HISTOIRE D 1/ BASEMPIRE. TOME F ING T-Q UA TR IE MÊ4   HISTOIRE D U BASEMPIRE, EN COMMENCANT a CONSTANTIN le Grand. Par Monfieur LE BEAU, Profeffeur Émêritè enl'Um 1vers 1té de Paris, Profejjeur d'Éloquence au College Roy al, Secretaire ordinaire de Monseigneur ie Duc ®Orleans, & ancien Secretaire perpétuel de l Académie Royale des Inscriptions et Belles-Lettres. Continuée par m. AmeiLhon, De la mime Académie, Bibliothicaire & Hifioriographe de la Villt de Paris , &c. tome vingt-quatrieme. A MAESTRICHT, Chez Jean-Edme Dufour & Philipte Roux, Imprimeurs-Libraires, aiïbciés. ~m. dcc. l x x x v i i~ Jvec Approbation & Privilege du Rol.   SOMMAIRE d v CENT SIXIEME LIVRE T> I. J-u Armee Catalane quitte la Thrace. u. Ordre de la marche. in. Berenger d'Entenga tui par les gens deRocafort. iv. Ximenïs d'Arenosfi retire aupres dAndronic. V. L'Infant Ferdinand & Muntaner fejiparent des Catalans. VI. Les Catalans s'emparene de Caffandrie. jvil. ü Infant arrêti è Negrepont. Vlil, Les Catalans font ferment de fidilki au Comte de Valois. ix. Muntaner vifite VInfant dans fa prifon a Atkenes. x. Rocafort odieux aux Catalans. XI. II tft arrêti avec fon frere. XII. Conquête de tifle de Rhodes par les Chevaliers de St. Jean. XIII. Vains eforts de leitrs ennemis pour la leur enkver. XIV. Nouvelle adminiftration itablie parrni les Catalans. xv. Ils font une tentative inutile fur Theffalonique. xvi. Ils pafent de TkeffalU Tornt XXIF, A  % SOMMAIRE en Achcüe. XVII. Les Catalans entrent au feryice du Duc d'Athenes. XVIII. Le Duo veut chajfer les Catalans; ils lui font laguerre & le ment. XlX.Les vainqueurs fe mettent en poffefjion de fes Etats. XX. Stratagéme des ennemis <£Athanafe. XXI. Ce Prélat remplace par Niphon. XXII. Conduite peu épifcopale du nouveau Patriarche. XXlll. Niphon projette de gagner les Arfenites. XXIV. 11 échoue & ejl renvoyé. XXV. Mariage de Philippe de Tarente avec tlmpératrice titulaire de Conflantinople. XXVI. Son expedition pour le recouvrement de tEmpire n'a point lieu. XXVII. Les Turcs & les Turcopules fe féparent des Catalans. xxvni. Perfidie des Grecs. XXIX. Défaite de Muhel. XXX. Philes fe charge de chaffer les Turcs. XXXI. II bat ces Barbares. XXXII. Glycys Patriarche. XXXIII. Mttochite principal Miniflre. XXXIV. Mort de l'Impéra' trice Irene. XXXV. Edïfices publics ré~ parés. XXXVI. Enfance & inclinations du jeune Andronic. XXXVII. II encourt la Jifgrace de fon aïcul. XXXVIII. 11 fait fa paix. XXXIX. Simonide force'e £aller rejoindre fon mari. XL. Retraite du Patriarche Glycys. XLI. Gerafime  ouLivreCVI. 3 kiifuccede. XLH. Manuel defpote affaffinê. XLIH. Mort de CEmpereur Wichel. XLiv. Jugement furce Prince. XLV. L Empire defiiné d un batard. xlvi. Exclufion donnée au jeune Andronic dans les firments de fidéhté. XLVir. Syrgianne chargé dépier la conduite de ce Pnnce. XLvm. Origine & aventures de eet efpion. XLTx. Syrgianne trahit lefecret de fon maitre. L. Cantacu{ene délibere avec Syrgianne. li. Le jeune Andronic refufe de renoncer d la couronne. ui. 11 projette avec Cantacu{ene defe faifir d'une place defüreté. lui. Apocauque &Synadene /attachene au jeune Andronic. Liv. Traité dalliance avec le Cr die de Servië. Lv. L'Empereur chaffe fon petit-fils de fa préJence. LVi. Synadene, Syrgianne & Cantacu{ene opinent fur les affaires prefentes. lvii. Le petit-fils rejette les conjeils qu on lui donne contrefon aiml LVin. On délibere s'iln'ef pas Apropos de fortir de Conftantinople. lix, Tornue & Métochite parient en faveur du jtune Prince. LX. Prètendu hennifJement dun cheval en peinture. A i]   HIS T OIRE D U BASEMPIRE. LIVRE CENT S1X1EME. ANDRONIC II. ET MICHEL SON FIL S. T A, Thrace , depuis pltifieurs atv f~J nées que les Catalans y vivoienl è difcrétion, ne préfentoit plus, a dix journées de Gallipoli k la ronde, que des ruines & l'afpeét d'tin afFreux défert. Les campagnes dévaftées par leurs armes & par celles des Grecs étoient demeurées fans culture; couyertes A iij Andronic II. et Mi- chelson fils. An. 1308. i. L'armée Catalans  Andromc II. et Mlchelsoï rus. An. ijoS quitte Ia Thrace. Munt. c 331. Zurita , Ann.Arag fan, i. / é. c. 4. Moncada c. 51. 52 Ontrem, d excid. Grxc. libe fingularis. t. 3. 6 HlSTOiRE de cadavres, jonchées d'offemenrs * imbibées de fang, elles ne pouvoient plus guere produire que des femences de mort. Les Catalans commen^oient a fentir la nécefïïté de s eloigner d'une terre fi malheureufe. Mais la mélintelligence des chefs & la divifion qui régnoit parmi les troupes, ne leur permettoient pas de prendre de concert les mefures convenables pour aller enfemble chercher urt , afyle dans quelque autre contrée qui ; put leur fournir des fubfiftances. Don Ferdinand,Prince naturellementdoux ■ & pacifique, quoiqu'il n'eüt pas Hen d'être content de l'armée, offrit fes fervices pour rapprocher les efprits. II exhorta les Officiers a oublier leurs animofirés particulieres pour ne s'occuper que de la caufe commune. Sa démarche ne fut point infruftueufe ; les principaux d'entre les Catalans dociles a fes remontrances, s'affemblent en grand confeil, & conviennent entr'eux de la route qu'on fera prendre aux troupes , & de la villa qu'elles iront occuper. Chriftopole fut choifie pour être le terme de leur voyage; cette viile fe trouvant fituée  du Bas-Empire. Liv. CVI. . 7 vis-a-vis 1'ifle de Thafe, fur la Hgne qui féparoit la Thrace de la Macédoine, ouvroit aux Catalans un Iibre paffage , pour fe porter k volonté & fuivant les conjon&ures, d'une Province dans 1'autre; d'ailleurs, elle les mettoit k portee de recevoir par mer du cöté de 1'Occident, des fecours fans qu'on put s'y oppofer. II fut arrêté qu'avant de partir, toutes les villes & chateaux forts occupés par les troupes Catalanes feroient deraantelés. Alors on vit tomber fous les coups du pic deftruéteur les murs & les remparts de Redefte , de Madyte, de Selivrée ou Selymbrie, de Nona, de Pa&ya , de Megarix, de Gallipoli , d'ExamiIes,&d'ungrandnombre d'autres places affifes le long de la cöte occidentale de 1'Hellefpont & de la Propontide. C'eft ainfi que les Catalans, peu contents du mal qu'ilsavoient fait aux Grecs , leur préparoient encore pour 1'avenir de plus grands défaftres. En détruifant les feules barrières qui auroient pu contenir les Turcs, ils faciliterent k ces Barbares les moyens d'entrer en Thrace fans éprouver une grande réfiftance, & A iy AndroNic U. et Ml- :hel son fils. In. 1308.  Andro- hïc II. et Mlchel sok fii.s. An, 1308. II. Ordre cie Ja mar«he, 1 I ] t 1 < 1 > I j i 1 1 •] « i ( 1 S II I S T 0 I R E concoururent ainfi a hater la ruïne de 1'Empire. Après cette opération, il fut en joint a Raymond Muntaner, Commiffaire généra! de l'armée, de faire embarquer fur trente-fix vaiffeaux qui formoient toutes les forces maritimes des Catalans, les femmes, lesenfants, les yieillards , & de les conduire a Chriftopole. Enfuite l'armée de terre re mit en route. Pour éviter les déaats qui auroient pu s'élever fur le :hoix des logements entre des troupes aigries les unes contre les autres, >n marcha dans 1'ordre fuivanr. Ro:afort décampa le premier, & fortit le Gallipoli après 1'avoir ruiné. Beenger d'Entenca, Ximenès d'Areios & 1'Infant ne partirent que le lenlemain, afin de laiffer toujours enr'eux & Rocafort une grande difance. Après quelques jours de marhe, les Catalans fe virent engagés lans des Provinces qui leur étoient nconnues; maisla renomméey avoit léja porté Ia terreur de leur nom , >£ a leur approche les malheureux ïrecs fuyoientdevant eux, abandontant leurs biens & leurs maifons. Les  mi Bas-Empire. Liv. CVI. 9 Catalans non-feulement ne rencontroient aucun obftacle fur leur paffage; maïs même y trouvoient en abondance toutes les provifions & tous les rafraïchiffements qu'ils pouvoient defirer. Rocafort étoït arrivé avec fa rroupe dans un village, a deux journées de Chriftopole. Ce village qu'on croit ctre 1'ancienne Maronée ou Abdere,: »tué dans une plaine fertile & arro-' fee de belles fources, fourniffoit toutes les chofesnécelTaires aux befoins& même aux agréments de la vie. Les délices de ce féjour charmerent les; foldats de Rocafort; ils auroient vou-' lu qu'il leur fut permis de s'y fixer. Le lendemain, au lieu de partir a 1'hen-, re accoutumée, ils ne fe mirent en' marche que très-tard, paree qu'il n'avoit pas été poffible de les raffembler plutöt, s'étant difperfés dans les campagnes pour cueillir les fruits dontJ les arbres étoientalors chargés. II fai. foit une chaleur exceffive. La divifion qui fervoit fous les ordres de Berenger d'Entenca avoit ce jour-la quitté fes logis dès 1'aurore pour profiter de la fraicheur du matin. MalA v Andronic II. ET Ml- :hel sorr fils. 4.n. 1308. III. Berenger l'Enten^a ué par es gens le Roca'ort.Munt. e. 132. Zurila , inn. Arag. 'art. i. /. c. 4. Monc. c. 1. yachym. ïm '. c. 36» 4ndr. Outrem. de '■xcid. ïrac. Ui, lngul.c.l%  Andronic II. et Mi- chel son fits. An.130,8. 3 j I j ( 1 i i c C c t a a d t d ]; e b b 10 HlSTOIRg heureufement elle arriva que 1'ame re-garde de Rocafort n'avoit point encore levé le piquet. Rocafort , voyant les troupes de fon rival fi prés des fiennes, crut ou feignit de :roire que Berenger d'Entenca avoit formé contre lui quelque mauvais def[ein : ne confultant que fa haine , ge ans daigner prendre aucun éclaircifernenr, il monte a cheval, fe met a a tête de fa cavalerie , & charge avec urie les gens de Berenger d'Entenca, [ui de leur cöté fe défendent vigoueufement. Berenger accourt auffi-töt, e jette dans Ia mêlée, criant aux fol[ats de quitter les armes. Mais i! paya e fa vie cette confiance téméraire. ïilbert, frere de Rocafort, & Dalmau e Saint-Martin fon parent, s'imaeient qu'il vient pour exciter les fiens u combat, ou plutót ils font bienifes de faifir cette occafion pour fe éhvrer d'un homme qui depuis long;mps leur faifoit ombrage; ils fonent fur lui, & Ie percent de leurs mees. La mort de ce Seigneur ne fit ticore qu'animer davantage-les comattants. Les Arragonois,malgré leur ravoure,, furent les plus maltraités.  nu Bas-Empire. Liv. CVI. ii Les Almogavares, les Turcs & les Turcopules en tuerent un grand nombre, & le carnage auroit encore été plus affreux, ft Rocafort, qui craignoit pour la perfonne de 1'Infant Don Ferdinand , n'eüt fait enfin retirer fes gens. Lorfque la tranquilüté fut un peu rétablie, & que chacun eut rejoint fes drapeaux , 1'Infant fe tranfporta a 1'endroit oit Berenger d'Entenca avoit été tué ; il le tint affez long-temps embraffé, verfa des larmes fur fes froides dépoui!les,& fixant Rocafort qui n'avoit pu fe difpenfer de 1'accompagner, il dit dun ton de voix courroucé , que la mort de ce brave Chevalier ne pouvoit partir que de la main de quelques traitres. Rocafort lui répondit d'un air révérencieux, que le malheur de Berenger avoit été 1'efFet d'une méprife; que fi fon frere & fon oncle 1'èuffent reconnu ,. loin d'attenter k favie,ils (eroient morts eux-même& pour le déféndre,. LTnfant fut obligé de fe contenter de cette excufë. L'armée refTa pendant deux jours dans ce lieu pour y célébrer les funéraillesde Berenger de ceux qui avoient A- yj Andronic ii. et Mi- chel son rits. An. 130?.  Andronic II. ET MlCHEt SQN FIIS. An. 1308. IV. "Ximenès d'Arenos fe retire auprès d'Andro* nic. Monc. r. 5,a. V. L'lnfant Ferdinand Se Munta^ner le (éparentdes Cata-- \ lans. 12 HlSTOIRE péri avec lui. Son corps fut dépofé avec tous les honneurs militaires dans un hermitage dédié a St. Nicolas. Après cette étrange cataftrophe, Ximenès dArenos forma une troifieme fois la réfolution de fe féparer des Catalans. Malgré les inftances que lui fit 1'Infant pour 1'engager k ne pas quitter fes compatriotes , il prit Ia route de Conftantinople, & alla trouver 1'Empereur k qui il avoit envoyé demander un afyle & du fervice dans fes troupes. Andronic, oubliant fans doute le dernier trait de perfidie qu'il avoit k lui reprocher, le re9ut avec de grandes marqués d'amitié. Pour lui donner un gage de fa bienveillance, & 1'atracher irrévocablement k fes intéréts , il lui fit épouferThéoilora, une'de fes nieces, & de plus il lui conféra le titre de grand Duc, dont avoient été revêtus d'abord Roger & enfuite Berenger d'Entenca. Cependant 1'Infant demanda de aouveau a l'armée Cafalane fi elle rouloit enfin le reconnoïtre comme Lieutenant de Fréderic fon coufm. On ui fit la même réponfe que la preniere fois, & d'un ton encore plus  vu Bas Empire. Liv. CVI. 13 décidé. Alors perdanttoute efpérance de réuffir dans fa négociation, il s'env barque fur fes galeres, & fait voile pour 1'ifle de Thafe, fituée a fix milles' du lieu oü campoient alors les Catalans. ïl y arriva prefque auffï-töt que Muntaner, qu'il inftruifit du malheur de Berenger d'Entenca, & du combat qui s'étoit livré entre les troupes' Catalanes; il lui ordonna en même-< temps au nom du RoiFréderic, de ne pas le quitter. Mitntaner, indigné contre Rocafort, ne fit aucune difïïculté d'obéir a. la fommation de 1'Infant; maisil luidemanda la permiffion d'aller rendre fes comptes aux troupes de terre , Sc remettre aux foldats leurs femmes , leurs enfants 8c leurs efFets. Muntaner, s'érant approché ayec toute fa flotte du lieu oü l'armée Catalane avoit éfabli fon camp, y débarqua ceux qui defirerent rejoindre Ferdinand Ximenès d'Arenos. On leur fournit cinquante chariots & une efcorte pour les conduire a l'endroitde leur deftination. Quant a ceux qui ne voulurent ni refter avec Rocafort, ni fe réunir a Ferdipand Ximenès ? on leur permis de Andronic II. et Mi- :hel sok f1ls. In. 130S. Munt. c, 133. Zurita , inn. Arag, 'art. 1. /. C j. Monc. e. h  Andronic II. et Mi- chel son fils. An, 130S. 1 ] i ! ] T4 HlSTOIRE paffer dans Tiile de Negrepont. Muntaner requit enfuire qu'on alTemblat Ie Confeil général; & après avoir rendu les regiftres, les titres & Ie fceau de l'armée, il annonca qu'il lui étoit impoffible de ne pas fuivre 1'Infant ; il déplora la deftinée de Berenger d'Entenca; il s'exprima avec beaucoup de force contre les traitres qui avoient fait périr eet illuftre Chevaüer, & mis Ferdinand Ximenès dans Ia néceffité des'aller jetter entre les bras des Grecs; puis il fe retira avecl'air de I'mdignation. Toutes les troupes firent ce qu'elles purent pour le retenir; les Turcs & les Furcopules fe diflinguerent par leur ?mpreffement, &r mirent tout en oeuvre pour qu'il ne les abandonnat pas. II avoit gagné leur affeöion par res manieres affables , de forte qu'ils ie 1'appelloient pas autrement que eur pere. Rocafortlui-même, quoiju'il dut fe trouver offenfé de fes •eproches indireds, ne put fe dif^enfer de lui faire des inftances comne les autres. Muntaner demeura rerme dans fa réfolution ; il fe rem>arqua auffi-tót,. & all? re^oindre  dij Bas-Emwre. Liv. CVI. 1'Infant, qu'il avoit laiffé dans 1'jfle : de Thafe. Ils y pafferent enfemble 1 plufieurs jours, retenus par 1'accueil qirtls recurent de Ticin Jaqueria, ce <= Génois qui, avec 1'aide de Muntaner, s'étoitemparé de la meilleure place de cette ifle. Jaqueria leur préfenta les clefs de la ville , & offrit d'employer a leur fervice fes biens & ia vie. Rocafort, fe trouvant par Ia mort de Berenger d'Entenca , ainfi que par ** Ia retraite de Muntaner & de Ferdi-pa' nand Ximenès d'Arenos, feul chef c'a fupreme , difpofoit fuivant fon bon d'] plaifir de toutes les délibérationsdu/ Confeil. II avoit è fes ordres huit rmüecombattants, tous gens decceur'4" & bien aguerris. Rocafort fepropo-C foit d'aller a la tête de ces braves fur- M' prendreChriftopole, lorfqu'H apprit'' que cette ville éroit en bon état de défenfe. Les démêlés& les querelles des Catalans ayant retardé leur marche» les Grecs en avoientprofité pour fortifier cette ville, & la munir d'une nombreufe garnifon.. Les Catalans tenoncerent donc au- projet qu'ils avoient formé de s'eiremparer, 3s LNDROSIC ii. 5T Ml-' IEL SOS FItS. 1. i30s, vr. s Catais s'era'ent de ffane. r. Greg. '■ c 6. ?lurita t i. Arag* '.. I. /. c 4. ncaday  Andronic II. et Ml- CliEL so> FILS. Arr, 1308, VII. L'ïnfan srrêté a Negrepont.Mnnian, & Zuilta Ann.Arag parhï. I. 6. c 5. Moncaiz , t. 55. Ducang, hifi, Conft. P* IJ?. l6 II I S T O I R E jetterent les yeux fur une autre place oü ils puffent fe cantonner pendant 1'hyver. Ils paffentles défilés du mont Rodope, entrent en Macédoine, & prennent pofTeffïon de Caffandrie ou 1'ancienne Potidée. C'étoit un des meilleurs poft.es de toute la Province, fitué fur le bord de la mer , dans un terrein fertile, & d'oü il étoit aifé d'entretenir des Communications avec Theffalonique, capitale de la Macédoine, fur laquelleles Catalans avoient auffi des vues. ïls y féjournerent le refie de 1'automne &Z tout 1'hyver, vivant aux dépens des habitants du pays. Cependant Muntaner & 1'Infant qui 'étoient partis de Thafe, arriverent, en cotoyant les rivages de Thrace & de Macédoine, au port d'Almiro ■ dans le Duché d'Athenes , oü ce Prince avoit débarqué quatre hommes pour faire du bifcuit qu'il devoit reprendre k fon retour. II trouva qu'au mépris du droit des gens, on avoit pillé fes provifions, & maltraité ceux qu'il avoit laiffés pour les préparer. Irrité de eet outrage , il ravagea tout le canton, alla infulter Scyros ? ifle Él  du Das-Empire. Liv. CVI. 17 de la dépendance d'Athenes , puis gagna le promontoire de Negrepont. L'Infant voulut defcendre dans la capitale de cette ifle. Muntaner & les autres Capitaines lui repréfenterent qu'il alloit expofer fa liberté tk celle des braves gens qui Paccompagnoient; qu'il étoit a craindre qu'après avoit commis des hoftilités fur les domaines du Duc d'Athenes, les Vénitiens & la plupart des Seigneurs de Negrepont, tous dévoués a ce Prince, ne lui fiffent un mauvais parti. L'Infant n'eut aucun égard a leur repréfentation ; il mit pied è terre , & en tra avec confiance dans Ia ville, fous 1'affurance qui lui fut donnée, qu'il n'efTuyeroit aucwn dommage, & engagé d'ailleurs par la réception honorable qu'on parut lui faire ; mais il ne tarda pas a reconnoitre qu'on 1'avoit trompé. Dix vaiffeaux Vénitiens qui étoient dans la rade de Negrepont attaquent les navires qui Pont amené, & s'en emparent. Lui-même eft arrêté, & remis entre les mains de Thibaud deSipoys, qui le livre enfuire au Duc d'Athenes, avec dix des principeaux Seigneurs de fa fuite. AndroKIC li. ET Ml- CHEL SOH FILS. An, 1308.'  Andronic II. et Mi- CHEL SON FILS. An. 1308. vnr. 'Les Catalans font ferment de fidélité au Comte de Valeis. ; Mun'tancr, c. 235. \ 236. ' Zurita, i Ann.Arag, j pan. 1, /. 6. e. 6. 1 Monc, e. < 56- < Outrem de excid. < Graa, liber ( e. 3- - Conft.Du r , ƒ>. c 238. ' a a P d J8 II I S T O 1 R E Sipoys étoit un Francois envoyé par fa Cour dans ces parages, pour y veiüer aux intéréts de Charles, Comte de Valois , qui depuis ion mariage avec Catherinede Courtenai, prétenioh h 1'Empire de Conftantinople. Thibaud de Sipoys , très-attaché a res maitres, ne négligeoit rien pour *agner des partifans au Comte de Vaois. IL entretenoit déja des corref>ondances fecretes, non - feulement ivec ceux des Lafins qui avoient des )offefTions en Grece, mais encore ivec un affez grand nombre de Sei;neurs Grecs, mécontents dugouverïement. II defiroit iur-tout d'attirer iu parti de Charles le brave Rocafort 'X fa compagnie. En conféquence, il herchoit tous les moyens de fe conilier fa bienveillance. On Pavertit [u'il ne pouvoit v'ien faire de plus gréable è Rocafor; que de lui relettreRaymond Muntaner& Garcias e Gomez PaJacin, qui avoient été rrêtés avec 1'Infant. Sipoys, fur eet vis, part de Negrepont avec les deux nfonniers, arrivé au Promontoire e CaiTandrie,& lespréfente a Roca>rt. Ce dernier les recoit comrne  du Bas EivfriRE. Liv. CVI. 19 un préfent qui lui eft infiniment précieux; & fans aucune autre formalité, il fait trancher la tête a Palacin , fur ïe pont même du vaiffeau qui Fa amené. Garcias deGomezPalacin, né en Arragon, étoit un brave Chevalier, plein d'honneur, qui avoit toujours fervi avec diftin&ion. II s'étoit montré zélé partifan de Berenger d'Entenca, & de Ferdinand Ximenès d'Arenos; c'efi pourquoi Rocafort s'en vengea d'unenianierefi cruelle. Cette exécution futgénéralement défapprouvée; mais Rocafort fe faifoit tellement redouter, que perfonne n'ofa s'y oppofer , ni même intercéder pour 1'inïortuné Palacin. II en auroit fait au« tant a Muntaner , s'il n'eüt été retenu par 1'amour que les foldats lui portoient. Rocafort qui jufqu'alors avoit balancé pour accepter les offres de la France, commenca k s'ébranler, & bientöt il fe déclara pour le Comte de Valois. II ne pouvoit douter qu'après ce qui s'étoit pafFé, les Cours de Sicile & de Majorque & toute la maifon d'Arragon, ne fuffent trèsindifpofées contre lui, Scqu'elles ne eherchaffent les moyens de le per- Andronic II. et Mi- CHEL SON FILS. An. 130S,  Andronic II. et Mi chelson fiis. An. 1308. < ] t i E h S L C ti re IX. Munta- y ner viiite 1'Infant c< dans fa d' prifon a yAthenes.ftluntan. n' c 136. th "° H I S T O I R E dre tót ou tard. II crut qu'il feroit bien de s^attacher k queique Puiffance, qui, ennemie naturelle des Efpagnols, pourroit le protéger contre leurs entreprifes, & 1'aider dans l execution de fes projets ambitieux. On prétend qu'il ne vifoit k rien tnoins qua fe faire proclamer Roi JeTheffalonique. Cetteopinion étoit ?n partie fondée fur ce qu'il avoit :hangé Ie fceau de l'armée, & qu'a a place de 1'image de St. Pierre, on r avoit gravé par fes ordres cel ie . un Monarque couronné. Rocafort t donc prêter ferment de fidéüté ar fon armée , au Comte de Vans , entre les mains de Thibaud de ipoys , qui fut recu en qualité de leutenant-Général de ce Prince. Les atalans jurerent tous de reconnoie le Comte pour légitime Empeur de Conftantinople. Après cette cérémonie, les galeres enmenness'en retournerent, & re'nduifirent Muntaner a Negrepont, 3" il partit enfuite avec cinq' Che' liers, pour aller vifiter Don Ferdi» nd dans fa prifon. Le Duc d'Aenes le re9ut avec diftinaion , &  nu Bas-Emmre. Liv. CVI. 21 lui permit de voir 1'Infant auffi fouvent & auffi long temps qu'il lui plairoit. Muntaner, en approchant de ce Prince, ne put s'empêcher de ver-, fer des larmes fur fon fort; il 1'encouragea a fupporter fon malheur' avec conftance, enfuite il confére-: rent enfemble fur les moyens de le tirer de captivité. Muntaner, après avoir recu les ordres de 1'Infant, pnt Ia route de Sicile. Fréderic fut très-chagrin des nouvelles que Muntaner lui apprit; il écrivit au Roi de Majorque & a celui d'Arragon, pour qu'ilstravaillaffent de concert a 1'élargiffement de fon coufin. Cependant 3e Duc d'Athenes, fur la réquifition de Charles, Comte de Valois, envoya 1'Infant a Robert, Roi de Naples , qui Ie retint en captivité pendant un an entier, quoiqu'il fut fon beau-frere; car Robert avoit époufé Dona Sancha, fceur de Ferdinand. Les Catalans commencoient a fe dégoüter du commandement de Ro : cafort. II s'en falloit que les qualités a de fon cceur répondilTent a fa bra-1 voure & a fes talents militaires; il etoit avare, cruel, arrogant, menoit2 Andronic II. JET MlIHELSONFILS. In. 1308. '■M. 238. Monc, c. 7. X. locafort dieiix Cai!ans.Munc, c. !9Zuriu,  Andbo- NIC II. ET MlCHEL SON S1LS. An. 1309. Ann. Arag. p. 1. 1.6. c. 6. Ontrem, dc cxcid. Grac. lib. fingul, c. 3. 12 HlSTOIRE une vie licencieufe; enflé de fes fuc:ès, il ne croyoit point qu'il y eut Je mortel fur la terre digne de lui Btre comparé. Ceux des Officiers de i'armée quravoient le plusa fe plainrlre de fa fierté & de fes emportements, formerent le projet de fecouer e joug fous lequel il les tenoit af!ervis. Ils n'ignoroient pas que Thiaaud de Sipoys lui-même ne devoit pas être fort fatisfait de fes procédés ; que plus d'une fois il en avoit recu des infultes. Perfuadés qu'ils Ie trouveroient difpofé a entrer dans leurs vues , ils lui envoyerent fecretement quelques uns d'entr'eux pour lui expofer leurs griefs. Ces députés, après avoir fait a Sipoys un portrait affreux , mais trop reffemblant, de Rocafort, finirent par Ie fommer corame chef fuprême, de les délivrer d'un pareiltyran. Lacirconftance paroiffoit délicate. Sipoys étoit stranger, & fon autorité ne fe trouvoit pas encore affez affermie pour qu'il put la faire valoir de vivre force contre un homme qui avoit a 'a difpofition tous les gens de guerre. D'ailleurs, il craignoit que ces  du Bas-Empire. Liv. CVI. 23 députés ne fuffent des émiffaires envoyéspar Rocafort lui-même, pour fonder fes difpofitions. Thibaud de Sipoys, en homme fage & prudent, leur paria avec beaucoup de réferve, & fes réponfes furent toutes fx bien mefurées, qu'elles ne pouvoient le compromettre auprès de Rocafort , quand même elles lui feroient rapportées. Toutefois il ofa lui faire , en ufant de beaucoup de ménagement, & en empruntant le langage de 1'amitié , quelques repréfentations fur fa conduite. Rocafort rec^it trèsmal fes avis; il lui répondit même dans des termes fi piquants, que Sipoys en fut griévement bleffé. Cependant Ie Minifire Francois diffimula fon reffenriment jufqu'au retour de fon fi!s qui devoit inceffamment lui amener de Venife fix galeres. Quand cette efcadre fut arrivée, Sipoys renoua fes anciennes pratiques avec les ennemis de Rocafort, $C d'après les arrangements pris entr'eux , il indique une affemblée du Confeil, fous prétexte d'une affaire importante qu'il avoit a propofer. Rocafort s'y rend comme les autres, Andronic II. et Mlchel sos fils. An, 1509. XI. II eft arrêté avec fon frere. Duc. hifi. Con/l. p. 139. 24f.  Andromc II. et Mlchel som fils. An. 1309. 24 HlSTOIRE &c s'y préfente avec eet air altier qui; lui étoit ordinaire. Quelle dut être la furprife de eet homme que perfonne n'ofoit regarder en face, lorfqu'il entendit toutes les voix fe réunir pour porter contre lui les plaintes les plus graves! Alors frémiffant de colere , il fe permit les paroles les plus offenfantes, ufa des plus terribles menaces, & parut même vouloir employer la violence contre fes accufateurs. A 1'inftant les conjurés quittent tous de concert leurs fieges, & forment autour de lui un cercle comme pour S'envelopper. Ce mouvement lui fait perdre contenance ; un morne filence & un abattement total fuccedent touta-coup a ces clameurs , k ces agitations impétueufes auxquelles il s'eft livré d'abord. On s'empare de fa perfonne fans qu'il faffe la moindre réïftance; on fe faillt en même-temps de fon frere, & tous deux font livrés k Sipoys, qui les fait paffer auffi-töt fur fes galeres. Dès que Ro:afort fut arrêté, la foldatefque fe porta en foule dans le logement qu'il occupoit, & pilla toutes les richeffes qui s'y trouverent. Cependant Sipoys  du Bas-Empire. Liv. CVÏ. 2^ poys faifoit fes difpofitions pour mettre pendant la nuit k la voile, & s'enfuir avec fes prifonniers. Le lendemain de fon départ, les troupes ne voyant plus les galeres dans le port, commencerent k regretter Rocafort , & a fe reprocher de Pavoir abandonné k la vengeance de fes ennemis. Infenfiblement les efprits s'échauffent,&bientötlesAlmogavares,les Turcs & les Turcopules fe jettent comme des furieux fur ceux qui ont eu le plus de part k 1'infortune de leur Général. II y eut beaucoup de fang répandu dans cette émeute; quatorze des principaux Officiers de l'armée y perdirent la vie. Les muiins auroient bien voulu tenir Sipoys; mais il étoit hors d'infulte, &c voguoit tranquillement fur la route de Naples, s'embarraffant peu de ce qui fe parfait dans le camp des Catalans. II n'ignoroit probablement pas que les intéréts du Comte de Valois fon maïtre, n'étoient plus les mêmes. En effet, ce Prince, après la mort de fa femme qu'il venoit deperdre, avoit renoncé a 1'entreprife de Conftantinopie, ayant cédé fes droits k Tome XXIV. B Akdro- n1c ii. et Ml- CHELSOK FUS. An. ijOfi  Andronic II. et Mi- CHEL SON FILS. An. 1309. XII. Conquête de 1'ille de Rhodrs par les Chevaliersèe St. Jean. Bo\iushifl. Equit. Hier. Fertot^hijU de 26 HlSTOIRE Philipppe, Prince de Tarente, fils puïné de Charles II , Roi de Sicile, & de Marie de Hongrie, a qui il avoit promis en mariage Catherine de Valois fa fille. Cependant Sipoys arrivé a Naples avec fes prifonniers, & les remet au Roi Robert, qui attendoit avec impatience le moment defevenger de Rocafort. Robert envoya les deux freres dans la ville d'Averfe, avec ordre de les jetter dans un cachot, & de les y lailTer mourir de faim. Ainfi finit Berenger de Rocafort, un des plus grands Capitaines qui ayent exifté, & qui auroit pu s'ériger en Souverain , s'il eüt fu profiter des faveurs de la fortune, & mettre un frein è fes paffions. Les Grecs n'étoient pas fans doute fichés de voirles Catalans fedétruire ainfi eux-mêmes; mais 1'Empire n'en faifoit pas moins journellement des pertes irréparables. II ne tarda pas a fe voir enlever, pour toujours, les débris d'une de fes plus anciennes poffeilions maritimes. Après la prife d'Acre ou Ptolémaïs par le Soudan d Egypte, les Chevaliers hofpitaliers  iw Bas-Empïre. Liv. CVI. s? de 1'Ordre de St. Jean de Jerufalem s'étoient refugiés dansle Royaume de Chypre. Des démêlés furvenus entr'eux & lesSouverainsdel'iflelesdé- ! goüterent de ce féjour. Ils projette- J rent de chercher un établiffement ail- ■ leurs. Rhodes, cette iüe jadis fi fa- i meufe, parut être a leur bienféance.' Elle étoit alors occupée en partie par' desGrecs, & en partie par desTurcs, qui, pour la forme feulement, vouloient bien fe reconnoïtre tributaires de 1'Empereur de Conftantinople. Les Chevaliers de St. Jean ne fe lentoient pas en état de faire feuls une conquête fi importante. Ils réfolurentd'implorerlefecoursde quelques Puiffances Européennes. Fouiques de Villaret, leur grand-Maitre, partit donc pour la France, & vint trouver a Poitiers Philippe-le Bel & Clément V, qui s'y étoient rendus pour traiter enfemble de la deftruction des, Templiers. Foulques leur détailla d'abord tous les griefs de fon Ordre contre le Roi de Chypre. II Jeur dit que ce Prince timide, dans la crainte de déplaire aux Turcs„ S>l d'attirer fur lui leurs armes, traB ij Andronic II. et Mi- IHEtSON FILS. Ln. 1310. Aalthe. t, . I. 4. Zaynal, tnne EccL  Andro- i uic II. 1 et Ml- 2 chel son 1 fi1s. \ An. 1310. E n f n I d tj 1< L ƒ< d d <3 r d r € Cl d d r< U 8 H I S T O I U E erfoit les Chevaliers dans toutes. surs opérations; qu'il gênoit leurs rmements, & même s'oppofoit a üur départ quand ils fe difpofoient courir fur les ennemis du nom chré. ien. Après avoir repéfenté au Moarque Francois & au St. Pere, que ;s religieux ne pouvoient, fans manuer a leur devoir $1 a leur honeur, refter plus long-temps dans les tats d'un Prince qui les empêchoit e remplir le vceu de leur inftimon, il les inftruifit de fon plan , & ihr en expofa tous les avantages. II ;ur repréfenta que ft les Chevaliers : rendoient une fois maitres de Rhoes,cette ifle deviendroit le boulevard e la chrétienté contre les Infideles; ue les flottes des Croifés y trouve>ient des rafraichiffements en abonance, & des ports sürs ou ils pourDient relacher; enfin, que Ia poflefon de 1'ifle de Rhodes les mettroit jx-mêmes en état de nuire beau)up aux Sarrafins & auxTurcs,& ï feconder les Princes Chrétiens ms toutes les entreprifes qu'ils pour)ient faire pour reconquérir les ?ux faints. Philippe-le-Bel & Clé-  du Bas-Empire. Liv. CVI. ï<) ment applaudirent a ce projet, & ~ déclarerent au grand-Maïtre qu'ils A étoient dans la difpofition de le fa- ] vorifer de tout leur pouvoir. Lec' Pape ne s'en tint pas cette fois quitte A pour des indulgences & des bénédi£tions ; il tira de fon tréfor quatrevingt-dix mille florins qu'il remit aux Chevaliers. Foulques, muni de cette fomme, s'empreffe de faire tous les préparatifs néceffaires pour fa nouvelle expédition. Ii arme desvaiffeaux , leve des troupes, & raffemble fous fes drapeaux un affez grand nombre de Croifés qui étoient vernis de France & des aurres pays de 1'Europe , fe joindre a lui. Pour donner le change a 1'ennemi, il fait courir Ie bruit que fon intention eft d'aller délivrer la Terre-Sainte. Tandis que les Grees & les Mufulmans ont tous les regards tournés vers la Palefline , il fond toiit-a-coup fur l'ifle de Rhodes, y débarque fans le moindre obftacle, & met le fiege devant la capitale. Cependant des AmbaiTadeurs de 1'Ordre étoient a Conftantinople , & demandoient a 1'Empereur Andronic qu'il leur abandonngt B üj NDROIIC ii. :t Mi- IEL SON FILS. ï, 1310.  Andronic II. et MichelsonFltS, An. 1310. 1 I G F a r b tl l q f< O r 30 H I S T 0 I R E cette jfle, oü, après tout, il ne hu reftoitqu'une ombred'autorité, & oü d n'avoit plus guere d*autre poffef(ion qu'un feul chateau. Ils offroient ïn même-temps de lui en faire hommage , & de lui fournir tous les ans i titre de feudataires, trois cents Chevaliers qui feroient toujours prêts è narcher pour fon fervice contre les nfideles. Andronic qui haïlToit les Lams encore plus que les Mahométans, ut la fierté de ne pas accepter ces 'ropofitions. Au contraire, il s'épuiï pour envoyer au fecours desRhoiens un puiffant corps de troupes. 'oulques de Villaret ne jugea pas a ropos d'attendre dans fes lignes Parléedes Grecs. II en fortit, & marha a fa rencontre. On fe battit de art & d'autre avec la plus grande nimofité. Des flots de fang couleïnt, & les Chevaliers y perdirent eeucoup de monde; enfin, i!s ref;rent maïtres du champ de bataille. es ennemis plus maltraités , quoiu'infiniment plus nombreux , furent >rcés de fe retirer. Cette victoire uvrit aux Chevaliers les portes de bodes, ils y arborerent 1'étendard  du Ras Empire. Liv. CVf. 31 de la Religion le 15 aoiït 13 10. La conquête de cette capitale entralna celle du chateau & du port de Lindo, fïtué dans la partie oriëntale de Fifle ; les autres fortereffes fe foumirent fucceffivement aux vainqueurs, & en rnoinsde quatre ans Fifle entiere pafTa fous la domination des Chevaliers de St. Jean. Ils s'emparerent enfuite, fans trouverprefque aucune réfiftance, de fept ou huitpetitesiflescirconvoifines qui relevoient encore de Rhodes. Ces ifles fe nomment Nifara , Lero , Epifcopia, Calchi, Simia, Tilo, Cos oiï Lango. Au refïe, elles ne font guere que des rochers arides , fi on en excepte Simia & Fifle de Cos, renommee par la délicateffe de fes vins, & par la naiffance du pere de Ia médecine , dont elle fut le berceau» Cette derniere ifle mérita d'une maniere particuliere FattentiondugrandMaitre. II la fortifia avec beaucoup de foin, & elle devint par la fuite ii importante, qu'on la nomma une feconde Rhodes, Le fuccès des Chevliers défefpéra les Grecs & les Infideles. II ne chagrina pas moins les Génois. Ces répuB iv Andronic II. et Mlchelsonfies. An. ijlo. xni. Vains efforts de leurs en-  Andronic II, ET Ml6HEL SON FIIS. An. 1310. ^ nemis pour la 1 leur enlever. ( i C f < € C g h P P ft fi r; la n; le le av ni 32 H I S T O I R E bhcains voyoient avec dépit entre les mams des Hofpitaliers, une iüe d'oh ils avoient été fucceffivement chaffés aar Vatace & par Michel Paléolo>ue. D'ailleurs, un fujet de méconentement particulier les animoit en:ore contre les Hofpitaliers de St. ean. Ces Chevaliers avoient faifi fur 'ux un vaiffeau chargé d'effets délarés par les conventions, marchanifes de contrebande. Le refus qu'ils rent de le rendre irrita les Génois. £101 qu'on puiffe dire , toute nation, ffentiellement commercante, tienra toujours un peu de eet ancien enie Carthaginois, qui fubordonnoit >ut a la paffion du gain, & qui, ar une fuite néceffaire , fe montroit eu déheat fur la foi des traités & ir les loix de i'honneur. II faut en ire 1'aveu , tel étoit alors Ie cactere des Génois. On en trouve preuve dans les reproches fulmiints que les Papes ne ceffoient de ui- faire. I!s les accufoient d'entremr des correfpondances intimes ec les Soudans d'Egypte , de fourr aux Infideles des munitions de erre3 dg courir la mer fous pa-  nu Bas-Empire. Liv. CVI. 33 villon turc , de porter 1'image de Mahomet fur leurs drapeaux, & ce qui eft encore plus odieux , d'enlever aux Chrétiens leurs femmes & leurs enfants, & de les vendre enfuite aux Mufulmans, pour fervir a leurs infames plaifirs. II n'eft donc pas étonnant qu'avec de pareilles difpofitions, les Génois ayent été affez peu fcrupuleux, pour fufciter, comme 1'hifloire nous 1'infinue, les Infideles contre les Hofpitaliers, & qu'üs ayent même foudoyé quelquesuns de leurs chefs, pour les engager k faire la guerre a ces Chevaliers. II y a toute apparence que ce fut en partie a leur inlïigation qu'Othman vint mettre le ïiege devant Rhodes. Les fortifications de cette ville avoient été prefque réduites en poudre lors du dernier llege, & elles n'étoient point encore rétabües, quand ce redoutableguerrier fe préfentafous fes murs. La valeur des Chevaliers lui fervit de rempart. En vain les Mufulmans effayerent a dïverfes reprifes dt 1'emporter de vive force,ils furenl toujours repouffés avecperte. Décou> sagés par tant d'échecs, ils prirent J< B v Andronic ii. et Mi- CHEL SONTFltS. An. 1310,'  Andro- i nic II. j et Ml- ' chel son( fils. An. 13io. J 1 1 XIV.. Nouvelle T adminif- . tration *■ établie e parmi Jes£ Catalans. , Munt, c, 240. J Zurita, Ann.Arag. . part. 1. /. tJ 6. f. 7. f£ 60. " Je Cl d< P' tn re & fö fis . m 34 H 1 s t 0 1 a e >arti de fe rembarquer. Depuis cette dorieufe époque, les Hofpitaliers de >aint Jean de Jérufalem ne furent plus :onnus dans le monde que fous le nom !eChevaliersdeRhodes,comme!eurs HuftresfuccefTeurslefontaujourd'hui ous celui de Chevaliers de Malte.. ^ Après 1'aventure malheureufe de Locafort, les Catalans fe trouvoient ms chef, & il n'exiftoit plus parmi ux perfonne a qui ils puffent con:rer cette grande dignité; une pare de lanobleffe avoit perdu la vie ans les combats contre 1'ennemi; ne autre avoit été la victime des muneries des troupes & de leurs difntionsdomeftiquesle refte venoit i périr dans la derniere fédition fous ïiv des Aïmogavares & des Turipules. Les Catalans après avoir bien Jibéré fur le parti qu'ils devoient endre, ne trouverent point de meil,ir expediënt que de nommer qua? Chevaliers choifis dans les diffénts corps, pour conduire l'armée,. diriger les opérations miütaires is les ordres du Confeil des Döuze. refterent a Caffandrie le refte de inée.Pendant leurféjoiir dans cette  nu uas-Empir.e. Liv. CVI. 33 ville, ils recurent de la part de Gaultier de Brienne, Duc d'Athenes, une députation a la tête de laquelle fe trouvoit Roger Deflau, Chevalier du Rouffillon , qui s'étoit attaché a ce Prince. Le Duc d'Athenes les engageoit k paffer k fon fervice» leur promettant qu'aulfitöt qu'ils prendroient les armes pour lui, il leur donneroit fix mois de paye d'avance , & que d'ailleurs il leur accorderoit réellement les mêmes avantages qu'Andronic, Empereur de Conftantinople , avoit promis de leur faire. Ces propofitions leur convenoient affez, mais ,il leur paroiffoit prefqu'impoffible d'en profifer.- Corament pénétrer jufqu'a ce Prince , s'il ne leur donnoit une flotte pour les tranfporter dans 1'Attique; ear il n'y avoit pas d'apparence qu'ils puflent fi-töt aller le rejoindre par terre, Il leur auroitfallu traverfer une étendue immenfe dans un pays inconnu qui fe trouvoit couvert de moniaghes efcarpées, entre» coupe Je flelives targes & profonds , & livsei a chique pas des combats, ECóutès . diffieultés les empêcherenl de giendre gour i'inftant des engaB vj Andronic ii. et Mi- CHEL SON FllS. An. 1310.  Andro- ' NIC II. ET Ml- 1 CHEt SON | F1LS. An, 13 io, ' < ( I i XV. lis fonté une ten- r tative inutile '< fur Thef- d faloni- / que. e »c. Greg. fi /. 7. 6.d Monc. c*r £l.. *« dl d( 3e F ik cr d'. to tei qn 3 H 1 s t 0' 1 r e ;ements définitifs; mais ils accepte■ent les conditions qui leur étoient offertes dans la fuppofition que des :irconftances imprévues pourroient in jour les metrre en état d'exécuter e que le Duc attendoit d'eux. Ils urent, pendant tout le temps qu'üs 'afferent a CafFandrie, beaucoup a auffrir de la difette. Les Catalans voyant qu'il ne leur toit plus poffible de prolonger leur :jour dans ce pofte , réiolurent d'altr attaquer ThelTalonique, capitale e toute la Province. Leur intentioa :oit de s'y établir, & d'en faire le sge d'un nou vel Etat. La conquête ? Ge.tte ville étoit pour eux une afireimportante. Irene, femmed'An•onic , & Xene ou Marie, femme ! Michel fon fils , y réfidoient avec urs Cours, & y avoient mis en dé»t toutes leurs richeffes. Ce projet fut pas conduit avec affez de fe?t ; il parvint a la connoiflance Andronic. Ce Prince prit aufti-tót Jtes les mefures pour le faire avor& c'eft peut-être la feule fois e nous le voyons mettre de Pac* ité & de 1'intelïigence dans fes ©pé.  öu Bas-Empire. Liv. CVL 37 rations. II envoya des Capitaines expérimeniés en Macédoine, avec ordre de raffembier en diligence toutes les milices du pays, de réparer les fortifications des principales villes de la Province , & d'y renfermer toutes les produclions de la terre, afin de couper les vivres aux ennemis. En même-temps, pour empêcher les Catalans de revenir fur leurs pas, & de rentrer en Thrace, il fit élever une forte muraille qui s'étendoit depuis Chnfiopole fur le bord de Ia mer, jufqu'au fommet du mont Rhodope. Cette muraille étoit défendue dans toute fa longueur par des corps de garde placés de diftance en diftance. Au printemps de cette même année 13 1 o, les Catalans fortirent de leurs quartiers, pour s'avancer vers Theffalonique ; ils furent fort étonnés, lorfqu'ils la trouverent munie de troupes , & difpofée a fe bien défendre. Alors ils formerent la réfolution de 1'emporter par un coup de main; mais ils furent repouffés avec perte. Après eet échec ils fe mirent a courir Ie pays^ le fmuvant dégarai de vivres» ils jugerent qu'ils ne pourroient j Andronic II. ET Ml- chei.s01s FiLS. An. 1310..  a'NDS NIC ] ET m «ïfiEL S FILS An. 13 v 3* H r s t o r r e ~ fubfifier long-temps; ilsprirentdonc, f " comme Andronic 1'avoit prévu, le [- parti de rentrer en Thrace. Déja ils 0N étoient en marche , lorfqu'ils appri(0# rent que Ie paffage fe trouvoit fermé par un retrancheir.ent qu'il leur feroit humainement impoffible de forcer. Cette fatale nouvelle les jetta d'abord dans la confternation ; ils fe regardoient comme des gens perdus. Mais bientót, reprenant tout leur courage r i's s'occuperent des moyens de fe tirer de ce mauvais pas; üs n'en virent point d'autre que de traverfer rapidement Ia Macédoine , & de defcendre comme un torrent en Theffalie,. La fortune les fervit encore fi bien cette foisr qu'ils arriverent en peu de jours & fans éprouver le moindre obftacle, fur le bord. du Pénée qui couie entre le mont Olympe & le mont Qffa, & arrofe Ia délicieufe vallée de Tempé. Ils fe cantonnerent dans les villages & les habitations fitués üw les bords de cette riviere; & engagés par Ia température du climat & par 1'abondance de toutes les chofes néceffaires k\ la yie , ils y pafferent "hjvero.  du Bas Empire. Liv. C VI. 39Au retour de la belle faifon, les Catalans quittent la vallée de Tempé, & s'avancent dans 1'intérieur de la Theffalie. Jean Ange Ducas,, Souverain de cette contrée avoit époufé Irene, fille batarde de 1'Empereur Andronic. II étoit mal avec fon beaupere , paree qu'il ne vouloit point fe reconnoiti e pour fon vaffal. L'arrivée des Catalans dans fes Etats Peffraya. Ne fe fentant pas trop capable de leur réfifter, il crut devoir employer la voie de !a négociation pour fe délivrer de ces hótes dangereux. II leur offntde grandes fommes d'argent, des approvifionnements en abondance & des guides pour les conduire dans, l'Attlque qu'on appelloit auffi 1'Achaïe, fans toutefoii négligerde fortifier fes meilleures places , & de faire mettre fes troupes fous les armesv Les Catalans aimerent mieux accepter des propofitions fi avantageufes, que de' s'expofer au hafard des combats. Ils prirenï donc leur chemin par cette p?rtie monfuenfe de la Theffalie, que Nicetas, nomme. la Blaquk% & qu'il ne faut pas confbndre comme fait. Zurita,. avec la; Valachiè; Les Cata- Andronic II. et Ml- :hel som FItS. kn. 1311, XVI. Ils palrent dela Theffalie en Achaïe. Nic. Greg. '. 7. c. 7». Munt, e. 140. Zurita , Ann. Arag*. ■:art. i. /. 3. c, 7. Manc, f». )2.  Andronic II. ET Ml- CKEL SON FILS. -*-n, 1311. XVII, Les Catalans entrent au iervice du Duc d'Athenes. Zurita , Ann, Artsg. p. I. I. 6. c. 7, Monc. c* ' 63. Ontrem, de • txcid. i Grxc. lib.i fingul.c.j, j .1 < I jf 40 HlSTOIRE lans, après avoir traverfé cette région, pafferent le défilé des Thermopiles, fi célebre par la belle défenfe de Léonidas, & des trois cents Spartiates contre Xercès; de-la ils fuivirent le cours du fleuve Cephife qui defcend du mont Parnaffe, & s'arrêterent dans les villages voifins du pays des Locriens, avec 1'intention d'y paffer le refie de Pautomne & 1'hyver fuivanr. Gaultier de Brienne, informé que ces braves gens font fur fes frontieres , fe hate de leur envoyer des députés pour leur rappeller la parole qu'ils lui ont donnée lorfqu'ils étoient a Caffandrie. Les Catalans ratifierent Ie traité qu'ils avoient fait provifionnellement avec le Duc , & entrerent ï fon fervice aux conditions dont on ;toit convenu. Gaultier de Brienne, /oyant fes forces augmentées par la on&ion des Catalans, fe mit auffi-tot ;n campagne, fit la guerre a fes voiins, & leur reprit environ trente killes ou fortereffes qu'ils lui avoient 'nlevées. Ses ennemis étoient, d'un öté , Ie Prince des B'aques, le Def>ote de 1'Arta ,appeliée par les anciens ^mbracie, 6? de 1'aiure 1'Empereur  du Oas-Empire. Liv. CVI. 41 Andronic. Ce Prince avoit fait quelques tentatives pour empêcher Gaultier de Brienne d'entrer en poiTeffion du Duché dAthenes. L'hiftoire ne nous a tranfmis aucun détail fur cette expédition oü les Catalans fe fignalerent fans doute par de glorieux exploits. Elle fe contente de nous apprendre qu'elle fut- terminée en peu de temps. Gaultier de Brienne, fe voyant paifible poffeiTeur de fes domaines, com merca a traiter les Catalans avec indifférence. II négligea de les payer; ils fe plaignirent, le Duc prit mal leurs remontrances, & finit par les fommer de fortir de fon pays, mena^ant de les faire tailler en pieces, s'ils nê lui obéiffoient promptement. Les Catalans, d'après une pareille réponfe, jugerent qu'il n'y avoit pas de temps a perdre pour eux, qu'il falloit au plutöt fe mettre en état de défenfe. En conféquence, ils commencent par s'emparer de piufieurs piaces avantageulement fituées, puis ils courent la campagne, ik mettent tout le pays a contribution ; c'étoit, au refte, la feule reffqurce qu'ils euffent pour Andronic ii. ET Ml- CHEL SOM FILS. An. 1311. An.1312. XVIII. Le Duc veutchaffer les Catalans , ils lui font Ia guerre & le tuent. Nic. Greg, l. 7- c. 7. Munt. c. 240. Zurit, Ann. Arag. 9, i. I. 6. :. 7. Moncnda, :. 64. 6j. Laonic. I. I. c. 1. Ontrem, de '.xcid. Grtee, lïhè  Ammio- MC II. *t Mi- tlltl SON nis. Ao. i ju fingul. c. 3. Hifl.Confl. Duc. p, 2-41. 242. i 1 I i 1 i i t i t t C t a a c1 c 4a 11 I S ï O I R B : -'lifter. Gaultier de Brienne, de fon Cötc, raffembla toutes fes forces; elles etotent bien fupérieures a celles des Catalans , & Ce Prince ne doutoit nul emeat qu'il ne lui fut facile de lesécrafer; il comptoit beaucoup fur la valeur de fept cents Chevaliers, dont la plupart étoient Francois. L'armée Catalane ne fe montoit qu'a trois mille cinq cents cavaliers, & quatre Tïille fantaftins, quand elle fortit de es quartiers pour aller a Ia rencon:re du Duc. Elle vint camper dans ine vafte prairie , réfoltie d'y attenIrece Prince qui s'a vanuit avec conlance. Pour fuppléer a leur petit lombre , üs s'aviferent d'un ftrata;êine qui eut tont le fuccès qu'ils 'en étoient promis. Ils couperent par me multitude de fillons affez proonds, tout le terrein qui étoit devant ux & fur leurs flancs, puis ils 1'icmderent en y faifant couler l'eau 'un ruilTeau ou d'un aqueduc qui fe rouvoit dans Ie voifinage. On étoit lors au mois de Mars, & déja 1'herbe voit affez de hauteur pour empêcher e reconnoïtre de lotn 1'état du fol ont 1'artifice des Catalans avoit fait  r>u Bas-Empire. Liv. CVI. 4 >in marais fangeux. Le lendemaii Gaultier de Brienne arrivé. II rang fes troupes en bataille. Les Catalan & les Arragonois en font autant d leur cöté. Le Duc , brülant d'impa tience d'en venir aux mains, & vou lantavoir 1'honneur de porter les pre miers coups, s'ébranle a la tête d fa cavalerie; d'abord il va au peti pas , puis précipite fa marche par de gres, & enfin il s'élance impétueufe ment pour heurter 1'ennemi avec plu de violence. Cette manoeuvre biei cornbinée enelle-même ne fervit ce pendant qu'a le perdre plus füremenl Les premiers rangs de fa cavaleri engagés dans la fange , & fe trou vant dans Pimpoffibilité d'avancer font culbutés par ceux qui fuivent ces derniers emportés par 1'impulfioi générale, ne peuvent s'arrêter, 8 s'embourbent comme les autres. Alor ce ne fut plus que défordre & con fuiion. Les Almogavares, armés a 1; légere, font pleuvoir fur les Athénien & les Francois leurs alüés une grêl< detraifs; approchant enfuite de plu prés, ils les frappent a grands coup: d'épée, fans que 1'ennemi chargé d< 3 1 '?™fS5 » Andronic ii. s et Mi;chel sou fils. An. 1312* t s I * l 7 i t  Andronic II. ET Ml- chel son fils. An. 1312, 1 ] I i ] 1 ( ( 1 t S r < a é XIX. Les vain- s queurs fe mettent ^ 44- Histoue fer & enfoncé dans la boue, puifle faire le moindre mouvement pour fe défendre. Le Duc fut tué dès la première charge. LesTurcs & les Turcopules avoient d'abord refufé de combattre, & s'étoient tenus a 1'écart, paree qu'ils ne pouvoient croire que le Duc d'Athenes, après ce que 'eAs Catalans avoient fait pour lui, Jut venir les attaquer è main armée; Is s'imaginerent que c'étoit une feinte :oncertée entre les deux nations pour es faire donner dans le piege, & les ïxterminer en haine de la religïon le Mahomet. Quand ils virent que 'affaire étoit férieufe , ils fe réunient aux Catalans, & acheverent de létruire l'armée Athénienne. Des fept :ents Chevaliers qui accompagnoient eDuc,& qui faifoient 1'éüte de fes roupes, deux feulement échapperent la mort, favoir Boniface de Véroe, & ce même Roger Deflau que ïaultier de Brienne avoit envoyé en mbaffade aux Catalans, lorfqu'ils toient cantonnés a CaiTandrie. Après cette vkloire, les Catalans ayancerenr versThebes qui leur ourit fes portesj ils fe préfenterent  nu Bas-Empire. Liv. CVI. 45 devant Athenes ,qui s'empreiTa de les recevoir. Toutes lesautres places imiterent 1'exeinple de ces deux capitales , & tout le pays fe foumit a ces étrangers. Ils en prirent poffeffon comme d'un domaine qu'ils n'avoient pas envie d'abandonner. Auffitöt ils penferent a fe donner un Souverain qui les gouvernat avec le titre de Duc d'Athenes. Ne trouvant parmi eux perfonne qui leur parut d'une naiffance affez diftinguée pour porter un titre fi relevé, ils le propoferent a Boniface de Verone, leur prifonnier. Ils jetterent les yeux fur lui, probablement paree qu'il étoit Seigneur en partie de Fifle de Négrepont, & alüé des Vénitiens & des Francois établis dans cette ifle, efpérant fans doute qu'il leur ménageroit la bienveillance de ces deux nations, ou au moins qu'il les empêcheroit de leur être confraires, Mais ce généreux Chevalier refufa leurs offres. Roger Deflau, a qui ils s'adrefferent enfuite, les accepta fans aucune difEculté. Ils lui firent époufer une Dame recommandable par fa naiffance & par fes qualités Andronic ii. et Mi- -hel son fils. An. 1312.' en poffeffion de fes Etats. Nic, Greg. f. 7- c 7- Munt, Cm 240. Zurit, Ann, Aragl nart. 1, l. 6. c. 7. Mone, c«' 6 su Duc. hifi, Conft, p, 243'  4# Histoir Andronic II. et Mlchel son fils. An. 1312. XX. ' Stratagême des 1 ennemis d'Athana- 1 fe. ( Nic. Greg l. 7- <■■ 9. ' Boivin an- ' nötat. in \ Nic, Greg. ^ Le Quien ( ChriS. 4 r perfonnelles. Elle étoit veuve de Thomas, Seigneur de Soula, qui avoit poffédé quelques ifles aux environs de la Morée. L'expédition des Catalans, eft, fans contredit, une des plus mémorables qu'on puiffe voir dans les falies des nations belliqueufes. Elle a été comparée a la fameufe retraite des Dix-mille. Peutêtre trouveroiton, qua bien des égards le parallele feroit k I'avantage des Catalans. Nous nous fommes un peu étendus fur ce trait d'hifïoire, paree que nous avons cru qu'il n'éoit point inutile de faire connoitre ci d'une maniere particuliere, des 'uerriers qui ont porré a 1'Empire ie Conftantinople, un coup dont il i'eftreiTenti jufqu'au dernier moment le fon entiere extin&ion. : L'éloignement des Catalans laifant enfin refpirer Andronic , lui pernit de*revenir aux affaires de lEglife m'il n'abandonnoit jamais qu'a re;ret. Le fiege patriarchal fe trouvoit ;ncore vacant par Ia retraite d'Athaïafe. Ce Prélat 1'avoit quitté cette ois pour une caufe affez bifarre. ks ennemis. aorès avnir pnmf4 ««  du Bas-Empire. Liv. CVjT. 47 vain toute leur induftrie pour le faire difgracier, s'étoient avifés d'un ftratagême, fur lequel ils comptoient d'autant plus , qu'il ne pouvoit manquer de compromettre le Patriarche avec 1'Empereur. Ils enleverent furtivement du tröne épifcopal 1'efcabeau fur lequel le Prélat avoit coutume de pofer fes pieds lorfqu'il affiftoit a 1'office ; ils fïrent peindre ou fculpter 1'image de 1'Empereur avec un mords a la bouche, & le Patriarche qui le menoit k Jefus Chrift par la bride. Le marche-pied fut enfuite remis a fa place. On eut foin qu'il n'échappat pas a la curiofité de gens qu'on favoit très-difpofés a ne point garder Je filence fur une païeille découverte. Bientöt le bruit s'en répand par toute la ville , & Andronic ne tarde pas k en être informé. Athanafe protefte qu'il n'a eu aucune part k cette indécente plaifanterie; il demande même avec inftance qu'on faffe des informations pour en connoitre les auteurs. Les coupables ne furent pas long-temps fans être découverts. Amenés aux pieds de 1'Empereur, ce Prince les Andronic ii. et Mi- chel son fils. An. 13 iz.  Andronic II. et Ml- chelson fils. An. 131a. i XXI. Ce Prélat remplacé par Niphon. 48 HlSTOIR! accabla de reproches, & les condamna a finir leurs jours en prifon. Le vindicatif Patriarche trouva que le chatiment n'étoit pas affez rigoureux; il auroit defiré qu'on eüt déployé contre ces malheureux toute la févérité des loix. Ses repréfentations fanguinaires ne furent point écoutées; fon courroux s'alluma ; & pour punir 1'Empereur de n'être pas auffi cruel que lui-même, il fe retira dans un monafïere. D'autres prétendent qu'il fut obligé de quitter ra place , paree qu'il fouffroit qu'un 3e fes Officiers prït de Pargent de :eux qui recevoient les ordres fa:rés; c'étoit aller contre la derniere :onfiitution de 1'Empereur qui avoit profcrit eet ufage comme un abus. Quoi qu'il en foit, ce ne fut qu'après .ine vacance de deux ans révolus, :'eft-a-dire en 131-1 , qu'Andronic :lonna ordre au fynode de s'affembler pour nommer un fucceffeur k Athanafe. Ces fortes d'éleftions n'étoient guere que pour la forme. C'étoit prefque toujours 1'Empereur qui défignoit celui qui devoit remplir cette grande  du Bas-Empire. Liv. CVI. 49 grande dignité, & le clergé n'auroit pas ofé jetter les yeux fur un autre. II efi a préfumer que s'il eüt été libre dans fes fuffrages, il auroit choifi1 pour remplacer Athanafe , un fujet. plus épifcopal que Niphon. Cet hom-' me , quoique déja Evêque de Cyzi- i que, n'avoit aucune des qualités de' fon état. II étoit d'une ignorance fi profonde , qu'il ne favoit pas mêmeJ figner fon nom ; mais en récompen- 1 fe , il avoit un efprit fin , délié, fou- < ple, de grandesdifpofitions pour 1'in- trigue, & fur-tout. beaucoup de fagacité pour les affaires. II s'étoit même diftingué par fon aöivité 8c fes talents militaires contre les Turcs en Afie. II avoit fait fortifier Cyzique, & elle étoit devenue par fes foins un afyle, oü les malheureux habitants des campagnes voifines venoient fe mettre a couvert des infultes de 1'ennemi. C'efi fans doute ce qui aura difpofé Pachymere a lui donner des éloges que Nicéphore Grégoras efï fort éloigné de lui accorder, comme on va le voir par la fuite de fon hiftoire; car c'efi ce dernier écrivain qui nous en a fourniles principaux traits. Tom XXIV, € Andronic II. et Ml- :hel sok fils. V.n. 1312. Vz'c. Greg. • 7- c. 9. Jachym. /« . c. 9. indr. 'hrant^. IJ . c. 9. •t Ouien „ ~)ritns  Andhoktc ïl. ET Ml- CHELSOK FILS. An. 1312. XXII. Conduite yeu épif«opaledu nouveau Patriarche.Nic. Greg. I. 7- % \ I 50 HlSTOIRE Si Ton en croit Nicéphore, perfbnne n'entendoit mieux que Niphon a régir un domaine. Auffi fut-il parfaitement faire valoir les revenus de fon bénéhce. De toutes les fon&ions de fa place, c'étoit celle dont il s'acquittoit avec le plus de fuccès. Les monafteres de femmes furent l'objet chéri de fa follicitude, moins pour y établir la régularité & y maintenir 1'obfervance des conftitutions, que pour fe procurer les moyens de s'approprier quelque portion de leurs ■icheffes. Deux couvents renommés ?ar leur opulence, exciterent prin- * :ipalementfa cupidité. II femitala :ête de 1'adminiftration de leurs biens, k jamais intendant ne fut mieux ti■er parti de fon emploi. II infpira luxreligieufes le goüt des batiments; :e qui les jetta dans des dépenfes énormes dont il eut 1'art de faire entrer 'a plus grande partie dans fes coffres. Enfin, aucun moyen d'acquérir ne !ui paroifloit illicite, pourvu qu'il put fournir a fon luxe. II étoit re:herché dans fes habits, fomptueux ians fes ameublements, magnifique dans fes équipages. Aucun Seigneur  dit Bas Empire. Liv. CVI. gt de la Cour, ni 1'Empereur lui-même, n'avoit dans fes écuries des chevaux qui égalaffent la vivacité, la beauté & 1'éiégance des fiens. Sa table étoit fervie avec une profufion & en même-temps une délicateffe dont n'approchoit point celle du Souverain; mais, comme le remarque Nicéphore , ce voluptueux raffiné favoit obferver une forte de régime dans 1'ufage même des plaifirs. II avoit foin de s'abftenir des méts qui auroient pu altérer fa fanté , nuire k Ia fraïcheur de fon teint ou en termr 1'éclat; car il n'étoit pas fans quelque prétention auprès du beaufexe; il en recherchoit volontiers Sa compagnie , & les Dames de Conftantinople devoient le trouver bien différent du farouche Athanafe. Quoiqu'un Evêque de ce carac'tere dut être affez indifférent pour tout ce qui intéreffoit la religion, cependant il lui vint en fantaifie de iignaler fon zele par quelque aclton: d'éclat. II y avoit long-temps que! 1'Empereur defiroit de voir les Arfénitesfe rapprocher de 1'Eglife dont als fe tenoient opiniatrément lëpaC ij Andronic ii. ET MlCHELSOHFILS. An. i$is„ XXIK. Nipho» irojette Ie gagner es Arfeïites.Vic. Greg, . 7. e. 9.  5 Andronic II. r ET Ml- ^ CHEL SON r FILS. * An. 1312, r c t c p d f< a d d d n h r n d c c 1 \ t c c F c S HlSTOIRE és depuis 1'an 1264. Cette réunion 'avoit ceffé detre 1'objet de fes ceux; mais fes tentatives pour y arvenir, étoient toujours demeuées fans effet. Niphon lui propofa e reprendre cette affaire, prometmt de lui en faciliter la réuffite , l d'écarter tous les obftacles que fes rédéceffeurs y avoient apportés. Anronic goüta fort ce projer. Les Ar:nites formoient une fecfe, qui, prés avoir fait autrefois beaucoup e bruit , commemcoit a tomber ans Pobfcurité, Elle étoit compofée e fanatiques qui affeöoient de meer une vie auflere. Couverts de aillpns, ils erroient dans les foïtS j dans les lieux folitaires, au ïilieu des rochers, fuyant la fociété es autres hommes qu'ils regardoient omme des réprouvés; mais fous les ehors de la pauvreté, & fous les vréésde la pénitence, ces pieux fauages cachoient un orgueil infupporible; ils mirent a leur retour les onditions les plus exorbitantes. Ils emanderent d'abord qu'on tranfortat du monafiere de St. André, ans le temple de Sainte-Sophie, le  nu Bas-Empire. Liv. CVI. 53 corps d'Arfene ; que cette tranflation fe fit avec le plus grand appareil; enfuite qu'on fufpendït Ie clergéde toutes foncfions eccléfiafïiques pendant qua-« rante jours; enfin, qu'il fut enjoint au peüplè de fe purifier par le jeune, par des prieres & des proftrations. Se foumettre a de pareüles conditions, c'étoit reconnoïtre que les Arfenites ayoient feuls le bon droit de leur cóté. L'Empereur, qui avoit toujours ett un fecret penchant pour leur parti, confentit a tout, & le complaifant Niphon, que fa confcience ne gênoit guere, ne difputa fur rien. Dès que le temps prefcrif pour Ia pénitence pubüque fut accompli, Ni-11 phon monte au jubé de Sainte-Sophie, * revêtu de fes habits pontificaux, &a en préfence du corps d'Arfene, ill' donne au nom de ce Prélat 1'abfolution au peuple. C'étoit un vraitriomphe.pour les Arfenites; mais ils ne vouloient point que cette vicloirefüt pour eux ftérile. Ils prétendirent qu'on les choifit de préférence pour rempür les prélatures , les places de fupérieurs dans les monafteres, les magiftratures, & même les dignités C iij Andronic II. et Mi- hel son SUS. .11. 1311. XXIV. échoue eft renjyé. ie. Greg. 7. e. 9*  5* M I S T O J E E » Andronic II, et Mlchel son fils, An. 1312, XXV. Mariage de Philippe de TarenteSivec rijn- de la C.cmr. Np tfnumnt m. r uiii jvaj 1 AJJU JJC" reur auffi facile fur eet article qu'il 1'avoit été fur tout le refte , ils commencerent a murmurer. Les plus accrédités d'entr'eux obtinrent des penfions, & fe turent; les autres qui ne furent pas fi bien traités, retournerent a leur fchifme^ fortirent de Conftantinople, & regagnerent en grondant leurs tannieres. Ce mauvais fuccès déconcerta Niphon, & renverfa toutes les efpérances qu'il avoit fondées fur fa démarche ; mais il s'en dédommagea en continuant de trafiquer des chofes faintes & des places eccléfiafiiques. Enfin, il mit ü peu de fecret dans ce honteux commerce, & le fcandale devint fi public , qu'on fut obligé de Pen punir. Le fynode prononca contre lui une fentence de dépofition le ir avril *315. Niphon fe retira au monaftere de Periblepte, après avoir déshonoré pendant trcis ans & dix mois, le liege de Conftantinople. Les Latins recommencoient k donner de nouvelles inquiétudes a 1'Empereur. Tout retentiffoit du bruit des préparatifs qui fe faifoient en Eiirope  du Bas Empire. Liv. CVÏ. 55 pour attaquer fes Etats. Philippe, Prince de Tarente, avoit déja mis fur pied, pour aller conquérir la dot de Catherine de Valois , Impératrice( titulaire de Conftantinople , & fa fu-; ture époufe, deux mille chevaux &c [ quatre mille hommes d'infanterie. t Déja Clément V avoit accordé d'am-c pies indulgences a ces troupes, &j lancé contre Andronic Paléologue tous les foudres de 1'Eglife. Quel-" qu'empreffementque ce Pontife mon-1 trat, d'un cöté, pour Pexécution de « ce projet, il y mettoit néanmoins obfïaclede 1'autre. II croyoit ne pou- * voir équitablement accorder au Prince de Tarente les difpenfes néceffaires pour fon mariage avec la niece de Philippe-le-Bel fa parente, qu'aprèsque Hugues, Duc de Bourgogne, a qui la jeune PrincefTe avoit été jadis fiancée, auroit accordé fon défiftement. Hugues & la Ducheffe douairière fa mere, fe rendoient très-difHciles. Catherine de Valois avoit douze ans accomplis, & par conféquent elle fe trouvoit dans lage oü les femmes eeffoient d'être mineures. A Pexemple de fa mere, elleufa de fon droit de G iv Andronic il. et Mt:hel sow fils. in. 131 3:. ératrice itula-ire e Conf- Jtitino- le. Uuc. hifi. & Conft. leces juff. Rayn. nn. Et-  Andronic II. ET MlGHEL SON FUS. An. 1313, 1 i < 1 < 1 ' 1 i < ( t i 5^ H I S T 0 I R 5 majorité, & déclara exprefiement en préfence de témoins, qu'elle défavouoit 1'engagement que le Comte de Valois fon pere, avoit pris tandis qu'elle étoit au berceau > de Ia marier a Hugues, fils de Robert II, Duc de Bourgogne, & d'Agnès de France ;. qu'il lui falloit un époux qui zut dès maintenant le pouvoir de la porter fur le tröne de Conftantinople; que le nouveau Duc de Bourgogne n'étant pas en état de réuffir Jans cette grande entreprife , elle reïoncoit è fon alliance pour donner a main au Prince de Tarente. Phiippe paroifToit en effet avoir un grand ivantage fur le Duc. Par fa pofition * !_ étoit beaucoup plus a portée d'a;ir offenfivement, & avec fuccès :ontre les Grecs. II poffédoit, dn :hef de fon pere , outre FAchaïe pro* >rement dite , les villes de Duras & le Canine, une portion de PAlbanie ivec Fifle de Corfou; & du chef de rhamar, fa première femme, fille du lefpote Nicéphore, une grande partie Ie FEtolie. Philippe avoit donc déja, m pied dans FEmpire, & d'ailleurs. I pouvoit aifément tirer des fecours,  nu Bas-Empire. Liv. CVI. 57 rlu Rovaume de Naoles. cmi n'étoit féparé de la Rotnanie que par le golphe de Venife. La proteftation de Catherine jointe aux inftances du Pape & du Roi de France , triompha enfin de 1'opiniatreté du Duc; ce ne fut néanmoins qu'a certaines conditions. Hugues & fa mere exigerent que le Prince de Tarente renoncjït, d'un cöté, a tous fes droits fur la Principauté d'Achaïe , en faveur de Mathilde de Haynaut, qui devoit époufer Louis de Bourgogne , frere cadet du Duc, & de 1'autre a toutes fes prétentions fur Ie Royaume de Theffalonique en faveur de ce même Prince. Cette tranfaftion ayant levé toutes les difficultés qui s'oppofoient a 1'union de Catherine de Valois avec le Prince de Tarente , on s'emprefTa de dreffer leur contrat de mariage. Les intéréts des deux- époux y furent fiipulés avec le plus grand foin, On y difoit que fi Catherine venoit a décéder après la guerre commencée pour le recouvrement de l'Em= pire Grec, la moitié du même Empire feroit adjugée pour les fraix d'ar< r&ernent au Prince de Tarente , §£• i G v- Andro- nic II. et Ml3hel SOtf FILS. \n. 131J.' li  Andró nic II. et Wichel son fils. A?n. 1313. 1 i 1 c c i T V I ƒ( d C' >- 5§ II I S T O I R E fes héritiers avec Ie titre imperia!,, 8s la fuzeraineté fur 1'autre partie qui appartiendroit aux repréfentants de Catherine; & que fi ce Prince avoit des enfants de 1'Impératrice, ces enfants lui fuccéderoient a Ia totalité de 1'Empire. Un autre article du contrat portoit que dans le cas oii le Prince de Tarente, après être entré en Romanie, viendroit a mourir fans enfants de ce mariage, la moitié de I'Empire de Conftantinople pafferoiï fous les mêmes conditions qu'elle lui Jvoh été accordée, a Charles qu'il wok eu de fa première femme, & 1 Jeanne de Valois, époufe de ce néme Prince & fceur de Catheriie.. Le traité ajoutoit que fi Phiüppe erminoitfa carrière avant d'être pafie n Grece , tout I'Empire demeureroit lè plein droit a Catherine & aux ens,a moins toutefois que Charles e voulüt pourfuivre 1'expédition rojettée par fon pere -r qu'alors ce rince ,.foit qu'il réuffitou non dans >n entreprife, n'en auroit pas moins roit a la moitié dë I'Empire, avec :tte claufe cependant, qu'elle rele£roJt de 1'autre portion qui refte-  bu Bas-Empire. Liv. CVI. 59 roit en toute fouveraineté avec le titre impérial a Catherine & a fes héfitiers. Ces conventions furent confïrmées par Charles, Comte de Valois , & pere de 1'lmpératrice, en préfence du Roi de France, au mois de juillet 1313. Ce n'eft peut-être pas un fpecfacle indifférent de voir Fair d'importance avec lequel les Princes Latins démembroient alors dans leurs confeils I'Empire de Conftantinople, pour fe le partager entr'eux ; Ia confiance avec laquelle ils fe paffoient fur la tête les uns des autres des couronnes imaginaires ; la fimplicité que plufieurs d'entr'eux avoient de donner des fommes d'argent en efpeces bien réelles , Si quelquefois de riches domaines pour fe procurer le ftérile honneur de fe dire Souverains de pays,. oü fouvent ils n'eurent jamais plus de vaffaux que nos Evêques inpartibusriy ont maintenant de diocéfains. Quoi qu'il en foit,le mariage de Catherine de Valois avec le Prince de Tarente fut céiébrc le trentieme jour du même mois de juillet a Fontainebleau. Toute 1 ia Cour y affifta. C vj' Andronic ii. ET MlCHEt sok fils. An. 13131  Akdkq- N1C II. et Ml-chel so] fils. An. 1313 XXVI. Son expé dition pour le recouvre ment de I'Empire n'a poini lieu. Duc. hift. C.onft. I. 7, & pieccs. Pfiif. Rayn. Ann, Eccl, 6o II I S T 0 1 R B Les plaies que les dernieres crol~ fades avoient faites a la France , n'étoient point encore fermées : cepen'd™} Philippe-le-Bel n'en avoit pas , moins concu le projet de fe livrer de nouveau a ces expéditions malheureu• fes._ Dès 1'année précédente, il s'étoit croifé avec Edouard, Roi d'Angleterre, fon gendre. Philippe ne doutoit point que la conquête de Conftantinople par fon neveu ne dut lui faciliter celle de la Terre-Sainte. C'efi:. pourquoi il s'intérefTa vivement a la réuffite de cette expédition; il s'engagea même a fournir au Prince de Tarente, des hommes ou de 1'argenr. Mais la mort de ce Monarque, dér cédé le 29 novembre 13 T4', ou quelque autre événement, fit fans doute évanouir ces projets , ou en ralentit au moins fexécution. II paroit même que Philippe depuis fon mariage fit peu de mouvement pour fe mettre en poffeffion de I'Empire de. Conftantinople. L'hiftoire ne nous parle d'aticune opération de fa part relative a cette conquête. On le voit feulement engagé dans quelques guerres qui lui étoient prefque étrangeres, & fur-tout dans une ligue formée par le Roi de  nu Bas Empire. Liv; CVI. 61 Hongrie, pour forcer Urofc, Crale de Servië , a fe courber fous le joug de l'Eglife Romaine. Si I'Empire échappa encore cetie fois aux coups que les Latins fe difpofoient a lui porter, il ne put éviter les nouveaux défafires d'un orage que Ia Cour de Conftantinople croyoittout-a-fait paffe, & qui revint en rétrogradant fondre fur la Thrace». En effet, les Turcs & les Turcopules qui avoient fuivi les Catalans & les Arragonois , les voyant difpofés k fe fixer dans 1'Attique & dans la Béotie ,ne voulurent point accepter les offres qu'ils firent de leur donner des terres Sc des habitations telles qu'ils pourroient les defirer. Les Catalans ne jugerent point k propos de les retenir malgré eux. Les Turcopules & les Turcs firent d'abord route enfemble, &c s'en retournerent par le même chemin qui les avoit amenés , ne vivant, felon leur coutume,.quede rapines,& maffacrant tout ce qui ofoit leur réfifter. Arrivés en- Macédoine , . les Turcopules dirigerent. leur marche vers la Servië ?!6k: allerent: s'offnr au Crale?