2II5~ E6l   RECHERCHES HISTORIQUES SUR LA CONNOISSANCÈ QVE LES ANCIENS AVOIENZ DE L'INÜ E.   RECHERCHES HISTORI Q17ES SUR LA CONNOISSANCE QUE LES ANCIENS AV01ENT DE L' I N D E, Et fur les progrès du commerce avec cettc partie du monde avant la découverte du paffage par le Cap de Bonne-Efpérance; Suivies d'un appendix contenant des obfervations fur tètat civil, les loix & les formalités judiciaires, les arts, les fciences & les injlitutions religieufes des lndiens. Traduit de 1'Anglois de W. ROBERTSON, do&étir en théologie, membre de la fociété royale d'Edimbourg, principal de 1'univerfité , 8c hiftoriographe de Sa M. B, pour 1'Ecoffe. Avec deux grandes cartes gravées en taille-douce. 'A MAE S TRI CHT, Chez J. P. Roux & Compagnie, Imprimeurs-Libraires, aflbciés. 1 7 9 2.  KONINKLIJKE BIBLIOTHEEK  ( v ) PRÉFACE DE L' A U T E U R. JL a leéture du mémoire que le major Rennell a publié pour 1'explication de la carte de 1'Indoftan, a donné naiffance a 1'ouvrage qu'on va lire. Ce, mémoire eft un des plus précieux traités de géographie qu'on ait compofés dans aucun pays & dans aucun fiecle. II m'a fuggéré 1'idée d'examiner plus complétement que je ne 1'avois fait dans mon hiftoire de 1'Amérique, Ia connoiffance que les anciens avoient de 1'Inde, &: de démêler ce qu'il y a de certain, d'obfcur & de fabuleux dans a ïlj  vj Préface les détails fur ce pays , qui nous ont été tranfmis jufqu'ici. En entreprenant ce travail, je n'ai eu d'abard d'autre objet que mon araufement & mon inftru&ion j mais en continuant mes recherches, & en comparant avec foin les différensauteurs de 1'antiquité, j'ai découvert" quelques faits, dont les uns n'avoient pas été obfervés,& des autres n'avoient pas encore été examinés avec affez d'attention. De nouvelles vues fe font ouvertes; mes idéés fe font étendues par degrés & font devenues plus intéreffantes j jufqu'& ce qu'enfin j'ai penfé que Ie réfultat de mes recherches pourroif devenir agréable & inftruótif, en faifant connoitre les différentes manieres dont s'étoient établies les Communications avec 1'Inde dans  DE L' A Ü T E XI R. Vff les temps les plus anciens, & combien cette grande branche de commerce avoit contribué, dans tous les fiecles, a augmenter la richefle & la puiflance des nations qui en avoient joui. Ceft aü public a juger du degré de mérite que peuvent avoir ces recherches. La reconnoiflance que j'ai confervée pour la bienveillance avec laquelle il a accueilli mes autres ouvrages, ne fait qu'augmenter la follicitude avec laquelle j'attendrai fon jugement fur celui que je lui ofïre aujourd'hui» Lorfque j'ai pour la première Ibis dirigé mes penfées vers ce fu}er? j'ai teliement fenti le défavantage qu'on éprouve en entreprenant de  VÜJ P R É F A C E décrire des pays dont on n'a aucune connoiffance locale, que j'ai pris toutes les peines poffibles pour me garantir des erreurs oü je pouvois tomber. J'ai confulté , avec autant de foin que de perfévérance, tous les ouvrages que j'ai pu me procurer des auteurs qui ont écrit fur 1'Inde. Je n'ai jamais adopté d'opinion pofitive , qui ne fut appuyée de quelque autorité refpectable; & comme j'ai le bonheur de compter au nombre de mes amis quelques perfonnes qui ont vifité différentes parties de 1'Inde, & qui y ont même exercé des emplois importans, tant civils que militaires, j'ai eu fouvent recours a leurs lumieres , & j'ai appris dans leur converfation des chofes que je naurois. pu trouver dans  DE L'A U T E U R. ix les livres. S'il m'étoit permis de les nommer, le public conviendroit que ces perfonnes méritent bien , par leur difcernement & leurs talens, toute la conflance que j'ai mife dans leur autorité. Dans Ie cours de mon travail, j'ai fenti mon infuffifance fur ur* autre point. Pour donner une idéé exacle de l'imperfeclion ou étoit chez les anciens . Ia théorie & la pratique de la navigation, & pour expliquer avec une précifion philofophique la maniere dont ils fixoient la pofition des lieux & dont ils en calculoient la longitude & la latitude, j'aurois eu befoin d'une plus grande portionde connohTance mathématique que mes autres études ne m ont permis  X PRÉFACE d'en acquérir * mais ce qui me .manquoit a eet égard, a été mppléé par 1'amitié & les foins de mon ingétiieux cV refpe&able collegue , M. Playfair , profefleur de mathématique; il m'a mis en état d'éclaircir tous les points que j'ai eus a traiter, d'une maniere qui, j'efpere, ne laiflera rien a defirer a mes lefteurs. Ceft a lui que je dois aufli la conftruclion de deux cartes néceflaires pour 1'éclairciffement de mes Recherches, & que fans fon fecours je n'aurois pas entreprife. Je me fuis conformé, dans eet ouvrage, a une méthode que j'ai fuivie dans mes premières compofitions, & a laquelle le public s'eft accoutumé. J'ai féparé entiérement  DE L' A U T E U R. xj Ia narration hiftorique des difcuffions icfentifiques & critiques, en réfervant celles-ci pour les notes & éclairciflemens. Je crois pouvoir, fans préfomption , réclamer du moins le mérite d'avoir examiné avec une grande attention ce que je foumets au jugement public, & d'avoir cité avec une fcrupuleufe exa&itude les auteurs, dont j'ai tiré les détails que j'expofe. ♦ Au college d'Edimhurg t le io Mai 1791.  RECHERCHES  SECTION PREMIÈRE. Relations avec Pinde, en remontant vers les temps les plus anciens jufyu'a la conquéte de F Egypte par les Romains. Lors qu'on veut fuivre ïes opérations des hommes dans les temps anciens, & compter les pas lucceffifs qu'ils ont faits dans les divers objets de leurs travaux, on s'appercoit bientöt, avec douleur, que Ie champ de 1'hiftoire eft extrêmement borné dans ce qu'elle peut avoir de certain. II n'y a guere plus de trois mille ans que les livres de Moïfe ont été compofés; ces livres qu'on peut regarder comme le monument le plus ancien & le feul authentique de ce qui s eft paffe dans les premiers ages du monde. A RECHERCHES HISTORIQ U E S SUR L'INDE ANCIENNE.  2, Recherches hijloriques Hérodote, le plus ancien des hiftoriens profanes dont les ouvrages nous foient parvenus, fleurit mille ans plus tard. Si nous pouffons nos recherches fur quelque point au-de!a de 1 epoque oü 1'hiftoire écrite commence, nous entrons dans la région des conjeöures, des fables & des incertitudes: je ne veux ni me hafarder dans ces terres inconnues , ni m'efforcer d'y entrainer mes letteurs. Dans mes recherches fur les relations établies entre les pays de 1'Orient eft de 1'Occident, & fur lesprogrès de cette grande branche de commerce , qui , dans tous les fiecles , a fi évidemment contribué a. accroitre la richeiTe & la puiffance des nations'qui s'y font livrées, je me renfermerai dans les bomes que je me fuis prefcrites. Par-tout oü les écrivains facrés, qui avoient en vue des objets plus relevés.rappellerontquelquecirconftance 1 propre a m'éclairer dans mes recherches, je m'y tiendrai avec refpeft. Ce que je trouverai dans les autres écrivains , je 1'examinerai librement, & je tacherai de marquer le degré de confiance auquel ils peuvent prétendre. Ce fut dans les douces & fertiles régions de 1'Orient que la première demeure de 1'homme lui fut alïïgnée par  fur Pinde anclennel j ïeCréateur. C'eft Ia que 1'efpece humaine commenca a s'élever aux connoiffances; ■& tant par les reftes des fcienos qui fuI •rent anciennement cultivées dans 1'Inde que par les débris des arts qui y furent, pratiqués, 1'on peut conjeöurer que c'eft -un des premiers pays oü les hommes aient fait quelque progrès confidérable dans tette carrière. On vanta de bonne heure la fageffe de 1'Onent (i), & fes productions furent tres-anciennement recherchées par les nations éloignées (i); cependant les Communications d'un pays a 1'autre n'eurent d'abord lieu que par terre. Comme il paroït que les Orientaux commencerent de bonne heure a affujettir les animaux utiles (3), i\s fe yirent bientöt en état d'entreprendre les longs & ennuyeux voyages néceffaires au ioutien d un tel commerce; & la bonté prévoyante du Gel leur prépara le fecours d'une bete de fomme, fans 1'aide . livre des Rois, iv, 50. (2) Gen. xxxvii. (3.) Ibid. xii, 16 ■ xxiv, 10, 11. A ij  4 Recherches hifioriques fa conllrucVion intérieure , au moyen de laquelle il fe fait une provifion d'eau pour plufieurs jours, les mit a même de tranfporter les plus pefantes marchandifes k travers ces déferts qui fe trouvent inévitablement fur la route de ceux qui, des contrées a 1'Oueft de 1'Euphrate, veuIent aller dans l'Inde. C'eft de cette maniere que fe fit le commerce, fur-tout par les nations voifines du golfe arabique, depuis les temps les plus reculés oü 1'hiftoire porte fon flambeau. Cependant les longs voyages ne'furent d'abord entrepris qu'accidentellement & par un petit nombre d'aventuriers. Mais peu a peu, confultant 'tout a la fois & leur fureté & leur commodité, de nombreux corps de marchands s'affemblerent a certains temps} & formant une aflociation momentanée (connue depuis fous le nom de caravanes), gouvernés par des chefs de leur propre choix, & foumis a des régiemens dont 1'expérience leur avoit apprisl'utilité, firent des voyages dont la longueur & la durée étonnerent les nations qui n'étoient pas accoutumées a cette maniere de co romereer. Mais quelque perfeöion que 1 on put mettre dans cette maniere de voiturer par  fur Pinde ancunnt, 5 terre les produöions d'un pays a I'autre, les inconvéniens qui 1'accompagnoient étoient trop évidens & trop inévitables. Le danger quelquefois, la dépenfe, 1'enmii, la fatigue en étoient toujours la fuite. On chercha un moyen de communication plus aifé Sc plus expéditif, & le génie inventeur de 1'homme ne tarda pas a s'appercevoir que les rivieres , les bras de mer & 1'Océan lui-même étoient deftinés a ouvrir & faciliter les rapports des différentes régions de la terre entre lefquelles ils paroiffent d'abord avoir été placés comme des barrières infurmontables. Cependant Ia navigation & la conftru£lion des vaiffeaux (comme je 1'ai obfervé dans un autre ouvrage) (i), font des arts ü délicats & fi compliqués, qu'ils exigent divers talens réunis & 1'expérience de plufieurs fiecles pour être portés k quelque degré de perfeöion. Depuis le radeau ou 1'humble canot oii le fauvage, ne vit d'abord qu'un moyen de franchir la riviere qui 1'arrêtoit dans Ie cours de fa chalfe, jufqu'a la conflruction d'un vaiffeau capable de tranfporter un nombreux équipage ou une cargaifon confidérable è une cöte éloignée, (1) Hift. de 1'Amérique, vol. t, pag. 2. A iij  6 Recherches hijloriques le progrès de 1'art 'eft immenfe. Que d'f fforts ! que d'épreuves n'a-t-il pas falkt faire! Quel travail & quelle force d'invention n'a-t-il pas fallu avant que cette pénible & importante entreprife put être portee a fon comble! Même après qu'on eut fait quelquesprogrès dans 1'art de conftruire les vaiffeaux, il s'en fallut bien que le commerce des nations entr'elles s'étendifc beaucoup fur mer. Si 1'on en croit !e& plus anciens hiftoriens, c'eft fur la Méditerranée &c dans le golfe arabique que fe firent les premiers efForts de la na* vigation & que le commerce déploya: fa. première aöivité. D'après Ia pofition. & la forme de ces deux grandes mers, intérieures, il n'eft pas difficile d'a/outer foi a de tels fails. Par elles nous font. ouverts les continens de 1'Europe, de L'Afie & de 1'Afrique, & s'étendant fort au loin le long des contrées les plus fer~ tiles &l les premières civilifées de chacune de ces parties du monde, elles femblent avoir été deftinées par la nature k faciliter la communication de 1'une a 1'autre. Auffi voit-on que les premiers voyages des Egyptiens & des Phéniciens, les. premiers navigateurs dont 1'hiftoire faffe mention, fe firent fur la Méditerranie>  fur Pinde anclcnne. 7 Ils ne bornerent pourtant pas long-Jemps leur commerce aux pays lltués i'ur fes cötes. En fe rendant maïtres de bonne heure des ports femés dans 1'enceinte du golfe arabique , ils étendirent la fphere de leur commerce, & 1'on en parle comme des premiers peuples occidentaux qui s'ouvrirent par mer une communication avec 1'Inde. Dans le compte que j'ai rendu des progrès de Ia navigation & de la découverfe de 1'Amérique a la tête de mon hiftoire de ce pays , j'ai confidéré avec attenfion les opérations maritimes des Egyptiens & des Phéniciens; ce que j'en ai dit, fi on 1'envifage fous le cöté qui les lie au commerce de ces deux peuples avec 1'Inde, -jettera un jour fuffifant fur les nouvelles recherches que j'entreprends. Quant aux Egyptiens, ce que 1'hiftoire nous en dit fe borne k trés-peu de chofe, & n'eft pas très-certain. La fertilité du fol & Ia douceur du climat leur procuroit il abondamment tous les agrémens & tous les befoins de la vie, Sc les rendoit pas conféquent ü indépendans des autres narions, qu'une des premières maximes fondamentales de leur politique fut de renoncer a tout commerce avec les étrangers ; en conféquence ils avoient A tv  8 Recherches hijiorlques en horreur toutes perlonnes adonnées a la mer, & les regardoient comme des impies & des profanes; & ils fortifierent leurs porls de maniere a en écarter tous les étrangers (i). L'ambition inquiete de Séfoftris rejettant avec dédain les difficultés que lus oppofoient les idéés étroites de fes fujets, lui perfuada de faire des Egyptiens un peuple commercant; & dans le cours de fon regne, il accomplit fi bien fon projet, qu'au rapport de quelques hiftoriens, il fe vit en état d'équiper fur le golfe arabique une flotte de quatre cents vaiffeaux qui foumit tous les pays qui s'étendent le long de la mer Erythrée jufqu'a 1'Inde. En même-temps fon armée, qu'il conduifoit lui-même, s'avan^a a travers 1'Afie qu'il conquit toute entiere, jufqu'aux bords du Gange , & traverfant cette riviere, ne trouva de hornes que POcéan oriental (i) ; mais ces efforts ne produifirent rien de permanent , & il paroït que le génie & les habitudes des Egyptiens s'en trouverent (i) Diod. de Sic. liv. i, pag. 78, édit. de Weifeling. Amft. 1746. Strasb. Géog. liv. xvn, pag. 1142. A. édit. Cafaub. Amft. 1707. (a) Diod. de Sic. liv. 1, p. 64.  fur Clnde anclenne. 9 iellement contrariés, qu'a la mort dé Séfoftris ils reprirent leurs anciennes maximes; & plufieurs fiecles s'écoulerent avant que les rapports com'merciaux de i'Egypte avec 1'Inde euflent affez d'importance pour mériter une place dans cette diflertation (1). _ L'hiftoire des premières opérations maritimes de Phénicie n'eft pas enveloppée des mêmes voiles que celle de I'Egypte. II n'y avoit rien dans le caraétere & dans la fituation des Phéniciens , qui ne favorifêt 1'inclination commercante. Le territoire dont ils étoient en poffeffion n'avoit ni étendue ni fertilité : Ie commerce feul pouvoit les rendre riches ik puiffans; en conféquence le commerce que faifoient les Phéniciens de Tyr & de Sidon , s'étendoit fort loin & préiéntoit des dangers. De tous les peuples de 1'antiquité, c'eft celui qui dans fes mceurs & fa maniere de fe gouverner, fe rapprochoit le plus des grands états commercans de nos jours. Dans leurs difterentes branches de commerce, celle de 1'Inde peut être regardée comme la plus confidérabte & ia plus Uierative. Comme leur fituation fur la méditerranée & 1'état impar- (1) Voyez la noïe i. A v  10 Récherches hifturiqties fait de la navigation ne leur permettoiff pas d'ouvrir par mer une communication direfte avec 1'Inde, ils s'aviferenS. bientöt d'enlever aux Iduméens quelque port commode vers le golfe arabique. De leurs nouveaux emplacemens ils entretinrent un commerce fuivi avec 1'Inde d'une part, & de 1'autre avec les cötes orientales & méridionales de PAfriquc Cependant la diftance confidérable qui fe trouvoit entre Tyr & le golfe arabique ± y rendoit Ie tranfport des marchandifes par terre fi difpendieux & fi défagréable v que ce fut une néceffité poureux de s'emparer de Rhinocolure , le port de la Méditerranée le plus voilin du golfe arabique. C'eft la que toutes les marchandifesvenues de 1'Inde fe voiturerent par urv chemin heaucoup plus courtck beau coup. plus praticable que celui par lequel les. preduttions de 1'Orient furent dans lafuite tranfportées du rivage oppofé du golfe arabique au Nil. A Rhinocolure elles étoient embarquées de nouveau , & portées , par une navigation aifée, jufqu'a^ Tyr, & de la diftribuées dans tout 1'univers. Cette route, la première qu'on fe foit ouverte du cöté de 1'Inde, & dont if rious refte une defcription authentique, tant d'avantages fur toutes  fur Clnde ahcienneï 11 celles dont 1'ufage a précédé la découverte récemment faite d'une nouvelle foute par mer a 1'Orient, qu'il n'étoit pas difficile aux Phéniciens de fournir aux autres nations les produ&ions de 1'Inde , en beaucoup plus grande abondance & k beaucoup meilleur marché qu'aucun peu* ple de 1'antiquité. C'eft a cette circonftance qui, pendant un laps de temps confidérable leur alTura le monopole de ce commerce, qu'étoit due non-feulement la richeffe extraordinaire des individus qui, » des marchands de Tyr faifoit des » princes, & de fes trafiquans, les hono» rables de la terre (i)"; mais aufll la grandeur de 1'état lui-même, dontlafplendeur donna au genre humain la première idéé des vaftes reffources que peutfe faire un peuple commer§ant, & des grandes entreprifes dont il peut étonner 1'univers (i). Les Juifs étoient trop voifins de Tyr, pour ne pas regarder d'un ceil d'émulation les immenfes richeffes que le commerce lucratif des Phéniciens y faifoit couler du fein de leurs établiffemens fur le golfe arabique. Ils prirent part k ce (1) Ifaie , xxhi , 8. (2) Voyez note a. A vj  1 2 Recherches hijlorlques commerce, lous les regnes fortunés de David & de Salomon , tant par la conquête qu'ils firent d'un petit diftrift dans la terre d'Edom, par lequel ils fe virent maïtres des ports dTLlath &t d'Efiongeber fur la mer Rouge, que par Pamitié d'Hiram , roi de Tyr , lequel mit Salomon en état d'équiper des flottes qui, fous la dire&ion de pilotes phéniciens, firent voile pour Tarshish & Ophir (r). Les favans fe font long-temps occupés de la fituation de ces fameux ports oü les vaiffeaux de Salomon alloient charger toutes ces marchandifes diverfes, dont les écrivains facrés ont fait un fi pompeux étalage; mais le lieu de leur exiftence eft encore au nombre des chofes inconnues. On les crut très-anciennement fitués dansquelque partie de 1'Inde avec laquelle les Juifs paffoient aufli pour avoir des relations. Mais 1'opinion la plus commune eft que les flottes de Salomon, après avoir pafte le détroit de Babelmandel, alloient le long de la cöte Sud-Oueft d'Afrique, jufqu'au royaume de Sofala ; ce pays célebre par fes riches mines d'or & d'argent, qui lui valurent, de la part des (i) Rois, ix, a6; x, iz.  fur tlnde anclenne, IJ écrivains facrés (), le nom mêtne du métal qu'il produiioit, étoit abondamment fourni de tous les autres articles qui formoient la cargaifon des vaifleaux juifs. Cette opinion, devenue déja trèsprobable par les recherches exaftes de M. d'Anville, femble aujourd'hui avoir été mife tout-a-fait hors de doute par un favant voyageur moderne qui, par la connoiffance des mouffons dans le golfe arabique, comparée avec l'ancien état de la navigation tant fur cette mer que le long de la cöte africaine, eft parvenu non-feulement a expliquer la longueur extraordinaire de Ia navigation des flottes de Salomon, mais a prouvé par des circonftances connnes de leur voyage , qu'il n'avoit pour but aucun endroit particulier de 1'Inde (z). Nouspouvons donq conclure que les Juifs n'ont aucun droit d'être comptés au nombre des nations qui entretenoient avec 1'Inde un commerce maritime ; & ft, par déférence pour l'opinion de quelquesécrivainsrefpeöables, leur prétention étoit reconnue , nous favons du moins avec certitude que ce (1) Notice des manufcrits du roi, tom. II, page 40. (2) Voyages de Bruce, liv. n, ch. 4.  Ï4 Recherches hljloriqucs mouvement des Juifs versie commerce,; fous le regne de Salomon , ne fut qué momentané, & qu'ils retomberent bientöt dans leur ancien état de féparation avec le refte du genre humain. Après avoir raffemblé les foibles jours que jette 1'hiftoire fur les premiers pas du commerce du cöté de 1'Inde, je vais maintenant, avec plus de certitude & de confiance , fuivre les progrès de communication avec cette partie du monde, guidé par des auteurs qui ont rappellé des évé» nemens plus voifins de leur liecle, & fur lefquels ils ont recu des détails plus pofttifs & plus circonftanciés. Le premier établiffement d'un pouvoir étranger dans Pinde, qui foit prouvé avec quelque degré de certitude , eft celui des Perfes; & encore n'avons-nous fur eet établiffement que des données très-générales&très-douteufes.Darius, fils d'Hyftape, quoique élevé au tröne par la rufe ou par le hafard, avoit une aeïivité, un gout pour les grandes chofes, qui le rendoit vraiment digne de ce premier de tous les poües. II jetta fur les différentes provinces de fon royaume un regard plus attentif qu'aitcun de fes prédéceffeurs , és fe rhit en quelque forte a la découverte d? plufieurs parties de 1'Afie, peu con>  fur flnde ancunnt. ï$ mies avant lui (i). Ayarit foumis a fon pouvoir plufieurs des pays qui s'étendent au Sud-Eft depuis Ia mer Cafpienne jufque vers le fleuve Oxus, ce fut pour lui une occalion de chercher a connoitre avec plus de précifion & d'exaclitude cette partie de 1'Inde qui leur fert de frontiere. Dans cette vue , il nomma Scylax de Caryandre , chef d'une efcadre équipée a Cafpatyre, au pays de Paöye (aujourd'hui Pehkley) , vers le haut de la partie navigable de 1'Indus , avec ordre d'en fuivre le cours jufqu'a fon embouchure dans 1'Océan. Scylax remplit cette deftination, quoique non fans difficulté en apparence, & en dépit d'un grand nombre d'obftacles; car il ne mit pas moins de deux ans & demi k conduire fon efcadre du lieu de 1'embarquement jufqu'au golfe arabique (t). Ce qu'il rapporta de la population, de la fertilité & du haut état de culture de cette région de 1'Inde qu'il avoit traverfée, rendit Darius impatient de la conquête d'un fi riche pays. Son impatience fut bientót fatisfaite , Sc quoique fes conquêtes dans 1'Inde ne paroilTent pas s'être étendues au-dela du (i) Hérodote, liv. IV, ch. 44. ^i) Hérudote iv, di. 4S-} 44.  lö Recherches hijlnriques diftriö arrofé par 1'Indus, on ne peut que fe former la plus haute idéé de fon opuïence & du nombre de fes habitans dans ces temps reculés, quand on fonge que le tribut qu'il en retiroit, formoit prefque le tiers du revenu entier de la monarchie perlienne (i). Mais ni le voyagede Scylax, ni les conquêtes de Darius, qui en furent la fuite, ne donnerent aucune connoiiTance générale de 1'Inde. Les Grecs qui, dans ces temps, étoiei.t la feule nation éclairée de PEurope , ne faifoient que peu d'attention aux démarches des peuples qu'ils regardoient comme barbares, fur-tout dans des pays très-éloignés du leur; & Scylax avoit embelli Ie récit de fon voyage de tant de circonftances évidemment fabuleufes, qu'il fembie avoir été frappé de la jufte punition qui s'attache aux perfonnes dont le goüt pour le merveilleux eft connu , de n'être écoutés qu'avec Ia plus grande défiance dans leurs récits même les plus vrais. Environ cent foixante ans après Ie regne de Darius Hyftape , Alexandre-leGrand commenca fon expédition dans 1'Inde. La tache imprimée k fon caractere par des traits d'emportement féro- (0 Héiod. liv. ui, ch. 90-96. Voyez note 5.  fur Pinde ancunne. 17 ce, par des excès indécens d'intempérance , & par les pompeux étalages de la vanité, dont la vie de eet homme extraordinaire n'eft que trop remplie, a prefque toujours empêché jufqu'ici d'apprécier avec juftefle le rang diftingué qui lui eft dü, comme conquérant, comme politique & comme légiflateur. Le fujet aöuel de mes recherches ne me laifte appercevoir fes opérations que d'un feul cöté, mais j'aurai occafion de préfenter fous un point de vue frappant la grandeur & Pétendue de fes plans. Peu de temps après fes premiers fuccès en Afie, il paroit avoir fongé a établir une monarchie univerfelle, &C ne s'être pas moins propofé 1 empire de la mer que celui de la terre. La longue & étonnante réfiftance des Tyriens, fans alliés, fans fecours , lui donnerent une haute idéé des reffources de la puiffance navale, & des grandes richefles que pouvoit fournir le commerce, fur-toutle commerce de 1'Inde, dont il vit que les citoyens de Tyr s'étoient exclufivement emparés. Réfolu de leur enlever ce commerce, 5c pour lui afligner un pofte préférable a plufieurs égards a celui de Tyr, il n'eut pas plutöt achevé la conquête de I'Egypte qu'il fonda une yille prés de 1'une des bouches du Nil»  i8 Recherches hijioriques qu'il honora de fon propre nom; & il en choifit l'emplacement avec un fi merveilleux difcernemeni , qu'Alexandrie devint la plus confidérable ville de commerce de Panden monde, & que malgré les changemens continuels de domination , elle ne celTa point d'être pendant dixhuit fiecles le principal fiege du commerce de 1'Inde (i). Malgré les opérations militaires qui fixerent bientöt 1'attention d'Alexandre , il ne renonca point au defir de s'attirer le commerce lucratif que les Tyriens avoient fait avec 1'Inde, 11 an-iva bientöt des événemens qui, nonfeulement le fortifierent dans fon delTein, mais qui même lui laiiTerent appercevoir la poffibilité d'acquérir la fouveraineté de ces régions, d'oii arrivoient au refte de la terre tant de précieufes produdtions. Après avoir complétement triomphé des Perfes, la pourlüite qu'il fit du dernier Darius & de Beffus , PafTaflln de eet infortuné monarque, le conduifit k travers cette partie de 1'Afie qui s'étend depuis la mer Cafpienne jufques au-dela du fleuve Oxus. II s'avan9a vers 1'Orient, jufqu'a Maracande (a), ville afftz notable (i) Hift. de 1'Amér. vol. i , pag. jo. (a) Arrien , m , ch. 30,  fur Vindt ancienne. 19 dès-lors, Sc qui devoit dans la ruite , fous le nom moderne de Samarcande, étre la capitale d'un empire qui ne le céderoit au fien, ni en puifiance ni en étendue. Dans une marche de plufieurs mois, qui le rapprochoii fouvent de 1'Inde, a travers des provinces jufques-la incon* nues aux Grecs, parmi des peuples qui avoient depuis long-temps avec 1'Inde de grandes relations, il apprit fur 1'état de ee pays (1) , qui avoit été long-temps Pobjet de fes penlées Sc de fes vceux (2) 9 plufieurs chofes qui ne firent qu'augmenter le de{ir qu'il avoit de s'en rendre maïtre. Prompt Sc tranchant dans toutes fes réfolutions, il partit de Bac~ tre, Sc traverfa cette chaïne de montagnes qui, fous différentes dénominations, forme ce que les géographes orientaux appellent une ceinture de pierre qui renferme 1'Afie, Sc fert de barrière a Pinde du cöté du Nord. On concoit aifément que Pentrée la plus facile de chaque pays doit être déterminéepar des circonftances de fa fituation naturelle, tels que les] défilés des montagnes, le cours des rivieres Sc leurs (1) Strab. XV, pag. 1021. A. Arrien, iv » ch. 15,  20 Recherches hijlotiques endroits les plus guéables. II n'eft point de lieu fur la terre, oü cette tracé d'invafion foit mieux marquée, Sc d'une maniere plus diftinöe, que fur la frontiere feptentrionale de 1'Inde ; tellement que les trois grands ufurpateurs de ce pays , Alexandre , Tamerlan Sc Nadir-Shah , a trois époques très-éloignées & avec des vues Sc des falens extrêmement divers, fe font avancés par la même route Sc prefque fur les mêmes pas. Alexandre eut la gloire de 1'avoir le premier découverte. Au fortir des montagnes , il campa a Alexandrie-Paropamiiana , fur le même fite que la moderne citée Candahar; Sc après avoir foumis ou gagné les nations qui habitent la rive Nerd-Oueft de flndus, il traverfa ce fleuve a Taxile, aujourd'hui Attock, le feul endroit oü fon cours eft aflez tranquille pour y pouvoir jetter un pont (i). Après avoir pafte 1'Indus, Alexandre prit tout de fuite le chemin qui conduit droit au Gange Sc aux opulentes provinces du Sud-Eft, comprifes aujourd'hui fous le nom général d'Indoftan. Mais fur les bords de 1'Hydafpe, connu depuis fous le nom de Bétah ou Chélum, il (i) Rennel!. Mém. pag. gzt  fur CInde anc'unne. x\ fut arrêté par Porus, puiffant monarque de la contrée , a la tête d'une nombreufe armée. La guerre avec Porus & les hoftilités dans lefquelles il fe trouva fucceffivement engagé avec les autres princes indiens, le determineren! a s'écarter de fa première route & a tirer davantage vers le Sud-Oueft. En conféquence de toutes ces opérations, Alexandre traverfa Pune des contrées les plus riches & les plus peuplées de Pinde , qu'on appelle aujourd'hui Panjab, des cinq grandes rivieres qui 1'arrofent. Cette marche exécutée dans une faifon pluvieufe, impraticable même pour les armées indiennes, donne la plus haute idee & du courage perfévéraflt d'Alexandre, & du tempérament robufte & vigoureux que formoient aux foldats de ces temps , les effets réunis de 1'exercice gymnaftique & de la difcipline militaire. Alexandre rencontroit a chaque pas des objets non moins frappants que nouveaux. Quoiqu'il eüt déja vu le Nil, PEuphrate & le Tigre, la grandeur de 1'Indus dut Pétonner encore (i). II n'avoit point encore vu de pays li peuplé, fi bien (i) Strab. liv. xv, pag. 1027. C. & not. 5. Caufab.  2.2. Recherches hijloriques cultivé, fi riche de toutes les plus belles produ&ions de 1'art & de la nature, que cette partie de 1'Inde a travers laquelle il avoit conduit fon armee. Mais lorfqu'il eut appris pretque par-tout, Sc probablement par des peintures exagéxées, combien le Gange 1'emportoit fur 1'Indus , Sc combien tour ce qu'il avoit vu jufqu'alors étoit inférieur aux régions fortunées que ce grand fleuve arrofe, eft-il étonnant que le vif delir de les voir Sc de s'en rendre le maïtre, lui ait fait raifembler fes foldats pour leur propofer de reprendre leur marche vers un pays oü les attendoit la richeffe, Ia gloire Sc la puiffance. Mais ils avoient déja exécuté tant de chofes, ils avoient fi cruellement fouffert, fur - tout des pluies continuelles Sc des inondations qui les avoient enveloppés, que leur patience, auffi bienque leurforce, étoit épuifée (i) ; Sc d'une vóix unanime, ils refuferent de faire un pas de plus. Ils fe montrerent fi fermes dans cette réfolution , qu'Alexandre , quoique poffédant au plus haut degré toutes les qualités qui donnent de 1'afcendant fur des efprils militaires , fut obligé de céder (i) Voyez note 4,  fur Pinde ancienne, 23 & de donner des ordres pour retourner en Perfe (1). Cette fcene mémorable fe paffa fur les bords de 1'Hyphafis , aujourd'hiü Beyah , qui fut le terme de la marche d'AIexandre dans 1'Inde. II eft évident par-la , qu'il ne traverfa point le Panjab dans toute fon étendue. Ses limites fe forment au Sud-Oueft par une riviere anciennement connue fous le nom d'Hyuidrus , &t maintenant fous celui de Setlege , dont Alexandre n'approcha jamais plus prés que la rive méridionale de 1'Hyphafis , oü il éleva douze coloftals autels, qui, felon Pauteur de la vie d'Apollonius de Tyane, fubfiftoient encore avec leurs infcriptiorts trésdiftincles , quand ce fophifte bizarre vifita 1'Inde , trois cents foixante-treize ans après l'expédi;ion d'AIexandre (2). De Ludhana iur le Setlege a Attock fur Pindus , on donne en largeur au Panjab , deux cents cinquante - neuf milles géographiques en droite ligne ; la marche d'AIexandre , d'après la même mefure , ne s'élevoit pas au-deflus de deux cents (1) Amen , v, ch. 24, 45. (2) Philoft. vie d'Apollon, liv. 11, ch. 43, édiv, Oléar. lipf, 1709.  24 Recherches hijloiiques milles; mais en allant comme en revenant,.fes troupes fe répandoient tellement fur le pays, elles agiflbient fouvent en tant de divifions difFérentes, enfin tous fes mouvements étoient tellement réglés & melurés par des favants qu'il avoit expres amenés avec lui, qu'il acquit une connoiffance trésétendue & très-exacle de cette partie de 1'Inde (i). Arrivé fur les bords de 1'Hydafpe k fon retour, il vit que fes officiers, k qui il avoit donné le foin de conftruire & de réunir autant de vaiffeaux qu'ils le pourroient, s'en étoient acquitté avec tant d'aclivité & de bonheur , qu'ils avoient raffemblé une flotte nombreufe. Comme il n'avoit point perdu de vue, au milieu des embarras de la guerre &c de la fureur des conquêtes, fes projets de paix & de commerce, la deftination de cette flotte étoit de defcendre 1'lndus jufqu'a 1'Océan ; de-la elle devoit continuer jufqu'au golfe perfique , pour ouvrir par mer une communication avec 1'Inde & le centre de fes états. La conduite de cette expédition fut donnée 1 (i) Plin, hifi. nat. liv. vi, cl). 17.  fur tlnde ancienne. donnée a Néarque , officier digne , k tous égards, de cette importante comjniflion. Mais comme Alexandre étoit ambitieux de toutes les gloires, & qu'il aimoit k fe montrer dans toutes les entreprifes qui avoient de la nouveauté & de 1'éclat, il defcendit lui-même le fleuve avec Néarque. II faut convenir que , par fa grandeur & fa magnificence, 1'armement étoit digne d'être commandé par le conquérant de 1'Afie. II étoit compofé d'une armée de cent vingt mille hommes, deux cents éléphans & une flotte de prés de deux mille vaifleaux différens de port & de forme (i), qui avoient k leur bord un tiers des foldats; tandis que le refte, partagé en deux divifions, Tune fur la droite , & 1'autre fur Ia gauche , les accompagnoient dans leur marche. A mefure qu'ils avancoient, les peuples riverains fe foumettoient ou par force ou par perfuafion. Retardé par les diverfes opsrations oü 1'engageoit cette grande entreprife, autant que par la lente navigation d'une pareille flotte, Alexandre mit plus de neuf mois a gagner 1'Océan (z). La marche d'AIexandre dans 1'Inde, (1) Voyez note 5. (2) Strabon, liv. xv, pag. 10x4. B  26 Recherches hijioriques fur cette ligne , étoit bien plus confidérable que celle qu'il fit par la route dont nous avons déja donné la defcription; & quand on confidere les divers mouvemens de fes troupes , le nombre des villes qu'elles prirent, & les différens états qu'elles foumirent, on peut dire qu'il n'a pas feulement vu les pays qu'il a traverfés, mais aufli qu'il les a bien obfervés. Cette partie de 1'Inde a été fi peu fréquentée des Européens de nos jours, qu'on ne peut marquer ni la fituation des lieux , ni leur diftance , avec la même exadfitude que dansles provinces intérieures ,ou même"3ansle Panjab. Mais d'après les recherches du major Rennell, fakes avec autant de difcernement que d'habileté, Ia diftance k 1'Océan , de eet endroit de 1'Hydafpe oü Alexandre équipa fa flotte, ne peut pas être moindre que de trois cents trente-trois milles angloifes. Une portion confidérable de cette vafte contrée , la partie fupérieure du Delta fur-tout, qui s'étend depuis Ia capitale de Pancienne.Malli, aujourd'hui Moultan, jufqu'a Patala adtuellement Tatfa, eft remarquable pour fa fertilité & fa] population (i). (i) Mém, de Reönell. 63, &c.  fur Pinde ancienne. 27 Bientöt après avoir gagné I'Océan', Alexandre content d'êrre venu a bout de cette drffic.le entreprife, ramena fes troupes en Perfe, par terre ; il laiffa Ie commandement de la flotte, & a fon bord un corps de troupes confidérable a Néarque , qm , après un voyage de fep nioisle long descótes.la conduilit beureufernentle long du golfe perfique dans limprirare (i). 1 C'eft ainfi qu'Alexandre prépara le pre- fence de 1'Inde ,& il en examina un vafte diftnft avec plus d'attention qu'on ne devo,t Pattendre du court féjouï qu'il y ht Heureufemem trois de fes princioaux officiers, Ptolomée üls de LaL Ad{ tpbule & Néarque tinrent de^g^e fideles de toutes fes opérations militaire* &de tout ce qu'il pouvoit y avoir de theatre. II eft Vrai que nen ne nous eft parvenu des deux premiers; mais il eft probable que les feit» les plus importans qu ils rapp0„ent fe font confervés, S. |u Arnen déclare les avoir pris pourgut des dans fon hiftoire de Pexpédition cPA- no(OóPlin. hift. „at. li,. v„, ch. 23.Voye* B ii  2c? Recherches hljïoriques lexandre; ouvrage qui, quoique compofé long-temps après que la Grece eut perdu fa liberté, & dans un fiecle oü le goüt & le génie étoient fur leur déclin, n'eft pas indigne des plus beaux jours de la littérature grecque. Quant k la fituation générale de 1'Inde, ces écrivains nous apprennent qu'au temps d'AIexandre , quoiqu'il n'y eut dans fon fein aucun empire puiffant, tel que celui qui, dans des temps modernes, étendoit fes loix depuis Findus prefque jufqu'au cap Comorin , même alore elle étoit partagée en monarchies d'une étendue confidérable. Le roi de Prafy fe préparoit k recevoir les Macédoniens fur les bords du Gange, avec une armée de vingt mille chevaux , deux mille chariots armés, & un grand nombre d'éléphans (1). On dit que le territoire dont Alexandre conftitua Porus fouverain , ne contenoit pas moins de deux mille villes (2). En réduifant même k leur plus jufte valeur, ces dénominations vagues de nations & de villes, on ne peut s'empêcher de concevoir Fidée d'une population trés - confidérable. Du haut de la (0 Diod. de Sic. liv. xvn , pag. 232. (2) Arrien, liv. vi , c. 2.  fur Pinde ancienne. 2.9 flotte qui defcendoit la riviere, on voyoit des deux cötés un pays qui ne paroiffoit le céder en rien k celui dont le gouvernement fut confié k Porus. C'eft également dans les mémoires de ces officiers , que 1'Europe a puifé pour Ia première fois des connoiflances certaines fur le climat, le fol, les produöions Sc les habitans de 1'Inde; &c dans un pays oü les mceurs , les coutumes & même 1'habillement font aufli permanens 8c aufïi invariables que la nature même , il eft étonnant avec quelle précifion les peintures des officiers d'AIexandre fe rapportent k ce que nous voyons aujourd'hui dans Pinde après un efpace de deux mille ans. Les changemens réglés des temps, connus fous le nom de mouffbns; les pluies périodiques, le gonflement des rivieres , les inondations qui en font la fuite, 1'afpecl: que préfente le pays pendant leur durée; toutes ces circonflances y font détaillées avec la plus grande exa&itude. On trouve la même exacYitude dans les defcriptions qu'ils nous ont laiffées des habitans, de leur complexion frêle & délicate , de leur teint bafané, de leurs cheveux noirsók pendans, de leurs vêtemens de coton , de leur nourriture qui ne confifte qu'en végétaux , de leur divifion en B ii;  30 Recherches hïjloriques tribus ou ca/les féparées, dont les membres ne fe mêlent jamais parle mariage , de Pufage des veuves qui fe brülent a la mort de leurs maris, & de plufieurs aütres particularités dans lefquelles ils reffemblent abfolument aux modernes Hindoos. Ce feroit précipiter la marche de eet écrit, que d'entrer aöuellement dans aucun de ces détails; mais comme ce fü> jet, quoique curieux & intéreffant par lui-même, nous jettera nécefTairement dans des difcuffions mal afforties k la nature d'un ouvrage fur Phiftoire, je renverrai mes idéés fur ce fnjet, dans un appendix que je me propofe d'ajouter k cette differtation; & j'efpere qu'elles pourront jetter quelque nouvelle lumierefur 1'origine & la nature des Communications avec 1'lnde. Quoique les peuples de POueft doivent beaucoup a Alexandre pour la connoiffance de Pinde , fon expédition fe horna cependant è une très-petite portion de ce vafte continent. II ne pénétra pas au-dela de Ia moderne province de Lahor & des pays fitnes fur les bords de PIndus, depuis Moultan jufqu'A la mer. Mais il vifita ces parties avec ce degré d'exacfitude dont j'ai déja parlé ; & c'eft une circonftance affez remarquable, que ce diftrift  fur tlndt ancimm. 3 1 de 1'Inde, le premier oü les Européens mirent le pied , & qu'ils connoiflbient le mieux autrefois, eft aujourd'hui la partie la plusignorée de ce continent (1); le commerce ou la guerre, qui dans tous les fiecles contribuent le plus a l'avancement de^la géographie , n'ayant fourni a aucun peuple de 1'Europe 1'occafion d'y voyager ou d'y faire des recherches. Si une mort prématurée n'eüt arrêté Ie héros macédonien au milieu de fa carrière, il eft a croire que 1'Inde auroit été beaucoup mieux connue des anciens, & que leï Européeri^ s'y feroient établis deux mille ans plutöt. L'invafion d'AIexandre dans 1'Inde couvroit un projet plusétendu que-celui d'une incurfion pafTagere. II fe propofoit d'ajouter a fon empire cette riche & vafte contrée , & quoique 1'oppofition de fon armée Peut empêché pour le moment de pourfuivre fon plan, il étoit loin d'y avoir renonce. Ce ne fera pas s'écarter du but de ces recherches , que de préfenter 1'appercu général des mefures qu'il avoit adoptées pour eet effet, & d'en examiner la jufteffe ainfi que Ie degré de probabilité du fuccès; nous .ferons a portée par la de nous faire (1) Mém. de Rennsll. B iy  31 _ Recherches hijtoriqiles une idéé plus jufle que celle qu'on a communément du génie indépendant & de la grandeur des vues polhiques qui caractérifoient eet homme illuftre. Devenu maïtre de Pempire de Perfe, Alexandre ne tarda pas a s'appercevoir que la force des états dont il héritoit, foutenue même du nombre de troupes qu'il pouvoit efpérer de lever dans la Grece , par 1'afcendant qu'il avoit gagné fur 1'efprit de fes diverfes républiques , étoit infuffifante pour tenir fous fa domination des territoires fi vaftes & li peuplés; que pour rendre fon autorité füre & permanente, elle devoit être fondée fur 1'afFeöion des peuples qu'il avoit foumis, & défendue avec leurs propres , armes; que pour eet effet, il falloit bannir toute efpece de diftinöion entre les vainqueurs & les vaincus, & ne faire de fes fujets d'Europe & d'Alie qu'un feul & même corps de nation, foumis aux mêmes loix, ne connoilTant que les mêmes ufages , les mêmes inftitutions , la même difcipline. Quelque noble que fut une telle politique, quelque propre qu'elle fut a Paccompliffement de fes vues, il n'en pouvoit pas imaginer de plus contraire aux idéés & aux préjugés de fa nation. Les  fut tlnde, anclenne. 3 3 Grecs avoient une fi haute idee de Ia prééminence que leur donnoit la civilifation & la connoiffance des arts, qu'a peine ont-ils regardé le refte du genre humain comme faifant partie de leur efpece. Ils donnoient k tous les autres peuples Ie nom humiliant de barbares; & en conféquence de cette fupériorité, dont ils étoient fi fiers, ils fe prétendoient leurs maïtres de droit a-peu-près comme 1'ame regne fur le corps, & 1'homme fur les animaux. Quelque extravagante que nous paroiffe aujourd'hui une telle prétention, a la honte de 1'ancienne philofophie, elle étoit reconnue & enfeignée dans toutes les écoles. Ariftote, plein de cette opinion qu'il cherche k prouver par des raifonriemens plus fubtils que folides (1), confeilloit k Alexandre de gouverner les Grecs comme des fujets , les barbares comme des efclaves; de regarder1 les uns comme des égaux , les autres comme des créatures d'une efpece inférieure (2). Mais les fentimens de 1'éleve s'étoient plusagrandis que ceux du maitre, 6c 1'habitude de gouverner (1) Aiiftot. Polit. t, ch. 3-7. (a) Plut. de fortuna Alex. orat. ï, p. 301, vol. vu, édit. Reisk.-Strab, lb. i, p. n6. A. B v  34 Recherches hijloriquis les hommes avoit découvert au monarque ce qui étoit refté caché aux yeux du philofophe, dans les plis de la théorie. Peu de temps après la victoire d'Arbelle, Alexandre lui-même, &, a fon exemple, plufieurs de fes officiers, prit 1'habit des Perfes, & imita plufieurs de leurs ufages. En même temps il encouragea les nobles Perfes k fuivre les moeurs macédoniennes, a s'inftruire de la langue grecque, k gouter les beautés fi admirées, fi recherchées des écrivains de ce temps. Pour donner plus d'étendue a cette union , il époufa lui-même une fille de Darius, & choifit des femmes pour cent de fes principaux officiers, dans lei families les plus difiinguées des Perfes, On célebra leurs noces avec beaucoup de pompe & de réjouiffance, & k la grande fatisfaclion du peuple conquis : a leur exemple, plus de dix mille Macédoniens prirent des femmes Perfes, Sc Alexandre, pour leur témoigner fon contentement k eet égard , leur fit a chacun des préfens de noces. Mais quelque foin qu'eut pris Alexandre pour unir fes fujets d'Europe& d'Afie par les Hens les plus indiffolubles, il ne fonda pas entiérement la confervation de fes notivelles conquêtes fur le fuc-  fur tlnde andenne. 35 cès de cette rnefure. II choififfoit dans chaque province qu'il venoit de foumettre, des pofies convetiables pour y batir & y fortifier des villes, oü il pla^oit des garnifons compofées de ceux des narifs qui s'étoient foumis aux moeurs & a Ia difcipline grecques, & de ceux de fes fujets d'Europe qui, épuifés de fatigue Sc de fervice, defiroient le repos &c un établiffement flxe. Ces villes étoient nombreufes, & ne fervoient pas feulement de lieux de communication entre les différentes provinces de fes états, mais auffi de places fortes, pour tenir en refpeér & réprimer les peuples conquis. Trente mille de fes nouveaux fujets, qui avoient été exercés dans ces villes, &,armés a 1'européenne, parurent devant Alexandre k Suze; & il en avoit fait un de ces corps d'infanterie profonds & ferrés, connus fous le nom. ^ de Phalanges , & qui conftituoient la force d'une armee macédonienne. Mais, pour s'affurer de la fidélité de ce nouveau corps, & pour qu'il eut tout fon effetf, ü avoic réglé que tout officier chargé de quelque partie du commandement, fupérieur ou fubalterne , feroit Europeen. Comme l'induftrie des hommes , dans la même pofition, fe crée B vj  3 6 Recherches hijlorlques naturellement les mêmes reffources, les puiffdnces de 1'Europe, qui , dans leurs poffeffions de 1'Inde, emploient a leur fervice des corps nombreux de natifs, ont fuivi des maximes toutes femblables dans la formation de ces troupes, & probablement, fans s'en douter, ont modelé leurs bataillons de Sipahys, fur les mêmes principes qu'Alexandre avoit fait fa phalange de Perfes. A mefure qu'Alexandre, dans le cours de fes conquêtes, s'éloignoit de 1'Euphrate qu'on pouvoit regarder comme le centre de fes états, il étoit obligé de batir & de fortifier un plus grand nombre de villes. Les anciens auteurs en citent plufieurs a 1'Eft & au Sud de la mer Cafpienne ; & dans 1'Inde même, , ilfonda deux cités fur les bords de 1'Hydafpe, 6c une troifieme fur 1'Acéfine , toutes deux navigabies, & qui, après ! avoir mêlé leurs eaux, fe jettent dans > 1'ïndus (i). II eft évident par le choix qu'il fit de 1'emplacement de ces villes, que fon intention étoit d'entretenir une communicationavec 1'Inde, par mer auffi bien que par terre. C'étoit fur-tout dans ! des vues maritimes qu'il avoit examiné (1) Voyez note 8.  fur Clnde ancltnne. 37 avec tant de foin la navigation de 1'Indus, comme je 1'ai déja dit. C'étoit dans les mêmes vues, qu'a fon retour a Suze , il examina lui-même en perfonne le cours de 1'Euphrate & du Tigre, &c donna ordre d'enlever les éclufes que les anciens monarques de Perfe, d'après un précepte formel de leur religion , qui leur ertjoignoit d'avoir le plus grand foin de ne jamais fouiller aucun des élémens, avoient fait conftruire prés de 1'embouchure de ces rivieres, pour öter a leurs fujets tout accès k 1'Océan (1). En ouvrant un tel plan de navigation , du glofe perfique il fe propofoit de faire arriver les marchandifes précieufes de 1'Inde dans 1'intérieur de fes états d'Afie , tandis que par le glofe arabique elles feroient conduites jufqu'a Alexandrie, & de-la difiribuées dans le refte de 1'univers. Quelque grands, quelque étendus qufi fuffent fes projets, les mefures & les précautions qu'il avoit prifes pour leur exécution étoient fi variées, fi convenables, qu'Alexandre avoit tout lieu de compter fur leur plein & entier fuccès. A J*époque ou le mécontentement de fes fol- (1) Arrien , liv. vi, ch. 7. Strab. liv. XVI, pag. 1074, &c. Voyez noté 9.  3 8 Recherches hijlorlques dats 1'obligea de fufpendre fes opérations dans 1'Inde, il n'avoit pas encore trente ans accomplis, A eet age de la vie, oü le génie entreprenant de l'homme recoit tout fon effor , un prince auffi aftif, auffi conftant,.auffi infatigable", auroit bientöt fait renaitre I'occafion de reprendre un deffein favori auquel il avoit été fi long-temps attaché. S'il eüt fait une feconde invafion dans 1'Inde , il n'auroit pas été obügé, comme la première fois, de fe frayer difficilement une route k travers des pays ennemis & inconnus, arrêté a chaque pas par des nations & des tribus de barbares, dont les noms n'étoient jamais parvenus jufqu'en Grece. Toute 1'Afie , depuis les bords de la mer Ionienne jufqu'aux rives de l'Hyphafis, fe feroit rangée fous fon empire; & a travers cette vafte étendue de., pays, il auroit établi une telle fucceffion de villes & de places fortes (i) , que fes armées auroient pu continuer leur route en füreté , & trouver réguliérement des magafins pourvus de toutes les chofes néceffaires k leur fubfiftance ; & ce n'auroit pas été pour lui une chofe difficile que de mettre en campagne des forces (i) Voyez note io.  fur Pinde ancienne. 39 fuffifantes pour achever la conquête d'un pays auffi vafte & auffi peuplé que 1'Inde. Une fois armés & difciplinés a la maniere Européenne , fes fujets orienraux fe feroient montrés jaloux d'imiter & d'égaler leur maïtre, & Alexandre auroit pu tirer des recrues , non de fes ftériles domaines de Grece & de Macédoine, mais des vaftes régions de 1'Afie, qui dans tous les fiecles a couvert la terre & étonné le genre humain de fes nombreufes armées. Parvenu jufqu'aux frontieres de 1'Inde, a la tête d'un auffi formidable pouvoir, il auroit pu y entrer dans des circonftances bien différenfes que lors de fa première expédition. II s'y étoit affuré une exiftence folide, tant par les garnifons qu'il avoit laiffées dans les trois villes qu'il avoit baties & fortifïées, que par fa doublé alliance avec Taxile & Porus. Ces deux princes indiens , gagnés par la bienfaifance & 1'humanité d'AIexandre(vertus qui excitoient une reconnoiffa'nce & une admiration d'autant plus grandes, qu'elles étoient plus rares dans 1'ancienne maniere de faire la guerre) , ne fe feroient jamais démentis dans leur attachement aux Macédoniens. •Sotitenu de leurs troupes, aidé de leurs lumieres, & de 1'expérience qu'iravoit  40 Recherches hijloriques acquife dans fes premières campagnes, Alexandre n'auroit pu manquer de faire des progtès rapides dans un pays oü les invafions, depuis fon temps jufqu'au nötre ont toujours été fuivies du fuccès. Mais tous ces fuperbes projets vinrent ; s'évanouir dans une mort prématurée. Cette mort elle-même fut fuivie d'événemens qui prouvent la jufleffe de nos fpéculations & de nos conjeftures , de la maniere la plus frappante & la plus viftorieufe. Lorfque eet empire, que le génie fupérieur d'Alexandre avoit maintenu dans 1'union & dans 1'obéiffance, ne fentit plus la force puiffante qui le contenoit, il tomba , pour ainfi dire , en éclats, & fes principaux officiers fe faifirent de fes différentes provinces, qu'ils fe morcelerent entr'eux. Divifés par 1'ambition , Iarivalité, les reffentimens perfonnels, ils tournerent bientöt leurs armes 1'un contre 1'autre; & comme la plupart des chefs étoient également habiles en politique & dans 1'art de faire la guerre, la di/pute fut longue, & le fuccès fouvent douteux. Au milieu des fecouffes & des révolutions amenées par ces rivalités , on s'apper^ut que les mefures prifes par Alexandre pour la con> feryation de fes conquêtes, avoient été \  fur CInde ancienne. 41 fi habilement combinées, qu'a la fin des troubles & au rétabliffement de la paix, 1'empire Macédonien ne s'étoit ébranlé dans aucune partie de PAfie , & pas une feule province n'avoit entrepris de fecouer le jong. L'Inde même , la plus éloignée des conquêtes d'Alexandre, s'étoit tranquillement foumife a Python , fils d'Agénor, & enfuite a Séleucus, qui s'étoient fucceffivement rendus les maitres de cette partie de l'Afie. Porus & Taxile, malgré la mort de leur bienfaiteur, ne fe déroberent point a 1'autorité des Macédoniens, & ne chercherent point a recouvrer leur indépendance. Au milieu de tous ces débats de pouvoir & de prééminence entre les fucceffeurs d'Alcvandre^., Séleucus, qui ne le cédoit a aucun d'eux dans tous les projets de 1'ambition, s'étant rendu maitre de toutes les provinces de 1'empire Perfe, comprifes fous le nom de haute Afie , penfa que toutes les contrées de 1'Inde, foumifes par Alexandre , appartenoient naturellement a cette partie de 1'empire Macédonien, dont il étoit aöuellement le fouverain. Séleucus, comme tous les autres officiers formés par Alexandre , s'étoit fait de fi hautes idéés des avantages qui réfulteroient d'une liaifon de com-  41 Recherches hijlorlques merce avec 1'Inde , qu'il réfolut enfin de fe tranfponer dans ce pays, dans le doublé deffein d'y établir fa propre autorité, & de foutnettre Sandracotte, qui, s'étant depuis peu acquis Ja fouveraineté du Prafy , nation puiffante fur les bords du Gange , menacoit d'attaquer les Macédoniens, dont les poffeffions dans 1'Inde avoifinoient fes états. Malheureufement il ne nous eft parvenu aucun détail de cette expédition , qui n'a manqué ni d'éclat ni de fuccès. Tout ce que nous en favons, c'efi qu'il alla beaucoup au-dela du terme qu'Alexandre s'étoit marqué dans fon expédition (i); il auroit pouffé fa marche beaucoup plus Ioin ericore, s'il n'eüt été obligé de s'arrêter tout court dans fa carrière , pour aller au-devant d'Antigonus, qui fe difpofoit a entrer dans fes états è la tête d'une puiffante armée. Avant de fe mettre en marche du cöté de 1'Euphrate, il conclut un traité avec Sandracotte, en vertu duquel ce monarque demeuroit tranquiile poffeffeur du royaume qu'il avoit acquis. Mais le pouvoir & les poffeffions des Macédoniens paroiffent s'être confervés intacls pendant tout le regne de Séleucus, qui (i) Voyez note. 11.  fur Clnde ancienne. 43 finit quarante-deux ans après la mort d'Alexandre. Pour entretenir un commerce d'amitié avec Sandracotte , Séleucus fit choix de Mégafihene, officier qui, ayant accompagné Alexandre dans fon expédition dans l inde , connoiffoit paffablement la fituation du pays & les moeurs de fes habitans, & il 1'envoya en qualité de fon ambaffadeur a Palibothra(i). Mégafïhene fit une refidence de plufieurs années dans cette fameufe capitale des Prafy, fituée fur les bords du Gange , & il fut probablement le premier Européen qui jouit du fpeótacle de cette fameufe riviere infiniment fupérieure a toutes celles de Panden continent par fon étendue (2), & non moins remarquable par la fertilité des pays qu'elle arrofe. Ce voyage de Mégafthene a Paübothra, donna aux Européens la connoiffance d'une vafte étendue de pays, dont ils n'avoient eu jufqu'alors aucune idéé; car Alexandre , du cöté duSud-Eff, n'avoit pas été plus loin que cette partie de la riviere Hydraotes ou Ravei, oü a été batie la moderne cité (1) Strabon, liv. n,pag. iai, &c. Arrien, Hifi. Ind. paffim. (2) Voyez note ia.  44 Recherches hifiorlques de Lahore, & Palibothra, dont j'ai examiné 1'emplacement avec le plus grand foin , comme un point effentiel de la géographie de 1'Inde ancienne , me paroït être le même que celui de la nouvelle ville d'Allahabad , au confluent des deux grandesrivieresde Jumna& du Gange (i). Comme le chemin de Lahore a Allahabad s'étend a travers 1'une des provinces de 1'Inde les plus riches & les mieux cultivées, a mefure qu'on connoiffoit mieux le pays, on fe faifoit une plus haute idéé de fa valeur. En conféquence , ce que Mégafïhene obferva fur le chemin de Palibothra , & dans le féjour même de cette ville , fit une telle impreffion fur fon efprit qu'il fe hata de publier une relation de 1'Inde fort étendue, pour en mieux faire connoitre a fes concitoyens toute 1'importance. C'eft de ce fond , que les anciens paroiflent avoir tiré a-peu-près tout ce qu'ils favoient de la fituation intérieure de 1'Inde; & en comparant les trois plus grandes relations qui nous en reftent, de Diodore de Sicile , de Strabon & d'Arrien, on ne peut s'empêcher de reconnoitre, par leur exafte reffemblance , qu'elles font des copies de fes (i) Voyez note 13,  fur l'Indc andenne. 45 propres paroles. Mais malheureufement Mégafthene avoit une telle paffion pour le merveilleux, qu'aux vérités qu'il rapportoit il mêla plufieurs fiftions extravagantes; & on peut le regarder comme le premier auteur de ces contes fabuleux d'hommes dont les oreilles étoient fi largesqu'ils pouvoient s'en envelopper comme d'un manteau; d'autres qui n'avoient qu'un oeil fans bouche, fans nez, avec de longs pieds & des orteils tournés endedans; d'une troifieme efpece qui n'avoit que trois empans de haut; d'hommes fauvages avec des têtes en forme de ccfins; de fourmis auffi groffes que des renards qui gratoient l'or; & d'une foule d'autres chofes non moins merveilleufes (1). Les extraits de fes relations, qui nous ont été tranfmis par Strabon, Arrien & d'autres écrivains ne paroiffent nullement dignes de foi, fi ce n'efl lorfqu'ils ont pour eux 1'évidence de la raifon; qu'ils font confirmés par le témoignage d'autres auteurs anciens, ou qu'ils s'accordent avec 1'expénence des temps modernes. Cependant le compte qu'il rend des dimenfions & de la topographie de 1'Inde eft curieux & exaa. (1) S»ab. liv. xx, 1031. A. 1037.  4<$ Recherches hijlorïques La defcription qu'il donne de Ia puiffance & des richeffes des Prafy, reffemble parfaitement k celle qu'on auroit pu faire de quelques-uns des plus grands états du moderne Indoftan, avant 1'étabüffement de la puiffance Européenne ou Mahométane dans 1'Inde , & fe rapporte aux informations qu'Alexandre avoit recueillies furfes peuples. On lui avoit dit qu'ils 1'attendoient fur les bords du Gange avec une armée de vingt mille cavaliers, de deux cents millefantaffins &deuxmille chariots armés (i); & Mégafïhene rapporte qu'il eut une audience avec Sandracotte dans un beu oh il étqit campé è la tête.d'une armee de quatre cents mille hommes (z). Les énormes dimenfions qu'il donne a Pahbothra, qu'il fuppofe avoir dix milles de long fur deux de large , avec des murailles flanquées de cinq cents foixantedix tours, avec foixante-quatre portes auroient probablement été rangées par les Européens au nombre des merveilles qu'il aimoit k raconter, s'ils ne voyoient maintenant de leurs propres yeux que les villes de 1'Inde font Mties fans aucun (0 Diod. de Sic. liv. xvn, p. 232. O. Curt hv. ix, ch. 2. x' (2) Strab. liy. xv, pag. 1035. C.  fur flnde anclcnnt. 47 plan, & s'ils ne favoienr avec cerritude que, dans les temps anciens, auffi bien que dans les temps modernes, elle pouvoitfe vanter d'avoir dans fon fein des villes d'une étendue bien plus grande encore. Cette ambaffade de Mégafïhene a Sandracotte, & une autre de Daimachus k Allitrochidas, fon fils & fon fucceffeur, font les dernieres tranfaftions des monarques Syriens dont il nous foit parvenu quelque détail (1). II ne nous eft pas non plus poffible de dire avec précifion de quelle maniere ils perdirent leurs poffeffions dans 1'Inde, ni a quelle époque. II eff. probable que la mort de Séleucus les forca bientöt de renoncer k ce pays (2). Mais quoique les fuperbes monarques de Syrië perdirent, a-peu-prèsa cette époque , celles des provinces Indiennes, qui avoient été foumifes a leur empire, les Grecs , dans un moindre royaume, compofé des débris de 1'empire d'Alexandre, ïurent conferver des liaifons avec 1'Inde, & y acquirent même des territoires confidérables. Tel étoit le royaume de Bactriane, d'abord fujet a Séleucus, puis enlevfé, a fon fils ou petit-flls, & devenu (1) Mém. de Rennell, 49, ^o. (2) Voyez note 14. Juftin, liv. xv, ch. 4.  48 Recherches hlflorlques indépendant environ foixante-neuf ans après la mortd'Alexandre. Nous n'avons, fur les événemens de ce royaume qu'un petit nombre d'indices épars dans les anciens auteurs. Nous lavons par eux que fon commerce avec 1'Inde fut confidérable; que les conquêtes des rois Ba&riens dans ce pays furent plus étendues que celles même d'Alexandre , & fur - tout qu'ils fe remirent en poffeffion de ce diftria, prés de 1'embouchure de PIndus qui avoit été foumis par lui (i). Chacun des fix monarques de la Ba&riane, eurent des fuccès militaires fi confidérables dans 1'Inde , qu'ils pénétrerent fort avant dans 1'intérieur de ce pays; & fiers des conquêtes qu'ils avoient faites, & des vaftes contrées foumifes a leur empire, quelques-uns d'eux prirent le titre fuperbe: de grand roi, dont les monarques perfansi ne s'étoient parés que dans les jours de: leur plus grande gloire. Mais nous n'aurions connu ni la durée de ce royaume de Bacïriane ni la maniere dont il a flni, fi M. de Guignes ne fe fut aidé des hifioriens de (i) Strabon, liv. xi, 785. D. liv. xv, ioo6i B. Juftin, liv. xiï, ch. 4. Bayer, hift, Regni groecor. Bailriani, paffim.  fur Pinde ancienne. ^ èe Chine, au défaut des écrivains Grecs & Romains. Nous y voyons qu'environ cent vingt-fix ans avant 1'ere chrétienne , une horde confidérable de Tartares, pouffés des lieux de leur naiffance fur les confins de la Chine, & obligés de remonter du cöté de 1'Oueft par la preffïon d'un corps plus nombreux encore qui fe précipitoit a leur fuite , 'pafferent le Jaxartes, & fe jettant fur Baöre , comme un torrent irréfiftible , écraferent ce royaume, & mirent fin a 1'empire des Grecs (i) dans ces contrées , qui y étoit établi depuis environ cent trente ans (2). Depuis cette époque jufqu'a la fin du tminzieme fiecle, que les Portugais, en doublant le Cap de Bonne - Efpérance , ouvnrent une nouvelle communication vers 1'Eft, & porterent leurs armes victoneufes dans toute 1'étendue del'Inde; aucune puiffance Européenne n'y avoit etabh fon empire, ni fait des acquifitions territoriales. Pendant ce long efpace de plus de feize cents ans, tout proiet de conquete dans 1'Inde paroit avoir été entierement abandonné, & chaque peuple (1) Mém. de littérat. toni, xxv f pag. l? j &c> (a) Voyez note ij. C  5 o Recherches hijlorïques n'a cherché qu'a s'affurer un commerce avec cette riche contrée. C'eft en Egypte que le fiege de ce commerce fut établi; & l'on ne peut que setonner de la promptitude & de la regularité avec laquelle le commerce avec 1'Orient s'eft fait par ce canal, que lui avoit tracé la fagacité d'Alexandre. Ptolomée, fils de Lagus, auffi-töt mul eut prispoffeffion de 1'Egypte, fit d Alexandrie le fiege du gouvernement. Quelques coups d'autorité, plufieurs aaes de liberalité, mais fur-tout la douceur & la iuflice vantée de fon adminiftration , atlirerent un fi grand nombre d'habitans autour de fa nouvelle réfidence, que cette ville étonna bientöt par fa nchefle & fa population. Comme de tous les officiers cUAlexandre, Ptolomée étoit celui qui avoit le plus mérité & obtenu fa confiance , il favoit trés-bien que fon but principal en fondant Alexandrie, avoit été de s'affurer les avantages qui refultoientdu commerce avec 1'lnde.Il falloit, pour 1'exécution dece deffein , un regne long & heureux; & quoique les auteurs anciens ne nous aient pas mis a portee d'apprécier les démarches de Ptolomeei è ce fujet, il nous a laiffé une preuve Frapoante du grand intérêt qu'il attachol  fur Vlndi ancunne. *tix affaires maritimes, dans le fanal de -liile de Pharos, bati è 1'embouchure du port d'Alexandrie (i) ; ouvrage qui, paf ia magmficence, a mérité d'être mis au -nombre des fept merveilles du monde. <2uant aux arrangemens de commerce de fon fils Pfolomée-Philadelphe , ils nous lont beaucoup tnieux connus. Pour faire -d Alexandrie le cenfre du commerce de linde , qui commencoit k fe ranimer k iyr, (on anC1en féjour (z), il imagina de conffnure un canal de cent coudées de large, & de trente de profondeur, entre Arfinoè fur la mer Rouge, non lom de I emplacement de la nouvelle Suez & Ia branche pélufienne ou oriëntale du Md par e moyen duquel on auroit pu condune les marchandifes de 1'Inde dans cette capitale, entiérement par eau. Mais, ioit qu on au vu quelque danger dans fa confedhon , foit que la navigation lente dangereufe de 1'extrêmité feptentrionale de la mer Rouge 1'ait rendu abfolument inutile , eet ouvrage n'a jamais été acneve ; pour faciliter la communicarion avec linde, i! fit batir fur la cote occidentale de cette mer, & prefque fous le (1) Strab. liv. xvn, pas;. ,i40, Q. (2) btrab, lij, xyi, 1085. A. C ij  52 Recherches hijlorlques tropique, une ville a laquelle il donna le nom de Bérénice (i). Cette nouvelle ville devint bientöt 1'entrepöt du commerce avec 1'Inde (2). De Bérénice, les marchandifes étoient traniportées parterre jufqu'a Copte, ville k trois tailles dediftance du Nil , mais qui s'y joignoit par un canal navigable dont on trouve encore les reftes (3); de-la elles étoient conduites par eau a Alexandne. 11 y avoit entre Bérénice & Copte, felon Pline, une diftance de deux cents cinquante-huit milles romains, & le chemin étoit coupé a travers le défert, prefque fans eau, de la Thébaïde. Mais la vieilance d'un monarque puiffant fut bientöt fuppléer a ce défaut, en faifant chercher des fources , & par-tout ou 1'on en trouvoit, batir des auberges, ou plu tot, a la maniere oriëntale, des Caravanierais, pour la commodité des marchands (4). Ceft par cette voie que le commerce de ï'Orient & de 1'Occident continua de fe faire pendant deux cents cinquante ans, (1) Strab. Hv.xyn, 1156. D. Plin. Hift.nat.1 liv. VI, ch. 29. (z) Voyez note 16. (3) D'Anville, Mém. de 1'Egypte, p. 2,1. (4) . Strab. liv. xvii, p. 1157. D. 1169.  fur flnde anCitnne. 53 fant que le royaume d'Egypte conferva fon indépendance. Les vaiffeaux defiinés pour 1'Inde partoient de Bérénice , & cötoyant le golfe Arabique jufqu'au promontoire de Syagre, aujourd'hui le Cap Rafalgate, fuivant Pancienne marche de fa navigation, continuoient leur courfe le long de la cöte de Perfe droit a Pattale (aujourd'hui Tatta) a la tête du Delta inférieur, de 1'Indus, ou a quelque autre marché fur la cöte occidentale de Pinde. Le'commerce femble avoir été long-temps borné fous la prote&ion des monarques égyptiens, a cette partie de 1'Inde qu'Alexandre avoit vifitée & foumife. On adopta dans Ia fuite un plan plus commode ; & du Cap Rafalgate, les vaiffeaux fe rendoient en droite ligne a Zizer. Suivant M. de Montefquieu (i),c'étoit Ie royaume de Siger, fitué fur la cöte de la mer voifine de 1'embouchure de 1'Indus, conquis par les rois grecs de la Bactriane ; fuivant le major Rennen (i) ; c'étoit un port fur la partie feptentrionale de Ia cöte de Malabar. Les auteurs anciens n'ont rien dit qui nous mette a (1) Efprit des Loix, liv. xxi, ch. 8. {2) Introduc. pag. 37. C iij  54 Recherches hiflórljuts même de prononcer avec certitude entre ces deux opinions. Nous ne pouvons pas affurer non plus quels étoient les autres ports de 1'Inde oü fe rendoient les marchands de Bérénice, lorfque ce commerce fut ouvert pour la première fois. Comme ils fe fervoient de petits vaiffeaux qui marchoient lentement Ie long de la cöté dont ils n'ofoient s'écarter, il efi probable que leurs voyages fe renfermoient dans un cercle très-étroit; & que, fous les Ptolomée, les découvertes' que Pon fit dans 1'Inde, fe bornerent a très-pe.u de chofe (i). C'eft le monopole du commerce parmer entre 1'Orient & 1'Occident, dont PEgypte jouit long-temps, qui éleva ce. royaume k ce haut degré de pouvoir ö£ d'opulence^ont 1'univers fut étonné. Dans nos temps modernes, oü nous fommes accoutumés a voir les opérations rivales du commerce fe croifer & fe devancer , rien ne doit. paroïtre plus étonnant dans 1'hiftoire ancienne que cette indifférence avec laquelle on a laiffé les fouverains de 1'Egypte s'emparer exclufivementd'un. commerce auffi lucratif, fans faire Ie moindre effört pour leleur enlever; d'au- (t) Voyez note 17.  