531 E 117     DISCOURS PRONONCÉ au service extraordinaire, CÉ L É' B RÉ PAR LES PROTESTANS DE PARIS, ;A ïoccafion de l'achèvement de la Conjlitmion et de Jon acceptatïon pdr le Rot • Le Jeüdi 13 Oftobrë 1791, kn préfence d'une Députation du Corps Muhicïpaï; Pak £aul,-henri marron, Ministre du S. Evangile & Pasteur des Proteftans de. Paris. A L E I D E, Chez A. et J. h ONKOOP, M D c c x c 1.   DISCOURS PRONONCÉ AU SERVICE EXTRAORDINAIRE % CÉLÉBRÉ PAR LES PROTESTANS DE PARIS, A Toccafion de l'achèvement de la Conjlitution et de fan acceptation par le Roi, Le Jeudi 13 Oótobre 1791. Evang. felon S. JeaH , chap. VIII , .vers. 32. ViusconnoUrez lavêrUé,® ,tt ,ér!té vous rendralil).^ Ces paroles du Sauveur„qüe dans ce discours nous détacherons entièrement de leur liaifon avec ce qui les précède & ce qui les fuit, femblent faites , Chréciens > mes chers Frères , pour les circonftances oü nous nous rencontrons. C'eft; le triomphe de la vérité & de la liberte' que nous célébrons aujourd'hui j triomphe fi confolateur pour Pefpèce humaine , fi glorieux pour cette grande nation , régénérée fous Jeurs aufpices. A Teut  ( 2 ) Tout ici annonce ce triomphe; cette portion intéreffante de la fociété, qui, flétrie trop longtemps par des préjugés injuffces , jouic depuis quelques mois de 1'avantage de fe recueillir en ce lieu; ce lieu même; ceux qui nous honorent de leur préfence ; & j'aime a diftinguer dans ce nombre un des plüs illuftres amis & propagateurs de la vérité , M. le Maire de cette vafte Capitale; j'espérois y trouver auffi un des plus dignes héros de la liberté, M. le Commandantgénéral de fa garde citoyenne, pendant toute la durée de la revolution, de qui nous regrettons tous 1'abfence. Citoyens & Frères, fi d'un cöté j'ai befoin de votre indulgènce , (ö ! je fens combien jen ai befoin, & je la réclame de la manière laplus inftante,) j'ofe espérer de 1'autre que le rapport évident du fujet que j'ai entrepris de traiter avec le but de cette folemnité religieufe & civique fuffira pour captiver votre attention. Voici les quatre chefs que je me propofe de développer tour-a-tour. iQ. La connoiffance de la vérité & la Iibre jouiffance de nous - mêmes font également le befoin de notre efprit & le voeu de notre cceur. 2Q. Chacune de ces prérogatives eft, par fon effence, un des moyens de bonheur les plus précieux que la nature nous ait accordés ; & cependant ce bonheur n'eft ifolément ni dans 1'une ni  C 2 ) Ui dans 1'autre, mais il effc dans ia réunioh hê* ceffaire de toutes deux. 3Q Ce qui effc vrai a eet egard de Phomme confidéré individuellemenc, I'effc encore beau* coup plus des hommes envifagés dans 1'état de fociété : les plus grands fléaux de celle-ci font i'ignorance & Ja fervitude. 4Q. Enfin, a tous ces titres, nous ne pouvonS trop remercier la Providence, qui, par le pre* grès des lumières, a aboli au milieu de nous tous Jes genres d'oppreffion, fous lesquels nous ge-miffions, & a établi en leur place le régime falutaire de Ja Jiberté, une conftitution qui respeóle également tous nos droits qu'elle effc asibrtie a tous nos vrais intéréts! PREMIER P O I N T. ■ >, La connoiffance de Ja vérité & Ja Jibrè jouiffance de nous-mêmes font également & lc befoin de notre efprit & le vceu de notre cceur ". Pourquoi 1'Etre fuprême nous a-t-il fi glorieufement difting ués de Ja brute par J'inappréciable don de 1'intelligence? Pourquoi he nous a-t-il point livrés, comme elle> a un aveugle inftin&? Pourquoi a-t-il planté en nous 1'infatiable defir de connoitre? Quel effc 1'objet de cette curiofité inquiette, qui, dés J'ige Je plus tendre^ fe maA 2 ni-  C 4 ) trrfefle dans notre fein? Que nous annonce cette efpèce de tacl intelle&uel, dont les vifs treffaillemens, en nous indiquant le moment oü la vérité effc préfente, excitent en nous les plus délicieufes, les plus pures de toutes les affeótions? Pourquoi nos découvertes mêmes, quelqu'heureufes, quelque fécondes qu'elles puiffent être, ne nou>font-elles jamais qu'un motif>un aiguilïon de plus pour multiplier, pour étendre nos recherches? Pourquoi le fage religieux, afluré de fon immortalité, fixe-t-il, avec tant d'impatience, fes regards & fes vceux fur cette raviffante époque, oü il verra, oü il puifera la vérité dans fa fource? Reconnoiffons-le, mes chers Frères, la vérité effc un des befoins les plus impérieux de notre ame ; il n'eft rien qui dégrade plus ceïle-ci qu'une ftupide léthargié. Envain le fceptique renie-1 - il 1'exiftence de la vérité! Sa confiance préfomptueufe dans fon propre fyftême dément fes prétentions, & il fe coridamne volontairement a la plus étrange des inconféquences. ■—• Et Ie voeu de la liberté effc-il moins ardent, moins facré ? Tout ce qui fe meut fur la terre afpire a fa jouiffance. Ce n'eft pas fans dcpit que les animaux , aflüjettis au pouvoir de J'homme, traïnent la chaine qu'il leur attaché, portent le joug qu'il leur impofe. Mais c'eft fur-tout al'être penlant que la con- trahi-  ( 5 ) tramte & Ia fervkude deviennent infupportables. Plus on fent fa propre dignité, & plus on eft jaloux d'en tirerparti, d'exercer ces facukés honorables, qui nous diftinguent dans I'échelle