> Andronic ii. ET Ml- chelson fils. An. 1313» xxvir. Les Turcs & les Turcopu-les fe féparentdes Catalans. Moncad, cl 66. Munt. cl. 241. Zurita,. Ann. Arag. part. 1. /, 6. c. 7. Nic. Greg. I. 7. c. 8. Outrem, dc txcid. Gmc. liber  Andronic n. et Mlchel SOi fh.s. Aa. 1313 62 ff I S' T O I R E qui les reent volontiers. Quant aux Turcs, leurintention étoit derepaffer en Natolie, & d'aller partager avec leurs femmes, leurs enfants, leurs parents & leurs amis, les riches dépouilles qu'ils avoient enlevées aux Grecs. Pour remplir ce projet, il y avoit bien des difficultés a vaincre. I! leur falloit d'abord forcer le défilé de Chriffopole, fermé par la grande muraille, & enfuite trouver des vaiffeaux pour traverfer 1'HellefponC Jamais il ne leur eüt été poffible de furmonter ces deux obftacles, fi les Grecs euffent été capables & de la moindre réfolution & du plus petit effort. Mais le découragement étoit univerfel, & le nom feul de ces Barbares imprimoit une fi grande terreur aux habitants de ces contrées, qu'ils fuyoient devant eux, comme dans les forêts on voit fuir les animaux les plus foibles devant les tigres & fes lions. Ghalel & fa troupe qui ne fe montoit pas a quinze cents hommes , portoient impunément la déFo'ation dans tous les lieux oh ils paffoient. Andronic, informé que leur leffein- étoit de fortir de fes Etats?  nu Bas Empire. Lm CVI. trut devoir leur en faciliter lui-même les moy ens. 11 s'engagea, pourvu qu'ils vouluffent s'abflenir du pillage , & fe retirer tranquillement, a leur fournir tous les approvifionnements dont ils pourroient avoir befoin pendant leur route. II promit auffi de leurouvrir tous les paffages, & de leur procurer des vaiffeaux pour les tranfporter de 1'autre coté du détroit. Enfin, pour qu'ils puffent faire leur retraite fans être inquiétés, il chargea le Stratopedarque Sennacherim de les efcorter avec un corps de troupes impériales de trois müle hommes. Déja les Turcs arrivés a Gallipoli fe difpofoient a s'embarquer: Senna- • cherimtrouva qu'il étoit honteux pour les Grecs de laiffer partir ainfi une, poignéé" de Barbares chargés des dépouillesde la patrie ,& dont les mains * fiimoient encore du fang de leurs con- / citoyens. II forma^ donc le complot de les exterminer, en tombant fur eux pendant la nuit •+ mais fes mefures ne furent pas affez bien prilës,. fon deffein tranfpira. Les Turcs fe tinrent fur leur garde j ils fe faifirenfc d'imefortereffe voifine5:tksrf retrao? Andronic II. et Mi- EHEt so» fils. An. i Ji j» Én. 1314-, xxviii. Perfidie lesGrecsv Monc. c. 7- 7ic, Greg. 7. c. 8..  Andro■ NIC II. etMi- chelso! fils. An, 131,] xxix; Oéfait de Mir ^4 R I S T 0 1 R E' 1 cherent, déterminés k vendre bien cher leur vie. Le lache & perfide Sennacherim n'ofa point entreprendre de 1 les y forcer; il dépêcha k la Cour , de Conftantinople un exprès pour inftruire Andronic de la pofition embarraffante oü il s'étoit mis lui-même, & pour lui demander avis fur ce qu'il avoit k faire. Ce Prince, dont 1'efprit ftottoit toujours dans une mer d'incertitudes, différa de répondre. S'il eüt eu des principes, fa réponfe n'eüt pas du fe faire attendre, & Sennacherim auroit appris k fes dépens qu'il étoit moins infamanr pour les Greos de laiffer aller les Turcs avec leur butin , que de vouloir les égorger,. en manquant k la parole qu'on leur avoit jurée. Quoi qu'il en foit, ces délais donnerentaux Turcs le temps de fe fortifier de plus en plus. Ils• appellerent a leur fecours leurs corapatriotes & bientöt ils fe virent en état de faire tête aux Grecs. Alorsij n'y eut plus d'efpérance de s'en délivrei:-,, fans employer la force des' armes. r Le jeune Empereur recurordre del 'fon pere de fe prépafer gour cettw  nu Bas-Empire. LM CVI. 65 sxpédition, Auffi-töt Michel raffem- * ble Ses meilleures troupes de I'Empire, J fans compter unemultitude de gens de la campagne qui vinrent fe ran- c ger fous fes enfeignes; mais la plu- A part n'avoient pour armes que des inftruments de moiffonneurs ou de 6 labourage. Michel, glorieux d'être a la tête d'une armée fi nombreufe, / croyoit marcher k une viftoire affu- l rée , & s'imaginoit que les Turcs, en voyant feuïement flotter fes drapeaux, prendroient la fuite. II parut alors oublier ce qu'une fatale expérience lui avoit appris tant de fois que ce n'eft pas toujours le nombre qui donne la viöoire, mais la difcipline des troupes, & la valeur des combattants. II laiffoit marcher fes foldats fans ordre, fans précaution. Les Turcs, loin de s'effrayer k fon approche , fortent de leurs retranchementSj & vont a fa rencontre. Dès qu'ils parurent, toute cette milice champêtre qui s'étoit réunie a Michel , plutot dans 1'efpoir de butiner que de combattre, fut glacée d'effroL Alors fix ou fept cents cavaliers qui finfoient la principale force de 1'ar- Lndro- nic ii. ET MlHEL SON FltS. n. 1314.' Monc. c. 8. Thrant\ , i. c. 9. Tic. Grega 7. c. Si-  Andronic II. et Michel son fils. An. ijt4> i ; i 1 I Ótf HlSTOIRE mee Turque , fe précipite fur elle , & en fait un horrib'e -carnage. En vain les troupes réglées font tous leurs efForis pour foutenir cette multitude, bientöt elles font elles-mêmes entrainées par Ia foule des fuyards, Les Turcs, pourfuivant leur vicfoire, pénetrent jufqu'au quartier de 1'Empereur, qu'ils reconnoiffent a la magnificence de fes vêtements ; ils font tout ce qu'ils peuvent pour s'emparer de fa perfonne, & ce Prince feroit tombé entre leurs mains, fi plufieurs des Officiers de fa garde ne fe FufTent généreufement dévoués a Ia mort pour le fauver. Michel, en fe retirant, ne put retenir fes larmes, & ïlla cacher fa honte k Andrinople. Les Turcs piilerent le camp des Grecs, s'emparerent de la caiffe militaire, de i'étendard de I'Empire, & des équipages du Prince. Ils y trouverent une grande quantité d'argent en efpeces, Jes bijoux de grand prix, &entr*au:res Ia couronne Impériale. Elle fut •emife a Chalel, qui lapofa fur fa tête, nfultant par des plaifanteries grofïeresau malheur de celui qui 1'avoit Jerdue. Chalel j devenupar fa viaoire  t>u Bas-Empire. Liv. CVI. 6j ïïiaïtre de la campagne, continua de défoler la Thrace. Les Grecs étoient tellement frappés de terreur, qu'ils n'ofoient fortir de leurs habitations pour réprimer fes brigandages , ni même pour cultiver la terre. Les champs ne donnoient plus aucune pn> duction ; une affreufe ftérilité régnoil dans tout le pays ; le fifc étoit épuifé, & il étoit impoflible d'avoir recours a de nouveaux fubfides. Quelk ïmpofition l'induftrie financiere au roit-elle pu mettre fur des malheii' reux a qui il ne reftoit plus que de quoi payer le dernier tribut k la mort ? La Cour languifToït dans une ftu' pide inaction, & ne favoit quel parti prendre , lorfqu'on vit tout-a coup Philès fe préfenter davant 1'Empereur. & lui demander la permiffion de marcher contre les Turcs , promettani avec confiance de délivrer la Thrace de ce terrible fléau. Philès étoit d'une naiffance difhnguée; il avoit même Fhonneur d'appartenir a la familk des Paléologues; mais jufqu'alors uni quement occupé du foin de (bn ame. il avoit vécu éloigné de la Cour & Andronic tl. et Michel son FILS. An. 1314. An. 1315. XXX. Philès fe charge de\ chaffer les Turcs, Nic. Greg. I. 7 c.io. Phranti. 1. I. c. 9. Monc. f» 69. Ontrem, deexcid.Grxc. lilf. fing, c  Andronic II. itMi- CHELSON FILS. An. 131J. i . ] 3 1 1 1 i I f I I r ï é c F F n P d n t< d H I S T O I R E des affaires publiques.. II paflbit fes? jours & les nuits aux pieds des autels, & dans les exercices d'urie vie purement contemplative. Perfonne ie devoit avoir moins de talents que ui pour faire Ia guerre. Auffi Androïic fut d'abord fort étonné de fa dénarche ; enfuite confidérant 1'émiïente vertu de Philès , & fe figurant oujours que le ciel s'intéreiToit d'une naniere particuliere au falutde 1'Etat, 1 crut voir dans ce perfonnage un lomme fufcité par la Providence pour auver I'Empire; il efpéra que fous e commandement d'un Général fi 'ieux, fes armes feroient plus heueufes. Plein de cette idee, il félicite 'hilès fur fon zele, 1'encourage a fuire 1'infpiration célefte qui le guide, C lui accordé, conformément a fes efirs, la permiffion de rirer des troues Impériales les foldats qu'il lui laira de choifir, & même de nomier les Officiers qu'il jugera a proos de mettre k leur tête. Philès, foin e fe conduire en enthoufiafie, comie on s'y feroit attendu , employa )us les moyens que fuggere la pruence humaine. II exercoit fouvent  nu Bas-Empire. Liv. CVL 69 fes foldats , les accoutumoit a la difcipline militaire , méconnue depuis long-temps, & infenfiblement il vint a bout de faire renaïtre en eux les fentiments d'honneur 6c de courage qui y étoient entiérement éteints. II eut ïur-tout le talent de leur infpirer de la confiance, 6c de s'en faire aimer, en les traitant avec cette noble familiarité qui a toujours fi bien réufli aux grands Capitaines. Quand Philès crut fes troupes fuffifamment dreffées, li fe mit en campagne , & alla chercher 1'ennemi. II apprit que Chalel, a la tête d'un corps de mille fantaffins 6c de deux cents cavaliers, s'en revenoit chargé de butin, après avoir fait le dégat dans les environs de Bizye. Réfolu de 1'enlever, ou au moins de lui intercepter le retour, il vint fe polter dans un endroit oü ce barbare devoit néceffairement pafler. Les Turcs font furpris de rencontrer les Grecs; mais revenus de leur premier étonnement, ils font leurs difpofitions pour le combat. D'abord ils forment une enceinte avec leurs chariots, & y enferment le bagage &i les captifs qu'ils traj- Andrq- nic It. et Michel sobt fils. An. 1315, XXXI. II bat ces Barbares. Nic. Greg. I. 7. c, 10.  Andko MC II. et Michel so: fils. An. iji j 70 HlSTOIRE - noient après eux; enfuite ils fe rangent en bataille, jettant, felon leur coutume, de la pouffiere fur leur tête, * & élevant les mains au ciel, ils commencent 1'attaque. On combattit de part & d'autre avec le plus grand acharnement, & pendant long-temps 1'avantage fut égal des deux cötés. L'Officier qui commandoit Païle droite des Grecs, après avoir abattu a fes pieds pluiieurs Turcs, eft obligé par un accident, de s'éloigner. Sa retraite effraie ceux qui combattent fous fes ordres, & déja ils commen» cent a plier. Philès, a 1'ceil de qui rien n'échappe, s'en appercoit; ilaccourt a eux. Animés par fa préfence & par fa voix, ils font un généreux efforf. Les Turcs lachent le pied a leur tour; alors les Grecs redoublant de courage , les prefTent vivement, & les forcent enfin de prendre la fuite. Philès les pourfuit fans relache, & les accule dans la Cherfonefe de Thrace, oü ils fe trouverent pris comme dansun piege. L'Hellefpont étoit alors couvert d'un affez grand nombre de vaiffeaux de la marine impériale, auxquels vinrent fe joindre quelques  tüu Bas-Empihe. Liv. CVI. fi jours après huit triremes Génoifes. Cette flotte ötoit aux Turcs non-feulement la faculté de s'enfuir par mer, mais encore 1'efpérance d'être fecourus par leurs compatriotes d'Afie. Réduits a une poiition fi critique, ils s'enfermerent dans la ville qu'ils avoient choifie pour en faire leur principale fortereffe, décidés a s'enterrer fous fes ruines plutöt que de fe rendre. Sur ces entrefaites , les Grecs recoivent un renfort de deux mille Serves envoyés au fecours d'Andronic par le Crale fon gendre. Philès auiïïtöt commence le fiege de Ia place oü les Turcs fe font réfugiés. II la fait battrepar fes machines de guerreavec tant de furie, que déja les murailles s'écroulent de toutes parts. Cependant les affiégés continuoient a fe défendre avec beaucoup de bravoure , & refufoient toujours de fe foumettre; mais enfin voyant leur perte inévitable,, ils réfolurent de tout rifquer, & de faire nuitamment une fortie pour forcer , s'il étoit poffible, Pennemi a lever le fiege. Ils dirigerent leur attaque fur le quartier des Grecs, paree qu'ils comptoient en Andronic ii. et Michel son ïils. An. 131;.  72 HlSTOUE avoir meillpnr marrrip nup rlpc fmit; Andronic II. et Michel sou fils. An. 13 ij. pes auxiliaires. Ils furent trompés; les Grecs les obligerent de rentrer avec perte dans Ia place. Peu de jours après, ils firent une pareille tentative fur le camp des Serves; elle n'eut pas plus de fuccès que la première. Enfin, ilsprirentle parti de s'échapper de la ville a la faveur de la nuit, Sc de s'aller remettre a la difcrétion des Génois, efpérant d'eux plus d'hu< manité que des Grecs. Leur fuite, malgré les précautions qu'ils prirent, ne put s'exécuter fans que les afïiégeants s'en appercuffent. Philès les fait :harger, & en tue un grand nombre. Plufieurs troublés par Ia frayeur, 5c trompés par 1'obfcurité, allerent fe refugier dans les vaiffeaux des Grecs, & y furent maffacrés. Ceux qui purent, gagner les batiments Génois y perdirent, finon la vie, au moins la ïiberté. Les Génois les regardant comme une marchandife fur laquelle ils auroient beaucoup k gagner, les mirent aux fers pour les vendre enfuite en qualité d'efclaves. La nouvelle des fuccès de Philès , caufa a 1'Empereur la plus grande joie ; il honora  nu Ba-s-Empire. Liv. CVI. 73 .fconora eet Officier de la dignité de Protoftrator, & récompenfa tous les compagnons de fa gloire. II y avoit un an que Conftantinople étoit fans pafteur. Andronic vouJut profiter de 1'efpece de calme qui régnoit alors pour donner un fuceeffeur a Niphon. Le choix des électeurs tomba a fa recommandation fur vin homme dont 1'état & la profef- \ fion n'avoient rien qui parut 1'approcher beaucoup de Pépifcopat. D'ailleurs, il avoit une femme & des enfants. Andronic, las, fansdoute, de la mauvaife conduite, & du fanatifme des Patriarches qu'il avoit jufqu'alors pris dans le clergé féculier ou parmi les moines , aima mieux jetter les yeux fur un laïc vertueux, & dont il connoiffoit le bon efprit; tel étoit Jean Glycys , Intendant des poftes. L'hiftoire le repréfente comme un homme d'une probité a toute épreuve, & qui dans ces places lucratives ou tant d'autres ont coutume de perdre leur réputation, avoit toujours fu conferver la fienne. Jean Glycys joignoit aux qualités du cceur une grande pénétration d'efprit, beau- Terne XXIF. D Andronic ii. et Ml- :hel son* fils. In. 13 ij. xxxii. Glycys 'atriar:he. Sic. Greg. . 7. c. I 1. ''hrant-t. I. '■• c. 9,  Andro- mc II. et Michel son fils. An. 131;. An. 1316 XXXIII. ÏVJétochi ie principal Miniftre.Nic. Greg l. 7. c. 11 1. 8. c. 5 Notx Bui yin. 74 H 1 S T O I R S coup d'intelligence dans le maniement des affaires; il étoit d'ailleurs fort inflruit; il parloit facilement & avec grace. Dès que Glycys fut élevé au patriarchat, fa femme fe retira dans un Couvent. II vouloit avant d'être facré prendre 1'habit monaftique. Comme il étoit fujet k des acces de goutte, 1'Empereur & les médecins s'y oppoferent, paree qu'un moine en montant a 1'épifcopat ne fe trouvoit point affranchi de fa regie. D'ailleurs, les moines Grecs étoient obligés a une abflinenceperpétuelle, qu'ils obfervoient au moins par décence, quoique dans le fonds ils ne fuffent pas toujours fort réguliers. , Andronic avoit honoré Jean Glycys d'une eftime particuliere , avant qu'il Peut élevé fur le fiege patriarchal. Depuis il le traita avec encore plus de diftincfion, &c fouvent il lui demandoit fes confeils; mais c'étoit Théodore Métochite, grand Logothe' te, qui jouilToit principalement de fa confiance. Ce Prince en avoit fait fon favori & fon premier minifire, Nicéphore Grégoras parle de Métochite avec beaucoup d'emphafe, 6c  »u Bas Empire. Lrr. CVI. 75 tn üyle de rhéteur. A 1'entendre, '■ Métochite étoit un prodige en tout genre. II fe diftinguoit par la grandeur de fa taille, & par une force < de corps extraodinaire. Un air riant . & gracieux, des yeux pleins de gaieté fixoient tous les regards fur fa perfonne , & lui concilioient tous les cceurs. Ces dons de la nature étoient accompagnés d'autres encore plus précieux. Métochite avoit parcouru le cercle de toutes les connoiffances humaines. Une mémoire riche & fidelle lui rendoit fur le champ tout ce qu'il lui avoit confié; en un mot, c'étoit, fuivant le langage même de fon panégyrifte, une bibliotheque vivante. Cependant Nicéphore ne peut s'empêcher de reconnoitre qu'il négligeoit un peu trop fa plume, que fa dief ion étoit dure & apre, qu'il ne daignoit pas affez revêtir fes idéés des graces de 1'élocution; au refte, ce jugement n'eft que trop juflifié par quelques produftions qui nous reftent encore de Métochite, & fur-tout par des poéfies dont la rudeffe & la barfbarie efFraient le lefteur le plus intrepide. Mais foit prévention , amiD ij A.NDRONIC II. ET Ml- HEL SON FILS.  AndroNic 11. et Michel son fils. An, 1316, 76 II I S T 0 I R E tié ou flatterie, Nicéphore trouve Ie moyen de faire au grand Lögothete un mérite de ce défaut. Les penfées de Métochite font , dif-il, comme des rofes entourées ü'épines qui réjouiffent 1'efprit, lors même qu'elles blelfent la délicateffe dé 1'oreille. Le grand Lögothete, continue eet Ecrifain , étoit infatigable ; il portoit prefque feul tout le poids des affaires , & cependant il trouvoit encore le temps de compofer un grand nombre d'écrits fur toutes fortes de fuiets. Au refle, fi Métochite a fait de bons ouvrages, on ne mettra pas de :e nombre fes plans d'adminiftration ; :ar perfonne ne prouva mieux que lui qu'avec des lettres, du favoirör ie 1'efprit, on peut être un fort mauvais Miniftre. II fit beaucoup de fautes; ce qui ne 1'empêcha cependant pas de jouir de la plus haute faveur auprès de fon vieux maitre , & de la conferver jufqu'a la fin. Andronic voulant lui donner une preuve lignalée de fa bienveillance & de fon eftime, lui deftina pour gendre le Prince Jean Paléologue , fils unique de Conftantin Porphyrogenete, & par  nu Bas-Empire. Liv. CVI. 77 conféquent fon propre neveu. Dès que ce jeune Seigneur eut époufé Irene, fillede Métochite, 1'Empereur qui jufqu'alors 1'avoit traité avec affez d'indifférence, le combla d'honneurs. II 1'éleva a la dignité de Panyperfébafte, a laquelle il attacha plus de confidération qu'elle n'en avoit evi jufqu'alors. De plus, il lui permit de porter 1'habit & les brodequins jaunes, & de faire garnir d'une étoffe de la même couleur la felle & les caparagons de fon cheval. Ce qui étoit regardé a la Cour de Conftantinople comme une grande marqué de diftincfion. L'Impératrice Irene, qui, depuis plu-' fieurs années, vivoit a Theffalonique{ féparée de fon mari, alloit de temps en temps a Drama, jolie ville de Thef-1 falie, pour y difïiper 1'ennui qui 1'ac-* cabloit fouvent au milieu de fa Cour." Dans un voyage qu'elle y fit cette an-/, née, elle fut.atraquée d'une fievre ardentequi 1'emporta en peu de jours. SiI monide fa fille, femme duCrale deServie, vint lui rendre les derniers devoirs. On célébra fes funérailles avec toute la pompe qui convenoit a fon rang. D iij And.ro- NIC II. et Michel sow fils. \n, 131G, Ln. 1317. KXXIV. Mort de Impéraice her e. Tic. Greg. 7. c. 12-.  Andro- HIC II. et Michel soi fils. An. 1317 t 7* H ISTOÏRE Son corps fut conduit k Confhntfnople pour y être inhumé dans Ie monaftere du Pantocrator, ou Tout' puifTant. Irene fut peu regrettée , fi ce n'elï de ceux dont Ia fortune dépendoit de fon exiftence. Cette femme altiere & ambitieufe eut le défaut ordinaire de toutes les bellesmeres; elle aima fes propres enfants au préjudice de ceux du premier lit. Quoique ce fentiment de préférence foit affez dans la nature, cependant il ne fe pardonne point. II étoit encore moins excufable dans la perfonne d'Irene. Tel eft le fort desfemines des Souverains, qu'elles ont toujours de plus grands facrifices k faire que celles du commun des citoyens. C'efi un crime pour elles d'avoir des intéréts féparés de ceux du Prince qui les a admifes dans fa couche, & de la nation qui les a adoptées. Irene ne fut pas affez convaincue de ce principe. Elle intrigua & cabala même contre la tranquillité de 1'Etat; elle regafda I'Empire comme un pays qu'elle avoit le droit de mettre a contribution. Elle épuifa les finances pour fetisfeire a fon infatiable cupidité, è  i>u Bas-Empire. Liv. CVI. 7-9 fon luxe , a fa magnificence, a fes Iargeffes inconfidérées, & même pour enrichir des étrangers. Quand 1'hiftoire n'auroit point d'autres reproches k lui faire, les tréfors immenfes qui, malgré fes profufions, fe trouverent après fa mort dans fes cóffres, ne dépoferoient que trop contre fa mémoire. C'étoit le fang & les pleurs de fes fujets, qu'elle laiffoit en héritage k fes enfants : trifte & funefte fucceffion! Toutes fes richelTes, dont fans doute fa mort précipitée ne lui avoit pas permis de difpofer, furent remifes k 1'Empereur. II en diftribua la plus grande partie aux enfants que cette Princeffe lui avoit donnés. Le refte fut employé a réparer plufieurs édifices publics qui menacoient ruine. Les murs de Conftantinople furent relevés. On rétablit plufïeurs églifes de cette capitale, & entr'autres le temple de Sainte-Sophie. On reftaura auffi la colonne de Juftinien, qui faifoit 1'ornement de la place fituée devant cette fuperbe églife, & qu'un ouragan avoit fort endommagée. Conformément aux ordres d'AndroD iv Andronic ir. et Michel son fils. An. 1317. XXXV. Edifices publics réparés. Nic. Grèg, I. 7. c. 11. Jioiv. nota in Nic, Greg.  I Andronic II. et Michel son flLS. An, 13,17. H I S I O I E ï nic, on conltruifit un efcalier èn charpente qui fit alors 1'admiration des connoiffeurs; en ferpentant au» tour de Ia colonne , il s'élevoit jufqu'au 'fommet. Les ouvriers prépofés a ce travail, examinant de prés la ftatue , s'appercurent que le fer qui en foutenoit le cheval, étoit rongé par la rouille, & qu'il y avoit a craindre que tout ne vint a manquer bientöt. On donna donc a la ftatue des appuis plus sürs. On redora le globe que la figure de 1'Empereur Juftinien tenoita la main; on lui mitfur !a tête une autre couronne a Ia place de la première qui étoit tombée; enfin , on boucha tous les trous, toutes les crevafles qui de haut en-bas défiguroient la colonne, par un effet de la cupidité deftructive des Latins, qui, dansle temps qu'ils étoient maitres de Conftantinople ,en avoient arrachés les ornements de bronze avec leurs attachés. Enfin , on la recouvrit dans toute fon étendue d'un enduit très-poli, & en même-temps fort folide. Quoique Péconomie préfidat a ces travaux, ils coüterent cependant des fommes confidérablet?.  fiu Bas-Empire. Liv. CVI. §i Cette dépenfe feroit inexcufable , fi elle n'eut été commandée par une néceiïhé impérieufe:l'épuifement des finances, la mifere des peuples &l les befoins publics ne permettoient guere d'employer alors beaucoup d'argent en batiments. Au refte, l'hiftorien de qui nous tenons ces détails, louc Andronic d'avoir mieux aimé entretenir en bon état les anciens édifices élevés par fes prédéceffeurs, qu'eri faire de nouveaux qu'il n'auroit ei ni le temps, ni les moyens d'achever. C'eft un reproche de moins ï lui faire. II fut plus fage que beaucoup d'autres Empereurs, qui, poffédés de la pafiion de batir , avoien! enfeveli fous les fondements de leur: fafhieufes conltruétions, la fubfif tances des peuples , & en avoient ei quelque forte cimenté les pierres di fang de leurs fujets. De tous ceux qui compofoient 1; nombreufe'familie de 1'Empereur j i n'y avoit perfonne pour qui il fe fu fenti plus d'affection que pour for petit-fils, a qui il avoit dönné foi nom. II 1'avoit fait élever fous fe yeux; il vouloit qu'il fut fans ceff D v An dr onic It. et Mi- chelson S1LS. An, 1317. e l i [ An. 1318, t XXXVI. Enfance ' & incliï nations j du jeune Andro» 'nic.  I Andhonic n. et Michel son hls. An. 1318 Kie. Greg, l. S.c. i. Thranfi, t, 1. c, 10, i 1 ] < 1 i 3 1 82 HlSTOlRE a fes cötés; il aimoil a le voir, il contemploit avec une forte de complaifance la beauté de fes traits, la nobleffe & les graces de tout fon extérieur. II étoit enchanté de la vivacité de fon efprit, de la douceur de fon caractere, & de mille autresquabtésaimables qu'il voyoitbriller dans eet augufte enfant, que fans doute fa tendrelfe paternelle exagéroit encore. Mais cette jeune plante qui donnoit de fi belles efpérances, ne put réfilïer aux malignes influences de la Cour. Lorfqu'Andronic eut atteint eet age oü Ie germe des paffionscommence a fe développer, une foule de jeunes Seigneurs libertins s'emparerent de fon efprit & de fon cceur. En peu de temps, ce Prince ievint un de leurs plus ardents proelites de débauche. Le jeu , les fpec;acles, Ia chaffe , la table, & les rourtifannes 1'occuperent tout entier. LJne vie fi licencieufe 1'entraina dans les dépenfes énormes, auxquelles les evenus de fon apanage ne pouvoient 'uffire. II fut obligé de faire des emirunts. Les Génois de Galata, les plus jrands ufuriers qu'il y eut alors dans  nu Bas-Emhre. Lm CVI. ' §3 Ie monde, lui vendirent très-cher de très-foibles fecours. Se voyant écrafé A de dettes, ne fachant comment ré- s parer le défordre de fes affaires, ilci réfolut d'aller cacher fa honte dans A, 1'Arménie mineure , fur laquelle il prétendoit avoir des droits du chef de fa mere. Ce premier projet fut fuivi^ d'un autre non moins infenfé. II lui vint en penfée de s'emparer du Péloponnefe, ou de quelques-unes des principales illes de la mer Egée pour s'y former une Principale.Tous ces eomplots échouerent, & n'enrent d'autre effet que de caufer Ia perte de quelques intrigants fubalternes, qui furent affez téméraires pour vouloir 1'aider de leurs confeüs, ou lui prêter leur miniflere. Depuis long-temps, Ia conduite X3 fcandaleufe du jeune Andronic avoit ï!( beaucoup refroidi 1'affetlion de fon Ce aïeul pour lui; ces entreprifes fédi- aÏ£ tieufes acheverent de le lui rendre f" odieux. Loin d'employer pour le faire revenir de fes égarements, oiï les voiesde la douceur & de la perfuafion , ou les grands moyens de Fautgrité , il aima mieux lui déclarer NDROriG II. T Ml[EL SOK FILS. 1. IJI8. :xvit ncourt difgrade fon ui. it. /. r«  Andronic B. et Mi- GHEt son fils-. An, 1318. ( ] i 84 IIlSTOIRE une efpece de guerre perfonnelle. Örï voyeur qu'il étoit plus occupé a verfer fur lui le fiel dont fon cceur étoit abreuvé, qu'a le remettre dans le chemin du devoir. I! le harceloit fans cefle par des paroles piquantes, 5ê par des difcours ofFenfants. fe veux , répétoit-il fouvent, en montrant fon petit fils, qaon me lapidependant ma vie , & quon me jette au feu après ma mort, fi ce jeune homme ejl jamais tapable de rien. Des propos fi inlultants,cV en même-temps fi peu.conyenables dans la bouche d'un Souverain, étonnoient les affiliants, couiroient de confufion le jeune Prince gui fe retiroit plus humilié que corri*é. Cependant, malgré fon dépit, il i'obfervoit aflez pour ne point manjuer aux égards das a fon aïeul. II ui rendoit fouvent fes hommages. Un our qu'il étoit venu lui faire fa cour, i'inclinant profondément pour lui narquer davantage fon refpect, fon arnement de tête, chargé de perles Sc de diamants, tomba fur le pavé le la falie , & fe brifa. A la vue de :et accident qui n'avoit rien que de naturel, 1'Empereur s'écria en lui  r>u Bas-Empirë. Liv. CVf. g'i adreffant Ia parole : N'e/l-il pas vijible que Dieu ratifie lui-même le jugement que j'ai déja porte contre vous , & qu'il vous déclare indigne du tróne, en abattant de deffus "voire têie les marqués de la dignitê fouveraine? Gette exclamation ptiérile fut comme un coup de foudre qui terraffa le jeune Andronic. Elle lui découvroit dans fon aïeul les intentions les plus finiftes pour lui. II comprit de quelle importance il étoit de dé-> tourner au plutöt le malheur dont il fe voyoit menacé. II députe a fon aïeul un perfonnage éminent par fes vertus ik fes talents, pour lui protefter de fa part qu'il eft réfigné a faire dorénavant toutes fes volontés, qu'il écoutera toujours avec docilité fes réprimandes, qu'il ne refufera même pas de fe foumettre aux punitions qu'il voudroit lui infliger „ ppurvu que tout fe paffe dans le fecret; mais qu'il ne peut plus fupporter la confufion dont il le couvre chaque jour , en 1'accablant en public d'injures & d'outrages. Le député s'acquitta fi bien de fa commifïion, & il paria en faveur du jeune Andronic II. et Mi- shel son fils. An. 131S. XXXVIII 11 faic fa palx. Cant, l. t; c. 6.  Andronic II. et Michel son fils. An. 1318.1 # t 1 J J } J 1 i i f t I J h ê a P n £ V t d h h $6 Histoire Prince d'une maniere fi rouchanfe, que 1'Empereur ne put s'empêcher J'en être attendri. JiUr dire , réponlit-il a 1'envoyé du jeune Prince, al\ dire d mon petit-fils que je fai aimè ivant même qu'il fut né, qu'il étoit en■ore dans lefein de fa mere , & que déja e le portois dans mon caeur ; que je nai amais ceffé d'adreffer des vceux au Ciel 'our fa confervation & pour fon bon'■eur. Si quelque fois je lui ai fait des epnmandes qui lui ont parit un peu rop ameres, qu'il ne les attribue d auun fentiment de haine ou d'averfion our lui, mais d l'amour dTun vrai pere, ui defire que fon fils mérite par fafaeffe & fes vertus l'e/lime des hommes , ur-tout fi ce fils ejl defliné d monter n jour fur le tróne; car dans ce pofle ninent il faut qu'il ferve de modele ux autres, & les moindres fautes qu'il tut eommettre, fon des taches qui ter' iffent téclat de fa gloire. Cette réponfe t renaïtre le calme dans 1'efprit du :une Andronic ; ils'obferva davai • ige, & fut plus attentif a ne point éplaire a fon aïeul, qui de fon cöté : traita avec plus de douceur, & ii rendit en partie fes bonnes graces.  r>u Ras-Empire. Lïv. CVI. 87 Malheureufement ce retour ne fut pas de longue durée. La Princeffe de Servië, qui avoit accompagné Ie corps de fa mere a 1 Conftantinople, ne fe preffoit pas de quitter cette capitale. Le Crale , en- " nuyé de fon abfence, envoye des! Ambaffadeurs a fon beau-pere pour f lui redemander fa femme , avec me-j nace de 1'aller chercher lui-même a t la tête de fes troupes, fi elle ne re-1 vient au plutöt. Andronic n'étoit ni d'humeur, ni en fituation d'attendre 1'effet d'une pareille fommation. Sur le champ, il donne les ordres les plus précis pour Ie départ de fa fille. Simonide en fut confternée. Elle avoit congu pour fon mari un éloignement qui alloit jufqti'au dégout. Ce Prince Paimoit, mais fon amour n'étoit qu'une pafïïon brutale, peu faite pour flatter le cceur délicat d'une femme aimable. Ne fe fentant plus le courage de porter les chaïnes qui la tenoient attachée a fon vieux mari, elle crut pouvoir s'en délivrer en les échangeant contre d'autres confacrées par la religion. Elle imagina de prendre 1'habit monafiique.Cetexpédient, Andronic II. et Miwel sok fils. SlIÏ. 131S. XXXIX. iimonide; orcé d'al;r rejindreja mari.' lic, G-reg* S. c. sa  Andronic II. et Michel son fils. An. 1319. S8. H 1 s t 0 1 r ê pour fe débarraffer d'un époiixqifoM n'aimoit pas, étoit fort en ufage dans ces temps d'ignorance. Cependant elle n'ofa exécuter ce projet a Conftantinople, dans la crainte de s'ex* pofer aux reproches de 1'Empereur fon pere, ou de le compromettre auprès du Crale, qui auroit pü Ie eroire d'intelligenceavec fa fille. Elle partit donc dans fa parure ordinaire, Arrivée a Serrhes , elle s'y arrêta pour s'y repof&r. Ce fut-la qu'elle fe revêtit fecretement pendant la nuit des habits du noirvel état qu'elle prétendoit embraffer. Ses Officiers Sê fesfemmes furent fort étonnés le lendemain matin de ne plus retrouver dans leur maitreffe qu'une Religieufe au-lie.u d'une Reine. Peu s'en fallut que ces Barbares cédantaux premiers mouvements de leur colere , ne lui manquaffent de refpeél, & même ne fe portaffent contre elle aux derniers exces. Conftantin , frere de pere de Ia PrincelTe, fe trouvoit alors dans Ia même ville. Inftruit d'une aventure fi bifarre, il accourt au logis de fa fceur, Paccable de reproches, lui arrache les liyrées monacales dont elle  Du Bas-Empire. Liv. CVI. 80 i s'eft couverte , lui fait reprendre fes ,| premiers habits, & Ia remet entre les | mains des Serves, avec ordre de la i reconduire en diligence a fon époux. Le Patriarche Jean Glycys n'avoit l plus aucune efpérance de recouvrer la | ïanté, & la goutte dont il étoit tour| menté faifant toujours des progrès, il t étoit hors d'érat de vaquer aux imi portantes & nombreufesfondtions de J fon miniftere. II prit donc le parti I d'abdiquer. L'Empereur confentit a I fa retraite, & lui donna Ie Monaftere | de la Cyriotiffe pour y faire fa réiiI dence. N'ayant jamais été pofïédé de 11'amour des richelTes, Glycys n'avoit i point, a 1'exemple de quelques-unsde fes prédéceffeurs , regardé le patriarchat comme un moyen de faire I fortune il fe retira fort pauvre. Peu f de temps après, il fit venir dans fa folitude Nicéphore Gregoras pour drelTer fon teliament fpirituel. II le I choifit, dit eet écrivain lui-même , ; paree qu'il faifoit un grand cas de fa maniere d'écrire. Cependant cette piece ne répond guere a la bonne : opinion que Nicéphore avoit de fes propres talents. Le ilyle n'a point Andros1c ii. et Michel sos fils. An. 1320. XL. Retraite du PatriarcheGlycys. Nic. Greg. I. 8. c. %. Oriens Chrifi. Phrantr. I. 1. c.  Andronic II. et Michel soi fils. An. 1320 XLI. Gerafyme lui i'uccede. Nic. Greg. I. 8. e. 2, Phrantr. I. i. C, Cf, 9° HlSTOIRE cette fimplicitéquiconviendroit a un pareil écrit. On n'y trouve guere que des réflexions vagues & ampou1 léés fur 1'incertitude de Ia vie & de Ia mort, des plaintes que fait le tef'tateur, de ce que Dieu n'a pas permis qu'il fut guéri, ainfi qu'il 1'avoit efpéré, en vertu de 1'impofition des mains & de 1'ondtion - fainte qu'il avoit recue le jour de fon facre. Enfin , ce prétendu teliament elf terminé par une forte invedive du Prélat contre fes médecins, qu'il traite de gens indignes de ce nom, & auxquels il reproche de 1'avoir ruiné fans le délivrer de fon mal. v Jean Gi'ycys eut pour fuccelTeur Gerafyme , Prêtre & Moine du Monaftere de Mangane, vieillard refpectable par fes cheveux blancs, & déja privé prefqu'entiérement de 1'ufage de 1'ouie , reconnu d'ailleurs pour être extrêmement fimple & fort ignorant. C'étoit le motif qui avoit fixé le choix de 1'Empereur fur fa perfonue. Car, dit Nicéphore Gregoras, a qui il échappe quelquefois de bonnes vérités, c'eft affez 1'ufage des Princes, de choilir pour mettre dans les  nu Bas-Empire. Liv. CVI. 91 places, des fujets de cette efpece, paree qu'ils favent que des ignorants font plus propres que des gens éclairés a fiiivre fervilement leurs volontés , &c qu'ils n'ont a craindre de leut part ni réliftance , ni remontrances, II y avoit deux ans que le jeune Andronic s'étoit réconcilié avec for aïeul.Dans eet intervalle, 1'Empereui lui avoit fait époufer une Princefft Allemande, nommée Irene : elleétoi fille d'un Duc .de BrunfVick, qu'or croit être Albert IV. Irene n'avoi pas fufans doute fixer le cceur de for époux, on ne pouvoit fufHre a fe defirs. II avoit fermé desliaifons avei une femme qui déshonoroit publique ment fa naiffance par fa conduite. An dronic n'étoit pas le feul pour qu elle eüt des complaifances ; elle re cevoit encore chez elle un jeun homme renommé pour fa beautt Andronic ne tarda pas a s'apperce voir que, malgré fon rang, il n'étoi point 1'amant privilégié. Sa vanité ei fut offenfée plus encore que fa paf fion. II ignoroit qu'auprès d'une fem me débauchée les- dignités n'établii fent aucun droit de préférence, 6 Andronic II. et Michel son fils. An. 1320. XLH. Manucl Defpote affaffiné. Nic. Greg. I. 7. c. 13. ■LS.c.i. I Phrant\. . 1. i. c. 10. ' D'Outrem, 1 de excid. ; Grxc. c. 4. , Duc. Fam. ' Byf. p. •233. t X  And ronic II. et Michel son fils. Au. 13 zo. 1 1 I s I ] i t i 1 1 F t; d 93 II I S T O I R E que fouvent pour elle un Iibertin ro= turier vaut mieux qu'un Iibertin titré. Quoique ce Prince fut d'un caractere naturellement doux, il prit en cette occaiion un parti violent. II fit inveftir par des gardes la maifon de fa maïtrefïe, avec ordre de tuer fon rival, lorfqu'il fe préfenteroit pour entrer. Andronic avoit un frere nommé Manuel, avec lequel il eivoit en bonne intelligence. Mamel Ie cherchant pendant une nuit Jbfcure, vint a paffer auprès des faellites qui étoient en embufcade; ils ie doutent point que ce ne foit la ncfime qu'ils doivent immoler k la ialoufie de leur maitre; ils fondent ür lui, Sc Manuel, frappé deplufieurs :oups, tombe de cheval, en s'écriant: es alfaflins reconnoifïent fa voix, iifpendent leurs bras; mais il étoit rop tard. Le fang ruifTeloit de toues les parties de fon corps, Sc Ia nort étoit déja dans fon fein. On le eleye, on le porte en eet état au alais, Sc il y expire quelques infintsaprès au milieu des gémiffements e toute la Cour. La nouvelle de cette terrible ca»  du Bas-Empire. Liv. CVI. 93 i taftrophe ne tarda pas a parvenir è Theffalonique ou réfidoit 1'Empereur Michel, pere de ces deux freresmalheureux. Depuis long-temps, il trai1 noit une vie languiffante. Ses inforlunes , la mauvaife adminifïration d'Andronic, la décadence des affaires, I'Empire fur le penchant de fa ruine, tout cela répandoit dans fon ame le poifon du plus mortel chal grin. Sa fanté dépériffoit Journellement. Il ne put foutenir la violente fecouffe qu'il éprouva en apprenant la fin tragique de fon fils; il périt au bout de huit jours au milieu des : angoiffes d'un cceur déchiré par le ! plus affreux défefpoir. Sa mort arriva ; le 12 Oöobre 1320. II étoit agé de quarante-trois ans. II eut de fa femme les deux fils que nous ne confioiffons déja que trop, Sc deux filles. La première nommée Anne Paléologine fut mariée a Thomas 1'Ange, defpote d'Epire Sc d'Acarnanie; elle devint enfuite 1'époufe d'un autre Thomas , Comte de Céphalonie, le neveu Sc le meurtrier de fon premier mari. Elle mourut avant fon pere. La feconde fille connue fous le nom de Andronic tl, et Michel son fils. An. 1320. XLI1I. Mort de 1'Empereur Michel. Nic. Greg.' 1.1. c. 13. Phranft. I. i. c. 10. Duc. Famil. Byf. ftemna Palxol. Ontrem, de excid. Grac. liber  Andronic II. et Michel sou fils. An. 1310 XLIV. Jugemeni fur ce trince. 94 H 1 S T 0 I R. E Théodora Paléologine, époufa d'abord Venceflas, Roi des Bulgares, & enfuite un autre Souverain de la même nation nommé Michel Strafcimire. L'hiftoire ne nous dit point que 1'Empereur Michel ait eu des enfants naturels. Peut-être avoit-il des mceurs. Nous 1'avons vu fouvent a la tête des armées, & rarement fe préfenta-t-il devant 1'ennemi fans effuyer des affronts. Cependant il ne faudroit pas fe prelfer d'en conclure qu'il fut toutè-fait dépourvu de talents militaires. L'état de gêne dans lequel on le retenoit, auroit feul fufH pour 1'empêcher de les développer. En effet, toutes fes adtions, tous fes mouvements, toutes fes manoeuvres lui étoient dietés; ainfi 1'exigeoit la politique de la Cour de Conftantinople. Elle ne fe contentoit pas de décider de la guerre, & de pourvoir aux moyens de la foutenir; elle vouloit encore faire la lecon a ceux qui commandoient les troupes. Le Confeil du Prince n'étoit fouvent compofé que de gens fecrétementintéreffésa perdre le Général, paree qu'il n'avoit pas FaYantage d'«*  du Bas-Empire. Liv. CVI. 95 i tre ou leur ami ou leur créature; nous '■ i en avons fait remarquer un funefte i exemple dans 1'aventure d'Alexis Phi,lantropene. Souvent auffi il n'étoit" 5 rempli que de gens d'Eglife 011 de j IMiniftres de profeffion fénatoriale ,' jqui n'ayant jamais ni vu un camp, jni monté un vailfeau, s'obliinoient ja vouloit régler les opérations des sarmées & des flottes avec d'autant plus d'opiniatreté, que ces matieres j étoient moins de leur compétence. : Auffi voyoit-on ibrtir de ces affemI blees ridicules des délibérations qui, ; ou envoyoient les troupes a la bou! cherie, ou leur arrachoient des mains Ia vicfoire, ou néceffitoient des déilais qui faifoient toujours échapper (1'occafion dont dépend li fouvent le fuccès des expéditions guerrieres. } C'efi: ce dernier inconvénient que Miichel éprouva prefque toujours. Au ! reife, il ne manquoit pas de bravou! re. On 1'a vu dans plus d'une circonftance périlleufe, montrer 1'intrépidiité d'un généreux foldat. Mais eüt-il : été un héros, eüt-il joint a ce titre ' brillant toutes les autres qualités qui foat les grands Princes , toute fa Andronic II. et Mi- hel son pits. In. 1320.  Andronic II. et Michel son fils. An. 1320. ■' 3 ] J 1 i ( : ] < I < 1 1 XLV. L'Empire deftiné a un batard. Cant. 1.1," cl. Nic. Greg. I, S. e. 3. 96 HlSTOUt gloire feroit obfcurcie par un feproche que lui fait 1'hiftoire. II eut Ia IScheté de faire maffacrer,par la plus honteufe perfidie, Roger de Flor, & une multitude d'hommes qu'il avoit indormis lui-même fur la foi des :raités. C'en eft affez pour couvrir a mémoire d'une flétrifTure éternele , & pour que nous le laifïïons dans a pouffiere du tombeau, oü il lui ;üt été avantageux de defcendre plu;bt. Les larmes que 1'Empereur ne :effoit de verfer fur le fort malheu■eux de Manuel fon petit-fils, redoujlerent encore quand il appritla mort lu pere. Alors Ie jeune Andronic, a caufe de tant de malheurs, lui dezint plus odieux que jamais. La haine ju'il lui avoit portée pendant tant 1'années, & qui n'avoit été qu'afbupie , fe ralluma pour ne plus s'éeindre. II réfolut de 1'exclure du röne. L'Empereur , en retirant au jeune Andronic fon afFection, avoit choifi ^our le remplacer un objet peu digne Sc par fa naiffance & par fon mérite lerfonnel, de cette faveur. On fe rap>elle que Conftantin defpote, le fe- cond  «u Eas-Empihe. Liv, CVI. 9; i cond des fils que ce Prince avoit eu. I d'Anne fa première femme , s'étoi vu forcé d'époufer la fille de Mufa I Ion , déshonorée avant fon mariag* I par une aventure fort fcandaleufe j Rarement éprouve-t-on de la ten E dreffe pour une époufe qu'il eft im I poflible d'eftimer. Conftantin négliI gea donc la fienne, & la lacrifia aiu : charmes d'une de fes fuivantes. II eui I de cette maïtreffe un fils appellé Mi: chel, & furnommé Cathare , du nom I de celle qui lui avoit donné le jour. C'eft fur eet enfant que le vieux AnI tlronic jetta les yeux pour le revêtir I de la pourpre dont il vouloitdépouiller fon petit-fils; il retira le jeune Cathare des mains de fa mere, & le fit élever dans fon palais. II le tenoit toujours a fes cötés; il 1'obligeoit d'affifter aux conférences qu'il avoit fouvent avec les Evêques &c 3es gens lettrés. H ne donnoit jamais andience aux AmbalTadeurs qu'il ne fut préfent. Son deffein , en fe conduiiant ainfi, étoit de fixer 1'attention des grands & du peuple fur Ia perfonne du jeune Cathare, de leur faire oublier le vice de fa naiffance, Tornt XXIV, E . AiVDRON1C ii. ' An. 1320. : Famil. ,*1U  Andro- mc II. An. 1320, XL VI. Exclufio: domée au jeune Androni dans les ferment! «le fidéli té. €anu I. i e. 1. Nie. Grei I. 8. t. ! IOj. HlSTOIRt fon fils, a condirion toutefois qu'il feroit ferment fur une image de la Vierge, de vivre déformais tranquille, & de fe conduire en fujet fidele & foumis. Syrgianne fe trouva fort heureux de fortir a ce prix de captivité. Délivré de fes fers, il reparut a Ia Cour avec plus d'avantage que jamais. Expert dans Part de fem3re & de diffimuler , il fut gagner 1'efprit de 1'Empereur; infenfiblement il trouva Ie moyen de mériter fes bonnes graces , & bientót il devint e dépofitaire de fes plus intimes fe:rets;^ Andronic lui fit donc part des xiquiétudes que lui caufoit fon petitils, & Ie chargea d'examiner toutes es acf ions pour lui en rendre compte. Syrgianne, toujoursambitieux & :oujours fourbe, s'imagina qu'en trafilTant la confidence que venoit de ui faire fon maitre, il pourroit avan:er plus promptement fa fortune. II /a trouver en fecret le jeune Androiic, & lui dit : » Prince, 1'Empe- > rem votre aïeul m'a ordonné d'é- > pier toutes vos démarches, & de > découvrir, s'il m'efï poffible, tou- > tes vos penfées; & vous, tandis  »u Bas-Empire. Liv. CVI. 105 » qu'il vous forge des fers, vous ne ! » méditez pour prévenir fes mauvais » delTeins, que des projets d'enfants! / » Que vous fervira de prendre la » fuite,& de vous retirer, comme » vous avez intention de le faire , » dans des régions éloignées ? Vous » y vivrez donc aux dépens d'autruï » comme un malheureux fugitif, Sc » a la merci de quiconque voudra » vous donner 1'hofpitalité. N'eft-il » pas k craindre que dans le nom» hre de ceux dont vous ferez obligé » d'implorer 1'afiiftance, il ne fe » trouve quelque traitre, qui, féduit » par les promelTes de vos ennemis, » foitcapable d'attenter k votre vie? » Quittez une réfolution ü dange» reufe, abandonnez-vousa mes con» feils; ils vous ouvriront un che» min qui vous conduira prompte» ment au tröne. Tous les hommes v » vous le favez, font naturellement » amateurs de la nouveauté, Sc enn nemis de leurs maïtres. Partezpour » Ia Thrace, Les habitants de cette » contrée gémillent fous le poids » des impöts; annoncez-leur que vous> venez.les en affranchir. Ils font ent E. v Vndro- NIC ii. .n. 1320,  Andronic II. An. 1320 i IOf) HlSTOIRE » bute a toutes fortes de vexations; » dites-leur que vous voulez être ,» leur libérateur. Alors ils s'attache» ront a vous, ils vous luivront par» tout oü il vous plaira de les me» ner, & ils ne" tarderont pas a fe» couer le joug de votre aïeul. Si » ce projet vous convient, je me » charge d'en diriger 1'exécution, & » je prendspour moi 1'emploi le plus » périlleux dans cette grande entre» prife. Je confacrerai, pour la faire » réuffir, mes biens, ma vie mê» me, pourvu, Seigneur, que vous » m'alTuriez la première place dans » votre confiance, & que je retrouve » dans votre reconnoiffance un dé» dommagement proportionné aux »> avantages que je vous facrifie , & » ala grandeur du fervice que je me » propofe de vous rendre. Vous ne » pouvez plus douter que la volonté » de votre aïeul ne foit de vous écar» ter du tröne , & de vous delpouil» Ier de la pourpre. Hatez-vous de » céder a mes remontrances, fi vous ' > ne voulez pas vous perdre;lemoin- > dre délai pourroit vous expofer au » plus grand danger, Donnés a cette  r>u Eas-Empire. Liv. CVI. 107 w afFaire toute rattention dont vous » êtes capable. II s'agit pour vous ou » de vivre avec gloire , ou au moins » de mourir fans déshonneur ". Le jeune Prince lui répondit : » Je vous » remercie de votre afFedtion pour » ma perfonne, & de votre zele » pour mon fervice. Mais Jean Can» tacuzene,grand Domeftique, étant » votre ami &c le mien , ce feroit lui » manquer de ne le pas confulter. » Puifque vous êtes fur le point de » partir pour aller le relever dans » fon gouvernement de Thrace , je » vous remettrai une lettre pour lui, » afin qu'il puifTe avoir confïance » dans ce que vous lui direz, &Z » qu'il communiqué avec vous fans » inquiétude ". Syrgianne fe rendit en diligence auprès du grand Domefiique. Ils délibérerent enfemble pendant troiss jours fur 1'objet de la lettre. Dans Ia ; derniere conférence qu'ils eurent en- * femble,Cantacuzenequi aimoitbeau- 5 coup a haranguer , fit a Syrgianne un ! long difcours fur le danger de 1'entreprife oii ils ailoient s'engager, & fur les malheurs qui en feroient néE vj Andronic II. \a, 1310, t. Cantaeuene déiberevee Syrianne.'ant. I. I.  Andronic II. An. 1320. Ï08 H I S T 0 I R E ceffairement les fuites, quels que pufv fent être les événements. » Oii trou» ver, s'écria-t-il, une plume affez » tragique pour peindre les excès » auxquels Ia nation va fe livrer ! ►> Quelle terrible commotion PEm» pire n'éprouvera-t-il pas, lorfque >> deux faftions fi puiffantes viendront » a fe heurter ; que de flots de fang » vont couler, lorfque nous aurons * tiré 1'épée les uns contre les au» tres ! Semblables a des gens qui , •> combattant au milieu de la nuit, * ne peuvent diftinguer ceux fur qui * portent leurs coups, nous plonge■> rons le fer dans le fein de nos pro- * ches, & nous égorgerons nos meil» leurs amis. Je paffe fous filence les * ravages, les rapines, les ineen- * dies & tous les autres fléaux que * nous attirerons nous-mêmes fur * notre malheureufe patrie. J'aime- * rois mieux, n'en doutez pas, Syr■y gianne, oui, j'aimerois mieux per- * dre la vie que de voir notre jeune + Monarque privé de la couronne; > mais auffi je crois qu'il y auroit de * Pimprudence a prendre les armes *■ avant le tempsj. ce feroit donner  du Das Empire. Liv. CVI. 109 1 » lieu aux étrangers de nous accufer » d'avoir excité le petit-fils a lever » 1'étendard de la révolte contre fon I » aïeul. Pour moi je fuis fi éloigné ! » de lui confeiller une pareille dé» marche, que, malgré mon atta» chement k fes intéréts, je quitte» rois fon fervice, fi je foupconnois » feulement qu'il cherchat, par urt » motif de cupidité, k dépouiller fon » grand-pere de la fouveraine puiiTan» ce. Je ferois plus, je le regarde» rois alors comme un autre Abfaw Ion , & je ferois pour lui un autre ! » Achitophel. Mais puifqu'une néy> ceffité irréfiftible nous a mis dans » une pofïtion fi critique, je penfe » que nous ne pouvons nous en tirer » qu'en nous tenant dans un jufte mi« » lieu, c'eff-a-dire , que nqus ne de» vons ni refter oififs, comme fi » nous n'avions rien k craindre, ni » nous difpenfer d'agir avec toute la » prudenee & toute la retenue dont » nous fommes capables. D'uncoté, » mettons en füreté la perfonne de » notre jeune Souverain ;.fauvons-le » du danger qu'il eourt fur cette » mer orageufe ou il fe trouve main- Akdro- nic H. An. 1310,,  Andronic II. An. 1320 li. Le jeune Andronic ] refufe de renoncer ] a la couronne.€am. *• 7. ( ] i 110 Histoire '» tenant embarqué , & de 1'autre tra» vaillons k éteindre Ie flambeau de » la difcorde qui nous pourfuit. Si » Dieu , jettant du haut de fon tröne » un regard de miféricorde fur nous, » daigne infpirer k 1'Empereur des » fentiments plus pacifiques, nous lui » en rendrons d'éternelles acïions de » graces. Si au contraire le cceur de » ce Prince s'endurcit, s'il perfévere » dans fes mauvaifesintentionscontre » fon petit-fils, alors nous agirons » avec courage, en prenant le Ciel » atémoindela jufticede notre caufe ►> & de Ia violence qui nous aura été »^ faite ". Syrgianne ne put s'empêcher i'applaudir aux raifons de Cantacuiene, quoique dans le cceur il ne les ipprouvat guere. II auroit voulu qu'on }rït un parti violent. Cantacuzene, après avoïr remis k Syrgianne le gouvernement de Ia rhrace, dirigea fa route vers Confantinople. II laiffa fon époufe & outes les femmes de fa fuite k Galipoli, fa réfidence ordinaire, depuis pje les Catalans 1'avoient abandonné. ^ar-la il fe ménageoit le moyen de aire fouvent des voyages dans cette  »u Bas-Empire. Liv. CVI. iii ville, fans fe rendre fufpedt, & d'y avoir,fous prétexte d'aller vifiter fa femme, des entretiens fréquents avec Syrgianne. Dès qu'il fut arrivé dans la capitale , il s'emprefTa d'informer le jeune Andronic de tout ce qui javoit étédélibéréafon fujet. CePrin|ce, de foncöté, 1'inftruiiit de quel(ques différends qu'il avoit eus encore jjdepuis peu avec fon aïeul. Le vieux nAndronic dans un moment d'humeur jlui avoit envoyé un Sénateur, avec :ordrede lui parler ainli en fon nom : » Je n'ai point oublié que vous m'a» vez demandé autrefois la permifïïon » dequitterlesornementsimpériaux, !;» & de rentrer dans la clalTe des 1» fimples citoyens; je vous répondis ;» alors ce qu'il me plut. Ayantdepuis m réfléchi fur votre demande, je 1'ai Ë» trouvé jufte& raifonnable, & en m conféquence je vous Paccorde aula jourd'hui trés-volontiers. Au refte, » celui qui doit vous remplacer fur !|» le tröne, aura pour vous les fen» timents de la plus tendre atTeétion , » il vous traitera toujours avec dif, » tindtion : il eft vrai qu'il ne fe le>» vera pas pour vous faluer, lorfque Andronic ii. An, 1320,  Andro nic II. An, 131c 112 II I S T 0 ï R E » vous vous préfenterez devant lui, » paree que les Empereurs n'ont point . » coutume de faire eet honneur k » des particuliers; mais on prendra » des mefures pour que , toutes les >> fois que vous viendrez lui rendre » vifite, vous le trouviez debout: » eet expediënt conciliera les droits » & les prétentions de chacun. Voila >» ma derniere réfolution , & je ne » m'endépartirai jamais ".Ce meffage furprit infiniment le jeune Andronic» 11 ne difconvint point que quelquesannées auparavant, il avoit dit k fon aïeul, de choifir qui il lui plairoit pour être fon collegue ou fon fucceffeur a I'Empire ; mais il obferva que ces paroles lui étoient échappées dans un moment de dépit, qu'elles ne devoient pas être prifes a la lettre, qu'au refte , il les rétracfoit. » II fau» droit, difoit-il, que j'euffeperdu » la raifon , & que je fuffe le plus » ingrat & le plus infenfé de tous » les hommes, pour rejetter une cou» ronne que Dieu, le Roi des Rois, * m'a donnée , & que vous-même * qui êtes mon Souverain & mort ! Fre> m'avez pofée fur Ia tête.. Si  du Bas-Empire. Liv. CVI. 113 » je puis être convaincu de quelque » crime qui mérite la mort, je ne » refufe pas d'aller au fuppüce. Mais » fi 1'on n'a k me reprocher que » quelques - unes de ces fautes qui » échappent a la fragilité humaine, » & qui ne méritent qu'une correc» tionpaternelle, je fupplie 1'Empe» reur de me les pardonner, comme » il prie chaque jour le fouverain » Maitre de Punivers, dont nous » fommes tous les enfants , de lui » remettre celles dontil peut fe ren» dre coupable. Cependant s'il veul » m'en punir, qu'il le fafTe , pourvu | » que ce ne foit pas en m'accablani » d'injures ; car il n'eit point de trai» tement plus cruelpour moi". Cette réponfe, loin d'appaifer 1'Empereur. n'avoit fait que 1'irriter encore davantage. A ce récit, Cantacuzene fut pénétré de douleur; il promit au jeune Prince de ne point 1'abandonner, & de le défendre contre la perfécutior qu'on lui fufcitoit. Après s'être fai mutuellement de nouvelles protefta tions d'attachement, ces deux ami; s'occuperent des mefures qu'il y avoi Andronic II. An. 1320, LH. II projet.te avec Cantacuzene de fe faifir d'une place de füreté» ; Cant. /. i, .C 7.  Andronic II. An. 1320 LUI. Apocauque& Synadenes'atta- 1 ehent au | jeune Andronic. ' Cant. I. 1,1 t. 8. _ 1 r4 H I S T O I 11 B ' a prendre pour Ie moment, lis déciderent qu'il faüoit avant tout s'afTurer d une place forte , qui pftt leur fervir d'afyle , & qui fut le point de ralliement pour tous ceux de leur parti. Ils jetterent d'abord les yeux i"r Andrinople. Comme 1'Empereur Michel , pere du jeune Andronic avoit fa,t dans cette ville un long iejour il y avoit lieu defpérer que ion fils y trouveroit beaucoup de partifans. Confidérant enfuite qu'elle etoit trop prés de lacapitale, ilshi, pijefererenf Chriltopole, ville de j l hracc. Cette place qui avoit, cHjeïques années auparavant, fervi'dè retraite aux Catalans, étoit défendue amant par la nature que par 1'art. Dadleurs, fa pofition fur le bord de la mer, la mettoit a portee de fe procurer facilement des fecours & des approvifionnements de toute efpece. Après ces premiers arrangements. 5n fongea a fortifier le parti du jeune Andronic, en lui gagnant des gens pu fuffent en état de lebien fervir. ^antacuzene lui préfenta Alexis Apo:auque comme un perfonnage entiéementdévouéa fes intéréts, & dans  du Bas-Empïre. Liv. CVI. nlequel il pourroit trouver de grande: reffources. Apocauque, né dans 1'obf i curité & prefque dans 1'indigence. s'étoit avancé a la Cour par fon efprii ! & fes talents: employé dans les fïnan ces , il y avoit acquis de grandes richeffes avec d'autant plus de faciiité. i que jamais il ne s'étoit trouvé gêne : par aucune de ces vertus qui embar, raffent toujours, lorfqu'on veut allei trop vïte dans le chemin de la for: tune. A-peu prés dans le même temps. Théodore Synadene, Protoftrator. : revint de fon gouvernement de Prillape. Le retour de ce Seigneur infpira i une nouvelle confiance au jeune Ani dronic; il prévit qu'il lui feroit aifé :de le gagner; Synadene étoit ami j de Cantacuzene, & ennemi de la Cour qui venoit de le dépofer : au i premier fignal qui lui fut fait d'entrei dans la confédération , il fe rendit, II proteftd avec ferment de répaniidre pour la défenfe du jeune Andronic jui'qu'a la derniere goutte de fon fang. Sur ces entrefaites,le vieuxEmpereur recut une ambaffade de la part du Crale de Servië fon gendre. Ce Andronic II. An. i 320, Nie. Greg. I. 8. c. 4. Ontrem, de excid. Grxc. lib. fingul. c. 4. LIV. Traité d'alliance avec ie  Andronic II. An. 1320, Oale de Servië. Cant. I. i. c. 7. 8. O utrem. de excid. Grac. lib. Jingul, c. 4. tip H I S T O I R E 'Prince fe plaignoit de ce qu'Andronic retenoit a fon fervice au-dela du terme convenu, un corps de deux mille Comans, qu'il lui avoit prêtés. L'AmbaiTadeur du Craie étoit un moine, nommé Ca'linique, Serve de nation, homme fin & rufé, habile , politique, & qui poffédoit parfaite- ! ment Part de faifir 1'occafion, & de profiter des circonffances. II crut que fon maitre pourroit tirer avantage de la méfintelligence qui régnoit entre Paieul & !e petit nis.En conféquence , il pratiqua fecretement le jeune Andronic , qui ne demandoit pas mieux que de fe voir fortifié par Palliance • du Prince de Servië. Callinique partit j auffi-tot, & alla rendre compte a fon Souverain de ce qui fe paflbit. Le Crale fut très-fatisfait des opérations 3e fon Minifïre; il promit de fou■emr Ie jeune Andronic de toute fa DiuiTance, il s'y engagea même par ! un traité qui fut figné de part & d'au:re. On fit auffi des enrölements fe:rets, & enfuite on délibéra de nou- j /eau fur Ie lieu oii il feroit convelable de fe retirer. Nous avons vu ! ?Ius haut que Chriftopole avoit été  nu Bas-Empire, Liv. CVI. 117 choifie pour fervir , en cas de befoin , de retraite au jeune Prince, & pour jêtre le centre de la confédération ; mais on changea d'avis, par complaif fance pour le Protoftrator. Comme fa femme & fes filles avoient fixé leur demeure a Andrinople , & qu'il eüt jlété difficile de les déplacer, on fe dé^eida pour cette derniere ville. Après avoir fait les difpofitions que Idiöoitla prudence, pour fe garantir jde toute iurprile,on attendit les évé: nements. Le jeune Andronic continua 1 toujours a rendre fes devoirs a fon aïeul. II ne paffoit aucun jour fans fe préfenter devant lui; mais ce vieililard chagrin ne répondoit aux pré| venances du jeune Prince, que par jun filence méprifant. Quelquefois, pour le mortifier, il afFedtoit de le laiffer debout, tandis qu'il faifoit affeoir les Sénateurs. Le jeune Androi nic dévoroit ces affronts avec une patience inébranlable. Enfin , le vieux Empereur, ne pouvant plus foutenir fa préfence , lui dit un jour avec coIe re : Tene^'vous-chei vous. Ces foudroyantes paroles furent regardées 1 comme une déclaration de guerre; oa I Andronic ii. An. 1320. LV. L'Empereur chaffe fon pelit-fils de la préfence. Cant. 1. I, C. 8. ■tul Hr»fl  Andronic II. An. 1320. LVI. Synadene , Syrgianne & Cantacuzene opinent fur les affaires préfentes.Cant. l, 1, (. 9. H3 II I S T O lii E crut que le danger étoit imminent, & qu'il étoit temps de fe mettre en état de le repoufïer. Le jeune Andronic envoye un exprès a Syrgianne pour le prier de fe rendre a Conftantinople , paree qu'on avoit befoin de fes confeils. Dés qu'il fut arrivé, les chefs de la confédération s'aflemblerent, & délibérerent entr'eux fur le parti qu'il convenoit de prendre dans une conjondture fi critique. _ Synadene opina le premier, & décida qu'il falloit fe faifir de la perfonne de 1'Empereur, & s'emparer de Conftantinople. Syrgianne enchérit encore fur eet avis; il vouloit qu'on fe défït de ce Prince, paree qu'alors on feroit débarrafle du foin de le garder, & que perfonne ne pourroit plus s'intérelTer pour lui, li difputer I'Empire au jeune Androiic : c'étoit auffi 1'opinion d'Apo:auque. A ces difcours, Ie grand Doneftique frémit d'horreur ,& s'écria, ju ils ne s''étoient reunis que pour conrerver au jeune Andronic la vie, & ion pas pour l'óter d fon aïeul. Syrgianne , qui avoit fes vues particuieres , & qui étoit déja fecretement  du Bas-Empire. Liv. CVl. 119 indifpofé contre Cantacuzene qu'il regardoit comme fon rival, le traita avec aigreur ; il lui reprocha d'être attaché k fes opinions, & de vouloir toujours faire prévaloir fon fentiment fur celui des autres. Cantacuzene répondit en peu de mots a ce reproche ; puis remontant aux grand' principes, il fit voir 1'énormité du crime dont on fe rendroit coupabk devant Dieu & devant les hommes, en portant des mains parricides fui la perfonne facrée d'un Souverain » D'ailleurs, difoit-il, lorfque nou; » formamesPentreprife dans laquellf » nous nous fommes engagés, notn » deffein ne fut pas de faire pérh » 1'un des deux Empereurs, pout » que 1'autre reftat feul fur le tröne; » nous n'eümes d'autre intentionque » de fecourir celui qui étoit menacé » de perdre tout-a la-fois la vie & » lediadême. De quel front oferions » nous maintenant nous plaindre, fi » nous commettions nous-mêmes des » injuftices pires que celles que nous » prétendons repouffer. Quant au » projet d'arrêter le vieux Andro9 nic, il ne me paroït pas moins Andronic II. An. 13 20.  Andronic ii. An. 1310, ï;o Histoire » cruel que celui de 1'égorger. Non, » la mort ne peut rien avoir de » plus affreux pour des Princes ac» coutumés aux honneurs & aux » hommages des autres hommes , » que ces revers qui les précipitent » du faite des grandeurs dans 1'hu» miliation. Piufieurs de nos Sou» verains n'ont ils pas préféré de » s'arracher la vie après une défaite , » plutöt que de tomber dans une » honteufe captivité ? Quelle lureté, w d'ailleurs, y auroit-il a tenir le » vieux Empereur dans les fers ? S'il »> venoit a nous échapper, vous verj> riez bientöt le peuple qui eft maintenant pour notre parti, paree que » nous fommes perfécutés, 1'abandon» ner pour fe tourner de fon cöté. w Puifque nous nepouvons lui öter » la vie fans commettre un crime » dont la tache pafleroit de nous » a notre poftérité; puifque nous ne » pouvons pas même le priver de la » liberté, fans nous couvrir d'infa» mie, & fans nous expofer aux plus » grands dangers , il eft plus raifon» nable de nous en tenir a notre w première réfolution, & de défendre » notre  du Bas-Empire. Liv. CVI. 121 i *s> notre jeune Monarque contre ceux -» qui voudroient lui faire violence. » Mais li ie vieux Empereur prenoit w les armes le premier, s'il marchoit » conrre nous, dès ce moment, il I »> nous feroit permis de parer fes i » coups. Alors la nécelfité nous ex» cuferoit, & nous ne lerions pas » refponiabies des malheurs qui pour» roient arriver è fa perlonne. Se » défendre, n'eft point attaquer. L'un »> eft jnfte & honnête, 1'autre, au » contraire, eft injufte,& Phonneur 1» le condamne. Si 1'aggreffeur vient » a périr au milieu du combat, il »> ne doitimputer fon infortune qu'è » lui-même, & nullement a celui » qui fe défend. Nous avons affez » difcuté les divers avis qui parta» gent cette affemblée, il eft temps » maintenant d'écouter notre Souve*> rain , & d'apprendre de fa bouche v pour lequel il veut fe décider. Le jeune Prince, qui jufqu'alors avoit gardé un profond ftlence, le { rompit, & déclara qu'il étoit trés- t éloigné de vouloir rien entrepren-' dre contre la perlonne de i'Empe l reur. II ajouta même ces parolesre- « Tornt XXIV* F * Andronic H. An. 1310, lviï; Le petit» Is rejets les onfeils u'on lus onise ontre ?a aïeul.  Andrc kic II An. 131 Cant, l c. 10. 122 H I S T 0 I R E 5 marquables: » Si mon aïeul'me pour" » fuivoit 1'épée a la main pour me d. ►> pereer, je tacherois d'éviter par 1. » la fuite qu'il ne m'approchat; fi je » rencontrois quelque obftacle qui » m'arrêtat dans ma courfe,loin de » penfer a me défendre, je me voi» lerois les yeux , & recevrois le » coup en fdence, fans me retour» ner dans la crainte que la vue du >> glaive fufpendu fur ma tête, ne » fit naïtre en moi quelque mou» vement de colere contre mon Sei« gneur, & ne m'excitat a lui arra»> cher 1'arme fatale ; car je fuis per» fuadé qu'un fils ne peut jamais por» ter la main fur un pere pour quel» que raifon que ce foit, fans fe renw drecoupable d'une horrible impié» té. Dieu , dont 1'ceil voit dans les » replis les plus cachés du cceur hu» main, fait que ce font-la les vrais » fentiments dont je fuis pénétré » pour 1'Empereur mon fouverain n maitre. Je voudrois que vous fuf» liez tous dans les mêmes difpofi» tions. Je vous prie de ne faire au» cune aétion , ni de proférer aucune » parole, ni de me donner aucun  *»p Eas-Empire. Lrv. CVI. i;j » confeil qui foient conlraires au » refpedt dü a mon aïeul ". II finit, | €n proteftant que s'ils vouloient at- i tenter aux jours de ce Prince, il s'é- ; loigneroit d'eux avec horreur, & qu'il pourvoiroit lui-même a fa füreté comme il pourroit Sc fans leur \ fecours. Toute 1'aflemblée admira Ia magnanimité du jeune Prince qui mon- 1 troit encore tant d'interêt pour fon aïeul dans un temps oü il en étoit i traité fi indignement. Synadene , qui avoit voulu qu'on fit arrêter 1'Empereur, 8t Syrgianne, qu'on lui ötat la vie , le féliciterent encore plus que : les autres. Ils louerent avec emphafe fon bon naturel & fa piété filiale, qui i ne pouvoit manquer, difoient-ils, de lui mériter les bénédiclions du Ciel, Sc la proteclion du fouverain Maitre des Empires. Après ces compliments. on examina fi Ie jeune Andronic Si ceux de fon parti, pouvoient, fan< 1 expofer leurs perfonnes, refter plu; long-temps a Conftantinople. II ful généralement reconnu qüils y cou- * roient tous le plus grand rifque, & qu'il falloit en fortir au plutöt, On F ij Andronic ii. An. 1320. lvi1ii. On déli bere s'il n'eft pas a propos de fortir de Conftantinople. Cant. I. I. c. to & II,  124 HlSTOIRE ' aeita enfmtp. <:'il Andronic II. An. 1320, . ] 1 1 1 i 3 1 1 » 1 LIX. Tornice j & Métochite par-1 ]ent en ( favsut du O 7 - "~ r vuwil paj d'emmener 1'Impératrice, femme du jeune Andronic : cette Princefle étoit alors enceinte. Cantacuzene opina pour qu'on ne 1'expofat point dans i'état oü elle fe trouvoit, aux incommodités d'une fuite précipitée. Lorfque chacun eut dit Ion fentiment, Si sxpofé fes raifons, le jeune Empereur réfuma tous les avis, les difcuta avec Deaucoup de fagelfe , Sc ne put s'emrêcher de reconnoitre qu'il feroit arudent de fe mettre en füreté. On :royoit en conféquence qu'il alloit ;mbrafTer ce dernier parti, mais on ïtit fort étonné , lorfqu'on 1'entendit :onclure qu'il falloit attendre que le séril fut devenu encore plus prelfant. .1 fe flattoit toujours que fon aïeul rhangeroit de difpofition a fon égard. 3erfonne n'ofa le contredire; il fut lonc arrêté que Syrgianne s'en reourneroit dans fon gouvernement de fhrace, Sc que les autres refteroient 1 Conftantinople. Les plus fages d'entre les courtians voyoientavecchagrin la divifion égner dans la familie impériale. Mihel Tornice, grand Connetable, &  du Bas Empire. Liv. CVI. 125 Theodore Métochite, grand Lögothete , qui ne s'étoit point encore déclaré contre Ie jeune Andronic, comme il fit par la fuite, ne ceffoient de repréfenter a. 1'Empereur les troubles qui ne manqueroient pas de s'éléver dans 1'Etat, & les calamités qui alloient fondre fur la nation , s'il exécutoit le projet d'arracher a fon petit-fils la couronne pour la mettre fur Ia tête d'un batard. Mais leurs remontrances n'étoient point écoutées, & c étoit, dit Cantacuzene , la même choj'e que s,ils eujfent fait bouillir des pierres. Cependant Andronic avoit pour ces deux Officiers la plus grande déférence. Métochite fur - tout jouiffoit, comme nous Pavons déja dit ailleurs, de toute fa confiance; il 1'avoit méritée par un talent particulier , dont ce Prince lüperftitieux faifoitgrand cas. Métochite fe piquoit d'être aftrologue. L'Empereur s'enfermoit fouvent avec ce Miniftre , pour feuilleter enfemble de vieux livres remplis de caracferes bizarres öc de prédicfions congues en termes vagues Sz équivoques. Une aventure fprt étrange donna lieu alors a Méto-r F iij. Andronic II. An. 1310. jeune Prince. Cant. L 1. c. 11.  