fur Pinde anc'unne. 55 tant que les pulflans monarques de Syrië , du fein du go'.fe perfique, auroient pu entretenir des liaifons avec les mêmes parties de 1'Inde par un trajet beaucoup plus court & beaucoup plus fur. DifFérentes confidérations paroiffent les avoir engagés a faire lï aifément le facrifice d'un commerce qui préfentoit tant d'avantages. Les rois d'Egypte, par leur attention continuelle aux affaires de la mer, s'étoient fait une flotte qui leur donnoit fur eet élément un empire fi abfolu , qu'ils auroient confondu dans 1'inftant le premier rival qui eüt ofé leur en difputer le commerce. II ne paroït pas qu'il ait jamais exifté aucune liaifon maritime entre 1'Inde & Ia Perfe. Ce peuple avoit une fi grande averfion pour la mer, ou craignoit tellement les invafions des étrangers, que fes monarques (comme je 1'ai déja obfervé) mettoient le plus grand foin k barrer la navigation des grandes rivieres qui communiquoient a 1'intérieur du pays. Cependant, comme leurs fujets ne fe montroient pas moins jaloux que leurs voifins de jouir des riches produdions de Pinde & des élégans ouvrages qui fortoient de fes manufaftures, on les leur amenoit par terre dans toute 1'étendue C iv  56 Recherches hijloriqties de leurs yaftes poffeffions. Les marchar> difes deftinées a 1'approvifionnement des provinces du Nord étoient tranfportées fur des chameaux, depuis les bords de 1'Indus jufqu'a ceux de 1'Oxus , dont elles iuivoient le cours jufqu'a la mer Cafpienne, d'oü elles étoient diftribuées,, tant par terre que par les rivieres navigables dans les différentes contrées borrées d'une part par la mer Cafpienne , & de 1'autre par Ie Pont-Euxin (1). Les marchandifes de 1'lnde , deftinées aux provinces du Midi & de 1'intérieur, s'avan§oient par terre des extrêmités de la mer Cafpienne a quelques-uns des grands fleuves, d'oü elles fe répandoient dans le refte du pays. Telle étoit 1'ancienne maniere de commercer avec 1'Inde, tant que 1'empire de Perfe fut gouverné par fes princes naturels; & Pexpérience de tous les fiecles a démontré que lorfqu'une branche de commerce quelconque s'efi ouvert une certaine route, quoiqu'elle ne foit ni la plus ahrégée ni la plus commode, il faut un temps & des efforts confidérables pour lui faire prendre une autre direcfion (2). (1) Strab. liv. xii, 776. D. PHn. Hift. nat, liv. vi, ch. 17. (2) Voyez note 18;  fur 1'Inde ancienne, A toutes ces raifons de laifler aux monarques d'Egypte Ia tranquille poffeffion du commerce maritime avec 1'Inde , on peut en ajouter une derniere. Plufieurs des anciens , par une erreur en géographie tout-a-fait inconcevable , & dans laquelie ils perfiftoient, malgré les occafions répétées qu'ils avoient d'être mieux iriftruits, s'imaginoient que la mer Cafpienne étoit une branche du grand Océan feptentrional; au moyen de quoi les rois de Syrië pouvoient efpérer d'ouvrir avec l'Europe une communication par oü ils feroient paffer les riches produaions de 1'Orient, fans chercher k fréquenter ces mers, dont les rois d'Egypte fembloient regarder la navigation comme leur droit exclufif. Les Grecs s'étoient de bonne heure occupés de ce plan , Iorfqu'ils fe rendirent maitres de 1'Afie. Séleucus-Nicator, Ie premier & le plus habile des rois de Syrië, dans le temps oü il fut affaffiné , s'occupoit des moyens de joindre la mer Cafpienne au Pont-Euxin par un canal fj); & fi cette jonaion eüt eu lieu, outre 1'étendue de leur commerce en Europe , fes fujets auroient pu approvifionner des produaions de 1 Inde (.:} Pline, Hift. nat. liv, vi, ch. ur G v  j 8 Recherches JujloHquèi toutesles contrées feptentrionales de I'Afiefur les cötes du Pont-Euxin, & de plus toutes celles qui s'étendent, du cöté de 1'Orient, depuis la mer Cafpienne. Comme ces pays, quoiqu'habités aujourd'hui par une race d'hommes miférablès & peu nombreux, fans tréfors, fans induflrie „ étoient autrefóis extrêmement peuplés & couverts de villes riches & confidérables , on a du regarder cette branche de commerce comme affez importante par fa grandeur &.fon utilité, pour mériter qu'un grand roi s'occupat des moyens de s'en affurer la poffeffion. Mais, tandis que lés monarques d'Egypte & de Syrië travailloient a 1'envi les uns des autres a affurer a leurs fujets lés avantages du commerce de Pinde, il s'éleva dans l Occident une puiffance également fatale aux uns & aux autres. Les Romains, par la vigueur de lèurs inflitutions militaires & la fageffe de leur conduite politique, s'étant rendus maïtres de toute 1'Italie & dé la Sicile renverferent bientöt la république rivale de Carthage, fóumirent la Macédoine Sc la Grece, étendirent leur empire jufqu'en Syrië, & enfin tournerent leurs armes yiclorieufes contre 1'Egypte , le feuP royaume qui reftat de ceux qu'ayoient éta-  fur Clnde ancienné. h\ls les fucceffeurs d'AIexandre le-Grand, Après une fuite d'événemens qui n'entrent pas dans le cours de cette differtation, 1'Ëgypte fut annexée è 1'empire romain, & réduite en province romaine par Auguffe. Comme il en connoiffoit foute 1'importance , non-feulement il la rangea au nombre des provinces immédiatement foumifes è i'autorité impériale, par une fuite de cette prévoyante fagacité qui étoit le point efféntiel de fon caraétere; mais auffi H employa différentes précautions, bien conmies des favans, pour s'en affurer la- poffeffion. Cette extreme follicitude venoir probablement de ce qu'il regardoit TEgypte, non-feulement comme un des prtucipaux greniers d'oii dépendoit la fubfiftance de la capitale, mais comme lefiegede cécommerce lucratif qui avoit accumulé, dans les mains de fes anciens monarques, ces richeffes énormes, qui excitoient 1'admiration & 1'envie des autres princes, & qui, yerfées dans le tréfor de 1'empire, produifirent a Rome un dérangement vifible dans la valeur des propriétés & dans ks moeurs de eette république. C vj'  6o Recherches hijloriqtie? ■ i nu re—m,!'» ihimiihii i ii ■■ ■■inwin—minimum S'ECTION II. Commerce avec tlnde, depuis Vètabliffement de la dominaiion romaine en Egyp-~ te, jufqu'a la conquéte de ce pays par les Mahométans. JL ors de la conquête de 1'Egypie par les Romains, & la réduction de ce royaume en province de leur empire , le commerce avec 1'Inde continua de fuivre la même marche, fous leur puiffante proteöion: Rome , enrichie des dépouilles & des tributs de prefque tout le monde connu , avoit pris le goüt de toutes les jouiffances du luxe. C'eft fur-tout par les nations oü ce goüt a pris faveur que les produaions de 1'Inde ont toujours été le plus eftimées. La capitale du plus grand empire qui ait jamais été établi en Europe, rempli de citoyens dont 1'unique occupation déformais étoit de goüter & de difiiper les richeffes accumulées par leurs ancêtres , avoit befoin , pour foutenir fon éclat & varier fes plailirs, de tout ce que cette région éloignée pouvoit fournir de plus exquis, de  Jiir tlnde ancler.ne'. 6t plus rare, de plus coüteux. Pourrépondre a cesbefoins, il fallut de nouveaux efForts & des efForts extraordinaires; & le commerce de 1'Inde augmenta a un point qui (comme je 1'ai obfervé ailleurs(i)) paroitra furprenant, même k ce fiecle 9 ou cette branche de commerce a été portée k un degré oii n'ont jamais atteint les fiecles précédens, pas même par la penfée. Outre les marchandifes de 1'Inde qui arrivoient k la capitale de 1'empire par Egypte, les Romains en recevoient une feconde provilion par un autre canal. Dés les temps les plus reculés, il paroit y avoir eu quelque communication entre la Méfopotamie & les autres provinces le long de 1'Euphrate, & lesparties de la Syrië & de la Paleftine qui avoifinoient la Méditerranée. Le départ d'Abraham du pays d'Ur, & celui des Chaldéens pour Sicbem dans la terre de Canaan, en font la preuve (i). Le voyage a travers Ie défert qui féparoit ces pays,étoit adouci par la quantité d'eau qu'on y trouvoit dans un lieu fufeeptible de culture. A mefure que le commerce s'ac- (1) Hift. de TAmér. voï. i, pae. k. (?) Genefe, xi & xiu  £ï Recherches hijhriques crut, la poffeffion de ce lieu devint un ©bjet fi important, que Salomon , lorfqu'il s'oecupa des moyens d'étendre le trafic parmi fes fujets, y fit batir une ville entourée de paliffades (i). Son nom Syrien de Tadmor dans le défert, & celui de Ralmyrt qui lui venoit des Grecs, an*> noncent tous les deux fa fituation dans un lieu planté de palmiers. Ce lieu eft abondamment pourvu d'eau & envi" sonné d'une portion de terre rertile qui , quoique peu eonfidérable, en fait un féjour délicieux au milieu d'un défert fablonneux & inhabitable. Son heureufe pofition, a un peu plus de foixante milles de PEuphrate , & de deux cents trois de la cöte la plus proche dë la Méditerranée , fit embraffer avec ardeur a fes habitans Ia commiffion de voiturer les marehandifes de 1'un de ces endroits a Tau* tre. Comme les plus précieufe-s productions de 1'Inde qui, du golfe perfique, remontent 1'Euphrate , font d'un volume a fupponer la dépenfè d'un long charroi , cette partie de commerce devint bientot fi eonfidérable , que Palmyre s'éleva rapidemeni a la puiffance Sc aux richeffest Son gouvernement avoit la forme qui (:} ï. Rois, ix, 18, a( duoi), viii, 41  fur Pinde ancl'enm. C|3" convïent le mieux a une jville commer^ §ante, la forme républicaine;, & quoique en vironnée de voifins puiffans &i ambitieux, elle conferva long-temps fon indépendance, ce qu'elle dut aux avantages particuliers de fa fituation & a Pac? tivité de fes habitans. Sous les monarques Syriens ,. defcendus de Séleucus r elle s'éleva au plus haut degré de gloire & de richeffe , qu'elle paroït fur-tout avoir acquife en approvifionnant leurs, fujets des marchandifes de 1'Inde. Lorfque la Syrië eut plié fous les armes in» vindbles des Romains , Palmyre fe conferva libre pendant plus de deux centsans encore, & fon amitié étoit recherchée avec empreffémenf & avec follicitude par ces fiers conquérans & par les Parthes qui leur difputoient 1'empire. C'eft Appien , auteur affez digne de foi,, qui nous apprend qu'elle fut en relation. de commerce avec ces deux puiffances,; & que Rome & fes provinces recevoient; d'elle les produclions de Pinde (i). Mais en rendant compte des progrès du commerce des anciens avec 1'Orientje n'aurois pas hafardé, fur fon feul témoignage5 (i) Appian. de Bello civil, lib, v, p, 107$, eüir, Tullji,  64 Recherches hijïoriques d'indiquer cette route comme une des principales qu'il fuivit, li une découverte finguliere, que nous devons k la noble curiofité & au caradlere entreprenant de nos concitoyens , ne venoit pas a 1'appui de ce qu'il rapporte. Vers la fin du dernier fiecle, quelques Anglois de notre faftorerie k Alep, excités par tout ce qu'ils entendoient raconter dans'' 1'Orient des ruines magnifiques de Palinyre, concurent le deffein , malgré Ia fatigue & les dangers d'un voyage k travers le défert, de les aller examiuer euxmêmes. Ils furent très-étonnés de voir une étendue de terre de quelques milles, d'un afpeft fécond, qui s'élevoit, comme une iile , du fein d'une vafte plaine de fables , couverte de débris de temples, de portiques , d'aqueducs 85 d'autresouvrages publics, qui, en éclaf & en magnificence, & quelques • uns même en élégance , pouvoient aller de pair avec Athenes ou avec Rome , dans les jours de leur plus grande gloire. Attirés par la defcription qu'ils en avoient donné, environ foixante ans après , une compagnie de voyageurs plus éclairés, ayant examiné de nouveau les ruines de ialmyre d'un oeil plus attentif, & avec des procédés plus favans t déclarerenC  fur tlnde ancunne. 6f que ce qu'ils avoient vu furpaffoit lesplus hautes idéés qu'ils avoient pu s'en faire (i). D'aprèsce doublé récit, & en fe rappellant le degré extraordinaire de puiffance auquel Palmyre s'étoit élevée, k 1'époque oü 1'Egypte, la Syrië, la Méfopotamie & une partie eonfidérable de i'Afie mineure furent foumifes a fes armes; oü Odénate, fon premier magiftrat, fut décoré de la pourpre impériale, & Zénobie difputa 1'empire de 1'Orient a Rome fous un de fes plus belliquèux empereurs; il eft évident qu'un état qui n'étoit prefque rien par fon propre territoire, n'a pu devoir fon agrandiffement qu'aux avantages d'un commerce étendu. Le trafic de Pinde en étoit inconteftablement la branche la plus eonfidérable & la plus lucrative. Mais il eft bien mortifiant, en cherchant des lumieres dans 1'hiftoire des temps paffes, de voir que les exploits des conquérans qui ont ravagé la terre, & les caprices des tyrans j qui ont fait Ie malheur des nations, y I font rappellés avec la plus minutieufe Sc I fouvent Ia plus dégoutante exaöitude ; : tandis que la découverte des arts utiles y (i) Ruines de Palmyre, par Wood, p. 37»  66 Recherches hi(lo;iqius Sc Pavancement des branches les plus profitables du commerce , y font paffes fous filence , & abandonnés a 1'oubli des temps. Après la conquête de Palmyre par Aurélien, le commerce ne s'y releva jamais. Aujourd'hui quelques chetives cabanes de pauvres Arabes font éparfes dans les cours de fes temples fuperbes, ou défigurent 1'élégance de fes portiqnes, & préfententle plushumiliant contrafte avec fon ancienne grandeur. Mais tandis que les marchands d'Egypte & de Syrië redonbloient d'aclivité & d'émulation pour fournir aux demandes que Rome ne ceffoit de faire des marchandifes de 1'Inde, 1'avidité du gain (comme l'obferve Pline) rapprocha 1'Inde elle-mêrne du refte du monde. Dans le cours des voyages qu'ils y faifoient, les pilotes Grecs Sc Egyptiens ne purent s'empêcher de remarquer les changemens reguliers des vents périodiques ou mouffons, Si avec quelle conftance ils fouf> ftoient de 1'Orient une partie de 1'année,, & Pautre de 1'Occident. Encouragé par cette obfervation , Hyppale , commandant d'un vaiffeau employé au commerce de 1'Inde, environ quatre-vingt ans après la réunion de PEgypte a 1'empire Ra-  fiir tlnde anc'unne. 6y. aiain, ofa fortir du cercle ennuyeuxde navigation dont j'ai parJé ; & , s'élancant hardiment de 1'entrée du golfe arabique a travers 1'Océan , fut pouffé par. les mouffons d'Oueft, jufqu'a Mufiris» qui étoit un port de cette partie de 1'Inde aujourd'hui connue fous le nom de cöte de Malabar. On regarda cette route vers 1'Inde comme une découverte fi précieufe, que, pour éternifer la mémoire de 1'inventeur, i on donna !e nom d'Hyppale au vent I dont il s'étoit fervi pour la faire (i)». Comme c'étoit-la un des plus grands efForts de navigation des anciens, & que pendant quatorze cents ans on n'a point connu de meilleure communication par mer entre le levant ók le couchant, nous en donnerons une defcription particuliere. Pline heureufement. nous a mis en état de la préfenter avec un degré d'exaci titude qu'il eft rare de pouvoir fe pro^ curer en rendant compte des opérationsi navales ou commerciales des anciens» '. D'Alexandrie è Juliopolis, il y a , felon I lui, deux milies ; c'eft lè que s'embarque fur le Nil, la cargaifon deftinée pour 1'Inde; en douze jours ordinairement elle (i) Perip. mar. Erythr, pag. 3,2.  68 Recherches hijloricjues arrivé a Copte , qui en eft éloignée de trois cents trois milles. De Copte les marchandifes font tranfportées a Bérénice , fur le golfe arabique, s'arrêtant a différens endroits de la route, fuivant le befoin ou la facilité de s'approvifionner d'eau. La diftance entre ces deux villes eft de deux cents cinquante-huit milles. Pour éviter la chaleur , la caravane ne marche que la nuit, & le voyage finit le douzieme jour. De Bérénice, les vaiffeaux partent vers le milieu de 1'été, & mettent trente jours jufqu'a Océlis (Gella), a 1'entrée du golfe arabique, ou a Cane (le Cap Fartaque) , fur la cöte de 1'Arabie heureufe; de-la ils fe rendent en quarante jours k Muiiris, le premier entrepot de 1'Inde. Ils fe difpofent k retourner chez eux dès le commencement du mois Egyptien Thibi, qui répond a notre mois de décembre; ils partent par un vent de Nord Eft, auquel fuccede a leur entrée dans-le golfe arabique un vent de Sud ou Sud-Oueft, & finiffent ainfi leur voyage en moins d'une année (i). Ce que Pline nous dit de Mufiris & (i) Pline, Hifi. nat. liv. vi, ch, 25. Voyeznote 19.  fur Pinde ancienne. 69 de Barace, autre port peu éioigné, que fréquentoient auffi les vaiffeaux venus de Bérénice, qu'ils étoient tous deux trèsincommodes pour le commerce , a raiïon du peu d'élévation de leurs eaux, qui obligeoit a fe fervir de petits canots pour charger & décharger les vaiffeaux, nous empêche de pouvoir fixer avec précifion 1'endroit oü ils étoient fitués. Ce récit convient a plufieurs ports de la cöte dé Malabar; il n'en differe que par deux circonftances, a favoir : que ces deux ports ne font pas très-éloignés de Cottonora , pays très-fertile en poivre; & que le chemin qui y conduit laiffe voir de prés Nitrias , rendez-vous des pirates : je penfe, comme le major Rennell, qu'ils étoient fitués quelque part entre Goa & ' Tellicherry , & que, probablement, la moderne Meerzav ou Merjéé répond k la Mufiris des anciens , & Barcelore è. leur Barace (1). Comme ces deux ports étoient le principal entrepot du commerce entre 1'Egypte & 1'Inde aux jours de fon plus grand éclat, c'efl la, je crois, qu'il convient de faire des recherches fur la nature du commerce que les anciens, & fur-tout les Romains, faifoien.t avec (1) Introduc. pag. 37.  Recherches hijioriques ce pays, & fur le nombre des marchandifes les plus eftimées qu'ils en rapportoient. Mais comme les opérations du commerce, & la maniere de le faire, étoient des objets très-peu fuivis dans les états de 1'antiquité fur les tranfa&ions defquels nous ayons quelque connoiffance pofitive; leurs hiftoriens daignent a peine effleurer un fujet qui enlroit pour fi peu de chofe dans leur fyftême politique, & ce n'eft que par des indices trésabrégés, des faits détachés , desobfervations incidentes , que nous pouvons nous en faire quelque idéé (i). Dans tous les fiecles, c'eft plutöt le luxe que le befoin qui a été 1'objet du commerce entre 1'Europe & 1'Inde. Ses élégantes manufacfures, fes épices, fes pierres précieufes ne font rien aux yeux d'un peuple iimple, & feroient même trop cheres pour lui. Mais au temps oü les Romains s'emparerent du commerce de 1'Inde , non-feulement , comme je 1'ai déja obfervé, ils étoient arrivés a ce degré de civilifation oü les hommes faififfent avec avidité tout ce qui peut ajouter aux plaifirs ou au luxe de la vie ; mais auffi ils avoient pris tous les goüts (i) Voyei note 2.Q,  fur tlnde anclenne. 71 fantaftiques nés du caprice & de 1'extravagance des richeffes. Ils ne pouvoient [ donc qu 'être extrêmement flattés de tous ces nouveaux objets de jouiffance que 1'Inde leur fourniffoit en fi grande abonI dance. II paroit que les producfions de | ce pays , tant naturelles que facfices, : étoient a très-peu prés les mêmes qu'auj jourd'hui. Mais, a beaucoup d egards, les goüts des Romains ne reffembloient pas a ceux de nos jours , & par conféquent leurs demandes devoient différer des nötres dans la même proportion. Pour donner de ces demandes 1'idée la plus complete qu'il 1'oit poffible d'en avoir, je ferai d'abord quelques remarques fur les trois grands objets d'importation générale de 1'Inde. 1. Les épices & les aromates; 2. les pierres précieufesöc les perles; 3. la foie. Je préfenterai enfuite un état auffi circonftancié que les autorités dont je m'appuie pourront le permettre, de 1'affortiment des cargailbns, tant pour Ie dehcrs que pour le dedans, chargées fur les vaiffeaux ex'pédiés a Bérénice pour les ditférens ports de 1'Inde. ; I. Epices & aromates. D'après Ie mode ) de culte religieux de l'ancien paganifme, j le nombre incroyable de fes diyinkés &c  yz Recherches hifioriques des temples qui leur étoient confacrés, la conlommation de 1'encens & des autres aromates employés dans toutes les fonctions facrées , a dü être très-confidérable, Mais la vanité des hommes, encore plus que leur piété , occalionnoit une grande confommation de ces fubftances odoriférentes. C'étoit la coutume des Romains de brüler les cadavres de leurs morts , & pour le faire avec magnificence , il falloit couvrir des épices les plus coüteufes, nonfeulement le. corps, mais le bücher funebre fur lequel il étoit étendu. Aux funérailles de Sylla , on répandit fur fon bücher deux cents dix charges d'aromates, On dit que Néron , aux obfeques de Poppée, brüla plus de canelle Sc de caffiaque n'en produifent dans une année les pays d'oü 1'on tire ces aromates. Nous coniümons avec les corps des morts (dit Pline) des monceaux de ces fubftances précieufes : nous les offronsaux dieux, 6c nous ne les leur offrons qu'en grains (i). Ce n'étoit pas de 1'Inde, je préfume, mais de 1'Arabie , que les aromates furent d'abord apportés en Europe; quelques-uns même, &£ fur-tout 1'encens, étoient des producfions (1) Hift. nat. liv. xii, ch. 18,  fur 'Pinde ancienne. produftions de ce dernier pays. Mais, -outre les épices de leur cru, les Arabes étoient en poffeffion d'enfournir aux marchands étrangers de plusprécieufes, qu'ils alloient chercher eux- mêmes dans linde & dans les pays au-dela. Les relations de commerce des Arabes avec les oarties orientales de 1'Afie , furent non-feulement trés-anciennes ( comme nous 1'avons déja dit ) , mais encore très-confidérables. Au moyen de leurs caravanes commercantes, ils faifoient entrer dans leur propre pays toutes les produaions précieufes de 1'Orient, parmi lefquelles les épices tenoient un des premiers rangs. Dans tous les états anciens qui nous font parvenüs des marChandifes de 1'Inde , les épices & les aromates de tous les genres fbrment un des principaux articles (r). II y a des auteurs qui foutiennent que la plus grande partie des marchandifes de cette efpéce qu'on j achetoit en Arabie, n'étoient pas des pro| dudions de ce pays, mais qu'elles y arrivoient de 1'Inde (2). Les obfervations faites dans des temps rnodernes , viennent è 1'appui de cette aflérrion. L'encens (1) Péripl. mar. Eryth. pag. a2 , 2g. $,rab. liV. II pag. ,56. A. lib. xv, p. 1018. A. (2) btrab. hv. xvn, peg. 1129. C. D '  74 Recherches hiflorlques d'Arabie, quoique reconnu comme 1'une plus précieufes produftions particulieres è ce pays, eft cependant d'une qualité irès-inférleure a celui qu'on y apporte de 1'Orient; c'eft de ce dernier fur-tout que font formés les envois confidérables que les Arabes font de cette marchandife dans les différentes provinces de 1'Afie (i). Ce n'eft donc pas fans raifon que j'ai cité ï'importation des épices comme 1'une des branches les plus confidérables de Panden commerce avec 1'Inde. II. Les pierres précieufes avec lefquelles nous pouvons comprendre en mëmetemps les perles, femblent être le fecond en valeur des objets précieux que les Romains tiroient de 1'Orient. Comme ces articles ne peuvent être d'aucune utilité réelle, leur valeur eft abfolument proportionnée a leur beauté & a leur rareté, & montetoujourstrès-haut, quelque modérée que foit 1'eftimation qu'on en peut faire. Mais, parmi les nations oiile luxe a fait de grands progrès, lorfqu'on ne les regarde pas feulement comme un ornement, mais auffi comme marqués dediftinclion, 1'opulence & la vanité fe les dif- (i) Niebuhr, Defcript. de 1'Arabie, tom. ij pag. 126.  fur tlnde anciennt. putent avec tant d acharnement, qu'il n y a plus de bornes a leur valeur. Ouoique 1 art de failler les diamans fut affez Peu avancé chez les anciens, ils en faifoient aufli bien que nous un trés-grand cas La valeur relative des autres pierres précieufes varioit fuivant la diverfité des gouts & le caprice de la mode. La lifle immenfe que Pline nous en préfente , & latrention fcrupuleufe avec laquelle il peint leurs nuances & leur affigne un rang (i) , etonnera , je crois , le lapidaire ou le bijoutier le plus habile de nos jours, & prouve avec quel empreffement les Romains cherchoient è fe les procurer. Mais de tous les objets du luxe, les Komains femblent avoir préféré les perles (i). Les perfonnes de tous les rangs s empreffoient de les acheter ; il n'y avoit pas une partie du vêtement qui n'en füt °rne!; %r)1 y 3 dans Ies Per,es "ne fi grande difference pour le volume & pour Ie pnx, que tandis que les riches & les grands fe paroient des plus groffes & des plus ünes, il y en avoit d'un moindre volume & d'une qualité inférieure pour latisfaire la vanité des perfonnes d'un (0 Hift. nat. liv. xxxyir. (2) Voyez note aj. D ij  76 Recherches hljloriqües rang moins élevé. Jules-Céfar fit préfent a Servilie, mere de Brutus, d'une perle qui lui avoit coüté quarante-huit mille quatre cents cinquante-fept livres fterüngs. Les fameufes perles qui ornoient les oreilles de Cléopatre coütoient cent foixante-un mille quatre cents cinquantehuit livres fterlings (i). II eft vrai que ce n'étoit pas feulement dans 1'Inde , mais auffi dans beaucoup d'autres pays, que Ton trouvoit & les pierres précieufes & les perles, mais il n'y en eut jamais affez pour 1'orgueil de Rome. L'Inde cependant en fourniffoit la plus grande partie, Sc de 1'aveu général, rien n'étoit au-deffus de fes produaions, pour 1'abondance ; la variété & le prix. III. Une autre produaion de 1'Inde fort recherchée a Rome, c'étoit la foie; & quand on fe rappelle a combien d'étoffes élégantes elle peut-être employee, & combien ces étoftes ont ajouté a 1'éclat de la parure Sc de Ameublement, peut-on s'étonner du grand^ cas qu'en faifoit un peuple abandonné au luxe ? Le prix de la foie étoit exorbitant; auffi fut-elle regardée comme un vêtement (ï) Pline, Hift. nat. liv. K, ch, 35. Voyez note 12.  fur tlnde ancienne. 77 tfop coüteux & trop délicat pour les hommes (1), & 1'ufage en fut borné aux femmes d'un rang & d'une opulence diftinguée. Cependant on n'en fut pas moins empreffé a fe la proeurer ; fur-tout lorfqu'a 1'exemple du diffolu Héliogabale, qui en introduifit 1'ufage parmi 1'autre fexe, les hommes s'endurcirent a la honte (car c'en étoit une dans la févérité des anciennes mceurs) de porter ce vêtement efféminé. Le trafic de la foie chez les Romains préfente deux circonftances dignes d'être obfervées. Contre 1'ordinaire de ce qui arrivé dfens les opérations du commerce, 1'ufage plus fréquent de cette marchandife ne paroït pas en avoir augmenté 1'importation dans une proportion égale au nombre toujours croiffant des demandes , &C le prix de Ia foie demeura conftamment le même pendant Pefpace de deux cents cinquante ans, c'eft-a-dire , depuis 1'inftant oü 1'ufage en fut connu a Rome. Sous le regne d'Aurélien, elle continua toujours d'être évaluée au poids de 1'or. La cherté de cette marchandife venoit probablement de Ia maniere dont les négocians d'Alexandrie la faifoient parvenir. Ils n'a- (1) Tacit. Annal. liv 11, ch. 33. D iij  jS Recherches hifloriques voient point de commuaication directe avec Ia Chine, le feul pays oü le ver a foie étoit élevé, & ou 1'on faifoit de fon travail une branche de commerce. Toute la foie qu'ils achetoient dans les différens porïs de Pinde oü ils fe ren» doient, y étoit apportée par des vaiffeaux du pays; &, foit que Part de foigner le ver a foie fut ma! connu , le produit de fon admirable induftrie étoit très-foible chez les Chinois, oü ceux qui Pachetoient de la feconde main trouvoient plus d'avantage è le porter au marché d'Alexandrie en petite quantité, mais a un fort haut prix , que d'en faire baiffer la valeur en le rendant plus commun. L'autre circonftance dont je voulois parler, eft plus extraordinaire encore, & prouve d'une maniere-frappante combien les Communications avec les nationséloignées,étoient alorsmal établies,& quelle mince connoiffance ils avoient de leurs arts & de leurs produclions naturelles. Quelque cas que I'on fit des ouvrages en foie, &c quoique les auteurs Grecs & Romains en parient beaucoup, ily avoit déja plufieursfit-cles que l'ufage en étoit devenu trés-commun,& 1'on ne connoiffoit avec certitude ni les pays auxquels on devoit une branche de luxe ü recherchée t: rih.  fur Pinde ancienne. 79 la maniere dont elle étoit produite. Quelques-uns fuppofoient que la foie n'étoit qu'un duvet trés-fin, attaché aux feuilles de certains arbres ou de certaines fleurs; d'autres s'imaginoient que c'étoit une efpece de laine ou de coton plus précieufe; enfin, ceux qui favoient qu'elle «toit 1'ouvrage d'un infefte , font voir, par leurs defcriptions, qu'ils n'avoient aucune idéé nette de la maniere dont elle fe formoit (1). Ce ne fut qu'a la fuite d'un événement arrivé au fixieme fiecle de 1'ere chrétienne, &i dont j'aurai occafion de parler , que la véritable nature de la foie fut connue en Europe. Les autres marchandifes qu'on tiroit communément de 1'Inde, trouveront leur place dans le cofnpte que je vais rendre des cargaifons qui partoient & qui arrivoient fur les vaiffeaux employés a ce commerce. Nous devons ces détails ^ ua ouvrage fur la navigation de la mer Erythrée , attribué a Arrien; traité curieux quoique peu étendu , & qui donne fur le commerce des lumieres que Ton eft bien loin de trouver dans aucun auteur ancien. Le premier endroit de 1'Inde 011 les vaiffeaux d'Egypte, tant qu'ils ref- (s) Voyez note 23. D iv  ciO Recherches icijioriques terent fideles a 1'ancien plan de navigation , alloient ordinairement faire leur commerce, étoit Patale, fur le fleuve Indus. lis y portoient du drap léger, du linge ouvré, quelques pierres précieufes, & des aromates inconnus dans 1'Inde ; du corail, du fiorax, des vaiffeaux de verre de différentes efpeces , de 1'orfé-* vrerie , de 1'argent & du vin. Ils prenoient en retour des épices de plufieurs fortes, des faphirs & d'autres pierres précieufes , des étoffes de foie, de la foie £!ée , des draps de coton (i), & du poivr.e noir. Mais un marehé bien plus eonfidérable fur Ja même cöte, c'étoit B^rygaza ; auffi 1'auteur que je copie ici entre-t-il dans les détails les plus circonftanciés & les plus exa£ts fur fa fituation & fur la maniere d'y arriver. Sa fituation répond exa&ement a cellé de Baroach fur la grande riviere Nerbuddah , par Jaquelle toutes les produöions dg 1'intérieur du pays arrivoient, ou bien par terre, depuis la grande ville de Ta* gara , en traverfant de hautes montagnes (2). Les objets d'importation & d'exportation dans ce fameux marché (1) Voyez note 24. (2) Voyez note aj.  fur 1'Inde ancienrif, 8s n'étöient pas moins divers que mu'tipliés. A la lifte des premiers notre auteur ajoute des vins d'Italie, deGrece, d'Arabie, ducuivre, del'étain ,du plomb, des ceintures d'un tiffu curieux, 1'herbe appellée Mélilot, du verre blanc, de 1'arfenic rouge, du plomb noir, des pieees d'or Si. d'argent. II compte parmi les feconds, 1'onix & d'autres pierres précieufes, 1'ivoire , la myrrhe, diverfes étoffes de coton , tant fimples qu'ornées de fleurs; enfin du poivre long (i). A Mufiris, le fecond marché eonfidérable fur cette cöte , les objets d'importation étoient prefque abfolument les mêmesqu'a Barygaza; mais comme elle fe rapprochoit davantage des parties orientales de 1'Inde, avec lefquelles elle paroït avoir eu de trés - grands rapports, les marchandifes qu'on en exportoit étoient en beaucoup plus grand nombre, Si beaucoup plus précieufes. II cite entre autres des perles en grande abondance, Si d'une beauté rare , une multitude d'étoffes de foie , de riches parfums, des écailles de tortues, plufieurs efpeces de pierres tranfparentes, des diamans fur- (i) Pétipl. mar. Eryihr. pag. 28. D v  §2 Recherches hijloriques tout, & du poivre en très-graride aboni- dance &c de la meilleure qualité (i). Tout ce que eet auteur dit ici des objets exportés de 1'Inde, eft confirmé par une loi romaine oü fe trouve l'énumération des marchandifes de 1'Inde fujattes au paiement des droits (2). En comparant ces deux états, nous pouvons nous faire une idéé affez exacfe de lanature & de 1'étendue de l'ancien commerce avec 1'Inde. Comme 1'état de la civilifation &£ des mceurs eft prefque encore aujourd'hui chez les Indiens au même point oü il étoit lors de nos premières relations avec eux , leurs befoins 6c leurs demandes font auffi, a très-peu de chofe prés, les mêmes. Ils trouvoient a eet égard tant de reffources dans 1'habileté de leurs pt oi pres ouvriers, qu'ils avoient peu befoin^ des productions & des manufacfures de 1'étranger, fi ce n'eft de quelque métaux utiles qu'ils ne trouvoient pas chez eux en affez grande abondance ; 6c alors, comme aujourd'hui, c'étoit fur-tout avec de Por & de 1'argent que 1'on achetoir (1) Ibid. 31, 32. (2) Digefte, liv. xxxiv, tit. iv, paragrap. i€< Des fermiers &. des irnpóts.  fur tlnde anciennev 83 fes puiffances de 1'Orierft. II eft cependant deux points oü nous différons beaHcoup des anciens quant aux- objets que npus tirons de 1'Inde eri échange. L'habillement des Grecs & des Romains confiftoit prefqu'entiérement en laine , & vu leur ufage fréquent du bain, c'étoit le vêtement le plus agréable qu'ils puffent avoir. Leur confommation de toile & de coton étoit beaucoup moindre que celle qu'ils en font aujourd'hui, que ces objets font devenus parmi eux d'un ufage général. En conféquence j une branche eonfidérable d'exportation de cette partie de Fhde avec laquelle les anciens étoient en relation, confifie a préfent en ce qu'on appelle marchandifes a la piece, comprenant fous cette dénomination mercantile ce nombre infini d'étofTes de coton créespar 1'induftriedeslndiens. Maisr autant que j'ai pu m'en affurer par moimeme, il n'exifte point d'autorité qui nous fonde a croire que ce genre d'importation ait jamais été trés-eonfidérable chez les anciens. Quoique notre commerce avec 1'Inde föit encore aujourd'hui en grande partie un commerce de luxe ; cependant, aux objets qui Ie compofent, nous joignons un grand nombre de différentes mar3D vj  $4. Recherches hijlorlqmi chandifës que 1'on ne doit regarder qus comme les matériaux de nos manufaöu-f res domeftiques. Tels font le coton-laine de 1'Indoffan , la foie de Chine , & le falpêtre du Bengal. Mais parrni les marchandiles qu'on tiroit anciennement de 1'Inde , je n'en vois point , excepté la foie crue & la foie falée , qui puiffent fervir de matériaux a nos manufaéhires nationales. La navigation des anciens ne s'étant jamais étendue jufqu'a la Chine, il paroit que la quantité dë foie non ap* prêtée, dont ils étoient pourvus par les frafiquans Indiéils , étoit fi médiocre que Femploi qu'ils pouvoient en faire ne devoit entrer que pour très-peu de chofe dans leur induftrie dömeffique. Après eet expofé fuccincf du commercè des anciens dans 1'Indê , je vais exami* ner quelle connoiffance ils pouvoient avoir des pays fitués au-dëla des ports de Müfiris &Z de Barace, dérnier térme jufqu'oiV j'ai fait connoitre leurs progrès du cóté de 1'Orient. L'auteur dë la navigation autour de la merErythrée, qui, par 1'exaöit'ude de fes defcriptions, jtiftifie la confiance avec laquelle je 1'ai fuivi dans eet endroit de mon ouvrage, paroit n'avoir connn que très-peu cette partie de la cöte qui s'étend depuis Barace  'fur FTnde ancitnm. jnfques vers le Sud. II cite bien , en pafli fant, deux ou trois ports difFérens, mais I il ne laiffe pas même entrevoir qu'au> eun d'eux fervït d'entrepöt au commerce de 1'Egypte. II fe hate d'arriver a Co• mar ou Cap Comorin, le point le plus* l méridional de la péninfule de ITnde; & : Ia defcription qu'il en donne, par fa jüfteffe & fa conformiré parfaite avec Pétat aöuel de cette ferre, prouve que la connoiffance qu'il en avoit étoit des mieux fondées (i). Prés de eet endroif. il place la pêche aux perles de Colchos,, aujourd'hui Kilkare , probablement la même que celle que font a préfent les Hollandois dans le détroit qui fépare 1'iflè de Ceylan du continent. II fait mention ! a fon voifinage de trois différens ports qui paroiffent avoir été fitués furie Coté orienfal de la péninfule acfuellement corrnue fous le nom de cöte de Coromandel. 11 les cite comme des marchés ou des entrepots de commerce (2); mais ! en examinant bien quelques circonftan': ces mêlées a la defcription qu'il en donne, il y a des raifons de croire que les (t) Péripl. pag. 33. D'Anyille, Ant. de 1'Inde, 11?, &c. C*) Péripl. pag. 34.  f6 Recherches hijlcriques vaiiTeaux de Bérénice ne fréquentoienf aucun de ces ports, quoique, felon lui, ©n y portat des marchandifes venues de 1'Egypte & les produftions de la cöte oppoiee de la péninfule; mais il paroït que c'étoient des vaiffeaux du pays qui venoient les prendre. C'étoit auffi dans leurs propres vaiffeaux , de conftruöion & de ports différens, & diftingués par des noms qu'il cite en partie , qu'ils commercoient avec la Cherfonefe d'or, ©u le royaume de Malaca, Sc les contrées voifines du Gange. Non loin de 1'embouchure de ce fleuve, il place une ifle qu'il dit être expo^ée aux. rayons du foleil levant,& qu'il cite comme la derniere région habitee de 1'Orient II paroït que notre auteur n'avoit de toutes ces parties de 1'Inde qu'une trèslégere connoiffance, fi 1'on en juge par ce qu'il raconte de cette ifle imaginaire par 1'ignorance oü il nous laiffe a leur égard , & fur-tout par cette crédulité & eet amour du merveilleux , caraclere inféparable de 1'ignorance , avec lequel" il rapporte que ces régions lointaines étoient peuplées de cannibales & d'hom- Péripl. pag. 36.  fur flnde ancünnt; %'y mes d'une figuredifforme & effrayante (i).. Je n'ai mis tant d'attention a fuivre \ le plan décrit dans la navigation de la mer Erytörée , que paree que 1'auteur i de eet ouvrage eft le premier écrivain de 1'antiquité qui nous ait fourni quelj ques détails fur la cöte oriëntale de Ia\ grande péninfule de 1'Inde, ou fur les \ pays fitués au-dela. Strabon , qui com\ pofa fon grand ouvrage de géographie i fous le regne d'Augufte, ne connoiffok | prefque point 1'Inde, fir-tout dans fesparties les plus orkntales. Dés les pre| mieres lignes de la defcription qu'il endonne , il fe recommande a 1'indulgence de fes lecteurs, vu le peu de renfeignemens qu'il avoit pu obtenir fur un pays fi éloigné , oü les Européens n'avoient été que très-rarement, & que plufieurs d'entre eux n'avoient fait qu'entrevoir dans le cours de leurs expéditions militaires. 11 obferve que le commerce mê* me n'avoit pas beaucoup contribué a laconnoiffance exacfe du pays, en ce qu'il n'y avoit eu qu'un très-petit nombre de \ marchands d'Egypte ou du golfe arabij que qui euffent pouffé leur navigation I jufqu'aux bords du Gange, & qu'il n'y (i) Péripl. pag. 35,  88 Recherches hijlorlquïs avoit prefque point de fond a faire fut les récits de gens fi peu lettrés. Ses defcriptions de 1'Inde, & fur-tout des provinces intérieures, font empruwtées prefque toutes entieres de mémoires des officiers d'Alexandre, avec quelques légeres additions de relations plus récentes, mais en fi petit nombre, & quelquefois fi inexact es , que 1'on n'a pas befoin d'autres preuves du peu de progrès que les anciens avoient faits dans la connoiffance de ce pays depuis le temps d'Alexandre. Lorfqu'un auteur , qui avoit autant de difcernement & de pénétratior» que Strabon , après avoir vifité lui-même plufieurs pays éloignés pour en donner une defcription plus exacfe , vient nous dire que le Gange n'entre dans 1'Océan que par une feule embouchure (i) , nous pouvons hardiment conclure que de fon temps les marchands du golfe arabique ne pouffoient pas direcf ement leur navigation jufqu'a ce grand fleuve, ou que ce voyage fe faifoit fi rarement que la fcience n'en avoit encore tiré que peu de Iumieres. Le fecond auteur en date dont il nous refte quelques détails fur 1'Inde , (i) Strabon, liv. xv, ïon. C,  fw tlnde anciennel eft Pline Panden , qui fleurit environ einquante ans plus tard que Strabon. Jriaisucomme ces détails, confignés dans Ion hilloire naturelle , font très-abréges, & qu'è eet égard il fe fonde abiolument fur les mêmes autorités que Strabon, & qu'jl paroJt „'avoir eu fur Pinfeneur du pays d'autres renfeignemens que ceux qu'ont laiffés les Officiers d'Alexandre, ou de fes fucceffeurs immédiats, U eft inutile de beaucoup nous appefantir fur fa defcription. Elle eft cependant ennchie de deux articles effentiels qu'il devoit k des découvertes plus recentes. L'un eft Pexpofe du nouveau plagde navigation du golfe arabique è la cote de Malabar, dont j'ai déja déveioppe la nature & 1'importance. L'autre eft Ia defcription de Pifle de Taprobane, dont je ferai un examen particulier, après avoir montré en quoi Ftolomee a pu contribuer è nous faire connoitre Panden état de Pinde. Quoique Ptolomée, qui a publié fes ouvrages environ quatre-vingts ans après P me , paroze s'être diftingué beaucoup plus par fon efprit d'ordre & d'application, que par 1'invention de fon génie c'efl a lui, plus qu'è aucun autre philofophe que Ia géographie doit fes  «p Recherches hiftoriques progrès. Heureufement pour cette fcience , dans la formation de fon fyftême général de géographie il a adopté les idees & fuivi la méthade d'Hipparque, qui vivoit prés de quatre cents ans avant lui. Ce grand philofophe eft le premier qui entreprit de rédiger un catalogue des étoiles. Pour marquer avec exa&itude leur pofition dans les cieux , il mefura leur diftance par des cercles de Ia fphere, la calculant par degrés de 1'Orient a I'Occident, ou du Nord au Sud. L'une s'appelle longitude, Sc 1'autre latitude de 1'étoile. Cette méthode lui fut d'un li grand fecours dans fes recherches aftronomiques , qu'il 1'appliqua avec non moins de fuccès a la géographie ; & c'eft une circonftance digne d'être remarquée, que ce fut en obfervant & en décrivant les cieux , que les hommes apprirent pour la première fois è mefurer Sc a décrire la terre avec exaöitude. Cette maniere de fixer Ia pofition de^ lieux, inventée par Hipparque, quoique connue des géographes qui ont vécu entre lui 8c Ptolomée, Sc citée par Strabon (i) Sc par Pline (2) , ne fut- (1) Liv. II. (2) Hifi. nat. liv. n, ch, 12 , 26, 70.  fur tlnde anclenne. c>r employee par aucun d'eux. La raifoa la plus probable que 1'on puiffe donner de cette négligence, c'eft que, n'étant point afbronomes, ces auteurs n'ont pas bien faifi tous les avantages que la géographie pouvoit retirer de cette invention (i). Ils furent parfaitement connus de Ptolomée, qui avoit confacré une longue vie a 1'avancement de l'aftronamie théorique & pratique ; &Z comme , dans ces deux études, Hipparque fut fon guide , il eut foin, dans fon fameux traité de géographie , de marquer les différentes parties de la terre par leur longitude &z leur Iatitude. Ainfi , la géographie fut établie fur fes véritables bafes , & intimement liée aux obfervations aflronomiques & aux calculs mathématiques. Les anciens firent bientöt de eet ouvrage de Ptolomée tout le cas qu'ils devoient en faire (z). Au moyen age , en Arabie comme en Europe, les décifions de Ptolomée fur tous les points relatifs a la géographie étoient recues avec cette conflance aveugle que 1'on accordoit a celles d'Ariftote dans toutes les autres parties des fciences. Lorfqu'au feizieme fiecle (i) Voyez note 16, {%) Voyez note 07..  cji Recherches h'ijlorlques 1'efprit cle recherche s'agrandit & s'éclaira, 1'on examina & 1'on reconnut le mérite des découvertes géographiques de Ptolomée ; on continue de fe fervir de ce langage fcientifique, dont il répandit le premier 1'ufage , &t cette maniere ciaire & abrégée de marquer la ; pofition des lieux , en fpécifiant leur lon-j gitude & leur latitude , exifte toujours. j Non content d'adopter les principes généraux d'Hipparque, Ptolomée fe montra fon rival dans 1'application qu'il en fit; & comme ce phiiofophe avoit marqué le rang de chaque conftellation, il forma une entreprife non moins difficile, celle de décrire toutes les régions de Jj terre alors connues , & de fixer avec nön moins de précifion que de hardieffe , la longitude &C la latitude des endroits les plus remarquables. Cependant toutes fes déterminations ne doivent pas être regardées comme le réfultat d'une obfervai lion effeöive; & ce ne fut pas avec cette prétention que Ptolomée les publia. Lei opérationsde 1'aftronomie nes'étendoient alors qu'a un petit nombre de pays. II yj avoit une partie eonfidérable du globd auffi mal repréfentée qu'elle étoit peil fréquentée. II n'y avoit qu'un petit nomj bre de lieux, dont la pofition eut été fixét  fur tlnde anclenne. 93 avec quelque degré d'exaftitude. Ptolomée fut donc obligé de confulter les itinéraires & les deferiptions générales de 1'empire romain , & la fage politique de ce grand état avoit complété ce travail avec des foins & des fraix immenfes (1). Mais, paffé les limites de 1'empire , il n'avoit plus pour guidesqueles journaux & les relations des voyageurs. C'eft de ce fonds qu'il tiroit toutes fes conclufions ; & comme il habitoit Alexandrie dans un temps ou le commerce de cette ville avec 1'Inde étoit porté a fon plus haut période, il femble que cette circonftance eüt dü le mettre a même d'obtenir les plus amples renfeignemens fur ce pays. Mais foit qu'on n'y eüt jetté qu'un coup-d'ceil fuperficiel, foit qu'il eüt mis trop de conifiance dans les rapports des perfonnes qui 1'avoient vifité fans attention & fans difIcernement (z) , fon deffin général de la jforme du continent de jl'Inde eft le plus défeöueux qui ncfus foitvenu des anciens. Par 1'effet d'une méprife inconcevable , il a étendu la prefqu'ïfle de 1'I.nde du golfe Barygazeneou de Cambaye, de 1'Oueft a [1'Eft, au-lieu de 1'étendre , fuivant fa di- (1) Voyez note a8. . (2) Géogr. Uv. 1, ch. 17.  fure précife (i). Cependant dès que lajmaniere de fixer la fituation de chaque icndroit , en indiquant fa longitude &c fa latitude , eüt été répandue & gêné- ralement adoptée,. il fut poffible de déicrire chaque pofition en termes abrégés & techniques. Mais néanmoins Pexaétittude de cette nouvelle méthode &c 1'a•vancement qui en réfultoit pour la géosgraphie, dépend de la maniere dont les. anciens eftimoient la longitude & la la» titude des lieux. 0 Voyez,. note- 3,3.  j i % Recherches hijloriques Quoique les anciens, dans la détermination de la longitude & de la latitude des lieux , fe réglaffent abfolument fur les mêmes principes que les modernes, cependant les inftrumens dont ils fe fervoient pour cela étoient bien inférieurs en conftru&ion a ceux que 1'on emploie aujourd'hui, & ils ne portoient pas fur chaque circonftance qui peut afFecter Pexaétitude d'une obfervation cette attention fcrupuleufe dont une longue e.xpérience a pu feule démontrer la néceffité. Ponr trouv'erla latitude d'un lieu, les anciens obfervoient Ia hauteur du foleil dans fon midi, foit par 1'ombre d'une aiguille perpendiculaire, foit par le moyen d'un aftrolabe avec lequel il étoit aifé de calculer de combien de degrés & de minutes le lieu de l'obfervation étoit cloigné de 1'équateur. Quand il ne pouvoient employer aucun de ces deux moyens, ils préfumoient Ia latitude d'un endroit quelconque par fon plus long jour , dont il s'informoient avec le plus grand foin. II ne leur étoit pas auffi facile de déterminer la longitude d'un beu ; W cieux re leur offroient pour ce'a qu'une feule efpece de phénomenes: c'ét •> nt les éclipfes de lune (car celles du foleil n'étoient  fur tlnde ancienne. irj pas affez bien comprifes pour fervir aux opérations géographiques) r la différence du temps oü 1'on remarquoit qu'une écüpfe avoit commencé ou fini dans deux endroits différens , donnoit auffi-töt la diftance entre les deux méridiens de ces lieux. Mais Ia difnculté de faire ces obfervations avec exaöitude, & Pimpoffibilité de les répéter Jouvent y les rendoient d'un fi petit fecours dans la géographie , que les anciens , pour déterminer les longitudes , étoient obligés, la plupart du temps , d'avoir recours k des opérations faites fur le lieu , ou de fe contenter des foibles lumieres qu'ils pouvoient recueillir des obfervations des marins, ou des journaux des voyageurs. Mais quoiqu'on fache que les anciens f par les opérations dont je viens de parler , fuffent trés en état de déterminer k terre la pofition des lieux, il eft trèsincertain qu'ils euffent aucun moyen convenable de faire la même opération fur mer. Les navigateurs de l'antiquité paroiffent n'avoir eu que très-rarement recours aux obfervations aftronomiques. Ils n'avoient point d'inftrumens adaptés a la mobHité & au balancement d'un obfervatoire maritime; & quoique par leurs  I Ï4 Recherches hifloriques fréquens débarquemens ils euffent pu jufqu'a un certain point fuppléer a ce défaut, cependant il n'eft pas un feul auteur ancien, que je fache, qui parle d'aucune obfervation aftronomique faite par eux dans le cours de leurs voyages. II paroït évident par Ptolomée, qui emploie quelques chapitres k prouver de quels avancemens la géographie eft fufceptible , & comment les rapports des navigateurs peuvent fervir a en corriger les erreurs (i), que tous leurs calculs n'étoient fondés que fur des eftimations, & n'étoient jamais le réfultat d'une ob« fervation éclairée. Aujourd'hui même encore , malgré tous les progrès que les modernes ont faits dans la fcience de la navigation , cette maniere de calculer par eftimation , paffe pour fi vague & fi incertaine, qu'il n'eft paspoffible, fur ce feul principe, de tirer la moindre eonclufion avec quelque degré de préctfion. Cette inexactitude chez les anciens devoit être confidérablement augmentée par Phabitude oh ils étoient, au-lieu de fuivre un cours direct, bien plus facile k mefurer, de former le long des cötes des circuits dont 1'eftimation ne pou- (i) Liv. i, ch. 7, 14.  fur tlnde ancienne, i ry volt être faite faute de bouffole ou de tout autre inftrument propre a eet objet. Auffi voyons-nous beaucoup d'enïlroits dont la pofition , arrêtée vraifemblablement fur la mer, n'a été marquée qu'avec très-peu d'exactitude. Lorfque, en conféquence d'un commerce aftif, les ports d'un pays étoient beaucoup fré» | quentés, les journaux des différens navigateurs ont pu jufqu'a un certain point s'éclairer mutuellément & mettre les géo| graphes en état de tirer des conclufions plus voifines de la vérité. Mais dans : les contrées lointaines , qui n'ont été ! ni le théatre des opérations militaires y ni foumifes a 1'examen des caravanes qui i les traverfoient fréquemment dans leurs i voyages , tout eft néceffairement plus vague & plus indéterminé , & Ia reffemblance entre les anciennes defcripi tions qui nous en reftent, & leur forme ; aöuelle eft fouvent fi foible qu'on a peine ] a la fuivre. Mais Ia latitude des lieux, s comme on devoit s'y attendre, étoit en 5 général beaucoup mieux connue des ani ciens qvie la longitude. Les obfervations ij quifervoientdefondemental'une,étoieni fimples, facifes a faire, & peu fujettesa Terreur. L'autre au contraire n'eft fuf» è eeptible d'une détermination précife qu'au.  116 Recherches hijïoriques moyen de procédés plus compliqués , &C d'inftrumens beaucoup plus parfaits qu'aucun de ceux qui paroiffent avoir été k 1'ufage des anciens (i). Parmi ce nombre infini de lieux dont Ptolomée a fixé la pofition , j'ignore s'il en eft un feul dans Ia longitude duquel il approcbe autant de la vérité qu'il Pa fait dans la latitude des trois villes que j'ai citées comme un exemple frappant , quoiqu'affez commun , de fon exactitude. Ces obfervations me confirment dans wne opinion que j'ai préfentée ailleurs (z), que les Grecs & les Romains , dans leurs liaifons de commerce avec Pinde , eurent rarement la curiofité d'en vifiter les parties les plus orientales , & que 1'amour même du gain ne fut pas pour eux un motif plus puiffant. Une foule de circonftances viennent a Pappui de cette opinion. Quoique Ptolomée donne le nom ó'emporia ( marchés ) k plufieurs places fituéesfur la cöte qui s'étend depuis 1'embouchure oriëntale du Gange jufqu'è 1'extrêmité de la Cherfonefe d'or; il eft incertain, comme je 1'ai obfervé, fi cette (1) Voyez note 34. (2) Hifi. de i'Aeiér. vol. 1 , pag. 80, 315.  fur tlnde anclenne. 117 I dénomination nous autorife a les regarder ) comme des ports fréquentés par les vaifI feaux d'Egypte , ou feulement par les ; vaiffeaux du pays. II eft fingulier qu'il ne I cite qu'un feul marché au-dela de la Ch'erI fonefe d'or (1) ; ce qui indique viliblement que les rapports avec cette région de 1'Inde ont été très-bornés. Si du golfe : arabique a ces contrées de 1'Inde, il s'étoit \ fait des voyages affez fréquens pour au: torifer Ptolomée a fpécifier d'une maniere fi particuliere la longitude & la latitude d'un grand nombre de lieux dont il parle; c'étoit auffi un moyen pour lui I d'obtenir des renfeignemens capables de : prévenir plufieurs erreurs confidérables, dans lefquelles il eft tombé. Si 1'ufage eüt I été de doubler le Cap Comorin , & de , fe porter le long du golfe de Bengal a ■ 1'embouchure du Gange, quelques-uns ■■ des anciens géographes n'auroient pas été fi indécis, &C d'autres ne fe feroient pas li étrangement mépris fur la fituation & : la grandeur de 1'ifle de Ceylan. Si les I marchands d'Alexandrie euffent vifité I fouvent les ports de la Cherfonefe d'or I & de laGrande-Baie, les defcriptionsque Ptolomée en a faites, fe feroient trou- (1) Liv. vi, ch. 2.  tiB Recherches hijlorïqttes vees fürement plus conformes a leurvëritable figure, Sc il n'auroit point placé au-dela de la ligne plufieurs endroitsqui, dans le fait, en font éloignés de quelques degrés dè nOtre cöté. Mais quoique la navigation des anciens ne fe foit pas étendue peut-être jufqu'aux parties les plus éloignées de 1'Inde, il n'y a pas de doute que plufieurs marchandifes de ce pays n'arrivaffent en Egypte, d'oü on les envoyoit a Rome Sc dans les autres parties de 1'empire. Des circonftances, dont j'ai déja parlé., nous autorifent a conclure qu'elles étoient embarquées fur des vaiffeaux du pays pour Mufiris Sc autres ports de la cöte de Malabar , qui, a cette époque étoient les entrepots du commerce avec PEgypte. Dans un pays auffi étendu que Pinde, oü les produ&ions naturelles font variées & recoivent mille nouvelles formes de Part Sc de Pinduftrie, il a dü fe former de bonne heure, entre fes différentes provinces, un commerce intérieur très-a&if par mer & par terre. Nous en avons quelques indices dansles auteurs anciens; &C il faut bien fe contenter des indices, toutes les fois que les fources de 1'inftruöion font fi rares Sc fi refferrées. Parmi les différentes claffes ou caftes qui parta-  fur tlnde ancienne. 119 i geoient le peuple de 1'Inde, on cite les i marchands comme faifant une de ces cafa tes(i); cequi prouve que le commerce 1 a été une des occupations conftantes des 1 hommes dans ce pays. L'auteur de la nart vigation autour de la mer Erythrée nous i apprend que les habitans de la cöte de CoI romandel commercoient fur leurs propres vaiffeaux avec ceux de Malabar; que le commerce intérieur de Barygaza étoit con| fidérable, & que, dans toutes les faifons , t on étoit fur de trouver dans le port de i Mufiris quantité de vaiffeaux du pays (2). i Nous trouvons dans Strabon que les plus précieufes productions de Taprobane étoient tranfportées a différens marchés de 1'Inde (3). Cétoit ainfi que les trafiquans égyptiens en étoient pourvus, & pouvoient finir dans un an leurs voyages , qui auroient néceffairement duré • beaucoup plus long-temps, s'ils euffent pouffé auffi loin du cöté de 1'Orient qu'on le croit généralement. D'après tont ceci, il paroit probable que les renfeignemens fur les parties orientales de 1'Inde, qui fervent de fon- (1) Pline, Hift. nat. liv. vi, ch. 22. (2) Perip. mar. Erythr. 34, 30. fj) Liv. 11 ■, ch. 124. R.  110 Rechtrch.es hiflorlque-s dement aux calculs de Ptolomée, lui viennent beaucoup moins d'une fuite de rapports directs établis entre PEgypte & ces pays, que des relations d'un petit nombre d'aventuriers , que Pamour du gain, ou le defir de la nouveauté, a pouffés au-detè du terme ordinaire de la navigation. , Quoique depuis le fiecle de Ptolomée, le commerce avec 1'Inde ne fe fut point écarté de fa première route, & que Rome, 1'ancienne capitale de 1'empire, auffi bien que Conftantinople , le nouveau fiege du gouvernement, continuaffent d'être approvifionnées des produftions précieufes de ce pays, par des marchands d'Alexan» drie; cependant jufqu'au regne de 1'empereur Juftinien , on ne trouve plus de nouveaux renfeignemens fur les liaifons par mer avec 1'Orient, ou fur je progrès des découvertes dans fes régions éloignées. Sous Juftinien, un marchandégyptien, nommé Cofmas, fit dans le cours de fon tralie plufieurs voyages dans Pinde, d'oii lui vint le furnom d''Indicopleuftes; mais enfuite , par une fantaifie affez ordinaire dans ce fiecle fuperftitieux, il abandonna tous les foins de ce monde pour fe confacrer a la vie religieufe. Dans la folitude & le loifir d'une celluie, il compofa  fur tlnde ancienne. jh compofa plufieurs ouvrages dont Pun , décoré du nom de Topograpkie ckrétienne , eft parvenu jufqu'a nous. Le principal objetde eet ouvrage eft de cómbattre Popinion de ces philofophes qui prétendent que la terre eft de forme fphérique, & de prouver que c'eft un plan oblong de douze mille milles dans fa longueur de I'Eft a POueft, & de fix mille milles dans fa largeur du Nord au Sud, environné de hautes murailles, & couvert du firmament comme d'un pavillon qu d'une voute; que la fucceffion du jour & de la nuit étoit occafionnée par une montagne d'une hauteur prodigieufe, fituée aux extrêmités du Nord, autour de laquelle tournoit le foleil; que lorfqu'il paroiffoit d'un cöté de la montagne, la terre étoit éclairée, & qu'elle retomboit dans les ténebres , lorfqu'il étoit caché de 1'autre cöté (i). Mais au milieu de ces rêveries extravagantes, plus conformes a la créduüté de fa nouvelle profeffion qu'au bon fens qui caracf érife «elle qu'il avoit laiffée, Cofmas paroït rapporter tout ce qu'il avoit vu lui-même dans fes voyages, & tout ce qu'il avoit (i) Cofmas, ap. Momfaucon , Colleét. Patrum, H, ï 13 , &c. 138. F  ral Recherches hijlorlques entendu dire avec beaucoup de naïyeté , & un grand refpeft pour la vérité. ^ II paroït avoir très-bien connu la cöte occidentalede la péninfulede 1'Inde, dont il nomme plufieurs endroits. II 1'a repréfente comme le centre du commerce du poivre , & cite Male en particulier comme 1'un des ports de ce genre les plus fréquentés (i). C'eft prqbablement de Male que cette partie du continent a tiré fon nom moderne de Malabar; & le grouppe d'ifles qui 1'avoifinent, celui de Maldives. C'eft auffi de lui que nous apprenons que ï'ifle de Taprobane , qu'il fuppofe être k une égale diftance du golfe perfique k I'Oueft, & du pays de Sina a I'Eft, étoit devenue, a raifon de fa fituation avantageufe , un entrepot eonfidérable de commerce; qu'on y portoit la foie de Sina & les précieufes épices de 1'Orient, qui de la fe répandoient dans toutes les parties de 1'Inde, dans la Perfe & le long du golfe arabique. II donne a cette ifle le nom de Siélédiba (2), oü fe retrouve celui de Sélendil ou Sérendil, fous lequei elle eft encore aujourd'hui connue dans tout 1'Orient. (1) Cof. liv. 11, pag. 138, liv. xi, 337, (2.) Liv. xi , 336.  fur tlnde anclenne, i z% 'C'eft auffi Cofmas qui , le premier ■Dous parle d'un nouveau rival du commerce des Romains, qui fe monira fur les mers de 1'Inde. Les Perfes, après avoir renverfé 1'empire des Parthes & rétabli la race delewrs premiers rois fur le tröne , paroiffent avoir entiérement furmonté cette averfion de leurs ancêtres pour une exi/tence maritime, & firent de bonne heure de vigoureux efforts pour avoir part au commerce lucratif de 1'Inde. Tous fes plus grands ports étoient fré«pientés par des négocians perfes , qui pour quelques produftions de leur pro.pre pays, recherchées parmi les Indiens, receyoient en échange les marchandifes précieufes qu'ils conduifoient le Ion" du golfe perfique pour être diftribuées, au moyen des grands fleuves de 1'Euphrate & du Tigre , dans toutes les provinces de leur empire. Comme Ie voyage de la Perfe a Pinde étoit beaucoup plus court en partant d'Egypte, & fuivi de moins dedepenfe & de danger, les relations entre les deux pays augmenterent rapidement. Cofmas rapporte une circonftance qui en eft une preuve frappante. Dans Ia plupart des villes un peu remarquaff)!es de Pinde, il trouva établies des églifes chrétiennes deffervies par des prêtres F ij  Ï24 Recherches hiftoriques que rarcheveque.de Séleucie, capitale de 1'empire Perfe, avoit ordonnés, & qui continuoient d'être foumis a fa jurifdiction (i). II paroït qu'a cette époque linde fut beaucoup mieux connue qu'au fiecle de Ptolomée, & qu'il s'y établit un plus grand nombre d'étrangers. II eft cependant remarquable qu'aucurs de ces étrangers, felon Cofmas, n'ait été currieux de vifiter les parties orientales de 1'Afie, dont ils fe contentoient de recevoir la foie , les épices & les autres producltons précieufes , dans la route qu'elles fuivoient de I'ifle de Ceylan aux différens marchés de 1'Inde (2). La fréquence des hoftilités ouvertes entre les empereurs de Conftantinople & les monarques de Perfe, & la rivalité toujours croiffante de leurs fujets dans le commerce de linde , donnerent lieu a un événement qui produifit un changement eonfidérable dans la nature de ce commerce. Comme 1'ufage de la foie dans les habits & dans les ameublemens devenoit de plus en plus général a la cour des empereurs Grecs, qui imitoient & qui furpaffoient les fouverains de 1'Afie en (1) Cof. Hv. ih, 178. (2) Liv. xi, 337.  fur tlnde anclenne. 115 fplendeur & en magnifïcence , & comme Ia Chine, oii, fuivant le témoignage unanime des écrivains orientaux , la culture de la foie commenca a être connue (1), continuoit d'être le feul pays qui produifït cette marchandife précieufe , les Perfes profiterent des avantagesque leur donnoit leur fituation fur les marchands du golfe arabique, & les fupplanterent dans tous les marchés de Pinde , oü la foie étoit tranfportée par mer des con~ trées de 1'Orient. Comme il leur étoit également facile de mo'efter ou d'écarter les caravanes qui, pour approvifionner J'empire Grec, faifoient par terre Iq voyage de la Chine, a travers les provmces feptentrionales de 1'empire , i!s attirerent entierement a eux cette branche de commerce. Conftantinople étoit obhgé d'attendre d'une puiffance rivale un article que le luxe faifoit regarder & defirer comme effentiel a 1'élégance. Les Perfes, avec 1'avidité ordinaire des monopoleurs, porterent la foie k un prix fi exorbitant (i), que Juftinien, defirant non-feulement de s'affurer une provifion fuffifante d'une marchandife dont (0 Herbelot, Biblioth. oriënt, art. Harir {%) Procop. Hift. Arcan. ch. ^. F iij  Il6, Recherches hljtorlquts. 1'ufage étoit devenu indifpenfable, mais encore jaloux d'affranchir le commerce de fes fujets des exactions de fes ennemis, s'efforca, par le moyen de fon allié, le roi chrétien d'Abyffinie, d'enlever aux Perfes une partie du commerce de la foie. II ne réuffit pas dans cette entreprife ; mais au moment oü il s'y attendoit le moins, un événement imprévu lui procura, jufqu'a un certain point, la fatiffaöioa qu'il defiroit. Deux moines Perfes ayant été employés en qualité de miffionnaires dans quelques-unes des églifes chrétiennes qui, comme nous le dit Cofmas, étoient établies en différens endroits de linde , s'étoienf ouvert un chemin dans le pays des Seres ou la Chine. La, ils obferverent les travaux du ver-a.-foie,, & s'inftruifirent de tous les procédés par lefquels on parvenoit k faire de fes produftions cette quantité d'étoffes dont on admiroit Pélégance. La perfpeöive du gain , ou peut-être une fainte indignation de voir des nations infideles feules en poffeffion d'une branche de commerce auffi lucrative , leur fit prendre fur le; champ la route de Confiantinople. La i\S expliquerent k 1'empereur 1'origine de la foie & les différentes manieres de la préparer & de la mamifa&urer, myfisres  fur tlnde ancienne'. 127 jufqu'alors inconnus, ou dont on n'avoit qu'une idéé très-imparfaite en Europe ; encouragés par fes promeffes libérales, ils fe chargerent d'apporter dans la capitale un nombre fuffifant de ces étonnans infeftes, aux travaux defquels 1'homme eft fi redevable. En conféquence ils remplirent de leurs ceufs des cannes creufées en dedans; on les fit éclore dans Ia chaleur d un fumier; cm les nourrit des feuilles d'un mürier fauvage, & ils multiplierent & travaillerent comme dans les climats ou ils avoient attiré pour la première fois 1'attention & les foins de 1'homme (1). On éleva bientöt un grand nombre de ces infecles dans les différentes parties de la Grece, & fur-tout dans le Péloponefe. Dans la fuite, & avec Ie même fuccès , la Sicile effaya d'élever des vers-a-foie, & fut imitée de loin en loin par différentes villes d'ltalie. II s'établit dans tous ces endroits des manufactures confidérables dönt les ouvrages fe faifoient avec la nouvelle foie du pays. On ne tira plus de 1'Orient la même quantité de foie; on concoit que les fujets des empereurs Grecs ne furent plus obligés d'avoir recours aux Perfes pour (1) Procop. de Bello goth. liv. iv , ch. 17» F iv  Ii8 Recherches hijloriques leur provifion, & il fe fit un changement eonfidérable dans la nature des rap» ports commerciaux de 1'Europe & de 1'inde (i). S E C T I O N III. Commerce avec tlnde, depuis la conquête de tEgypte par les Mahométans, jufqud la dècouverte du paffdge par le Cap de Bonne-Efpérance , & titablijfernentde la domination portugaife dans tOrient, Environ quatre-vingrs ans après Ia mort de Juftinien, il arriva un événement qui occafionna une révolution encore plus eonfidérable dans le commerce de 1'Europe avec Pinde. Mahomet, en publiant une nouvelle religion , femble avoir animé fes concitoyens d'un nouvel efprit, & appellé fur la fcene des talens. & des paffions qui ne s'étoient pas encore montrés. La plus grande partie des Arabes, dès les temps les plus reculés,, contens de jouir de Pindépendance & de (i) Voyei note 35.  fur Pinde andenne. 'xiCf \ Ia liberté individuelle, foignoienr trana quillement leurs chaineaux & cultivoient i leurs palmiers dans Penceinte même de ) leur péninfule, & ne fe faifoient guere t connoïtre au refte des hommes, que lorfj qu'ils fe jettoient fur une caravane pour 3 la piller , ou fur un voyageur pour le 1 dépouiller. Dans quelques diftricts ce\ pendant ils avoient commencé a joindre i les travaux de 1'agriculture & les affaires 1 du commerce aux occupations de la vie | paftorale. Toutes ces claffes d'hommes il une fois échauffées de 1'ardeur enthou;i fiafie dont les avoient remplis les exhors lations & 1'exemple de Mahomet, déli ployerent tout-a-la-fois le zele des mifil ïionnaires & 1'ambition des conquérans. i Ils répandirent la doctrine de leur proIj phête, & étendirent la domination de 3 fes fucceffeurs, des rivages de 1'Océan atlantique aux frontieres de la Chine, i avec une rapidité de fuccès dont rien n'approche dans 1'hiftoire du genre hui main. L'Egypte fut une de leurs premie■3 res conquêtes; & comme ils s'établirent ^ dans ce pays attrayant & en prirent pofa feffion , les Grecs furent exclus de toute o eommunication avec Alexandrie, oü ils s'étoi »nt portés pendant long-temps comA wciq au principal marché des productions F v  IJO Recherches hljlorïquts de Tlnde; & ce n'eft pas la que fe horna Peffet du progrès des armes mahométanes fur le commerce de 1'Europe avec linde. Avant de s'être emparés de PEgypte, les Arabes avoient fubjugué Ia grande monarchie de Perfe, qu'ils avoient ajoutée a 1'empire de leurs Califes. Ils trouverent leurs nouveaux fujets occupés de ce grand commerce avec linde & avec le pays fitué a POrient de cette péninfule , dont j'ai déja développé Ie eommencement & les progrès dans la Perfe; ils furent fi frappés des grands avantages qui en réfultoient, qu'ils defirerent d'y avoir part. Comme 1'inftant oii Pon réveille puiffamment les facultés acfivesde 1'efprit humain dans ün genre, eft celui oü elles font capables d'agir avec; le plus de forcè dans un autre genre,, de guerriers impétueux , les Arabes de-1 vinrent bientöt des marchands entrepre-' nans. Ils continuerent le commerce avec'; linde, en lui laiffant fuivre fa première' direction du golfe perfique, mais ce futi avec cette ardeur qui caraftérife tous les! premiers efforts des feclateurs de Mahcmet. En peu de temps ils s'avancerent bien au-dela des bornes de Pancienne ns'-J vigation , & apporte$ent direttement des! pays qui les produifoient, plufieurs desj  fur Pinde anclenne'. 