofate & Sozopetra. Mais comme 1'Em pire n'avoit plus affez de forces poui conferver les conquêtes trop éloignées du centre , les Sarafins avoient relevé toutes ces places. Bafile détacha une partie de fes troupes poui aller attaquer Sozopetra , fous la con duite d'un de fes parents nommi Chriftophe , guerrier expérimenté Cette ville étoit fituée dans urn gorge entre le mont Amanus & urn branche du mont Taurus. Chriftopb la furorit par fa diligence ; il y en H y Basile. Ann. 872,  Basile. Ann. 872. ! 1 XXII. 11 paffe 1'Euphrate. j ] 1 i j 1 i i I?8 HjSTOJRE tra d'affaut, paffa les habiranrs au fil de Pépée , fit un riche butin, 8c délivra grand nombre de prifonniers Grecs, qu'on y gardoit comme dans une prifon affurée. De-la pillant 8c brülant tout le pays, il courut a Samofate, qui ne lui fit pas plus de •éfifïarice; 8c chargé de dépouilles , ruivi d'une foule de Grecs délivrés Sc de Sarafins captifs, il alla rejoinIre 1'Empereur. Ce Prince, arrivé au bord de 1'Euphrate, crut qu'il lui feroit glorieux de pafler ce fleuve, 8c de montrer les armes Romaines dans un pays , oh elles avoient tant de fois triomphé, mais oü elles étoient depuis iong-temps inconnues. Quoiqu'on fut m milieu de 1'été, 1'Euphrate étoit dors groffi par une crue d'eau conidérable , 8c 1'inondation en rendoit e paffage trés - difiicile. Bafile fe fit in point d'honneur de forcer eet >bftacle; 8c fans attendre que le leuve fut rentré dans fon lit, il y etta un pont de bareaux. II avoit in moyen fur de rendre fes foldats nfatigables, c'étoit de partager leurs atigues. On voyoit 1'Empereur, la  du Bas -Empire . Lh. LXXI. 179 hache a Ia main, couper des arbres; on le voyoit fcier des planches, porter fur fes épaules des fardeaux que les plus robuftes auroient refufés. Cet exemple du Prince rendit facile un ouvrage qui fembloit d'abord impoffible. II paffa 1'Euphrate, emporta d'affaut le chateau de Rhapfaque; prit & pilla plufieurs places le long du fleuve , dépeupla tous le pays entre 1'Euphrate & 1'Arfanias ; & après avoir renouvellé dans la Sophene & dans les contrées feptentrionales de la Méfopotamie, la terreur du nom Romain , il repaffa du cöté de Malatia. Les Sarafins avoient raffemblé toutes leurs forces dans cette ville. A 1'approche de 1'Empereur, ils fortirent en ordre de bataille en pouffant de grands cris. Bafile, ala tête de fes efcadrons, fond fur euxle fabre a la main; & payant de fa perfonne avec une hardieffe intrépide , il ü jette au plus fort de la mêlée, & fait des prodiges de valeur. A 1; vue des périls auxquels il s'expofe fes foldats n'en connoiffent plus pou: eux-mêmes ; ils enfoncent, ils ren H vj Basile. Ann. 872.. XXIIÏ. Expédition de Malatia. i  Basile. Ann, S72, I i ( 1 i « i 1S0 IJtstoirs verfent, ils foulent aux pieds töM ee qui ie préfente devant eux. LesSarafins fuyent & fe précipitent dans la ville : on les pourfuit 1'épée dans les reins; ceux qui ne rendent pas les armes, font malTacrés; tout 1'efpace depuis le champ de bataille jufqu'aux portes de Malatia eft jonché de morts. L'Empereur fait auffi-tót avancer les machines , & fe prépare a donner 1'affaut. Mais lorfque 1'ardeur du combat fut un peu refroidie, apprenant des transfuges que Ia ville entonrée d'épaiffes murailles, défendue par une garnifon très-nombreufe, abondamment pourvue de toutes les munitions de guerre & de bouche, étoit en état deréfifter longEemps , il prit le parti de fe reti;er, & marcha du coté de Téphrijue. Comme la faifon étoit trop a^ancée pour entreprendre un fiege lifficile, il fe contenta de faire le légat; & après avoir libéralemeni écompenfé tous ceux qui s'étoient ignalés dans cette campagne , il re?int k Conftantinople 5 oü il rentra n triomphe. Tout le peuple Ie reui avec des acclamations de joie, &  du Bjs-Empire. Lto. LXXI. 1S1 le conduifit a Sainte - Sophie. Après avoir rendu graces k Dieu de les fuccès, il recut du Patriarche Ignace au pied de 1'autel, une couronne de viöoire, & rentra dans fon palais, oii il ne fe délaffa des fatigues de la guerre, qu'en travaillant aux affaires du gouvernement. II étoit facile a Chryfochir de réparer fes pertes: tous les Pauliciens étoient foldats ; il eut bientöt formé une armée plus nombreufe que celles des années précédentes ; & s'étant mis le premier en campagne , il marcha en Cappadoce portant par - tout le ravage. L'Empereur fe préparoit a partir encore a la tête de fes troupes : on lui repréfenta que Chryfochir n'étoit pas un ennemi digne de lui; qu'il ne convenoit pas a la majefté Impériale de courir fans ceflé a la pourfuite d'un brigand, qui n'avoit de force que dans fon audace. II fe contenta donc d'implorer le fecours de Dieu par des prieres, & donna le commandement de fon armée a Chrif tophe qu'il avoit fait Capitaine de fa garde. Bafile étoit un grand homme pour fon fiecle; mais c'étoit ito fiecle Basile. Ann. 871. Ann. 87 j„ XXIV. Nouvelle expédition coït« tre Chry^ fochir.-  Basile. Ann. 873, l83 Hl S T O I R E d'abatardiiTement & d'ignorance; & il eft difficile que les ames les plus élevées ne fe reffentent pas de la foibleffe qui les environne. II demanda publiquement a Dieu par 1'intercefïion de Saint Michel & du Prophete Elie, dene pas le retirer du monde, qu'il n'eüt vü périr Chryfochir, & qu'il ne lui eut enfoncé trois fleches dans Ia tête; priere barbare & plus digne des Troyennes de 1'Iliade que d'un Prince Chrétien. Chriftophe trouva Chryfochir campé prés d'Agranes en Cappadoce; il campa luimême prés de la ville de Sibore; & comme fon armée étoit beaucoup de moins forte, il évita d'en venir aux mains, content de refferrer 1'ennemi & de 1'empêcher de faire des courfes. L'été fe palTa en chicanes & en efcarmouches, ou 1'avantage fe partageoit, fans aucune aftion décifive. A 1'approche de 1'hy ver , Chryfochir voyant qu'il ne pouvoit engager une bataille, & que fes forces fe confumoient inutilement, reprit le chemin de Téphrique avec un grand butin. Le Général Grec le fit fuivre de loin par deux cohortes, 1'une de Cappa-  du Bas-Empixe. Lh. LXXI. 183 dociens , 1'autre d'Arméniens , avec 1 ordre d'éclairer fa marche : s'ils voyoient 1'ennemi fe détourner de fa route pour rentrer fur les terres de 1'Empire , ils devoient aufli - tot en donner avis; mais s'il continuoit de faire retraite , ils avoient ordre de revenir au camp , lorfqu'il auroit paffe la frontiere. Dans cette marche, l'armée Paulicienne étant arrivée le foir au bord d'une profonde ravine , campa au pied d'une montagne couverte de bois. Les deux cohortes qui les fuivoient, fans être appergues, gagnerent par 1'autre cöté le fommet de la montagne ; & voyant au - deflbus d'elles 1'ennemi qui repofoit fans défiance , elles brüloient d'impatience de 1'attaquer, fe promettant, malgré leur petit nombre, une victoire affurée. II y avoit depuis long - temps une jaloufie de valeur entre les Cappadociens & les Arméniens. La proximité des ennemis 1'ayant encore allumée plus vivement en cette occafion : Quejl-il befoin de paroles, s'écria un foldat Arménien , lorfqu'il nous efl fi aifè de décider par des effets Basile. Lnn. 87 3. XXV. Défaite des Pauliciens.  Basile. Ann, 873, » i 1 < | ( i e 1 | C n e b é 4. l84 HlSTOlRÊ cette querelle tfhonneur ? Tombons fur tennemi qui s'ofre d tèpreuve de notre courage, lljugera lui-même de quel cóté doit être le prix. Les Officiers voyant ce qu'ils pouvoient attendre de cette ardeur fecondée de 1'avantage du pofte, crurent devoir hafarder 1'attaque. Ils choififlent dans les deux :ohortes fix cents hommes , qu'ils Font coulerala faveur de la ntrit dans e bois le long de la montagne jufqu'a leux ou trois portées de trait du ramp ennemi; ils laiffent fur le fomnet le refte des deux cohortes, & eur ordonnent de pouffer de grands :ris dès qu'ils en recevront le fignal, de fonner de tous les inftruments ie guerre. Un peu avant le lever du Dleil, dans Ie temps que le fommeü ft plus profond & plus tranquille, ;s foldats de 1'embufcade, criant de }utes leurs forces , vicMre d la roix , fondent fur le camp ; en ïême - temps leurs camaraces font itendre du haut de la montagne un ruit terrible, que redoublent les :hos d'alentour. Les Pauliciens fe :veillant avec effroi, ne favent ni fe éttre en ordre ni fe défendre : ac-  nu Bas-Empire. Liv. LXXL 1R5 cablés de traits, percés de lances avant que d'avoir reconnu a qui i!s ont affaire, jugeant au bruit qu'ils entendent que toute l'armée vient fondre fur leurs têtes, ils ne fongent qu'a fuir fans regarder derrière eux. On les pourfuit 1'efpace de dix lieues, & tout ce chemin eft couvert de leurs morts & de leurs bleffés. Chrvfochir , après avoir fait d'inutiles efforts pour les retenir , obligé de fuir lui-même , fe vit pourfuivi par un cavalier nommé Pulade, qu'il avoit autrefois tenu prifonnier. C'étoit de tous les ennemis celui dont il devoit efpérer plus de grace; il 1'avoit traité avec humanité , & 1'avoit renvoyé fans rancon. Etonné de 1'appereevoir derrière lui la javeline a la main , & la fureur dans les yeux , Ingrat Pulade, lui dit - il, que £ ai-je fait pour te voir ainfi acharné d marracher la vie ? As - tu donc oublié avec quelle bonté f ai ménagé la tienne? Non, répond le barbare, 6- je t'apporte le prix de tes bons traitements. Comme ces paroles étoient prononcées d'un ton qui annoncoit la mort, Chryfochir , faifi de frayeur, 6c continuant Basile. Ann. 873. XXVI. Deftruction de Téphrique & des Pauliciens.  Basile. Arm. 873. | 1 ( 1 ) i 1 ] ) 1 ] ] '26 H 1 s T 0 1 k e de fuir, fut emporté au bord de la rayine, que fon cheval n'ofoit franchir. Dans ce moment, Pulade 1'atteint de fa javeline & le renverfe. Diaconize fon Ecuyer, le feul qui ne 1'eüt pas abandonné, faute a terre , & le voyant pret d'expirer, il lui fouleve la tête, & la tient appuyée fur fes genoux en pleurant. II refpiroit encore lorfque d'autres cavaliers arrivent, lui coupent la tête, & enchaïnent Diaconize avec les autres prifonniers. On envoyé cette tête a ['Empereur , qui fe perfuadant que Dieu avoit agréé fa priere, la fait rufpendre k un arbre , & la perce de ^rois coups de fleches. Cependant Chriftophe, ayerti du fuccès inattenlu de fon detachement, va le joinIre en diligence. On marche a Té)hrique, dont les habitants, glacés 1'effroi, ne firent aucune réliftance. Jn tremblement de terre qui fe fit entir au même moment, fembloit eur annoncer que le Ciel agiflbit de :oncert avec 1'ennemi. Sans attendre e fiege, ils abandonnent la ville : es uns viennent fe jetter entre les >ras de Chriftophe, les autres vont  du Bas-Empirs. Liv. LXXI. 187 chercher un afyle chez les Sarafins. On trouva la place déferte ; elle fut détruite. Ce repaire de brlgands ck de fcélérats ne fut plus qu'un monceau de ruines; & la puiffance des Pauliciens , qui depuis ving- Je ne connois dans tout 1'Empire » que deux hommes qui puiffent >> me remplacer pour eet objet. C'eft » 1'afTurance que me donnent leur » age , leur expérience , leur exa£te » intégrité , qui ne s'eft jamais dé» mentie dans le cours d'une longue» vie tk d'un grand nombre d'em» plois. Allez les trouver de ma part K y Basile. Aan, 879,  Basile. Arm. 870. 2ió HlSTOIRE » & inftruifez-les de mes intentions * L'hiftoire ne nomme pas ces deux hommes , qui mériteroient mieux d'être connus que la plupart des Souverains. Flattés du choix de 1'Empereur, mais . trop judicieux pour fe charger d'un emploi au-deffus de leurs forces, ils remercierent le Prince de la confiance dont il les honoroit; & en même-temps ils le fupplierent de ne pas accabler leur vieilleffe d'un fardeau qu'elle n'étoit plus en état de foutenir. Bafile recut leur excufe , & ne voulut plus entendre parler de cette réforme, aimant mieux, difoit - il, perdre une partie de ce qui lui étoit du, que de s'en rapporter a des ames intéreffées, qui, fous prétexte de remédier a des injufiices , en commettroient de plus grandes. Pendant tout le temps de fon regne, il n'ajouta rien aux impöts, & la douceur de la perception valoit prefque une exemption entiere. Au-lieu de faire mourir de faim fes fujets , il diminua la dépenfe de fa table. Les fraix s'en devoient prendre fur le produit des terres annexées a deux palai5 qu'il fit batir i il ne permit pas  du Bas-Empire-- Liv. LXXI. 227 d'y appliquer aucune autre fomme , ck il en fit une loi perpétuelle pour fes fucceffeurs. Sa vigilance a réprimer Favidité de fes Officiers le rendoit cher a fes peuples. Mais ces hommes injuftes qu'il contenoit, regardoient comme un vol fait a leur avarice , tout ce qu'il les empêchoit de ravir. Ils conjurerent contre fa vie. A leur tête étoit le Capitaine des Icanates, nommé Curcuas, homme trés - riche ; mais très-mécontent de n'avoir pas la überté de le devenir davantage. Un miférable reclus, qui fe donnoit pour prophete , lui promettoit 1'Empire. II engagea dans ce complot jufqu'a foixante-fix, tant Sénateurs qu'Officiers de l'armée Sc du palais. L'Empereur , averti de cette trame criminelleparun des eonjurés qui n'avoil pu vaincre fes remords, les fit arrêter , ck les jugea lui-même au milieu du Cirque en préfence du peuph aiTemblé. Sa clémence naturelle leui épargna le fupplice, auquel Plndi gnation publique les condamnoit. I fe contenta de faire erever lesyeu: a Curcuas, ck fouetter les autres. L< K vj Basiie. Ann. S79. XLVI. Conjuration découverte. Cedr. p. 573- Zon. toni. II. p. 16S, Leo. f. 474. Conft. Porph. pi 17a. Sym. p, 460, 461. Georg. F, 548. I  Basile. Ann, 879 Ann. 8S0. XLVII. Mouveïnents des Sarafins enOrient. Cedr, p. *S4, 585. Zon. t. II, p: 172. Leo, p, 472. Conft. Porph. p, 189 , 190. Sym. p. 4'6. Georg, p, J46. Abulfara- '. 1 ] ££8 HiSToiRE ; jour de FAnnonciation, qu'ils avoientmarqué pour 1'exécution de leur forfait, il affifta lui-même k une proceffion folemnelle, oü ils marchoient nuds & chargés de chaines. Lorfqu'ils furent arrivés k la grande place, avant que d'entrer dans 1'Eglife de Sainte-Sophie , il fit lire leur fentence , par laquelle ils étoient bannis a perpétuité , avec confifcation de leurs biens. Cependant les Sarafins de Syrië voyant Bafile occupé de Conciles ck d'affaires civiles , crurent 1'occafion favorable pour étendre leurs conquêtes dans 1'Afie mineure. Ils raffemblerent tout ce qu'ils avoient de vaiffeaux en Egypte ck en Phénicie; mais avant que de fe mettre en mer, ils envoyerent un efpion a Conftantinople, pour s'inftruire de 1'état des forces de 1'Empire. Bafile, que les foins de 1'intérieur n'empêchoient pas d'avoir 1'ceil fur ce qui fe paflbit au-dehors, informéde leurs premiers rcouvements, avoit de fon cöté équipe une grande flotte; ck pour prévedr les défordres que les foldats ck es matelots pouyoient caufer s'ils de-  nu Bas-Empire. Liv. LXXI. 229 meuroient dans l'inaction, il les occupoit aux ouvrages qui reftoient a faire pour actiever cette magnifique Eglife dont j'ai parlé , & dont Photius fit la dédicace le premier de Mai de cette année 880. Tout étoit prêt pour le départ. A cette nouvelle, les Sarafins fe tinrent dans leurs ports, Le Calife Motamed fe contenta de faire partir Abdalla avec quatre mille cavaliers, pour piller la Cilicie & la Cappadoce. Pendant que ce Général faifoit le ravage, les garnifons des deux Provinces s'étant réunies, marchent contre lui, & 1'enveloppent.Les Mufulmans, furpris dans un terrein creux, entre des rochers inacceffibles , voyant toutes les iffues fermées , fe déterminent h périr, plutöt que de fe rendre. Ils mettent pied D terre, &coupent les jarretsde leurt chevaux, pour en öter 1'ufage aivx ennemis. Cependant cinq cents d'en tr'eux, plus hardis que les autres, forment un peloton , &z le fabre a h main s'ouvrent un paffage au traver; de l'armée Grecque. Le refte fut taille en pieces. Le Général fut pris & conduit a 1'Empereur, Basile. Ann. 880,  Basiie. Ann. 880. XLVIII. Syracufe prife par les Sarafins. Cedr. p, 585,586. Zon. torn. II.p.172. Leo. p. 47ï. Conft. Porph. p. 190 , 191, 192. Sym. p. 456. Georg. p. 545. Genef. p, 55 . 56. Du Cange \ not. in Zon.p.$7, 1 §> feqq. I 1 1 < S c G I 23") II I S T O I R E Les Sarafins étoient dépuis cinqifahte ans maitres de la Sicile. Mais Syracufe avoit été reprife par les Grecs , peut-être dans 1'expédition d'Alexis Mufele. Ce qu'il y a de certain, c'eft qu'elle appartenoit aux Grecs fous le regne de Bafile. Les mouvements des Sarafins de Syrië piquerent d'émulation ceux de Carthage. Ils vinrent avec un grand nombre de vailTeaux affiéger Syracufe. Dès que 1'Empereur en eut recu la nouvelle , if fit partir Hadrien, grand Amiral de 1'Empire , avec la flotte qui avoit été préparée contre les Sarafins de Syrië. Les vents étant contraires , Hadrien eut beaucoup de peine a gagner les :ötes duPeloponefe; & fon indolence ïaturelle, que le mauvais temps fem)loit excufer, le tint pendant prés le deux mois dans le port de Moïembafie; cétoit 1'ancienne Epidaite furnommée Limera en Laconie. kpendant les Sarafins preffoient viement le fiege de Syracufe, pour 'en emparer avant 1'arrivée du feours. Cette ville étoit mal pourvue e yivres ; &fans le courage de Jean 'atrice , qui en étoit Gouverneur,  dvBas-Empire. Liv. LXXI. agi eile n'eüt pu faire une longue réfiftance. Ce guerrier intrépide fit plufieurs forties très-meurtrieres; il attaqua même plufieurs fois la flotte des Sarafins, & leur brüla quelques vaiffeaux. Les Sarafins, de leur cóté, firent ufage de toutes les machines inventées pour la deitruction des villes. La famine ié fit bientöt fentir aux affiégés avec toutes fes horreurs, Deux onces de pain valoient une piece d'or, treize a quatorze francs de notre monnoie. Les Sarafins étant maitres des deux ports, la pêche ne pouvoit plus fuppléer k la difette, Après avoir confumé tout cc tjuo la rage de la faim peut changer en nourriture , après avoir broyé les os des animaux dont ils paitriffoient une forte de pain qui donnoit la mort. on vit des meres dévorer leurs propres enfants. La pefte, les plus affreufes maladies, & enfin, une mon cruelle emportoienttous les jours un' partie de ces malheureux habitants Les Catapultes abattirent une tour & un large pan de muraille. Mais le: affiégés prefque fans force, en trbu verent affez dans leur courage pou: Basile. Ann. SSOa  Basile. Ann. SSo. 1 1 1 1 f C c p n fi d Ie XLIX. , Punition d'Ha- pj drien. -32 H I S T 0 I R E défendre labreche pendant vingt jours & autant de nuits contre des alTauts continuels. II n'y avoit point d'habitant qui n'eüt perdu quelqu'un de fes membres ; & c'étoit un fpecf acle déplorable de voir cescadavres prefque fans_ vie trainer fur la breche les reftes de leurs corps pour fervir de muraille a leur patrie. Enfin , le 21 Mai la ville fut forcée, & ceux qui avoient furvéeu a tant de maux, éprouverent :oute la rage des Sarafins. Jean Pa:nce eut la tête tranchée; ck auffi in.répide au milieu du fupplice qu'il 'avoit été dans les combats, il fe fit mWci des ennemis mêmes. Soixane - dix des principaux de Syracufe urentattroupésenfemble, & tués è oups de pierres ck de batons. Niolas de Tarfe, vaillant guerrier, qui endant le fiege, avoit ïnfulté Mahoiet, fut écorché vif, les Sarafins ineux lui mangerent le cceur. Us ïtruifirent les fortifications, ck brürent la ville. Hadrien fe préparoit enfin k fortir 1 port de Monembafie, lorqu'il ap?t que les Sarafins étoient dans Syruie, II a prefque toujours fallu du  nu Sjs-Empire. Liv. LXXI. 233 miracle pour illuftrer les grands événements. Cette nouvelle n'eut befoin que d'une nuit pour traverier cent cinquante lieues de mer. Hadrien, difent les Auteurs de ce temps-la, en fut informé dès le lendemain par un berger , & ce berger 1'avoit appris dans une alTemblée de démons, qui s'en réjouiffoient dans la forêt d'Helos, a quelques lieues de Monembafie. Le Général voulut s'en affurer par lui-même ; & s'étant tranfporté fur le lieu, il entendit le rapport de fes propres oreilles. Malgré un fi grave témoignage , il n'en demeura perfuadé que dix jours après fur le récit de quelques foldats échappés du carnage. Cette fable débitée par tous les Hiftoriens comtemporains , ne prouve que la fotte crédulité de ce fiecle d'ignorance. Hadrien , auff prompt a retourner a. Conftantinople , qu'il avoit été lent k s'en éloi gner , apprit en arrivant que 1'Empereur étoit dans une grande colere & qu'il attribuoit k fa négligence ur événement fi funefte. Saifi de crainte il fe réfugia dans 1'Eglife de SainteSophie. Bafile, fans egard au privi Basile. Ann. SSo. I  Basile. Ann. 880. Ann. 881. L. Attaque de Chalcis. Cedr. p. 5SCV581. Zon. t. II, p. 171. Conft, Porph. p. 184, ] ( 1 1 i 8 t t i 234 H I S T O I R E lege du lieu ni aux initances du Patriarche , le fit tirer de eet afyle. Mais ecoutant enfin fa clémence naturelle, il fe contenta de dépouiller Hadrien de toutes fes charges, & delecondamner au banniffement. La prife d'une ville fi renommee excita 1'émulation de toutes les Dynafties de Sarafins. C'étoit k qui prendroit la coignée pour abattre quelquune des principales branches de 1 Empire. Efman , Emir de Tarfe', partit avec trente gros navires , &c alla mettre le fiege devant Chalcis fur 1'Euripe. Les plus gros vaiffeaux de ce temps-la ne contenoient que deux cents foixante hommes. (Eniate, Souverneiir de Grece, raffembla par ?rdre de 1'Empereur toutes les trouies de la Province , tk mit la place ;n état de défenfe. La réfiftance fut iuffi yiye que 1'attaque. Les Barbaes faifoient pleuvoir fur les murailes une grêle perpétuelle de fleches 'i de pierres. Les habitants , mêlés vee les foldats, dont ils ne fe difmguoient que par une audace plus déïrminée, accabloient les affiégeants , i repouffoient tous leurs affauts. I's  nu Bas-Empire. Liv. LXXI. 235 ofoient même fortir du port, ck a Ia ■ faveur du vent, ils brülerent une grande partie de la flotte Sarafine par le moyen du feu grégeois. Les ennemis perdoient courage, lorique 1'Emir , perfuadé que 1'argent ck la volupté font les deux plus puiffants refforts pour remuer les ames communes , fit placer a la tête du camp un bouclier rempli d'or, ck crierpar un héraut: Ceci eft la rkompenfe de celui qui montera le premier fur le mur; il aura de plus cent jeunes captives d fon cKoix. Les affiégés qui, du haut de leurs murailles, voyoient briller eet or, en devinerent 1'ufage , ck s'encourageant mutuellement, ils ouvrent leurs portès ck fondent comme un torrent fur les Barbares. Ils enfoncent, renverfent , maffacrent tout ce qui réfifte ; 1'Emir eft tué , les autres fuyent vers leurs navires, qu'ils ne regagnent qu'après un grand carnage. Ils levent 1'ancre auffi-töt, ckne reportent k Tarfe que de la honte & des bleflures. Les Sarafins de Crete firent d'abord plus de mal ; mais 1'iffue de leur expédition ne fut pas plus heu- Basile. inn, 881. Ann. S82. LI. Les Sara»  Basile. Ann. 8S2. fins de Crete battus fur mer. Cedr. p. J8i, 5S2. Zon. torn. U. p. 171. Conft. Porph, pt iSy, 1S6.' 1 < J I I «■00 " Ann. 8S3. v LIL J Autre dé- faite des 3 Crétois. n P C< m =3<ï H 1 S T 0 I R E reufe. Sael, leur Emir, fit partir un Capitaine vaillant & expérimenté , nommé Phot, avec vingt-fept vaifleaux & un plus grand nombre de bngantms & de galeres k cinquante rames. Cette flotte ravagea toutes les illes de 1 Archipel, traverfa 1'Hellefpont, & pénétra jufqu'a 1'ifle de Proconnefe dans la Propontide. Elle menacoit Conftantinople. Nicétas, Amiral de 1'Empire, alla au-devant avec toute la flotte impériale, & les atteipit fur la cöte de la Propontide, vis- ' i-vis de Cardie. II leur hvra auffi-töt )ataille ; la défaite des Sarafins fut :omplete; le feu grégeois leurbrüla 'ingt vaiffeaux, dont tout 1'équipage 'ent par le feu, par le fer ou dans ss eaux. Le refle prit lafuite, & reagna 1'ifle de Crete. Ce mauvais fuccès ne découragea as les vaincus. Phot fe remit en ier avec une nouvelle flotte; mais J-heu de s'approcher de Conitantiople , il fe tint fur les cötes du eloponnefe, pillant & ravageant le mtinent & les ifles. Nicétas alla de niveau le chercher, & aborda en :u de jours au port de Cenchrée.  du Bas-Empire. Liv. LXXI. 237 II apprit que la flotte Crétoife étoit de 1'autre cöté du Peloponnefe, & qu'elle défoloit la cöte de Methone, de Patras Sc de Corinthe. II lui auroit fallu plufieurs jours pour doubler le cap de Malée , 6c atteindre la flotte ennemie qui auroit eu le temps de le prévenir & de fe retirer dans fes ports. II prit fur le champ un parti plus hardi, mais plus court; ce fut de faire tranfporter fes vaiffeaux d'une mer a 1'autre au travers de 1'Iflhme, large de prés de deux lieues; ce qui n'étoit pas fans exemple. Cette entreprife poufTée avec autant d'ardeur que d'induflrie, fut achevée dans 1'efpace d'une nuit; 6c le lendemain matin les vaiffeaux Crétois répandus fur le golfe de Corinthe , virent avec étonnement la flotte Grecque courir fur eux a pleines voiles. Saifis d'effroi & vaincus d'avance , ils n'ont pas même affez de force pour prendre la fuite. Difperfé ca 6c la , fans faire de réfiftance , ils font les uns brülés , les autres coulés k fond. Quelques foldats & matelots gagnent les rivages, mais ils font bientöt enveloppés; 6c plus malheureux BASItE. Ann. S83.  Basile. Ann. 883. Ann. 884. LUI. Artifice de Bafile pour fau- 138 HlSTOIRE que leurs camarades qui avoient péri dans les feux ou dans les eaux, ils ne font épargnés que pour fubir une mort plus cruelle. L'impitoyable Nicétas , plus féroce que les Sarafins, fe faifoient un jeu des plus affreux fupplices. II exercoit principalement fa barbarie fur les Chrétiens renégats; aux uns il faifoit détacher des lanieres de leur peau depuis la tête jufqu'aux talons ; il en faifoit entiérementécorcher d'autres, difant par une horrible plaifanterie , qu'il ne leur enlevoit que leur baptême , auquel ils avoient renoncé; & ce tigre , indigne luimême du nom de Chrétien, en faifoit élever d'autres fort haut avec des poulies, pour les précipiter enfuite dans des chaudieres de poix bouillante, forte de baptême, difoit-il en riant, feul convenable k ces apofiats. C'étoit le moyen de rendre fa viftoire déteftable a ceux mêmes qui 1'avoient aidé k vaincre. II paroit que Bafile n'approuva pas ces cruautés. Malgré les fuccès de Nicétas, il ne 1'employa plus, & dès 1'année fuivante on voit Nafar commander la flotte de 1'Empire. Les Sa-  du Bas-Empire. Liv. LXXL 239 rafins d'Afrique avoient mis en mer foixante grands vaiffeaux, ck cette flotte formidable, après avoir ravage les ifles qui fe trouvoient fur fon paffage , vint attaquer celles de Zante ck de Céphalonie. Nafar , avec un bon nombre de vaiffeaux de toute grandeur , fit diligence pour les aller combattre ; ck fecondé d'un vent favorable , il fe rendit en peu de jours au port de Méthone , aujourd'hui Modon en Morée. Un contre-temps facheux 1'empêcha de les attaquer fur le champ. Un grand nombre de fes rameurs avoit déferté dans le voyage ; ck s'étant cachés dans les ifles oh 1'on abordoit, ils étoient retournés a Conftantinople; enforteque la flotte reftoit dégarnie. II en informa 1'Empereur. Balile les fit chercher ck enfermer dans les prifons, oü ils n'attendoient que le chatiment de leur lacheté criminelle. Mais ce bon Prince , avare du fang de fes fujets , voulut épargner leur vie , fans perdre le fruit d'un exemple néceffaire. Le Préfet de Conftantinople, feul confid ent du fecret de fa clémence, choi- fit dans les prifons trente malfaiteurs Basile. Ann. 884. ver la vie a des déferteurs. Cedr. p. 582,583, 584. Zon. 1.11. p. 172. Epift. Joann. Papx. Leo, pi A-Ti- Conft. Porph. p. 186, fr feqq. Georg. p. 546, 547Genef. p, 56. 57-  Basile. Ann. 8S4, LIV. Les Sarafins battus tur mer. 240 HlSTOIRE condamnés a mort, qu'il fit tellement défigurer, qu'ils étoient méconnoiffables : on les conduifit k 1'Hippodrome, comme déferteurs de la flotte , avec défenfe d'approcher d'eux, ni de leur parler, fous peine de la vie; & après les avoir flagellés, on les embarqua pour les conduire k Méthone , oü ils furent pendus a la vue de toute l'armée , fans être reconnus de perfonne. Cette jufte punition contint le refle de la flotte. Tous, foldats & matelots, apprirent a craindre leurs Commandants plus que les ennemis, & ils demanderent a combattre. Cependant les Sarafins voyant 1'inaöion de la flotte Impériale , fe perfuadoient que c'étoit par lacheté qu'elle n'ofoit fortir du port. Ils n'étoient donc nullement fur leurs gardes , & ne fongeoient qu'a piller les ifles voifines. Jean , Gouverneur du Péloponnefe, avoit déja rempiacé les déferteurs, fur-tout par des Mardaïtes, iffus de ceux qu'on avoit tranfportés hors de leur pays cent ans auparavant. Nafar profite de la fécurité des Sarafins; il va de nuit attaquer leurs  du Bas-Empire. Liv. LXXL 241 leurs vaiffeaux difperfés , les coule k fond, ou les brüle les uns après le< autres. II en enleve une partie qu'il amene a Méthone , 8c dont il fait offrande k 1'Eglife de cette ville. II abandonnea fes foldats, & les prifonniers, 8c Ia charge des vaiffeaux. II informe 1'Empereur de ce qu'il a fait, 8c lui demande en même-temps ce qu'il doit faire. L'Empereur le loue de fa bonne conduite, Sc lui ordonne d'aller attaquer les Sarafins en Sicile 6c en Italië. Un fi glorieux fuccès redoubloit le courage de fes troupes. II débarque a Panorme, ravage les campagnes, force 6c pille les villes foumifes aux Sarafins , enleve grand nombre de navires chargés de riches marchandifes. II paffe de-la en Italië, ou 1'Empereur avoit une armée de terre commandée par Procope , grand-Maitre de la garde-robe Impériale. Ce Général , accompagné de Léon, furnommé Apoffype, qui commandoit un corps de Thraces 8c de Macédoniens, avoit déja remporté fur les Sarafins plufieurs avantages. Nafar s'étant approché de la Calabre pour le feconTomt XV. L B ASILF. Ann. S«4. LV. Expédition en Sicile & en Italië.  Basile. Ann. 884. LVT. Trahilon de Leen. 241 IIlSTOIRE der dans fes opérations, rencontraau cap des Colonnes prés de Crotone, une nouvelle flotte de Sarafins qui arrivoit d'Afrique. II 1'attaqua & la détruifit. Ayant enfuite fait une defcente fur la cöte, il joignit fes troupes a celles de Procope, chaffa les Sarafins de prefque toutes les places de la Calabre & de 1'Apulie, oii il mit garnifon. II fe rembarqua enfuite couvert de gloire , & fa flotte , chargée de dépouilles & de prifonniers, fut re§ue k Conftantinople avec les acclamations que méritoit une campagne fi briljante. Procope, qui étoit refté en Italië avec les troupes de terre , eut d'abord d'heureux fuccès. Les Sarafins fuyoient de toutes parts, & 1'Italie, depuis long-temps la proie de ces infideles, fe flattoit d'en être bientöt délivrée. La perfidie de Léon, jaloux de la gloire de Procope , ruina ces efpérances. Les Sarafins ayant fait un dernier effort , préfenterent la bataille, & Procope ne la refufa pas. ïl partagea fon armée en deux corps ; il fe mit k la tête de 1'aïle gauche, compofée des Efclavoas auxiliaires &  du Bjs-Empire. Lh. LXXf. 143 des autres troupes levées en Occident : Léon commandoit les Thraces &z les Macédoniens , qui formoient 1'aile droite. Lorfqu'on en fut venu aux mains , Léon chargea les efcadrons ennemis avec tant de furie, que 'la viüoire ne balanca pas de fon cöté. Procope avoit avec lui la plus foible partie de l'armée , qu'il efpéroit encourager par fa préfence & par fon exemple : mais malgré fa valeur, il fallut céder aux Sarafins. Léon, déja vainqueur de ceux qu'il avoit en tête, le laifïa battre fans lui donnet" aucun fecours; en forte que ce brave Capitaine, entraïné par lesfuyards, tomba de cheval, & fut tué dans la déroute. Les deux armées s'étant ainfi féparées, Léon , pour couvrir fa trahifon par quelque opération brillante, recueille ce qui refioit de troupes de Procope , & les ayant jointes aux fiennes, il attaqué Tarente, la prend d'affaut, 1'abandonne au pillage, & met tous les habitants dans les fers. Glorieux d'une fi importante conquête, il retourne a Confiantinople, rapportant a 1'Empereur de riches dépouilles. Bafilenefelaiffapas éblouir; Basile. Ann, 884".  