des êtres. Toute la ftrufture de 1'homme annonce qu'il a été fait pour laliberté: au phyfique, ce port noble & majeftueux; ce regard que feul il ofe lever vers Ie ciel; cette admirable foupleffe de fes organes, fi fort dégradée par les abfurdes abus de 1 education vulgaire: au moral, cette intelligence, cette a&ivité, ces talens; mais fur-tout cette confcience même de. fa liberte' qui Ie caraclérifent; eet ineffacable fentiment de fes droits, qui s'irrite, s'exalte davantage, a mefure qu'il fe trouve en confiit avec un pouvoir étranger. C'eft la 1'appanage égal & commun de tous les hommes; aucune nuance ne les diftingue, ne les claffifie originairement a eet égard. — Arbitrairement deftituer 1'homme de eet appanage glorieux, ou le reftreindre, fans fon aveu, dans des limites quelconques, c'eft donc 1'humilier, le flêtrir; c'eft fe rendre coupable du crime de Jèfehumanité, d'une ufurpation d'autant plus criminelle, que les droits qu'elle blefTe, font inaliénables, imprefcriptibles. La fociété ne faic que modifier ces droits, les diriger par des facrifices utiles & volontaires au plus grand bonheur •A 3 com-  t <5 ) Comraun. 11 faut une fubordination, une dépendance dans les families: il en faut dans le gouvernement civil, qui n'eft qu'une extenfion du gouvernement domeftique. Une docilité' refpectueufe, une foumiffion, une obéiffance raifonnable tiennent intimément aux lois de 1'ordre Sc de la fagelfe; mais il ne faut nulle part des tyrans & des esclaves; leur exiftence fuppofe la violation du voeu le plus facré, des titres les plus irréfragables. Une nouvelle confidération propre a faire fentir les rapports étroits que la liberté & la vérité ont entr'elles, c'eft que la liberté feule eft capable de donner a nos facultés intelleótuelles un falutaire effor; elle feule les développe, les acqroït, les porte a leur perfe&ion. Plus les intéréts qui nous occupent, font multipliés & im* portans, plus nous ofons les pefer, les difcuter, les énoncer dans toute leur étendue, & plus nous acquérons de motifs a étendre nos connoiffances, plus nous fommes preffés de concevoir une noble émulation de lumières & de génie. — Et rien peut - il intéreffer l'homme a un plus haut degré que le bien- être de la fociété a laquelle il appartient, que le falut de 1'état donc il eft membre, que 1'honneur de la religion qu'il profeiïe? II n'y a que 1'esclave qui traite avec ïndifférence ces objets capitaux;, il Iaifle penfe?  ( 7 ; d'autres pour lui; fon infouciante foupleiTe s'en rapporte a la multitude ou a la routine, & de degré en degré il tombe dans un engourdihe • ment, dans une ftupeur , qui le ravale au niveau de la brute. Oü la liberté règne, la feulement eft la vie & la vigueur de 1'intelligence: li chaque individu prend une part aftive aux événemens : la disparoiffent les entraves du despotisme , les fantömes de la fuperftition , les odieufes prérogatives de la naiffance, du rang, de la fortune, fur le mérite, les talens & la vertu: la le doute n'eft point un crime, la contradiclion un attentat: chaque étincelle de la vérité en allume de nouveaux rayons, qui fe répercutent fur mille objets, enveloppés encore d'épaifTes ténébres. En ce fens cette fublime parole de la Génèfe s'applique au génie & a la liberté, s'animant, fe foutenant Jpar des fecours réciproques: Que la lumière fait, la lumière fut» SECOND POINT. „ Chacune des prérogatives, énoncées dans mon texte, la connoiffance de la vérité & Ja libre jouiffance de nous-mêmes, eft, par fon effence, un des moyens de bonheur les plus précieux que la nature nous ait accordés; & cependant ce bonheur n'eft, abftractivement, ni A 4 dans  ( 8 ) dans fuftê ni dans 1'autre, mais il eft dans Ia réunion ncceffaire de toutes deux." Le Créateur a gravé dans notre ame, avec la flamme du fentiment , le defir du bonheur; il eft le refforc de toute notre aétivité, le point central de toutes nos affeélions. Mais pour des êtres perfectibles , comme nous fommes , en quoi peut confifter ce bonheur fi ce n'eft dans le dévéloppement même de nos facultés, dans la jouiffance de nos droits, dans la fatisfacliion de nos penchans généreux ? C'eft alors que nous rempliffons la fin de notre être, que nous ten. dons au but évident de notre deftination, Nos progrcs en inftruóHon nous rendent plus fenfibles a toutes les beautés, a toutes les merveilles que le Tout-puiffant a femées fi Jibéralement autour de nous. Qu'elles frappent peu 1'homme ilupide, inattentif, infoucieux de s'inftruire! Au fein d'une barbare ignorance la meilleure partie des bienfaits du Créateur étoit perduë pour les mortels: 1'obfervation , 1'étude de la nature leur découvre tous les jours de nouveaux prodiges. Plus de desordres! plus de bizarreries! plus d'inutilités! L'empreinte d'une fagesfe ineffable brille par-tout. Les deux racontent la gloire de 1'Eternel; fa providence cclate dans toute 1'étendue du globe; la férie conftante des jours & des nuits eft un hymne perpétuel de  c 9 3 Jouange& d'aóHon de graces: aucuns fons arnculés ne fortent de ces phénomènes; mais ils tiennent par-tout le même Jangage a 1'intelligence; cette voix retentit a travers les