131 marchandifes les plus précieufes de 1'Orient. Pour s'affurer exclufivement tout le profit de Ia vente, le Calife Omar, quelques années après la conquête de la Perfe, fonda la ville de Baffora fur la rive occidentale du grand confluent de PEuphrate & du Tigre, du fein de laquelle il devoit dominer ces deux fleuves par lefquelles les produ&ions arrivées de 1'lnde, fe répandoient dans toutes les parties de 1'Afie. Le choix qu'il avoit fait de eet. emplacement étoit fi bien entendu, qu'en peu de temps Baffora devint une place de commerce qui le cédoit k peine a Alexandrie. Ces connoiffances générales fur le commerce des Arabes avec 1'lnde, les feules que nous aient laiffées les écrivains de ce temps, fe confirment &C s'étendent par le récit d'un voyage du golfe perfique vers les contrées de 1'Orient, écrit par un marchand arabe Pan huit cents cinquante - un de 1'ere chrétienne , environ deux fiecles après que Ia Perfe eut été foumife aux Califes, &C expliqué par le commentaire d'un autre Arabe qui avoit auffi vifité les parties orientales de PAfie (1). Cette relation curieufè, qui (1) Voyez. note 36. F vj  tyi Recherches hifiorlques fupplée a ce qui nous manque dans 1'hif» toire des rapports commerciaux avec linde, nous met a même de décrire plus en dét, il 1'étendue des découvertes des Arabes dans 1'Orient, Sc la maniere dont elles furent faites. Quoique certaines perfonnes aient irna* giné que 1'étonnante propriété de l'aitnan, dont le frottement communiqué & une aiguille ou a une légere verge de fer la faculté de tourner vers les pöles de la terre, fut connue dans 1'Orient long-temps avant qu'on 1'eüt obfervée en Europe , il eft évident par la relation de ce marchand mahométan & par le concours de plufieurs preuves, que ceguide fidele manquoit non-feulement aux Arabes , mais encore aux Chinois, Sc que le mode de leur navigation n'avoit rien de plus hardi que celui des Grecs Sc des Romains (i). Ils s'attachoient fervilement a la cöte qu'ils n'ofoient prefque jamais perdre de vue, cV dans cette marche timide & tortueufe, leurs eftimations ne pouvoient être que fautives Sc fujettes aux mêmes erreurs que j'ai déja obfervées dans celles des Grecs Sc des Romains. (i) Relation, pag. 2,8, &<:.■  Jut tlnde anciennel ïyy Malgré ces défavantages, les progrès des Arabes du cöté de 1'Orient, s'étendirent bien au-dela du golfe de Siam, terme de Ia navigation Européenne. Ils eurent des liaifons avec Sumatra & les autres ifles du grand archipel de linde, & s'avancerent jufqu'a la ville de QuangTong en Chine; & ces découvertes ne doivent point être regardéescomme 1'effet de 1'inquiete curiofité des individus, on les devoit au commerce régulier qui fe faifoit du golfe perfique avec la Chine & les pays intermédiaires. Plufieurs Mahométans , a I'exemple des Perfes cités par Cofmas Indicopleujles , s'établirent dans 1'Inde & dans les pays au-dela. Ils étoient en fi grand nombre dans la ville de Quang-Tong, que 1'empereur (fuivant les auteurs arabes) leur permit d'avoir un grand Cadi ou juge de leur fecfe, pour décider les querelles qui s'élevoient entre fes concitoyens d'après leurs propres loix , & pour préfider a toutes les fonftions de la reügion (i). Dans d'autres endroits on gagna des profélytes h Ia foi mahométane, & la langue arabe fut entendue & parlée dans prefque tous les (i) Relation, pag. 7. Remarques, pag. 19. Recherche, pag.. 171, &c.  IJ4 Recherches hiftcrlques ports de quelque conféquence. Des vaiffeaux de la Chine & autres endroits de 1'Inde alloient trafiquer dans le golfe perfique (i), & a force de fréquenter les nations de 1'Orient, parvinrent a mieux fe connoitre (2). On en voit une preuve frappante dans les derniers détails fur la Chine & fur 1'Inde, qui fe trouvent dans les deux auteurs que j'ai cités. lis indiquent la fituation de Quang-Tong, aujourd'hui fi bien connue des Européens, avec un degré d'exaftitude extréme. Ils parient du grand ufage qu'on faifoit de la foie en Chine. Perfonne n'avoit rien dit avant eux de leur fameufe manufafture de porcelaine. qu'ils comparent au verre a caufe de fa délicateffe & defatranfparence. Ilsdécrivent 1'arbriffeau qui porte le thé, & la maniere d'employer fes feuilles; & ee qu'ils nous apportent du grand revenu fondé fur fa confommation, feroit croire que le théau neu- vieme fiecle n'éioit pas moins qu'aujourd'hui la boiffon favorite des Chinois (3). Les parties mêmes de linde, qui étoienï connues des Grecs & des Romains, 1'a- {1) Voyez note 37. (2) Relation , pag. 8. C3) Relation , pag. 21, 2^  fur tlnde anciennê. xyf voient été beaucoup mieux par les Arabes. Ils parient d'un grand empire étabii fur la cöte de Malabar, gouverné par des monarques dont relevoient tous les autres fouverains de 1'Inde. Ces monarques portoient le nom de Balchara, que 1'on connoit encore aujourd'hui dans 1'Inde (i) ; & il eft probable qüe le Samorin , ou empereur de Calicut dont on parle fi fouvent dans les relations des premiers voyages des Portugais dans linde , pofledoit une portion de leurs états. Ils vantent les progrès extraordinaires que les Indiens avoient faits dans la connoiffance des aftres, circonftance qui paroït n'avoir pas été connue des Grecs & des Romains; & ils affurent que, dans cette partie des fciences, ils étoient de beaucoup fupérieurs aux nations les plus éclairées de lOrient, ce qui faifoit donner a leur fouverain le titre de roi de Ia fageffe (2). Des particularités dans les inftitutions politiques, Ia maniere de ren* dre la juftice, les jeux tk les fuperftirions des Indiens, les auftérités exceffrves & Ia yie pénitente des Fakirs, tous ces faits pöurroient être cités comme au» fi) Herbelot, art. Hedd & Belh, C2) Relation , pag. y? , 5 3,  ï 3<5 Recherches hiflonques tant de preuves de la connoiffance fupérieure que les Arabes avoient acquife des mceurs de ce peuple. Le même amour du commerce, ou le même zele religieux qui engagea les mahométans de Perfe a vifiter les régions les plus éloignées de POnent, s'empara des chrétiens de ce royaume. Les égüfes ntftoriennes étabbes en Perfe , d'abord fous la protedion de fes fouverains naturels , & enfuite fous celle des Califes fes conquérans, étoient nombreufes & gouvernées par des eccléfiaftiques refpeftables. Ils avoient de trèsbonne heure envoyé des miffionnaires dans 1'Inde, & fur-tout, comme je 1'ai déja dit, dans Pifle de Ceylan. Lorfque les Arabes étendirent leur navigation jufqu'en Chine, un champ plus vafte pour leur commerce & pour leur zele s'ouvrit a leurs yeux. Si Pon peut s'en rapporter au témoignage unanime des auteurs chrétiens de 1'Orient & de l'Oecident , confirmé par celui des deux voyageurs mahométans , leurs pieux travaux furent fuivis d'un tel fuccès, qu'au neuvieme & dixieme fiecle, le nombre des chrétiens dans 1'Inde & dans la Chine étoit déja eonfidérable (i). Comme les | 41) Voyez note 38,  fur tlnde ancïenne. 1-7 églifes dans ces deux pays recevoient tous leurs prêtres de Perfe , ou ils étoient ordonnés par le Catholicos ou primat neftorien, dont ils reconnoiffoient la fuprématie ; ce fut une voie toujours 011verte de communication 8c de rapports ; & c'efi a 1'effet combiné de toutes ces circonfiances que nous devons les détails que les deux écrivains arabes nous ont laiffés (1) fur ces régions de 1'Afie,. que les Grecs &c les Romains n'ont jamais vifitées. Mais tandis que les fujets mahométans & chrétiens des califes continuoient d'acquérir de nouvelles connoiffances dans POrient, les peuples de 1'Europe s'en voyoient prefque entiérement ex» elus. On leur avoit même fermé 1'entrée du grand port d'Alexandrie; & les nouveaux maïtresdugolfe perfique, con» tens de fatisfaire les nombreufes demandes de leurs vaftes états, ne fongeoient point a envoyer, par aucun des débouchés ordinaires , les marchandifes de Pinde aux villes commercantes de la Méditerranée. Les riches habitans de Conftantinople & des autres grandes villes, de 1'Europe, fupportoient cette priva- (i) Relation, pag. 39.  'ij8 Recherches hijloriqiles tion d'un luxe qui avoit long-temps fait leurs délices, avec une telle impatience, que le commerce déploya toute fon activité pour trouver quelque remede «\ un mal qui leur paroiffoit into'.érable. Les difficultés qu'il falloit furmonter a eet efFet, font la preuve la plus frappante du grand cas que 1'on faifoit alors des marchandifes de TOrient. On achetoit la foie de la Chine dans le Chenfi, la province la plus occidentale de eet empire ; & de-la une caravane la tranfportoit par une marche de quatre-vingts ou cent jours, jufqu'aux bords de 1'Oxus, d'oü elle s'acheminoit, en fuivant le cours de cette riviere , jufques vers la mer Cafpienne. Après un dangereux voyage a travers cette mer, 8c remontant le Kur jufqu'a fon dernier endroit navigable, on la conduifoit par un court trajet de terre de cinq jours jufqu'au Phafe , qui fe jette dans 1'Euxin ou la mer Noire, oü, par une route très-connue , elle arrivoit a Conftantinople. Le tranfport des marchandifes de cette région de 1'Orient, aujourd'hui connue fous le nom d'7«dofian, avoit quelque chofe de moins ennuyeux 8c de moins pénible. Elles étoient portées des bords de 1'Indus , pari un chemin dès long-temps connu, 8c  fur tlnde. ancïenne". ï^q dont j'ai déja donné la defcription, jufqu'au fleuve Oxus, ou bien en droite ügne jufqu'a la mer Cafpienne, d'oii eiies fuivoient la même route jufqu'a Conftantinople. II eft évident qu'il n'y avoit que les marchandifes d'un petit volume & d'un grand prix qui puffent fupporter la dépenfe d'un pareil tranfport ; & 1'on deyoit faire entrer dans le taux de ces marchandifes, non-feulement les fraix, mais auffi les rifques & les dangers de la route. En traverfant la vafte plaine qui s'étend de Samarcande aux frontieres de la Chine, les caravanes étoient expofées aux attaques ik aux déprédatiorts des Tartares, des Huns, des Turcs Sc des autres hordes ambulantes qui infectent Ie Nord-Efi de 1'Afie, & qui ont toujours regardé le marchand & le voyageyr comme leur proie légitime ; ils n'étoient pas moins expofés aux infultes & au pillage dans leur paffage du Kur au Phafe, a travers Ie royaume de Colchide, pays noté & des anciens & des modernes pour les inclir.ations rapaces de fes habitans. Malgré tant de défavantages, le commerce avec 1'Orient fe fuivoit avec ardeur. Conftantinople devint un marché eonfidérable des produ&tons d-e  140 Recherches hijloriqites 1'Inde & de la Chine, & les richeffes qui en furent le fruit, n'ajouterent pas feulement a Ia fplendeur de cette grande ville; elles paroifient avoir retardé de quelque temps la chute de 1'empire, dont elle étoit la capitale. Autant qu'il eft permis de le conjecfurer d'après les renfeignemens imparfaits des hiftoriens de ce temps, ce fut par le canal que j'ai déja indiqué , avec beaucoup de dangers &c de fatigue, que 1'Europe s'approvifionna des marchandifes de 1'Orient pendant plus de deux cents ans. Pendant prefque tout ce temps, les Chrétiens & les Mahométans furent engagés dans des hoftilités oit éclatoit cette animofité que la rivalité du pouvoir, aigrie par 1'efpritde fanatifme, ne manque jamais de produire. Dans des circonftances fi propres a entretenir la divifion , les relations du commerce fe foutenoient a peine; les marchandsdes royaumes chrétiens ou ne fréquentoient plus Alexandrie & les ports de Syrië , qui étoient anciennement les entrepots des marchandifes de 1'Orient , depuis que les Mahométans s'en étoient rendus les maitres ; ou fi 1'amour du gain , plus fort que leur averfion pour les infide- Jes, les ramenoit a ces marchés qui leur  fur tlnde ancienne. 141 étoient depuis long-temps familiers, c'étoit avec beaucoup de précaution Sc de défiance. L'empreffement des peuples de 1'Europe pour les produdtions de 1'Orient augmenta avec la difficulté de fe les procurer. A-peu-près dans le même temps, quelques villes d'Italie , Amalphi furtout Sc Venife, ayant acquis un degré d'indépendance qui leur avoit manqué jufqu'alors, fe mirent a cultiver les branches de 1'induftrie domeftique avec une ardeur Sc une intelligence peu communes dans le moyen age. Cette énergie nationale augmenta les richeffes, de maniere a faire naitre de nouveaux befoins & de nouveaux defirs; Sc le goüt du luxe Sc des jouiffances fe fortifiant tous les jours, alla chercher des alimens dans les pays étrangers. Les fociétés parvemies a ce degré de maturité, ont toujours fait le plus grand cas des productions de 1'Inde; dés ce moment on en fit en Italië une importation plus eonfidérable , Sc 1'ufage en devint plus général. Le judicieux Muratori a fait le raffemblement de plufieurs circonftances qui indiquent cette renaiffance du commerce , Sc depuis la fin du feptieme fiecle, un obfervateur attentif pour-  141 Recherches hijloriqu.es ra, avec quelque attention, y recon- noïtre les traces de fes progrès (i). Même dans les fiecles éclairés, oü 1'on obferve & oü 1'on recueille avec le plus de foin tout ce qui fe paffe parmi les nations , & oü le répertoire de 1'hiftoire paroït le plus abondamment fourni , on a. fait fi peu d'attention aux opérations du commerce , que 1'on a toujours trouvé les plus grandes difficultés è pouvoir les préfenter dans leur ordre naturel. Néanmoïns le terme jufqu'oü j'ai conduit ces recherches , eft Tune des époques dans les annales du genre hutnain fur lefquelles l'hiftoire répand le moins de lumieres. Comme c'étoit fur-tout dans 1'empire grec & dans certaines villes d'Italie, que 1'on fit quelques tantatives pour fe procurer les marchandifes de 1'Inde &z des autres régions de 1'Orient ; ce n'eft que dans les hiftoriens de ces pays que nous pouvons efpérer de trouver des renfeignemens fur ce commerce. Mais depuis le —fiecle de Mahomet, jufqti'au temps oü les Comnene monterent fur le tröne de Conftantinople, ce qui fait une pé- (i) Aruiquit. Ita!. Medii. (Evi 11,400,408, 410, 883 , 885, 894 Rer. Ital. fctipt. n, 487.  fur Pinde ancienne. 143 | riode de plus de quatre fiecles & de| mi , 1'hiftoire de Byzance fe borne k d'arides chroniques , dont les compilateurs ont rarement porté leurs vues au - dela des intrigues du palais , des faclions du théatre & des difputes des théologiens. Encore leur mérite efi-il , s'il eft poffible, de beaucoup fupérieur a celui des moines, auteurs des annales des différens états &i des différentes cités de litalie pendant la même période ; & c'eft prefque fans fruit que , dans les plus anciennes hiftoires de ces villes, qui fe font rendues les plus fameufes par leur goüt pour le trafo , nous cherchons 1'origine oü la nature du commerce a 1'aide duquel elles fe font élevées les premières k un rang diftingué (1). II eft cependant évident , pour peu que 1'on fuive les événemens qui ont rempli le jjfeptieme & le huitieme fiecle, que les |états d'Italie, dont les cötes étoient conItinuellement infecfées par les Mahoméjjtans qui s'y étoient établis en quelques ilendroits, & qui avoient prefque entiéIlement foumis la Sicile k leur empire, ine pouvoient commercer avec l'Egypte6c la Syrië, ni en grande fureté ni avec (1) Voyez note 39.  144 Recherches hijloriques beaucoup de confiance. On fait quelle étoit la haine implacable des Chrétiens pour les Mahométans , qui n'étoient a leurs yeux que les dilciples d'un impofteur; Sc comme toutes les nations qui profeffoient la foi chrétienne, foit dans l Orient, foit dans 1'Occident, avoient mêlé a 1'adoration de 1'Ètre - Suprème celle des anges Sc des faints , Sc avoient ornéleurs églifes de tableaux Sc de ftatues, les vrais Mufulmans fe regardoient comme les feuls défenfeurs de 1'unité de Dieu , Sc regardoient les Chrétiens de tous les empires avec horreur Sc comme des idoliltres. II a fallu beaucoup de temps pour adoucir cette animofité mutuelle au point de faire entrer quelque cordialité dans les liaifons de ceux qui en étoient imbus. Cependant le goüt des produ&ions agréables de 1'Orient ne continua pas feulement de fe répandre en Italië ; mais, è 1'imitation des Italiens, ou par quelque changement avantageux dans leur propre fituation, les habitans de Marfeille & des autres villes de France fur la Méditerranée, les rechercherent avec un égal empreffement. Mais les marchands de Venife ou d'Amalphi, de qui on recevoit ces marchandifes précieufes , mettoient fi peu de mefure a leurs profits, que  . fur Pinde ancienne. -4^ que les Francois fongerent férieufement k faire des efForts pour fe les procurer euxmemes. Dans cette intention, non contens d'ouvnr un commerce avec Conftantinople, ils vifiterenteux-mêmes quelquefois les ports d'Egypte & de Syne (1). Cette aviditédes Européens pour les produflions de linde, d'une part, «de 1 autre , les énormes profits qui réfultoient de leur vente pour les Califes & leurs fujets, engagerent les deux nartis a contenir leur haine mutuelle au point d entamer enfembie un trafic qui faifoit evidemment le profit de 1'un & de 1'autre.Xe peu de détails que fournifTent les ecnvams contemporains, ne nous mettent pas en état de fuivre avec exaaitude I etendue de ce trafic & la maniere dont il fut concu&exécutéparces nouveaux aventuners, II eft probable cependant que ces liaifons auroient infenfiblement produit I'effetqu'elles ont ordinairement, de temiliarifer & de réconcilier entr'eux des lommes de principes & de mceurs oppoles; & il auroit pu s'établir par degré entre les Chrétiens & les Mahométans' un commerce fuivi & fondé fur des ba- èic!\^!m' ^ Iittéfat-t0m' XXXVI1' PaS' 467» G  Ï46 Recherches hijlorlqites fes fi égales que les nations de 1'Europe auroient pu recevoir tous les objets de luxe de 1'Orient, par la même route qu'ils fuivoient autrefois, d'abord des Tyriens, puis des Grecs d'Alexandrie; enfuite des Romains, enfin des fujets de 1'empire de Conftantinople. Mais quelque dut être Pinfluence de fes liaifons en fe fortifiant, elles ne purent avoir leur plein effet a caufe des croifades ou expéditions pour le recouvrement de la Terre-Sainte , qui pendant deux fiecles occuperent les feclateurs des deux religions rivales, & contribuerent a les aliéner plus que jamais entr'eux. Dans un autre ouvrage (1), j'ai montré le genre humain en proie a cette frénéfie la plus extraordinaire & la plus durable de toutes celles dont parle 1'hiftoire de notre efpece; j'ai développé les effets qu'elle produifit fur le gouvernement, fur la propriété , fur le goüt & fur les mceurs, effets qui par leur nature rentroient dans 1'objet que je me propofois alors en écrivant. Acf uellement je me bornerai a Pinfluence des croifades fur le commerce , & a examiner jufqu'a quel point elles ont (0 Hift. ds Charles V, vol. 1, pag. 26, cdit. 1787.  fur tlnde anclenne* 14-7 ■ conrribué è retarder ou k favorifer Ie franfport des marchandifes de 1'Inde en 1 Europe. ( II entre fi bien dans Ia nature & dans lefpnt de 1'bomme d'atracher une idéé < particuliere de fainteté au pays que l'au- > teur de notre religion a choifi pour Ie ; keu de fon habitation terreftre & oü il a > accompl, Ia rédemption du genre humain. r! \" e-Adep"1S le Premier établ.ffement du 1 chnfiiamfmeona toujours regardé Ia vi1 fite des 4,eux faints de la Judée comme 1 un ufage tres-propre k réveiller & k en1 tretemr puiffamment 1'efprit de dévotion • f.auxj fiecles fuivans l'ufage s'en confirma : & s accrut dans toutes les parties de la ichretiente. Lorfque Jérufalem fut foufmile a Ia domination mahométane & ïque Ie danger fe joignit k la fatigue & k Ia depenfe d un pelerinage lointain , 1'entrepnfe n en parut que plus méritoire. C etoit quelquefois la pénitence que 1'on infligeoit pour les fautes capitales : plus ifouvent encore c'étoit un acfe volontaire ■d.cle par le zele : dans les deux cas,on e regardoit comme 1'expiation de toutes les fautes paffees. Par différentes caufes dont ,ai fait aiileurs 1'énumération (,), (OHift.deChadesV.vol.,, pag. a8f, G ij  I48 Recherches hlfloriques ces pieux voyages a la Teyre Sainte fe miiïtiplierent étonnamment au dixieme « onzieme fiecles. On voyoit partir pour Jérufalem , non-feulement des individus des claffes moyennes & inféneures de la fociété, mais même des perfonnes d un rang diftingué, avec une finte briljante & de nombreufes caravanes de ncnes pélerins. Dans toutes leurs opérations cependant les hommes favent avec une meryeilleufe adreffe mêler quelque Ipecuïatiorj d'intérêt aux aftes qui par leur ipiritualité en paroiffent le moins tuteeptibles Les caravanes mahoméfanes qui , fuivant le précepte de leur religion , vifitent le faint temple de la Mecque, ne font pas feulement compofées, comme ie le dirai plus au long, de devots pélerins mais auffi de marchands, qui, en allant & en revenant, fe pourvoient d un tel afiörtiment de marchandifes , que c elt pour eux 1'occafion d'un commerce coniidérable (i). Les Fakirs meme de 1 Inde, que leur fol enthoufiafme femble elever au-deffus de tous les foins de la terre, font de leurs fréquens pélennages un inttrument de 1'intérêt, en trafiquant dans (i) Viaggi di Ramufio vol i p- ^51 > IS3-  fur Pinde anciennz. 149 tous les pays qu'ils traverfent (1). De même ce n'étoit pas la feule dévotion qui faifo:it entreprendre le voyage de Jérufalem a ces troupes fi nombreufes de péleri'ns chrétiens. I,e principal motif pour plufieurs, c'étoit le commerce , & en échartigeant les produétions de 1'Europe pour les marchandifes bien plus précieufes de 1'Afie & fur-tout de 1'Inde, qui alors étoient répandues dans toutes les parries de la domination des Califes, ils s'enrichiffoient & faifoient parvenir k leurs concitoyens, par un nouveau canal, les jouiffances de 1'Orient, dont ils ne devenoient encore que plus avides(z). Mais quelques foibïes que foient les indices qui, avant les croifades, marquent 1'influence des fréquens pélerinages en Oriënt. fur le commerce , ils deviennent fi frappans après Ie commencement de ces expéditions, qu'ils fe préfentent d'eux-mêmes aux yeux de 1'obfervateur. Ce fut la 1'efFet du concours de plufieurs circonftances, dont 1'énumération fera voir qu'un examen attentif des progrès & des fuites des croifades jette (1) Voyez note 40. (?) Gul. Tyr. lib. xvii, ch. 4 , pag. 933 , ap. Gefta Dei per Francos. S Vi. P G iij  i <| O Recherches- hljionques la plus grande lumiere fur le fujet de mes recherches. De grandes armées , conduites par les plus illufrres feigneurs de 1'Europe, & compofées de tout ce qu'il y avoit de plus actif dans fes divers royaumes , marchoient vers la Paleftine , a travers des pays qui furpaffoient de beaucoup ceux qu'ils venoient de quitter, dans tous les genres d'induftrie. Ils virent 1'annonce de la profpérité dans les républiques ditalie qui avoient commencé i fe difputer le fuccès dans les arts qui tiennent a 1'induftrie , & dans les mefures qui avoient pour objet de concentrer chez elles le commerce lucratif de 1'Orient. Ils admirerent un plus grand développement encore dansl'opulence & la fpLendeurde Conftantinople, éminemment élevée audeffus de toutes les villes alors connues, par 1'étendue de fon commerce, & furtout de celui qu'elle faifoit avec 1'Inde &S les régions ultérieures. Ils fervirent enfuite dans les provinces de 1'Afie oü paffoient ordinairement les marchandifes de 1'Orient, & fe rendirent maitres de plufieurs villes qui avoient été des entrepots de ce commerce. Ils fonderent le royaume de Jérufalem , qui fubfifta prés de deux cents ans. Ils s'emparerent du tröne de 1'empire grec, qu'ils gouyernerect  fur tlnde anclenne". i j i plus d'un demi-fïecle. Parmi une fcene d'éyénemens & d'opérations auffi variée , les idees des fiers guerriers de 1'Europe' s'ouvrirent & s'étendirent infenfiblement; ils s'initierent dans les arts & dans le gouvernement des peuples qu'ils avoient foumis; ils obferverent les fources de leur richeffe, & fe préparerent a profiter de toutes ces connoiffances. Antioche 6c Tyr , au moment que les Croifés s'en rendirent maitres, étoient des villes üoriffantes ,_habitées par de riches marchands qui fourniffoient a tous les peuples commercans de la Méditerranée les produaions de 1'Orient (i) ; autant qu'il eft poffible de le conjeaurer d'après des circonftances indireaes rapportées par les hiftoriens de la guerre facrée , qui étant pour Ia plupart prêtres ou moines, portoient leur attention fur des objets bien différens de tout ce qui peut avoir rapport au commerce, il y a lieu de croire que le trafic , depuis fi long-temps établi avec 1'Orient, continua d'être protégé &c encouragé, non feulement k Conftantinople , tant que les Francs y régnerent, mais même dans les ports de Syrië tr£t)TCu,,Tyr-,ib' xm' ch- <• Alb.Aquens, tidt. Hiero. ap. Gefta Dei, vol. i, pag. ï4Ji G iv  152 Recherches hijioriques dont les Chrétiens s'étoient mis en poffeffion. Mais quoique le commerce n'ait été peut-être qu'un objet fecondaire pour les chefs belliqueux des croifades, engagés dans des hoftilités continuelles avec les Turcs d'un cöté , & de 1'autre avec les foudans d'Egypte; c'étoit au moins le premier objet de ceux dont ils fe fervoient dans leurs opérations. Quelque xiombreufes que fuffent les armées qui avoient arboré la croix, & quelque entreprenant que fut le zele fanatique qui les animoit, elles ne feroient jamais vernies a bout de leur projet, elles ne fë feroient même jamais rendues jufqu'au lieu de la guerre, fi elles ne fe fuffent afluré 1'affiftance des états d'Italie. AuCune autre puiffance de 1'Europe ne pouvoit leur procurer un nombre fuffifant de vaiffeaux de tranfport pour conduire les armées des croifés fur la cöte de Dalmatie, d'oü elles s'avancoient vers Conftantinople, lieu du rendez-vous général; on auroit été en état de leur fournir des provifions & munitions de guerre dans la la quantité requife pour Pinvafion d'un pays éloigné. Dans toutes les expéditions fuivantes, lesflottes des Génois, desPifans ou des Vénitiens . fe tenoient Ie  fur tlnde anclenne. t j 3 long de la cöte, a mefure que les armées s'avancoient par terre, &z leur fourniffant par intervalles tout ce qui pouvoit leur manquer , concentroient dans leurs mains tout le profit d'une branche de commerce trés - lucrative dans tous les temps, C'étoit avec toutes les vues intéreffées de marchands, que les Italiens apportoient leurs fecours. Si 1'on prenoit une place, & qu'ils trouvaffent leur intérêt a s'y fixer, ils obtenoient des croifés toutes ibrtes de privileges avantageux; la liberté du commerce; la diminution 011 même Pexemption totale des droits levés fur 1'entrée & fur Ia fortie des marchandifes ; des fauxbourgs entiers dans certaines villes, & dans d'autres de longues rues en leur poffeffion ; Ie privilege pour quiconque réfidoit dans leur enceinte ou commercoit fous leur protec tion, d'être jugés fuivant leurs loix, & par des juges de leur propre choix (1). D'un fi grand nombre d'avantages il réfulta néceffairement pendant la durée des croifades, une augmentation rapide de richeffe & de puiffance pour tous les états eommercans d'Itaüe. Tous les ports ouverts au commerce étoient fréquentés (1) Hift. de Charles V, vol. 1 , pag. 34. G v  154 Recherches hiflonqttts par leurs marchands, qui, après setrï entiérement emparés du commerce de 1'Orient, fe donnerent de tels mouvemens pour trouver des nouveaux débouchés aux marchandifes qui en provenoient, qu'ils en répandirent le goüt dans plufieurs endroits de 1'Europe , oü elles avoient été jufqu'alors étrangeres. II arriva deux événemens avant la fin de la guerre fainte, qui, en faifant paffer aux Génois & aux Vénitiens plufieurs provinces de 1'empire Grec, les mirent en état de fournir a 1'Europe toutes les produdlions de 1'Orient en plus grande abondance. Le premier fut la conquête* de Conftantinople , 1'an douze cents quatre, par les Vénitiens & par les chefs de Ia quatrieme croifade. II n'entre pas dans Ie plan de eet ouvrage de rendre compte des intéréts politiques & des intrigues qui formerent cette alliance, & tournerent contre un monarque chrétien les armes bénites deftinées a délivrer la ville fainte de Ia domination des infideles. Conftantinople fut prife d'affaut & pillée par lesconfédérés. Un comte de Flandres fut mis fur le trone impérial. Les états qui étoient encore au pouvoir des fucceffeurs de Conftantin, furent divifés en quatre parties, dont une fut affignée au  fur Unit anchnn». 155 nouye! empereur pour foutenir Ia dignité & les fraix du gouvernement; il fe fit une répartition égale des trois autres entre les Vénitiens & les chefs de Ia croifade. Les premiers qui, dans la formation & dans 1'exécution de cette entreprife, n'avoient pas un feul inftant perdu de vue ce qui pouvoit être le plus utile a leur commerce, s'affurerent les territoires les plus avantageux pour un peuple trafiquant. Ils obtinrent une partie du Péloponefe, ou fleuriffoient alors les plus riches manufaftures & fur-tout celles de foie. Ils eurent en leur poffeffion plufieurs des ifles les plus grandes & les mieux cultivées de 1'Archipel, & formerent une chaine d'établifièmens tant militaires que commerciaux , qui s'étendoit depuis la mer Adriatique jufqu'au Bofphore (1). Un grand nombre de Vénitiens s'étabtirent a Conftantinople, & fans Ia moindre oppofition de la part de leurs belliqueux affociés peu attentifs aux progrès de 1'induftrie, ils réunirent dans leurs mains les différentes branches de commerce qui avoient fi long-temps enrichi (1) Danduli, Chronic. ap. Murat. Script. Rer. Ital. vol. xii, pag. 328. Mar. Sanuto, Vite de duchi di Venez. Murat. vol. xxn, pag. 532, G vj  3 5 6" Recherches hljïoriques cette capitale. Mais ils s'attacherent paN ticuliérement au commerce de la foie & a celui de Pinde. Depuis le regne de Juftinien , ce fut fur-tout en Grece & dans quelques-unes des ifles adjacentes, que les vers-a-foie, qu'il avoit le premier introduits en Europe, furent élevés & foignés. Le produit de leurs travaux fut employé a des fabriques d'étofFes de différentes efpeces dans plufieurs villes de 1'empire. Mais c'étoit a Conftantinople, féjour du luxe & de Populence, que fe faifoit le plus grand débit de cette marchandife fi eftimée, & ce fut par conféquent dans fes murs que fe concentra le commerce de Ia foie. II y avoit déja quelque temps que les Vénitiens', en envoyant des cargaifons dans les différens ports ou ils trafiquoient, s'étoient appercus que la foie, dont il fe faifoit tous les jours de nouvelles demandes dans toutes les parties de 1'Europe, étoit un article de la première importance. Ils avoient a Conftantinople un fi grand nombre de leurs concitoyens, on leur y accordoir de fi grandes exemptions, que non-feulement le prix & la quantité de Ia foie qu'ils envoyoient étendirent de beaucoup les bornes & les profits de ce commerce pour eux; ils sinftruifirent encore fi k  fur Vindt andtnne. i^j fond de tout ce qui eft relatif a Ia fabrique de la foie, qu'ils effayerent de 1'établir dans leurs propres états. Les mefures prifes a eet effet par les individus, & les régiemens faits par le gouvernement, furent concertés avec tant de prudence, Sc exécutés avec un tel fuccès, qu'en peu de temps les manufa&ures de foie de Venife le difputerent a celles de Ia Grece Sc de la Siciie, Sc ne contribuerent pas moins a enrichir Ia république, qu'a étendre Ia fphere de fon commerce. En même-temps les Vénitiens profiterent de 1'afcendant qu'ils avoient pris dans Conftantinople , pour augmenter leur commerce avec 1'Inde. Outre les moyens communs k toutes les autres villes commercantes de 1'Europe , par lefquels les produöions de 1'Orient arrivoient a la capitale de 1'empire Grec elle en recevoit encore une grande quantité par une voie qui lui étoit particuliere. Quelques-unes des plus précieufes marchandifes de 1'Inde Sc de la Chine étoient tranfportées par des chemins que j'ai déja indiqués , jufqu'a la mer Noire, & de-la k Conftantinople, après une courte navigation. Les Vénitiens avoient un accès facile a ce marché, le mieux fourni après Alexandrie >. Sc les marchan»  '158 Recherches hljloriques difes qu'ils y achetoient faifoient une addition eonfidérable a ce qu'ils avoient coutume de prendre dans les ports d'Egypte & de Syrië. Ainfi, tant que 1'empire latin fe lbutint a Conftantinople, les Vénitiens eurent de fi grands avantages fur leurs rivaux que leur commerce s'étendit confidérablement ; & c'étoit d'eux principalement que toute 1'Europe recevoit les marchandifes de 1'Orient. L'autre événement dont je voulois parIer, fut le renverfement de la domination des Latins a Conftantinople & Ie rétabliffement de la familie impériale fur le tröne. Cette révolution fe confomma après une période de cinquante fept ans, & ne fut pas moins 1'efFet de la puiffante affiftance que les Grecs recurent de la république de Gênes, que du courage dont ils fe fentirent animés un inftant a la vue d'un joug étranger. Les Génois fentoient fi bien les avantages que les Vénitiens, leurs rivaux dans le commerce , retiroient de leur union avec les empereurs latins de Conftantinople, que, pour les en priver, ils furmonterent les préjugés les plus enracinés du fiecle, & fe joignirent aux Grecs fchifmatiques pour détröner un monarque protégé par 1'autorité papale ? fans s'inquiéter des fou-  fut tlnde anclenne, t^y dres du Vatican , qui a cette époque faifoient trembler les plus grands princes. Cette entreprife, toute hardie & toute impie qu'on la fuppofat alors, fut couronnée du fuccès. Pour récompenfer des fervices fi fignalés, la reconnoiffance ou la foibleffe de 1'empereur Grec , entr'autres libéralités, donna aux Génois, comme fief de 1'empire, Péra le principa.1 fauxbourg de Conftantinople, avec une telle diminution des droits Ievés fur 1'importation & 1'exportation des marchandifes , que bientöt ils n'eurent plus de rivaux dans le commerce. Les Génois en marchandsattentifs, ne laifferent échar> per aucun des avantages que pouvoit leur donner cette fituation favorable. Ils environnerent de fortifications leur établiffement nouveau dans Péra; tk ils firent de leurs comptoirs fur les cötes adjacentesautantde places fortes (i). lis étoient plus maitresque les Grecs mêmes du port de Conftantinople. Tout le commerce de la merNoire leur tomboit dans les rnains,; & non contens de cela, ils s'emparerent d'une partie de la Cherfonefe taurique aujourd'hui la Crimée, & firent de Caffa^ (i) Niceph. Gregor. lib. xi, ch. i, paragraphe 6, lib, xyn, ch, i, paragraphe L  'j6o Recherches hijloriques fa principale ville , la première place de leur commerce avec 1'Orient, & le port dans lequel venoient fe décharger toutes les marchandifes qui fe rendoient a la mer Noire par les différentes routes que j'ai déja décrites (i). En conféquence de cette révolution, Gênes devint Ia première puiffance commergante de 1'Europe; &. fi Paclive induftrie & 1'intrépide courage de fes citoyens euffent été fecondés par la fageffe du gouvernement, elle auroit joui longtemps de fa fupériorité. Mais il n'y eut jamais de contrafte plus frappant que celui que préfente Padminiftration intérieure des. deux républiques rivales de Venife & de Gênes. Dans la première, le gouvernement marchoit avec la fermeté d'une prudence réfléchie ; dans 1'autre, il n'avoit d'autre bafe que 1'amour de la nouveauté & le defir du changement. L'une jouiffoit d'un calme perpétuel ; 1'autre étoit livrée a tous les orages & a toutes les vicifïitudes des fao (i) Foli&a , Hift. Genuens, ap. Graev. Thef. 'Antiq. Ital. 1,387. De Marinis, de Genuens, Dignit. ib. 1486. Niceph. Greg. lib. xni, ch. ia, Murat. Annal. d'Ital. lib. vu, ch. 351. Voyez note 41.  fur tlnde anclenne'. 161 tions. L'accroiffement des richeffes que 1'indultrie de fes marchands faifoit coüler dans Gênes , ne contrebalancoit pas les défauts de fon organifation politique ; & même a travers fa plus brillante pofition- on voit percer des fymptümes qui annoncoient chez elle une diminution de force & d'opulence. Néanmoins , tant que les Génois con^ferverent leur premier afcendant dans 1'empire Grec, les Vénitiens , dans le commerce qu'ils y faifoient, fe fentirent écrafés de tant de défavantages, que leurs marchands n'allerent plus que raremeni a Conftantinople, & toujours avec répugnance ; pour répondre aux demandes des différentes parties de 1'Europe, oü ils avoient coutume d'envoyer les marchandifes de 1'Inde, ils furent obligés d'avoir recours aux anciens entrepots de ce commerce. Le principal & le mieux fourni de tous étoit Alexandrie , en ce qu'il devenoit fouvent impoflïble de tranfporter les marchandifes de linde a travers 1'Afie dans aucun port de Ia Méditerranée, a caufe des incurfions des Turcs, des Tartares & des autres hordes quiravageoient fucceffivement ce beau pays, ou qui s'en difputoient la poffeflion. Mais fous le gouvernement vigoureux & tout mili-  'ïèi Recherches hljloriques taire des foudans Mamelucks, 1'ordre & la füreté régnoient imperturbablement dans 1'Egypte, & Ie commerce, quoique furchargé de droits , étoit ouvert a tout le monde. A mefure que le commerce de Conftantinople & de Ia mer Noire fe refferroit dans les mainsdes Génois, les Vénitiens fentirent de plus en plus Ia néceffité d'étendre leurs rapports avec Alexandrie (i). Mais les Chrétiens de ce fiecle, fe croyant fouillés par des liaifons auffi mar^ quées avec les infideles, le fénat de Venife, pour impofer filence k (es propres icrupules & a ceux de fes fujets, eut recours a 1'infaillible autorité du pape , que 1'on croyoit revêtu du droit de dilpenfer de 1'obfervation rigoureufe des loix les plus facrées; & il en obtint la permiffion d'équiper tous les ans un nombre marqué de vaiffeaux pour les ports d'Egypte & de Syrië (2). Munie de cette autorifation , la république conclut un traité de commerce avec les foudans d'Egypte , fur des bafes équitables; en conféquence, elle nomma un conful pour réfider a Alexandrie, & un autre k Da- (1) Voyez note 42. (*) Voyez note 43.  fur tlnde anuenne. ï6j Bias, revêtus d'un caraéïere public, & qui devoientexercerune jurifdiftion merC3ntile, fous 1'autorifation des foudans. Des marchands &c artifans Vénitiens s'éTablirent dans ces deux villes a 1'ombra de leur proteéfion. Les vieux préjugés, les vieilles antipathies furent oubliés; & delaréunion de leurs intéréts réfuha pour la première fois un commerce franc & ouvert entre des Chrétiens & des Mahométans (i). Tandis que les Vénitiens & les Génois fe traverfoient dans leurs efforts, & n'épargnoient rien pour approvilionner exclufivement 1'Europe des produöions de 1'Orient, la république de Florence, pays originairement démocratique & commercant, fe livra au commerce avec tant de chaleur & de perfévérance, & le génie de la nation, autant que la nature de fes inftitutions, étoit fi favorable a fes progrès, que 1'état s'avanca rapidement k Ia puiffance , & les citoyens a la richeffe. Mais comme les Florentins n'avoient aucun port de mer commode, ils dirigerent fur-tout leurs foins ck leur attention vers Pamélioration de leurs manufacfu- (i) Saudi, Stofia civüe Veneziana, lib. v% ch. 15, pag. 248, &s.  'I64 Recherches hljloriques res, & vers des objets d'induftrie domeftique. D'après le compte qu'en rend un hiftorien très-bien inftruit, il paroit que les différentes efpeces de manufactures des Fiorentins , celles de foie & de drap fur-tout, étoient très-floriffantesau quatorzieme fiocle (1). Les liaifons qu'ils contraclerent en différens endroits de 1'Europe , oü ils envoyoient le produit de leur propre induftrie , les conduifirent naturellement a une autre branche de commerce, la banque. Ilsacquirent bientot une telle fupériorité dans ce genre, que le commerce d'argent de prefque tous les royaumes de 1'Europe leur paffoit entre les mains ; & même dans plufieurs états on leur confioit la perceptiën & l'adminiffration des revenus publiés. En conféquence de 1'aéHvité & du fuccès avec lequel ils conduifoient leurs manufaftures & leurs fpéculations d'argent , les unes toujours accompagnées d'un profit modique, mais certain ; les autres, lucratives au plus haut degré, dans un temps oü 1'on n'avoit fixé avec précifion ni Pintérêt de Pargent ni la' prime fur les lettres-de-change , Florence (1) Giov. Villani, Hift. Florent. ap. Murat. Script. Rer. Ital. vol. xni, pag. 823.  fur tlnde anciennt. 165 devint 1'une des premières villes de la chrétienté , & plufieurs de fes citoyens amafferent des fortunes énormes. Cöme de Médicis, chef d'une familie obfcure qui s'éleva par fes fuccès dans le commerce , paffoit pour le plus riche marchand que 1'on eüt jamais connu dans 1'Europe (1); & dans beaucoup d'aftes de munificence publique & de générofité particuliere , foit pour la prote&ion accordée aijx fciences, foit pour 1'encouragement donné aux arts utiles & agréables, aucun monarque de fon fiecle ne pouvoit aller de pair avec lui. II ne m'a pas été poffible de favoir fi les Médicis, dans leurs premières opérations mercantiles , firent aucun trafic en Oriënt (1). II eft plus probable, felon moi, qu'ils bornerent leur commerce aux mêmes objets que leurs concitoyens. Mais dès que la république, par la conquête de Pife, fe fut ouvert un débouché fur 1'Océan , Cöme de Médicis, qui avoit la principale direclion des affaires, s'efforca de don- (1) Fr. Mich, Crutus, Hift. Flor. pag. 37, 62. Chron. Eugubinum apud Murat. Script. Rer. hal. vol. xiv , pag. 1007. Denina , Révolutions d'Italie , tom. vi, pag. 263 , &c, (2) Voyez note 44.  l66 Recherches hiftorlques aer a fon pays une part dans ce commerce lucratif, qui avoit élevé Gênes & Vénife fi fort au-deffus des autres états de 1'ltalie, En conléquence , on envoya des ambaffadeurs a Alexandrie , pour obtenir du foudan que ce port & les autres ports de fa domination fuffent ouverts aux fujets de la république, & qu'il les admit a la participation des privileges commerciaux dont jouiffoient les Vénitiens. La négociation fut fuivie d'un tel fuccès que les Florentins paroiffent même avoir eu part au commerce de 1'Inde (i); & peu de temps après cette époque, nous trouvons les épices au nombre des mar-, chandifes importées par les Florentins en Angleterre (2). Dans quelques endroits de cette differtation , relatifs k la nature & aux progrès du commerce avec 1'Orient, j'ai été obligé d'aller k tatons, & fouvent k la lueur d'une très-foible lumiere. Mais comme nous approchons d'une époque oü les idéés des modernes fur 1'importance du commerce commencerent k fe développer, & oü fes progrès & fes effets devinrent pour les gouvernemens (1) Voyez note 45. (2) Haktuyt, voi. 1, pag. 19}.  fur ÜInde ancunne. 167 Pobjet d'une attention plus particuliere, nous pouvons efpérer de mettre plus de précifion, & de marcher avec plus de certitude dans les recherches qui nous reftent encore a faire. C'eft a cette augmentation d'intérêt que nous devons les détails que Marino-Sanuto , noble Vénitien , nous a laiffés fur le commerce de 1'Inde, & la maniere dontil fe faifoit dans fon pays au commencement du quatorzieme fiecle. Ils recevoient les marchandifes de 1'Orient, a ce qu'il nous dit, de deux manieres différentes. Celles d'un volume moindre & d'un grand prix, telles que les clous degirofle,Ia mufcade, Ie macis, les pierres précieufes, les perles , &c. arrivoient par le golfe perfique , & le long du Tigre jufqu'a Baffora, & de la a Bagdad, d'oii on les tranfportoit dans quelque port de Ia Méditerranée. Celles d'un volume plus eonfidérable, telles que le poivre, le gingembre, la cannelle, &c. & une certaine quantité des articles plus précieux, étoient conduites par 1'ancienne route jufqu'a la mer Rouge, & de la en traverfant le défert & le long du Nil jufqu'a Alexandrie. Les producfions qui fuivoient Ia première route étoient, comme Pobferve Sanuto, d'une qualité fupérieure; mais fouvent  ïéo* Recherches hijlor'iqttes on n'en recevoit que très-peu a caufe de Pennui & de la dépenfe d'un long tranfport parterre, & il ne peut s'empêcher d'avouer ( quoique le fait ne fut pas favorablea un projet favori qu'il avoit en vue en écrivant le traité que je cite ) que, par 1'état abandonné des pays par oü palfoient les caravanes , ce mode de tranfport étoit (ouvent précaire, & accompagné de danger (i). C'étoit feulement a Alexandrie que les Vénitiens étoient toujours fürs de trouver uneprovifion abondante des marchandifes de linde; & comme c'étoit fur-tout par eau qu elles y arrivoient, ils les auroient eues a un prix raifonnable, fi les foudans ne les avoient pas gré vées de d roits qui montoient au tiers de toute leur valeur. Cependant, malgré ce défavantage & beaucoup d'autres , il falloit en faire 1'achat; car par un concours de circonffances, a la tête defquelles on doit compter 1'augmentation des rapports des différentes nations de 1'Europe entr'elles, les demandes qui s'en faifoient alloient toujours croiffant pendant le quatorzieme fiecle. Par (i) Mar. Secreta fidelium Crucis, p. aj, &c. sp Bongarfium.  fur tlnde ancienne. i<$y Par Pirruption de toutes ces tribus ennemies de barbares , qui s'emparerent de la plus grande partie de 1'Europe, ce hen puiffant, par lequel les Romains avoient uni tous Iespeuples de leur vatte empire, fut entiérement dhTous; & les embarras qu'éprouverent les nations pour commuhiquer entre elles, furent fi décourageans, qu'on refuferoit abfolument d'y ajouter foi, fi la preuve n'en repofoitque fur Ie témoignage des hiftoriens, & n'étoit pas confirmée par quelque chofe' de plus authentique encore, Ia formation & 1'enregiftrement expres des loix, J'ai^ expofé, & en même-temps expliqué, dans un autre ouvrage (i), r>lufieurs ftatuts de ce genre, qui font Ia honte de Ia jurifprudence de prefque toutes les nations de 1'Europe. Mais quand les befoins & les defirs des hommes fe multiplierent, & qu'ils virent que les autres nations pouvoient leur procurer les moyens de les fatisfaire, les kntiinens d'inimitié qui les ifoloient entre elles s'affoiblirent, & furent infenfible- inent remplacés par les liens d'une affiftance reciproque. Depuis le temps des croi- pOHift. de Charles V, vol. t, pag. ?2,  iyo Recherches hifloriques fades qui raffemblerent pour la première fois des peuples qui fe connoiffoient a peine , & qui, pendant deux fiecles, les firent agir de concert pour le même objet , plufieurs circonftances concoururent a a'ccélérer cette communication générale. Les peuples des bords de la mer Baltique, redoutes jufqu'alors, & détefiés du refte de 1'Europe comme des pirates & des ufurpateurs, prirent enfin des mceurs plus douces & commencerent a vifiter leurs voifins en qualité de marchands. Des circonftances étrangeres au fujet aöuel de ces recherches, les unirent enfemble dans la puiffante confédération de commerce fi fameufe au moyen age, fous le nom de ligue anféatique , & les engagerent a établir 1'entrepöt de leur commerce avec les parties méridionales de 1'Europe a Bruges. C'eft \k oue fe rendoient les marchands d'Italie,X& fur-tout deVenife;& en échange des' produaions de 1'Orient & des manufaflures de leur propre pays, ils recevoient outre les articles d'armement & les autres marchandifes de 1'Europe, une quantité eonfidérable d'or & d'arJ gent des mines de différentes provinces d'Allemagne, les plus riches & les plus abondantes que 1'on cpnnut alors en Euj  fur Tlnde ancienne, mj Tope (i). Bruges continua d'être le grand marché ou magafin de 1'Europe pendant tout 1'efpace de temps oit s'étendent mes recherches, C'étoit la que s'entretenoit une correfpondance réguliere , autrefois inconnue entre tous les royaumes qui divifentnotrecontinent; & 1'on n'eft plus étonné de I'état de fplendeur & de puiffance auquel s'éleverent fi rapidement les républiquesd'Italie,quand on fonge comken leur commerce, d'oü ils tenoient tous ces avantages, a du s'étendre par la confommation confidérablement augmentée des produéiions de 1'Afie, dés que les vaftes contrées du Nord-E'ft de 1'Europe furent ouvertes pour les reIe voir. Pendant cette profpérité & ces progrès du commerce de 1'lnde, Venife recut d'un de fes citoyens, fur les pays qui produifoient les précieufes marchandifes qui formoient Ia plus importante branche de fon commerce, des détails qui donnerent de leur opulence, de leur population & de leur étendue une idéé bien fupérieure a toutes celles que s'en étoient déja faites les Européens. Comme • (i) Examen polït. de 1'Europe de Zimmermann, pag. iqz, H ij  ijl Recherches hijlorïques depuis Pépoque oü les Mahométans fe renriirent maïtres de 1'Egypte , il ne fut permis a aucun Chrérien d'aller en Oriënt a travers leurs états (i), la communication direcle des Européens avec 1'Inde ceffa entiérement. Les détails fur 1'Inde de Cofmas Indicopleuftes au fixieme fiecle, font, je crois, les derniers que les peuples d'Occidentregurentde perfonnes qui euffent vifité ce pays. Mais vers le milieu du treizieme fiecle , 1'efprit de commerce, devenu alors plus entreprenant & plus avide de nouveaux moyens de s'enrichir, engagea Mare Paul, noble Vénitien qui avoit commercé quelque tems dans les grandes villes de 1'Afie mineure , a pénétrer plus avant dans les parties orientales de ce continent, jufqu'a la cour du grand Khan fur la frontiere de la Chine. Pendant 1'efpace de vingt-fix ans, dont il employa une partie a des opérations mercantiles, & 1'autre a conduire les négociations que lui confioit le grand Khan, il examina plufieurs régions de 1'Orierit oü n'étoit jamais entré aucun Européen. I! donne la defcription du grand royaume de Cathay, nom fous lequel on con-j (i) Sanuto , pag. 23. 1  fur tlnde ancienne. 17noït encore la Chine dans plufieurs parties de 1'Orient (1), & la traverfa depuis Chambalu ou Pekin, placé fur la frontiere du Nord , jufqu'a fes provinces les plus méridionales. II vifita différentes parties de 1'Indofian, & il eft le premier qui parle du Bengale ck de Guzzerat, d'après leurs noms .modernes , comme de royaumes riches & puiffans. Outre fes découvertes par terre, il fit plus d'un voyage dans 1'Océan indien, & apprit quelques détails fur une ifle qu'il appelle Zipangri ou Cipango , probablement le Japon. II vifita en perfonne Java & plufieurs des ifles qui 1'environnent, 1'ifle de Ceylan & la cöte de Malabar jufqu'au golfe de Cambay, & donna a tous ces lieux le nom qu'ils portent aujourd'hui. On n'avoit jamais fait un fi vafte tour de 1'Orient, & c'eft la defcription la plus complete qu'aucun Européen en ait jamais préfenté; & dans un fiecle oü 1'on ne connoiffoit guere de ces régions que ce qu'en apprenoit la géographie de Ptolomée , non-feulement les Vénitiens , I (1) Herbelot , Bib. oriënt, artic. Khatay. Stewart, Account of Thihet. Phil. Tranf. xvii, 474. Voyage de A. Jenkinfon, Hakluyt, 1,333, H iij  174 Recherches hijïoriques mais tous les peuples de 1'Europe fit* rent étonnés de voir s'ouvrir devarit eux de fi vafte pays au-dela des limites qu'on avoit cru être jufqu'alors les plus reculées de la terre dans ces parages (i). Mais,. tandis que les fpéculateurs & les oififs s'occupoient a examiner les découyertes de Mare Paul, qui donne» rent lieu a des conje&ures & a des théories d'oü naquirent les plus impor* tantes conféquences, il arriva un événement qui attira 1'attention de toute 1'Europe , & eut la plus grande influence fur la marche de ce commerce , dont je m'efforce de fuivre les progrès. L'événement que j'annonee eft la conquête définitive de 1'empire grec par Mahomet II, & 1'étabÜffement du fiege du gouvernement turc dans Conftantinople. L'effet immédiat de cette grande révolution fut, que les Génois qui réfidoient a Péra , enveloppés dans la calamité générale, furent obligés d'abandonner non-feulement eet étahliffement, mais même tous ceux qu'ils avoient formés fur la cöte voifine de la mer , après^ (i) Voyez note 46.  fur tlnde ancienne. 175 en avoir été en poffeffion pendant pres de deux fiecles. Peu de temps après, les armes viclorieufes du fultan les chafferent de Cafa & de toutes les autres places qu'ils occupoient dans la Crimée (1). Conftantinople ne fut plus un marché ouvert aux peuples de 1'Occident pour les marchandifes de linde, &C Pon ne pouvoit s'en procurerqu'enEgypte & dans les ports de Syrië foumis aux foudans des Mameluks. Les Vénitiens, par une fuite de Ia proteftion & des privileges qu'ils s'étoient affurés par leur traité de commerce avec ces puiffans princes, trafiquerent dans toutes les parties de leur empire avec un fi grand avantage , qu'ils Pemporterent facilement fur tous leurs concurrens. Gênes, qui avoit été long-temps leur plus formidable rivale, humiliée par la perte de fes poffeffions en Oriënt, & affoiblie par fes diffentions domeftiques, déclina fi rapidement qu'elle fut réduite k mendier les fecours étrangers , & fe foumit alternativement k la domination des ducs de Milan &z des rois de France. Cette diminution de la puiffance poli- (1) Fcl.fta, Hift. genu. 602, 626. Murat. Annali d'Ital. ix , 451. H iv  iy6 Recherches hijloriquestique des Génois affoiblit leur commerce & en borna les fpéculations. Un dernier effort qu'ils firent pour reprendre la part qu'ils avoient eue autrefois dans le commerce de 1'Inde, en offrant aux foudans d'Egypte de traiter avec eux aux mêmes conditior s qui avoient été accordées aux Vénitiens, ne fut fuivi d'aucun fuccès; & pendant Ie refte du quinzieme fiecle, Venife fournit a la plus grande partie de 1'Europe les produclions de 1'Orient, & donna a fon commerce une étendue qui n'avoit point encore eu d'exemple dans ces temps. L'état des autres nations de 1'Europe étoit extrêmement favorable è Pavancement du commerce des Vénitiens. L'Angleterre, défolée par les guerres civiles dont la malheureufe querelle des maifons d'Yorck & de Lancaftre étoit la fource , avoit a peine tourné fon attention fur quelques-uns des objets de commerce qui font aujourd'hui faricheffe& fa puiffance. En France, on fentoit encore les funefies effets des armes & des conquêtes de 1'Angleterre; le monarque n'avoit pas encore repris affez de force , & le goüt du peuple n'étoit pas affez décidé, pour diriger le génie & Paclivité nationale vers les arts de la paix. La réunion des  fur Vindt anclenne. 177 difïérens royaumes d'Efpagne n'étoit pas encore eff cfuée ; quelques-unes de fes plus belles provinces étoient toujours fous la domination des Manres, avec qui les rois efpagnols étoient dans une guerre continuelle ; & , a 1'exception des Catalans, 1'on ne s'y occupoit guere du commerce étrang'r. Le Portugal, quoi qu'il füt déja entré dans cette carrière de découvertes qui fe termina par les plus brillans fuccès, n'y avoit pas encore fait affez de progrès pour mériter un rang diftingué parmi les états commercans de 1'Europe. Ainfi les Vénitiens, fans rivaux , fans concurrens, fi ce n'eft de la part de quelques uns des plus petits états d'Italie, pouvoient concerter & exécuter leurs plans de commerce comme boa leur fembloit; & le trafic avec les villes anféatiques, qui uniffoit le Nord & le Sud de 1'Europe, & qui avoit été jufques la commun a tous les Italiens, étoit alors prefque tout entier concentré dans leurs mains. Tandis qu'il fe formoit de toutes parts des demandes pour les producfions de 1'Afie, & que tous les peuples de 1'Europe s'empreffoient de former des liaifons avec les Vénitiens, jufqu'a les attirer dans leurs ports par toutes fones H v  kjS Recherches hlftorlqtté's d'exemptions, nous pouvons remarquef dans leur maniere de faire le commerce! avec 1'Orient, une fingularité qui ne fe retrouve chez aucun peuple ni dans aucune page de 1'hiftoire. Autrefois les Tyriens, les Grecs, maïtresde 1'Egypte, &c les Romains, alloient chercher par mer dans 1'Inde les marchandifes qu'ils fourniffoient aux peuples de POccident. Aujourd'hui la même marche eft fuivie par les Portugais, les Hollandois, &, k leur exempie, par les autres nations européennes. Dans les deux époques, on s'eft' plaint que le commerce ne pouvoit fe faire fansépuifer les différens états de métaux précieux qui , dans le cours de fes opérations , paffent fans ceffe d'Occident era Oriënt, pour ne plus reparoïtre. Quelle que put être cette perte, occafionnée par la diminution fucceffive, mais inévitable de Por & de 1'argent '(.& ce n'eft pas ici pour moi Ie lieu d'examiner ou de déci- j der ce que cette perte peut avoir de réet j ou d'imaginaire), les Vénitiens ne la fentirent prefque point; ils n'avoient point j de communication directe avec Pinde. IIï ' trouvoient en Egypte ou en Syrië des ma- I gafins remplis de marchandifes de l'O- || fient, qu'y avoient apportées les Mahométans ; &i d'après les détails les plus |I  fur Pinde aneiennel '179 exacts de la nature de leur commerce, il paroit qu'ils fe les procuroient plus fouvent par la voie de Péchange que par celle de 1'argent. L'Egypte qui eft Ie principal marché des produétions de 1'Inde, quoiqu'un des plus fertiles pays du monde, eft dépourvue de beaucoup d'objets de commerce néceffaires foit pour Ia commodité, foit pour le luxe. Trop bornée dans fon étendue & trop bien cultivée pour laiffer de 1'efpace aux forêts, trop unie a fa furface pour receler dans fon fein les métaux utiles, elle ne peut fe procurer Ie bois de charpents , le fer , le plomb, 1'étain & Ie cuivre, que par 1'importation qui s'en fait des autres pays. II ne paroit pas que les Egyptiens eux-mêmes, tant qu'ils furent fous la domination des Mameluks, aient commercé dans aucun port chrétien ; & c'étoit fur-tout des Vénitiens qu'ils recevoient tous les objets dont nous venons de parler. Outre ces articles, il fortoit des mains indufirieufes des Vénitiens toutes fortes de draps, d'étoffes de foie , des camelots , des miroirs, des armes, des ornemens d'or & d'argent, du verre & une foule d'autres objets qu'ils étoient toujours fürs de vendre en Egypte & en Syrië. En échange, ils recevoient des marchands d'Alexandrie, des épices H vj  1S0 Recherches hijloriques de toute efpece, des drogues, des pierres précieufes, des perles , de 1'ivoire, du coton & de la foie, tant apprêtés que manufafturés fous toutes les formes, & autres produ&ions de 1'Orient, avec plufieurs articles précieux de fabrication ou de produftion égyptienne. Dans Alep , Baruth & autres villes, outre les marchandifes mêmes de linde, qu'on y tranfportoit par terre , ils ajoutoient a leurs cargaifons les tapis de Perfe, les riches foies écrues de Damas, que 1'on connoït encore fous le nom qui leur vient de cette ville , & diverfes produftions de Part & de la nature, particulieres a la Syrië , a la Paleftine & a 1'Arabie. Si quelquefois leur débit des marchandifes de 1'Orient s'étendoit au-dela de ce qu'ils recevoient en échange de leurs propre» manufactures , le commerce avec les villes de la ligue anféatique, dont j'ai parlé, leur fourniffoit une quantité réglée d'or & d'argent des mines d'Allemagne, dont ils fe défaifoient avec avantage dans les marchés d'Egypte & de Syrië. Par une fuite de ce penchant qui s'efi manifefté dans tous les états commercans, & qui confifte a foumettre les opérations du commerce ades régiemens & a desmodifications politiques, il paroit que le  fur F Inch anc'unne. \Si gouvernement de Venife s'eft fervi de fa force pour diriger Pimportation des marchandifes de 1'Afie, & leur mode de circulation parmi les différens peuples de 1'Europe. Un certain nombre de gros vaiffeaux, connus fous ie nom de Gallons ou Óaraques, étoient envoyés aux dépens du tréfor public dans tous les entrepots les plus confidérables de la Méditerranée , & revenoient chargés des plus riches marchandifes (i) dont Ia vente ne devoit pas peu groffir le revenu de la répubüque. Cependant on encourageoit les citoyens de toutes les claffes, & fur-tout les perfonnes de familie noble, k prendre part au commerce du dehors ; & cenx qui, en conféquence expédioient un vaiffeau d'un certain port, recevoient du gouvernement des gratifications confidérables (z). C'étoit de cette maniere, partie fur des vaiffeaux de 1'état & partie fur les vaiffeaux particuüers des marchands, que les Vénitiens faifoient circuler les Imarchandifes qui leur venoient de l'OJrient, & celles qui étoient le produit I (r) Sabellicus , Hïft. Rer. Venet. Dec. ivf llib. ui, pag. 868. Denina, Révolut. d'Italie. atom. vi, 340. (2) Sandi, Stor. Cin. Venez. lib. vm, 831,  'ï82 Recherches hlftorlques de leur propre pays & de leurs manit- fa ft ures. Nous avons deux moyetis de connoitre, au moins en partie , 1'importance de ces branches de commerce dont les Vénitiens étoient les maitres. D'abord en confidérant le haut prix & la grande diverfité des marchandifes importées a Bruges, le magafin d'ou s'approvifionnoient les autres nations de 1'Europe, on en trouve dans un auteur très-bien infiruit une lifte des plus étendues, oii fontcom- pris tous les articles qui , dans ce uecle, étoient jugés indifpenfables pour 1'élégance ou pour la commodité (i). Enfuite en examinant les effets du commerce des Vénitiens fur les villes qui participoient a fes avantages, jamais les richeffes ne parurent d'une maniere plus éclatante a la fuite du commerce. Les citoyens de Bruges qui s'y étoient enri- j chis étaloient dans leurs habits , leurs batimens & leur maniere de vivre , unel magnificence qui pouvoit aller jufqu'a a mortifier 1'orgueil & exciter 1'envie même de la royauté (2). Anvers, lorfqu'elle | (1) Lud. Guicciardini Defcript, dei Paefi Baffiv pag. 17J. (2.) Voyez note 47.  Jut tlnde 'anciennel fgj' 'devint entrepot a fon tour, le difputa iuentöt a Bruges en grandeur & en opufence. Dans quelques villes d'Allemagne, & fur-toirtè Augsbourg, Ie grand marche des marchandifes de linde , dans i'ïnrérieur de ce vaffe pays, on trouve dès les premiers temps , des exemples de ces grandes fortunes accumulées par les fpéculations du commerce , qui en ont élevé les poffeffeurs a un rang difringué & è une grande confïdératiori dans I empire. . En voyant les richeffes fe multiplier ainfi dans tous les lieux oü les Vénitiens avoient un commerce établi, il eft naturel de conclure que le profit quils retiroient enx-rnêmes de fes différentes branches, & du trafic de l'Orient fur-tout, devoit être bien plus eonfidérable encore- II elf cependant impoffible , a moins d'a> voir des renfeignernens beaucoup plus precis que ceux qui nous reftent , de faire une telle eftimation avec exaétitude; mais différentes circonftances fe préfentent pour établir , en général, la jufteffe de mte conclufion. Dès linffant oh le gout du commerce commenea a fe reproduire en Europe, les Vénitiens eurent une tres-grande part au commerce da  I&4 Recherches hlftorlques 1'Orient. Cette part augmenta de plus en plus , & pendant une grande partie du quinzieme fiecle on peut dire qu'ils le faifoient prefque feuls, Ce monopole eut les fuites qu'il ne manque jamais d'avoir par-tout oit il n'y a pas de concurrence, & ou le marchand peut faire la loi aux acheieurs & régler lui-même le prix des marchandifes qu'il livre, fes profits furent exorbitans. On peut fe faire quelque idéé de leur étendue penant plufieurs fiecles, en fuivant le taux de 1'intérêt de 1'argent. C'eft la fans contredit la regie la plus infaillible a laquelle on puiffe s'attacher dans 1'eftimation du profit que rendent les principaux fonds employés dans le commerce; car fuivant que Pintérêt de 1'argent hauffe ou baiffe, le gain réfultant de fon ufage doit néceffairement varier & devenir exceflif ou modéré. Depuis la fin du onzieme fiecle jufqu'au commencement du (eizieme , période pendant lequel les Italiens déployerent tout leur génie pour le commerce, le taux de 1'intérêt fut extrêmement élevé. II étoit ordinairement de vingt pour cent, quelquefois au deffus; & jufqu'è 1'an mil cinq cent, il n'avoit jamais été au-deffous de dix ou douze  fur Clndt andtnne. Iffj pour cent, dans aucun endroit de 1'Europe (i). Si les pronts d'un commerce auffi étendu que celui des Vénitiens répondoient a ce haut prix de 1'argent, it ne pouvoit manquer d'être pour eux une fource abondante de richeffe, pour 1'état auffi bien que pour les particuliers (z). Les hiftoriens de ce temps parient donc de la fituation de Venife au période que nous avons fous les yeux , en termes qui ne peuvent convenir a celle d'aucun autre pays de 1'Europe. Les revenus de la république & les tréfors amaffés par les particuliers, furpaffoient tout ce que 1'on favoit è eet égard des autres pays. Dans Ia magnificence de leurs maifons , la richeffe de leur ameublement, la quantité de leur vaiffelle en or & en argent, & dans tout ce qui pouvoit contribuer a 1'élégance ou a 1'éclat dans leur maniere de vivre , les nobles de Venife effacoient le luxe des plus grands monarques au-dela des Alpes; & toute cette pompe n'étoit point 1'effet d'une prodigalité auffi vaine qu'inconfidérée, c'étoit la fuite naturelle d'une heureufe induftrie, qui après avoir (i) Hift. de Charles V, vol. i, p. 401, &G, (ï) Voyez note 48.  l8ó Recherches hijloriques accumulé les richeffes avec facilité,avoit le droit d'en jouir avec éclat (i). Les Vénitiens n'avoient jamais cru leur pouvoir plus folidement établi, ils n'avoient jamais compté avec plus de confiance fur la continuation & l'accroiffement de leurs richeffes que vers la fin du quinzieme fiecle, lorfqu'il arriva deux événemens qu'ils ne pouvoient ni prévoir ni empêcher, & dont les fuites furent fatales & pour 1'un & pour 1'autre. Le premier fut la découverte de 1'Amérique; le fecond , 1'ouverture d'un paffage direcT: dans les Indes orientales par le Cap de Bonne-Efpérance. De tous les événemens que préfente 1'hifloire du genre humain V il n'en eft certainement pas de plus intéreffans ; & comme ils occafionnerent un changement eonfidérable dans le fyftême de communication entre les différentes parties du globe , & finirent par faire adopter ces idéés & ces arrangemens de commerce qui tracent la ligne de démarcation entre les moeurs & la politique des temps anciens & des temps modernes, leur récit fe lie intimement au fujet de ces recherches, & les conduira au période qui, dans mon plan, (i) Voyez note 49.  fur tlnde anclenne. jgj jok leur fervir de terme. Mals comme dans un autre ouvrage (i), j'ai expofé fort au long 1'origine & les progrès de ces decouvertes, il fuffira d'en préfenter ia un appereu rapide. . Le fentiment d'admiration ou d'envie avec lequel les autres nations de 1'Europe regarderent la richeffe & la puiffance de Venife, les porta naturellement a rechercher les caufes de cette prééminence; Ia plus puiffante de toutes parut être fon commerce lucratif avec 1'Orient. Plufieurs pays mortifiés de fe voir exclus d'une fource de richeffes , qui avoit été fi abondante pour les Vénitiens, avoiem tenté de fe procurer une part dans le commerce de 1'Inde. Quelques-uns des états de l'Italie (comme je 1'ai déja fait entendre), s'étoient efforcés d'obtenir 1'entrée des ports d'Egypte & de Syrië, aux mêmes conditions que les Vénitiens ; mais les négociations qu'ils entameren! I ce fujet, furent déconcertées par la prépondérance des Vénitiens a la cour des foudans, ou par les avantages confidérables que des négocians depuis lonotemps en Doffeffion rPnnf» h,-^u„ .?„ commerce quelconque, ne manquent ja. (i) Hift. de TAménqua, liv. i, ch, z,  i88 Recherches hijloriques mais d'avoirfur les nouveaux concurrens: tous leurs efForts n'aboutirent qu'a trèspeu de chofe (i). Les mêmes vues enfanterent difFérens projets dans d'autres pays. Dès 1'année mil quatre centquatrevingt, le génie inventif& entreprenant de Colomb lui fit cóncevoir 1'idée d'ouvrir une communication plus prompte & plus fiïre avec 1'Inde en fuivant un cours direcF è POccident, vers ces régions qui, fuivant Mare Paul & les autres voyageurs, s'étendirent a 1'Orient bien audela des limites que les Grecs & les Romains s'étoient tracées dans 1'Afie. Ce futd'abord aux Génois fes compatriotes, & enfuite auroi de Portugal, au fervice duquel il étoit entré , qu'il propofa 1'exécution de ce plan , loutenu par des argumens tirés de la connoiffance exacte de la cofmographie , par Pexpérience qu'il avoit lui-même acquife dans la navigation , par les rapports des habiles pilotes, & par les théories & les conjeftures des anciens. II fut rejetté des premiers par ignorance , & du fecond avec les circonftances les plus humiliantes pour une grande ame. Cependant a force de perfévérance & d'adreffe, il engagea enfin Ia (i) Voyez note $o.  fur linde ancienne. 