1=6 HlSTOIRE chite Ap (\pn\tr\\7Pr *m*nc- ia* „„/r„.. .. Androsic li. An. 132c LX. Prétendi henniflement d'ui cheval ei peinture, Nic. Greg l. 8. c. 5 fi'Outrem Confl. Be, gica, l. 5 fcH. 3. Id. de ex cid. Gr etc lib. fing. fiS. 2. ces de fon art. . Une nuit on crut entendre k deux différentes reprifes un henniffement 1 extraordinaire. L'Empereur ordonne ^uffi-töt de faire des informations l pour favoird'oii part ce bruit fingulier. On lui rapporte qu'il ne peut \ venir que du cheval d'une image de • Saint Georges, peinte fur la muraille "d'une^ chapelle de Notre-Dame des Vicfoires, batie dans Pintérieur du palais. Cette image étoit le chef' d'ceuvre d'un artifte célebre, & les Grecs Pavoient en grande vénération. L'Empereur envoie confulter fur Pheure fon oracle ordinaire. Métochite fait dire k fon maitre que ce préfage lui promet qu'il fortira victorieux de, quelque combat contre les ennemis de I'Empire. Andronic , peu fatisfait de cette réponfe, dépêche a fon devin un fecond meflage pour lui obferver, que lorfque les Latins poffédoient Conftantinople, le cheval de Saint Georges s'étoit déja fait entendre; que Baudouin en avoit été fort allarmé, ce prodige lui ayant paru Pannonce de quelque grand mal-  nu Bas Empire. Liv. CVI. 127 heur, & qu'en effet 1'événement avoit prouvé qu'il ne s'étoit pas trompé, puifque Michel Paléologue 1'avoit dépouillé de I'Empire, & chaffé avec tous les Francois de la capitale. Métochite , qui ne favoit trop que réphquer, dit a rOfficier : Retourne^-vousen , & faites favoir d 1'Empereur que demain inatin firai moi-même luiporter la réponfe qu'il attend. A peine le jour parut, que le grand Lögothete s'ernprefik de fe rendre au palais. Andronic conféra long-temps avec lui en fecret, & fans doute que Métochite ne put foutenir 1'interprétation favorable qu'il avoit donnée d'abord 'du hennifTement du cheval de Sainl Georges. II fortit de 1'appartement dt 1'Empereur , le vifage pale& défait portant fur tout fon extérieur le: fignes de la plus profonde douleur On ne rapporte de pareilles inepties que pour faire connoitre le génie di la nation Grecque , & la foibleiTe 01 plutöt 1'imbécillité de ceux qui 1 gouvernoient alors. • F iv Andronic II. An. 1 jxo. » t l   129 SOMMAIRE D V CENT SEPTIEME LIVRE. i. J'U G EME N T du jeune Andronic rêfolu. II. Les partifans de taccufê fe r endent en armes autour du palais. III. Andronic fe recommande dfes amis. IV. 11 efi accufé par fon aïeul. V. IIfe dêfend. VI. Colert de tEmpereur qui reproche a fon petit-fils de n'être pas chrétien. Vil. Effrayé pan la préfence des conjurés, il offre au jeune Prince fa grace. VIII.' Rèponfe £ Andronic. IX. Cette altercation fin'upar une réconciliation fubite. X. Réfizxions fur le rédt de eet événement. XL Le jeune Andronic refufe d'abandonner fes partifans. XII. VEmpereur projette d'éloigner de fon petit-fils Cantacu{ene& Synadene. XIII. Le jeune Andronic fe fauve de Conftantinople. XIV. Tagaris dijfuade PEmpereur de le faire pourfuivre. XV. Le parti du jeune Prince fe fortifie. XVI. F v  13° SOMMAIRÏ L'Empereur envoye demander la paix. XVii. Les troupes du jeune Andronic veulent marcher vers Conftantinople. XVIII. Embarras de ce Prince qui n'efl pas de eet avis.xiX.il/aitunnouvel effortpour gagner fes foldats. XX. Cantacmtnt vient en vain d Pappui des raifons de fon maitre. xxi. Andronic, förce de conduire fon armee vers la capitale, avertit fon aïeul. XXII. VEmpereur effrayê offre de fe faire moine. XXIII. Lepttit-filsfe contente d\m apanage. XXIV. Le vieux Andronic loue jon défintéreffement. XXV. // fe fdche fous un prêiexte frivole. XXVI. Syrgianne exciie 1'Empereur d recommencer laguerre. xxvu. Le jeune Andronic fe met en campagne. XXVin. Ses troupes demandent la paix. XXix. Le Prince va lui-même la folliciter. x'xx. Maladie & chagrin du jeune Andronic. XXXI. Mort dUrofc, Crdle de Servië. XXXII. Le jeune Andronic prend d'affaut la ville d'Apres. XXxni. Clémence du vainqueur. XXXIV. 11 pourfuit Jes conquêtes. XXXV. Pardon accordé a Paleologue. grand Stratopédarque. XXXVI. Conftantin prifonnier de fon neveu. XXXVII. Viïtoire du jeune An-  du Li vr e, CVII. 131 dronk. xxxviii. L'Empereur demande humblement la paix. xxxix. Son pe'tit-fils propofe de lui rendre toute l'autorité. XL. Cantacu^ene appuie fa réfoludon.. xli. L'armée s'y foumet avec peine. xlii. Conditions du nouveau traité. xliii. Entrevue des deux Princes, XLIV. Incurfions des Bulgares. XLV. lis font défaits par le jeune Andronic. XLVI. Nouvelles intrigues de Syrgianne. XLVII. // efl condamné d une prifon perpétuelle. XLVllï. La guerre avec les Bulgares recommence, XLix. Le jeune Andronic leve le fiege de Philippopole. l. Cette ville efl prife par George Bryenne. LI. Boefilas , allié du jeune' Andronic, cru mort. LH. Ifaïe Patriarche. lui. Alexis Philantropene rappellé. liv. Contejlation fur la fête de Pdques. lv. Le Roi des Bulgares refufe le duel propofé par le jeune Andronic. LVi. Paix avec les Bulgares,. 2.VII, Défaite des Tartares. F vj   H I S T O I RE D U BASEMPIRE. LIVRE CENT SEPTIEM E. ANDRONIC IL "tt" ' K -Kt T -KK C\ C T T v fin vieux Andro- j m\c. contre fon petit fils, loinde s'affoiblir, croiffoit de jour en jour. 11 en étoit fi fort dominé, qu'il ne pouvoit lavaincre, &quelquefoison 1'entendoit difputer avec fa confcience, & s'écrier iFaut-il que la haine triomphe toujours. de la nature l Cédant a cette malheureufe paflion, il réfblut de faire jager le jeune Andronic dans Andronic II. An. 1311. L Jugement du jeune Andronic réfolu. Cant. U i» c. ixfi-12. Nic. Greg,. lt 8» 5?»  Andronic II. . An. 13 li. : ( . 1 < 1 c 1 1 a II. tes partilans de O 1'accufé q fe ren- p dent en armes tJ autour du Q palais. Cant. I. I.3' c 12. 13. di Nic: Greg. Q. 4 8, c. 6. 7 fi) Cl r34 H 1 s t o 1 11 e une affemblée des Prélats & des grands Officiers de I'Empire, & de le condamner enfuite a une prifon perpétuelle. Ce pro/et devoit s'exé:uter quelques jours avant Ie carêtne. Métochite lui repréfenta qu'il feroit dangereux de procéder au jugement de fon petit-fils pendant le carnaval , dans un temps oü les efprits ïchauffés par le plaifir & par les va. >eurs du vin, pourroient fe porter 1 Ia révolte ; qu'il devoit craindre iue le peuple ne fe déclarat contre ui en faveur du jeune Prince. AnIronic approuva eet avis, & remit 'affaire au Dimanche qui précede ceJi des Rameaux, lequel tomboit cette nnée le 5 Avrü. Ce jour, il fait dire a fon petit-fils e fe rendre fur le champ au palais ü ïl l'attendoit. Cet ordre donne de inquiétude au jeune Prince; il quefonne 1'envoyé de fon aïeul. Cet 'fficier lui répond qu'il ne fait point 1 jufte quelle peut-être 1'intention i 1'Empereur; mais qu'il foupgonne ie ce Prince le mande pour lui faire bir un interrogatoire fur divers lefi d'accufation, Sc qu'il lui con-  nu Ba -Empire. Liv. CVIL 13S feille de bien méditer fes moyens de ' défenfe. Auffi-töt le jeune Prince envoie avertir fes amis Sc fes partifans, de venir le trouver. Le grand Domefïique étoit alors abfent; il n'y eut que le Protoftrator qui fe rendit auprès de fa perfonne. Andronic lui fait part Sc du meffage qu'il vient de recevoir, Sc de la réfolution oü il efl: d'obéir aux ordres de 1'Empereur, s'eftimant heureux de ce qu'il alloit manifefler fon innocence devant un tribunal compofé des hommes les plus éclairés de la nation , Sc forcer enfin fon aïeul a lui rendre jufïice. Synadene repréfente a Andronic qu'il a trop de confiance ; qu'il ne doit pas courir les hafards dun pareii jugement; qu'il lui fera difficile d'échapper a la condamnation, devant avoir fon aïeul pour juge Sc partie. Tandis qu'ils conferent enfemble, arrivé, un fecond Officier pour prefler Andronic de venir. Le Protofirator ne le perdit point de vue, Sc le fuivit jufqu'aux portes du palais. Cantacuzene, de retour chez lui, apprend ce qui fe paffe, Sc vient en diligence fe réunir a Synadene, qu'il efl fort étonné A.NDH ONIC ii. Ln. 1321.  Andronic II. An. 1311, /$f, 136 HlSTOIRE de trouver feul; il lui en fait des reproches. Synadene lui dit que d'abord il étoit venu avec plulieurs de fes gens , mais qu'enfuite il les avoit renvoyés de peur de donner de 1'ombrage. Le grand Domeftique , après lui avoir fait fentir Pimprudence de cette conduite dans une circonftance fi critique, part & revient aufïi-töt accompagné de fes domefiiques, de ceux de Synadene, & de plufieurs des Officiers du jeune Andronic. En un inftant, le palais fe trouva environné de trois cents hommes bien armés St; en état de faire un coup de main, s'il étoit néceffaire. Nicéphore prétend que les conjurés devoient, dans le cas oü 1'on uferoit de quelque violence envers le jeune Andronic, poignarder le vieux Empereur fur fon tröne , & yplacer leur maitre. Cantacuzene , au contraire , allure que leur pro jet- étoit feulement d'enlever le jeune Andronic , dè fe réfugier enfuite dans le temple de Sainte-Sophie, & d'envoyer de cet afyle des députés a 1'Empereur pour capituler avec lui, ne doutant pas que la crainte ne le déterminat a ne rien refufer de  bu Bas-Empire. Liv. CVII. 137 ee au'on lui demanderoit; il aioute que leur intention étoit, fuppofé que ' ce Prince fe rendit trop difficile, de j forcer une des portes de la ville du cöté de la mer , & de fe fauver tous en Thrace ou ils trouveroient Syrgianne prêt k les recevoir. Deux Génois qui étoient venus, fuivant 1'ufage , pour faire leur cour k 1'Empereur, avertis par Cantacuzene du danger oii fe trouvoit le jeune Andronic , entrerent auffi dans le complot. Ils allerent fur le champ préparer quelques galeres pour favorifer la fuite du jeune Prince & de fes amis. II y avoit déja quelques heures qu'Andronic étoit arrivé au palais,\ attendant avec impatience le moment 1 auquel 1'Empereur le feroit compa-' roitre. II fortit fous quelque prétexte, [ & vint trouver le grand Domeftique & le Protoftrator. II les interrogea fur les mefures qu'ils avoient prifes, & il parut fatisfait de leurs réponfes. Ces trois amis s'entretenoient encore enfemble, lorfque 1'eunuque Michel Callicrinite vint tout en larmes annoncer au Prince que 1'inftant fata! «toit arrivé j que 1'Empereur fatten» Indro- N1C II. in. IJZlg IIÏ. V.ndronis 'e recomnande k és amis. ?ant. /. I, • IJ-  Andronic FI. An, 1321, I3S H I S T O I R. E doit pour lui faire fon procés. An- j| dronic répondit a Peunuque : Que la J volonté du Seigneur foit faite ! Retour- j ne^vous-en, & alle^ dire d mon grandpere que je vais me rendre d fes ordres. Puis, fe tournant vers Cantacuzene & le Protoftrator, il leur adrefia ces : paroles : >► Amis, voici le moment de » me donner des preuves de votre » attachement. Voici 1'occafion de » fignaler votre prudence &: votre » courage, de vous couvrir d'une » gloire immortelle , en défendant » généreufement votre vie & la mien» ne, ou en rhourant tous, s'il le » faut , au lit d'honneur. Je pars II » pour être juge. Si je triomphe de | » mes ennemis, fi j'échappe au mal- ; » heur dont je fuis ménacé, j'en bé~ j » nirai la divine Providence. A tout 1 ►> événement, je vous dis le dernier I » adieu. Pour vous, montrez-vous 'I » toujours dignes du nom que vous j\ » portez, &faitesceque la noblefle » de votre naiflance doit vous infpi- I » rer ". Le grand Domefiique & Sy- I nadene lui promirent de ne pas fouf- ; frir qu'on lui fit la moindre violen- 1 ce % (te lui jurerent de donner leur  nu Bas-Empire. Liv. CV1I. 159 ulo nn.ir fi Aafanff inrM c'ptrp pm- brafïés mutuellement, ils s avancerent avec intrépidité vers le lieu 011 le jeune Andronic devoit être jugé. La falie du confeil s'étant ouverte, ce Prince y entrar & fes amis refterent dehors. L'Empereur étoit aflis fur fon tröne. LePatriache Gerafime fiégeoit a cöté de lui; enfuite Tnéolepte, Evêque de Philadelphie, Métochite &c Conftantin Acropolite, tous deux grands Logothetes, & Nicéphore Chumne , garde du Caniclée, étoient auffi du nombre des Juges On fit affeoir le jeune Prince fur une fellette. L'aflemblée ayant gardé pen dant quelque temps un grave & majeftueux filence, 1'Empereur prit 1; parole & dit : Seigneur Patriarche, 6 vous tous qui êtes ici préfents, cet hom me , en montrant fon petit-fils , ce homme eji d'une humeur dure & intrai table i c'efi un arrogant qui me rèjïft fans ceffe ; il n'écoute que fes paffion & na aucun igard d mes vohntes ; c ej pourquoi.... A ce mot fatal qui an noncoit qu'il alloit prononcer une fer tence de condamnation, le jeune Ar dronk 1'arrêta, 8c lui demanda re: A NDRONIC II. An. 1321. IV. 11 eft accufé par fon aïeul. Cant. I. S.. c 6. I f e K l  Andro- • NIC II. 1 An. ijii. V. II fe défend.Cant. J i > > * y » » » » » » » » [40 HlSTOIRE >ecfueufement Ia permiffion de parer. Le vieux Andronic n'ayant ofé alui refufer, il s'exprima ainfi. » Dieu m'eft témoin que je n'ai > è me reprocher aucun des crimes > dont on m'accuCe. Je Pai déja fait > dire a votre Majefié par le ver- ► tueux Joleph, & je le répete au- ► jourd'hui avec ferment, oui, je ► fuis innocent des accufations dont ' on v.eut me charger. Je conviens ' que je ne fuis pas tout-a fait fans reproche a votre égard. J'ai eu tort, fans doute, de m'abandonner au ■ plaifir de la chaffe, puifque vous le trouviez mauvais. Je n'aurois pas dü monter fi fouvent a cheval, ni me liyrer, comme j'ai fait quelquefois, fans votre permiffion Sc même contre vos ordres, è d'autres divertilfements femblables. Je regardois comme très-indifférentes toutes ces acfions qui vous paroiffent fi criminelles. Perfuadé qu'elles ne pouvoient me mériter aucune efpece de blame, je ne ceffois de dire è ceux qui m'en parloient, que 1'unique objet de mes vceux, étoit que vous me nommaffiez des juges  mi Bas-Empire. Liv. CVII. ï'4-1 » pour examiner ma conduite. Je » croyois que c'étoit le véritable » moyende vous convaincrede mon » innocence, de vous faire revenir » de vos préventions contre moi, » 6c enfin de calmer cette terrible » colere qui n'a ceffé de croïtre, fur» tout depuis la mort de mon pere. » Mes amis me difoient que je me » flattois d'une vaine efpérance , &C » qu'il falloit que j'euffe bien peu » d'expérience pour m'imaginer que »> jeferoisjugé iuivant les regies de » 1'équité , puifque je devois avoir » pour juge mon propre accufateur. » Je refufois de les croire; mais ce » qui fe paffe maintenant, ne me con» vainc que trop qu'ils ne fe trom» poient pas. Ce vil fiege fur lequel » je fuis affis, n'eft-il pas lui-même » une preuve que vous m'avez con» damné d'avance? Devois-je m'at» tendre a un traitement fi ignomi» nieux &c fi cruel ? Comment les » entrailles d'un pere ont-elles pu » s'endurcir au point de refufer a fon » fils la liberté de fe défendre ! Si » vous ne voulez pas entendre ma » juftifigaiion de ma propre bouche, Andro- nic ii. An. 1321.  Andronic II. An. 1321, VI. Colere de 1'Empereur qui reproche a fon petit-fils de n'être pas chrétien. Cant. I. 1. *. 14. 142 IIlSTOIRE » au moins fufpendez, Seigneur, vo» tre jugement, jufqu'a ce que des » hommes fages & fans paffion, ayent » examiné avec impartialité fi les » crimes dont on me noircit, font » réels. S'ils me trouvent coupable, » qu'ils me falTent conduire a la mort, » j'y confens; fi au contraire ils me » jugent innocent, ainfi que je 1'ef» pere & que vous devez le delïrer » vous-même , je demande que vous » me traitiez, comme j'ai droit de » 1'attendre d'un pere Sc d'un Sou» verain équitable ". Ce difcours, loin de défarmer la colere du vieux Andronic, ne fit que 1'irriter davantage. II dit avec emportement a fon petit-fils; qu'il ne croyoitpas qu'il fut chrétien. Le jeune Andronic ne put entendre ces paroles de lang froid, il répondit avec vivacité : » Quoique les crimes que vous » m'imputez foient déja très-graves, » fi vous y en ajoutiez d'autres plus' » graves encore, je pourrois peut» être vous entendre en filence. Mais » me retrancher du nombre des chré» tiens, quoique le divin Sauveur » qui m'a aimé jufqu'a répandre fora  du Bas-Empire. Liv. CVII. 143 » fang pour inoi, m'ait mis au nom» bre de fes enfants, c'eft un outrage » que je ne puis ni ne dois fouffrir » de qui que ce foit. Au refte, pour» quoi tous ces débats ? Si vous vou» lez rendre contre moi un jugement, » conformez-vous aux loix de 1'é» quité; li votre volonté eft que je » fois condamné fans être jugé, conj» tentez-vous, faites-moi mener a. » 1'échafaud. Je recevrai la mort en » vous rendant mille aclions de gra» ces de ce que vous m'aurez procuré » 1'avantage d'avoir autant de té» moins de votre injuftice, qu'il y » a d'illuftres perfonnages dans cette » augufte affemblée ". Le grand Domeftique & le Protoftrator qui étoient a la porte, ayant 1 entendu le vieux Empereur élever la voix & parler avec colere , crurent : que leur jeune maitre étoit en danger ; aufti-töt ils s'avancent pour al; Ier k fon fecours, Quelques Officiers du palais s'étant appergus de ce mouvement , vinrent leur dire que les deux ! Empereurs traitant enfemble d'affai: res fecretes, il ne con venoit pas qu'ils fuflént ft prés d'eux, &z leur figni- Andbo- NIC IL An. 13H. vii. EfFrayé par la preien ce des conjurés, il offre au ieune Prince fa grace. Cant. !. I, c. 15.  Andronic II. An. 1321 vm. Réponfe 144 HlSTOIRE fïerent en même-temps qu'ils euffent a fe retirer dans le veftibule. Canta.cuzene & Synadene ne répondent a cet ordre que par des regards ménacants. Alors Fun de ces Officiers fe détache, entre dans la falie, & dit l au vieux Empereur qu'il prït garde a ce qu'il alloit faire; qu'il y avoit a la porte même du Confeil des gens difpofés a tout ofer en faveur de fon petit-fils. A cette nouvelle, Andronic eft faifi de frayeur; il defcend précipitamment de fon tróne , & fe retire au fond du palais. I] fait appeller Métochite; & après avoir conféré long-temps avec ce Miniftre, il le charge d'aller dire de fa part a fon petit-fils qu'il le tient pour coupable de tous les crimes qu'il lui a repro- I chés; mais qu'il veut bien lui accor- , 1 der fa grace; a condition toutefois qu'il promettra avec ferment fur les 1 Evangiles & fur les faintes images, de perfévérer dans la foi de Jefus-Chrift, de ne tramer aucune confpiration contre lui, de révéler fes complices, I & enfin de ne jamais prendre la fuite. Le jeune Prince répondit d'abord , que fi 1'on doutoit qu'il fut chrétien, il  du Bas-Empire. Lrv. CVH. 145 , II étoit inutile d'exiger de lui qu'il | fit ferment de 1'être fur les monu- ■ ments de notre foi, puifque s'il avoit l eu le malheur de renoncer a la reli-1 j gion du Sauveur , il ne fe feroit au-1 i cun fcrupule de jurer fur des cho-^ I, fes pour lefquelles. il n'auroit aucun ! refpecf ; qu'ainlï cette propofition ■ étoit abfurde en elle-même, & de ; plus injurieufe pour lui, n'ayant dó'n: né dans aucun temps occafion de fuf- pecfer fa croyance; puis il protefla : avec fermeté qu'il étoit chrétien & orthodoxe. » En fecond lieu, con! # tinua-t-il, je n'ai jamais rien dit ! » ni penfé, qui fut contraire aux inH térêts de mon aïeul; j'en prends k I ♦> témoin le fouverain Maitre du ciel 1 » & de la terre, & je promets que 1 » je ne m'écarterai jamais du refpecl » que je lui dois; c'efi un ferment li »> que je fais volontiers. Quant au » troifieme article , puis-je 1'accor» der ? Mon pere fait bien que dans » 1'état de détrefJe & d'abandon oii » il me laiffe, je n'ai pas affez de for» tune pour me faire des créatures, I » & me gagner des partifans: fi des » perfonnes, même du nombre de Tomé XXIV. G Andronic ii. in. 13 ir. l'Androïic. ?am. I. r. ■ IJ'  146 H I S T O I R E f» celles qui tiennent un rans diftin- Andro kic II. An. 1321 ÏX. Cette al tercation finit par uae ré- » gué dans 1'Etat, font venues m'of,» frir leurs fervices, li elles ont » montré qu'elles s'intéreffoient a » mes malheurs, dois-je reconnoïtre » leur affecvtion pour moi par la plus » lache de toutes les perfidies; dois» je les livrer a la colere de mon » aïeul? D'ailleurs, je déclare que » mes amis ne m'ont jamais donné » aucun mauvais confeil, qu'ils m'ont » toujours exhorté a vivre en paix »> avec 1'Empereur, mon Seigneur & » mon maïtre, k ne jamais m'écarter » de mon devoir ". Sans doute qu'il n'entendoit parler ici ni de Sergianne, ni de Synadene, ni d'Apocauque. » Enfin, ajouta-ce jeune Prin» ce, mon pere veut que je m'engage » k ne jamais prendre la fuitë; je » jure, au contraire, par le grand »> Maitre de Punivers, que fi j'ap» prends qu'on médite contre moi » quelque projet funefte, je m'en» fuirai de toutes mes forces ". L'Empereur, qui étoit venu écou• ter a la porte, ne put retenir fa fureur; parut, tout a-coup, & s'écria : Tu yeux donc imfuir ; je fait-  j>u Bas-Empire. Liv. CVII. 147 ral bien ten empécher; je te ferai mettre aux fers, 148 H I s t o I r e Andronic qui avoit réfiflé jufqu'alors aux fentiments de la nature, céda a 1'étiquette; il relevale jeune Prince, &C le baifa fur les yeux. C'étoit un ufage établi, que lorfqu'un parent de 1'Empereur ou quelque perfonnage diftingué par fa naiffance ou par fes dignités, lui avoit baifé le pied, le Prince ne pouvoit fe difpenfer de lui rendre fon baifer au viïage. Quoique celui qu'il donnat ne. cette occalion a fon petit-fils, ne fut que de pure cérémonie, la plupart de ceux qui étoient préfents, & entte autres, le Patriarche Gérafime, 1'interpréterent favorablement. fis voulurent bien le regarder comme la marqué d'une fmcere réconciliation entre les deux Empereurs; ils en témoignerent leur joie avec tranfport. La fuite fi,t voir qu'ils s'étoient trop flattés„ C'eit ainfi que Cantacuzene raconte cet événement. Comme il étoit témoin .& même acteur dans cette fcène, il femble que fon récit doit mériter toute créance. Cependant on n'eft pas peu furpris de voir qu'il ne fait fait mention, ni dans les re-  du Bas-Empire. Liv. CVIL 149 proches du vieux Andronic a fon pe- : tit-fils, ni dans les excufes de ce Prince , de la faute la plus capitale dont 1 ce dernier s'étoit rendu cöupable. A entendre le jeune Andronic, fon plus grand crime étoit de s'être livré avec paffion au plailïr de la chaffe Sc k 1'exercice du cheval. Eft-il poffible que fon grand-pere qui s'emporte contre lui jufqu'a 1'indécence, ait eu la patience d'entendre ce langage un peu trop hypocrite, fans lui rappeller le meurtre de fon frere qui avoit fait verfer tant de larmes dans la familie: impériale, & avoit même précipité fon pere au tombeau ? Cette réticence efl: inconcevable ! Dira-t-on pöur exCufer Andronic, qu'il n'avoit point eommandé de tuer fon frere, & que ü Manuel expira fous les coups de fes fatellites, ce fut par une de ces méprifes malheureufes, dont on ne voit que trop d'exemples Sc qu'on ne peut imputer a perfonne ? Mais, quel droit ce jeune débauché avoit-il de faire égorger un eitoyen ? Sa qualité de Prince du fang, & même celle d'Empereur , ne pouvoient 1'y autorifer. Le glaive de la Juftice efl: le G iij tn. 13^1,  Andro- tant, il débite de longues tirades d'une . morale triviale & ennuyeufe. Cantai cuzene, a 1'exemple de Céfar, n« G iv Andronic II. An. 1311.  Andronic H. An, 1321. - ] 1 I 3 « 1 i < i 1 < XI. {Le jeune J Andronic refufe d'a- r bandon- r Ji52' HlSTout parle de lui-même qu'en iroifieme perfonne. Nicéphore Gregoras, au contraire, n'emploie jamais que la première: plein de vanité & de jactance , k 1'en croire, 1'Empereur ne ceffoit de 1'admirer; ce Prince trouvoit dans les agréments de fon efprit & dans les charmes de fa con~ irerfation un adouciffement k fes cha?rins. Si Andronic combloit Grego■as de compliments, celui-ci les lui >ayoit bien par fes baffes adulations. ^ous avons de ce Sophifte deux païégyriques qu'il ofa lui prononcer ;n face , & dans lefquels on voit ré;ner Ia flatterie Ia plus fervile. II a iu foin d'inférer ces ridicules déclanations dans fon ouvrage ; elles n'en bnt pas Ie plus bel ornement. Enfin, in lifant Nicéphore Gregoras , il ne aut pas oublier qu'il ne mérite d'aure confiance que celle qu'on peut «order a ces plumes domeftiques [ui écrivent 1'hiftoire fous les yeux le leurs maitres. Après cette digremon , reprenons ; hl de notre hiftoire. La paix paoiffoit rétablie entre les deux Emsurs. II refloit pourtant une diffi-  f>v Bas-Empire. Liv. CVIÏ. 153 Cülté qui embarraffoit le jeune Andronic. Son aïeul refufoit toujours de pardonner a ceux qui avoient fuivi fon parti. Le jeune Andronic étoit incapable de ces laches procédés, dont on ne trouve que trop d'exemples dans les annales de toutes les nationS. Combien de Princes après s'être engagés témérairement dans des entreprifes contraifes aux vues du gouvernement, ont enfuite fait leur paix en facrifiant leurs partifans a la vengeance du miniftere ! Combien font venus jöuir des faveurs & des plaifirs de la cour, avec laquelle ils s'étoient réconciliés, dans le temps même que leurs amis expioient fur 1'échafaud leurs propres fautes l Le jeune Andronic plus généreux ne ceffoit de s'intéreffer au fort de ceux qui 1'avoient aidé de leurs fervices, 11 vouloit que 1'Empereur promit avec ferment de ne les point inquiéter. Métochite, grand Lögothete, aqui il propofa de faire de fa part cette demande k fon aïeul, refula de fe charger de fa commiffion. II trouvoit que les prétentions de ce Prince choquoient la faine politique, & renG v Andronic ii. An. 1311. ner fes partifans. Cant. I. i. ff. ij. 17.  Andronic II. An, ij2i. i l ] 1 1 i < 1 < t c r € c 1 I e ï J a f XII. L'Empe- ji reur pro-f jette d'é- 154 HlSTOIRB verfoient 1'ordre de Ia fubordinatiorr: 11 eft êtrange , difoit-il, d'exiger qu'un maitre fajfe ferment d fes efclaves, a Qroit le foumettre lui-même d ceux qui lui doivtnt obéiffance. Le jeune AnIronic n'eut pas de peine a réfuter je pareüs difcours. II lui rappella 'exemple de plufieurs Empereurs qui ï'avoient pas refufé dans des circonfances pareilles, de s'engager fousle ceau du ferment a être fideles aux :ngagements qu'ils prenoient avec des >articuliers; il cita entre autres, Mibel Paléologue,fonbifaïeul, qui, reiré en Perte pour éviter les effets le la. colere de Vatace, ne voulut e venir qu'après que cet Empereur üt juré folemnellement qu'il lui acordoit Pimpunité. Toutes ces raifons ie purent perfuader Métochite. Ce tfiniure, trop imbu des maximes du efpotifme, ne concevoit pas qu'il üt exifter entre un Prince & un fu:t d'autre engagement que celui d'une utorité abfolue d'une part^ & d'une- ■ :rvitude rampante de 1'autre. Ce refus infpira des déflances au :u!ne Andronic, & il ne fut pas long;mps a s'appercevoir que fou aïéul  du Bas-Empire. Liv. CVII. 155 n'avoit point en efFet changé de fentiment a fon égard. Le vieux Andronic voyant fon premier projet manqué , dreffa de nouvelles batteries. II crut qu'il viendroit plus aifément a bout de perdre fon petit-fils, s'il éloignoit de lui fes plus fideles amis. Cantacuzene recut de la Cour une dépêche qui lui enjoignoit de fe rendre fans délai dans le Péloponnefe pour y réfider en qualité de Gouverneur. II ne lui fut pas difficile de deviner le motif de cet ordre; il fit tóut ce qu'il put pour 1'éluder. II fupplia 1'Empereur de le difpenfer d'aller dans un pays dont le nom feul lui rappelloit le fouvenir du plus trifte événement qui lui fut jamais arrivé, h perte de fon pere mort dans ce mêm« gouvernement. Andronic railla Can tacuzene fur fa foibleffe, & voulu bien fe contenter de cette excufe don il foupconnoit la véritable raifon Cantacuzene n'y gagna rien; 1'Empe reur lui fit dire que puifqu'il refufoi le gouvernement du Péloponnefe , i iroit en Theffalie oü la préfence d'u Officier auffi prudent & auffi habil que lui, devenoit néceffaire pour s'oj G vj Andronic II. An. 1321. loigner de (ba petit-fils Cantacuzene & Synadene. Cant. I.1. c. 16. 17. 18. Nic. Greg. t. 7.C. 13. Hifi. de Conft. Duc. I.7. n*. 18. : t t 1 1 e »-  Andronic II. An, ijii I i » 1 ( H I S T 0 ï K Ë poter aux entreprifes des Catalans En effet, la grande compagnie depuis qu'elle s'étoit mife en polTeflion du Duché d'Athenes , n'avoit ceffé de faire la guerre a fes voifins, & de chercher a aggrandir le cercle de fon premier établiffement. Elle venoit d'envahir Néopatres & une partie des Etats qu'avoit poffédés Jean Ducas, Defpote Sc Prince de Theffalie, gendre de 1'Empereur. Ducas étant mort fans enfants, Adronic prétendoit recueillir feul cet héritage comme un fief réverfible a fa couronne. En choififfant Cantacuzene pour aller arracher aux Catalans leur nouvelle conquête , c'étoit fe procurer un prélextc de 1'écarter honnêtement de la pcrfonne de fon petit-fils. Le grand Domefïique n'ofa refufer de partir pour cette expédition; mais il repréfcnfa è 1'Empereur qu'il ne pouvoit laroitre en Theffalie, pour y comiattre des ennemis auffi formidables ïue les Catalans, fans être pourvu le bonnes troupes & de beaucoup 1'argent. II comptoit que cette denande déconcerteroit 1'Empereur, k qu'elle le dégoüteroit de fon def«  nu Bas-Empire. Ljv. CVII. 15? fein; ouque s'il la luiaccordoit, alors il pourroit gagner du temps, &C profiter des retards qu'occafionnent tou- i jours des préparatifs de guerre, pour prendre des mefures avec le jeune 1 Andronic fur 1 etat de leurs affaires, Rien ne lui fut refufé. Andronic com- i manda plufieurs corps de miliee pour aller fervir fous fes ordres, & lui fit compter cinquante mille befans I ou écus d'or. Cantacuzene, qui n'avoit nulle envie d'exécuter les intentions du Prince, fe difpenfa de pren- j dre cette fomme; il prétexta que j parmi les troupes nommées pour le fuivre, il y avoit une compagnie extrêmement fatiguée; qu'il falloit la ; laiffer fe repofer pendant quelques 1 jours, & qu'en partant pour venir le rejoindre, on la chargeroit de cet argent, dont une partie lui feroit néceffaire pour fa propre fubfiftance. II : ne vouloit pas qu'on 1'accufat d'avoir abufé de la bonne foi de l'Empereurs pour lui furprendre ces deniers. Une pareille délicateffe lui fit dans la fuite beaucoup d'honneur, & parut un prodige de défintéreffement chez une nation oü perfonne ne fe faifoit fcru- Andro-* ïiic ii. An.  Andronic II. An. 13 li XIII. Le jeune Andronic ie fauve de Conftantinople. Cant. I. 1. «. 17. 18. Nic. Greg. 1. 8. e. 6. O ut rem. de txcid. Grac. liber fi"g- c. 4. FUury lib. 83. art. 3.6. Oriens Chriji. I5S HlSTOIllE 'pule de voler le tréfor public. Au refte, 1'Einpereur en accordant a Can, tacuzene tout ce qu'il fouhaitoit, exigea de lui pour prix de fa complaifance, qu'il fortit de Conftantinople dans cinq jours au plus tard. Le Protoftrator Synadene fut rétabli dans fon ancien gouvernement de Prillape, avec injoncf ion de s'y rendre au plutót. De pareils ordres donnés ft précipitamment aux deux perfonnages les plus attachés aux intéréts du jeune Andronic, parurentd'un mauvais augure; ils firent préfumer que le vieux Andronic méditoit quelque projet qui pourroit être funefte a fon petit-fils, & k ceux de fon parti. Ces foupcons ne tarderent pas a fe convertir en certitude. Le jeune Prince apprit bientöt par un billet écrit d'une main inconnue , & enfuite de la bouche même du Patriarche Gerafime, que fon aïeul avoit intention de le faire arrêter. Ce Prélat, convaincu de 1'injuftice du grand-pere , favorifoit fecretement le petit-fils. Sur 1'avis de. Gerafime, le grand Domeftique & le Protoftrator convinrent entre eux de  du Ras-Empire. Liv. CVII. 159 ne point s'éloigner de la perfonne de leur jeune maitre , qu'il n'eüt quitté Conftantinople; auffi-töt ils mandent a Syrgianne de s'approcher avec des 1 troupes, pour protéger fa fuite. Le grand Domeftique ufa auprès du vieux Andronic de tant de défaites, qu'il ne 1 partit que le Jeudi-faint. II s'arrêta . a quelque diftance de la ville dans i un endroit qu'il avoit indiqué a Andronic & k Synadene, & oü il devoit 1 les attendre. Le dix-neuvieme jour d'Avril, la nuk du Dimanche au Lundi de Paques, Andronic fortit de Conftantinople avant le lever de 1'aurore par la porte Gyrolimne. Comme il étoit accompagné de fes domeftiques, d'une meute de chiens & d'une grande quantité d'oifeaux de fauconnerie , on s'imagina qu'il alloit, fuivant fa coutume, faire une partie de chafle. ! II fe rendit en peu d'heures au lieu du rendez-vous; il y trouva fes amis, &C prit avec eux la route d'Andrinople, oü il arriva le lendemain. Les habitantslerecurent avec les démonf- i trations de la joie la plus vive. L'Empereur, inftruitdu départ de ; fon petit-fils qu'il auroit dü pré voir, Andronic 11. An. 1321» Tagaris diffuade  Andronic II. An. 1311. 1'Empereur de le faire pourfuivre. Cant. 1,1, s. iS. ï % g r m » » » » » IÖO HlSTOlRÉ en fut très-allarmé. II mande Manuel Tagaris, grand Stratopédarque, perfonnage recommandable par fes talents militaires. » Mon petit-fils, lui » dit-il, a pris la fuite cette nuit; ►> on ne fait pas trop oü il eft allé: * partez & ramenez-le-moi pieds & ► mains liés. Faites-vous accompa- ► gner d'un nombre degens fufHfanf ► pour arrêter toüs les fuyards qui ► font de fa fuite. Lorfque vous les ► aurez trouvés, vous vous faifirez < de leurs perfonnes, & vous les 1 conduirez ici. Vous n'avez qu'è paroitre , & je vous réponds que Ioin de fe mettre en défenfe, ils n'oferont feulement pas vous regarder en face ". Tagaris, qui avoit lus d'expérience que fon maitre, ne Jt pas de fon avis. II lui repréfenta ue Ia commiflion dont il le chareoit, étoit plus difficile qu'il ne fe imaginoit.» L'Empereur votre petitfils , lui répondit-il, ainfi que fes partifans, n'ont point quitté Conftantinople ; fans favoir a quoi fe montent les troupes que vous êtes en état d'envoyer contre eux; fans connoïtre ce qu'ellespeuvent faire,  nu Bas-Empire. Liv. CVII. i6t » & combien elles font peu difci» plinées. Jamais ils n'auroient eu »**la témérité de s'engager dans une » pareille démarche , s'ils ne fe » croyoient pas capables de leur te» nir tête. Leur eft-il poflible de fe » diffimuler que s'ils tombent entre » nos mains, un traitement mille » fois pire que la mort les altend °9 » ils fe défendront en défefpérés, » Or c'eft être infenfé que de vou*» loir fe mefurer a fórces égales avec » des gens déterminés a périr plutöt » que de fe rendre. II faut pour t> remporter la viöoire fur de tels » hommes, les furpaffer en nombre, » & les égaler en bravoure. Ör 9 » fommes-nous fürs d'avoir de notre » cöté ces avantages ? D'abord nous » ignorons fi le jeune Prince a peu » ou beaucoup de partifans. Eh ! » qui vous répondra, Seigneur, que » les troupes impériales n'ont pas au»> tant d'affeöion pour lui que pour » votre Majeflé ? D'ailleurs, comme » il eft parti, ainfi que fes amis, long» j » temps avant le jour , ils ont déja I » beaucoup d'avance fur nous; ils » auront le temps de fe mettre en fü- Andronic H. An. 13 21.  ANDRONIC II. An, 1321, XV. Le parti du jeune Prince fe fortine. Cant. I. 1, c. 19. Nic. Greg. I. 8. c. 6. « 4 i J 162 II I S T 0 I R E » reté avant que nous puiffions les » atteindre, & même de fe préparer » a nous bien recevoir. Alors nous » courrons les rifques, ou de nous >* en revenir fans avoir pu lesjoin» dre , ce qui équivaudroit prefqu'è. »> une défaite, ou d'être vaincus, fi » nous en venons aux mains avec » eux. C'eft pourquoi je penfe qu'il » faut renoncer au projet de les pour» fuivre, & leur faire la guerre fur un » autre plan ". L'Empereur fe rendit a ces raifons. II fe contenta pour le moment d'exiger de fes fujets un nouveau ferment, par lequel ils promettoient de lui demeurer fideles, & de ne pas fuivre Ie parti d''Andronic Paléologue. C'efi ainii qu'il appelloit fon petit-fils, coulant faire entendre par-la, qu'il ne le regardoit plus comme Empe- \ reur , mais comme ennemi de la patrie. Ce ferment n'empêcha cepenJantpas un grand nombre d'Officiers les troupes'impériales, & plufieurs membres des plus qualifiés du Sénat, le fortir de Conftantinople pour aler fe ranger auprès du jeune Andro- . ï iic. Les habitants des autres villes I  du Bas-Empire. Liv. CVïï. i$ï fuivirent 1'exemple de ceux de la capitale, de lorte que le jeune Prince ie vit bientöt a la tête d'une armee nombreufe. A peine avoit-on pris les armes, & déja on commengoit a reffentir tous les malheurs inféparables des guerres civiles. II Ie forma des bandes de brigands qui fe mirent a piller les citoyens fans diftincfion d'amis ou d'ennemis. Ils en vouloient fur-tout aux receveurs des deniers publics, ils enlevoient 1'argent de leur caiffe. Plufieurs de ces dépofitaires infideles projïterent de 1'occafion pour fuppofer qu'on les avoit volés, & s'attribuerent le produit de leur recette. Les particuliers qui avoient des inimitiés les uns contre les autres, fe faifoient mutuellement une guerre cruelle. Les maifons étoient pillées i ou brülées , les terres ravagées , les arbres arrachés, les moilfons incendiées, les troupeaux difperfés, emmenés ou maffacrés; tout étoit en : combuftion. Dans cette extrêmité, le vieux Empereur eut recours aux armes fpirituelles. II fit aflembler tous les Evêques rélidant alors a Conftantinople, & leur enjoignit d'excommu» AnDRCP' nic II. An.132!  AndrO' NIC II. An. 1321 XVI. L'Empeïeur envoie deanander Ia paix. Canc. I, x, c 19. Nic. Greg. t' 8. c,6. ] ] » 1 164 HlSTOIRE fnier ceux qui troubloient 1'Etat, ou qui s'étoient déclarés pour fon petit.fils-Le Patriarche Gerafime étant mort la nuit même que le jeune Andronic avoir pris la fuite, n'eut point de part a cet anatbême,. qui d'ailleurs n'effraya perfonne. Lesdéfordrescontinueren!, & le parti du jeune Andronic, loin de s'affoiblir, fe fortifioit toujours de plus en plus; on venoit en foule fe ranger fous fes drapeaux. Cette défertion générale acheva de jetter le vieux Andronic dans la confternafion ; il ne vit plus d'autre reffource que de tenter la voie de 1'accommodement. ïl députa vers fon petit - fils Théolepte , Evêque de Philadelphie , & Callicrinite , premier Cetonite, pour lui offrir Ia paix, & lui promette par écrit 1'exécution de tout ce qu'il voudroit sxiger. Hs furent accompagnés de la mere de Syrgianne , laquelle paria 1 fon fils comme autrefois Volumiia a Coriolan , & le conjura dan* es termes les plus touchants d'avoir )itié de fa patrie. te jeune Prince itoit occupé k faire la revue de fes coupes , hors des portes d'Andrino-  ttu Bas Empire. Liv. CViï. 165 ! ple, lorfque les envoyés arriverent. ; Auffi-töt ils s'approchent, & lui expo- ' fent le fujetdeleur miffion. Les lol-.4 dats qui les entendent parler de paix, les entourent, tirent leurs épées, & ménacent de les tuer. Callicrinite, frappé de terreur, tombe aux pieds de 1'Empereur, &c embraffe fes genoux. Théolepte, plus courageux, ne fe déconcerta pas, il s'exprima avec un fang-froid, & une dignité qui le firent admirer de ceux même qui paroiffoient les plus échauffés. Lorfque les murmures furent calmés , 1 Andronic prit les Ambaffadeurs en particulier. II proteita encore devant 1 eux de fon innocence; puis il leur i dit qu'il fouhaitoit ardemment faire Ia paix avec fon pere, & recouvrer fes bonnes graces; mais que fes troupes étoient trop animées pour qu'il ofat dans ce moment conclure aucun 1 traité avec 1'Empereur; qu'au refte, puifqu'il connoiffoit les intentions de ; ion aïeul, il ne négligeroit rien pour qu'elle fuffent remplies, & qu'il efpéroit de faire avant peu quelque chofe qui lui feroit agréable. Les Ambaffadeurs, de retour a Conftantinople, Andronic ii. n. 133.1,  ~~ - ' 1 Andro- i nic IL 1 An. 1321. f t F f \ t XVII. Les trou-, pes du " jeune An- h dronic ji veulent marcher S vers d Conftan- j tinoole. Can't.l. I.O f. 20. p b P V A ll di lu m le is m tr 66 Histoire endirent compte a 1'Empereur de sur meflage.^ Andronic n'entendit as fansinquiétude ce qu'ils lui raconsrent de 1'attachement des foldats our fon petit-fils, & de leur oppotion k la paix. Mais la réponfe faorable du jeune Prince, le raffura n peu. Le lendemain du départ des Amaffadeurs , le jeune Andronic aiTemJa fon armée, & fe plaignit de mdécence avec laquelleles troupes étoient conduites envers les envoyés e fon grand-pere. II dit qu'il vouiit bien pardonner aux auteurs de : défordre; mais que dorénavant il -wiroit avec févérité ceux qui tom;roient dansdepareillesfautes.il exifa enfuite en peu de mots Ie fut fur lequel ils'agiflbit de délibérer. ron aïeul. dit-il, ma fait favoir ?d defiroit la paix , & m'a promis nous accorder tout ce que nous 1 _ demanderons ; que chacun dife lintenant fon avis. Aufli-töt il s'évz de toutes parts un cri génél : 11 n'y a point lieu d délibérer, >us ne voulons point de paix. Si vot aïeul efl dans la difpofuion daccor-  nu Bas Empire. Liv. CVII. 167 der tout ce qu'on voudra lui demander, qu il abdique la couronne , & qu'il aille vivre en particulier ou il lui plaira; pour vous , Prince, prene^ les rênes de I'Empire, & foye^ notre Souverain. S'il refufe de fe foumettre d cette propofition, il faut marcher vers Conftantinople. Les habitants, nen doute^ pas , fortiront en foule pour venir audevant de nous, & s'emprefieront de nous ouvrir les portes. Si vous êtes de cet avis, hdtons-nous de Vexêcuter; fi au contraire vous le défapprouve^ , dites-nous-le fans détour, afin que chacun de nous avife aux moyens de pourvoir d fa fureté. Ces propos hardis firent juger a 1'Empereur que les efprits étoient encore trop échauffés, & par conféquent peu capables de fentir les raiions qu'il pourroit leur alléguer pour les faire changer de fenti. ment. II y avoit dans fon armee beaucoup de Latins & même d'Allemands, commandés par des Officiers de leur nation. C'étoient ces étrangeri fur - tout, qui montroient le plu: d'emportement. D'ailleurs ,il ne pouvoit guere fe faire comprendre pat des gens qui n'entendoient pas ü Andronic ii. An, 1311.  Andronic II. Au. 13 21 XVIII. Embarra de ce Prince qui n'eft pas de ce avis. Cant. I, 1 e. 20. l68 H I S T O 1 li E :langue. II fe contenta donc de les remercier de leur zele pour fes inté- _ rêts , & de leur repréfenter que Paffaire dont il s'agiubit, méritoit qu'on y penfat plus férieufement avant de prendre un dernier parti; qu'ainfi il remettoit 1'affemblée au jour fuivant. Lorfque tout le monde futretiré, s il prit en particulier les chefs de fon Confeil, & les confulta fur ce qu'il étoit a propos de faire. Syrgianne capprouva fort 1'impatience des gens de guerre , pour aller combattre le 'vieux Empereur. Le Protofirator& le grand Domeftique déclarerent qu'ils penfoient comme lui. Le jeune Prince ne s'en tint pas la; il paffa encore toute la nuit a difcourir avec Cantacuzene fur cet objet. Plus 1'un & Pautre y réfléchiffoient, plus ils trouvoient raifonnable la réfolution de l'armée; mais en même-temps ils obfervoient qu'on ne pourroit aller attaquer Conftantinople fans expofer la vie du vieux Empereur. Or ils vouloient toujours fauver les apparences, & ne jamais manquer au fyftême qu'ils s'étoient fait, de paroïtre traiter ce Prince avec tous  nu Bas-Empirjs. Liv. CViL 160 tous les égards & les ménagetnents pofïïbles. Le lendemain, le jeune Andronic ne trouva pas fes foldats plus difpofés a entrer dans fes vues que la veille. Tous répondent qu'ils perfiftent dans leur premier fentiment, & conjurent 1'Empereur de leur permettre de marcher vers la capitale. Andronic, après quelques moments de filence, prend la parole, & dit qu'a la vérité toutes les villes de Thrace jufqu'aChriftopole fefont déclarées pour lui; que tous les gens de guerre qui fervoient dans ces places , font venus fe ranger fous fes étendards, mais qu'il n'en efl: pas de même des villes fituées depuis Chriftopole jufqu'a 1'Acarnanie &c la Dalmatie; que les nombreufes & fortes garnifons qui les défendent ne lui ont encore donné aucun figne de bonne volonté; qu'il n'eft point fans inquiétude fur leur compte; qu'il feroit imprudent de marcher a Conftantinople , & de laifTer derrière foi des ennemis fi redoutables; il ajouta que fon intention étoit avant tout, d'aller les engager, ou les contraïnTornt XXLF. H Andronic II. Au. i}i£c XIX. II fait uri nouvel effort pour gagner fes foldats. Cant. I. i„ c. 20, 21.  Andronic II. An. 1321, XX. Cantacuzenevient en vain k 1'appui des raifons de fon maiire. Cant. I. i c. 21. 170 HlSTOIRE de s'unir a lui; qu'alors fon armee renforcée par leur jon&ion, s'avanceroit avec plus de lüreté vers la capitale de I'Empire, & en feroit plus aifément la conquête. Toutes ces raifons ne furent point écoutées. Les troupes demanderent a grands cris que fur Ie champ, on les menat droit a Conftantinople , répondant du fuccès ; elles promirent qu'elles Pemporteroient, & dirent que refufer de prendre ce parti, c'étoit vouloir prolonger a plaifir Ia guerre , tandis que cette expédition fuffiroit feule pour la terminer. Elles fommerent enfuite le grand Domeftique de s'expliquer, ne doutant point qu'il ne fut aufli de leur avis. Cantacuzene, contre leur attente, ne paria que pour appuyer le fentiment de fon jeune maitre. 11 donna plus de développement a fes raifons , & y en ajouta encore d'autres. II avanca que la prife de Conftantinople n'étoit point auffi aifée qu'on fe 1'imaginoit; qu'il feroit dangereux d'échouer devant cette place, paree qu'alors l'armée du jeune Andronic courroit rifque d'être attaquée d'un  nu Bas-Empïre. Liv. CVH. 171 cöté par les troupes impériales qui' fervoient en Afte, & d'un autre par celles d'Occidenr. »Nos alliés,ajouta-, » t il, voyant notre parti ruiné, » ne manqueront pas de nous aban» donner, &c peut-être fe tourne» ront - ils contre nous. D'ailleurs , j » croyons-nous n'avoir rien a crain» dre du Crale de Servië & du Roi » des Bulgares ? Ces Princes font, il » eft vrai, en méfintelligence avec » le vieux Empereur; mais qui fait » s'ils ne fe raccommoderont pas, » & s'ils ne nous feront pas enfuite w une guerre cruelle ? Laiflbns donc » pour le préfent Conftantinople, » 61 avangons nous vers 1'occident; » nous n'y trouverons aucune rélif» tance. Les efprits dans cette con« trée font naturellement portés a >» la révolte, & amateurs de la nou» veauté. Dès que nous paroitrons, » ces peuples courront d'eux-mêmes » au-devant de nous. Lorfque nous » nous ferons aflurés de 1'occident, w & que notre armée fe trouvera » augmentée par les renforts qu'elle » recevra journellement de ces can« tons, nous marcherons vers ConfH ij A.NDROMC II. U. 132U  Andronic II. An. 1321 XXI. Andronic forcé de conduire fon armee ver la capita le , aver tit fon aieul. Cant. I. 1 f. 21. 172 II I S T Ü I R E » tantinople. Si elle nous ouvre fes » portes, nous nous enféliciterons; , » fi elle fe défend, nous la tiendrons » inveftie affez long-temps pour que » la famine la force de fe rendre, »> fans craindre qu'on nous en fafle »> lever le fiege ". Les Officiers & l'armée, tout en approuvant ces raifons , ne fe départirent pas de leur premier projet, & demanderent avec impatience qu'on les menat vers Conftantinople. Le jeune Andronic, défefpérant de 'vaincre 1'opiniatreté de fes troupes, céda enfin a leurs inftances ; mais toujour inquiet pour !a confervation 'des jours de fon aïeul, il 1'avertit de . fe tenir fur fes gardes, par une lettre concue en ces termes : » Divin » Empereur , je prends encore Dieu » a témoin de la fincérité de mes » paroles. Non, je ne cefferai de » le répéter, je ne me fens coupable » d'aucune aftion qui ait pu m'at» tirer votre haine. Si je me fuis » éloigné de vous, ce n'a point éré » pour farmer contre votre perfonne » aucun projet; mais uniquement .» pour éviter le danger dont j'étois  nu Bas-Empire. Liv. CVIf. 173 » moi-même menacé. Maintenant, » je n'ai plus rien a craindre. C'eft » vous, au contraire , qui vous trou- » vez en péril, contre ma volonté & » mon intention. J'ai ufé de toutes » fortes de moyens pour engager » l'armée a fe porter du cöté de » 1'occident, il m'a été impoffible » de la déterminer a prendre ce parti. » Je fuis forcé de marcher contre » vous; mais pour retarder ma mar- » che & pour vous donner le temps » de vous mettre en défenfe, je fup- » poferai une maladie : fortifiez vo- » tre palais, confiez la garde des » portes de Conftantinople a ceux de » vos Officiers en qui vous avez le » plus de confiance ; donnez-leur un » certain nombre de foldats merce- » naires & étrangers bien armés & » en état de foutenir les premiers ef- » forts des affaillants. Pour peu qu'ils » oppofent de réfiftance, je ferai re- » tirer mes troupes, fous prétexte » que la ville eft imprenable. Je vous » prie de vous fier a mes paroles, & » de ne pas regarder cet avis com- » me venant d'un ennemi : veillez » a votre füreté , car je fais que les, H iij Andro nic II An. 132  Andronic II. An. 1321 i 1 i l 174 HlSTOIRE » habitants de votre capitale me font » tous dévoués, & qu'ils ne deman» deront pas mieux que de me rece» voir dans leurs murailles auffi-töt » que je paroitrai ". Cet avertiffement étoit fans doute très-généreux de la part d'Andronic , mais en même-temps il ne paroit pas trop conforme aux regies ordinaires de la pru> dence. Cette efpece de jeu politique auroit bien pu lui devenir funefte, & ruiner entiérement fes affaires : en effet, fi après avoir feint d'attaquer Conftantinople, il eüt reculé, comme il annoncoit devoir le faire, n'auroit-il pas été a craindre que fa retraite n'eut découragé fes foldats; qu'ils ne l'euffent abandonné ou peutêtre même livré au vieux Empereur ? On fait avec quel ménagement des troupes qui fervent dans une guerre civile doivent être traitées, & combien il faut fouvent peu de chofe pour les déterminer a changer de aarti; mais il y a toute apparence Jiie le jeune Andronic, ou plutöt Cantacuzene qui dirigeoit toutes fes lémarches , comptoit affez fur la puïllanimité du vieux Empereur, pour  du Bas-Empire. Liv. CVÏÏ. 175 être fur qu'il prendroit 1'allarme , & 1 n'oferoit pas laiiTer approcher de ! Conftantinople une armée nombreu! fe. Andronic ne vouloit que mettre fon 1 aïeul dans la néceflité de lui accorder ce qu'il defiroit, fans paroïtre ] lui manquer de refpecf. II étoit bien 1 éloigné de prétendre renouveller ces | fcenes tragiques , dont cette hiftoire ne nous a préfenté que trop fouvent l'afFreux tableau, & oü Pon a vu tant de fois les droits du fang indignemenl outragés. Quels qu'ayent été les motifs du jeune Prince, il n'en eft pas moins vrai que fon aïeul ne manqua pas après avoir recu fa lettre , de faire une démarche qui annongoit Pépouvante. Cependant le jeune Andronic s'avancoit a petites journées vers Conftantinople. Dans la route, on lui an 1 nonga 1'arrivée d'un corps de trois cents hommes que Venceflas, Roi de Bulcharie, envoyoit, difoit-on, a fon fecours, fous les ordres d'un Officier nommé Martin. Mais dans le fait, ces Bulgares n'étoient venus i qu'a deffein de Penlever, comme on 1'apprit depuis, & comme ne le marl iv Andronic ii. An, 1321. XXII, L'Empereur effrayé ofde fe faire moine. Cant. I. 1, c. 22.  Andronic n. Au. 1321 j '1 I I7 < i t XXIV. Le vieux f Andro- r nic loue * foa defm- I HlSTOIRE » villes, les troupes & le produit des » impöts dans cette e'tendue de pays » qui eft comprife entre Sélivrée & » Chriftopole. Vous vous réferve» rez Conftantinople & fon terri» toire, ainfi que toutes les villes de » 1'Afie & toutes les ifles qui font » encore foumifes k I'Empire. Du » coté de 1'occident, la Macédoine » & les autres Provinces qui s'éten» dent depuis Chriftopole jufqu'è » Duras & aux frontieres de la Dal» matie, entreront auffi dans votre * P^tage. J'efpere qu'un jour vien- * dra qu'il me fera permis de remet- > tre en votre pouvoir ma propre * perfonne & tout ce que je parois > m'attribueraujourd'hui. Mais main- > tenant je fuis obligé de faire vio- > lence k mon cceur, & d'agir contre > mon inclination ". A cet écrit :toient jointes deux copies du traité [Uil adreftoit k fon aïeul. Apocauque ut chargé de les aller porter a Confantinople. Le vieux Andronic, apprenant le Jccès de 1'ambaiTade dEugénie, en -it d'abord tout tranfporté de joie. kuffi-tót il affemble le Sénat & tous  ru Bas-Empire. tav. CVH. 175 les Prélats, pour leur faire part de la conclufion de la paix; en même-temp: il enjoint aux Evêques de lever Pexcommunication qu'ils ont fulminét; contre fon petit-fils, & contre tou: ceux de fon parti; il déclare enfuiu qu'il veut qu'on le reconnoiffe poui Empereur, & qu'on lui en donn< le titre; autant il en a dit de mal autant il le comble d'éloges. Ce jeun< Prince, qu'il avoit traité comme ui criminel d'Etat, comme un malheu reux perdu de débauche, chargé d< forfaits, & dignede 1'exécration pu blique , étoit devenu tout-a-coup l plus fage, le plus modéré, le plu vertueux de tous les hommes, le plu refpecfueux de tous les enfants; en ui mot, le vieux Andronic ne favoit d quelles expreflions fe fervir pour van ter le délintéreffement du jeune Prin ce , qui, en refufant de confentir fa retraite, facrifioit volontairemer l'occafion de devenir feul maitre d tout I'Empire. Les louanges que 1'Empereur pro diguoit a fon petit-fils , ne tarderer pas è faire place a des reproches. So: que cette ame malade fentït quelqu H vj Andronic il. An. 1321. téreffement.Cant. I. l, c. 23. > l S s 1 k t - XXV. t 11 fe fache fous un pré- e texte frivole.  ANDRONIC II. An. 1321 Cant. I. i *. 2J. I ' J > < ïSo H I S T 0 I R E 'foulagement k fe plaindre, fok qite ce Prince obéit k fon penchant na, turel qm le portoit toujours a s'oc.cuper de minuties & de vaines for- malités dans les négociations même les plus importantes,il trouva mauvais qu'Androm'c eüt nommé Apocauque, pour lui apporter les articles du traité de paix. » C'eft, difoit-il, un hom» me de_ baffe naiffance , & qui n'é^ » tOJt, il n'y a pas encore Jong» temps,qu'unfimplecommis. M'é» tant lailTé féduire par les belles » promeffes de ce miférable, je l'a» vois mis k la tête de la régie de » mes gabelles; mais infidele k fes » engagements^ il diffipa les deniers » de la ferme. Je voulus lui faire ♦ rendre compte de-fon adminiftra» tjon; comme il fe trouvoit hors * d'état de me fatisfaire , il a pris la ■> fuite & eft allé fe jetter dans le ► parti de mes ennemis. Voila ceperfl» dant le perfonnage que mon pe- ► tit-fils a préféré a tant d'autres ► pour lecharger d'une pareille com- ► miflion auprès de moi. Non, je ! ne. puis croire qu'il ne 1'ait pas 1 fait è deflein de me chagriner "„  du Bas Empire. Liv. CVII. 'fSi Eugénie ne négligea rien pour chaffer de fon efprit cette idéé facheufe, mais elle ne put jamais y réuffir. Quand cette Princeffe repartit pour aller remettre au jeune Andronic la ratification du traité, il la fit accompagner de Bardale, fon premier Secretaire , & de Callicrenite , un de fes Chambellans, & leur ordonna de porter k fon petit-fils fes plaintes aufujetd'Apocauque. Le jeune Prince répondit qu'il n'avoit point envoyé cet homme a fon aïeul, en qualité d'Ambaffadeur ; que la Princeffe Eugénie , fa parente, étoit feule revêtvie de ce caraftere; qu'Apocauque n'étoit dans cette affaire qu'un courier ou porteur d'acles; que fon grandpere favoit bien que les Empereurs avoient coutume de fe fervir de firnples particuliers pour remplir ces fortes de foncYions. Au commencement de juin de eette année, le jeune Andronic revint avec fon armée k Andrinople. ïl y rappella auffi de la capitale Irene, u femme. Cette Princeffe, prefqu'auffi-töt qu'elle fut arrivée , accouch; d'un fils qui ne vécut que huit mois Andronic II. An. 13.11. XXVÏ, Syrgianne excite 1'Empereur a rccommencer la guerre. , Cant. I. ï, 1.14.  Andronic II. An. 1321. Nic. Greg. t.$. c, 11. 1 ' 1 ( ( ( f ( t a c \ d 1 z c a 11 fi HlSTOl R E Quelque temps après, le Prin.ce fon époux fe mit en route pour aller vifner toutes les villes de fa dépendance Sc s'y faire reconnoïtre en qualité d'Empereur. II récompenfa par des emplois , des penfions, des préfents & des honneurs , tous ceux de fon parti. La tranquillité paroiffoit parfaitement rétablie, Sc le jeune A-ndronic fe difpofoit è jouir des louceurs de la paix. A peine deux nois s'étoient écoulés, qu'il lui vint Ie Conftantinople des lettres par lef[uelles on I'avertiffoit de fe défier le Syrgianne; on 1'alTuroit que ce ourbe traitoit fecretement avec la kur, Sc que 1'Empereur alloit bien* öt, a fon inftigation, reprendrè les rmes. Le jeune Andronic fit faire es informations ; elles ne fe trouerent que trop conformes aux avis u'il avoit recus. Syrgianne avoit eux raifons pour n'être pas content. voyoit d'un ceil jaloux Cantacu:ne tenir la première place dans la jnfiance du jeune Empereur. D'un itre cöté, 1'accueil que ce Prince, ti peu trop difpofé a la galanterie, ifoit a fa femme, lui déplaifoit  nu Bas-Empire, Liv. CVII. 1S3 beaucoup; car cette ame, d'ailleurs : fi méprifable, n'étoit pas encore affez dégradée pour vouloir s'élever a / la fortune par ces honteufes complaifances , qui, dans les Cours , ont fi bien fervi tant d'ambitieux. Le jeune Andronic, ou par un effet de fa bonté naturelle ,011 par 1'affecfion qu'il portoit a 1'époufe de Syrgianne, continua toujours de traiter le mari avec ménagemenr, & même avec des égards, quoiqu'il eüt des preuves convaincantes de fa perfidie. Dans les converfations qu'ils avoient enfemble, il ne lui cachoit rien de ce qu'il favoit. Plufieurs fois illuioffrit la liberté de le quitter pour paffer dans le parti de fon aïeul, 1'aiTurant que jamais il ne lui en fauroit mauvais gré. Syrgianne, loin de convenir de la vérité des faits, s'emportoit, crioit & la calomnie, & nioit tout avec impudence. Enfin , malgré ces proteftations qui ne tromperent jamais le jeune Prince, il fe retira dans fon gouvernement de Thrace, & il s'y comporta de maniere a ne plus laiffer aucun doute fur fes vraies intentions, Au mois de novembre Indro- NIC li. .n. iy.i-,  Andronic ii. An. 13ZI. XXVII. Le jeune Andi onic fe met en campagne.Cant. /, r, c 25. 5 184 H I S T 0 I lt E fuivant, il fe rendit a Confiantinople. Sa fuite fut le fignal qui annoncoit que la guerre alloit recommencer entre 1'aïeul & le petit-fils. ^ Le jeune Andronic affemble auflitot fon armee, &c 1'inftruit de la néceffité oü il fe trouve de fe mettre au plutöt en état de repoiuTer les attaques de fon grand-pere, qui, aü mépris du traité qu'ils venoient de conclure enfemble, fe difpofoit k renouveller la guerre. Ses foldats lui jurerent un dévouement fans bornes. Le jeune Prince, après s'être affuré de la bonne volonté de fes troupes, leur recommanda de fe tenir prêtes k marcher au premier ordre. Enfuite il fit les préparatifs néceffaires pour entrer en campagne; il prit auffi avant fon départ des mefures pour mettre le pays hors d'infulte. II arrêta qu'en fon abfence, 1'Impératrice fon époufe réfideroit a Didymotique, & il confia fa perfonne aux foins de Théodora Paléologine, mere du grand Domeflique. Cette Dame étoit d'une fagefie & d'une prudence confomiiées; elle avoit des talents au-defüs de ceux de fon fexe, tk poffé-  nu Bas-Esipire. Liv. CV1I. 185 dok au fuprême degré le grand art delapolkique. Le jeune Prince avoit i une fi haute idéé de fon mérite, qu'il lui confia la garde de Didymotique, i De plus, il voulut que les Gouverneur; j des autres villes, St tous les Offr : ciers chargés du commandement de: troupes commkes a 'la défenfe de provinces de fon domaine, ne fifi fent rien fans prendre fes confeil ]; & même fes ordres. Après avoir ainl |l tout difpofé , il rafiembla fes trou j pes, fe mit a leur tête, & alla, mal ! gré Ia rigueur du froid, camper de vant Héraclée qui s'étoit détaché de fon obékTance pour fe donner ai vieux Empereur. Les fatigues du fiege &l'inclémen ce de la faifon découragerent fes trou pes. Autant elles avoient d'abord mor tré d'ardenr pour la guerre , autar li elles paroiffoient maintenant foupire: après la paix. Elles envoyerent rat l me, toutefois avec 1'agrément du jei 1 ne Andronic , la demander en lei propre nom a 1'Empereur, par ur I lettre qu'un foldat, nommé Caloch rete , fut chargé de lui porter. C infiftoit dans cette lettre fur la néce Andronic II. An. 1321. I . XXVIII. Ses troupes de- •• mandent t la paix. Cant. I. i. r c. 25. 16. I- ir ie >n f-  Andronic II. An. 1321. i *9 1 i i i 1 c j d ii n U 185 HlSTOIRE fité de rétablir 1'union & Ia concorde dans la familie Impériale. On yfaifoit a 1'Empereur des reproches de ce que contre la foi de fon ferment, il avoit rompu les traités, & ne crai' gnoit pas de facrifier a fon animofité le falut de fes peuples. Les troupes le pnoient d'entrer dans leurs vues pacifiques; mais en même-temps elles ofoient lui dire : Si au contraire cédant a l'mftigation de quelque mauvais denon , ou prétant l'oreille aux confeils ie ces ames perverfes qui fe réjouiffent ie l inprtune des autres & des malheurs oublies, vous ne quitte^ pas les armes , ious jurons par le nom de Dieu qui 'ou tout, & qui juge avec une fouveame équité les aclions des hommes, 'ue nous comhattrons contre vous juf les flaneurs & les courtifans qui royoient qu'il étoit envoyé par Ie nine Empereur, fe mirent è parler e ce Pnnce dans les termes les plus ifultants. Ils difoient que ƒ Androte Paléologue vouloit la paix, il falut qu'il vint lui-même en pof ure de 'ppliant, & chargé de chaïnes, la fol-  dj Bas Empire. Liv. CVII. 187 licittr aux pieds du tróne. Cependant Calocherete, ayant obtenu audience, ' remit a 1'Empereur Ces dépêches. An- j dronic , après les avoir lues, dit: Ils me ménacent; mais je faurai bien les punir de leur téméritê, s'ils ofenl former quelque entreprife contre moi. A*ors Calocherete prit la liberté de lui faire de vive voix des repréfentions; puis fe jettant a fes ger.oux , il le conjura de ne point refüler aux gens de guerre la grace qu'ils lui demandoient. Andronic le releva, le remercia de fes avis, & lui enjoignit de dire a ceux qui 1'avoient deputé, que la maniere dont ils fe conduifoient envers leur maitre étant indécente, il n'avoit rien a leur dire ; qu'ils recevroient de lui une réponfe, quand ils connoitroient mieux leur devoir. Calocherete rencontra en revenant, le jeune Andronic, qui, après avoir1 fait une tentative inutile lur Héra- r clée, dont Syrgianne s'étoit emparé, 1 s'avancoit vers Conftantinople. Ce' Prince s'arrêta a Rheges, d'oii il dé-; puta a fon aïeul une nouvelle am-i baffade, chargée de lui déclarer de fa part, qu'il fe réuniffoit a fes fol- LNDRONIC II. n, IJ1I.' XXIX. ,e Princs a luiïême Ia jlliciter. 'ant. I. I. . 27lic. Greg. 8, e, 11.  iSS II I S T O I R E Andronic U. An. 1321, 1 ! i r„v.* ... in^jjii^^ ui. ijc pas ïcur refufer Ia paix , & d'être perfuadé de leur inviolable attachement. Les envoyés, fuivant leurs ordres, devoient revenir promptement. Mais le vieux Andronic les retint le plus qu'il put pour gagner du temps. Douze jours s'étoient déja écoulés, & les Ambaffadeurs ne reparoiflbient pas. Le jeune Empereur, ennuyé de les attendre, marcha en-avant. Lorfqu'il fut arrivé prés de Conftantinople, il envoya dire aux fentinelles qui gardoient les murailles, d'avertir 1'Empereur que fon petit fils , puifqu'il ne lui renvoyoit pas fes députés, venoit en perfonne le réconcilier avec lui. On ne répondit aux envoyés du Prince que par une grêle de traits qui les forga de fe refirer. Andronic refta encore trois iours campé dans les environs de Conftantinople; mais les pluies continuelles & la rigueur du froid qui fit même périr quelques-uns de fes foldats, 'obligerent de revenir a Didymotijue, & de mettre fes troupes en quarier d'hyver. Pendant qu'il étoit fous es murs de Conftantinople , il eut e chagrin de voir le frere du Crale  du Bas Empire. Liv. CVIÏ. 189 de Servië, quitter fon parti pour embraffer celui de fon aïeul. D'un autre cöté, Syrgianne fit des courfes fui les terres de fon domaine, & y remporta plufieurs avantages. Ce traïtre débaucha Andronic Paléologue, que h jeune Empereur avoit fait Gouverneur de Stenimaque, de Zepene , & de plufieurs autres places circonvoifl nes. De plus , il dépêcha un corps d< cavalerie & un autre d'infanterie pou: fe faifir d'Apres & de Garelle, & pour empêcher la garnifon de Didymotique de faire aucun mouve ment. II prit en perfonne Redefle pa: trahifon ; de-la il fe répanclit dans le campagnes de Bizye, & fe rendi maitre par capituïation de la ville d< Sergence. II efl vrai qu'il échoua de vant Selivrée; mais il emporta le for de Saccos ou Sacques, fitué dans 1 voifinage de cette derniere ville, 8 la tint par-la dans de continuelle allarmes. Le jeune Andronic, en arrivant Didymotique , fut attaqué d'une fie vre quotidienne, qui fe terminaal bout de fix femaines par une fort hémorragie; il rendit du fang pa Andronic II. An. ijai. t t S i xxx, Maladie & cha1 grin du g jeune An- dronic. r Cant. 1. 1,  Andronic H. An. 1311, «• 3-6. 27. Aiv. Greg. /. S. <:.!!. i 3 i I ( C € d tl i I 3  Ande.0' NIC II. An. 132: xxxv. Pardon accordé Paleologie » grand Sc-atopédarque.Cant. 1. 1 £. 30. is»8 Hisïouï 1 de fa perfonne que mille hommes. Les affaires de ce Prince, qui d'a, bord avoient parti prefque défefpé- rees, commencoient k prendre une , tournure plus favorable; chaque jour rf recevoit la nouvelle de quelque evenement heureux. Bientöt i! eut Ia fatisfaétion de voir k fes pieds ce Conftantin Paléologue, grand Stra. topédarque, qui avoit débauché les troupes dont il lui avoit donné le commandement. Ce traitre ne s'étoit pas contenté de détacher du parti de fon maitre un grand nombre de fes créatures, il avoit encore traité avec Ia derniere rigueur plufieurs de ceux qui étoient demeurés fideles a ce Prince. On diftingue dans le nombre des vicïimes de fa férocité, un paffeur de troupeaux nommé Syrpane. Cet homme, Dace de nation, s etoit fignalé en diverfes circonffances par fon zele pour le fervice du jeune Prince; ce qui 1'avoit rendu extrêmement odieux au grand Stratopedarque. Paléologue le dépouilla de fes biens, lui enleva fa femme & fes enfants, puis le Jivra k des bourreaux qui le frapperent a coups de  du Bas-Empirs. Liv. CVH. 199 baton. Ce fupplice répété plufieurs fois , ne fut pas fuffifant pour affouvir la rage de ce barbare : il con1 damna entore le malheuren* Syrpane a être marqué d'un fer chaud i a la joue, après lui avoir fait arracher deux dents. Enfin , voyant que rien n'étoit capable de vaincre la gé; néreufe réfiftance de ce fidele fujet, il le fit jetter dans un cachot pour y finir fes jours. Syrpane , ayanl trouvé moyen de brifer fes fers, raffemble autour de fa perfonne une multitude de gens de la campagne fe met a leur tête, & fe réunit ave< eux aux foldats deTarcaniote, grane domeftique, chargé de s'oppofer aiu entreprifes de Paléologue. Les habi tants des villes qui s'étoient laiffée gagner par les infinuations de ce per £de, allarmés des fuccès de Syrpa ne, & preffés d'ailleurs par les trou pes du jeune Andronic, commence rent a craindre les fuites de leur dé fe&ion ; ils fongerent aux moyens d fe réconcilier avec ce Prince; ils n'e trouverent pas de plus fur que de li vrer Paléologue a fa vengeance L'ayant donc furpris, ils le charge l iv Andronic II. An, 1311 1 j  Andronic ir. An. ijij i J J I £ l C 200 HlSTOIRE rentdechaines, ckleconduifirentfous Pefcorte de Syrpane a 1'Empereur. , Le lendemain, Syrpane parut a 1'audience du Prince, & témoigna par les geiles qu'il avoit quelque chofe a dire : Andronic lui permit de parler. Alors s'étant jetté k l"es pieds, il lui demanda grace pour Ie grand Stratopédarque. Cette démarche généreul'e dans un homme de fa condition , & qui portoit encore fur fon vifage les marqués de la cruauté de Paléologue, étonna toute 1'affemblée, & remplit le jeune Empereur d'admiration. La maniere dont Syrpane s'exprima émut la fenfibilité de ce Prince , il lui accorda fa demande : Si vous, lui dit-il, qui êtes nêparmi les barbares & dans un rang obfcur, zvei cependant l'ame afe^ grande pour 'ouloir rendre le bien pour le mal, ■omment, un Empereur refuferoit-il de w donner une légere ofenfe! je lui ais graceyolontiers, d votrepriere. Syr»ane infifta & fupplia 1'Empereur de onferver au coupable fes char<*es* fes revenus ; ce qui lui fut acorde. Le même jour Andronic recut une  du Bas Empire. Liv. CVII. 201 nouvelle fort intéreiTante pour lui. II apprit qu'il y avoit eu un combat a Theffalonique entre les deux partis, que les liens étoient demeurés vainqueurs, & que de plus ils s'étoient rendus maitres de la perfonne du Defpote Conftantin, fon oncle & fon rival autröne; car le vieux Empereur projettoit alors de mettre h couronne'fur la tête de Conftantin . avant de la faire paiTer fur celle d< Michel Cathare. Andronic defiroi li fort d'avoir fon oncle en fa puif fance, qu'il avoit fait diliribuer d< tous cötés, ik jufques dans le cam| de ec Prince, des billets par lefquel li promettoit de grandes récompen fes a ceux qui le lui livreroient. E même-temps plufieurs de fes émiffai res répandirent le bruit que Ie vieu Empereur avoit perdu la vie a Coni tantinople dans une fédition; & pov qu'on n'en doutat pas, ils montroiei des poils blancs que le peuple li voit, difoient ils, arraché de la tê & du menton. Peut-être ce demi ftratagême , tout groffier qu'il étoi contribua-t-il beaucoup a opérer révolution qui fe fit alors dans c I v Andronic II. An. 1311. XXXVI. Conftantin prifonnierde fon neveu. Cant. I. I. c. 31. Nic. Greg. ; l. s.c. 11. 