fiècles, elle eft entendue d'un bout de Ia terre jusqua 1'autre. — Eft-il, mes chers Frères, eft-il aucun parallèle a tracer a tous ces égards entre 1'homme éclairé & 1'homme fans culture, fans inftru&ion? La nature eft muette pour le dernier; d'esprit comme de corps attaché a Ja matière, rarement il s'élève au-deffus des chofes vifibles: le luxe , la majefté des cieux ne dit nen a fon ame; il foule a fes pieds, avec une froide indifférence, tous les tréfors de la végétation; il ne s'occupe ni des caufes ni des effets; il ne voit ni.leur invariable harmonie, ni leur rapport avec fa félicité , ni leur tendance au bien général &a la fublime perfection du tout: & eet état d'enfance, ou plutöt d'abrutiffement, vous fembleroit - il digne de 1'homme? & ne bénirions-nous point 1 'éternelle fageffe-d'avoir établi pour nous une connexion fi écroite entre le bonheur & la vérité? Cette même connexion exifte avec la liberté. L'esclave n'eft fufceptible d'aucune fatisfkftion réelle: II regarde la vie comme fon premier fardeau: fes forces, fes biens, fes jours même ne font pas a fui; tout relève du caprice, A 5 du'  ( io ) du coup - d'oeil impérieux de fon rhaïtre. L'art de diffimuler, defeindre, d'aduler, deramper, voila fon unique occupation , fa feule étude! Sa religion n'eft que baffeffe & hypocrifie. La religion de l'homme libre adoucit fes peines, le confole dans fes malheurs, lui ouvre une riche fource d'espérance & de joie: Pesclave ne voit encore la religion qu'armée de foudres & de carreaux: Dieu même eft un tyran a fes yeux; il le compare a ces maitres terrestres, qui moisfonnent ouih n'ont point femé, qui recueillent oü ils n'ont point répandu: fon imagination noircie lui repréfente après le trépas de nouveaux , d'interminables fupplices; il interprète au pied de la lettre ces termes figurés de la révélation, éternel effroi des petits esprits & des ames rétrécies. — Mais oppofez a ce tableau celui de 1'homme libre. L'autorité qu'il reconnoït audeffus de lui, ne 1'humilie point, paree qu'il a lui-même concouru a fa création ; il refpe&e dans les lois 1'ouvrage de fes repréfentans, fanctionné par le voeu national; fon travail lui eft doux, paree qu'il en recueille le fruit & qu'il le transmettra a fa poftérité: ce n'eft point pour affouvir une rapacité infatiable, pour nourrir le désordre , pour ftipendier 1'intrigue & la cor» ruption, que le prix de fes fueurs coule dans le tréfor public ; fes contributions font volon»  taires, il en prefcrit 1'application utile , il en furveille la répartition & 1'emploi. Enfin le culte qu'il rend a 1'Etre fuprême, eft le réfultat de fa perfuafion; le zèle & la fincérité le carafïérifent; fa confcience 1'avoue ; il n'en fait point une cachette honteufe , mais .il eft également éloigné d'une vaine ardeur deprofélytisme: heureux, s'il gagne quelques partifans a Ia vérité & a la vertu, par fes lecons 6c par fon exemple ! Ifolez maintenant ces prérogatives , envifagez chacune féparément, vous appercevrez bientöt 1'inconfiftance de 1'une & de 1'autre; ou, pour mieux dire, vous vous convaincrez de rimpoffibilité de cette abftraélion. U ne nous appartient pas davantage d'être vraiment libres avec une parfaite ignorance de nos facultés, de nos rapports, de notre deftniation , de nos droits, que nous ne pouvons, en les fentant, nous laiffer engourdir par la ftupeur de la fervitude, porter gaiment le joug des abus & des préjugés. La vérité vaus rendra libres. Elle nous affranchit fur-tout des chaines de la fuperfti» tion, & de toutes ces ferviles craintes, fi deshonorantes pour fhumanité , qui forment fon cortège. II faut un frein a la multitude; mais, fi ce frein ne fe trouvoit que dans le fanatisme ou dans la, fervitude, je ne fais s'il ne vaudroit P^?  ( n ) pas mieux autorifer la licence. L'une & Paai tre terniffent trop en nous 1'image de la divinité & dégradent trop profondément notre espèce. Or rien ne mine autant 1'empire de la fuperftition, rien ne porte a la tyrannie un coup plus mortel que le progrès des lumières. Que de fantömes effrayans ont fucceffivement disparu avec lui! Ils n'excitent aujourd'hui que la dérifion ou la pitié, les objets de la timide crödulité de nos ancêtres. Dangereux inftrumens dans les mains d'une ambitieufe hiërarchie, que de vaines follicitudes, &, par elles, que d'injuftices , que de prévarications ils ont caufé dans Ie monde! Même encore aujourd'hui qu'ils laiffent en beaucoup d'endroits de déplorables traces de leur influence ! Comme ils luttent, avec tous les effcrts du défespoir, contre 1'ascendant vainqueur de la raifon & de la Hbertê! TROISIEME POINT. „Ce que nous venons de prouver de 1'homme confidéré individuellement, eft encore bien plus vrai des hommes envifagés dans 1'état de fociété : les plus grands fléaux de celle - ci font 1'ignorance & 1'efclavage ". — Les fciences, les arts , toutes les fources de la félicité individuelle & de la profpéritépublique, dérivent de h  C 13 ) la liberté $ le décroilTement & Ia ruine de celleci amène infailliblement la dégradation progreffive , Ie découragement abfolu des autres. La culture des arts & des fciences demande une nc~ ble