189 cour la plus foupconneufe & la moins penetrante de 1'Europe, a fe charger de Fexécution de fon plan ; & 1'Efpagne, pour avoir dérogé un moment a fes regies ordinaires de circonfpecïion, obtint en récompenfe la gloire de découvrir un nouveau monde , qui, en étendue ne fait guere moins que le tiers du globe habitable. Quelque étonnant que fut le fuccès de Colomb, il ne rempliffoit pas entiérement fes vues, &c le tenoit encore loin de ces régions de 1'Orient, oü I'efpoir d'arriver avoit été le premier objet de fon voyage. Cependant les effets de fes découvertes furent grands & étendus. En rendant 1'Efpagne maitreffe de territoires immenfes, fertües en mines précieufes & en riches producïions de la nature, dont plufieurs avoient été crues jufqu'alors particulieres a 1'Inde, les richef- I fes qui coulerent en abondance dans cë | royaume & de-la fe répandirent dans toute 1'Europe , furent Ie fignal d'une induflrie univerfelle & de mille entrepnfes, qui feules auroient été capables de détourner : le cours du commerce dans des rou- • tes nouvelles. Mais c'eft ce qui fe fit bien plus promptement & d'une maniere bien plus complete par 1'autre grand événement dont  19° Recherches hijlorlques j'ai parlé , la découverte d'une nouvelle route a 1'Orient, par le Cap de Bonne-Efpérance, lorfque lei Portugais, a qui les nations doivent 1'ouverture de cette communication entre les parties les plus éloignées du globe habitable, entreprirent leur premier voyage de découverte; il eft probable qu'ils n'avoient rien autre chofe en vue que de reconnoïtre les parties de la cöte d'Afnque les plus voifines de leur pays. Mais dès qu'on a une fois réveille & mis en aétion le goüt des entreprifes, on ne doit plus s'attendre qu'a des progrès; & quoique ce goüt, chez les Portugais, ait été timide & lent dans fes premières opérations , il fe fortifïa par degrés, & les pouffa dans leur courfe le long du rivage occidental du continent africain, bien au-dela du dernier terme de 1'ancienne navigation fur la même ligne. Encouragé par le fuccès, il s'accéléra d'avantage encore : méprifa les dangers qui jadis 1'avoient interdit, & furmonta les clifficultés qu'il avoit d'abord jugées infurmontables. Lorfque les Portugais trouverent fous la zone Tornde, que les anciens avoient prononcé Ctre inhabitable , des pays fertiles, occupés par des peuples nombreux, &c qu'ils s'appercurent que le continent de 1'Afri-  fur tlnde ancienne. ipi que, au-lieu cle s'étendre en Iargeur vers 1'Occident, fuivant 1'opinion de Ptolomée , paroiffoit au contraire fe reflerrer & décliner du cöté de 1'Orient, ils concurent de plus vaffes projets, & fe flatterent de gagner Pinde , en continuant dans la même direcfion qu'ils avoient fuivie fi long temps. Après plufieurs tentatives inutiles pour arriver a ce but, il partit des bords du Tage une petite efcadre, fous les ordres de Vafco de Gama, officier de rang , que fon courage & fes talens rendoient digne de conduire les entreprifes les plus difficiles & les plus élevées. Cependant, faute de connoïtre la faifon convenable & Ia route qu'il devoit tenir dans ce vafte Océan, a travers lequel il lui falloit s'avancer, fon voyage fut long & périlleux. Enfin il doubla ce promontoire qui , pendant plufieurs années, avoit fait Pobjet de Ia terreur & de Pefpérance de fes concitoyens. De-la, après une heureufe navigation Ie long du Sud-Eft de PAfrique , il arriva a la ville de Mélinde, oü il eut le plaifir de rencontrer, ainfi qu'en beaucoup d'autres endroits oü il aborda, une race d'hommes biens différens des habitans groffiers du rivage Occidental de ce continent, qui n'avoit été  IC) 2 Recherches hljlorlques vifité jufqu'alors que des feuls Portugal ïl les trouva fi avancés dans les différens arts de la vie & de la fociété, qu'ils faifoient un grand commerce, non-feulement avec les peuples de leur propre cöte , mais même avec les pays éloignés de 1'Afie. Sous la conduite de leurs pilotes qui fuivirent une direcfion que 1'expérience leur avoit rendue familïere, il fit voile a travers 1'Océan Indien & debarqua a Calicut, fur la cöte de Malabar , le vingt-deux de mai de 1'année mil quatre cent quatre-vingt-huit, dix mois & deux jours après fon départ du port de Lisbonne. Le famorin on monarque du pays, furpris de cette vifite inattendue de la part d'un peuple inconnu , dont 1 air, les armes, les manieres, ne reffembloient en rien a ce qu'il voyoit dans les nations accoutumées a fréquenter fes ports, & qui arrivoit dans fes états par une route jugée impraticable jufqu'alors, les recut au premier abord avec eet enthoufiafme d'admiration qu'excite fouvent la nouveauté. Mais bientöt après, comme s'il eüt eu Ie rapide preffentiment de tous les maux que cette fatale communication ouverte avec les habitans de 1'Europe, alloit faire fondre fur 1'Inde, il s'avifa de  fur Pinde ancienne. IOJ i de plufieurs ftratagêmes pour couper la i retraite a Gama & a fes compagnons. K Mais 1'amiral portugais fe retira avec prutt dence & une intrépidité merveilleufe de I tous les dangers auxquels il fut expofé, i foit par les attaques ouvertes, foit par i les trames fecretes des Indiens, & il j partit de Calicut avec fes vaiffeaux char>j gés, non-feulement de marchandifes par1 ticulieres a cette cöte, mais même de c plufieurs riches produclions des parties ; orientales de 1'Inde. A fon retour a Lisbonne, il fut accueilli & de toutes les ifles de 1'Archipel, fe ï rendoient de 1'Orient; & ceux du MaC labar, de Ceylan , de Coromandel & > du Bengale, du cöté de 1'Occident (i). s Cette conquête donna aux Portugais une : grande influence fur le commerce inté- (i) Décad de Barros, déc. i, liv. vin, ch. I. Ofor. de Ree. Eman. lib. VII, 213 , &c. I iij  ie;8 Recherches hijlorïques rieur de 1'Inde, tandis que par les établilTemens qu'ils avoient auffi a Goa & a Dion, ils pouvoient fe rendre maitres du con> merce de la cöte de Malabar, & mettre de grands obftacles aux liaifons depuis löng-temps établies de PEgypteavec Pinde par la mer Rouge. Leurs vaiffeaux fréquentoient tous les ports de 1'Orient oü fe trouvoient des marchandifes de prix, depuis le Cap de Bonne-Efpérance jufqu'a Ia riviere de Quang-Tong ; & le long de cette immenfe étendue de cötes, qui étoit de plus de quatre mille Iieues (i)., ils avoient établi , tant pour la commodité que pour la füreté du commerce , une chaine de forts ou de comptoirs. Ils s'étoient auffi emparés de plufieurs paffes favorables au commerce , le long de la cöte méridionale d'Afrique, & dans plufieurs des ifles fituées entre Madagafcar & les Moluques. Partout dans 1'Inde ils étoient regus avec refpefl:, & dans beaucoup d'endroits ils jouiffoient de 1'autorité fuprême. Ils y faifoient Ie commerce fans rivaux ou fans gêneils diöoient aux naturels les conditions des échanges; ils mottoient fouvent aux marchandifes qu'ils ache- (i) Hift. génér. des Voyages, t. j, p. 140*  fur tlnde ancienne. icjc) toient le prix qui leur convenoit , Sc pouvoient ainfi faire venir de 1'Indoftan & des pays au-dela , tout ce qu'il y a d'utile, de rare ou d'agréable, en plus grande abondance Sc de plus de différentes efpeces qu'il ne s'étoit encore vu en Europe. Non contens de 1'afcendant qu'ils avoient acquis dans 1'Inde, les Portugais formerent de bonne heure le projet, non moins hardi qu'intéreffé , d'exclure toutes les autres nations du commerce avantageux de 1'Orient. Pour y réuffir, il falloit avoir fur les golfes arabique &c perfique des poftes d'oü ils auroient pu fe rendre maitres de la navigation de ces deux mers intérieures, Sc qui les auroient mis en état d'arrêter 1'ancienne communication de 1'Egypte avec 1'Inde , Sc de dominer 1'entrée des grandes rivieres qui facilitoient le tranfport des marchandifes de 1'Inde , nonfeulement dans les provinces intérieures de 1'Afie, mais encore jufqu'a Conftantinople. La conduite des mefures qui devoient mener è ce but, fut confiée è Alphonfe Albuquerque , le plus grand des généraux portugais qui fe diftinguerent dans Pinde. Après les plus grands efForts du génie Sc de la valeur, il ne l iv  200 Recherches hijtoriques put remplir qu'è demi Ie plan que s'étoit tracé Pambition de fes concitoyens. En cbaffant de I ifle d Ormus, qui comman-ioit 1'entrée du golfe perfique , les petits princes qui y avoient établi leur dominafion fous la dépendance des rois de Perfe, il mit le Portugal en poffeffion de ce commerce étendu avec 1'Orient, qui, luivant 1'expofé que j'en ai déja fait , avoit été pendant plufieurs fiecles entre les mains des Perfes. Ormus, fous la domination portugaife , devint bientöt le grand marché ou 1'empire de Perfe & toutes les provinces d'Afie, qui en font a 1'Occident, s'approvifionnerent des producfions de Pin¬ de ; oc une ville qu ils batirent dans cette ifle déferte & deftituée d'eau devint 1'un des principaux féjours de Populence, de la lplendeur ö£ du luxe , dans 1 Onent {i). II s'en faut bien que les opérations d'Albuquerque dans la mer Rouge, aient été fuivies du même fuccès; en partie par la vigoureufe réfiftance des princes arabes dont il attaqua les ports, en partie parle dommage qu'effuya fa flotte fur une mer (l) Oforius, de Reb. Geft. Eman. lib. X, pag. 274, &C. Voyages de Tavernier, lih.-Vi, ch. 23.  fur Pinde anclenne. lor dont la navigation eft extrêmement difficile & dangereufe, il fut obligé de fe retirer , fans avoir pu former aucun établiffementimportant( i ).L'ancienne route de communication avec 1'Inde par la mer Rouge, demeura toujours ouverte aux Egyptiens; mais les opérations de leur commerce dans ce pays furent très-refferrées, & (ouffrirent beaucoup de 1'influence que les Portugais avoient acquife dans tous les ports qu'ils avoient cautume de fréquenter. En conléquence, les Vénitiens ne tarderent pas k fentir eux-mêmes dans leur commerce de 1'Inde, cette diminution qu'ils avoient prévue avec un fentiment de terreur. Pour arrêter le mal dans fes progrès, ils perfuaderent au foudan des Mameluks, allarmé comme eux des fuccès rapides des Portugais dans 1'Orient , & non moins intéreffé k prévenir dans leurs mains le monopole de ce commerce qui avoit fait fi long-temps la principale richeffe des monarques & des peuples d'Egypte , d'entrer en négociation avec le pape & le roi de Portugal. Le ton que prit le foudan dans cette négociation , fut celui qui convenoit au (i) Oforiiu , lib, ix, pag. 248, &c. I V  201 Recherches kijlorlques chef arrogant d'un gouvernement militaire. Après avoir expofé le droit exclufif qu'il avoit au commerce de 1'Inde, il annonca a Jules II & h Emmanuel que fi les Portugais n'abandonnoient pas la nouvelle route qu'ils s'étoient ouverte dans 1'Océan indien, & ne ceffoient d'empiéter fur ce commerce qui, de temps immémorial, s'étoit fait entre I'Eft de 1'Afie & fes États, il feroit mettre a mort tous les Chrétiens d'Egypte, de Syrië & de Paleftine, bruleroit leurs égüfes & démoliroitleSaint-Sépulchre lui-même (i). Cette formidable menace qui, quelques fiecles auparavant, auroit fait trembler toute la chrétienté, paroit avoir fait fi peu d'impreftion que les Vénitiens, en dernier reffort, eurent recours a une mefure qui, dans ce fiecle, ne fut pas feulement jugée répréhenfible, mais impie. Ils eng.3gerent le foudan a équiper une flotte fur la mer Rouge, & a attaquer ces ufurpateurs inattendus d'un monopole lucratif, dont lui & fes prédéceffeurs avoient joui long temps en paix. Comme 1'Egypte ne produilbit pas le bois (i) Ofoiius, de Rebus Eman. lib. IV, p. 110, édit. 1580. Afia de Barros, décad. 1, lib. vm, ch. a.  fur Pinde anclenne. 103 pröpre h la conftruclion des gros vaiffeaux , les Vénitiens permirent au foudan d'en couper dans leurs forêts de Dalmatie, d'oü il fut tranfporté a Alexandrie , & de-la k Suez, en partie par eau, en partie par terre. La , on conftruifit douze vaiffeaux de guerre, a bord defquels un corps de Matneluks recut ordre de fervir fous le commandement d'un officier de mérite. Ces nouveaux ennemis, bien plus formidables que les naturels de 1'Inde , a qui ils avoient eu affaire jufqu'alors , ils les recurent avec un courage intrépide, & après quelques chocs très-rudes , ils ruinerent entiérement 1'efcadre & refterent maitres de 1'Océan indien (1). Bientót après ce défaftre, la domination des Mameluks fut renverfée, & 1'Egypte, la Syrië & la Paleliine furent fouinifes a 1'empire Turc par les armes viöorieufes de Sélim I. L'intérêt mutuel des Turcs & des Vénitiens leur fit bientót oublier leurs anciennes animofités, pour travailler de concert k la ruine du commerce des Portugais dans 1'Inde. D'après ces dif- (1) Afia de Barros, déc. 11, lib. 11, ch. 6. LaStau, H it. des découvertes des Portuaais \ 1 292, &X. Oforius, lib. iv, pag. 120° ' I Vj  ït>4 Recherches hljlorlquis pofitions, Sélim confirrna aux Vénitiens" les grands privileges dontjls avoient joui dans leur commerce, fous le gouvernement des Mameluks, & publia un édit qui déchargeoit de tout droit d'entréa les producfions de 1'Orient venant directement d'Alexandrie, dans toute 1'étehdue de fes Etats , & qui en mettoit de confidérables fur celles qui arrivoient de Lisbonne (i). Mais toutes ces petites mefures vinrent échouer contre les avantages fupérieurs qu'affuroit aux Portugais dans 1'approvifionnement de 1'Europe la nouvelle route de communication qu'ils avoient ouverte avec 1'Orient. Vers le mêmetemps, les Vénitiens, mis a deux doigts de leur perte par la fatale ligue de Cambray , qui humilia 1'orgueil de la république & anéantit fa puiffance, ne furent plus en état de faire pour la confervation de leur commerce les efForts dont ils auroient été capables aux beaux jours de leur gouvernement, & furent réduits aux foibles expédiens d'un Etat qui fuccombe. Ils en donnerent une preuve remarquable dans 1'ofFre qu'ils firent au roi (i) Sandi, Stor. civ. Venez. part. II , 901 , part. 111, 432.  fur fin Je anc'ienne. 10 f de Portugal 1'an mil cinq cent vingt-un, d'acheter a un prix convenu toutes les épiceries qui entroient dans Lisbonner après en avoir prélevé la quantité néceffaire k la confommation de fes fujets. Si Emmanuel avoit été affez inconfidéré pour accepter une pareille propofition, Venife recouvroit tout Ie profit du monopole qu'elle avoit perdu. Mais Poffre fut accueillie comme elle le méritoit, c'eft-a-dire , rejettée fans héfitation (tf). Les Portugais continuerent, prefque fans obftacle, leurs progrès dans 1'Orient, & finirent par y établir un état commercant auquel il n'y avoit encore eu rien de comparable dans 1'hiftbire des Nations, foit que nous en confidérions 1'étendue & 1'opulence, le foible pouvoir qui le fonda, ou 1'éclat avec lequel il fut gouverné. Emmanuel, qui jetta les fondemens de eet étonnant édifice , eut Ia fatisfadfion de le voir prefque achevé. Par-tout dans 1'Europe on recevoit des mains des Portugais les productions de 1'Orient; &c fi nous en exceptons quelques foibles portions qui arrivoient encore aux Vénitiens par les routes anciennes , la partie du globe que nous habi- (i) Ofor. de reb. Eraan. lib. xn, 265.  . aoó Recherches hiftoriques tons n'eut plus de rapports de commerce avec 1'Inde & les régions ultérieures de 1'Afie, que par le Cap de Bonne-Efpérance. Quoique depuis cette époque les peuples de 1'Europe n'aient point ceffé de faire par mer leur commerce avec 1'Inde, cependant c'eft encore par terre que les autres parties du monde recoivent une trés grande quantité des plus précieufes produöions de 1'Orient. En fuivant les progrès du commerce avec 1'Inde, cette branche qui en eft une des plus étendues, n'a point été examinée avec une attention fuffifante. Quand on fe rappelle 1'étatimparfaitde la navigation chez les anciens , on n'eft pas étonné qu'ils aient eu fouvent recours è la voie longue &£" difpendieufe du tranfport des marchandifes par terre ; mais que ce mode de tranfport fe foit non-feulement confervé, mais même étendu chez les modernes; c'eft ce qui demande quelque explication. En jettant 1'ceil fur une carte d'Afie, on ne peut s'empêcher de remarquer que la communication avec tous les pays de ce vafte continent jufqu'a 1'Oueft de 1'Indoftan &c de la Chine , quoique ouverte, en quelque forte, du cöté du Sud par les  fur tlndt ancienne. 207 ffetives navigables de 1'Euphrate & duTigre, & du cöté du Nord, par deux mers intérieures , 1'Euxin & la mer Cafpienne, doitnéceffairement fe faire entiérement par terre dans plufieurs grandes provinces. Ce fut la, comme je 1'ai obfervé, le premier moyen de communication entre différens pays, &, pendant Fenfance de la navigation, il n'y en eut point d'autre. Même après que eet art eut acquis quelque degré de perfeflïon, le tranfport des marchandifes par les fleuves dont j'ai parlé, pénétroit fi peu avant dans 1'intérieur da pays, Sc le commerce du Pont-Euxin Sc de la mer Cafpienne étoit fi fouvent infecfé par les nations barbares di/perfées fur leurs cötes-, que foit pour cette railon, foit par Pattachement des hommes a d'anciennes habitudes, le commerce-des différentes contrées de 1'Afie, celui de Pinde fur-tout & des régions au-dela , continua de fe faire par terre. Les mêmes circonftances qui porterent les habitans de 1'Afie a faire une fi grande partie de leur commerce réciproque de cette maniere , opérerent avec plus de force encore en Afrique. Ce vafte continent, qui reffembJepeu aux autres diH Vifions de la terre, n'eft pas, comme ■i 1'Europe Si 1'Afie , pénéïré par des mers  lo8 Recherches hljloriques intérieures , ou par une chaine de lacs comme le Nord de 1'Ainérique, ni ouvert par des fleuves (fi 1'on en excepte le Nil) d'une navigation fort étendue. II préfenfe une même furface continue, entre les différentes parties de laquelle il n'a pu, dès les commencemens, exifter de rapports que par terre. Quelque groffiers que fbient les peuples de 1'Afrique, & quelque peu de progrès qu'ils aient fait dans les arts fociaux , il paroït que 1'on n'a point ceffé d'entretenir de pareilles liaifons. Je ne puis, faute de renfeignemens , déterminer avec précifion quelle en a été l'étendue & la marche,. dans les temps plus anciens oü j'ai porté mes recherces. II eft extrêmement probable que , de temps immémorial, Por, 1'ivoire & les parfums du Nord & du Sud de 1'Afrique furent tranfportés au golfe arabique ou en Egypte , & échangés contre les épices & les autres productions de 1'Orient. I La religion mahométane qui fe répandit avec une étonnante rapidité par toute 1'Afie , & dans une partie eonfidérable de 1'Afrique, contribua beaucoup è 1'augmentation du commerce par terre dans ces deux parties du monde , & lui donna une nouvelle vigueur, en y mêlant un nou*  fur Pinde anciennc. xog veau ptincipe d'aftivité, & en Ie dirigeant vers un centre commun. Mahomet enjoignit a tous fes feftateurs de vifiter une fois dans leur vie le Caaba ou baliment carré dans le temple de Ia Mecque, objet de vénération pour fes compatriotes, dont 1 epoque fe perd dans Ia nirit des temps; fuivant leur tradition, c'eft Je premier lieu fur ce globe oü Ia divinité commenca d'être adorée : pour leur rappeller continuellement 1'obügation deremplir ce devoir, il établitpour regie que les vrais croyans, dans les a&es de dévotion multipliés que prefcrir fa religion, auroient toujours le vifage tourné vers ce lieu faint (i). Pour fe conformer a ce précepte folemnel, inculqué avec le plus grand foin , de nombreufes caravanes de pélerins s'affemblent tous les ans, dans tous les lieux oü la foi mahométane eft établie. Des rivagesde 1'Atlantique d'un cóté; de 1'autre des régions les plus éloignées de 1'Orient, les fideles difciples du Prophete s'avancent vers la Mecque. Aux idéés & aux objets de dévotion fe mêlent les idéés & les objets du (0 Hetbelot, Biblioth. oriënt, artic. Caaba & Kshlah.  210 Recherches hijloriques commerce. Les nombreux chameaux(i) de chaque caravane font chargés des marchandifes de 1'un & de 1'autre pays, du tranfport le plus facile & du plus prompt débit. La ville facrée regorge non-feulement de zélés dévots, mais de riches marchands. Pendant le peu de jours qu'ils y reftent, il n'y a peut être point fur la terre de foire plus eonfidérable que celle de la Mecque. II s'y fait les plus riches affaires; 1'expédition,'le filence, Ia confiance mutuelle & la bonne foi qui y préfident,en font la preuvela moins équivoque. Les produöions & les manufactures de 1'Inde forment le principal ar» ticle de ce grand trafic , & les caravanes , a leur retour , les répandent dans toutes les parties de 1'Afie & de 1'Afrique. Parmi ces objets, il en eft que 1'on juge néceflaires , non-fenlement aux commodités de la vie, mais k fa confervation; les autres en font 1'élégance & 1'agrément. II ya, dans leur immenfe variété, de quoi fatisfaire les godts de tous les climats k tous les degrés de civilifation; ils font recherchés avec le même em- I preffement des naturels groffiers de 1'Afrique & des habitans plus rafinés de 1'Afie. (i) Voyez note 51.  fur tlnde anclenne. 1 r f 1 Pour répondre a leurs différentes demanI des, les caravanes reviennent chargées I des mouffeUnes & des indiennes du Ben■ gale & du Decan, des Sch;.wls de Ca3 chemire,du poivre du Malabar, des diaI mans de Golconde, des perles de Kili kare , de la cannelle de Ceylan , de la | mufcade, des clous de girofle & du ma1 cis des Moluques, & une infinité d'au? :j Ires marchandifes de 1'Inde. Outre ces grandes caravanes que for^ ment tout a la fois le refpeö pour un Mais en même-temps que 1'on convient que la découverte & .la conquête de l'Amérique eft une des principales caufes de cette rapide augmentation d'iaduftrie & de richeffe qui fe fait remarquer en Europe depuis les deux der-niers fiecles, des fpéculateurs tremblans ont foutenu que 1'Europe , pendant tout ce même période, s'eft appauvrie infenfiblement par la perte de fon or employé a foutenir fon commerce avec L iij  246 Recherches hijloriques 1'inde. Mais cette erreur n'eft ventte que du peu d'attention que 1'on a fait & la nature & a 1'ufage des métaux pré* cieux. On doit les envifager fous deux points de vne différens; ou comme des fignes que toutes les nations civilifées font conventies d'employer pour apprécier ou pour repréfenter la valeur tk du travail & des autres marchandifes, &£ par ce moyen faciliter 1'achat du premier le tranfport des autres des mains d'un propriétaire dans celles d'un autre; ou 1'on peut confidérer Por & 1'argent comme étant en eux-mêmes des marchandifes ou des objets de commerce que 1'on ne peut acquérir que par d'autres objets équivalens. C'eft fous ce point de vue que 1'on devroit envifager 1'exportation des métaux précieux en Oriënt; car comme la nation qui les exporte ne peut les obtenir que par le produit de fon propre travail & de fon induftrie , ce commerce doit, quoique non pas d'une maniere auffi vifible & auffi direcfe que celui d'Amérique, contribuer k augmenter 1'induftrie générale & 1'opulence de 1'Europe. Si, pour prix des rixdales néceffai» res au foutien de fon commerce avee 1'Inde, PAngleterre eft obügée de donner une certaine quantité de fes étoSi*  fur tlnde ancienne. 247 de drap ou de coton ou de fa clincaillerie , alors les bras d'un plus grand nombre d'ouvriers font mis en mouvement, & il s'exécute une portion d'ouvrage qui, fans ce commerce, n'auroit pas eu lieu. La nation recueille tout le bénéfice qui vient de Paugmentation de Finduftrie. Avec 1'or & 1'argent que fes manufactures ont achetés dans 1'Occidënt, elle peut fe montrer dans les marchés de 1'Orient, & 1'exportation tant redoutée de ces métaux dans 1'Inde, eft ce qui enrichit Ie royaume au-lieu de 1'appauvrir. VIII. Si 1'Europe n'a pas été déshonorée par la fervitude la plus humiliante qui puiffe accabler des nations policées, elle le doit a la découverte du paffage dans 1'Inde par le Cap de Bonne-Efpérance, & a la vigueur Sc au fuccès avec lequel les Portugais y ont pourfuivi leurs conquêtes & établi leur domination. Je dois cette obfervation a un auteur qui a éclairé par fes talens, & embelli par fon éloquence 1'hifloire des établiffemens & du commerce des nations modernes dans les deux Indes (1) ; & elle me pa- {1) M. 1'abbé Raynal. L iv  248 Recherches hijloriques roït affez bien fondée pour mériter un plus ample examen. Peu d'années après que les Portugais fe furent montrés dans Pinde, la domination des Mameluks fut renverfée par Firréliftible puiffance des armes turques». & 1'Egypte & la Syrië furent reünies a leur empire comme provinces. Si après eet événement le commerce avec 1'Inde eüt continué de fuivre fon ancienne direcfion , les fultans tures, comme maïtres de 1'Egypte & de la Syrië , ne pouvoient manquer de 1'avoir a leur entiere difpofition, foit que les producfions de 1'Orient fuffent tranfportées par la mer Rouge k Alexandrie,. ou, par terre, du golfe perfique k Conftantinople, & dans les ports de la Méditerranée. Les monarques qui étoient alors a la tête de ce grand empire, ne manquoient ni d'habileté pour fentir è quelle puiffance ils s'éleveroient par ce moyen, ni d'ambition pour y afpirer». Sélim, le vainqueur des Mameluks, en confirmant les anciens privileges des Vénitiens en Egypte & en Syrië, & par Pordre qu'il mit dans les droits que payoient les marchandifes de 1'Inde, & dont j'ai déja parlé , laiffa de bonne heure appercevoir le deur inquiet qu'il avoit  fur flnde anclenne* 249 d affurer a fes propres états tous les avantages du commerce avec 1'Orient. Soliman le Magnifique, fon fuccefleur, paroït avoir auffi dirigé fon attention vers le même objet. Plus éclairé qu'aucun monarque de la race ottomane, aucune des démarches des puiffances de PEurope ne lui étoit échappée ; & il avoit remarqué a quel degré de pouvoir & d'opulence la république de Venife étoit arrivée , en cöncentrant dans fes mains Ie commerce de 1'Orient. II voyoit alors Ie Portugal s'élever a la même prééminence par des moyens femblables. Impatient de les imifer & de les fupplanter, il forma un plan digne de fa haute renommée politique & du nom ülnjlituteur de loix, p^r lequel les hiftoriens turcs 1'ont diftingué, & il établit dans fes états, dès le commencement de fon regne , un fyftême de loix commerciales, par lequel il efpéroit faire encore de Conftantinople ce qu'elle avoit été dans les fiecles brülans de 1'empire grec, legrand entrepot du commerce de 1'Inde (1). Pour 1'accompiiffement de ce deffein, il ne s'en rapporta pas feu- (1) Paruta,Hift Vener. lib. vu, pag. 589. Sandi, Sttfr. Civil. Venez. part. 11, pag. 901. L v  ljó Rechrches hijloriqtfes lement a 1'aétion des loix; il équipa^ vers le même temps, une flotte redoutable dans la mer Rouge, fous la conduite d'un officier de confiance , avec un nombre de Janiffaires fuffifant , felon lui, non-feulement pour chaffer les Portugais de tous leurs établiffemens dans Pinde , mais encore pour s'emparer de quelque pofte avantageux dans ce pays & y arborer fon pavillon. Les Portugais , par des efForts de valeur & de confiance qui leur mériterent les brillans fuccès dont ils furent couronnés, repoufferent ce puiffant armement dans tous fes projets d'attaque , & obligerent les triftes débris de la flotte & de 1'armée turque a retourner avec ignominie dans les ports d'oü ils étoient partis, avec les efpérances les plus certaines de terminer cette expédition d'une maniere bien différente (i). Soliman, quoique fidele au projet de chaffer les Portugais de 1'Inde & d'y former quelque établiffement, fut 'fi occupé, pendant le refte de fon regne, de cette multitude d'opérations difficiles oü.le plongea fon infatiable ambition , (i) Afia.de Bartos, déc.iv? lib.x, c. i,.&c  fur tlnde anclenne. 251 qu'il n'eüt jamais Ie loifir d'en reprendre Ja fuite avec réfolution. Si les mefures de Sélim euffent produit 1'efTet qu'il en attendoit , ou fi Ie plan plus hardi & plus étendu de Soliman eut été mis a exécution , la difpofition des richeffes de 1'Inde, jointe a la formidable marine que toutes les puiffances maitreffes de ce. monopole ont toujours été en état de créer 6c d'entretenir, auroit néceffairement ajouté k un empire déja redouté des nations un degré de force qui 1'auroit par-tout rendu vicforieux. L'Europe , a cette époque , n'étoit pas capable de réfifter k cette doublé puiffance navale & militaire, foutenue des richeffes du commerce, 6c fous la conduite d'un monarque dont le vafie génie favoit tirer de chaque objet fes avantages particuliers, & les employer tous avec le plus grand effet. Heureufement pour 1'efpece humaine , le fyftême defpotique du gouvernement turc , qui avoit pour bafe ce fanatifme abfurde qui étouffa les fciences dans 1'Egypte, dans 1'Affyrie & dans la Grece, féjours qu'elles habiterent jadis avec tant de délices, fut arrêté lorfqu'il alloit étendre fa domination fur 1'Europe 6c en bannir la liL vj  'ïfl Recherches hijloriques, &c. berté, Pétude & le goüt, au momenf qu'ils faifoient d'heureux efForts pour reparoïtre & bénir de nouveau , éclairer 6c policer le genre humain.  N O T E S ET ÉCLAIRCISSEMENS* NOTE F. Sect. i, pag. g; HiÊ fcepticifme & la crédulité font les deua extrêmes contraires oh fe perdent ceux qui examinent les événemens attribués aux premiers^ fiecles de 1'antiquité. II peut m 'être permis, fans être foupconné de pencher vers le premier de ces partis, de conferver des doutes fur 1'expédition de Séfoftris dans 1'Inde & la conquête qu'il fit de ce pays. —- i. II eft peu de faits mieux établis dans 1'Hiftoire ancienne que ledégout que les Egyptiens témoignerent de bonne heure pour la vie maritime. Le defpotilme luimême , avec toute fa puiffance , ne iauroit changer en un inftant les idéés & les mceurs d'une nation, fur-tout lorfqu'elles ont été confirmées par une longue habitude , & que la religion les a confacrées. II me paroit extrêmement peu probable que Séfoftris, dans le cours d'un ff petit nombre d'années, ait pu fe rendre maitre des préjugés d'un peuple fuperftitienx 5 au point d'équiper quatre cents vafleaux de guerre dans le golfe arabique, outre une autre flotte qu'il avoit dans la Médirerranée. Des armemens auffi confidérables ne pourroient fe faire qu'avec les plus grands efforts de la part de la puiffance maritime la plus floriflante & la plus ancienns»  i"^4 Nous 2. II eft fingulier qu'Hérodote qui fit les- recherches les plus exaftes & les plus foutenues dans 1'hiftoire ancienne de 1'Egvpte , qui recut des prêtres de Memphis, d'Héliopolis & de Thebes tous les renfeignemens qu'ils pouvoient lui donner fur eet objet , ( Hérodote , edit. Weffelingii, lib. 11, c. 3.) & qui rapporte 1'hiftoire de Séfoftris un peu au long,ne faffe pas la moindre mention de fa conquête de 1'Inde. ( Lib. 11, c. 10a, &c. ) II eft probable que cette fable fut inventée dans la période qui s'écoula entre le fiecle d'Hérodote & celui de Dicdore de Sicile , qüi raconte en détail cette expédition de Séfoftris dans 1'Inde. Son récit n'a d'autre fondement que 1'autorité des prêtres égyptiens; & ce n'eft pas feulement comme fon opinion générale que Diodorè de Sicile lui-même avance » que dans la plupart des chofes qu'ils racontoient, ils confultoient plutot la gloire de leur pays que le refpeét pour la vérité". (Lib. t, pag. 34. edit. Weffelingii , Amft. 1746.) Mais il cite comme un fait particulier, que les prêtres égyptiens, auffi bien que les auteurs grecs, different" étonnamment 1'un de 1'autre dans ce qu'ils rapportent des aftions de Séfoftris. ( Lib. 1 , pag. 61. ) — 3. Quoique Diodore affure que dans la compofition de 1'hiftoire de Séfoftris , il avoit écarté avec foin tout ce qui lui avoit paru improbable & peu conforme aux monumens de ce monarque qui exiftoient encore en Egypte, il a mêlé a fon récit plufieurs circonftances merveilleufes qui rendent le tout extrêmement fufpe£l. Le pere de Séfoftris, è ce qu'il raconte, fit raffembler tous les er.fants males qui étoient nés en Egyp«e le même jont que fon nis, pou*  & EdalrciJJlmms'. l'^ƒ les faire élever avec lui d'après un mime plan deducation, & les préparer a 1'exécution des grands defleins auxquels i! deftinoit Séfoftris* En conféquence , lorfque Séfoftris partit pour 1 expédition de 1'ïnde qui, d'après ces circonftances rapportées par Diodore , doit avoir eu Jieu Ia quarantieme année de fa vie , on dit qu'il exiftoit encore mille fept cents des compagnons de fa jeunefïe a qui il confia les pre» miers grades de fon armée. Mais fi nous appli. quons k 1'examen de cette hiftoire les principes invariables d'arithmétique politiqae , il eft évident que s'il exiftoit mille fept cents des enfans males nés le même jour que Séfoftris , a 1'époque oü commenca fa grande expédition, Je nombre des enfans qui naiffoienr en Egypts chaque jour de 1'année devoit être au moins de dix mille, & la population du royaume exceder foixante millions (Goguet, Origine des lois , des arts, &c. torn. u. p. 12 , &c. j ; proportion qui sëtend fort au-dela des termes de Ia vraifemblance , dans un royaume qui , d'après les excellens calculs de M. d'Anville ( Mémoire fur 1'Egypte anc. & moderne, p. 23 , &c), ne contient pas plus de once cents lieues carrées de pays habitable. Une autre circonftance merveilleufe , c'eft la defcription d'un vaiiïeaa de cedre qui avoit quatre cents quatre-vingtdix pieds de long , couvert d'or a l'extériei?r & d'argeru en-dedans , que Séfoftris confacra a la divinité qui étoit )e premier objet du culte a Thebes (lib. 1. p. 67.);. telle eft encore la defcription qu'il donne de 1'armée égyptienne, qui, ouire fix cents mille hommes d'infanterse & vingt-quatre mille cavaliers, contenoit vingtiept mille chariots armés (Ibid* p. 64). —  2^6 Notes 4. Ces détails & quelques autres répugnoient fi fort au bon fens de Strabon le géogiaphe , qu'il n'héfita nullement a rejetter ce que 1'on racontoit de 1'expédition de Séfoftris dans 1'Inde ; & non-feulement il allure dans les termes les plus pofitifs que ce monarque ne mit jamais le pied dans 1'Inde (lib. xv. p. 1007. C. édit. Cafaub. Amft. 1707), mais il range au rang des exploits fabuleux de Bacchus & d Hercule, tout ce qui s'eft dit de fes opérations dans ce pays (p. 1007. D. 1009 B. ). L'hiftorien philofophe d'Alexandre-le-Grand paroït avoir eu Ia même opinion fur les exploits de Séloftsis dans 1'Inde (Hift. ind. c. 5. Arrian, exped, Alex. édit. Gronov. L. Bat. 1704. ) Le peu de renfeignemens qu'Hérodote avoit eus fur 1'Inde 61 fes habitans, il paroit les avoir tirés non pas des Égyptiens , mais des Perfes (lib. 111» c. 105. ) ; circonftance qui feroit croire que de fon temps il y avoit peu de rapports er>ue 1'Egypte & 1'Inde. NOT E II. Sect. 1, p. 11. Quand on confidere 1'étendue & les effets du commerce des Phéniciens , on doit s'étonrier, au premieT coup-d'ceil, des foibles éclair— ciffemens que 1'on trouve dans les anciens écriYains fur ce commerce. Mais fi 1'on fe rappelle que tous les hiftoriens Grecs (excepté Hérodote), qui parient des Phéniciens, publierent leurs ouvrages long-temps après la deilruétion de Tyr par Alexandre-le-Grand, on ne s'étonnera plus qu'ils nous aient laiffé ignorer prefque tous les détails d'un commerce qui avoit porté ailleut* fa fplendeur, 6c qui ne fuivoit  & Eclaircijjemcns. ijy plus la même direftion. Mais la puiffance & la ncheffe de Tyr dansjes jours brillans de fon commerce , doivent avoir attiré fur elle tous les regards. II n'eft point d'auteur ancien oü. 3'on trouve un compte plus détaillé de la nature & de la variété des opérations de fon commerce , que dans les prophéties d'Ezéchiel qui fleurit deux cents foixante ans avant la chüte de Tyr, & rien ne donne en mêmetemps une plus haute idéé de 1'immenfe puiffance de eet état. Ch. xxvi, xxvn, xxvm. NOTE III. Sect. i, p. ,6. L'état qui nous eft donné par Hérodote du revenu de la monarchie Perfe eft curieux , & paroit avoir été copié fur quelque regiftre public qui lui avoit été communiqué. D'après eet état , 1'empire Perfe étoit divifé en vingt fatrapies ou gouvernemens. Le tribut levé fur chacun de ces gouvernemens eft fpécifié, & la totahté en monte a 14,560 talens d'Eubée, ce qui fait, fuivant le do&eur Arbuthnot , une fomme égale a celle de 2,807,437 livres fterlings; fomme très-petite pour Ie revenu du grand roi, & qui ne s'accorde guere avec tout ce que les anciens hiftoriens racontent des richeffes , de la magnificence & du luxe de 1'Orient. NOTE IV. Sect. t, p. 22. II eft étonnant qu'Alexandre n'ait rien appris des pluies périodiques de 1'Inde , dans les provinces limitrophes de cette péninfule; cette connoiffance auroit pu 1'aider a mieux y choifir le temps de fes opérations miütaires. Son exgédition dans 1'Inde commenca vers la fin da  2 8 Nous printemps ( Arrian. lib. IV , c. 12 ) , lorfque les pluies étoient déja commencées dans les inontagnes , d'oü' toutes les rivieres partent qui arroient le Panjab , & dont les eaux par conféquent devoient êrre confidérablement accrues avant qu'il arrivat fur leurs bords (Rennell, pag. 268). —- II paffa 1'Hydafpe a la tni-été, a-peu près dans le fort de la faifon pluvieufe. Dans un pays que traverfent tant de grands fleuves , une armée en campagne a cette époque de 1'année doit avoir beaucoup fouffert. Arrien (lib. v, c. 9.) donne une defcription exacte de la nature des pluies & des inondations dans cette partie de 1'Inde ; on en trouve une plus étendue encore dans Strabon (lib. xv, 1013).— C'étoit de ce que leur failoient fouffrir ces pluies, que fe plaignoient les foldats d'Alexandre (Strabon, 1. xv , 1021, D, ) ; & ce n'étoit pas fans raifon , car il n'avoit cefTé de pleuvoir pendant foixante-dix jours ( Diod. Sicul. XVII , c. 94 ). — Une circonftance qui fait voir avec quelle exaftiiude les officiers d'Alexandre obfervoient tout ce qui fe paffoit dans cette partie de 1'Inde , mérite d'être remarquée. Ariftobule, dans fon journal dont j'ai fait mention, remarque que quoiqu'il eüt abondamment plu dans les montagnes & dans le pays qui les avoifine, les plaines qui s'étendent au-dela ne re?urent pas la plus petite ondée (Strabon, lib. xv , 1013 , B. 1015 , B.) Le mujor Rennell apprit d'une peifonne digne de foi, qui avoit réfidé dans ce diftiift de 1'Inde, oü les Européens ne vont guere aujourd'hui, que pendant une grande partie du Mouffon du S. O., ou au moins dans les mois de juillet, aout & partie de feptembre , qui font les temps de  CV Eclaircifftmens. 25"^ ■pïuie pour la plupart des autres endroits de 1'Inde , 1'athmofph-ere dans le Delta indien eft chargé de nuages en général, mais fans aucune pluie, fi ce n'eft très-près de la mer. II tombe meme a peine quelques ondées pendant tout le cours de la faifon. Le capitaine Hamilton rapporte que quand il fe rendit a Tatta , il y avoit trois ans qu'il n'avoit plü du tout ( Mémoires , p. 288 ). —■ Tamerlan , dont la capitale n'étoit pas éloigné de 1'Inde, avoit été a même de connoitre la nature du pays; il évita la fuite d Alexandre, & fit fa campagne de 1'Inde pendant la belle faifon. Comme Nadir Shah , lors de fon invafion de 1'Inde Tan de J. C. 1738, & a fon retour 1'année fuivante, traverfa les mêmes pays qu'Alexandre, & marcha prefque lur la meme ligne. Rien ne peut donner une plus forte idéé de 1'invincible conftance du conquerant macédonien , que la defcription des embarras que le Nadir Shah eut a furmonter, & des fat.gues qu'effuya fon armée. Quoique pofiedant un pouvoir fans bornes & des richeffes immenfes , & non moins diftingué par fes grands talens que par une longue expérience dans Ia conduite de la guerre, il eut la douieur de perdre une grande partie de fes troupes en traverfant les rivieres du Panjab, en s'ouvrant un chemin a travers les montagnes du Nord da 1'Inde, & dans les chocs qu'il eut a effuyer de la part des belliqueux habitans des pays qua s'étendent depuis les bords de 1'Oxus iufqu'aux frontieres de Perfe. II fe trouve dans les mémoires de Khojeh Abduikurreem, Cashmirien de diftinétion qui fervoit dans fon armée, uns defcription intéreffante de fa retraite & de fej malheurs»  i6o Nous NOTE V. Sect. i, p. %%. II paroitroit d'abord incroyable qu'on eüt pu raffembler en fi peu de temps une flotte auffi nomforeufe. Cependant Arrien nous affure qu'il n'indique ce nombre que d'après Ptolomée, fils de Lagus, dont il regarde le témoignage comme étant du plus grand poids ( lib. vi, c. 3 ). Mais comme le Panjab eft rempli de rivieres navigables fur lefquelles fe faifoit tout le commerce entre les naturels , il s'y trouvoit de tous les cêtés des vaiffeaux tout prêts a la difpotion du conquérant, qui ne doit pas avoir eu de peine a en raffembler un fi grand nombre. Si 1'on pouvoit ajouter foi au récit de 1'invafion de 1'Inde par Sémiramis, il n'y avoit pas moins de quatre mille vaiffeaux réunis dans PIndus, pour barrer le paffage a fa flotte. ( Diod. Sicul. lib. 11, c. 74). — 11 eft fingulier que lors de 1'invafion de 1'Inde par Mahmoud de Gaznah, on ait raffembié contre lui dans 1'Indus une flotte compofée du même nombre de vaiffeaux. Nous apprenons de Ayeen Akbery, que les habitans de cette partie de 1'Inde commercent encore aujourd'hui entr'eux par eau ; les habitans du Circar , de Tetta feul , ne poffedent pas moins de quarante mille vaiffeaux de différentes conftruéïions (Vol. 11, p. 143 ). NOTE VI. Sect. i, p. 27. Tous ces détails font tirés de 1'hiftoire de 1'Inde , d'Arrien , ouvrage différent de celui dont J'ai déja parlé , & 1'un des traités les plus culieux qui nous foieat venus de 1'antiquité. Des  & Eclaircijfemens. %6i extraits de la defcription que donne Néarque du climat & du fol de 1'Inde & des mceurs des naturels, remplifTent la première partie. La feconde, contient lejournal oü eet officier rend compte de fon voyage depuis 1'embouchure de 1'Indus jufqu'au fond du golfe perfique. Cette leclure donne lieu a plufieurs obfervations. — I. II eft remarquable que ni Néarque , ni Ptolomée, ni Ariftobule, ni même Arrien, ne faffent pas la moindre mention du voyage de Scylax ; ce filence ne pouvoit pas venir de leur ignorance; car Hérodote étoit 1'auteur favori de tout Grec qui avoit quelque prétention littéraire. II avoit probablement pour caufes les raifons qu'ils avoient de fe défier de la véracité de Scylax, & dont j'ai déja fait 1'expofé. En conféquence , Arrien met dans la bouche d'Alexandre un difcours oü il affirme qu'il eft le premier après Bacchus qui ait paffé 1'Indus; ce qui fuppofe qu'il n'ajoutoit pas foi a ce que 1'on rapporte de Scylax , & qu'il n'avoit pas entendu parler de ce que 1'on dit que Darius Hyfdafpe avoit fait pour foumettre cette partie ds 1'Inde a la couronne de Perfe (Arrian. vu , c. io.}. Cette opinion eft confirmée par Mégafthene, qui avoit fait une très-longue réfidence dans 1'Inde. II aflure qu a 1'exception de Bacchus & d'Hercule (aux exploits fdbuleux defquels Strabon s'étonne qu'il ait pu accorder quelque confiance (lib. xv , p. 1007, D.) , Alexandre étoit le premier qui fe fut emparé de 1'Inde , ( Ariian. Hift. indic. c. 5 _) Arrien nous apprend que les Affacans & d'autre peuples qui poffédoient le pays qu'on appelle aujouidhui e royaume de Candahar, payerent tribut d'aeord aux AlTyriens & enfuite aux Medes &  ol6x Notes aux Perfes (Hift. indic. c. i.). Comme'toutes les belles provinces au Nord-Oueft de 1'Indus étoient cenfées ancifnnement faire partie de 1'Inde , il eft probable que ce qu'elles payoient en impör eft la fomme portée fur le role qu'Hérodote avoit confulté dans le compte qu'il rend du revenu annuel de 1'empire Perfe, & qu'aucunes des provinces au Sud de 1'Indus ne furent jamais foumifes aux rois de Perfe. — 2. Ce voyage de Néarque fournit plufieurs preuves frappantes du peu de lumieres des anciens fur toute autre navigation que celle a laquelle ils étoient accoutumés dans la Méditerranée. Quoique le génie entreprenant d'AIexandre & la grandeur de fes vues lui euflent infpiré le deflein d'établir un commerce par mer entre 1'lnde & fes états de Perfe ; cependant Néarque & lui avoient fi peu d'idée de 1'Océan qu'ils defiroient de parcourir, qu'ils, craignoient que leur navigation n'y fut arrêtée par des détroits impraticables & d'autres obftacles femblables (Hift. indic. c. 20, Q. Curt. lib. IX, c. 9.). Lorfque la flotte arriva a l'embouchure de l'Indus, l'étonnement que produifit le flux & le reflux de la marée de l'Océan Indien , phénomene ( felon Anien ) jufqu'alors inconnu a Alexandre & a fes foldats , eft une autre preuve de leur ignorance dans 1'art de la navigation (lib. vi , c. 19.); & il n'y a nullement lieu d'être furpris de leur étonnement, les marées étant a peine fenfibles dans la Méditerranée oü fe renfermoit toute la fcience des Grecs & des Macédoniens. C'eft peur cette raifon que lorfque les Romains porterent leurs armes viftorieufes dans les pays Jitués fur 1'Océan Atlantique, ou fur les mer»  & Eclairctfftmtns, ifjj qui y communiquent , ce phénomene nouveau des marees fut pour eux un objet de furprife & de terreur. Céfar décrit 1'étonnement de fes foldats au fujet d'une maline qui endommagea beaucoup fa flotte quand il fit fa defcente en en Angleterre . & avoue que c'étoit pour eux un fpeétacle nouveau (Bell. Gallic. lib. iv, c 29 )• les rnarées fur la c6te voifme de 1'embouchure de 1 indus , font extrêmement hautes & fuivies ♦ de grands effets, fur-tout cette précipitation ■loudame de la marée dans la bouche des fleuves & des bras de mer étroits qui eft connue dans 1 Inde, fous le nom du Calibrè, & dont Je major Rennell donne une defcription exafte, (int xxiv , mém. 278. ) dans le P triplus Mans Erythrai, p. 26 , il eft queftion de ces hau. tes rnarées & la defcription qu'on en donne reuemble beaucoup a celle du calibré. Pline rend un compte fort exagéré des rnarées dans JOcean Indien (Nat. hift lib. xm , c. 25.)* Le major Rennell femble croire qu'Alexandre & fes compagnons ne devoient pas être fi abfohiment étrangers au phénomene des rnarées, puifqu'Hérodote avoit appris aux Grecs, „ qu'il y avoit tous les jours un flux & reflux régulier de la marée dans la mer Rouge ; " ( l,b. 11, c. 11). C'eft la toute 1'explication que donne Herodote de ce phénomene. Mais il y a chez es anciens des exemples du peu de cas que Jon fa.foit des faits rapportés par des auteurs refpeöables, qui ont de qyoi furprendre dans les temps modernes. Quoiqu'Hérodote , comme je viens de le remarquer , eut raconté fort au ong le.voyage exécuté par Scylax, Alexandre & fes h.ibriens ne font pas la moindre mention de eet événement. J'aurai dans la fuite  264 Notes occafion de citer un exemple encore plus re» marquable du peu d'attention qu'ont fait des écrivains venus après Hérodote, a la defcription exa-éle qu'il donne de la mer Cafpienne. D'après ces exemples & d'autres femblables, qu'il eüt été facile de produire , nous pouvons conclure que le peu que dit Hérodote du flux & du reflux régulier de la marée dans la mer Rouge, n'efl pas une raifon fuffifante pour rejetter, comme indigne de foi, ce qu'Arrien raconte de la furprife des foldats d'Alexandre a la vue des effets extraordinaires de la marée a 1'embouchure de 1'Indus. — 3. Le cours entier du voyage de Néarquè, les promontoires j les anfes , les rivieres , les villes , les rnontagnes , qui fe préfenterent fucceffivement a fes regards , font décrits avec tant d'ordre , & les diftances des lieux les plus remarquables , tracées avec tant de précifion s que M. d'Anville, en les comparant avec la pofition adtuelle du pays, d'après les rapports anciens Scmodernes les mieux faits a ce fujet, s'eft vu" en état d'ihdiquer la plupart des lieux dont parle Néarque, avec un degré de certitude qui ne fait pas moins d'honneur a la véracité du navigateur grec, qu'au talent, au favoir & a la pénétration du géographe francois (Mém. de littérat. t. XXX , p. 132 , &c. ). Dans les temps modernes, le nom de mer Rouge eft particulier au golfe arabique ; mais les anciens appüqupient a la mer qui s'étend depuis ce golfe jufqu'a 1'Inde , la dénomination de mer Etythrée d'un roi Erytras , dont on ne connoit rien de plus que le nom , qui , en grec , fignifie rouge. D'après la fignification accidentelle de ce mot , on s'eft imaginé que cette  & Eclairciffemens. 26 e ■ «tte met étoit d'une couleur différente des NOTE VIL Sect. ï, p. ^ Alexandre s'occupoit tellement de cimenter de plus en plus cette union de fes fujets, qu>a!. pres fa mort on trouva dans fes tablettes (entrautres magnifiques projets qu'il méditoit ) p!u. ■ fiwrs ,nd,c« qui annoncoient le projet de bitir plufieurs villes nouvelle* , les unes £ Afie& les autres en Europe, & de peopler celle d'Afie ^Europeens & celles «1'Europe d'Afiatique ■» afin (du Phiftorien) qu'enfflêlant lï ma.' r FTu* e" {f renda»^es fervices mutuds » !es h,b,tans de ces deux grands continens » parvmffent mfenfiblement £ n'avoir QU'une » meme ame & a refter attachés les 1 aUtfe,f P"1" 'iens d'une affeétion réc prü » que (Diod. Sicul. lib. xvni, c. 4. ). P NOTE VUL Sect. t,p. 3 en a pas un fP„i P rm' ces va>ffeaux « ert ton dP'obfe vt'e^^PP3-"13 «- Perfe. fuivant Hérodote do„H' ' " ^ 6 »97.) awtorité on les engaWTj ou par Par une fuite des fn£ U" tei ^vice. Plufieurs na!uret d" TnlLUPUirrrdiÊieux aujourd'hui de s *em£rq "e ^ g*™ encore' & cependant, dans certansct T'rcfurmer; au fervice des puiffance! ^ S^PaPhis -onté ces f0rteP de Spde?26""" °nt NOTE X. SECT.x,p. 38. des doutes fur le nombre V'T C°"ferVer «»» que Ie moyen dont Alexandre & fes M ij  i68 Notes fucceffeurs faifoiènt ufage pour conferver leur autorité fur/les peuples conquis, étoit de^ batir des villes , ou ce qui rev.ent au meme, des places fortes. Séleucus & Antiochus fous 1'empire defquels tomba la plus grande partie de la Peife , ne furent pas moins remarquables qu'Alexandre pour batir de nouvelles villes & ü paroit que ces villes remplifloient par'faitement le but des fondateurs , & qu elles etnpêcherent effeaivement (comme jaurai occafion de 1'obferver ) la révolte des provinces conquifes. Quoique les Grecs, an.mes de 1 amour de la liberté & de leur patr.e, euffent refufé de s'établir en Perfe tant que eet empire fut fous la domination de fes propres monarques , malgré tous les grands avantages qu on. leur promettoit , comme le remarque M. de Sainte-Croix , le cas devint tout different lorlGue le pays fut foumis a leur propre dom.nation, & qu'ils t'y établirent non pas comme fujets, mais comme maltres. Alexandre & fes fucceffeurs mon.rer.nt un égal d.fcernement dans le choix qu'ils firent de remplacement des villes qu'ils fonderent. Séleucie , que bat.t Séleucus ne le cédoit qu'a Alexandrie pour le nombre des habitans, pour la r.chefle & 1 importauce. ( M. Gibbon , vol. I. p. a^G. - M. d'Anville, Mém. de littérat: xxx.) NOTE XI. Sect. i, p. 4»- C'eft dans Juftin que fe trouve le peu de détails que nous avons fut les progrès de Séleucus dans 1'Inde , ( lib. xv , c. 4.) ma.s nous ne pouvons compter fur fon témoignaga que lorfqu'il eft appuyé de celui des autres auwirs.  & Ectdircijfemêns. ■ 269 Plutarque femble affirtner que Séleucus avoit penetre fort avant dans 1'Inde; mais ce refpeaable ecnva.n brille davantage dans 1'art de tracer_.es carafleres & par nieUreux chcix des c.rconftances qui les développent & les diftmguent , que par 1'exaétitude des recherches hiftonque» Pline, dont 1'autorité eft d'un plus grand po.ds, femble regarder comme une chofe certa.ne que Séleucus avoit porté fes «rnes dans les diftridts de 1'Inde oü Alexandre n eto.t jama.s entré. ( Plin. Nat. hift. lib vi „ ,7- ) Le paffage oü il en eft queftion n'eft pas tres-c a,r ma;s f] fembls intimer ^ ffi Séleucus avoit été de 1'HyplU a IHyfudre de-la a Palybotra, & de ce dérn.er endro.t a 1'embouchure du Gange. Les d.ftances des principaux endroits oü il s'arrêra deu*2T ' & f°nt Un 'ola! de deu* «eux cents quarante-quatre miiies romains. Telle e t 1 .nterpretat.on que donne a ce paffage de Phne M. Bayer(H,ftor. regni Gr^corunAactnan., p. 37. ) . quant k moj ., mg trem,ment peu probable que l'expédition de Séleucus dans linde ait pu durer affez lon*- é éndues0 Si cC°nf0mmer dSS, °Pérations ^ffi Sr IV KSel?ucusfut Pé"étré dans 1'Inde iuro 'nt hr ChUre-d" G'"Se' leS ancie"s aurorent beaucoup m.eux connu cette partie du Pays qu,l, „e paro.ffent 1'avo.r jamais fait. . NOTE XII. Sect. i, p. 43. Le! major Rennell nous donne une grande idéé de eet effet , en nous difant que le Ganee apressetre „ chappé du lit montagneux goü' " .1 avou erré dans un efpacei de plus de M iij  270 Notes n huit cents milles" ( Mém. p. 2.33 ), lirecoït » dans fon cours a travers les plaines onze » rivieres dont les unes font auffi grandes que » le Rhin, & pas une moindre que la Tamife, 3> fans compter celles qui font moins remar» quables & dont le nombre eft égal". ( P. 257.) NOTE XIII. Sect. 1, p. 44- Je me fuis écarté du major Rennell, en fixant la pofition de Palybotra, & ce n'eft qu'avec défi.ince que je le fais. Suivant Strabon , Palybotra étoit fituée au continent du Gange & d'une autre riviere ( lib. xv, p. 1028 , A.) ; Arrien eft plus pofkif encore. II place Palybotra au confluent du Gange & de 1'Erranaboas , qu'il repréfente comme moins grand que le Gange ou 1'lndus, mais comme fupétieur a toutes les autres rivieres connues ( Hift. ind. c. 10. ). Cette pofition répond exaéïement a celle d'Allahabad. Le P. Boudier, aux obfervations duquel la géographie de 1'Inde doit beaucoup , dit que le Jumna, a l'endroit ou il fe joint au Gange, lui a paru tout auffi eonfidérable que ce fleuve (d'Anville, antiq. de 1'Inde, p. 53.). Allahabad eft le nom que donna a cette ville 1'empereur Akbar, qui y éleva une puiffante forïereffe^ M.Hodges en a publiéun élégant deffin, nQ. i-v de fes Seleft. Views in India.. Son nora ancien , fous lequel elle eft encore connue des Indous, eft Praeg ou Piyag., & le peuple de ce diftriét s'appelle Praegi, dénomination qui fe rapproche beaucoup de celle de Prafii, ancien nom du royaume , dont Palybotra étoit la capitale ( P. Tieffenthaler chez Bernouilli, torn, 1, 223. — d'Anville, p. 0. )« Allahaboi  & Eciairajfemens. 271 eft un lieu de dévotion fi fameux parmi les Indous qu'elle porte le nom de Reine des lieux adorés ( Ayeén Akbery , vol. n , p. 35.). „Son » territoire qui forme un efpace de quarante » milles,eft réputé fajnr. Les Indous croient que » 1'homme qui y meurt, eft (ür d'obtenir tout » ce qu'il def.re a la feconde naiffance. Quoi» qu'ils enfeignenr que le fuicide en général fera 11 finvi de tourmens dans 1'autre vie , cependant n ils penfent qu'il y a du mérite a fe tuer a Al- J4Ja>bad," (Ayeén Akbery. "i 155. >. Le p. Tiefienthaler décrit les difterens objets de vénerat.on a Allahabad , vers lefquels fe rendent encore un t.ès-grand nombre de péierins(Bernou.Ili, torn. 1, 224. ); de toutes ces circonftances, on peut conclure que c'eft un endroit d une tres-haute antiquitéj & dont la fituation eit la meme que celle de la Palybotra des anciens. C'eft par deux confidérations principales que Je major Rennell s'eft déterminé a placer Palybotra au même lieu que Patna. _ 1. D'abord paree qu'il avoit appris que fur le fol de Patna ou nes-pres, .1 exiftoit anciennement une trèsgrande ville nommée Patelpoot-her ou Patalipputra, ce qui s'approche beaucoup de 1'ancieu nom de Palybotra. Quoiqu'il n'y ait point aujourd hui a Patna deux rivieres qui fe joienent, d a fu que le confluent de la Soanne & .du t^ange, aujourd'hui a vingt-deux milles au-defius de Patna , étoit autrefois fous les murs de cette ville. Les rivieres de 1'Inde changent quelquefois leur cours d'une maniere finguliere, & il en cite quelques exemples remarquables. Mais quand on con»iendroit que ce que racontent les naturels de ce changement de cours de la Soanne eft M iv  27 z Notes parfaitement exaét, je doute que ce que dit Arrien de la grandeur de 1'Erranaboas , puifTe s'appliquer a cette riviere auffi juftement qu'au Jumna. —- 2. II paroit que 1'itinéraire de Pline en fa table des diftances de Taxile f la moderne Attock.) a 1'embouchure du Gange, a eu quelque part a fa décifion (Nat. hift. lib. VI, c. 17. ); mais dans cette table les diftances font marquées d'une maniere fi peu exacte & quelquefois fi évidemment erronée , qu'il n'eft pas poflible de s'y fier jufqu'a un certain point. D'après cette table , Palybotra eft fituée a quatre cents vingt-cirq milles au-deffous du confluent du Gange & du Jumna. Cependant aujourd'hui il n'y a pas plus de deux cents milles d'Angleterre de diftanee entre Allahabad & Patna. Une d^fférence fi eonfidérable ne peut s'expliquer qu'en fuppofant quelque erreur extraordinaire dans la table, ou un changement arrivé dans le point de jonétion du Gange & du Jumna. II n'y a pour la première de ces fuppofitions, que je fache, aucun manufcrit, & pour la feconde aucune tradition dont on puifle s'étayer. Le major Rennell a expofé les raifons qui l'avoient engagé a fuppofer que la fituation de Palybotra étoit la même que celle de Patna» (Mémoires, p. 49-54.) II a prévu quelquesunes des objecbons qui pourroient être faites a cette fuppoiition , & il s'eft efforcé de les prévenir ; & après tout ce que je viens d'y ajouter, je ne ferois point du tout furpris que dans «ne difcuffion géographique , mes lect^urs fuffent difpofés a. préférer fa décifion a la rnienne,  & Eclairciffemens, 273 NOTE XIV. Sect. 1, p. 4j. _ Je ne parle point d'une légere incurfion d'Antiochus-le-Grand dans 1'Inde, environ cent quatre-vmgt-dix-fept ans après 1'invafion de fon ancetre Séleucus. Tout ce que nous favons de eet événement , c'eft que le monarque Syrien " apres avoit terminé la guerre qu'il faifoit aux deux provinces révoltées de Parthe & de Bactrwne , en tra dans 1'Inde, & recut un certain nombre d éléphans & de 1'argent de Soppagafenus, roi du pays , avec qui il avoit conclu un traite de paix. (Polyb. lib. x. p. co7 , &c Lib. xi, p. 651 , édit. Cafaub. Juftin. lib. xv' chap. 4 ; Bayer , Hift. Regn. Grajcor. Baéf p. 69, &c.) NOTE XV. Sect. i, p. 49. Un fait que Strabon rapporte en paffant & qui elt echappé au génie inveftigateur de M. de Ouignes, s'accorde parfaitement avec le récit des ecnvains chinois , & le confirme. Les Grecs dit-il, furent dépouillés de la Baéhiane, par des tribus ou hordes de Nomades Scythes qui vinrent du pays au-dela du Jaxartes, & font connus fous les noms d'Afii, Pafiani, Tachari & Sacarauli. (Strab. lib. xi , p. 770 , A.) L-s JNomades des anciens étoient des peuples qui comme les Tartares , ne fubfiftoient que par leurs troupeaux, fans le fecours de 1'agriculture. NOTE XVI. Sect. i, p. J2. Comme la diftance d'Arfinoë (Suez) au Nil clt mnmment moindre que de Bérénice h Copte M v  274 Nous e'éioit la voie la plus prompte & la moins cflfperfc dieufe, par laquelle on put recevoir en' Egypte toutes les marchandifes qui entroient dans le golfe Arabique. Mais la navigation du golfe Arabique qui , malgré toutes les lumieres acquifes depuis , eft encore aujourd'hui lente £c difficile , étoit regardée autrefois par les peuples des environs comme extiêmement dangereufe ; & la crainte qu'ils en avoient concue , leur avoit fait donner a plufieurs de fes promontoires , de fes baies & de fes ports , des norm qui exprimoient d'une maniere frappante 1'impreffion de ce fentiment. Ils appellerent 1'entrée du golfe , Babclmandeb , porte ou port d'affliótion. A un port qui n'en eft pas bien éloigné , ils donnerent le nom de Mets, c'efla-dire mort. Ils appellerent une pointe adjacente , Gardefan cap des funéraüles. L'auteur a qui je dois ces détails, cite d'autres déno» minations qui devoient leur origine au même fentiment. (Voyages de Bruce, vol. I, p- 442 , &c.) II n'étoit donc pas étonnant que 1'entrepot dii commerce de Tlnde eut été tranfporté de 1'extiêmité feptentrionale du golf= Arabique a Bérénice , p'.iüque par ce changement on abrégeoit de beaucoup une navigation dangereufe. . II paroit que ce fut la principale raifon qui déterinina Ptolomée a établir le port de communication avec 1'Inde a Bérénice , quoiqu'il y eüt fur le golfe Arabique d'autres ports infiniment jdus prés du Nil que celui-la. A une époque poftérieure après la ruine de Copte par l'eoipereur Dioclétien , Albuféda nous apprend,. (Defcript. Egypt. édit. Michaelis, p. 77,) que les marchandifes de 1'Inde furent tranfportéesde la mer Rouge au NU , par le chemin. ie  & Eclaircïffemens'. 17 j pits court, c'eft-a-dire, de Coffeir (probablement le Philoteras Portus de Ptolomée ) a Ccüs, le Vicus Apollinis, trajet de quatre jours. Cette diftance fut confirmée au do&eur Pococke par le rapport des naturel',; ( Voyages , vol. 1 , pag. 87. ) en conféquence , Coüs, de petit village qu'il étoit, devint, après Foftat ou le vieux Caire, la ville la plus eonfidérable de la haute Egypte. Dans la fuite, par des caufes que je ne puis expliquer, le commerce de Ja mer Rouge par Coffeir paffe a Kene , plus bas que Coüs, en fuivant la riviere. (Abulf. P- }3> 77; d'Anville, Egypte, 196-200.) Aujourd'hui toutes les marchandifes de 1'lnde deftinées pour 1'Egypte , ou vont par mer de Gedda a Suez, & de-Ia font poitées par des chameaux jufqu'au Caire , ou elles font amenees par terre par la caravar.e qui revient da pélennage de la Mecque. (Voyage de Nieburh, torn. 1 p. aMi Volney i,°i88, &c.) iel eit le tableau complet, autant que mes recherches ont pu 1'être , des différentes routes par Jefquelles les produ&ions de 1'Inde ont été tranfponées jufqu'au Nil , depuis la première ouverture de cette communication. II eft fingulier aue le P. Sicard , (Mém. des miffions dans le Levant, 'Ta L,P' r*7' l& Ptolomées , les Égyptiens étendirent leur nasi vigation jufqu'a la derniere extrêmité du con»> tinent indien, & remonterent le Ganpe juf» qu'a Palybotra aujourd'hui Patna. (Introdo p. 36. ) Mais s'il eut été ordinaire de remonter le Gange jufqu'a Patna , les parties intérieures de 1'Inde auroient dü être mieux connues des anciens qu'elles ne l'ont jamais été, & ils auroient chsrché des renfeignemens ailleurs que dans Mégafthene. Strabon commence fa defcription de 1'Inde d'une maniere tiès-remarquablc 11 demande 1'indulgence de fes leéteurs , paree que , dit-il, c'étoit un pays ttès-éloigné & que peu de perfonnes avoient vifité; èk qu'alors même, ces perfonnes n'ayant vu qu'une petite partie du pays, ne rapportoient que ce qu'elles avoient oui-dire, ou tout au plus ce qu'elles avoient remarqué a la hate dans le cours de leur fervice militaire, ou dans la fuite d'un voyage (Strabon, lib. xv, p. 1005, B. ). II obferve qu'un très-petit nombre de commercans du golfe Arabique avoient été jufqu'au Gange (Ibid. 1006, C. ). II affure que le Gange fe jette dans la mer par une feule embouchure  & Eclalrcijfemens". flbid. IOII , C. ); erreur dans Jaquelle il ne . feroit cerrainement pas tombé,, fi la navigation de ce fleuve eut été plus commune de fon temps. II parle bien de remonter le Gange (flbid. ioio.), mais c'eft en paffant & dans une feule ph-afe; au-lieu que fi un voyage intérieur auffi eonfidérable , un voyage de plus de quatre cents nulles, a travers un pays riche & peuplé, eut été ordinaire, ou même s'il eut jamais été exécuté par aucun des marchands Romains, Grecs ou Égyptiens, on n'auroit pu s'empêcher d'en faire une defcription particuliere ; & Pline & les autres écrivains en-auroient néceffairemenr parle comme d'une chofe extraordinaire dans la navigation des anciens. Arrien, (ou 1'auteur quelconque du Penplus Maiis Enthrai) , obierve qu'avant la découverte d'une nouvelle route dans 1'Inde , dont nous parierons dans Ja fuite, le commerce avec ce pays, fe faifoit dans de petits vaiffeaux qui fuivoient les détours de chaque baie ( p. 32, ap. Hudf. Geogr. min. ) ; des vaiffeaux d'une conftruaion fi légere _ & affervis a un tel mode de navigation n étoient guere propres a un voyage auffi éloigne que J'étoit celui autöur du cap Comorin, & dans toute la longueur du golfe de Bengale jufqu'a Patna. Il n'eft pas invraifemblable que les marchands qui , fuivant Strabon, ont été jufqu'au Gange, s'y foient rendus par terre, ou des pays a 1'embouchure de 1'Indus, ou de quelqu'endroit de Ia cöte de Malabar ; & que la navigation du Gange , dont il ne parle qu'accidentellement, fe faifoit par les naturels dans des vaiffeaux du pays. Ce qui donne quelque poids a cette opinion , ce font fes remarques wr la mauvaife conftiuétion des vaiffeaux qui  2.78 Nous fréquentoient cette partie de 1'Océan Indien. D'après ce qu'U en dit , il eft évident que ce ne pouvoit être que des vaiffeaux du pays (p. 1012, C. ). NOTE XVIII. Sect. i, p. 56*. Les idéés erronées de plufieurs écrivains diftingués de 1'antiquité fur la mer Cafpienne, quoique parfaitement connues de tout homme de lettres, font fi étonnantes, & fourniffent un exemple ft frappant de 1'imperfeétion de leurs connoiffancesgéographiques,qu'un expofé plus complet de ces erreurs, pourra non-feulement faire plaifir a quelques-uns de mes leéteurs; mais en cherchant a tracer les différentes routes par lef— quelles les marchandifes de 1'Orient arrivoient aux nations de 1'Europe , il devient même indifpenfable d'entrer dans quelques détads fur la diverfité de leurs feminiens a eet égard. 1. Selon Strabon , la mer Cafpienne eft une baie qui communiqué avec le grand Océan feptentrional d'oü elle fort par un bras étroit, puis forme une mer qui s'étend dans une longueur de cinq cents ftades (lib. xi, p. 773, A.). Pomponius-Mela eft du même avis , & il repréfente le détroit par lequel la mer Cafpienne tient a 1'Océan comme un détroit extrêmement long , mais fi refferré , qu'on lë prendroit pour une riviere (Ibid. Ui, c. 5, édit.). Pline lui - même en fait une femblable defcription ( Nat. hift. lib. vi, c.73.). Au fiecle de Juftinien, cette opinion fur la communication de la mer Cafpienne avec 1'Océan , prévaloit encore (Cofm. indicopl. Topog. Chrift. lib. ii, p. 138, C. ). Quelques écrivains des premiers ages, par une  & Eclaircïjferneris. tja meprife pltis finguliere encore, ont fuppofé que Ja mer Caipienne communiquoit avec la mer Aoire. Quinte-Curce, dont 1'ignorance en géographie eft notoire , a adopté la meme erreu» (lib. vu c. 7 edit.). 3. Arrien, écrivain beaucoup plus ludicieux, qu'un féjour affez lone dans Ja provmce romaine de Cappadoce, dont il etoit gouverneur, auroit dü mettre a même d obtemr des renfeignemens plus certains , dédare dans un endroit que 1'origine de la mer Caipienne eft encore inconnue, & il ne fait fi elle fe joignoit k la mer Noire ou au grand Ucean onental qui environne linde (lib. vu c icv). Dans un autre endroit, il affure qu'il y avoit uns communication entre la mer Cafpienne & lOcéan oriental (lib. v c 26 ) Ces errenrs paroiffent d'autant plus extraordina.res qu Hérodote avoit donné une defcription exaéte de la mer Cafpienne , prés de cinq cents ans avant le fiecle de Strabon. „ La mer Cafpienne , dit-il , eft une mer indépendante & qui ne nent a aucune autre. Elle a en longueur ce qu un va.ffeau armé de rames peut parcourir en quinze tours & dans fa plus grande largeur, ce qu il peut faire en huit. jours " (lib. 1, c. ïm.\ Anitote en donne la même defcription, & foutient ayec fa précifion ordinaire, que c'eft un grand ac & „on pas une mer (Meteoroloe. 'b. 11.). Diodore de Sicile joint fon opinion a la leur Cvol. 2, lib. xvm , p. aÓ!.)! Aucun de ces auteurs ne détermine fi c'étoit du Nord au Sud ,pn de I'Eft k 1'Oueft que la mer Cafpienne s etendoit dans fa plus grande longueur. Uans les anciennes cartes qui "fervent d'éclairment a la géographie de Ptolomée, elle eft repieientee comme s'étendant de 1'Orient a 1'Occi-  a8o Kotes dent dans fa plus grande longueur. De nos jours j ce fut un marchand anglois , Antoine Jenkinfon , qui donna aux peuples de 1'Europe les premiers renfeignemens fur la vraie forme de la mer Cafpienne ; il avoit fuivi une partie eonfidérable de fa cöte, avec une caravane de Ruffie Tan 1558 (Hakluyt, ColleéL vol. 1, p. 3 34.). L'exactitude de la defcription de Jenkinfon fut confirmée par une reconnoiffance de cette mer, exécutée par ordre de Pierre - le - Grand , en 1718 ; & il eft maintenant hors de doute , que non-feulement la mer Cafpienne n'eft jointe a aucune autre.mer, mais qu'elle s'étend infiniment plu* en longueur du Nord au Sud , que de I'Eft a l'Oueft dans fa plus grande larg»>ur. Nous apprenons cependant par ces détails , a combien de mauvais plans pour le tranfport des marchandifes de 1'Inde en Europe, les fauffes idéés qu'on s'en étoit généralement faites , avoient donné lieu , par la fuppofition oü 1'on étoit qu'elle communiquoit avec la mer Noire ou avec 1'Océan feptentrional. C'eft une preuve de plus de 1'attention d'Alexandre - Ie - Grand pour tout ce qui pouvoit contribuer a 1'a'vancement du commerce, que 1'ordre qu'il donna peu de temps avant fa mort d'équiper pour Ia mer Cafpienne une efcadre deftinée a la reconnoitre , & a s'aflurer fi c'étoit avec la mer Noire ou avec 1'Océan Indien qu'elle communiquoit ( Arrien , lib. Vil , c. 16. ). NOTE XIX. Sect. ii, p. 68. Ce détail curieux nous apprend combien la navigation des anciens étoit imparfaite, même a fon plus haut point de perfeótion. On n'au-  & EclairciJJemens. 