HISTOIRE D U B AS EMPIRE. TOME F1NGT-TROISIEME.   HISTOIRE D U B AS-EMPIRE, EN CO MME NC ANT a CONSTANTIN le Grand. Par Monfieur LE BE JU, Profejfeur Èmiiite en 1'UniversitÉ de Paris j Profejfeur d'Éloquence au College Royal, Secretaire ordinaire de monseigneur le Duc v'OrlÉans , & ancien Secretaire perpétuel de VAcadémie Royale des Inscriptions. et Belles- Le tt re s. Continuée par M. Amehhon, Pi la mime Académie, Bibliothécaire & Hifioriographe de la Ville de Paris, &e, TOME VINGT TROISIEME. a MAE S T R i c H Tt Chez Jean Edme Dufour & Philippe Roux, Imprimeurs-Libraires, aflöciés. M. DCC. L X X X V 1 I. Avec Approbation & Privilfge du Roi,   I SO'MMAIRE D U CENT DEUXIEME LIVRE. 4 ï. NDKONi c prend les rines du Gouvernement, u. II eft fólliciü de rompre avec tEgtife Ladne. lil; II s'abandonne aux Schifmatiques. IV. Déchainement des Schifmatiques contre la mémoire de Michel Paléologue. v. Dépvjïtion de Vcccus arrêtèe. VI. Veccus fe retire. VII. Jofeph rétaèU. VIÏI. Pénitences impofies au Peuple. ix. On veut foulever le Peuple contre Veccus. X. Synode contre ce Prélat. XI. Mort de Jofeph. Xïf. Les Arfenites reprennent courage, xni. Us veulent faire tht miracle. XIV. George, dit deChypre, Patriarch. XV. Cérémonie de fon Sacre. XVI. Mauvaife foi des Schifmatiques. XVII. Concile, ou plutót brigandage de Blanquernes. XVIII. Bifarre interprétation d'un phénomene cilefle. xix. Accord avec Tertere, ufurpateur de let Tome XXUL A  2. SOMMAIHE couronne de Bulgarie. XX. Conférences ü'Adramyte pour réunir les Arfénites & les Jofephites. XXI. Epreuve du feu, demandée par les Arfénites. xxil. Ces derniers fe réconcilient avec le Patriarche, & fe brouillent de nouveau. XXIII. ÜEvéque de Sarles difgracié. XXIV. Fuite de Cotanyfe. XXV. Uarmée envoyée contre Michel, neveu de Nicèphort, defpote d'Epire. XXVI. Michel arrétépar furprife, XXVII. Ses aventures malhmreufes. xxvm. Sa mort. XXIX. La multitude effrayée par deux prétendus miracles. XXX. Tranflation du corps a"Arfene a Conjlantinople. XXXI. Second Mariage de HEmpereur. xxxil. Infultes faites a Veccus par les Prujiens. XXXIII. Nouvelle Conférence atcordée a ce Prélat. XXXIV. La Thrace & la Macédoine menacées par les Tartans. XXXV. Défaite de ces Barbares. XXXVI. Le Patriarche Grégoire accufè d'ernur. XXXVII. Faux bruits en Europe concernant les Grecs. XXXVIII. Grégoire rtfufe de fe rétracler. XXXIX. // abdique. XL. Sa mort. XLI. Tentative de l'Ernpereur pour réunir les Arfénites entreux. XLII. Athanafe, Patriarche, XL.UI, Simplicité affeilée du  nu Livre CII. j nouveau Patriarche. xliv. 11 met la rèforme dans le Clergé. xlv. Fèrociti des Agents d'Athanafe. xlvi. Andronic fait ratifier fon élêvation au Tróne par Jean Lafcaris. xlvii. Incendie a Conftantinople. xlviii. Démélé enlre la Stra~ tegopuline, & la femme de Porphyrogenete. xlix. Mécontentement de HEmpereur contre fon frere. l. Imprudences de Porphyrogenete. li. 11 eji condamnê par HEmpereur. A ij  ■  H I S T O I R E D V BAS-EMPÏRE. LIVRE CENT DEUX1EME. ANDRONIC MICHEL PALÉOLO GUEVenoit de mourir dans fon camp, prés du bourg de Pacome, en Thrace, au milieu de eesTartares, qu'il avoit appelles, comme on 1'a vu précédemment, pour être les miniftres de fa colere , contre Jean-Ange-Ducas Comnene , Prince de Theffalie , & Sebaftocrator. Andronic Paléologue, fon fils& fon collegue a Empire , fe trouvoit feul chargé de tout le A iij Andronic II. An. 1282. I. Andronic prend les rênes du Gouvernement.Pachym. /. I , c. I. Andr. Nicé Greg. I, 6. c, t.  Andro- ïïic II. An. 1282. C HlSTOIRE poids du Gouvernement. Ce Prince, agé d'environ vingt-quatre ans, n'avoit encore rien fait qui put donner une idee avantageufe de fon génie & de fes talents. II étoit effrayé de 1'impatienee de ces barbares, qui demandoient a grands eris qu'on leur abandonnat la proie qui leur avoit été promife , & menacoient de fe jetter fur toutce quife préfenteroit devant etix, fi on tardait k les fatisfaire. Andronic n'avoit pas les mêmes motifs que fon pere, pour en vouloir au Sebaftocrator. D'ailleurs, il pouvoit craindre que les Tartares, après avoir ravagé les terres de ce Prince, ne fuflent tenlés d'attaquer enfuite les domaines de 1'Empire. II crut donc devoir les occuper dans un pays plus voifin du Danube , & par conféquent de leur patrie; paree qu'après leur expédition , quel qu'en dut être le fuccès, ils n'auroient rien de plus prefle que de s'en retourner chez eux. II les envoya contre les Serves, quoique pour !e moment il n'eüt aucun fujet de faire la guerre a cette nation; mais la raifon d'état, k laquelle, d'après les. principes de la politique humaine ,  du Bas-Empire. Liv. CII. 7 toute autre doit céder, le vouloit ainfi. LesTartaresfurent d'abord trèsmécontents de ce nouvel arrangement, & refuferent de s'y prêter;J mais Andronic, a force de careffes & de préfents, vint a. bout de vaincre leur opiniatreté. II mit h leur tête Michel-Tarchaniote Glabas, qu'il créa grand Connétable , & leur affocia un corps de troupes impériales commandé par Michel Defpote. L'hiftoire ne nous dit point quelle fut 1'iffue de cette expédition. Andronic, après avoir terminé cette première affaire, écrivit deux lettres, 1'une k Papylas, pour lui enjoindre de veiller a la fü> retéde Conftantinople , &c 1'autre au Patriarche Veccus, pour 1'informer de la mort de fon pere; il pria en même-temps ce Prélat de ne point prévenir 1'Impératrice, fa mere, paree qu'il vouloit lui annoncer luimême cette trifte nouvelle, & adoucir fon chagrin en mêlant fes larmes aux fiennes. Ces deux lettres furent les premières oü le nouvel Empereur fit mettre la date du mois. Jufqu'alors Michel Paléologue avoit feul ufé, fuivant 1 etiquette, de cette forA iv Andronic il  Androtfie II. An. 11S2 n. Ileftfol licité de rompre avec TEgHfe Latine. Pachym l, 1 . c 2. Anir, i < ( I . 1 ] ^ Hl5T®XRE mule, comme d'une prérogative toujours réïervée au plus ancien des (deux Empereurs. Peu de jours après, Andronic quirta Ie camp oü fon pere avoit fini fes jours, & fe mit en route pour revemr a Confrantinople. Tous les efpnts étoient dans 1'attente des événements. Chacun tenoit fes regards fixes fur le jeune Prince , & tachoit de deyiner les projets qu'il méditoit. On lui remarqua un air trifte & rêveur. Andronic avoit toujours été Irès-oppofé dans Ie cceur au fyftême de la réunion des deux Eglifes; de plus, le principal mofif, & peut-être iumque qui avoit engagéMichel Paleologue a paroitre fe rapprocher des Latins, ne fubfifroit plus pour le nouvel Empereur. La proteftion du Pape lm étoit devenue inutile pour fe garantir des entfeprifes de Charles d'An'ou^puifque les infortunes de ce Prince 1'avoient mis dans 1'impoffibilité 3e nuire a perfonne. Andronic auroit lonc bien deiiré de détruire 1'ouvrage le fon pere. C'étoit d'ailleurs un édiice bati fur des fondements fi peu ohdes, que le moindre effort devoit  du Bas-Empire. Lrv. C1L • 9 fuffire pour en précipiter la chüte; mais il n'ofoit encore y porter la main. Sa timidité naturelle lui faifoit craindre qu'en voufant le renverfer, il ne fut lui-même écrafé fous fes débris, ou que de fes ruines il ne fortit quelque nouveau monftre de difcorde. Tel étoit 1'état de perplexité dans lequel il fe trouvoit alors, & il y feroit peut-être refté Iong-temps, fi Eulogie, fa tante, ne fut venue flxer fes irréfolutions. Cette Princeffe étoit toute dévouée au parti des fchifmatiques; elle fe glorifioil même d'avoir foufFert, fous le der° nier regne, perfécution pour la foi: mais elle ne pouvoit pardonnera ceus qui lui avoient procuré eet horrneur Eulogie va donc trouver fon neveu; & empruntant le langage de la religion, elle lui fait un devoir devam Dieu de ne laiffer fubfifter aucunf tracé de 1'alliance impie que fon pere avoit voulu contraöer avec 1'Eglift I^atine. A ces difcours, la confeiena du jeune Prince s'allarmer fon efpri s'échauffe; & fans délibérer, il cour fe jetter entre les bras des partifan du fchifme, & s'abandonne aveu A y Andro- hic ii. An, uSïi r t 1  Andro- HIC II. An. 12S2. ra. 11 s'abans'onneaux Schifmatiques.Pachym. t. ( 1. c. 2. Anir. ( j J j i i 2 1 IO HlSTOIRE glément a Ia dlfcrétion de ces fanaciques. Dès ce moment, nous allons voir Ie foible Andronic fe Iivrer tout entier a des difcuffions théologiques, a des querelles facerdotales, qui agiteront 1'Etat pendant le cours de fon regne, & qui nous entraineront, malgré nous, dans des détails que le Lecteur trouvera peut - être faftidieux ; mais nous Ie prions de confidérer que :es difputes religieufes ont eu la plus grande influence dans les affaires du Gouvernement, & qu'elles doivent ;tre mifes au nombre des principales :aufes qui ont haté Ia ruine de 1'Empire Grec. Andronic, pénétré des fentiments le la plus vive componcïion, fe profernoit aux pieds de fes nouveaux iireöeurs, les fupplioit de le tirer le 1'abyme oü 1'avoit précipité fon sbéifTance aux ordres d'un pere abblu, & les conjuroit de lui impoer telle pénitence qu'ils jugeroient k >ropos. Pour leur donner une preuve le la fincéritéde fon repentir, il délara qu'a la fête de Noël prochaine, office ne feroit point célébré dans £ palais impérial, comme c'étoit la  Du Bas Empire. Liv. CU. n coutume, afin de ne pas paroïtre communiquer avec lePatriarche Veccus, en affiftant a des prieres oü il fau-, droit néceffairement nommer ce Prélat, En effet, 1'Empereur paffa le jour de cette grande folemnité, enfermé dans fon appartement, fous prétexte que la douleur qu'il reffentoit de la ptrte de fon pere , ne lui permettoit pas de fe montrer en public. Eulogie fe félicitoit de la réuffite de fa démarche, & ce fuccès Payant rendu plus audacieufe, elle développa [ fans pudeur les fentiments d'animo-: fitéqu'elle nourriffoit dans foncceur,1 contre fon propre frere; elle fe ref- \ fouvenoit de 1'exil auquel il 1'avoit' condamnée avec fa fille, pour la punir1 de fes remontrances féditieufes contre le projet de 1'union. Le tombeau ne put mettre Michel Paléologue a couvert de fes pieufes fureurs. Elle en parloitdans lestermesles plusodieux. Elle alla même jufqu'a dire qu'elle le regardoit comme une viöime marquée du fceau de la réprobation éternelle. Ces propos déchiroient 1'ame de 1'Impératrice douairière. Cette vertueufe PrincefTe, qui n'avoit jamais A vj Andro- kic ii. in. 12s2, IV. Déchailementles Schifnatiques:ontre la némoire le Mi:hel Paéologue.>achym. I. I , C. 2. J, 4ndr.  ■ Andronic II. An. 1283 I* HlSTOIRE ^ cefl'é d'aimer tendrement fon mari ; quoiqu'il ne lui eüt pas toujours été .fidele, ne pouvoit loutenir uneidée fi défefpérante. Théodora confultoit tantöt le Patriarche Veccus, & tantöt Panden Patriarche Jofeph, fur ce qu'il falloit faire pour foulager dans 1'autre monde 1'ame de fon époux. Eulogie n'étoit pas la feule qui fe permjt des difcours finiffres fur les deftinées éternelles de Michel Paléologue; une foule de Moines & d'Eccléfiaftiques fe donnoient Ia même liberté. Dans Ie nombre de ces fanatiques, on diftinguoit Galefite-Galaöion, & un certain Melece, furnommé le Saint, Moine du monaftere de S. Lazare. Ces deux perfonnages avoientleurs raifons pour fe déchaïner contre la mémoire de Michel Paléologue; ce Prince avoit fait crever les yeux au premier pour avoir dépofé contre toute vérité qu'il 1'avoit vu communier fuivant le rit de l'EglifeRomaine avec du pain fans Ievain, & couper ia langue au fecond, paree qu'il avoit eu Timpudence de 1'appeller en face un autre Julien 1'Apoftat. Ces fougueux fchifmatiques étoient fouteims  nu Bas-Empire. Liv. Cir. 13 & protégés par ce même Théodore Mufalon, qui, fous Ie regne précédent, avoit efluyé une fuftigation fi humiliante, pour s'être oppofé au projet de 1'union , & que Michel Paléologue avoit enfuite couvert deconfufion, lorfque ce lache ambitieux, nepouvant vivre éloigné de Ia Cour, étoit venu lui offrir une foumiffion fans bornes. Mufalon s'étoit infinué dans les bonnes graces du nouvel Empereur, qui lui donna toute fa confiance. C'étoit par fes confeils & par fon entremife que ce Prince avoit toutes les nuits de Iongues conférences avec 1'ancien Partriarche Jofeph ,&lespartifans de ce Prélat. On dreffa dans cesaffemblées nofturnes leplan d'une nouvelle réforme, & on y arrêta la dépofition de Veccus. Ce dernier ne tarda pas a recevoir de la part du Prince des lettres remplies , a la vérité,de compliments, mais dont la conclufion n'en étoit pas moins qu'il eüt a fe retirer. Andronic lui difoit que ce n'étoit par aucun fentiment de haine ou de mépris, qu'il lui enjoignoit de s'éloigner; mais qu'il étoit Andronic II. An. nSi, V. Dépofition de Veccus arrêtée. Pachym, /a i. c 3. Andr. Oriens Chrifii  Andronic II. An. üSi. VI. Veccus fe jetire. Pachym, I. I. c 4. Andr, 1 14- HlSTOIRE forcé de fe conduire ainfi k fon égard par le malheur des circonftances, & par la nécefiité de rétablir la paix; qu'il n'y avoit plus d'autre moyen de faire ceffer le fchifme qui déchiroit le fein de 1'Eglife que de rappeller le Patriarche Jofeph. II ajoutoit qu'il ne doutoit pas que 1'afFection de Veccus pour fa perfomnene Ie portat non-feulement k quitter fon fiege, mais même k lui faire le faerifice de fa vie fi les conjoncrures 1'exigeoient; qu'au refte, il ne perdroitrien ni dans fon eftime ni dans fon aroitié. Meliteniote Cartophylax Si Archidiacre fut chargé de lui porter cette facheufe nouvelle. Veccus, qui avoit de la vertu, re9Ut ce coup avec réfignation. 11 prit fur le champ le parti de s'aller mettre a 1'abri de 1'orage dans le monaftere de' la Panachrante ou Vierge immaculée. 11 fit demander des gardes a 1'Env pereur pour le conduire dans fa retraite, fous le prétexte apparent, dit Pachymere,. de fe garantir des infultes de quelques fanatiques; mais dans !a réalité, pour fe ménager une ex:ufe au tribunal de Dieu , en paroif-  du Bas Empire. Liv. CII. 15 fant ne quitter fon pofte que forcé par la violence. Obfervation finguliere & qui donne une étrange opinion de la morale des Grecs de ce fiecle. Soit que Veccus ait eu véritabfement 1'intention qu'onlui attribue ici, ce qui n'eft guere vraifemblable de la part drun Prélat fi éclairé, foit que cette idéé appartienne a 1'hiftorien, il faudra toujours en conclure que l'un ou 1'autre a cru que le Ciel vouloit bien quelquefois fe prêter a des arrangements de convention a-peu-prèsfemblablesa ceux que 1'amour-propre a fait imaginer aux hommes, pour fauver dans certaines circonftances critiques les apparences de 1'honneuri Le3i du mois de Décembre,on vit s'avancer vers le palais patriarchal un long cortege d'Eccléfiaftiques & de laïcs de toutes les conditions qui ramenoient, au chantdes hymnes & au fon des cloches, le Patriarche Jofeph. Ce Prélat, qui n'avoit prefqu'un fouffle de vie, étoit porté fur un brancard. Dans eet état, il reffembloit plutöt a un mort qu'on menoit au tombeau, qua un Evêque Andronic II. An, 1281. An. 12S3, VII. Jofeph récabli.Pachym. I, i , c. 5. Aniir. Le QiiUn Oriens Chijl.  Andro NIC II. An. 11S3 VIII. Pénitentes impofées au peuple. Pachym. I. 1. c 6. Aadr, 1(5 HlSTOIRE - qu'on alloit rctablir pompeufement furie premier fiege de I'Empire.Deux .jours après ,1'Eglife de Sainte-Sophie fut réconciliée, paree qu'elle avoit été, difoit-on, fouillée par la préfence des Latins & de leurs partifans. L'aveugle Galacïion vouluf encore fignaler fon zele dans cette occafion. Conduit par des guides qui dirigeoient chacun de fes mouvements, il parcourt ce vafte temple,. verfant fur fon paffage 1'eau bénite è grands flots; il en inonde les murailles, les colonnes, les degrés, les images. Le peuple, k qui 1'entrée de 1'Eglife étoit interdite, voyoit avec un refpecl religieux ce cérémonial expiatoire, & s'avouant coupab!e,demandoit inftamment qu'on le purifiat auffi de fes fouilhires, & qu'on le fit participer k ces faintes afperfions. Elles ne lui furent point épargnées. Ces difpofttions de la multitude , & ces fignes de repentir public enhardirent les fchifmatiques. Devenus plus entreprenants, ils établirent une efpece de tribunal compofé de moines, devant lequel les laïcs qui avoient  du Bas-Empire. Liv. Cïï. 17 la foibleffe de fe croire fous Pariafhême, venoient fe faire juger. On inettoit en pénitence les pauvres. Pour les riches, on leur impofoit des amendes dont le tarif étoit proportionné a leurs prétentions; c'eft-a-dire, que s'il leur fuffifoit d'aflifter au chant des Pfeaumes, & de recevoir fenlement ie pain béni a 1'Eglife , i!s donnoient moins ; mais s'ils defiroient d'être admis a la participation des faints myfteres, il falloit qu'ils payaffent da▼antage. Quant aux EccJéfiaftques, on les renvoyoit au jugement du Patriarche. Ce Prélat n'étoit nullement en état de leur donner audience; mais quelques fanatiques qui s'étoient emparés de fa perionne répondoient en fon nom , & leur réponfe étoit toujours diétée par la paffion. Cependant les Evêques ne pouvant plus diffimuler un pareil brigandage, convoquerent tout leclergé, & (ommerent les auteurs de ces vexations de dire par quelle autorité ils agiflbient ainfi, & fur-tout pourquoi ils tenoient les templesfermés. Alorsquelques-unsde ceux a qui ces reproches s'adreffoienr, fortent de la falie , & reparoiffent Andronic ii. An. 1283,  Andro- kjc II. An. 1183. 1 1 1 1 i ] H I S T O I R E un inftant après, portam entre leurs bras Ie vieux Patriarche Jofeph qu'ils dépofent comme une maffe inanimée, au milieu de i'alTemblée. Auffi-töt un moine nommé Gennadius, apoltrophant les Evêques, s'écrie d'une voix terrible : Vous vous êtes rendus coupables d'un grand crime, le St. Evangilt a êtè violé. Cette infolente exclamation n'effraya point les Prélats; ils demanderent au Patriarche fi c'étoit par fes ordres qu'on ofoit leur faire depareillesinfultes. Jofeph, Ioin d'approuver Gennadius, le réprimanda férérement, & fit tout ce qu'il put pour :almer les efprits. Cette aventure ne iéconcerta pas les fchifmatiques. Pour 'e venger de Pefpece d'affronr qu'ils /enoient d'efluyer, ils drefferent peu ie^ jours après une fentence qui fut jubliée au nom du Patriarche. Cette entence fufpendoit de leurs fonftions )our trois mois lesEccléfiaftiques qui ■voient communiqué avec les Latins, ie prononcoit diverfes peines contre SS laïcs qui s etoient rendus coupalesde la même faute. On traita avec lus de rigueur les Archidiacres Meteniote & Metochite ; ils furent'dé.  du Bas-Empire. Liv. CÏÏ. 19 pofés pour toute leurvie, pour avoir eu i'impiété d'affifter a la Meffe du Pape, lorfqu'ils avoient été envoyés en ambaffade a fa Cour par Michel Paléologue. Ce qui paroitroit fort étrange , fi rien n'étoit plus commun que ces fortes d'exemples de 1'inconféquence humaine, c'eft qu'une foule de gens qui, fous le dernier regne, avoient montré le plus grand zele, pour engager les oppofants a fe foumettre aux volontés du Prince, étoient devenus fous le nouveau les plus cruels perfécuteurs de ceux qui avoient alors cédé a leurs remontrances. Quelquesuns portoient même la fureur jufqu'a demander qu'on les condamnat a la mort; oubliant qu'il auroit fallu commencer 1'exécution par leurs propres perfonnes, puifqu'ils avoient été les inftigateurs & les complices du prétendu crime qu'ils vouloient punir dans les autres. Ces premières opérations des ennemis de la paix produifirent 1'effet qu'ils en attendoient. Tout le monde étoit en ïllarme , chacun trembloit pour fa fortune, fa liberté &C même fa vie. Quand les fa&ieux virentque Andronic II. An. 1283, ix. On veut foulever Ie peuple contre Veccus. Pachym, h 1. <;. 7. Andr,  Andronic II. An. n8j. l I I J ) t l X. Synode j contre ce Prélat. C Vachym. /. £ i. c. 8 , t II. Andr. ü P q ft 20 HlSTOIRE Ia terreur s'étoit emparée de tous les efprits , ils crurent le moment favorable pour lacher dans le public des emiiTaires qui ne cefïbient de répéter que Veccus étoit feul la caufe de tous ces malheurs. A ces difcours, ils ajoutoient les calomnies les plus atroces; infenfïblement ils en vinrent a faire décider qu'il falloit afTembler Jn fynode, pour procéder fuivant les formes canoniques contre ce Prélat. Ce qui fit dire affez plaifamment a' rheoftifte, Evêque d'Andrinople : ?es gens-la regardent les Evêques comne des broches de bois dom ils veulent e fervir pour rólir Veccus , & qu'ils etterom enfuite au feu, quand ils n'en urom plus befoin. L'événement ne •rouvera que trop qu'il avoit raifon. Au jour indiqué pour commencer fs leances de cette efpece de conile, on éleva dans la falie d'aflemlée deux trönes, 1'un pour le Pa•iarche fur lequel on expofa les orements de fa dignité, paree qu'il ne ouvoit être préfent, & 1'autre pour thanafe, Patriarche d'Afexandrie, ui devoit préfider au défaut de Joph. L'ouverture du fynode fe fit au  bu Bas Empire. Liv. CII. 21 fon des cloches & avec tout 1'appareil qu'on crut le plus propre a frapper d'une forte de terreur religieufe 1'imagination de la multitude , dans 1'intention toujours de 1'animer contre Veccus. L'aiTemblée étoit compofée de fes ennemis les plus envenimés. On débuta d'abord par y juger une foule d'écrits auxquels les difputes au fujet de la Religion, avoient donné naiflance, en s'abftenant toutefois de prononcer fur le fonds de la doftrine ; on les profcrivit tous comme des ouvrages qui n'avoient fervi qu'a émouvoir les efprits & k troubler la paix de PEglife. Pour fe donner un air d'impartialité, les fchifmatiques condamnerent auili quelques produftions de ceux de leur faction. Le grand Logothete, ce Mufalon , que nous avons déja vu paroitre fur la fcene, pour y jouer le röle d'un lache hypocrite, y apporta lui-mêmè un livre de fa compofition, & demanda qu'il fut brülé: non pas, difoit-il, que je ne fois trés-attaché aux principes qu'il renferrne, mais paree que je Cai puhlié dans un temps d'orage. Quant aux écrits de Veccus, onles Andronic ii. Ah. iiSj.  Andronic II. An. 12$} 21 HlSTOIRE traita avec la plus grande févérité; ils furent condamnés non-feulement , comme téméraires, mais comme infectés du venin de 1'héréfie. On difoit, en employant de grands mots, que leur Auteur s'étoit précipité dans les abymes de terreur, pour avoir voulu fonder les profondeurs de myjleres inacceffibles a tous les efforts de V intelligence kurnaine, & pour avoir prétendu por ter un regard audacieux fur des vérités dont Ühomme doit fe contenter d'adorer lafublimité dans un refpeclueuxJilence. D'après ce jugement, il fut décidé que Veccus viendroit en perfonne rendre compte & de fa croyance & de fa conduite. Veccus favoit que le fynode n'étoit rempü que de gens qui avoient juré fa perte; il refufa de s'y préfenter. D'ailleurs, il craignoit que la populace ameutée par fes ennemisne Lui fit quelque violence. Cependant quand on 1'eut affuré qu'il ne couroit aucun rifque, il fortit de fa retraite, & vint a Paflemblée. Lorfqu'il y parut, on ne lui rendit aucun honneur, il n'y eut que la derniere place; la feule grace qu'on lui fit, fut de lui permettre de parler aflis. Som-  nu Bas-Empire. Liv. CII. 23 mé de fe purger des griefs auxquels fes écrits avoient donné lieu, il évita toute difcuffion dogmatique , &£ fe contenta d'obferver qu'a 1'exemple de beaucoup d'autres, il n'avoit pris la plume que paree que les circonftances & Ia politique lui en avoient fait alors un devoir; & comme on lui avoit infinué qu'il feroit bien de donner lui-même fa démiffion, il ajouta qu'il ne voyoit pas pourquoi on prétendoit le forcer d'abdiquer; qu'ayant par fa retraite laiffé le tröne patriarchal vacant, il croyoit que cette complaifance devoit fuffire, fans vouloir encore qu'il fe dépouillat, de fes propres mains , d'une dignité a laquelle il avoit été appellé contre fon gré, &c même par le fuffrage de la plupart de ceux quifiégoient maintenant au nombre de fes juges. Cette réponfe piqua les fchifmatiques qu'elle paroifToit mettre en eontradicfion avec eux-mêmes. Quoi, lui dirent-ils, vous oferie[ encore contefier au véritable Patriarche une dignité que vous ave^ ufurpée fur lui, vous qui ne pouve^ juflifier votre foi, ni vous.laver des impiétés qu'on vous reprocks; & en même-temps, Andronic ii. An, 128}  Andronic H. An, 1183 XI. Mort rle Jofeph. Packym. I. I. c. 13. Andr. 24 HlSTOIRE ; on entendit s'élever contre Veccus; de tous les coins de la falie, des , murmures menacants. Veccus en fut effrayé, & la terreur fe peignit fur toute fa perfonne; alors fes adverfaires profitent adroitement de fon trouble & achevent fa défaite, en faifant tout-a-coup fuccéder a des paredes dures & farouches le langage d'une feinte douceur. Veccus, n'ayant plus le courage de réfifter, fe laiffe conduire chez le Patriarche Jofeph , a qui il fait quelques excufes, &figne un afte qui contenoit fa démiffion, & une profeffion de foi conforme en apparence aux principes des fchifmatiques. Cette foibleffe de Veccus ne le fauva pas de 1'exil. Peu de jours après, il recut de Ia part de 1'Empereur un ordre qui le réléguoit a Prufe, en Bythinie. Le Patriarche Jofeph, dont 1'efprit baiffoit de jour en jour, n'avoit pas trop compris d'abord ce que vouloit dire Ia vifite foudaine de Veccus ; mieux informé enfuite, il ne put s'empêcher de blamer la conduite qu'on avoit tenu a fon.égard, &il déclara formellemenj que les moyens aux- quels  du Bas-Empire. Liv. CIT. 3$ quels on avoit eu recours pour lui fur prendre fa démiffion, étoient contrair esaux faints Canons. Ces défaveus de Jofeph, &c ces démentis qu'il donnoit a chaque inftant aux ichifmati ques, ne laifl'oient pas de les embar raffer, fans cependant jamais les dé concerter; ils n'en continuoient pa; moins a abufer de fon nom pour tour menter ceux qui avoient le malheui de leur déplaire ; car ce Partriarchf qu'ils ne refpe&oient guere eux-mêmes, n'étoit entre leurs mains qu'une efpece de fantöme dontils fe jouoieni pour effrayer la multitude; mais ce fantöme ne tarda pas a leur échapper. Jofeph fuccombant fous le poidi des années & des infirmités, mourut ou plutöt celTade vivre, versie commencêment du mois de Mars La mort de Jofeph confterna ceux qui s'étoient attachés a fa perfonne, & releva le courage des partifons d'Arfene. On vit ces derniers fortir en foule de leurs retraites, & mena£er avec non moins de fureur ceux qui avoient fuivi le parti du Patriarche défunt, que ceux qui s'étoient Tome XXIII. B Andronic II. ■ An. nSfj XIT. Les Arfc-. nites repre nn ent courage. Pachym. I. l.ch. 12 & 13. Andr.  AndroNic II. An. 1283, 2.6 HlSTOUï déclarés pour 1'union avec les Latïns. En effet, ils n'avoient jamais pardonné a Jofeph d'être venu prendre la place d'Arfene fur le tröne patriarchal; ils Ie tenoient pour un intrus, un excommunié, & alloient même jufqu'a lui refufer le nom de chrétien. L'Empereur, placé entre ces deux fa&ions ennemies, fe trouvoit dans une politionaffez critique. D'une part, il craignoit le génie féditieux des Arfénites; ce qui 1'engageoit k les ménager, & de Pautre il ne vouloit pas abandonner les Joféphites. II avoit un intérêt perfonnel a foutenir ces derniers; car il craignoit que fi la promotion de Jofeph au patriarchat étoit déclarée illégitime, comme le vouloient les Arfénites, cette décifion n'influat fur la validité du facre, qu'il avoit recu des mains de ce Prélat, 8z ne lui fit tort dans 1'efprit du peuple. II auroit donc bien voulu tenir la balance égale entre les uns & les autres; mais les Arfénites faifoient tous leurs efForts pour qu'elle penchat de leur cöté : ils prétendoient dominer fans partage. Ces fanatiques étoient protégés par Jeaa  du Bas-Empire. Liv. Clf. 2j Tarchaniote, coufin de 1'Empereur, le plus jeune des trois fils de Marthe, foeur de Michel Paléologue, dernier Empereur,& par les Princeffes Théodofie & Neitongoniffe, fceurs de Tarehaniote. Andronic ne put s'empêcher, a la follicitation de perfonnes qui lui appartenoient de fi prés, de leur accorder 1'Eglife de tous les Saints. Ce temple, un des plus vaftes & des plus magnifique qu'il y eüt k Conftantinople, étoit demeuré fermé pendant un fi long eipace de temps, que perfonne ne fe fouvenoit d'y avoir vu célébrer les faints oiyfteres. Les Arfénites étoient donc fürs qu'il n'avoit [été profané pat la préfence d'aucun des partifans de Jofeph. Ils en prirent aufli-töt poffeffion, & y firent 1'office divin, en ufant de toutes les précautions poffibles_pour en défendre 1'entrée a ceux qui n'étoient pas de leur feöe. Cette grace de la part d'Andronic leur fit naitre de plus grandes efpérances encore ; ne doutant plus qu'ils n'euffent entiérement gagné fa confiance,ilscommencerentas'expliqueravec la plus excefiive liberté. Ils puB rj Andronic ii. An, uS;< XIII, lis veu« lent faire un miracle. Pachym. I, ï.c. IJ. And,,  Andronic II. An, 1283. 28 HlSTOIRE blierent fans détour que leur caufe étoit manifeftement la meilleure, que le Ciel s'étoit déclaré pour elle; ce que, dans leur délire, ils offroient de prouver par un miracle. Qu'on nous confïe, difoient-ils, le corps de quelque Bienheureux, & alors on verra fe renouveller en notre faveur le même prodige qui s'eft jadis opéré a Chalcédoine, furie corps de Sainte Euphémie. Nous dépoferons une cédule contenant les motifs de notre conduite, aux pieds du Saint, & nous ofons affurer que cette rédule ira enfuite d'elle-même fe placer entre fes mains. L'Empereur eut d'abord la foibleffe de confentir a une propofition (i extravagante. II leur fit remettre le corps de Jean Damafcene; mais en même temps, il pritdes mefures pour prévenir toute efpece de fraude. 11 voulut qu'après que les Arfénites auroient mis leur écrit aux pieds du faint Doöeur, fa chaffe fut enfermée dans une feconde garnie de fortes ferrures; que , pour plus grande füreté , on fcelleroit enfuite des fceaux de PEmpire. Cependant les Arfénites s'affemblent dans leur églife, paffent un  du Bas-Empire. Liv. CIÏ. 29 jour & une nuit dans le jeune Sc les prieres, & follicitent le Ciel de s'intéreffer au fuccès de leur entreprife. Chacun étoit dans 1'attente de ce qui devoit arriver, lorfqu'un expres vint défendre, de la part de 1'Empereur, d'aller plus loin. Andronic avoit réfléchi fur les conféquences de la démarche des Arfénites, Sc fenti combien un miracle, de quelque maniere qu'il fe fït, pouvoit devenir un moyen redoutable entre les mains de pareils perfonnages; or, malgré les précautions qu'il avoit prifes, il étoit k craindre qu'ils n'euffent ladreffe de le faire réuffir. Pour colorer ce contre-ordre d'un prétexte plaufible & même refpeórable, il fit dire aux Arfénites qu'il falloit attendre avec une humble foumifïion le moment 011 Dieu jugeroit k propos de manifefter fa volonté, Sc ne pas le fommer en quelque forte de s'expliquer; que la religion étant fuffifamment établie, la divine Providence avoit rendu les miracles moins fréquents; qu'enfin ils devoient fe refTouvenir de la réponfe que fit Abraham au mauvais riche , qui demandoit qu'un mort B iij Andronic ii. An. 11s3.  Andronic II. An. 1283. XIV. George dit de Chypre, Patriarche. Tachym. I, 1, C 14.' Andr. ; DeEccl. Occ. & O- 1 rien. pptua 1 Cons. Leo 4 Allat. I. 2. , op. IJ. ' parag. 12.' Nic. Greg. ( l. 6. c. 1. , •£« Qr/ze/i, OriinsChr. 1 3° HisïoiitE reffufcitat pour aller avertir fes freres de ne pas fuivre fon exemple. Les Arfénites ne manquerent pas de fe recner contre la défenfe del'Empereur;maisil eft probable qu'intérieurement ils en étoient peu fachés; en effet, cette défenfe ne leur faifoit rien perdredans 1'efprit de la multitude, & de plus elle les dégageoit avec honneurde leur parole, fans qu'ils couruffent les rifques de fe voir couverts de confufion, s'ils euffent été dans l'impuiffance d'opérer le prodige qu'ils avoient promis. II s'agiffoit de donner un fuccefreur au Patriarche Jofeph. L'Empereur, après avoir long-temps délibé-é, crut avoir trouvé celui qu'il cher:hoit dans la perfonne de George de Chypre. C'étoit un homme recomnandable par fon favoir. Le dernier 3atriarche faifoit cas de fes talents, k. 1'avoit même décoré de la dignité le premier interprête des Epitres de >t. Paul. George n'étoit pas moins 'erfe dans la belle littérature, que lans les fciences eccléfiaftique. II écriroit avec grace, & fous fa plume, a langue grecque fembloit avoir re-  du Bas-Empire. Liv. CU. gr eouvré cette pureté & cette élégance qui la diftinguoient dans les beaus jours d'Athenes. Elevé dans 1'ifle de Chypre, fa patrie, parmi les Latins. il avoit pris du goüt pour eux; & fous le regne précédent, il s'étoii montré un des plus zélés partifan; de Punion. Mais, fous le nouveau , il avoit changé de fyftêmê,'paree que les temps n'étoit plus les mê mes. Ces variations prouvent qu'i n'avoit pas des principes de religior bien arrêtés. En général, c'étoit une ame flexible, qui favoit fe plier i toutes les circonftances, & qui pai conféquent paroiffoit très-propre i concilier tous les partis. C'eft pour quoi 1'Empereur 1'avoit choifi. Ce Prince, pour le mettre davantage dans fa dépendance, vouloit qu'il ne dut qu'a lui feul fon élévation ; & comme d'ailleurs il étoit décidé a ne pas fouffrir qu'un autre montat fur le fiege patriarchal, il ne jugea pas a propos de 1'expofer aux hafards d'une éleftion canonique. Cependant, pour prévenir lesplaintes des Prélats a qui appartenoit le droit d'élire le Patriarche, Andronic eutrecours aux B iv Andro- k!c ii. An. 1183. [ t l  Andronic II. An. 12S3 i XV. Céréuio- ] ( 3-2 tl I S T 0 I R E Wiïes & aux excufes; il les conjura de vouloir bien au moins paroïtre confirmer fon choix par leurfilence. Maïs de tous ceux a qui la promotion de George de Chypre pouvoit tieplaire,il n en etoit point dont 1'Empereur craigmtdavantage Jamauvaife humeur, qu'un certain Andronic, qui avoit quitté le fiege de Sardes pour fe faire moine. Cet ambitieux n avoit pu diffimuler fes prétentions a Ia digmte de Patriarche. L'Empereur, pour appaifer fes murmures, Ie declara fon pere fpirituel. Cet eraploi, outre 1'honneur qui y étoit attaché, placoit a la fource des graces, & donnoit un grand crédit aupres du Prince; mais l'ancien Evêque de Sardes , loin d'avoir cette fouplefle fi neceffaire pour réuffir dans les Cours, étoit au contraire un de :es hommes fiers & hautains, qui /eulent toutemporter de vive force jut ne peuvent fouffrir de contradic.ïon, & qui s'embarraflent peu de fe aire des ennemis. Aufii ne fut-il pas ong-temps fans fe perdre. mi Quand il fallut procéder a Ia conecration de George, 1'Empereur^  du Bas Empire. Liv. CII. 33 qui aucun de ces petits détails n'é- 1 chappoit, défignalui-même pour faire cette cérémonie, PEvêque de Cozile 4 ou Mofile. Ce Prélat réfidoit pour, lors a Conftantinople, oüNicéphore, < defpote d'Epire &c d'Etolie, 1'avoit ] envoyé en ambaffade. Andronic crut \ devoirlechoifir préférablementa tout > autre, paree qu'il n'avoit point eu de 1 part a ce qui s'étoit fait pour la réunion des Grecs avec les Latins, & que par conféquent il ne portoit aucune tache de réprobation aux yeux des fchifmatiques. Cet Evêque, trescomplaifant& peu fcrupuleux fur 1'obfervation des canons, ayant conduit George dans une chapelle fituée au milieu d'une vigne, le fit d'abord moine, puis leöeur, puis diacre. George, en revêtant 1'habit monaftique, quitta fon nom, &£ prit celui de Grégoire. Lemême jour, 1'Empereurle déclara Patriarche. Le liege d'Héraclée en Thrace, fe trouvoit alors vacant, & c'étoit a 1'Evêque de cette ville qu'appartenoit le droit de facrer le Patriarche de Conftantinople. On ordonna donc a la hate un moine , nommé Germain , qui avoit auffi ie B v Andronic II. In. 11S3.' iie de fon acre. 'achym. /. . c. 14. 5. Andr. fic» Greg. .6. c i.  Andronic II. An. 1183. l j I c f F O ll a r< k il re n li s', 3' 34 'HlS T O I R E mérite de n'avoir point participe' aux precedentes conteftations, & on en fit tout-a-coupun Evêque d'Héradée. Ce fut ce nouveau Prélat qui, affiflé de lEveque de Cozile, & de celui de Dibra, en Macédoine, donna 1'orire de Prêtrife a Grégoire, & enruite le facra Patriarche. Le matin du limanche des Rameaux, qui, cette mnée, tomboit Ie 11 avril, le nouvel élu & les Evêques confécrateurs e rendirent a Sainte-Sophie, accom>agnésoupIutötinveftis d'une troupe e fchifmatiques, qui commencerent ar exclure de l'Eglife, comme des rofanes & des impies, tous ceux ui en compofoient le clergé. Ces ïêmes perfonnages fe croyant feuls rthodoxes,& exempts de la fouilire contraflée par tous ceux qui roient confenti a 1'union, voulu:nt qu'il n'y eüt qu'eux qui affiflafnt au facre de Grégoire. Comme i ignoroient les rits ufités en padie circonftance, & qu'ils ne conJiffoientpasmême Ia difpofition des sux, onles voyoitaller, venir,& igiter beaucoup , fans favoir ce i'ils vouloient faire ; de forte que  du Bas-Emi'Ire. Lrv. CII. 35 cette cérémonie, une des plus auguftes qu'il y eüt dans l'Eglife Grecque, fe fit avec une indécence ridicule; & jamais elle n'auroitpu s'achever, fi le grand Sacriftain, qu'ils avoient d'abord banni de l'Eglife comme les autres, n'eüt bien voulu venir a leur fecours. Le Mercredi fuivant, jour indiqué pour lever Pinterdit jetté fur le clergé, les Eccléfiaftiques fe rendirent devant le grand portique deSte.-Sophie; la profternés tous contre terre, ils demanderent pardon, en préfence d'une foule de peuple qui étoit account des divers quartiers de la ville, pour jouir du fpeöacle de leur humiliation; après quoi la porteleur fut ouverte, &c ils eurent la permiffions d'afïïfter a 1'Office. Le lendemain, qui étoit le Jeudi-Saint, ils fe préfenterent a 1'autel pour y recevoir la fainte Eucharifiie; mais comme on ne les croyoit pas encore alTez purifiés pour participer au vrai corps de Jefus-Chrift, cm les communia avec du pain non confacré, que le Patriarche avoit fait acheter exprès au marché. Les nouveaux réconciB vj Andronic II. An. 1183. XVL Mauvaiie :oi des "chifma:iques.Pachym. I. I. c. ij. Andr.  Andronic II. An» 1283 XVII. Concile ou plutót Irigantiage deBIaquernes.Vachym. I. ï. C 15. 2 7. 19. And, Nic. Gr eg, l, 6. ct 2, j ] i 1 i f i! H 3<» II l S T O I R E 'Hés, inftruits de cette fuperchenefacnlege,en furent indignés, & com• pnrent dès-lors qu'on n'agiiToit point avec eux de bonne foi; ce qui les remphlfoit d'mquie'tude & leur faifoit craindre quelque facheux événement, lis ne furent pas fong-temps k s'appercevoir que leur prefïentiment ne les avoit pas trompés. Le Lundi de Paques k 1'iffue d'une alfemblée oü tous lesEvêques & tous les membres du clergé s'étoient réurus pour fe donner le baifer de paix, fiuvant 1'iifage pratiqué dans cette folemnité, ón vit paroitre un édit de 1'Empereur, qui annoncoit la tenue iun concile dans l'Eglife de la Sainte ^terge de Blaquernes. Le nouveau 'atnarche ne devoit y préiider que )our la forme. Andronic, ce pere pirituel de 1'Empereur, étoit deftiné 1 en etre 1'ame & 1'arbitre. Le Prince »ar fon édit lui donnoit plein pou-oir de porter tel jugement qu'il lui lairoit , contre ceux qui feroient trauits afon tribunal, &devantles moies choifis pourlui fervir d'affelTeurs; déclaroit même criminel de leze' lajeflé, quiconque oferoit contre'  nu Bas Empire, ï iv. CU. 37 dire fes décrets. Michel Stratégopule affifta au concile de la part du Prince, accompagné d'hommes armés, non pour y maintenir le bon ordre, mais pour être le fervile exécuteurdes fentences du pere fpirituel & de fes confeillers. Un grand nombre d'Evêques qui avoient été mis fur la lifte des profcriptions, furent appelles chacun a fon tour. A mefure qu'il en paroiffoit un, il ne manquoit pas de fe trouver auffi quelque moine apofté qui 1'accufoit d'avoir violé les canons de l'Eglife. Le Juge, fans autre information, prononcoit contre lui une fentence de dépofition. Auffi-tot les Officiers de 1'Empereur fe faimToient de fa perfonne, le traïnoient pieds & mains liés hors de PalTemblée, & le livroient aux huées & aux infultes de la populace. Les moines, de leur cöté, faifoient a ces malheureux Prélats, toutes fortes d'outrages. lis leur difoient anathême, les traitoient d'inrpies, leur donnoient des foufflets, & leur déchiroient fur le corps la chape épifcopale, en criant qu'ils étoient indignés deporter ce faint habit. Théo» dore , métropolitain de Cyzique, s'é- Andro- n1c ii. Aft. 128} HlSTOIRE - tok retiré dans le monaftere du fainf Précurfeur, pour y attendre que cette tempête fut un peu calmée. Sur le refus qu'il fit de comparoitre, on envoya des fatellites pour 1'amener de rorce. Théodore, après avoir luttémihtairement contre cette foldatefque, fut enfin obligé de céder; mais comme on 1'emmenoit, iltrouvalemoyen Je s'échapper des mains des archers, Sc de s'enfuir dans une Eglife, oii il fe réfugia fousl'autel. Les foldats qui e pourfuivoient refpecf ant cet afyle, i'en retournerent fans leur capture; :e qui mit Tanden Evêque de Sarles dans une étrange colere; il conlamna Théodore comme contumace, infi qu'un grand nombre d'autres 'rélats qui ne voulurent point com•aroitre. Athanafe, ce Patriarche d'Aexandrie que nous avons vu plus haut >réfider au fynode afTemblé contre ^eccus, fut interpellé de reconnoitre our canonique, la dépofnion des ■vêques jugés par Ie concile de Blauernes, s'il vouloit que fon nom fut 3nfervé dans les facrés dyptiques; aima mieux être privé de cet honw, que d'approuver un pareil bri-  du Bas Empire. Liv. CIL 39 gandage. En parlant des excès auxquels le porta Ie concile de SainteMarie de Blaquernes, nousne devons pas oublier Ia maniere dont il traita Théodora , Impératrice douairière : cette Princeffe y fut lommée de produire fa confeflion de foi, de renoncer folemnellement au traité d'union avec le Pape entamé fous le dernier regne, de s'engager exprefTément k ne jamais prétendre que 1'Empereur, fon mari, fut inhumé avec les honneurs de la fépulture eccléfiafiique; ce n'étoit qu'a ce prix qu'elle pouvoit efpérer d'être nommée dans les prieres publiques avec 1'Empereur fon fils. Cette année, peu après I'équinoxe du printemps , Saturne étant k fon . apogée, parut en plein jour contre * la nature des planetes, fous un afpeil: d très-brillant. Ce phénomene exerca" beaucoup Ia fagacité des favants & * même des beaux-efprits. Les uns en 1 tiroient un préfage de bon augure. LaJl lumiere rayonnante & extraordinaire de ce corps célefte, eft, difoient-ik, le fymbole de celle que le nouveau Patriarche va répandre fur les téne- Andrc- NIC ii. in.1183» xviil Bifarre ïterpré- icion 'un phé- omene élefte. achym. /a . c 16» ndr.  Andronic II. An. il§3 i 1 XIX. Accord 4° H I S T O I R E bres de Terreur. Lesautres, au contraire , n'y voyoient que des fignes funeftes: a les entendre, cet éclat trompeur dont brilloit Saturne, annoncoit que la gloire des aftres de l'Eglife , alloit être éclipfée par les fauffes lueurs dont ce Prélat éblouiroit pendant quelques inftants les yeux de la multitude. Stiivant ces mêmes interpretes, Télévation de Saturne, planete qui préfide aux glacés & aux frimats, menacoit de tempêtes & de difgraces les têtes les plus élevées; k l'appui de cette derniere interprétation, dont le crédule Pachymere fait honneur aux gens les plus éclairés dans la fcience, venoit encore le fonge d'un Evêque. Ce Prélat en fommeillant avoit cru affifter k un fynode, y voir les fieges fe brifer d'eux-mênes, tous les membres de Taffemilée tomber k la renverfe, & réduits >ar leur chute dans un état tout-aait digne de compaffion ; ce fonge ut pendant long-temps la nouvelle lu jour, & Ton ne fauroit dire com)ien il £t débiter de rêveries aux oi^ ifs de la Cour & de la Ville.. A-peu-près dans le même temps,, on  du Bas-Empire. Liv. CU. 41 vit arriver k Conftantinople une ambaffade de la part de Tertere, Roi de Bulgarie. Ce Prince s'étoit, com-, me on 1'a dit, féparé de fa première; femme pour époufer la fceur de cet' Afan, qu'il avoit renverfé du tröne, afin d'y monter a fa place. Son clergé, fcandalifé de ce fecond manage, lui avoit interdit la participation aux faints myfteres. A entendre Tertere, il ne pouvoit plus porter le poids de cet anathême, ni réfifter davantage aux reproches de fa confcience, qui lui crioit fans ceffe de renvoyer a Afan fa foeur, mais qui fans doute ne lui difoit pas affez haut, pour qu'il put 1'entendre également, de remettre a ce Prince la couronne qu'il lui avóit ravie. Andronic qui voyoit Tertere trop bien affermi fur fon tröne, pour efpérer de pouvoir jamais l'en chafler, prit le parti d'être fort édifié de fes fcrupules, & de lui renvoyer fa première époufe qu'il tenoit renfermée k Nicée. La fceur d'Afan, répudiée par Tertere, revint donc a Conftantinople auprès de fon frere que 1'Empereur nomma Defpote de Romanie, pour le dédommager du Andronic H. in. 128J. ivec Terere, ufurjateur de a couonne de Bulgarie. °achym. I. I , C. 20« Anit.  Andronic II. An. 1183, An. 1284. XX. ; Conférences«TAdra- ( myte ; pour réunir les Ar- I fénites & c les Jofé- j phites. Pachym. I, ' 1. c 21. r Andr. Nic. r Greg. I, 6. % c, l. C F d ï ll2 H I S T 0 I R E Royaume de Bulgarie qui paroiffoit perdu pour lui fans reffource. De plus Andronic fit avec le Monarque Bulgare ,^un traité pour le contenir & 1'empêcher d'inquiéter les terres de 1'Empire, qui confinoient a fes Etats. II termina cette négociation le plus promptement qu'il lui fut poflible, & meme fans fe rendre trop difficile fur les articles, paree qu'il étoit preffé Je revenir aux affaires eccléfiaftiques qui 1 occupoient alors tout entier. Le concile ou fynode de Blaqueries, ne rétablit point la tranquillité lans lEglife. Les Jofephites & les Arfénites s'y étoient réunis, contre :eux qui, fous le regne précédent, ivoient favorifé le projet de fe rap.rocher de l'Eglife Latine; mais après voir ecrafé leurs ennemis communs, Is tournerent les armes les uns conté les autres , & leur ancienne inimtie, qui n'avoit été qu'affoupie, fe anima avec une nouvellefureur. Anronic qui les croyoit réconciliés, arce qu'il les avoit vus perfécuter e concert & avec un égal acharneïent les partifans de 1'union, fut >rt etonné de ce revers. II crut qu'il  nu Bas Empire. Liv. CII. 43 étoit effentiel de ne pas donner au fchifme renaiffant, Ie temps de fe fortifier , &z qu'il falloit faire les derniers efTorts pour PétoufFer au plutöt. Dans 1'intention de fe livrer avec plus de liberté k ce grand ouvrage, il renonce a toute autre affaire, quitte Conftantinople ,& va s'établira Adramyte en Natolie. Les chefs des différends partis recurent ordre de le fuivre dans cette ville, pour y traiter en fa préfence des objets qui les divifoient. De plus, il permit indiftincfement k quiconque voudroit être témoin de ce qui devoit fe pafTer dans cette efpece de congrès, de s'y rendre. On vit arriver k Adramyte une multitude innombrable de moines, d'Eccléfiafiiques & de laks; attirés les uns par le zele, les autres par la curiofité; beaucoup y vinrent pour charmer leur défceuvrement. Le concours fut d'autant plus grand, que 1'Empereur avoit fait annoncer que tout le monde feroit défrayé a fes dépens. Le Patriarche Grégoire fe trouvoit k la tête des Jofephites; il étoit foutenu par Eulogie & par les deux filles de cette ErincelTe ;il comp- Andro- NIC ii. An. 1284.  Andronic jj. Ap. 1284. 1 1 ] 1 ï ( 1 l l ó F c f e t i 44 H I S T O I R E toit encore parmi fes plus zélés parrifans, Mufalon, grand Logothete & fayori de 1'Empereur. Les Arfenitesparoiffoient plus redoutables; il avoient pour eux la multitude; paree que dans routes les querelles de Religion, la multide eft toujours pour le parti le plus outré. Du fein de ces deux granies faftions, il en étoit forti une foule d'autres qui s'entre - combat:oient mutuellement, & dont charme déchiroit celle qui lui avoit ionné naiffance : ces faélions fubalernes étoient commandées par des noines, que Michel Paléologue, pour es punir de leur opiniatreté & de eur infolence, avoit condamnés a •erdre 011 les yeux , 011 la langue , »u le nez, ou les oreilles, & qui préendoient fe faire,de ces mutilations, n titre pour être regardéscomme des eros de la foi. II en coüta beaucoup 'argem aii tréfor public, & bien des eines k 1'Empereur fans aucuns fucès. Les conférences d'Adramyte ne ïrvirent qu'a aigrir davantage les fprits. Les Arfénites fur-tout s'y mon■erent plus intraitables que jamais; ss'expliquoient fur le paffe avec une  du Bas-Empire. Liv. CII. 45 hardieffe inconcevable; ilsgémiffoient hautement fur les malheurs de Jean Lafcaris, fur 1'irrégularité de la dépofition d'Arfene, qu'on avoit con~ damné, difoient-ils, pour avoir refufé de communiquer avec un tyran qui s'étoit rendu indigne du tróne, en portam des mains parricides fur la perfonne de fon pupille héritier de la Couronne. C'eft ainfi qu'ils parloient de Michel Paléologue. Ces murmures effrayoient Andronic; il comprenoit que fon fort dépendoit, en quelque forte, de la conféquence terrible, qui ne dérivoit que trop naturellement des propos que les Arfénites avoient 1'audace de tenir contre la mémoire de fon pere. Ce Prince n'avoit point affez de fermeté pour ofer réprimer des difcours fi féditieux; peut-être même étoit-il a craindre que 1'autorité venant a frapper fur des têtes fi échauffées, il n'enjaillït quelque étincelle capable de produire un ineendie qu'il eüt été enfuite impollible d'éteindre; il aima donc mieux avoir recours aux reffources de fa politique ordinaire, il diffimula; & loin de faire fentir aux Arfénites tout le poids ANDRONIC II. An. 1284.  Andro- mc II. An. 1184. XXI. Epreuve du feu , demandée par les Arfénites.Pachym. I. 1. e. 21. Andr. Nic. Creg. I, 6, i. i. i 1 < < | I 1 1 i 46 HlSTOIRE cie fon indignation , il les traita avec plus de bonté qu'il n'avoit encore fait. Ces enthoufiafles, toujours poffédes de la manie de faire des miracles, comme fi leciel eüt été a leurs ordres, demanderent 1'épreuve du feu, pour convaincre les plus incrédules de la juftice de leurs prétentions. C'étoit une de ces pratiques abfurdes qui avoient été autrefois fi fort en vogue fous le nom de jugcments de Dieu , & que l'Eglife Latine a eu tant de peine a bannir de fon fein. On y avoit recours, faute d'autres moyens, quand on vouloit découvrir la vérité de certains faits douteux, &même décider desquefiions je jurifprudence, de théologie, de hfciphne ou de rit eccléfiaftique. II ! etoit élevé jadis une grande difpute :n Efpagne, pour favoir lequel de'oit prévaloir de 1'office romain ou e 1'office mozarabe ; après de longs lebats ,on convint de li vrer aux flamnes les deux liturgies, & de donner a préférence a celle qui réfifteroit k eur aclion. C'étoit précifément la neme épreuve que follicitoient les Arfénites. Quelques gens fenfés s'y  du Bas-Empire. Liv. CU. 47 oppoferent; le Patriarche Grégoire fur-tout fit a ce fujet les plus fortes remontrances. Mais cette fuperftition flattoit trop le goüt d'Andronic, amateur de tout ce qui paroifïbit furnaturel, pour qu'il ne la favorilat pas. Non-feulement il admitla requête des Arfénites, mais il voulut encore faire les fraix d'un magnifique trépied d'argent pour recevoir le bralier facré qui devoit fervir a 1'épreuve projettée; il décida que cette épreuve auroitlieule famedi-faint. Ce jour Andronic fe rendit accompagné des Officiers de fa Cour & des chefs des deux factions , a l'Eglife qui avoit été choilïe, pour être le théatre du grand événement qui tenoit tous les efprits dans 1'attente. Une foule de peuple y étoit accouru, attiré par la nouveauté du fpeétacle. Après diverfes cérémonies préliminaires, on vit fortir des rangs deux vénérables perfonnages qui,s'avancant d'un pas grave, vinrent chacun de fon cöté, pofer fur les charbons une cédule qu'il portoit ala main. Ces deux écrits renfermoient,l'un les raifons des Arfénites, & 1'aurre celles des Joféphites; on les avoit roulés Andronic H. An. 12841  Andronic II. An. 1284. ] 1 1 1 < J 1 1 t 3 i i ; ^ 3 4!? HlSTOIRE avec beaucoup de foin, & recouverts d'une forte enveloppe; c'étoit une précaution qui, fans doute, n'avoit pas toujours été inutile pour la réuf(ite du prodige qu'on vouloit obtetiir dans ces fortes d'occafions. Cette fois elle ne produifit aucun effet; & malgré les ferventes prieres que cha:un des deux partis adreffoit au ciel pour le prier de fe déclarer en fa faireur, Ie feu déploya également fon iétivité fur les deux rouleaux. En noins d'une heure, ils furent confunés, au grand étonnement desaffifants. Les Arfénites fur-tout en deneurerent confondus; n'ofant pas ce>endant manquer ouvertement aux :onditions qu'ils avoient dictees, ils e virent forcés de reconnoitre que naintenant aucun des deux partis ï'étoit en droit de s'attribuer 1'avanage , puifque les écrits de Pun & de 'autre avoient eu le même fort, & Is avouerent qu'eux-mêmes ne pouroient plus refufer de fe réunir aux 'oféphites, pour ne faire avec ces lerniers qu'un feul corps, comme 1'éément facré n'avoit fait qu'un feu! nonceau de cendres des deux acles qui  su Bas-Empire. Liv, Cli. 49 qui contenoient leurs prétentions refpecfives. En conféquence, ils déclarerent qu'ils fe foumettoient a ^autorité de 1'Empereur, & a la jurifdicfion du Patriarche. Andronic, tranfporté de joie a la vue d'un changement fi fubit, voulut, fans donner aux Arfénites le tempsde fereconnoïtre, les conduire en perfonne chez le Patriarche, & aufli-töt il fe mit k leur tête, marchant k pied, malgré la neige qui tomboit alors en abondance. Les Arfénites firent dans les termes les plus expreflifs leur foumiffion a Grégoire , qui les recut gracieufement. Ce Prélat leur donna le pain béni & même la communion en figne de paix. Cette réconciliation ne dura pas long-temps. Dès le lendemain, les Arfénites, étonnés eux-mêmes de la facilité avec laquelle ils s'étoient rendus, commencerent a rougir de leur complaifance. Eft-il poflible, fe demandoientils les uns aux autres; qu'un motif auffi frivole que celui qui nous a décidés hier, nous ait fait trahir une caufe fi fainte, & pour laquelle nous avons tant combattu & tant fouffert? Tome XXII7, C , Andro- nic II. An. 1284, XXII. Ces derniers fe réconciHentavecle Patriarche , & fe brouillent de nouveau. Pachym, /. c. 22. Aartr.  Andronic II. An. 1284, 50 HlSTOIRE Dès le jour fuivant, ils proteftent contre leur démarche auprès du Patriarche, & déclarent qu'ils fe rétractent. Ce retour inattendu confterna 1'Empereur, qui s'étoit flatté d'être enfin parvenu au but vers lequel il tendoit depuis fi long-temps : voyant qu'il ne lui reftoit plus aucune autre reflburce, il eut recours a la rufe. II mande les principaux chefs des Arfénites, & leur fait cette queftion : Que penfe{-vous de celui quiporteaujourd'hui le titre de Patriarche ? D'abord ils ne furent trop que répondre; enfin, après avoir un peu balancé, ils prirent le parti d'avouer qu'ils le tenoient comme lesautres, pour vrai Patriarche, fans vouloir toutefois communiquer avec lui, a caufe de certains reproches qu'on avoit a lui faire. A peine eurent-ils fini de parler, que Grégoire qui, d'intelligence avec 1'Empereur , fe tenoit caché dans une chambre voifine, fort de fon embufcade, revêtu de feshabits pontificaux, & prenant, pour ainfi dire, aöe de 1'aveu des Arfénites, leur dit d'une voix foudroyante : Puifque vous me reconnoijfe^ pour Ugitime Patriarche,  bu Bas-Empire. Liv. CII. 51 jt vals ufer du pouvoir que me donm cette dignité; en conféquence fexcornmunie ceux d'entre vous qui perfijlerom dans leur rébellion. Les Arfénites effuyerent 1'anathême du Patriarche avec une tranquillité dédaigneufe, & fe retirerent en fe promettant bien de 1'en faire repentir. Les deux partis fe quitterent plus animés que jamais 1'un contre Pautre. L'Empereur reprit la route de Conftantinople, le dépit dansle cceur, & très-courroucé contre 1'Evêque de Sardes, le principal auteur de ces troubles. Quoique ce brouiilon k qui 1'Empereur avoit ordonné de refter a Conftantinople, n'eütpas affiftéaux affemblées d'Adramy te, fon génie n'y avoit pas moins fait fentir fes mali gnes infkences. II avoit dirigé de il plufieurs fois de rompre les fienaes : ce fut toujours en vain. Andronic, fatigué des tentatives que Michel ne ceffoit de faire pour i'échapper, le fit renfermer k Thef"alonique, Un Anglois nommé Heni , conciërge des prifens de cette alle, fut chargé d'en répondre. Mi:hel ne perdit point encore l'efpé;ance de fe mettre en liberté. II réufit a corrompre fon gardien, en lui  du Bas-Empire, Liv. CII. 59 faifant de grandespromeffes,&même en lui proftituant fa propre fceur, qui avoit été condamnée a; partager avec lui fa captivité. Henri, pour n'être point gêné dans 1'exécution de fon projet, égorge deux foldats qui faifoiènt fentinelle dans 1'intérieur de la prifon, & fe fauve pendant la nuit avec fes prifonniers. Ils arrivent tous trois au bord de la nier, s'embarquent fur un vaiffeau pour fe rendre en diligence dans ï'ifle d'Euripe, qui étoit alors fous la domination du Souverain de Thebes, beau - frere de Michel : mais Ie Ciel fembloit les pourfuivre; le navire qui les portoit ayant été battu plufieurs jours par la tempête , vint échouer dans le voifinage de Rhedefte; ils furent reconnus & arrêtés. Henri recut le chatiment dü k fon crime , & Michel fut conduit a Conftantinople. L'Empereur voulant, pour ainfi dire, être lui-mêmefon géolier, le fit mettre dans une tour du palais , qui touchoit a fes appartements. II y avoit déja huit ans révolus, que Michel languifToit dans cette pri- C vj. a.NDRONIC ii. Ln. 12.84, XXVIÏT. Sa mort.  Andhokic II. An. 1284 Pachym. I ï. c. 27. Andr. 1 I ■ j 1 i l I < fo H I S T O I R E fon, fans efpoir de jamais en fortir i ennuyé d'une fi longue captivité, il" . pnt le parti de finir une vie fi miférable; mais en fe précipitant volontairement dans le tombeau, il vouloit y entraïner 1'Empereur. La faifon étoit rigoureufe; ayant obtenu fous ce prétexte une plus grande provifion de bcus qu'a Pordinaire, il en fait un bücher au milieu de fa chambre, 6z y met le feu pendant la nuit; il efpéroit que I'incendie fe communiqueroit a 1'appartement d'Andronic , & que ce Prince y périroit. Heureufement 1'Empereur ne dormoit pas; il appercutles Hammes, & envoya pour ies éteindre tous ceux qui fe trouvoientpour lors auprès de fa perfonne. L'eunuque Carbas y court le premier, enfonce les portes, & fe préfente xnir entrer. Michel fe jette fur lui Si le tue; dans 1'inftant arrivé une rompagnie des gardes de 1'Empereur. ïn vain Michel veut leur faire réfifance; il tombe a leurs pieds, percé le mille coups. Telle fut la fin malïeureufe d'un Seigneur qui eüt pu cou« er des jours heureux, jouer un röle ians le monde j & même y faire une  dij Bas-Empire. Liv. CII. 61 fortune brillante, s'il eüt profïté des talents qu'il avoit regus de Ia nature, & s'il eüt répondu aux avances que lui fit 1'Empereur, même dans un temps oü il étoit déja maitre de fon fort. Andronic lui avoit propofé, s'il vouloit s'attacher a fa perfonne, de lui faire époufer la fille de fa fceur & d'Afan, Roi de Bulgarie; mais Michel , dont Pefprit inquiet & remuant ne pouvoit fe flxer fur aucun objet, rejetta tous cesavantages. Maintenant revenons k 1 epoque d'oü nous fommes partis en commeneant Phiftoire des infortunes de ce jeune téméraire. L'entiere deftruftion de 1'armée de Tarchaniote, & le délabrement de la marine impériale, qu'une économie mal entendue avoit fait négliger, laiffoit fans défenfe 1'Empire environné d'ennemis toujours prêts k 1'attaquer. D'ailleurs, Andronic, uniquement occupé des difputesde l'Eglife, ne donnoit aucune attention aux autfes parties de 1'adminiftration. Ces belles ef- ■ pérances dont on ne manque jamais de fe flatter au commencement d'un nouveau regne, s'étoient évanouies. X'Etat fe trouvoit dans la pofition la Andronic ii. An. 1284. t xxix» La mulütude effrayéepar deux prétenJus mira:Ies. Pachym. L [. e. 30. 12. Wie. Greg. . 6. e. 3,  Andro- mic II. An. 12S4 62 HlSTOIRE' plus critique, & reffembloit, pour nous fervir des expreflions d'un hiftorien du temps, a un vailTeau qui,. battu par la tempête, flotte au gré des vagues, fans rames & fans gouvernail. Tous les ceeurs étoient dans Pabattement. La terreur redoubia encore a 1'occafion de certains bruits qui eoururent dans le public. On difoit avoir vu une image de la Vierge verfer des Iarmes, & une autre de St. George répandre du fang. Ces deux prodiges, fur Ia réalité defquels la ftupide crédulité des Grecs ne leur permettoit pas d'avoir lemoindre doute, leur parurent annoncer de grands malheurs. Chacun faifi d'efFroi s'attendoit aux plus triftes événements, lorfqu'on apprit que Ie Sultan de Babylone avoit fait une nouvelle irruption en Syrië; qu'il avoit ravagé tout le pays qui s'étend le long de la mer, pris Tripoli & Ptolémaïde, paffe au fi! de 1'épée prefque tous les habitants de ces villes , & emmené le refte en captivité. Les Grecs ne douterent pas que cette cataffrophe ne füt 1'accomphffement des finiftres- préfages qui ks. avoient fi fort effrayés. Ils s'en  du Bas Emïirs. Liv. CIÏ. 63 félicitoient doublement. D'un cöté, ils fe voyoient délivrés des tranfes mortelles qui les tourmentoient; & de 1'autre, ils n'étoient pas fachés que les fléaux dont ils s'étoient cru d'abord menacés, fuffent tombés fur les Latins , qu'ils regardoient comme leurs ennemis naturels. Pour 1'Empereur , il vit les chofes fous un autre afpecf; il fe fit a lui-même 1'application des deux prétendus miracles r & s'imagina y appercevoir des fignes manifeftes de la colere de Dieu irrité contre lui de ce qu'il fe laiffoit décourager par les obftacles qui s'oppofoient au rétabliiTement de la paix. En conféquence , il reprit fes premiers projets avec une nouvelle ardeur, & rechercha même les Arfénites. Ces fanatïques furent flattés des avances de 1'Empereur, & crurent le moment favorable pour obtenir de lui la permiffion de transféxer de 1'ifle de Proconefe a Conflantinople , le corps dArfene. Leur intention fecrete étoit de faire regarder Pacquiefcement d'Andronic a leur demande, comme une preuve que ce Prince re- anDRONK: ii. \.n» 1184. XXX. Tranflation du corps d'Arfeae a Conftantinople. Pachym. L 1. c. 31. Andr,  Andronic II. An. 12S4. ; ■ 1 i 1 1 ] 64 HlSTOIRE connoiflbit Arfene pour légitime Patriarche , & en même-temps qu'il tenoit Jofeph pour un intrus, & condamnoit par une fuite néceffaire toutes fes opérations. Andronic, qui ne foupgonne pas 1'abus qu'ils veulent faire de fa complaifance, s'empreffe de confentir a leur requête. Alors les Arfénites députent un perfonnage des plus diftingués d'entre eux , nommé Manuelite , pour aller chercher le corps de leur Patriarche; mais ils fe trouyerent fort embarraffés, quand Dn vint leur dire qu'Arfene, avant de mourir, avoit frappé d'anathême quiconque oferoit 1'öter de fa première fépulture pour le porter ailleurs. Heureufement ils ne tarderent pas a iecouvrir que cette défenfe d'Arfe1e, n'étoit qu'une rufe imaginée par an des difciples de ce Patriarche, ïommé Mathieu. Cet importeur, fous ;>rétexte d'honorer la mémoire de fon naïtre, s'étoit établi auprès de fon :ombeau, & prétendoit en faire le ondement d'une grande fortune. Le /éritable but de Mathieu , étoit de >rofiter des pieufes libéralité des dépots qui venoient vifiter le prétendu  vu Bas-Empire. Liv. CU. 65 Saint. Les Arfénites, délivrés de ce fcrupule , fe haterent de transférer a Conftantinople le corps de leur Patriarche. L'Empereur alla le recevoir, accompagné de tous les Grands de fa Cour & des Sénateurs. Le clergé, le Patriarche, & un grand nombre d'Evêques , fuivis d'une multitude innombrable de citoyens de tout age, de tout fexe & de toute condition, marcherent aufti dévotement a fa rencontre. Quand le cortege fut arrivé au quartier d'Eugene, on couvrit le cercueil d'un magnifique drap mortuaire; enfuite on le remit a des Prêtres qui le porterent avec un grand refpe£t jufqu'a l'Eglife de Sainte-Sophie. Le clergé précédoit, marchanl proceflionnellement avec des cierges a la main , chantant des hymnes & des pfeaumes ; de diftance en diftance, on faifoit brüler des parfums devant le cercueil. Lorfqu'on fut entré dans l'Eglife, on revêtit le fquelette d'Arfene de 1'habit de Patriarche, & de tous les ornements de cette dignité ; les Evêques intröniferent enfuite cette momie fur la chaire pontificale, & 1'y laifferent afïxfe quelques inf- Andro= nic ii. An, 1284.  Andromc II. An. 12S4. i 1 j j ( 1 1 ! e 1 r I f XXXI. Second c. anariage 66 H I S T 0 I R E tants, puis ils vinrent la pofer dans Ie fanftuaire; elle y relïa tout le temps que dura la meffe, qui fut célébrée avec beaucoup de folemnité. L'office fini, on plaga a cöté de 1'autel, comme un dépot précieux, les os d'Arfene dans un fépulcre qui fut fermé ivec de fortes ferrures, pour empê:her qu'on ne les dérobat. Le mardi le chaque femaine, on ouvroit fon :ombeau, & on expofoit fes reliques i la vénération du peuple. Quelque emps après , Arfene fut tranfporté lans une Eglife que la femme de ^aoul Protoveftiaire , avoit élevée br le terrein du monaftere de St. AnIré. Cette feconde tranflation fe Rt vee autant de pompe que la premiee. Non-feülement Andronic y affifta, nais de plus il fe chargea feul de tous es fraix de la cérémonie. Ce fut un Souble triomphe pour les Arfénites; n efFet, il n'étoit guere poffible de nieux entrer dans leurs vues , que e le faifoient & 1'Empereur & le 'atriarche, & tous les ordres de Etat. Andronic étoit veuf depuis quelues années. Anne, fille d'Etienne V,  du Bas-Empire. Liv. CII. 67 Roi de Hongrie, 1'avoit laifle en mourant pere de deux fils , Michel & Conftantin. II s'étoit affocié le premier k 1'Empire, & avoit deftiné au fecond quelque grand domaine avec le titre de Defpote. Andronic , ennüyé de vivre feul, fit demander k Pierre d'Arragon , fa niece en mariage, quoiqu'elle ne fut agée que de onze ans. Cette Princeffe, nommée Irene , étoit fille de Guillaume VI, Marquis de Montferrat, & de Beatrix de Caftille; elle joignoit aux charmes de la figure, beaucoup d'efprit. C'étoit alors une coutume établie parmi les Princes Catholiques, de ne jamais conclure de mariage avec les Grecs, qu'ils n'en demandaffent la permiffion au Souverain Pontife; comme le Roi d'Arragon étoit brouille avec le St. Pere, il envoya fa niece a Conftantinople, fans remplir cette formalité. Irene fut recue dans cette capitale avec tous les honneurs dus au rang qu'elle alloit occuper. Le Patriarche Grégoire la couronna Impératrice; mais on attendit pour faire la cérémonie de fon facre, qu'elle fut devenue snere» Andronic II. An. 1284.' je 1'Era. pereur. Pachym. /. I. c. 33. Andr. Nic. Greg. '.. 