émulation qu'éteignent I'oppreffion, Ie despotisme. L'énergie des fentimens, les fublimes élans du génie, ne caraclérifèrent jamais une nation avilie par Ie pouvoir arbitraire. Un individu efclave s'éleve quelquefois au - defius de fa condition; mais un peuple affervi eft bientot un peuple nul. Voyez ces temps, oü, par la plus abfurdedes législations, 1'homme, attaché alaglèbe, devenoit la propriété & 1'héritage d'un autrehomme! ne font-ils pas auffi les temps de la plus ftupidé ignorance, du fanatisme Ie plus grofïïer, de la plus extravagante fuperftition ? Mais un rayon de liberté luit a la terre : la manie de la plus étrange des conquêtes néceffite d'ambitieux guerriers a fe dépouiller d'une partie de leurs ufurpations héréditaires: bientot les ténèbres fe diffipent; les lettres, les fciences, les arts reparoiffent; Ia plus utile invention, celle de I'imprimerie, leur allure de nouveaux progrès, les met a J'abri des révolutions, leur garantit une permanence, qui devient a fon tour Ie fléau de tous les abus d'autorité, politique auffi -bien que religieufe. Offrirai - je encore ici le fouve- nir  ( 14 ) nir lamentable de cette perte de reffources & de talens, que déplora ce royaume a cette fatale époque, oü une loi oppreffive, profcrivant la liberté religieufe , enrichit aux dépens de la France toutes les nations voifines & éloignées, & rendit fes ennemis, fes rivaux, d'autant plus puiHans, d'autant plus redoutables pour elle? Jours défaftreux! puiiTent les bienfaits de la liberté nous dédommager des longues peines que la poftérité vous.impute! Toute contrainte ré* pugne a 1'efprit de la religion : fille du ciel, elle ne fauroit dépendre de volontés humaines: 1'ami de la liberté eft le fien; c'eft a lui qu'elie confie fes fecreis, qu'elie fe montre revêtue de fa célefte beauté; 1'efclave ne la voit que fous le masqué, fous une revoltante enveloppe d'inepties, de momeries, étrangères a fon effence. Etendezles limites de 1'empire de la vérité; le progrès des lumières répand fur 1'état focial Jés plus bénignes inlluences. U rapproche les hommes les uns des autres ; il fait fleurir les cités par une- noble émulation de patriotisme, par le concours empreffé de toutes les claffes de citoyens au véritable but de leur inftitution. L'expérience a conftamment prouvé que 1'univerfalité d'inftruótion adoucit, polit les mceurs; elle excite le defir d'intcrefTer & de plaire; elle remédié a la frivolité des converfations; elle cor-  ( 15 ) corrige la morgue attachée a ia naiffance & au rang; elle exerce la plus précieufe influence fur l'éducation , tant nationale qu'individuelle. Chacun ne végète plus dans Ie cercle étróit, tracé par 1'avarice ou 1'orgueil: avec les vieux préjugés tombent les fatales barrières qu'ils met. toient entre les grands & les petits, entre les riches & les pauvres: la libre communication des penfées met en évidence les droits communs & refpeélifs; le fentiment de notre propre valeur nous porte a les maintenir, a élaguer les prévarications anciennes, aprévenir de nouvelles par une fage prévoyance & une inébranlable fermeté. Alors on ofe prononcer les mots facr-és de' liberté & de patrie: ils ne font plus de vains noms; ils expriment des réalités importantes. A quelque point que les opinions puifTertt divaguer d'ailleurs, elles fe rallient toutes autour de ce centre immuable : les partifans même da despotisme, honteux de leur lacheté, font réduits a fe coüvrir d'un masqué importeur ; comme le vice, n'ofant montrer au grand jour 1'horreur de fa difformité, fe déguife" fous ^le man-, t-eau de la vertu; comme 1'hypocrifie ufurpe le» formes attrayantes de la piété. QUA-  ( X* ) QUATRIEME POINT. Si la connoiffance de la vérité & la libre jouiffance. de nQUs-mêmes font également le •befoin de notre efprit & le yceu de notre coêur; ü chacune de ces prérogatives eft par fa nature ;un des imoyens de bonheur les plus précieux que Ie Créateur nous ait accordés, & que cependant ce bonheur nefe trouvejabftraólivement ,ni dans J'une ni dans 1'autre, mais dans la réunion effentielle de toutes deux; fi enfin ce qui eft; vrai a eet égard de 1'homme confidéré individuellejnent, 1'eft encore plus des hommes cnvifagés dans 1'état focial, & que les plus grands fléaux de celui-ci foient 1'ignorance & la fervitude; a tous ces titres pourrions-nous trop remercier la divine Providence, qui, par le progrés des lumières , a aboli au milieu de 'nous tous les, genres d'oppreffionfous lesquelsnous gémiffions, j& a établi en leur place le régime falutaire de la liberté,, une conftitution, qui nc refpecte pas moins tous nos droits qu'elie n'eft afibrtieji tous nos vrais intéréts? Ce qui caractérife la révolution franeaife ; ce qui la diftingue de presque toutes celles qui Pont précédée, (& je ne fuis pas le premier a Fobferver) c'eft qu'elie eft toute entière Pouvrage de la raifon. Ce - ) n'eft  C 17 ) n'eft pas quelquê intérêt individue] qui ]'a pro. voquée, foutenue, conduite a fa fin; c'eft fiqtérêt national : ia révolution ne nous a point fait changer de maïtre, elle nous |a rendus libres. — Depuis long - temps Ja raifon publique fe formoit fous les aufpices de Ja philofophie. Des écrivains courageux avoient détrompé leur fiècJe fur de nombreux & funeftes abus : une généreufe émulation de connoiffances s'étoit répandue dans tous les états; les bafes du contract, focial avoient été éclairées, fondées avec foin: on avoit apprccié toutes ces inftitutions fi bizarres des ages d'ignorance & d'opprobre; marqué du cachet de la réforme celles qui ne s'accordoient ni avec 1'utilité rcelle, ni avec Je v.