1 s \ r it li :e ;r t, la es  Anbro- kic ir. An. 1322. 1 i < 1 1 i t c r, l a v v k d V dl m in ei & =02 h' ra t o 1 r e cantons en faveur du jeune Andronic. Quoi qu'il en foit, le Defpote fut amene a Didymotique oii fon neveu 1 attendoitavec impatience. Conftantin , pour éviter Ia mort, s'étoit couvert d'un habit de moine; mais les foldats du jeune Empereur, fans au:un refpecf pour fon froc, voulurent, les qu'ils I'appercurenf,. fe jetter ur lui & le mettre en pieces ; ce fu'ils euffent exécuté, fi fon neveu Peut calmé leur fureur. Conftantin i'echappa a la mort que pour efuyer les horreurs d'une affreufe capivité. Les courtifans du jeunePrince rurent fignaler leur zele pour leur laïtre, en livrant cet illuftre primnier a des fatellitesinfolents, qui prèsl'avoir defcendu avec un jeune alet au fond d'un puits creufé dans ne ancienne carrière , infultoient k •n malheur par tous les moyens >nt pouvoient être capahle cetie :1e efpece d'hommes. L'imagination 1lecfeur feroit révoltée, fi on lui ettoit fous les yeux Iapeinture des dxgmtés que Ie Prince Conftantiri t a fouffrir dans cette foffe, oü lui fon compagnon ne recevoient leuir  du Bas Empire. Liv. CVH. 203 nourriture qu'au bout d'une corde. Le jeune Andronic avoit le cceur trop I bon pour permettre que ion oncle füt expofé plus long-temps a de pareils outrages. II ordonna de le tranfférer dans un lieu plus fain & plus décent, & de 1'y traiter svec tous les égards dus a la qualité. A-peuprès dans le même temps, on vit arriver a Didymotique, pieds 8c mains Hés, Conftantin Paléologue, grand Pa» pias, Zaridé,& leProtallagatorSennacherim; c'étoient euxqui,l'année précédente, avoient arraché avec violence I'Impératrice , mere du jeune Andronic, de Péglife ou elle s'étoit réfugiée. Toute la vengeance que ce Prince tira d'eux fut de faire couper la barbe & les cheveux aux deux derniers, & de les expofer en cet étata la dérifion publique dans la principale place de la ville. II épargna cel affront a Conftantin Paléologue, en conlidération du Protoftrator Synadene dont il étoit parent; il fe contenta de le retenir en prifon. Dans la fuite, il lui pardonna ainli qu'aus deux autres. Bientöt après Andronic rec;ut une 1 vj Andhonic II. An. ijïi.  Andronic II. An. 1322 XXXVII. Victoire du jeune Andronic. Cant. I, 1, *> 30, j ] ] I 1 ( i ( £ 1 j 204 H I S T 0 I R E députation de la part des habitants de Lemnos, qui avoient abandonné le vieux Empereur pour fe donner k lui. Ils le prioient d'envoyer dans leur ifle un Officier pour y commander en ion nom. Andronic accueillit avec bonté leurs députés, qui s'en retournerentaccompagnés d'un Gouverneur nommé par ce Prince. Prefqu'en même-temps, il fut informé qu'un gros corps de Turcs étoit venu d'Orient fe joindre aux troupes de fon aïeul, & que tous enfemble ils s'avangoient pour venir 1'attaquer. Auffi-töt il monte a cheval, part de Didymoti^ue, & marche en diligence au-de/ant de 1'ennemi dans 1'intention de e furprendre. A peine parut-il, que 'armée combinée prit honteufement a^ fuite ; les Turcs fe fauverent d'un :oté, & les Grecs de 1'autre. Androiic fe mit k leur pourfuite; mais omme ilsfuyoient a toutes jambes, 1 ne fut pas poffible de les atteindre. )n fit peu de prifonniers. Quelques hariots de bagage feulement tomerent au pouvoir du vainqueur. Le ;une Empereur, après cet avantage ui ne lui coüta que la peine de fe  Du Bas-Empire. Liv. CVII. 205 «u/->n«fo<- trïnf- rumnpr anv pnvirons inkuil»-» 5 wi.....^— de Sélivrée. Les fuyards allerent fe jetter tous clans la capitale, & y com-, muniquerent la terreur panique dont ils étoient frappés. Les Turcs demanderent avec inftance des vaiffeaux pour s'en retourner fur le champ dans leur pays. Le vieux Andronic fit tout ce qu'il put pour les retenir, mais ce fut en vain. Ils déclarerent qu'ils n'étoient point d'humeur a fe laiffer enfermer dans Conftantinople, paree que leurs forces réunies a celles des troupes impériales ne fe trouvoient pas fuffifantes pour y foutenir un fiege. Andronic fut donc forcé de les laiffer parfir. Ce Prince, privé du fecours des Turcs, & effrayé de la défeclion prefque générale de tous ceux fur lefquels il avoit cru pouvoir compter, prit le parti de recourir a la paix. II y fut auffi déterminé par le fens que parut lui préfenter un verfet fur lequel le hafard 1'avoit fait tornber a 1'ouverture dulivre des pfeaumes. C'étoit une fuperftition alors fort en vogue chez les Grecs , & même chez les Latins. Lorfqu'on fe trouvoit embar- \NDRONIC II. ia. ijxa» XXXVIII L'Empereur demandehumblement Ia paix, Cant. I. I. c. 32. Ouirem. de cxcld. Grtec. lib. fingul. c.^, M 4.  Andronic II. An, 1322, i ( ( 'i 1 i 1 V » » » » 206 H r S T 0 I R E raffé pour fe décider a I'occafion de quelque grande affaire, on ouvroit 1'Ecnture-fainte. Les premières paroles qui frappoient Ia vue, étoient regardées comme un oracle du Ciel, A la faveur d'une interprétation for* :ée & arbitraire, on ne manquoit amais d'y voir très-clairement énoncé :e qu'on devoit faire. C'eft ce qui 'appel loit alors confulter le fort des mints. Le vieux Andronic adreffa lonc a fon petit-fils une lettre conue dans les termes les plus foumis. Imployant, fuivant facoutume, un -y!e myftique & dévot, il y attriuoit aux tentations du malin efprit 1 penfée qu'il avoit eue de renoueller Ia guerre. » Au-lieu , difoit-il, de reconnoitre par votre conduite a mon égard que vous aviez réellement pour moi un tendre attachement & un grand refpeft ; au lieu d'éloigner de ma perfonne comme des ennemis dangereux, ceux qui cberchoient a vous perdre dans mon efprit par leurs calomnies, j'ai eu Ia foiblefTe de prêter l'oreille a leurs difcours pervers ; Sc fans daigner écouter vos avis, je  du Bas-Empire. Liv. CVII. 207 t» me fuis laiffé tromper par leurs » artifices. J'ai été affez malheureux w pour rallumer le feu de la guerre » dans le fein même de la paix. Je » reconnois maintenant mon impru» dence, & j'en fais 1'aveu. C'eft a » vous, moncher fils , qui êtes doué » d'un fi bon naturel, & qui con» fervez toujours tant d'affeftion pour ♦> moi, a chercher les vrais moyens 9 »> & determiner nos différends , &J w de faire renaïtre entre nous la con» corde ". Le jeune Empereur répondit a Ifaac, fupérieur des monafteres du Mont-Athos, qui lui avoit apporté cette humble fupplique, qu'il étoit difpofé k faire tout ce qui pourroit être agréable a fon aïeul, malgré les mauvais traitements dont il Pavoit accablé; qu'au refte % il falloit qu'il en conférat avec fon confeil. Auffi-töt le jeune Prince mande Cantacuzene , & lui fait part de la démarche de fon aïeul. II étoit toujours perfuadé qu'il n'y avoit d'autre moyen pour fe procurer une paix folide, & pour impofer filence k la calomnies que de remettre entre les mains du vieux Andronic, fom air- Andro- n1c ii. ft.n, 131%. xxxix; Son petit-filspropofe de lui rendre toutel'au» torité. Cani. I. E» t. pi.  Andronic II. An. 1322. 20? HISTOIR.E mée, les villes de fon obéiflance, tout I'Empire, Sc fa perfonne même. Legrand Domeftique approuva fa réfolution. II s'agiffoit de la faire gouter a l'armée ; ce qui n'étoit pas aifé. Le lendemain , le jeune Empereur affemble les chefs Sc les principaux Officiers de fes troupes, Sc leur parle en ces termes : » S'il étoit » quelqu'un que tant d'exemples du » paffénepuffentconvaincre desmal►> heurs qu'entraïne après elle la guer» re, Sc fur-tout la guerre civile, » qu'il jettelesyeuxfurnous. Depuis » que nous avons pris les armes les » uns contre les autres, 1'Etat n'a» t - il pas plus fouffert de nos diffen» tions domeftiques que fi toutes les » nationsbarbaresqui nous environ» nent fe fuffent réunies pour 1'atta►> quer? C'efi fans doute paree que ►> vous étiez intimementperfuadé de » cette vérité, qu'on vous a vu pren» dre tous de concert, le parti de » demander la paix a mon aïeul. » C'efi auffi le même motif qui m'a * déterminé k me joindre a vous » pour lui faire de nouveües inflan- ' » ces. Par un effet de la miféricorde  pu Bas-Empire. Liv. CVII. 209 » divine, il s'eft opéré en notre fa» veur un changement li heureux , » que ceux qui rejettoient avec tant, » de fierté nos prieres, en font ré» duits aujourd'hui a nous fupplier » eux-mêmes. Loin de nous enor» gueillir de notre profpérité,remer» cions-en le fouverain Arbitre des » événements. Tranfportons-nous au » temps 011 nous follicitions la paix , » Sc voyons fi maintenant il ne nous » feroit pas auffi avantageux de Ia » donner , qu'il nous 1'auroit été » alors de la recevoir ". Le grand Domeftique qui s'étoit concertéavec Andronic, appuya fes raifons par un difcours étudié , mais qui paroiffoit naïtre de Poccafion. II y fit, k 1'exemple de fon Maitre , une peinture eiTrayante des calamités qu'entraine ia guerre civile. II y repréfenta deux Princes en guerre 1'un contre 1'autre, comme deux animaux d'une grandeur Sc d'une forceextraordinaires, qui ne fe battent jamais, fans écrafer tout ce qui fe rencon- ! tre fous leurs pieds; d'oii il concluoit : qu'il falloit fe réconcilier au plutöt, i mais le faire de manlert d prévenir Andronic II. kn. 1312,  Andronic II. An. 1322. 219 HlSTOlRE pour la fuite toute efpece de mptttre. A ces mots, Ie camp rétentit d'acclamations; chacun demandoit a grands cris Ia paix, s'imaginant que Ie jeune Empereur & fon confeil ne vouloient la conclure qu'aux conditions qu'on affurerou k ce Prince la poffeffion irrevocablede cette partie de I'Empire qui lui avoit été adjugée par le traité precedent. C'étoit le fens qu'ils attachoient aux dernieresparoles de Cantacuzene. Le jeune Empereur les voyant pris en quelque forte par euxmêmes, leur dit : Je fuis auffi de vo'.re f nament; & pour les difpofer k ce qu'il alloit ajouter, il infifta en:ore fur les malheurs d'un Etat dé:hiré par les guerres inteftines ; puis .1 declara qu'après une mure délibé■ation, il avoit reconnu que pour ■etabhr Ia tranquillité dans 1'Etat 1 ne faHoit pas que I'Empire fut >artage. A ce difcours 1'alTemblée paut frappee d'étonnement, & garda in rnorne filence. Alors Andronic s'éant tourné vers le grand Domefti[ue, 1'interpella de. dire fon avis fur :e qu'il venoit de propofer. Cantacuzene, prenant la parole,  nu Bas Empire. Liv. CVH. üii dit : » Prince, fi nous faifions la ' » guerre aux Barbares qui font nos » ennemis naturels, nous n'aurions, » qu'a nous occuper des moyens de » remporter fur eux la vi&oire; nous » chercherions a ravager leurs pof-' » fefiions, k leur öter la vie, oua » les réduire en fervitude. Mais puif» que nous portons les armes non » contre des barbares, non contre » des chrétiens d'une autre domina» tion, mais contre des compatrio» tes, contre nos parents,eft-il quel» qu'un parmi nous qui ait affez peu » la crainte de Dieu devant les yeux » pour ne pas préférer la paix a la » guerre ? Si I'Empire étoit partagé » entre les deux Empereurs, de ma» niereque 1'un n'e'üt dans fon armée » que des foldats tirés de 1'orient, » & 1'autre dans la fienne que des » troupes levées en occident, la » guerre qu'ils fe feroient mutuelle» ment ne porteroit point un ca» racfere fi odieux; fi des Grecs » donnoient la morta d'autres Grecs, » au moins ne feroient-ils point ex>> pofés k tremper leurs mains dans » le fang de leurs proches, Mainte- Andronic ii. Ln'. 1322, XL. Cantacu;ene apmie fa éfoluion. Zant, l. I. :. 3*.  Andronic II. An, 1322, 212 H 1 S T 0 1 R E •» nant tout eft tellement confondu , ■> que non-feulement les villes, mais ♦ les families lont divifées & armées > contre elles-mêmes; que le frere > combat contre fon frere, le fils » contre fon pere, 1'ami contre fon > ami; & cela, non pour fatisfaire * aucune inimitié perfonnelle , mais > pour contenter la paflion de leurs » Souverains. Dans une circonftance > fi fadieufe, il arrivera fouvent que 1 le vainqueurs'approchant du corps ■ d'un ennemi pour enlever fes dépouilles , reconnoitra celui de qui il aura recu la vie 4 ou a qui il ■ 1'aura donnée lui-même ; il y reconnoitra un ami, un frere, un alüé, & fera forcé d'arrofer de fes larmes fes propres trophées. C'efi: pourquoi je conclus a ce que nous fafiions promptement la paix. Je ne doute pas que ce ne foit aulii 1'avis de tous ceux qui m'écoutent. Quant aux moyens de rendre cette paix folide, Prince, je n'en connois pas qui foit préférable a celui que vous venez de propofer. Non, il n'en eft point qui puifle etre plus jufte en lui-même , plus  hu Bas-Empire. Liv. CVII. 213 w utile a 1'Etat, plus glorieux pour » votre perfonne, &c plus honorable w pour nous tous qui fuivons vo» tre parri ". Synadene ne s'attendoit pas a une pareille conclulion; il en témoigna fon étonnement; mais il déclara qu'il I ne vouloit pas être d'une opinion dif i férente de celle du jeune Prince qui i avoit recu fa foi, ni de celle du grand I Domeftique, a qui il avoit voué i un attachement inviolable. Andronic remercia le Protoftrator, & demanda i aux autres leur avis. Tous garderent pendant quelques inftants le filence; puis ils répondirent d'une commune 1 voix que le Prince étoit le maitre de prendre tel parti qu'il jugeroit a propos. Cette réponfe n'étoit pas 1'ex] preffion de leur vrai fentiment. II eft: certain que la réfolution du jeune I Empereur leur déplaifoit fort; elle renverfoit les fyftêmes de fortune que chacun d'eux s'étoit faits en s'atI tachant a fa perfonne. Andronic fei! gnit de croire qu'ils penfoient réelI lement comme lui, & il congédia .'I'affemb'.ée. II employa encore une I femaine entiere avec le grand Do- Andro- S1C ii. An. 1322. XLI. L'armée s'y foumet avec peine. Cant. 1,1, c 32.  Andro nic II. An. 132: XLII. Conditions du nouveau traité. Cant. I. 1 c 33. 2 14 H I S T O I E E • meftique & le Protoftrator Synadene k faireagréer non-feulementauxOffi- ,. ciers, mais même aux limples foldats le projet de paix. Quand il crut avoir fuffifamment pris routes fes mefures, il donna audience au fupérieur des Monafteres du Mont-Athos, & lui recommanda • en le congédiant de rendre d'abord compte a fon aïeul de 1'oppofition de fes troupes pour la paix, & des peines qu'il lui en avoit coüté pour vaincre leur réfiftance; puis de lui dire que la derniere fois qu'ils s'étoient réconciliés, il avoit été obligé par un motif particulier, de retenlr pour fon partagetout le pays qui s'étend depuis Séiivrée jufqu'a Chriftopole ; qu'il fentoit maintenant que la poffeflïon de ce domaine ne cefleroit d'être entre eux une pomme de difcorde ; que pour lever cette difficulté & fermer enfin la bouche aux calomniateurs , il vouloit bien fe défifter de fes droits, lui faire le facrifice de tout ce qu'il poffédoit, & même de fa perfonne. II ajouta feulement qu'il prioit fon grand-pere de conferyer k fes foldats, Farpent de  du Bas-Empire. Liv. CVII. 215 i terre qu'il avoit fait diftribuer a chacun d'eux, de ne point les priver , de 1'augmentation de paye qu'il leur 1 avoit accordée, de leur faire toucher ! exaclement les fommes d'argent dont il avoit promis de les gratifier, pour I qu'ils confentilTent a quitter les ar! mes. Quant a Pentretien de fa propre maifon , il laiiToit fon aïeul le maitre d'en difpofer comme il lui plairoit. II demandoit encore que le Defpote Conftantin fon oncle ne recouvrat pas fnöt fa liberté, pour I des railons dont il fe réfervoit la connoiffance; promettant de la lui rendre par la fuite , pourvu toutefois que ce Prince ne s'éloignat jamais de fa Cour. Cette précaution annoncoitque le jeune Andronic regardoit Conftantin comme un rival dont il croyoit avoir tout a craindre. L'Empereur pou.voit a peine croire ce qu'Ifaac lui racontoit. II admiroit avec tranfport le défïntéreflement de i fon petit-fils qui lui accordoitla paix a des conditions qu'il n'auroit jamais ofé efpérer. Lorfque cette heureufe nouvelle fe fut répandue dans Conftantinople , elle y exciia une allégreffe Andronic II. An. 1312. XLIII. Entrevus des deux Princes. Cant. I. I. c. 31. 34, 35- Nic. Greg. I. 8. e, 11,  Andronic II. An. 1322. !1<5 II IS TOIE.E iiniverfelle, qui éclata par des réjouiffances publiques. Le vieux Andronic donna fur le champ ordre d'équiper deux galeres pour conduire Plmpératrice Xene au jeune Andronic ion fils. II la députa vers ce Prince pour Palier remercier de fa foumif[ïon , Sc en même-remps pour recevoir fon ferment. Andronic, inftruit que fa mere étoit arrivée a Epibate prés de Sélivrée, s'emprefla de s'y rendre. II la falua en Pabordant avec .in grand refpecl:, puis ils fe donnerent mutuellement des marqués de tendrefle, & pleurerent enfemble fur la perte qu'ils avoient faite, le jeune Prince d'un pere, Sc la Princeffe J'un mari; car ils ne s'étoient point encore vus depuis la mort de 1'Empereur Michel. Dès que Péchange des articles du traité fut faite de part & d'autre, le jeune Andronic fe mit en route pour aller rendre hommage a fon aïeul, qui, de fon cöté, lórtit de Conftantinople pour venir audevant de lui. Lorfqu'ils fe furent abordés, le jeune Andronic defcendit précipitamment de cheval, s'apptocha de fon aïeul, Sc lui baifa le pied  du Bas-Empire. Liv. CVJI. 217 pied, malgré les efforts de 1'Empereur ! pour 1'en empêcher; car fuivant le cérémonial recu depuis long-tempsi a la Cour de Conftantinople, lorfque deux Empereurs venoient k la rencontre Fun de 1'autre , tous les Officiers de leur fuite mettoient pied a terre ; le plus jeune des deux fe découvroit, faluoit 1'autre en inclinant profondément la tête,luitouchoit de fes levres la main droite, & en recevoit un baifer au front. Tous les afliftants témoins de cette entrevue & de ces marqués de refpecf du jeune Andronic, en furent attendris. Ce Prince étant remonte k cheval, fe placa a cöté de fon aïeul, ócs'avanga avec lui jufqu'aux portes de la capitale. La, il fit figne k ceux de fes gens de guerre qui le fuivoient de s'arrêter; pour lui il continua fa marche accompagné feulement de quelques-uns des plus qualifiés de fon parti, & il -conduifit 1'Empereur jufqu'au milieu de Ia grande rue de la ville, puis il prit congé de ce Prince , & s'en vint rejoindre fes troupes. Le lendemain il fe rendit au palais pour faluer fon Tomc XXIV. K IndroNic 11. LIJ, 1322,  Andronic H. An, 1322. XLIV. Incur- fi'ons des JSulgares. Duc. tam. JSyf. p. J22, 313. 2l8 HlSTOIRE grarid-pere. II y trouva une aflemblée brillante & un concours prodigieux de perfonnes qui étoient venues pour prendre part a Ia joie qu'infpiroit un événement fiimprévu. On ne pouvoit fe IalTer d'admirer le jeune Andronic, & dele regarder comme Pauteur de la félicité publique. Après être refté quinze jours i\ la Cour, & avoir remis a fon aïeul toutes les Provinces qu'il poffédoit, il le quitta au commencement du mois d'Aoüt, & s'en retourna k Didymotique, oii I'Impératrice fa femme 1'attendoit. Le vieux Andronic, devenu maitre abfolu de tout I'Empire, établit des Gouverneurs dans les Provinces que fon petit-fils venoit de lui remettre; il y envoya des gens d'affaires pour régler le traitementdes troupes, & leur payer leurs penfions, Sc lur-tout des traitants pour y lever des impöts. Dans le même temps, Venceflas Roi de Bulgarie, qui avoit époufé Théodora , fceurdu jeune Andronic, mourut de maladie. II laifTa le tröne k George Tertere fon fils. Les Bulgares, ejcités par laperfidie de quelques  ï)u Bas-Empire. Liv. CVII. «19 tr'aïtres avec lefquels ils entretenoient des correfpondances a Conftantinople , firent des courfes en Thrace , fe jetterent fur les terres de I'Empire, & s'emparerent par furprife de Philippopole. Elle appartenoit au jeune Andronic, & faifoit partie de 1'appanage que fon grand-pere lui avoit cédé. C'étoit une ville forte & bien peuplée, fituée dans un lieu avantageux & en état de fe défendre longtemps contre les attaques d'unennemi même puiffant. Elle avoit été bt\tie par Philippe , pere d'Alexandre , & non pas, comme quelques - uns l'ont dit, par Phdippe, Empereur Romain. Les Turcs 1'appellent aujourd'huiPhilibe. Les Bulgares, devenus plus entreprenants par la conquête de cette place , s'avancerent jufqu'aux portes d'A ndrinople, brülant & fac-» cageant tout fur leur paflage. A cette nouvelle, Andronic qui étoit alors è Didymotique , raflemble un corps de troupes , & fe met a la pourfuite de ces brigands. Ils les atteint fur lesfrontieresde leur pays, les attaque, en tue un grand nombre, s'emparg dé leur bagage. & s'en reK ij Andronic II. An. *}i2c XLV. Ils font iéfaits par le leune Andronic.Cant. I. it, ■• 35Duc. Faml. Byfr t>. 323.  Andkcm nic II. An. 1322. An. 1323, XLVI. Nouvelle intrigue tle Syrgianne. C'ant. I. i. c. 35. Nic. Greg. I. 8, c, 12. r.20 H I S T O I R E vient chargé de burin. II jugea qu'il ne falloit pas s'en tenir a cette expédition , maistirer des Bulgares une vengeance plus fignalée. II réfolut donc d'aller porter Ia guerre danste fein même de leur pays. II leve une armee nombreufe , & la conduit en Bulgarie. Elle y fit un dégat horrible, & regagna enfuite fes foyers, pliant fous les dépouilles de 1'ennemi , & chaflant devant elle une immenfe quantité de beftiaux. Andronic, après cette heureufe campagne, prit la route de la capitale, & alla fe réjouir avec fon aïeul de fes fuccès. C'étoit la première fois qu'il s'étoit mefuré avec les Bulgares. En arrivant a la Cour, il apprit que Syrgianne étoit en prifon. Cet ambitieux avoit prévu que le rétabliflement de la paix entre les deux Empereurs alloit rendre inutiles fes pernicieux talents. Le chagrin qu'il en con^ut étoit fi vif, qu'il ne pouvoit s'empêcher de le manifefter en toute occafion. II recherchoit tous ceux qu'il foupconnoit d'être mécontents du gouvernement; il feplaignöitamérement en leur préfence des deux  nu Bas-Empik.e. Liv. CVII. 221 Andronics; il les accufoit de n'avoir payé que d'ingratitude ce qu'il avoit fait pour eux. II difoit qu'ils ne mé-, ritoient point d'avoir des ferviteurs fideles. Enfin, il crut pouvoir s'ouvrir avec confiance a Afan , furnommé Andronic, s'imaginant qu'il devoit être plus indifpofé que perfonne contre la Cour. Afan Andronic commandoit dans le Péloponnefe , lorfque les deux Empereurs fe faifoient la guerre. Le jeune Prince 1'avoit chaffé de fon gouvernement, & le vieux auprès duquel il s'étoit refugié, ne lui avoit accordé aucun dédommagement, quoiqu'il put prétendre a toutes fortes de places, foit par fes talents Sc fes fervices , foit par fa naiffance ; car il étoit fi!s de Jean Afan, ex-Roi des Bulgares, Sc Defpote de Romanie. Afan avoit appris a 1'école des Grecs, Part de diffimuler &defeindre. II fit femblant d'être dans les mêmes difpofitions que Syrgianne, Sc il tenoit Ion même langage. Cependant il ne pcrdoit aucune de fes paroles. Dans le fonds , A(an n'avoit jamais aimé Syrgianne ; il déteftoit fon ambition , & ne poiijK iij Andronic ii. bi.i^j.  Andronic II. An. 1323. XL VU. II eft condamné a une prifon perpétuelle, i 1 ] ] i ( i 222 HlSTOÏRE voit fur-tout lui pardonner la hairre qu'il avoit jurée au grand Domeftique ion gendre. Cantacuzene n'avoit jamais négligé fon beau-pere, quoiqu'il fuivït le parti du vieux Andronic; il lui écrivoit même fouvent depuis fon infortune, & lui faifoit efpérer pour la fuite un meilleur fort. Lorfqu'Afan eut tiré de Sygianns fon fecret, il alla trouver le vieux Empereur, & lui dit: Prince ,fi vous ie faites arrêter Syrgianne, il vous itera la vie au premier moment ; le 'raitre en veut d votre perfonne & d votre couronne. A 1'inftant Syrgianne eft etté dans les fers. U étoit fi abhorré :lu peuple, qu'au premier bruit de fa détention la multitude fe porta en Poule dans fa maifon, la mit au pil— age, & la détruifit jufque dans fes bndements. Le vieux Andronic réblut de lui faire fon procés pendant pe fon petit-fils étoit a Conftantiïople. Dans ce deffein,il convoque 'affemblée des Grands de I'Empire, k vient y prendre place environné les principaux Officiers du palais , k accompagné du jeune Prince qu'il  nu Bas-Empire. Liv. CVII. 223 fait affeoir a cöté de fon tröne ; puis il ordonne qu'on amene Syrgianne. Dès qu'il parut, il s'éleva des gens qui l'accuferent d'avoir confpiré contre la vie de 1'Empereur , pour s'emparer de la couronne. Mais ils ne pouvoient le prouver légalement. C'étoit de fimples dénonciations qui n'avoient point affez de poids pout le faire condamner. L'accufé fe défen dit avec beaucoup d'affurance. Ai refte , fes défenfes qui confiftoient i nier tout ce qu'on avancoit contr< lui, ne prouvoient pas non plus fot innocence. Après d'alfezlongues con teftations entre les accufateurs & 1'ac cufé, le vieux Empereur pria le jeum Andronic de dire fon avis. Ce Princ s'en excufa, fur ce qu'ayant k fe plain dre de la trahifon de Syrgianne , i ne pouvoit avoir part a fon juge ment Le vieux Empereur fut moin délicat. II trouva Syrgianne fuffifan ment convaincu , &t le condamna e conféquence k finir fes jours dans un prifon étroitement enchainé a u poteau. George Tertere, ou Tertere II ne fiégea pas long-temps fur le trön K iv Andronic ii. An. 1323. i t I ■ 1 S l«' 1 e n , XLVII?. e La guerra gvec les  Andronic II. An. 1323 Bulgares recommence.Cant. I. 1. c. 36. Duc. Famil. Byf. F- 3*3- ! 1 t i l f < E v e o S q p( P1 cc S< ce m =24 H I S T O I II E < de Bulgarie; la mort 1'enle'va peu de temps après qu'il y futmonté. II eut a peine rendu les derniers foupirs, quej. toutes les villes fituées depuis Mefembne jufqu'a Stilbne, fe foumirent de plein gré k 1'Empereur. II fe orma alors en Bulgarie deux factions. Les Grands du Pays & la ma£ure partie de la nation, voyant rertere decédé fans enfants, décerlerent Ia couronne a Michel, Gou'emeur de Videne, fils de Strafcimre, Seigneur diftingué par fa rtaif'"p6" IlsJe conduifirent § Ternove, c ly inftalierent dans Ie palais des ^o,s avec le cerémonial accoutumé. )uelques Bulgares fe déciarerent pour oefdas, frere de Tertere, qui vi. oit k Conflantinople. Boëfilas fe mit 1 campagne, & réduifit fous fon ut? ï?Ut,Ie ^ fit«é entre ilbne & Copfis, Après cette coniete ,1 demanda k 1'Empereur la ïrmiiüon de prendre le titre de Def>te de Bulgarie, offrant de fe re•nnoitre pour vaffal de I'Empire >n intention étoit de s'affurer par tte demarche Ia protecfion des ar-s Imperiales, contre Michel Straf-  du Bas-Empire. Liv.| CViL 225 cimire. Tandis que Boëfdas, revêtu de fa nouvelle dignité , pourfuivoit fes opérations en Bulgarie, le jeune Andronic, de fon cöté, tachoit de reconquérir fur les Bulgares plufieurs villes que Tertere avoit enlevées aus Grecs pendant les derniers troubles, Ce ne fut pas fans peine qu'il s'er remit en poffeffion. Quelques-unei lui oppoferent une réfiftance yigou reufe , & i! échoua devant Philippo pole en Thrace. Cette ville , déja très-forte par el le-mêrne, 1'étoit d'evenue encore da vantage par les nouveaux travau: que Tertere y avoit fait faire, depui qu'il s'en étoit rendu maitre. De plus elle étoit défendue par mille homme de cavalerie & deux mille d'infante rie. Ces troupes avoient a leur têt quatre Officiers auffi expérimentt que courageux. Dans le nombre , o diftinguoit un RufTe , nommé Iwaï Ces braves gens réfolurent de d< fendre la viüe dont on leur ayo confié la garde , jufqu'a la derniei extrêmité. Le jeune Andronic éto depuis quatre mois devant cette pi; ce ; & malgré la vigueur & la cpi K v Andronic II. An. 1313. 1 ■ XLIX. Le jeune Andronic i leve le 5fiege de Philippo- ' pole. s Cant. I. i. - c. 56. e !s n 1. it e it 11-  Andronic II. 'An^i323.1 c c I c 'è | c n d h f< v P q ai q cl u p le ét ft' ra 12(5 TI I S T O I k E ïuité de fes attaques, le fiege n'avan;oit pas. Ce Prince penfoit même léjaa fe retirer, lorfqu'un Allemand rint_ lui propofer un moyen, qui, lifoit-il, forceroit infailliblement les fliégés de fe rendre. Andronic acueillitfon projet avecempreflemenf. m conféquence, cet Ingénieur fit onftruire en bois une groffe tour levée de cinq étages. Quant elle fut rête, on placa fur chaque plancher, uit foldats armés d'arcs & de flêbes, & cent hommes furent comlandés pour la faire mouvoir fur es roues fans qu'on put découvrir i eux , ni leurs manoeuvres. En eft, on vit cet énorme batiment s'aincer comme un grand animal qui iroiflbit marcher de lui-même. Dès j'il fut k une certaine diftance, les chers commencerent atirerfur ceux li _ défendoient la ville. Ils décoïoient leurs traits avec tant de vionce, qu'aucune arme défenfive ne >uvoient y réfifter. Les boucliers, 5 cuiraiTes, les combattants, tout oit percé de part en part. Perfonne afant plus fe montrer fur les muilles, les alïïégeants fe mirent en  du Bas Empire. Liv. CVII. 227 devoir d'approcher la tour de plus prés pour que ceux qu'elle portoit puffent fauter fur les fortifications de la ville; malheureufement on la fit paffer fur des planches recouvertes en gazon, qui fermoient Pouverture d'une ancienne citerne : elles furent enfoncées , & la machine tomba avec fracas. Cet accident öta le courage aux troupes impériales, & le rendil aux affiégés. La garnifon de Philippopole reparut fur les remparts plus fiere qu'auparavant, & le jeune Andronic fe vit obligé de lever 1< fiege. Tandis que ce Prince etoit reteni devant Philippopole, le nouveauRo des Bulgares ne reftoit point oififs il faifoit le dégat fur les terres d I'Empire. Andronic réfolut de 1'alle chercher pour le combattre; mai avant de fe mettre en marche, i donna le commandement de Stén: maque & de Zepene a un Officier nommé George Brienne, & lui r« commanda de tenir en échec la ga; nifon de Philippopole. Brienne i plus que le Prince n'attendoit de hi il fe conduifit avec tant d'intelligem K vj Andronic 11. An. 1323. 1 L. _ • Cette ville eft ptï> fe par ; George Brienne. Cant. I. i. Sf. 36. 37. 1 » it i. ;e  Andronic II. An. 1323 LI. Boëfilas, allié du jeune Andronic , cru mort. Cant l, i. C 36. ] < I i ï c r f 22o II I S T O I R E • & d'aaivité , que bientöt il trouva le moyen de's'emparer par ftratageme de cette ville qui venoit de réfifter a toutes les forces de I'Empire. Cependant le jeune Andronic, impatient d'en venir aux mains avec les Bulgares, étoit défefpéré de ne pas voir arriver avec fes troupes Boëfilas, a qui il avoit donné rendezvous a Potuque, petite ville peu éloignée du lieu oü Michel Strafcimire avoit établi fon camp. II 1'atiendoit * chaque inlfant, lor/qu'on vint lui snnoncer qu'il étoit mort fubitement. -ette nouvelle affligea beaucoup Anironie, paree qu'elle déconcertoit fes 3rojets de vengeance. II ne fe trouvoit pas alors en état de fe mefurer ivec Michel, dont l'armée étoit beaucoup plus forte que Ia; fienne. Au •out de huit jours , il r$g& une let[*e.Par ïaqneile on lui mandoit que ïoëiilas étoit plein de vie/ Ge Séineur, qui aimoir beaucoup leschamïgnons, en avoit mangétine grande uantité. Cet aliment perfide, que ous nous obftinons toujours a con:rver ? quoi qu'il n'ait ceffé depuis  du Ras-Empire. Liv. CVII. 229 que la friandife en a fait adopter 1'ufage, de cauier les plus facheux accidents, 1'incommoda fi fort, qu'après de cruelles douieurs d'entrailles , il perdit tout a-fait le fentiment. On U crut mort pendant trois jours , & déj; on le portoit fur un lit de parade ai tombeau, lorfqu'il donna quelque: fignes de vie. De la thériaque & d'au tres contrepoiions le rétablirent ei peu de temps. Cependant la campa gne étoit manquée , & Michel con tinuoit k ravager impunément le ter ritoire de I'Empire. Pendant que le jeune Androni s'occupoit de la guerre des Bulgares le vieux, de fon cöté, fe livroit tou entier aux affaires de 1'Eglile. Depui la mort de Gerafime > le fiege patriar chal étoit demeuré vacant. Le vieu Andronic choifit pour le remplir u moine du Mont-Athos, qui avoit ét jugé indigne du dacerdoce, foit caufe de fon incapacité, foit a caul de fes mceurs. Nicéphore Gregon prétend que 1'Empereur lui donna 1 préférence fur tous fes concurrent! par qu'il efpéroit pouvoir le domi -ner plus aifément; en quoi ce Princ Andronic ii. An. 1323, . LIL ' Ifaïe Pa> triarche. t Nic- Greg. s 8 c. 12. Le Quien, O rien s l Chrift. é k e s a » e  Andronic II. An. 1323 LUI. Alexis Philantropenerappellé. Nic. Greg l.S. c. 12. 23° HlSTOlRE ' fut bien trompé, comme la fuite nous 1'apprendra. Ifaïe monta fur la chaire , patriarchale le dernier novembre de cette année 1323, Le nouveau Pontife, dès qu'il fuE inftallé, engagea 1'Empereur a rappeller 1'Echanfon Alexis Philantropene, qui , vingt - huit ans aupara. vant, avoit eu les yeux crevés, pour avoir cédé a fon relTentiment contre la Cour Sc aux follicitations de fon armée qui le prelToit de s'ériger en Souverain. Cet infortuné avoit eu le temps pendant fa longue difgrace de méditer fur les devoirs d'un vrai citoyen. II avoit reconnu fans doute qu'il- ne faut jamais punir la patrie des fautes Sc des injuffices des Miniflres, ni mettre Ie feu au vailfeau, paree que ceux qui tiennent le gouvernail manceuvrent mal. 11 oublia les trai:ements cruels qu'on lui avoit fait buffrir autrefois , Sc dont il portoit les marqués ineffacables. IlaidaAnIronic de fes confeils, Sc luirendit ;ncore de grands fervices; il fit adaiirer dans plus d'une circonftance fa arudence, fes lumieres Sc la vigueur ie fon efprit. Les Turcs qui occu-  du Bas Empire. Liv. CVII. 131 poient le voifinage de Philadelphie,' étoient venus attaquer cette ville avec toutes leurs forces. Lesafliégés, preffés , d'un cöté, par les Barbares , & de 1'autre par la famine, étoient fur le point de fe rendre, lorfque Philantropene vint a leur fecours. II ne fut efcorté que de fa prudence & de fa fageffe ; car 1'Empereur n'avoit pu lui donner ni foldats, ni munitions , ni argent. Le bruit feul de fon arrivée fuffit pour défarmer les Turcs, Dès qu'ils furent qu'il approchoit, ils allerent au-devant de lui; & plein! , de refpecf pour fa perfonne, ils vinrent jetter leurs armes a fes pieds; puis levant les mains au ciel, ils lui promirent de faire tout ce qu'il voudroit. Plufieurs d'entre eux lui devoient la vie, & d'autres avoienl fervi fous fes ordres lorfqu'il commandoit les troupes impériales er Oriënt. Cette même année , il s'éleva une conteftation fur le jour ou il falloil célébrer la paque. Depuis long-temps. on s'appercevoit que le calendriei avoit befoin de réforme , qu'il y ré gnoit un grand défordre pour la fixa Andronic ii. Vn. 1313. LIV. Conteftation fiir la fête •de Paques, 'Nic. Greg.  Andronic II. An, 1323 LV. Le Roi des Bulgares re-' fufe le '• duel pro- | pole par le jeune ' Andro- 1 nic. ( Cant. I. 1. «.=37. ( Fa-n. Byf. .< P- 313. t 232 H l S T 0 I R E tion des jours de fêtes. Cette correction étoit difficile. Nicéphore Gregoras , qui fe piquoit d'avoir des connoiffances en aftronomie, fit un travail affez confidérable fur cette matiere, & fa vanité auroit bien voulu qu'on adoptatfes idéés. L'Empereur qui, felon iui, étoit le feul qui fut en état de comprendre fes raifonnements & de fuivre fes calculs, lui donna de grands éloges; mais malgré les follicitations de 1'auteur, ce Prince n'ofa point entreprendre cette réforme. II craignoit de renouveller les troubles qui avoient iadis tant agité 1'Eglife a 1'occafion d'une affaire a - peu - prés pareille. Cependant Boëfilas, échappé a la nort, avoit repris Ie cours de fes ïxpéditions miiitaires. II fe défendit ivec beaucoup de courage pendant )lus d'un an contre le nouveau Roi le Bulgarie , qui prétendoit lui enle^er toutes fes eonquêtes,& lur-tout -opfis, dont il avoit fait la capitale le fa nouvelle fouveraineté. Les feOLirs5"'il recevoit des Grecs étoient rop foibles pour qu'il put fe foutenir  du Bas-Empire. Liv. CVII. 233 I plus ïong-temps; il fe vit bientöt forcé * ' d'abandonner a la difcrétion de fon 1 prival toutes fes poffeffions, & de fe 4 ; fauver a Conftantinople. Michel ,délivré d'un ennemi qui ne laiffoit pas de lui donner beaucoup dembarras, fe jetta de nouveau fur les domaines de I'Empire; il faccagea toute la pari tie oriëntale de la Thrace, & étendit ; fes ravages jufqu'aux portes de Trai janople. Le jeune Andronic n'ofoit ! fortir de Didymotique, & étoit au défefpoir de ne pouvoir arrêter les I incurfions de ce guerrier redoutable. '. Dans un moment de dépit, il envoya au Monarque Bulgare un cartel pour fc battre corps a corps avec lui. Michel : fe contenta de lui faire cette réponfe: , Un forgeron quipre.nd.roit avec fes rnains i tin f er chaud, tandis qu'il powroit le faifïr avec des tenailles, fe conduiroit comme un infenfé. II en feroit de même de moi , & je me rendwis la fable de l'univers fi j'expofois ma perfonne feule pour me défendre, au-luu d'employer mon armee qui efl en fi bon état. Je :\ n'accepte point le defi que votre colere me propojfe. Le jeune Empereur, après avoir BBBSfflSRBA .SDRONIC II. n. 1323.  Andronic II. An. 1323 LVI. Paix ave( les Bulgares. Cant. I. 1, t- 37. 38, Duc. Famil. Byf. P' 3*3- j 1 ( { t t l c s 234 HlST-OIRE recu cette lecon , prit le chemin de Conftanhnople. Dès qu'il y fut arrivé, il conjura fon aïeul de le mettre en état d'aller chÉtier les Bulgares. Mais on manquoitde troupes & d'argent. On s'affembla pour délibérer fur cette affaire. Le grand Domeftique fit un difcours pour exhorterles courtifans a venir au fecours du peuple, en contribuant aux fraix de la guerre. IJ y infifta beaucoup fur l'obhgation d'aider la patrie & de fes biens & de fa perfonne, fur - tout lorfqu'on y poffede de grands reven us , & qu'on y occupe de grandes places. Ce n'eft point ainft qu'on a coutume d'opiner dans le Confeil des Rois; auffi fa harangue n'eür-elle ju'un foible fuccès. Tous les fervi:eurs du vieux Empereur rejetterent on avis. II n'y eut que ceux du jeuie Andronic qui n'oferent point le ontredire. Les deux Princes avoient ntendu d'un lieu voifin oü ils s'éoient tenus cachés, tout ce qui s'éoit dit dans 1'afTembIée. Le vieux andronic fut très-mécontent du peu e patnotifme des fiens. II ne put empêcher d'en témoigner fon cha-  du Bas-Empire. Liv. CVII. 235 griti a fon petit-fils. Cependant les: préparatifsde guerre fe faifoient avec beaucoup d'aftivité, & déja le jeune / Andronic fe difpofoit a partir a la tête des troupes, lorfqu'on vit arriver dans fon camp deux Ambafladeurs de la partduRoi deBulgarie. Ce Prince lui faifoit dire qu'il étoit devenu fon beau - frere, qu'il avoit époufé Théodora Paléologine fa fceur, & veuve du Roi Venceilas; qu'il defiroit faire avec I'Empire une alliance fi étroite, que les Bulgares & les Grecs ne paruflent former qu'une feule nation, & n'être gouvernés que par le même Prince. Le jeune Andronic regut honorablement les Am-baffadeurs de Pdichel, & leur témoir gna combien 1'alliance de leur maitre lui étoit agréable. Andronic s'emprefTa d'annoncer cette bonne nouvelle a fon aïeul, & licencia enfuite fes troupes; mais a peine les eüt-il congédiées , qu'un événement inquiétant le forca de les ralfembler a la hate. Les Tartares feptentrionaux, nation redoutable par fon humeur bel- Andro- n1c II. in-, 1323 > LVH. Défake  Andronic II. An. 1323 des Tartares.Cant. I. I, c. 39. Outrem. dt txcid, Grac, UI, fi"g' c, 4. I ] i 1 t I l % 1 s -06 HlSTOlRE :iiqueufe , avoient coutume de faire prefque tous les ans des courfes fur lesterres de I'Empire. La puhTance des Grecs, même lorfqu'elle étoit dans toute fa vigueur, n'avoitpas toujours ete en état d'oppofer une digue affez forte a ces inondations de bar-, bares. Ce n'étoit fouvent qu'en employant un moyen affez fingulier, qu'ils venoient a bout de les écarter des frontieres de I'Empire. Quoique les Empereurs de Conftantinople ne fuffent rien moins que des héros cependant les Tartares croyoient encore voir en eux les defcendants d'A:exandre. D'après cette idéé, leurs chefs regardoient comme une grande aveur d'obtenir pour femme quelpie Pr-mceiTe de la familie impériae , paree qu'ils s'imaginoient que le ang du vainqueur de Darius coïteren dans les veines des enfants [U ils auroient de ces alliances. Les empereurs avoient fu profiter de ce rejuge. Ils s'étoient mis dans I'ufae d élever dans leur palais de jeuesfiiles diftinguées par leur beauté, iais pour la plupart d'une naiffance  du Das Empire. Liv. CVII. 237 obfcure. C'étoit, pour ainfi dire, de : cet arfenal que ces Princes tiroient I les armes dont ils fe fervoient avec I le plus de fuccès contre les Tartares* ] Quelquesunes de ces fllles offertes en mariage a leurs chefs qui les prenoient toutes pour des PrincefTes, devenoient fouvent le prix de la paix. jj Cependant il neparoït pas que cette I: année on ait eu befoin de recourir a cette refTource contre une irruption fubitedeTartares, qui, au nombre de ; cent vingt mille hommes, traverferent : comme un torrent la Bulgarie, & fe : répandirent enfuite dans la Thrace, I Le jeune Andronic qui venoit de renvoyer fes troupes dans leurs quartiers, s'empreffa de les rappeller. II fe mit a leur tête , marcha contre I les Tartares qui couroient le pay! par détachements ; en vint aux main; avec plufieurs de leurs camps volants, & eut le bonheur de les battre tous er détail. 11 remporta même un avan| tage fignalé fur un gros corps d'ar mée qu'il rencontra prés de 1'Hebre 1 entre Didymotique & Andrinople I Les Tartares étoient dix contre Andronic II. An. 1323.  Andronic II. An. 1323. ] 1 j t i t f I c I i c 1 c HlSTOHE un ; cependant leur nombre n'effraya point les foldats d'Andronic. Ils demanderent a grands cris qu'on les menat a 1'ennemi. Etant defcendus de cheval, ils implorent 1'affiftance du ciel, s'arment duhgnede lacroix puis fe remettent en felle, & foncent \ toute bride fur les Tartares. Ceuxci, de leur cöté, s'avancent a leur rencontre avec la même rapidité. L'action fut très-meurtriere; cependant es Barbares, malgré leur fupériorité, urent taillés en pieces ; un grand ïombre pouffé dans Ie fleuve, s'y ioya, & de toute cette multitude, I n y eut que vingt-huit hommes qui e fauverent è la nage. Cet échec ntimida les autres Tartares qui ne étoient pas' trouvés a ce combat. Ils e renrerent dans leur pays, laiffant »ar-tout dans cette Province des traes deleurbrigandage, & dans i'efnt des Grecs de facheux foupcons ur le compte du vieux Andronic. On rut que ce Prince les avoit attirés Ji-même pour fe venger des Thraes, jjqui il favoit très-mauvais gré e 1'affeaion qu'ils montroient a  »u Bas-Empire. Liv. CVII. 239 fon petit - fils. Mais Cantacuzene Ie juttifie contre ces faux bruits donl 1'abfurdité étoit d'ailleurs affez palpable. Andronic II. An. 1323,  Som maire  14! S O M M A I R E D V CENT HUITIEME LIVRE. R T d'Irene , femme du jeune Andronic. II. 5" cceur k celles de 1'efprit. Elle avoit recu une éducation diftinguée, & faifoit Pornement du palais impérial, ainfi que fes filles qui étoient dignes d'une telle mere. Ces étrangers répandirent k la Cour de Conftantinople une gaieté qui en avoit toujours été bannie par une étiquette auffi trifte que majeftueufe. Ces nouveautés agréoient beaucoup au jeune Empereur , & en général elles ne déplaifoient pas a la nation, qui fembloit devenir d'autant plus paflionnée pour toute efpece d'amufements frivoles, que les infortunes venoient 1'affaillir de toutes parts. Quelques années aupa« ravant, on avoit vu le peuple, quoique écrafé d'impöts, & réduit k la plus affreufe mifere, abandonner fes occupations, & courir après des bateleurs Egyptiens qui étonnoient par des tours de force ; on 1'avoit vu facrifïer le peu d'argent qui lui reftoit, pour enrichir ces miférables faltimbanques qu'une police bien réglée auroitdüchaffer. Maispeut-être le gouvernement étoit-il dans ces principes , que, Iorfqu'on ne peut rendre une nation heureufe, il faut au moins  du Bas-Emi>ire. Liv. CVIII. 25; la Iaifler s'étourdir elle-même fur fe malheurs; & que, quand il eft impoflible de faire régner les bonne; mceurs dans une grande ville , il n'j a plus d'autre reflource que d'éner ver les ames par le plaifir pour leui öter 1'énergie du crime. Le jeune Andronic, quelque temp: après fon mariage, fe mit en route avec fa nouvelle époufe, pour fe rendre a Didymotique, oü il paroil qu'il avoit éfabli fa Cour. Son projet étoit d'y aller en chaflant. II donna ordre a un corps de cavalerie qui lui fervoit d'efcorte, de marcher en avant a la pourfuite d'une bande de Turcs, qui, après avoir fait naufrage , avoient pris le parti de refter dans le pays, &c d'y vivre 1 a aiicreuon. L.es ^rees eurent oeaucoup de peine a les joindre, paree ; qu'ils s'étoient retirés dans des lieux 1 prefque impraticables; maisayanteni fin pénétré dans 1'endroit qui leur I fervoit de repaire, ils les attaquerent avec vigueur. Le chocfut rude. L'Empereur étant arrivé au moment que les fiens étoient aux prifes avec les RarhafPC . rnmKat nVn rfotriM*' nu» Andronic II. ! et'An- . dronic son pe' tit-fils. , An. 1316. i VII. Combat contre les Turcs. Cant. 1,1, c. 42. Nic. Greg, l.S.e. tg,  Andronic II. et Andronic son petit-fils, An. 1326. VIII. Dernier exploits d'Othinan.Nic. Greg l. 8. c. 15 Leuncl. hifl. Mu- ful. & Ann. Turc Cantim. I i. Ofman. QaUhona\, aft) HlSTOIRE plus furieux. Les Turcs fe défendirent en défefpérés; ils fe firent tous hacher fur la place. Aucun cavalier d'Andronic ne perdit la vie, mais il n'y en eut pas un feul qui ne fut bleffé. L'Empereur lui-même recut un coup de flêche au pied, & fon cheval mourut couvert de bleffures. Cantacuzene'y fut expofé aux plus grands dangers. Ses armes furent briïées entre fes mains, fes habits mis en pieces, & il fe trouva prefque nud lorfque 1'acfion Unit. Son courfier fut percé de mille coups. AiifTi difoit-il, que depuis fa plus tendre jeuneffe , il avoit afïifté a un grand nombre de combats,mais qu'il n'en avoit point vu qui eut été fi chaud , & oii il eut couru plus de rifques. Tandis que quelques aventuriers Turcs faifoient acheter chérement a Andronic la viftoire en Thrace, les troupes de cette même nation qui , fervoient fous Othman, & fous les autres Emirs Mufulmans, défoloient les provinces Afiatiques. Les Grecs, , trop diftraits par les guerres intefti■ nes & par leurs démêlés avec les Catalans , n'avoient depuis long-temps  du Bas-Empire. Liv. CVIII. 25; porté leurs regards vers ces contrées malheureufes. Les Gouverneurs dei villes, abandonnés k eux-mêmes, & ne recevant aucun fecour-s de Conftantinople , ne pouvoient plus foutenir les efforts des infideles. Ceuxd'entre eux k qui il reftoit encore quelque fentiment d'honneur, apportoienl toute la réfiftance dont ils pouvoienl être capables. D'autres compofoienl i avec 1'ennemi, fe rendoient, fans li1 vrer combat, fes tributaires , & ta choient de tirer de leur foumiflior volontaire le parti le plus avanta' geux. II y en eut même qui, pour gagner labienveillance d'Othman, ne rougirent pas de prendre le turban Dans le nombre de ces apoftats, or diftingue Michel CofTès, Gouverneui d'unecitadelle nommée Ermen-Caia, ou la Roche d'Orminius, entre le Sangar & le Lycus. La familie de Michel tint pendant long-temps ur rang diftingué parmi les Turcs ; elle i fubfiftoit encore avec fplendeur vers ! la fin du feizieme fiecle fous le norr de Michel Ogli, c'eft-a-dire les enfants de Michel. Ce renégat devint I yn des favoris d'Othman. C'étoit lui Andronic II. et Andronic son petit-fils. An. 1316.  ANDRO' nic II. -et-An- jjronic son petit-fils An, 1326 IX. II fe rend maitre de Prufe. Nic. Greg. I. 3. c, ij. 25S HlSTOIR E ! qui avoit averti ce Prince du complot formé contre fa vie par Ie Gouverneur de fariflar. II lui facilita 1'acquifition diwn grand nombre de pla.ces, foif en 1'aidant de fes confeils, •foit en engageant par fes infinuations fes anciens compatriotes a imiter fon exemple. Othman , employant toura tour la force, la rufe & la douceur , avoit enlevé aux Paléologues une multitude de villes fur le Méandre. II feroit difficile d'en determiner Ie nombre, & de fixer les limites des conquêtes qu'il fit en Afie. Othman s'étoit mis en poffeffion de prefque toute la Bithynie. La ville de Prufe ofoit cependant encore braver la puifTance de ce fier Muf uiman. II en concut un fecret dépit. Othman jura de fe rendre maitre de cette place avant de defcendre au tombeau oit fes infirmités le conduifoient a grands pas. Ne fe fentant plus en état d'agir en perfonne, il fait venir fon fils, & le charge de cette expédition. II n'étoit pas faehé d'ailleurs de fournir a ce jeune Prince une nouvelle occafion de fe diffinjuer. Cet exploit devoit couvrir Or-  du Bas-Empire. Liv. CVIII. 259 chan de g'oire, Sc lui donner une = grande confidération parmi ceux de ' fa nation; il ne pouvoit manquer auffi de le rendre plus redoutable aux ; autres Emirs, qui voyoient d'un ceil i jaloux les profpérité de la familieA Othomane. Orchan , pour obéir aux ordres de fon pere, fe met k la tête des troupes, Sc s'avance vers les murs de Prufe. Le Gouverneur & les habitants, au-lieu de faire une vigoureufe réfiftance, comme on s'y étoit attendu , ne virent pas plutöt paroïtre les Turcs , qu'ils parierent de fe foumettre. Le renégat Michel CofTès fut chargé par Orchan d'aller traiter avec eux des articles de la capitulation. Ils demanderent qu'il leur fut permis de fortir de la ville , avec tous ceux de leurs effets dont ils pourroient fe charger, Sc de plus, qu'on leur donnat, en payant, une efcorte pour les conduire au premier port de mer ou ils s'embarqueroient pour Conftantinople. Orchan accepta ces conditions, Sc les obferva fidélement. Dès-lors 1'importante ville de Prufe paffa fous la domination des Turcs, pour ne plus rentrer fous celle des Grecs. LNDRONIC II. ÏT anJRONICON PEIT-FILS. n. 1326.  afio H I S T 0 I R E ! Othman Andronic II. et Andronic son petit-fils An. 1316 X. Sa mort Leuncl. hift. Mufulm. lib. 3. O/man, Ann Turc, ejufd. de Qfman, natir, ( I 1 1 1 ] 1 a — " »-cuc conqupte. Un accès de goutte a Iaquelle il étoit fujet, 1'emporta en peu de jours. II mourut a Néapolis, ville de I'Afie mineure, dont il s'étoit em■ paré après avoir livré aux Grecs une fanglante bataille. Les Turcs appellent Néapolis en leur langue Genifcheher, c'eft-a-dire Ia nouvelle ville. Othman en avoit fait le fiege de fa fouveraineté, après avoir quitté Carachifar, ou la Rochenoire, autre place qu'il avoit également enlevée a Andronic. Ce Mufulman, malgré tout le mal qu'en ont dit les Grecs dontila été Ié fléau, n'étoit pas toutefois dépourvu de bonnes qualités. Autant il étoit terrible pour fes ennemis, autant il traitoit avec bonté , non-feulement fes fujets, mais encore ceux des Grecs pi yenoient fe foumettre a lui. II :hériflbit fon peuple, & ce n'étoit 311'avec chagrin qu'il le chargeoit de |uelque impöt extraordinaire pour ubvenir aux befoins publics. Les anlaliftes Turcs ne lui ont pas épargné es éloges. II difent qu'il aimoit les jauvres, qu'il diftribuoit d'abondanes aumönes aux veuves & aux or-  «u Bas-Emmre. Liv. CVTJI. 261 phelins; que chaque jour il faifoil diftribuer dans fon palais des vivres aux indigents; que fouvent on 1'avoit vu fe dépouiller de fes propres habits pour en couvrir ceux qui n'en avoient pas. Enfin, les dernieres paroles que ce Mufulman adrefTa a fon fils au lit de la mort, refpirent Ia plus haute fageffe; & s'il n'y étoit pas queftion du Coran, elles pourroient n'être point déplacées dans une bouche chrétienne. Sa mémoire efl encore aujourd'hui en fi grande vénération chez les Turcs, que lorfqu'un nouveau Sultan monte fur le tröne impérial, fes fujets lui fouhaitent la bonté & les vertus d'Othman. Le pieufe chimère des croifades qui, pendant fi long-temps, avoit agité toutes lesimaginations, paroiffoit enfin vouloir s'aflbupir ,lorfqu'on lavitferéveiller tout-a-coup aubruit que fit un noble Vénitien, nommé Marin Sanuto , pour appeller tous les > Souverains a la conquête de la Palef tine. Siceperfonnageannoncoit pref- 1 qu'autant de zele que Pierre 1'Hermite, il avoit, ce qui manquoit a cet enthoufiafie, des lumieres, du rai- Andro- nic II. et andronic son petit-fils» An. 1316, XI. Projff d'une nouvelle croifadg. Mar. Sanuti. fccrcta fidcl. Crac. £• jufd. EfiftoU,  ANDRONIC II. et Andronic son petit-fils. An. 1326, 262 HlSTOIRE fonnement, de la prudence.Ses vues, les idéés étoient mieux combinées. Sanuto avoit prévu tous les obftacles qui pouvoient s'oppofer au fuccès de la guerre fainte, dont il fe faiibit, pour ainfi dire, 1'Apötre. Ce ne fut qu'après y avoir müremént réfléchi, qu'il entreprit de tracer dansun grand ouvrage un plan d'opérations qui étoit bien différent de tous ceux que les Croifés avoient fuivis jufqu'alors. II y enfeignoit les moyens non-feulement d'enlever aux Infidelesles lieux faints, mais encore de s'en affurer irrévocablement la poffeffion. II y infifioit pour que le tranlport des troupes employées a cette expédition fe fit uniquement par mer, afin qu'elles ne paffafTent pas fur les terres de Grece. II vouloit même qu'on renoncat pour toujours au projet de conquérir I'Empire de Conftantinople, paree qu'il étoit perfuadé que jamais les Grecs ne pourroient s'accoutumer au joug des Latins. Sanuto tenoit fort a ce dernier article; il paroit même qu'il avoit amené a fon fentiment diversSouverains, toute la Cour Papale 6c plufieurs Baror.1' Francais.  nu Bas Empire. Liv. CVIII. 263 Au moins s'en faifoit-il un mérite auprés d'Andronic, qu'il fe flattoit d'avoir par-la difpofé a montrer moins d'éloignement pour 1'Eglife Romaine. En conféquence, il preffoit ce Prince , dans des lettres particulieres, de renoncer au fchifme , & de fe liguer avec les Latins pour détruire de concert 1'ennemi du nom chrétien. II offroit en même-temps d'être fon miniftre dans cette négociation; & pour lui infpirer encore plus de confiance, il avoit chargé TEvêque de Capha de lui dire qu'il recevroit volontiers une époufe de fa main. II fupplioit auffi 1'Empereur d'oublier les torts de Nicolas Sanuto , Duc de Naxos ou Naxie, fon parent, 1'affurant que ce Seigneur ne refuferoit plus déformais de le reconnoïtre pour fon fuzerain. Malgré ce dévouement de Marin Sanuto pour Andronic, & malgré Ia parole qu'il lui donnoit que les Croifés refpeaeroient fes Etats, nous ne voyons pas que ce Prince ait été fort touché de fes exhortations, ni qu'il ait montré le moindre defir de fe rapprocher de la communion Romaine. Pouvoit-on efpérer qu'un fchifmati- AndroNic II. et Andronic son petit-fils. An. 1326.  Andro NIC II. et Andronic SON PE TIT-FIt! *n. I32e ■a<)4 H 1 3 t o ir 2 } que qui s'étoit déclaré avec tant de fureur contre 1'Eglife Latine, fe décidat fi facilement a entrer dans fon . fein , & qu'il voulüt renouer de fes . propres mains des nceuds qu'il avoit •rompus d'une maniere fi éclatante, en nnontant fur le fröne ? Les efpérances de Sanuto s'évanouirentdonc. II ne refta de tous fes grands projets que fon livre, qu'on ne lit pas fans une forte d'intérêt. Cet ouvrage intitulé les Secrets des Fideles de la Croix, eontient des détails géographiques affez curieux. L'auteur les avoit accompagnés de cartes qui fubfiftent encore, k 1'exception d'une que 1'injure des temps nous a ravie. On y trouve auffi des notions fur 1'état de la marine dans cefiecle, fur la conftruftion des galeres, fur le nombre d'hommes qui les montoient, fur les fommes que devoient coüter 1'équipement ck 1'entretien des troupes néceffaires pour 1'expédition projettée. En bon citoyen , Sanuto n'oublioit pas de vanter dans fon livre , les talents & 1'expérience de fes compatnotes; il confeilloit en conféquence au Souverain Pontife d'ordonner que le  du Bas-Empire. Liv. CVIII. 26; le nouvel armement fe fit a Venife, Au refte, cette prétention nationale, fi elle partoit d'un fentiment d'amour • propre, n'étoit pas deftituée de fondement. Les Vénitiens paffoient è jufte titre pour les plus habiles marin! de 1'univers; il n'y avoit guerequele: Génois & les Pifans qui piuTent leut difputer cet avantage. Les obfervations que fait Sanuto lur les marchandifes que les Européens tiroient alorj de Pinde & de 1'Arabie, n'eft pas Ia partie la moins intéreffante de fon ouvrage; il y indique même un projet pour détourner le cours 'du commerce de POrient, & Iui**faire prendre une autre voie que celle d'Alexandrie. Sanuto regardoit 1'exécution de ce projet comme un préliminaire effentiel au fuccès de la nouvelle croifade. C'étoit, difoit-il, Ie moyen de diminuer les richeffes du Soudan d'Egypte; c'étoit couper le principal nerf de fa puilfance, & lui lailfer moins de reffources pour réfifter aux efforts des Croifés. Sanuto n'avoit pas tort en avan^ant que les Grecs fouffriroieqt toujours impatiemment la domination des La- Tome XXIV. M Andro» nic II„ et Andronic SON FETITFILSo ; Aa, 1326c XH. RévoJts les Grecs le Candie coa«  266 II I S T O I R E • 'rins. Sa nation en faifoit alors la Andronic it. et An- dhonic son petit-fils. An. 1326. ire les Venitiens. Laugur, kijl. de Yenife. trifte expérience. Le gouvernement Vénitien avoit ordonnéde lever dans 1'ifle de Crete ou Candie un impöt pour'l'entretien d'un certain nombre de galeres deftinées a en écarter les corfaires. Ce tribut révolta tous les habitants; ils murmurerent, & dans plufieurs diftricls on prit les armes contre ceux qui étoient chargés de le percevoir. Un certain Varda Calerge, fe fit chef des mutins , & vint a leur tête mettre le fiege dèvant le chateau de Selin. II Pemporta d'affaut, en pafTa Ia garnifon au fil de 1'épée, & jetta dans les fers le Commandant. Ce premier fuccès le rendit fameux. Une foule de Grecs mécontents , qui n'avoient point encore ofé fe montrer, fe rangea fous fes drapeaux. Varda Calerge parcourut avec eux toute 1'ifle, faifant main-baffe fur les Vénitiens; il eut même 1'audace d'infulter la capitale. Ce foulevement répandit 1'allarme dans Venife. La Seigneurie s'empreffa d'envoyer Juflinien Juftiniani porter du fecours dans 1'ifle de Candie. Juftiniani y débarqua heureufement de  6u Bas-Ëmpire. Liv. CVIII. 267 ia cavalerie & de 1'infanterie. Ces troupes pourfuivirent les rebelles, les atteignirent, & leur livrerent bataille. Varda Calerge perdit la vie en fe défendant courageufement, & fa tête fut envoyée a Candie pour y être expofée a la vue du public. Ce fpectacle effraya quelques féditieux qui demanderent grace. Le plus grand nombre ne refpirant que la vengeance, réfolut de continuer la guerre a outrance, & de ne faire aucun quartier aux Vénitiens. Us trouverentdans la perfonne de Nicolas Procoforidi un fecond chef non moins déterminé que Calerge ; mais il ne fut pas plus heureux. Procoforidi tomba entre les mains des Vénitiens, ainfi que plufieurs de fes complices. Ces prifon» niers furent envoyés dans la capitale de 1'ifle , oii ils périrent tous fous le glaive du bourreau. Ces fanglantes exécutions diffiperent pour un temps les féditieux, & la révolte parut af foupie.Mais quelquesannées après, im autre aventurier, nommé Léon Calerge , ralluma ce feu mal éteint, & mit de nouveau toute 1'ifle en conv buttion. Les deux partis en vinren ' M ij Andro- nic II. et Andronic son petit-fils. An, 13160 6  Andronic II. et Andronicsón peTlT-fies. An. 1326. 1 < 1 I I 9 c t r d c £68 H I S T 0 I 11 E fouvent aux prifes. II y eut entre eux plufieurs aftions tres - meurtrieres. Les rebelles fuccomberent enfin. Ils périrent prefque tous les armes a la main , & ceux que la mort avoit épargnés fur champ de bataille, la trouverent fur 1'échafaud. Léon Calerge avoit eu 1'adreffe de fe tenir a i'écart, & de ne point expofer fa aerfonne au fort des combats. Cepenfant radminiftration de Venife favoit 511'il avoit été le principal boute-feu ie cette rébellion, elle vouloit 1'en ninir; d'ailleurs , elle craignoit que il confervoit fa liberté ou même la 'ie , il ne continliat par fes intrigues i: foulever de nouveau les Grecs. Zomme on n'ofoit pas 1'arrêter de 'ive force, on décida de le prendre, >our ainfi dire, au piege. Le Gouverneur de Candie, homme peu déicat, fe chargea de cette trahifon. II ffe£ta d'igsiorer les fecretes menées e Léon Calerge. II le loua en pulic de n'avoir point eu part au derierfouIevement;il lui adrefla même es iettres par lefquelles il le remerioit au nom de la Seigneurie, des larques de adélité qu'il avoit don-  du Bas-Empire. Li-v. CVIII. 26*9 nées dans des circonftances fi critiques ; il finiflbit par l'inviter a fe rendre auprès de fa perfonne pour recevoir les honneurs & les récompen fes que Ie gouvernement 1'avoit chargé de lui conférer. Léon Calerge eut la fimplicité d'ajouter foi aux paroles du Gouverneur ; il s'emprefla de venir le trouver. Le Gouverneur le reent avec la plus grande diftincfion , le cornbla de carefles, & lui fit un feftin magnifique. Léon Calerge ne fut pas long-temps a reconnoitre qu'il étoit venu lui-même fe prendre a une amorce qui cachoit fa perte. Au bout de deux jours , il fut arrêté , enfermé dans un fac , & jetté a la mer. Cette iache perfidie mit fes partifans en fureur ; ils exciteren! un loulevérnent général dans 1'ifle, & la république, contre fon attente, fe vit prefqu'au moment de perdre cette belle pofleffion qu'elle avoit achetée autrefois' dn Marquis de Montferrat; mais de prompts & puiflants fecours arrivés fort a-propos, tomberent a 1'improvifte fur les rebelles , & les mirent en déroute. Michel Pfamerilinge, leur nouveau chef, voyant qu'il ne M iij Andronic II. et Andronicson pb- TIT-FItS. \tt, 13 26.  Andronic II. et Andronic son petit-fils. An. 1316, j J 'J I I 1 i : : An. 1317. XIII. te jeune Andronic apprend 1?0 HïSTOIRE x>uvoitéchapper aux Vénitiens, s'at? rêta tout-a-coup au milieu de fa fui:e, tua fan cheval, puis préfentant "on épée a un de fes plus fideles fer/iteurs : Ami, lui dit-il, coupe-moi 'a tête, porte-la au Gênèral tnmmi ; ce néfent te vaudra de grandes récompenres, & tu mépargneras thorreur de me 'oir entre les mains de nos tyrans. Va 'ouir avec eux du fruit de ma mort. Le ferviteur ne fut que trop fidele mx ordres de fon maitre. Le même :oup qui fit tomber la tête de Mi:hel, abattit aufïi le courage des Grecs ■ebelles. I!s rentrerent tous dans le ievoir, & la tranquillité fe rétablit lans 1'ifle de Candie. Cependant Conf:antinople étoit demeurée paifible pecfatrice de tous ces mouvements. ion état de foibleffe ne lui avoit oermïs d'entendre les cris de fes an:iens fujets qui Pappelloient pour les iider a fecouer le joug des Véni:iens. Le jeune Empereur étant arrivé k Didymotique , y refta long - temps pour fe faire traiter de la bleffure qu'il avoit recue dans fa derniere rencontre avec les Turcs i il n'en étoit  t>u Bas-Empire. Liv. CVin. 271 pas encore parfaitementguéri au mois d'aoüt de Pannée fuivante ; ce qui nt 1'empêcha pas cependant de faire ur voyage en Bulgarie avec I'Impératrice fa femme, pour y voir le Roi Miche fon beau-frere. Ils reflerent pendan huit jours a la Cour de ce Prince, qu leur fit la meilleure réception qu'il lu fut poffible. Cette entrevue n'avoi pas feulement pour objet de fe don ner mutueilement des marqués d'a mitié; des raifons politiques y avoier eu auffi beaucoup de part. Le jeun Empereur Sc le Monarque Bulgai firent entre eux un traité fecret d'a üance ofFenfive Sc défenfive en c; d'événement. En effet, Michel n'< toit pas fans inquiétude fur les di pofitions d'Etienne, Crale de Servif il craignoit que ce Prince ne vouli venger 1'infulte qu'il venoit de 1 faire en répudiant fa fceur pourépó fer Théodora Paléologine. De fc cöté, le jeune Andronic prévoyo bien que la derniere paix avec fc aïeul ne feroit pas de longue dur« Déja des bruits fourds lui anno coient que 1'orage fe formoit, 'même qu'il approchoit. II ne put pl M W Andronic II. et An- , dronic son se. tit-f1ls. . An. 1327. | que fon. , aïeul 1 veut rel nouvelle» la guerre. " Cant. I. i, - c. 42. { Nic. Grig. I. 9. c. 1. e Fam. Byf. eP. 323. I- is f'»it u l- m it >n e. i&.is  Andro nic II et An- DRONIi SCN PI TlT FIIS An. 132; b -7~ HlSTOlRE ; en clouter Iorfqu'è fon retour k Didymouque il trouva des lettres par ; lefquelles fes amis de Conftantino. ple 1 ayertiflbient de fe tenir fur fes : garcT > 9ue fon aïeul, k en juger ■par fes difcours & par toutes les apparences, projettoit de recommencer ia guerre. Andronic feignit d'être fort iurpns de cette nouvelle , & réponW è ceux m ^ lui avoient mandee, quM ne pouyoit paslacroire; que neanmoins il les remercioit de leur follicitude, Sc les prioit de contmuer k 1'mftruire de toutes les découvertes qu'ils pourroient faire. Cependant il communiqua cet avis au grand Domeftique Sc au Protoftrator Synadene. Ils examinerent eniemble quels prétextes ils pouvoient avoir donnés au vieux Empereur de rompre la paix. Mais ils trouverent que leur confcience ne leur faifoit aucun reproche; ils ne douterent plus que fi Andronic penfoit k fe rengager dans une nouvelle guerre ce ne fut k 1'inftigation de deux perlonnages qui s'étoient emparés de 1'efwt deee vieillard, & qui ne cefoient de 1'irriter contre fon petit-  nu Bas Empire. Liv. CV1Ï!. 273 fils , quoique ce Prince eut acquis des droits a la reconnoiflance de 1'un & de 1'autre. Ces deux ennemis étoient Métochite, grand Lögothete, & Andronic Paléologue, Protoveftiaire, fils d'Anne Paléologine, fceur de 1'Empereur. Lors de la conjuration de Jean le Panhyperfébafte, fils de Conftantin Porphyrogenete, Andronic le jeune avoit intercepté des lettres que les deux fils de Métochite adreffoient au confpirateur. II eft vrai qu'ils ne s'y expliquoient qu'en termes énigmatiques , mais a travers les voiles du myftere dont ils avoient taché de couvrir leur langage, il étoit aifé d'appercevoir leurs véritables penfées. Andronic le jeune, au-lieu d'envoyer ces lettres féditieufes a 1'Empereur fon aïeul, eut la complaifance de les faire remettre au grand Lögothete , en le priant de prévenir les ïuites qui pourroient réfulter de Pentreprife téméraire de fes deux fils. Métochite loin de favoir gré k Andronic de cette attention , lui fit une réponfe pleine d'arrogance. Ce n'eft pas cependant le feul fervice que ce Prince ejut ocM v Andronic II. et Andronic son petit-fils. An. 1317. XIV. Ingratltude de Métochite & d'AndronicPaléologue , Protoveftiaire, Cant. 1,1. 43.  Andronic II. et Andronicson fetit-fies. An. 1327. 1 1 \ 1 &74 HlSTOIRE cafion de lui rendre. Le Protoveftiaire Andronic Paléologue, fier du rang que fa naiflance lui donnoit dans 1'état, fe croyoit en droit de traiter avec hauteur les perfonnes même les plus titrées. Dans une contefiation qu'il eut un jour avec Métochite , il fe fervit, en lui parlant, d'expreflions fort méprifantes. Le grand Lögothete, qui, de fon cöté, fe fentoit foutenu par 1'Empereur, lui répondit avec 1'orgueil d'un courtifan en faveur ; Paléologue en fut offenfé, & jura de fe venger d'une maniere qui fit éclat. Plein de ce projet, il va trouver le jeune Andronic, & lui déclare qu'il efl; décidé a faire charger de coups de baton Métochite, düt-on le conduire enfuite au fupplice; il prioit en même:emps le Prince de le prendre fous fa Drote&ion. Le jeune Empereur fit :out ce qu'il put pour calmer le Prooveftiaire; il lui repréfenta avec louceur ledanger auquel une pareiüe riolence Pexpoferoit. Voyant que fes ■emontrances ne produifoient aucun :ffet, il lui paria avec autorité, & ui ordonna fous peine d'être rigou-  du Bas-Empioe. Liv. CVIII. 