181 soit jamals employé trente jours a faire le voyage de Bérénice a Océlis , fi on eüt connu une autre méthode que celle de fuivre fervilement^ toos les détours des cötes. Le voyage d'Océlis a Mufiris feroit ( fuivant Ie major Renneli) de quinze jours pour un vaifleau europeen, d'après Ia nouvelle maniere de naviger, n'y ayant que fept cents cinquante milles marins fur une ligne droite ( Introd. p. xxxvu. )_ II eft fingulier que quoique le P triplus Maris Erythra.1 ait été é rit apiès Ie voyage d'Hippale, fon auteur fe foit fur-tout attaché a décrire 1'ancienne marche le long des cötés d'Arabie & de Perfe jufqu'a 1'embouchure de I'Indus, & de-la en defcendant le rivage Occidental du continent jufqu'a Mufiris. Je ne puis expliquer cette fingularité qu'en fuppofant qua par une fuite de cette difficulté q'ueprouvenc les hommes a renoncer a d'anciennes habitudes, la plus grande partie des commerfans de Bérénice continuerent de fuivre cette route ü laquelle ils étoient accoutumés. II faut, fuivant Pline, quatre-vingt-quatorze jours pour aller d'Alexandrie a Mufiris. L'an 1788, le Roddam, vaiffeau de la compagnie angloife des Indes, de mille tonneaux de port, ne mit que quatOTze jours de plus a faire fon voyage de Porftmouth a Madras. Telle eft la mefure des progiès qu'on a faits dans la navigation. NOTE XX. Sect. n, p. ?0. Platon penfoit que, dans une république bien gouvernée , les citoyens ne devoient point fe hvrer au commerce ni l'état chercher a fe lendre puiflant fur la mer. II prétend que le  aSz Notes commerce corromproit ia pureré de leurs moeur», & que le fervice de la mer les accoutumerort a trouver des prétextes pour juftifier une conduite , dont 1'oppofition a tout ce qu'il y a de noble & de convenable , tendroit a relacher infenfibiement les liens de la difcipline militaire. 11 affure qu'il auroit été moins funeffe pour les Athéniens de continuer d'envoyer tous les ans les fils de fept de leurs principaux citoyens pour être dévorés par le Minotaure , qup d'avoir renoncé a leurs moeurs primitives & d'être devenus une puiffance maritime. Dans cette république parfaite , dont il tracé le plan , il veut que la capitale foit fituée au moins a dix milles de la mer (De Legibus , lib. iv, ab initio. ). Ces idees de Platon furent embraffées par d'autres philofophes. Ariftote entre dans la difcuflion formelle de la qusftion de favoir, fi tin état bien organifé doit ou ne doit pas être commer^ant; & quoique extrêmement difpofé^ a foutenir une opinion contraire a celle de Platon , il n'ofe s'expliquer ouvertement a ce fujet ( De Repub. lib. vu , c. 6. ). Dans des fiecles ou de telles opinions dominent , on ne doit pas s'attendre a de getands renfeignemens fur le commerce. NOTE XXI. Sect. ii, p. 75. Pline dit ( lib. ix , c. 35. ) : Pnncipium ergo culmen que omnium rerum pmiii Margarilce tenent. — (In lib. xxxvn , c. 4. ) ll affirme, maximum in rebus humanis pratium non folum inier gcmmas , kabel adamas. Ces deux paffages lont tellement oppofés 1'un a 1'autre , qu'il eft impol&ble de les concilier, ou de déter;  & Eclairciffemtns. mlrrer kquel eff le plus conforme a la vérité. Je me fms attaché au premier, paree que nous avons plufieurs exemples du prix exorbitant ces ^perles , mais pas un feul de cette cherté extreme^des diamans. Un autre paffage de Pline me connrme dans cette opinion (lib. xix , c. i.) • après avoir parlé du prix exorbitant de Vas 'befie \ il dit : » JEquat pratia excelUntium Margari'. » tarum ' ; cc qui implique qu'il regardoit les perles comme la plus chere de toutes les maruiandifes. NOTE XXII. Sect. n, p. 76. Pline a confacré deux livres entiers de fon hiftoire naturelle ( lib. xn &. xni.) a 1'énumération & a Ia defcription des épices & des aromates, des ongnents & des parfums, dont le luxe avoit introduit 1'ufage parmi fes concitoyens. Comme la plupart de ces productions venoient de 1'Inde , ou des pays au-dela & que le commerce avec 1'Orient étoit eonfidérable du temps de Pline, nous pouvons nous former une idéé du grand débit qui s'en faifoit, par 1'exttême cherté dont elles continueren! d'être a Rome. La comparaifon des prix des mêmes marchandifes a Rome autrefois, & aujourd'hui dans notie propre pays , n'eft 'pas un pur objet de curiofité, mais peut fervir de regie pour apprécier la différence du fuccès avec lequel le commerce de 1'Inde s'eft fait dans les temps anciens & modernes. Meurfius ( de luxu. Romanorum, cap. 5. ), & Staniflas Robierzyekius, dans fon traité fur le même fujet (lib. 11 , c. i. ) , ont fait des recueils de plufieurs palfages remarquables des anciens auteurs  184 Nous fur le prix extravagant des pierres précieufes 8t des perles chez les Romains & fur 1'ufage général qui s'en faifoit patmi les perfonnes de tous les rangs. Le lefleur anglois peut fe conlenter des excellentes tables des monnoies, des poids & des mefures des anciens par le Docteur Arbuthnot ( p. 172, &c). NOTE XXIII. Sect. 11, p. 79. M. Mahudel , dans un mémoire lu a 1'académie des infcriptions & belles-lettres Tan 1719 , a préfenté le tableau des différentes opimons des anciens fur Ia nature & Torigine de la foie, qui toutes tendent a prouver leur ignorance a ce fujet. Depuis la pubiication du mémoire M. Mahudel , le P. du Halde a fait la defcription d'une efpece de foie, dont je crois qu'il a le premier donné connoiffance aux modernes. » Elle eft produite par de petits infeftes qui reffemblent beaucoup aux limacons. Ils ne forment pas, comme les vers-a-foie , des cocons de forme ronde ou ovale , mais font de très-longs fils qui s'attachent aux a'bres & aux buiffons , felon que le vent les pouffe. On les ram-ffe & on en fabrique des étoffes de foie plus groffes que celles qui viennent des rers-a-foie domeftiques. Les infeéles qui produifent cette grofle foie, ne font pas privés" ( Defcription de 1'empire de Ia Chine , torn. 11, fol. p. 207.). Ceci reffemble beaucoup a la defcription de Virgile : VelUrajjie ut foliis depeclant tenuia feres. G5 0rg. ii1 121,  & Eclaircijfemens. 2Se ■ II ne faut que lire attsntivement Virgile pour s'appercevoir, qu'outre toutes les autres qualités d'un grand poëte qui peint, il avoit une connoiffance très-étendue de 1'hiftoire naturelle. La nature & les pröduclions des vers-a-foié fauvages font traitées d'une maniere plus détaillée dans la vafte colle&ion des mémoires concernant 1'hiftoire , les fciences & les arts , &c. des Chinois , tome II, p. 575 , &c.; & par le pere de Mailla, dans fon hiftoire volumineufe de la Chine, torn. Xiti', p. 434. C'eft une circonftance finguliere dans 1'hiftoire de la foie que les fvlahométans la regardent comme une étoffe immonde, paree qu'elle eft le produit d'un ver , & tous leurs dofteurs, d'urt confentement unanime , ont décidé que toute perfonne revêtue d'un habit uniquement compolé de foie, ne peut être admis a réciter les pneres journalieres prefcrites par le Koran. (Herbel. Bibl! Oriënt, artic. Harir.) NOTE XXIV. Sect. h , p. 80. Si 1 uf.ige des manufaélures de coton de 1'Inde avoit été commun parmi les Romains, on en auroit fpécifié les différentes efpeces dans la loi de publicanis & vetfigaliius , comme on avoit fait pour les épices & les pierres précieufes. Une telle explication n'auroit pas été moins néceffaire au marchand qu'au collecteur, pour les diriger 1'un & 1'autre dans leurs opérations. NOTE XXV. Sect. 11, p. 80. _ Le lieutenant Wilford a porté beaucoup d'exac'Jtude ik d'érudition dans 1'examen de cette  x'8'6 Notcs partie du Périple d'Anien ; & il eft évident d'après fes recherches , que la Plithana d'Arrien eft la moderne Puthanah fur la rive méridionale ,de la Godvéry , a deux cents dix-fept milles anglois au fud do Baioche ; que la pofition de Tagara eft la même que celle de la moderne Dultabad , & les hautes terres a travers lefquailes les marchandifes arrivoient a Baroche, font les montagnes de Ballagaut. Les hauteurs & les diftances de ces difFérens endroits, telles qu'Arrien les défigne , font une nouvelle preuve ( fi elle étoit néceffaire) de 1'exaftitude des renfeignemens qu'il avoit pris fur ce diftriét de 1'Inde. (Recherches fur 1'Afie, vol. i , p. 369 , &c. ). NOTE XXVI. Sect. 11, p. 91. Strabon avoue qu'il s'eft ttès-peu fervi des nouvelles lumieres que les obfervations aftroiiomiques d'Hipparque avoient répandues fur la géographie , & il juftifie fa négligence par une de ces fubtiliiés fcholaftiques que les anciens mêloient trop fouvent dans leurs écrits. » Un géographe , dit-il, ( c'eft-a-dire , celui » qui décrit la terre,) ne doit faire aucune j> attention a ce qui eft hors de la terre ; & » les hommes occupés de la conduite des af» faires dans les parties habitées de la terre, » ne s'inquiéteront nullement des diftinftions » & des divifions d'Hipparque " ( Lib. 11, p. 194, c. ). NOTE XXVII. Sect. 11, p. 91. Agathemere , qui fleurit affez prés de Pro* lomée nous apprend quelle haute idéé les  & Edairdjfemens. l87 anciens avoient de lui. » Ptolomée , dit-il » qui a réduit la géographie en un fyftêma » régulier , traite de tout ce qui y a rapport » non pas d'une maniere indifférente, oti feu» lement d'après fes propres idéés ; mais rew cueillant avec foin tout ce qu'avoient écrit » des auteurs plus anciens , il en a pris tout » ce qui lui a paru conforme a la vérité " ( Epitome Geogr. lib. i,c. 6. édit. Hudfon.). Aeathodamon , artifte d'Alexandrie, non moins épns de fon ouvrage , y joignit une fuite de cattes propres a en faciliter 1'intelligence , oü la pofition de tous les lieux dont parle Ptolomée, avec leur longitude & leur latitude, fe trouvoit marquée d'une maniere abfolument conforme a fes idéés. ( Fabiic. Biblioth. crxc. III, 412. ) " NOTE XXVIII Sect. 11, p. 93. Comme c'étoit dans ces itinéraires 011 dans des plans que les anciens géographes puifoient les renfeignemens les plus certains fur la pofi1 tion & les diftances de beaucoup d'endroits, il peut n'être pas inutile de faire voir de quelle [ maniere ils furent exécutés par les Romains. . Jules-Céfar concut le premier J'idée de faire i lever un plan général de 1'empire ; il le com! menca fous 1'autorifation d'un décret du fénat, p & Augufte l'acheva. Comme Rome étoit enb core bien inférieure k la Grece dans- les fcienI ces, 1'exécution de cette grande entreprife fut > confiée a trois Grecs, hommes de grands talens, 1 ck verfés dans toutes les branches de la phiaofophie. Le plan de la partie oriëntale de 1'emI pue fut achevé par Zénodoxe en quatorze ans,  i88 Notes' quinze mois & neuf jours; celui de la partie feptentrionale par Théodote , en vingt ans, huk mois & dix jours. La partie méridionale fut achevée , en vingt-cinq ans un mois & dix jours ( JEthici Cofmogniphia apud Georgraphos xdïtos a Hen. Stephano, 1577, p. 107). Ce fut la une entreprife digne de ces perfonnages illuftres , & dignes de la magnificence d'un grand peuple. Outre ce plan général, chaque nouvelle guerre occafionnoit de nouvelles mefures & une nouvelle defcription des pays qui en étoient le fiege. Nous pouvons conclure , d'après Végéce ( lnftit. rei militaris , lib. 111, c. 6. ) , que chaque gouverneur d'une province romaine étoit muni d'un plan de fa province, oü étoit fpécifié la diftance des lieux en milles, la nature des grandes routes , les chemins de cöté, ceux de traverfe , les montagnes , les rivieres , &c. Tous ces objets , dit-il, n'étoient pas feulement repréfentés par des mots, mais deflinés fur des cartes, afin qu'en concertant fes mouvemens militaires , 1'ceil du général put feconder les téfolutions de fon efprit. NOTE XXIX. Sect. n, p. 94. La fuite de cette méprife eft remarquable. Ptolomée (lib. vu , c. i. ) calcule la longitude de Barygaza ou Baroche, a 170 2.0'; & celle de Cory ou cap Comorin, a 130 20'; ce qui fait précifément une différence de quatre degrés ; au-lieu que la différence réelle entre ces deux endroits eft de prés de quatorze degrés. Note  & Eclaircijfemens. agcj NOTE XXX. Sect. ii , p. 94. Ramufio, éditeur de la plus ancienne & peur«tre . Cependant cette erreur ne doit pas être imputée toute ent.ere a Ptolomée. Hipparqtw, que nous pouvons regarder comme fon guide , avoit enfeigne que la terre n'étoit pas environée de toutes parts par 1 Océan , mais qu'elle étoit coupée par difFérens ifthmes qui la partagent en plufieurs grands baflins (Strab. lib. I , p. 1, b ) 1 tolomée ayant adopté cette opinion, foutint." pour etre conféquent, qu'il y avoit un pays N  290 Notes inconnu qui s'étendoit de Cattigara a Praffum, au Sud-Eft de la cöte d'Afrique ( Geogr. lib. vu , c. 3 & 5.). Comme le fyftême géographique de Ptolomée étoit généralement recu; cette erreur fe propagea par le même canal. Pour s'y conformer, te géographe arabe Edriffi, qui écrivoit au douzieme fiecle , enfeigna qu'une fuite de terres non interrompue s'étendoit de Sofala du cöté de 1'Orient , en fuivant la cöte d'Afrique , jufqu'a fa jon&ion avec une partie du continent indien (D'Anville, Antiq. p. 187.). Au premier volume des Gefla Dei per Francos , eft jointe une ancienne carte très-groffiere du monde habitable , deftïnée d'après cette idéé de Ptolomée. M. Goffelin , dans fa carte intitulée Ptolomcei fyflema geographicum , a repréfenté cette étendue de terre imaginaire par laquelle Ptolomée fuppofe que 1'Afrique eft jointe ,a 1'Afie (Géographie des Grecs analyfée). NOTE XXXII. Sect. ii, p. 99. Dans cette pattie de la differtation, auffi bien que dans la carte qui doit Taccompagner, on a généralement fuivi les opinions géographiques de M. d'Anville, auxquelles le major Rennell a donné la fanétion de fon approbation (Introd. p. 39.); mais M. Goffelin a dernié*rement pubüé » la géographie des Grecs ana» lyfée , ou les fyftêmes d'Eratofthene , de Stra» bon & de Ptolomée, comparés 1'un a 1'au» tre & tous enfemble aux nouvelles connoifn fances des modeines " , ouvrage favant & ingénieux oh il differe de fon compatriote dans plufieurs de ces décifions. Suivant M. Goffelin , .e Magnum Ptomontorium, que M. d'Anville  & Eclaïrcijfemens. 2c de 1 exaétitude des connoiffances de eet auteur fur linde, qu'il eft le feul écrivain de Jantiquité qui paroifTe avoir eu quelque idéé de la grande divifion qui fubfifte encore de ce pays ; a favoir : 1'Indoftan propre, comprenanr les provinces feptentrionales de Ia péninfule, CC le Decan qui renferme las provinces méridionales De Barygafa (dit-il) le continent » s etend vers Ie Sud ; d'oü vient que ce dif» trict s appelle Dachinabades , car dans la lan» gue du pays, le Sud s'appelle Dachanos"; l'eripl. p. 29. Comme les Grecs Sc les Romains, lorfqu'il adoptoient une dénomination ètrangere , avoient toujours foirrdy ioindre une termina.fon particuliere a leur propre langue , öC que Ia ftruéture grammaticale des deux lan.gues rendoit en quelque forte néceflaire: il eft evident que Dachanos eft le même que Décan, mot qu. n'a point changé de fignification, öc qui eft encoie le nom de cette divifion ds a peninlule. La riviere NerbudJah fert aétuellement de borne au Décan , du cöté du Nord , & c eft auffi la que l'a p0fée notre auteur, renpi, ibid, N iij  2 c;4 Notes NOTE XXXIV. Sect. u, p. nS. Quoique les anciens aftronomes , en fixant lés latitudes des lieux d'après des obfervations faites ïur le foleil & fur les étoiles, aient négligé plufieurs procédés qu'il auroit fallu employer , il ne manquoit quelquefois qu'un petit nombre de minutes a 1'exaétitude de leurs réfultats, mais d'autrefois la différence alloit jufqu'a deux & même trois degrés ; & 1'on peut calculer que 1'un dans 1'autre, ces réfultats approchoient de moitié de ia «érité. Ainfi cette partie de Ia géographie ancienne auroit été paffablement exaéte , s'il y eüt eu un nombre fufftfant de déteiminations faites d'après ces principes. II s'enfaut de beaucoup au contraire qu'elles foient nombreufes , & il paroit qu'elles ne furent appliquées qu'aux endroits les plus remarquables des pays qui environnent la Méditerranée. Lorfque, faute d'obfervations plus exaétes, la latitude fe déterminoit d'après la mefure du jour Ie plus long ou le pluscourt , on ne pouvoit, dans aucun cas, compter fur un grand degré de précifion , fur-tout dans le voifinage de 1'équateur. Une feule erreur d'un quart d'heure (& il étoit aifé d'y torober , d'après, la maniere peu exaéte dont les anciens méfu- j roient le temps), pouvoit, dans de telles po- ■ fïtions , en caufer une de quatre degrés dans Ia détermination de Ia latitude. Quant aux lieux fitués dans la zone torri-ij de, il y avoit pour la fixation de la latitude,,, une reffourcequi manquoit ailleurs. C'étoit d'oh'ferver Ie temps de 1'année oü le foleil étoitl vertical a un endroit,; ou, dans d'autres ter^J  & Éclair cijfcmtns. 29 y mes, quand les corps perpendiculairs a 1'honfon n'avoient point d'ombre a midi ; la diftance du foleil de 1'équateur en ce temps, qui etoit connue par les principes de 1'aftronomie, etoit égale h la latitude du lieu. Nous avons des exemples de 1'application de cette méthode dans la détermination des paralleles de Syene & de Méroé. L'exaftitude dont cette méthode etoit fufceptible , femble être limitée a prés d'un demi-degré ; & encore faut - il fuppofer que 1'obfervateur reftoit a la même place ; car s il voyageoit d un lieu a l'autre , fans avoir occalion de corriger l'obfervation d'un jour par celle du jour fuivant, il rifquoit de s'écarter beaucoup plus encore de la vérité. Quant a la longitude des lieux, comme les eclipies de lune ne font pas fréquentes & ne pouvoient que rarement fervir a la déterminer, ÖC leulement lorfqu'il fe trouvoit des aftronomes capables de les obferver avec exaétitude ; on peut n'en tenir aucun compte dans 1'examen de la géographie des pays éloignés. C'étoit donc uniquement par les diftances & par les hauteurs d'un lieu a l'autre, que s'affignoient anciennement les différences des méridiens des divers endroits , & par conféquent c'étoit principalement fur la longitude que tomboient toutes les erreurs d'eftimations , de plans & de deknptions , de même qu'ils arrivent fur un vaiffeau qui n'a d'autre moyen de déterminer la longitude qu'en comparant 1'eftime avec les obfervations de la latitude ; quoiqn'il y ait C?tt£ ,d'fférence ■> que erreurs auxquelies le plus habile des anciens navigateurs fut fujet, étoient bien plus grandes que celles ou le patron le plus ignorant, mimi d'une bouflble, N iv  29.6 Notes pourroit tomber aujourd'hui. La longueur dê té Méditerranée prife en degrés de longitude , depuis les colonnes d'Hercule jufqu'a la baie d'Iffus, ne porte pas quarante degrés; mais dans les cartes de Ptolomée, elle en a plus de foixante , & en général fes longitudes, a partir du méridien d'Alexandrie , fur-tout du cöté de 1'Orient , font défeéïueufes a-peu-près dans la même proportion. II paroit , a la vérité, que dans les mers éloignées, on décrivoit fouvent ■les cötes d'après 'e relevé imparfait des diftances qn'avoit parcouraes le vaiffeau , fans la moindre connoiffance de la direétion de fa marche ou des giffermns. II eft vrai que Ptolomée avoit coutume de déduire un tiers pour les détours que fuivoit un vaiffeau dans fon cours ( geogr. lib. I, c. 12.); mais il eft clair que 1'application de cette regie générale pouvoit rarement conduire a un jufte réfultat. Nous en avons un exemple frappant dans la forme que ce géographe a donné a la péninfule de 1'Inde. De Baiygazenum Promontorium , a 1'endroit défigné , Lociu undè Jolvunt in Chryfen naviganles ; c'tft-a-dire de Surate, fur la cöte de Malabar a Narfapour fur celle de Corornandel, la diftance prife le long du rivage de la mer eft a-peu-près la même que ce qu'elle eft réellement ; c'eft-a-dire, d'environ cinq cents vingt lieues. Mais la ménrife dans la direótion eft étonnante ; car les cotes de Malabar Sc de Coromandel , au-lieu de s'allonger vers le Sud', & de s'entrecouper au cap Comorin , par un angle très-aigu , font repréfentées par Ptolomée comme s'étendant fur une même ligne droiüe d'Occident en Oriënt, avec une légere inflexica vets le Sud.. II y a en même-temps pluüeufs.  & Eclalrcïjfemens. 2.97 baïes & promontoires repréfentés fur cette cöte qui reflemblent beaucoup, dans leur pofition a ceux qui y exiftent aujourd'hui. On voit dab rement, par la réunion de toutes ces circonfcances , quels étoient les élémens qui entrerent dans Ia compofition de 1'ancieune carte de 1'Inde Les vaiffeaux qui avoient vifité la cöte de ce' pays avoient tenu compte du temps qu'ils avoient mis a-aller d'un lieu a. l'autre , & en fuivant Ia cote avoient remarqué de que! cöté étoit la terre , lorlqu'ils traverfoient une baie ou doubloient un promontoire. C'eft a ce journal imparfa.t, auquel fe joignoit peut-etre une mauvaife mefure de la la.itude d'un ou deux endrons que fe bornerent probablement tous Jes renfeignemens qu'il Rit poffible k Ptolomée de fe procurer. On ne fera pas étonné quil nait pas pu en obtenir de mieux raifonres de la part des marchands, dont ia navigation n'avoit nullerr.ent pour objet 1'examen des cotes, fi Ion confidere que même le céJebre Penplus d'Hannon ne mettroit pas un geographe a même de lever un plan plus exaft de la cote d'Afnque, que Ptolomée n'a fait celle de linde. NOTE XXXV. Sect. n, p. I2$. L'introduaion du ver-a-foie en Europe, & es effets quelle produifit, fe préfenterent fous la plume de M. Gibbon , e„ écrivant 1'hiftoire de lempereur Juftinien ; & quoique ce ne föt quun incident dun intérêt fecondaire dans la loule des grands événemens qui devoient fixer fon attention.il |'a examinélvec pn foin , & »a rapporte avec une yérité qui a,uoh fait N y  298 Nous" honneur a 1'écrivain qui eut borné Ja 1'objeï* de fes recherches, vol. iv, p_ 71 , &c.; & ce n'eft pas feulement ici que je me fais un devoir de lui rendre cette juftice. Le fujet de mes recherches m'a fouvent conduit fur un terrein qu'il avoit parcouru , & je m'en fuis uniquement rapporté a fon habilité & a fon difcernement. NOTE XXXVI. Sect. ii, p. 131. Ce voyage avec les obfervations d'Abu Zeid & de Hafan de Siraf, fut publié par M. Renaudot 1'an de J. C. 1718, fous le titre de » Anciennes relations des Indes & de la Chi» ne , de deux voyageurs mahométans, qui y « allerent dans le neuvieme fiecle , traduites da » 1'Arabe avec des remarques fur les princij> paux endroits de ces relations ". Comme M. Renaudot, dans fes remarques, repréfente la littérature & la police des Chinois fous des couleurs biens différentes de celles qui caraétérifent les brillantes defcriptions qu'en avoient données les Jéfuites, pouffés par une admiration aveugle,. deux zélés miffionnaires ont révoqué en'doute l^uthenticité de ces relations, & ont allure que leurs auteurs n'avoient jamais été en Chine (P. Prémare, Lettres édtfiantes & curieufes, torn. xix , p. 410 , &c. P. Parennin, ibid. tom. xxi, p. i$8 , &c). Plufieurs favans d'Angleterre conferverent aufli. des doutes fur le même fujet, en ce que M. Renaudot n'avoit donné d'autres éclairciffemens fur le manufcrit qu'il avoit traduit finon qu'il 1'avoit trouvé dans la bibliotheque de M. Ie comte de Seignelay. Comme perfonne deputs  & EclaircijJ'anins. n'avoit vu le manufcrit, les doutes aucrmenterent, & M. Renaudot fut accufé d'avoi" voulu en impofer au public. Mais les manufcrits de Colbert ayant été dépofés dans la bibliotheque du Roi , comme le font, henreufement pour la littérature la plupart des colleétions particulieres en France, M. de Guignes, après bien des recherches , découvrit en nature le manufcrit cité par M. Renaudot. II paroït avoir été écrit au douzieme fiecle (Journal des Savans , déc. 1764, p. 315, &c). Comme je n avois pas 1'édition francoife du livre de M„ Renaudot, c'eft de la traduétion angloife que* fonf-tirées mes citations. La relation des deux voyageurs Arabes fe trouve conflrmée fur beaucoup de points, par leur compatriote Maffoudi, qui publia fon traité de 1'hiftoire univerfelle, auquel il donne le titre bizarre de » Champs » d'Or , de Mines de Diamans, " cent fis ans après leur mort. C'eft encore lui qui nous a lame fur la fituation de 1'Inde au dixieme fiecle, des détails qui prouvent évidemmenr qu'a cette époque les Arabes avoient acquis une connoiffance très-étendue de ce pays. Suivant la defcription qu'il en donne, la péninfule de 1'Inde étoit divifée en quatre royaumes. Le premier étoit compofé des provinces arrofées par 1'Indus & les autres rivieres qui ey jettent; fa capitale étoit Moultan. La capitale du fecond royaume étoit Canoge, qui par les ruines qu'on en voit encore , paroït avoir été une très-grande ville. Memoires de ftennell, p. 54. Pour donner une. idèe de fa population, Ie hiftoriens Indiens affurent qu'elle contenoit trente mille boutiques oü fe vendoit la noix de Bétel, & foixante mille bandes de N vj  300 Notes muficiens & de chanteurs qui payoient ur* droit au gouvernement; Férishta, traduit pat Dow, vol. i , p. 32. Le troifieme royaume étoit Cachemire. Mafibudi eft le premier auteur , que je fache, qui faffe mention de ce paradis de 1'Inde , dont il ne donne qu'une courte , mais fidelle defcription. Le quatrieme eft le royaume de Guzurate, qu'il repréfente comme le plus grand & le plus puiffant; & il s'accorde avec les deux voyngeurs Arabes, dans Ia dénomination de Balhara , qu'il donne a fes fouverains. Ce que Maffoudi raconte de 1'Inde eft plus remarquable en ce qu'il avoit lui-mê- I me vifité ce pays (Notices & extraits des manufcrits de la bibliotheque du Roi, tom. 1 , p. 9, 10.). Maffoudi appuie ce que difent les deux voyageurs arabes des progrès étonnans des Indiens dans 1'aftronomie. Suivant lui, on batit un temple fous le regne de Brahrnan , premier monarque de 1'Inde , avec douze tours repréfentant les douze fïgnes du zodiaque, Ss oü 1'on voyoit toutes les étoiles , dans l'ordra oü elles paroifftnt dans les cieux. Sous le même regne, fut compofé le fameux Sind-Hind, qui paroit être le traité le plus paifait de 1'aftronomie indienne ( Notices, &c. tom. 1 , p. 7.)» Un autre auteur arabe qui écrivoit vers le milieu du quatorzieme fiecle, partage 1'Inde en trois parties: 1'une feptentrionale, qui comprend toutes les provinces arrofées par 1'Indus ; 1 1'intermédiaire, qui s'étend de Guzurate au Gange ; la méridionale, qu'il appelle Comar, du nom du cap Comorin (Notices, Sic. tom. u, 9- 46.).  & Eclalrcffernens] xoi NOTE XXXVII. Sect. m, p. ^ II ne paroït pas que les Chinois aïent été verfes plus que les Grecs , les Romains ou fes Arabes, dans Tart de la navigation. Leurs propres auteurs ont tracé Ia route qu'ils fuivoient de Quang-Tong a Siraf, prés 1'emboir-^ bouchure du golfe perfique. Ils fe tenoient Ie plus pres du rivage qu'il leur étoit poffible jufqua leur arrivée a 1'ifl'e de Ceylan , & alors, doublantle Cap Comorin, ils fuivoient Ie cote occidental de la péninfule jufqu'a 1'embouchure de 1'Indus. & de-la ferroient la cöte julqu au neu de leur deftination ( Mém. de 1'tterat. tom. xxxil , P. 367.).Quelques auteurs ont pretendu que les Arabes & les Chinois connoiflo.ent très-bien le compas des marins & l ufnge quon en fait dans la navigation : mais il elf remarquable que dans aucune des langues Arabe, Turque ou Perfe, il n'y a point origmairement de rnot pour Boujfole. Ils 1'appelJoient communément Botfola , nom Italien qui prouve que la chofe qu'il fignifie, ne leur étoit pas moins étrangere que le mot même. II n'y a pas une feule obfervation de quelque antiquité ; laite par les Arabes fur la variation de 1'aiguille ou quelque inférence utile a Ia navigation, qui en ait éte tirée. Le chevalier Chardin , 1'un des voyagenrs les plus favans & les mieux initruits qui aient vifité 1'Orient , ayant été conlulte fur ce point, donna la réponfe fuivante p Je 1foutiens, fans crainte d'être démenti, que » eelt a nous que les Afiatiques font redevables " °e « merveilleux inflrument qu'ils tenoient » de I Eiitope Jong - temps ayant la conquêw  j0 2 Nota » des Portugais. Car d'abord , leurs bouflble! » font exaclement pareiiles aux nötres, & , tant » qu'ils peuvent, ils les achetent des Euro» péens, ofant a peine fe fier aux leurs. Se» condement, il eft certain qu'il n'y avoit que » les anciens navigateurs qui s'attachoient aux » cötes ; ce que j'attribue au défaut de eet j» inftrument qu'ils n'avoient pas pour les guider » & les inftruire au milieu de 1'Océan. Ön ne j> dira pas qu'ils craignoient de fe hafarder trop » loin de chez eux; car les Arabes, les pre» miers navigateurs du monde , felon moi, du s» moins fur les mers orientales, ont, de temps » immémorial , navigué du fond de la mer » Rouge, tout le long''de la cöte d'Afrique, n & les Chinois ont été dans un commerce » continuel avec les ifles de Java & de Su» matra , ce qui eft un voyage très-confidéra»> ble. Tant d'ifles inhabitées & cependant pro» duélives, tant da terras inconnues aux peu» pies dont je parle , font une preuve que » les anciens navigateurs ignoroient 1'art de >i gouverner en pleine mer. Je n'ai que des raii» lonnemens h préfenter fur cette matiere j. » n'ayant jamais trouvé perfonne en Perfe ou » dans les Indes , qui ait pu me dire a quelle » époque le compas y fut connu pour la pre» * miere fois, quoique je me fois adreflé aux n plus favans hcuTimes des deux pays. Pai fais» le voyage des Indes en Perfe fur des vaif» feaux indiens, ou il n'y avoit que moi d'Eun ropéen. Tous les pilotes étoient Indiens. & » ils fe fervoient, pour leurs obfervations,. i> du rayon aftronomique & du quart du cercle,. »> C'eft de nous qu'ils tiennent ces inftrumens ^ » ils font faits par nos artiftes, & ils ne diSr  & Eclaircljjemens. 303 w ferent abfolument en rien des nótres , fi ce » n'eft dans les caraéïeres qui font arabes. Les " , f?nt les P,us habiles "avigateurs parmi » les Afiat.ques & les Africains ; mais ni eux » ni les Indiens ne font ufage des cartes • & » elles ne leur font pas très-néceffaires • ils » en ont bien , mais copiées fur les nötres • » car ds ne connoiffent point du tout la perf' 'J p€£'? " Reche"hes fur Ia première entree des Mahométans en Chine, p. 141, &c. m. N.ehbur etant au Caire , fit connoiffance d'un Mahometan qu, avoit une aiguille marine qui fervoit a mdiquer le Kaaba, & il lui donnoit ie nom d El Magnatis; preuve évidente qu'elle venoit dEurope. Voyage en Arabie, tom. 11 „ p. IOC). * NOTE XXXVIII. Sect. in, p. Nous avons des preuves de Ia propagation du chnftianifme & dn mahométifme de la Chine & dans 1 Inde , qui ne laiffent aucun doute fur eet objet^ Ces preuves font préfentées par Afieman, Biblioth. Oriënt, vol. iy , p A7 &c 521, &c; & par M. Renaudot, dans deux diüertations qu il a jointes aux anciennes relations ; enfin par M. de Ia Croze , Hiftoire du chnlWme des Indes. Aujourd'hui cependant nous favons que le nombre des profélytes dans les deux religions eft infiniment petit ; fur-tout dans 1 inde. Un Gentou regarde toutes les diftinttions & tous les privileges de fa cafte comme lui appartenant par un droit exclufif & incommumcable. Convertirou être converti, lont des idéés qui répugnent également aux principes les plus profondément enracinés dans  3 04 Notes fon ame; & il n'y a pas un feul mifïïonnaire catholique ou proteftant dans 1'Inde , qui puifte fe vanter d'avoir furmonté ces préjugés; fi ce n'eft dans un petit nombre d'individus qui appartiennent aux caftes les plus bafles, ou qui n'en ont pas du tout. Cette derniere circonftance eft un grand obftacie aux progrès du chriftianifme dans 1'Inde. Comme les Européens mangent la chair de eet animal facré pour les Indiens, Sc boivent des liqueurs enivrantes, exemples que fuivent les nouveaux convertis au chriftianifme, cette conduite les fait defcendre au niveau des Parias, 1'efpece d'hommes la plus méprifable Sc la plus odieufe. Quelques miffioBnaires catholiques en fentirent fi bien la conféquence, qu'ils affeéterent d'imirer 1'habillement & la maniere de vivre des Bramines , & refufereat de fréquenter les Parias , ou de les admettre a la participation des facremens. Mais il en fut blamé par Ie Légat apoftolique Tournon , comme d'une chofe contraire a 1'efprit & aux maximes de la religion chrétienne (Voyage aux Indes Orientales, par M. Sonnerat , tom. i. p. 58 , notes. ). Malgré les travaux des miflïonnaires pendant plus de deux cents ans, dit un écrivain moderne diftingué, & les établiffemens de différentes nations chrétiennes qui les entretiennent 8c qui les protegent parmi , peut-être , cent millions d'Indiens, il n'y en a pas douze mille chrétiens, öc encote ce petit nombre n'eft-il compofé que de Chancalas , ou profcrits ( Efquifles fur 1'hiftoire, la teligion , la littérature Sc les mceurs des Indiens, p. 48. ). On fait monter a prés de dix millions le nombre des Mahométans ou des Maures qui font aujourd'hui dans 1'Indoftan ; mais ils ne  & Eclairciffemens. j©^ jont ppJnt originaires du pays; ce ne font que 'es delcendans des avanturiers qui n'ont ceffé l6 ,s^,/éPandre de ,a Tartarie , de la Perfe j ™ 1 Arabie, depuis 1'invafion de Mahmoud de Gazna , 1 an de J. C. 1002, premier cöriquerant de 1'Inde , parmi les Mahométans. Orme Hilt. of military tranfa&ons. in Indoftan, vol / p. 24. Herbelot , Bibliot. Oriënt, artic. GaCnavtak. Comme il paroit que les mceurs des indiens d aujourd'hui, font abfolument les mgmes quautrefois, il eft probable que les Chiétiens & les Mahométans, qu'on dit avoir été en fi grand nombre dans 1'Inde & dans la Chine, étoient fur-tout ;des étrangers qu'y avoit attirés Pappas d'un commerce lucratif ' ou bien leurs defcendans. Le nombre des Mahométans dans Ia Chine s'eft confidérablement augmente par 1'ufage établi chez eux d'acheter dans les armées de famine des enfans qu'ils elevent dans la religion mahométane. Hift. génér, des Voyages, tom vi, p. 357.) NOTE XXXIX. Sect. m, p. ,43. La chronique d'André Dandulo , Doge de Venife, qu, fut élevé a cette dignité dans un temps ou fes compatriotes avoient établi un commerce régulier avec Alexandrie, & en tiroient toutes les produaions de 1'Orient, fat. foit naturellement efpérer quelques éclairciffemens fur leurs premières relations avec ce pays • mais, excepté je ne fais quelle hiftoire de quelques vaiffeaux Vénitiens qui étoient allés k Alexandrie, vers 1'an 828, en dépit d'un déeret de la république , & qui en avoient enleve le corps de faifit Mare (Murat. Script»  3 05 Notes Ter. ital. vol. XII, lib. 8 , c. a , p. 170) ; je ne trouve aucun autre indice fur fa communication entre les deux pays. II fe préfente au contraire des circonftances qui font voir que les relations des Européens en Egypte , avoient prefque entiérement ceffé pour un temps. Antérieurement aux feptieme & huitieme fiecles, la plus grande partie des aéfes publics, en Italië & dans les autres pays de 1'Europe, s'écrivoient fur du papier fait d'un arbriffeau d'Egypte : mais après cette époque , comme les Européens ne cherchoient plus a commercer avec Alexandrie , prefque toutes les chartres & autres aétes font écrits fur du parchemin. Murat. Antiq. ital. medii cevi, vol. UI, pag. 832. Je ne me fuis fi fort appefanti, & dans le texte & dans cette note , fur ces détails qui prouvent 1'interruption du commerce entre les Chrétiens & les Mahométans , que pour détruire une erreur dans laquelle font tombés plufieurs auteurs modernes, en fuppofant que bientót après les premières conquêtes des Califes , le commerce avec 1'Inde avoit repris fon ancienne marche , & les négocians d'Ëurope fréquentoient avec la même liberté qu'auparavant les ports d'Egypte & de Syrië. NOTE XL. Sect. 111, p. 149. II eft bon de remarquer, dit M. Stevart, que les Indiens ont un art admirable pour rendre leur religion lucrative. Les Fakirs , dans leurs pélerinages des cötes de la mer dans l'intérieur des terres , fe chargent ordinairement de perles, de corail, d'épiceries, & autres objets précieux jfl'un petit volume, qu'ils échangent, aleurretourj  & Eclalrcijfemens. 307 eontre de la poudre d'or, du mufc, & autres articles femblables, qu'il leur eft facile de cacher dans leun cheveux & dans leurs ceintures • faifirnt par ce moyen un trafic affez eonfidérable en proportion de leur nombre. ( Relation da royaume de Thibet, — Tranfaét. philof. vol iXVH, part. 11, p, 483.) NOTE XLI. Sect. m, p. l6o. Caffa eft la place de commerce la mieux fituée de Ia mer Noire. Dans les mains des Génois qui en avoient eu la poffeffion pendant plus de deux fiecles , elle étoit devenue Ie centre d'un commerce étendu & floriffant. Malgré tous les défavantages d'un gouvernement tel qr-e celui des Turcs, elle eft encore aujourd'hui're, nommée par fon commerce. Le chevalier Chardin, qui y fut 1'an de J. C. 1672, dit que dans un féjour de quarante jours qu'il y fit, il vit a Caffa arriver ou partir plus de quatre cents vaiffeaux. ( Voyages 1, 48 ). II y remarqua beaucoup de reftes de la magnifkence des Genois. Le nombre de fes habitans, felon M Peyfonnel, eft encore de quatre-vingts mille." (Commerce de la mer Noire, tom 1, p. 15.} II parle de fon commerce comme d'un commerce tres-confidérable. NOTE XLII. Sect. iii , p. ,62. % L'infblence & la rapacité des Génois établis a Conftantinople , font repréfentées par Nicéphore Grégoras, témoin oculaire de leur conduite, fous les couleurs les plus frappantes ; » Les Génois, dit-il, a préfent, c'eft-a-dir^  308 Notes » vers 1'an 1340 , s'imaginent avoir acquis 1'em» pire de la mer, & s'arrogent un droit exj) clufif au commerce de la mer Noire , em» pêchant les vaiffeaux grecs d'approcher dn j> Méotide, de la Cherfonefe & de toute autre j> partie de la cote fupérieure a 1'embouchure du j> Danube , fans une permiffion expreffe de leur » part. Ils étendent cette exclufion jufques fur >> les Vénitiens, & ils ont pouffé le délire jufj> qu'a s'occuper du projet de lever une taxe fur » tous les vaiffeaux qui pafferoient le Bofphore", ( lib. XVIII, c. 2. paragraphe I. ). NOTE XLIII. Sect. hi, p. 162. On croyoit qu'il étoit fi néceffaire de s'autorifer d'une permffion du Pape pour commercer avec les infi jeles , que long - temps après cette époque, 1'an 1454, Nicolas V , dans fa fameufe bulle en faveur du prince Henri de Portugal, entre autres privileges lui accorde la permiffion de trafiquer avec les Mahométans, s'appuyant de femblables permiffions accordées aux rois de Portugal par les papes Martin V fck Eugene. Leibnitz, Codex Jur. Gent. Diplomat. pars I, p. 489. NOTE XLIV. Sect. m, p. 165. Ni Paul Jove, panégyrifle zélé des Médicis, ni Jo. M. Brutus leur détraéteur, quoiqu'ils parient tous deux de l'exorbitante richeffe de cette familie, ne s'expliquent fur la nature du commerce par lequel ils s'étoient enrichis. Machiavel lui-même, dont le génie fe plaifoit  & Eclaircijfemens. 309 a rechercher toutes les circonftances qui avoient contnbué a 1'agrandifïement ou a la décadence des nat.ons , ne paroit pas avoir envifagé le commerce de fon pays comme un fujét qui mént at le moindre éclairciffement. Dénina qui a mt.tulé le premier chapitre de fon dix-huitieme hvre » Origine des Médicis, & commen» cement de leur pouvoir & de leur grandeur " ne donne que peu de renfeignemens fur le commerce qu'ils ont fait. Ce filence de tant d'auteurs eft une preuve que les hiftoriens n'avoient pas encore commencé a confidérer le commerce comme un objet affez important dans les rapports politiques des nations, pour en fuivre'la nature & les effets. D'après les renvois de divers écrivains a Scipio-Ammirato (Iftorie Fiorentme), k Pagnini , (Della Decima ed altri gravezze della mercatura di Fiorentini ) & a Balducci ( Pratica della mercatura ), je c'roirois qu'il feroit poffible de trouver quelque chofe de plus fatisfaifant fur le trafic tant de la république que de la maifon de Médicis ; mais je ne trouverois ces livres ni k Edimbourg ni a Londres. 0 NOTE XLV. Sect. m, p. l66. Leibnitz a confervé une piece précieufe qui contient les inftruftions de la république de tlorence aux deux ambaffadeurs envoyés au loudan d Egypte pour négocier ce traité avec lui , avec la réponfe de ces ambaffadeurs a leur retour. Le grand objet de la république étoit dobtenir la überté de commercer dans toute letendue des états du foudan, fur le même pied que les Vénitiens. Les principaux privile-  310 Notes ges qu'ils folliciterent étoient, r. Libre entree dans tous les ports du foudan, protcétion tant qu'ils y refteroient, & liberté d'en fortir quand ils voudroient. a. Permiffion d'avoir un conful revêtu des mêmes droits & de la même jurifdiétion que ceux des Vénitiens ; & liberté de faire batir une églife, un magafin & un bain dans tous les lieux de leurs établiffemens. 3. Qu'ils ne payeroïent point fur les objets d'importation ou d'exportation des droits plus forts que n'en payoient les Vénitiens. 4. Que les effets de tout Florentin qui mourroit dans les états du foudan , feroient remis entre les mains du conful. 5. Que la monnoie d'or & dargent de Florence feroit recue en payement. Tous ces privileges ( qui font voir fur quel pied géhéreux & équitable les Chrétiens & les Mahométans traitoient alors enfemble ) , les Florentins les obtinrent; mais a caufe des raifons motivées dans le texte , il paroit qu'ils n'ont jamais eu une grande part au commerce de Pinde. Leibnitz, Mantiffa, God. Jur. Gent. Diplom. Pars altera , p. 163. NOTE XLVI. Sect. ui, p. 174, Les parties orientales de 1'Afie font aujourd'hui fi parfaitement connues , que Ie compte inexaét qu'en a rendu le premier Mare Paul n'attire que peu de cette attention qu'excita d'aboid la publication de fes voyages ; & il s'eft mêlé a fes récits des circonftances qui ont pouffé quelques auteurs a juftifier cette défaveur, en révoquant en doute la vérité de ce qu'il rapporte , & même a foutenir qu'il n'avoit jamais vu le pays dont il prétend donner  & Edaircijfemtns. j 11 la defcription. II n'établit, difent-ils , la pofition d'aucun lieu , en fpécifiant fa longitude ou fa latitude. II donne aux provinces & aux villes, fur-tout dans fa defcription du Catay , des noms qui n'ont aucune reflemblance avec les noms modernes. II faut cependant obferver que Mare Paul n'étanr point du tout un favant, on n'a pas dü s'attendre qu'il fixeróit la pofition des lieux avec 1'exactitude d'un géographe. Comme les voyages qu'il faifoit dans la Chine étoient ou pour accompagner Ie grand Khan , ou pour faire exécuter fes ordres, il eft probable que les noms qu'il donne aux différentes provinces & aux différentes villes , font ceux que leur faifoient porter les Tanares au fervice de qui il étoit, & non point les noms originaires chinois. Une circonftance explique les inexaétitudes qui fe trouvent dans I la relation de fes voyages, c'eft qu'elle ne fut point pubüée d'après un journal régulier que Jes changemens continuels de fa fituation , pen: dant une fi longue fuite d'aventures, ne lui permirent pas de tenir ou de conferver. II la compofa de retour dans fon pays natal , & !( principalement de mémoire. Mais malgré ce déli favamage , le compte qu'il rend des contrées II de 1'Orient qui ont été 1'objet de mes recherï ches , renferme des éclairciflemens fur beau| coup de points que 1'Europe ne connoiffoit pas alors, & dont l'exaétitude eft aujourd'hui parit faitement démonttée. J'en rapporterai qtelquesk uns qui, quoiqu'ils ne foient pas relaufs a des d objets de grande importance , prouvent inconteftablement qu'il a vifité ces pays , & qu'il a obfervé avec attention les mceurs & les ufages du peuple. II rend un compte particulier  3 s 2. Notes de la nature & de la préparation du fagoti, premier article de fubfiftarce chez toutes les nations de la race malail'e , & il apporta le premier échantillon de cette produétion finguliere a Venife (lib, II. c. 16.). II parle auffi de 1'ufage ou 1'on étoit généralement de macher le bétel, & la maniere de le préparer eft encore aujourd'hui Ia même que celle qu'il a décrite. Ramus, Viaggi i p. 55. D. 56. B. II va même jufqu'a parier de la maniere particuliere dont on nourriflbit les chevaux , & qui exifte encore. Ramus. p. 53. f. Mais ce qui eft bien plus important, il nous apprend que le commerce avec Alexandrie , lors de fon voyage dans 1'Inde, fe faifoit encore de la même maniere que j'avois préfumé qu'il fe faifoit anciennement. C'étoient encore des vaiffeaux du pays qui portoient les marchandifes de 1'Orient a Ia cöte de Malabar , d'ou elles étoient enle'vées avec le poivre & d'autres produéYions particulieres a cette partie de 1'Inde par des vaiffeaux qui venoient de la m-2r Rouge. Lib. ui. c. 27. On peut rendre compte par-la peut-être j de cette qualité fupérieure que Sanudo attribue aux marchandifes apportées a la cöte de Syrië, du golfe perfique , fur celles qui arrivoient en Egypte par la mer Rouge. Celles-Ia I étoient choifies & achetées dans les lieux qui I les avoient produites ou manufaéturées , par I des marchands perfans qui continuoient leurs voyages dans toutes les parties de 1'Orient; I tandis que les marchands égyptiens, dans la [ formation de leurs cargaifons , étoient bornés, pour tout affortiment, aux marchandifes apportées a la cöte de Malabar par les naturels. Ce I que Mare Paul raconta a quelques perfonnes de j, fon  & Eclalrciffantns. ,I? fon temps des nornbreufe, armée» & des revenus .mmenfes des princes orienr^ux , leur pi rut fi extravagant (quoique abfolument conforme a ce que nous «avons aujourd'hu de Ia populatron de Ia Chine & de la ncheffe de hndoftan), q„Js Ju, donnerent Ie nom de Meffer Marco Milhoni. Préfat. de Ramus o a Mais il fut bten d fféremmen, éwu5 d«Ppe£ fonnes m.eux mfiruires. Colomb , ainfi quePg5 favans avec qui il étoit en relation, m?t den . ™e fi grande connance dans Ia véracité de f"« ipeculations & aux théories aui menerent h la découverte du nouveaux monde. Vie de Co! Jomb par fon fils, c. 7 & 8. NOTE XLVIL Sect. m, p. l82. PVV3" ,'p', Jean.neJde Navarre, femme de Pbhppe-le-Bel ro, de France , ayant pafié que que» JoursaBruges, fut teUement fraJJJ de la grandeur & de la richeffe de cette ville & fur-tout de Ia magnificence des femmes des bourgeots, que par un mouvement de eet-* env,e naturelle a fon lexe (dit Guicciardinl elle secna avec mdignation : „ Je croyois être » .« la leule re.ne, mais je vois quïl y £ Lmf;.C4eon8!,neS Defcrit.qder kfi NOTE XLVIII. Sect. m, p. l8j. J'ai remarqué dans 1'Hiftoire du regne de Charles V, vol i p. 163 que, durant Ia guerre exc.tee par la fameufe hgue de Cambray tandis que Charles VIII de France ne pouvoit fe pro! O  3 14 Notes curer de 1'argent qu'avec une prime de quarante-deux. pour cent, les Vénitiens trouvoient les ibmmes qu'ils vouloient a cinq pour cent. Mais je'penfe bien que ce prix ne doit pas i être comme le taux ordinaire de 1'intérêt a cette époque, mais comme un effort volontaire & patriotique des citoyens, pour venir au fecours de leur pays dans une crife dangereufe. II y a dans 1'hiftoire de la république des exemples frappans de ces généreux dévouemens. L'an 1379, lorfque les Génois , après avoir remporté une grande viétoire navale fur les Vénitiens , fe difpofoient a attaquer leur capitale, les citoyens, par une contribution volontaire , mirent le fénat a même de faire un armement qui fauva t leur pays. Sabelücus, Hift. Rer. Venet. dec. 111 , , lib. iv, p. 385 , 390. Dans la guerre avec ; Ferrare, qui commenca l'an 1472, le fénat, , fur de 1'attachement des citoyens a leur pays , , ordonna que chacun apportat au tréfor public > toute fa vaiflelle d'or & d'argent Sc fes bijoux, ; s'engageant d'en payer la valeur a la fin de la t guerre , avec cinq pour cent d'intérêt ; & eet s ordre fut exécuté avec allégrefle. Petr. Cyrnseus u de Bello Ferrar. ap. Murat. Script. Rer. ital. li vol. xxi, p. 1016. NOTE XLIX. Sect. ui, p. 186. On peut citer deux faits comme preuves de h ï'étendue extraordinaire du commerce des Vé- a nitiens a cette époque. — 1. On trouve dans it la grande colleftion de Rymer une fuite d'ac- 3 tes par lefquels les rois d'Angleterre conféroient n différens privileges & différentes immunités aux in marchands Vénitiens qui commercoient en An- 1  & Eclaucijfemens. 3,'glcterre, ainfi que divers traités de commerce avec la -république, qui montrent cJem „t a que! po.nt leurs rapports s'étoient multipliés dans ce pay,. M. Anderfon cite chacun Tfel tra.tes dans leur ordre • & cmkonque eft engage dans des recherches fur le commerce a du fent»r en plus d'une occafion combien jj Smentade,raVa' inf3tigab!e & * ''«celleS" „. gement de -eet ecnvam. a r VtahlifH.™ d'une b»q„. par l'autorité pu'bl^ t™ fcecle & chez une nat.on ou 1'on connoft fi bien es aVanta que ]e commerce « bien mutron des banques, il eft inutile d'en faire l4m,meration Les tranfaéiions mercantileT doitenr -oir eté nombreufes & étendues, avat on appercut pleinement 1'utilité d'une S JenTfinbie°nU ^ d" "™ "Jent 11 bren connus qu'ils formaffent des ré |lemens propres i la d.riger avec fuccès Ve »'fe peut fe vanter d'av^r donné kmj0~ ^ .prem,er exemple d'un établiffement enSment .nconnu aux anciens & dont s'enorRueiHit le fyftême-moderne commercial. La Llffion de la banque de Venife fut originairemeh Jta" hhe fur des principes fi juftes , qu'elle a fer. de modele a l'établiffement des Tanques dans les autres pays, & 1'adminiftration d L af fe.res ? eté conduite avec tant d'intégrité ' e ion credit n'a jamais été ébranlé. jf ne'DTut pas fpécifier 1'année précife dans aqüeile a banque de Venife fut étabiie par une lói d* eu, Anderfon préfume qu'ellePi'a etTlt 'd civil' 2% °n' V0L l* P' 84- Sandi, Hift! vol. .d pVg;.Partt"' V0l-'P-768;part.IIi; O ij  »i6 Notes NOTE L. Sect. m, p. 188. Un auteur Italien affez eftimé, & qui a fait des recherches exaftes fur 1'hiftoire ancienne de fes différens gouvernemens , affure que fi tous les états qui commercoient dans la Méditerranée s'étoient réunis, Venife feule auroit ete fupérieure a tous par fes forces navales, 6c 1'étendue de fon commerce ( Demna , Kevol. d'Italie, traduites par 1'abbé Dujardin , lib. xvm. c. 6. tom. VE p. 339-)• Vers l'an 420, le do<*e Mocenigo donna un plan de la torce navafe de la république , lequel confirme cette décifion de Denina. Elle confiftcit alors en trois mille vaiffeaux marchands de différentes grandeurs, a bord defquels il y avoit dot-fept mille matelots ; en trois cents vaiffeaux de plus grande force , montés par huit mille matelots; & en quarante-cinqlarges galeres ou caraques, conduites par onze mille matelots. S,x mille charpentiers étoient employés aux arfenaux publiés & particuliers. Mare Sanuto, Vies des ducs de Ven. Ap. Murat. Hift. de Ut. vol. xxn , p. 959. NOTE LI. Sect. ui, p. aio. Si nous remarquons la forme & la pofition des parties habitabies de 1'Afie & de 1'Afrique, nous aurons de bonnes raifons pour confiderer le chameaux comme le plus utile de tous les animaux que les habitans de ces grands continens aient domptés. Dans ces deux continens, quelques-uns des plus fertiles diftncts font ieparés 1'un de l'autre pat des trajets fi etendus  & Edaircljfemcns. 3 17 de fables arides, féjour de la défolation & de la féchereffe , qu'ils paroiffent exclure la poflïbilité de toute communication entre ces deux parties du monde. Mais comme 1'Océan , qui femble d'abord être placé comme une barrière infurmontable entre les différentes régions de la terre, eft devenu par la navigation utile a leur commerce réciproque, ainfi par le moyen du chameau, que les Arabes nomment avec emphafe le vaiffeau du défert, on t'raverfe les déferts les plus fauvages , & les nations qu'ils féparent font en état de commercer entr'elles. Ces voyages pénibies, impraticables pour tout autre animal, le chameau les exécute avec une étonnante promptitude. Chargé de fix, fept a huit cent pefant, il peut continuer fa marche durant un long efpace de temps avec peu de nöurnture ou de repos , & quelquefois fans boire pendant huit ou neuf jours. Par la fage économie de la providence , le chameau paroit formé exprès pour être la béte de charge des régions ou il eft placé, & oü fon fervice eft très-néceffaire. Dans tous les diftricbs de 1'Afie ou de 1'Afrique, oü les déferts font multipliés & trésétendus, le chameau abonde ; ces pays lui font propres, & la fphere de fon aéhvité ne peut s'étendre plus loin, II redoute également les excès de la chaleur & du froid , & ne peut fe faire même au doux climat de notre zone tempérée. Comme le premier commerce des marchandifes de 1'Inde dont nous ayons quelque détail authentique fut fait par le moyen des chameaux , Gen. xxxvu. v. 5.; & comme c'eft en les employant que le tranfport de ce> marchandifes a été d'une fi grande étendus dans 1'Afie & dans 1'Afrique, les particulariO iij  318 Noteslés dont j'ai fait mention relativemênt a ce fingulier animal m'ont paru néceffaires a 1'éclairciffement de- cetre partie de mon fujet. Si quelques-uns de mes leéfeurs defirent une plus ample information & fouhaitent de connoitre comment 1'induftrie & 1'art de Fhomme avoient fecondé les intentions de la nature en dreffant le chameau dès fa naiffanee a cette vie adtive & laborieufe a laquelle il eft deftiné , il peut confulter 1'hiftoire naturelle de M, le comte de Buffon , art. chameau & dromadaire, une des plus éloquentes defcriptions, & autant que je peux juger d'après l'examen des autorités qu'it a citées, une des plus exaéles qu'ait données se fameux écrivain. M. Voiney , dont 1'exacthude eft bien connue , donne auffi une defcuption de la maniere dont le chameau voyage.. Elle peut être agréable a quelques-uns de mes lefteurs. » On emploie fur-tout les chameaux; » en voyageant a travers les déferts , paree s> qu'ils conlomment peu & portent de gtos» fardeaux. Leur charge ordinaire eft d'envi» ron lept cents cinquante livres, leur nourri» ture eft tout ce qu'on leur donne , paille, 5> chardons , les noyaux de dates, fêves , or» ge , &c. Avec une livre da nourriture par 5> jour , & autant d'eau , le chameau voyagera» pendant des femaines. Dans la journée du » Caire a Suez-, qui eft de cinquante ou de »> cinquante-fix heures , ils ne mangent ni ne » boiyent, mais ces longs jeünes fi fouvent » répétés les épuifent. Leur marche ordinaire » eft tiès-lente, ils font a peine au-dela de» deux milles par heure; il eft inutile de les* » prefier-, ils ne précipiteront pas leurs pas, « mais fi.: on leur accorde quelque repos ^ Usi  & Edairdffemtns. 319 » marcheront quinze & dix-huit heures,par jour, n Voyage, tom. ii. p. 383.". NOTE Lil. Se ct. in, p. au. Pour donner une idéé complete de la circulation étendue des marchandifes indiennes par terre , il feroit néceffaire de tracer la route & dëvaluer Ie nombre des différentes caravanes qui les tranfporter-. Si ceci étoit exécuté avec exaétitude, ce feroit un objet curieux de recherche géographique , auffi bien qu'une addition précieufe a 1'hiftoire du commerce. Quoique je ne puffe entrer dans un fi long détail fans contredire la briéveté a laquelle je me fuis attaché dans cette recherche, cependant il eft peutêtre néceffaire ici d'éclaircir cette partie de mon fuj -t en parlant des deux caravanes qui vifitent Ia Mecque , afin que mes lecleurs puiffent mieux apprécier 1'importance de leurs tranfaétions commerciales. La première eft la caravane qui va du Caire en Egypte , & l'autre de üamas en Syrië. Je choifis celles-ci, & paree qu'elles font les plus confidérables , & paree qu'elles font décrites par des auteurs non fufpeéts, qui ont eu les meilleures occafions d'être pleinement informés de tout ce qui avoit rapport a ce fujet. La première eft compofée non-feulement de pélerins de chaque partie de 1'Egypte, mais encore de ceux qui arrivent de tous les petits états mahométans fur les cötes d Afrique dans la Méditerranée , de 1'empire de Maroc& même des royau» mes Maures dans la mer atlantique. Lorfque la caravane s'affenible , elle eft compofée au moins de cinquante mille perfonnes, &.Ie n. n-bre des chameaux employés a porter de 1'eau , des proO iv  J20 Notesvifions & des marchandifes, eft encore p,üs grand. Ce voyage, qui en partant du Caire & en y revenant ne s'acheve pas en moins de cent jours, fe fait entiérement par terre , & comme Ia ïoute eft ordinairement a travers les déferts fabloneux, fteriles , inhabités & fauvages , qui rarf ment offrent quelque fubfiftance , & oh fouvent on ne peut trouver des fources d'eau , lespélerins effuient toujours beaucoup de tatigue, & quelquefois doivent fupporter des peines incroyable,. Hakluit a publié anciennement une bonne defcription de cette caravane ( vol. II. p. 202. &c.). Maillet eft entré a ce fujet dans' un détail curieus & minutieux ( Defcript. de 1'Egypte , part. ii , p. 212. &c. ). Pocock a donné la route avec la longueur de la marche de chaque jour; il la tenoit d'une perfonne qui avoit été quatorze jours a la Mecque ( vol. i. p. 188 a6i'. &c. ). La caravane de Damas, compofée de pélerins de prefque toute la province de 1'empire turc , eft peu inférieure en nombre a Ia première, Scfon commerce n'eft pas moinsimportant ( Voyage de Volney , tom. xi. p. 251. &c. ). Ce pélérinagefutformé dans l'année 1741 parKhirehAbdulkurreem , dont j'ai déja parlé note iv.: p. 257. II donne la route ordinaire de Damas> k la Mecque évaluée par heures, maniere commune d'apprécier une journée dans 1'Orient k traversies contreespeu fréquentées. Selon 1'évaluation laplus modérée, la diftance entre les deux villes, par fon calcul , doit être de plus d'unnuliier de milles. Une grande partie du voyage fe fait au travers d'un défert, & les pélerins effluent non-feulement beaucoup de fatigue , mais courent fouvent de grands dangers de la part des Arabes vagabonds ( Memoires, p. 1-14 , &e.}  & Eclaircï[femens. ytf C'eft une finguliere preuve de 1'efprit de rapine des Arabes , que quoique toutes leurs tribus indépendantes foient mahométanes zélées , cependant ils ne fe font pas de fcrupule de 'piller les caravanes des pélerins , qui ne font que remplir un des plus indifpenfables devoirs de leur religion : quelque nombreufes que foient ces caravanes, nous ne pouvons pas fuppofer que tous les pelérins qui vifitent la Mecque leur appartiennent. II y a des renforts confidérables des valies domaines de la Perfe , de chaque province de 1'Indoftan & des contrées a I'Eft, de 1'Abyffinie , des différens états fur la cöte* méridionale d'Afrique & de toutes les parties de 1'Arabie , qui tous raffemblés, ont été eftimés monter a deux cents mille. En quelques années le nombre eft encore augmenté par de pe» tites bandes de pélerins de plufieurs provinces intérieures de 1'Afrique , dont les noms & les pofitions commencent maintenant a être connus en Europe. Nous fommes redevables de ce dernier fait a 1'aiTociation pour favorifer la découverte des parties intérieures de 1'Afrique , formée par queiques Anglois fur des principes fi généreux & des vues de bien public qui les honorent autant que leur propre pays. _ Dans le rapport du comité du confeil-privé fur la traite des Negres , il y a d'autres particuhantés, & il paroit que le commerce des caravanes dans les parties intérieures de 1'Afrique eft non-feulement très-étendu , mais d'un benefice eonfidérable. Outre la grande caravane qui va au Caire & eft jointe par des pélerins mahométans de chaque partie de 1'Afrique, il y a des caravanes qui n'ont d'autre objet que le commeice; elles partent de Fez, Alger,Tu- O v  3 iz Notes nis, Tripoli & des autres états fur !a cote mé»* ritime, & pénétrent dans 1'intérieur de la con* trée. Quelques-unes d'elles ne mettent pasmoins de cinquante jours pour atteir.dre le lieu de leur deftination ; & comme leur marche peu? être eftimée a environ dix-huit milles par jour ©n peut aifément calculer 1'étendue de leur voyage. Comme le temps de leur départ & leur route font enttérement connus , elles font rencontrées par le peuple de toutes les contrées qu'elles travetfent & qui commercent avec elles.Les marchandifes indiennes de toute efpece, forment un article eonfidérable de ce trafic : la denrée principale qu'elles peuvent donneren échange confifte en efclaves ( part, vn ). Comme les voyages des caravanes qui font purement commerfantes ne commencentpas dans des faifons fixes, & que leur routes varient felon la convenance ou la fantaifie des marchands qui les compofent, on ne peut les décrire avec le même degré d'exaélitude. Ert eonfidérant les détails de quelques auteurs 6s les notions des autres, on peut tirer une connoiffance fuffifante pour nous fatisfaire , que la circulation des marchandifes d'Orient pat «es caravanes eft très-étendue. Le même commerce qui fe faifoit anciennement par les provinces au Nord-Eft de 1'Afie avec 1'Indoftan & la Chine & que j'ai décrit au commencement, fubfifte encore. Parmi toutes les nombreufes tribus de Tartares, même de celles qui confervent leurs mceurs paftorales dans la plus grande pureté, la demande pour les produc-tions de ces deux contrées eft ttès-eonfidérable ( Voyage de Pallas , tom. I, p. 3 57. &c. tom. ii. p. 4x1, ). Pour faire des échanges des raat-  & Ëclaircijfernetts', jzj chandifes les nnes avec les autres , les caravanes partent annuellement de Boghave ( Hackluyt, vol.i, p. 332.), de Samarcand , du Jhibet & de plufieurs autres places , & retoument avec d'amples cargaifons de marchandifes indiennes & chinoifes. Mais le commerce entre Ia Ruffie & la Ch.ne , en cette paitie de 1'Afie, eft bien plus étendu & mieux connu. II eft probable que quelque relation de cette efpece exiftoit entre elles; mats eile a au<*menté confidérablement lorfque les parties antérieures de la Ruffie furent devenues plus acceffibles par les conquêtes de Gengis-Kan & de Tamerlan. Les nations eomme'rcantes de 1'Europe étoient fi au fait de la maniere de faire ce commerce, qu'auffi-töt aptès que les Portugais eurent ouvert la communiction avec 1'Orient par le Cap de Borme-Efpérance , on effaya de diminuer les avantages qu'ils retiroieac de cette découverte, de 1'empoiter fur les Ruffes pour tranfporter les marchandifes indiennes ck chinoifes a travers toute 1'étendue de leur empire , partie par terre & partie par le moyen des rivieres navigables, dans quelque port de Ia Baltique, d'oü elles puffent être diftribuées dans chaque partie de 1'Europe ( Ramufio-, Recueil des voyages, vol. 1, p. 374. B. ). Ce plan trop vafte pour que le monarque , alors fur le tröne de la Ruffie put !e mettre a exécution, devint praticable par les conquêtes de Bafilowitz, & le génie de Pierre-le-Grand. Quoique les capitales des deux empires fülTcnt fituées a 1'immenfe diftance de fix mille trois cents foixante-dix-huit milles 1'une de l'autre, & que Ia route, a travers un défert inhabité, parcouroit un efpace de plus de quatre cents O vj  3*4 Notes milles (Voyages de Bell. vol. n , p. 167.),. les caravanes voyageoient de Pétersbourg a Pékin. II avoit été ftipulé , lorfque cette communication fut établie, que le nombre des perfonnes dans chaque caravane n'excéderoit pas deux cents. Tous refterent renfermés dans les murs d'un Caravanferai pendant le peu de temps qu'ils paflerent a Pékin, & il ne leur fut permis de traiter qu'avec un petit nombre de marchands a qui on avoit accordé le monopole de ce commerce ; mais, malgré ces entraves & ces précautions, la vigilance jaloufe avec laquelle Ie gouvernement chinois interdit aux étrangers tout commerce libre avec fes fujets , prit 1'allarme, & 1'admiilion des caravanes Rufles fut auflï-töt défendue. Après différentes négociations, on employa a la fin un expédient qui affura les avantages d'un commerce réciproque, fans enfreindre les régiemens circonfpects de la police chinoife. Sur les limites des deux empires , on batit deux petites villes prefque contiguës, 1'une habitée par les Rufles, & l'autre par les Chinois. Les fujets de chaque empire portent dans ces villes les produéiions commercables de leur pays. Les fourrures, les toiles, les draps de laine, le cuir & les glacés de Ia Rufiae font échangés contre la foie , le coton , 3e thé , le rii & les bijoux de la Chine. Quelques régiemens fages de la fouveraine placée aujourd'hui fur le tröne de la Ruffie , dont Ie génie eft fupérieur aux maximes étroites de quelques-uns de fes prédécefleurs , ont rendu ce commerce fi floriflant, que le produit monte tous les ans au moins ahuit cents mille livres öerlings , & que c'eft le feul trafic avec la Chine qui fe fafie prefqu'entiérementpar échange,.  & Eclairciffimens. yrf, M. Coxe, dans fes recherches fur la Ruffie a a recueilli avec 1'attention & le difcernement qui lui font ordinaires , rout ce qui eft relatif a cette branche de commerce, dont la nature & l'étendue étoient peu connues en Europe (CA. 2 , 3 & 4. ). Ce n'eft pas le feul endroi: ou la Ruffie recoive des marchandifes chinoifes & indiennes. Un fupplément eonfidérable des unes & des autres eft apporté par des caravanes de Tartares indépendans , a Orembourg fur la riviere de Jaik {Voyage de Pallas , tom. I, P- 355 )> & a Troizkaia fur la riviere d'Oui , & a d'autres places dont je ne fais pas mention. Je fuis entré dans ce long détail relativement k la maniere dont les ptoduótïons de 1'Inde & deja Chine font introduites en Ruffie, paree qu'il offre la preuve la plus frappante qu'il eft poflïble de tranfporter par terre des marchandifes confidérables a une tiès-grande diftance. NOTE LUI. Sect. iv, p. 216. Le feul voyage des découvertes dans 1'Océan Atlantique, vers le Sud , qui ait été entrepris par aucun des peuples commercans des cotes de la Méditerranée , eft celui d'Hannon ordonné par la république de Carthage. La pofition de cette ville, beaucoup plus voifine du détroit de Gibraltar que Tyr , Alexandrie & les autres places de commerce dont j'ai fait mention , lui donnoit plus de facilité pour entrer dans 1'Océan. Cette circonftance réunie aux divers établiflemens que les Carihaginois avoient faits en différentes provinces d'Efpagne , leur fuggéra naturellement cette entreprife, & leur. nrèfenta dans le fuccès des avantages confidé-  $i6 Notes tables. Le voyage d'Hannon , loin de détruire j paroit confirmer ia jufteffe des raifons que j'ai données & pour lefquelles de femblables tentatives n'ont pas été faites par d'autres peuples commercans dans la Méditerranée. fcNOTE LIV Sect. iv, p. 218. . Quoique les auteurs éclairés que j'ai cité* aient regardé comme fabuleux ce voyage des Phéni ciens j Hérodote en rapporte une circonftance qui femble prouver qu'il a été réellement entrepris, ij Les Phéniciens , dit-il , affirmoient » qu'en navigant autour de 1'Afrique, ils avoient » le foleil a leur droite , ce qui ne paroit pas » croyable , quoique d'autres aient paru le » croire (lib. iv,c. 42.) ". II eft certain que cela doit être arrivé , s'ils ont réellement fait un tel voyage. La fcience de 1'aftronomie cependant étoit fi imparfaite dans ces premiers temps que 1'expérience feule pouvoit avoir donné aux Phéniciens la connoiffance de ce fait ; ilsn'auroient pas ofé fans cela affirmer ce qui auroit paru une fiétion dénuée de vraifemblance; même après leur rapport, Hérodote en doutoit„ NOTE L V. S e ct. iv, p. 229, Malgré les demandes multipliées pour les prcduflions de 1'Inde , on retnarque que pendant le feizieme fiecle quelques marchandifes , qui font aujourd'hui les principaux articles d'importation de 1'Orient étoient ou entiérement inconnues , ou de peu de valeur. Le thé, dont 1'importation excede de beaucoup celle de toutes les autres produüions de. 1'Onent, n'a été d un  & Eclaircijfitmm. yryy ufage général pendant tout un fiecle, dans aircun pays de 1'Europe; même pendant ce court efpace, par quelque caprice fingulier du goüt, ou par 1'empire de la mode , l'infiifion d'une féuille apportée des extrêmités les plus éloignéesde la terre, & dont l'éloge le plus grand peutêtre qu'on puiffe en faire , eft de dire qu'elle n'eft pas malfaifante , eft devenue prefque une néceffité de la vie dans plufieurs parties de 1'Europe , & cette pafiïon a paffé dans toutes les> claffes de la fociété, depuis les plus hauts rangs. j,ufqu'aux derniers. En 1785 , on calcula que toute la quantité de thé tranfportée de Chine en Europe , étoit de dix-neuf millions de livres, dont on cor.jeéhire que douze millions furent confommés dans la Grande - Bretagne & dansles poffeffions qui en dépendent. ( Annual R'egijt'er de Dodjley pour 1784 & 1785 ,156.); La porcelaine de la Chine, maintenant auffi commune dans plufieurs parties de 1'Eurbpe, que fi elle étoit le produit de leurs propres rr.anufaéfures, n'étoit pas connue des anciens. Mare. Paul eft le premier parmi les modernes qui en faffe mention. Les Portugais corrrmencerent a Timporterpeu de tempsaprèsleurpremier voyage? a la Chine ( A. D. 1517.); mais un tempseonfidérable s'écoula avant que 1'ufage en deTint commun.  APPENDIX. J'essaierai maintenant de remplir Fengagement que j'ai pris (i) , de faire quelques obfervations fur Ie génie, les mceurs &C les inftitutions du peup'e de 1'Inde, autant qu'on peutlesdécriredepuis les temps les plus anciens auxquefs s'étend Ia connoiffance que nous en avons. Si j'entrois dans cette vafïe carrière avec 1'intention d'en parcourir toute 1'efpace , fi je confidérois fous fes d:fférens afpects chaque objet qui s'offre k 1'ceil curieux du ph io'ophe , il faudroit m'enfoncer dans un examen & des fpéculations nonfeulement d'une étendue immenfe , mai* encore étrangers a mon fujet. Je bornerai donc mes recherches & mes réflexions k ce qui eft intimement lié au deffirr de eet ouvrage. Je recueillerai les faita que les anciens nous ont tranfmis con« cernant les inftitutions particulieres au» peuples de 1'Inde , & en les comparant avec ce que nous connoiffons de cette (i) Voyez pag. 3.  Appendix. 3 29 conirée ; j'en tirerai des conclufions propres a faire reffortir les circonlïances qui ont porté le refte du genre humain dans tous les temps a y établir des relations d'une fi grande étendue. L'hiitoire nous fournit des preuves frappantes de ce commerce dès les périodes les plus reculées. Non-feulement Jes peuples voifins de 1'Inde, mais les nations éloignées paroiffent avoir été inftruns des avantages du commerce , & les avoir tellement appréciés, que pour fe les procurer ils entreprirent des voyages fatiganSjCoüteux & dangereux. Lorfque les hommes donnent une préférence décidée aux marchandifes de quelque conirée, on doit 1'attribuer, foit a des producihons naturelles de grand prix propres au fol & au climat, foit a des progrès Aipérieurs que fes habitans ont faits dans 1'indufine , les arts & Ie luxe. Ce n'eft pas a une exceüence particuliere aux producrions naturelles de l inde, que 1'on doit attribuer entiérement la prédikaion des nations anciennes pour fes marchandifes; car , excepté le poivre , obiet affez important, elles different peu de celles des autres contrées du Tropique ; & 1'Ethiopie & 1'Arabie ont amplement fourniaux Phéniciens & aux autres peu-  3 *j O Appendix. pies de 1'antiquité, les parfums, les pierres précieufes, Tor & 1'argent qui faifoient les principaux articles de leur commerce. Ainfi, quiconque defire de fuivre le commerce avec 1'inde jufqu'a fa fource, doit confulter pour cela, non pas tant toutes les particularités naturelles des produdtions de ce pays que les grands progrès de fes habirans vers la perfeÖion civile. Plufieurs faits nous ont été tranfrnis , qui , examinés fcrupuleufement, démontrent clairement que les peuples de 1'Inde furent non-feulement très-anciennement civilifés , mais qu'ils ont fait dans la civilifation de plus grands progrès qu'aucun autre peuple. J'efTaierai de raconter ces faits en détail, & de les placer dans un tel point de vue qu'ils puiffent fervir également k répandre du jour fur les inftitutions , les mceurs & les arts des Indiens , & è favorifer 1'empreffement de toutes les nations k s'emparer des produótions de leur ingénieufe induftrie. Les anciens écrivains payens placo;ent les Indiens parmi ces races d'hommes qu'ils nommoient Autochtones ou Aborigenes, qu'ils regardoient comme enfans du fol, & dont on ne pouvoit décou-  .Appendix'. ■ 3 Jï 'ftxt I'origine (i). Les écrivains facrés célebrent avant tout lafageffede 1'Orient, expreflion qui annonce les progrès extraordinaires des peuples de cette partie du monde dans les fciences & dans les arts (2). Pour éclaircir & confïrmer ces témoignages formels concernant 1'ancienne & grande civiüfaticn des habitans de 1'Inde y j'examinerai leur rang & leur condition comme individus, leur poliiique civile , leurs loix & leur procédure judiciaire, leurs arts utiles & agréafeles, leurs fciences & leurs inftitutions religieufes, autant qu'il eft poffible de s'en inftruire par les écrits des Grecs & ! des Romains , comparés avec ce qui | refte encore de leurs anciennes inftij tutions. _ I. D'après les plus anciennes defcriotjons de 1'Inde , nous favens que !a difi tinction des rangs & la féparation des 1 profeffions y étoient particuliérement étaI blies. C'eft une des preuves les plus coni vaincantes d'une fociété confidérablement ■ avancée dans fes progrès. Les arts dans les premières fcenes de la vie fociale (1) Diod. Sicil. lib. 11 , p. 151,. L liv, des Rois, iv,, ju  •j 3 2 Appendix. font en ft petit nombre & fi fimples , j que chaque homme les poffede tous affez pour fatisfaire a toutes les demandes de fes defirs limités. Un fauvage peut "fa- i conner fon are, aiguifer fes flêches , | élever fa hutte & creufer fon canotï fans recourir k 1'aide d'aucune main plus |i habile que la fienne (i) ; mais lorfque i le temps a multiplié les befoins des hom-in mes, les productions de 1'art fe com- ft pliquent tellement dans leur forme, ou l< deviennent fi recherchées dans leur fa-is brique , qu'un cours particulier d'édu-Jl cation eft néceffaire pour former 1'artifteif a 1'efprit de 1'invention & k Thabiletélt de 1'exécution. A proportion que le ra-a finement s'étend, la diftindtion des pro-*l feffions s'accroit, & fe partage en destf: fubdivifions plus nombreufes & plus pe-9 tites. Avant les monumens de l'hiftoireil authentique, & même avant 1'ere la plusj reculée a laquelle leurs propres traditions puiffent atteindre , cette féparation 3 des profeffions a non-feulement eu lieifil parmi les peuples de 1'Inde, mais fa du- (J rée a été affurée par une inftitution que: 1'on doit confidérer comme 1'article fon-1 damental dans le fyftême de leur poii- (i) Hift. de 1'Amér. vol. ui, p. i6<.  Appendix. 5 j j j; tique. Le corps entier du" peuple étoit i divifé en quatre ordres ou caftes. Les c membres de Ia première, regardée comme 1 facrée, avoient en partage I'étude des i principes de Ia religion, Pexercice de fes \ fonöions & Ia culture des fciences. Ils i étoient les prêtres , les inftituteurs Sc les t philofophes de Ia nation. Les membres I du fecond ordre étoient chargés du gou- I vernement Sc de la défenfe de 1'état. En 1 temps de pa|x, ils étoient fes conduc- ] teurs Sc fes magiftrats; en temps de guerre, j ils étoient les foldats qui livroient les I batailles. La troifieme cafte étoit com- 1 pofée d'agriculteurs Sc de marchands ; Sc I Ia quatrieme d'artifans , de Iaboureurs Sc I de domeftiques. Aucun individu ne pou- i voit jamais quitter fa cafte ni être ad- n mis dans une autre (i). L'état de cha- : que individu eft fixé d'une maniere inal- i| térable; fa deftinée eft irrévocable, Sc l pendant fa vie il doit parcourir la route f; qui lui eft marquée , fans pouvoir ja- fi mais s'en écarter. Cette ligne de fépara- i tion eft non-feulement tracée par autorité civile , mais confirmée Sc fandtionnée par la religion. On dit que chaque (i) Ayeenekberyj ui, 8i, ékc. Eflais relatifs a 1'hiftoire , &c. des Indous, p. 107, &c.  334 Appendix. ordre ou cafte tient ion origine de ïa divinité d'une maniere fi différente qvie 1'on regarderoit comme un aöe de la plus monftrueufe impiété , de les mêler ou de les confondre (i). Ce n'eft pas feulement entre ces quatre tribus que ces barrières inlurmontables ont été placées; les membres de chaque cafte lont encore invariablement attachés a la profeffion de leurs ancêtres. De génération en génération, les mêmes familleslont fuivi & continueront toujours de fuivre un genre de vie femblable & uniforme. Ces arrangemens déterminés des différens membres d'une communauté femblent d'abord contraires au progrès des fciences & des arts; & ces barrières artificielles qui entourent les différens ordres, & qu'il feroit impie de franchir , tendent k circonfcrire les opérations de 1'efprit humain dans un cercle plus étroit que celui que la nature leur a tracé. Quand chaque homme a la liberté pleine & entiere de diriger fes efforts vers les objets & la fin que fon penchant 1'engage a préférer, il peut efpérer d'ateindre a ce haut degré de perfedion auquel les élans de fon génie & d'une induftrie fans en- (i) Voyez note i.  Appendix. 3 3 y traves le portent naturellement. Les régiemens de 1'Inde politique, par rapport I aux difFérens ordres des hommes doivent néceffairement arrêter quelquefois Ie génie dans fa carrière, & reftreindre aux fonétions d'une cafte inférieure, des talens qui pourroient être propres a briller dans une fphere plus élevée. Mais les arrangemens du gouvernement civil font faits , non pour ce qui eft extraordinaire, mais pour ce qui eft commun ; non pour le petit nombre, mais pour tous. L'objet des premiers légiflateurs indiens fut d'employer les moyens les plus efficaces de pourvoir a la fubfiftance, a Ia füreté & au bonheur de tous les membres de Ia communauté qu'ils gouvernoient. Dans cette vue, ils deftinerent certaines races d'hommes a chacune des profefïïons variées & des arts néceffaues a une fociété bien ordonnée & déterminerent que 1'exercice en feroit tranfmis de pere en fils fucceftivement. Ce fyftême, quoique extrêmement oppolé aux idéés que nous avons concues dans un état focial tout différent paroitra , après un examen fcrupuleux * plus propre a obtenir la fin qu'on fe propofoit, qu'un obfervateur inattentif ne pourroit d'abord 1'imaginer. L'efprit hu-  33*5 Appendix. rnain fe plie aux loix de la néceffité , & s'accoutume non-feulement a fe prêter aux privations que fa condition ou les inftitutions de fon pays lui impofent, mais a s'en contenter. Dès fon entrée dans le monde, 1'Indien connoït la place qui lui eft affignée & les fonctions auxquelles fa naifïance le deftine. Les objets qui en dépendent font les premiers qui fe préfentent a fa vue- Ils occupent fa penfée ou exercent fes bras, &c dès fes plus tendres années il eft entraïné par 1'habitude de faire aifément & avec plaifir ce qu'il continuera de faire pendant tout le cours de fa vie. Voila a quoi 1'on doit attribuer ce haut degré de perfection qui frappe dans plufieurs des manufactures indiennes ; & quoique leur refpect pour les pratiques de leurs ancêtres puiffe enchaïner 1'efprit d'invention , cependant il en réfulte une habileté & une délicateffe dans la main-d'ceuvre, qui fait que les Européens, avec tous les avantages d'une induftrie fupérieure & 1'aide d'inftrumens plus parfaits , n'ont jamais été capables d'égaler le fini de Pexécution de leurs ouvrages. Tandis que les grands progrès de leurs curieufes manufactures excitoient 1'admiration & attiroient le commerce des autres  Appendix. <^y tres nations , la féparation des profeffions dans 1'Inde , & Pancienne diftribution du peuple en claffes, attachées chacune a une efpece particuliere de travaux , affuroient une abondance des marchandifes les plus communes & les plus iiluelles qui, non - feulement «uffifoit a leurs befoins , mais pourvoyoiem encore k ceux des contrées qui les environnent. A cette première divifion du peuple en caftes nous devons auffi rapporter une lingulante frappante dans 1'état de 1'Inde , Ia permanence de fes inftitutions & 1 immutabiiné dans les mceurs de fes habitans, Ce qui exifte aujourd'hui dans linde y fut toujours, & il y continuera vraifemblablement : la violence féroce &Ie fanatifme effréné de fes conquérans mahométans, Ia puiffance des Européens les maitres, n'ont opéré aucune altéraiion eonfidérable (i). Les diftinctions de condition, les régiemens dans la fociété «ivile& domeftiquefont les mêmes; l« memes maximes de Ia religion font 1'objet de leur vénération , & ils cultivent les memes fciences & les mêmes arts. Dans tous les ages, le commerce avec (0 Voyez note 2. P  2 2 g Appendix. 1'Inde a été le même ; 1'or & 1'argent y ont été conftamment apportés pour faire jouir le pays des mêmes avantages qu'ils procurent maintenant a toutes les nations. Depuis Pline jufqu'a nos jours, 1'Inde a toujours été confidérée 6c abhorrée comme un abyme oü s'engloutiffent les richeffes de toutes les autres contrées , oü elles ne font que circuler 6c dont dies ne fortent jamais (i). Selon les détails que j'ai donnés des cargaifons anciennement expottées de 1'Inde, on voit qu'elles confiftoient prefque dans les mêmes articles d'échange avec ceux de nos jours ; & fi on y appercoit quelque différence , elle eft due , non pas tant a quelque variété dans la nature des marchandifes que les Indiens préparoient pour la vente, qu'a la diverfite dans les goüts 6c dans les befoins des nations qui les demandoienf. II. La confidération de fa conftitution politique 6c de la forme de fon gouvernement , fournit une autre preuve de l'ancienne 6c haute civilifation du peuple de 1'Inde. Les Indiens font remonter leur hiftoire a une multitude de fiecles, (i) Voyez note 3.  Appendix. ,, f a^entg«e toute 1'Afie, depuis 1'em bouchure cle 1'Indus a l'Oueft, ECx confinsdela Chine a I'Eft, & deE« rnontagnes du Thibet au Nord , E'au Cap deComorin au Sud , fo'rmoit un ureter*un > iuira lequel gouvernoient fliiT4 exifté pft fi f li » /• ^ e '"onde a exme, eft fi folie & fi extravagante au'eÜP ™ merite aucune ferieufe difcunWo? 'entons-nous donc , jufquT*To e^"* ait obtenu des connoiffances p?us Ier i tames de 1'hiftoire ancienne de 'I„de '■ tree. Ils trouverent dans ce pavs d« royaumes d'une grande étendue.Ts ter ntoires de Porus & de TWi - des contrées les plus fertiiec fr ,« ' • "e ou Gangarides, couvroit un era„d p? Pace del'un&derautrecö^dfGan'e" pus les trois, comme on voh £ Pij  340 Appendix. anciens auteurs grecs, étoient puhTans &«pèup1és. Cette defcription du partage de 1 Inde en états fi étendus , eft feule une preuve convaincante de fes progrès dans la eivilifation. Dans quelque région de la terre que 1'on ait été a même d'obferver le progrès des hommes en fociéte, on les voit d'abord en petites tnbus ou communautés indépendantes. Leurs befoins communs les portent a s'unir, & leurs jaloufies réciproques , autant que lai neceffité d'affurerleur fubfifiance, les oblige d'éloigner parlaforce toutrival qui pourroit empiéterfur les domaines qu ils regardent comme leur propnete. Plufieurs fiecles s'écoulent avant qu'ils s aflemblent en corps, qu'ils acquierent la prévoyance fuffifante pour pourvoir a leurs betoins, ou la fagcffe requife pour condune les affaires d'une fociété nombreufe. Sous le beau climat même, & fur Ie fol ferlile de 1'Inde, plus favorable peut-etre a 1'union & a 1'accroiffement de 1'efpece humaine qu'aucune autre partie du globe, la formation d'états auffi étendus & etablis comme ils 1'étoient dans cette contrée, lorfque les Européens les vifiterent pour la première fois, doit avoir été 1'ouvrage du temps; & fes mem-  Appendix. 341 bres doivent avoir long-temps été accoutumés aux opérations de Putile induftrie. Quoique le gouvernement monarchique fut établi dans toutes les contrées de Pinde auxquelles la connoiffance de Pantiquité s'étendoit, les fouverains étoient loin de pofféder un pouvoir defpotique & abfolu. On n'y a découvert a !a vérité aucune tracé d'affemblée ou de corps public, dont les membres , foit dans leur propre droit , foit comme repréfentans de leurs concitoyens, puffent intervenir dans 1'établiffement des loix ou dans Ia furveillance de leur exécution. Les inftitutions deftinées k affurer & a garantir les droits relatifs aux hommes en fociété, toute familiere que Pidée puiffe en être aux peuples de 1'Europe, ne forma jamais une partie d'aucune conftitution politique dans aucun grand royaume d'Alie. Cétoit a des principes d>fférens que les peuples de 1'Inde devoient les reftrictionsqui limitoient 1'exercice de la puiffance royale. Le rang des individus étoit immuablement fixé, & les privileges des différentes caftes étoient regardés comme inviolables. Les monarques de Pinde , qui font tous pris de la feconde des quatre claffes dojnt nous avons déja parle, P tij  341 Appendix. è qui 1'on confioit les fonctions du gouvernement & 1'exercice desarmes, voient parmi leurs fujets un ordre d'hommes. qui leur eft bien fupérieur en dignité & par le rang &c par la fainte té, & ft. perfuadé de fa prééminence, qu'il regarde comme une fóuillure & une dégradation de fe nourrir des mêmes alimens que fon fouverain (i). Leurs perfonnes font facrées, & même pour les crimes, les plus atroces , on ne peut les punir de mort: on ne doit jamais verfer leur fang. Les monarques doivent regarder avec refpect les hommes de cette clafle fupérieure & les révérer comme les miniftres de la religion & les maitres de. la fagefle. Dans les occafions importantes, c'eft le devoir des fouverains de les confulter & de fe diriger d'après, leurs avis. Leurs confeüs &i même leurs cenfures doivent être recus avec une foumiffton refpectueufe. Ce droit des. Bramet d'obtenir de 1'adminiftration publique le refpedl pour leurs opinions, n'étoit pas inconnu des anciens (2); &c (1) Orme , DifTert. vol. i, p. 4. Skenhes, Sic. p. 113. Coda des loix des Gentoux , ch, XX», parag. 10, p. 275 , 283 , &c. (2) Strabonlib. xv, p. 1029,..C.  Appendix. 343 dans quelques relations anciennes & encore fubüftantes, des événemens qui lè font paffes dans 1'Inde, on fait mention des princes qui, ayant violé les privileges des caftes, &c méprilé les remontrances des Brames , furent dépofés &c mis h mort par Pautorité de ceux-ci (i), Tandis que d'un cöté les loix facrées des Brames oppofoient une barrière aux ufurpations du pouvoir royal , il étoit circonfcrit de l'autre par les idéés que ceux qui tenoient le premier rang dans la fociété concevoient de leur dignité & de leurs privileges. Comme les membres de la cafte qui par fon rang approchoit le plus des chofes facrées , étoient les feuls qu'on put charger des fondtions de Tétat, les fouverains de ces vaftes royalimes anciennement établis dans 1'lnde, jugerent a propos de donner aux autres la fin-intendance des villes & des provinces trop éloignées pour être fous leur infpection immédiare. Dans ces poftes, ils acquéroient fouvent tant de crédit &c d'influence, que les charges- conférées (i) Détail des qualités réquifes dans un Mag'dtrat, a Ia tête du code des loix des Gentoux,. p. IQ2 & 116. P iv  344 Appendix. arbitrairementcontinuerent dans leurs families, & qu'ils parvinrent graduellement a fbrmer un ordre intermédiaire entre le fouverain èk fes fujets; & par Ia jaloufie vigilante avec laquelle ils maintenoient leur dignité & leurs privileges, ils contraignoient leurs gouverneurs a les refpecter & a les gouverner avec équité. Leurs prérogatives reftraintes par 1'autorité du fouverain, n'appartenoient pas feulement aux deux ordres fupérieurs dans 1'état ; elles s'étendoient par degrés a fa rroifieme c'afiè employee a 1'agriculture. Les travaux de cette fociété d'hommes nombreufe & utile, font fi effentiels a 3a confervation & au bonneur de tous,, qu'on donnoit Ia plus grande attention k rendre leur condition fure & agréable. Selon'les idéés dominantes chez les peuples de Pinde , comme nous le favons des premiers Européens qui ont vifité leur pays , le fouverain eft confidéré comme le feul & univerftl propriétaire de toute la terre dans fes domaines, & de lui dérivent toutes les propriétés de fes fujets. Ces terres étoient louées aux fermiers qui les cultivoient, moyen» nant une rente ftipulée, montant ordinairement k Ia quatrieme partje de ieüg  Appendix'. J4f produit annuel payé en efpeces (i). Dans un pays oü le prix de la maind'ceuvre eft très-bas , & ou les travaux de la culture font très-peu confidérables, la terre produifant prefque d'elle-même, óü la fubfiftance eft a fort bon compte , oü peu de vêtemens font néceffaires, & oü les maifons font baties & meublées a peu de fraix, ce taux ne peutêtre ni exorbitant ni oppreffif. Aufti long-temps que le laboureur continue de payer la rente établie, il conferve la jouiffance de la ferme, qui paffe comme une propriété du pere au fils. Ces détails que les anciens auteurs ont donnés de 1'état & du fort des fermiers dans 1'Inde, font fi parfaitement conformes avec ce qui fe pratique maintenant, qu'on peut les confidérer prefque comme une defcription de 1'état préfent de fa culture. Dans chaque partie de 1'Inde oü les princes Indiens ont des domaines, les Ryots, nom moderne par lequel on diftingue les fermiers, tiennent leurs poffeffions a baif, qui peut être confidéré comme perpétuel & au prix fixé par les anciens arpentages & les anciennes évaluations. Cet ordre a été fi (i) Strabon, lib. xv, p. 1030. A. Diod, Sic. kb» 11, p. P V  34^ Appendix^ long-temps- établi & s'accomode ft bierï avec les idéés des Indiens concernanr les diftinctions des caftes & les fondfions attribuées a chacune, qu'il a été inviolablement maintenu dans toutes lès provinces foumifes , foit aux Mahométans,. foit aux Européens, & que ces deux puilTances le confervent comme la bafe lur laquelle eft fondé tout leur fyftême définance (i). Dans une période de temps plus reculé, avant que les inftitutions primitives de 1'Inde fuffent fubverties par les ufurpateurs étrangers, Finduftrie du fermier , dont chaque habitant dépendoit pour fa fubfiftance, étoit auffi affurée que le titre par lequel il tenoit fes terres étoit équitable. La guerre même n'interrompoit point fes travaux, & n'expofoit point la propriété. II n'étoit point rare de voir, comme nous 1'avons appris y lorfque deux armées ennemies fe livroient le combat fur un champ de b3taille, les payfans labourer & moiffonner dans le champ voilin avec une parfaite tranquillité (i). Ces maximes & ces réglemens des anciens légiflateurs de 1'Inde fe rapprochent affez du fyftême de (i) Voyez note 4. (a) Strab. lib. xv, p. 1030. A.  Appendix. 347 Ces ingénieux fpéculateurs moderrtes en économie politique, qui repréfentent le produit de la terre comme la feule fource des richeffes dans chaque pays, &: qui envifagent la découverte de ce principe ,. felon lequel ils prétendent que le gouvernement des nations devroit être conduit, comme un des plus grands efForts de Ia fageffe humaine. Sous une forme de gouvernement qui donne tant d'attention a tous les difFérens ordres de la fociété& particuliérement aux laboureurs, il n'eft pas étonnant que les anciens aient repréfenté les Indiens comme l'efpece la plus heureufe des hommes, & que les obfervateurs modemes les plus éclairés aient célébré 1'éqtiité, l'humanité & la douceur de la police indienne. Un rajah Indien , comme m'en ont informé des perfonnes bien au fait de 1'état de Flnde,reffembleplusa un pere,chef d'une nombreufe familie compofée de fes propres enfans, qu'a un fouverain commandant k des inférieurs fotimis k fon empire. II tache d'affurer leur bonheur par fa vigilante follicitude : ils lui font attachés avec la plus tendre affection & la plus inviolable fidélité. -Nous pouvons difficilement concevoir que des hommes foient placés dans un état plus favoraP vj  34^ Appendix. ble a leur procurer tous les avantagss d'une union fociale. C'eft feulement lorfque 1'efprit eft parfaitement a fon aife & n'éprouve ni ne redoute 1'oppreffion , qu'il emploie fes facultés aétives a former de nombreux régiemens de police, pour affurer fes jouiffances & les augmenter. Les Grecs, quoiqu'accoutumés a leurs inftitutions, alors les plus parfaites de 1'Europe, obfervoient & admiroient plufieurs régiemens femblabies des Indiens,. & les citoient comme des preuves d'une grande perfection dans la civilifation. II y avoit chez les Indiens trois claffes diftinétes d'officiers , dont 1'une étoit chargée d'infpeöer 1'agriculture & toute efpece de travail rural. Hs mefuroient les portions de terre louées k ehaque fermier; ils avoient la garde des tanks ou réfervoirs publics d'eau qui,. lans une diftribution réglée, n'auroit pu fertilifer les campagnes fous un climat brülant. Ils tracoient la route des grands chemins, le longdefquels, k certaine diftance, il» élevoient des bornes pour mefurer l'é* tendue & diriger les voyageurs (i). L'infpedtion de la police dans les villes étaif confiée aux officiers de la feconde claffe, (i) Voyez note 5.  Appendix'. 3'4« dont Tes fonttions étoient ordinairement multipliées & variées : je n'en détailIerai que quelques-unes. Ils préparoient les maifons pour les étrangers , protégeoientceux-ci, pourvoyoienta leur fübfiftance ; & s'ils éprouvoient quelque indifpofition, on leur donnoit des médeeins pour les foigner. S'ils mouroient, non-feulement ils étoient enfevelis avec décence, mais on fe chargeoit de leurs effets qu'on rendoit a leurs parens. Les mêmes officiers tenoient des regiftres exacts des naiffances & des morts. Ils vifitoient les marchés pubiics & vifitoient les poids & les mefures. La troifieme claffe d'officiers avoit 1'infpection du département militaire % mais comme les objets qui les occupoient font étrangers a mes recherches, il eft inutile que j'entre dans aucun détail (*). Comme les moeurs & les coutumes de 1'Inde fe fuccedent prelque fans interruption d'age en age, plufieurs des inftitutions particulieres dont j'ai fait 1'énumération fubfiftent encore. Ils donnent encore la même attention a la conftrudtion ou confervation des réfervoirs? (r) Strab. lib. xv, p. 1034. A., &c. Dio4 Sic. lib. u, p. 154,  3 ^0 Appendix. a la diftribution de leurs eaux. La dïrection des chemins, remplacement des bornes eft toujours un objet de police. Les choultries ou maifons balies pour la commodité des voyageurs , font fréquentes dans toute la contrée, & font des monumens utiles autant que nobles de la munifreence & de 1'humanité des Indiens. C'eft feulement chez les nations les plus policées, & fous les meilleures formes du gouvernement que nous découvrons des inftitutions femblables a celles que j'ai décrites, & plufieurs peuples ont fait de grands progrès , fanS avoir des établiffemens de police aufti parfaits. III. En appréciant les progrès qu'une nation a faits dans la civilifation , 1'objet qui mérite le plus grand degré d'attention après fa conftitution politique , eft' 1'efprit de fes loix & la nature des formes par lefquelles les procédures judiciaires y font réglées. Dans les ages fimples & groffiers d'une fociété naiffante, les débats fur la propriété, font peu fréquens & terminés par Pinterpofition des vieillards ou par 1'autorité des chefs dans chaque petitetribuoucommunauté. Leurs décifions font dictées feulement par leur fageffe y & fondées fur les maximes clai-  Appendix-, y^Xres & évidentes de la juftice. Mais lorfque les démêlés fe multiplient, les cas femblables k ceux qui ont été décidés d'abord, peuvent revenir, & les jugemens qui y ont rapport, deviennent infenfiblement des exemples qui fervent k régler les décifions ultérieures. Ainfi,. long-temps avant que la nature de la propriété fut définie par les loix pofitives ou que quelques regies fuffent prefcrites pour 1'acquérir ou la tranfporter k un autre, il s'eft formé fucceffivement dans chaque état un corps de coutumes ou de loix communes pour diriger la procédure judiciaire, & chaque décifion s'y conforme avec refpedt, comme un réfultat de la fageffe & de I'expérience accumulées des ages. Telle paroit avoir été I'adminiftratioa de la juftice dans 1'Inde ,. lorfque les Européens y arriverent pour Ia première fois. Quoique les Indiens, felon leur relation , n'aient pas écrit de loix , mais. qu'ils aient déterminé chaque point litigieux en recueillant les décifions antérieures (r), üs affurent que la'juftice étoit rendue parmi eux avec la plus grande exaccitude , & que les crimes étoient (i) Strab. lib. XV, 103.5, ü-  3 5 2 rAppin» rens cas, avec une exception relative » aux entreprifes maritimes, exception » que le jugement de toutes les nations » approuve, & que le commerce exige » abiolument, quoique ce ne fut que » fous le regne de Charles I". que notre »> jurifprudence angloife 1'ait admis en » entier par rapport aux conveniions ma» ritimes (i) ". Quoique les habitans de 1'Inde aient été renommés dans tous les temps pour la douceur & 1'humanité de leur caraöere, il eft bien remarquable que les peines qu'ils infiigent aux criminels (conformément a une obfervation •des anciens dont on a déja fait mention), foient extrêmementrigoureufes.» Le cha% » timent perfonnifié d'une maniere frap» pante dans le code indien, eft le ma» giftrat, Cinfpiratenr de Ia terreur, le » protefleur contre la calamité, le gar- (i) Troifieme difcours, Recherches afiatiques de Guillaume Jones, p. 418.  Appendix. 3 j 9 » dien de ceux qui dorment; chatiment » a Fafpect noir, a 1'ceil rouge, épou» vante le coupable (i)". IV. Comme la condnion des anciens habitans de 1'Inde , foit qu'on les confidere comme individus ou comme membres en fociété, paroït, d'après la remarque précédente, avoir extrêmement favorifé la culture des arts agréables & utiles , nous fommes portés naturellement a examiner fi les progrès qu'ils y ont faits étoient tels qu'on devoit 1'attendre d'un peuple dans cette fituation. En effayant de fuivre ces progrès, nous n'avons par Pavantage d'un guide égal a celui qui conduifoit nos recherches concernant lespremiers articles. Les anciens, par leur peu de relation avec 1'intérieur de Pinde, n'ont pu communiquer que quelques inftruébons relativement aux arts qu'on y cultivoit. Quoique les modernes, lorfqu'ils continuerent leur commerce avec Pinde pendant trois cents ans, aient eu les moyens de Pobferver avec plus d'attention , c'eft feulement depuis peu , qu'en étudiant les langues que Pon parle aujourd'hui & que 1'on parloitautrefois dans Pinde, en confultant & traduifant (i) Code c xxi, paragraphe 8.  3 6 O Apptndix. leurs auteurs les plus célebres, ils ont commencé a faire les recherches qui cbnduifent avec certitude a la connoiffance de 1'état des arts cultitivés dans cette contrée, Un des premiers arts que Pinduftrie humaine s'efforca de perfeótionner, audela de ce qu'exige la ftriöe néceflïté, fut celui de 1'architecture. Les productions de Part, formées pour les befoins communs de la vie fe détruifent & périffent par 1'ufage; mais les ouvrages deftinés a 1'avantage de la poftérité f>ibfiffent pendant des fiecles; & c'eft d'après la maniere dont ils font exécutés, que nous jugeons du degré de puiffance, d'habileté &£ de perfectum qu'avoient atteint les peuples qui les ont exécutés. Dans chaque partie de Pinde on trouve des monumens d'une haute antiquité. Ils font de deux ef peces: ceux qui étoient confacrés aux offices de la religion &c les fortereffes baties pour la füreté du pays. Dans les premières de ces conftruétions, auxquelles les Européens, quel que foit leur forme, donnent le nom général de pagodes, on remarque une diverfité de itylequi annonce & la marche graduelle de 1'architecture, & jette du jour fur Pétat général des arts & des mceurs en différentes périodes. Les pagodes les plus anciennes \  'Appendix. -g.anciennes paroiffent n'avoir été que des excavations dans les parties montagneufesdu pays, formées probabJement a mitation des cavernes naturelles oü les premiers habitans de la terre fe retiroient enfurete durant la nuk, & oü ils trouvoient un abri contre la rigueur des faifons. La plus célebre, & COmme, il eft raifonnable de le croire, Ia plus ancienne ^t0"«ucel^-ci, eft Ja pagode dl Bombay. Elle a été tailléeamainsdW me, dans un rocher maffif, a moiné mé^dJ^ haute,m°n^gne, & for. mee dans une aire fpacieufe de prés de cent yingt pieds carrés. Pour fupporter e tent &-le poids de la «nontagne.on a tire du même roe un nombre d» pi !ie" m?.5f« d'"ne forme affez élégante a des d.ftances fi régulieres que if p e! miere entree offre a 1'oeil du fpeöateur une apparence de beauté & de folidité Une grande partie de 1'intérieur eff remphe de figures humaines en reliëf, d'une tadle glgantefque , de formes finguli"! res tk ornee d'une variété de fymboes reprefemant, probablement, les attnbuts des divinités que les Indiens adoro.ent, ou les actions des héros qu'ils admiroient. Dans l'ille de Salfette, en- Q  ^02 Appendix. core plus prés de Bombay, ü y a des excavations femblables, peu intérieures en magnificence, & deftinées aux meines vues religieufes. Ces ouvrages étonnans font d une h haute antiquité , que les naturels ne peuvent, foit par 1'hiftoire, foit par la tradu-ion, donner aucun renfeignement fur le temps auquel ils furent exécutés; ils en attribuent la conftruaion généralement a des êtres fupérieurs. Par letendue & la grandeur de ces demeures fouterraines, que les voyageurs éclairés comparent aux plus célébres monumens de la puiffance & de 1'induftne humaine, dans aucune partie de la terre, il eft manifefte qu'ils ne pouvoient avoir été faits dans cette fcene de la vie fociale, ou les hommes, toujours parta«és en petites tribus, n'étoient point accoutumés aux efforts de 1'induftne perfévérante. C'eft feulement dans les états d'une étendue eonfidérable, & chez des peuples habitués a la fubordination & a agir de concert, que 1'on con^oit 11dée d'ouvrages auffi magnifiques , & que 1'on trouve la faculté de les exécuter. Que des états auffi puiffans aient éte établis lors de ces excavations dans les ifles d'Eléphanta & de la Salfette, ce  Appendix» -Aft pas la feule conféquence que 1'on doive tirer de leur infpecïion; Ie ftyle des fculptures qui les orne, annonce un progrès eonfidérable de I'art dans cette première periode. La fculpture eft 1'art imitatif dans lequel 1'homme paroït avoir fait le premier eflai de fes talens. Mais meme dans ces contrées oü elle a atteint le plus haut degré de perfeftion, fes progres ont eteextrêmement Ients. QujFon_ danVl/r atten'ion^,h^oirede cetart dans la Grece, fait combien les premiers effais pour reprefenter la figure humaine ttoient lom d en retracer tous les traits- £SSkSJlfférenS gfOUPeS de %-esqui font reftes entiers dans la pagode d'Eié- £nr' PW de cas qu'on en .afle fi on les compare avec les ouvrages les plus elégans des artiftes grecs ou meme etrufques, font exécutés dans un ftyle tres-fuperieur a la maniere lourde ftgures du fameux palais de Perfépolis. Ceft ainfi qu'en ont jugé des perfonnes fuffifamment mftruites pour apprécier leur meme; & d'après difFérens deffins particulierement ceux de Niebuhr, voya' geur auffi „aA dans fes obfervations que fidele dans fes deferiptions, nous pouyons former une opinion favorable Q ij  364 'Appendix. de 1'état des arts dans 1'Inde a cette pe- n°cêft une remarque digne d'attention, que la plupart des figures qu'on vent dans les cavernes d'Eléphanta font fi différentes de celles qui font aujourd'hui expofées dans les pagodes comme objet de vénération, que quelques favans Européens ont imaginé qu'elles reprefentoient les rites d'une religion plus ancienne que celle qui eft maintenant etabhe dans 1 Indoftan; cependant les Indiens eux-memes confiderent ces cavernes comme des places deftinées è leur culte, & sy retirent encore pour accomphr leurs devotions; ils y honorer.t les figures qut v font, de la même maniere que celles Je leurs pagodes. Pour confirmer ceci, une perfonne éclairée qui vifitoit ce fanctuaire fouterrain en 1782 , m a dit qu il étoit accompagné par un Bramine intelligent, natifde Benares, qui, quoiquil n'y fut jamais venu auparavant, connoiifoit très-bien la parenté, 1'edncation & la vie de chaque divinite ou figure humaine qui y étoit repréfentee, & expliquoit couramment la figmficatior. des diïers fymboles par lefquels les images étoient diftinguées. On doit confiderer ce téoioignage comme une preuve que  Appendix. 3 (, y le fyftême de mythologie maintenant en vigueur a Benarès ne differe pas de celui qui eft figuré dans les cavernes d'Eléphanta. M. Hunter qui vifita Eléphanta en 1784 , paroit confidérer les figures comme repréfentant les divinités qui font encore des objets de culte chez les Indiens (i). Une circonftance fert a confirmer la juftefle de cette opinion. La plupart des perfonnages lesp'us confidérables dans lesgroupesd'Eléphanta, font decorés du Zennar, ou cordon facré , particulier a l'ordre des Bramines, témoignage authentique que la diftinction des caftes étoit éiabïie dans l inde lorfque ces ouvrages furent achevés. 2. Au-lieu de cavernes, places primitives du culte , qui ne pouvoient être conftruites que dans des endroits particuliers, la dévoticn du peuple commenca bientót a élever des temples a 1'honneur de leurs divinités dans des autres parties derinde. Leur ftruéture fut d'abord extrêmementfimple. C'étoient des pyramides d'une large dimenfion , qui n'avoient de jour que celui qui venoit d'une petite porte. Les Indiens habitués depuis long-temps a accomplir tous les rites re- (0 Archsologia, vol. vu, pag. 286, &c Q üj  366 Appendix. ligieux dans Pobfcurité des cavernes 3, étoient naturellement portés a regarder les ténebres profondes de ces demeures comme facrées. II y a encore dans Plndoftan quelques pagodes dans ce premier ftyle d'architeóïure. M. Hodges (1) a publié les deffins de deux de celles-ei prés de Diogur, & d'une troifieme , voifine du Tanjaour dans le Carnate, édifkes d'une grande antiquité, fi vaftes, quoique d'une conftruction groffiere, qu'il a fallu la puiffance d'un état eonfidérable pour les élever. j. A mefure que les différentes contrées de FInde s'enrichirent & fe perfeftionnerent, laftructure de leurs temples s'améliora graduellement. De batimens fimples, ils devinrent des édifice* très-ornés, & ils font, tant par leur étendue que par leur magnificence, des monumens du goüt &C de ia puiffance du peuple qui les a érigés. II y a en différentes parties de 1'Indoftan des pagodes d'une grande antiquité & dans un ftyle très-fini, particuliérement dans les provinces du Sud qui n'étoient point expofées a la violence deftruetive du zele ma- (1) N°. vt.  Appendix. 367 horhétan (1). Pour aider mes lefleurs a fe former une idéé de ces édifices qui les mette en état de juger du premier état des arts dans 1'Inde, j'en décrirai fuccinétement deux , dont nous avons les détails les plus exaös. La pagode de Chillambrum prés de Porto Novo fur la cöte de Coromandel, en grande vénération par fon antiquité, a une porte magnique fur une pyramide de cent vingt-deux pieds de haut, batie avec de larges pierres de plus de quarante pieds de long, & au-dela de cinq pieds de tour, le tout couvert de lames de cuivre, & orné d'une immenfe variété de figures habilement exécutées. L'édifice entier a neuf cents trente-deux pieds d'un cöté, &i neuf cents trente-fix de l'autre : plufieurs parties décorées d'ornemens font achevées avec une élégance qui fait Padmiration des artiftes les plus habiles (i). La pagode de Seringham-, fupérieure en fainteté k celle de Chillambrum , la furpaffe encore de beaucoup en grandeur ; & je puis heureufement en donner une idéé plus par- (1) Voyez note 7. (2) Mémoires de iittérature, tome XXXI,' pag. 44, &c, Voyage de M. Sonnerat, tom. i% pag. 217. Cj- iv  368 Appendix. faite, en adoptant les expreflions d'un hiftorien exact & élégant. Cette pagode eft fituée a un mille environ de 1'extrêmité occidentale de I'ifle de Seringham, formée par la divifion de la grande riviere de Caveri en deux canaux. » Elle » eft compofée de fept enclos quarrés, » dont les murs ont, 1'un dans l'autre , » vingt-cinq pieds de haut & quatre d'é» paiffeur, ces clötures font a trois cents » cinquante pieds de diftance 1'une de »> l'autre , & chacune d'elles a quatre lar» ges portes avec une haute tour, lef» quelles font placées au milieu de cha» que clöture & en face des quatre points » cardinaux. Le mur extérieur eft pref?, » que de quatre milles de circonférence, tt S>c fa porte d'entrée au Sud eft ornée » de colonnes dont plufieurs font d'une » feule pierre de trente-trois pieds de h longueur & prés de cinq de diametre, » & celles qui forment le toït font en» core plus étendues. Les chapelles font » dans les clötures les plus intérieures, » Un demi-mille environ , a I'Eft de Se» ringham, & plus prés de Coleron que » de Caveri, il y a une autre grande » pagode, appellée Jembikifma, mais » celle-ci n'a qu'une clöture ". L'extrême vénération que 1'on a pour Seringham ,  Appendix'. '369 vient de la croyance qu'elle renferme la vraie image du dieu Viftfnou , qui avoit coutume d'être adoré par le dieu Brama. Les pélerins arrivent ici de toutes les parties de la péninfule, pour obtenir 1'abfolution, & aucun ne vient fans offrir de 1'argent. Une grande partie du revenu de 1'ifle eft affignée a 1'entretien des Bramines qui habitent la pagode. Ceux-ci avec leur familie ne formoient pas moins de cinquante mille ames, entretenues, fans travail, par la libéralité de la fuperftition. Ici, comme dans toutes les autres grandes pagodes de 1'Inde , les Bramines vivent dans une fubordination qui ne connoit point de réfiftance , & dorment dans une volupté qui ne connoit pas les befoins (1). Les autres efpeces d'édifTces publics dont j'ai fait méntion ont été conftrnits pour la défenfe du pays. Des immenfes plaines de 1'fndoftan s'élevent en difFérens endroits des éminences & des rochers formés par la nature pour être des places fortes. Les naturels s'en emparerent d'abord, & en les fortifiant par des ouvrages de.différentes efpeces, les (1) Orme, Hift. des tranfadt. milit. de 1'Indoftan > VOl. I y p. I78. Q v  37° Appendix"* rendirent despoftes prefque imprenaoïes; II femble qu'il y a eu aneiennemenï dans 1'Inde une période de trouble général & de danger pendant Iequel ces retraites étoient cenfées effentiellement né« célTaires a la füreté publique; car parmi les devoiri,des magiftrats prefcrits par les Pundits, en voici un : » qu'il fera élevé »> un fort eonfidérable dans la place oü » le magiftrat choifit fa réfidence ; qu'on » batira un mur fur les quatre cötés avec » des tours, des creneaux, & que 1'on » fera autour un foffé profond (i) Plufieurs de fes fortereffes fubfiftent; & par leur conftrucïion ainfi que par Ia tradition , on juge qu'elles doivent avoir été baties dans des temps très-éloignés, M Hodges en a publié trois plans, 1'un de Chunar Gur, fitué fur le fleuve du Gange, environ fix milles au-deffus de Benarès (2).; le fecond de Gwallior, prés de huk milles au Sud d'Agra (3).; fe troifieme de Bidjegur , dans Te territoire de Benarès (4). Ces fortereffes font (1) IntroduQ. au code des lois indiennes, pag. ut. (2) No. r. (3) N°. a. (4) N«. ui»  Appendix. toutes, particuliérement Gwallior, des ouvrages d'une étendue & d'une 'force confidérables. Dans Ie Bengale cependant, elles ne font pas comparabïes è plufieurs qu'on voit dans le Decan. Affeergur , Burhampour & Dowlatabad font regardés par les naturels comme imprenables (1) ; & un bon connoifleur m'a affuré qu'Affeergur eft eertainement un ouvrage très-étonnant, & dans une pofition fi avantageufe, qu'il feroit diffi. cile de le rédtiire par la force. Ce n'eft pas feulement d'après i'examen de leurs travaux publics, que nous (ommes autorifés a attefter les anciens progrès des Indiens dans les arts utiles Sc agréables; nous fommes conduits k tirer la même conclufion k la vue des produaions de leur induftrie , qui étoient les principaux articles de leur commerce avec les nations étrangeres. Parmi ces produöions, les ouvrages indiens au métier Sc k 1'aiguille, ont été les plus renommés dans tous les ages, Sc il y a lieu de conjecfurer avec quelque probabilité que Ia belle toile a été appellée Sindon par les anciens, dn nom de la riviere Indus ou Sindus, prés de laquelle (1) Rennel, mém. p. 133, 139, Q vj  yji 'Apptndlxl on la travailloit avec le plus de perfec» lion (i). Les manufac"tures de coton des Indes paroiffent avoir été autrefois auffi admirées qu'elles le font a préfent, nonfeulement pour la délicateffe de fon tiffu, mais par Pélégance des broderies , & les belles nuances des fleurs qui en ornent d'autres. Depuis le temps le plus ancien du commerce des Européens avec les Indiens, cette contrée s'eft diftinguée par le nombre & 1'excellence des fubftances dont elle abonde pour teindre en différentes coiffeurs (1). La teinture de cette couleur bleu foncé, ft eftimée chez les Romains, portoit le nom d'Indicum (3). La fubftance employée a teindre -d'un rouge vif, paroit auffi avoir été importée de 1'Inde (4); & 1'on fait bien que dans les étoffes de foie & de coton, le rouge & le bleu font des coiffeurs d'une beauté & d'un luftre trés-éclatant. Mais quelque grande que foit 1'admiration des anciens pour ces productions de Part: des Indiens , quelques circonftances dont j'ai (1) M. Jones, troifieme difc. p. 428. (2) Strab. lib. XV, p. 1018. A. 1024. B. (3) Plin. Hift. natur. lib. XXXV, c. 6 , palagrathe 27. (4) Salm. Exerc. fur Solin. 180 , &c. 810,  Appendixr yjy déja fait mention rendirent leur goüt pour les manufacfures de coton des Indes bien moindre que celui des temps modernes; c'eft ce qui-a été caufe de la connoiffance très-imparfaite que nous en ont laiffée les écrivains grecs & romains : nous pouvons conclure cependant de la reffemblance étonnante de 1'état ancien de 1'Inde avec 1'état moderne, que dans tous les temps leurs ouvrages au métier étoient auffi beaux que variés. Les anciens auteurs rappellent avec éloge 1'induftrie des Indiens dans d'autres efpeces d'quvrages, particuliérement en métaux & en iyoire , mais fans donner aucune defcription particuliere de leur nature (i). II y a maintenant en Europe quelques modeles des anciens ouvrages des artiftes indiens , d'après lefquels il paroït qu'üs avoient connoiffance de Ia méthode de graver fur les fubftances les plus dures, & que par i'élégance de leurs deffins & la fineffe de 1'exécution, il étoient arrivés a un degré remarquable de perfedlion.: Un auteur ingénieux foutient que 1'art de graver fur les pierres précieufes étoit probablement une invention indienne , (i) Strab. lib. xv, p. 1044. B. Dyon. Persgies, vers 1016»  3 74 Appendix. qu'elle y fut certainement cultivée d*e bonne heure; & il foutient cette opinioii par plufieurs argumens plaufibles (1). Les pierres gravées indiennes dont il a publié les defcriptions, paroiffent 1'ouvrage.d'une période de temps très-éloigné, puifque leurs légendes font en Sanskrit (2). Ce n'eft pas feulement des progrès des arts méchaniques dans 1'Inde, que nous concluons que fes habitans ont été très-civilifés; nous en avons encore une preuve plus convaincante dans des ouvrages anciens , fruit de leur génie dans les beaux arts. Cette preuve devient plus intéreffante, paree qu'elle émane d'une fource de connoiffance que la louable curiofité de nos concitoyens a ouverte aux peuples de 1'Europe depuis quelques années. C'eft un fait connu depuis longtemps, que toute la fcience & la littérature des Bramines étoit renfermée dans des livres écrits en une langue entendue par un petit nombre des plus favans d'entr'eux, & tous les Européens établis dans (1) Introd. de Rafpe a la defciipt. de Taille, Catal. des pierres gravées, &c. p. li, &c. (2) Introd. de Rafpe a la defcript. de Taffie, Cata). despietresgravées, vol, l,p. 74; yoLii, pl. xui.  Appendix. f*r§ Hnde durant trois cents ans, fe font plaints que les Bramines refufaffent d'inftruire qui que ce foit dans cette langue. Mais a la fin, par adreffe, par de bons traitemens Sc par la perfuafion que Par» deuravec laquelle on follicitoit 1'inftruction ne procédoit d'aucune intention de tourner leur religion en ridicule, mais du defir d'acqiiérir une connoiffance parfaite de leurs fciences & de leur littérature , leurs fcrupules ont été levés, Quelques gentilshommes anglois poffédent maintenant le Sanskrit parfaitement, Le voile myftérieux autrefois impénétrable eft levé , .& dans Ie cours de cinq ans , Ia curiofité du public a été fatiffaite par deux publications auffi ftngulieresqu'inattendues. La première eft une tradudfion par M. Wiikins, d'une évpifode du Mahabarat, poëme épique tréseftimé des Indiens, compofé , felon leur tradition , par Khreeshna Dwypayen . Veias,. le plus éminent de tous leurs Bramines , trois cents ans environ avant Pere ehrétienne. L'autre eft intitulé Sacontala, poëme dramatique, écrit cent ans environ avant la naiftance de J. C, Sc traduit par M. Jones. J'effaierai de donnés une analyfe du fujet Sc de la compofition de ces deux ouyrages pour mettre mes  3 7$ Appendix. Je&eurs en état d'apprécier le degré de mérite de chacun. Le Mahabarat eft un poëme volumineux de cinq cents vers. M. "Wilkins en a traduit plus d'un tiers ; mais il en a feulement publié jufqu'ici un épifode tréscourt, intitulé Baghvat Geeta , & par eet eflai nous pouvons porter un jugement fur le tout. Le fujet du poëme 'ft une fameufe guerre civile entre deux branches de la maifon royale de Bhaurat, Lorfque les troupes de chaque cöté furent rangées en ordre de batailie prêtes a décider 1'ob.jet de la conteftation par 1'épée, Arjoon , le favori & le pupille du dieu Kreeshna qui Paccompagnoit dans cette heure de danger, lui dit de faire avancer fon chanot entre les deux armées ennemies. II les regarda 1'une 6c & l'autre , & ne vit de chaque cöté que grands-peres, oncles, coufins , tuteurs, fils, freres, parents & amis intimes; 6c quand il eut regardé fixément pendant quelque temps, & qu'il eut vu ceux-ci préparés au combat, il fut faifi d'attendriffement& decomponöion, &exprima fa douleur en ces termes : n O Kreeshna , » a ia vue ae mes enrans ainu agnes aans » Pattente du combat , mes membres- >» n'ont plus de force , raon vifage palit,  Apptndïxl 377 » le poil s'hériffe fur mon corps, & » fout mon être frémit d'horreur! ma » peau eft brülée & defféchée.—-Lorfque » j'aurai détruit mes parens, n'atrendrai» je pas iong-temps le bonheur ? Je n'am» bitionne pas la viftoire, ó Kreeshna; » je ne manque point de puiffance , je n'ai » pas befoin de plaifir ; car qu'eft-ce que » 1'empire & les jouiffances de la vie, » ou la vie elle-même, quand ceux pour » qui on envioit Ia puiffance, le plaifir » & le bonheur, méprifant la vie & Ia » fortune, font ici fur Ie champ de ba» taille prêts a combattre. Tuteurs,fïls » & peres , grands-peres & petits Hls, » oncles, neveux, coufins, proches &c » amis! quand ils voudroient me tuer, » je-ne voudrois pas les combattre, non, » pas même pour 1'empire des trois gran. » des régions de 1'univers; encore moins » pour ce petit coin de terre (1) ". Pour écarter fes fcrupules, Kreeshna lui apprend quel étoit, dans une telle conjoncture, le devoir d'un prince de la Chehterie ou cafte militaire, & Pexcite a le remplir par diverfes raifons morales 8c philofophiques que j'aurai occafion de (1) Baghvat-Geeta.  378 s Appendix. confidérer en particulier dans une autre j partie de cette differtation. Plufieurs paf- • fages de ce dialogue entre Kreeshna & j fon pupille donnent une haute idee du i génie du poëre. Le difcours d'Arjoon t que j'ai cité , & oü il exprime 1'angoifle I de fon arae, doit avoir frappé tous les I leöeurs par fa beauté & le pathétique des | fentimerrs; dans la fuite de ces notes je ! rapporterai une defcription fublime de | PEtre fuprême & du refpeftavec lequel il 1 étoit adoré. Mais tandis que ces morceaux | excitent notre admiration & nous confir- | ment dans Pidée que la civilifation devoit I être trés perfeéfionnée dans un pays qui li avoit produit un tel ouvrage, nousfom- | mes furpris de trouver fi peu de goüt & | d'art dans la maniere d'amener eet épifode. I Deux armées puilfantes font rangées en I ordre de bataille, emprelfées de combat- I tre, un jeune héros & fon inftituteur font I repréfentés debout dans un chariot de I guerre au milieu d'elles; ce n'étoit füre- I ment pas la le moment de lui enfeigner les I principes de Ia philofophie , & de lui ex- 1 pliquer dix huit lecons de métaphyfique I & de théologie. Quant a la poéfie, foit dramatique p foit épique des Indiens, nous fommes I obligés de nous en former une opinion I  Appendix. 3 79 d'après un fimple morceau de 1'un Sc de l'autre ; & même nous ne pouvons avoir qu'une idee bien imparfaite du dernier genre , puifque nous ne connoilTons qu'un fragment d'un grand poëme. Cependant fi nous pouvons hafarder quelque décifion fur de fi foibles débris, c'efi que des deux poéfies, le drame paroïi avoir été conduit avec le goüt le plus épuré; on en jugera par les obfervations qne je me propofe de faire fur Sacontala. Ce n'eft que pour les nations fort avan» cées dans la civilifation , que le drame eft un amufement public. Les Grecs, depuis long - temps, étoient un peuple policé; Aleée & Sapho avoient compofé leurs odes ;. Thalès & Anaximandre avoient ouvert leurs écoles avant que la tragédie eut fait fes premiers & groffiers effais fur le chariot de Thefpis; Sc un long efpace de temps s'écoula avant qu'elle parvint a quelque degré de perfeclion. Ainfi, d'après le drame de Sacontala , nous devons nous former une idéé avantageufe des progrès d'une fociété au gré de laquelle un pareil ouvrage étoit afforti. Néanmoins, en appréciant fon mérite, nous ne devons pas lui appliquer les regies de la criti-  380 Appendix. que tirée de la littérature & du goüt des nations, inconnues k ion auteur; nous ne devons pas y chercher Ie principe des unités du théatre grec; nous ne devons pas Ie juger d'après nos modeles & nos convenances. II faut avoir égard aux coutumes locales & aux mceurs particulieres , fruits d'un état de fociété domeftique , d'un ordre de politique civile & d'un fyftême d'opinions religieufes, très-différens de ceux qui font établis en Europe. Sacontala n'eft pas un drame régulier; mais, comme quelques - unes des pieces repréfentées autrefois fur les théatres efpagnols & anglois, c'eft une hiftoire en dialogue oü fe trouvent racontés des événemens arrivés en différens endroits , & quj occupent plufieursi années; fous ce point de vue, la fable en général eft bien arrangée ; les inci-! dens font heureufement choifis, & les révolutions dans- la fituation des principaux perfonnages font touchantes &c inattendues. Le dénouement de la piece cependant , quoique quelques-unes des circonftances préparatoires foient introduites avec adrefle, eft a la fin amené par : 1'intervention d'êtres fupérieurs , qui a toujours un mauvais effet & décele le défaut d'art, Mais comme Sacontala étoit  Appendix. 381 née d'une nymphe du ciel, & fous la protA cYton d'un faint hermite, cette entremife célefte peut paroïtre moins merï veilleufe; eile eft d'aiileurs parfaitement 1 conforme au goüt oriental. Dans plui' fieurs endroits ce drame eft d'un ton fimI ple &c fenfible; dans quelques-uns il eft paihétique ; dans d'autres .c'eft un melange de comique avec ce qu'il y a de plus férieux. On peut donner des exemples de 1'un & de l'autre genre. Je titels rai quelques traits du premier, & paree t] que la fimplicité & la tendreffe font les I beautés caraftériftiques de la piece, & i paree quils ont peu du ftyle figuré &Z enflé de Ia poéfie oriëntale. Sacontala , Phéroïne du drame, prinjjcelTe de grande naiflance , avoit été éleKvée par un faint hermite dans un petit ft bois confacré, &i avoit paffé la première 8, partie de fa vie dans les occupations rura| les & 1'innocence paftorale. Quand elle 9 fut fur le point de quitter cette rei traite chérie, & d'aller a Ia cour d'un < grand monarque avec qui elle avoit été ff mariée , Cana , fon pere nourricier , &c i fes jeunes compagnes , déplorent ainfi ■ leur perte & expriment leurs vceux 5l pour fon bonheur avec une énergie 3 de fentiment tk dans un langage par-  3$ i Appendix. faitement analogue a leur cara&ere paf- toral. » Écoutez , ö vous arbres de cette » fainte forêt, écoutez & annoncez que j>> Sacontala va au palais de fon époux, » elle qui ne vouloit pas boire , quoi» qu'altérée, avant que vous fuffiez ar» rofés ; elle qui ne vouloit point cueil» lir, par affe&ion pour vous, une feule: » de vos feuilles nouvelles, quoiqu'elle » eut aimé è en orner fes beaux che- j »» veux ; elle, dont Ie plus grand plai-41 w fir étoit de voir la faifon oü vos bran» ches font parées de fleurs " ! Le chceur des nymphes dn bols. » Puiffe » le bonheur 1'accompagner dans fa roum te ! puiffent les zéphyrs propices par»> fumer les airs fur fon paflage de la.. » poufliere odoriférante des fleurs! puifm fent les réfervoirs d'une eau limpide,'; » verdoyant des feuilles du lotos, la raw frakhir dans fa marche ; & puiffent les i » branches des arbres , par leur om'» brage, la défendre des rayons brülansi »> du foleil! ". Sacontala a peine fortie du bocage fe i tourne vers Cana: » Permets - moi, ö i » pere vénérable , de confacrer ce mad-> » havi, dont les fleurs rouges lemblent: j* embrafer ce bocage ". I  Appendix. 383 — Cana.» Mon enfant, je connois » ton affe&ion pour eet arbriffeau ". — Sacontala. » O la plus radieufe des » plantes, recois mes embraffemens, & » rends-les moi avec tes bras flexibles! » quoiqu eloignée de toi, je te ferai tou» jours dévouée. — O pere chéri, con» fidere cette plante commemoi-même"! A mefure qu'elle s'avance, elle s'adreiré encore,a Cana : » O mon pere ! lorfque » cette gazelle, qui maintenant marche » lentement, a caufe du poids des pe« » titsdont elle eft pleine, aura mis bas, » envoie-moi ,"je t'en fupplie, un doux » meffage avec des nouvelles de fa fanté. » —- Ne 1'oublie pas ". Cana. » Ma bien » aimée ! je ne Poublierai pas". Sacont. (s'arrêtant). » Ah ! Qu'eft-ce qui s'at» tache aux pans de ma robe & me re» tient "! — Cana. » C'eft ton enfant »> adoptif, le petit faon, dont la bou» che bleflee en broutant les pointes aiguës » du cufa, a été fi fouyent frottée par » toi de 1'huile falutaire d'Ingudi; que » tu as nourri tant de fois d'une poi» gnée de graines de Sumac, & qui main» tenant ne veut pas abandonner lestra» ces de fa proteörice ". — Sacont. » Pourquoi gémis-tu , ten» dre faon, è caufe de moi qui dois  3 $4 Appendix. ».quitter notre commune demeure ? Je » t'élevai, lorfque tu eus perdu ta mere, » qui mourut auffi-töt après ta naiffance ; w mon pere nourricier te fervira de mê5» me & avec des foins auffi tendres quand ; » nous ferons féparés.— Retourne, pau» vre petit, retourne ! -— Nous allons » partir ". (Elle fond en larmes). — Cana. » Tes larmes, mon enfant, font » déplacées dans cette occafion. Aies du » courage ; vois la route droite devant » toi, 6c fuis-la. Quand la groffe lar-i » me fe cache au-deffous de tes beaux » yeux abattus, que ta réfolütion ré» prime fes premiers efforts pour fe dé» gager. Dans ton paffage fur cette terre, » oü les fentiers font tantöt hauts, tan» tot bas, & oü le vrai fentier eft ra» rement diftingué, les traces de tes pieds » doivent être inégales , mais la vertu, » te dirigera dans le vrai chemin (i)".l Tout ledteur de bon goüt doit être, cei me femble , fatisfait de eet échantillon i du drame indien. Ce ne peut-être quei chez un peuple qui a des mceurs policées & des fentimens délicats, qu'une: compofition fi fimple & fi correcte a pui être (i) Aft, iv, p. 47, &c.  Appendix. -g cTdrame ïitC & g0Ót5e- J'°bferVe ^« ce drame une preuve de I'abfurde extra- talf "r" f/recïuente dans ^ Poéfie orienta e Le monarque , en replacant un bracelet qui eto,t tombé du bras de Sacon »a«nee c'eft !a nouvelle lune oui a » quitte Ie firmament pour honoreïune » beame fupéneure; elle eft defcendue * fur .f°n bras «chanteur, & a réuni des » croiffans è Pentour pour former un ' bra",et (0 "•• voilé le difcours d'un fent avoir été 1'amufement favori des nduns, auffi bien que des autres na tions civihfées. ,, Les tragédies es co •«ned.es, IM farces «As piec« de" »»»fiq»e du théaïre indie/rempl]! XsVa°Ut aUt3nt,de volumes qt » celles d aucun peuple de 1'Europe an- Cienne °u -oderne. Elles fontTu es en vers lorfque Ie dialogue eft éievé l & en profe quand il entfamilier • les - grands & les favans font repréfe'nlés (0 aö. in, p. 36. r  3 8 6 Appendix, » parlant le pur fanfcrit & les femmes » le pracrit, qui n'eft guere que le lan» gage des Bramines adouci par une ar» ticulation délicate jufqu'a la douceur » de 1'Italien ; les perfonnages inférieurs » du drame emploient les diale&es vul» gaires des différentes provinces qu'ils » font fuppoiés habiter (i) ". V. Les progrès des Indiens dans les fciences , fourniffent de nouvelles preuves de leur antique civilifation. Tous ceux qui ont vifité 1'Inde dans les temps anciens & modernes , penfent que fes habitans, foit dans les affaires domeftiques, foit dans la conduite des affaires politiques, n'ont été inférieurs a aucun autre peuple en fagacité , en pénétration d'efprit, ou en induftrie. De 1'application de ces talens a la culture des fciences , on pouvoit attendre un degré extraordinaire d'avancement. Auffi les Indiens bnt-ils été autrefois célebres par leurs connoiffances; & quelques-uns des plus éminens philofophes de la Grece, qui avoient voyagé dans 1'Inde', y avoient puifé une partie des lumieres qui ont fait (i) Préface de Sacontala, par M. Guillaume Jones, p. 9. Voyëz note 9.  Appendix. - §_ Jur répntation (,). Les détails, cepen- ont laiffes fur les fciences qui fixoiJt particul.erement 1'artention des phüofo-phes Indiens & des découvertes qu'ils v avoient faites, font très-imparfaits! Nous fommes redevables d'une connoiffance plus ample & plus authentique aux recherches d un petit nombre de perfonnes cclairees, qu, ont vifité 1'Inde durant le cours des^ trois derniers fiecles. Mai< attendu larepugnance avec laquelle les Bramines communiquent leurs connoiffances aux étrangers, & |e peu de moyens qu'a! vcuentles Européens pour s'en uZre plus a fond puifque, femblables aux myfteres de leur religion , elles fom cacheesaux yeux du vulgaire, dans une Jangue inconnue, cette connoiffance ne * acquit que lentement & avec erande difficulté Cependant Ia même 0$™*. «on quej ai faitefur nos lumieres relaivementa 1'état des beaux-arts chez es Indiens eft appücable a celle de leu progrès dans la ph.lofophie : fcnotre fi ! cle eft le premier qui ait eu des lumieres UOi?Brucker, Hiftoire .philofbphiq. vol,, R ij  3 88 Appendix. fuffifantes pour établir un jugement dé- cifif fur 1'état de 1'un & l'autre objet. La philofophie , en Penvifageant comme féparée de la religion , que je me r-éferve de confidérer ailleurs, eft employee a contempler foit les opérations de 1'entendement, 1'exercice de nos fa-, cultés morales , foit la nature & les qualités des objets extérieurs. La première claffe eft appellée logique, la fecor.de morale, la troifieme phyfique ou connoiffance de la nature : pour juger des plus anciens progrès des Indiens dans la culture de chacune de ces fciences , nous poffédons des faits qui font dignes d'attention. Mais avant de les confidérer, il convient d'examiner les idéés des Bramines par rapport a 1'efprit en lui même, car ft celles-ci n'étoient pas juftes, toutes leurs théories concernant fes opérations feroient erronées & illufoires. La diftinction entre la matiere & 1'efprit paroït avoir été anciennement connue des philofophes de 1'Inde ; ils attribuoient a 1'efprit plufieurs facultés, dont ils jugeoient que la matiere étoit incapable ; & lorfque nous nous rappellons combien fur chaque objet qui ne tombe pas fous nos fens, nos conceptions font imparfaues  Appendix. 389 nous pouvons affirmer(en ayant égard a une notion particuliere des Indiens, que nous expliquerons par la fuite) qu'aucune defcription de 1'ame hurnaine n'eft plns conforme a la dignïté de la nature que celle qu'en a donnée 1'auteur du Mahabarat. Quelques-uns (dit-il) regardent 1'ame comme une merveille : d'autres en entendent parler avec étonnement; mais perfonne ne la connoit. L'épée ne la divife pas , Ie feu ne la brüle pas , 1 eau ne la corrompt pas; Ie vent ne la deffeche pas; car elle eft indiv;fible, indeftruétible, incorruptible, éternelle, urnverfelle , permanente , immuable , inviftble, inconcevable & inakérable (1). Après eet examen des fentimens des Bramines touchant 1'ame elle-même, nous pouvons paffer a la confidération de leurs idéés par rapport a chacune des fciences dont j'ai fait mention , felon cette triple divifion. r Logique & métaphyfique. II n'y a point de fujet qui ait plus exercé 1'intelhgence hurnaine que 1'analyfe de fes opérations. Les différentes facultés de Pefpnt ont été examinées & définies. L'on a fuivi 1'origine & les progrès de nos (1) Baghvat-Geeta, p. 37. R iii  390 Appendix, idees , & 1'on a prelcrit des regies convenables pour procéder de 1'obfervation des faits a 1'établiffement des principes, ou de la connoiffance des principes aux moyens de former dës fyftêmes de fcience. Les philofophes de 1'ancienne Grece furent très-célebres par leurs progrès dans ces fpéculations abftraites; & dans leurs difcufiions & leurs fyffêmes , ils découvrirent une ft grande profondeur de penfée , tant de (agacité &c de pénétration, que leurs fyftêmes de logique , fur-tout celui de Pécole péripatéricienne ont été regardés comme les efforts les plus frappans de la raifon hurnaine. Depuis que nous fbmmes inftruits k quelques égards de la littérature & de la fcience deslndiens, nous favons qu'auffitöt que les hommes arrivent a cette période de la vie fociale oü ils peuvent tourner leur attention vers les recherches fpéculatives , 1'eprit humain dans chaque région de la terre déploie a-peu-près les mêmes facultés, & procédé dans fes recherches ck fes découvertes , prefque par la même marche. D'après 1 abrégé de la philofophie (i) des Indiens qu'Abul» fazel compofa , comme il nous 1'ap- (i) Ayeen Akbery,, vqJ. lil, p. 959 Sec.  Appendix. 3 91 prend , en s'affociant intimément avec les plus favans hommes de la nation ; d'après Peffai de difcuffions Iogiques, renfermé dans cette portion du Shafter, pubüé par le colonel Dow (1) , & d'après plufieurs paffages dans le BaghvatGeeta , il paroït que les mêmes fpéculations qui occuperent les philofophes de la Grece, avoient fïxé 1'attention des Bramines indiens, & que les théories des premiers, concernant les qualités des objets extérieurs ou Ia nature de nos propres idéés n'étoient pas plus ingénieufes que celles des dernicrs. Les uns & les autres fe diftinguent par 1'exactitude des définitions, la fagacité des diftinftions & la fubtilité du raifonnement ; & dans tous le même excès de rafinement qui fit entreprendre d'analyfer ces opérations de 1'efprit au-deffus des forces de 1'intelligence hurnaine , conduifit quelquefois a des conclufions fauffes 8c dangereufes. Cette philofophie fceptique qui nie 1'exiftence du monde matériel, & affirme qu'il n'y a de réel que nos propres idéés, paroït avoir été connue dans 1'Inde comme en Europe (2); 8c (1) Diffsrtation , p. 39 , Sec. (2) Ayeen Akbsry, vol. m, p. 128. R iv  391 Appendix. les fages de 1'Orient, en même-temps qu'ils furent redevables a la philofophie de la connoiffance de plufieurs vérités importantes, ne furent pas plus exemptï que ceux de 1'Occident de fes illufions &c de fes erreurs. 2°. Morale. Cette fcience, qui a pour objet d'établir ce qui diftingue la vertu du vice , de decouvrir quels motifs portent 1'homme a agir , & de prefcrire des regies pour la conduite de la vie , étant de toutes les fciences la plus intéreffante , paroit avoir profondément occupé 1'attention des Bramines. Leurs fentimcns , étoient trés - divers fur les différentes queftions ; & , comme les philofophes de Ia Grece t les Bramines furent divifés en feétes diftinguées par des maximes & des opinions fouvent diamétralement oppofées. La fecte, dont heureufement nous connoiffons mieux les opinions , a établi un fyftême de morale , fondé fur des principes les plus généreux ; & élevé a tout ce que la raifon toute feule eft capable de découvrir. Ils enfeignerent que 1'homme n'étoit pas formé pour la fpéculation ou 1'indolence, mais pour 1'action. 11 n'eft pas né pour lui feul , mais pour fes femblables, Le bonheur da la. fo-  Appendix'. 