éritable honneur du peuple: la fageffe en avoit indiqué d'autres pjus juftes, plus falutaires. — Mais, fi d'un cöté Ja raifon fe diftinguoit par d'honorables progrés, Ja corruption muJtiplioit de J'autre tous les excès de 1'autorité arbitraire & d'un luxe déprédateur. Enfin Je mal a trouvé fon terme dans le comble même auqueJ il étoit parvenu. Ses auteurs (repréfentez- vous a ce trait & leur dépit & leur défespoir) fes auteurs n'en ont vu le remède que dans le recours a la nation. Celle- ci a dü au fens droit de fon monarque, confeillé par un adminiftrateur qu'elie chériffoit, un mode de repréfentation conforme S aux  ( i8 ) aux principes méconnns iusqu'alors de 1'ordre & de 1'équité. — Suivrai - je maintenant dans fa brillante carrière cette affemblée des élus de la patrie, fi digne de 1'irnmortelle reconnoiiTance de tous les Francais? — Parcourez les fafr.es de l'hiftoire , quelle autre affemblée a jamais réuni dans fon fein tant de lumières, tant de courage , tant de fermeté , une fi infatigable affiduité au travail, une perfévérancè plus foutenue jusqu'a la confommation de fa glorieufe tache ? Que d'événemens, qui fembioient devoir arrêter , anéantir fes fuccès, n'ont fait qu'ajouter a fon illuftration, embellir fon triomphe! D'un cöce, ï-appelez-vous tous les pièges , tous les écueils, tous les obflacies femés fous fes pas; toutes les haines, toutes les perfécütions , toutes les vengeances excitées, aigries contre elle ; tous les dénigremens, toutes les diffamations, toutes les calomnies auxquels elle a été en bute. D'un autre, comptez les bienfaits qu'elie a répandus fur vingt-quatre millions d'hómmes; la proclamation folemnelle de ces droits, qui n'ont pu être abdiqués en aucun temps ni en aucun lieu ; 1'abolition de toutes les efpèces de fervitudes, religieufe, féodale, fiscale, & la parfaite égalité de tous les citoyens devant la loi; 1'admisfibilité de tous a tous les grades, a tous les honneurs, a tous les emplois  ( *S> ) cmplois, avec de 1'inftruftion & des vertus, la répartition des charges publiques proporti'oni nées, fans prédileftion, fans dispenfe, aux fa.' cultés de chacun; les utiles habitans des campagnes relevés d'une dégradation impolitique non moins qu'odieufe, & rendus a 1'efpérance de ce bonheur, qui doit être d'autant plus a leur portee qu'ils font plus prés de la nature. Le despotisme n'avoit-il point tenté d'enchaï» ner jusqu'a la penfée & k Ia confcience? L'une & 1'autre font dégagées déformais de toutes en. traves. Ne troublons point 1'ordre public; Ia loi ne nous commande rien au - dela , elle re. fpefte, elle protégé dans toute fa plénitude 1'irréprochable exercice de nos facultés. — Quelle étrange complication de rouages & de refforts formoit 1'ancien régime! quel cahos discord de provinces, d'immunités , de privilèges! quel amas effrayant de titres, de places,de penfions, de droits, fouvent auffi barbares dans le fait que dans leur dénomination! De ce conflit, de ce choc perpétuel de prétentions oppofées, qu'il réfultoit d'incohérence, de vacülatiorj dans le gouvernement! Quelles fréquentes révocations d'edits perpétuels & irrévocables! Déformais Ja France eft une; tous les habitans de Ce vafte empire font amis & frères ; Je pouB z voir,  ( *o ) voir, le crédit ne réfident pas plus dans quelques caftes orgueilleufes que la raifon & la vérité. Réprochera-1 - on des imperfeótions a, ce monument augufte? Ah! fi 1'enthoufiasme exagère dans un fens, 1'envie exagere bien plus dans un autre: & appartient-il a aucun ouvrage humain, appartient-il fur-tout au premier jet, d etre a 1'abri de lacenfure? Mais, a 1'avenir, rien de ce qui eft bon n'eft imposfible: & ce qui garantit la pcrmanence, la durée, le perfeétionnement progresfif de la régénération nationale, c'eft cette même opinion pubiique qui 1'a fait naitre. Oui, d'enfans nous fommes devenus des hommes faits; la nation doit a 1'expérience même de fes malheurs , une émancipation honorable; la langue facrée des fages eft & fera de plus en plus celle de la multitude. Qui mieux que le Sage , qui, a la tête de la députation du corps municipal nous honore ici de fa préfence, a exprimé cette confolante penfée (i)? Voici ce qu'il écrivoit très-antcrieurement a la révolution : „ Tandis que les grands hommes font marcher les fciences, augmentent le nombre des vé- (i) M. Baiiïy, hift. de 1'Aftron. mod., difc. préL  ( »I ) Vérités par des de'couvertes nouvelles, 1'hiftoire répand ces vérités ; elle fait defcendre les connoiffances, comme les eaüx amaiTées fur la cime des montagnes, que la pente diftribuedans les plaines par des canaux. Ce bienfait appartient aux campagnes; les connoifTances les plus élevées appartiennent