275 reufement puni, de refpecler la perfonne du grand Lögothete ; par-la il épargna a Métochite la difgrace d'un traitement trop ignominieux pour qu'aucune réparation eut pu jamais en effacer la honte, &c a Paléologue une démarche qui n'auroit pas manqué de le perdre. Peu de jours après cette fcene, le vieux Empereur entra tout-a-coup dans une furieufe colere contre le Protoveftiaire , foit que Métochite 1'eüt indifpofé contre fon ennemi, foit que ce Prince eut découvert quelqu'intrigue de Ia part de Paléologue. Quoi qu'il en foit, Andronic dépêche le grand Lögothete vers fon petit-fils, pour fe plaindre du Protoveftiaire , qu'il accufoit d'avoir tenu des difcours injurieux a la majefté Impériale, & même confpiré contre 1'Etat : il ajoutoit que jugeant ce traitre digne de mort, il alloit le faire arrêter, & qu'ainfi il eut a lui prêter main-forte , s'il étoit néceffaire. Le jeune Empereur écrivit a fon aïeul, qu'il favoit que le Protoveftiaire fon oncle n'étoit pas toujours affez circonfpeft dans fes paroles, mais que néanmoins ii le M vj Andronic II. rt Andronicson petit-FILSi \.n, 1327V  Andronic II. et Andronic SON PEt1t FItS. An. 1327. j 1 3 I ( I t s c a f XV. Ordre au „ jeune Andronic ^ de ne pas JJ approcher de r Conftan- p «nople, g Cant. L 1, «• 44. Y IV/V. Shg» IC IIisioire croyoit incapable de trahifon. II finiffoit par prier Andronic de lui pardonner fes imprudences, & de ne point perdre un perfonnage quitenoit un rang fi difiingué dans i'Empire. Le vieux Andronic s'appaifa , k cette affaire neut pas de fuite. reis étoient les bons offices que le eune Andronic avoit rendus fuccefïvement au grand Lögothete & au rotoveftiaire ; mais la reconnoiffan« ne fut jamais la vertu des gens de --our. Ces deux hommes après s'être econciliés enfemble, tournerentconre leur bienfaiteur la haine qu'ils étoient jurée mutuellement; ils ne eftbient de le décrier auprès de fon ieul , & d'exciter ce Prince a lui aire la guerre. Le Protoveftiaire après être rentré a grace avec le vieux Empereur, 11 avoit obtenu le gouvernement de ellegrade; il recut ordre de s'y ïndre fans délai, & de fe tenir rêt a prendre les armes au premier *nal. Le jeune Andronic ne pou>it plus douter des intentions de n aïeul ; il tint confeil avec le and Domeftique & Synadene. Ces  i>u Bas-Empire. Liv. CVIII. 277 deux Miniftres déciderent qu'il ne falloït pas le départir du plan de conduite qu'on avoit tenu jufqu'alors ; que le jeune Prince devoit faire toutes les avances pofïibles pour calmer Ia colere de fon aïeul, &1 diflïper fes injuftes préventions. Cependant ils jugerent qu'il étoit k propos qu'ils fe montraffent a Conftantinople , perfuadés que leur préfence ou étoufFeroit la guerre dans fa naiflance , ou la feroit éclater fubitement. Dans ce dernier cas, ils feroient autorifés a fe mettre ouvertement fur leurs gardes. Uspartirent donc de Didymotique au mois d'Oftobre pour fe rendre a Sélivrée; & afin de ne donner aucun ombrage , ils ne fe firent accompagner que de leurs domeftiques. Le vieux Empereur, inftruit qu'ils étoient en route pour venir dans la capitale, députa vers fon petit - fils Clidas Diceophilax , & Niphon, Evêque de Moglene , pour lui défendre de paffer outre, ne voulant pas, difoit-il, lui permettre d'entrer a Conftantinople, puifqu'il avoit violé la paix. Le jeune Prince fut frès-fenfibje Andronic ii. et Andronic son periT-fils. Ln. 13x7.  Andronic II. et Andronic son petit-fils. An. 1327. XVI. II demande la permiffionde fe juftifïer.Cant. I. li '. «■ 45. | ] ( 1 ( I f C 1 c 1 r f i c a e 278 Histoire a ce reproche; il jura qu'il n'avoit donne aucune atteinte a la foi des tranés , ni par fes paroles, ni par les acfions, & auffi-röt il adreffa a Ion aïeul une lettre dans laquelle, proteftant de fon zele pour la patne, il lui rappelloit avec quelleinftance il avoit follicité la permiffion le paffer en Afie pour faire Ia guerre iux Turcs, -& les forcer a lever le iege de Prufe. II y infinuoit adroiement que Ia perte de cette ville ne >ouvoit être imputée qu'au refusqu'il voit fait de le laiffer partir pour ette expédition. Au refte, difoit-il, 1 je vous cite Cet exemple demon leyouement au bien public, ce n'eft •oint pour en tirer vanité, mais pour ane mieux comprendre combien je ois être maintenant pénétré de douïur en voyant I'abyme de malheurs ans lequel la guerre que vous vou;z me fufciter va précipiter tout Empire. II conjuroit enfuite I'Emereur de confidérer de quel crime s alloient 1'un & 1'autre fe rendre aupables, fi au-lieu de tourner leurs rmes contre les Barbares, ils les nployoient k s'entre-détruire mu-  nu Bas-Empire. Liv. CVIII. 479 tuellement; illui demandoit en grace de faire au falut de 1'Etat le facrifice de la haine qu'il lui avoit jurée, & de vouloir bien 1'entendre en préfence de deux ou trois témoins. » Enfin , ajoutoit ■ il, fi la vue de » ma perfonne vous efl: trop odieufe, » fouffrez que le grand Domeftique » vienne fe livrer pour moi è toute » la févérité de votre juftice; s'il » fuccombe dans fes défenfes , la » peine que vous lui infligerez me » caufera un tourment plus cruel , » que ft je la fubiffois moi-même ". Cantacuzene écrivit aufli de fon cöté au vieux Andronic dans des termes a-peu-prés femblables a ceux dont s'étoit fervi le jeune Andronic. » Détournez, lui difoit-il, en vous » réconciüant avec votre petit-fils, » 1'orage qui eft prêt a fondre fur la » tête de vos fujets ? Ne facrifiez » point, trés - excellent Empereur, » le falut de la patrie aux menfonges » de calomniateurs qui font leur fé» licité du malheur public. Ceflez » de prêter 1'oreille aux confeils de » gens qui ne ceflent eux-mêmes de » yous engager dans des démarches Andronic ii. et Andronic son petit-fils. An. 1317. XVIL Lettre de Cantacuzene pour le même objet.  Andronic II. et An- dronic son petit-fils An. 1327 1 i 280 HlSTOIRE » téméraires, & qui machinent des » projets dont 1'exécution eft au» deflus de leurs forces. L'Empe» reur votre petit - fils defire de fe » juftifier devant vous, & il veut » vous faire juge de fon innocence; » fa demande eft raifonnable : cepen» dant fi vous ne voulez pas 1 'en» tendre lui - même, permettez au » moins que j'aille vous rendre comp» te de fa conduite. Dans le cas oü » vous confentiriez qu'il parut de» vant vous, je ne doute pas qu'il » ne vint a bout de diflïper la tra» me des calomnies ourdies contre » lui, avec la même facilité qu'on » détruit 1'ouvrage de ce vil infeöe » qui tend fes toiles dans les lieux » fales & obfcurs. S'il vous plaifoit » au contraire que je fufle fon avo» cat, je me flatte de vous convain►> ere que loin de s'être rendu cou►> pable envers vous d'aucune fau>> te, il n'a manqué en rien au ref- > peéï qu'un pere peut attendre de > fon fils. Si 1'empire que fes ca- > lomniateurs ont pris fur vous nous > empêche d'obtenir de votre juftice > Tune ou 1'autre de ces conditions,  ï>u Bas Empire. Liv. CVIII. 281 » j'efpere que Dieu nous traitera avec » moins de rigueur, & qu'il nous » accordera ce que nous lui deman» derons. Je ne vous parlerai point » de 1'iffue que pourront avoir les » projets que vous méditez; le temps' » vous 1'apprendra. Je vousfupplie » feulement de conferver ma lettre 9 » afin que vous puiffiez juger par » Pévénement, fi le confeil que je » vousdonneaujourd'hui étoit digne » ou non de votre attention ". Ces deux Iettres, quelque refpectueufes qu'elles fuffent, contenoient des lecons & des reproches qui ne [ pouvoient être agréables au vieux An-1 dronic; elles devoient encore moins [ plaire a fes Miniftres qu'on y accu - \ foit tout-a-Ia-fois & d'incapacité & < de méchanceté; auffi furent-elles mal j recues. Le vieux Empereur répondit qu'il ne pouvoit accorder a fon petit-fils ni au grand Domeftique la permiffion qu'ils demandoient de venir plaider leur caufe a Conftantinople. II craignoit que leur préfence ne fit révolter toute la ville, caril n'ignoroit pas que fon petit-fils y avoit un grand nombre de partifans. Andronic II. et Andronic son petit-fils. in, 1327. XVIII. Le jeune mdronic nplore 'affiftane du Pai^rche,'ant, 1,1, 46. lic. Gregm 9. C, 2.  f Andronic II. I et An- j dronic , son petit-fus. i An.i3i7.c ï F c ï c - c > > I i J » > J J > I ! XIX. Commif- j fion pour ï8a H I S T O I R E iur ce refus , Ie jeune Empereur fit •rier Ifaïe de venir au fecours de la •atrie, de tacher de calmer la nourelle tempête que le courroux de an aïeul alloit exciter dans le fein e la paix, & qui mena?oit 1'Emire d'un affreux naufrage. II lui reréfentoit 1'Etat comme un malade [ui revenoit a peine d'une violente naladie , & que fon épuifement renoit incapable de réfifter a une rehute. » AfFoiblis, difoit-il, par les > attaques continuelles des ennemis ' etrangers , & par les guerres que ■ nous nous fommes déja faites a • deux différentes reprifes, ferons' nous affez forts pour en foutenir » encore une troifieme? Je vous con- * jure donc de nous épargner Fhor- > reur de tremper de nouveau nos ' mains dans le fang de nos conci' toyens. Obtenez de mon aïeul ou » que je me rende auprès de votre y perfonne , ou que vous veniez > yous-même me trouver, pour que > je me Iave en votre préfence des > crimes dont il me charge ". Le vieux Empereur, après avoir •éfifté Iojig-temps aux inftances du  du Las Empire. Liv. CVIII. 283 Patriarche, confentit enfin qu'un eer- ' tain nombre d'Evêques, de Sénateurs & d'Archimandrites allaffent porter a fon petit-fils les chefs de 1'accufation imentée contre lui, & en même-temps recevoir fes réponfes; mais il ne voulut pas qu'Ifaïe dont il fe défioit fut de leur compagnie. Le jeune Andronic recut ces Commiffaires fort civilement. Le lendemain de leur arrivée, dès la pointe du jour, il les fit affembler avec les principaux Officiers de fa Cour. Grégoire, Archevêque de Bulgarie, ouvritla féance en annoncant Pobjet de fa miffion. Le jeune Andronic lui répondit par un difcours que nous a confervé Gantacuzene , mais qui eft un peu différemment rapporté dans Nicephore Gregoras. Ce Prince y proteftoit, comme il 1'avoit déja fait tant de fois, de fon innocence; il s'y excufoit en même-temps fi dans le cours de fa défenfe il fe trouvoit obligé de faire voir que fon aïeul s'étoit parjuré, & qu'il .avoit com mis envers lui les injuftices les plu; révoltantes. II difoit qu'il en coüteroit beaucoup a fon coeur de pro- andronic ii. et Andronic son petit-fils. Kn. 1317. inftruire fon pro:ès.Cant. c. 46. 47. Nic. Greg. I. 9. c. 2»  a84 Histoire dllire de narpillpc nrpnvsc mnfv/i Andronic ii. et Andronicson petit-filS. An. 1327 xx. Accufations & moyens de défenfe. Cant. 1. 1. *• 47. Nic. Greg, 1. 9. c, 1, 2. 1 perlonne pour laquelle il étoit pénétré de refpetl:; que c'étoit pour lui une fataüté que lui rendoit inévitable la nécetfité de fe juftifier. I! finiffoit en invitant les juges a propofer leurs gritfs, & en les priant de le traiter a la rigueur, & fans aucun égard pour fa dignité , s'il étoit véritabiement coupable. Alors 1'Evêque de Moglene, & Clidas Diceophilas s'avancerent au milieu de 1'affemblée, & expoferent les fujets de plainte que !e vieux Andronic prétendoit avoir contre fon petit-fils. Toutes les accufations dont on chargea ce jeune Prince peuvent fe réduire a trois chefs principaux. Le premier attaquoit fa conduite perfbnnelle, On !ui reprochoit de fe iiprer fcaridaleufement a Ia débauche a plus effrénée, de ne refpeéter, pour atisfaire fes defirs criminels, ni le 'acré ni le profane, Sc on alléguoit :ntr'autres preuves de fes déreglenents , 1'infulte qu'il avoit faite k iimonide, veuve du CraMe de Ser'ie, en voulant attenter k fon honieur, quoiqu'elle fut fa tante, &  du Bas-Empire. Liv. CVIIL 285 qu'elle eut embraffé la vie religieufe. Nous ignorons comment il s'excufa fur ce premier chef; fans doute que cette accufation fut du nombre de celles dont, au rapport de Cantacuzene , le jeune Prince n'eut pas de peine a démontrer ou la frivolité ou la fauffeté. Au refte , fi dans ce fiecle de diffolution, on eut voulu erhpêcher de monter fur le tröne, Ou en faire defcendre tous les Princes dont les mceurs étoient fcandalèufes, que de trönes feroient demeurés vacants ! En fecond lieu, on reprocha au jeune Andronic d'avoir chaffé avec ignominie de leurs gouvernements des Officiers établis par fon aïeul, pour les remplacer par des gens qui lui étoient dévoués. II fe juftifia fur cet article, en obfervant que ces Gouverneurs étoient des tyrans qui traitoient les citoyens comme de vils efclaves; qu'il n'avoit pu être infenfible aux larmes d'une multitude d'infortunés qui, réduits au défefpoir, étoient venus implorer faprotecfion. Enfin, ceux qui faifoient au nom du vieux Empereur le röle d'accuiateurs , produifirent Andronic IC. et Andronicson ïetit-füs. An. 1317.  Andronic II. et Andronic son petit-fils &n, 1327 2<»6 HlSTOIRE un dernier chef que, Aüvant leurs inftruöions, ils tenoient en réferve comme le plus triomphant. Le traité de paix, dirent-ils au jeune Prince, ne porte t-il pas que votre aïeul jouira de toute tautorité, qdil aura feul Vadminijlration de t'Empire, que vous lui fere^ foumis, & lui obéirez comme un fujet d fon Souverain , que vous fere^ en tout fes volontés , fous peine de paffer pour un traitre, un parjure ? Cependant vous avei, de votre autorité privée, & contre fes intentions , contraint par force les gardes du tréfor impêiial de vous délivrer quatre mille pie* ees dor. Andronic ne difconvint point du fait, mais il foutint que fon aïeul avoit violé lui-même la paix longtetnps avant qu'il fe fut permis ce prétendu délit. Aulfi tot il produifit plufieurs pieces originales, plufieurs lettres écrites de la main même de 1'Empereur, qu'il avoit interceptées. On y voyoit toute la trame du complot que 1'aïeul avoit formé contre le petit-fils. Dans deux de ces lettres, le vieux Empereur preffoit Andronic Paléologue , Protoveftiaire, fon neveu, d'exécuter les ordres qu'il  nu Bas-Ilmpire. Liv. CVIII. 287 lui avoit donnés; il lui reprochoit même fa négligence a 1'inftruire de ce qui fe paffoit dans fon gouvernement , & des mefures qu'il devoit avoir prifes pour faire réuffir un projet fur Ia nature duquel il ne s'expliquoit pas k Ia vérité, mais qui étoit clairement déterminé par d'autres lettres poftérieures. Dans cellesci, 1'Empereur paroiffoit plus content des démarches du Protoveftiaire. II 1'avertiffoit que de fon cöté tout étoit prêt pour attaquer fon petit-fils, & qu'il alloit lancer fur lui fon Léopard. C'eft ainfi fans doute que ce Prince défignoit quelqu'un de fes Officiers qui fe diftinguoit par fon animofité contre le jeune Andronic; peut-être auffi n'étoit-ce qu'une expreffion proverbiale dont il fe fervoit pour faire entendre qu'il vouloit pourfuivre fon petit-fils a toute outrance. Le jeune Empereur, pour achever de convainere ï'affemblée qu'il y avoit longtemps que fon aïeul s'occupoit de cette intrigue, fit lire une lettre que Cocalas, grand Logarifte , écrivoit au Protoveftiaire, fon gendre, & qui lui étoit tombée depuis peu entre Andronic II. et Andronic son petit-fils. Ui, 1327.  Andro nic II. et Andronic son petit-fils. An. 1327 XXI. Difcours ticles ftipulés de part & d'autre. » Une des difpofitions de la derniere » paix ne porte-t-elle pas qu'il me » me fera affigné fur le tréfor Im» périal une fomme pour 1'entretien » tant de ma maifon , que de celle »>;de I'Impératrice mon époufe, Se Tornt XXIV. N Andronic II. et Andronic son petit-fils. Ka, 1317. fé pour réfuter le principal chef d'accufation.Cant. I. 1. 4S. 49' Nic. Greg, r. 9. c, 1. S- 2.  Androwc II. IT AN- pronic SON PETiT-FJLS. A.n. 1317. 290 H i S T O i R E » pour le payement de mes troupes > » C'eft ce qu'on peut voir en jettant » les yeuxfurla bulle d'orquemon » aïeul m'a fait expédier. II y a déja » quatre ans & quatre mois que le » traité a été figné, & depuis cette » époque, il m eft dü trois cents cin» quante mille befans d'or. II eft aifé » de s'en aflurer en confultant les » regiftres de ceux qui font prépo» fés k 1'adminiftration des finances. » De quel crime me fuis-je done >> rendu coupable , en prenant un fi » petit è-compte fur la fomme pro» digieufe qu'on me doit ? Eft-il jufte » que mon aïeul qui me privé des » revenus dont il eft convenu de me » faire jouir, évite le blame d'avoir » manqué a fa parole, & que moi, » je fois pourfuivi comme un cri» minel, infulté comme un perfide, » & accablé d'infortunes, pour m'ê» tre procuré Ie recouvrement de » quelques deniers qui m'apparte» noient? Quand on ne m'auroit rem tenu que ce que je devois toucher » pour la dépenfe de ma maifon, ce » feroit toujours une injuftice dont m j'aurois droit de me plaindre; ce-  ■du Bas-Emi>ire. Liv. CVTIf. 191 » pendant je 1'euffe foufferte en fi» lence par refpecf pour mon aïeul, » paree que je fais qu'un fils efl obligé » de fupporter patiemment les cha*i grins que lui fait effuyer un pere. » Jamais on n'eut entendu fortir de » ma bouche Ie moindre murmure; » je me ferois contenté de folliciter »> fes entrailles paternelles, pour qu'il » voulut bien fubvenir a mes befoins. » Mais s'il m'a été permis de facris> fier mes intéréts perfonnels, me »> 1'étoit-iJ également de trahir ceux w des gens de guerre , & n'efl-il pas » de mon devoir de réclamer contre » Ie tort qu'on leur fait en les pri» vant de leur folde? Puifqu'on exige » d'eux qu'ils ne fe livrent ni au com» .merce ni a 1'agriculture, ni a au» cune autre profeffion , pour qu'ils » foient toujours prêts a prendre les » armes au premier fignal, il faut » donc, au moins, les nourrir. Cer» tes, c'efi une inhuinanité criante » de refufer la fubfiftance k des hom» mes k qui les loix de 1'Etat ont öté *> tout moyen de fe procurer les né»> ceffités de la vie. Pouvois-je donc » les laifïer dans cet abyme de miN ij Andronic II. et Andronic son petit-fils. In, 1317.  Andronic II. et Andronic son petit-fils. An, J327. i 1 2y2 lIlSTOIRE » fere, fans leur tendre une main fe» courable ? Plufieurs d'entre eux fe » font trouvés réduits, pour com» battre la faim qui les dévoroit,a » employer les reffources d'une hon>> teufe mendicité. On les a vus en» voyer leurs femmes & leurs en•> fants demander 1'aumöne de porte »> en porte pendant la nuit. J'ai fait » auprès de mon aïeul les plus vives > infiances pour le toucher en faveur -» de ces malheureux; il s'eft montré ■> inexorable. Dans une extrêmité 11 * preffante, j'ai pris la modique fom» me dont on veut me faire un cri- > me, pour arracher les plus indi- > gents d'entre eux aux horreurs d'une > mort cruelle. Jugez fi une pareille > acfion a dü me mériter les traite» tements auxquels je me vois ex- > pofé. Ce n'efl; donc pas moi , je » le répete, qüi ai manqué le pre- * mier a la foi des traités & aux > ferments : loin de les avoir tranf- > greffés, je les ai obfervés avec une' > religieufeexacfitude,depüis rhême > que mon aïeul n'a pas craint d'y > manquer' ouvertement. Si quel- * qu'ün a d'autrespreuvesaprodui-  do Bas-Empire. Liv. CVIIL 293 » re contre moi, qu'il parle; &fi »> je fuis trouvé coupable, je deman» de qu'on me eondamne ". Perfonne ne fe préfenta; au contraire,il s'éleva de toutes parts des acclamations, & lesPrélats rendirenthautement témoignage a fon innocence. Ils 1'exhorterenttoutefoisa applanir, autant qu'il feroit en fon pouvoir , les difficultés qui s'oppofoient a la paix, k ne point éxiger pour le préfent Ia totalité des fommes qui lui étoient dues, les finances étant épuifées, & les peuples écrafés fous le poids des impöts. Le jeune Empereur voulut bien, pour faciliter la paix, fe prêter a des tempéraments, & réduire fea prétentions. II demanda feulement qu'il lui fut permis de faire rendre aux traitants un compte exact de leur recette, perfuadé que le feul produit de leurs vols , fufHroit pour appaifer les murmures de fes troupes. Les Prélats tk les autres députés, après avoir admiréle défintéreffement J du jeune Prince , & Ie defir fincere c qu'il avoit d'acheter la paix a quelque c, prix que ce fut, lui demanderent la j.' permiffion de s'en retourner k Conf- r N üj Andro-. kic ir. et andronigson petit-fiis.' An, 1317. XXIL ss comüflairessnvainxs de innocen: de icsufé.  Andromc II. it Andronic son fetït-fils. An. 1327. Cant. I. 1, ! t < < ( XXIII. Ils font j mal refus par I'Era- < pereur. ] Cant. I. ï. e. 49. jo. 2.94 HlSTOIRE tantinople. Andronic, en leur donnant congé, les chargea d'un écrit pour fon aïeul. II y rappelloit a ce Prince les facrifices qu'il avoir déja faits tant de fois pour rétablir la rranquillité dans 1'Etat, è quels dangers il s'étoit expofé de la part de fes partifans , en les contraignant de mettre bas les armes, & en leur faifant perdre toutes les efpéranees qu'ils avoient concues quand ilss'étoient lévoués a fon fervice. II le conjuroit ie préférer la concorde a Ia guerre i il lui difoit que s'il lui falloitabfolunent une vicfime pour calmer fon :ourroux, il iroit chargé de chaines e Jivrer a fa vengeance, & fubir ous les fupplices auxquels il lui plai■oit de le condamner. Mais en même emps, il ne lui diffimuloit pas que 'il étoit forcé de prendre les armes, >n trou veroit dans fa perfonne & dans eux de fon parti des adverfaires reloutables. Les Députés ne doutoient pas que ur Ie compte qu'ils alloient rendre Ie leur commiffion au vieux Empeeur, ce Prince ne fe hatat de conlure la paix avec fon petit-fils. Ils  wu Bas-Émpiré. Liv. CVIfl. furent trompés dans leur attente. • Cocalas, grand Logarifte, étoit dü 1 nombre des juges qui avoient été : envoyés pour inftruire le procés du : jeune Andronic, & fans doute un de i ceux fur qui la cabale liguée contre A ce Prince , comptoit principalement A pour le faire fuCcomber. II avoit in- l'Sf terrompu plufieurs fois le jeune Prince pendant qu'il parloit, & lui avoit reproché avec audace d'accufer fon aïeul d'avoir violé le premier la paix, afin de fe procurer un prétexte de mettre lui-même 1'Etat en feu. Mais cet impudent frappé comme d'un coup de foudre , lorfqu'il fe vit démenti par des lettres écrites de fa main , & convaincu de perfldie par • fon propre témoignage, s'étoit retiré de 1'affemblée couvert de confufion. Furieux de cet affront, il projetta de s'en venger. II prit les devants, fe renditen diligence kConftantinople, & courut prévenir le vieux Empereur de la maniere dont les chofes s'étoient paffées. Ce n'étoit pas \k ce que la Cour attendoit. Elle commenqoit k s'appercevoir qu'elle avoit fait une fauffe démarche, & qu'elle-mêN iv LNDROSIC ii. ÏT AK- 3K.ONIC iOK fEIT-FILS. n. 132.7. IC. Grtg. $>. c. 2. 3*  Andro- mic II. Andronicson pet1t-f1ls. An, 1327. j j . ( I XXIV. Andronic j rcnouvel-. le fes * plaintes 1 contre j fon petitfils. N Cant. /. 1, r r. 50. J me s'étoit mife dans Ia néceffité ou d accepter Ia paix, ou de paffer pour etre de mauvaife foi fi elle la refufoit. Dès que les Députés furent de retour, ils s'emprefferent d'aller faluer 1'Empereur. Ce Prince les recut avec humeur , & les congédia fur le champ fans vouloir leur permettre de parler, difant qu'il ]es feroit avertir lorfqu'il lugeroit a propos de les entendre. Son intention étoit d'enfévelir, s'il lui étoit poffibïe, cette affaire 'dans e filence; mais fes tentatives furent /aines. Les Députés ne Iaiflerent igno■er au public ni les raifons que Ie eune Andronic alléguoitpour fa déenfe, ni les difpontions pacifiques lans lefquelles ils 1'avoient trouvé. route Ia ville retentiffoit des louan;esde ce Prince, & Ie peuplele com>loit de bénédi&ions. L'Empereur commencoit a s'allaroer de ces difpofitions favorables de a multitude pour fon petit-fils , & des nurmures des députés, qui ne cefoient de fe plaindre de ce qu'il ne ouloit pas les écouter. Déja les efrits s'échauffoient. Andronic crut e pouvoir mieux faire pour arrê-  nu Bas-Empire. Liv. CVIII. 297 ter les progrès de cette fermentation, que de décrier de nouveau fon petit-fils auprès de ceux qui paroifToient lui être fi dévoués. En conféquence, il ordonne au Patriarche & aux , Prélats de s'aflembler , & leur députe j un Sénateur pour accufer en fon non) j le jeune Prince d'avoir formé le pro-' jet de le détröner. « Ce n'efl pas, » difoit-il, par la bouche de cet en» voyé, ce n'efl pas 1'envie de com» mander, puifqu'a mon 3ge une rev traite paifible me feroit plus agréa» » ble que les agifations du gouver» nement, qui m'empêche de quit» ter le fceptre, mais 1'amour de mes » peuples. Je ne puis livrer mes fi» deles i'ujets a la difcrétion d'un » diffipateur, qui ne fait pas même » gouvernerfes propres affaires, qui » n'a pour confeillers que des gens »> de fon age, d'un jeune étourdi » qui efl incapable de toute appli» cation , qui fait fon unique occu» pation de la chaffe; qui efl fi paf» » fionné pour cet exercice, qu'il nour» rit une meute de mille chiens; qu'il » entretient mille oifeaux de proie, » & un égal nombre d'Officier & N v Andronic II. et Andronic>on ïeriT-fils.' tn. 1327. Tic. Greg. . 9. e. 3.  AndroKie II. et Andronic son peïtt-fii.s, *n, 1327. j ! i > y y » » » » » »> i0 U I S T 0 I R. E ' » de valets pour Ie fervice de fes » equipages : ce qui le jette dans des » depenfés énormes, & le réduit a » rnanquerquelquefois de tout. Vous » favez combien il m'a été cher, » qu'il a long-tempstenu la première » place dans mon cceur, que je 1'aï » aimé plus que ma femme, plus » que mes propres enfants, plus que 9 moi-même. Vous favez avec quel » foin je 1'aï élevé , combien j'ai taV » ché de Ie rendre agréable è Dieu * & aux hommes, & digne du tröne > auquel je 1'avois deftiné. Mais au- > heu de répondre a mes enfeigne- > ments, de fuivre mes avis , il s'eft > hvré è la diffolution la plus effré- > née, paffant les jours & les nuits > dansdespartiesde débauche. C'eft ' dans une de ces parties funeftes qu il a fait poignarder fon frere. Enfin, il s'eft foulevé contre moi qui fuis fon aïeul, & qui lui tiens beu de pere. II eft fans.doute de votre devoir de vous déclarer contre de pareils attentats, & de répnmer une telle audace. II faut que vous fupprimiez fon nom des pneres de 1'Eglife , & que vous Ie  du Bas Empire. Liv. CVIIÏ. 209 » menaciez de le retrancher de la »> communion des fideles, s'il ne fe » conduit pas plus fagement". C'étoit répéter les mêmes plaintes qu'il avoit faites déja tant de fois, & qu'il étoit cenfé avoir oubliées par le dernier traité de paix. Ce difcours ne fit point changer Ifaïe ni les Evêques qui étoient de fon avis. Ils réitérerent leurs inflances auprès de 1'Empereur, & lui repréfenterent qu'il ne pouvoit plus , fans une injuftice manifefte, refufer d'entendre ce que les Députés avoient a lui dire pour la juftification de fon petit-fils. Andronic répondit que perfonne n'avoit droit d'infpecf er fa conduite , & que le Patriarche feroit bien de ne fe mêler que des affaires de fon Eglife, fans vouloir encore s'occuper de celles de I'Empire. Ifaïe, loin de fe laiffer déconcerter par cette réponfe, dépêche vers 1'Empereur quelquesuns des perfonnages les plus diftingués du Clergé, avec ordre de lui parler ainfi en fon nom : » Très-faint Empereur , je ne cef» ferai jamais, dans quelque circonf» tancequece foit, de vous avertir N vj Andronic ii. et Andronic son i'etit-fils. An. 1317. XXV, Difcours harcii du Patriarch^.  Andronic IL it Andronicson peTrT-FIlS. 'An, 1317. Cant. 1, 50, ( ! ! J ! > t i >i H » » » » » 300 H I S T 0 I 11 E » de votre devoir, de vous exhor- * ter a le remplir, & même de vous » y contraindre, s'il eft néceflaire. » Si votre intention en m'appellant » au tróne patriarchal étoit de faire » de moi une vaine idole qui ne dut » ni voir , ni entendre, ni parler, h il falloit m'en prévenir avant de » m'y laiffer monter, il falloit fa» voir fi j'étois capable d'une fi la- * che complaifance : a de pareilles * conditions, j'eufle reculé. Mainte- > nant que la divine Providence > m'a placé dans un pofte d'oit non- > feulement je dois veiller a la con- > fervation de la faine doctrine , » mais encore comb-attre pour la dé' > fenfe des innocents opprimés, je » m'oppoferai de toutes mes forces * aiix violences & aux injuftices , de quelque condition qu'en foient les auteurs; & plus ils feront élevés en dignité, & moins je dois leur faire grace, puifque les fuites de leurs crimes n'en font que plus funeftes. Si les petits étoient feuls 1'objet de mon zele , fi par une condefcendance coupable & un faux refpeft pour Ia grandeur, je gar-  du Bas*Empire, Liv. CVIIL 301 » dois lefilence, lorfque les homme! » puiffantscommettentdesfautesgra» yes, je reffemblerois a un méde>y cin qui négligeroit de traiter for » malade d'un mal qui attaqueroii » les fources de la vie, pour nc » s'occuper que du foin de fes ongles » tk. de fes cheveux. Vous m'or » donnez de ne me mêler que des » affaires de 1'Eglife, & de vous laif» fer adminiflrer 1'Etat ainfi qu'il vous » plaira; c'efi: comme fi- le corps » difoit a 1'ame : Je riai befoin d'en» tretenir avec vous aucune correfpon» dance; je n'ai nul befoin de votre fe » cours pour remplir mes fonclions ,jt » m'acquitterai desmiennes fuivant mon » pouvoir, acquitie^-vous des vótres « comme vous l'entendre^ ". Après ce3 hardies comparaifons, Ifaïe rappelloil toutes les démarches du jeune An» dronic auprès de fon aïeul, dans un temps oh il pouvoit traiter avec lui d'égal a égal, pour obtenir la paix, & les réponfes victorieufesqu'il avoit faites aux Commilfaires chargés de Ie juger. » J'ai été, continue-t-il, tranf» porté d'admiration & de joie, en. » entendant Ie récit qui m'a été fait Andronic ii. et Andronicson peTlT-FItS. AtlrljlT.  Andronic II. et Andronic son petit-fils. An, 1327. 303 H I S T 0 I II E » de la maniere dont il s'eft com» pof té danS cette occafïon, & j'en » ai rendu des aftions de grace a » 1'Etetnel. Je comptoisque tant de » vertu & tant de modération de » la part de ce jeune Prince feroit » fur votre cceur la même impref» fion ; que vous béniriez le Ciel de » le voir dans des fentiments fi pa» cifiques, & que vous en profiteriez » pour rétablir Punion dans la fa» mille Impériale , & pour tranquil» lifer lesinquiétudes des peuples fur » les malheurs dont ils fe voyent me» nacés, fi la difcorde continue k » régner entre vous & votre petit» fils. Mais au-lieu de prendre un » parti fi raifonnable, vous m'avez » repouffé avec mépris lorfque j'ai >> voulu vous donner de falutaires !» avis, & vous m'avez impofé &* ♦ lence. Loin de le garder ce filence > criminel auquel vous prétendez me •> condamner, je n'enéleverai Ia voix > que plus haut. Mon devoir, je le > répete, veut que je défende ceux » qui font perfécutés injuftement; je » protégerai donc votre petit - fils i contre vous, je le défendrai avec  du Bas-Empire. Ljv. CVIII. 303 » d'autant plus dezele,que le poids ' » de votre colere ne peuttomber fur » lui fans bleffer en même-temps un » grand nombre de citoyens. Pouvez» vous, & c'eft ici une circonftance » fur laquelle je ne faurois trop in- * » lifter, pouvez-vous éloigner du » tröne votre propre fils, un Prince » que par votre ordre j'ai facréEm» pereur , il n'y a pas encore long» temps, &;fur qui j'ai fait a votre » grande fatisfadfion, les oncfions » faintes. Je ferois digne de toutes » fortes d'anathêmes, fi je ne m'é» levois pas contre une injuftice fi » criante. Je vous conjure donc au » nom du Dieu de vérité, de ren» trer dans le droit chemin d'oii les » confeils d'hommes pervers vous » ont écarté, & de ne pas faire triom» pher la calomnie de 1'innocence". Jamais aucun des Pontifes Romains n'avoit parlé avec plus de hardiefle aux Souverains de 1'Europe dans un temps oh ils les regardoient tous comme les vaflaux du faint Siege, &c qu'ils croyoient avoir le droit de leur faire des le?ons& de les punir. Ce langage, au refte, ne doit pas Andronic II. et Andronic son pe[•it-fils. ift* i}!7-  Andronic II. et Andronicson petit-fi1s. Aru 1327, XXVI. Colere de 1'Empexeur.Cant. 1,1, t. JÖ. 304 H I S T 0 I R E furprendre quand on confidere 1'irffluence que les Empereurs eux-mêmes avoient toujours donnée aux Patriarches de Conftantinople dans les affaires publiques. S?il y a lieu de s'étonner ici, c^ft plutöt de l'entendre fortir de la bouche d'un Prélat que Nicéphore nous repréfente comme un homme abfolument inepte. Mais il faut fe rappeller que cet écrivain fe diftingue par une parfialifé affeftée; tous les partifans du jeune Andronic font a fes yeux des gen3 fans talents, fans efprit, fans probité, fans honneur, tandis que ceux du vieux Empereur font des perfonnages au-deffus de tout éloge, Quoi qu'il en foit, les remontranees du Patriarche jetterent 1'Empereur dans une fi étrange colere, qu'il fit conduite fur le champ en prifon GrégoireCutalasCartophilax, & Cybariote, Supérieur général desmonafteres, qui étoient venus lui parler S hardiment de la part du Prélat. II donna en même-temps des ordres pour retenir dans le palais Macaire, le métropolitain de Serrhes, qui avoit été auffi un des envoyés du Patriarche.  nu Bas-Emitre. Liv. CVIII. 305 La colere d'Andronic n'effraya point ! Ifaïe. Ce Prélat ofa encore aflembler a le peuple au fon des cloches, & déela- , rer interdit de fes fonftions tout 1 Eccléfiaftique qui fupprimeroit des , prieres publiques le nom du jeune A Andronic. Cette démarche rendit furieux le vieux Empereur, il dénonca Ifaïe au tribunal de 1'Eglife comme un féditieux qui en vouloit a fa vie. Les Evêques de fa faction prononcerent contre le Prélat une fentence d'interdi&ion, & 1'Empereur le fit enfermes dans le monaftere de Mangane. Ces défordres Si ces divlfions faifoient gémir les bons citoyens. Les t fuperftitieux, c'efl-a-dire,leplusgrand nombre, y reconnoiflbient 1'accom-1 pliflement de divers préfage&que de- \ puis quelque temps ils croyoient appercevoir dans le ciel. Des nuages figurés en croix avoient apparu dans les airs; plufieurs éclipfes s'étoient fuccédées, Si une entre autres avoit frappé finguliérement les imaginations. La hme s'étoit levée eouverte de ténebres, quoique le foleil fe fit voir encore fur 1'horifon. On nedouta ndro«ic ii. ij An- jronic son fëiï-fils. n. 1317. xxvir. [nterpréition de ivers réfages. fie. Greg. , S.c. if.  Andronic II. et Andronic son petit-fils. An, 1327. - .„ mfijic uc ia ia- meute echpfe, n'avoit pas peu con- "'uut cuture a aiigmenter Ia terreur qu'infpiroit ce prétendu prodige, tant étoit grande alors Ia démence de tous les efprits. Oferonsnous le dire? Un pourceau, après s etre vautré dans la fange, étoit venu fe jetter au milieu d'une procefiïon a Iaquelle affiftoit Ie Patriarche avec tout fon clergé, &t oü 1'on portoit pompeufement Iesreliquesdes Saints. La préfence & les fauts de cette bete immonde qui alla fe joindre au chceur des muficiens mirent le défordre & la confufion dans Ia marche, & ce ne fut qu'avec beaucoup de peine 306 Histoue pas que ce phénomene qui n'avoit paru fi extraordinaire que paree qu'on ignoroitleseffets de la réfraétion des vapeurs athmofphériques, n'eüt été 1'annonce de ces nouvelles diffentions qui commencoient a s'élever dans le fem de la patrie, de ces complots, de ces trahifons, de ces projets cachés dont-on^faifoit chaque jour la découverte. Un autre événement oü le plus vil & le plus fale de tous les animaux joua le principal röle , & Oui arriva ]e> in,** ~,A~-,„ j„ 1- r_  nu Bas Empire. Liv. CVIU. 307 qu'on vint a bout de la faire fortir desrangs. Non-feulement le peuple, mais encore des gens d'ailleurs fenfés, & 1'hiftorien lui-même, qui rapporte très-férieufement cette aventure, la regarderent comme 1'avantcoureur de quelqu'opprobre dont 1'Eglife étoit menacée. Peut-être trouvat-elle fon application dans le traitement ignominieux que le Patriarche venoit d'elfuyer. Quoi qu'il en foit, ces coups d'éclat de 1'Empereur contre Ifaïe ne . promettoient pas un prochain raccommodement. Le jeune Andronic les crut d'un mauvais augure pour lui; il délibéra avec fon confeil ordinaire fur ce qu'il avoit a faire. Le grand Domeftique paria le premier, & dit qu'il falloit renoncer a 1'efpoir d'obtenir la paix ; qu'il étoit maintenant de la prudence de prendre fes précautions , & de fe mettre en état de repouffer la violence; que les grands préparatifs de 1'Empereur manifeftoient affez qu'il vouloit abfölumenl la guerre; qüe fon petit-fils avoi épuifé tous les moyens de concilialiation; que s'il faifoit de nouvel- Andronic 11. et Andronic son petit-fils, An. 1327. XXVIIT. Le jeune Prince vient demanderla paix. Cant. I. I. c. 50- 5«Nic. Greg. I. 9. c. l. 4.  AsDltaKIC II. UT AWoaoxiCSOI» PE- HT-flli. \r.. 13.7. 1 i ] 1 1 i i 1 1 h Ü C h li H' I S T O I R E . Jes démarches, on ne ponrroit phis les regarder que comme des marqués de foibleffe ou de crainte. Le Protoftraror appuya i'avis de Cantacuzene. Le jeune Empereur convint Sfti'ils avoient raifonj mais toujours abftinément fidele a fon fyftéme de ie prendre les armes qu'après avoir ;puifé toute autre reffource, il voulut aire encore une derniere tentative, 1 prétendit qu'il falloit aller k Confantinople demander la paix; il ef>éroit que fa préfence confondroh es ennemis , & leur feroit tomber les rmes des mains, finon qu'il auroit lans les habitants de cette grande jUs autant de témoins de fes difpoitionspacifiques,& qu'alors perfonne ie pourroit plus le rendre refponfale des événemenrs. Cantacuzene ne éda a fon opinion que par complaimce. Ils partirent donc de Rheges, c s'avancerent vers la capitale fous efcorte d'un corps de treize cents ommes, 1 elite de l'armée. Lorfu'ils furent arrivés k la vue de onftantinople , Ie Prince fit faire alte a fa troupe. Accompagné feuitnent du grand Domeftique, du  i>u Bas-Empire. Liv. CVJII. 309 Protoftrator & de trente autres per-' fonnes de fa fuite, ils'approche de ■ la porte Gyrolimne. II la trouva fermée & les murailles gardées par un grand nombre de gens de guerre. ■ Ayant appercu Phocas Marules qui^ les commandoit, il le falua, & le chargea de faire dire a 1'Empereur qu'il lui demandoit la permiffion de Palier trouver dans fon palais , k moins qu'il ne voulüt fe donner Ia peine de fe rendre en perfonne dans une des tours de la ville pour conférer enfemble, ou bien qu'il lui envoyat, s'il Paimoit mieux, fon oncle Théodore, Marquis de Montferrat, qui étoit venu d'Italie a Conftanrinople. Quoique Théodore eut intérieuremerit des prétentions.a I'Empire , cependant il favorifoit alors fecretement Andronic, pour fe venger de- fon pere dont il cröyoit avoir a fe plaindre. Selon toute apparence, le Marquis de Montferrat qui s'étoit accoutumé ane jamais faire de voyage a Conftantinople , fans en' revenir chargé d'or , trouva fort mauvais que PEmpereur, forcé par le malheur des temps, eut mis enhn des hornes afa Andronic II. et Andronicson PEriT-Fii.s,Ji. 1517,  Andronic II. et Andronicson tetit-fi1s An. 1327 XXIX. dl eft refufe, 8c fe retire. Nic. Gr,g. I. 9- t. 1, 310 I I I S T O I R E . 1 générofité. D'ailleurs, il commencoh a deplaire a ce vieillard fuperftitieux, qui ne pouvoit lui pardonner d'avoir embraffé la religion Romaine , & il ■ eft certain que fon pere ne le voyoit 'qu'avec peine paroitre a fa Cour,fans barbe & fous le coftume italien. Le jeune Andronic ne devoit donc pas trop efpérer de réuftïr, en choiftffant un pareil médiateur auprès de fon aïeul. Auffi effuya-t-il un refus complet. Marules rapporta pour toute réponfe, que 1'Empereur lui ordonnoit de fe retirer fur le champ, comme a un traïtre qui ne cherchoit qu'a fubqrner fes fujets. Marules avoit alors auprès de fa perfonne un Officier qui, par zele pour le.vieux Empereur , traita avec la derniere groffiéreté Ie jeune Andronic. II s'ap. pelloit Mare Caballaire. Le jeune Empereur voyant fa démarche devenue inutile, protefta de nouveau de fon innocence; puis adreffant la parole a Marules : » Rap» portez, lui dit-il, a mon aïeul ce » que vous allez entendre. Puifque » vous me refufez la paix, & que » vous lachez contre moi votre Léo-  nu Bas-Eaipire. Liv. CVIII. 311 » pard, comme vous Ie elites vous- 1 » même, je remets les traités de paix » que nous avons conclus enfemble, » nos ferments & nos intéréts entre » les mains du Très-haut. Je m'en » rapporte a fa juftice , & je cede a' » la néceffité qui me force de pren» dre les armes. Je ne doute pas qu'a>> vant peu vous ne vous repentiez » de votre témérité, & que vous » ne reconnoiffiez que vous avez » choifi le mauvais parti ". Après avoir prononcé ces paroles, il defcendit de cheval, fit une profonde inclination comme fi fon aïeul eut été préfent. Marules , fans lui parler, lui rendit fon falut, Le Prince, après avoir falué tous ceux qui étoient fur les murailles , fe retira paifiblement, & fe rendit a Selivrée, dont il remit le gouvernement a Apocauque. Nicéphore gliffe fur toutes ces circonltances, ou plutót il n'en parle pas. II fe contente de dire qu'Andronic s'étant approché de Conftantinople, quelques gens du peuple vinrent lui ofïrir de 1'y introduire, en lui jettant des cordes par-defliis les murs; que la vigilance des fenti» Andro- mc ii. et An» dronic son petit-fils.  Andronic II. et Andronicson pe- tit-fiis. An. 13 27, I 3 1 ( 1 J 1 XXX. Le jeune j Andronic . raffemble ' ies trou- < pes. i Cant. t. i.' c. 51. ] 312 H 1 5 ï 0 I H E nelles üi échouer ce projet; qu'alors le Prince monta accompagné de Cantacuzene & de Synadene dans une barque, & qu'ils allerent enfemble examiner s'ils ne trouveroient pas Ie moyen d'efcalader les murailles du coté de la mer, mais qu'ils furent obligés de fe retirer pour n'ètre pas écrafés fous une grêle de pierres. Comme Cantacuzene avoit été préfent a 1'afraire , nous le croyons mieux inftruit que Nicéphore Gregoras , qui probaDlement étoit cette nuit ailleurs que ur les remparts de Ia ville. Pour AnIronic, il reprit enfuite la route de Didymotique, ou fes troupes de/oient venir Ie joindre. Elles s'y renlirent toutes peu de temps après fon irrivée, a 1'exception d'un corps de leux mille Comans qui s'étoient rangés fous les drapeaux de Michel fe:ond , Roi des Bulgares. Lorfque toutes les troupes furent affemblées,le jeune Andronic établit e Protoftrator Gouverneur de laThra:e, & lui donna un détachement de 'es troupes pour défendre cette province contre les entreprifes de la garüfon de Conftantinople. Quant afui, il  nu Bas-Empire. Liv. CVIII. 31^ il quitta Didymotique ou il laifla 1'Impératrice fa femme & Théodora fa tante, mere de Cantacuzene, & s'avanca vers la Macédoine oii campoit l'armée de fon aïeul. En arrivant a Gratianople, place fituée fur les confins de la Thrace , il y trouva I'Impératrice Xene fa mere. Cette Princeffe avoit obtenu du vieux Empereur pendant la paix la permiffion de fe faire religieufe, & alloit a Theffalonique pour fe rendre dans le monafïere qu'elle avoit choifi ; mais dans la crainte de tomber entre les mains des foldats de la fa&ion oppofée k celle de fon fils, elle s'étoit arrêtée en chemin , & attendoit pour continuer fon voyage que les routes fuffent devenues plus füres. Pendant le féjour qu'Andronic fit k Gratianople pour y jouir de la préfence de fa mere, on vint lui dire que les troupes du vieux Empereur avoient quitté leur premier camp, & ■ qu'elles étoient vernies en prendre un autre prés de Drama & de Philip-' popole. Aufli-töt il fe recommande k \ Dieu & k la Vierge Marie, fait attacher au haut d'un étendard l'a&e Tornt XXIV. O Andronic II. et Andronic son petit-fils. An. 1317, An. 1318. XXXI. II fe met :n cam'agne.Zant, l, 1." . 52. ■ Sic. Greg, • 9>«• 4.  Af-DROK1C II. et Andronic fON PETlï-fils. An. 1328. 4) 3"4 II I S T 0 I R E du ferment de fon aïeul, & marchant fous cette enfeigne, il s'avance intrépidement vers 1'ennemi. Le vieux Empereur avoit nommé pour commander fes troupes, Michel Afan, fon neveu, Demetrius Defpote, 1'un de fes fils, Monomaque Hyparque, Sc Andronic Paléologue, Protoveftiaire. Eües avoient été renforcées de douze cohortes de Serves, commandées par leur Souverain en perfonne. Le jeune Andronic écrivit a Déméirius -fon oncle & aux autres Officiers de l'armée de fon aïeul, qu'il n'ignoroit pas qu'ils le cherchoient pour le combattre ; qu'étant le plus jeune, il svoit cru devoir leur épargner la fatigue du voyage, qu'il étoit en chemin pour venir au-devant d'eux, qu'il leur en donnoitavis, afin qu'ils fe préparaffent a le bien recevoir. Ce ton de confïance intimida les chefs ie l'armée ennemie. Malgré le nombre de leurs troupes & la fupériorité 3e leurs forces, ils n'oferent atten3re le jeune Andronic qui arrivoit i grandes journées. Ils s'éloignerent iu pofte qu'ils occupoient, & aftekent s'enferrner è Pheres, ville forte  nu Bas-Empire. Lrv. CVIÏÏ. 315 & pourvue de tous les annrovifinn- nements néceffaires pour foutenir un long fiege. Andronic vint camper devant cette place, & fixa fon quartiergénéral dans une petite ville nommée Siene, qui, a la perfuafion d'Alexis Zamplacon , lui avoit ouvert fes portes. Zamplacon étoit dans le cceur, trés attaché au jeune Prince. Andronic refta tranquille pendant deux jours a Siene, pour prendre lui-même quelque repos, & pour donner è fon armée le temps de fe refaire des fatigues de la route & des pluies qu'elle avoit effuyées dans cette faifon rigoureufe. On étoit alors au mois de Janvier. Le matin du troifieme jour, il fit fonner de la trompette pour avertir fes troupes de prendre les armes; puis il les rangea en bataille; & s'é tant mis a leur tête , il les conduifit prefqu'au pied des murs de Pheres. Elles y refterent toute cette journée préparées au combat,fans que 1'enne mi ofat fe montrer. Elles pafferent la nuit fuivante dans la même pofition. Cependant les Généraux du vieux Empereur tiennent confeil pour O ij Andronic U. et Andronic son petit-fils. An. 1318, XX3CIT. L'armée de 1'Empereurrefufe le combat. Cant. 1.1,  Andronic II. et Andronic son petit-fils. \n. 1328. i ( I ( 3l6 II I S T Ó I R E favoir s'ils doivent fe mefurer avec 1'ennemi. Le bel ordre qui regne dans l'armée du jeune Andronic, la contenance fiere & affurée de fes foldats, leur perfévérance a demeurer fi longtemps fous les armes, 1'ardeur qu'ils témoignent pour en venir aux mains, tout leur infpire une fecrete terreur; ils prennent donc la réfolution de ne pas fortir de leurs retranchements, & d'attendre qu'on entreprit de les en déloger. Le lendemain au lever du foleil, Andronic difpofa fes troupes pour Ie combat, attendant avec impatience le moment ou il plairoit a 1'ennemi de paroïtre. On étoit déja su milieu du jour, & perfonne ne fortoit de la ville. Andronic, ennuyé de 1'inaöion des troupes de fon aïeul, envoie les provoquer. Infenfibles a fon défi , elles répondent qu'elles font déterminées a ne point quitter leur Dofte, & a s'y défendre jufqu'au derïier foupir. Sur cette réponfe, AnIronic aifemble un confeil de guerre; 1 y futdécidé qu'il feroit imprudent le vouloir forcer une armée entiere lans une place qui étoit d'ailleurs 1'une fi belle défenfe, fur-tout dans  du Bas-Empire. Liv. CVIII. 317 la faifon ou 1'on fe trouvoit alors. En conféquence, Andronic décampa, & revint a Siene, d'oü il étoit parti. _ A peine ce Prince y fut arrivé, qu'il regut avis que s'il vouloit s'approcher de Theffalonique, il lui feroit aifé de s'en rendre maitre, paree que fes amis lui en feroient ouvrir les portes. Sans différer, il part accompagné du grand Domeftique & de fes principaux Officiers, avec 1'élite de fes troupes. II feignit, pour donner le change a 1'ennemi, de diriger fa marche vers Drama ; mais changeant pendant Ia nuk de chemin , il fe, porta fur Theffalonique. Les habitants étoient dans la plus grande inquiétude fur leur fort. On difoit qu'Apocauque Paracémomene & Alexis Paléologue alloient arriver a Theffalonique fous prétexte d'y faire au nom du jeune Andronic, des propofltions d'accommodement, mais dans Ia réalité pour y tramer avec les amis de ce Prince quelque complot contre la ville. Chumne, grand Stratopédarque, Gouverneur de Theffalonique , s'empreffa d'envoyer 1'Archevêque au-devant de ces émiffaires, O iij Andronic II. et Andronic son petit-fils.'in. 1328. XXXIII.' Prife rle rheffalolique.Cant. I, 1. ■• 53Vie. Greg. , 9. c. 4. ')utrem. de xcid. 'irtec. lib. ïng.  Andronic II. et Andronic son petit-fils. &n. 1328. 31S HlSTOlRE pour leur. dire de fe retirer, s'ils nè vouloient être traités comme des efpions & des traitres. Le Prélat fut fort étonné lorfqu'au-lieu d'un cortege compofé de quelques perfonnes, il rencontra le jeune Empereur accompagné d'un grand nombre d'Officiers, & fuivi d'une armée. A la vue de ce Prince qui Ie falua gracieufement, il fut tellement frappé de terreur, qu'il s'enfuit fans ofer proférer une feule parole. Andronic ne tarda pas a paroïtre fous les murs de Theffalonique. Sespartifans, malgré les ordres qu'ils avoient recus de ne pas fortir de leurs maifons , ou de ne paroitre en pubüc qua pied & fans armes , fe porterent en foule fur les remparts, dès qu'ils appergurent fes enfeignes, & attaquerent a coups de pierres ceux de la faftion oppofée. Ces derniers craignant d'être accablés par les ennemis, dont leur imagination effrayée leur grofliffoit encore le nombre, n'oppoferentqu'une foible réliftance. Les uns prirent le parti de fe joindre aux vainqueurs pour recevoir le jeune Empereur dans la ville, les autres fe réfugié-  du LIas-Empire. Liv. CVIII. 319 rent dans la citadelle. George Lyfique qui y commandoit parut d'abord réfolu de la défendre courageufement, d'autantplus qu'il comptoit beaucoup fur les troupes cantonnées dans la ville de Pheres. Andronic inveftit, fans différer cette fortereffe , & envoya de tous cötés des détachements pour intercepter les fecours qui pourroient venir aux affiégés. Un corps de trois cents hommes qui arrivoit en diligence pour les foutenir, fut taillé en pieces. Le jeune Empereur s'emprefTa, dès qu'il fe vit maitre- de Theffalonique, d'aller viliter le tombeau de Saint Démétrius, a qui il attribuoit 1'heureux fuccès de fon entreprife. Pendant fon acfion de graces, il lui vint en penfée de mettre fur la bleffure qu'il avoit recue au pied , du baume miraculeux qui, fuivant les légendes grecques, couloit fansceffe, du tombeau de ce généreux martyr. Lorfqu'on lui eut öté fa chauffure Si les bandes qui enveloppoient la plaie, pour y faire l'onftion avec le faint baume, on la trouva li parfaitement guérie , qu'il n'y paroiffoit même pas O iv ANDStO- Nie ii. et Andronic son peut fils. \n. if£%, XXXIV. Miracle en faveur du jeune Andronic. Cant. I. I.' Nic. Greg. '. 9. c. 4. VOutrem. ixcid. de Grid.  Andronic II. et Andronic son petit-fils, An. 1328, j2- H l s T oi r b jugeroit a propos; mais il voultit que leurs femmes confervaflent ce qui leur appartenoit en propre. Dans la fuite , ce Prince généreux confentit qu'on leur rendit les poffeffions de leurs maris, pour qu'elles puflent les fecourir dans les lieux oii ils s'étoient retirés, fans toutefois leur permettre de^ les y aller trouver. II exigea qu'elles fe retiraflent toutes a la Cour de I'Impératrice, qui devint pour elles une honorable prifon. La femme du Defpote Démétrius pofiedoit des richeffes immenfes. Dans la crainte qu'une déclaration exacte n'infpirat au vainquefirledefir departager avec elle fon tréfor, elle en avoit fait difparoitre la plus grande partie ; mais peu de jours après, on trouva fes meubles & fes bijoux chez un particulier: ce dépot montoit a une fomme de vingt milie befans d'or ; on ne nous dit point s'il fut confifqué. Dans le même temps, le grand Domeftique fit une découverte plus confidérabfe encore : on vint lui indiquer 1'endroit oii le Protoveftiaire Andronic Paléologue avoit mis en féferve cequ'if pofiedoit de plus prê-  nu üas-Empire. Liv. CVIII. 323 deux. II s'y trouva douze mille pie- * ces d'or, outre une grande quantité ' de vaiffelle avec beaucoup d'argent en lingots; le tout pouvoit valoir , au moins quarante mille befans. Le grand Domeftique alla rendre1 compte k 1'Empereur de cette capture. » Prenez , lui dit ce Prince, » ces richeffes; il eft jufte qu'elles » foient a vous, puifque vousavez » découvert oü elles étoient cachées. » D'ailleurs , vos biens n'ont été que » trop fouvent la proie du parti en» nemi, & le Protoveftiaire en par» ticulier vous a fait affez de tort » pour que vous en foyez dédom» magé k fes dépens". Cantacuzene répondit qu'il favoit faire le facrifice de fa fortune pour le falut de la patrie, Sc non pas s'enrichir des pertes de fes concitoyens. Le jeune Empereur loua un défintéreffement fi généreux & fi rare. Sur le refus de Cantacuzene, Pargent monnoyé fut diftribué aux foldats, une partie des vafes Sc dés plus riches effets donnés en préfent aux Officiers, 8c le refte verfé dans les coffres du fifc. D'Edeffe le jeune Andronic fe O vj iNDRONIC II. et Andronicion periT-fils Ln. i3zS  Andronic II. et Andronicson petit-fils. An. 1328. XXXVI. Autres places conquifes. Cant. I. ij 5J. 1 Nic. Greg. j I.9.C.4. 5- ' D'Outr. I \ i r f f xxxvn. Le Crale ' de Servië g refufe de r fe joindre aux enne- pi mis du j.] jeune An- p dronic. Cant. I, i.jlj 324 II 1 S T 0 1 S E porta vers Caftorie, qui fe rendit fan s coup férir. Berée ne fit pas plus de refiftance. Andronic en partant pour Gaftone avoit dépêche Boesïias, Defpote de Bulgarie, & Brienne ou Brennas, grand 1 Drungaire , avec Jeux mille chevaux, pour prendre 3offeffion d'Acride avant que le Pro;oyeftiaire put s'y établir. Ils s'acIiutterentheureufementdecettecomniftion. Dès qu'ils parurent, les habiants s'emprefferent de les recevoir. Quelques jours après, le jeune Em>ereur y fit fon entrée. Tous les iayfans d'alentour, les Albanois , les .abitants de Déaboles & de Colonée inrent en foule lui faire hommage. >eux qui habitoient les régions ultéleures recurent ordre de lui prêter Jrment de fidélité; ce qu'ils firent ms aucune répugnance. Le Protoveftiaire, ayant perdu efpoir de fe rendre maïtre d'Acride, \ voyant quetout plioit fous 1'obéifnce du jeune Andronic , prit Ie nti de fe réfugier avec les autres ïefs de fa faöion chez Etienne ince de Servië, & tous enfemble ie fuppherent de prendre leur dé-  du Bas-Empire. Liv. CVIII. 325 fenfe. Etienne entretenoit alors une armee puiffante fur la frontiere qui féparoit fes Etats de ceux de I'Empire. D'après le rapport qu'on lui fit du bel ordre qui régnoit parmi les troupes du jeune Andronic, de la difcipline qu'elles obfervoient, de la capacité de ceux qui les commandoient, de 1'ardeur que les foldats montroient pour le combat, & du fuccès de leurs armes , il ne crut pas devoir compromettre fes forces avec celles de ce Prince. Le jeune Andronic, ayant paffé huit jours a Acride, en partit pour fe rendre a Pélagonie. Sur la nouvelle qu'il approchoit des confins de la Servië, les Grecs qui étoient venus chercher un afyle a la Cour du Crale, firent a Etienne les plus vives inftances pour 1'engager a lui livrer bataille; mais Etienne perfifta dans fon refus, & leur déclara qu'il ne combattroit point qu'il ne fut attaqué. Pour fe déiivrer de leurs importunités, il affenv bla devant eux les principaux Seigneurs de la nation, & les confulta fur ce qu'on vouloit exiger de lui, Alors les chefs de 1'aiTemblée pre- Andro- nic ii. et Andronicson petit-fils,An. 1318, c. 55. 56, Nic. Greg l. 9. c. 4. 5-  Andronic ii. et Andronicson petit-fils.In. 1318. i ) J I ) .> > » y > y, ■* y y 'y >( « 3-6 Histoire nant la parole au nom de tous, répondirent aux Grecs réfugiés en ces termes : » II eft inutife de vous don» ner tant de mouvement pour ob» tenir de nous ce qu'il nous eft im» poflible de vous accorder. Pour•> quoi avez-vous fouffert que la ■> guerre s'allumat entre vos deux > Empereurs? Au lieu d'attifer le feu > de Ia difcorde qui les divife, que > n'ayez-vous écarté tout ce qui pou- > voit 1'entretenir? Ne deviez-vous > pas faire tous vos efforts pour les > rapprocher 1'un de 1'autre, & pour > rétablir entr'eux Ia paix & 1'u' nion ; rien n'étoit plus deiirable • pour eux, plus avantageux pour ■ yous-mêmes & pour tous les fujets de I'Empire. Mais loin de pren- ■ dre un parti fi fage, vous avez ■ couru de villes en villes pour animer Ia fureur de ceux qui étoient 1 difpofés^ a faire la guerre au jeune Andronic; vous avez traité en en- ■ nemis ceux qui penchoient pour Ia paix, ou qui vouloient défendre ce Prince. Maintenant il eft jufte que vous receviez la récompenfe des peines que vous vous  i>u Bas-Empire. Liv. CVIII. 327 »> êtes données pourexcitercette tem» pête dans le fein de votre patrie. » Quant a nous, nous invitons no» tre Souverain a refléchir fur la ri» gueur des chatiments que Dieu » prépare a ceux qui font des inw juftices , & a ne pas fe rendre 1» coupable de la plus grande qu'il » pourroit commettre en déclarant » la guerre au jeune Empereur, fans » en avoir recu aucune offenfe. Si » on 1 attaquoit, nous 1 exhortenons » a fe défendre. S'il fuit nos con» feils, ce ferapour nous une grande » joie; s'il refufe de s'y conformer, » qu'il foit feul votre protecfeur; car » aucun de nous ne le fecondera ". Le Crale appuya cette réponfe judieieufe par ces mots : » Vous voyez » vous-mêmes quelles font les dif» pofitions de ceux qui tiennent après » moi le premier rang parmi mes » fideles fujets. Quand par quelque » motif de haine particuliere , ou » d'animofité perfonnelle contre le » jeune Andronic , je defirerois de » lui faire la guerre , la réfiftance » de mes peuples ne me contrain» droit-elle pas de renoncer k ce Andronic II. et Andronicson petit-fils.An. 132S,  Andronic II. et Andronicson pe tit-fils An. 1328 ^ 328 H I S T O I R E s» projet ? Mais je penfe comme eux, » & je ne veux pas, pour foutenir » unemauvaifecaufe, mettre le trou» ble dans mon Royaume, ni m'ex» pofer a quelqu'événement funefte, » tandis que je puis vivre paifible» ment dans mes Etats. Ce n'eftpas » cependant que je fois dans la dif» pofition de vous abandonner, & » que je ne m'intérefle férieufement >» a la süreté de vos perfonnes. Si» vous le trouvez bon, j'enverrai au » jeune Andronic une ambaflade. » Comme il eft, ainfi que tout le » monde en convient, naturellement » doux, je me flatte d'obtenir de » lui une^mniftie en votre faveur. » Si ce parti ne vous plait pas, je » vous reccommanderai au Roi de » Bulgarie mon allié ,& le prierai de » vous faire conduire a Conftanti nople. L'aimez-vousmieux,partez > pour Venife; il vous fera aifé de > vous rendre par mer de cette ville > en votre pays. Enfin, j'ai encore un > moyen a vous propofer : Prillape, > Profaque & Strombize fe trouvent > maintenant occupéespar des troupes > qui font k votre dévotion ; ces  nu Bas-Empire. Liv. CVHI. 329 » villes paffent pour imprenables , » allez vous y enfermer jufqu'a ce » que les deux Empereurs ayent » quitté les armes ". Les Grecs réfugiés choifirent ce dernier parti. , Le Protoveftiaire prit poffeffion de ' Prillape, Michel Afan de Profaque, ; & les autres s'établirent a Strombize, ; réfolus de s'y bien défendre fi 1'on i entreprenoit de les y forcer. Dans i le même temps, Nicéphore Bafilique I fe rendit maïtre abfolu dans la ville de Mélénique dont il étoit Gouverneur, & déclara qu'il refteroit neutre tant que les deux Princes fe feroient la guerre. Bafilique garda cette ville jufqu'a la mort du vieux Andronic. Auffi-tot que ce Prince eut ceffé de vivre, il s'emprefla de la rendre au ; jeune Andronic, qui lui en laiffa le gouvernement. Le Protoveftiaire, ■ miné par lechagrin,mourut quelques : jours après s'être emparé de Prillape. . A peine eut-il fermé les yeux, que ! cette ville fe foumit au jeune Empereur. Les Serves qui, fansdoute, avoient renoncé a la neutralité pour laquelle ils s'étoient déclarésd'abord, furprirent Profaque , &c en chafferent Andronic IT. et AndroniC son petit-fils. A.n. 1328.  Andronic ii. et Andronic son petit-fils An. 1318, XXXVIII Défaite de l'armée du vieux Andronic. Cant. I, 1. c. 56. Nic. Greg. 1-9- h 1 mers étoient fans nombre. Cependant Nicéphore Gregoras, qui déplore ce ma hf>.ii-0„„ X..' ^ K ,. T~"v*1 evenement, pretend quil ny eut tout au plus que dix hommes de més du cöté des yaincus. 33° HiStoïre Michel Afan. On ne dit point fi let» ïntention étoit de s'approprier cette conquête, ou s'ils Ia remirent au jeune Andronic. Ce Prince voulut faire quelques tentatives fur Strombize & Melemque; mais ayant reconnu qu'il "e, £"ffir.oit I^s , il s'en revint k 1 neilalomque. a Le jeune Andronic ne fut pas plutot arrivé dans cette ville, qu'il recut des dépêches par lefquelles Ie Protoftrator Synadene lui apprenoit qu ayant rencontré fur les bords du fleuve Melas l'armée du vieux Andronic, commandée par Conftantin Aian, il I avoit attaquée; que la victoire, après avoir long- temps balance , s etoit enfin déterminée en fa faveur; qu'd avoit pourfuivi 1'ennemi 'u'quaux portes de Conftantinople, qu une multitude de fuyards étoit rombee fous Ie glaive du vainqueur, que leur General avoit été trouvé )armi les morfs. Rr „„0 i„„ _ •/•  du Bas-Empjre. Liv. CVIÏI. 33: En cherchant k diminuer la perte d< ceux de fon parti, il ne fait pa certainement Péloge de leur bravoure Le jeune Andronic ne put s'empê cher de gémir fur la viöoire qu'il ve noit de remporter, en confidéran qu'il 1'avoit achetée au prix du fanj de fes filets. Cette ame fenfible fi encore en préfence de fes courtifan de nouvelles réflexions fur le mal heur des diffenfions domeftiques. Le guerres civ'ües, difoit-il avec 1'accent di la douleur, font reffembler le corps d'w Etat a, celui d'unfrénédque quife rong les membres de fes propres dents ,&fedi chire lui-même les entrailles. Tous ceu: qui 1'entendirent dans ce moment ad mirerent fa modération & fes fen timents d'humanité. Andronic remei cia le Protoftrator du fervice qu'i venoit de lui rendre; il accorda di verfes récompenfes aux Officiers qu avoient combattu fi courageufemen fous fes ordres, & augmenta la payi des foldats. II fit enfuite une revu générale de toutes fes troupes ; i completa les compagnies qui n'é toient pas entieres; remonta la ce valerie, en renouvella les équipages , Andro- ' nic ii. , et Andronic son pe• tit-fils. j. An, 1318. > t > f t i I i t i %  Andronic II. et Andronic son petit-fils. An. 131S. XXXIX. Le Roi de Bulgarie projette de fecourir 1'Erapereur.Cant. I. 1, c- 56. 57. Nic Greg. ; l. 9. c. J. ' I i ] I I f r n c d c 9 P gements de fon aïeul avec Michel 332 HlSTOlRE & prit les mefures néceflaires poiir que fon armee fut toujours en bon etat. Pendant qu'il s'occupoit de ces détails, il apprit que fon aïeul venoit de conclure contre lui un traité d'alhance offenfive avec Michel Strafeimire Roi de Bulgarie. Cette nouvelle hn fit prendre fubitementla réfoluhon de s'approcher de Conftanfnople. Enpartant, il confia Ie comrnandement de fes troupes en occident i un Seigneur que Cantacuzene nomne Gui de Lufignan. Le jeune Era>ereur avant de faire aucune tentaive fur la capitale, envoya ofFrir uivant fon ufage , la paix k fon aïeul! .e vieux Andronic, toujours aveuglé »ar la haine , rejetta avec mépris cette •ropofition; il comptoit beaucoup ir le fecours que Michel lui avoit romis. En effet, le jeune Andronic e tarda pas k être informé qu'un srps de trois mille Tartares, fouoyes par Ie Roi de Bulgarie & smmandésparleRuffelvan , s'avan3it vers la ville Impériale. Ce nnce feienant d'ionnmr  vu Bas-Empire. Liv. CVIII. 333 Hui députa un de fes Officiers pour '• 1'informer des mouvements des Bulgares, & pour 1'avertir de fe tenir lui-même fur fes gardes, 1'affurant que Michel en vouloit a fa perfon- ■ ne , & que fon projet n'étoit pas,1 comme il le lui faifoit entendre, de le fecourir contre fon petit-fils, mais de s'emparer de fa capitale. En effet, le jeune Andronic avoit de fortes raifons pour croire que telle étoit effectivement 1'intention du Monarque Bulgare. Le vieux Empereur regut fort mal cet avis; il répondit avec humeur au député , & le chargea de dire a fon petit-fils qu'il fe mêiat de fes affaires, & qu'il ne s'ingérat pas de donner des confeils a des perfonnes qui en favoient plus que lui. Sur cette réponfe, le jeune Andronic envoye au Roi de Bulgarie un A exprès pour lui fignifier qu'il va faire 1, tailler en pieces fes Tartares , s'ils i' continuent a diriger leur marchec vers Conftantinople. Michel, qui ne croyoit pas les troupes du jeune Empereur fi prés des fiennes , fut effrayé de cette menace. II protefta que fon deffein n'avoit jamais été d'agir con- A.ndronïc II. et Andronic son periT-fils. in, 1328. XL. „e jeune ndronic li en öte ;nvie. ant. I. l', 58.  andronic II. et Andronicson pe tit-fils An, 1318 fous le mien. Je la lui donne comme le gage le plus sur qu'il puiffe recevoir de ma fidélitè. Si jamais il me reconnott pour un trompeur, qu'il s'arme de cette croix y qu'il marche fous cet ètendard 334 II I S T O I R E tre ce Prince , ni de rompre la bonne intelligence qui régnoit entre eux. Pour donner une preuve de fa prétendue bonne foi, il tira de fon fein une grande quantité de reliques qu'il portoit toujours fur lui par dévotion. Dans Ie nombre, fe trouvoit une croix de cuivre qu'il remit a 1'Ambaffadeur d'Andronic , en lui difant: Portel ce prefent d votre maitre , & afJure^-le que je jure par celui qui a été attaché d la croix pour nos péchés, que je n'ai pas violé les traités d'alliance faits entre nous ; que ce nef point contre lui quont été envoyées les troupes qui lui font ojnbrage; je le conjure donc de ne pas les attaquer. Qu'il ne s'étonne point fi dans le grand nombre de reliquaires précieux que je poffede, j'ai choifi cette croix faite d'un vil métal pour la lui envoyer ; c'efi qu'elle efl devenue tres-célebre en Bulgarie, par les miracles qu'elle a opérés fous je regne de mon pere, & qu'elle continue de faire  nu Bas-Empirs'. Liv. CVIII. 335 contre moi, & il peut fe promettre la \ \icloire. Pour qu'il ne doute nullement \ de la finciritê de mes paroles , & pour leraffurer contre les inquiètudes quepour\ roit lui donner la marche de mes troujjpes , je vais les rappeller fur le champ. A 1'heure même, il fit partir un de : fes courtifans pour porter a Ivan qui | les commandoit 1'ordre de revenir. ! Cët Officier fe pourvut en partant de 1 la figure d'une aile peinte en cou- leur de feu. C'étoit chez les Bulga1 res 1'emblême de la diligence, & fans doute qu'il fervoit auffi de fauve-garde ou de pafleport k ceux qui en étoienl i.porteurs. Michel congédia en même temps Penvoyé d'Andronic, & lui fit donner, ainfi qu'aux gens de ü i fuite , d'excellents chevaux, pout qu'ils puffent fe rendre auprès de J leur maitre avant qu'il eut fait char- gerles trois mille Tartares qui étoienl , fur le territoire de I'Empire. Si le jeune Andronic fut très-con- tent du fuccès de cette négociation. ; Ia retraite des troupes du Roi de Buli garie confterna le vieux Empereur & ceux de fon parti. Un événement au quel on ne s'attendoit point vint en Andronic II. et Andronic son petit-fils. An. 1328* XLI. 11 follicite les Vénitiens de 1'aider a fe rendre ' maitre de ■ Conftantinople.  Andronic II. et Andronic son petit-fhs. An. 1328. Nic, Greg, l. 9. c. 5. j i 1 » i « 1 1 t t c c t r t r 33^ HlSTOIRS core augmenter leurs allarmes. Quelques pirates Génois avoient pillé un batiment Vénitien. La Seigneurie envoya pour tirer vengeance de cet outrage, une flotte de quarante vaiffeaux longs, dont une partie fe rangea dans !e canal de Galata, & 1'autre fe mit ;n ffation fur les paffages qui coniuifoient a Conftantinople. Tous les /aiffeaux Génois, tous ceux de la narine impériale, & même tous les ■savires étrangers deftinés pour cette rille, furent interceptés. En peu de ours, la capitale de I'Empire fe vit éduite a la plus effreufe difette,paree ju'aucun approvifionnement ne pou- . ^oit plus y arriver. Déja les habitants 'e Iivroient aux murmures, & 1'efprit le fédition commengoit k éclater. La Zout craignoit que le jeune Andronic ie profitat de la circonflance pour s'inroduire dans la ville , oü d'ailleurs il ie manquoit pas de partifans. En effet, e projet ne lui avoit pas échappé , & éja il avoit fait folliciter les Véniiens de le feconder; mais cette délarche n'eut pas de fuite. Les Véniiens s'étant accommodés avec les Géois, leverent 1'ancre au bout de quin- ze  j)u Bas Empire. Liv. CVIII. 337 •ie jours, & relacherent tous les navires qu'ils avoient arrêtés. Auffi tót 1'abondance rentradans Conftantinople , & le calme s'y rétablit. En effayant de tirer parti des Vénitiens pour s'emparer plus facilement de la ville impériale, le jeune Andronic n'avoit point renoncé aux arrangements pris d'abcrd avec un particulier nomméCamaris ,qui étoit venu offrir de lui livrer Conftantinople. Cet homme, après avoir regu fes inftruftions du jeune Empereur, rentra dans la place, & alla fe concerter avec fes complices. Camaris' ne tarda pas a faire favoir au jeune Prince le temps oii il devoit être de garde fur les remparts, & 1'endroit ou Jeroit fon pofte. Le jour de la Pentecöte, Andronic partit de Logos, & s'approcha de Conftantinople. Le furlendemain il fit avancer pendant la nuit vingt-quatre foldats déterminés qui fe gliflerent jufqu'au pied des murailles, & y appliquerent deux echelles. Ils étoient fuivis de plufieurs petits détachements , qui marchant a quelque diftance les uns des autres, avoient 1'attention de Tornt XXIV, P Andronic III. An. 1328. XLII. [1 s'empare de cette ville. Cant. I, r. p. 5§- 59' Nic. Greg. '. 9. c. 6. Vhrant-t. '.. i. C. 10. O'Outrem, ie excid. Qrotc. lib. Ingul.c.4.  Andronic III An. 132S 33$ H 1 S T O I IU : mettre ventre a terre , lorfque la lune percoit les nuages dont le ciel étoit .alors couvert. Le jeune Andronic, plein d'ardeur , vouloit monter le premier a Pefcalade; mais Cantacuzene 1'en empêcha, & ce fut très-a propos ; car Tune des deux échelles rompit fous le poids de ceux dont elle étoit chargée. Cet accident n'eut cependant aucune fuite facheufe, &c ne nuifit pas au fuccès de 1'entreprife. Prés de cent foldats parvinrent avec le fecours de la feconde échelle, au haut des murs, avant qu'on fe fut appergu de leur préfence. Un Officier qui commandoit alors la fentinelle, ayant entendu du bruit ,monta précipitamment aux tours pour obferver d'oü il venoit. Les foldats d'Andronic, qu'il ne s'attendoit pas a trouver fur la muraille, 1'arrêterent, ainfi que tous ceux qui le fuivoient. En même-temps ils crierent a la garnifon de rendre les armes, que la réfulance étoit inutile , & que refufer de reconnoïtre le jeune Andronic pour maitre, ce feroit s'expofer a toute la rigueur de fon reflentiment. A 1'inftant toute la miüce de  »u Bas-Emmre. Liv. CVIIf. 335 Sa ville jette de grands cris de joie, ouvre les portes pour recevoir le jeune Prince qui entra avec Ie grand Domeftique. Quelques moments après le Protoftrator arriva avec le gros d< l'armée. En un inftant, le jeune An dronic fe vit maitre de la capitali de I'Empire, fans qu'il y eut un< goutte de fang répandu. Ce fut li nuit du 24 mai 1318» qu'arriva c< grand événement. La facilité avec laquelle Ie jeun< Andronic s'empara de Conftantinople , ne donne pas une grande opimon de la prévoyance de ceux qu étoient a la tête des affaires. Comment un pareil ftratagême a-t-il pi être conduit fi heureufement a fa fin, fans que la Cour en ait été informée ? II paroït qu'un efprit de vertige avoit aveuglé le vieux Andronic , ainfi que tous fes partifans. L« fair même on étoit venu a diverfe» reprifes avertir ce Prince qu'on avoil rencontré dans la campagne des gens de fon petit-fils, qui méditoient certainementde mauvais deffeins. Mais Métochite fon favori & fon premier miniftre, regarda ces avis comme P ij Andronic III. ' An. ij28. > t ! XLIIT. Sécurité de Métochite. . Cant. I. 1. 59Nic, Gre%„ l. 9- c. '6. D'Outr. Ibid.  Andr< MC 111 An. 132 XLIV Le viel Empereur de mande vie a fc peiit-fil Cant. I. c J9. 34° IllSTOIRE - Peffet d'une vaine terreur; il ofa " même fe moquer de fon maitre qui s. avoit la foibleffe de donner fon attention a des propos fi frivoles Ces no.uvellesfont fauffes, lui difoit-il avec affurance; d'aiileurs, eft-il croyalle qrfune poignêe de foldats foit afe^ té' mèraire pour vouloir furprendre une ville fi grande , Ji bien fortifiêe, & defenduè par une nombreufe garnifon ? Cependant de nouveaux avertiffements fe fuccédoient k chaque inflant. L'Empereur étoit dans des tranfes mortelles , Sc s'en prenoit au grand Lögothete , dont la tranquillité lui paroiffoit inconcevable. Le préfomptueux Métochite s'obffinoit toujours a foutenir qu'il n'y avoit rien k craindre; Sc pour mieux faire fentir combien il en étoit perfuadé, il quitta Ie Prince pour aller fe livrer au fommëil. L'Empereur fe voyant feul, Sc x n'ayant auprès de lui perfonne avec qui il put s'entretenir de fes peines a Sc de fes inquiétudes, alla fe jetter « fur fon lit fans quitter fes habits, |' mais il ne put y trouver aucun repos, Son efprit s'occupoit de mille  nu Bas Empire. Liv. CVIif. 341 penfées facheufes, lorfqu il entendit autour du palais des acclamations réitérées, & ce bruit confus que font des troupes qui marchent fous les armes. II ne douta plus que fon petit-fils ne fe fut mis en poffeffion de la ville , & il comptoit le voir bientöt arriver. Aufli-töt il fe profterne devant une image de la Vierge qu'il avoil fait apporter depuis peu du monaftere des Hodeges dans fon oratoire, Fondant en larmes, il prioit la mere de Dieu de le protéger , & d'empêcher qu'on ne lui ötat la vie. Cependant le jeune Andronic ne tarda pai a entrer dans le palais, accompagne de huit cents foldats. Son aïeul n'attendit pas qu'il fut arrivé auprès de fa perfonne. II chargea un de fes ferviteurs les plus affidés de lui aller parler ainfi de fa part: » Mon fils, » puifque Dieu m'a öté aujourd'hui » le fceptre pour vous le donner, » je ne vous demande d'autre grace » en reconnoiffance de tout ce que » j'ai fait pour vous depuis que vouj » êtes né, que de me conferver le » peu de jours qui me reftent en» core k vivre. Epargnez la tête d'ur P iij Andronic III. An. 132S, 1  Andronic III. An. 1328. ! 1 ) ) ) i i t > * y y t f 1 1 342 Hl S T 0 Ir R E » pere, nefaites pas couler par le fep » un fang oü vous avez vous-niême » puifé la vie. Ne rendez pas le ciel » & laterre témoins d'un erime en» core fans exemple depuis que le » monde exifte. Refpeclez ces mains » qui vous ont embraffé tant de fois * dans votre berceau , & fur le fein * de votre nourrice. Refpeftez ces * levres qui vous ont donné de fi * tendres baifers, & prodigué de fi > douces careffes. Ayez pitié d'un > frêle rofeau que la tempête a ren» verfé, & n'achevez pas de Ie bri- > fer. Souvenez-vous que vous êtes > homme. Ne mettez pas trop votre > confiance dans votre fortune pré- > fente. Que mon exemple vous ap- * prenne a juger de I'inconftance & ' de Ia mobilité des chofes humai- > nes. Voyez quelle efl: la fin d'une fi longue carrière. Admirez comment la mêmenuit qui m'a vu Empereur, me voit avant de finir foumis a 1'empire d'un autre ". Cette emontrance , un peu trop élégante our la circonffance, pourroit bien 'être encore que la produöion de hiftorien déclamateur qui nous la  nu Bas-Emimre. Ljv. CVIII. 343 rapporte. Quoi qu'il en foit, Nicéphore prétend que le jeune Empereur en fut attendri jufqu'aux larmes. Au refte, il avoit pourvu d'avance k la fureté de fon grand-pere. II avoit défendu fous les peines les plus rigoureufes, non-feulement d'attenter a fa vie, mais même de lui manquer de refpecl:. II fe rendit a 1'appartement de ce vieillard infortuné, 8c" fe profterna a fes pieds. Andronic le releva, 8c le fit affeoir a fes cötés, puis il s'avoua coupable de tout le mal qui étoit arrivé; il en rejetta la caufe fur le démon qui f plait d nuire aux hommes par tous le. moyens quil peut imaginer. Métochite qui étoit préfent, avoit une conté' nance fort embarraffée. Voulant ce pendant montrer une forte d'affurance, il s'avifa de dire en adreflant 1; parole aux deux Empereurs : Jufque. d quand gèmirons-nous fous le poid des malheurs qui nous accablent ? Prin ces, fi tunion ne fe retablit pas entt vous , nous ne pouvons nous flatter d jouir d'aucun repos , & een efl fait d I'Empire. Le jeune Andronic ne ré pondit a ce langage que par un fi P iv Andronic III. An. 1318. s e e  Andronic III. An. 132S XLV. Rétablif fement du PatriarcheIfaïe. Cant, l, 1 f. 59- /. 2. c, 1. Nic. Greg, 1- 9. c, 6. ie o_«;«b, Oriens Chrifi, 344 H 1 s t 0 1 n e !lence dédaigneux. Métochite favoit mieux que perfonne a qui il falloit . attnbuer la divifion qui régnoit dans la familie impériale. Le jeune Empereur, après avoir pris ' congé de fon aïeul, alla faire fa priere dans 1'Eglife de la mere de Dieu, puis fe tranfporta au monaffere de Mangane, oü il adora les inftruments de la paffion qu'on y confervoit rehgieufement, mais qui devoient y etre en affez petit nombre depuis que Saint Louis en avoit fait tranfporter une fi grande quantité en France. Andronic fe rendit enfuite auprès du Patriarche Ifaïe qui vivoit en captivité dans cette maifon pour avoir foutenu fes intéréts avec trop de chaleur. Andronic, après 1'avoir remercié de fon zele, le fit monter fur un cheval fuperbement caparaconné, & le conduifit lui-même au fon des inftruments militaires , au palais patriarchal. Nicéphore Grégoras, qui n'aimoit pas Ifaïe, raconte différemment la maniere dont ce Prélat fut réinftallé fur fon fiege. Cette cérémonie, fi on veut ajouter foi a fon récit, fut accompagnée de circonftances  du Bas-Empire, Liv. CVIII. 345 tout-a-fait indécentes. II dit que le jeune Prince placa le Patriarche fur un char magnifiquement orné & couvert de pourpre; qu'Ifaïe, au-lieu de Prêtres & d'Eccléfiaftiques, étoit entouré de foldats, &C précédé d'une troupe de muficiens tk de danfeurs de l'un& 1'autre fexe, qui chantoient des chanfons fur des airs lafcifs; que dans le nombre des comédiennes qui formoient le cortege pontifical, il y en avoit une déguifée en homme qui marchoitdevant le Prélat, & faifoit toutes fortes de momeries, comme pour le divertir. Quoique la religion des Grecs fut alors peu éclairée , il n'eft pas cependant probable que le jeune Andronic qui venoit de faire une aft ion fi pieufe, eut fouffert une pareille irrévérence^ck permis une pompe fi fcandaleufe ; d'ailleurs , le fage Cantacuzene, le mentor de ce Prince, s'y feroit certainement oppofé. Selon toute apparence , le rétabliflement du Pontife fe fera fait trop a la hate pour qu'on ait pu donner k la cérémonie toute la dignité convenable; Ifaïe aura fans doute été conduit un peu militairement fur fon P v Andronic iii. in, 1318.  Andronic III. An. 1328. XL VI. Traitement fait a 1'Empereur détröné.Cant. I. 1. 59-1- 2. c i. , Nic. Greg. , Vhranfi. I. | I.ftll. ; JD''Ontrem, * de excid. I Greec lib. ( fv>gul.c. j. / 3 C li a q tl p d f< n c 34<5 H I 5 T O 1 R E fiege, Sc Nicéphore en aura p?is occafion de charger malicieufement Ie tableau. Le jeune Andronic, après avoir rétebli en perfonne Ie Patriarche Ifaïe , revint au palais Impérial occuper les ippartements des Porphyrogenefes. El retint une partie de fes troupes a Conftantinople, Sc envoya le refte :amper dans des prairies voifines au>rès du pont du Chameau. II donna e gouvernement de Ja ville au Prooftrator, lui reeommanda de veiller 1 la tranquillité publique, & de faire ine exafte recherche de tous ceux [ui avoient perdu leurs biens pen!ant les troubles, pour les indemnia.t autant qu'il feroit pofïïble. Quand eut donné fes premiers ordres , il élibéra avec fon confeil pour régler i traitem ent qui feroit fait a fon ieul. S'il eut fuivi les inftigaiions de uelques efprits échauffes , il 1'eut •aité avec beaucoup de rigueur. Nihon, ce Patriarche qui avoit été épofé pour fes crimes, ■Sc qui haïf>it mortellement le vieux Androie, confeilloit a fon petit-fils de le 5uvrïr d'un cilice, & de 1'enfermer  nu Bas-Empire. Liv. CVIII. 347 dans un cloitre, ou de le retenir en prifon, ou enfin de 1'envoyer en exil. Mais ce Prince rejetta avec indignation de pareils confeils. II avoit même deffein de partager encore la fouveraine autorité avec fon aïeul, Sc il I'auroit fait, fi les Grands de fon parti ne s'y fuflent oppofés. Mais s'il ne put exécuter a cet égard fes intentions, il voulut au moins que fon aïeul confervat tous les honneurs du tröne, Sc que perfonne ne fe préfentat devant lui fans fe profterner , Sc fans lui rendre les hommages dus k la dignité impériale. II ne changea rien non plus a fon train, ni a fes équipages; il lui laiiTa le même nombre de domeftiques; il lui afligna poui la dépenfe de fa maifon une fortc penfion dont une partie devoit êtr( prife fur le fifc, Sc le refie fur le pro duit de Ia pêche qui fe faifoit autou: de Conftantinople, Sc qui montoi alors a douze mille pieces d'or. 1 lui laifla la jouifiance du palais im périal, Sc fe contenta de 1'apparte ment qu'avoït occupé le defpote Dt métrius fon oncle. II rendoit a fo aïeul de fréquentes vifites, il s'er Andronic III. \.n, i3iS t l n  Andro NIC III. Au, 132$ 1 J 1 C 34$ Hls T O IR JÉ r tretenoit avec lui fur les affaires detat, lui demandoit même fes confeils, .& lui témoignoit en toute occafiorl beaucoup de refpecf. II voulut que toute la familie Impériale eüt un libre accès auprès de fa perfonne, mais il y en eut fort peu qui ofaffent probter de cette permiffion. On craignoit de fe rendre fufpeö. Une vafte folitu,,e ,régnoit autour de ce Prince. C'étoit, fuivant Cantacuzene, la feule difgrace qu'il éprouvoit dans fa caprivite; ce qui cependant ne s'accorde guere avec Ie récit de Nicéphore Grégoras. Cet Ecrivain fait une peinture affligeante des traitements que fon maitre avoit k effuyer. II prétend que les gardes mis auprès de fa perfonne, que les valets qu'on lui avoit lonnés pour le fervir, 1'outrageoient i 1'envi les uns des autres ; qu'on ï'obfervoit dans fon palais aucun orIre-, qu'on n'y gardoit aucune dé:ence; qu'il étoit ouvert k Ia plus 'ïle populace, que toutes les fempes des environs venoient laver leur mge aux fontaines qui couloient dans enceinte de Ia maifon Impériale ; ue les voilins y aménoient païtre  du Bas-Empire. Liv. CVIIi. 349 leurs beftiaux; de forte qu'elle étoit fans cefle remplie de chevaux , d'anes, de bceufs, de vaches, de volailles. Enfin, Nicéphore ajoute que Synadene, nouveau Préfet de la ville, loin de réprimer ces attentats, étoit le premier a les autorifer, & que même il prenoit plaifir a inventer chaque jour de nouveaux moyens pour chagriner ce malheureux vieillard. Peut-être concilieroit-on Cantacuzene avec Nicéphore, en diftinguant les temps. Dans les premiers inftants, le vieux Andronic aura fans doute été traité avec refpecf, mais dans la fuite on fe fera écarté des intentions de fon petit-fils. Peut-être auffi ce Prince, incapable de foutenir fa difgrace avec fermeté, aura t il provoqué par fes plaintes 6c par 1'amertume de fes reproches, le reffentiment de ceux qui 1'entouroient. Au refte, il n'auroit éprouvé que ce qui arrivé ordinairement aux Grands de la terre renverfés par quelque révoiution du pofte ou la Providence les avoit, placés, fur-tout s'ils n'ont pas fu fe diftinguer par 1'éminence de leurs vertus, 6c par leur mérite perfon- Andho- nic iii. (Vn. 1318.  Andronic III. An. ïjaS 350 HlSTOIRE nel, des mortels foumis a leur domination, & s'ils ne fe font crus éle, vés au-deffus des autres, que pour les écrafer du poids de leur puiffance. H eft affez dans le cceur de 1'homme d'aimer a fe venger par le mépris des hommages qu'il a été forcé de rendre a de vaines idoles , qui une fois dépouillées des ornements dont la fuperftition les avoit revêtues , ne font plus paroïtre a fes yeux qu'une honteufe nudité. Tous ceux qui s'étoient déclarés ouvertement contre le jeune Empereur, étoient dans des tranfes mortelles. Ils voyoient fans ceffe le glaive de la vengeance fufpendu fur leur tête. Le grand Lögothete fut le premier qui éprouva les effets du mécontentement d'Andronic. Ce Prince le rélégua a Didymotique, dans un monaftere. C'étoit fans doute le traiter avec beaucoup d'indulgence. Métochite avoit offenfé perfonnellement Andronic, & il n'étoit pas poffible de douter qu'il n'eüt été le principal auteur de Ia guerre. De plus, il avoit abufé de fa place pour commettre un grand nombre de prévarications. Auffi étoit-  du Bas-Empire. Liv. CVIII. 351 I il généralement détefté de la multi- ■ j tude qui lui donna des preuves écla- j ; tantes de fa haine, le jour même de / i la prife de Conftantinople. Le peuj; ple réuni aux foldats pilla fon paj lais, en dégrada les batiments, en I ruina les décorations, & arracha juf| qu'aux belles mofaïques qui cou1 vroient le plancher de fes apparteI ments, & qui furent enfuite envoyées f au Crale de Servië, comme un pré- fent digne d'un Prince; mais cethom1 me cupide plus attentif a fes intéréts I qu'a ceux de fon maitre, avoit eu la I précaution de mettre a couvert fes i effets les plus précieux. MalheureuI fement pour lui, on découvrit un écrit pi qui contenoit 1'inventaire ou le dét nombrement de toutes fes riehefles, i avec le nom de ceux a qui il les avoit 1 confiées. Chacun de ces dépofitaires { rec;ut ordre de fe défaifir de ce qu'il f lui avoit remis : tout fut confifqué I au profit du fifc. On difoithautemenï que ces tréfors étoient le prix du fang } & des larraes des pauvres, le produit I ■ des préfents que les Gouverneurs des | Provinces &l des villes avoient faits | a ce premier Miniftre pour empêcheir Lkdroiic UI. ,n, 1318.  Andronic II/. ; An. 1328. < t XL VII. Andronic f; pardonne , a Mare t Caballai- r re. 1 Cant, l, 2. 0 p ti & d| te P' cl fc cc fa er Q da ni bli vu la de do 552 H 1 s t 0 r rt e es plaintes des malheureux qu'ils ve:oient, de parvenir jufqu'au tröne; [u'enfin le jour du chatiment étoit rrivé , mais que ce chatiment étoit rop au-deffous des forfaits. Quelque temps après , le jeune Anronic fe fit amener ce Mare Caallaire , qui, ainfi que nous 1'avons ïmarqué plus haut, 1'avoit chargé injures groffieres lorfqu'il s'étoit refenté devant les murs de Conftannople. Mare ayant vu la ville prife , : prévoyant la punition qui 1'atten5it, s'étoit caché dans un fourrein oh on avoit eu bien de la :ine h le découvrir. Comme la laieté efl 1'appanage ordinaire del'inlence dès qu'il apprit qu'on Ie mduifoit devant 1'Empereur , il fut fi d'une frayeur mortelle. Le Prince le voyant lui dit avec douceur: •m vous avois-je fait pour me parler ns des termes fi injurieux ? A ces 3ts, Ie coupable eft faifi d'un trem?ment univerfel; il tombe en conIfion , fe roule par terre, fe frappe tête contre le pavé; dans cet état dehre, il ne voyoit ni n'ententplus rien. L'Empereur ordonna  du Bas Empire. Liv. CVII1. 353 de le relever ; Sc lorfqu'il eut un peu repris fes efprits , il lui adreffa ces paroles: » La terreur que vous caufe » 1'attente du fupplice eft une preuve » que vous vous rendez juftice , 8c » que vous reconnoiflez Pavoir mé» rité ; en efïet, 1'outrage que vous » avez ofé me faire ne peut s'expier w que par les plus rigoureux chati» ments; mais je vous pardonne de » bon cceur : que votre exemple » ferve de lecon aux autres , 8c leur » apprenne k ne point infulter des » perfonnes a qui ils doivent du ref» pecf. Allez en paix , mettez do» rénavant un frein a votre langue ; » je vous prends fous ma fauve» garde, il ne vous fera rien fait". Le peupie qui étoit account en foule a ce jugement, 8i qui s'attêndoit a voir Caballaire condamné au dernier fupplice, fit retentir l'air d'a'cclamations, en fe félicitant d'avoir pour maitre un Prince fi magnanime. Après un acte de clémence fi éclatant, devoit-on s'attendre que le premier Miniftre de la Religion refufat de fe réconcilier avec les Evêques qui 1'avoient abandonné dans fa Andronic III. in, 1318. XLVIH. Ifaïe fe téconcilie avec les Evéques.  Andro mc III. An. 1325 Cant. I, 1 c. 2. Le Quien Oriens Chrifi. 3/>4 H I S T O I R E • difgrace , & qui pour plaire au vieux Empereur , avoient confenti qu'il fut . dépofé. Malgré les inffances réité. rées du jeune Andronic, le Patriarche demeura inexorable ; il déclara ' qu'il prétendoit être vengé de 1'injure qui lui avoit été faite. Andronic voyant qu'il ne pouvoit le fléchir, lui envoya le grand Domeftique. Cantacuzene, après avoir écouté les raifons d'Ifaïe, lui dit qu'il ne pouvoit être juge & partie dans cette affaire, qu'il falloit pour Ia décider convoquer un fynode oii-Ies Evêques, contre lefquels il fe portoit accufateur, feroient entendus, & oii 1'on difcuteroit canoniquement ce qu'ils auroient è alléguer pour leur défenfe. Le Patriarche prétendoit au contraire qu'il n'y avoit point lieu a recevoir la juftificatiori de gens dont le crime étoit ayéré. Cependant il confentit, quoiqu'avec beaucoup de peine, a tenir une aflemblée fynodale. Au jour marqué, les Prélats qui devoient former le Synode, fe rendirent au palais patriarchal. Le grand Domeftique y arriva auffi accompagné des Evêques accufés; il leur avoit recom-  nu Bas Empire. Liv. CVIII. 355 mandé de garder le filence, fe chargeant d'être leur avocat. Lorfque chacun eut pris féance, le Patriarche propofa fes griefs; les accufés ne répondirent rien ; alors Cantacuzene prit la parole, & prononca une efpece d'homélie fur le pardon des injures. II y raflembla tout ce qui fe trouve de plus fort dans 1'Evangile fur ce beau fujet; il y fit fentir combien les peuples auroient lieu d'être fcandalifés s'ils voyoient des Miniftres de 1'Eglife réfracfaires a un précepte fi fort recommandé par J. C., & qui efl: une des principales bafes de Ia morale chrétienne. Enfin , il n'oublia pas de citer 1'exemple du jeune Empereur qui venoit de pardonner fi généreufement a Mare Caballaire. Quand il eut fini fon difcours, il alla prendre les accufés, les fit avancer, & engagea les autres Evêques a fe joindre a eux pour flé- 1 chir le Patriarche. Alors fe jettant ] tous enfemble, & le grand Domef- I tique comme les autres , aux pieds 1 du Prélat, üs lui dirent : O vous 1 qui êtes notre pere, pardonne^-nous , ! afin que le Pere célejle vous pardonne Andronic Hl. in. 1328.  Andronic III. An. i 32S, 35°" II I S T 0 I R E auffi. Le Patriarche n'ofa pas réfifter davantage; il reprocha ïeulement au grand Domeftique de Pavoir fait torn bet- dans un piege dont il lui étoit impoflible de fe dégager , & qu'ainft il alloit Ie fatisfaire. Auftitöt il déclara qu'il pardonnoit aux Evêques qui 1'avoient offenfé; & pour leur donner une preuve non équiyoque d'une fincere réconciliation , il les embraffa tous, & leur accorda fa bénédicYion. Les Evêques allerent remercier 1'Empereur de 1'intérêt qu'il avoit pris k leur rétabüflemenr. Andronic fut très-content de voir le fuccès qu'avoit eu la démarche édifiapte du grand Domeftique. Ce jeune Prince ne négügeoit rien pour rétablir la tranquillité dans 1'Etat, & pour fe concilier 1'affecf ion des peuples. Les moyens qu'il employa ne pouyoient manquer de réuflir; il diminua les impöts, &remitaceux qui poffédoient des terres & des vignes dans les domaines du Prince,les redevances qu'ils payoient au fifc; il leur affura la jouiflance de cette faveur par des lettres fcellées de la bulle d'or ck du fceau Impérial. Enfin,  nu Bas Empire. Liv. CVIII. 357 ce Prince fit cefler a Conftantinople la difette qui 1'afU.igeoit depuis longtemps. It y arriva de toutes parti une fi grande quantité de froment , qu'on ne fe reflouvenoit pas d'y en avoir jamais vu une telle abondance. Michel, Roi de Bulgarie , oubliant Ie traité qu'il avoit conclu ft folemnellement avec le jeune Andronic, voulutprofiter des circonftancespour faire une irruption fur lés terres de I'Empire ; il mit a contribution plufieurs villes de la Thrace fupérieure. Le jeune Andronic s'en vengea en lui enlevant Diampole, une de fes places frontieres. Michel, deux mois après, recommenca fes courfes, & fe rendit maitre de Bucele, petite ville fttuée dans le pays des Odryfiens. A cette nouvelle , 1'Empereur qui étoit pour lors a Didymotique, raflemble fes troupes, & envoye a Michel des Ambafladeurs pour lui demander raifon de fa conduite. Ce Prince répond, que fa femme étant fceur d'Andronic , elle avoit droit, comme lui, a la fucceflion de leur pere commun. Les Ambafladeurs répliquent, que s'il veut jouir a titre d'héritier des do- Andro- nic III. An. 1318. XLIX. Paix avec lesBuIga,. res. Cant. I, i. c. 3. Nic. Greg. 1.9. c $:  Andr( NIC II] An, 132 .358 HrSTOIRE - maines de I'Empire, il faut que con'" formément aux loix fondamentales 8. de 1'Etat, il fe reconnoiffe vaffal de 1'Empereur. Michel prétenditqu'étant lui - même Souverain , il ne devoit obéiffance a perfonne ; que fi 1'Empereur vouloit recouvrer Bucele, il falloit qu'il lui donnat en échange Sozopole ; c'étoit une grande & belle ville fituée fur les bords du PontEuxin. II congédia enfuite les Ambaffadeurs, & les fit accompagner de quelques-uns de fes propres Officiers pour favoir les intentions d'Andronic. L'Empereur qui campoit a quelque diftance d'Andrinople, commanda aux Envoyés Bulgares d'attendre dans fon camp la réponfe qu'il vouloit faire a leur maitre. Le lendemain dès la pointe du jour, Andronic fait mettre toutes fes troupes fous les armes. On n'avoit vu depuis long-temps une armée fi nombreufe, fi bien équipée & en fi bon ordre. II mande enfuite les Envoyés de Michel auprès de fa perfonne, & leur dit : Alk{ inftruire votre Souverain de. l'e'tat ou vous voye{ mon armée; elites -lui que pui)qu'il me refufe la.  im Bas-Empire. Liv. CVIII. 351 paix , & ne veut point me donner L fatisfaciion que /ai droit d'attendre d lui, /irai l'attaquer en mettant tout ma confiance dans la vertu viclorieuj de cette croix qu'il m'a remife comm un gage de la fidélité de /es /erments elle /tra l'étendard /ous lequel je mar cherai pour £ aller punir de /a perfidit Les Ambafladeurs s'emprefferent di partir pour rapporter a Michel c< qu'ils avoient vu & enténdu. C< Prince ne jugea pas a propos de mefurer fes forces avec celles de 1'Empereur; Bucele fut rendue, la paixfe fit, & elle fubfifta pendant plufieurs années entre les deux nations; Michel fe retira dans fes Etats, & Andronic revint a Conftantinople. Quelque temps après, le grand Domeftique follicita 1'entier élargiflement de ce Syrgianne que le vieux Andronic avoit condamné a pafler le refte de fes jours dans lesfers. Cantacuzene avoit déjaobtenu précédemment du jeune Prince qu'il fut déchargé de la pefanteur de fes chaïnes, & transféré dans une prifon plus douce. Non-feulement ce Prince s'emprefla d'accorder au prifonnier eette ) 1 - , Andro- ' nic iii. ■ An. 131S, ï L. Syrgianne mis en liberté. Cant. I. I. c. 4. Nic. Greg. I. 9. c, S.  60 HlSTOIRE Andronic III. An. 1328. LI. Les Gibelins demandentde 1'argent a 1'Empereur.Cant. I, 2, t. J. nouvelle faveur, mais il fit k Cantacuzene des reproches de ce qu'il ne lui avoit demandé que par degrés tout ce qu'il defiroit faire pour Syrgianne , comme s'il eut douté de fon amitié Sc de fon emprefïement a 1'obliger. L'Impératrice Xene, mere du jeune Andronic, apprit avec chagrin que 1'on eut mis en liberté un homme fi dangereux; elle en fut mau* vais gré au grand Domeftique, qu'elle accufoit hautement de trahir les intéréts de fon fils, en favorifant un de fes plus cruels ennemis. Xene fe plaignoit fur-tout de ce qu'elle n'avoit point été confultée dans cette affaire. Cantacuzene s'excufa le mieux qu'il put, en difant qu'il ignoroit que cette Princeffe fut fi oppofée a Syrgianne. Mais la grace de 1'Empereur n'en eut pas moins tout fon effet. Sur ces entrefaites, on vit arriver dans la capitale des Ambafladeurs qui vinrent au nom de Louis V, Empereur d'Allemagne, & chef des Gibelins, demander de 1'argent en vertu de certains traités qui fubfiftoient entre les deux nations. Comme la facfion des Gibelins étoit ennemie jurée  nu Bas-Empire. Liv. CViH. 36*1 jurée du Pape & des Princes de la maifon d'Anjou, elle avoit toujours trouvé faveur a la Cour de Conftantinople, & le vieux Andronic, malr gré fon état de foibleffe, 1'avoit fecourue en diverfes circonftances avec beaucoup de chaleur. Les Allemands ne trouverent pas dans le petit-fils le même zele que dans le grand-pere; on leur répondit que les finances étoient trop épuifées pour qu'il fut poflïble de répondre a leur defir; qu'au refte,on leur donneroit, s'ils le voutoient, des troupes au-lieu de fubfides. On n'ofoit leur faire cette offre que paree qu'on étoit bien fur qu'elle feroit refufée; lesGrecs certainement n'étoient pas alors plus en état de fournir des foldats que de 1'argenr. Les Ambafladeurs repréfenterent qu'ils nemanquoientpasd'hommes , que leur pays en produifoit en grand nombre , & des plus belliqueux; mais qu'ils n'avoient point d'efpeces pour les foudoyer; que c'étoit pour en obtenir qu'ils avoient été envoyés a Conftantinople, & qu'ils ne pouvoient accepter autre cbofe. Cantacuzene, chargé de traiTome XXIV. Q Andronic 111. An. 1328,  Andrc NIC III An. i ja, Lü. Apocai que élevé au M niftere. Cant, l,: ft J. j62 II I S T ;O I R E 5 ter avec ces folliciteurs importuns; ■ ufa de tant d'adreffe, qu'il réuffit en5. fin a les faire défifter de leur demande : il s'en tdébarraffa en les renvoyant chargés de préfents. Depuis que la-méfintelligenceavoit ■ éclaté entre les deux Empereurs , . Cantacuzene avoit porté prefque feul tout le poids des affaires qui inté» ;-reffoient le jeune Andronic; il étoit 1'ame de fes confeils, & il ne s'expédioit aucune dépêche, aucun ordre émanés de 1'autorité de ce Prince, qui ne fuffent vifés par ce Miniftre. II voulut profiter de la paix pour fe procurer quelque relache. II demanda a fon maitre la permiffion de fe démettre au moins d'une partie de fes emplois, & le pria de conférer k quelqu'autre la furintendance des fihances, ia recette des impöts, & la garde du fceau Impérial. Andronic confentit k fesvceux; & pour lui donner une nouvelle marqué de fa confiance , il le laiffa maitre de nommer lui-même celui qui devoit le remplacer dans ces fonöions. Cantacuzene jetta les yeux fur Apocauque Paracemomene; 1'Empereur approuva  r»u Bas Empire. Liv. CVIII. 35; ce choix, & s'emprefla de Je confirmer. A - peu - prés dans dans Ie même -temps, Andronic fe rendit a Cyzique. Le principal objet de ce voyagc étoit defaire un accommodement avec, 1'Emir Tamer-Cam , fils, de Giaxe , fouve'rain d'une grande partie de Is Phrygie , & de 1'engager k ne poini inquiéter les villes qui reftoient encore a 1'Empereur Air I'Hellefpont Tamer-Cam fe montra plus facile qu'on n'auroit ofé 1'efpérer. Sur h fimple invitation d'Andronic , il vim trouver ce Prince k Pége oiiils'étoii avancé, & fe préfenta devant lu: avec de grandes marqués de refpeft du plus loin qu'il put 1'appercevoir, il defcendit de cheval, ainfi que tou« ceux qui Paecompagnoient; puis s'étant tous profternés en terre , ils 1'a dorerent. Tamer s'avancant enfuite vers 1'Empereur, le falua en pofani la tête contre terre, & lui baifa le pied ; puis il remonta k cheval, & eut avec ce Prince un entretien dan; lequel ils convinrent des conditioni de la paix. Le jour fuivant, elle fi.11 fignée de part &c d'autre, & Tamei Q ij Andronic III. An. 1328. lui. Paix avec TamerCam , Prince de Phrygie. Cant. I, %. c J.  Andho- N1C III. An. 1329 L1VViftoirremportée fur Orchan, Cant. I, 2 (. 6. Nie. Grtfc l. 9 9- Phrani^. ,1. i. c. i i Chalc. 0: chan. Ltuncl. Jii/l. Tur, 3 tite ville maritime. Andronic, voyani approcher 1'ennemi, fit mettre fes foldats fous les armes; &pour leur infpirer plus de courage , il leur rap' pella les glorieufes acfions des Romains leurs ancêtres; car il faut toujours fe reffouvenir que les Grecs de ces temps-la fe regardoient encore comme les defcendants de ces fiers conquérants de 1'univers , quoiqu'ils ne leur reffemblaffent guere; jamais en parlant d'eux-mêmes ils ne Q «j , Andronic iii. • An. 1519. t I  ANDRONIC III. An, 1329, i ! i 1 I 3 triomphé de toutes les nations, ils » ont mis fous le joug 1'Europe, » 1'Afie, 1'Afrique & prefque toute » la terre. Si, depuis quelque temps 9 nous avonsété malheureux en com» battant contre les Barbares, il ne » faut pas pour cela nous laiffer abatt> tre & perdre courage : fi nous * avons été vaincus , ce n'eft pas la» cheté de notre part; regardons •> cette infortune comme un etïet de * la colere du ciel qui a voulu nous > chatierdenos crimes. Ayons con- > fiance en nous-mêmes , ne défef» pérons pas de Ia viöoire, c'eft le » moyen de I'obtenir. L'ennemi que > nous avons en tête n'efl point aufli > redoutable que vous vous 1'ima- > ginez peut-être; Yoyez comme il  éu Bas-Empire. Liv. CVIII. 367 » fe cachë clans les montagnes , 6c » avec qtielle crainte il fe préfente i> au combat : il n'apas plus d'expé>> rience que vbus, 6c vous avez » plus de réfolution que lui. Mon» trez-vous dignes de vos aricêtres , » comportez-vous en gens de cceur; » fongez que vóüs allez combattre » non pour faire la conquête de quel» que nouvelle terre, mais pour lé » falut' de votre pafrie, la confer» vation de vos biens 6c de votre « liberté ". II donna enfuite a fes troupes quelques avis fur Ia maniere dónt elles devoient recevoir les attaques des Barbares & les repouffer; il les prévint que 1'ufage des Turcs étant de defcendre des montagnes pour Venir fohdre für leurs ennemis , de ne combattre qu'en efcarmouchant, & de prendre la fuite après avoir fait leur décharge , il étoit néceiTairë de fuivre contre eux un aittre plan de tacfique. » Marchez , dit» i!, en bon ordre & au petit pas, » jufqu'a ce que vous foyez affez prés des Turcs; alors pouffez vos » chevaux 6c foncez aux galop fur # eux :' par-la vous éviterez d'être q iv. Andro" NIC 1il An, 1319.  Andro- k1c III. Aa. 1329, 368 HlSTOIRE » accablés de leurs traits , ck il leur » fera plus difficile de vous échap» per. Au refte, prenez garde de » vous laiffer emporter par trop d'ar» deur, & neles pourfuivez pas trop » loin , arrêtez-vous a un certain » terme ". Toute l'armée fit de grandes acclamations , remercia 1'Empereur des inftrucfions qu'il venoit de lui donner, promit d'y être fidele, & de vaincre ou de mourir. Alors on s'ébranla de part & d'autre. Les Turcs manceuvrerent comme 1'avoit prévu Andronic. Les Impériaux , de leur cöté, exécuterent ponöuellement les ordres de leur Prince. Cinq fois les Mufulmans revinrent a la charge, & cinq fois ils furent repouf fés avec perte; mais il étoit impoffible de remporter fur eux une victoire complette, paree que lorfqu'ils fe voyoient preffés trop vivement, ils fe retiroient fur des hauteurs qui étoient inacceffibles aux Grecs. Malgré le fuccès de cette journée, Ie grand Domeftique ne fut point d'avis qu'on entreprit de forcer les Barbares dans les défilés de leurs montagnes ;il crut qu'il valoit mieux fe  du BasEmpire. Liv. CVIÏÏ. 369 fetirer dans un moment oü Pavantage étoit demeuré aux armes Impériales. Le Prince adopta fon fentiment. Auffi-tot on fonna de la trompette , les enfeignes furent levées , & l'armée s'en retourna dans fon camp en faifant retentir Pair des chants de victoire. Orchan ayant remarqué les mouvements des Grecs, envoie après eux un détachement pour les inquiéter dans leur retraite. Quelques jeunes gens de l'armée cédant a 1'impétuo..;fité de leur courage, oferent quitter leurs rangs pour aller au-devant des Barbares. Le grand Domeftique, inftruit de leur témérité, partit fur-lechamp avec une troupe de foldats choifis pour les forcer de revenir. II rencontra 1'Empereur qui s'étoit auffi éloigné du gros de l'armée dans la même intention. Ils arriverent forl a propos pour ces jeunes téméraires, qu'ils trouverent aux prifes avec lei Turcs qui les preffoient vivement, Ils vinrent a bout de les dégager. mais ce ne fut pas fans courir rifqut de leur perfonne. Cantacuzene em fon cheval tué; celui de PEmpereui Q v Andronic III. An. 1329. LV. LesGrecs perdent leuravantage.Cant. I. ï. Nic. Greg. I. 9.C 9. Vhrant\. ibid.  Andronic III. An, 1329, LVI. Terreur panique de l'armée Impériale.Cant. I. 2. c 8. Nic. Greg. Phrant^. ' Uid. ■ J 1 4 j Ï I i i f f 37° II I S T 0 I R E fut percé de coups, & lui-même reent dans la mêlee une bleffure a la cuiffe : cependant les Impériaux demeurerent maïtres du champ de bataille. Les Turcs, après s'être battus en gens de cceur, & avoir perdu un grand^ nombre des leurs, fe réfugiérent a la faveur de la nuit dans les montagnes. ^ Quoique la bleffure de 1'Empereur fut affez légere, el!e 1'obligea cependant de refter pendant quelques jours dans fa tente. Les foldats ne le voyant pas paroitre, crürent qu'il étoit dan?ereufement malade. Bientót des émifaires du vieux Andronic firent cou•ir Ie bruit qu'il étoit aux portes de a mort. A cette nouvelle, les foldats )rennent 1'allarme, & forment la réblution de fe retirer en diligence cha:un chez eux. Le grand Domeftique illa fe placer a 1'entrée du camp pour 'oppofer a ceux qui en vouloient ortir; mais fans aucun refpedf ni •our fon autorité, ni pour fa peronne, les foldats fe mutinerent, & n'ofa pas leur réfifter. Dans cette kheufe circonftance, il crut qu'il ïlloit veiller a la confervation de  fiu Bas Empire. Liv. CVIII. 371 1'Empereur; il court avec précipitarion vers fa tente; mais il ne le trouve point, paree que quelques Officiers effrayés descris tumultueux qui s'étoient élevés de toutes parts, 1'avoient emporté dans un tapis & embarqué fur un vaiffeau pour le faire pafTer en diligence a Conftantinople. Quelqu'efrort que firent les chefs de l'armée & Cantacuzene en particulier , il ne leur fut pas poftible de faire entendre raifon a cette multitude dont 1'imagination étoit frappée d'une terreur panique. 11 fallut céder a la néceffité, & permettre h ces mufins de fe retirer oii il leur conviendroit. I!s fe diviferent en quatre bandes, qui réfolurent d'aller s'enfermer chacune dans une des villes les plus voifines , & en mêmetemps les plus en état de leur fervir d'afyle. Orchan , inftruit par fes coureurs du défordre & de la confuiion qui; régnoient dans le camp des Grecs, 1 détacha plufieurs partis pour tomber 1 fur eux lorfqu'ils feroient difperfés.'( Ses ordres ne furent que trop bien > exécutés; une multitude d'Impériaux' Q vj Andronic 111. An. 1329 Lvn. -es Turcs '.n profient & fc endent naitres le Nicée. 'ant, l. 2. . 8.  Andromc 111. An. 1329. Chalc. Orchan.Cantim. Lcuncl. ' k!ft. Turc.t i 1 I 1 1 < 1 1 1 F •t C a c r l f r c 572 H I S T O I R E }ênt fous le glaive des Infideles, qui i'ailleurs firent un butin immenfe. Üs s'emparerent de tout le bagage de l'armée , fe faifirent des équipages de 'Empereur, & même de fon cheval le bataille qui fe trouvoit encore :ouvert de fa felle Sc de fes autres )rnements couleur de pourpre. Pluieurs Officiers de marqué perdirent a vie dans cette déroute, Sc entre lutres Manuel Tarcaniote Sc Nicéihore Cantacuzene, tous deux paents du grand Domeftique. Exoroque , grand Hétériarque, y périt ufti. Les plus maltraités furent ceux [ui avoient choifis Philocrene pour e lieu de leur retraite. Les Barbaes les ayant rencontrés fur le chemin qui conduifoit a cette ville, les iourfuivirent avec beaucoup de viacité. Malheureufement quand les ïrecs furent arrivés a la porte, un ccident imprévu empêcha de la leur uvrir, les clefs fe trouverent égaées. Serrés les uns contre les autres, s recevoient la mort fans pouvoir ■ défendre. Enfin , après un certain ïmps, on feur ouvrit. La foule de sux qui s'empreftbient d'entrer fut  jïu Bas Empire. Liv. CVIII. 375 I fi grande, qu'il y en eut trois d'éI touffés au paflage. Cette expédition , dont le début avoit été fi brillant , , 1 eut des fuites qui accélérerent la ruine I de I'Empire en Afie. La ville de NiI cée fe trouvant par ce défaftre hors I d'état de fe défendre, & fans aucune efpérance d'être fecourue , fongea a capituler. Elle offrit a Orchan de fe rendre s'il vouloit faire aux habitants j grace de la vie , & les laiffer partir | pour Conftantinople. Orchan conI fentit a leur demande , & de plus leur donna la permiffion d'emporter i avec eux tous leurs effets. Cette der- niere faveur a laquelle on ne s'atI tendoit pas, fit impreffion fur la pluI part des habitants. II n'y en eut qu'un très-petit nombre qui fortit de la vilI le, & plufieurs même renoncerent a I leur religion pour embrafler celle de 1 Mahomet, tant la douceur a de pou\ voir fur le coeur & fur 1'efprit des I hommes. Orchan fit plus encore, il \ accorda aux habitants de Nicée la ! liberté de fe gouverner fuivant leurs loix, pourvu qu'ils fe reconnufient 1 fes fujets, & qu'ils lui payaffent tri| but. II s'occupa même du fort des \ndeo- ïic iii. V11,1329,  Andronic iii. An. 1320 lviiii. Orchan érablit dans fes Etats une nouvelle adn-.iniftration. Cantim. Leuncl. hifi. Turc. I.4. 1 ) < 1 1 ! c l 374 Hn f 011 a g 'femmes qui avoient perdu leurs rMris pendant Ie fiege. II leur procura des établiiTements, & maria avantageufement celles qui étoient encore én état d'être meres; car Ce Barbare s'intéreffoit aux progrès de Ia pfopagation de 1'efpece humaine, en même-temps qu'il en étoit un des plus grands deftrucfeurs. Orchan , après avoir fait I'importante conquête de Nicée, fongea % établir dans fes Etats un nouveau plan \ d'adminiftration. II nomma des Pachas pour gouverner en fon nom les diyerfes Provinces de fa domination. FI inffitua dans chaque ville un Cacli chargé de juger les procés avec cette promptitude que certains Publiciftes idmirent encore aujourd'hui dans les ribunaux Mufulmans, & qu'ils opJofent a cette4enteur avec laquelle :hez d'autres nations la Juftice fe raïne, embarraffée par une multiude de formalités dont la chicane bufe pour exercer les plus honteux rigandages. Les foldats d'Orchan toient braves, & alloient au comat avec une intrépidité que rien ne ouvoit étonner; mais ils ne con-  ïtü Bas-Empire. Liv. CVIII. J75 rioiflbient aucnne difcipline , ils n'avoient point de paye , & ne vivoient que de pillage. Orchan leur affigna une folde quotidienne , & les obligea de s'en contenter. ïl les dreffa aux exercices militaires, & les rendit infenfiblement plus dociles aux ordres de leurs Officiers. La principale force de fes armées confifioif dans une troupe de jeunes Chrétiens renégats enlevés dès 1'enfance a leun parents, & qu'il avoit accoutumés f fervir fous fes drapeaux avec une obéiffance aveugle. C'efi de cette troupe redoutable qu'il tira ces Spahls, dont les fucceffeurs forment encore maintenant le premier corps d< cavalerie de I'Empire Mufulman. Poui fe donner plus de confidération, i quitta le titre d'Emir, & prit celu de Sultan. Conformément aux inten tions de fon pere, il établit le fiege de fon Empire a Prufe; il décora cette ville de fuperbes édifkes, y fit conf truire des mofquées, des höpitaux des marchés, des places publiques & la rendit une des plus belles ville 1 de 1'Orient; enfin, pour achever d'ef facer ce qui pouvoit rappeller le fou Andro» nic UI. An. 1329. 1 1  Andronic III. An. 1319 lix. Andronic réforme la juftice. Nic. Greg, l. 9. f. 9. 1 1 J ( 1 ] i 2?6 Histoirë venir des Seljoucides d'Icone, il dé-cna leur monnoie , & en fit frapper • une nouvelle a fon propre coin. Cependant Je jeune Andronic fe faifoit traiter k Conftantinople de fa bleffure. Lorfqu'il fut guéri, il fe propofa de corriger en partie les abus qui a la faveur des derniers troubies, s'étoient gliffés dans les différentes branches de 1'adminiftration. II travadla fur-tout k la réforme de la juftice , objet perpétuel des vceux de tous les bons Princes, mais auffi la plus difficile & peut-être même Ia plus dangereufe de toutes les entrepnfes. II caffa tous les Magiftrats qui étoient alors en place, & leur fubf- titua quatre perfonnages verfés dans la fcience du droit, & d'ailleurs re- ' :ommandabIes par une probité k :oute épreuve. Pour mieux faire fenir k ces derniers la dignité de leur niniftere, il voulut les en inveftir ivec les cérémonies les plus impoantes. II les affembla dans le temple le Sainte-Sophié: la en préfence de oute la Cour & d'une multitude inlombrable de citoyens, il leur fit urer au milieu de la célébration des  du Bas Empire. Liv. CVIII. 377 faints myfleres, fur le livre des évan-! giles Sc fur Pépée Impériale, de rendre la juflice gratuitement Sc avec 1 une religieufe exaöitude, de ne fe laiffer féduire ni par la qualité des perfonnes, ni par Ia faveur, ni par les préfents; Sc pour éloigner d'eux, autant qu'il étoit poffible , ce dernier moyen de corruption, il leur afligna des revenus fuffifants pour qu'ils puffent fubfifter d'une maniere qui répondit a la nobleffe de leur état. On fe rappelle que le vieux Andronic avoit été obligé quelques années auparavant, de faire une pareille réforme ; nous avons vu auffi qu'elle ne fut point de longue durée. C'efi qu'il ne fuffit pas qu'un Souverain applique 1'appareil aux plaies de 1'Etat, il faut encore qu'il fache 1'y tenir affujetti d'une main ferme & vigoureufe. U'DUO' «c iii. in. 1319.   379 SOMMAIRE D V CENT NEUVIEME LIVRE. I. C ANT ACV ZEN E neveut point être affocié d I'Empire. II. Uijle de Chio enlevèe d Martin Zacharie, noble Gènois. III. Le frere de Martin refufe le Gouvernement de cette ifle. I V. Sti^erainete de . L'Empereur reconnue dans la nouvelle IJhocée. V. Dèfaite d'une armee Turque en Thrace. VI. Andronic tombe malade ; reproches qu'il fait d Cantacuzene. VII. Difcours du Prince mourant aux Grands de l'Etat. VIII. Cantacuzene regoit le ferment des ciloyens de tous les ordres. IX. 11 fauve la vie au Defpote Conftantin. X» L'Empereur veut mourir Moine. XI. Difcours de ce Prince a fon ami Cantacuzene. XII. Guérifon fubite d'Andronic. XIII. Syrgianne adopté par la merè de L'Empereur. XIV. Andronic apprend avec chagrin que fon aïeul s'eft  380 Som m Air e. fait Moine. xv. Expêdition contre les Turcs & les Serves. XVI. Syrgianne dénoncé comme traitre a lapatrie. XVII, Jl implore la proteclion de Cantacuzene. Xvin. Nouvelle dêfaite des Turcs. XIX. Expêdition malheureufe contre le Crale de Servië. XX. Traité dalliance avec Orchan. xxl. Procés de Syrgianne repris. XXII. Mort du vieux Andronic. XXIII. // meurt dans la pauvreté. XXIV. Précis de fon regne. XXV. Sa religion mal entendue. XXVI. Minipes mal choifis. xxvii. Finances mal adminif tréesi xxvin. Monnoie altérée. XXix. Economie imprudente. xxx. Suppref fion de la marine. XXXI. Caraclere d'efprit de ce Prince. XXXII. 11 étoit difert. XXXIII. Ses vertus appréciées. XXXIV. 11 décourage la nation. XXXV. Mort de Métochite. XXXVI. Ülmpératrice accouche dun fils. XXXVII. Expêdition contre Alexandre, nouveau Roi de Bulgarie. XXXVIII. Mauvaife foi dAlexandre. XXXIX. 11 demande la paix. XL. Defeente du Turc Amir en Thrace. XLI. Nicée pillêe par les Infideles. XLH. Mort de Philippe de Tarente, xliii. Jean dApres élu Patriarche. XLiv. Mort de l''Irnpêratrice Xene. XLV. Fin  du Livre CIX. 381 tnalluureufe de Syrgianne. xlvi. Nonces du Pape a Conftantinople. xlvii. Mort de Conftantin oncle de t'Empereur. xlviii. Andronic engagé dans une croifade. xlix. Entreprife fur la nouvelle Phocée & fur l'ifte de Lesbos. L. Elles rent rent fous l'obéijfance de £ Empereur. li. Expêdition contre les Albanois. lh. Révolution en Acarnanie. lui. Rêunion de cette Province au domaine de I'Empire. liv. Le jeune Nicéphore en* levé par un parti de mécontents. LV. Mariage de la fille de L'Empereur avec le fils du Roi de Bulgarie. lvi. Barlaam fait des propofidons au Pape de la part de 1'Empereur. lvii. Cette négociadon échoue. lviii. Soulevement en Acarnanie. lix. La ville de Roge fe rend d Andronic. lx. Celle de l'Arta ne tarde pas d fe foumettre. lxi. Tomocaftre ouvre fes portes d Cantacuzene. lxii. Fin de la révolte. LXin. Apocauquefeint de vouloir fe faire Moine. lxiv. II offre de faire d fes dépens la guerre aux Infiddes. lxv. // commande la marine impériale contre le grê de L'Empereur. lxvi. Andronic pardonne d ceux qui avoient conjpiré contre fa vie. lxv 11. Conftruclions faites par or-  3 S% S.OMM A I R E , &C dre de ce Prince. LXVllI. Synode au Barlaam accüfe les Moines du Mont Athos de polythüfme. LXIX. L'Empereur tombe malade. LXX. Apocauque confeille d Cantacuzene de prendre la pourpre^ impériale. LXXr. Cantacuzene veille d la fureté des enfants d' Andronic. LXXII. Andronic meurt. LXXlii. Le nombre de fes enfants. Lxxiv. Son poriraïu  HISTOIRE LIVRE CENT NEW IE ME. ANDRONIC III. Vers l'automne del'année 1319, Andronic paffa en Thrace. Ce fut pendant ce voyage que ce Prince offritau grand Domeflique, fon ami" & fon premier Miniftre, de 1'affocier au tröne. II voulut même 1'obli- = ger de prendre les ornements de la' dignité impériale , mais Cantacuzene! oppofa une généreufe réfiftance aux 1 volontés de fon maitre, & fe con-^ D U BASEMPIRE. Andronic iii. in. 1329. I. Cantacuene ne 'ent 'ointêtre ffocié a Empire. ■ ant. /, 2. ■ 9-  Andro- kic III. An. 1325 tl. L'ifle t Chio ei levée a Martin Zecharii noble Génois. Cant, l. c. 10. 1 Nic. Gre, l. 9. c. 9, 384 II I S T O I R E tenta de poiTéder fa confiance, fans prétendre partager avec lui la fouve- . raine autorité. Le principal but du voyage d'Andronic en Thrace étoit de s'aboucher avec la mere du grand Domeftique, au fujet d'une négociationtrès-importante pour 1'Etat, dont cette femme eftimable avoit le fecret. Un Seigneur Grec qui réfidoit dans 1'ifle de Chio ou il poffédoit de grands biens, étoit venu lui propofer un projet pour remettre cette ifle fous la domination des Grecs. II s'engagea a employer tout fon crédit pour faire réuflir 1'entreprife, mais en même-temps, il demandoit que 1'Empereur fit de fon cóté des préparatifs affez puiffants pour qu'une fi grande affaire ne manquat pas, fansquoi lui & tous les fiens fe trouveroient expofés au reffentiment de 1'ufurpateur. Benoit Zacharie, noble Génois, ^ un des inftigateurs de la révolte des Siciliens contre Charles d'Anjou, s'étoit rendu maitre de 1'ifle de Chio. ' Le vieux Andronic, trop diftrait par les divifionsqui troubloient le repos '-• de fa maifon & par la guerre que / lui faifoient les Turcs, s'étoit vu forcé  nu Bas-Empire. Liv. CIX. 385 forcé de diffimuler cet affront. II n'a- voit pu mieux faire alors, que de t confentir que Benoït confervat pen-jj dant un temps limité la jouiffance de f fa conquête, fans être obligé de payer 1 aucun tribut, pourvu toutefois que ƒ l'ifle fut toujours cenfée être du do- 2' maine de I'Empire. Benoït parut fe foumettre volontiers a cette derniere condition ; mais il ne tarda pas a y donner ouvertement atteinte. Bientót il fe conduifit en toute circonftance comme un vrai Souverain. Martin Zacharie, fon fils ,qui lui fuccéda, affecfa encore une plus grande indépendance. II fit abattre de deffus les murailles de la viü.e capitale, les armoiries de 1'Empereur, pour y fubftituer les fiennes. II éleva une forte citadelle pour tenir en bride les habitants de l'ifle, & pour fe mettre k 1'abri d'une invafion de la part des Grecs. Les chofes étoient en cet état, lorfque Andronic fut averti de prendre fes mefures, pour réprimer les entreprifes de Martin. Ce Prince lui envoya dire de ceffer les travaux qu'il avoit commencés , le mena^ant de lui déclarer la guerre, s'il n'oTomt XXIV. R Indro- ic iii. n.1329. hrantt. I. . C, 12. ïft. Conf. 6. an. J.  Anduo «ie iir. An. 1329 ] I < l 1 i 3^(5 H 1 s t o 1 r-e béiffoitfur le champ. Martin , accou- tumé depuis long-temps a méprifer .les Grecs, n'eut aucun égard niaux ordres ni aux menaces d'Andronic; loin d'interrompre les ouvrages, il' les poufia avec une nouvelle acfivité, il augmenta Ie nombre de< travadleurs, & fe mit en difpofition de bien recevoir 1'Empereur lui-même, s'il ofoit venir Pattaquer. Andronic, voyant qu'il n'y avoit plus que la force des armes qui pütobliger Martin de rentrer dans Ie devoir, équipe en diligence une flotte fur Iaquelle il fait embarquer un grand nombre de foldats. Martin , inftruit de ces préparatifs , cqlï|menca par faire couler bas trois de fes propres galeres dans Ie port, pour en rendre 1'entree impraticable aux vaiffeaux des Grecs ; puis il s'enferma dans la ville ivec huit cents hommes bien aguer•is, & déterminés è fe défendre juf[u'au dernier foupir. L'Empereur exé:uta fa defcente fans éprouver pref[u'aucun obftacle ; ayant rangé enuite fon armée en ordre de batails, il s'avanca vers la ville pour en ure le fiege; mais auparavant il prit  bu Bas-Empire. Liv. CIX. 387 polTeffion d'un petit fort fitué k un mille de diftance de la place. Ce pofte avoit été confïé k la garde de Benoït, frere de Martin , qui le rendit dès la première fommation. Benoït étoit d'intelligence avec 1'Empereur, & avoit trahi fon frere a caufe d'un différend furvenu entre eux pour raifon d'intérêt. Martin ,' Jorfqu'il fe vit ainfi abandonné , perdit courage. Ne fe fentant point en état de réfifter avec fa garnifon aux forces des Grecs, il prït le parti de venir fe livrer avec toutes fes troupes a la difcrétion d'Andronic. II s'étoit rendu fi odieux au habitants de l'ifle, qu'ils vouhirent le maflacrer fous les yeux même de 1'Empereur. Le grand Domeftique le mit a couvert part fon autorité & par fes menaces , de la rage de ces mutins. Andronic , après avoir réprimandé févérement Martin Zacharie, le condamna a une prifon oü il ne lui manqua que la liberté. Ses enfants Sc" fa femme eurent Ia permiffion nonfeulement de fe retirer oü ils jugeroient k propos, mais encore d emporter avec eux tous leurs effets. R ij AndrO' nic iii. An. 1319  38.8 U I S T O I R J ■ Onanr ^Mvtrnunnp J. • » < Andronic III. An. 1329. III. Le frere de Martin »efufe JegJ gouver- 1 nement ^ de cette ifle. < Cant. I. 2. ( <■ 12. 13. < Phrantr. I. I. t. 12. t Ontrem, de (_ txcid. r Grxc. liber fi»g. e, j.f <3 li 6 lc 11 V .V -t,--.~ >.UTC3 uc martin, ia plus grande partie s'enröla dans l'armée imperiale. Andronic combia de préfents Benoït Calothete, ce Seigneur Grec qui avoit été Ie premier auteur 5eJVeVoIution' Pour fe concilier I affection des habitans de Chio, il es déchargea des impofltions trop snereufes, dont Martin les avoit ac:ablés. L'Empereur fit venir enfuite Beloit, frere de Martin , & le remer:ia du fervice qu'il venoit de lui renIre. Pour lui en témoigner fa reconjoiffance, il Ie nomma gouverneur Ie Chio; lui annoncant que fur les :ent vingt mille befans d'or que proluifoient annuellement les impofiions de cette ifle, on préleveroit les eniers néceffaires pour réparer les artifications, payer les troupes, & ure les autres dépenfes publiques; ue la moitié de la fomme reftante II demeureroit pour fon apanage, : 1'autre moitié feroit verfée dans : tréfor impérial. Benoït recut fort ial cette propofition; il déclara qu'il auloit pofféder l'ifle en toute fou?raineté, ou n'y pas refter. An-  nu Cas-£m»ire. Liv. CIX. 389 dronic ne devoit pas s'attendre a une pareille réponfe; il en fut étrangement furpris. Sans fortir de ce caractere de douceur qui lui étoit naturel, reprélenta a Benoït, d'un cöté, 1'injuftice de fes prétentions, & de 1'autre les grands avantages qu'il lui propofoit. Benoït perfifta dans fa première réfolution. II repliqua avec colere, & prit toutes les paroles que lui adreiToit 1'Empereur , pour autant d'injures. Andronic lui donna trois jours pour fe confulter avec fes amis. Ce terme expiré, Benoït fe montra encore plus opiniatre que jamais, & 1'Empereur, pour ne pas 1'expofer k lui manquer, le congédia fans vouloir 1'entendre plus long-temps. Le grand Domeftique confeilla a Andronic de faire affembler les Génois &c les Vénitiens, en un mot, tous les Latins qui pouvoient fe trouver dans l'ifle, & de les prier d'être eux-mêmes juges dans cette affaire. L'Empereur y confentit. Au jour indiqué , Benoït parut devant raiTemblée. Cantacuzene y expofa la maniere dont les chofes s'étoient paffées; il n'y eut pas une voix qui ne fe déclarat conR iij Andronic III. An, 1319.  Andro mc III. An. 39° f 1 i s ï o i it e stre Benoït. Cet Italien, défefpéré Je ' fe voir condamné par les flens, proi.féra mille imprécations, & protefta avec des ferments horribles que jamais il ne repréfenteroit dans l'ifle d'autre perfonnage que celui d'un Souverain abfolu, & tout-a-fait indépendant de I'Empire Grec, dont il ne vouloit pas relever. Alors le grand Domeftique lui propofa de la part de 1'Empereur, de venir s'établir è Conftantinople, ajoutant que ce Prince lui donneroit dans cette capitale un magnifïque palais , qu'il 1'adrnettroit au nombre des Grands de I'Empire, & lui aflïgneroit une penfton annuelle de vingt mille befans d'or a prendre fur les impofitions de Chio. Benoit rejetta avec fïerté ces nouvelles offres, & demanda feulement qu'on lui fournït des navires pour le tranfporter lui & fa familie a Galata; ce qui lui fut accordé. La conduite audacieufe & infultante de Benoït, la patience avec laquelle PEmpereurfouftritfesemportements, & lescomplaifances qu'il eut pour lui jufqu'A la fin, montrent bien 1'état de foiblefle oü fe trouvoient alors ré-  nu Bas-Eiupire. Liv. CIX. 391 duits les fuccefleurs du grand Conf- ; tantin, & jufqu'a quel point lama- ^ jeflé Impériale étoit avilie. Dès que a Benoit fut forti de l'ifle de Chio, Andronic y établit une forte garnifon ,& la pourvut de toutes les chofes néceflaires a fa défenfe. En quoi il fe conduifit fagement; car quelque temps après, Benoït, ayant pris a fa folde tousles vaiffeaux qu'il avoit trouvés a Galata , vint faire une defcente dans l'ifle, & entreprit d'emporter la ville d'aflaut; mais les habitants réunis aux foldats le repouflerent vigoureufement; ils lui tuerent trois cents hommes, & forcerent les autres de fe rembarquer au plus vïte. Benoït, furieux d'avoir échoué, fe livra au défefpoir avec tant de violence, qu'il mourut fept jours après d'une attaque d'épilepfie. Par fa mort, I'Empire fut délivré d'un ennemi qui auroit pu lui donner beaucoup d'embarras. Andronic pafla de l'ifle de Chio en Oriënt, foit pour y reconnoïtre ena'f quel état fe trouvoient fes pofleflïons 1'f dans-cette contrée, foit pour fe con-re cilier ceux des Emirs Turcs , qui da voyoient d\m ceil jaloux la puiflance nc R iv Vl ■uil—1 «> Lndro- ic iii. n.1319. IV. iuzeraité de mpeir rennueris la uvelle iocée.  Andro- MC III. An. 1329. ïhranft. I. I. c. 13. D'Outrem, de excid, Grxc. Ub. Jngul.c. 5. 'Zant. I, 2, 13. ) ] i < 1 < t J des Grecs, mais elle fe trouvoit affervie, en quelque forte, fous la dosmnation d'un Génois, nommé André Catane. II s'en étoit rendu maitre, comme Martin Zacharie avoit fait de Chio, en y batiffant une citadelle pour tenir les habitants en refped. Lorfque 1'Empereur arriva a 39- Histoire d'Orchan, & qui par conféquent devoient être difpofés a fe liguer avec lui. Dans le nombre de ces Emirs inquiets, on diftinguoit Sarcan qui dommoit furl'Ionie. Sarcan vint trouver 1'Empereur, lui témoigna autant de refpeft que fi ce Prince eut été fon Souverain. Ils firent enfemble un traité d'union, par laquelle ils s'enga?erent a fe défendre mutuellement :ontre les entreprifes d'Orchan. Ai■ine, Emir de Carie, ne put ferenIre en perfonne auprès d'Andronic, >arce qu'il étoit alors malade; mais 1 lui envoya offrir fon alliance avec je nches préfents. Andronic accueilit favorablement les Ambaffadeurs lAitine, & accepta avec empreffelentles propofitions de leur maitre. Lndronic partit enfuite pour la nouelle Phocée. Elle  du Bas-Empire. Liv. QIX. 393 Phocée, André étoit allé faire un: voyage a Gênes fa patrie, & en partant il avoit remis le commandement. a Henri Tartaro fon oncle. Henri fit ouvrir les portes de la ville a 1'Empereur , & alla le recevoir a la tête des principaux habitants. Dès qu'Andronic fut entré, le Commandant donna ordre a fa garnifon qui étoit compofée de Génois & de Latins, de fortir de la ville, & remit la place entre les mains du Prince. L'Empereur y paffa deux jours. Le troifieme au matin, il fait venir Henri, &z ordonne k fes Varangues, dont le privilege étoit d'avoir en garde les clefs des villes oü 1'Empereur faifoit réfidence, de les rendre k Henri Tartaro ; en même-temps il lui dit : Je fuis venu d Phocée comme dans un lieu. qui m'appariient; j'y ai demeurê tant qu'il m'a plu : je m'en vais; je vous confie la ville ; vous la remettrez d votre neveu, pour qu'il continue dy commander en mon nom , tant que je le jugerai apropos. II combla enfuite Henri de préfents, & donna des gratifications aux foldats, puis il reprit le chemin de la capitale. Dès qu'il y R v Andronic III. Vn. 1329.  Andronic III. An. 1330 V. Défaits d'une armée Turque en Thrace. Cant, l. 2, e. ij. VI. Andronic. tombe malade; ' reproche 1 qu'il fait . a Cantacuzene, ' 394 'HrsTOiRE fut arrivé, il défarma fa fïotte, & licencia fes troupes. , ^ Aprèsavoirféjourné quelque temps a Conftantinople, Andronic alla a Didymotique avec le grand Domeftique. A peine y eft-il arrivé, qu'il apprend qu'une armée Turque envoyée par Orchan, avoit paffé la mer fur une flotte de foixante & dix vaiffeaux, qu'elle mettoit tout a feu & k fang, & qu'elle s'avancoit vers Trajanople. Cette nouvelle le jetta dans la plus grande inquiétude, paree qu'il ie trouvoit alors fans troupes réglées. II affemble a la hate toutes les garnifons des villes voifines, fe met k leur tête, va au-devant des Barbares , les attaque, tk remporte fur eux une vief oire complete. Prefque toute ['armée Turque refta fur le champ de bataille , ou fut réduite en efclavage. Le peu qui put s'êchapper fe fauva sréciptamment en Oriënt. Cette vicfoire fembla relever le rourage de la nation. On Ia regarloit comme le prélude d autres fuccès •pcore plus heureux. Les Grecs fe élicitoient d'être gouvernés pas un 'rince qui s'annoncoit pour ètre le  du Bas-Empire. Liv. CIX. 395 libérateur de la patrie. Ils fe livroient a toute rallégreffe que leur infpiroit une idéé fi flatteufe, Jorfqu'un accident imprévu vint tout-a-coup les plonger dans le deuil le plus amer. Andronic , ayant pris le bain imprudemment , fut attaqué d'une fievre aiguë, qui bientöt fit craindre pour fes jours. Ce Prince fe croyant déja aux portes du tombeau , fait venir le grand Domeüïque, & lui reproche avec amitié le danger dont I'Empire fe trouve menacé,a caufe du refusqu'i! a fait d'être fon collegue. Si, lui ditil, lorfque faurai ceffê de vivre , vous étiei aJfis fur ^ tróne , vous tiendrie^ les rênes de f Empire, & elles ne feroient pas expofèes a fiotter au hafard» & fans guide. Vambition, croye^-moi, cher ami, ne manquera pas de foujfler de toutes parts le feu de la difcorde, & déja je vois le fein de la patrie déchiré de nouveau par les guerres civiles, Rende^-vous donc d mes raifons ; fi vous maime{, naigriffe^ pas mon mal par votre réfijlance opinidtre ; fouffre^ que je vous revêtiffe de mes ornements impériaux , & que je vous pofe fur la tête R vj Andronic iii. An. 1330. Cant. I. 2. c. i4&is. Nic. Greg. I. 9. e. 10.  Andro nic III. An. 133c VII. Difcour fiu Princ mourant aux Grands de 1'Etat Cant. I, 1 f. 14. 1} 39(' H I S T O I R E le bonnet qui ejl la marqué du pouvoit fouverain. . Ces paroles ne purent ébranler la fermeté du grand Domeftique ; il l perftfta dans fa première réfolution. ' L'Empereur ne jugea pas a propos d'infifter davantage; & fans le confulter, il voulut Pinftituer au moins I par le fait fon fuccefleur. Sur le champ ■ il mande les Grands de 1'Etat, & fait venir avec eux I'Impératrice fa femme. Quand ils furent tous rangés autour de fon lit, raffemblant Ie peu de forces qui lui reftoit, ij leur paria ainfi : » Mes amis, vous favez quelle » a toujours été mon affecfion pour » vous. Dieu qui pénetre dans les » plus fecrets replis du cceur humain, >> m'eft témoin que rien ne m'auroit » été plus agréable que de donner, »> s'il eut été néceflaire , ma vie pour » chacun de vous en particulier, & » que je me ferois eftimé heureux » de mourir en combattant pour vo» tre défenfe contre les Barbares. La » divine Providence en a décidé au» trement; vous me voyez entouré » de tout 1'appareil de Ia mort, C'eft  r>u Bas-Empire. Liv. CIX. 397 » un exemple que le fouverain Maï» tre de Funivers veut donner aux » hommes en ma perfonne , pour » leur apprendre a ne mettre leur » confiance ni dans les grandeurs, » ni dans les richeffes, ni dans les » biens périffables de ce monde; » que c'efi; fur lui feul qu'il faut » s'appuyer , & qu'on ne peut trop » fe préparer par de bonnes ceu» vres au pafTage de 1'éternité. Joi» gnez vos fuffrages a mes prieres, » pour attirer fur moi la miféri» corde du Juge redoutable devant » lequel je vais paroitre. Je vous » quitte & vous laiffe le grand Do» meftique pour gouverner 1'Em» pire a ma place". Puis prenant la main de Cantacuzene, & 1'unifTant a celle de I'Impératrice qui portoit dans fon fein un fruit de fa tendreffe pour elle , il lui dit: Je vous la confie. Son fort & celui de tous les Romains va maintenant dêpendre de vous. A ces mots, tout le palais retentit de géniiffements. Lorfque les premiers acces de la douleur furent calmés, les affiftants déclarerent tous d'un commun aceord qu'ils étoient djfpofés h Andro- mic ui. An. 133a  Andronic III. An. 1330. i i ] 1 C C t h u p ƒ' VIII. Cantacu- cl zene recoit le ferment Ct des ci- pi toyens de tous les " ordres. m 398 H I S T O I R E fe conformer aux volontés de 1'Empereur. Malgré 1'état oü fe trouvoit ce Prince, on laifla les portes du palais ouvertes; chacun eut la Iiberté d'entrer dans fon appartement. II parïoit a tous ceux qui fe préfentoient, leur difoit le dernier adieu , & les üonjuroit d'avoir égard a fes intenJons. Dans cette occurrence, Paléoogine Cantacuzene fa coufine s'ap>rocha de fon lit, & lui demanda il ne vouloit pas faire quelque diflofnion en faveur de I'Impératrice £ene fa mere. Comme il ne réponu rien, elle crut que le mal I'acabloit au point de 1'empêcher d'enïndre; c'eft pourquoi elle lui fit jufu'a trois fois la même queftion, en auffant toujours la voix. Je vous ennds, dit Andronic; mais il eJt im>£ible que deuxfemmes gouvernent enmbh. Auflï-töt que 1'Empereur eut déaré fes volontés, le grand Domefjue fortit du palais pour aller revoir le ferment des Sénateurs, des incipaux de Ia ville & même du uple. Suivant la formule de ce ferïnta on juroit d'une part de re-  ï>u Bas-Empiiie. LiV. CIX. 399 connoitre pour Souveraine I'Impératrice Anne,& de 1'autre d'obéir en tout au grand Domeftique. Dès ce moment, Cantacuzene commen§a a commander avec un pouvoir abfolu; il ne lui manquoit pour être Empereur que d'en porter les ornements; du refte, il en avoit toute Pautorité. II pouvoit difpofer des places & des charges de I'Empire, en faveur de qui il jugeoit a propos. Son élévation fut généralement approuvée. Les perfonnes mêmes les plus diftinguées, foit dans 1'ordre militaire , foit dans la magiftrature , vouloient qu'il fe revêtit des marqués de la dignité impériale ; mais cet habile & prudent politique crut qu'il n'étoit pas encore temps. Conftantin, Defpote , 1'oncle du jeune Andronic, étoit retenu en pri-j fon a Didymotique. Les Grands de; I'Empire craignoient qu'il ne profïtat' des circonftances pour s'échapper, & ' qu'il ne format un parti aflez puiffant < pour 1'élever fur le tröne. I!s vin-: rent trouver le grand Domeftique,' & lui repréfenterent qu'il falloit étouffer le mal dans fa fource, & öter la Andronic III. \n, 13jc IX. II fauve a vie au iefpote ^onftanin. Zant. /. 2-3 • IJVie. Greg. , 9, C, IQ,  Andronic III. An. 1330 1 : » 1 1 < i < c 1 c s 400 HlSTOIRE ' vie a ce Prince, s'il ne vouloit pa« expofer 1'Etat aux malheurs d'une guerre civile. Cantacuzene répondit a ceux qui lui donnoient ce confeil fanguinaire, que Pexemple de 1'Empereur auroit bien du leur infpirer des fentiments plus humains, & les empêcher de croire qu'un Prince qui avoit traité avec tant de clémence fes plus mortels'ennemis, permït qu'on verfat le fang du frere de fon pere , de fon propre oncle. Au moins, rephquerent-ils, faites-lui crêver les yeux ■>our qu'il ne puife plus former aucune •ntrepnfe, autremènt nous faurons bien wus en défaire, même malgré vous. cantacuzene leur promet que cette nut même il trouvera moyen de difiper leurs inquiétudes. En effet, il :hargea trois de fes domefliques fur a difcrétion defquels il pouvoit comper ,de tirer fecretement Conftantin je 1'endroit oii il étoit gardé , de le aire defcendre dans un cachot inonnu, de renverfer dans la riviere 'Adra une barque, puis le lendeiain de répandre le bruit que ce Prine s'étoit fauvé de prifon, & qu'il voit péri en paffant la riviere. Ce  vu Bas-Empire. Liv. CIX. 401 ftratagême politique réuffit. On regarda Conftantin comme perdu, fes partifans même y furent trompés, & ceux qui auroient été tentés de remuer en fa faveur, fe tinrent tranquilles. Le grand Domeftique dépêcha enfuite Lafcaris Calaman a Conftantinople, pour inftruirele Protoftrator de 1'état des affaires, pour avoir fon propre ferment, & pour le charger de recevoir en fon nom celui des autres. Ces ordres furent exécutés poncfuellement. Cependant la maladie de 1'Empereur faifoit chaque jour de nouveaux progrès, & 1'on avoit perdu toute efpérance. Ce Prince voulut fuivant un ufage alors fort commun chez les Latins & chez les Grecs , fe faire moine avant de mourir. Cantacuzene s'oppofa de tout fon pouvoir a ce projet; mais il fut contredit par Barys , le premier Médecin de la Cour. Cantacuzene lui repréfenta les inconvénients qui pourroient réfulter fi lEmpereur faifoit profeflïon de la vie monaftique; il fit obferver a Barys que par-la ce Prince alloit fe rendre incapable de refter fur le tröne, Andronic iii. An, 1330. X. L'Empereur veut mourir Moine. Cant. 1.1. c. 15 6-16, Nic. Greg. 1,9. c, 10.  Andronic III. An. 1330 J t l J 401 Hl S T 0 I R È fi Dieu lui renvoyoit la fanté. Ces raifons ne firent aucune impreffion fur 1'efprit de ce perfonnage. II prolefta avec ferment, qu'il n'abandonneroit pas fon maitre dans Ie péril extréme oü il étoit; qu'en fa qualité de médecin, il ne devoit pas fe contenter de lui donner tous les fecours de fon art, mais qu'il étoit encore obligé de lui déclarer avec franchife 1'état oü il fe trouvoit, pour qu'il mit ordre aux afiaires de fa confcience ; qu'il ne falloit pas flatter le Prince d'efpérances vaines &z trompeufes. Le grand Domeftique, fatigué des remontrances de ce trop édifiant médecin , menace de le tuer s'il perfifte dans fon opiniatreté, & le fait même fortir de force de 1'appartement oü ils étoient. Plufieurs Officiers de 1'Empereur s'étant rencontrés au paffage, Cantacuzene leur dit: Cet homme refufe de mobèir. Plein de ■.onfiance dans fes propres lumieres, il "e croit plus en état que perfonne de. onnoitre le pref ent & le futur; il veut ibfolument faire de notre Empereur un noine. Juge^vous d propos d'y con"entir ? A ces mots on entoure Ba-  du Bas-Emj'Ire. Liv. CIX. 403 rvs, & chacun lui fait les plus ter- ribles menaces. Barys , comme 1'obferve l'hilforien, n'étoit pas brave, il promet de ne plus entretenir Andronic dans le deffein d'embraffer la profeffion religieufe; 1'Empereur luimême voyant 1'oppofition de fes fujets, renonce a ce projet. II ferecueillit, repaffa toutes les aftions de fa vie, & fe prépara par les larmes & la priere a paroïtre devant le fouverain Juge. Enfin , il donna fes derniers ordres aux Officiers de fa maifon; il leur recommanda expreffément de faire entrer fon corps, lorfqu'on Ie porteroit au tombeau, dans Ia maifon de Cantacuzene , & de Py laiffer repofer pendant quelque temps. voulantpar-ld donner d ce fidele & fagt ferviteur une dernïere preuve de fon attachement, & faire connoitre d tout h monde que la mort qui anèantit le fouvenir de toutes chofes, n avoit pu dé' truire celui de leur amitié. Ce Prince ayant enfuite fait venir le grand Domeftique, lui adreffa ce difcours. » Je fens , mon trés - cher ami . » que ce jour va vous paroïtre le plus » malheureux & le plus aftligeant de AlSDROKIC III. An. 1330, XI. Difcours de ce Prince 2  AndrO' NIC 'III. An. 133c fon ami Cantacuzene.Cant, l, 1 C 17. i > > ett h chere, (m vos genoux & > «vosrnainsfurmi;eUuX;.g mimagmeque cette pofition m'épargnera une partie des peines que iame eprouve, lorfqu'elle fort de 'a demeure. Quoique la mienne -^vefouflrirundoïbletouS! tT e" qoUlt£ant ce corPS qu'elle » habite, & 1'autre enmeféparant ' » tous ceux de votre vie. D'un cöté » vous aurez 1'efprit agité par les . » affaires du Gouvernement &tour» mente par la crainte que mon tré» pas n occafionne des troubles dans » i fctat; de I autre, votre cceur fera >> penetrede douleur en perdant un » amidontnenn'avoitétéjufqu'alors » capable de vous féparer. Lam » ne vous laiffera plus fur la t™ e ce ."rps privé defentiment, & a moi une ame vuide de bon - ! ?r"ere/eparatlon- Q«e faire? II fifï-M f0"mejtre a»* décrets irréfifiibles du fouverain Maitre de l umvers. Comme il „e me refie * Plus que quelques inftants k vivre  nu Bas-Empire. Liv. CIX. 405 » de vous, foyez perfuadé qu'elle » ne vous oubliera jamais, s'ilrefte » encore quelque fouvenir'a ceux » qui defcendent chez les morts ". _ Jufqu'alors Cantacuzene s'étoit fait violence pour renfermer dans fon cceur la douleur dont il étoit oppreffé, afin de ne pa's affliger 1'Empereur ; mais ces triftes & tendres paroles donnerent a fon ame une fi forte fecoufie , qu'il ne fut plus maitre de fe contenir • il éclata en gémiflements; de forte que ceux qui étoient dehors ne doutoient pas que le Prince n'eüt rendu les derniers foupirs. Le grand Domeftique, après avoir fait de nouveaux efforts pour ne plus laifler échapper les fignes de fon afflicfion, fe mit en devoir de rendre au moribond le trifte fervice qu'il exigeoit de lui. II lui prit la tête, le tint embrafie , le confolant de fon mieux. Mais bientöt le pouls du malade commen$a a s'aftbibür au point de n'être plus fenfible; un firoid mortel is'empara de tous fes membres, la pairole lui manqua, fes jambes devin!reht li vides jufqu'aux genoux, &fes ibras jufqu'aux coudes, fespaupieres Andronic III. An. 1330. XII. Guérifor» fubite d'Androlic. Nic. Grcir. '. 9. f. i o,  Andronic III. An. 1330, 406 II I S T 0 I R E s'abaifferent, fon nez fe retira, fes tempes fe creuferent, enfin tous les fymptömes de la mort vinrent fe peindre fur fon vifage. II refta prés de deux jours entiers dans cet état défefpéré. On n'attendoit plus que le moment de fon trépas, & déja on préparoit tout ce qui étoit néceffaire pour fes funérailles, lorfque revenu comme d'un profond fommeil, il demanda de Peau d'une fontaine confacrée a la Mere de Dieu. On lui en apporta fur le champ , il en butavec beaucoup de dévotion , & s'en fit afperger.Depuis ce moment, ils'opéra dans fa perfonne des crifes heureufes qui le rappellerent a la vie. Iln'y eut perfonne parmi les Grecs qui ne regardat comme un miracle un changement fi fubit; les Médecins euxmêmes n'oferent difputer k Dieu 1'honneur de cette guérifon; ils avouerent qu'elle étoit furnaturelle. Au refte, li ce fut encore une de ces pieufes erreurs que la crédulité n'enfantoit que trop fouvent dans ces fiecles d'ignorance, au moins ne Ia mettra-t-on point au nombre de celles qui font accufées d'avoir nui k la  nu 15as-Êbipire. Ljv. CIX. 407 C^r.'.AtA X 1»1 . -li. r. a < luntit «ju a 1 uuiiiduiic , ene nr naitre a divers citoyens qui vivoienl dans le crime , la réfolution de rentrer dans le chemin de la vertu; & 1'on vit plufieurs perfonnes riches égalementfrappéesdecet événement, confacrer une partie de leur bien au foulagement des malheureux, & a la délivrance des prifonniers. Le rétabliffement d'Andronic caufa la plus grande joie dans tout I'Empire. Ce Prince approuva en général ce que Cantacuzene avoit fait pendant fa maladie ; il le blama feulement d'avoir confié le commandement des troupes en Occident, a Syrgianne , dont il ne connoiffoit que trop Pinconftance & Ia perfidie ; c'étoit, difoit-il, lui mettre en mains desinftruments pour exécuter les mauvais deffeins qu'il rouloit fans ceffe dans fa tête. Ce jeune Prince ne fe trompoit pas ; Syrgianne avoit formé une ligue avec I'Impératrice mere. Cette Princeffe voyant fon fils a toute extrêmité , avoit projetté de fe faire un parti, qui put, après fa mort, Ia foutenir contre Cantacuzene qu'elle n'aimoit pas, & 'dont elle craignoit Andronic III. An. 1330. iXIII. Syrgianne adopté par la mere de 1'Empereur. Cant. I, 1, :. 18. Nic. Greg. '.. 9 . c. 10. ld. I. 10. ■• 5NotaBoir,  Andronic III. An, 1330. uromt ueconcerta ces projets, öc antipa cette confpiration. Cantacuzene , fur les reproches que lui fit le jeune Empereur au fujetde Syrgianne , dit a ce Prince que s'il jugeoit a propos, il alloit lui óter le commandement des troupes. Déja les ordres pour fon rappel étoient expédiés; mais Andronic changeant tout-a-coup d'avis, commanda au grand Domeftique de }o\tf0r0n r.u~a c : • c / vu piatc jyigicume, iniorme de ce qui s'étoit pafte entre TEmpereur & Cantacuzene'a fon occafion , fut 408 Histoire le reflentiment. L'ambition n'eft pas plus délicate fur Ie choix de fes agents, que fur celui des moyens qu'elle employé pour parvenir k fes fins. Xene, quoiqu'elle eütprécédemment regardé Syrgianne, comme un homme pervers & un mauvais citoyen, ne rougit pas cependant de Ie rechercher; elle fit plus, elle 1'adoptapour fon fils, & le mit k la tête de fes affaires. Cette Princeffe exigea enfuite de tous les habitants de Theffalonique, qu'ils juraflent de la reconnoïtre pour leur Souveraine, & de combattre pour elle jufqu'a la mort. Sans doute que le rétabliffement d'An- J • .li. . •„ . n /•  pu Bas-Empip.e. Liv. C1X. 409 fut griévement offenfé que le grand Domeftique eut été dans la difpofition de le faire révoquer. Oubliant tous les fervices qu'il en avoit recus , il lui voua une inimitié éternelle. Legrand Domeftique rendit compte aufli a 1'Empereur de ce qu'il avoit fait pour fauver la vie au Prince Conftantin. Andronic loua le ftratagême politique de Cantacuzene, & rendit la liberté a fpn oncle, ainfi qu'au grand Lögothete Métochite. Andronic demanda enfuite des nouvelles de fon aïeul. 11 apprit avec chagrin qu'il s'étoit fait Moine. On difoit dans le public que ce Prince foible, fachant fon petit-fils aux portes de la mort, avoit craint que les prétendants a I'Empire n'attentaffent k fa vie,& que pour leur öter toute efpece d'inquiétude , il avoit demandé de lui-même l'habit monaftique. Nicéphore Grégoras foutient au contraire que Théodore Synadene Pen revêtit de force, après lui avoir coupé les cheveux ; qu'il le contraignit enfuite de s'engager par ferment a ne jamais faire aucun mouvement pour remonter fur le tróne, ft fon petit-fils mou Tornt XXIV. S Andronic III. An. 1330.' XIV. Andronic apprend avec chagrin que fon aïeul s'eft fait Moine. Cant. I. 2. c. 18. Nic. Greg, l. 9. c. 8. & 10. lib, io, c. 2.  Andronic m. Kn. 1330,1 < < C C i c l r l I n t( P E fc «3 fc re C( cl fu P£ > ponfe contre moi , on la regar» dera comme un aveu que j'ai em» braffé librement & de mon plein » gré la profefTion monaftique ". Quoi qu'il en foit, Ifaïe ordonna qu'il feroit nommé dans les prieres publiques même avant fon petit-fils, mais fous cette formule : Le trh-religieux & trés - chrétien Empereur Antoine , Moine. Antoine étoit le nom de reliS ij Andro NIC iii. In. 13 3<  Andronic III. An. 1330. 1 4Ï- II I 5 T 0 I R E gion qu'Andronic avoit adopté. Ces particularités font trop circonftanciées pour n'être pas admifes au moins en partie, quoiqu elles n'ayent d'autre garant que Nicéphore Grégoras, dont le témoignage eft d'un fbi■yle poids, lorfqu'il fe trouveenconïradiftion avec celui de Cantacuzene. Ze dernier écrivain ne dit pas a la mérité qu'on eut ufé de violencepour sbliger le vieux Andronic a fe faire noine ; mais on juge par la maniere ïmbarraffée dont il s'exprime , que le ait pourroit bien être vrai. II avoue néme que ce Prince recut 1'habit nonaftique des mainsdu Protoftrator ïynadene. Or, il n'y a pas d'appaence qu'Andronic, s'il eüt été libre, é fut adrefle pour lui rendrecepieux )ftice a un laïc, & de plus è un lomme qu'il ne devoit pas aimer. Au efte,le jeune Andronic n'avoit eu ucune part a cette intrigue, & il voit été fi éloigné d'y tremper, que néme dans ces circonftances, il reïnt encore a fon ancien projet de endre a fon aïeul la fouveraine auorité. II fallut que Cantacuzene enrat avec lui dans de grandes difcuf-  nu Bas-ëmpire. Liv. CiX. 4.13 fions , & employat tout le crédit qu'il avoit fur ion efprit, pour 1'en empêcher. La fanté du jeune Empereur s'étant parfaitement rétablie , il fe mit a la tête de fes troupes pour aller chaffer plufieurs dérachements de cavalerie Turque qui avoient fait une defcente en Thrace, & y mettoient tout a feu & a fang. La plupart ne jugerent pas a propos de 1'attendre; ils fe retirerent en Oriënt avec précipitation. Cependant il joignit un corps de quinze cents hommes qui avoit fait moins de diligence que les autres pour fe fauver, ou qui avoit ofé 1'attendre; il Pattaqua avec beaucoup de vigueur, & le tailla en pieces. Quelque temps après, il fut informé que les Serves faifoient le fiege d'Acride, petite ville fituée au pied du Mont Pieria; il entra promptement en campagne, pour aller au fecours de cette place. Les ennemis, a fon approche, prirent la fuite. L'Empereur fe remit en pofleffion d'Acride, & y établit une forte garnifon; il foumit enfuite divers petits forts voifins qui étoient de la domination du Crale, S iij Andronic lil. An. 1330. XV. Expêdition contre les rurcs Sc les Serves. Cant. I. 2> ;. 21.  Andro- mc nr. An. 1331 XVI. Syrgian ne dénoncécomme traure a Ja patrie Cant. I, 2 e. 22. Nic. Greg 1. 10. f. ; a avancer. byrgianne parut d abord frappé de terreur; puis reprenant fes eiprns, n traita Zamplacon d impofteur, & prétendit qu'il ne lui fufcitoit ce facheux procés, que pour fe venger de ce qu'il avoit arrêté fes 4*4 • H I S T 0 I R E ■ puis il vifita plufieurs des villes de la Thrace , & pourvut a leur fiïreté. . Andronic s'étant arrêté a Chalcidice, Arfene Zamplacon Papias, vint ' lui^ dénoncer Syrgianne comme un traïtre a la patrie. L'Empereur en fut affligé. Quoique depuis long-temps il eut affez mauvaife opinion de Syr, gianne, il le traita cependant avec bonté; il lui dit qu'il étoit très-dif' pofé a Ie trouver innocent, mais qu'il ne pouvoit fe difpenfer de mettre 1'affaire en juflice réglée. Auffi-töt il affemble fon confeil, & ordonne a 1'accufateur de fournir fes preuves. Zamplacon , remontant k 1'époque du j moment ou Syrgianne avoit été char- i gé du gouvernement de 1'Occident, fuivit pas a pas toute fa conduite, Sc : traca le plan de la confpiration dont il 1'accufoit. II offrit enfuite de faire ' entendre des témoinsqui dépoferoient de la vérité de tout ce qu'il venoit 1  hu Bas-Empire. Liv. CIX. 415 fils, accufés eux-mêmes d'avoir conf-; piré contre 1'Etat; que c'étoit la haine feule qui le faifoit agir. Vous av'i[\ raifon , reprit Zamplacon, c eft en effet la haine qui me porte a vous dénoncer ; mais cette haine que tout fidele fujet a vouée d ceux qui trahiffent le Prince & la patrie. Quant d mes fils, leurs bonnes aclions , comme leurs fautes , leur font perfonnelles ; s'ils font coupables ,je les abandonne avec vous a la juflice de f Empereur notre Souverain. Ici Andronic congédia Pafiemblée , & enjoignit a 1'accufé & a 1'accufateur de fe préparer a produire leurs témoins pour être entendus dans la prochaine féance. Cependant Syrgianne, malgré la bónne contenance qu'il faifoit, n'é- 1 toit point fans inquiétude; il ne comp-1< toit pas affez fur fon innocence, pour c négliger de fe ménager quelque puif- zc lante proteclion. II va donc trouver c, pendant la nuit le grand Domeftique, ' lui avoue qu'il a eu le malheur de prêter i'oreille aux difcours de gens pervers qui l'ont indifpofé contre fa perfonne, qu'il fe repent d'avoir été fi crédule, qu'il le prie d'oublier fes S iv U'DRO- ric UI. n. 1-331. XVIt. I implo! la pro&ion de antacu:ne. int. /. 2. 22. 23.  ANDROX IC III. An. 1331, 416 HlSTOIRE torts, & de vouloir bien lui rendre une main fecourable dans une circonflance ou des ennemis acharnés a fa perte , ne fe propofent rien moins que de le faire conduire au fupplice. En reconnoiffant qu'il avoit offenfé griévement le grand Domeftl3ue.' foutenoit toujours qu'il ne s'étoit rendu coupable d'aucun crime envers le Prince. Cantacuzene 1'alfura I que 1'Empereur étoit trop jufte pour permettre qu'il fuccombat fous les efforts de la calomnie; que quant a lui, il ne lui nuiroit point; qu'en ceffant d'être fon ami, il n'étoit pas clevenu fon ennemi ; que pendant 1'inftrucfion de fon procés , il garderoit le filence. » Je ferai même plus, » ajouta-t-il: fi je vous vols en dan- I ff ger de fuccomber, foit faute de ►> favoir vous défendre, foit par les * artiflces de vos adverfaires, alors •> je viendrai a votre fecours. Si vous •> réfutez vos accufateurs, je ferai le * premier a m'en réjouir avec vous; •> mais fi vous êtes convaincu & con- > damné juftement, n'attendez de * moi aucune proteéion. Au refte, > vous êtes affez éclairé, conduifez-  du Bas-Empire. Liv. CIX. 417 » vous comme vous Pentendrez ". 1 Cette réponfe déconcerta Syrgianne; il voulut infifter, mais Cantacuzene 1 1'arrêta , & lui dit: » Tout ce qu'il » vous plairoit de me répliquer main» tenant feroit paroles fuperflues. Je » vous ai fait fuffifamment connoï» tre ce que je penfois ; mais puif» que vous voulez encore parler, je »> vais achever de vous inftruire de » mes difpofitions a votre égard par » cet apologue : Un rocker garantif» foit du vent & de la tempête un vaif» feau qui y étoit attaché, Ce vaijfeau » dans l'efpoir de faire une grande for* » tune par le commerce , s'éloigna. » Quand il fut en pleine mer, il fe » trouva furpris par un orage affreux ; » fur le point de périr, il appelle le ro» cker d fon fecours, Le rocker lui ré» pond qu'il lui ejt impoffible de quit» ter fa place pour aller d lui. Cefl » vous qui êtes le vaijfeau , & moi le » rocker ". Syrgianne fe retira fort affligé d'avoir fi mal réulTi auprès du grand Domeftique. N'ayant plus d'autre reflburce que fes propres talents, il s'occupa férieufement des rnoyens qu'il pourroit imaginer pour fe bien S v iNDROUC lil. .n.l33I,.  Andronic III. An. 13,3.1 XVIII. Nouvelle défaite desTurcs. Cant, l, 2, £. 22. XIX. Expédi- 1 tion malheureufe I contre Ie 1 Crale de ] Servië. Cant. I, 2. 1 C 21. J Nic. Greg. ^ fam, Byf, ' 'I'S II f S T 0 I 8 E défendre. Au refte, i! eut tout Ie temps de fe préparer. L'Empereur, diörait par d'autres affaires , fut obligé de renvoyer Ia décifion de Ja fienne k un temps plus reculé. On vint annoncer a Andronic que les Turcs avoient traverfé 1'Hellefpont, & qu'ils recommencoient leurs incurfions dans Ie pays; qu'ils s'étoient partagés en deux corps, dont 1'un devaftoit les campagnes dans les environs de Ciffe, de Polybote,& d'Aconïte , tandis que 1'autre s'étoit porté fur Redefte dont il avoit fait fa conquête. L'Empereur marche ïuffi-töt contre ces brigands, & taille ?n pieces ceux qui s'étoient rendus maitres de Redefte. Les autres époufantés, prennent la fuite, & fe fauvent en Oriënt. L'Empereur, après cette expêdition, :omptoit aller fe repofer dans fa ca)itale, Iorfqu'il rec^it de la part de dichel, Roi de Bulgarie, une am>affade pour 1'inviter a réunir fes arnes aux Hennes contre Ie Crale de Servië. Etienne meriacoit de tirer 'engeance de I'infulte que le Roi de iulgarie lui avoit faite en répudiant  du BasEmpire. Lrv. CIX. 419 Neda la fceur dont il avoit en des enfants, pour époufer, comme on 1'a dit plus haut, Théodora, fceur de 1'Empereur. Andronic entra volbntiers dans les vues de Michel. II fe mit en campagne, Sc conduifit fes troupes en Servië .par la Pélagonie, Michel y mena les hennes par la Péonie , & fe campa dans un lieu nommé Belmafdis. Le Crale ne fe fentani pas en état de foutenir les efforts de: deux Monarques. réunis, crut qu'i: feroit fagement d'attaquer le plus foi b'e avant que les deux armées euflem fait leur jonöion. II marcha en diligence contre le Roi de Bulgarie. Lorf qu'il fut a quelque diftance de for camp, il lui envoya demander la paix Michel, qui fe voyoif'a la têté d( douze mille Bulgares, & de troi: mille Tartares mercenaires, ne votv lut lui accorder qu'une fufpenfior d'armes pour un jour feulement, ; condition de livrer bataille lê len demain. Le Monarque Bulgare, qu ne foupconnoit point la mauvaife tb du Crale, crut pouvoir profiter d( cette trêve pour envoyer une partii de fes meilleurs foldats chercher de S vj Andronic nr. An. 13 31. feries regum Serv'ta% 7l9, XLI. I l i i ■ •  Andronic III. An. 1331. ( ] < 1 < XX. } Traité d'alliance ( avec Or- , chan. ' Cant. I, 2, l 4^0 11 ƒ S T O J R E vivres. Etienne, fans aucun refpeft pour la convention qui vient d'être fignée de part & d'autre , faifit Toc^ cafion que lui offre 1'imprudence de fon ennemi; il fait prendre les armes a fes troupes, fond a 1'improvifte fur les Bulgares, & les met en déroute. Michel leur Roi, fe défendit avec beaucoup de courage; il fut blefie dans la mêlee, tomba entre les mains des Serves , &c mourut peu de fours après dans leur camp. Le Crale ne fut point tirer avantage de fa vic:oire, pour agir contre 1'Empereur nii étoit alors occupé h faire le fiege le quelques-unes de fes places. On gnore le motif de cette inacfion. Anironic, inftruit du défaftre de fon alié, fe retira a petit bruit, & vint 1 Conftantinople d'oii il étoit abfent lepuis long-temps. A peine yétoit1 arrivé, qu'il fut obligé de pafler en Grient, pour aller au fecours de Ni:omédie, ville de Bithynie, aflife fur e golphe Aftacene. Orchan étoit venu mettre le fiege levant cette place que les Grecs voient reprife fur les Turcs, & Ia 'rtffoit Vivement. Ayant appris que  du Bas Empire. Liv. C1X. 421 1'Empereur arrivoit en perfonne pour la défendre , il envoya au-devan£ de ce Prince des Ambafladeurs chargés de le faluer de fa part, & de lui dire qu'il étoit difpofé , ou k mettre bas les armes, ou a lui livrer bataille , s'il 1'aimoit mieux. Andronic reent gracieufement les politefles d'Orchan, & répondit qu'il ne s'étoit mis en campagne que pour combattre; que cependant il ne refuferoit pas d'accorder k Orchan la paix s'il'la vouloit. Enfin, les Miniflres des deux Puiffances ayant conféré enfemble, drefferent un traité par lequel le Sultan s'engageoit a vivre en bonne intelligence avec 1'Empereur, & k ne jamais inquiéter aucune des villes que les GrecS poffédoient en Oriënt. On s'envoya enfuite des préfents de part & d'autre. Ceux du Mufulman confifloient en chevaux, en chiens de chaffe, en tapis & en peaux de léopards. Andronic fit préfenter a Orchan des vafes d'argent, des draps de laine & de foie, avec un de fes propres vêtements; ce que les Orientaux ont toujours regardé comme une marqué d'honneur. Orchan en Andronic iii. tn. 153 r,  Andronic Ut. An. 1331 XXI. Procés d Syrgianne repris Cant, l, 2 c 24. Nic. Greg l. ld, c. 5 H I S T O I II E :fut trés flatté, & en-fit faire fes remerciments a 1'Empereur; il fe re. tira enfuite avec fes troupes. Andronic , après qu'Orchan fe fut éloigné pnt terre, vint è Nicomédie, & y diftnbua aux habitants la plus grande partie des provifions qu'il avoit fur .ia-flotte. II employa fept jours a vifiter cette ville & a parcourir fes environs qu'il ne connoifioit point encore, puis il revint a Conftantinople. Ce fut alors qu'il reprit 1'aftaire de Syrgianne. Au jour fixé pour terminer ce grand procés, 1'Empereur monte fur . ion tnbunal, environné des Officiers •de 1 Empire, du Sénat, & de tous ceux qui formoient le confeil. L'accufé & 1'accufateur font introduits dans Ia falie d'audience. Zamplacon articule de nouveau les chefs d'accuianon qu'il a recueillis contre Syrgianne , & fait entendre une foule de temoins qui atteftent avec ferment la ver.tede fes dépofitions. Syrgianne, de fon cote, produifit les fiens, & fe defendit avec leur fecours le mieux qud hu fut poftible. L'Empereur, apres ayoir bien difcuté les raifons  nu Bas Empire. Liv. C!X. 423 alléguées de part & d'autre, alloit prononcer un jugement définitif, lorfque Syrgianne qui prévit qu'il ne lui feroit pas favorable , demanda un nouveau délai. II avoit, difoit-il, a faire entendre d'autres témoins qui le ferviroient mieux que les premiers. Andronic n'écoutant toujours que fa clémence , voulut bien confentir a la demande de Syrgianne. Zamplacon réclama contre une pareille indulgence; il prétendit que c'étoit faciliter k 1'accufé les moyens d'échapper au glaive de la juftice; il vouloit qu'on s'alfurat de fa perfonne,déclarant que pour lui il alloit fe rendre fur le champ en prifon. Ce qui fait voir que fuivant le code criminel des Grecs, on s'affuroit de la perfonne de l'accufateur , comme de celle de 1'accufé. L'Empereur trouva la propofition de Zamplacon fort jufte, &i dit qu'il falloit s'y conformer. Syrgianne n'étoit nullement de cet avis, il prétendit qu'on ne pouvoit, fans bleffer le droit naturel, faire fouffrir les défagréments de la prifon k des gens qui n'étoient pas encore jugés coupablesj qu'il fufhïoit qu'ils Andronic III. Vu. 133!.  Andronic 111. An, 13 31. 424 HlSTOlRE donnaflent caution de fe repréfenter devant les juges lorfqu'ils en feroient fommés. L'Empereur acquiefca a cette nouvelle requête, & congédia 1'affemblée. Cantacuzene, prefféparles inftantes follicitations de Syrgianne, youlut bien s'engager k lui fervir de répondant; mais le perfide Syrgianne fortit furtivement de Conftantinople , & fe retira dans le fauxbourg de Galata. Son évafion allarma Andronic; il fentit tout le mal que cet homme dangereux pouvoit faire a 1'Etat, fi on le laiflbit échapper; en conféquence , il mit fur pied un grand nombre de gens pour le chercher; lui-même, impatient de voir qu'on ne le ramenoit point, paffa a Galata, & fit en perfonne les plus exactes perquifitions; mais malgré fa vigilance, le fugitif lui échappa. On ne le trouva pas plus , dit Cantacuzene , que s'il eut été caché fous le cafque de Pluton. Quand chacun fe fut retiré, Syrgianne monta fur un vaiffeau , & fe refugia dans l'ifle de Negrepont , chez les Latins. Le vieux Andronic décéda la nuk du 11 au 13 Février de Pannée fui-  du ëas-Empire. Liv. CIX. 425 vante, prefque fubitement, & fans qu'on eut appergu en lui aucun figne qui annoncat qu'il fut fi prés de finir. La veille il s'étoit entretenu, fuivant fa coutume, avec quelques favants fur divers fujets de fcience & de littérature. Simonide, fa fille , Reine douairière de Servië, avoit affifté a cette conférence, qui fut prolongée fort avant dans la nuit. Le Prince, pour fe conformer a la regie des moines , ne voulut manger k fon fouper que quelques coquillages, & ne boire qu'un verre d'eau froide. Cette boiflbn dont il faifoit un fréquent ufage , & qui lui avoit toujours réuffi, lui devint fatale dans ce moment; elle lui glacales entrailles ; il fe fentit tout-a-coup attaqué d'une violente colique, a laquelle fe joignit un grand mal de cceur. Comme tout le monde étoit alors enfeveli dans un profond fommeil, il ne put recevoir aucun fecours, ni temporel , ni fpirituel. Se voyant prés de mourir, il recommanda fon ame è Dieu; & pourfuppléer, autantqu'i: étoit en lui, au faint Viatique, i mit dans fa bouche une petite image Andronic III. An. 1331. XXII. Mort du vieux Andronic.Cant. I. 2. c. 28. Nic. Greg. l.$.c 14.  AUDROHIC III. An, 1332 .«„ ueces ü autant de jours qu'il avoit yecu d'années. Elle fut fuivie dune echpfe de lune, qui arriva le 5 Decembre, la veille de la fête de A^ome, Patriarche de Conftantinople, dontce Prince avoit pris Je nom avecl'habitmonaifique. On fentit flans Ja Capitale un violent tremblement de terre. Le i2 Février, Je jour meme d'avanf f„ :i .,// l ] vUrl temPête f»"*e^e; les eaux du Bofphore fe gonflerent, monterent a une hauteur prodigieufe renverferent Jes murailles de Conftantinople en plufieurs endroits, fe de la Vierge, qu'il portoit toujours fur fa perfonne; quelques moments ■ apres , i\ expira. Andronic étoit agé de ioixante-quatorze ans, fuivant Nicéphore Grégoras, & de foixantedouzefeulement, fi on aime mieux s en rapporter a Cantacuzene. U v avoit deux années qu'il vivoit fous le froc. Sa mort, felon Nicéphore Gregoras, qui étoit infatué des rêvenes de 1'afirologie judiciaire, avoit ete annoncée par plufieurs préfages facheux. Le 30 Novembre iUt H y eut une éclipfe de foleil qui pré-  du Bas-Empire. Liv. CIX. 427 déborderent dans la ville , & entrerent dans les maifons. Ce même ouragan abattit plufieurs croix de ferqui étoient fur les Eglifes, ainfi qu'une colonne élevée devant la Bafilique des quaranteMartyrs.Depuis long-temps, cette colonne paroiflbit menacer tui ne. Un jour 1'Empereur paffant auprès , on 1'avertit de s'en éloignér; il répondit : Plut d Dieu que je vécujjl uujji long-temps que cette colonne durera! Ce qui fut regardé après 1'événement comme une prédidfion. Jamais le cénobite le plus penitent ne mourut dans un plus parfait dénuement de toutes chofes. Quelque temps avant fa mort, Andronic s'étoit fait faire un habit de peau de renard, pour fe garantir du froid de la nuit pendant 1'hyver. En recueillant tout ce qu'il poffédoit, a peine trouva-t-on dans fa bourfe trois écus pour en payer le prix. Une autre fois il fut obligé d'emprunter pour acheter du fyrop que fes médecins lui avoient confeillé de mêler è Peau dont il faifoit fa boiffon. II laiffa en mourant des dettes, & pas une feule piece d'argent.Ces détails fembleroient juftifier les plainte; Andronic III. An. 1332» XXIII. II meurc dans Ia pauvreté. Nic. Greg. I. 10. c, i. Conf. Chriji, p. 91.  Andronic Hl. An. 133a 1 < 3 ] < 1 1 4-l8 HlSTOUE !que fait Nicéphore Grégoras , fur Ia maniere dont il prétendque ce Prince . fut traité, après qu'on 1'eut dépouillé de la fouveraine autorité. Maisil faut confldérer qu'Andronic qui avoit toujours été affez dévot, 1'étoit devenu encore davantage, en embraffant 1'étatreligieux. Nous avons vu qu'il obfervoit fcrupuleufement le régime des momes. II y a grande apparence qu'il voulut auffi vivre pau vre comme eux; en conféquence, ou il exigeoit peu pour fon entretien, ou ,ce qui eft plus probable , il diftribuoit toutce qu'on lui donnoit aux indigents. Alors fa pauvreté auroit été volontaire, & uniquement 1'effet de fa charité. Peu d heures après qu'il eut rendules dermers foupirs, on portafon corps dans Ie monaftere de Libe, que fa mere i neodora avoit rétabli; & on y céébra fes obfeques pendant trois jours. ->e fut la Princeffe Simonide, fa fille, Juiprefida k fes funérailles. Elle charta Nicéphore Grégoras de proloncer fon oraifon funebre. Ce dif:ours eftune efpece d elégie en profe, emphe d'exclamations & d'hyper'oles, diftées par la flatterie qui pour.  du Bas-Emmre. Liv. CIX. 429 1 fuit fans cefle les Grands, & s'attache 1 encore a leur ombre lors-même qu'ils 1 ne font plus. II faut laifler ces exagé• rations auxpanégyriftes deprofeffion. II n'eft point permis a un hiftorien ! d'emprunter le menfonge, pour pein1 dre fes perfonnages. L'auftere vérité 1 doit feule diriger fon pinceau. Andronic avoit recu de la nature 1 une taille ayantageufe, un extérieur : noble & majeftueux; les traits de fa i figure étoient agréables & pleins de i douceur. II menoit une vie fobre & I réglée; fa table étoit peu délicate ; elle reffembloit, dit Pachymere, a : celle des héros d'Homere; fouvent une piece de bceuf en faifoit tous les apprêts. Son tempérament fort Sz robufte le rendoit capable de fupporter aifément la faim, la foif, les veilles. Dans certains jours, il palfoit une grande partie des nuits aux pieds des autels ,& employoit a ces pieux exercices un temps qu'il auroit fans doute 1 mieux fait de donner aux affaires de 1'Etat. Ce n'eft pas qu'on prétende ici difpenfer les Souverains de ren: dre hommage a 1'Etre Suprème. Quel 1 eroit le fort de ceux qui vivent Andronic III. An. I332. XXIV. Précis de fon regne. Nic. Greg. 1.10. c. il Pachym. I. 2. C. 32.  AndrO' NIC III. An, 1332 XXV. Sa religion mal entendue Pachym. t I. c, li. 430 II I S T O I R E ; fous leur domination , s'ils venoient a oublier qu'il eft au-deffus d'eux un , maïtre de qui ils relevent ! Mais, il y a long-temps qu'on Fa dit, la religion d'un monarque ne doit pas être celle d'un moine. Que lui ferviroit d'être continuellement en oraifon,fi fes prieres , en arrivant au tröne de 1'EterneI, y rencontroient auffi les murmures & les malédiclions d'un peuple tourmenté dans fa confcience par des fanatiques qu'il anroit luimême encouragés, opprimé par des miniftres dont il auroit diffimulé les brigandages, ruiné par les extorfions des traitants qu'il auroit laifles impunis, pillé, maffacré par des ennemis a qui fa négligence auroit ouvert toutes les portes de I'Empire, enfin déchiré par la difcorde dont il auroit lui-même allumé le flambeau? Voila cependant les reproches qu'on peut faire a Andronic ; voila en peu de mots toute 1'hiftoire de fon regne. A peine ce Prince fut parvenu k la couronne, qu'il s'emprefla d'a■ néantir tout ce que fon pere avoit ' fait pour la réunion des Grecs avec  du Bas-Empire. Liv. CJX. 431 I les Latins. Son zele pour cette oeuvre deftrucfive, lui fit violer les droits les plus facrés de la nature; & loin de fe reprocher ces acfions, il ofa s'en vanter dans un difcours adrefTé aux repréfentants de la nation. Elles lui parurent même fi méritoires, qu'il croyoit que le ciel lui devoit par réconnoiffance une protecfion toute particuliere. Plein de cette fuperfiitieufe illufion, il refloit, comme 1'a obfervé un de fes hiftoriens, dans les circonftances même les plus critiques, & qui demandoient la plus grande acfivité, aflis nonchalamment fur le tröne, abandonnant les rênes de I'Empire aux foins de la Providence. II n'eut pas plutöt brifé le iqoug fous lequel le defpotifme de | fon pere avoit voulu faire plier tous e les efprits, en les forcant de recon| noitre 1'autorité du Pontife Romain , I qu'il s'éleva dans le fein de fa pro■ pre Eglife, un fchifme funefte. 11 ne comprit pas que les mefures qu'il prep noit pour tacher de difïiper cet orage, l'n'étoient propres au contraire qu'a I en prolonger la durée. On le vit tanItótcareffer les deux facfions, tantöt Andronic III. An. 13 31,  Andronic III. An. 1332 432 HlSTOIRE fe déclarer avec chaleur ou pour 1'une ou pour 1'autre, d'autres fois préten , dre tenir entre elles Péquilibre. S'il leur eut impofé ftlence, ou plutöt s'il les eut méprifées, on auroit bientöt ceffé d'entendre parler des Arfenites & des Jofephites, Sc ces fanatiques n'auroient pas troublé lï longtemps, & 1'Eglife & 1'Etat. Cette ame pulïllanime, lans cefTe agitée de fcrupules, paffoit alternativement d'une dévotion outrée aux excès du relachement. Aujourd'hui profterné aux pieds des prêtres , demain les traitant avec mépris & indécence. II faifoit & défaifoit les Patriarches fuivant fon caprice. Si dans quelques circonftances les regies d'une morale rigide paroiffoient diriger fon choix, dans d'autres une politique purement mondaine y influoit feule; auffi avonsnous vu le fiege de Conftantinople occupétantötparun moine fougueux, qui , fous prétexte de faire revivre 1'auftérité de 1'ancienne difcipüne, perfécuta le clergé, 1'avilit, &jettale trouble dans toutes les confciences; tantöt par un homme de mceurs peu régulieres, & dont les principes relachés,  nu Bas-Empire. Liv. C1X. 433 lachés, fe püoient a toutes les con- joncfures; tantöt par un bel efprit, plus inftruit dans la littérature profane que dans la fcience eccléfiaftique; tantót par un ignorant, qui, loin de fe laiffer dominer comme le Prince 1'avoit efpéré , tournoit contre lui le pouvoir dont il 1'avoit revêtu, & le traitoit avec tout 1'orgueil que lui infpiroit fa nouvelle dignité. Si Andronic ne donna que d'affez mauvais Miniftres a 1'Eglife, il ne. fut pas en donner de meilleurs a 1'Etat. La plupart de ceux qu'il mit a la tête des affaires, furent toujours au-deffous de leurs places , ou abuferent de fa confiance. L'hypocrite Mufalon 1'engagea dans des querelles de religion , & le rendit perfécuteur; le vindicatif Métochite entretint la divifion entre lui & fon petit-fils, & lui fit reprendre jufqu'a trois fois les armes contre ce jeune Prince. Quoiqu'Andronic affichat la régularité, fon palais n'en étoit pas moins un féjour de corruption , &C même un repaire de brigands. On y vendoitPimpunitédescrimes,&quelquefois la permiffion d'en commet- Tome XXIV. T Andronic III. An, 1332. XXVI. Miniftres mal choiSs. Vachym. /. j. c. 8,  Andro- anéevrifte zélé dans la nprfnnno Aa  nu Das Empire. Liv. CDC. 447 bre que ce difcoureur prononca fur les cendres de fon protecteur, ne le eede en rien a celle qu'il'avoit débitée aux funérailles du vieux Andronic. C'efi un parallele entre le Prince & le Miniftre compoféd'un tiffu d'antithefes : Si 1'Empereur étoit la colonne de CEglife, le grand Lögothete en étoit la facrijlie ; fi le premier éïoit le fancluaire des graces, le fecond en étoit le veftibule ; fi Vun étoit l'harmome même, 1'autre étoit l'inftrument. Si Andronic tenoit le gouvernail du vaiffeau, Métochite en arrangeoit les voiles & les cordages. Voye{ , difoit l'orateur , comment les guêpes & les bourdons de la mort ont dêfigurê ce vifage qui étoit auffi beau qu'un rayon de miel. Nous ne citons ce palTage que pour donner un échantillon du ftyle & de 1'éloquence des Elogijles de ce tempsla. Certainement ni la beauté de la langue grecque, ni 1'harmonie de fes fons ne peuvent jamais relever Ia petitelTe de pareilles idéés. Le 18 Juin de cette année, 1'Impératrice accouchaa Didymotique d'un ] fils, qui fut nommé Jean Paléologue. \ A cette nouvelle, Andronic fe rendit <■ Andronic iii. An. 1332, KXXVI. .'Impérarice ac011 che 'un fils.  Andronic III. An. 1331 Nic. Greg. I. 10, c. 3, XXXVII. Expêdition contre Alexandre,Roi de Bulgarie. Nic. Greg. I. 10. c. 4. Cant. /, 2. c, 26, 448 HlSTOIRE en diligence auprès de la Princeffe. II quitta le deuil de fon grand-pere pour fe livrer tout entier a lajoie que lui infpiroit un événement fi heureux. II voulut qu'il fut célébré par des joütes & des tournois, oü il figura en perfonne. Ce Prince y rompit plufieurs lances, & y courut même rifque d'être dangereufement bleffé. En vain fes courtifans lui repréfenterent qu'ilétoit peu décent qu'un Empereur s'expofat ainfi k être frappé par fes propres fujets, il rejetta leurs timides confeüs, comme indignes de lui. Andronic, après s'être en quelque forte échauffé le courage pardescombats fimulés, voulut en aller effayer de plus réels. II venoit de s'opérer en Bulgarie une révolution qui 1'intéreffoit particuliérement. Les Bulgares avoient formé une confpiration contre Théodora fa fceur , veuve de leur dernier Roi. Non contents de 1'avoir chaffée, ils s'étoient nommés un nouveau Souverain, & avoient déféré la couronne k Alexandre, fils de Michel Strafcimire, neveu du Monarquedéfunt. Dès qu'Alexandre fut rur le tröne, il raffembla toutes les  du Bas-Empire. Liv. CIX. 44*, forces de fon Royaume, implora I< fecours des Tartares fes voifins, & fe rendit maitre ou de force ou pai capitulation de toutes les villes fron tieres qui s'étoient foumifes au? Grecs. Andronic fe mit en campa gne le plutöt qu'il lui fut poffibli pour fe venger d'Alexandre. 11 en tra en Bulgarie , ravageant tout fui ■fon paffage. Ii reprit Méfembrie , vi!!< forte fur le bord de la mer, & plu fieurs petites citadeües que fon aïeu avoit fait élever fur le fommet di mont-Hemus, pour arrêter lesincur' lions des Tartares; mais il ne pu s'emparer d'Anchiale qui demeun fidele aux Bulgares. Alex ■ . de fbi cóté, s'approcha de 1'Empcrcur £ 1. tête de huit mille hommes de fa na tion , & de deux mille Tartares auxi liaires ; bientöt les deux armces f< trouverent en préfence dans les en virons de Rofocaftre. Elles s'obierverent pendant long-temps, fans ofei s'attaquer. Enfin , Alexandre fit demander la paix. L'Empereur répondit qu'il n'avoit pas pris les arme; le premier, que cependant il étoi: prêt a les quitter fi on lui rendoii 1 Andro- kic iii. An. 1332= 1 l l t t  Andronic III. An. 1332. ] ] ! 1 ] « 1 1 45° HlSTOIRE Anchiale. Alexandre difputa beaucoup, & prétendit faire valoir en fa faveur le droit de poffefïïon. Andronic répliqua que les places qu'Alexandre vouloit retenir fous prétexte que fes prédécelTeurs en avoient joui, étoient de Pancien domaine de I'Empire ; que toutes avoient été fondées par des colonies Grecques ; qu'il n'y avoit que deux jours que les Bulgares s'en étoient emparés , en profhant des troubles qui agitoient I'Empire. Alexandre répond que quoique les Roisn'ayent coutumede vuider leurs différents que par la voie des armes, 5c que leurs raifons foient prefque toujours au bout de leur épée, cependant il confent pour le bien de :'humanité a céder Anchiale, mais ïn même-temps il repréfente qu'ayant es armes a la main, il feroit déshoïorant pour lui d'abandonner cette rille fans une efpece de dédomma;ement, & il demanda, uniquement >our fauver les apparences, qu'on ui donnat en échange Diampole , pioiqu'il fut bien que cette ville ne »ouvoit entrer en comparaifon avec a première, & qu'en faifantce mar-  nv Bas-Empire. Liv. CIX. 451 ehe, ildonnoit, fuivctnt le proverbe, de tor pour du cuivre. Andronic commencoit a n'être plus trop en état de. continuer la guerre, les troupes étoient beaucoup inférieures en nombre k celles de 1'ennemi; d'ailleurs, elles manquoient de vivres, Sc folücitoient leur congé : il accepta les conditions propofées par Alexandre. Le traité fut figné de part Sc d'autre le 17 du mois de Juillet 1332. La nuit qui précéda le jour oh l'é-3 change des deux villes devoit fe faire, j i! arriva au camp d'Alexandreun corps 1 conlidérable de Tartares. Le Monar- < que Bulgare, qui, fans doute, fe fai-' foit un jeu de répandre le fang , ne 1 voulut point que ces Tartares fuffent venus inutilement. Comme ils auroient refufé de marcher contre les troupes Impériales, parcequ'ilsétoient en paix avec les Grecs, i! leur fit accroire que c'étoit pour agir contre le Prince Belaure fon oncle, qui lui difputoit Ia couronne, qu'il les avoit appelles. Dès la pointe du jour, il fait mettre les Tartares fous les armes , 8c lesconduit contre les Grecs. Andronic qui fe repofoit fur la foi des traités» Andho- NIC Ift. ia. 13J2. 3CXV1H lauvaife ai d'Asxandre.'ant. 1.1. ■ 27. ïté, Greg, , 10. C. 4.  Andronic III. An. 1331 452 HlSTOIRE ;fut fort étonné d'apprendre par fes coureurs que 1'ennemi marchoit A lui. Aufli-tót il raffemble les troupes qui lui refloient encore , car il en avoit congédié déja une grande partie, & les difpofe en ordre de bataille. II les partagea en feize phalanges, dont fix feulement formerent le front, les dix autres furent placées derrière. Le Protoftrator commandoit 1'aile droite, Ie grand Papias Zamplacon 1'aile gauche, & 1'Empereur étoit au centre. Andronic ne croyoit avoir affaire qu'aux Bulgares. II fut bien furpris d'entendre les trompettesTartares qui fe faifoient aifément diftinguer des autres par leur fon rauque & défagréable. Quand on fut a la portée du trait? les Tartares, au-lieu d'attaquer la première ligne des Grecs, fe détournerent tout-a-coup, & allerent fondre fur les dix phalanges qui formoient 1'arriere-garde; en un inftant elles furent culbutées & mifes en déroute. Cette infortune ne découragea point Andronic, il réfolut de faire tête aux^Bulgares avec les fix phalahgesqui n'avoient point encore donrié. L'Empereur, legrand Domeftique,  nu Bas-Empire. Liv. CIX. 453 Manuel Afan fon beau-frere, &en-! viron cinquante Seigneurs qui 1'accompagnoient, firent un généreux, effort, & mirent en fuite ceux qu'ils avoient devant eux; mais 1'ennemi s'étant rallié, revint a la charge, &C forca a fon tour les Grecs de reculer. Ceux - ci firent leur retraite en bon ordre , & fe replierent fous les murs de Rofocaftre. Le fils de Jean le Panhyperfébafte, & petit-fils de Conftantin Porphyrogénete , penfa perdre la vie dans cette aöion ; il y recut plufieurs bleffures, & une entre autres qui lui mit la cervelle a. découvert; fon cheval après 1'avoir tiré de la mêlee, mourut en arrivant au logis de fon maitre. Les Bulgares n'oferent point forcer les Grecs dans leur pofte. Alexandre , quoique vainqueitr, envoya le Rufie Ivan dire a Andro- : nic, qu'il étoit dans,la difpofttion ' d'obferver le traité qu'ils avoient fait, enfemble, aux mêmes conditions dont ils étoient convenus; pourvutoutefois que 1'Empereur confentit a donner fa fille ainée pour époufe h fon fils. Andronic éluda tant qu'il put Andronic III. ^n. 1332, XXXIX. 1 demanle la paix. ?ant. I, 2, • »7>  Andronic III. An. 1352. 1 ] J 3 1 I « 5 c XL. Defcente du Turc ? Amir en 5 Thrace. ^ Cant. I, 2. e. 28. « tl a S 454 H 1 s t 0 1 ii e Partiele du mariage, n'ofant point le rejetter abfolument; mais il prétendit que cette affaire demandoit une müre délibération , & qu'il falloit qu'avant de rien terminer, la Cour de Bulgarie envoyat a Conftantinople des Ambaffadeurs pour en ïraiter. Alexandre, après bien des infïances inutiles, fut obligé de fe rontenter pour le préfent du renou/ellement du traité , & pour la fuite le Pefpérance de voir fon fils devefir 1 epoux de la Princeffe. Le traité ut figné & juré de part & d'autre ivec les formalités ordinaires. Les iulgares rendirent enfuite les prifonliers qu'ils avoient faits fur les Grecs. /Empereur, après avoir féjourné ncore quelque temps a Rofocaftre, 'en reyint a Didymotique, oii il ongédia fes troupes. Quinze jours après , Andronic reut la nouvelle que le Turc Amir, ouverain de Smyrne, d'Ephefe, & e quelques villes de Plonie, étoit ntré dans la mer Egée avec une flotte e foixante-quinze batiments; qu'il voit d'abord pris terre dans l'ifle de amothrace; qu'après 1'avoir pillée,  nu Bas-Empire. Liv. CJX. ^55 11 s'étoit rembarqué pour fe porter fur les cötes de la Thrace ; qu'il ménacoit ce pays d'une invafion, mais qu'on ne favoit oh il avoit envie de porter fes coups. A cette nouvelle , toute !a Cour efl en allarme, 1'Empereur raflemble a la hate les gens de guerre qu'il trouve fous fa main , fe met en marche pour aller au-devant de 1'ennemi , & 1'empêcher de faire fon débarquemenf. II établit fon quartier général k Cumutzine, petite ville fituée k peu de diftance de la mer. Amir fit fa defcente k Porus , prefque vis-a-vis du camp des Impériaux. Cet Emir s'étant avancé dans 1'intention deravager le pays, Andronic fe mit en mouvement pour aller a lui; ils fe rencontrerent k Panagie. L'Empereur auroit bien voulu livrer combat aux Turcs dans ce lieu, paree que c'étoit un terrein plat & uni, oü il pouvoit faire aifément manceuvrer fa cavalerie contre ces ennemis qui n'avoient que de 1'infanterie. Mais quand il eut reconnu que les troupes Mufulmanes étoient dix fois plus nombreufes que les fiennes, il renonga au Andronic iii. An. 1332,  Andronic III. An. 1332 XLI. Nicée pillée par les Infideles.Nic, Greg. l.<).c. 13 Nota Duc, Leuncl, l 4- hifi. Mufulm. Ann. Turc Caleh. 45'. 10. c. j ^ 44 HisToitiE " pas moins vrai qu'elle étoit le prïn." c,Pal complice du crime que Zamj.placon avoit pourmivi dans ce perfide. Ces facheux événements dürent répandre beaucoup d'amertumes fur les jours de cette Princeffe, & peut-être la conduifirent-ils au tombeau. _ 11 y avoit environ un an que ce meme Syrgianne cabaloit dans l'ifle de Negrepont. Voyant qu'il ne pout voit engager les Latins a remuer en ia faveur, il prit le parti d'écrire k • Andronic pour le prier d'oublier le •pafle; il ofoit en même-temps lui demander quelque domaine fur les frontieres de la Macédoine, oü il put vivre avec fa femme & fes enfants , éloigné , difoit-il, de la Cour & de 1'envie. L'Empereur ne jugea pas fans doute k propos de répondre k une pareille propofition. Syrgianne prit alors Ie parti de quitter 1'ifle de Négrepont, & d'aller tenter fortune ailleurs. II parcourut le pays des Locnens, 1'Acarnanie & 1'Albanie, d'oü il pafla en Servië. II y trouva le Crale prêt è Ie fervir. Etienne lui donna d'abord un corps  du Bas-Empire. Liv. C1X. de troupes pour faire la guerre a Andronic. Syrgianne commenca fon expêdition par la conquête de Caftorie. Cette invalion allarma 1'Empereur. II redoutoit le génie Sc les reffources de Syrgianne; il avoit découvert que ce traïtre entrenoit des intelligences dans plufieurs villes frontieres, Sc que quelques-unes de ces places étoient difpofées a lui ouvrir leurs portes. II étoit effrayé aufii du grand nombre de fes complices. Dans une circonftance fi embarraffante, ce Prince décida avec Cantacuzene qu'il n'y avoit pas de meilleur expédient, pour difliper cette confpiration, que de fe faifir de celui qui en étoit Dame. L'entreprife n'étoit pas facile. Ils s'occupoient des moyens de 1'exécuter , Iorfqu'un Sénateur , nommé Phrantzès Paléologue , vint leur offrir fes fervices. Ce perfonnage n'avoit pas toujours été bien avec Ie jeune Andronic; mais depuis il en avoit obtenu fon pardon Sc même des bienfaits. II s'annonga comme un fidele fujet qui vouloit difliper les moindres nuages que fa conduite paf fée auroit pulaifler encore dans lef" V v Andronic iii. An. 1333.:  Andronic III. An. 1333. i c I 1 é d d z 9 n fi h prit de fon Prince, & comme un citoyen zélé pret k fe dévouer au falut de la patrie. Andronic & fon Mimftre n'eurent pas de peine a deviner Phrantzès. Ils comprirent qu'il étoit propre a faire un de ces intrigantsfubalternes que la politique peu delicate des Cours entretient toujours a fes ordres pour certaines opéraïions, dont des gens d'honneur auroient honte de fe charger. Les ofïres le Phrantzès furent donc acceptées. On lui propofa d'aller arrêter Syrpnne par furprife. Phrantzès y conentir. A 1'inftant il part avec des infrucfions dont il avoit probablement racé lui-même le plan, & muni de letres qui 1'établiffoient Gouverneur de [uelques villes fituées dans Ie voifi- • lages de Caftorie. A peine eft-il ar«vé, que Syrgianne, comme on s'y toit bien attendu, ne manque pas e Ie pratiquer, de le rechercher& e Pengager a fe joindre a lui. Phrantïs, pour mieux écarter les foupons, fit d'abord quelque réfiflance; lais enfin il fe rendit, & affefta enute de donner la plus grande puicité a fes liaifons avec Syrgianne.  du Bas-Empire. Liv. CIX. 467 Aufli-töt Ia Cour déclare Phrantzès criminel de lefemajefté, confifque fes biens; & pour rendre encore 1'illufion plus complette , fait promener fa femme dans les places publiques, & 1'expofe aux infultes de la populace. Phrantzès, de fon cöté, paroit furieux; il fulmine contre le Prince & fon Miniftre, tk femble ne refpirer que la vengeance ; il protelfe a Syrgianne qu'il lui fera fidele jufqu'au dernier foupir. Pour donner plus de poids a fes paroles, il les appuie d'un ferment fait devant le faint Sacrement de 1'autel; enfin, il amene a Syrgianne deux fourbes comme lui qu'il fuppofe Officiers de Ia chambre de 1'Empereur, & qui s'étoient, difoit-il , engagés a les venger 1'un ik 1'autre de ce Prince, en lui ötant la vie. C'étoit par le canal de ces deux perfonnages qui faifoient perpétuellement le voyage de Caftorie a Theffalonique, ou Andronic attendoit les événements, qu'on étoit inftruit de tout ce qui fe paffoit entre Syrgianne ik Phrantzès. Ce dernier cependant ne pouvoit trouver 1'occafion d'exécuter fon pro> V vj Andronic III. Aa.ij3j«  Andro kic III. An. 1333 4Ö« HlSTOIRE • jet. I! commencoit même a s'inquiéter fur Ie danger auquel ces délais . I'expofoient. Enfin, il prit le parti de précipiter le dénouement d'une piece qui, a fon gré, duroit trop long-temps, & oü il commencoit a courir les rifques de jouer lui-même le role le plus tragique. II engage Syrgianne k une partie de promenade , & le conduit fur le chemin de Theffalonique. Quand ils furent a quelque diftance du camp des Serves , Phrantzès le fit poignarder par des gens de fa fuite. Ainfi périt victime de Ia perfidie un homme qui en avoit été lui-même fi fouvent 1'inftrument. Phrantzès, après ce coup, fe fauva k Theffalonique avec les fcélérats qui lui avoient prêté leur miniftere. Le Crale de Servië fut trésaffligé'de la perte de fon ami. Toutefois il ne fe mit nullement en devoir de venger fa mort. II fe contenta d'arroter fon cadavre de fes larmes., & de lui faire de magnifiques funérailles. Etienne fut même fi déconcerté de cette cataftrophe, qu'il quitta les armes, & envoya demander la paix a 1'Empereur. Nicéphore  na Cas-Empire. Liv. CIX. 469 Grégoras dit exprellément que Phrantzès étoit convenu avec Andronic de tuer Syrgianne. Cantacuzene prétend,. au contraire, que Phrantzès outrepafla Iesordres qu'il avoit recus, &£ que même 1'Empereur en fut trèscourroucé. Cependant ce Prince éleva cet aflaffin au rang de Stratopédarque , & lui affigna une penfion pour foutenir fa nouvelle dignité. De plus , il accorda des graces a tous ceux qui avoient trempé leurs mains dans le fang du malheureux Syrgianne. L'année luivante, les Turcs re-1 commencerent a parcourir en pirates * la Méditerranée & les mers de Grece; ils pillerent tous les vaiffeaux qu'ils ( rencontrerent, firent des defcentes fur i les terres de I'Empire, & y commirent, felon leur coutume, les plus affreux brigandages. Ces défaftres qui fe renouvelloient fans ceffe, confternoient Andronic. II crut, a 1'exenv ple de Michel Paléologue, devoir fe ménager 1'alliance & le fecours des Latins, en leur faifant efpérer la réunion de 1'Eglife Grecque k 1'Eglife Romaine. II fit part de fes difpofitions feintes ou réelles a deux Domini- Andro- NIC III. tin. 13339 in. 1334. XL VI. Nonces lu Pape 1 Confantino>Ie. VzV. Gregi '.. 11. c. 1. Fleury , Hifi. Eed. '. 94. art. XXXI.  Andronic in. An, 1334 47° HlSTOIRE 1 cains, qui en revenant de prêcher Ia foi auxTartares, étoient paffés a Conf, tantinople. Ces miffionnaires, a leur retour , s'emprefferent d'inftruire le Souverain Pontife des confidences que 1'Empereur leur avoit faites. A cette nouvelle, Jean XXII fut tranfporté de joie. II adreffa k Andronic des lettres aflèaueufes, par lefquelles il lui marquoit qu'il étoit pret a le recevoir, ainfi que tous fes fujets, dans fon fein apoftolique. II 1'affuroit que c'étoit le feul moyen qu'il put prendre pour fe délivrer de Ia tyrannie des Infideles. II écrivit auffi au Patriarche, aig| Grands de I'Empire , & il n'oublia pas fur-tout d'intéreffer dans cette affaire I'Impératrice Jeanne de Savoie, qui ayant été élevée dans les principes de 1'Eglife Latine, ne pouvoit manquer d'employer tout fon crédit pour en affurer le fuccès. Jean XXII entretenoit auffi des correfpontiances avec un des confidents de 1'Empereur, nommé Jean Pifani. [1 paroit par les avis fecrets qu'il re:eyoit de ce Génois, que tout ce ïü'i'1 y avoit de plus diffingué parmi es Grecs, n'étoit pas éloigné de fe  du Bas-Empire. Liv. C1X. 471 rapprocher des Latins. Le Pape, quand il crut Ie moment favorable, envoya a Conftantinople ces deuxmêmes Religieux qui lui en avoient apporté 1'efpérance de voir enfin 1'extinction du fchifme. Pour leur donner plus de confidération, il les éleva a 1'épifcopat. L'un étoit Italien , & s'appelloit Francois de Camerino; 1'autre Anglois, & fe nommoit Richard. Le premier fut fait Archevêque de Bofphore , & le fecond Evêque de Cherfone. Leur arrivée a Conftantinople y caufa une forte de rumeur. Le peuple qui n'entroit point dans les arrangements poiitiques de 1'Empereur, vouioit que le Patriarche fe mefurat en perfonne avec ces deux champions, ne doutant point qu'il ne lui fut très-facile de les vaincre. Le Prélat n'en penfoit pas de même. La nature lui avoit refufé le don de la parole. II fentoit fon incapacité. Comme il n'avoit pas non plus grande confiance dans les talents de fon clergé, & de tous les Evêques qui 1'entouroient, il prit le parti de charger Nicéphore, quoiqu'il ne fut que laïc, «Je tenir tête aux Envoyés du Pape, Andronic III. ^n. 1334,  Andronic III. An. 1334 472 HtSTOlRE La vanité de Nicéphore fut très-flattée de cette préférence; cependant, .malgré la bonne opinion qu'il avoit de fon favoirck de fes talents,on voit qu'il craignoit de fe compromettre avec les théologiens du faint Siege. Ayant prié le Patriarche & ceux des Prélats qui fe trouvoient a Conftantinople de 1'entendre, il leur fit un difcours pour les diffuader d'accorder aux députés du fouverain Pontife la conférence qu'ils demandoienr. II prétendit que ces fortes de controverfes devenoient toujours inutiles, paree que les deux partis étant perfuadés d'avance d'avoir chacun en particulier la raifon de fon cöté, jamais 1'un ne vouloit céder a 1'autre; que d'ailleurs il n'y avoit point dans les circonftances aöuelles de juge pour prononcer entre eux; que les Patriarches d'AIexandrie, d'Antioche & de Jérufatem, oiTenfés de n'être point appelles è cette conférence, ne manqueroient pas de défavouer tout ce qui s'y feroit; qu'enfin il falloit éviter de donner encore aux Latins une nouvelle occafion de s'attribuer la Viftoire, comme ils avoient toujours  du Cas-Empire. Liv. C1X. 473 coutume de faire en pareille conjoncture. De plus , ajoutoit-il, ces dilcuflions font indécentes & même injurieufes a la Majefté divine, puifqu'on ofe y mettre en doute des vérités inconteftables, y fcruter d'un ceil audacieux des myfteres ineffables, des dogmes inacceffibles a toute la fagacité humaine. Nicéphore cita 1'autorité de ceux des SS. Peres, qui, dans leurs écrits, s'étoient é'evés contre une pareille audace. II déplora la manie que les Grecs avoient alors de vouloir raifonner fur les matieres de religion. Par-tout, difoit il, on rencontre de ces controverfiftes téméraires.Les portiques, les marchés, les places publiques , les théatres retentiflent de leurs difputes. II les comparoit è Oiée, qui ayant porté la main fur 1'arche du Seigneur pour Ia foutenir, avoit été frappé de mort, ou bien k cet homme qui s'étant jetté a la nage afin de retirer de Peau le diadême d'Alexandre, le mit fur fon front, & paya de fa tête cette témérité. Ce difcours, quoiqu'il prouvatdans 1'orateur plus d'érudition que de jufteffe d'efprit, emporta cepen» Andronic III. An. 1334.  Andronic III. An. 1354 XLVII. Mort de Conftantin , oncle de 1'Empereur.Nic. Greg. I. 8. c. 3. Tam. Byf. !• 135. 1 : 474 H I S T O I R E dant prefque tous les fuffrages de I'auditoire; mais perfonne n'y applaudit avec plus d'enthoufiafme que 1'Evêque de Duras ou Durazzo; aufli Nicéphore Grégoras nous le donne pour le Prélat le plus éminent en vertu & en favoir qu'il y eut alors dans toute Ia chrétienté. II fut donc décidé que les Envoyés du Pape feroient congédiés, fans être entendus. La familie Impériale fit encore cette année une nouvelle perte dans Ia perfonne du Defpote Conftantin , Ie fecond des fils que le dernier Empereur avoit eus de fa première fem« me. Avec lui furent enfevelies toutes les efpérances d'un parti qui paroifioit le regarder comme fon chef. La yie de ce Prince ne fut qu'un enchainement de difgraces. Forcé par ['autorité paternelle de donner fa main a une époufe a qui il lui étoit impoflible de ne pas refufer fon cceur, I ne fentit pour elle que du dégout. [1 s'attacha a une femme d'une conlition fervile, dont il eut un fils qui ie nous eft déja que trop connu fous e nom de Michel Cathare. Ce fils ie fe montra dans le monde que pour  nu Bas-Emimre. Liv. CLX. 475 être 1'opprobre de fon pere , & y faire éclater la démence de fon aïeul. La fortune, après avoir paru pendant quelque temps vouloir élever ce batard au faite de la grandeur, fe plut enfuite a le plonger fi profondément dans 1'oubli, qu'on ne peut dire ce qu'il devint. Conftantin vécut prefque toujours dans le trouble & 1'agitation, au milieu des intrigues & des cabales. Pendant fes dernieres années, il eut le chagrin de fe voir iivré a la difcrétion de fon neveu , qui le retint dans une étroite captivité, oh plus d'une fois le glaive de la mort fut fufpendu fur fa tête. S'il eut quelques moments heureux, ce furent peut-être ceux qu'il paffa en la compagnie d'une Dame aimable, qui faifoit 1'ornement de Theffalonique. Elle s'appelloit Eudocie Paléologine, & étoit fille de Néocéfarite , Secretaire de I'Empire, qui 1'avoit mariée a un Seigneur nommé auffi Conftantin Paléologue. Elle joignoit aux charmes de la figure, toutes les qualités du cceur, & tous les talents de 1'efprit. Elle étoit très-inftruite, 6c s'exprimoit avec autant de Andronic ni. An. 1334,  Andronic III. An. 1334. 1 1 ( 476 HlSTOIRE grace que de facilité. On ne pouvoit la voir ni 1'entendre, fans concevoir pour elle une affeclion mêlee de refpeóf. Tous les favants , tous les gens de Lettres la célébroient k 1'envi; ils ne I'appelloient pas «utrement que la nouvelle Théano, la nouvelle Aipafie. Conftantin, ayant été nommé Gouverneur, de Theffalonique, eut occafion de la fréquenter. II fe rangea d'abord parmi fes admirateurs, & bientót fon cceur ne put fe défendre contré tant d'attraits. Sa paffiori pour Eudocie devint fi vive, qu'il ofa lui en faire 1'aveu, de maniere a allarmer fa vertu. Eudocie réfifta avec perfévérance k fes importunités. Son mari vivoit encore;mais lorfqu'elle fut devenue veuve, Conftantin qui étoit libre auffi, & dont l'amour s'étoit encore accrue par 1'eftime que lui avoir infpirée Ia fageffe ie cette Dame, Ia preffa de 1'accepter pour époux. Eudocie y confen:it. Au refte, il n'y a pas d'appatence ju elle ait eu lieu de fe féliciter beau:oup d'avoir uni fes deftinées a celles 1 un Prince fi malheureux. Jean XXII venoit de mourir, &  Tfu I)as-Emi>ire. Ljv. CIX. 477 ie facré College lui avoit donné pour fuccelTeur Benoït XII. Ce Pontife, peu de jours après fon exaltation, voulut fignaler fon zele contre un Evêque fchifmatique que le Patriar che de Conftantinople avoit envoyé dans l'ifle de Crête ou Candie, pour y répandre le poifon de 1'erreur. Car 1'Eglife Grecque avoit aufli fes miffionnaires, qui ufant de repréfailles, tachoient de faire fur 1'Eglife Latine des conquêtes fpirituelles. Mais rien ne paroiffoit offenfer davantage le St. Pere dans Ia conduite de cet Evêque , que la hardieffe qu'il avoit d'affranchir les fideles de cette multitude d'empêchements fi contraires a la liberté des mariages, qui s'étoit introduite parmi les Latins. Cette réforme tendoit a diminuer beaucoup le nombre des difpenfes, & par conféquent les profits pécuniaires, & même les avantages politiques que la Cour pontificale favoit en retirer. Benoit écrivit donc au Doge & au Sénat de Venife, pour les fommer de chaffer de l'ifle cet impie, ce réprouvé. Un autre objet, qui ne fixa pas moins 1'attention du nouveau Andiio- NIC iii. An. 133;. xlviit. Andronic engagé dans une croifade. Ann. Rayn. Nic. Greg. II. c. 1.  Andro nic III, An, 133; 478 H 1 s 1 0 1 ii i - Pontife, étoit 1'exécution d'une croifade que fon prédécefleur avoit pro.jetté contre les Turcs. Le Roi de France devoit en être le chef. Robert, Roi de Naples, les Vénitiens , les Génois, tous les Princes Latins qui avoient des poffeftions en Grece & dans les ifles de 1'Archipel, étoient entrés dans cette ligue fainte. Benoït XII écrivit a 1'Empereur de Conftantinople pour Pinviter auflï k s'y enröler. Andronic fe rendit volontiers aux vceux du Pape. II équipa une flotte qu'il voulut commander en perfonne, malgré les repréfentations de I'Impératrice fa femme, & de tous fes courtifans. II s'embarqua donc au commencement du printemps fuivant, pour aller fe joindre aux Latins. II les attendit long - temps au rendez-vous qu'ils lui avoient indiqui»A mïUS iJs «e parurent point. Les démêlés furvenus entre Philippe de Valois & le Roi d'Angleterre, & la guerre qui s'alluma entre les Vénitiens & les Génois, avoient diffout Ia confédérarion. Les Grecs ne laifferent pas échapper cette nouvelle oceanen de murmurer contre les La-  »u 1ïas-Ebh>ire. Liv. CIX. 479 tins; ils les accuferent d'avoir manqué lachement de parole a leur Prince & a la nation. Cependant 1'armement qu'avoit fait Andronic, ne fut pas inutile. II lui fervit cóntre un vaffal de I'Empire qui avoit voulu méconnoitre fa fouveraineté. Dominique Catane venoit de prendre poffeffion de la nouvelle Phocée que fon pere, comme nousl'avons vu plus haut, avoit tenue en fief de I'Empire. Dominique forma le deffein non-feulement de s'affranchir de cette feryitude , mais encore de fe rendre maïtre de Lesbos. Pour exécuter ce' doublé projet, il avoit armé k Gênes \ onze galeres, en avoit emprunté une des Siciliens, & cinq des habitants de Delos. II eut auffi le crédit d'engager les Chevaliers de Rhodes a lui fournir des troupes, ainfique Nicolas Sanuto, Duc de Naxos. Avec ces forces, il fit tout-acoup une defcente dans l'ifle de Lesbos, furprit Ia ville de Mitylene qui en étoit la capitale, & fe foumit en peu de temps toutes les autres places , a la réferved'Ereffe &C de Methymne, qu'il ne put réduire. Androuic, k cette nouvelle, entra dans Andronic III. An. 1336. XLIX. Entreprir.e fur Ia ïouvelle 3hocée, 5c fur 1'ife de Lef- )OS. "nnt, l. 2, .29. Wc. Grig, . II. c. 1,  Andro- k1c III. An. 1336 480 H I S T 0 I 11 E une furieufe colere. II fit les plus fanglants reproches aux Génois de , Galata, & prit Dieu a témoin de l'injuftice avec laquelle ceux de leur nation violoient la foi des traités. II parut même vouloir fe venger fur eux de I'outrage que Dominique Catane venoit de lui faire. Les Génois , loin de s'épouvanter de fes menaces, fortifierent les murailles de Galata, fermerent Pentrée de leur port, & fe mirent fous les armes. Andronic les voyant fi bien préparés, ne jugea pas a propos de les attaquer ; il crut qu'il valoit mieux réferver fes troupes pour recouvrer Mitylene & Ia nouvelle Phocée. II partit donc de la rade de Conftantinople k la tête d'une nombreufe flotte, & fe rendit d'abord k Gallipoli pour pafler enfuite a Lesbos. Dominique Catane,de fon cöté,faifoit toutes fes dïfpofitions pour aller au-devant des Grecs, lorfque les Lefbiens lui déclarerent qu'ils ne vouloient plus porter les armes contre 1'Empereur. Les Chevaliers de Rhodes a qui il donna quelque fujet de mécontentement, feretirerent auffi. Ce revers inopiné confterna Dominique Catane ;  nu Bas-ëmwre. Liv. CIX. 481 Catane; & fi Andronic eut fu profiter du trouble ou il fe trouvoit, pour tomber fur Mitylene, il eftprobable qu'il 1'auroit emportée rrèsaifément. Mais il prit le parti d'aller aborder dans 1'ifle de Chio, fans qu'on puifle trop comprendre quel fut fon motif. Peut-être croyoit-il fa préfence néceflaire alors dans cette ifle, pour en contenir les habitants, & les empêcher de fe joindre aux rebelles. Quoi qu'il en foit, il donna paria a Dominique le loifir de jetter des troupes & des vivres dans un petit fort nommé Calone, qui fervoit de rempart a Mitylene. Andronic perdit encore un temps confidérablea courir fur quelques galeres ennemies, qui fe firent échouer, & dont les équipages fe fauverent dans les bois. Ce ne fut qu'après cette expêdition , qui étoit prefque fans but, qu'il débarqua dans l'ifle de Lesbos Philantropene, un de fes échanfons, avec des troupes, & toutes leschofes néceflaires pour faire le fiege de Mitylene. Pour lui il dirigea fa courfe vers la nouvelle Phocée, fe réfervant 1'honneur de Ia foumettre. Mais Odoart que DomiTomt XXIV. X Andronic iii. An.13301  Andro nic III. -An, 1331 4S2 II I S T 0 I R E • nique y avoit laiffé pour la défendre, fit bientöt comprendre a ce ,. Prince que cette conquête ne lui feroit pas auffi facile, qu'il paroiffoit fel 'imaginer. Andronic , voyant que réduit a fes propres forces, il ne viendroit jamais a bout de fe remettre en polteffion de cette place, eut recours a Sarcane qui étoit maitre de tout le territoire des environs de Phocée, Cet Emir voulut bien lui prêter des troupes, a condition que Solyman fon fils, qui étoit retenua Phocée par les Génois, lui feroit rendu, après la conquête de cette place. Sarcane amena en perfonne au, camp de 1'Empereur un corps affez confidérable de cavalerie & d'infanterie avec des vivres en abondance. Malgré ce renfort, le fiege de Phocée languiflbit: celui de Mitylene n'avan$oit pas davantage; il y avoit déja cinq mois que les Grecs & les Turcs leurs atliés fe morfondoient devant ces deux places. Cependant elles commencoient 1'une & 1'autre a fouffrir de la difette ; & pour diminuer Ie nombre des bouches inutües, on en avoit chaffé tous les  nu Bas-Empirk. Liv. C1X. 483 Grecs. Cette démarche annoncoit de la part des affiégés, une opiniatreté qui fit augurer a 1'Empereur que fes troupes déja fatiguées auroient encore beaucoup a fouffrir avant qu'il püt s'emparer de ces deux villes. Ses inquiétudes augmenterent, quand il re<;ut avis qu'une flotte de vingt galeres étoit partie de Gênes pour venir au fecours de Mitylene. C'étoit Peffet d'un complot tramé entre les Génois de Galata & plufieurs des principaux Seigneurs de la Cour de Conftantinople , qui, mécontents du Gouvernement, avoient projetté de détróner 1'Empereur, & même de lui öter la vie, ainfi qu'a i'Impératrice & aux Princes leurs enfants. Andronic ne croyant pas fa marine affez forte pour réfifter aux Génois, chercha de toutes parts de nouveaux fecours. Amir, 1'un des trois fils d'Aitine, Sultan d'Ionie, lui fournit trente vaiffeaux de guer^. re, & Sarcane lui en envoya vingtquatre ^ avec des troupes fraiches. Aufli-töt que tout fut prêt, 1'Empereur appareiüa pour aller recevoir la flotte ennemie. Mais les Génois ne parurent point, foit qu'ils Andronic III. An. 1)36,  Andronic ïij. An. 1336, L. Elles rentrent fous 1'obéiffance de 1'Emp»reur.Cant, l. 2. c. 30. 31. 4S4 H I S T O I R E ne fe cruffent pas en état d'en venir aux mains avec ce Prince, foit que leur projet eut été déconcerté par la découverte de la trahifon de ceux des Grecs qui favorifoient fourdement leur entreprife. En effet, I'Impératrice & la femme du grand Domeftique, veilloient avec tant de foin au falut de 1'Etat, qu'elles avoient trouvé la tracé de cette confpiration, 8c 1'avoient étouffée dans fon principe. Cependant la faifon s'avancoit, 5c Andronic redoubloit fes efforts pour fe rendre maitre de Phocée. Le grand Domeftique ayant appercu prés de la porte de la ville un Génois, nommé Jean Spinola, avec lequel il avoit eu autrefois des liaifons d'amitié, 1'invita a venir lui parler. Jean Spi-. nola qui connoiflbit Ia parfaite probité de Cantacuzene , ne craignit pas de fe fier a fa parole, & de fe rendre auprès de fa perfonne. Cantacuzene repréfenta d'abord a Spinola l'injuftice de la conduite de Dominique Catane & de ceux d'entre les Génois qui s'étoient ligués avec tui. II le pria de confidérer que le  »u Bas-Empieu. Liv. CIX. 485 parti de ce téméraire s'affoibliffoit journellement, que tous fes alliés Tabandonnoient, & qu'il lui feroit impoffible de tenir feul contre toutes les forces impériales; qu'il ne devoit pas d'ailleurs compter fur aucun fecours de la part de la République de Gênes, puifque fi 1'Empereur fommoit les Génois d'obferver les traités faits entre les deux nations, ils feroient obligés de venir eux-mêmes prefler le fiege. » En effet, di» foit Cantacuzene, n'eft-il pas fti» pulé par les traités, que fi un Gé» nois fait tort a un Grec, ce Gé» nois en répondra feul, & a fes pro» pres dépens; mais que fi plufieurs » Génois fe réuniffent pour former » quelqu'entreprife contre I'Empire, » alors la République entiere fera te» nue de la réparation ? D'ailleurs, » nous n'ignorons pas Ia fituation de » la place. Les vivres vous man« quent, & vous êtes déja réduits a » ne diftribuer le bied, qu'avec la » plus grande économie. Peut-être » vous flattez-vous que 1'Empereur , » ennuyé de la longueur du fiege, h prendra enfin le parti de fe retiX iij Andronic iii. An. 1336.'  Andro nic m An. 1331 4'"^ H I S T Q ï R B - » rer. Quand même il s'en retoür" » neroit a la Cour pour y paffer 1'hyi.» ver , il n'en Iaiffera pas moins des » troupes autour de vos murs , pour » vous tenir bloqués tant par mer » que par terre; il reviendra au prin» temps avec de nouveauxrenforts, » & nous n'abandonnerons pas la » place que nous ne I'ayons réduite » ou par la force ou par la famine ". Celangageétonna Jean Spinola. Après quelques moments de fdence , il pria Cantacuzene de lui dire ce qu'il y avoit a faire dans la circonflance préfente. Cantacuzene lui confeilla la paix: » Je veux, dit-il, que vous fa» chiez de moi le vrai mbyen de la » conclure avec avantage pour vous. » Donnez a 1'Empereur quelque fa» tisfaclion dans un temps oü vous » pouyez encore vous en faire un »> mérite, & n'attendez pas que vous » y foyezforcésparlanéceffité. An»» dronic eft doux de caradere & » plein d'humanité, venez implorer » fa clémence, & je vous jure que » vous obtiendrez de lui votre par» don. Vous (ui ferez préfent du fils $ de Sarcane & des enfants des au-  du Bas-Emrire. Liv. CIX. 487 » tresTnrcs qui font entre vos mains; » vous lui rendrez Phocée ck Mity» lene. Ce Prince, de fon cöté, vous » remettra tout ce qu'il pourroit pré>l tendre pour s'indemnifer des fraix » de la guerre, ck il n'exigera de » votre Répuhlique aucun dédom» magement. II vous accordera une » amniftie générale pour toutes le,s » hoftilités que vous avez commi» fes contre lui , ck qui vous ont » fait décarer ennemis de I'Empire. » II vous laiffera en pofiefiïon de »> tous vos biens , ck vous abandon» nera même pour un certain nom» bre d'années le domaine de Pho» cée. II traitera avec Sarcane en vo» tre faveur , il obtiendra de ce Mu» fulman que vous conferviez les » mêmes privileges 6k les mêmes » franchifes dont vous avez joui juf» qu'a préfent fur fes terres; enfin, » il vous accordera pleine liberté de » faire le commercedans toute 1'éten» due de I'Empire ". Jean Spinola fe retira parfaitement perfuadé de la folidité des remontrances du grand Domeftique, ck alla les communiqué* a Odoart ck aux autres chefs du parti, X iv Andronic 1iï. \.n. 1336,  Andro' nic m. An. 133$ tl. Expêdition con- . t.e les > Albanois. ; Cant. 1.1, •v 32. ( c ] ence leurs brigandages. Ils incomloderent extrêrnement les forts de alagnte, de Canine, de Scerapion  »ü Bas-Empire. Liv. CIX. 4S9 & de Clizure, prirent la petite ville de Timoros. 1'Empereur, indigné de leur perfidie, fe mit en marche avec le grand Domeftique, pour les aller chatier. II joignit k fes troupes un corps de Turcs auxiliaires; paree qu'entendant très-bien la guerre de montagne, ils étoient plus propres que les Grecs a donner la chafle aux Albanois qui fe fauvoient avec leur proie fur les hauteurs , &£ alloient fe cacher au milieu de rochers inacceffibles. Cette campagne ne fut pas de longue durée. Les Albanois furent bientót obligés de fe foumettre. Les Impériaux firent fur eux un butin immenie. Cantacuzene nous aflure comme un fait dont il n'y a point k douter, que les Grecs leur enleverent trois cents mille bceufs, cinq cents mille chevaux, & douze cents mille moutons. Ce qui prouve la prodigieufe fécondité de PAlbanie. Toutes les villes qui avoient été délivrées de la fureur 8c des courfes dés Albanois, en témoignerent k 1'Empereur leur joie & leur reconnoiffance par des fêtes brillantes. Cette expêdition fut comme le prélude d'une autre X v Andronic III. \a. 15364'  Andro- mc nr. Ad. 1336. Lil. Révolution en Acarnanie.. Duc. hifi. 'de Confi. g. 262. I pa 1 4 1 I < ] r fi i a d d ri a k L u 'é| d. . II 1 s 1 n 1 e e plus importante qu'Andronic méditoit depuis long-temps. Lors de Ia conquête de I'Empire par les Francois, Michel I'Ange Comnene, profitant de Ia circonftance, s'étoit emparé de I'Epire, de 1'Acarnanie,deI'EtoIie, & d'une partie de la Theffalie. II fe compofa de ces provinces un Etat affez étendu, qu'il 'ouverna en Souverain, & qu'il aiffa a fes fucceffeurs qui le poffélerent au même titre. Cette Prin:ipauté ayant paffe fucceffivement au louvoir de divers Princes , échut paf iroit d'héritage a Nicéphore Ange 3ucas Comnene , qui eut un fils ommé Thomas Ange Comnene. "homas, après Ia mort de fon pere, i vit obligé de difputer fa fucceffïon Jean,Comte Palatin de Zenthe & e Céphalonie, a qui Cantacuzene onne le furnom de Ducas. Jean fe ;ndit maïtre de 1'Acarnanie, après voir fait affaffiner fon rival, malgré s Hens du fang qui les uniffoienf. e crime du Comte Jean fut puni par 1 autre non moins odieux. Son )oufe,AnnePaléologine, fille d'An•onic Paléologue Protovefliaire, le>  du Bas-ëmpire. Lrv. CIX. 491 fit empoifonner. Anne refta veuve avec deux Princeffes &C deux fils en bas age. Elle gouverna pendant quelques années PAcarnanie au nom de Nicéphore fon ainé. La minorité du jeune Prince & Ia régence de fa men parurent k la Cour de Conftantinople préfenter 1'occafion la plus favo> rable qu'elle put defirer pour réunii au domaine de I'Empire des provin ces qui en avoient été diftraites depuis environ cent trente ans. . Toutesles mefures pour 1'exécutior de ce grand projet ayant été mürement prifes dans le confeil Impérial, Andronic fe hata de faire partir de: Ambafladeurs pour aller notifier aus Acarnaniens fes intentions. Les Acar< , naniens furent partagés. Les uns fon tenoient qu'ils ne pouvoient fans crim< fe départir de la fidélité qu'ils avoien jurée k la maifon des Anges Com nenes, & qu'ils reconnoiffoient de puis fi long-temps pour leurs légitime fouverains. Les autres au contraire étoient d'avis de fe foumettre k 1'Em pereur, paree que, difoient-i!s, 1 nation n'eft point en état de réfii ter a la puiflance de ce Prince, & X vj Andro-, nic iii. An.1336; lui. Réunion de cette Province au domaine de I'Empire. ! Cant. I. z. •e. 31, 33« ,34. \ i > \ r  Andronic nr. An, 1336 - a r t 4'92 H I S T O 1 R E que ce feroit une imprudence infigne d'attirer fur elle les calamités de ia guerre. Dans ce conflit d'opinions, il fut convenu de s'en rapporter au jugement de la Princeffe douairière. Anne décida qu'il falloit prendre tous Jes moyens poffibles pour éviter une ruptüre dont les fuites ne pourroient manquer d'être très-funeftes. Cette Princeffe n'ignoroit pas 1'afcendant que le grand Domeftique avoit fur ! efprit d'Andronic ; elle crut qu'il etoit effentiel de fe le rendre favorable en 1'intéreffant dans cette affaire. Elle proprofa donc a fon confeil de demander a Andronic qu'il accordat au Prince Nicéphore la fille 3e Cantacuzene en mariage, & aux ^carnaniens, la permiffion de vivre uivant leurs loix & leurs ufages , a :ondition qu'ils feroient obligés d'enretenir un corps de troupes toujours jrêt a marcher k la première réquimonde 1'Empereur,qui, defoncöté. •romettroit de les défendre contre eurs ennemis. Andronic répondit ux Ambafladeurs ,que quant au matage du jeune Nicéphore avec la fille :u grand Domeftique, il I'approu-  du Bas-Bmpire. Liv. CIX. 493 voit; mais que pour les autres propofitions qu'on ofoit lui faire, elles lui paroiffoient offenfantes ; qu'il étoit réfolu de réunir a I'Empire un domaine qui en avoit été démembré par la perfidie de quelques rebelles, & dont fes prédéceffeurs n'avoient pu fe remettre en poffeflion, paree que divers obftacles les en avoient empêchés : il ajouta que fi les Acarnaniens ne vouloient pas obéir, ils n'avoient qu'a fe préparer a fe bien défendre, qu'il alloit marcher contre eux avec toutes les forces de I'Empire. Gette réponfe menacante intimida les Ambafladeurs. Comme leurs inftruclions portoient qu'ils euffent a confentir k tout plutót que d'accepter h guerre , ils n'infifterent pas davantage, & foufcrivirent au nom de Ia nation aux volontés de PEmpereur, Andronic., changeantaulïï-töt de ton, leur paria avec bonté, il les aflura qu'il feroit k leur jeune Prince un traitement dont ils auroient tous lieu d'être contents, & qu'il permettroit a la Princeffe Anne Paléologine de Vivre oii elle voudroit avec fes filIss, Après que les articles de 1'acom- Andronic III. An. 1316.  Andronic m. An. 1337. LIV. La jeune Nicéphore enlevé par un parti de • mécontents.Cant. I. 2. 1 <• 33- i < t 1 ? I I r t t d r ii 194 HlSTOIRE Tiodement eurent été fignés de part k d'autre, 1'Empereur fe mit en marche pour aller prendre pofleftion de es nouveaux Etats; il en vifita les gilles principales , répandant par-tout les largefles & des graces. Les Acarlaniens , les Epirotes & les Etoliens re félicitoient d'avoir pour maitre m Prince fi bienfaifant. Cependant quelques efpritsinquiets ie potivoient goüter ce changement le domination. Ils enleverent le jeune ^icéphore de concert avec Richard on précepteur, le firent embarquer jendant la nuit fur un vailfeau, & e conduifirent a Tarente. Catherine le Valois, Impératrice titulaire de Conftantinople, 1'y recut avec joie; '11e efpéroit s'en faire un épouvanail contre 1'Empereur, avec Pinten ion peut-être aufli de le lui facrifier •our acheter la paix, en cas qu'elle ie réuffit pas dans les projets qu'elle léditoit. Car- tel eft le fort prefque aujours réfervé a ces Princes fugi;fs, qui vont mendier un afyle ou es fecours dans les Cours étrange2s. L'enlevement du jeune Prince iquiéta PJimpereur, Pour conteair.  nu Bas Empire. Liv. CIX. 495 les rebelles par fa préfence, Andronic 1 refta dans le pays plus de temps qu'il n'avoit compté. II y établit dans cha-, que ville des Gouverneurs d'une fidélité a toute épreuve ; il donna le commandement général de la Province a Synadene Protoftrator. Andronic reprit enfuite le chemin de Theffalonique , d'oii il paffa bientöt après a Andrinople, puis il revint dans la capitale. Sur la fin de 1'été, on recut avis qu'un gros corps de Turcs levés dans les Etats d'Orchan , s'étoit embarqué ) fur trente-fix vaiffeaux , & que leur < deftein étoit de venir infulter Conftantinople. A cette .nouvelle, Andronic donne ordre au grand Domeftique de raffembler en diligence le peu de gens de guerre qui fe trouvoit alors dans les environs, & de s'oppofer au débarquement des Barbares. Pour lui, il fe mit en mer avec deux galeres feulement. Plufieurs autres devoient le joindre a mefure qu'elles feroient équipées. Cantacuzene alla établir fon camp dans un endroit nommé Ennacofie. Les Turcs le tromperect, ils firent leur defcente Andronic III. ia. 1357. LV. Dcfaice esTurcs. 'ani. I. 1, • 34'  Andronic III. An.1337. i I 1 1 X \ 1 1 1 j \ \ 3 496 HlSTOIRE aiJIeurs , & commencerent k piller toutfe pays. Quelques détachements que Cantacuzene avoit envoyés a la découverte, furent fort maltraités par les Barbares. Ceux des Grecs qui purent échapper aux Turcs vinrent donner Pallarme au camp. Cantacuzene fit prendre auffi - tot les armes h fes troupes, & fe mit en marche pour aller au-devant de 1'ennemi. II ne tarda pas a le rencontrer. Le choc fut terrible, & la viaoire difputée ong-temps. L'Empereur qui n'étoit jas éloigné, defcendit de deffus fon raiffeau, monta k cheval, & courut i toutes brides fur les Turcs. Sa prérence & fon exemple ranimerent Ie :ourage du foldat. II fit de nouveaux :fforts; alors les Mufulmans furent aillés en pieces. II n'y en eut qu'un rès-petit nombre qui évita la mort >u Pefclavage. Les fuyards s'embarjuerent fur trois de leurs navires, k abandonnerent les autres a la merci lu vainqueur. Les deux galeres de 'Empereur voulurent fe mettre a leur Jourfuite; comme elles n'auroient pu es atteindre en allant feulement a ames, on voulut tendre les voiles;  du Bas-Empire. Liv. CIX. 497 mais pendant cette opération, les cor dages de l'une fe rompirent, & le mSt de 1'autre tomba, tant Ia marine Impériale étoit en mauvais ordre. Cependant malgré leur état de délabrement, les deuxgaleres Impériales fe défendirent vaillamment la nuit fuivante contre une efcadre de neuf vaiffeaux chargés de Turcs qui venoient fe joindre k leurs compagnons , &c elles en prirent huit. Les Turcs qui furent faits prifonniers dans cette rencontre, étoient des plus riches & des plus qualifiés de leur nation : ce ne fut qu'en payant de fortes ran£ons, qu'ils obtinrent leur liberté. Peu de temps après cette expêdition, 1'Empereur fe rendit k Andrinople pour y célébrer les noces de fa fille Marie Paléologine avec Michel Afan, fils d'Alexandre, Roi de \ Bulgarie. II n'avoit confenti a ce ma-1 riage qu'avec beaucoup de répugnan- j ce , & il auroit bien voulu pouvoir , retirer fa parole; mais Alexandre avoit1 menacé de reprendre les armes, fi \ fon fils n'obtenoit au plutót la main 1 de Ia jeune Princeffe, & Andronic' n'ofa pas différer plus long-temps. Les ^ Andronic III. An, 1337, \.n- 1358LVI. Mariage le la fille le 1'Emlereur;vec le ils du Roi le Bulgaie. Wc. Greg. . 11. c. 7. lant. 1. 1. •33 6-34. U. Byf. '. 339.  Andro nic ftr. An. 133! Ibid. Fan Daltnatic B> 3*3- An. 1339 LVH. Barlaarr fait des propofitions au Pape de la part de 1'Empereur.Ann,iiayn 493 II I S T O I R E ■ deux époux recurent la bénédiÖioa nuptiale avec toutes les cérémonies ;. ufitées dans 1'Eglife Grecque. Les fêi. tes qui eurent lieu a cette occafion, edurerent huit jours ; elles fe donnerent dans une belle prairie appellée la prairie des Comnenes, & arrofée par le Tutza. Le neuvieme jour, les Bulgares fe remirent en route, emmenant avec eux leur jeune Reine. Plufieurs Seigneurs de la Cour de Conftantinople 1'accompagnerent jufqu'a Ternove, & ne la quitterent qu'avec regret. C'étoit avec douïeur que fon pere & I'Impératrice fa mere 1'avoient vu partir pour aller vivre dans un pays habité par des hommes que les Grecs regardoient encore comme une nation prefque fauvage. Andronic , qui voyoit toujours I'Empire menacé de la part des Turcs, d'une prochaine deftruftion, fit encore une nouvelle tentative pour tacher de fe concilier la faveur du Pape, & par fon moyen , celle de tous les Princes Latins dont il pouvoit efpérer des fecours. II députa vers Benoït XII un moine Calabrois qui avoit  du Bas-Empire. Liv. CIX. 499 quitté la Communion Romaine, poui embraffer celle des Grecs. II fe nommoit Barlaam , & étoit devenu Abbe de 1'un des quatre monafteres du Saint Sauveur, a Conftantinople. I avoit même fignalé fon zele contre les Latins, en les attaquant dans fe; écrits. Barlaam partit, accompagne d'Etienne Dandolo , noble Vénitien. & muni de lettres de créance de Philippe de-Valois , Roi de France, & de Robert, Roi de Naples , Prince religieux , fort zélé pour la propagation de la foi, & qui paffoit même pour être un des meilleurs théologiens de fon temps. Arrivés a Avignon , ils obtinrent une audience du Pape qui les recut en plein Confiftoire. Les Envoyés d'Andronic inf truifirent le facré College des difpofitions de ce Prince, & du defir qu'il avoit de favorifer la réunion des deux Eglifes; mais en même-temps ils repréfenterent qu'il ne lui feroil jamais poffible de réuffir dans ce projet, fi le Pape ne confentoit a ls tenue d'un concile cecuménique. pour décider le grand procés qui tenoit les' Grecs éloignés des Latins, Andronic III. An. 1339.  Andronic III. An. 1339 1 1 %■ ■la';3 : $00 H I'S T 0 I R E 'Hsdifoientqu'une difcuffion paifible pouvoit a la vérité fuffire pour concilier entre eux des gens éclairés & capables de fentir la force d'un raifonnement, mais que la multitude ignorante avoit befoin d'une autorité en qui elle put mettre fa conhance_, & que jamais elle ne regarderoit commeconcile cecuménique toute affemblée ou les chefs de 1'Eglife Grecque, & fes quatre Patriarche* ne feroient pointconvoqués; que tant que la Grece Afiatique gémiroir fous te joug des Turcs , & que ces infiJeles feroient maitres des paffages, il tie falloi point efpérer de pouvoir réunir en concile les Prélats de 1'Eglife 3'Oriënt; d'oü il inféroit la néceffité 3e chaffer au plutöt les Mufulmans 3es quatre plus grandes villes de 1'A5e mineure, dont ils s'étoient em>arés. Barlaam infïfioit fortement fur :e point comme fur un préliminaire leceffaire a toute efpece d'accommo3ement. II ajoutoit que les Latins en tenant au fecours des Grecs, travailleroientpour eux-mêmes, puifque les Turcs ne les épargnoient pas plus 511e les fujets de I'Empire. » Voyez,  »u Kas Empire. Liv. CiX. 501 *> difoit il au Souverain Pontife, 1'é- » tat déplorable oü fontréduits main- » tenant les malheureux Arméniens » qui vivent fous votre obédience; » voyez ce qu'ont h fouffrir de h » cruauté de ces Barbares, les Cy- » priots Sc toutes les ifles de la mei » Egée'qui appartiennent aux Latins » La faine politique ne veut-elle pai » que ces derniers s'empreffent de » fe réunir aux Grecs pour anéantii » de concert la puiffance des Turcs , » dans un temps oü I'Empire de Conf » tantinople conferve encore quel- w que vigueur ? Seront-ils plus er » état de réfifter aux efforts des in » fideles , lorfque cet Empire fer< » anéanti ? D'ailleurs, peuvent-ils er » faire trop pour détruire les femen- w ces de haine qu'ils ont eux-même! » fait naitre clans le cceur de tou< » les Grecs ? Ce n'efl pas tant la dif- » férence des opinions qui en eft Ie » principe, que la maniere cruelle » dont ils les ont toujours traités, » Sc dont ils les traitent encore dans » les lieux oü ils dominent. Ils n'onl » pas honte de les vendre comme >> de vüs efclayes. II faut, très-fainl Andronic III. An. 1339. I I l  Andronic III. An. 1339, ! J 5 > LVIII. Cette négociation ' échoue. j / C i I 5<^ H I S T 0 ï R E » Pere , que vous réprimiez cette » barbarie, que vous frappiez des » foudres de 1'Eglife tous ceux qui » continueront de s'en rendre cou» pables; il eft même néceflaire que » vous faftiez remettre en liberté » ceux des Grecs que Pavarice des » Latins a réduits en fervitude. Quand » vous aurez donné a la nation cette » marqué de bienveillance, & que » lesPrinces Latins fe feront mis en ►> devoir de rétablir les Grecs dans •> la pofleftion des quatre grandes » villes que les Turcs leur ont en» levées en Oriënt, alors 1'Empereur » ne manquera pas de faire valoir * cette faveur auprès de fes fujets, > & par-la il les difpofera a fe rap- > procher de 1'Eglife Romaine. Au- > trement, il y auroit du danger » pour lui a leur parler de réconci- > liation ". Le Pape & les Cardinaux réponlirent que depuis long - temps 1'E;life avoit prononcé que le St. Efrit procédoit du Fils comme. du Pere; ;ue ce dogme avoit recu fa derniere mftion dans plufieurs conciles, & otamment dans celui de Lyon , au-  nu Bas Emi'ire. Liv. C1X. 503 q'uel Michel Paléologue avoit accédé; que vouloir revenir fur un article defoi décidé fi Iblemnellement, ce feroit annoncer une incertitude criminelle devant Dieu. Barlaam répliqua que les Grecs n'avoient jamais reconnu la légitimité du concile de Lyon , paree que rien ne s'y étoit fait de concert avec le Clergé de leur Eglife; que Michel Paléologue avoit d'ailleurs rendu ce concile odieux k fes fujets, en les perfécutant pour les forcer de fe foumettre a fes décifions. » Vous ne voulez pas, difoit-il au » Pape & aux Cardinaux, qu'on exa*' mine de nouveau un point de doc» trine qui vous paroit incontefta» ble. Cependant que rifquez-vous ? » Ce qui efl effentiellement vrai Ie » fera toujours, & ne craint point » 1'examen. Celui qui ne préfente » que de 1'or pur, fouffre volontiers » qu'on y applique la pierre de tou» che ; la vérité efl comme un par» fum d'agréable odeur, qui fe fait » d'autant mieux fentir qu'on 1'agite » davantage. Les Peres affemblés a » Nicée , ne doutoient nuliement de » la divinité de Jefus-Chrift ; néan- Andro- NIC iii. An. 1339.  Andronic Hl. An, 1339 504 H 1 s T o 1 il E » moins ils ne refuferent pas aux » Ariens un concile cecuménique. » Pourquoi feriez-vous difficulté d'a» voir pour les Grecs la même com» plaifance ? II n'eft ni dépenfes , ni » obftacles , ni confidérations hu» maines , qui doivent arrêter lorf» qu'il s'agit d'une affaire qui tou» che de li prés aux grands intéréts » de la religion ". Toutes ces raifons, & beaucoup d'autres que Barlaam & Ion collegue alléguerent furent inutiles. Le Pape & le facré college perfifterent a exiger que les Grecs commencaffent avant tout par rentrer dans le fein de 1'Eglife Latine. Enfin , Barlaam leur propofa encore un dernier expédient. » Vous » pourriez, leur dit-il , envoyer k » 1'Empereur & aux quatre Patriar- * ches de 1'Eglife d'Orient, des Lé•> gats qui diroient aux Grecs: Fous * croyei comme nous un feul Dieu * en trois perfonnes , cela fuffira pour » le moment. Rende{ d 1'Eglife Ro~ * maine Vhommage que lui ont tou- * jours rendu les anciens , & que ne >> lui ont pas refufe autrefois vos Pon- * tifes & vos Empereurs. Nous de » notre  du Bas-Empire. Liv. CIX. 505 » notre cóté, nous fommes préts d con- » firmer d £ Empire, d 1'Eglife d'0- 1 » rient, & fpécialement au fiege de a » Conjlantinople, tous les droits qui » leur ont hè attribués par les an» ciens Conciles, & reconnus par les » SS. Peres. Je crois que cette dé» claration produira un bon effet, » & que plufieurs fe rendront". Le Pape rejetta ce nouveau moyen comme indigne du chef de 1'Eglife de Jefus-Chrift , & s'en tint a fa première réponfe, proteftant toutefois que fi les Grecs fe réuniflbient au faint Siege , il leur accorderoit enfuite toutes fortes de graces, & leur feroit obtenir des Latins tous les fecours. dont ils auroient befoin. Barlaam & Etienne Dandolo partirent d'Avignon, en promettant au Pape de ne rien négligerpour faire agréer aux Grecs ce qu'il exigeoit, fans toutefois lui donner grande efpérance de réufïïr. Benoït, dès qu'ils furent partïs, écrivit au Roi de France & au Roi de Naples, pour leur rendre comptede ce qui s'étoit paffé dans les diverfes conférences qu'il avoit eues avec les Envoyés d'Andronic; & pour s'excufer Tome XXIV. Y 1NDROIC iii. n.1339.  Andronic III. An. 1339. LIX. Soulevement en Acarnanie. Cant. I. 2. f. 34- 1 1 ] < 1 i ! ] ] ] 1 506 HlSTOIRE de n'avoir pu, malgré leur recommandation, accepterles propohtions de 1'Empereur d'Orient. Pendant que Barlaam plaidoit k Avignon la caufe des Grecs, Andronic achevoit d'étouffer une confpiration qui s'étoit formée en Acarnanie contre fon autorité. Elle avoit été tramée par Nicolas Bafilitze & Alexis Cabafilas, qui tenoient un rang iiftingué parmi la principale nobleffe du pays. Ces deux rebelles commen:erent par fe faifir de Synadene , qu'Andronic avoit nommé fon Lieutenant dans cette Province, puis ils i'emparerent 1'un de l'Arta, Si 1'autre le Roge. Quarante de leurs compli:es fe jetterent dans Tomocaltre, sort de mer fur la cöte du golfe rVdriatique. Les autres places telles jue Méfopotame, Sopote, Chimar'e, Argyrocaflre, Pargue , SaintDonat, Angélocaftre , Joannine, Euoche , Balte & diverfes petites for« :ereffes demeurerent fideles a 1'Emlereur. Les conjurés députerent au>rès de Catherine de Valois, pour ui demander le jeune Nicéphore ju'ils vouloient remettre en polfef-  nu Las Empire. Liv. CIX. 507 fion des Etats de ion pere; ils la prierent en même-temps de lui accorder des fecours. Cette Princeffe,/ qui confervoit toujours Pefpoir de recouvrer I'Empire de Conftantinople, ne fut pas fachée de fe faire de ce jeune Prince un ami, qui, par reconnoiffance, put la feconder dans fon entreprife. Pour 1'attacher davantage a fa perfonne & a fes intéréts, elle lui donna, ou plutöt lui promit pour époufe 1'une de fes deux filles; puis elle le fit partir de Patras, d'autres difent de Tarente, avec une armée navale. Au commencement du printemps de cette année, Andronic condiniit en Acarnanie une grande armée, dont £ il forma trois détachements pour af- a fiéger en même-temps les trois prin n cipales villes occupées par les rebel-c. les. II fe chargea de faire le fiege de 1'Arta. Ce Prince étoit déja depuis fix mois devant cette ville, (k elle ne paroiffoit pas difpofée a fe rendre. L'Empereur commencant a perdre toute efpérance , eut recours aux négociations. Après avoir pris les mefures néceffaires pour la füreté de Y ij A.NDROflC III. •n. 1339. LX. t.a vi 1 li; : Roge rend è nHroc. ant. U 2. 35.  Andronic III. An. 1339. 1 1 J 1 1 1 1 1 ] 1 1 1 t 1 1 1 i < 1 C "O 8 II I S T 0 I R. E fa perfonne, il s'approcha de Roge, 5c eut avec Cabafilas une entrevue , 3ans laquelle il tacha de lui perfualer de rendre Ia place. Cabafilas reput fiérement 1'Empereur , & lui dit néme que s'il le voyoit entrer dans 'a ville en vainqueur , il fe prêcipite■oit du haut des tours, pour riétre pas obligé de vivre fous fon Empire. AnIronic, après cette réponfe , ne crut >as devoir infifter davantage; il refint rejoindre fon armée fous les nurs de 1'Arta. Cantacuzene s'imagiïa qu'il réuflïroit mieux que fon maïre auprès de Cabafdas. II fe rappeloit qu'autrefois cet Officier lui avoit ait la cour, & qu'ils avoient eu enémble des liaifons affezintimes. Canacuzene, fous la fauve-garde de cete ancienne amitié , dirige donc fes >as vers les portes de Roge, & denande a parler au Commandant. Ca>afilas fe rendit d'abord très-difficile, 1 menaca même de faire a Cantauzene un mauvais parti, s'il ofoit pprocher davantage. Cependant il éda enfuite aux inftances du grand )omeftique , & confentit a 1'entenre. Cantacuzene n'avancja pas beau-  Ru Bas-Empire. Liv. CJX. 5:09 coup dans une première conférence,! mais dans une feconde fes raifons commencerent a ébranler Cabafilas, \ Sc enfin dans une troifieme il triompha complétement de fa réfiftance. Si j avois fuivi mon inclination, s'ecria Cabafilas, faurois mieux aimi fouffrir la mort que de me rendre , mais votre amitié ma vaincu. Le lendemain le grand Domeftique fe préfente fous les inurs de la ville ; auflltöt les portes s'ouvrent, il entre , Sz tous les habitants s'empreflent de venir prêter entre fes mains ferment de fidéiité a 1'Empereur. Cantacuzene conduifit enfuite Cabafilas &Jesprincipaux de la ville a Andronic. Ce Prince leur fit a tous 1'accueil le plus gracieux. II éleva Cabafilas a Ia dignité de Connétable , Sc conféra aux autres des charges & des emplois, fuivant leur rang Sc leur mérite. Les habitants de PArta , inftruits de la conduite de ceux de Roge, en furent indignés Ils les traiterent de laches, de perfides, de traitres a la patrie, Sc iuroient qu'ils aimeroient mieux s'enterrer fous les ruines de leur viile, que de les imiter; mais Y iij \NDRO" MIC iii. Ln. 1339. LXL Celle de i'Arra ne tarde pas i fe foumettre.Cant. I. 2. :. 36.  Andronic III. An. 1339. i j i 3 e F f r £ 3< P r P q lc rr d P< te 5IO II I S T O I R E cette colere devoit bientöt céder aux viótoneufes infinuationsdu grand Domeftique. En effet, Cantacuzene s'avance vers les murs, demande è parIer au Gouverneur & aux habitants; [1 leur fait une harangue fur les malheurs de la guerre, fur les maux qu'ils 3nt deja foufferts, fur ceux qui les ittendent encore, s'ils perfiftent flans eur revolte; ü leur repréfente Ia foi'lelie des Tarentins leurs alliés; il eur vante beaucoup la puifTance de Empereur, la force de fesarmées; nhn , il differte en politique fur les retentions du jeune Nicéphore. II Mitienr que les Anges ne font deveus maitres de PAcarnanie que par furpat.on, & a ]a faveur d^.inva. on des Francois ; que Michel PaléoJgue, bifueul d'Andronic, ayant rens lEmp,re fur ces étrangers, étoit >ntre dans tous fes droits fur les 3ys qui en avoient été démembrés: »e la longue poffeftion dont on voufe prévaloir en faveur de la faille des Anges, n'étoit qu'un grief 1 P|aV»neinjufticePmIongée,une !r1evcrance 0bflinée dans la réyo[_ , qui, loin de les excufer, ne les  du Bas Empire. Liv. CIX. 511 fendoit que plus coupables. Enfin, 1'orateur leur remettölt fous les yeux 1'exemple de ceux de Roge, & les bons traitements qu'ils avoient recus de 1'Empereur. Lorlqu'il eut fini fa harangue, il fe retira dans lecamp, tk leur laiffa, pour achever de les perfuacler, Cabafilas avec ceux des habitants de Roge, qui Pavoient accompagné. Cabafilas, qui, fans doute, étoit bien-aife de juftifier fa propre conduite, ne négligea rien pour entrainer Bafilitze dans fa défeöion. Le difcours du grand Domeftique avoit déja fait une forte impreflioti fur ce rebelle , tk Cabafilas n eut pas beaucoup de peine a le gagner. Le jour fuivant, les afliégés envoyerent des députés a Cantacuzene, pour lui dire qu'ils étoient difpofés a pofer les armes, tk k livrer a 1'Empereur leur ville &C leur perfonne. Andronic les complimenta fur leur foumiflion. II combla de préfents & de faveurs Bafilitze , ainfi que les gens les plus diftingués de fa fuite. Reftoit encore Tomocaftre a foumettre. L'Empereur fe fentit trop fatigué pour entreprendre cette expéY iv Andronic iii. An. 1339. LXH. Tomocaftre ouvre fes portes  Andro- kic III. An. 1339, a Cantacuzene.Cant. I, 2. *-37. 38- 4 ] i i ^ t % 1 1 q £ h t'i P: tr in n< le 5'2 H 1 s t o 1 r ï mon. II en chargea le grand Domeftique, & fe retira è 1'Arta. Cantacuzene conduifit l'armée devant Tcmocaftre. Nicéphore y étoit enfermé avec un corps de troupes affez confiderable. Comme les afnegés fe trouvoientmaitresdelamer,iIétoitdifhcile de les reduire, paree qu'ils pou- potent recevoir journellement des ren. r?t munitions de guerre & des •arraichiffements de toute efpece: ■uffi refuferent-ils d'écouter les pro)olmons de Cantacuzene. Ils fe monrerent encore plus indociles, quand Is virent arnver treize galeres qui 'enoient a leur fecours. A ce fpecacle ils fe livrerent è la joie, & fe nrent a chanter du haut des murail?s des cantiques de vicfoire. Mais :ur allegreffe fe rallentit bientöt, uand ils s'appercurent que cette otte fur laquelle ils fondoient tout ur efpoir, demeuroit attachée au vage comme fi elle y eut été fixée ir enchantement. II y avo5t déja ois jours qu'elle refioit dans cette imobilite défefpérante. Cantacuzevoyant qu'elle ne paroiflbit nulment difpofée è en vouloir iortir,  ru Bas-Empire. Liv. CIX. 513 reprit courage, & crut 1'occafion ' favorable pour haranguer de nouveau les affiégés. Cette fois ils furent plus 1 faciles. Le jour fuivant, ils lui députerent Richard, Précepteurdu jeune Prince. Le grand Domeftique ne manqua pas de lui répéter en d'autres termes ce qu'il avoit dit aux habitants de 1'Arta Si de Roge. Richard en fut fort touché, Si alla rapporter au Confeil ce qu'il avoit entendu. Après une courte délibération, il fut décidé qu'il falloit fe foumettre. Richard vint faire ce rapport a Cantacuzene , & lui dit de la part des affiégés qu'ils fe rendroient par fon entremife a 1'Empereur, dans 1'efpérance qu'il leur obtiendroit des conditions honorables. Cantacuzene leur fit une réponfe telle qu'ils pouvoient 1'attendre. Le lendemain le grand Domeftique entra dans Tomocaftre, y mit garnifon en préfence des Tarentins , qui de de'flus leurs galeres, furent fpecfateurs oififs de cette révolution. II fe retira avec fon armée, Si alla rejoindre 1'Empereur a qui il préfenta Nicéphore & les plus confidérablesde ceux qui avoient Y v Andro11c iii. Ln. 1339.  Andronic III. An. 1335 LXIII. Fin de I; révolte. 1 I < 7 7 i t P4 II I S T 0 I R E ffuivi fon parti. Andronic, Ioin de faire aucun reproche k ce jeune Prin- . ce , lui donna au contraire les plus grandes marqués d'amitié, tk fe hata baffe è ^ dignlté d'HyPerfé- C'eft ainfi que Cantacuzene rend compte lui-mêmede cette expêdition. A travers le voile de Ia modefiie dont il paroit s'envelopper, on voit qu ils en fait les honneurs. II ne tient pas a lui qu'on ne croie que tout le fucces en fut dü k 1'art qu'il avoit de perfuader, & aux charmes de fes difcours. On n'efl point étonné que les harangues de Démofthene & de Pencles, ces héros de 1'antique éloquence, ayent produit les effets que I hiftoire leur attribue ; qu'a Ia voix joute-puiffante de ces grands orateurs .es^armees ayent marché ou fe foient irretees, que les murs des villes foient ;ombes, que toute Ia Grece fe foit :branlee ; mais que des féditieux qui «foient dire k Andronic qu'i/s aimèoiem mieux fe prècipiter du haut des ochers que de vivre fous fon empire, e foient calmés tout-è-coup, en enendant les remontrances de Canta-  nu Bas-Empire. Liv. CJX cuzene, très:fenfées fans doute, mais auffi un peu froides; voila ce qu'il n'eft pas trop aifé de concevoir. Au refte, quels qu'ayent été Tes refforts fecrets qui ont opéré cette révolution, il n'en eft pas moins vrai qu'Andronic fe vit fans peine maitre de 1'Acarnanie , & qu'il réunit a. I'Empire un de fes plus beaux domaines. II refta encore prés d'un mois dans cette Province pour y éteindre les dernieres étincelles du feu de la fédition; puis ii fe rendit a Theffalonique trèsfatigué de cette campagne , ainfi que fon armée qui avoit beaucoup fouffert de la dyffenterie. Cette maladie ne fut pas cependant fort meurtriere; peu d'hommes en moururent. Les chevaux & les muiets furent attaqués d'un mal contagieux qui les fit périr prefque tous. Ce qui rendit le retour affez pénible, faute de voitures. L'Empereur, après avoir foumis 1'Acarnanie, vint paffer 1'hyver a Theffalonique. Pendant fon féjour dans cette ville , il conclut le mariage de Matthieu , fils ainé du grand Domeftique , avec la fille du Defpote Y vj Andronic Hf. An. 1339. An. 1340. lx1v. Apocauque feint de vouloir fe faire moins,  Andrc NIC III An. 134 Cant. I. t. 38. ^6" HlSTOl R E * Démétrius, 1'un des trois fils que Ie vieux Andronic avoit eus d'Irenefa 3. feconde femme. Sur ces entrefaites, 1. on vit arriver de Conftantinople Apo' cauque Protoveftiaire. Le motif de fon voyage étoit affez bifarre, & ne peut s'expliquer qu'en fuppofantque cet ambitieux rouloit dans fa tête des projets d'avancement dont il vouloit préparer de loin Ia réuftïet. II va trouver le grand Domeftique, & le con jure parl'amitié qui les unit, d'obtemr du Prince pour fes enfants, Ia continuation des graces & des penlïons dont il étoit redevable a fa libéralité, & pour lui la permiffion de fe retirer dans un cloitre, ou il put expier paria pénitence, les péchés qu'il avoit coramis dans le commerce du monde. Cantacuzene voulut d'abord combattre fon projet; mais Apocauque fit tant d'inftance, & fon Jangage hypocrite en impofa fi bien au grand Domeftique, que celui-ci ne crut pas devoir Ie contredire plus long-temps. Cantacuzene aborde donc 1 Empereur d'un air chagrin , & lui préfente Ia requête d'Apocauque : w Dites-lui, répond Andronic , que  du Bas-Empire. Liv. CIX. 517 » je ne vtux point rnoppofer d fa pieufè » rifoiution ". Quoi, Seigneur replique Cantacuzene, ne vaudroit-il pas mieux qu'ufant de votre autorité, vous lui défendifjiez de quitter le monde oü il peut être utile. » Porte^ lui ma rêpon» fe, reprit le Prince , & je vous/ure » qu'il perdra bientót l'envie de fe faire » moine ". En effet, Apocauque ne donna pas a Cantacuzene le temps d'achever ce qu'il avoit k lui dire de la part d'Andronic. Jevois bien, ditil, que ma retraite feroit agréable a F Empereur; mais elle ne le feroit pas d mon ami. C'en efl ajfe^, je ne la ferai point. Andronic, lorfqu'il fut ce détour d'Apocauque , dit en riant au grand Domeftique : Avoue^ quejeconnois mieux les hommes que vous, & que je fais mieux démêler ce qu'ils om dans Came d'après leurs paroles. Cantacuzene s'en tira en faifant a fon maitre de grands compliments fur Ie fupériorité de fon efprit, & fur h profonde connoiffance qu'il avoit di cceur humain. Apocauque, en ufan de ce ftratagême, avoit eu probable ment deflein de fonder les difpoft tions de 1'Empereur k fon égard , & Andronic III. An. 134c.  Andronic III. An. 1340. lxv. I! offre de faire a fes dépens la guerre 1 aux Turcs. Cant. I. j, ' ». 3». J C F b r, c fi c a fi al ii fi, di m le & n< qi d' 5!8 Histoire de s'affurer fi ce Prince n'auroit pas des vues fur lui. Apocauque, voyant que cette rufe ie lui avoit pas réuffi , fe tourna d'un iiitre cöté. Quelques jours après, il fint encore trouver Cantacuzene, &r ui dit : Puifqu'tl ne nieft pas permis le me retirer dans la folhudepour pleuer mespéchês, /ai pris une nouvelle ré. blution qui pourra également être utile mon ame & d ma Patrie. Je me proofe d'abandonner une partie de mes iens^ d mes enfants, & d'employer le 'fe dfaire la guerre au Infideles. Apoauque étoit exceflivement riche. On ! rapelle qu'il avoit parcouru une irriere qui, chez toutes les nations, toujours mené aux plus grandes irtunes. A entendre Apocauque, il loit reprendre aux Turcs toutes les les dont ils s'étoient mis en pofte fm, détruire leur marine, & rene a la mer fon ancienne liberté • ais il demandoit qu'on lui donnat Gouvernement de Conftantinople de toutes les ifles qui appartement aI'Empire, & en même-temps i'on lui fournit quelques fommes irgent pour ajouter a celles qu'il  du Bas Empire. Liv. CiX. 519 tireroit de fes propres fonds. Canta-; cuzene goüta fort ce projet, & il en j paria avec enthoufiafme a 1'Empereur. t Andronic n'avoit pas la même confiance que fon Miniftre. » Si c'eft . » lui dit-il, en confidération de 1'a» mitié que vous vous imaginez qu'A« » pocauque a pour vous, que vous » cberchez a lui procurer une fi » grande faveur, vous vous trom» pez; croyez-moi, il n'eft pas plus » votre ami que moi votre ennemi, » Je fuis furpris que vous penfiez » qu'il foit utile pour 1'Etat, de con» fier a cet homme la conduite de » la guerre contre les Turcs; & je » le fuis encore plus que vous pré« tendiezauftime le perfuader. Apo» cauque n'a jamais porté les armes; » il a pafifé fa vie a lever des fubft» des, a drefler des röles d'impoli» tions, ck a manier les deniers pu» blies. Comme il a vieilli dans ce » métier, il y a acquis de 1'expérien» ce; mais il faut d'autres talents » pour commander une armée nava» le. Cet emploi demande un homme « qui ait fervi dès fon enfance, & » qui ait donné dans les occalions Indro- iic III. ,11.1340,  Andronic III. An. 1340. LXVI. ïl com- mande la marine impériale conrre Ie gré de 1'Empe- reur. Cant. 1. 2, f. 38. % » ( F t] P Ti V 520 HlSTOIRE » des preuves de fon intelligence & » de fa bravoure ". Cantacuzene ne put s'empêcher de conyenir que le Protoveftiaire ne s'étoit jamais diftingué par aucune opération militaire; que jamais il n'avoit donné aucune preuve de fon courage au milieu des combats, ni de fa capacité a la tête des troupes.» Auffi, » ajouta-t-il, s'il s'agiffbit de com- > battre les Turcs par terre, je n'au* roisgarde de le propofer pour com- > mander l'armée , paree que je fais > que ces Barbares ont d'excellents > foldats , & qu'ils font exercésdans > Part des combats fur terre; mais 1 ils ne connoiffent nullement la mer; ■ & pour les vaincre fur cet élément, 1 il ne faut ni de grandes forces, ni un grand Général. D'ailleurs, il y a dans la marine Impériale des Officiers habiles; Apocauque pourra ^ prendre leur avis, & tout ira bien ". ^e difcours fit perdre patience a PEmereur. II dit a Cantacuzene avec huïeur : Vous voule^ abfolumtnt quAocauque commande l'armée navale, je e vous en parlerai plus , faües ce qu'il ous plaira; je Jouhaite que Cévéne-  r>u Bas-Empire. Liv. CIX. 521 ment prouve que je me fuis trompè. Eh voila comment les Princes qui n'ont point affez de fermeté fe conduifent! Voila comment ils compromettent fouvent 1'honneur de leur tröne, la gloire de la nation, le falut de leur peuple ! Que d'armées défaites, que de flottes détruites, que de Provinces ravagées, que de défaftres de toute efpece , paree que des Souverains, par complaifance pour un favori, pour une femme, pour une maitreffe, & quelquefois pour un limple ferviteur, ont remis le commandement de leurs troupes a des hommes fans talents & fans expérience. La réponfe de 1'Empereur ne fit point reculer Cantacuzene. Apocauque fut donc invefti du gouvernement de Conftantinople & de toutes les ifles du domaine de I'Empire. On lui affigna les appointements attachés a ces places. On lui remit des lettres Impériales, par lefquelles il étoit nommé Général de Ia flotte. Ces lettres 1'autorifoient en même-temps a prendre dans le tréfor cent mille befans d'or, pour fournir avec fes deniers particuliers aux fraix de Par- Andronic III. An, 1340,  Andromc HL An. 1340 1 1 1 < 1 ( f I 522 HlSTOUE mement, & a la paye des gens de guerre. Apocauque revint comblé de joie a Conftantinople. II eut grand foin de ne communiquer a perfonne fes lettres de provifion, pour qu'on ne fut pas la valeur des fommes que le gouvernement lui avoit accordées. II s'arrangea même avec les tréforiers de 1 epargne pour qu'ils les lui fiffent tenir fecretement, & de maniere qu'il fut impoffible de s'en appercevoir; car fon intention étoit de faire croire qu'il contribuoit feul a toute la dépenfe de la nouvelle exaédition. II en fit les préparatifs avec a plus grande ofïentation , & tout 'argent qu'on y employoit, paroiffoit fortir de fes coffres, quoique la plus grande partie lui eut été fournie ?ar le tréfor Impérial: auffi la ville ■etentiffoit de fes Iouanges. Lepeu)le, qui felaiffe toujours féduire par es apparences, élevoit jufqu'au ciel a géiiérofité , fon patriotifme , tanlis que des gens apoftés tenoient des >ropos hardis contre 1'Empereur [u'ils accufoient de négliger les afaires de 1'Etat, & de s'embarraffer ieu dn falut de la patrie. Cependant  nu Bas-Empire. Liv. CIX. 523 cet armement fi formidable , cette flotte équipée avec tant de bruit ik de fracas, ne fervirent qu'a promener fur la mer le nouveau Général. Tous les exploits d'Apocauque fe réduifirent a la capture de neuf chétives galeres Turques , qu'il conduifit en trioinphe dans le port de Conftantinople. L'Empereur, inftruit de fon ftratagême & de 1'impudence avec laquelle il's'étoit attribué 1'honneur d'avoir fait feul les fraix de 1'armement, & en même-temps des difcours féditieux que fes émiflaires avoient répandus contre fa perfonne dans le public , fut très-courroucé ; il s'en plaignit amérementa Cantacuzene, qui, reconnoiflant fa faute, ne put que rougir & fe taire. L'Empereur ayant féjourné a Theffalonique jufqu'au commencement du printemps, en partit pour fe rendre è Didymotique, & enfuite a Conftantinople. Dès qu'il y fut arrivé, il inflruifit le procés des auteurs tk des complices de la confpiration qui s'étoit formée pendant qu'il s'occupoit a faire la guerre. Tous les conjurés furent amenés devant fon tribunal. Andronic III. An. 1340. An. 1341. LXVII. Andronic pardonnflF a ceux qui avoienrconfpiré contre U vie. Nic. Greg, l, 11. c. 9.  Andro nic III An. 134 Cant. I.: e. 36. 524 HlSTOIRE ■ II frémit de retrouver dans le nombre, des gens qui appartenoient aux :. premières maifons de I'Empire, & ..même plufieurs de fes proches. Le peuple s'attendoit k les voir tous condiiits a 1'échafaud; mais 1'Empereur cédant k la bonté de fon cceur, fe contenta de faire des reproches aux coupables. II n'y en eut qu'un feul qu'il crut devoir priver de fa liberté. Dans le cours des informations, on découvrit que Phrantzès, ce lache affaftïn de Syrgianne, toujours docile aux inftigations de fon mauvais génie, avoit entretenu des correfpondances avec les conjurés de Conftaminopje , tandis qu'il fervoit en Acarnanie. II leur avoit promis de faire foulever les troupes qu'il commandoit. Ce fourbe étoit mort des fuites de la maladie qui avoit attaqué l'armée Impériale après fon expêdition contre les Acarnaniens. Ce qui lui épargna la honte du jugement &c peut-être celle du fupplice; car il^ n'eft pas a croire que la clémence d'Andronic fe fut étendue fur un pareil fcélérat. Andronic , après avoir terminé  du Ijas-Ewi'Ire. Liv. CIX. 525 cette défagréable affaire, penfoit k fe livrer a fon goüt pour les batiments. On eft étonné du nombre des grandes conffruftions qui fe firent dans le court efpace de fon regne. Ce fut par fes ordres qu'on vit s'élever tout-a-coup prés de Theffalonique , une fortereffe k laquelle on donna le nom deGunaicocalire, pour faire entendre que jamais on ne pourroit 1'emporter, quand même elle ne feroit défendue que par des femmes. II en fit conftruire une autre prefque femblable dans le voifinage de Pheres. Cette derniere fut appellée Sidérocafire ou chateau de fer, k caufe de la folidité de fes fortihcations. Andronic avoit encore relevé de fes ruines, & enfuite repeuplé Amphipolis, fituée fur le Strymon. Anaftafiopolis, ainfi nommée paree qu'elle reconnoiffoit 1'Empereur Anaftafe pour fondateur , étoit prefque détruite; Andronic 1'entoura de fortes murailles, en attendant qu'on put en reconflruire les édifices, & il changea fon nom en celui de Périthéorion. C'efi encore lui qui fit batir prés de Ia mer le fort défigné dans Andronic III. An. 1341. LXVI1I. Conftructions faites par ordre de ce Prince. Cant. I. 2. c j8.  Andronic III. An. 1341. ( LXIX. Synode . oü Bar- ' laam ac- J cufe les ■ Moines , du Mont ' Athos de f polythéif- ] me. Cant. l.i. ( f. 39. 40. 1 Nic. Greg. j /. ii. e. 1 NotxBo'v. 1 Leo Allat. 1 de Eed. 1 52 6 H I S T 0 I R E les hiftoriens , fous la dénominatioa de Dipotame. Enfin, ce Prince fe propofoit de rétablir la ville d'Arcadiopolis, fondée autrefois en Thrace par Arcadius , 1'un des fils de Théodofe le Grand. Sou but étoit d'en Faire un boulevard contre les incurfions des Scythes ou Tartares. II vouloit auffi la rendre une des plus gran3es & des plus belles villes de la Ihrace. II n'eut pas le temps d'exé:uter ce dernier projet. La mort nnt le furprendre dans le moment ju'il étoit occupé a pacifier de nou^eaux troubles qui agitoient 1'Eglife Grecque. Barlaam , ce moine Calabrois qui ivoit été député au Pape Benoit XII >ar Andronic pour lui propofer un iccommodement, étoit revenu de bn voyage. L'air qu'il avoit refpiré la Cour pontificale, ou peut-être e defir qu'il fentoit intérieurement le réparer fon apofiafie, 1'enflamma out-a-coup d'un pieux zele contre es Grecs. II fe mit a les harceler »ar fes écrits ; il les attaqua non-feuement fur les articles qui lestenoient éparés de 1'Eglife Romaine, c'elt-a-  du Bas-Empire. Liv. C1X. 527 dire, fur la proceflion du St. Efprit,' fur 1'ufage du pain azyme dans 1 Eu- . cbariffie, & fur la primatie du Pape, / mais encore lur un nouveau fyffême de my fticité qui s'étoit introduit parmi < les moines du mont Athos. Ces fo-c litaires dans leur oifiveté avoient in-/ venté une maniere de prier tout-afait finguliere. Celui qui vouloit fe livrer a ce nouveau genre d'oraifon, devoit fe retirer dans un lieu fecret & obfcur, s'y recueillir, retenir fa refpiration en ferrant fortement fes narines, appliquer fon menton fur fa poitrine, & fixer enfuite avec une attention foutenue & perfévérante, fes regards fur la région de 1'eftomac. Séduit par les iHufions d'une imagination échauffée, il croyoit,après un temps plus ou moins confidérables, voir fortir de fon nombril un rayon lumineux, qui rempülfoit fon ame d'une volupté ineffable. C'étoit, a entendre ces pieux infenlés, un jet de cette lumiere célefte qui avoit environné le Sauveur au jour de fa tranffiguration , & ils ajoutoient que cette lumiere étoit incréée. Barlaam parloit avecd autantplusd'affurance,qu'il 4ndro«ic iii. n. iJ4i. Oriënt, & hcid. mfenf. I. . c, 17. ayn.Annl  Andro- kic III. An. 1341. 5iS H I S T 0 I R E avoit été initié clans tous les myfteres de la feite par un moine dont il s'étoit fait le difciple , & qui ne lui avoit rien caché. Barlaam dénonca ces nouveaux contemplatifs comme des Polythéiftes qui vouloient intro» duire dans la religion un fecond Dieu, puifqu'ils attribuoient a la lumiere du Thabor, & a celle qui fortoit du nombril de leurs adeptes , un des attributs effentiels & incommunicables de laDivinité, celui de n'avoir point été créé. II les repréfenta comme des impies, qui, fous prétexe de s'élever a la plus fublime fpiritualité , dégradoient la priere, &c profanoient ce faint exercice par des pratiques ridicules & indécentes. Au reff e, cette folie n'étoit pas nouvelle, & 1'Eglife 1'avoit déja condamnée dans la perfonne des Omphalopfyques; déncmination qui défigne affez la nature de leur extravagance. La dénonciation de Barlaam caufa une grande rumeur. Les nouveaux illuminés, & tous ceux qu'ils avoient féduits, fe déchainerent contre ce moine, qui, de fon cóté, avoit trouvé un grand nombre de partifans même parmi les Grecs.  j)u Üas-Empire. Liv. CIX. 529 Grecs. Les deux partis s'attaquerent, 6c fe défendirent avec beaucoup de chaleur. Les efprits s'échaufferent , 1'autorité voulut s'en mêler, elle ne fit qu'augmenter le trouble. Enfin s 1'Empereur, fur la réquifition même de Barlaam , pour lequel il avoit toujours confervé de l'eftime , affembla un fynode dans 1'Eglife de Sainte-Sophie. II y préfida environné des Grands de I'Empire. Le Patriarche Jean, les Prélats , tout le clergé y aflifterent. La curiofité y attira une foulede perfonnes. Grégoire Palamas, Archevêque de Theffalonique, chargé par la fefie de défendre la caufe des moines, 6c Barlaam fon antagonifïe fe préfenterent dans 1'affemblée, comme deux athletes préparés au combat. Le Prélat répondit aux accufations de Barlaam 6c a fes raifonnements par un argument qui paroït avoir toujours été le grand retranchement des Grecs dans leurs difputes théologiques avec les Latins. Palamas difoit que, dans les chofes qui concernent la Religion, 6c qui font purement fpirituelles, il falloit renoncer a la dialecfique, faire taire la raiTome XXIV. Z Andro nic KI. An. 134]  Andronic ui: An. i34r. ] i t c t l e i T, { t 530 IllSTOliiE fon, & s'en tenir uniquement a la doa rine des SS. Peres. Puis il citoit divers paffages tirés d'Auteurs afcétiques qu'il tachoit de faire quadrer par des interprétations fubtiles avec fes opinions erronnées. Barlaam, qui avoit de 1'efprit & du favoir, réfutoit aifément tous ces fophifmes. Cependant la fin du jour approchoit, Sc les combattants en étoient prefque xmjours au même point. La cabale les moines ,ennuyée de voir que Baraam ne cédoit pas , 1'interrompit par les cris mena?ants. Barlaam, qui avoit léja manqué d'être mis en pieces k rheffalonique par ces fanatiques, eut >eur, il fe tut, & on prit fon fi> ance pour une défaite. Cantacuzene, iartifan des rêveries de Palamas , irétend que Barlaam s'avoua vaincu, [u'il demanda pardon, que tous les 'eres du Concile & 1'Archevêque e Theffalonique l'embrafferent avec sndreffe, & le féliciterent fur le onheur qu'il avoit eu de reconnoïtre nfin fon erreur. Nicéphore Grégoras it que fe voyant profcrit unanimeïent, il ne put foutenir la honte de t condamnation, qu'il difparut, monifur unvaiffeau, 6c fefauva apleines  du Bas-Emi>ire. Liv. CIX. 531 voiles en Italië ; ce qui n'eft pas exac- 5 tement vrai. Ce moine refta encore i quelque temps a Conftantinople, & a prétendit même appeller du jugement porté contre lui; mais fes réclamations ne furent point écoutées. Alors il prit pour toujours le parti de fe retirer auprès du Pape. Le St. Pere, pour le récompenfer de fes peines & de fes travaux, lui conféra 1'Evêché de Giéraci en Calabre. Quelques Auteurs difent qu'il 1'obtint par le crédit de Pétrarque, a qui il avoit donné de lecons de Grec pendant fon ambaflade a Avignon. Cependant 1'Empereur étoit forti de I'aflemblée trés - fatigué. La Ion- J gueur de la féance, durant laquelle il hl n'avoit voulu prendre aucun rafrai* de chiffement, 1'ennui inféparable desf queftions qui y furent agitées, les 11 clameurs des difputants, les eftbrts qu'il fit pour calmer les efprits, & un long difcours théologique qu'il pronon?a , 1'échaufFerent beaucoup. Le lendemain il eut un accès de fievre, Ie jour fuivant il tomba dans le délire , le troifieme la fievre parut s'éteindre; mais enfuite elle fe ralluZ ij lNDRO- ic III. n. 1341. lxx. .'Empejr tommaia- c. Greg, i. c.  Andro- / nic III. 1 An. 1341. r t £ £ t t i LXXI. Apocau-1 que con-j feille a Cantacu- » zene de 1 prendre j Ia pourpre impé- 1 riale. ; Cant. I. 2. c. 40. 1 :32 II I S T O I R E na avec une telle fureur, qu'on -Jésfpéra de fa vie. Non-feulement .=s üédecins de la Cour, mais encoi ? rois médecins Perfans qu'on avoi: ppellés en confultation, déciderent |u'il étoit impoffible de le fauver. Anronic paya dans ces derniers mo» nents tribut a la fuperftition de fon iecle. II dépêcha un de fes Officiers ers Nicéphore Grégoras, pour faroir de lui fi les aftres étoient favoables, & s'ils ne s'oppofoient pas . 1'efficacité des remedes. Lorfque la nouvelle de 1'état 'deefpéré oü fe trouvoit le Prince fe fut épandue, Apocauque, qui vouloit oujours fe rendre néceffaire, va trouwer le grand Domeftique, & 1'exlorte a prendre la pourpre impéria*e. Cette démarche , lui dit-il, nêtonlera perfonne. Chacun fait que tEmpereur a voulu plus d'une fois vous aire fon collegae. Tous les Romains , 'ccoutumes déja d vous rendre les mênes refpecls qu'd 1'Empereur, ne feront '.ucune dijficuld de fe foumettre d votre mtorité. Difpofei de ma vie, de ma ortune, tout efl d vous; cejl le moins 'ue je puiffe faire pour nn ami a qui  du Bas-Empire. Liv. CIX. 533 je dois tant de reconnoijfance. A ce difcours, le grand Domeftique garde pendant quelque temps le filence ; puis prenant la parole , il dit : Je m penfois pas vous avoir donnè lieu de mt juger capable d'une pareille ptrfidie. N croye%_ pas que vous, ni aucun autre puijjiez jamais me faire oublier l'attachement que j'ai voué d 1'Empereur, <5 auquel je veux être fidele autant apre. fon tripas que je l'ai éte'pendant fa vie A Dieu ne plaife que je forme jamai. aucune entreprife contraire aux iniêrét. de I'Impératrice & de fes enfants. Apocauque voulut faire de nouvelles inf tances; mais le grand Domeftique lui ferma la bouche par cette autn réponfe : Cejfe^ de m'importuner. Qui eonque manque de fidêlité d fon am après fa mortne Va point aimê vé ritablement pendant qu'il vivoie. Apo cauque, courtifan rufé, ne fe rebut; pas; il alla fe préfenter devant la men du grand Domeftique, & tacha d< lui perfuader qu'il falloit que Canta cuzene ceignit le diadême. Cette Da me lui répondit plus févérement en core que n'avoit fait fon fils. Apo cauque n'infifta pas davantage, &i f< Z iij Andronic III. An. 1341, r t l  ■ Andronic Hl. An. 1341 LXXIÏ. Cantacu zene veil le ala fu tets des enfants d'Andronic, 534 Hist'oihi ' retira gardant un humble filence. Au refte, ce courroux de Cantacuzene ,&c de fa mere 1'inquiéta peu. Ilconnoiffoit trop le cceur humain pour ne pas favoir que tout en rejettant de pareils confeils , on ne peut guere fe défendre d'un fentiment fecret de bienveillance pour celui qui les donne. Cependant 1'Empereur approchoit 'de fa fin; alors Cantacuzene fe rend .auprès de I'Impératrice, qui faifoit retentir le palais de fes gémiflements. Ce n'efl pas, lui dit-il, le moment de fe lïvrer d la douleur. Referve^ vos larmes pour d'autres malheurs dont nous ne fommes que trop menacés. II s'agit main tenant de mettre les Princes vos enfants en fureté, J'efpere que tant que je vivrai, & que mes fervices vous feront agréables, jamais perfonne n'ofera farmer, aucune entreprife contre vous, ni contre eux. L'Impératriee lui répondit qu'elle s'en rapportoit a fes foins & a fa vigilance; qu'elle le laiffoit maitre de faire ce qui lui paroiflbit Ie plus convenable. Aufii-tót Cantacuzene conduifit Jean, le nouvel Empereur, & Manuel fon frere dans Pi*, térieur du palais; il doubla les gar-  du Bas-Eripire. Liv. CIX. 535 des, & mit auprès d'eux pour les' fervir des gens qu'il favoit avoir été très-attachés k leur pere; lui-même, refta fur pied toute la nuit pour veilIer a la confervation de ces précieux enfants. Cependant Andronic ne pouvant plus réfifter a la violence du mal, y ' fuccomba. Sa mort arriva Ie 3 5 Juin , de 1'an 1341. L'Impératrice Anne' refta trois jours dans le monaftere' des Hodeges, a pleurer la perte de < fon mari. Puis elle revint dans le palais impérial, oü elle continua pendant neuf autres jours a fe livrer k la douleur. Chaque jour les Grands, les Officiers de la Couronne , les Sénateurs , les Généraux d'armées venoient a la porte du palais verfer des larmes en cérémonie. Nicéphore Grégoras, le panégyrifte bannal de la Cour, avoit préludé k ces gémiflements par un difcours d'étiquette^ Les rits qu'on a coutume cPobferver pour Vexpiation des péchés des morts9 fe ci~ lébrerent, dit Cantacuzene, avec beaucoup de pompe. II y eut un concours prodigieux de gens d'Eglife. Le Clergé étoit ft nombreux, qu'a peine le Z iv Andronic III. in, 1341, Lxxm. Lndronic neurt. 7am. I. 2. . 40. 41. . 3. i. Vic, Greg. .li.c ii,  .And.ro- N1C III. An. i 341. i ] » i i 1 1XXIV. Le nom-, bre de fes enfants. Nic. Greg. i. II. c. II. JFam. Byf. P. 238. $39* 536 HlSTOlRE temple de Sainte-Sophie put le contenir. Jamais on n'avoit fait tant de 3épenfes pour les obfeques d'aucun ïmpereurXantacuzene,.pour rendre ïommage a la mémoire de fon Souverain & de fon ami, fe chargea feul le tous les fraix de fes funérailles. Fous les Eccléfiaftiques qui y affiferent n'eurent qu'a fe louer de la ;énérofité avec Iaquelle il paya leur >réfence & leurs prieres, Andronic étoit agé de quaranle:inq ans lorfqu'il mourut. II en avoit •égné quinze, fi on ne commence fon -egne que du moment oü il recut 'ondfion Impériale. Ce Prince avoit ;té marié deux fois. II époufa en premières noces Irene, fille d'un Duc ie BrunfVick, qui lui donna un fils; zet enfant ne vécut que huit mois. Andronic prit pour feconde époufe feanne, fceur d'un Comte de Savoie, lont les Grecs changerent le nom en :elui d'Anne. Cette Impératrice dev'mt mere de trois Princes, favoir fean Paléologue qui fuccéda a fon pere fur le tröne, Manuel Paléologue Defpote, & Théodore Paléologue. Anne eut auffi trois filles. L'aï-  nu Bas-Empire. Liv. CIX. 537 nee , Marie Paléologine, fut donnée en mariage a Michel Afan , fils d'Alexandre, Roi de Bulgarie. La futvante fut mariée a un noble Génois, nommé Francois Gattilufio, Seigneur, de l'ifle de Lesbos. On ne fait pas trop quel a été le fort de la troifieme, Andronic eut- de plus une fille naturelle, nommée Eudocie Paléologine, Cette Princeffe , malgré 1'illégimitc de fa naiflance , ne déplut point au Souverain de Tréfibonde ; il en 6l fon époufe. Andronic eut une jeuneffe ora» geufe. Né avec beaucoup de penchanl pour le plaifir tk la volupté, il s'y livra fans réferve. II ne fut retenu ni par les réprimandes de fon aïeul, n: par les exhortations de fes maïtres Mais lorfqu'il vit que les événement: commencoient a 1'approcher du trö ne , il commenca auffi a revenir fu; lui-même. II reconnut les égarement de fes premières annéeS & men; une vie plus férieufe & plus appli quée. II ne conferva de fes ancien' nes paflions qu'un goüt toujours vi: pour la chaffe; fes meutes & fes éqxii pages étoient fi nombreux tk licoft Z v Andronic iii. An. 1341. IXXV. r Son porfrait.Nic. Greg, 1, H. c. II r  Andronic Hl. An. 1341, j k i 1 t I I l 1 1 i d 53$ H ! S T 0 IR E teux,-que Cantacuzene s'emprefTa j, dès qu'il fut mort, de les fupprimer. En généïal, Andronic aimoit beaucoup tous les exercices du corps; ce qui 1'avoit rendu propre aux travaux milftaires. II fupportoit aifément, quoique d'ailleurs d'une fanté affez foible, les intempéries des faifons , le froid, le chaud , la faim , Ia foif, les fatigues des marches, rincommodité du féjour des camps. II étoit aclif, yigilant, brave, intrépide dans le péril. II fe plaifoit a commander 'ui-même fes armées, & il fit en perfonne la guerre fur mer, contre 1'uage de fes prédéceffeurs. En cela il ut bien différent de fon aïeul, qui >endant un regne de quarante-qtiatre ins, ne parut peut-être pas une feule bis a la tête de fes troupes. Les arnes du jeune Andronic ne furent pas oujours heureufes; cependant il rem•orta plufieurs fois des avantages finalés fur les ennemis de 1'Etat; il attit dans plus d'une rencontre les \ircs, les Serves, les Bulgares, les "artares, & leur enleva a tous quelues débris des anciennes poffeffions e I'Empire dont ces Barbares s'é-  du DasvEmpire. Liv. CIX. 535 toient emparés. II réunit h fon eb' maine de grandes Provinces, & fit refpefter fa fouveraineté a des vaffaux indociles. II corrigea , autant qu'il put, les abus qui s'étoient glifiés dans les diverfes branches de 1'adminiftration, & fur-tout dans les tribunaux de la juftice. Malgré les befoins toujours renaiflants de 1'Etat, & 1'épuifement desfinances, il trouva le fecret de diminuer les impöts,& de foulager le peuple d'une partie des charges dont il avoit été écrafé fous le regne précédent. Comme tous les Princes élevés a 1'école de 1'infortune, il fut humain, compatiffant, fenfible a la mifere publique , & populaire. II chériffoit fes fujets, les traitoit comme fes enfants, & n'étoit jamais plus content que lorfqu'il fe trouvoit au milieu d'eux. Les jours qu'il donnoitaudience, il ferendoit acceffible a tous ceux qui vouloient 1'approcher. Souvent même il fe confondoit dans la foule, écartant de fa perfonne cetappareil formidable dont les Souverains ont coutume de s'environner, & qui fait toujours éprouver a 1'ame de 1'honnête citoyen un Andronic iii. An, 1341.  Andronic III. An. 1341. i ■i i j 540 H I S T 0 I R E fentiment pénible , tandis que leur préfence ne devroit jamais lui en infpirer d'autres que 1'amour. Andronic avoit de 1'efprit & du difcernement; il connoiffoit bien les hommes, talent finéceffaire aux Pfinces, pour n'être pas trompés par ceux qui les entourent. II étoit réfervé> parloit peu , quoiqu'il eut beaucoup de facilité a s'énoncer. Dans les- occafions, il haranguoit avecgrace,, & on l'écoutoit avec plaifir. Au refte, c'elt un mérite que poffédoient prefque tous les Princes de fa maifon.. Ils étoient, finon éloquents, au moins difertSr Quoiqu'Andronic fut d'un tempérament vif & ardenf,, il favo'it fi bien fe pofféder, qu'on au•oit cru que la nature 1'eüt fait nai:re le plus doux de tous les hommes, tamais il ne laiffa échapper Ie plus jetit mouvement de colere, même lans les circonftances les plus critijues. Avec quelle patience n'endu■a-t-il pas les perfécutions de fon üeul ? Avec quelle facilité n'oublia-t-il )as les outrages dont les partifans du /ieux Andronic 1'avoient accablé ? 'Wee quelle magnanimité ne pardon-  nu Bas -Empire. Liv. ClX. 541 na-t-il pas aux traitres qui, même depuis qu'il fut monté fur le tröne, oferent attenter a fa couronne &C k fa vie ? S'il ufa de févérité contre quelques-uns de fes proches, il y fut forcé par leur opiniatreté,. & par des raifons d'Etat. Andronic étoit religieux. II avoit en la divine Providence une confïance qui alloit même jufqu'a lui faire négliger quelquefois les précautions que dicfe la fageffe humaine. Nous avons vu que fon aïeul étoit auffi dans le même fyftême , & nous avons fait remarquer jufqu'a quel point il en avoit outré les conféquences dans la pratique. II paroit qu'en général les Grecs admettoient une efpece de prédeftination qui ne différoit guere du fataüfme Mufulman: Au refte, cette maniere de penfer n's rien qui doive étonner chez une nation livrée, comme ils 1'étoient, aux rêveries & aux abfurdités de 1'aftrologie judiciaire. Nicéphore Grégoras. qui ne loue jamais Andronic qu'a regret, femble vouloir fe dédommager des éloges qu'il a été forcé de lui donner dans fon oraifon funebre, «n ajoutant a ce difcours qu'il noui Andronic lil. An. 1341,  Andronic III. An. 1341 54^ H I S T 0 I R E a confervé, des obfervations qui ten> dent a faire croire que ce Prince vi, voit dans Ia plus grande indifférence pour toutes les affaires publiques. Par exemple, il remarque qu'il avoit laiffé tomber plufieurs fêtes qui, en certains jours de 1'année, fe célébroient dans le palais impérial avec beaucoup de magnificence; puis il en infere adroitement qu'un Prince qui négligeoit des fonftions fi faciles a remphr, devoit être fort peu difpofé a s'acquitter des dévoirs effentiels & pénibles du tróne.U eft vrai qu'Andronic n'aimoit pas Ia repréfentation ; mais en fupprimant ces fêtes dont 1'extindtion déplaifoit fi fort a notre hiftorien, il avoit eu un autre motif que fa propre tranqniliité, celui d'une fage économie. En effet, elles étoient prodigieufement difpendieufes , foit k caufe des fraix qu'exigeoit leur pompeux appareil, foit a caufe des préfents que 1'Empereur étoit obligé de faire dans ces folemnités aux Grands de Ia nation, & aux Officiers attachés a fon fervice. Nicéphore, én hafardant cette critique, favoit bien qu'il ne manqueroit point d'appro-  do- Bas-Empïre. Liv. CIX. 543 bateurs. Tous ceux qui font accoutumés k tirer avantage des profufïons d'une Cour prodigue & faftueufe, trouvent toujours mauvais que le Prince veuille mettre de 1'ordre dans les dépenfes de fa maifon. Nicéphore reproche encore a Andronic de n'avoir point fait refpefter les ordonnances rendues par fon aïeul pour régler la forme des habillements &z des coëffures des citoyens du premier rang. Ce Prince, fort indifférent pour ce vain cérémonial qui paroifibit fi important a fon grand-pere , avoit cru devoir laiffer chacun s'habiller comme it 1'entendroit. On abufa de cette liberté; bientót les courtifans, & les élégants, quitterent le coftume national pour adopter celui des étrangers qui leur paroiffoit le plus lefte ou peut-être le plus extravagant. On ne voyoit plus dans Conftantinople que des bonnets & des habits a la Bulgare , k la Triballe , a la Phénicienne, a la Syrienne, & même a 1'Italienne. Le même écrivain nous dit que ces nouveautés faifoient gémir les. gens fenfés, qu'ils les regardoient comme le renverfement des Andronic TH. An. 1341.  Andr. o' NIC III. An, 1341 ^544 His t 0 i r. e 5mceurs publiques, comme{a delïruction des loix fonolamentales de 1'Etat, . comme le pronoftic de quelque grande révolution qui produiroit ïnfailhblement la mine de la nation. Les gens fenfés 1'auroient peut-être été davantage, s'ils euffent fait de ces folies 1'objet de leur amufement,& non celui de leurs craintes; s'ils n'euffent vu dans ces nouvelles coëffures que la légéreté des têtes qui les portoient., tk dans la bifarrerie de toutes ces modes, que la frivolité des perfonnages qui en faifbienr leyr parure. II faudrok avoir 1'ame naturellement bien chagrine, pour croire que de pareilles caufes puffent avoir une iniïuence fi puiffante & fi funefte fur le fort d'un Empire, Nicéphore' ïnfinue encore qu'Andronic étoit attaché a fon fentiment, tk qu'il ne prenou confeil que de lui-même. II peut avoir mérité ce reproche dans fa jeuneffe; mais depuis il donna plutót dans 1 excès contraire. Avec quelle complaifance ne 1'avons-nous pas vu céder a fes Confeillers, tk déférer en toute occafion aux avis de Cantacuzene fon fidele ami? Car ce Prince  iw Bas-Empire. Liv. CIX. 545 fut du petit nombre de ceux qui eurent le bonheur de goüter les douceurs de 1'amitié fur le tróne. Toutefois, malgré les qualités eftimables que nous avons reconnues dans Andronic , & malgré les louanges dont nous 1'avons cru digne, 1'Hiftoire pourra toujours dire en parlant de lui : // a aiguifê hpoignardfous lequei fon f ren a pêri; il a rep and u Üamtrtume fur les derniers moments de la vit de fon pere, & fa même prêcipiié au tombeau. Il a retenu fon oncle dans une etroite captivité pendant plufieurs années, Trois fois il a porté les armes contre fon dieul; il lui a óté la couronne & la libené; enfin, il nejl monté furAe tróne qden verfant le fang de fes propres fu jets. D'après ce tableau, 1'imagination effrayée ne manqueroit pas fans doute de ne voir dans Andronic, qu'un tyran, qu'un monftre, fi le fouvenir des circonftances que nous avons rapportées, ne venoit en adoucir les traits, fi le lefteur ne fe rappelloit que ces funefies événements furent moins de la part de ce Prince des crimes volontaires, que des malheurs liés les uns aux autres Andronic III. An. 1341,  Andronic UI. An. 1341 Fin du Tornt vingtquatriernt. 54?) B ï S T O I R E j &c. par une forte de fatalité, & dont i! ne fut plus en fon pouvoir de rompre la chaine. De ces malheurs cependant quelle fut la principale fource ? II faut en convenir, un accident occajionnê par la débaudie. Terrible lecon pour tous ceux qui s'abandonnent aveuglément a la fougue de leurs paffions, & fur-tout pour les jeunes Princes, a qui fouvent ilne faut qu'un feul écart dans le chemin de la vertu & du devoir, pour les entrainer enfuite d'abyme en abyme, & pour faire naitre dans un Etat les plus déplorables cataflrophes.  APPROBATION. Extrait des Regiftrcs de V Académie Royale des Infcrïptwns & Belles-Lettres. Du Mardi 30 Mai 1786. ess1eurs dupuï & bejot.Cofflminaires nommés par 1'Académie pour exarnmer les vingt-.roifieme Sc vingt-quatrieme Volumes de rtleftoin du Bas-Empire, entreprife par feu M. Le Beau , & continuée par M Ameilhon , AfTocié , ont dit que ces deux nouveaux Volumes leur ont paru dignes de Pimpreffion. Sur leur rapport qu'ils ont laiffé IV "r"\rAcatlémie a cédé fon Privileges M. Ameilhon pour 1'impreffion de ces deux Volumes. En foi de quoi j'ai figné lepréfent Certificat: fait a Paris, au Louvre , ledit jour Mardi 30 de Mai 1786. D a c 1 e r , SeCftt. perpét, de V Académie;