39 3 ciété dont il eft membre, 8c Pavantage du genre humain font fes plus importans objets. Choifir ce qu'il faut préférer ou rejetter, Ia jufteffe & la convenance de fon choix font les feul es conftdérations auxquelles il devroit faire attention. Les événemens qui peuvent réfulter de fes aftions ne font pas en fon pouvoir, Sc foit qu'ils foient heureux ou malheureux, dès qu'il eft fatisfait de la pureté des motifs qui le déterminerent k agir , il peut jouir de cette approbation de fon ame, qui conftitue le vrai bonheur , indépendant du pouvoir de la fortune ou des opininions. » L'homme (dit » 1'auteur du Mahabarat) ne jouit pas » de la liberté d'aéfion. Tout homme » eft involontairement preffé d'agir par » des principes 'qui font inhérens k fa » nature. Gelui qui reftralnt fes facultés » aflives, & flxe 1'attention de fon ame » aux objets de fes fens , peut être ap» pellé une ame qui fe détourne du vrai » chemin. L'homme louable eft celui qui, » ayant fubjugué toutes fes paffions , rem» püt avec fes facultés aöives toutes les » fonftions de la vie fans s'embarraffer » de 1'événement (i). Que le moiif foit (ij Bdghvat-Geeta, p. 44. R v  394 Appendix* » dans 1'adte & non dans Pévénêmenf,. » Que ton aclion n'ait point pour mo» tif 1'efpoir de la récompenfe. Que ta. » vie ne fe paffe pas dans 1'inaction. Sois » appliqué, remplis ton devoir , aban»> donne toute penfée des fuites, & ne » t'embarraffe pas de 1'événementfoit » qu'il fe termine en bien ou en mal ; » car une telle égalité eft appellée yog , » c'eft-è-dire , attention a ce qui eft fpi» rituel. Cherche donc un afyle dans Ia m fageffe feule; car le miférable & le mal» heureux dépendent des événemens des » chofes. Les hommes qui font douésde » la vraie fageffe lont indiftcrens au bien » ou au mal dans ce monde. Étudie-toi » donc a obtenir cette application de ton m intelligence ; car une telle application »' en affaire eft un art précieux. Les hom» » mes fages, qui ont abandonné toute » vue de 1'utilité produite par leurs ao » tions, font libres des chaïnes de la vie , » & vont aux régions du bonheur éter»> nel (0 ". Par ces paffages & d'autres que j'aurois pu citer, nous favons que les doctrines particulieres de 1'école ft.ncienne étoient enfeignées dans 1'Inde plufieurs (i) Ibid, p. 40.  'Appendix. 39^ fiecles avant la naiffance de Zénon, 6c inculquées avec un foin perfuafif prefque femblable a celle d'Epiclete , & ce n'eft pas fans étonnement que nous voyons les opinions de cette philofophie male &c aétive qui paroit être formée feulement pour des hommes de 1'efprit le plus fort, prefcrite comme regie de conduite a une race de peuple plus diftinguée par la douceur de fon caradere que par 1'élevation de fon ame. 3P. Phyfique. Dans toutes les fciences qui contribuent a étendre notre connoiffance de la nature, dans les mathématiques, dans la mécanique & 1'aftronomie, 1'arithmétique eft d'un ufage élémentaire. Dans quelque contrée donc que ce foit, fi nous trouvons que 1'on a donné aux progrès de 1'arithmétique une attention affez grande pour rendre fes opérations plus aifées & plus correctes, nous pouvons préfumer que les fciences qui en dépendent ont atteint un degré fupérieur de perfeétion. Nous voyons dans 1'Inde les progrès de cette fcience , lorfque chez les Grecs & les Romains, Ie feul moyen employé pour Ia notation des nombres étoit les lettres de 1'alphabet, ce qui né■ceffairement rendoit le calcul arithmétiR vj  39^ Appendix, que extrêmement ennuyeux & laborieiix» Les Indiens avoient de temps immémorial employé dans la même vue les dix chiffres, ou figures aujourd'hui connus univerfellement, & par leur moyen formoient chaque opération d'arithmétique avec la plus grande facilité & la plus grande promptitude. Par l'heureufe invention de donner une différente valeur a chaque figure , felon leur changement de place , on n'a befoin que de dix figures dans les calculs les plus compüqués & de Ia plus grande étendue , & 1'arithmétique eft la plus parfaite de toutes les fciences. Les Arabes, peu de temps après leur établiflement en Efpagne, introduiftrent cette mode de notation en Europey & eurent la franchife d'avouer qu'ils en avoient tiré la connoiffance des Indiens. Quoique les avantages de cette forme de notation foient grands & frappans, cependant le genre humain adopte fi lentemeot les inventions nouvelles, que 1'ufage en fut pour quelque temps réfervé aux favans ; par degrés , cependant, les hommes d'affaires abandonnerent la première méthode embarraflante de calculer par lettres, & 1'arithmétique indienne devint d'un ufage général dans toute PEu-  Appendix. 3 cjy rope (1). Elle eft maintenant fi familiere & fi fimple , que l'induftrie du peuple è. qui nous devons cette invention eft moins confidérée & moins célébrée qu'elle ne le mérite. L'aftronomie des Indiens eft une autre preuve de leurs progrès extraordinaires dans la fcience. L'attention & Ie fuccès avec lefquels ils étudierent les mouvemens des corps céleftes, furent ft peu connus des Grecs & des Romains, qu'ils n'en font mention qu'a peine, & trèslégerement (2). Mais aufii-töt que les Mahométans établirent un commerce avec les naturels de 1'Inde, ils obferverent & célébrerent leur fupériorité dans la fcience aftronomique. Parmi les Européens qui vifiterent 1'Inde après que la communication avec elle par le cap de BonnneEfpérance fut découverte, M. Bernier, voyageur philofophe & curieux , fut un des premiers qui enfeigna que les Indiens s'étoient long-temps appliqués è 1'étude de l'aftronomie, & y avoient fait des (1) Montuda , Hifi. des Mathém. tom. 19 p- 360, &c. (2) Strab.lib.xv, p. 10, 47. A.Dirn, Perieiz. V. nji. '  398 'Appendix. progrès confidérables (i). Cette inflruction , cependant, paroit avoir été trésgénérale &c très-imparfaite. Nous fommes redevables des premières preuves fcientifiques du grand progrès des Indiens dans la fcience aftronomique , a M. de la Loubere, qui, a fon retour de fon ambaffade a Siam , apporta avec lui un extrait d'un M S. Siamois, qui renfermoit des tables & des regies pour calculer les places du foleil & de la lune. La maniere dont ces tables étoient conftruites, rendoient les principes fur lefquels elles étoient fondées extrêmement obfcurs, & il falloit un commentateur auffi verfé dans le calcul aftronomique que le célebre Caffini pour expliquer le fens de ce fragment curieux. L'époque des tables fiamoifes correfpond au zi de mars l'an de N. S. 638. Une autre collection des tables fut apportée de Chrifnabouram, dans le Carnatique, & l'époque répond au 10 de mars, l'an de J. C 1491. Un troifieme M S. des tables vint de Narfapour, & fon époque ne s'étendoit pas au-dela de l'an de N. S. 1569. Le quatrieme & le plus complet a été publié par M. le Gentil, a qui elles fu- (i) Voyages, tom. U, p. 145 » &c.  Appendix, jycf Tent communiquées par un Bramine éclairé de Tirvalour, petite ville fur la eöte de Coromandel , deux milles environ k 1'Oueft de Négapatam. L'époque de ces tables eft de la plus haute antiquité & coïncide avec le commencemenï de 1'ere célebre de Caliougham ou CollyJogue , qui commenca , felon le calcul indien, trois mil cent deux ans avant Ia naiflance de J. C. (i). Ces quatre recueils de tables ont été examinés& comparés par M. Bailly, qui par un bonheur fingulier de génie, fait unir k un degré d'éloquence peu commun les recherches patientes de 1'aftronome & les profondes idéés d'un géometre. Ses calculs ont été vérifiés , 5s fes raifonnemens ont été éclaircis & développés par M. Playfair dans une differtation trés favante, publiée dans le fecond vol. des Tranfadions de la fociété royale d'Edimbourg. Au-lieu d'entreprendre de les fuivrs dans des raifonnemens & des calculs qui>,. de leur nature , font fouvent abftraits &l difftciles, je me contenterai d'en don»ner un appercu général tel qu'il convient k un ouvrage populaire. Ceci, j'efpere, Ci) Voysi note \ liérement pour les fiecles très-éloignés, » font vérifiés par une étonnanfe confor» mité avec les tables de l'aftronomie » moderne de 1'Europe , perfeftionnées » par les plus récentes & les plus déli» cates déducfions de la théorie de la » gravitationCes conclufions deviennent fur-tout intéreffantes par la preuve qu'elles fourniffent d'un progrès dans la fcience , fans exemple dans 1'hiftoire des nations ignorantes.  'Appendix'. 401 Les Bramines indiens qui diftribuent annuellementune efpece d'almanach, contenant les prédiétions aftronomiques de quelques-uns des phénomenes les plus remarquables dans les cieux, tels que les lunes pleines & nouvelles, les éclipfes du foleil ik de la lune , font en poffeffion de certaines méthodes de calcul qui, d'après Pexamen , préfentent un fyftême très-étendu de fcience aftronomique. M. le Gentil, aftronome francois, a eu 1'occafion d'obferver dans 1'Inde deux éclipfes de lune qui avoient été calculées par un Bramine, & il trouva que l'errêur danschacune étoit très-peu eonfidérable. L'exacfitude de ces réfultats eft moins furprenante que la juftefle & Ia précifion philofophique des principes fur lefquels font conftruites les tables dont ils fe fervent dans leurs calculs; car la méthode de prédire les éclipfes, fuivie par les Bramines, eft d'une nature tout-a-fait différente de celles que les nations ignorantes ont employées dans 1'enfance de l'aftronomie. En Chaldée, & même en Grece, dans les premiers Iges, Ia méthode de calculer les éclipfes étoit fondée fur 1'obfervation d'une certaine période 011 d'un cycle, après lequel les éclipfes du foleil & de la lune reviennent prefque  402 Appendix. dans le mêmeordre; mais on n'avoit pas entrepris d'analyfer les différentes circor ftances dont 1'éclipfe dépend , ou de déduire les phénomenes d'une connoiffance précife des mouvemens du foleil & de la lune. Cette derniere connoiffance étoit rélervée a une période pius reculée, lorfque la géométrie, auffi bien que 1'arithmétique, furent appellées au fecours de l'aftronomie; & fi on Fa effayée, il paroït qu'elle ne Fa pas été avec fuccès avant Page d'Hipparque. C'eft une méthode de ce genre iupérieur, fondée fur les principes Si fur une ana'.yfe des mouvemens du foleil & de la lune, qui guide les calculs des Bramines, & jamais ils n'emploient aucune de ces eftimations groffitres, qui furent cependant la gloire des premiers aftronomes en Egypte & dans la Chaldée. Les Bramines actuels font guidés dans leurs calculs par ces principes, quoiqu'ils ne les entendent plus aujourd'hui; ils connoiffent feulement Fufage des tables qui font en leur poffeffion; mais ils ignorent la méthode de leur conftrucbon. Le Bramine qui vifita M. le Gentil è Pondichéri, & qui 1'inftruifit dans Fufage des tables indiennes, n'avoit pas la connoilfance des principes de fon art, Sc ne mon-  Appendix'. 403 tra aucune curiofifé fur la nature des obfervations que faifoit M. le Gentil, ou des inftrumens qu'il employoit. II étoit également ignorant fur les auteurs de ce3 tables ; & il faut tirer des tables ellesmêmes tout ce qu'on doit apprendre du temps tk du lieu de leur conftruction. Le recueil qu'on a de ces tables ( comme on 1'a obfervé d'abord ) annonce qu'il eft auffi ancien que Ie commencement du Caliougham , ou qu'il remonte a 1'année jiox avant 1'ere chrétienne; mais comme rien (on peut du moins le fuppofer) n'eft plus aifépour un aftronome que de donner a ces tables Ia date qui lui plait, & par des calculs rétrogrades d'établir une époque fixe d'antiquité, les prétentions de l'aftronomie indienne £ une origine fi reculée ne doivent pas être admifes fans examen.' M. Bailly a donc fait eet examen ; & il réfulte de fes recherches , que l'aftronomie de 1'Inde eft fondée fur des obfervations qui ne remontent pas au-dela de la période dont je viens de parler. Car les tables indiennes repréfentent 1'état des cieux a cette période avec une étonnante exaftitude; & entr'elles & les calculs de notre aftronomie moderne , il y a une telle conformité, par rapport a ces ages-j  404 Appendix. que 1'on ne pourroit en rien conclure, finon que les auteurs de ces tables ont exactement copié d'après nature, & qu'ils ont tracé véritablement la figure des cieux au fiecle oü ils vivoient. Afin de donner quelqu'idee du fingulier degré d'exaftitude des tables indiennes , jen choifirai quelques exemples parmi un grand nombre que je pourrois rapporter. Le lieu du foleil pour 1'époque aftronomique au commencement du Caliougham, tel qu'il eft marqué dans les tables de Tirvalour, n'eft que de 47 minutes plus grand que d'après les tables de M. de la Caille , corrigées par les calculs de M. de la Grange. Le lieu de Ia lune, dans les mêmes tables , pour la même époque , differe feulement de 37 minutesdes tables de Mayer. Les tables de Ptolémée, pour cette époque , ne s'écartent pas de moins de dix degrés, par rapport au-lieu du foleil &c de onze degrés par rapport è celui de la lune. L'accélération du mouvement de la lune, en comptant du commencement du Caliougham jufqu'au temps préfent, s'accorde, dans les tables indiennes, avec celles de Mayer a une minute prés. L'inégalité du mouvement du foleil & 1'obliquité de 1'écliptique, qui étoient 1'une öc l'autre plus grandes dans les premiers  Appendix. 40 j fiecles qu'aujourd'hui, telles qu'elles font repréfentées dans les tables de Tirvalour, font prefque de la quantité précife que la théorie de la gravitation leur affigne; favoir, de trois mille ans avant 1'ere chrétienne. C'eft donc pour ces fiecles trèsreculés, a cinq mille ans de diftance environ du nötre , que leur aftronomie eft trés-exacte; & plus nous approchons de nos temps , plus la conformité de leurs réfultats avec les noties diininue. II paroït raifonnable de fuppofer, que le temps oü leurs regies font le plus exaftes, eft le temps oü furent faites les obfervations fur lefquelies ces regies font fondées. A 1'appui de cette conclufion, M. Bailly foutient qu'aucun de tous les fyftêmes aftronomiques de la Grece , de la Perfe & de Ia Tartarie, de quelques-uns defquels on pourroit foupconner que les tables indiennes ont été copiées , ne peut s'accorder avec elles , particuliérement lorfque nous portons nos calculs dans des fiecles très-éloignés. La grande perfeclion des tables indiennes devient toujours plus frappante a mefure que nous remontons dans Pantiquité- Ceci montre auffi combien il eft difficile de conftruire des tables aftronomiques, qui s'accorde; t avec Pétat des cieux pour une période fi éloi-  406 Appendix. gnée du temps oü ces tables furent conftruites , comme de quatre ou cinq mille ans. C'eft feulement de l'aftronomie dans fon état plus perfedionné, tel qu'on y eft parvenu dans 1'Europe moderne , que 1'on doit attendre une telle exaditude. Quand on efïaie d'apprécier 1'habileté géométrique néceffaire a la conftrudion des tables & des regies indiennes ,on voit qu'elle eft très-conftdérabie; outre la connoiffance de la géométrie élémentaire, on a été obligé de recourir a la trigonométrie fphérique & reddigne, ou a quelque chofe d'équivalent, avec certaines méthodes d'approximation pour les quantités des grandeurs géométriques, qui paroiffent s'élever bien au-dela des élémens de chacune de ces fciences. Quelques - unes de ces dernieres méthodes marquent auffi très-clairement ( obfervationqui a échappé a M. Bailly) , que les lieux auxquelles ces tables font adaptés, doivent être fitués entre les tropiques, paree qu'elles font abfolument inapplicables k une plus grande diftance de 1'équateur. La conclufion qui femble réfulter d'ahord de cette longue indudion , eft que l'aftronomie indienne eft fondée fur les obfervations qui ont été faites dans un  Appendix. 407 temps très-ancien, & quand nous confidérons 1'exafte confbrmité des lieux qu'ils amgnent au foleil 8c a la lune 8c aux autres corps céleftes, a cette époque, avec celles qui réfidtent des tables de MM. de la Caille & Mayer , elle confirme d'une maniere frappante la vérité de la tbefe que j'ai entrepris d'établir, concernant Pantiquité 8c la perfeftion de Ia civilifation dans 1'Inde. Avant que je quitte ce fujet, il y a une circonftance qui mérite une attention particuliere. Toute la connoiffance que nous avons acquife jufqu'a ce jour des principes 8c des réfultats de l'aftronomie indienne, vient de la partie méridionale du Carnatique , 8c les tables font adaptées aux lieux fitués entre Ie méridien du cap Comorin , & celui qui traverfe la partie oriëntale du Ceylan (1). Les Bramines, dans le Carnatique, reconnoiffent que leur fcience de l'aftronomie venoit du Nord , 8c que leur méthode de calcul eft appellée Fakiam, ou nouvelle, pour la diftinguer du Siddantam , ou de 1'ancienne méthode établie a Bénarès,qu'ils avouent être beaucoup plus parfaite ; & nous apprenons d'Abulfa- (1) Baüly, Difc. préliai. p. 17.  408 Appendix. zei, que tous les aftronomes de 1'Indoftan fe repofent entiérement fur les préceptes renfermés dans un livre appellé Soorei Sudhant, compofé a une époque très-reculée (i). C'eft manifeftement de ce livre qu'eft prife la méthode a laquelle les Bramines du Sud ont donné le nom de Siddantam. Bénarès a été de temps immémorial 1'Athenes de 1'Inde, la réfidence des Bramines les plus éclairés, & en même-temps le féjout de la fcience & de la littérature. II eft trés probable qu'on y retrouveroit encore tout ce qui refte de 1'ancienne fcience aftronomique & des découvertes des Bramines (2) dans un fiecle & chez une nation éclairée & durant un regne diftingué par une fucceffion d'entreprifes les plus éclatantes & les plus heureufes pour étendre la connoiffance de la nature; c'eft un objet digne de 1'attention publique que de prendre des mefures pour obtenir la poffeffion de tout ce que le temps a refpefté de (1) Ayeen Akbery, p. 8. (2) M. Bernier , dans 1'année 1668 , vit a Bénarès une grande falie remplie de livres des philofophes indiens, des phyftciens & des poëtes. Voy. 11, p, 148.  Appendix. 409 ■cle 1a philofophie & des inventie-ris des peuples de 1'Orient les plus anciennement & les mieux civilifës. C'eft avec des avantages particuliers que la Grar.deBretagne peut s'engager dans cette louable entrepnfe. Bénarès eft fous fa domination; la confïance des Bramines a été obtenue au point de les rendre communicatifs; quelques- uns de nos concitoyens font familiers avec cette langue facrée dans laqué*!Ie font écrits les myfteres & de la religion & de !a fcience; le mouvement Sc Paöivité ont été donnés k 1'efpnt de recherche dans tous les établiffemens anglois dans 1'Inde. Ceux qui ont vifité cette contrée avec d'autres vues quoiqu'engagés dans des occupations dune efpece très-différente, pourfuivent mamtenant avec ardettr & avec fuccès les recherches littéraires & fcientifïques Ladmimftration de 1'empire anglois n'auroit donc plus qu'a charger de ce travail quelqu un capable par fes talens & fon zele de rechercher avec foin & d'expliquer les parties les plus abftraites de Ia phdofophie indienne, en dévouant tout fon temps a eet important objet. Ainfi 1'Angleterre pourroit fe procurer la gloire d'examiner pleinement ce vafte champ de «cience wconnue, que les académiS  41 o Appendix. ciens francois ont eu le mérite d'ouvrir les premiers aux peuples de 1'Europe (i). VI. La derniere preuve évidente que je rapporterai de 1'ancienne & grande civilifation des Indiens, eft déduite de la confidération de leurs opinions & de leurs pratiqueS religieufes. Les inftitutions religieufes, publiquement établies dans toutes ces vaftes contrées qui s'éten* dent depuis les rives de 1'Indus jufqu'au cap Comorin, offrent a la vue un afpéct prefque femblable. Elles forment un fyftême complet & régulier de fuperftitions, fortifié & foutenu de tout ce qui peut exciter le refpeét & affurer 1'attacbement du peuple. Les temples , confacrés a leurs divinités, font niagnifïques & ornés non-feulement de riches otTrandes , mais des ouvrages les plus exquis en peinture & en fculpture que les artiftes les plus eftimés parmi eux étoient capables d'exécuter. Les cérémonies de leur culte font pompeufes & brillantes; & on ne les emploie pas feulement dans toutes les tranfaftions de la vie commune, mais elles en conftituent encore une partie effentielle. Les Bramines, qui comme miniftres de la religion préfident. (i) Voysz note li.  Appendix. 4 r t h toutes fes fon&ions, font élevés audeffus de tous les autres ordres de citoyens par une origine, eftimée non-feulement la plus noble , mais reconnue comme facrée. Ils ont établi parmi eux une hiérarchie reguliere & une gradation de rangs mu en affurant la prééminence è leur ordre, ajoute du poids è leur autorité « leur donne un empire abfolu fur Pefpnt du peuple. Cet empire, ils Ie foutiennent par 1'admimftration des immenfcs revenus , dont la libéralité des princes & le zele des pélerins & des dévots ont ennchi leurs pagodes (i). Je fuis loin de vouloir entrer dans rous les detads de ce fyftême compliqué de luperftition. Pour dénombrer Ia multitude des divinités qui font des objets d adoration dans 1'Inde; pour décrire Ia Jplendeur du culte dans les pagodes & lunmenfe variété de rites & de cérémonies ; pour raconter les attributs divers & les fonfrons que Padreffe des prêtres ou la crédulité du peuple , ont donnés è leurs divinités, fur-tout s'il falloit accompagner tout cela de 1'examen des fpécuIations nombreufes & fouvent fantaftiques & des théories des lettres fur ce (0 Roger, Porte ouvene, p. 39, 109, &c. S ij  4ii Appendix. fujet, il faudroit un ouvrage d'une grande étendue. Je me bornerai donc fur ceci comme fur quelques-uns des premiers chapitres, au point précis que j'ai eu conftamment en vue ; & en confidérant 1'état de la religion dans 1'lnde, je n'entreprendrai pas feulement de jetter un nouveau jour fur 1'état de civilifation oü étoit ce pays; mais je me flatte qu'en même-temps je ferai en état de donner ce que 1'on peut confidérer comme une efquiffe & un précis de 1'hiftoire & des progrès de la fuperftition & de la faufle religion dans chaque région de la terre. I. Nous pouvons obferver que, dans chaque contrée, la mythologie recue, ou le fyftême de croyance fuperftitieufe, avec tous les rites & les cérémonies qu'elle prefcrit, eft toujours formée dans 1'enfance des fociétés, dans des temps groffiers Scbarbares. La religion differe de la fuperftition autant par fon origine que par fa nature. La première eft le produit de la raifon perfectionnée par la fcience ; c'eft dans les fiecles de lumieres qu'elle atteint a la perfect ion. L'ignorance &Z la crainte donnent naiflance a la feconde; & c'eft toujours dans les temps d'ignorance qu'elle acquiertfa plus grande vigueur. Cette nombreufe portion de  Appendix.. 413 1'efpece hurnaine, dom Ie travail eft le partage , dont la principale, & prefque la feule occupation eft de fe procurer fa fubfiftance , n'a ni Ie loifir ni les moyens d'entrer dans ces routes de fpéculations abftraites & fubtiles qui conduifent a la connoiffance de la religion rationnelle. Quand les pouvoirs intelleöuels commencent feulement a fe développer, & que leurs premiers & foibles efforts font dirigés vers un petit nombre d'objets de première néceffité; quand les facultés de 1'efprit font encore trop limitées pour pouvoir former des idéés générales & abftraites ; quand le langage eft encore fi pauvre qu'il manque de termes pour défigner tout ce qui ne tombe pas fous les fens, il feroit étrange d'attendre des hommes qu'ils fuffent en état de démêler les relations entre les effets &t leurs caufes , ou de fuppofer qu'ils pourroient s'élever de la contemplation des effets k br découverte des caufes, & fe former de juftes conceptions d'un Etre fuprême, comme Créateur & Gouverneur de 1'univers. L'idée de Créateur eft devenue fi familiere, par-tout 1'efprit s'eft étendu par la fcience & éclairé par la révélation, que nous concevons difficilement combien cette idee eft profonde & abfS iij  414 Appendix. traite, & que nous confidérons peu quels progrès 1'homme doit avoir faits dans 1'obfervation , avant d'arriver k une connoiffance diftincce de ce principe élémentaire de la religion. Mais même dans ce premier état d'ignorance, Pefprit humain, formé pour Ia religion, eft difpofé a recevoir des idéés qui, lorfqu'elles font enfuite réformées & rafinées, deviennent une grande fource de confolation dans lescalamités de la vie. Ces notions cependant font d'abord peu diftinftes & embarrafïées, & femblent plutot fuggérées par la crainte du mal qu'on redoute, que par la reconnoiiïance dss biens qu'on a recus. Tandis que la nature fuit fon cours avec une conftante & uniforme régularité, les hommes jouiffent des bienfaits qui en réfultent, fans s'embarrafler d'en rechercher la caufe ; mais la moindre détiation de eet ordre régulier excite leur attention & leur étonnement. Lorfqu'il furvient des événemens auxquels ils ne font point accoutumés, ils en cherchent les caufes avec une aöive curiofité. Leur efprit eft fouvent incapable de les découvrir ; mais 1'imagination , qui eft une faculté plus ardente & plus préfomptueufe, décide alors fans héftter. Elle attribue a  Appendix. 41 5 1'influence d'Ètres invifibles les phénomenes extraordinaires de la nature, & luppofe que le tonnerre, les ouragans, les tremblemens de terre , font 1'effet immédiat de cette influence. Aliarmés de ces fléaux, expofés en même-temps a des malheurs & a des dangers inévitables dans un état de fociété non encore civiüfé , les hommes vont chercher une protection dans un pouvoir au-delTus de 1'humain. II eft certain que les premières pratiques ou cérémonies qui ont quelque rapports avec des afles de religion , ont eu pour objet de détourner des maux qu'ils fouffroient ou qu'ils redoutoient (i). II. Comme dans tous les pays, la fuperftition & la faufle religion ont leur fource a-peu-près dans les mêmes fentimens & les mêmes craintes, ces êtres invifibles, qui font les premiers objets de la vénération des hommes, ont partout une grande reflemblance. La conception d'une intelligence fupérieure , capable de difpofer & de diriger les diverfes opérations de la nature, femble être fort au-deffus des facultés de l'homme (i) Dans le fecond volume de l'Hiftoire de l'Amérique, j'ai expofé a-peu-piès les mêmes idéés fur 1'origine des fauffes religions. S iv  41" -dppendïxi dans tes premiers degrés de fes progrès, Ses théories, plus conformes a la fphere bornée de fon obfervation, ne font pas fi rafinées. II fuppofe que ehaque effet remarquable a une caufe diftinöe, & il attribue a une puiffance féparée chaque événement qui attire fon attention ou excite fa terreur. II imagine qu'il y a me divinité, dont 1'emploi eft de diriger le tonnerre , & de faire tomber avec un bruit effrayant la foudre irréfiftible fur Ia tête du coupable ; qu'une autre divinité , portée fur un tourbillon, éleve ou calme a fon gré les tempêtes; qu'une iroifieme regne fur 1'Océan; qu'une quatrieme préfide aux bataüles ; que tandis que des efprits malfaifans répandent la femence de la difcorde & de Tanimofité , & alhiment dans le fein des hommes ces paffions violentes qui donnent naiffance ila guerre & fe terminent par la deftrucfion, d'autres, d'une nature plus bénigne, infpirent au genre humain la bienveillance & 1'amour , refferrent les nceuds de 1'union fociale , en augmentent le bonheur,. & multiplient 1c nombre des hommes. Sans entrer dans de plus grands détails, fans effayer de rappeller la multitude infinie de ces divinités auxquel-  Appendix. 417 les Pimagination ou la crainte ont afïïgné la direftion des divers départemens de la nature , il eft aifé de reconnoïtre une frappante conformité de traits dans les fyftêmes de fuperftition , établis fur toutes les parties de la terre. Moins les hommes fe font éloignés de 1'état fauvage, moins ils ont eu de connoiffance des opérations de la nature, moins la lifte de leurs divinités a été nombreufe & plus leur fymbole théologique a été refferré. Mais leur efprit s'étant ouvert par degrés, & leurs connoiflances continuant a s'étendre, les objets de leur vénération fe font multipliés & les articles de leur foi font devenus plus nombreux. Ce progrès a été remarquable parmi les Grecs en Europe 6c les Indiens en Afie ; ces deux peuples qui, dans ces grandes divifions du g'obe, ont été le plus anciennement civilifés, 6c fur lefquels, pour ce motif, je bornerai mes obfervations. Ils croyoient qu'une divinité particuliere préfidoit a tous les mouvemens du monde phyfique , & a toutes les fonétions de la vie domeftiques & civile des hommes, même aux plus indifférentes 6c aux plus triviales. La maniere dont ils diftribuoient les départemens de ses puiffances furveillantes 6c les foncS v  418 Appendix. tions qu'ils affignoient a chacune, éfoienf a beaucoup d'égards les mêmes chez cesdeux peuples. Ce qui étoit fuppofé, dans la mythologie occidentale , exécuté par le pouvoir de Jupiter, de Neptune, d'Eole, de Mars , de Vénus, eft attribué dans 1'Orient a 1'influence d'Agnée , le dieu du feu ; de Varoun , le dieu des mers ; de Vayou, le dieu du vent (i); de Cama, Ie dieu de 1'amour, & de plufieurs autres divinités. L'ignorance & la crédulité hurnaine ayant ainfi peuplé les cieux d'êtres imaginaires, on leur attribua les qualités Si les acïions qui paroiflbient conformes a leur caracfere & a leurs foncfions. C'eft un des bienfaits de la vraie religion, qu'en préfentant aux hommes un modele d'excellence parfaite, qu'ils devoient avoir continuellement fous les yeux Sc s'effbrcer d'imiter : on peut dire qu'elle a fait defcendre du Ciel la vertu fur la terre, pour former 1'ame hurnaine fur un modele divin. Dans la compofition des fyftêmes de fauffe religion , le procédé a été précifément le contraire. L'homme attribué a ces être»qu'il a déifiés, les actions qu'il admire Sc loue lui-même. Les \i) Baghvat-Geeta , p. 94>  Appendix. 4 ï 9 qualités de ces dieux , qui font Pobjet du culte , font copiées fur ceües de leurs adorateurs; ainfi 1'on a introduit dans le Ciel les imperfections particulieres k 1'efpece hurnaine. En connoiffant les attributs & les aventures d'une fauffe divinité, on peut prononcer avec quelque certitude quel étoit 1'état des moeurs &Z de la civilifation des hommes qui Pont élevée a cette dignité. La mythologie des Grecs indique clairement le caractere du fiecle oü elle s'eft formée. Ce n'a pu être que dans des temps de licence, d'anarchie, de férocité, qu'on a pu fuppofer des divinités de la plus haute clalTe , capables de fe livrer k des paflïons, ou de fe permettre des adtions, qui, dans des temps plus éclairés, auroient été regardées comme déshonorantes pour la nature hurnaine ; lorfque la terre étoit encore infeftée de monftres deftruéteurs, lorfque les fociétés , fous des formes de gouvernement trop foibles pour leur accorder proteöion, étoient expoféesaux déprédations des brigands, c'eft alors feulement que les célebres exploits d'Hereule, qui Pont fait élever de la terre au Ciel, ont pu être néceffaires, & obténir un fi haut degré de gloire.-La-même obferyation s'applique a Pancienne rayS 'v j  4*0 Appendix'. thologle de 1'Inde. Plufieurs des averil tures & des exploits des divinités indiennes ne conviennenf qu'a des temps grolTiers de violence & de rapine. Ce fut pour réprimer le défordre, pour redreffer les torts, pour délivrer Ia terre d'opprefleurs puiffans, que Wishnou, divinité du premier rang, s'eft, dit-on, incarné plufieurs fois , & a paru- ftir la terre fous différentes formes (i). III, Le caractëre & les foncfions de ees divinités que Ia fuperftition fe créa pour en faire les objets de fa vénération ayant par-tout beaucoup de conformité , les rites dü culte fe reftemblerent aufïl par-tout. Selon que ces divinités étoient diftinguées ou par Ia férocité de leurca'raétere ou la licenee de leurs mceurs, ©n juge de la nature des fervices qui doivent leur être les plus agréables. Pour fe concifier la faveur ou appaifer la colere des premières, on imagina les jeünes, les mortifications, les pénitences les plus rigoureufes; leurs autels étoient toujours baignés de fang; les viclimes les p'iis précieufes étoient immolées; les facrifices humains ne furent pas inconnus ; ils étoient même regardés comme les (i) Voyage deSonnerat, tom, i, p. 158,  Appendix. 42 i plus puiffantes expiations. Pour obtenir la bienveillance des divinités de la feconde claffe, on eut recours a des inftitutions d'un autre genre, k des cérémonies pompeufes , a des fêtes brillantes & gaies, relevée par tous les charmes de la poéfie, de la mufique &£ de la danfe , mais terminées fouvent par des fcenes d'une licence trop indécente pou? en permettre la defcription. Les rites des religions grecque & romaine , offrent une multitude d'exemples de ces diverfes pratiques, que je n'ai pas befoin da rappeller aux lecieurs inftruits (1). Le cérémonial de la fuperftition fut a-peu-près le même dans 1'Orient. Les mceurs des Indiens, quoiqu'elles fuffent, depuis le temps oü elles furent connues des peuples de POccident, diftinguées pour leur douceur, femblent avoir été, dans des temps plus reculés, femblables a celles des autres nations. Plufieurs de leurs divinités étoient fuppofées d'un naturel févere & farouche, & étoient re* prélentéesdans leurs temples fous des formes redoutables. Si nous ne connoiffions pas Pempire de la fuperftition fur lef- (1) Strabon, lib. yhi, p. 581. A. Lib. xis, p. 837. C.  411 Appendix. prit humain, nous aurions de Ia peine lf croire qu'un culte, approprié au caractere de femblables divinités, eüt jamais pu s'établir chez un peuple de mceurs douces. Tous les actes de religion , par Iefquels ils honoroient leurs dieux , femblent avoir été prefcrits par la crainte: ils s'impoferent despénitences multipliées, fi rigoureufes , fi cruelles & fi prolongées , qu'on n'en peut lire les détails fans étonnement & fans horreur. Quelque répugnance que montraffent les Indiens a répandre le fang d'aucune créature vivante, plufieurs animaux, même les plus utiles, tels que le cheval & la vache , étoient offerts en facrifice fur les autels de quelques-unes de leurs divinités (i); & ce qui eft encore plus étrange, lés pagodes de 1'Orient furent fouillées de iacrifices humains (2), comme les temples de 1'Occident. Cependant des inftitutions religieufes & des cérémonies d'un genre moins févere, étoient mieux adaptées au génie d'un peuple, que fon extréme (1) Ayeen-Akbery, vol. 111, pag, 241. — Roger, Porte ouverte, p. 251. (1) Heeto-Pades, p. 125, 322. —■ Recherches afiatiques, p. 265. — Sonnerat, vol. 1,. p. 207. — Roger, p. 151,  Appendix. 42 y fenfibilité, & phyfique & morale, difpofoit a un amour immodéré du plaifir. Dans aucune partie de la terre, il n'y a eu une conneftion entre la fatisfaction des appétits fenfuels & les rites de la religion publique, plus ouvertement & plus indécemment établie que dans 1'Inde. On voyoit dans chaque pagode un certain nombre de femmes confacréesfpécialementau fervice de 1'idole qu'on y adoroit, & vouées dès leursplus jeunes années a une vie de plaifir. Les Bramines les y préparoient par une éducation qui ajoutoit a leurs charmes naturels tant d'agrémens acquis, que le produit de leur proftitution formoit un revenu eonfidérable. Dans toutes les cérémonies exécutées dans les pagodes, ainfi que dans toutes les proceflions publiques, Fofike de ces femmes étoit de danfer devant 1'idole & de chanter des hymnes a fa louange ; & il eft difBcile de dire fi. elles outrageoient plus la décence par leurs geftes ou par les vers qu'elles récitoient. Les murs des pagodes étoient couverts de peintures (1) non moins licentieufes; &c dans Pintérieur du tem. (1) Voyez de Le Gentil, vol. 1, p. 244, 260. — Préface du Code des Loix des Genroux, Paë- 57-  4*4 Appendix. ple, qu'il y auroit de la profanation a appeller le fanctuaire , étoit placé le l'm~ gam, emblême de Ia puiffance produérive, tropgroffier pour être fufceptible d'explication (1). IV. Quelque abfurdes que puffent être les dogmes établis par la fuperftition, quelque indécens que fuffent les rites qu'elle prefcrivoit, les premiers furent adoptés fans objeftion dans tous les ages & dans tous les pays, par les peuples en maffe ; & les feconds furent obfervés avec la plus fcrupuleufe exaétitude. En raifonnant fur des opinions & des pratiques religieufes, qui different beaucoup des nötres, nous fommes expofés a tomber dans de grandes erreurs. Elevés, comme nous le fommes, dans les principes d'une religion, digne en tout de la divine fageffe dont elle eft Pouvrage, nous nous étonnons de 1'aveuglement desnations livrées a une croyance qui répughe a la faine raifon ; & nous les foupconnons quelquefois de ne pas révérer. en fecret les objets de leur culte extravagant. Cependant 1'expérience doit nous (i) Roger, Porte ouverte, p. 157.'—- Son» nerat, vol. 1, p. 41, 175. Sketches, p. i68> Voyage d'Hamilton , vol. 1, p. 379.  Appendix,. 42^ prouver que notre étonnement ni nos foupconns ne font fondés. Les anciens habitans de 1'Europe , que 1'hiftoire nous a fait le mieux connoïtre, n'ont jamais élevé le moindre doute fur Ia religion, ni n'ont condamné les pratiques que cette religion prefcrivoit. Au contraire , chez les Grecs & chez les Romains, toute opinion qui tendoit a diminuer le refpeö pour les dieux du pays, ou a écarter de leur culte, excitoit une indignation , qui montroit combien ces peuples étoient fincérement attachés a leur religion. Le zele des Indiens, anciens & modernes,pour les rites &1espréceptes qu'ils tiennent de leurs peres, eft peut-être encore plus grand. II n'y a point de pays oii 1'on ait pris plus de précautions pour empêcher le peuple de fe livrer au doute & a Pincrédulité. Non-feulement la foule, dont la vie eft très-laborieufe, n'a pas Ie temps , la plus qu'ailleurs, de s'occuper de recherches fpéculatives ; mais il \m eft même expreffément défendu d'étendre fes connoiffances. Si un Indien de Ia cafte de Souder, la plus nombreufe, fans contredit, des quatre grandes caftes qui forment Ia nation, eft foupconns de lire quelque partie des li-  4 >-6 Appendix. vres facrés, oü toute la fcience de lTnde fe trouve renfermée, on 1'en punit févérement; & s'il en retient quelque chofe de mémoire , on lui donne la mort (i). Le defir d'en apprendre plus que les Bramines ne jugent a propos d'enfeigner, eft taxé d'orgueil, même d'impiété. Les caftes les plus rtlevées n'ont pas a eet égard des privileges plus étendus: il faut qu'elles fe bornent a 1'inftruöion que les Bramines daignent leur communiquer. Auffi une vénération profonde eft univerfellement accordée par les Indiens a des inftitutions qu'ils regardent comme facrées ; 3c quoique les Mahométans (i)-, qui les ont conquis, aient fouvent effayé de leur faire abandonner leur antique religion , ils n'ont jamais pu y réuffir. V. Nous devons remarquer que dans tous les pays, oü les fciences &c la philofophie font des progrès, la fuperftition eft bientót attaquée, & perd infenfib'ement de fon influence. Un examen libre eft toujours favorable a la vérité, & funefte k Terreur. Ce qui avoit été adopté avec refpedt dans des temps d'igno- (i) Code des Gentoux , ch. ii , paragr. 7. (1) Fragment d'Orme , p. 102. — Sonnerat, Vol. 1, p. 194.  Appendix'. 417 rance, excite lè mépris Si Pindignation , quand les efprits lont éclairés. Cette vérité nous eft confirmée par ce qu'a éprouvé Pancienne religion de Ia Grece Si de PItalie , les feules contrées de 1'Europe oü les fciences aient jadis été cultivées. Dès que les progrès de ces fciences rendirent les Grecs capables de connoïtre qu'une fageffe bienfaifante Si toute puiffante avoit créé le monde, Ie conïervoit & le gouvernoit, ils durentfentir que le cara&ere immoral des divinités, offertes a leur vénération dans les temples , ne permettoit pas de regarder ces divinités comme les puiffances qui régiffoientla nature. Un poëtepouvoitchanter Jupiter, comme le pere des dieux & des hommes; mais un philofophe devoit avoir en horreur le fils de Saturne , dont 1'hiftoire n'offroit qu'un tiffu d'actions licentieufes Si criminelles, capables de déshonorer le dernier des mortels. Le culte célébré dans les temples étoit auffi révoltant pour les Grecs éclairés que les vices des dieux auxquels ce culte étoit rendu. Au-Iieu de pratiques refpectables pour fortifier 1'ame dans Pamour de Ia vertu , Si lui faire fentir toute fa dignité, on n'occupoit Ie peuple que de cé-  4i 8 Appendix. rémonies fuperftitieufes, de vceux frivoles, de rites licentieux, propres a enflammer les pafiions & a corrompre le cceur. Ce n'eft , cependant, qu'avec précaution, avec crainte même, que les hommes fe hafardent a attaquer la religion de leur pays, & des opinions confacrées par le temps. D'abord les philofophes effayerent de démontrer que la mythologie vulgaire n'étoit qu'un emblême des puiffances de la nature & des révolutions opérées dans le fyftême du monde matériel; & par-la ils excufoient un peu 1'abfurrlité de cette mythologie. Enfuite une theorie plus hardie pénétra dans les écoles. Des fages, dont les idéés étoient grandes & élevées, s'indignerent de 1'impiété des fuperftitions populaires, & fe montrerent pénétrés de la perfedbon de 1'Etre fuprême qui a créé 1'univers, autant qu'il foit poffible a 1'efprit humain de fentir par lui-même cette perfeftion. Si nous paffons d'Europe en Afie , nous verrons que tout ce que j'ai remarqué fur 1'hiftoire de la religion d'une de ces contrées, peut s'appliquer k l'autre. Dans 1'Inde, comme dans la Grece, 1'étude des fciences a nui è la fuperftition ; & quand nous confidérons 1'extrême différence qui  Appendix, 410 fe trouve entre la conftitution eccléfiaftique , fi j'ofe me fervir de cette expreffion , de 1'une de ces contrées & ceile de l'autre, nous fommes portés a croire que la derniere a offert un plus vafte champ a 1'examen que la première. Les Grecs n'avoient pas pour miniftres de leur religion , gardiens de leurs rites facrés, une feule race d'hommes, une cafte particuliere. Mais parmi les Indiens, les Bramines ont feuls le droit de préfider au culte des dieux, & de rendre le Ciel propice, ou de détourner fa colere. Ce privilege leur donne un afcendant prodigieux fur le peuple: auffi leur intérêt, leur honneur, 1'amfcition de maintenir Ie pouvoir de leur ordre, tout ce qui peut enfin émouvoir le cceur humain, leur fait un devoir de conferver leurs inftitutions. Cependant les principaux Brames ayant confacré leur vie a Pétude , firent, ainfi . que je 1'ai déja rapporté, d'affez grands progrès dans les fciences, pour fe former une jufte idéé du vrai fyftême du monde & de la fageffe toute puiffante qui le gouverne. Élevés dès lors au-deffus des fuperftitions vulgaires, ils reconnurent & adorerent un Etre fuprême, qu'ils appellerent » le Créateur de toutes cho-  43° Appendix. » fes , & dont toutes chofes dëpen- » dent (i) ". Telle eft, au moins, 1'idée que nous donne des Bramines , Abul-fazel, qui a long-temps étudié leur théologie. » Tous *> les Bramines, dit-il, croient a un feul » Dieu, & s'ils réverent des images dans » leurs temples, ce n'eft que paree que » ces images repréfentent des êtres cé*> lelies, & qu'elles font propres a capn tiver leurs idéés (i) ". Les Européens les plus fages, qui ont voyagé dans 1'Inde, font d'accord avec Abul-fazel. C'eft a cela feulement que fe borne ce que Bernier apprit des Bramines du college de Bénarès (3). M. Wilkins , plus capable peut-être de porter un jugement fur cela que tous les autres obfervateurs, repréfente les principaux Bramines de nos jours, comme des Théïftes, c'eft-a-dire, des adorateurs d'un feul Dieu (4); & enfin, M. Sonnerat, qui a paffe fept ans dans 1'Inde pour étudier les moeurs, les fciences & la religion des Indiens, nous (1) Baghvat-Geeta, p. 84. (2) Ayeen Akbery, vol. 111, p. 3. (3) Voyage, tom. 11, p. 159. .{4) Préface du Baghvat-Geeta, p. 24.  Appendix. 43 i dit (i): »♦ Que les Bramines, qui ont » traduit Ie code des Gentoux , déc!a-j » rant qu'un Etre fuprême a, par fa feule » puiffance, formé tous les êtres du monde » matériel, foit animaux, foit végétaux, » & les a tirés des quatre élémens, le » feu , 1'eau, 1'air & la terre , pour fer» vir d'ornement au grand magafin de Ia » création ; qu'en même-temps fon ex» trême bienfaifance a fait de l'homme » le centre de toutes connoiffances, & » lui a donné 1'autorité fur les autres » créatures, Scun empire abfolu fur toute » 1'étendue de la terre (2) ". Qu'on ne croie point que ces idees font un rafinement de nos temps modernes. Les Bramines font trop loin de pouvoir faire aujourd'hui quelques pas dans les fciences. Les vainqueurs mahométans, qui les ont foumis, les regardant comme les feuls dépofitaires de la religion indienne, fe font attachés a les opprimer. Cette cafte infortunée n'a pas moins perdu en talens qu'en pouvoir. Tout ce qu'elle fait a préfent, elle le puife dans les écrits de fes ancêtres; Öc la fageffe , qui la rend encore célebre, (1) Voyage, tom. 1 , p. 198. (2) Dii'c. prélim. du même, p. 73,  431 Appendix. lui eft tranfmife de la plus haute anti- qui té, Nous pouvons affirtner tout ce que nous venons de dire fur les myfteres de la théologie indienne. Ces myfteres dérobésavec foin aux yeux du peuple,ont enfin été dévoilés, qnand on les a traduits de la langue fanferit, & qu'on en a publié récemment la traduction. Le Baghvat-Geeta n'eft qu'un épifode du Mahabarat, poëme très-ancien & très-refpedté dans toute 1'lnde; & ce Baghvat-Geeta femble avoir été compofé dans le feul deffein d'établir la doctrine de 1'unité de Dieu, d'étudier fa nature, Ó£ de donner une idéé du qulte qui convient a eet être parfait. Parmi des difcuflions d'une métaphyfique obfeure , ou trouve dans eet ouvrage quelques traits d'imagination étrangers a notre goüt, & quelques penfées d'une fublimité bien au-deflus de tout ce que nous fommes dans 1'habitude de concevoir (i). Nous y voyons des defcriptions de 1'Etre fuprême, auffi belles, auffi pompeufes que celles des philofophes Grecs les plus vantés. Je vais en (i) Lettre de M. Haftings , imprimées dans la préface du Baghvat-Geeta, p, 7.  Appendix, 43^ en tranfcrire une, dont j'ai déja fait mention ; & je prie mes leef eurs de voir les autres dans Pouvrage même. — » Etre » éternel & tout-puiffant, dit Arjoon , » ta es le Créateur de tout, le Dieu » des dieux , le confervateur du monde. » Ton Etre eft incorruptible & diftinct » de toutes les chofes paffageres. Tu es » avant tous les autres dieux , tu es 1'an» cien Pouroush (1), & le fublime appui » de Punivers. Tu connois tout, & tu » es digne d'être connu. Tu es la fource » fuprême, & c'eft par toi, Etre infini, » que le monde eft forti du néant. Qu'on » s'incline devant toi; qu'on s'inciine » derrière toi; qu'on te révere de toutes » parts, ö toi, qui es tout en tout. Ta » puiffance & ta gloire font infinies »> Tu es le pere de tous les êtres qui ont » vie, ainfi que des chofes inanimées. » Sage inftrudfeur du monde , tu es digne » de nos adorations. II n'eft aucun être » femblable k toi. Y en a-t-il dans les » trois mondes un feul au-deffus de toi ? » Je te falue donc & m'humilie k tes » pieds; j'implore ta miféricorde , ö >» Dieu ! Dieu , digne d'être adoré ; car » tu me fupporteras, comme un pere (1) C'eft-a-dire, 1'ame qui donne la vie. T  434 Appendix. » lupporte fon fils , un ami fon ami, » un amant 1'objet de fon affedfion (i) ". On trouve dans les titres facrés des Indiens, une autre defcription de 1'Etre fuprême , d'après laquelle on voit également quels font a eet égard les fentimens de tous les favans Bramines. — » Comme Dieu eft immatériel, difent>, ils , il eft au-deffus de toute concep» tion ; comme il eft invifible, il ne peut » avoir de forme : mais fes ouvrages » nous prouvent.qu'il eft éternel, tout» puiffant, connoiflant toutes chofes, 6c » pré.'ent k tout (z) ". Des hommes capables de fe former de ft belles idéés de la Divinité , n'ont pü regarder que comme une infame idolatrie le culte des pagodes & toutes les fuperftitions immorales, qu'on y a attachées. Ils ont dü voir en même-temps qu'un cceur droit & des mceurs pures étoient feuls dignes de plaire a 1'Etre fuprême , dont ils reconnoiffent 1'exiftence & la perfeftion. Veïas a effayé de faire fentir ces vérités dans le Mahabarat, en s'y prenant toutefois avec toute la réferve & les précautions néceffaires a un (1) Baghvat Geeta, p. 94 &l 95. (2) Diïsnation de Dow, p. 40.  Append'.x. 435 Brame, qui ne veut ni ofFenfer fes comparriotes , ni diminuer le crédit & la confulération de fa cafte. Ses idéés fur la maniere d'adorer Ia Divinité, font développées dans plufieurs paffages frappans du poëme ; mais ne voulant pas multiplier les citations , je me contente d'y renvoyer mes leéïeurs (i). Quand nous réfléchiffons avec quelle lenteur 1'efprit de l'homme s'ouvre aux idéés abftraites , & combien il eft diffi. cile a des êtres corporels de faifir, fuivant une obfervation du Mahabarat, un Sentier invifible, il eft évident que les Indiens devoient avoir fait de grands progrès dans la culture de 1'efprit avant que leurs idéés s'élévaffent fi fort au-defius des fuperftitions populaires de leurs contrées. Les états divers de la Grece fubfiftoient dès long-temps, & étoient parvenus a un grand dégré de civilifation avant que les erreurs de leurs fuperftil tions euffent commencé è êtrereconnues. Ce ne fut que dans Ie fiecle de Socrate' dans les écoles de philofophie étabües par fes difciples, que 1'on vit naitre & fe propager les principes contraires aux dogmes de la religion populaire. (i) Baghvat-Geeta, p. 55, 67, 75, 97, 119. T ij  436 Appendix. II s'écoula même un plus long efpace de temps avant que les Romains, nation de guerriers & de politiques, recuffent les lumieres de la philofophie & fuffent en état de fe livrer a de libres difcuffions fur les objets & les cérémonies du culte, établi par leurs ancêtres. Mais dans la fuite les falutaires effets du progrès des lumieres fe font remarquer d'une maniere encore plus frappante. Sans adopter les calculs extravagans de la chronologie indienne, felon lefquels le Mahabarat fut compofé il y a plus de 4000 ans, il faut convenir que c'eft un ouvrage haute antiquité , & que 1'auteur y montre une connoiffance des principes de Ia théologie , de la morale & de la métaphvfique, plus jufte & plus approfondie qu'on ne pourroit la trouver, a ce qu'il femble , dans cette-même période , chez aucune nation connue dans 1'hiftoire. Mais les facultés bornées de 1'efprit humain font fi loin de pouvoir atteindre a une idéé complete des perfeclions & des opérations de lEtre fuprême, que dans toutes les théories formées fur ce fujet par les plus grands philofophes des nations les plus éclairées, nous trouvons encore un déplorable mélange d'ignor  Appendix. 437 rance & d erreur; & les Bramines de Pinde n'en ont pas été plus exempts que les Sages des autres contrées. Comme i!s /butenoient que Ie fyftême de Ia nature avoit été non - feulement arrangé dès Ie commencement des êtres par Ie pouvoir & la fageffe de Dieu, mais même que chaque événement de ce monde étoit amené par fon intervention immédiate; & comme ils ne pouvoient pas concevoir comment un Etre pouvoit agir dans un lieu fans y être préfent, ils regardoient la Divinité comme un principe vivifiant répandu dans tout le fyfiême des êtres, comme un ame univerfelle qui animoit toutes les parties de la création (1). Toutes les naturés intelligentes, particuliérement les ames humaines, leur paroiffoient des portions féparées de ce grand efprit (z) , auquel, après avoir remplï leur deftinée fur la terre & atteint un certain dégré de pureté, elles devoient fe réunir. Pour effacer les taches dont une ame, pendant fa réfidence fur Ia terre, s'étoit fouillée en fe livrant aux appétits fenfuels & corrompus, ilscroyoient (1) Baghvat-Geeta, p. 65, 78, 8f. — Ber» nier, tom. 11, p. 163. (a) Differtation tle Dow, n. 43. T ii,  43 & Appendix, que par une longue fucceffion de tranfmigrations , cette ame devoit paflér dans le corps de difFérens animaux , jufqu'a ce que par fes fouffrances & par les lumieres qu'elle auroit acquifes dans les divers modes de fon exiftence , elle fut affez purgée de toute corruption pour ê:re digne d'être abfbrbée dans 1'eflence divine, comme une goutte d'eau qui rentre au fein de l'Océan immenfe dont elle a été primitivement détachée (i). Cette doctrine des Brames, par laquelle la Divinité eft répréléntée comme une ame qui pénétre toute la nature , & qui donne a toutes fes parties la force & 1'activité , & comme le centre de réunion I de tous les êtres intelligens, h leur fource première, fe rapporte parfaitement aux : dogmes de la philofophie ftoïcienne; &c j il eft a remarquer, qu'après avoir trouvé la plus grande analogie dans leurs principes avec la morale fublime de cette \ fedte, nous retrouvons aufïi les même; i erreurs dans leurs rêveries théologiques (2). (1) Voy. de Sonnerat , vol. 1 , p. 192. — Baghvat-Geeta, p. 115. — Differt. de Dow , > pag. 43. (2j Lipfii Phyfiol. Stoic. lib. 1. Seneca , Antoninus, E; icletus, palüm. ■  Appendix. 439 L'efprit humain, par-tout oü il eft privé d'une appui fupérieur, eft porté a une fuite d'erreurs pratiques, en matiere de religion , d'une nature encore plus dangereufe. Quand les philofophes , par leurs progrès dans les fciences, commencerent k acquérir quelques idéés juftes de la nature & des perfeclions de 1'Etre fuprême , & fe convainquirent que tout Ie fyftême des fuperftitionS populaires étoit a la fois abfurde &c impie , ils furent effrayés en même-temps du danger de faire part de leurs découvertes a la multitude, incapable de s'élever a la hauteur des raifonnemens qui les avoient frappés , & remplie pour fes vieux préjugés d'un zele fcrupuleux, qui 1'eut révoltée contre tous les efforts faits pour la détromper. Aulieu donc de faire briller au-dehors quelques rayons de cette lumiere qui avoit éclairé leurs efprits, ils formerent une théorie pour juftifier leur conduite & pour épaiftlr le nuage dont ils vouloient s'envelopper. Le vulgaire ignorant n'avoit, felon eux, aucun droit a la vérité. Condamné par la deftination oü Ia nature 1'a placé, a refter dans 1'ignorance, il ne peut être maintenu dans Tordre que par des illufions , porté au bien & détourné T iv  44° Appendix. du mal que par Pefpérance de ces récompenfes imaginaires que promet la religion & par la crainte des chatimens dont elle menace. Je pourrois citer, a Pappui de ce que j'avance , Ia doctrine de la plupart des feétes philofophiques, & rapporter les paroles même de prefque tous les écrivainscélébres,Grecs ou Romains; Jtnais il fuffira de mettre fous les yeux de mes ledteurs un paffage remarquable de Strabon , dont j'ai tiré tant de fecourS dans le cours de mes recherches , & qui n'étoit pas moins habile a pénétrer les opinions politiques de fes contemporains, qu'a décrire les contrées qu'ils habitoienf. » Tout ce qu'il y a de merveilleux dans la fable eft employé, (ce font fes exprefïïons ) quelquefois pour plaire, quelquefois pour infpirer de la terreur aux perfonnes de 1'age mur, auffi bien qu'aux enfans. On propofe aux enfans d'agréables fiétions, afin de les encourager k bien faire; on leur en raconte d'effrayantes, afin de les détourner du mal. Quand les hommes font unis en fociété, ils font portés vers les aétions louables, foit en entendant les poëtes célébres, les exploits merveilleux de la fable, tels que les travaux d'Hercule & de Théfée , trayaux qui leur ont acquis les honneurs des  Appendix. 441 dieux, foit en voyant tous ces faits glorieux , reprefentés par Part du peintre 8c du fculpteur. D'un autre cöté on les détourne du vice en leur racontant les chatimens réfervés par les dieux aux coupab'es. On a foin d'ajouter a Phorreur de ces menaces, en les exprimant dans les termes les plus finiftres, ou en les peignant fous des emblêmes effYayans qui leur montrent ces chatimens déja exécutés fur d'illuftres coupables. Car il eft impoffible de conduire les femmes 8c Ia groftiere multitude , & de leur infpirer un refpeft religieux pour les principes de Ia juftice , pour les préceptes de la raifon 8c de la philofophie, fi on n'appelle a fon aide la fuperftition 8c la crainte des dieux , 8c tous les prodiges dont elles font la fource féconde. Ainfi Ie tonnerre de Jupiter, 1'égide de Minerve , le trident de Neptune, les torches 8c les ferpens des furies , la lancé ornée de lierre dont s'arment les dieux, 8c toute cette ancienne théologie, font des fables que les premiers légiflateurs des empires ont emplóyées, comme des épouvantails faits pour en impofer aux hommes fimples 8c crédules (1)". O) Strab. hb. 1, p. 36. 1}. T v  441 Appendix. Ces principes des pbiloibphes d'Europe font précifément ceux que les Bramines avoient adoptés dans 1'Inde, &t qui régloient leur conduite aux yeux du vulgaire. Comme leur cafte avoit le privilege exclufif de lire les livres facrés, de cultiver & d'enfeigner les fciences, ils pouvoient aifément empêcher tous ceux qui n'en étoient pas membres , d'acquérir aucune portion de connoiffance, qu'il ne leur eut pas plu d'enfeigner. Chaque fois que la libre circulation des fciences n'eft point arrêtée par de telles réferves, toute la fociété entre en partage dans les nouvelles acquifitions qu'elles) font tous les jours , &i leur influence i appuyée fur le fentiment & la pratique , s'étend infenfiblement d'un petit nombre j a un plus eonfidérable, des hommes inf-| truits aux ignorans. Mais , par-tout oü 1'empire des fauffes religions eft com-| plétement établi, le corps du peuple ne gagne rien aux plus grands progrès des fciences. Leurs philofophes leur dérobent, avec le plus grand foin , les véritésj qu'ils ont découvertes, & s'exercent a étayer les monumens de fuperftition qu'il 1 feroit de leur devoir de renverfer. Non-j feulement ils exhortent les autres a ob-i ferver les rites religieux prefcrits par les f  Appendix. 443 loix du pays, mais eux-mêmes s'y foumettent dans leur conduite, & n'abordent les autels des dieux, objets de leur mépris interne , qu'avec des fignes extérieurs de refpeét &c de zele. Au-lieu de relTembler aux Apötres de la vraie religion, dans 1'ardeur bienveillante avec laquelle ils ont fans ceffe communiqué les vérités importantes qui avoient éclairé leurs efprits ck touché leurs ames, les fages de la Grece & les Bramines de 1'Inde fuivoient, avec un artifice concerté, ce fyftême d'illufions & d'erreurs, & fuivant 1'expreflion énergique d'un écrivain facré , ils enfermoient la vérité dans Tinjuftice ; ils connoiflbient & approuvoient ce qui eft vrai, mais pour tout le refte des hommes, ils s'attachoient a conferver & a perpétuer Terreur. Je viens de parcourir tous les détails que je me propofois d'examiner, & j'ai taché de découvrir 1'état des Indiens dans leurs rapports les uns avec les autres. Si je n'avois eu pour objet que de décrire le gouvernement civil, les arts, les fciences, & les inftitutions religieufes d'une des races humaines les plus nombreufes & les plus anciennes du globe, cela feul m'auroit conduit h des recherches utiles &c curieufes. J'avoue cepenT vj  444 Appendix. dant que j'ai eu toujours devant les yeux un objet plus intéreffant & d'une plus grande importance ; j'ai eoneu 1'efpérance que fi le tableau, que je préfente de 1'ancienne civililation de 1'Inde , &C des progrès merveilleux de fes habitans dans les arts agréables & dansles fciences iitiles, paroiffoit fidele & conforme a la vérité, il pourroit avoir quelque influence fur la conduite des Européens k 1'égard de ces peuples. Malheureufement pour Pefpece hurnaine, dans toutes les parties du globe oü les peuples d'Europe ont acquis de la puiffance, ils en ont trouvé les habitans non-feulement dans un état de fociété bien inférieur au leur, mais encore difFérens d'eux pour la couleur de la peau & les habitudes de la vie. Les hommes, dans tous les degrés de leur carrière fociale, font fi fatiffaitsdes progrès qu'a faits la fociété dont ils font membres , que le point oü ils font arrivés, leur paroit le modele de la perfecfion, & qu'ils font difpofés a concevoir du mépris & même de 1'averfion pour tous les peuples, dont la condition n'eft pas femblable a la leur. En Afrique & en Amérique la différence k eet égard eft fi frappante, que, dans Porgueil de leur fupériorité, les Européens fe font  Appendix. 44 J crus autorifés a réduire en efclavage les naturels de 1'Afrique , & a exterminer ceux de l'Amérique. Dans 1'Inde même» quoique fort fupérieure en civilifation a ces deux autres parties du monde, la couleur des habitans, leur air efféminé , leur peu d'aptitude a la guerre , I'extravagance bizarre de leurs opinions & de leurs pratiques religieufes , tout cela joint a d'autres circonftances, confirma tellement les Européens dans le fentiment de leur prééminence , qu'ils traiterent toujours les Indiens comme une race d'hommes inférieure a la leur. II feroit a defirer, que des quatre nations européennes, qui ont fucceftivement acquis de vaftes territoires & une grande puiffance dans 1'Inde, quelqu'une put juftifïer la maniere dont elle a exercé eet empire. Cependant ft quelque chofe peut avoir une tendance directe & puiffante a infpirer aux Européens , trop vains de leur fupériorité dans la police, les fciences & les arts, des fentimens juftes a 1'égard des peuples de 1'Inde, & le refpedr qui eft du a leurs droits naturels, en leur qualiré d'hommes, c'eft Phabitude qu'ils doivent avoir prife, non-feulement de regarder les Indiens modernes comme une race  446 Appendix. induftrieufe & intelligente , mais encore de les confidérer comme les defcendans d'un peuple ancien, qui étoit parvenu a un degré furprenant de lumieres & de fageffe , plufieurs fiecles avant que ia civilifation ait fait un feul pas dans aucune partie de 1'Europe. Ce fut par 1'effet d'une étude impartiale & fincere de leurs mceurs que 1'empereur Abker fut conduit a regarder les Indiens comme ayant avec fes autres fujets un droit égal a fa protection ck a fes faveurs, & qu'il les gouverna avec une difpofition d'équité & de douceur , qui lui a mérité , de la reconnoiffance de ces peuples, 1'honnorable dénomination de Vrotecleur de l'humanitê. Ce fut auffi par une connoiffance approfondie de leurs qualités morales & acquifes qu'Abul-Fazel, Vifir d'Abker, par une générofité d'ame peu commune chez les Mahométans, prononca un éloge public des vertus des Indiens, & comme individus & comme membres de la fociété, &C qu'il célébra leurs progrès dans les arts & les fciences de tout genre. Si je pouvois efpérer que la defcription , qu'on vient de lire des mceurs & des inltiiutions des peuples de 1'Inde , contribuat le moins du monde & par 1'influence la plus  Appendix. 447 éloignée , a rendre leur carattere plus refpectable & leur condition plus heureufe, je lerminerois ma carrière littéraire avec la (atisfaétion de penfer que je n'aurois ni vécu, ni écrit, fans avoir fait queique bien.  44$ Notes NOTES DE L'APPENDIX. NOTE I, pag. 334. Shlon tous les écrivains de 1 'antiquité , les Indiens ont été eonftamment divifés en fept tribus ou caftes (Strab. lib. xv , p. 1019. C. &c. Diod. de Sic. liv. 11, p. 153 , &c. Arrien Ind. c. 10.). II eft probable qu'ils furent entrainés dans cette erreur en confidérant quelques-unes des fubdivifions des caftes, comme fi elles avoient formé des ordres diftin&s & indépendans. Mais il n'y avoit pas plus de quatre caftes piimitives: c'eft ce que nous apprenons par le témoignage uniforme des voyageurs modernesles mieux inftruits. Nous en avons i'état le plus exact dans » La porte ouverte, ou la vraie repréfentation de Ia vie , de mceurs, de la religion & du fervice des Bramines qui demeurent fur les cötes de Coromandel, &c. " Cet ouvrage fut compilé avant le milieu du dernier fiecle, par Abraham Roger, chapelain de la faétorerie hollandoife a Pullicate. En gagnant la confiance d'un Bramine eclairé , il acquit les connoiffances relatives aux mceurs & a la religion des Indiens , connoiffances plus authentiques & plus étendues que n'en avoient eu les Européens avant les dernieres  de t Appendix. 4^0 traduclions du fanskrit. Je fais mentïon de ce livre, paree qu'il paroit être moins connu qu'il ne mérite de 1'être. II ne refte maintenant point de doute , quant au nombre & aux fondtions dss caftes, puifque cela eft affuré d'après les livres indiens les plus anciens & les plus facrés & confirtné par les relations de leurs propres inftitutions données par des Bramines éminens pour leur favoir. Selon eux, les différentes caftes tiroient leur origine de Brama, 1'agent immédiat de la ctéation fur le pouvoir fuprême , de la maniere fuivante , qui établit & le rang qu'elles devoient tenir Sc les fonctions qu'elles avoient a remplir. Le Bramine, du nom de la bouche (fageffe), doit prier , lire , inftruire. Le Chehtery , du nom des bras (force), doit tirer de 1'arc , combattre , gouverner. Le Bice, du nom du ventre ou des cuiffes ( nourriture ) , doit pourvoir aux néceffités de Ia vie par 1'agriculture & le commerce. Le Soder, du nom des pieds ( foumiffion ), doit travailler & fervir. Les occupations prefcrites i toutes ces claffes font effentielles dans un état bien réglé. Celle qui eft fubordonnée a celle-ci eft la cinquieme , ou la claffe étrangere , appellée Burrun Sunkcr. On la fuppofe defcendue de i'union ïllégitime entre des perfonnes de différentes caftes. Elles font ordinairemenr marchandes en petits articles de commerce de détail (Préface du code des loix des Gentoux, p. 46 & 99.). Aucun auteur européen ne fait mention de cette claffe comme je ia décris; cette diftinction étoit trop difticüe pour qu'ils 1'obfervaffent, & ils paroiffent confidérer les membres de cette cafte comme  450 Nous appartenans au Soder. Outre ces caftes reconnues, il y a une race d'hornmes malhsureux , nommée fur la cote de Coromandel , Pariars, & dans l'autre partie de 1'Inde, Chandaiu;. Ce font des rebuts de leur ordre primitif, qui , par leur mauvaife conduite en ont perdu tous les privileges. Leur condition eft indubitablement Ia plus baffe dégradation de la nature humaine. Petfonne d'aucune cafte ne doit avoir la .moindre communication avec eux (Sonnerat, tom. I. p. 55 , 56.). Si un Pariar approche un Nayr , c'eft-a-dire un guerrier d'un haute cafte fur la cöte du Malabar, il peut être mis a mort avec impunité. L'eau & le lait font confidérés comme fouillcs, même par leur ombre qui paffe fur eux , & ne peu vent être employés jufqu'a ce qu'ils foient purifiés ( Ayeen-Akbery , vol. 111 , p. 243.). II eft prefqu'impoffible d'exprimer par des mots le fentiment de baffeffe que le nom de Pariar infpire a 1'ame d'un Indien. Tout Indien qui viole les regies ou les inftitutions de fa cafte, tombe dans cette fituation dégradée. C'eft ce qui rend les Indiens fi fortement attachés aux inftitutions de leur tribu , paree que Ia perte de la cafte eft pour eux la perte de tout appui & de toute confidération humaine , & qu'elle eft un chatiment, fans comparaifon plus févere que l'excommunication dans la période la plus triomphante de la puiffance du Pape. Les quatre caftes primitives font nomméc-s & leurs fonftions décrites dans le Mahabdrat , le plus ancien livre des Indiens , &. d'une autorité plus haute qu'aucun de ceux dont les Européens aient eu connoiffance jufqu'alors (Baghvat-Geeta, p. 130.). La même diftin&ion des caftes étoit connue a 1'auteur du Heólo-  de VAppendix. 45 \ pados , autre ouvrage d'une grande antiquité, traduit du fanskrit , p. 25 t. On a omis dans )e texte de faire mention d'une circonftance. Quoique la ligne de féparation foit tellement tracée qu'elle rende abfolument impoffible 1'élévation d'une cafie inférieure a une plus élevée, & que 1'on regardat comme une trèsénorme impiété, qu'un homme d'un ordre inférieur prétendit remplir quelque fonftion appartenante a celle d'une cafte fupérieure ^cependant , en certains cas, les pundits déclarent qu'il eft permis aux petfonnes d'une claffe fupérieure d'exercer quelques-unes des occupations attribuées ü une claffe au-deffous de la leur, fans perdre leur cafte par cette a&ion ( Préface des Pundits au code des loix des Gentoux , p. ioo.)- Auffi nous trouvons des Bramines employés au fervice de leurs ptinces , non-feulement comme miniftres d'état ( Orme , Fragmens, p. 207.), mais encore dans des places fubordonnées. La plupart des officiers de haut rang dans 1'armée de Segavi, le fondateur de 1'état Mahratte, étoient Bramines, & quelques-uns d'eux Pundits ou Bramines favans (ibid. p. 97.). Plufieurs Cipayes, au fervice de la compagnie de 1'Inde oriëntale, particuliérement dans la préfidence du Bengale, font de la cafte des Brames. Un autre fait relatif aux caftes eft digne de remarque. Un nombre immenfe de pélerins montant en quelques années a plus de 150,000, vifitent la pagode de Jaggernaut en Oiiffa (un de lieux les plus anciens & les plus révérés du culte indien), au temps de la fête annuelle en 1'honneur de la divinité a laquelle le temple eft confasré. Les membres de toutes les  452. Nous quatre caftes peuvent s'approchïf enfemble de 1'autel de 1'idole , fans diftin&ion de place, Sc manger pêle-mêle des mêmes alimens. Ceci femble indiquer quelque fouvenir d'un état antérieur k 1'inftitution des caftes, lorfque tous les hommes étoient confidérés comme égaux. Je ne fuis pas afllz inftruit pour être en état d'expliquer une pratique fi oppofée aux premières idéés & aux principes connus des Indiens (Bernier, tom. II, p. 102. Tavernier, liv. 11, c. IX.' Anquetil, Difc. prélim. p. Si. Sketches , p. 96.). Quelques-uns de mes lefteurs doivent avoir obfervé que je n'ai point décrit les ordres nombreux des dévots indiens, auxquels les écrivains européens donnent généralement le nom de Faquirs , nom par lcquel les Mahométans diftinguent les moines fanatiques de ieur religion. Le jour fous lequel j'ai confidéré les inftitutions religieufes des Indiens me difpenfe d'examiner les Faquirs indiens en particulier. Leur nombre, la rigueur de leurs mortifkations , les pénitences horribles qu'ils fubiffent volontairement, Sc la haute opinion que le peuple concoit de leur fainteté , ont frappé tous les voyageurs qui ont vifité Pinde , 6c leurs defcriptions font bien connues. La puiffante influence de 1'enthoufiafme , 1'amoHt de la diftinétion Sc le defir d'obtenir quelque portion de ce refpeét Sc de ces honneurs a Ia jouiffance defquels les Brames font deftinés, peuvent fervir a expliquer les chofes extraordinaires que les Faquirs font : il y a une remarque importante a ce fujet. Cet ordre de dévots paroit avoir éié très-ancien dans 1'Inde. La delcription des Germains que Strabon emprunte de Mégafthenes, s'applique prefqu'en entier aux Faquirs modemes (l>b. xv, p. 1040, B.). 1  de i''Appendix. 453 NOTE II, p. 537. Ce que j'ai allure dans le texte , eft en général bien fondé. C'eft 1'opinion cependant de ceux qui ont parcouru 1'Inde dans toute fon étendue & qui ont bien obfervé tout ce qu'ils ont vu , que les conquêtes & des Mahométans & des Européens ont produit quelques effets iiir les mceurs & fur les coutumes des peuples. L'ancien habillement des Indiens, comme le décrit Arrien ( Hift. ind. c. 16.) , étoit une toile de mouffeline jettée nonchalamment fur leurs épaules, une chemife de mouffeline defcendant au milieu de la jambe, & leurs barbes étoient teintes de diverfes couleurs ; cette mode eft toute différente de celle qu'ils fuivent aétuelletnent. On fuppofe auffi que les Mahométans ont introduit dans 1'Inde la coutume de féparer les femmes, & la rigueur avec laquelle elles font renfermées. Cette fuppofition eft en quelque faCon confirmée par le drame de Sacontala, traduit du fanskrit. Dans cette piece , on introduit plufieurs femmes, qui fe mêlent dans la fociété, 6c converfent auffi librement avec les hommes, que les femmes ont coutume de le faire en Europe. Nous pouvons préfumer que 1'auteur décrit les mceurs Scfe conforme aux coutumes de fon fiecle. Mais lorfque je fais mention de cette remarque , il faut obferver auffi qu'il y a lieu de conclure d'un paffage de Strabon qu'au temps d'Alexandre-le-Grand , les femmes dans 1'Inde étoient gardées avec la même attention jaloufe qu'elles le font aujourd'hui. » Quand les princes , ditil en copiant Mégafthenes , partent pour une chaiTe publique, ils font accompagnés par un  4 v 4 Notes grand nombre de leurs femmes, mais Ie long de la route oü ils doivent paffer, des cordes font tendues de chaque cöté, & fi quelque homme en approche , il eft dans l'inftant mis a mort" (lib. xv, p. 1037. A.). On commence a s'appercevoir de 1'influence des mceurs eurcpéennes parmi les Indiens qui réfident dans la ville de Calcutta. Plufieurs d'entr'eux fe font trainer dans des caroffes anglois , s'affoient fur des chaifes, & garniffent leurs maifons de miroirs. Ce feroit ici le lieu de faire mention de plufieurs circonftances qui , probablement , conttibueront au progrès de eet efprit d'imitation. NOTE III, P. 338. C'eft une chofe curieufe d'obferver avec quelle exacYitude les idéés d'un afiatique ingénieux fe rencontrent avec celles des Européens fur ce fujet. » En réfléchiffant , dit-il , fur la pauvreté de Turan ( contrée au-dela de 1'Oxus ) & de 1'Arabie , je fus d'abord embarraffé d'affigner une raifon pourquoi ces contrées n'ont jamais pu conferver de richeffes , tandis qu'au contraire elles aügmentent journellement dans 1'Indoftan. Timur apporta dans le Turan les richeffes de la Turquie, de la Perfe & de 1'Indoftan, mais elles font toutes diflïpées; durant les 'regnes des quatre premiers califes, la Turquie , la Perfe, une partie de 1'Arabie, 1'Ethiopie , 1'Egypte & 1'Efpagne étoient leurs tributaires , & cependant le pays n'étoit pas riche. I! eft donc évident que cette diffipation des richeffes d'un état ne peut arriver que par des épuifemens extraordinaires, ou par quelque vice de gouvernement. L'Indoftan a été  de L''Appendix. 455 fréquemment ravage par des ufurpateurs étrangers ; Sc aucun de fes rois ne forma jamais de tréfor. Le pays n'a aucune mine d'or & d'argent, & cependant 1'Indoftan abonde en monnoie & en toute efpece de richeffes. L'abondance de numéraire eft indubitablement due k 1'ample importation d'or & d'argent dans les vaiffeaux européens & ceux des autres nations , dont plufieurs apportent de 1'argent comptant en échange des manufaftures Si des productions naturelles de la contrée. Si ceci n'elt pas la caufe de 1'état floriffant de 1'Indoftan , il faut 1'attribuer a la bénédiclion particuliere de Dieu ( Mém. de Khojeh-Abdul-Kurrcem, Cachemirien de diftinétion, p. 42 ). NOTE IV, p. 346. Les monarques de 1'Inde étoient les feuls propriétaires de la terre ; cela eft affirmé en termes pofitifs par les anciens. Le peuple , difent-ils, paie un impöt territorial a leurs rois, paree que le royaume eft une propriété royale (Strab. liv. p. 1038. Diod. de Sic. lib. 11 , p. 153. ). Ceci n'eft pas particulier k 1'Inde. Dans toutes les grandes monarchies de 1'Orient , le fouverain feul paroit être invefti de la propriété de la terre, comme feigneur fuzerain. Selon Chardin , tel eft 1'état de propiiété en Perfe , & les terres étoient louées par le monarque aux fermiers qui les cultivoient aux conditions prefque femblables a celles accordées aux ryots indiens ( Voyages , tom. UI, p. 336 , &c. in-40. ). M. Voiney donne un état femblable du fermage des tetres dans une des grandes provinces de l'empire turc ( Voy. en  4^5 Notes Syrië, &c. tom. ii, p. 369, &c. ). Le mode précis cependant, dont les ryots de 1'Indoftan tenoient leurs poffeffions, eft une circonftance de fon ancienne conftitution politique , fur laquelle des hommes d'un difcernement fupérieur, qui ont réfidé long-temps dans ce pays & y 1 ont occupé les premières places du gouvernement , ont eu des opinions très-différentes. Quel- I ques-uns ont imaginé que les conceffions de ! terrein étoient faites par le fouverain atvx villages ou aux petites communautés, & que les habitans , fous la conduite de leurs chefs, le cultivoient en commun & en partsgeoient le produit entr'eux felon certaines proportions. ( Defcript.de 1'Inde , par M. Bernouilli, tom. 11, p. 223 , &c. ) D'autres prétendent que la propriété du fonds a été transférée de la couronne a des officiers héréditaires d'un rang diftingué, & d'une grande autorité, appellés Zémindars, qui recueillent les revenus des mains des ryots, & leur partage les terres. D'autres foutiennent que l'office des Zémindars eft temporaire & miniftériel ; qu'ils font purement des colleéteurs du revenu, amovibles a volonté, & que Ie bail, en vertu duquel les tyots tiennent leurs poffeffions , dérive immédiatement du fouveTain. Cette derniere opinion eft foutenne trèshabilement par M. Grant, dans fes Recherches fur la Nature des tenures des Zémindars dans la propriété des terres du Bengal, &c. On continue encore d'agiter cette queftion au Bengal , & 1'on a produit des argumens plaufibles en faveur de ces différentes opinions ; quoique ce foit un point très-intéreffant , puifque le fyftême futur des finances angloifes dans 1'Inde paroit en dépendre effentiellemsnt ; cependant des  de fAppendix. 4?7 des perfonnes bien inftruites de 1'état de uL' Quoique lx>p,„,0„ du comité de finance co^ pofe de perfonnes très-hahÜP. an" comconclure Jntre Je droThS taire * dars fur a propriet A„ f„\ d,re °es «minfeil fuprême e'l 'r CePendai" 'e conraifonsPde d^r Lc;„rS? P°U'A bon"« un fujet fi importan, c«"gemen' d.éfinitif fur a iJpreffion L^quf ^"ff? re'lITff^ tafon mgéneufe &"inftrUive "i ^ fur la propnété fonciere du Beneal Tl a* J?ne opinion contraire 4 celle de^M GYant°P£ fouttent, avec cette candeur & ce P ' de fentiment qui frannanV ,„ ■ 6 elevat]on »'a d autre obj« en ZTine TÏÏ°m ^ °" Ja vérité, que1 les Zémindl u t n^off' dadminiftration q y ei l bli 0'' ^ fyftónw parer ces différentes Glorie & V' P°Ur C°raquelle dWelles mért°TpSté^^ de mes recherches n'exi^erniVnl •'. 6 fu^et dans une telle difcS r P q"e ] entraffe que 1'état de la „roS- Jf"naS'ne «pendant feroit beaucoup éclaïfc n da"S Vln'ls en pourroit fale av ' ,a COmPa^°u qu'on féodales ; & jé concoi, ™UK d" t6nures connoiire unefSceffion jq,,i,0n P°Urroit ? re"  4^8 Notes vie ; & enfin qu'elle devint une propriété héréditaire & perpétuelle. Même fous cette derniete forme , lorfque le fond eft acquis par achat ou par héritage , la maniere dont on a confirmé & complété le droit de propriété, en Europe par une charte , dans 1'Inde par un funnud du fouverain , femble annoncer quel étoit Ion état primitif. Selon chacune des théories dont j'ai fait mention , la tenure & la condition des ryots reffemble a la defcription que j'en ai donnée. Leur état, _ d'après les détails des obfervateurs éclairés, eft auffi heureux &L auffi indépendant qu'il puiffe être pour les hommes employés a la culture de la terre. Les anciens écrivains grecs 8c romains , qui n'avoient qu'une connoiffance imparfaite des parties intérieures de 1'Inde, repréfentoit la quatrieme partie du produit annuel de Ia terre comme 1'évaluation générale de la redevance pavée au fouverain. Sur l'autorité d'un auteur populaire qui fleuriffoit dans 1'lnde avant 1'ere chrétienne , nous pouvons conclure qu'une fixieme partie du revenu public étoit, de fon temps, la portion ordinaire du fouverain. (Sacontala , aft. v, p. 53.) On fait maintenant que le revenu que le fouverain tire de Ia terre , varie beaucoup dans les différentes parties du pays , fuivant la fertilité ou la ftérilité du fol , la nature du climat, 1'abondance ou la rareté de 1'eau , 8c plufieurs autres circonftances de ce genre. D'après les détails que nous avons , je croirois que dans quelques diftrifts il a été porté au-dela de fa jufte proportion. Une circonftance relative a Padminiftration du revenu dans Ie Bengal, mérite d'être remarquée, comme trèsfconorable pour la mémoire de 1'empereur Akber,  * rAppendix. .452 • J'ai fouvent eu occafion de célébrer la fag-ffe de fon gouvernement. On forma fous fon rfone une cotte générale & réguliere du revenu°dll Bengal; toutes les terres furent alors évaluées, & ia taxe de chaque habitant de chaque viJkge fut .fixée. On etabl.t une gradation réguliere devaluattons. Les taxes des difFérens habitans qu. yrvoient dans un certain canton , étant réun.es formoient Ie röle d'un viilage les taxes de différens villages étant enfuite rapprof chees fous un même point de vue, offroient le role d un plus grand territoire. L'afTemblage de ces roles prefentoit la taxe d'un diftr.a & Ia lomme totale des taxes de tous les diftriös dans Ie Bengai donnoit :1e tableau du revenu de toute la province. Depuis Ie regne d'Akber jufquau gouvernement de Jaffer-Ahkan , en 1757» la maffe annuelle du revenu & \e mod> de la matiere , ou de celle qui attribué 1'exif» tence du monde au hafard , ils jouiffoienttous » de fa proteftion & de fa faveur; auffi fon; j> peuple, en reconnoiflance de la proteftior» j> impartiale qu'il leur accordoit, lui donna le « titre honorable de Juggut Grow , Confirvateur w du genre humain. —Si votre Majefté a quel» que confiance dans ces livres , honorés du » nom de divins , ils vous apprendront que » Dieu eft le Dieu de tout le genre humain, » & non le Dieu des Mahométans feulement. » Le Payen & le Mufulman font également en » fa préfence. Les diftinétions de couleur font » de fa volonté. C'eft lui qui donne 1'exiftence. » Dans vos temples a fon nom la voix s'éleve V iij  462 NoteP j» en priere ; dans la maifon des images, oü 1'on ■» fonne la cloche , il eft encore 1'objet de Fa» n doration. Dégrader la religion & les coutujj mes <:es autres hommes, c'eft mal interprater 31 la volonté du Tout-Puiflant. Qu3nd nous y> effagons un tableau, nous encourons natu3> rellement le reffentiment du peintre , & c'eft s> avec raifon que le poëte a dit : ne préf.ime » pas de critiquer ou de fonder les oeuvres » infinies de la puiffance divine ". Nous fommes redevables de ce morceau imsortant a IVL Orme : Fragmens , notes p. xcvili Quelqu'un qui a lu cette lettre dans 1'oiiginal , m'a affuré que Ia traduclion angloife en eft non-feur lement fidelle, mais élégante. NOTE VII, p. 366. Je n'ai entrepris la defcription d'aucune.des excavations fouterrainss » linon de celles d E!o phanta , paree qu'aucune d'elles n'a été fi fouvent vifitéeou fi foigneufement examinées; dans plufieurs parties de 1'Inde il y a cependant des ouvrages étonnans de la même nature. L'éten<}ue & Ia magnificence de 1'ifle de Falfette eft telle que les artiftes, employés par le gouverneur Boon pour en faire les dtffins , affurerent qu'elle avoit exigé le travail de quarante mille hommes pendant quarante ans pour les achever. ( Archéologia, vol. vu, p. 336.). Tout exagéré que ce mode d'eftimation puiffe être , il donne une idéé de 1'impreflion que leur vuöpeut faire fur 1'efprit. Les pagodes d'Ellore a. dix-huit milles de Aurungabad , font auffi taillées dans le roe ; & fi elles n'égalent pas celles d'Elephanta & de Salfette en grandeur, elle*  de t Appendix. 463 les furpaffent de' beaucoup par leur étendue &L leur nombre. M. Thevenot, qui donna le premier une défcription de ces habitations fingulieres , allure que pendant environ deux lieues tout autour de la montagne on ne voit rien que des pagodes. ( Voyez part. in , ch. 44. ) Elles furent examinées plus long-temps & avec plus d'attention par M. Anquetil du Perron , mais comme la longue defcription qu'il en a faite n'eft accompagnée d'aucun plan ou deffin , je ne puis donner du total une idéé diftinéle. II eft évident cependant que ce font les ouvrages d'un peuple "puiffant, & parmi les figures innombrables en fculpture dont les murs font couverts, on peut diftinguer tous les objets actuels du culte indien. (Zend-Avefta, difc. prélirn. p. 233. ) II y a des excavations remarquables dans une montagne a Mavalipuram , proche de Sadras. Cette montagne eft bien connue fur !a cöte de Coromandel par le nom des fept pagodes. Nous avons une bonne defcription de ces ouvrages d'une haute 6c précieufe antiquité. (Recherches afiatiques , vol. 1 , p. 145.) On pourroit produire plufieurs exemples d'ouvrages femblables, s'd étoit néceffaire. Ce que j'ai foutenu concernant 1'élégance de quelques-uns des ornemens dans les édifices indiens, eft confirmé par le colonel Call , ingénieur en chef a Madras , qui appuie fur ceci comme fur une preuve de l'ancienne &C haute civilifation des Indiens. i) On peut affurer, dit - il, qu'aucune partia » du monde n'a plus de marqués d'antiquité, » pour les arts, les fciences 6t la civilifation, » que la péninfule de 1'Inde, depuis le Gange »> jufqu'au Cap Comorin. Je crois que les fculp1» tures de quelques pagodes Sc choultries, auf?. V iv  464 Notes » bien que Ia grandeur de l'ouvrage, furpaffent » tout ce qu. a été exécuté de nos jours, non». feulement pour la délicateffe du cifeau, mals » auffi pour les fraix de conftruftion, en con» üderant fouvent a quelles diftances les ma« ter.aux ont été tranfportés , & a quelle hau» teur ,ls ont eté élevés ". Tranfaét. philofop. vol. 1x11., p. 354. T NOTE VIII, p. 3/2. Linde , dit Strabon , produit une variété de lubitances qu. donnent dés teintures dans les plus adm.rables couleurs. Vindicum , qui produ.t la belle couleur bleue , paroit être Tind.go des modernes; nous pouvons le conclure non -feulement de la reffemblanee du nom & cie 1 .dent.te des effets , mais encore de la def. cnption donnée par Pline, dans le paffage que )a. c.te dans le texte. H favoit que c'étoit une preparat.on d'une fubftance végétale, quoiqu'il tut mal .nformé & relatiment a la plante ellememe, & fur le procédé par lequel on la préparo.t pour l'ufage • Ce qui ne paroitra pas iurprenant quand nous nous rappellerons 1'ignorance étrange des anciens par rapport a 1'origme & a 1'apprêt de la foie. Quelques auteurs nomment 1'ind.go, h caufe de fa couleur dans ia rorme qu'.l étoit importé., atramentum indicum, encre indienne , & indicum nlzrum, noir ind.en (Salmas, exerc. p. 180); & on en parle, lous ces dern.ers noms, parmi les articles d'itnportat.on de 1'Inde. (Péripl. Mar. Erythr. p. 22.) La couleur de l'.ndigo moderne fans être délayé , reiiemble a celle de 1'indicum ancien, fi fortement coloré qu'il paroit noir. (Delaval, espé?.  de £ Appendix*. 4^5 Recherche fur la caufe & les changemens des couleurs, préf. p. 23). La gomme laqué, employee dans la teinture rouge, étoit auffi connue des anciens & fous le même nom qu'elle ports aujourd'hui. (Salmas, exerc. p. 810.) Cette fubftance précieufe , d'une utilité fi étendue pour ]a peinture , la teinture, le vernis du Japon, pour les vernis & dans la manufacture de cire a cacheter, eft le produit d'un très-petit infeéteCes infecles fe fixent aux exttêmités fucculentes des branches de certains arbres, & font auffitot colés a la place oü ils s'attachent, p3r une liqueur épaiffe tranfparente qui tranffude de leurs corps ; t'accumulation graduelle de cette liqueur forme pour chaque ïnfe£te une celluie complete qui fert de tombeau a la mere &C de berceau a fa poftérité. Cette fubftance glutineufe, dont les branches d'arbres font emiéreinent couvertes, eft la gomme laqué. On a donné d'une maniere concife, exaéte & fatiffaifante , le détail de fa formation , de fa nature & de fon ufage dans les tranfadtions philofophiques, vol. lxxi, part. 2 , p. 374. Ctefias patoit avoir recu une defcription affez claire de 1'infefte qui ptoduit la gomme laqué, & il célebre la beauté de la couleur que fa teinture fournir. (Excerpta ex Indic. ad ealc. Herodot. édit. WefTeling, p. 840. ) Teinturiers indiens étoit Tanden nom de ceux qui teignoient foit en beau bleu , foit en beau rouge ; ce qui indique la contrée d'oü les matieres qu'ils^êmployoient étoient apportées. (Salmas , ib. p. 810.) Leurs étoffes de coton , teintes de différentes couleurs , prouvent que les anciens Indiens doivent avoir fait des progrès confidérables dans la fcience de la ehymie, Pline, lib. xxxy , y v  4Öó Nous c. n, paragraphe 42, donne une relatioi* der eet att tel qu'il étoit connu anciennement. Cift précifément le même que celui que 1'on emploie maintenant pour les toiles peintes. NOTE IX , p. 388. La littérature Sanfcrite eft une acquifitiom toute récente en Europe , le Baghvat-Geeta S qui eft la première trad^ftion dans cette langue, n'ayant été pubüéequ'en 1785 : aptès avoir revu dans le texte avec un plus grand dégré d'attention crit'que les deux ouvrages du Sanfcrir les plus dignes d'être connus, il appartient eflcntiellement au fujet de mes recherches, &E quelques-uns de mes k-fteurs m'en fauront gré, dedonner ici un extrait f'uccinót d'autres compolitions dans cette iangue, qu'on nous a fait connoitre. L'ufage étendu du Sanfcnt eft une circonftance qui mérite une attention particuliere. » La grande fource de la littérature indienne , dit M. Haihed, (le premier Anglois qui ait acquis la connoiffance de cette langue) Ja mere de prefque toutes les Dialeétes depuis le golfe perfique jufqu'aux mers de la Chme, c'eft le Sanfcnt, Iangage de la plus haut^ & de la plus refpeétable antiquité, qui a p.élent,. quoique renfermé dans la b'bliotheque des Bramines , & approprié f ulement aux act.es de' leur religion , paroit avoir été répandu fur la plus grande partie du monde oriental , & \'oapeut découvrir encore les tracés de fon étendue primitive dans prefque tous les diftriös d'Afie. J'ai fouvent été étonné de la fimilitude des mots Sanfcrits avec ceux des langues perfe & arabe, & même ceux du grec 5c du latir»7  de f Appendix. 467 & cela non-feulement dans les termes techniques & métaphoriques, que le changement des aits rafiués & des moeurs cultivées peut avoir accidentellement introduits, mais même dans le langage de l'agriculrure , dzns les monofyllabes, dans les noms des nombres, & les dér.ominations de certains objets qui ont du être diftingués d'abord a 1'aurore de la civilifation. La reflemblance que 1'on peut obferver dans les car. éteres des lettres, fur les médailles & les cachets de difFérens diftri£ts de 1'Afie, la lumiere qu'ils rerléchiffent réciproquement les uns fur les autres , & 1'analogie gérsérale qu'ils ont tous avtc le même grand prototype , oflre un autre champ a la curiofité. Les monnoies d'Affam , de Napaul , de Cachcmire , & de plufieurs autie». .-oyaumes , font toutes frappées avec des caraéieres Sanfcrits , & le plus fouvent renferment des allufkms a l'ancienne mythologie Sanfcrite. J'ai oblervé la même confoimité dans la gravure des fceaux de Botitan &. dn Thibet. On peut auffi tirer une conclufion paraliele de 1'arrangement particulier de ral] habet Sanfctit , très-difFérent de ceux des autrt s, parties du monde. Ce mode extraordinaire de combinaifon exifte encore dans la [Jus grande partie de 1'Orient, de 1'Indus jufqu'au Pegu , dans des di rledtes fans liaifon apparente ck. entiércment difFérens par les letties ; c'eft un purffant argument qu'ils font tous dérivés de la mêms fourcé. Un autre objet de fpéculation fe prefenté dans les noms des perfonnes , des lieux , des titres & des dignités & dans lefquds, jufqu'aux limites les plus r.-culées de 1'Afie, on trouve des traces rnanifUles du Sanktit. ^Préface a la giamTiaire de ia ian- V vj  '4^8 Nous gue du Bengal, p. 3.) Après ce curieux tableau de Ja langue Sanfcnte, je continue de faire lennmération des ouvrages qui ont été traduits de eet Idiotne , outre les deux mentionnés dans le texte.— i°. Nous fommes redevables a M. Wilkins de YHeetopade, ou inftruótion amicale , en une fuite de fables , entremêlées de maximes morales, civiles & politiques. Cet ouvrage eft dans une fi haute eftime dans tout 1'Orient, qu'il a été traduit dans toutes les langues que 1'on y parle. II n'échappa pa| aux foins de 1'Empereur Akber, attentf a tout ce qui pouvoit contribuer k étendre la fcience utile. II ordonna k fon vifir AbulFazel de mettre cet ouvrage dans un ftyle 3 la portee de tout le monde ; ce qu'il fit, & il lui donna le titre d'Epreuve de la fageffè: Enfin ces fables fe répandirent en Europe & y ont circuté avec des additions & des changemens fous les noms de Pilpay &. d'Efope; Plufieurs apologues du Sanfcrit font ingénieux & beaux, & ont été copiés ou imités par les fabuliff.es des autres nations. Mais dans quelques-uns les caraéteres des animaux fur la fcene font très-mal foutenus. La defcription d'un tigre extrêmement dévot & pratiquant la charité & les autres devoirs religieux , p. r6, & une vieille fouris qui a beaucoup lu dans le Neete Satras, ou fyftême de morale & de politique, p. 24, un chat qui lit les livres religieux, p. 35 , découvrent un grand défaut de goüt & de convenance. Plufieurs des fentences morafes, fi on les confidere comme maximes détachées, font fondées fur une connoiffance patfaite de la vie & des mceurs & offrent rinftru&ion avec une élégante fimplicité.  'de tAppendix". 469 Mais les efforts de 1'auteur pour faire de fora ouvrage une fuite de fables liées, & fa maniere de les entremêler d'un nombre égal de réflections morales en profe & en vers, rend la compofition totale fi recherchée que la leo ture en devient fouvent défagréable. Akber y fut fi fenfible que parmi d'autres inftructions , il avertit fon vifir d'abréger les longues digreffions de cet ouvrage. Je fuis loin de vouloir ici déprimer le moins du monde le mérite de M. Wilkins. Son pays lui eft trés - redevable de ce qu'il a ouvert une fource nouvelle de fcience & de goüt. La célébrité de 1'Heetopades & fon propre mérite , malgré les défauts dont j'ai parlé, juftifie le choix qu'il en a fait comme d'un ouvrage digne d'être connu en Europe dans fa forme originale. En lilant cette traduóYion & les autres du même auteur , perfonne ne lui refufera 1'éloge auquel i! borne iriodeftement fes prétentions , » d'avoir deffiné « un portrait que nous fuppofons être très-ref» femblant quoique nous ne connoiffions pas n 1'original ". ( Préf. p. Xiv). — 2S. Dans le premier N°. des nouveaux mélanges afiatiques , nous avons une traduction d'un ouvrage fameux dans 1'Orient, connu fous le titre des cinq pierres précieufes. II eft compofé de Stances faites par cinq poëtes qui fuivoient la cour d'Abiflure , roi de Bengal. Plufieurs dc ces Stances font fimples & élégantes. — 30. Une ode traduite de Wulli oü n'abonde que trop cette extravagance d'imagination , ces penfées recherchées & affi&ées qui dégoütent fi fouvent les Européens des compofitions poétiques de 1'Orient. L'éditeur ne nous a pas appris a quelle perfonne, verfée dans la connoiffance du Sanf-  47° Nous crit , nous devons ces deux tradu&ions. — 4C. Quelquss baux de terre originaux , de dates trés-anciennes , traduits par M. Wtifcins. Ii doit paroitre fingulier qu'une charte de cl-ffion légale de propriété foit rangée parmi les compofnions littéraire» d'une nation. Mais les mceurs dei Indiens different fi fort de celles de 1'Europe , que comme nos avocats multiplient les mots & les daufes afin de complerer un ac~b Sc de prévenir tout cr qui pourroit 1'annuiler, les Pundits paroiflent expédier avec briéveté !a p.rrrie légale d'un acte , mais dans un long préambule & a la contlufion , ils font un étalage extraordinaire de leur favnir, de Uur éioquence & des rtffources de la compofi'ion foit en vers,. 1 foit en profe. Le préambule d'un de ces contrats eft un éloge du Monarque qui accorde la terre , écrit avec toute 1'exagération oriëntale ; » quand fon armée innombrable marchoit, les» cieux étoient fi remplis de la pouffiere de i> leurs pieds, que les oifeaux de Pair pouvoient » s'y fixer. Ses éléphans s'avancoient comme w d^s montagnes , & a terre , opprt-ffée de leur » péfanteur, fe brifoit en poudre ". L'auteur teimine ce préambule , en vouant a la vengeauce ceux qui fe hafarderoi nt a rompre ce eontrat : » Les richeffes & la vie de l'homme » font auffi pafTageres que les gouttes d'eau fur Ji la feuille du Lotus alifier. Apprends cette » vérité, 6 homme ! de ne point entreprendre »> de priver autrui >Je fa propriété ". ( Recherches afiaftiques , vol. i. p. 123, &c.j L'autre a£r.e de ceffion, qui paioii encore plus an^en,. n'eft pas moins remaiquable. Ils étoient gravés 1'un & l'autre fur des planches de cuivre. (ïbid.. p. 367, &c.) — 5°. La uaduéïion d'une partie  de ÜAppendix''. 47! cfu Shafter, publiée par le colonel Dow en 1768, devroit peut-être avoir été citée la première. Mais comme il ne 1'a pas faite du Sanfcrit, mais recue de la bouche d'un Biamine qui expliquoir le Shafter en perfan , ou dans la langue vulgaire du Bengal , il fera plus convenabie d'en faire mention , lorfque nous en viendrons a rechercher 1'état des lciences chez les Indiens, qu'ici oü nous effayons de donner quelqu'idée de leur goüt dans la compofition. NOTE X, p. 399. Comme plufieurs de mes lefteurs peuvent ne' pas connohre 'a longueur extravagante des quatre Eres ou périodes de la chronologie indienne , il convient den donner un extrait tiré de M. Ha hed , préface du code des loix des gentoux p. XXXVI. 1. Le Sutty Jogue ( oü Page de pureté ) a dit-on , duré trois millions deux cents mille ans ; ils foutiennent que la vie de l'homme , dans cet age, s'étendoit?. cent mille ans, &L que fa taille étoit de vingt & une coudées. 2. Le Tirtah-Jogue (dans lequel un tiers da genre humain étoit corrompu), ils fuppofent que cet age a été de deux millions quatre cents mille ans & que les hammes vivoient alors dix mille ans. 3. Le Dwapaar Jogue (oü la moitié de la race humaine fe dépiavoit) dura un million fix cents mille ans, & la vie de l'homme étoit alors réduite a mille ans. 4. Le Colly Jogue (dans lequel tout le genre humain eft corrompu , ou plutót diminué, car  47* Notes telle eft la vraie fignification de colly), c'eft 1'époque a&uelle qu'ils fuppofent devoir fubfif- ter quatre cents mille ans, dont prefque cinq mille font déja écoulés ; la vie de l'homme dans cette période eft limitée a une centaine d'années. Si nous fuppofons que le calcul du temps dans la chronologie indienne foit fait par années folaires, ou même lunaires , rien ne peut étre plus extravagant en foi, ou plus répugnant a notre maniere de calculer la durée du monde, fondée fur une autorité facrée & infaillible. Des favans fe font efforcés, & M. Bailly particuliérement dans une differtation très-ingénieufe, de mettre d'accord la chronologie indienne avec celle de Tanden teftament; mais comme je ne pourrois développer les principes fur lefquels il fonde fes cohclufions , fans entrer dans des difcuffions longues, épineufes & étrangeres au. fujet de cette differtation, & comme je ne puis approuver quelques-unes de fes opinions, je me contenterai de renvoyer a fon Aftronomie indienne fdifc. prélim. p. lxxvii) , & de laiffer mes lefteurs juger par eux mêmes. J'obferva avec plaifir que 1'on publiera dans le fecond volume des tranfaétions de la fociété du Bengal un mémoire fur la chronologie des Indiens, 8c j'efpere que quelque membre favant de ce corps fera, par fon favoir dans les langues 8c 1'hiftoire du pays , en état de répandre la lumiere fur un fujet que fa liaifon avec la religion &c les fciences rend extrêmement intéreffant. Cependant nous pouvons conclure d'une circpnftance digne d*attention , que ce que nous fayons jufqu'a préfent de la chronologie des in? %  'de ÜAppendix. 47J diens eft tres-incorrect. Nous n'avons, autant que j'en puisjuger, que cinq calculs originaux des différens jogues ou Eres des Indiens. Le premier eft de M. Roger qui le recut des Bramines fur la cote de Coromandel. D'après ce ealcul le Sutty-Jogne eft une période d'un million fept cents vingt-huit mille années , leTir. tah-Jogue , eft d'un rnillion deux cents quatrevingt feize mille ans ; Ie Dwapaar-Jogue eft de* huit cents foixante quatre mille ans. II ne fpécifie pas la durée du colly-jogue. ( Porte ouverte, p. 179.) Le fuivant eft de M. Bernier» qui le recut des Bramines de Benarès. Selon lui la durée du Sutty-jogue fut de deux millions cinq cents mille ans, celle du Tirtah-jogue d'un rnillion deux cents mille, & celle de Dwapaar-jogue de huit cents foixante-quatre mille ans. Quant a la période dü Colly-jogue il garde aufli le filence. (Voyages, tom. 11, p. 160.) Le troifieme ealcul eft du colonel Dow; felon lequel le Sutty-jogue eft une période de quatorze millions d'années , le Tirtah-jogue d'un rnillion quatre - vingt mille ans ; le Dwapaarjogue foixante-douze mille ans, & le Collyjogue de trente-fix mille ans. (Hiftoire de 1'Irrdoftan , vol. 1, p. 2. ) Le quatrieme ealcul eft celui de M. le Gentil, qui le regut des Bramines de la cöte de Coromandel, & comme il a acquis fes connoiffances dans la même partie de 1'Inde , 8c a la même fource d'oü M. Roger a tiré les fiennes, leurs calculs s'accordent en bien des points. (Mém. de 1'Académ. des fciences pour 1772, tom. 11, part. 1, p. 176.) Le cinquieme eft le ealcul de M. Halhed que j'ai déja donné.  47 4 Notes De cette contrariété non-feulement dans tous les nombres, mais même dans plufieuts détails des différens calculs , il réfulte que ce que nous connoiffons de la chronologie indienne, eft jufqu'a préfent auflï incertain que tout le fyftême en eft abfurde & fabuleux. Quant a moi, il me paroit trés - probable , que ft nous entendions mieux les principes, fur lefquels les Eres faétices, ou les jogues des Indiens ont été formées, nous ferions plus en état de reconcilier leur chronologie avec le vrai mode de calculer le temps, fondé fur 1'automé de Tanden teftament ; & nous aurions aufii lieu de conclure que Texpofé, donné par les aftronomes, de la fituation des corps céleftes au commencement du Colly jogue , n'eft pas établi fur une obfervation préfente , mais qu'il eft le réfultat d'un ealcul antérieur. Quiconque voudra approfondir davantage la chronologie des Indiens, tirera un grand fecours d'un mémoire de M. Marfden fur cette matiere, oü il a expliqué Ia nature de leur année & les différentes eres employées parmi eux ., avec beaucoup d'efprit & de préciiion. ( Philof. tranfad. vol. LXXX , part. n, p. sóo.). NOTE XI, p. 410. Dans les édifices publics de Tlnde nous trouvons des preuves & des monument-du progrès des Bramines dans les fciences, particuliérement de leur application a l'aftronomie. Leur religion enjoint que les quatie cötés d'une pagode regardent les quatre points cardinaux. Pour Ie faire avec exa&tude ils emploient une métho-  de 1'Appendix'. 47? «Je, décrite par M. le Gen.til, & quï annonce un degré eonfidérable de fcience. II examina foigneufement la pofition d'une de leurs pagodes, & il la trouva parfaitement exacle. (Voy. tom. i, p. i?3-) Comme plufieurs de leurs pagodes lont fort anciennes,. ils doivent avoit atreint de bonn'e haure la portion de connoilfance néceffaire pour les difpofer convenablejnent. Les douze fignes du zodiaque font fouvënt deffinés fur les plafonds des choultries & des autres édifices anciens, & il eft rrès-prob.ble , par la reflemblance de ces deffins avec ceux que 1'on emploie généralement aujourd'hui que la connoiffance de ces fymboles arbitraixes venoit de TOrient. Le colonel Call a publié un deffin des fignes du zodiaque , trouvé fur le plafond d'une choultrie a Verdapettih» dans la contrée de Madura. ( Phil. tranfaét. vol. lxii; p. 353.) J'ai en ma poffeffion un deffin différent du fien en quelques-unes des figures , mais je ne puis dire en quel lieu particulier on 1'a trouvé. M. Robert Barker décrit un obfervatoire a Benarès qu'il vifita en 1772 II y trouva des inftrumens aftronomiques de dimenfions très-grandes & conftruits avec beaucoup d'induftrie & d'habileté. II en a publié tous les deffins. ( Phil. traniaft. vol. lxvu , p. 598. ) Selon la tradition cet obfervatoire fut bati par 1'Empereur Akber. L'examen de M.^ Robert fut fait a la hate. Cet obfervatoire mérite une infp=ctron plusattentive pour déterminer s'il fut conftruit par Akber, ou élevé dans quelque période plus éloignée. M. Robert infinue que les Bramines feuls, qui entendoient le Sanfcrit, & qui pouvoient confulter les tables aftronomiques  47c» Notes de t'Appendix. écrites dans cette langue, étoient capables de calculer les éclipfes. Le P. Tieffenthaler décrit très-légérement deux obfervatoire^ munis d'inftrumens d'une grandeur extraordinaire , a Jepour & a Ougein, dans la contrée de Malva. (Bernouilli , tom. i, p. 316, 347}» mais ce font des édifices modernes.  ( 477 ) TABLE DES MAT1ERES Contenues clans ce volume. A. y4 br ah am Ro g er, ia Porte ouverte, de quelle date, pag. 448. Abulfa^el, compofe un abrégé de la philofophie des Indiens, 390. Acefine, fleuve , le même que le Jenaub adtuel, 266. Afrique, (voyage fait autour de 1') 289. —— provinces dont les noms commeucent a être connus, 289. ■ preuve du voyage que firent les Phéni¬ ciens autour de cette partie du globe, 326. Agathemere, concernant Ptolomée 1'aftronome, 286. Agra Si Lahor : avenue d'arbres , fur la route, entre ces deux villes, 459. Akber, empereur •, fageffe & modération de fon gouvernement; comment il établit les impöts, 458. ' \ . .1 oppofitions de fon regne a celui des cruels princes mahométans dans 1'lnde , 460. Albuquerque, grand général portugais , ne remplit les vues de fa nation qu'a demi , 199. Alexandre, première époque de fon expédition dans 1'Inde , 16 & fuiv. riifficultés d'apprécier fon mérite, 16, 17. p——— fon projet de monarchie & de paix uni- verfelle , 17 & 24.  478 Table alexandre veut aller jufqu'au Gange ; fon armée s'y refufe , 22. «——- éleve douze autels coloffales dans linde ,23. - dcftination de fa flotte dans 1'Inde , 24. ■ fa marche & celle de fa flotte dans Tinde , 25. ——— revient en Perfe , 27. -■ ■ fa mort prématurée empêcha de mieux connoitre 1'Inde, 31. - ne pénétra pas au-dela de la province de Lahor , 30. —1 appercu fur les mefures qu'il avoit prifes pour exécuter fes projers, 31 fit 40. ——— divifion, rivalité entre fes fucceffeurs; fon empire n'en eft pas encore ébranlé, 40 & foiv. ——— folidité de fon empire, 41, ■ fes projets fur plufieurs villes qu'il vouloit batir pour lier tous les fujets de fon empire , 265 , n. 7. 1 villes qu'il batit dans Tlnde , ibid. n. 8. ■ combien il batit de villes , & pourquoi, 267, n. 10 Alexandrie fondée ; fon commerce, fon opulence rapide, 17 & fuiv. • fon port fermé par les Mahométans aux Chrétiens, 137. Altxandrie-Paropamifane, 20, Allahabad , 44. ■ lieu de dévotion, 271, Amalphi, première époque de fon commerce , 141. Ame, idéé des philofophes indiens fur Tame , ou 1'efprit & Ia matiere , 388. Anciens, connoiffoient-ils des pays fitués au-dela de Mufiris & de Barace, S4, 100. Andrè Dudalo, fa chronique peu inftrudHve fur le commerce des Vénitiens. Angleierre défolée par les guerres civiles ; n'a pas eu de commerce, 176. Anville, (d') relativement aux flottes de Salomon, 12 £r fik:  des Matiere s. 479 Anville, (d') les rapprochemens de noms font quelquefois erronés , 292 Anüochus, fon excurfion dans 1'Inde , 2S , 273 , n. 14, Arabes , leur ancien commerce avec 1'Orient, épices , &c. 73. Arabes mahométans , foumettent la Perfe ; leurs efforts pour profiter du commerce de 1'Inde , 130 & fuiv. 1 pouffent leurs progrès jufqu'a la Chine , & dans plufieurs ifles de 1'Inde, 133 & fuiv. — font mieux connoitre les parties déja connues par les Grecs & les Romains, 134. Arabie , fa pauvreté , 455. Arifiobulc écrivit les opérations militaires d'Alexandre, 27. Arithméüque , les fignes numéraires en font dus aux Indiens; leurs grands progrès dans cette fcience , 396. Armées confidérables des fouverains de 1'Inde, du, temps d'Alexandre, iS. Aromates, épices de 1'Inde, 71 & fuiv. Arrien, fon expédition d'Alexandre , ouvrage pré- cieux , fa bafe , 27. ■ fon exactitude dans fes détails fur 1'hiftoire de 1'Inde , 260 & fuiv. Arfinoc ou Suez, 273. Afie, fes parties orientales mieux connues a préfent, 310 & fuiv. AJfacans, ou habitans du Candahor , payerent un tribut aux Affyviens, Medes & Perfes , 261. Aflronomie des Indiens; fa grande perfeflion dans les temps reculés ; tables d'ufage afluel, procédés , 397 & fuiv. 1 parfaite des anciens Indiens, prouve fur- tout leur ancienne civilifation , 407. •——— profondes connoiffances des anciens Bramines a cet égard, 407 & fuiv. Aurélien , foie très-chere de fon temps, 77. Avenue d'arbres entre Lahor & Agra , le long de la route; refpeft des Indiens a cet égard , 459.  480 Table s. Ba b e lm a n b e l , Sofala, 12. Voyez Salonten, Baüre, Alexandre en part, 19. ——— ce royaume anéanti par les Tartares , 49 & fuiv, BaBriane, incertitude fur les événemens de ce royaume, 47. . comment les Grecs en furent dépouillés, 49 & 17? . »■ 15Ballagaut , fes inontagnes, 286. Banque, branche de commerce dü, aux Florentins, 164. Barace ou Barcelore , 69. Baryga^a, marché eonfidérable, 80. Berenice, pourquoi eft devenu 1'entrepót du commerce de Tlnde en Egypte, 274, voyez $2. . exaétitude de Pline fur fa pofition , 275 o fuiv. ■ (voyage de) a Ocelis , 4SS & 281. Benarès, college antique des Bramines, 1'Athenes de 1'Inde, &c. 407. Boujjole , étoit-elle connue dans 1'Orient avant que les Portugais y allaffent? non , 132 & fuiv. . 1 1 portee en Afie par les Européens, 301. Bragu , a Tembouchure de 1'Ava , 1-91. Brama, agent immédiat de Ia création, &c. 449. 1'origine des diverfes caftes des Indiens lui eft due , ibii. Bramines, portent un cordon facré, 365. - ne cachent pas leur littérature , 374. 1 • 1 " aéhiels , comment ils font guidés dans leurs calculs aftronomiques, 402. 1 clevés au-defius de toutes les clafles des Indiens, 410. - tenoient dans chaque pagode des femmes qu'ils formoient pour les plailïrs charnels, 443. L'auteur c/l abufc ici, Bramines  d es Mat i e r e s. 48 r 'Bramines attentifs a conduire Ie peuple par la fuperftition , & a le laiffer dans 1'ignorance ; idéé de leur théologie , de leurs cultes , &c. &c. 411 & 443. ■—"■ opprimés par les Mahométans , ne s'inftruifent que dans les écrits de leurs ancêtres, 432. Brugss, dépot des Vénitiens, fon opulence, 170 & fuiv. • preuve de fon extréme richefle , 313. Barrun Sunker, cafte étrangere chez les Indiens, 449. By-ranee, ineptie de fes hiftoriens , 143, C. Caffa, fa fituation, fon grand commerce, 307. Caldée , ( 1'ancienne ) moins inftruite dans i'aitronomie que 1'Inde, 401 £■ fuiv. Calicut, Vafco de Gama en repart pour le Portugal avec fuccès , 193. Calibré. ou marée précipitée a la bouche des fleuves de 1'Inde , 263. Caliougham des Indiens , 403. Canal de Ptolémée , fils de Lagus, ji. Candahar, 20. ——— ou pays des anciens Affacans , 261. Cap de Bonne Efpérahce ; Vafco de Gama ouvre cette route pour aller dans 1'Inde, 190 & fuiv. Caravanes, tant pour la religion que pour le commerce , 209 & 212. ■ cel'e du Caire & celle de Damas, détails. 3"9 & J24. Carnatique; c'eft de-la que nous avons connu la fcience aftronomique des Indiens , 407. Ca.tes géographiques; d'un ufage très-ancien, ito. Cafpienne, (mer) ignorance des anciens fur cette mer, 57. 1 ' (mer) J7; remarques fur fa pofition, fa forme, &c, a78, „, l8f X  4gz Table Cafte érrangere chez les Indiens, 449. tajtcs anciennes des Indiens , au nombre de fept; 448- ,, ■ • _ des Indiens , leurs denominations , 449. . preuves de leurs diftindions chez les In¬ diens, ibil. _ inférieure ; ceux de ces caftes ne peuvent s'éWer a une fupérieure, exception, 4-51. 'Cathoïuos, ou primat Neftorien , ordonnoit les prêtres des chrétiens de 1'Inde., 137- Catiigara , 190. , Céfar fes troupes effrayees de la maree, 261. Chameau, animal effentiel en Onent, 4. animal deftiné par la nature pour 1 Afie, Chaldalus, homme dégradé , 45°. Voyez Pariar. Cheen , ancien Pégu , 291. Cherfonefe d'or, felon d'Anville .9»; , ■Chine, les Arabes s'y portent; les Mahométans sy fixent en grand nombre, 133. _ ienorée des anciens , 100, Chinois, peu verfés dans Vart de la navigation : ont èu ia touffole des Européens, 301 & fmr. Chrétiens de 1'Inde, fous Juftinien, 123. leurhaine pour les Mahométans : obftacle aux liaifons de commerce , 144. « menacés d'être exterraines par le Soudan d'Egypte, 202^ ^ , ^ ch.ne _ ma.s ^ profé_ ïyrifme eft a préfent prefque nul, 303. Chronologie des Indiens; leurs eres, leurs noms-, remarques de 1'auteur , 471 & P**\ . m(M ■Civilifation , fes effets relativement a la fuperftition , 416 & f'iv. Cipayes, de la claffe de krammes , 45 1. Cóme de Médicis , fa richeffe , fon mfluence fur les fciences & les arts, 163. A,,x,nrA Commerc* entre les anciens peuples , établi d abord • par terre; vojages B «e fujet i enfiute par,  DES MAJIE-RES. 483 ■Commerce de 1'Inde par la voie de 1'Egypte, 49 & fuiv. - ■ de 1'Inde ; opérations de Ptolémée pour Tétablir en Egypte , 51 & fuiv. "i ■■ de Venife ; expofé géuéral a ce fn'iet -177 & 18S. - des Vénitiens , preuves de fon extréme étendue , 314. - avec 1'Inde fait par Ia même voie , par les anciens & les modernes , Sc toujours avec du numéraire, i6i. fait en argent avec riflde ; Venife n'en reffentoit point de perte, pourquoi ? 178 & fuiv. de 1'Orient; pourquoi fe fait-il encore en partie par terre, 206 ■— Platon & Ariftote Ie défendoient dans une république i>ien policée, 281. "■ interrompu entre les chrétiens & les ma¬ hométans, a quelle époque? 306. Voyez 143, •——— de 1'lnde , n'a pas repris après les premières conquêtes des Califes , 306. Communication générale des peuples de 1'Europe , fes caufes , 170. Conftantinople prife par les Vénitiens & les chefs de la quatrieme croifade ; conféquences , 154. ——— devenue marche eonfidérable des productions de 1'Inde & de la Chine, 139. Copte ruinée par Dioclétien , 274. Co/maj-Indico-pleuftès fous Juftinien : remarques fur ce marchand égyptien qui fe fit moine, 120 & fuiv. Cojjeir en Egypte ,275. Coton , tiré anciennement de 1'Inde, 80. • fes manufactures non en ufage chez les Romains , 285. Voyez 80 Couleurs excellentes des Indiens , pour la teinture, 372, Coïis en Egypte, ou Foftal, enfuite le vieux Cair : entrepot des marchandifes qui arrivoient de la mer Rouge, 275 & f„iVt Xjj  484 Table Croifades, frénéfie qui nuit aux liaifons de commerce, 146. ____ frénéfie qui agrandit la fphere des idéés de 1'Europe, fit renaiire les arts , > 50 & fuiv. . augmentent les richeffes de 1'Italie, 153. Croifées , (armées) foutenues par 1'ltalie, ibid. Culte religieux , infiniment varié chez les Indiens, 411. D. j~) 4 r r vs T défait par Alexandre; affafliné par Beffus, 18. . fils d'Hyftafpe , fes grandes vues, envoie Scylax dans 1'lnde, 14 & 15. Dieu unique ; (idéé d'un) conception fort audeffus des facultés de l'homme dans les premiers degrés de fes progrès , 4M. 1 belles defcriptions qu'en ont fait les phi- lofophes indiens, 432. . eft le Dieu de tous les humains, 461. Dioclétien , ruine Cop'.os , 274. Diodore de Sicile, fur les caftes des anciens Indiens, 448. Divinités nombreufes des Indiens : but des bramines dans leur théologie, le même que celui de tous les prêtres, 411 & 443. —— imaginaires, fuppofées prefque par-tout les mêmes , ont eu a-peu-près le même culte , 420 & fuiv, E. £ clipsxs, leurs circonftances peu analyfées par les anciens Grecs & Caldéens , 401. "Egypte, fa fertilité, douceur de fon climat, 7. . foumife a Alexandre , 17. opérations de fes rois pour y établir & maintenir le commerce de 1'Inde, 52-55. Jtgypticns, incertitudes fur leurs entreprifes maritimes, 7. _ pourquoi il nè fe lioient pas avec les étrangers rfur-tout par mer , 7, 8,  des Matiere s. 485 11. fous les Mameluks , ne fréquentoient aucun port chrétien ; mais recevoient tout des Vénitiens, 179. » ont-ils navige Jufqu'a 1'extrêmité du con¬ tinent indien, & ont-ils été a Palibothra par le Gange ? 276 , fuiv. Emmanuel, roi de Portugal : fon grand mérite, &c. 196. Empire grec, conquis par Mahomet II, &c. 174. Encens , fupériorité de celui de 1'Orienc, 73. Erathofthene, fon opinion fur 1'Océan atlantique , 289. Efpagne, fes guerres continuelles avec les Maures, 177. Europe , comment elle eut les marchandifes de 1'Orient, du temps des Mahométans, en Egypte & en Arabie , 140. ExaBions multipliées dans 1'Inde; depuis quand? 459- " F. Fa ki r s ; ils commercent fous le voile de Ia religion , 14S. ' leur maniere de. faire le commerce, 306. a~ indiens, leur vie auftere, &c. 452. ' ■ ou moines mahométans , ibid. Femmes confacrées dans 1'Inde par la religion aux plaifirs charnels , comme en Syrië, en Sicile, 423. ■ féparées des hommes dans 1'Inde , 45 3. Florence , fes efforts vers Ie'commerce. On y in- vente la banque; avantages, &c. 164. 1 — étend fon commerce en Angleterre, 166. - 1 pieces relatives a Ia députation que fit cette ville au foudan d'Egypte , 309, Francais vifitent les ports d'Egypte & de Syrië, 145. France {la) privée de commerce , après avoir fe- coué Ie joug des Anglois, 176. Flottes dont le nombre de vaiffeaux paroit d'abord incroyable , 260 ,11. 5. x iij  486 Table g. f2 KXa trGE, Alexandre vent en vain s'y rendre , 21; 1 fteuve immenfe, recoit dans fon lit onze rivieres auffi tortes que ie Rhin, & d'autres , 269, a. 11. Gênes & Venife, différence de 1'efprit de leur gouvernement, 160. Génois, devenus puiffans , & maitres de Pera , 160, fuiv. 1 chaffés de Pera , de Caffa; leur commerce anéanti , 174, fuiv. ■ remarques fur leur infolence & leur rapa- cité a Conftantinople, 307. Géographie des Grecs analyfée par Goffelin, 290. Geometrie. Les anciens indiens ont du y exceller pour conftruire leurs tables aftronomiques , 406. Germains de Strasbon , leur anaiogie avec les Fa» kirs de 1'Inde, 452, Goffelin,. Sa géographie des Grecs analyfée, 190» Gravwes fur les pierres les plus dures, connus St pratiquée chez les Indiens, 373. Grecs, perdent leur pouvoir dans 1'indë, 49. —— établis en Perfe après les conquêtes d'Alexandre , 267 , n. 10. ■■ & Indiens, comp3rës quant aux idéés re¬ ligieufes & a leur myrhologie, 417, fuiv. ——— Grecs. Les fciences diffipent leurs fuperttitions , 427' H. NtioN. Son voyage le long des cêtes de ]°Afrique ; 325, Voye\ Bougainville , académ. infc. HeHo-pades, ouvrage très-ancien de 1'Inde , 451, Heliogabale, fait porter de la foie aux hommes , 77. Hérodote. Ses ouvrages, première époque de 1'hiftoire profane , %.  DES MATIERES. 487 Eippalc, va du golfe arabique a la cöte de Malabar, 67. . fon nom devient celui d'un vent, iM. Hiftoire, fon champ très-borné , t. —— prérente des faits auxquels les anciens mêmes n'ont pas fait l'artention convenable , 263. Hipparqae. Strabon s'eft peu fervi de fes obfervations aftronomiques , 286 , v. 90. Uydafphe ou Betahou Chéïum. Porus y arrete Alexandre , 20 , 21. Hydraotes ou Ravei, riviere, 44. Hyphafis ou Beyah, termes des cours d'Alexandre dans 1'Inde, 23. Ir Isadii infnla, de Ptolémée , 291. leJfwM-Sing , fa belle lettre a Aurengzeb fur la tolérance religieufe , 461. Ignorance, créduUié •, elles ont peuplé 1'univers-de divinités , 418. Ifles de 1'Orient, ce que les anciens en ont connu-, 105 - 109. Jmpóts dans 1'Inde, leur quotité , 458. Inde, fes relations jufqu'a la conquête de 1'Egypte par les Romains ,1. . fon ancien commerce avec la Phénicie & 1'Egypte, 11. premier établiflement étranger dans ceste partie , 14. m Darius en tire de grands revenus , 15 , 16» —— les trois grands ufurpateurs s'y rendent par la même route , 20. 1 comment Alexandre parvint a le connoi- tre, 22. Alexandre en prépare la connoiffance aux peuples de 1'Europe , 27. ■ partagé en plufieurs grandes monarchie» dès le temps d'Alexandre , 28. ■ rien n'y a changé depuis deux mille ans, ' s . X 17  4&S Table Inde, fa partïela mieux connue des anciens eu- ropéens eft a préfent Ia plus ignorée , 31. ce que les Romains defiroient en avoir par le commerce , 70. —■ principaux articles de fon commerce pour les Romains, 71. ' tableau des routes de fon commerce avec 1'Egypte, 52 & 273, n 16. etat de fes marchandifes dans 1'antiquité . 7> - 84. 1 > r quelle connoiffance les anciens en avoient par les voyages de terre, 100-105. ~ ( péninfule de 1') bien connue de Cofmas 122. ' —fon commerce depuis que les Mahométans loumettent 1'Egypte, jufqu'è la découverte du pafi"age du cap par les Portugais, 128, fuiv. ' Colomb fe propofe une voie plus courte pour y aller; mais il découvre Ie nouveau monde, 18S, fuiv, _ jufqu'oü Séleucusy pénétra-t-il, 268, «. ir, T fes productions , épices , aromates , par¬ fums, dismans, perles, &c détails de Pline in- diqués , 283. ~~ circulation de fes marchandifes, 212. Voyez caravanes , 319, fuiv. ' ' appendix ou addition fur le génie, les mceurs, les inftitutions des peuples de cette contrée, 328, fuiv. ——— ancienneté de fon commerce , 329. —— tout y eft permanent depuis les ages les plus éloignés, 337 , fuiv. . preuves de fa très^ancienne civililarion tirées de leur chronologie quoiqu'abfurde , 337» ——— forme des procédures judiciaires : autre preuve de 1'ancienne civilifation de cette contrée, 350. terme de Ia perfec*Hon de fes arts ; autre preuve de fon ancienne civilifation, 359, & fuiv.  DES MAT I E R E S. 4o*c> 'tnée, établiffemens qu'y torment les Portugais» leurs conquêtes, Sec. 196 - 198. Indicum , ou atramentum indkum indigo des moderne?, remarques de 1'aureur, 372, 464. indiens , ont les mêmes befoins, ne commercent qu'en recevant de 1'or ou de 1'argenc, 82. —■■ — leur attachement extréme aux rites de leurs ancêtres , 425. . leur progrès dans les fciences,- autre preuve de leur ancienne civilifation , 386, fuiv. —— Sc Grecs , comparés quant a ieur mythologie, 417. Indoftan, Alexandre s'y retod, 20. < 11' plufieurs naturels de cette contrée refufent de s'embarquer fur mer , 267. ■1 11 exaéHtude de 1'auteur du périple de Ia mer Erythrée, fur cette partie de 1'Orien», 292. ■ toujours riche en numéraire -, pourquoi ? 455- lndus, Alexandre le traverfe , 20. Influence des mahométans & des européens fur les mceurs 6c les habillemens des Indiens, 453. lnfeHes qui produifent la gomme laqué de 1'Inde , 465. Jntérêc exorbirant de 1'argent en France , fous Charles VIII-, 8c très-bas pour les Vénitiens, 313» halie , époque oü le commerce y renait, 14U • " (villes d') qui établiffent leur commerce dans les places piifes par les croifés-, priviler ges , &c, 15 3. lüniraires des anciens-, comment on les exécuta., 287 , voy. 93. Ivoire , art des Indiens a le travailler, 373, J. JZANNt de Navarre , étonnée du luxe des ferff* mes de Bruges , & de lajicheffe dë cette ville, 313 Jujfs, leur commerce fous David Sc Salomon, ïf, X v  49° Table Juifs , ne commercoient pas diredtement avec 1'Inde, 13. Jjunna, riviere, 43. £. J_j ahore (chemin de) a Palibothra , 4;-; Laqué (gomme) de 1'Inde; fon origine, 465". Latitude & longitude des lieux; obfervations fur les cartes.de Ptolémée , & fes procédés, mi, fuiv. •m,. longitudes fixees par les anciens; remarques fur leurs procédés , 294, fuiv. ligue de Cambray, fait la ruine du commerce de Venife, 204. Livres facrés , leur leiture défendue févérement dans 1'Inde ; peine de mort fi un homme du peuple en retient quelque paffage, 416. Logique, progrès des Indiens a cet égard , 391.. Luxe, objet du commerce de 1'Europe & de 1'Ie* de , 7a. M. Ma c jvv M pTomontorium , remarques, 290. Magnus finus ,291. Mahabarat, poëme indien très-ancien , 376. —— ouvrage très-ancien de 1'Inde , 450. Mahmoud Gah-ina, maitre de laBactriane, y exerce les plus grandes cruautés , 460. * Mahomet; enthoufiafme & ambition de fës premiers fecïateurs, 128. Mahométans, difficultés qu'ils apportent au commerce de 1'Inde , 137 - 141. — & Maures, leur grand nombre dans 1'In¬ doftan, 304. 1 cruautés de leurs chefs ou princes, dans 1'lnde ,. furpaffées quelquefois par Tametlan, 460. Mahram ( Etat ) , fondé par Segavi, 451.  des Mat Ier es. 4$m Malabar; Hippale pafte fur cette cöte en partanc du golphe arabique, 67. — . - grand empire noté fur cette cöte par les Arabes , 13;. Malacca, 98. ■ au pouvoir des Portugais, 197. 1 port 011 fe rendoient toutes les marcliandifes de Ia Chine, du Japon & de 1'Inde , &c, 198. Mal/ion Moultan , 26. Mameluks , leur domination ruinée en Egypte, que Selim foumit , 203. Maracande ou Samarcande , Alexandre s'y rend , 18 & fuiv. Mare-Paul de Venife écrivit fon hiftoire de mémoire , après fon retour ; mais avec véracité, 171, 3.12. Marchandifes de 1'Orient, tranfportées a Conftantinople, par terre, 139. Marée, fujet de terreur pour les Romains, &c, 262 & fuiv. i' phénomene inconnu d'Alexandre & de fort armée , 262. Marino-Sanuto ; fes détails fur le commeree de 1'Inde , 167. Martaban , golfe , 291. Médicis; incertitude fur la nature de leur commerce, & la caufe de leur extréme richefle, 308,». 44. Méditerranée, d'abord fréquentée pour le commerce, 6. . Mégafthene, envoyé par Séleucus fur les bords du Gange , 43. 1 1 ■ pays de 1'Inde, dont il donne la connoiffance , ibid. - fa relation de 1'Inde fert de bafe aux écrivains poftérieurs , 44. Mer Rouge; extenfion que les anciens donnoient a ce mot, 264. * ' & Méditerranée , fréquentéês rl'abord pour le commtrce , 6 6- fuiv. X yj  492. Table Métaphyftque , progrès fles Indiens a cet égard , 3S0 & fuiv. Monarques fyriens •, époque incertaine de la chüte de leur puiffance dans 1'Inde , 47. — de 1'lnde, feuls propriétaires du fol dans I'antiquité ; obfervations fur 1'état aftuel des propriétés, 455. Morts, brülés avec une grande quantité d'aroma- tes, 72. Moyfe , fes livres, 1. Mufiris , fur la cöte de Malabar, 67. . ou Meer\a , ou Merjée , 69. ■ - '■ ce que 1'on y itnportoit, 81. N. ah (e rend dans 1'Inde, 20, — fes malheurs a la fuite des fatigues de fon armée ,259. Navigation , fes commencemens, 5 & 6, ■ les anciens n'en connoiffoient prefque au« cune que celle de la Méditerranée , 262. —•—— des anciens ; preuve de fon imperfedtlon, 2S0, n .19. Navires , canots, diftance de 1'indtiftrie qu'ils exigent , 5. Nayr, ou guerrier de Malabar, 450. Néarque a la tête de la flotte d'Alexandre dans 1'Inde, 25, -1 fon retour en Perfe avec la flotte d'Alexandre , 27. —— fes détails préfentés dans 1'hiftoire de 1'Inde d'Arrien , 260, n. 6. Nerbudda , riviere , 80. Nicéphorc Gregoras, fur 1'infolence & Ia rapacité des Génois a Conftantinople, 307 , n. 41. Nitrias, rendez-vous des pirates , 69, Notes de 1'auteur fur les détails de fun ouvrage, -53  DES M AT I E RE S*. 493 O. Observations générales fur Ie commerce des anciens, fes bornes , fes effets , & fur le commerce plus étendu des Modernes, fon in» fluence fur la fociété, 212 & 345. Obfervatoire, obfervé chez les Indiens; remarques a ce fujet, 475. Ocelis ou Gella, 68. (voyage d') a Mufiris; fon étendue,28l, voy. 68. Odenate , a Palmyre , 6?. Ophir & Tarfis , incertitude de leur pofition, \% Opinions religieufes de tous les peuples, adoptées d'abord de bonne-foi, 424 , fuiv. Oriënt, première habitation de l'homme, 3. fa fageffe vantée de bonne heure, 3. Orientaux (anciens), leurs voyages avec le chameau , 3 & 4. Oriënt, mieux connu depuis les courfes des Arabes , 133 & 137. Oxus, riviere , 15, P. Pact y e, payi; aujourd'hui Pehkley, 15. Pagode de Jaggernaut, toutes les caftes fe confon- dent a fon culte," mangent pèle-mêle, 451. ——— les plus anciennes , tant excavées que baties par les anciens, monumens ér,onnans de leur art, 360 - 369. d'Eléphanta, de Salfette , d'Elore , &c ouvrages étonnans, tant pour 1'art que pour rimmenlité du travail , 462 O fuiv. ' les quatre angles pofés vers les quatre points cardinaux , par principe de religion, 474. Palibothra , fa fituation, 44, ' remarques fur fa pofition; capitale des Praegi, ou anciens Prafii, zjo,n. 1-3.  494 Table Palmyre, balie par Salomon , intermede du corrï' merce du Nord, de 1'Afie & de la Syrië, 61. ■ fes ruines appercues par des Anglois , &c. 64. Panjab ; Alexandre traverfe cette contrée, 21. ■ fon étendue , 23 & fuiv. Pape, fon autorité dans les fiecles obfcurs, 161. ■ la fameufe bulle de Nicolas V , pour autorifer Henri de Portugal a commercer avec lea infideles , 308. Pariar, ou homme dégradé, chez les Indiens; fon trifte état, 450. Patala ou Talta, 26. Patna; eft ce 1'ancienne Palibothra , 27Ï, note 13» PtUerinages des mahométans & des chrétiens eurent auffi pour but le commerce , 14S & fuiv. —— a la Caaba , ordonnés par Mahomet, 209. Perles de Cléopatre , de Servilie, 76. —— leur prix exorbitant, 283 , voy. 76. Perfe , n'a jamais fait de commerce maritime direct, avec 1'lnde; fa voie par terre, 55 & fuiv. ■ 1 état du revenu de cette monarchie ; ob¬ fervations, 257 , n. 3. ——• premiers érrangers établis dans 1'Inde, 14, mi 1 leurs efForts pour avoir part au commerce de 1'lnde ,123 & fuiv. —— la religion les empêchoit de voyager par mer , exemple , 266 , n. 9. 1 n'avoient pas une ville importante fur Ie3 bords de la mer, ibid. Peuple crédule dans 1'Inde , abufé par fes prêtres , 4'I. P karos ; final bati dans cette ifle, 51. Phéniciens, leur pofition heureufe pour le commerce maritime , 9 & fuiv. ., certirude de 1'étendue de leur commerce, 256 , n. 2. Pkilofcphie (idéé de la) des Indiens, cultivée chez eu* dès les temps les plus reculés, 3S6 & fuiv: PhyfiqtU des Indiens ; leur progrès a cet égard 29 h  des Matiere s. 495 Pierres précieufes , perles recherchées par les Romains , 74 & fuiv. Plithana d'Arrien eft' la Puthanah aituelle, 2S6. Pluies périodiques de 1'lnde, Alexandre les ignoroit, 257 , n. 4. Plutarque, peu exact dans fes recherches hiftoriques, 269 , n. II. Poéfie dtamatique ou épique des Indiens , comment il faut la juger, 378 8c 384. Poivre noir tiré de 1'Inde , anciennement, 80. Poppêe; cannelle & caffia brülées a fes funéraitles , 72. Porcelaine, notée d'abord par les Arabes , 134. Porte ouverte d'Abraharrr Roger; de quelle date ï 448. Portugais, doublent le Cap de Bonne Efperance-, 1600 ans après la chüte du pouvoir des Gress dans 1'lnde , 49. —— pourquoi ils forment le projet d'aller dans» 1'lnde en doublant le Cap , 190. .. 1 leurs progrès rapides dans 1'Inde , 197. 1 venlent exclure les autres nations du com¬ merce des Indes 199. ■ feuls maitres du commerce de l'Orienr; quand ? 20; . Porus arrête Alexandre, 21. ——— fes états, 28 & 29. Praffum, 290. Profejfwns 8c rangs •, leurs diftinflions permanentes chez les Indiens, 33;r. Propriété du fol appartenoir au feu! fouverain flans 1'Inde •, remarques fur les tenures ou propriétés aftuelles; article important, 455. «. fonciere dans 1'Inde; opinion de 1'auteur a ce fujet, 457. Ptolémée, fils de Lagus, tient des regiftres fideles des opérations militaires d'Alexandre, 27. ■ attire le commerce de 1'lnde a Alexandrie d'Egypte, }o.  496 Table Ptoléme'e 1'aftronome , drefle fes cartes, Air-tont d'après des récits d'aventuriers , 120. ■ fon erreur fur la forme de 1'Inde , 288, & fuiv. • fon erreur fur Ia longitude de Barygaza a Baroche, &c. 288. — fon erreur fur 1'union de 1'Afie Sc de TAfri» que •, remarques , 289 & fuiv. »■ & Hipparque, leur erreur fur* la forme der Ia terre, & la mer qui 1'environne, 289. ■ 1'aftronome , fon éloge , 287. Pundits, ou bramin«s favans, 451, Q- C/ v 1 n t - Cvr s e, trés-ignorant en géographie , 279. R. I^amvsio, fa colledtion de voyages excellente , 289. Religieufes ( pratiques ) des Indiens, & leurs opinions, preuve de leur antique civilifation, 410 (.fuiv. Religion mahométane a etendu le commerce , 208. les Indiens favent rendre la leur lucrative , 14S , 306. ■ » de 1'Inde , fes divinités ; coup-d'ceil rapide fur 1'oi gine des fuperfiitions humaines , fur leurs avantages, &c, 411 & 443 ; cet article eft bien important. ' Sc fuperftition, leur différence, 411. 1 même Ia plus abfurde crue de bonne foi: indignation fi elle eft offenfée, 414 & fuiv. Renaudot, foupconné au fujet du voyage de deux Arabes, qu'il publia en francois ; fa véracité, 298 & fuiv.  des Matiere si 497 Rhinocolure, apport de toutes les marchandifes de 1'Inde , to. Romains, s'emparent de 1'Egypte, & y maintiennent Ie commerce de i'Inde, 58 & fuiv. 1 1 ce qu'ils defiroient avoir par le commerce de I'Inde , 70 & fuiv. Romania , cap, 291, Ryots de 1'Indoftan ; nature de leurs poffeffions s, article important 455 & fuiv, S. Sacontala, poëme indien, 375. 5'aioman , diredtion de fes flottes, 12. Sanskrit infcriptions en cette langue fur des pierres précieufes de linde , 374. — ■ — compris parfaitement de quelques Anglois, Sanfcrite , langue , fon extréme antiquité, fa vatte étendue anciennement, ouvrages déja traduits de cette langue. 466 S- fuiv. Science de I'Inde . leur fource a Benarès ; recherche que les Anglois devroient y faire , 409. 11 leurs progrès font infailliblement difpa- roitre les fuperftitions. Exemple des Grecs 426. Scylax, fon voyage de linde, ij. Segavi, fondateur de 1'état Mahratte, 451. Sclandil, ou Selediba, la même ifle que Taprobane, 122. Seleucie, auffi importante qu'Alexandrie , 268. Séleucus ya plus loin qu'Alexandre : arrêté par les opérations d'Antigomes, 41. ■*""' & Antiochus batirent de nouvelles villes, a 1'exemple d'Alexandre , 268, n. 10. examen de fes progrès dans 1'inde, 268 n, II.  49& Table Séfoftris, fes armées de terre & de mer, fes expéditions , 8 Sr fuiv. « doutes fur fon expédition dans I'Inde , 253. Sina , fa foie portée a Taprobane , 122. Sincapura , 291. Sin-Moa , ibid. Soie recherchée a Rome, fon prix exceffif, fon ufage, &c. 76. . incertitude des anciens- fur fa produc¬ tion , 78. .11 remarque fur ce que les anciens pê'n- foient de fon origine & de fa nature, 284 6> fuiv. Voyez 79. - les Perfes s'emparent de cette branche de commerce, &c. caufr , 124-127. 1 introduite en Europe par deux moines, fous Juftinien, &c. 126, ——- tranfportée de Chenfi par terre a Conftantinople, 1 j S. ■ grand commerce qu'en firent les Venitien?, 157. . , Sondan d'Egypte , fa flotte battue & ruinee par les Portugais , 203, Strabon, fur les caftes des anciens Indiens , 448. Sumatra , ignorée des anciens, felon Goffelin , 291. Superftition ; le cérémonial en fut dans 1'OriLnt apen-près le même que par-tout ailleurs , 421. 1 des Indiens & de tous les peuples-, leur origine, leur but, leur avantage dans les divers gouvernemens, leur abus, &c. 411-443. Suei ou Arfinoé , 273. Sylla, aromates brülés a fes funérailles , 72. T. Tables aftronomiques des Indiens, leur haute antiquité , 403. Jadmor ou Palmyre , fa fituation , fa fplendeur, fon grand commerce, 62 & fuiv.  des Matiere s. 499 Tagara, ville, So. Tagara , même pofition que celle de Dultabad , 286. Tarnt dan fe rend dans I'Inde, 20. 1 ■ evite la faute d'Alexandre , connoiffant les pluies périodiques de I'Inde, 258. Tar.a-Scrim , 291. Taprobane & autres ifles de 1'Orient , connues des anciens. Voyez ifles de 1'Orient. 1 grand entrepot, felon Cofmas, 8tc. 122. Tarfis & Ophir, incertitude fur leur pofition, 12. Taxile ou Attock, 20. Thé, mentionné d'abord par Mare Paul; quantité immenfe qui en eft importée en Europe, 326 & fuiv. The'oljgie, fon origine, fon but dans 1'étude & & par toute la terre ; fes abus , mauvaife foi des prêtres de tous les peuples, 411-443, Thina ou Sina , quel pays, 9.8» . ou Sinas-Métropolii, 291. Timur ou Tamerlan, homme atroce dans 1'Indoftan , 460. ToUrance, belle Iettre d'un rajah (JefiVant-Sing) a ce fujet, 461. Tyr, Sidon, étendue de leur commerce maritime j 11 & fuiv. —■- fa longue réfiftance aux efforts d'Alexandre, 17. Tyrans rappellés dans 1'hiftoire ; 8c les découvertss uriles oubliées, 65. Turan, (le ) fa pauvreté, 454. Turcs & Vénitiens fe réuniffent pour ruiner le commerce des Portugais, 203. V. de Gama doublé !e cap & arrivé dans I'Inde, igt.  yoo Table Venife, première époque de fon grand commerce , UI. ■ fans rivaux dans le commerce, qusnd ? 177. ■ prévoit la ruine de fon commerce de 1'Orient a la découverte de Gama, 19Ï état de fes forces navales , a quelle époque ? 316 & fuiv. Vénitiens, maitres du Péloponefe , 155, ■ -i un grand nombre s'établit a Conftantinople, ibid. . décadence de leur commerce caufée par les Génois, 161 & fuiv. „ ies deux routes que fuivoit leur commerce avec I'Inde, 167 & fuiv. ___ conjuren: la mine du commerce des Portugais avec le foudan d'Egypte, 101. -, leurs facrifices pour fauver la patrie, 314. Ver-a-(o\e; détails curieux & exacts de Gibbon fur fon introdudtion en Europe, indiqués, 297. _____ cultivés en Grece 8c dans quelques ifles voifines , depuis Juftinien, 156. Villes baties par Alexandre , combien Sc pourquoi ? 267. Voyages par mer, leur origine, 5. ——— de long cours, par terre, en Oriënt, 4. 1 ki ns, (M.) tradufleur d'une partie du Mahabarat : exemple , 376 & fuiv, X. , fa flotte étoit toute de vaiffeaux étrangers, 267.  d £ s Mat i eres. 501 z. Z A SA , ÏQI. Zémindars, nature de leurs poffeffions, 456 Sr fuiv. Article important. Zénobie , difpute 1'Orient aux Romains , 65. Zodiaques anciens chez les Indiens, 475, Zoroaftre, 266. Fin de la table des matieret.