Basile. Ann. 8 84. LVII. lied puni. 244- RISTOIS.E fur le foupcon qu'il concut de la conduite de Léon , il lui öta le commandement, & lui donna ordre de fe retirer a Cotyée fa patrie. Cé" traïtre fut trahi lui-même par deux de fes confidents, qui révélerent k 1'Empereur tout le fecret de fa perfidie, Sc ï'inftruifirent encore de plufieurs autres crimes de ce méchant homme. II avoit deux fils auffi méchants que lui: ayant appris le mauvais fervice rendu k leur pere , ils affafTinerent un des deux dénonciateurs, Sc le couperent en morceaux. Ils s'enfuirent enfuite a Cotyée, oii s'étant joints k leur pere, ils prirent enfemble le chemin de la Syrië, k deffein de fe jetter entre les bras des Sarafins. Ils étoient déja en Cappadoce, lorfqu'ils furent atteints par ceux que 1'Empereur avoit dépêchés k leur pourfuite. Ils fe défendirent en défefpéré ; les deux fils furent tués; le pere pris & chargé de chaines, fut conduit k 1'Empereur, qui lui fit faire fon procés. Bafde ne lui fit grace que de la vie : on lui ereva un ceil, on lui coupa la main droite, èc il fut relégué a Mefembrie, ©ii il pafia urne  nu Bjs-Empire. Liv. LXXI. 245 affez longue viellleffe dans 1'opprobre & dans la mifere, qu'il n'avoit que trop méritée. Les fuccès de Léon en Italië n'avoient pas réparé le dommage que la défaite de Procope avoit caufée a PEmpire. Les Sarafins reprenoient 1'avantage, & rentroient dans les places qu'ils avoient perdues. L'Empereur y envoya Etienne Maxence, Cappadocien , avec les troupes de Thrace, de Macédoine & de Cappadoce. C'étoient les meilleurs foldats de PEmpire; mais ils étoient conduits par le plus mauvais Général. Etienne, fans a&ivité, fans aucun fentiment d'honneur, endormi dans la débauche , ne connoiflbit d'affaires férieufes que celles de fes plaifirs. Ils ne fit d'autre exploit que d'afTiéger Amantia en Calabre , & d'en lever le fiege prefque aufli-tot. Dès que Bafile en fut inftruit, il fe hata de corriger ce mauvais choix , & lui donna pour fucceffeur un guerrier d'un caraclere tout contraire , laborieux , habile , vigilant, &c qui n'avoit de paffion que la gloire de fon maitre &l la fienne, C'étoit Nicéphore PhoL iij Basile. Ann. 885. LVIII. Nouvelle expédition en Italië. Cedr. p. 586 ,<)©. Zon. t. 11. p. 17Z. Conft. Porph. p. 191,193.  Basile. Anti. SSj. 246 H I S T O I R E cas, aïeul de celui qui fut depins Empereur. Nicéphore conduilit en Italië de nouvelles troupes tirées des Provinces d'Orient; entre autres un corps de Pauliciens, qui, après la ruine de leur état, sétoient attachés au fervice de PEmpire, & qui en abjurant leurs erreurs, n'avoient rien perdu de leur anciennè bravoure. Ils étoient commandés par ce Diaconize, recommandable par fa fidélité a l'égard d'un maitre malheureux. Avec ces forces jointes a l'armée que laiffoit Etienne, Nicéphore défitpar-toiit les Sarafins ; il prit Amantia , Tropea tk Sainte-Sévérine, enrichit fes foldats , & rendit a 1'Empire toute la Calabre, que les Saraiins abandonnerent pour fe retirer en Sicile. La conduite de Nicéphore dans cette expédition elf propofée pour modele par 1'Empereur Léon dans fon Traité de Taftique; car je penfe que c'eft ce pays qu'il défigne par le nom de Lombardie. Nicéphore ne fut pas feulement vaincre ces peuples; il fut, tk c'eft encore une vi&oire plus utile & même plus glorieufe, les attacher a 1'Empire en les traitant avec équité,  du Bas-Empire. Liv. LXXL 247 avec douceur, en les exemptant d'impöts, ou ne leur laiffant aucune marqué de fervitude , & en leur faifant regretter de n'avoir pas toujours appartenu a leurs nouveaux maitres. En quittant 1'Italie , il y laifla une marqué fenfible de fa bonté pour les yaincus. Ses foldats avoient fait prifonniers un grand nombre d'Italiens, &c ils les traïnoient avec eux pour en faire des efclaves. Nicéphore, fans faire femblant de s'en appercevoir, conduifit l'armée a Brindes , ou elle devoit fe rembarquer; & dès que la flotte fut appareillée, & prête a faire voile, il y fit monter les foldats 1'un après 1'autre. Les prifonniers , chargés de fers, demeuroient rangés fui le rivage ; ils s'attendoient a remplii les derniers vaiffeaux. Dès que töUi les foldats furent embarqués, Nicé. phore fit lever les ancres, laiffant ; 1'Italie fes enfans, qui ne verfoien plus que des larmes de joie 8^ d< tendreffe pour leur généreux libéra teur. L'enthoufiafme de leur recon noiffance fe porta jufqu'a une forti d'idolatrie. Ils firent batir une Eglif a laquelle ils donnefent le nom d L iv Basii.e. Ann. 885. I C ■  Basile. Ann. 88 5. LIX. Santabaren veut faire mourir Léon, fils ainé de 1'Empereur.Cedr. p. 59' . 59"1Zon. torn. n.p. 174, Leo. p. -<73> 474Manajf. pag. 108 , 109. Glycas, P'g. 296. Conft. Porph.' p. 214, 215, 216. Sym. p. 1 459.460. j Georg. p. 547 . 548- ' J < 1 1 1 248 H I S T O I R E Nicéphore. Telle fut ia derniere expédition du regne de Bafile. Léon, devenu héritier préfomptif de 1'Empire, & déja revêtu du titre dEmpereur, avoit époufé en 880, Theophano, fille de Conftantin Martinace. Parvenu k fa dix-neuvieme année, il étoit chéri de tout PEmpire , & n'avoit d'ennemis que Santabaren dont il avoit démêlé les impoftures. II ne pouvoit fouffrir que fon pere fut la dupe d'un fourbe, & ne cachoit pas affez la haine & le mépris qu'il lui gardoit dans le cceur. Cefcélérat le pénétra, & fentitbien quel rifque il couroit, s'il attendoit la mort de Bafile. II réfolut donc ie perdre Léon du vivant de fon :>ere. Dans ce deffein, ils'attacha peniantquelque temps k lui faire la cour; te plus adroit que le jeune Prince, i force d'afïiduités, de complaifan:es & de démonftrations de zele, il •int k bout de diftlper les foupcons, te de gagner la confiance de Léon, [ui joignoit k un efprit affez foible oute 1'imprudence de la jeunefle. .orfqu'il fe vit écouté, il donna au 'nnce un confeil qui devoit le con-  nu Èas-Empire. Liv. LXXI. 249 duire a fa perte. C'étoit la coutume que dans les chaffes de 1'Empereur, nul de ceux qui 1'accompagnoient ne portat aucune arme, excepté les Officiers de la Vénerie ; fes courtifans, fes enfants mêmes n'étoient que fimples fpeöateurs. Santabaren fe voyant un jour feul avec Léon : » Ne trem» blez-vous pas , lui dit - il, toutes » les fois que 1'Empereur part pour la » chaffé ? Les forêts ont été compli» ces de grand nombre d'affaffinats. » Combien de fcélérats font plus k » craindre que les bêtes les plus fé» roces? Souvenez-vous de Curcuas. »> Et fi votre pere étoit attaqué, a» qui appartiendroit-il de le défen» dre ? Mettez-vous en état de com» battre les attentats ; ne le fuivez » jamais dans ce divertiffement dan» gereux, fans avoir une arme ca» chée, toute prête a le fecourir. " Léon , charmé du vif intérêt que San* tabaren prenoit a la confervation de fon pere, promit de fuivre fon avis, En effet, ala première partie de chaffé , il fe munit d'un poignard qu'il cacha dans une de fes bottes. Dé: qu'on fut dans la forêt, Santabaren L v Basile. Ann. SSS.  Basile. Ann. 885. ! I I I ■' J j 1 i 1 1 « H I S T O I R E courta 1'Empereur avec un aird'aiïarme: Prince, lui dit-ila 1'oreille ,/auve^ votre vie; votre fils eft armé; il s'ennuye de ne pas régner. Bafile faitaufii-töt arrêter Léon; on le dépouille; on trouve le poignard , & fur le champ on retourne au palais. Bafile, outré de colere , fans vouloir entendre fon fils , lui fait öter les ornements impériaux, & l'enferme dans une étroite prifon. II vouloit a 1'heure même lui faire crever les yeux, & Santabaren Py excitoit. Mais plufieurs Sénateurs 5'étant jettés a fes pieds, obtinrent qu'il différat le chatimeht, jufqu'a ce qu'il fut affuré du crime. On mit k a queftion tous les Officiers, tous es Courtifans du Prince ; Nicétas, bn confidentie plus intime, fut dé:hiré k coups de verges; on ne tira le leur bouche que des témoignages le fon attachement k fon pere. AnIré, Capitaine des Gardes, fameux >ar les fuccès qu'il avoit eus k la 'uerre , mais odieux a Santabaren k :aufe de fa probité incorruptible, ut enveloppé dans la difgrace & triyé de fes charges, comme comilice du Prince, auquel il étoit tenIrement attaché.  du Bas-Empire. Liv. LXXI. 251 Léon, défefpéré de voir fon amour pour fon pere devenu un crime atroce , s'abandonnoit a la plus vive donleur. 11 ne celfoit d'écrire k fon pere des lettres juftificatives , que Bafile refufoit de lire. Toat le palais étoit arrofé de larmes. La mere, les fceurs. les deux freres, tous les Officiers du Prince, perfuadés de fon innocence, ne faifoient entendre que des gémiffements. Bafde feu!, toujours obféd' par Santabaren, étoit infenfible. Ur jour qu'il donnoit un grand foupei a tous les Seigneurs de fa Cour, dan: le temps que la bonne chere & I: douce familiarité de 1'Empereur^ fai foient oublier 1'infortune de Léon un perroquet enfermé dans une cag attachée au mur de la falie , fe mit erier : Hélas, hélas, Seigneur Léo, C'étoient des paroles qu'il entendo depuis trois mois retentir fans ceffe fes oreilles. Ce gri glaca les convives devenus immobiles, la tête baiffé< ils n'ouvroient la bouche que poi faire place k leurs foupirs : 1'Emp reur lui-même les regardoit en fder ce, lorfqu'un d'entr'eux élevant voix entrecoupée de fanglots -. » Se L vj Basile. Ann. 885. LX. Délivrance de Léon. [ L » k t k s ;» x L-  Basiie. Ann. 885. ] 1 1 i 1 ] 1 1 t S d f r C v V 252 II1 S T O 1 R Ë » gneur, dit-il, cetanimal nous cofl» damne. Nous eft-il parmis de nous » livrer a la joie , tandis que votre » fils, que 1'héritier de votre cou» roniie gémit dans les horreurs d'un » cachot? S'il efi coupable , Ü n'eft » aucun de nous qui ne foit armé » pour le punir : mais s'il efi innoy> cent, nous fommes tous coupables. •* Ecoutez-le , jugez-le; qu'il ceffe » enfin _ de vivre criminel , ou de > mourir tous les jours, viclimed'u* ne noir calomnie ". Ces paroles )énéfrerent le cceur de 1'Empereur, te réveillerent en lui la tendreffe paernelle. II fit venir fon fils, il écouta ès défenfes ; & ayant enfin reconnu a perfidie de Santabaren , il embralta -éon, &lui rendittous fes honneurs, ^ndré fut rétabli dans fes dignités. .e jufte courroux de Bafile auroit écla2 fur le traitre , s'il ne fe fut dérobé u cMtiment. Photius eut 1'adreffe 'en impofer encore a 1'Empereur en iveur de ce fcélérat. Santabaren fe stiw dans fon diocefe d'Euchaïtes. >n dit que le lendemain de la déürance de Léon, jour de Ia fête du atriarche Elie, pour lequel 1'Em ie-  nu Bas-Empire. Liv. LXXL 253 reur avoit une dévotion particuliere, comme Bafile marchoit en procelfion, tout le peuple qui le fuivoit sécriant: Gloire a Dieu qui nous a rendu notre jeune Prince, il fe retourna & dit a haute voix : Enfants, vouspoujjes des cris de joie pour remercier Dieu de vous avoir rendu Léon ; demande^-lui plutót que fon regne ne vous fa(fe pas unjour poujferdes cris de douleur. Quoique Bafile aimat fon fils , il croyoit voir en lui des inclinations qui ne promettoient pas un regne heureux. L'Empereur ne furvécut pa-s longtemps a la réconciliation avec fon fils. Au mois de Février fuivant, comme il étoit k la chaffé , un cerf trèsgrand & trés-fort s'élancant fur lui, 1'enleva par la ceinture de defius fon cheval. 11 alloit périr, fi un de fes Veneurs n'eüt coupé la ceinture d'un coup de fabre. Cet accident lui avoit tellement troublé 1'efprit, qu'il fit fur le champ trancher la tête a celui qui venoit de lui fauver la vie , pour avoir ., difoit-il, tiré 1'épée fur fon Prince. Une fecoiuTe fi violente lui dérangea les entrailles, il fut faifi d'une fievre ardente, qui le conduifii Basile. Ann. SS;. Ann. 886. LXI. Mort de Bafile. Cedr. p. 591. Leo. p. 174. Glycas, p"g- 297 . 298. Joel, p. 179. Conft, Porph. p. 216. Sym. p. 461. Georg. p. 548 , 549-  Basile. Ann. 886 Genef. p 61. Gr eg. invita Bafilii. jun. p. 344. LXH. ConcluAon du regne de Bafile. Cedr. p. 5S7,58S, 589 , 661. ■Zon. torn. II. p. 172, 173 > 206. Glycas , pag. 296. Conft. Porph. p. 254 II 1 S T O I R E au tombeau en peu de jours. On dit qu'étant prés de mourir, agité par les remords du crime par lequel il s'étoit élevé k 1'Empire , il s'imagina voir 1'Empereur Michel couvert de fang, qui lui difoit d'une voix terrible , en lui montrant fes bleffures r Que t 'ai-je fait, Bafile, pour me maffacrer fi crueüement ? II mourut le premier de Mars 886 , après avoir régné quatorze mois avec Michel,. & feul dix^huit ans cinq mois & fept jours. II fit approcher de fon lit firn fils Léon, &Stylien, gouverneur de fes enfants, & il expira en leur difant: Défi^-vous de Photius & de fa crèature Santabaren ; ils mont entrainé dans te précipice par leurs impoflures. Ce fut un malheur pour ce Prince d'être né dans ces temps d'atrocité 6c de barbarie. Ses grandes qualités, propres a faire un héros, furent altérées par la rouille de fon fiecle. On peut cependant conjedurer , que s'il eut eu des fucceffeurs femblables k lui, 1'Empire eut réparé fes pertes. II n'eut que la gloire d'en avoir retardé la chüte. Auffi laborieux que vigilant, il fut toujours k la tête du gouver-  du Bas-Empire. Liv. LXXI. 255 nement ou de fes armées. II aimoit la vérité, ók n'efpérant guere la trouver dans la bouche de fes Courtifans, il la cherchoit dans 1'hiftoire. II prenoit confeil des exemples qu'elle lui préfentoit. A fes yeux la haute vertu tenoit lieu de la plus éminente dignité ; il 1'admettoit dans fa familiarité , il oublioit même la majefté Impériale pour aller vifiter ceux qui portoient ce noble caractere. Plein de tendreffe pour fes fujets, il apportoitla plus grande précaution k ne leur donner que des Gouverneurs ck des Magiftrats qui fuffent les défenfeurs de ceux dont il étoit le pere. Un jour de Paques , comme il aflïitoit k 1'office dans 1'Eglife des Saints Apötres , il remarqua que les principaux habitants au-lieu de porter des habits de fête, portoient dans leur extérieur ck dans leur contenance les marqués d'une profonde trifteffe. II en fut étonné; ck comme il leur en demandoit la caufe : Hélas , Seigneur, lui répondit un d'entr'eux , la joie & les riches vêtements conviennent a votre Majejié & a votre Cour; il nejl point pour vous dt calamité; mais ces ornements ne font Basile. Ann. 886. 193, & feqq. Genef. p. 61. Bafilii adhortatio ad Leoncm jilium.  Basile. Ann. 886. 1 i 3 1 ( 1 1 | t i H I g T O I K £ pas falis pour des miférables, qui font a la veille de périr. Fous ignoreir apparemment que le prix du bied eft augmenté du doublé , & que votre peuple meurt de faim. Ces paroles percerent le cceur du Prince ; il les conibla en verfant des Iarmes, & leur promit un prompt fecours. Dès qu'il fut de retour au palais, il manda fesMiniftres, & leur fit les plus vifs reproches de ne 1'avoir pas averti de Ia cherté des vivres. Aufli-töt il fit ouvrïr tous fes greniers , & vendre fon bied douze fois au-deflbus du prix ordinaire. La moifion fuivante fut plus abondante que jamais, comme fi la Providence süt voulu récompenfer fa générofité aaternelle. Libéral fans prodigalité, .1 étoit perfuadé que le Prince dans 'es profufions verfe le fang de fespeu)les. C'étoit une de fes maximes, & 1 la recommandoit a fon fils , que es tréfors acquis par des exadions fe liffipent promptement, Sc qu'ils enraïnent même avec eux les richelfes égitimes: Cejl, difoit-il, une paille ue le feu confume en un moment, & fouilfi communiqué d tédifice. Entend du luxe, il ne doanoit a la fplen-  nu Sas-Empike. Liv. LXXI. 257 deur du tröne, que ce qu'il n'en pouvoitretrancherfansl'avilir; il croyoit que la majefté fouveraine tire bien plus d'éclat du caraftere du Prince, que du falie qui 1'environne, comme un excellent tableau eft bien plus admirable par la perfe&ion de Part, que par la richeffe de la bordure. Son économie lui ménagea des fonds poui exécuter de grands ouvrages. II batil ou répara plus de cent Eglifes, H6pitaux, Monafteres, Citernes publiques, tant dans Conftantinople qu'au* environs. On peut dire que cette ville , dont les beaux édifices commencoient a dépérir , prit pendant les dix huit années de fon regne une fac< nouvelle. II mettoit le grand Conf tantin au nombre des Saints, & fi confacrer fous fon nom un Oratoin dans fon palais. Pour expier le meur tre de fon prédéceffeur, qu'il fe re procha toute fa vie, & qu'il pleu roit encore a Partiele de la mort, i fit dédier un grand nombre d'Eglife fous 1'invocation de Saint Michel. I en fit auffi conftruire plufieurs fou le nom du Prophete Elie ; & Za naras donne une raifon ridicule d Basile. Ann. 8S6. I i >  Basiie. Ann. 886. c i 1 65» H I S T O I R E cette dévotion. II efpéroit, dit-ü, que ce Prophete Penleveroit un jour au ciel, comme il y avoit été enlevé lui-même. II ne feroit pas incroyable qu'un Prince très-fage d'ailleurs, eut été frappé d'une imagination même extravagante. II voulut perpétuer la mémoire de fon premier etat dans un fallon magnifïque qu'il fit ajouter a fon palais; il y avoit fait peindre fur la voute fes combats & fes vidoires; mais en même-temps, comme pour remede a la vanité, ou peut-etre par un effet de vanité plus rafBnée, d s'étoit faitrepréfenter avec fa femme & fes enfants, qui levant les mains au ciel, remercioient Dieu Pavoir retiré leur pere de la pauifreté comme David, pour le placer ur le tröne. Cette aftion de graces :toit écrite en lettres d'or d'un trés;ros caraöere. Bafile, élevé dans la nifere & la fervitude, n'avoit d'abord ucune connoiffance des lettres; & e qui eft 1'effet ordinaire de 1'ignoance, il les méprifoit. Plus éclairé ans la fuite, il en reconnutl'utilité, <■ d V ht inftruire avec foin non-feu;ment fes fils, mais même fes filles.-  du Bas-Emrtre. Liv. LXXI. 159 II s'exereoit lui-même a écrire, & nous avons de lui un petit Ouvrage, intitulé : Avis de tEmpereur Bafile a féon fon cher fils & fon collegue. II confifte en foixante-fix articles forts courts, mais fort fubftanciels, dont chacun commence par une des lettres du titre. II faut attribuer a fon fiecle le mauvais goüt de ces acroftiches. D'ailleurs, eet Ouvrage égal k celui d'Epietete par la pureté du flyle, mais autant fupérieur par la folidité & par 1'élévation des penfées, que la morale Chrétienne eft au-deflus de celle de Platon, mériteroit d'être le manuel des Princes. Je n'ai pu placer dans les Annales de ce regne le recouvrement de 1'ifle de Cypre, dont aucun Hiftorien ne fait mention. Conftantin Porphyrogenete eft le feul Auteur qui rapporte que , fous 1'empire de Bafile, cette ifle fameufe fut reprife fur les Sarafins par le Général Alexis, Arménien célebre , dit-il, par fa valeur; & que ce guerrier la gouverna pendant fept ans, après lefquels elle retomba- fous la domination des Sarafins qui en étoient maitres de fon temps. Basile. A.nn, 8S6.   i6i «ff —= S O M M A I R E D V LIVRE SOIXANTE-DOUZIEME. I. COMMENCEMENTS de Léon. II. Seconde dépofition de Photius. III. Punition de Santabaren. IV. Etienne fuccede d Photius. V. Tranjlation du corps de Michel d Conftantinople. VI. Incurfions des Sarafins. VII. Affaires d''Italië, vin. Bari perdu & repris par les Grecs. IX. dks t?w5 £t Visa  LÉON VI. Ann. S87. entiq. Benev. t. II, p. 22; , 227 , 228. Abrégc de Vhifl. cCltal. t. II, P- 594» ' ^ 3 1 274 HlSTOIRB res. Le Prince de Salerne, trop foible pour réfifter au turbulent Athanafe & aux Sarafins, fit le voyage de Conftantinople pour y folliciter du fecours. II prêta foi & hommage k 1'Empereur, qui 1'ayant décoré du titre de Patrice, ne tarda pas a le renvoyer .avec quelque argent & beaucoup de promeffes. Mais pendant qu'il recevoit k Conftantinople des honneurs diftingués, les Grecs d'Italie , joints aux habitants de Naples & de Capoue, que conduifoit Athanafe, ravageoient fon pays, & prenoient fes places. Tant étoit grande Ia confufion qui régnoit dans ces contrées. Théophylacte avoit fuccédé a Grégoire dans le gouvernement de 1'Apulie. Etant forti de Bari pendant ï'hyver pour aller attaquer les Sarafins , maitres de Téano, il échoua dans fon entreprife. Mais pour fe dédommager de ce mauvais fuccès , il i'empara fur fa route de plufieurs daces qui appartenoient au Duc de Bénévent, alors ami des Grecs. Ces nvafions cauferent une rupture ourerte. Aïon, Duc deBénévent, réfolut de  nv Bas-Umpire. Liv. LXXII. 275 fe venger. II fit révolter les habitants de Bari, qui ayant égorgé Théophyladte & la garnifon , lui envoyerent les clefs de leur ville. A cette nouvelle, Léon, craignant deperdre dès le commencement de fon regne tout ce qui lui reftoit en Italië, rit partir le Patrice Conftantin avec une flotte chargée de foldats & de munitions. Arrivé en peu de jours fur les cötes d'Apulie , Conftantin affiege Bari, Aïon, a la tête de toutes fes troupes & d'un grands corps de Sarafins , vole au fecours de la place; on livre bataille; Conftantin , entiéremenl défait, fe fauve a peine, & tout paroit défefpéré. Toutefois ayant rallié les fuyards, & recu un renforl de trois mille cavaliers, il retourne fur les Bénéventins qui ne fongeoiem qu'a jouir de leur victoire , & les taille en pieces a fon tour. Aïon, qui venoit de faire lever le fiege de Bari, eft afiiégé lui-même dans cette ville II s'y défendit pendant plus d'un an Enfin, abandonné par Atenulf, Comte dé Capoue, fon allié, qui traite féparément avec Conftantin , aprèi avoir vainement imploré le fecoviK M vj Léon VI. Ann. S83. vin. Bari perdu & repris par les Grecs.  LÉON VI. Ann. 888. IX. Flotte des Grecs battuepar les Sarafins, 276 H 1 s t n 1 r e des Francois, du Duc de Spolete 9 des Sarafins mêmes, il fut réduit a capituler; & tout ce qu'il put obtenir, fut la liberté de s'en retourner k Bénéve.nt, avec ce qui lui reftoit de fes troupes. La joie de ce fuccès fut bientöt troublée. La flotte Grecque après avoir repris Bari, avoit formé une entreprife fur la Sicile. Au moisd'Octobre elles'étoit rendue dans le port de Rhege, lorfqu'une flotte de Sarafins vint lui fermer le paffage entre Rhege & Mefline. Les Grecs s'avaacerent, mais leurs vailfeaux furent tous ou pris ou coulés k fond. Ce malheur caufa tant d'allarme, que tous les Grecs habit?.nts-des villes voifines de la eöte > les abandonnerent & s'enfuirent dans Pintérieur du pays avec leurs femmes & leurs enfants. Un Auteur contemporain attribue ce défaftre a la vengeance divine , armée contre les crimes des Grecs. Plus barbares, dit-il, que les Sarafins, n'ayant de Chrétien que le nom, d'humain même que la figure, ils fe rendoient odieux par leurs brigandages, Ils achetoient des Sarafins  du Bas-Empipe. Liv. LXXIL 277 les prifonniers Chrétiens pour en faire leurs propres efclaves , ou pour les aller vendre en Afrique. Les Sarafins d'Afie defcendirent dans 1'ifle de Samos, & firent prifonnier Conftantin Pafpalas qui en étoit Gouverneur. On rapporte qu'il y eut cette année de violents orages, & que fept perfonnes furent tuées d'un même coup de tonnerre k Conftantinople dans la place de Conftantin. Ce qui aflligea fans doute davantage les gens d'honneur, jaloux de la réputation de leur maitre, paree qu'ils lui font plus véritablement attachés que la plupart de fes courtifans, c'eft que Léon ne tarda pas k découvrir aux yeux de tout PEmpire fon penchant a la débauche. Auflitöt après la mort de fon pere , il manifefta fa pafiion pour Zoé, la plu< belle, mais la plus méchante femme de la Cour. Mariée d'abord au Patrice Théodore Guniazize, elle s'er étoit défaite par le poifon, afin de ne laiffer aucun obftacle k 1'inclination que 1'Empereur témoignoit poui elle. Dès qu'il fut Empereur, il 1; prit publiquement pour concubine; LÉON VI. Ann. SSSi X. Zoé concubine de Léon. Cedr, p. 593 . 595. Leo. pag. 475 .477. Zon. p. 176. Codin. orig.p.6ji Ineen, coniinuat, p. 2l8 , 220. Sym. pag 462. Georg. p. 549.55»» l  Léon VI. Ann. 888, 1 I < i i i t z 27S HlSTOIiXE & Théophano, fa légitime époufe; PrincelTe fage & vertueufe, fupporta ce honteux commerce avec patience, fans donner jamais le plus léger foupcon de jaloufie. Stylien, pere de Zoé, qui s'étoit prêté en homme de Cour a la paffion du Prince, fut amplement récompenfé de fa complaifance. II n'étoit d'abord qu'Huiffier du palais, ce que les Grecs d'alors nommoient Zaout^as. C'étoit un office qui avoit depuis peu paffé de la Cour des Turcs dans celle de Conftantinople , & c'eft le même qui eft encore défigné chez :ette nation par le nom Ckiaous. Car il eft a remarquer que dans la décalence de PEmpire, on voyoit fourent naitre des titres inufités; comme i les foibles Princes qui régnoient ilors, avoient prétendu réparer leurs >ertes réelles par des noms frivoles l'offices nouveaux. Stylien fut élevé 1 la dignité de Maitre du palais, qui e mettoit déja au-deiTus des Patrices. Lnfuite il fut nommé grand Tréfoier; & cette place ne paroiffant pas ncore affez éminente , Léon inventa our Stylien un titre monftrueufelent pompeux, celui de Bafütopa-  du Bjs-Empire. Liv. LXXII. a?9 tor, c'eft-a-dire, pere derEmpereur. Ce qui étoit plus ridicule encore, & qui caraétérife une ftupide bifarrerie, c'eft que ce Stylien, qui favoit fi bien mettre a profit les crimes de fa fille , croyoit être dévot; il s'occupoit de fondations pieufes; il fit batir a Conftantinople un monaftere auquel il donna fon nom. Stylien, favori de 1'Empereur, avoit lui-même des favoris, qui avoient auffi leurs créatures. Dans cette longue fuite de protégés qui tiennent les uns aux autres, le dernier anneau entraine fouvent toute la chaïne , ébranle le tröne , & met en péril tout un Empire. Un efclave , nommé Moufic, gouvernoit Stylien, comme Stylien gouvernoit Léon; eet efclave protégeoit deux marchands Grecs, qui avoient foin de 1'intéreffer dans leurs monopoles. Ils obtinrent par le moyen de Moufic, un privilege exclufif pour le commerce avec les Bulgares ; Sc ce commerce établi depuis long - temps a. Conftantinople , fut pour leur plus grande commodité transféré a TheiTalonique. Loin des yeux du Prince, appuyés de toute LÉON VI. Ann. 8«8« Ann. S89. XI. Guerres des Bulgares. Cedr. p. 596. Leo. p. 477- Zon. p, 176. Ineen, continuat, p. 220. Georg. p. 5 51 . 5 51. Du Cange fam. Byx. p. 3«.  Léon VI. Ann. S89. 280 HlSTOIRE 1'autorité du Miniftre, ils firent ce qu'ils voulurent, & traiterent fi mal les marchands Bulgares, que le Roi Syméon s'en plaignit a 1'Empereur. Le crédit de Stylien rendant fes plaintes inutiles, il réfolut de fe faire raifon par les armes. C'étoit un Prince vaillant, qui avoit recu les lecons de 1'adverfité. Son pere Baldimir 1'ayant laiffé en bas age, & Bogoris s'étant eroparé de la couronne , le jeune Syméon, refugié a Conftantinople, s'étoitinftruit dans les lettres Grecques, & s'y étoit rendu très-habile, trouvantdans 1'étude la plus douce confolation de fes infortunes. Pour y vaquer plus librement, il fe retira dans un monaftere. Après la mort de Bogoris & de fes deux fucceffeurs , dont le regne fut court, il profita des conjonftures qui fe trouverent favorables. Les vceux de la nation Pappelloient au tröne; il quitta 1'habit de Moine, pour prendre la pourpre, & rentra en poffeflion du domaine de fes peres. Indigné du mépris que 1'Empereur fembloit faire des Bulgares, qui, depuis foixante-quatorze ans, n'aYoient rien entrepris contre 1'Em-  nu Bas-Empire. Liv. LXXII. 2S1 pire, il fe mit en campagne a la tête d'une belle armée. Léon, de fon cöté, fait marcher fes troupes fous la conduite de Procope, furnomnéCrinitès; il lui donne pour Lieutenant-général PArménien Curtice , renommé pour fa valeur. Grand nombre de Seigneurs & d'Officiers de la Cour veulent être de cette expédition. La bataille fe livre en Macédoine ; les Grecs font taillés en pieces; Procope & Curtice y perdent la vie, Syméon fait couper le nez aux prifonniers, & les renvoye a Conftaniinople. A la vue de ces miférables, Léon, vivement piqué d'un fi cruel affront, fait partir le Patrice Nicétas Sclerus , avec ordre d'aller au-dela du Danube folliciter les Hongrois nouvellement arrivés en ce pays, a paffer le fleuve, & k fe jetter dans la Bulgarie. C'étoit fans doute une conduite imprudentente; & 1'exemple de tant d'autres barbares, qui avoient chérement fait payer k PEmpire les fecours qu'ils lui avoient prêté quelquefois , devoit avertir Léon de ce qu'il avoit k craindre d'une alliance ft formidable. Cet- LÉON vi. Ann. 889» XII. Commtii- cements des Hongrois.Cedr. p. 5.96. Leo. Ttfc?. c. iS. arü 46, 6> fiqq. Cenjl. Porph. (fe adm. imp, c.40, 41 , 43' Liutpr. hifi. 1. I. f. 5. i. "  Léon VI. Ann. S89. Regino chron. Annal. Met. Pagi ad Sar. M. de Guignes, hifi. dis Huns, t. 11. p. 510 , &■ fuiv. M. T)anville, Mém. Aead. torn, XXX. p. 244. & fuiv. t Abrégé de ïhifl.. £1tal. t. 11. P- 656, & fuiv. i 1 282 HlSTOIRE te nation eft encore aujourd'hui affez célebre pour mériter qu'on en recherche 1'origine. Mais il eft difficile d'en fuivre la tracé ; & les Auteurs qui en ont parlé ne s'accordent pas. Je fuivrai 1'opinion qui me paroit la plus vraifemblable. Le nom de Hongrois, que nous leur donnerons pour nous conformer a 1'ufage , n'étoit qu'une dénomination générale , qui marquoit leur defcendance des Huns. Ce font les mêmes que 1'on trouve défignés dans 1'hiftoire des fiecles précédents par le nom d'Hunnogures. Us font fouvent appellés Turcs par les Auteurs Grecs, nom que les Orientaux donnoient k tous les peuples Nomades. Leur nom propre étoit celui de Magiars ; c'eft ainfi qu'ils fe aommoient eux-mêmes. Venus autrefois avec les autres Huns des ex^rêmités de 1'Orient, ils s etablirent j^ers lesfources du Jaïck, foit qu'ils :uffent demeurés en ce pays-la, lorf nie leurs compatriotes pafferent le l^olga, foit qu'ils y fiiffent retournés iprès la mort d'Attila , clans cette ïorrible confufion qui détacha tk óéruifit toutes les parties de fon vafte  du Bjs-Empjre. Liv. LXXI1. 283 Empire. Chaffés enfuite par les Patzinaces leurs voifins , les uns teCUlé-» rent vers 1'Orient , ou pénétrerent dans les contrées méridionales vers le Derbend & la Circaffie ; les autres s'avaneant vers 1'Occident s'arrêterent quelque-temps vers les fources du Tanaïs; mais toujours pourfuivis par les Patzinaces , ils pafferent le Boryfthene, traverferent la Moldavië oü ils s'établirent enfuite, & entrerent dans le pays d'Erdel; c'étoit, felon une conjeöure très-vraifemblable , ce que nous nommons la Tranfylvanie. Elle faifoit partie de ja grande Moravie, qui comprenoit alors toute la Hongrie d'aujourd'hui , a laquelle les Hongrois donnerent leur nom après 1'avoir conquife. Selon Liutprand , ce fut Arnoul, Roi de Germanie, qui appella les Hongrois a fon fecours contre Zuentibold, vaffal révolté. Ces diverfes émigrations on1 fait donner a cette horde de Huns. les noms de Turcs , d'Abares, dt Pannoniens , paree qu'ils ont occupe fur le Danube le même pays qu'avoient poffédé les Abares. Lorfqu'ils arriverent en ce pays LÉON vr. Ann. SS$. X1IT.  Léon VI Ann. 889 ropofitions de paix, & travaille en liligenee k réparer fes forces. L'Empereur donne dans le piege; il enroye pour traiter avec lui Léon Chéjrofphacte  du Bas-Empir.e. Liv. LXXII. rofphacle, &rappelle imprudemment fon armée & fa flotte. Lorfque le député Grec arriva , Syméon étoit déja en état de prendre fa revanche. II fait mettre aux fers le député fans vouloir même Fentendre, paffe le Danube, & va chercher les Hongrois daas leur pays. Ceux-ci ne s'attendoienta rien moins qu'a une pareille irruption. Ils font battus; leur pays eft mis a feu & a fang; & le Roi Bulgare , glorieux de fa vicfoire, mande fiérement k 1'Empereur, qu'il n'a de paix a efpérer qu'après lui avoir rendu fes fujets prifonniers. L'Empereur qui avoit défarmé , intimidé par la défaite des Hongrois, accepte cette honteufe condition. II remet les prifonniers entre les mains d'un Seigneur Bulgare , qui ramenoit Chérofphafte k Conftantinople. Léon ne gagna dans cette expédition que Paffront d'avoir payé aux Hongrois la rancon des Bulgares, & de les avoir rendus a Syméon fans rancon. Nicéphore Phocas jouiflbit de toute la faveur du Prince. Stylien, qui nvoit augmenté la fortune de ce courtifan, crut pouvoir difpofer de Tornt XK N LÉON VI. Ann. 890. Ann. 891. XVI. Générolïté de Ni-  Léon VI Ann. S91. céphore Phocas. Leo. Tatt. c. i. art. 2J , 26. Cedr. p. 597- Incert. eonimuat. p. 221. Du Cange fan,. Buig. P- 149- j j 1 • . T - I i 2o« H I S T 0 I R E ion honneur. Voulant jetter un voile fur le concubinage de fa fille , & donner aux enfants qui en pourroient naitre un pere apparent, il fit a Nicéphore la propofition d'époufer Zoé; Léon, fans doute, entroit fourdement dans cette fombre intrigue , & Nicéphore ne devoit être mari de Zoé que de nom. Mais, incapable de fe prêter k ces infames complaifances, il s'jr refufa fans balancer; & Stylien , irrité s'en vengea par la calomnie. II lui fit öter tous fes emplois. Cependant les incurfions des Sarafins obligerent bientöt le Prince d'avoir recours k ce guerrier expérimenté. Nicéphore fut fait Gouverneur de Lydie , & eut ordre de marcher vers la Syrië. II ravagea tout le pays des Sarafins , & fe voyant environné i'une armée plus forte que la fienne, 1 fit allumer dans fon camp grand ïombre de feux, & décampa pendant a nuit, emportant tout Jon butin, ans en donner aucun foupcon aux ïnnemis. Ce Général feryit encore le barrière k PEmpire du cöté de la iyrie pendant quelques années. II >attit plufieurs fois les Sarafins. C'eft  du Bas-Empire. Liv. LKXÏÏ. 291 a lui que Léon, dans fon ouvrage de Tacf ique, attribue 1'invention d'une forte de chaiuTe - trappe, propre k mettre un camp en füreté contre une troupe de cavalerie, lorfqu'on n'a pas le temps de fe retrancher, ou qu'un terrein trop pierreux ne permet pas de creufer un folfé. II mourut avant Léon , emportant avec lui 1'eftimedes honnêtes gens de la Cour, & les regrets des peuples. II lailfa trois fils, Bardas & Léon, dont il fera parlé dans la fuite, & Michel qui avoit embraffé 1'état monaftique. L'Italie n'étoit pas encore perdue pour 1'Empire. Aïon, Prince de Bénévent, étant mort, & ne laiffant pour fucceffeur qu'un enfant de fept ans, Symbatice, Général des troupes Grecques en Apulie, vint le 13 Juillet mettre le fiege devant cette ville; & malgré la réfifiance des affiégés qui ne furent pas fecourus, il les forca de fe rendre , & y entra le 18 Octobre. La prife de la capitale le rendit maitre de toute la Principauté. II la gouverna pendant deux ans. La plus grande partie de 1'Italie méridionale N ij LÉON VI. Ann. 891. XVfl. Etat tes , Sc ils font encore fa fête le 16 Décembre. Ils lui attribuerent des miracles après fa mort. Elle en avoit fait un perpétuel pendant les douze années de fon mariage ; ce fut de fourfrir fans jaloufie & fans impatience les infidélités de fon mari, & les mépris de Zoé. Auffi Léon, qui 1'avoit fi peu ménagée pendant fa vie , refpeéla-t-il fa mémoire ; & quoioue :oujours efclave denouvellespaffions, 1 fit batir fous fon nom une magniïque Eglife, ou fon corps fut dépofé.. Zes pieux hommages étoient plus fa:ües k rendre, & fans doute moins gréabies a cette fainte Princeffe, que ie fe corriger lui-même. Peu de jours après la mort de  dü Bas Empire. Liv. LXXII. 299 Théophano, Léon époufa Zoé. Ce manage avec une femme qui avoit empoifonné fon premier mari, fut un nouveau fcandale. II paroit que 1'Empereur n'ofa même s'adreffer au Patriarche fon frere pour en recevoir la bénédiftion nuptiale. II employa un Clerc du palais, nommé Sinape, que le Synode patriarchal eut le courage d'interdire, pour s'être prêté a ceÖminiftere. Zoé, devenue Augufte. ne jouit pas long - temps du rang qu'elle avoit acheté par tant de crimes. Elle mourut au bout de vingi mois ; & tandis qu'on faifoit les pré' paratifs de fes funérailles, il y eu quelqu'un affez hardi pour graver ce mots au-dedans du cercueil: Malhen reufe fille de Babylone. Un Auteur qu écrivoitcinquanteans après, rapport un fait qui ne feroit pas exempt d'im piété ni de folie : Léon, dit-il, f conftruire une Eglife fous le nom d Sainte Zoé, qu'on croit avoir répan du fon fang pour la foi dans la pei fécution de Dioclétien , & il y tran féra le corps de la nouvelle Zoé. I toit-ce pour abufer de 1'équivoqu' & faire partager a fa concubine 1 N vj LÉON VI. Ann. 893. XXI. Léon époule Zoé. i t e is  Léon VI. Ann. S93. XXII. Mort du Patriarche Etienne. Cedr, p, 595- Leo, p, 477. Zon, p, 176. Joel. p, 179. Oreg. vita Eafil. jun. ■ Ineen. \ consin. p. ' 220. ( Sjm. p- , 462. Ctcrg, p, 1 JJ«- I Bar, 4 FUary, p hij}. tieUf, I. 14. art. 16. H O rit at F drift, J XXIII. c< CoJIec- ]J< tion des /■ Bafili- ï0 300 HlSTOIRE hommages que 1'Eglife rendoit k une lainte Martyrer Le Patriarche Etienne finit aufiïfes jours cette année, mais avec moins de remords. Un Auteur contemporain rapporte que ce Prélat vertueux, voulant calmer les ardeurs importunes delajeuneffe, fe refroidit tellement reflomac par des remedes, qu'il. en mourut. II eut pour fucceffeur Anto*ne Cauléas; de familie noble, Sc Abbe d'un Monaffere.Antoine ne fié?ea que deux ans. II fut, ainfi que on predéceffeur, mis au nombre des mnt$. Le fchifme de Photius étoit 'ntiérement éteint : cependant 1'Em|CTetir voulutcimenter la réconciliaion de 1'Eglife Grecque avec 1'Eglife Lomaine par un Concile , auquei AnMM préüda , Sc dont les aftes font erdus. Quoiqu'Etienne ne témo-gnat nulle ^r.p^aifance pour les défordres de tmpereur fon frere , Léon lui a■cfla fes nouvelles loix concernant s matieres eccléfiafiiques. Ce Prin- acheva Ie grand recueil des Bafi[ues, entrepris Sc commencé par ti pere, Depuis Juüinien jufqu'a  nu Bas-Empire. Liv. LXXII. 501 Phocas, le droit de Juftinien avoit été en vigueur a Conftantinople, 5c la juftice fe rendoit en langue Latine. Depuis Phocas, elle fe rendit en langue Grecque; mais les loix de Juftinien étoient encore en ufage. Elles avoient été traduites en Grec du temps même de eet Empereur, ou peu de temps après lui. On y joignit les conftitutions des Princes pofterieurs. La jurifprudence Romaine s'afFoiblit de plus en plus jufqu'a Bafile. Ce Prince , jaloux peut-être de la gloire de Juftinien, voulut être 1'auteur d'un nouveau corps de droit, II fit compiler.un abrégé des fources principales de la jurifprudence; eet ouvrage, nommé par les Grecs, Procheiron, c'eft-a-dire, Mamief, étoit divifé en quarante titres. Léon le retoucha & le rédigea en une meilleure forme. II publia de plus cent treize novelles, & des épitomes ou abrégés d'un affez bon ftyle. Mais 1'eeuvre a laquelle il donna le plus de foin, fut la compilation des BafiJiques, divifées en foixante livres. II s'aida dans ce travail des confeils de ce même Symbatice., qui prit Béné- Léon vl Ann. 893. Arthur Z>uck de jure civ. Rom. I. I, c. 5. Fleury, hifi. uc'.tf. I. 54. are. Gianr.. hifi. Nap. I. 7. C i.  Léon VI. Ann. 893, 30a IIlSTOIRE vent. Les livres de Juftinien lui fournirent le fond & la méthode; il y ajöuta les conftitutions des Empereurs fuivants , retranchant ce qui étoit fuperflu , contradictoire , ou abrogé par 1'ufage. Ces Bafiliques furent nom méés Premières, paree qu'il en parut d'autres enfuite. Conftantin Porphyrogenete, fils de Léon , les revit & les corrigea; cette feconde édition prit le nom de Bafiliquespoftêrieures. Ces foixante livres furent appellés Bafiliques, foit paree que Bafde en fut le premier auteur, foit plutöt encore paree qu'ils renfermoient les loix des Empereurs nommés en Grec Bafileis. On oublia le recueil de Juftinien. Bafile , Léon, Conftantin traiterent 1'ouvrage de ce Prince , comme il avoit traité les écrits des anciens jurifconfultes, dont il avoit compofé les Pandeftes. Le nouveau' corps de droit fut la loi des Tribunaux jufqu'a la fin de 1'Empire ; & tandis que dans 1'Occident la jurifprudence étoit enfévelie dans les ténebres de la barbarie , elle fe confervoit en Oriënt avec les débris de 1'ancienne littérature; en forte que  dv Bas-Empihe. L:v. LXXIL 303 perfonne ne pouvoit acquérir le titre de favant, qu'il n'eüt étudié a Conftantinople. Stylien ne furvécutpas long-temps a fa fille. Son crédit, n'ayant pas d'autre appui, tomba par la mort de Zoé. L'Empereur écouta les murmures qu'excitoit la corruption de fon Miniftre. On 1'accufoit de vendre la juftice , les emplois , la faveur du Prince, & de ne donner accès auprès de lui qu'a ceux qui Pachetoient de Moufic ck d'un certain Staurace, fes valets, plus avides encore que leur maïtre. Léon voulut s'affurer par lui-même de la vérité de ces plaintes. II fe tranfporte chez Stylien , & rencontre dans le veftibule v Staurace, chargé de quantité de mémoires ck de requêtes qu'il alloit préfenter. I! s'en faifit, ck y voit des preuves de 1'indigne trafic qu'on faifoit de fes graces. II fait auffi-töt trainer Staurace hors de la maifon, 6k ordonne de 1'enfermer dans un Monaftere. II entre plus avant, ck trouve Moufic dans le même état que Staurace ; il lui fait le même traitement, ck retourne au palais , fans daigner LÉON VI. Ann. 894. XXIV. Difgrace &mort de Stylien. Leo. f.' 479- hart. contin. p. 113. Geofg. 5H-  Léon VI. Ann. 894. XXV. Nouvelle conjurarion. Cedr. p. 598, 599. Leo. p. 479 > 480. Zon. p. 177. Ineen, centin. p. j a23,H4. | Sym. p. 463. ' Georg. p. j 554,555> < f>6. ] < ( 1 < i | | /, \ o°4 H i £ t 0 [ il e voir Stylien, qui fentit vivement cette diigrace, & mourut de chagrin quelques jours après. Tant que Stylien avoit vécu, Nicolas, qui fervoit auprès de lui d'efpion a 1'Empereur, avoit été en crédit. Mais après la mort du beaupere , la perfidie du gendre étant decentie inutile a 1'Empereur, il avoit Jeaucoup perdu de fa faveur. Bafile, in de fes fils, auffi ambitieux qu'imjrudent ck étourdi, fe mit en tête le fe faire Empereur. II étoit lié d'inngue avec un homme hardi ck ca>able de tout entreprendre , nommé ïamonas. C'étoit un Sarafin, qui, yant abandonné fon pays ck fa loi, 'étoit avancé par fa foupleffe a la xnir de Conftantinople. Bafile, après ui avoir fait promettre le fecret, lui onfia fon deffein. Le Prince, lui ditl, ne pouvant fe paffer de femme , ne trdera pas d remplacer Zoé. Toujours Cclave de fes amours, il nous ótera nos ■nplois pour en gratifier les créatures e la nouvelle makrejfe, quilfera fans outt Impératrice, & nous ferons anéans. Après cette ouverture, il lui déeloppe tout le plan de la conjura-  du Bas-Empirs. Liv. LXXII. 305 tion , 1'exhortant a y prendre part, s'il veut s'élever aux plus hautes dignités. Samonas promet tout; Sc pour avancer fa fortune par une voie plus füre 8c plus courte, il va aulfi-tót trouver 1'Empereur: Prince, lui dit-il, je fuis dépojitaire d'un fecret qu'il m'irnporte autant de cacher, qua vous de Le connoitre. Je perirai, fi je park ; mais vous mourre^, fi je me tais. Le choix n'eft pas dijficile d tfn fujet fidele. En même-temps il lui découvre tout le complot. Comme 1'Empereur fembloit fe défier de la vérité de fon rapport : Votre Majejié peul s'en afiirer , lui dit Samonas. Donne\-moi deux hommes de confiance; je les placerai dans un lieu , d'ou, fans être appergus , ils entendront tout de la boucht même de Bafile. Léon lui donna Chriftophe , grand - Maitre de la garderobe , 8c Calocyr Chambellan. Samonas les cache dans un coin de la chambre. Bafile s'y rend bientöt; &! Samonas par fes queilions lui fail déduire le détail de 1'entreprife. Le« elpions, de retour au palais, communiquent a 1'Empereur toute la converfation qu'ils avoient mife par écrit léon vi, Ann. 894; i  1.ÉON VI. Ann. 894. Ann. 895. XXVI. Fortune de Samonas. ( Greg. vita Bafil. jun. j ( 1 i < c 1 c ■\ 5 506 HISTOIRE Léon fait auffi-töt arrêter les eonjurés ; mais, naturellement porté a la douceur, ilfe contente de confifquer leurs biens, & de renfermer dans des Monafteres ou d'exiler Nicolas , fes enfants & toute la familie de Stylien. Sa clémence épargna même la vie a Pauteur du complot. Bafde fut fouetté; on lui brüla publiquement la barbe & les cheveux; & après avoir été promené ignominieufement par toute Ia ville, il fut relégué en Grece oü il mourut miférablement. Samonas fut magnifiquement ré:ompenfé. L'Empereur le prit pour Chambellan , le nomina Patrice, & le • :ombla de richeffes. La vie déréglée le ce nouveau favori, & fon air efféniné jetterent un foupcon facheux ür 1'Empereur. Toute la Cour plioit levant lui; il ne fe trouva qu'un iomme que fon arrogance ne put mimider. C'étoit un pauvre Anahorete, nommé Bafile. Des Officiers ;ui traverfoient les défilés du mont "aurus, 1'ayant rencontré couvert e haillons & dans un extérieur fauage, le prirent pour un efpion des arafins; ils 1'amenerent a Conftan-  du Bas-Empire. Lh. LXXIL 307 tinople, attaché a la queue de leurs chevaux, Sc le préfenterent a 1'Empereur, qui le mit entre les mains de Samonas pour 1'interroger. Samonas, affis fur un tribunal, environné de gardes, Sc de tout le fafte de fa dignité, le fit venir en fa préfence. On ne put engager Bafile a fléchir le genou devant fon Juge , comme c'étoit la coutume; Sc Samonas lui demandant d'un ton impérieux qui il étoit,quel étoit fon pays Sc fon nom; Bafile, fans perdre contenance: Et toi. lui dit-il, qui es-tu ? Dans quel pays es-tu ne? II favoit que Samonas étoit Sarafin de naiffance. Tu parles d un Patrice, reprit Samonas ,& aun Chambtllan de VEmpereur. Eh bien, dit Bafile , celui qui te répond eji ainji que toi un des habitants de la ttrre. Comme Samonas le traitoit de fcélérat, Sc que Bafile repliquoit que ce nom ne pouvoit convenir qu'a ceux qui font des acrions criminelles , Samonas, craignant qu'il n'en dit davantage , le fit promptement chaffer de fa préfence , Sc alla rapporter k 1'Empereur , que c'étoit un malheureux vagabond qui ne méritoit que la mifere. LÉON VI. Ann. 895»  Léon VI. Ann. 896. XXVII. Nicolas le myftique, Patriarche.Cedr. p. 599- Leo. p, 480 , 4S1. Zon. p. 1,77 , 178. Joel. p. 179. Incert. contin, p. 224. Sym. p. 463. Georg. pe, 5,6. Pagi ad Bar. Oriens, Chrlft. t. 1. pag. 250. XXVI IL Troifierae mariale de Léon. 3^8 ïl I S T O I K E k Jaquelle il s'étoit condamné luimême. Antoine Cauléas étant mort après deux ans d'épifcopat, eut pour fucceffeur Nicolas le myftique, c'eft-adire affeffeur fecret du Confeil de 1'Empereur. C'étoit un homme de mceurs irréprochables ; mais d'une févérité inflexible , qui lui attira des perfécutions ck des difgraces, pour avoir voulu affujettir les paffions du Prince aux regies établies dans 1'Eglife Grecque, comme nous le verrons dans la fuite. C'étoit la coutume que 1'Empereur en certains jours de 1'année, fit un feftin folemnel, auquel étoient admis les Seigneurs ck les principaux Officiers de la Cour; tk tandis qu'il traitoit les hommes, fa femme, fa fille ou fa foeur, mais toujours une perfonne revêtue du titre d'Augufte, faifoient les honneurs de la table des femmes. Le foible Prince , efclave de 1'étiquette , n'eut point d'autre raifon pour couronner Anne , fille de Zoé, qui ne pon voit avoir au plus :jue trois ans. Mais incapable de fupaorter un long veuvage, accoutumé  du Bas-Empire. Liv. LXXII. 309 a être gouverné par des femmes, il fe donna bientöt a lui - même & a 1'Empire une fouveraine. II époufa une jeune Phrygienne , parfaitement belle . & la fit auffi-töt couronner, en lui donnant le nom d'Eudocie. II la perdit encore avant 1'année révolue. Elle mourut en accouchant de fon premier enfant, qui ne furvécut pas a fa mere. Les cinq années fuivantes ne fourniffent aucun événement; il paroit que Léon , enchainé par une nouvelle paffion , ne s'occupa que de fes amours, s'abandonnant a cette molle indolence qu'infpire la volupté. II fe laiffa prendre aux charmes d'une feconde Zoé , furnommée Carbonopfine, petite-niece du faint Abbé Théophane leChronologue, qui étoit mort dans la perfécution de Léon 1'Arménien. Si 1'on en veut croire les Auteurs Grecs, trop prévenus en faveur de ce Prince , ce nouvel engagement ne fut qu'un effet du defir d'avoir un fils; ce que fes trois femmes ne lui avoient pas donné. II étoit, difent-ils, très-favant dans tous les myfteres de la divination. L'aftrolcgie , LÉON VI. Ann. 896, Ann. 902. XXIX. Nouvelle paffion 4e Léon. Cedr. pM 600. Leo. p. 482. Zon. p. 177, 178. Glycas, p. 299. Conft. Porph. de aam. imp. c. 22. Liutprand. Kift. I. 3. c. 7. lncert. contin. p. 225. Sym. p. 474-  Léon VI. Ann. 902. Georg. p. J57. Du Cange firn. Byi. p. 141. Fhury , hifi. ecclef. I. 54. art. 40. XXX. Léon bleiTé par un affaffin. Cedr. p. 599,600. Leo. p. 481, 482. Manaff. p. 109. Zon. p. 178. Glyeas ,p. 298. Incert. ton tin. p. 225. 464. Georg. p, 556 , 5 57- ;ro Histolrê qu'il regardoit comme un art infaillible , lui promettoit un héritier de fa couronne. Ce fut donc pour remplir fa deftinée qu'il jetta les yeux fur Zoé. II entretint commerce avec elle : mais il attendit pour 1'époufer qu'elle eut donné des preuves de fa fécondité. Le fuccès ne répondit pas fi-töt k fon impatience, & le fcandale précéda de plufieurs années 1'union légitime. Avant que de s'être donné un fuccelfeur , il courut grand rifque de périr. L'an 902 , entre Paques &c la Pentecöte , comme il entroit dans 1'Eglife de Saint-Moce k Ia fuite d'une proceffion , un homme fautant en-bas du jubé , lui déchargea fur la tête un coup de baton fi violent, que, fans un chandelier a branches qui recut le fort du coup , c'en étoit fait de fa vie. Le fang qui fortoit abondamment de fa blelfure effraya tellement ceux qui 1'accompagnoient , qu'ils s'enfuirent, s'écrafant les uns les autres. Alexandre, frere de 1'Empereur, n'alTiftoit pas a cette cérémonie, fous prétexte d'une indifpofition; ce qui donna occafion de le foupconner. On  su Êjs-Empire. Liv. LXXIL 511 cherchoit Samonas , favóri du Prince , & on s'étonnoit qu'il ne s'emprefiat pas k le fecourir. Mais tandis que Léon étoit en dévotion, fa maitrelfe, par fon ordre, avoit pris ce moment pour s'établir dans le palais, & Samonas , confident des plaifirs de fon maitre , donnoit fes foins k loger cette nouvelle hötefle. L'affafiin fut pris ; & après avoir fouffert pendant plufieurs jours les plus rigoureufes tortures, fans déclarer aucun complice, il fut conduit au Cirque, & brülé vif, après qu'on lui eut coupé les pieds ik les mains. L'horreur d'un pareil attentat fit abolir cette proceflion annuelle. L'inadfion de Léon mettoit en mouvement tous les barbares voifins de PEmpire. Les Bulgares recommeneoient leurs courfes ; les Sarafins attaquoient toutes les places oü les attiroit le defir du pillage. Pendant que Léon occupoit fes foldats k batir des Eglifes, les Sarafins d'Afrique firent uae defcente en Sicile , & prirent Taormine, oü ils firent un grand carnage. On attribua la perte d'une ville ü forte, a la trahifon duGouverneur, LÉON VI. Ann. 9©2i Ann. 903. XXXI. Courfes des Sarafins.Cedr. p. 599- Leo. p. 4S0,481. Leo. Tact. c. IS. Joann. Co* men. de excidh.  LÉON VI. Ann. 903. Thejfal. art. 14. Zon. p, 178. Inccrt. comïn, p. 22J. Sym. p. 463- Georg. p, 556, 557. Élmacin. i j JU HlSTOlRE nommé Caramale; & de retour k Conftantinople il fut condamné k mort. A la foilicitation du Patriarche Nicolas, on lui fit grace de la vie ; il fut fouetté, dépouillé de fes biens, & enfermé dans un monaftere. Les barbares étant enfuite paffés en Italië, ils fe rendirent maitres de Rhege, & affiégerent Cofence. La mort de leur Roi Ibrahim , qui fut tué d'un coup de foudre, leur fit lever le fiege. Les Sarafins de Cilicie firent encore de plus grands ravages. Comme ils n'étoient pas cultivateurs, ils n'avoient de reffource pour vivre que dans leurs épées. Ils portoirent également la guerre fur terre öc fur mer. Lorfqu'ils ne faifoient pas de courfes ?ar terre, ils montoient leurs navires, k venoient infefter toutes les cötes ufqu'en Grece & enMacédoine. Coniuits par un renégat nommé Damien, :élebre par fa valeur, ils prirent Séleucie fur la mer de Cilicie, s'emaarerent de 1'ifle de Lemnos, & vincent attaquer Démétriade en Theffaie. C'étoit une ville ancienne, baiepar Démétrius Poliorcete, riche, leuplée, tk dont le port étoit trèsfréquenté.  du Bas-Empixe. Liv. LXXII. 313 fréquente. Ils la prirent, palTerent fout au ril de 1'épée; & comme li le Giel eut agi de concert avec les Sarafins pour affliger ce pays, vers ce même-temps, Bérée en Macédoine fut renverfée par un tremblement de terre qui fit périr prefque tous les habitants. Les Sarafins méditoient une entreprife beaucoup plus importante fur Theffalonique. Cette ville étoit alors la première de l'Empire après Conftantinople. Située au fond du golfe qui portoit fon nom , la beauté & la commodité de fon port y attiroient les richeffes de FAfie, de la Grece & des ifles de PArchipel. Le fleuve Axius, le plus grand de la Macédoine, & dont 1'embouchure étoit voifine, y apportoit toutes les marchandifes de ce vafte pays. Elle jouiffoit de tous les avantages d'un territoire fertile & d'un commerce floriffant. Cette opulence fut un attrait pour les Sarafins. lis équiperent une flotte de cinquante-quatre gros navires, dont ils donnerent le commandement au plus fameux de leurs pirates. C'étoit un renégat nommé Léon, né dans Tornt XV. O Léon VI. Ann. 9C3, Ann. 904. XXXII. Expédition des Sarafins dans 1'Archipeï.Joann. Camen. de excidio. Tkeffal. Cedr. pi 600, 601. Leo, p, 482. Inccrt. cojitln. pi 22; , 226, 227. Sym. p. 464. 46;» 466. Georg. p. 5 57 , 558Pagi ai Bar.  LÉON VI. Ann. 904. i 314 HlSTOIRE la ville d'Attalée en Pamphylie, qui s'étant fait Mahométan, étoit venu s'établir a Tripoli de Syrië, d'oü il fut furnommé le Tripoüte, & fous ce nom il s'étoit rendu la terreur de toutes les cötes de la Méditerranée & de 1'Archipel. II haïffoit mortellement les Chrétiens qu'il avoit trahis, & leur faifoit tous les maux dont il étoit capable. Pour cacher fon deffein fur Theffalonique , il fit mine den vouloir a la capitale de l'Empire, & vogua vers 1'Hellefpont. Sur la nouvelle qu'en recut 1'Empereur, il fit partir fa flotte commandée par Euftathe Argyre, qui étant allé audevant des Sarafins jufque dans 1'Archipel, & fe voyant trés - inférieur en forces, prit le parti de fe retirer & de reprendre la route de Conftantinopk. Le Tripolite le pourfuivit jufqu'a Parium k 1'entrée de la Propontide. L'Empereur fe perfuadant qu'Euftathe n'avoit manqué que de courage, envoya pour commander k ra place, Himere, fon premierSecre:aire, qui avoit quelque expérience lans la marine. Le Sarafin faifant emblant de fuir devant lui, repalTa  nu Bas-Empire. Liv. LXXIf. 315 1'Hellefpont , tourna enfuite fur la droite entre Imbros & Samothrace, & gagna 1'ifle de Thafe , oü il fe mit en bataille. A la vue d'un front redoutable de plus de cinquante vaiffeaux de haut bord, garnis de toutes les machines en ufage dans les combats de mer, & montés d'une jeuneffe nombreufe & pleine d'ardeur, Himere n'ofa rifquer une aft ion; il regagna 1'Hellefpont, & fitconnoïtre a 1'Empereur, qu'il n'étoit pas en état de tenir la mer contre des forces fi fupérieures. Le Tripolite, qui ne cherchoit qu'a donner le change , au-lieu de le pourfuivre, rabattit fur la droite , & cötoyant le mont Athos , prit la route de ThelTalonique. Avant même le retour d'Himere, 1'Empereur avoit appris de quelques déferteurs Sarafins qui avoient gagné le rivage, le delfein des Mufulmans. II avoit aufli-töt dépêché a ThelTalonique un de fes écuyers, nommé Pétronas , pour avertir les habitants de fe préparer a la défenfe. Cet avis jetta 1'allarme dans la ville. Tranquille au fond de fon golfe, endormie dans le luxe 6c dans les plaifirs que nourrit O ij LÉON VI. Ann. 904. xxxiir. Préparatift dis Theffaio* niciens.  Léon VI. Ann. 904. 3l6 H I S T 0 I R È 1'abondance, elle n'étoit point réveillée par le bruit des orages qui grondoient au loin fur les frontieres de 1'Empire. A la nouvelle d'une attaque prochaine, les habitants fans armes, fans aucun ufage de la guerre, trouvoient a peine affez de courage pour fonger a leur füreté. Du cöté du continent, une fituation avantageufe , une épaiffe muraille qu'on difoit avoir été batie du temps de Xerxès, de fortes tours peu éloignées les unes des autres, mettoient la ville en état de foutenir un fiege. Mais elle étoit ouverte du cöté de la mer. Son port vafte & commode pour le commerce , étoit auffi acceffible aux flottesennemies qu'aux vaifleauxmarchands; & la muraille qui bordoit la mer , étant k demi-ruinée , s'élevoit k peine au-deffiis de la pouppe des grands vaiffeaux. Pétronas avoit ordre de reder dans la ville jufqu'a Parnvée d'un Commandant, que 1'Empereur devoit inceflamment envoyer, & d'aider les habitants k faire les préparatifs néceffaires. C'étoit un homme _ intelligent tk de beaucoup d'expenence. 11 commenga par fermer le  du Bas~Empire. Liv. LXXII. 317 port d'une chaïne, & il en rendit I entree impraticable par des navires coulés a fond. Les habitants vouloient exhauffer leur muraille du cöté de la mer; il vit que le temps étoit trop court pour achever afïez-töt eet ouvrage dans une fi grande étendue. II imagina un moyen d'en défendre 1'approche. II y avoit aux environs de la ville un nombre infini de tombeaux d'une feule pierre; il les fit jetter dans la mer, & en forma une digue qui devoit s'élever jufqu'a fleur d'eau tout le long de la muraille a la diliance d'une portée de trait. Cette entreprife utile & bien entendue fut interrompue a 1'arrivée du Commandant nommé Léon, qui fe croyant beaucoup plus fage que Pétronas, fit abandonner la digue , & élever la muraille. Ce nouveau travail , qui fatiguoit toute la ville , étoit a peine commencé, qu'on vint dire que 1'ennemi approchoit avec une flotte chargée de Syriens, d'Arabes, d'Ethiopiens, d'Africains, plus féroces que les lions & les tigres de leurs déferts. Les habitants des ifles de 1'Archipel, que les Sarafins ravageoient fur leur O iij LÉON VI. Ann. 904.  LÉON VI. Aan. 904. XXXIV. Etat déplo.-abledes Theffaloniciens. 3l8 ff I ,1 T 0 I R £ paffage , échappés au fer de ces barbares , arrivoient a tous moments dans des barques pour chercher afyle a ThelTalonique, tandis que les Theffaloniciens, faifis d'effroi, abandonnoient leurs maifons, & fe difperfoient dans les campagnes , trainant leurs femmes & leurs enfants, & chercfaant une retraite au fond des forêts, fur les montagnes , dans le creux des rochers. On vit alors arriver un fecond Commandant nommé Nicétas. II venoit par ordre de 1'Empereur pour feconder Léon fon ami; mais il fut obligé de prendre fa place. Léon, courant a fa rencontre pour lerecevoir, tomba de cheval, & ie rompit la cuiiTe. Nicétas, chargé feul de tout le détail de la défenfe , fit arancer des tours de bois le long du mur, qu'on n'avoit pas eu le temps de relever. C'étoit une foible relfource. II envoya demander du fecours aux Gouverneurs des Provinces voifines ; mais en cette occafion 1'Empereur fut puni du mauvais choix qu'il faifoit de fes Officiers. Ces ames vénales, qui ne briguoient les gouvernements que  du Bas-Empire. Lfv. LXXII. 319 pour s'enrichir, occupés k piller leurs Provinces, oü ils faifoient eux-memes ce qu'auroient fait les Sarafins, s'embarrafferent peu du pénl de leurs voifins 8c du déshonneur de 1 Empire. Ils n'envoyerent aucun fecours, ou ce ne fut qu'une poignée de miférables fans cceur 8c fans armes, a charge aux affiégés. Abandonnes d< ■ toute part, les Theffaloniciens, deve nus religieux par la crainte, couroien en foule k 1'Eglife du faint Martyr De métrius, patron de leur ville, & I; faifoient jour 8c nuit retentir de leur gémiffements 8c de leurs prieres. Enfin , le Dimanche 29 Juillet ai point du jour, la flotte cinglant k plei nes voiles, fe montra dans la rade; 6 pouflee par un vent favorable, ell vint jetter 1'ancre a peu de diftanc des murailles, avec des cris d'alk greffe. Tandis que lesjiabitants regai doient avec effroi ce nombreux effai de barbares, qui leur paroiffoient ai tant de bêtes féroces, & cette fon de mats 8c de cordages qui fembloiei être une ville flottante, les Sarafii n'étoient pas moins étonnés, conf dérant la vafte étendue de cette vdl O iv LÉON VI. Ann. 904. t i l XXXV. Arrivée de la flot^ te Sataü-. e ne. e n § k it IS i- - >  L±on VI. Ann. 904. i < 1 i I t c 2 l l 320 fllSTOIRB a laquelle ne reffembloir aucune de celles qu'ils avoient vues, & le peuple immenie qui bordoit le haut des murs. Car malgré la fuite d'une partie des habitants , il en reftoit encore un très-grand nombre, & la préfence du péril qu'ils avoient tant redouté, leur avoit rendu le courage. Réfolus de périr avec leur patrie, ils s'animoient mutuellement, & marchant k la mort d'un air intrépide, armés de ce qu'ils avoient pu trouver, ils fuivoient Nicétas qui les diftribuoit dans les différents poftes. Pendant que les Sarafins fe préparoient a i'attaque, le Pripolite , dans un de fes vaiffeaux , yifitoit la muraille, pour en obferver les endroits les. plus foibles & es plus acceffibles. II choifit le lieu >u elle n'étoit pas encore exhauflee n bordée de la digue, & donna le ignal. Les Sarafins s'avancent a force le rames , pouffant des hurlements ffreux, & faifant un grand bruit de imbales & de tous leurs infiruments e guerre. Les habitants y répondent vee tant de force , invoquant k leurs ïcours la croix du Sauveur, que les arbares, prêts a décocher leurs fle-  du Bas-Empirb. Liv. LXXII. 321 ches , frappés des cris d'une fi prodigieufe multitude , frifïbnnent d'effroi, Sc demeurent quelques moments les bras fufpendus fur leurs arcs. Enfin, on voit partir en même-temps des vaiffeaux Sc des murs une grêle de traits, plus meurtriere de la part des affiégés : grand nombre d'Efclavons mêlés avec eux, très-adroits a manier 1'arc Sc la fronde, manquoient rarement leur coup. Alors une troupe de Sarafins , brülant d'impatience, & voulant fignaler leur audace, fautent dans la mer, Sc fe coxivrant Ia tête de leurs boucliers, pouffant devant eux des échelles, ils gagnent k la nage lepied des murs au travers des traits qui pleuvoient fur eux. Ils plantent 1'efcalade , Sc montent avec intrépidité. Un torrent de pierres les précipite dans la mer, oü ils demeurent enfevelis. Ce mauvais fuccès arrête Ia fougue des autres qui fe difpofoient a les fuivre. Ils font reculer leurs vaiffeaux pour être moins a portée des arcs Sc des frondes; mais les catapultes Sc les balift.es dont le mur eft armé, leur envoyent a cette diflance les bleffures Sc la mort. Nicétas fe O v léon vr. Ann. 904,  LÉON VI. Ann. 904. ■XXXVI. Suite de ('attaque. 322 HISTOIRE trouvoit par - tout encourageant les habitants. Léon lui-même fe faifoit porter en litiere, pour vifiter les poftes, &animer par fa conftance celle du peuple. Les barbares, repouffés par mer, abordent au rivage Oriental, Sc attaquent Ia ville du cöté de la ferre. La muraille étant plus haute Sc plus forte en eet endroit, ils trouvent encore plus de réfiflance. Après de violents combats renouvellés k plufieurs reprifes, Sc qui ne finirent qu'a' vee le jour , ils fe rembarquent pour fe délaffer des fatigues d'une fi rude journée. Mais les affiégés n'ofent prendre aucun repos ; ils paffent la nuit chacun dans leur pofte , de crainte des furprifes. Au point du jour, les Sarafins redefcendent k terre; ils fe répandent par pelotons autour de Fenceinte, Sc dirigent leurs plus grands efforts vers les portes. Ils font pleuvoir fur le mur les fleches Sc les pierres , dont les plus groffes partoient des baliftes qui bordoient le front de 1'attaque. A la faveur de cette nuée meurtriere, ils montent aux échelles; ils étoient yrès d'atteindre le haut du nvur, lorf-  nu Bas-Ehpiae. Liv. LXXTI. 323 que les plus vigoureux & les plus dé<£erminés des habitants , bravant la mort qui voloit autour d'eux, fe penchent de tout le corps , faiüffent le haut des echelles, Sc redoublant leurs efforts , les renverfent avec tous^ les Sarafins dont elles étoient chargées, qui tombent les uns fur les autres, percés de leurs propres traits, brifés Sc fracaffés par la chüte, par les echelles , par les pierres énormes dont on les accabloit en même-temps. Ce défaftre effraya le rede des Sarafins écumants de rage, ils reculent a h portée de leurs machines, s'élancan par pelotons, pour faire ufage de leur arcs Sc de leurs frondes. Leur fureu étoit fiopiniatre, que, malgré les ar deurs d'un foleil brülant, ils pafferen tout le jour fous les armes, faas fon ger même a prendre de nourriture Tous leurs efforts n'ayant eu jufqu'i lors aucun fuccès, ils s'aviferent d'u nouveau moyen pour s'ouvrir 1'er trée de la ville; ce fut d'en brüh les portes. Elles étoient revêtues c fer & a 1'épreuve des plus fortes m chines par leur épaifTeur. Ils charge: de bois fee, enduit de poix Sc de fo O vj LÉON' VI. Aan. 904. I t C r t ^ ■ n 1- r e it> it tt-  1ÉON VI. Ann, 904, i xxx vn. Erife de ( 1* ville- . i I £ l Ti § P b 324 II I S 7• 0 1' R E fre, deux chariots qu'ils trainent aux deux plus grandes portes; & après y avoir mis le feu ,,s'éloignenta quelque ditfance tirant fans ceffe fur les murs. La flamme des chariots fit enfin tomber les portes réduites en charbons: mais les habitants avoient eu le temps de fermer 1'ouverture par dedans avec de grofles pierres , qui formoient un nouveau mur. Inftruits par cette expérience, ils placerent fur les murailles au-deffus des autres portes de grands vafes remplis. Peau, pour éteindre 1'incendie en cas Pune pareille tentative. Le refte du our fe.paffa en décharges contiuielles. Pendant Ia nuit, les barbares mirent ;n ceuvre une invention nouvelle, [Ui les élevoit au-deflus du mur dn öté de la mer, & leur. donnoit le noyen de fauter dans la ville. Ils joinirent leurs vaiffeaux deux adeux , is attachant enfemble avec des chair es ck de gros cables; & établiffant a-defi"us! un plancher de mats & de autres, ils y éleverent des tours de )is, qu'ils remplirent des foldats les us robuftes ck les plusnardis, avec  nu Bas-Empire. Lh. LXXIL 325 ordre de lancer dans la ville des javelots, des pierres, des feux préparés, & de fauter enfuite fur la muraille. Comme ils travailloient a la lueur des flambeaux , la plupart des habitants témoins de ce formidable appareil, défefpérant d'y réfifler, aban» donnerent la muraille ; Sc fe difant le dernier adieu, embraffant pour la derniere fois leurs enfants Sc leurs femmes , ils erroient ca Sc la dans un morne fdence , attendant 1'ennemi ck la mort. Quelques-uns plus courageux amaffoient fur le mur de la poix,. de la réfine, & d'autres matieres inflammables pour mettre le feu aux tours Sc aux vaiffeaux.- Dès que le jour parut, on vit avancer ces énor^ mes batiments, qui joignant bientöt la muraille dans 1'endroit ou la mer étoit la plus profonde, mirent les affiégeants au niveau des affiégés, en forte qu'on fe battit quelque temps comme de plein-pied avec le plus grand acharnement. Les feux, les pierres, les coups de main , les cris affreux Sc la rage des deux partis , raffembloient toutes les horreurs d'une bataille furieufe. Mais le nombre Léon VL Ann. 904,  LÉON VI. Aan. 904. 325 UlSTOIRE des ennemis qui abordoient fucceffivement, groffifiant toujours , & celui des habitants dïminuant par le carnage, il fallut céder : les Sarafins fe répandirent comme un torrentfur la muraille, & tuant, précipitant les défenfeurs , fauterent dans la ville. Qu'on fe repréfente tous les défaftres d'une place prife d'affaut par un ennemi barbare , que la réfiftance a rendu plus féroce, Theffalonique les éprouva. LeSarafin, auffi diffolu que cruel, n'épargna ni Page, ni le fexe. Les Vi&rges confacrées a Dieu furent la victime de la brutalité, avant que de 1'être de la rage. La plupart des habitants enchainés par la terreur, fe laifferent égorger fans faire aucun mouvement ; d'autres ouvrant les portes, & ne pouvant fortir tant ils fe preffoient les uns les autres , trouvoient devant eux des Sarafins qui tranchoient a grands coups de cimeterre cette foule ferrée, comme fi elle n'eüt fait qu'un feul corps. Quelques-uns en petit nombre fe fauverent en fautant du haut des murs. Trois cents habitants s'étoient retirés dans 1'Eglife d'un Monaftere : un Officier Sa-  du Bjs-Empis.e. Llv. LXXII. 327 raiïn étant arrivé en ce lieu avec fa ' troupe, & ayant forcé les portes , faute fur 1'autel oü il s'affit les jambes croifées a la maniere des Orientaux, & de-la comme de defïus un tribunal, il prononce la fentence de mort contre tous ces miférables, & les fait égorger a fes yeux. Cependant on laiffa la vie k ceux qui furent en état de la racheter en livrant les tréfors qu'ils avoient cachés durant le fiege. De ce nombre furent le Gouverneur Léon & fon collegue Nicétas. Mais les barbares ne faifoient cas que de 1'or , de 1'argent, des pierreries & de la foie, toute autre matiere n'étoit pas acceptée ; ils la jettoient dans la mer, & maffacroient ceux qui n'avoient rien autre chofe k donner , k moins que ce ne fuffenl de jeunes garcons ou de jeunes filles , qu'ils deilinoient k des horreur! pires que la mort. Entre les prifonniers étoit un Cham bellan de 1'Empereur , nommé Rho dophyle. II avoit été envoyé pou porter cent livres d'or aux troupe dltalie. Etant tombé malade dans 1 navigation, il s'étoit arrêté a Thel LÉON VI. 4.nn. 904. ' XXXVIII . I,es bati. raents de la ville ra* 5 chetés a l prix d*ar- gent.  Léon VI. Ann, 904, . ] i t ( HlSTOIRZ falonique, & s'y trouvoit lorfque hs Sarafins vinrent 1'attaquer. A la première nouvelle de leur approche , il avoit pris la précaution d'envoyer fecretement cette fomme a Syméon qui commandoit dans une Province voifine , qu'on nommoit alors le Theme de Strymon , a caufe du fleuve qui la traverfoit. Le Tripolite ayant appris que Rhodophyle avoit apporté un tréfor, le fit venir devant lui, & lui demanda ce que eet or étoit deyenu. Rhodophyle avoua qu'il Pavoit fait tranfporter ailleurs, en forte qu'il n'en étoit plus le maitre; mais il 3romettoit de donner en dédommajement beaucoup de richeffes,, fi 1'on /ouloit lui laiffer la vie. Sur ces pa•oles, Léon, étincelant de colere: Scéérai, lui dit-il , eet or m'appartenoit. Vu mourras pour apprendre d tes paeils d ne pas voler leurs maitres. En nême-temps il le fait affommer de'ant lui k coups de baton. 11 ordonne nfuite a fes gens de fe préparer au épart; il fait diflribuer les prifoniers dans les vaiffeaux, avee ordre e féparer ceux qui étoient parents. -e n'étoit que gémiffements & que  du BjS'Empirx. Liv. LXXII. 329 krm.es : enchaïnés par les pieds on les entaffoit pêle-mêle dans les navires, & a peine leur laiffoit - on la plaee de leurs corps. On ne peut peindre avec d'affez vives couleurs ce que dans le tranfport ils fouffrirent de la faim , de la foif, de Pinfedtion & de la cruauté des barbares. II fuffit de dire que tous ces maux raffemblés en firent périr un grand nombre. Les navires Sarafins ne fuffifant pas pout eontenir le butin de cette ville opulente , le Tripolite y employa encore tous les vaiffeaux qui fe trouvoienl dans le port, & fit retirer a force dc machines ceux qu'on y avoit enfoncés pour en boucher 1 entrée. II dé clara enfuite qu'il alloit conduire le; prifonniers a Tarfe, & que fi 1'Empereur confentoit a renvoyer un mê me nombre de Sarafins, il accepte roit 1'échange ; finon , qu'il uferoit ; leur égard du droit que lui donnoi la viöoire , & qu'il les feroit tou égorger. Alors Syméon, Ie dépofi taire de 1'argent deRhodophyle, qu étoit venu a Theffalonique pour ra cheter ceux qu'il pourroit, s'étan hardiment préfenté a lui: Seigneur LÉON VI. Ann. 904. t t i i t  Léon VIÏ Arin. 904. j J j 53° UlSTOIRE lui dit - il, je me charge de cette nizociation aupres de tEmpereur. Je fais qu'il aime fes fujets, & qu'il ne balancera pas de vous rendre autant de Sarafins , iels que vous les voudre^ choifïr. Je les amenerai moi-meme d Tarfe, & je vous en donne ma parole. Permette^-nous feulernent d'enterrer les morts , dont les cadavres couvrent toutes les rues de la ville , & de leur rendre les derniers devoirs d la maniere des Chrétiens. Le pirate 1'accorda, & exigea de Syméon qu'il s'obligeat parécrit par ferment. Tout étant pret pour le départ, il donna ordre de mettre le feu a la ville; mais Syméon la fauva.. II alla trouver le Tripolite : le fais, lui dit-il, entre les mains de ■jui font les cent livres d'or que Rhodophyle devoit porter en Italië. Je pronets de vous les faire tenir ici, fi vous voulei épargner les bdtiments de Thefralonique. N'efpére^ pas me les arracher var des fupplices. II n'efl pas en votre wuvoir de vous en faifir. Si vous me caites mourir, vous ne les trouvere^pas lans les cendres de cette cité malheureure. Léon jura qu'il laiffoit la ville fur pied a cette condition, & Syméon  nu Bas-Empire. Liv. LXXU. 331 tint parole ainlï que le barbare. L'Empereur fut fi bon gré k Syméon du doublé fervice qu'il avoit rendu, qu'a fon retour a Conftantinople , il lui conféra la charge de premier Secretaire. Enfin, le dixie'me jour après la prife de la ville, les Sarafins leverent 1'ancre au fon de leurs cimbales, mêlé aux cris & aux lamentations des prifonniers , défolés de fe voir arrachés du fein de leur patrie. Après une affez longue navigation, ils arriverent en Crete, ou ayant fait le dénombrement des prifonniers , ils en trouverent vingt-deux mille. Pendant douze jours qu'ils refterent en ce lieu, ils en vendirent une partie aux Crétois, qui devoient y faire ur grand profit; la coutume de ce peuple dans les échanges avec les Grecs étant d'exiger homme pour homme & par-deffus encore la rancon di prifonnier qu'ils rendoient. Les Sara fins, battus de la tempête entre 1'ifl de Crete & celle de Cypre, furen furie point de jetter grand nombre d Chrétiens dans la mer, pour faire pla ce k 1'équipage d'un de leurs vaiffeau: LÉON VI, Ann-, 904,". XXXIX. Départ des Sarafins. t t C  LÉON VI. Ann. 904. 1 I XL. Hiftoire , d'Euftathe Argy- 1 re. ] 33a HISTOIRE prêtapérir; ck ils 1'auroient fait, fi , ^atl™fnt n 1'enleva de la table même , & on e tranfporta au-dela du Bofphore, ni il fut laiffé feul fur le rivage, ans domeftique, fans aucun fecours»  du Bas-Empire. Liv. LXXIL 343 au milieu d'une nuit obfcure dans un froid très-rigoureux. II lui fallut gagner k pied au travers des neiges le bourg de Galacrenes, oü il avoit bati un Monaftere. Cette retraite devmt pour lui une prifon ; il y fut gardé étroitement. On ne traita pas avec plus de douceur les Evêques qui lui étoient demeurés attachés. Les Prélats courtifans s'étant enfuite affemblés, les Légats k leur tête , autoriferent par difpenfe Ie mariage de 1'Empereur , prononcerent la dépofition de Nicolas, & mirent k fa place Euthymius. C'étoit un Moine du mont Olympe, Syncelle du Patriarche, &c fort eftirné pour fa vertu. II n'accepta cette place que pour prévenir les trifles effets de la colere du Prince , qui menacoit de faire une loi pour permettre d'avoir a la fois trois ou quatre femmes; & les Hiftoriens ajoutent qu'il trouvoit des gens habiles tout prêts a juftifier cette loi anti-chrétienne ; ce qui n'efl jamais impoffible a un Monarque. Au mois de Juin fuivant, il s'éleva un fi furieux orage, qu'on n'en avoit jamais vu de femblable. Pendant trois P iy LÉON VI. Ann. 906. XL VI. Violenl orage Cedr. p 6oi>  LÉON VI. Ann. 907. Leo. p. 484. heen. eontin. p. 229. *Sym. p. 467. Georg. p. 5 59- XLVII. Fuite d'Andronic chez les Sarafins. Cedr. p. 602, 603. Leo. p. 4S4,4S5. Ineen, eontin. p. 219, 230. Sym. p. 467. Georg. p. 56o, 561. 344 H 1 s t o 1 x z jours, un vent de Sud-ouefï fouffla lans ceffe avec tant de violence, qu'il déracina prefque tous les arbres, enleva les moiffons & les fruits, détruifit les maifons & lesEglifes. Conftantinople fut remplie de ruines, & refta plufieurs jours déferte, les habitants s'étant enfuis dans les campagnes. Une pluie abondante abattit enfin ce vent impétueux. Samonas , malfaifant par nature, aigri encore par le poifon de la vengeance , ufoit de tous fes artifices pour perdre ceux qu'il haïffoit, & le Prince n'étoit, fans le favoir, que le miniftre de fes reffentiments. II en vouloit fur-tout k Andronic Ducas , dont le fils Conftantin 1'avoit ramené a Conftantinople. Andronic étoit eftimé du Prince pour fa valeur & fes talents militaires. Les Sarafins ayant mis une flotte en mer, Léon choifit Himere pour commander celle de PEmpire, & lui donna pour adjoint ce brave guerrier. Ce fut pour Samonas une occafion de le conduire k fa perte. II fuborna un de ces faux amis, que 1'intérêt change en dangereux ennemis, pour.aver-  du Bas-Empire. Liv. EXXIL 345 tir Andronic qu'il fe donnar bien de garde de partir avec Himere; que 1'honneur qu'on fembloit lui faire étoit un piege de Samonas, & que Ie Général avoit ordre de lui crever les yeux dès qu'il feroit éloigné de Conftantinople. Andronic étoit difpofé a tout croire de la méchanceté de Samonas : il refufa d'accompagner Himere , qui étant parti feul, remporta une grande viftoire fur les Sarafins. Andronic, défefpéré de n'en avoir pas partagé la gloire, troublé d'ailleurs'par les craintes que lui infpiroit un fi puiffant ennemi, s'enfuit de la Cour, ck fuivi de fon fils ck de quelques amis, il fe retira dans un chateau, nommé Cabala, prés d'Icone en Lycaonie. Samonas, toujours ardent a. fuivre fa proie, perfuade k 1'Empereur que cette retraite eft une révolte; que par trop de patience il a laiiTé échapper un traitre qu'il devoit prévenir; il 1'excite k ne pas perdre de temps pour écrafer ce rebelle , avant qu'il ait pu fe rendre redoutable. Léon , allarmé par cê difcours, fait partir un grand corps de trounes, 6k met a leur tête GréP v LÉON VI. Ann, 907,  LÉON VI. Ann, 907. 346" HlSTOIRB goras Ibérize , Commandant de Ikgarde, allié d'Andronic , dont le fils avoit époufé Ia fille de Grégoras». Mais les intéréts politiques divifent les families, & font capables de rompre les liens les plus étroits. Andronic , hors d'état de tenir contre de fi grandes forcesrfortit de Cabala, &: s'enfuit chez les Sarafins,. oh il trouva auprès du Calife un afyle honorable. L'Empereur étoit auffi bon que Samonas étoit méchant il favoit d'ailleurs qu'un Prince fe fait honneur de revenir fur fes pasr quand la paffion ou la malice d'autrui Pa eonduit trop loin& que cette forte dlnconftance qui le ramene a la raifon & k la juftice, eft un confeil de la vertu. II ne fut pas long-temps fens fe repentir d'avoir perdu un fi habile Capitaine, & de 1'avoir donné a fes ennemis. II réfolut de le rappeller. Pour eet effet, U lui écrivit de fa propre main , 1'affurant qu'il lui pardonnoit le paffé, qu'il lui rendoit fes bonnes graces, & qu'a fon retour il le combieroit encore de nouveaux bienfaits. Cette lettre fi.it enfermée dans une chandelle de  nu Bas-Empire. Liv. LXXII. 347 cire, & confiée k un prifonnier Sarafin , qui, fur la promeiTe d'une grande récompenfe, le chargea de la porter k Andronic.Samonas, qui n'avoit pu empêcher 1'Empereur de faire cette lettre, s'en fervit pour perdre celui que Léon vouloit fauver. II alla trouver le meffager au moment du départ. Save^-vous, lui dit-il, ce que contient la lettre dont vous êtes le portent? Cejl la pene des Mufulmans. Si vous aii/ie^ encore votre patrie & votre religion, dont mon cctur ne fe détachera jamais, mette{ la lettre entre les mains du Vifir. Votre fdélité fera mieux payée, que votre perfidie ne le feroit de L'Empereur. Le Sarafin fuivit ce confeil, 8c le Vifir ayant mis la lettre fous les yeux du Calife, Andronic fut arrêté avec fon fils 6c tous ceux qui 1'avoient fuivi. Plufieurs d'entr'eux fuccomberent aux traitements cruels qu'on leur fit fouffrir, & ra cheterent leur liberté en fe faifani Mahométans. Selon quelques Auteurs Andronic eut la même foibleffe ; fe Ion d'autres , il mourut de mifen dans la prifon. Son fils Conftantin fut plus heu P.vj LÉON VI. A.nn. 907, r • XLVIII. Retour de  Léon VI. Aan. 907, ConftanTin, fils (i'Andronic. 34-8 HlSTO/RB reux. De 1'avis de fon pere qui vivoif encore, mais qui étoit plus étroitement gardé , il concerta avec les autres prifonniers les moyens de s'enfuir; & s'étant coulés le long d'une corde après avoir rompu leurs fers, ils trouverent des chevaux fur lefquels ils prirent la fuite. Pourfuivis par une troupe de cavaliers, tantöt fe retournant pour les combattre, tantöt leur jettant 1'argent qu'ils avoient fur eux pour retarder la pou-rfuite, ils gagnerent enfin la frontiere avec perte de quelques-uns des leurs. L'Empereur fut ravi de joie de lesrevoir;. il les eombla de préfens, les fit man ger avec lui dans la plus belle falie du palais, & après le repas prenant par la main Conftantin , dont il connoiffoit le cara&ere hardi & entreprenant, il le conduifit devant une image de Jefus-Chrift. Ami, lui dit-il, compte^ fur ma bienveillance; perfonne. ne pourra plus vous nuire aupres de moi; mais jures^-moi devant cette fainte Image que vous me demeurere^fidele , & amon fils après moi. Vous porte^ le même nom que lui; mais fonge^ quejï jamais Vambition vous cgarcit jufqua le troubhr  nu Bas-Empire. Liv. LXXIT. 349 dans la poffeffon de fon heritage , votre pene feroit ïnfaillible , & quon rapporteroit votre tête fanglante dans ce palais ou. je vous recois aujoura"hui avec tant dlionneur. L'événement donna dans la fuite a ces paroles de Léon la force d'une prophétie. II mit Conftantin a la tête d'une des compagnies de fes gardes, & 1'envoya commander en Afie , oü il fe fignala par les avantages qu'il remporta fur les Sarafins. II y avoit déja plufieurs années que vingt Sarafins d'Efpagne, emportés par la tempête dans une petite barque, avoient échoué fur la cöte de Provence, entre Nice & Fréjus, prés d'un village nommé Frainet, Ils en avoient égorgé les habitants, & s'étoient fait un rempart d'une haie d'épines fur une montagne voifine. Ils furent affezhardis pour commencer dèslors a piller les environs , firent venir d'Efpagne & d'Afrique un plus grand nombre de leurs camarades, & peua-peu fe rendirent formidabjes a tous les habitants d'alentour. Ce qui augmenta leur infolence, c'eft que les peuples de la Provence fe faifant alors 3a guerre les uns aux autres, les ap- LÉON VI. Ann. 90S. Ann. 909. XLIX. Les Sarafins chaffés du Garillan. Leo. oft* 1.1. f. 59. Liiuprand' hifi. I. z. c 14. Mnrat. an~ nal. a"ltal. r. V. p. 258 ,i6S, 169.  LÉON VI. Aan, 909. 1 ] 35° Histoirè pelloient a leur fecours; & ces infideles les détruifirenttous également, Ils infeftoient les paffages des Alpes, ofoient même ravager la France Si 1'Italie , & pouiToient leurs courfes d'un cöté jufque dans le Dauphiné, de 1'autre jufqu'aux portes de Turin. Tout ce pays fut pendant un fiecle expofé aux ravages de ces brigands. Mais une autre colonie de Sarafins, établie depuis vingt ans fur les bords & a 1'embouchure du Garillan, inquiétoit bien davantage 1'Italie. Ces barbares, voifins de Gaëte, de Capoue, de Naples, de Bénévent, de Salerne, défoloient par leurs courfes tout ce beau pays, & pouffoient leurs ravages jufqu'aux environs de Rome. [Is recevoient fans eeffe par la mer le nouveauxrenforts. Athenulf, Prin:e de Bénévent tk de Capoue, eut •ecours a Léon. II lui députa Landulf, bn fils aïné & fon collegue. Léon •ecutbien le jeune Prince, fe flattant 1'avoir trouvé 1'occafion de relever 'ancienne fouveraineté de PEmpire ür Bénévent. II lui pro»it toxite afïif:ance , tk fit équiper une flotte. Lanlulf, apprenant la mort de fon pere,  du Bjs-Emmre. Liv. LXXII. 351 retourna en Italië avec le titre de Patrice ; & peu de temps après , Léon fit partir le Patrice Nicolas, furnommé Picigli, avec une bonne armée, lui ordonnant de faire tous fes efforts pour déloger les Sarafins. Ce Patrice, brave èc prudent, commenga par détacher d'eux Grégoire , Duc de Naples , & Jean , Duc de Gaëte, leur conférant le Patriciat de la part de 1'Empereur. Enfuite fe joignant aux Princes de Capoue & de Salerne, il fe fortifia encore de toutes les troupes d'Apulie öc de Calabre , & alla camper au-delfus des Sarafins fur la gauche du Garillan. Le Pape Jean X. qui croyoit faire un facrifke agréable k Dieu en maffacrant des infideles , vint lui-même k la tête d'une armée avec le Marquis Albéric, Duc de Spolete, fe poffer de 1'autre cöté; en forte que les Sarafins enveloppés. furent au bout de trois mois réduits a 1'extrémité. Mourant de faim & ne pouvant échapper , ils fuivent le con. feil que leur donnoient fecretemeni le Duc Grégoire &c le Duc Jean . qui entretenoient toujours intelligence avec eux; ils mettent le feu a leurs LÉON VI. Ann. 909*  Léon VI. Ann. 909. 1 '] 1 I 1 1 L. Etat des 352 HISTOIRE baraques, & fe faifant jour le fabre a la main au travers de l'armée Chrétienne , ils fe difperfent fur les montagnes & dans les forêts voifines. On les pourfuit fans relache; onlesdétruit les uns après les autres, & bien peu échapperent au fer ennemi. C'eft ainfi que les Sarafins furent chaffés du Garillan; c'étoit leur place darmes, le dépot de leur butin & de leurs prifonniers. Tous les étrangers que leur dévotion conduifoit a Rome , tomboient entre leurs mains, & leur payoient une groffe rancon. Quoique 1'Italie eut beaucoup k fouffrir des Hongrois & des Sarafins du Frainet, elle fouffroit encore davantage de ces vautours qui lui déchiroient les entrailles. Cette guerre comnencée vers la fin du regne de Léon, ie fut terminée que cinq ans après a mort en 916. Une expédition fi )ien foutenue pendant fept ans, fit ïonneur aux armes des Grecs, & nontra qu'il ne falloit qu'un brave k habile Général pour réveiller dans e cceur de "ia nation fon ancien couage. L'honneur de TEmpire ne fe fou-  bv Bas-Empixe. Liv. LXXII. 353 tenoit pas du cöté de 1'Orient. La frontiere fe dépeuploit, & quelques accroiffements arrivés fous le regne de Léon du cöté de 1'Euphrate , furent de peu de conféquence. Trois freres qui poffédoient des terres audela de ce fleuve au-deiïbus de Mélitine, fe donnerent a 1'Empereur, qui, pour illuftrer cette acquifition, fit de ce petit canton une Province , fous le nom impofant de Theme de k Méfopotamie. La grande Arménie étoit partagée entre plufieurs petits Princes, qui tachoient de fe maintenir entre la puiffance des Grecs &c celle des Sarafins, en fervant fourdement ceux dont ils paroiflbient ouvertement ennemis. Tels étoient Cricorice , Prince de Taro , pays fitué entre 1'Euphrate tk le mont Taurus a 1'Occident du lac de Van; Adranafar, en Ibérie, qui portoit le titre de Curopalate, & Symbatice , qui paroit avoir été le plus puiffant de ces petits Souverains. Aufli prenoit-i le titre pompeux de Prince des Princes Ses Etats s'étendoient du Midi au Septentrion, depuis la ville de Kars juf qu'au lac de Van qui y étoit ren- LÉON VI. kan. 909. Frontieres du cöté de 1'Orient. Conft. Porph. de Them. I. I. Idem. de adm. inip. c. 43' 45'  Léon VI. Ann* 909. 1 1 l J < < 1 1 § c f e 2 i 354 HlSTOIRI ferme; & cette contrée étoit dès-lors appellée Baafparacan. Les Empereurs recevoient quelques préfents de ces Princes, & leur payoient des penfions; ils faifoient avec eux des échanges de territoire , s'intéreffoient dans leurs démêlés & dans leurs jaloufies mutuelles, les attiroient de temps en temps auprès d'eux, leur procuroient des mariages avec des filles d'un rang chfhngué dans l'Empire, leur donrioient même a Conftantinople des stabliffements utiles; & avec toutes cescomplaifances, ils n'entiroientpas *rand fecours. Ce fut pour 1'intérêt le ces Seigneurs que Léon entreprit me expédition dans la Phafiane, conrée fituée vers la fource de 1'Araxe, mi porte quelquefois dans 1'antiquité e nom de Phafe ainfi que le fleuve le Ia Colchide. Les Sarafins s'étoient 'mparé de ce pays. Léon y envoya les roupes des Provinces voifines, comnandées par Lalacon , qui y fit de rands ravages. Catacale qui lui fuceda, pritThéodofiopolis, place trésarte, aujourd'hui Haffan-Cala près'Arz-Roum, faccagea la Phafiane, c affoiblit en ces contrées la puif» ince des Sarafins.  du Bas-Empire. Liv. LXXII. 355 Ceux de Tarfe & de Mélirine envoyerent dans ce même temps k Conftantinople pour traiter de 1'échange des prifonniers. Entre ces envoyés étoit le pere de Samonas. L'Empereur , en confidération de fon favori. les traita fplendidement dans le palais de Magnaure; il s'empreffa d'étaler k leurs yeux toutes les richeffes de 1'Empire , & les fit entrer dans 1'Eglife de Sainte-Sophie , qu'il avoit fait parer de fes plus beaux ornements. On trouva fort mauvais , on regarda même comme une profanation, qu'i eut mis les vafes facrés fous les yeui de ces Mufulmans. Le pere de Samonas, ébloui de tant de magnificence charmé du grand pouvoir, deshonneurs & de 1'opulence de fon fils vouloit fe faire Chrétien, & demeure a Conftantinople, pour partager cett brillante profpérité. Samonas , aufl mauvais Chrétien que doit 1'être ui adorateur de la fortune, 1'en détour na, lui confeillant de refter dans 1 religion & dans fon pays, oh il lt promettoient d'aller le rejoindre , dt qu'il pourroit commodément y tran porter tous fes bieas* LÉON VI. Ann. 909. LT. Le pere de Samonas a Conftantinople. ► i 1 3 i  Léok VI. Ann. 910. LH. Difgrace de Samonas. • Cedr. pt 605 , 606 Leo. p. 475 , 485, 4S6. Zon. p. iSo, lil. Glycas , P- 299, joo. Joel. p. 180. Ineen, eontin. p. 231 , 232. Sym. p. 468 , 469, 470. Georg. p. 56l , 562. 35 H I S T O I li E II n'eut pas le temps d'exécuter ce mauvais deffein. Sa méchanceté lui fit perdre ce qu'elle lui avoit procuré. Le jour de la Pentecöte de 1'an 910, Léon fit couronner folemnellement fon fils Conftantin, par les mains du Patriarche Euthymius. Dans le feftin qui fuivit cette augufte cérémonie, Zoé fut fi charmée de 1'intelligence tk de la bonne mine du Maitre-d'hötel de Samonas, qu'elle le demanda pour Pemployer k fon fervice, & le courtifan fe fit un mérite de Ie céder auffitöt. Ce domeftique fe nommoit Conftantin. II s'infinua fi bien en peu de temps dans la confiance de 1'Empereur & de 1'Impératrice , que Samonas en devint jaloux; il réfolut de le perdre. La calomnie ne lui coütoit rien ; il avertit 1'Empereur, que 1'Impératrice s'étoit prife d'amour pour Conftantin, & qu'elle entretenoitavec lui unfecretcommerce. Léon, quiavoit de bonnes raifons de douter de la eertu defafemme,voulant cependant fviter 1'éclat, fe contenta de faire tonire Conftantin , & de 1'enfermer dans in Monaftere éloigné. Peu de jours iprès ,'fa colere étant cahnée, 1'incli-  jw Bas-J2mpire. Liv. LXX1I. 357 nation qu'il avoit pour ce ferviteur agréable reprit le deffus, il le fit rapprocher de Conftantinople , 6c transférer dans le Monaftere que Samonas avoit lui-même fondé prés de Damatrys. C'étoit un féjour délicieux , ou 1'Empereur alloit fouvent fe repofer. 11 y vit Conftantin , & fur le champ Samonas eut ordre de lui rendre 1'habit féculier, &del'amener auffi-töt pour fervir a table. Après le repas, 1'Empereur lui ordonne de le fuivre a Conftantinople, & le reprit k fon fervice. Samonas, défefpéré du retour de fon rival, tourna toute fa colere contre Léon; de concert avec d'autres mécontents, ilcompofe unlibelle fatyrique ou le Prince étoit horriblement déchiré, 6c le jette fur le paffage de 1'Empereur. Ce fut la première chofe que Léon rencontra en entrant dans la facriftie de SainteSophie. II en fut vivement piqué, & fit les informations les plus exaftes pour en découvrir Pauteur. Les devins ne furent pas oubliés; mais toutes ces recherches auroient été inutiles, fi un des complices n'eüt révélé le fecret a 1'Empereur, Léon, qui LÉON VI. Ann. 9101  LÉON VI. Ann. 910. LUI. Occafion de la fondation du Monaftere des Kofies. 358 H 1 S T 0 I X B ne fut jamais fanguinaire, ne psnit Samonas que par la confilcation de fes biens, & par une prifon perpétuelle, digne récompenfe de fes criminelles complaifances ck de fes intrigues pernicieufes. II revêtit Conftantin de toutes fes charges ; & pour Fégaler en tout k Samonas, il voulut qu'il eut auffi 1'honneur de fonder un Monaftere , dont le Patriarche Euthymius fit la dédicace; pour honorer la cérémonie, 1'Empereur y affifta avec toute fa Cour. Ce Monaftere fut bati dans un lieu nommé les Nofies; voici ce qui détermina Conftantin k choifir eet emplacement. II avoit un pere plein de probité ck de religion , qui cultivoit en eet endroit un petit jardin fans autre ornement qu'une belle fource d'eau pure, recueillie dans un baffin, oü les paffants s'arrêtoient volontiers pour fe rafraichir. Un foldat vint s'y repofer; ck tandis que fon cheval s'abreuvoit, il s'amufa k compter Pargent qu'il rapportoit a Conftantinople ; c'étoient trois livres d'or. En Pemontant k cheval, il oubliafabourfe, qu'il laiffa au bord de la fontaine.  nv Bas-Empire. Liv. LXXII. 355 Le vieillard Ia trouva; & non moins affligé de cette perte que le cavalier même, il la mit a part, priant Dieu de lui ramener le maïtre. Trois ans après, le foldat repafla par les Nofies. Après s'être défaltéré & avoir abreuvé fon cheval, il s'affit prés de la fontaine, & la regardant en foupirant: Hélas , dit-il, c'eft fur tes bords que j'ai perdu toute ma fortune , tout le fruit de mes travaux. Le maitre du jardin 1'entendit, & lui demanda le fujet de fa douleur. Le foldat lui raconta fon aventure, fans oublier la forme de la bourfe, le nombre & la valeur des pieces qu'elle contenoit. Sur des indices fi bien circonftanciés, le vieillard court k fa cabane, & lui remettant fa bourfe: Tene^, lui ditil , je ne. l'ai pas ouverte. Le foldat, après avoir compté 1'argent, charmé de fa bonne foi, le preffoit de prendre ce qu'il jugeroit k propos, & ne put 1'engager a rien- accepter. II s'en alla louantDieu, tk comblant de bénédicfions eet homme digne des premiers ages du monde. Ce fut cette cabane que Conftantin changea en un fuperbe Monaftere. LÉON VI. Ann. 91»,  LÉON VI. Ann. 9x1. LTV. Flotte Grecque battuepar les Sarafins. LV. Mort de Léon. Cedr. p. 606,607. Leo. p, 4S6,487. Zon. p. xSt , 182. Glycas , peg. 298. Joel. p. 179 ,180. Manaff. pag. IIO. 360 H I S T 0 I R E Les Sarafins avoient fur le cceur 1'affront qu'ils avoient recu d'Himere par la défaite de leur flotte. Réfolus de prendre leur revanche, ils mirent en mer trois cents vaiffeaux, dont ils donnerent le commandement a ces deux renégats dont nous avons déja parlé, Damien, Emir de Tyr, &Léon de Tripoli. Himere alla au - devant d'eux, tk les rencontra prés de Samos, oii commandoit alors Romain Lécapene, qui fut depuis Empereur. II fe livra un fanglant combat, dans lequel Himere fut vaincu, fa flotte coulée a fond ou difperfée. II courut lui-même les plus grands rifques ; Sc vivement pourfuivi, il gagna enfin le port de Mytilene. Léon étoit depuis affez long-temps tourmenté d'une dyffenterie , mal funefte k un grand nombre d'Empereurs, tk qui fut, fans doute, dans la plupart 1'effet de 1'intempérance. C'étoit 1'ufage qu'au commencement du carême, les Empereurs riffent une exhortation Chrétienne au Sénat ik k leur Cour affemblée; ces Princes, quoique déréglés dans leur conduite , étoient grands prédicateurs. Cette année  du Bjs-Empire. Lh. LXXU. 3Ó1 année 911 , Léon, atténuépar fa maladie, n'eut de force que pour dire ces paroles : » Vous voyez 1'état d'a» néantilfement auquel je me trouve » réduir. Je ne puis me flatter de vi» vre encore long-temps avec vous, » & peut-être ne verrai-je pas le jou? » de la réfurredtion du Seigneur. » Voici le dernier fervice que je vous » demande ; fouvenez - vous d'un » Prince qui vous a gouvernés avec » douceur, & témoignez -.en votre » reconnoiffance a mon fils & a ma » femme ". Ce trifle difcours fut fuivi des gémiffements de toute 1'aflemblée; ils protefterent d'une voix unanime , qu'il ferviroient fidélement, au péril même de leur propre vie, PImpératrice & fon fils ; & après avoir falué le Prince, ils fe retirerent fondant en larmes. Avant que de mourir,il eut encore le chagrin d'être témoin d'un grand incendie , qui confuma les archives de la grande Eglife. Sa vie languiflante fe profongea plus qu'il n'avoit efpéré ; & le 11 de Mai fe voyant prêt de mourir, il fit venir fon frere Alexandre , & le défigna pour fon fucceffeur avec fon Tornt XV. Q LÉON VI. Ann. 911. Leo. Taiï. c. lS. Conjl. de adm. imp. c. 26. Cod. orïg. p. 63. lncert. eontin. p. 217, 232. Sym. p. 461 ,47a. Georg. P"g- 549» 562. Liu'pr. kift. l. 3. c. 6, 7. Du Cange fam. Byr, p. 141, 142. Baronius. Pagi ad Bar. Fleury , hift. ecclef. I. 54, art. 47-  LÉON VI. Ann, 911, 36*2 HlSTOlRB fils encore enfant , lui recommandant avec inftance ce jeune Prince , & le conjurant de le faire fon héritier. On dit même qu'en expirant, ilprédita fon frere qu'il n'avoit plus que treize mois a yivre. Les Grecs de ce tempsla paroiflent fort prévenus en faveur du talent prophétique de Léon ; a les entendre, il avoit prédit prefque tous^les événements de fon regne, & même ceux des temps poftérieurs ; & c'eft peut-être principalement pour cette raifon qu'ils lui ont donné le nom de Sage & de Philofophe, qu'on peut d'ailleurs luirefufer avec juftice. On nous a confervé, je ne fais pourquoi, feize oracles de fa facon, qui nefont qu'un babil inintelligible, & qu'on a prétendu expliquer après les événements; mais 1'explication n'eft pas moins ridicule que le texte. II a cependant laifle un ouvrage eftimable, c'eft fa Tacïique, dans laquelle il donne de bons préceptes fur Part militaire, tel qu'il étoit de fon temps. M. de Maizeroy, Officier diftingué par fon mérite , vient d'en donner une tradudion Francoife , qu'il a enrichie de remarques favantés & ju-  du Bas-Empikê. Liv. LXXII. 363 dicieufes. Ce Traité nous apprend plufieurs ufages qu'on ne trouveroit pas ailleurs. On y voit que tous les jours foir & matin, on faifoit dans le camp unepriere commune, oü toute l'armée chantoit le Trifagion ; & que la veille d'une bataille, un Prêtre faifoit fur toutes les troupes une afperfion d'eau bénite. On y voit auffi que 1'ufage des fleches empoifonnées étoit ordinaire en ce temps-la, & Léon ne le blame pas ; c'eft une preuve de la baffeffe de coeur devenue alors générale. On cite encore de ce Prince plufieurs autres ouvrages militaires, qui fe confervent en manufcrit dans la bibliotheque du Vatican & dans celle de Florence , avec un grand nombre de difcours fur les dogmes de la religion & fur la morale; entre lefquels eft une lettre d'un ftyle épifcopal, adrelïée a tous fes fujets pour les exhorter a vivre chrétiennement. On y reconnoït par-tout un Prince trés-orthodoxe, au zele duquel il ne manquoit que fon propre exemple. Entre plufieurs monafteres, il en fit batir un fous le nom de Saint Lazare, dans lequelon ne recevoit pour MoiQ ij LÉON VI. Ann. 911»  Léon VI. Ann. 9H. 3&r PI I S T 0 I R E, &C. nes^ que des Eunuques. II avoit eu de Zoé Carbonopfine, une fille qui fut nommée Eudocie, Sc dont on ne connoït que la naiffance. II avoit régné 25 ans 2 mois & 11 jours, & mourut dans fa 46-. année.  ^5 SOMMAIRE d v LIVRE SOIXANTE-TREIZIEME. i. Gouvernement £ Alexandre. II. Rétahliffement du Patriarche Nicolas. III. Mort a° Alexandre. IV. Entreprife de Conftantin Ducas. V. Proclamé Empereur, il aftiege le palais. VI. Mauvais fuccès de Ventreprife. VII. Syméon vient aftiéger Conftantinople, & fe retire. VIII. Le fils du Doge de Venife d Conftantinople. IX. Zoé rentre' dans le palais. ■X. Andrinople perdue & recouvrée. xi. Alliance avec les Pat^inaces. XII. Courfes des Grecs & des Sarafins. XIII. Paix avec les Sarafins. XIV. Les Grecs marchent contre les Bulgares. XV. Bataille dAchéloüs. xvi. Romain Lécapene accufé de trahifon. XVII. Syméon repouffê devant Conftantinople. XVIII. Léon Phocas & Romain Lécapene afpirent tous deux a 1'Empire. XIX. Romain fe faifit Q "i  3<56 SOMMAIRE du Chambellan Ccmjlantin. XX. Troublt dans le palais. XXI. Romain vient au palais. XXll. Léonprendles armes. XXIII. Romain diffipe la rebellion de Léon. XXI v, Diverfes conjurations contre Romain. XXV. Romain couronné. XXVI. Romain éleve fa familie aux honneurs du tróne* XXVII. Fin du Schifme de 1'Eglife de Conftantinople. XXVIII. Conjurations. XXIX. Mêchanceté de Rhentace. XXX. Guerre des Bulgares. XXXI. Mort de Théodora , femme de Romain. XXXII,. Le Roi d'Ibérie d Conftantinople. XXXIII. Nouvelle irruption des Bulgares. XXXI v. Urne des ccndres de Maurice. XXXv. Révolte de Boïlas. XXXVI. Nouvelle guerre 4 Andrinople. XXXVII. Mort du Patriarche Nicolas. XXXVIII. Léon le TrU polite battu d Lemnos. XXXIX. Entrevue de Romain & de Syméon. XL. Elé-. yation des fils de Romain. XLI. Entreprife fur l'Egypte. XLII. Rivalité de Romain & de Syméon par rapport d la Servië. XLIII. Troubles dans lePéloponnefe. XLiv. Origine des Mainotes. XLV. Conjuration de Jean le Myftique. XLVI. Mort de Syméon. XLVII. Mariage du Roi des Bulgares avec la petite fille de Romain, XLVIII. Malatia prife par les.  du Livre LXXilR 367 Grecs. xlix. Affaires d'Italie. l. Mort du Patriarche Etienne. li. GWre en Armenië. lh. Conjuration contre Pierre, Roi des Bulgares. lui. Mort dfe C7zri/*o/>/zt% liv. Théophylacle Patriarche. lv. Charité de Romain. lvi. lncurjion des Hongrois. lvii. Mariages des fils de Romain. lviii. Événements divers. lix. lncurjion des Ruffes. lx. Exploits & difgrace de Jean Curcuas & de fon frere Théophile. lxi. Le voile d'Edeffe tranfporté a Conftantinople. lxh. Romain envoyé des fecours d flugues, Roi d Italie, contre les Sarafins. lxiii. Treve avec les Hongrois. lxiv. Mariage de Romain, fils de Conftantin Porphyrogenete. lxv. Changement de vie de Romain. lxvi. Intrïgue de Conftantin PorphyrogenetepourdétrónerRomain.LXVlI.Romain détróné. lxvih. Enfants de Romain. Q iy   3 HISTOIRE D U B ASEMPIRE. L1VRE SOIXANTE- TREIZ1EME. ALEXANDRE. CONSTANTIN VII,: dit PoRPHYROGENETE.fecond de ce fumom. ROMAIN LÉCAPENE. Pendant le regne de Léon, fon frere Alexandre n'avoit eu que le nom d'Empereur. Après fa mort, il en eut feul tout le pouvoir, fon neveu Conftantin, qui partageöit Q y Alexandre. CONSTANTIN' vn. \nn. 911. 1. Gouvcr-.  Alexan-I dre. CoNSTAÏiTIN VII. Ann. 911. nement d'Alexandre. . Cedr. p, 607,608, 6ir. Leo. pag. 487,488. Manaff. pag. 11 o. Zon. 1.11, p. l82, : 183. Joel p, 180. Creg. vita ' Bafd. jun. '. Ineen, eontin. p, 233.2.34. : Sym. p. 1 471. 472. * Georg. p. 163,564, : 567. ] Baroks j < Z?/*: Cange j ƒ,:«. .fiVf. . >• HlOritns 1 370 HlSTOlZB ce titre avec lui, n'étant agé que de fix ans. II étoit dans fa quarante-deuxieme année; mais fa vie paffee toute entiere dans la débauche r ne lui avoit laiffé acquérir nulle expérience» Libertin, ivrogne , ignorant, ne connoiffant d'autre occupation férieufe que la chaffe,il avoit autant que fon neveu befoin de Gouverneur. II en prit de conformes a fon caracfere j c'étoient les compagnons & les miniflres de fes plaifirs. II mit a la tête du Clergé du palais un Clerc de mceurs dépravées, nommé Jean Lazare, qui mourut peu de temps après lui, en Quant a la paume dans 1'Hebdome. 'i prodigua les tréfors de 1'Etat adeux "célérats, Gabriélopule Sc Bafilize, Sc es fit Patrices. II fut même tenté de lommer Bafilize fon fucceffeur, 6c le rendre fon neveu incapable de 'égher en le faifant eunuque. Les erviteurs fideles du jeune Prince ne e détournerent de eet infame def"ein , qu'en lui faifant efpérer que :et enfant ne vivroit pas. Son Con'eil n'étoit compofé que de charlaans Sc d'altrologues. Ils lui periiaderent qu'une vieille figure de  dvBas-Empire. Lip. LXXIII. ffï fanglier, qui fe voyoit dans un coin du Cirque, étoit fon talifman; que fa fortune y étoit attachée , 6c que la vertu fecrete de eet animal myftérieux 1'avoit défendu contre les mauvais deffeins de fon frere Léon. Capable de tout croire, il adopta cette idéé extravagante, fit réparerla figure a demi-mutilée, 6c voulut 1'honorer d'une dédicace folemnelle. II la fit placer au milieu du Cirque, qu'il orna des plus riches tapifferies , des lampes 6c des chandeliers de Sainte-Sophie ; 6c au milieu de ce magnifique appareil, il fit célébrer des jeux équeftres. Cette profanation des ornements d'une Eglife , ajouta le fcandale au ridicule de cette cérémonie. Dès les premiers jours de fon regne , il chaffa Zoé du palais. Himere ne fut pas plutöt de retour avec le: débris de fa flotte, qu'il le relégu; dans un monaftere, le menacant d le trailer en ennemi, pour le punir difoit-il, des mauvais fervices, qu'i lui avoit rendus auprès de fon frer Léon. Himere , effrayé de ces men£ ces, tomba dans une langueur , qi Q vj Alexan- D&e. consTANTItlVII. Ann. 911.1 Chrifi. t. I. pag. 2JI, 252. ii. , Rétabüffementda' Patriar1 che Nico-?' > las. > 1 i  AlEXANBRE.CONSXANTTN VII. Ann. 911, 1 1 3 37* III S T 0 I li E le conduifit au tombeau. Le feul événement mémorable de ce méprifable regne , feroit le rétabliffement dn Patnarche ^ Nicolas , ü Euthymius n eut pas été traité en même - temps de la maniere la plus indigne. Léon , dans fa derniere maladie, avoit rappellé Nicolas; c'étoit même entre fes mains qu'il avoit reconnu fes défordres; il s'étoit en mourant recommandé a fes prieres; il lui avoit rendu le gouvernement de fon Eglife. Euthymius, qui n'avoit accepté qu'a. regret le Patriarchat, étoit difpofé k le quitter avec joie. Mais Alexandre ne favoit rien faire avec modération & avec douceur. II alfemblale Clergé & le Sénat dans le palais de Magnaure; & ayant fait alfeoir Nicolas auprès de lui, il ht amener EuthymiiiF. Dès qu'il parut, desClercs infolents, excités fans doute par le Prince i'accablerent d'outrages; & lui fau:ant au vifage, le frappant indignenent, lui arrachant la barbe, ils le :halferent de PalTemblée , le traitant 1'ufurpateur, d'adultere infame, qui ivoit enlevé une époufe a.fon époux égitime, Euthymius, fupportant pa-  du Rx#-£mpire. Liv. LXXHL 273 tiemment ces infultes , fut relégué dans un monaftere , oü il mourut peu après. C'eft un grand crime k Nicolas, que de ne s'être pas oppofé k ces indignités. Syméon, Roi des Bulgares, vivoit en paix depuis dix ans. Dès qu'il fut qu'Alexandre fuccédoit a fon frere, il lui envoya demander , li c'étoit fon intention d'entretenir la bonne intelligence , lui offrant fon amitié. Alexandre, auffi fier qu'incapable de foutenir par des effets ce ton de hauteur, recut les Ambafladeurs avec arrogance & mépris, ne répondant que par des menaces. Le Roi Bulgare irrité fe préparoit a la guerre, lorfqu'il apprit la mort d'Alexandre. Le fix Juin , ce Prince s'étant levé de table, ivre k fon ordinaire, après avoir pris quelque fommeil, s'en allajouer a la paume; & faifi tout-a-coup d'une extreme douleur d'entrailles , il fe fit rapporter au palais, oü il expira le lendemain , rendant le fang par le nez & par 1'uretre. II avoit régné un an & vingt - fept jours. Les Auteurs ne difent pas qu'il ait jamais été marié. II nomma en mourant fept tu- AlEXANDRE.CONSTANT1N VII. Ann. 911.' III. Mort d'Alexandre.  Alexandre.Cons- tantin VII. Ann, 912,. IV. Entreprife de Conftanrin Dueas Cedr. p, 609,6lO, 611. Leo. p, 488 , 489 49°- Greg. viti Majil. jun, Manajf. p 111. Zon. t. II P- 183 , 184. Ineen, eontin, p 235 , & fiti- ,•374 H1ST01B.B teurs a fon neveu, la plupart indignes de eet important minifiere : c'étoient le Patriarche Nicolas, Etienne & Jean Eladas , 1'nn maïtre du palais, 1'autre des offices; Jean Lazare dont j'ai parlé , un certain Euthymius différent du Patriarche uépofé , Bafilize & Gabriélopule. On rapporte que fous le regne de ce Prince, parut a 1'Occident pendant ■quinze jours, une de ces cometes qu'on nomme Xiphias, paree qu'elles ont la forme d'une épée. La nouvelle des préparatifs extraordinaires que faifoit le Roi des Bulgares , jettoit 1'allarme dans Conftautinople, & le mauvais choix des tuteurs du jeune Prince redoubloit les craintes &C excitoit les murmures. Quelle reffource contre un ennemi puiffant & déja tant de fois vainqueur, dans des hommes fans expérience, peu d'accord enfemhle, & qui dès les premiers jours de leur gouvernement donnoient d chaque infant des preuves de leur incapacité ? Qu'on devoit chereker ailleurs le falut de l'Etat, & en remettre les farces entre des mains qui fujfent en faire ufage: Que depuis trois ans, Conftantin  nu Bas-Empire.Lw. LXXIIL 375 <ï)ucas, employé en Afie contre les Sa-', rafins & exercé aux combats, foutenoit par fon courage thonneur ck tEmpire : Qu étant feul en état de conferver au jeune Prince les droits de fa naiffance, il méritoit de les partager : Qu'il falloit le faire venir, taflocier a la fouveraineté, & Voppoferaux Bulgares. Le Patriarche Nicolas tenoit par fa dignité le premier rang entre les tuteurs : inftruit des difpofitions du peuple , il avertit fes collegues du danger oh ils étoient; il leur confeilla dej>revenir 1'orage, & d'offrir eux-mêmes a Ducas les rênes du gouvernement, avant qu'il eut affez de forces pour s'en faifir & les retenir malgré eux: qu'ils trouveroient plus faeilement les moyens de lui óter ce qu'ils lui auroiem donné eux ■ mêmes. Cet avis fut approuvé. On écrit a Ducas, on 1'invite a venir foutenir la couronnt en la partageant avec le jeune Empereur. Quelque ambitieux que fu Ducas, il refpeaoit les loix , il aimoit fon Prince & fes compatriotes •& avoit horreur d'une guerre civi le. D'ailleurs, plus cette invitatioi étoit extraordinaire, plus il s'en ds CONSTANT1NVII. Ann. 911.' Sym. p. 47*. 473» 474- Georg. p. 565,566. Du Cange fam. Bftp. 14^ v t  CONSTANTIN VII. Ann. 912. 1 ] 1 1 V. Proclamé . Empereur * il afliege 1 le palais. r f { h P n A d 3fS Histoire fioit comme d'un piege. II répondit qu'il ne fe fentoit pas capable de porter un fi grand fardeau, & que de plus il n'étoit pas d'humeur d'abufer de la jeuneffe de fon maitre, pour le dépouiller d'une portion de fes droits. Les tuteurs fentirent que Ie foupgon avoit plus de part k ce refus, que le devoir & la modeftie. Hs le prefferent de nouveau; & pour lui prouver leur fincérité , ils lui enfoyerent leur ferment, & felon la xnitume d'alors, la croix que chacun 1'eux portoit au cou. C'étoit le gage e plus inviolable de la foi donnée. Sur cette alfurance, Ducas prend la oute de Conftantinople avec un déachement de cavalerie. II arrivé pendant la nuit, & entre •ar une porte dérobée, qu'on lui teloit ouverte au pied du rempart. II >affe le refte de la nuit dans la maiDn de Grégoras fon beau-pere. Plueurs Seigneurs viennent lui offrir :urs fervices. II s'étonne de ne voir aroitre aucun des tuteurs , & comlence a fe douter de leur perfidie. fais ne perdant pas courage, il fe ïtermine a les forcer de tenir leur  nu Bas-Empire. Liv.LXXIIL 377 parole. Avant le jour, le bruit de fon arrivée s'étant répandu dans la ville , une foule de peuple 6c grand nombre de Sénateurs accourent k la maifon de Grégoras. On falue Ducas Empereur , on le conduit au Cirque k la lueur des flambeaux. Les portes du Cirque étoient fermées, 6c 1'Ecuyer de Ducas étant defcendu de cheval pour les enfoncer, elf renverfé par terre d'un coup de lance par un des gardes de 1'intérieur. Alfligé de cette mort comme d'un mauvais augure de fon entreprife , Ducas abandonne le Cirque, 6c marche au palais ou les 'tuteurs s'étoient renfermés. II devoit bloquer le palais, 6c tenir le paffage des vivres affez long - temps fermé pour forcer les tuteurs a lui ouvrir les portes. Son impatience le perdit, Mais fa bonté naturelle 6c 1'horreur qu'il avoit du carnage lui fit ménager le fang de les concitoyens; il fit jurer k ceux qui le fuivoient, qu'ils ne feroient ufage de leurs armes que pour fe défendre. Auffi - tot il fait abattre k coups de hache la porte de Calcé, 6c pénetre dans la première cour, Une feconde muraille environ- CONSTANTINVII. Ann, 9IX.'  CONSTANTIN VII. Ann. 9 iz. VI. Mauvais fuccès de 1'entreprife. 373 H I S T 0 I R B noit ce vafïe édifïce. Cependant Jean Eladas, un des tuteurs, avoit raffemblé tout ce qu'il pouvoit de foldats &z de matelots; car le palais donnoit fur le port; & les ayant armés de tout ce qui pouvoit fervir d'armes offenfives , il fit avec eux une vigoureufe fortie. Le combat fut fanglant; plufieurs Seigneurs y périrent du cöté de Ducas , & entre les autres, fon fils Grégoras. Le mur étoit bordé de foldats qui ne ceffoient de tirer desfleches. Dans les mouvements que Ducas fe donnoit pour encöurager les combattants , fon cheval s'abattit , & dans ce moment une fleche vint lui percer les flancs. A peine eüt-il le temps de s'écrier : Malheureux, que fuis-je venu chercher ici ? qu'auffi-töt, tous fes gens ayant pris la fuite, un foldat ennemi lui coupa la tête, & 1'emporta dans le palais. C'étoit ce que Léon lui avoit prédit. En mêmetemps, toutes les troupes fortent du palais, tombent fur les fuyards, & les taillent en pieces. Onfait fermer toutes les portes de la ville , afin qu'aucun d'eux n'échappe. On pourfuit»  du Bas-Empjre. Liv. LXXIII 379 on maffacre par toutes les rues. On eut dit que la ville étoit prife d'affaut. II y périt plus de trois mille hommes. Grégoras, beau-pere de Ducas , ck le Patrice Léon Chérofphacie , fe réfugierent dans Sainte-Sophie; on les en tira par force; mais les tuteurs fe contenterent de les rafer ck de les renfermer dans le monaftere de-Stade. On lit le même traitement au Patrice Eladique, après 1'avoir promené par toute la ville en le frappant de nerfs de bceuf. On creva les yeux a d'autres Patrices. Quelques-uns eurent la tête tranchée au milieu du Cirque. Celle de Ducas fut portée au bout d'une piqué dans toutes les rues. On chercha en vain Nicétas ck Conftantin , furnommé 1'Africain ; ils eurent le bonheur de fe fauver. On borda de potences le rivage de la mer dans une grande étendue prés de Chryfopolis ; on y pendit le Patrice Egidas, renommé pour fa valeur, ck avec lui un grand nombre de Sénateurs ck d'Officiers diftingués. On fit jetter les cadavres dans la mer, fans avoir égard aux larmes ck aux prieres des families, qui demandoienÉ CONSTANTINVII. Ann. 912;  CONSTANTIN VII. Ann. 912, 1 VII. Siméon 1 vient af- i iléger Conftan- £ 380 // / s T O I R E la permiffion de rendre les derniers devoirs k leurs parents. Les tuteurs n'étoient pas encore ralTafiés de fang ck de fupplices , & ils auroient pouffé plus loin la cruauté, fi un d'entr'eux ne leur eut repréfenté, qu'il n'étoit pas trop fur pour eux d'abufer, aux dépens de tant de families , d'un pouvoir paffager, qui ne devoit durer qu'autant que 1'enfance du Prince, & qu'ils pourroient bien un jour fe repentir de tant d'exécutions. Cette remontrance ne partoit pas du Patriarche. C'étoit alui plutöt qua tout autre d'arrêter tant de bras meurrriers, & d'infpirer k fes collegues les fentiments de douceur & de clénence. Mais fa dureté naturelle alla lans cette occafion jufqu'a la férocié , & il ne fe diftingua que par une ■igueur plus impitoyable. On fit rafer a femme de Ducas, ce qui étoit alors ine punition honteufe ; on la relégua ur fes terres en Paphlagonie , & >n rendit eunuque Etienne fon fils. Le fang couloit encore dans Confantinople, lorfque Syméon fe monra aux portes k la tête d'une grande rmée. A la faveur de tant de trou-  du Bas-Empirë. Lh. LXX1II. 381 bles , il efpéroit fe rendre maïtre de la ville fans beaucoup de peine. Mais a la vue de fes fortes murailles, de la multitude de foldats dont elles étoient bordées, Sc du nombre prodigieux de machines de toute efpece difpofées en bacterie, il perdit toute efpérance; Sc s'étant retiré a 1'Hebdome, il envoya un de fes Officiers demander un accommodement. Cette propofition fut favorablement écoutée ; Sc les tuteurs s'étant rendus au palais de Blaquernes, y recurent les deux fils de Syméon, qui fouperent avec le jeune Empereur. Le lendemain, Nicolas alla trouver Syméon dans fon camp; Sc ce Prince pieux, quoique guerrier, s'étant incliné devant lui, re$ut fur fa tête 1'étole du Patriarche qui prononca des prieres. Cependant on ne put convenir des conditions de paix , Sc Syméon , fans avoir rien conclu, reprit le chemin de Bulgarie avec des préfents confidérables pour lui Sc pour fes deux fils. Quoique Venife füt entiérement hbre, elle entretenoit toujours avec PEmpire Grec une refpeöueufe cor- l refpondance. Le nouveau Doge fai- < t ConstantieVII. Ann. 911.' tinople.Sc fe retire. Ced. p. 611. Leo. p, 490. Zon. torn, II. p. 184. Incere. eontin. p. 238. Sym. p. 474.475Georg. p. 566, 567. Pagi ai Bar. VIII. Le fils du )oge de 7enife a 'onftan- ■ inopte.  CONSTANTIN VII. Ann. 912,, Munt. annal. itltal. t. V. P- 270, Ann. 914. IX. Zoé rentte dans le palais. Cedr. p. 6ll , 612. Leo, p. 49°- Zon. t. 11. p. 184, iSj, 382 HlSTOZRE foit part a. 1'Empereur de fon élection , &c 1'Empereur ne manquoit pas de décorer le Doge même ou ion fils du titre de quelque charge de la Cour, qui flattoit ces Princes, mais qui retracoit néanmoins Pancienne dépendance. Pierre , fils de Participace III, élu Doge cette année, revenoit de Conftantinople fort content des préfents qu'il avoit recus & du titre de Protofpataire, lorfqu'il fut arrêté fur la frontiere de Croatie, par Michel, Duc d'Efclavonie , qui le dépouilla & le mit entre les mains du Roi des Bulgares. L'Empereur Grec ne pouvoit nu être d'aucun fecours auprès de Syméon, & ce ne fut qu'a force d'argent que Participace put retirer fon fils. Le jeune Empereur ne pouvoit fe confoler de 1'éloignement de fa mere, qu'Alexandre avoit fait fortir du palais. II la redemandoit fans cefTe;on ne put 1'appaifer qu'en la faifant revenir. Maisa fon retour, elle ferendit maitreffe des affaires , & fit bientöt repentir les favoris d'Alexandre, de la difgrace qu'ils lui avoient attirée. Elle changea entiérement la face  nu Bas-Empire. Liv. LXXII1. 3S3 de la Cour. Le Patriarche eut ordre de ne fe mêler que du gouvernement de fon Eglife. Des autres tuteurs, elle ne conferva que Jean Eladas, qui lui confeilloit d'écarter fes collegues. Mais il ne jouit pas long-temps de fa faveur, il mourut de maladie peu de jours après. Zoé donna la charge de grand Chambellan a un de fes fideles ferviteurs nommé Conftantin; elle honora des premières charges du palais un autre Conftantin & fon frere Anaftafe, tous deux furnornmés Gongyle. Dominique fut Commandant de la garde étrangere; c'étoit lui qui avoit fait éloigner le Patriarche; il eut bientöt le même fort. II avoit été nommé Patrice , & étoit déja en chemin pour aller a 1'Eglife recevoir la bénédiöion du Patriarche, felon la coutume de ceux qu'on élevoit a cette dignité : il eut ordre de retourner chez lui : le grand Chambellan 1'accufoit auprès de 1'Impératrice , de prendre des mefures pour faire couronner fon frere. Sa place fut donnée a Jean Garidas. L'eunuque Damien eut le commandement des gardes de nuit. CONSTANTIN VII. Ann. 914* Ineen, eontin. p, 238. 239' Sym. p. 47J. Georg. pi 567.  CONSTANTINVII. Ann. 914. X. Andrinople perdue Sc recouvrée. Cedr. p. 6n. Leo. p. 491 ,491Zon. torn. II. p. 185. Ineen, eontin. p, Sym. p. 475. Georg, p, j68. XI. Aüiance avec les Patzinaces. Conft. Porph. de *dm. imp. c. l. & feqq. 13 , 37- 33. M, de Gui- 3§4 HISTOIRE Depuis que Syméon s'étolt éloigné de Conftantinople , il fe préparoit a de nouvelles entreprifes. Voyant 1'Empire gouverné par une femme, il fe crut plus affuré du fuccès. Après avoir ravagé une grande partie de la Thrace, il fe préfenta devant Andrinople au mois de Septembre. La ville lituée au confluent de trois rivieres, & bien fortifiée , 1'auroit long-temps arrêté, s'il n'eüt employé un moyen plus fort & plus prompt que toutes les machines de guerre. II corrompit par argent 1'Arménien Pancratucas, qui commandoit la garnifon. Zoé fit ufage du même expédient pour retirer cette place des mains de Syméon même; il la rendit pour une plus grande fomme d'argent. Léon s'étoit fervi des Hongrois contre les Bulgares ; Zoé eut recours a un peuple barbare plus puiffant &t vainqueur des Hongrois mêmes. C'étoieht les Patzinaces dont j'ai parlé dans les livres précédents , & que j'ai conduits des bords du Jaïk a ceux du Tanaïs. La fortereiTe de Sarcel , batie pour défendre le paffage du fleuve,  bu Bas-Empire. Liv. LXXITI. 385 fleuve , ne les arrêta pas long-temps, Poulfant toujours les Hongrois devant eux, ils s'emparerent d'une vafte contrée, tant au-dela qu'au-deca du Boryfthene. Ils étoient divifés en treize tributs qui occupoient huit Provinces , quatre a 1'Orient, quatre a 1'Occident de ce grand fleuve. Du cöté de 1'Orient, ils confinoient aux Chazares, aux Ruffes, aux Cheribnites, & a tous les peuples qui bordoient le Pont-Euxin fur la cöte feptentrionale. Du cöté de 1'Occident, ils s'étendoient depuis les Porouïs ou Sauts du Boryfthene jufqu'au voifinage des Hongrois : ce qui comprend aujourd'hui la Drik-Polie, la nouvelle Servië, la Podolie & la Beflarabie, jufqu'aux embouchures du Danube. Cette nation, auffi féroce que nombreufe , quoiqu'elle eut été obligée de céder aux Uzes, joints aux Chazares qui lui avoient fait abandonner fes premières demeures, faifoit trembler tous les barbares de fon voilinage, & nulle autre peuplade Scythique n'étoit en état de lui réfifter. Les Hongrois qu'ils avoient fouvent défaits, fe reconnoilfoient tellement Tornt XV. R ConstantieVil. Ann. 914.' gnes , hijf. des Huns, t. II. p. ï»9- M. Danville, Mem. Acad. torn. XXX. p. 249.  CONSTANTIN VII. Ann. 914-. 386 HISTOIRE inférieurs, qu'ils refuferent du fecours aux Grecs toutes les fois qu'ils leur en demanderent contre les Patzinaces. Les Bulgares ne pouvoient nuire a 1'Empire, qu'ils ne fuiTent en paix avec eux. Les Ruffes ménageoient leur amitié, paree que la Ruffie n'ayant alors ni chevaux, ni moutons, ils en tiroient des Patzinaces, Sr qu'ils ne pouvoient fe mettre en campagne pour aller attaquer PEmpire, fans lailfer leur pays expofé aux incurfions de ces redoutables voifins. De plus, obligés de fuivre Ie cours du Boryffhene, il falloit porter leurs bateaux fur leurs épaules lorfqu'ils arrivoient aux Porouïs; ce qui les mettoit alors a la merci des Patzinaces. L'Empire n'avoit donc rien a craindre , ni des Hongrois, ni des Ruffes, ni des Bulgares, lorfqu'il étoit affuré de cette nation. Mais elle vendoit chérement fon fecours. Avides & infatiables de préfents, il falloit en faire pour leurs femmes , pour leurs parents, pour leurs chevaux. Auffi hardis k demander, que les Grecs étoient timides k refufer, on éludoit leurs demandes par de  du Bjs-Empire. Liv. LXXIII. 387 faux prétextes. Dans les avis que Conftantin Porphyrogenete donne a fon fïïs Romain, une des chofes qu'il lui recommande le plus, c'eft que fi les Hongrois ou les Patzinaces envoyent demander quelques-uns des habits impériaux ou quelque couronne en récompenfe de leurs fervices , Romain leur réponde , qu'il n'eft pas permis a 1'Empereur, fous peine de malédicfion , de leur abandonner aucun de ces ornements, qui ont été apportés du Ciel par un Ange au grand Conftantin; il en dit autant du feu grégeois. Si quelqu'un de leurs Princes demande en manage la fille de 1'Empereur, ou lui offire la fienne, Conftantin vent auffi qu'on lui réponde, que^ces alliances ont été prohibées par le grand Conftantin , fous peine d'anathême: menfonges puériles qui montrent autant lafoibleffe du Prince qui les employé, que la ftupidité des barbares capables d'en être la dupe. Rien ne prouve mieux la bifarrerie des coutumes des diverfes nations, que la loi établie chez les Patzinaces pour la fucceffion a la couronne. Elle étoit héR ij Constantie VII. Ann. 914,  CONSTANTIN VII. Ann. 914. .383 HlSTOIRE réditaire; mais au-lieu de paffer aux fils 011 aux freres, elle paffoit aux coufins; afin , difoient-ils, que 1'autorité, fans fortir de la même familie, put fe communiquer a toutes les branches. Tels étoient les Patzinaces , dont 1'Impératrice voulut fe faire un rempart contre les Bulgares. Ce fut un confeil de Jean Bogas, qui promit d'engager cette nation a défendre PEmpire; il ne demandoit pour récompenfe d'un fervice fi important , que 1'honneur de Patrice. Zoé reeut cette propofition avecjoie; elle lui mit entre les mains des lbmmes confidérables pour acheter 1'alliance de ce peuple avide. II réuffit dans fa négociation , fit un traité avec eux, & en regut des ótages qu'il conduifit a Conftantinople. Les Patzinaces s'engageoient a paffer le Danube, & a tomber fur les Bulgares au premier mouvement qu'ils feroient contre PEmpire. L'Arménien Afot, fils du Prince de Baafparacan , vint de la part de fon pere faire les mêmes offres contre les Sarafins. Zoé lui fit un accueil honorable , ck le renvoya chargé de préfents.  nu Bas-Empire. Llv. LXXIH. 389 II paroït que ce Prince n'attendit pas long-temps a donner des preuves de fon attachement k PEmpire. Je crois du moins pouvoir lui attribuer ce que rapporte Abulfeda, que Pannée fuivante les Grecs firent des courfes fur les frontieres de la Méfopotamie. L'Auteur Arabe aura confondu les Grecs avec leurs alliés. Mais Damien, Emir de Tyr, qui avoit déja fait tant de mal a 1'Empire, fe préparoit a lui enlever les ifles de PArchipel. Dès que la mer fut navigable , on le vit k la tête d'une grande flotte fur les cótes de 1'ancienne Carie. II attaqua Strobele fur le bord du golfe Céramique; & cette ville auroit bientöt fuccombé k fes efforts, s'il ne fut mort de maladie. Ce contre-temps déconcerta tous les projets des Sarafins , qui fe retirerent en Syrië. Le rede de cette année ne préfente qu'un événement, qui peut apprendre aux Officiers des Princes k ne pas trop compter fur la patience des peuples, qu'ils ne craignent pas d'irriter par leurs vexations. Chasès, Gouverneur de 1'Achaïe , plongé dans la débauche, foutenoit un luxe R iij CONSTANTItï VII. A.nn. 91 ff XII. Courfês des Grecs Sc des Sarafins. Cedr. p. 612. Leo. p. 491. lncert. eontin. pi 240. Sym. p. 475- Georg. p. 55S. Abulfeda.  COHSTANTINVII. Ann. 915 . Ann. 916. XIII. Paix avec les Sarafins. Cedr. p. óii, 650. Leo. p. 491. Zon. torn. II. p. 185. Ineen, eontin. p. a.40. Sym. pag. 476. Georg. p. 56S. Abulfeda , Abulfara&• 39o IIlSTOIRE énorme aux dépens de la Province, qu'il traitoit en pays de conquête, Un jour qu'il affiftoit a 1'office dans une Eglife d'Athenes, le peuple de cette ville , quoique naturellement doux Sc patiënt, ayant formé contre lui un complot ïecret, 1'aflbmma de pierres au pied même de 1'autel: vengeance atroce Sc criminelle par ellemême Sc dans fes circonftances, mais bien méritée par celui qui en fut la viöime. Les Sarafins établis en Sicile, ne dcnnoient pas moins d'inquiétudeque ceux de Syrië. Tandis que ceux-ci attaquoient le cceur de PEmpire , les^, autres travailloient k en détacher les extrêmités, Sc k s'emparer de ce qui refloit aux Grecs en Italië. BenKhorab, révolté contre le Calife d'Afrique, s'étoit rendu maitre de 1'ifle» Réfolu d'illuflrer fon ufurpation par la conquête de la Calabre, il fe mit k Ia tête d'une flotte; mais elle fut battue par la tempête, & entiérement détruite dans le détroit de MefTine. Peu de temps après, Ben-Khorab fut pris par les troupes que le Calife enyoya contre lui; on le tranfporta en  du Bas-Empire. Liv.LXXIIL 391 Afrique oü il eut la tête tranchée. Mais 1'ennemi le plus incommode & le plus dangereux , paree qu'il étoit le plus voifin de la capitale , étoit le Roi Bulgare. Pour pouvoir réunir contre lui toutes les forces de PEmpire, Zoé réiolut de fe débarraffer des autres guerres en faifant la paix avec les Sarafins. Euftathe , Gouverneur de Calabre, fit avec les Sarafins de Sicile un traité , par lequel 1'Empire s'engageoit a payer tous les ans au Calife d'Afrique un tribut de vingt-deux mille pieces d'or , c'eft-a-dire , prés de cent mille »écus de notre monnoie. II falloit s'aflürer du Calife de Bagdad. Zoé envoya deux Ambaffadeurs, Rodin & Toxaras , pour traiter avec lui. 'La relation que les Auteurs Arabes nous ont laiflee de leur réception, donne une grande idéé de la magnificence de cette Cour. Toute l'armée, compofé de cent foixante mille hommes, tant cavaliers que fantaffins, étoit fous les armes. On rencontroit enfuite la maifon du Calife rangée en haie, & fuperbement vêtue : on y voyoit lept mille Eunuques , quatre R iv ConstantieVII. Ann. 916, Murat. ann. /ïltal* t. V. p. 277. Abri'gé dl Vhift. dltal. t. 12, p. 66S-.  CONS"MkNTIN VII. Ann, 916. 392 &ISTOIZE mille bJancs, trois mille noirs, fept cents portiers. Sur le Tigre flottoit un nombre infini de barques richement équipées. Le palais étoit orné de trente-huit mille pieces de tapiffene, oü brilloient 1'or & la foie, & de quarante mille tapis. De diftance en difiance, de grands lions, jufqu'au nombre de cent, fymboles du Prince & de fes Minirtres, donnoient a toute cette pompe par leurs rugnTements, un air eifrayant & fauvage. Au milieu d'une falie immenfe, un grand arbre, partie d'or , partie d argent , fe divifoit en dix - kuit grolfes branches, fans compter les petites, couvertes de feuilles, & chargées d'oifeaux de lün & de 1'autre métal; les branches s'agitoient par des relforts ; les oifeaux rendoient un ramage. Les deux Ambafiadeurs furent introduits par le Vifir qui leur fervit d'interprete. On convint de la paix & de 1'échange des pnfonmers. II s'en trouva entre les mains des Grecs un nombre fi fupéneur, qu'après avoir rendu homme pour homme, il en coüta encore au Cahfe cent vingt mille pieces d'or  du Bas-Empire. Liv. LXXIII. 393 qui valoient environ quinze cents mille livres de notre monnoie. L'Impératrice n'ayant plus rien k craindre du cöté de 1'Orient, fit paffer en Europe toutes les troupes d'Afie. On n'avoit vu depuis long-temps une li belle armée, & 1'on ne doutoit pas que cette année ne fut la derniere pour le Royaume de Bulgarie. Pour encourager tant de foldats, Zoé leur fit d'avance difiribuer la paye de toute la campagne, &y ajouta de nouvelles libéralités. Elle mit k leur tête Léon Phocas, fils de ce vaillant Nicéphore, qui s'étoit fignalé fous les deux regnes précédents. Comme le nouveau Général, déja connu par fa valeur , n'avoit pas encore 1'expérience du commandement, on lui donna pour confeil Conftantin 1'Africain , qui ayant échappé cinq ans auparavant k la punition des autres complices de Ducas , avoit reparu après la difgrace des tuteurs, & s'étoit concilié la faveur de Zoé. Tous les Officiers diftingués par leur rang & par leur mérite, voulurent avoir part a la gloire de cette campagne. Entre les autres moins connus dans 1'hifR v CONSTANTIN VU. Inn. 917. XIV. Les Grecs» narchent :ontre les Julgares. Cedr. p. Sl2, 613, S14. Leo. p. 591 , 992. Zon. t. 11. 185, 186. Ineen. :ontin. y. 240, 241. Sym. p. 476, 477Georg. p. 568, 569, 570.  CONSTANTIN VII. Ann. 9.17. XV. Bataille d'Acheloüs. II I S T 0 I R Ë toire, on remarque Bardas Phocas "t frere du Général, Romain & Léon, hls d'Euftathe Argyre, & Nicolas, fils de Ducas, qui n'avoit pas été enveloppé dans le malheur de fon pere. Cé brave Mélias, autrefois efclave d'Angurinès , devenu Gouverneur d'une Province qu'il avoit formée, vint avec une troupe d'Arméniens de fa dépendance. Avant le départ, on aflembla l'armée dans une plaine aux portes de Conftantinople, & 1'Archiprêtre du palais , portant en fes mains le bois de la vraie Croix, fit mettre k genoux tous les foldats, &c leur fit jurer qu'ils vaincroient ou qu'ils mourroientenfemble, fans feféparer par la fuite. Après ce ferment téméraire, on marcha en Bulgarie. Le fixieme jour d'Aoüt, on rencontra les Bulgares prés d'un chateau nommé Acheloüs, fur les bords du Danube; on les chargea fur le champ, & l'armée Grecque, très-fupérieure en forces , les mit en déroute dès le premier choc. Dans Pardeur de la pourfuite, le Général mourant de foif defcendit de cheval prés d'une fontaine; tk tandis qu'il  du Bas-Empire. Lh.LXXHÏ. 395 fe déialtéroit, fon cheval ayant rompu fon licol, s'enfuit au travers des troupes Grecques. On le reconnut, on crut Léon mort; la confternation fe répand par toute l'armée; on ceffe lapourfuite; quelques efcadronstournent bride pour faire retraite. Syméon , qui fe retiroit en bon ordre, appercevant du haut d'une éminence ce qui fe paflbit dans l'armée ennemie, profite du moment; il retourne fur les Grecs, tk les trouvant abattus de triftefle tk k demi-vaincus, il les met aifément en fuite. Les Grecs, auparavant vainqueurs, ne fongent pas même a fe défendre. Saifis d'une épouvante foudaine, ils fe précipitent, ils fe renverfent hommes tk. chevaux ; on en fait un horrible carnage. Le Général Léon gagna Méfembrie. Conftantin 1'Africain périt dans cette funefte journée avec grand nombre des meilleurs Officiers. Quelques Auteurs donnent une autre caufe a ce trifte événement : ils difent que Léon Phocas, pourfuivant les ennemis, apprit que Romain Lécapene. Commandant de la flotte, qui étoil entrée dans le Danube, au-lieu de R vj _ CONSTANTIN VII. Ann. 917.  COKSTANTINVII. 'Ann. 917. XVI. Romain Lécapene accufé de ïrahifon. 396 HISTOIRE le feconder, comme il en avoit ordre , fe retiroit, & faifoit voile vers Conftantinople , a deffein de fe faire Empereur : quëtant lui-même poffedé de la même ambition, il quitta auffi-töt fon armée, & courut a toute bnde vers le Danube, pour s'affurer de la vérité de ce rapport; & que fes foldats s'imaginant qu'il fuyoit, fe débanderent,. & prirent la fuite j. ce qui donna la viöoire k Syméon, Tous conviennent que depuis Igngtemps, 1'Empire n'avoit effuyé une fi fanglante défaite. On devoit d'autant moins s'y attendre , qu'outre la fupériorité des forces, les Patzinaces étoient prêts a fe joindre a l'armée Grecque, ainft qu'ils en étoient convenus. Jean Bocas les avoit amenés au bord du Danube , & Romain Lécapene , grandAmiral, étoit entré dans le fleuve avec fa flotte, pour leur procurer le paffage. Mais une conteftation furvenue entre Bogas & Romain rompit ces mefures. Les Patzinaces, laffés d'attendre Ia fin de cette querelle , abandonnerent avec mépris des geiis qui s'entendoient fi mal, & reprirent le  nuBas-Empire. Lfo. LXXIIL 397 chemin de leur pays. Bogas, de retour a Conftantinople , accufa Romain devant le Sénat, d'avoir été la principale caufe de la défaite , en refufant de palfer les Patzinaces, & en laiffant l'armée expofée a la fureur des ennemis fans donner retraite aux fuyards. Romain fut jugé coupable de trahifon, & condamné a 1'aveuglement; cequi auroit été exécuté, fans la proteetion puilTante de 1'Impératrice, qui ne vouloit gas perdre un courtifan de trèsbonne mine, qu'elle honoroit de fes faveurs. Syméon, fier de fa vicfoire, marcha droit a Conftantinople. Léon Phocas s'y étoit rendu avec les débris de fon armée. Réfolu de périr ou d'effacer par fa valeur la honte de fa défaite, il fort de la ville a la tête de ce qu'il peut raffembler de foldats, accompagné de Nicolas , fils de Ducas, qui s'étoit fignalé dans la malheureufe bataille contre les Bulgares. A quelque diftance de Conftantinople , ils rencontrent un grand corps d'ennemis qui s'étoient avancés pour piller les campagnes; ils le chargent & le mettent en fuite. L'avant-garde qui ac- CONSTANTIWVII. iVnn. 917. XVIL' Syméon repouffé de devane Conftantinople.  CONSTANTIN VII. Ann. -917. Ann. 919. XVIII. Léon Phocas & Romain Lécapene afpirent tous deux a 1'Empire. Cedr. p. 614 , & fm- Leo. p. 491, (f ' feqq. ; Manajf. p. ' III, 112, I13. Zen. ] 398 U I S T 0 I R Ê couroitpourle fourenir, fut repoufféeayec vigueur; enfin, toute l'armée réunie ne put réfifïer h leur fougue impétueufe , tk les Grecs combattant en défefpérés alloient rendre la pareille aux Bulgares , lorfque Syméon pour ne pas perdre entiérement 1'honneur de fa vicfoire, fit fonner la retraite ; & marchant en bon ordre, toujours fur la défenfive, s'éloigna de Conftantinople. Nicolas fut tué dans cette rencontre en donnant des marqués d'une héroïque valeur. Une couronne mal affurée fur la tête d'un jeune Prince qui n'avoit rien de grand dans le caractere, mal appuyée par une mere plus occupée de fes plaifirs fecrets que des affaires publiques , fembloit devoir être le irix du plus hardi ufurpateur. Un Vlacédonien , nommé Bafile , effaya le lënlever par 1'impofture ; il pré;endit être Conftantin Ducas, auquel, lifoit-il, on s'imaginoit fauffement 1 voir öté la vie. II fit même un parti; nais il fut bientöt pris tk brülé vif. mtre les principaux Seigneurs, qui ous fe croyoient dignes de 1'Empire, es deux plus puiflants étoient Léon  du Bas-Empire. Liv. LXX1IL 399 Phocas & Romain Lécapene; 1'Empereur Léon en mourant avoit nommés 1 un Général de fes armées, 1'autre grand-Amiral. Leur ambition fit taire celle des autres, qui n'ofant entrer en concurrence avec eux, demeurerent fpectateurs du combat. Léon Phocas eft déja connu. Romain Lécapene étoit fils de ce foldat Arménien, nommé Théophylacte, qui, dans une bataille, avoit fauvé la vie a 1'Empereur Bafile. D'abord fimple foldat de marine , il s'étoit avancé par fes fervices , tk dans une guerre contre les Sarafins, il s'étoit fait une grande réputation de force & de courage en tuant un lion, pret a dévorer un de fes gens. La valeur & la hardieffe étoit égale dans ces deux rivaux; mais Romain favoit y joindre la rufe & la foupleffe. Léon, au contraire, comme s'il eut été fur du fuccès , ne fe donnoit pas même la peine de cacher fes deffeins ambitieux. II comptoit fur fa nobleffe, fur fon crédit, fur le grand pouvoir du Chambellan Conftantin, dont il avoit époufé Ia fceur. Conftantin étoit le Chef des Eunuques, Miniftres afli- CONSTANTIW VII. Ann. 9195 p. 186, 187,188. Glycas , pag. 3 00. Joel. p. 1S0. Incert. eontin. p. 241 , 6feqq. Sym. p. 477 . * feqq. Georg. pi 570, t> Liutpr. hifi. I. 3. c. 6. 8. Sigeb. ehron. Dn Cangt fam. By^. p. 161. Pagi ad Bar. Giann. hifi. Nap. I. 7- e. 4. Murat. annal. A'lta!. t. V. p. 28 5,  CONSTANTINVII. Ann. 919, 400 H I S T 0 I R. E dus des voluptés de 1'Impératrice, & par ce mérite, arbitres de la Cour. Mais Lécapene avoit encore en ce point un grand avantage ; il difpofoit de Tlmpératrice même, dont il s'étoit fait aimer. Habile dans Part de diffimuler, il affeöoit pour le Prince un attachement fans réferve ; en forte que Théodore, Gouverneur du jeune Empereur, craignant pour fon éleve les effets de 1'audace de Léon , lui cönfeilla de fe jetter entre les bras de Romain , comme du plus zélé de fes ferviteurs. Théodore écrivit donc k Romain que fa fidélité exigeoit de lui qu'il protégeat la jeuneffe du Prince contre les traitres qui en vouloient a fa couronne , & peut-être a fa vie. Mais Romain appréhendant que ce ne fut un piege, réponditavec une faulfe modeftie , qu'il étoit prêt k verfer jufqu'a la derniere goutte de fon fang pour le fervice de fon maitre; mais qu'il fe reconnoiffoit infiniment audeffous de la qualité de fon protecteur; qu'il fe tenoit affez honoré d'obéir k fes ordres & k ceux de fa mere. Plufieurs lettres de Théodore ne purent tirer de lui d'autre réponfe.  du Bas-Empire. Liv. LXXHI. 401 Enfin, 1'Empereur lui-même lui ayant ' écrit de fa main, il promit de s'oppofer de toutes fes forces au Chambellan Conftantin , & k ceux dont il favorifoit les pratiques criminelles. Cette intrigue ne put demeurer fecrete. Bientöt on ne parloit k Conftantinople que de la rivalité de Léon & de Romain; & comme s'il fe fut agi du combat de deux fameux athletes, chacun fe déclaroit pour 1'un ou pour 1'autre. Le Chambellan prélbmptueux fe periuadoit que fon parti ne pouvoit fuccomber. II réfolut d'éloigner Romain ; &c comme celui-ci refufoit de mettre k la voile, que fes troupes & fes équipages ne fuffent payés, Conftantin fe tranfporta au bord de la mer pour diftribuer la paye. Romain vint au-devant de lui dans une chaloupe ; & 1'abordant avec les démonftrations du plus profond refpecl:, il 1'entretint long-temps de fon dévouement, du defir ardent qu'il avoit de mériter fes bonnes graces, de I'état de la flotte & des projets qu'il formoit pour 1'honneur de 1'Empire. II avoit eu foin de fournir ia chaloupe des plus vigoureux ma- CONSTANTIN VII. ft.nn. 919» XIX. Romain fe faiflt du Chambellan Couf» tantin.  CONSTANTIN va. Ann. 919, XX. Trouble dans le palais. 40& HlSTOIRE telots ; 6c dans le moment qne Conftantin , fatisfait de fes humbles proteftations de refpecf. & d'obéiffance, lui donnoit ordre de lever 1'ancre fur le champ, Romain ayant dit a fes gens : Saififfe^-vous de eet homme, Ia chofe fut auffi-töt exécutée, fans que perfonne de la fuite du Chambellan ofat le défendre. Le fuperbe Miniftre fe trouva en un inftant tranfporté fur la flotte, 6c prifonnier de 1'Amiral. La nouvelle de eet enlevement fit grand bruit a Conftantinople; on le regardoit comme le fignal d'une guerre civile. Zoé, qui n'avoit pas été prévenue, envoya le Patriarche & les principaux Sénateurs demander a Romain la raifon d'une acfion fi hardie; ils furent recus a coups de pierres; on ne les laiffa pas même approcher.' Le lendemain au point du jour Zoé ayant fait venir fon fils 6c toute fa maifon, leur demande la caufe de ces mouvements. Tous les autres gardant le filence , Théodore prend la parole : Princeffe, dit-il, accufe^-en Léon Phocas & Conjlantin même; L'un a mis le défordre dans les troupes } l'ati"  nu Bas-Ewpire. Liv. LXXIH. 403 tn dans le palais. En même-temps 1'Empereur déclare qu'il veut gouverner par lui-même, & il fait revenir auprès de lui le Patriarche Nicolas & 'le tuteur Etienne. L'Impératrice les avoit bannis de la Cour; ils s'en vengent dès le jour fuivant, en lui faifant fignifier qu'elle ait a fortir du palais. Défefpérée d'un affront fi outrageant, Zoé court a 1'appartement de fon fils; elle fe jette a fon cou, & ranime fa tendrefle ; il verfe lui-même des larmes , & commande qu'on lui laiffe fa mere. Craignant tout de Léon Phocas, il lui óte fa charge de Capitaine de la garde, & la donne a Jean Garidas. Léon obtient cependant que celle de Commandant de la garde étrangere foit donnée a fon fils Syméon, & a Théodore, fon beau-frere; & après avoir juré a 1'Empereur une fidélité inviolable, il fe retire dans fa maifon. A peine eft-il forti du palais , qu'on en bannit & fon fils & fon beau-frere. Effrayé de ce nouveau coup de foudre 5 il croit n'avoir d'autre reffource que de fe liguer avec Romain même pour fe défendre contre fes autres enne- C ONSTANTINVII. Ann. 919;  CONSTANTIN VII. Ann, 919, XXI, Romain vient au palais. 404 HlSTOIRE mis. Ii monte a cheval, Sc fe rend a la flotte. II expofe k Romain les affronts qu'il vient de recevoir , 8c lui veut perfuader qu'il doit s'attendre aux mêmes traitements de la part des Miniftres d'un jeune Prince , ames balles 6c jaloufes de tout mérite qui les efface. II lui propofe de s'unir enfemble pour réfifter a leurs attaques. Romain, plus rufé que lui, feint d'embraffer ce parti avec joie ; ils cimentent leur nouvelle alliance par des ferments réciproques, qui ne coütent rien k des ames corrompues. Ils conviennent même de marier enfemble leurs enfants , 5c fe promettent le fecret. Léon fe retire fur fes terres en Cappadoce. Romain , qui ne tenoit compte des ferments qu'il venoit de faire aLéon, envoyé au palais pour fe juflifier ; 6c toujours prêt k jurer pour appuyer un menfonge, ilprotefte paree qu'il y a de plus facré, qu'il n'a rien fait pour fa propre élévation ; que fon unique vue a été de mettre 1'Empereur k couvert des attentats de Léon. Comme le Patriarche qui gouvernoit alors le Prince, plein d'une jufte dé-  nv Bas-Empire. Liv. LXXIH. 405 fiance n'admettoit point fes excufes, fon ami Théodore lui mande qu'il eft temps de lever le mafque; il lui confeille de fe préfenter a la tête de la flotte dans le port voifin du palais. Romain , étonné lui-même de la hardiefle de 1'entreprife , après avoir long-temps balancé, preffé enfin par les vives follicitations de fes amis, entre dans le port de Bucoléon le 25 Mars avec toute fa flotte armée en guerre. A la vue d'un appareil fi formidable , Etienne quitte le palais; & le Patrice Nicétas, ami de Romain, en fait fortir le Patriarche. On permet a. Romain d'y entrer ; mais on ne le recoit qu'après lui avoir fait jurer fur la vraie croix, que jamais il ne formera aucun deffein au défavantage du Prince. Le jeune Empereur le conduit a la chapelle du palais; & après qu'ils fe font engagés 1'un a 1'autre par des ferments mutuels, Romain eft revêtu de la charge de Commandant de la garde étrangere. De peur que la jaloufie ne fafle prendre les armes a Léon Phocas, on force le Chambellan Conftantin, fon ami, de lui écrire qu'il ait patience; qu'on CONSTANTINVII. A.nn. 919,  C ONSTANTIN VII. Ann. 919. XXII. Léon prend les armes. 406 , HlSTOIRE lui prépare un fort encore plus honorable; que s'il demeure fidele au Prince , il ne fera pas long-temps fans fe voir au-deflus de tous fes rivaux. Léon, trompé par ces belles promeffes, en attend tranquillement les effets. Cependant Romain profitant habilement de fes avantages, fait tous les jours quelque pas vers le .tröne. II rend le jeune Prince amoureux de fa fille Hélene, qui joignoit beaucoup d'efprit aux graces de la beauté, & le manage fe fait la feconde fête de Paques. Romain recoit en même-temps le titre de Pere de U Empereur, dignité fupérieure a toutes les autres, imaginée fous le regne précédent en faveur de Stylien. Sa charge de Commandant de la garde étrangere paffe a fon fils Chriflophe. La nouvelle de tant d'honneurs prodigués k Romain & k fa familie, alla bientöt réveiller la jaloufiede Léon Phocas. Le Chambellan Conftantin va le trouver en Cappadoce avec trois autres des prineipaux Seigneurs de la Cour; ils aigriftent encore fon reffentiment. Par leur confeil, Léon affemble une armée nombreufe; toutes les troupes  duBjs-Empire. Liv.LXXliï. 407 d'Afie , dont il étoit Général, fe rendent fous fes enfeignes, & marchent a fa fuite vers Conftantinople. II ne prenoit les armes , difoit-il, que pour tirer 1'Empereur des mains de ceux qui le tenoient en- efclavage. Pour diffiper eet orage , Romain n'eut befoin que du nom de 1'Empereur. II compofa des lettres par lefquelles le Prince ordonnoit a tous ceux qui fuivoient Phocas, de 1'abandonner, promettant des récompenfes a ceux qui feroient le devoir de fideles fujets, comme il menacoit de chatiment les complices de la révolte. II fcella ces lettres du fceau de 1'Empereur, &les mit entre les mains d'un Clerc nommé Michel, & d'une femme nommée Anne , que la Cour employoit volontiers dans toutes les intrigues, paree que pour la fervir, elle n'épargnoit pas même fon honneur. Plus adroife que Michel, tk plus exercée a ce manege, elle s'acquitta de fa commiftion avec fuccès. Mais Michel fut découvert, & Phocas lui fit couper le nez & les oreilles. Ces lettres ne furent pas fans effet ; elles détacherent de Phocas plufieurs des CONSTANTIN VII. Ann. 919, XXIII. Romain difiipe la rébellion de Léon.  CONSTANTINVII. Ann, 919. A08 UlSTOIRS principaux Officiers ; ce qui ne 1'empêcha pas de continuer fa marche. II arriva vis-a-vis de Conftantinople, ck borda de foldats tout le rivage du Bofphore , depuis Chryfopolis jufqu'a Chalcédoine. II efpéroit réduire fes ennemis par la feule terreur de fes armes , a lui propofer des conditions avantageufes. Mais malgré 1'épouvante qui s'étoit répandue dans Ia ville, le Secretaire Syméon fut affez hardi pour traverfer le détroit dans une chaloupe, portant a l'armée de Phocas une déclaration écrite de la main de 1'Empereur, ck concue en ces termes: » Ayant reconnu par ex» périence la vigilance ck la fidélite » de Romain, je 1'ai choifi pour le » gardien & le défenfeur de ma per» fonne après Dieu ; ck convaincu de » fonaffeftion paternelle, je déclare » qu'il me tient lieu de pere. Quant » a Léon qui n'a cefle de troubler »> notre regne par de fourdes intri» gues, & qui nous fait aujourd'hui » une guerre ouverte, je le déclare » déchu de toutes fes dignités , cou» pable de haute trahifon, ck digne » par fes attentats de toute ma colere. » Vous  du Bas-Empis.e. Liv. LXXIII. 409 » Vous donc qu'il a féduits par fes » menfonges, reconnoiffez la vérité, » féparez-vous d'un rebelle odieux, » & rentrez fous 1'obéilTance de votre » légitime Empereur ". A 1'arrivée de Syméon, toute l'armée, que Léon ne put retenir, s'alfemble autour de lui. La leclure des lettres-patentes fait une forte imprefllon fur les troupes. Trompées par les difcours de leur Général, elles avoient cru jufqu'alors qu'elles fervoient 1'Empereur, & que Phocas agilfoit d'intelligence avec lui pour le délivrer de la tyrannie de Romain. Dès qu'elles furent défabufées, elle fe débanderent; &C Léon abandonné , fuivi feulement de fes plus fideles ferviteurs, après s'être en. vain préfenté devant plufieurs fortereffes qui lui fermerent leurs portes , fut pris par un détachement envoyé pour le pourfuivre. Ceux qui le ramenoient a Conftantinople lui creverent les yeux en chemin, fans doute par un ordre fecret de Romain, qui les défavoua, affecf ant même d'en paroïtre affligé. Tel fut le fuccès des projets ambitieux de Léon Phocas. Tant que la vi&oire avoit paru Tornt XV. S Constantie VII. Ann. 919. xxiv; Diverfes  AIO H 1 S T 0 I R E CONSTANTIN VIL Ann. 919. conjurations contre Romain. incertalne entre les deux rivaux , ils avoient également partagé la haine publique. Dès que la querelle fut décidée au défavantage de Léon, la compaffion lui fit un mérite d'avoir fuccombé, & le fuccès de Romain le fit paroitre criminel même k plufieurs de fes partifans. Trois dès premiers Officiers du palais gagnerent des affaffins pour le tuer k la chafle. Le complot fut découvert ; On creva les yeux aux coupables , leurs biens furent confifqués, & après les avoir battvis de verges, on les promena fur des mules dans la grande place pour les donner en fpeftacle au peuple. Romain, par une baffevengeance fit conduire au milieu d'eux Pinfortuné Léon Phocas. Le commerce fecret établi depuis long-temps entre Zoé & Romain , n'étoit pas lëffet de 1'amour : la débauched'un cóté, 1'ambition de 1'autre, étoient les feuls liens qui les unilfoient. Dès que Romain fentit qu'il pouvoit voler de fes propres ailes, il négligea Zoé. La Princeffe , piquée au vif de fe voir méprifée par un homme qui lui devoit fa fortune, réfolut de s'en venger par  du Bas-Empire. Liv. LXXIII. 411 le poifon. Elle fut trahie, & Romain la fit rafer & renfermer dans un cloitre'. II n'étoit perfonne a qui Romain eut de plus grandes obligations qu'a Théodore, Gouverneur du Prince; c'étoit Théodore qui avoit mis en mouvement fon ambition , qui lui avoit ouvert 1'entrée du port & les portes du palais, qui 1'avoit pour ainfi dire pris entre fes bras pour le placer a cóté du Prince. Mais Théodore commencoit a s'appercevoirque Romain ne fe contentoit pas d'un róle fubalterne , &C il étoit trop attaché k fon éleve pour confentir a 1'ufurpation. Les mefures qu'il prit pour 1'empêcher, le rendirent fufpecf; on oublia tous fes fervices ; & un jour qu'il étoit k table avec fon fils Syméon , chez le Connétable Théophylacf e , Jean Curcuas , alors Commandant duguet, fuivi d'une troupe d'archers , les enleva tous les trois, & les tranfporta fur leurs terres au-dela de 1'Hellefpont, avec défenfe d'en fortir. Romain agiflbit déja en fouverain; il ne lui en manquoit que le titre. Conftantin, agé feulement de ' quinze ans, Prince fans expérience s S ij CONSTANTIN VII. Ann. 919,' XXV. Romaiii :ouron-  CONSTAKTLNVII. IfOMALN. Ann. 9.19. 4?£ H I S T O I R E qu'une longue vie ne lui donna même jamais, tendit la main acetambitieux pour 1'aider a monter fur le tröne. II le nomma Céfar le 24 Septembre', & le 17 Décembre de cette même année 91<), il lui permit de prendre le diadême , dont le Patriarche Nicolas le couronna .folemnellement. Romain , devenu Empereur ., prit fur lui tous les foins comme toute 1'autorité du gouvernement; & laiffa fon collegue , d'un caractere doux & paifible , paffer obfcurément fes jours dans des études, quihono-rent un particulier , mais .qui ne doivent occuper que le loifir d'un Prince , auquel U-nën refte guere quand •il eft digne de régner. Pendant ces -grands mouvements , dont la Cour 4e Conftantinople étoit agitée, tout étoit tranquille au-dehors. Pu moins Phiftoire de eette année ne fait men.tion d'aucune guerre, finon de quelques combats de peu d'importance entre les ..Grecs , toujours maitres de 1'Apulie, & les Princes de Bénévent & _de Capoue , tantöt amis , tantöt ennemis ,.qui remporterent alors quél.que avantage,.  su Bas-Empire. Liv. LXXIII. 413 Le nouvel Empereur, pour aflurer fa puiffance , fe hata d'en répandre l'éclat fur fa familie. Le fix Janvier de 1'année fuivante, il donna le titre d'Augufte a fa femme Théodora; &le jour de laPentecöte,ilfïtcouronner fon fils ainé Chriflophe. Conftantin lui-même préfidoit h cette cérémonie , qui lui caufoit un mortel déplaifïr; mais Ia crainte 1'obligeoit de Ie difTimuler. Agathe, fille de Romain, époufa Léon Argyre. C'étoit, au rapport des Hiftoriens, le plus accompli de tous les Seigneurs de la Cour'. La valeur , la prudence , la fimplicité antique , une libéralité inépuifable envers les malheureux, fe trouvoient réunies dans fa perfonne a lëxtérieur le plus avantageux. Depuis la dépofition du Patriarche Euthymius, 1'Eglife de Conftantinople'étoit divifée, une partie des Eccléfiaftiques s'étant féparés de ceux qui avoient approuvé les quatriemes noces de Léon. Nicolas voulant réunir les efprits, s'adreffa au Pape , & Jean X envoya des Légats qui rétablirent la concorde. La difcipline au fujet des mariages fut réglée par un S iij Constantie VII. Romain. Ann. 920. XX VI. Romain éleve fa familie aux honneurs dutröne. Cedr. p. 619. Leo. p. 496. Zon. t. 11. p. 18S. . Joel. f. 180. Incert. eontin. p, 226. Sym. p. 4S1. Georg. p. 574- Sigeb. chron. XXVII. Fin du fchifme de 1'Eglife de Conftantinople. Cidr. p. 619.  constantin VII. Romain. Ann. 920. Leo. p. 497- Confiant. 13. novel. Ineen, eontin. p. 246. Sym. p. 481. Georg. pm 574- Baronius. Pagi ad r»... Balfamon ad epiji, Bafilii ad Amphiloc. Fleury t hifi. ecelef. L J4- nople, 4.nn. 923, XXXIII. Nouvelle  CoNStantin VII. Romain, Ann. 923 irruption des Bulgares. Cedr. p, 621 , 651, Leo. P. 498 , 499' Ineen, eontin. p, 249, 250. Sym. p. 482. Georg. p, 577, 578. Du Cangc. Conft. Chrift. I. 4' f' 12. 424 U i s t 0 i k e '■ tanrinople. L'opulence de cette gran« de ville avoit bientöt réparé les dommages caufés par les incuriions des ennemis; & c'étoit pour eux un nouvelattrait. Ils avancerent jufqu'au palais de 1'Impératrice Théodora, femme de Théophile, fitué hors de la ville, & n'y trouvant aucune défenfe , ils le pillerent & y mirent le feu. Les habitants étoient confte.rnés. Romain voulant ranimer les courages, invita les Officiers de guerre a un fplendide feftin. L'infolence des Bulgares fit le fujet de 1'entretien des convives, & 1'Empereur n'oublioit rien de ce qui pouvoit échauffer les cceurs. Ses difcours pathétiques , aidés de 1'ardeur que le vin infpire , ayant exalté les efprits, tous devinrent autant de héros , tous promettoient a 1'envi de fe facrifier pour 1'honneur de 1'Empire. Saöice, Commandant de la garde de nuit, fe fignala entre tous par fes bravades; & dés le lendemain au point du jour, encore embrafé de cette chaleur téméraire, fuivi feulement de la compagnie qu'il commandoit, il vole au camp ennemi, il le trouve prefque abandonné.  duBjs-Empire. Liv.LXXIII. 425 Les Bulgares étoient déja difperfés dans les campagnes pour butiner. II maffacre ceux qui étoient reftés a ia garde du camp : mais quélques-uns échappés du carnage ayant averti leurs camarades, Saclice lé voit bientöt enveloppé d'une armée nombreufe, qui fond fur lui de toutes parts. II combat long-temps avec une valeur défefpérée ; obligé de céder au nombre , il fe bat en retraite. Son cheval s'étant embourbé au palfage d'un ruiffeau, il recoit une bleffure mortelle. Dégagé enfin par fes efforts & par le fecours de fes gens, qui toujours pourfuivis s'arrêtoient de temps en temps pour faire face aux ennetnis, il arrivé au fauxbourg de Blaquernes; & ayant perdu fes forces avec fon fang, il fe fait porter dans 1'Eglife duSaint-Sépulcre ,oü il expire la nuit fuivante, au grand regret de 1'Empereur & des foldats, qui donnoient a une fougue infenfée 1'admiration due a une fage valeur. Les Bulgares après leur ravage reprirent le chemin de leur pays. Syméon, mécontent de tirer fi peu de fruit de tant d'expéditions, réfolut de faire const a-n tin VII. Romain. Ann. 913,  CONSTANTINVII. Romain. Ann. 923, 1 < i s i I 1 i n e x 1; 42ó HISTOIRE un dernier effort pour fe rendre maitre de 1'Empire. II conclut un traité de ligue avec le Calife d'Afrique. Les conditions étoient que le Roi Bulgare viendroit par la Thrace avec toutes fes forces attaquer Conftantinople, :me les Sarafins Paffiégeroient par mer, ■p'après la prife les deux nations parageroient le pillage, & que Syméon iemeureroit en poffeflion de la ville, Les députés du Calife accompagnement ceux du Roi pour obtenir de lui a ratification du traité. Ils furent arêtés en Calabre, & envoyés a Confantinople. Romain, qui fentoit com>ien cette ligue étoit dangereufe pour 'Empire, profita de cette occafion >our la rompre , & pour détacher le Calife des intéréts de Syméon. I! it mettre en prifon les députés Bulares; traita au contraire les Sarains avec honneur, les chargea de >réfents pour eux - mêmes &£ pour ?ur Prince, leur recommandant de li dire que c étoit ainjï que les Roidins fe vengeoient des ennemis qu ils limoient. II s'excufoit en même;mps fur les troubles d'Italie , de 'avoir pas encore payé le tribut an-  nu Bas-Empire. Liv. LXXIII. 427 nuel des vingt-deux mille pieces d'or , : & promettoit une prompte fatisfaction.Les députés, de retour en Afrigue , infpirerent au Calife tant d'amitié pour Romain, &c par les éloges qu'ils firent de fa générofité, & par les préfents qu'ils lui mirent entre les mains, que ce Prince non-feulement renonca a 1'aliiance des Bulgares, mais remit même a 1'Empereur la moitié du tribut qu'il étoit en droit d'en exiger. On déterra vers ce temps-la dans le monaftere de Saint-Mamas hors de la ville , trois urnes de bronze, rempiies de cendres ; 1'une plus grande & ornée de bas-reliefs; les deux autres plus petites & tout unies. On fe perfuada que ces cendres étoient celles de Maurice & de fes enfants, quoique cette opinion ne s'accordat guere avec ce que les Hiftoriens rapportent des fuites de la mort de ce Prince. Romain les fit apporter dans la ville par le Patrice Pétronace, & dépofer dans le monaftere de Myrelée qu'il avoit fait batir. Curcuas, chargé de la défenfe de 1'Empire, du cóté de 1'Euphrate & de CONSTANTIE VII. ilOMAIN. inn. 923, XXXIV. Urne des :endres le Mauri? ;e. ^nn. 924. XXXV. Révolte le Boïlas.  constantin VII. Romain. Ann. 924. Cedr. p. 622. Leo. p. 499- Incert. eontin. p. 2 JO. Sym. p. 4^2,483. Georg. p. 578. Lup. Protofp.chron.Chron. Baren/e. Murat. an' nal. d'Ital, t. V. p. 301, 42S II I S T 0 I R B la Syrië , réprimoit depuis quatre ans toutes les entreprifes des Sarafins. Mais en 924, il s'éleva des troubles fiir la frontiere de FArménie & du Pont. Le Patrice Bardas Boilas commandoit en cette contrée. Voulant apparemment fe faire une principauté, fans courir lui-même aucun rifque, il excita deux Seigneurs puilfants, Adrien 6c Tazate, a prendre les armes. Ils leverent Pétendard de la révolte en s'emparant d'une place forte nommée Païpert. Curcuas, qui fetrouvoit alors a Céfarée de Cappadoce , accourut au bruit de ces mouvements; il livra batail'e aux rebelles, les défit , prit Adrien avec les principaux Officiers, auxquels il fit crever les yeux. II renvoya les fimples foldats fans leur faire aucun mal. Quant k Tazate, s'étant refugié d'abord dans une fortereffe, il fe rendit enfuite a Conftantinople fur la parole qu'on lui donna de 1'impunité, 6c fut recu entre les gardes de 1'Empereur, nommés les Manglabites. Peu de temps après, comme on eut découvert qu'il fongeoit k s'enfuir pour exciter de nouveaux troubles, on le punit  du Bas-Empib.e. Liv, LXXIII. 429 d'aveuglement. Eoïlas, auteur de cette rébellion, auroit mérité un chatiment encore plus rigoureux. Mais Romain, dont il étoit ami, quoiqu'inibrmé de fa perhdie, fe contenta de le faire Moine. Dans ce même temps, les Sarafins d'Italie prirent Oria entre Brindes & Tarente, tuerent toutes les femmes, & allerent vendre les hommes en Afrique. Ils s'emparerent aufli dans ce même pays de la rocque de Sainte Agathe. Le Patrice Léon commandoit dans Andrinople. C'étoit un guerrier aufli remuant que Syméon même. II ne. .ceffoit de faire des courfes dans le pays des Bulgares, & ne leur donnoit point de repos. Syméon réfolut de fe délivrer d'un voifin fi incommode. Ilvint affiéger Andrinople, & mit tout en oeuvre pour la prendre de force. L'infatigable Léon repouffoit tous fes alfauts , réparoit les brêches, & par de fréquentes forties,, animant fagarnifon par fon exemple, il démontoit les machines des affiégeants, les tailloit en pieces, & ne jentroii jamais dans la place fans être .couvert du fang des Bulgares. La constantin VII. Romain. Ann. 904. Ann. 925. XXXVI. Nouvelle guerre è Andrinople. Cedr. pi 622. Leo, f, 499- Zon. t. II, p. 18S. Incert. eontin. pi 250, lyi, Sym. p, 48?. Georg, 578.  ConstantieVII. Romain. Ann. 915. XXXVII. Mort du Patriarche Nicolas. Leo. p. -j02. Zon. t. H. f. 188. Incert. eontin. p. Sym. p. 430 IÏISTOIRE trahifon feule put faire fuccomber eet indomptable guerrier. Les habitants, preffés paria famine, livrerent a Syméon la ville & le Gouverneur. Le Roi fe vengea lachement fur lui des maux que le droit de la guerre lui avoit permis de faire aux Bulgares. II ne le mit a mort qu'après lui avoir fait endurer les fupplices les plus cruels. Content d'avoir fatisfait fa colere, il fe retira laiffant une garnifondansla ville. Mais l'armée Grecque qui n'avoit pu être affez-töt préparée pour faire lever le fiege , étant arrivée quelques jours après la retraite de Syméon, la garnifon prit la fuite, & laiffa la place au pouvoir de fes anciens maitres. Nicolas, qui rempliffoit le fiege de Conftantinople depuis quatorze ans, qu'il avoit été rétabli, mourut le 15 Mai de cette année 925. Quoiqu'il ait paru trop occupé des affaires féculieres, pour être irréprochable dans un fiecle plein de noires intrigues , & qu'il foit difHcile de juftifier un affez grand nombre de fes aótions, cependant les Grecs, jaloux apparemment de 1'honneur de leur eapitale,  nu Bas-Empire. Liv. LXXIIL 431 Pont inféré dans leur calendrier au nombre des Saints. Au mois d'Aöut fuivant, onlui donna pour fucceffeur, Etienne , déja Archevêqued'Amafée , qui étoit eunuque. L'année fuivante, les Grecs fe vengerent des cruautés que Léon le Tripolite avoit exercées vingt-deux ans auparavant fur Theffalonique. Ce pirate, k la têted'unenombreufe flotte, après avoir défolé fur fon paffage les ifles de 1'Archipel, étoit k 1'ancre clans le port Lemnos. Le Patrice Jean Radin alla Pattaquer , le défit, prit, brüla ou coula a fond tous fes vaiffeaux. II nën échappa qu'un feul ; c'étoit celui de Léon, qui fe fauva plein de défefpoir, 6c couvert de bonte. Au mois de Sèptembre, Syméon mit toutes fes troupes en campagne, 6c marcha vers Conftantinople, ravageant la Macédoine 6c la Thrace, fans laiffer même fur piedauctm arbre. S'étant avancé jufqu'a la porte de Blaquernes, il demanda une conférence, pour traiter d'accommodement. Romain lui envoya le Patriarche Etienne , le Patrice Michel Stypiote, Ö£ CoNSTANT1N VU Romain. Ann. 926. Georg. p. 581. Orieni Chrift. torn, 1, pag. 252. Pagi ed Sar. Fleury , hifi. ecclef. I. 5 J. art. 12. XXXVIII Léon leTripolitebami i Lemnos. Cedr. p. 622. Leo. p. 499- Zon. t. 11. p. 1S8. Incert. eontin. p, 2ci. Sym. p. 487. Georg. p. 578. XXXIX. Entrevue de Ra-  CONSTANTINVII. Romain. Ann. 926. main & de Syméon. Cedr. p. 612., 623, 624. Leo. p. .499, 500, joi. Zon. 1. TL p. 1S8, 189. Glycas, pag. 3C0. Ineen, eontin, ,p, 251, 252, 353- Sym. p. 483 ,484, 485- ■Georg. p, .578 , & 45& HlSTOIRE Jean , devenu Miniftre d'Etat, k la place d'un autre du même nom, & furnommé le Redteur, qui fe voyant calomnié auprès du Prince , avoit renoncé aux affaires pour fe renfermer dans un Monaftere qu'il avoit fondé. Syméon, après s'être entrelenu avec eux, les renvoya, demandant k conférer avec 1'Empereur même, dont il connoiflbit, difoit-il, 1'équité & la prudence. Romain fut flatté de cette marqué d'eftime. II defiroit ardemment Ia paix, & étoit vivement affligé de voir répandre tant de fang. II fit applanir le rivage a la pointe du golfe , pour y donner a fa galere un accès facile & commode. Onforma enfuite une enceinte entourée d'une forte paliffade, oü devoient fe rendre les deux Princes. Pendant qu'on travailloit a eet ouvrage., Syméon donnoit une nouvelle preuve de fon éloignement de la paix , en brülant une célebre Eglife de la Sainte Vierge, & ravageant tout le territoire voifin. L'Empereur, au contraire, s'occupoit de dévotion ; profterné dans 1'Eglife de Notre-Dame de Blaquerjrjes , il arrofoit la terre de fes larmes, priant  nu Bas-Empihe. Liv. LXXIII. 433 priant Dieu d'amollir le cceur de Syméon , & de lui infpirer des penfées de paix. On gardoit dans cette Eglife un manteau qu'on difoit avoir appartenu i\ la Sainte Vierge; il s'en revêtit par-deffus fes habits impériaux comme d'une cuiraffe impénétrable; &z fuivi d'une partie de fa garde bien armée, il monta dans fon navire pour fe rendre au lieu de la conférence. C'étoit le neuf Novembre. Siméony vint de fon cöté au milieu d'une troupe nombreufe de Bulgares, dont les armes brilloient d'or & d'argent. Ils célébroient les louanges de leur Roi par des chanfons & des acclamations, affecfant de lui donner en langue Grecque tous les titres dont on avoit coutume de décorer les Empereurs. Les murs de Conftantinople étoient bordes d'une foule de peuple, qui confidéroit avidement ce brillant fpectacle. L'Empereur s'avangant d'un ah intrépide a la vue de tant dënnemis. entra le premier dans 1'enceinte, oi il attendit Syméon. Après les ótage; donnés de part & d'autre, Syméor ayant fait vifiter le lieu, de crainte de quelque furprife, defcendit de eneTornt XV. T constantinVII. Romain. Ann. 91&, l  CONSTANTINVII. Romain. Ann. 916. 434 IJlSTOIRE val,& s'approcha de 1'Empereur. Les deux Princes s'étant falués Sc embraffés , 1'Empereur paria en ces termes : » Prince, j ëntends dire que vous êtes » vraiment Chrétien, attaché d'efprit » Sc de cceur k notre fainte RelLr *> gion : je vois cependant que vos » acfions ne s'accordent guere avee » votre croyance. Un vrai Chrétien » eherche la paix; il chérit les aiu» tres hommes comme fes freres. No» tre Dieu eft un Dieu de paix; il » n'appartient qu'aux infideles, com» me aux animaux féroces., de fe re» paitre de carnage. Si donc vous » voulez mérker le titre qui nous » eft commun, 8c dont vous vous » faites honneur, mettez fin k tant ►> de funeftes guerres ; purifiez vos ►> mains fanglantes, pour ne les plus » tremper dans le fang de mes fujets : » épargnez celui des vötres, Sc fai» fons une paix durable. Vous êtes » homme, Sc vous attendez comme » nous une autre vie; peut-être no^ » tre corps ne fera-t-il demain qu'un e » vile poufliere , mais qui fe rani» mera un jour pour fubir le fort >> qu'aura mérité notre ame immor*  du Bjs-Empire. Liv. LXXIII. 435 telle. Une fievre peut nous faire » tomber le fceptre des mains. Placez» vous devant le tribunal du fouve» rain Juge : couvert dü fang de tant » de peuples, de quel ceil lënvifa» gerez-vous ? Comment vousjufli» fierez - vous d'avoir öté Ia vie k » tant de fes créatures ? Si c'eft 1'a» mour des tréfors qui vous rend » inhumain, retenez votre bras, je » fatisferai vos defirs. Je ne croirai » jamais payer trop cher une paix » qid fauvera les peuples, qui con» fervera les enfants aux peres, aux » femmes leurs époux, k vous-mê» me vos fujets , la tranquillité de » la vie & le calme de la confcien» ce ". Syméon , touché de ces paroles, confentit k la paix. II n'étoit plus queflion que dën dreffer les articles. Cette négociation Tut remife a la prudence des Plénipotentiaires qui feroient nómmés par les deux Princes. lis s'embrafferent avec tendreffe , & dans leurs adieux mutuels, 1'Empereur combla Syméon de magnifiques préfents. Le Roi Bulgare, de retour dans fon camp, affembla fon Confeil, 6c fit 1'éloge de la fageffe &c T ij ConstantieVII. Romain. Ann. 920.  constantin VII. Romain. Ann. 926. XL. Elévation des fils de Romain. Ced. p. 624. Leo. p. 501 , 502. Zon. torn. 11. p. 189. Manaff. p. 113. Vita Bafil. jun. Incert. eontin. p. 2J4. 155. Sym. p. 485. Georg, p, jSl Sigeb. Chroa. Du Cange fam. By\. r- 146. 436 II I S T 0 I R E de la modération de 1'Empereur. Peu de jours après, il reprit la route de fes Etats. Conftantin Porphyrogenete, feul Empereur lëgitime , voyoit déja audeflus de lui Romain & fon fils ainé Chriftophe. Son cara&ere doux & timide fouffroit avec patience eet indigne abailfement. Quelques Auteurs difent même que le mépris de Romain alloit jufqu'a lui refufer le traitement néceflaire , & que ce Prince habile dans les arts, & lur-tout dans la peinture, étoit quelquefois réduit a vendre les amufements de fon loifir pour fubvenir a fes befoins. L'ambition de Romain ne fe trouva pas encore fatisfaite. II donna dans la fuite la qualité d'Augufte a fes deux autres fils, Etienne & Conftantin, & il leur aflbcia encore Romain, fils ainé de Chriftophe. Tous ces nouveaux Auguftes prirent le pas fur Porphyrogenete. Romain avoit un quatrieme fils, nommé Théophyladfe : comme il le deftinoit a remplir le fiege de Conftantinople, il 1'avoit fait tonfurer dès 1'enfance par le Patriarche Nicolas, qui peu après lui donna le  nu Bas-Empire. Liv.LXXHI. 437 ibus-diaconnat, & le fit fon Syncelle. Les Auteurs Arabes parient d'une entreprife que Romain fit vers cë temps - la fur 1'Egypte, & dont la certitude n'eft appuyée que fur leur témoignage : les Hifloriens Grecs n'en font aucune mention. Elmacin raconte que les gardes des embouchures du Nil prirent une frégate légere , ou fe trouva un homme magnifiquement vêtu. On 1'interrogea, il avoua qu'il étoit efpion, & que 1'Empereur devoit envoyer en Egypte mille barques armées en guerre. Sur ce rapport, 1'Emir d'Egypte fe hata de fe mettre en défenfe. II garnit de vaiffeaux toute la cöte entre Alexandrie & Damiette; il fit dreffer des tours mobiles fur des roues de fer. Pendant qu'on travailloit a eet ouvrage, la tempête jetta fur les cötes un vaiffeau Grec, d'oii fortirent deux hommes , qui déclarerent qu'un an auparavant 1'Empereur avoit envoyé en Egypte un de fes parents, pour reconnoitre 1'état du pays. On ne douta pas que ce ne fut celui qu'on avoit trouvé dans la frégate. Le bruit courut que la flotte Grecque étant en constant1n VII. Romain. Ann. 916» XLI. Entreprife fur 1'Egypte. Elmacin,  constaktin VII. Romain. Ann. 926, XLII. Rivalité de Romain & d« Syméon par rapport a h Servië. Conft. Porph. dt cdm. imp, C 32; Du Cange fam. Dalmat, p. 37*) 272. +38 ÏI I S T O 1 A E mer avoit été attaquée d'une violente tempête; que trois cents barques avoient péri avec tout leur équipage, & que les autres étoient retournées a Conftantinople. Les Mufulmans continuoit leurs préparatifs; mais un vent' impétueux ayant tout détruit, ils recurent de la Syrië d'affez puiffants fecours , pour'óter aux Grecs toute efpérance de faire aucun progrès en Egypte. Ce fut aufli dans ce temps-la que Zacharie, Prince de Serves, protégé par 1'Empereur, fit la guerre aux Bulgares. Voici quelle en futl'occafion. Sous le regne de Léon, Pierre, Roi de Servië, allié de Syméon, fut foupgonné d'entretenir des intelligences fecretes avec les Grecs. Le Roi Bulgare envoya une armée dans fes Etats. Pierre fut pris & conduit en Bulgarie , oü il mourut en prifon. Paul lui ayant fuccédé par la faveur de Syméon, Romain lui fufcita un rival: c'étoit Zacharie, qui avoit fur la couronne des droits légitimes, étant iflu de la branche ainée des Rois de Servië. Ce Prince, chaffé de fon pays, avoit trouvé afyle auprès de  du Bas-Empire. Liv. LXXIIT. 439 Romain , qui lui fournit des troupes pour fe rétablir. Mais Paul le défit Sc lënvoya prilbnnier en Bulgarie. Trois ans après, les intéïêtschangerent. La guerre s'étant élevée entre Paul Sc Syméon, Zacharie, foutenu par les Bulgares auffi-bien que par les Grecs, monta fur le tröne , Sc dans la guerre qui furvint enfuite entre Romain 8c Syméon , il fe déclara pour 1'Empereur, attaqua les Bulgares, les défit, Sc fit porter k Romain la tête de leurs Généraux. Syméon irrité leve une grande armée, & marche contre Zacharie, qui, effrayé d'un fi puiffant armement, abandonne fes Etats , & s'enfuit en Croatie. Les Bulgares font élke a fa place Zeefthlave réfugié chez eux, jeune Prince de la race royale. Mais ce n'étoit qu'une feinte de leur part; leur deffein étoit de sëmparer du pays. Eneffet, ayant conduit Zeefthlave fur la frontiere, oh fe rendirent en même-temps les Seigneurs Serves pout recevoir leur Roi, ils fe faifirent & du Roi 8c des Seigneurs, les chargerent de chaines , 8c les emmenereni en Bulgarie. Ils entrerent enfuite dan; le pays qu'ils faccagerent Sc dépeu T iv Constantie VH. Romain, Ann. 916  constantin VII. Romain. Ann. 916. XLin. Troubles . 44° H I S T 0 I R E plerent entiérement, tranfpor tant chez eux tous les habitants , de quelque cóndition qu'ils fuffent. Ils paffer ent de-la en Croatie , pour y porter la même défolation. Mais ils y furent eux-mêmes taillés en pieces. Sept ans après, Zeeftlave s'étant échappé des mains des Bulgares, revint en Servië , oii il ne trouva dans tout le pays que cinquante miférables, devenus prefque fauvages, & ne vivant que de leur chaffe. 11 eut recours è 1'Empereur Grec dont il promit de fe rendre vaffal, comme 1'avoient été les premiers Rois de Servië. Romain lui accorda du fecours; il lui renvoya tous les Serves qui s'étoient réfugiés en grand nombre dans 1'Empire. Ceux qui s'étoient difperfés dans les contrées voifines, revinrent auffi de toutes parts, & bientöt la Servië recouvra fon ancienne population. Elle fe maintint a 1'ombre de 1'Empire, auquel elle demeura foumife tant que Romain régna. Mais enfuite les Serges ennuyés de cette dépendance, fe nirent en pleine liberté. Les Efclavons cantonnés dans le 'éloponnefe , payoient a 1'Empire  nu Sas-Empiae. Liv. LXX1Ï1. 44t depuis quatre - vingts ans le tribut léger qui leur avoit été impofé fous le regne de Michel III. Ils tenterent de fecouer le joug, Sc refuferent de reconnoitre le Gouverneur, de fournir des troupes, Sc de payer aucune redevance. Crinites Arotras, envoyé depuis peu dans ce pays, eut ordre d'employer la force pour les dompter, ou de les exterminer. II les attaqua, brüla leurs campagnes, Scles pourfuivit fans relache dans leurs retraites, oii ils fe défendirent pendant httit mois. Enfin, réduits a 1'extrêmité, ils fe foumirent Sc demanderent grace. On leur pardonna leur révolte; mais on augmenta les impöts dont ils étoient chargés. Ce peuple miférable , hors d'état de payer ce qu'on exigeoit, implora la clémence de 1'Empereur, qui voulut bien remettre ce qui avoit été impofé de nouveau. Ceux qu'on nomme aujourd'hui Maïnotes, Sc qui habitent ce même pays , ne defcendent point de ces Efclavons, qui étoient difiingués en Milinges Sc Ezérites, comme je 1'ai dit ailleurs. Selon Conftantin PorT y constantin VII. Romain. Ann. 916. dans le Péloponnefe. Conft. Porph. dc adm. imj?i c. 50. XLIV. Origine des Maïnotes,  constantinVII. Romain. Ann. 926. 442 HlSTOiRE phyrogenete, les Maïnotes font tin refte des anciens Grecs, qui ne fe font jamais mêlés avec les nouvelles peuplades. Opiniatrément attachés k 1'idolatrie , ils s'étoient cantonnés avec leurs idoles dans les défilés du mont Taygete, & n'ont recu le baptême que fous le regne de Bafile le Macédonien. Leur pays eft fans eau , inacceflible , fertile feulement en oliviers. Ils tirent leur nom de la ville de Maïna, & c'eft la plus ancienne mention que je trouve de cette ville fous ce nom. Elle fe nommoit auparavant Meffa, entre le mont Taygete & le golfe Mefféniaque , aujourdTmi le golfe de Coron, vers la pointe du cap de Tenare. Soumis a 1'Empire, ils recevoient du Commandant de la Province un Gouverneur particulier, & payoient un tribut annuel de quatre cents pieces d'or. Ce peuple autrefois féparé de fes voifins , 1'eft encore aujourd'hui. Environné de la puiffance Ottomane , mais défendu par 1'apreté de fes montagnes & par la férocité de fon caractere, il forme une république indépendante.  du Bas-Empire^Lïv. LXXIIL 443 Romain fe cróyoit affermi fur le tröne, depuis qu'il y avoit place fa familie. Environné de trois Empereurs, il fembloit être hors d'atteinte. Cependant.peu de jours après,dans le même mois d'Oftobre, il courut rifque d'être renverfé par une conjuration. Jean, Miniftre d'Etat, avoit époufé la fille du Patrice Cöme, Intendant des poftes de 1'Empire. Come , defirant ardemment de voir fa fille Impératrice, aiguillonna 1'ambition de fon gendre. Conftantin, grand Maitre-d'hötel, entra dans ce complot. Mais leurs démarches, quelqu< fecretes qu'elles fuffent, donneren du foupcon a des courtifans, jalou: peut-être de n'avoir pas été admi dans cette intrigue. Ils accuferent 1 Miniftre, qui eut ordre de fortir d palais, mais avec permiffion d'y er trer & d'approcher du Prince, poi lui faire part de fes confeils dans 1 affaires du gouvernement. Roma étoit attaché a ce Miniftre comph fant öc flatteur ; il ne pouvoit perfuader qu'il fut coupable. Mi enfin prefié par les accufateurs, c n'oublierent rien pour conftater T vj Constantie Vil. Romain. Ann. 916» XLV. Conjuration de Jean le Miniftre. Cedr. p. 614,615. Leo. f. 501. Incert. eontin. pi . 254- Sym. p. ■ 486. t Georg. p. L J81, 58*' S e LI ir ;s n i- fe lis ui le  Constantie VII. Romain. Ann, 926. 1 Ann. 927. ) XLVI. < Mort de ] Syméon. Cedr. p. { 62;. 1 Leo. p. . J02. * Zon. torn. I 11. p. 189. ( Glycas , p. 300,301, i 444 UlSTOIJtS crime, il fit de férieufes recherches ? & reconnut que le fait n'étoit que trop véritable. II ordonna d'arrêter Jean, & de lui faire fon procés. Jean prévint 1'exécution de eet ordre en fe fauvant dans un Monaftere, oii il pritl'habit de Moine. C'étoit, fuivant l'ufage de ce temps-la, une fauve-garde inviolable. Conftantin fe mit a couvert par le même moyen, Le chatiment ne tomba que fur Cöme, qui fut traité avec plus de douceur qu'il ne méritoit, II fut dépouillé de fa :harge, & battu de verges. II arriva dans le même temps en Lydie un fuTieux tremblement de terre, qui fit 3uvrir un large abyme, ou furent en'loutis des Eglifes & des villages eniers avec leurs habitants. La défaite de Syméon en Croatie ui caufa un mortel chagrin , qui le :onduifit au tombeau le 17 Mai de 'année fuivante 927. II eut pour fuc:effeur Pierre, un de fes fils. Le caacfere guerrier de Syméon avoit >rocuré beaucoup de gloire aux Bulares ; mais leurs fuccès leur avoient outé des fleuves de fang , & 1'on eut dire que la Bulgarie étoit rui-  nu Bas-Empire. Liv, LXXIIL 44$ née k force de vi&oires. La mort de Syméon mit en mouvement les Croates, les Hongrois & tous les barbares du voifinage. Tous fe préparoient a écrafer un jeune Prince, qui, outre la foibleffe de fon age & 1'épuifement de fes forces, voyoit encore fes Etats déiblés par la famine, & ravagés par des nuées de fauterelles qui dévoroient lëfpérance des moiffons. De tant d'ennemis prêts a fondre fur la Bulgarie, les Grecs étoient les plus redoutés. La mort du défunt Roi avoit rompu la négociation entamée pour la paix, & 1'on favoit que Romain fe difpofoit a fe venger fur le fils des maux que le pere avoit faits h PEmpire. Le confeil des Bulgares fut d'avis de fe montrer prêt a faire la guerre, pour trouver les Grecs plus difpofés a faire la paix. Pierre fit marcher une armée en Macédoine, & envoya en même-temps a Conftantinople deux Seigneurs , avec un Moine Arménien , nommé Calocyr, adroit négociateur; le Roi Bulgare déclaroit a 1'Empereur, qu'il étoit en état de foutenir la guerre; mais qu'il ne t'tendroii constantin VII. x Romain. Ann. yifi Incert. eontin, Sym, p, 486,487. Georg, P' 581. Liutpr. hiji. I. H c. 9. Idem ii! legat, Pagi ai Bar. XLVlf. Mariage du Roi des Bulgares avec la petire fille de Romain»  C onstantinVII. Romain. Aan, 927. \ 446 HlSTOIRZ qua Romain que les deux nations vicuffent en paix : que pour la rendre même plus afturêe, il étoit difpofé d sunir .a t''Empire par un mariage, Ji Pon ne dédaignoit pas fon alliance. L'Empereur, qui avoit alors befoin de toutes fes forces contre les Sarafins , écouta cette propofition. II envoya fur le champ a Mefembrie le Moine Théodofe Abucès, & Conftantin, Clerc dn palais, pour entrer en négociation. Comme de part Sc d'autre on defiroit fincérement la paix, elle ne fut pas long-temps a conclure. Les envoyés Grecs furent accompagnés a leur retour de neuf Seigneurs Bulgares. Les articles arrêtés dans la conférence furent acceptés de 1'Empereur; & les députés cherchant dans la familie Impériale une alliance pour leur Roi, fixerent leur choix fur Marie , fille de Chriftophe ,& petite-fille de Romain. La beauté de cette Princeffe leur répondoit du confentement de leur Prince; ils le prierent de fe rendre en perfonne a Conftantinople. L'Empereur envoya au-devant de lui Nicétas fon parent, maitre du palais, pour 1'a-  nu Bas-Empire. Llv. LXXIIL 447 metier avec honneur k la Cour. II alla lui-même le recevoir a la porte de Blaquernes, Sc 1'embraffa tendrement k fon arrivée. Après un moment dëntretien,on préfenta la Princeffe a fon futurépoux;Théophane, grand-Maïtre de la garde-robe, dreffa les articles, Sc le traité de paix fut figné en même temps que le contrat de mariage, le 8 Oftobre. Le Patriarche Etienne donna aux deux époux la bénédicfion nuptiale dans_ 1'Eglife de Sainte-Marie de la Fontaine. On les conduifit enfuite dans la ville, oü les noces furent célébrées avec magnificence. Trois jours après, la Princeffe partant avec fon mari, ful conduite par fon pere, fa mere Si toute la Cour jufqu'a 1'Hebdome : les adieux furent de part Sc d'autre touchants & pleins de tendreffe. Marie prit le nom d'Irene. Plufieurs Au teurs rapportent que ce fut k 1'occa fion de ce mariage, que Chriftopiu Sc fes fils prirent le pas fur Conf tantin. Les Bulgares, difent-ils, 1< demanderent ainfi pour faire hon neur a leur Reine, Sc Romain, peut être auteur fecret de cette demande CONSTANTIH VII. Romain. Ann. 927, ►  constantin VIE Romain. Ann. 927. XLVIII. Malatia prife par Jes Grecs. Cedr. p. 626, 627. Leo. p, 504. Incert. eontin. p, 1,7 1I58. Sym. p. 487. Georg. p, 584, 585. Elmacin. Abulfeda. Pagi ad Sar. ] } i ( < 1 < 1 443 H I S T 6 I R E ne fe fit pas long-temps prier pouf Faccorder. La révolte de Boïlas avoit été un fignal de guerre pour les Sarafins de Malatia. Ils recommencerent leurs ravages fur les frontieres de 1'Empire. Mais ils trouverent dans Curcuas qui commandoit en Oriënt, un ennemi invincible. Ce Général vaillant, habile, infatigable, les battit en toute occafion. Toujours les armes a la main , il portoit le fer & le feu jufqu'aux bords de 1'Euphrate, ruinoit les campagnes, détruifoit les villages & les villes, maffacroit ou faifoit efclaves hommes, femmes, enfants. Après avoir fait un défert de toute la contrée, il mit le fiege devant Maatia, Ia capitale du pays & la plus rorte place des Sarafins. Ses attaques jouffées avec vigueur , réduifirent )ientöt les affiégés k 1'extrêmité. Ils lemanderent k capituler. L'Emir Apo:haps, & Apofalath le plus diftingué les habitants, vinrent fe jetter k fes )ieds. Ils allerent par fon ordre k Conftantinople implorer la clémence le 1'Empereur; ils en obtinrent un raité de paix, par lequel ils s'obli-  bv Bas-Empire. Lte. LXXHI. 449 geoient a fe détacher du Calife, & a fervir 1'Empire contre les Sarafins mêmes. Ils tinrent fidélement parole; ils feconderent Curcuas dans toutes fes entreprifes ; & c'étoit pour les Grecs un fpecfacle auffi étonnant que flatteur, de voir deux Sarafins entrer dans Conftantinople k la tête d'une troupe de leurs compatriotes qu'ils amenoient prifonniers, comme on fe fert de certains animaux apprivoifés pour prendre & dompter ceux de leur efpece. Mais les deux Sarafins étant morts en 934, Malatia fecoua le joug des Grecs, & fe rendit k fes anciens maitres. Curcuas, aidé de Mélias, ce Préfet de Lycande , dont j'ai parlé, affiégea de nouveau la ville, la prit de force, & la rafa. II ne traita pas avec moins de rigueur les autres places de cette contrée, Toute la petite Arménie fut réduite en Province. Ce pays fertile & abondant, joint a la préfefture de Lycande, fut pour le tréfor de 1'Empereur, une nouvelle fource de richeffes; & 1'Euphrate qui, depuis long-temps, ne voyoit que des Mufulmans fur fes bords, recommenea de couler fous constantinVII. Romain. Ann. 917»  constantinVII. Romain. Aan. 927. XLIX. Affaires d'Italie. Cedr. p. 651. Lup. chron. Liutpr. hifi. l.Z.e. 5- Pagi ad Bar. hiïtrat. annol. d'hal. e. V. p. 422. 450 HISTOIRE les loix de 1'Empire, dans une partie confidérable de fon cours. Ce n'étoit pas fans peine que les Grecs confervöient ce qu'ils pofTédoient encore en Italië. Attaqués par les Princes Lombards, ils avoient fans ceffe les armes a la main pour fe maintenir en Apulie, oü ils étoient maitres de Bari, capitale du pays. Hugues, qui de Marquis de Provence étoit devenu Roi d'Italie, cherchoit k s'appuyer de 1'alliance des puifiances voifines. II députa vers 1'Empereur Grec, le pere de Liutprand, ce célebre Evêque de Crémone , qui fut lui-même envoyé dans la fuite. Entre d'autres préfents plus confidérables, 1'Ambaffadeur amenoit deux beaux chiens de chafTe , qui,effarotichés de 1'habillement bifarre du Prince Grec, le prirent pour un animal fauvage; & aboyant, gringant des dents, ils alloient fauter fur lui & le mettre en pieces, s'ils n'euffent été retenus par grand nombre de perfonnes. Malgré eet incident ridicule , Romain fit un accueil honorable a 1'Envoyé; il lui fut gré fur-tout de lui avoir mis entre les mains plu-  sü Bas-Empire. Liv. LXXJIL 451 fieurs prifonniers; c'étoient des chefs : d'Efclavons qui pilloient le territoire de Theffalonique. Ils avoient attaqué 1'Ambaffadeur fur fon paiïa- 1 ge, ck avoient été vaincus ck pris ' eux-mêmes par fon efcorte. Le Patriarche Etienne, après trois ans de pontificat, mourut le 18 Juillet 9i8.Théophylafte, deftiné depuis fon enfance a cette dignité, n'étant encore agé que d'onze ou douze ans , Romain, fon pere, fort peuinftruit des loix eccléfiaftiques , ck auffi peu fcrupuleux fur leur obfervation, n'ofa cependant ufer de fa puiffance en faveur d'un enfant fi éloigné de Page canonique. II femble néanmoins qu'il fut tenté de le faire, ck qu'il balanea long-temps. Ce fut apparemment la raifon qui retarda 1'élection du fucceffeur. Enfin, le Moine Try phon, perfonnage d'une vertu reconnue, fut ordonné Patriarche le i4Décembre. Tous les Hiftoriens Grecs s'accordent a dire que Thryphon ne fut nommé que par interim , jufqu'a ce que le jeune Prince fut plus avancé en age; ce qui fuppoferoit dans ce Prélat confidentiaire ck dans les Grecs qui Pont CONSTANTIN VU. lOMA I3f. Inn. 92S. L. Mort du 'atriar:he Eienne. Cedr. p. S27,628, 329. £«o. p. f04. Zon. t. 11. 1. 190. Glyeas, p. 501. Incert. :onün. p. 258, 261- Sym. p. 487 , 488, 489. Georg. p. 585.587. Oriens Chrift. 1.1. pag. 252, 253. Pagi ad Bar. Fleury , Hifi. Eeel. I. 55. art. 12,  constantin VII. Romain. Ann, 918. 452 HrsTOIRB mis au nombre des Saints , un grand mépris ou une grande ignorance des loix de 1'Eglife. Je croirois plutöt que Tryphon entra de bonne foi dans le Patriarchat; mais que le deffein de 1'Empereur & des Prélats vendus k la Cour, qui le nommerent, étoit, fans qu'il le fut, de le deftituer, dès qu'ils pourroient mettre en place Théophylaöe ; ck cette conjeöure s'accorde avec 1'événeme-nt. Tryphon gouvernoit depuis trois ans 1'Eglife de Conftantinople, lorfque 1'Empereur craignant apparemment de ne pouvoir aifément le faire fortir de place, s'il 1'y laiffoit plus long-temps, eut recours k une rufe également indigne du Prince qui 1'employa, ck des Prélats qui s'y prêterent. Théophane, Métropolitain de Céfarée, furnommé le Porc k caufe de fes mceurs, affeftant de prendre un vif intérêt k i'honneur de Tryphon, 1'avertit qiion cherchoit tous les moyens de le deftituer ; mais que la fainteté de fa vie le mettant hors d'atteinte, F Empereur, faute d?autre prétex te, préten doit qu'il étoit ignorant jufqu'a ne favoir pas écrire ; qu'il lui étoit facile de confondre une pareille  du Bas-Empire. Liv. LXXIII. 453 impiuation , en Jignant feulement fon nom: ce que Tryphon fit fans difHculté au bas d'un papier que Théophane lui préfenta. Cette fignature ayant été portée k 1'Empereur, il fit écrire au-deffus un acte de démiflion volontaire, par lequel Thryphon renoncoit k 1'épifcopat dont il fe reconnoiffoit indigne. Cet acte fi facile a démentir, fervit de fondement a un Synode compofé d'Evêques de Cour, pour prononcer la dépofition de Tryphon , qui retourna dans fon Monaftere, oii il mourut peu après. Cependant on n'ofa encore nommer Théophylacte, 6c le fiege de Conftantinople demeura vacant jufqu'au mois de Février 933. Quoique les Rois d'Ibérie fuffent alliés 8c comme vaffaux de 1'Empire, ils difputoient néanmoins aux Grecs la poffefïion des pays limitrophes. Sous le regne de Léon , Catacale s'étoit rendu maïtre de Théodofiopolis & de la Phafiane , d'ou il avoit prefque entiérement chaffé les Sarafins. Après le départ de ce Général, le Roi d'Ibérie s'étoit emparé de routes ces places, 6c prétendoit s'y main- constantinVII. Romain. A.nn. 918» LI. Guerre en Armenië. Conft. Porph. de adm. impt c. 45. Abulfeda»  CoNSTATJTINVII. Romain. Ane. 9'iS- Ann. 930. Lii. ■Conjuration contre Pierre Roi des Bulgares. Cedr. p. 627, 628. Leo. p. 454 H 1 s T 0 I s. s tenir. Pour éviter une guerre avec ce Prince, on convint que PAraxe feroit la borne des deux Etats, 6c on abandonna aux Ibériens tout le pays iitué au Septentrion de ce fleuve. Les Sarafins poffédoient encore une partie du Baafparacan, aux environs du lac de Van dans 1'ancienne Armenië. -Curcuas y conduifit une grande armée, mit le fiege devant Aklat, fi~tué a la pointe occidentale du lac , 6c forca les habitans a demander la paix. il ne Paccorda qu'a condition qu'ils planteroient la croix au milieu de leur mofquée ; k quoi ils confentirent. II alla enfuite attaquer Bidlis , qui n'en •étoit pas éloignée; il y eut le même fuccès, 6c en exigea la même condition. L'alliance contraclëe entre la familie Impériale 6c Pierre , Roi des Bulgares, n'avoient pas étouffé les défiances mutuelles; 6c trois ans après le mariage de Marie, Romain fit affez connoïtre fes mauvaifesiatentions par la protecf ion qu'il s'empreffa d'accorder a un rebelle. Jean, frere de Pierre, confpira contre ce Prince avec plufieurs Seigneurs. Le complot ne  nu Bjs-Empire. Liv. LKXIII. 4$$ put demeurer caehé. Jean fut fouetté, renfermé dans uncloïtre, & revêtu de 1'habit de Moine. Les autres eonjurés moururent dans les fupplices. Romain, pour s'appuyer contre Pierre du crédit d'un Prince remuant, qui avoit encore beaucoup de partifans, envoya un Moine k la Cour de Bulgarie, fous prétexte de racheter quelques prifonniers; mais avec des ordres fecrets d'ehlever Jean, & de 1'amener a Conftantinople. Le Moine eut Padreffe de réuffir. Jean fut recu ayechonneur; on lui fit quitter 1'habit monaftique, qu'il portoit k regret; on lui afiigna de grands revenus en terres ; 1'Empereur le maria avantageufement; & Chriftophe ne refufa pas cle faire les honneurs de la noce, quoique 1'époux fut 1'ennemi de fon gendre ; les intéréts politique* ayant de tout temps fait taire la voix de la nature. II n'en auroit pas tant fallu pour faire venir Syméon aux portes de Conftantinople. Mais fon fils, d'un earadere doux & pacifique, ne témoigna aucun reflentiment. Peu de temps après, Michel, autre frere de Pierre, préférant la pourpre a 1'ha- ConstantieVII. roma i n.' Ann. 930. Incert. comin. p. 260. Sym, v. 4SS, 489. Georg. pa 586.  — 4 cons- J tantin VII. £ Romain. t Ann. 950. t c 1 t < ] 3 t i 3 Ann. 931- LUI. Mort de Chriftophe. Cedr. p. 617,618, 636. Leo. pag. 5°4. 5°5. 510. 5(5 H/STOIRE it de Moine, que fon pere Syméon u avoient fait prendre, fe révolta ontre fon frere , s'empara d'une forereffe, 6c attira fous fes étendards un arti nombreux. Mais il n'eut pas le smps d'en faire ufage, étant mort u milieu de fes premiers mouvenents. Les Bulgares qui s'étoient atachés a lui, formerent une affez granle armée; 6c n'ofant demeurer dans e pays, ils fe jetter ent fur les teres de 1'Empire. Ilstraverferent la Ma:édoine , Sc pénétrerent en Epire, )ü ils s'emparerent de Nicopolis, auourd'hui Prévefe la vieille. Ils s'y naintinrent long-temps contre les Forces des Gouverneurs de la Grece; mais enfin ils furent réduits a fe foumettre. Nicétas, maitre du palais, avoit rendu les plus importants fervices k Romain pour 1'élever a 1'Empire, & il en étoit récompenfé. Sa fille Sophie avoit époufé Chriftophe, fils ainé de Romain, & déja revêtu de la qualité d'Empereur; elle avoit ellemême le titre d'Augufte. Mais eet ambitieux s'ennuya de ne voir fon gendre & fa, fille qu'au fecond rang , 6c  du Bas-Empire. Liv.LXXlII. 457 & pour les faire régner, il réfolut de détröner le pere. Le fecret fut trahi par un des complices , comme il arrivé prefque toujours; Nicétas fut rafé , banni & enfermé dans un Monaftere. On ne dit pas que Chriftophe eut aucune part k ce complot, ni même qu'il en eut connoilfance; Sc la douleur extréme que témoigna Romain peu de temps après, lorfque la mort lui enleva ce fils , femble juftifier pleinement Chriftophe, a moins que ces larmes ne fuflent, comme il n'eft pas rare a la Cour, des larmes de théatre. Sophie perdit avec fon mari toute la confidération qu'elle avoit eu, Sc fut même obligée de fortir du palais. Chriftophe avoit eu deux fils Sc une fille : Romain qui avoit auffi recu le titre d'Augufte, Sc qui mourut avant lui : Sc Michel qui, fans être honoré du même titre, avoit le privilege de porter la robe Impériale Sc la chauflure de pourpre. II fut mis au nombre des Clercs après la difgrace de fes oncles. La fille, Marie , nommée aufli Irene, avoit époufé Pierre, Roi des Bulgares ; Sc pour empêcher la rupture entre les Tom XF. V ConstantieVII. Romain. Ann. 931. Zon. t. II. p. 190. Joel p. 1S0. Vita Bafil. jun. c. 23. Incert. eontin. p, 258, & feqq. Sym. p. 487 , 4S9. Georg. p. 585 ,587, 588. Du Cange fam. By{. p. 148.  constantin VII. Romain. Ann. 931. Ann. 933. L1V. ThéophyJafte Patriarche. Cedr. p. 638, 639. Leo. p. 506. Zon. t. 11. p. 194- Joel. p. 180. Glycas ,p. 302. Incert. eontin. p. 3.61,177, Sym. p, 489,495, Georg. p 5S7.588 Liutpr. legat. Pagi at Bar. Du Cang famBy\-p *47> 458 HlSTOIRB deux Princes, elle faifoit de fréquents voyages a Conftantinople. Après la mort de fon pere Chriftophe, elle vint rendre vilite a Romain , fon grand-pere, & lui amena fes trois enfants. Elle fut recue avee tendreffe, & sën retourna chargée de préfents. Romain fe confola de la mort de fon fils par 1'éclat d'une brillante cérémonie. II étoit fi contraire a la difcipline de 1'Eglife de charger du miniftere épifcopal un jeune homme de feize ans, que 1'Empereur, pour autoriferune nouveauté firévoltante, voulut, malgré la jaloufie ordinaire de 1'Eglife de Conftantinople, s'appuyer du fuffrage du Pape. Albéric, alors maitre de Rome, obligea le Pape Jean XI, fon frere, qu'il tenoit en prifon, defatisfaire 1'Empereur. Jean envoya donc a Conftantinople des Légats , qui non-feulement apporterent 1'approbation du Pape, mais qui placerent eux-mêmes le jeune Prélat dans la chaire patriarchale, le z Février 933. Son pere qui lui confïoit 1 le gouvernement d'un grand diocefe, , ne jugea pas cependant a propos de , 1'abandonner lui-même a fa propre  du Bas-Empire. Liv.LXXIII. 459 conduite; & c'étoit une chofe bien étrange de voir un Patriarche de Conftantinople fous la direcfion d'un gouverneur. On eut k fe repentir de ne 1'avoir pas lailfé en eet état toute fa vie. Tant qu'il fut guidé par une main étrangere , il ne s'écarta pas de la modefhë convenable k fa dignité. Mais dès qu'il fut maitre de fes démarches , il ne juftifia que trop la fageffe des loix canoniques, qui ont fixé Page auquel il eft permis de monter aux divers degrés de la hiérarchie. II ne connut plus de regie, & fe livra fans pudeur k toutes fes paffions. II méprifoit les fonöions de fon miniftere. Maitre des difpenfes, il crut pouvoir fe difpenfer lui-même des loix de 1'Evangile & de toute décence. L'hiftoire avertit qu'elle rougiroit de raconter ce qu'il ne rougiffoit pas de faire. II fourniftbit aux dépenfes de fes débauches par le trafic des Evêchés, & des autres places eccléiiaftiques qu'if vendoit au plus offrant. II porta jufque dans le fancfuaire le goüt de la diftipation & du plaifir ; & pour égayer la férieufe dignité des cérémonies de 1'Eglife, il introduifit V ij CONSTANT1N VII. itOMAIN. 4.nn. 933. Flcury , 'üft. ecckf. r- 55- Oriens Chrifl. 1.1, *• 253» j  constantinVII. Romain. Ann. 933. 460 HISTOIRE dans les offices publics les plus folemnels , des danfes, des divertifïemens, des clameurs infenfées, des chanfons profanes, &même déshonn£tes, qui, mêlées au chantdes hymnes , allioient le culte du Diable avec celui de la Majefté divine. Un Auteur qui vivoit cent cinquante ans après, obferve que eet ufage monftïueux n'étoit pas encore aboli de fon temps. On peut croire que c'eft de-la qu'il sëft répandu jufquën Occident, oü une ignorance licencieufe a maintenu dans quelques diocefes pendant des llecles entiers, un abus auffi fcandaleux que ridicule, malgré toutes les cenfures eccléiiaftiques. Les chevaux étoient la paffion dominante de Théophylacte. On lui en comptoit plus de deux mille : fes écuries emportoient tous fes foins ; c'étoit pour lui la portion la plus chérie de fon diocefe. Infenfible aux miferes des pauvres, il nourriffoit fes chevaux è grands fraix des fruits les plus exquis, & n'épargnoit pour eux ni les liqueurs les plus recherchées, ni les parfums les plus précieux. On rapporte qu'un jour de Jeudi-faint, tan-  du Bas-Empire. Ltv. LXXIII. 461 dis qu'il célébroit la Meffe , on vint lui annoncer que fa plus belle jument , qu'on lui nomma, venoit de mettre bas. L'impatience que lui caufa un nouvelle fi intéreflante , lui fit acnever le faint Sacrifice avec une indecente précipitation; il jette auffitöt fes habits pontificaux, court k fon écurie pour voir Ie poulain; & ce ne fut qu'après 1'avoir contemplé a fon aife, qu'il revint a Sainte-Sophie achever 1'office. Nous verrons dans la fuite que cette frénéfie lui caufa la mort. L'Empereur fon pere, tout vicieux qu'il étoit, eut été un meilleur Evêque. Dévoré d'ambition & paffionné pour les femmes, du moins rougiffoit-il de fes vices. II aimoit 1'argent, mais la compaflion pour les miférables étoit plus forte en lui que 1'avarice. Au jour de Noël 952, commenca un hyver fi rigoureux, que la terre fut couverte de neige & de glacé pendant quatre mois entiers. La pefte, la famine, deux fléaux qui fe fuccedent prefque toujours quand ils " ne vont pas enfemble, firent encore un ravage affreux; & afin de comV iij CONSTANTINVII. ROMAIS. Ann. 933. LV. Charité de Romain. Cedr. p. 627,628, S29. Leo. p. 5°4,5°5. 506. Zon. t. II. t. 190. Glyeas , iag. 301. Incert. :ontin. pm 158, & reqq. Sym. p. jS3 , 489. Georg. p, ;8?, & W'  constantin VII. Romain. Ann, 93 j. t\6l HlSTOIRE pléter le nombre des maux que Ie Ciel envoyé dans fa colere , un incendie confuma une partie de Conftantinople , & une pierre énorme détachée de la voute d'un des marchés de la ville, écrafa foixante [«orfonnes. Tant de calamités accumulées remplirent la ville de miférables, ck firent connoitre la charité de FEmpereur. Les höpitaux étant remplis , il fit fermer les portiques de cloifons, pour y loger les-malades. De diftance en diftance en-dehors, on pofa des boites fermées , mais percées d'une ouverture pour recevoir les aumönes, 6k c'eft Ie premier exemple que je trouve de troncs, qui ne furent connus en France ck placés dans nos Eglifes, que trois cents ans après, fous le Pontificat d'Innocent III. II tiroit de fon tréfor les charités les plus abondantes: il lui en cotitoit tous les mois cinquante mille écus de notre monnoie, pour fecourir tant les malades que les autres pauvres de fa capitale. II faifoit tous les jours manger k fa table trois pauvres , auxquels il diftribuoit encore une aumöne ; le Mercredi ck le Vendredi, c'étoieni  du Ejs-Empire. Liv. LXXIiï. 463 trois Moines. On faifoit une lecfure édifiante pendant le repas. Après ce temps d'infortune , dont fes libéralités adoucirent la rigueur, il ne ceffa le refte de fa vie d'employer une partie de fes tréfors au foulagement des malheureux, a la décoration des Eglifes, & a 1'entretien des Monafteres. II refpe&oit les Moines dont il connoiffoit la vertu; & loin de s'offenfer de leur liberté a le reprendre de fes défordres, il écoutoit leurs remontrances avec douceur, avouoit fes fautes, & verfoit des larmes, mais fans fe corriger. Le Moine Bafile lui ayant un jour reproché en face qu'il fe désbonoroit lui-même, & qu'il attiroit fur lui tk fur fes Etats la colere de Dieu , en corrompant les filles de fes fujets, il recut cette correction avec une humble confufion , & voulut même la payer d'une fomme d'or que le Saint refufa. La mifere des temps avoit ruiné quantité de families , & la fomme de 1'argent emprunté par des débiteurs infolvables dans la ville de Conftantinople, montoit a trois millions de nos livres. II s'en chargea ; tk après avoir fatisfail V iv constantin VII. Romain. Ann. 933.  ConstantieVII. Romain. Ann. 93J. 1 1 j < I 1 AH H I S T O 1 R £ les créaneiers, il fit brüler au milieu d'une place toutes les obligations. II paya de plus le loyer dü pour les habitations. II fit rebatir ou réparer plufieurs villes de Thrace & de Macédoine , ruinées par les Barbares. Conftantinople vit par fes ordres élever pkfieurs palais, planter des jardiss délicieux : mais elle lui fut encore plus de gré d'ouvrir des afyles a la mifere, k la vieilleffe & aux maladies. CompatilTant aux malheurs des exilés , il ne les perdoit pas de vue; il étoit attentif k s'informer de leur état, a les fecourir dans leur indigence; auffi empreffé k les rappeller, qu'eux-mêmes a revoir leur patrie ; & lorfqu'il fiit détröné, il n'y avoit perfonne en exil. Quoique ce Prince eut ufurpé PEmpire, &'qu'il fut liaeral d'un bien qui ne lui appartenoit sas légitimement, il a cependant le riérite de n'avoir pas dévoré feul out le fruit de eet illuftre briganda»e, & 1'on doit au moins lui favoir iiitant gré qu a ces voleurs publics , [ui reftituent en aumönes une partie le ce qu'ils ont enlevé par des rapiles ck des injuflices.  du Bas-Empire.LIv.LXXIIL 465 Depuis que les Hongrois s'étoient établis fur les bords du Danube, ils avoient tourné leurs armes contre la Germanie & 1'Italie. Ils avoient même porté le ravage jufque dans les Provinces méridionales de la France. L'année 934, au mois d'Avril, ils fe jetterent en Thrace pour la première fois, & faccageant tout fur leur paffage , ils s'avancerent jufqu'aux environs de Conftantinople. Pour fe délivrer de ces nouveaux ennemis , 1'Empereur ne crut pas devoir employer la force des armes; il jugeoit bien que vainqueur ou vaincu , il les attireroient de nouveau, foit pour venger leur honte , foit pour profiter de leur fuccès. II crut donc qu'il étoit plus fage de traiter avec eux , & leur envoya Théophane , grand - Maïtre de la garderobe.Théophane fe fit beaucoup d'honneur par fa dextérité dans cette négociation. II fut leur infpirer des fentiments de paix. L'Empereur , de fon cóté n'épargna pas 1'argent pour adoucir ces cceurs féroces, & pour tirer de leurs mains fes fujets prifonniers. Romain efpéroit perpétuer fa race V v Constantie VII. Romain. Ann. 934. LVI. Incurlïon des Hongrois.' Cedr. p. 629. Leo, p, 506. Incert. eontin, p. 262. Sym. pv 488 , 490. Georg. p, 588. LVII. Mariag«  c0nstantin VII. Romain. Ann. 924. des fi'Is de Romain. Cedr. p. É29. Leo. p. 506. Incert. eontin. p. 362. Sym. pag. 49°. Georg. p. 588. Ou Cange fam, Syl. P- 147. Lvm. Événements divers.'liutpr.hijl. I. 4- e. 4. lup. chron. 6- ibi Peregr. Giann. hifi. Nap. I. 7- c. 4. Abrègé de Thifi.. d'Ital. t. II. p. 647. Elmacin. Abulfeda, 466 HlSTOIRE fur Ie tröne, qui lui avoit eoüté tant de travaux & d'artifices. Depuis la mort de Chriftophe, Etienne étoit 1'ainé de fes fils. II lui fit époufer Anne, fille du Patrice Gamalas, a laquelle il donna en même-temps Ie titre d'Augufte. Conftantin , fon fecond fils, fut marié le 14 Janvier a. Hélene, fille du Patrice Adrien ; mais dès le i Février fuivant, elle fit place par fa mort a une nouvelle époufe ce fut Théophano, fortie d'une de ces. families dont 1'origine fe perd dans Pantiquité.. Les fix années fiiivantes ne fourniffent que des guerres peu importantes, contre les Princes d'Italie. Les Ducs de Naples reconnoiflbient encore la fouveraineté des Empereurs ; mais les autres Princes d'Italie , plus remuants & plus ambitieux que puiffants , fe déchiroient mutuellement par des jaloufies , des querelles, des invafions & des chicanes fanglantes. Tantöt amis , ils s'uniftbient enfemble pour dépofféder les Grecs de ce qui leur reftoit dans 1'Apulie & Ia Calabre ; tantöt ennemis , ils employoientle fecours des Grecs contre  nuBjs-Empire. Lh.LXX.lH. 4.67 leurs voifins. Landulf, Prince de Bénévent, attaqué par les Grecs, eut recours a Thibaut, Duc de Spolete, qui étant venu le joindre avec de grandes forces , battit les troupes de 1'Empire. Hors d'état de tenir la campagne, elles fe cantonnerent dans des chateaux, oü Thibaut alla les forcer. II fit grand nombre de prifonniers, qu'il renvoyoit après les avoir faits eunuques; c'étoit, leur difoit-il par une raillerie cruelle, pour avancer leur fortune , les hommes de cette efpece étant en grand honneur a la Cour de Conftantinople. Après une paix de peu de durée, la guerre recommenca entre les Italiens & les Grecs, On combattit avec différents fuccès II y eut une rude rencontre prés de Matéra dans la Bafiiicate, oü les Greci furent vaincus & pourfuivis jufqu'ai bord de la mer. Leur Général linogalapte, fe noya en voulant gagne; une barque prés du rivage. Les Sa rafins d'Orient ne donnoient null inquiétude : le brave Curcuas fervoi de barrière a 1'Empire. Ce fut ën c temps-la que les Califes de Bagdad perdirent toute autorité, & furei V vj ConstantieVIL Romain. Aan. 934» t e t  COKSTANTINVII. ROMAIN. Ann, 935. . I < 1 ( I C F 1 n h il fi ü G ei C le in 46.^ H 1 S T 0 I R~£ féduits h n'être plus que des fantómes de Souverains , auxquels on ne lanTa que 1'honneur lférile d'être regardés comme chefs de la Religion Al-Rhadi, fils de Modader, qui mouf iit en 940, fut le dernier Calife qui regna avec fplendeur. Ses fucceffeurs depouillés de tout pouvoir fur leurs Provinces , oü grand nombre d'ufurpateurs fe rendirent fouverains, tom^erent dans le mépris; & pendant rois cents ans que leur nom fubfifra mcore, ces puiffants maitres de l'Oïent ne furent plus que de vils eflayes. Mais la Dynafïie des Califes 'atimites, qui s'étoit établie en Afriue depuis trente ans, étendoit dë lus en plus fa puiflance. Quoique ;s Sarafins fuffent depuis long-temps laiires de la Sicile, les habitants ne 'ur obéiffoient que par contrainte; s fe regardoient toujours comme ijets de 1'Empire. Ceux d'Agrigente révolterent contre Salem , leur ouverneur , dont Ia eruauté leur oit infupportable. Le Calife Aboulafem, fit partir une flotte pour faire fiege d'Agrigente , & les habitants iplorerent 1'affift.ance de Romain,  du Bas-Empire. Liv.LXXHI. 469 qui, malgré le traité fait avec le Calife , leur envoya des troupes. Avec ce fecours, ils tinrent pendant quatre ans, & battirent plufieurs fois les Sarafins, qui furent même obligés de lever le fiege. Mais les infideles étant revenus avec des forces fupérieures, il fallu céder. Une partie des Agrigentins s'enfuit de la ville ; le refte fe rendit fous la condition d'avoir la viefauve. Le Commandant de la flotte fit embarquer les Chefs de la révolte, comme pour les tranfporter en Afrique. Mais il avoit donné un ordre fecret de percer les vaiffeaux en pleine mer; ce qui fut exécuté , & tous les Chrétiens furent fubmergés. Depuis vingt ans de mariage, Conftantin Porphyrogenete, qui n'étoit Empereur que de nom , n'avoit point encore d'enfants. En 939 , fa femme Héjene mit au monde un fils, qui fut nommé Romain , comme fon aïeul maternel , & qui régna dans la fuite. Depuis la première irruption des Ruffes, quatre-vingts ans auparavant, fous le regne de Michel III, il s'étoit établi un commerce entre la Poifïïe & Conftantinople. Le Prince CONSTANTIN VII. Romain. Ann, 9j;. A.nn. 941, LIX. Incurfion les Ruf- Fcsj  CONSTANTINVII. Romain. Ann. 941. Cedr. p. 629 , 630, 636. Leo. p. 506, 507. Zon. t. II. p. 190, 191 , 194. Conft. Porph. de ndm. imp. c. 9. Incert. eontin. p. 262 , 263, 264. Sym. p. 490,491. Georg. p. 588 , 589. Liutp. hift. I. 5. c. 6. 9' Sigeb. thron. Elmacin. Pagi ad Bar. 4/0 HlSTOIRE des Ruffes réfidoit a Novogorod. Au commencement du printemps, leurs barques fe rendoient par diverfes rivieres dans le Boryfthene, &defcendoient a Kiovie. C'étoient des canots d'une feule piece. Raffemblés au mois de Juin , ils partoient enfemble, & fuivoient le cours du fleuve jufqu'aux Porouïs. Ils trainoient alors leurs canots Ie long du bord, ou les portoient fur leurs épaules. Se rembarquant enfuite, ck entrant avec le fleuve dans le Pont-Euxin , ils defcendoient aux embouchures du Danube. La vendant en Bulgarie une partie de leurs marchandifes, ils portoient le refte a Conftantinople. Au mois de Novembre, ils retournoient a Kiovie, d'oii ils fe difperfoient dans leur pays pour revenir au mois d'Avril. Ils ne craignoient dans leur voyage que les Patzinaces , leurs éternels ennemis, qui les cótoyoient, & avec lefquels il falloit fouvent combattre. Ennuyés enfin d'un profit médiocre qui leur coütoit tant de peines, ils réfolurent d'emporter en une fois le gain de plufieurs aanées, 6j d'épuifer la fource de tant de fi-  du Bas-Empire. Liv. LXXIII. 471 cheffes. Au printemps de Pan 941 , le Pont-Euxin fe couvrit de dix mille canots, ck cette flotte, fous les ordres d'Inger, Prince des Ruffes, fe montra le 11 Juin a 1'entrée du Bofphorè. N'ofant encöre s'engager dans le détroit, ils débarquerent d'un cöté en Thrace, de 1'autre en Bithynie, & porterent de toutes parts 1'horrible férocité d'une nation barbare altérée de fang & avide de pillage. Non contents de mettre le feu aux métairies, aux villages, aux Eglifes , ils fe faifoient un jeu desfupplices les plus inhumains. Ils mettoient les habitants en croix, percoient les autres de javelots, ck les laiffoient cloués a la terre; d'autres liés a des poteaux fervoient de but a leurs fleches. Leut cruauté diflinguoit les Prêtres ck les Clercs; après leur avoir attaché les mains derrière le dos, ils fe divertiffoient a leur enfoncer des clous dans le crane. L'abfence de la flotte d« PEmpire leur donnoit le temps d'exer eer ces fureurs. Tous les vaiffeau? étant employés a garder les cöte: d'Afie , ou les ifles de l'Archipe contre les entreprifes des Sarafins constantinVII. Romain. Ann. 941. [ 1  CONSTANTIN Vil, RoMA IN. Ann. 941, i 1 1 f C t C li c b k ü fi u 472 fflSTOIRE il ne reftoit clans les ports de Conftantinople que quinze brigantins , qu'on y avoit laifles k caufe du mauvais état oii ils fe trouvoient. Romain les fit radouber en diligence; & après un jeune de plufieurs jours, il y fit monter fes meilleurs Officiers de marine avec ce qu'ils pouvoient contenir de foldats. II en donna le commandement au Patrice Théophane, ?vec ordre d'aller attaquer les Ruffes. [Is étoient remontés dans leurs canots, k s'étoient raffemblés prés du Phare, [ 1'entrée du Pont - Euxin. Inger, voyant les Grecs venir en fi petit lombre, les méprife, &ordonnea es gens de les envelopper & de les rendre fans les tuer. La mer devient alme en ce moment; ce qui étoit 'ès - fayorable pour lancer le feu -régeois, Théophane fe jette au mieu de la flotte Ruffe; il rompt en ;nt endroits 1'ordonnance de ces folies canots, les difperfe, les coule fond : fes vaiffeaux vomiffent des ux^ de toutes parts. Les Ruffes efayés fautent dans la mer pour éviter s flammes ; ils périffent par les feux * dans ies eaux. D'autres font pris  du Bas-Empire. Liv.LX.XIII. 473 ou alTommés a coups de rames. Comme leurs canots tiroient peu d'eau , quelques-uns a la fuite d'Inger , aborderent au rivage oü les vaiffeaux Grecs ne pouvoient les pourfuivre. On conduifit a Conftantinople grand nombre de prifonniers, auxquels Romain fit fur le champ trancher la tête. Ceux qui s'étoient échappés, étant defcendus fur la cöte de Bithynie pour fe pourvoir des chofes néceffaires dont ils manquoient, furent rencontrés par un grand corps de cavalerie & d'infanterie, que commandoit Bardas Phocas ; il tomba fur eux, & les tailla en pieces. Jean Curcuas, qui étoit account avec toutes les troupes d'Afie au premier bruit de 1'arrivée des Rulles, furvint en ce moment, & acheva la défaite. Ceux qui purent fe fauver, regagnerent leurs canots, & voguerent vers les cötes de la Thrace,oü ils efpéroient trouver une retraite. Mais Théophane , qui n'avoit ceiTé de les faire obferver, leur coupe le chemin ; il fallut combattre une feconde fois, & le refte de leur flotte fut prefque entiérement détruit. 11 n'y en eut qu'un constantinVII. Romain. Ann. 941.  constantin VII. Romain. Ann. 941, LX, Exploits & difgrace deJean Curcuas & de fon frere Théophile. Cedr. p. 631. Leo. p. 5<=7. 474 IIlSTOIAE trés - petit nombre qui gagnerent k force derames les cötes voifines du mont Hémus, & qui profiterent de la nuit pour remonter vers 1'embouchure du Boryfthene , d'oii ils retournerent dans leur pays, trois mois après leur départ. Inger étant mort, Elga fa femme vint en 945 k Conftantinople, demander le baptême; elle prit le nom d'Hélene, & re9.1t de grands honneurs. Elle fut la première de la familie des Princes de Rufïïe qui embraffa la religion Chrétienne. Mais elle ne put y engager fon fils Vinceflas, que les Hiftoriens Grecs nomment Sphendofthlabus. Celui-ci, plus guerrier encore que fon pere, fut ennemi de PEmpire, comme je le dirai dans la fuite. Jean Curcuas , qui s'étoit fignalé dans cette oceafion, étoit alors le héros de PEmpire. Romain qui connoiffoit fon mérite, en avoit fait ufage, auffi-töt qu'il étoit monté fur le tröne; il 1'avoit mis k la tête des armées d'Orierit; ck ce brave guerrier , non content de conferver les Provinces qui reftoient a PEmpire , recouvroit celles qu'il avoit perdues. Un homme  nu Bas-Empire. Liv. LXXIIL 475 de ce caradtere mérite mieux que les Empereurs mêmes d'être connu de la poflérité. Aufli un Hiftorien nommé Manuel, avoit-il écrit fa vie en huit livres. La perte de eet ouvrage ne nous lailTe que le peu de lumieres qu'on peut tirer des hifloires générales , qui renvoyent le leöeur a eet écrit de Manuel pour le détail des exploits de Curcuas. Voici ce qu'on fait de ce grand homme. II étoit né dans la petite Arménie , fils de ce Curcuas, Capitaine des Icanates, qui confpira contre Bafile en 879. II fut élevé par fon parent Chriftophe, Archevêque de Gangres, qui prit foin de 1'inftruire dans la Religion, ck de cultiver par 1'étude des lettres fon heureux naturel. Toujours fidele k Romain, nous 1'avons vu réprimer la rébellion de Boïlas , prendre deux fois & ruiner Malatia. Les Sarafins empiétant toujours fur 1'Empire , en avoient reculé les hornes jufqu'au fleuve Halys; il 1'étendit jufqu'au-dela de 1'Euphrate , rendit tributaire une grande partie de la Méfopotamie, pouffa fes conquêtes jufqu'aux bords du Tigre , prit aux Sarafins ConstantieVit Romain. Ann. 941. Zon. torn. II. p. 191. Incert. eontin. p. 264,265, 266. Georg. p. 590.  constantin VII. Romain. Ann. 941, : < ] i ] ( I 1 « t r t r f r 476 HlSTOIRE plus de mille places, & envoya plufieurs fois a Conftantinople des peuplades entieres de Mufulmans prifonniers. Hardi a s'expofer au danger des batailles, prudent au milieu du danger , il joignoit a 1'exemple d'une valeur héroïque cette éloquence militaire , étincelante de courage , fi :apable d'embrafer le cceur des foldats. Les Grecs le nommoient le nouveau Bélifaire; ils le mettoient même au-deffus; & depuis que ces :ontrées avoient commencé a connoi:re les aigles Romaines, elles ne troufoient que Trajan qui piit lui être romparé. Son fils Romain apprit fous ui 1'art de la guerre, & s'y difiingua bus le regne de Nicéphore Phocas. rfais le guerrier le plus femblable a Curcuas, fut fon frere Théophile qui •artagea fes dangers & fa renomnée. Patrice & Duc de Chaldie, loin Ie s'abandonner k la molleffe & k la ébauche , comme tous les Gouvereurs de Provinces de ce temps-la, aujours k cheval, toujours la cuiaffe fur le corps, il ne s'occupa qu'a ronder fon frere dans fes gloeux travaux ; fans ceffe aux prifes  nu Bas-Empire. Liv. LXXIII. 477 avec les Sarafins, il ravageoit leurs campagnes , ruinoit leurs villes , ne leur donnoit point de repos. II réduifit la forte place de Théodofiopolis & tous les chateaux d'alentour. II fe fignala par fes exploits en Méfopotamie. On le nommoit le Salomon de 1'Orient, par allufion k ce brave Lieutenant de Bélifaire. II fut 1'aiëul de Jean Zimifcès qui régna dans la fuite. L'envie ajouta le dernier trait au tableau de Curcuas. Tandis qu'il expofoit fa vie fur la frontiere pour rétablir. Fhonneur & la puilfance de 1'Empire, des courtifans oififs travailloient (burdement a le perdre. On 1'accufa en fon abfence d'afpirer k la couronne; de n'entretenir une armée qua deffein de 1'employer contre fes maitres, & de s'être mis en poffeflion de plufieurs grandes terres , les unes enlevées aux fujets du Prince, les autres conquifes fur Ies ennemis. Romain écouta ces calomnies; mais pour éclaircir la vérité, il envoya furleslieux des Commjflaires. Ces Magiftrats s'étant trouvés par bonheur des hommes incorruptibles, certifierent Pinnocence de CONSTANTIN vu. ROMAlIf. Ann. 941.  constantinVII. Romain. Ann. 941. Ann. 942.. « LXI. Le voile d'Edefle tranfporté a Conftantinople.Joel. V. 1S0. Zon. t. II. p. 192. Leo, p. 508. 478 BlSTOIRË Curcuas.L'Empereur, pour le dédommager de cette injufte perfécution , concjit le deffein de 1'hQnorer de fon alliance. II voulut marier Euphrofyne, fille de Curcuas, a Romain, fils de Conftantin fon fecond fils. La bienveillance du Prince réveilla la fureur de Penvie. On fouleva contre Curcuas toute la familie impériale. II lui fallut céder a 1'orage , renoncer a tous fes emplois, &c abandonner le fervice de la patrie. Telle fut la récompenfe de tant de fang répandu pour elle, & de vingt-deux ans de continuelles fatigues. On mit a fa place Panthérius, dont le feul mérite étoit d'être parent de 1'Empereur. Avant que Curcuas fut rappellé, il couronna fes exploits par une campagne trés - funefte aux Sarafins. II mit a feu & a fang tout le Diarbek; prit Arzan , Dara, Rufalaïn , dont tous les habitants furent paffés au fil de 1'épée. Arrivé aux portes d'Edeffe , il menaca de la traiter avec la même rigueur, fi on ne lui mettoit entre les mains ce voile fameux que 1'on gardoit dans cette ville, & fur  duBAs-Empire. Liv.LXXIH. 479 lequel on croyoit voir la face de Jefus-Chrift, imprimée , difoir-on, par lui-même, & envoyée au Roi Abgare. Curcuas offroit de rendre a ce prix tous les prifonniers." Le Calife Al-Mottaki confulta les gens de loi, qui fe trouverent partagés de fentiment; les uns difant qu'il leur feroit honteux d'accorder par crainte aux Chrétiens ee qu'ils ne leur demandoient que pour infulter a leur foibleffe; les autres , que ce feroit racheter a bon marché tant de Mufulmans. Ce dernier avis prévalut. Le voile fut porté k Conftantinople. Le Patriarche, fuivi du Clergé , tk d'une foule de peuple , alla au-devant jufqu'au bord du Sagaris en Bithynie. Cette relique célebre entra dans la ville le 15 Aoüt, tk fut d'abord portée k 1'Eglife de Blaquernes, oü 1'Empereur la recut avec grande vénération. Le lendemain toute la familie impériale fe joignit au Clergé tk au Sénat pour 1'accompagner k SainteSophie, oü elle recut les hommages de toute la ville. Elle fut de-la tranfportée dans le palais. Les Sarafins du Frainet infultoient ConstantieVII. Romain. Ann. 942. Incert. eontin. p, 268. Sym. p, 491. Georg. p% 59°. 59». Rlmacin. Abulfara- AbulfedaS LXII. Romaia  c0nstantin VII. Romain. Ann. 942. envoyé du fecours a Hugues, Roi d'Icalie,contreles Sarafins. Liutpr. hifi. I. 5. c. 4- 7. Sigeb. chron. Pagi ad Bar. Murat. annal. d'Ital. t. V. p. 349.350. Ahrégé de Vhifi. d'Ital. t. II. p. 701 , 701. 480 IIlSTOIRE la Provence & 1'Italie par des ravages continuels. Hugues, Roi d'Italie, voulant déloger ces brigands, & manquant de marine, s'adreffa aux Empereurs de Conftantinople : il les pria de lui envoyer une flotte avec le feu grégeois pour brüler les vaiffeaux Sarafins, & leur couper les fecours d'Efpagne , tandis qu'il iroit par terre les forcer dans leur retraite. Ce pro jet fut exécuté; & c'en étoit fait de cette colonie infupportable k tous les pays voifins, fi Hugues, par une mauvaife politique, ne les eut fauvés lui-même. Craignant que Bérenger, Marquis d'Yvrée , fon ennemi, qui s'étoit retiré en Allemagne, ne revint 1'attaquer en Italië, il réfolut de fefervir de ces barbares, pour lui fermer les paflages. II traita donc avec eux, & leur permit de s'établir fur les montagnes qui féparent 1'Allemagne de 1'Italie. Ils revinrent peuk - peu k leur première demeure , & continuerent leur brigandage jufqu'en 971, qu'ils furent entiérement exterminés par Guillaume, Comte de Provence. II y avoit neuf ans que Théophane avoit  du Ras-Empire. Liv. LXXIII. 481 avoit préfervé la Thrace de la fureur des Hongrois. II en avoit été récompenfé par la charge de grand Chambellan. II fut encore employé en 943 a une même négociation, & il eut le même fuccès. Les Hongrois étant venus au mois d'Avril, fe jetter fur les terres de 1'Empire, furent arrêtés dans leur courfe , donnerent des ötages, & firent une treve de cinq ans. Dans le temps que Hugues avoit emprunté de Romain le fecours d'une flotte contre les Sarafins , 1'Empereur avoit demandé a ce Prince une de fes filles. II avoit deffein de la marier a Romain, fils de Conftantin Porphyrogenete, & de fa fille Hélene, quöiqu'il n'eüt encore que cinq ans. Hu gues, a qui la débauche avoit donné beaucoup d'enfants, n'ayant pas de fille légitime, lui offrit une de fes batardes nommée Berthe , parfaitement belle, qu'il avoit eue de Befola fa concubine. Conftantin, quoiqu'Empereur, ne difpofoit pas de fes propres enfants; Romain auffi peu délicat que Hugues fur eet article , accepta la propofition fans balancer. Tornt XV. ■ X constantin VII. Romain. Ann. 943. LXIII. Treve avec les Hongrois. Cedr. p. 631. Leo. p. 5°7. Incert. eontin. p. 267. Sym. pi 491. Georg. p. $90. Ann. 944. LXIV. Mariage de Romain , fils de Porphyrogenete. Cedr. p. 631,633. Leo, p, 507. Conft. de adm. '•nip, c. 26. Incert.  CONStantin VII. Romain. Ann. 944. eontin. p. 3.62. Sym. p. 491- Georg. p. 590. Liutpr, hifi. Du Cange fam. Bi-r. P- *43- LXV. Changement de vie de Romain. Cedr. p. 632,633, 634. Leo. p. 50S, 509. Manaff. p. 114. Zon. t. 11. p. IC)1. Glycas , pag. 302, Incert. contin.p, 26?, 370. 482 HlSTOIRE Pafcal, Ecuyer de PEmpereur ,& Duc de Lombardie, fut député pour recevoir Berthe des mains de fon pere, tk Sigefroi, Evêque de Parme, la conduifit a Conftantinople avec un train magnifique ik. de riches préfents. La cérémonie du mariage fut faite au mois de Septembre 944. Le nom de Berthe fut changé en celui d'Eudocie , qu'avoit porté la tante tk la bifaïeule paternelles de fon mari. Elle ne vécut que cinq ans depuis fon mariage, tk mourut avant qu'il put être confommé. Romain Lécapene, parvenu a un age affez avancé, commencoit, quoiqu'un peu tard, k fe reconnoitre. L ivreffe de Pambition, les acces violents du libertinage, n'avoient point' étouffé dans fon cceur les fentiments de religion. II avoit eu autant de remords que de foiblelfes. Ce qui contribua le plus a le ramener des égarements de fa vie , ce fut le refpect qu'il avoit toujours confervé pour les perfonnes confacrées k Dieu. Entre les Moines vertueux , auxquels il donnoit un libre accès, il chérifïoit Sergius, neveu du Patriarche Pho-  nu Bas-Empirr. Liv. LXXITI. 483 tins , mais qui joignoit au favoir de fon oncle des vertus que fon oncle n'avoit pas. Romain fit batir pour lui un monaftere, oü Sergius raffembla huit cents Moines fous fa difcipline, & 1'Empereur fourniftbit a leurs befoins. Ce faint Abbé travailla efficacement a la converfion du Prince; mais il ne put corriger la foible complaifance qui 1'aveugloit a l'égard de fes fils. II lui repréfentoit fans ceffe, mais inutilement, qu'il devoit craindre d'être puni lui - même, comme autrefois le Patriarche Heli, des défordres qu'il n'avoit pas le courage d'arrêter dans fa familie. Cette menace neut que trop d'effet. Conftantin Porphyrogenete, s'ennuyant enfin de n'être afïïs qu'au dernier rang fur un tröne qui lui appartenoit tout entier par le droit de la naiffance, forma le deffein d'en faire defcendre 1'ufurpateur, tk crut n'y pouvoir réufïïr qu'en excitant contre le pere Pambition de fes fils. Etienne tk Conftantin, hls de Romain, étoient également déréglés dans leurs mceurs; mais le fecond avoit plus de retenue & de refpeói pour fon pere; constantinVII. Romain. Ann. 944. Sym. p. 492. 49J. 494Georg. p, f01,J02. Jo 'él. p. 1S0. Liutpr. hifi, l. %.c. 9. Lxvr. Intrigue le Conf"antinPorphy■ogeneteJour dérönerüomain.  CoNStantin VII. Romain, Ann. 944, 4S4 UlSTOIRE 1'autre plus vain, plus emporté, parut plus facile a féduire. Porphyrogenete mit en ceuvre pour ce manege un certain Bafile, qu'on furnommoit 1'Oifeau, attaché depuis 1'enfance a fon fervice. C'étoit un homme fouple, adroit, fécond en rufes, & propre a prendre toutes fortes de formes , en un mot, un de ces fourbes fubalternes, que les .Princes favent employer aux baffelTes tk aux menfonges dont ils croyent avoir befoin , quand ils ne jugent pas k propos de les faire eux-mêmes. Bafile fut bientöt s'infinuer dans la plus intime familiarité d'Etienne ; tk quand il fe vit maitre de fon efprit, après lui avoir demandé pardon de fa liberté qui n'étoit qu'un effet de fon zele, il lui repréfenta qu étant déja Empereur, dans toute la force de fon dge, avec une prudence fupérieure, & toute l'expérience que donne aux autres la vieillejfe , on étoit étonné qu'il laiffdt le dejlin de l Empire fi long - temps fufpendu d un fil ufé & pret d rompre : qu'on difoit de toute part qu'il devoit fe produire , fe mettre au-devant d'un vieillard qui laiffoit tout languir avec lui, & prendre  nu Bas-Empize. Liv. LXX1II. 485 en main les rênes de l'Etat : qu'on lui connoiffoit d'ajfe^ grandes qualitès pour régir la terre entiere : qu'il étoit redevable d la patrie de cette rigueur de corps & d'efprit que le Ciel lui avoit donnée pour la gouverner : que dès qu'il fe montreroit d la tête des affaires , on verwit rajeunir 1'Empire , les Bulgares & les Sarafins trembler dans leurs limites, & toutes les Pro vinces refeurir fous fon heureufe inftuence : qu'il pouvoit être affuré d'être fecondé dans ce noble projet par Conftantin fon beau-frere, qui ne fouhailoit rien tant que de fe voir affranchi de la duretê bifarre d'un beaupere intraitable. II n'étoit pas difficile d'étouffer dans tin cceur corrompu les fenriments de la nature. Etienne, animé par Bafde, va tenter la fidélité de fon frere Conftantin ; il le trouve fi contraire a fon deffein, qu'il n'ofe même lui en faire confïdence; il fe charge feul de 1'exécution, d'autant plus facile, que Romain , alors malade , étoit incapable d'aucune réfiffance. Le palais de Conftantinople étoit par lui-même une place forte , toujours défendue par une garde nombreufe. II étoit ouvert x üj constantin VII. Romain. Ann. 944. LXVII. Romain détröné.  constantinVII. Romain. Ann, 944. ] 486 H I S T 0 I R E a tout le monde depuis 1'aurore jufqu'a la troifieme heure du jour. Alors on faifoit fortir tous ceux qui n'étoient pas nécelTaires au fervice , tk la porte demeuroit fermée jufqu'a la neuvieme heure. Bafile avoit fait entrer dans le complot plufieurs Officiers confidérables; les plus diftingués étoient Manuel Curtice, tk Marien Argyre , hls de ce Léon Argyre qui avoit époufé Agathe , fille de Romain Lécapene; il étoit par conféquent petit-fils de 1'Empereur même qu'on alloit détröner. Mais comme il portoit a regret 1'habit de Moine, il embraffa volontiers cette occafion 3e s'en dépouiller. L'hiftoire nomme ;ncore Cladon, Philippe, & le Géïéral Diogene qui furent fecondés de eurs amis. Le jour qn'Etienne avoit )ris pour exécuter fon deffein, il :hoifit 1'heure ou tout le monde étoit brti a 1'ordinaire. II entre avec fes :onjurés dans Pappartemenf de fon )ere, le faifit dans fon lit, le meiace d'un plus mauvais traitement ;'il jette le moindre cri, 1'enveloppe l'un voile, & le tranfporte fans bruit ïors du palais, tk de-la dans 1'ifle de  du Bas-Empihe. Liv. LXXIII. 487 Proté a 1'entrée de la Propontide. On Penferme dans un Monaftere , oü fur le champ on lui coupe les cheveux, & on lui fait prendre Phabit de Moine. Conftantin , frere d'Etienne, qui n'avoit pas voulu prendre de part a 1'attentat, voyant le fuccès, voulut en profiter. II fe joint a. fon frere. Le bruit de eet enlévement fe répand bientöt dans Ia ville; on difoit même que Porphyrogenete avoit été affaftiné. Le peuple accourt au palais ; on demande k grands cris k voir Porphyrogenete; il fe montre aux fenêtres, tk la fédition celfe. Les deux fils de Romain, défefpérés de voir que le peuple n'a des yeux que pour ce rival, fe tiennent renfermés. Cette révolution arriva Ie 20 Décembre 944. Romain avoit régné 2. 5 ans tk 4 jours. Sergius Paccompagna dans eet exil, & fe joignit k Polyeudfe, Abbé du Monaftere , pour confoler ce pere infortuné. II profita de leurs avis falutaires; tk délivré de la féduéfion du pouvoir fouverain, il trouva dans la retraite le repos & le vrai bonheur qu'il avoit en vain cherché fur ConstantieVII. Romain. Ann. 944.  constantinVII. Romain. Ann. 944, ixvni. Enfants de Romain. Cedr. p. 644. Vita Bafd. jun. Du Cange fam. By^. p. 148. j 4§S II I S T O I R E le tröne. Porphyrogenete eut trop tard connoiffance du teflament de Romain, par lequel ce Prince rétablilToit Pordre qu'il avoit troublé luimême : il donnoit le premier rang dans PEmpire a Conftantin Porphyrogenete ; il ne nommoit fes deux fils qu'au fecond rang, tk les déclaroit déchus de tous leurs droits , s'ils formoient aucun attentat contre le premier Empereur. Liutprand prétend que Porphyrogenete n'eut aucune part a la dépofition de Romain , & que tout fe paffa a fon infu. J'ai mieux aimé fuivre les Hifloriens Grecs, qui doivent avoir' été mieux infiruits. Outre les enfants de Romain Lécapene , que nous avons déja fait connoïtre , il eut une fille qui époufa Romain Saronite , maitre du palais. Celui-ci, devenu veuf, voulant fe fouftraire aux orages de la Cour, diftribua fes biens a fes enfants, tk embraffa la vie monaflique fous le regne de Romain le jeune. C'eft ce qiie rapportent les Hifloriens de PEmpire. Cependant un Auteur contemDorain dit qu'il mourut de maladie  dü Bas-Empire. Liv. LXXÏIL 489 lorfqu'il fongeoit a fe faire Empereur. Romain avoit encore eu d'une efclave Bulgare un batard, nommé Bafde, qui joua dans la fuite un grand röle, & dont nous aurons plufieurs fois occafion de parler. Fin du Tome quin(ieme. CONSTASiTIN VII. Romain. Ann. 944.   EXTRAIT DES REGISTRES de VAcademie Royale des Infcriptions & Belles-Lettres. Du Vendredi 4 Septembre 1772. onni er & M. BeJOT, Commiffaires nommés par 1'Académie, pour 1'examen d'un Ouvrage manufcrit de M. Le Beau, Secretaire perpétuel de ladita Académie , intitulé : Hiftoire du Bas-Empire, Tomes XV& XVI, en ent fait leur rapport, & ont dit qu'après avoir examiné eet Ouvrage, ils n'y ont rien trouvé qui dut en empêcher rimpreffion. En conféquence de ce rapport, &de leur approbation par écrit, FAcadémie a cédé a M. Le Beau ion droit de privilege pour rimpreffion dudit Ouvrage. En foi de quoi j'ai figné le préfent certificït. A Paris , au Louvre , ce Vendredi 4 Septembre 1772. DE SIGRAIS, DireBeur.