6 , c. 2. Phrant^a. h l.C J,  Andronic II. An. 1284. XXXII. Infultes 1 fakes a Veccus par les 1 Prufiens. ( Pachym. I. I. c, 34 & 3J. 1 ( 1 1 1 1 1 1 1 < 1 < < i 1 ] < 1 SS HlSTOIRE Veccus étoit toujours en butte aux :ontradicl:ions de fes ennemis; ils ne :effoient de le tourmenter jufque dans a retraite. Un certain Nicolas venoit le monter fur le fiege de Prufe. C'éoit un efprit borné, fans favoir, fans :apacité, & qui n'avoit jamais connu 1'autre école que les cuifines de l'Env >ereur, oii il avoit paffé fa jeuneffe, )n ne fait en quelle qualité. En ré:ompenfe, Nicolas étoit un fchifmaique des plus outrés ; a peine eut-il )ris poffeiïion de fon Evêché, qu'il 'oulut lignaler fon zele contre l'Eglife lomaine. II impofa a fes diocéfains 'obligation de jeüner pendant un cerain temps , pour expier , difoit-il, e crime qu'on avoit commis en nomnant le Pape dans les prieres publi[ues. Leshabitants de Prufe, qui trouroient que les jeünes & les abftinen:es n'étoient déja que trop multipliés lans leur Eglife , furent très-méconents de Pordonnance de leur nouvel üvêque. Ils s'en prirent h Veccus. -orfqu'il paroiffoit en public: Voila., liföient-ils, celui qui ejl caufe quon tous fait mourir de faim, puis ils le ;hargeoient de malédiclions. Veccus  du Bas-Empire. Ljv. CH. 69 avoit d'abord pris le parti de méprifer ces infultes ; mais comme les Prufiens continuoient toujours a 1'outrager, & que même ils attaquoient fes amis & fes domeftiques, toutes les fois qu'ils les rencontroient, la patience lui échappa; donnant alors une libre carrière a fa vivacité naturelle, Veccus traita PEvêque de Prufe fans ménagement; il le couvroit de ridicule en toute occafion, & ne parloit de lui qu'avec dédain; il déploroit le fort de ce diocefe, d'être gouverné par un pafteur, qui d'Officier de cuiline, étoit devenu Evêque , & qui pour toute préparation a cette éminente dignité, n'avoit fait que mettre fur fa tête ignorante un capuchon de moine, & changer fon nom de Nicolas, en celui de Néophite : car chez les Grecs, fouvent il n'en falloit pas davantage pour être digne de monter de 1'état le plus abjeft, aux grandes charges de l'Eglife. Veccus n'épargna pas non plus Grégoire, qui 1'avoit remplacé fur Ie tröne patriarchal. Pourquoi, difoit-il aux fchifmatiques , en fe comparant a ce Prélat, pourquoi m'accabler d'injures, & me Andronic II. An, 1284,  Andronic II. An. 1284. XXXIII. Nouvelle Conférence accordée a ce Prélat, Pachym. I. ï. c 34. | 3S. Andr, ' Nota Pof- j fini. Nic. Greg.1 /. 6. c. 2. | Fleury l, 70 HlSTOIRS fuir comme un profane, moi qui alprls naifance dans le fin de la nouvelle Rome ; moi qui ai recu le jour de parents de race Romaine, tandis que vous combk{ d'honneurs un étranger, un barbare né & élevé parmi les ltaliens, un homme que nous avons vu armer au milieu de nous, portant encore leur habit, & parlant même leur langue : fi c'efi vèritablement le iele dont vous vous oiqxiei pour la foi, qui vous anime contre moi , que 1'Empereur daigne nous affembler tous ; qu'il prête une oreille •mpartiale d mes raifons ; que des homnes religieux & vraiment éclairés , dé:ident d'après les Ecritures fi ma doc'rine dok être re'prouvée, & qu'on ne me livre pas avant de ni'avoir jugé, aux nfultes d'une vile populace, Ces difcours furent rapportés k ['Empereur, & c'étoit auffi 1'intention de Veccus. Andronic ne pouvoit s'empêcher d'eftimer ce Prélat, ors même qu'il favorifoit ouvertenent fes ennemis; il ne crut pas de/oir lui refufer ce qu'il demandoit. in conféquence, il indique un nouveau fynode au palais de Blaquerïes. Veccus s y rend avec Conftan-  du Bas-Empire. Liv. CII. 71 tin Méliteniote & George Métochite; ces deux Archidiacres avoient époufé fesfentimenrs, & parrageoient fes infortunes. L'aflemblée fut nombreufe, le Patriarche Grégoire s'y trouva; Athanafe, Patriarche d'Alexandrie, s'y fit porter fur un lit, paree qu'il étoit pour lors indifpofé. Tous les Evêques, la plus grande partie des moines, & un grand nombre de laïcs choifis parmi les premiers citoyens, affifterent auffi a ce fynode, qui fut préiïdé par 1'Empereur. Ce Prince y vint accompagné du Sénat & des Grands de 1'Empire. On agita dans cette conférence la queftion du dogme fur la proceffïon du Saint-Efprit; on y difputa longtemps fur Pinterprétation de certains pafTages des Peres, & principalement fur un texe de St. Jean Damafcene, que Veccus faifoit beaucoup valoir en fa faveur. Malgré tous les efforts de Pachymere pour affoibhr fes fuccès, on voit qu'il parut dans cette affemblée avec avantage. Tantöt mettant en j*u les refforts d'une dialectique aufli profonde que fubtile , il confondoit les faux raifonnements de Andronic ii. An. 1284.' 88. art, 24. 25. 26. 27.  Andronic II. An, 1284. 3 ! 1 1 < j ; 1 72 H I 5 I O I d E fes adverfaires, décompofoit leurs fophifmes, Sc en démontroit la futilité; tantöt employant 1'arme de 1'ironie, il déconcertoit leur perfonne, Sc leur faifoit perdre ce fang froid, S néceffaire pour réuffir dans la difpute. Les fchifmatiques, piqués de "es ingénieufes défenfes Sc de fes vi^oureufes attaques, ne lui repliquoient buvent qu'avec humeur, Sc leurs pa■oles pleines d'amertumes ne fervoient ju'a mieux faire fentir 1'impuiflance le leurs moyens, la foibleffe de leur :aufe, & le trouble de leurame. Le 3atriarche Grégoire, fut celui de tous es théologiens du concile, quimon:ra Ie plus d'animofité contre lui. Cherchant plutöt a le bleffer qu'a dé» fendre ceux de fon parti, il lui paria plufieurs fois d'un ton impérieux,& même infultant. Veccus avoit le cceur trop ulcéré contre un homme qu'il regardoit comme fon ennemi perfonnel, qu'il voyoit couvert de fes dépouilles, & tout refplendiffant des honneurs qui lui appartenoient, pour pouvoir fe contenir. Plein de dépit, tl fe tourne vers 1'Empereur, Sc s'écrie : Prince, jamais de tranquilïitè, ni  du Bas-Empire. Liv. CU. 73 ni dans l'Eglife, ni dans CE tal,, fivous ne chaffe^ cet homme du Jiege qu'il' a ufurpè. Cette apoftrophe hardie fut; trés-mal recue de 1'Empereur; il fe leva avec colere, reprocha a Veccus de le priver du fruit de tant de démarches qu'il avoit déja faites, pour ramener le calme dans l'Eglife, & finit par lui ordonner d'un ton févere , d'aller attendre fes ordres au monaftere de St. Cöme. Peu de momenis après, ce Princereprenant un ton plus adouci, le conjure lui 8c fes deux compagnons, de renoncer a ces malheureufes conteftations, 8c d'accepter la paix. II promet de leur accorder la liberté & fes bonnes graces, s'ils veulent condefcendre a fes volontés, &c il les prie afFeöueufement de ne pas le mettre dans la facheufe néceffité de les condamner k 1'exil. Veccus & les deux Archidiacres, ne croyant pas que leur confcience leur permit de céder, perfiftent dans leur refus, & déclarent qu'ils font difpofés k tout fouffrir, plutöt que de fe rendre. L'Empereur ayant perdu tout efpoir de vaincre leur fermeté , les fait embarquer fur un vaifTotne XX11I. D LNDRONIC ii. lB. 1284.  Andro- h1c ii. An, 1284. XXXIV. La Thrace & Ia Macédoine ménacées par les Tartares. Pachym l. i , c. 29, 37. Andr. 74 Histoire feau, & conduire a la citadelle de St. George, firuée a 1'entrée du gol- phe de Nicomédie. On les y laifla manquer pendant long-temps des cho- fes même les plus néceflaires a leur fubiiftanee. Sur 1'avis qu'on regut qu'environ dix mille Tartares des bords du Danube, commengoient a s'ébranler, &c menacoient de venir fondre fur la Thrace & fur la Macédoine , 1'Empereur crut devoir prendre les précautions que lui didfoient les circonftances. Comme le corps de Michel Paléologue repofoit dans un lieu fitué fur la route que les Tartares paroiffoient devoir fuivre, il donna des ordres pour le faire tranfporter au monaftere de Selymbrie, oü il fut placé vis-a-vis du tombeau de 1'Empereur Bafile Bulgaroftone. Si Andronic eut cette attention , c'étoit moins par refpecl pour les cendres de fon pere, que dans la crainte que Ses Barbares ne s'en emparaffent, tk. qu'enfuite il ne lui en coutat de groffes fommes pour les retirer de leurs mains. II donna ordre è ceux de fes ujets qui fe trouvoient les plus ex-.  du Bas Empire. Liv. Cil. 75 pofés aux attaques de ces nouveaux ennemis.de fe réfugier dans lesfortereiTes , quoiqu'elles tombaffent la plupart en ruine, & qu'elles fuffent dégarnies de troupes. II n'étoit pas non plus fans inquiétude fur le compte de certains Valaques, a qui on avoit permis de venir s'établir dans les environs de Conftantinople. La reffemblance de leurs mceurs avec celles des Tartares, donnoit lieu d'appréhender qu'ils ne prêtaffent les mains a ces derniers, & qu'ils ne fe joigniffent k eux. Cette crainte fit prendre contre les Valaques un parti très-rigoureux. L'Empereur voulut qu'ils paffaffent en Oriënt. Cette tranfmigration s'exécuta fi précipitamment, que les malheureux Valaques furent obligés de laifler la plus grande partie de leurs efFets fur les lieux, ou de les céder k vil prix. Une quantité fjrodigieufe de beftiaux qui faifoient leur principale richefle périt dans le trajet; plulieurs même de ces étrangers ne purent réfifter k la fatigue du voyage. Enfin, pour empêcher qu'ils ne fe multipliaffent trop dans leur nouvelle demeure, on eut reD ij Andronic II, Kn. 1284.  Andronic II. An. 1284, An. 1285, XXXV. Défaite de ces Barbares. Pachym. I, i. c, 29, Andr. 76 HlSTOIRE cours k un moven uui n'a iamaïs manqué fon effet; on les écrafa d'impöts. En peu de temps, la nation fut réduite k un petit nombre d'infortunés qui livrerent le peu qui leur reftoit, pour obtenir la permiffion d'aller finir leurs jours dans leur première patrie. Cependant les Tartares s'étoient avancés infenfiblement;déjailsavoient traverfé la Bulgarie, & étoient venus s'établir fur le mont Hémus, d'oü ils auroientbientöt pénétrédans lecoeur même de 1'Empire, s'ils n'euflentété arrêtéspar Umbertopule Curopalate, alors Gouverneur de Méfembrie &t des cantons circonvoifins : c'étoit un brave militaire, mais en même-temps un dévot fuperftitieux. Le zele avec lequel 1'Empereur s'occupoit des affaires de la Religion, lui infpiroit la plus grande vénération pour ce Prince; il s'en falloit peu qu'il ne le regardat comme un Saint; en conféquence, il s'imaginoit que le Ciel devoit k Andronic une proteöion particuliere, & que la vitloire ne pouvoit jamais manquer de fuivre fes drapeaus. D'après cette idéé, il  nu Bas Empire. Liv. CII. 77 ofa attaquer les Tartares, quoiqu'il n'eftt qu'une poignée de foldats tréspeu aguerris. Cette audace lui réuffit; les ennemis furent ou taillés en pieces, ou culbutés dans le fleuve voifin du champ de bataille. Cet événement caufa k 1'Empereur la joie la plus vive; il fit préfent a Umbertopule de chevaux, d'habits précieux, d'une fomme d'argent confidérable ; & de plus, il Péleva a la dignité de grand Papias. Veccus, en fe retirant, avoit laifle dans le cceur de fes adverfaires, un aiguillon dont ils auroient bien voulu fe délivrer» En conféquence, il s'agiterent beaucoup pour donner au paffage de Saint Jean Damafcene, qui lui avoit fourni de fi puiflantes armes contr'eux, un fens qui puts'accorder avec la fauffe dpörine des Grecs, fur la Proceffïon du Saint-Efprit. Le Patriarche Grégoire prit la plume & compofa un ouvrage , dans lequel, k la faveur de certatnes diftinftions métaphyfiques, il croyoit avoir parfaitement répondu k toutes les difficultés. II fut ïecondé par un moine nommé Mare, fon éleve, Ce D iij Andronic II. An. iiS;. An. ii86. XXXVI. Le PatriarcheGrégoire accufé d'erreur.1 Pachym, /. 1, c. i. 2.' i & 4. Andr, Le Qtilen. Oricns Chrifi. Nic, Greg, l. 6. 4,  AKDRO- An. 1286, An. 1287. XXX VII. Faux bruits en Europe concernant les <3recs, 1 1 I ( 4 i 1 < 78 H I S T O I R E moine publia fur la même matiere un traité que le Patriarche avoit Iu & corrigé de fa propre main avant de le laiffer paroïtre. L'écrit du maitre & celui du difciple ne contenterent perfonne. Veccus les réduifit en poudre; les fchifmatiques eux-mêmes en furent fcandahfés & les dénoncerent a 1'Empereur. Ces nouvelles difputes théologiques donnerent beaucoup d'embarras au miniffere , pendant tout le cours de 1'année 1287, & même de Ia fuivante. La plume des hiftoriens s'en eftauffi tellement occupée, qu'ils ne nous ont trafmis aucun autre fait digne d'attention. II paroit qu'en Europe on n'avoit que des idéés conMes fur ce qui fe paiToit alors a conftantinople. On difoit eif France 311e les Grecs, pour rompreavec l'Eglife Latine, fans laiffer aucun efpoir ie retour, s'étoient fait un Pape; qu'ils ivoient donné a ce nouveau Pontife les Cardinaux,& lui avoient même ormé une cour a-peu-près fembla>le a celle de Rome. Mais c'eft une himere, dont on ne trouve de tra-  du Bas-Empire. Liv. Cïf. 79 ces que dans la chronique de Guil- ' laume de Nangis. Ces bruits n'empêcherent pourtant. pas le Pape Nicolas IV, qui étoitmon-: té fur la chaire de Saint Pierre le 22 Février 1188, de faire de nouvelles: tentatives pour renouer les anciens traités entre les Grecs & les Latins; mais il n'étoit guere poffible qu'il put réuffir dans un moment ou l'Eglife Grecque étoit en feu , & tandis qu'on faifoit une guerre cruelle è tous ceux qui avoient favorifé la réunion , ou qui ne s'y étoient point oppofés. D'ailleurs, 1'Empereur fe trouvoit alors trop diftrait pour prêter 1'oreille a. des projets d'accommodement, quand même il n'auroit point eu une averfion infurmontable pour les Latins. II étoit humilié de voir que le Patriarche qu'il avoit choifi pour remplacer Veccus fur le fiege de Conftantinople , & pour le réfuter, fut luimême tombé dans l'erreur; &c fon efprit n'étoit occupé que des moyens d'étouffer ce nouveau fcandale qui déshonoroit fon Eglife. II voulut forcer Grégoire de reconnoitre publiquement fa faute, & de faire a fon liD iv Andronic II. V.n. I2S3: iXXVIII Grégoire ■efufe de 'e rétrac:er. °achym. /, l. c 4. Andr.  Andronic 11. An. 12SS. An. 12S9. XXXIX. 11 abdique. Pachym. I. 1. c. 6. 7. 8. 9. io. 17. Andr. 10 H I S T O J R E vre toutes les correftions dont i! avoit befoin, lui obfervant qu'il étoit indecent que des gens qui accufoient les autres de corrompre la doclrine enfeignée par les faints Peres, travaillalTent eux-mêmes a la détruire, Le Prélat étoit fier, il avoit une haute opinion de fon favoir, & fe croyoit prefqu'infaillible. II déclara qu'il ne fe rétraéteroitjarnais.Surfonrefus, 1'Empereur lui fit confeillerpar le Patriarche d'Alexandrie, d'abdiquer. Grégoire qui tenoit a fa place fut fourd a cet avis, ou s'il confentit de le fuivre, ce ne fut qu a des conditions qu'on ne pouvoit recevoir : cependant après avoir lutté encore longtemps, il eéda enfin a Porage, dans Pefpérance toutefois de voir renaïtre des jours plus fereins. II prit donc le parti d'aller demeurer dans un monaftere. Un jour de fête, Grégoire monte en chaire, prêche fon peuple, & termine fon difcours en lui annoncant ainfi fa réfolution : Jefuisy dit-il, en~ touré d'ennemis acharnés d ma pene; 11 m'ejl impojffible de réfijler feul d leur muldtude, Les Arfénites ne ujfent de  du Bas Empire. Liv. CII. 8i repeter qu'ils vivront en paix dis que faurai quitte le gouvernement de mon Eglife. Je veux êprouver s'ils feront fideles d leur parole. Qu'ils s'attendent, s'ils ofenty manquer, a me voir fortir de ma retraite, & fondre fur eux comme un lion. Auffi-tot il fe retira au monaftere des Hodeges, fans toutefois quitter l'adminiftration des affaires. Du fond de fa celluie, il continuoit roujours a gouverner fon Eglife; il y tenoit des fynodes avec les Prélats & les clercs de fon parti; il y rendoit des jugements en matiere eccléfiaftique. Une pareille retraite n'étoit pas de nature a fatisfaire fes ennemis; ils ne ceflbient d'en murmurer. D'un autre cöté, 1'Empereur, t©ujours tourmenté de fcrupules , doutoit qu'il put afïifter en füreté de confcience k Ia célébration des faints myfteres, fi on continuoit d'y faire mention du Patriarche. Les adverfaires de ce Prélat profitant de la pufillanimité de ce Prince, fuppriment, de leur propre autorité, des faints offices le nom de Grégoire; en mêmetemps ils repréfententa Andronic qu'il ne peut plus fe difpenfer de le conD v Andro» nic ii. An. 1289. üe Quien Oriens Chrijl. Nic. Gregt l. 6. t. 4.  Andronic II. in. 1289. | 1 1 i i 1 4 ] i 1 ?2 HlSTOIRE traindre d'abdiquer. Grégoire renouvelle fes proteftations, & déclare qu'il ne defcendra point du fiege patriarchal, qu'il n'ait prouvé que fa doctrine & fes principes font irrépréhenfibles; en conféquence, il demande k être entendu & jugé dans les formes, Andronic y confent. Au jour indiqué, le Patriarche dès le matin fe rend en grande cavalcade au palais impérial ou devoit fe tenir Paffemblée. L'Empereur avoit changé d'avis; inftruit par 1'exemple de ce qui s'étoit paffé ïux conférences tenues dans 1'afïaire Je Veccus, il prévit que celle qu'il ivoit indiquée k 1'occafion de Grégoire, n'auroit pas une meilleure iflie; il fit dire au Patriarche qu'il pourolt s'en retourner, & que le fynode ;toit révoqué. Grégoire fulmina & ura de nouveau, que jamais il ne fe lémettroit de fa dignité, qu'il n'eut ;té lavé de la tache dont on avoit létn fon honneur, & qu'il n'eüt difipé les nuages répandus fur la pureté le fa doctrine; il infifloit toujours >our qu'on lui permït de fe juftifier', 'X pour qu'on rendït publiquement érnoignage a fa croyance. Enfin, il  du Bas-Empire. Liv. CII. 83 fallut céder a fes importunités. Grégoire fut publiquement reconnu pour orthodoxe dans une grande affemblée, oü fe trouverent 1'Empereur, le fénat, Ie clergé, les moines & les habifants les plus diftingués de la ville. Dès-lors il n'eut plus de prétexte pour . refufer de donner fa démiffion; mais en même-temps il proteffa qu'il ne renoncoit au patriarchat que par complaifance & pour le bien de la paix ; que d'ailleurs il ne prétendoit pas fe dépouilier du facerdoce, paree que fa confeience ne lui reprochoit rien qui le rendit indïgne de monter è Fautel. II fe contenta d'écrire , de fa propre main , 1'afle de fon abdication fans le figner. Ce défaut de formalit^ fut relevé par fes ennemis; ils prétendoient que 1'intention de Grégoire étoit de fe tenir par-la une porte tou jours ouverte pour rentrer dans ft place, dès que 1'occafion s'en préfenteroit; mais 1'Empereur voulut qu'or fe cöntentat de 1'acte tel qu'il étoit La difgrace de Grégoire dut être ut vrai triomphe pour Veccus; elle étoi au moins, dans le principe , fon ou vrage. Pachymere dit expreffémen D vj Andronic ii. An, 1289* t t t t t  Andronic II. Au. 1289 1 i f i e f ( t C H HlSTOlRE qirïl s'en applaudit. Quoique cet Ecrivain ne foit pas toujours impartial ■ lorfquil parle de ce Prélat, 1'on n'a pas cependant de peine a croire que Veccus n'ait pu, malgré fa vertu, réiilter dans cette occafion au plaifir de la vengaance. II étoit d'un caratlere vif & impétueux; Grégoire 1'avoit offenfecrueliement, "& dans plusd'une circonfïance, Veccus lui avoit donné des preuves de fon reffentiment. On a déja vu fur quel ton il parloit de fa perfonne; & quelles qualifications odieufes ne lui prodigue-t-il pas dans un dernier écrit qu'il venoit de compofer contre lui ? Veccus y appelle Grégoire un fièau yenu d'au-deld des ners; il Je traite de béte marine, de nonftre ford des gouffres de tip de Chypre, non pour recevoir comme aurefois dans fes entrail/es un Prophete 'ue Dïeu envoyoit prêcher la pènitence s une ville criminelle, mais pour dévorer y engloutir CEglifi de Jefus-Chrifi toute rrnere. Quelque difpofé qu'on foit en aveurde Veccus, il faut cependant onvemr que ce ftyle n'efi nullement pifcopall, & que rien ne peut 1'exufer, düt-on en trouver plus d'un  du BasEmpire. Liv. CJI. 85 modele dans les ouvrages polémiques de nos plus faints perfonnages. Grégoire fe retira dans le petit couvent d'Ariftine, proche du monaftere de Saint-André, oü demeuroit la femme de Raoul Protoveftiaire. Cette Dame prit un foin particulier de fa pêrfonne, & lui fourniffoit tout ce qui pouvoit contribuer a lui rendre la vie non-feulement aifée, mais même agréable. On eft étonné de voir qu*une femme qui avoit obtenu, comme ] une grace fignalée, le corps d'Arfe- < ne, put accueillir fi bien un Prélat' qui n'étoit pas moins odieux aux Ar-' fénites qu'aux partifans de Veccus. II faut croire que la bienfaiöxice de Grégoire étoit de ces cceurs fenfibles, qui s'intéreffent toujours au fort des malheureux, de ces ames pour qui un ennerni & même un ennemi de re! ligion ceffe de 1'être, dès qu'il tomI be dans I'infortune. Peut-être aufli que cette Dame qui cultivoit les lettres , les aimoit affez pour leur facrifier toute autre pafïïon. Grégoire , comme nous 1'avons dit, étoit verfé dans la belle littérature, & elle pouvoit trouver dans le commerce de cel Andronic II. An, 1189, XL. Sa mort. Pachym. I. t. e. 10. [7. Andr. Lt Qjtiea ')ricns "hrifl. Voye[ kommens. injclmi 3andur. ia .ntiquitat, lonflant. . 939^  Andronic II. An. 1289, XLI. Tentarive de 1'Empereur pour réunir les Arfénites cntr'eux. Pachym. I. 2. c. 12. Andr. 86 Histoire höte favant, des agréments relatifsa fon goüt. Malgré fes efforts, pour lui procurer des jours paifibles & gracieux, die ne put jamais le confoler de la perte de fa place, ni diffiperle noir chagrin qui le confumoit; il y fuccombaen peu de temps, & mourut vers le mois de Mars de 1'année fuivante. Cette femme généreufe le regretta beaucoup; elle lui préparoit de magnifiques funérailles lorfqu'elle recut de la part d'Andronic, a la vigilance minutieufe duquel rien n'échappoit, un exprès pour lui défendre de faire obferver, a 1'enterrement de fon ami, les cérémonies réfervées aux Patriarches ; il fallut obéir. La vacance du fiege parut a 1'Empereur une occafion favorable pour ramener les Arfénites a l'Eglife ; mais auparavant il falloit les réunir entr'eux ; car ils s'étoient divifés en deux partis a 1'occafion de 1'épreuve dont on a parlé plus haut. Les uns, qui avoient Jean Tarchaniote k leur tête, trouvoient que cette épreuve étoit une abomination ; ils traitoient d'idolatres & d'adorateurs du feu,  dü Bas Empire. Liv. CU. 87 j ceux qui s'y étoient prêtés; en coni féquence, ils les fuyoient comme des j excommuniés , & refufoient même de leur parler. Andronic manda Jean Tarchaniote a Conftantinople , & fit tout ce qui dépendit de lui pour 1'en| gager a fe rapprocher avec les fiens I des autres Arfénites. Jean Tarchaniote rejetta avec opiniatreté toute efj pece d'accommodement. L'Empereur en fut très-mécontent; il étoit déja fort indifpofé contre ce Seigneur, ] paree qu'il le foupconnoit d'avoir 1 afpiré a la fouveraine puiflance. Des ; gants garnis de pourpre , & quelj ques autres ornements que le hafard I fit découvrir chez un domeftique ; de Tarchaniote, étoient le feul fon: dement de ce foupcon. Andronic le i renvoya dans la prifon d'oü il 1'avoit ; fait fortir pour conférer avec lui. Ce : Prince voulut enfuite effayer s'il réuf: firoit mieuxauprès d'Hyacinthe, chef : de la facf ion contraire. II lui donna un : des plus beaux chevaux de fon écurie pour qu'il put venir & plus fouvent i & plus commodément, au palais impérial; il le combloit d'honneur & de i marqués de coniidération ; il alloit Andronic ii. An. 1289/.  AndroNic II. , An. 1289. 1 ( 1 : 1 1 1 i 1 1 33 HlSTOIRE même jufqu'a fe lever refpeflueuement quand il fe préfentoit devant ui, fur - tout s'il étoit accompagné le quelques perfonnages qui euffent ;té condamnés è perdre la vue fous e regne précédent, ou qui portaf"ent quelqu'autre figne de la coleré le Michel Paléologue. Andronic ne nanquoit pas de complimenter ces )rétendus Confeffeurs, fur le courage ivec lequel ils avoient combattu pour a foi, &t en même-temps il les conmroit, ainfi que leur chef, de ne sas ternir, en fomentant un fchifme iunefte, la gloire dont ils s'étoient :ouverts. Hyacinthe affeftoit un air ïumble & foumis; la paix paroiffoit repofer fur fes levres , mais il s'en falloit beaucoup qu'elle fut dans fon :ceur. Cependant le crédule Andronic en concevoit les plus grandes efpérances, & ne doutoit pas que par fon moyen il ne vint a bout de réconcilier les Arfénites entr'eux,&de les faire rentrer enfuite tous enfemble dans le fein de l'Eglife. Dans la foie que lui infpiroit cètte idéé flatteufe, il mit Hyacinthe & ceux de fon parti en poflefTion du monaftere  du Bas-Empire. Liv. CII. 8< de Mofelé; mais le prefiige ne fut pa: de longue durée. Les Arfénites ne tar derent point a manifefter leurs vraii fentiments; ils flrentles'demandes le plus audacieufes; ils vouloient que 1; promotion de Jofeph au patriarchat füt déclarée illegale; qu'on foumit; leur examen les ordinations qui s'étoient faites fous fon pontifïcat, & qu'on leur laiffat la liberté de les dé clarer nulles ou valides fuivant qu'il: le jugeroient a propos. Enfin,'ilspré' tendoient qu'on leur remit le gouver nement de l'Eglife, fe croyant feul: capables de Ia conduire fuivant 1'efprit de PEvangile & des faints Ca< nons.L'Empereur, défefpérantdepóu voir gagner ces efprits indociles, jugea qu'il ne falloit pas laiffer plus long-temps l'Egüfe de Conftantinople fans Pafteur; il s'empreffa de donnet un fucceffeur a Grégoire. On s'attend, fans doute, que ce Patriarche va être remplacé par quelque perfonnage éminent en mérite, doué d'une grande fageffe, joignant au favoir un efprit conciliateur, tel en un mot que le vouloient les circonftances critiques oü fe trouvoient i Andronic II. I An. 1189, t t t XLir. Athanafe," Patriarche. Pachym, l. 1. c. 13. Nic. Gregi l. 6. j. Phrcnt^x ,  Andro- mic II. An. 1189. t)0 HlSTOIRE alors & l'Eglife & 1'Etat. Quelle dut donc être la furprife des gens fenfés, lorfqu'ils virent monter fur le tröne patriarchal un certain hermite, natif des environsd'Andrinople, qui avoit paiTé la plus grande partie de fa vie dans les cavernes du mont Ganos. C'étoit un homme fans éducation , fans politeffe, fans ufage du monde, n'ayant pour toute recommandation qu'une vertu fauvage. Sa promotion déplut au plus grand nombre; on en murmuroit hautement dans le public; fes ennemis le repréfentoient comme un homme dangereux, opi« niatrément attaché a fes opinions; & pour prouver la dureté de fon ame, on citoit une foule detraits, la plupart fort ridicules; on n'oublioit pas fur-tout 1'aventure d'un ane a qui il avoit fait crever les yeux pour avoir porté une dent facrilege fur les choux d'un Couveht. Cescontesne faifoient aucuneimpreflionfurl'efprit de 1'Empereur ; il en concluoit au contraire qu'il falloit qu'Athanafe fut inattaquable dans fes moeurs, puifque fes ennemis étoient obligés , pour le décrier, de recourir a de pareilles pué-  nu Bas-Empire. Liv. CII. 91 rilités. II fe félicitoit d'avoir donné a l'Eglife un chef pieux & régulier, brülant de zele pour les intéréts de la Religion , 6i pour la converfion des pécheurs. II ne faifoit pas attention , fans doute, que ces qualités toujours néceffaires dans un premier Pafteur, ne fuffifent pas feules pour rendre digne d'occuper un grand fiege ; qu'il faut encore des talents diftingués , une prudence confommée, & cet efprit de gouvernement toujours fi rare & fans lequel cependant il eft impoffible de faire aucun bien dans ces places éminentes. Athanafe ne fut que trop la preuve de cette vérité. Son facre eut lieu Ie 14 O&obre de 1'année 1289. Cette cérémonie fut précédée tk accompagnée de circonftances qui parurent a 1'imagination fuperftitieufe des Grecs, du plus finiftre augure. Au moment qu'on rinflalla dans la chaire patriarchale , un tremblement de terre fe Et fentir, & renverfa un enfant qui penfa périr de fa chüte. Quelques jours après, on crut voir les fenêtres de l'Eglife de Sainte-Sophie, au-deffus du tröne pontifical , s'agiter quoi- Andro- nic ii. An. 12S9,  Andronic II. An, 12.S9. XLIII. Simplicité affeflée du nouveau Patriarche.1'achym. 1 1. c. 13. 14. Andr, 02 HlSTOIRE que Pair fut tranquille ; ce qui étoit arrivé, difoit-on , lors du facre des cinq derniers Patriarches, qui tous avoient foufFert de grandes tribulations, & dont aucun n'étoit mort en place; de plus, lorfque, fuivant un ufage abufif alors trop commun , on vint a ouvrir le livre des Evangiles pour y confulter Poracle facré, les premières paroles qui fe préfenterent, furent ces funeftes mots t au diabic & a fes anges. A peine Athanafe fut intrönifé, qu'il voulut faire la cenfure du fafte de fes prédéceffeurs, en affe&ant la plus grande fimplicité dans fa maifon, dans fon extérieur &c dans fa maniere de vivre. II alloit toujours k pied, n'étoit vêtu que d'étoffes épaiffes,&portoit pourchauffuredemauvaifes fandales qu'il fe vantoit d'avoir faites lui-même. » Ce n'étoit pas la » cependant, dit judicieufement Pa» chymere,ce qu'on attendoitde lui. » Le devoir d'un pafteur ne confifte. » pas a porter des habits de draps » grofliers, ou des fandales quifoient » Pouvrage de fes mains; il confifte » a être rempli de cet efprit de cha-  du Bas-Empire. Liv. CU. 9; » rité & de douceur que J.C. de» mande de ceux a qui il confie Ie » conduite de fon troupeau ". Athanafe étoit bien éloigné de ces principes ; il ne diflimuloit même pas qu'il ij vouloit gouverner avec une verge dc 1 fer. II avoit fans ceffe a la bouche ces maximes , qu'il falloit trailer U péckeur fans miféricorde, & lui fain boire jufqu'a la lie le calice de la peultence; que les miniftres des Autels nt pouvoient tenir une autre conduite fans | 4tre traitres d Dieu & d l'Eglife. Des difcours fi menacants faifoienl trembler les Eccléfiaftiques qui étoienl fous fa jurifdi&ion. Les Evêques furent les premiers qui fentirent les ef- ; fets de fa févérité. Athanafe leur enjoignit de fe retirer dans leurs dioce- I fes; il trouvoit fort fcandaleux que ! les premiers pafteurs abandonnaffent leurs ouailles pour venir intriguer a la Cour, fe confondre dans la foule des courtifans, & y ramper comme I e"x autour du tröne. Pour leur öter tout prétexte de faire fi fouvent le voyage de Conftantinople, ou d'y refter trop long-temps, il les difpenfa de certaines affemblées fynodales oü Andronic ii. An, 1189. XLrV. ii met [a réforme dans le Clergé. iWc. Gug. I. 6. c. ï.  Andronic II. An. 1289. 94 HlSTOIRE ils avoient coutnme de fe trouver, Sc qui leur fervoient de prétexte pour réfider prefque habituellement dans la capitale ; joignant l'inftructtion a 'autorité, il compofa un Traité fur a Rifidtnce., qui exifte en manufcrit lans la bibliotheque du Roi; ce qui prouve qu'Athanafe n'étoit pourtant pas tout-a fait fi ignorant que le dit Nicéphore Gregoras. Jufques-lail n'y niroit pas eu fans doute de grands reproches a faire k ce Prélat. On ne peut non plus leblamer d'avoir voulu réformer les défordres qui régnoient alors parmi les moines. Qui n'auroit été comme lui mal édifié de voir des hommes qui avoient renoncé folemnellement au monde, pour fe confacrer dans Ia retraite aux exercices de la pénitence, vivre dans le luxe, Fabondance & le défceuvrement, fortir de leurs cloïtres, fe répandre dans les compagnies, fréquenter les palais ] des Grands, s'infinuer auprèsdesfemmes riches ou en crédit, s'emparer de ] leur efprit, de leur confcience, & quelquefois de leur cceur, allier avec I unhabit pénitent, des airs mondains & cavalier, fe promener dans les ^  du Bas Empire. Liv. Of. 95 i| rues & dans les places publiques de I la ville, montés fur des chevaux fins, fuperbement harnachés, & qu'ils faiI foient caracoller , dit un témoin ocu: laire, au rifque d'écrafer les paffants. li Qu'Athanafe ait voulu réprimer de || pareils abus, c'étoit un projet véri| tablement digne d'un Evêque; mais il ne falloit pas pour cela avoir re1 cours aux moyens violents qu'il em- ploya, ni infliger fans difcernement | les peines les plus rigoureufes k ceux I qui ne s'étoient rendus coupables que ! de quelques légeres infraöions a leur 1 regie. C'étoient d'autres moines qui I étoient tout-a-la-fois les dénoncia| teurs, les juges & les bourreaux de leurs freres. Athanafe les envoyoit ! par détachements vifiter les monafI teres. Armés de batons, ils frappoient | ceux qu'ils trouvoient en faute, ou : bien ils les jettoient dans d'affreux : cachots; & pour rappeller les Relij gieux a 1'efprit de pauvreté fi conv-venable k leur état, ils ufoientd'un expédient très-efficace fans doute; ils ; les dépouilloient de leurs biens. Ces ; terribles réformateurs étoient des ef- Andro- ïiic ii. An, 12S9, XLV. Férocité des Ajents d'A:hanafe.Pachym. /. 1. c. 16. Andr. Nic. Grcg. !. 6.c. 5.  Andronic II. An.nSo. 96 HlSTOIRE peces de demi-fauvages qu'Afhanafe avoit tirés des folitudes oü lui-même avoit vécu, pour en faire fes amis & fes confidents. Aulfi fon palais, qui n'étoit peviplé que de ces moines , avoit un afpecl: fombre & lugubre. On n'y rencontroit que des vifages p&les, défaits, des figures decharnées & mélancoliques, des hommes filentieux, prefque nuds, dont le regard farouche faifoit reculer d'effroi. C'étoit avec eux que le Prélat paflbit fes jours caché dans le fond de fa triftedemeure ; car il paroiiToit rarement en public, & fe rendoit d'un accès difficile. II ne fortoit guere de fa retraite que pour faire des réprimandes. II fe croyoit permis de gourmander le vice par-tout oü il le trouvoit ou croyoit Pappercevoir; alors ni la grandeur, ni les dignités, ni la nobleffe, ni le pouvoir, ni la richefle, ne mettoient a 1'abri de fes corre£tions. Les courtifans & les enfants même de 1'Empereur trembloient en fa préfence. L'envie de vouloir tout réformer, de faire revivre les mceurs de la primitive Eglife, & de rétablir 1'auüérité de  du Bas-Empire. Lïv. CII. 97 i de 1'ancienne difcipline , 1'engagea 3 dans des démarches inconfidérées, | d'oü ne pouvoient réfulter que dé; fordre &confuiion. Cependant TEmI pereur qui auroit du être le premier la fentir combien un zele fi déplacé * pouvoit nuire a la tranquillité publique, n'en avoit que plus d'eftime 6c i de refpect pour Athanafe; & lorf|j qu'on lui difoit qu'il devoit faire ini tervenir fon autorité pour réprimer 1 les exces de ce Prélat, il fe conten: toit de répondre : Voule^-vous donc . que je traite un Patriarche comme Nij colas Zicandyle? C'étoit le dernier 1 des Officiers de fa maifon. Cependant 1'Etat étoit menacé du i cöté de POrient. Les Turcs inquié] toient les provinces impériales. AnI dronic crutfapréfencenéceffaire dans 1! ces cantons pour contenir les barbares. ', D'ailleurs, il n'étoit pas faché de fe ; faire reconnoitre de ceux de fes fu1 ijets qui vivoient en Afie. II parcourut 1 une partie de Ia Bythinie, acccom1 pagné de Mufalon, grand Logothete. Ce fut pendant ce voyage qu'il alla vifiter Jean Lafcaris,qui réfidoit dans i ïa citadelle de Dacybife, oü Michel Tome XXUL E Andro». nic II. ka. izSf, An. 1190. XLVI. Andronic fait ratifier fon élévation au tröne par Jean Lafcaris. Pachym. U i. c. 36. Andr. Nic. Greg. I. 6. c 2, Phranfial, l. c. 7,  Andrc- KIC II. An. 1290. 98 HlSTOIRE Paléologue 1'avoit relégué après lui avoir fait crever les yeux. Andronic ne pouvoit fe diflimuler, que s'il ré- ] gnoit c'étoit au préjudice de ce Prince infortuné. II ne s'étoit point encore écoulé un laps de temps fuffifant pour établir en fa faveur ce qu'on appelle droit de prefcription , cette heureufe invention de la jurifprudence humaine, qui difpenfe de rendre k autrui ce qui lui appartient. D'ailleurs, les fourdes réclamations des Arfénites quiformoientunparti nombreux dans lanation, ne lui permettoient guere de fe flatter d'avoir encore obtenu ce confentement tacite des peuples, qu'on fait fi bien faire valoir quand il s'agit d'affurer la couronne a la poftérité d'un ufurpateur, & dont on, re manque jamais de contefter enfuite ! la néceffité ,quand on croit n'en avoirI plus befoin. Ces confidérations trou-i bloient fa confcience, & ouvroientj fon ame a toutes les inquiétudes &' a tous les foupcons. II étoit combattu d'un cöté par les reproches intérieursv qu'il fe faifoit k lui-même de retenir une couronne qui ne lui étoitl pas due ; &c de 1'autre, par la crainte  du Bas-ëmpire. Liv. CIL 99 1 que quelque révolution ne la lui enI levat. II crut pouvoir accorder fes fcrupules avec fes intéréts, ou au rnoins fe procurer un titre coloré, en engageant Lafcaris k ratifier fon exaltation au tröne; il n'épargna k ce Prince, ni les careffes, ni les promeffes, pour qu'il confentït a fes vceux. Quand il en eut obtenu ce qu'il defiroit, il donna ordre de le traiter avec diftincfion, & voulut ; qu'on lui procurat dans fa prifon tous les plaifirs & tous les agréments de la vie, en compenfation de ce que fon pere lui avoit fait perdre, comme ! fi quelque chofe pouvoit dédommager de la privation Sc d'un fceptre, ï & de la vue, & de la liberté. Andronic, après avoir terminé ■ cette affaire, vint s'établir k Nym1 phée en Lydie; il y arriva au mois de Juin 1290 , & y paffa environ j deux ans. Pendant fon féjour dans < cette ville, il recut la nouvelle qu'un 1 incendie avoit détruit un des plus beaux quartiers de la capitale. Le feu ' s'étoit manifefté dans la grande place du cöté de la porte royale; & malgré tous les fecours qu'on put y apE ij Andronic II. An, 1293, XLVIÏ, Incendie a Conftantinople. Pachym. L* 2. «. 2ï» Andr-,  Andronic II. An, 129c IOO HlSTOIRE porter, cette place, ornée de maifons, de palais, & garnie de maga.fins appartenants a de riches négociants, ne fut plus en peu d'heures qu'un monceau de ruines & de décombres. Les flammes fe feroient étendues beaucoup plus loin encore, fi Fon n'eüt pris le parti de leur couper le paffage, en abattant un grand nombre de batiments qui fe trouvoient fur leur direftion. Une immenfe quantité de marchandifes & de meubles précieux fut réduite, en cen.« dres. Le petit nombre d'effets qu'on put fauver, en les jettant dans les citernes & les puits qu'on avoit taris pour éteindre le feu , en fut retiré tout dégradé; de forte qu'il n'échappa prefquerien a cet incendie. Une foule de marchands fut ruinée par cet accident, & une multitude de malheureux fe trouva fans reffource. Pour épargner a la fenfibilité de 1'Empereur le trifte fpettacle de ce défaftre , on releva avec une célérité incroyable tous les édifices qui avoient été anéantis par les flammes; ainli lorfque ce Prince rentra dans Conftantinople , il retrouva la grande place  nu Bas-Empire. Liv. CII. ioï plus magnifique qu'il ne 1'avoit laiffée; l ce qui parut k fes yeux 1'efFet d'une forte d'enchantement. Nymphée, pendant qu'Andronic y réfida, devint le théatre d'un autre événement, qui, peu important dans fon principe, eut néanmoins les falies les plus facheufes. Le 29 Juin, [ jour de la fête des SS. Apötres, il I étoit d'ufage que les grands Seigneurs i fe rendiffent auprès de 1'Empereur, & i les Dames de la Cour chez Plmpéra! trice.La Strategopuline, niece de 1'Empereur Jean-Ducas Vatace, & femme I de ce Conftantin Strategopule , qui ■ avoit eu les yeux crevés par ordre : de 1'Empereur Théodore Lafcaris, fe 1 prélenta comme les autres pour rendre fes hommages k Irene. Venue ; trop tot k 1'appartement de 1'Impéra: trice, elle attendoit k la porte le mo1 ment oü ellepourroit être introduite. i Sur ces entrefaites arrivé Pépoufe 1 de Conftantin Porphyrogénete. Cette : jeune PrincefTe qui fe regardoit com1 me la première Dame de 1'Erat, après 1'Impératrice, étoit dans la plus riche parure, environnée d'un cortege bril! lant, & fuivie d'une foule de domef? E iij Andronic II. An. 129 c XL vim. Démêlé entre la Strategopuline & la femme de Porphyrogénete. Pachym, l. 2. C. 18. 19, Andr.  Andronic II. An. 1291. ( 1 1 i < 1 l i c 102 IÏISTO.IRE tiques. La Strategopuline, chagrine peut-être de fe voir éclipfée par fa petite-niece, fe contenta de lui faire un léger falur, fans fe lever. L'amourpropre de la jeune Princefle en fouffrit; elle ne put s'empêcber de faire fur Pheure éclater fon mécontentement. La Strategopuline allégua pour sxcufe fon grand age. Sa petite-niece ne fut pas fatisfaite. De retour dans fon palais, elle fe préfente devant fon mari toute en larmes, & fe plaint Jinérement de FafFront qu'elle vient 1'effuyer. Porphyrogénete, touché les pleurs de fa jeune époufe , promit le Ia venger. II n'ofa pas s'en prendre liredfement a la grande-tante de fa 'emme ; mais il imagina de la punir lans la perfonne d'un de fes Officiers lommé Conftantin Maurozome. Cet lomme étoit le favori de la Strate;opuline , & paffoit même pour fon mant. Conftantin commande a fes jardes de faifir Maurozome, de le lépouiller de fes habits, de le traïler dans cetétat de places en places 'Z de 1'y battrede verges. Son deffein toit non-feulement de bleffer Ie cceur e Ia Strategopuliae, en traitant fi  du BasEmpire. Liv. CII. 103 lignominieufement un homme qu'elle i aimoit, mais encore de 1'immoler ellejmême aux propos de la cour & de la ville; une pareilleaventure ne pouvoit manquer de réveiller 1'attention du public , fur les liaifons trop intimes qu'on la fuppofoitentreteniravec fon domeftique. L'Empereur, inftruit de cette vioilence , en futindigné; il ne croyoit pas que Conftantin, quoiqu'il fut fon frere, eüt le droit d'outrager le moindre de fesfujets; il étoit au contraire perfuadé que 1'honneur qu'il avoit t d'être le premier des citoyens, ne 1 lui attribuoit d'autre prérogative fur j eux, que de leur donner 1'exemple | du refpecl: dü a 1'ordre public. II fe j propofa donc de le faire repentir de i fa conduite téméraire. II ne fe livra 1 pas a ces emportements qui effrayenl . d'abord, & qui fe terminent prefque : toujours par un grand bruit fans aui cun efFet. Sa vengeance s'accrut pat degré: auffi les fuites n'en furent que plus terribles. Andronic fe contente d'abord d'ordonner qu'on fit fortii Maurozome de la prifon oü ConftanI tin le retenoit de fon autorité priE iv Andronic II. An, 1291. XLIX. Mécontentement de 1'EmpEreur contre fon frere. Pachym. I. 2. c. 19. And. Phrant{. L C. 7. B^ovius.  Andronic II. An. 1191 ÏO4 H I S ï 0 1 R E vee; enfuite il traita fon frere avee plus d'indifférence qu'a 1'ordinaire; ,puis il ceffa de le confulter fur les affaires d'Etat, Sc enfin lorfqu'il venoit lui faire fa cour, il ne daignoit feulement pas s'appercevoir de fa préfence. Si Conffantin lui adreffoit la parole, il ne lui répondoit pas, ou s'éloignoit avec affeöation. Conftantin commenca k concevoir de 1'inquiétude, Sc a craindre que cet orage qui grondoit fourdement fur fa tête, ne vint a éclater par un coup de foudre. II fongea férieufement a le conjurer. Dès-lors il n'y eut démarches qu'il ne fit, point de prévenances qu'il n'employat pour regagner les bonnes graces de fon frere; mais il n'étoit plus temps. Tous les fentiments de haine 8c de jaloufie qu'Andronic avoit concus contre Porphyrogénete pendant leur jeuneffe, s'étoient réveillés dans fon cceur. II fe rappelloit que Michel Paléologue, leur pere, avoit toujours paru donner la préférence k Conftantin. En effet, ce Prince le chériflbit davantage, paree qu'il lui trouvoit plus d'efprit, plus d'amabilité dans le caraétere, plus de graces dans  du Bas-Empire. Liv. CII. 105 la figure , plus de dignité dans Pextérieur. II lui avoit affigné un riche appanage; on prétend même que fon intention étoit de détacher du domaine de 1'Empire, quelques Provinces pour lui former un Royaume, dont ThefTalonique auroit été la capitale; de plus, on ajoute que dans certaines circonftances il avoit fait paroitre quelque regret de ne pouvoir lui laiffer la couronne impériale plutot qu'a fon aïné. Conftantin, loin de travailler a détruire les facheufes impreffions que fon. frere avoit prifes a fon fujet, ne^ fit au contraire que les fortifier par t fes imprudences. II vivoit avec une 1 magnificence qui éclipfoit 1'éclat du ] trone. Sa cour étoit aufli brillante Sc 1 auffi enjouée , que celle de 1'Empe-1 reur étoit trifte Sc férieufe. Ses manieres affables lui gagnoient tous les coeurs, Sc il s'étoitfait un grand nombre de créatures par fes libéralités ; ce qui donnoit de Pombrage a PEmpereur. D'ailleurs des gens qui avoient intérêt de mettre la divifion entre les deux freres, avertiffoient Andronic de fe défier de Conftantin, qu'ils acE v Anbuo-; nic ir. ia, 1291. L. Impruences de orphyogenete.lachym, l, . c 19. \ndr, Vic, Greg, 6. c. 6.  Andronic II. An.. 1291, 1 ; j ( i 1 j i < ER 21 eft con- ( damné. jpar 1'Ero- | pereur. ] Pachym. I. £ 2. c. 19. Andr. t Wc. Greg, J I06 H I S T O IR E :ufoient de confpirer contre 1'Etat, Sc de -vouloir s'emparer de Ia fou~ yeraine autorité. Andronic ne prêtoit jue trop volontiers 1'oreiIIe a ces dif;ours. Enfin, lorfqu'on s'appercutque :e Prin ce n'attendoit plus qu'un pré» exte pour perdre fon frere, on lui ^réfenta des gens qui dépoferent que Conftantin avoit eu depuis peu des :onférences nocturnes avec Michel Strafegopule Protoftrator , Sc qu'ils ivoientformé enfemble des complots Ie révolte; ils ajoutoient que fi on e vouloit, ils foutiendroient en face lux accufés la vérité de ce qu'ils avanfOient, Cette dépofition acheva de ;onvaincre 1'Empereur que les craines qu'il avoit eues jufqu'alors, n'éoient que trop fondées» Dès ce mo» nent, il coneut le deffein de faire ar» eter Porphyrogenete Sc fon. confïlent» Le jour pris pour 1'exécution de :e projet, Andronic ordonne a la ;arde prétorienne de fe mettre fous es armes dès la pointe du jour; puis l fait pofer des fentinelles dans tou» es les places publiques, & réunit auour de fa perfonne, les Officiers, de  du Bas-Empire. Liv. CII. 107 1'Empire avec tous les domeftiques de fa maifon. Après avoir pris ces pré' cautions dans le plus grand fecret, il mande fon frere & Strategopule. L'un & 1'autre fe rendent a fes ordres fans aucune défiance, & font bien éloignés de prévoir le fort qui les attend. Arrivés au palais, ils y trouvent le Sénat affemblé, & 1'Empereur aflis fur fon tröne. Andronic lancant fur eux des regards foudroyants, les charge d'injures & leur fait les plus fanglants reproches. Perfides que vous êtes , leur dit-il, voild donc la rêcompenfe des bienfaits dont je r?ai cejfè de vous combler. Vous, en fe tournant vers Porphyrogenete, vous ave{ confpirê contre votre maitre & votre ptopre frere; & toi, en montrant Strajegopule, contre le premier auteur de ta for' tune, contre celui d qui tu dois Cavantage de voir le jour. Atterrés par ces paroles terribles , les deux accufés lomberent dans une forte d'anéantiffement; enfin, revenus a eux, ils protefterent de leur innocence; mais aufïi-töton fit paroitre les délateurs, qui foutinrent leurs dépofitions avec beaucoup d'afTurance. L'Empereur E vj Andronic II. An. 1291.' /. 6 c. 6. Vhrant-t. U l , c. 7,  Andronic It. An. 1291, 1 1 » i 1 ( i I I , l 1 £ I C I F c 6 1 v V b d n n t< ïëf! H 1 s t o i r e étoit prévenu ; les preuves lui pamrent plus que fuffifantes, & fur le :hamp il prononca Ia fentence, con:re fon frere & contre Michel Straegopule. Le Protoftrator fut chargé le chaïnes, & conduit dans les pribns publiques; il étoit fils de ce faneux guerrier qui enleva Ia ville de Conftantinople aux Frarcois, & la renit a Michel Paléologue. Quant è Conftantin , 1'Empereur le fit enferner & garder par des foldats au prés le fon propreappartement; il déclara es biens de 1'un & de Pautre confif[nés. On remit au tréfor impérial outes les richefTes qui fe trouverent ans le magnifique palais que Confnntin avoit a Nymphée. Plufieurs erfonnes, tant de la cour que du lergé, furent enveloppées dans la ifgrace de ce malheureux Prince, 'elles furent les fuites funeftes de la anité d'une femme impérieufe. Nouel exemple des défordres & des troules qu'ont fi fouvent occafionnés ans Ia fociété, ces prétentions hoarifiques, ces graves minuties conues fous !e nom <1'étiquette. L'hif>ire ne dit point quel fut Ie fort de  ru Bas-Empire. Liv. CU. 109 la jeune Princeffe qui donna lieu a ces malheurs; elle 1'a , fans doute , abandonnée a fes regrets. Quel dut être en effet fon repentir de n'avoir point voulu facrifier un privilege de convention k un devoir de la nature ! Car il fera toujours dans Pordre de la nature , nonobftant toute efpece de cérémonial, que ce foit la petiteniece qui honore la grand'-tante* Andronic II; An, 129..l,   III ^^^^^^^^^^^ S O M M A I R E D V CENT TROISIEME LIVRE. AncE de Simonide. II. L'Empereur réprimande le Clergé. ui. 11 fe fait fcrupule de donner le titre de frere au Sultan de Bahylone. IV. Manage du Prince Théodore avec la file de Mufalon , rompu, V. Plainte du Clergé au Patriarche. vi. 11 fe plaint enfuite a 1'Empereur. vil. Athanafe fe dêmet. VIII. Le Moine Cofme élu Patriarche. IX. Premier jugement de Porphyrogènete, confirmé. x. Faux Lacanas, fes aventures. XI. Couronnement de Michel, fils ro- MIC II. et Michel sot fils. An, 129; XIV. L'Erape reur fe venge dl Clergé. Tachym. I 3. 3. Andr. Jufiin. nov 123. c. 3 Oricns Shrifl, I3S HlSTOlRE & par la proteéfion du fouveraia Maïtre des Empires, toujours prêta ehatier des fujets indociles. II les congédia froidement, & fe promitbien de les faire repentir de leur refus , en les attaquant par un endroit qu'il croyoit fans doute devoir leur être fort fenfible. Suivant une ancienne coutume , 'chaque Eccléliaftique qui parvenoit ; aux grandes places du facerdoce, faifoit des préfents a ceux qui avoient eu part ou a fon éledfion ou a fon facre. Un jour tous les membres du clergé recoivent ordre de fe réunir en fynode. L'Empereur arrivé k 1'affemblée, & après avoir pris place, fe met a débiter un difcours étudié fur 1'efprit de défintéreffement, qui doit diriger les Miniftres de l'Eglife dans 1'exercice de leurs fonöions. II y traita d'abus fimoniaque , & de vil trafic des chofes faintes, les honoraires qui fe diftribuoient aux ordinations, & finit par déclarer qu'il falloit faire ceffer un pareil fcandale. Tous les afïïftants réclamerent d'une commune voix contre cette efpece d'inftrucfion fynodale. Ils repréfen-  du Bas-Empire. Liv. CM. 139 terent a 1'Empereur que ce feroit enlever aux Eccléfiaftiques le plus beau de leur revenu, 64 les priver d'une des principales relfources qu'ils avoient pour fubfifter; que le culte divin en foufïriroit, & que les fideles manqueroient de Miniftres pour leur conférer les facrements. Ils lui rappellerent que cet ufage, qui lui paroiffoit fi criminel, s'étoit toujours pratiqué; qu'il étoit autorifé par les conftitutions de plufieurs de fes prédécefleurs. En efFet, nous avons une loi de Juftinien, qui fixe les fommesqua doivent revenir aux Patriarches, aux Evêques & a leurs Officiers, pour 1'ordination d'un Prélat ou d'un Prê« tre; une autre d'Ifaac Comnene, confirmée par Alexis Comnene, détermine ce qu'un Evêque pourra exiger d'un Prêtre pour fon ordination, & d'un Curé pour fon inftallation. L'Empereur fut fourd a ces remontrances, Peu de jours après, on vit paroïtre une conftitution impériale quidéfendoit de rien recevoir pour les ordirations, pas même un cierge. Le clergé terrafTé par ce coup d'autorités fefoumit, mais avec douleur. II n'y Andronic II. ET MlCHELSON An. 129J,  Andronic II. et Michel son fils. An. 1295. XV. Pénitence de Mufalon au lit de Ia Kiort. Pachym. I. 2. e, 31, Andr. I ! f 1 i I40 HlSTOIRE eut qne les Evêques de Smyrne Se de Pergame qui oièrent perfiïïer dans leur oppofition. Andronic fe prêtoit avec d'autant moins de fcrupule, auplaifir que pouvoit lui caufer cette petite vengean:e, qu'elle étoit déguifée fous les apparences d'un zele religieux. Cependant fa joie n'étoit pas fans nuage. tl voyoitavec chagrin 1'état défefpéré ie fon favori. Les douleurs dont ce Minifrre étoit tourmenté depuis longemps, devinrent fi vives, que rien i'étoit capable de les calmer; les renedes ne faifoientqu'aigrirle mal, &c out annoncoit a Mufalon qu'il n'a'oit plus que quelques inftants a vi>re. Voulant fe préparer a la mort, 1 fe fit vêtir en moine. C'étoit, pour infi dire, 1'habit de mode dans le[uel chacun vouloit alors mourir; >n croyoit apparemmenï qu'è la faveur de ce pieux traveltriTement, il toit plus aifé de s'introduire dans e féjour de la béatitude éternelle. Mufalon remplit enfuite une autre ormalité qui étoit plus conforme a efprit de la pénitence chrétienne; il emanda publiquement pardon de 1'a-  bu Bas-Empire. Liv. CIII. ï4i i bus qu'il avoit fait de 1'autorité de : fon maitre pour vexer fes fujets. Si I ces fortes de confeffions étoient aufïi 1 fréquentes qu'elles pourroient 1'être, j! il eft k croire que les Souverains & i leurs peuples en tireroient quelque profit. Cependant il ne paroit pas que 1 celle de Mufalon ait produit fur An; dronic d'autre effet que de 1'édiüei 1 fans doute beaucoup; car nous ne voyons pas que depuis il fe foit rendu plus difficile pour le choix de fes Mii niflres, ni qu'il ait veillé de plus prés ! fur leur conduite. Le corps de Mufalon fut tranfporté a Nicée, & inhumé dans le monaftere de Tornice, oü fa femme avoit droit de patronnage. Depuis quelques années, Andronic penfoit a donner une époufe k Michel fon fils ainé; plufieurs partis .s'étoient déja préfentés, mais aucun n'avoit pu réuffir. Anne , veuve de Nicephore Ange Ducas Comnene, defpote d'Etolie, & coufine d'Andronic, avoit, comme nous 1'avons déja dit ailleurs,une fille aimable nommée Ithamar. Cette Princeffe auroit defiré de la faire époufer au jeune Andronic ii. et Michel som fils. An. 129J. XVI. Mariage de Michel , avec Catherinede Oourtenai,•ompu. Pachym. /. I. c. 1S. • 3- c. j.  Andro- ■ nic ii. : et Michel son , fils. An. 129;. i i ] J t !4Ï H I 5 T 0 I R E vlichel; elle en fit la propofition a 'Empereur; & pour le déterminer a 'accepter, elle lui promit d'affurer i fa fille Ia plus grande partie des /aftes pofleflions du Defpote fon ma•i; mais Ithamar 61 le jeune Michel ë trouvoient être parents a un degré jrohibé : or, ni l'Eglife , ni 1'Empe■eur ne voulurent qu'il fut accordé le difpenfe pour leur mariage. Anne /oyant fes deffeins renverfés, obtint m moins d'Andronic la qualité de Defpote pour fon fils Thomas, & maria dans la fuite Ithamar a Philippe, Prince de Tarente, fils cadet de Charles II, Roi de Sicile. Elle lui lonna en dot de grands domaines dans 'ancienne Epire, & plufieurs villes faifant partie de Ia fucceflion de Ni:ephore, pere de la jeune Princeflê. Andronic n'auroit pas été éloigné de faire prendre a fon fils pour époufe, Catherine de Courtenai, petite-fille de ce Beaudouin II que Michel Paléologue avoit chaffé du tröne de Conftantinople. II avoit même envoyé des Ambaffadeurs a la Cour de Naples, oü cette Princeffe réfidoit, pour la demander a Robert, Comte d'Artois,  du Bas-Empire. Liv. CUE 14; qui gouvernoit ce Royaume, en qua'ité de régent, paree que Charles II. Jl Roi de Naples, oncle de Catherine, étoit alors prifonnier du Roi d'Arragon. Cette alliance auroit été un coup de politique très-fage. En confbndanl I les droitsou les prétentions des Grecs & des Latins, elle eüt étouffé toul germe de guerre entre les deux nal tions. Andronic fe füt trouvé délivrs : des inquiétudes que lui donnoient fan! i ceffe des gens qu'il favoit épier le : moment favorable pour faire une irI ruption dans fes Etats , & être toujours occupés du projet de le ren« 1 verfer de defliis fon tröne; enfin, fes ! ennemis naturels feroient devenus 1 les défenfeurs contre les barbares qui alors affailloient 1'Empire de toutes 1 parts. Le Pape Nicolas IV goütoit fort ce mariage, paree qu'il lui paroiffoit ouvrir une nouvelle porte a j la réunion de l'Eglife Greque avec celle de Rome, & préparer les moyens de reconquérir la terre-fainte, objet perpétuel des voeux des fouverains Pontifes. II prefTa le Comte d'Artois de faire réuffir , autant qu'il feroit en fonpouvoir, cette grande affaire. La Andronic II. et Michel sou FILS. An. iiQ$.  AndroNic II. et Michel son fils. An, 1295. XVII. Auire ma riage de ce Prin- I44 IIlSTOIRE Cour de Naples dépêcha, en conféquence, des Ambaffadeurs a Conftantinople; 1'Empereur les recut avec diftincnon, & les retint long-temps a fa Cour. Ils y étoient encore lorfque le jeune Michel fut couronné Empereur, & ils afEfterent même a la cérémonie; mais leur négociation n'en eut pas plus de fuccès, le mariage fut rompu. II y a toute apparence que ce fut la diverfité de religion qui y mit le plus grand obftacle. Andronic, fchifmatique zélé, aura probablement voulu exiger que la Princeffe renon^at a la communion Romaine , pour embraffer celle de l'Eglife Grecque. Peut-être auffi ce Prince, qui avoit jufé une haine éternelle aux Papes, voyoit-il avecchagrin Nicolas IV, intervenir dans cette négociation. II eft certain qu'il eut la petitelTe d'efprit de ne pas vouloir écrire en cette occafion a ce Pontife, pour n'être point obligé de lui donner, fuivant 1'étiquette recue, le titre de tres-faint Pere. Le mariage de Catherine de Courtenai & du jeune Empereur, ne pouyant avoir lieu, Andronic porta fes vues  du Bas-Empire. Liv. CHI. 14.' vues ailleurs. Deux autres puifTances recherchoient avec emprefftment 1'avantage de donner une époufe a fon fils; favoir, le Roi de Chypre & le Roi d'Armenie. Andronic n'auroit pas été faché d'accorder la préférence au j premier; il enjoignit donc a fes en d voyés de fe rendre d'abord en ChyIpre, avec ordre dans le cas oü ils j ne pourroient pas s'accorder avec le d Souverain de cette ifle, de paffer en ij Armenië. II chargea de cette impori tantecommiffion Athanafe, cePatriar ij che d'Alexandrie , dont nous avon< Idéja parlé plus d'une fois. Athanafe ij avoit de 1'efprit, du favoir & des tai lents pour les négociations. Andro) nic lui affocia un moine nommé Néoiphyte. Lorfque tous les préparatifs 1 du voyage furent faits, Athanafe parj tit avec un train, tel qu'il convenoil 1 a 1'AmbafTadeur d'un grand Prince : j il s'embarqua fur une galere qu'An)| dronic avoit fait équiper expres poui ijle conduire. A peine fut-il arrivé a i la vue de la ville de Phocée, que des i pirates qui infeftoient ces parages , i fondirent fur le batiment & s'en rens dirent maitres; ce ne fut que par un Tomé XXIII. G Andronic tl. et Michel son fils. An. i2oj. ce, avec la fille du Roi de Chypre , manqué. Pachym. I. 3- 5Andr.  Andronic Ui et Michel son fils. An. 1295. An. 1296. XVIII. Michel époufe la fceur du Roi d'Armenie.Vachym. I. 3.c. 5 6-6 Nic. Greg l. 6. c 3 Ducang. hifi. Conft i. 6. p. 201. Poffin. 01 fenat. I, 3- I46 II I S T 0 I R E :oup du Ciel, que le Prélat & fort :ompagnon échapperent a ces bri;ands. L'Empereur, inftruit du malheur d'Athanafe ck de Néophyte , nomma d'autres Ambaffadeurs pour. les remplacer. Ces nouveaux Miniftres allerent d'abord débarquer en Chypre, oü ils trouverent le Monarque fort difpofé a conclure 1'affaire qui les y avoit amenés; mais ce Prince étant de Ia communion romaine , n'ofoit paffer outre fans une permiffion expreffe du faint Siege. II falloit attendre long-temps avant que cette permiffion put arriver. Ces retards & cette formalité déplurent aux Ambaffadeurs Grecs; fans vouloir difTérer davantage, ils fe rembarquerent, & allerent aborder dans un port, fitué fur le golphe Iffus en Cilicie. La ils defcendirent pour fe rendre par terre a la Cour du Roi d'Arménie. Hayton, fils de Livon II, occupoit alors le tröne. Ce Prince accepta, fans aucune difKculté, tou'tes les conditions qui lui furent propofées de la part d'Andronic; & au•lieu d'une feulé Princeffe que les Ambaffadeurs venoient lui demander, i'  nu Ras Empire, f iv. CIII. 147 ; leur offrit fes deux foeurs, pour que 1'Empereur put choifir. Les Ambaffai deurss'étant concertés,acquiefcerent 1 au defir du Roi d'Arménie, & pri■ rent fur eux d'emmener les deux Prin: ceffes. Dans le cours dë la traverfée, ] I'ainée tomba malade; fa vie paroif- fant endanger, les Ambaffadeurs cruj rent devoir relacher aRhodes,dans 1 1'efpérance d'y trouverlesfecoursque : fon état demandoit. On profita de ï la circonftance oii elle fe trouvoit, pour lui faire abjurer le rit Armé- nien; puis pour achever de la pui rifier des fouillures que, fuivant l'oi pinion des Grecs, elle avoit contrac: tées dans la religion de fes peres, les i Prêtres 1'oignirent du faint chrême; i & en même-temps ils lui impoferent : le nom de Xene au-lieu de celui de f Marie qu'elle portoit. Quand elle fut r entiérement rétablie, les Ambaffa: deurs remirent k la voile, & allerent ! defcendre prés de Conftantinople au 1 monaftere de St. Cofme oü Andronic vint recevoir les deux Princeffes. Comme elles étoient 1'une & 1'autre parfaitement belles, & qu'elles avoient ■■ un mérite égal, 1'Empereur crut qu'il G ij Andronic ii. et Michel SOJf fils. An. 1296^ Chronol. c. 5. De Guig. hifi. des Huns, t. r. van. preTiiere , p. m- CantacurJ ld Nilum, Epiji.'  Andronic II. et Michel soi fils. An. 1296 148 HlSTOIRE étoit jufte de choifir 1'ainée pour fon fils. Cette Princeffe fit fon entree dans la capitale avec une pompe extraordinaire. On fixa le jour des noces au 16 Janvier de 1'année 1296. Andronic voulut qu'elles fuffent célébrées avec une magnificence qui furpaffat tout cè qu'on avoit vu jufqu'alors en ce genre; ce qui jetta dans des dépenfes qu'on auroit mieux fait d'employer a foulager le peuple, qui, fans doute, paya trés cher les apprêts de la fête , quoique fuivant 1'ufage il n'y participat guere. L'autre Princeflë fut deftinée a Jean-Ducas-Ange Comnene Sebaftocrator, frere cadet de ce Michel Ange Ducas, qui périt fi malheurêufement dans fa prifon au milieu des flammes. Elle s'appelloit Théophano ou Théphanon; mais elle changea de nom , & prit celui de Théodora, lorfqu'elle re^ut cesmêmes onöions que les Ptêtres Grecs avoient faites fur fa foeur. Quand le temps marqué pour fon mariage fut arrivé, elle partit de Conftantinople avec une riche dot pour aller en occident trouver fon futur époux; mais la mort la furprit en chemin,  r>u Bas Empire. Liv. CIÏÏ. 149 & elle fut enterrée k ThefTalonique. C'eft vers ce même temps que commenca en Bulgarie une révolulution, a laquelle 1'Empereur eut : quelque part. Nogaïa, ce chef des i Tartares a qui Michel Paléologue 1 avoit donné une de fes filles naturelI les en mariage, n'étoit originaire: ment qu'un partifan envoyé par les | Princes Mogols pour faire des courj fes au-dela du Danube. Les circonf. tances 1'ayant favorifé,. il avoit fecoué le joug de fes maitres, & s'é1 toit rendu fouverain de tous les pays ! dont il avoit fait la conquête. II avoit' : régné paifiblement dans fes nouveaux Etats pendant une longue fuite d'an-; nées; mais dans fa vieillefTe, il feJ I vit attaqué par Toghtagou , Khan du Kaptchac; ce Prince, connu dans . 1'hiftoire de Pachymere fous le nom i de Tudaïs, avoit fuccédé k la puif; fance 8c aux droits des Mogols fep■: tentrionaux.Tudtaïs étoit allié k 1'Empereur dont il avoit époufé une rille Mtarde nommée Marie Paléologine. 'Ce Tartare, craignant que les plaifusdu mariage n'amortifTent fon courage, Sc ne le détournafTent destraG iij Andronic ii. et Michel son fils. An. 1296. XIX. Révolution en Bulgarie.' Pachym, h. 3. c, 26. Andr. Oriens Chrlft. t.1. ■ ol. 123 y. De Guig, uft. des Huns,t. 3. Mogols du Kaptchac , r. 343 6- 149-  Andrg- hic II. et Michel sqn fils. An. 1296. [JO IIlSTOÏRE /aux mïlitaires, avoit eu la précati:ion d'envoyer fa jeune époufe a ['Empereur, pour qu'elle reftat a fa cour, tant que dureroit la guerre qu'il alloit faire k Nogaïa. Cette guerre ne fe termina pas auffi promptement, ni aufli facilement qu'il 1'avoit efpéré. Nogaïa fe défendit pendant long* temps avec beaucoup de bravoure ; plus d'une fois il fit répentir Pennemi d'être venu troubler fa tranquillité; mais enfin, la fortune 1'abandonna, fes troupes furent complétement défaites; il perdit même la vie dans le combat, & prefque tous fes domaines devinrent la proie du vainqueur. Cette expédition terminée, Tuftaïs redemanda fa femme k 1'Empereur; elle lui fut rendue chargée de préfents; Tuftaïs fe repofa dans fes bras des fatigues que lui avoient coütées fes glorieux exploits. Après la défaite & la mort de Nogaïa, Tzacas, fon fils, fe voyant dépouillé de la fucceffion de fon pere, tenta de fe faire un établifTement ailleurs. 11 forma Ie deffein de s'emparer de la Bulgarie avec le fecours d'un petit noiajbre de Tartares qui lui étoient de-  du Bas Empire. Liv. CIII. 151 ! meurés fideles. Nogaïa avoit chaffé ' Tertere du tröne de Bulgarie, & mis a fa place un Seigneur nommé Smiltzcs. Tertere s'étoit refugié a Andrinople, oiiil fe tenoit foigneufement caché; ce n'étoit qu'a cette condii tion que 1'Empereur qui craignoit i Nogaïa, lui avoit ouvert cet afyle. i Tzacas crut pouvoir reprendre a Smilti zès ce que Nogaïa fon pere lui avoit donné;d'ailleurs, il s'imaginoit avoir plus de droit que lui a la couronne de Bulgarie, puifque fon époufe I étoit la propre fille de Tertere. Son début fut heureux : a peine eut-il I manifefté fes prétentions, qu'une • grande partie de la nation Bulgare fe i déclara en fa faveur. Venceflas, frere • de fa femme & fils de Tertere, le : conduifitlui-même, comme en triomiphe, aTernove, capitale du Royau- me ; mais bientöt les chofes chani gerent de face. Venceflas fe répentit ide n'avoir point travaillé pour lui1 même, puifque par fa naiffance il étoit encore plus prés du tröne que fon beau-frere; il projetta donc de fupplanter Tzacas. Pour Pendormir dans iiine faufle fécurité, il continua de G iv Andronic II. et Mi- chel son fils. An. U96,  Andro- ÏIIC II. et Michel soï fils. An. 1296, 15; HlSTOÏRÏ vivre avec lui comme fon plus fidele ami. Cependant il agiflbit fourdement pour parvenir a 1'exécution de fon projet. Comme il manquoit d'argent, la première de toutes les reffources, il ne fit point difficulté d'époufer 1'héritiere d'un particulier qui avoit arfiafTé des richeffes immenfes dans le commerce. Ce négociant, flatté de 1'alliance de Venceflas, lui ouyrit fes tréfors. Venceflas y puifa pour acheter des partifans &c fe faire des créatures. Quand fes mefures furent prifes & toutes fes batteries bien dreffées, il fe déclara contre le nouveau Roi, fe faifitdefaperfonne ,1'enferma dans une prifon, & 1'y fit enfuite étrangler pardesJuifs. Iltraita,avec non moins de cruauté, le Patriarche Jbachim, Evêque de Ternove ; ce Prélat fut condamné par fes ordres a être précipité du haut d'une tour, fous prétexte qu'il entretenoit des intelligences avec les Tartares. Ces tragiques exécutions indifpoferent contre Venceflas plufieurs des principaux du Royaume. Ils réfolurent de fe défaire d'un Souverain qui ne fe fignaloit que par des aöes de  du Bas-Empire. Liv. CÏIU 1^3 tyrannie, & de rappelter au tröne la poftéritéde leurs anciens maitres. Des députés vinrent de leur part trouver 1'Empereur, pour le prier de leur envoyer Afan , fils de Conftantin Tech & de Marie, fille dé Michel Paléologue. Afan partit de Conftantinople , & s'approcha des frontieres de la Bulgarie; en même-temps Rodeflas qui tiroit fon origine d'une des plus illuftres families du Royaume, & qu'Andronic avoit élevé a la dignité de Sebaftocrator, partit de Theffalonique avec un corps de troupes impériales pour foutenirce nouveau prétendant. EItimir rdefpote de Cröne, oncle maternel de Venceflas, marcha a la rencontre de Rodeflas, le battit, le fit prifonnier, le priva de la vue , & 1'envoya en cet état a fa femme qui réfidoit alors a la cour de 1'Empereur. Cet échec ruina entiérement -3e parti d'Afan; Eltimirlivra a Venceflas tous les officiers Grecs qui étoient devenus fes captifs. Venceflas ne voulut les rendre h 1'Empereur , qu'a condition qu'on lui remettroit en échange Tertere fon pere, qui, fans stoute, avoit été aiv Andronic H. ET Ml* CHEL SO» F5LS. An. 1296,  Andronic II. et Michel son FILS. An. 1296. XX. Tremblement de" . terre. Pachym. I. 1 3- 15. ( Andr. Nic. Grcg.] L 6 if. 9.J I 1 c t i 0 q h in ft P v 154 H l S T 0 r R E rêté au moment oü fe forma le prQ=r jet de reporter Afan fur le tröne de Bulgarie. Au refte Venceflas fe contenta de procurer la liberté k fon pere , fans' lui rendre la couronne. Tertere finit tranquillement fes jours dans une ville que fon fils lui affi*na pour être le lieu de fa réfidence.' L'Empereur avoit entrepris de vixter une partie de fes Etats. II n'étoit ?as encore fort éloigné de Conftaninople, lorfque fa marche fut tout-a:oup arrêtée par un tremblement de erre qui fe fïtfentir la nuitdu premier uin. Les fecouffes fe renouvellerent •endant plufieurs jours avec plus ounoinsde violenee. Elles duroient enore Ie dix-fept du mois fuivant. Ce •emblement de terre paroifïbit avoir )n principal foyer dans le voifinage e Pergame, d'oit il s'étendoit jufu'aux frontieres de la Perfe. Nomre d'églifes & d'autres édifices qui ; trouverent dans fa direflion, furent mverfés. La forterefTe de Chliare it ruinée de fond en comble. Era lufieurs endroitSjla terre s'entr'ourit, & vomit des torrents qui fubergerent les envjrons, La capitale  du Bas-Empire. Liv. CM. 155 reffentit auffi les effets de ce terrible fléau; la couverture de l'Eglife de tous les Saints fut fort endommagée; la tête d'une ftatue de St. Michel qu'on voyoit dans cette même baliiique , tomba, & la repréfentation de la ville de Conftantinople qu'une autre figure de 1'Empereur Michel Paléologue tenoit entre fes mains, & qu'il paroiffoit oftrir a PArchange St. Michel, fon patron, fe détacha & vint fe brifer contre terre. Andronic ne manqua pas d'appercevoir dans ces divers accidents des fignes qui 1'avertifToient que Dieu étoit irrité contre la nation & contre lui perfonnellement. Frappé de cette idéé, il revint en diligence a Conftantinople pour s'y occuper des moyens de défarmer la colere divine. Andronic, en s'examinant fur fes obligations, reconnut que la plus effentielle de toutes étoit de faire rendre une juftice auffi prompte qu'exacfe • a fes peuples; il fe pénétra de ces vérités, quec'eft principalement fur la maniere dont les Souverains auront rempli ce devoir facré, qu'ils feront jugés par ce redoutable juge de 1'uniG vi Andro- kic ii. et Michel som fils. An. 129Ó. xxi. Andronic réforme la juftice. Pachym. I. 3. c. 16. 17. Andr.  Ah'drowc II. et Michel soi fiis. An. 1296 156 HlSTOIRE vers, dont ils font les repréfentants fur la terre; qu'ils lui répondront de toutes les iniquités coramifes dans rles tribunaiix, par Hgnorance, 1'ambition ou la cupidité de ceux qu'ils 'y auront places; que 1'exemple du jugement qui les attend, & ou ils ferontmis fur la même ligne avec le dernier de leurs fujets, leur apprendra qu'ils n'auroient pas dü fouffrir ces acceptions de perfonnes, ces préfér ences odieufes accordées au rang . a la faveur, k la parente , k la féduction, aux préfents. Tels étoient réellement les abus qu'Andronic ie reprochoit lui-même d'avoir entretenus par fa négligence. Pour expier folemnellement une fi grande faute , il ordonna des prieres publiques; elles furent terminées par une proceffion, a laquelle il afliffa avec toute fa Cour. Cette proceffion fe rendit dans la grande place de 1'Hyppodrome. La en préfence d'une image de ia Vierge, Andronic fit un long difcours, pour prouver que les calamitésqui affligeoient 1'Empire étoient en effet un chatiment du ciel. La Jerniere partie de cette prédication mpériale fut employée a, faire une  hu Bas-Emmre. Liv. CIII. 157 peinture, qui malheureufement n'a point encore vieilli, des brigandages qui s'exercoient dans les tribunaux. L orateur la ter mina en annoncant qu'il alloit prendre des mefures pour les faire ceffer. En efFet, peu de jours après, il tint dans fon palais une grande afTemblée, & y fit publier une nouveile ordonnance pour la réformation de la juftice. Après avoir prononcé un fecond difcours approprié a la circonftance, il voulut que les nouveaux magiftrats qu'il avoit nommés, fiffent ferment d'exercer gratuitement leurs fonftions, & qu'ils promiflent de traiter tous les citoyens avec une égale équité, fans aucune préférence pour perfonne, pas même pourl'Impératrice fa mere. Ces juges furent d'abord très-fideles a leurs engagements. Leur tribunal comme un autre Aréopage, étoit le refuge des innocents, &la terreur des coupables, de quel rang qu'ils fuffent. Mais bientöt ils fe relacherem de cette première févérité; le Prince, de fon cöté, négligea, comme c'efi Tordinaire, de tenir la main a 1'exéeution de fes réglements, & les "défordres re* prirent leur ancien cours. Andronic ii. et Michel sok fils. An. 1296.  Andronic II. et Michel so: fils. An. i2qê XXII. Les Vé nitiens ai taquent les Génois de I'éra. Pachym. I 3. c. 18. 19. Andi iWc. Greg l. 6. c, 11 150 HlSTOIRE : Ce n'étoit pas affez que 1'Etat eüt a fouffrir de la part de fes propres ennemis, il falloit encore que des que' relles qui lui étoient étrangeres, vinffent mettre le trouble dans le fein ' même de la capitale. Depuis long. temps, les Vénitiens & les Génois ?e ■ difputoient I'empire de la mer. Après une trêve qui avoit été affez mal obfervée, ils venoient de reprendre les armes, & ils fe pourfuivoient mu' tuellement avec cet acharnement qui . femble être particulier aux guerres ' de commerce. Le Sénat de Venife ' avoit arrêté un plan d'hoftilités ,dans lequel entroit le projet d'aller ruiner tous les établiffements des Génois fur le Pont-Euxin, a commencer par ceux qu'ils poffédoient a Conftantinople. En conféquence, les Vénitiens arment une flotte de foixante quinze vaiffeaux, qui traverfel'Hellefpont, & paroit le zz Juillet a la vue de la Capitale de 1'Empire. Andronic, a cette nouvelle, monte a cheval, fe rend dans 1'Hyppodrome, d'oii il pouvoit découvrir les navires Vénitiens , &C obferver leurs manceu- . yres j en même-temps il fit fermer  mj Bas-Empire. Lrv. CIIÏ. 159 !es portes de Ia ville ; toute Ia gar-! nifon prit les armes; des troupes furent placées dans tous les endroits ; oü les Vénitiens pouvoient aborder, ■ I car on ignoroit eneore quel étoit ï leur deffein. Pour s'en inftruire , ' 1'Empereur députeaRoger Morofini, 1 eommandant de la flotteun noble ' Vénitien qui étoit venu en ambaffai de a Conftantinople; mais ce Seigneur ne reparut pas; ce qui rendit fufpecls les Vénitiens qui étoient dans la ville y en conféquence , ils , furent tousarrêtés. Cependant la ftot; te Vénitienne ayant appercuplufieurs ; «avires Génois , fe mit a les pour1 fuivre ; mais elle ne put les attein[ dre. Après avoir manqué fon coup, 1 elle vint fe ranger dans le port de CéI ras. Les Vénitiens firent une defcen: te dans le fauxbourg de Péra ; ils ' n'y trouverent aucun Génois, paree i qu'ils s'étoient tous réfugiés dans Ia : ville. Andronic leur avoit affigné i pour afyle, un quartier voifin du ; palais de Blaquernes, & ils Pavoient : fortifïé a la hate. Pour en défendre 11'approche du cöté de la mer, ils ^voient coulé bas plufieurs de leurs Andrsfjic H. ET Ml- ;hei sok FILS.  Andrq- k1c II. et Michel son fils. An. 1296. itfo HlSTOIRE propres vaifleaux. Les Vénitiens, furienx de ne rien trouver dans les maifons Génoifes, les réduifent en cendres. Cette conduite étoit d'autant plus inexcufable, qu'ils violoient manifeftement le droit des gens. Lorfque 1'Empereur leur avoit permis , ainfi qu'aux Génois, de s'établir a Conftantinople, & d'y faire librement Iecommerce, il avoit été ftipulé que s'il furvenoit quelque dif« férend entre les deux nations , elles s'abftiendroient d'exercer aucun aöe d'hoftilité 1'une contre 1'autre , nonfeulement dans la ville , mais encore fur la mer, dans tout 1'efpace qui s'étendoit depuis Abyde , jufqu'aux murs de la capitale. Sans aucun ref« pe£i pour cette convention , les Vénitiens olerent venir prefque dans le palais de 1'Empereur, attaquer des gens qui vivoient fous fa protecYion, Ils poufTerent même Pinfulte jufqu'a s'emparer d'un navire de la marine impériale. Andronic, irrité de cette infolence , crut devoir permettre a fes fujets de fe joindre aux Génois pour repouffer les entreprifes de ces audacieux infrafteurs des trai-  13u Bas-Kmpire. Liv. ClfT. 161 , tés. Les Génois, rangés en bon ordre fur le rivage, combattoient vaillamment contre leurs ennemis; ils étoient foutenus par les Grecs, qui du haut I des murailles faifoient pleuvoir fur ! les Vénitiens une grêle de pierres & } de flêches. Quand les aflaillants virent arriver la fin du jour, & que i leurs efforts étoient fans fuccès , ils i allerent a Galata mettre le feu aux i maifons des Grecs qu'ils trouverent j auffi fans habitants, paree que les ] propriétaires les avoient abandoni nées, pour fe retirer avec leurs ef1 fets &l leurs families dans 1'intérieuï : de la ville. L'incendie dura toute la 1 nuit, &C il n'étoit point encore éteinl 3 au lever du foleil. Dès que 1'aurore i parut, les Vénitiens revinrent attai quer avec une nouvelle furie, U ] quartier oü les Génois s'étoient re1 tranchés. On eombattit de part & ; d'autre avec beaucoup d'acharnement, & la vicfoire fut long-temps i difputée ; mais enfin les Vénitiens, ; ayant perdu dans 1'aftion un de leurs i chefs , perdirent auffi courage; ils | prirent le parti de fe retirer hors de la portee du trait, & demanderenl Andronic II. et Michel son fils. An. 1196.  Andronic II. et Michel son fils. An, 1296. 162 HlSTOÏRE «ne fufpenfion d'armes; on convïnt même d'un pour-parler. L'Empereur envoya un fauf-conduita leur Commandant , pour qu'il vïnt conférer avec lui fans aucune inquiétude. Andronic Ie recut avec bonté, & lui reprocha fans aigreur 1'irrégularité de fa conduite. Le Général Vénitien fit de longs difcours, dans lefquels il étala ces lieux communs que la politique tient toujours en réferve pour excufer les infraöions faites a la foi des traités. Andronic feignit de s'en contenter; il propofa même d'envoyer vers la Seigneurie un Ambaffadeur que les Vénitiens fe chargeroient de conduire fur un de leurs propres vaiffeaux. Andronic choifit pour remplir cette commiffion , Nicéphore, Evêque de Crete , qui avoit quitté 1'ifle depuis qu'elle étoit paffée fous la domination de la république de Venife. Dès que la flotte Vénitienne eut levé 1'ancre pour s'en retourner , 1'Empereur condamna ceux des Vénitiens qu'il avoit fait arrêter , a payer folidairement quatre - vingt mille écus, pour réparer le dommage que les Grecs & les Génois avoient  du BAs-Empire. Liv. CIII. 163 fcufFerts par la ruïne de leurs mailbus, tant k Péraqu'a Galata; & pour s'affurer du payement de cette fomme, il fit faifir tous les biensqui leur appartenoient clans fes Etats. Cette démarche, un peu trop précipitée de 1'Empereur , ne fervit qu'a aïgrir davantage les uns contre les autres, les Vénitiens & les Génois qui réfidoient k Confiantinople. Chaque jour il s'élevoit entr'eux desquerelles que le Gouvernement avoit beaucoup de peine k pacifier. Ayton II, Roi d'Arménie, le même dont Michel, fils de 1'Empereur , avoit époufé la fceur, fe trouvoit alors k Conftantinople, on il étoit venu vivre fous 1'habit de Francifcain , après avoir quitté par dévotion la couronne. Ce Prince fe donna de grands mouvements pour réconcilier les deux nations , mais ce fut en vain, Les Génois, qui ne pouvoient penfer, fans frémir de rage, k leurs maifons incendiées, cherchoient fans ceffe 1'occafion de fe venger. Un jour, pouffés tout-a-coup, comme par une fecrete impulfion, ils pren óent les armes, fe jettent comme des Andronic ii. et Michel sok fils. An. 1296.' XXIII. Les Génois maffacrentles Vénitiensétablis a Conftantinople.Pachym. I. 3. c. 20. Andr. NU. Greg. r.6. c. 11. Voyc\ la ttaduclion de M. Coufin,  Andronic II. et Michel son fils. An. 1296. XXIV. Ambaffade vers les Vénitiens a ce fujet. Pachym. I. 3 . c. xi. Andr, löi H I S- T 0 I R E foreen és clans les maifons des Vénitiens , &maffacrent irnpitoyablement tous ceux qu'ils y rencontrent. Le Boy Ie , & non pas le Crocheteur de Venife, comme Pa dit ridiculement un traducleur trés - connu , trompé par une équivoque de mot, le Bayle de Venife, réfident a Conftantinople , fut la première viöime de leur barbarie ; on !e précipita du haut de fa maifon ; puis on mit fon corps en pieces. Le nombre de ceux qui perdirent la vie dans ce maffacre général, fut fi confidérable, qu'il fallut creufer de grandes fofles pour y entaffer les cadavres par monceaux. Aucun Vénitien un peu diftingué, n'échappa au fer des Génois. II n'y eut guere que ceux qui exercoient quelque profeffion méchaniqué , que 1'obfeurité de leur état déroba a la vengeance de ces furieux. Cette malhéureufe cataftrophe caufa de yives inquiétudes a 1'Empereur; tl craignoit que les Vénitiens ne Ia lui imputaffent; ils s'emprefTa de dé?êcher a Aquilée le moine Maxime Planude, &c Léon , maïtre de 1'hópi:al des orphelins, pour afTurer la Sei<  du Bas-Empire. Liv. CIÜ. 165 gneurie qu'il n'avoit eu aucune part a tout ce qui s'étoit paffé. Ces deux ; envoyés coururent rifque , en arriivant, d'être mis en pieces par les parents &c par les amis de ceux qui i avoient été m'affacrés a Conftanti1 nople; fi on leur conferva la vie, os 1 ne fut qu'a condition qu'ils refte; roient en ötage, jufqu'a ce que li J petit nombre de Vénitiens qui fi ■ trouvoient encore dans cette capital ' fut de retour. On congédia les am ■ baffadeurs avec mépris, & 011 le i chargea de dire h leur maitre com : bien la république étoit indignée di j 1'inhumanité avec laquelle il avoi traité , ou permis qu'on traitat fóu ! fes yeux, des hommes a qui il de voit fureté ■& protecfion. Les Véni tiens ajoutoient que jamais ils ne re nouvelieroient avec 1'Empire ,1e trait i dont" le terme étoit expiré depui : long-temps, qu'Andronic n'eüt aupa 1 ravantrétabli leurs compatriotes dan : la pofTeffion des biens qu'il avoit fai confifquer fur eux. L'Empereur de meura ferme dans fon refus. Si dan cette occafion il montra quelque vi gueur, c'eft qu'il favoit bien que le An drokic II. et Michel son FILS. An. 1296, t S s s t > >  Andronic II. et Michel son fils. An, 1296. XXV, Commencement*!es Ottomans.Nic. Grcg. I. 7. c. 1. Nota Ducang. ad Nic. Grcg. De Guign, Seljouc'f des d'Iconium. p. 76. 77- l66 HlSTOIRE Vénitiens n'étoient pas alors trop en état d'exécuter leurs menaces. Cependant les affaires du cöté de 1'Afie fe trouvoient dans la fituation la plus inquiétante. Chaque jour 1'ennemi y faifoit de nouvelles conquêtes; les Turcs s'étoient rendus maitres des provinces voifines du Méandre, Sc menacoient d'envahir toutes les poffeffions de 1'Empire dans ces contrées. Comme Phiftoire de ces Barbares va maintenant être liée avec celle des Grecs, il ne fera pas inutile, en prévenant même un peu les époques Sc les événements, d'en faire connoïtre fuccincl:ement 1'origine. L'irruption des Mogols détruifit fucceflivement toutes les branches des Seljoucides qui s'étoient établis dans les régions occidentales de 1'Afie. Celle de ces branches qui avoit formé la dynafiie des Sultans d'Icone, lutta long-temps contre la puiffance des fucceffeur de Gengiskan. Quoiqu'elle eüt efTuyé de grands défaftres, Sc qu'elle parüt même toucher a fa fin, il y eut cependant un moment oü elle fut fur le point de fe relever. Le Sultan Mafoud, fils de Kaikaous, ofa  du Bas-Empire. Liv. Cllf. 16-, iniême entreprenclre de foumettre :quelques Emirs Turcs, qui, k lafa; jveur des troubles, s'étoient fouf- traits a fon obéiffance. II tourna tou! tes fes forces contre Amerkan qu: i occupoit une affez vafte étendue d< ; pays fur les rives du Pont-Euxin , & i dont les Etats étoient connus fous I; j dénomination de Royaume de Mat l mara. Amerkan implora le fecour i des Mogols du Khorafan, qui eux : mêmes étoient intéreffés a ce que le i Sultans d'Icone reftaffent dans Feta ! d'abaiffement oü ils les avoient re duits. Kandgiatou Kan, Empereu 1 des Mogols, marcha en perfonne cor • tre Mafoud, Ie défit, & 1'obligead'a i bandonner fes domaines. Mafoud j après fa défaite, fe réfugia d'abord '. Conftantinople avec fa femme , ui de fes freres & fes enfants. Bientö il en partit pour fe rendre k Nym ! phée, oü 1'Empereur Andronic 1 \ irouvoit alors; mais enfuite il chan > gea tout-a-coup de deffein, foit qu': ■ compiatpeu fur le fecours des Grecs : foit même qu'il fe défiat d'eux. 1 rentra dans fon pays, & trouva I i moyend'yleverdenouvellestroupe: Andronic II. et Michel s on fils. An. 1296. I > ; t r * i 1 t 1 5 I  Andronic ii. et Michel son fils. An. 1196. 16$ Histoire Amerkan, allarmé des grands pre'paratifs du Sultan, & de plus trompé par fes promefTes infidieufes, vint fe rendre a lui avec fes fept fils. Mafoud le fit inhumainement égorger ; Sc de tous les enfants de ce malheureux Emir, il n'y en eut qu'un qui ne partagea pas fon fort. Aly, échappé feul au glaive du meurtrier de fon pere & de fes freres, jura de venger leur mort. II raffemble autour de fa perfonne une foule de Turcs k k qui il infpire fa fureur, fe met a leur tête, pourfuit Mafoud, Patteint, le combat & le tue. Avec ce Sultan tomba pour toujours 1'Empire des Seljoucides d'Icone. Après la mort de Mafoud, Aly & les autres Seljoucides ou Marcomans, qui la plupart vivoient dans les montagnes, recueillirent les -débris de fes Etats, & y ajouterent un grand nombre de pays qu'ils conquirent fur les Grecs. Pendant long-temps, ces Emirs demeurerent indépendants les uns des autres. Quelquefois même il s'élevoit entr'eux des débats fanglants. Pour les faire ceffer, ils convinrent de fe partager au fort les conquêtes qu'ils  cü Bas-Empire. Liv. CIII. ïcTp ■ga'ils avoient déja faites, & celles qu'ils fe propofoient de faire encore fur 1'Empire. La Paphlagonie jufqu'aux bords du Pont-Euxin échut , è Aly, fils d'Amerkan; le pays d'Icone a 1'Emir Ghermian; Soliman Pacha & fon fils Ibrahim furent mis en poffeffion du Royaume de Cafta- i .mon. L'Eolie & cette portion de la Myfie qui touche a 1'Hellefpont, furent le partage de Calam & de fon fils. Saroukan ou Sarcan eut le Royaume de Magnéfie , c'efï-a-dire , une partie de la Lydie & toute 1'Ionie jufqu'a la mer. La Phrygie, depuis : Philadelphie jufqu'a la Cilicie,fut dévolue a Caraman Alifiras, qui donna fon nom a cette contrée de 1'Afie. qu'on appelle encore aujourd'hui la Caramanie; enfin, la Bithynie & tout le pays qui eft fitué dans les environs du mont Olympe, fut deftinée k Othman ou Athman. Ce Prince de vint bientöt le plus redoutable de tous; infenfiblement lui & fon fils engloutirent la puiffance des autres Emirs, & réunirent fur leur tête toutes leurs poffefTions. Othman efl le chef de ces terribles Ottomans que Tornt XXllh H> Andronic II. et Mlchel sow fils. An. 12960  Andronic II. et Michel son ïils. An. 1296. XXVI. Othman fe venge d'un SeigneurGrec. Leuncl. hifi. Mufulman.0/jnan. I70 HlSTOIRE nous verrons détruire 1'Empire des Grecs, tk dont les defcendants font aujourd'hui fi nonchalamment affis fur le tröne de Conftantinople. Les écrivains Turcs ont recherché avec beaucoup de foin quel a été fon berceau, & leur orgueil leur afaitimaginer mille fables pour lui donner une naiflance illuftre. Othman ne fut, comme tant d'autres dévaftateurs du monde, qu'un brigand heureux, forti du néant pour le malheur de Phumanité. II avoit voué aux Grecs une haine implacable, fur-tout depuis qu'ils avoient tenté de s'emparer de fa perfonne par trahifon. Un Grec, Gouverneur du chateau de Jariffar, voulant faire les noces de fa fille, y invita plufieurs Seigneurs de fa nation, & les plus diftingués de ceux des Turcs qui réfidoient dans le voifinage de fon gouvernement. II preffa fur-tout Othman de venir honorer la fêfe de fa préfence. Othman inftruit du complot qu'il avoit formé de profiter de cette occafion pour 1'arrêter, fe crut en droit d'oppofer perfidie a perfidie. II fitaccroire au Gouverneur de Belejiki, complice  nu Bas Empire. Liv. CM. 171 de celui de Jariffar & fon futur genIdre, qu'il craignoit que les autres Turcs, fes rivaux, ne vinffent pendant qu'il affifteroit k fes noces, at:taquer Charachifar, lieu de faréfidence, & il finit par le prier de vouloit ibien donner afyle k fes femmes, & y recevoir avec elles fes effets le; iplus précieux. Le Gouverneur de Be lejlki confentit avec empreffement è une propolition qui paroiffoit s'acIcorder fi bien avec fes projets. 11 alloif idu même coup fe défaire de ce ré«doutable guerrier, &t fe mettre en jpoff^flion de toutes fes richeffes. Othsman fit déguifer en femmes quarante jjeunes gens déterminés, qui fe coujvrirent de longs voiles , fuivant 1'ujfage des Mufulmanes, & il les envoya jau Gouverneur de Belejiki avec une ; grande quantité de caifTes qui conte(noient, difoit-on, festréfors, mais ïqui en effet netoient remplies que üd'armes & de torches. Une plaine fituée prés du chateau de Belejiki, avoit Hé choifie pour être lethéatre de la jfête. Othman s'y rendit avec un cor|tege peu nombreux; mais il avoit fait icacher dans un bois voifin une troupe H ij Andronic II. et Michel son fils. An, 129 .  ANDRONIC II. et Michel son FILS. An. 1296, XXVII. 1'hilantropenecorari.andeen Afie contre les Turcs. Pachym l. 3, c. 9. Andr. Nic. Grcg. I. é. c 8, 172 HlSTOIRE de cent hommes bien armés. Les convives étoient affemblés, & commencoient déja a fe livrer a la joie, lorfqu'on vit tout-a-coup des tourbillons de flammes & de fumée s'élever du chateau de Belejiki auquel les prétendues femmes du Mufulman avoient mis le feu. Aufli-töt le Gouverneur, fon beau-pere, & tous les gens de leur fuite quittent le feftin pour aller éteindre 1'incendie; au même inftant les foldats d'Othman fortent de leur embu fcade, fe précipitent fur les Grecs, & les taillent en pieces. Après ce coup de main, Othman fe rendit aifément maïtre & du chateau de Belejiki & de celui de Jariffar. La mariée tomba entre fes mains, & il la donna pour époufe a fop fils Orcan. On prétend qu'elle devintmere du Sultan Amurat. Othman, ne refpirant, depuis cette aventure , que la vengeance, faifoit une guerre cruelleaux Grecs, & tachoit de fufciter contre eux les autres Emirs. C'en étoit fait de 1'Empire, fi Alexis Philantropene, fils cadet du Protoveftiaire Tarchaniote, n'eüt arrêté fes progrès. Andronic lui avoit confié avec un des principaux Gou-  du Bas-Empire. Liv. CIII. 173 vernements de POrient, la plus grande partie des troupes deftinées a fervir contre les Turcs. Philantropene, quoijqu'a la fleur de fon age, avoit tous les talents d'un vieux guerrier. II pofIfédoit au fuprême degré Part de fe ifaire aimer de fes foldats, cet arl ■heureux qui a toujours fait Ie paritage des grands Capitaines, & peut- être aujourd'hui trop méconnu d« certains militaires , qui, enorgueillii : de leur naiffance, fe croyent en droil fde traiter dédaigneufement des homsmes qui partagent avec eux les périli -jglorieux de la guerre, comme fi k ifang de tout citoyen, quelle qu'en feit la fource , n'étoit pas égalemem 'inoble dès qu'il coule pour la patrie {Philantropene devint donc la terrein I des Turcs; non-feulement il leur arra I cha toutes les conquêtes qu'ils avoieni ifaites fur 1'Empire, mais les repouff; ;au-dela des frontieres. Dans le nom bre de fes exploits, il en eft un au ; quel les annaliftes fe font attachés ave< une forte de complaifance. II y avoit prés de Méladun un cha teau nommé le Fort des deux Col lines, qu'oncroit être Pancien Didy H iij Andronic II. et Michel son fils. An. 1296. I . XXVIIT. II enleve ' une place • forte a la veuve  Amjiio. »ic Ut ti Mi- chej. son ni%. Ac. 1496. d'un SeigneurTurc. Pachym. I, 5- 9. Anit, 1?+ IIlSTÖIRE mion des Miléliens. C'étoit Ia réfidence d'une des femmes de Soliman Pacha, Seigneur Turc, mort depuis peu. Cette Dame s'y tenoitenfermée avec un tréfor immenfe. Philantropene auroit bien voulu remettre 1'Empereur en pofTeffion de cette place, Sc fe rendre maïtre des richeffes qui y étoient dépofées; mais la fortereffe défendue plus encore par la nature que par Part, fe trouvoit d'ailleurs munie d'une nombreufe garnifon, Sc il paroiffoit difficile de la réduire par Ia force. Philantropene imagina de s'en emparer par artifïce. Quoiqu'il fut marié , il fit dire a la Princeffe que, fi elle vouloit ferendre, il lui offroit de devenir lui-même fa conquête & de 1'époufer. Philantropene étoit jeune Sc aimable; cependant la veuve de Soliman ne fut pas tentée d'accepter la galante capitulation qu'il lui propofoit; elle répondit qu'elle fe^défendroit jufqu'a la derniere extrêmité. Le Général Grec, piqué de ce refus, & honteux de céder a une femme , prit fur le champ la réfolution de commencer le fiege. Ses talents Sc fa bonne fortune le fervirent fi  du Bas-Emhre. Liv. CIII. 175 bien , quën peu de jours la place fut ' emportée. L'hiftoire nouslaifTeigno- ■ rer comment il traila fon illuftre prifonniere; mais elle nous apprend qu'il c diftribua généreufement a fes foldats 1'or Sc 1'argent, &£ tous les effets précieux qui le trouverent dans la place. C'étoit 1'ufage qu'il faifoit ordinairement des dépouilles de 1'ennemi; d'ailleurs , il n'avoit pas d'autre retlource pour faire fubfifter fes troupes;car depuis long-temps, il ne recevoit de Conftantinople ni argent, ni provilions; il avoit même dépenfé une partie de fon bien pour payer fes foldats. Cet abandon général de la part du miniftere le chagrinoit beaucoup; d'un autre cöté, il n'entendoit pas, fans inquiétude lesplaintes perpétuel-1 les de fon armée. Ces difgraces le' dégoüterent du fervice; il demanda fon rappel; fa requête fut mal re§ue; on lui en fit même un crime d'Etat. C'étoit a fa gloire qu'on en vouloit, & non pas a fa place ; elle étoit trop périlleufe pour être enviée par des hommes efféminés, tels que ceux qui peuploient la cour de Conftantinople ; la jaloufie des courtifans, trop H iv Andronic II. et Mi- HELSON HLS. .n, 129(1, XXIX; Ses rroules 1'en;agent a )rendre e dhdé"ne. Dachym. U ). c. 9. Andr. Nic. Greg. I. 6. c. 8.  Andronic II. et Michel s-on fils. An, 1296, i 176" IhsrOÏRE fouvent difpofée è facrifier 1'honneirr & les intéréts de la patrie, & même la wie de leurs concitoyens pourvu qu'ds fe fatisfaffent, auroit defiré de le voir échouer. On lui expédia un ordre abfolu de refter k fon pofte, mais on ne lui paria point d'areent. A cette nouvelle, il s'éleve de toutes parts dans fon camp des murmures féditieux; 1 'Officier comme le foldat fe déchaïnent contre les deux Empereurs; ils déclarent qu'ils ne veulen* plus vivre fous 1'obéiffance de Souverains fi peu dignes du tröne, & exhortent Philantropene a prendre Iai pourpre impériale; fans même atten- ! dre qu'il fe foit déclaré, ils lui rendent des honneurs extraordinaires. Les plus échauffés étoient un corps Crétois, qui n'ayant pas voulu vivre fous la domination des Vénitiens 3evenus maïtres de leur ifle, en étoient fortis & avoient pris parti dans les troupes de Philantropene; ils y forraoient une légion de trois mille homnes, c'étoit 1'élite de fon armée. Aux tnftances de fes foldats venoient fe [oindre les repréfentations de gens amateurs de nouveautés, de ces hom-  du Bas Empire. Liv. CIII. 177 mes qui efperent toujours tirer avantage des révolutions que la difcorde peut faire naitre dans un Etat. II y eut même des moines, qui, s'écar tant de cet efprit de conciliation fi convenable a leurprofefiion, vinrent 1'affurer que 1'Empereur avoit formé contre fa liberté, &c même contre fa vie, des projets funeftes. En conféquence, ils Pexhortoient a ne rier négliger pour en prévenir 1'exécution; ils vouloient qu'il ceignit le diadêrne. Quand Philantropene fixoit le: yeux fur cette brillante fortune qu'01 lui faifoit voir en perfpeftive, il étoi ébranlé, 6c fe fentoit fecretement en trainé vers le parti qu'on lui propo foit. Souvent auffi il frémiffoit e confidérant la profondeur du préci pice fur les bords duquel il allo marcher. Ces divers fentiments vf noient tonr-a-tour agiter fon ame mais après bien des combats, le c de Pambition étoufFa la voix de confcience, 6c bientót il franchit li dernieres barrières du devoir; il r s'occupa plus que des moyens de s'a farer de ia fidélité de fes troupc H v Andronic II. et Michel son fils. An. 129Ó. ; XXX.' Ii commence a t s'ébran. Ier, & ha- rangue " contre le 1 gouvernement.. Pachym. U 1 3- 9- - Andr. . Nic. Gr eg. » U 6. c. S. ri a :s ie fs.  Andronic II. ET MlCHELSONFILS. Ara, 1296. ] ] < 1 > > y y >, K « J78 Histoire Les nombre en augmentoit chaque jour; une multitude de Turcs venoir fe joindre W lui; les uns, fubju par la tereur de fes armes , & les autres gagnés par 1'humanité avec laquelle il traitoit ceux de leurs compatriotes fur qui il remportoit la victoire. Philantropene, pour s'affurer davantage des difpofitions de fes foldats, les afTemble, & leur adreffe un difcours compoféavec beaucoup d'art. 11 débuta par leur rappeller combien d leur étoit dévoué,avec quel zele il s'étoït toujours occupé de leurs intéréts. II les félicita de 1'indignation 311e 1'amour de Ia patrie leurinfpiroit xmr des hommes qui vivoient dans le uxe, la molleffe & les plaifirs, tandis pie leurs concitoyens périffoient de nifere : » Nos courtifans, difoit-il, ' nos miniftresne penfent nullement ' aux affaires de 1'Etat. Affoupis dans le fein de la volupté , ils ne s'embarraffentguere fi, courbés fous le poids des armes, & manquant de tout, nous veillons au falut de la patrie; fi nous verfons notre fang pour la défendre contre les ennemis. Encore li ceux qui recueii-  du Bas Empire. Liv. CIIT. tj\ » lent tranquillement Ie fruit de no » travaux daignoient nous en témoi » gner quelque reconnoiffance; ai » contraire, nos fuccès les affligent » ils trouvent toujours des raifon » pour en dirninuer le mérite, Tai » dis que nous prodiguons notre vi » pour eux, ils nous refufent la me » dique paye qui nous eft due, i » nous ötent tous les moyens de ful » fifter. Un fort plus facheux encoi ►> nous attend. Nos amis nous mai » dent de Conftantinople qu'on r » pariede nous k la Cour que comn » de malheureux qui méritent d'e: » pirer fous le glaive de la Juftia w ïls ajoutent même qu'on y dé! » bere déja fur les peines qu'il fa » nous infliger. Nous voiladonc co » damnés k trainer une vie rempl » d'angoiffe, ainfi que des criniine » qui attendent 1'inftant oii 1'on dc » les conduire au fupplice. Ce qu'il » a de plus trifte, c'eft que ces d » pofitions ne font pas particuïiei » aux minittres & aux courtifans, » Prince lui-même les partage av >» eux. II eft le premier a fe déclai contre nous j il prête une orei H vj f 5 ZT_^iS' . Andronic ii. 1 , ET Ml;CHEL SOM e FILS. An. 11963 l- ' e 1Is>e !- e ie' t9 i- it 1- ie Is iit y if- es le ec er Je  Andro- kic II. et Ml-, «hel soi fils. An, 1296 3 3 xxxi, Philan-j tropene cede aux ] inftances 1 de (es. foW ^ iSo H I S T O U E - » attentive aux faux rapports qite fïri » font d'infames calomniareurs , & il » refufe d'écouter ceux qui entrepren» nent de nous juftifier.Remportons» nous quelque avantage fur 1'enne» nu, au-lieu dën témoigner de Ia » joie, it ne montre qu'un air fom» bre & chagrin. Si, lorfque nous » fommes heureux, on nous traite » ainfi, queferoit-ce donc fi la yic» toire qui nous a toujours accom» pagnée, venoit k nous abandorr» ner? ". Philantropene ajouta beaucoup d'autres réflexions qui ne tendoient toutes qu'a rendre 1'Empereur & fon fils méprifables. Sa harangue tut recue avec de grands applaudiffements. Les foldats s'écrierent tous. d'une commune voix, qu'ils ne voirteient plus reconnoïtre d'autre maï:re que Philantropene. En rnême:emps ils le fomment de prendre fur e champ Ie titre d'Augufle, & les narques de la dignité impériale. Philantropene, cédant en partre ux infiances de fes troupes, comnenca a fe conduire en Souverairr; 1 changea les garnifons de toutes les laces de fon gouvernement pour y  r>u Bas-Empire. Liv. CHL iSi mettredes Officiers & des foldats qu'il favoit lui être entiérement dévoués; I il défendit de faire dans fon armée i les acclamations d'ufage en Fhonneur I des deux Empereurs; tous les monafi teres fitués dans les lieux qui étoient i fous fon commandement, recurent ordre de fubftituer dans les prieres i publiques fon nom a ceux d'Androi nic & de Michel. Le premier acte d'hoftilité qu'il exerca contre fes maitres, fut de faire arrêter& d'envoyei : prifonnier a la citadeïle d'Ephefe. i Théodore, frere d'Andronic, lequel vivoit alors prefqu'en particulier dan! ces cantons, fur-tout depuis la dif|: grace de Conftantin Porphyrogénete, ; Cette précaution parut néceffaire a ; Philantropene, paree que fans doufe il craignoit que Théodore ne trouvat le moyen de traverfer fes deffeins,ou que les peuples en fecouanl Ie joug de leurs Souverains, nepréféraffent cependant d'obéir a un Prin I ce, qui, par fa naiffance, fe troui voitfi prés du trone. Après ce cou;: d'éclat, il conduifit fes troupes ver: Nyrnphée, & les fit camper dans h yoiünage de cette ville, II s'occups Andko- NIC ii. et Michel son fils. An. 1296. Pachym. I, 3 , c. 9, Andr. Nic. Grcg, l. 6. c. s„ t  Andronic ii. et Mlchelsohhls. An. 1296. I I I i xxxii. Soupcons C des Cré- j tois con- ' tre Phi. C lantrope- Cette réferve fit naïrre des foupcons pl'chym. 1. ^ Cortatzès, chef des Crétois; il s'i3. f. 9 & magma qu'elle cachoit quelque intea- 182 Histoire dans ce pofte k dreffer aux exercices militaires les nöuveaux foldats qui venoient journellement recrüter fon armée, & il s'attacha fur-tout aformer un corps de cavalerie Ie plus formidable qu'on eüt encore vu au fervice de 1'Empire. II fongea auffi k mettre dans fes intéréts les autres Gouverneurs des provinces Afiatiques, ou a les accabler par Ja force des armes , s'ils refufoient d'entrer dans fes vues. Libadaire Protoveftiaire, qui commandoit k Neocaftre & dans la Lydie, fut celui qui fïxa principalement fon attention, paree 511e fon gouvernement étoit voifin ïu fien. II n'avoit pas grande idéé les talents militaires de cet officier, k il ne doutoit nullement que, s'il ie pouvoit le corrompre, il ne vint 111 moins a bout de le réduire par a force; mais il fe trompa. Philantropene , quoiqu'il fe contuifït en Souverain, pet Ciüoh touours a ne vouloir prendre ni le titre 'Allgufte , ni la DOlirnre imnpria! avec 1'Empereur, Scilabandonner; h a la vengeance de ce Prince, tou » ceux qui auront embraffé fon par » ti; comme c'eft nous fur-tout qu » 1'avons prefle de lever l'étendarc » de la révolte, nous ferons les pre >> mieres viclimes immolées au ref » fentiment d'Andronic ". II com munique fes réflexions aux autre Officiers de fon corps; tous recon noifTent que fes obfervations font fa ges, & qu'elles méritent de leur par la plus férieufe attention. Ils délibé roient entre eux fur ce qu'ils devoien faire, lorfque des émiffaires vinrea les trouver de la part de Libadaire Ce Gouverneur étoit dans le plu grand embarras. II n'avoit qu'un peti nombre de foldats peu aguerris & mal difciplinés. Plulantropene , at Andronic II, et Michel sos fils. An. 1296. 10. Andr. • Nic. tireg. , l. 6. C. 8, l i t l i t i 1 t  Andronic II. et Michel soi fils. An. 1296 3 1 I 1 ï c X Io*4 HlSTOIRE contraire , commandok les meilfeures troupes de 1'Empire ; d'ailleurs , ion armée étoit conduite par un chef auffi heureux qu'expérimenté, qui 1'avoitaccoutumée a la viÖoire; & de plus, on devoit s'attendre qu'elle combattroit avec cette opiniatreté ordinaire a/ des gens qui en font réduits è vaincre ou a mourir. Libadaire fentit qu'il ne pouvoit, fans témérité, tenter Ia fortune des armes contre un ad verfaire qui avoit fur lui de fi grands avantages; il eut recours k 1'artifice. II fit ofFrir aux Crétois une amniftie Kde grandes récompenfes, s'ils vouloient lui livrer Philantropene; ce 3111 leur étoit d'autant plus aifé, qu'il feur avoit confié la garde de fa perfonne. Cortatzès & les Officiers qui ïtoient dans Ie fecret, déciderentqu'arant d acceprer les oftres de Libadai■e, il convenoit de faire une derniere entative auprès de Philantropene, >our le déterminer a prendre avec e titre d'Empereur, les ornement* Ie Ia fouyeraineté. » S'il acquiefce , ; dirent-ils, a notre demande, nous lui demeureronsfideles; fi, au con. tratre, il refufe de s'y conformer,  du Bas Empire. Liv. CIII. 185 » nous ne devons plus douter qu'il » ne fonge k négocier fon accom» modement aux dépens de ceux qui » fe font attachés a lui; alors il fau» dra fe hater de le prévenir, & faire » tomber fur fa perfonne les mal» heurs que peut-être il nous pré» pare ". En conféquence de cett( délibération, ils chargent les plus dif tingués d'entre eux d'aller fur I« champ repréfenter a Philantropene qu'a la veille d'une bataille qui doi être li décifive pour lui-même & poui eux, il ne peut fe difpenfer de pa roitre k la tête de fon armée avei tout Pappareil du fouverain pouvoir que le foldat combattroit avec plu de courage , lorfqu'il fe verroit com mandé par un Empereur ; que beau eoup de gens n'attendoient que l moment oü il fe revêtiroit de la1 pour pre, pour fe déclarer en fa faveur & même que cette démarche étoi abfolument néceffaire pour lui atta cher ceux dont la fidélité étoit en core chancelante. Philantropene re gut affez mal ces députés; il leur dé clara d'un ton abfolu qu'il étoit dé cidé a ne point fuivre leur confeil Andronic II. et Michel sotr ïils. An. 1296a > t 9  Andronic II. et Michel son fils. An. 1296. 1 ( 1 1 i 1 I I £ t XXXIII. Ils le tra- jj hiffent & . le livrent a Libadai-1 re. r Pachym. I. „ 3- c. 11. 1 Andr. n Nic. Gres;. ' l. 6. c. S. V lB6 HlSTOIRE jl les pria de s'en rapporter k lui pour le lucces des événements ; puis U ajouta avec une jacfance peu digne r a guerrier> que fon foufïle (uffiroit feul pour diffiper cette miferable nulice que 1'imbécille LibaJaire trainoit après lui. Cette réponfe eplutfort aux Crétois, & acheva ie les confirmer dans leurs foupcons. >ans perdre de temps, ils dépêchent 1 Libadajre des gens affidés pour traier avec lui, d'après les propofitions ju il leur avoit fait faire. On prit de «rt & d autre les plus grandes fürees pour n'être pas trompés; on s'enfagea par les ferments les plus horibles, & pour mettre le fceau k cette >erfide négociation, les Commiffaies refpeclifs fe donnerent réciprouement les reliques qu'ils portoient u cou. r Dès le lendemain, Libadaire paroit Ia tete de fes troupes. Auffi-tótPhimtropenefair mettre les fiennes fous ?s armes ; fe promenant de rang en ang, il exhorte fes foldats k bien nre leur devoir, ou plutöt il leur romet une vicfoire affurée; puis il arejoindre les Crétois qui formoient  du Bas-Empire. Liv. CIII. 1S7 fa garde ordinaire. Cependant les deux armées s'avancent. Lorfqu'elles ne furent plus qu'a la portee du trait, les Crétois, fans attendre le fignal du combat, précipitent le pas, & paffent du cöté de Pennemi, entraïnant avec eux leur Général qu'ils livrerent a Libadaire. On ne s'appercut pas d'abord de leur deflein; on crut qu'emportés par 1'impétuofitédeleur courage, ils vouloient avoir la gloire dechargerles premiers l'ennemi. Mais 1'erreur ne fut pas de longue durée. Bientöt on reconnut la perfidie des Crétois. Ce revers inattendu jetta la confternation dans 1'armée de Philantropene; fes foldats glacés d'effroi, reftent immobiles; k peine ont-ils la force de foutenir leurs armes. Libadaire , fans leur donner le temps de revenir de cet état de ftupeur, fond fur eux, & n'a que la peine de les faire égorger. Les Turcs furtout qui fervoient fous les drapeaux du rebelle, furent les plus maltraités ; les Impériaux ne leur firent aucun quartier. Philantropene, quoique dans les fers, faifoit encore trembler fon vainqueur. Libadaire ANDRONIC ii. et Michel son fils. An. 1296.  Andronic II. et Michel son fils. An. 1296. i ( ( l I 1 « g e li h p h ü Histojre craignoit que 1'amour des peuples ne les plortat a lui arracher cette proie , ou plutöt que Philantropene ne trouvat lui-même le moyen de s'échapper. Pour rendre fon prifonmer incapable de toute entreprife, il Ie condamna de fon autorité privée a perdre Ia vue. En vain Philantropene s'abaifla aux fupplications les plus humbles pour obtenir qu'on lui laiffat au moins 1'un ou 1'autre de fes peux, Libadaire demeura inflexible; e malheureux Philantropene fut linè k des Juifs chargés de ces fortes 1'opérations barbares; ces bourreaux ;xécuterent la fentence dans toute on étendue. Plufieurs de ceux qui voient fuivi le parti de Philantroene effuyerent Ie même fort, 8e is moines qui lui avoient confeillé e (e révolter, ne furent point éparnés. Cette viöoire mit Libadaire 1 poffefïion des richefTes que Phiintropene avoit fait dépofer dans tour de Porphyrogenete k Nymbée; il y trouva auffi Ia femme & fille de cet infortuné Général, & faifit de leurs perfonnes. Ces grands événements fepaüerent  nu Bas Empire. Liv. CJÏÏ. 189 dans le cours du mois de Décembre 1296. Le courier que Libadaire avoit dépêché aux Empereurs pour les inftruire de la révolte de Philantropene , ne put arriver a Conftantinople que le premier Janvier fuivant. Cette nouvelle jetta la Cour & la ville dans la plus grande confternation. Déja les deux Empereurs fe croyoient renverfés du tröne, &c craignoient même pour leur vie. La terreur étoit peinte fur le vifage de tous les courtifans; un morne filence régnoit dans toute 1'enceinte du palais ; & fi quelquefois on 1'interrompoit, ce n'étoit que pour accabler de reproches le Sebaftocrator, frere ainé de Philantropene. Mais ces reproches ne remédioient a rien. Les Empereurs, voyantPimpoffibilité de réduire un homme qui avoit entre fes mains les principales forces de 1'Empire, crurent ne pouvoir mieux faire dans une circonftance fi facheufe, que de compofer avec lui. Déja ils parloient d'offrir a Philantropene & le titre de Céfar, & des revenus fuffifants pour foutenir cette grande dignité, Tandis qu'ils délibéroient fur Andronic II. et Michel son fils. An. 1197. XXXIV. Cette nouvelle caufe une grande joie a Conflanttnople.Pachym. /. 3 1 c. 12. 13. Andr, Nic. Grcg, l, 6. c. S.  Andronic II. et Michel son fils. Au. 1297. I XXXV. Jean Tar- 1 chaniote , commande en Orient. < Pachym. I. . 3. c. 25. Andr. 1 iyo HlSTOIRE ce projet, arrivé un fecond courier qui annonce que les rebelles ont été taillés en piece , que leur chef eft dans les fers , & que la tranquillité eft rétablie. Andronic, franfporté de joie , fort fur le champ de fon palais , & accompagné de fes grands Officiers & de la garde prétorienne, il fe tranfporte au Monaftere de Notre-Dame des Hodeges; profterné devant 1'image de la Vierge, il lui adreffe de ferventes prieres en aétion de graces de 1'heureux changement qui s'efl apéré par fon interceffion. L'Empereur voulant auffi reconnoïtre le fernce important que venoit de lui renire Libadaire, le nomma Stratopédarque, & lui en fit délivrer le diplome concu dans les termes les plus ïonorables. Cependant il étoit néceffaire de lonner un fucceffeur a Philantrope1e, & d'envoyer au plutöt en Oriënt in Officier capable d'arrêter les in:urfions des Turcs. Ces barbares, irriés du traitement qu'avoient effuyé le la part des troupes de Libadaire, :eux de leurs compatriotes qui ferment fous Philantropene, mettoient  du Bas-Empire. Liv. CW. 191 tout au pillage dans cescontrées, & avoient fait prefqu'un défert de cett< vafte étendue de pays fitué entre I( Pont-Euxin & la mer de Rhodes. An dronic connoifToit la bravoure & le; talents militaires de Jean Tarchanio te. II eut la fageffe de le choifir poui commander fes armées en Afie, mal 'i gré les repréfentations du Patriarche. ' qui étoit fcandalifé de voir PEmpe> reur confier la conduite de fes troii' ) pesaunfchifmatiqueobftiné; comme fi 1'épée d'un fchifmatique ne pouvoii pas être d'aufïï bonne trempeque celle d'un orthodoxe. D'ailleurs, on peui dire qu'en cette oceafion, Andronic fe conduifoit par un motif de poli tique affez bien entendu. En occupanl a la guerre 1'atTivité de cet efpril bouillant, il 1'éloignoit de Conftantinople , & 1'empêchoit de fe mêlei des affaires de l'Eglife; il étoit fut que tandis qu'il combattroit les ennemis de 1'Etat, il ne fongeroit pas a troublerla tranquillitépublique, pour défendre le parti des Arfénites. Tarchaniote répondit complétement aux efpérances de 1'Empereur. Les barbares, battus de toutes parts, furent , A ndro- mc ir. 1 et Michel sou fils, 1 An, 1297,  Andronic II. et Michel son fils- An. 1297. XXXVI. Les Officiers de fon armée mécontentsde fes réformes.Pachym. I. 3. c 25. Andr. 192 HlSTOIR E obligés d'abandonner leurs dernieres conquêtes, & de s'éloigner des frontieres de 1'Empire. Tandis que Tarchaniote recevoit de la Cour des compliments fur le fuccès de fes opérations, il fe formoit contre lui dans fon armée, une confpiration qui pouvoit avoir les fuites les plus facheufes pour lui. Lorfqu'il vint en prendre le commandement, il n'y avoit aucune difcipline parmi les troupes. Le défordre venoit fur-tout de Ia part' des chefs. Ils vivoient dans la diffipation & les plaifirs, le luxe, lefafte & la mollelfe; en un mot, les mceurs diffolues & efféminées de la capitale , avoient paffé dans le camp; l'auftere Tarchaniote entreprit de réformer ces abus. II en étoit encore un autre auquel il B'empreffa auffi de remédier. De fimples foldats, paree qu'ils étoient plus riches que les autres, fe difpenfoient de leur devoir, en faifant des préfents aux Officiers. Tout le poids du fervice militaire tomboit fur ceux qui n'avoient pas le moyen d'acheter de pareilles difpenfes. Ces dernigrs, parmi lefquels il.s'en trouvoit un  du Bas-Empire. Liv. OU. 193 un grand nombre qui manquoient de tout, s'abandonnoient au découragement & portoient les armes fans zele, fans amour pour leur état. Tarchaniote fupprima toute efpece d'exemption, & voulut auffi qu'il y eüt plus d'égalité dans la fortune des foldats. Comme la plupart ne devoient leur opulence qu'au butin qu'ils avoient fait fur Pennemi, & quelquefois même fur les citqyens , il crut pouvoir regarder leurs richeffes comme un bien quidevoitappartenir en commun k toute Parmée; il exigea que ceux qui avoient trop, donnaffent de leur fuperflua leurs camarades. Si ce réglement lui concilia Paffeétion d'une partie des gens de guerre, il ne pouvoit manquer de le : rendre odieux a tous les autres. Les mécontents formerent contre lui une ligue. Ils entreprirent de le faire pafifer pour un homme dangereux qui méditoit des projets de révolte. C'étoit, difoit-on , pour fe mettre en état :de les exécuter, qu'il avoit cherché k capter la bienveillance de toute la miiice inférieure. Cette accufation pouvoit d'autant plus trouver créanTtmc XXlll, I Vndro- NIC H. ET Ml- :hel sok fils. Vn,i297.  Anjjiio mc II. et Ml- chel soi fils. An, 1297 194 HlSTOIRE ce , que Tarchaniote n'avoit pas toujours été exempt de foupcons. Théolepte, Evêque de Philadelphie, rercueillit avidement ces faux bruits, & n'eut garde de n'y pas ajouter foi. II en vouloit perfonnellement h Tarchaniote ,qui,dans plufieurs circonftances, lui avoitdonnédesmarques de mépris. Théolepte étoit ardent & vindicatif. Son imagination animée par la haine, s'échaufTe , & lui fait concevoir le deffein d'arrêter lui-même Tarchaniote , fans attendre les ordres de la Cour. C'étoit pour ce Prélat ambitieux un coup de partie ; nonfeulement il fe vengeoit d'un ennemi, mais , fuivant fes idéés, il rendoit aux deux Souverains & è la nation un fervice qui ne pouvoit être trop récompenfé. L'entreprife cependant étoit difficile & hafardeufe; commentarrêter un Général au milieu de fon armée ! Auffi 1'Evêquede Philadelphie fut long-temps a épier 1'occafion d'exécuter ce hardi projet; enfin, elle fe préfenta. II apprend que Tarchaniote s'elt retiré dans une maifon de campagne pour y jouirde quelque repos, Ik qu'il n'y eft accompagné que de  du Bas-Empïre. Liv. CIII. 195 fesdomeftiques; auffi-tötil raffemble ! des gens armés, fe met a leurtête, & s'avance enfeignes déployées vers ; la réfidence de fon ennemi. Tarchai niote, étonné d'une vifite fi peu épif; copale, fe réfugié dans un Monaftere i voifin, & en barricade les portes. i Théolepte inveftit le Couvent, & en ] Capitaine qui fait fon métier, il fomI me, avant de commencer 1'attaque, Tarchaniote de fe rendre, & en mê! me-temps il fait lire a haute voix un | écrit contenant les chefs d'accufation ( dont on Ie chargeoit. Tarchaniote paij roiffant fur la muraille, réfute chacun t des articles de ce ridicule manifefie , i & finit par repréfenter au Prélat comt bien il eft indécent pour un Evêque l de fe faire chef d'une troupe de féi ditieux qui viennent pour aflaffiner ) leurGénéral. Ces remontrances, loin ; de faire quitter les armes a Théolepte, < ne fervent qu'a 1'enflammer de coi; lere; & fans difTérer il donne a fa I roupe le lignal pour monter è 1'ef: calade. Tarchaniote n'avoit aucun 1 moyen de défenfe; ne fachant a quel expédient avoir recours, il s'avife ' d'arborer tbut-a-coup fur les murs, 1 ij Andronic II. etMi- :hel son fils. In. 1297. v  Andronic II. et Michel son fils. An, 1197. XXXVII L'Empe reur répond pu bliquement a ur libelle. Pachym. I 3. c. il Andr. Chronol. Pcftrni. I96 HlSTOIRE une image de Saint-George. A lavuQ de cet étendard, toute cette milice faifie d'une pieufe frayeur , prend la fuite , & laifle fon Commandant aux pieds de lamuraille, pour continuer le fiege comme il 1'entendra. Tarchaniote auroit pu aifément faire repentir le Prélat de fa témérité, mais il aima mieux quitter le fervice. II fentit qu'il n'y avoit point de füreté pour luia vivre parmi des gens fi mal difpofés; aurefle, foit que cette aventure eiit laiffé de facheufes impreffions contre lui dans Pefprit du Prince , foit qu'il fe fut livré de nouveau a fon zeleoutré pour le parti des Arfénites , la Cour le fit arrêter & mettre en prifon. Les provinces d'Orient ne joui'rent pas long-temps de la tranquillité que Tarchaniote leur avoit procurée. Ceux qui lui fuccédereut dans le commandement des troupes, fe , conduifirent fi mal, qu'en peu de ■ temps les affaires rëtomberent dans 1'état déplorable d'oii il les avoit tirées, & tout le pays fe trouva de nouveau expofé aux incurfions des barbares, Les ennemis s'approcherent  r>u Bas-Empire. Liv. CIII. 19? même fi prés de Conftantinople,qu'on : : craignit qu'ils ne vouluffent s'en ren- dre maitres; ce qui caufa une allarme : générale. On murmuroit hautement,c ! & on faifoit courir dans le public t ! une fonle d'écrits oii la négügence I du miniftere étoit vivement cenfu: rée. Un de ces libelles fut même 1 adrefTé a 1'Emperenr. On y déploroit I avec force les maux dont 1'Etat étoit 1 accablé,& la perfonne du Prince n'y j, étoit pas ménagée. Andronic le lut, i & en fut très-affedfé. Cependant il | ne voulut point qu'on recherchati'a1 nonyme qui 1'avoit compofé, maisil . prit le parti de le réfuter publique' ment. Ayant donné des ordres pour | que les Evêques, ie clergé & les prin: cipaux ckoyens s'alTemb!a(fent , il ' vintprendre féance, au milieu dTeux, • entouré de fes Officiers, des Grands 1 de 1'Empire & de tous fes courti; fans. Après qu'on eut fait filence, il < prononea un long difcours dans leI quel il entreprit de fe juflifier fur ', chacun des chefs d'accufation conte!.mis dans le libelle; puis il finit par interpeller 1'auteur de répondre a ce qu'il venoit de dire. On penfe bien ■ Vndro- KIC II. ET Ml- HEtSON FILS. :n.U97.  Andronic II. et Mi- CHELSON riis. An, 1197. XXXVIII Découverted'une excomnv.i- mcttlot Jaiicce cliudcfti- 19?' HlSTOIRE qu'il n'eut garde de fe montrer. Au refie, cette démarche n'étoit ni conforme aux regies d'une faine poiitique, ni digne de la majefré impériale. Convenoit-il a un Souverain de defcendre ainfi de fon tröne, pour entrer en lice avec un de fes fujets ? D'ailleurs, en donnant tant de publicité a un écrit pareil, n'étoit-il pas h craindre que les raifons qu'on y alléguoit, ne laiffaffent de profondes impreffions dans Pefprit même de ceux qui lui avoient le plus applaudi pendant qu'il parloit? II auroit mieux fait, ce femble, de profiter fans faire aucun éclat, des vues & des lecons qu'il pouvoit contenir, tk plaignant 'e/?r,t **es ^°'s auPrès defquels la vérité ne peut prefque jamais arriver que par ces voies clandeftines, tant les fentinelles du menfonge font bonne garde autour du tröne pour lui en défendre 1'accès. Une aventure affez finguliere vint encore troubler la tranquillité de ce Prince. Quelques jeunes gens qui cherchoient des nids de pigeons dans les galeries hautes du temple de Sainte Sophie, appergurent dans la cor-  nu Bas-Empire. Liv. CIII. 199 niche d'une cqlonne, un vafe de terre exaólement fermé. Cette découverte piqué leur curiofité; ils ouvrent le vafe, & y trouvent un écrit. La forme de cet écrit, & les fceaux dont il efl: accompagné, leur font juger qu'il convient de le remettre entre : les mains du Patriarche. Le Prélat rei connoït que c'eft une fèntence d'exi communication qu'Athanafe, avant de quitter le fiege patriarchal, a ful1 minée contre ceux qu'il appelloitfes j ennemis. Jean ne pouvant fe tranfporter pour lors au palais impérial, 1 dépêche Méthodius fon frere vers .' ! Empereur, pour le fupplier de 1'hoi norer de fa vifite, paree qu'il a une ] affaire de la plus grande conféquence i a lui communiquer. La lettre qu'ii f lui adreffoit en même - temps , fai1 fant allufion a la maniere dont 1'é■ crit foudroyant avoit été découvert, : difoit que fi la colombe de 1'arche I avoit apporté* autrefois k Noé & k : fes enfants un figne de grace & de. • bénédidfion, les colombes habitantes 1 de 1'églïfe de Sainte-Sophie n'étoient pour Andronic & podr fes fideles fujets, que des oifeaux du plus finiftre I iv Andronic II. et Michel son fils. An. 1297. nement par Athanafe. Pachym. t, 2. C. 22. I. 3.6. 24. Andr. Pojfin p. 572. , Nic. Grcg. I. ó. c. 7, FtiuryJ. S9. art, 56.  Andrcv sic ir. et Michel soi fils. An, 1197 XXXIX. Ondéli bere dan: un conci Ie fur fa validité. Pachym. I 3- 24. Andr. . Nic. Greg, i. 6, t, 7l 2öo HlSTOÏRE : augure, puifqu'elles venoient de faire connoitre qu'ils étoient tous fous 1'anatbême; il ajoutoit que pour com- 'ble de difgrace, il n'étoit plus au pouvoir de celui qui les avoit mis dans les Hens de les en tirer; qu'il n'y avoit par un feul moment k perdre, pour délibérer fur les moyens de fortir au plutöt d'un état qui mettoit fi fort en danger le falut de leurs ames. A cette nouvelle, 1'Empereur court tout épouvanté au palais patriarchal; inftruit plus particuliérement de Paffaire , il mande fur le champ le Patriarche d'Alexandrie, 1'Evêque d'Ephefe, tous les Prélats qui fe trouvoient pour lors a Conftantinople, & avec eux toutes les perfonnes verfées dans les matieres eccléfiaftiques. On apporte dans Faffemblée Purne fatale, on en tire 1'écrit funefte , & chacun en écoute la lefture en frémiffant. La terreur redoubla lorfqu'on en vint a cette terrible concluuon qui terminoit la fentence d'Athanafe. Qiioiquc les aclions de tout homme doïvent être manifejlées au grand jour du jugement i cependant comms j'apprends  du Ba «-Empire. Liv. CÏÏI. aor que quelques per/onnes font fcandalifêes des calomnies que le Diable a vomies contre moi, je veux y répondre, & je dis Si je me fuis rendu coupable de fornication, d'adultere ou de pêché contre nature ;fi fai en matiere de foi dyautres principes que ceux qui font enfeignés par rEglife de Jefus-Chrijl, qui nous ont été tranfmis par fes Apótres & fa Difciples , & enfuite par les faints Peres ;fi' je ne rejette point toute doclrint heterodoxe, je veux être frappé d'anathême, & je confens d être retranché du corps myflique de Jefus-Chrijl; je veux que mon partage foit avec le traitre qui a livrè mon Sauveur, & avec les bourreaux qui tont crucifiê. Mais fi fai toujours fidêlement rempli les devoir s de ma place ;fi je ne me fuis jamais écarté de la faine doctrine; fi jt riai jamais prêchê que les vêritês de CEvangile, & fi je me fuis toujours conduit d'une maniere irrêprochable, jt dêvoue irrévocablement d tanathême ceux qui niont diffamê par de fauffes accufations ; qu'ilsfoient rejettês du fein di l'Eglife , & qu'ils demeurent d jamai, fêparés dé la Trinitê, fource de la bêa ütudi éternelle , & de toute fainteté. Pé l V Andronic ii. et Michel soit FILS. An. 1197.  AfJDRC NIC II ET Ml CHEL SC FILS. An. 129 £02 HlSTOIRE ? rijft avec eux celui qu'ils ont poujfèpar ' leurs indignes manoeuvres a me couvrir . d'opprobre, &dme trailer fi cruellement. n On concoit combien ces dernieres pa7 roles dürent faire trembler 1'Empereur. Alors on fe hata de délibérer fur ce qu'on devoit faire dans une pofition fi critique. Les Evêques prétendoient qu'effcdlivement il n'y avoit. qu'Athanafe qui put lever 1'anathême dont il les avoit frappés. Ils furent contredits par queiques Canonifies qui, plus éclairés, déciderent qu'il ne falloit nullement s'inquiéter des fuites de cette excommunication; qu'elle étoit viciée dans fon principe , puifqu'on y reconnoiflbit tous les caracteres de la païfion & de la vengeance; que d'adleurs elle n'auroit pu nuire a perfonne, ayant été portée furtivement, & a 1'infu de ceux contre qui on avoit prétendu la diriger. Ils ajouterent que, quand même cette fentence d'excommunication ne pécheroit point par les formes , il feroit très-poflible de la faire lever par le fynode qui étoit au -deflus du Patriarche , puifqu'il avoit le droit de le citer k fon tribunal, & même de 3 e dépofer,  du Ras-Empire. Liv. CIII. 203 L'Empereur, dont la confcience pufillanime craignoit toujours de ne pas prendre affez de précautions, voulut qu'on députat vers Athanafe, pour favoir de fa propre bouche s'il étoit véritablementrauteur de 1'écrit qu'on lui attribuoit; a quel deffein il 1'avoit fabriqué , & s'il perfévéroit encore dans les mêmes difpofitions oü il fe trouvoit en le compofant. Athanafe reconnut que c'étoit fon ouvrage ; il convint de bonne foi que la colere feule le lui avoit diclé: il ajouta qu'il ne doutoit point que de pareils anathêmes ne fuffent radicalement nuls; qu'au refte, il les anéantiffoit autant qu'il étoit néceffaire: il dit même qu'il avoit eu intentior de les révoquer avant de fe retirer; & que s'il ne 1'avoit pas fait, c'étor par oubli. L'Empereur ne fe content? pas de cet aveu verbal, il voulu: qu'il le confirmat par un acte fign< de fa rriain. Athanafe fe foumit ; cette formalité. II donna une déda ration concue dans les termes les plu forts ; elle étoit foufcrite : Athanafe pécheur, ci-itvant Patriarche de la nou veile Rome. Cette déclaration tran I vj Andronic ii. et Michel son fils. An. 1297 XL. Athanafe reconnolc lui-mêmij la nullité de cet anathême.Pachym. I. 3. c. 24. Andr. Nic.: Grcg. I. 6. t. 7. [ l ï »  Andronic II. st Miche1sonf11s. An. 1297. 1 » 1 XLI. Déluge ( «fxtraor- 1 rfinaire. Pachym. I. 1 «5 . c. 28. { Andr. . Chronol, ?°JPnl. fc £ I( I< C( fl CZ p< ra hi de fe co gn 204 HtSTOIRE quillifa tous les efprits que la decouverte des anathêmes clandeftins d'Athanafe avoit d'autant plus effrayés, qu'ils n'étoient pas encore revenus ie la confternation oii les avoit jetés une des plus terrihles cataftrophes ju'on eüt éprouvées depuis longemps k Conftantinople. Le 29 Aoüt, un nuage épais obfurcit entiérement le foleil, & enve□ppa tout 1'horizon des ombres de a "tut. Du fein de ce nuage, on vif 2 précipiter des torrents, qui rouint du haut des montagnes, fe jetsient dans la mer avec un bruit ef•oyable; ils entraïnerent les arbres , s troupeaux, les bêtes fauvages, s habitations, tout ce qui fe ren>ntra fur leur paffage. On voyoit atter fur les eaux une rnultitude de banes champêtres, dont la plupart niffées avec violence contre les rnuilles de la capitale, venoient s'y ifer avec fracas; alors les gerbes bied dont elles étoient remplies, répandoient fur les ondes & en uvroient la furface. Toutes les vies des cöteaux voifins furent dé:inées. Le terrkoire de Conftanti.  du Bas-Empire. Liv. CIIL 2c.' fondément, comme un vaffal auroit : pu faire devant faSouveraine. Labéi nédiétion nuptiale leur fut donnée : par Macaire, Archevêque d'Achride. ! Andronic traita fon gendre magnifiquement, il le combla de marqués : d'affeéfion j lui fit rendre les plus ! grands honneurs , & diftribua de ri: ches préfents a toutes les perfonnes de fa fuite. Ils fe féparerent très-con' tents 1'unde 1'autre. Vrofc emmena : fa jeune époufe avec un corps de Andronic il. et MïHEt son fils. Ln. 1299. ntre les nains du Irale. ,achyml l, \- c 4J. indr. Vic. Greg. . 6. e. 9.  Andronic II. et Michel son fils. An. 1299. XLVUII. Les Vénitiensfollicitent !e renouvellement des traités. Pachym. I. Ai <■>• 2l6 H IS T O I RE troupes qu'Andronic lui donna pour Ie foutenir contre les entreprifes de fon frere. En effet, Etienne, inftruit de 1'alliance que le Crale alloit contraster avec la cour de Conftantinople, vit toutes les conféquences qui pouvoient en réfulter pour fes enfants. II voulut faire quelques mouvements; mais la préfence des troupes impériales 1'effraya; il prit le parti de refter tranquille. Les Vénitiens, profitant du féjour de 1'Empereur a Theffalonique, y envoyerent des ambaffadeurs pour lui propofer de renouveller avec eux le traité d'amitié conclu autrefois en> tre 1'Empire &c la Seigneurie. Andronic acquiefcoit volontiers au renouvellemènt du traité, mais il ne vouloit pas accepter les conditions que les Vénitiens y mettoienf, ils exigeoient qu'on leur rendit les biens confifqués fur leurs compatriotes, en réparations des dommages caufés k Galata par Pincendie dont ils avoient été les auteurs. Les Vénitiens, après avoir bien contefté, bornerent leurs prétentions a demander qu'on leur rermt au moins la moitié de ce qui avoit  du Bas-Empirf. Liv. CIII. 21? avoit été faifi fur eux. L'Empereur n'étoit pas éloigné d'y confentir; mais quelques-uns de fes courtifans Pen détournerent, en Paffurant que Ia fituation de ces républicains ne leur permettoit pas de faire la loi a perïbnne; & que fi on tenoit ferme, ils en pafleroient par tout ce qu'on voudroit. La fuite fit voir qu'ils avoient mal conjecfuré; les Vénitiens rompirent la négociation, & fe retirerent, bien réfolus de fe venger du refus qu'ils venoient d'effiiyer. Andronic, avant de partir de Theffalonique, fit redemander au Sébaftocrator,neveu de la Princefle Anne' fa coufine, la ville de Démétriade en Theffalie. II ne lui avoit cédé cette importante place qu'en confidération de fon mariage avec Théophano , .fceur de la femme de 1'Empereur Michel. Comme le mariage n'avoit pas eu lieu, il étoit jufte que cette ville revint au domaine de 1'Empire. Le Sébaftocrator n'ofa point refufer ouvertement de la rendre, mais il ufa de tant de délais & de prétextes, qu'il en refla en poffeffion. L'Empereur éiok fi content dufucTornt XXIII. K Andronic II. et Michel son FILS. A.n. 1299. XLIX. Andronic edemanle la vile de Dé« Tiétriade. ?achym. I. I- J. L. Retour te 1'Em-  SÜÜ5ËS ( Asdho- nic II. et Michel son FILS. An. 1199. pereur a Cijnftantinople.Pachym. I. 4. c. 8. Andr. tlfl HlSTOIRE :ès de fon voyage qu'il voulut ren:rer , comme en triomphe, dans fa :apitale. II venoit de rendre par une négociation qui lui paroiffoit un chefi'ceuvre depolitique, la tranquillité iux contrées occidentales de 1'Empire, &c même de leur procurer un défenfeur dans Ia perfonne d'un Prince qui, depuis plufieurs années, enl étoit lefléau. Afin de donnerle temps de faire les préparatifs néceffaires pour fon entrée, il s'arrêta a quelque diftance de la ville. Le 22 noyembre, jourfixé pour cette grande cérémonie, dès le lever de 1'aurore , tous les habitants s'emprefferent de fortir de la ville, pour aller audevant de leur Souverain. Le concoursfut fi confidérable, qu'un homme penfa être étouffé dans la foule. Andronic, inftruit de cet accident, en fut allarmé; craignant qu'il n'en arrivat de plus grands encore, il fit dire au peuple par des crieurs publiés, qu'il étoit fenfiblement touché des marqués d'affecfion que lui donnoient' fes fideles fujets; mais qu'il refieroit hors des murs de Conftantinople, jufqu'a ce que chacun fe fut  du Bas-Empire. Liv. Clir. 219 retiré chez foi. II étoit déja nuit que les paflages n'étoient pas encore libres. L'Empereur ne put arriver dans fon palaisqu'ala Iueur des flambeaux. Andronic voulantdonner a Chumne, Préfet du Caniclée, des preuves de la fatisfa&ion qu'il avoit de fes fervices & de Peftime qu'il faifoit de fa perfonne, projetta de faire époufer la fille de cet officier, k Alexis Comnene, Prince des Lazes, fon neveu & fon pupille. C'étoit une des plus riches héritieres qu'il y eüt dans 1'Empire; mais fa naiffance ne répondoit pas k fa fortune. Andronic, pour couvrir ce défaut, lui permit de porter les ornements qui diftinguoient les femmes des Defpotes des autres Dames de la Cour; cependant Alexis qui avoit cru pouvoir confulter fon cceur plutöt que fon oncle, avoit pris pour époufe la fille d'un des plus grands Seigneurs d'Ibérie. Andronic, très-courroucé de ce mariage, voulut le faire caffer; il le dénonca au tribunal eccléfiaftique, comme contraire k toutes les loix, paree qu'il avoit été contrafté par un mineur , fans le confentement de fon K ij Andronic II. et Michel son fils. An. 1199. LI. Le Prince des Lazes refufe d'époufer la fille de Chumne. Pachym. I, 4. c. 7, Andr.  ANDRONIC II. etMi- chel SOI fils. An. 1299 220 HlSTOIRE 'oncle & de fon tuteur, & de plus contre les difpofitions du teftament de fon pere. La queftion fut longtemps débattue; quelques-uns des juges étoient de 1'avis de 1'Empereur; mais le plus grand nombre, a la têt« defquels fe trouvoit le Patriarche, déciderentquele mariage devoit fubfifter; ils fe fondoient principalement fur ce que la femme qu'Aiexis avoit époufée étoit enceinte;circon£tance qui, dans ces fortes de cas, doit infïuer beaucoup fur la décifion des juges. Eudoxie, mere d'Alexis, cette même Princeffe qui avoit refufé d'époufer le Crale de Servië, étoit encore alors a Conftantinople; elle defiroit de retourner a Trebifonde. Pour en obtenir la permiffion, elle feignit de défapprouver la conduite de fon fils, & même elle affura Chumne qu'elle forceroit ce jeune indocile de déférer aux volontés de 1'Empereur; mais loin de tenir fa parole, elle fit tout Ie contraire de ce qu'elle avoit promis. Andronic, quoique fort mécontent du jugement des Evêques, n'ofa pas cependant y contreyenir, Pour con-  nu Bas-Empire. Ltv. CIII. 221 foler la fille de Chiunne , il lui conferva les honneurs dont il 1'avoit décorée , & promit de lui donner pour époux Jean Defpote, 1'ainé des trois fils, dont Irene fa feeonde femme 1'avoit rendu pere. L'Impératrice, informée de ce projet, entra dans une furieufe co-lere. Cette Princeffe, fiere & hautaine , regardoit une pareille alliance comme un opprobre pour elle. Andronic, jaloux de conferver la paix dans fa maifon , ne voulut point lacontrarierouvertement. Pour 1'appaifer ou plutöt pour faire la fatyre de fa fauffe délicateflé, il lui dit que puifqu'il falloit a fon fils une femme d'une fi haute extradfion, il' lui deftinoit la Princeffe d'Achaïe. C'étoit une vieille veuve, qui, malgré tout 1'éclat de fa naiffance & toute 1'illuftration de fon rang, auroitfaii une fort trifte époufe pour un mari a peine dans 1'age de 1'adolefcence» Au refte, cette propofition toute abfurde qu'elle étoit, fuffit pour calmer 1'efprit d'Irene, & donna a 1'Empereur le temps néceffaire pour la difpofer a confentir enfin a 1'exécution de fon premier deffein. K iii Andronic II. et Ml- 3hel son fies. ^:n. 120.9.'  Andro- uic II. et Michel son fils. An. ijco. LH. Le Pa- «riarche cenfure en plein fynode 1'Empeteur.1'achym. I. 4. r. S. 9, 222 HlSTOIRE II y avoit déja plufieursmois qu'Andronic étoit de retour a Conftantinople; & le Patriarche s'obftinoit toujours a refter dans fa retraite, malgré les inftances de ce Prince» qui ne ceffoit de lui envoyer meffage fur meffage pour 1'engager a reprendre fes fondtions. Le Prélat protefta qu'il ne fortiroit pas de fon monaftere que 1'Empereur ne vint en perfonne 1'y trouver accompagné des principaux membres du clergé, en nombre fuffifant pour former un fynode , & qu'il ne lui permït d'expofer devant cette affemblée, les griefs dont il avoit a fe plaindre. II déclara en même-temps qu'il étoit réfolu d'abdiquer, fi on ne lui donnoit pas fatisfadtion. L'Empereur, toujours timide, craignoit que fi le Patriarche prenoit ce parti extréme, la multitude n'en conclüt qu'il falloit bien quel'alliance contradrée avec le Crale de Servië fut contraire aux loix divines & humaines; ce qui pouvoit lui faire tort dans 1'efprit du peuple, même donner lieu a des murmures féditieux. C'eft pourquoi il confentit & lui accorder la conférence qu'il de-  du Bas-Empire. Liv. CIII. 223 mandoit. Pour éviter 1'éclat qu'une pareillé démarche pourroit faire dans le public, il fe tranfporta de nuit au monaftere de Pammacarifte avec lei Eccléfiaftiquesqu'ilavoitchoifis pout compofer le fynode. Dans le nombre fe trouvoit 1'hiftorien Pachymere qui nous a tranfmis ces particularités. Lorfque 1'Empereur eut pris féan ) ce, le Patriarche fe leva, & ht ur : long difcours dans lequel il débit; ■ d'abord tout ce qu'il s'étoit propof< > de lui dire a Sélivrée fur le mariag< 1 de fa fille avec le Prince de Servië I II lui repréfenta que le Crale avoi 1 promis avec d'horribles ferments ; la fille de Tertere, de ne jamais f ! féparer d'elle; qu'en 1'obligeant k 1'a bandonner, on 1'avoit forcé de com mettre un parjure; qu'il n'étoit pa certain que fon mariage avec cett Princeffe fut nul. II ajouta qu'il étoi abfurde de vouloir fuhftituer k I femme avec laquelle Urofc vivoit i un enfant de huit ans; que 1'Empe reur fe déshonoroit en donnant 1 fille k un homme fans mceurs, far foi, livré a la débauche la plus el frénée, a un homme qui s'étoit fouill K. w. Andronic II. et Michel son fils. An. 1300. » t l t k s t i » a s é  Akdro- kic II. et Michel sos fils. Ae. ijoo, i i 3 < i < 224 HlSTOUE par un incefte avec Ia femme de fon propre frere , & qui n'avoit pas plus refpeété la fceur de cette même Princeffe , quoiqu'elle fut religieufe. Le Patriarche affuroit tenir cesfaitsde la mere du Crale qui étoit venue ellemême 1'en inftruire, & qui 1'avoit conjuré d'employer toute fon autorité pourempêcher la nouvelle union que fon fils vouloit contraöer. Le Patriarche ne s'en tint point k ces reprophes ; il déclama avec une hardieffe inconcevable contre les abus de I'adrniniftration; il peignit énergiquement les maux dont I'Etat étoit accablé ; il ofa même dire qu'il fe fentoit les entrailles déchirées dedouieur , en voyant 1'inhumanité avec laquelle on écrafoit le peuple fous le poids des impöts, & les artifices dont on ufoit pour lui enlever jufqu'a la derniere obole; qu'il étoit odieux qu'on eüt mis une taxe fur deux obets auflï néceffaires aux ufages de Ia ne que le fel & ie fer: le plus afflijeant, difoit-il, c'eft que cet or arra:hé aux malheureux citoyens par des ïxatfiions ft criantes, eft confumé en lépenfes frivoles, ou prodigué fans  nu Bas-Empire. Liv. CïïT. 225 raifon a des courtifans &t k des favoris. Enfuite il en vint a ce qui le touchoit perfonnellement ; il fe plaignit avec amertume de 1 indocilité de 1'Empereur, qui refüfoit d'écou» ter les remontrances que le devoir de fa placeTobligeoit de lui faire, & fur-tout de 1'indifférence avec laquelle il recevoit fes requêtes, lorfqu'il avoit quelque grace k lui demander. Ge difcours étonna toute 1'affemblée. L'Empereur 1'écouta tranquillemen. fans faire paroitre le moindre chagrin; ce qui dans tout autre auroil pu pafTer pour un trait de magnanimité , mais ce n'étoit chez ee Prince que 1'effet de fa pufillanimité, & de cette crainte fervile que lui infpiroient les Prêtres, Lorfque le Patriarche n'eut plus rien k dire, Andronic prit la parole pour fe jufiifier fur chacun des reproches que le Prélat venoit de lu: adreffer. Quant au premier, il répon dit qu'il n'avoit confulté ni fon goüt, ni aucun motif d'intérêt perfonnel en contraétant avec le Crale l'allianci dont on lui faifoit un crime; qu'il ni pouvoit exprimer combien il en avoi K v Andronic II. et Michel sok fils. An, 130a. Lilt. Andronic fe juftine. Pachym. /. 4. c. 9. And;. » t  Andronic II. et Michel son fils. An. 1300. 1 j ( i ( 1 < ( 1 t < l ï > > | | 22Ö HlSTOI-RE cotité a fon coeur, pour fe féparer d'une fille en qui il avoit mis fes plus tendres affedtions, & pour la livrer a un Barbare qui n'avoit rien d'agréable ni dans la figure , ni dans fes maïieres, ni dans toute fa perfonne, & jui d'ailleurs ne tenoit qu'un rang inérieur parmi les têtes couronnées; ni'il ne s'étoit déterminé a faire un 1 grand facrifice que pour garantir 'esfujets des horreurs de la famine, le I'efclavage, & même de la mort mxquels ils étoient fans ceffe expofés )ar les incurfions fubites des Serves; pi'il étoit fouvent des circonftances )ü 1'on réuffiffoit mieux , en em>.loyant les traités, qu'en fe fervant lu glaive, & que de tous les traités >n n'en connoiffoit pas de plus foides que ceux qui étoient cimentés >ar un mariage. » Au refte, conti- > nua-t-il, ce mariage ne s'efi point > fait contre les loix , ni contre les > canons. Je fais que tout homme ' qui fe fépare d'une femme qu'il a ' époufée fuivant les formalités re» quifes, pour en prendre une autre, ■ fe rend coupable d'adultere ; je fais que cette feconde femme ne peut  du Bas-Empire. Liv. CIIL 227 >> être regardée que comme une con» cubine. Mais fbmmes-nous dans ce » cas? Interrogez ceux qui font inf» truits de tous les détails de cette » affaire : ils vous répondront que » nous n'avons confenti a donner » notre fille au Crale, qu'a prés que j » fes Ambaffadeurs nous eurent afI » furés avec ferment que fa première » femme vivoit encore, quand ils'é» toit uni k la fille de Tertere, & » que cette même femme n'exiftoit >; plus lorfque nous fongeames k en » faire notre gendre. C'eft donc ma » fille, & non pas celle du Roi de » Bulgarie qui eft fa légitime époufe. » Qj'on n'obiecle point fon extréme » jeuneffe. Pertonne n'ignore que » les mariages des Souverains ne font » pas afTujettis aux mêmes regies que » ceux des particuliers. Si 1'ufage » veut que toutes les difpenfes d'age » néceffaires leur foient accordées fur » leur fimple réquifition, & fans au» tre motif que leur bon plaifir, a » p'us forte raifon ne doivent-elles » pas leur être refufées, iorfqu'il s'a» git d'une alliance qui n'a pour but » que le bien public. Voyez mainK vj Andronic ii. et Ml- :hel son fils. in. 1300.  Andronic II. et Michel son fils. An. 1300, j i 1 1 j 1 1 « i 1 I ! i € i 228 HlSTOIRE » tenant fi j'ai fur cet article quel» que reproche a me faire; je con» fens de m'en rapporter a votre ►> décifion , bien perfuadé que vous >> jugerez conformément aux loix, » auxquelles mon titre d'Empereur » ne me difpenfe pas d'être foumis; » car je veux & je dois obéir a leur >> autorité , comme un fils docile + obéit a la voix paternelle ". Ces jelles maximes, toujours fi touchan:es dans la bouche d'un Souverain, örs même qu'on fait qu'il eft fort ïloigné de les fuivre dans la pratijue , furent recues avec de grandes icclamations. L'Orateur, après avoir oui pendant quelques inftants des ipplaudiffements de l'afTemblée, re)rit le fil de fon difcours, & contilua fon apologie. II repréfenta que 'il avoit mis des impöts fur le fel k fur Ie fer, il y avoit été forcé par e malheur des temps; qu'il étoit imloffible de fuffire aux dépenfes d'un ;rand Etat fans argent; qu'au refie, I n'avoit eu recours a des moyens xtraordinaires pour s'en procurer, [u'après avoir fait des réformes conidérables dans fa propre maifon 3  du Bas-Empire. Liv. CM. 229 qu 'après avoir retranché aux Officiers ; & aux Grands de 1'Empire, une par- A tie de leurs gages ou de leurs penfions; \ qu'il devoit être a 1'abri de tout foup- c cron d'avarice. Enfin, il fecomparaaA les prédéceffeurs, & il fit obferver que plufieurs d'entr'eux avoient dans des befoins moins preffants, exigé de leurs fujets des fommes de deniers beaucoup plus fortes que celles qu'il demandoit; que même quelques-uns d'eux avoient été jufqu'a traiter avec la derniere févérité les gens chargés de la levée des impöts, paree que dans Pexercice de leur emploi, ces hommes s'étoient, contre leur ordinaire , montrés trop compatiflants, & n'avoient pas déployé toute la rigueur de leur miniftere. Andronic pafla enfuite au troifieme chef, a celui qui intéreflbit plus particuliérement le Patriarche. D'abord il protefta qu'il n'avoit jamais manqué de «onfidération pour fa perfonne; puis il diftingua deux fortes de demandes qu'on avoit coutume de lui faire, ,dont les unes étoient de juftice, 8e les autres de pure bienveillance. II conyint qu'un Souverain ne pouvoit NDROJ1C ii. LT Ml1EL SON FILS. n. 13QO,  Andronic II. ET MlCHELSONFILS. An. 1300. L1V. Le PatriarcheJean fe retire de nouveau Pachym. I. 4. c. 10, 230 H ] S T O I R E refüfer les premières, paree que c'étoit pour lui une dette indifpenfable, mais qu'on ne devoit point trouver mauvais qu'il n'accordat pas toujours les fecondes, puifque fouvent les circonftances s'y oppofoient; que le Patriarche auroit du fentir cette difference, & ne point s'offenfer li quelquefois il n'avoit pu obtenir les graces qu'il avoit follicitées auprès de lui; qu'au refte, il lui promettoit d'avoir par la fuite plus d'égards a fes requêtes, qu'il le prioit d'oublier le aaffé, 6c de vouloir bien venir reprendre fes fonftions. Le ton affecfuenx avec lequel 1'Empereur lui jdreffa ces dernieres paroles, & les pol!icitations prefiantes des Prélats, iiffiperent enfin la mauvaife humeur iu Patriarche: il promit de retourner le lendemain dans le palais ponfifi:al; ce qu'il fit en efFet, mais ce ne Fut pas pour y refter long-temps. Après les fêtes de Paques, 1'Empereur convoqua tous les ordres du clergé , & déc ara en préfence de Paffemblée , qu'il fe repentoit d'avoir (ollicité la dépofition de Jean, Evê*. que d'Ephefe, &i de Pavoir eniuite  du Bas-Empire. Liv. Clfl. 231 eondamné a garder prifon dans un monaftere, pour le punir de s'être déclaré avec trop de chaleur contre les écrits du Patriarche Grégoire. II annonca en même-temps qu'il vouloit réparer fes torts envers ce Prélat, Sc lui faire juftice. La plus grande partie des membres de 1'affemblée applaudirent a cette réfolution ; il n'y eut que le Patriarche , 1'Evêque de Philadelphie & celui de Smyrne qui s'y oppoterent. Ce partage d'opinions donna lieu a des débats très-vifs. Jean fe facha de nouveau, Sc alla fe renfermer une (econde fois dans le monaftere de Pammacarifte, refufanf de voir ceux qui venoient le confulter , même dans les cas les plus importants. Les Evêques, fatigués des caprices du Patriarche, Sc ne doutant point que 1'Empereur de ion cóté ne dut en être auffi fort ennuyé, crurent 1'occafion favorable pour préfenter a ce Prince un mémoire contre le Prélat. Ils s'y plaignoitnt que Jean, au mépris des faints canons, nér gligeoit d'établir le bon ordre Sc la ditcipüne dans le gouvernement de fon Eglife; qu'il décidoit feul Si fans Andronic II. et Michel sokp fils. An. 1300. 11. Andr, OrUns  Andronic II. et Mi- chelson fils. An. 1300. 232 HlSTOIRE daigner prendre leur avis, de toutes les affaires; que fouvent même il ofoit par un artentat inoui, réformer les I jugements & les fentences rendus en plein fynode, ou enfreindre ouvertément les décifions de cette affemblée ; que lorfqu'il venoit a vaquer quelque plaee ou quelque dignité eccléfiaftique , il trouvoit le moyen d'empêcher qu'elles ne fuffent remplies, pour s'en approprier les revenus, ou bien qu'il y nommoit de fon autorité privée fes créatures, fans avoir recours a la voie de Péleétion; enfin, qu'au-lieu de confier la régie des biens de fon Eglife a un économe fage & honnête, il avoit chargé de cet emploi Ephraïm fon fils, qui en abufoit pour vivre fcandaleufement dans les plaifirs & la débauche. La lecture de ce libelle, qui ne s'accorde pourtant guere avec les éloges que d'après les hiftoriens Grecs, nous avons donnés a ce Prélat, en parlant de fon éledlion, fit impreffion fur Andronic ; il réfolut cette fois de ne pas s'abaiffer aux prieres , pour engager le Patriarche a revenir. D'ailleurs, ce Prince fcrupuleux ne pouvoit cal-  du Bas-Empire. Liv. CIIL 23; mer le trouble que 1'anathême furti: d'Athanafe avoit jetté dans fa confcience, & toujours il fe fentoit ur fecret penchant a rétablir ce Pontife fur le fiege de Conftantinople. Jean cependant commencoit a s'en nuyer dans fa retraite , & n'ignoroii pas d'ailleurs les démarches faites poui le perdre dans Pefprit d'Andronic : il en craignit les fuites; pour les prévenir, il monte h cheval Ie 26 Oo tobre, & vient trouver 1'Empereur Andronic, toujours pret è fléchir le genou devant 1'autorité facerdotale. le recoit avec refpeef, lui demande fa bénédi&ion; & malgré la réfolution qu'il paroiffoit avoir prife dt 1'abandonner, 1'engage a rentrer dan< fa place. Jean ne fe fit pasréitérer une invitation qu'il avoit lui-même provoquée ; mais pour ménager fon amour-propre, il voulut aller au-devant des propos de ceux qui auroienl pu montrer de 1'étonnement, de ce qu'après avoir fait d'abord tant de réfiftance, il étoit enfuite revenu de fa propre volonté. II fit courir le bruif qu'un jour étant feul, il avoit entendu une voix comme celle d'un jeune Andronic ii. et Ml- • chel son fils. An. 1300.' LV. Ce Prélat revient de fon propre mouvement.Pachym. T. 4. c. I2„ Andr,  A nd ronic II. et Michel son fils. An. 1300, An. 130 LVI. Seize mi le Alain offrent leur fe Cours A 234 HlSTOIRE homme, qui prononca très-diftintlement ces paroles : Pierre,jïvous m'aimei,paijfei mes agneaux. II difoit que s'il avoit repris fes fon&ions, ce n'étoit que pour obéir a cette voix célefte. Quelques Evêques vinrent le féliciter fur fon retour; mais le plus grand nombre qu'une fuppofition fi grofTiere avoit fans doute révoltés, refufa de communiquer avec lui. H n'en fut pas de même de 1'Empereur. Ce Prince dont 1'efprit ne fe nourriffoit que de merveilles, qui appercevoit par-tout des prodiges ou des miracles, n'eut garde de foupconner 1'impofture. II rendit au Patriarche plus d'eftime encore qu'il ne lui en avoit retiré. II le vifitoit fouvent, ne le voyoit qu'avec une forte de vénération, &C fe donnoit de grands mouvements pour rapprocher de fa perfonne tous ceux qui s'en étoient éloignés. ' Tandis que 1'Empereur perdoit fon ' temps a vouloir réconcilier entr'eux (_ des Prêtres chagrins & querelleurs , s les affaires de 1'Etat étoient négligées; les Turcs faifoient des incurfions fur les terres de 1'Empire, &i les parcou-  nu Bas-Emmre. Liv. CM. 235 roient le fer 8c le feu a la main, fans ' éprouver la moindre réfiftance. Tant de défaftres 8c les cris d'une multitude de malheureux qui périffoient' fous le glaive de 1'ennemi , ou dans les horreurs de la famine , réveille-, rent enfin Pattention d'Andronic ; mais il fe trouvoit fans reffource 8c ne favoit k quel expédient avoir recours pour remédier a de fi grands malheurs. II étoit dans cette crife lorf 1 qu'une horde d'Alains fe préfenta fur les frontieres, offrant d'entrer au fervice de 1'Empire. Ils étoient au nombre de feize mille tant hommes que femmes & enfants. 11 y en avoit au moins huit mille en état de porter les armes. C'étoienttous de bravesguerriers qui avoient combattu fous le fameux Nogaïa , ce Prince Tartare fi connu dans cette hiftoire. Andronic s'empreffa d'accepter leurs ofFres; alors ces étrangers ne tarderent pas k fe mettre en marche.Ils arriverenten Thrace , ou 1'on avoit établi un grand nombrede magalins remplis detoutes les provifions néceffaires a leur fubfiftance. Andronic les recut avec de grandes marqués de joie. II accorda A.NDRON1C II, ET Ml- ;hel son fils. \.n. 1301. 'Empe- evir. aachym. L. I c. 16. 4ndr. Wie. Greg. . 6. e. 10.  Andronic II. et Mlchel son fils. An, 1301, 1 ! 1 i i 3 « ] < » < ] ' 1 236 HlSTOIRE les difiinétions les plus honorables aux Officiers, & leur afligna de fortes penfions fur le tréfor public; rl fit diftribueren préfent des fommes d'argent aux foldats , & voulut qu'ils sufTent une paye plus forte que celle qu'il donnoit 3 fes propres troupes; il parut mettre en eux toutes fes efpérances, il exaltoit fans ceffe & avec ane forte d'affeétation leur bravoure; ju contraire, il ne parloit qu'avec népris de la milice nationale. Pour :omble d'imprudence, il obligea pluieurs compagnies de cavalerie grecque de fervir a pied, pour céder aces nercenaires leurs chevaux & leurs irmes. Les Alains, en prenant des en'agements avec 1'Empereur, avoient tipulé qu'ils ne feroient point enfernés dans des villes ou dans des pla:es murées; qu'on ne les difperfe•oit point dans les troupes de PErn)ire , & qu'ils feroient toajours conluits par leurs propres Officiers. AnIronic ne leurrefufa aucune de leurs lemandes. Tant de complaifance pour :es étrangers révolta les Grecs, & eur infpira beaucoup de jaloufie. -Empereur partagea les Alains en  du Bas-Empire. Liv. €111. 237 trois corps; 1'un fut envoyé en Afie, 1'autre deftiné a feconder les opérations de Mufalon , Gouverneur des Alifons , & le troifieme, qui étoit 1'éI lite de toute la troupe, fut réfervé pour être toujours auprès de 1'Empereur Michel, & pour le fuivre dans I les expéditions dont fon pere avoit intention de le charger. Ceux des 1 Alains qui furent envoyés en Afiea j n'eurent pas plutöt paffé le détroit i de Gallipoli, aujourd'bui le détroit I des Dardanelles, que leur cupidité 1 ne put réfifier a 1'attrait du pillage ; I ils ravagerent fans dHtinöion d'amis & d'ennemis tout ce qui fe préfenta devant eux. Une pareille conduite : excita de grands murmures a Conftantinople , & déconcerta beaucoup 1'Empereur. En effet, c'étoit de la part des Alains démentir cruellement : les éloges qu'il leur avoit prodigués; 1 mais ils réhabiliterent en quelque forte leur réputation dans Pefprit de la nation , par la maniere dont ils fe comporterent enfuite dans une bataille que les Impériaux gagnerent fur les Turcs, proche de Quêne : ils eurent la plus grande part a cette,,vic- ANDRONIG ii. et Michel son fILS. An. 1301,  Andro- , Nic 11. et Michel son ( fils. ( An. 1302. LV1I. 1 Michel fe 1 met a la ( lête des Alains en Oriënt, & fuit j devant 1'ennemi. 1 Nic. Grcg. 1 /. 6. c. 10. , Pachym. I. 4. c. 17. iS. 19. 1 25. 26. j Andr. | ; 3 13? HlSTOIRE oire , fur laquelle les hiftoriens ne ïous ont laiffé aucun détail. Andronic crut que les Alains fe :ontiendroient dans le devoir, dès ju'ils auroient a leur tête un Chef qui )üt leur impofer par fon rang & fa lignité. C'eft pourquoi il s'empreffa 1'envoyer 1'Empereur Michel fon fils :n Oriënt pour y prendre le comnandement de la grande armée. Ce ^rince partit de Conftantinople au :ommencement de 1'année 1302. II )rüloit du defir de venger 1'honneur les armes Impériales, qui, depuis a bataille de Quêne , n'effuyoient jue des afFronts, & de mettre les ^rovinces Afiatiques a 1'abri des inültes des Barbares. Les Alains feconloient fes vceux , & demandoient ivec inftance qu'on les menat a 1'enlemi. Michel fe mit donc en marche )oiir aller chercher les Turcs, qui, de eur cöté, venoient a fa rencontre, Déja les deux armées étoient en préfence & n'attendoient que le moment du combat, lorfque les Officiers Grecs s'étant réunis, vinrent de concert repréfenter a 1'Empereur qu'ils croiroient manquer effentiellement k leur  du Bas-Empire. Liv. CBI. &39 devoir , s'ils ne 1'avertiflbient pas qu'on ne pouvoit fans témérité livrer bataille; que les Barbares faifoient trop bonne contenance pour n'être pas affurés du fuccès; que s'il venoit a perdre la vie ou la liberté, ce feroit un malheur irréparable ; qu'il falloit éviter toute acfion oü la füreté de fa perfonne courroit les rifques d'être compromife. Michel n'avoit point affez de réfolution, ni peutêtre affez d'autorité pour réfifter a un fi lache confeil. II fit donc donner xnalgré lui le fignal de la retraite; 1'armée fe replia fur Magnéfie avec une précipitation qui reffembloit a une fuite. Les Turcs la fuivirent hardiment, la harcelerent pendant qu'elle fe retiroit, s'emparerent de fes bagages & de fes magafins, & vinrent défier 1'Empereur jufques fous les murs de la ville oü il s'étoit réfugié. Mufalon Hétériarque, qui commandoit en Bythinie, ne fut pas plus heureux. Othman s'étant avancé pour venir 1'attaquer dans le pofte qu'il occupoit a Baphée, les Grecs, du plus loin qu'ils 1'appercurent, fe débanderent & gagnerent le chemin de Nicomédie, Andronic li, et Michel son fils. An. 1302.  Andronic II. et Michel son fils. An. 1302. LVIII. Les Vénitiensviennent infulter Conftantinople.Pachym. I. 4. *324. Andr. Nic. Greg. I. 6. c. 2. 240 HlSTOÏRE Ces fuyards auroient été tous maffacrés par les Turcs, fi les Barbares n'avoient été arrêtés par un détachement d'Alains, qui, dans cette occafion , fe comporterent avec beaucoup d'intrépidité. Quand les Alains virent Pinfanterie Grecque en füreté, ils firent leur retraite en bon ordre. Ce doublé échec livra les Provinces de ia domination Impériale è la difcrétion des Turcs, qui y mirent tout a feu & a fang. Ce ne fut pas le feul événement facheux que 1'Empire éprouva cette année. Les Vénitiens n'ayant pu, comme on 1'a vu plus haut, obtenir par la voie de la négociation , mainlevée des biens qui avoient été faifis par ordre d'Andronic fur leurs compatriotes, réfolurent de fe faire juftice eux-mêmes. Ils équiperent dans Ie port d'Aquilée treize galeres, & y joignirent fept vaiffeaux corfaires fortis des ifles de Candie & de Negrepont. Cette flotte, commandée par Bellet Juftiniani, entra fiérement un famedi vers midi dans le port de Céras, & vint bloquer le palais impérial.Les navires Vénitiens fe promenoient  vu Bas-Empire. Liv. CM. 241 menoient tranquillement fur Ia mer, & s'approchant desmurs de la ville, y jettoient des fleches qui ne produifoient pas un grand effet; en général, leurs manoeuvres avoient plutöt 1'air de la dérifion & de Pinfulte , que d'une attaque en forme. L'Empereur, humilié de 1'infolence des Vénitiens , fentoit le tort qu'il avoit eu de laiffer périr fa marine ; il étoit défcfpéré de ne pouvoir fe venger. Plufieurs de fes Officiers lui propofent de raffembler toutes les barques de pêcheurs, tous les vaiffeaux de charge, en un mot les batiments de toute efpece qui pourroient fe trouver dans les ports &c fur les cötes, de les lier les uns aux autres, & d'établir deffus un plancher affez folide pour porter des foldats armés de traits & de frondes. Suivantce projet, on auroit fait avancer contre 1'ennemi cette citadelle flottante, dans le détroit qui fépare la ville du fauxbonrg de Galata, Andronic, toujours timide, toujours incapable de prendre aucun parti ferme &£ décidé, rejetta cet expediënt. Si les Vénitiens ne firént pas beaucoup de mal aux Grecs , il n'en Tomé. XXI11. L Andronic ii. et Michel son fils. An, 1302,  Andronic II. et Michel son FILS. An. 1302. ; i : 1 i 1 1 1 I 4 1 i 1 < < ï 1 s t 1 t 242 HlSTOIRE fut pas de même des pirates qu'ils avoient amenés avec eux. Ces bri?ands defcendirent la nuit fuivante dans 1'ifle des Princes, la ravagerent !k chargerent de fers tous ceux qui l'habitoient; puis ils voulurent exiger i'eux qu'ils fe rachetaffent, quoiqu'ils eur euffent enlevé tout moyen de le raire. Pour les y forcer, ils les fufjendent par les pieds aux mats de leurs layifes, & dans cet état ils les dé:hirentagrandscoupsde fouer.Quelle ituation cruelle pour les habitants le Conftantinople , de voir ces malïeureux traités d'une maniere fi bar>are , & d'entendre leurs cris lamenables, fans pouvoir leur porter au:un fecours ! Cependant Andronic, ouché du malheur de ces infortunés, it remettre fur le foir quatre mille >ieces d'or a leurs bourreaux pour [u'ils ceffaffent de les tourmenter. II nyoya en même-temps porter fes ilaintes au Commandant de la flotte 1 énitienne, 6k lui repréfenter qu'il uroit mieux fait de 1'inflruire du moif de fon arrivée, que de fe rendre " protecïeur d'infames pirates. Jufiniani répondit qu'il avoit agi con-  du Bas Empire. Liv. CïïI. 243 formément a fes inftructions; qu'au refte, les Vénitiens ne refuferoient pas de fe réconcilier avec 1'Empereur, s'il vouloit rendretous les effets qu'on avoit confifqués par fes ordres fur ceux de leur nation. Andronic ne fit point difnculté de confentir a, cette propofition. II ne fe trouvoit pas dans des circonftances affez favorables pour ofer la rejetter. II envoya donc a Venife des négociateurs pour renouveller la paix aux conditions qui lui étoient impofées. Cependant le jeune Empereur reftoit enfermé dans Magnéfie. Les A lains, ennuyés du féjour des camps, & fachés de ce qu'on ne les mettoit point aux prifes avec les Turcs, demanderent la permiffion de fe retirer, de maniere a faire fentir que fi elle leur étoit refufée, ils fauroient bien la prendre. Nous nefommes pas accoutumés, difoient-ils, a refterfilongtemps fous les armes, ni a paffer notre vie dans des exercices qui n'ont d'autre but que de fatiguer le foldat, fans lui procurer ni gloire, ni profit. Lorfque nous ftrvions fous le brave Nogaïa , il nous conduifoit a £ennemi des L ij Andronic II. et Michel son fils. An. 1302. LIX. LeïAlains demandent leur congé. Pachym. I 4. e. >9Andr.  Andronic II. et Michel son FILSi An. 130a. 244 HlSTOIRE que Coccajion s'en préfentoit; nous l'attaquions , le mettions en fuite, & revenions aujji-tót dans nos foyers, jouir tranquillement du fruit de la vicloire. Cette prétention des Alains jetta Ie jeune Prince dans le plus grand embarras. Afan, ancien Roi de Bulgarie , fon bel-oncle , étoit mort des fatigues de la guerre; fon autre oncle Michel, defpote, avoit été obligé de s'en retourner pour rétablir fa fanté , & les meilleurs foldats des milices Impériales défertoient journellement. Les Alains faifoient donc la principale force de fon armée, & prefque fon unique reffource. Michel mit tout en oeuvre pour les retenir; la feule chofe qu'il put obtenir d'eux , en employant les prieres, les fupplications, les promeffes, fut qu'ils refteroient encore avec lui pendant trois mois; mais ils exigerent qu'il s'engageat par ferment k les laiffer partir au temps marqué, & de plus a leur faire toucher des gratificarions dont ils fixerent euxmêmes la valeur. En conféquence, Michel ne ceffoit de conjurer 1'Empereur fon pere, de lui fournir les  du Bas-Empire. Liv. CIII. 245 nioyens de fatisfaire aux engagements qu'il avoit pris avec les Alains. Andronic fe contenta de lui envoyer quelques modiques fommes d'argent, < qui lui fervirent k appaifer pour quelques inftants les murmures de ces mutins. A peine le terme de trois mois fut expiré, que les Alains firent leurs difpofitions pour s'en aller. Le jeune Empereur, voyant que privé de leur fecours, il ne lui feroit pas poffible de tenir la campagne, Sc qu'il n'étoit pas même fur pour lui de refter a Magnéfie, pr.it la réfolution de s'évader fi fecretement, que ni les ennemis, ni même les fiens, ne puffent s'en appercevoir. II choifit pour exécuter ce projet une nuit obfcure Sc orageufe; il comptoit qu'a la faveur des ténebres Sc de la pluie, il pourroit cacher fa fuite ; il fe trompa ; malgré toutes fes précautions, on découvrit fon deiTein. Alors non-feulement les troupes, mais encore les habitants de Magnéfie, femmes, hommes, enfants. valets, tous fe mirent a le fuivre avec tant de délbrdre, que plufieurs furent écrafés fous les pieds des chevaux, Sc qu'un grand nombre d'au« L ïij Andronic II. et Mlhel son fils. la. 1302.  Andho**1c II. jet Michel sois fils. An. 1302, 1 1 ] t J 1 2<0 HlSTOIRE ftres périrent fur les chernins accablés de fatigues, ou gelés de froid. Cette retraite qui relTembloit a une déroute, répandit dans tout le pays une terreur panique qui fe communiqua de proche en proche h tous les habitants des Provinces Afiatiques dépendantes de 1'Empire; tout étoit en mouvement & dans une confufion qu'il feroit diffieile de peindre. Le peuple fortoit des villes 6c des viilages, couranta 1'aventure, comme des gens qu'un efprit de vertige a faifis fubitement. Pour fauver fa vie, on abandonnoit tout a la merci des Turcs, Ces barbares s'étant mis a la pourfuite des fuyards, les chaffoient devant eux comme des troupeaux de bêtes; ils en firent un maffacre horrible. On voyoit les campagnes couvertes de cadavres, jonchées de têtes féparées de leur corps, de troncs, de nembres épars. Le feu dévoroit tout :e que 1'ennemi ne pouvoit enlever; ine multitude d'édifices étoient la )roie des flammes. Ceux qui, dans ce lefaftre général, purent échapper au ;laive des barbares, fe retirerent les ins a Pergame, les autres a Adra-  nu Bas-Empirb. Liv. CIII. 247 myte, d'autres dans les environs de Larnpfaqtie. II y en eut qui renoncant a 1'elpérance de rentrer dans leur patrie , traverferent 1'HelIefpont, & allerent fe réfugier en Europe. Déja les Alains s'étoient approchés de Ia mer, & fe difpofoient a pafTer le détroit. Andronic, défefpéré de leur retraite, donne ordre a Alexis Raoul. grand Domeftique, de faire de nouvelles tentatives pour les engager a refter, ou s'il ne peut les retenir, de leur fignifier qu'ils ayent a rendre les armes 6c les chevaux qu'on leur a fournis. Les Alains ne voulurent en tendre raifon fur aucun de ces deux articles. Ils furent offenfés fur-tout de la reftitution qu'on exigeoit d'eux. Alexis Raoul, ayant fait mine de vouloir employer la force pour les y contraindre, ils fe jettent fur fa troupe, la taillent en pieces, & le maffacrent lui-même; mais dès qu'ils virent cet Officier expirer fous leurs coups, Ia frayeur s'empara d'eux, 6c leur fit tomber les armes des mains ; ils demanderent grace, 6c 1'on n'ofa pas la leur refufer. Cependant le jeune Empereur s'éL iv Andronic II. et Michel son fils. An. 1302, LX. Mutinerie des Alains. Pachym. I. 4. c. 22. Andr. Nic. Greg'. l. 6. c. 10, LXI. Le jeune  Andronic 11. et Michel son fils. An. 1303. Empereur [oratie malade. Pachym. I. 5. c. 10. Anir. 14*- HlSTOIUE tost réfugié a Pergame. Ce lieu ne lui paroiffant pas encore affez fur, il fe retira avec le petit nombre de foldats qui ne Pavoient point abandonné a Cyzique, d'oü il fe vit bientöt foreé , par 1'approche des Turcs, de fortir pour aller a Peges, petite ville fituée fur le bord de Ia mer. Sa malheureufe expédition , & tous les défaftres qui en étoient la fuite, lui cauferent un chagrin fi profond , que fa fanté en fut altérée ; bientöt le mal empira a un tel degré, qu'on craignit pour fa vie. On manda k 1'Empereur fon pere cette trifte nouvelle, 6c en même-temps on le prioit d'envoyer au fecours de fon fils des gens de Part, qui venant de la capitale 6c de la cour, apporteroient avec eux au moins la réputation d'être plus habiles que les autres, s'ils n'apportoient pas au malade plus de foulagement. Andronic dépêcha fur le champ fes médecins pour Peges; mais comme il avoit encore plus de confiance dans la protecfion de la mere de Dieu que dans leurs talents, il fit chanter une Meffe de la Vierge, 8c enfuite il ordonna a un moine d'ajler porter a  du Bas Empire. Liv. Ciïl. 249 fon fils un portion de 1'huile qui avoit ■ brülé dans les lampes pendant la célébration des faints myfteres. On prétend qu'au moment même oix le moi-' ne s'embarqua, Michel fe fentitmieux, qu'il commenca k dormir plus tranquillement, & que dans fon fommeii il crut voir une Dame fuperbement vêtue , qui lui ötoit un clou de Tendroit oü étoit le fiege du mal. Dès qu'il fut éveillé: Alk[ , dit-il k ceux qui étoient préfents, alle^fur le bord de la mer au-devant d'un moine , qui mapporte un prèfent de la part de la Sainte Vierge. En efFet, on trouva le religieux dépofitaire de 1'huile fainte, qui defcendoit du vaiffeau. Lesonctions qu'il fit fur Ie Prince, acheverent fa guérifon. Nous devons le récit de cette merveille a 1'hiftorien Pachymere, qui en débite beaucoup d'autres femblables, &qui paroitles croire toutes avec trop de confiance pour en infpirer a fes lecfeurs^ L v Andronic II. et Ml-* ihelso fils* ka.1303,   2p S O M M A I R E D U CENT QUATRIEME LI V R E, i. CUXTMPAXI S , Tartare , fe fait chrètien. II. Origine de Roger de Flor. III. Les Catalans projettent de pajfer dans le Levant. IV. Origine des Almogavares. V. Roger arrivé d Conftantinople. VI. Hiftoire de Catherine de Courtenay. vil. Mariage de Roger avec une niece de P Empereur. vin. Querelle entre les Génois & les Almogavares. IX. Défaite des Turcs par Roger de Flor. X. Cabale contre le Patriarche. XI. // demande juftice des calomnies dont on veut le noircir. xiï. 11 ufe de détour pour n'être pas obligê de fe démettre. xtli. VEmpereurfe tourne du coté des Arfénites. XIV. Prètendue prédiction d'Athanafe. xv. U'Empereur trainant après lui la populace , va trouver ce Prélat. XVI. Réception que lui fait Athanafe. xvn. Le L vj  2]% SOMMAIR E Clergé ioppofe au rétablijfemem de tan» cien Patriarche. XVIII. Apologue du Patriarche d' Alexandrie. XIX. Retraite du Patriarche Jean, & retour d'Athanafe. xx. L'armêe Catalane fait une defcente au cap Artace. xxi. Roger fe propofe d'attaquer les Turcs. XXII. Défaite de ces Barbares par les Catalans. XXIII. Nouvelle de cette vicloire, commentreque d Conjlantinople. XXIV. Roger paffe Vhyver d Cy^ique. XXV. Ferdinand Ximenes d'Arenos fe fépare de Roger. XXVI. Mort de Théodora, mere de 1'Empereur. XXVII. Mariage de Jean, fils de 1'Empereur, avec la fille de Chumne. XXVIII. Tremhlement de terre dans tout (Empire. XXIX. Mort de Ca^an. XXX. Querelle entre les Alains & les Almogavares. XXXI. Départ de l'armée Catalane. XXXII. Rigueur de Roger. XXXUi. Bataille de Philadelphie. XXXIV. Entrèe triomphale des Catalans dans cette ville. XXXV. Roger fait couper la tête au Gouverneur de Culê. XXXVI. Projet de chafifer les Turcs des Provinces maritimes. XXXVII. Complot de Nefionge contre Roger. XXXVIII. Corbaran d'Alet tui par les Turcs. XXXIX. Berenger de Ro-  DU LlVRE CIV. 153 cafort v'unt trouver Roger d Ephefe* yg.. Les Catalans répriment l'audace de Sarcan.~X.Ll. ViUoire des Catalans au pied du mont Taurus.. XLII. Ils vont jufquaux extrêmités de la Natolie. XLIII. Révolte de Magnéfie. XLIV. Con; damnation de Michel Cotrulas. XLV. Michel, fils d'Andronic, défaitpar les Bulgares. XLVI. Mort de Conftantin Porphyrogénete. XLVH. Conférences pour la rêunion des Arfénites. XLVIII. Difcours de £'Empereur. XLIX. Rèponfe des Arfénites. L. Différend entre la Princejfe Anne & Philippe de Tarente fon gendre. Li. Les Catalans d Gallipoli. 1 LH. Roger harangue fes foldats, & fe I plaint de £ Empereur. LUI. 11 écrit d ce Prince pour s'excufer. LIV. Reproches d'Andronic aux députés des Catalans. LV. Berenger d'Entenga arrivé d Conftantinople. LVI. Roger fe dêmet de la dignité de Grand-Duc , en faveur de Berenger. LVH. Berenger d'Entenga fait Grand-Duc. LVIH. Ilfefépare de 1'Empereur. LIX. Philadelphie bloquêe par les Turcs. LX. Roger fait Cêfar. LXI. Les Turcs enlevent l'ifle de Chio aux Catalans. LXII. Brouilleries £ Irene avec L'Empereur fon mari. LXIII.  S O M M A I R £ , &c. Projets de cette F'rincefe pour tétablifJanent de fes enfants. LXiv. Convent de Moines du rit Romain dêtruit. LXV DemêU des Génois avec la Cour de Trebifonde.  HISTOIRE D V BAS-EMPIRE. L1VRE CENT Q_U AT RIEM E. ANDRONIC II. ET MICHEL SON E ILS. Andronic, voyant que le fort1 des armes lui étoit prefque toujours contraire , eut recours pour arrêter les ravages des barbares aux né- < gociations. Un Seigneur Tartare, au- i trefois attaché k la fortune du fameux Nogaïa, & que Pachymere appelle Cuximpaxis, étoit venu fuivii de fa femme & de fesenfans, fe ré- J j Andronic n. et Ml- :hei sow fils. L.n. 1303. L Cuximaxis Tar* are fe iit chré» i.en.  Andronic II. et Michel soi fils. An. 130} Pachym l 4. <=■ 30 Andr. HlSTOIRE fugier a Conftantinople après la mort malheureufe de ce Prince; il avoit même eu la complaifance pour fe rendre agréable k 1'Empereur, defe , laiffer baptifer avec toute fa maifon. , Andronic crut faire un coup d'état . en mariant Ia fille de fon höte k Soliman Pacha , chef de ceux des Turcs qui occupoient les contrées les plus voifines des frontieres de 1'Empire en Afie. Lorfque cette alliance fut conclue, il nomma le nouvel époux, gouverneur des environs de Nicomédie, dans 1'efpérance que par confidération pour fa femme & pour fon beau-pere, il refpecferoit les terres de 1'Empire , & engageroit les autres Turcs fes amis ou fes alliés k les refpecfer auffi. Andronic reconnut bientöt qu'il s'étoit fait illufion. Soliman Pacha fut féduit par les repréfentation & par 1'exemple d'Amurat, qui, a la tête d'un parti Turc, défoloit la Méfothinie. L'Empereur, voyant fes nouvelles efpérances fruftrées, n'en fut que plus difpofé k recevoir avec avec empreffement les fervices que vint lui offrir un étranger, qui va jouer maintenant un grand röle dans  du Bas-Empire. Liv. CIV. 257 1'Empire Grec, & qu'il eft par conféquent néceffaire de faire connoitre plus particuliérement. Roger de Flor étoit né a Brindes, de parents diftingués par leur naiffance. Son pere , nommé Richard de Flor, étoit Allemand; il avoit occupé auprès de 1'Empereur Fréderic. la charge de grand-Fauconnier. Richard fuivit le parti de Conradin . petit-fils de Fréderic, &£ il eut le malheur de perdre la vie dans la bataille oü ce jeune Prince perdit la liberté. Charles d'Anjou, après avoii fait couper la tête a Conradin , vou lut encore étendre fa vengeance fui fes plus fïdeles, ferviteurs , & même fur leur poftérité. Le jeune Ro ger & fa mere furent enveloppé dans cette profcription générale. Dé pouillés de tout ce qu'ils poffé doient,ils fe virent réduits a la plu affreufe indigence. Un Provencal Chevalier du Temple, venu a Brin des pour faire radouber fon vaiffeau crut appercevoir dans Roger, quoi qu'il fut a peine forti de Penfance des fignes qui préfageoient qu'il fe roit un jour un grand homme d Andronic II. et Michel son fils. An. 1303. II. Origine de Roger de Flor. Muntan. e, 194. Zutita, Ann. Arag, l, 5. part. i. e. 64. 1. 6. c. i. Moncad. c. 2. 3- 4- . Pachym. U ;. c. 12. ' Andr. ■ Nic. Greg, , /; 7. c 2. 3- " Mariana , ./. 15. S f % »  Andronic II. ii Michel son fils. An. 1303. i 1 1 I i 1 ï c c 3 25 HlSTOIRE mer; 11 concut de lamitié pour lui, & le r>„t fur fon bord. Roger ne trompa pas les efpérances de fon patron. A l'%e de quinze ans, il avoit deja la réputation d'être un trés habile marin; lorfqu'il en eut vmgt le grand-maïtre du Temple lui donna lhabit de 1'Ordre, & lui confia une galere de la Religion. Roger fit la courfe avec fuccès fur les infideles, & fe rendit redoutable dans toutes les mersdu Levant. II étoit aAcre, lorfque Melec Taferaf, Sultan d'E. gypte, vint mettre le fiege devant cette ville. Roger, voyant 1'impoffiaihte d empêcher qu'elle ne tombat lu pouvoir des Sarrafïns, offrit a »luieurs des habitants de fauver leurs ylus précieux effets, & de les recevou'fur fon navire;onprétend même ï» ij y fit tranfporter la meilleure >artie des tréfors qui fe trouvoient lour Iors dans les diverfes maifons de on Ordre, fousprétexte delesfoufraire k la rapacité du vainqueur. ^oger, au-heu de regarder ces riheffes comme un dépot, en ufa fans oute comme d'une conquête. C'eft u moins Ie reproche que lui font  du Bas Empire. Liv. CIV. 259 quelques hiftoriens. II eft certain : que le grand-maïtre du Temple le dénonca au Pape comme un voleur & un apoftat, Sc qu'il fit tout ce qui < fut en fon pouvoir pour fe faifir de i fa perfonne. Roger, inftruit du mauvais parti qu'on vouloit lui faire, fortit au plutöt du port de Marfeille oü il étoit a 1'ancre, Sc s'enfuit a Genes. Avec 1'aide des amis qu'il avoit dans cette ville , & fur-tout de Ticin d'Oria ,' il forma un petit armement, Sc alla ofFrir fes fervices k Robert, Duc de Calabre , qui fe difpofoit k la guerre contre Fréderic, Rói de Sicile. Le Duc ne daigna pas 1'écouter. Offenfé de ce mépris, Roger fe tourna du cöté de Fréderic. Ce Prince le recut avec reconnoiffance; il eut tout Iieudes'en féliciter. Roger battit fes ennemis en toutes rencontres, Sc les empêcha de s'emparer de plufieurs places importantes dont ils vouloient fe rendre maitres. Ce fut principalement fur mer qu'il fe fignala; il détruifit la marine Napolitaine, ou Ia rendit inutile; & fi Fréderic conferva fes Etats, il Ie dut au courage Sc aux talents Andronic li. et Ml- hel son' fils, Lh. 1303.  ANDROnic II. et Michel son fils. An. 1303. m. Les Cara» lans proikttent de paffer dans le levant. Muntan. c. 199. 200. Moncad. c. 4- ?. 6. Zurita Ann. Arag. I. 6. part. 1. c. I. Pachym. I. ï- c 12. Andr. 2ÖO fi I 5 T O I R ï de ce guerrier. Auffi ce Prince le décora du titre de ViceAmiral. A la paix, Roger fe trouva un peu embarraffé; il ne favoit comment faire fubfifter fes gens, ni n'ofoit les congédier ; la plupart étoient des aventuriers qui n'avoient ni feu, ni lieu , ni patrie; depuis tant d'années qu'ils portoient les armes, la guerre étoit devenue leur unique élément &c leur feule reffource. Leur chef lui-même pe fe foucioit pas trop de défarmer ; il craignoit toujours. le reffentiment du grand-maitre du Temple, & les pourfuites du redoutable Boniface VIII. Roger, autant pour mettre en fitreté fa perfonne, que pour fournir a fon monde les moyens de vivre, réfolut d'aller exercer au loin fes taIents militaires. II propofa donc a fes foldats de pafier en Oriënt, pour y combattre les Turcs qui déloloient 1'Empire Grec. Tous applaudirent avec joie a ce projet, qui fut auffi très-approuvé de Fréderic. Ce Prince n'étoit pas faché de fe voir débarralTé ie ces hötes, dont le féjour dans fes Etats commensoit a lui devenir in-  nu Bas Empire. Liv. CIV. *<5i commode. D'autres chefs de volontaires propoferent auffi de fe joindre a Roger,& de le reconnoïtre pour Capitaine-général de cette nouvelle expédition. Ils convinrent d'envoyer a Conftantinople une ambaffade pour y régler avec 1'Empereur les conditions auxquelles ils vouloient traiter. Quoique ces étrangers portaffent leurs prétentions très-haut, Andronic les accepta toutes fans faire la moindre difficulté. Dès que les envoyés furent de retour, Roger fortit du port de Meffine avec vingt-fix navires équipes en partie a fes fraix. Le Roi de Sicile lui fit préfent de quelques fommes d'argent, & fournit tous les approvifionnements de bouche néceffai res pour la fubfiftance de fon équi page; ils confiftoient en bifcuit, fro mage , chair falée, outre une grandi quantité d'ail & d'oignons. Le nom bre des troupes embarquées fur cett flotte, fe montoit a environ hui mille hommes de différentes nationi II s'y tróuvoit des Siciliens, des Ca talans, des Arragonois & des Almc gavares. Ces derniers formoient Pk fanterie. Andronic II. et Ml' :helsok rus. An. 1303. Nic. Greg. I. 7< 3.' Mari&na ,  Andronic II. i et i- < chel son ] fiis. | An. 1303, IV. ! Origine ' nes Al- , mogava- ' res. 1 Muntan. f, | 201. i Moncad. c. 7- l .61 HlSTOIRE Les Almogavares étoient des efjeces de demi-fauvages, qu'on croit ivoir été des reftes de ces nations >arbares qui détruifirent en Efpagne a domination des Romains , & qui 'y foutinrent avec éclat jufqu'a 1'inrafion des Sarrafins. Ecrafés par la miflance de ces nouveaux conquéants, ceux qui purent échapper a la nort, fe réfugierent dans les bois &C es montagnes; ils y menerent penlant long-temps une vie errante, ne 'ivant que de chaffe, & n'ayant pour 'êtements que la peau des bêtes dont Is mangeoient la chair; mais leur lombre s'étant accru, & confervant oujours leur ancienne valeur, ils (ferent fortir des lieux oü ils fe teloient cachés, & faire des courfes ur les Mores. Bientöt ils s'accouturjerent a ne plus fublifter que de eurs dépouilles, & devinrent leurs dus implacables ennemis. Un réfeau le fer dont ils s'enveloppoient la têe, un petit bouclier, une épée , trois >u quatre dards, compofoient toute eur armure. Ils manioient ces dards iu javelots avec une dextérité étonlante, & les lan?oient avec tant de  du Bas-Empire. Liv. CIV. 26*3 iforce, que, fi 1'on en veut croire les 1 Auteurs du temps, ils percoient de apart en part, & du même coup, un homme & ion cheval. Les Rois . d'Efpagne en formerent des corps de ) troupes, dont ie fervice leur fut {ou: vent très-utile; cette milice fe batij toit toujours a outrance, & vaincrc 1 ou mourir étoit tout le code milii taire des Almogavares. Roger avoil \ avec lui quatre mille de ces braves. ij quand il paffa a Conftantinople; i! ^ s'y rendit au mois de Septembre de ■la feconde indiction , ce qui indiquë Pan 1303. Son arrivée fut célébrée par des réjouiiTances publiques; les Grecs U regardoient comme leur libérateur Les deux Empereurs & toute la nobleffe lui firent ainfi qu'a fes compagnons la réception la plus flatteufe, Andronic leur afligna pour logement le quartier de Blaquernes, & leur fil donnerpour quatre mois Ia folde donl il étoit convenu; cette folde étoit proportionnée k la nature du fervice de chaque corps, 6c toujours beaucoup plus forte que celles des troupes nationales. Tous les Officiers, outre leui Andronic ii. et Michel son fils. An. 1303, V. Roger arrivé a Conftantinople.Muntan. c, 202. Pofm. animadv. /, 3- ligea envers le Comte a ne faire avec 'Empereur Andronic Paléologue au:un accord qui put préjudicier a leurs  dij Bas-Empire. Liv. CIV. 273 engagements réciproques. Robert,* Duc de Calabre, fils ainé du Roi Charles, & fon Lieutenant-Général au Royaume de Naples, ratifia lesc conventions de fon pere. On voitj que le Comte de Valois efpéroit de paffer en Romanie, aufïï tot que la guerre de Sicile, dans laquelle le Pape 1'avoit engagé, feroit terminée: elle ne fut pas de longue durée. Fréderic , en faifant la paix avec le Comte de Valois, promit de lui fournir, lorfqu'il fe mettrqit en campagne pour recouvrer 1'Èmpire de Conftantinople, un certain nombre de galeres & quatre cents chevaux; de plus , il lui protefta que jamais il ne feroit avec Andronic aucune efpece d'alliance. Ce ne fut pas fans beaucoup de chagrin , que Charles fe vit obligé de renvoyer a un autre temps fon expédition contre les Grecs; il ne put fe difpenfer de repalTer en France, oü Philippe-le-Bel fon frere, le rappelloit a 1'occafion de la guerre qu'il avoit alors a foutenir contre les Flamands. Les démêlés qui s'éleverent enfuite entre Boniface VIII & le Monarque Francois , contribueren! M v Vndro- nic ii. et Mlhel son fils. in.1303.  Andronic II.. et Michel soi> fils. An. 1303 VIT. Manage de Rogei avec une niece de 1'Empereur. Munt. e. 202. Moncada €. S. 3?achym. I, J , «. 12. Andr. Nic. Greg. h 7. ft 3. -74 H I S T 0 I R E auffi beaucoup è retarder 1'exécutioas du projet du Comte de Valois, projet dans lequel il lui étoit difficile de réuffir fans le concours du Pape. La mort de Boniface furvenue au mois» d'O&obre 1303 , & la promotion de Benoit XI, firent renaitre fes efpérances. Andronic devoit donc redouter ure prétendant fi formidable, tk il eff a préfumer que cette crainte, comme nous 1'avons déja dit,, entrat pour. quelque chofe dans Paccueil difiingué qu'il fit a Roger, & dans 1'erapreffement avec lequel il voulut fe 1'attacher par les Hens du fang. II lui donna pour époufe, Marie, fille d'Irene fa fceur, & d'Afan , Roi détrönd de Bulgarie, & par conféquent fa propre niece. Cette Princeffe n'avoit que quinze ou feize ans. Ses noces furentcélébrées avec une magnificence qui fembloit infulter a la miferé publique; Andronic y répandit 1'or avec une profufion infenfée. Les fêtes durerent plufieurs jours, & elles auroient dure, encore davantage, il elles n'eiiffent été troublées par une querelle qui s'éleva entre les Alma-  nu Bas-Empire. Liv. CÏV. 275 gavares & les Génois de Conftantinople. Quelques écrivainsattribuent 1'origine de ce fatal différend, a 1'impatience des Génois qui voulurent être payés fur le champ d'une fomme de vingt mille ducats que Roger leur avoit empruntée; mais Müntaner qui nous a donné, en vieux langage efpagnol,une hiftoire de 1'expédition des Catalans, en afiigne une autre caiife. Comme il fervoit lui-mêmé dans Parmée Catalane , fonrécit nous paroït préférable. Deux Génois fe promenant dans les rues de Conftantinople, firent rencontre d'un Almogavare. Son ajuftement leur parut ridicule , & fa fïgure finguliere; ils eufent Pétourderie de s'en moquer. L'Almogavare qui favoit mieux fe battre que répondre a de mauvaifes plaifanteries, tire 1'épée , fond fur eux, & les met en fuite ; d'autres Génois accoürent pour défendre leurs compatriotes; quelques Almogavares fe réuniffent pour foutenir leur camarade; Ie combat s'engage, Pallarme fe répand daps tous les quartïers de Ia ville. A ce bruit, les Génois du fauxbourg de M vj Andronic II. ET MlIHELSONFItS. An, 1305. vur. Querel'e entre les Génois & les Almogavares. Muntaner , C. 102. Moncad, c. S. Zurita ^ Ann. Arag. part. I. /. 6. e."i» Pachym. ï. 5. c. 14. Andr,  Andronic II, et Michel son eils. An. 1303. i j ( ] ] ] i i t I i < 1 i i I r Z76 HlSTOÏRE Para fe raffemblent, déploient leurs bannieres, & marchent en ordre de bataille vers Ie canton des Almogavares. Ceux-ci, de leur cöté, prennen* les armes, & fecondés de la cavalerie Catalane,recoiventl'ennemi avec intrépidité; déja le fangcoule de toutes parts. L'Empereur qui, des fenê:res de fon palais, avoit vu naitre la lifpute, n'étoit pas faché que les Géïois fulTent un peu maltraités; ces itrangers lui déplaifoient, paree que >lus d'une fois ils avoient prétendu ui faire la loi chez lui. Cependant orfqu'il vit que le combat commen:oit a devenir trop férieux, il donna >rdre aEtienne Mufalon, grandDrun;aire , d'aller le faire cefler; mais les leux partis étoient li acharnés 1'un ontre l'autre, que cet Officier périt ili milieu des combattants. II fallut a préfence de Roger & toute fon utorité pour empêcher les Catalans l'exterminer tous les Génois. Trois nille de ces derniers furent couchés ur Ie carreau. Ce débat eut des fuies malheureufes pour les Catalans» .es Génois en conferverent un éterel fouvenir, & ils ne cefferent de  &u Bas-Empire, Liv. CIV. 277 les traverfer dans toutes leurs opérations. II eft fur que fi les Catalans fe fuffent entendus avec cesltaliens, ils auroient pu non-feulement exterminer les Turcs, mais encore renverfer le tröne de Conftantinople. Les Génois, comme on 1'a déja re; marqué ailleursv avoient des établif! fements & des comptoirs dans toutes les Provinces de 1'Empire. Ils faii foient prefque feuls le commerce de 1 1'Orient, & les richeffes qu'il leur : procuroit, les mettoient alors en état I d'équiper des flottes nombreufes, d'entretenir des armées, &C d'aller de pair avec les plus grands potentats de 1'Eu1 rbpe. Andronic fentit qu'après ce qui venoit d'arriver, il ne feroit pas pru! dent de laiffer en armes dans la ville deux nations fi aigries Tune contre 1'autre. II étoit a craindre que fous : le moindre prétexte & pour quelque fujet encore plus frivole que le précédent , elles n'en vinffent de nouveau aux mains; e'eft pourquoi il srempreffa de les féparer. II engagea donc les Catalans apaffer en Oriënt» oü d'ailleurs leur fervice étoit aéceffaire, AndrO' Nic ii. et Michel son fils. An. 1303.  Andro- / nic II. V et Ml- ( chel son J fils. An. 1303.' IX. 1 Ferdi- ] nand j d'Aones comman- ' de la flot- 1 te Catala- 1 ne. Munt. c. 1 232. 203. j Moncada, t. 9. Mariana , ] ..15. j < ( < ] 1 \ ( l I I 7S HlSTOIRE En effet, les Turcs menafoïen. ]yzique. II importoit beaucoup de onferver cette place. C'étoit un des loulevards de Conftantinople du cöté le 1'Alie ; de plus , tout le bagage de 'armée de Michel qui avoit pris fi tonteufement la fuite, s'y trouvoit alTemblé. Roger & fa troupe fe monrerenttrès-difpofésapartir pour cette ;xpédition; mais avant de fe mettre ?n marche, ils fupplierent 1'Empe■eur de nommer un OfHcier de leur lation pour commander la flotte qui levoit les tranfporter en Afie , & les butenïr dans leurs manceuvres. Ils :raignoient qu'on-ne remit les for:es de mer k quelque Grec ou k quel[ue Génois qui auroit pu ne pas agir le concert avec eux, &c faire manpier, par jaloufie, leurs opérations. ,'Empereur eut encore la complaiance d'acquiefcer k cette requête. II onfia Ie commandement de la flotte un Efpagnoi , nommé Ferdinand 1'Aones. C'étoit un Chevalier de ;rande naiiTance, renommé pour fa 'aleur, & qui entendoit parfaitement 'art de la guerre. Afin de lui doner plus de confidération , Andronic  i>u Bas-Empire. Liv. CIV. 279 lui fit époufer une Dame de la familie impériale. On prétend que Fer-' dinand pour qui toute religion étoit bonne, fans doute paree qu'il n'en' avoit aucune , embraffa le fchifme 1 des Grecs, croyant par-la fe rendre plus agréable a 1'Empereur & a fa nouvelle époufe. Andronic commanda a Grégoire, chef d'un corps d'Aïains, de fe joindre a Roger. Un détachement de troupes impériales, è la tête duquel étoit Marules, Officier de diftinflion, recut auffi les mêmes ordres. L'arrivée des Catalans & les préparatifs de la guerre , n'avoient pu diftraire 1'Empereur del'atten tion qu'il \ donnoit de préférence aux affaires de < l'Eglife. Les troubles qui s'étoient éle-' vés dans 1'ordre du clergé, 1'avoient \ occupé férieufement une grande partie de 1'année précédente ; ils continuerent a lui caufer encore beaucoup d'embarras pendant tout Ie cours de celle oü nous nous trouvons maintenant. La plupart des Prélats ne ceffoient de folliciter Ie rétablifTement de 1'Evêque d'Epbefe » & le Patriarebe Jean perfiftoit toujours a s'y op- LNDRONIC it. ET Mé HEL SON FILS. Ln. 1303,. X. Caba'e ontre ie 'atriarhe. yachym. h l. e. 17, indr.  Andronic ii. et Michel son fils. An. 1303. aSo H 1 s t o 1 r e pofer. Cette opiniatre réfiftance les révolta. Ils formerent contre lui une nouvelle cabale. Nous avons déja vu plus haut que pour le détruire auprès de 1'Empereur, ils avoient décrié fon adminiftration. Cette fois ils ittaquerent fes mceurs. Hilarion, Evêque de Sélivrée, fut 1'ame de cette intrigue; il fe chargea même d'en être 1'infirument. II va trouver Andronic, Sj lui dit que le Patriarche s'eft renJu coupable d'un crime honteux; qu'a la vérité il ne peut en parler comme témoin oculaire, mais qu'il tient Ie fait de la bouche d'un homme très-inftruit; or, cet homme étoit mort depuis peu, & avoit été univerfellement connu pour un calomniateur de profeffion. En général, il paroit que les Grecs, ne fe faifoient aucun fcrupule d'employer le menfonge, lorfqu'ils vouloient perdre un ennemi ou fupplanter un rival. Ce qui doit paroitre bien étonnant, c'eft que les gens d'Eglife eux-mêmes, ne rougifToient pas d'avoir recours a cet affreux moyen. L'Empereur reeut la délation téméraire & peu charitable d'Hilarion, comme il le devoit; il  i>u BasEmpire. Liv. CIV. &8i fit taire cet Evêque , & lui ordonna1 d'enfévelir fon fecret dans le plus profond filence. Hilarion n'eut aucun égard aux louables intentions du Prin-1 ce; au contraire.il affefta de répan-' dre dans le public, 1'anecdote fcandaleufe dont il fe difoit dépolitaire. Le Patriarche, informé des mauvais propos qu'on débitoit fur fon compte, en fut trés-irrité; ilconvoqua les Evêques , & voulut exiger d'eux qu'ils condarnnaiTent 1'auteur de ces bruits calomnieux, a lui faire publiquèment réparation d'honneur. Le fynode, dont la plupart des membres étoit du complot d'Hilarion,; ne parut nullement difpofé a entrer, dans les vues du Patriarche. Cette 1 efpece de déni de juftice lui donna! de Phumeur; il fortit brufquement 1 de 1'affemblée , & jura que les Prélats ne le verroient plus déformais! afïis au milieu d'eux, qu'ils ne 1'euffent vengé de PEvêque de Sélivrée, La nuit fuivante , il fe retira au monaftere de Pammacarifte, & le ïendemain il envoya è 1'Empereur 1'afte de fa démiffion. II obfervoit dans cet a&e, qu'ayant été difFamé aux yeux Andronic II. et Mi;hel son fils. Vn.1303, XI. 1 demanle juftice les caomnieslont on reut le ïoircir. >achym. I. [. c. 28. 19, Andr,  Andronic II. r.t Michel son fils. An, 1303". i ■ j i i X l >82 HlSTOIllE de fon troupeau, il ne pouvoit plus en être le pafteur, & que pour exécuter le ferment qu'il avoit fait en préfence des Evêques, il fè croyoit obligé de fe dépouiller de la dignité patriarchale. II ajoutoit que pour éviter tout fcandale, il renoncoit même a Phonneur du facerdoce. Cet écrit étoit figné: Jean, moine, ci-devant Pa* '.riarche de Confiantinqple. L'Empereur en le recevant eut d'abord envie de le jetter au feu fans ie lire. Mais Payant ïnfuite parcouru , il remarqua que le Patriarche avoit juré de quitter fon fiege; alors 1'affaire lui parut d'une :oute autre conféquence; il crutque la décifion devoit en être foumife a 'autorité d'un fynode. Auffi tot il afemble dans fon palais., les Evêques ivec un grand nombre d'Eccléfiaftijues &c de moines. Les conférences lurerent plufieurs jours, & elles fuent auffi longues qu'orageufes; on y ixamina li la démiffion du Patriarche toil conforme a 1'efprit des canons. ,'Empereury difputa avec chaleur, ^ fe fignala par la fubtilité de fes aifonnements. Cependant après avoir ien difcuté la queftion , il ne favoit  nu Bas-Empire. Liv. CIV. 283 trop quel parti prendre. La circonftance du ferment 1'embarrafToit beaucoup. La plupart des opinants prétendoient que le Patriarche s'étoit lié lui-même irrévocablement par fes propres paroles, & qu'il ne lui étoit plus permis, fans fe rendre coupable de parjure", de reprendre le gouvernement de fon Eglife. Ses partifans , qui faifoient le plus petit nombre , répondoient que fon ferment n'étoit que conditionnel, qu'on pouvoit aifément le rendre nul en lui accordant la juftice qu'il demandoit. Ses adverfaires repliquoient qu'il feroit inique de condamner 1'Evêque de Sélivrée , ce Prélat n'étant point 1'auteur des dilcours dont le Patriarche fe plaignoit, & n'ayant fait que lei rapporter d'après un autre. C'eft ainfi qu'on raifonnoit dans ces affemblées. compofées cependant des premiers hommes de l'Eglife Grecque, &z de fes plus grands Do&eurs. Après bien des difcuffions inutiles, on convini qu'il falloit s'en rapporter a la bonne foi du Patriarche, & favoir de fa bou>che ce qu'il penfoit de fon ferment & de fon abdication. Andronic K. et Michel son fils. An. 130j,  ■ andronic ii. et Michel son FI2S. An. 1303. XII. II ufe de détour pour n'être pas obligé de fe démettre. Pachym. I. 4- c. 32. Andr. Orlens Chrift, É 2S4 HlSTOIRE Le Prélat, qui craignoit de parohrfc céder, & encore plus de perdre fa place, commencoit è s'inquiéter en voyant Pobftacie que le ferment qu'il avoit fait, mettoit k fon retour. II s'étoit flatté qu'Andronic , qui, depuis fon premier rappel, ne ceffoit de le combler de faveurs, ne manqueroit pas encore cette feconde fois de lui accorder tout pour le faire revenir. Quand il s'appercut que les chofes prenoient une tournure différente de celle qu'il efpéroit, il chercha k fe tirer par un nouveau détour, du piege oii il s'étoit pris lui-même. II répondit a ceux qui vinrent 1'interroger, que depuis long-temps il avoit formé la réfolution de ne faire aucun ferment, ni d'eri exiger de perfonne ; que celui qu'on lui impufoit, n'étoit qu'une fimple formule dont il avoit coutume de fe fervir, Iorfqu'il vouloit donner plus de poids a fes paroles. Quant d ce qui concerne la validité de ma démijjion, fi, difoitil, ceux des membres de tajfemblée a qui il appartient d'en dècider, la regoivent tous , ƒ'acquiefcerai d leur jugement y & dès Üinflant je confentirai  du Bas-Empire. Liv. CIV. 285 qu'on procédé d l'éleclion d'un autre Patriarche ; je ferai même le premier d dêlibêrer fur le choix de mon fuc^ceffeur ; mais s'il s'en trouve feule-' ! ment trois qui refufent de Cadmettre , & qui la jugent contraire aux canons, alors je ne renoncerai point d la puiffance que fai regue du Saint* Efprit. Cette réponfe a laquelle on ne s'attendoitpas, loin de terminer 1'affaire, ne fit que Pembrouiller davantage; lesefprits séchaufferent de plus en plus; les difputes & même lesinjures recommencerent , & on finit par fe féparer fans avoir rien conclu. L'Empereur, fatigué de toutes ces chicanes, parut vouloir abandonner k leur mauvaife humeur les deux Pa-J triarches, Athanafe & Jean, pourfe. tourner encore du cöté des Arfénites.J II étoit même fecretement difpofé k' faire de grands facrifices pour obtenir '■ de ces fanatiques qu'ils confentiffent enfin k la paix. II leur fit dire par une vieille Religieufe de fes parentes, qui étoit très-attachée k la fe&e , qu'il defiroit de conférer avec leurs chefs. Les Arfénites s'emprefferent de lui dcputer cinq des principaux d'en- Andro- N1C II. ET Ml'HEL SON FIIS. ia. 1303, XIII. L'Empeeur fe ourne du öté des Lrfenitej.' yachym. I. [■ c. 33. inir.  Andronic II. et Mighel son fils. An. 1303. S8<5 HlSTOIRE tr'eux, a la tête defquels étoient Lazare Corionite, & Macaire, furnommé la Colombe , qui tous deux avoient eu les yeux crevés fous le regne précédent , & qui , par conféquent, étoient en grande vénération dans le parti. Ces cinq députés furent introduits pendant la nuit auprès de 1'Empereur. Ce Prince débuta par leur fignifier qu'il ne prétendoit pas qu'on donnat la moindre atteinte aux ordinations faites par les Patriarches qui avoient fuccédé a Arfene. Les Arfénites, fans difputer fur cet article, répondirent qu'avant tout il falloit s'occuper de 1'éleftion d'un nouveau Patriarche, & convenir quels feroient ceux qui auroient droit de le choifir ; que ce Prélat ne devoit être ni élu, ni facré par les Evêques aétuels ; qu'autrement ce feroit bdtir fur le fable. Ils fe chargerent euxmêmes du foin de nommer le futur Patriarche , & propoferent pour le facrer 1'Evêque des Marmaritziens en Occident. Ce Prélat avoit été ordonné avant les diiputes de l'Eglife, & n'avoit eu aucune part au fchifme. L'Empereur leur repréfenta que i'E;  du Bas-Empire. Liv. CIV. 287 vêquedont ils lui parloient, étoitpeu ; régulier; qu'il prenoit de Pargent pour les ordinations; & que pour plus prompte expédition, il confacroit plu-fieursPrêtres enfemble, par unefeule & même bénédidfion. Mais dans les < principes des Arfénites, il étoit tres: orthodoxe, & ce feul mérite nepou1 voit manquer pour eux de lui tenir lieu de tout autre , & même de coui vrir a leurs yeux tous les vices qu'on auroit pu ' d'ailleurs lui reprocher. ; L'Empereur, fans infiiter davantage, ; eut la foibleffe de les laiffer les maïJtres de difpofer de tout comme ils31'entendroient. Déja les Arfénites ij triomphoient, lörfqu'un nouvel in] cident fufcité par la politique inté3 reffée d Athanafe, vint tout-a-coup 1 rompre leurs mefures , & faire éva1 nouir leurs efpérances. £ ;Le quinziemejour de Janvier 1304, un moine nommé Ménas, fe rend au palais fur la fin du jour, & de-' 1 mande qu'on le préfente a 1'Empe-1 9 reur. Andronic lui fait dire d'atten-: ij dre , paree qu'il ne peut le recevoir pour le moment. Je viens, répond Ménas, pour unt affaire qui ne JöuffrS Andronic ii. et Mi- SHELSOÏf FILS. In.1303. XIV. Prétenlue pré- liftion L'Athana- 'e. Wie. Greg. . 7- e- 1. Pachym. I. t. 3435, Andr,  Andronic ii. et Michel son FIÏ.S. An. 1303. dans toutes les maifons religieufes, & de les commeneer fur Cheure. Andronic, faifi d'effroi, envoya fur le champ des ordres dans tous les Monafteres pour qu'on s'y mït en prieres, fans cependant s'expliquer furie mótif d'une réfolution fi fubite. Luimême paffa toute la nuit en oraifon. Au lever du foleil, ce Prince fe difpofoit a entrer, fuivant fa cou'tume, dans 1'appartement de 1'Impératrice fa mere, pour lui rendre fes hommages, torfqu'il fentit un léger tremblement ; de : 288 Histoire ooint de dêlai, & peut-être avant que la nuit foit arrivée, ne fera-t-il plus temps de profiter de l'avis dont je fuis vorteur. Andronic, fur cette réponfe, donne ordre aufli-töt de le faire en-: trer. Je vous annonce , lui dit Ménas,.' ie la part du Patriarche Athanafe, jue tous les fléaux r en f er mes dans les tréfors de la colere divine, font prêts i fondre fur Conftantinople ; que cette ville criminelle eft menacée cfêtre détruite par la pejle, la ! famine , les Inondations, & fur-tout par des tremblements de terre * l'unique moyen pour (carter ces malheurs, eft de faire pendant trois jours des prieres publiaues  ïhj Bas-Empire. Liv. CIV. 2S5 ie terre. Deux jours après, il crut er fentir un fecond, dont la fecouffe lui parut plus forte. II ne douta point qu'Athanafe n'eüt véritablement le don de prophétie. Auffi-töt il affemble les Evêques, les Prêtres ,tout le Clergé, & les principaux d'entreles Moines. II les inftr.uk de ce qui eft arrivé, & leur demande ce qu'il faut penfer du laint Religieux qui a prédit un pareil événement. Cette confultation donna lieu a des raifonnemenfs remarquables par leur fingularité. Cette prédicüon, difoient les uns, mérite d'autant plus de confiance, que c'eft un Moine qui en a été 1'organe; car il eft k préiumer que lorfque Dien veut manifefter 1'avenir a un mortel, il choifit toujours de préférence quelqu'un de ces hommes qui vivent dans la folitude, dégagés du tumulte des paffions, & de toute affecfion terreftre. II n'eft pas fans doute difficile de deviner d'oü pouvoit partir une pareille décifion. D'autres, au contraire, répliquoient qu'il ne falloit pas être grand prophete pour annoncer des calamités k une nation, qui depuis long-temps étoit Tomé XXIIL N Androsic IL et Mlchel son fiis. An, 1304.  Andronic II. et Mlche1sonfils. An. 1304. :CjO HlSTOIRE bus le bras vengeur de 1'Être fitjrême, & qui chaque jour éprouvoit les efFets terribles de fa colere. D'autres prétendoient qu'il étoit né:effaire , pour s'affurer fi cette préiiöion venoit véritablement d'enbaut, de connoïtre auparavant celui i qui on 1'attribuoit, afin de juger li par la pureté de fes mceurs & la régularité de fa vie , il méritoit que Dieu Pinitiat dans fes fecrets. Quelques«uns enfin vouloient qu'on fe défiat de ces prétendus oracles, comme d'un ftratagême dont on ne tarderoit pas a découvrir le motif. De plus, ajoutoient-ils , il n'efl: pas impofiible , en obfervant certaiasfignes connus de ces hommes qui font exerccs dans 1'étude de la nature , de faire de femblables prédiöions. Ces derniers raifonnoient plus fenfément que les autres, & felon toute apparence, ils avoient trouvé le vrai nceud de fintrigue. En effet, y auroit-il de la témérité a fuppofer qu'Athanafe dans le filence de fa folitude , s'étoit appercu de quelque léger tremblement de terre, qui pouvoit bien n'avoir été remarqué que de lui feul,  du Bas-Empire. Liv. CIV. 291 & qu'il avoit préfumé que cette première fecouffe feroit fuivie de quelques autres ? Cet ambitieux Prélat avoit depuis long-temps laprétention de fe faire pafler pour un homme a miracles. D'ailleurs, que rifquoit-il en halardant une pareille prophéfie ? Si elle refloit fans effet, il avoit la reffource de dire que Dieu s'étoit laiffé fléchir par les prieres; fi; au contraire,quelqu'undes diversfléaux dont il menacoit les Grecs fe faifoit fentir, alors il ne pouvoit manquer d'acquérir une grande réputation de fainteté, & il n'y avoit aucun doute qu'il ne fut rappellé fur Ie tröne pontifical: c'étoit probablement fon intention fecrete. Le lendemain dès Ia pointe du jour, 1'Empereur mande au palais,, non-feulement toutes les perfonnesï qui s?étoient trouvées è la première: affemblée, mais encore les principaux j de la ville. Alors fans agiter la quef-1 tion qui avoit été débattue la veille,' il pronon^a un long difcours fur la \ rnaniere dont les chofes s'étoient paf fées; il paria avec enthoufiafme, &j proteffa que ce n'étoit que d'après N'ij Andronic H. et Michel son fils. An. 130,1, XV. L'Empeeur tra£lant prés lui i popuace, va rouver e Prélat.' 'achym. I, . *. 36. tndr. lic. Grcg. 7. «. ï.  Andronic II. et Michel son fils. An, 1304. XVI. Récep- HlSTOIRE les preuves les plus folidement établies , qu'il s'étoit déterminé h reconnoitre tous les carafteres de la préfcience divine dans la prédicfion qui lui avoit été faite. Quand il crut les sfprits fuffifamment préparés: Allons, dit - il, allons yoir U faint homme , fans toutefois le nommer. Aufli-töt il part, engageant tous ceux qui étoient préfents a 1'accompagner, les y excitant même par 1'appat des bénédictions dont 1'homme de Dieu ne manqueroit pas de les gratifïer; & pour qwe perfonne ne put s'en excufer fxir fon age ou fur fes infirmités, il fit donner des chevaux de fon écurie a ceux qui n'auroient pas eu la force de le fuivre ; pour lui il voulut faire tout le chemin a pied. Ce dut être un fpeöacle lingulier de voir le maitre de 1'Empire, marcher au milieu des boues, dont, fuivant la remarque des hiftoriens, les rues étoient alors remplies , a latête d'une foule de gens de tous les états, & d'une populace innombrable qui s'empreffoit d'aller vifiter le nouveau prophete. II y avoit neuf ans & trois mois  du B-as-Empire. Liv. CIV. 293 que les portes du monaftere ok Athanafe rétïdoit, étoient reftées fermées. A 1'arrivéede 1'Empereur, elles s'ouvrirent tout-a-coup , & 1'on vit paroitre le Patriarche. II étoit vêtu d'une méchante cafaque, avoit unchapeau de paille fur la têtè, & un baton è la main. On n'eut pas de peine a reconnoïtreque c'étoit la leProphete dont le Prince avoit fait de fi grands éloges. A fon afpect, chacun fe découvre. Le peuple & les Evêques le reconnoiffent pour leur Patriarche , le conjurent de revenir en reprendre les fon£Hons, &fe profternant humblement h fes pieds, lui demandent fa bénédiftion. Athanafe, avec une modeftie hypocrite , refufe de la leur donner, & leur préfente feulement fa main a baifer; en même-temps il déclare qu'il ne remontera jamais fur le fiege de Conftantinople, paree que fa fanté & fon age s'y oppofent; mais il infinua adroitement qu'il n'ignoroit pas que le peuple gémiffoit fous la tyrannie des Grands; que le foible étoit opprimé par 1'homme puiflant,' & le pauvre par le riche , vu que depuis fa retraite, il ne fe trouvoit N üj • Andronic ii. et Michel son fils. An. 1304. tion que lui faic Athanafe. Pachym. I. J. c. i. Andr.  Andro- KIC II. ET MlCHEt SON HLS. Aa, 1504. ] ] | | I | 2 4 i 1 & 1 =94 Histoire plus perfonne qiri fut le proteöeur des malheureux auprès du Prince; &z il finit par faire entendre qu'il rempliroit vcdontiers cecharitable&dangereux emploi. Sa propofition fut recue avec de grandes acclamations ; 1'Empereur lui-même y applaudit, & dit a Athanafe qu'il ne connoiffoit aucun homme dans tout 1'Empire , piusdigne que lui d'une fi noble fonemen ; qu'il le prioit de s'en charger , *k d'ouvrir en conféquence fa porte i tous ceux qui auroient quelques >laintes a faire. C'étoit de la part du 3ré!at un tour d'adreffe qui le meaoit direcfement au but oh il feignoit le rte pas vouloir aller. Dèscemonent, il y eut auprès de fa perfonne in concours prodigieux. Des gens le tout rang, de toute eondition, /enoient en foule lui demander jufice des torts qu'ils prétendoient leur ivoir été faits, foit dans les tribulaux, foit par les Officiers du Prine. Des Evêque choifis par Athanae, revoyoient les procés; confirnoient le premier jugement, s'il y voit lieu , ou le caffoient & en proloncoient un nouveau plus équita-  na Bas Empire. Lïv. CIV. 295 ble. D'autres préfentoient a Athanafe des placets, pour obtenir de 1'Empereur des graces. Le Prélat ren voyoit ces requêtes au Prince,. qui, fur fa recommandation ,nemanquoit jamais d'y avoir égard. Andronic fongeoit toujours aux moyens de faire remonter Athanafe fur le fiege patriarchal. L'occafionlui paroiflbit affez favorable. La multitude continuoit a demander avecimpatience fon ancien Pafleur; il n'en étoit pas de même des Evêques & du ckrgé; le premier moment d'enthoufiafme étoit paffe. Les Eccléfiaftiques commencoient h réfléchir fur les fuites de la démarche qu'ils avoient faite. Ils prévoyoient qu'en rapellant Athanafe, ils alloient fe remettre fous la verge d'un Prélat vindicatif, qui ne manqueroit pas de maltraiter ceux qui avoient eu part a fa difgrace. D'ailleurs, fuivant 1'opinion commune , on ne pouvoit guere le replacer fur le tröne patriarchal , fans reconnoïtre que celui qui Poccupoit depuis dix ans étoit intrus, fans déclarer nul tout ce qui étoit émané de fon autorité; ce qui auroit replongé N iv Andronic ii. et Ml- chel son fils. An, 1304. xvii. Le Clergé s\>ppofe au rétabliffement de 1'ancien. Patriar- sfce.  Andrqmc II. ET Ml- ' CHELSON( FILS. An. 1304.1 J 1 < J i i 1 ■( 1 ( t l t c i c d j< e 1; C II I S T 0 I R E l'églife dans Ie trouble & la confufion. A cesconfidérations, venoientfe joiaire les inquiétudes que les ennemis 1'Athanafe affeftoient de répandre lans les efprits, en obfervant qu'il ie cherchoit a capter la faveur du >euple, que pour former des faöions [ui le reportaffent de force fur le iege de Conftantinople. Ses partians, de leur cöté, foutenoient que a dépofition n'ayant été ni volonaire, ni canonique, rien ne pou'oit difpenfer de le rétablir. D'aures prenoient un parti mitoyen ; ils onfentoient qu'on le rappellat, mais ux conditions qu'il laifferoit fubfifsr tout ce qu'avoit fait le dernier atnarche; qu'il s'engageroit par ferïent a traiter avec douceur les Ecléfiaftiques & les Moines; qu'enfin , ne s'ingéreroit plus de dépofer auun Prélat de fon chef, ni fans eonful|r les canons. Au milieu dececonflit 'opinions, les chofes reftoient toumrsdaiTsle même état. L'Empereur, nnuyé de ces délais, & voyant que* 1 terreur qu'infpiroit Pexceffive du?té d'Athanafe, étoit la principale utfe qui s'oppofoit a fon rétabliffe-  r>u Bas-Empire. Liv. CIV. 297 ment, fit valoir, pour détruire cet obftacle , les grands motifs de la religion. II repréfenta aux Evêques & aux Eccléfiaftiques, que la févérité d'Athanafe procédoit de la fainte habitude qu'il s'étoit faite, de mener, d'aprèsles confeils évangéliques, une vie très-auftere; ce qui Pautorifbit a exiger des autres la même régularité & lui faifoit regarder les moindres fautes comme des crimes. II ajoutoit que pour lui, il étoit difpofé a fe foumettre dorénavant a toute la rigueur de fes réprimandes; qu'il aimoit mieux fouffrir que ce Prélat fondat les plaies de fon ame, en y portant une main cruelle, qu'en ufant de ces ménagements & de cette circonfpeöion auxquels la flatterie ne manque jamais d'avoir recours . quand il s'agit de donner des lecom aux Grands. Ces maximes fi édifiantes ne firem aucune impreffion fur le clergé; i contir.ua a montrer toujours beau coup de répugnance pour le rappe de Tanden Patriarche; il fe fentoi d'ailleurs foutenu par 1'exemple d\ Patriarche d'Alexandrie. Ce Prélat N v Andronic 11. et Michel son fils An. 1504. : XVIII. Apolognè du Patriarche | :l'\lexan- . drie. ' Nic. Gres. ' I, 7. ï. I » >  Andronic lï. et Michel soa fils. An. 1304. t I i i c f f a ti u p> P' 29^ HlSTOIRE qui jouiffoit d'une grande confidérai tion , n'avoit jamais approuvé la con- "£frfAthanaie» & ne /«geoit pas quil fut a propos de le rétablir. II s'en étoit même expüqué affez ouvertement k 1'Empereur en différentes circonfiances, & une fois entr'autres il lui avoit récité cet spologue dont chacun pouvoit aifément faire Eapplication : Un corroyeur avoit nn chat blanc qui étoit la terreur des fouris. Cet animal tomba dans un baquet plein ie la liqueur dont fon maitre fe fervoit wur teindre fes cuirs. 11 en fortit tout loir. Les fouris crurent qu'il s'étoit fait noine, & que par conféquent il avoit ■enoncê d fufage de la chair. Dans ette confiance , elles fe réuniffent en 'rand nombre, fe rêpandent dans la naifon, 6- parcourent tous les coins 'our y chercker leur vie. Le frippon es dévoroit déja toutes des yeux , & uroit bien voulu quaucune n'êchapdt d fa dent vorace ; mais ne pouvant we mieux pour lors, il fe faijït de, eux des plus grof es qu'il croqua. Tous les autres fe fauverent au plus vi, fort étonnées de le trouver encore 'us fêroce qu'il n'étoit ayans d'avoir ïs le faint fiabih  du Bas-Empire. Liv. CIV. 290 L'Empereur , voyant que tous les fëfforts qu'il avoit mis en jeu pour opérer le rétablifTement d'Athanafe, n'avoient produit aucun effet, fe propofa d'engager, s'il étoit poffible , ie Patriarche Jean a applanir lui-même les difficultés qui s'oppofoient I1'exécutionde fon deffein.En conféquence, il fe tranfporte dans fa retraite, & aufïi-töt qu'il en eft appercu, il s'incline profondément pour recevoir fa bénédiftion. Que Dieu vous la donne au-licu de moi, lui dit le Prélat : vous me reconnoijje^ donc pour vrai Patriarche. L'Empereur n ofa pas dire le contraire. Puifque ceft ainfi, repartit Jean avec fierté ,puifque mon abdication na point encore été regue ni approuvée, puifque 1'on fait encore mention de moi dans les prieres publiques , fexcommunit au nom de la tres fainte Trinite, quiconque entreprendra de rétablir le feigneür Athanafe. Andronic , qui ne s'attendoit pas a cette avenlure, en fut étourdi comme d'un coup de foudre; il fe retira fans avoir la force de proférer une feule parole. Auffi-töt il affemble les Evêques, ck lesconfulte fur les fuites de cette N vj Andronic ii. et Michel son fils, An. 1304. xix. Retraire du Patriarchefeati & retour j'Athanafe. Pachym. I. S- <■ 3- 7- Andr. Nic. GnS, '. 6. c li. Oricns Chriji.  Andronic II. et Mighei, son fils. An, 1304. : i 3 1 ! « c I li i s f o i k e excommunication foudaine. Les Prélats. fe trotiverent fort embarraffés', & ne furent trop quelles raifons lui alleguer pour calmer fes inquiétudes. Cependant ce Prince ne ceffoit de faire agir auprès de Jean des perfonnes affidées qui le folliciroient.de donner volontairement fa démifïïon. Ce Patriarche, fatigué de tant d'inftances, & d'ailleurs méconterit des Evêques qui, fuivant lui, ne monrroient pas affez de zele pour le foutenir, confentit enfin k ce qu'on exigeoitde lui. II envoya a 1'Empereur un a£te par lequel il révoquoit IV nathême qu'il avoit lancé contre les partifans d'A thanafe , & déclaroit en même-femps qu'il donnoitl'abfolutioa a ceux qui en avoient été frappés, rans toutefois approuver le rétab)ifferj Kas-E'mpire. Liv. CIV. 301 maniere la plus formelle le rappel ; d'A thanafe. II s'imaginoit que cette déclaration du Patriarche Jean leveroit tous les obftacles, & que les Evêques n'ayant plus le prétexte de [ 1'anathême fulminé par ee Prélat, [ pour fe difpenfer de rétablir Athaï nafe, alloient tous fe réunir &l le rap] peller de concert. Auffi-tót il leur or» donne de s'affembler pour terminer ï cette affaire. Deux jours entiers fepaf! fent en délibérations inutiles. L'Emj pereur, impatient de voir que les ! Evêques ne peuvent rien conclure , 1 monte a cheval, ferend au fynode, ; & fans autre formalité, prend avec lui ceux qui étoient pour Athanafe, i & les invite a aller enfemble le trouver. Arrivés a fon monaftere, ils I Fhabillent comme ils peuvent en Pa: triarehe, lui faifant des habits ponfifïcaux des premiers vêtements qu'ils i rencontrent fous leur main, puis le conduifent en cet état a pied & environné d'une foule innombrable de peuple au palais de Sainte-Sophie. Le lendemain vingt-quatre aoüt, Jean fortit de la ville fans prendre congé de 1'Empereur, Sc fe retira fecrese? Andronic ii. et Michel sok fils. An. 1304»  Andro nic II. et Michel so: fils. An. 1304 XX. L'armét Catalane fait une defcente au cap Artace. Munt, 203. Zurita , Ann.Arag. pan. 1. /. 6, c. 1. Moncaik , c 9. 302 HlSTOIRË -ment k Sozopole fa patrie, oii il fi. ' nit fes jours, ne cefiant de protefter contre la violence qui lui avoit été ' faite, & d'adreffer des prieres k Dieu pour qu'il rendit Ia paix a l'Eglife , & la tranquillité k 1'Etaf. ° Tandis que 1'Empereur difputoit avec fes Prêtres, les Catalans battoient les Turcs. Leur armée avoit au printemps traverfé la Propontide ou mer de Marmora, & étoit abordée au cap Artace dans le voifinage de Cyzique. C'étoit alors un Iieu charmant; fon terrein fertile & bien cultivé produifoit de riches moiffons & des fruits délicieux ; les fléaux qui défoloient tout 1'Empire, fembloienr 1'avoir refpefté; auffi avoit-il tenté la cupidité des Turcs, & le jour même que les Catalans vinrent y débarquer, ces barbares s'étoient mis le matin en devoir de s'y établir. Ils avoient effayé de forcer une efpece de retran- 1 chement qui en faifoit le principal boulevard; mais la belle défenfe des troupes qui gardoient ce pofte, les ivoit obh'gés de fe retirer avec perte. Roger, inftruit de cet événement ju»ea que les ennemis ne devoient pas  du Bas-Empire. Liv. CJV. 303 S être encore fort éloignés; il voulut2 1 profiter de 1'occafion pour les furpren- ' ; dre. Ses coureurs vinrent lui annon) eer qu'en effet ils n'étoient qu'a fix c Jmiiles de-la. Roger affemble fon armée a la hate, ï & lui communiqué les projets. II fait j envifager a fes foldats la gloire qui F I les attend , & la haute opinion qu'ilsé i donneront de leur valeur tant aux 1 ennemis qu'aux Grecs leurs alliés, fi les premiers pas qu'ils vont faire 7 j dans la brillante carrière qui s'ouvre c i devant eux, font marqués par la vic: toire. II leur repréfente que le fuc- p I cès de la grande expédition qu'ils ont 6 I entreprife dépend de celui de leur dé- but. II leur prefcrit enfuite 1'ordre •dans lequel il faut marcher au com;bat, la maniere dont ils doivent re:cevoir 1'ennemi & le reponffer; ii ileur recommande fur-tout de ne lui lfaire aucun quartier. Son intention étoit d'infpirer aux Turcs plus deterfreur, & en même-temps de mettre les fiens dans la néceffité de vaincre ■ou demourir, en leur ötant tout ef- poir de fauver leur vie s'ils fe laif- ïoient battre, Toute 1'armée 1'écouta i.KDRO« NIC H. ET Ml- HEL SOK FILS. n. 1304,' XXI. Roger ropofe 'attauer les 'ures. Munt. c. 03. Moncad. 10. Zurita j 'nn. Arag. in. I. /, . e, 1.  Andronic II. ' et Ml- ! ciielson fils. An. 1304.' 1 XXIT. Défaite ie ces $04 HlSTOIRE ivec tranfport, jetra de grands cns le joie , &c lui promit d'être fidele ifes inftru&ions. Roger, profitant de a bonne volonté de fes foldats, fe met niffi tot en mouvement; il étoit avec Vlarules a la tête de la cavalerie qui formoit Pavant-garde. Ce corps por'oit deux étendards, 1'un aux armes le 1'Empereur Andronic, & 1'autre mx armes de Roger. Suivoit 1'infan:erie commandée par Corbaran d'Aet, Sénéchal de l'armée. Cette feconie troupe marchoit fous deux banlieres. Sur la première on voyoit rejréfenté 1'écuffon de Jacques , Roif i'Arragon, & fur 1'autre celui de Fréderic, Roi de Sicile. Quelques Auteurs Efpagnols prétendent que, fuivant une des conditionsdu traité con-clu avec Andronic, les Catalans de* voient prendre poffeffion, au nom de ieurs propres Souverains, des pays oü ils porteroient leurs armes viöorieufes. Mais il n'y a pas d'apparence que 1'Empereur des Grecs eütvoulu foudoyer des troupes pour faire des conquêtes au pront des Latins.. Les Catalans fe mirent en marche fur le minuit, & fe trouverent au  du Bas-Empire. Liv. CIV. 305 point du jour très-près des Turcs qui ne les attendoient pas. Ces Barbares repofoient alors tranquillement fous leurs tentes au milieu de leurs femmes , de leurs enfants, & environnés d'un riche butin qu'ils trainoient après eux. A 1'inftantmême, Roger & Marules fe jettent avec leur cavalerie dans le camp des ennemis, écrafent & maffacrent tout ce qui fe trouve fous leurs pieds. Ceux des Turcs qui n'avoient pas encore paffé du fommeil dans le fein de la mort, fe faififfent de leurs armes, & fe mettent, comme ils peuvent, en défenle; dans 1'impoffibilité de fe rallier, ils combattent par pelotons, & difputent leur 1 vie en défefpérés. Peu de temps après arrivent les Almogavares ; alors ce ne fut plus qu'une boucherie. Trois mille cavaliers Turcs & dix mille fantaffins refterent fur la place; il n'j j eut qu'un petit nombre qui échapps par la fuite a 1'épée des Catalans. Le; vainqueurs firent captifs les enfant: &c leurs meres, & s'emparerent d< : toutes les richeffes qui fe trouvererii dans le camp des Turcs. Le bruit de cette vicloire volabien Andronic ii. et Michel sok fils. An. 1304. Barbares par les Catalans. Muntan , c. 203. Zurita , Ann. Aragy L6ip.i. c. iv Mone, f, 10. , XXIII. Nouvelle  Andronic n. et Michel son fils. An. 1304. fommation du mariage de ce jeune 1 Prince avec la fille de Chumne, Pré: fet du Caniclée. Les deux époux i avoient déja recu la bénédidtion de i l'Eglife, mais ils étoient reftés jufqu'alors féparés 1'un de 1'autre. L'Imi pératriceayant enfin furmonté fonanI cienne répugnance pour cette union, I fit elle même la cérémonie de les int troduire dans le iit nuptial. Jean ne vécut que quatre ans avec fa jeune >j compagne; il mourut fans laiffer de c poftérité. Après la célébration des no! ces, Irene fe mit en route; 1'Empereur 1'accompagna pendant quelques i jours, puis il fe fépara d'elle, 8c s'en I revint a Conftantinople. Andronic ii. ET Ml- ÏHELSON FILS. in. 1304. XXVII. Mariage ie Jean 4 ils de 'Empeeur , ivec Ia 5IIe Ae Chumne. Pachym. I. 5. c. 5. And. fam. liyf. ■>. 236. Nic. Gr eg. (. 7- C 5'  Andronic II. et Mi- CHEt son FJLS. An. 1304. XXVHI. Tremblement de terre dans tout 1'Empire. Pachym. I, 5- c- 11. Andr, lortune, eut la folie vanite de vtvre avec le fafie d'un Prince de l'Eglife. Bientöt fes dépenfes excefïives eurent difïipé tout fon bien; il emprunta, & ne put rendre. Incapable de foutenir jufqu'au bout le röle de Prélat, il fut effrayé & du nombre Sc des clameurs de fes créanciers; il 3ia HlSTOIRE Le cours de cette année fut mar* qué par des malheurs de toute efpece; les faifons parurent dérangées, & le huitieme du mois d'Aoüt il y eut un tremblement de terre , qui a la vérité fe fit peu fentir dans la capitale , mais dont les effets furent terribles dans prefque toutes les Provinces de 1'Empire; on crut que 1'ifle de Crête Sc celle de Rhodes alloient s'engloutir. Les fecouffes ébranlerent Corone, Methone, une grande partie du Péloponefe, & y cauferent des défaffres affreux. Ces triftes noui/elles jetterent la conffernation dans la ville oü les efprits étoient encore tout agités de la terreur dont les avoit frappés un de ces événements auxquels dans ce fiecle perfonne ne daigneroit feulement faire attention. Un ieune Diacre, poffefleur d'une grande  cu Bas-Empire. Liv. CIV. 313 il fe pendit. Toute la ville de Conf-: tantinople regarda cette aventure, comme une calamité publique, & jamais Pancienne Rome ne fut plon-c gée dans un deuil plus profond , le jour qu'on menoit au fupplice une Veftale qui avoit perdu la virginité. Au commencement de 1'année fuivante, on apprit la mort de Cazan , Prince des Mogols établis dans le Ko- j rafan. Cazan haïffoit les Mufulmans,, & s'étoit dans plufieurs occafions fignalé contre eux par les armes. Sa' femme, fille du Roi d'Armenie, Pa-; voit converti k la foi de Jefus-Chrift,1 & il en portoit 1'augufte nom fur fes étendarts; il étoit même fi. favorable aux chrétiens , qu'il avoit fait des tentatives pour les remettre en poffeflïon du Royaume de Jérufalem. Pachymere en parle avec éloge. II nous le repréfente comme un Prince férieux, appliqué, & qui, au-lieu de chercher dans ces plaifirs frivoles, qui font fouvent Punique occupation des cours, un amufement pour fe délaffer des fatigues de 1'adminiftration, ne croyoit pas avilir fes mains royales en les employant k forger &f s Tomi XXIII. O Andronic II. et Mihei. son fils. Lil. I3OJ. XXIX. Mort de -azan. 'achym, L, .. c. 1. Dc Guig. ifi. des iuns, t. \. p- 269 'r fuiv.  Andro nic II. et Michel so fils. An. 130; 314 HlS^OIRE • polir des éperons, des cafques, des ' cuiraffes, des épées. Mais ce qui le rendoit beaucoup plus recommandatie encore, c'eft qu'il étoit grand amateur de la juftice; qu'il connoiffoit les devoirs de la fouveraineté, s'en acquittoit avec la plus fcrupuleufe exaöitude, & que tous fes fujets lui étoient également chers. Andronic s'étoit empreffé de rechercher 1'alliance d'un Prince fi fage, & de 1'engager a fe fervir du crédit qu'il avoit fur les chefs des Tartares orientaux, pour les empêcher de ravager les terres de 1'Empire. Cazan entra volontiers dans les vues d'Andronic. II fit publier une ordonnance, par laquelle il défendoit a tous ceux de fa nation d'inquiéter déformais les Grecs, fous peine d'encourir fa difgrace ; il menaca en même-temps les Turcs de tomber fur eux avec toutes fes forces, s'ils ne ceflbient leurs brigandages. Cette défenfe & ces mensces ne furent pas fans effet; elles continrent ces barbares ; au refte, cet avantage ne fut pas de longue durée. Cazan mourut peu après , a la fleur de 1'age; il ne régna que fix ans. Avec  du Bas-Empire. Liv. CÏV. 315 lui difparut 1'efpérance qu'Aqdronic avoit collie de rendre par fon moy en la tranquillité a 1'Empire du cöté de Torient. Eneffet, a peine eut-il fer:imé les yeux, que les Turcs fe reimirent en campagne. La Cour de i Conftantinople fut allarmée de ces mouvements; elle preffa les Catalans jde fortir de leurs quartiers. Le féjour de Cyzique leur plaifoit, &ils ine penfoient point a le quitter enicore , quoiqu'on fut déja au prinjtemps;mais les ordres de 1'Empereut ne leur permirent pas de différer daivantage. Ils fe difpofoient a obéir. j lorfqu'un événement malheureux vim iretarder leur départ. Deux Alains attendoient auprèi 1 d'un moulin qu'on leur remit la fa rine du bied qu'ils y faifoient mouidre. Quelques Almogavares furvin :rent & chercherent querelle a la meü i niere. Les deux Alains prirent Ia dé: fenfe de cette femme, & dans Ieui ; colere, ils parierent de Roger ave< 1 mépris; ils eurent même l'imprudenct ' de dire qu'ils pourroient bien lui faire éprouver le même traitement qu'at • grand domeftique Alexis Raoul. Ce; O ij Andronic ii. :et Michel son fils. An. 130;. ; XXX". , Querelle entre les Alains & les Almogavares. ■ Moncad, c, • Pachym. U , 5- c. xi. ' Andr,  Andronic II. et Michel soi HLS. An, 130; 316 H I S T O I R F, paroles menacantes furent rapportées k Roger. Soit par fon ordre, foit de fon confentement, les Almogavares, cette nuit-la même , tomberent fur les Alains , & les auroient tous égorgés, fi les ténebres n'en euffent dérobé un grand nombre a leurs coups. Dès que le jour parut, les deux partis en vinrent de nouveau aux prifes. Les Almogavares eurent encore 1'avantage; les Alains furent obligés de fe retirer après avoir perdu plus de trois cents des leurs; & pour comble d'infortune, le fils de George leur chef, fut trouvé parmi les morts. Ce fatal accident rendit les Alains fu« rieux. Ils vouloient tous abandonner les drapeaux de 1'Empire; plufieurs déferterent en effet, & on eut bien de la peine a retenir les autres. Roger tacha d'appaifer k force de careffes le courroux de George; il lui offrit même de grandes fommes d'argent pour le confoler de la perte de fon fils. George prit une pareille offre pour un nouvel outrage, & n'en fut que plus irrité contre les Catalans; mais il fut déguifer fon reffentiment jufqu'a ce qu'il eüt trouvé 1'occalion favorable de fe venger.  du Bas-Empire. Liv. CIV. 317 II s'écoula du temps avant que la tranquillité fut rétablie. L'armée ne put partir que vers les premiers jours de Mai. Elle fe trouvoit alors compofée d'un corps de fix mille, tant ; Catalans qu'Arragonois & Almogavares, d'un autre corps de mille Alains & de quelques compagnies de troupes nationales conduites par Maru- j les. Neftonge, grand primicier , fervoit auffi dans la milice impériale. Tous ces Officiers étoient obligés d'obéir aux ordres de Roger. Le grand Duc, après avoir fait la revue de fon armée , quitta enfin Cyzique , & fe rendit d'abord k Ancyre, d'oü il fe j remit en marche pour aller faire le fiege de Germe, place forte poffédée par les Turcs. A fon approche, la garnifon prit Pépouvante & fe retira ; mais , malgré la précipitation d( fa fuite» il ne fut Pas poffible d'é- \ viter la rencontre des Catalans. Roger, pourfuivant fa marche, arriva dans une ville de Phrygiè que les hiftoriens ne nomment pas , & oii il fit un adfe de rigueur qui dul rendre fon commandement bien redöutable. Cette place avoit pour Gou O iij Andronic U. et Michel son HLS. An. 1305, XXXI. Départ de l'armée Catalane.Moncada, c. 13, XXXII. Rigueur de Roger. Pachym. U J. c. 3. Andr. Mont. cj '1-  Andronic II. st Michel son fils. Aa. 1305. ( I 1 < 1 I < 1 t 1 1 t < a 1 c t 3IS HlSTOIRE verneur un Buïgare nommé Craniflas; c'étoit un brave guerrier, diftingué par fa naiffance. Craniflas ayant été fait prifonnier dans la guerre de Michel Paléologue contre Lacanas, ce fameux ufurpateur du Royaume de Bulgarie, étoit refté pendant plufieurs années dans les fers. Depuis il avoit^ trouvé le moyen non-feulement defortir de captivité, mais même de i infinuer dans les bonnes graces d'AnIronic qui lui avoit donné un gouvernement en Afie. Ces confidéralons n'empêcherent pas que Roger ie le comdamnat a être pendu avec louze de fes principaux foldats. On ie dit point queile fut la caufe de ;e traitement. II eft a préfumer que lans quelque circonftance, Craniflas 1 avoit pas fait, au jugement de Ro;er, tout ce que fon devoir exigeoir. 'eut-être avoit-il abandonné' avec rop de facilité quelque pofte imporant. Les Grecs, touchés du fort de cet )flicier, fe réunirent pour demander Roger fa grace; ils lui rappellerent ;s feryices que Craniflas avoit renus a 1'Etat, la faveur dont il jouif?it auprès d'Andronic, & le chagrin  du Bas-Empire. Liv. CIV. 319 que ce Prince reffentiroit en apprenant qu'on eüt ainfi traité un homme qui lui étoit cher. Roger voulut bien céder a ces repréfentafions. Les Ca- c talans & les Almogavares continue- i rent leur marche, & s'avancerent vers Philadelphie, ville fituée fur le bord du Pacfole. Caraman Alifyras , après s'être emparé par furprife de Tripoli fur le Méandre , étoit ven-u 1'afïiéger, Philadelphie étoit réduite aux abois, & tellement preffée par la difette,, qu'une tête d'ane s'y vendoit plufieurs c ficles, &C une petite quantilé de fang de porc ou de mouton ne fe donnoit pas a moins d'un écu d'or. Dès que / ï'Emir Turc eut nouvelle de 1'appro- f che des Catalans, il ne jugea pas a propos de les attendre fous les murs' de Philadelphie ; il marcha a leur ren- j contre, ne laiffant devant cette ville j qu'un détachement pour la tenir blo- i quée. A peine les Turcs eurent fait j deux milles de chemin, qu'ils fe trou- j verent en préfence des Catalans. Leur1 armée fe montoit a huit mille cavaliers &c k douze mille fantaffins, tous levés en Caramanie , c'eft a-dire,, dans un pays qui produifoit les homO iv Andronic ü. et Mihel son fils. li». 130;. XXXIII. Bataille te Philaelphie.Munt. (. OJ. Zurita , 'nn. Arag. . 1.1.6. , 1. Mone. e. tic. Grcg. 7. c. 3. 'achym. I. , r. 21 • 2j. . tndr. lariana t IJ.  AndroNic n. et Michel son fils» Art, 130J. ' i 1 i 320 HlSTOICE mes les plus braves & les plus fo buftes qu'il y eüt dans 1'Afie. Les Catalans étoient beaucoup inférieurs en nombre ; mais ils 1'emportoient fur I'ennemi par Ia difcïpline , 1'art de combattre, & par la nature de leurs armes. On ne tarda pas k en venir aux mains. Les Barbares, malgré leur bravoure , furent obligés de plier, & les Catalans les poufferent du cöté de Philadelphie. Lorfque les deux armées furent a la vue de la ville, le combat recommenca avec une nouvelle fureur. Ce fut alors qu'on fe porta de part & d'autre les coups les plus terribles. La viftoire refta même Iong-temps indécife; enfin les infideles fe lahTerent entamer; Ie défordre fe mit dans leurs efcadrons ; la déroute devint générale , & des'vingt mille foldats dont leur irmée étoit compofée, k peine y en 2ut-il quinze cents qui échapperent i la mort. Ces fuyards allerent avec éur chef chercher un afyle chez un mtre Prince de leur nation. Si 1'on /eut en croire les hifloriens du temps, 'armée alliée ne perdit que quatre/•ingts cavaliers & cent hommes dia- ' anterie.  du BasEmimre. Liv. CIV. 32r Les habitants de Philadelphie for- 1 tirent de leur ville, & marcherent en bel ordre au-devant de leurs libérateurs. Ils étoient conduits par leurs < Magiftrats & parl'EvêqueThéolepte, j ce Prélat guerrier qui avoit voulu, comme nous 1'avons vu ailleurs, arrêter Tarchaniote. Les Catalans en- < trerent dans Philadelphie en triomphe. J La cavalerie s'avancoit la première < avec les étendards & les guidons enlevés aux Turcs; venoit enfuite une^ longue file de voitures chargées d'un butin immenfe & d'une multitudede' femmes, d'enfants & de jeunes gens^ captifs. L'infanterie fermoit la marche. Les Officiers fe faifoient remarquer par la richefTe de leurs vêtements, par Ia beauté & par Péelat de leurs armes. II n'y avoit point de foldat qui ne fut couvert de foie ou d'étoffe d'écarlate , produit du butin fait précédemment fur 1'ennemi; non que les Turcs fuffent alors dans 1'ufage de porter des habits précieuxj mais c'étoient les dépouilles que ces Barbares avoient eux-mêmes enlevées d'abord aux Grecs, Si qui étoient enfuite devenues la proie des CataO v Anduo- hic n. et Ml- ;hel son fils. in. 130;, xxxiy. Entrée riomphae des CS"; al ans lans cette alle. yiuntanir, . 205. Moncada 14. Zurita , 'art. 1. t. '». e. i.  Andronic II. et Michel son fils. An. 1305. XXXV. Rogerfait couper la téce au Gouver- 1 neur de , Culé. Munt. c. 205. < Moncad.c. , »4. 1 Zurha, ' Ann.Arag. t f»rt. i. /. 1 «.Cl. * ] ll C P ti n C h. 3-2 IIlSTOlRE lans. Les vainqueurs pafferent qiiinze jours dans la ville , au milieu des fêtes que leur donnerent les naturels du pays qui recornioifToient hautement leur devoir la vie & la liberté. Ce fuccès caufa auffi une grande foie dans Conftantinople, & y fut :élébré par des réjouitfances publiques. Roger quitta Philadelphie pour aler délivrer de la tyrannie des Barjares d'autres contrées , dont les haMtantsl'appelloient a leur fecours. II lingea fa marche vers le fort de "tue, éloigné de quelques lieues de ette ville. Mais les Turcs qui occu•oient ce pofte n'oferent pas PattenIre; k fon approche ils difparurent ous. Les habitants de Culé ouvrirent nirs portes aux Catalans, & les reurent avec joie. Cependant Roger :s traita avec affez de févérité. II :ur reprocha d'avoir livré trop fadement leur ville aux Turcs; & our les en punir, il fit couper la :te a leur Gouverneur, & condam1 k la potence Ie plus ancien des apitaines de Ia garnifon. Ce malmreux étant refté quelque temps  nu Bas-Empire. Liv. CIV. 32^ fufpendu fans mourir, ceux qui affif toient a fon fupplice, prirent cetévé nement pour un miracle. Ils couperent la corde, & fauverent le patiënt Roger , après la délivrance de Culé , reprit le chemin de Philadelphie. Pendant le fecond féjour qu'f fit dans cette ville, fes troupes s'y conduifvrent avec la plus grande licence. Ils en traiterent inhumainement les habitants ; ils les mirent i contribution, pillerent leurs demeutes, ravagerent leurs poffeffions. C'ef au moins ce qu'en dit Pachymere & les hiftoriens Efpagnols ne le contredifent point. Cependant les chef de 1'armée Catalane jugerent effentiel, avant d'entreprendre aucune ex pédition ultérieure, de chaffer le Turcs des Provinces maritimes. Ei effet, il étoit dangereux pour les Ca talans de laiffer 1'ennemi maitre de poftes fitués derrière eux , puifqm par-la ils courroient les rifques d voir interceptée leur communicatioi avec la flotte. Ils fe rendirent don de Philadelphie a Nyffa, d'oii, ei cötoyant le Méandre, ils arriveren a Magnélie, O vj Andronic II. et michel son fils. An. 1305. XXXVI. Projet da chaffer les Turcs des Provincesmariti» mes. Zurita, ' Ann: Arag. part. U l. ' 6i «r, ï. i Moncada , 1 c. 14. Pach:.m. I. ' 5. c. • Andr. t i 1 1 t  Andronic II. et Michel son fils. An. 1305. XXXV1I. Complot de Nef- tonge contre Roger. Pachym. I, 5- c. 24. Andr. i < 3 i i t t i t I t S24 H 1 S T O lil E Cette ville étoit commandée par Attaleïote, qui la regardoit eomme fon propre domaine; il y difpofoié de tout en maïtre, du confentemenf des habitants dont il avoit fu gagner Paffe&ion. II refufoit même de reconnoitre Pautorité de Neftonge Ducas, Gouverneur de la province, & qui il ne vouloit feulement pas permettre d'ëntrer dans la place. Dès que le grand Duc parut, Attaleïote alla a fa rencontre , & s'empreffa de lui faire les plus grands honneurs, Roger en fut flatté, il lui aecorda ;Oïi amitié, & fe déclara hautemenr bn proteófeur. II rendit a Andronic in fi bon témoignage de la conduite PAttaleïote, que ce Prince qui le regardoit comme un rebelle, le tint en'uite pour un de fes plus fideles filets. Nefionge en concut un grand lépit. II étoit indigné de voir que Loger voulut foutenir fon ennemi, i que de plus il prétendit lui doner des ordres. II prit done le parti e revenir a la Cour, dans Pintenion i*y cabaler contre le grand Duc. lOger defiroit que fa femme vint le rouver.Comme les chemyis a'é^okvA  mj Bas-Emmre. Liv. CIV. 325 ; pas fürs, il ordonna a Neftonge de lui fournir une elcorte pour aecompagner ceux qui devoient aller cher, cher cette Princeffe a. Conftantinople. ' Neftonge feignit d'accorder plus qu'on ; ne lui demandoit; il fe chargea de : conduire lui-mcme les députés. 11 fe i fit accompagner d'un de fes fecretai- ■ res avec lequel il fabriqua un plan i d'acnfation contre Roger; mais leur : complot échoua par le crédit d'Ire- ■ ne , belle-mere du grand Due. Cette Princeffe vouloit même que 1'Empereur fon frere abandonnat ces deux : délateurs k la vengeance de fon genI dre. Un dimancbe, Andronic convoque une grande affemblée, & y prononce un difcours dans lequel il : fait un magnifique éloge du grand ! Duc, reconnoiffant que les honneurs dont il Ta comblé, & Pautorité donl il 1'a revêtu, font encore bien audeffous de fon mérite & de fes fer1 vices. D'un autre cóté, il invecfive i avec colere contre la conduite de ' Neftonge. Lorfqu'il eut ceffé de parI Ier r il fit couper les cheveux & la barbe au fecretaire, déclara le maitre déchu de tous fes eraploïs, & le coa- Andro- N1C ii. et Michel SOtï fils. An. 130  Andronic II. et Michel son fils. An. i joj. XXXVIII Corbaran d'Alec tué par les Turcs. Munt. c. 206. Zurita, Ann. Arag. part. i. I. 6. c. i. Moncada , 1 f. ij, | < I < < « j J i i 1 % 326 HlSTOIRE damna a une étroite prifon. Ce jugement intimida ceux qui auroient été tenté de deffervir le grand Duc auprès de 1'Empereur; & en mêmetemps il conduifit Roger a fa perte, en lui infpirant trop de confiance, & en le rendant moins circonfpeéf dans les démarches. A peine Roger avoit eu le temps de prendre quelque repos a Magnéfie ,que deux députés des habitantsde Tiria vinrent lui repréfenter que leur ville n'étoit pas affez forte pour réfifter au affauts des Turcs, & qu'elle tomberoit bientöt en leur pouvoir, fi an tardoit a la fecourir. Ils ajouterent ju'il feroit aifé dans le moment préent de furprendre les ennemis, paree ju'ils ne fe tenoient point fur leur ;arde. Roger croit devoir profiter de :et avis. Sans différer , il part avec un létachement de fes troupes, prend le :hemin de Tiria, & y entre avant le our. Au lever du foleil, les Turcs, 'ortis de leurs retraites, fe mirent, iiivant leur ufage, k courir la plaine, Sc ne manquerent pas de venir infuler la ville qu'ils croyoient toujours lépouryue de garnifon, Corbaran  du Bas-Empire. Liv. CIV. 327 fl'Alet, Sénéchal de 1'armée , fut commandé pour faire une fortie fur.eux. II les chargea avec tant de furie, qu'il les rompit du premier choc , & en tua la plus grande partie , Ie refte fe fauva vers les hauteurs. Corbaran pourfuivit les fuyards avec fa cavalerie; mais il ne put les atteindre , paree que les chevaux des Turcs étoient beaucoup plus agiles que les fiens. Arrivé au pied de la montagne oü ils s'étoient mis en füreté, Cor1 baran fit defcendre de cheval fes ca■ valiers, & marchant a leur tête, il gravit avec eux contre les rochers pour y aller relancer 1'ennemi. Le£ ij Barbares s'étoient poftés fi avantageu fement, qu'ils repouflbient fans peine i les Catalans a coups de pierres & de I fleches. Corbaran, pour être plus lefte, avoit quitté fa cuiraffe & for cafque. Cette imprudence lui coüts ; la vie; une fleche le frappa a la tête , & Pétendit fur le carreau. Ce accident fit perdre courage a fa trou : pe; elle fe retira avec précipitation . La mort de ce brave Capitaine caufi un deuil univerfel dans toute 1'armée Roger en fut plus afiTtgé que per- Andronic ii. et Michel son fils. An. i30Ja t  Andronic II. et Mlohel son fixs. An. 1305. 1 1 I ( 1 1 ,1 XXXIX. Berenger ' de Roca- \ fort vient trouver Roger a t Ephefe. g Muntancr, j f. 106. d Zurita, e Ann.Axag. q ftrt. I. Z. , 6. c. 1. S Moncada, C * 3*- d Ci d Ic HlSTOIRE fonne. ï! projettoit de lui faire épou» fer une fille qu'il avoit eue d'une habitante de 1'iile de Chypre. L'hiftoire nous laiffe ignorer fi c'étoit le mariage , ou 1'amour feul qui 1'avoit uni \ cette Dame. Corbaran fut inhumé lans un temple oii repofoit, dit Monaner, le corps de St. Georges. Ce emple étoit fitué k deux lieues de Hria. Les Catalans firent k Corbaran Ie magnifique ofeques, éleverent fur bn corps un tombeau de marbre, &c efierent huit jours dans ce Keu pour ' honorer fa mémoire. ^ De Tiria Roger fe rendit a Ephefe. Ze fut-la que Berenger de Rocafort int le joindre avec deux cents cheaux & mille Almegavares. Ceguerier n'avoit pu s'embarquer avec Roer ; il avoit été obligé de différer fon épart k caufe d'un différend furvenu ntre lui & le Roi de Naples. Rojfort, pendant la guerre de Sicile, étoit rendu maitre de plufieurs plais en Calabre. A la paix, il refufa s les rendre, a moins qu'on ne lui >mptat une fomme d'argent confi;rable. Le Mcnarque Napolitain fut*, mg-temps fans vouioir payer ; mais  r»u Ras-Empire. Liv. Cf?. 329 enfin il lui fallut céder; ce qui Pin- ' difpofa beaucoup contre Rocafort, qui, dans la fuite, eut lieu de fe repentir d'avoir traité ce Prince avee' tant de hauteur. Roger recut Berenger de Rocafort avec de grandes démonftrationsd'amitié ; & pour fe Pattacher plus intimement, il lui donna en mariage fa fille qu'il avoit deftinée a Corbaran. De plus, il lui conféra la dignité de Sénéchal de 1'armée , vacante par la mort de ce brave Officier. Si Pon en croit Pachymere , les Ephéfiens eurent beaucoup a fouffrir du féjour des Catalans dans leur ville. II prétend que ces étrangers s'y porterent aux derniers excès, & qu'ils exercerent contre les habitants les cruautés les plus atroces. II ajoute même qu'a Mitylene ils poignarderent un des principaux citoyens nommé Macrami , paree qu'il ne fe preffoit pas de leur délivrer cinq mille écus qu'on lui demandoit. Les Catalans , auffi-töt après la joncfion des troupes de Rocafort, fe remirent en marche pour aller a Dania. Avant de quitter Ephefe, Roger envoya fous bonne efcorte a Magnéfie Vat- Andu'o N1C ii. ET m I- IHELSpN FILS-  Andronic II. et Michel son fizs. An. ijoj. XL. Les Catalans répriment1'audace de Sarcan. Zurita , Anti, Arag. part. 1. /, 6. c. 1. Moncada , 1 c, 16. ] < ( { I C 1 t t r 33° His, t üjre gent, les chevaux , les armes & tout le butin qu'il avoit acquis par fes vio tones. Magnéfie étoit la ville la plus lure qu'il y eüt alors dans ces contrees; c'eft pourquoi Roger la choifit pour être le dépot de fes richef» fes. D'ailleurs, il comptoit beaucoup f ur la fid#lité d'Attaleïote qu'il regardoit comme fon ami. JML,e* Catalans, arrivés a Dania, y dehbererent fur leursprochaines opérations. Ils convinrent tous de marcher vers la Pamphylie, oü les principale forces des Turcs fe trouvoient reünies. Ils defiroient de leur livrer ^taille, afin de leur porter un coup ecifif. L'Emir Sarcan, qui dominoit fans les cantons voifins de Dania , ï'attendir point qu'ils vinffent 1'atta[uer. II s'avanca pour les défier, juf[u'aux portes de la ville, mettanttout feu & a fang dans les environs. Les okats Catalans, indignés d'une paeille audace, coururent fans prenre 1'ordre de leurs Officiers fur ces larbares, les mirent en fuite, & leur terent trois mille hommes. Roger 1 les autres chefs de 1'armée cruïnt qu'il falloit profiter de cette ar-  nu Bas-Empire. Liv. CIV. 331 deur du foldat,& de la confisnce que : lui infpiroit la vi&oire qu'il venoit de remporter. Six jours après, ils donnerent le fignal du départ. L'ar-1 mée quitta donc Dania , traverfa la Carie, & tout cet efpace de paysfitué entre la mer Egée &c l'Arménie mineure, fans trouver d'ennemis qui s'oppofaffent a leur marche. LesChrétiens de ces malheureufes contrées les combloient de benedictions, & les contemploient avec une forte de refpe£t. La plupart d'entr'eux n'avoient vu de leur vie des troupes chrétiennes, parcequeles Grecs depuis long-temps étoient ou trop foibles ou trop laches pour porter fi loin leurs armes. A quelque diftancedu montTaurus qui fépare la Cilicie de l'Arménie , les Catalans firent alte , & tinrent confeil fur la néceffité de reconnoïtre les paffages, & de s'affurer s'ils n'étoient point gardés. Tandis qu'on délibéroit, les coureurs de Roger apper§urent les ennemis, qui, poftés dans les gorges de la montagne, obfervoient les mouvements des troupes Catalanes. Les Turcs voyant qu'ils étoient découverts , déboucherent Andronic II. et Ml- :hel son fils. \.n. 1305, XLI. Vidolre des Catalans au pied du mont Taurus. Munt. Cm 207. Zurita , Ann. Arag. part. 1. I. 6. c. 1. Monc. c. 17.  Andronic II. et Michel sos fils. An. 130J, 331 II I S T 0 1 li E- aufïi-töt dans Ia plaine pour tomber fur les Catalans , avant qu'ils euffent le temps de fe remettre de la fatigue d'une fi longue marche, & qu'ils pufïent fe poffer avantageufement. L'armée des infideles étoit forte de trente mille hommes, dont vingt mille fantaffins & dix mille cavaliers. II s'en falloit beaucoup que celle des chrétiens fut aufli nombreufe. Au moment d'engager le eombat, les Almogavares frapperent, fuivant leur ufage. Ia terre de 1'épée , en criant, fer, réveille-toi. A ce fignal les deux armées s'approchent & fe heurtent impétueufement. On fe battit de part & d'autre avec le plus grand courage, & des deux cötés il fe fit desactions héroïques. Les Catalans, accablés par le nombre, fe trouverent pendant quelques inftants dans la pofition la plus critique; mais les Officiers ayant faitretentir Pairdunom d'Jrragon, les foldats a ce cri fe fentirent animés d'une nouvelle ardeur, redoublerent d'efForts, &reprirentla fupériorité. Les Mufulmans, a leur tour, commencerent a lacher pied , ne ceffant toutefois de combattre en  du Bas-Empire. Liv. CIV. 333 braves gens. Enfin , ils furent obligés '■ d'abandonner le champ de bataille. Ils firent leur retraite en fe défendant avec intrépidité contre le vainqueur < qui les pourfuivit fans relache jufqu'a la fin du jour. Les Catalans pafferent la nuit fous les armes. Ce ne fut qu'au lever de Paurore qu'ils reconnurent Pimportance de leur viftoire; ils virent alors la terre trempée de fang & couverte de monceaux d'hommes & de chevaux que la mort avoit entafTés les uns fur les autresvLe profond filence qui régnoit dans tous les environs , leur apprit que Pennemi s'étoit retiré. Les Turcs perdirent dans cette bataille, qui fe donna le jour de PAffomption, fix mille cavaliers, 6c douze mille fantaffins. Les Catalans refterent une femaine entiere dans ce même pofte; & ce ne fut pas trop pour recueillir le butin. Ils s'avancerent enfuite jufqu'au défilé nommé la Pont dt fer; c'eft-la que finit la Natolie , & que commence 1'Arménie. Roger auroit bien voulu profiter de 1'audace quecesfuccès inf piroient k fes foldats. Fiers de leui victoire, xlscrioient qu'on les menai iNDRON1C II. ET MlHEL SON FILS. Vn. 130;. xLir. Ils vont jufqu'aux extrêmités de la Natolie. Moncada t c. 18.  Andro nic ii. et Michel soj fils. An. 130; xliii. Révolte de la Magnélie. Munt, c. 3.9 & 10. 3.34 Histoue jufqu'aux limifes les plus reculées de 1'ancien Empire Romain, le flattant de reconquérir en peu de temps ce ' que les Empereurs avoient fucceffivement perdu pendant une longue fuite de fiecles. Mais la mauvaife faifon approchoit, & d'ailleurs les Catalans fe trouvoient dans un pays inconnu, environnés d'ennemis & d'embüches, fans approvifionnement, & n'ayant d'autre refTource pour s'en procurer que la pointe de leur épée. II pouvoit arriver quelque revers funefte capable d'entraïner la ruine entiere de 1'armée. Roger, après s fitte confulté avec Marules & les autres Capitaines, jugea qu'il étoit plus fage de revenir a Dania pour y paffer 1'hyver, & y attendre le moment oü ils pourroient fe remettre en campagne. Les Catalans s'en retournerent donc a petites journées par la même route qu'ils étoient venus. Lorfqu'ils arriverent a Magnéfie, ils furent fort furpris d'en trouver les portes fermées & la garnifon fous les armes. Le perfide Attaleïote avoit fait maffacrer ou mettre aux fers tous  du Das-Empire. Liv. CIV. 335 les Catalans que Roger y avoit laiffés pour garder les bagages. Roger , furieux contre les Magnéfiens, afliégea leur ville. Après Pavoir battue pendant plulieurs jours avec toutes les machines de guerre alors en ufage, il fit donner un affaut genera!; mais il fut repouffé avec une grande perte. Les aflüégés étoient fi perfuadés que leur ville ne pouvoit être forcée, qu'ils fe moquoient des Catalans, &c difoient des injures a leur chef. Roger, animé du defir delavengeance , entreprit de détourner le cours des eaux qui entroient dans Magnéfie. La garnifon fit une fortie, & rendit ce projet inutile en détruifant les travaux. Le fiege traïnoit en longueur, & Roger s'obftinoit toujours a le continuer, malgré 1'Empereur qui lui envoyoit dépêches fur dépêches, pour lui enjoindre de repaffer en Europe oii fes fervices étoient néceffaires. Roger, ayant perdu toute efpérance de réduire Magnéfie, prit enfin le parti de fe retirer. Pour couvrir fon honneur, il prétexta les ordres réitérés du Prince qui le forcoit d'aller trouver Michel fon fils en oc- ANDnonic II. et M4- :helsqn nis. \.n. 130J. Monc. c. 18. Pachym. /. 5. c. 31. ; 6. c. 3. Andr,  Andronic II. et Michel son fils. An. 1306. XL1V. Condamnation de Michel Cortulas. Pachym. I. 4- té 13. lS. Andr, Nic. Greg. I. 6. c. 9, TamiLByf. f. 134. 336 HlSTOIRE cident, pour y faire de concert avec lui la guerre aux Balgares. Venceflas, nouveau Roi de Bulgarie, étoit depuis long-temps piqué contre Andronic. On fe rappeïle qu'Urofe, Crale de Servië, avoit répudié la fille de Tertere, pour époufer celle de 1'Empereur. Le Monarque Bulgare ne pouvoit pardonner a Andronic ce mariage fi offenfant pour fa fceur. A ce premier fujet de mécontentement, il en étoit venu fe joindre un autre non moins grave. Michel Ducas, furnommé Cotrulas, fils de Michel Ange, Gouverneur de Theffalonique , & de Théodora Petraliphe , après la perte d'Anne Paléologine fa première femme, fille de Michel Paléologue, avoit admis dans fon lit cette même fceur de Venceflas, que le Crale avoit chaffée du fien. Cette alliance avec la familie des Princes de Bulgarie, & quelques autres démarches inconfidérées rendirent Michel fufpecT:. L'Empereur fon beaufrere le manda a Conftantinople. Dès qu'il y fut arrivé, Andronic le fit arrêter, puis il convoqua le Patriarche, les Evêques, les EccléfiStftiques, les  du Bas-Empire. Liv. C'IV. .337 i les Sénateurs, les moines & les prin; cipaux citoyens, Sc enforma une efpece de cour de juftice pour examii ner la conduite de Michel. Le pri! fonnier parut devant cette affembiée, » & tacha de fe juftifier. Ses moyens furent trouvés infufïïfants. L'Empereur le déclara criminel d'Etat, & le condamna en conféquence a une prifon perpétuelle, ainfi que fa feconde femme Sc les enfants qu'il en avoit eus. Ses domaines, fes troupeaux, toutes fes polfeflions furent confüqués & donnés au jeune Empereur qui avoit perdu toutes les terres de fon ■appanage fituées en Oriënt. Le magnifique palais que Michel occupoit k Conftantinople fut adjugé k Jean Defpote, autre fils d'Andronic. Michel ayant entrepris de fe fauver, on le transféra dans les prifons du palais de Blaquernes, oü il fut étroitement refferré. Venceflas fe trouvoit trés-offenfé de ce doublé outrage fait k fa fceur. Le defir de fe venger n'étoit pas au refte le feul motif qui lui avoit fait prendre les armes. Des raifons d'intérêt agiffoient encore plus puiflamment fur fon efprit; il étoit Tome XX11L P Andronic H. et Ml- ;hel sow fils. In. 1306.  Andronic II. et Michel son fils. An. 1300. XLV. Michel, fils d'An dronic , défait par les Bul- ; gares. Pachym. I. ' 6. c. 3. 1 Andr. ( 1 a 1 i 1 c 1 i 333 HlSTÓlRE bien-aife de profiter de Pétat de foibleffe oü il voyoit les Grecs réduits, foit pour leur reprendre plufieurs places qui avoient été autrefois du domaine de la Bulgarie, foit même pour faire de neuvelles conquêtes fur les terres de PEmpire. Déja Venceflas ivoit ealevé aux Grecs, Cröne, Rofocaftre & plufieurs autres villes imoortantes. Mefembrie, Sozopole, Agathopole & Anchiale étoient prés de (ubir le même fort. L'Empereur, allarmédeces pertes, 5rit le parti d'envoyer fon fils contre les Bulgares. Ii lui donna pour *uide le Protoitrator Tarchaniote, furïommé Glabas. C'étoit un militaire :onfommé dans le métier des armes, tmi jöignoit une grande prudence a jeaucoup de bravoure. Des douleurs le goutte Pempêehoient alors de payer le fa perfonne dans les rencontres ; nais il entendoit parfaitement a diiger les opérations militaires. Ce>endant, malgré fes confeils, 1'armée mpériale qui s'étoit raffemblée a AnIrinople, n'en fut pas moins battue iar les Bulgares. Cette infortune déefpéra le jeune Empereur. Pour ta-  nu Bas Empire. Liv. CIV. 339 rcker de la réparer, il leva de nou> velles troupes, & réunit fous fes dra) peaux un grand nombre de veterans I qui avoient fervi en Oriënt, & qui 6 fe trouvoient alors fans état & fans | refTource; lesfïnancesluimanquoient, I & la caiffe militaire étoit abfokiment I vuide : pour y fuppléer, il envoya fa vaifTelle a la fonte , Sc en fit frapper de la monnoie. II n'épargna même pas les bijoux de 1'Impératrice Mairie fon époufe. Cette Princeffe fe i croyant obligée, en fa qualité de Sou1 veraine, de faire aux befoins de 1'£} tat le facrifice de tout ce qui ne fert qu'a Ia pompe d'une vaine repréfentation , les lui avoit offerts généreujfement. Michel part a la tête d'un corps d'armée affez confidérable, dirige fa marche vers la Romanie,oiï Eltemir, oncle de Venceflas, faifoit le 3 dégat. II Patteint, 1'attaque a fon avanitage, remporte fur lui une victoire complette, Sc revient en triomphe k Andrinople. La nouvelle de cet événement fut portée a Conftantinople par Théodore, frere de Michel; elle y caufa la joie la plus vive. Ce fuccès, quelque fignalé qu'il fut, n'é- Andro- NiC II, et Ml- ;hel son; FILS.  andronic II. et Michel son fils. An. 1306. 340 II I S T © I 11 E toit pas décifif; il s'en falloit beaucoup que les Bulgares fe regardaffent comme vaincus. Déja ils fe difpofoient a prendre leur revanche , &C leurs préparatifs donnoient beaucoup d'inquiétude a la Cour impériale. Andronic craignoit que fon fils ne fut pas cette fois en état de réfifter a leurs efforts; c'eft pourquoi il avoit pris le parti, comme on 1'a dit, d'appeller au fecours de ce Prince, Roger & fa troupe. Cependant les Catalans , après avoir levé le fiege de Magnéfie , ne s'avancoient qu'avec beaucoup delenteur, laifTantpar-tout des traces de leur rapacité & de leur barbarie. Ils forcoient les habitants des villes & des campagnes de leur livrer le peu d'argent qui leur reftoit encore. Enfin, ils s'abandonnoient a tous les excès dont peut être capable une foldatefque fans frein & fans difcipline. Le bruit de ces défordres parvint dans le camp de 1'Empereur Michel, & y excita un murmure général. Ses foldats oubliant les Bulgares , ne fongeoient qu'aux moyens de tirer des Catalans une vengeance éclatante. Ils frémifToient de rage, &  du Gas Empire. Liv. CIV. 341 demandoient a grands cris qu'on les a menat contre ces brigands. Le jeune 1 Empereur appaifa le mieux qu'il put la colere de fes foldats, & envoyac en diligence k fon pere des lettres, pour lui repréfenter combien il feroit dangereux dans les circonftances préfentes, que les Catalans vinlfent le joindre, ajoutant qu'il ne répoudoit pas que fes gens ne fe jettaffent fur eux. Au refte , la partie, felon toute apparence, n'auroit pas été égale* L'armée de Roger , compofée de dix mille combattants bien aguerris , eut été feule en état de conquérir tout 1'Empire. Qu'auroient pu faire contre de pareilles troupes, de mil'érables milices fans courage , fans énergie ? Andronic gémiflbit au fond de fon palais de ces malheurs, & ne favoit quel remede y apporter. Enfin, pour tranquillifer fon fils, il fit dire a Roger de n'envoyer a l'armée impériale, qu'un détachement de mille hommes, &c de faire repafler au plutot le refte de fes Catalans en Afie, oü leur préfence devenoit de jour en jour plus néceffaire. Quelque-temps auparavant, 1'EmP iij. lNDRONIC ii. et Mihel son fils. .n, 130e?.  Andro- wic II. et Michel son fils. An. 1306. XL VI. Mort de Conftantin Foryhyrogénete.Pachym. I. 5. c. 22. And?. 3A2 HlSTOIR E' pereur avoit fait une perte qui, fe- ■ Ion toute apparence, Ie toucha peu. Conftantin Porphyrogénete, fon frere , fut attaqué dans fa prifon d'une j efquinancie qui termina promptement fa malheureufe vie. L'Empereur^; informé de fon état, lui députa quelques Eccléfiafiiques pour 1'exhorter a la mort; il n'ofa pas Palier voir lui-même, paree que, dit Pachymere, ce Prince avoit été frappé d'une fentence de condamnation , comme fi dans. ces derniers moments les fentiments d'humanité n'eufTent pas du prévaloir fur la rigueur de la loi ^ ou plutöt de Pétiquette. Conftantin , voyant fa fin approcher, manda le Patriarche, lui découvrit les difpofitions de fon ame, & s'abandonna entiérement a fa fageffe, lui déclarant qu'il fe foumettroit volontiers k tout ce qu'il voudroit lui ordonner pour fon falut. Athanafe,quinevoyoit { rien dans 1'ordre fpirituel au-deffusde Ia profeffion religieufe, 1'engagea a fe faire moine. Conftantin y confentit,& prit avec le froc le nota d'Athanafe. Dès ce moment, Conftantin- ne s'occupa plus que. de fa. d&z*  du Bas-Empire. Liv. C1V. 343 nlere heure. L'Empereur lui envoya demander, s'il ne feroit pas quelque difpofition teftamentaire en faveur du fils qu'il laiffoit, & auquel il s'intérefToit lui-même , puifqu'il étoit fon neveu ? Conftantin répondit qu'il n'avoit point de fils, ni 1'Empereur de neveu. Cette réponfe, que l'Auteur qui nous 1'a tranfmife, femble citer avec éloge, comme une preuve de fon détachement abfolu des chofes périflables de ce monde, ne doit être regardée que comme une imprudence & même une injuftice. En effet, n'étoit-ce pas prononcer contre fon fiis une forte d'exhérédation ? N'étoit-il pas a craindre que dans la fuite une politique intéreffée n'interprétat a la lettre des paroles fi équivoques , Si n'en abufat pour priver ce jeune Prince des droits éventuels que pourroit lui donner fa naiffance ? Conftantin mourut le lendemain 5 Mai de cette année. Ainfi finit un Prince digne d'un meilleur fort. Le traitement qu'il éprouva dans les dernieres années de fa vie, fera toujours une tache a la mémoire d'Andronic. Si coupabk qu'on puiffe le fuppofer, convenoit P iv Andronic II. et Michel son fils. An. 1306.  A-ndronic IL et Michel son fils. An. 1306, ] 1 XL VII. Confd- , rences pour Ia 1 réunion ] des ArfeJiites. t Pachym. I. 1 6. c. 2. ^ Andr, 1 I r c f F 344 Hisioire ik è un Empereur d'êfre lui-même fa geclier de fon propre frere, de le trainer a fa fuite , enfermé comme une béte féroce dans une cage de bois ? ü paroït même que le refi'entimenÊ d'Andronic contre ce Prince n'exJira point avec lui. H voulut qu'il mt mhumé hors de la ville dans un. ombeau qui n'avoit rien de plus dif.ïngué que ceux des gens du peuple. stratégopnle, leconfident ou le comMice de Porphyrogénete, n'exiftoit slus ; il y avoit dé/a quatre ans que a mort étoit venue le délivrer de "es fers. Andronic n'avoit jamais perdu de «te le projet de ramener les Arféutes a 1'unité. II les craignoit & les, egardoit comme des hommes dan;ereux qui portoient toujours dans e coeur des femences de révolte. II oulut faire encore une nouvelle tenative pour les gagner. II indiqua >our le 29 Septembre de cette anée une grande affemblée, dans lauelle les deux partis devoient proofer leurs difficultés, & finir enfin ar fe réconcilier. Andronic y parut -'ivironné de toute la majefie du txo-  rju Bas Empire. Liv. CIV. 345 ne. Le Patriarche , les Evêques , le ; clergé, le fénat & une foule de moines, partifans d'Athanafe, fiégeoient k fes cötés. Vis-a«vis on avoit pré-< paré des places pour les perfonnages^ les plus diftingués de la faclion des Arfénites; a lenr tête étoit Jean Tarchaniote , que 1'Empereur avoit fait fortir de prifon, afin qu'il put affifter a cette conférence. Andronic ouvrit la féance par undifcours que les aveux qu'il y fait,( rendent fans doute trés rernarquable. j Le Prince y rappelle d'abord toutes les peines qu'il s'eft données, pour réunir les Arfénites k l'Eglife; puis empruntant le langage d'un théologien controverfifte, il démontre en forme a ces obftinés qu'ils portent tous les caraóteres qui diftinguent de vrais fchifmatiques. Enfuite il tache de les convaincre qu'il ne leur refte plus aucun prétexte pour demeurer féparés des autres fideles, puifque les Grecs fe font réunis tous de concert dans une feule &c même croyance, puifque tous ont abjuré 1'erreur, c'efta-dire, rompu toute communication ayec les Latins. » Les nouveautés ? P v Indro- nic II. et Mlhel sotr fils. i.n, 1306, CLVIIIL Difcouts e 1'Em,ereur.  A KDRO NIC IL ET MlCHEL SON FJXS. An. 1306. j 24^ FI I S T 0 I' R E" » dit Porateur, qu'on a vouï'ü Fnv» troduire dans l'Eglife, & qui hei> * reufement n'ont point eu le temps » d'y jetter de profondes racines, >> n'en ont-elles pas été entiérement •> extirpées, & j'en attefte le ciel „ ► n'eft-ce pas mon ouvrage? Vous » favez combien mon pere m'a ten- ► drement aimé&quels droits il avoit ► a ma reconnoiffance. Cependant ► paree qu'il étoit 1'auteur de ces ► nouveautés, je ne Pen ai pas moins ► condamné a être privé de la fé> » pulture chrétienne, & cet homme ► fi-puiffant, cet Empereur fi redou.* ■ table a fes ennemis, ce Souveraia. 1 qui n'avoit épargné ni veilles ni fatigues pour travailler au bonheur ■ de fes fujets^n'a pas recu a fa mort les honneurs que l'Eglife ne refufe point au dernier des citoyens. Si: je me fuis conduit ainfi a fon égard, c'efi que j'ai cru devoir obéir au eommandement exprès de JefusChrift, & que j'ai craint d'encoü* rir 1'anathême prononcé par ce di# vin Maitre contre ceux qui aiment leurs pafents plus que lui. Ma mare , cette mere qui m'étoit ïi cher.e.:?;  nu Bas-Empire. Liv. CIV. 347 » & qui m'a donné tant de preuves : » de fa tendreffe, n'a pu obtenirle ' » privilege d'être nomrnée avec nous » dans les prieres publiques, qu'a-c » prés avoir déclaré par un écrit figné { » de fa main, qu'elle déteftoit tout » ce qui avoit été fait, & qu'elle » foufcrivoit a la condamnation por» tée contre la mémoire de fon » époux. Rappellez-vous auffi la ma» niere dont j'ai agi envers ma pre» miere femme. On fait combien » elle étoit oppofée au projet de » 1'union avec les Latins, & dans » quels termes elle parloit du Pro» tofébafte Neftonge, envoyé en » Oriënt pour y forcer les fideles k trahir leur foi. Sa pieufe indigna» tion contre ce perfécuteur alloit » jufqu'a faire des vceux pour qu'il v< lui furvint quelque malheur qui » en déüvrat l'Eglife. Cependant, » paree que la mort 1'a furprife, >r avant qu'elle ait pu fe purifier pas » la pénitence, de la- tache que no v> tre accord facrilege avec les La-' » fins, avoit répandue fur toute li » nation, j'ai- voulu dès que je nv » fuis vu' fur le tröne , qu'elle fu P vj S.NDRQN1C ii. ET MlHEL SOM FILS. in. 1306, e t  Andronic II. et Mi- ghel son fils. Aa. 1306. S#, H I S T 0' I< » E » traitée comme indigne de Ia fêV » puiture chrétienne. On a ceffé pap » mon ordre de célébrer fon anni- * ver*aire, & je 1'ai fait retrancher du •> catalogue qui fe lit tous les ans au > jubé, & oü 1'on rappelle lamémoi- * re des Princes & Princeffes nouvel- > lementdéfunts.C'eff en vain qu'on > cherche le nom de cette vertueufe i Princeffe fur cette liffe, oüfontr ' infcntes tant de femmes bien moins ' <™mables. Aflre du jour qui nous eclaire, tu as été témoin de cette exceffive rigueur. Certes, j'aurois pu nepas aller fi-Ioin , fanstoutefois manquer a mon devoir ; mais en n'épargnant aucun de ceux qui m étoient unis par les Hens les plus etroits, j'ai été bien-aife de donne* un exemple qui apprït aux hommes a s'élever au-deftis des fentiments de la nature quand il s'agn des intéréts de Ia feligion. Vous connoiffez 1'excès de mon zele, vous voyez les facrifices que je' fais, & néanmoins vous perfifiez dans votre fchifme. Pour excufer votre opiniatreté, vous produifez e ne fais quel tefiamen't que vous.  nu Bas-Empiré. Liv. CIV. 345 »■ elites être d'Arfene, & dans !ep quel ce Patriarche excommunie » Jofeph fon fuccelfeur. Mais quel » fonds peut-on faire furunepiece t> qui n'eft pas même fignée ? Ne » dites point que fi Arfene n'a pas » mis fon nom a ce prétendu tefta» ment, c'eft qu'il avoit alors nial aux » doigts. Qui peut être afTez fimple » pour fe contenter d'une défaite fi » puérile , & comment ne craignezp' vous pas, en la donnant, de vous » rendre fufpeéts d'impofture ? Voilé* » donc d'ailleurs votre refpect pout »• la mémoire de cet Arfene auquel » vous paroiffezfi fort attachés! Quoi. » vousofez fuppofer que fon efprit fe w foit occupé de projets de vengeance » dans ce moment terrible oü il n'ef » pas un chrétien qui ne fe fafTe ur » devoir de pardonner a fes ennemis » Eft-il croyable qu'un Prélat qui, » pendant fa vie, n'avoit pas de plu; » grand plaifir que de délier & d'ab» foudre le pécheur, ait, en niou» tant, voulu mettre dans les lien: *> de 1'excommunication non un fini .» ple fidele r mais un chef de 1'Egli»- fe,,un Patr'arche? Quant a moi. ANDRONIC Ui et Michel sok fils. An. 130S  Andronic II. et michel son fils. An. 1306. i » > 35<3 ff I S T o r R E » je conferverai toujours pour fa » perfonne un amour vraimentfilial y » je n'oublierai jamais les marque3 » d'affeaion qu'il m'a données tant » de fois. II a même defïré de me » voir fur le tróne au préjudice de * mon Pefe- Après Ie crime commis » fur Ia perfonne de Jean Lafcaris, » ce Prélat déeida que, pour 1'ex« pier, il falloit que mon pere def- cendït du tröne impérial, & lui, ►> même du liege ponti&al, mon pere » pour avoir commandé ce crime, & » lui pour ne 1'avoir point prévenu, * en veillant avec plus de vigilance * a la eonfervation de fon pupille. » Pour adoucir 1'amertume du facri- * nee qu'il exigeoit de ce Prince, il > lui repréfenta qu'il pouvoit me > nommer pour fon fucceffeur, au- * iieu que lui n'avoit pas 1'avantage > de fe voir remplacé fur le fie«e > patnarchal par quelqu' un des fiena. > Après. avoir recu de ce Prélat des > preuves ft éclatantes de bienveil- > lance, puis-je fouffrir qu'on lui at^- > tnbue des fentiments qui tendroiear ■ aflétrir fa répujation ? CeffezdoncF - fceffez .de lui prêter. des difpofnions,  du Bas-Empire. Eiv. CIV. 35r w fi peu dignes & de fa vertu & de • » l'augufte cara&ere qu'il portoit. » Vous voudriez auffi révoquer en » doute la validité des ordinationsc » qui fe font fakes parmi nous de- i » puis fon abdication, d'oü il fuivroit » que la fucceflion du facerdoce fe» roit tellement interrompue dans » l'Eglife de Dieu, qu'elle ne pour.» roit plus y être rétablie. Je vous » conjure de me dire oü réfide main» tenant cette fucceflion légitime de » Pafteurs. Eft-ce chez vous? Mais » montrez-nous un feul de vos tn'v'» niftres qui ait été ordonné par un » Evêque k qui on ne foit en droit » de faire les mêmes reprochesqu'aux » nötres ? ". L'orateur , après avoir fait cette efpece de dén* aux Arfénites, continua a-peu-près en ces termes. » II eft vrai que vous m'avez » nomméautrefoisl'Evêquedes Mar» maritziens, qui maintenant ne vit » plus; mais auffi rappellez-vous que » je vous fis obferver que s'il n'avoit » pas trempé dans notre projet de » réunion avee les Latins,. il n'étoii » point irréprochable du cöté de la » conduite. Vous ne pütes en diftong Andronic ii. ET MlHEL SON FILS. lil. I |p6*  Aï.dro- nic n. et Michel son f1is. An, 1306, i i I J > > » 1 x m « J52 H r s ï 0 1 r e » venir, mais vous jugeates que dans » des circonftances fi difficiles, il » falloit wfer d'un peu d'indulgence » & reiacher quelque chofe de l'auf►> téritédel'anciennedifcipline. J'eus » la complaifance de déférer a votre * avis. Je m'étois même propofé > dans la feule vue de vous plaire , > d'élever ce Prélat fur le fiege de > Conftantinople, après la retraite > du Patriarche Jean , & je Fauroi* » fait, s'il n'étoit furvenu quelques > confidérations particulieres , & du > plus grand poids qui m'ont rete- * nu. Le Ciel s'étant déclaré pour Ie * faint perfonnage qui, depuis quel- > ques années, vivoit dans Ia retraite , après avoir quitté Ie tróne patriarchal, j'euffe réfiflé a la volonté de Dieu, en ne le rétabÜf- ' fant pas. D'ailleurs, tout m'annoncoit que fon rappel pourroit réunir les efprits & procurer la pais a l'Eglife. C'eft un homme d'une antique fimplicité, ennemi de toute intrigue , & qui ne fe paffionne que pour laf vertu. Je fais que quelques- uns trouy.nt qu'il eft dur n.flexible,, qu'il n'a point ce carac-  du Bas Empire. Liv. CIV. 353 ,v tere de douceur qui convient a un : » miniftre de Jefus-Chrift, a un Evê» que. Je vous avoue que j'ai eu » anfft de lui la même opinion. J'é- < » tois même fi fort prévenu contre » fa perfonne , que lorfque le moine » Menas yint m'annoncer de fa part ti les malheurs dont la juftice divine » nous menacoit, je ne voukis y » ajouter aucune foi. Je ne pouvois » me perfuader que le Seigneur dai» gnatrévéler fes fecrets a un homme » qui me paroiffoit fi peu rempli » de fon efprit. Mais quand je vis » que 1'événement ne répondoit que » trop a fes prédi&ions, je ne pus » m'empêcher de condamner mes » foup^ons, & je me foumis avec » humilité au jugement que le Ciel » fembloit prononcer en fa faveur » Je réformai toutes mes idéés a for n fujet, & ce que j'avois cru aupa< » ravant digne de blame, me parui » être un jutte fujet de louange. Pour » quoi, me difois-je k moi-même » condamnerois-je la févérité de cs » Prélat contre le pécheur, puifqiu »■ Dieu qui eft la fouveraine bonté » punit fouvent le crime par les plu; Andronic ii. ET Ml- ;hel sou fils. Kn. 1 jot*.  Andronic II. et Michel son fils. An. 1306. } ) 1 I >, > > > > i>: » »J » » 354 His T O I RE » terribles chatimenrs, & que l'Eva*&. » gile nous apprend qu'il faut dans » certaines circonftances ufer envers •> les Chrétiens d'une fainte rigueur > pour les forcer de rentrer dans Ie > devoir ? Plus j'y réfléchis, & plus > je trouve que vous êtes inexcufa- ► bles de perfifter dans votre fchif- ► me. Vous dites que nous devons ► öter le fcandale qui eft au milieu ' de nous, & qu'enfuite vous ren- ^trerez dans notre communion. Ce ■ langage feul eft votre condamna- ■ tion ; vous reconnoiffez donc que ■ c'eft vous qui vous êtes féparés de nous, que c'eft vous qui avez 1 déchiré la fainte tunique du Sauveur. L'Eglife de Jefus-Chrift ne peut fubfiiter fans un chef; montrez-nous celui qui eft a votre tête, faites-nous connoitre les Pafteurs qui vous gouvernent, &z prouvez-nous qu'ils mentent d'être préférés aux nötres. Faudra-t-il maintenant aller chercher dans un autre monde des Evêques qui puiffent vous donner des Prêtres fur 1'ordination defquels vous n'ayez plus aucun doute ? Faudra-t-il faire  du Bas Empire. Liv. CIV. 355 » fortir les morts de leurs tombeaux » Sc les interroger pour régler Pétat » des vivants } Faudra-t-il enfin que » nous nous adreflions a ceux qui » ne font plus pour juger du fort de » ceux qui exiftent ? Voila le Patriar» che, voilé le Clergé , le Sénat, le » peuple Sc les plus diftingués d'en» tre les moines, expliquez-vous » devant eux. Difcutonsde pajrt Sc » d'autre nos raifons fans humeur, » Sc j'ai cette confiance que fi nous » voulans nous modeier fur les faints » Peres,& prendre leurs écrits pour » guide , nous parviendrons, avec » 1'aide de Dieu , a découvrir la vé» rité & k nous réconcilier. Voila » ce que j'avois a vous dire. Au ref» te, quoique vous ayez été tous *» mandés ici, ne croyez pas avoir » tous la liberté de parler; il faut » que celui d'entre vous qui eft le » plus capable, porte Ia parole, Sc » expofe ce que vous avez k allé— j* guer pour votre défenfe; c'eft Ie » moyen d'éviter le défordre Sc la » confufion ". Lorfque 1'Empereur eut flni fa hasangue, l«s principaux des Arfénites, Andronic Iï. et Ml- 2hel soï» fils. A.n. 1306a xlix. Réponfe des Arfasi ces.  Andronic II. et Mi- chelsoi ïils. An. 1306 Pachym. I 6. c. 2. Andr. 356 HlSTOIRE & fur-tout les aveugles, répéterent ce qu'ils avoient déja dit tant de fois, & contintierent toujours a protefter qu'il n'y avoit qu'eux qui fuflent capables de travailler au retour de la paix, & qui puffent établir ce grand ouvrage fur des fondements folides. Enfuite ils fe mirent a faire 1'hiftoire de tout ce qui s'étoit paffé depuis la dépofition d'Arfene. Andronic les démentoit fouvent, & leur foutenoit avec cbaleur que rexcommunication qu'ils prétendoient avoir été lancée par leur Patriarche, & dont ils vouloient s'autorifer, n'étoit qu'un e impoflure. L'affemblée fe prolongea fort avant dans la nuit, & fut très-tumultueufe. L'Empereur fe vit même obügé de faire chaffer de la falie, des moines qui oierent 1'interrompre par des clameurs, & injurier Athanafe en face. Quand ces infolents furent fortis, Andronic fe plaigp.it a leurs Supérieurs de ce qifils ne les avoient pas contenus : au refte , il parut moins touché de leur manque de refpedt pour fa propre perfonne, que de 1'outrage qu'ils avoient fait au Patriarche. Pour réparer cette in-  du Bas-Empire. Liv. C1V. 357 fuite , il fit un éloge emphatique de ce Prélat, qui, felon lui, aimoit li paix, & étoit très-digne de gouverner l'Eglife; mais fes paroles, continue Pachymere , ne produifirent pas plus d'efFet que s'il eüt parlè d des fourds de naiffance , ou fait figne d des aveugles. Alors perdant patience , il congédia 1'affemblée , & fe retira fort courroucé d'avoir compromis en vain fa dignité. Pour empêcher les moines de cabaler & de communiquer a d'autres leur efprit de révolte, il donna ordre de pofei des fentinellesaux portes de leurs couvents. A 1'extrêmité de 1'Empire , du cöte de 1'Occident, des débats religieus troubloient auffi la tranquillité publique. On fe rappelle que la Princeffi Anne , veuve de Nicéphore, DefpoK d'Epire, avoit donné fa fille Ithamai Comnene en manage a Philippe d« Tarente , fecond fils de Charles II Roi de Naples. Les Italiens, par ur zele mal entendu , vouloient que le: Etats qui formoient la dot de la nou veile époufe, fuffent foumis quant ai fpirituel a la jurifdiöion de-s Evêque Andronic ii. ET Ml- SHEL SON FILS. An. 1306. L. Différend entre la Princefle Anne Sc , Philippe de Taren». ' te fon , gendre. Pachym. I. ' 5- 3°[ Andr. . Duc. Tam, ' Byf. f. ' 236. I  Andronic II, et Michel son fils. An, 1306. 358 HlSIOUE Latins, & prétendoient de plus que Ia jeune Princeffe renoncat k la communion des Grecs pour fuivre celle de l'Eglife romaine. C'étoit aller direöement contre les conventions ftipulées lors du mariage d'Ithamar avec Philippe. Anne, quoique d'ailleurs fort peu fcrupuleufe, étoit cependant trésattachée a la religion de fes peres. Elle fut indignée des prétentions des Italiens, &fe crutdégagée de fes promeffes par l'infraöion qu'ils faifoient eux-mêmes aux traités. Pour fe venger d'eux , elle propofaa Andronic de faire époufer Thomas fon fils a Anne Paléolo gine, fille de 1'Empereur Michel , promettant d'ajouter aux domaines que le jeune Prince tenoit de la fucceflion de fon pere, toutes les terres qui étoient le partage de fa fceur. II en réfulta une rupture éclatante entre la Régente d'Epire &-la Cour de Naples. Philippe équipe une flotte , compofée de vingt - quatre grands vaiffeaux, y embarque des troupes, fait une defcente fur les terres de fa belle-mere, & y met tout k feu & a fang. Anne ne fe laiffa point abattre par ce premier revers.  du Bas-Empire. Liv. CIV. 359 Cette femme courageufe voyant qu'elle n'avoit aucun fecours a efpérer de 1'Empire, ne prend confeil que d'elle-même; elle leve des foldats a la bate, &C en forme bientöt une armée, qui agit avec tant de vigueur, que '. Philippe fut obligé de fe retirer fans avoir gagné un feul pouce de terrein. La Princeffe termina enfuite, fuivant fes defirs, le mariage qu'elle avoit projetté. Cependant les Catalans, qui, depuis leur retour d'Orient, s'étoient établis a Gallipoli & dans les environs, caufoient a Andronic les plus vives inquiétudes. Roger, peu de jours après fon arrivée , s'étoit empreffé d'aller a Conftantinople, pour y rendrecompf e a 1'Empereur des opérations de fa campagne, pour lui demander la paye due a fes.foldats, & en même-temps pour lui faire des repréfentations fur le projet de renvoyer en Atïe la plus grande partie de fon armée, & de n'en retenir que mille hommes, a la tête defquels il devoit marcher au fecours du jeune Empereur. Sur le premier article , il recut beaucoup de compliments, fur le fecond de gran- Andro- nïc If. ET MlDHEL SON FItS. An. 1306. li. Les Catalans a Gallipoli. Muntaner t 209. Moncad. c, 19 & 10.  Andronic II. et Michel son fils. An, 1306 LU. Roger ha yangue fes foldats, &fi plaint di 1'Enipeïeur.Pachym. 1 e. c. 18 Andr, 360 HlSTOIRE des promeffes & point d'argent, & fur le dernier des ordres pour obéir» II quitta Conftantinople peu fatisfait, & vint rejoindre fes troupes qui furent fort mécontentes, en apprenant la réfolution de la Cour, &c fur-tout en voyant leur Général revenir les mains vuides. Infenfiblement les efprits s'échaufFerent; le foldat murmura,il accufoit même Roger d'êire de connivence avec 1'Empereur; & des plaintes il paffa aux menaces; de sfelte que le Grand-Duc ne fe croyoit pas trop en füreté au milieu de fes propres troupes. Roger, pour détourner de fa perfonne les foupcons, que fes foldats avoient concus de lui, les fait met! tre fous les armes, & prononce en : leur préfence une harangue , remplie d'inveöives contre les Grecs. II . y faifoit, dans les termes les plus •pompeux, fon propre panégyrique; il y rappelloit les fervices qu'il avoit rendus a 1'Empire ; il s'y plaignoit fur-tout de ce qu'au moment oü le perfide Attaleïote alloit tomber entre fes mains , il s'étoit vu contraint par un ordre exprès de 1'Empereur, de lever  du Bas-Empire. Liv. CIV. 361 lever le fiege de la ville oii il tenoit ce rebelle enfermé, de facrifïer le fruit de cette entreprife périlleufe , & la gloire qui devoit lui en revenir, pour marcher au fecours du jeune Empereur. II ajoutoit qu'on 1'avoit affuré qu'aufïi-töt qu'il auroit traverfé 1'HelIefporit, il trouveroit en abondance toutes fortes d'approvifionnements pour fes troupes; mais que loin de lui tenir parote, on 1'avoit laiffé fans vivres & fans argent. Puis excufant fes foldats, il difoit que s'ils avoient commis quelques défordreS, ils y avoient été forcés paf la faim qui ne connoit point de loi; qu'Andronic avoit lui-même fait naitre ces défordres, en manquant a fes promeffes , & qu'ainfi c'étoit ce Prince qui feul devoit en être refponfable. » J'apprends , coniinua-t-il, que le .-> jeune Empereur fon fils menace de » s'avancer a la tête d'une armée pour m nous combattre. Je n'oublierai point » le ferment que j'ai fait d'être fï» dele a 1'Empire; j'irai au-devant » de ce Prince ; je paroitrai en fa » préfence avec refpeft; je lui ren» drai tous les honneurs qui lui font Terne XXUL Q Andronic ii. et Mi- :heisom rii-s. ^.n, 1306.  Andronic U. et Michel son fils. An. 1306. LUI. II écrit a ce Prince pours'excufer.Pachym. /. 6. t. iS. Andr. 1 1 3C)2 H I S T 0 I Pv E 1 » dus; je fléchirai même, fuivant 1'u» fage , le genou devant lui, a qua» rante pas de fa perfonne; mais en » même-tempsj'aurai foin de pren» dre les mefures néceffaires pour » veiller a ma confervation, & a » celle de mes foldats; & quiconque » oferoit attenter k ma vie ou a ma ►> liberté, apprendroit a fes dépens ►> que je fais vaincre ou mourir. Voi» Ik mes difpofitions, & c'en efl affez » pour que ces braves guerriers qui >* le font enrölés fous mes enfeignes •> ne foient point tentés de chercher » un autre chef. Je leur donnerai » moi-même 1'exemple de repouffer » Ia force par Ia force, pour ne point ■» faire naufrage au port ^ A peine dix jours s'étoient écoti!és , depuis qu'il eut débité ce dif:ours hardi, qu'il commenca a fentir les conféquences qui pouvoient en rérulter. Soit qu'après tout, il ne vouut pas renoncer aux avantages qu'il ïtoit en droit d'attendre de 1'Empeeur, foit qu'il craignït Ia colere & es forces de Michel qui fe difpofoit 1 marcher contre lui, il fe hata d'aIreJTer k Andxornc une lettre écrite  öü Bas-Empire. Liv. CIV. 363 dans les termes les plus foumis. li le fupplioit de ne pas s'offenfer fi dans fa harangue il lui étoit échappé quelques expreflïons peu mefurées; il difoit qu'il falloit attribuer cette indif. crétion apparente au malheur des circonftances qui 1'avoient mis dans Ia facheufe néceflité de feindre, pour appaifer le foldat, d'entrer dans fes fentiments; que c'étoit le feul moyen qu'il avoit pu imaginer pour 1'empêcher de fe débander, de fe porter attx dernieres extrêmités, Sc même d'attenter è fa vie. II prioit 1'Empereur de faire eflimer les dégats que fes troupes avoient commis , & d'en déduire le montant fur les fommes qu'il devoit leur payer. Enfin, il lui proteftoit qu'il obferveroit inviolablement les Traités conclus entr'eux, & que jamais il ne s'écarteroit de la foi qu'il lui avoit jurée. II finillbit en difant que dans Ie nombre de fes foldats, il y en avoit mille qui étoient entiérement dévoués a fa perfonne, & qu'il fe flattoit de pouvoit avec leur fecours mettre aifément les autres a la raifon , s'il étoit néceffaire» Quelque temps après, les troupes Q ij Andronic ii. et Michel son fils. An. 1306.  Andro-, MC II. 1 ET Ml- ' CHELSON FILS. An. 1306. LIV. Reproches d'Andronicaux Députés des Catalans. Pachym. t. 6. c 14. 10, Andr. 564 H I S T 0 I R E le Roger deputeren r, auffi de leur propre mouvement, a 1'Empereur trois Dfficiers, pour lui protefter qu'elles stoient difpofées a faire tout ce qu'il ugeroit a propos de leur commanier. Andronic, a qui une démarche fi inattendue de la part des Catalans, infpiroit de la confiance, voulut les humilier dans la perfonne de leurs Ambaffadeurs, Ilaffigna a ces derniers un jour pour fe trouver dans fon palais, & la en préfence de tous les courtifans &C des principaux habitants Je la ville, il leur adreffa un difcours rempli de reproches & de menaces. tl raconta comment leur chef lui avoit Scrit pour lui ofTrir fes fervices, comuent & a quelle condition il les avoit icceptés. II obferva qu'il n'avoit demandé a Roger qu'un petit nombre de foldats; que contre fon intention, il lui en avoit amené beaucoup plus gu'il n'auroit defiré; que par commifération pour eux, il n'avoit pas voulu , après un fi long voyage, les congédier ; qu'il leur avoit permis de refter dans fes Etats, mais feule-, ment pour un temps limité, dont Ie terme étoit expiré; qu'il les avoit  du Bas-Empire; Liv. CiV*. 365 envoyés paffer 1'hyver a Cyzique, & qu'ils y étoient refïés toute la belle' faifon fans agir contre 1'ennemi; qu'aulieu de 1'aller combattre, il leur avoit' : paru plus agréable de piller leurs hö■: tes. II fit une peinture exagérée des défordres que les troupes Catalanes avoient commis pendant leur féjour ! en Afie , & des èxcès auxquels elles i s'étoient livrées en Occident, depuis ] qu'elles y étoient revenues. II ajouta | que fi 1'on évaluoit tout ce que les Catalans avoient volé a fes fujets, on f verroit qu'ils s'étoient atfribué plus j qu'on ne leur devoit réellement, & ' même beaucoup au-dela de ce qu'ils préfendoient exiger, quoique leurs demandes fufTent abfurdes & exor> bitantes ; que loin de les forcer a aucune reftitution, comme il étoit err droit de le faire, il avoit encore eu la bonté de leur propofer des gratifications confidérables, avec un établifTement en Afie , s'ils vouloient y paffer. » Mais,. difoit-il, au-lieu de » répondre a des offres fi honnêtes < » de ma part, & fi avantageufes pour » eux, ils les ont rejettées, & ont » encore eu 1'audace de nous menaQ ixj LN droNIC II. et Ml- ;hel sou Fir.s. Ln. 1306.  Andronic II. et Ml«helsoifils, An, ijoó 3Ö(1 HlSTOlïAE » eer. ïgnorent-ils donc quelle eft fa » puiffance de 1'Empire Romairi , » quelles font fes reffources, com'» bienil nous eft facile de confrruire » des vaiffeaux & de les garnir de » bonnes troupes l Ignorent-ils que » nous n'avons pas befoin de leurs » fervices pour porter la terreur de » nos armes dans les régions les plus » reculées. Si par un jufte chatiment » du ciet la gloire de 1'Empire fem» ble être maintenant comme éclip¥ fee, ce n'eft pas fans efpérance de » la voir reparoitre bientöt plus écla» tante que jamais. Que ces étran» gers rentrent en enx-mêmes , &z » qu'ils fe contentent de ce que je » veux bien leur accorder par un *» pur effet de ma libéralité; qu'ils fe » rendent tranquillement dans le lieu M que je leur ai indiqué. S'ils conti» nuent de piller mes fujets, & de » les traiter en ennemis, je faurai bien ►> punir leur infolence; qu'ils confi» derent ce qu'ils font, ce qu'ils peu►> vent, & a quoi fe réduifent leurs ►> reffources. S'ils vivent, s'ils ref» pirent, n'eft-ce pas a notre muni» ficence qu'ils en font redevables ?  ï>u Bas-Empire. Liv. CIV. <$6mt » II y a long-temps qu'ils feroienl » péris de faim depuis qu'ils ont quitfc h le camp de Fréderic, s'ils n'avoieni yy pas trouvé parmi nous un afyle » & fi nous n'étions pas venus a leui » fecours. En effet, qu'on fe rappelh » dans quel état ils étoient lorfqu'il: yy- ont abordé rïur nos- cötes.- Nud: » ou couvertsde haillons, pales, déyy figurés, portant fur leur extérieui » tous les fymptomes de la mifere y> la plus dévorante, ces fiers guer» riers, ces héros n'avoient pas mêy> med'armes. Maintenantilsnousde» mandent des récompenfes; qu'ont » ils fait pour les mériter ? Ce n'efl » pas que les occafions de fervir 1'Em » pire leur ayent manqué; ils on( » été eux-mêmes témoins des rava» ges que les Turcs ont exercés fut » nos domaines. Que n'alloient-ils » donc les combattre, eux qui fe » donnent pour les hommes les plus » braves & les plus belliqueux qu'il » y ait dans le monde. Ils menacent » de mettre nos poflëflions au pilla» ge. Qu'ilsfachent, ces brigandsté» méraires, que Michel mon fils s'a» vance a la tête d'une armée dont Q iv , Andro-Nic H. : ET MltCHEt SON FILS. An, 1306.  Andro*iC II. £T MjCHEL SQ1N FILS. Ac. 1305 LX. Berenger d'Entenca arrivé a Conftantinople.Muntan. e. 21 t, Monc&da , c. 20. Zunta, 'Ann. Arag. part. I. /. 6. c. I. Pachym. I. 6. c. 4, Andr, 3C après avoir eu audience d Q v Andronic li. et Michel son fizs. An. 1306* Nic. Grcg, l. 7. c 3. D'Outrem, de excid. Grcec. liber fing. c. j. E l i S' sv e  Andro- mic ii. et Michel soi fils. An. 1306 LVT. Roger fa demet de la dignité de GrandDuc en faveur de Berenger. Pachym. I. 6. c. 4, ii. 12. Andr. JAuntan, ft 311. Munt, s, 20. i 1 ( 1 3 1 l 37° H i S t ft j ft e ' 1'Empereur, il s'en retournoit fur fon bord; car il ne vouloit avoir d'autre demeure que fon propre vaiiTeau. 'Tous les matins Andronic lui faifoit porter des provifions de bouche, & lui envoyoit des préfents de toute efpece, ainfi qu'aux perfonnes de fa fuite. Des procédés fi généreux rendirent infenfiblement Berenger plus traitable. Roger de Flor s'étoit reconcilié avec 1'Empereur, & fe trouvoit pour lors è la Cour. Loin de voir d'un ceil jaloux 1'accueil qu'il faifoit a Berenger , & de regarder ce nouveau venu comme un concurrent qui pourroit le fopplanter, il fut Ie premier a pner Andronic de fe 1'attacher; il eut même la générofité de demander ï ce Prince la permiflion de renon:er a fon titre en faveur de Beren;er, étant jufie, difoit-il, qu'un Chepalier de fi haut parage , tint le prenif r rang dans l'armée. Dès le lenlemain, on vit Roger quitter publinent le bonnet de Grand-Duc, & emettre entre les mains de 1'Empeeur Ie fceau ducaï, ïe batoa doré, z les autres attributs de fa dignité.  nu Bas-Empire. Liv. CIV. 371Andronic en inveftit aufli-töt Beren- ter d'Entenca, en faifant un grand loge du défintéreffement de Roger r qui, fans doute , prévoyoit bien qu'il{ trouveroit tot ou tard le moyen de i fe dédommager, même avec ufure , d'un pareil facrifice. Berenger , lorfqu'il fut queftion de rendre hommage a 1'Empereur, & de jurer, fuivant Ia formule ordinaire dü ferment qu'il feroit l'ami des amis de 1'Empereur , & Üennemi de fes ennemis, s'ar» rêta tout court, & déclara qu'il lui étoit indifpenfable de faire une exception pour Fréderic, Roi de Sicile , fon Seigneur fuzerain. Cette franchife ne déplut point a Andronic; il en conclut qu'il pouvoit fe repofer avec plus de confiance fur la foi d'un homme qui paroiffoit fi fort attaché a fes engagements; & que Berenges ne lui manqueroit pas de fidélité5 puifqu'il ne vouloit pas en manquei a Fréderic. Tous n'en jugeoient pa: de même ; plufieurs crurent au con« traire que cette réferve cachoit quel« que deflein dangereux^ Quoi qu'il en fok , Berenger parui a la Cour y le jour de Noël, en granc Q vj ANDRONIC II. KT Mlr HEL SON' FILS. in. IJO^a : evh: Berenger 1 d'Enten-  Andronic II. ïtMï- CHEXSON fils An. J306. ?a faiÉ GrandDuc.Pachym, l. 6. c. 14 & i?. <4nir. Monc. c, 1 ( .] 1 i 4 J E I e € £ 0 37^ H I S T O I U E cérémonial, & décoré de tous les ornements de la nouvelle dignité. 11 choifit pour demeure le monaftere de St. Cofme, & vint s'y établir avec fes principaux Officiers , qui recurent des mains de 1'Empereur, quelquesuns, 1'ordre de chevalerie, & tous, de riches préfents. Dès-lors Berenger vécut dans la plus grande intimité avec ce Prince, qui prenoit fes confeils dans toutes les occafions. Malbeureufement cette bonne intelligen:e dura peu. Andronic avoit fait a Serenger un long calcul des fommes lélivrées aux Catalans, depuis qu'ils ftoient au fervice de 1'Empire ; il 'avoit même pué de décider luinême fi leurs plaintes étoient juftes, k. s'ils pouvoient légitimement 1'acufer.de leur retenir leur paye. Cette onfidence produifit fur 1'efprit de ïerenger un effet auquel 1'Empereur e s'attendoit pas. Le nouveau grand )uc prétendit s'en faire un titre pour xjger de ce Prince beaucoup plus ncore qu'il n'avoit donné a Rogêr, .ndronic lui fit des repréfentations, eFenger ne voulut pas les entendre; n fe piqwa de part & d'autre , &  du Bas Empire. Liv. CIV. 373 bientöt Berenger ne put fe contenir; il manifefta avec aigreur fon mécontentement. II n'ignoroit pas d'ailleurs que les Catalans & les Almogavares, établis a Gallipoli, murmuroient hautement contre lui; qu'ils étoient trèschoqués de fes liaifons avec un Prince dont ils avoient tant a fe plaindre , & qu'enfin ils le regardoient tous comme un traitre a fa patrie. II réfolut donc de rompre avec 1'Empereur. Berenger commenea par fe difpenfer d'aller rendre fes hommages a Andronic; infeniiblement i! ne parut plus a la Cour, & peu après il fe rembarqua fans daigner prendre congé- des Princes. Ayant mis a la voile, il cingla vers le chateau de Blaquernes, & ne fit aucun falut, lorfqu'il pafia devant le palais impérial : il louvoya dans les environs , pendant trois jours, paroiffant irréfolu fur le parti qu'il vouloit prendre. A ndronic fort étonné lui députe quelques-uns de fes courtifans pour favoir quelle eft la caufe d'une conduite fi extraordinaire ; & en mêmetemps pour Ie fomraer d'affifier avec Andronic II. et Michel son fils. An. 1507.. LVIII. 11 fe fépare de i'Empereur , Moncad, t. 22. Pachym. /. 6. c. 15, Andr,  Andronic II. et Michel son fils. An. 1307, 1 1 1 ï i S I Sf'l HlSTOUE les attributs de fa dignité a une cérémonie qui devoit avoir lieu bientöt. Berenger, pour montrer le peu de cas qu'il faifoit de ces honneurs , prit fon bonnet ducal & le jetta a la mer, en préfence des Députés. Après cette infulte, il les congédia,, & ne leur donna aucune réponfe. II renvoya en même - temps a 1'Empereur environ trente plats d'or & d'argent, fur lefquels ce Prince lui avoit fait porter des mets de fa table;; mais il ne fut pas également exact a reftituer un vaiffeau de Ia marine impériale qu'il avoit emprunté. Dès que Berenger eut Ie vent favorabley il en profita , Ss dirigea fa sourfe vers Gallipoli. Une rupture auffi marquée ne permit plus a 1'Empereur de douter qu'il n'eüt été trompé. II craignoit fur:out que Berenger ne fe liguat conre lui avec Roger qui recommencoit mffi è montrer beaucoup de méconentement. Pour les éloigner Tun de 'autre, il fit è Roger les propofitions es plus flatteufes, s'il vouloit aller ervir en Afie. II avoit encore un utre motif non moins preffantöoijjr 'engage» a paffer la pier,  du Bas-£mpire. Liv. CÏV. 375 Les Turcs, depuis la retraite des Catalans, avoient reparu dans les environs de Philadelphie. Ils la tenoient bloquée, & la difette étoit ft exceffive que les habitants fe trouvoient récluits a fe nourrir des cadavres de ceux que la faim faifoit périr. Or il n'y avoit pas d'apparence qu'on put délivrer cette ville fans le fecoursdes troupes de Roger. Cependant les Gé nois de Pera , jaloux des Catalans, avoient vu avec plaifir qu'ils alloient fe brouiller tous avec 1'Empereur. Ils furent défelpérés, quand ils ap-1 prirent qu'Andronic cherchoit luimême a renouer avec eux. Pour tacher de faire échouer cette nouvelle négociation , ils répandirent le bruit que les Catalans entretenoient des eor» refpondances avec les Siciliens ; que le frere batard du Roi Fréderic étoit déja en mer avec une flotte de treize vaiffeaux de guerre, & qu'il venoit fe joindre a ces aventuriers. Afin de donner plus de poids a cette nouvelle, ils fe mirent eux-mêmes fur la défenfive. Ils fortifierent le fauxbourg, qu'ils babitoient, ils en aggrandirent les fofïés, & les difpo- Andro- kic n. et Ml- :HEr.SOt3" FILS. kn. 1307. LIX. Philadeljhie blojuée, & ïouveau :raité ivec Roi ;er. Zurita , 4nn. Aragè tart, 1. I. i. c. i. Motie, c. 12. 23. Pachym, 1, S.c. 9. 17» Andr»  Andronic II. ET Ml- CHELSON ' FIES. Air. 1307. 'u BasEmpire. Liv. CIV. 383 demander , foit pour elle , foit pour fes protégés. C'étoit alors que ce Prince avoit la foibleffe de lui prodiguer les tréfors de l'Empire, & que fur fes recommandations, il élevoit aux premières dignités & aux grands emplois, deshommes fansméirite, & fouvent perdus d'honneur, Andronic ouvrit enfin les yeux, il compritcombien il étoit coupable de Jfacrifier ainfi aux caprices d'une femme ambitieufe , les intéréts de 1'Etat 'argent de fes peuples. Andronic n'avoit' ni affez de reffource du cöté ide 1'efprit, pour remettre Irene dans le chemin du devoir, ni affez de ifermeté pour la forcer d'y rentrer. II fe conduifit comme les maris vulgaires; infenfiblement il fe refroidit pour elle, il s*éloigna de fa perfonne, & finit par ne la plus voir. L'Impératrice ne s'attendoit point è cette difgrace, elle devint furieufe. Bientöt elle prit le parti de quitter la Cour, & fe retira a Theffalonique. Ce fut alors que cette Princeffe ne mit plus de bornes a fon reffentiment; elle ne ceffoit d'invecfiver contre fon ffnarii & pour le rendre méprifa- Andro- kic ii. et Michel son fils. An. 1307.  Andronic II. et Michel son fils. An. 1307. LX1II. Projets de cette l'rincefie pour 1'érablifferaent de fes enfants.Duc. Fam.' Byfant. 1 384 H I S T O I R E ble, elle ne rougiffoit pas de révéler je ne fais quel fecret du lit nuptial ; ce qu'elle faifoit avec des expreffions que la courtifanne la plus effrontée n'auroit point ofé fe permettre. Irene tenoit ces propos indiftinctement k tous ceux qui 1'approchoient, a fes femmes, a fes Officiers; elle n'avoit pas honte d'en fouiller & les oreilles des moines qui 1'entouroient, & les lettres qu'elle écrivoit au Crale fon >endre. Le Patriarche Athanafe avoit beau tonner contre cette Princeffe, elle fe moquoit de fes avis & de fes menaces. Irene, ayant perdu toute efpéran:ed'obtenir de 1'Empereur, pour fes snfants , ce qu'elle defiroit fi ardemment, s'étoit chargée de leur chercher ?lle - même des établiffements. Elle ivoit envoyé demander a Gautier de IWenne , Duc d'Athenes, fa fceur en nariage pour Théodore, un de fesfils. £lle faifoit propofer en même-temps m Duc d'attaquer d'un cöté Jean An»e Ducas Comnene, Defpote de rheffalie & Sebafiocrator, fils de Jean Ducas Souverain de Patras, tandis ju e de 1'autre, elle enverroit contre" lui  du Bas Empire. Liv. CIV. 3B5 lui des troupes. On ne devoit, lui-1 vant ce projet, dépofer les armes, que lorlqu'on auroit öté la vie au Defpote , & mis Théodore en poffef-1 fion de fes Etats. Ce complot infenfé n'eut point d'exécution. Théodore fit quelque temps après un autre établiffement dont nous parierons bientöt. Quant a Jean, fils ainé d'Irene „ elle avoit projetté, avant qu'il époufat la fille de Chumne, Préfet du Caniclée , de lui aflurer la fouveraineté de 1'Etolie, de PAcarnanie & de toute 1'Epire. Elle dépenfa des fommes immenfes pour faire réuffir ce projet, mais il échoua. Elle en méditoit encore un autre dans le même genre, lorfque 1'Empereur vint arrêter fes démarches, prétendant que le foin de pourvoir fes enfants, le regardoit lëul. Alors Irene tourna toute fon affection vers Simonide fa fille, & vers le Crale de Servië fon gendre. Ce Prince avoit fu lui plaire; & dès le moment de fon mariage , elle n'avoit ceffé de 1'accabler de préfents. Tous les ans elle lui envoyoit une couronne enrichiede pierreries, qui égaloh en valeur celle de 1'Empereur; elk Tome X3LHU R Andronic II. et Mi- :hel son fils. In. 1307.  Andronic II. et Michel son fils. An, 1307. i 1 1 i < < 2 e < r { i c h ti ,r 3S6 HlSTOIRE dépouilloit le palais des meubles & des bijoux de la couronne pour 1'enrichir ; enfin , elle lui donna, difent les Auteurs du temps, plus d'or qu'il n'en auroit fallu pour relever la marine impériale. Irene efpéroit que le Crale auroit des enfants; que ces enfants profiteroient un jour de la foibleffe de 1'Empire pour s'en emparer; qu'ainli le defir dont elle étoit dévorée, ie voir fa poftérité fur le tröne im^érial, feroit accompli. Telles font moins les vues fecretes que lui 3rête un Ecrivain contemporain. S'il :ft vrai qu'Irene ait eu des intentions 1 criminelles, elle ignoroit donc enore alors que le Crale, infidele a fes ronyentions, & impatient de jouir, ivoit par des entreprifes prématuées, rendu pour jamais fa trop jeune poufe incapable de devenir mere. )n fe rappelle qu'il étoit agé de quaante-cinq ans, lorfqu'il 1'avoit épou;e , & qu'elle en avoit a peine huit. )uand Irene eut fait cette fatale déouverte, elle dreffa de nouvelles atteries; elle engagea le Crale a inftuer pour fon héritier 1'un des fre;s de fa femme. Elle lui envoyad'a-  du Bas-Empire. Liv. CIV. 3S7 bord Demétrius; mais ce jeune Prince fut bientöt obligé de revenir auprès de fa mere. L'apreté du climat de la Servië étoit contraire a fa fanté. Théodore, qui alla le remplacer, ne put pas s'en accommoder davantage ; il fallut le rappeller. Ces contre-temps affligeoient Irene, fans la guérir toutefois de la manie d'intriguer. Tandis que cette femme ambitieufe répandoit 1'amertume dans le cceur d'Andronic , Ie fanatique Athanafe, de fon cöté , ne cefToit de tourmenter fa confcience, &de 1'engager dans des démarches inconfidérées. Des moines, Génois de nation , avoient acheté un terrein prés d'une des places pubüques de la ville, pour' y batir un monaftere, & ils y fai» foient Poftice firivant le rit latin. Le' Patriarche étoit très-offenféde ce pré- i tendu fcandale. Plufieurs fois il avoitfollicité 1'Empereur de le faire ceffer, le menacant toujours de la colere de Dieu, s'il ne fe hatoit d'obéir. Andronic, après avoir réfifté affez longtemps aux importunités du Prélat, eut enffn la complaifance d'y céder» R ij Andronic II. et Mi- :hel sok hls. A.n. 130^» LX1V. Couvent Ie Moiïcs du rit •oniain létruit. *achym. U c is,  Andro KIC II. et Michel soï riLs. An. 1307 33S H I S T 0 I R E II fit fignifier aux moines qu'ils euffent a quitter leur couvent. A cette nouvelle, les moines furent confter-. nés; ils repréfenterent k Andronic combien il étoit injufle de les expulfer d'une demeure qu'ils poffédoient en conféquence d'un contrat revêtu de^ toutes les formalités légales, & même copfirmé par 1'autorité impériale ; qu'il étoit inoui qu'un Prince auffi religieuxque lui, voulut réduire a des ufages purement profaries un beu confacré au Seigneur, dans lequel on chantoit journellement fes louanges, oii 1'on célébroit le faint facrifice, & oü repofoient les corps de plufieurs Chrétiens. Enfin, après avoir adreiTé inutilement un grand nombre de requêtes a 1'Empereur, ils oferent lui déclarer qu'ils fe laifferoient enfevelir fous les ruines de leur monaftere, plutötque d'en fortir. Ils ne pouvoient s'imaginer que ce Prince füt capable d'employer contre eux les voies de fait; ils furent trompés. Andronic perfifta dans fa première réfolution. Le feitl changement qu'il y fit, fut de mettre des Ecclefiaftiques Grecs, a la place des  bu Bas-Empire. Liv. CIV. 389 moines Latins; ee qui n'étoit point fait fans* doute, pour confoler ces derniers de leur difgrace. On vit alors un exemple de ce que peuvent les haines nationales. Ce fut 1'Exarque des Pifans qui fe chargea de 1'odieufe commifïion de chaffer les moines Catholiques de leur Gouvent, & d'y inftaler les Grecs fchifmatiques qui devoient les remplacer; Ees Pifans. ennemis mortels des Génois, avoien faifi fans fcrupule, 1'occafion de leui faire cet outrage. Le Podelïat des Gé nois qui habitoient le fauxbourg d< Pera Sc de Galata, voulut tirer ven geance de cet indigne procédé ; i apofta des gens qui tomberent fu f Exarque, le percerent de coups, & le laifferent fur la place a demi-mort L'Empereur fe plaignit de cette vio lence, comme d'un attentat eontr» fon autorité; mais il n'ofa pas s'ei faire juftice lui-même; il fe conten ta de défendre au Podeflat dé paroï fre a la Cour r Sc a tous Ses Génoi de mettre le pied dans la ville. II vou loit attendre , pour terminer cetti affaire, que les nouveaux Magif frats, qui devoient venir de Gêne, R iij Andronic II. et Michel son fils. An, 1307, [ t  Andronic U. et Michel soi HLS. An. 1307 LXV. Démêlé des Génois ave< la Cour de Trébifonde.Pachym, l, }. c. 29, Andr, ; 1 3 1 1 SS» 11 1 S T 0 I R E releyer les anciens, tuffent arrivés» L'année précédente, Alexis Comnene fon neveu, Prince de Trébifonde, avoit montré aux Génois plus de fenneté. Ces Italiens, comme on l adeja obfervé, ne négligeoient aucune occafion de fe former des établiffements dans tous les lieux qui pouvoient les mettre a portée d eten. dre leur cor-merce. Trébifonde étoit par fa fitustion, très-propre a remplir leuis vues k cet égard. Un grand nombre d'entr'eux avoient depuis long-temps obtenu Ia permiffion de s y fixer, mais aux conditions que tout ce qu'ils feroient entrer dans Ia ville , feroit fujet k certains droits. Les Genois avoient d'abord été fideles a cet engagement. Dans Ja fuite, ils youlurent s'en affranchir. Ils commencerent d'abord par fouffrir impatiemment Ia vifite de leurs marchandifes. L>e temps en temps leur avarice & cur mauvaife foi fe trouvant aux pries avec la vigilance vexatoire & bruale des commis de la douane, il en e.ultoit des rixes, dont Ie tort tom)pit toujours fur eux. Enfin, après üen des plaintes & des contetfations^  du Bas-Empire. Liv. CIV. 391 < ils flnirent par déclarer que dorénavant ils ne payeroient plus aucun droit; Sc que fi on vouloit les y contraindre , ils s'exileroient de la ville, c & même qu'ils abandonneroient pour A jamais le pays. Alexis répond froidement qu'ils font les maitres de prendre tel parti qu'il leur plaira ; qu'il ne prétend mettre aucun obftacle a leur départ, pourvu toutefois qu'avantde quitter fes terres, ils verfent dans la caiffe du fifc les fommes qu'ils doivent encore. Les Génois, piqués . de cette réponfe, font mine d'exécuter leurs menaces. Déja ils chargent avec grand appareil leurs efFets fur des vaiffeaux. Quoiqu'Alexis fut bien qu'ils étoient trop intéreffés a refter dans fes Etats, Sz qu'en conféquence il ne doutat pas que toutes ces démonftrations ne fuffent qu'une feinte, il fe trouva cependant choqué de cette efpece de bravade, Se il envoya un detachement de fes troupes pour la faire celfer. Les Génois voulurent rélïfter; ils en vinrent aux mains avec les foldats d'Alexis, Sc ne furent pas les plus forts. Alors ne confultant dans leur colere que le deR iv, lNDRONIC H. ET MlHEL SOJT FILS. n. 1307,  Andro k1c IL et Michel so HLS. An. 330- 39a H I S ï O I R E, &c. ; fir de fe venger, ils mettent Ie feu a un des fauxbourgs de Trébifonde. L'incendie fut terrible, & caufa beau* coup de dommage aux babi tants; mais .il devint encore plus funefie a ceux qui en étoient les auteurs. Les flammes fe porterent fur les magafins des Genois, & y réduifirent tout en cendres. Les Génois, abattus par cette perte, &c réfléchiffant au tort irrépayable qu'ils s'étoient fait a eux-niêmes par leur imprudence, & è celui qu'ils effuyeroient encore, s'ils quitloient la ville de Trébifonde, fe foumirent, & demanderent humblement la paix. Elle leur fut accordée, & les chofes furent rétablies dans leur premier état.  393 SOM M A I R E DU CENT CINQUIEME L I V R E. I. o G E H maffacré d Andrinople. II. Réjlexions fur cet affaffinat, lil. Emeute d Conftantinople. IV. Art' dronic difculpé du meurtrt de Roger. V. Michel fait marcher des troupes vers Gallipoli. Vf. Difcours de Berenger cCEntinca dans un confeil dzs Catalans. VII. Rocafort'ripond d Berenger. VIII. Cartel des Catalans fignifiê aux deux Empereurs. IX. Ambaffadeurs Catalans majfacrés. X. Dêpart de Berenger pour une grande expédition. xi, Berenger bat un des fils de £ Empereur. XII, Berenger fait prifon, nier par les Génois. XIH. Rocafort Génèraliffime des Catalans. XIV. Les Catalans de Gallipoli décident d'en venir d une bataille générale. XV, Pratique dévote des Catalans avant te combai. XVIi lis rvnportent une grande yictoire R v  394 SOMIAI R E fur les Grecs. xvu. Défaite de l'Em~ pereur Michel. xvili. Soixante Catalans periffent au milieu des flammesi Andnnopk. XIX. L'Empereur fait fort apologie. XX. Ambaffade d'Andronic v.ers les Catalans. XXI. Difcours témeraire des Ambaffadeurs. XXII. Réponfe dce difcours. xxill. lmprudence dAndre Murifque. XXIV. Courfe des Catalans. xxv. lis affouviffent leur vengeance fur ceux de Redefle. XXVX. Rocafort prend poffejjion du fort St Ehe. xxvn. II aëit de mauvaifi foi avec les Grecs. XXVlil. Retour de Ferdinand Ximenh d'Arenos : il défait les Grecs.f xxix. li emporte Madyte. XXX. Défaite de Georges de Chriflopole. XXXI, Les Catalans ruinent unport fur le Pont-Euxin. XXXII. Hs fe yengent des Alains. xxxill. lis échouent devant Andrinople. XXXIV. Négociation d'Andronic avec Amoine Spinola. XXXV. Défaite des Génois fous les murl de Gallipoli. XXXVI. Turcs & Turcoffules au fervice des Catalans. XXXV11 Jfaac Melek, un, de leurs chefs , trahit Ul Catalans, XXXVIH. Seconde trahiJpn: du. même--ih en efl- puni. XXXrXv Ui ^m & lezTurcopuks fcraccom.-  DU LlVRE CV. 19 J- modem avec les Catalans. XL. Berenger fort de captivité. XLI. Ferdinand Ximenes d'Arenos trompe les Grecs. XLII. Le commandement panagé entre les chefs des Catalans. XLIIï. Ferdinand Xitnenès d'Arenos fe réunil d Berenger d'Entenga. XLIV, Fruilla prife & détruite par les Catalans. XLV. Paix des Génois avec les Catalans. XLVI, Rocafort s'avance vers Confantiriople. XLVII. 11 reprend Redefle. XLVHI. D. Ferdinand arrivé d Gallipoli.XLlX.il fe préfente pour commander l''armée Catalane , comme Lieutenant de Fréderic r Roi de Sicile. L. Difcours de Rocafort d ce fujet, LI. La fouveraine autorité offerte d D. Ferdinand qui la refufe. UI. Exploit d'un moine guerrier. LUI. Progrls des Turcs en Afie. LIV. Cafjien arrêté pour crime d'Etat. LV. Confpiradon de Drymis. LVI. Incendie d Conftantinople. LVII. Difgrace du Patriarche d'Alexandrie. LV1II. Faux qeted'Athanafe. LIX. Remontrances du Clergé d ce Prélat. LX. Adreffe £ Athanafe pour fe concilier les bonnes graces du Prince. LXI. Prétendu. miracle en faveur d'Athanafe. R vj   H I S T O I R E JD U BASEMPIRE. L1VRE CENT C1NQU1EME, ANDRONIC II. ET MICHEL SON FILS, Roger de Flor avant de partïr pour 1'Orient, oü la gloire & fes Biouveaux engagements 1'appelloient, voulut aller vifiter i Empereur Michel, foit qu'il elpérat d'adoucir, par cette démarche honnête, 1'efprit de ee Prince aigri contre lui, foit qu'il fut bïen-aife de fe montrer k la Cour d'Andrinople, avec les attributs de Andronic II. et Michel sow fils. An. 1307» I. Roger maffacré a Andrs» ncnie»  Andronic II. et Michel son fils. An. 1307. Muntan, c. 209. 213. Monc. c. Ï9. 20. 26. 27. Zurita, Anti. Arag. part. i. /. -6 , c. i. Pachym. I. 6. c. 23. 24. Andr. Nic. Grcg. i- 7- c. 3.. I 1 I 1 « f t a 398' H iSTOISf fa nouvelle dignité. II fit ce voyag'e malgré la grande Ducheffe fon époufe , & la Princeffe fa belle-mere, qui 1'avertiffoient de fe tenirfur fes gardes , paree qu'elles favoient qu'on méditoit de lui faire un mauvais parti. Roger n'ajouta aucune foi a ces difcours ; il les regarda comme 1'effet d'une crainte pufillanime, ou d'un attachement exceffif pour fa perfonne* Michel n'ayant pu d'abord furmonter la peine que lui caufoit ia préfence d'un homme qui lui étoit fiodieux, le recut froidementmais comme il poffédoit affez bien 1'art de feindre, dans lequel les Grecs en géne ral' ont toujours été fort habiles y il reprit infenfiblement un air plus 'racieux, & bientöt il traita Roger ivec toutes les marqués extérieures le la bienveillance la plus affe&ueué. II lui donna pendant plufieurs jours les fêtes qui furent terminées par un nagnifique repas. Le nouveau Céfar, omblé d'honneurs, étoit a table, s'y ivrant fans inquiétude k la joie, &i 2 félicitant de n'avoir point prêté öreille aux défiances que les fiens voient voulu lui infpirer, lorfque  rru Eas-Emt>ire. Liv. CV. 209 totit-a-coup on vit entrer dans la falie I des eonvives Georges fuivi d'une troupe d'Alains & de Turcopules. Ce barbare, fans s'être autrement annoncé , fe précipite comme un furieux fur Roger, le perce de fon épée, lui coupe la tête, &c laiffefon corps en; fanglanté au milieu des débris du fef i tin. Cette affreufe fcene fe paffa fous : les yeux de 1'Empereur, de l'Impé« ; ratrice, & des Grands de leur Cour* I Ainfi périt a 1'age de vingt-fept ans , au mois d'Avril 1307, Roger de Flor , & non pas Roger de Lauria, comme : le dit mal-a-propos le Jéfuite Poufi lïnes, auteur d'une traduction latine très-ampoulée& très-prolixe de 1'hif) torien Pachymere. Roger de Lauria eft trop connu dans les annales Francoifes par le mal qu'il nous a fait, pour qu'il foit permis de le confondre avec d'autres. Roger de Flor laiffa en mourant fa femme enceinte d'un fils dont nous ignorons le fort. Tout ce que nous en favons, c'eft que ce fils vivoit encore quand Muntaner commenca fon hiftoire». CetEcrivain, bien informé'des évé«a-emejtfs- dont il fait le récit.,. affure Andronic H. et Michel sow fils. Ac IJ07; n. Réflesions int  Andronic ii. ET Ml£HüL SON FILS. An. 1307. cet affaffinat.Nic. Grcg. I. 7. c. 34. Pachym. I. 6. c. 24. . Andr. Munt, c. «J. I Zurita , ' Ann.Arag. ^ part. 1. L. 6. c 1. 1 Mans. £. | «ft , t 1 1 1 2 \ i ï i c h t]0O H I S T O I R E que Michel avoit projetté de faire affaffiner Roger, & qu'il avoit mandé Georges & fa troupe , a Andrinople, pour exécuter ce forfait. Les hiftoriens Grecs n'ofant paffer fous filence cette aclion, en fuppriment les principales circonftances, ou les déguifent; mais les détours dont ils fe fervent, ne font que déceler leur em> >arras, & mieux connoïtre leur mau/aife foi. Ils difent que Roger, ayanti ollicité une audience auprès de 1'Im- > >ératrice, elle lui fut accordée, ai rondition routefois, que, fuivant 1'éiquette, il s'y préfenteroit feul; quei Seorges, qui, depuis long-tempsI :pioit 1'occafion de venger Ia mortl te fon fils, tué a Cyzique par les Ca- ■ alans, faifit 1'infrant oü Roger en- ■ roit dans 1'appartement de Marie,, lour lui plonger fon épée dans les ; eins, & que le Céfar alla expirer aux : lieds de la Princeffe. Ils ajoutent que \ ette cataftrophe eaufa d'abord une: rande rumeur dans le palais; que iichel, inftruit de 1'événement s'in3rma s'il n'étoit rien arrivé de fa- ■ heux a 1'Impératrice; qu'il plaignit : : fort de Roger, & demanda k Geor? ■  du Bas-Emrire. Liv. CV. 401 ges pourquoi il avoit attenté ainfi a la vie du Céfar ; que Georges répondit qu'il avoit voulu que 1'Empire eüt un ennemi de moins, & que Mi-1 chel fe contenta de cette excufe; mais qu'en même-temps, il prit toutes les mefures poffibles, afin que rien de ce qui venoit de fe paffer dans 1'intérieur du palais, ne tranfpirat audehors; que,dans la crainteque ceux des Catalans qui étoient entrés avec leur Général, ne fe portaffent a quelque coup de défefpoir, il ordonna de les mettre tous aux fers. Ces meines hiftoriens difent encore que les Alains, après avoir affouvi leur rage fur le corps de Roger, monterent a cheval de leur propre mouvement, & parcoururent Ia ville d'Andrinople & fes environs,maffacrant les Catalans & les Almogavares qu'ils rencontroient. lis ne manquent pas de faire obferver que Michel, touché du fort de trois Chevaliers qui fe défendoient dans la tour d'une Eglife oü ils s'étoient réfugiés, donna ordre de ceffer 1'attaque , & qu'il fit expé dier a ces braves gens des fauf-conduits pour fe retirer a Gallipoli. Si Andronic ii. et Ml- ;hel son fils. Kn. 1307,  Anduo- KIC II. et Michel soi fils. An. 1307, i I I 1 S t t r .40* HlSTOÏRE •1'on en croit Pachymere, ce Prince chargea même fon oncle Théodore de contenir les Alains & les Turcopules, qui s'étoient réunis pour égorger tous les Latins. Les Grecs mfif, tent fur ces circonftances, dans la vue d'infinuer que Michel n'avoit eu aucune part a 1'affaffinat de Roger. Nicéphore ne peut s'empêcher de reconnoïtre que fi ie coup n'étoit point parti de la Cour de Conftantinople, il avoit été au moins concerté dans la^cabinet du jeune Michel; mais en même-temps il voudroit qu'on crüt que ce Prince n'en vint a cette extrêmité que malgré lui, & uniquement afin de prévenir les mauvais defleins du nouveau Céfar; car il pré:end que Roger s'étoit tranfporté ar findrinople, non pour y rendre fes ïommages k Michel, & le confulter urleplandela prochaine campagne, :omme il Ie difoit, mais pour denander k ce Prince de 1'argent, & 'en faire donner de force, s'il éprou'oit un refus; que c'étoit k cette insntion qu'il avoit amené avec lui ouze ou treize cents chevaux. Ce s«t ne s^ccorde nullement avec ce  du Bas-Empire. Liv. CV. 403 ) qu'il avoit dit lui-même plus haut, i favoir, que Michel entretenoit alors i a Aridrinople & dans fes environs, ■ une puiffante armée. II n'eft pas vraijj femblable, comme 1'obferve judicieufement Moncada, que Roger, qui de 1 Pa veu même des Grecs, étoit un hom: me de grand fens, eüt été affez téi méraire pour venir avec fi peu de : monde, braver, & mettre a contri: bution un Empereur , dans une ville : forte, au milieu de fa Cour, & en| vironné de toutes fes troupes; mais | de pareilles inconféquences ne coüI tent rien a Nicéphore. Quoi qu'il en foit, dès que la nou- veile de ce qui s'étoit paffé è AndriI nople fut parvenue dans la capitale, 1 le peuple de cette ville prit les armes, ! attaqua Ie quartier des Catalans, les furprit,& en égorgea un grand nom-, s bre. II fe porta enfuite vers la maifon de Raoul le Gros , parent d'Andronic, & beau-pere de PAmiral Ferdinand d'Aones. Cesforcénés vouloient qu'il leur livrat tous les Catalans qui fe trouvoient chez lui, criant que c'étoient des monftres qu'on de-voit étouffer promptement, pour ne Andronic ii. et Mi- ;hei son fiis. \n, 1307, iii. Emeute i Conf:antinoile. Zurita 0 inn.Aragi >art, i. /. 3. c. i. Moncad. :. 28. Pachym, li 5. C 2é. Andr,  Andronic II. et Michel son fils. An, 1307. IV. Andronic difcu'pé du meurtre de-Roger. 404 H I S T O I R E pas leur dormer le temps de fe jetter fur leur proie; & comme on différa de fe rendre a leurs defirs , ils mirent le feu a la maifon. Tout ce qu'elle renfermoit fut dévoré par les flammes. Ferdinand d'A-ones , & trois envoyés que Ferdinand d'Entenca avoit députés a Andronic pour négocier un accommodement , périrent dansi'incendie. Le Patriar#he Athanafe fortit pour appaifer le tumulte; mais fes remontrances furent mal recues, & il auroit même couru rifque de la vie^s'il ne fe fut retiré promptement; c'eft ce que nous apprend Pachymere. .Cette émeute populaire a encore fait croire qu'Andronic s'étoit concerté avec fon fils pour exterminer les"Catalans & les Almogavares. Muntaner & quelques Auteurs Efpagnols Ie difent pofitivement; mais je ne puis me perfuader que ce Prince fe! foit rendu auteur ou complice d'une: pareille atrocité; il étoit également: mcapable & de ces grands crimes qui i effrayent, & de ces grandes a£ions S qui étonnent. Le nombre de ces fcé- \ lérats puiflants qui ont ordonné de'.  du Bas-Empïre. Liv. CV. 405 fang froid des deftrucfions générales de i'efpece humaine, n'eft déja que' trop grand dans 1'hiftoire ; il ne faut pas l'augmenter lans y être forcé par1 lVvidence. D'ailleurs,le traité qu'An1 dronic venoit de conclure avecRoj ger , le ferment folemnel par lequel il s'étoit lié envers lui, & les inf1 tances qu'il ne ceffoit de lui faire , ) pour 1'engager h paffer au plutót en > Oriënt, ne permettent pas de croire 1 qu'il ait eu part a la fanglante tragédie dont Andrinople fut le théatre. L'émeute de Conftantinople ne prouve rien contre ce Prince. 'Comï bien de fois rfa-t- on pas vu , dans | tous les pays, le peuple , frappé touta-coup comme d'un accès de frénén-fie, fe livrer, fans aucun motif, aus emportements les plus féroces ? En général, les Grecs haïffoient les Caj Jalans; il n'eft donc pas furprenant |que ceux de la capitale , fur le bruit 1de ce qui s'étoit pafte a Andrinople, :! fe foient portés d'eux-mêmes, & fans aucune impulfion étrangere , aux exI cès dont 1'hiftoire les accufe. Michel, nè doutant pas que les Catalans établis a Gallipoli, ne vou- Andronic II. etMi- :hel sok .fils. ka,-1307. V. Michei 'ait mar»  Andronic II. et MIchel soi fils. An. 1307 éher des troupes Vers Gallipoli.Muntaner f. 2i;. Zurita , Anti. Arag, fan. I. I 6. c. 1. Moncad, c 28. 29. Nic, Greg, l. 7. c. 4, Pachym, l 6. c. 2J. Andr, 406 HlSTOIRE luffent venger la mort de leur Ge'* > néral & celle de leurs compatriotes, , crut qu'il étoit néceffaire de les prévenir. II envoya en diligence de la I cavalerie qui tomba a rimprovifte I fur ceux de ces étrangers qui étoient | cantonnés dans les environs de Gal- B lipoli, & en fit un horrible maffa- | ere. Les Catalans qui purent échap- | per a la mort, fe refugierent dans f la ville, & y répandirent I'épou- 9 vante. Auffi-töt la garnifon prend les 1 armes; &c fans attendre 1'ordre de f fes Officiers, fe met en devoir de 1 fortir pour aller tirer vengeance des Grecs. Malgré les efforts que font les I chefs pour retenir leurs gens, plu- 1 fieurs leur échappent & fe répandent dans les campagnes. Ces mutins, emportés par la fureur qui les agite, n'écoutant aucun fentiment ni dTionneur, ni d'humanité, exercent contre les Grecs des cruautés, dont le récit fait frémir; ils égorgent les hommes, outragent les femmes, violent les filles, empalent les enfants. | Cependant les principaux de l'armée j Catalanes'affemblent &déliberent en- f tr'eux fur les moyens de réfifter mal- [j  dit Bas-Empirb. Liv. CV. 407 ; gré leur petit nombre, a toutes les1 torces de 1'Empire qui ne vont pas ! manquer de leur tomber fur les bras. Avant tout ils commencent par re- 1 lever les remparts de Gallipoli, ils i : en augmentent les fortifications , 8c S la mettent en état de défenfe. Les Catalans ne furent pas long-temps a I reconnoitre que la précaution n'étoit < pas inutile. Bientöt on vit paroïtre i plufieurs corps de milice tirés de la i Macédoine 8c de la Thrace, avec des 1 détachements compofés deTurcopuj les 8c d'Alains. Toutes ces troupes t réunies formoient une armée de trente 1 mille fantaffins , 5c de quatorze mille ! chevaux. C'étoit deux fois plus qu'il ■ n'en falloit pour réduire en peu de j temps la place, fi ceux qui 1'occu- < poient, n'euffent pas été, par leur expérience 8c leur bravoure, auffi fupérieurs aux Grecs , qu'ils leur étoient inférieurs en nombre. Les Catalans, pour procéder fuivant les formes militaires alors en ufage, envoyerent des Ambaffadeurs a Conftantinople , avec ordre de fignifier a 1'Empereur, au nom de toute la nation, qu'elle fe retiroit de fon fer- Andro- mc ir. et Ml- ;hel sou fils. in. 1307.  Andronic il. ET MlCHElSONFILS. An. 1307. VI. Difcours de Berenger d'Enlencadans un confeil des Catalans. Moncad, <.• 30. 408 HlSTOÏRE vice, & de lui déclarer en mêmetempsla guerre, s'il ne leur donnoit une pleine fatisfacfion. Tandis qu'on attendoit la derniere réfolution d'Andronic &le retour des Ambaffadeurs, 1'ennemi preffoit vivement Gallipoli ; mais les affiégés le repouffoient avec vigueur, & faifoient fur lui des forties terribles. Les chefs des Catalans raffemblés a Gallipoli, n'étoient pas tous d'accord fur la maniere de faire la guerre. C'eft pourquoi ils mirent cet objet en délibération dans un grand confeil. Berenger d'Entenca y patin le le premier, & s'exprima ainfi:» Amis » & compagnons, fi des hommes » tels que nous , étoient capables de » fe laiffer abattre , ce feroit dans les » circonffances ou nous ribus trou» vons maintenant. Eft-il rien de plus » cruel que de périr fous le fer de » ceux mêmes qui devroient être nos » défenfeurs ? Que nous fert d'avoir » remporté tant de vicloires, con»> quis tant de provinces, répandu » tant de fang, -fi, au-lieu de rece» voir la jufte récompenfe due a de fi t* grands fervices, nous fommes iivrés » k  du Bas-Emj>ire. Liv. CV. 409 ■*> a la mort ? Heureux, mille fois » heureux ceux de nos camarades » qui nous ont précédés dans le tomf » beau, &c qui n'éprouvent point » 1'infortune qui nous accable main» tenant 1 Nous ne pouvons nous dif| » penfer de tirer vengeance d'un t » traitement fi atroce. Si nousreve* » nions dans norfoyers fans nous 1 » être fait juffice, nos parents & nos < » amis refuferoient de nous recevoir ; < » notre patrie nous rejetteroit de fon t » fein, & nous renieroit pour fes < » enfants. Que le petit nombre de j » nos troupes ne nous arrête pas. i-» Le reffentiment multipliera nos < » forces, ck la juftice de notre caufe < » combattra pour nous. Des ames t *> de la trempe des nötres ne coni » noifTent ni obftacles , ni dangers. < » Rien n'eft capable de les arrêter, | »> elles font invincibles. L'Afie, délij » vree du joug & de Ia tyrannie des < » Turcs, par la puiffance de nos arI » mes, eft un événement qui nous 1 » couvre d'une gloire immortelle. < •» qui portera notre nom a la pofte! » rité la plus reculée, & que le< •s* -Grecs qui nous taaitent lï indigneTornt XXIII. $ Andronic II. et Michel son* fils. An.1507;  Andko Nic II. et Michel son fils. An. 1307. : ! ) I f 410 HlSTOUE » ment, ne peuvent voir eux-mêmes » fans admiration. Que ces perfides » éprouvant donc la force de nos » bras vitforieux, puifqu'ils n'ont pas » fu les conferver pour leur défenfe. » Ils croient, fans doute, que nous » n'avons plus d'autre reffource que » de regagner la Sicile fur nos vaif» feaux;qu'ils foient défabufés. II faut * conferver Gallipoli, a quelque prix •> que ce foit. Comme cette ville eft •> placée a Pentrée du détroit, il nous » fera facile d'intercepter aux ennemis » la communication des mers, & de » fermer le paffage a leurs flottes. * Mais pour être en état de défendre * ce pofte, nous avonsbefoin de pro- > vifions & d'argent. Etant fi éloignés * de notre patrie, nous ne devons * pas trop compter fur les fe'cours > qu'elle pourroit nous envoyer, •> nous les attendrions trop long- > temps, & il n'eft pas fur qu'ils arri- > vaffent jufqu'a nous. D'ailleurs, > nos Souverains ont affez d'affaires » dans leur propre pays ; nous ne > pouvons efpérer qu'ils veuillent > s'occuper des nötres. II faut donc ' que 1'ennemi nous fourniffe lui-?  du Bas Empire. Liv. CV. 4a » -même, ce qui nous eft néceffaire » pour le vaincre. Ceux des Grecs qui » habitent les ifles & les cötes des » provinces voifines , vivent dans la » plus grande fécurité ; perfuadés » qu'ils font que déja trop foibles » pour défendre Gallipoli, nous ne » fongerons jamais a nous éloigner » de fes murailles. Profitons de leur »> confiance. Partons fur les vaiffeaux » & les galeres qui nous reftent en» core. Allons les furprendre, nous » leur cauferons beaucoup de dom» mage , & nous ferons fur eux un » riche butin, qui nous fervira k four» nir aux fraix de la guerre. Voila w mon a vis, & je me charge de 1'exé»> cution ". A ces dernieres paroles, Rocafort fe leve, la colere peinte fur le vifa-ge, & d'un fon de voix altérée, il dit: » La douleur que je reffens de » la mort du brave Roger, & des » autres Capitaines qui ont partag-é » fon fort malheureux, fe manifefte » affez fur tout mon extérieur. Per» fonne ne foupire plus que moi » après la vengeance. C'eft, j'encon« viens, du reffentiment plutöt que S ij Andronic ii. et Michel son fils. An. 1307, Vïï. Rocafort •épond a jerenger, Manc. e, iP.  Andro- kic II. et Michel son fils. A-n. 1307. ) 4i& H I S T O I R E » que de la froide raifon, que nous de° » vonsprendre aujourd'hiii confeü. » La célérité & une impétuofité aveu» gle dans des circonftances fi dé» fefpérées, fervent mieux que des » mefures prifes avec une müre, » mais trop lente délibération. Nous » retirer dans notre patrie, fans avoir » puni les Grecs de leur perfidie, & » fans avoir lavé dans leur fangl'ou» trage qu'ils nous ont fait, ce fe•> roit nous couvrir d'un opprobre ■> éternel; en cela je fuis d'accord ► avec Berenger d'Enten?a; mais je » ne puis être de fon opinion fur la ► maniere de faire la guerre. Ce fe» roit commettre une faute capitale ► de divifer nos forces; elles ne font • déja que trop inférieures a celles • de 1'ennemi qui nous tient affié■ gés^; de quoiferont-ellescapables, • fi 1'on vient encore a les partager? Je veux que Pexpédition que propofe ce brave guerrier , fok couronnée d'un heureux fuccès; je veux qu'il pille, qu'il ravage les cotes voifines fans éprouver aucun facheux revers; qui lui répondra que, tandis qu'il ira courir ainfi  fiu BVs-Empire. LiV. CV. 413 >y les mers , le petlt nombre de Ca» talans lailTés pour la défenfe de »■ Gallipoli, ne fera point extermi» né, & qu'en fon abfence les Grecs( » ne s'empareront pas de la ville ? j » Alors oü Berenger a fon retour » trouvera-t-il un afyle; oü mettra» t-il fa flotte en füreté ; oü dépofe» ra-t-il les fruits de fes victoires ? » II ne lui reftera plus d'autre parti » a prendre que de regagner la Si» cile ; mais peut-il fe promettre que » les paffages ne lui feront pas fer» més ? S'il tire des foldats de Gal» lipoli, il eft beaucoup plus a crairt» dre que cette ville ne foit empor» tée , qu'a efpérer que lui-même re» vienne vainqueur. Pourquoi Be»> renger n'imiteroit-il pas la fage » conduite des plus fameux Capitai» nes ? Les faftes militaires nous ap»> prennent que dans des cas a-peu» prés pareils a celui oü nous nous *>' trouvons-, ils ont toujours regardé » comme un point effentiel de fe mé» nager une place de füreté & de la » conferver, même en facrifiant, s'il » étoit néceffaire , leurs meilleures » troupes. Nous avons tous les mêS iij Andronic II. et Ml- ihelso'n fils. Ln, 130-7.  Andronic II, ! et Mi- i c.hel son , fils. An. 1307.1 » M X >> X a v c £ f £ i-H H I S T 0 I R E > mes intéréts, n'abandonnons point > Ia caufe commune; Iivrons-nous > aux tranfports de la fureur, mé- > prifons le trépas, fortons de la vil- > Ie, précipitons-nous fur 1'ennemi, ' éloignonsde de Gallipoli. Que la ' multitude de fes bataillons ne nous > effraiepas. Pleinsdeconfiance dans ■ la juftice de notre caufe, & dans ce ■ courage indomptable qui a triom- ■ phé de la puiffance desTurcs, vainqueurs de Ia Grece, ne doutons point de la viöoire, efpérons de détruire les nombreufes cohortes des Grecs, & de terraffer leurs aigles orgueilleufes avec Ia même facilité que nous avons abattu le croifTant. Quand nous devrions trouver Ia mort au milieu du combat, au moins fera-t-il glorieux de périr les armes a la main en cherchant a nous venger de la plus perfide de toutes les nations ". Cet vis parut être Ie vceu du plus grand ombre de ceux qui compofoient Ie on/eil; mais Berenger d'Entenca perfta dans fa première réfolution ; & >n autorité prévalut. Sur ces entreiites,on apprit que 1'Infant Dom  t>u Bas-Empire. Liv. CV. 415 Sanche d'Arragon étoit arrivé avec dix galeres a Metelin, ifle de 1'Archipel , & 1'une des plus voifines de Gallipoli. Les Catalans envoyerent auffi-tötdes députés pour lui expofer la trifte fituation 011 ils fe trouvoient, & pour 1'engager a venir les feconder. L'Infant fe rendit a leur invitation, & fut regu a Gallipoli, avec de grandes acclamations. Cependant les Ambaffadeurs des Catalans arrivés a Conftantinople , s'étoient préfentés au Bayle de Venife , au Podeffat de Gênes, aux Confuls d'Ancone & de Pife qui réfidoient dans cette capitale pour les affaires de leurs natiöns refpeöives, & leur avoient remis a cbacun un écrit qui portoit en fubftance : Que les Catalans & 'es Arragonols établis d Gallipoli étoient réfolus de mourir pour venger le meurtre de leurs compatriotes égorgés d Andrinopk & dans les autres lieux de l'Empire , par ordre d'Andronic & de Michel fon fils ; que fcrupuleux obfervateurs de leur parole , ils riavoient voulu commettre aucun acle (ChoftiUté contre ces Princes, avant d'avoir fait conjiater juridiquement qu'ils S iv Andronic II. et Ml- :hel son fils. Ka. 130 7. VIII. Carteldës Catalans fignifïé aux deus Empereurs. Zur'ua , Ann. Ara*, part. i, l, 6. c 1. Moncadtt, c. 2.9 & 3,1.  Andro- BC II. ET Ml«HELSOlEIIS. A1V.13P7 i ] 1 3 i i i t; F E b Ic P: H l 3 T OM il E ' renongoient aux traités & d Üallianc* conclus avec eux; enfin, qu'ils les temunt pourJes perfides & des traüres, cy quils offroknt de foutenir leur dire par un combat en champ dos de cent contre cent, ou de dix, contre dix, efperant que Cépée des Efpagnols feroit linftrument dont Dieu fe ferviroit pour pumr leur félonie. Le Bayle de Venife ie chargea de porter ce cartel a 1'Empereur. Andronic répondit qu'il n'avoit eu aucune part au malheur arrivé aux Catalans & aux Arragonois: quainh on n'avoit point de fatisfac-' tion a exiger de lui. Les AmbafTaJeursapres cette réponfe, prirent le )am de fe retirer fans muffer davanage; mais" avanf de quitter Conftanmople , ils voulurent y laiffer un moaiment qui conftatat qu'ils s'étoient cquittes fidélement de leur miffion. Is firent donc tranferire fur une '-ule & meme feuille de parchemin eux expeditions du cartel au'ils é>ient venus fignifier a 1'Empereur; ins ilsles partagerent, en coupant ar Je milieu trois lettres de 1'alphaet quon avoit tracées fur le pliou J-gne de féparation ; de forte qu'une >rüon de ces lettres refta fur cha-  nu Bas Empire. Lm CV. 417 cunedes deux pieces, lorfqu'elles eurentété détachées 1'une de 1'autre. Le premier de ces doublés fut remis aux Vénitiens, & le fecond demeura entre les mains des Ambaffadeurs Catalans. C'étoit un moyen qu'on avoit imaginé pour s'affurer de Pidentité des a£tes que des contracfants -étoient öbligés de fe repréfenter mutuellement. En rapprochant les caraéteres divifés, on jugeoit par leur parfaite correfpondance que ces acles étoient ïndividuellement les mêmes. Les Ambaffadeurs , après avoir rempli cette formalité, demanderent des füretés pour s'en retöurner a Gallipoli. Andronic chargea un des gens de fa Cour de les accompagner, & de leur férvir de fauve-garde. Dès que les Ambaffadeurs Catalans furent arrivés aRedefte, cet Officier, les fit arrêter avec tout leur monde,1 au nombre de vingt-fix perfonnes; on les jetta d'abord dans des cachots,. & peu de temps après ils furent coupés par morceaux dans la place pu- ] felique oii 1'on exécutoit les criminels. Ge trait de perfidie rendit les Catalans encore plus furieux. Ils jurerent de Sv Andronic II. et Ml- :hel son fils. Vn. 130.7, IX. AmbarTaleurs Caalansnafla:rés. \luntan. e. 117. \loncada „ ■ :. 31. Jir  Andronic IL et Michel son fils. An, 1.307. 1 1 j 3 ] ( 1 i I SS. Départ- . de Beren? ger. pourr I 41S H I S T O I R £• porter leur vengeance aux derniers excès , & d'exterminer fans pitié une nation qui violoit indignement le droit des gens. Aufli-töt Berenger d ''Entenca fait fes préparatifs pour 1'expédition qu'il a projettée.Dom Sanche lui offre de 1'accompagner avec fes dix galeres. Berenger accepta volontiers une propofition fi obügeante r mais quelle fut fa furprife de voir ce Prince, au moment de mettre a la voile, changer tout-a-coup de réfolution ! Jamais on ne put favoir le a-iotif qui le determina k retirer li übitement la parole qu'il venoit de lonner. Lorfque Berenger lui en fit les reproches, il fe contenta de ré>ondre -qu'il ne pouvoit agir autrenent, fans manquer k ce que le fervice de fon frere exigeoit de lui. 'eut-être cédoit-iiaux impreffions de euxquin'approuvoient pas l'expédiion de Berenger, 011 aux vues feretes de quelque rival qui voyoit vee jaloufie 1'afcendant que ce Sei;neur prenoit dans l'armée,. ^ Quoi qu'il en foit, Berenger ne fe écouragea pas „il partit, fans difféeravec cinqgaler.es % deux vaiueaux.  dlt Bas Esipire. Liv. CV. 419 & feize barques , huit cents fantaffins & cinquante cavaliers. II entra dans la Propontide, en ravagea toute la rive oriëntale, defcendii dans les ifles1 fituées au milieu de cette mer , y mit tout a feu Si a fang, tourna en-, fuite vers les cötes de la Thrace ,, Sc y répandït la défolation, fans éprou-1 ver le plus petit échec. II fe rendit maitre de tous les vaifïeaux ennemis qui fe rencontrerent fur fa route , Sc alla enfuite attaquer- Recréa, ville très-riche; il 1'emporta de vive force, fans prefqu'aucune perte; il en fit paffer les habitants au fil de Pépée , la livra au pillage, Sc enfuite aux flammes. Andronic croyoit les Catalans en chernin pour s'en retourner dans leur pays, lorfqu'il apprit avec dou1'eur qu'ils venoient de détruire cette ville, Sc qu'ils défoloient les cötes de la Thrace.. Aufïi-töt il donna ordre au Defpote Jean fon fils de fe mettre i\ la tête d'un fort détachement d'infanterie, foutenude quatre cents cavaliers, Sc d'aller s'oppofer aux ravages des Catalans. Berenger étoit débarque dans un lieu appellé Port - Royal, S vi Andro- mc II. et Ml- ;hel son fils. \.n. 1307. ine granle expélition.ïurit.part. :./. 6. c. 1, Monc, c, Pachym. I, i. c. 25. AndK XI. Iierengeïbat un desfils de 1'Empe* reur. Zurita, pi 1. I. 6. e.. 1. Monc, e, 3-».  Andronic II. et Michel son fils. An. 1307, XÏL Berenger. fait prifonnierpar. les , Génois, Munt.- c. ' atS.- 1 Zurit.p, i. ■ /. 6. c. 1.' Moncada,' . 3 3- 1 A'fc. Gr%, ] 7. Cl 4. Ptfthynt, l.} 430 H I S T O I R E~ lorfqu'il fut que Jean venoit k lui. II prit le parti de Pattendre de pied ferme , .quoiqu'il lui fut tres-inférieur en force. Les Grecs furent taillés en pieces ,.