également a tous les hommes ". — Qu'il fe développe, qu'il fe fortifie eet efprit public; nous verrons bientot ceiTer, entièrement ceffer ces agitations, ces inquiétudes, entre Iesquelles nous avons été ballottés pendant une efpace de trente mois. — Trente mois! — Nous plaindrions-nous ? O Hollande ! ö le berceau de mon enfance ! tu achetas la liberté, le fimulacre feulement de la liberté, par quatrevingt ans de malheurs & de guerre! - Qui de nous ne béniroit donc ce jour défiré, ou Ia Conflitution achevée par Ie corps augufte que la nation avoit chargé de ce foin, a été acceptée par Ie roi; oü ce prince, furmontant toutes les intrigues ourdies autour de lui, toutes les impreffions finiftres dont on Ie circonvenoit, toutes les allarrnes offertes a fa fenfibilité, eft venu, au milieu du fénat régénérateur, jurer, figner fon ouvrage? Qui de nous ne préfageroit le falut de la nation de eet affentiment de fa trés-grande majorité , manifefté tant de fois & avec tant de force, conftaté par B 3 la  ( 22 ; la formation de la législatlon nouvelle , prouvé encore par les progrès de la perception des impöts, & par ceux de 1'organifation des différentes parties du corps focial ? O! déformais avec de l'oi • dre,avecle refpecl: düalaloi,aveclafoumiffion & l'obéiffance aux autorités conftituées, la patrie eft fauve ! Volei la journée que l'Eternel a faite I} Egayons-nous, réjouijjbns-nous en elle! C'eji iciïpuvrage de l'Eternelt un prodige de fa bonté de fa puijfance quil daigne étaler a nosyeux! — Et, Ji Dien eft pour nous , qui fera contre nous ? —~ Pourquoi les nations s'agitent-elles? Pourquoi les rois de la terre confpirent - ils , &? projettent - ils des chofes vaines contre 1'Eternel contre fon oint? L'Eternel fe rira de leurs complots infenfés ; il leur pariera dans fon indignation ; il les remplira de terreur par le tonnerre de fa juftice. O rois de la terre, ècoiitez! Modérateurs des peuples, recerez injlrtttlion! Cette pierre que vous rejettiez de la CQnfiruiïwn de l'édifice focial, la liberté, efl devenue la maitreffe pierre du coinl Par-tout elle va récluuer cette place avec tout 1'afcendant de la raifon & de la vérité; les tyrans s'enlaceront dans leurs proprcs filets; La meule, dit 1'Ecriture , retourne fur celui qui la roule> Francais! faifons de la métnorable époque k iaquelle nous nous rencontrons, notre bonheur & iiotre gloire! Si les dësordres de fanarchie ont  ( 23 ) ont pu louiller notre paffage de 1'oppreffion a la liberté, fongeons que déformais la révolution eft finie, & que nous fommes fous 1'empire de la Conftitution. Ce qui lient encore du prodige, cc que nous devons encore reconnoïtrè comme un bienfait fignalé de la Frovidence, c'eft que de ce bouleverfement univerfel, dont nous avons été les .témoins, il ne foit pas forti des désordr :s infiniment plus multipliés & plus graves: c'eft que cette contrée immenfe, privée touta-coup de lois , de magiftrats , de tribunaux, de miniftres du culte, de difcipline militaire, ne fe foit pas précipitée toute entière dans 1'abïme de la confufion & de la licence. — Mais, malheur a nous, fi rappelés fous la bannière de laloi, de cette loi, l'expreffion du voeu populaire, 1'ouvrage de nos repréfentans, nous renouvellions les fcandales de 1'anarchie ! Nous appefantirions le joug, nous riverions les fers des autres peuples, qu'il ne tient qu'a nous de conquerir a la liberté par 1'exemple d'un patriotisme fage, ferme, modéré. Pardonnons a des enfans les pleurs qu'ils verfent fur leurs hochets brifés, a 1'amour-propre fès regrets outrés de n'avoir pu faire prévaloir fon fyftême, a I'intcrêt perfonnel fes douloureufes lamentations fur un dépouiilement fi fort éloigné de fes calculs, a une dévotion peu éclairée fes fcrupules vrais B 4 ou  ( H ) ou prétextds; pardonnons fur-tout a la fenfibi* lité la légitime horreur qu'elie témoigne pour des. exces dont nous préviendrons foigneufemenc le retour. Mais que 1'amour de la patrie rallie toutes les dalles de citoyens , & que 1'intérêt commun nous rende inféparables. Ce vreu eft celui du roi, exprimé avec toute 1'effufion du fentiment dans fon discours a la nouvelle législature; j'aime a en emprunter encore ces précieufes paroles: „ C'eft au grand intérêt de 1'ordre que tient la ftabilité de la conftitution, la füreté de 1'empire, le retour de tous les genres de profpérité. Qjae la puiffance publique fe déploie fans obftacle! que i'adminiftration ne foit plus tourmentée par dé vaines terreursj! que les propriétés & la croyance de chacun foient également protégées, & il ne reftera plus a pei*fonne de prétexte pour vivre éloigné d'un pays oü les lois feront en vigueur, & oü 1'ou refpectera tous les droits { „ — O! ratifie le ciel ce confolant augure !. Venez, mesfrères, profternons-nous tous enfemble devant le Très-Haut pour lui xenouveller nos folemnelles aétions de graces, & pour mettre ce royaume fous les iavariables aufpices de fa proteclion. F R I E R E,.  ( "*5 ) P R I E R E. Grand Dieu, dont 1 'aftre du jour & Ie moïndre des infeftcs nous préchent également la grandeur & Ia puiffance, que les anges & les hommes adorent par un faint concert, qui he te laiffes en aucun inftant, envers aucune de fes créatures, fans des témoignages fenfibles de ton infinie bonté; nous te bénisfons de ces relations, non moins bonorables que falutaires, que tu nous permets de foutenir avec toi! .Que li'as-tu point fait pour nuus dans la nature! que n'as - tu point fait dans Ia grace! — O Dieu! a 1'effufion de tous les fentimens que nous te devons a titre d'hommes & de chrétiens , permets que nous joignions fingulicrement aujourd'hui Ie tribut de notre gratitude dans notre qualité de citoyens & de patriotcs! Si Jes feuls hommages infpirés par le coeur, font en droit de teplaire, refuferois-tu d'agréer ceux de cette affemblée? Ne monteroient-ils point vers ton tröne comme un parfum de bonne odeur? Tu nous vois vivement pénétrés de Ia grandeur de 1'époque a laquelle la providence a daigné nous conduire. De quel cahos de préjugés & d'abus tu as enfin rétiré ce royaume! A combien d'injufticesj de prévarications , de désordres, tu .B* as  ( *6 ) as marqué le térme! quelles follicitudes, dé quelles crifes tu nous as délivrés! De quelles oppofitions ennemies, dequelsobftacles nous avons triomphé avec toi! Depuis plufieurs fiècles cette nation , qui femble appellée a la liberté par fon nom même, étoit profondément endormié fous les entraves du despotisme: mais fon réveil a éte terrible comme celui du lion. Soudain la defcente inespérée de 1'efprit public a fait parIer a vingt-quatre millions d'efclaves un langage noble & fier : les orgueilleux fatellites de 1'oppreffion en ont été cpnfternésjf/f n'ont point trouvé leurs mains, ces hommes fi accoutumés a fe targuer de leur naiffance, elle a croulé fur ces fondemens, cette forterefle menacante, le trop long effroi des penfeurs courageux, des ennemis de 1'adulation & de la fervitude. Auffitót un nouvel ordre de chofes a commencé a naïtre. L'épée dans une main , féquerre de la raifon & de la juftice dans 1'autre, nous avons bati ce temple majeftueux de la Conftitution, que les fiècles accumulés pourront perfectionner désormais, mais qu'ils ne pourront abattre! — O notre protefteur ! notre père! comblés de tes graces, nous t'en demandons de nouvelles encore ! Que cette mémorable conjonclure foit univerfellement caraclérifée par le retour de 1'ordre & de la paix! Que tous les intéréts par- ti-  '( 27 ) ticulièrs aiment enfin a fe confondre dans 1'intérêt général! Rapproche, concilie les paras oppofés! Pardonne de trop cruelles vengeances; effaces-en le fouvenir; préviens-en le retour! Refferre par d'indiffblubles noeuds 1'accord intime de la nation avec fon augufte chef! Que rien ne puiffe troubler a 1'avenir cette précieufe union! Conjure, de'tourne les orages qui menacent encore notre révolution au-dehors! Ramène des enfans égarés dans le fein de la patrie, qui leur tend les bras! Propage chez tous les peuples ces irréfragables principes, auxquels nous devons notre régénération fociale! Qu'ils deviennent par - tout un falutaire frein pour les tyrans couronnés ou fubalternes ! Que par de rapides progrès le jour de la raifon & de la liberté luife furie globe entier! Que fous les étendardsdel'une & de 1'autre, toutes les families diverfes , répandues fur fa furface, ne forment bientot qu'une vafte fedération d'amis, un peuple de frères! Bénis, grand Dieu! bénis, au milieu de nous, cette hiérarchie impofantede pouvoirs qui compofe la majefté nationale! Bénis cette législature qui remplace le corps conftituant! Que les dignes membres de celui-ci, ces généreux amïs du peuple , qui n'ont jamais dérogé ni a leur confcience , ni au vosu de la patrie, jouiiTenc dans  ( 28 ) dans leurs paifibles foyers de eette re'compénfe fi précieufe; le fuffrage de leur propre cceur, la reconnoiffance de leurs concitoyens, le fpectacle des progrès journaliers de la félicité publique! Préfide dans raffemblée de leurs fuccesfeurs avec ton esprit d'ordre, d'union, de fagelTe! Inveftis - les de Ia confiance univerfelle, en les penetrant de 1'importance de leurs devoirs! Qu'ils foient dignes de leurs dcvanciers, jaloux de confolider ce fuperbè édificé, conffcruit fur les ruines du brigandage & de l'oppreffion ! Bénis celui que ta grace & Ia Ioi conftitutionhelle de 1'Etat placent fur le tröne ! Bénis la reine, le prince-royal, madame royale! Identifie leur bonheur avec Ie bonheur public ! Eloigne de Ia cour 1'intrigue, Ia corruption ,' 1'incivisme! Entoure le monarque de confeillers fages, vertueux, patriotes! Veillé fur la plus intéreffante des éducations! Que la vérité habitant avec confiance un fëjöur nouveau pour elle, y amène a fa fuite un cortège de fatisfadiions inconnues & de véritables jouillances! Bénis toutes les parties fubordonnées de 1'adminiftration." Mets conftamment a la tête de nos départemens, de nos municipalités, de nos tribunaux, de nos armées, des amis éclairés & fmcères de 1'ordre, de la juftice, de la liberté. — Bénis fpécialement cette ville, & tous les détails  ( 29 ) tails de fon régime domeftique, & cette garde citoyenne, le frein & le défespoir des perturbateurs! Que les lettres, les fciences, les arts, que les manufa&ures, 1'induftrie , le commerce, doivent a la