HISTOIRE D U BAS EMPIRE. T O M E S E I Z I E M E.   HISTOIRE D U BAS EMPIRE, EN CO MMENCANT a CONSTANTIN le Grand. Par Monfieur L E BEAU, Profejfeur Émérite enPUlfivERSITÉ de Paris j Profejfeur d'Éloquence au College Royal, Secretaire ordinaire de Mon seigneur le Duc d'OrlÉANS , & ancien Secretaire perpétuel de l'Académie Royale des Inscriptions^ et Belles-Lettres. TOME SEIZIEME. A MAESTRICHT, Chez Jean-Edme Dufour & Phil. Roux, Imprimeurs-Libraires, aflöciés. M. DCC. LXXX.   I «tig SÖMMAIRE X) V LIVRE SOIXANTE-QUATORZIEME. i. Changement a la Cour. ir. Expuljion desfils de Romaïn. iii. Sk/'/c de la vie de ces deux Primes. iv. Conduite de Romain dans le Monaflere. v„ Mort de Romain. vi. Sort des autres enfants de Romain. vu. Fin malheureufe de ceux qui avoient détrórié Romain. viii. Caraclere de Conflantin. ix. II remet les fciences en rigueur, x. Son kabileté dans les arts. xi. Sa juf tice. xii. Son humanité. xiii. Sonamour pour fa familie. xiv. Ses defauts. xv. Ses Minijlres. xv1. Naifance extraordinaire, xvii. Expéditións diverfes. xviii. Diverfes ambaffades. xix. Ambaffade de Liutprand a Conflantinople. xx. Prèfents & feflins de tEmpereur. xxi. Libéralitis de HEmptreur. xxh. Second mariage de Romain. xxiiï, Tornt XVU A  2 SOMMAIRE DU LlV. LXXIVe. Guerre des Sarajins. XXIV. Hongrois convertis. XXV. Hardiejfe dun Prêtre. XXVI. Mauvais fuccès de Bardas Phocas. XXVII. Ses fiLs lui fuccedent. XXVIII. Nicéphore battu. XXIX. Mort de Thêophylacte. XXX. Sarajins vaincus fur mer. XXXl.^Autres guerres en Sicile & en Italië. XXXII. Succes de Marien en Italië. XXXlii. Exploits de Nicéphore. XXXIV. Prife de Samofate. XXXV. Malheureufe expédition en Crete. XXXVI. Conjlantin, empoifonnê par fon fils. XXXVII. Les Hongrois repoujfés. XXXVIII. Mort de Conjlantin. XXXIX. Les Bajiliques. XL. Commencements de Romain. XLI. Sa conduite particuliere. XLII. // chajfe fes foeurs du palais. XLIII. Berenger, Roi d'Italië, ennemi des Grecs. XLIV. Commencement de la guerre de Crete. XLV. Siege de Candie. XLVI. Les Crétois ont en vain recours aux au tres Sarajins. XLVII. Suite du fiege. XLVIII. Prife de Candie. XLIX. Succes de Léon Phoeas. L. Divers événements. LI. Nouytaux exploits de Nicéphore. LH. Alep prife & faccagée, LUI, Mort de Romain.  3 HISTOIRE D U B ASEMPIRE. L1VRE SOIXA NTE- Q UA TOR ZIE ME. CONSTANTIN VII, dit Por- PHYROGENETE, fecond de cc Jurnom. KUMAIW 11, dit le Jeune. LE hafard fert quelquefois Ia füperftition populaire, qui aime a. trouver dans les accidents naturels des pronoftics des événements poliA ij CONSTAKTINVil. Ann. 944. 1. Change- m  CONSTANT1N VII. Ann. 944. ments a la Cour. Cedr. p. 631. Zon. torn. 11. p. 193. ieo.fi.507. 509. Incert. contin. p. 2.67,168, 171. Sym. p. 491 > 494Gcorg.pag. 5S3- 4 HlSTOJRB tiques. Après 1'expulfion de Romain , on remarqua que, peu de jours auparavant, des balcons élevés dans le Cirque, étant abattus par un vent violent, avoient brifé par leur chüte les degrés & les baluftresqui environnoient le lieu oü s'afTeyoit TEmpereur. Tout changea dans le gouvernement. Porphyrogenete, ou plutöt fes agents , & principalement Bafile 1'Oifeau , avoient eu 1'adreffe de jetter fur les deux fils de Lécapene tout Podieux de la révolution ; ils eurent encore celle d'en faire recueillir tout le fruit a Porphyrogenete. Ce fut lui qui fe trouva le maïtre du palais, quoique fes deux beaux-freres partageafTent avec lui le titre d'Empereur. II commenga par chafler toutes les créatures de Romain , pour établir fes courtifans dansles premières dignités. Bardas Phocas fut fait grand Domeftique , & en cette qualité, Commandant général des troupes de terre. II étoit frere de ce Léon Phocas, qui avoit été rival de Romain dans le deffein d'ufurper 1'Empire. Bardas s'étoit difcingué par fa valeur dans toutes les guerres. Son  du Bas-Empire. Liv. LXXIV. 5 flls Nicéphore, qui fut dans la fuite Empereur, fut fait Préfet d'Orient ; fon fecond fils Léon , Gouverneur de Cappadoce ; le troifieme qui portoit le nom de Conftantin, Préfet de Seleucie. Conftantin Gongyle , fut nommé Amiral; Bafile 1'Oifeau , Capitaine de la garde étrangere; Marien Argyre , débarraffé de 1'habit Monaftique , fut revêtu de la charge de Connétable; Manuel Curtice eut le commandement de la garde de nuit. C'étoit pour les trois derniers la récompenfe , d'avoir arraché la couronne a Romain. Mais nous les verrons dans la fuite fubir un fort plus funefte que celui de ce Prince. II étoit difHcile que les fils de Romain, qui n'avoient pu vivre fous le commandement de leur pere, vécuffent long-temps en fociété avec un beau-frere, qui les éclipfoit par 1'avantage de fa naiffance & par 1'afFection des peuples. Etienne, le plus ambitieux des deux, vouloit même refter feul maitre de FEmpire. D'un autre cöté, Hélene leur fceur, & femme de Porphyrogenete, Princefïe altiere, aimoit mieux régner feule avec A iij ConstantieVII. Ann. 944. Ann. 94?. II. Expulfion des fils de Romain. Cedr. p. 634,6n. 644,646. Léop. 509, 510. Zon. T. 11. p. 191» 193- 198. Menaff. pag. 114.  COMSTANT1NVH. Ann. 945. Joel. p. 180. Georg. P"g- 593, 594- Sym. p. 494,495- Incert. tvnt'm. p. 2,71 , & Liutpr. hifi. I.3. C. I. 5. c. II. Du Cange fnm. By{. ?■ 147. 111. Suite de la vie de ces deux Prince*. 6 H I S T 0 I R E un mari qu'elle gouvernoir, que de partager la puiffance avec des freres qui. n'étoient pas d'humeur k lui obéir ; & il y a grande apparence qu'elle fut le premier mobile de la nouvelle révolution. On infpira des foupcons k Porphyrogenete contre fes collegues, & il n'eut pas de peine k croire qu'il ne devoit nulkment compter fur lafoi de deux perfides , pour qui les droits mêmes de la nature n'avoient rien de facré. Ainfi fur le premier avis qu'on lui donna d'une conjuration formée contre fa perfonne , les ayant invités k fouper, il les fit prendre k fa table, & tranfporter dans une ifle voifine. On leur donna auili - tot la tonfure cléricale , pour leur öter 1'efpérance de remonter fur le tröne en les confacrant au fervice de 1'Eglife. Ils n'avoient régné que trente - neuf jours depuis le 20 Décembre 944 jufqu'au 27 Janvier de 1'année fuivante. Ils obtinrent la permifïïon d'aller voir leur pere dans 1'ifle de Proté. Dès qu'ils Pappercurent fous 1'habit de moine,ilsne purent retenir leurs larmes. Le vieillard les embraüa en  du Bas-Ewcitle. Liv. LXXIV. 7 difant ces paroles d'Ifaïe : J'ai mis des enfants au monde ; je lis ai élevés en honneur, & ils ntont méprifé. Après quelques moments d'entretien, on les obligea de fe féparer. Etienne fut conduit dans 1'ifle de Proconefe, enfuite k Rhodes, & enfin k Jvlitylene. II foutint fon malheur avec courage , & vécut encore dix-neuf ans. Ce ne fut pas fans donner de Pinquiétude a la Cour. Dans la troifieme année de fon exil, Porphyrogenete découvrit un complot formé pour 1'enlever & le ramener a Conftantinople. Les principaux conjurés furent punis, Etienne, qui peut-être même n'étoit pas inftruit de leur deffein, ne recut aucun mauvais traitement. Mais peu de temps après la mort de Romain II, fils de Porphyrogenete , Etienne devint fufpeö: a Théophano , veuve de Romain, & k Jofeph Bringas qui difpofoit de tout dans TEmpire. Le Samedi-Saint, comme il fortoit de la fainte Table, il tomba mort fubitement, fans aucune caufe apparente de maladie. On ne douta pas que Théophano, exercée k Pufage des poifons, dont elle avoit déja fait périr A iv CONSTANTINVII. Ann. 945.  Constant-inVII. Ann. 94;. IV. Conduite : de Ro- | main dans Ie Monaflere. | i i 8 H I g T 0 I R E fon beau-pere & fon mari, ne leut fait empoifonner. Son frere Conftantm fut d abord relégué a Tenedos , eniuite en Sarr.othrace. Plus impétueux qu'Etienne, quoiqu'il eüt auparavant paru plus modéré , après avoir piufieurs fois tenté de s'enfuir > il crut enfin s'échapper en taant PEcuyer Nicétas chargé de le garder. Mais les autres gardes vengerent la mort de leur Capitaine, en le maffacrant lui - même. C'étoit la feconde année de fon exil. II fut enterré avec bonneur dans le Monafiere que fon 3ere avoit fait batir, & dans lequel Hélene fa première femme avoit recu a fépulture. II laifloit un fils nommé itomain , qui vivoit encore fous le •egne de Zimifcès. Liutprand, Auteur contemporain, nais un peu romanefque, raconte Pune maniere plus agréable Pentre/ue de Romain & de fes deux fils. II itt que Romain apprenant leur arri'ée,renditgracesaDieu,& qu'étant Wé au-devant d'eux, il les recut a iras ouverts, les traitant de confrees par raillerie , & leur offrant de >artager avec lui fon eau fraiche &  nu Bas-Empire. Liv. LXXJV. o fes légumes, comme il avoit autrefois partagé 1'Empire avec eux. Tous les Auteurs conviennent que ce Prince détröné vécut gai & tranquille. II répétoit fouvent aux Moines fes confrères, qu'il régnoit plus véritablement en fervant humblement les ferviteurs de Dieu , qu'il n'avoit régné en commandant avec hauteur k des fujets aufli méchants que lui. Comme il étoit fort ignorant, fa dévotion ne pouvoit manquer d'être fuperftitieufe. Frappé d'un fonge effrayant, la nuit même de la mort de fon fils Conftantin, qu'il avoit vu précipiter en enfer, il envoya des exprès jufqu'a Jérufalem & k Rome pour demander des prieres, & dépêcha des courriers a tous les Monafteres du voilïnage, pour inviter les Moines a fe rendre auprès de lui. II en vint trois cents. A la MefTe du Jeudi-faint, lorfque rofficiant en étoit a 1'élévation , Romain fe dépouilla de fa tunique, & fe tenant debout en chemife au milieu de 1'Eglife, il lut k haute voix un écrit qu'il tenoit a la main; c'étoit fa confeflion générale. A tous les articles, qui devoient être nomA v CONSTANTIN VII. Ann. 945,  Coxsta > tik VII. Aria. i?45, i < i 1 V. Mort de Romain, 10 H I $ T 0 I R £ buc 111, les Moines verfant des larmes, S e CWO i ent t Seigneur, aye{ pitié de lui, Cette leéture achevée, Romain alla demander a tous les Moines 1'un aprcs 1'autre 1'abfolution de fes péchés , en s'inclinant profondément devant eux. Après 1'avoir recue, il communia; & s'étant retiré avec les Moines pour prendre le repas ordinaire, tandis que les autres fe mettoient a table, il fe faifoit fouetter les jambes par un petit garcon, qui avoit ordre de crier : Mets- toi A table , méchant vieillard. II ne s'affit qu'après les autres en pleurant & en gémiffant. Non content de cette confeffion pu~ blique, il en envoya des copies fcellées de fon fceau aux Caloyers qui ne s'étoient pas trouvés préfents , ivec de riches aumönes, les conju|;ant de prier Dieu pour le falut de ön ame. L'anonyme contemporain , ]ui rapporte cette pieufe fcene, y ijoute des miracles, fans doirte poffi)les a Dieu , mais qui, pour mériter 1'être placés dans 1'hiftoire, auroient >efoin d'une autorité plus grande que a fienne. Malgré cette ferveur de pénitence „  4- ' du Bas-Empihe. Liv. LXXIF. n i! y a cependant grande apparence que ce n'étoit qu'un accès paflager. Du moins voit - on que 1'ambition vivoit encore fous lacendre monaftique, & elle fe ralluma par les follicitations de fon fils le Patriarche Théophyladie, du Chambellan Théophane, & de deux grands Officiers du palais , George Sc Thomas. Ils concurent le deffein de le remettre fur le tröne, & n'eurent pas depeineal'y faire confentir. Mais tandis qu'ils attendoient le moment favorable, ils furent découverts & punis de flagellation & d'exil. II paroit cependant que Théophylafte fut épargné, Sc que PEmpereur lui pardonnaune entreprife fbrmée en faveur de fon pere. Romain , peu fenfible a ce mauvais fuccès, ne perdit rien de fa gaye.té ordinaire, &c mourut paifiblement dans fon ifle le 15 Juin 948. Son corps fut rapporté a Conftantinople, & enterré dans le Monaftere dont il étoit fondateur. Ce Prince, auquel 1'élévation de fa familie avoit coüté tant de travaux . &l même des crimes & des perfidies. en vit péri'r une partie de fon vivant A vj Constantie VII. Ann. 94;. VI. Sorc des autres enfants de 1 Romïirfi  CONSTANTIN VII. .Ann. 94;. Zon. p. 193. Jo'il p. 1S0. Du Cange Jam. By\. t- M7- VII. Fin malïicureufe Sc qui font parvenus jufqu'a nous, font les deux livres qui contiennent la defcription géographique des Provinces de 1'Empire tel qu'il étoit alors; ces Pro vinces fe nommoient Tkemes; &c le traité de Padminiftration de ConstantieVII. Ann. 945,  CONSTANTIN VII. Ann. 945. IX. II remet les fciences en viguenr. t6 Histoirs 1'Emplre , qui, entre beaucoup de réflexions fenfées, fe reffent cependant de la fuperftition & de 1'ignorance de fon fiecle : 1'origine, le génie, les forces des nations voifines y font développées avec affez d'étendue , quoiqu'avec quelque confufion; & 1'on y trouve des traits qu'on chercheroit vainement ailleurs. On a encore de lui une vie de fon aïeul 1'Empereur Bafile, une hiftoire peu critique de la fameufe image d'Edeffe, un fragment de Taftique, dont le-manufcrit complet fe trouve dans la bibliotheque du Roi , avifïi-bien qu'un difcours fur la tranflation du corps de Saint Jean Chryfoftome. Zonaras lui attribue des ouvrages de poéfie , dont il paroït par fon ftyle que la perte n'eft pas beaucoup a regretter. Son premier foin, lorfqu'il fe vit maitre de l'Empire, fut de relever les fciences & les arts. II choifit les plus habiles maitres de Philofophie 9 de Rhétorique, de Géométrie & d'Aftronomie , & il donna 1'infpeftion de ces études aux premiers perfonnages de l'Empire. Perfuadé que 1'ha-  du Bas-Empire. Liv. LXXIV. 17 bileté des maitres , lorfqu'elle n'eft pas fecondée par 1'ardeur des difciples, ne produit pas plus de fruit, qu'une bonne femence jettée dans une terre froide & ingrate, fon attention defcendoit jufqu'aux moyens d'infpirer 1'émulation aux éleves. II encourageoit par des louanges & des récompenfes ceux qui fe fignaloient par leurs fuccès; il les faifoit même quelquefois manger a fa table. Leürs études achevées , il leur conféroit des places honorables, il les admettoit au Sénat; il choififibit entr'eux fes Secretaires , il en élevoit quelques-uns a 1'épifcopat. Ces faveurs diftribuées a propos , échaufFerent les efprits, & firent en peu de temps refleurir les fciences , dont la racine fembloit être deffóchée par la barbarie. II admiroit les écrits de Saint Jean Chryfoftome, il en faifoit fon étude; mais fon génie ou celui de fon fiecle lui refufa le talent d'atteindre a ce grand modele. II pofl'édoit les arts plus qu'il ne convenoit a un Souverain. Devenu fans maïtre le plus habile peintre de fon temps, il n'étoit pas moins con- CONSTAKTIN VII. Ann. 945, X. Son habileté dans les arts.  CONSTANTIN VII. Ann. 945. 18 HISTOIS.R noifleur en architefture, en fculpture, dans la fonte & la fabrique des métaux, dans tous les ouvrages que le luxe met en honneur. Outre plufieurs palais qu'il fit batir avec magnificence , il épuifa 1'art de la décoration dans ceux qu'il trouva batis. Plufieurs Egüfes brillerent d'une nouvelle fplendeur. Jamais il n'entra dans Sainte-Sophie fans y dépofer quelque précieux ornement. II s'entendoit parfaitement k la conftruöion des vaiffeaux, jufqu'a. defïiner la coupe, la forme, la proportion de leurs diverfes parties. II aimoit la mufique, & s'y étoit rendu fi intelligent, qu'il compofoit ftömême les chants de 1'Eglife. Les Fêtes folemnelles prirent fous fon regne plus d'éclat & de célébrité. II y raffembloit les plus habiles rounciens; il préfidoit aux chceurs, & y joignoit fa voix. C'étoit en un mot un cara&ere fubalterne, admirable pour 1'exécution, incapable d'élévation. II eut été un grand artifte, il fut un très-médiocre Empereur ; ilpéchoitmême dans les aöions louables par la petiteffe des détails.  nu Bjs-Empirs. Liv. LXXIF. 19 II eft cependant une partie du gouvernement oü le détail fait le grand objet du Souverain. Rien n'eft petit dans ce qui concerne la juftice. Les regards du Prince doivent defcendre jufqu'aux derniers de fes fujets; & ce fut le plus grand mérite de Conftantin. II apprit que depuis long-temps les hommes puiffants dans les Pro vinces abufoient de leur pouvoir, pour envahir lesbiens de ceux qui n'étoient pas en état de leur réfifter. Tantöt ils s'en emparoient k force ouverte; tantöt ils fe les approprioient par des chicanes; quelquefois ils contraignoient les poffeffeurs k vendre k vil prix. Indigné de ces ufurpations , il fit faire par édit la révifion de tous les titres de pofTeffion poftérieurs k la mort de fon pere, & ordonna que toutes les acquifitions qui fe trouveroient tachées de quelque injuftice, fuiïent annullées , & que les anciens propriétaires rentraffent dans leurs biens fans être obligés k aucun rembourfement. Tous fes fujets trouvoient auprès de lui un accès facile ; il écoutoit leurs plaintes , recevoit leurs re- CONSTANTINVII. Ann. 945. XI. Sa juftice.  CONSTANTIN VII. Ann. 045. XIT. Son huaanité. 1 1 I » 1 I 20 HlSTOIRE quêtes , &c ne manquoit pas d'y faire droit, lorfque llmpératrice viy mettoit pas d'obftacle. II prenoit fouvent place dans les tribunaux, éclairoit la conduite des juges, réprimoit Payidité des praticiens , qui favent ruiner le bon droit, ou éternifer les affaires par des procédures fuperflues. Les plaideurs injuftes redoutant la fentence de 1'Empereur , aimoient mieux la prévenir en renongant a leurs prétentions. Les libéralités de Romain s'étoient bornées è Penceinte de Conftantinople; ce Prince n'étoit fenfible qu'a la mifere qui frappoit fes yeux : Conftantin étendit fa générollté a tout l'Empire. Les Sarafins de Tarfe tenoient dans les fers grand nombre de >rifonniers. L'Empereur ayant fait ireve avec eux, leur envoya ie brare Curcuas , qu'il avoit rappellé a la Cour. Le rachat fe fit fur les bords lu fleuve Lamus en Cilicie , avec me égale bonne foi de part & d'au:re. Les Provinces étoient miférables. Dutre les impöts dont elles étoient urchargées, Romain, qui les négü•eoit, les avoit laifTées en proie a  i>u Bas-Empire. Liv. LXX1F. 21 Favidité infatiable des Officiers de guerre & de juftice. Conftantin entendit leurs cris, & réfolut de les délivrer d'oppreffion. II y envoya les plus fages & les plus défintéreffés d'entre les Patrices, qui s'acquitterent de cette commiffion ialutaire, autant que les proteöions de Cour purent le permettre.L'Empereurvifitoitquelquefois les prifons en perfonne; il s'inftruifoit des caufes de détention, & faifoit fortir fur le champ ceux qu'il jugeoit innocents. Un incendie ayant détruit un grand nombre de raaifons a Conftantinople, il les fit rebatir a fes dépens & au profit des propriétaires. II foulagea par d'abondantes aumönes tous ceux que eet accident avoit aftligés. Quoiqu'il ne prodiguat pas fes finances, il fe piquoit de magnificence dansles feftins d'étiquette qu'il donnoit k fa Cour, & ne renvoyoit les convives qu'après leur avoir fait des préfents dignes de fa générofité. L'inftruciion de fon fils Romain fit la principale occupation de fes dernieres années. Ce fut pour lui qu'il compofa le Traité de 1'adminiftration Constantie VIT. Ann, 94J, XIII. Son amour pour fa familie.  CONSTAKTIN VII. Ann, 945. £2 HlSTOIRE de l'Empire, dont j'ai parlé, & qui contient des avis politiques. Une réflexion que fait naïtre la leöure de ces inftructions paternelles, c'eft qu'elle tournent prefque toujours a 1'honneur des peres & a la cenfure des enfants. Ces fils de Souverains, auxquels les peres ont laiffé de fi beaux préceptes, en ont trés - peu profité. Romain le jeune ne fuivit pas mieux les maximes de Conftantin Porphyrogenete, que Léon dit le Sage , n'avoit fuivi celles de Bafile le Macédonien. D'oü il me femble qu'on peut conclure que ces Princes auroient mieux fait de former euxmêmes leurs enfants par une pratique habituelle d'aftions nobles & vertueufes, que de leur en donner des lecons par écrit. Conftantin , réglé dans fes mceurs, aima fans partage fa femme Hélene; il eüt été plus grand Prince , s'il lui eüt laiffé prendre moins d'empire, & qu'il eüt ofé faire malgré elle le bien qu'elle ne traverfoit que trop fouvent. II chérifToit fes trois filles, Zoé , Théodora & Agathe. Mais les tendres foins d'Agathe & fa capacité dans la conduite des  nv Bas-Empire. Liv. LXXIF. 23 affaires, lui infpiroit pour elle une prédilecfion marquée. II partageoit avec elle le détail du gouvernement ; c'étoit par fon miniftere qu'il faifoit paffer fes ordres au Sénat Sc aux Magiftrats. Avec beaucoup de bonnes qualités , Conftantin ne fera jamais mis au rang des grands Princes. Plus occupé de fes études que de fes affaires, plus verfé dans la connoiffance des livres que dans celle des hommes, il donna fouvent les Magiftratures, les Gouvernements, le commandement des armées a des hommes de néant, quelquefois même déja défhonorés. Sa femme & fon Chambellan Bafile vendoient toutes les places, qui ne font jamais achetées que par ceux qui en font indignes. Quoique foible Sc fans vigueur, il étoit dur, violent dans la colere, inexorable aux moindres fautes, qu'il puniffoit févérement, tandis qu'on arrachoit de lui l'impunité des plus grands crimes. II aimoit le vin Sc la bonne chere. Ce mélange de vices , en petit nombre a la vérité , mais capitaux Sc pernicieux dans un Prin- CONSTANTINVil. Ann. 94J. XIV. Ses défauts.  CONSTAfiTIN VII. Ann. 945. XV. Ses Miniftres. Incert: tontin. p. 275 » a76, 277 . »87. Sym. p. 45Manaff. TH- 24 HlSTCilRE ce , fut un levain qui altera tout ce qu'il avoit de louabie. Les graces & les dignités fe diftribuoient au gré d'Hélene , & c'eft pour cette raifon que dans 1'efpace de quatorze ans que Conftantin régna feul, on voit de fréquents changements dans la magiftrature. Bafile le batard eut d'abord tout le crédit. La place de grand Chambellan lui donnoit un libre accès auprès de 1'Impératrice. II étoit difcret, parloit bien , & s'acquittoit avec dextérité &C avec grace de toutes fes fonftions. Son adrefle le foutint quelque temps. Le Prince le combla de faveurs, le fit Patrice & Chef du Sénat; mais il fut fupplanté par un courtifan encore plus habile; c'étoit Jofeph, furnommé Bringas, qui, fous uneapparence de vertu, cachoit une ambition démefurée. Jofeph fe conformant a tous les goüts de fon maitre, ne refpiroitque piété , charité , amour de 1'étude. D'abord Tréforier du Prince, il parvint enfuite a la charge de grand Amiral. Enfin, 1'Empereur fe repofa fur lui du foin de toutes les affaires, & lui comrnuniqua tout fon pouvoir. Son  du Bas-Empire. Liv. LXXIV. 25 Son adroite politique le maintint dans cette élévation , & il fut conferver fous le regne du fils 1'autorité qu'il s'étoit acquife fous celui du pere. La préfeöure de Gonftantinople étoit une place importante. Celui qui la pofTédoit, étoit non-feulement chargé de route la police de cette capitale de l'Empire , mais encore de toutes les affaires civiles & criminelles; il étoit lechef de la juftice. Théophile, revêtu de cette charge, ne manquoit pas de lumieres, mais de probité & de défintéreffement. Un accident acheva de le faire connoitre. La terre s'ouvrit fous plufieurs maifons de la ville, & tous les meubles contenus dans ces édiflces furent précipités dans cette efpece d'abyme. Conftantin , arfligé de voir la fortune de tant de perfonnes ènfévelie en un inftant, donna ordre a Théophile de faire déterrer ces effets & de les rendre aux propriétaires. Ce Magiftrat chargea de 1'exécution deux fubalternes, qui ne connoiffoient d'intérêt au-deffus de celui de leur maïtre, que le leur propre. Ils travaillerent avec adivité a retirer toutes les richeffes englouTeme XVI. B CONSTANTINVII. Ann. 945.  CONSTANTINVII. Ann. 945. 26 HlSTOIRB ties, & mirent entre les mains de Théophile tout ce qu'ils ne purent s'approprier a fon infu. Ce fut pour Théophile une mine d'or. II s'empara de tout, a 1'exception d'une trèspetite partie qu'il reftitua aux poffefïeurs légitimes, pour couvrir le vol du refte. Une friponnerie de cette efpece méritoit un chatiment exemplaire. Ce n'étoit pas la première dont Théophile fe fut rendu coupable. Sa vie toute entiere n'étoit qu'un tiffu de fraudes & de noirceurs. Avare , infatiable , hardi raviffeur , raais infinuant, flatteur , complaifant pour le Prince, & fur-tout pour 1'Impératrice , il faifoit rejetter les plaintes de fes injuftices, comme le cri de la calomnie. Hypocrite confommé, il affecfoit une droiture fans égale , un zele ardent pour 1'équité. Tout lui réuffiffoit, èi le peuple qui le connoiffoit mieux que le Prince , s'étoit imaginé qu'un fuccès fi peu mérité étoit le fruit d'un pafte avec le diable. L'aveuglement de 1'Empereur fut tel 5 que ne pouVantle lahfer dans une place, oü il s'étoit rendu 1'horreur du public, il lui conféra  du Bas-Empire. Liv. LXXIK 27 une dignité fupérieuf e, & Papprocha ' de fa perfonne en le faifant fon quefteur. II lui donna pour füccefTeur Conftantin , un de fes premiers Ecuyers. L'Empereur ne fut pas trompé cette fois. Conftantin méritoit la préfefture par fes connoiffances, par fon intégrité, & par la décence de fes mceurs. II ne la garda pas long-temps. On voit dans cette place avant la fin de ce regne Théodore Belonas, auquel les Hiftoriens donnent les mêmes éloges qu'a fon prédéceffeur. Sous le regne de Romain , on avoit apporté d'Arménie a Conftantinople deux enfants males, bien formés de tous leurs membres, qui tenoient enfemble par le bas-ventre. Après qu'ils eurent été pendant un affez long temps un objet de curiofité, ön fut obligé de les remporter par ordre de Romain , qui s'effrayoit de eet accident naturel comme d'un préfage funefte. Ils revinrent au commencement duregnede Conftantin; & 1'un des deux étant mort, les Chirurgiens entreprirent de conferver 1'au-, tre en le féparant du cadavre. TouB ij COKSTANTIÏtVli. 4.nn. 94J. XVI. Naiflanae extraordiaaire. Ced. p. 531. Leo. p, ;o8. Zon. p. 192. Ineen, zomin. p. z68. Sym. p. 492. Gecrg. p. 591.  CONSTANTIN VII. Arm. 948. XVII. Diverfes expéditions. ' Cedr. p | 635. Joël. p. 180. 1 Elmacin. , Ahdfeda. Ahulfarage. ; Du Cange ■ fam. By{. . p. 143. Abrégé de 1 Vhifl. d'I- ] tal. tom.ll. F- 7°5« < 1 1 < < 1 .\ . r. t 1 ( < 1 < $ HlSTOlRB :e leur adrefle fut inutile ; le fo:ond_ mourut trois jours après Fojération. Le jour de Paques'de 1'année 948 , 'Empereur donna la couronne Impériale a fon fils Romain, agé de neuf Ins. Le Patriarche Théophylafte, aujuel 1'expulfion de fon pere ne pa•oit pas avoir caufé plus de douleur jue de changement dans la fortune k dans les mceurs, fit la cérémonie. -,'hiftoire parle de plufieurs expédiions faites en ce temps-la, mais elle ï'en donne aucun détail. Une troupe le Hongrois vint par mer ravager es cótes de PApulie , & pénétra juf[u'aOtrante. En Oriënt, les Sarafins itant entrés fur les terres de PEmpie, furent arrêtés par une armée qui es battit, les pourfuivit bien avant n Syrië, prit Marath qu'elle abanlonna après 1'avoir pillée, attaqua, nais fans fuccès, Alep & Tarfe. Je ie fais fi cette expédition eft la mêne que celle dans laquelle Léon Phoas s'avanca jufque fur PEuphrate, >ii il afliégea Sura. Mais il fut conraint de lever le fiege avec perte l'un grand nombre de foldats, qui  nu Bas-Empire. Liv. LXXIF. nc refterent prifonniers entre les mains des Sarafins. f Conftantin aimoit a recevoir & a envoyer des Ambaffadeurs. Othon, Empereur d'Allemagne, en recut de fa part , qui arriverent la veille de la Touffaint de Pan 948. Ils apportoient des préfents confidérables. Mais on ne dit rien du fujet pour lequel ils étoient envoyés. Les Empereurs Grecs entretenoient correfpondance avec les Califes Ommiades établis en Efpagne, paree qu'ils étoient également ennemis des Califes de Bagdad. Léon , pere de Conftantin, avoit envoyé au Calife Abdoullah une perle fameufe par fa beauté & par fa groffeur. Conftantin, apprenant que le Calife Abdoulrahman , faifoit conftruire un fuperbe palais dans fa nouvelle ville de Zahra, qu'il avoit fait batir a une lieue de Cordoue, lui envoya cent quarante colonnes du plus beau marbre. Elles avoient été taillées a Conftantinople ; &c la plupart des figures d'or , qu'on voyoit en grand nombre dans ce riche palais, étoient Pouvrage des plus habiles arnftes Grecs. L'AmbafTadeur qui acB iij CONSTANTIN VII. Ann. 948. XVIII. Diverfes ambaffades.Lamhert. Schafnab. M. Cardonnc, hifi. d%Afrique& d'Efpagne, f. 7.^.324, 331 . 333.  ConstantieVil. Ann. 948. XIX. Ambaffade de Liutprand a Conftantinople. Liut. hifi. I. 6. c. 1. Pagi ad Bar. SO H I S T O I R £ compagnoit ce préfent, fut recu a Cordoue avec magnifïcence. Les cérémonies introduites par la vanité Grecque dans la Cour de Conftantinople , avoient quelque chofe de plus étrange & de plus bifarre que tout ce qui fe pratiquoit chez les nations que les Grecs traitoient de barbares. On en peut juger par 1'ambaffade de Liutprand qui en a fait lui-même le récit. Romain, fils de Conftantin , avoit époufé Berthe, fceur de Lothaire, Roi d'Italie. Bérenger , Marquis d'Ivrée, s'étant rendu maïtre du gouvernement, difpofoit de tout en Lombardie , & ne laifToit a Lothaire que le nom de Roi, qu'il fe préparoit a lui ravir. L'Empereur , touché du fort de ce Prince , écrivit a Bérenger pour lui recommander la perfonne du jeune Roi; il 1'affuroit de fon amitié, & lui faifoit entendre qu'il recevroit avec plaifir des Ambaffadeurs de fa part. Bérenger, craignant de s'attirer de nouveaux ennemis, fit choix de fon Secretaire Liutprand pour Penvoyer k Conftantinople. Liutprand parti de Pavie le premier Aoüt,ren-  dv Bas-Empire. Liv. LXXIV. 31 contra k Venife un Chambellan de PEmpereur, qui conduifoit k la Cour des Ambaffadeurs d'Efpagne & de Saxe. Etant arrivé le 17 O&obre, il fut recu dans le palais de Magnaure. Devant le tröne de 1'Empereur étoit un arbre de cuivre doré; divers oifeaux de même métal perchés fur les branches, rendoient chacun le ramage propre de leur efpece. Le tröne étoit fort large ; deux lions dorés en formoient les deux bras. Liutprand fut porté a Paudience fur les épaules de deux Eunuques. A fon approche, les lions fe mirent k rugir , & les oifeaux a faire leur ramage. Le tröne fe hauffoit &c fe baiffoit par refforfs. Liutprand fe profterna aux pieds de PEmpereur, qui étoit d'abord fort peu élevé de terre. Comme il demeura quelque temps en cette pofture, felon Pordre du maïtre des cérémonies, lorfqu'il releva la tête, ne voyant plus rien devant lui, il appercut le Prince revêtu d'autres habits , &c guindé avec le tröne jufqu'aux lambris de la falie. L'Empereur ne dit mot; la diftance auroit ajouté le ridicule de la converB iv CONSTANTIK VII. Ann. 948.  CoNSTANTIN VII. Ann. 948. XX. Préfents & feftins tle 1'Emgereur. 32 HlSTOIRB fation a celui du méehanifme. Mals le Chancelier, qu'on nommoit alors Quefteur, interrogea Liutprand fur la fanté de Bérenger. Après la réponfe , le Chancelier fit figne a Liutprand de fe retirer; il fut conduit k 1'auberge qu'on lui avoit préparée. Les autres Ambaffadeurs avoient fait k PEmpereur les préfents de leurs maitres. Bérenger, fort avare, n'avoit donné k Liutprand qu'une lettre; encore étoit-elle pleine de menfonges. Le beau-pere de Liutprand étoit fort riche, & 1'aimoit tendrement. Bérenger lui avoit propofe d'envoyer fon beau-fils a Conftantinople pour y apprendre les lettres Grecques. 11 ne lui manque, difoitll, que cette connoijfance pour étre un favant du premier ordre, & afin qu'il fait mieux recu, je le revêtirai du caraclere d''Ambajfadeur. Le beau-pere , fiatté de proeurer a Liutprand un titre fi honorable, lui avoit fait un bel équipage, & lui avoit mis entre les mains une grande fomme d'argent avec des préfents pour 1'Empereur. Liutprand, honteux de n'avoir rien k donner de la part de fon maitre ,  nu Ba$-Empir.e. Liv. LXX1F. 33 préfenta au nom de Bérenger ce qu'il devoit offrir en ion propre nom. C'étoient neuf belles cuiraffes, fept boucliers , deux coupes de vermeil, des épées, des lances, des javelots, des efclaves, dont quatre étoient entiérement mutilés, forte d'eunuques de grand prix , dont les marchands de Verdun faifoient alors grand commerce en Efpagne. Trois jours après 1'Empereur le manda, s'entretint avec lui, le fit manger a fa table, lui fit des préfents ainfi qu'a fa fuite. Liutprand afïifta au repas du jour de Noël. II fe donnoit dans une grande & magnifique falie ; on y dreffoit dix-neuf lits, & la falie en portoit le nom. Les convives mangeoient couchés, felon 1'ufage antique. On n'y fervoit qu'en vaiffelle d'or. Au deffert on apportoit le fruit dans trois grands vafes d'or très-pefants, & portés fur des brancards. On pafloit dans les anfes de ces vafes des anneaux d'or, attachés au bout de trois cordes dorées qui tomboient de la voute. Une machine placée fur le toït amenoit ces vafes fur la table, & les y dépofoit. On ajoutoit a eet appareil B v CONSTANTIN VU.-, Ann,  CONSTANTINVIL Ann. 949. XXI. Libéralités de 1'Empereur. I 34 HlSTOIRS des jeux & des tours de bateleurs pour le divertiffement des convives. La veille du Dimanche des Rameaux, 1'Empereur diftribuoit des préfents aux Officiers de fa Cour. Liutprand, qui étoit encore k Conftantinople, fut témoin de cette cérémonie , qu'il décrit en ces termes. On dreffoit une table de quinze pieds de longNfur fix de large; on la couvroit de pieces dargent dans des boïtes étiquetées de la fomme qu'elles contenoient. L'Empereur fe pkcoit au bout de la table. Un Officier appelloit 1'un après 1'autre ceux qui devoient recevoir. Le premier ap* pellé fttt le grand-Maïtre du palais. On lui mit, non pas dans les mains, mais fur 1'épaule , fa boite , avec quatre de ces manteaux qui couvroient tout le corps, & que les gens de guerre portoient en temps de pluie. Enfuite vinrent le grand Domeftique qui commandoit les troupes de terre, &c le grand Amiral. Ils recurent le même préfent , paree que leur dignité étoit égale k eelle du grandMa'itre. Après eux entrerent vingt-  nu Bas-Empire. Liv. LXXlF. 35 quatre maitres , qui eurent chacun vingt - quatre livres d'or Sc deux manteaux. Ils furent fuivis des Patrices , auxquels on donna douze livres d'or , Sc feulement un manteau. Enfin, parut k la file un grand nombre d'Ecuyers Sc d'autres Officiers, qui marchoient felon leurs grades , Sc recevoient un préfent proportionné. L'utilité de cette cérémonie mérite qu'on lui pardonne ce qu'elle avoit de ridicule. Elle fut abolie du temps de Conftantin Monomaque. Berthe , mariée depuis fix ans avec Romain , étant morte en 949 , ce jeune Prince , devenu éperduement amoureux d'une fille de cabaretier qui étoit d'une beauté éblouiffante, réfolut de Pépoufer. Quoiqu'il ne fut encore que dans fa onzieme année, fes paffions étoient déja dans toute leur force; Sc fon pere, qui n'avoit pas moins de foibleffe, eut celle de fe rendre aux prieres Sc aux larmes d'ün enfant qu'il craignoit de perdre. On crut • déguifer 1'origine de cette époufe en lui donnant le nom de Théophano, au-lieu de celui d'AB vj CONSTANTINVII. Ann. 949. XXII. Second mariage de Remain. . Cedr. p. 637. Zon. p. 194. Maneff. pag. 114. Glyeas 3 pag. 302. Ineert. eontïn. p. 285 , 2S6.  CONSTANTIN vir. Ann. 949. Ann. 950. XXIil. Guerre des Sara£ns.Llmacin. Ahulfeda. Abulfam- i<- ■ JLup. pro- U,fp. ] } .1 1 j X 36 HlSTOIRE naftafie qu'elle portoit auparavant. Ce changement de nom & de fortune ne put corriger la baffeffe de cceur, qu'elle tenoit de fa naiffance. Elle fut elle-même punir fon mari de fon mauvais choix; & après 1'avoir déshonoré, elle fe défit de lui comme nous le verrons dans la fuite. Malgré \e témoignage unanime des autres Hiftoriens , un anonyme, dont 1'ouvrage eft parvenu jufqu'a nous, donne è cette fllle la plus iJluftre origine. Mais il écrivoit dans le temps qu'elle bouleverfoit l'Empire. , Pendant que la Cour de Conftantinople ne s'oecupoit que de divertiffements, la guerre étoit allumée du cöté de la Syrië. Chabdan, que les Arabes nomment Saifoddaulah , Emir d'Alep & d'Emefe , ravagea pendant deux mois les Provinces voifines', & fit grand nombre de srifonniers. II alla chercher les troujes de l'Empire jufqu'en Cappadoce. 1 y eut une grande bataille, ou fuent tués trente mille Grecs & deux ndle faits prifonniers; mais peu de ours après, le Général Grec eut fa eyanche, S'étant.emparé des gorges  du Bas-Empire. Liv. LXKIK 37 du mont Amanus, qu'on nommoit encore Ie détroit de Cicéron , il tomba fur les Sarafins au paffage , leur enleva leur butin Sc les tailla en pieces. Peu échapperent. Les vainqueurs entrerent en Syrië, maffacrerent cinq mille hommes, Sc en emmenerent trois mille. Le refte des habitans avoit pris la fuite. Les Grecs eurent encore quelque fuccès en Italië. Ils affiégerent Sc prirent Afcoli en Apulie. Les Hongrois,partagés en plufieurs hordes fous différents Princes, mais qui fe réuniffoient pour ne compofer qu'un feul corps de nation, ne ceffoient d'inquiéter par leurs courfes la Germanie , la France, 1'Itaüe Sc les Provinces de l'Empire. Un de leurs Princes nommé Bulogud , vint a Conftantinople demander le baptême. II recut de 1'Empereur la dignité de Patrice , Sc s'en retourna avec de riches préfents. A fon exemple, un autre Prince Hongrois, nommé Gyks, vint fe faire chrétien, Sc fut traité avec les mêmes honneurs. II emmena dans fon pays un faint Moine, appellé Hiérothée, auquel Théo- CONSTANTINVII. Ann. 950. XXIV. Hongrois cönvertis. Cedr. p. 636. Zon. P. 194.  CONSTANTIN Vil. Ann. 9 j®, Ann. 952. XXV. Hardieffe d'un Prêtre. Cedr. p. €37. Glycas 3 pag. 302. Alulfida. 38 HlSTOIRE phylacte conféra 1'épifcopat. Hiérö» thee convertit grand nombre de Hongrois. Mais des deux Princes , Gylas feul demeura fidele a la Religion qu'il avoit embraffée. II s'abftint de faire des courfes fur les terres de l'Empire ; il protégeoit même les Chrétiens, qu'il rachetoit des autres Princes pour leur donner la liberté. La converfion de Bulogud fut de peu de durée. II apoftalia & continua fes courfes & fes cruautés. II fut enfin pris & pendu en Germanie, Deux ans après 1'expédition de fEmir d'Alep, celui de Tarfe s'étant mis en campagne , vint pillek une bourgade de la frontiere. Le Curé du lieu , nommé Themel, difoit alors la meffe. Au Lruit des cris qu'il entend a 1'arrivée des Sarafins , il defcend brufquement de 1'autel, fans quitter fes habits pontificaux, s'arme du marteau qui fervoit de cloche dans plufieurs Eglifes d'Orient , va fondre fur les ennemis étonnés de cette apparition, bleffe, fracafTe, affomme tout ce qu'il rencontre , & met les autres en fuite. Après ce coup de main, que fon Evêque trouva peu  du Èas-Empire. Liv. LXXIF. %o canonique , fe voyant interdit fans pouvoir obtenir de grace, il va fe jetter entre les Sarafins; &c devenu apoftat, tourne fon courage contre les Chrétiens, défole la Cappadoce, remplit de carnage les Provinces voifines, & pénetre bien avant dans 1'Afie mineure, laiffant par-tout des marqués fanglantes de fa rage barbare. Bardas Phocas s'étoit fait de la réputation dans la guerre , tant qu'il n'avoit eu qu'un commandement fubalterne. Dès qu'il fut Commandant en chef, il perdit toute fa gloire. II parut peu capable de diriger les opérations d'une armée ; fon avarice le rendit odieux. A la première occafion qu'il fut attaqué par Chabdan, fes foldats 1'abandonnerent , & il n'auroit pu éviter d'être pris, fi fa garde particuliere ne Peut fauvé en percant les efcadrons Sarafins dont il étoit enveloppé. II recut au front une large & profonde bleflure, dont il porta la cicatrice le refte de fa vie. On attribua ce mauvais fuccès a fa vieillefTe , qui avoit glacé fon ancienne valeur, & qui le mettoit hors COKSTANTIN vu. Ann. 9.5 2. Ann, 953. XXVI. Mauvais fuccès de Bardas Phocas. Cedr. p. ■ 637. Ann. 954. XXVII. Ses fiU  ■ CONSTANTIN mi. Ann. 954. lui fuccedent. Cedr. p. 637,638. In eert. eontin. p. 2.86, 287, 288. Sym. p, 495 :496Abulfeda.Abulfara- g*. 40 HlSTOIRE d'état de fupporter les travaux. Conftantin voulant lui donner un fucceffeur , fans caufer de chagrin k un homme dont il avoit éprouvé la fidélité & le zele , fit paffer la charge de grand Domeflique fur la tête de fon fils Nicéphore. Léon, fon fecond fils, Gouverneur de Cappadoce, partagea avec fon frere le commandement des armées; & Conftantin le troifieme , Préfet de Séleucie , fut fait Lieutenant-général de fes deux freres. Ces trois guerriers furpaffoient leur pere en capacité & en Valeur ; & loin de lui reffembler en avance, ils s'étoient attaché le cceur des foldats par leur générofité & leur douceur , qui ne dégénéroit pas en foibleffe. Léon fut le premier k donner des preuves de fes talents militaires. Chabdan avoit mis fur pied deux armées. II marchoit en perfonne k la tête de 1'une, & s'avancoit fur la frontiere. II avoit donné le comiKandement de 1'autre k fon parent Apolafar, renommé entre les Sarafins pour fon courage. Léon marcha contre ^polafar; il le défit& Penvoya prifönnier a Conflantinople. L'Em-  vu Bas-Empire. Lh. LXXIV. 41 pereur qui n'avoit pas encore de 1 nouvelle de 1'autre armee, fe preffa trop de triompher. II entra dans la ville fur un char, dans lequel Apo- . lafar étoit couché fous les pieds du Prince. Léon fut magnifiquement récompenfé de cette brillante victoire. Le début de Nicéphore ne fut pas fi heureux. II avoit afTemblé une grande armée compofée de Grecs, de RufTes & de Bulgares, & s'étoit chargé de combattre Chabdan. La bataille fut fanglante, &c la viöoire Ipng-temps difputée. Enfin, elle demeura aux Mufulmans. Conftantin Phocas , qui fervoit fous fon frere, fut pris & conduit dans Alep. Chabdan , ayant fait tous fes efforts pour 1'engager k fe faire Mahoméran , & le trouvant inébranlable, le fit mourir par le poifon. Cette trifte nouvelle caufa au pere tant de douleur & de colere , qu'il obtint du Prince la permiflion de faire maffacrer tous les parents de Chabdan , qui fe trouvoient k Conftantinople entre les prifonniers. L'Empereur ne fut pas long - temps fans fe repentir de fa Constantie VII. Vnn. 954t XXVIII. Nicéphore baccu.  ConstantieVII. Ann, 954. Ann. 956. XXIX. Mort de Théophylaöe. 42 BlSTOIRE cruelle condefcendance. Ayant envoyé après la fin de la campagne un de fes Officiers , nommé Paul Monomaque , pour faire k Chabdan des propofitions de paix, FEmir chafTa le député de fa préfence, en proteftant qu'il n'entendroit a. aucun accommodement. que tous fes parents ne fuffent vengés. Le Patriarche Théophylacte fcandalifoit depuis plus de vingt ans 1'Eglife de Conftantinople. Dans une cavalcade , ce qui faifoit fon occupation ordinaire , s'étant froiffé rudement contre une muraille , il fut pris d'une violente hémorragie. Après deux ans de maladie, pendant lefquels ils continuafon commerce fimoniaque , il mourut hydropique en 956, le 27 Février. Pour réparer le mal qu'avoit fait ce mauvais Prélat, PEmpereur nomma Patriarche Polyeucle , né a Conftantinople. Ses parents, par un efprit de dévotion fort mal entendu, mais aflez ordinaire en ce temps-la, le deftinant a la vie monaftique, 1'avoient fait eunuque dès 1'enfance. La vocation qu'ils lu^'avoient donnée, fe trouva par bon-  du Bas-Empirë. Liv.LX.XIV. 43 heur être la fienne. II fut Fexemple des Monafteres , & devint auffi éclairé dans la fcience du falut, qu'il étoit vertueux & détaché de tout intérêt. L'Evêque d'Héraclée, quidevoitfacrer le Patriarche , étant alors dans la difgrace de 1'Empereur , Polyeufte fut ordonné par le Métropolitain de Céfarée, auquel cette fontfion appartenoit au défaut de celui d'Héra clée. Cette circonftance commengs d'indifpofer contre le nouveau Prélai plufieurs Evêques , qui regarderen fon ordination comme irréguliere. Po lyeu&e augmenta ce mécontentemen en inférant dans les diptyques h nom du Patriarche Euthymius, qu avoit admis a la communion 1'Em pereur Léon, excommunié par Nico las après fes quatriemes noces. II f forma un fchifme , mais_ qui fut d courte durée par complaifance pou 1'Empereur , & qui rendit ces Prélat également ridicules par la caufe d leur féparation, & par la légéreté _d leur réconciliation. Polyeutte, moir courtifan qu'Evêque, perdit bientf lui-même les bonnes graces de 1'En pereur, par la liberté qu'il prit de h ConstantieVII. Ann. 956* L r s e e s * li  CONSTANTÏN VII. Ann. 956, XXX. Les Sarafins vaincus fur mer. Inccrt. contin. p. 282. 44 Histoire faire des.remontrances fur les malverfations de fes proches, qui pilloient 1'Eglife & l'Empire. Théodore , Evêque de Cyzique , homme puiffant en intrigues, fouleva une partie du Clergé; & 1'Empereur, féduit par ces cabales, cherchoit 1'occafion de dépofer Polyeu&e, lorfque la mort fit échouer ce mauvais deffein. Dans ce temps onrecut k Conftantinople avec grande folemnité une relique, qu'on difoit être une main de Saint Jean-Baptifte. Un diacre , nommé Job, 1'avoit fubtilement enlevée de 1'Eglife d'Antioche. La fuperftition commengoit alors k autorifer ces pieux larcins , & les Eglifes , par une fauffe dévotion, fe déroboient mutuellement les objets refpeftables de leur culte. Conftantin, vers la fin de fon regne , remporta plufieurs avantages fur les Sarafins, tant en Oriënt qu'en Italië & en Sicile. Bafile, né a Hexamile, qui étoit Pancienne Cardie a 1'entrée de la Cherfonefe de Thrace, s'étoit élevé de bonne heure par fon mérite k la dignité de Patrice. L'Empereur lui avoit donné la préfe&ure de Cibyre, place importante k caufe  nu Hjs-Empire. Lt'vt LXXIF. 45 du voifinage de Tarfe dont les Mufulmans étoient maitres. II avoit fous fon commandement une petite flotte pour la défenfe des cötes, fans ceffe infeftées par les pirateries des Sarafins. II apprit que les ennemis avoient mis en mer dans le port de Tarfe un grand nombre de navires bien équipés, qui venoient porter le ravage fur les cötes de Pamphylie & de Lycie. II raffemble auffi-töt le peu qu'il avoit de vaifTeaux, vogue au-devant des Sarafins, les attaque; & après un choc violent, voyant fa petite flotte prête a fuccomber fous le nombre, il fe jette au milieu des ennemis, s'attache k 1'Amiral Sarafin, 1'embrafe de feu Grégeois ; & vomiffant la flamme de toutes les parties de fon bord , qui fembloit être une fournaife ardente, fecondé du refle de fa flotte, il prend , ou brüle, ou coule a fond toute Ia flotte ennemie. Les* Mufulmans les plus diftingués furent épargnés & conduits a Conftantinople , oü 1'Empereur fe donna encore les honneurs du triomphe, trainant k la fuite de fon char les prifonniers chargés de chaines. CONSTANTINVII. Ann. 956.  CONSTANTIN VII. Ann. 957. XXXI. Autres guerres en Sicile & en Italië. Incert. contin. p. 283. Murat. ann. d'Ital. torn. V. p. 389. 391Ahrégé de Vhift. d"ltal. p. 706, 715Cedr. p. 652,653. 46 IllSTOIRS Le traité de paix, conclu par Zoé avec le Calife d'Afrique en 916 , &C confirmé par Romain en 923 , fubfiftoit en fon entier malgré quelques infra£tions de part & d'autre. La guerre recommenga cette année, cc voici quelle en fut Poccafion. Les Sarafins de Cyrene , révoltés contre le Calife d'Afrique , lui faifoient une guerre opiniatre ; & ravageant tout le pays , ils réduifoient leurs ennemis k une extréme difette. Pafchal Crénitas , Gouverneur de Calabre , homme fort avare, faifit cette conjoncture pour s'enrichir. II forga les Calabrois k lui vendre k trés - bas prix tout le bied de la Province , & le revendit fort cher aux Sarafins. L'Empereur, averti de ce cruel monopole, rappella Crénitas , le dépouilla de fa fortune fi injuftement acquife ; & ce miférable ne retira d'autre fruit de fes vexations que la honte & 1'indigence. Pendant la durée de cette guerre civile entre les Sarafins, les Grecs cefTerent de payér le tribut, &c ne fe firent aucun' fcrupule de recevoir ehez eux les déferteurs ; les Sarafins n'oferent s'en plaindre, pour ne pas  nu Bas-Empire. Liv. LXXIF. 47 fe priver des fecours de vivres qu'ils recevoient d'Italie. Mais la guerre étant finie, ils redemanderent le tribut & les transfuges ; & fur le refus des Grecs , ils vinrent infefter la Calabre. L'Empereur envoya le Patrice Malacene avec des troupes de terre ; Macrojean commandoit la flotte qui devoit agir de concert. Ces deux Généraux arrivés en Italië, y firent plus de ravages que les ennemis. Abhorrés des habitants qui les trahiffoient en toute rencontre, ils furent taillés en pieces dans la première bataille, & n'échapperent euxmêmes qu'avec peine. L'Empereur, confterné de cette défaite, envoya le Secretaire Jean Pilate, pour faire aux Sarafins des propofitions de paix. II n'en put obtenir qu'une trêve de quelques mois; & dès qu'elle fut expirée , Ammar , Général Sarafin , palfa d'Afrique en Sicile. Au printemps fuivant, il defcendit en Calabre. Pendant qu'il la ravageoit, Bafile, jdevenu célebre par fa vicfoire, fut envoyé en Sicile, pour s'oppofer de ce eöté-la aux entreprifes des Sarafins. A fon arrivée, il prend CONSTANTINVII. Ann. 957.  CONSTANTIN VII. Ann. 957. Ann. 958, XXXII. Bons & mauvais fuccès d« Marien er Italië. 48 IIlSTOIRE Taormine ; & s'étant avancé dans Ie pays, il va chercher Aflan, que le Calife d'Afrique avoit revêtu du domaine de la Sicile en fief fouverain. II le trouve rangé en bataille dans la vallée de Mazare. Le combat fe livra auffi-töt , & Affan fut entiérement défait. Après cette viétoire, Bafile fe rembarque, &C vogue au-devant d'une flotte qui partoit des cötes d'Afrique , pour venir au fecours de la Sicile. II la rencontre en pleine mer; & profitant d'un vent favorable, il fond deffus avec la rapidité d'un oifeau de proie, brife & coule a fond la plupart des vaiffeaux. Marien Argyre, qui commandoit en Italië , t-ravailloit a réduire plufieurs villes d'Apulie 6c de Calabre, qui, ayant fecoué le joug de l'Empire , s'appuyoient de 1'alliance des Sarafins. Les Néapolitains mêmes , jufqu'alors fideles, quoique prefque indépendants , s'étoient déclarés ennemis des Grecs , dont ils ravageoient les terres , & attaquoient les places. Marien mit le fiege devant Naples par terre &£ par mer; il ruina Si brüla tous les environs du cöté de.  du Bjs-Empire. Liv. LXXIF. 49 de la terre, & ferma par mer toute entrée aux fecours 6c aux convors. Les habitants, réduits k la famine, furent obligés de demander grace. On leur permit d'envoyer k 1'Empereur, pour implorer fa clémence. L'exemple de leur foumifïïon fit rentrer dans le devoir les autres villes révoltées, Sc Marien fe félicitoit de eet heureux fuccès, lorfqu'un revers facheux vint flétrir toute fa gloire. Affan , joint a fon frere Ammar , qui amenoit d'Afrique une nouvelle flotte , furprit prés d'Otrante celle de Marien, qui prit honteufement la fuite. La flotte viflorieufe retournant au mois de Septembre en Sicile , périt prefque toute entiere dans une tempête. Cette vicifïïtude de bons 6c de mauvais fuccès fatigua également les deux nations. La paix fut renouvellée, 6c fubfifta jufqu'au regne de Nicéphore. Chabdan étoit alors Pennemi Ie plus redoutable. Prefque toujours vainqueur, fon nom feul jettoit la terreur dans 1 armee Grecque, 6c elk étoit k demi-vaincue avant que d'être attaquée. Nicéphore avoit é- Tom» XVI, C CONSTANTIN Viï. Ann. 95S. xxxni. Exploits de Nicéphore. Cedr. p. 640. Zon. p. 195.  CONSTANTIN vu. Ann. 958. Ineen. ' contin. pt 287,288. Elmacin, 'O II I S T 0 I R E prouvé les effets de cette imprèflion funefte , & il attrihuoit fa défaite beaucoup plus a la lacheté de fes foldats qu'a leur foibleffe. II réfolut de réparer fon honneur, & fe perfuada que pour mettre fes troupes en état de vaincre, il s'agiffoit moins de les multiplier , que de les former a la difcipline. Rien n'étoit plus commun que les défertions; les foldats fe débandoient fans ceffe, fur les terres de l'Empire pour piller, dans le pays ennemi pour füir; & dans un jour d'affaire 1'armée fe trouvoit réduite a la moindre partie. II réforma ce défordre , plus encore en fe faifant aimèr qu'en fe faifant craindre. La récompenfe marchoit de pair avec le chatiment; & la févérité étoit fi raifonnable, que ceux mêmes qui 1'ëprouvoient n'ofoient s'en plaindre. En peu de temps il fit tomber la terreur, & infpira le courage. Chabdan , Emir d'Alep, Caramon, Emir de Tarfe, Izeth, Emir de Tripoli, furent battus en plufieurs rencontres ; ils virent prendre & brüler quelquesunes de leurs places. Quantité de Sarafins furent faits prifonniers.  du Bas-Empire. Liv. LXXIV. 51 Tandis que Nicéphore faifoit la guerre en Syrië , fon frere Léon pénétroit jufqu'a PEuphrate , & attaquoit Samofate. Le Chambellan Bafile étoit venu joindre cette armée; & c'en eft afTez k un Hiftorien flatteur & vendu a la Cour, pour attribuer k eet Eunuque accrédité tous les fuccès de Léon, dont il ne cite pas même le nom. La ville étoit riche , bien fortifiée , trés - peuplée. Toutes les forces des Sarafins fe réunirent pour la défendre, & Chabdan y accourut pour les commander. II fut battu , la ville fut prife, & les fugitifs répandirent en Méfopotamie & jufqu'au de-la du Tigre, la terreur de leur défaite. Ce fut dans cette expédition que Jean Zimifcès, depuis Empereur, donna les premières preuves de fon courage & de fes talents militaires. II étoit de la même familie que ce brave Curcuas,dont j'airaconté les exploits. Ce fut lui qui fut chargé de la pourfuite des fuyards; il en prit un grand nombre ,& rentra dans Conftantinople fuivi de dix-fept cents cavaliers Sarafins, bien montés & bien armés, qu'il amenoit prifonniers, C ij C ONSTANTINVII. Aan. 958. XXXIV. Prife de Samofate.  5* II I S T O I R E CONSTANTINVII. Ann. osS. XXXV. Malheureufe expéditionen Crete. Cedr. p. 640, 641. Zon. p. Leo. Diac. Ces avantages furent balancés par un grand échec que l'Empire recut dans 1'ifle de Crete. Les Sarafins Crétois faifoient de fréquentes incurfions fur les cötes de la Grece &c de 1'Afie. L'Empereur équipa une grande flotte, & y fit embarquer aflez de troupes pour former une armée de terre ; il vouloit reconquérir cette ifle importante. L'intrigue rendit eet armement inutile par le choix du Général : c'étoit le Paphlagonien Conftantin Gongyle, homme de Cour , nourri a 1'ombre, perdu de molleffe, & peu inftruit des opérations militaires. II aborda en Crete, & ce fut tout ce qu'il fit de la commiiïion dont il s'étoit fait charger. Campé fur le rivage, il ne prit foin ni de fe retrancher, ni d'envoyer a la découverte pour n'être pas furpris. AnfTi le fut-il bientöt. Les Infulaires vinrent Pattaquer pendant la nuit : ils ne trouverent point de réfiftance, tout fut taillé en pieces ou mis en fuite. Le Général lui-même auroit péri, fans la bravoure de fes gardes qui le tranfporterent dans un vaifléau. II revint a Conftantinople cou-  nu Bas-Empire. Lh. LXXIF. 5-3 vert de honte; mais comme il étoit en faveur, il ne manqua pas d'apologiftes. Le mauvais fuccès de cette entreprife, des Grecs fur 1'ifle de Crete, ne raffura pas les autres Sarafins , battus fur mer & fur terre par Nicéphore &c Léon Phocas en Oriënt, par Bafile 1'Hexamilite en Occident. Le Calife d'Afrique écrivit a PEmpereur pour demander fon alliance ; celui de Bagdad lui envoya des Ambaffadeurs pour le même fujet. L'Empereur ^ accepta leurs propofitions. Tout étóit en paix dans l'Empire , lorfque Conftantin, au milieu de fa familie, courut un plus grand rifque de fa vie, que s'il Peut expofée a la tête de fes armées. Théophano , qui, de la plus vile pouffiere, fe voyoit élevée fi prés du tröne , brülort d'impatience d'y monter. Maïtreffe de 1'efprit de fon mari, elle lui infpira fa fureur, & ce fils qüe fon pere avoit pris foin de former par tant d'inftrucfions, concut 1'affreux deffein de s'en défaire. Conftantin ? légérement indifpofé , devoit prendre «ïédecine. On gagna a foree C iij ConstantieVI r. Ann. 95S. XXXVI. Conftantin erapoifonnépar Ion fils. Cedr. p. 641. Zon. p. 1,95 , 196. Manaff. pag. 114. Ineen, contin. p. 283 , 284. Sym. p. 496.  CoNSTANTJN VII. Ann. 958. Ann. 959. XXXVII. Les Hongrois rejjoufles. Incert. contin. p. 288, 289. Sym. p, 496. 54 HlSTOIRE d'argent le maïtse-d'hötel Nicétas; on lui donna un poifon que ce malheureux mêla avec la liqueur medicinale. Par un bonheur extraordinaire , 1'Empereur tenant en main la coupe empoifonnée , fit un faux pas , & en répandit la plus grande partie. Ce qu'il en but n'eut pas affez de force pour lui öter la vie, mais le fit tomber dans une langueur dont il ne put guérir. Dans le même temps que Romain vouloit faire périr fon pere , il lui naquit un fils qu'il nomina Bafile. L'année fuivante , une armée de Hongrois traverfa la Thrace , & trainant après elle une foule de prifonniers , elle parut le jour de Paques, qui tomboit le 3 Avril, a la vue de Confiantinople. Potbus Argyre, commandant de la garde} ayant raflemblé tout ce qu'il y avoit de troupas dans la ville & aux environs » attaqua leur camp pendant la nuit, les tail-la en pieces, reprit tout le butin & les prifonniers. Ceux qui échapperent du carnage retournerent dans leur pays , couverts de honte & de bleffures.  nu Bjs-Empire. Liv. LXXIV. 55 La mauvaife fanté de 1'Empereur lui fit naitre 1'envie d'aller paffer qtielque temps au mont Olympe en Bithynie. Ses médecins lui confeilloient ce voyage, &C la dévotion y eut aufïi quelque part. Cette montagne étoit célebre par un fameux Monaftere , & par un grand nombre de cellules d'Anachoretes renommés pour leur fainteté. On foupconna encore un motif fecret , qui n'étoit rien moins que religieux, mais que Ia paffion croit concilier avec la Religion ; c'étoit de voir , comme en paffant, Théodore de Cyzique , & de prendre avec lui des mefures pour chaffer du fiege de Conftantinople le faint Patriarche Polyeufte , qui lui étoit devenu très-odteux. II paffa fur la galere impériale au port de Prénete prés de Nicomédie, d'oü il fe rendit k Nicée , & de-la au montOlympe. On dit que 1'Abbé du Monaftere , qui n'étoit rien moins que courtifan, lui mit fous les yeux un diplome de fon pere Léon , qui déclaroit qu'étant venu en ce lieu pour obtenir un fils par les prieres des faints Religieux , 1'Abbé Pierre lui C iv CONSTANTJ N VII. Ann. 959. XXXVIII Mort de Conftantin. Cedr. p. 641 , 642Zon. p196. Leo, p. 488. Grlycas , pag. 303. Joel p. 181. Ineen, contin. p. 2-33. i89> & feqq. Sym. p. 472 , 496. Georg.pag. 565. Pagi ad Bar. I  CONSTANTINVII. Ann. 959, 5<5 H I S T 0 I R E avoit prédit que fes vceux feroient exaucés , & que le fils qui devoit naitre viendroit lui-même au montOlympefurla fin de fa vie. On ajoute que Conftantin ayant reconnu 1'écriture de fon pere, loin d'être allarmé de cette prédiaion , répondit avec ^ courage , qu'il en fentoit la vérité. Après avoir vifité par des fentiers rudes & difficiles les cellules des Anachoretes , difperfées dans les retraites les plus efcarpées de la montagne, il defcendit a Prufe , oü il fe baigna dans des föurces d'eaux chaudes, qui paffoient pour fort falutaires. Mais elles ne purent le guérir d'une douleur d'inteftins, & d'une fievre ardente qui le confumoit. Sentant fa fin approcber, il retourna une feconde fois au Monaftere, mangea avec les Moines, fe recommanda k leurs prieres, & regagna fon vaiffeau. Son mal qu'il avoit caché avec foin, ne pouvant plus fe déguifer, il fe vit dans ce retour environné des larmes 304. Ineen, contin. p. 293 , & feqq. Sym. p. 49°, 497- 60 HlSTOIRE rieures. En efFet, elles ont toujours été confidérées comme la bafe de la jurifprudence Grecque , tant que eet Empire a fubfifté. On en fit enftüte un abrégé fommaire , fous le nom de Synopfe, que quelques Auteurs attribuent a fon fils Romain. Ce Prince , furnommé le Jeune, pour le diftinguer de Romain Lécapene , étoit agé de vingt-un ans. Le plus grand avantage de fon regne, fruit déteftable d'un parricide, fut d'être de courte durée. II commenca par augmenter les penfions des Chambellants & des autres Officiers de fon pere, comme pour récompenfer leur fervice; mais ce ne fut que pour les en exclure; il les fit bientöt fortir du palais, & mit a leur place les compagnons de fes débauches. Mais il conferva dans le miniftere Jofeph Bringas déja grand Amiral, qu'il fit grand Chambellan ; il lui abandonna le foin de tout l'Empire. II lui donna pour fecond un Moine eunuque, nommé Jean Cherina ; c'étoit un fcélérat, autrefois Clerc du palais, que Conftantin avoit chaffé pour fes crimes, & contraint k fe faire Moine,  nu Bjs-Empire. Liv. LXXÏF. 61 felon Pufage ablürde établi depuis long-lemps. Dès que Romain fe vit le maitre, il le tira du cloitre,& le fit Chambellan. Le Patriarche voulut en vain s'y oppofer; PEmpereur prétendit que Jean n'étoit lié par aucun vceu , & que fon changement d'habit n'étoit qu'un déguifement forcé. Ce Moine apoftat, foutenu de Bringas , triompha du Patriarche. Honoré de la dignité de Patrice & de Commandant de la garde étrangere, il futun des principaux agents du Miniftere jufqu'a la mort de Romain. II reprit alors 1'habit monaftique fans changef de mceurs. La place importante de Préfet de Conftantinople fut mieux remplie que celles de la Cour ; & il faut croire que PEmpereur & fes Miniftres furent trompés, lorfqu'ils firent un li bon choix. II tomba fur Sifinius, qui avoit été Ecuyer & Tréforier du Prince. Cette charge fit connoitre fa vertu & fes talents. Auffi cclairé que jufte & incorruptible, il eut foin de fe donner pour afTefTeurs des Magiftrats femblables k lui; & dans une Cour li corrompue, il fe fit tellementrefpecfer,que, fans brigue Romain II. Ann. 963.  Romain ii. Ann. 960. xli. Sa conduite particuliere. HlSTOIRE & fans cabale , après avoir été fait Patrice , il fut élevé a la dignité de grand Tréforier de l'Empire , fans rien perdre de fa réputation. On lui fubftitua dans la place de Préfet Théodore Daphnopate , dont on ne fait que le nom. L'Empereur s'étant déchargé de toutes les affaires fur Bringas, n'en eut point d'autres que fes plaifirs. II pafïbit fa vie avec des femmes perdues & avec des hommes encore plus méprifables. Des comédiens , des bouffons faifoient fa compagnie ordinaire. Sa plus férieufe occupation étoit la chaffe. Rarement dans fon palais , il vivoit dans fes maifons de campagne , ou dans les forêts au milieu de fes chiens, toujours a la pourfuite des bêtes. Voici le détail d'une de fes journées, felon le récit d'un panégyrifte. Le matin il préfida aux jeux du Cirque ; il dina enfuite avec le Sénat, diflribua des préfents aux - convives ; joua k la paume avec les plus habiles joueurs, & gagna plufieurs parties ; paffa Ie Bofphore , tua k la chaffe quatre grands fa'ngliers, & les rapporta le foir k fon  du Bas-Empire. Liv. LXX1V. 63 palais. L'Hiftorien ne peut s'empêcher d'admirer une a&ivité li infatigable , & le royal ufage que ce Prince favoit faire de tous fes moments. Cet Auteur prête fon imbécillité k tout l'Empire; il prétend que tout étoit en admiration, & principalement, dit-il, la ville de Conftantinople , que 1'Empereur avoit grand foin de maintenir dans 1'abondance. Sa femme Théophano ne voyoit pas de bon ceil la mere & les fceurs de fon mari. La comparaifon de ces PrincefTes avec elle, tournoit trop a fon défavantage. Elle réfolut de les éloigner. L'Empereur qui lui accordoit tout, pourvu qu'elle lui paffat fes débauches , envoya ordre a fa mere & a fes fceurs de fe retirer dans un Monaftere. A cette nouvelle inattendue, Bélene, fiere & impérieufe , court a fon fils , elle 1'accable de reproches ; fes plaintes ameres , fes menaces, fes imprécations contre un fils dénaturé 1'intimiderent tellement, qu'il lui permit de demeurer dans le palais. Mais il fut inflexible k 1'égard de fes fceurs. Elles étoient cinq , Romain II. Ann. 96». XLH. II chaffe fes fceurs du palais.  Romain II. Ann. 960. XLIII. Bérenger, Roi d'ltaHe, ennemi des Grecs, 64 Bist oirë Zoé, Théodora, Agathe, Théophano & Anne. Elles fe féparerent de leur mere, le défefpoir dans le cceur, avec des larmes &c des gémiffements mutuels, & furent enfermées dans le même Monaftere, ou Sophie, veuve de Chriftophe, auffi affligée qu'elles, vivoit a regret depuis trente ans. L'Abbé du Monaftere de Stude leur donna 1'habit monaftique. Mais k peine fut-il forti, qu'elles le jetterent fans jamais vouloir le reprendre. Elles fecouerent le joug de la regie , &c 1'Empereur fut obligé de plier k leur volonté. II leur affigna le même entretien qu'elles avoient eu dans le palais. Hélene, inconfo'lable de la retraite de fes filles, ne furvécut pas long-temps; ellemourutle 10 Septembre de 1 'année fuivante. Son fils fut gré fans doute k la nature d'a~ voir épargné un crime a fa femme , & il s'emprefia de lui faire de magnifiques funérailles. Romain, dans les premiers jours de fon regne, écrivit au Roi des Bulgares & a tous les Princes d'Occident,. pour leurannoncer fonavénement au tröne, 6c leur demander leur  du Bas-Empire. Liv. LXXIF. 65 amitié. il en recut des lettres obligeantes. Bérenger, Roi d'Italie, fut le feul qui ne fit point de réponfe. Depuis la mort de Lothaire II, il* avoit rompu tout commerce avec les Grecs, qu'il favoit être mieux difpofés en faveur de PEmpereur Othon fon ennemi. Comme les meffages d'Italie 8c d'Allemagne arrivoient en Grece par la voie de Venife, il obtint du Doge Pierre Candian, une défenfe a tous les navigateurs Vénitiens, de porter aucune lettre d'Allemagne & d'Italie aux Grecs, ni k leur Empereur. Le jour de Paques , Romain fit couronner fon fils Bafile qui n'avoit encore que deux ans. L'Empereur Grec ne contrïbua rien de lui-même k la gloire de fon regne; mais deux grands Généraux qu'il trouva k la tête des armées, le rendirent célebre par leurs exploits-. C'étoient Nicéphore Phocas, & Léon fon frere. Le Prince n'eut que le mérite de ne les avoir pas écartés. Les Sarafins, maïtres de Crete depuis cent trente-cinq ans, infeftoient de leurs pirateries la Méditerranée & 1'Archipel. Etablis dans une ifle fi gran- ROMAIN II- Ann. 96©. Munt. annal. altal. torn. V, p. 346. XLIV. Commencementde la guerre de Crete. Cedr. p. 642, 643. Zon. p. I96 , 197. Manaff. pag. lij. Glycas, pag. 304. Ineencontin. p.  Romain II. Ann. 960. 296, & faq. Sym. p. 497 . 498. Leo. Diac. Pagiad Baf. ] < 1 i i 1 C C ï t I XLV. Siege de , Candie. 66 II i s t o'i r r de , fi peuplée , fi fertile, ils y avoient formé un puiffant Etat, Sc Pentreprife de Conftantin Gongyle pour la recouvrer , n'avoit produit a l'Empire que de la honte. II eft vrai qu'elle tomboit toute entiere fur 1'incapacité du Général , & Nicéphore fe crut en état de la réparer. II en fit la propofition dans le Confeil du Prince; elle fut combattue par plufieurs courtifans, qui rappellant le peu de fuccès des tentatives précéJentes , exagéroient les dangers de !a mer, les forces & les reflources les ennemis, appuyés de toute la miffance des Sarafins d'Afrique Sc 1'Efpagne. Quelques-uns mêmes em)loyoient la fuperftition Sc le menbnge pour donner de Finquiétude iu Prince; ils lui parloient de je ne ais quelle prédiclion , fuivant laquele le conquérant de Crete fe reniroit maitre de l'Empire. L'autorité leBringas, alors favorable a Nicéphore , 1'emporta fur ces contradicions que dief oit la jaloufie , & 1'exédition fut réfolue. Les préparatifs fe firent avec une xtrême diligence. On rafTembla des  du Bjs-Empire. Lh. LXXIV. 67 troupes d'Afie, de Thrace &c de Macédoine. On y joignit des corps de Rulles & d'Efclavons , qui étoient a la folde de l'Empire. On mit en mer une grande flotte , accompagnée de quantité de brülots & de barques chargées de vivres, de machines &C de toutes fortes d'armes. Nicéphore leva 1'ancre au mois de Juillet, &C fit route vers le port de Pygeles audefTous d'Ephefe : c'étoit le rendezvous de la flotte. Lorfqu'elle y fut raffemblée , il envoya fur la cöte de Crete des barques légeres pour enlever quelques gens du pays , qui 1'inftruiroient de 1'état oü rille fe trouvoit alors. II apprit par ce moyen qu'on venoit de recevoir en Crete la nouvelle de fon embarquement, & que tout y étoit en allarme & en défordre. II part aulii-têt, & faifant force de voiles & de rames au travers des Sporades, il aborde a la vue des ennemis, rangés en bataille a quelque diftance du rivage. Ils n'ofent 1'attaquer au débarquement. II partage fon armée en trois corps, & s'avance en bon ordre, faifant porter devant lui 1'étendard de la croix. II Romain li. Ann. 960.  Romain II; Ann, 960, 68 HlSTOIRE charge les Sarafins, qui prennent la fuite prefque fans réfiflance. On en fait un grand carnage~Il marche aufuV tót a Candie, capitale de Fifle. Tout fuyoit devant lui ; les campagnesétoient couvertes d'hommes, de femmes , d'enfants, qui chaffant devant eux leurs troupeaux, & emportant ce qu'ils avoient de plus précieux, fe fauvoient dans la ville, ou gagnoient les forêts & les montagnes. Quelques-uns même, & c'étoient lesdefcendants des anciens Chrétiens , venoient fe jetter entre les bras de Nicéphore. Arrivé a la vue de Candie , il diftribue fes troupes en différents poftes pour bloquer la ville , & e-nvoye des détachements a la pourfuite de ceux qui s'étoient fauvés dans les montagnes. On découvre leurs retraites, & on les amene au camp avee leurs beftiaux & leurs effets. L'armée Grecque étoit campée dans un délicieux payfage, & les tentes environnées d'arbres & couronnées de leurs fruits , fembloient être des pavillons dreffés pour le plaifir. Mais le Général maintenoit la difcipline que les charmes de ce lieu auroient  nu Bas-Empire. Liv. LXXIF. 69 pu corrompre. II procuroit a fes foldats la joie & 1'abondance, fans négliger le foin de la füreté. Avant que de quitter fes vaiffeaux , il avoit pris Ia précaution de les mettre hors d'infulte, & les avoit diftribués fur la cöte pour arrêter les convois. Son deffein étoit d'affamer la ville, & durant ce féjour , il ne ceffoit de détacher des troupes pour aller de proche en proche attaquer les villes & les chateaux; en forte que pendant le fiege de la capitale, on fit la conquête de 1'ifle prefque entiere. L'Emir Curupe, enfermé dans la ville, défefpérant de forcer un camp fi bien gardé & fi bien défendu , eut recours a des reffources étrangeres. II dépêcha en Afrique & en Efpagne pour demander un prompt fecours. Les deux Califes, avant que de rifquer leurs troupes , envoyerent a Candie des exprès, pour reconnoïtre 1'état du fiege. Ces envoyés ayant fait diligence , aborderent de nuit au pied des murs battus des eaux de la mer ; & étant montés fur la muraille a 1'aide d'une corde qu'on leur jetta, ils fe convainquirent par leur Romain II. Ann. 960. XLvr. Les Crétois ont envain recours aux autres Sarafins.  Romain II. Ann. 960. Ann. 961, XLVII. Suite du fiege. 70 HlSTOIRE propres yeux qu'il n'y avoit aucune efpérance de faire lever le fiege. En vain Curupe & les habitants les embrafferent a leur départ, & fe jettant a leurs pieds , les conjuroient avec larmes de ne les pas abandonner. Ils rapporterent a leurs maitres que tous leurs efforts feroient en pure perte; que la flotte Grecque, très-nombreufe & très-avantageufement poftée, rendoit 1'accès impraticable du cöté de la mer ; que 1'armée de terre étoit invincible & par le nombre & par le courage des troupes, & plus encore par la vigilance & 1'habileté du Général, qui, plein de confiance dans 1'affiflance divine, ne négligeoit cependant aucune des précautions humaines. Sur ce rapport , les Califes abandonnerent les Crétois k leur mauvaife fortune. La ville paroiffoit imprenable. Elle étoit d'un cöté défendue par la mer , de Pautre par un roe inacceffible fur lequel elle étoit batie. Les murailles conftruites de terre paitrie avec du poil de chevre Sc des foies de porc, étoient très-hautes, affez larges pour deux chariots de front, ck bordées  nu Bjs-Empire. Liv. LXXIF. 71 de deux foffés profonds. Nicéphore environna la ville d'une forte paliffade , qui s'étendoit d'un rivage a 1'autre pour fermer tout paffage aux habitants , & demeurer lui - même maïtre de combattre quand il le jugeroit k propos. L'hyver étant furvenu, il paffoit le temps a exercer fes troupes , Sc k préparer les machines néceffaires dans une attaque. Les affiégés, qui avoient été furpris fans avoir le temps de faire des provifions , fentoient déja la famine , mais les affiégeants n'en étoient pas exempts. Tout ce qu'ils avoient apporté de vivres étoit confommé : on ne peut comprendre qu'un terrkoire fi vafte & fi abondant, dont ils étoient maïtres, fe trouvat épuifé. Cependant les grains, le bétail, les fourrages , mal ménagés fans doute, commengoient k leur manquer. Les . foldats , glacés de froid fous leurs habits trempés par des pluies continuelles, dont leurs tentes prefque détruites ne pouvoient les mettre a couvert , murmuroient Sc demandoient k retourner dans leurs foyers. Les Officiers mêmes perdoient cou- ROMAIN Hl Ann. 961.  Romain II. Ann, 961. 72 HlSTOIRE rage, & Nicéphore ne les contenoit qu'avec peine, en les traitant avec une Éonté paternelle, & en partageant leurs travaux. » Montrerons» nous donc, leur difoit-il, moins » de courage que nos ennemis? Ils » fouffrent de plus grands maux fans » aucune efpérance. Pour nous, nous » attendons des vivres que 1'Empe» reur ne peut différer de nous en» voyer. Je Fai averti de notre di» fette. Des Chrétiens, que le Ciel » & la terre protegent, fe laifferont» ils vaincre en patience par des Sa» rafins , qui ne peuvent attendre de y> fecours ni de Dieu, ni des hom» mes? " Ces paroles & d'autres encore que lui fuggéroit fon éloquence militaire, ranimerent les plus braves de 1'armée , ils s'écrierent : Nous fommes prêts a tout fouffrir & a mourir avec vous. Mais la famine auroir peut-être bientöt étoufFé ces fentiments généreux, s'il ne fut arrivé de Conftantinople un grand convoi de vivres, quoique le blëd & 1'orge, par 1'efFet d'un fimefte moaopole, y fuffent montés cette anaée a un prix exceffif. Bringas fit en  nu Bas-Empirr. Liv. LXXIV. 73 en cette occafion le devoir d'un Miniftre jufte & défintéreffé. II envoya dans tout l'Empire des Commiffaires fideles & incorruptibles, pour arrêter les pratiques meurtrieres des monopoleurs, confifquer au profit du public les grains qu'ils exportoient, & les vaifïeaux d'exportation , & ouvrir les greniers de ces avares impitoyables, qui avoient fait des magafins pour affamer les peuples, &c leur vendre bien cher le foutien de leur, vie. En peu de temps 1'abondance revint ; &c cette opération d'humanité valut a ce Miniftre 1'oubli de fes autres injuftices. II y avoit plus de dix mois que Candie étoit bloquée. Enfin, Nicéphore apprit des déferteurs qui paffoient en grand nombre dans fon camp, que la plupart des habitants étoient morts de faim ; que les autres réduits aux abois n'auroient pas la force de foutenir une attaque ; mais qu'ils étoient cependant réfoius de mourir plutöt que de fe rendre. Sur ces avis, il crut qu'il étoit temps de donner 1'afTaut. Le 7 Mai, dès le point du jour, il fait prendre Tom XVI, D Romain 11. Ann. 961. XLVIIL Prife de Candie.  Romain IT. Ann. 961, 74 IIlSTOIRE les armes a fes troupes. On comble les foffés, on met les machines en batterie, on fait tomber dans la ville une pluie de feu ; les baliftes lancent des pierres & des javelots. On fappe les murs; ils s'éboulent en plufieurs endroits. Les Crétois, pales & décharnés, plus femblables a des fantömes qu'a des hommes vivants, fe trainent fur la brêche ; la plupart tombent en combattant, les autres font repoufles & fuyent dans les rues. Les Grecs les pourfuivent, les maffacrent. Quelques - uns, jettant leurs armes, fe précipitent du haut des murs. Nicéphore ordonne de faire quartier a ceux qui mettroient les armes bas, & il a bien de la peine a fe faire obéir du foldat acharné au carnage. II réferve au Prince les plus précieufes dépouilles, & abandonne le refte aux troupes. La ville étoit remplie de richeffes, acquifes par la piraterie. Après le pillage, Nicéphore fait rafer les murs. II batit une fortereffe fur une hauteur voifine & de difHcile accès. II y met gaarnlfon , & la nomme Téménos. II laiffé fes brülots dans le pcrt au pied  du Bas-Empire. Liv. LXXIF. 75 de la forterefle , pour la défendre d'infulte du cöté de la mer. La plupart des autres villes avoient été prifes pendant le fiege de Candie par différents détachements. Le Général ne fortit de 1'ifle qu'après avoir foumis celles qui reftoient a prendre. II retourna enfuite a Conftantinople avec un riche butin, Sc grand nombre de prifonniers. II triompha dans le Cirque au milieu des acclamations du peuple, qui admiroit 1'or, 1'argent, les étoffes précieufes, les tapis de pourpre, les pierreries, les armes enrichies d'or, Sc la multitude des captifs, tous revêtus de robes blanches. On remarquoit entre les autres Curupe Sc fon fils Anémas, dont Ia valeur féroce Sc opiniatre étinceloit encore fur leur vifage , & fembloit ennoblir leurs chaines. Curupe paffa le refte de fa vie a Conftantinople , Sc par eftime de fa valeur, 1'Empereur lui affigna v une penfion confidérable ; il lui donna des terres a cultiver, & 1'auroit même honoré de la dignité de Sénateur , s'il eut voulu recevoir le baptême. Depuis prés d'un fiecle Sc Dij Romaik II. Ana. 961»  Romain 11, Ann. 961. XLIX. Succes de LéonPhocas. Cedr. p. 643- Zon. p. 197. Glycas t pag. 304. heen. contin. p. 2.99 , 300. Leo. Diac. Pagi ad Bar. 76 HlSTOIRZ demi que les Mufulmans étoient établis en Crete, les Infulaires avoient embraffé la Religion de leurs maitres. Nicon , Moine d'Arménie, que 1'Eglife a mis au nombre des Saints, les ramena au Chriftianifme; & cette ifle célebre demeura au pouvoir des Chrétiens jufqu'au fiecle paffe, dans lequel les Turcs s'en emparerent après y avoir répandu des fleuves de leur fang. Pendant que Nicéphore afliégeoit Candie, Léon fon frere faifoit la guerre en Afie, oii il avoit été envoyé pour arrêter les courfes des Sarafins. Chabdan, fuivi d'une grande armée , avoit traverfé la Cappadoce , & approchoit des frontieres de Galatie. Léon, qui n'avoit a fa fuite qu'un petit nombre de troupes légeres, prenant toujours des poftes avantageux, fe contentoit de cötoyer les ennemis, de les harceler dans leur marche, de les attendre dans les défilés, ou il furprenoit toujours quelque corps féparé. Enfin , ayant trouvé une occafion favorable prés d'Andaraffe en Galatie , il tombe fur eux, les taille en pieces, fait quan-  du Bjs-Empire. Uv.LXXIV. 77 tité de prifonniers. Chabdan, ayant eu fon cheval tué fovis lui, alloit être pris, fi fon Ecuyer, qui étoit un Chrétien renégat, ne 1'eüt fauvé aux dépens de fa vie en lui donnant fa propre monture. On vit long - temps dans ces campagnes un monument de la grandeur de cette défaite ; elles étoient couvertes de monceaux d'offements. Léon paya la valeur de fes foldats en leur abandonnant la plus grande partie du butin. II mit en liberté les prifonniers Chrétiens qu'il trouva dans le camp des Barbares, leur donnant a. chacun de quoi faire le voyage de leur pays. II conduifit k Conftantinople les Sarafins captifs, qui fe trou verent en affez grand nombre pour fournir d'efelaves la ville &c les campagnes d'alentour. Léon recut comme fon frere les honneurs du triomphe. II naquit cette année k PEmpereur un fecond fils qu'il nomma Conftantin , & qu'il fit couronner peu de temps après. On découvrit au mois de Mars une conjuration , dont 1'auteur étoit ce même Bafile 1'Oifeau, qui avoit fi bien fervi le pere de D iij Romain II. Ann. 961, L. Divers événements. Cedr. p. 641,643, 644. Zon. v. 197.  Romain 11. Ann. 961, Glycas , P"g- 304. Ineen, eontin, p. 296 , 299, Sym. p, 497 > 498' 78 H 1 s t 0 1 n e 1'Empereur. Cet homme intrigant & hardt, ne fe trouvant pas affez bien paye de fes fervices, féduifit plufieurs Patnces mécontents, & convint avec eux d'affaffiner Romain le jour des jeux du Cirque au fortir de fon palais. On devoit en même-temps proclamer Bafile Empereur. UnSarafin, nommé Joannice, qu'on avoit fait entrer dans ce complot, alla le révéler a Bringas, qui fit auffi-töt arrêter les coupables. Convaincus de leur crime, ils furent punis de divers fupplices; mais 1'Empereur, naturellement porté a la clémence, ne permit pas de leur öter Ia vie. II fe contenta de les conduire comme en triomphe derrière fon char le jour de la célébration des jeux, & de les reléguer dans des Monafteres éloignés ; encore leur permit-il quelque temps après de reyenir a Conftantinople. Pour Bafile, il devint fou au moment qu'il fut découvert. On le tranfporta dans 1'iile de Proconefe, oü il mourut peu après. Dans ces jeux on vit un de cesprodigesde force &d'adreffe, qui ont paru plufieurs fois depuis, & qui ne font pas rares en Perfe, au  nu Bas-Empire. Liv. LXXIF. 79 rapport des voyageurs. Un domeftique de Romain Mofele, nommé Philorée , debout fur un cheval tresvïte a ia courfe, fit plufieurs fois le tour du Cirque , courant a bride abattue, fans felle ni houffe que fon habit dont il avoit couvert le cheval, tenant a la main une épée nue, qu'il agitoit en tout fens; & dans des mouvements fi violents & fi rapides, on ne le vit ni fléchir ni chanceler. Depuis le regne de Romain Lécapene , il s'étoit répandu fur les bceufs une maladie contagieufe, qui régnoit dans toute 1'étendue de ï'Empire.-Elle fit cette année de grands ravages, ün n'y trouvoit point de remede , elle continua encore quelque temps, mais avec moins de fureur. Le peuple k fon ordinaire donnoit k ce fléau une origine ridicule. Lécapene faifant jetter les fondements d'un palais, on avoit trouvé en terre une tête de bceuf de marbrë, &i Pon en avoit fait de la chaux. C'étoit-la, difoit-on, le commencement 5c la caufe de cette maladie. La perte de 1'ifle de Crete n'abattit point le courage de Chabdan. II D iv Romain II. Ann. 9*1. Ann. 962, LI. Nour  Romain tl. Ann. 962. veaux exploits de Nicéphore. Ced. p. 645. Zon. p. 197. Sym. p. 498. Ito. Viac. Pagi ad Bar. Elmacin 1, 3. c. 4. Ahlfeda. 80 HlSTOIRE alla de nouveau ravager la frontiere. A cette nouvelle, Nicéphore fe difpofe a marcher contre eet indomptable ennemi; &fi 1'on en croit les Auteurs Arabes, l'Empire fit un effort extraordinaire. Elmacin dit que Nicéphore avoit deux cents mille hommes, dont trente mille étoient cuiraffés. Car depuis la décadence de la milice Romaine, 1'ufage des cuiraffés étoit devenu plus rare , & la mollefTe, toujours prête k fuir le danger, mais fans prudence pour le prévoir, fe déchargeoit peu-a-peu du poids des armes défenlives. Selon le même Auteur , 1'armée étoit fuivie de quarante mille muiets chargés de chauffes-trapes, que Nicéphore avoit coutume de femer autour de fon camp. Tout ce récit eft fans doute exagéré pour fauver 1'honneur des Mufulmans qui fuccomberent alors, & qu'Elmacin ménageoit, quoiqu'il fut Chrétien. Nicéphore marcha vers la Syrië. Les Sarafins fuyoient de toutes parts, & fe renfermoient dans leurs fortereffes. Chabdan, trop foible pour tenir tête k de fi grandes forces, fe battoit en retraite; il fe conduifoit avec Nicé-  du Bas-Empire. Liv. LXXIF. 81 phore, comme Léon s'étoit conduit avec lui - même 1'année précédente , & il attendoit la même occafion, que le Général Grec ne lui donna pas. Rien ne réfiftoit a Nicéphore ; il emportoit d'emblée les places moins fortes , & les autres en peu de jours. II en prit & en ruina dans cette campagne plus de foixante. II s'avanga jufqu'a. 1'Euphrate, s'empara en chemin de Doluc , autrefois nommée Doliché, & furprit Membig; c'étoit 1'ancienne Hiérapolis. Les deux .villes dont la prife fit plus d'honneur a fes armes , furent Anazarbe & Alep. Anazarbe fe rendit a compofition, &£ il n'en coüta la vie qua un petit nombre de Sarafins. Mais pour arriver devant Alep , il fallut paffer fur le ventre a Chabdan ck a fon armée. C'étoit la réfidence de ce vaillant Emir. II s'y étoit retiré avec toutes fes forces, & ne s'attendoit pas d'y être attaqué. Surpris par la diligence du Général Grec» ^ fait prendre les armes a tous les habitants qu'il joint & fes foldats, & partageant fon armée en deux corps, il envoye 1'un fous la conduite de Nagjai fon Lieutenant, D v Romain II. \.nn. 962.  Romain II. Ann. 962. 8a II 1 s t 0 1 r e au-devant de 1'ennemi, pour 1'arrêter au paffage des montagnes, & demeure avec le refte campé a quelque diftance de la ville. Les Grecs évitent la rencontre de Nagjai, & tombent fur Chabdan, dont 1'armée efl taillée en pieces & mife en fuite. Nicéphore avoit pris de fi juftes mefures, qu'il coupa aux fuyards le chemin de la ville , &c Chabdan fut obligé de chercherretraite ailleurs. Nicéphore, maïtre de la campagne, s'empare du palais qui étoit hors d'Alep. II y trouve trois cents outres remplies d'argent, quatorze mille muiets, un amas prodigieux d'armes. II attaque auffi-töt Alep : repouffé par les affiégés, il fe retire fur une montagne voifine. Cependant la difcorde fe met entre les habitants & la garnifon , qui avoit fait quelque pillage. La fédition s'allume ; on en vient aux mains. Les foldafs qui gardoient la muraille , quittent leur pofte pour courir au fecours de leurs camarades. Les Grecs »'en étant appercus reviennent, enfoncent les portes, paffent tout au il de 1'épée, enïevent plus de dix nille enfants des deux fexeSj font  nu Bas-Empire. Liv. LXXIF. 83 un butin immenfe , & n'ayant pas affez de bêtes de charge pour tout empórter, ils bmlent le refte. Alep ayant été prife en trois jours , Nicéphore affiege la citadelle, très-forte & bien défendue. Le huitieme jour du fiege, apprenant qu'Alis, Emir de Damas, s etant joint k Nagjai, venoit au fecours k la tête d'une grande armée , il leve le fiege, emmenant avec lui grand nombre de Chrétiens délivrés d'efclavage. II traverfa le territoire d'Alep fans faire aucun mal, ordonnant aux habitants des villages d'enfemencer & de cultiver leurs terres , qu'il viendroit , difoit - il, moiffonner 1'année fuivante. Pendant ce même temps, les Hongrois s'étoient jettés dans la Thrace. Ils furent défaits par Marien Argyre, Préfet d'Occident, qui leur fit vuider le pays. Pendant que Nicéphore étoit en chemin pour retourner a Conftantinople, un faux bruit qui fe répandit de la mort de 1'Empereur, luifitfufpendre fa marche. II avoit tout a craindre de Bringas , devenu fon ennemi depuis la conquête de Pifle de Crete. Cet eunuque gouvernoit la D vj Romain II. Ann. 962, Ann. 963. LH. Mort de Romain. Cedr. p. 645. Zon. p. 197. Atanxf. peg. li-).  Romain II. Ann. 963. Glycas , pag. 305. Joel. p. mi. Sym. p. 496. Du Cange fam. Byi. F- 144. P.,gi ad Mar. §4 HlSTOIRE Cour ; & la légéreté de Flmpératrice qui ne prenoit a cceur que fes plaifirs, ne raffuroit pas Nicéphore, quoiqu'il eüt fujet de penfer qu'il n'en étoit pas haï. II prit donc le parti de refter en Afie; & pour ne donner aucun foupcon , il congédia fon armée. II apprit bientót que PEmpereur vivoit; mais craignant toujours de tomber entre les mains de Bringas , plus puiffantque PEmpereur, il paffa 1'hyver fur fes terres en Afie. Romain, épuifé de débauche, languiffoit depuis plufieurs mois, Sc Pon croit que fa criminelle époufe, a laquelle il avoit facrifïé fon honneur & celui de l'Empire en la prenant pour femme , accéléra fa mort par le même poifon qu'elle lui avoit mis entre les mains pour faire périr fon pere. II mourut le 1 5 Mars a Page de 24 ans, après trois ans & quatre mois de regne. Ce Prince étoit très-bien fait; il avoit de 1'efprit, du courage, de la douceur & de 1'humanité. C'eüt été un Prince eftimable, fi dès fa première jeuneffe des Officiers corrompus , & enfuite des Miniftres perfides , n'euffent pris è tache d'étouffer toutes fes bonnes  du Bas-Empire. Lh. LXXIV. qualités , & de le rendre incapable, pour être eux-mêmes maïtres des affaires. Ils le plongerent dans la débauche, & lui firent contracter un mariage honteux, qui 1'éleva au tröne par un parricide, pour 1'en précipiter bientöt par un crime pareil. II laiffa deux fils, Bafile & Conftantin , déja revêtus 1'un & 1'autre du titre d'Empereur. En mourant il les nomma tous deux pour fes fucceffeurs, & défendit d'öter k Nicéphore le commandement des armées. II avoit deux filles; 1'une, nommée Théophano comme fa mere , fut mariée k 1'Empereur Othon II; 1'autre, appellée Anne, ne vint au monde que deux jours avant la mort de fon pere. Elle époufa dans la fuite Volodimir, Prince de Ruffie , qu'elle convertit au Chriftianifme, mais fans pouvoir, adoucir la férocité de fes mceurs. Romain II. Ann. 963.   *7 S O M M A I R E d u LIVRE SOIXANTE-QUINZIEME. i. Gouvernement de Théophano. ii. Rufe de Nicéphore pour échapper aux mauvais dejfeins de Bringas. III. Nicéphore déclaré Général, IV. // ejl proclamé Empereur. V. II vient d Conflandnople, & regoit la Coaronne. VI. Son mariage avec Théophano. VII. Manuel battu en Sicile. VIII. Vicioire de Zimifcès en Cilicie. IX. Expédition de Nicéphore en Cilicie. X. Prife de Mopfuejle & de Tarfe. XI. Nicéphore en Syrië. XII. Prife £Antioche. XIII. Nicéphore fe rend odieux. XIV. Affaires d'Occident. XV. Amhajfade envoyée d Nicéphore. XVI. Liutprand a Conflantinople. XVII. Marche de CEmpereur d Sainte - Sophie. XVIII. Propojkion du mariage de la jeune Théophano avec le fils d Othon. XIX, Infultes faites d Liut~  88 SOMMAIRE prand. XX. Exploits de Nicéphore en Oriënt. XXI. Suite de Vambaffade de Liutprand. XXII. Avarice de Nicéphore. XXIII. Perfidie de Nicéphore. XXIV. Guerres en Bulgarie. XXV. Confpiration contre Nicéphore. XXVI. Ajfafjinai de Nicéphore. XXVII. Eloge de Nicéphore. XXVIII. Zimifcès proclamé Empereur. XXIX. Couronnement de Zimifcès. XXX. Bafile Scamandrin fuccede a Polyeucle fur le fiege de Conflantinople. XXXI. Guerre des Sarafins. XXXII. Guerre des Ruffes. XXXIII. Bataille £Andrinople. xxxiv. Révolte de Bardas Phocas. XXXV. Expédition de Bardas Sclérus contre Bardas Phocas. XXXVI. Mariage de Zimifcès. XXXVII. Guerre contre les Ruffes. XXXVIII. Zimifcès marche en Bulgarie. XXXIX. Première aclion de Zimifcès. XL. Prife de Parajlhlava. XLI. Attaque & prife du palais. XLII. Bataille contre les Ruffes. XLIII. Siege de Driflra. XLIV. Activité de Venceflas. XLV. Nouveau complot de Léon & de fon fils. XLVI. Bataille de Driflra. XLVII. Embarras des Ruffes. XLVIir. Seconde bataille de Drifira. XLIX. Paix •avec les Ruffes. L. Retour de Zimifcès a Conflantinople. LI, Théophano enyoyée  DU L I v. LXXV*. 89 a Othon. LH. Guerres contre les Sarajins. LUI. L'Empereur marche en Méfopotamie. LIV. Dèpofition du Patriarche Bafde. LV. Zimifcès en Syrië. LVI. Mort de Zimifcès.   9* BASILE II, CONSTANTIN VIII, NICÉPHORE II, dit Phocas, JEAN ZIMISCÈS. Basile & Conftantin, Fun agé de cinq ans, 1'autre de deux , furent reconnus pour fucceffeurs de leur pere fous la tutelle de Théophano. Jamais l'Empire n'avoit été foutenu fur des appuis fi fragiles, Deux HISTOIRE D U BASEMPIRE. L1VRE SOIXANTE - QU1NZ1EME. Basile II. CONSTANTIN VIII. Ann. 963. I. Gouvernement  Basile II. Constantie vin. m Ann. 96J. de Theo- • phano. Cedr. p. 645 , & fiiq. 7-on.t. 11. p. 197, & ftqq. Manaff. P"g- 115 . 116, 117. Glycas , pag. 305. Joël. p. 181. Leo. Diac. Du Cange fam. Byi. p. 150. Fleury , hifl.Ecelef. I. 56. art. 8. ] < 9^ BlSTOIRE enfants, prefque encore au berceau; gouvernés par une mere voluptueufe & d'un cara&ere auffi bas que fa naiffance , étoient faciles a renverfer. Heureufement pour cette foible familie , ceux que leur ambition porta fur le tröne pendant la minorité de ces Princes, furent affez hardis pour nfurper le pouvoir fuprême , mais trop peu pour vouloir le pofféder feuls. Ils fe confenrerent d'en envabir la réalité, & en partagerent le titre , fans 1'arracher aux légitimes pofTefTeurs. L'ifle de Crete reconquife , la prife d'Alep, le faccagement d'une partie de la Syrië, couvroient ie gloire Nicéphore Phocas. Le grand aouvoir de Bfingas fon ehnemi 1'avolt déterminé k fe tenir éloigné de a Cour depuis fon retour de Syrië. \ la nouvelle de la mort de 1'Em>ereur, il crut le Miniftre devenu noins puiffant, 6c fes craintes firent place aux confeils de fon ambition. .1 étóit aimé de 1'Impératrice; cette 3rincefTe lui en avoit donné des preures, dont, k vrai dire, elle n'étoit >as avare. II fe perfuadoit que le crélit de Bringas ne prévaudroit pas fur  du Bas-Empire. Liv. LXXV. 93 Pautorité de la Régente. En efret, malgré les oppofitions du Miniftre , Théophano manda Nicéphore a Conftantinople. II s'y rendit auffi-töt, & fon entrée fut brillante par les acclamations du peuple , & par 1'empreffement des Sénateurs a le féliciter. II triompha dans leCirque, & fit porter devant fon char les dépouillés d'Alep & de la Syrië. L'Impératrice & toute la Cour trembloit cependant encore devant Bringas , appuyé dün grand nombre de créatures. II ne fut pas long-temps k foupconner la liaifon intime de Nicéphore avec Ia PrincefTe, & il en appréhenda les fuites. Pour les prévenir, il réfolut de faire crever les yeux k Nicéphore, & de 1'envoyer en exil. Le Général en fut averti; & pour conjurer eet orage , il ufa d'un ftratagême , dont fon hypocrifie pouvoit favorifer le fuccès. Car libertin en fecret, il affectoit 1'extérieur d'une dévotion angélique , & dans fon triomphe, il avoit eu grand foin de faire porter en pompe une vieille piece d'étoffe, qu'il difoit être Mn morceau de 1'habit de Saint Jean- BasileH. CONSTANTINVIII. Ann. 963. II. Rufe de Nicéphore pour échapper aux mauvais deffeins de Bringas.  BasileIÏ. CüNSTANT1N VIII. Ann, 963. 94 11 I S T 0 1 R E Baptifte, trouvé dans le faceagement d'Alep. II fe couvrir d'un cilice fous fes habits, 8c accompagné d'un feul de fes gardes, il alla trouver Bringas. Après un falut froidement rendu, il le tire en particulier, 6c fe découvrant la poitrine: » II y a long» temps, lui dit-il, que, dégoüté des » plaifirs & des grandeurs de ce mon» de , je fonge a confacrer a Dieu » dans un Monaftere le refte de mes » jours. C'eft un deffein que j'aurois » déja exécuté, fi mon zele pour » nos deux derniers Empereurs ne » m'eüt retenu a leur fervice. Leur » mort a rompu ma chaïne. Votre » prudence faura bien me remplacer » avec avantage. Je me tiendrai bien » récompenfé de mes travaux , li >> vous me confervez votre amitié. » Ce que vous voyez confirme la » lincérité de mes paroles. C'eft une » épreuve de noviciat que je me » fuis impofée depuis long-temps , » & je me fens capable d'en fuppor» ter de plus rudes ". A cette vue Bringas demeure faili d'étonnement; toute fa rufe 1'abandonne; il condamne fes foupgons, 6c tombe auxpieds  nu Bas-Empire. Liv. LXXF. 05 de Nicéphore; il lui demande pardon de 1'avoir trop peu connu , & lui 1 protefte qu'il n'ajoutera plus de foi a la calomnie, qui ne refpe-fte pas les plus faints perfonnages. Nicéphore, ayant ainfi gagné du temps, feint de faire les préparatifs de fa retraite. II communiqué au Patriarche les mauvais deffeins de Bringas. Polyeucte aimoit Nicéphore. Sa vertu, fon mépris des richeffes & de la faveur , fa vieilleffe même le rendoit intrépide. Echauffé par le difcours de Nicéphore, il le mene avec lui au palais; & ayant convoqué le Sénat, auquel Bringas fe rendit luimême:» II n'eft pas jufte, dit-il aux » Sénateurs aflemblés, que ceux qui » ont expofé leur vie pour le fervice » de l'Empire, ne regoivent que des » afFronts au-lieu des honneurs qu'ils » méritent. II y a quelqu'un parmi » vous , qui n'entend que trop bien » ce que je veux dire. Si vous ap» prouvez mon zele, voici l'occalion » de montrer le votre. De concert » avec tout le peuple,nousavons re» connu nos jeunes Princes pour Em» pereurs ; c'eft 1'héritage de leurs IasileII COKSTANTINVIII. Lnn. 963. III. Nicéphoe déclaré Sénéral.  BasileII. Cons- tantin VIII. Ann. 963. 96 NlSTOIRE » ancêtres. Mais pour leur conferver » l'Empire, attaqué par les nations » barbares qui 1'environnent, il nous » faut un Général auffi capable que » fidele. Et en quitrouverez-vous ces » qualités dans un degré plus émi>► nent, que dans celui que je préfen» te a vos yeux? Les viöoires de » Nicéphore font preuve de fa fcien» ce militaire & de fa valeur. Vous » Padmirez vous -mêmes. Faites-lui » jurer qu'il n'entreprendra rien con» tre nosPrinces, ni contre le Sénat, » & confiez - lui les armées d'Afie. » C'eft un emploi dont 1'a revêtu » notre défunt Empereur , & qu'il » lui a confirmé par fon teftament ". Le Sénat applaudit a cette propofition avec tant d'ardeur, que Bringas lui-même, confus & déconcerté, n'ofa la contredire. On fit jurer Nicéphore , & le Sénat fit ferment a fon tour que jufqu'a la majorité des Princes , Nicéphore feroit le maïtre de la nomination, de la promotion , de la deftitution des principaux OfHciers, & que le Sénat ne décideroit rien fur les affaires de la guerre que de concert avec lui. On le déclara Général des troupes  du Bas-Empihe. Liv. LXXK 97 troupes d'Afie, avec une autorité fouveraine. Peu de jours après, il alla en Cappadoce; il y affembla fes troupes, & prit foin de les exercer aux évolutions militaires. Son deffein étoit d'aller attaquer Chabdan & les Sarafins de Tarfe. Cependant Bringas étoit dévoré de mortelles inquiétudes. II fe repentoit de n'avoir pas fait périr Nicéphore , tandis qu'il le tenoit fous fa main. II favoit que ce Général entretenoit avec 1'Impératrice un commerce de lettres fort afïïdu, & il n'ignoroit pas jufqu'a quel point la paffion pouvoit emporter cette Princeffe. II réfolut donc de le perdre. Dans 1'armée de Nicéphore étoient deux Officiers de grand mérite &C très-accrédités parmi les foldats. C'étoient Jean Zimifcès, le plus brave Capitaine de l'Empire, & fon coufin Romain Curcuas en qui la valeur étoit héréditaire. Bringas entreprit de les tenter par de magnifiques promeffes. S'ils réuffiffoient a le défaire de Nicéphore, 1'un devoit être Général des troupes d'Orient, 1'autre de celles d'Occident. Ces deux Offi- Tornt XVI, E Basile (I. Cons- TANTIN VIII. Ann. 963. IV. I! eft proclamé Empereur,  Basile II. Cons- tantin VIII. Ann. 963, V. II vient a Conftantinople,&recoit la coifronne. : ] ] c)3 ÜISTOIRB ciers ayant regu les lettres de Bringas , vont les montrer a Nicéphore , auquel ils étoient fincérement attachés. Ils 1'exhortent a s'afFranchir une bonne fois de la perfécution de ce méchant eunuque , ils le preffent d'accepter le titre d'Empereur , & tui répondent de la bonne volonté des troupes. Comme Nicéphore, ufant de fa diffimulafion ordinaire, paroiffoit fe refufer k leur empreffement, tts vont jufqu'a le menacer de le tuer, >'il s'obftine a réfifter. Nicéphore fe -end enfin, & le fecond de Juillet lOute 1'armée d'Orient excitée par :es deux Officiers, le proclame Empereur. La nouvelle de ce foulevement porte le trouble dans Conftantinople. Bringas, que fon infolence rendoit odieux au peuple, ne trouve aucune reffource. Nicéphore , fuivi de fon armée , qui faifoit tout retentir de vceux & d'acclamations, arrivé e neuvieme d'Aout k Chryfopolis. La première idee de Bringas fut de airé nommer par le Sénat un autre impereur, pour 1'oppofer a Nicéphore. Mais il ne fait fur qui jetter  du Bas Empire. Liv. LXXV. 99 les yeux, & le Sénat ne lui paroit pas difpofé a entrer dans fes vues. Au premier bruit de cette révolution, Bardas, pere du nouvel Empereur, fe trouvant alors k Conftantinople, s'étoit réfugié dans 1'afyle de Sainte-Sophie. Léon, frere de Nicéphore , quoique gardé a yue, s'étoit échappé, &c étoit allé joindre fon frere. Bringas ne favoit quel parti prendre. Sa dureté naturelle le rendoit incapable de gagner le peuple par des careffes; &£ dans une conjoncfure li critique, au-lieu d'employer la douceur, voyant un grand nombre d'habitants courir k SainteSophie, il ne voulut mettre en oeuvre que la terreur. Sujets rebelles, s'écrioit-il, vous vous plaigne^ de la chertt des vivres : pour punir votre audace. je les ferai monter ji haut, que vou: pourre^ porter en bied dans un pan d votre robe le prix cCune piece dor. De; menaces fi atroces révolterent le peu ple, & donnerent occafion k Bafile le batard, Chambellan du jeune Conf tantin, & mortel ennemi de Bringas, de faire éclater fa haine. L< foir du même jour, il affemble fe: E ij Basileü. Constantie vin. Nicéphore II. Ann. 963.  Basile II. CONStAN-nN VIII. NlCÉPHOre II. Ann. 963. IGO HlSTOIlLE amis, fes parents, fes domeftiques ; & fe met a leur tête. Cette troupe armée court par toutel a ville, fait main-baffe fur tous ceux qu'on foupconne d'être attachés 3 Bringas, abat & rafe leurs maifons. Dans ce maffacre général, furent enveloppés quant-hé de citoyens tranquilles , qui ne prenoient aucun parti. Des fcélérats profiterent de la conjonöure, pour venger leurs inimitiés particulieres. Le nom de Nicéphore fe faifoit entendre de toutes parts; on célébroit fesj vertus , fes vittoires. Bringas , qu'on cherchoit, échappa cependant k la fureur. II fe réfugia tout tremblant dans 1'Eglife de Sainte-Sophie, au moment que Bardas en fortoit avec affurance. Bafile s'empare des vaiffeaux qui fe trouvoient dans le port; & monté fur la galere Impériale , que fuivoit toute la flotte, il paffe k Chryfopolis , amene Nicéphore k 1'Hebdome , & de-la fuivi d'une foule de peuple, au milieu des acclamations, au fon des trompettes & des cymbales , il le conduit dans la ville par la porte dorée. Nicéphore fe rend a Sainte-Sophie, ou  du Bas-Bmpire. Liv. LXXV. 101 le Patriarche Polyeu&e lui met fur la tête la Couronne Impériale. C'étoit le Dimanche feizieme cTAoüt, cinq mois après la mort de Romain. Nicéphore étoit agé de 51 ans. Toujours diffimulé , il continuoit de cacher fon intrigue avec Théophano. Pour donner le change a ceux qui en avoient quelque foupgon, il la fit fortir du palais, fans doute de concert avec elle , Sc tranfporter dans une maifon éloignée , fur le bord du golfe. II donna la charge de Curopalate a fon frere Léon, Sc le commandement des troupes d'Orient a Zimifcès. Bringas n'attendoit que la mort; Nicéphore fe contenta de le reléguer en Paphlagonie, Sc peu de temps après, il le fit enfermer dans un cloitre , oü ce puiffant Miniftre, dévoré de chagrin , de honte &C de remords , mourut après avoir langui deux ans. Bardas , pere de 1'Empereur, regut le titre de Céfar. Enfin, Nicéphore, fe voyant affermi fur le tröne, jetta le mafque, Sc ne fongea plus qu'a fe fatisfaire. II époufa Théophano. La cérémonie fe fit dans la chapelle du palais; Sc comE iij SasileïI. constantin VIII. Nicéphore II. Ann. 963. VI. Son mariageavecThéophano.  Basile II. CO'NSTANTIN VIII. NlCÉPHOBE II. Ann, 963, ; ] i I 5 « ] 3 03 HlSTOIRB me 1'Empereur vouloit enfuite entrer avec le Patriarche dans le fanetuaire ou étoit le tröne Impérial, Polyeucfe 1'arrêta : Prince, lui dit-il, vous ne pouve^ paffer au-deld ; il vous faut même pendant une année entiere vous abfienir de Centree de 1'Eglife : cejl la peine canonique des fecondes noces. Cette oppofition irrita 1'Empereur ; & tant qu'il vécut, il ne le pardonna pas au Patriarche. Mais une autre contrauiclion vint encore bientöt troubler la joie de fon mariage. Stylien , grand Aumönier du palais, rappella un événement, qui paroiffoit oublié. Nicéphore avoit tenu fur les fonts de baptême un des fils de Théophano. C'étoit un empêchement dirimant, qui, felon la difcipline de 1'Eglife Grecque , ne aouvoit être levé par aucune difjenfe. Polyeucte, informé de cette jffinité fpirituelle , va^repréfenter k 'Empereur, que fon mariage eft nul, k qu'il faut ou fe féparer de Théophano , ou demeurer exclus de 1'E;life. Nicéphore , allarmé d'une dé:laration fi révoltante , fait aflembler es Evêques qui fe trouvoient k Conf-  nu Bas-Empire. Liv. LXXV. 103 tantinople, & les principaux Sénateurs. On déeida, contre toute vérité, que eet empêchement étoit une invention de Copronyme, & qu'on ne devoit aucun égard aux conftitutions d'un Prince hérétique. Les Prélats fignerent une formule d'abfolution. Mais comme Polyeucte ne fe rendoit pas k cette décifion decourtifans, on entreprit de démentir Ie fait. Bardas protefta que fon fils n'avoit jamais tenu d'enfant de Théophano. Stylien, auteur lui-même de cette difficulté, voulutbien nier avec ferment, en préfence' des Evêques &c des Sénateurs, qu'il eüt jamais rien vu ni rien dit de pareil. On ne tenoit point de regiftres debaptêmes; & Polyeucte, quoique bien perfuadé du parjure de Stylien, n'ofa réfiftet k cette apparence de preuve. II celTa d'inquiéter Nicéphore fur la validité de fon mariage ; &c perdant courage fur le refte, il n'exigea pas même la pénitence impofée aux feconde; noces. Ce fut dans le feftin nuptia que Nicéphore rompit le voeu qu'ü avoit fait de s'abftenir de viande k reue de fa vie. II avoit pris cette E iv Basile II. Cons- tantin VIII. Nicéphore II. Ann, 963.  BasileII. Cons- tant1n VIII. NlCÉPHORE II. Ann. 5)63. VII. Manuel battu en Sicile. Cedr. p. 6S3 . 654Zon. torn. II. p. 200. Leo. Diac. Liutpr. legat. Abulfeda. Du Cange , fam. Byt. p. 149. ■ J Pagi ad 1 Bar, j 1 1 104 H I S T O I R E réfolutioh dans la dcmleur que lui avoit caufee la mort d'un fils. Ce jeune homme , s'exercant k cheval avec un de fes parents, en recut par mégarde un coup de lance dont il mourut. On dit que ce fut par le confeil des Moines fes direöeurs, que Nicéphore, devenu Empereur, renonca k cette abftinence. Ils jugerent qu'il ne pourroit foufenir k la Cour une fi grande auftérité , Sc le difpenferent. C'étoit le moyen le plus fur de le mettre au-deffus de la tentetion. Les viéfoires remportées par Nicéphore, quand il n'étoit que Général , faifoient efpé rer des fuccès encore plus grands depuis qu'il étoit maitre èk des Généraiix Sc des arnées. Les Sarafins tenoient l'Empire mveloppé de toutes parts, excepté hi cöté du Septentrion. Maitres de 'Egypte, de 1'Afrique , de 1'Efpagne k de la Sicile, ils difputoient k 1'Emfire le peu de terrein qui lui reftoit lans la partie méridionale de 1'Italie. ïtablis en Syrië ék en Cilicie, ils le •efferroient du cöté de 1'Orient, ék ravailloient fans ceffe a lui enlever  du BAs-ËMPinEi Liv. LKXF. ros* ce qu'il poffédoit encore en Afie. Nicéphore, indigné de fe voir affujetti a un tribut honteux , porta d'abord fes vues fur la Sicile. II y envoya une grande flotte fous le commandement du Patriee Nicétas , renommé pour fa probité & fon courage. Les troupes de débarquement, confiftant la plupart en cavalerie, étoient commandées par Manuel, fils naturel de Léon Phocas,. oncle de 1'Empereur. C'étoit un jeune homme , plus foldat que Capitaine, téméraire jufqu'a 1'emportement, &C tout-a-fait incapablë de confeil. On aborda le 5 Novembre, & 1'on prit d'emblée Syracufe , Himere , Taormine & Léonce. Les Sarafins, défefpérant de pouvoir réfifber k de fi grandes forces , abandonnent les ville, & fe retirent dans les forêts &C les montagnes. Manuel, au-lieu de jetter garnifon dans les places, & de fe rendre maïtre de la campagne, pour öter toute fubfiftance aux Sarafins & les réduire par famine, va les chercher dans leurs retraites. Ses troupes furprifes dans des embufcades, font taillées en pieces. II eft E v BasileII. Cons- tantin VIII. Nicéphore II. Ann. 963,  Basile II. ConstantieVIII. Nicéphore II. Ann. 963. VIII. Viiloire de Zimifcès en Cilicie. I06 HlSTOIRE pris lui-même; on lui tranche Ia tête qu'on attaché enfuite a un gibet. Les vainqueurs courent au rivage ou la flotte étoit a 1'ancre. Ils s'emparent de plufieurs vaiffeaux. Nicétas eft fait prifonnier; & paree qu'il étoit eunuque, on lui laiffé la vie par mépris, & on Penvoye au Calife pour être vendu comme efclave. Cette •défaite eouta vingt mille hommes a l'Empire. Les Sarafins, profitant de leur vicfoire, paffent en Italië, prennent & brülent la ville de Cofence. Zimifcès fut plus heureux en Cilicie, oü Nicéphore 1'avoit envoyé. II rencontra 1'armée des Sarafins prés d'Adanes. C'étoit 1'élite de leurs troupes. II leur livra bataille, & lés mit en fuite. Dans la déroute cinq mille cavaliers Sarafins , ayant quitté leurs :hevaux, gagnent le haut d'une colline efcarpée, réfolus de s'ydéfendre iufqu'a la mort. Cette hauteur étant inaccefïïble a des cavaliers, Zimifcès aait pied a terre a la tête de fon infanterie , & monta hardiment aux ennemis. Ils Pattendirent de pied Ferme; pas un d'eux ne tourna le  nu Bas-Empire. Liv. LXXV. 107 dos ; ils périrent tous en combattant ; 8c leur lang dont la terre fut trempée , fit donner a ce lieule nom de Colline de Sang. Cette viftoire éleva Zimifcès au-deffus de tous les Généraux de l'Empire. Les premiers foins du Gouvernement , 6c peut-être encore la paflion de Nicéphore pour fa nouvelle époufe, le retenoient depuis prés d'un an dans fon palais. La gloire que venoit d'acquérir Zimifcès réveilla fon humeur guerriere. Pour ne pas perdre fur le tröne la réputation qui Py avoil élevé , il affembla une grande armée. a laquelle il joignit des troupes vernies d'Arménie 6c d'lbérie. 11 partij au mois de Juillet, 6c marcha en Ci licie, accompagné de fa femme & des deux jeunes Empereurs. Arriv* fur la frontiere , il les mit en füreti dans un chateau bien fortifié, 8c s'a vanga dans la Province, oii il prit A danes, Anazarbe 6c grand nombre d forterefTeS; On s etonnera fans dout de voir dans cette hiftoire la mêm ville prife plus d'une fois par la mi me nation dans un intervalle de pe d'années , fans voir comment ©I E vj Basile II. ConstantieVIII. Nicéphore II. Ann. 964. IX. Expédition de Nicéphore. Cedr. f. 654. Zon. torn. 11. p. 100. e e e u e  Basile II Cons tantin VIII. NlCÉPHO re II. Ann, 964, ( Ann. 965. j X. ( Prife de 1 Mopfuefte & de 1 Tarfe. J Cedr. p. r ^54 , 65 5. IO§ H I S T 0 I R E avoit repaffé au pouvoir de ceux qui ' 1'avoient perdue. Nicéphore lui-même avoit déja pris Anazarbe deux ans auparavanr. Mais dans ces guerres avec les Sarafins, les garnifons des frontieres faifoient fans ceffe des courfes ; & dès que les armées étoient retirées, fouvent les conquêtes de la campagne précédente fe perdoient pendant I'hyver. C'étoient des entreprifes continuelles, dont 1'hiftoire ne rend aucun compte. Nicéphore paffa le mont Amanus, & entra dans la contrée de la Syrië, qui a quelquefois été comprife dans la Cilicie. II ravagea tout le contour du golfe d'Iffus, & pénétra jufqu'a Rhofus , dont . il s'empara. Les approches de 1'hyvtr 1'empêcherent d'entreprendre le Sege de Tarfe & de Mopfuefte. II ■etourna en Cappadoce , oü il donna les quartiers a fes troupes. Aiï retour du printemps, il alla reoindre fon armée , qu'il divifa en leux corps. II envoya 1'un faire le iege de Tarfe fous les ordres de fon rere Léon, & marcha lui-même k lopfuefte, nommée dès-lors Maffifa. lmacin rapporte que dès les premiers  du Bas-Empire. Liv. LXXV. 109 jours, avant que Léon fut devant Tarfe, les Sarafins de cette derniere ville vinrent au fecours de Mopfuefte ; qu'il y eut un fanglant combat. dans lequel les Sarafins perdirent cinq mille hommes, & en tuerent un granc nombre aux Grecs. La marche^ d< Léon les obligea de retourner k h défenfe de leur patrie. Mopfuefte é toit peuplée de vingt mille habitants mais mal pourvue de vivres. Cet inconvénient, joint a la vigueur de; attaques, rendit en peu de temp: 1'Empereur maitre de la partie de h ville en-deca du fleuve Pyrame qu: la traverfe. Les Sarafins, après avoii mis le feu k ce qu'ils abandonnoient, fe retirerent dans 1'autre partie. Ils y furent bientöt forcés; tous furent paffes au fil de 1'épée ou fait prifonniers Léon trouvoit k Tarfe une plus fort< réfiftance. II avoit envoyé au fourrage un grand corps de troupes fou: la conduite d'un de fes meilleurs Ca pitaines; les afTiégés, fortant de nuit tomberent fur les fourrageurs, & et tuerent un grand nombre avec le Ca pitaine. Pour réduire cette place importante , qui rendoit les Sarafin: BasileII. CONSTANTINVtll. Nicéphore II. Ann. 96$. Zon. torn, ll. p. 201. Leo. Diac. ■ Abulfeia. t Elmacin. L  Basile II. Cons- ta ntin VIII. Nicéphore II. Ann. 965. 110 HlSTÖIRE maïtres de tout le pays, Nicéphore alla joindre fon frere. A fon arrivée , les Sarafins fortirent comme pour combattre, & fe rangerent en bataille. Nicéphore accepta cette forte de défi. II fe mit a Paile droite a la tête de fa cavalerie; Zimifcès commandoit 1'aile gauche. On n'attendoit que le fignal, lorfque les Sarafins, foit qu'ils fuffent épouvantés de la contenance des Grecs, foit pour quelque autre raifon inconnue , rentrerent dans la ville fans tirer 1'épée. L'Empereur , jugeant la place imprenable par la force , réfolut de 1'affamer. C'étoit Ie défaut des Sarafins de manquer de prévoyance : toutes leurs places d'ailleurs bien fortifiées, étoient mal pourvues de mupitions. Tarfe fut bientöt réduite aux abois, & les Sarafins demanderent a capituler. Ils ne purent obtenir que la vie fauve , avec la permiffion d'emporter chacun leur charge de leurs effets; 1'Empereur s'engagea k les faire conduire jufqu'aux portes d'Antioche. II abandonna aux foldats le refte du butin. Trois jours après la capitulation, une grande flotte venant d'Egypte, char-  du Bas-Empire. Llv. LXXV. ïii gée de bied & d'autres provifions pour le fecours de la ville, parut k la vue du rivage. Les vaiffeaux Grecs qui bordoient la plage, lui donnerent la chaffe; ils en coulerent k fond une partie; le refte périt dans une tempête. Nicéphore détruifit les mofquées, ék repeupla la ville de nouveaux habitants. Les Sarafins qui voulurent embraffer le Chriftianifme, eurent la liberté de demeurer dans leurs maifons. On mit le feu aux autres places dont on s'étoit emparé en Cilicie, & 1'Empereur rentra au moi: d'Octobre k Conftantinople , apportant avec lui les portes de Tarfe & de Mopfuefte, qu'il fit fufpendre Tune aux murs de la citadelle , i'autr< k la porte dorée. II rapporta & plac; dans 1'Eglife de Sainte-Sophie le croix qui avoient fervi d'enfeigne dans 1'armée de Stypiote quatre vingts-dix ans auparavant, & que le Sarafins avoient prifes dans la défait de ce mauvais Général. Cedrene rap porte k cette année le recouvremer de Pifie de Cypre , dont il ne donn aucun détail. Ce fut, dit-il, le Préten Chalcuzès qui en chaffa les Sarafm Basile II. ConstantieVIII. Nicéphore II- Ann. 965. t ; s t e r >.  BasueII. Cons- TANTIN 'VIII. Nicéphore II. Arn. 966. XI. Nicéphore en Syrië. Cedr. p, 1 fin. ! Zon, t. II. I P- 201 , & ( Glycas , faf. 306, 1 327. \ Leo. Diac. Abulfeda, * r t; r q r< K d d. E L fi; "2 HlSTOIRE La Cilicie conquife ouvroit 1'entrée de la Syrië. Les Sarafins, abattus par tant de pertes, fe tenoient renfermés dans leurs villes; & Nicéphore, éclatant de gloire, fembloit stre conduit par la main de Dieu même pour rendre k l'Empire fon premier éclat, & fes anciennes limites ür les bords du Tigre. II n'attendit )as le printemps pour enirer en Syie; dès les premiers jours de Mars, 1 fe montra aux portes d'Antioche. jette ville , autrefois fi puiffante, [itoiqu'elle eüt perdu une partie de a fplendeur depuis trois cents vingtiuit ans que les Sarafins, peuple defruéleur, s'en étoient mis en poffefon, confervoit encore le premier mg dans la Syrië. Nicéphore fe flatint que la terreur de fes armes fuffi>it pour la réduire, & que la conuête du refte de la Syrië entraïne)it celle d'Antioche, paffa outre fans maquer, & alla fe rendre maitre ;s places fituées dans le Libah, & ?puis les cótes de Phénicie jufqu'a ïuphrate. Tout tomboit devant lui. lodicée & Mimbig firent peu de réïance. II fe préfenta. devant Alep :  nu Bas-Empike. Liv. LXXV. 113 un efclave de 1'Emir s'en étoit emparé en chaffant fon maitre : il abandonna la ville , & fe fauva dans la citadelle. Après un fiege de quelques jours, il confentit a payer un trïbut annuel, & donna des ötages. Nicéphore fe retira, & laiffa la ville aux anciens habitants. Tripoli & Damas même fe racheterent du pillage en fe foumettant a payer tribut. Arca, renv plie de richeffes, fut prife en neuf jours; on brüla Emefe qu'on trouva déferte. Au mois de Décembre il retourna fe préfenter devant Antioche. II y trouva plus de difficulté qu'i ne s'y étoit attendu. Les Sarafins, for cés d'abandonner les autres places s'y étoient retirés comme dans leui dernier afyle. Le pays dévafté n< fournifloit plus de fubfiftance a 1'at mée Grecque, & les pluies-continuel les avoient tellement détrempé la ter re, que les chemins & les approche de la ville étoient devenus imprati cables. Nicéphore fe vit donc oblig de faire retraite. Mais en paffant 1 mont Maurus , il y batit un fort, & pofta le Patrice Burzès avec un corr de troupes pour mafquer toutes 1( BasileII. Coks- tantin VIII. Nicéphore II. • Ann. 966. S é e f iS ■s  BasileII. CüNSTANTIN VIII. NjCÉPHOre II. Ann, 966, ( 1 ( ( 1 i l t < xn. Prife t rl'-Antio- che. C li 1 f< t< V r; "4 Histoire iffues d'Antioche, & empêcher les Sarafins de ravitailler la ville. II diftribua fon armée fur la frontiere de Cilicie, fous le commandement de 1'eunuque Pierre Phocas, fon neveu, fils de Léon le Curopalate, avec orJre de fe tenir dans fes quartiers fans rien entreptendre fur Antioche jufju'a fon retour au printemps pro:hain. Ce Prince, avide de gloire, ^ouloit fe réferver celle de réduire :ette Cité fameufe. De retour k Confantinople, il traita avec le Calife 1'Afrique, & lui fit préfent de 1'épée le Mahomet, qu'il avoit prife dans ine ville de Phénicie. En reconnoifance, le Calife lui envoya tous les •rifonniers Grecs, entre autres le Pance Nicétas, qui avoit été pris en icile. Après le départ de 1'Empereur, lurzès, ne ceffant d'inquiéter par fes ourfes les habitants d'Antioche, brü>it d'envie de s'en emparer malgré 1 défenfe du Prince. Sa vigilance& >n activité infatigable interceptoit >us les convois. II s'approchoit fouent des murs pour exhorter les Saifins a fe rendre; mais il n'en je-  du Bas-Empirb. Liv. LXXF. 115 cevoit que des infultes. II trouva ' moyen de gagner par argent un Sarafin qui lui donna la mefure exacte de la hauteur d'une des tours. Sur cette inftruction , il fait faire des echelles; & profitant d'une nuit obfcure & d'une neige épaiffe, il efcalade la tour a la tête de trois cents hommes, maffaere la garde, & s'empare de même de la tour voifme. II mande auffi-töt fon fuccès k Pierre , ék le prie d'accourir promptement avec fes troupes; que la prife de la ville eft infaillible. Pierre balancoit entre la défenfe de 1'Empereur & Pinvitation de Burzès. Celui-ci dépêchoit courriers fur courriers pour lui dire , que s'il n'étoit au plutöt fecouru, il alloit fuccomber fous les efforts d'une multitude d'ennemis. En effet, les habitants accouroient de toutes parts , langant des traits enflammés , battant les deux tours avec toutes leurs machines, mettant en oeuvre pour les renverfer la fappe, le feu , les coups de bélier. Enfin, la crainte de laiffer périr tant de braves guerriers 1'emporta fur celle de déplaire k PEmpereur. Pierre vint avec toutes 3asileII. Cons- taktin VIII. Nicéphore II. Ann. 966.  BasileII CONSTANTIN VIII. Nicéphore II. Aan. 966, XIII. Nicéphore fe rend j odieux. Cedr. p. 1 658, & } fat' ( i "6 Hls TO TAB fes troupes. H y avoit trois jours & tro]S muts que Burzès fedéfendoit, rJ Tï Pre^lie Perdu tou* efpé' rance. A 1'arrivée de Pierre, les habitants prennent 1 epouvante. Burzès trouvant quelque relache, defcend de' Ja tour abat une porte k coups de bache, & donne entree a 1'armée de Pierre. La ville eft abandonnée au Pillage. On fait main-baffe fur les ^aralins qui ne peuvent fe fauver: Z l m"u rentrent en Poffeffion de cette celebre cité, autrefois trésfupeneure a Byzance, & long-temps Palede Conftantinople. Pendant rT taque dAntioche, le Commandant des Sarafins, tranfporté de rage contre le faint Patriarche Chriftophe, qu'il croyoit bien-aifedechangerdèmaï. -re , 1 ayant rencontré dans la ville e tua d'un coup de lance. Les Grecs l nonorent comme martyr. ■ Une conquête fi importante, & qui a avoit pas coüté une goutte de fang, embloit mériter les plus glorieufes ecompenfes. L'Empereur, au contraie, irnte qu'on n'eütpas fuivi fes orres , fait revenir Pierre & Burzès : 1 leur reproche leur défobéiffance,  vu Bjs-Empirz. Liv. LXXf. 117 leur öte le commandement, &c leur donne leur maifon pour prifon. Cette punition qui auroit parutrop douce dans l'auftérité de 1'ancienne difcipline Romaine, révolta tous les efprits. On en murmura comme de 1'efTet d'une baffe jaloufie & d'un orgueil tyrannique. Nicéphore,malgré fes exploits fe rendoit de plus en plus odieux a fes fujets. Généreux lorfqu'il n'étoit que fubalterne , mais devenu avare depuis qu'il étoit Empereur , on ne pardonnoit pas a fes victoires la mifere publique. Plus propre a commander une armée qu a gouverner un Empire, il permettoit tout aux gens de guerre, qui, abufant de cette licerïce, vivoient a difcrétion aux dépens de leurs compatriotes. Les plaintes qu'on lui portoit de leurs pilleries n'étoient pas écoutées. II fe divertiffoit même de leur infolence, & les citoyens qui avoient montré le plus de zele pour lui mettre la couronne fur la tête, n'étoient pas plus épargnés. A ces mécontentements fe joignoit la furcharge des impóts de toute efpece, &le retranchement de: penfions fous prétexte des befoins d< ■Hm Basile II. ConstantieVIII. Nicéphore H. Ann. 966. Zon. torn. 11. p. 201 , & fiqq. Glycas , pag. 306 , 307.  BasileII. Cons- tantin VIII. Nicéphore II. Ann. 966. 1 1 ] < i i 1 l ï 1 Il8 II I S T 0 I R E la guerre. II s'emparoit des rentes conftituées au profit des Eglifes & des Monafteres par la piété de fes prédéceffeurs. II fit une Io'i qui défendoit de léguer des immeubles aux Eglifes, apportant pour raifon que ces biens deitinés au foulagement des pauvres, ne fervoientqu'a entretenir le luxe des Evêques, tandis que ceux qui verfoient leur fang pour le falut de 1'Etat, manquoient du néceffaire. II fe rendit maïtre de la nomination des Evêques, ce qui caufa pour lors un grand fcandale, &ne fut approuvé que des Prélats de Cour. Ceux qui refuferent de foufcrire a ces nouveaux réglements, furent exilés. Son but itoit de mettre en fa main tous les ■evenus eccléfiaftiques. A Ia mort Kun Evêque, il envoyoit a fa place in économe, auquel il affignoit une >enfion, fe réfervant tout le refte les revenus de 1'Evêché. Ne connoifant de vertu que le mérite militaire , 1 lui vint en penfee , comme autrebis k Phocas, de faire mettre au nomire des Martyrs ceux qui mouroient la guerre. Plufieurs Prélats, fouter us du Patriarche, s'y oppoferent  du Bas-Empire. Liv. LXXV. 119 avec force, lui mettant fous les yeux Ie canon de faint Bafile , qui, loin de canonifer les armées, confeille a ceux qui, même en guerre, auront tuéun ennemi, de s'abftenir pendant trois ans de la participation aux faints myfteres. Pour achever de ruiner fes fujets , il fit battre de la monnoie dans laquelle il n'entroit qu'un quart de fin or. II fe faifoit payer les impofitions en pieces de bon alloi, &c ne payoit lui-même qu'en fauffe monnoie. Depuis le commencement de l'Empire, la monnoie, frappée au coin desEmpereurs, ne ceffoit d'avoir cours fous les Princes fuivants, fans diminution de valeur, pourvu qu'elle n'eüt rien perdu de fon poids. II décria toutes les monnoies de fes prédéceffeurs, pour donner cours a la fienne : ce qui fit hauffer les marchandifes a un prix exceflif. Des accidents facheux, auxquels il n'eut aucune part, contribuerent encore a augmenter la haine qu'il avoit d'ailleurs méritée. Un jour de Paques il s'éleva une querelle fanglante entre les foldats de la flotte & la garde Arménienne, II y eut de part& d'autre Basile IT. ConstantieVIII. Nicéphore II. Ann. 966.  Histotxz BasixeII. Cons- TANTIN VIII. Nicéphore II. Aan. 966. un grand carnage. Le Patrice Silinius Préfet de Conftantinople , qui voulut appaifer le tumulte, courut rifque de. la vie. Le b'ruit fe répandit que 1'Empereur s'en prenoit a toute la ville, & qu'il avoit deffein de la punir toute entiere. Quelques jours après, il donna des jeux dans le Cirque ; & pour divertir le peuple , il voulut lui faire voir Pimage d'un combat de cavalerie. Dès que les cavaliers, partagés en deux corps, evirent tiré 1'épée, les fpedtateurs qui n'étoient pas prévenus, s'imaginant que c'étoit le moment de la vengeance, & qu'on alloit fondre fur eux, prennent 1'épouvante, fe fauvent en confufion; hommes, femmes, enfants, tous fe preffent, tous s'écrafent les uns les autres dans les paffages étroits; il en tomba un grand nombre qui furent foulés aux pieds; & il en auroit péri davantage , fi la contenance pacifique & les cris de PEmpereur, qui tachoit de calmer cette allarme , n'en euffent retenu une partie. Cependant les parents de ceux qui avoient perdu la vie en cette rencontre, ne purent être défabufés;  du Bas-Empire. L'w. LXX.V. 121 fabufés; ils continuerent d'imputer a 1'Empereur la perte de leurs proches ; & le jour de 1'Affomption, comme il accompagnoit une proceffion folemnelle , ils 1'accablerent d'injures, 1'appellant un cruel homicide , un monftre altéré du fang de fes fujets; ils le fuivirent ainfi a coups de pierres jufqu'a la place de Conftantin; & c'en étoit fait de fa vie, fi les principaux citoyens s'attroupant autour de lui n'eufïent écarté cette multitude infolente , & ne 1'eulTent reconduit a fon palais. Une infulte fi audacieufe lui fit fentir a quel excès fe pouvoit porter la haine de fes fujets. On lui avoit prédit qu'il feroit affaffiné dans fon palais : pour fe préparer une retraite plus affurée en cas de révolte, il fit abattre tous le-s édifices voifins, entre lefquels il y en avoit de magnifiques, qui faiïbient un des plus grands ornements de Conftantinople. II fit conftruire a leur place une citadelle, dont la vue feule annoncoit la tyrannie. C'étoit une place de défenfe qui commandoit toute la ville; elle fut abondamment pourvue de tout ce qui étoit Tom XVJ. F Basile II. ConstantieVIII. Nicéphore II. A.nn. 9Ó&  Basile II. constantinVIII. Nicéphore ii. Ann. 966. 122. UlSTOIRE nécefl'aire pour s'y maintenir. Tandis qu'on y travailloit, on entendit pendant une nuit du cöté de la mer, une voix qui crioit : Nicéphore, Nicéphore , tu t'environnes de hautes murailles; fais-les monter jufqiiau ciel; ta dejtinée s'y renferme ; tu ne téviteras pas. On fit en vain les plus exa.öes recherches de 1'auteur de ces paroles. L'événement fut conforme a la prédiction toute hafardée qu'elle étoit. Trois ans après, Nicéphore fut affaffiné le jour même que 1'édifice étant achevé , on lui en remit les clefs entre les mains. Son frere Léon , devenu auffi avide que lui, terniffoit toute fa gloire paffee par les plus honteux monopoles. Tous deux fe rendoient maitres de tout le bied de l'Empire, & le faifoient vendre par leurs commis a un prix exceffif. Tout étoit rempli de placards injurieux, & le défefpoir des malheureux fit fouvent efTuyer au Prince de fanglantes railleries. Un jour qu'il failoit la revue de fes troupes, un vieillard a cheveux blancs fe préfenta pour s'enröler. L'Empereur lui demandant de quoi il s'avifoit a fon  ]) u Bas -Empire . Liv. LXXV. 123 age : Prince , répo ndit-il, il faut que je fois bien plus fort qu'autrefois. Dans ma jeuneffe, il me falloit deux dnes pour porter une charge de bied que j'achetois une piece d'or: mais depuis votre heureux regne, je porte aifènient fur mes epaules ce qui me coute^le doublé. L'Empereur eut du moins le mérite de ne pas févir contre ce mauvais plaifant; il fit femblant d'en rire, &C \ui tourna le dos. II fe préparoit k retourner en Orient, k deffein de pouffer fes conquêtes en Méfopotamie. Mais ayant appris qu'Othon , Roi d'Efpagne, & depuis peu revêtu du titre d'Empereur, fongeoit k étendre fon domaine aux dépens des Grecs, il fit marcher des troupes vers 1'Occident. Un député d'Othon les rencontra en Macédoine, & les ayant engagées non fans peine k fufpendre leur marche, il continua fa route en diligence vers Conftantinople. II étoit chargé de protefter k Nicéphore que fon maitre n'avoit nul deffein d'attaquer les Grecs, & qu'il vouloit vivre avec eux en bonne intelligence. Pour s'en afTurer davantage, Nicéphore fit parF ij BasileII. C onstantin VIII. Nicéphore II. Ann. 966. Ann. 967. XIV. Affaires d'Occirient. Cedr. p, 646, 660. Zon. torn. II. p. 19S, 205 , 206. Leo. Diac, Liutpr. legat. Lup. protofp. Vu Cange fam. Bul- 314. Murat. ann. d'Ital. torn. V. p.  BasileII. Cons- TAtSTIN VIII. Nicéphore II. Ann. 967. I24 HlSTOIRB tir a fon tour des députés. Ils furent honorablement recus k Ravenne; Othon les combla de careffes, & n'oublia rien pour leur perfuader qu'il ne defiroit rien tant que d'entretenir une concorde inaltérable entre les deux Etats. II fouhaitoit même, difoit-il, cimenter cette union par une étroite alliance entre les deux families Impériales. Mais ce n'étoient que de belles paroles. Othon, déja maitre d'une grande partie de 1'Italie, fongeoit férieufement k dépouiller les Grecs de ce qu'ils y poffédoient encore. Nicéphore, de fon cöté, prétendoit que i'Italie lui appartenoit toute entiere; il voyoit avec indignation que les Papes fe fuffent arrogé le droit de faire des Empereurs; ce titre donné d'abord par le Pape Léon III k Charlemagne & k fes fucceffeurs, attaché depuis peu par le Pape Jean XII k Othon & aux Souverains d'Allemagne, lui fembloit être une ufurpation. Mais ilne fe fentoit pas affez de forces pour entreprendre de reconquérir I'Italie. Depuis 1'invafion des Lombards, une expérience de quatre cents ans Jui faifoit con-  dv Bas-Empire. Liv. LXXV. 125 noïtre qu'il étoit plus facile aux Grecs de regagner cent lieues de pays du cöté de 1'Orient, qu'un pouce de terre en Occident. Leurs Généraux étoient fans ceffe aux prifes, tantöt avec les Princes Lombards, tantöt avec les Sarafins, fouvent avec les uns & les autres unis enfemble. C'étoit une guerre de chicane. La moindre bicoque prife , perdue, reprife, perdue encore, coütoit plus de foldats qu'elle ne contenoit d'habitants. L'année précédente le Gouverneur de Pouille &c de Calabre ayant fait conftruire grand nombre de barques dans le port de Bari oü il réfidoit, les Sarafins de Roffano étoient venus les brüler k fes yeux. A peine Nicéphore eut-il rappellé fes troupes, qu'il lui furvint de plus prés un autre fujet d'inquiétude. II fut averti que les Hongrois menacoient d'une irruption. II alla donc au mois de Juin vifiter les villes de Thrace pour les mettre en état de défenfe. Les Bulgares pouvoient fervir de barrière contre les incurfions des peuples du Nord. II écrivit au Roi des Bulgares pour le prier d'empêcher les F iij Basile II. Cons- t antin VIII. Nicéphore II. Ann. 967.  Basile II. Cons- tantin vin. Nicéphore II. Ann, 967. 1 ] ( 1 j < ] Ï2Ö BlSTOIRg Hongrois de paffer le Danube. Quelque temps auparavant, Pierre, expofé au même danger, avoit eu recours a 1'Empereur, qui, tout occupé pour lors des guerres d'Orient, ne lui avoit donné aucun fecours. II ufa donc de repréfailles, & répondit k Nicéphore , que , fe voyant abandonné, il avoit été contraint de faire la paix avec les Hongrois: qu'il n'avoit aucune raifon de la rompre &c de faire pour l'Empire ce que l'Empire avoit refufé de faire pour lui. Une réponfe fi fiere irrita Nicéphore. Mais toutes fes vues étant tournées vers 1'Orient, & ne jugeant pas \ propos d'entreprendre une nouvelle guerre, il prit le parti de fufciter k Pierre d'autres ennemis. Venceflas, jue les Grecs nomment Sphendof:hlabe , & les Ruffes SwiatofW, rémoit alors en Ruffie. C'étoit un Prin:e guerrier jufqu'a la férocité. L'Empereur lui envoya le Patrice Calo:yr , fils du Préteur de Cherfone , >our 1'engager a force d'argent a fe etter en Bulgarie. Calocyr n'eut pas le peine k lui faire prendre les arnes, Pendant les deux années fui-  nu Bas-Empire. Liv, LXXF. 127 vantes, les Ruffes ne cefferent de ravager la Bulgarie; ils ruinerent quantité de villes & de chateaux, & enleverent un butin immenfe. La nuit du 2 Septembre de cette année, un violent tremblement de terre détruifit plufieurs villes dans 1'Honoriade & la Paphlagonie. Les députations réciproques n'avoient point établi la confiance entre Othon & Nicéphore. Le Prince Saxon, le plus grand politique, ainfi que le plus grand guerrier de fon fiecle, élevé k l'Empire par les mêmes voies que Charlemagne , dont il poffédoit les éminentes qualités, employoit les intrigues avec autant de fuccès que les armes pour étendre fa puiffance. Jean Xll, dont il avoit recu la couronne Impériale, s'étant révolté contre lui, avoit entrepris -d'attirer en Italië toutes les forces de l'Empire d'Orient. On arrêta dans Capoue 1'Evêque Léon & le Cardinal Jean, qu'il envoyoit k Conftantinople. Les débauches fcandaleufes de ce Pape jointes k fa révolte, 1'ayant fait dépofer dans un Concile, & fon fucceffeur Léon VIII n'ayant fiégé que F iv Basile II. Cons- TANTIN VIII. Nicéphore II. Ann. 968. XV. Ambaflarle envoyée a Nicéphore. Liutpr. tegat. Idem. hift. I. 6. c. 6. Cedr. p. 661 , 662. Du Cange fam. Byl. P. 143- Pagi ad Bar. ■ Giann. Hift. Nap. I. 8. c. 16. Murat. annal. d'hal. torn. V, p. 423. Abrégê de l'hift. d'hal. t.lf. p.830, & fuiv.  BasileII. constantin vin. re n. Ann, 968. 1 1 1 1 j i 1 c i 1 £ t li j< C g c 1T fc re C< 128 H I S T 0 I R E deux ans dans des troubles continuels , Jean XIII, placé fur le faint Siege par la faveur d'Othon, éprouva bientöt 1'inconftance des Romains. Enfermé d'abord dans le chateau SaintAnge, Sc enfuite chaffé de Rome, il ne fut rétabli que par les armes d'Othon , qui, étant venu a Rome pour :hatier les féditieux , fit pendre les ins, crever les yeux ou trancher la ête aux autres; il en exila un grand ïombre, & réduifit a 1'obéilTance ce >euple rebelle par une févérité, qui ut taxée de cruauté. Cependant Béenger II, Roi d'Italie, ennemi tk nün prifonnier d'Othon, étant mort, 3n _fils Adalbert, qui portoit auffi : titre de Roi, s'étoit retiré avec )n frere Conrad auprès de Nicépho?. U fe yantoit d'avoir laiffé en Itae un puiffant parti, tout prêt a fe >indre aux troupes que 1'Empereur ree y feroit paffer. Nicéphore, indité que les Princes de Bénévent Sc de apoue, qu'il regardoit toujours come vaffaux de l'Empire Grec, euffent it hommage k Öthon, prêtoit l'oille a ces bravades. Ce fut dans ces mjoncfures qu'Othon envoya une  nu Bas-Empire. Liv. LXXV. 129 célebre ambaffade a Conftantinople. ' II efpéroit gagner par un mariage la 1 Pouille Sc la Calabre , qu'il ne pouvoit emporter par les armes, fans r-épandre beaucoup de fang. Théophano , fille de Romain le jeune , Sc de même nom que fa mere, époufe de Nicéphore, devoit,a ce qu'il efpéroit , apporter ces Provinces k fon fils. Tels étoient les projets de 1'Empereur d'Allemagne. Pour les exécuter, il choifit Liutprand, Evêque de Crémone, Prélat éloquent, qui fe chargea de cette négociation épineufe, Sc qui nous en a laiffé le détail. Mais il s'en faut bien que fa relation , altérée par la haine nationale, & par le reffentiment perfonnel d'une réception peu favorable , ne mérite une entiere croyance. Ce n'éft pas fur le pprtrait fatyrique qu'il fait de Nicéphore , mais fur lés actions de .ce Prince , qu'on doit juger de fon. caractere. : ' Liutprand arriva Is 4 Juin k la Cour de Conftantinople dans de facheufes conjon&ures, Sc il s'en appercut aufli-töt. On le logea dans un hofpice qu'il dépeint comme une pri F v JasileII. CONSTANTIN VIII. StlCËPHOre II. A.nn. 96S. XVI, Liutprand a Coaftantinople,  BasiieIT, CONSTANTIN VIII. NicÉrHo- re II. Ann. 96S. i 7 t 1 t c! r ï' f< 130 HlSTOIRE fon.. Les gardes qu'on lui avoit donnes, comme par honneur, étoient autant de géoliers qui en interdiioient rentree & la fortie. Les pourvoyeurs de la Cour, chargés de fon entretien, s'en acquittoient fort mal, & ne fongeoient qu'a gagner fur fa depenfe. Peu de jours après fon arrivée, il eutame vive conteftation avec Léon, frere de 1'Empereur, qui vouloitqu'Othon ne prit que le titre de Roi. Le 7 du mois, jour de la Pentecöte , il en eut une encore plus férieufe avec 1'Empereun Nicéphore reprochoit a Othon lüfurpation de :'ltalie, & fur-rout de la ville de Rome | De quel droit, difoit-il, Othon i-t-il envahi Les Etats dont Bèrenser ngeoit qua juftifïer fon maïtre. Prince , éifamtiq ü le nom düfur-.  nu Bas-Empire. Liv. LXXF. 131 » pateur convient a Othon, il faut » le donner aux grands Princes. C'eft » par une éledtion libre que I'Italie » Sc les Romains 1'ont couronné , » pour les délivrer de la tyrannie de » Bérenger, d'Adalbert 6c des cour» tifanes, qui, fous le nom d'un Pape >> diffolu, régnoient dans Rome, 6c y » faifoientavec elles la plus fcandaleu» fe débauche. Les Empéreurs Grecs » fe font-ils mis en devoir de remé» dier k ces maux ? C'eft ce qu'a fait » Othon; il a chaffé de Rome les » impies ; il a rétabli les fucceffeurs » des Apötres; 6c s'il a été forcé d'u» » fer de févérité, il n'a fait que fui» vre les loix de Théodofe , de Va» lentinien 6c de Juftinien contre des » ravilTeurs, des affaffins 6c des re» belles. Si Adalbert prétend difpu» ter k Othon fes droits fur I'Italie, » j'offre le duel de la part de tous les » Chevaliers qui m'accompagnent. Et » fur quel titre , qui ne foit pas fu» ranné 6c anéanti, les Empéreurs » Grecs peuvent - ils appuyer leurs » prétentions fur ce pays ? Les Lom» bards en ont fait la conquête, 1'Em» reur Louis 1'a retiré des mains des F vj Basile II, Cons- tantin VIII. Nicéphore II. Ann. 968.  Basile II. CONSTANTIN VIII. Nicéphore II. Ann. 968. I XVII. Marche < de 1'Em- . pereur a . Sainte- ' Jiophie, « I32 HlSTOIRE » Sarafins. Les Princes de Bénévent &c » de Capoue en poffedent une grande » partie par le droit des armes. II » ne refte aux Grecs que quelques » places dans la Pouille & dans la » Calabre; polTeflions plus onéreufes » qu'utiles , & dont il feroit de 1'in» térêt de fe défaire. C'eft pour ter» miner toutes ces querelles , que » rnon maitre vous propofe le ma» riage de fon fils avec la Princeffe » Théophano; alliance auffi honora» rable qu'avantageufe aux deux na» tions. J'attends de votre bouche les » conditions auxquelles nous pour» rons 1'obtenir". L'Empereur, peu iccoutumé a la franchife Germaniyte, fe voyant ferré de fi prés, fe rira d'embarras en remettant la réaonfe a une autre audience, fous pré:exte qu'il étoit temps d?aller a TE;life, pour folemnifer la fête. Si 1'on en croit Liutprand, la mar:he folemnelle de 1'Empereur n'étoit ju'une pompe ridicule, qui étaloit a mifere de l'Empire. Du palais a iainte-Sophie,les rues étoient bordées droite & a gauche d'un rang de larchands & d'artifans arrnés de  du Bas-Empire. Liv. LXXF. 133 fragments de boucliers & de javelots rouillés ou rompus. Le peuple marchoit pieds nuds pour honorer le Prince. Les Seigneurs qui Paccompagnoient n'étoient vêtus que de manteaux ufés; c'étoient leurs habits de cérémonie. Point d'or, point dargent ni de pierreries que fur le feul Nicéphore , dont la parure formoit un affortiment bifarre avec fa mauvaife mine. Pendant la marche, on chantoit fes louanges; on le nommoit en mufique rétoile du matin, le foleil kvant, le jléau des Sarajins. Nations, adore{le ; pliei le cou fous fa puiffance; longues années au Prince de tous les Princes , longues années d fon augujle pere le Céfar Bardas. Bardas avoit cependant plus de cent ans , dit Liutprand, & il en paroiiToit bien cent cinquante. II eft trés - vraifemblable que la haine dg Liutprand a étrangement chargé les autres circonftances de cette defcription, mais qu'il rend les acclamations avec affez d'exa&itude. Du moins s'accordent - elles avec la vanité Grecque ; & tailleurs lesnations qui fentent leur décadence fans vouloir en convenir. BASItElI. constantin VIII. Nicéphore II. Ann, 96S.  BasileII. Cons- TANTIN VIII. Nicéphore II. Ann. 968. XVIII. Propofition du mariage de Ia jeune Théophano avec Ie fils d'Othon. ; 1 i < i I 134 HlSTOIRE cherchent k couvrir leurs pertes réelles par 1'hyperbole des titres; & le dernier monarque d'un grand Empire fut toujours le plus chargé d'éloges faftueux. Bafile & Conftantin , Empéreurs par le droit de leur naiffance, mais qui ne portoient qu'un titre inutile , fuivoient Nicéphore, & fe profternerent devant lui, lorfqu'il fut arrivé a Sainte-Sophie. Après 1'ofHce , il y eut, felon la coutume, un grand feftin, oü Liutprand fut invité : on ne le fit affeoir qu'a la quinzieme place. Pendant le repas Nicéphore Pinterrogea fur 1'état de la milice d'Othon, qu'il tourna en ridicule, traitant les Italiens de Lombards, avec'un air de mépris. Liutprand répondit hardiment par un parallele des Lombards & des Grecs, dans lequel les Grecs n'avoient pas 1'avantage. Nicéphore irrité le fit fortir & conduire k fon ïofpice. L'Ambaffadeur y fouffrit outes fortes d'incommodités. Enmyé de ces mauvais traitements, il lemanda une derniere audience & on congé. Léon le fitvenir, &l'entetien roula fur le manage de la  du Bas-Empire. Liv. LXXF. 135 PrincefTe. Mais ils étoient bien éloignés de s'accorder. Liutprand demandoit pour dot de Théophano Ia Pouille & la Calabre: le Prince Grec, au contraire, vouloit faire acheter une fi haute alliance par la reftitution de Rome , de Ravenne & de tout ce que l'Empire avoit poffédé en Italië. II ajoutoit que , quand même Othon fe contenteroit de 1'amitié des Empéreurs Grecs fans prétendre a leur alliance, il ne pourroit 1'obtenir qu'en remettant Rome en liberté : 1'intentention de Nicéphore, étant de rendre aux Papes tous leurs droits fur la ville de Rome, pourvu que 1'Empereur Grec en confervat la fouveraineté. Comme Liutprand défendoit les droits d'Othon fur Rome, & ceux de 1'Eglife Romaine fur les Eglifes de Grece , de Macédoine tk d'Ulyrie, il fut renvoyé avec rifée. On le manda de nouveau le jour de la fête des faints Apötres, & 1'office fut encore fuivi d'un repas auquel Nicéphore retint 1'AmbaiTadeur. Liutprand voyant qu'on placoit audeffus de lui les députés des Bulgares arrivés depuis peu a Conftanti- BasheIT. CONSTANTIN VIII. Nicéphore II. Ann. 968. XIX. Infultes faites a Liutprand.  ËASILElI. CONSTANTIN VIII. Nicéphore II. Ann. 96S. I3<5 IllSTOIRE nople, fortit de la Talie pour ne pas déshonorer fon maïtre. On court après lui, on lui repréfente qu'on ne peut lui donner d'autre place , paree que dans le temps du mariage de la Princeffe Marie avec Pierre, Roi des Bulgares, il avoit été ftipulé que les Ambaffadeurs de cette nation auroient le pas fur tous les autres. Comme il ne fe rendoit pas a ces raifons, on lui fignifia qu'il n'y avoit plus de logement dans 1'hofpice; mais qu'il logeroit dans une auberge, oü il feroit fervi avec les domeftiques de 1'Empereur. Les Bulgares étant partis, Nicéphore fit venir Liutprand a fa table. Le Patriarche s'y trouva avec plufieurs Evêques ; on lui propofa des queftions de théologie, fur lefquelles il répondit avec beaucoup de liberté, faifant voir que prefque toutes les héréfies étoient nées en Oriënt, & avoient été condamnées en Occident. On lui donna encore plufieurs audiences, dans lefquelles Nicéphore ne ceffoit de demander qu'Othon renoncat au titre d'Empereur, & qu'il lui mit entre les mains Bénévent & Capoue, dont il traitok les Princes  nu Bas-Empire. Uv.LXXV. 137 d'e/claves rebelles. Pendant tout ce temps-la, Liutprand étoit gardé dans fon auberge , fans avoir la liberté de parler a perfonne. Enfin, Nicéphore fit mettre en mer une flotte de vingthuit voiles. Adalbert, qui étoit retourné en Italië, mandoit qu'il avoit huit mille hommes bien armés , & qu'avec 1'affiftance des Grecs, il étoit fur de battre Othon. Comme il demandoit auffi un fecours d'argent, Nicéphore, que cette demande mettoit en mauvaife humeur, donna ordre au Commandant de la flotte de mettre eet argent entre les mains de ce Prince, fuppofé qu'il eüt le nombre de foldats qu'il marquoit; autrement, qu'il eüt a fe faifir de fa perfonne , & k le renvoyer prifonnier a Conftantinople. La flotte fortit du port le 19 Juillet, & fe tint k la rade. On ne dit pas ce qu'elle devint, fi elle paffa en Italië, ou fi un contreordre la retint k Conftantinople. On voit feulement qu'Othon , inftruit des difpofitions de 1'Empereur, entra dans la Pouille avec fon armée, & vint mettre le fiege devant Bari, fans attendre le retour de fon Am- Basile II. Constant ln VIII. Nicéphore II. Ann, 968.  Basile II. Cons- tantin VIII. Nicéphore II. Ann. 968. XX. Exploits de Nicéphore en Oriënt. ] 1 " 1 i i c c { F a fi d a 138 HlSTOIRE baffadeur. Ce qui mettoit Liutprand en grand danger, fi les Grecs, malgré leur animofité, n'euffent refpeöé le droit des gens, & fi Liutprand n'eüt par fes lettres obtenu de 1'Empereur qu'il fe défiftit de cette entreprife. Nicéphore, en partant pour 1'Orient, lui promit de le faire conduire jufqu'au port d'Ancone avec fa fuite compofée de vingt-cinq perfonnes. L'Empereur n'avoit pas perdu de vue le deffein qu'il avoit formé de rendre a l'Empire tout ce que les Sa'afins lui avoient enlevé en-defa du Hgre. II fe mit en marche le 12 Juilet. II s'arrêta a fix lieues de Confantinople, ou il fit venir Liutprand )Ourlui demander encore, qu'Othon bandonnat abfolument les Princes de iénévent & de Capoue, qu'il alloit aire attaquer par fes troupes comme es fujets rebelles. Liutprand réponit que ces Princes étant vaffaux de 3n maïtre, Othon ne pouvoit fe difenfer de les défendre , s'ils étoient ttaqués, & que 1'Empereur s'expo)it a perdre ce qui lui refloit auela de la mer. Nicéphore le retint diner, & pendant le repas, Léon &c  nu Bas-Empire. Liv. LXXF. 139 un autre Seigneur n'épargnerent pas les inj ures contre Othon , contre les Latins, contre la nation Teutonique. Mais enfuite ils en firent faire fecretement des excufes a Liutprand, comme n'ayant parlé fi indécemment que par ordre de 1'Empereur. L'armée de Nicéphore étoit de quatre-vingts mille hommes. Liutprand , qui ne trouve rien k fon gré dans l'Empire Grec. parle de ces troupes avec beaucour. de mépris. C'étoient, dit-il, des miférables, fi 1'on en excepte quelque; corps auxiliaires venus de Venife & (FAmalfi. II paroït cependant que Nicéphore n'eut pas k s'en plaindre. L; conquête de la Syrië avoit caufé ain Sarafins une douleur mêlée de rage foupconnant 1'Evêque de Jérufalen d'intelligence avec les Grecs, ils 1'a voient brülé vif. Ils avoient détrui par les flammes 1'Eglife du Saint-Sé pulcre. Lorfqu'ils apprirent que Ni céphore avoit paffé 1'Euphrate, ils f renfermerent dans leurs places for tes, fans ofer paroitre en campagne L'Empereur pénétra jufqu'a Nifibe qu'il attaqua fans fuccès. II ne fut pa plus heureux a 1'attaque d'Amide. C BasileII. CONSTANTIE VIII. Nicéphore II. Ann, 96S. I l t » S  Basile II. Cons- tant1n VIII. Nicéphore II. Ann, 968. XXI. Suite de l'ambaffade de Liutprand. 1 ] j i 1 i ] 1 t 14» HlSTOIRE fut-la que deux freres, Princes de Taro, vinrent fe donner a lui, & le reconnurent pour leur Souverain. II leur donna en récompenfe la dignité de Patrices & des terres d'un grand revenu. II s'avanca jufqu'a Malazkerda en Armenië, qu'il ruina : c'étoit 1'ancien Mauro-cajïrum. A fon retour, il brüla EdelTe, & repaffa 1'Euphrate, après avoir ravagé la Méfopotamie, oü il laiffa quelques troupes. Tout le fruit de cette expédition fe réduiSt k donner une grande idéé de fa puiffance, &c k faire trembler le Calife ufque dans Bagdad. Après le départ de Nicéphore, Liutprand ne fut pas mieux traité. H rejut le 27 Juillet la permilTion de par:ir. Mais 1'eunuque Chriftophe , qui ;ouvernoit en l'abfence de 1'Empe•eur, le retintfous divers prétextes. Dans eet intervalle, il eut beaucoup a buffrir. Le jour de rAffomption ariverent deux Légats du Pape pour ippuyer la demande d'Othon, & enjager Nicéphore a s'allier avec ce 'rince. Le titre d'univerfel, que le Pape irenoit dans la fufcription de fes letres, & celui Empereur Jugujle des  du Bas-Empire. Liv. LXXF. 141 Romains qu'il donnoit k Othon, miresit les Grecs dans une grande colere. Les Légats furent mis en prifon, & 1'on envoya leur dépêche k Nicéphore en Méfopotamie. Au retour du courier, Chriftophe mande Liutprand au'palais; il fe répand en inveclives contre le Pape ; il prétend que Nicéphore eft feul Empereur des Romains : que Conftantin en quittant Rome n'y a laiffé que des efclaves, des miférables & des batards, & qu'il a tranfporté dans fa nouvelle ville tout ce qu'il y avoit de Romains, Liutprand excufe le Pape : 11 a penfé, dit-il, que vous avie^ renonce au nom de Romains, comme vous en ave^ quittt thabit & le langage. Liutprand avoit acheté pour Othon des étoffes de pourpre; on les lui öta par la raifon que de pareils ornements ne convenoient pas k des barbares tels que le< Occidentaux. On le chargea de deux lettres; Tune pour Othon de la part de 1'Empereur; elle étoit écrite en carafteres d'or : Pautre pour le Pape, en caracf eres d'argent, de la part de Léon, frere de Nicéphore; le Pape n'étoit pas digne d'en recevoir de Basile II. Cons- tantin VIII. Nicéphore II. Ann. 968.  Basile II. CONSTANTIN VIII. NlCÉÏHOre II. Ann. 968. XXII. Avarice de Nicéphore. ' Liutpr. Iegut. Leo, Diae, 142 B I S T 0 I R E rEmpereur. Cette derniere contenok beaucoup de menaces, fi 1'Evêque de Rome ne rentrok dans* fon devoir. On ne voulut fournir a Liutprand & a fa fuite que les chevaux de monture; on n'en donna point pour fes bagages. Enfin , l'Ambaffadeur partk le 2 Ocfobre, après avoir tracé fur les murailles de fa chambre d'affez mauvais vers de fa facon pour fe venger des Grecs. Nicéphore, ennemi de 1'Eglife Latine, fit donner par le Patriarche Polyeucte le titre d'Archevêque a 1'Evêque d'Otrante, avec le pouvoir de confacrer les Evêques de Pouille & de Calabre, dont 1'ordination avoit jufqu'alors appartenu au Pape. II défendit de faire 1'office en langue Latine. Ainfi fe termina cette ambaffade, qui ne fervit qu'a dévoiler plus manifeftement que jamais Torgueil infenfé des Grecs, &C leur animofké pour les Latins. Conftantinople fut affligée cette année de divers fléaux. Au mois de Mai, des vents brülants & peflilentiels corrompirent & deffécherent tous les fruits de la terre , d'oü s'enfuivit une grande difette. L'Empereur pro-  nu Bas-Empire. Liv. LXXV. 143 fita de la mifere de fes fujets pour accroitre fes tréfors. II envoya de Méfopotamie du bied acheté k bas prix, qu'il fit vendre le doublé du prix ordinaire. Loin de rougir de cette fordide & cruelle avarice, il en tiroit vanité, comme d'un admirable fecret de politique. Un jour du mois de Juin, il tomba pendant trois heLires fur le foir, une pluie fi prodigieufe , que les mes de Conftantinopk devinrent autant de torrents qui entrainerent k la mer tous les animaux Elle fut fuivie d'une autre forte d< pluie mêlee de cendres dont la chaleur étoit fenfible. C'étoit fans dout< 1'éruption de quelque volcan, qu< les vents avoient portée fur cette ville. Le li Décembre , il y eut un« éclipfe totale de foleil. Othon s'étoit flatté de réuffir dan: la demande qu'il faifoit pour fon fils & dans cette vue il 1'avoit fait couronner Empereur. Nicéphore entre tenoit ce Prince dans fon efpérance & au même temps qu'il traitoit l mal fon Ambaffadeur a Conftantinople , il lui en envoyoit un pour 1'affu rer qu'il confentoit au mariage, & Basile II. Cons- TANTIN VIII. Nicéphore II. Ann. 96S. Ann. 969. ' XXIII. Perfidie- de Nicé, phore. [ Sigeb. chron, Giann.hift. ■ Nap. I. 8. . c. i. Afrigï de  Basile II. Cons- tantin VIII. KlCÉPHORE II. Ann. 969. rhift. d'Ital. tom.lï. p. 838, 840 , 842. Abrègé de Ihift.d'All, t. 11. pag. 103. ! ] 1 j i 144 IllSTOIRE que Théophano fe rendroit incefTarnment en Calabre. C'étoit un raffinement de haine , pour rendre plus fanglant TafFront qu'il faifoit k Othon par fon refus. Othon, trompé par fes promeffes, fait partir fes principaux Seigneurs avec une magnifique efcorte pour recevoir la Princeffe. A peine font-ils arrivés en Calabre, qu'enveloppés dans une embufcade, !es uns font maffacrés, les autres pris Sc conduits a Conftantinople. Othon, juftement irrité d'une fi hor-ible perfidie, envoy e en Calabre deux Sénéraux,Gonthier &c Sigefroi, avec .ine armée. Les Princes de Bénévent 5c de Capoue fecondent la vengeance i'Othon. Ils mettent tout k feu 5c i fang. Les Grecs, quoiqu'appuyés lu fecours des Sarafins, font taillés ;n pieces. On en fait prifonniers un »rand nombre, que les Allemands ■envoyent k Conftantinople, après eur avoir coupé le nez. Ces événenents fe pafferent peu après le reour de Liutprand. Dès les premiers ours de 1'année fuivante , Pandulf, urnommé Tête. de fer, Prince de Bélévent 8c de Capoue, marche a 1'attaque  du Bjs-Empirs. Liv. LXXF. 145 taque de Bovino. Les Grecs, renfermés dans la ville, font une vigoureufe fórtie; Pandulf eft pris & conduit k Conftantinople. Les vainqueurs profitent de leur fuccès, entrent dans 1'Etat de Bénévent, prennent Avellino, ravagent tout ie pays, & vont camper devant Capoue. Après quarante jours de fiege, Eugene, leur Général, effrayé du bruit qui fe répandoit qu'Othon étoit en chemin avec une grande armée, décampe en diligence, Sc regagne -la Pouille. Othon, ne trouvant plus les Grecs devant Capoue, va faire le fiege de Naples; mais n'efpéranl pas y réuffir, il retourne fur Avellino qu'il reprend Sc qu'il rend aux Bénéventins. II s'avance enfuite dans la Pouille, & rencontre prés d'Afcoli une armée Grecque, commandée pat le Patrice Abdila. Eugene avoit révolté contre lui toute la Province , & fes propres foidats, lalTés de fes cruautés , s'étoient faifis de fa perfonne, Sc 1'avoient fait conduire k Conftantinople chargé de fers. II y eut une bataille fanglante Sc opiniaire , oii les Grecs furent vaincus< Tome XVL G Basile 11. Cons- TANTIN VIII. Nicéphore II. Ann. 969,  Basile II. consTAtJTINVIII. Nicéphore II. Ann. 969. XXIV. Guerres en Bulgarie. Leo. Diac. Du Cange fam. Buig. p. 3'4- 14<5 HlSTOlRE Othon ravage le pays jufqu'aux portes de Naples, prend Bovino , & retourne a Ravenne avec un grand butin. Dans ce même temps, il fe formoit un autre orage contre l'Empire du cöté de la Bulgarie. Calocyr, chargé par Nicéphore d'exciter les Ruffes a tomber fur les Bulgares , n'avoit que trop bien réuffi. Depuis deux ans, la Bulgarie étoit en proie a ce peuple barbare, & Calocyr, fier du fuccès de fa commiffion, &: s'attribuant tout 1'honneur de la guerre , portoit fon ambition jufqu'au tröne Impérialen fe figuroit qu'il pourroit y parvenir avec le fecóurs des Ruffes. II s'ouvrit de ce deffein a Venceflas, & lui perfuada de s'établir en Bulgarie, lui promettant que s'il 1'aidoit a fe rendre maitre de Conftantinople , il lui ouvriroit le tréfor de l'Empire,&le rendroit le plus riche Monarque de la terre. Venceflas, auffi avide d'argent que de fang & de carnage, fe prépare a Ia conquête de la Bulgarie. Cependant Nicéphore , informé des pernicieux projets de Calocyr, prend le parti de fe ré-  du Bjs-Empire. Livi LXXF 147 concilier avec les Bulgares. II envoye demander a Pierre fes deux filles pour les deux jeunes Empéreurs , fils de Romain, afin d'établir entre les deux peuples Chrétiens une alliance folide & durable. Pierre accepte cette propofition avec joie; on met les Princeffes fur un chariol felon la coutume des Bulgares; leut pere les embraffe avec larmes : Jt vous confie , dit-il aux Envoyés, a que j'ai de plus cher; dites d votre maltre qu'étant dlformais uni avec nou: par cette alliance facrée , il lui firo'u honteux de nous laiffer d la merci d'ur. peuple idoldtre & féroce : qu'il fe joigne d nous pour nous délivrer du joug des Ruffes ; rien ne réfifiera d fes arme< toujours viclorieufes. Venceflas marchoit alors en Bulgarie a la tête de foixante mille hommes , avec Calocyr qu'il avoit adopté pour fon frere II paffe le Danube. Les Bulgares vien nent a fa rencontre au nombre de trente mille hommes , & font battu: au bord du fleuve. Ils fe renfermem dans Driflra. Le Roi Bulgare, défef péré de fa défaite, eft pris du ma! caduc, & meurt peu de jours après. G ij Basile IIConstantieVIII. Nicéphore II. Ann. 969.  Basile II C ONSTANTIN VIII. NicÉrHO' re II. Amn. 969 XXV. Confpirationcontre Nicéphore. Cedr. p. 662, 665. Zon. torn. 12.p. 207, aoS. Manciff. pag. IlS, 119. H% H I S T 0 I R E A cette nouvelle, Nicéphore ren' voye en Bulgarie les deux fïls de Pierre , Borisès & Romain , qu'il avoit jufqu'alors retenus a Conftantinople. La Bulgarie, envahie par les Ruffes, étoit encore déchirée par une guerre civile. Quatre freres , profitant du défordre de ce malheureux pays, avoient formé un parti pour s'emparer de la couronne : leur ambition forcenée vouloit régner fur des débris & fur des ruines. Cependant les légitimes poffeffeurs devenus les plus forts, fe mirent en devoir de repouffer les Ruffes. Ils furent battus , faits prifonniers, & mis aux fers dans Paraftlava , capitale de Bulgarie , dont. les Ruffes s'étoient emparés. L'Empereur, affligé du défaftre de fes nouveaux alliés, fe difpofoit k marcher en Bulgarie , lorfqu'il fut arrêté par un incident extraordinaire. Un inconnu fous 1'habit d'Hermite , vint lui préfenter une lettre, par laquelle il étoit averti qu'il mourroit au mois de Décembre. Le porteur de la lettre s'éclipfa auffi-töt, fans qu'il fut poffible de le découvrir.  ru Bas-Empire. Liv. LXXV. 149 Frappé de eet avis, il tomba dans une profonde mélancolie ; il renonca a toute la pompe Impériale, & ne voulut plus coucher que fur la terre en habit de Moine. Quoique ce Prince fut d'un tempérament affez froid & peu enclin a 1'amour, il avoit aimé Théophano avec paffion. Mais depuis quelque temps, foit par dégout, foit par un effet de fon indifférence naturelle, il s'étoit éloigné du commerce de la Princeffe. Cette femme ardente & voluptueufe avoit formé une intrigue fecrete avec Zimifcès, aulTi bien fait que vaillant; & comme elle avoit toujours confervé fon empire fur 1'efprit de fon mari, elle s'en fervit pour faire rappeller fon amant, tombé en difgrace. Zimifcès, le plus brave guerrier de l'Empire , avoit donné de la jaloufie a Léon, frere de 1'Emperenr, qui vint k bout k force de calomnie», de lui faire öter le commandement des troupes. II ne fe crut pas dédommagé par la -charge d'Intendant général des Poftes; & le mécontentement qu'il témoigna de eet emploi peu afforti k fon humeur guerriere , le rit exiler dans fes terres. G iij Basile II. Cons- TANTIN VIII. Nicéphore II. Ann. 969. Glycas , pag. 50S. Joel. p. 1S1. Leo. Diac. Du Cange fam. Byi. p. ijo.  Basile II. Cons- tantin Vilt NlCÉPHOke IL Ann, 969. 15° HlSTOIRM II n'y féjourna pas Iong-temps. Théophano, ennuyée de fon abfence, obtint pour lui la permiffion de venir a Chalcédoine , mais avec défenfe de rentrer dans Conftantinople. Le trajet du Bofphore n'étoit pas un obftacle k la paffion de 1'Impératrice. Zimifcès le paffoit pendant la nuk, & s'introduifoit chez elle par des voies fecretes qu'elle lui avoit ménagées. Enfin, laffe de cette contrainte, elle ie preffa de fe faire lui-même Empereur, & s'ofFrit k le fc-rvir de tout fon pouvoir. Zimifcès étoit mécontent & ambitieux : chéri des troupes parmi lefquelles il avoit paffe fa vie, il avoit des amis auffi déterminés, que dévoués a fon fervice : il fit paffer chez 1'fmpératrice les plus hardis d'entr'eux, qu'elle cacba dans une chambre obfcure. Le foir du dix Décembre, un Clerc du palais vint mettre entre les mains de 1'Empereur •in écrit qui portoit que 1'Empereur devoit être affaffiné la nuit prochaine, & que s'il faifoit fouiller 1'appartement de 1'Impératrice, on y troui'eroit les affaftins. Nicéphore donna ardre au premier Chainbellan de faire  nu Bas-Empirb. Liv. LXXF. 151 la vifite; celui-ci, foit par trahifon, foit par une funefte négligence, vifita tout, excepté la chambre qui recéloit les conjurés. La nuit fuivante, Zimifcès aborde au port de Bucoléon au pied de la muraille du palais. II amenoit avec lui Burzès, celui qui avoit pris Antioche & qui en avoit été fi mal payé de 1'Empereur Léon, furnommé Falens , c'eft-a-dire, le Fort, Théodore le noir & deux autres Capitaines. Les femmes de 1'lmpératrice qui les attendoient, leur defcendent des corbeilles, & les tirent fur le mur. Ils vont fans bruit a Pappartement de PEmpereur. Ceux qu'on avoit tenus cachés dans la chambre obfcure, fe joignent a eux. Théophano avoit pris toutes les mefures néceffaires poiu leur faciliter Paccès fans être appercus. Ne le trouvant pas dans fon lit. ils fe croyent découverts ; ils alloienl prendre la fuite, &c fe précipiter dn haut des murs, fi un petit eunuque. fortant de Pappartement des femmes, ne les eüt conduit au lieu oü repofoit Nicéphore. II s'étoit retiré dan; la fortereffe dont j'ai parlé, qui conv G iv Basile II. Cons- TANTIN VIII. Nicéphore II. Ann. 969. XXVI. Affaffinat dé Nicéphore.  Ba «ie II. Constant-inVIII. Nicéphore II. Ann, 969, ( - J i 1 < < t t £ t 1 c ï r f h 15* H I s T 0 I r e muniquoit avec le palais, & qui Venoit d'être achevée le jour précédent, lis le trouverent couchépar terre fur une peau d'ours. II venoit de s'endormir, & ne les entendit pas entrer. Zimifcès le réveille d'un coup de pied; & comme il levoit la tête en sappuyant fur fon coude, Léon lui rend le crane.d'un coup d'épée. On Ie traïne aux pieds de Zimifcès r qui taccable d'injures & de reproches, hu arrache la barbe, lui fait brifer ies machoires avec Je pommeau des üpees. Nicéphore endtiroit ces hor;ibles traitements fans dire autre chos, finon : Mon Dieu, aye[ pitii de noi. Enfin, Théodore le noir I'aheva d'un coup de lance en travers hl corps. Comme les gardes, averis par le bruit, accouroient au femirs, & qu'une foule de peuple ^affembloit au-dehors, on coupe la ête au Prince expirant, & on la ïontre par une fenêtre a la lueur es flambeaux. A catte vue, tous rennent la fuite, & Zimifcès deveure maitre du palais. On dit que ir 1'avis que Nicéphore avoit recu \ foir précédent, il avoit mandé a  nu Bas-Emfire. Liv. LXXF. 153 fon frere Léon de venir promptement au palais avec une efcorte bien armée : que Léon qui jouoit alors , & qui étoit paffionné pour eet amufement, remit la led ure de la lettre après fa partie ; que Payant lue alors il fe mit en devoir d'exécuter Pordre de fon frere; mais qu'en paffant prés du Cirque, il entendit parler de ralTaffinat, &c proclamer Empereur Zimifcès : que faifi d'effroi , il ne fongea qu'a fe fauver avec fon fils dans 1'Eglife de Sainte-Sophie. Le cadavre de Nicéphore demeura tout le jour en plein air, couché fur la neige , & ne fut enterré que le fok. Ce Prince étoit agé de cinquantefept ans 5 il en avoit régné fix & quatre mois moins cinq jours, a compter du jour de fon couronnement. Si Pon en croit les Hiftoriens de l'Empire , c'étoit 1'homme le plus vaillant & le plus vigoureux de fon temps; favant dans Part de la guerre, aöif. infatigable , infenfible aux plaifirs . d'une ame élevée, auffi grand dan: le gouvernement civil que dans h conduite des armées, jufle & pleir de droiture , pieux &c exacr a s'acG v SasileII- CONSTANTIN vin. Nicéphore II. Ann, 969, ( XXVII. Eloge rle Nicéphere. 1  BasileII. C ONSTANTINVIII. Nicéphore II. Ann. 969. 154 HlSTOIRE quitter des devoirs de la Religion, Mais ee portrait eft démenti en plufieurs points par le récit de fes actions. A enjuger par cette regie, la moins fujette I erreur, il eft a craindre que fa piété ne fut qu'hypocrifie. Ses amours avec Théophano ne font pas Péloge de la pureté de fes mceurs Sc de fon éloignement des plaifirs mêmes les plus criminels. Son avarice inhumaine, fes monopoles fuffiroientpour effacer toutes fes bonnes qualités. Sa perfidie al'égard d'Othon eft feule capable de déshonorer. la plus belle vie. Aufli les Hiftoriens Grecs 1'ont-ils paffée fous filence; Sc ce trait fi honteux ne fe trouve que dans les Hiftoriens Occidentaux. II feroit a fouhaiter pour 1'honneur de Nicéphore, que ceux-ci euffent été mal informés; ee qu'il eft difficile de eroire. Quoi qu'il en foit, on ne peut eontefter a ce Prince dTavoir été le plus grand guerrier de l'Empire depuis Théodofe; Sc fes conquêtes fur les Sarafins donnent lieu de conjecturer , que s'i! ent vécu plus longtemps , il auroit rendu a l'Empire , du moins du coté de 1'Orient, toute  du Bjs-Emj?ir.e. Liv. LXXV. 155 fa gloire & fon ancienne puiffance. ' Aufli-töt après l'affafTinat de Nicéphore , quatre heitres avant le jour, les conjures s'emparent de 'la perfon- , ne des deux jeunes Princes, & cou- ■ rent avec eux par toutes les rues & les carrefours de la ville , proclamant Empereur Jean Zimifcès. Ce furnom lui avoit été donné d'un mot de la langue Arménienne, a caufe de fa petite taille. Mais il avoit la force d'un géant, & le courage d'un héros. II étoit agé de quarante-cinq ans. IfTu par fon pere d'une des plus nobles families de 1'Orient, coufin de Nicéphore par fa mere, il étoit petit-neveu de ce Curcuas, fi célebre par fes grandes aftions & par fa difgrace fous le regne de Lécapene, & petit-fils de Théophile , frere de ce Curcuas, gc fon égal en valeur. Héritier de la gloire de fes ancêtres, & brillant de fes propres exploits, il méritoit la couronne, s'il eüt pu 1'acquérir fans crime. Dès qu'il fe vit maitre de la ville, il déclara, comme avoit fait Nicéphore, qu'il ne Vouloit être que le collegue des deus jeunes Empéreurs, 1'un £gé de onze G vj iasileII. CONSTANTIN VIII. ^IMISCÈS Lnn. 969. XXVIII. Zimifcès 5roclams ïmpereur. Cedr. p. 66;, 664, 665. Zon. lom. lip. aoS, 209. Manaff. pag. HO. Glycas, pag. 308. Joel. p. 181. Leo. Diac. Du Cange fam. By\. p. i53«  Basile II. Cons- TANTIN VIII. ZlMISCÈS Ann. 1 1 1 < i I S {, c i u p B ffiSTaias ans 1'autre de fuut, & qu'H Jeur tiendroit lieu de pere. L'eunuque Ba"Ie, fils naturel de Lécapene, avoit ete grand-Chambellan de Nicéphore, qur, fatisfait de fes fervices, avoit créé pour lui la dignité deProejrc, c eft-a-dire , Préfidentde laCour. C etoit un homme vaillant, fouple, adroit, mais très-méchant. II s'étoit Rgnale dans les guerres contre les Sarafins, & avoit joué un grand röle lans Ia révolution qui avoit mis Nicéphore fur Ie tröne. II fut le prenier k 1'abandonner, & a faire fa :our au meurtrier de fon Prince. Zimfcès, qui eftimoit fes talents, & [ui avoit été plus d'une fois témóin, Ie fon courage, crut avoir befoin de on expérience; il Ie choifit pour Miiflre; & ce fut dans ce Prince un veuglement funefte que de donner i confiance k un homme plus attabé a fafortune qua fesmaïtres.Dès ue Bafile fut a la tête des affaires , écarta tous les ferviteurs de Nicébore. Léon le Curopalate fut exilé Lesbos; fon fils Nicéphore, grandaïtre ^de la garde-robe, k Imbros; u-das Phocas, fon fecond fils, Gou-  nu Bas-Empire. Liv. EXXF. 157 verneur de Chaldie & de Colonée , eut ordre de ne pas fortir d'Amaiie: fon troifieme fils, Pierre Phocas, fut épargné , peut-être paree qu'il étoit eunuque. Bafile dépouilla les autres de tout emploi civil & militaire; il leur fubftitua fes amis & les partifans de Zimifcès. Au contraire, il rappella tous ceux que Nicéphore avoit bannis, & fur-tout les Prélats, exilés pour avoir refufé de foufcrire aux innovations que Nicéphore avoit introduites dans le gouvernement eccléfiaftique. II ne fallut que fept jours pour rétablir 1'ordre & la tranquillité troublée par la révolution. La première fois que Zimifcès fortit du palais, ce fut pour aller k SainteSophie fe faire couronner, felon 1'ufage. Comme il approchoit, le Patriarche Polyeu&e vint au-devant de lui, pour lui déclarer qu'il ne pouvoit lui donner entrée dans 1'Eglife, tandis qu'il avoit encore les mains toutes fumantes du fang de fon prédéceffeur & de fon parent; qu'il falloit auparavant expier ce forfait, chaffer du palais 1'Impératrice , qui avoit ourdi cette trame criminelle, décla- BASltEll. CONSTANTIN VIII. ZlMISCÈS Ann. 969. XXIX. Couronnementde Zimifcès.  BasileII CONS TANTIN VIII. ZlMIsCÈj Ann. 969, j ] j ) 4 H ? S T Q I R E rer & punir le meurtrier, & rem ettre entre les mains du Synode le decret porté contre 1'Eglife. Zimifcès promit d'obéir a tout, & tint parole , facrifiant a fa couronne les rmniftres de fon crime , & Théophano meme dont la paffion meurtriere Tavoit fait Empereur. II jura qu'il n'avoit point-trempé fes mains dans le fang de Nicéphore; que les affaffins étoient Léon Valens & Théodore le noir; il les bannit avec leurs complices , & tous périrent miférablement, Théophano fut reléguée dans 1'iflè de Proconefe; elle trouva moyen peu après de revenir fecretement a Conftantinople , & fe refugia dans 1 Eghfe de Sainte-Sophie. Bafile 1'en ayant fait tirer de force, Ia fit tranfporter en Arménie dans un Monaftere que Nicéphore avoit fondé. Mais rvant que de fortir de Conftantinoïje, ayant obtenu de pariera Zimifcès, elle éclata contre lui avec fureur, ui^ reprochant ouverfement tout ce' ju'elle auroit dü cacher; & vovant ón fils Bafile auprès du Prince,"elle ui fauta au vifage, & I'accabla de :oups de poings, 1'appeHanr un Scy  du Bas-Empire. Liv. LXXF. 159 the, un barbare. Elle 1'eut étranglé, fi on ne 1'eut arraché de fes mains. On exila fa mere a Mantineum en Cappadoce. L'Empereur déchira publiqu'ement 1'édit de Nicéphore injurieux k 1'Eglife, & déclara qu'il remettoit la difcipline eccléfiaftique en fon premier état. II promit encore, pour l'expiation de fon crime, de diftribircr aux pauvres tout ce qu'il avoit poffédé de biens avant d'être Empereur. Après qu'il eut rempli ces conditions, il reent la couronne, le jour de Noël, des mains du Patriarche , & retourna au palais fuivi des acclamations des foldats & du peuple. Après quelques jours de repos , il fit deux parts de fes biens : il étoit riche de patrimoine, & 1'étoit devenu encore davantage par la libéralité des Empéreurs, qui Pavoient comblé de largelTes en récompenfe de fes exploits militaires, II en donna une part pour être diftribuée aux habitants des campagnes voifines de Conftantinople; H. employa 1'autre k doter & aggrandir une léproferie fituée vis-a-vis de la ville au-dela du Bofphore. II y alloit fouvent lui-même, il diftribuoit des au- BasileII. Cons- tantin VIII. ZlMISCÈS Ann. 960.  BasheII. CONSTANT1N yni. zimiscès ; Ann. 969. i 1 < 1 f r c i fi g é ï a c P —— P Ann. 970. » XXX. rr Bafile p( Scaman- •L drin fuc- ^ cedeaPo- té Jyeufte fur le fie- ldo HlSTÖIfLE triones aux malades; il les panfoit de fes propres mains; il oublioit la majefté du tröne & le fafte de la poursre pour fecourir les malheureux. Zinifcès poffédoit ces qualités enchanereffes, qui font oublier les grands :rimes ; il n'avoit que les vices que es peuples pardonnent aux Princes [ui les rendent heureux. Doux, affa'le, libéral, il ne favoit point reLifer de grace, k moins qu'elle n'alït au détriment de fes fujets; auffi ontent, auffi gai lorfqu'il donnoit, ue ceux mêmes qui recevoient: & fon Miniffre Bafile n'eüt arrêté fa énérofité, elle auroit en peu de temps puifé les tréfors, que 1'avarice de ficéphore avoit accumulés. Mais il .moit la table , & fe livroit aux exïs de la débauche, autant qu'elle ne ^uvoit nuire aux affaires de 1'Emre. Polyeuctenefurvécutque 23 jours la cérémonie du couronnement. II ourut le 16 Janvier fuivant, & eut )ur fucceffeur Balile,Moine du montlymphe, renommé pour fa fainte. Bafile fut ordonné le premier Dianche de Carême, 13 de Février.  du Bas-Empire. L'w. LXXF. 161 On lui donna le iurnom de Scamandrin , k caufe d'un monaftere qu'il batit au bord du Scamandre. Depuis la mort du Patriarche Chriftophe toé par 1'Emir Sarafin , Antioche étoit fans Pafteur. L'Empereur nomma pour remplir ce fiege un faint Hermite de Colonée prés de 1'Arménie mineure, nommé Théodore. II avoit prédit a Zimifcès qu'il feroit élevé a l'Empire, & Pavoit exhorté d'attendre le moment oü il pourroit y parvenir fans crime , 1'avertiffant que s'il écoutoit les confeils de 1'ambition, il avanceroit le terme de fes jours. Quoique Zimifcès n'eut pas fuivi fes avis , il avoit confervé pour lui beaucoup d'eftime. Théodore fut ordonné par Polyeu&e qui vivoit encore. II obtint de PEmpereur de transférer en Occident dans quelque contrée déferte les Manichéens, qui infeöoient tout 1'Orient du venin de leur héréfie. On les raffembla par 1'ordre du Prince, & on les fit paffer en Thrace a Philippopolis d'oii cette fecte contagieufe fe répandit er Occident. Le changement de maitre avoii Basile II. Cons- TANTXN VIII. ZlMISCÈS Ann. 970. ge de Conftantinople. Cedr. p. 665 ,666. Zon. tornII. p. 209» Joel p' 181. Leo. Ditte. Oriens Chrift. torn. 1. pag. 15 5 . *56. , XXXI, Guerre  BasileII. constantinVIII. ZlMISCES Ann. 970. des Sarafins. l6ü . HlSTOIRE augmenté les troubles de l'Empire. Tout étoit en mouvement fur les frontieres. Du cöté de 1'Orient, les conquêtes de Nicéphore étoient fur le point d'échapper. Ce Prince n'avoit pas laiffé de troupes fuffifantes pour retenir dans le devoir tant de villes prifes en Cilicie, en Phénicie, en Céléfyrie. En Occident, les Ruffes armés contre les Bulgares menacoient de tourner leurs armes contre les Grecs, qui les avoient imprudemment attirés en Bulgarie. II étoit encore a craindre que quelque révolte intérieure ne fe joignit aux périls du dehors: depuis trois ans, la famine défoloit l'Empire , & le murmure étoit général. Zimifcès commensa par remédier au mal le plus prochain. II acheta des bleds dans toutes les contrées voifines ; & fort différent de Nicéphore, il les fit vendre a bas prix. II fe crut bien dédommagé de cette dépenfe par PafFecfion de fes peuples ; & après les avoir foulagés , il fongea a fe faire refpefter au-dehors. II tourna d'abord fes armes du cöté des Sarafins. Tous les peuples Mahométans , Egyptiens , Perfes ,  nu Bas-Empire. Liv. LXXF. 163 Arabes , Africains , confternés de j la perte d'Antioche & d'une ii grande étendue de pays , s'étoient ligues enfemble ; & réuniiTant leurs forces, ils avoient fonné une armée de cent mille combattants. A la tête de cette ligue étoient les Sarafins de Carthaae, qui paffoient pour les plus habiles dans les guerres de terre & de mer. Le commandement général fut donné a 1'Africain Zochar , Capitaine d'une grande réputation. Cette armée formidable alla mettre le fiege devant Antioche. A la première nouvelle qu'en eut 1'Empereur , il envoya ordre au Gouverneur de Méfopotamie de raffembler en diligence toutes les troupes du pays, & de courir au fecours. 11 fit marcher en même-temps ce qu'il avoit de foldats a Conftanti nople & dans le voifinage ; & ayan ainfi formé une armée , il met i\ h tête le Patrice Nicolas, un de fe: eunuques, dont il connoiffoit les ta lents militaires. Nicolas s'étant join aux troupes de Méfopotamie , quoi que très-inférieur en nombre , livr bataille aux ennemis , & les déf entiérement avec antant de bonheu iASlLElT. CONSTANTIN VI u. Z.1MISCÈS Ann. 970, L t l t r  BasileII. constantinVIII. ZlMISCÈS Ann. 970. XXXII. G u erre des Ruffes. Cedr. p. 666, & fin- Zon, torn. 11. p. 209, 210. Leo. Diac. i < i 'i < r F r d P \ it r< I(54 Hls T 0 I R E que de courage. II ne fallut que cette achon pour diffiper la ligue Mufulmane. Déüvré de crainte de la part des Sarafins, d lui reftoit a éloigner de a Thrace la nation des Ruffes. CaJocyr les excitoit a retenir dans les fers Bonfes & Romain, fils du dernier K01, a demeurer maïtres de la Bulgarie dom le climat étoit plus doux cv le fol plus fertile que celui de leur pays natal, & a \u[ prêter leurs forces pour fe placer lui-même fur le ïrone de Conftantinople , leur promettant une ceffion en forme de la ^uJgarie une alliance perpétuelle, * un tnbut annuel tel qu'ils le vouIroient fixer. Ces propofitions plaioient fort a la nation & au Roi; & Zimifcès, infiruit de Ia trahifon de ^alocyr, fit dire a Venceflas, qu'ayant ecu de Nicéphore la récompenfe romife pour 1'expédition de Bulgaie , & les conventions étant rempiies e part & d'autre, il nê lui reftoit lus que de retourner dans fon payS enceflas ayant dif fiérement qu il' oit porter fa réponfe a 1'Empeur dans Conftantinople, Zimifcès  du Bjs-Empire. Lh. LXXV. 165 ne tarda pas a fe préparer a la guerre. II fit paffer en Occident quelques troupes d'Afie , & en donna le commandement k Bardas Sclérus, dont il avoit époufé la fceur , morte avant qu'il fut Empereur. II lui ordonna de former un cordon fur les frontieres de Bulgarie pour couvrir la Thrace, & d'y paffer le refte de Pannée & 1'hy ver fuivant. Mal inftruit de Ia fituation des Ruffes , il ne craignoit que quelques courfes, & ne penfoit pas qu'il y eüt d'action générale avant le printemps próchain. II avoit deffein d'aller lui-même alors fe mettre a la tête de fes troupes. Mais les Ruffes étoient déja en état d'agir; & dès qu'ils apprirent que les Grecs étoient en marche, ils déboucherent par les défilés du mont Hémus avec une armée de trente mille hommes, compofée de Ruffes, de Bulgares, de Patzinaces & de Hongrois. Après avoir traverfé la Thrace qu'ils mirent k feu & k fang , ils yinrent camper prés d'Andrinople, oü Sclérus s'étoit renfermé. Comme il n'avoit que dix mille hommes, il réfolut de fuppléer par BasileII. Cons- TANTIK vtn. ZiMISCÈS Ann, 970. XXXIII. Bataille d'Andrinople.  Basile II. Cons- tantin VIII. ZlMISCÈS Ann, 970, i < 1 < i 1 < a 1 1 1 i 166 H I S 7 0 I R E la rufe k ce qui lui manquoit de forces. 11 feint de trembler a la vue des ennemis qui le défioient fans ceffe; il ne répond rien k leurs bravades , Sc laiffé brüler k fes yeux toutes les campagnes d'alentour, fans faire au:un mouvement. Les barbares , perfuadés que la crainte le tenoit en:hainé dans la ville, courent librenent fans précaution & fans difci)line ; plus d'ordre , plus de garde levant leur camp. Ils patiënt les jours i infulter les afTiégés, les nuits k boire k k danfer au fon des flütes & des ymbales. Sclérus, les voyant dans :ette fécurité , répand pendant Ia uiit fes troupes en diverfes embuf:ades ; Sc au point du jour, il fait brtir de la ville un de fes Lieuteïants, homme de tête & de main, ivec un corps de cavalerie. II lui lonne ordre d'approcher de 1'enneni comme pour le reconnoitre, de aire quelque réfiflance lorfqu'il feoit attaqué ; mais de tourner le dós u bout de quelques moments en ion ordre, toujours au petit pas, Sc e battant en retraite, tournant vifae de temps en temps Sc faifant fer-  bv Bas-Ei>ipire. Liv. LXXV. 167 me, pour attirer par ce manege 1'ennemi dans les embufcades ; qu'alors il rompit fes rangs, & prït la fuite en défordre & k toute bride. Les Barbares formoient trois camps , les Ruffes & les Bulgares campoient enfemble, les Hongrois & les Patzinaces chacun k part. Le hafard voulut que 1'OfHcier eüt d'abord affaire aux Patzinaces. II exécuta poncf uellement fes ordres; & dès que les ennemis fe furent débandés pour s'abandonner k la pourfuite des fuyards, Sclérus , qui fe trouvoit en perfonne en ce lieu, fort de Pembufcade, & fe montre en bataille. Pendant qu'ils fe rallient, Sclérus les attaque avec furie ; en même-temps un autre corp; vient les charger par-derrière; il; font enveloppés & taillés en pieces II n'en échappe qu'un très-petit nombre , qui va porter Pallarme dans 1< camp de leurs alliés. Sclérus, fan; perdre un moment, marche aux Ruf fes qui s'étoient unis avec les Hon grois. Quoique la défaite des Patzi naces eüt jetté 1'effroi parmi eux, il: s'encouragent les uns les autres, & s'avancent vers 1'ennemi, la cavale Basile II. Cons- TANTIN VIII. ZlMISCÈS Ann. 970.  BasileII CONStant1nVIII. ZlMISCÈS Ann, 970. 168 II X S T O I R S rie en première ligne, Eile plie bientöt fous Telfort de celie des Grecs, & fe rej.ette fur Tinfanterie qui la foutient fans fe rompre. Les Barbares reprennent courage, & le fuccès devient douteux. Sclérus, fur un cheval vigoureux, parcouroit le front de fon armée, animant fes gens par la voix, par le gefle & par 1'exemple. Un RulTe, d'une taille gigantefque, s'élance hors des rangs^ court a lui le fabre haut, & lui décharge fur la tête un fendant terrible. La force du cafque réfifte au coup; Sclérus ripofte d'un revers, & fon fabre de meilleure trempe, fend la tête au barbare, & la fait tomber en deux parts fur fes épaules. En ce moment, un autre RulTe couroit au fecours de fon camarade , & alloit tomber fur Sclérus; Conftantin , fon frere, d'une force de corps extraordinaire, fe jette au-devant de 1'ennemi, qui évite le coup que lui portoit Conftantin; &c s'il en faut croire THiftorien Grec, !e fabrë tombe fur le cou du cheva\ avec tant de violence, qu'il lui ibat la tête. Le RulTe, étant renverfé ?ar terre avec fa monture, Conftantin  du Bas-Empire. Liv. LXXV. 169 tin faute fur lui, 1'égorge, & remonte i a cheval pour continuer de combat- 1 tre. Ces deux prodiges tle force & de valeur embrafent les Grecs d'un nouveau courage, & le font perdre aux ennemis. Les Barbares prennent la fuite , ils- fe laiffent maffacrer fans fe 'défendre. On fait encore plus de prifonniers; & il n'en feroit pas échappé un feul, fi la nuk n'eüt fait ceifer la pourfuite. Une fi grande victoire ne coüta la vie qu'a vingt-cinq foldats; mais prefque tous furent bleffés. Les Barbares perdirent plus de vingt mille hommes. A peine Sclérus avoit eu le temps de remettre 1'épée dans le fourreau, qu'il re$ut ordre de revenir en diligence k Conftantinople. Dès qu'il eft arrivé, on lui donne un corps de troupes légeres, pour aller chercher en Afie un nouvel ennemi. Bardas Phocas, relégué dans Amafie , avoit tramé un complot de révolte avec Léon fon pere, & Nicéphore fon frere, exilés 1'un k Lesbos, 1'autre k Imbros. S'étant fauvé du lieu de fon exil, il s'étoit rendu maitre de Céfarée de Cappadoce avec le feTomc XVL H SasileH. CoNSTANTIN VIII. ilMISCÈS A.nn. 970. XXXIV. Révolte de Bardas Phocas. Cedr. 669 , 670, 67i. Zon. t. 11. p. 210, 211. Joel. p. 181. Leo. Diae. Du Cange fdm. Byt* p. 150, 1511»53'  Basile II CONSTANTIN VIII. ZlMISCÈ Ann, 970 170 HlSTOIRB cours de^quelques mécontents , dont ' les principaux étoient deux fils du Patrice Théodule, Diogene Adralef- te,, 8c le Patrice Siméon Ampelas. Son ' crédit & celui de fes partifans lui ayant formé une petite armée, il prit •le diadême, & fe fit pröclamer Empereur par fes foldats. Cependant Léon fon pere , & fon frere Nicéphore pre•noiént des mefures fecretes pour paffer en Thrace , oii ils avoient un parti. Leur deffein futdécouvert par •1'Ëvêque d'Abyde, qu'ils avoient fait entrer dans leur complot. Ce Prélat, arrêté fur quelques foupcons, & convaincu, évita le fupplice en révélant toute 1'intrigue. Léon & Nicéphore furent pris 5c juridiquement cohdamnés a mort. L'Empereur modéra la fentence, 8c les condafiina feulement a :l'aveüglemerft, 8c a un exil perpétuel. On dit même que par:un éxcès de-dlémence, il fit dire aux exécuteurs dfe he leur ;pas crever les yeux, 'mais d'en faire feulement le femblant, comme fi c'eüt été de leur part üh trait d'humanité , farls en av'oir fecu Fördre. 'Ils:furent renvoyés a Meihymne dans 1'ifle de 'Lesbos,  bv Bas-Empire. Liv. LXXF. 171 Zimifcès avoit recommandé a Sclérus de mettre tout en oeuvre, pour éviter une guerre civile. Arrivé a Dorylée en Phrygie , Sclérus envoya folliciter Phocas & les autres conjurés de rentrer dans le devoir, leur promettant non-feulement Timpunité, mais des graces fingulieres de la part de 1'Empereur. Ces avances ne firent qu'augmenter Pinfolence des rébelles. Phocas répondit que l'Empire lui appartenoit a plus jufte titre, qu'a un altalTin qui avoit égorgé fon maitre dans fon lit. II fallut donc marcher contr'eux. Mais leur audace ne fe foutint pas. A 1'approche de Tarmée Impériale, ils prirent 1'épouvante ; & préférant les graces qu'on leur promettoit a une opiniatreté qui pourroit leur être funefte, d'abord Diogene Adralefte, enfuite Ampelas & les deux fils de Théodule, enfin tous les Officiers & tous les foldats pafTerent de nuit dans le camp de 'Sclérus. Phocas, refté feul avec fes domefliques , plein de dépit & de défefpoir, maudiffant les traitres qui 1'avoient eux-mêmes engagé a la révolte, monte a cheval avec fa maiH ij Basile H. Cons- TANTIN VIII. ZlMISCÈS Ann. 970. XXXV. Expédition de Bardas Sclérus contre ' Bardas Phocas.  jSasileII. CONST ANTIN VIII. ZlMISCÈS Ann. 97p, 172 H/STÖ1RE fon., & s'enfuit vers un chateau nommé Tyropée, qui n'étoit pas loin fur une hauteur. Sclérus envoye après lui des cavaliers, qui 1'atteignent au pied de la montagne. Leur Capitaine nommé Charon, 1'ayant reconnu, fait faire alte; Sc voulant avoir fevil 1'honneur de tuer ou de prendre Phocas, il devance fes gens de bien loin , Sc eourt a lui la piqué baiffée, le charr geant d'injures, Sc le défiant de 1'attendre. Phocas, qui le connoilfoit, fait volte face, Sc le regardant avec indignation : Ldche que tu es, lui ditil, au - lieu de niinfulter, tu devrois plaindre le fils a"un Curopalate, le petit-fils cCun Céfiar, le neveu d'un Empereur, devenu le jouet de la fortung. Je fius ton Général, je fuis malheureux, & tu viens m'accabler. En difant qes mots, il prend en main une maffe d'armes qui pendoit k Parcon de fa felle , Sc s'élan^ant fur 1'ennemi, il lui en décharge un coup fi terrible, qu'il Je jette mort en-bas de fon cheval, Sc continue de fuir. Les cavaliers arrivés au lieu du combat , voyant le cadavre de leur Capitaine % prennent 1'effroi, Sc tournent bride;,  nu Bas-Empire. Liv. LXXV. 173 Sclérus marche au chateau avec fon armée, Sc avant que de 1'attaquer , il employé encore les voies de la douceur. II promet avec ferment au rébelle de le fervir de tout fon crédit , & de lui obtenir le pardon de fa révolte , s'il veut s'en remettre de bonne foi a la clémence de 1'Empereur. Sclérus ctoit allié de Phocas, dont la fceur Sophie avoit époufé Conftantin , frere de Sclérus. La propofition fut écoutée, Sc Phocas fe foumit après avoir recu par fermenl 1'affurance de ne point éprouver d« traitem ent rigoureux. L'Empereur f( contenta de le faire mettre au rang des Clercs, Sc de le reléguer dan 1'iile de Chio. Ainfi fut éteinte cett< rébellion , qui auroit pu réveille: tous les amis du défunt Empereur Sc allumer une grande guerre.^ L'hyver fuivant fe pafla en fêtes a Toccafion du mariage de Zimifcès Ce Prince , veuf de Marie, fceur d Bardas Sclérus, époufa, par le con feil duChambellan Bafile,Théodora fille de Conftantin Porphyrogenete Sc fceur de Romain le jeune. Ten au contraire de Théophano, elle n\ H iij BasileIL ConstantieVIII. ZlMISCÈS Ann. 970. ■ xxxvr. Mariage de Zimif- cès. » t  BasileII CONSTANTIN vat ZiMISCÈi Ann. 971 XXXVIÏ. Guerr< contre Ie! Ruffes. Cedr. p, 671, & feqq. Zon. torn, II. p. 211 £ Leo. Diae. " Du Cange Jam. p. 153 . 314. 174 HlSTOlRE toit pas belle, mais chafte & ver' tueiiïe. Ce mariage fut très-agréable aux Grecs , qui eonfervoient k la familie de Conftantin la tendreffe qu'ils avoient eue pour ce Prince. La cléfaite des Ruffes n'avoit pas achevé la guerre ; ils demeuroient maitres de la Bulgarie; & le deffein de Zimifcès étoit de les en faire fortir, & de rendre ce pays a l'Empire, La nature du terrein hériffé, de forêts, & la férocité de cette nation barbare rendoit cette expédition difficile. Zimifcès encouragea fes troupes par fes largeffes, par le choix qu'il fit des Officiers les plus braves & les plus expérimentés, & par Ie foin qu'il prit de pourvoir aux fubiiftances en établiffant des magafins, 11 avoit paffé lTiyver k mettre en état une flotte, dont il donna le commandement k Léon, qui fut enfuite Protoveftiaire , c'eft-a-dire , grandIvJaitre de la garde-robe; il lui donna ordre de fe pofter k 1'embouchure du Danube, pour couper aux Ruffes la retraite par la mer noire. Ces difpofitions étant faites, il partit de Conftantinople au commencement du  du Bjs-Empire. Liv. LXXV. 175 printemps, fous 1'étendard de la croix, après avoir imploré le fecours du Ciel pour la profpérité de fes armes, &c donné les ordres néceffaires pendant fon abfence. Lorfqu'il fut arrivé a Rhédefte, on lui préfenta deux Ruffes; c'étoient fous le nom de députés , deux efpions qui venoient reconnoitre 1'état de 1'armée. Ils fe difoient envoyés pour fe plaindre des hoftilités. Mais perfonne ne s'y trompa. L'Empereur, pour montrer fon affurance, les fit conduire partout le camp , & leur laiffa confidérer en liberté le nombre, la qualité , & la bonne difcipline des troupes. 11 les congédia enfuite , en leui difant, qu'ils allaffent rendre compt< a leur maitre , en attendant qu'il lu donnat le même fpecfacle. C'étoit Tar mée la plus belle & la plus lefte qu'01 eüt mis fur pied depuis long-temps formidable non par le nombre, mai par le choix des troupes. A la têt marchoit le corps des immortels gens d'élite , armés de toutes pie ces. Suivoient dix mille cinq cent fantaffins, &c treize mille cavalier; L'arriere - garde qui conduifoit le H iv Basile II. Cons- tantin VIII. ZlMISCÈS Ann. 9XI, i 1 » s > s %  Basile II. ConstantieVIII. ZlMISCÈS Ann, 971, XXXVIII Zimifcès ir.arche en Bulgarie. 176 BlSTOIfLE bagages , les valets , les machines obfidionales, marchoit lentement fous les ordres du Chambellan Bafile. Après avoir traverfé fans obftacle les défilés du mont Hémus, Zimifcès pritles devants avec cinq mille hommes de pied & trois mille chevaux, ïaifTant ordre a Bafile de le fuivre avec le refte, fans fatiguer les troupes par trop de diligence. II entre dans le pays ennemi phitöt que les Rulles ne s'y attendoient, & campe prés de Paraftlava , ville alors grande & puiffante, qui ne fubfifte plus aujourd'hüi. Cette campagne, digne des plus célebres Capitaines de 1'ancienne république, donne une grande idéé de la fcience militaire, & de la bravoure perfonnelle de Zimifcès. A fon approche , Calocyr , auteur de tous ces maux , & qui fe trouvoit alors dans la place, ne jugea pas k propos de 1'attendre; faifi d'effroi, il fortit fecretement de la ville la tiuit fuivante , & alla porter 1'allarme dans le camp de Venceflas. Ce Prince, trompé par la diligence de 1'Empereur , étoit éloigné de  du Bjs-Empire. Liv. LXXF. 177 quelques journées; 5c comptant fur la force de la place, 8c fur le nombre & le courage des Ruffes qui la gardoient , il ne fe hata pas de fe mettre en marche , perfuadé qu'il auroit meilleur marché des ennemis , lorfqu'il les trouveroit affoiblis 8c harraffés par les fatigues d'un fiege, qui devoit être long 6c meurtrier. Zimifcès arrivé a la vue des murailles, Sc débouche dans la plaine au fon des trompettes , des cymbales 5c des tambours. Les Ruffes fortent a fa rencontre au nombre de huit mille cinq cents, pouffant des cris affreux. Ce n'étoit que de Tinfanterie ; la cavalerie Ruffe , peu exercée aux évolutions, n'étoit gueres employée que dans les courfes , 6c fe hafardoit rarement a combattre. Après une affez vive réfillance, ne pouvant foutenir les décharges des javelots, ils prennent la fuite, laiffant fur la place grand nombre de leurs gens. Tous les habitants de Paraftlava étoient foldats ; a la vue desfuyards, ils fortent en foulepour les fecourir, armés de ce que chacun H v Basile II. ConstantikVIII. ZlMISCÈS Ann. 971. XXXIX. Première aftion de Zhnifccs,  Basile II. Cons- tantin VIII. ZlMISCÈS Ann. 971, XL, Prife de Parafltava. 178 B I S T 0 I R E trouve fous fa main. Cette multitude confufe ne tint pas long-temps contre des troupes réglées & bien commandées. Mais pendant le combat, 3a cavalerie Grecque leur avoit coupé le retour; en forte que ne pouvant rentrer dans la ville, ils fe difperferent dans la campagne, oü les vainqueurs en firent un grand carnage. La nuit mit fin a la pourfuite. Les RutTes perdirent plus de huit mille hommes dans cette première acrion. Sphagel, le plus diftingué de la nation après Venceflas, commandoit dans la ville; il fe met en état de foutenir le fiege; il barricade les portes, & garnit le haut des murs d'un amas de javelots & de pierres. Le lendemain, 13 Avril, jour du Jeudi - faint, Bafile joignit Zimifcès au point du jour avec le refte de 1'armée. Son arrivée augmenta la joie de la viófoire; & pendant que toutes les troupes réunies prenoient leur pofte autour de la ville, 1'Empereur, monté fur une éminence pour fe faire voir aux Ruffes, les fit fommer de fe rendre,plutöt que de s'expofer aux  du Bas-Empire. Liv. LXXV. 179 défafbres inévitables a. une ville prife d'affaut. Les affiégés ne répondent que par des infultes. Les Grecs, embrafés de colere, abattent a coup de traits ceux qui paroiffent fur les murs, plantent les echelles, & montent k 1'afTaut avec fureur. Un foldat, emporté par fon courage, fe couvrant de fon bouclier-, au travers des traits &c des pierres qui pleuvoient fur lui de toutes parts, atteint le haut du mur, tue, écarté , renverfe tout ce qu'il y rencontre , & par des prodiges de force & de valeur, fe maintient dans le pofte dont il s'eft emparé. Ses camarades le joignent, &z achevent de nettoyer la muraille. A eet exemple, toutes les échelles font couvertes d'affaillants; les Ruffes font par-tout précipités. Dans ce défordre, plufieurs foldats fautent dans la ville, ouvrent les portes, & donnent entrée k toute Parmée. On maffacre les hommes , on fait prifonniers les femmes & les enfants, On trouva dans une maifon, Borisès, Roi des Bulgares , avec fa femme ck fes deux fils. Quoi* que captif, il portoit encore les marqués de la royauté. Onl'amene k 1'EmH vj Basile II» constantihVIII. ZlMISCÈS Ann. 971,  Basile H. CüNSTANTIN vm. ZlMISCÈS Ann. 971, XL1. Attaque 5c prife du pal ais. l8o IJ I S T 0 I R E pereur qui le recoit avec bonté, lui donnant le titre de Roi, & lui difant qu'il n'eft 1'ennemi que des Ruffes, & qu'il eft venu pour délivrer les Bulgares de leur tyrannie. II fait mettre en liberté les prifonniers Bulgares , & leur permet de fe retirer oü ils voudroient. Cependant environ huit mille Ruffes s'étoient retirés dans le palais. C'étoit une place forte oü ils efpéroient fe défendre. Comme ils s'y tenoient cachés, & qu'ils avoient laiffé une porte ouverte pour ne pas donner de foupcon, ils tomboient fur les foldats, que le defir du pillage y attiroit, & les égorgeoient. L'Empereur, averti de ce maffacre, rallie fes troupes, & les conduit en ce lieu. La porte fut fermée a Pinftant, & les Ruffes fe préparoient a vendre bien cher leur vie. Comme les Grecs, déja fatigués & occupés du pillage, fe portoient mollement k cette nouvelle attaque, PEmpereur, couvert de fes armes, fe met a pied k leur tête. A :efte vue, les foldats s'animent d'un nouveau courage; chacun veut depaneer 1'Empereur j 6c le couvrir de  du'Bas-Empirb. Liv. LXXV. 1S1 fon corps. Ils montent k grands cris k ce nouvel affaut, cl trouvant une ' vive réfiftance, ils mettent le feu en plufieurs endroits. Les Ruffes, demibrülés, fautent en-bas des murailles; les uns font la proie des flammes, les autres périffent dans leur chüte; •le refte eft tué ou pris. La conquête de cette grande ville ne coüta que deux jours. Zimifcès Ia rétablit, & changea fon nom en celui de Joannopolis. II y mit une forte garnifon, & la fournit abondamment de toute forte de fubfiftances. II y célébra la fête de Paques, & partit le lendemain pour marcher k Driftra. Cétoit 1'ancienne Doroftole, que quelques Géographes nomment aujourd'hui Siliftrie. Le grand Conftantin Pavoit relevée dès les fondements, & en avoit fait une belle & grande ville. Cette nouvelle affligea d'autant plus Venceflas, qu'il s'attendoit k une longue réfiftance. Cependant loin de perdre courage, il anime fes gens par les motifs de 1'honneur & de la vengeance. II donne ordre a tout; & comme il foup^onnoit quelques Bulgares de s'entendre avec L'ennemij SasileIÏ. CONSTANT1N vin. E.imiscès \.an, es de Thrace & de Macédoine s &  x>u 3 as-Empire. Liv. LXXV. 1S5 par la porte Occidentale, oü Bardas Sclérus avoit fon pofte avec les troupes d'Orient. L'infanterie Ruffe étoit mêlée de cavaliers; ce qui n'étoit pas ordinaire. On les rëpouffa vigoureufement, mais avec peine. Enfin, ayant laiffé par terre un affez grand nombre de leurs gens, & fürtout de cavaliers, ils rentrerent dans la ville. Les Grecs ne perdirent que Irois chevaux, & pas tin feul homme. Pendant le refte de la nuit, on entendit les cris lamentables des barbares qui pleuroient la mort de leurs camarades. Au point du jour , ils rappellerent tous leurs foldats répandus aux environs pour la garde des places, & les firent entrer dans la ville, qui n'étoit pas environnée de tous cötés. Voyant la flotte Grecque qui defcendoit le Danube avec grand nombre debrülots, ils ramaffent leur; barques, & les retirent a 1'abri de; murs, d'oü ils lancoient fans ceffc des traits & des pierres- pour écartei les vaiffeaux ennemis. L'Empereui rangea fon armée en bataille dans h plaine, pour attirer les Ruffes at combat; mais ils fe tinrent renfer- BasileII. Cons- TANTIN VIII. ZlMISCÈS Afiiv. 971» l l  BasileII. C ONSTANTIN vin. ZlMISCÈS Ann. 971. XLIV. Aftivité rfe Venceflas. 186 HlSTOIRB més. Ce jour - la même il vint au camp des Grecs des députés de Conftantia & de plufieurs places au-dela. du Danube, qui apportoient a 1'Empereur les clefs de leurs villes. Zimifcès en fit prendre poffeffion, & les pourvut de garnifons. A 1'entrée de la nuk, les RulTes fortent par toutes les portes en plus grand nombre qu'auparavant; ils ont d'abord Pavantage ; mais la perte du brave Sphagel, qui commandoit la fortie, rallentit leur audace. Ils demeurent cependant fur le champ de bataille toute Ia nuk & le jour fuivant jufqu'a midi , combattant par intervalles. Mais s'appercevant que 1'Empereur détachoit de fes troupes pour leur couper la retraite, ils prennent Pépouvante; & trouvant le chemin de la ville occupé par les Grecs, ils fe repandent dans la campagne, oü la plupart trouvent 1'ennemi & la mort. La nuit fuivante, Venceflas, réfolu de foutenk le fiege jufqu'a 1'extrêmité, fit travailler toutes fes troupes a élargir le foffé autour des miirailles; & comme Zimifcès, n'ofant attaquer une place défendue par une  nu Bjs-Empire. Liv. LXXV. 187 grande armée, fe tenoit affez loin de la ville, qu'il efpéroit prendre par famine , ce travail dura plufieurs nuits, fans qu'il en eut connoiffance. Les RulTes avoient beaucoup de bleffés & peu de vivres, les Grecs interceptant les convois. Pour prévenir une entiere difette, Venceflas prorite düne nuit ténébreufe, dont 1'horreur étoit encore augmentée par un violent orage de pluie & de grêle, mêlée d'éclairs &c d'un bruit affreux de tonnerres. II fe jette dans des bateaux avec deux mille hommes pour aller chercher des vivres. Après avoir recueilli tout ce qu'il put enlever de bied, de millet & d'autres fubfiftances, il fe rembarque, & remonte vers Driflra. Dans le retour, les Ruffes appercoivent fur le bord du fleuve grand nombre de valets de 1'armée Grecque , les uns abreuvant leurs chevaux, les autres coupant du bois ou faifant du fourrage. Ils abordent, tombent fur eux, en tuent une partie , foni, fuir 1'autre, 8c fe rembarquent avec les chevaux & la charge des fuyards. L'Empereur, honteux de eet échec, fait de vifs reproches BasileII. Cons- TANTIN VIII. ZlMISCÈS Ann. 971.  BasileII. Cons- TANTIN VIII. ZlMISCÈS Ann, 971. XLV. Nouveau complot deLéon & de fon fils. ïS$ // I S T 0 I £. Z !aux Commandants de la flotte d'a» voir manqué de vigilance, & les menace de mort s'ils y retombent. II refferre le blocus de la ville; il coupe tous les chemins par des tranchées; il place des poftes dans tous les paffages , & prend toutes les mefures poffibles pour affamer la place qu'il tenoit afliégée depuis plus de deux mois. Pendant que Zimifcès demeuroit campé devant Driftra, il courut rifque de perdre Conftantinople. Léon Ctiropalate & fon fils Nicéphore, moins reconnoiffants de la grace qu'on leur avoit faite, que tourmentés par leur ambition, ayant corrompu leurs gardes a Methymne, fe difpofoient de nouveau a la révolte. Après s'être affurés de plufieurs partifans, ils fe jettent dans une barque , abordent fecretement vis-a-vis de Conftantinople, &font avertir leurs amis. On les fait entrer dans la ville pendant la nuit; ils fe tiennent cachés dans une maifon particuliere. A peine y font-ils enfermés, qu'un de leurs domeftiques va en donner avis a 1'Amiral Léon & au Chambellan Bafile,  du Bjs-Empire. Lïv. LXX.V. 189 que Zimifcès avoit renvoyés a Conftantinople pour y commander en fon abfence. Léon, a la tête d'une. troupe ramaffée a la hate, court attaquer la maifon ; les coupables s'échappent & fe fauvent "clans Sainte-Sophie. On les en arrache par force ; on les tranfporte a 1'iïle de Calonyme dans la Propontide, & Ton envoye prendre les ordres de TEmpereur. II ordonne de leur crever les yeux fans les épargner cette fois, & de conhTquer leurs biens. La famine commencoit a fe faire fentir dans Driftra , & les Grecs ayant dreffé leurs batteries dans des lieux élevés, lancoient fans ceffe des pierres qui caufoient beaucoup de dommage. Une machine fur-tout incommodoit fort les affiégés. Ils réfolurent de la détruire, & firent fortir pour eet effet un corps de foldats choifis mêlés de troupes légeres. Jean Curcuas, coufin de TEmpereur, qui eommandoit dans ce pofte, court a la défenfe avec fes meilleurs foldats; & fe jettant au milieu des ennemis, il eft porté a terre, & tué d'un coup de Sanpe. Le refte de fes gens accowrt 3asileII. ConstantieVIII. SiMiscii A.nn. 971. XL VI. Bataille deDriftca.  BasileII. Cons- TANTIN VIII. ZlMISCÈS Ann. 971. 190 HlSTOIRE & repouffe les RulTes. Le lendemain vingtieme de Juillet, Venceflas féfolut de tenter le hafard d'une bataille , tandis qu'il avoit encore la plus grande partie de fes forces qu'il voyoit diminuer de jour en jour par la difette & les maladies. II fort avec toutes fes troupes , fe met a Ia tête d'une des detix alles, & donne le commandement de Pautre a Icmor, brave Capitaine, qui, de la plus baffe naiffance, s'étoit élevé aux premiers grades militaires, fans autre recommandation que celle de fa valeur. Depuis la mort de Sphagel, il tenoit après le Prince le premier rang dans 1'armée. Le combat étant engagé, un des gardes de TEmpereur, nommé Anémas, fils de TEmir Curupe qui avoit fi bien défendu Candie contre les Grecs fous le regne de Romain le jeune, voyant Icmor tantötvoler entre les rangs des fiens dont il animoit le courage , tantöt au milieu des efcadrons des Grecs oü il portoit la terreur & la mort, court a lui fans s'effrayer de fa grande ftature & de fa force. Brülant d'ardeur de Tatteindre , il le fuit quelque temps , le  du Bas-Empiae. Liv. LXXV. 191 joint enfin , & lui décharge un fi furieux coup de fabre, qu'il lui abat la tête avec 1'épaule gauche. II rejoint auffi-töt fa troupe. Les Grecs pouffent un cri de joie, & les RulTes de •défefpoir. Ceux-ci perdent courage ; & accablés de honte autant que de douleur, ils tournent le dos. II en périt plus dans la fuite que dans 1'action même , s'étouffant les uns les autres dans les paffages étroits, ou tombant fous le fer ennemi. Venceflas même alloit être pris, fi la nuit qui furvint ne Teut dérobé a la pourfuite. Pendant toute la nuit, on entendit les cris des barbares qui pleuroient la perte dTcmor. Le lendeTnain, les Grecs dépouillant les morts fur le champ de bataille , trouvererït entre les cadavres plufieurs femmes déguifées en hommes , qui avoient combattu avec leurs maris. Les RulTes , toujours battus , commehcoient a perdre courage. Ils rt'efpéroient aucun fecours des barbares voifins, qui craignoient d'attirer fur eux les forces des Grecs. La flotte qui gardoit les bords du Danube fermoit le pafTage aux convois, & leur Basile II. Coks- TANTIN VIII. ZlMISCÈS ifVnn. 971, XL VII. Embarras des Ruffes.  BasileII. Cons- TANTIN VIII. ZlMISCÈS Ann. 971. 192 HlSTOIRB ótoit même Pefpérance de pouvoir fe fauver par le fleuve. Ils étoient réduits a une extréme difette. Les Grecs au contraire jouiffoient de 1'abondance; ils recevoient tous les jours de nouveaux renforts de troupes. Dans une fi trifte conjoncture, Venceflas affemble fon confeil. Tous les Officiers s'accordoient a dire qu'il falloit finir une guerre fi ruineufe; mais ils fe partageoient fur la maniere de la terminer. Les uns étoient d'avis de fe retirer pendant la nuit, & d'abandonner Driflra ; d'autres de demander la paix, fans laquelle ils ne pourroient s'en retourner en füreté. Le découragement étoit général; Le feul Venceflas fe roidiffant contre la mauvaife fortune , les exhortoit a tenter encore le hafard d'une bataille. 11 ne nous rejle , difoit-il, que deux partisd prendre, ou de vaincre , ou depreférer une mort glerieufe d une vie dejhonorée. Flétrirons-nous notre gloire pafJee par une fuite honteufe, qui nous rendra meprifables aux nations qui tremhloient au bruit de nos armes? Ces paroles firent paffer dans le cceur des Ruffes le courage dont il étoit animé. Tous  du BAS-EaiPiRt. Liv. LXXF. 193 Tous lui promettent de faire les derniers efforts. Le lendemain 25 Juillet, ils fortent tous de la ville. Venceflas fait fermer les portes pour öter aux fuyards tout moyen de fe fauver. Le combat s'engage; on paroit de part & d'autre réfolu de vaincre ou de mourir. Sur le midi, les Grecs, fatigués du poids de leurs armes & de la chaleur du jour, dévorés d'une foif ardente , commencoient a perdre leurs forces. L'Empereur qui s'en apper^ut, vole k la tête de fon armée avec les troupes de fa maifon, foutient par fa valeur les attaques de 1'ennemi, tandis qu'on apporte derrière lui des outres pleins d'eau & de vin pour défaltérer & rafraichir les foldats. Ranimés par ce foulagement, ils retournent k Ia charge avec une nouvelle vigueur; les Ruffes réfiftent avec un égal courage , & 1'avantage eft long-temps douteux. On combattoit aux portes de la ville fur un terrein ferré, coupé de cöteaux & de ravines , favorable al'infanterie Ruffe, mais oü I; cavalerie Grecque ne pouvoit fe dé- ployer. L'Empereur ordonne a fe Tornt XVI. I BasileII. CONS TANTIN viii. ZlMISCÈS Ann. 971. xlviii. Seconde bataille de Driftra. I  BasileII. Cons- TANTIN VIII. ZlMISCÈS Ann. 971. 194 HlSTOIRB gens de tourner bride, & de gagner a petits pas la plaine qui s'étendoit a quelque diftance ; 8c lorfqu'ils y auroient attiré 1'ennemi , de faire volte face , 6c de le charger avec ardeur. On exécute fes ordres; les Ruffes, perfuadés que les Grecs fuyent, s'encouragent mutuellement, 6c les pourfuivent a grands cris. Dès que les Grecs ont atteint le lieu marqué , ils retournent fur 1'ennemi. Théodore combattoit k la tête de la cavalerie; fon cheval étant percé d'un coup de lance , il tombe par terre; le combat devient furieux autour de lui; les RulTes 6c les Grecs font les plus grands efforts , les uns pour le tuer, les autres pour le défendre. Théodore étoit d'une force extraordinaire ; embarraffé fous fon cheval, il faifit un RulTe par la ceinture , & le préfentant devant lui comme un bouclier, il pare les coups qu'on lui perte. Enfin , les Grecs repouffent les Ruffes, 6c le tirent de danger. La vicfoire balancoit encore ; les deux armées fatiguées d'un combat fi long 8c fi rude, s'éloignent de quelques pas comme de concert pour repren-  nu Bjs-Empire. Llv. LXXV. 195 drehaleine. Dans ce moment, Zimifcès voyant 1'opiniatreté des RulTes, & voulant épargner le fang de fes fujets, envoye propofer k Venceflas un combat fingulier : qu'il étoit plus raifortnable de vuider leur querelle par la mort de Cun ou de 1'autre, que de faire périr des nations entieres pour l'avantage d'un feul homme. A ce dén" Venceflas répond , qu'il n'a point de confeil d prendre de fon ennemi : quefi PEmpereur Grec s'ennuie de la vie, it y a quantité de moyens den fortir, 6 qu'il en peut choifir tout autre qu'il jugera d propos. Sur cette réponfe, 1'Em pereur, réfolu de terminer la guerre dans ce combat par la deftructior entiere de Parmée RulTe, envoye Bardas Sclérus fe poffer entre la ville & le champ de bataille pour coupei la retraite aux vaincus. II commande au Patrice Romain , petit-fils de Lécapene , & au Général Pierre, de tomber fur 1'ennemi avec toutes leun troupes. Le combat fe rallume, & h vi&oire eft encore incertaine. Ané mas voulant enfin la décider par un exploit hardi, fe fait jour au traven des bataillons, court droit k Venlij BasileII. Cons- TANTIN VIII. ZlMISCÈS Ann, 971.  BasileII. C ONSTANTIN VIII. ZlMISCÈS Aan, 971. 196 HlSTOIRE ceflas, & d'un terrible coup de fabre il 1'abat de fon cheval. Ce Prince ne dut la vie qu'a la force de fon cafque. Anémas fut aufli-töt enveloppé; accablé de traits de toutes parts, admiré des ennemis mêmes par des prodiges de valeur, il fuccombe enfin fous le nombre. Les Ruffes,animés par fa mort, repouffent les Grecs. L'Empereur voyant fes troupes plier, court a leur tête, fe jette fur les Ruffes , & entraïne les flens par fon exemple. II s'éleve en même-temps un vent violent mêlé de pluie & de poufliere qui donne dans les yeux des Ruffes. Mais une autre circonfiance plus étonnante, & par conféquent moins croyable, quoique 1'antiquité en ait plufieurs fois fait ufage pour illuftrer les grandes batailles , c'eft qu'on vit a la tête de 1'armée Grecque un cavalier inconnu, monté fur vin cheval blanc, qui jettoit le défordre & Pépouvante dans 1'armée des barbares. Ce jour étoit confacré a la mémoire de Saint Théodore, & Fon crut que c'étoit ce célebre Martyr, qui ayant été foldat toute fa vie, étoit venu combattre pour Zimifcès,  no Bjs-Empire, Llv. LXXr. 19? Enfin, les Ruffes, fóïcés de céder aux efforts redoublés des Grecs, fuyent vers la ville fe précipitant les uns fur les autres. Mais trouvant les paffages fermés par Sclérus, ils fe difperfent dans la campagne, & la cavalerie Grecque en fait un horrible carnage. Du cóté des Ruffes, il périt quinze mille cinq cents hommes. Les Grecs n'en perdirent que trois cents einquante; mais prefque tous furent bleffés. Zimifcès , pour accréditer le miracle , fit rebatir depuis les fondements , avec beaucoup de magnificence,une Eglife de Saint Théodore dans la ville d'Euchanie, voifine de Conftantinople. II changea même le nom de cette ville en celui de Théodoropolis. Venceflas, voyant tous fes projets ruinés fans reffource , réfolut enfin de faire la paix. II demanda par fes députés a 1'Empereur, d'être recu fous la foi publique ami & allié de l'Empire. II offroit de rendre Driftra avec tous les prifonniers, ék de for tir de la Bulgarie, a condition que les Grecs lui laifferoient la retraite libre; qu'on lui fourniroit des vivres3 I iij BasileII. constant!» VIII. ZlMISCÈS Ann. 971. XLIX, Paix avec les Ruffes.  •BasileII. constant1n VIII. ZlMISCÈS Aca, 971. I98 HlSTOIRE & qu'il feroit permis aux RulTes de venir faire le commerce a Conftantinople, comme auparavant. L'Empereur , las d'une guerre fi meurtriere, accepta ces propofitions. II fit rnefurer a chaque RulTe deux boiffeaux de bied. De foixante mille Ruffes qui étoient venus en Bulgarie, il n'en reftoit que vingt-deux mille. Après la conclulion du traité , Venceflas demanda une entrevue avec PEmpereur ; ce qui lui fut accordé. A fa priere, Zimifcès députa aux Patzinaces, Théophile , Evêque d'Euchaïtes, pour les prier de donner aux Rulles ie paffage libre par leur pays. II leur demandoit encore qu'ils fe déclaraffent amis & alliés de l'Empire , &Z qu'ils s'engageaffent a ne jamais paffer le Danube pour piller la Bulgarie. Ils confentirent a tout, excepté au paffage des RulTes. Malgré ce refus, Venceflas s'étant hafardé a traverfer leur pays, fut furpris & tué dans une embufcade avec tous fes gens. Les Patzinaces ne pouvoient lui pardonner d'avoirfait la paix avec les Grecs fans leur participation. II eut pour fuccefleur Volodimir, fon fils natu-  du Bas-Empire. Liv. LXXV. 199 rel, qui prit pour femme Anne, fceur Au. jeune Empereur Bafile. Cette Princeffe acheva d'établir la Religion Chrétienne en Ruffie. . Après le départ des RulTes, TEmpereur , ayant paffe quelque-temps a fortifier les places le long du Danube, reprit le chemin de Conftantinople. II trouva en-deca des murs, le Patriarche , le Clergé, le Sénat & tout le peuple, qui le recurent avec des acclamations de joie ck des chants de victoire. Les uns lui préfentoient des couronnes, les autres des fceptres d'or enrichis de pierreries; il recevoit ces préfents, & en faifoit de plus riches encore. On lui amena un char brillant d'or & attelé de quatre chevaux blancs; au-lieu d'y monter , il y fit mettre les ornemens royaux des Princes Bulgares, & au-deffus une ftatue de la Sainte Vierge qu'il apportoit de Bulgarie; il la fit triompher a fa place. II fuivoit fur un cheval blanc, la tête ceinte du diadême. II traverfa ainfi toute la ville , dont les rues étoient tapiffées d'étoffes d'or Sc de pourpre avec des guirlandes de laurier. Après avoir rendu I iv BasileII. Cons- tantin VIII. ZlMISCÈS Ann. 971. L. Retour de Zimifcès a Confiantinople.  BasileII. C ONSTANTINVIII. ZlMISCÈS Aan, 971, Ann. 972. LI. Théophano en- £00 HlSTOIRE graces a Dieu dans 1'Eglife de SainteSophie , il y fit fufpendre une magnifique couronne, qui avoit fervi aux Rois Bulgares , & fe retira au palais. II y fit venir Borifes, Roi de Bulgarie , & lui fit öter les ornements royaux ; c'étoient la couronne d'or, Ia tiare de fin lin, & les brodequins de couleur de pourpre. L'ayant ainfi dépouillé de la royauté, il lui conféra Ia dignité de Maïtre de la milice. Romain fon frere fut fait eunuque. Le Royaume de Bulgarie revint ainfi pour quelque temps a l'Empire, & fut foumis a Zimifcès tant qu'il vécut. Zimifcès célébra fa vicfoire par un trait de bonté paternelle , plus utile aux peuples & plus glorieux aux Princes, que tous les monuments de !a vanicé. II déchargea fes fujets d'un impöt onéreux, qu'on nommoit 1'impöt de la fumée, établi fur chaque :heminée depuis plus de cent cinquante ans par le méchant Prince Nicéphore , premier du nom. Le mariage de Théophano, fille de Romain le jeune, qui fut enfin con:lu & célébré au commencement de :'année fuivante, ne caufa pas moins  nu Bas-Empire. Liv. LXXF. &ól de joie dans l'Empire d'Allemagne. Othon continuoit les progrès dans la Pouille; & outre 1'embarras que cette guerre continuelle caufoit a. Zimifcès , il fouffroit avec peine d'avoir pour ennemi ce grand Prince, qu'il étoit forcé d'eftimer. Pour gagner fon amitié, il commenga par tirer des fers Pandulf, Prince de Bénévent &£ de Capoue, prifonnier depuis trois ans k Conftantinople, II lui donna la liberté, après lui avoir fait promettre qu'il engageroit Othon a retirer fes troupes de la Pouille. Pandulf tint parole. 11 perfuada même a Othon de faire Ia paix avec Zimifcès, qu'il repréfentoit comme un Prince généreux, ik digne de 1'alliance du premier Monarque d'Occident. On reprit avec chaleur la négoeiation du mariage. Plufieurs Seigneurs Allemands blamoient cette alliance, comme déshonorante pour 1'Allemagne, après Pinfigne perfidie de Nicéphore. Mais Othon, plus politique, pen» foit que ce mariage ajouteroit en faveur de fon fils un nouveau droit aux prétentions qu'il avoit déja fur la Pouille & la Calabrê. II en fit don« I v Basile II, CONSTANTItïVIII, ZlMISCÈS Ann. 97 la vöyée a Othon. Annort, Salem. Lamb. Schaf.paf, 157. Chrotl. German. p, 104. Pagi ad Bar. Du Cangc fam. Byi. p. 143- Giann. Hifi. Nap, t.S.c. 1. Murat. annol. d'Ital. torn. V.p. 43 5.488»  BasileII. Coks- tantin VIII. ZlMISCÈS Ann. 972. Ann. 975. Lil. Gucrres 202 H I S T 0 I R E de nouveau la demande, a laquelle Zimifcès ayant confenti, Othon envoya une célebre ambaffade, dont 1'Archevêque de Cologne étoit le chef. Accompagnée dün brillant corteg'e, la Princeffe vint a Rome le 14 Avril 972, jour duDimanche de Quajimodo. Le Pape Jean XIII célébra le mariage , la couronna, & lui donna le nom d'Augufte. Elle n'avoit de Théophano, fa mere, que le nom &£ Ia beauté. Chafte, fpirituelle, très-habile dans le gouvernement, fon ame élevée & fon caraftere viril foutint la dignité de fa couronne pendant les neuf ans de la minorité de fon fils Othon troifieme. Elle favoit également fe faire aimer & fe faire obéir. On ne lui reproche qu'un peu trop de hauteur. Elle fit par fes vertus 1'honneur de l'Empire d'Allemagne, tandis que fa mere déshonoroit l'Empire d'Órient par fes débauches & fes forfaits. Elle mourut en 990, &fut enterrée a Cologne dans 1'Eglife de Saint-Pantaléon. Zimifcès, devenu tranquille du cöté de 1'Occident, tourna fes vues fur les Sarafins d'Órient. II penfoit a  dü Êas-Empire. Liv. LXXK 203 tirer Jérufalem des mains des Infideles, & a leur enlever toutes les conquêtes qu'ils avoient faites en Syrië & en Méfopotamie. Le deffein de ce Prince prévint de plus de cent ans celui des Croifades. Les droits anciens de l'Empire , toujours foutenus par les armes, quoique fans fuccès , lüfpendus quelquefois par des traités , mais jamais abandonnés, légitimoient fon entreprife , plus fans dou%ff que les motifs de la Rëligion, qui ne mit jamais le fer entre les moyens de s'établir. II paroit que les projets de Zimifcès ne furent pas inconnus en Occident; & ce fut fans doute pour les favorifer que les Vénitiens, qui faifoient feuls alors en Europe le commerce d'Órient, défendirent, fous peine de la vie ou de cent livres d'or, de' porter aux Sarafins ni fer, ni bois, ni aucune efpe ce d'armes, rien en un mot dont il: puffent faire ufage contre les Chrétiens ; défenfe, dit Muratori, fouven renouveliée & toujours violée pa t'avarice. Le début de cette campa gne fut brillant & heureux. Une bell armée fous la conduite du grand Do in BasileII, Cons- TANTIN VIII. ZlMISCÈS Ann. 973. contre lesSarafins. Ahdfcda. Elmacin. Abulfara- Murar* annal. d'ital. tom.V'p- 43 5"  BasileII. Cons- TANTIN VIII. ZlMISCÈS Ann. 973. 1 : i 1 j J 1 < 1 f 1 1 c 204 UlSTOIRB meftique, que 1'hiftoire ne nomme pas, ayant traverfé PAfie mineure, paffe PEuphrate, & jette par-tout 1'épouvante. Elle ravage le territoire d'Edefle, prend Nifibe, s'empare de Diarbekir, 1'ancienne Amide, couvre de carnage tout le Diarbec, entraine après elle un peuple de prifonniers. Tous les habitants de la contree 1'abandonnent, fuyent a Bagdad, 8c porte 1'allarme dans cette grande ville. Tout y étoit dans le plus grand iéfordre. Depuis quelque temps, tes Califes n'avoient confervé de leur tncienne autorité que Ie nom 8c la jrérogative cl etre nommés les preniers dans les prieres publiques. Tou:es les forces du Gouvernement éoient entre les mains des Emirs, tochtejar, alors Emir fuprême, ne i'occupoit que de la chatTe, Sc de "es débauches. Le peuple allarmé 'affemble autour de fon palais, & lemande a grands cris qu'il faffe parir fes troupes, qu*il écarté le daner qui menace l'Empire, II proiet de chaffer les ennemis, Sc delande les fommes néceffaires pour ette expédition, C'eft en vain que  nu Bas-Empire. Liv. LXXV. 205 le Calife Al-Mothi s'écrie qu'on exige de lui ce qu'il ne peut donner; que fes tréfors ne font plus entre fes mains. Bochtejar le force de vendre fes meubles; il en retire une grande fomme, qu'il diffipe dans fes plaifirs fans fonger k la guerre. Cependant 1'armée Grecque avangoit vers les fources du Tigre ; elle pilloit le territoire de Miafarekin, autrefois Martyropolis. Abu-Taglab, brave Sarafin, Gouverneur de cette contrée, ralTemble ce qu'il peut de troupes, les encourage, & marche aux Grecs. Le grand Domeftique, fier de fes fuccès, & de la fupériorité de fes forces, méprife ce foible ennemi, & s'engage fans précaution dans un défilé impraticable aux chevaux. Taglab 1'attaque en ce moment, taille en pieces fon armée, & le fait lui-même prifonnier. Cette défaite emporte la perte de toutes les conquêtes de cette campagne. L'infortuné Général, enfermé dans une prifon, étant tombé malade au bout d'un an, mourut d'une potion empoifonnée, que fon vainqueur lui fit prendre pour médecine. L'Empereur, peu aceoutumé k de. BasileII. Cons- tantin vin. ZlMISCÈS Ann. 973.  2'06 H I S T O I R E BasileII. Cons- TANTIN VIII. ZlMISCÈS Ann. 974. LUI. L'Empereur marche en Méfopotamie.Leo. Diac. Elmacin, pareils affronts, fe met lui-même en campagne au printemps fuivant. II paffe l'Euphrate ; tout foit devant lui. II entre dans Nifibe, qu'il trouve déferte , les habitants ayant pris la fuite. Après avoir ravage tout le pays d'alentour, il attaque Amide, que les Sarafins avoient reprife; il la force a fe rendre, & tire des habitants des fommes immenfes. H marche enfuite a Myclarfis ( ville ainfi nommée par Léon diacre, & qui m'efl d'ailleurs inconnue); c'étoit dit-ii, la plus riche de la Province; elle fe rendit, & fe racheta du pillage. II vouloit aller k Ecbatanes, oh il efpéroit trouver d'immenfes richeffes.- Cette ville paffoit encore en ce temps-la pour la plus opulente de 1'univers; tous les tréfors s'y rendoient de toutes parts-,. & jamais elle n'avoit été pillée. Mais il falloit traverfer un pays défert coupé de montagnes, fans eau & fans fourrage. II retourna donc k Conftantinople avec une quantité d'or, d'argent, d'étoffes précieufes & d'aromates. II fit porter toutes ces ri» cheffes dans fon triomphe ,. qui fut eélébré avec de grandes acclamations,  nu Bas-Empire. Llv. LXXV. 107 II faut qu'il y ait eu en cette occafion quelque négociation avec le Calife de Bagdad. Car je trouve dans Elmacin que douze ans après le Calife payoit un tribut annuel a TEmpereur Grec. Zimifcès, couvert de gloire, venoit chercher dans fon palais le repos qui lui étoit dü, après tant de fatigues. 11 n'y trouva que la cabale & la malice armée contre la vertu, dont le vainqueur des Sarafins ne fut pas fe défendre. Le Patriarche Bafile, dont Fauftérité ne plaifoit pas a quelques Prélats , fut accufé auprès de 1'Empereur de former des complots pour lui faire öter la couronne. Cette calomnie ne trouva que trop de crédit auprès d'un Prince jaloux de fon pouvoir, & qui voyoit croïtre a fes cötés fes maitres légitimes. II cita donc Bafile a fon tribunal. Le Prélat refufa d'y comparoitre, prétendant qu'un Patriarche ne pouvoit être jugé que par un Synode. Sur ce refus, TEmpereur le relégua au monaftere que Bafile lui-même avoit fait batir au bord du Scamandre. II fit ordonnet a fa place Antoine, du Monaftere de BasileII. Cons- TANT1N VIII. ZlMISCÈS Ann. 974. LIV. Dépofition du Patriarche Bafile. Ced. p. 6S3. Zon. lom. II. p. 214. Joel p. 1S1. Leo. Diac. Herm. contr. ehron. Earonius, Oriens Chrift. torn. I . P"g' 256. FLcury, hifi.EccUf. I. 56. art. 50.  BasiieII. ConstantenVIII. ZlMISCÈS Ann. 974. LV. Zimifcès en Syrië. Cedr. p. 6S3. Zon. torn. II.p. 215. Glycas , pag- 309. Leo, Diac. Lup. protofp. Elmacin. . J 1 J 1 < üöSt HlSTOIRE Stude, dont on loue la fainteté & la fcience même dans les lettres humaines. Dans ce temps-la, Rome produifoit grand nombre de fcélérats, & Conftantinople en étoit le refuge, Boniface, furnommé Francon, Cardinal diacre, mais très-méchant homme , ayant fait étrangler en prifon le Pape Bénoit VI, & s'étant lui-même placé fur le faint Siege , fut chaffé au bout d'un mois, & s'enfuit a Conftantinople avec les tréfors du Vatican. A peine TEmpereur étoit-il de retour, qu'il apprit que tant de places :onquifes dans la campagne précédente, depuis les bords de TEuphrate 'ufqu'au-dela du Tigre, étoient retournées au pouvoir des Sarafins» L'Empereur n'avoit plus affez de for:es pour en fournir a la garde de tant le pays. Ce n'étoit plus ce grand arjre qui étendoit de fortes branches les bords de TOcéan Britannique aux ïontieres de la Perfe. Tronqué de outes parts, a peine lui reftoit-il af"ez de vigueur pour foutenir ce que es barbares ne lui avoient pas en;ore enlevé. Zimifcès fit donc ré-  du Bas-Emfire. Liv. LXXr. 209 flexion que ces expéditions lointaines avoient plus d'éclat que de lolidité ; qu'elles paflbient comme un éclair qui éblouit fans laiffer aucune tracé. II penfa que pour recouvrer Tanden domaine de l'Empire, il falloit procéder de proche en proche; que les premières conquêtes devoient ouvrir 8c appuyer les fuivantes ; 8c que les corps politiques s'aggrandiffoient comme les corps naturels par des accroiffements fucceflifs 8c continus. Rempli de ce projet, il part au printemps, 8c entre en Syrië. II attaque 8c prend Apamée, Emefe, Balbec; il marche a Damas. L'Emir Aftekin , fuivi des habitants, vient audevant de kti avec de riches préfents pour acheter la paix; TEmpereur lui impofe untribut, 8c traverfe le Liban. II emporte d'affaut la forte place de Borzo, aflife fur un des fommets les plus hauts 8c les plus efcarpés de cette montagne. De-la il defcend en Phénicie, s'approche de Sidon, qui fe rachete du pillage, 8c s'arrête devant Tripoli, la plus forte de cette cöte. Elle étoit fituée fur une colline de difficile acces, environnée d'une BasileII. CONSTANTINVIII. ZlMISCÈS Ann. 975.  BasileII. Cons- tantin VIII. ZlMISCÈS Ann. 97j. 210 HlSTOIRE épaiiTe muraille du cöté de la terre; défendue de 1'autre par la mer même qui formoit au bas de la ville un port affuré. Comme le fiege devoit être long, il y laiffé une partie de fon armée, & part avec 1'autre pour réduire les places maritimes. II prend Balanée au nord de Tripoli, &c Béryte vers le fud. Le fiege duroit depuis quarante jours, lorfque Zimifzès , qui partageoit toutes les fatigues de fes foldats, tomba malade; ce qui 1'obligea de lever le fiege, &c ie prendre le chemin d'Antioche, 3ii il efpéroit trouver une retraite. Les habitants, prefque tous Sarafins, n'obéiffoient que par force ; ils é:oient difpofés a fecouer le joug a a première occafion. Voyant Zimif;ès hors d'état de les forcer, ils lui Ferment leurs portes. Irrité de cette -évolte , il ravage le territoire, & :oupe tous les arbres des environs. Vlais fa maladie augmentant, il laiffe ievant cette ville Burzès, qui Pavoit léja prife une fois, & continue fa route vers Conftantinople. Burzès s'en rendit encore maïtre peu de temps iprès la mort de Zimifcès,  dv Bas-Empire. Liv. LXXV. 211 L'Empereur traverfa la Cilicie ; & comme il paffoit prés d'Anazarbe & de Podande, voyant des campagnes fertiles, couvertes de troupeaux tk de tous les tréfors que produit la terre , il demanda quel étoit le maitre de toutes ces richelTes. On lui répondit que c'étoient les domaines de Bafile , conquis fur les Sarafins par Nicéphore & par lui-même, & aban,donnés a ce Chambellan qui en jouiffoit. Le Prince, indigné de voir touf -le fruit des conquêtes englouti pat un feul homme : C'ejl donc pour enrichir un eunuque, dit - il k ceux qui Paccompagnoient, que les peuples sépuifent, que les armées ejfuyent tant d< fatigues, que tant di braves gens périfCent ou reviennent couverts de blejjures & que les Empéreurs eux-mêmes von expofer leur vie aux extrêmités de CEmpire ? Bafile étoit Miniftre; il étoi mieux fervi que PEmpereur, & i fut bientöt inftruit de ce difcours Mais, bien affuré d'en prévenir le; fuites, il ne fit qu'en rire avec fe amis. Zimifcès , arrivé au pied di mont Olympe, alla loger chez Romain, petit-fils de Lécapene. Un di Basile IL Cons- tantin VIII. ZlMISCÈS Ann. 975. LVI. Mort de Zimifcès. i l  BasileII. Constant/inVIII. ZlMISCÈS Ann, 975. 212 HlSTOTRE fes eunuqu.es, gagné par Bafile, lui fervant a boire, verfa dans fa coupe un de ces poifons qui ne donnent la mort qu'avec lenteur. Dès le len* demrain, Zimifcès devint perclus de tous fes membres. II s'éleva fur fes épaules des puftules peftilentielles; il lui fortoit quantité de fang par les yeux. Tous les remedes furent inutiles. Sentant fes forces diminuer a chaque inftant, il fe hata d'arriver è Conftantinople, & envoya ordre d'achever en diligence le tombeau qu'il fe faifoit conftruire dans 1'Eglife du Sauveur. II refpiroit k peine lorfqu'il entra dans la ville,ik la joie de fon retour fe changea en pleurs & en gémifiements. Comme il fentoit fa mort prochaine , il fit ouvrir fon tréfor particulier, & en diftribua 1'argent aux pauvres & aux malades, fur - tout a ceux qui tomboient du mal caduc , pour lefquels il avoit toujours eu plus de compaflion. 11 fit la confeflion de fes fautes a Nicolas , Evêque d'Andrinople, en verfant beaucoup de larmes. II implora k haute voix le fecours de la Sainte Vierge, la priant de Pafïifter dans Ie  nu Bas-Empire. Liv. LXXV. ais jugement redoutable qu'il alloit fubir. Pénétré de contrition, il expira le 10 Janvier de 1'année fuivante , agé de 51 ans , dont il avoit régné fix ans & un mois. Prince digne d'éloge, fi les adtions les plus glorieufes pouvoient effacer 1'horreur d'un affreux aflaffinat. Depuis qu'il fut fur le tröne, il ne montra de foibleffe que dans la confiance qu'il donnoit a 1'aftrologie judiciaire. Cinq mois avant fa mort, il parut une comete , qui fe fit voir quatre-vingts jours de fuite. II confulta fes Aftrologues, entre lefquels étoit Etienne, Evêque de Nicomédie. Ils lui promirent en bons courtifans les plus brillantes profpérités, une heureufe vieilleffe, une longue fuite d'éclatantes viftoires. II mourut triftement au bout de cinq mois. Les armes des Grecs avoient eu cette année d'heureux fuccès en Italië. Zacharie, leur Général , battit les Sarafins, & les chaffa de Bitonte. BasileII. Cons- tantin VIII. Z.imiscès Knn. 975,   lij S O M M A I R E D V LIVRE SOIXANTE-SEIZIEME. i. B A s I L E & Conjlantin fculs Empéreurs. II. Changement a la Cour. III. Revolte de Sclérus. IV. ƒ/ rejette les propojitions de paix. v. Bataille de Licande. VI. Léon marche contre Sclérus. vil. Vicloire de Sclérus. vin. Divers fuccès de Sclérus. IX. Bardas Phocas défait par Sclérus. X. Défaite de Sclérus. XI. Fin de la rebellion de Sclérus. XII. Diverfes expéditions en Italië. Xlir. Commencement de la guerre des Bulgares. XIV. Première expédition de Bafile en Bulgarie. XV. Guerre dOthon en Italië. XVI. Défaite d Othon. XVII. Othon pris & fauvé. XVIII. Puijfance des Grecs en Italië. XIX. Nicolas Chryfoherge, Patriarche de Confantinople. XX. Guerre de Bardas Phocas contre le Calife. xxi. Grand trembkment de terre. XXII. Dif-  2l6 SOMMAIRE grace du Minljlre Bafile. XXIII. Nouvelle révolte de Bardas Phocas. XXIV. Aventures de Sclérus. XXV. Rufe de Sclérus. XXVI. Phocas fait empoifonner Sclérus. XXVII. Défaite de Calocyr, Lieutenant de Phocas. XXVIII. Mort de Phocas. XXIX. Réconciliation de Sclérus avec rEmpereur. XXX. Affaires d'Italie. XXXI. Voyage en Macédoine. XXXII. L'lbériedonnée a £ Empire. XXXIII. Relation des Vénitiens avec l'Empire. XXX1V. Expédition en Phénicie. XXXV. Othon III demande en mariage une Princeffe Grecque. XXXVI. Sifinnius, Patriarche. XXXVII. Affaires d'Italie. XXXVIII. Succès en Bulgarie. XXXIX. Dyrrachiurn livré d 1'Empereur. XL. Intelligences avec les Bulgares. XLI. Marie, fceur a"Argyre, mariée au fis du Doge de Venife. XLII. Bafile en Bulgarie. XLIII. Succès de fes Généraux. XLIV. Prife de plufieurs places. XLV. Arabes vaincus. XLVI. Samuel battu. XLVII. Bafile fe rend odieux par fes exaclions. XLVIII. Guerre en Italië. XLIX. VioItnces exercêes fur les Chrétiens d Jérufalem. L. Froid exceffif. LI. Défaite & mort de Samuel, Roi des Bulgares. LH. Défaite de Théophylacle. Om* Ravages de  du L i v. LXXVh «7 ie la Bulgarie. LIV. Autre expédition en Bulgarie. LV. Perfidie de Ladijlas. LVl. Acquifition de la Cha^arie. LVII. Et de la Médie. LVIII. Attaque inutile du chateau de Pernic. LIX. Exploits en Bulgarie. LX. Rêduclion de La Bulgarie. LXI. Traitement fait a Nicotine, LXH. Et d lba^e. LXlil. Triomphe de PEmpereur. LXIV. Sirmium pris par trahifon. LXV. Révolte de Nicéphore Phocas & de Xiphias. LXVI. Guerre en Abafgie. LXVII. Prife d'une forterejfe en Arménie. LXVIII. Entreprife des Ruffes. LXix. Efforts du Patriarche de ■Conflantinople pour^ obtenir le titre d'Eniménique. LXX. Mort de Bafile. Tornt XVI,   1!9 HISTOIRE D U BASEMPIRE. LIVRE S01XANTE-SE1Z1EME. BASILE II, dit BULGAROCTONE. CONSTANTIN VIII. DE tous les guerriers tle l'Empire, Bardas Sclérus étoit le plus capable de remplacer Zimifcès. Fameux par une ancienne réputation de valeur , il avoit eu part a toutes les victoires des deux derniers Empéreurs, & il en avoit feul remporté Kij ÜASIIElI. CONSTANTIN VIII. i.nn. 976. I. Bafile & ^isnftan-  BasileIICons- TANTIN VIII. Ann. 976. tin feuls Empéreurs. Cedr. p. 684. Zon. torn, 11. p. ai 5' Manajf, pag. 120. Glycas pag. 3C9. Joel. p 1S1 ,182 Pagi a, Bar. 220 HlSTOIRE de mémorables. II ne manquoit pas d'ambition, & perfonne n'étoit plus perfuadé qvie lui-même qu'il étoit digne de régner. II avoit même été convaincu fous le regne de Zimifcès , d'avoir formé le deffein de s'élever au tröne , & ce Prince lui avoit pardonné. Maisle Chambellan Bafile, chef du miniftere & arbitre de la Cour, craignoit un maitre qu'il ne gouverneroit pas; il aimoit mieux ne voir au-deffus de lui que des Souverains, dont la jeuneffe lui promettoit fous leur nom une autorité abfolue. Bafile ', & Conftantin , les deux Princes légitimes étoient alors agés, 1'un de dix-huit ans, 1'autre de quinze. Elevés fous des ufurpateurs, qui croyoient faire affez en leur faveur que de leur laiffer la vie & un titre inutile, ils avoient rampé jufqu'alors fur les degrés du tröne qui leur appartenoit; ck leur éducation négligée les laiffoit fans aucune connoiffance ni de l'Empire , ni d'eux-mêmes, avec les feules qualités que leur avoit données la nature. Bafile en avoit recu un efprit vif, une ame aöive & courageufe; les exploits de Nicéphore & de  nu Bas-Empire. Liv. LXXVI, ii\ Zimifcès , avoient allumé clans fon cceur Pamour de la gloire. Mais 1'ïgnorance a laquelle on 1'avoit abandonné, altéroit ces principes d'honneur Sc de vertu. Sa vivacité, fon courage dégénéroient en opiniatreté Sc en audace impétueufe. Le Chambellan qui vouloit régner, prit foin de tenir ce jeune lion enchainé clans les liens de la volupté : il le plongea dans toutes les débauches, dont fon age Sc fon tempérament ne le rendoient que trop fufceprible. Bafile , par la vigueur naturelle de fon ame, fecoua ces chaines honteufes : mais Conftantin fon frere, d'un caraftere plus foible Sc plus indolent, ne s'en affranchit jamais, Sc paffa toute fa vie, qui fut longue, avec le nom d'Empereur, fans en faire aucune acfion. Le Miniftre avoit contribué plus que perfonne a 1'exil de Théophano. Craignant 1'afcendant qu'elle avoit fur 1'efprit de fes fils , il fe fit un mérite de la faire rappeller. Elle revint k la Cour ; mais il prit fans doute des mefures pour lui öter tout pon voir, Sc la laiffer languir dans K iij BasileII. Constantie VIII. Ann. 976. II. Changement a Ia Cour. Cedr. pm 684, 68j" Zon. 1.11. p. 216. Joel. ' p. 181.  BasileII. CONSTANTIN vin. Ann, 976. 222 HlSTOIRE le filence d'une vieilleffe voluptueufe. Depuis ce moment, il n'eft plus parlé d'elle. II craignoit bien davantage Bardas Sclérus. Ce guerrier commandoit les troupes d'Órient, & fa réputation le mettoit en état d'en difApofer k fon gré. Bafile, pour lui enïever les moyens de nuire, Péloigna des armées, & le fit paffer en Méfopotamie avec le titre de Duc, pour arrêter les courfes des Sarafins. Burzès avoit voué fes fervices k Sclérus; pour 1'en détacher, Bafile le fit Duc d'Antioche, & le chargea de la coniérvation de cette ville, qu'il avoit conquife. A la place de Sclérus, il donna le commandement des troupes d'Órient a Pierre Phocas, que Nicéphore fon oncle avoit avancé aux premiers grades. Sclérus, indigné de cette préférence, fe répandit en inveöives contre le Miniftre; il déploroit le fort de l'Empire abandonné aux caprices d'un homme fans jugement comme fans honneur, qui ne payoit les fervices que par des difgraces. II plaignoit les jeunes Princes, dont Bafile corrompoit le cceur par des legons d'injuftice & d'ingra-  dv Bas-Empire. Liv. LXXVL 223 titude. Le Miniftre, averti de ces difcours, fit dire a Sclérus, que s'il n'étoit pas content de fon nouvel emploi, on le déchargeroit de toute fonction publique, Sc qu'on lui procureroit une vie douce 8c tranquille dans quelqu'une de fes terres, ou il pourroit murmurer fans être entendu de perfonne. Plus irrité qu'intimidé de cette menacante ironie, Sclérus part promptement de Conflantinople, & va rejoindre fon armée. Chéri des troupes , au milieu defquelles il vivoit en fbldat, il n'eut pas de peine a leur ' infpirer ie mépris du gouvernement, & le defir de voir leur chef fur le tröne. Son fils Romain étoit refté k Conflantinople; il envoya un de fes Officiers nommé Anthès, pour le tirer des mains de Bafile. Anthès, homme adroit & propre a faire toutes fortes de röles , feint d'avoir abandonné Sclérus, dont il foupcorme, dit-il, t les mauvais deffeins. II déclame contre lui en toute rencontre, & ayantJ ainfi écarté toute défiance , il enleve Romain, & le conduit k fon pere. Alors Sclérus leve 1'étendard de la K iv BasileII. ConstantieVIII. Ann. 976. nr. Révolte Ie Sclérus. Cedr. p. 5S5 , 6 reqq. Zon. torn. II. f. 216, y feqq. Manaff. 'ag. 121. Leo. Diac. Anna Comn. I. [i. f.l 1i. Elmacin. Abulfeda. Abulfjrare. Du Cangt am. By{. >. 16Ï,  ÜASlLElI. COMSTANTIN VIII. Ann, 976. IV. li rejetts 224 IIlSTOIRE révolte; il prend le diadême , & fe fait proclamer Empereur par fon armée. II manquoit des fonds néceffaires pour foutenir la guerre; il fe faifit des deniers publics, & fait arrêter les plus riches du pays, aux.quels il vend chérement la liberté» Quelques-uns même dans 1'efpéranee d'être largement récompenfés, viennent lui ofFrir toute leur fortune. II fe voit bientöt en état de fournir aux dépenfes. II établit fa place d'armes dans un fort de Méfopotamie; il le met hors d'infulte par de nouvelles fortificafions, & par une garnifon nombreufe. II en fait fon tréfor, fon magafin, fon réfuge en cas d'infortune. II traite avec les Sarafins d'alentour, &C s'allie même avec eux par des mariages. Les Emirs de Diarbekir & de Miafarekin lui fourniffent des fecours d'argent & de troupes. II prend a fa folde trois cents cavaliers Arabes. La nouvelle de fa rébellion attire en foule fous fes enfeignes tous les mécontents , tous les bandits, tous ceux qui efperent tirer avantage des troubles de i'Etat. Plein d'efpérance, il fe met en mar-  nu Bas-Empire. Ltv. LXXF1. tig che. L'allarme fe répand a Conftantinople. On envoye ordre a Pierre Phocas de s'oppofer aux progrès du rébelle. On raffemble k Céfarée toutes les troupes qui étoient demeurées fideles. Pour étouffer cette révolte naiffante, on dépêche a Sclérus 1'Evêque de Nicomédie, Prélat fage &C vertueux, qui lui repréfente les horreurs d'une guerre civile, les dangers auxquels il s'expofe lui-même; &C qui tache de 1'ébranler par tous les motifs capables de rappeller au devoir 1'ame la plus dure Sc la plus féroce. Sclérus, enivré d'ambition, lui montre fa jambe couverte du brodequin de pourpre, tel que le portoit TEmpereur : Peafe^-vous , lui dit-il, qu'on puiffe aifêment quitttr cette chauffure, quand on ta prife a la face de tout l'Empire ? Alle^ dire a ceux qui vous invoyent , que je nai point de paix a faire avec eux, qu'ils ne m'ayent reconnu pour leur maitre. Je leur donne quarantejours pour délibirer fur leparti qu'ils ont a prendre. Au retour de 1'Evêque , Bafile mande k Pierre de ne pa; commencer les hoftilités; mais d< fermer avec foin tous les chemins K v BasileII. Constantie VIII. Ann. 976. les propofitions de paix, t  BasileII. Cons- TANTISJ VIII. Ann, 976. 22-6 11 I S T 0 I R F. 6c de fe tenir fur la défenfive. Sclérus , qui n'avoit donné quarante jours de treve que pour endormir les ennemis , envoye fes coureurs du cöté de Céfarée, pour les reconnoitre 6c pour nettoyer les paffages. Ils rencontrent dans un défilé un corps de 1'armée Impériale ; ils 1'attaquent, 6c trouvent une vive réfiftance. Le combat duroit depuis long-temps avec une égale opiniatreté, lorfqu'Anthès, qui commandoit le détachement de 1'armée de Sclérus , fe jettant témérairement au travers des efcadrons ennemis , eft abattu de fon cheval, 6c tué fur la place. Ses gens prennent la fuite. Cette première action étoit d'un trifte augure pour Sclérus; 6c déja le Commandant des Sarafins auxiliaires fongeoit a changer de parti. Sclérus, en étant averti, fe contente de lui faire une févere réprimande : mais il inftruit fecretement les Sarafins de cette trahifon. Ces barbares, plus attachésaSclérus qua leur Capitaine, environnent celui-ci en plein jour comme il paftbit au milieu deux , & le percent de coups,  nu Bjs-Empire. Liv. LXXFf. i«f Pierre Phocas, informé de la marche de 1'ennemi, s'étoit rendu maitre de tous les paffages ; Sc Sclérus, fort embarraffé, demeuroit en-arriere, fans ofer s'engager dans ce pays de montagnes. Un Capitaine de 1'armée Impériale, nommé Sacace, ayant déferté pour quelque mécontentement, vient fe donner a lui, 1'encourage, lui repréfe'nte que fon inaction lui attire le mépris, cl qu'en fe figurant le progrès impoffible, il le rend tel en effet. II s'offre a le conduire par des chemins qui ne font pas gardés. Sclérus fe rend a fon avis, Sc arrivé en trois jours prés de Licande fur la frontiere de Cappadoce. Pierre , inftruit de fon approche, marche toute la nuit, Sc vient camper a fa vue. Les deux armées demeurent quelque temps en préfence, fans livrer bataille. L'un Sc 1'autre Général attendoit une occafion favorable. Enfin , Sclérus s'avifa d'un ffratagême. II fit dreffer des tables dans fón camp, Sc faire les préparatifs d'un grand feftin, qu'il vouloit, difoit-il, donner le lendemain a fes troupes. II falloit que Pierre fut bien mal-habile pour K vj BasileII. Constantie VIII. Ann. 976. V. Bataille de Lioan» de.  2a8 HlSTOIRB BasileII. Constanten VHI. Ann. 976. être la dupe d'une pareille rufe. Aulieu de profiter de cette occafion pour tomber fur 1'ennemi, craignant apparemment que fes foldats ne fuffent jaloux , il prend le même jour pour les régaler, & dès le matin il leur fait diftribuer le vin ck les viandes en abondance. Pendant qu'ils ne fongeoient qu'a faire bonne chere, Sclérus, qui leur avoit préparé un autre feftin , fond far eux, les enveloppe , en maffacre un grand nombre, & met le refte en fuite. Burzès, Duc d'Antioche, fut le premier a fe rendre, & 1'on crut qu'il avoit agi d'intelligence avec Sclérus, auquel il étoit toujours fecretement attaché. II le mit en pofTeffion d'Antioche, oh Sclérus envoya pour Gouverneur un Sarafin , nommé Abdalla Muntafir , qui s'étoit donné a lui, & fur la fidélité duquel il comptoit. Le vainqueur, maitre des bagages, fe trouva en état de continuer long-temps la guerre. II s'enrichit encore par Ia prife de Zamande , ville voifine, fituée fur un roe efcarpé , qui fe rendit dès qu'elle vit 1'ennemi. Cette viéioire fit pafTer dans le parti de Sclérus un  />» Bas-Empire. Liv. LXXFI. 2,19 grand nombre de ceux qui jufqu'alors étoient demeurés fideles aux Empéreurs ; outre Burzès , le Patrice Andronic Ducas, furnommé Lydus, fe rendit dans le camp du vainqueur avec fes deux fils. Les Empéreurs avoient une flotte dans le port d'Attalie; 1'équipage, de concert avec les habitants , fe révolta, mit le Commandant aux fers, &c fit affurer Sclérus que la flotte étoit k fes ordres. II envoya pour la commander, Michel Curtice, qu'il chargea de faire la guerre a ceux de Cibyre. La défaite des troupes Impériales mit en allarmes la Cour de Conftantinople. Pour réparer ce malheur, on choifit Léon le Protoveftiaire , & on lui donna pour confeille Patrice Jean, d'une capacité reconnue dans la conduite des grandes affaires. Le nouveau Général fut revêtu du plein pouvoir d'agir felon fa prudence, de diipofer de tous les emplois dans 1'armée , d'attirer par telles récompenfes qu'il jugeroit k propos les Officiers & les foldats qu'il pourroit ramener k 1'obéiffance. Léon, muni d'une autorité fi étendue, alla canv BasileII. Constanten VIII. \nn. 976. VI. Léon marche :ontte Sclérus.'  BasileII. ConstantenVIII. Ann. 976. 2.30 UlSTOIRB per a Cotyée en Phrygie, oü il trouva Pierre Phocas avec les débris de ion armée. Sclérus, qui avoit fuivi Pierre k la tracé, n'étoit pas éloigné de ce lieu. II campoit k Dipotame, chateau de la même Province. Léon, par des émiffaires fecrets, qui s'inïinuoient dans le camp des rebelles, faifoit tous fes efforts pour les détacher de Sclérus. Ses offres étoient méprifées; on les regardoit comme une preuve de fa foibleffe. Léon, n'efpérant pas réuffir par ce moyen, décampe pendant la nuit; & laiffant Sclérus derrière lui, il avance vers 1'Orient. Cette marche fit plus d'effet que toutes fes follicitations. Les foldats de Sclérus, tirés la plupart de la Cappadoce & des contrées voifines de 1'Euphrate, fe voyant en danger de perdre leurs biens & leurs families , défertoient par bandes, ck s'alloient jetter entre les bras de Léon; en forte que Sclérus étoit k la veille de voir diffiper fon armée comme un monceau de poufTiere. Pour prévenir ce défaftre, il fait partir Burzès & Romain le Taronite k la tête d'un grand corps de troupes légeres,  du Hjs-Empire. Lh. LXXFI. 231 avec ordre de s'oppofer aux progrès de Léon , de le harceler dans fa marche, de lui difputer tous les paffages, d'empêcher les fourrages, mais fur-tout d'éviter une action générale. Ce dernier ordre, le plus important de tous , fut le plus mal exécuté. Burzès apprit que les Sarafins d'Alep étoiént en route pour porter a. Conftantinople leur contribution annuelle, & qu'un certain jour ils devoient paffer entre les deux armées par un chateau nommé Oxylithe. C'étoit une riche proie, & le partage étoit déja arrêté entre les Officiers & les foldats. Au jour marqué, ils fe rangent en bataille, & attendent avec impatience 1'efcorte Sarafine qui accompagnoit le tréfor. Mais avant qu'elle fut arrivée , Léon, qui, au premier avis du mouvement des ennemis, avoit rebrouffé chemin, tombe fur eux, les taille en pieces, & ne fait aucun quartier, fur-tout aux Arméniens, en vengeance de ce qu'ils avoient été les premiers a prendre le parti de Sclérus. A la nouvelle de eet échec, Sclérus part en diligence , & va camper BasileII» Constanten VIII. Ann. 976, VII. Viftoire de Sclé*us.  BasileII. Cons- tantin VIII. Ann. 976. 232 HlSTOIRE a la vue des ennemis, attendant 1'occafion de réparer fon honneur par une bataille générale. Pendant que les deux armées s'obfervoient, les défertions fe multiplioient dans le camp de Sclérus, oü la défaite de Burzès avoit répandu la terreur. Auffi les plus fages & les plus expérimentés confeilloient a Léon de différer, 1'ennemi s'affoibliflant de jour en jour de telle forte, qu'on pourroit le réduire fans tirer 1'épée. Mais les jeunes Officiers , fiers de leur fuccès récent, brüloient d'impatience de combattre ; & Léon, fe laifTant entrainer . a leurs inftances, marcha vers le camp de Sclérus en ordre de bataille. Le rebelle ne 1'attendit pas dans fes retranchements; il s'avance en bon ordre avec fon armée divifée en trois corps. L'infanterie formoit le centre; Sclérus étoit a la tête; les deux aïles compofées de la cavalerie étoient commandées 1'une par fon frere Conftantin , 1'autre par Conftantin Gabras. Au fignal donné, la cavalerie de Sclérus tombe avec fureur fur 1'ennemi, & le met en fuite. Ce n'eft plus qu'un aftreux earnage. Le Patrice Jean,  du Bas-Empire. Liv. LXXVI. 233 Pierre Phocas & les principaux Of- ■ ficiers y laiffent la vie. Léon eft fait 1 prifonnier avec beaucoup d'autres; on les met aux fers. Le vainqueur fait crever les yeux en préfence de toute 1'armée a deux freres, Théodore & Nicétas, pour les punir d'avoir pafte du cöté de Léon au mépris de leur ferment. Cette viftoire changea la face des affaires. Au - lieu qu'auparavant on abandonnoit Sclérus par des défertions fréquentes, tout fe déclaroit pour lui, & fon armée croiffoit tous les jours. Sa flotte, commandée par Michel Curtrce, avoit mis en contribution toutes les ifles ; elle avoit pénétré dans 1'Hellefpont, & s'étoit emparée d'Abyde. Maitreffe de la mer, elle arrêtoit tous les vaiffeaux marchands, & coupoit les vivres a Conftantinople. Le Miniftre Bafile équipe promptement la flotte Impériale; il en donne le commandement a Théodore Carantene, qui entre dans 1'Hellefpont , & livre un fanglant combat a Curtice a la hauteur de Phocée. Curtice eft vaincu ; fa flotte fe retire dans le port d'Abyde ; les brülots de iASILElI. Constantie VlII. i.nn. 976. VIII. Divers 'uccès de klérus.  BasileII. ConstantenVILT. Ann. 976. 234 HlSTÖIRB la flotte Impériale vont les y chercher, & les confument par les flammes. Abyde eft forcée, & la garnifon paffee au fil de Pépée. La capitale eft hors de crainte du cöté de la mer. Mais du cöté de la terre, les progrès rapides de Sclérus y jettent de vives allarmes. II étoit déja fur la frontiere de Bithynie , & toutes les places qui fe trouvoient fur fon paffage lui ouvroient leurs portes. On craignoit pour Nicée. Bafile y envoya Manuel Comnene , Préfet d'Órient. C'étoit un perfonnage eftimé pour fa vertu & pour fa valeur; illuftre par une ancienne nobleffe, il le devint encore davantage par 1'éclat de fa poftérité. Sclérus , après avoir ravagé tout le voifinage, s'approche de la ville, & 1'attaque de toutes fes batteries. II trouve dans Comnene un adverfaire aöif, courageux, infatigable, qui, faifant pleuvoir le feu grégeois du haut des murailles, réduit fes machines en cendres, & rend 1'affaut impraticable. Sclérus renonce aux attaques, & prend le parti de réduire la ville par famine. En vain Comnene lui fait  du Bas-Empire. Liv.LXXFI. 235 des propofitions de paix ; comme on lui offre tout, excepté le diadême, le rebelle réfolu de ne le pas dépofer, rejette toute autre condition. Les habitants commencoient a manquer de vivres , lorfque Comnene , hors d'état de tenir plus long-temps, s'avifa d'un flratagême. Il fait remplir de fable les magafins de Nicée , & couvrir de bied la furface; enforte que le fable ne paroifToit pas. II y fait enfuite promener un prifonnier , ck le renvoye a Sclérus avec ordre de lui dke , qu'en vain efpére-t-il d'affamer une ville pourvue de bied pour plus de deux ans; qu'il ne peut pas davantage efpérer de la prendre de force ; que cependant pour le tirer d'embarras , Comnene , fon ancien ami, confent a fortir, pourvu que Sclérus lui faffe ferment de le laiffer aller ou il jugera a propos avec ceux qui voudront le fuivre. Sclérus ne tarda pas d'accepter la propofition , ni Comnene de Pexécuter. II fort avec fa garnifon , fes bagages & la plupart des habitants qui emportent avec eux leur fortune. Ils fe retirent a Conftantinople. Sclérus,qui BasileII. Constanten VIII. Ann. 976.  BasileII. ConstantenVIII. Ann. 976. IX. Bardas Phocas défait par Sclérus. 236 HlSTOIRE s'attendoit k faire de cette ville un raagafin pour la fubfifiance de fes troupes , fe voyant pris pour dupe, 1'abandonna, y lailTant cependant une forte garnifon, fous le commandement de Pégafe. II continue fa marche vers le Bofphore. Les fuccès de Sclérus mettoient l'Empire dans le plus grand danger. II approchoit de Conftantinople ; &c après la mort de Pierre & la défaite de Léon fait prifonnier, il ne reftoit plus de Général qu'on put lui oppofer. Le Miniftre Bafile n'imagina de reffource que dans Bardas Phocas. C'étoit 1'ennemi perfonnel de Sclérus. Révolté lui-même contre Zimifcès, Sclérus avoit été employé k le réduire; abandonné de fes troupes & forcé de fe rendre, il étoit depuis fix ans relégué dans 1'ifle de Chio fous 1'habit de clerc. Bafile crut que fa valeur animée par la haine & Ia vengeance le rendoit plus propre que perfonne a terminer cette guerre. II le rappelle d'exil , le dépouille du jnafque de cléricature, 8c lui donne le commandement de Parmée. C'étoit un jeu fingulier de la fortune:  nu Bas-Empire. Liv. LXXFL 237 ces deux Généraux avoient enfemble changé de röle : Phocas, autrefois rébelle & pqurfuivi par Sclérus, étoit employé a pourfuivre Sclérus devenu rébelle a fon tour. L'armée Impériale étoit a Céfarée. Euftathe Malin & Burzès, qui, après le combat d'Oxylithe , étoient rentrés dans le parti de TEmpereur, avoient raffemblé tous ceux qui avoient échappé de la derniere bataille. Ils avoient joint a ces troupes les garnifons des villes voifines. II falloit que Phocas fe rendit a Céfarée : mais Sclérus étant prés du Bofphore, Phocas ne pouvoit fans rifque prendre cette route. II fe jette dans une barque, & fait voile vers Abyde, pour palier en Afie. Romain , fils de Sclérus, a la tête d'une nouvelle flotte, fermoit Tentrée de THellefpont, ck Phocas fut obligé de retourner a Conftantinople. II fe hafarda donc a paffer le Bofphore pendant la nuit, & fut affez heureux pour n'être pas appercu. II continua fa route jufqu'a Céfaré'e , ne marchant que de nuit; & s'étant mis k la tête des troupes, il s'approche d'Amorium. A cette nouvelle, BasileII. Cüns- TANTIN vul 4.nn. 976.  BasileII. Constanten VIII. Ann. 976. £38 HlSTOIRE Sclérus eft faifi d'une doublé inquiétude; il voyoit qu'il alloit avoir affaire a un guerrier habile & expérimenté , fort fupérieur en capacité aux Généraux qu'il avoit eu jufqu'alors a combattre : de plus, il alloit fe trouver pris entre le Bofphore & 1'armée ennemie qui venoit Pattaquer par - derrière, tandis que toutes les troupes de la maifon Impériale Sc tout ce qui reftoit de foldats a Conftantinople le chargeroient de front. Pour fe tirer d'une pofition fi dangereufe, il retourna en-arriere , Sc marcha vers Amorium. Dès qu'il arrivé a la vue de 1'ennemi, il livre bataille. L'armée de Phocas, déja deux fois- vaincue, recule dès le premier choc. Phocas, voyant fes foldats tourner le dos, vo-e k la queue de fon armée ; Sc pour leur épargner la honte d'une fuite précipitée, il tourne vifage de temps en temps vers 1'ennemi, fe battant en retraite; en forte qu'il perdit peu de foldats, Sc que le refte put fe retirer en bon ordre k petits pas, comme fi c'eütété par le commandement du Général. Dans cette aftion digne d'un Capitai-  nu Bas-Empiae. Liv. LXXFL 23$ ne auffi fage que vaillant, il courut Ie plus grand rifque. Conftantin Gabras qui le poirrfuivoit, brülant d'envie de le faire prifonnier, court k lui de toute la viteffe de fon cheval. Phocas, averti par le bruit qu'il entend derrière lui, tourne bride, vole a la rencontre de Conftantin, & M decharge fur le cafqueun fi rude coup de maffe darmes, que 1'ennemi, fans connoiffance , tombe de cheval ; & tandis que fes gens le relevent & ne s'occupent que du foin de fa vie, Phocas s'éloigne & fe met en füreté dans le fort de Charfiane. II y fait camper fon armée, & fe prépare a une nouvelle aftion. II anime les fiens par des récompenfes, & attire par des promefTes les habitants du voifinage. Sclérus qui n'avoit ceffé de le fuivre fe trouve bientöt en préfence. II déhe Phocas qui ne refufe pas le combat. Cette bataille fut plus opiniatre. Phocas, armé de fa maffe d'armes, donnoit 1'exemple a fes foldats, volant au travers des efcadrons ennemis fans ménager fa vie, & abattant par de terribles coups tout ce qu'il trouvoit devant lui. Malgré ces BasileII, ConstantieVIII. Ann. 976.  BasileII. Constanten VIII. Ann. 976. X. Défaite de Sclérirs. Ï40 HlSTOIRE prodiges de valeur , fes foldats fe laiflerent encore vaincre, & prirent la fuite. Défefpéré de cette nouvelle défaite, & n'ofant plus fe fier k des laches, qui fe croyoient eux-mêmes incapables de vaincre , il court en Ibérie demander du fecours k David, Roi de ce pays. II avoit fait amitié avec ce Prince dès le temps qu'il étoit Gouverneur de Chaldie. II en recut un grand corps de troupes; & les ayant jointes k ce qui lui reftoit de fon armée , il alla chercher fon ennemt campé au bord du fleuve Halys, dans une plaine étendue & favorable ala cavalerie. Sclérus, de fon cöté, avoit envoyé des préfents a 1'Emir d'Alep pour 1'engager k lui donner du fecours, 8c PEmir avoit fait partir fes troupes; mais elles arriverent trop tard ; 6c trouvant 1'affaire décidée, elles s'en retournerent fans avoir firé 1'épée. Les deux armées embrafées d'une animofité mutuelle , ne fe voyent pas plutöt, qu'elles s'attaquent avec fureur. La vicloire balanca quelque temps; enfin Phocas voyant les fiens faire leur mouvement ordinaire  du Bjs-Empire. Livr LXXFL 241 ordinaire pour prendre Ia fuite, fe détermine a périr plutöt que de^ fe déshonorer par une troifieme défaite. II fe fait paffage au travers des ennemis, & court droit a Sclérus , qui 1'attend. d'un air intrépide. On s'écarte de toutes parts , &t les efcadrons rangés autour d'eux laiffent un grand efpace, oü les deux rivaux de gloire vont combattre, comme en champ clos, & terminer cette guerre fanglante par la mort de Pun des deux. Ils fondent 1'un fur 1'autre , & Phocas ayant efquivé avec adreffe le cimeterre de Sclérus, lui décharge un fi rude coup de maffe d'armes , que Sclérus tombe abattu fur le cou de fon cheval. Auffi-töt Phocas perce les efcadrons qui 1'environnent , & gagne une hauteur oü il rallie fes troupes. Les gens de Sclérus le voyant dangereufement bleffé, le portent a une fource voifine pour lui faire reprendre fes efprits, & laver le fang qui couloit de fa plaie. Ils croyoient Phocas mort au milieu de tant d'ennemis dont il étoit environné. Cependant le cheval de Sclérus s'étant échappé, court au travers de 1'armée, Tornt XVI. L BasileII. Constantie VIII. Ann. 976.  BasileII. Cons- tantin VIII. Ann. 976. 242 HlSTQIRE tout couvert de fang, portant avec lui 1'épouvante & des marqués prefque certaines de la mort de fon maïtre. A cette vue, tous fe débandent, tous fuyent fans être pourfuivis. Aveuglés par la terreur , ils fe précipitent dans les eaux de 1'Halys, oü la plupart trouvent la mort. Phocas, témoin de ce défordre, defcend de la hauteur avec ceux qu'il avoit raffemblés; il taille en pieces ceux qui s'étoient arrêtés au bord du fleuve. Sclérus, revenu a lui, voyant fon armée eirtiérement détruite , fe fauve au-dela de 1'Euphrate & fe réfugié a Miafarekin. II envoye Conftantin fon frere au Calife de Bagdad, pour lui offrir fon alliance, 8c lui demander du fecours. Comme le Calife, ou plutöt PEmir qui le gouvernoit, incertain de ce qu'il devoit faire, ne donnoit pas de réponfe décifive, 8c que Conftantin tardoit a revenir , Sclérus, ne voyant pas d'autre reffource dans fon défefpoir, prend le parti d'aller lui-même a Bagdad avec trois cents compagnons de fa fortune. Le Calife le recut bien, 8c lui promit de le mettre inceffamment a  vu Bas-Empire. Liv. LXXVI. 243 la tête d'une armée , pour réparer fes pertes, 6c faire valoir fes prétentions. Dès que TEmpereur fut inftruit de la retraite de Sclérus, il envoya de riches préfents a TEmir de Bagdad , lui promettant de mettre en liberté tous les prifonniers Mufulmans, s'il lui livroit Sclérus. L'Emir répondit qu'il étoit prêt a le fatisfaire , s'il vouloit rendre avec les prifonniers toutes les places que les Grecs avoient prifes fur les Mufulmans; qu'autrement il protégeroit Sclérus, 6c Taideroit d'argent 6c de troupes. Bafile fit aufïï - tot partir Nicéphore Urane , pour entrer en négociation. II le chargea de deux lettres ; Tune étoit adreliée au Calife ; il lui repréfentoit qu'il feroit de mauvais exemple de protégé, un rébelle ; que la caufe des Princes étoit commune, & que c'étoit agir contn eux-mêmes, que de fe montrer fizvorables a ceux qui manquoient de foi d leui Souverain. Par Tautre lettre qui devoit être rendue fecretement, il exhortoit Sclérus k rentrer dans for devoir; il lui promettoit le pardon , s'il fe foumettoit k fon maïtre légv L ij BasileII. Cons- TAKTIN VIII. Ann. 976. XI. Fin de Ia rébellion de Sclcrus.  BasileII. ConstantenVIII. Ann. 976. 244 HlSTOÏRE time. Le Calife étoit affez porte k traiter avec TEmpereur; mais Sclérus eut Tadreffe de lui perfuader , qu'Urane venoit pour Tempoifonner. L'Ambalfadeur fut arrêté avant même fon arrivée k Bagdad ; on fe faifit de fes dépêches; on y trouva la lettre adreffée a Sclérus; il fut enfermé dans une prifon, ou il demeura dix ans. On fe défia de Sclérus même ; on craignit qu'il n'acceptat la grace que lui offroit TEmpereur, & qu'il ne fit ufage de fa liberté contre les Sarafins. II fut donc auffi mis en lieu de fureté avec fes compagnons. Quoique le Calife tint Urane dans les fers, il ne voulut pas rompre une négociation qui fe préfentoit avec tant d'avantage. II envoya donc un Ambaffadeur k Conftantinople pour fe juftifier de la détention d'Urane , & pour traiter de Taffaire de Sclérus. Cette ambafiade, qui n'eut aucun fuccès , n'eft remarquable que par une circonftance. Les Empéreurs Grecs, loin de rabattre de leur fafte k mefure qu'ils perdoient de leurs forces Tavoient encore porté plus haut , comme pour couvrir leur feibleffe.  du Bas-Empis.e. Liv. LXXF1. 245 On avertit Penvoyé Saraiin «qu'en entrant a 1'audience, il falloit fe profterner devant PEmpereur, & baifTer la tête. II refufa fiérement de fe foumettre a un cérémonial fi humiüant. Pour 1'y obliger, PEmpereur fit tellement abaiffer la porte de la falie d'audience , qu'on ne pouvoit y paffer fans fe courber. Arrivé a cette porte, le Sarafin tourna le dos ;• &c étant entré a reculons, il fe retourna enfuite du cöté de PEmpereur, qui fut ainfi la dupe de fa ridicule vanité. Lorfque Burzès étoit rentré dans foa devoir en quittant 1'armée de Sclérus, il n'avoit pu ramener a Pobéiffance Ia ville d'Antioche , dont il étoit Gouverneur. Abdalla 1'avoit toujours maintenue dans le parti de Sclérus; & même après fa défaite, il continuoit de ka être fidele. Le Patriarche Théodore étant mort dans ce temps-la, Agapius, Evêque d'Alep, qui s'ennuyoit de vivre fous la domination des Sarafins , alla trouver PEmpereur, & lui promit de lui livrer Antioche , s'il vouloit Pen faire Patriarche. Bafile accepta cette propofition avec joie , & lui donna Le " L ia Co»s- TANTIS VIII. Ann, 976.  Basile]] Constantie VIII. Ann. c/j6 Ann. 977, XII. Diverfes expéditions en Italië* 246 HlSTOIRB 1 pouvoir de faire avec Abdalla telle • convention qu'il jugeroit a propos, pour 1'engager a rendre la ville. Agapius étoit adroit; il avoit beaucoup ■ d'amis dans Antioche. Déguifé en Moine, il s'y introduifit, vint a bout de gagner Abdalla, & fut nommé Patriarche. Pendant que Sclérus étoit en prifon chez les Sarafins, fes partifans qui fe trouvoient libres, s'emparerent de plufieurs chateaux en Phrygie, en Lydie & en Carie. Ils continuerent encore quatre ans d'inquréter l'Empire par des courfes & des ravages. II fe foumirent enfin fur la parole du Patrice Nicéphore Parfacutin, qui leur promit &C leur obtint 1'impunité. Tandis que Sclérus occupoit en Oriënt lesforces de l'Empire, Aboulcafem, Emir de Sicile, fit plufieurs defcentes en Italië. II enleva dans la Calabre un nombre prodigieux de beftiaux. Voyant enfuite que ce butin embarraffoit 1'armée, il fit égorger toutes ces bêtes. II affiégea Gravina qu'il ne put prendre. L'année fuiyante,ayant encore paffe dans le continent , il pénéra jufqu'a la prefqu'ifle  nu Bas-Empire. Lh. LXXVI. s.47 d'Otrante , & mit le feu a la ville d'Oria, dont il tranfporta les habitants en Sicile. Cependant le Général Grec ayant repris Brindes & Tarente , les foumit même pour la dïfcipline eccléfiaftique a l'Empire Grec; & ces deux villes recurent leurs Prêtres du Patriarche de Conftantinople jufqu'a la conquête des Normands, qui rendirent au Pape Ie gouvernement de ces deux Eglifes. A la guerre civile, terminée par la fuite de Sclérus, & par la foumiffion de fes partifans, on vit fuccéder une guerre plus glorieufe a l'Empire, qui réveilla Bafile, endormi jufqu'alors entre les bras de la volupté. Après la mort de Zimifcès, les Bulgares qu'il avoit fubjugués,fe révolterent, & choifirent pour les gouverner quatre freres , David , Moïfe, Aaron, & Samuel, fils d'un Comte Bulgare qui avoit tenu dans la nation le premier rang après le Roi. Les Grecs, rentrés en poffeflion de la Bulgarie, y avoient aboli la royauté, en retenant a Conftantinople Tainé des fils du dernier Roi, nommé Borisès, comme je Tai déja raconté. Le cadet, nomL iv JasileII. ConstantieVIII. inn. 977. Ann. 981. XIII. CommencementdeIa guerre des Bulgares, Cedr. p. 694,695, 696. Zon. t. II. p. 219, 22Ö. Du Cange fam. By{' P- 3U» Bauduri not. ad Conji. de. adm. imp. p. iii.  BasileII. ConstantenVIII. Ann, 981, M II I S T O I R E mé Romain , avoit été fait eunuque. La mort de Zimifcès fit concevoir a ces. Princes Pefpérance de remonter fur le tröne. Ils partirent fecretement de Conftantinople. Borisès, habillé a la Grecque, traverfant une forêt, fut maffacré par un Bulgare qui le prit pour un Grec. Romain gagna la Bulgarie ; mais renoncant a fes droits, il fe foumit a ceux qu'il trouva maïtres du pays. Des quatre freres élus pour commander , David mourut prefque auffi-töt. Moïfe, affiégeant la ville de Serres en Macedonië, futtué d'un coup de pierre. Aaron , foupconné de favorifer les Srecs, ou plutöt de vouloir régner eul, fut afiaifiné par fon frere1" Sanuel, qui fit auffi périr fes enfants. 1 n'en échappa que deux; Ladiflas jiie Radomir , fils de Samuel, fauva ie la fureur de fon pere; & Alufien, ncore enfant, qui fut fecretement >orté k Conftantinople, oü il vécut ong-temps inconnu. Samuel , refté eul, prit le titre de Roi. Ardent &c lelliqueux, il profita de la guerre iyile allumée dans l'Empire, pour aire des courfes en Thrace, en Ma-  t)v Bas-Empire. Liv. LXXVI. 249 cédoine, en ThelTalie. II pouffa fes conquêtes jufqu'en Dalmatie, oü il acheva de ruiner la ville de Dioclée, p'atrie de Dioclétien, déja détruite par les Efclavons. On en voit encore les veftiges ck quelques monuments de marbre, fous les eaux du lac prés duquel elle étoit batie. II pénétra enfuite dans le Péloponmefe , prit plufieurs places, entre autres Lariffe , capitale de Theffalie ; il en tranfporta les habitants en Bulgarie, ■& fit entrer dans fes troupes ceux qui étoient en état de porter les armes. Bafile , né pour Ia guerre, commencoit k fe reprocher fon inaclion. II rougiffoit de languir comme un eunuque dans la molle oifiveté d'un palais; il réfolut de fe mettre k la tête de fes armées, & d'aller chercher Samuel qu'il ne regardoit que comme un rébelle. Ainfi, malgré fon Miniftre , qui fentoit que ce jeune Prince alloit lui échapper , & a 1'infu de Bardas Phocas fon Général , jaloux du commandement, qui étoit pour lors en Oriënt, il afiemble des troupes, remonte le long d« iL y Ba smelt. CONSTANTIE VIII. Ann. 9S;, XIV. Première expédition de Bafile en Bulgarie.  BasileII, Cons- TAKTIM VIII. Arm. gSl, 250 H I S T 0 I R E ' THebre, & traverfe le rnont Rh-odope pour entrer en Bulgarie. II laiffé derrière lui Léon MélifTene pour garder le défilé; & s'étant approché de Sardique, nommée alors Triadize, dont les Bulgares étoient maitres, il fe difpofe a Tafiiéger. Samuel campoit fur les montagnes voifines, dans le deffein d'éviter le combat , & de furprendre les Grecs dans quelque embufcade. Tandis que Bafile s'occupoit des préparatifs du fiege , Contofïéphane, un de fes Généraux, auffi méchant qu'ambitieux, fit réflexion que fi TEmpereur réuffiffoit dans cette première expédition, il prendroit du goüt pour la guerre ; qu'il voudroit déformais eonduire fes armées, & que les Généraux perdroient beaucoup de leur pouvoir & de leur confidération. II réfolut donc de faire éebouer Tentreprife. II étoit ennemi juré de Léon MélifTene; il vient trouver TEmpereur a Tentrée de la nuit, & lui dit que Léon ejl un traitre qui veut fe faire couronner ; qu'il a quitté fan pofe, & qu'il court en diligence i Conflantinevie ? que l'Empereur na point de temps  nu Bas-Empire. Liv. LXXFI. 251 d perdre pour le prévenir. Allarmé de ce difcours, Bafile décampe auffitöt , 8c retourne fur fes pas. Samuel , averti de cette retraite _ précipitée, tombe avec grand bruit fur 1'armée des Grecs, y jette la terreur & le défordre , fe rend maitre du camp, des bagages , 8c même des ornements Impériaux. L'Empereur gagne Philippopolis avec beaucoup de°fatigue & de péril; il eft étonné de trouver Léon tranquille dans fon pofte. Léon n'eft pas moins furpris de fon retour. Bafile, ayant reconnu la perfidie de Contoftéphane , lui en fait de fanglants reproches ; 8c comme eet impofteur payoit d'e-ffronterie, TEmpereur , emporté par la colere jufqu'a Tindécence , le prend par la barbe Sc par les cheveux, le jette par terre, 8c le foule aux pieds. Mais Toccafion étoit perdue, Sc il fallut retourner honteufement a Conftantinople. Ce mauvais fuccès rallentit pour quelques années Tardeur naiffante du jeune Empereur. Contoftéphane méritoit la mort; mais depuis long-temps on négligeoit a Conftantinople les deux plus puifTants refforts L vi BasileII. Cotss- TANTIS VIII. Ann. 9Sit  BasiieII. ConstantenVIII. Ann. 982. XV. Guerre d'Othon en Italië. Chron. Salern. & ibi not. PelUg. Herman contracl. Chron. Cerm. Sigeb. chron. Abulfeda. Lamb. Schaf. Lup. protofp. Leo ofiiens. Ditmar, L 3. Arnulf. l.ifi.mediol. ; Sigon de J ugno hal. I. 7- I Pagi ad ] Bar. Murat. ann. d'Iul. ( Gimn.hjft, i 2."2 H I S T 0 I R É du gouvernement, les récompenfes & les peines; & comme on péchoit fans crainte , on n'étoit excité a bien faire par aucun motif d'efpérance. Pendant que l'Empire perdoit de nouveau la Bulgarie recouvrée par Zimifcès, la puifTance des Grecs fe relevoit en Italië. Othon II avoit fuccédé a fon pere dans l'Empire d'Allemagne en 973. Sa femme Théophano, fceur de Bafile, defirant avec ardeur d'accroitre les Etats de fon mari aux dépens même de fes freres, 1'exhortoit fans ceffe k faire valoir les prétentions, qu'elle lui avoit portées par fon mariage , fur la Pouille & la Calabre. II vint ionc en Italië dans 1'autómne de ?8o , ^ & paffa 1'hyver k Ravenne. L'année fuivante, il commenga fes mtreprifes contre les Grecs par le iege de Salerne , qui relevoit de 'Empire d'Órient. S'étant rendu maïre de cette ville , il en laiffa la pofeffion k Pandolfe, k condition qu'il 'e reconnoïtroit vaffal de l'Empire 1'Allemagne. II efpéroit s'emparer !e toute 1'ltalie jufqu'au détroit de  du Bas'Empire. Liv. LXXFI. 253 Sicile. Bafile, inftruit de fes projets, lui envoya des Ambaffadeurs pour 1'en détourner. Mais leurs repréfentations ayant été inutiles , il eut recours aux Sarafins d'Afrique, d'Egypte Sc de Sicile , leur promettant une folde avantageufe. Les Sarafins , toujours prêts a fervir ceux qui payoient leurs fervices, mirent en mer une puilTante flotte , commandée par le fameux Aboulcafem , Sc vinrent au fecours des Grecs. Othon marchoit a la tête d'une grande armée d'AlIemands, a laquelle fe joignirent le; troupes de Bénévent , de Capoue, de Salerne , de Naples, Sc de plufieurs autres peuples d'Italie, quoique jufqu'aiors vaffaux de l'Empire Grec. Avec des forces fi redoutables, i marcha dès le mois de Février au devant des Sarafins, qui avoient dé' barqué k Crotone pour aller joindn 1'armée des Grecs. Aboulcafem, vain queur dans trois combats, fut vain cu Sc tué dans le quatrieme, Sc lTim pereur pénétra jufqu'a Rhege, don il fe rendit maitre, ainfi que de plu fieurs autres villes, H ie rapproch Basile 11. CONSTANTENVIII. Ann. 982. Nap. I. 8. c. 23- Abrêgé dc VMfi. d'ltal. lom.11. p. 85S . & fiiv. [ XVI. Défaite d'Othon.  BasileII. constantinVIII. Ann. 9S2, 1 I I ] I 1 I i r f a P e v 254 Histoir.e enfuite de Tarente, qu'il prit en peu de jours dans le mois de Mars. Une feconde flotte de Sarafins vint recueilhr les débris de la première armée, & apporta de nouveaux fecours. Elle aborda dans Ie golfe de Tarente, & les Sarafins, joints aux Grecs, allerent préfenter la bataille, qu'Othon accepta fans balancer. II les mit en fuite , mais fans abattre leur courage. Us revinrent peu de jours après offrir de nouveau le combat. La victoire fut cette fois plus opiniatrement lifputée; mais après un grand carïage, Othon demeura encore vainïueur. Tandis que fon armée, pleine le confiance, ne fongeoit qu'a rerueillir les dépouilles, les Grecs & es Sarafins s'étant rallies, fe parta;ent en deux corps; 1'un va pendant a nuit fe cacher dans les montagnes; 'autre, en petit nombre, fe montre ir le rivage dans une contenance ial affurée. Othon , méprifant de fi >ibles ennemis, fe contente d'aller eux avec peu de troupes, comme our achever leur défaite. A peine ft-il a la portée du trait, qu'il fe oit enveloppé d'une multitude d'ea-  nu Bjs-Empire. Liv, LKXFI. a<5 nemis, qui, ibrtant des gorges des montagnes , fondent fur lui avec fureur, & taille en pieces tout ce qui l'environne. En vain le refte de fes troupes accourt pour le fecourir; le fuccès enflamme le courage des ennemis , tandis que la terreur &t la fuite des vaincus jette dans toute 1'armée d'Othon 1'épouvante & le défordre. Tout fuit, tout fe difperfe. Les vainquetirs les pourfuivent fans relache. II pérk dans cetteoccafion avec grand nombre de foldats quantité de Seigneurs du premier rang, des Archevêques , des Evêques , des Abbés, qui, felon la coutume barbare de ce temps-la, étoient plus jaloux de fe fignaler dans la guerre, que dans les fondtions pacifiques de leur miniftere. L'Evêque de Verfeil fut long-temps prifonnier dans Alexandrie, & enfin racheté. Cette bataille fut livrée prés de Tarente le 15 Juillet. Othon, voyant fon armée défaite, fe fauva du cöté de la mer; & appercevant une galere Grecque, qui n'étoit pas éloignée du rivage, il poufla fon cheval dans 1'eau, & gagna le navire, oü il fut regu par un foldat Efclavon qui BasileII. Cons- tant1n VIII. Ann. 98a, xvn. Othon pris & fauvé»  BasileII. Constanten vin. Ann. 982. 2S5 IllSTOIRE le reconnut. S'étant fait fecretement connoitre au Capitaine, il obtint de lui la permifTion de dépêcher un expres a fa femme Théophano, qui ne manqueroit pas d'envoyer une riche rancon. Elle étoit a Roffano, & n'eut pas plutöt recu la nouvelle de 1'état oii étoit fon mari, qu'elle fit fortir de la ville une troupe de muiets chargés. La qualité d'Othon n'avoit pu demeurer long-temps fecrete , & tout 1'équipage de la galere favoit déja qu'ils avoient entre leurs mains la perfonne de TEmpereur. Voyant arriver fes muiets fur le rivage, ils ne douterent pas que ce ne fut Tor de la rancon. Thierri, Evêque de Metz, fe jette dans une barque , comme pour aborder la galere, & traiter avec les Grecs. II étoit efcörté de plufieurs autres barques pleines de foldats déguifés en matelots. A leurapproche, Othon, conduit fur Ia proue de la galere, fe voyant prés de fes gens, & fe fiant fur fon habileté a nager, faute dans la mer; & comme un Grec vouloit le retenir par un pan de fon habit, un foldat Allemand lui abat le bras d'un coup de fabre j ce qui é-  du Bas-Empire. Liv. LXXVI. 257 pouvanta tous les autres; en forte que TEmpereur gagna le bord a la rage environné de fes barques. Les Grecs le voyant a terre, s'éloignexent fans remporter autre chofe que la honte de fe voir fruftrés d'une fi riche proie. Quelques Auteurs ont orné ce récit de circonftances romanefques; & felonie judicieuxAuteur de TAbrégé chronologique de THtftoire d'Italie, le récit tout entier pourroit bien n'être qu'un roman. Quoi qu'il en foit, Othon, s'étant retiré a Rome, paffa Tannée fuivante k raffembler toutes les forces de fes Etats, II devoit au printemps retourner dans la Calabre, & fe flattoit même de conquérir la Sicile. Sa mort, arrivée le 7 Décembre, renverfa fes projets, La défaite d'Othon remit les Grecs en pofTeffion de prefque tout ce qu'ils avoient perdu dans la Pouille & dans la Calabre depuis plus de cent ans, Toutes les villes dont Othon s'étoil emparé, retournerent k leurs ancien: maïtres. Ils prétendirent même que les Princes Lombards leur rendiffeni hommage comme a leurs Souverains Ils fortiiierent diverfes places poui BasileII. ConstantenVIII. Ann. 9S1. Ann. 9S3. XVIII. Puiflance des Grecs en Italië.  BasileII. Constanten VIII. Ann. 983. XIX. Nicolas Chryfoberge, Patriarchede Conf- . tantinople. 258 fflSTOI&E fe défendre, tant contre Othon, que contre les Sarafins, plus fouvent leurs ennemis que leurs dlliés. Ces barbares , cantonnés dans ce coin de I'Italie qu'environne le mont Gargan, infeftoient le pays par de fréquentes incurfions. Pour contenir les peuples de ces contrées, fujets de l'Empire, mais mal affeclionnés, & toujours prêts a recevoir les Lombards ou les Sarafins, les Grecs établirent un Magiftrat, auquel ils donnerent le nom de Catapan; ce qui fignifie dans leur langue un homme chargé de tout, paree qu'il étoit prépofé aux affaires civiles & militaires. Son pouvoir étoit abfolu; il agiffoit fans attendre les ordres de la Cour de Conftantinople. II faifoit fa réfidence a Bari, comme 1'avoient faite avant lui les Commandants généraux, nommés Stratiques; ce qui rendit cette ville la plus confidérable de la Pouille. Antoine le Studite, Patriarche de Conftantinople, avoit abdiqué le paTiarchat en 979, après 1'avoir tenu lx ans. Le relpect qu'on avoit powr a vertu empêcha de lui donner un iicceffeur de fon vivant, On efpé-  du Bas-Empire. Liv. LXXVI. 259 roit 1'engager a reprendre le gouvernement de fon Eglife. Ainfi le fiege demeura vacant pendant quatre ans & demi. Enfin, ce Prélat étant mort én 983 , on mit a fa place Nicolas, furnommé Chryfoberge, qui tint le fiege pendant douze ans & demi. Bardas Phocas étoit a la tête des troupes d'Órient. Quoiqu'il fut déja mécontent, il fervoit encore fidélement l'Empire. Ayant appris que le Calife refufoit le tribut qu'il devoit payer tous les ans pour Alep, il paffa 1'Euphrate, afhegea & prit Dara, dont il emmena les habitants prifonniers. Le Calife, pour s'en venger, fit une irruption fur le territoire d'Antioche, pilla un Monaftere nombreux, & fit paffer tous les Moines au fil de 1'épée. II fit prifonniers quantité de Chrétiens, qui furent conduits dans Alep. Cependant après ces ravages, la paix fut rétablie, & le Calife permit a 1'Emir d'Alep de payer le tribut ordinaire de quarante mille écus de notre monnoie aótuelle. Au mois d'Oftobre de cette année 986, on reffentit un violent trembkment de terre, qui ruina grand BasileII. Constanten VIII. Ann, 9S3. Ced. p. 694. Zon. torn. II. p. 219. Pagi ad Bar. Oriens Chrift. torn. Ann. 986. XX. Guerre de Bardas comre le Calife. Elir.acm, 3IXI. Grand tremblement de terre.  BasileII. Constanten VIII. Ann. 986. Cedr. p. 696. Glycas , pag. 309. Ann. 987. XXII. Difgrace du Minif- . tre Bafile. ■ Cedr. p. i 6c6, & ' fin- Zon. torn. 1 //. p, 220, j J ] t I i 260 BlSTOIRE nombre de maifons & d'Eglifes k Conftantinople, a Nicomédie, & des villes entieres en Laconie. Une partie du döme de Sainte - Sophie fut abattue. Les Empéreurs le firent réparer, & Ton dit qu'il en couta, feulement pour 1'échafaudage, mille livres pefant d'or. Depuis 1'expédition de Bulgarie, la Cour de Conftantinople étoit peuplée de mécontents. Les Généraux voyoient avec chagrin, non pas que 'Empereur eüt fi mal réuffi dans fa iremiere campagne ; ils auroient deiré qu'il eüt été affez maltraité pour e dégoüter entiérement de la guer■e; ce qui caufoit leur dépit, c'étoit ju'il eüt paru a la tête de fon armée, k qu'il eüt commencé de manier les irmes. Ils craignoient que le Prince, ;'accoutumant k commander en perbnne, ils ne perdiflent 1'autorité ju'ils avoient fur les troupes, & les >ccafions de s'enrichir par les extorions , les rapines & les pillages, Le ^iniftre Bafile, qui vouloit tenir éernellement fon maitre en tutelle, nurmuroit plus haut que les autres; 1 fouffroit impatiemment que 1'Ein*  du Bjs-Empire. Li-v. LXXFI. 261 pereur voulüt connoitre fes Etats, & régner par lui-même. Couvrant fon ambition du voile d'une tendre affection pour le Prince, il ne ceffoit de lui repréfenter, qu'un Monarque met tout l'Etat en péril, quand il expofe fa perfonne aux hafards de la guerre ; qu'il fe dégrade, lorfqu'il defcend aux détails du gouvernement; que, tranquille au fein de la gloire qui l'environne, il ne doit que goüter les plaifirs de la fouveraineté, & laiffer le travail aux fubaltemes qu'il a choifis pour en mouvoir les refforts. L'Empereur, importuné de ces confeils perfides , dont il pénétroit le motif, perfuadé d'ailleurs que cette ame corrompue étoit capable des plus noirs forfaits, 1'éloigna de la Cour, & lui donna ordre de fe tenir renfermé dans fa maifon. Apprenant enfuite que eet efprit inquiet & audacieux tramoit de fourdes intrigues pour recouvrer fon pouvoir, il le relégua au-dela du Bofphore, & le dépouilla de la plus grande partie de fes biens, pour lui öter les moyens de nuire. S'étant fait rendre compte de tout le miniftere de Bafile , il caffa la plupart de fes opéra- BasileIL Coks- TANTIN VIII. A.nn. 9S7,  BasileII. ConstantinVIII. Ann. 9S7. 262 HlSTOIRE tions. II pouflamême Ie reffentiment jufqu'a ruiner un Monaftere que Bafile avoit fondé, Ce fier Minilïre, incapable de fupporter une difgrace fi humiliante, tomba dans une languewr dont il mourut peu après. Ce ne fut qu'après ce coup d'autorité que Bafile fe crut vraiment Empereur. II changea entiérement de conduite. Tout occupé des affaires du gouvernement , il renonca aux plaifirs, a Ia magnificence des habillements, des équipages. II devint fobre, vigilant, laborieux; mais en même-temps hautain, trifte, défiant, inexorable dans fa colere, ne laiflant a fon frere que le nom & la parure d'Empereur avec une garde modique & affez mal entretenue. Mais Conftantin, énervé par la molleffe , confentoit volontiers a n'être compté pour rien , pourvu qu'il eüt la liberté de fe livrer a la débauche. La compagnie des libertins qui compofoient fa Cour , le dédommageoit du mépris de fes fujets qu'il ne connoifloit pas, mais dont il étoit connu; &£ 1'unique fentiment que lui infpiroit la fupériorité de fon frere, étoit de le plaindre d'ê-  nu Bas-Empire. Liv. LXXV1. 263 rre chargé du pefant fardeau d'un Empire. De tous les mécontents, le plus vivement piqué , comme auffi le plus dangereux, étoit Bardas Phocas. II commandoitles troupes d'Órient. Fier d'ayoir défarmé un guerrier tel que Sclérus, il ne pouvoit digérer 1'affront qu'il prétendoit avoir recu, non-feulement de n'être pas employé contre les Bulgares, mais de n'être pas même confulté fur cette expédition. Quantité d'autres Officiers, qui croyoient auffi avoir k fe plaindre de PEmpereur , entre autres Léon MélifTene, fon frere Théognofte , Euftathe Malin, fe rendirent auprès de Phocas. Ils s'aigriffoient mutuellement par leurs murmures; & enfin s'étant affemblés le 15 Aoüt a Charfiane en Cappadoce dans la maifon de Malin , ils proclamerent Phocas Empereur, & lui ceignirent le diadême. On leur vint en mêmetemps annoncer que Sclérus échappé de Bagdad, étoit déja fur les terres de l'Empire, & qu'il approchoit de la Cappadoce. Ce guerrier détenu pendant plu- BasileII. ConstantenVIII. Ann. 9S7. XXIII. Nouvelle révolte de Bardas Phocas. XXIV. Aventu»  S iSÜElI. CONSTcANTIN VIII Ann. 9S7. res de Sclérus. 264 HlSTOIRE (ïeurs années dans les prifons de Bagdad , oublié par le Calife , & manquant de fecours, avoit beaucoup fouffert des incommodités de eet atfreux féjour & de la brutalité de fes gardes , lorfqu'une conjonfture heureufe lui rendit enfin la liberté. Les Perfes, qui ne s'étoient jamais accoutumés au joug des Sarafins, foupiroient après une occafion de s'en affranchir. Inarge,un des plus nobles & des plus renommés pour fa valeur, méprifant 1'indolence & 1'incapacité du Calife , fouleve toute la nation, &c fe met a. la tête. II prend a fa folde vingt mille Turcs orientaux, tombe fur les Sarafins , égorge tous ceux qu'il rencontre , fans épargner même les enfants. Le Calife marche contre ce rébelle; il lui livre plufieurs combats, tantöt en perfonne, tantöt par fes Généraux; il eft toujours battu. Réduit au défefpoir, & voyant que le feul nom des Perfes faifoit trembler fes troupes , il fe fouvient de Sclérus & des Grecs qu'il tenoit prifonniers. L'audace de Sclérus , qui avoit difputé l'Empire k fon maitre, les honneurs que lui rendoient même dans  vuBjs-Empire. Liv.LXXFI. 26'5 dans les fers les autres prifonniers qui le traitoient encore comme leur Empereur , donnoient au Calife une grande idee du mérite de ce guerrier. On Ie tire de prifon avec les autres Grecs ; on travaille par les foins les plus officieux a leur rendre la fanté & les forces; enfin , le Calife les invite a le fervir dans la guerre contre les Perfes. Sclérus voyoit dans cette propofition une lueur de liberté; mais pour mafquer fes intentions, il feint d'abord de refufer, fous prétexte que de malheureux captifs, après avoir langui fi long-temps, ne font pas en état de porter les armes. Le Calife n'en eft que plus ardent a le folliciter; il leprie d'oublier les mauvais traitements dont il faura bien le dédommager par des bienfaits; il lui offre de grandes fommes d'argent avec le commandement d'une armée nombreufe & magnifiquement équipée. Sclérus fe rend enfin a fes inftances; mais il ajoute qu'z'/ ne veut ni Sarajins, ni Arabes; qu'il ne faitcommander que des Grecs; que les prifons du Calife Jont remplies de bons Joldats ; qicil n'ejl befoin que de leur donner des Tome XVI. M BasileII. Constantie VIII. A.nn. 9S7.  BasileII. ConstantenVIII. Ann. 9S7. 266 1/lSTOIX.E armes , & qiia leur tête il promet de tui rendre bon compte des rebelles. Son avis fut fuivi, & ces foldats tirés des cachots compoferent une troupe de trois mille hommes. II n'en fallut pas davantage a Sclérus pour marcher aux rebelles. II favoit fi bien la guerre, & il fut infpirer tant de courage a fa petite armée , que dès la première bataille , les Perfes furent défaits fans refTource. Inarge y perdit la vie. Les vainqueurs, au-lieu de retourner k Bagdad, prirent le chemin de l'Empire. A la nouvelle de leur retraite , le Calife fit partir en diligence un grand corps de cavalerie pour les ramener. Mais quoique ce corps fut très-fupérieur en nombre , il fut battu par les Grecs qui continuerent leur route & atteignirent bientöt la frontiere. D'autres difent qu'ils revinrent k la Cour du Calife, qui les /écompenfa généreufement, & que peu de jours après ce Prince étant prés de mourir , recommanda fortement k fon fils de les faire reconduire dans leur pays avec une bonne efcorte. Cette aventure a beaucoup de rapport avec ce qui efl rar  du Bjs-Empire. Liv. LXXFI. 267 conté de Manuel fous le regne de Théophile ; & je ferois tenté de croire que les Hiftoriens Grecs en ont emprunté plufieurs circonftances pour embellir leur récit. Quoi qu'il en foit, Sclérus ayant pafte 1'Euphrate, furprit Malatia, ou commandoit le Patrice Balilifque. II fe faifit de fa perfonne , s'empara de Pargent, des armes , des chevaux, des équipages; & apprenant que Phocas s'étoit fait proclamer Empereur, il fe fit donner le même titre par fes foldats. C'étoit une démarche qui lui attiroit fur les bras deux puiffants ennemis , PEmpereur & Phocas. II fe fentoit trop foible pour combattre Pun des deux; & fa fierté, ni même fa füreté ne lui permettoit pas de fe foumettre k Pun ni a 1'autre. Après avoir long-temps délibéré fur le parti qu'il devoit prendre , il réfolut de les tromper tous deux, & de fe ménager une retraite auprès de celui qui demeureroit vainqueur. II écrivit donc k Phocas qu'il étoit prêt de fe joindre k lui contre PEmpereur, &£ de convenir d'un partage qu'ils feM ij BasileII. ConstantenVIII. Ann. 9S7. XXV. Rufe dc Sclérus.  BasileII. ConstantenVIII. Ann. 987. 268 HlSTOJRB roient de l'Empire, lorfque leurs forces reünies les en auroient mis en poffeffion. En même-temps il envoya fon fils Romain k Conftantinople, pour fe mettre entre les mains de 1'Empereur , comme s'il eüt abandonné fon pere dont il déteftoit Ia rébellion. Sclérus, par ce doublé artifice, croyoit fe mettre en füreté. Si Phocas reftoit le maïtre, il partageoit avec lui la fouveraine puifTance, 6c en ce cas fon fils ne couroit aucun rifque : fi au contraire TEmpereur écrafoit le parti de Phocas & le fien, fon fils accrédité auprès de Bafile par le facrifice qu'il fembloit lui faire des intéréts paternels, en obtiendroit aifément la grace de fon pere. Romain fe rend donc k la Cour de Bafile fous Tapparence de transfuge; il en eft, recu avec joie; & pour le récompenfer de eet éclatant témoignage de fidélité, TEmpereur le comble d'honneurs , Tadmet dans fa familiarité la plus intime, & ne forme aucune entreprife fans le confulter. Romain étoit adroit & infinuant; il s'étoit déja fait de la réptitation dans la guerre ; TEmpereur qui venoit  nu Bas-Empire. Liv. LXXVI. 2.69 de fe défaire de fon Miniftre , & qui cherchoit alors dans un autre les talents de Bafile avec la probité que Bafile n'avoit pas , crut ne pouvoir faire un meilleur choix; il fe repofa fur Romain de tout le détail du miniftere. Cependant Phocas qui ne vouloit pas avoir Sclérus pour collegue , mais encore moins pour ennemi , ufant de difiimulation , lui manda qu'il acceptoit fa propofition; il lui promettoit avec ferment de lui céder après la viftoire , Ahtioche , la Phénicie, la Cceléfyrie , la PalefHne , la Méfopotamie; il fe réfervoit le refte. Sclérus parut content de ce partage , & fe riant au ferment de Phocas, il vint le trouver en Cappadoce , pour conférer avec lui fur leurs intéréts communs. Ces deux ambitieux fe fouoient Pun 1'autre; Sclérus, après le fuccès, ne s'en feroit pas tenu k ce partage inégal : mais Phocas prit les devants. Dès qu'il eut Sclérus en fon pouvoir, il ledépouillades ornements impériaux, & 1'envoya fous bonne garde au chateau de Tyropée. L'armée fuivante fe pafla en négoM iij Basile II. Cons tantin VIII. Ann, 987. XXVI. Phocas fait emprifonnerSclérus.  BasileII. ConstantenVIII. Ann. 989. XXVII. Défaite ce Calocyr, Lieur^nant de Phocas. 270 H I S T 0 I R E ciations inutiles & en préparatifs de guerre de part & d'autre. L'Empereur , allié de Volodimir, Prince des Ruffes, au quel il avoit donné en mariage fa fceur Anne, en tira des fecours confidérables. Enfin, dès les premiers jours de 1'an 989, Phocas fe mit en marche vers Conftantinople. Son armée étoit nombreufe ; elle fut partagée en deux corps. II donna lün au Patrice Calocyr Delphinas, avec ordre d'aller camper a Chryfopolis vis-a-vis de Conftantinople : il conduifit lui - même 1'autre devant Abyde , efpérant par ce moyen affamerla capitale, a laquelle il fermoit d'un cóté le paffage de 1'Hellefpont y de 1'autre celui du Bofphore. L'Empereur effaya d'abord de détacher Calocyr du parti de Phocas. Cette tentative n'ayant pas réufri, il fait embarquer les Ruffes pendant la nuit dans fa flotte qu'il tenoit appareillée ; Sc ayant paffé le détroit a 1'infu de 1'ennemi, il tombe fur le camp des rebelles, les taille en pieces, prend Calocyr, Sc le fait pendre dans le lieu même ou fa tente étoit plantée. On trouva dans ce camp Nicéphore  duBas-Empire. Liv. LXXVI. zyr 1'aveugle , frere ainé de Phocas. II fut mis dans les fers. Les autres prifonniers furent condamnés a diverfes peines, & TEmpereur retourna victörieux a Conftantinople. Phocas attaquoit Abyde de toutes fes forces, & la ville fe défendoit avec la même vigueur. Cyriaque, Amiral de l'Empire, s'étoit jetté dans la place, èc encourageoit les habitants. Après la défaite de Calocyr, TEmpereur Conftantin, que Ie bruit d'une guerre fi proche fembloit réveiiler, s'embarqua fur la flotte, &c fon frere Bafile le fuivit pour aller combattre Phocas. Ils prirent terre prés deLampfaque. A cette nouvelle, Phocas laiffé devant Abyde une partie de fon armée pour continuer le fiege, tk marche avec le refte a la rencontre des deux Empéreurs. Déja les deux armées étoient en préfence; on n'attendoit que le fignal pour commencer une bataille qui devoit décider du fort de l'Empire. Alors Phocas, réfolu de vaincre ou de périr dans cette journée , voyant de loin Bafile voler entre fes efcadrons , dont il formoit les rangs ik animoit le couM iv BasileII. ConstantenVIII. " Ann; 9S9. XXVIIIMort is Phocas.  BasiieII. ConstantenVIII. Ann. 989. 1 i 2/2 fJlSTOIRB rage , perfuadé que la mort de ce Prince lui donneroit une vicfoire affurée, piqué fon cheval, Sc court a lui la piqué baiffée avec tant de furie , qu'il fembloit que rien ne pourroit 1'arrêter. II approchoit des ennemis , lorfqu'au grand étonnement dés deux armées , on le vit tourner bride, gagner une éminence voifine , defcendre de cheval, Sc s'étendre fur la terre. On y court, on le trouve rendant les derniers foupirs. La caufe d'une fi prompte mort eft diverfement rapportée. Les uns difoient qu'il avoit été percé d'une fleche, & TEmpereur Conftantin fe vanta que !e coup étoit parti de fa main ; mais du ne trouva fur fon corps aucune bleflure. D'autres attribuoient fa mort a une apoplexie fubite. L'opinion qui s'accrédita davantage, fut qu'il avoit été empoifonné. C'étoit l'ufage de Phocas, de boire un verre Teau fraiche toutes les fois qu'il alloit :ombattre ;& Ton difoit que Siméon, e plus affidé de fes domeftiques, :orrompu par Targent de TEmpe■eur, lui avoit en cette occafion fait ivaler un poifon mortel, qui ne de-  du Bjs-Empire. Liv. LXXVI. 17% voit opérer qu'au bout de quelques moments. Un événement fi étrange jetta Pefiroi dans fon armée. Tout fe débanda; on fit plus de prifonniers que de carnage. Les Officiers pris furent diftingués des autres par une plus grande ignominie. L'Empereur, de retour a Conftantinople , les fit promener dans le Cirque fur des anes, le vifage tourné vers la queue. II n'exempta de eet affront que Léon MélifTene , a caufe du refpett: qu'il avoit confervé pour fes maïtres légitimes, au milieu même de la rébellion. Dans le temps que Phocas rangeoit fon armée en bataille, Théognofte, frere de Léon, parlant des deux Empéreurs en termes injurieux, Léon 1'avoit réprimandé fortement; & comme 1'autre continuöit fes difcours outrageants, il 1'avoit fait taire en lui déchargeant plufieurs coups du bois de fa piqué. Cette action avoit été rapportée k Bafile. Le corps d'armée qui étoit demeuré au fiege d'Abyde, fe difperfa. On trouva dans le bagage de Phocas , une lettre d'Agapius, Patriarche d'Antioche , qui approuvoit fa conduite, öc 1'exhortoit k perM v BasileII. Constanten VIII. Ann. 989.  BasileII. Cons- tantin VIII, Ann. 989. XXIX. Réconciliation de Sclérus avec TEmpereur. 274 H I S 1 0 1 R E fifter dans la révolte. C'étoit Bafile qui, douze ans auparavant, avoit placé ce Prélat. Pour punir une fi noire ingratitude, il fe contenta de le faire amenera Conftantinople, Sc enfermer dans un Monaftere. La mort de Phocas n'éteignit pas entiérement la rébellion. Sa femme, maïtrelTe du chateau de Tyropée , mit Sclérus en liberté pour fufciter de nouveaux embarras a TEmpereur. En effet, tous les partifans de Phocas vinrent fe ranger auprès de Sclérus, & il fe trouvoit en état de continuer la guerre. Mais las de tant de traverfes, & defirant trouver enfin quelque repos dans fa vieilleffe après une vie fi agitée , il employa fon fils auprès de TEmpereur pour obtenir le pardon du pafte, & TalTurance d'un traitement honorable póur l'avenir. L'Empereur ne fe rendit pas difficile. II fit dire a Sclérus qu'il étoit temps de cejfer de répandre le fang des Chrétiens , dont il rendroit compte au 'ribunal de leur maitre : qu'il devoit mfin reconnoüre la volonté de CArbitre rouverain des Empirts, qui donnoit la. viiloire d ceux qu'il avoit choijis pour  nu iJJs-EypiRE. Liv, LXXVI. 275 Empéreurs ; que pour lui , loin de le punir de fa révolte , il lui conféreroit la dignité de Curopalate, s'il rentroit dt bonne foi dans fon devoir. Sclérus, après avoir fait tant d'efforts inutiles pour parvenir h la première place de l'Empire , fe trouva trop heureux de s'affeoir a la feconde, que TEmpereur vouloit bien lui offrir. II fe mit en chemin pour aller faire fa foumiffion au Prince. Bafile étoit affis fous une tente , qu'il avoit fait dreffer fur le rivage. Voyant venir Sclérus qui marchoit avec peine appuyé fur deux Ecuyers, a caufe de fa vieilleffe Sc d<. la pèfanteur de fon corps , (quelquesuns difent même qu'il étoit devenu aveugle dans ce voyage) il fe tourm vers fes courtifans : Voild donc , leu: clit-il, celui qui nous donnoit tant dal larmes. Vanité de tambition ! hier ce homme fe croyoit en état de gouvernt l'Empire ; aujourdhui il a befoin a deux conducteurs. Sclérus avoit quitt les ornements Impérianx ; mais avoit oublié de fe défaire de la chaul fure de couleur de pourpre. L'En pereur Tayant remarqué, détourr les yeux, oc lui fit refufer Tent« M vj BasileII. Coks- tantin VIII. Ann, 9$9Ï t r e \ a e  BasileII, ConstantenVIII. Ann. 989. XXX. Affaires d'Italie. Lup. prota/p, Chron. Har. Murat. annal. tTItal. tom.V. p. 481 , j »2Ö H I S T Q I R E jufqu'a ce qu'il s'en fut dépouillé. Alors il fe leva pour le recevoir, lui préfenta la main, s'entretint avec lui, le fit^affeoir k fa table, & boire dans la même coupe. Au fortir du repas, il le revêtit de la dignité de Curopalate. Non-feulement il fit grace atous ceux qui avoient fervi Sclérus; il leur conferva même les biens & les titres qu'ils en avoient recus. Sclérus mourut peu de temps après. Pendant le cours de cette guerre, les Sarafins de Sicile firent plufieurs defcentes en Italië. Dans Bari, le peuple foulevé contre Sergius Protofpate, c'eft-a-dire, premier Capitaine, le maffacra. Les Sarafins, profitant de ces troubles, vinrent dépeupler le territoire de cette ville, & emmenerent les habitants en Sicile. Deux ans après, le Patrice Jean Ammiropule, envoyé par PEmpereur, entra dans la ville; & pour punir la révolte fans répandre trop de fang, il ne fit mourir que trois des principaux labitants, qui fe trouverent les plus roupables. Au bout de quelque temps, e Comte Affon , apprenant que les >arafins étoient defcendus prés de  du Bas-Empire. Liv. LXXVI. 277 Tarente, marcha contre eux avec des troupes levées dans Bari. Sa hardieffe ne fut pas heureufe; il perdit la vie dans le combat, & fa petite armée fut taillée en pieces. Bafile, délivré des inquiétudes d'une guerre civile, s'occupa de la défenfe de fes Etats contre les barbares. II fongea d'abord k réprimer les Bulgares. Le mauvais fuccès de la première expédition avoit accru leur audace; & pendant les troubles de l'Empire , ils n'avoient ceffé de faire des courfes en Thrace & en Macédoine jufqu'aux portes de Theffalonique. Bafile alla vifiter ces Provinces, pour en affurer la tranquillité, & mettre les places en état de défenfe. Arrivé k Theffalonique, il rendit fes hommages au faint Martyr Démétrius ,patron de- cette ville , auquel il avoit une finguliere dévotion ; & après avoir réparé les forti fications de cette place importante, il y lailTa pour Gouverneur Grégoire le Taronite. C'eft ainfi qu'on nommoit les defcendants de ces Princes de Taro, qui, fous les regnes précédents, avoient fait préfent aux Empéreurs des domaines JasileII. CONSTANTIN VIU. knn. 990. XXXI. Voyage en Macédoine. Cedr. f. 701. Zon. torn. II. p. 223. Du Cange fam. p. 173. 3iJ.  BasileII. Cons- tantin VIII. Ann, 990, Ann. 991. XXXII. L'Ibérie donriée a l'Empire. 2?8 HlSTÖIRE qu'ils poiTédoient entre 1'Euphrate & le mont Taurus, & étoient venus s'établir a Conftantinople ,,oü ils fonderent une familie illuftre par fes dignités & par fes alliances. Quelques Taronites avoient fuivi le parti de Sclérus; mais TEmpereur, perfuadéde la bonne foi de ceux auxquels il avoit pardonné, comme ils le furent auffi de la fienne, ne craignit pas de les employer, & jamais il n'eut occafion de s'en repentir. Ils ne fe fouvinrent de leur faute, que pour la réparer par leurs fervices. L'année fuivante fonrnit un événement mémorable.. David , Roi d'Ibérie, qui portoit, felon Tufage , le titre de Curopalate de l'Empire, étant prés de mourir , légua par teftament fes Etats k TEmpereur. Bafile fe tranfporta dans le pays pour en prendre pofTeffion. David ne laiffoit point de fils : mais George, fon frere, n'étoit pas content d'une difpofition qui lui enlevoit une couronne. Bafile jugea plus a propos d'entrer en accommodement avec lui, & de céder une partie, que dexpofer le tout au hafard 4'une guerre, II lui abandonna TIbé-  du Bas-Empire. Liv. LXXPI. 279 rie Septentrionale, a condition qu'il n'entreprendroit rien fur le refte; &c pour füreté du traité, il recut en ötage le fils du nouveau Roi. La République de Venife, quoique jouiflant de tous les droits de fouveraineté, entretenoit toujours avec l'Empire une correfpondance refpectueufe. Tribuno Memmo, Doge de Venife, ayant fort a. cceur de faire défigner pour fon fucceffeur fon fils Maurice, mais fentant bien qu'il n'étoit pas affez aimé pour y réuflir, 1'envoya faire fa cour k TEmpereur, dans Tefpérance qu'il en reviendroil décoré de quelque titre , & que ce feroit pour lui une recommandatior auprès de fes concitoyens. La mori du pere pré vint le retour du fils, & mit en défaut toute cette politique Pierre Orféol, fucceffeur de Memmo fut plus heureux dans fa négociatioi avec TEmpereur. II en obtint la buil d'or, qui contenoitquantité d'exemp tion & de privileges accordés au Vénitiens" dans toute Tétendue d l'Empire d'Órient. Depuis Taffoibliffement de la puil fance du Calife, les Emirs qui gou BasileII. Cons- taktin VIII. Ann. 991. XXXIII. Relation des Vénitiens avec l'Empire. Murat. hifi. d'Ital.t. V. p. 4S9, 49 » 1 t Arm. 991-. XXXIV. Expédi-  BasileII. Cons- tantin VIII. Ann. 992. tion en Phénicie. Cedr. p. 701 , 702. Zon. torn* II. p. 223. Abulfeda. Elmacin' 280 HlSTOIRE vernoient les villes de fon Empire , s'étoient rendus prefque indépendants. Ils faifoient la guerre, ils contractoient des alliances felon leur volonté, comme s'ils eufTent été Souverains. L'Emir d'Alep, afTiégé par Aziz, Soudan d'Egypte, demanda du fecours aux Grecs; on lui envoya quelques troupes qui furent battues. L'année fuivante, comme le. fiege duroit encore, 1'Emir députa de nouveau a TEmpereur; il lui repréfentoit qu'Alep étoit la clef de l'Empire du cöté de la Syrië, & que la prife de cette ville ouvriroit au Soudan un paffage dans TAfie mineure. Bafile , touché de ces raifons, y marcha en perfonne avec une nombreufe armée, lorfque TEgyptien leva le fiege, & fe retira. L'Empereur, après avoir re?u de TEmir de riches préfents, fe voyant a Tentrée de la Syrië, réfolut de fe venger des infultes qu'il avoit recues des Sarafins pendant la guerre civile. Les Ernirs de Syrië & de Phénicie s'étoient réunis pour attaquer Antioche, ils avoient tué dans un combat le Gouverneur Damien, & peu s'en étoit  nu Bjs-Empire. Lh. LXXVI. 281 fallu qu'ils ne s'en rendiflent maitres. Bafile marcha vers 1'Oronte ; il afliégea, prit & pilla Schizar, 1'ancienne Lariffe. II en fit autant a Emefe, 011 grand nombre de Mufulmans furent maflacrés. La terreur de fes armes lui foumit les Emirs de Damas, de Tyr & de Béryte. Enfin, il affiégea Tripoli, la plus forte place de ces contrées. Mais après des attaques redoublées pendant quarante jours, il fut obligé d'abandonner le fiege, & prit le chemin de Conftantinople avec les ötages que les Emirs lui avoient mis entre les mains. Comme il paffoit par la Cappadoce , Euftathe Malin, dont les domaines s'étendoient dans une grande partie de cette vafte Province, le regut chez lui avec fa Cour, & défraya fpjendidement toute fon armée. Le Prince parut auffi fatisfait qu'étonné d'une li magnifique dépenfe. Mais faifant enfuite réflexion, qu'une fi énorme opulence dans un fujet eft onéreufe k 1'Etat, dangereufe au Prince, & qu'elle ne peut s'établir fans faire grand nombre de miférables, il emmena Malin k Conftantinople, & 1'y BasileII. Constantie VIII. Ann. 991.  BasiieII. Cons- tantin vin. Ann. 992. Ann. 995. XXXV. Othon III demande en mariage une Princefle Grecque. Du Cange fam. p. . Murat. annal. cVItal. 1 torn. V. p. i 497, 505, ] J06, 509. j i 282 fflSTO/RE retint pendant le refte de fa vie, Ie laiffant jouir de fes revenus, mais fans lui permettre de retourner fur fes terres. Après fa mort, il confifqua fes biens , fruits malheureux de la rapine & de 1'injuftice. II défendit même par une loi exprefle les acquifitions immodérées; Romain Lécapene Sc Conftantin Porphyrogenete avoient déja fait cette défenfe^ fouvent renouvellée, & toujours violée par 1'infatiable avidité des richefles plus forte que toutes les loix. L'hiltoire ne donne point d'enfants a Bafile; elle ne dit pas même qu'il ut jamais été marié. Son frere Conftantin avoit demandé en mariage rladwige, fille de Henri, Duc de Baviere, frere d'Othon le grand; elle -efufa cette alliance, Sc fut mariée k Burchard, Duc de Suabe. Après ce ■efus, Conftantin époufa Hélene, fille iu Patrice Alype, diftingué par fes ■icheffes. II en eut trois filles, Euloeie , Zoé, & Théodora : Othon II, Empereur d'Allemagne, fils de eur tante Théophano, fouhaita den ivoir une en mariage. On ne dit pas aquelle des trois, L'admiration quV  du Bas-Empire. Liv. LXXFI. s§3 voient excitée les éminefites qualités de Théophano, morte en 990, faifoit defirer a toute 1'Allemagne une Impératrice fortie de la même familie. Deux Ambaffadeurs furent envoyés a Conftantinople pour en faire la demande; c'étoient Jean Philagathe, dit le Calabrois, &Bernuvard, tous deux Archevêques, t'un de Plaifance, 1'autïe de Wirtzbourg. Les aventures de Philagathe font un exempie des jeua de la fortune. II étoit Grec, né er Calabre dans une condition fervile S'étant préfenté d'abord a 1'Empereui Othon II en habit de mendiant i obtint de la charité de 1'Impératria une penfion alimentaire. Une hypo crifie bien foutenue, une humitit< contrefaite, un détachement affect des biens de ce monde, moyen de plus heureux pour les acquérir, lü concilierent peu-a-peu la bienveil lance du Prince, qui ne ceffa jufqu' fa mort de le combler de faveur; L'enfance d'Othon III, & la tendr piété de Théophano , lui furent favc rables pour le maintenir en crédi L'Archevêché de Plaifance étant v< nu a vaquer, il s'y fit nommer p; BasileII. Cons- TAKTIN VIII. Ann. 995. [ i i e & r  BasileII. Constant-in VIII. Ann. 995. £34 H I S T 0 1 R E le Prince, au préjudice d'un fujet canoniquement élu. Arrivé a la Cour de Conftantinople, il expofa fa commifïïon. La propofition fut bien recue. A fon départ, 1'Empereur le fit accompagner de plufieurs députés , qui devoient régler avec Othon les conditions de 1'alliance. Mais en paffa nt par Rome, il y trouva une occafion de fortune, qui 1'arrêta. Crefcence, tyran de Rome, avoit chaffé le Pape Grégoire V, coufin & ami de TEmpereur Othon. II crut voir dans le Calabrois les talents nécelfaires pour fervir fon ambition. II le plac^a fur le tröne pontifical, a condition qu'il fe contenteroit de Tautorité fpirituelle, & qu'il lui lailTeroit le gouvernement abfolu du temporel, fous la proteftion & la fouveraineté des Empéreurs Grecs. II eft probable que les Ambaffadeurs Grecs trempoient dans ce complot. Othon, outré de colere , vint a Rome , rétablit Grégoire V, fit trancher la tête k Crefcence, crever les yeux, & couper le nez & la langue a Philagathe, qui eut lieu de fe repentir d'avoir quitté fa chaumiere de Calabre. La perfide  du Bas-Empire. Liv.LXXFI. 285 ambition de ce traitre rendit fon ambaffade inutile. Quelque temps après, Othon envoya de nouveau k Conftantinople pour le même fujet,Arnulfe , Archevêque de Milan , avec un fuperbe cortege. Le mariage étoit arrêté, lorfque la mort d'Othon en rompit le projet. Une lettre de Hugues Capet, devenu Roi de France, adreffée aux Empéreurs Bafile & Conftantin , pourroit faire croire que c'étoit cette même Princeffe fur qui ce Monarque avoit jetté les yeux pour la faire époufer k fon fils Robert. Elle n'eft délignée dans cette lettre que par le nom de fille du fiaint Empire Romain. Si c'étoit Eudocie , 1'ainée des filles de Conftantin, j'ajouterai qu'elle ne fut jamais mariée. Les triftes impreftions de la petite-vérole la défigurerent tellement, qu'elle fe renferma dans un cloïtre, oü elle paffa le refte de fes jours. Pendant ces négociations, le Patriarche Nicolas mourut, & eut pour fucceffeur Sifinnius, revêtu de dignités féculieres. On voit que malgré 1'improbation des Papes, les Grecs continuoient d'élever des laïcs k 1'E- BasileIÏ. constantïn VIII. Ann. 99J, Ann. 996. XXXVI. Sifinnius Patriarche. Cedr. p* 701.  BasileII. cokstantinVIII. Ann, 996. Zon. torn. 11. p. 213. Joel, p. 182. Oriens Chrifl. 1.1. p. 257. XXXVII. Affaires d'Italie. Lup. protofp. Chron. Bar. Murat. an. Kal. d'leal. t. V. p. 520. Giann. Hifi. Nap. (. 8. e. 3. 28t> H 1' S T 0 I R B pilcopat. Sifinnius étoit efiimé pour fa vertu &c fon favoir. Dans la lbmbre ignorance dont toute 1'Europe étoit alors obfcurcie, on confervoit encore quelques traits de lumiere a Conftantinople. La Calabre & la Pouille étoient un théatre de guerres, oü les Grecs, les Lombards, les Sarafins, tantöt unis deux nations contre une, tantöt féparément, fe déchiroient par de continuelles attaques. Les Sarafins prirent fur les Grecs la ville de Matera , après trois mois de fiege. Smaragde, homme puiflant & hardi, foupconné de mauvais deffeins contre l'Empire, & pour cette raifon exilé de Bari fa patrie , leva Pétendard de la révolte. Etant entré dans Oria, il tua Théodore, qui commandoit pour 1'Empereur. S'étant enfuite livré aux Sarafins, il leur offrit de les mettre en poffeffion de Bari par intelligence. Bufith, Officier Sarafin,le fuivit avec quelques troupes. Smaragde for9a une des portes, & pénétra dans la ville. Mais n'étant pas fecondé par fes partifans fecrets, il eut le bonheur d'en fortir fans y perdre la vie.  nu Bas-Em?ire. Liv, LXXVI. 287 Les Sarafins fe retirerent. Grégoire Tracomote, le premier qui paroiffe dans 1'hiftoire avec le titre de Catapan , rétablit pour quelque temps les affaires des Grecs. II prit Smaragde , fit le fiege de Gravina, dont il fe rendit maitre, & recouvra une grande partie de la Pouille. Les Bulgares étoient des ennemis plus voifins & plus redoutables. Leur Roi Samuel marcha vers Theffalonique; & ayant partagé le gros de fes troupes qu'il poffa en diverfes embufcades, il en envoya un corps peu nombreux faire une courfe jufqu'aux portes de la ville. Le Gouverneur Grégoire le Taronite, chargea fon fils Afotès de les aller reconnoïtre, fans s'engager dans un combat. Ce jeune homme, emporté par fon ardeur , fond fur eux, les met en fuite , les pourfuit fans précaution, & tombe dans une embufcade. Grégoire, allarmé du danger de fon fils, court a fon fecours; il eft lui-même enveloppé , &c meurt en combattant avec courage. L'Empereur, k la nouvelle de eet échec, fait partir Nicéphore Urane, qui s'étoit fauvé des prifons BasileII Cons- tantin ym. Ann. 996. XXXVIII Succès en Bulgarie. Cedr. p. 702 , 703, 704. Zon. t. II, p. 223, 224%  BasileII, Cons- tantin VIII. Ann. 996. 283 HlSTOIILE du Calife dans le même temps qne Sclérus. II lui donne un grand corps de troupes légeres. Urane, arrivé a Theffalonique, apprend que Samuel, fier de fa vicfoire , avoit pénétré dans la Grece, & qu'ayant paffe le fleuve Penée, & traverfé la Theffalie , il approchoit des Thermopyles a deffein de porter le ravage dans 1'Achaïe & jufques dans le Péloponnefe. II va le chercher, entre en Theffalie; & ayant laiffé fes bagages a Lariffe pour faire plus de diligence , il paffe le fleuve Apidane , traverfe les plaines de Pharfale , & va camper fur le bord du Sperchius vis-a-vis des ennemis campés fur 1'autre rive. Le fleuve, grofii par les pluies, étoit alors débordé, en forte que le paffage fembloit être impraticable. Cependant Urane après 1'avoir fait fonder audeffus & au-deffous, trouva un endroit guéable; il y fait paffer fon armée pendant la nuit, attaque fur le champ les Bulgares qui dormoient tranquillement, & les maffacre fans réfiftance. Samuel & fon fils, dangereufement bleffés, n'évitent d'être pris qu'en fe couchant comme morts entre  dv Bas-Empike. Liv. LXXFI. 289 tre les cadavres ; ils y demeurent tout le jour fuivant, & fe fauvent la nuit dans les montagnes d'Etolie, d'oü ils gagnent le mont Pindas, &c enfin la Bulgarie. Urane, après avoir dépouillé les morts & pillé le camp , oü il trouva un grand nombre de prifonniers Grecs qu'il mit en liberté, retourna chargé de butin a Theffalonique. Afotès étoit prifonnier a la Cour du Roi Bulgare. Jeune, bien fait & galant, il fe fit aimer de la fille du Prince. Elle en fut fi vivement éprife, que fur le refus que faifoit fon pere de confentir a ce mariage, elle menacoit de fe livrer au dernier défefpoir. II fallut donc que Samuel acceptat pour gendre le jeune prifonnier ; & pour Pattacher par une marqué de confiance , il lui donna le gouvernement de Dyrrachium , & 1'envoya dans cette ville avec fa fille. Cette place importante, prife depuis quelque temps par les Bulgares, les rendoit maitres de la navigation dans une grande partie du golfe Adriatique. Samuel fut mal récompenfé de fa complaifance; il perdit fa fille & Tomé XVI, N BasileII. Cons- TANTIN VIII. Ann. 996. Ann. 997. XXXIX. Dyrrachium livré a TEmpereur.  BasileII. Cons- tantin VIII. Ann. 997. Ann. 99S. XL. Intelligences 3vec les Bulgares. SpO II I S T 0 I R F, la meilleure ville de fes Etats. Afotès ayant infpiré fes fentiments a fa femme , ne fut pas plutöt dans fon gouvernement, qu'il la fit paffer avec lui fur des vaiffeaux Grecs, qui cotoyent le rivage, & tous deux enfemble fe tranfporterent k Conftantinople , oü le mari fut honoré de la dignité de Maitre des offices, &c la femme de celle de Dame d'atour de 1'Impératrice Kélene. Afotès apportoit une lettre de Chryfele, le plus puiffant habitant de Dyrrachium , qui promettoit aux Empéreurs de leur livrer la ville , s'ils vouloient lui conférer a lui &c k fes deux fils le titre de Patrice. La condition fut acceptée; le Patrice Euftathe Daphnomele alla prendre poffeffion de la place, & y fit entrer une bonne garnifon. Tandis qu'Afotès trahiffoit fon beau-pere par affe£tion pour l'Empire, d'autres Grecs trahiffoient l'Empire pour favorifer les Bulgares. On accufa d'intelligence avec eux Paul le Begue , le premier Citoyen de Theffalonique, tk. Malacin, Protofpathaire, renommé pour fon favoir &Z  du Bas-Empire. Liv. LXXVI. 291 fon éloquence. Le premier fut amené h Conftantinople , d'oii il eut défenfe de fortir ; 1'autre exilé au fond de la Thrace. Cette découverte donna 1'allarmea plufieurs habitants d'Andrinople , des plus diftingués. Ils favoient qu'on les foupconnoit de la même perfidie. Pour en éviter la punitioh , ils leverent le mafque, & pafferent dans le pays des Bulgares. Le defir qu'avoit Bafile de fubjuguer cette nation, & de chafTer les Sarafins de I'Italie & de la Sicile , refferroit les liens de 1'amitié, que l'Empire entretenoit de tout temps avec les Vénitiens. II efpéroit en tirer de grands fecours pour 1'exécution de fes projets. II fit venir a Conftantinople Jean Orféol, fils du Doge, collegue &c défigné fucceffeur de fon pere; il le combla d'honneurs, & lui fit époufer Marie, fceur de Romain Argyre, qui fut depuis Empereur. Les noces furent célébrées a Conftantinople avec autant de magnificence qu'auroient pu 1'être celles de Bafile même. Le Patriarche couronna les deux époux d'une couronne d'or , 6c Jean recj.it le titre de PatriN ij BasileII. Cons- TANTItl VIII. Ann, 99S. Ann. 999. XLI. Marie, fceur d'Ar. gyre , mariceaufilsdu Dogs de Venife. Cedr. p. 704. Petr. Damian. epijl. 14- l- 7. Du Cangt fam. p, »ï. Murat. annal. d'Ital. t. V. p. U7- Abrèeè de Vhifl. d'Ital. p, 924.  Basiie U. CONSTANTIN VIII. Ann. 999. XLII. Bafile en Bulgarie. Cedr. p. 704. Zon. t.11. f. 223. Joel. p. ■ 182. j Oriënt 1 292 HlSTOIRE ce. C'efHe feul Doge de Venife qui ait été décoré de cette dignité. Pierre Damien raconte des cholés incroyables de la vie molle de cette Princeffe. Entre autres raffinements devolupté, il rapporte que dédaignant les eaux des rivieres & des fontaines, elle fe faifoit préparer des bains de rofée. II ajoute qu'en punition de fa molleffe, elle fut affligée d'une maladie qui lui fit tomber les membres enpourriture, & qu'il ne lui refta quüne feule de fes femmes affez forte pour foutenir 1'odeur infeöe qui s'exbaloit de fon corps. II paroit que eet Auteur, dont la fainteté mérite du refpeft&leftyle même quelque eftime, n'étoit guere plus réfervé fur i'hyperbole que les autres Ecrivains de fon fiecle. C'étoit ce qu'on appelloit éloquence en ces temps-la. Bafile, après avoir pris part aux réjouiffances de ce mariage , s'occupa de foins plus férieux. 11 voulut i'inftruire par lui-même de 1'état de la Bulgarie, & marcha vers Philipwpolis avec quelques troupes. II s'ap>rocha de Triadize, ruina les cMeaux d'alentour; & après avoir laiffé  nu Bjs-Empire. Liv.LXXVl. 293 le Patrice Théodorocane dans Philippopolis pour la garde de cette frontiere, il reprit le chemin de Conftantinople. Deux ans après, Théodorocane fe défit de eet emploi a caufe de fon grand age , 8c Nicéphore Xiphias fut mis a fa place. Le Patriarche Sifinnius mourut eet année 999, après trois ans d'épifcopat , 8c eut pour fucceffeur Sergius II. L'année fuivante qui étoit la derniere du dixieme fiecle , TEmpereur envoya une grande armée au - dela du mont Hémus, fous la conduite de Nicéphore Xiphias. II le fit joindre par Théodorocane. Ces deux Généraux entrerent en Bulgarie, firent le dégat jufqu'aux bords du Danube, fans qu'il paroiffe que Samuel ait ofé les arrêter. Ils prirent les deux plus grandes villes de ces contrées, Plifcova Sc Paraflhlava , dont les Bulgares s'étoient de nouveau emparés depuis la mort de Zimifcès, Sc rapporterent un riche butin a Conftantinople. Bafile étoit trop jaloux de gloire , pour la laiffer toute entiere k fes Généraux. Se reprochant a lui-même N iij Basile H. Cons- T ANTII? VIII. Ann. 999. Chrifl. torn, 1 » P'g. 157. XLIII. Succès de fes Génécaux. An. 1001. XLIV. Prife de  BasileII Cons- tantin VIII. An. iooi, plufieurs places. t < 1 1 =94 H i s t o i r e de leur avoir abandonné les fuccès de la campagne précédente, il fe mit a la tete de fes troupes, & fe rendit a rhelfalonique. Les Bulgares occupoient prefque toute la Macédoine. Dobromer commandoit dans Berrhée; il en ouvritles portes a 1'Empereur, & recut en récompenfe la digmté de Proconful. Nicolize défendit long-temps le chateau de Serres ; mais cette place fut enfin forcée. Bafile en fit fortir les Bulgares, y mit garnifon , & retournant a Conftantinople, il emmena Nicolize. Loin de Je traiter en ennemi prifonnier , il le fit Patrice en confidération de fa valeur. Mais Ie Bulgare préférant fa patne & le fervice de fon maïtre naturel a toutes les dignités de Conftantinople , s'enfuit fecretement, retourna trouver Samuel, & lui perfuada qu'il pourroit aifément reprendre Serres. Samuel alla donc 1'affié;er. Mais il ne put s'en rendre maïtre ivant le retour de TEmpereur, qui :tant accouru en diligence, Tobligea le lever le fiege. Nicolize fut pris, nis dans les fers, & enfermé dans me prifon a Conftantinople. Bafile  du Bjs-Empire. Liv. LXXFI. 295 paffa en Theffalie, rétablit les places que Samuel avoit ruinées, emporta de force celles dont les Bulgares étoient encore poffeffeurs. II repaffe enfuite en Macédoine , & prend d'affaut le chateau de Bodene bati fur un roe efcarpé , au pied duquel fe plongeoit 1'eau d'un marais, qui reffortant du cöté oppofé, s'alloit décharger dans le fleuve Erigon. L'Empereur laiffant dans Bodene une forte garnifon , retourne k Theffalonique. Tous les prifonniers Bulgares furent tranfportés dans une place forte nommée Bolere, fur les terres de l'Empire. Bafile eftimoit le courage, & 1'honoroit même dans fes ennemis vaincus. Draxan, qui s'étoit fignaléala défenfe de Bodene, eut la liberté de vivre k Theffalonique. II y époufa la fille d'un citoyendiftingué. Après en avoir eu deux enfants, il s'enfuit pour retourneren Bulgarie. Ayant été arrête fur la frontiere , il obtint fon pardon k la priere de fon beau-pere. Une fe conde évafion lui fut encore pardonnée: mais deux ans après , une trol fieme fut punie de mort. Depuis 1'expédition de Bafile er N iv BasileII. Cons- TANT1N VIII. An. 1001. XLV. Arabes vaincus.  BasheII. C ONSTANTINVIII. An, looi. t 1 1 c è i S t ë ■ ft An. iooz. XLVI. Samuel battu. Cedr. p, 705,706. Zon. torn. U. p. 224. . Les fuccès de Pannée précédente infpiroient k Bafile une nouvelle ardeur. Dès les premiers jours du printemps, il retourna en Bulgarie, & afïiégea Bidyne , ville forte & bien défendue, qu'il ne prit qu'au bout de huk mois. Pendant qu'il étoit occupé k ce fiege, Samuel, k la tête d'un corps de troupes légeres, alla furprendre Andnnople le jour de 1'Afiomption , pilla la ville, &enemportaun riche butin. L'Empereur, après avoir enfin 296 ^ H 1 s t 0 1 n b Phénicie, les Sarafins fe tenoient en repos, craignant d'irriter ce Prince belhqueux. Mais deux tribus d'Arabes, forties du défert, vinrentravagerla Céléfyrie, & firent des coures jufqu'aux murs d'Antioche. Urane pJi en étoit Gouverneur fe trouvoit Jors k Theffalonique, dont 1'Empeeur lui avoit confié la garde après \ !f0rt ?e Grégoire. 11 recut ordre aller défendre fon gouvernement, c David 1'Arianite fut mis k fa place ans Theffalonique. Urane , arrivé en yne, défit en plufieurs combats Cif•mete, chef de ces Arabes, & Pobliea de s'aller cacher dans fes dé;rts.  nu Bas-EmvirZ. Liv. LXXVI. 297 pris Bidyne, en répara les fortifications qu'il avoit détruites , & reprit la route de Conftantinople par les montagnes de Dardanie , s'emparant de toutes les places qui fe trouvoient fur fon paffage. Arrivé prés de la ville de Scupes au bord de 1'Axius, nommé pour lors Bardarius , il appercut de 1'autre cöté le camp des Bulgares , qui fe croyoient en füreté k caufe de la profondeur du fleuve extrêmement groffi par les pluies. Cependant Bafile ayant découvert un gué hors de la vue des ennemis, y fit paffer une partie de fes troupes; & le Roi Bulgare , vivement attaqué lorfqu'il s'y attendoit le moins, n'eutque le temps de fe fauver en défordre, laiffant k 1'ennemi fes tentes èc fes bagages. Romain, fils du dernier Roi, & frere de Borifès, dont nous avons raconté les aventures, commandoit dans Scupes. II livra cette ville k Bafile, dont il recut en récompenfe la dignité de Patrice &£ le gouvernement d'Abyde. Après eet heureux fuccès, TEmpereur efluya un affront devant le chateau de Pernic, qu'il attaqua longtemps. II y perdit grand nombre de N v BASILE ^• CONSTANTIKVIII. An, 1002.;  BasileII. Cons- tantin YIIL An. 1002. i i XL VII. Bafile fe j rend odieux par * fes exac- i tions. Cedr. p. j 7o6. i Zon. torn, c p. 214, » 227. Glycas , t /"y. 310 , Ji 311. . i>araüns, conduits par un Renéeat nomme Fafi, tinrent Bari affiégedepuis Ie commencement de Mai mf« qu au milieu d'Odrobre. Alors Pierre Orfeol, Doge de Venife, vint avec une flotte au fecours de la ville • & s etant joint au Catapan Grégoire 1 hm« les Sarafins dans une fanglante fortie, & les obligea de lever e fiege Les Grecs -poffédoient en ce temps-la prefque toute la Pouille ■ ils ïtoient maitres d'Afcoli, & de toute acote de la mer Adriatique, excepté e Siponte & du mont Gargan, qui lependoit de la Principauté de Bélevent, mais dont les Sarafins s'éoient emparés. Les Grecs étoient «ffien poffeffion de la plus grande artie de la Calabre, & confervoient ncore la fouveraineté, ou du moins uelque autorite fur Naples, Amalfi, 'aete. Cetoit ce qu'ils appelloient ombardie. Environnés dWmis,  t>v Bjs-Empire. Liv. LXX/'L 303 ils avoient le plus grand intérêt de ménager les naturels du pays; ils les traitoient cependant avec cruauté & infolence , les accablant d'impóts , pülant leurs biens, enlevant leurs femmes ck leurs fllles. Les Ruffes &c les autres barbares du Nord , dont ils avoient grand nombre dans leurs troupes, leur avoient communiqué leurs mceurs. Enfin, les habitants de Bari, rebutés de tant de violences & d'injuftices, perdirent patience. En 1'année 1010,Mei, le plus diftingué d'entre eux, leur mit les armes a la main. Les uns le font Lombard d'origine, les autres prétendent qu'il fbrtoit d'une branche de la familie des Argyres , qui étoit venue de Conftantinople s'établir en Italië. II portoit en effet le furnom d'Argyre. C'étoit ün homme auffi avifé que vaillant. II fe joignit k Dat fon beaufrere, & tous deux enfemble, animerent leurs concitoyens contre les Grecs. Le Catapan Curcuas mourut dans cette conjon&ure, & peut-être fut tué dans la fédition. C'eft ce que les Chroniqueurs de ce temps-la n'éclairciffent pas. Les habitants de Bari 3ASILEII. CONSTANTIN vin. *.n. 1003.  BasileII. CONSTANTIN VIII. An. 1003. , i 1 j 1 1 c i f fi e e t< v ai le c< V' fe 304 BlSTOIRE choifirent Mei pour leur chef, & chafferent les Grecs. L'Empereur envoya des troupes commandées par Bafile Argyre, & par Contoléon , Gouverneurs, 1'un de Samos , 1'autre de Cephallenie. Mei leur livra bataille, & un fimple particulier défit entiérement deux Généraux de 1'EmJire. Mais 1'année fuivante , Bafile Argyre ayant recu un renfort confilerable avec le titre de Catapan dT- . ahe, affiégea Bari. Le peuple, touours inconftant, après deux mois 'e fiege, traitoit fecretement de fe endre, & de livrer Mei aux Grecs. 4el, en ayant eu connoiffance, abanonna la ville avec Dat, compagnon rféparable de fa fortune, & fe réJgia clans Afcoli, qu'il avoit auffi ut révolter. S'y voyant pourfuivi &z ncore affiégé, il s'enfuita Bénévent, ifuite a Salerne , enfin a Capoue, mjours rempli du deffein de délirer fa patrie, & ne ceffant d'agir iprès des Princes Lombards, pour s engager a la fecourir, Ses laches >mpatriotes, pour regagner la bien:illance des Grecs , arrêterent fa mme 6c fon fils, & les envoyerent  nu Bjs-Empirb. Liv.LXXFI. 305 a Conftantinople. Mei n'en de vint que plus implacable. Nous le verroris bientöt fe venger des Grecs par les armes d'une troupe de héros étrangers , dont la valeur fit dans cette partie de I'Italie une révolution imprévue. L'Occident commengoit alors a fe mettre en mouvement pour la conquête de la Terre-Sainte. Les Juifs Occidentaux & les Sarafins d'Efpagne, en donnerent avis aux Sarafins Orientaux. Cette nouvelle, portée au Calife de Bagdad, fit naitre une perfécution cruelle. La Méfopotamie, la Syrië , 1'Egypte, virent de nouveaux martyrs. La crainte de la mort & 1'horreur des tourments , firent grand nombre d'apoftats. Aziz, Calife d'Egypte , avoit époufé une Chrétienne , nommée Marie ; elle avoit deux freres. Aziz fit 1'un Patriarche de Jérufalem, 1'autre d'Alexandrie & du Caire. Hakim, fils & fucceffeur d'Aziz , qui s'étoit rendu maïtre de la Syrië, vint a Jérufalem , détruifit 1'Eglife du S. Sépulchre, fit abattre quantité d'autres Eglifes tk de Monafteres, & n'épar- BasileII. CONSTANT1N VIII. An. 1014. XLIX. Violences exercées fur les Chrétiens de Jérufalem. Ced. p. 706. Zon. 1.11. p. 225. Glaber. I. 3. c. 7. GuII. Tyr. I. 1. a 6.  BasileII. Cons- TA'NTIN VIII. An, 1014. c i { c e 30f5 ï HlSTOIRE gna pas même Ie Patriarche fon oncle qui fouffrit Ia mort avec courage. Les Chrétiens prirent la fuite, & fe difperferent dans tout 1'Orienr. Cependant, lorfque ce violentorage fut calmé par le retour de Hakim en Egypte, Marie fa mere fit travailler a rebStir 1'Eglife du S. Sépulchre des aumönes des fideles. La réconftruction de eet édifice , continuée par Romain Argyre,ne fut achevée que fous le regne de Conftantin Monomaque. Les Juifs, jaloux de 1'affluen:e des pélerins qui fe rendoient de Routes parts k Jérufalem, avoient ignalé leur haine dans cette perfé:ution. On s'en vengea dans 1'Occiient. Les Chrétiens, conjurés contre ;iix, les chafferent des villes; pluleurs furent maffacrés , d'autres ioyé_s, quelques-uns réduits au déefpoir, s'arracherent eux-mêmes la 'ïe. L'efprit des Croifades, qu'une neté guerriere formoit depuis quelue temps , s'animoit de plus en plus, t préparoit ces fameufes entrepri;s, qui firent pendant deuxfiecles, ouler des flots de fang en Syrië, n Paleftine, en Egypte. L'Europe  du Bas-Empire. Liv. LXXVI. 307 entiere balancoit déja pour fe jetter fur 1'Afie. Tous les accidents extraordinaires furent regardés après 1'événement, comme ayant été des pronoftics de cette grande révolution. Dans 1'hyver de 1'année 1011 , le froid fut fi excefïïf, que la mer fut couverte de glacons. Au mois de Janvier, on reffentit a Conftantinople ck dans les Provinces un tremblement de terre, dont les fecoufTes multipliées durerent "jufque dans le mois de Mars. Le 9 de ce mois, il éclata violemment avec un bruit terrible. Plufieurs édifices s'écroulerent ; plufieurs Eglifes furent abattues a Conftantinople , ck réparées par TEmpereur. La Bulgarie éprouvoit tous les F.ns les ravages de Bafile. Ce Prince, toujours armé , attaquoit ce malheureux pays avec une ardeur opiniatre ; & le Roi Samuel, quoique plein de valeur & de prudence, épuifé par des efforts continuels, ne pouvoit pltls réfifter k un fi puiffant ennemi. Sa derniere reffource fut de faire tirer un large foffé, bordé d'une BasileII. Cons- tantin VIII. An. 1014. L. Froid exceffif, LI. Défaite Sc mort de Samuel , Roi des Bulgares. Cedr. p. 707. & ftqq. Zon. torn. II. p. 225, 226 , 217. Glycas , pag. 310, 311.  BASItEir. CONSTANT1N VIII. An. 1014. Du Canps firn. p.S 3i6. Pagi ad Mar. M. Dan- rille, Mém. di l'Académie , vol XXXI. p. 2S7, rès d'Andrinople, que le Gouverteur de Pernic vint lui rendre homnage, & lui livrer cette place qui voitfi iong-temps réfifié k fes efforts. 1 lui remit en même-temps trenteinq chateaux qui dépendoient de  du Bas-Empire. Lïv. LXXVI. 323 fon gouvernement. L'Empereur,pour attirer les autres Bulgares, le combla d'honneurs , & lui conféra la dignité de Patrice. Arrivé a Mofynople , il y recut des députés de Pélagonie, qui lui apportoient la foumilTion de cette Province. A mefure qu'il avancoit, il trouvoit les chemins bordés d'une foule de peuple, qui fe profternant devant lui avec acclamation , le reconnoifToit pour maitre. Tous les Gouverneurs venoient lui préfenter les clefs de leurs places, & remettre leurs prifonniers entre fes mains. Ils recevoient en récompenfe le titre de Patrices. On lui rendit a. Serres le Patrice Jean pris autrefois par Samuel , & retenu dans les fers depuis 22. ans. A Strumpize, David, Archevêque de Bulgarie,apporta une lettre de Marie, veuve de Ladiflas, qui promettoit de fortir du pays k certaines conditions. L'Empereur fit fon entrée dans Achride, capitale duRoyau me, au milieu des cris de joie de tou: les habitants. II fe fit ouvrir les tréfors des Rois Bulgares, dans lefquel: il trouva de grandes fommes d'ar gent, des couronnes de pierreries O vj BasileII. ConstantieVIII. An., io iS.  EasiieII. CONSTANTIN vm. An, 101S. i J 1 1 c i 1 i 1 V n j< n e: P ti d: rr re 324 H1 s t o I R £ • • des habits précieux , & dix mille bvres pefant d'or, dont il fit Jarwffe a fes troupes. II laüfa pour Gouverneur Euftathe Daphnomeïeavec une forte garnifon. S'étant retiré dans fon camp hors de la ville, ily vitarriver la veuve de Ladiflas , accompagnée aune nombreufe familie. Bafile la ■ ecut avec bonté, mais il lui donna les gardes. Tous les Commandants zmrent k la tête de leurs troupes lui >reter ferment de fidélité, & changeent de maitre fans changer de fortu'e. Pour s'affurer de la ville d'Achrie, il fit batir deux forterefTes ; 1'une nr une colline qui la commandoit, autre dans le lac Lychnite, nom- KAors Ie,lac Prefpa-Trois fils de adiflas, n'ayant pas encore perdu efperance de recouvrer le Royau>e paternel, n'avoient pas voulu fe undre a leur mere , pour fe foutettre a Bafile, & s'étoient réfugiés itre les monts Cérauniens. L'Emtreur envoya des troupes qui les nrent long-temps affiégés. II fe renrent enfin, & recurent un traiteent honorable. Prufien 1'aïné fut vêtu de la dignité de Maitre de la  du Bjs-Emptre. Lh. /.A'.Y/V. f*$ milice; les deux autres de cdle de Patrice. Tout étoit foumis en Bulgarie , a Texception de deux braves guemers, qui confervant dans leur ca-ur toute 1'ancienne herté des Bulgares , fe tenoient fermes au milieu des ruines de leur nation , & refufoient de plier fous le joug de TEmpereur. C'étoient Nicolize & Ibaze, tous deux renommés pour les avantages qu'ils avoient rempörtés fur les Grecs; Nicolize, pris autrefois dans le chateau de Serres, & combié de graces par TEmpereur qui Tavoit honoré du titre de Patrice, mais plus attaché a fes maïtres naturels qua toutes les dignités étrangeres , étoit retourné en Bulgarie , & avoit continué de fervir fes Princes avec valeur. Dans le défaftre de fa patrie , il raffembla ce qu'il put de fes compatriotes, & fe retira entre les montagnes , pour y attendre une occafion de rétablir Tindépendance de fon pays. On Ie pourfuivit dans fa retraite avec des forces fupérieures, & bientöt de ceux qui Tavoient fuivi, les uns furent pris, les autres Tabandonnerent. Se voyant CoNSf ANTjK vin. An. ïoig. LXl. Traitement fait a Nicolize.  BasileII. Cons tantin VIII. An. 1018. LXII. Et d'Ibaze. 3«6 IIlSTOIRE feul & fans reffource, il aima mieux fe livrer lui-même, & aller au-devant de la mort, s'il falloit la fubir, que de Pattendre ou d'être traïné en efclavage. II vint de nuit au camp des Grecs; & s'étant annoncé par fon nom, il demanda d'être conduit a TEmpereur. Bafile , irrité du mépris que Nicolize avoit fait de fes faveurs refufa de le voir, & Penvoya prifonnier a Theffalonique. Le fort d'Ibaze fut plus malheureux. II s'étoit réfugié fur une montagne de difHcile accès, nommée Proniftas, fur le fommet de laquelle s'élevoit une maifon de plaifance des Rois de Bulgarie, embellie de tous les agréments d'une délicienfe retraite. La raffemblant les fugitifs qui fe rendoient auprès de ïui, il avoit deffein de recommencer la guerre , & fe flattoit même de 1'efpérance de fe faire Roi. Sa bravoure connue par plufieurs exploits donnoit de Pinquiétude a PEmpereur, qui réfölut de le défarmer, foit par perfuafion, foit par force. II alla camper au pied de la montagne , & lui écrivit d'abord pour lui repréfenter la témérité dé  du Bas-Empihe. Liv. LXXFL 327 fon entreprife. Ibaze, qui cherchoit a gagner du temps, amufa TEmpereur 1 par des réponfes équivoques pendant prés de deux mois. Bafde féchoit d'ennui dans une bicoque voifine , J n'ofant s'éloigner pour ne pas laiffer Ibaze en liberté de foulever la Bulgarie , & ne pouvant le forcer dans un pofte fi peu accefïible. Euftathe, Gouverneur d'Achride, entreprit de tirer TEmpereur de eet embarras. Ibaze, felon la coutume, avoit invité le voifinage a un grand feftin pour le jour de TAffomption. Euftathe prit avec lui deux de fes domefliques, dont il connoiffoit la fidélité & la hardieffe , & fe rendit au mont Proniftas laveille de la fête. Arrêté par les fentinelles, il fit dire au Bulgare qu'il étoit venu pour fe réjouir avec lui. Ibaze, furpris d'une vifitefipeu attendue, le recoit avec joie, Sc Tembraffe avec amitié. II ne doute pas qu'Euftathe pour quelque mécontentement ne vienne s'affocier avec lui. Le lendemain a la fortie des matines, tous les autres s'étant retirés, Euftathe aborde Ibaze : J'ai, lui dit - il, des chofes impor tantes a vous commu~ iASILElI. CONSTANTIN VIII. ia. 101S.  BasileII Cons- TANTIN VIII. An. 1018 328 II I ■$ T 0 I R B ' ' niquer, mais il nous faut du fecret. Ibaze écarté fes domeftiques, & prenant Euftathe par ra main , il le conduit dans un verger fi couvert Sc fi peuplé d'arbres , que la vue n'y pouvoit pénétrer. Euftathe fe trouvant feul avec lui le faffit au dépourvu , le jette par terre, Sc lui appuyant le genou fur la poitrine, il lui ferme la bouche, Sc appelle fes domeftiques qui attendoient le fignal. Ils accourent; & prêtant main-forte a leur maitre, ils lient au Bulgare les pieds Sc les mains, lui arrachent les yeux , Sc le Iaiftant par terre en eet état, ils fortent du verger, moritent dans une chambre haute , Sc s'y barricadent, réfolus de s'y défendre jufqu'a la mort. On fut bientöt inftruit de eet horrible forfait. Tous les gens d'Ibaze , tous les hötes qui étoient venus k la fête , tout ce qu'il avoit de foldats, accourent en grand tumulte, armés de toutes fortes d'armes , quelques-uns même de torches ardentes pour mettre le feu a la retraite des affaftïns. Tout retentiffoit de crisconfus:£^or^, brule^, affomm&{, kachel én pieces ces traitres, ces  nu Bas-Empipce. Lh. LXXVL 329 perfides meurtriers , point de quartier. Euftathe, défefpérant de fa vie, exhorte fes gens k tenir bon tant qu'iïs auront une goutte de fang dans les yeines; que' puifqu'il falloit mourir, il valoit mieux périr en combattant, que de fe livrer k la rage d'une multitude furieufe. Cependant pour tenter encore une derniere reffource, il ouvre une fenêtre , & s'adreffant a cette foule d'affaillants :» Ecoutez, » leur dit-il; je ne fuis point perfon» nellement ennemi de votre maitre; » il eftBulgare, je fuis Grec, néloin » de ce pays au fond de 1'Afie mi» neure. Vous pouvez bien juger » que fans une néceffité indifpenfa» ble , je ne me ferois pas précipité » dans un danger évident. L'Empe» reur m'a donné Pordre; il m'a fallu >> obéir. Vous êtes les ^naïtres de » notre vie; mais vous la payerez » bien cher. Nous nous défendrons » jufqu'au dernier foupir , & plu« fieurs d'entre vous périront avant » nous. Les autres ne leur furvivront » pas long - temps ; ils éprouveront » toute la colere de PEmpereur, » qui en nous vengeant fe yengera JasileII. Cons- tantin VIII. \.n. 101$.  BasileII. Cons- tantin VIII. An. ioiS. i ! J i 1 t i i < ] i < < 1 t s c d r d 53° Histoirb » lui-même de votre rébellion. 11 » a le bras levé fur vous. L'unique * moyen de fufpendre fes coups , * feroit de vous foumettre , & d'al- * Ier a notre fuite annoncer votre > obéiffance. Prenez votre parti; * nous avons pris le nötre. Que > ceux qui s'ennuyent de vivre , > viennent nous attaquer les pre- > miers ". Ces paroles prononcées Pun ton ferme ck menagant, glacènt l'effroi cette multitude auparavant fi irdente; ils fe retirent les uns après es autres. Les plus timides conferent ïnfemble, ck fe déterminent a la founilfion. Ils laiflent Euftathe en liberté, k le fuivent au camp de PEmpereur, uquel on amene le malheureux Ibaze. .'Empereur le fait mettre aux fers; k pour récompenfer Euftathe, quoi[ue fon acfion porte le caraélere ['une déteftable perfidie, il lui donne 2 gouvernement de Dyrrachium ck ous les biens mobiliers d'Ibaze. II 'occupa le refte de 1'année a établir ans la Bulgarie le même ordre que ans les autres Provinces de PEmpi2, ck k diftribuer des garnifons 6k es commandements. II laiffa aux  nu Bas-Empire. Liv. LXXFI. 331 prifonniers Bulgares le choix de demeurer dans le pays, ou de le fuivre a Conftantinople, & vint paffer Thyver k Caftorie. Ce fut en ce lieu qu'on lui amena les deux fllles de Samuel. Lorfqu'elles lui furent préfentées, Marie, veuve de Ladiflas, étoit aflife k cöté de lui. A cette vue ces deux Princefles faifies de fureur, fe jetterentfur elle , pour mettre en pieces la femme du meurtrier de leur frere; & TEmpereur eut bien de la peine k Tarracher de leurs mains, leur promettant pour les appaifer une fortune conforme a leur naifiance. II envoya Marie k Conftantinople avec le titre de Dame d'atour de TImpératriee Hélene. II employa Xiphias a ruiner plufieurs chateaux de la Servië, qui refufoient de fe foumettre, & s'approeha luimême du Danube. II recut la foumiflion du Gouverneur Bulgare de Tancienne Singidunum, qui portoit le nom de Belgrade dès le temps de Conftantin Porphyrogenete. Ce Commandant , par un excès de baflefle, vint en habit d'efclave fe jetter k fes pieds avec les autres Officiers de fa Basile II.' Constantie VIII. Ah. 1019. LXlIi. Triomphe de TEmpereur. Cedr. p. 716,717. Zon. torn* II. p. 227. Glycas, pag. 311. Jo'dl. p. 182. Gregoras , /. 2. c. 2. Du Cange fam. p. 317. Pag! ad Bar.  BasileII. Cons- TANTIN VIII. An, 1019. 33* HlSTOIkE garnifon. L'Empereur n'ayant plus rien a faire en Bulgarie, réfolut de retourner k Conftantinople en traverfant Ia Grece , pour confidérer par lui-même Pétat de ce pays fouvent ravagé par les Bulgares. En paffant par Zètunium , oü Xiphias avoit fait cinq ans auparavant un fi grand maffacre des troupes de Samuel, il foupiraen voyant les monceaux d'offements dont la terre étoit couverte ; & quoiqu'il aimat la guerre , il ne put s'empêcher de gémir fur les funeftes effets de ce fléau de 1'humanité. AuxThermopyles, il admira la forte muraille qu'on y avoit élevée pour fermer aux Bulgares 1'entrée de 1'Achaïe. Arrivé dans Athenes, il alla rendre graces de fa conquête au fouverain Arbitre des viöoires , dans 1'Eglife célebre de la Sainte Vierge , qu'il enrichit de magnifiques offrandes. II paffa d'Athenes k Conftantinople, oü il entra en triomphe par la porte dorée. II portoit une couronne d'or , furmontée d'une aigrette de pierreries. Devant fon char marchoient la Reine Marie, les filles de Samuel &i les autres Bulgares. Ce  du Bas-Empire. Liv. LXXVI. 333 fut dans les acclamations de ce triomphe cju'il regut le nom de Bulgaroctone, par lequel il eft diftingué dans 1'hiftoire. S'étant rendu a Sainte-Sophie , il entonna lui-même des hymnes d'a&ions de graces, qui furent chantées par tout le peuple. Le Patriarche Sergius crut ce moment favorable pour le faire fouvenir de la parole qu'il avoit donnée, d'abolir après la guerre terminée , le tribut du remplacement , fi onéreux a fes fujets ; mais il ne fut pas écouté, quoique cette action de juftice eüt été fans doute plus agréable au Pere commun de tous les hommes, que le vceu bifarre que je vais rapporter. Un Auteur de ce temps - la dit que Bafile dans la guerre contre les Bulgares , avoit fait veu d'embraffer la vie monaftique, s'il la terminoit avec fuccès; & qu'en conféquence il porta jufqu'a la mort 1'habit de Moine fous les vêtements impériaux; qu'il garda la continence , ck s'abftint de vin ck de viande felon la coutume des Moines Grecs. La Bulgarie fe trouvant ainfi réunie k l'Empire , Fancienne antipathie qui régnoit entre BasileII. Cons- TANTIN VIII. An. 1019.  Basile II. Cons- TANTIN VIII. An, 1019. An. 1020. LXIV. Sirmium pris par trahifon. Cedr. p. 717- Zon. torn. 11. p. 227. Pagi ad Bar, 334 HlSTOIRE les deux peuples , ne s'éteignit pas tout-a-fait. Nous la verrons fe réveiller vingt ans après fous le regne de Michel Paphlagonien. Conftantin Monomaque fe défiant toujours de la fidélité des Bulgares , en tranfporta une partie au - dela du Danube , Sc regut a leur place une colonie de Patzinaces. Le pays fut gouverné par des Ducs jufqu'au temps d'Ifaac 1'Ange, contre lequel les Bulgares fe révolterent, & fe donnerent un Roi, comme nous le dirons dans la fuite. Peu de temps après le retour de Bafile , le Patriarche mourut après vingt ans d'épifcopat, & fut remplacé par Euftathe, chef du Clergé du palais. Les Croates fe voyant devenus limitrophes de l'Empire par la réduction de Ia Bulgarie , fentirent bien que leur liberté étoit en danger. Ils aimerent mieux fe donner volontairement, que d'attendre la conquête. Leurs Princes étoient deux freres , qui allerent fe foumettre k 1'Empereur. II les dédommagea de la fouveraineté qu'ils lui abandonnoient, par des honneurs & desrichefles. De  nv Bas-Esïpire. Liv. LXXF7. 335 tous les pays occupés par les Bulgares, il ne reftoit que Surmium qui n'eüt pas encore fléchi fous le joug de l'Empire. Un Seigneur nommé Sermon en étoit maitre. Diogene qui commandoit dans la Province voifine , lui envoya dire , qu'il defroit avoir avec lui une conference, pour la furetè de laquelle il lui donnoit fon ferment; qu'il s'agijfoit £ affaires trhs-importantes; que s'il lui refloit quelque défiance, // offroit de l'aller trouver au bord de la Save , fuivi feulemem de trois domejliques ; que Sermon s'y rendroit avec le même cortege. Le Bulgare y confentit; & pendant la conférence, Diogene lui plonge dans le flanc un poignard, qu'il avoit tenu caché fous fa robe. Sermon tombe mort, fes domeftiques prennent la fuite. Diogene, qui tenoit prés de-la des troupes prêtes a le fervir, marche en force k Sirmium. La veuve de Sermon effrayée fe laille perfuader de mettre fa perfonne & fa ville entre les mains de fEmpereur. Elle eft conduite k Conftantinople, ou TEmpereur lui fit époufer un des habitants les plus diflingués. II fit Dio- BasileII. CONSTANTIN VIII. An. 1020,  Basile M. Cons- tantin VUL An, ion. LXV. Révolte de Phocas & de Xiphias. Cedr. p. 718,719. Zon. torn. II'. p. 127. Joel. p. 182. 33<5 Histoire gene Gouverneur de la place, qui ne lui avoit coüté qu'un parjure ck un affaflinat, crimes affreux, mais qlie 1'intérêt public juftifioit felon la déteftable morale de ce fiecle téné- breux. Pendant les deux années que Bafile fe repofa des fatigues d'une guerre li longue & li pénible , il ne demeura pas oifif. Ce Prince eftimable, s'il n'eüt été avare, s'occupa d'ouvrages publics, dans lefquels il ne confidéroit que 1'utilité de fes peuples, & nullement une gloire vaine, encore moins fes plaifirs. Entre autres entreprifes, il fit réparer 1'aqueduc de Valentinien, ók fit venir a Conftantinople une grande quantité d'eau, dont cette ville étoit fouvent en danger de manquer. Ces deux ans étant écoulés, Bafile reprit les armes, qu'il ne pouvoit quitter pour long-temps. George, Roi de 1'Ibérie feptentrionale ck Prince des Abafges , ayant rompu le traité qu'il avoit avec l'Empire , faifoit des courfes dans les Provinces voifines. Bafile fe met en marche a la tête d'une armée , ck vole rapidement a l'extrêmité oriëntale du  nu Bas-Empire. Liv. LXXVL 337 du Pont-Euxin. II laiffé k Conftantinople Nicéphore Phocas , & Nicéphore Xiphias , tous deux braves guerriers; Phocas, fils de ce Bardas Phocas, mort en combattant contre TEmpereur prés d'Abyde; Xiphias, fignalé par de glorieux exploits dans Ia guerre contre les Bulgares. Ces deux Capitaines , mécontents de n'être pas employés dans la nouvelle expédition, fe retirent de concert en Cappadoce , 8c ayant affemblé des troupes , ils déclarent leur révolte. Cette nouvelle jette Pallarme dans Tarmée de TEmpereur qui étoit en Abafgie. On difoit que Phocas Sc Xiphias agiffoient d'intelligence avec le Prince des Abafges, Sc que Tarmée Impériale alloit fe voir enfermée entre les ennemis 8c les rébelles. Pour fe tirer de ce danger, TEmpereur employa la rufe. II écrivit féparément aux deux Capitaines; il mandoit a chacun d'eux qu'il le traiteroit avec clémence, s'il trouvoit moyen de le défaire de fon camarade. Le courier avoit ordre de rendre k chacun des deux, a Tinfu de 1'autre, la lettre qui lui étoit adrefTomt XVI. P BasileII. ConstantieVIII. An. 1022.  BasileII. Constantin VIII. An. 1022. LXVI. Guerre en Abafgie. 338 HlSTOIRE fee. L'ordre fut exécuté. Phocas l slein de bonne foi & de franchifè, 5t a fon collegue leöure de la fienne; mais Xiphias, moins iincere, qui fe repentoit déja du parti qu'il avoit 3ris, nia qu'il eüt rien recu de 1'Emaereur, & dans une conférence qu'il voulut avoir avec Phocas dans un lieu écarté, il le fit affafïiner. Ce meurtre diflipa toute l'armée rébelle. L'Empereur, inftruit du fuccès de fon artifice, envoya Théophylafte, qui fe faifit de Xiphias abandonné de fes troupes, & le conduifit k Conftantinople. II le mit entre les mains de Jean le Protonotaire, qui gouvernoit en 1'abfence de 1'Empereur. On laiffa la vie au coupable; mais il fut rafé & enfermé dans un Monaftere de Pifle d'Antigonie. L'Empereur, délivré de crainte de la part des rébelles , livra bataille aux Abafges. Leur armée étoit nombreufe , fortifiée des fecours de tous les barbares voifins du Caucafe. Le combat fut fanglarff, & Ja vicfoire indécife. II fe livra le 11 Septembre une feconde bataille, oü les Abafges perdirent Liparite leur Général, &  du Bjs-Emfire. Liv. LXXPJ. 339 la plus grande partie de leur armée. George fe fauva dans les montagnes d'Ibérie, d'oü il envoya demander la paix a TEmpereur. II lui cédoit une grande étendue de pays , & donnoit fon fils en ötage. L'Empereur traita ce jeune Prince, comme s'il fut né dans fa Cour; il le fit maitre de la milice. De retour a Conftantinople , il fit faire le procés a ceux qui avoient trempé dans la révolte. II fe contenta de condamner les coupables k une prifon perpétuelle , & a la confifcation de leurs biens. Deux feulement furent punis de mort. Le Patrice Pherfas eut la tête tranchée; il s'étoit déclaré le premier en faveur des rebelles ; il avoit tué quatre Officiers qui reftafoient de prendre le même parti, & avoit de fa propre main coupé la tcte k un eunuque de TEmpereur. Un Chambellan de Bafile, convaincu d'avoir voulu Tempoifonner a la follicitation de Xiphias, fut expofé aux bêtes qui le déchirerent dans Tamphithéatre. Une partie de TArménie appartenoit a l'Empire; Tautre étoit ocP ij BasileII. Cons- tantin VIII. An. ion.' LXV'I. , Prife d'une forte-  BasiieII Cons- tantin VIII. An. 1022 reffe er Armenië. Elmacin, 340 HlSTOIRE cupée par les Sarafins. II falloit traverfer ce pays pour arriver en Abafgie. Les Sarafins avoient bati une fortereffe importante , nommée la citadelle d'Ibrahim, qui n'étoit pas éloignée de la route que tenoit TEmpereur, lorfqu'après fa viftoire il retournoit a Conftantinople. Une femme Arménienne Ten rendit maitre. Elle alloit fouvent rendre vilite a une de fes parentes , qui y étoit détenue prifonniere. Ayant remarqué qu'il y avoit peu de gardes, & que le Commandant n'y veilloit pas, il lui vint en penfée d'enlever cette place aux Sarafins. Elle monta fur le mur, &c s'y étant affife comme pour filer en s'entretenant avec fa parente, elle en mefura la hauteur par le moyen de fon fil. Etant enfuite fortie, elle en inftruifit fes parents, & leurperfuada de faire des échelles de cette hauteur. Pendant une nuit que le Commandant paflbit k boire avec fes foldats , les Arméniens efcaladent le mur, & n'y trouvant que deux fentinelles , ils les précipitent en-bas. Ils vont enfuite k la maifon du Commandant , & le tuent avec fes gardes  du Bas-Empire. Liv. LXXPI. 341 ivres ou endormis. Ils crient aufiitöt , Vive t Empereur Bafile. A ce cri, les Mufulmans s'enfuient, 6c laiffé la place aux Arméniens, qui dépêchent un courrier a TEmpereur. II y vient lui - même , récompenfe les Arméniens , leur donne un Commandant, 6c fournit la place de vivres , d'armes, 6c de tout ce qui étoit néceffaire pour la défenfe. Le mariage d'Anne avec Volodimir avoit formé une liaifbn entre les Ruffes 6c l'Empire.. Ils fourniffoient grand nombre d'auxiliaires dans toutes les expéditions. Mais cette Princeffe étant morte quelque - temps après fon mari, les liens de cette alliance fe relacherent,6c Chryfochir, parent de Volodimir, les rompit tout-a-fait. II vint par la merNoire a Conftantinople avec huit cents Ruffes bien armés, offrant fes fervice.s a TEmpereur. Bafile, foupconnant quelque mauvais deffein, refufa de Técouter, qu'il n'eut défarmé fa troupe. Chryfochir n'y voulant pas confentir, fit entrer fes barques dans la Propontide , s'approcha d'Abyde , battit le Commandant de la cöte maP iij SasileII. ConstantieVIII. An. ioïï. An. 1023. LXVIII, Entrepri- fe des Ruffes.  BasileII. Cons- tantin VIII. An. 102,3. An. 1014. LXIX. Efforts du Patriarche de Conftantinople , pour obtenir du l'ape Ie titre d'ar les exemples de deux guerriers, ifurpateurs généreux, qui, enlevant fon enfance la puiflance Impériale, ui ayoient confervé & même augnenté l'Empire. Devenu feul maire, après avoir eu le courage de fe iéfaire d'un Miniftre impérieux, tous es talents fe développerent. Libertin ans fa jeunefle, dès qu'il eut goüté e Ia gloire des armes, cette paffion touffa toutes les autres. Grand Caitaine, on lui auroit pardonné tout  du Bas-Empire. Liv. LXXVL 345 le fang que fon humeur guerriere fit verfer a fes fujets , s'il ne les eüt rendus malheureux par la dureté des impofitions; crime irrémifïible dans les Souverains, & que nul exploit, nulle vertu même ne peut faire oublier. Dévot a la maniere de fon fiecle, il donna grand crédit au Clergé. Ce fut a la follicitation des Moines &c des Eccléfiaftiques, qu'il révoqua la loi de Nicéphore, qui, pour borner les acquifitions immenfes du Clergé, défendoit de batir de nouveaux Monafteres, & de léguer des fonds aux Eglifes. Le Clergé lui perfuada que cette loi étoit la fouree de tous les maux de l'Empire. II avoit choifi -pour fa fépulture 1'Eglife de SaintJean 1'Evangélifte dans 1'Hebdome, ce qui fut exécuté. P v BasiieII. CONSTANTIN VIII. An. 102;.'   347 SOMMAIRE D V LIVRE SOIXANTE-DIX-SEPTÏEME. AVVAl SE conduite de Conftantin. II. Cruautés de Conjlantin. III. Divers événements. IV. Mort de Conftantin. V. Portrait de Romain Argyre. VI. Premières aclions £ Argyre. VII. Confpirations. VIII. Mauvais fuccès en Sicile, IX. Accidents fdcheux. X. 6/70/z VIII. 1 An, 103.8. ] j An. 1019. VI. Premières actionsd'Argyre. Ced. p. 711,723, 724. Zon. t. 11. p. 229, 130. Glycat, pag. 312. Jo hl. p. 182. Guill. Tyr. 1. i.e. 6. 56a II I S T O I R E ïoit a la leöure de quelques ouvra'es d'Ariftote & de Platon qu'ils n'enendoient guere ; raifonneurs éterlels, fans dialectique, leurs difputes ;'évaporoient en fubtilités frivoles; 'éconds en queftions fur 1'Ecriture ïainte , ils n'en favoient réfoudre 'olidement aucune. Tel eft le por:rait que fait de fes contemporains Michel Pfellus, Thomme le plus inftruit de fon fiecle. Je ne fais pourquoi Guillaume de Tyr donne a Romain Argyre le furnom d'Hiérapolitain. Sa familie, peutêtre originaire d'Hiérapolis, étoit illuftre a Conftantinople dès le temps de Michel, fils de Théophile. Lenom d'Argyropule que lui donne Zonaras, ne fignifie que fils d'Argyre, felon le langage Grec de ce temps-la, déja fort altérédans la bouche du peuple. II commen^a fon regne par foulager fes fujets, que les deux derniers Empéreurs avoient réduits a la mifere. Comme il avoit été économe de Sainte-Sophie, il favoit que le Clergé de cette grande Eglife n'avoit pas de quoi fubfifter ; les rétributions annuelles furent augmentées de qua-.  du Bas-Empire. Liv. LXXVIL 363 tre-vingt livres d'or, qui fe tiroient du tréfor Impérial. II étendit fa libéralité a tout l'Empire, en aboliffant le tribut du remplacement, qui faifoit maudire la mémoire de Bafile. II fit tirer des prifons ceux qui n'étoient enfermés que pour dettes ; &C non moins jufte que généreux, en leur remettant ce qu'ils devoient au Prince, il paya ee qu'ils devoient aux particuliers. Les prifonniers qui étoient entre les mains des Patzinaces , furent rachetés. Les fieges d'Ephefe , de Cyzique & d'Euchaïtes étoient vacants; ils furent remplis par des Prélats vertueux & favants. Jean le Protonotaire, qui avoit été Miniftre de Bafile, las de la Cour 8c des grandeurs, avoit embraffé 1'état monaftique; Romain le tira du cloïtre, le fit Syncelle du Patriarche , Sc le chargea de veiller fur la conduite de Théodora. II n'aimoit pas cette Princeffe, Sc la foupconnoit fans rai* fon de quelque engagement fecret, paree qu'elle avoit refufé de 1'époufer. Lesindigents, 8c fur-tout les perfonnes confacrées a Dieu,trouvoient dans fa charité une reffource affurée. CONSTANTINVIII. An. 1029.'  Romain Ut An. 1029. VII. Confpira' tion. 364 IIlSTOIRE II répandit de grandes aumönes pour le falut de 1'ame de Conftantin fon beau-pere, ck fe fit un devoir de dédommager par des places honorables ck par des libéralités ceux que ce Prince avoit maltraités. Bafile Sclérus, fon beau-frere, avoit été juftement exilé, injuftement aveuglé; il le fit maïtre du palais. Xiphias, relégué par Bafile dans 1'ifle d'Antigonie , étoit enfermé dans un monaftere : fa rébellion auroit fans doute mérité un traitement plus rigoureux. Cependant , en confidération des fervices fignalés qu'il avoit rendus a 1'Etat dans la guerre des Bulgares, Romain le rappella. Mais Xiphias, de retour a Conftantinople , fe retira volontairement dans le monaftere de Stude. II avoit trouvé plus de paix & de douceurs dans le filence du cloïtre, que dans le tumulte de la Cour & des armées. Tant d'aétions de bonté & de clémence devoient attacher au nouveau Prince le coeur de tous fes fujets. Mais la clémence ck la bonté ont l'air de foibleffe , lorfqu'elles ne font pas foutenues dans un Souverain par  nu Bas-Empihe. Liv.LXXFIL 365 un caractere de vigueur & de force qui concilie le refpeft. II paroit que les bienfaits de Romain ne le mirent pas a couvert du mépris. Dès la première année de fon regne, il fe forma contre lui deux conjurations. Prufien le Bulgare fut accufé d'afpirer k l'Empire. On prétendit que Théodora étoit complice. II fut arrêté & mis en prifon dans un monaftere. On inftruifit fon procés; & fur les preuves qui en réfulterent contre lui, mais a la décharge de Théodora, il fut condamné k perdre les yeux, Sc enfermé dans un cloïtre. Marie fa mere, qui avoit eu 1'emploi de Dame d'atour auprès de 1'Impératrice Hélene, fut chaffée de Conftantinople. A peine cette conjuration étoit-elle étóuffée, qu'on en découvrit une autre plus dangereufe. Conftantin Diogene étoit comblé d'honneurs ; il avoit époufé la fille de Pulchérie , fceur de PEmpereur , & avoit été transféré du gouvernement de Sirmium a celui de Theffalonique, qui lui donnoit le titre de Duc Sc Ie commandement de la Macédoine, de la Bulgarie Sc de toute la Grece. Oreiïe Romain III. An, 1029.  Romain 11!. An. 1029. 566 H I S T O 1 R E le fit fecretement accufer de complot contre le Prince. Pour rompre fes mefures, on 1'éloigna d'abord de fa Province, & on le fit paffer en Lydie avec le ritte de Commandant, afin de lui öter tout foupcon. Après des informations fecretes, on le crut coupable ; il fut amené a Conftantinople, & enfermé dans une tour. On le transféra quelque temps après au monaftere de Stude, oü il fut obligé de prendre 1'habit de moine. Ses complices étoient les perfonnages les plus diftingués de TEmpire ; Jean autrefois Protonotaire , alors Syncelle, Euftathe Daphnomele , Gouverneur d'Achride , deux petits-fïls de Burzès, & plufieurs autres de même rang. Ils furent fouettés publiquement, promenés par toute la ville &c bannis. On enveloppa encore dans la même accufation 1'infortunée Théodora, qui fut chaflee du palais, & reléguée dans une maifon a 1'extrémité de la ville. D'après 1'idée que 1'hiftoire nous donne du caradtere de Zoé & de Théodora , je crois pouvoir foupconner que Zoé cherchoit a faire périr fa fceur, dont la vertu & lei  ru Bas-Empire. Lh. LXXriI. 367 graces allumoient fa jaloufie, & qu'elle trouvoit affez de calomniateurs pour 1'impliquer dans toutes les conjurations. II n'étoit pas difficile de la rendre coupable aux yeux de Romain. Le dernier jour d'Ocfobre , les Sarafins battirent fur les cötes de Syrië, la flotte commandée par Spondyle, Gouverneur d'Antioche, aiuTi mauvais guerrier que méchant homme. II y avoit trois ans que Bafile , ayant terminé la guerre de Bulgarie, avoit envoyé Peunuque Orefte en Sicile avec des troupes, k deffein de le fuivre inceffamment, & de chaffer les Sarafins de cette ifle importante. La maladie dont il fut attaqué dans cette conjon&ure, &qui dura jufqu'a fa mort, le retint k Conftantinople. Orefte , qui attendoit PEmpereur en Italië, ayant appris fa maladie & fa mort, revint k Conftantinople, fans avoir rien entrepris. Conftantin, la derniere année de fon regne, voulant fuivre le projet de fon frere, fit partir Andronic avec une nombreufe armée, compofée des troupes de tous les peuples barbares , qui fourQ iv ROMAIlf III. An. 1029.' viir. Mauvais fuccès en Sicile.  Romain III. An. 1029. An. 105c. IX. Accidents fatheux. 368 BlSTOIRÉ niffoient des fecours a l'Empire. Andronic prit Rhege, oü il paffa 1'hyver. Mais il n'eut pas le même fuccès en Sicile. Ses foldats fans difeipline fe livrant a la débauche , & fe rempliiTant fans difcrétion des vins & des fruits de ce pays, furent affligés de dyffenteries, qui en peu de temps en emporterent plus qu'il n'en auroit péri dans une fanglante bataille. Ce fut en eet état qu'ils furent attaqués par les Sarafins , qui en firent un grand carnage. Andronic fut trop heureux de fe rembarquer & de regagner I'Italie. Des pluies continuelles depuis la fin d'O&obrejufqu'au mois de Mars, firent déborder toutes les rivieres & inonderent les terres, oü les eaux féjournerent fi long-temps, que toutes les femences périrent & prefque tous les animaux. II s'enfuivit une famine univerfelle. Les malheurs publiés éveillerent la fuperftition. On crut entendre en Lydie au pied du mont Cuzinas fur le bord düne fontaine, une voix lamentable comme d'une femme, qui pleurant & fanglottant, crioit fans ceffe jour &c nuit,  m; Bas-Empire. Liv. LXXVII. 369 malheur, malheur; ce qui dura depuis le mois de Mars jufqu'au mois de Juin. Lorfqu'on approchoit pour voir d'oii partoient ces gémiffements & ces cris, la voix, dit-on , s'éloignoit, & fe faifoit entendre d'ailleurs. Ce prodige débité par les gens du pays, trouva croyance dans tout l'Empire. Après Pévénement, on s'irnagina qu'il annoncoit le malheur qui arriva vers ce temps-la en Céléfyrie. Nicéphore avoit reconquis une grande partie de la Syrië & de la Phénicie. Zimifcès avoit remporté de nouveaux avantages fur les Sarafins, & par la valeur de ces deux Princes guerriers , les bornes de l'Empire s'étendoient jufqu'a Damas. Bafile avoit fait une excurfion en Syrië, & ce Prince belliqueux étoit capable d'en achever la conquête, fi après, les guerres civiles qui occuperent les commencements de fon regne, il n'eut porté tous fes efforts fur la Bulgarie. La réputation de fes armes avoit contenu les Sarafins. Mais après fa mort, le mépris que méritoit fon fucceffeur réveilla leur hardieffe; ils fi Q y Romain ■ III. An. lOJOo X. _ SpondlTe vaincu par les Sarafins. ■Cedr. p. 724. & finZon. tomi II.p. 230, 231. Glycas ; pag, 312.  Romain IH. An. iojo. 37° Hl S T O I R E remirent en poffeffion des villes d'Órient qu'on leur avoit enlevées, tk taillerent en pieces les garniibns. L'Emir d'Alep inquiétoit Antioche & les environs par des courfes continuelles. Conftantin vivoit encore , lorfque Spondyle , Gouverneur de cette ville, auffi préfomptueux qu'ignorant, fe mit en tête de faire un grand exploit. II marcha contre 1'Emir, fut battu , & s'enfuit honteufement. II n'avoit pas plus de prudence que d'habileté militaire. Un Arabe, nommé Mufaraphe, étoit depuis long-temps prifonnier dans Antioche. Ayant reconnu combien il étoit facile d'en faire accroire au Gouverneur , il entreprit de fe tirer des fers,& de fervir en même-temps fes compatriotes. II fait dire k Spondyle, qu'il a concu le projet le plus infaillible pour mettre les Grecs en état de repoufter tous les efforts des Sarafins. Spondyte 1'ayant fait venir, 1'Arabe lui montre une colline qui dominoit fur Ia plaine : Voye^-vous, lui dit-il, cette éminence ; il ne s'agit que <£y conjtruire un fort; & Ji vous en confai la 'garde d un homme de.  ru Bas-Empire. Liv. LXXni. 371 ceeur, vous ne verrei plus les Sarafins aux portes d'Antioche. Si ce po/le jemble trop périlleux , je m'offre a le mainteniu II ne me manque que la liberté, pour étre auffi fidilement attaché au fervice de P Empire que le plus {élé de tous les Grecs. Le trop crédule Spondyle 1'embrafle avec tranfport , le délivre de fes fers, fait auffi-töt conftrnire le fort qu'il norame_ Ménic, & y place une garnifon de mille hommes fous le commandement de Mufaraphe, A peine 1'Arabe y eft-ilétabli, qu'il fait favoir a 1'Emir de Tripoli , & a Tusber, Général des troupes de 1'Egypte, que le fort eft a eux, & qu'il les attend pour les en rendre maitres. Sur eet avis, ils ap> prochent en diligence, & font bientot dans la place, dont ils maffacrent la garnifon. Ce pofte leur donn< une grande fupériorité, & depuis c< moment les Sarafins ne cefferent d< faire tous les jours de nouvelles en treprifes en Syrië. Romain, ayant rappellé Spondyle envoya pour lui fuccéder Conftantii Carantene, un de fes beaux-freres & le fuivit bientöt pour -aller ei Q vj Romain m. An. 1039* t Défait de Ro1 main, 1  Romain I1L An. 1030. J I I I t 3"2 IJ 1 S T 0 I R B perfonne combattre les Sarafins. II n'étoit encore qu'a Philomélium en Phrygie, aujourd'hui Filgoun en Caramanie, lorfqu'il vit arriver des Ambaffadeurs d'Alep, qui lui apportoient des préfents, & lui demandoient pardon, promettant de lui payer fidélement a 1'avenir le tribut annuel, auquel ils s'étoient engagés fous le regne de Nicéphore. Les Officiers les plus diftingués & les plus habiles confeilloient a TEmpereur d'accepter leur foumiffion, & de ne pas hafarder fon armée a périr en Syrië pendant les chaleurs de Pété : Que toutes les Jources y tariffoient en cette faifon : qu'il ne pourroit tenir contre des Arabes vrefque nuds , qui fupportoient facilement des ardeurs intolérables d des trouves pefamment armées. Romain n'écouta point ces fages confeils. Jaloux de la gloire de Nicéphore & de Zimifcès, Sc fe flattant d'une capacité encore "upérieure , il entra en Syrië, & alla :amper prés d'Azaz a deux journées I'Alep. II envoye Léon Chcerof>hadte , Commandant des gardes de iuit? avec fa troupe reconnoitre 1'eniemi, & choifir un lieu propre au  du Bas-Umpire. Liv. LXXFTL 373 campement du lendémain. Dès que Léon eft affez éloigné du gros de Tarmée pour ne pouvoir être fecouru , les Arabes difperfés dans la plaine fondent fur lui de toutes parts, Tenveloppent & Taccablent de leur nombre. Ils vont enfuite fe pofter en embufcade autour du camp des Grecs, maffacrent tous ceux qui en fortent pour aller chercher de Teau & du fourage ; enforte que les hommes & les chevaux mouroient de foif, ou périftbient par Tépée des ennemis. Pour les écarter, Conftantin Dalaffene fort fur eux avec un grand corps de cavalerie. Mais les Arabes, montés fur des chevaux auffi vïtes que les aigles, attaquant tout k la fois en tête, en flanc , en queue, fuyant, revenant fans ceffe, hachent en pieces hommes & chevaux, & obligent Dalaffene de prendre la fuite , laiffant fur la place une grande partie de fes cavaliers, & ramenant les autres fanglants & défigurés par d'horribles bleffures. Cette vue jette Teffroi dans le camp, tandis que le fuccès enhardit les ennemis. Ils accourent aux retranchements avec de Romain III. An, 1039,  Romain III. An. 1030. XIL II fe fauve dans Antioche. 374 IllSTOTRE grands cris; & comme ils paroiffoient en plus grand nombre qu'ils n'étoient en efFet, paree que difperfés fans ordre autour du camp, on les voyoit de toutes parts arracher les paliffades, toute Tarmée prend la fuite avec épouvante ; 1'Empereur , faifi d'effroi jufqu'a ne plus fe reconnoitre, & aban donné de fes gardes, eüt été pris, li un cavalier ne Teüt enlevéfurfon cheval, & ne Teüt fauvé du carnage. Les Grecs fuyoient fans ordre, ck les Arabes, étonnés euxmêmes de la terreur qu'ils infpiroient, ne les pourfuivirent pas. II fe jetterent dans Ie camp oü ils trouverent encore quelques Officiers , que la maladie ou les bleffures avoient retenus, lis les firent prifonniers, pil— lerent le camp, ck fur-tout la tente de TEmpereur, dont le luxe & la magnificence revinrent alors a leur véritable ufage , qui eft d'enrichir Tennemi. Après avoir chargé tout le butin fur leurs chameaux, ils difparurent auffi rapidement qu'ils étoient venus. C'étoit le neuvieme d'Aoüt, & Ia chaleur étoit extreme. Les fuyards  t>v Bas-Empire. Lh. LXXFIL 375 s'étant rallies après la retraite des ennemis, prennent enfemble le chemin d'Antioche. L'Empereur marchoit au milieu d'eux , & voyoit tomber autour de lui quantité de fes Officiers & de fes foldats, les uns mourant de foif, les autres tourmentés de violentes coliques pour avoir bu de mauvaifes eaux. On commencoit k découvrir Antioche, lorfquê les ennemis reparurent, & vinrent de nouveau fondre fur cette malheureufe armée. Elle étoit déja vaincue. Tout fuit; les uns font pris fans fe défendre, les autres tombent & font écrafés fous les pieds des chevaux. L'Empereur n'eut pas échappé cette feconde fois fans la valeur qui fe ranima dans le cceur de fes gardes. Se reprochant de Pavoir abandonné une fois , ils le couvrent de leur corps , & combattant avec fureur pour effacer leur honte, ils le conduifent enfin dans Antioche. En cette rencontre, un eunuque de la chambre du Prince, fit voir combien il eüt été facile de vaincre ces Arabes, & le fuccès de fon courage fit rougir tous les Officiers de 1'armée, Romain III. An. 1030,  Romain III. An. 1030. XIII. Rufe de Maniacès. S76 HlSTOIRB Voyant les ennemis piller fes bagages & emmener fes valets, il court a eux de toute la viteffe de fon cheval , en abat plufieurs, écarté les autres a coups de fabre, regagne fes équipages, & revient triomphantavec fes valets. C'eft fur-tout dans les défaftres publics que les hommes de cceur fe font connoïtre. On les diftingue mieux, paree qu'ils reftent debout, quand tout tombe autour d'eux. Huit cents Arabes qui retournoient après la défaite de Tarmée Impériale, fiers de leur viftoire, & chargés debutin , arriverent au foir devant une petite ville encore occupée par les Grecs, que Cedrene nomme Teluch. Un Officier inconnu jufqu'alors, nommé George Maniacès , y commandoit. Ils s'arrêterent & envoyerent dire au Commandant , que TEmpereur étant pris, & fon armée entiérement défaite , il eüt a fortir de la place ; que s'il partoit fur le champ, on le laifTeroit aller avec fa garnifon & fes bagages ; mais que s'il attendoit jufqu'au jour, on ne lui feroit point as davantage. Cette intrigue criminelle ne dura >as long-temps fans produire de fuïeftes effets. L'Empereur tomba maade; fon vifage devint pale, livide , nflé ; il ne refpiroit qu'avec peine; es cheveux lui tomberent; en peu e jours ce n'étoit plus qu'un cadare. Zoé, impatiente de couronner  do Bas-Empire. Liv. LXXPII. 393 1'objet de fa paffion, s'étoit empreffée de fe défaire de fon mari; elle avoit cru cacher fon forfait par le moyen d'un poifon lent, qui le réduifit a un état fi déplorable , que ce malheureux Prince , déchiré de cruelles douleurs , ne defiroit que la mort. La force de fa complexion le foutenoit encore. Le 1 r Avril, jour du Jeudi-faint, après avoir diftribué aux Officiers du palais, les préfents qu'il étoit d'ufage de leur faire aux approches de la fête de Paques, il fe fit porter dans le bain. C'étoitla que Zoé devoit confommer fon crime. Les eunuques qui le fervoient, mais qui n'obéifToient plus qu'a Zoé, lui plongerent la tête dans Peau, & 1'y retlnrent fi long-temps, qu'ils Pen retirerent prefque fans vie. On Ie porta fur fon lit; il n'avoit plus de voix ni de fentiment. Cette nouvelle affembla autour de lui tout le palais. L'Impératrice , jouant Pépoufe défolée , accourut ; & bien affurée qu'il alloit mourir, elle fe retira les larmes aux yeux & la joie dans le cceur. Quelques moments après, il ïendit les derniers foupirs, avec une R v Romain lil. An, 1034,  Romain III. An. 1034. XXII. Michel IV Empezeut. 394. ff I 'S T OIR E partie du poifon qui lui donnoit la mort. 11 avoit régné cinq ans & demi ; malheureux d'être monté fur le tröne, plus malheureux encore d'avoir eu Zoé pour femme. Pendant que Romain expiroit,' 1'Impératrice tenoit confeil avec fes favoris. Ils lui confeilloient dë différer quelque temps la proclamation de Michel , pour nè pas confirmer les foupcons. Mais Jean lui repréfenta que le moindre retardement pourroit les perdre tous, en donnant le temps de découvrir toute Fintrigue. Get avis étoit plus conforme a Pemportement de 1'Impératrice. Elle fait fur le champ revêtir Michel des ornements Impériaux, le place fur le tröne; & s'étant aflife a cöté de lui, elle le fait faluer Empereur par tous ceux qui étoient préfents. C'étoit la nuit du Jeudifaint, &C 1'on chantoit déja dans 1'Eglife , felon Pufage d'alors , les matines du vendredi. Elle envoye chercher le Patriarche Alexis de la part de PEmpereur. Alexis, qui n'étoit pas encore inflruit de la mort de Roms.in3 eft fort ttonné de le treuvej  du Èas-Empire. Lh.LXXFIL 395 fans vie, & Michel a fa place. Zoé lui montre fon nouveau maitre, lui R déclare qu'elle prend Michel pour A époux , & lui ordonne de procéder fur le champ a la célébration du mariage. Le Patriarche interdit, & ne fachant quel parti prendre , revint a lui a la vue de cinquante livres d'or que Jean lui mit entre les mains, avec autant encore pour fon Clergé. Cette libéralité fixa 1'incertitude du Prélat. Le mariage fut célébré cette nuit même. Le lendemain on enterra le vieil Empereur ; le peuple apprit fans regret qu'il avoit changé de maitre ;& chacun vint avec joie faire fa cour au nouveau Prince, fans le connoitre, & fans favoir quel vent 1'avoit porté fur le tröne. On ne fait fi 1'Empereur Romain Argyre laiffa des enfants d'Hélene fa première femme. Mais il eft certain que fa familie fe conferva dans Conftantinople avec honneur jufqu'a la fin de l'Empire Grec. On trouve encore un Démétrius Argyropule, qui fe retira en Italië après la prife de Conftantinople. Cette familie pofféda lon2-teraps le chateau de Saint-Nih * R y\ OMAIN 111. 1. 1034.' XXIIT. Famills (e Uonain Arxyre.Du Ccr.ct fam. p. 156,158'  Romain III. An. 1034. XXIV. Arrivée ttes Normands en Itaüe. Leo ojt. , /.2.C.3S, & feqq. 1 Herm. 1 tontr. ai j ann. 105J. , Giu//. 4,- J />«/.■«. < G««. Geraeï. L 7. 30. § Order. Vi- c *«/. /. 3. Gaufred. ' S9Ö Hls T O I R E colas dans une ifle de 1'ArchipeI ; nommée Sainte - Antorine ; & elle n'en fut chaffée par les Turcs qu'en 1577. Une branche des Argyres s'établit en Candie, oir elle tint un rang diftingué. II ne faut pas confondre avec ceux dont nous parions, les Argyres d'Italie, defcendants de Mei ou de fon frere Léon, qui portoient auffi Ie furnom d'Argyre. Ces derniers n'ont fubfifté que jufqu'ati milieu du douzieme flecle. Roger, Roi de Sicile , fit pendre en 1140, Jaquint Argyre , qui avoit fait révolter contre lui Ia ville de Bari. -Tandis que le crime s afféyoit fur [e trone a Conftantinople, on voyoit klore en Italië une de ces révolu:ions qui changent la fcene du monie, & qui étonnent la poftérité. Elle e préparoit depuis quelques années ; pais comme elle fit un progrès plus énfible fous le regne de Michel le 'aphlagonien , j'ai différé jufqu'ict l'en montrer 1'origine. On va voir me petite troupe de guerriers étraners chaffer les Sarafins & les Grecs e I'Italie méridionale, jetter les fonements d'un florifiant Royaume, %£,  nu Bas-Empire. Liv. LXXVII. 397 renouveller le miracle de la naiffance de Rome. C'étoit le fiecle des pélerinages, & cette forte de dévotion répandue alors par toute 1'Europe , étoit fur-tout en grande vogue chez les Normands , nouveaux Chrétiens, établis depuis cent trente ans dans la France, qu'ils avoient ravagée pendant plus de deux fiecles. On voyoit tous les ans des troupes de Gentilshommes Normands, fuivis de leurs valfaux, aller, foit aux faints Lieux de la Paleftine, foit au mont Gargan en Apulie, célebre par 1'apparition de 1'Archange Saint Michel, tuant & maffacrant, pour la gloire de Dieu, les infideles qui s'oppofoient k leur paffage. L'an 1016, quarante de ces Gentilshommes , revenant du mont Gargan , rencontrerent Mei vêtu a la Grecque, qui , toujours occupé du deffein d'affranchir fa patrie, couroit toute I'Italie pour former une ligue contre l'Empire Grec. Ils entrerent en converfation avec lui. A la vue dé ces guerriers, dont Pair martial annoncoit la vigueur & le courage, Me! concoit de grandes efpérances. II leur dit qu'il eft un Mulat. l.i. Lup, pr»~ tofp. Chron. Bar. Glaber, l. 3. c. I. Chron. Germ. Pagi ad Bar. Giann. Hift. Nap. I. 9. C. 2. Murat. annal. d'ltal. t. VI. p. 69, & feqq. Abrégé de Vhift. d'ltal, tom.ll. p. 9SS, & fuiv. t. 111. p. 20 , &■ fuiv.  F XXV. Premiers exploits «ies Norjir.and.5j 398 HlSTöIKE Lombard, citoyen de Bari, exilé dé fa patrie qu'il vouloit fouftraire a une domination tyrannique. II leur parle de la beauté du pays, de la lacheté des Grecs; il leur fait naitre 1'envie de s'emparer des poffefTions d'un peuple fi méprifable. Les pélerins, échauffés par fes difcours, lui promettent de le rétablir dans fes biens. De retour en leur pays, ils animent leurs compatriotes, en leur repréfentant I'Italie comme une contrée délicieufe, oii il leur eft aifé de fe faire grands Seigneurs. Ils en ramenent une troupe nombreufe d'aventuriers , qui n'avoient rien a perdre, ou qui efpéroient une grande fortnne. Ils fe rendent d'abord auprès du Pape Benoït VIII, Pontife guerrier, qui venoit de tailler en pieces les Sarafins en Tofcane. Après avoir recu fa bénédiction, ils marchent en Campanie. Mei leur fait trouver des armes, fe met a leur tête, ck les conduit en Apulie. Le Catapan Andronic, inftruit de leur marche, ck méprifantdefi foibles ennemis, envoye au - devant d'eux fon Lieutenant Léon Paden* C'étoit  du Bas-Emptre. Liv. LXXVIL yjy au mois de Mai de Pan roi 8. Le combat fe livre prés d'Arenula, fur ïes bords du fleuve Fertorius. Les Normands s'eftayent pour la première fois contre les Grecs, & remportent la viftoire. Andronic augmente fes troupes,fe met lui-même a leur tête, & eft battu prés de Marfi. Son Lieutenant Pacien y eft tué. Les Normands a leur tour congoivent un grand mépris pour les Grecs; ils les défont encore prés de Vaccariccia. Ils remportent un grand avantage fur Ligorius, Gouverneur de Bari, qui étoit venu les chercher prés de Trani. Cependant PEmpereur Bafile, qui avoit mis a prix la tête de Mei, rappelle Andronic, & envoye k fa place Bubien , auffi bon guerrier qu'habile politique. Mei, vainqueur en trois batailles, avoit forcé les Grecs d'abandonner PApulie, & s'étoit emparé de toutes les places. Bugien, réfolu de réparer tant de pertes, marche vers 1'Ofanto, oü Mei étoit campé prés de Cannes, célebre encore depuis plus de douze fiecles, par la plus fanglante défaite que les Romains euflent jamais éprouvée. Ö  400 H T S T 0 I R B fe liyre en ce lieu une bataille plus opiniatre que les autres. Le changement de Général avoit changé la fortune. L'armée Grecque, très-fupérieure en nombre , étoit encore aidée de toute Partillerie de ce temps-? ia. Bugien avoit placé entre les rangs de fes foldats les machines a lancer des pierres & des javelots ; & ces décharges meurtrieres, dont on n'avoit encore fait ufage que dans les fieges, rendoient la bravoure prefque inutile. Les troupes de Mei furent donc mifes en défordre, & 1'on dit que de deux cents cinquante Normands qu'il avoit dans fon armée, il n'en refta que dix. Cette vicfoire rendit aux Grecs tout ce qu'ils avoient perdu par les défaites précédentes. Bugien, pour avoir une place d'armes au centre de la Capitanate, fit batir la ville de Troja & plufieurs forterelTes. Mei, défefpérant de réuffir avec les feul es forces qu'il trouvoit dans les mécontents du pays, &c dans les fecours des Lombards, s'en alla implorer PafMance de PEmpereur Henri II. Ce Prince, déja maitre de la moitié de I'Italie, denrant s'em-  nu Sas-Empire. Lt'v. LXXVII. 401 parer du refte, recut Mei avec amitié,lui promit de 1'aider de toute fa puilTance, & lui donna d'avance le titre de Duc d'Apulie. Les follicitations de Mei étoient appuyées de celles du Pape Benoit. Ce Pontife, allarmé du fuccès des Grecs, craignoit qu'ils ne rentralTent en poffeffion du Duché de Rome, bien alTuré qu'ils enleveroient aux Papes la fouveraineté , a laquelle ceux-ci n'avoient d'autre titre que la conceffion des Monarques Francois. La conjoncture paroiffoit d'autant plus preffante, que les Seigneurs Lombards commencoient a former des liaifons avec les Grecs. Pandulf IV, Prince de Capoue, non content de favorifer en fecret les deffeins & les efforts de Bugien, avoit envoyé des clefs d'or a Conftantinople , pour témoigner a TEmpereur Grec, qu'il lui remettoit le domaine fuprême fur toutes fes places. Benoit, ayant été mandé en Allemagne par TEmpereur , employoit fon crédit a preffer ce Prince de porter toutes fes forces en Italië. L'expédition ne fut retardée que par la mort de Mei, le mortel  XXVI. Nouveau paffage des Normands en Italië, 402 HlSTOIRË ennemi des Grecs, & le principal moteur de toute cette entreprife. II laiflbit un fils priibnnier k Conftantinople. Nous le verrons dans la fuite jouer un grand róle dans ces guerres d'Italie. Cependant les Normands , trop foibles pour agir feuls, fe mirent au fervice des Princes de Capoue & de Salerne. Dans les perpétuelles difcordes des Princes Lombards, ils fe vendoient au plus offrant, fervant tantöt 1'un, tantöt 1'autre, & fe gardant bien de les rendre chacun trop puiftants. Ils recevoient tous les ans grand nombre de leurs compatriotes , attirés par leur réputation &C par le defir de la fortune. Une fanglante querelle, furvenue entre deux Seigneurs de la Cour de Richard Iï, Duc de Normandie , fit palier en Italië un nou vel effaim de guerriers. Godefroi, nommé par d'autres Ofmond Drengot, ck par d'autres encore Giflebert Batteric , hardi Chevalier, avoit tué en duel, prefque fous les yeux de Richard, Guillaume Répoftel, pour venger 1'honneur de fa fille, dont Répoftel fe vantoit  nu Bas-Empire. Liv. LXXP7I. 403 dTavoir recu les faveurs. Le vainqueur , craignant la colere du Duc Sc le relTentiment de la familie, palTa les Alpes avec quatre de fes freres , accompagnés de leurs amis 8c de leurs vaffaux. Ils furent recus avec joie par les Princes Lombards, qui les employerent contre les Sarafins Sc les Grecs. Les Sarafins continuoient leurs ravages; ils venoient de prendre Bifignane; & ce malheureux pays en proie aux Mufulmans Sc aux Grecs, n'étoit pas mieux traité par les Lombards 8c les Normands, qui ne le défendoient qu'en le défolant eux-mêmes. Après la défaite de Mei, Dat fon beau-frere, qui avoit contribué a fes fuccès 8c partagé fes travaux, s'étoit réfugié auprès d'Atenulf, Abbé du mont Caflin , 8c frere de Pandulf, Prince de Capoue. Cet Abbé, Souverain d'une grande étendue de terre, 1'avoit utilement employé a la défenfe de fes domaines. Le Pape Benoit lui confia la garde de la tour du Gariglian , dont il étoit maitre. Dat s'y établit avec quelques Normands , qui s'étoient attachés h fa perfonne. Bu- XXVII, Dat eft cruellement mis a mort.  XXVI1Ï. L'Empereur Henri fait la guerre aux Grecs. 404 HlSTOIRB gien , voulant fe défaire de ce brave ennemi, gagna par argent 1'Abbé &C fon frere. L'Abbé renonce a protéger Dat; Pandulf, lié fecretement avec 1 Empereur, donne paffage fur fes terres pour 1'aller furprendre. Bu* gien va faire le fiege de la tour; il 1'attaque fi vivement, qu'au bout de trois jours il s'en rend maitre. A la priere de 1'Abbé, il laiffé aux Normands la liberté de fe retirer; mais Dat, chargé de chaines, eft conduit a Bari fur un ane; & ce généreux guerrier, malheureufe vief ime de fon zele pour une ingrate patrie, eft coufu dans un fac comme un parricide, jetté dans la mer. Les fuccès de Bugien donnerent de 1'inquiétude k TEmpereur Henri. Dans la crainte de perdre toute Titalie , il réfolut enfin de fe venger & de la mort de Dat, & de la trahifon des deux freres. II affemble fes troupes; les Normands fe joignent a lui; il marche en perfonne contre les Grecs, & va les chercher dans TApulie. Poppon, Patriarche d'Aquilée, k la tête de quinze mille hommes, prend fa route par TAbbruze : vingt  nu Bjs-Empirr. Liv. LXXF1I. 405 mille fous les ordres de Pilgrim, Archevêque de Cologne, vont inveftir Capoue & le mont CaiTin. A la première nouvelle de la marche de cette armée , Atenulf épouvanté , abandonne fon Monaftere, gagne Otrante pour paffer k Conftantinople; & dans le trajet, il fait naufrage, & périt avec toute fa fuite. Pandulf, affiégé dans Capoue, craignant autant fes propres fujets que les ennemis, fe rend k 1'Archeyêque de Cologne, k condition d'être conduit a 1'Empereur. II efpéroit tromper ce Prince, & fe juftifier de fa perfidie. Henri le fait juger par fes Barons; il eft condamné a mort. Ce n'eft qu'a force de prieres que 1'Archevêque obtient une commutation de la peine de mort en un exil perpétuel. Henri 1'emmene chargé de fers , en Allemagne , après avoir pris Troja. Cette ville faifoit une vigoureufe réfiftance, quoique les fortifications n'en fuffent pas encore achevées. L'élite des foldats Grecs y étoit enfermée. Ils tinrent pendant trois mois contre les attaques de Henri, qui, dans un emportement de colere, jura de paffer tout  406 JrllSTOIRE au fil de 1'épée. Mais la ville s'éiant enfin rendue, il ne fe crut pas obligé d'exécuter ce ferment inhumain ; 0 fe laifla fléchir par les larmes des enfants, qu'on fit fortir en proceffion au-devant de lui, criant miféricorde : il fe contenta de faire abattre un pan de muraille pour entrer par la breche. Après avoir mis garnifon dans Troja, il fe rend a Capoue, dont il confere la Principauté k un autre Pandulf, Comte de Téano. Les Princes de Bénévent, de Salerne , & le Duc de Naples avoient auffi quitté le parti des Grecs pour fe foumettre k Henri, en forte que toute cette partie de I'Italie méridionale , qui portoit le nom de Lombardie, s'étoit détachée de l'Empire Grec pour relever de l'Empire d'Occident. Les maladies contagieufes que les chaleurs augmentoient de jour en jour, firent périr une grande partie de Tarmée de Henri, & 1'obligerent de repafler les Alpes dès le mois de Juillet. Ce Prince étant mort deux ans après, Conrad le Salique qui lui fuccéda, tenta un accommodement avec les Grecs au fujet de I'Italie, 11 envoya  nu Bas-Empire. Lh. LXXPJL 407 pour eet effet Vernher, Evêque de Strasbourg, en ambaflade a Conftantin , qui régnoit alors feul après la mort de fon frere. Mais pour ne pas paroïtre faire la première démarche, il ordonna au Prélat de feindre qu'il alloit k Jérufalem en pélerinage, & de s'arrêter k Conftantinople pour fonder les difpofitions de PEmpereur Grec, & entamer une négociation. Wernher fe mit en marche avec tout le fafte d'un Prince puiffant & voluptueux. II étoit fuivi d'un grand cortege, & de quantité de bêtes deftinées aux délices de fa table. Etienne, Roi de Hongrie , prenant cette troupe nombreufe pour une armée plutöt que pour la fuite d'un Ambaffadeur, lui refufa le paffage par fes Etats. II fut obligé de s'embarquer k Venife. Arrivé a Conftantinople , il ne demanda que les moyens de paffer a Jérufalem. Diverfes circonftances ayant en apparence retardé la continuation de ce voyage, il eft a croire que ces délais furent employés k faire des ouvertures de paix. Mais avant que de parvenir k aucune conclufion, Wernher moumt, peut-  XXIX. Divers exploits des Normands. 4.08 HlSTOIRE Btre d'excès de bonne chere, & fut enterré a Conftantinople. Ainfi ce projet de conciliation fut entiérement inutile. Tout étoit en trouble dans PApulie. C'étoient de toutes parts des révoltes contre les Grecs. Bari fut attaqué par les rébelles, dont Bugien fit échouer Pentreprife. D'un autre cöté, Pandulf, prifonnier en Allemagne, étant remis en liberté par PEmpereur Conrad, rentra dans Capoue avec le fecours de Bugien & des Normands, qui, dans cette occafion, fe joignirent aux Grecs. Mais Conrad étant venu dans ce pays avec une armée , les Normands fe rangerent fous fes enfeignes, recurent de lui quelques terres, & fe chargerent de défendre la frontiere contre les Grecs. Rien de plus intrépide que ces guerriers, mais rien de moins affuré que leur amitié; elle tournoit au gré de 1'intérêt. On les voit dans tous les partis, dans toutes les armées. Leur valeur les faifoit rechercher de tous; leur étendard fembloit être celui de la viftoire; mais le Prince qui les avoit a fa lolde, les voyoit bientöt k la  du Bas-Empire. Liv. LXXFII. 409 la folde de 1'ennemi. Pandulf fe fervit »d'eux pour chalfer de Naples le Duc Sergius; il les récompenfa aux dépens du Monaftere du mont CafTin , dont il leur donna plufieurs chateaux, s'en étant emparé par trahifon. Trois ans après, ces mêmes Normands prêterent main-forte k Sergius pour rentrer dans Naples, Sc chaffer Pandulf. Cependant Romain Argyre avoit rappellé Bugien , qui s'étoit conduit avec beaucoup de prudence & de valeur. Outre la ville de Troja, il avoit bati celle de Meifes k douze lieues vers le midi; ck cette ville devint fous les Princes Normands la capitale de PApulie. II avoit reconquis une grande partie de 1'ancien domaine des Grecs, s'étoit fouvent fervi de la bravoure des Normands, & les armes de l'Empire profpéroient entre fes mains. II avoit même paffe en Croatie, & fait prifohniere la femme du Prince de ce pays avec fon fils, qu'il avoit envoyés a Conftantinople. On ne fait pas la raifon de fon rappel; fi ce n'eft que fous un regne foible, le mérite n'eft pas un titre pour conferver la faveur. ChrifTomc XVI, S  XXX. Fondation d'Averle. 410 HlSTOIRE tophe & Pothon qui lui fuccéderent, ne firent rien de mémorable. En 1019, les rebelles Apuliens attaquerent Pothon prés de Bari , & 1'on ne fait lequel des deux partis eut 1'avantage. Mais il eft certain que deux ans après, ce Catapan, ayant livré bataille en Calabre aux Sarafins qui venoient de prendre Caffano , fut mis en déroute, & tué dans le combat. Sergius, rétabli par les Normands dans le Duché de Naples , fut plus reconnoiffant que les autres Princes Lombards. Godefroi étant mort, Rainulf fon frere étoit devenu le chef de cette brave colonie. En 1030 , Sergius lui fit époufer une de fes parentes, & lui donna en toute fouveraineté un grand terrein très-fertile entre Naples & Capoue. Les Normands y fixerent leur demeure, & les habitations qu'ils y batirent fur les ruines de 1'ancienne Atella, fe multiplierent affez en peu de temps pour former une ville, qu'ils nommerent Averfe. Sergius favorifa de tout fon pouvoir eet établiffement, qui fervoit de barrière au Duché de Naples contre les entreprifes des  bv Bas-Emvitle. Liv. LXXVIL 411 Princes de Capoue. II conféra même a Rainulf le titre de Comte ; & ce titre lui fut confïrmé huit ans après par TEmpereur Conrad, qui, en qualité de Seigneur fuprême, lui donna 1'inveftiture. Ce fut le premier des Normands qui acquit une fouveraineté en Italië. Les Comtes d'Averfe, quelques années après, réunirent a leur domaine la Principauté de Capoue & le Duché de Gaëte. L'arrivée d'une familie de héros donna un nouvel éclat aux armes de ces célebres aventuriers. Tancrede, Seigneur de Hauteville dans le Cotentin, vivoit a la Cour de Richard II, Duc de Normandie , qui Pavoit en grande eftime pour fa valeur. II étoit fuivi dans les armées de dix Chevaliers fes vaflaux; ce qui fait voir , dit Du Cange, qu'il n'étoit pas forti de Vavaffeurs ou Ecuyers, comme Ie veulent la plupart des Ecrivains, mais qu'il étoit de Tordre des Bannerets, qui avoient droit de porter banniereen guerre, & d'avoir cri& armes. Quelques Hiftoriens le font defcendre de Rollon, premier Duc de Normandie. Les Auteurs anciens S ij xxxr. Arrivée des fils de Tancrede.  412 HlSTOlRE ne nomment pas fa première femme j ce font les moclernes qui lui donnent le nom de Morielle. II en eut cinq fils, Guillaume, qui fut furnommé Bras de fer ; Drogon ou Dreux, Humfroi, Geofroi ck Serlon. II eut encore fept fils d'une feconde femme nommée Frédéfinde ck Erméfinde. L'ainé de ce fecond lit fut Robert, furnommé Guifcard, paree que, dit un Poëte de ce temps-la, ni Cicéron ni Uliffe, ne furent auffi rufés que lui. Les autres furent Guillaume, Matiger , Alverede, Herman, Humbert ck Roger le dernier de tous, qui devint le plus célebre par la conquête de la Sicile, dont il fit un Roy aurne. Ces douze fils de Tancrede , ne vinrent pas enfemble en Italië. Les trois ainés du premier lit ouvrirent le chemin aux autres, ckcommencerent Ia fortune de leur familie. Geofroi refia d'abord en Normandie, ck fut appanagé de toutes les terres de fon pere. Cependant il alla dans la fuite joindre fes freres déja devenus puiflants, & fut Comte de la Capitanate. Serlon fut le feul qui demeura dans le pays natal; il fe fignala dans les armées  du Bas-Empire. Liv. LXXWI. 413 du Duc Robert. Son fils qui portoit le même nom ne put réfifter a 1'attrait qui appelloit fa familie en Italië; il paffa au fervice de fes oncles, & acquit de grands établiflements en Sicile. Les brillants fuccès de ces guerriers attirerent en différents temps leurs freres du fecond lit, qui les feconderent, & remplirent I'Italie &c Ia Sicile de la renommée de leurs hauts faits d'armes. Nous allons les voir fous le regne de Michel le Paphlagonien & de fes fuccefleurs, d'abord unis avec les Grecs, fe fignaler par des fervices éclatants ; devenus enfuite leurs ennemis, leur enlever ce qui leur reftoit en Italië, & leur öter pour jamais 1'efpérance de reconquérir la Sicile, en s'en rendant maïtres eux-mêmes par 1'expulfion des Sarafins. Mais nous ne fuivrons leur hiftoire , qu'autant qu'elle fe trouvera liée avec celle de l'Empire Grec. En placant Michel fur Ie tröne , Zoé s'étoit flattée qu'au-lieu d'un Empereur & d'un mari, elle n'auroit qu'un efclave couronné, qui ne feroit que prêter fon nom aux volontés de S iij An. 1034, XXXII. Commencementsde Michel.  Michel IV. An. 1034. Cedr. p. 734. & fiWZon. torn. n. P. 136. Manajf. p, 124. Glycas , P"g- 3l4 1 31*5- Joel. p. lS3. ^ Abre'gé de ï'hifi. d'1tal. tom.ll. p. 104$. 4H HlSTOIRE fa bienfaiörice. Dans cette penfée, elle fit revenir au palais les eunuques de fon pere, que R omain Argyre avoit éloignés. C'étoient autant de créatures très-propres a. fervir fes caprices. Mais trop emportée pour être politique , elle s'égara dans fes projets. L'eunuque Jean, hors d'état de prétendre a 1'Êmpire, n'y avoit élevé fon frere que pour régner fous fon nom. Michel n'étoit qu'un automate, dont il régloit tous les mouvements. Ce Prince, fort étonné de 1'être, n'avoit nulle force de réfiftance : fans autre mérite que la figure , fans autres vertus que celles qu'on peut appeller des vertus d'inertie, modefie par honte, libéral par foibleffe, indulgent par indolence. Le mal caduc , dont il reflentoit fouvent de violents accès, avoit encore affoibli fon efprit. Le peuple Ie croyoit démoniaque, & les uns difoient que c'étoient en punition des crimes par lefquels il étoit parvenus k l'Empire , les autres qu'il s'étoit donné au diable pour y parvenir. L'eunuque Jean, au contraire , chef & créateur de fa familie qu'il avoit tirée du néant, étoit ac-  du Bas-Empire. Liv. LXXVIL 415 tif, infatigable, fobre, ne donnant rien au plaifir , tout aux affaires; mais fombre , caché , fans humanité , auffi fcélérat, mais plus habile que fes freres. II avoit été Moine , & s'étant mis au fervice de Romain Argyre, devenu enfuite grand Chambellan , & enfin Miniffre fuprême, maïtre de l'Empire & de TEmpereur, il garda toujours Thabit monaflique , apparemment pour en mieux ïmpofer au vulgaire. II commenca par écarter Zoé des affaires , & c'eüt été rendre k TEtat un grand fervice , s'il ne fe fut pas mis k fa place. Ayant fans peine perfuadé k TEmpereur qu'elle étoit capable de faire contre lui ce qu'elle avoit fait pour lui, il la tint comme prifonniere dans le palais , lui öta fes femmes les plus fideles, ne mit auprès d'elle que des domeftiques de fa propre familie, qui étoient autant d'efpions, & fe rendit tellement maïtre de toutes fes acfions, que, pour avoir entrée chez elle, il falloit fubir un interrogatoire devant le Capitaine des gardes, & qu'elle ne pouvoit même aller au bain fans fa permifïion. Le peuple, qui pardonne toujours S iv Michel IV. An, 1034- XXXIII. Mauvais  MlCHEX IV. An. 1034. deffein de Jean contre Dalaff«ne. j ( 1 1 < i ) 1 < 1 3 4IÖ H 1 S T 0 1 R E dès que la Cour punit, murmuroït du traitement qu'éprouvoit 1'Impératnce. Dès les premiers jours du nouveau regne, des phénomenes extraordinaire.? avoient allarmé la fuperftition. Le jour de Paques fur le foir un violent orage de grêle avoit détruit les vignes, renverfé les arbres, abattu des maifons & des Eglifes, ruiné 1'efpérance des moiffons ; :e qui caufa cette année une extréme ftérilité. Le Dimanche fuivant vers la troifieme heure de la nuit, .in météore enflammé avoit jetté une ü vive lumiere, qu'il fembloit que e foleil étoit remonté fur 1'horifon. Pendant ce temps, Jean mandoit dans :outes les Provinces la mort deRonain, le nouveau mariage de Zoé , te 1'élévation de Michel. II recut de outes parts des proteftations d'oréiffance. II n'y eut que le Patrice ponftantin Dalaffene, qui, retiré dans es terres, témoignoit oüvertement bn indignation. C'étoit , difoit - il ïautement, déshonorer l'Empire que fe.Uu donner un tel maitre, & de >référer a tant de perfonnages auffi ecornmandables par leur mérite que  nu Bjs-Empire. Llv. LXXV1I. 417 par leur nailTance, un homme vil, forti de la poufliere, méprifable par les qualités de fon efprit , attaqué d'une horrible maladie. Ces difcours de la bouche d'un homme généralement eftimé donnoient beaucoup d'inquiétude au Miniftre: c'étoit un flamheau de révolte, s'il ne fe hatoit de 1'éteindre. II cherche donc les moyens de faire tomber Dalaffene dans fes filets. II lui envoye l'eunuque Ergodote, très-propre a de pareils meffa« ges , pour 1'engager a fe rendre a lï Cour, en lui promettant avec ferment au nom de 1'Empereur un£ pleine füreté. Dans 1'intervalle, Jear travaille a gagner le Sénat & le peuple en prodiguant les dignités, lei graces , les largeffes. Les ferment d'Ergodote n'eurent pas le crédi 'cFamener Dalaffene a Conftantinople : il lui falloit de plus fortes affurances; il les envoya demander pai un ferviteur fidele, & promit d'obéir dès qu'il les auroit recues. Rier 'ne coütoit au Miniftre.. II fit partii l'eunuque Pagizès, favori de 1'Empereur , avec les gages de fureté le: plusr refpeftables que Ton connü S v. Michel IV. An. 1034.' [ . myiMf [  Michel IV. An. 1034. XXXIV. Dalaffene emprifonné, i j i 1 I 4l8 HlSTOIRE alors; c'étoient du bois de la vraie Croix, la Véronique, la lettre de Jefus - Chrifl au Roi d'Edeffe , une image miraculeufe de la Sainte Vierge. II lui auroit mis entre les mains le ciel tout entier, s'il eüt été en fa difpofition, pour faire téuiïir fa fourberie. A la vue de ces dépots précieux , fur lefquels TEmpereur avoit juré, Dalaffene n'eut plus de défiance. II arrivé I la Cour; il eft recu avec les démonftrations de la plus tendre amitié; on Thonore de la dignité de Proconful; on le combiede préfents; on le prie de ne pas abandonner le Prince qui fait grand cas de fes confeils , & de vivre librement & fans crainte dans Conftantinople. Ce traitement honorable n'étoit qu'un artifice pour Tamufer, en attendant qu'on trouvat un prétexte 30ur le perdre. Avec le idefir qu'en ivoit le Miniftre, il ne pouvoit tarler a fe préfenter. Le peuple d'Anioche avoit affommé un financier ïommé Salibas , qui, prépofé a la evée des impöts, vexoit les habitants :ar fes concufiions. Nicétas, un des  du Bas-Empire. Ltv. LXXPJI. 419 freres de 1'Empereur, y fut envoyé en qualité de Duc. On le croyoit armé de vengeance, & on lui ferma les portes de la ville. On ne les ouvrit que fur le ferment qu'il fit, d'apporter une amniftie générale. Mais dès qu'il fut entré, & qu'il fe vit maitre d'Antioche, ne tenant aucun compte de fon ferment, il fit trancher la tête a. cent des principaux habitants , & en choifit onze autres entre les plus nobles & les plus riches, dont il confifqua les biens , & qu'il envoya pieds & mains liés k Conftantinople , écrivant en même-temps k Jean fon frere, comme ils en étoient fans doute convenus, que la caufe du foulevement d'Antioche n'étoit pas les vexations de Salibas , mais ï'affection pour Dalaffene , que la ville vouloit avoir pour Empereur. Dalaffene eft aufii-töt faifi, condamné & relégué dans Pifle de Plate. Son gendre Conftantin Ducas, quiréclamoit contre cette injuftice, eft enfermé dans une tour. Trois Sénateurs des plus diftingués, qui tenoient le même langage , font punis par la confifcation de leurs biens au profit de S vj Michel IV. An. 103 j.  Michel IV. An. 1034, XXXV. Aflion de juftice des Varangues» 420 II I S T O 1 R E Conftantin , un des freres de TEmpereur. Syméon, grand-Maïtre de la garde - robe , autrefois Miniftre de TEmpereur Conftantin, eft pour la même raifon banni de la ville. II alla fe renfermer dans un Monaftere qu'il avoit fondé fur le mont Olympe. George, dernier frere de Jean, fut revêtu de fa charge. Peu de jours après, dans la crainte que Dalaffene ne trouvat moyen de s'échapper de fon exil, Jean le fit transférer dansune des tours de Conftantinople, oü il étoit étroitement gardé. Tandis que les mceurs des Grecs fe corrompoient de plus en plus par le relachement qui précipite la chüte des Etats, & par Texemple de leurs Souverains, une milice barbare établie dans l'Empire fit une action de juftice, qui montre que les principes de Téquité naturelle fe confervent avec la rudeffe nationale. Un corps de Varangues ou Varinges avoit fes quartiers dans ce qu'on appelloit alors le Theme des Tracefiens ; c'étoit la Lydie & une partie de la Phrygie. Un d'entre eux rencontrant une femme dans un chemin  nu Bas-Empire. Liv. LXXPJL 411 écarté, voulut la corrompre; Sc la trouvant rébelle a fes deiirs, il entreprit de la forcer. Pendant qu'elle fe défendoit , elle trouva moyen de faifir 1'épée du barbare, & la lui plongea dans le cceur. Le bruit de ce meurtre s'étant répandu dans le voifinage, les autres Varangues accourent ; & s'étant inftruits du fait, aulieu de venger leur camarade , ils prononcent qu'il a mérité la mort, couronnent la femme qui, par fon courage, a fauvé fon honneur, Sc lui font préfent de la dépouille de ce malheureux. Ils le jugent même indignede fépulture, Sc jettent fon corps dans le lieu d'horreur deftiné pour ceux qui fe font eux-mêmes donné la mort. II eft k propos de faire connoïtre cette milice, alors nouvelle, & qui a fubfifté jufqu'a la fin de l'Empire. Les Varangues , Varinges ou Vareges, étoient des peuples de la Scandinavië, renommés dansle Nord pour leur invincible valeur. D'abord ennemis des RulTes, aux quels ils impoferent tribut, ils fe lierent enfuite tellement avec eux, qu'ils leur donnerent des Princes, & Rurik, pre- MlCHEt IV. An, 1034  Michel IV. An, 1034, XXXVI. Divers événeir.cnts. 452. IIlSTö/Rg mier grand Duc de Ruffie, dans le neuviemefiecle, étoit Varege de naiffance. II établit fa réfidence a Novogorod, &attira dans cette ville grand nombre de fes compatriotes. Le commerce des RulTes avec les Grecs fit connoïtre a ceux-ci cette nation guerriere. Les Empéreurs Grecs en prirent a leur folde. Entre les troupes étrangeres auxquelles les Empéreurs confioient la garde de leur perfonne, les Varangues tenoient le premier rang. Ils accompagnoient 1'Empereur dans les expéditions. Souvent il les lailToit a la garde de Conftantinople , comme les plus fideles d'entre fes foldats. Leur chef étoit diftingué entre les principaux Officiers de la Cour. Pendant cette même année , Jérufalem éprouva un horrible tremblement de terre qui dura quarante jours a diverfes reprifes. Plufieurs Eglifes, quantité de maifons furent abattues , & grand nombre d'habitants périrent fous les ruines. Les Hiftoriens ne rapportent guere ce phénomene terreftre fans y joindre quelque météore ignée qui fe fait voir dans le cieh  du Bas-Empire. Liv. LXXPIL 443 Cette année, c'étoit une colonne de feu qui s'étendoit d'Órient en Occident. Les Sarafins pillerent la ville de Myre en Lycie, & 1'abandonnerent enfuite. Pancrace, Roi des Abafges , apparemment pour venger la mort de Romain dont il avoit époufé la niece , rompit la paix avec les Grecs, & fe remit en poffeffion de toutes les places qui leur avoient été cédées. Les Patzinaces pafferent le Danube, & ravagerent la Méfie &c la Macédoine jufqu'a Theffalonique. Une flotte de Sarafins vint piller les Cyclades. Jean fe trouvoit hors d'état de donner des ordres pour empecher ces ravages. Un cancer commencoit k lui dévorer la bouche , & les Médecins n'y voyoient aucun remede. On lui confeilla de faire le voyage de Myre pour implorer Tafliftance de Saint Nicolas. II s'y rendit, fit fes prieres au faint Evêque, répara les murs de la ville abattus par les Sarafins, & revint guéri. Ce miracle, fi c'en fut un , ne ! changea rien dans fa conduite. Rien n'étoit plus commun dans ces fiecles : d'ignorance, que ces dévotions fu- MlCHEL IV. An. 1034, Vn. 1035. ÜXXVII. Péniten:e de Mi-  Michel IV. An. 1035. Cedr. p. 737,738» 739- Manaff, pag. 114, I2J. (ilycas , P"g- 3M » 316. XXXVIII Incurfion des Barbares, •M j'i .> 424 HlSTOIRB perficielles, qui peuvenr s'allier avec tous les vices. Pour Michel il fembloit être fincérement converti. II fe reprochoit la mort de Romain; & pour effacer ce forfait, il répandoit beaucoup d'aumönes , fondoit des Monafteres , & faifoit quantité de ces bonnes ceuvres qui ne .coütent a un Prince que 1'argent de fes fujets 5 comme s'il eüt pu racheter fes cri* mes k leurs dépens. La feule chofe qu'il ne fit pas, & la principale qu'il eüt dü faire, étoit de renoncer k l'Empire comme k un bien mal acquis. Nicétas étant mort peu de temps après qu'il eut pris poffefTion d'Antioche , Conftantin fon frere lui fux> céda; & pour prévenir en fa faveur les peuples de fon gouvernement , PEmpereur mit en liberté ces malheureux habitants qu'il tenoit dans les fers a Conftantinople. Les Sarafins d'Afrique, joints k ceux de Sicile, infeftoient 1'Archipel , & pouflbient leurs pirateries jufque fur les bords de la Cherfonefe de Thrace & de la Myfie. Les Commandants de ces contrées s'étant réunis les défirent  j)v Bas-Empire. Liv. LXXPIL 42$ dans un combat naval, envoyerent cinq cents prifonniers a Conftantinople, & firent pendre les autres au bord de la mer le long du golfe d'Adramyte. Les mêmes Sarafins avoient encore une autre flotte qui faifoit les mêmes ravages fur les cötes de Lycie & de Pamphylie. Conftantin Chagé, Commandant du Theme de Cibyre, les combattit avec Ie même fuccès; il en envoya un pareil nombre k TEmpereur; les autres furent coulés k fond avec leurs vaiffeaux. Pour délivrer l'Empire decesopiniatres ennemis , Jean envoya en Sicile George Probatas, qui fit k TEmir Abulaphar des propolirions de paix. Elles furent acceptées, & TEmir envoya fon fils k la Cour de TEmpereur , qui, pour s'attacher plus fortement ce Prince barbare, Thonoradu titre de maitre de la Milice. Un tremblement de terre en Galatie engloutit cinq bourgs entiers avec leurs habitants. Un an après, on en reffentit un trés-violent k Conftantinople pendant une nuit du mois de Décembre. L'hy ver fuivant le Danube glacé donna paffage aux Patzina-. Michel IV. Kn, 103J,  Michel IV. An. 1036. XXXIX. Ravages des Patzinaces.Cedr. p. 739- Zon. torn. II. p. 236, 237. M. de Guignes , hifi. des Huns, torn, I. p. 367. An. 1037. XL. Edeffe 426 II 1 s T O I R E ces, qui vinrent ravager la Méfie Sc la Thrace. Attirés par le burin Sc par la facilité de Penlever, ils revinrent trois fois 1'année fuivante ; Sc non contents de fe charger de richeffes, ils fe raffafierent de fang Sc de carnage, maffacrant tout ce qui tomboit fous leurs mains, fans diftinction d'&ge ni de fexe. Mais les plus a plaindre furent ceux qu'ils réferverent comme prifonniers. C'étoit pour eux un divertilfement inhumain de leur faire endurer les plus horribles fupplices. Du nombre de ces malheureux furent cinq Généraux Grecs Sc deux Ruffes. On fe confola cependant de ces défaftres par la foumiffion de la Servië, qui s'étoit révoltée a la mort de Romain Argyre, Sc par la paix qui fe fit avec 1'Egypte. Dhaher, Calife d'Egypte, étant mort, fa veuve qui étoit Chrétienne, envoya des Ambaffadeurs k Conftantinople avec un de fes fils pour demander la paix. L'Empereur y confentit, Sc elle fut conclue pour trente ans. Les Sarafins d'Órient n'en furent pas moins ennemis de l'Empire. Les  nu Bas-Empire. Liv. LXXFII. 427 Arabes de la Méfopotamie fe réunirent pour attaquer Edeffe; & ils 1'auroient prife , Lépendrene qui avoit fuccédé a. Maniacès dans le gouvernement de cette ville n'étant pas en état de la défendre, fi Conftantin , frere de TEmpereur, n'eüt envoyé d'Antioche un puiffant fecours. Les Arabes fe retirerent. Pour récompenfe, Conftantin fut nommé Général des troupes d'Órient, & le gouvernement d'Edeffe fut donné a Parafbaze, Ibérien, qui penfa être furpris par un fingulier ftratagême. Douze Arabes vinrent un jour le trouver. Ils étoient fuivis de cinq cents cavaliers &c d'autant de chameaux, chargés chacun de deux grandes caifles. C'étoient, difoient-ils, des préfents que leur nation , dont ils étoient députés, envoyoit k TEmpereur pour lui rendre hommage, &c obtenir fa bienveillance. Le Gouverneur leur fait le meilleur accueil; il les invite k fouper, mais il ne leur permet de faire entrer dans la ville ni leurs cavaliers , ni leurs chameaux. Pendant qu'ils étoient k table , un pauvre Arménien va au camp des Arabes pour Michel IV. An. 1037. inutilement attaquéepar les Arabes. Cedr. p. 739 , & /"'??■ Zon. torn'. II.p. 137 , 238. Glycas, pag. 316.  Michel IV. An, 1037. XLI. Famine. 428 HlS T O I R E y chercher quelque aumöne. En rodant 9a & la, il entend parler une des caiffes qui s'entretenoit avec fa voifme. II va fur le champ faire part de fa découverte au Gouverneur. Parasbaze laiffé a table fes convives, ck fe tranfporte au camp avec fa garde. Les cavaliers étoient difperfés pour aller au fourrage. II fait ouvrir les caiffes; on trouve dans chacime un foldat; ce qui faifoit mille hommes , qui devoient fortir pendant la nuit, & joints aux cinq cents cavaliers s'emparer de la ville ; car ils avoient efpéré d'y être recus. A Pouverture de chaque caiffe, on tuoitle foldat. Les cavaliers qui revenoient au camp 1'un après 1'autre avoient le même fort. Parasbaze retourne enfuite au feftin qu'il trouve en bonne humeur. II fait main-baffe fur les Arabes, & nren épargne qu'un feul qu'il renvoye après lui avoir fait couper les mains, le nez ck les oreilles, pour aller rendre compte a fes compatriotes du fuccès de fa députation. Une féchereffe de fix mois, pendant lefquels il ne tomba pas une goutte de pluie, mit la famine dans  du Bas-Empire. Liv. LXXV1I. 429 la Thrace & la Macédoine jufqu'en Theffalie. On fit a Conftantinople des proceflions générales , k la tête defquelles marchoient les trois f'reres de 1'Empereur, portant entre leurs mains les reliques les plus refpectables. Mais au-lieu de la pluie qu'on demandoit, il tomba une grêle terrible qui abattit les arbres, & brifales toits des édifices. Jean fit acheter en Grecefix cents mille boiffeaux de bied, qu'on diflribua au peuple. A tant de maux fe joignit un tremblement de terre , qui fe fit fentir k diverfes repnfes pendant les deux derniersmois de cette année. L'Empereur fe trouvoit k Theffalonique dans le temps que la famine defoloit le pays. On vint fe plaindre a lui de 1'impitoyable avarice de 1'Evêque Théophane , qui , loin de foulager la mifere publique, 1'aggravoit encore en refufant au Clergé la rétribution. ordinaire. L'Empereur le fit venir, & 1'ayant en vain exhorté a faire le devoir d'unPaffeur, comme Théophane fe défendoit par de mauvaifes raifons, du moins, lui dit 1'Empereur, vous ne refufere^ pas de mai* Michel IV. An. 1037,' Xtll. ftrticle de 'Evêque rheffalolique.  Michel IV. An. 1037. XLTII. Va'ne tentative As Jean pour fe faire Patriarchede Conftantinople. 430 HlSTQIRB der dans le befoin ou. je me trouve. Vargent me manque ; prête^-moi fur ma parole cent livres (Tor, que je promets de vous rendre, dès que fen aurai requ de Confantinople, ou fai envoyè. Le Prélat s'en excula, proteftant avec ferment qu'il n'avoit que trente livres. Le Prince le retint dans le palais j & envoya fouiller dans fa maifon. On y trouva trois mille trois cents livres d'or. On prit fur eet amas de richeffes de quoi payer le Clergé, qui n'avoit rien recu depuis que Théophane étoit Evêque. On diftribua le refte aux pauvres. L'avare Prélat, chaffé de fon fiege, fut relégué dans une terre qui lui appartenoit. Prométhée fut mis a fa place , &c chargé de lui faire une penfion alimentaire. L'eunuque Jean, fous le nom du Prince, difpofoit de toutes les affaires de l'Empire. Néanmoins peu content d'un pouvoir fi étendu , il voulut y réunir la puiffance fpirituelle. Le titre de Patriarche de Conftantinople flattoit fon ambition; il gagna des Sénateurs & des Evêques, qui entreprirent de dépofer Alexis , fous pré-  nu Bas-Empihe. Liv. LXXFIl. 431 texte que fon élecfion n'étoit pas canonique , r.'ayant été faite que par le choix de TEmpereur Bafile. Plufieurs métropolitains entroient dans ce complot; a leur tête étoit l'eunuque Antoine , Archevêque de Nicomedie, parent de TEmpereur, mais ignorant & ftupide. On lui donnoit le furnom de Pachh, c'eft-a-dire , Thébêté. Alexis, fans s'effrayer de leurs manoeuvres obfcures, dont il etoit informé, fe contenta de leur eenre , que s'il y avoit abus dans fon eleöion , il falloit dépofer avec lui tous les Evêques qu'il avoit ordonnes pendant les douze années de fon epifcopat, & déclarer nul & abufif Je couronnementde TEmpereur, auquel ainfi qu'a fon prédécelTeur il ayoit mis la couronne fur la tête. IJ n'en fallut pas davantage pour déconcerter cette cabale; tous les Prélats qui la compofoient étoient de 1 ordination d'Alexis. Jean renonca au projet qu'une vanité infenfée lui avoit infpiré. L'avarice le dédommagea du peu de fuccès de fon ambition. H devintplus avide depillage, & tourmenta les peuples par des exa&ons Michel IV. An, 1037,  Michel IV. An. 1037. 432 HlSTOIRB accablantes & infolites. Sa fceur Marie , au retour d'un voyage de dévotion qu'elle avoit fait a Ephefe , s'étant avifée de lui repréfenter la mifere des Provinces, & de lui demander avec larmes le foulagement de tant de malheureux : Vousn'étes qu'une femme, lui répondit-il en éclatant de rire; il vous appartient de pleurer, mais non pas de favoir ce qu'il faut dargent pour foutenir un Empire. Zoé même entreprit de venger les peuples; mais a fa maniere, par un nouveau crime. Elle engageale Médecin de Jean è 1'empoifonner. II en fut averti, & évita le danger. Ses freres profitoient de fon pouvoir pour "s'enrichir a force d'injuftices. Les cris que leurs vexations excitoient de toutes parts réveilloient q»elquefois 1'Empereur; mais Jean n'avoit pas de peine a le rendormir, foit en palliant les crimes de fes freres, foit en étouffant les plaintes & en les empêchant de parvenir aux oreilles du Prince indolent. Mortel ennemi de Dalaffene, dont le mérite lui faifoit ombrage, il le tenoit depuis trois ans enfermé dans une des tours. Jafuas, Roi d'Ibérie,  du Bas-Empihe. Liv. LXX.VII. 433 bérie demandant du fecours contre Pancrace, Roi d'Abafgie, qui le preffoit vivement, Jean chargea de cette expédition fon frere Conftantin avec les troupes d'Órient. Conftantin, qui eftimoit Dalaffene autant que fon frere le haïffoit, ne confentit k fe mettre en marche qu'a condition qu'on lui enverroit ce brave 6c prudent Officier , pour 1'aider de fes confeils 6c de fon courage. Jean le promit. Mais dès que fon frere fut parti, au-lieu de mettre Dalaffene en liberté, il exila toute fa familie, qu'il vouloit détruire. Conftantin, piqué de ce procédé comme d'une infulte perfonneile, ne 1'eüt pas plutöt appris, qu'il revint fur fes pas fans être entré en Ibérie. Un fi mauvais gouvernement, loin d'être en état de fecourir lesalliés, ne pouvoit fe foutenir lui-même. Ce n'eft pas que le Miniftre manquat d'habileté ; mais il préféroit fes intéréts k ceux. de l'Empire, 6c fes vues particulieres ne s'accordoient pas toujours avec le bien public. Pandulf, Prince de Capoue , chaffe de fes Etats par PEmpereur Conrad , qui Tom XVI. T MICHEL IV. An. 1037. An. 1038. XLIV. Commencementdela guerre en Sicile^ Cedr. p 740 , 741, 743 »744, 75 5 . 756. Zon. 1.11^ '■ *37. 13 8.  Michel IV. An. 1038. Malaterra l. i. Guill. Ap- pul. I. I. Leo ofi. 1. 2. c. 67, 68. Lup. protofp. Pagi ad Bar. Giann. hifi. Nap. I. 9. c. 2. Murat. annal. d'Ital. t. VI. p. 11S, 119, 122, 124, 12; , 126. Abre'ge' dt Thifi. d'Ital. t. III. P- 70,74, 76,80,82, Só.88,92, 94. XLV. Premiers fuccès en Sicile. 434 II I S T O I R Z les avoit donnés a Guaimar, Prince de Salerne , s'étoit réfugié k Conftantinople , &c demandoit un fecours d'hommes ou dargent. II avoit afTez de partifans en Italië pour y exciter une révolution dont les Grecs auroient pu tirer avantage. Le Miniftre fe laiffa corrompre par les députés de Guaimar, & Pandulf fut exilé au lieu d'être fecouru. II n'obtint fa liberté qu'après la mort de Conrad, comme fi 1'on eüt été d'intelligence avec ce Prince, ennemi de l'Empire Grec. On ne fut pas mieux profiter d'une occafion beaucoup plus importante. La valeur de Maniacès étoit fur le point de reconquérir la Sicile. L'injuftice, la violence , 1'incapacité de fes collegues la firent perdre de nouveau. Ce fut dans cette expédition que I'Italie apprit k connoitre les fils de Tancrede. Les actions héroïques qu'on leur vit faire pour remettre l'Empire en poffefïion de cette ifle, furent 1'effai de leur valeur & le prélude de la conquête qu'ils en firent enfuite pour eux-mêmes. Une guerre civile fit naitre 1'efpérance de chaffer de la Sicile les Sa^  nu Bjs-Empire. Lh. LXXPII. 435 raiins, qui en étoient maitres depuis plus de deux cents ans. Abulaphar, allié de l'Empire, y régnoit fous 1'autorité du Calife d'Egypte. Son frere Abucab s'étant révolté contre lui,& ayant gagné plufieurs batailles, il eut recours a Léon Opus , qui gouvernoit pour les Grecs la Pouille ck Ia Calabre. Léon, étant paffe én Sicile , battit plufieurs fois Abucab. Ses fuccès parurent dangereux a celui même qu'il protégeoit. Abulaphar craignit que, fous prétexte de le défendre, il ne le dépouillat lui-même, ck ne fe rendit maitre du pays. Les deux freres fe réunirent, ck firent venir du fecours d'Afrique. Léon, trop foible pour réfifter, repaffa en ïtalie avec quinze mille prifonniers Chrétiens, qu'il avoit délivrés d'efclavage. Un début fi heureux fit redoubler les efforts. Jean mit en mer une grande flotte chargée de troupes, fous le commandement d'Etienne fon beaufrere. Docéan partoit en même-temps pour I'Italie avec la qualité de Catapan; ck Maniacès , le plus grand Capitaine de l'Empire, rappellé pour T ij Michel IV. An. 1038, An. 1039. XL VI. Prife de Meffine & de Syracufe.  Michel IV. An. 1039. 4-36 HlSTOIRB cette expédition de fon gouvernement de Baafparacan , devoit commander en Sicile. Arrivé a Rhege, Maniacès y fit venir les troupes de la Pouille 8c de la Calabre, pour les joindre k fon armée. Mais trois cents Normands, que lui envoya le Prince de Salerne, furent pour lui d'un plus grand fecours que des milliers de Grecs. Les trois fils ainés de Tancrede, Guillaume, Drogon 8c Humfroi marchoient a leur tête, & leur communiquoient cette ardeur martiale dont ils étoient embrafés. L'armée paffe en Sicile, 8c Meffine efl emportée d'affaut. Elle marche enfuite a Syracufe. Cette ville étoit défendue par un renégat nommé Arcade, qui vint au-devant des Grecs, 8c leur préfenta la bataille. La néceffité de vaincre ou de périr enflammoit fon courage ; il portoitpartout la terreur, 8c déja les Grecs en défordre plioient de toutes parts , lorfque Guillaume , courant piqué baiffée k ce redoutable ennemi , le fit tomber mort k fes pieds. L'épouvante paffe du cöté des Sarafins. Guillaume, fuivi de fes freres 8c de  du Bas-Empire. Liv. LXXFII. 43? fes braves Normands, en fait un horrible carnage, & entre avec eux dans Syracufe. La ville eft faccagée, Les Sarafins qui échappent du maffacre , n'obtiennent la vie que pai 1'abandon de leurs biens. Les coup; terribles que Guillaume avoit porté; aux ennemis dans cette bataille, lui firent donner le furnom de Bras de fer. La nouvelle de cette défaite mit en mouvement toute PAfrique. Un renfort cte cinquantë mille Sarafins vint au fecours de ceux de Sicile. II fe livre une feconde bataille dans un lieu que Cedrene nomme Remata. Les Grecs, fecondés d'un vent violent qui fouffloit en face aux ennemis , & de la valeur des Normands encore plus impétueufe, mettent les Sarafins en déroute. Abucab , fuivi d'une très-petite partie de fon armée , fe dérobe par la fuite a la furie des vainqueurs. II avoit fait femer dans la plaine quantité de chauffetrapes pour ruiner la cavalerie Grecque; mais les chevaux étoient ferrés de maniere qu'ils n'en recurent aucun dommage, & la cavalerie fit un grand maffacre des fuyards. Le Tri; Michel IV. An. 1039, XL VII. Grande défaite des Sarafins.  Michel IV. An. 1040. XLviri. Maniacès vainqueur eft conduit prifonnier a Conflantinople. 43* H 1 s t a 1 r e fruit de cette viöoire fut la foumiffion . de treize villes, qui fe rendirent au vainqueur. Maniacès paffa 1'hyver a s'aiTurer de ces places, en les fortifiant & y mettant garnifon. Dès que la mer fut navigable, on vit débarquer en Sicile une armée d'Africains plus nombreufe que la précédente. Ils vinrent camper dans la plaine de Dragine, très-étendue & entiérement découverte, a peu de diftance de la mer. Maniacès marche droit aux ennemis fans s'effrayer de leur nombre. II envoye ordre a Etienne de ranger fa flotte le long du rivage, & de fermer exaéfement le paffage de la mer, pour arrêter ceux qui, après la défaite, voudroient regagner PAfrique. II attaque enfuite 1'ennemi avec tant de furie, que, fi Pon en veut croire les Hiftoriens Grecs , cinquante mille Sarafins refterent fur la place. D'un autre cöté, lesEcrivains Normands difent que les Normands feuls, ayant Guillaume a leur tête, donnerent fur 1'ennemi, le taillerent en pieces, & ne laifferent aux Grecs arrivant après la vicloire, que la peine  nu Bjs-Empirë. Liv.LXXPlf. 439 de dépouiller les morts. Ce dernier récit a bien i'air d'une fanfaronnade nationale. Le Général Sarafin, échappé du carnage , fe fauva dans une chaloupe, & repaffa en Afrique fans être appercu des vaiffeaux qui gardoient ie rivage. Irrité de cette négligence d'Etienne, Maniacès 1'accablant d'injures, le traitant de poltron , de traitre, s'emporta jufqu'a le frapper du bois de fa piqué. Julienne étoit beau-frere de Jean 6c de l'Empereur. Outré d'une infulte fi atroce, il en écrit k Jean ; 8c comme fi la vérité ne fuffifoit pas pour perdre fon ennemi, il y ajoute la caiomnie ; il accufe Maniacès de vouloir fe faire Roi de Sicile. On envoye ordre aufii-töt d'arrêter Maniacès, 6c de 1'amener k Conftantinople. On le met en prifon ; on charge a fa place de toute 1'expédition , Docéan qu'on fait paffer d'Italie en Sicile ; on lui donne pour collegues Etienne 6c Bafile Pédiadite. La lacheté, la négligence, 6c 1'avidité infatiable de ces trois Généraux, firent perdre en peu de temps tout le fruit des vifloires de Maniacès, T iy Michel IV. An. 1049,  Michel IV. An. 1040. XLIX. Les Normands fe décachent desGrecs. 44° BlSTOIRE Mais rien ne porta un coup plus mortel aux affaires des Grecs en Sicile , que la retraite des Normands, dont 1'héroïque valeur avoit procuré des fuccès fi rapides. Maniacès les avoit attirés fous fes enfeignes par les plus belles promeffes. Lorfqu'il fut queftion de partager le butin , ils prétendirent avec raifon y avoir part. Cependant les Grecs eurent Pin* folence_de les exclure du partage, les traitant de mercénaires, qui devoient fe contenter de leur folde. Ces guerriers, trop fiers pour fouffrir un tel affront, prirent d'abord ie parti de s'en plaindre a Docéan. Mais moins exercés a parler qu'a combattre, ils chargerent de leurs plaintes un Milanois , nommé Ardoin. C'étoit un homme de naiffan:e, que 1'amour de la gloire 6c la même ardeur de courage qui animoit les fils de Tancrede, avoient iffocié avec eux. La conformité de :ara<£tere, joint au partage des mêmes hafards, 1'avoient en quelque forte naturalifé entre les Normands , k il tenoit parmi eux un rang dif:ingué. II alla trouver Docéan, &  du Bas-Empire. Liv. LXKFIL 441 lui repréfenta au nom de toute la nation , combien il étoit injufte de priver des fruits de la victoire, ceux qui avoient eu le plus de part aux travaux Sc aux dangers. Docéan, fier Sc brutal, ne répondit que par des infultes. II fut encore choqué du refus que lui fit Ardoin d'un beau cheval, qu'il avoit enlevé dans la bataille a un Sarafin. Non content de 1'accabler d'injures, il le fit paffer par les verges. Dès qu'Ardoin fut de retour a fon quartier, les Normands, outrés de colere, vouloient eourir aux armes; il les retint, Sc leur confeilla de diffimuler jufqu'a ce qu'ils fuffent hors de la Sicile. Ils le prennent pour chef; Sc s'étant faifis de quelques barques, ils paffent k Rhege. Pourfuivis par un détachement de cavaliers Grecs, ils retournent fur eux, en tuent cinquante , mettent le refle en fuite, Sc gagnent Averfe qui appartenoit k leur compatriote Ranulfe. Réfolus de fe venger des Grecs, Sc de ne fe point donner de repos qu'ils ne les ayent chaffés de I'Italie, ils choififfent entre les plus nobles douze chefs, qu'ils T v MlCHEE -IV. An. 1040.  Michel IV. An. 1040. L. Conquêtes des Normands en Italië. 1 1 ] 1 1 1 1 ] 142 HlSTOlRB décorent du titre de Comtes. Ils fe partagent d'avance la Pouille & ia Calabre , qu'ils avoient a conquérir. Meifes , batie par Bugien fous le regne de Bafile dans un terrein commode & fertile, étoit déja devenue confidérable. Située au centre du pays dont les Normands efpéroient fe rendre maitres, ils réfolurent d'en Faire Ie chef-lieu & le' rendez-vous général de la nation. Ils y marcherent fous la conduite d'Ardoin; & :omme Docéan avoit dégarni I'Italie pour groffir l'armée de Sicile, ils s'en emparerent fans réfiftance le lour de Paques. Ils prirent enfuite Aicoli, Vénufe & Lavello.- Cependant Docéan recut ordre de repafler :n Italië, pour exterminer cette coonie de brigands ; c'étoit le nom 311'on leur donnoit è la Cour de Conftantinople; & on s'afluroit telement du fuccès , qu'on recommanloit a Docéan de ne pas les tuer ous, mais d'en envoyer quelquesms chargés de fers, pour fatisfaire a curiofité de l'Empereur & du peuple. Docéan, plein de confïance, va  du Bjs-Empire. Lhi.LXXVII. 443 camper devant Meifes. A fon arrivée, il envoye un héraut offrir aux Normands la liberté de fe retirer, ou le combat pour le lendemain. Le héraut montoit un beau cheval. Avant que de lui répondre, le Normand Hugues , pour apprendre aux Grecs a quels hommes ils avoient affaire, décharge un coup de poing fur le cou du cheval, & 1'abat avec le cavalier. On releve le héraut avec de grandes rifées, on jette fon cheval dans un précipice; on lui en donne un autre plus beau, & on le renvoye avec ordre de dire k fes maitres, qu'on accepte avec joie 1'honneur de les combattre. II n'y avoit du cöté des Normands que cinq cents hommes de pied, & fept cents chevaux. Les Grecs étoient au nombre de foixante mille, fi Pon s'en rapporte aux Hiftoriens, qui ne manquentguere d'exagérer jufqu'auprodige les premiers exploits d'une nation naiffante : c'eft toujours Hercule au berceau. Le combat fe livre au bord du fleuve Lebento. Guillaume & Drogon étoient feuls a la tête de leurs Normands ; leurs freres ne fe T vj MlCIIEL IV. An. 1040.  Michel IV. An, 1040. I i 1 1 i 1 I < 1 1 I 444 UlSTOIRE trouvoient pas alors a Meifes. Les Grecs font battus , tués la plupart, ow noyés clans le fleuve. Docéan fe fauve fur la montagne la plus élevée. II rallie les débris de fa défaite, & fait revenir de Sicile les troupes qu'il y avoit laiffées , ck qui n'étoient plus en état de tenir tête aux Sarafins. Avec ce renfort, il fe croit invincible ck marche vers Cannes, dans 1'efpérance d'y être auffi heureux que 1'avoit été Bugien fon prédéceffeur. Les Normands, de leur cöté, pour attirer les Lombards dans leur parti, prennent pour chef Aténulf, frere de Pandulf, Prince de Bénévent. On en vient aux mains i fur les bords de 1'Ofanto , ck les Srecs font taillés en pieces. Un Prê:re, nommé 1'Ange , ck Etienne, Ar:hevêque de Tarente, y perdirent la ne. Docéan, abattu de fon cheval, ^ft fauvé par fon écuyer. Les Grecs 'enoient de paffer le fleuve , la plu>art des fuyards y périffent , les aux s'étant tout-a-coup gonflées ►endant la bataille. Tant de mauvais uccès déterminerent la Cour a rappeller Docéan, dont 1'incapacité déf-  du Bas-Empire. Liv. LXXVII. 445 honoroit l'Empire , tandis qu'il fe rendoit odieux aux peuples par fes cruautés. On lui fubftitua Exaugufte, fils de Bugien, qui avoit laiffé dans ce pays la réputation d'un fage Gouverneur & d'un habile guerrier. On s'imaginoit que le fils auroit hérité des talents de fon pere. On fe trompa. II amenoit avec lui une nombreufe recrue de Ruffes, d'Efclavons & de Bulgares. Les Normands vinrent a fa rencontre prés de Monte-pelefo, a huit ou neuf lieues de Meifes. La bataille fut a la vérité plus opiniatre. Les barbares que le nouveau Général amenoit, ne craignant pas des ennemis dont ils n'avoient pas encore éprouvé la valeur, combattoient avec courage; & les Normands, fatigués d'une longue réfiftance, commencoient a plier, lorfque Guillaume, que la fievre avoit retenu dans fon camp, voyant de loin le défavantage de fes compatriotes, prend fes armes , fond comme un lion furieux furies ennemis, les met en fuite, abal Exaugufte d'un coup de fa maffe d'armes , & lui laiffant la vie , le fait conduire prifonnier a Bénévent. Les Michel IV. An. 1040.  Michel IV. An. 1040, LI. Meffine défendue contre les Sarafins. 44Ö H I S T n I R E Grecs,battus en tant de rencontres, fe tiennent renfermés dans les places, ck laiffent les Normands maitres de la campagne. Bientöt il ne refla aux Grecs que les quatre grandes villes, qui ne pouvoient être prifes que par des forces confidérables , Tarente , Brindes , Otrante 6k Bari. Pendant que les Normands dépouilloient les Grecs de ce qu'ils poffédoient en Italië ,, les Sarafins recouvroient en Sicile ce que leur avoit enlevé la valeur de Maniacès. Etienne ck Docéan, uniquement occupés de pillage, n'avoient ni le courage , ni la vigilance néceflaire pour conferver la nouvelle conquête. Abulaphar, aidé du fecours des Africains, reprit toutes les places, a 1'exception de Meffine. Catacalon , furnommé Ambufie, Ecuyer de l'Empereur, ck Capitaine de la garde Arménienne, y- commandoit la garnifon , qui n'étoit que de cinq cents hommes de pied , & de trois cents chevaux. L'Emir, qui ne vouloit laifler dans 1'iile aucune étincelle propre a rallumer la guerre, avoit raffemblé devant Meffine tous les Siciliens en état de porter  du Bas-Empire. Liv. LXXVU. 447 les armes , avec les troupes Africaines. Catacalon ne mettoit fon efpérance que dans la rufe & la furprife. II tint les portes de la ville fermées pendant trois jours, & fit penfer aux ennemis que la crainte le mettoit hors d'état de rien entreprendre. Les Sarafins, perfuadés qu'ils n'avoient befoin d'aucune précaution contre des ennemis ü tremblants ,fe répandoient autour de la ville , paffant les jours & les nuits a boire & a fe divertir. Le fiege fembloit être une partie de jeu & de débauche. Ils fe flattoient d'emporter la ville du premier affaut. Le quatrieme jour, qui étoit celui de la Pentecöte, Ambufte , voyant le défordre des Sarafins, affemble fa garnifon, 1'encourage, faii célébrer la Meffe pour implorer k fecours du Ciel, & a 1'heure du repas, faifant tout-a-coup ouvrir toutes les portes, il fond fur les ennemis la plupart ivres, les autres endormis. II court avec fes cavaliers droit au pavillon d'Abulaphar ; on le trouve plongé dans le vin & dans Ie fommeil; on le tue fans qu'il fe reconnoiffe. Les autres Sarafins, chance- Michel IV. An. 1049a  Michel IV. An. 1040. Lil. Guerre én Servië. Cedr. p. 745- Du Cange fam. p, i79- 1 < 4 ] J 44S II I S T O IR E lants d'ivreffe, & ne fongeanr pas même a le défendre , fiiyent de toutes parts, tombent les uns fur les autres , font maffacrés pêle - mêle ; le camp, la plaine , les vallons , les fleuves d'alentour font comblés de cadavres. Le butin fut immenfe en or , en argent, en pierreries, que les foldats mefuroient au boiffeau. Ainlï Ia feule ville de Meffine demeura au pouvoir des Grecs. Tout le refte de la Sicile rentra fous la domination des Sarafins, jufqu'a ce que vingt ans après, les Normands enleverent aux Infïdeles la poffeffion de cette ifle , &c aux Grecs 1'efpérance de la recouyrer jamais. L'Empereur ne prêtoit que fon nom a toutes ces expéditions. Uniquement occupé du foin de fa guérifon , il paffoit des journées entieres a Theffalonique devant le tombeau de Saint Démétrius. Un Vaiffeau qui lui poroit de Conftantinople mille livres I'or, fut jetté par la tempête fur les' :ötes d'Illyrie. Etienne Borfthlave , loi de Servië, s'en empara. La Serne, foumife a l'Empire par Bafile iulgaroclone , s'en étoit détachée  du Bas-Empire. Liv. LXXPII. 449 après la mort de R.omain Argyre. Elle étoit rentrée depuis deux ans fous la domination Impériale, & 1'on retenoit a la Cour Etienne qui avoit fur ce pays des droits de fucceflïon. Ce Prince s'étant échappé de Conftantinople , fut reconnu pour Roi par les Serves & les Dalmates. II chaffa Théophile Erotique, Gouverneur de ces deux Provinces, dont les habitants firent main - baffe fur tous les Grecs qui s'y trouvoient. Pour ne lui pas donner le temps de s'affermir, on envoya promptement contre lui une armée fous la conduite d'Harménopule, qui s'avanca jufqu'au lac Zenta en Dalmatie , oh il fut battu. Ce fut après cette vicfoire, qu'Etienne, ennemi déclaré de l'Empire , fe faifit du vaiffeau, & de 1'argent dont il étoit chargé. L'Empereur l'ayant en vain redemandé, fit marcher fes troupes fous le commandement de l'eunuque George Probatas. Ce Général ignorant s'engagea imprudemment dans-des vallons impraticables , d'ou il ne put fe retirer qu'avec perte de prefque toute fon armée. Les vexations que Jean exercoit Michel iv. An. 1040. lui. Tyrannie  Wichel IV. An. 1040. du Miniftre. Cedr. p. 745 . & finZon. torn. II. p. 1405 24I , 242' Glycas , pag. 316. Vu Cingc fam. p. 3'7, Ji8. LIV. Révolte des Bulgares, 45° II I S T O I R B fur les fujets de l'Empire, n avoient pas moins contribué a la révolte de Ia Servië, que 1'amour de la liberté. Ce Miniftre avare impofoit a fon gré des taxes fur les terres, vendoit les magiftratures, laiflbit les concufïïons impunies. Son imagination féconde s'épuifoit en moyens de tourmenter les peuples, qui n'avoient jamais eu plus de befoin de foulagement. A de violents orages , a des pluies exceflives fuccéda une fi longue fécherefle, que prefque toutes les fources tarirent. Une efquinaneie épidémique fit beaucoup de ravage en Oriënt. Jamais les tremblements de terre ne furent plus fréquent; la ville de Smyrne fut prefque abymée, & quantité d'habitants y périrent. Mais le Miniftre étoit pour l'Empire un fléau plus funefte que tous ceux qui afHigeoient la terre. Les Bulgares, nouveaux fujets, ne purent fupporter un joug li pefant, Bafile, après la conquête de leur pays, n'avoit rien changé dans la forme des impofitions : il les laiffa fubfifter fur le pied oü elles avoient été établies fous le regne de Samuel. Chaque charrue étoit taxée k un boifleau de  nu Bas-Empire. Liv. LXXFIL 451 bied, un de millet, ck une petite meiure de vin. Au-lieu du tribut en nature , Jean exigea de Pargent, ck la Bulgarie fe révolta. Un Buigare , nommé Pierre Dolien , efclave d'un citoyen de Conftantinople , prit la fuite, traverfa toute la Bulgarie jufqu'a Belgrade fur la frontiere des Hongrois , ck fe difant fils naturel d'Aaron, frere du Roi Samuel, il fouleva les Bulgares. On le proclama Roi de Bulgarie. II fut conduit comme en triomphe dans les principales villes du pays; ck pour honorer fon paffage ck fon entrée dans les places, on maffacroit tous les Grecs qui s'y rencontroient. Cette contrée faifoit partie du gouvernement de Dyrrachium , oii commandoit Bafile Synadene. Inftruit de ce foulevement, il leve promptement des troupes dans le pays même , ck va chercher Dolien , pour étouffer le mal dans fa naiflance. Pendant la marche, il prend querelle avec un de fes Lieutenants, nommé Michel Dermocaïte,qui étoit en faveur a la Cour. Ce méchant homme le quitte a moitié chemin, court a Theffalonique oü réfidoit Michel IV. A.n. 104O1  Michel IV. An, 1040. ! ( » j ] 1 1 < c 1 ( c 1 1 1 452 HlSTOIRE PEmpereur., accufe Synadene d'afpirer a l'Empire. On Penvoye faifir, on le fait amener è Theffalonique oü il eft mis en prifon. Dermocaïte, revêtu de fes dépouilles, met tout en défordre par fon incapacité Sc fon avarice. Au-lieu de marcher aux ennemis, il s'occupe a piller les fujets 5c fes propres foldats. Averti d'une :onfpiration formée contre lui, il ?rend la fuite. L'armée, compofée ie Dalmates Sc de Bulgares encore ïdeles,redoutantle reffentiment d'un lomme que Jean protéjieoit, fe révolte ouvertement. Elle pioclame Roi le Bulgarie, Tichomer, fimple follat, mais eftimé des troupes pour a bravoure & fon expérience. La hdgarie fe divife en deux partis; les ms tiennent pour Tichomer , les aurespour Dolien. Celui-ci, plus rufé [ue fon rival,l'invitealevenir joinire; il lui propofe le partage de la uilgarie, pour éviter les horreurs t'une guerre civile. Lorfque les deux rmées font reünies , Dolien les haangue : Je mets, leur dit-il, La couonne d vos pieds : choifijfei - vous un lattre. Le Royaume nadmst point de  du Bjs-Empire. Liv. LXXFII. 453 partage. Si vous préfére^ un foldat au ' neveu de votre Roi Samuel, je cede d Tichomer; donnet-lui la couronne, & i ote^-moi la vie. Si vous la croye^ mieux placée fur ma tête , étouffe^ une femence de trouhles & de divifion. A ces mots, il s'éleve un grand tumulte : Vive Dolien , Dolien efl notre Roi : c'eft: le cri univerfel. On lapide Tichomer, qui n'ayant été Roi qu'en fonge, perd la vie a fon réveil. Dolien marche a Theffalonique. A cette nouvelle, l'Empereur, faiii d'effroi, s'enfuit a Conftantinople, j abandonnant fon tréfor , fa garde- ' robe, fes équipages. 11 en laiffe le foin a Manuel Ibaze, avec ordre de le fuivre en diligence. Ibaze étoit Bulgare , ck peut-ctre fils de celui qui avoit fi long-temps réfifté a Bafile. Au-lieu de retourner k Conftantinople , il va joindre Dolien , ck lui met entre les mains la dépouille de rEmpereur. Dolien charge Alufien du fiege de Theffalonique, ck tourne fes armes du cöté de 1'Epire ck de 1'Achaïe. II prend Dyrrachium, envoye en Achaïe Anthime, qui défait prés de Thebes Allocaffée, Com- MlCHEL IV. Ln, 1040,' LV. Juccès de Dolien,  Michel IV. ka. 1040. 454 HlSTOIRE mandant du pays. Toutes les villes de la Province de Nicopolis, a 1'exception de Naupaéte, lé donnent aux Bulgares. Ce n'étoit pas tant par amour pour Dolien, que par haine contre le Gouvernement tyrannique de Jean le Miniftre. Un barbare financier, nommé Cuzomite, qu'il avoit envoyé pour recueillir les impöts, jetta les peuples dans un tel défefpoir, qu'ils le hacherent en pieces. Le mécontentement fe répandoit avec les exacteurs dans toute i'étendue de l'Empire. On découvrit a Conftantinople une conjuration des principaux habitants, dont les chefs étoient Michel Cérulaire 6c Jean Macrempolite. Comme les conjurés n'en vouloient qu'au Prince , ils en furent quittes pour le banniffement 6c la confifcation des biens. II s'en formoit une autre en Phrygie contre Conftantin , frere du Miniftre , Sc Gouverneur de la Province. Les conharés étoient des Officiers de marqué, a la tête defquels étoit le Patrice Grégoire Taronite. Trahis par un de leurs complices , ils furent bien plus rigoureufement punis. On  nu Bas-Empire. Liv. LXXFII. 455 leur creva les yeux. Grégoire fut coufu dans une peau de bceuf fraïchement écorché, a laquelle on n'avoit laiffé d'ouverture que pour la refpiration Sc la vue. On Penvoya en eet état au Miniftre, Sc 1'Hiftoire ne dit pas a quoi fe termina cette bifarre cruauté. Un gouvernement qui n'avoit de force que contre les fujets, mais foible contre les ennemis , auroit eu peine a. faire rentrer la Bulgarie dans ï'obéiffance , fi un Bulgare n'eüt prêté fon fecours. Alufien, fecond fils d'Aaron & frere de Ladiflas, dernier Roi de Bulgarie, avoit été fauvé du maffacre que fon oncle Samuel avoit fait de fa familie , lorfqu'il étoit encore au berceau. Elevé k Conftantinople par des perfonnes inftruites de fa naiffance, il n'en apprit lui-même le fecret, que lorfqu'il fut en age de le garder. Tout inconnu qu'il étoit, il s'éleva par fes talents, fut fait Patrice & Gouverneur de Théodofiopolis en Arménie. Pour ion malheur, il devint riche, & fes richeffes piquerent Pinfatiable avidité du Miniftre. Jean le fit accufer de Michel IV. An. 1040, LVI. Aven t«J res d'Alu» iïen.  Michel IV. ka. 1040. 456 HlSTOIHB plufieurs injuftices; ck pour lui accorder la permiflion de fe juftifier, il tira de lui cinquante livres d'or. Alufien n'en fut pas plus avancé. II fallut encore abandonner a 1'avarice de Jean , une trés-belle terre qu'il poffédoit en Cappadoce du chef de fa femme. Après avoir ainfi facrifié urie grande ' partie de fa fortune , tout ce qu'il put obtenir, fut la liberté de loger dans un fauxbourg de Conftantinople , mais fans entrer dans la ville, a moins qu'il n'en obtint chaque ibis la permiflion. Toutes les requêtes qu'il adreffoit au Prince , furent inutiles ; elles n'alloient pas jufqu'a lui , ck reftoient entre les mains de Jean. Un traitement fi injufte le mit au défefpoir ; ck lorfqu'il apprit la révolte de la Bulgarie & les fuccès de Dolien, il réfolu de tirer parti de la conjoncture. L'Empereur étoit encore k Theffalonique ; il fe déguifa en efclave Arménien, difant a'tous les gardes des paffages qu'il appartenoit k Théodorocane , ck que fon maitre 1'avoit chargé d'une commiffion fecrete pour l'Empereur. A la faveur.de ce mehfonge ,  du Bas-Empire. Liv.LXXFII. 457 fbnge, il paffa en Bulgarie fans être reconnu. II fe rendit au camp de Dolien prés d'Oftrobe. II ne fe fit pas connoitre d'abord; mais s'entretenant avec les foldats, il les félicitoit d'avoir a leur tête un refte précieux de la race de leurs anciens maitres : Et que ferie^vous donc, ajoutoit-il, fi vous retrouviei un fils légi time d'Aaronï On ne lui répondoit que par des vceux & par des regrets. Voyant la nation ainfi difpofée , il fit confidence de fon fecret a un ancien Officier de fon pere. Celui - ci Payant confidéré avec attention, le pria de lui montrer a nud fon bras droit : Alufien y portoit uil figne de naifiance, que eet Officier n'eut pas plutöt appergu, qu'il fe jetta k fes pieds, & le reconnut pour fon maitre. II court auffi-töt publier par tout le camp cette heureufe découverte. La joie eft univerfelle; on s'empreffe autour d'Alufien; on le contemple, on lui rend hommage. Dolien, craignant pour lui-même , feint de prendre la plus grande part k Pallégreffe publique ; il accable Alufien de carefles; il partage avec Tornt XVI. V Michel IV. An. 1040.  Michel IV. An. 1040. LVH. Alufien battu devantTheffalonique. LVIII. La Bulgarie réduite de nouveau. 458 Hl S T O 1 R È lui 1'autorité , ck lui donne quarante mille hommes pour aller faire le fiege de Theffalonique, L'Empereur avoit laiffé dans cette ville un de fes parents, nommé Conftantin , avec un corps de fes meilleures troupes. Alufien forme les attaques , ck pendant fix jours il bat les murs avec toutes fes machines. II donne plufieurs alTauts; ck toujours repouffé, il prend le parti de bloquer la ville, ck de la prendre par famine. Au bout de quelques jours , les habitants joints a la garnifon , ayant paffé une partie de la nuit en prieres dans 1'Eglife de Saint-Démétrius, fortent par toutes les portes, tombent avec fureur fur le camp ennemi, oü ils jettent la terreur, tuent quinze mille Bulgares, ck font autant de prifonniers. Alufien, couvert de honte , regagne le camp de Dolien avec les débris de fon armée. Dolien, qui regardoitfon collegue comme un rival dangereux, n'eut pas de peine a fe confoler d'une défaite qui décréditoit Alufien. II jettoit fur lui des foupcons odieux; & fans ofer 1'accufer de trahifon, il affectoit d'en  du Bas-Empire. Liv. LXXPII. 459 avoir de la défïance. Alufien, loin de paroitre s'en appercevoir, redouble de démonftration d'amitié &c de franchife; il Pinvite a fouper avec plufieurs de fes amis, auxquels il avoit communiqué fon deffein. Après 1'avoir enivré, on fe jette fur lui, on lui creve les yeux. Alufien refte feul maitre de la Bulgarie. Michel, qui étoit revenu a Theffalonique, veut profiter de ces troubles, & prend pour la première.fois une réfolution généreufe. Quoiqu'attaqué d'une hydropifie déja formée, il fe prépare a marcher en perfonne, & aux inftances de fes parents & des principaux Sénateurs , qui lui repréfentent le danger 011 il s'expofe, & le prient de ménager fa fanté, il répond que riayant rien acquis a L'Empire, il veut au moins nelui rien laijfer perdre. II part de Theffalonique, & fur le bord du tombeau, il devient un nouvel homme. II fe couchoit tous les foirs en fi mauvais état, qu'on penfoit qu'il ne releveroit pas de fon lit, & le lendemain au point du jour on le voyoit a cheval k la tête de fon armée. Alufien n'eut pas affez de courage pour V ij Michel IV. An. 1041.  MlCHEE IV. An. 1041 L1X. Maladie de Mi«hel. Cedr. p. 749- Zon. torn. II. f.239, 14*, 143. 460 HlSTOIRE fe tenir ferme dans le pofte oü fon ambition 1'avoit élevé. Effrayé de ce , fantöme d'Empereur, il fit favoir fecretement a Michel, qu'il étoit prêt k fe mettre entre fes mains, fi on l'affüroit d'un traitement honorable. Sa propofition fut bien recue, & fur la parole de l'Empereur, il fe rendit auprès de lui, & re?ut le titre de Maitre de la milice. Dolien fut pris & conduit k Theffalonique. L'Empereur pénétra dans 1'intérieur de la Bulgarie ; il forca fans peine un paffage, que Manuel Ibaze avoit fermé d'une paliffade. II diffipa l'armée des Bulgares , fit Ibaze prifonnier , pacifia tout le pays, y établit un Gouverneur, & laiffa la Bulgarie entiérement foumife. II revint triomphant a Conftantinople avec un grand nombre de prifonniers, entre lefquels on diftinguoit Ibaze & Dolien aveugle. . Ce dernier effort, la feule aftion digne d'un Prince qu'il eüt faite en fa vie, épuifa le foible Empereur. Les attaques d'épilepfie devinrent plus fréquentes. II fe montra plus rarement, & dans les occafions oü il étoit obligé de paroitre en public,  nv Bas-Empir.e. Liv. LXXFIL 461 on tenoit autour de fon tröne des rideaux fufpendus , qu'on abattoit promptement , dès qu'on appercevoit fur fon vifage quelque altération qui annoncoit un nouvel accès. II ceffa tout-a-fait de voir 1'Impératrice , moins par honte ou par indifférence, que par 1'avis de fes directeursfpirituels, qui, entre autres mortifications, lui avoient impofé cette pénitence, pour expier le crime de fon commerce adultere. Tourmenté par des remords plus cruels encore que fa maladie, il avoit fait pendant fon regne de fréquents voyages au tombeau de Saint Démétrius a Theffalonique. Plus il fentoit fa fin approcher , plus il redoubloit de dévotion. II épuifoit fes finances en batiments pieux. Ce n'étoient qu'Eglifes, monafteres, höpitaux qui s'élevoient autour de Conftantinople. Bi farre & mal-adroit jufque dans le: pratiques religieufes , il portoit i 1'excès fa vénération pour les anacho retes; il les faifoit chercher dans le; déferts, dans les cavernes, & amenei a fon palais. II les embraffoit, leui lavoit les pieds ? fe revêtoit de leur; y w Michel IV. An. 1041. Manaff. pag. 114, 115. Joel, p. 183. Pagi es Pfel. Du Cange gloff. Grctcit voce  Michel IV. An. 1041. ( 4.62 HlSTOIRE habits, les faifoit affeoirfur fon tröne , repofer clans le lit impérial, &t couchoit a cöté d'eux fur une planche, n'ayant qu'une pierre fous fa tête. II s'abaifToit aux a£tes d'humilité laplus profonde, comme de panter les lépreux, de les fervir dans les bains. Le peuple, qui ne le regardoit niparavant qu'avec horreur, comme an homme poffédé duDiable, en étoit irenu k 1'honorer comme un Saint, fean, moins dévot que lui, n'étoit xcupé que des fuites de la mort du Prince. Les progrès que faifoit 1'hyIropifie lui caufoient de mortelles injuiétudes. II craignojt lavengeance de Loé, qu'il avoit tenue captive. Déefté de cette PrincefTe , le plus doux raitement qu'il en pouvoit efpérer, :toit de fe voir replonger avec fa fanille dans la pouffiere, d'ou il s'étoit iré k force de crimes & d'intrigues. Jour fe mettre k couvert des difgra:es, il engagea fon frere, qu'il tourloit a fon gré, a défigner pour fon iiccelTeur fon neveu Michel, que le leuple nommoit Calaphate, a caufe lu métier qu'avoit fait fon pere Etiense, Calfateur de vailTeaux, avant que  du Bjs-Empire. Liv. LXXV1I. 463 de devenir beau-frere d'Empereur. Ce n'étoit pas encore alTez pour calmer fes craintes. II entreprit d'attacher Zoé a la perfonne de fon neveu par les liens les plus forts. L'Empereur, k fa follicitation, exigeade cette Princeflé qu'elle adoptat le jeune Michel, & elle n'ofa le refufer. Ayant donc mandé le Sénat & les Officiers du palais dans 1'Eglife de Blaquernes, 1'Impératrice, affife dans le fanftuaire, prit Michel entre fes bras, déclara qu'elle 1'adoptoit pour fon fils, & aufii-töt après l'Empereur le nomma Céfar, ck le préfenta au peuple qui étoit account en foule , ck qui le falua par de grandes acclamations. Par ce doublé titre, dont 1'un fembloit corriger la nature, 1'autre fixer la fortune, Jean fe fïattoit d'avoir folidement établi la grandeur de fa familie; il ne fit qu'en précipiter Ia mine, comme on le verra dans la fuite. Michel ne furvécut que peu de jours ; mais c'en fut affez pour fe repentir de 1'honneur qu'il avoit fait a fon neveu, dont il connut trop tard les mauvaifes qualités. II i'éloigna de fes yeux, & lui affig na une Michel IV. An„ 1041, LX. Sa morr,  Michel IV. An. 1041. 464 HlSTOIRE demeure hors de la ville , avec défenfe de fe préfenter devant lui fans un ordre de fa part. Se fentant affoiblir de plus en plus, il quitta le palais, & fe retira dans -un Monaftere qu'il avoit fait batir aux portes de Conftantinople fous le nom des faints Anargyres; c'eft ainfi que les Grecs nommoient Saint Cöme & Saint Damien. La par le confeil d'un Moine, nommé Zinziluc, fon directeur inféparable, il fe dépouilla de la pourpre, fe fit couper les cheveux, & prit 1'habit monaftique, réfolu de paffer le refte de fes jours dans les exercices de la pénitence, & d'effacer par les larmes les deux crimes qui lui avoient procuré la couronne qu'il ne regardoit plus qu'avec horreur. A cette nouvelle , 1'Impératrice éplorée, traverfant a pied toute la ville, vint au Monaftere pour lui dire le dernier adieu. II refufa de la voir. Le jour même de fa mort , 1'heure de Toffee étant venue, il fe fit conduire prefque expirant k 1'Eglife. On fut bientöt obligé de le reporter dans fon lit, oü il mourut le 10 Décembre 1041 dans les fenti-  tmmmm nu Bjs-Empire. Liv. LXXVIL 465 ments du plus amer repentir. II avoit régné fept ans & huit mois, fi c'eft régner qu'être aftis fur un tröne. Quelques Hiftoriens, charmés de fa pénitence, le louent comme un bon Prince , paree qu'il ne fit jamais par lui-même de mal a. fes fujets : comme fi un Prince n'étoit pas refponfable k fes peuples & k la poftérité de tout le mal que font fes Miniftres. Fin du Tornt fti^itmt. Michel IV. An, 1041.