&,leur Général eut beaucoup de peine a échapper a la mort; il fe fauva a Conftantinople , oü fon arrivée jetta la confiernaiion. Andronic effrayé , croit déja voir Tennemi aux portes de fa capitale ; il en fait mettre tous les habitants fous les armes; car les troupes rég-lées en étoient forties pour fe rendre au fiege de Gallipoli. Berenger, encouragé. par des fuccès qui paiïbient fes etpérances, réfolut d'aller brüler les vaiffeaux des Grecs , jufque dans les ports & fur les chaatiers. II revenoit de cette expédition couvert de gloire & chargé de butin , lorfqu'il appercut plufieurs voiles du :öté de Gallipoli. Dans la crainte que ;e ne füt des vaiffeaux ennemis, il e prépara au combat. Bientöt il vit irriver fur lui dix-huit galeres porant pavillon de Gênes. On fe reconmt^ les Génois. firent les premiers e fakir, les Catalans le: leur rendient, puis quitterent les armes, A Ia  du Bas Empire. Liv.. CV. 441 viiQ des richeffes 3ccumulées fur les navires Catalans, les Génois ne purent réflifter au defir de s'en emparer. D'ailleursils ne doutoientpointqu'Andronic & les Grecs- ne leur fuffent un gré infini, s'ils arrêtoient Berenger, &.lui enlevoient fes galeres. Pour exécuter ce projet, ils.eurent recours a la plus noire trahifon. Ils envoyerent prier Berenger d'Enten$a de paffer fur leur vaiffeau amiral, pour y traiter. avec Edouard Doria, Commandant de la flotte, d'affaires, qui, difoient-ils, .intéreffoient également lés deux nations. Berenger qui étoit & devoit être fans-défiance , fe ren^ dit a cette invitation , accompagné des principaux Officiers qui fervoient fous lui. Doria les recut avec diftino-tion, il ne leur épargna ni les compjiments, ni les careffes. II.leur fit iervir fur fon bord un magnifique repas. La journée fe paffa en divertiffements, qui ,fe prolongerent fort avant dans la nuit. Le fommeil appeilé par le vin & la bonne cbere s'em*. para de Berenger, & des- fiens; mais la cupldité &C la perfidie facompagne etui ne dörment guere 3 tenoient éveii- Andronic rr. et Michel son fils. An. 130.7. 6. e, 27 & 29. lib. 7. c 7. Andr* -  Andronic II. et Michel son FiLS. An. 1507. 1 ] 1 < t 1 ( C { l f. u t< fi p rr n ic e< bl tii j?c B 422 HlS-TOIKE lés Doria & fes complices. Le jour venu, Berenger vouloit fe retirer, lorfque Doria le fit défarmer & charter de chaines ,. ainfi que tous ceux ie fa fuite, & en même-temps il lonna a fes dix-huit galeres le fignal )pur attaquer les Catalans. Ceux-ci ï'étanr pas fur leur garde , firent peu le réfiftance; quatre de leurs vaifiéaux omberent entre les mains des Géiojs , qui ne purent cependant s'en mparer qu'après une perte de deux ents hommes. La galere d'un brave ^hevalier,. nommé Berenger de Vilïmann , ayant eu plus de temps pour ; mettre en défenfe, foutint feule n long & furieux combat contre >ute la flotte ennemie. II ne fut pofble aux Génois de s'en mettre en jffeflion que lorfque ceux qui la ontoient eurent tous perdu la vie, fqü'au dernier. La prife de cette tlere couta aux Génois trois cents Idats tués dans le combat, fans ■mpter un plus grand nombre de effés. Telje fut 1'ifTue de 1'expédi>n téméraire de Berenger,. qui auit fans doute été'plus heureufe, fi; om Sanche ne lui eüt pasmanqué  dü Bas-Empire. Liv. CV. 4:3de parole. Les Génois,. pour colorer leur perfidie , firent courir le bruit que Berenger s'étoit propofé de venir attaquer Conftantinople ,. 6c qu'ils avoient voulu prévenir un projet dont 1'exécution auroit pu leur être auffi préjudiciable qu'aux Grecsmêmes, puifqu'ils n'étoient pas moins. intéreffés que les fujets de 1'Empire, a la contervation d'une viïle oü ils avoient leur principal établiffement. Quoi qu'il en foit, ils conduifirent leur prifonnier d'abord a Pera; mais tels que ces animaux affamés qui,. après s'être faifis d'une proie , s'écartent avec inquiétude de ceux de leur efpece qui pourroient la leur enlever,. ils s'emprefferent de le tranfporter k Trébifonde, dans la crainte qu'Andronic n'employ at la force pour le tirer de leurs mains ; car ce Prince defiroit fort de 1'avoir en fa puiffance : il leur avoit même fait offrir jufqu'a vingt-cinq mille befans, s'ilsvouloient le lui livrer ; mais ce fut inutilement: enfuite il effaya de corrornpre quelques patrons des galeres Génoifes , pour qu'ils lui facilitaffent 'les moyens, die fe rendre maitre d®' Andro- k1c ii. et Ml- 3hel sonfils. ft.n. 1307,  Andronic II. et Mi- CHEl son fils: Ah, 1307. j < i 1 < i i 4^4 II J S T' O I R. B la perfonne de Berenger. SeïzemiHè'i befans & feize paires de robes ou d'habits de brocard devoient être la= récompenfe de ce fervice. L'intrigue'] fut découverte, ce qui détermina les Génois a faire conduire Berenger a> Gênes fous une forte efcorte. Lorfqu'ils pafferent k la vue de Gallipoli ' pour traverfer le détroit de 1'Heliefpont St entrer dans la mer Egée , Raymond Muntaner alla k leur ren--] :ontre fur une frégate, Si leur de- ] manda de la part des Catalans la lijerté de Berenger, offrant pour fa ] 'ancon cinq mille écus. Les Génoisie vouiürent entendre a aucun acr :ommodementfoit que la fomme eur parut trop modique, foit qu'ils :ra'igniffent d'irriter Andronic , s'ils aiffoient échapper le plus implacabr* iè fes ennemis, Muntaner ayant perlu toute efpérance de réuffir, donna i'Berenger une partie de l'argent qu'il ivoit apporté pour fa délivrance, 8i ui promit qu'on enverroit au nora Le l'armée des Ambaffadeurs aux- Rois l'Arragon Si de Sicile , pour les eniger a demander fatisfaction de Fin. ultequelés Génois lui ayoientfake  bv Ba-s-Emfire. Lïv. CV. 4-25 en 1'arrêtant contre la foi des traités. Après la prife de Berenger d'Entenga , &z la perte des meilleurs foldats qui 1'avoient fuivi, il ne reftoit plus a Gallipoli que Rocafort, Sénéchal de l'armée, douze cents cinquante-fix fantaffins, deux cents cavaliers & quatre Chevaliers de marqué, favoir, Guillaume Sifcar, Jean-Pierre deCaldès, tous deux Catalans, Ferdinand Gori & Ximenès d'Albaro, Arragonois, ck avec eux Raymond Muntaner, Gouverneur de la ville. C'étoit a quoi fe réduifoient toutes^ les forces des Catalans. Dans cette fituation critique, le courage ne les ' abandonna point; ils commencerent par délibérer entr'eux fur Ie parti & fur les mefures qu'ils avoient a prendre. Quelques-uns de ceux qui opinerent les premiers , vouloient qu'on évacuat Gallipoli, & qu'on aüats'emparer de Myiilene. Ils prétendoient qu'il feroit plus- faciie de fe maintenir dans ce pofte; que d'ailleurs il les mettroit a portée de courir les mers, & de faire beaucoup de mal a 1'ennemi; cet avis ne put paffer. Le plus grand, nombre le rejetta,. II fut. Andronic II. et Michel son fils. An. 1307. XIII. Rocafort Généraiiffimeles Cataans. Munt. c. 119. 220.Zurita g inn, Arag,. art. i. I. i. c. i. Monc. c. ' 35.  andronic II. et Michel soa fils. An. 1307 426 HlSTOIRE décidé qu'on s'enfeveliroit fous les ruines de Gallipoli, plutöt que de rendre cette place. Pour s'öter même I'envie &c le pouvoir de changer de réfolution, les Catalans percerent & mirent hors de fervice tous les vaiffeaux qui fe trouvoient pour lors dans le port; enfuite ils réglerent la forme du gouvernement qu'ils établiroient entr eux. Rocafort fut reconnu pour chef général des troupes, & on lui nomma douze confeillers, fans 1'agrément defquelsil lui étoit défenduderien entreprendre. Cesconfeillers furent choifis par toute l'armée. Leurs décifions devoient avoir force de Ioi, & perfonne ne pouvoit fe clifpenfer de s'y foumettre. On fabriqua un fceau particulier pour fcelfer les patentes & les dépêches qui émaneroient de ce nouveau confeil. Sur le fceau étoit gravé 1'image de Sf. Georges avec cette légende : Sceau de l'armée des Francs en Thrace & en Ma-1 zédoine.^ C'étoit, fans doute , un trait de politique de la part des Catalans j de n'y avoir pas mis leur propre nom, ] mais celui des Francs, fous lequel les i Orientaux avoient alors coutume,  r>u Bas-Empire. Liv. CV. 427 comme ils Tont encore aujourd'hui,1 de défigner en général les Européens, paree que les Francois font auffi les premiers qui ayent porté la terreur1 de leurs armes dans ces régions lointaines. De plus, les Catalans vouloient faire entendre par-la que leur armée étoit compofée de prefque toutes les nations- de PEurope réunies contre les Grecs; qu'ainfi il n'y ert avoit aucune qui n'eüt intérêt de venir a leur fecours. D'ailleurs, Moncada , qui nous fuggere lui - même cette réflexion, obferve encore que le nom de Franc étoit alors moins odieux aux Grecs & aux Aliatiques que celui de Catalan. Cependant Andronic avoit fort a cceur de chaffer les Catalans de Gal lipoli. Comme il fe défioit de fes pro pres troupes , il voulut traiter avec les Génois pour qu'ils fe chargeaffent de cette expédition. Ils y confentirent pour le prix de fix mille befans. L'Empereur leur envoya cette fomme. Les Génois 1'ayant pefée , reconnurent que la monnoie n'étoit point de poids, Sc ils refuferent de la recevoir. Andronic leur fit dire. Andronic ii. ET Ml- ;helson fils. Vn. 1307. XIV. Les Catalans de Gallipoli rlécident i'en venir a une bataille générale. Monc. c. 33- 3 5»  Andro- nic II.. et Michel sois fils. An. 1307, J 3 j i J i xv. Prarique ^ devote . des Cata- ' lansavant r bit. 1 f20 IflSTOjRE 'qu'ils feroient fatisfaits, & qu'il leur tiendroit compte du déchet qui setoittrouvéfurlesefpeces qu'ils avoient recues de fa part. Mais les Génois,, mieux informés de la nature de 1'entreprife, Sc ayant calculé le gain 5r: la perte, ne voulurent plus tenirlei marché. Cependant le nombre desi Grecs raffemblés autour de GallipoliI groffiffoit journellement, & ils com- i mencoienta ferrer de très-près cette 1 ville. II eft vrai que les affiégés fatfoient fur eux de fréquentes forties , dans lefquelles ils avoient toujours 1'avantage; mais auffi ils y perdoient du monde, & ces pertes réitérées auroient & la longue réduit a rien la garnfon. Ils jugerent donc qu'il valoit nieux combattre avec toutes leurs brces reünies, Sc s'abandonner au ïafard d'une bataille générale , pour oreer 1'ennemi a s'éloigner de Galipoli, & pour lui faire perdre, s'il toitpoffible, 1'envie de revenir. La veille de cette journée qui de•oit décider de leur fort, les Catams éleverent avec de grandes délonitrations de piété, fur la principe tour de la ville ,.un étendart oü-.  du Bas-Empire. Liv. CV. 419 ï'étoit peinte 1'image de St. Pierre. S'éi -tant mis tous a genoux, ils firent une i-courte priere au Prince des Apötres, 1 puis ils entonnerent le Salvz Regi-1 ina. A peine eurent-ils commencé ) cette antienne en 1'honneur de la Vierge, que le foleil fe couvrit tout-a-: coup d'un nuage qui verfa fur eux s une douce rofée, & difparut au-fli-töt\ jqu'ils eurent fini leur chant. II n'en' ifallut pas davantage pour faire croire a ces imaginations Efpagnoles que le Ciel fe déclaroit en leur faveur. Cette ipieufe illufion lesremplit de confiance , & échaulïa leur courage. Voulant fe rendre de plus en plas dignes de la protection divine, dont ils fe croyoient favorifés, ils pafferent Ia nuit k fe confeffer, &c communierent tous le matin avant de prendre les armes pour le combat. Une armée fi devote nous paroitroit aujourd'hui bien finguliere; mais qu'on fe tranfporte dans ces temps de 1'ancienne Chevalerie, oü les militaires ne regardoient point leur état comme incompafible avec les exercices de Ia religion. ServirDieu, les Dames & la Patrie ^ tel étoit Pengagement fo- Andro- kic II. et Ml- :hel sok fils. in. 1307. Munt. c 120. Zurlta 9 inn.Arag. •art. 1.1. >. c. 1. Monc, c' 5.  Andronic li. et Michel son fils. An. 1307. XVI. Ils remportentune grande vicloire fur les Grecs. Zurita , Ann. Arag. F-1.1. 6. e. i. Munt, c. 3.10. Monc. c, 35- Pachym. I. 6. c. 30. Andr, i ,i 43° H 1 s t 9 1 r t lemnel que ces preux Chevaliers prenoient en ceignant 1'épée; cet efprit tout-a-la-fois religieux & guerrier, fe communiquoit des Officiers aux foldats, & ces foldats n'en étoient pas moins braves. Cependant les Catalans fortent de Gallipoli, au nombre de quinze cents hommes feulement. Les ennemis de leur cöté quittentleur camp, & s'avancent en ordre de bataille. Leur armée étoit compofée de huit mille cavaliers, & d'un corps de fantaffins beaucoup plus cönfidérable. Le premier choc fut terrible. Les Grecs combattirent d'abord courageufement, & paroiffoient difpofés a tenir ferme :ontre 1'impétuofité Catalane. Cette généreufe réfolution ne fe foutintpas; ils ne tarderent point a lacher pied , 5c bientöt ils furent repouffés jufqu'è leurs retranchemerits. Ceux qui les gardoient voyant leurs gens en déroute, fortent des paliffades,& viennent a leur fecours. A 1'arrivée de :.e nouveau renfort,le combat recomnence, & les Catalans font au monent de fe voir arracher Ia vicfoire; aais le nom de St, Georges, dont  nu Eas-Empire. Liv. CV. 431 I Ximenès d'Albaro portoitla banniere, répété de rang en rang , ranima I leur valeur. Ils reprirent a leur tour l'avantage fur les Grecs, Sc les miI rent en fuite. On fait monter la per| te des vaincus a vingt mille hommes i d'infanterie, & a lix mille chevaux. | Une multitude de fuyards périt au | milieu des flots, paree que, fe jetI tant en trop grand nombre dans les Inavires qui étoient fur le rivage, ces batiments coulerent a fond. Les CaI talans firent en cette occafion un butin immenfe. II leur fallut une femai;» ne entiere pour le recueillir, Sc le ij tranfporter dans Gallipoli. UmbertI Paul Bafde, autrement dit Umbertoi pule, Sc le grand Hétériarque, échap1 pés du maffacre général, allerent an) noncer cette trifte nouvelle a Andri) nople. L'Empereur Michel qui y te) noit fa Cour, en fut confierné, Sc I Andronic fon pere , lorfqu'il apprit ^cedéfaftre, n'en parut pas moins afï fligé. Dans cette extrêmité , ces deux |Princes jugerent qu'il falloit encore I faire une derniere tentative, & tom3 ber fur les Catalans avant qu'il put Ileur arriyer des fecours d'Efpagne 'Andronic ii. et Michel son fils. An, 1307»  Andronic :II. et Michel son fils. An. J307. '] 3 1 < t r r XVII. Défaite J de 1 'Empereur 11 Michel. d Zurita, g Ann. Arag. p. u 1. 6. a «• ï- i 3.urita, in■die, l, 1, n 45^ H I S T O I R E Sc de Sicile. En conféquence, ils raffemblerent aux environs d'Andrinople toutes les troupes difperfees dans les garnifons, 6c les joignirent aux débris de celles qui avoient étébattues dans la derniere actiën. Les Catalans , avertis de ces nouveaux préparatifs par une femme Grecque qui eur fervoit d'efpion, ne fe contenterent pas de fe tenir fur la défenfive , Isformerent la deffein d'aller au-de^antdel'ennemi.Ils laiffent a Galli)oli, pour y garder les bagages, les ëmmes & les enfants, cent Almogavares feulement, Sc prennent tous la oute d'Andrinople. Après avoir marhé pendant trois jours a travers Ia rbrace, portant par-tout la défolaion, ils arriverent au pied d'une lontagne, & s'y arrêterent pour fe epofer. Les fentinelles mifes en faöion par :s Catalans fur le fommet de cette lontagne , apper^urentdes feux penant Ia nuit; on allaa la découverte, I deux Grecs qu'on fit prifonniers, pprirent que Michel campoit entre pres 6c Cipfele avec fix mille homles de cavalerie, 6c un corps d'infanterie  nu Bas-Èmpire. Livr. CV. 433 fanterie beaucoup plus nombreux, que ce Prince attendoit dans ce pofte le gros de fon armée qui n'étoit pas loin. Quelques Officiers Catalans vouloient que, fans différer davantage, on attaquat 1'ennemi, tandis qu'il n!étoit pas encore fur fes gardes , & avant qu'il fut devenu plus fort par la jonction des troupes qui devoient lui arriver. Cet avis, quoique affez fage , n'eut pas d'exécution. Au lever du foleil, les Catalans franchirent les hauteurs, & defcendirent dans la plaine; alors ils appercurent l'armée impériale quife trouvant toute réunie , couvroit une vafte étendue de terrein. Les Catalans formoient a peine un corps de trois mille hommes; auffi les Grecs en les voyant approcher, crurent qu'ils venoient fe rendre & implorer la clémence de Michel; ils en étoient ft perfuadés, qu'ils ne vouloient ni prendre leurs armes, ni quitter leurs tentes. II fallut que ce Prince qui connoiffoit, par une trop fatale expérience, a quel ennemi il avoit affaire , employat toute fon autorité, pour les forcer de fortir de Tome XXIII, X Andronic II. et Michel son FILS. An. 1307.' ad anti. 130S. Muntaner „ C. Moncadaj c. 36. Nic. Greg. I. 7. c. 4. Pachym. li 6. c 31, Andr^ \  Andronic II. '< ET Ml- 1 CHEL SON■ FILS. An. 1307. i ! ■ ! ! % l i i i 1 L34 HlSTOIRE eur inaction. Michel , fans délai, nonte a cheval, & range fon armée :n bataille. II pla$a au centre 1'infanerie, dont il donna le commandenent a Théodore. Ion oncle, Géné•al de toute la mil-ice tirée de 1'Afie ; 1 pofta a la droite de cette infanterie, a cavalerie des Alains & des Turco3ules , commandés par Bafile Urn* jertopule. La gauche fut occupée par a cavalerie de Thrace & de Macéloine, avec les Valaques &£ les aven:uriers fous les ordres du grand Hétériarque. Pour lui, il devoit fe tenir i 1'arriere-garde avec une partie de 'a nobleffe 6i un corps d'élite , chargés de la défenfe de fa perfonne. II ïtoit accompagné de Conftantin Def50te fon frere, & de Senacherim 1'An»e, qui ne voulut prendre aucun comnandement pour ne s'occuper que lu talut du jeune Empereur. Michel, iprès avoir parcouru les rangs , & ïxhorté en peu de mots fes foldats 1 bien faire leur devoir, donna 1'orIre pour s'ébranler , puis il le retira t fon pofte. Les Catalans firent prenIre a leur petite armée une dilpoliion correfpondante a celle de 1'en-  du Bas-Empire. Liv. CV. 435 nemi. Ce fut la cavalerie des Alains & des Turcopules qui engagea le combat; les Catalans la recurent fi vigoureufement, qu'elle prit auffi-tot la fuite, & ne voulut plus revenir a la charge. La cavalerie Catalane ne 1'ayant plus en tête, mit fur le champ pied k terre, fe joignit aux Almogavares & aux gens de mer, & tous enfemble ils fe jetterent avec furie fur Pinfanterie Grecque, qui ne put réfifter a leur impétuofité ; elle fe débanda 6c difparut en un clin d'ceil du champ de bataille. Reftoit la cavalerie de Thrace &de Macédoine, la meilleure de tout 1'Empire. Elle combattoit avec courage ,foutenue d'urt detachement d'infanterie qui n'avoit point été entrainé dans la déroute générale ; mais les terribles Almogavares ayant attaqué ce corps de fantaflins par le front & en flanc, il fut bientöt ouvert, rompu, difperfé; alors la cavalerie de Thrace & dè Macédoine prit 1'allarme , & fe fauva a toutes brides. Cependant Michel faifoit ce qu'il pouvoit pour arrêter fes troupes dans leur fuite,& pour les engager a revenir au comT ij Andronic II. et Michel son fils. \n, 1307,  Andronic II. ET Ml6HELS0NFILS. An, 1307, 1 ] ■i 1 < 1 | j 1 ! 1 » 1 i 1 i I S-3Ö HlSTOIRE bat; prieres, exhortations, menaces, rien n'étoit écouté. Alors prenant une réfolution défefpérée, il fe précipite avec environ cent des braves qui 1'entourent fur l'armée vidtorieufe. II fe :omporta dans cette circonftance en roldat intrépide; il fit expirer a fes 5ieds deux Catalans, & un grand -ïombre d'autres furent bleffés de fa nain. Unfimple matelot habillé funerbement, couvert d'armes brillan:es, & monté fur un magnifique courïer, dépouilles des vi&oires précélentes, fixe fes regards. Michel ne foute point que ce ne foit un des ïrincipaux Officiers de l'armée Ca;alane, il court a lui, & le frappe lyec violence. Le coup, quoique terrible , n'abattit point le matelot. Cet ïomme fans donner au Prince Ie temps fo s'écarter ou de fe mettre en dé- j ènfe, lui fait fauter fon épée & fon :cu , Ie bleffe au vifage, & tue fon :heval. Déja les Catalans croyoient enir Michel en leur pouvoir; mais és .gardes étant accourus, lui font in rempart de leur corps, écartent es ennemis, & malgré la multitute, & les eforts des Catalans , tirent  nu Bas-Empire. Liv. CV. 43? leur maïtre de la mêlee. Michel, défefpéré & s'arrachant les cheveux de rage, alla s'enfermer dans le chateau d'Apres.^ Cette bataille coüta aux Grecs dix mille hommes de cavalerie & quinze mille d8infanterie. On prétend que les vainqueurs ne perdirent que vingt-fix fantaffins & neuf cavaliers. Les Catalans étoient euxmêmes fi étourdis d'unpareil fuccès, qu'ils ne pouvoient en croire leurs propres yeux. Ils n'oferent pourfuivre la vi&oire , craignant quelque embüche de la part des Grecs a qui il reftoit encore, malgré leur défaite, des forces plus que fufHfantes pour revenir au combat. Ils fe contenterent de demeurer maitres du champ de bataille, & attendoient que le lendemain éclaircit leurs foupcons, & les rafTurat fur leurs inquiétudes. Ils pafferent la nuit fous les armes. Le jour venu, ils reconnurent qu'ils n'avoient rien a craindre; ils fe porterent fur Apres dont ils s'emparerent. Le jeune Empereur 1'avoit quittée a leur approche, & s'étoit retiré a Pamphile, & de-la a Didymotique, oü il trouva fon pere qui le confola de fon inforT iij Andronic ii. ET Ml- CHELSON fILS. An, 1307.  Andromc IL et Michel son fils. An. 1307. XVIIl. Soi>.ante Catalans périffent au milieu des Hammes a Andrinople. Moncada, 1 c. 36. . Pachym, l. e cataftrophe. Elle fit naïtre k foisante Catalans du nombre de ceux pi avoient été arrêtés lors du maffa:re de Roger de Flor, Ie defir & 'efpérance de recouyrer leur liberté.  nu Bas-Empire. Liv. CV. 439 Ces prifonniers, après avoir trouvé le moyen de rompre leurs chaïnes, entreprirent d'abord debrifer une porte pour fe fauver ; malheureufement leurs efforts furent inutiles. Sans perdre de temps , ils montent au baut de ia tour oü on les tient enfermés, & font rouler fur les fentinelles de groffes pierres a deflëin de les écarter, & de profiter de leur retraite pour defcendre le long des murailles. Cette feconde tentative ne leur réuflït pas mieux que Ia première. Alors ils prirent la réfolution de périr plutöt que de retomber dans lesfers. Les foldats, foutenus d'une partie des habitants, s'étant mis en devoir de les réduire par la force des armes , ils fe défendirent en défefpérés, & un grand nombre de Grecs tomberent fous leurs coups. Les affaillants , fatigués d'une réfiftance fi opiniatre, & furieux de la mort de leurs camarades, entourent le fort de matieres combuftibles qu'ils allument enfuite. Les prifonniers n'en font point effrayés. Ils fe dépouillent de leurs vêtements , les étendent au-devant du feu, U combattent encore der? T iv Andronic ii. et Michel sofr fils. An. 1307. 6. e. 33. Andr,  Andronic II. et Michel soï fils. An, 1507, XIX. L'Empereur] fait fon apologie.Pachym. /, 6. c. 31. 4"dr. 44° HlSTOIRE riere ce foible rempart qui efï bieetöt réduit en cendres. Voyant qu'il ne leur refle plus aucune efpece de reffources, iks'embraffent, fe difent le dernier adieu , font le figne de la croix, & s'élancent tous dans ce vafte bücher. On vit alors deux freres d'une illuftre naiffance s'unir par un étroit embraffement, & fe jetter enfemble au milieu des flammes, après y avoir précipité un jeune homme qui paroifïoit peu difpofé a imiter leur courage forcené. Cette aventure fit diverfion au chagrin des habitants d'Andrinople. Quant a ceux de la capitale , ils furent confternés en apprenant la déroute de 1'Empereur Michel, & fe liyrant aux murmures, ils oferent déclamer avec une hardieffe effrayante contre Ie gouvernement. L'Empereur fentit combien il étoit néceffaire de prévenir les fuites de cette fermentation. II fit d'abord entrer quelques troupes dans Ia ville pour contenir la multitude; puis il affembla les principaux citoyens, & leur adreffa un difcours trés prolixe :ontenant 1'apologie de fa conduite, li s'y excufa d'ayoir employé des  nu Bas-Empirë. Liv. CV. 441 étrangers pour la défenfe de PEtat, fur 1'exemple de plufieurs de fes prédécelTeurs qui avoient également appellé a leur fecours des troupes mer- < cenaires. Puis ufant de ce langage dévot qui lui étoit fi familier, il dit' qu'il ne falloit pas lui imputer les maux dont la patrie étoit aecablée, mais les attribuer aux péchés de la nation. En conféquence, il invita fes fujets a réformer leurs mceurs, a me» ner une vie plus agréable a Dieu, Sc a tacher de défarmer fon bras vengeur; il leur recommanda de s'occuper davantage des affaires de leurs families, Sc moins de celles de 1'Etat, les conjurant de lui laiffer le foin du gouvernement, Sc de ne point perdre leur temps a faire de vaines recherches , & des raifonnernents indifcrets fur les opérations du miniftere. Enfin, il les exborta a 1'union & a la concorde, & leur peignit tous ïes malheurs desguerres civilesi Après quoi, il fit jurer ceux qui étoient préfents d'être fideles aux Empereurs, de n'exciter aucun trouble dans 1'Empire, & des'oppofer aux entreprifes des ennemis de la paix. II envoya en> T v Andronic ii. et Ml- ;hel son fils. ^n. 1JO7.  Andronic II. et Michel soi FILS. An. 1307 An. 1308. XX. Ambaffade d'An»>onicvers les Catalans. Pachym. I. 7- c. 1. Andr, 442 II 1 S T O I R E fuite des Officiers qui, le livre des Evangdes a Ja main, parcoururent les rues, les places publiques , les lieux d'affemblées, entrerent dans les maifons des particuliers , 6c y firent prêter ferment de üdélité aux perfonnes qu'ils y rencontroient. Tout cela tranquillifoit peu les efprits, & ne^ raffuroit pas trop 1'Empereur luimême , qui ne recevoit de toutes parts que des nouvelles allarmantes. On apprit que Venceflas, nouveau Roi de Bulgarie, ravageoit les do"]Aaines d'Eltimir ? pour le punir de s'être déclaré en faveur des Grecs, 6c qu'il menacoit d'entrer fur les terres de 1'Empire. D'un autre cöté, les Catalans 6c les Almogavares, après leur derniere vief oire , s'étoient retirés a Gallipoli, Sc s'y difpofoient par de grands préparatifs, a fe remettre en campagne. L'Empereur Michel reftoit enfermé a Didymotique, Sc n'ofoit en fortir. Ses troupes trem, bloient au feul nom de Catalan, Sc refufoient le fervice. Andronie com3nt enfin qu'il falloit renoncer au ?rojet de rédmre les Catalans par la örce des armes, 6c que la voie des  du Bas' Empire. Liv. CV. 443 négociations étoit la feule reffource qui lui reftoit. Tandis qu'il refléchiffoit aux moyens de fe ménager un accommodement avec ces étrangers, on lui amena un Italien rouvellement arrêté dans 1'ifle de Tenedos. Cet homme, nommé Jacques, avoit été autrefois fecretaire de Roger de Flor, & depuis la mort de fon maitre, il étoit paffé en Sicile, pour y folliciter des fecours au nom des Catalans. II en revenoit, lorfqu'il tomba entre les mains des Grecs; il fe trouva même faifi de iettres qui donnerent a 1'Empereur des éclairciffements utiles. Andronic voulut Pinterroger lui-même. Jacques Fa Aura qué les Catalans ne manqueroient pas d'accepter des propofitions de paix , s'il leur envoyoit quelqu'un en qui ils puffen! avoir confiancë. Andronic ne crul pouvoir mieux faire, que de charget de cette négociation^ ce même hom' me'qüi lui en donnoit le confeil. Après avoir pris fon ferment, il le fit partir avec un interprete & trois autres perfonnages, fur la fidélité defquels il pouvoit comp'ter. Ces cinq députés fe rendivenf en diligence dans un fort T vj Andronic II. et Michel son FllS. An. 1303.  Andronic II. et Michel son fils. An, 1308. j t 3 1 i i i g l 1 € C C El P li dj li é 444 HlSTOIRE occupé encore par des Grecs , a quelque diftance de Gallipoli. Dès qu'ils y furent arrivés , ils firent favoir au* Catalans qu'ils venoient de la part de l'Empereur leur faire des propofitions de paix; mais en même-temps ils exigeoient pour leur füreté des ótages, 5c demandoient qu'on leur fournit ies montures pour les conduire dans la ville; car cette modefie ambafTade Jtoit venue a pied. Les Catalans vouurent bien accepter ces conditions* Juelques-uns de leurs Officiers parirent pour aller réfider auprès des Srecs, pendant tout le temps que les léputés d'Andronic féjourneroient & ïallipoli. On envoya en même-temps inq chevaux pour le fervice des Am» affadeurs; ils étoient conduits par n nombre égal de foldats, qui avoient rdre de monter en croupe, derrière hacun des Minifires de la Cour de Conftantinople , lorfqu'ils fe metoient en route. C'étoit, difoit-on , sur les efcorter; mais dans la réaté , pour les empêcher de prendre ;s renfeignements fur 1'état des forScations de Gallipoli , & d'exami:r trop curieufemerit la difpofitio» ;s lieux.  du Bas-Empire. Liv. CV. 445 Dès que les Ambaffadeurs furent entrés dans la ville, on leur donna audience. Alors s'expliquant au nom de l'Empereur, ils réitéreren£ les plain-1 tes que ce Prince avoit déja faites tant de fois aux Catalans, fur leur conduite. II toucherent enfuite 1'article de Ia mort de Roger, & celui qui portoit la parole, s'exprima comme fi Andronic lui-même eüt parlé en perfonne :» Qui a pu, dit-il, vous; » engagera commettre les excès dont » nous avons a nous plaindre ? Eft» ce le defir de venger la mort du » Céfar ? Mais celui dont 1'ceil voit » tout, nous eft témoin que nous n'y » avons eu aucune part. Le coup fa» tal lui a été porté par des gens qui » depuislong-temps nourriffoientcon» tre lui dans leur cceur, une haine » invétérée , a caufe des outrages » qu'ils en avoient recus. Soyez per» fuadés que nous regardons fa mort » comme un attentat contre notre *» propre perfonne; nous defirons bien » fineérement que vous en puniffiez » les auteurs; c'eft a eux feuls que » vous devez vous en prendre, & » non pas a nous. Nous n'avions reju Andronic ii. et Mi:helson fils. \n. 130S, xxi. Difcourséméraireles Amjaflaleurs.°achym. I* 7. C. 2.  Andronic II. et Michel so: fils. An. 130S 44-6 H I S T 0 I R E ■ » de fa part aucune injure perfon» nelle, 6c nousvivions en bonne in» teiligence avec lui dans le moment f» qu'il a péri fi malheureufement. ,» Quand même il nous auroit grié» vement offenfés, 1'honneur qu'il » avoit d'être 1'époux d'une Princeffe » de notre fang, auroit certainement » défarmé notre bras; 6c fi cette con» fidération n'eüt point été capable » de nous arrêter, au moins n'au» rions-nous pas eu recours a des » moyens de vengeance fi laches 6c » ü éloignés de nos mceurs. Ce n'eft » point ainfi qu'on fe fait juftice, » quand on a en main la fouveraine » puiffance. Ceffez donc de nous ca» lomnier, 6c fachez qu'en voulant » venger fur nous un crime dont » nous fommes innocents , vous vous » rendez voüs-mêmes auffi coupaw bles que ceux qui l'ont commis ". Après cette efpece d'apologie fur la mort de Roger , Porateur rappella en peu de mots tous les bienfaits que les Catalans avoient re$us de l'Empereur, Pexaétitude avec laquelle les Grecs avoient ou prétendoient avoir obfervé leurs engagements, 6c il finit  nu Bas-Empire. Liv. CV. 44* par cette peroraifon menacante. » L< » temps de 1'indulgence eft paffe; at » tendez-vous maintenant a recevoii » la récompenfe de votre perfidie » fi vous ne changez de conduite » Perfonne certainement ne nous re » prochera de vous avoir punis, lorl » qu'on faura que c'eft vous qui ave; » eommencé les premiers a violer le » traités. Décidez-vous donc fan 0 plus tarder, retirez-vous dans vo » tre patrie avec nos dépouilles, oi » plutöt venez combattre fous no » drapeaux ; c'eft le feul moyen qu » vous refte de conferver fans déf » honneur ce que vous poffédez , 8 » d'éviter d'être regardés comme de » traitres. Jamais demande n'a ét » plus indecente, ni plus injufte qu » celle que vous nous faite. A que » titre prétendez-vous exiger de nou » des récompenfes ? Eft-ce pour le » fervices que vous nous avez ren 5> dus ? Mais quels font donc ces fer » vices ? Si 1'on examine ce que vou » avez fait, on ne voit que quelque » exp'oits, pour Iefquels vous ave » été généreufement payés; tout 1 » refte ne confifte que dans des afte Andronic II. et Michel son . fils. ' An. 1308. > I i s ï s 5 s s L s  Andronic II. et Mlchei.soifils. An, 1308, XXII. Réponl'e 1 -ê ce dif- ( sou.rs. 448 H I S T O I R E » d'hofiilités exercés contre nous; » que dans des actions dignes de cha» timent. Prenez donc, on vous Ie » répere, un dernier parti; fi vous » laiffez echapper cette occafion de » vous réconcilier avec nous, vous » ne Ia retrouverez plus ". On ne s'attendoit guere , fans doute, a entendre de pareils Ambaffadeurs tenir un langage fi peu afforti a 1'état miférable dans lequel ils s'étoient préfentés , & a 1'objet de leur miflion. Commentofoient-ilsvenir braver ainfi des guerriers aflis fur leurs trophées, & encore tout échauffés de la victoire qu'ils venoient de remporter ? Ce difcours pourroit bien être un jeu de Fimagination de Pachymere, qui en général a le défaut, comme nous avons déja eu lieu de I'obferver, de faire parler fes compatriotes d'un ton fort ayantageuxd'eux-mêmes, & avec mépris des autres nations. Cet Auteur aime beaucoup a difcourir, & [1 faut toujours fe défier de tout Jaif:orien harangueur. Lorfque les Ambaffadeurs eurent :efféde parler, les Catalans leur firent :ette courte réppnfe. »Sil'Emperei»  du Bas Empire. Liv. CV. 449 » veut que nous fortions tranquille» ment de fes terres, il faut qu'il nous » paye la folde qui nous eft due, qu'il » rende la liberté a ceux des nötrei » qui font encore dans fes prifons, » qu'il nous faffe reftituer les vaifTeaü x » que les Génois nous ont pris , qu'il » nous achete les chevaux que nou; » ne pouvons emmener, ainfi que h » butin & les prifonniers qui font er » notre pouvoir. S'il refufe d'acceptei » ces conditions, qu'il fache que nou; » allons reprendre les armes , &£ que » nous ne mettrons pas en délibéra» tion, fi nous devons préférer 1'hon » neur a la vie ". Dès que les Ambaffadeurs furem partis, les Catalans commencerent l faire leurs difpofitions pour pouffei les Grecs a outrance. Leur armée grof fiffoit a vue d'ceil. Chaque jour ur grand nombre de Francois , d'Italien; ödd'Elpagnolsvenoients'yenröler.Le; Turcopules qui s'étoient féparés de: troupes de Michel, fe joignirent aulï aux Catalans. De plus, une imprudence d'André Murifque, qui, aprè avoir fait la courfe fur les Vénitien ennemis de la république de Gênes f; Akdro- nic II, et Michel son fils. An. 150S, XXIII. Impru- dence d'André Murifque. Pachym.'t. '7. c. 3, j Andr. i ! i  Andronic II. et Michel soi pils. An. 1508 45Ö HlSTOIRE -patrie, s'étoitartaché au fervice de I 1'Empire, ramena fous les drapeaux des Eipagnols une multitude de Mu- 1 1 fulmans dont ils avoient été abandonnés. LesTurcs, mécontents de ce que les Catalans ne leur accordoient pas dans la diftribution du butin une portion égale è celle qu'ils s'adjugoient a eux-mêmes, avoient pris pour la plupart la réfolution de repaffer en Afie. Un pilote Grec, moyennant une fomme d'argent, s'étoit chargé de les conduire chez eux. Dans leur trajet, ils firent rencontre d'André Murifque qui gardoit les paiTages de 1'Hellefpont. Cet Officier attaqua le vaiffeau qui portok les Turcs ,& les paffa tous au Al de 1'épée.. La nouvelle de cette barbarie, effraya ceux qui n'étoient pas de ce premier tranfport, & qui fe difpofoient afuivre leurs compatriotes en Oriënt. Ils aimerent mieux refter dans le camp des Catalans, & 1 continuer a y faire un fervice dur & défagréable, que de s'expofer & un fort fi cruel. Murifque s'empreffa d'aller recueillir a Conftantinople le fruit de cet exploit. Andronic le refut avec diftinclion, & 1'éleva même  du Bas-Empire. Liv. CV. 451 a la dignité d'Amiral. Cependant cette * brillante expédition ne lui avoit donné A d'autre peine que de faire égorger j quelques Mufulmans qui étoient fans c' défenfe. D'ailleurs , cette acYion pourA laquelle il étoit fi bien récompenfé, portoit a 1'Etat plus de préjudice qu'elle ne lui étoit utile , puifque d'un cöté Murifque empêchoit Ie parti des Catalans de s'affoiblir, & que de 1'autre il irritoit contre les Grecs une nation qui étoit leur ennemie naturelle. Enfin, en fe retirant a Conftantinople , il s'éloignoit de Gallipoli , que fa préfence tenoit en échec. Auffi les Catalans profiterent dë fa fefraitepourformer les entreprifesles plus hardies ; ils faifoient des courfes \ de cöté & d'autre, ravageant tout fur il leur paffage. Leurspartis s'avancerentc jufqu'a Maronée, Rodope & Byzie. 3 Ce n'étoit pas feulement des compa-1 gnies entieres de foldats qui entre-' prenoient ces expéditions audacieufes. Dés efcouades de cinq oufix hommes fuffifoient pour faire contribuer tout un canton , & mettre en fuite les habitants; tant étoit grande Ia terreur NDROI1C II. •T MlIEL SON FIXS. 1. 1308. XXIV. Courfes es Catains. iuntanif, Z2l. Monc. c. 8. 'achym. I. . c. 3. [ni.  Andro- mic ii. et Mlchelson ms, An. 130s. XXV. Ils aflouviffentleur vengeancefur les habitants de Rederte.Munt. c. Zurita , Ann. Arag. part. 1. /. 6. c. 3. Moncada , c. 38. Pachym. I. 7. c. 20. Andr. j I i i I c I I i 452 Histoire du nom Catalan, ou Ia lacheté des Grecs. Les Catalans n'avoient point oublié Ia mort tragique de leurs Ambaffadeurs , maffacrés par trahifon a Redefle , a leur retour de Conftantinople ;, ils réfolurent de s'en venger fur cette ville, & bientöt ils fe mirent en marche pour cette exécution. Redefle étoit éloignée de Gallipoli d'environfoixanre milles de chemin ; par conféquent, ils ne pouvoient s'y porter fans laiffer derrière eux les ennemis ,&plufieurs poftes fortifiés. Cette arconftance raffuroit les habitants de rledefte, & ceux des environs; ils stoient perfuadés que jamais les Catalans ne viendroient a bout, s'ils entreprenoient, de renverfer les bar■leres^ qui les féparoient d'eux, & me d'ailleurs ils ne feroient pas affez emeraires pour s'engager fi avant, u nfque de ne pouvoir plus faire eur retraite. Le defirdela vengeance 1 eft point fufceptible de ces timiies précautions. La fortune feconda intrepidité des Catalans. Après une oarche forcée,i!s arriverent la nuit ms aucun obftacle, fous les murs  rm Bas-Emihre. Liv. CV. 455 de Redefle. Au point du jour , ils efcaladerent les murailles, & y entrerent 1'épée a la main. Ils en maffacrerent les habitants , fans difiin£tion d'age & de fexe; on dit même qu'ils déchargerent leur fureur jufque fur les animaux, ne voulant laiffer fubfifter dans cette malheureufe ville aucun être qui eüt vie. Dela ils pafferent k Paclya, dont ils s'emparerent avec la même facilité, & a laquelle ils firent éprouver le même traitement. Le fouvenir des cruautés exercéespar les Catalans fur les habitants de ces deux villes, fe conferva long-temps dans la mémoire des Grecs. En 1623, époque oü Moncada écrivoit, c'étoit encore un ufage fubfiftant parmi euxde dire, par forme de malédiftion, que la vengeance des Catalans te pourfuive. Les Turcs qui s'étoient unis aux Catalans , fervoient auffi très-bien la vengeance de leurs alliés. Ils s'emparerent du mont Ganos, & y établirent leur place d'armes. Ayant diyifé leur troupe en plufieurs corps, ils vinrent attaquer de divers cötés la citadelle de Saint-Elie. Ils la fer-; Andronic ii. et Michel son fils. An. 13083 XXVI. Rocafort prend poffeffion ilu fort St. Elie, Pachym. /. 7. c. 26. Andr.  Andronic II. et Michel son fils. An, 1308. XXVII. ii agit de mauvaife foi avec les Grecs. Pachym. I. 7, c. 12. Andr, I 1 3 3 454 Histoikï rerent de fi prés , que les habitants, réduits, pour étancher leur foif, a fucer des feuilles d'arbres & a boire le fang des animaux , fe virent bientöt forcés de capituler; mais ils avoient de la répugnance a fe rendre aux Infideles ; ils firent dire a Rocafort que, s'il vouloit s'approcher de leurs murailles , ils lui remettroient Ia place. Rocafort arrivé , oblige les Turcs de fe retirer, accepte la capitulation qui lui eft offerte , & prend poffeffion de la place. D'autres Turcs, fans être unis aux Catalans, faifoientauffi journellement & pour leur compte, des conquêtes fur les Grecs; ils s'étoient emparés de plufieurs poftes, & entr'autres du fort d'Examile, qui étoit comme Ia liefde la Cherfonefe de Thrace. L'Empereur, chagrin d'avoir perdu une place de cette importance , chargea Vlarules d'alier la reprendre; mais Vtarules n'avoit qu'un petit corps de iroupes avec lequel il lui étoit imjoffible de remplir cette périlleufe :ommiffion; ce qui le difpofa k donler dans un piege que Rocafort lui endit, Rocafori ? qui n'ignoroit pas  du Bas-Empire. Liv. CV. 455 I'embarras oü Marules fe trouvoit, lui fait dire fecretement qu'il a formé la réfolution de fe rendre a l'Empereur avec deux cents hommes qui fervoient fous fes ordres; en mêmetempsillui promet d'exterminer tous les Turcs qui étoient en Occident, ne demandant pour Pexécution de ce projet qu'une fomme de cinq mille écus. Marules recoit avec joie une propofition fi avantageufe; il montre feulement quelque inquiétude fur les moyens que Rocafort employ era pour réufïir dans fon entreprife. Rocafort lui fait répondre qu'il détruira les Turcs en les oppofant a eux-mêmes , c'eft-a-dire, en faifant marcher ceux qui lui font attachés contre les autres, & qu'enfuite il towrnera les armes des Catalans contre les Vainqueurs. Pour gage de la fincérité de fes promeffes , & même pour prouver combien il lui étoit facile de les remplir, il envoya a Marules plufieurs têtes humaines, qu'il difoit être des têtes de Turcs ; mais une femme Grecquequi étoit préfente lorfqu'elles arriverent ,reconnut dans le nombre celle de fon mari; ce qui découvrit la fraude, & fit rom- Andro- KiC ii. et Michel soi* fils. An. 1308.  Andronic II. et Michel son fils. An. 1308. XXV11I. Retour de Ferdinand Ximenèsd'Arenos; il défait les Grecs. Munt. c. 122.' Zurita, Ann. Arag. part. 1. /. 6. c. 3. Moncad, c. 39- l i 'i 4.55 HlSTOIRE pre fur Ie champ Ie marche. Ceft ainfi que Pachymere raconte cette anecdote, qu'il pourroit bien avoir inventée,a deffein de rendre les Catalans de plus en plus odieux; car elle ne paroït nullement s'accorder avec ce que tous les autres hiftoriens nous racontent de Rocafort a cette époque. Cependant Ferdinand Ximenès d'Arenos, que nous avons vu quitter 'armée des Catalans, & paffer dans le Duché d'Athenes, crut qu'il falloit enfin oublier fes mécontentements particuliers, & marcher au fecours de fes compatriotes. II vint aborder \ Gallipoli, fur une galere qui portoit quatre-vingts foldats vétérans, tous bien aguerris. II fut recu de l'armée avec de grandes acclamations, *k on lui fournit tout ce qui étoit néceffaire pour équiper fon monde. [1 fit des recrues, & raffembla autour le fa perfonne trois cents fantaffins k environ cent cinquante cavaliers. ^ la tête de cette petite troupe, il >rit le chemin de Conftantinople, k répandant par-tout Ia défolation, 1 parut, bientöt a la vue des rempar ts.  du Bas-Empire. Liv. CV. 457' parts.^ Andronic, du haut des murailles, étoit témoin de ces défaftres, & croyoit voir arriver toute l'armée des Catalans. II défendit a fes troupes de fortir de la ville , & leur ordonna de fe mettre fous les armes, ne doutant point que 1'ennemi n'effayat de s'emparer de Conftantinople. Ferdinand, content d'avoir jetté 1'épouvante dans cette capitale dont il ne fe fentoit pas d'ailleurs en état d'entreprendre Ie fiege, avoit réfolu de s'en retourner. Andronic, informé combien étoit peu nombreufe Ia troupe qui lui avoit caufé une fi grande frayeur, détacha huit cents hommes de cavalerie, & deux mille d'infanterie pour lui couper la retraite. Les Grecs feplacerenten embufcade dans un détroit qu'il falloit nécefTairement que les Catalans traverfaffent. Ferdinand , arrivé a ce défilé, fit faire halte a fes gens, & leur dit : Fous voyei, camarades, que 1'ennemi nous a. ferme le paffage , & qu'il ny a que notre valeur quipuiffe maintenant nous louvrir. Ces hommes qui of ent fe pré' fenter devant vous, font les mêmes que vous ave^ déja vaincus tant 'de Tome XXllL Y Andronic ii. et Michel son fils. Ka. 130&3'  Andronic II. et Michel son fils, An. 1308. 458 H I S T 0 1 u E fois avec des forces encore plus migales. Leur multitude na jamais fervi qua. augmenter l'éclat de nos vicloirest & la honte de leur défaite. Le pofte avantageux qu'ils occupent, leur infpire de la confance. & leur fait oublier qu'il n'ejl aucun retranchement, aucun rempart inexpügnable pour nos armes. Que cette vile nation reconnoiffe encore aujourd'hui que rien ne peut la mettre d Vabri de notre vengeance. Auffi-töt il donne le fignal pour Pattacpie. Son infanterie, compofe'e d'AImogavares, s'avance contre celle de l'ennemi, & lui-même a la tête de fes cent cinquante cavaliers, attaque la cavalerie Grecque. Les Almogavares eurent bientöt diffipé Pinfanterie qu'ils avoient en tête; fans fe donner le temps de refpirer , ils volent au fecöurs de Ferdinand que la cavalerie Grecque preffoit vivement. Seconde par les Almogavares, ce brave Capitaine reprit tout Pavantage fur 1'ennemi , qui fut forcé de fe retirer, après avoir efluyé une grande perte. Ferdinand paffa librement avec fa troupe qui étoit chargée d'un riche butin} & fé rendit a Paclya  nu fiAs-ËMpmn. Liv. CV. 459 ■ou Rocafort venoit auffi d'arriver. Ferdinand Ximenèsfe croyoit trop au deflus de Rocafort par fa naiffance pour fervir fous fes ordres; il voulut être auffi chef d'un parti, Sc ne point dépendre d'un homme qu'il regardoit comme un foldat de fortune. II fongea a fe mettre en poffeffion de quelque ville forte qui put lui faire une place de süreté. II porta fes vues fur Madyte, nommée vulgairement Modico, ville maritime de la Cherfonefe de Thrace, au midi de Gallipoli. II prétendit d'abord 1'emporter par un coup de main, mais il ne réuffit point; il fut obligé de I'affiéger en regie. Madyte étoit trop bien fortifiée, Sc défendue par une garnifon trop nombreufe, pour qu'il fut poffible a Ferdinand de s'en rendre maitre avec fa petite armée; d'ailleurs, elle fe trouvoit pourvue de vivres & de muhitions de toute efpece. André Murifque venoit de la ravitailler. Ferdinand Ximenès 1'ayant battue avec toutes fes machines de guerre pendant long temps Sc fans aucun fuccès, prit le parti de fe procurer par la patience ce qu'il ne pouvoit obtenir par la force» V ij. Andro- NIG I{. ET Mp CHEL SOW FILS. An. 1308. XXIX. II emporte Madyte. Pachym. I, 7. c. 6 611. Andr. M.unc. c9 223. Zurita , Ann. Aragi part. 1. I. 6. c 3. Moncada t c. 40  Andronic II. et Mlchel son pils. An. 1308. i I » 1 1 i i < 1 1 t *< I 3 c c c 1 c i f J.6o H I S T 0 I R E [1 convertit le fiege en blocus. II y ivoit déja huitmois qu'il étoit devant !a place, lorfqu'enfin le hafardlui prérenta 1'occafion qu'il attendoit avec :ant de perfévérance. Les affiégés fe ■epofantfur Pinaétion des Catalans qui ê contentoient de refter dans leurs -etranchementsfansformeraucurieenreprife, commencerent a fe relacher le la difcipline militaire , ils fe teloient moins fur leur garde; enfin, in jour de grande fête, la garnifon k. les habitants , après 1'offïce divin, 'e livrerent, fuivant la coutume des ïrecs, a la danfe, aux plaifirs de la able , a la débauche. Ferdinand crut e moment favorable pour agir. II fit pprocher fes gens des murailles, & ' appliqua les échelles. Les Catalans nonterent au nombre de foixante, i s'emparerent de trois tours , avant " ue les Grecs enfevelis pour la plupart ans 1'ivreffe, s'en fuffent appercus. Quelques-uns de ceux qui avoient aoins bu que les autres, prirent les rmes, & fe mirent en devoir de haffer les afiiégeants des poftes dont Is s'étoient déja faifis; mais ils en urent fi maltraités, qu'ils n'eurent  nu 13as-Empire. Liv. CV. 461 rien de plus preffé que de chercher! leur falut dans la fuite. Par-la Ferdinand Ximenès fe trouva maitre de Madyte , prefque fans coup férir; il« en fit fa place d'annes , de même que^ Rocafort établit fes cantonnements dans Redefte 8c PacTya. Quant a Gallipoli , la garde en fut confïée au fage 8c brave Muntaner. Gallipoli étoit le magafin général des munitions Sc approvifionnements pour les troupes; c'étoit aufïi Fafyle des bleffés, des femmes, des enfants, 8c le dépot du butin que les foldats faifoient fur 1'ennemi; c'eft pourquoi les Grecs auroient bien voulu 1'enlever aux Catalans. Un Seigneur de Macédoine, nommé Georges de Chriftopole, étoit É parti de ThefTalonique pour fe rendre g a la Cour, avec une efcorte de quatre- ( vingts hommes. Ayant appris dans fa1 route qu'il y avoit peu de monde a 2 Gallipoli, il crut 1'occafion favorable pour furprendre cette ville. En efFet, ^ il arrivé fansêtrereconnu affez prés de e la place, il s'empare même de plufieurs chariots, 8c d'une grande quantité de4 muiets qui étoient fortis pourfaire du V üj Andronic ii. et Mihel son fils. Ln, 130s. XX JC Défaite e Geores de Ihriftoole. Munt. cl 24. Zurita f \nn.Aragm art. I. /. . c. 3. Monc, f« 1.  Andronic ii, et Michel soi fils. An, 1308 'XXXI. ■Les Catalans ruinent nn port fur Ie PontEuxin. Munt. c, 22j. Monc. c, 41. 4Ö2 HlSTOISB bois. Muntaner, averti a propos» commande fur le champ un détachement de fa garnifon qui tombe avec furie fur la troupe de Georges de Chriftopole, la taille en pieces, reprend les chariots &c les muiets dont elle s'étoit faifie, & fait un grand nombre de prifonniers. Georges, qui fe flattoit d'entrer en triomphe a Conftantinople, n'y arriva que couvert de confufion. Dans le temps que Ie brave Muntaner faifoit repentir de fa préfomption Georges de Chriftopole, Rocafort & Ferdinand Ximenès d'Arenos exécutoient avec fuccès le projet le plushardi qu'on ait jamais tenté. Après avoir traverfé quarante lieuesde pays, mettant tout a feu & a fang, coupant les arbres, incendiant les moiffons, maffacrant les troupeaux, égorgeant ïes hommes, ils arriverent dans le voifinage d'une ville appellée Stagnara. C'étoit un port d'un grand commerce, fitué fur le Pont-Euxin, & un des premiers arfenaux de la marine impériale. Cette place fe trouvoit alors fans défenfe, paree qu'on ne pouvoit foupconner que les Catalans duffent  »u BasEmpire, Liv. CV. 4Ó"3 venir de li loin; ainfi ils n'eurent pas de peine a s'en emparer. Après avoir pris poffeffion de Stagnara, les vainqueurs fe mirent en devoir de détruire tous les vaiffeaux qui fe trouvoient alors dans le port. Muntaner en évalue le nombre a cent cinquante. Les Grecs, défefpérés de voir que les Catalans alloient porter le dernier coup a leur marine, firent les plus puiffants efforts pour la défendre. II fe livra fur mer un rude combat, mais les Impériaux fuccomberent, & ils ne purent empêcher 1'ennemï de brüler leurs navires ; il n'y eu£ d'épargné que quatre galeres Catalanes dont les Grecs s'étoient rendus maitres, après avoir maffacré k Conftantinople 1'Amiral Ferdinand d'Aones. Tous ceux qui montoient les vaiff eaux de la flotte impériale furent dévorés par les Hammes. Les Catalans ne fe contenterent pas d'employer le feu k leur vengeance, ils voulurent encore y faire fervir un autre élément non moins terrible. Ils inonderent toutle pays des environs, en rompant les digttes qui retenoient les flots de la mer, Une multitude inV iv Andronic ii. ei Michel son fils. An. i jo8.  Andro kic II, et Michel so fils. An, ijoS XXXII. Ils fe vengent des Alains. Munt, c, 2ï6. Moncada, 43Nic. Grcg. 1.7. c.L Pachym, l. 7. c. i8. 29. Andr, 1 1 \ ^ 464 H 1 S T 0 I R E 'nombrable d'hommes & d'animaux tut enfevehe fous les eaux. Après cette expédition, les Catalans char»gerent leur butin fur les quatre eaJeres. qu'ils avoient reprifes, & les envoyerent è Gallipoli. Elles traverierent audacieufement le canal de Conftantinople a la vue des Grecs qui n'oferent faire le moindre mouvement pour lesinquiéter. Rocafort oc Ferdinand fe. mirent en route pour ie rendre par terre a leurs poftes refpecfifs , lailfant par-tout des traces effrayantes de leur paffage. Les. Catalans n'auroient pas cru eur vengeance complette, fi les Alains & Georges leur chef, le principal auteur du meurtre de Roger n en eufientpas aufli reffenti les effets! Andronic n'avoit rien negligé, après la bataille d'Apres , pour engager les Alains a revenir fous fes drapeaux; mais ioin de fe rendre a fes follieitations, ces barbares s'étoient emparés i un pofte avantageux appellé le fort Je Néade, d'oü ils firent pendant queljue temps des courfes continuelies ur les terres de 1'Empire. Voyant iniuite qu'ils ne pouvoient plus fe  fiu Bas-Empire. Liv.. CV. 465 snaintenir dans un pays entiérement ruiné, ils concurent le deffein de regagner leur patrie en traverfant la Bulgarie. Les Catalans, avertis de leur retraite, ne voulurent point les laiffer échapper. Ils réfolurent de marcher a leur pourfuite, 8c de faire en forte de les joindre , avant qu'ils euffent paffé le mont Hémus ; car il eüt été trop dangereux pour eux de s'engager dans Pintérieur de la Bulgarie. Ils raffemblerent donc en diligence toutes leurs forces , 8c évacuerent Madyte, Padfya 8c Redefte, pour en réunir les garnifons au corps de leur armée. Gallipoli fut la feule ville qu'ils conferverent. Muntaner refüfoit d'y refter pour fa garder; il croyoit fon honneur intéreffé, s'il n'étoit pas de cette expédition; mais Rocafort, Ferdinand Ximenès 8c les autres chefs lui firent obferver qu'il ne pouvoit mieux fervir la nation ni remplir un emploi plus honorable , que de veiller a la défenfe de ce qu'ils avoient tous de plus cher au monde. Ces repréfentations appuyées de 1'affurance qu'il auroit bonne part au butin que lés Catalans comptoient faire dan; V v Andronic It. et Michel son fils. An; 1308,  Andronic II. et Michel sos fils. An. 1308, ] l i i c ï 1 \ 1 n fi Histoire cette nouvelle entreprife, le de'terminerent a ne point quitter fon pofte. Cependant l'armée Catalane s'étant mife en marche, fit tant de diligence,. qu'au bout de douze jours, elle atteignit les Alains. Ces barbares étoient au nombre de neuf mille combattants,. favoir fix mille fantaftins & trois mille cavaliers. Lorfque les Alains appercurent les Catalans, ils en furent étonnés fans toutefois en être effrayés. fis formerent, fuivant leur ufage , une efpece de retranchement avec leurs chariots, & pïacerent derrière, les femmes,. les enfants & le bagage, puis ils fe rangerent devant en bataille, attendant de pied ferme 1'enïemi. Ce n'étoit plus a des Grecs 13:hes, efféminés & qui trembloient iu feul nom de Catalans, que Rocabrt & Ferdinand alloient avoir afaire,. mais a des guerriers intrépi!es, dont la nation étoit une des plus elliqueufes qu'il y eüt alors dans univers.D'ailleurs, les Alains fe trouoient forcés de fe battre, non-feu;ment pour défendre leurs perfones, mais encore pour fauver leurs tmmes, leurs enfants & leurs ri.  du Das-Empire. Liv. CV. 467 cheffes. Les Catalans, de leur cöté,fré-! miffoient de rage k la vue des affafiins de leur chef 8c de leurs camarades; ils attendoient avec impatience < le moment de les immoler tous a leur vengeance. On peut juger d'après ces difpofitións de part 8c d'autre , combien dut être terrible le combat qui fe donna entre de pareils ennemis. II commenca avec 1'aurore, & le foleil étoit déja au milieu de fa courfe,, que la vicfoire ne paroiffoit pas encore prête a fe décider. Les Catalans fuppléoient a leur petit nombre par 1'impétuofité de leurs attaques ; ils, fe jettoient fur Pennemi comme des lions furieux. Les Alains, de leur cöté, fe défendoient avec intrépidité. Georges leur chef, a la tête d'un corps de cavalerie, faifoit des prodiges de valeur. C'étoit dans fon quartier que fe portoient les plus grands coups. Chaque foldat Catalan ambitionnoit 1'honmeur d'abattre ce guerrier formidable, 5c d'être perfonnellement le vengeur de Roger, Georges ne put échapper a tant de bras levés fur fa tête, il fut e'ian frappé a mort. Les hens en le voyant tomber , s'épouvantent V vj (Vndro- MIC II. ET MlHEL SONf FILS. Ln. 130S,  Andronic II; t.t Michel son fils. An, 130S, < 1 ] 1 i i t I 1 il t; V T.i tl rt d Tl ih te Te 4^8 H I S T O I R E & commencent a plier. Les Catalans redoublant d'efforts, achevent la défaite des Alains, les obligent de prendrela fuite, les pourfuivent fans relache, & entrent pêle-mêle avec eux dans leurs retranchements. Alors ce ie fut plus qu'une boucherie, & Ie :amp des. malheureux Alains devint e théatre du plus afFreux fpeöacle, -es femmes y étoient égorgées entre es bras de leurs maris, les enfants urle fein de leurs meres,le fangy uiffeloit de toutes parts , & les Caalans ne cefferent le maffaere que ?rfque la fatigue leur eut fait romer le fer des mains. De toute Parlée des Alains, il n'y eut guere que ■ois cents hommes qui purent fe fauer. Les Catalans, après cette vifloire,. ïeueillirent les. dépouilles de Penneu, raffemblerent les prifonniers, &• prirent la route, de Gallipoli. Ha kent en partie la viéfoire a un déchement. de Turcopules. Ces derers en vouloient aux. Alains, dont i avöient recu des afFronts dans le mps qu'ils fervoient enfemble fous, 5 drapeaux. d'Andr.onic. Le fuccès l cette mémorable journée déter-  du Bas Empire. Liv. CV. 469 mina le refte de la nation des Turcopules a venir fe ranger avec leur chef fous les enfeignes de Parmée Catalane. Les Catalans,. en revenant de leur expédition contre les Alains, réfolurent de faire la conquête d'Andrinople. Après avoir ruiné la campagne des environs , arraché les vignes 9 coupé, les bledsils s'établirent dans les fauxbourgs de la ville, dont une partie avoit déja été détruite par le feu que les. habitants y avoient mis eux;mêmes;. enfuite ils firent pleuvoir fur la garnifon une grêle de traits. Cétte place étoit défendue par 1'Ange Echanfon , & par Schumne Scuteri,. |Ces deux Officiers oppoferent a 1'ennemi une forte réfufance. II y avoit déja une femaine entiere que les Catalans étoient devant Andrinople, &. Ie fiege n'étoit pas plus avancé que Ie premier jour; défefpérant de pouvoir réuflir par la force, ils eurent. recours aux négoeiations. Ils ofFrirent aux habitants de les traiter avec douceur, & de ne leur cauferaucun dommage ni dans leurs perfonnesnidans. leurs bienss'ils. vouloient leur. ra.*- Andronic IL et Michel son fils. &n. 1 308. XXXIII. Us échouentdevant Andrinople. Pachym, t<* 7. c. 19. Anir»  Andronic H. et Michel son fils. An, 1308. 1 j I { i ï < i I l i 47° H I S T 0 I R E mettre Ie corps de Roger de Flor,, rendre la liberté a ceux de fa fuite qu'ils retenoient encore dans les fers, & recevoir au milieu de leur ville l'armée Catalane. Les afTiégés rejetterent avec mépris ces propofitions, & déclarerent qu'ils étoient difpofés a fe défendre jufqu'a la derniere extrêmité. Ce refus irrita les Catalans , ils recommencerent leurs attaques avec plus de vivacité qu'auparavant. Hs dirigerent tous leurs efForts vers une porte appellée la porte Bary, Sc vinrent a bout de la détruire ; mais ijs furent très-étonnés de trouver der■iere , une forte muraille qui s'opjofoit a leur palTage ; alors ils firent ouer toutes les machines de guerre :n ufage pour les fieges. On diffin;uoit dans le nombre une groffe tour :onftruiteen bois avec beaucoup d'arr,. >£ portée fur des roues. Les Cataans, après l'avoir tapifTée de peaux le bceufs fraichement tués pour Ja ;arantir du feu , la firent avancer le >lus prés des murs qu'il leur fütpoffi>le.. Les foldats dont elle étoit rem>lie ne ceffoient de faire des déchares de traits & de pierres qui écar-  nu Bas-Empire. Liv. CV. 47T ferent d'abord ceux qui défendoient les remparts. Malheureufement ce premier fuccès ne fe foutint pas; les affiégés trouverent le moyen de laneer fur la tour une poutre énorme qui la nut en pieces. Non-feulement tous les archers qu'elle portoif, périrent, mais elle écrafa encore par fa chüte un grand nombre d'hammes qui combattoient fous fa protection. Ce malheur confterna les Catalans , & abattit leur courage. Ils fe retirerent couverts de honte. Quelque temps après ils voulurent réparer leur honneuren faifant une autre tentative fur Pamphyle ; mais ils en furent repoulTés avec perte. Déconcertés par ces deux échecs, ils prirent le parti de regagner Gallipoli, qui s'étoit trouvée pendant leur abfence expofée au plus grand danger. L'Impératrice Irene venoit d'hériter par Ie décès de fon oncle, du Marquifat de Montferrat, & elle avoit tranfmis fes droits a Théodore Paléologue fon fecond fils. Antoine Spino la, d'une des plusgrandes families de Gênes, fe trouvant alors a Conftantinople , propofa a l'Empereur de ma- Andronic II, et Michel son fils. An. 1308. XXXIV. Négociaions 1'Androïic avee intoine ipinola. Munt. c. 117. Monc, f»  Andronic II. et Michel son fils. An. 1308. Zurita f Ann.Arag. part. 1. /. 6 , c. 3. Nic. Grcg. t. 7- c. 5. Pachym. I. 7. c. 18. Andr. { Notx Pof- i 57. ( FamiLByf. p. 246. ] Jift/t«M /. ] * ] 1 1 1 ( ƒ C f $ D L 1 J 472' II f s t o I r b rier Théodore , & non pas Démi» trius , comme Ie dit Moncada, a Argentine, fille d'Opicin Spinola. Par ce mariage, Antoine procuroit a fa parente un établiiTement auffi fbrtuné qu'honorable, & a fa maifon une alüance qui pourroit la foutenir contre les Doria, rivaux des Spinola, AnJronie accepta avec empreffement ces oropofitions, mais a condition qu'Anoine employeroit fon crédit, pour :ngager les Génois a faire Ia guerre iux Catalans. Spinola confentita tout :e que l'Empereur demandoit; & >our lui donner une preuve de fa )onne volonté , il offrit de partir fur e champ, & d'aller en perfonne fomner Muntaner, Gouverneur de Galipoli, de rendre la place ,. iinon de ui déclarer la guerre. Spinola, muni 'un paffe-port, arrivé a Gallipoli, fe ait conduire devant le Gouverneur, 6 lui dit en Pabordant: » Je fuis An* rine Spinola , Général de ma- républiue ; j.e vous ordonne de fa part, de forr fur iVieure de cette ville, & d tous s Catalans de quitter au plutót la ■hrace,. autremtnt elle faura bien vous contraïndre". Muntaner, nullement'  eu Bas Empire. Liv. CV. 473 ému d'une pareille rodomontade, repréfente avec beaucoup de lang froid a Spinola que fes menaces font une violation manifeffe de la bonne amitié qui fubfifte entre les couronnes d'Arragon & de Sicile & la république de Gênes; que quant a lui, il efl réfolu de refpecïer la paix, tant que les Génois n'y manqueront pas euxmêmes_ A ces mots, Spinola s'emporte, & donne a trois difFérentes reprifes Ie défi aux Catalans, en ufant de termes injurieux. Alors Muntaner changeant de ton , lui réplique avec fermeté. » La guerre que tu nous dèclares ejl injufte ; tu répondras devant Dieu de tout le fang qu'elle fera ver/er, & des malheurs qui en feront la fuite. A quel titre ta république prétend-elle nous ordonner de Jortir de ce pays ? Si elle en a le droit, fais-le voir, en nouschaffantyjitupeux".Spinola, fans repliquer, fe retire brufquement, remonte fur fes galeres, & de retour a Conftantinople , s'emprefTe d'aller raconter a l'Empereur ce qui s'eft paffe entre lui & Muntaner; en mêmetemps il ofe promettre a ce Prince de faire bientöt rentrer Gallipoli fous. Andronic ïr. et Michel son fils. An. 130S.  ASDRO•NIC II. et Michel son fiis. An, 130S. XXXV. Défaite des Génois fous les murs de Gnüipoli. Munt, c, 227. Monc. c. AA- Pachym. I. > 7. C. 20. j Andr. Zurita , 1 Ann. Arag. Ooütrem, ^ i i i r i 47-3- Histoire fa dominafion, cette ville étant, difoit-il, hors d'état d'oppofer la moindre réfiftance. En efFet, k peine y comptoit-on cent cinquante combattants. D'ailleurs, elle n'étoit remplie que de femmes & d'enfants que les Catalans, en partant pour leur expédition contre les Alains, y avoient laiffés, comme on Fa vu plus haut, a la garde de Muntaner. Andronic,ébloui par les belles promeffes de Spinola, fait équiper fix galeres , dont il donne le com mandement a Andriolo del Moro, autrenent dit André Murifque, noble Gélois, un de fes principaux OfHciers Je mer. Ces batiments réunis a ceux Jes vaiffeaux de la république, dont Spinola put difpofer, formoient une lotte de vingt-cinq voiles. Spinola ;mbarqua fur fon bord Ie Prince rhéodore ; car après avoir fait Ia :onquête de Gallipoli qui lui paroifbit immanquable , il devoit le conluire en Italië pour qu'il s'y mariat, 't y prit enfuite poffeffion de fes louveaux Etats. En peu de jours, 1'arriée navale parut devant Gallipoli. I fon approche, Muntaner fortit de  Du Bas-Empire. Lrv. CV. 475 la place pour empêcher, s'il étoit poflible, les troupes alliées de defcendre a terre ; mais les Grecs & les Génois ayant fait leur débarquement fur différents points de la cöte , il ne put s'y oppofer; au contraire, il fe vit lui-même fcaentöt accablé par une multitude d'ennemis. Muntaner fedéfendit contre eux avec beaucoup debravoure; mais fon cheval tué fous lui & cinq bleffures qu'il recut, le forcerentde rentrer dans la ville. Les Génois & les Grecs le croyant mort, crioient déja viöoire, & ne doutoient nullement que Gallipoli ne s'empreffat de leur ouvrir fes portes. Muntaner rendit vaines leurs efpérances, Après qu'on eut panfé fes playes dont heureufement aucune n'étoit mortelIe, il fit toutes les difpofitionsque lui fuggéra fon intelligence, & que lui permirent les circonftances. Deux mille femmes, d'autres difent trois mille, armées de pierres &c de traits, & commandées de dix en dix par un homme, furent rangées en bon ordre fur les remparts. Les Génois & les Grecs, déja maitres de la campagne, raffemblent leurs bataillons, s'appro' Andronic II. ET Ml- 3HEL SON FILS. In. 1308.  Andronic II. et Mi- chei. son fii.s. An. 1308, I 1 i 3 t C i è 1 f é cl / $ f A v Cl n L d 47Ö HlSTOIRE chent des murailles, y appliquent les echelles, & fe perfuadent qu'ils n'ont qu'a fe mettre en devoir de monter a 1'affaut pour faire fuir cette milice réminine ; ils ne s'avancoient qu'en •iant &c en plaifantant. La réception {ue leur firent ces nouvelles Amazones ne. tarda pas a les rendre plus ërieux. Deux fois ils fe préfenterent : Pefcalade, & deux fois ils furent enverfés, culbutés, écrafés. Cepenlant Antoine Spinola obfervoit Ie ombat de deflus fon vaiffe3u. Déefpéré de voir échouer une entreprife ont il n'avoit pas craint de garantir ; fuccès, & honteux que fes gens .ifTent vaincus par des femmes, il cumoit de rage, Si crioit aux fiens ans fon flyle emporté: » Quoi, mi'rables canailles, trois teigneux qui >nt la dedans fe defendent contre vous ƒ 'ous êtes tous des fots & despoltrons ". ufïi-töt mettant pied a terre , ils'aance vers la ville, a la tête d'un >rps de quatre cents cavaliers qui avoient point encore combattu. orfqu'il vit la terre jonchée de caivres_& rougie du fang des Gé>is , il fut frappé de terreur; mai&  r>u Bas-Empire. Liv. CV. -477 il n'étoit plus temps ds reculer. II raïlia ceux des affiégeants qui avoient échappé a la mort, & qui découragés avoient pris le parti de la retraite. L'attaque recommencaa avec encore plus de vivacité qu'auparavant, & fut foutenue avec une égale valeur par les femmes Catalanes. Aucune d'elles ne quitta fon pofte, quoique plufieurs fuffent couvertes de bleffures. On étoit au mois de Juillet; les affaillants, brülés par 1'ardeur du foleil, épuifés de fatigues, dégoutants de fueur, étoient fur les dents ; ils pouvoient a peine foutenir leurs armes. Miintaner s'en appercut, & crut le moment favorable pour faire une fortie. Auffi-töt il prend avec lui cent hommes armés a la lé« gere , & fix cavaliers feulement. Les portes s'ouvrent, il tombe comme Ia foudre fur 1'ennemi, renverfe , tue , égorge tout ce qui fe préfente devant lui. Les quatre cents cavaliers de Spinola refterent fur la place, ainfi que leur Commandant. Le refte de l'armée aliiée fe fauva a toutes jambes vers le rivage pour regagner la flotte. Les Catalans étoient fi acharnés a la pour- AndrO' Nic ii. et Michel son fils. An. 130S.  Andronic II. et Michel son fils. An. 130S. j 1 4 3 Ü 1 < < ( 1 < i « 1 < < < ] J 4?o HlSTOIRE fuite des fuyards, qu'ils montoient pêle-mêle avec eux fur leurs navires 8c les y maffacroient, puis s'élancoient a terre , & revenoient rejoinJre fiérement leurs drapeaux. Muntaner , ayant raiTemblé fa petite troupe, a reconduit en triomphe a Gallipoli. \ndriolo del Moro, tout confus, met i la voile avec les fix galeres impériales , 6c reprend la route de Confantinople, oü il porta la nouvelle de :e nouveau défaftre. Quant aux Géiois,ils traverferent 1'HelIefpont 6c léboucherent le détroit, emmenant e jeune Théodore Paléologue. Dès }ue ce Prince fut arrivé a Gênes , >n céjébra fon manage avec la fille 1'Opicin Spinola, 6c quelque temps prés , il palTa dans le Montferrat >our en prendre pofTeffion, 8c y reevoir les hommages de fes vaffaux. 3'eft ainfi que ce Marquifat entra lans la familie des Paléologues qui e pofféderent aiTez long-temps; mais ette branche des Paléologues, Mar[uis de Montferrat , s'étant éteinte lans la perfonne de Jean-George Paéologue qui n'eut point de pofiérié, puifqu'il mourut la veille de fes  du Bas Empire. Liv. CV. 479 noces , le dernier Avril 1533 ; fa fucceflion occafionna de grands débats entre le Duc de Savoye & le Marquis de Mantoue. Charles-Quint décida le procés, comme il avoit coutume de faire, c'efï-a-dire, par la raifondu plus fort. II adjugeale Montferrat a Marguerite fa niece, femme de Fréderic de Gonzague, Marquis de Mantoue. Les Catalans & les Arragonois en arrivant de leur expédition contreles Alains, apprirent avec joie la belle défenfe que Muntaner avoit faite dans Gallipoli. Tout leur regret étoit de n'avoir point eu part a fes exploits & è fon triomphe. Ils célébrerent favictoire par desréjouiffances publiques. Sur ces entrefaites, deux mille fantafïïns Turcs & huit cents cavaliers de la même nation traverferent 1'Hellefpont, & vinrentfe joindreaeux. Ce renfort les mit en état de former de nouvelles entreprifes. Cette alliance avec les Turcs leur a été beaucoup reprochée, fur-tout par les Papes. Ces Pontifes regardoient comme un facrilege que des chrétiens empruntaffent Ie fecours d'infïdeles Andronic II. et Michel som fils. An. 130S. XXXVI. Turcs & Turcopules au fervice des Catalans. Munt. c. 228. Monc. c. + 5. Nic. Greg, l. 7. c. 4.  Andronic II. et Michel son fils. An, 130S. XXXVII. Ifaac Melek, un de leur chef, trahit les Catalans. Pachym. /. 7- c' ij. 22. , ] 1 $0 HlSTOIRE 5c de gens réprouvés, pour verfer le fang d'autres chrétiens. Ils ne prévoyoient pas fans doute alors que fous leurs fucceiTeurs, on verroit quelquefois Ia thiare &c Ie turban réunïs fous les mêmes drapeaux, & combattre enfemble contre des troupes très-chrériennes. Si 1'union des Catalans avec les rurcs-déplut aux Papes, elle inquiéta beaucoup plus Andronic; aufli mit-il 'out en oeuvre pour Ia rompre. II :rouva le moyen d'entretenir des inelligences avec Ifaac Melek, un des :hefs des troupes Mufulmanes qui itoient entrees au fervice des Catalans. Ifaac convint non - feulement i'abandonner ces nouveaux alliés, nais encore de tourner contre eux es propres armes. Andronic promit, 'il remplnToit un pareil engagement, le lui donner pour époufe, avec une iche dot , la fille de ce Mafoud, lernier Prince des Seljoucides d'Icoie , qui périt, comme on dok fe le appelier, dans une bataille contre Ui, fils d'Amerkan. Son pere 1'avoit aiiTéea Conftantinople , & cette jeuie Princeffe s'y étoit convertie au Chriftianifme,  dü Bas-Empire. Liv. CV. 4S1 Chriftianifme. llaac Melek avoit fait auffi efpérer a Andronic qu'il viendroit a bout de détacher du parti des Latins, les Turcopules , pourvu qu'il voulut rendre a ces derniers leurs femmes &c leurs enfants, que les Alains lui avoient livrés. Quelque précaution qu'on prit pour tenir cette négociation fecrete , elle tranfpira. Rocafort convainquit Melek Sr fes amis de trahifon. Ce barbare s'excufa, en difant que ce n'étoit de fa part qu'une feinte dont il avoit cru pouvoir ufer, pour tirer des mains de l'Empereur les femmes & les enfants des Turcopules leurs alliés communs. Les Catalans s'étant contentés de cette défaite, fe mirent auffi - tot en marche avec les Turcs, pour aller s'emparer du mont Ganos, dont les Grecs avoient repris poffeffion. Quelque temps après, Ifaac Melek: renoua avec l'Empereur fes premières intrigues. Ifaac Melek auroit bien \ défiré qu'Andronic eüt élevé a la di-i gnité de Sultan, fans doute d'Icone,1 Conftantin Melek, oncle de fafutu-C re époufe , qui réfidoit auffi k Conf-: tantinople, oü il avoit ahjuré , ainfi Tomé, XXIII. X Andronic II. et Michel son fils. \a. 130S0 CXXVWf Seconde rahifon lu mêmej 1 en efl >uni. ^achym. I. '. c. 22. 9-  andronic II. et Michel soi fils. An, 130S, HlSTOIRE que fa niece, le Mahométifme. Andronic ne jugea.pas a propos d'accorder cet article; mais il ne fit aucune difficulté fur les autres demandes d'Ifaac , en faveur de Conftantin. En conféquence, il nomma ce dernier , Gouverneur de Peges, & lui enjoignit de partir auffi-tót pourcette ville avec la Princeffe. En mêmetemps, il lui donna ordre de raffem* bier un certain nombre de vaiffeaux, pour tranfporter d'Occident en Afie, Ifaac Melek, & tous les Turcs que Ce dernier avoit promis de débaucher, Le moment pris pour 1'exécution de ce dangereux projet arrivé, Ceux des Turcs qui étoient d'intelligence avec Ifaac Melek , fe faififfentdes Officiers Catalans, qui font a leur tête , les maffacrent, & s'avancent enfuite vers Ia mer, pour paffer 1'Hellefpont, & fe retirer en Afie. Les Catalans fe mettent a leur pourfuüè , & les atteignent k 1'inftantqu'ils vonts'embarquer. Les deux partis en viennent aux mains , & fe battent avec un égal acharnement; mais enfin les Turcs fuccombent, &c font obligés de rendre les armes, en  »ü Bas-Empire. Liv. CV. 485 demandant grace aux vainqueurs. Les Catalans refufent de leur faire quartier , a moins qu'ils ne livrent le perfide Melek, & un de fes freres qui s'enfuyoit avec lui, ainfi que Tacantziaris, Commandant des Turcopules. Les Turcs furent forcés de fubir cette loi. Les Catalans firent fur le champ couper la tête a Ifaac Melek;, & a fon frere. En dépouillant le corps du premier, on trouva caché fous fes habits un diplome impérial fcellé de la bulle d'or , dans lequel étoit expofée toute Ia trame du complot. Cette découverte rendit aux Catalans leur première fureur , ils vöuloient exterminer tous les Turcs; mais enfin, ils fe laiflerent encore toucher par les prieres de ces trattres, Sc fe content terent de les mettre aux fers. Cependant les Catalans qui ne fe. trouvoient pas trop en forces, fe porterent volontiers è un accommode- < ment avec les Turcs Sc les Turco-( pules; ils leur rendirent la liberté,! a condition qu'ils continueroient de 1 les aider du fecours de leurs armes , Si qu'ils ne manqueroient plus déformais a leur parole. Après cette X ij Andronic II. et Michel s on" fils. An. ijo?q XXXIX. Les Turcs 5c IesTur:opules'e rac:ommolent avec es Cataans. ^achym. I, '. c. 29, iadr.  Andro- mc II. et Michel son fils. An. 1308. 4S4 HlSTÓIRE réconciliation, il fut arrêté qu'on iroït faire de concert le fiege de Zuruleou Chiorli. Les Catalans marchoient enavant, les Turcs & les Turcopules fuivoient.Les Catalans, arrivés les premiers prés de la place, voulurent avoir feuls la gloire de 1'emporter; ils n'attendirent pas la joncfion de leurs alliés pour 1'attaquer, mais ils furent repouffés avec perte. Les Turcopules, informés en chemin de cet j échec, n'allerent pas plus loin, & fe retirerent au fort d'Apres , oü ils furent regus par le Gouverneur. Quelques Turcs apprenant qu'il y avoit fur les cötes, des navires, s'avancent vers le rivage , dans 1'intention de s'en emparer pour paffer en Afie ; mais les Catalans les pourfuivent, les arrêtent, & les taillent en pieces. Ces divifions inteftines entre les Catalans & leurs alliés , ne pouvoienf manquer de caufer aux Grecs beaucpup de plaifir. Néanmoins il ne paroït pas qu'elles ayent eu des fuites, carnous verrons encore plus loin des " Turcs & des Turcopules fervir, même en affez grand nombre, dans l'armée Catalane.  nu Bas Empire. Liv. CV. 485 Les Catalans n'ayant pu obtenir des Génois la liberté de Berenger d'Entenca, envoyerent trois Ambaffadeurs a Jacques, Roi d'Arragon , pour le prier d'employer fon crédit auprès de la république de Gênes, en faveur de cet illuftre prifonnier, & en même-temps pour lui offrir la fouveraineté de tous les pays de 1'Empire Grec, dont ils avoient déja fait la conquête. Jacques leur fut gré de leur bonne volonté ; mais n'écoutant que les confeils d'une fage politique,' il refufa d'en profiter. II leur repréfenta que 1'état de fes affaires ne lui permettoit pas de leur porter aucun fecours; que d'ailleurs la Catalogne étoit trop éloignée de la Grece pour qu'il put entretenir avec eux des correfpondances , ni même conferver 1'Empire d'Orient, quand il s'en mettroit en poffeffion. II leur confeilla de s'adreffer plutöt a Fréderic, Roi de Sicile, fon frere. Au refte, il leur promit de s'intéreffer a la délivrance de Berenger. Les trois Ambaffadeurs des Catalans ayant pris congé de ce Prince, fe rendirent a la Cour de Clément V. Dans une audience qu'ils euX iij Andronic II. et Mlïhel son fils. in, 130s, JOL Berenger brt de :aptivité. Munt. c. 129. Zurita t Ann. Arag. tart. i. /. '■>. c. 2. Monc. c.  Andro- kic II. et Michel son fils. An, 1308. 1 ] 1 I i ( j 1 j < I 1 i < £ 1 4$fl HlSTOIRE rent du Pape, ils firent beaucoup va« loir auprès du St. Pere 1'occafion qui fe bréfentoit de foumettre les Grecs a fon obédience, s'il vouloit feeourir les Catalans. fis lui demanderent pdurie Roi de Sicile 1'inveftiture de 1'Empire de Conftantinople , & Ie fupplierent en même-temps de faire publier une croifade, & d'accorder mdulgence pléniere a ceux qui prenIroient les armes, ou qui ouvriroienf eurs bourfes pour aider Fréderic a nonter fur ce nouveau tröne. Le 3ape, qui craignoit encore plus 1'a[.randiffement de la maifon d'Arragon , qu'il ne defiroit le retour des Srecs a l'Eglife, ne gouta pasce proet; il fitnaitre, pour 1'éluder, mille lifficultés; de forte que les Ambafadeurs fe retirerent fans avoir rien )btenu. Cependant les députés que e Roi Jacques avoit envoyés k Gêles , fe plaignoient vivement de 1'inulte que la nation Génoife avoit faite leur maitre, en arrêtant contre la foi les traités, & en mettant aux fers un Ie fes plus grands vaffaux. Cesplaintes toient accompagnées de menaces, fi lerenger ne fortoit au plutöt de cap-  ?)u Bas-Empire. Liv. CV. 4Ï7 tivité , s'il ne recouvroit fes navires ; avec tout ce qu'on lui avoit pris, & fi de plus il n'obtenoit une indemnité proportionnée au dommage qu'il1 avoit foufFert par la détention injufte de fa perfonne , & par la faifie de fes efTets. La République n'ofa pas réfifter ouvertement, mais elle eut recours k quelques-unes de ces défaites puériles , a ces menfonges politiques dont les PuifTances ont coutume de fe fervir pour pallier 1'injuftice de leurs entreprifes quand elles ne réuffiffent pas, & dont la partie offenfée fait toujours femblant de fe contenter. Elle répondit que cette facheufe aventure avoit été occafionnée par une querelle de matelots; que les mutins étoient devenus fi furieux, qu'il n'avoit pas été au pouvoir du Général de leur faire entendre raifon, &c que dans la crainte qu'ils ne fe portatfent aux dernieres extrêmités, il avoit été forcé de diffimuler le mauvais traitement fait k Berenger; qu'au refte, on alloit le mettre au plutöt en liberté; que quant au dédommagement exigé, c'étoit une affaire qui demandoit d'être müreX iv A.NDRONIC II. ET Ml- :hel sou fils. ïtt, 1308.  Andronic II. et Michel s02 fils. An. 1308 1 | j i C e I 48S HlSTOIRE ment pefée; que Ia répubfique enverroit k Montpellier des comrniiTaires pour en traiter avec le Miniftre [ du Roi d'Arragon; mais qu'auffi elie vouloit de fon cöté que ce Prince torcat les Catalans a rompre toute alhance avec les Turcs, paree que ces barbares fe jettoient fur les poiTelüons des Genois en Grece, & les mettoient fu pillage; ce qui leur caufoit un tort mappréciable. On promit aux Génois de les fatisfaire fur ce dernier arti, de, fi eux-mêmes étoient fideles a leur parole. Les députés des deux l uilTances s'étant rendus au lieu du congrès, ytinrent plufieurs conférences; on y difputa beaucoup, & les plempotentiaires de la républiquegerent de tant de fubterfuges , que Berenger fut obligé de fe contenter le Ia hberte; il ne put rien recouvrer de ce qui lui avoit été volé. Be■enger, quoique dénué de tout & ansaucune reffource, ne vouloit pas ependant abandonner fes projets de ortune, de conquete & de vengeane. II s adrefla au Roi de France & u Pape, pour effayer s'il auroit le redit de les engager a embrafler la  du Bas-Empire. Liv. CV. 489 caufe des Catalans qui étoit aufli Ia fienne. Le St. Pere periifta dans fa première réfolution. Pour Philippele-Bël, il ne fe trouvoit pas alors1 en fituation de faire fortir de fes Etats des troupes, & encore moins des fecours pécuniaires. D'ailleurs , il avoit lui-même des prétentions fur 1'Empire de Conftantinople pour le Comte de Valois fon frere ; par conféquent, il ne devoit pas être fort emprefle de concourir a établir en Grece Ia puifTance d'une nation naturellement peu difpofée pour la Francer & qui certainement préféreroit toujours un Prince de la maifon d'Arragon a un Prince Francois, pour le faire jouir du fruit de fes vittoires. Berenger n'éprouvant que des refus de toutes parts, palfe en Catalogne, y vend une partie de fon bien, leve a fes dépens une troupe de cinq cents braves, & s'embarque avec eux fur un grand navire qui Ie conduit è Gallipoli. Le retour de Berenger d'Entenca s?etint Ferdinand Ximenès d'Arenos dans le parti des Catalans, qu'il écoit prés d'abandonner une feconde fois. X v Andronic II. et Ml- :hel son fils. Ka. 130S. XLI. Ferdinand Ximenèsl'Arenos tromp e  Amiuo- mc II, BI Mj- rus. An. 130S. les Grecs. Pachym. I, 7- 30» . Andr, 1 1 « 1 1 I 1 ( 1 f f 1 & F fa d d £ ï 4 90 Ff I S T O I R E II avoit même déja fait un traité fscret avec 1'Empereur. Quoiqu'il eüt Ehangé tout-a-coup de réfolution, il ne jugea pas cependant a propos de rompre ouvertement avec ce Prince; il feignit toujours d'être dans fes inérêts; & pour mieux Ie tromper, I 1'avertit d'une confpiration que la zeuve d'Afan tramoit pour venger Ia nort du Céfar fon gendre. Andronic econnut que la dénonciation n'étoit p*e trop bien fondée, il s'affura de a perfonne de fa fceur, L'Empereur r 1'après cet avis , ne doute plus de 'entier dévouement de Ferdinand Xinenès d'Arenos;. il s'empreiTe de lui. mvoyer des députés avec deux triemes pour le conduire a Conftahinople.. Ces triremes, en abordant Jr la cöte, rencontrentle batiment ui a ramené Berenger d'Entenca I fe mettent en devoir de 1'attaquer. erdinand fait dire que la plupart des ommes qui montent ce navire font e fa fuite, qu'il va donner des orres pour qu'ils en defcendent la nuit üvante y & qu'alors les Grecs pour)nt s'en emparer s'ils Ie veulent. our füreté de fa parole, il envoie  nu Bas-Empire. Liv. CV. 491 a bord de ces mêmes triremes plufieurs coffres très-pefarïts, qui contenoient, difoit-il, tous fes tréfors. Le lendemain les Grecs faifant leurs difpofitions pour fe rendre maïtres du vaiffeau de Berenger, font fort étorrnés de voir que Péquïpage en eft confidérablernent augmenté, Sc même d'y reconnoitre plufieurs des Officiers de Ferdinand» Ils commencerent a foupfonner qu'ils avoient été joués, Sc ils en furent convaincus lorfqu'on eut ouvert les coffres que Ferdinand leur avoit fait remettre, Sc qu'aulieu des ricbeffes dont on les croyoit remplis, il ne s'y trouva que du fable Sc des pierres. Les députés d'Andronic fe retirerent tout confus, Sz allerent I'inftruire de cette perfidie. Berenger d'Entenca, en revenant a Gallipoli, y rarnena avec lui la difeorde. II voulut reprendre dans l'armée l'autorité dont il avoit jouiavant fa détention. Rocafort s'y oppofa, prétendant que c'étoit a lui qu'appartenoit le commandement fuprême, puifqu'il avoit été nommé Généraliffime des troupes. Berenger , fier de ia naiffance, fe trouvoit humilié d'êX vj Andronic II. et Michel son fils. An. 13084 XL1I. Le coril*mandement par-, tagé entre les chefs des Catalans. Monc, f. 47- Nic. Greg, l. 7. «• 4-  Andro- s1c II. et Mlchel sos fiis. An. 1308 1 1 1 i 1 1 < 3 < c C l X 492 HlSTOIRE tre fubordonné a Rocafort. La no* bleffe s'étoit rangée de fon cöté; mais fon rival avoit pour lui Ie foldat, paree que, fans être homme de quahté, il favoit en le menant au combat, lemener prefque toujours a la viftoire. Bientöt on vit naitre dans 1 armée deux faclions, qui fouvent paroilToient vouloir décider leurs querelles par la voie des armes. Plus d'une fois les deux partis furent fur le point d'en venir aux mains. Cette ménntelligence ouvrit la porte a une multitude de défordres: il n'y avoit plus parmi les troupes ni difcipline, m fubordination ;. c'étoit une anarihte univerfelle. Enfin, comme les jhofes ne pouvoient fubfifter longemps daris cet état, quelques peronnes bien intentionnées , 8c qui itoient demeurées neutres, ofFrirent éur médiation pour rapprocher les fprits. Ces généreux conciliateurs fient tant, qu'ils engagerent enfin Roafort 8c Berenger a s'en rapporter la décifion des douze Confeillers e l'armée.. Ces juges, après avoir ien délibéré, prononcerent que Beenger^ Rocafort 6c Ferdinand Xi-  nu Bas-Empire. Liv. CV. 493menès commanderoient chacun de fon cöté, & que les foldats auroient la liberté de fuivre celui des trois auquel ils jugeroient a propos de s'at-1 tacher. Ce fut l'expédient le plus convenable, & même le feul qu'on pouvoit prendre en pareille circonftance. Tous les partis fe foumirent k ce jugement, & parurent fe réconcilier a rextérieur ; mais dans le fonds ,. ils ne &'en haïïïbient pas moins. Ferdinand Ximenès d'Arenos pouvoit , d'après le jugement porté par le confeil des Douze, faire bande a part , & agir de fon cöté comme il L'entendroit, fans relever de perfonne ; mais il ne voulut pas fe féparer de Berenger d'Entenca. On lui fut gré de cette aftion , qui s'annoncoit fous les dehors d'un noble défintéreffement 5 dans la réalité, ce n'étoit que 1'efFet de la crainte que lui infpiroit 1'ambitieux Rocafort. II appréhendoit que ce redoutable rival ne tournat fes armes contr'eux , & ne les écra fat 1'un après 1'autre; car les Turcs, les Turcopules les Almogavares, &s tout ce qu'il y avoit de plus- deler*- Andronic ii. ET Ml- :hel son fils. ta. 130?.. xliit; Ferdiïand Xi-nenèsi'Arenos "e réunir k Beren»er d'Entenca. Munt, e. 229. Monc, c, 4.7. 48. Zurita '0 Ann. Arag. Mariana a i.i5.  Andronic N. ET MlGHEt son ] fks. An. i JoS. ' 1 1 i < F c V t XLÏV. Fruilla prife & r rlétruite t par les f Catalans. Munt. c. r a.29 & r F £.unta , Monc. c, fj * C P V V ei cl HlSTOUE miné parmi la foldatefque, s'étoient rangés, ainfi qu'on Va déja dit, fous res étendards. Les fiers Arragonois & a nobleffe fuivirent Berenger d'Enenca, comme le feul digne par fa laiffance de les commander. Pour Muntaner, il continua de faire fa réidence a Gallipoli, en qualité de ïouverneur ; il ne fe déclara pour erfonne en particulier, & eut Ia onfiance de tous. Le s nouveaux chefs oulant fe fignaler k 1'envi, entreent bientor en campagne* En ce même temps, un Génois ommé Ticin Jaqueria, vint fe jeter entre les bras de Muntaner. Beoit Jaqueria, un de fes oncles, au om duquel il avoit commmandé endant cinq ans dans la ville de ruilla, qui appartenoit k la répubque, venoit de mourir. Un frere u défunt, fon héritier & fon fuceffeur dans fa place, en étoit venu rendre poffeffion. Le nouvel oncle aulut faire rendre compte a fon neïu de fon adminiftration. II s'éleva str'eux des différendstrès-vifs. L'one partit pour Gênes, & alla porr fes plaintes au Sénat. Ticin eut  rit Eas-Emptre. Liv. CV. 495 avis que la république avoit expédié quatre galeres pour venir 1'enlever. Craignant les fuites de cette affaire, & ne fe fentant pas affez fort pour empêcher 1'exécution des ordres donnés contre lui, il crut devoir implorer le feeours des Catalans, Muntaner , ennemi mortel des Génois, fe félicitoit d'avoir trouvé une occafion de leur nuire; il acccueillit le rebelle, & promit non-feulement de le garantir des pourfuites des Génois „ mais encore de les faire repentir de leur deffein.. L'effet fuivit de prés fes promeffes; fans difFérer, il commande a Jean Muntaner, fon coufin , de fe mettre en marche h la tête d'un corps de troupes, & d'aller avec Ticin Jaqueria s'emparer de Fruilla. Ils arriverent la veille de Paques devant Ie chateau qui défendoit cette place , & s'en rendirent maitrespar furprife. La fortertffe une fois emportée ,1a ville ne tarda pas a fe rendre; elle n'avoit aucun rempart, & n'étoit habitée que par des Grecs employés aux manufactures d'alun,. dont il fe fabriquoit une grande quantité dans ce canton. Les vainqpeurs mirent Fruilla au pillage»- Andro- n1c II. et Michel so-n fils. An. i-joSi  Andronic II. et Michel son fils. An. 1308. ] ] » 1 ( 1 < f i 496* HlSTOIRE Dans le nombre des précieux effefs qui devinrent leur proie, fe trouverent trois reliques, que les Mufulmans avoient autrefois mifes en gage , entre les mains de Benoït Jaqueria. On prétendoit les avoir tirées du tombeau de St. Jean a Ephefe , Sc elles confiftoientdans un morceau de la yraie croix, que ce Difciple bien-aimé avoit porté'au col depuis Ie temps de la Paffion jufqu'a la fin de fa vie; dans Ie manufcrit autographe de fon Apocalypfe , & enfin fans une aube dont il fe fervoit pour lire la mefTe, Sc que la Sainte Vierge ivoit travaillée de fes mains ; ainfi Ie :royoient fermemenr, Catalans , Gélois, Grecs, Tartares & Turcs, tous uiffi verfés les uns que les autres dans losantiquitéseccléfiaftiques. Comme a ville de Fruilla éioit fort élöignée- 1 les quartiersde l'armée Catalane, Jean Muntaner ne jugea pas a propos de la :onferver; il Ia ruina de fond en conijle, Sc reprit enfuite Ie chemin de Talüpoli. Ticin Jaqueria s'étoit a la érité vengé de fon oncle, en trahifmt fa patrie; mais ce funefle fuccès 'avoit pa^ beaucoup avancé fa for-  i>u Bas-Empire. Liv. CV". 497 tune. II eut donc de nouveau recours aux Catalans, & il les pria de 1'aider a fe former quelqu'établiffement. Muntaner lui donna un certain nombre de foldats, avec lefquels il fit une defcente dans 1'ifle deThafe,& s'y miten poffeffion d'une place forte & de tout le territoire dont elle étoit environnée. Le commerce des Génois de Galafa ne pouvoit manquer de fouffrir beaucoup des divifions qui s'éioient élevées entr'eux & les Catalans. Leurs vaiffeaux marchands n'ofoient plus fe montrer dans les mers deGrece, fans être infultés par les corfaires Efpagnols. L'ancien Magiftrat, que la république de Gênes entretenoit a Conflantinople pour y rendre la juftice a ceux de fes fujets qui réfidoient dans 1'Empire , venoit d'être remplacé par un autre. Ce nouvel Officier, touché des dom mages que fes compatriotes effuyoient journellement de la part des Catalans, tint confeil avec lesprincipaux de la nation pour délibérer enfemble fur les moyens d'arrêter le cours de ces défaftres. II fut décidé d'una Andronic II. et Michel son fils. An. 130S. XLV. Paix des Génois avec les Catalans. Pachym. U 7. c. 17. Andr,  ANDRONIC II. et Michel SO] EILS. An. 130S XLVI. Rocafort s'avance vers Conftantinople.Pachym. I. 7- ft 27Andr, ^498 HlSTOIRE 'commune voix , qu'il falloit fe réconcilier au plutöt avec des adverfaires fi formidables ; & le Magiftrat 'fe chargea lui-même d'aller trouver leurs chefs. Cette démarche donna de 1'inquiétude k Andronic; il fit tout ce qu'il put pour s'y oppofer. Les Génois lui déclarerent qu'ils ne changeroient point de réfolution; qu'au refte, il pouvoit être sur que leur traité avec les Catalans ne lui porteroit aucun préjudice; qu'ils n'avoient d'autre intention que de procurer a leur marine marchande la li- j berté des mers ; qu'ils étoient réfolus de vivre toujours en bonne intelligence avec les Grecs; que jamais ils ne favoriferoientni directement, niindireélement les Catalans dans leurs entreprifes contre 1 Empire , & ces promeffesfurent appuyées des plus horribles ferments. Andronic, voyant fes repréfentations inutiles, prit le parti de faire accompagner le Magiftrat des Génois , d'un Ambaffadeur chargé de traiter en fon nom avec les Catalans. Cet Ambaffadeur avoit ordre d'ofFrir a leurs Capitaines, de la part d'Ao-  du Bas Empire. Liv. CV. 400 dronic, les plus grands avantages, s'ils vouloient feulement permettre de prendre parti dans les troupes impériales a ceux de leur nation qui en auroient le defir. Les Catalans accorderent aux Génois tout ce qu'ils voulurent; mais ils fe montrerent beaucoup plus difficilesavec les Grecs. Rocafort s'en tenant toujours aux réponfes qui avoient été faites déja tant de fois a Andronic, vouloit que ce Prince commencat par payer aux Catalans les fommes qu'il prétendoit leur être dues anciennement pour leur folde, qu'il rachetat d'eux toutes les villes, bourgs & fortereffes dont ils s'étoient rendus maïires, ainfi que tous les prifonniers qu'ils tenoient en leur pouvoir; il déclara que ce n'étoit qu'a ces conditions que luï & les fiens confentiroient, non pas h porter les armes en faveur des Grecs, mais a fortir des terres de 1'Empire; il ajouta que fi on ne fe hatoit de les fatisfaire fur chacun de ces articles, il alloit pouffer la guerre a toute outrance; & pour prouver qu'il ne vouloit pas s'en tenir a de fimples menaces, a peine l'Ambaf- Andro- nic ii. et Mlghee so*f fils. 1 An. 130S.  Andronic II. et Michel son fiis. An. 1308. 1 1 1 i i 500 HlSTOIRE fadeur d'Andronic fut parti, qu'il mit fes troupes en mouvement pour s'avancer vers Conftantinople. Au bruit de fa marche, tout eft en aliarme. Les gens de la campagne abandonnent leurs terres , &z fuient avec ieurs troupeaux dans la capitale , ou la plupart n'eurent d'autre afyle que les rues & les places publiqués. La ville fe trouva remplie d'une fi prodigieufe quantité de bétail, qu'on fe vit forcé d'en tuer une grande partie ; ce qui procura une abondance momentanée qui fut bientöt fuivie d'une difette affreufe y a laquelle il étoit d'autant plus difficile de remédier, que les Impériaux avoient pris la funefte précaution de ravager euxmêmes les environs de Conftantinople pour mettre un vafte défert entre :ette ville & les Catalans. C'étoit prefgue le feul genre de défenfe que les tnalheureux Grecs connuffent alors. Pour l'Empereur Michel, il reftoit :oujoursenfermé dans Didymotique. foutes les forces de 1'Empire dans :es cantons, confiftoient en un corps le troupes légeres commandées par Ducas, grand Hétériarque. Cet Offt-  nu Bas-Empire. Liv. CV. 501 cier n'ofant atfaquer de front Rocafort , prit Ie parti de marcher fur fes traces, & de le harceler par de fréquentes efcarmouches. Ces petits combats, fans être bien décififs, ne laiffoient pas d'incommoder beaucoup 1'ennemi; ils retardoient fa marche, donnoient aux habitants de la campagne Ia facilité de fuir, & a ceux de la capitale le temps de fe mette en défenfe. D'un autre cöté, lagarnifon de Chiorli ayant repris courage , vint fondre fur le fort de Redefte , égorgea le petit nombre de Catalans qui le gardoient, & y fit un riche butin. A cette nouvelle, Rocafort rebrouffe chemin pour venir au fecours de Ia place; ainfi Conftantinople, par cette heureufe diverfion, fe trouva délivrée une feconde fois des armes des Catalans. Rocafort, défefpéré d'avoir perdu le chateau de Redefte , fe mit en devoir de le reprendre. II 1'invefiit & fit dreffer une balifte qui jour & nuit lancoit fur la place des pierres d'un poids énorme. Le fort eüt bientöt été réduit en poudre, fi ceux qui faifoient jouer cette machine euffent fu Andronic II. et Michel som fils. An. 130S. XLVIÏ, II reprend Redefte.Pachym. 7. 7. «. a6« Andr,  Andronic II. et Ml- CHEI. SON FILS. An. 1308. 1 t 4 ] ï 1 4 $QÏ HlSTOIRE mieux ajufter leurs coups. Le fiege traina en longueur; cependant la garnifon épuifée par les travaux, manquant de vivres & de munitions, demanda a capituler. Rocafort, irrité de la réliftance que les affiégés lui avoient oppofée, & de la perte qu'il avoit faite fous leurs murs, d'un grand nombre de fes meilleurs foldats, juroit de les paffer tous au fil de 1'épée. Les affiégés fe reffouvenoient encore du traitement affreux qu'ils avoient efïuyé la première fois que les Catalans s'étoient emparés de leur ville. Ils députerent a Rocafort les plusqualifiésd'entr'eux, avecun Evêjue a leur tête. Ce Prélat s'exprima i'une maniere fi touchante, que Rorafort fe laiffa enfin fléchir: il vouut bien accorder aux habitants la vie, i condition qu'ils fortiroient de la jlace fans emporter ni argent, ni efrets ; cependant il permit a ceux qui /oudroient vivre fous la loi du vainmeur d'y refter, pourvu qu'ils lui ivraffent ce qu'ils avoient de-\plus srécieux. C'eft ainfi que Redefte reomba de nouveau dans la dépendance les Catalans.  du Bas-Emmre. Liv. CV. 50 Rocafort, après cet exploit, fe mi en marche pour aller affiéger Nona tandis que Berenger d'Entenca , di fon cöté, fe porta vers Megarix. Pen dant que Pun & 1'autre étoient oc cupés a ces deux fieges, on vit ar river a Gallipoli Don Ferdinand, fil du Roi de Majorque , avec quatn galeres. II venoit de la part de Fré deric fon coufin, Roi de Sicile. Quel ques années auparavant, Fréderic s'étoit montré affez indifférent aux propofitions que lui avoient faites les Catalans, de le • econnoïtre nnnr Jpm Souverain , s'il vouloit les fecourir, ™°nc' * paree qu'alors ils luiparoiffoient dans Pachym. h une pofition défefpérée; mais voyant 7: c-' 34que leurs affaires avoient pris une "ir' tournure plus heureufe, il avoit changé de fyftême. L'arrivée de Don Ferdinand caufa une grande joie a toute Farmée des Catalans. Berenger d'Entenca n'enjfut pas plutöt infïruit, qu'il quitta le fiege de Megarix, pour vevir faluer ce Prince, lui prêter ferment, & le reconnoitre en qualité de généraliffime de toutes les troupes. Ximenès d'Arenos accourut auffi de Madyte pour lui rendre également ' - Andro- * nic II. ; et Ml. chel son f1is. An. 1308. ' XLVIII. ! D. Ferdi- . nand arrivé a Gallipoli. 1 Munt. c. , 130. Zurita, Ann. Arag. part. 1. I. 6. c 9.  Andronic II. et Michel son fils. An. ijoS, XLIX. 11 fe pré ■fente pour commander l'armée Cata lane , comme Lieurenant de Fréderic Roi de Si cile. Munt, c 230. 504 HlSTOIRE hommage. Rocafort étoit dans des difpofitions bien différentes. La préfence de Don Ferdinand lui caufoit un fecret dépit, paree qu'elle dérangeoit fes pro jets d'ambition. N'ofant pas lui refufer ouvertement obéiffance, il lui fit dire que le fiege de Nona étoit trop avancé ; qu'il ne pouvoit le quitter dans le moment préfent, fans courir les rifques de perdre le fruit des travaux & des peines que cette place lui avoit déja coütés ; qu'ainfi il le prioit de 1'excufer, s'il n'alloit point en perfonne le faluer, & il finiffoit par 1'inviter a venir luimême le trouver fous les murs de Nona. Cependant Rocafort, dans ces circonftances critiques , ne s'oublioit pas; il cabaloit fourdement avec fet amis, & tachoit de difpofer les efprits è favorifer fes deffeins. L'Infant fe mit donc en route avec une fuite brillante , & en trois jours il fe rendit au camp devant Nona. Rocafort lui fit Ia réception la plus diftinguée. L'Infant ne doutoit pas qu'è 1'exemple de Berenger d'Entenca, il ne fe portat de fon propre mouvement  nu Bas-Emi'Irr. Liv. CV. 505 ment a le reconnoitre pour chef de toute l'armée, & qu'il ne lui fit ferment de fidélité comme au Lieutenant de Fréderic. Plufieurs jours s'étoient déja écoulés, & Rocafort feignoit toujours d'ignorer ce qu'on attendoit de lui. Enfin, Don Ferdinand, jmpatient de voir qu'il s'obftinoit a garder le filence, lui dit qu'il avoit des lettres a communiquer a l'armée de Ia part du Roi de Sicile fon coufw, & qu'il vouloit lui notifier de vive voix 1'objet de fa milïion; qu'ainfi il le prioit de donner des ordres pour convoquer tous les Catalans. Rocafort obéit de bonne grace, & indiqua 1'affemblée générale pour le jour fuivant. II avoit eu foin aux premières nouvelles de Farrivée de Don Ferdinand, de répandre dans le camp, des émiffaires qui infinuerent adroitement aux foldats, qu'il ne falloit pas recevoir 1'Infant en qualité de repréfentant du Roi de Sicile, fans une müre délibération. Cette précaution lui avoit paru néceffaire, paree qu'il craignoit que l'armée, en voyant Don Ferdinand, ne le reconnüt fur le champ par acclamation; ce qui auTome XXllh Y Andronic II. et Michel son fils. An. 1308. Monc. u Bas Empire. Liv. CV. 507 fi délicate püt fe traiter au milieu d'une grande multitude; que ces affemblées publiques dégénéroient prefque toujours en cohues tumultueufes, qui ne produifoient que défordre &confufion, & il finit par leur faire entendre , que pour obvier a toute difficulté, il étoit néceffaire de choifir cinquante perfonnes d'une capacité & d'une prudence reconnues, qui feroient chargées d'examiner avec lui fous tous les afpefts poffibles, la propofition de 1'Infant, d'en pefer les avantages & les inconvénients, & qu'enfuite leur décifion feroit portée devant toute l'armée , pour qu'elle 1'approuvat ou la rejettat, fuivant qu'elle le jugeroit a propos. Cet avis fut recu avec de grands applaudiiTements. Jufqu'alors tout réuffiffoit fuivant les vceux de Rocafort. II avoit bien fenti qu'il lui feroit plus aifé de gagner un petit nombre d'hommes,. que toute une multitude. D'ailleurs, ü étoit prefque certain de faire tomber tous les fuifrages fur des gens qui lui feroient dévoués. Dès que l'éleéfion des cinquante Confeillers fut faite, Rocafort s'emYij Andro- nic II. et Michel son fils. An. 1308. L. Difcours de Kon*  Andronic H. et Ml- CHELSON FILS. An. 1308. fort a ce fujet. ! Monc. c, , 50. $0% . II I S T 0 I R E preflade les affembler, & leur paria en ces termes: » Amis & camarades, •» 1'arrivée de 1'Infant Don Ferdinand > efl: un des plus heureux événements > que nous puffions efpérer. C'eft, » fans doute, la main du Maïtre de * 1'ünivers qui 1'a conduit au milieu > de nous, cette main toute-puiflan- > te, qui nous a fait triompher de > tant d'ennemis, & qui nous a éle- > vés a ce degré de grandeur oü nous > fommes parvenus. Livrons avec > confiance notre liberté & notre vie » a ce digne rejetton du fang de nos > Rois, & reconnoilTons-Ie, non en. ' qualité de Lieutenant de fon cou» fin, mais comme Prince Souverain ' & indépendant. Ce feroit certes ' une grande faute, fi avec le droit ' de nous choifir un chef, nous al■ lions donner la préférence a un > Monarque, qui, occupé d'ailleurs ' du gouvernement d'un vafte Etat, > vivroit éloigné de nous; plutöt que > de jetter les yeux fur un Prince > qui fe trouvant fans domaine, peut > s'attacher a nous & courir avec > nous les hafards de Ia bonne ou de > la mauvaife fortune. Recevoir pour  «u Bas-Empire. Liv. CV. 509 » maïtre Fréderic, Roi de Sicile, ce' » feroit aller au-devant de la fervi» tude. Comme il ne pourra nous » affiffer en perfonne , il enverra < » quelqu'uii de fes courtifans pour^, » commander cette armée vi&orieu» fe , 8c gouverner les Provinces » qu'elle a conquifes. Quelle difgra» ce pour des gens pleins d'honneur, » & couverts d'une gioire immor» telle due a leurs triomphes, de re» cevoir des ordres de tout autre que » de leur Souverain I Fréderic, n'en » doutez pas, fera toujours duRoyau» me de Sicile fon objet de prédi» lection; & s'il daigne quelquefois » porter fes regards jufqu'a nous, ce » ne fera que quand les affaires de » fes autres Etats ne fixeront plus » fon attention. D'ailleurs, la balance » ne feroit point égale entre lui & » nous. Les travaux, les dangers, les » pertes, les infortunes, feront pour » nous feuls; la gloire & le pront » feront tout entiers pour lui. Si » nous périffons fous le glaive de 1'en» nemi, ou fi nous tombons dans les » fers, Fréderic n'en confervera pas » moins la vie Sc la liberté, &c ne Y iij Andronic ii. et Mihel son fils., kfi. 130S.  Andro- KIC II. ' ET Ml- > CHEL SON , FILS. An, 1308, * >. » » » » » » »> » » flO HlSTOIRE > perdra rien de fa grandeur. Si nous ► nous rendons maïtres de nouvel' lesProvinces, elles deviendront fa ■ poffeflion, & il ne nous reftera que I la peine de les avoir conquifes; une chétive paye fera tout au plus notre récompenfe. Quand vous le quhtates pour paffer en Grece, que recütes-vous de lui en reconnoiffance des fervices fignalés que vous veniez de lui rendre ? Un peu de bifcuit , quelques provifions de bouche de la plus vile qualité, telles qu'on auroit honte de les don- " ner a des ferfs ou a des efclaves, Non , mes amis, non, il nenous convierit point de reeonnoitrepour Roi Fréderic, lui qui nous a traité avec tant d'indifférence , lorfque nous avions fort befoin de fon fecours , & que nous implorions avec tant d'inftance fa proteöion. Aujourd'hui il penfe a nous, paree qu'il nous voit dans une pofition affez floriffante , & qu'il y trouve fon avantage ; & même dans ce moment-ci, quefait-il pour nous? II ne nous envoie ni armes, ni vaiffeaux, ni foldats, ni munitions,  rw Bas-Empire, Liv. CV. 511 » ni argent, ni aucune des chofes né» ceffaires pour foutenir Ia guerre. » II fe contente de nous faire préfent » d'un Général, comme fi nous en *> avions manqué jufqu a ce jour. Eft» ce fous un chef mis de fa main que » nous avons fait tant de conquêtes, » remporté tant de vicfoires, cueilli » tant de lauriers } Souffrirons-nous » que le prix de nos fervices foit li» vré a la difcrétion de fes Minif» tres, & diftribué fuivant le caprice » de ces hommes fur qui la palfion » a plus de pouvoir que 1'équité , » & qui confultent toujours leur in» térêt, & jamais le bien public. L'u>> fage de ces repréfentants des Sou» verains eft de traiter les Provinces » qu'ils gouvernent comme un pays » conquis. Ne devant jouir de leur » place que pour un temps, ils s'em» preffent d'en tirer le plus de pro» fit qu'ils peuvent, fans fe foucier » de ce qu'il en fera pour 1'avenir. yy Fréderic étant a une fi grande dif» tance de vous, vos requêtes arriy> veront toujours trop tard au pied yy de fon tröne; & quand elles y par» viendroient plutöt, il ne faudroit Y iv Andr onic ii. et Michel son fils. An. 1 joS.  Andronic II. et Michel son fils. An, 1308,1 1 i ) ) » i » * >, fi a » w » » » » » LI. La fouve» 1 ïaine au- ÏJS H I S T O-I R E •> pas attendre de lui plus de fecours •> qu'il ne vous en a envoyé depuis •> fix ans que vous follicitez fa pro) te&ion. Je conclus donc 'a ce que ► Fréderic ne foit point notre Sou- ► verain. Appellons a cette dignité ► un Prince qui, comme je Fai déja ► dit, yive au milieu de nous, qui ► ioittémoindenosacfions,quivoie ' c? q»e nous ferons pour fon fer- ► vice, qui s'occupe de nous comme 1 de lui-même, qui confonde fes in' térêts avec les nötres, qui courre 1 les mêmes hafards que nous, & qui partage avec fes fujets leurs defhnées. Que Fréderic jouiiTe en paix de la Sicile, que nous lui avons acquife au prix de notre fang, qu'il laiiTe k Don Ferdinand fon coufin les travaux d'une guerre incertaine & périlleufe, qu'il ne lui envie point la polTeffion de quelques Provinces ruinées que nous avons enlevées aux ennemis, ni 1'efpérance de faire encore dans ces régions lointaines de nouvelles conquêtes " .' Ce difcours prononcé avec chaur, produilit un grand effet fur 1'ef-  nu L»as>Empire. Liv. CV. 513 prit des Confeiliers; tous furent de 1'avis de Rocafort; & fans autre délibération, deux d'entr'eux fortirent du üeu de raffemblée, & allerent 1 proclamer dans le camp la décifion du Confeil, en la motivant des raifons que Rocafort avoit fait valoir. Les troupes la ratifierent par acclamation. Auffi-töt les cinquante Confeiliers fe rendirent en corps auprès de Don Ferdinand pour lui notifier les intentions de l'armée. Ce Prince répondit qu'il étoit venu trouver les Catalans de la part de fon coulin ; qu'il vouloit exécuter ponctuellement fes ordres, 6c que ce feroit manquer a fon devoir 6c a fon honneur , s'il confentoit a prendre un autre titre que celui de Lieutenant de Fréderic. Rocafort s'étoit bien attendu a cette réponfe. Cependant il faifoit courir le bruit que 1'Infant ne rejettoit les propolitions qu'on lui ofFroit, que pour fe ménager une excufe auprès de Fréderic, 6c qu'enfuite il fe rendroit. Cette rufe trompa une grande partie des troupes , qui nfauroient peut-être pas manqué de fe déclarer pour le Roi de Sicile, fi elles euffent Y v Andronic II. et Ml- :hel son FItS. in. 1 30S. orité offerte a Don Ferlinandjui la re? Eufe,  Andro NIC II. et Michel so: fils. An. 1 joS 5*4 Hl S t 0 IR E ?crn fincere le refus que faifoit Ferdinand, d'accepter la fuprême autorité. L'Infant, de fon cöté, croyoit «toujours que ce qui lui avoit été dit . de la part de l'armée, n'étoit que purs 'compliments, & qu'elle finiroït par fe foumettre. Quinze jours fe pafferent dans cette incertitude de part & d'autre. Rocafort gagnoit du temps, & c'étoit tout ce qu'il defiroit : il fut en profiter pour infpirer aux foldats qui lui étoient dévoués , fes vrais fentiments; car dans la réalité, il ne vouloit pas plus de Ferdinand pour chef que de Fréderic. II n'avoit fait offrir la feuveraineté a 1'Infant, que paree qu'il étoit fur que ce Prince la refuferoit. D'un autre cöté, il n'y avoit point d'apparence que les Catalans , après avoir donné fi hautement 1'exclufion a Fréderic , ofaflent revenir enfuite a lui ; ils auroient craint, fans doute, que le reffentiment de cette offenfe n'eüt influé dans 3a conduite de ce Prince a leur égard. Rocafort, ayant écarté par cesftratagêmes les deux plus redoutables concurrents qu'il put avoir, fe voyoit^en état de 'ne pas craindre fes autres ri-  nu Bas-Empire. Liv. CV. $1$ vaux ; car il avoit a fon commandement les meilleures troupes de l'armée Catalane. Cependant toutes ces intrigues ne Pavoient point empêché de pouffer avec vigueur le fiege de Nona. Les Grecs qui défendoient cette ville perdirent courage lorfque 1'Infant arriva, paree qu'ils crurent que ce Prince amenoit aux alïiégeants un puiffant renfort; ils s'emprefferent de Ie rendre a Rocafort,. qui- ne leur laiffa que la vie. On apprit en mêmetemps que Megarix avoit auffi ouvert fes portes aux troupes de Berenger d'Entenca. La perte de ces deux villes, Sc les conquêtes que les Catalans continuoient de faire en Thrace, réduifoient k peu de chofe la domination impériale dans cette Province. L'état des affaires du cöté de 1'Orient n'étoit pas moins déplorable. La plupart des places qui reftoient encore aux Grecs en Afie étoient défolées, nonfeulement par les armes des Turcs, mais encore par la famine. Ce dernier fléau faifoit fentir fes cruels-effets dans une affez grande étendue de pays, L'Empereur forc^ les Moines Y vj Andronic ii. et Michel son fils. An. 1308, Lil. Exploits d'un Moine guerrier. Pachym. I. 7, c I7« Andr.  Andronic II. et Michel son fils.. An. 130S. : 1 1 < < J 1 5I<$ U I S T O 1 R E qui avoient leurs magafins remplis de grains, de venir au fecours de leurs concitoyens, & departager avec eux leur abondance. Ils auroient encore rendu de plus grands fervices a 1'Etat, fi tous euflent pu fuivre 1'exemple de leur confrère Hilarion. Ce jeune Moine étoit du Monaftere de Periblepte. Envoyé a Elegmos, pour y adminiftrerles biens du Convent,il voyoit avec dbuleur les Turcs ravager les terres de cette maifon, & en maffacrer impunément les cultivateurs. Se fentant tout-a-coup animé d'une ardeur martiale, il raflemble autour de lui une troupe de payfans, fe meta leur tête , fond fur les infideles, & les sbüge de prendre la fuite : il devint rellement la terreur des Turcs, qu'ils ï'ofoient plus paroitre dans ces canons. Tandis que tout retentiffoit de "es Iotianges, & que les habitants lu pays le combloient de bénédicions , fes fupérieurs le menacoient les plus terribles anathêmes. Le Pariarche fur - tout étoit furieux , de :e qu'au mépris des eonftitutions moïaftiques, il avoit empêché une mulitude d'innocents d'être égorgés par  nu Bas-Empire. Lrv. CV. 517 les Barbares. Hilarion, qui connoiffoit 1'hiimeur du terrible Prélat, fut effrayé ; il quitta les armes, Si vint fe réfugier auprès de l'Empereur. Ce Prince lui fit beaucoup d'accueil, le prit fous fa protection ; mais il n'eut pas le crédit de le réconcilier avec Athanafe. A peine Hilarion fe fut retiré, que les Turcs reparurent dans les environs d'Elegmos, &y recommencerent leurs brigandages. Les habitants redemandent k grands cris leur premier défenfeur. Andronic ne peut réfifter aux follicitations de ces ïnfortunés, il ordonne a Hilarion de partir; Hilarion arrivé, & la victoire marche de nouveau fur fes pas. Les Turcs font chaffés de toute part; & tant que ce jeune guerrier refta dans ie pays, il fut le fléau des ennemis & le falut des habitants. Au refte , les fuccès de ce Moine belliqueux n'étoient qu'un bien foible dédommagement des pertesque 1'Empire faifoit journellemenr dans les autres contrées de 1'Afie. Ephefe étoit tombée au pouvoir de Saïfan, Emir Turc. Les Ephéfiens s'étoient rendus par compofuion fous la pro- Andronic n. et Michel son fils. An-, 1308, lui. Progrès des Turcs en Afie. Pachym. L 7. c. 413. Andr.  Andronic II. et Michel som fils. An. 1308, 3 1 ( 1 < 51? H I S T 0 I R E 'meffe qu'il ne leur feroit fait aucune violence; mais le perfide vainqueur ne leur tint point parole. Les Turcs pillerent une feconde fois le magnifique temple de St. Jean 1'Evangélifte; ils en enleverent les vafes facrés 6c les ornements; ils pafferent au fil de 1'épée un grand nombre d'hahitants, 6c tranfporterent les autres dans la fortereffe de Tyrée, qu'ils avoient auffi enlevée depuis peu aux Grecs. De fon cöté , Othman s'emparoit de tout le pays fitué aux environs de Nicée 6c de Pythie , 6c pouflbit fes conquêtes jufqu'aux bords de la mer. La nouvelle qu'il recut qu'un corps de trente a quarante mille Tartares venoit du fond de la Perfe par ordre de Kharbenda, frere Scfucceffeur de Cafan a 1'Empire des Vlogols du Khorafan, pour réprimer fes brigandages, ne i'intimida pas; ïu contraire, il n'en devint que plus mdacieux. H parcourut toute cette égion le fer d'une main 6c laflamne de 1'autre; il arracha les vignes, létruifit les récoltes, enleva les trou>eaux , renverfa les maifons, maffara les habitants, 6c vint mettre le  du Bas-Empirê. Liv. CV. 519 fiege devant Tricoccia. C'étoit une tortereffe fituée a quelque diftance de Nicée, & qui en faifoit Ie principal boulevard. Les afliégés comptoient beaucoup fur un foffé large & profond qui entouroit la place ; mais les Barbares eurent bientöt triomphéde cet obftacle; ils entrent dans le chateau , en égorgent la garnifon , puis ils en réparent les fortifications, & en font une place d'armes, d'oü ils efperent pouvoir faire tête a l'armée des Mogols. Pour comble d'infortune , on apprit que cet Attaleïote, a qui Roger de Flor avoit voulu faire la guerre, s'étoit révolté de nouveau. Au refte, il n'étoit pas le feul traïtre a fa patrie. Un grand nombre de Seigneurs Grecs, ou faifoient des traités avec les infideles,ou appelloient ceux des Princes Latins qui croyoient avoir des prétentions a 1'Empire. Ce Conftantin Ducas Libadaire, qui avoit arrêté Philantropene comme rebelle , entretenoit des liaifons fecretes avec le Comte de Valois, frere du Roi de France. Jean Monomaque , Gouverneur de Theffalonique , écrivoit a ce même Prince, qu'il étoit Andronic II, et Ml- :hel sosr fils. Ka, 1308^  Andronic II. et Michel soa fils. An. 1308, LIV. Caffien arrêté pour crime d'Etat. Pachym. I. 7- c. 14. Andr. 520 H I S T 0 I li E prêt a lui livrer la fortereffe de cette ville, & qu'il feroit révolter en fa faveur tous les Grecs qui étoient fous fon commandement. Dans le nombre de ces hommes mal intentionnés pour leur patrie, on diftingue encore un Seigneur nommé Caffien; il étoit gendre de l'Empereur, & grand Primicier. Andronic 1'avoit envoyé en Méfothinie poury commander. A peine avoit-il pris pofTefiïon de fon gouvernement, qu'on vit arriver dans cette Province un certain Bardales, chargé de pouvoirs pour lever fur tous les laboureurs un impót. Caffien le fit arrêter, & enfuite battre de verges en public. Les uns difent qu'il voulut fe venger de ce maltötier, qui 1'avoit accufé de confpirer contre 1'Etat; d'autres, qu'il cherchoit a plaire k la multitude , pour qui un pareil perfonnage, gémiffant fous les coups de fouet, ne pouvoit manquer d'être un fpectacle fort agréable. Au refte, quel que fut fon motif, une pareille violence étoit fans excufe. L'Empereur donna ordre au grand Primicier de venir lui rendre compte de fa con-  nu Bas-Emnre. Liv. CV. 521 duite. Caffien fe difpenfa , fous différents prétextes, d'obéir; enfin, il finit par fe retirer k Chelé, place forte fituée dans une ifle k Pentrée du Bofphore, bien réfolu de s'y défendre, fi on entreprenoit de 1'arrêter. Quelques habitants de Chelé, qui fe irouvoient alors a Conftantinople, 8c qui vouloient faire leur cour au Miniftere, promirent de fe faifir de Ja perfonne de ce rebelle, 6c de le livrer k l'Empereur. En effet, 1'ayant un jour furpris dans un moment qu'il étoit feul, 6c qu'il repofoit après fon diner, ils le garottent, le portent a 1'inftant fur un vaiffeau qui étoit tout prêt, mettent a la voile avant même que fes amis 6c fes gardes fe foient appercus de fon enlevement, 6c cinglent vers Conftantinople. L'Empereur vit Caffien fans daigner lui dire un feul mot; il fe contenta de l'envoyer dans le même lieu ou avoit été enfermé Cotany fe. Andronic choifit cette prifon, paree que Caffien avoit écrit au Préfet du Caniclée, fon beau-frere, que fi la Cour continuoit a 1'inquiéter, il fauroit 1'en faire repentir comme avoit fait Co- Andro- mc ir. et Michel son rus. An. 130S.  Andronic II. ïtMi- chelson fils. An. 130S. LV. Confpira- tion de Drimys. Pachym. I, 7- c 15. Andr, < 1 1 ] i i t X c 5-2 H I S T O I R. E tany fe. Cette aventnre fit grand bruif, & 1'on vit avec peine que les circonffances euffent forcé rEmpereur de fe priver des fervices d'un des meilleurs hommes de guerre qu'il y eüt peut-être alors dans tout 1'Empire. Ce n'étoit pas feulement des gens puïffantsqui ofoient confpirer contre 1'Etat: des aventuriers obfcurs avoient auffi la même audace. Un perfonnage nommé Drimys, quitta fon pays, fck vint a Conftantinople dans 1'efpoir de s'y avancer. II trouva le moyen de s'infinuer a la Cour. II n'y ap3prta pas a la vérité une réputation sien faine; mais ce ne fut pas, Sc :e ne pouvoit guere être une raifon >our l'empêcher d'y trouver des proeéteurs. II en trouva qui le recomnanderent a l'Empereur. Toute fon imbition avoit été d'abord d'obtenir a prêtrife,efpérant commetant d'aures, de fe faire de Péglife un pafage pour arriver a la fortune, ou u moins de i'autel une reffource conre la pauvreté. Infenfiblement Drilys porta fes vues plus haut. II fe onna pour être de la familie des  du Bas Empire. Liv. CV. 523 Lafcaris. Ce nom qui étoit toujours cher a une partie de la nation, & fur-tout aux Arfénites, le fit confidérer & même rechercher. Plufieurs mécontents fe raffemblerent autour de fa perfonne , & formerent un parti qui le regardoient déja comme fon chef. Bientöt leurs difcours hardis lui échauffent la tête; Drimys concoit des projets ambitieux, engage fespartifans ala révolte, & entretient des correfpondances avec les Catalans. On intercepte des lettres par lefquelles il exhortoit ces étrangers a pouffer avec vigueur la guerre qu'ils avoient entreprife contre l'Empereur. Drimys eft arrêté & condamné a une prifon perpétuelle. Un Catalan, que l'Empereur avoit élevé k la dignité de Domeftique des écoles, eut auffi le même fort, paree qu'on reconnut qu'il tramoit uneconfpiration contre le Prince fon bienfaiteur. Chaque jour on faifoit de pareilles découvertes; ce qui remplifToit 1'ame d'Andronic de crainte , d'inquiétude & de défiance. D'un autre cöté, mille infortunes publiques fe fuccédoientfansinterruption, Sccaufoient Akdro- nic II. et Michel son fils. An. 130S, Lvr. Incendie 1 Conf:antino■>le. Pachym. I. 7. c. 10. 13. Andr,  Andronic II. et Michel son fils. An. 1308. 1 1 ] 1 j < 1 1 S I ( r E 524 HlSTOIEE dans Pempire un deuil univerfel. La capitale fur-tout étoit dans des aliarmes continuelles. Le zele amer du Patriarche ne contribuoit pas peu a y augmenter encore Ja défolation. Ce Prélat ne ceflbit de fatiguer le peuple par des procefïïons, des jeünes, des litanies. Souvent il Pinveclivoit en chaire en lui reprochant, non avec 1'éloquence d'un orateur évan*élique, mais avec la fureur d'un énergumene, d'être la caufe des caamités qui accabloient 1'Empire. Souvent il finifToit fes prédications foujueufes en condamnant quelques cioyens a des pénitences publiques, ou néme a des chatiments corporels. kialgré tout ce que fa dévotion lui nfpiroit pour tacher de fléchir le -iel, les fléaux, loin de ceiTer, fem•loient au contraire fe multiplier. ,e jour même d'une proceffion qui 'étoit faite avec beaucoup d'appaeil, le feu prit prés de la porte du ^ynégion , & s'étendit jufqu'au moaftere du Précurfeur. Le peuple, ui eft prefque toujours impie lorfu'il n'eft pas fuperftitieux, lui delanda avec dérifion, fi c'étoit-la le  nu Bas-Empire. Liv. CV. S-5 fruit de fes prieres & de fes litanies ?' Le Patriarche fe défendit, & répliqua que c'étoit au contraire les crimes des habitants de la capitale qui avoient* attiré ce nouveau malheur. Ces repro- A ches & ces difputes n'arrêtoient pas les flammes, elles firent des progrès terribles. Le plus beau quartier, le plus riche & le plus peuplé de la ville, fut réduit en cendres. Toutes les boutiques des marhands & les hotels des principaux Seigneurs de la Cour, qui occupoient ce canton, furent détruits. Ce facheux événement fit naïune foule de conteftations. Tous les titres , tous les papiers avoient été confumés, circonftances dont les débiteurs de mau vaife foi vouloient protiter pour fe difpenfer d'acquitter leurs engagements. Une foule de fcélérats , fous prétexte d'aider a éteindre le feu, avoient augmenté le déford re, & s'étoient emparés dans le tumulte d'une quantité d'effets qui étoient réclamés par les vrais propfiétaires. Andronic, qui avoit une confiance aveugle dans les talents d'Athanafe, & qui cherchoit toujours les moyens de lui concilier la confi- Andro- N1C ii. ET MlKELSOKFILS. va. 130S.  Andronic II. et Michel son FILS. An. 130S. LV1I. Difgrace du Patriarched'Alexandrie. Pachym. I. 7. c. 3 & 16. Andr. 1 1 ! 1 1 1 5-6 H 1 S T O I R E dération du peuple , le conftitua juge de tous les procés auxquels le dernier incendie pourroit donner lieu. Athanafe s'acquitta de cette commifGon avec une ardeur infatigable, & même avec affez de fuccès. L'Empereurne ceffoit d'exalter des fervices fi importants , & ne pouvoit Dardonner k ceux qui refufoient de :ommuniquer avec un Prélat fi zélé jour le bien public. II y avoit long:emps qu'il étoit fecretement indif?ofé contre le Patriarche d'Alexandrie, a caufe de fon éloignement. aour la perfonne d'Athanafe. Voyant 311e rien n'étoit capable de le fai■e changer de fentiment, & même :me fon exemple devenoit de jour ;n jour plus contagieux, il lui orlonna d'aller réfider dans fon diocee; car, a la Cour de Conftantinople, lorfqu'on vouloit punir un Evêque , c'étoit 1'ufage de lui faire un :hatiment du premier de fes devoirs; 3n 1'envoyoit vivre au milieu de fon :roupeau. Le Patriarche parut peu touché de cette difgrace ; il s'empreffa , pour obéir aux ordres du Prin:e 3 de 6'embarquer fur un vaiffeau  du Bas Empire. Liv. CV. 527 Vénitien qui devoit le conduire d'abord en Chypre; mais les vents contraires le porterent dans l'ifle de Négrepont, ou il fut forcé de-relacher. Le Patriarche defcendit dans une^auberge a Culée, pour y attendre le moment oü il pourroit fe remettre en mer. Les habitants de cette ville, qui n'étoit peuplée que de Latins, furent fcandalifés de voir que ce Prélat ne leur donnat aucun figne de communion. Ils foupconnerent qu'il n'étoit pas orthodoxe : pour s'en alfurer, ils le firent interroger juridiquement.Les Magifïrats, a qui les moines avoient dicfé leur lecon,!ui demanderent après lui avoir fait plufieurs queftions furie dogme, s'il ne défapprouvoit pas 1'ufage de confacrer la f'ainte Euchariftie avec du pain fans levain ? C'étoit un des points conteftés entre l'Eglife Grecque & l'Eglife L^tine. Athanafe fecontenta deiépondre qu'il étoit en voyage pour s'en retourner dans fa patrie , & qu'iln'étoit point venu aun concilepoury rendre compte de fa croyance. Les moines qui accompagnoient les Magiftrats, prenant!aparole,lui répliquerent qu'il Andronic II. et Michel son FILS. An, 130S,  Andronic II. et Michel soi fils. An. 1308 ft 528 HlSTOIRE ne convenoit pas qu'un Evêque gardat le filence lorfqu'il étoit interrogé fur fa religion. Plufieurs jours fe paf! ferent en altercation de part & d'autre. Enfin, on fignifia au Patriarche , que s'il refufoit toujours de s'expliquer, ou que fi fa profeffion de foi n'étoit pas conforme a la doctrine de l'Eglife romaine, il feroit brülé vif avec tous les gens de fa fuite , & on ne lui donna que peu de jours pour fe décider. Au terme fixé pour recevoir fa derniere réfolution, nouvelle fommation , même réponfe. Déja les habitants de Culée, trop fideles a leur parole, font tous les préparatifs pour 1'afFreufe exécution dont ils avoient menacé le Prélat; déja on dreffe dans la place publique le bücher fur lequel il doit expirer, lorfqu'un particulier plus fage que fes compatriotes, obferve que le Patriarche d'Alexandrie ne doit pas être un homme du peuple; que certainement il appartient a quelque familie diftinguée , qui pourroit bien avoir affez de crédit pour engager le gouvernement a tirer vengeance de ia mort; qu'il étoit a craindre que les  r>u Bas-Empire. Liv. CV. 520 les Alexandrins ne fermaffent leurs ports aux marchands de 1'ifle de Négrepont, ou ne fe faififfent de leurs vaiffeaux; ce qui cauferoit a leur commerce un préjudice irréparable. Cette réflexion frappa les efprits,& 1'intérêt plus fort encore que la fuperftition les fit changer fur le champ de réfolution. On notifia au Patriarche qu'il auroit la vie fauve, pourvu que dans dix jours il fut forti de 1'ifle. Athanafe n'eut rien de plus preffé que de quitter des hötes fi peu courtois. Mais tandis que fa perfonne échappoit aux flammes , fes biens & fesbénéfices n echappoient point a la rapacité du Patriarche de Conftantinople. Ce Prélat fe mit en poffeflion de deux monafteres, que l'Empereur avoit donnés au Patriarche d'Alexandrie, favoir lë monaftere d'Archiftratege, & celui de Chrift Evergete. Athanafe, fe voyant délivré du Patriarche d'Alexandrie, dont il avoit toujours redouté la cenfure, donna libre carrière a fon zele farouche. II recommenca a perfécuter les moines, Pour les moindres fautes, il leur infligeoit les pénitences les plus féveres; Tornt XXIII. Z Andronic II. et Michel son fils. An. 1308. LVIII. Faux zele d'Athanafe„ Pachym. I. 7. c. 23. Andr,  Andro- Ï1C II. et Michel son fils. An. 1308. LÏX. Remonttancesdu Clergé a ce Prélat. Pachym. I. 7- c. 35. Andr. 530 H I S T O I R E il les faifoit jeüner tous les jours de la femaine, a 1'exception du famedi 8c du dimanche. Le clergé féculier «'étoit pas traité avec moins de rigueur. Athanafe prétendit 1'affujettir au même régime que les moines; 6c fous prétexte de faire pratiquer aux Eccléfiaftiques la pauvreté évangélique , il les dépouilla des revenus attachés a leurs emplois, 8c les réduifit a une penfion de fix ou huit écus par an; mais aucun ne voulut la re» cevoir, 8c la plupart cefferent de fréquenter 1'églife de Sainte-Sophie. Le Patriarche, irrité de cette défertion, les fit fommer de revenir par une ordonnance fignée de quelques fupérieurs de monafieres qui lui étoient dévoués. Cette nouvelle attaque d'Athanafe jetta 1 epouvante parmi les Eccléfiaftiques. S'étant tous affemblés, ils délibérerent de lui adreffer une lettre apologétique pour lacher de le faire revenir de fes pré ventions contre eux, 8c en même-temps pour lui repréfenter Pirrégularité de fa conduite a leur égard. En lui prodiguantdans cetécrit les épithetes les plus honorables, 8c  nu Bas-Empire. Liv. CV. 531 le traitant de fa Sainteté, ils lui difoient qu'a Pexemple de fes prédéceffeurs, il devoit les regarder comme les membres d'un corps dont il étoit le chef Sc non pas le tyran ; qu'après les avoir privés deshonoraires deleurs places , il étoit injufte d'exiger d'eux qu'ils en rempliffent les fonftions, Sc encore plus de leur en rendre 1'exercice plus pénible qu'il ne 1'avoit été jufqu'alors. Ils fe plaignoient des longues Sc fatiguantes féances qu'il leur faifoit faire nuit Sc jour a Féglife , leur donnant a peine la permiffion de fe retirer dans leurs miférables demeures pour y prendre un peu de repos, Sc une chétive nourriture, qu'ils étoient obligés d'apprêter eux-mêmes , faute de domeftiques pour les fervir. Ils ajoutoient que 1'état d'indigence oü il les avoit rédnits, les forceroit bientöt d'aller demander leur pain de porte en porte, comme des mendiants ; qu'un pareil aviliffement ne pouvoit que les rendre méprifables aux yeux des fïdeles, &£ leur faire perdre cette confidération dont ils avoient toujours joui auprès des grands Sc du peuple;que lui même fembloit Z ij Andronic II. et Michel son fils. An, ijoS,  Andronic II. et Michel son fils. An. 1308. LX. Adreffe d'Athanaie pour fe concilier les bonnes graces du Prince. Pachym. I. 7- c. 23. Andr, 53~ JI I S T f) I R £ prendre a tache de n'infpirer que du dédain pour leurs perfonnes , en les accablant d'humiliations, & fur-tout en les excluant des places qui étoient a fa difpofition , pour ne les accorder qu'a des moines. Ils le conjuroient de les traiter d'une maniere plus conforme aux faints canons & a Pefprit de Jefus-Chrift leur commun maitre. Ils finiffoient en protefiant qu'ils étoient toujours difpofés a fervir fous fes ordres dans Ia milice fpirituelle oü ils s'étoient enrölés,pourvuqu'il voulut les regarder comme des enfants de l'Eglife, & qu'il ne les condamnat pas è mourir de faim. Ces remontrances n'eurent pas plus d'effet que tant d'autres qui les avoient précédées, quoiqu'elles fufTent appuyées des repréfentations de l'Empereur , qui lui-même trouvoit trop modique la penfion adjugée par le Patriarche, aux Eccléftaffiques. Mais ce rufé Prélat favoit fi bien prendre l'efprit d'Andronic, qu'il Pamenoit toujours a fes vues. Lorfqu'il s'apper:evoit de quelque refroidifTement de fa part , il ne manquoit jamais de Ie réchauffer par de nouveaux traits  ru Bas Empire. Liv. CV. 533 de fanatifme. Ce fut dans le temps que : fon clergé fe plaignoit de lui fi amérement, qu'il fit öter de 1'églife de Sainte Sophie, un tableau repréfen-< tant les trois Germains qui avoient i occtipé a différentes époques le fiege de Conftantinople , uniquement paree que le dernier de ces trois Pontifes avoit été envoyé au Pape pour y négocier Paffaire de 1'union; il voulut auffi qu'on fupprimat un voile fur lequel étoit tiffu en fil d'or le portrait de Michel Paléologue, repréfenté dans le coftume de Conftantin , 8c que ce même Germaïn avoit confacré a la mémoire de cet Empereur. Ces fanatiques exploits par lefquels Athanafe prétendoitfignaler fon zele pour la pureté de la foi, édifioient beaucoup Andronic , 6c le Patriarche ne lui en devenoit que plus cher. II le confidéroit comme un homme célefte, un faint , un ami de Dieu. 11 étoit même fi fort prévenu de ces idéés, qu'il croyoit le Ciel toujours prêt k prendre la défenfe de ce Prélat, 8c a lui donner des fignes de fa proteöion. On en peut juger par le trait fuivant. ANDRONIC ii. ET MlHEL sorï FILS. m.130S.  Andronic ii. et Michel son fils. An. ijoS. lxi. Prérendu miracle en faveur d'Athanafe. Pachym. I. 6 c. 21, Andr. I ] 1 I 1 i i c t c l I 534 Histoirs Un Arménien avoit renonce è Ia communion de l'Eglife Romaine pour embraffer le fchifme des Grecs. Plufieurs de fes compatriotes fcandalifés de fon apoftafie lui en firent un jour des reproches. Le nouveau profélite ofFenfé du ton de leurs remontrances, les menace de les dénoncer a Athanafe, qui fauroit bien, difoitil, leur impofer filence. A ces mots, un d'entr'eux plus zélé que les autres, s'emporte, fe met a parler avec mépris de la croyance des Grecs , & charge d'imprécations le Patriarche. Comme il étoit fort animé , il fait en fe retirant un faux pas, & fe ■oule le pied. Andronic, infiruit de :et accident & des circonffances qui 'ont précédé, ne manque pas d'y voir in miracle. Lelendemain dès le point lu jour, il convoque une grande af'emblée, y fait apporter le bleffé fur on \n, & le préfente comme un mpie que le ciel vient de frapper ans fa colere pour le punir de fes 'afphêmes contre le faint Patriarche; 'oii il prit occafion de prononcer n long difcours en 1'honneur du 'rélat. Quelques imbécilles, ou quel-  J)u Bas-Empiue. Liv. CV. 535 ques flatteurs applaudirent a cette ridicule & ennuyeufe déclamation. Elle ne produilit fur les perfonnes fenfées d'autre effet que de rendre plus vil h leurs yeux Athanafe qui abufoit de la fimplicité de fon Souverain , pour fe donner une réputation de fainteté qu'il ne méritoit pas. Cette fcene puérile, & beaucoup d'autres encore dont le récit n'a peutêtre que trop fatigué la patience de nos leöeurs, loin de faire a ce Pré» lat despartifans, ne fervoient au contraire qu'a augmenter le nombre de fes ennemis. Au refte , il s'en confoloit, en jouiffant paiftblement des faveurs, dont Andronic ne ceftoit de 1'accabler. Ce Prince, tantöt lui faifoit préfent de richesornements, tantöt décoroit a fa recommandation deséglifes&deschapelles, ou chantoit avec lui des litanies, ou aftiftoit a des proceflions & a d'autres exercices que la dévotion bifarre d'Athanafe lui faifoit inventer. Tels étoient les objets qui abforboient toute 1'attention d'Andronic , tandis que la couronne chanceloit fur fa tête, que le tröne s'écrouloit fous fes pieds, Andronic ii. et Ml- :hel son fils. \n. 130S.  Andronic II. ET MlCHELSO>FILS. An. I30S Fin du Torne vingt-troijieme. 536 H I S T O ï R , &C. 'que 1'Empire étoit ébranlé jufque dans fes fondements; que de toutes parts on entendoit les gémiffements & les cris d'un peuple réduit aux abois; tandis qu'un ennemi redoutable qui ne refpiroit que le carnage étoit prefque aux portes de Conftantinople, & menacoit a tout ïnftant de Penvahir ; ce qui n'auroit pas manqué d'arriver bientöt, fi une force fupérieure a toute puiffance humaine, n'eüt heureufement éloigné les Catalans des murs de cette capitale.