liberté un nouvel éclat, & faisnous éprouver a tous les égards que fi tu veux étre pour nous, rien ne fauroit être contre nous! Bénis ton églife! Renouvelle fes antiques fuccès par fon retour aux moeurs & a la difcipline antiques ! Fais refpe&er la fainteté des autels dans celle des miniftres devoués a leur fervice! Acheminepar Ia raifnn & la charité la prompte réunion de tous les cultes en un feul, digne du père commun des hommes! * Bénis-nous tous, ö notre Dieu! dans toutes nos relations & felon toute 1'étendue de nos befoins! Tu les connois mieux que nous! Ne nous exauce pas toutes les fois qu'aveuglés fur nos intéréts , nous te provoquerions contre nousmêmes! Réfigne-nous conftamment ataprovidence infiniment bonne & fage! Honore de ton approbation 1'humble facrifice denos louanges, le tribut de notre folemnelle confécration dans cette journée! Puiffions-nous tous fortir de ce te'mple meilleurs chrétiens, meilleurs citoyens, plus dignes de fceller avec une confiance filiale nos imparfaites priéres de cette oraifon accompli©  C 3* ) plïe que ton Christ nous a lui-même én- feignée: Notre Père, £fc. CANTIQUE. Pour le Service extraordinaire , célébré dans 1'Onaoire des Proteftans de Paris, le Jeudi 13 Oftobre 1791, a 1'occafion de 1'achèvement de la Conftitution & de fon acceptation par le Roi. Mis en mujiquepar MM, Gossec Mêreaux. Tout 1'Univers eft plein de fa magniflcencc: Qu'on 1'adore, ce Dieu; qu'on 1'invoque a jamais! Son empire a des temps précédé la naüTance., Chantons, publions fes bienfaits? Envain 1'injufte violence Au Peuple, qui le loue, impoferoit filence : Son nom ne périra jamais. Le jour annonce au jour fa gloire & fa puiiTancc. Tout 1'Univers eft plein de fa magnificence. Chantons, publions fes bienfaits! i/é-  ( 3i ) L'Étkrnel s'eft montré terrible A nos fuperbes ennemis: II fe montre doux & fenfible Pour des eceurs tendres & foumis. Le Ciel, témoin de nos alarmes, L'eft auffi du fort plein de charmes, Qui furpafle & comble nos voeux. Malgré 1'odieufe impofture, Tout annonce dans la Nature Que Dieu feul p^ut nous rendre heureux. Peuples, ceiTez de vous plaindrel II va remplir vos fouhaits: Mortels, qui favez le craindre, Ne craignez rien déformais. O Liberté' c'eft ta vidtoire, Qui fait 1'objet de nos concerts. Puifle la fplendeur de ta gloire Rejaillir fur tout 1'Univers! Je yois les Tyrans, pleins de rage, Fre'mir du folemnel hommage, Que nous te rendons aujourd'hui.' Des pièges qu'ils veulent nous tendre, Si Dieu daigne encor nous défendre, Nous ferons trop forts avec lui. Arbitre des eombats, arbitre des conquêtes, Toi, qui recois les vceux, recois auffi les fêtes De tes humbles enfans! A tout autre transport leur ame inacceffible, Se  ( 32 ; Se plait a célébrer lc pouvoir invincible ; Qui les rend triomphans. Des bienfaits du Dieu qui nous aime Les peuples diront étonnés: „ Quelle eft fa puifTance fuprême! „ De quel éclat de gloire il les a couronne's! „ Comme ils moiffbnnent dans la joïe Ce qu'ils ont feme' dans les pleurs! Qu'aux maux, dont ils étoient la proïc, „ Succe'dent tout-a- coup de brillantes faveurs!" Tel qu'un ruifeau.docile Obe'it a la mam, qui Ueiuumc Aju cours, Et laiïTant de fes eaux partager le fecours, Va rendre tout un champ fertile, Dieu, de nos volonte's Arbitre fouverain, Le cceur des rois eft ainfi dans ta main! Des plus paifibles destinées A Louis prolonge le cours: Ajoute des jours a fes jours, . Et des ages a fes anne'es. Que jamais le menfonge obfeur Des pas de 1'homme libre & pur N'ofe a fes yeux fouiller la tracé: Et que le vice fastueux ÏNe foit point affis a la place Du mérite humble & vertueux. Qu'on  C 33 ) Qu'on dife: „ Voila le rnodèle „ Que devroient fuivre tous les Rois! „ C'eft de la fainteté des lois „ Le protecteur le plus fidéle. „ Lepauvre, fous ce détenfeur, „ Ne tremble plus, que 1'oppreffeur „ Lui ravifle fon héritage-, „ Et le cbamp qu'il aura femé, „ Ne dcviendra plus le partage „ De 1'ufurpateur aflamé, V Eternel! hÉïte-toi de répandre fur nous Les torrens défirés de tes graces fécondes! Que notre rcpenür désarme ton courroux! Guéris de ta Cite les bleflures profondes! Grand Dieu! par toi feul fauve's* Par tes faveurs préferve's, Nousferons de nos chants retentir nos faints Temples: Et des deux bouts de 1'Univers On verra les Peuplcs divers Te craindre & s'emprefler a fuivre nos exemples. NB. Ce Cantlque n'eft qu'un raffemblement de ! ftrophes prifes dans difF- rens poëtes. Les deux premiers couplets font deRacine, Chaur i'Athalie, act. I, sc. 4; les couplets 3 & 5 font imités d'une traduftion du Pseau.me LVII, par Chavigny. Le couplet 4 eft d'une traduótion du Pfeaume LXXXV, par de Cérify. Les couplets 6, 7 & 8 de traduéïions anonymes des Pfeaumes CXVII1 & GXXVI. 9, de Racine, Chaur d'Efther, act. II, sc. 9- «o & " du pfeau' W.e LXXII, traduit par J. B. Rouffeau, excepté les qua-  ( 34 ) ere premiers vers du couplet io, qui font d'une traduaioii anonyme du Pfeaume LXI. 12. d'une traduaion anonyme du Pfeaume LXVII. Au commencement du Service 1'Affemblée, foutenue par 1'orgue, a chanté les trois derniers verfets du Pfeaumë CXVIII: Lavoici rheureufe joumée, &c. F I N: