Xf £ V O TA-GE TI JL jl m. m m x c jl x 2t o u O B S E3LVATÏÏ0NS Sur. PEtat aftuel, la Culture, le Commerce des Colomes Britanniques en Amérique; les Exportations & Importations refpeétives entre elles & la Grande Bretagne, avec un Etac des revenus que cette derniere en retire &c. Adreffées par un Négociant expérimenté, en forme de lettres, au très-honorable Comte de Traduit de VAngMs. Augmentè d'un :jb m jé c x s Jur VAmérique Septentrionale êf la République des. TREIZE-ETATS-UNIS. Par M. jh. M MDCCLXXXII. A Amsterdam, chez J. SCHURING, Libraire fur le Rockin.   TABLE GÉNÉRALE Avant-propos. .... p. v X-ETTjR.es I. II. Introduclion Générale. . . i III. Obferyations fur la JBaye d'Hudfon. 18 IV. Contimation ' . 28 V. Idem. 37 VI. Idem. . . 43 VII. Obferyations fur le Labrador. , 54 VIII. —^ ' Terre-neuve. . <5o XI. —— Canada. . . 69 X. Nouvelle Ecojfe. 85 XI. St.Jean&leCap Breton. 95 XII. . La nouvelle Angleterre. 99 XIII- Conneclicut, Rhode-Island, Nouyelle Hampsphire. 107 XIV. -— Nouvelle Torck. 120 XV. Penfylyanie. , 127 XVI. -—.—- Virginie c? Maryland. 132 XVII. —. Caroline Septentrionale, 14.1 XVIII. ——— Caroline Méridionale. 151 XIX. La Géorgie. . . 160 XX. — La Floride Oriëntale. 169 XXI. La Floride Occidentale. 175 XXII. Récapitidation générale. 183 XXIII. Montant total du Commerce de rAmérique, &c. &c» =193 * 2  Content? du Précis sur l'Amkriqusj Septentrionale et sur la ÏUpublique des treize-et ats, u ni s. Réflexions Préliminair es i Divifion de ÏAmèrique Septentrionale avec les ■Latitude Longitude des dijférentes places. . 9 Pojfeffions Angloifes avant la guerre préfente. . 25 Officiers tani tivils que Militair es ayant la rêvolutwn. 29 Üfages de Cornerce, &c 35 Tableau de la yaleur des monnoies c . . .36 Origine des Colonies danstAmèrique Septentrionale. 37 Etats-Unis indépendans. 64. Nouvelle-Angleterre . . 80 Nouvelle-Hampshire. . * i ■ > 85 MaJJachufet - .... 87 Rhode-lfland. • • 92 Conneclicut 95 Nouvelle-Tork 97 Nouvelle-Jerfey • . 101 Delaware io3 Penfylvanie 105 Maryland ll4 Virginie. . . ~ 119 Caroline Septentrionale. . 128 Caroline Méridionale 131 Géorgie. 139 Traité Samitié & de Commerce &c. entre L. ff. P. & les Etats- Unis 146" AVANT-  f AVANT PROPOS. JQ/ouvrage dont j'offre aujourd'hui la tradu&ion, fat entrepris par les ordres & fous le miniftere du célebre Lord Chatam. On fait que la Grande-Bretagne n'a jamais eu de citoyen plus vertueux & plus fincerement attaché au bonheur & a la gloire de fa patrie. Révolté des monopoles que plufieurs Compagnies de commerce exercoient fur les produótions des ColoniesAméricaines, ce vigilant Miniftre voulut s'inftruire avec détail des opérations cachées, & réalifer fes doutes. Un Négociant éclairé, dont nous ignorons le nom, juftifia pleinement le choix du Miniftre ; il publia fes obfervations k Londres en 1769 fous ce titre: The American Traveïïer, or obfervations on the prefent ftate, culture and commerce of the British Colonies in America &c. Dès que ces Obfervations parurent, elles firent une fenfation fi vive, que la Cour, intéreiTée& tenir fecrete une partie des opérations de Ia métropole avec fes Colonies, n'éparA 3  VI gna ni foins ni argenü pour s'emparer fous main des exemplaires, & en empêcher ainfi la duTémination. Conduite par une politique rafinée , & dont la fuite a prouvé la fagefïè, la Cour ne parut mettre aucune importance a *cet ouvrage, & au lieu de fuivre les maximes des autres gouvernemens en défendant qu'on en fit la publication, ce qui 1'auroit fait rechercher avec plus d'ardeur, eile garda le filence, & le livre ne reftant que dans les mains d'un petit nombre d'individus, fut bientöt & prefque entierement oublié. Un Américain de mes amis, m'ayant communiqué eet Ouvrage, j'en trouvai les expofés fï intéreffans, les vues fi fages & les avis fi nécefïaires k fuivre pour ceux qui refteront ou deviendront propriétaires du commerce de ces contrées, que je me fuis fait un devoir de les traduire & de les publier pour 1'intérêt commun des Négocians. Comme la direétion que prend actuellement le commerce des Etats-Unis, furtout depuis la reconnohTance folemnelle  VI! de leur indépendance par une nation qui leur a fervi de modele, promet a la Hollande des avantages confidérables, j'ai cru mériter de mes Concitoyens & de la Ré publique, en lcui offiam dans une langue qu'ils entendent généralement, des lumieres dont ils trouveroient' difficilement la réunion en confultant, mêmeauprixde beaucoup de peine & de tems, différens ouvrages oü 1'on ne voit que des traits épars fur cette importante matiere. C'eft dans cette vue, & pour fuppléer a ce que le Voyageur Américain ne dit pas, que 1'on trouvera a la fuite de cette traduftion, un Précis de ce qu'il importe le plus de favoir, pour la partie hiftorique, topographique &mercantile de 1'Amérique feptentrionale, & particulierement des treize Républiques qui viennent de s'y former fous le nom SEtats-Unis & Indépendans. Le Traité SAmitiè & .de commerce qu'ils viennent de conclure avec nous, eftune piece trop précieufe pour ne pas 1'inféref \ la fuite de eet ouvrage; c'eft un cöde que: les Négocians auront fouvent befoia * 4  VHÏ de confulter, & qui ne fauroit être plus convenablement placé. Dans le cours de ce Précis, quelquefois j'ai fait parler les Auteurs eux-mêmes paree qu'il m'aurok eté impuffible de dire mieux, & qu'il eft honteux de tronquèr les idéés des autres pour fe les approprier. Enfin, pour rendre eet ouvrage plus utile a ceux qui le confulteront, j'y ai joint une carte générale des Treize Etats-Unis, gravée avec le plus grand foin d'aprés celle de M. Bonne, publiée en deux feuilles dans 1'Atlas qui eft a la fuite de XHiftoire de M. Raynal, éd, in-40. Quant aux longitudes & aux latitudes des différens pays dans cette partie du Nouveau Monde, je peux garantir d'autant plus 1'exaóütude de celles marquées d'un Aftérifque, qu'elles ont été foumifes a 1'examen de M. de La Lande, ce célebre Aftronome qui fait, depuis plus de trente ans, 1'admiration de fon fiecle, par fes talens, & 1'ami de tous ceux qui cultivent les arts & les fciences, par fon penchant k les encourager,    OBSERVATIONS S U R L A CULTURE E T L E COMMERCE DES COLONIES BRITANNIQUES, &c, i ■ • . • , ■ ■ —■ L E T T R E I. M i l o k d, J^a derniere fois que j'eus l'honneur d'entretenir votre Seigneurie , elle me parut defirer que je réunifle fous uu A  (O feul point de vue les nombreufes obfefvations que j'avois pris la liberté de lui communiquer fur 1'étac aftuel des Colonies Britanniques, & fur les améliorations dont elles font fufceptibles , tant dans leur culture que dans leur commerce, pour 1'avantage mutuel de la MerePatrie & le leur propre, avantage que V. S. fent parfaitement, & dont elle pourroit démontrer beaucoup mieux que moi & la realité & les moyens. Votre volonté, Milord, fera toujours une loi pour moi; je fais par expérience qu'elle eft fondée fur de fages principes, & qu'elle ne tend qu'au bien public. Je prendrai donc volontiers la tache que vous m'avez prefcrite, fans trop augurer de mes talens, fans trop auffi me défïer de ma propre capacité; ce qui blefTeroit plutót la délicatefTe & le jugement de V. S. qu'il ne prouveroit ma modeftie. Je parlerai avec confiance, paree que je dirai la vérité & que mes intentions font pures. Les obfervations que je foumets a V. S. font le fruit d'une expérience confommée  (3) & d'une profonde méditation. Ëlles font fondées fur des faits. Elles feront dépourvues des ornemens de la diélion; une vie toujours aétive ne m'a guere lailfé le loifir de m'adonner a cette forted'étude. Qui ne fait que ces ornemens ne font le plus fouvent employés que pour colorer une mauvaife caufe, & qu'ils fervent plutót a éblouir qu'a éclairer? Je fuis d'aifleurs convaincu, qu'en chofes de cette nature, V. S. confidere plutöt le fonds que la forme; je ne dois pas craindre qu'elle rejette une vérité, paree qu'elle ne fe montre pas a elle fous un brillant coloris. Dans 1'exdcutioii de cette entreprife (on ne peut proprement donner d'autre nom au travail d'un homme qui s'occupe d'un fujet auffi étendu) j'ai cru devoir préfenter mes idéés a V. S. dans une fuite de lettres; & j'ai adopté cette mé* thode, pour plufieurs raifons. La première, & qui m'eft perfonnelle$ c'eft qu'ayant été par mes occupations de commerce plus accoutumé au ftilö A 2  (4) épiftolaire, je puïs, avec plus de promptitude, &peut-être plus de clarté, rendre ainfi mes idéés que de toute autre maniere; quand ce motif ne feroit par fuffifant, beaucoup d'autres raifons m'auroient déterminé a ce choix. Par cette maniere d'écrire, j'ai la facilité de divifer mon ouvrage comme il me plaït, & d'éviter au lefteur le défagrément de s'arrêter au milieu peut-être de mon raifonnement, paree qu'il ne verrok oü reprendre haleine. Mais, quelque indolent & diftrait qu'on puhTe être, il eft rare qu'on n'ait pas affez de curiofité ou de courage pour lire en entier une lettre, quand elle n'eft pas longue. Avec cette méthode, j'ai encore la liberté de faire une paufe quand je veux, de m'écarter même de tems en tems de mon chemin pour recueillir ca & la des lumieres qui peuvent répandre un plus grand jour fur mon fujet, & donner plus de force a mes aflertions, fans craindre que cette licence, qui, dans un ouvrage plus régulier, feroit juftement cri-  (5) tiquée, foit défaprouvée dans celui-cl. Ce n'eft pas tout, cela me facilite auffi les moyens de récapituler mes raifonnemens quand il eft expédient; de les avoir ainfl tout prêts, pour, a i'occafion, réunir toute leur force en un feul point, & réfuter les objeétions qu'on peut faire. Ces particularités vous font connues, Milord; fi j'en fais mention ici, c'eft afin qu'on ne m'impute pas la ridicule vanité d'avoir voulu infinuer par cette efpece de correfpondance, que je fuis familier avec une perfonne d'un caraétere & d'un rang auffi diftingué qu'eft V. S., que perfonne n'honore plus que moi. D'après cela, il eft de mon devoir de déclarer que, dans le cours de ces lettres, j'aurai fréquemment occafion de parler de bien des chofes, & même de m'appefantir fur des preuves déja fuffifamment connues de V. S. En les lui adreflant, je n'ai prétendu nullement rien luiapprendre, mais bien a ceux qui n'ont pas eu, comme elle, les moyens d'acquérir ces connoifïances. Bien plus, j'ofe réclamer 1'indulgence de A 3  C6) V. S. & la prier de ne pas trouver raauvais fi,en bien des occafions,j'enappelle a fon témoignage. Une autorité auffi refpeftable ne peut manquer de m'attirer la confiance de mes leéteurs. Après avoir donné a V. S. les raifons perfonnelles & les motifs que j'ai de pren* dre cette voie pour lui communiquer mes réflexions, je lui rendrai compte dans ma prochaine lettre du fujet que je me propofe de foumettre a fon jugement, 6c de la méthode que je prendrai pour en faire la difcuffion; en obéiflant ainfi aux ordres de V. S. je ferai difpenfé d'une Préface ou Apologie plus longue. Je fuis avec autant d'attachement que de refpect, MlLORD, de V. S. le trés - humble & k très-obéijjant ferviteur.  (7) ' Tr'i",,,'^:* L E T T R E ï'1 M i L O R D, (3n ne connoit jamais plus le prix d'un ami , que lorfqu'on 1'a perdu. Je defire fincerement que cette remarque (qui n'eft pas nouvelle) ne foit point applicable a la Grande - Bretagne % par rapport a fes Colonies Américaines. Avant nos funefles querelles, quand un Anglois & un Américain fe trouvoient cnfemble, ils fe félicitoient réciproquement des avantages de leurs liaifons, (qui n'étoient pourtant pas a beaucoup prés ce qu'ils auroient pü être) fans confidérer jamais ni la fource de ces avantages, 01 les moyens de les augmenter, pas même ceux de les conferver; ce qui n'eft que trop ordinaire a 1'égard des faveurs du Ciel les plus marquées. A 4  ( 8 ) Je ne prétends point adoucir cette remarqué pour aucun cöté; elle n'eft malheureufement que trop applicable a tous les deux. Mais comme la première idéé d'un homme de bon fens qui s'occupe des affaires publiques,a, ou dumoinsdoitavoir pour objet immédiat le bien de fa patrie, je confidérerai premierement jufqu'a quel point les Colonies font avantageufes a Ia Grande-Bretagne& combien plus elles pourroient 1'être. Viendront enfuite les avantages que retirent de leur cöté les Colonies de leurs liaifons avec nous; & ces deux confidérations feront fentir de quel intérêt il eft pour elles & pour nous d'entretenir cette bonneintelligence, cette intimité mutuelle qui font la bafe & la fureté de la mere & des enfans. Les preuves & la difcufïïon de ce que j'avance ici, ne feront qu'un expofé fimple des moyens nécefTaires pour parvenir a cette grande fin. On verra qu'il n'eft rien de plus naturel & de plus évident que ces moyens. Quand je dis que le premier objet d'un homme de bon fens, doit être le  (9) bien de fa patrie, je n'entens nullement, qu'il doive pour cela faire ou imaginer rien d'injufte en foi-même, ou de contraire aux véritables intéréts d'un autre pays: je veux dire que fi les intéréts refpeétifs de fon propre pays & d'une autre contrée font équilibre, il eft alors de fon devoir de faire fon poffible pour que la balance penche en faveur de fa Patrie. Ce devoir eft de la même nature, & dans le fond a la même origine, que celui qui eft fi fortement imprimé dans nos ames par la raïfon & la religion, fiivoir 1'amour de nos parens; car Tendroit ou nous naijjbns, auffi bien que les auteurs de nos jours > étant défignés par 1'Arbitre fuprême de nos deftinées, ils ont également droit a notre attachement, quoique dans un degré différent. La tendreffe filiale concentrée dans un point, fe conferve en entier, au lieu que 1'amour de la patrie s'épanchant peut-être fur des millions d'in* dividus, devient néceffairement moins énergique pour chacun d'eux. Je n'infifterai point fur le plus ou le moins de A 5  rapport & de connexité immédiate & intime entre le premier & le dernier de ces devoirs; cela faffit pour démontrer 1'erreur de cette propofition générale d'un Philofophe ancien, quife difoit citoyen de tunivers, comme s'il eüt voulu infinuer par la que tous les pays devoient être également chers aun homme d'efprit; mais, en tenant celangage, il eft probable qu'il ne fe propofoit autre chofe que d'inculquer profondément dans nos ames la Philantropie, ou, dans le ftile facré, Vatnour du genre-humain , fans nullement prétendre récufer ou contefter 1'attachement naturel & indifpenfable qui doit lier tout homme k fa Patrie. Les honneurs rendus h ceux qui ont facrifié tout ce que la nature a de plus cher a 1'amour de la Patrie, mxBruius, aux Decius, & a tant d'autres Romains & Athéniens, qu'il eft inutile de nommer ici, prouvent combien ce fentiment eft univerfel, & a quel degré d'eftime il a été dans tous les tems: le grand mobile de ces ames fublimes étoit 1'amour de la  (II) Patrie; dans la confervation de 1'Etat ils voyoient leur propre confervation. Des peuples ignorans ont porté ce fentiment généreux plus loin encore que les nations civilifées: dans 1'ardeur de leur enthoufiaime & de leur reconnoiffance, les honneurs humains leur paroilfant trop peu de chofe pour récompenfer ces bienfaiteurs de 1'humanité, ils ne crurent pas trop faire en leur décernant les honneurs divins. V. S. me pardonnera cette petite digreffion, puifqu'elle fert a éclaircir un fujet qui lui eft cher au point d'en faire la bafe & la regie de fa vie publique. j'ai dü la faire , cette digrefïïon, pour prévenir tout foupcon de partialité dans ïa difcuffion d'une matiere auffi délicate qu'eft naturellement le commerce entre les Colonies & la Mere-Patrie, furtout dans le tems & la conjonéture actuelle. Pour donner plus de poids a ce que je vais dire fur cette matiere importante, il eft néceffaire de dire que ce qui a porté V S. a me donner cette tache,  (12) §'a été 1'expérience & les connoiflances perfonnelles que j'avois acquifes étant fur les lieux. J'ai eu 1'honneur d'informer V. S. des découvertes que je fis dans 1'année i 744, & comme j'ai traverfé depuis ce tems les cötes entieres de 1'Amérique depuis le 68 e, de latitude Sept. jujqifau cap de la Floride, & pénétré a plus de cinq cents lieues a 1'Oueft dans des déferts oü jamais Européen n'avoit mis le pied, il me fera facile de prouver que les relations qu'on a publiées fur ces vaftes régions ne font nullement exacl.es; les raifons que j'en donnerai font fondées comme j'ai déja dit, fur Ie réfultat de ma propre expérience, fur le témoignage de mes fens, & fur 1'évidence immédiate des faits: c'eft fur le fondement de cette même expérience que j'expoferai mes obfervations fur le commerce des Ifles des Indes occidentales, & celui des Colonies dans le Continent. Dans le cours de plus de 30 ans que j'ai fait conftamment le commerce en tout genre avec les colonies de la Baye  ( 13 ) cTHudfon, Terre-Neuve, Quebec, Nou* velle-Angleterre , Penfylvanie, Virginie* les deux Carolines & la GA>rgfe, avec les Barbades, la Grenade, 5. , la Zto- minique, Antigua, Montferrat, Nevis* S. Cbriftopbe & la Jamaïque, on ne peut pas fuppoler raifonnablement que le commerce de ces endroits m'ait été inconnu, ou que mes remarques, fur ce fujet, ne foient que des rêveries, des idéés chimériques deftituées de fondement, comme on le peut dire de la plupart de ceux qui ont écrit fur cette matiere. Rien de mieux, ce me femble, qu'une expofition claire & fuccinóle de ce qui m'a le plus frappé en vifitant les différentes parties de 1'Amérique, pour préparer 1'efprit de mes lecteurs aux idéés d'amélioration que je foumets en toute humilité a V. S. touchant la culture & le commerce de nos Colonies, qui, comme je lui déja obfervé, font les fources de tout bien pour ces pays. Cette expofition foumira en même tems la preuve la plus convaincante de la valeur ineftimable de  C 14) ces Colonies pour la Mere-patrie, & la nécéflïté, indilpenfable en tout fens, foit politique ou prudence, de remédier aux malheureux difFérends qui paroiflent menacer, d'une maniere fi alarmante, d'interrompre, & peut-être de détruire entierement les rapports mercantiles de part & d'autre; car on ne peut fe diffimuler qu'a eet égard nous fommes dans une crife affreufe. On ne doit pas s'attendre a trouvef dans eet ouvrage la defcription topographique de ces colonies, non plus que la relation des manieres, & des coutumes &c. des habitans: fi 1'on defire a eet égard favoir quelque chofe de plus, il fera facile de fe fatisfaire en recourant a différens ouvrages qui en ont traité & font entrés la-defiiis dans de longs détails. La nature du fol, la température du climat, 1'état de 1'agriculture & du commerce, dans les chofes commodes & néceflaires, tant pour le foutien & 1'ufage immédiat des habitans, que pour la commnnication & les échanges réciproques  ( 15 ) avec d'autres Colonies; les importations, exportations & retours mutuels, voila quels feront les objets des obfervations que je me propofe de foumettre a Votre Seigneurie & & la confidération publique. La difcuffion de ces objets fera naturellement voir, comme je 1'ai déja infinué, les améliorations qui peuvent être faites dans ces domaines de 1'Empire Britannique. Je ne voudrois pas non plus qu'on me crüt partifan de 1'un ou 1'autre parti dans les querelles qui fubfiftent acï:uellement entre la Mere-Patrie & fes Colonies; je fuis trop intimement perfuadé de mon infuffifance, pour rifquer mes fentimens fur un fujet au-deflus de ma fphere; 1'homme officieux eft rarement bien accueilli en pareille circonftance;fon zelenuitplus qu'il ne feit. L'orgueil du coeur humain fe révolte aifément contre 1'avis d'un inférieur que 1'on dédaigne, quelquejufte & fage qu'il foit, paree que tout confeil fuppofe une fupériorité d'efprit dans celui: qui le donne.  (16) Cependant, Milord, mon deffein n'eft pas de garder abfolument le fïlence fur cette malheureufe querelle. Je dirai mon fentiment, quand, dans le cours de eet ouvrage, 1'occafion fe préfentera naturellement d'en parler. 'Toutes les fois que les manieres & les coutumes des habitans a&uels, foit natifs, foit Européens , me paroitront influer fur le fort des Colonies, tant en bien qu'en mal, je me ferai un devoir de faire remarquer cette influence & de propofer les changemens qu'il convient de faire dans ces manieres & coutumes, pour prévenir le mal, ou augmenter le bien. Je me crois également autorifé a dire ce que je penfe a 1'égard des fïftêmes de politique adoptés dans 1'adminiftration de nos Colonies, tant ici que fur le lieu. Toutes les fois qu'ils me paroitront évidemment conformes ou contraires aux intéréts des deux partis, car ils font inféparables, je n'héfïterai point a montrer en quoi & comment ils font tels, & k déclarer, avec tout le refpect dü au pou- voir  ( ï7) voir fuprême, & a des lumieres fupérieures aux miennes, les moyens que je crois les plus efficaces pour accroitre le bien ou faire ceffer le mal. J'ai 1'honneur d'être, &c. B  ( i8) m ■ — & L E T T R E III. M i l o r d, T ft| e commencerai ces recherches par un de nos établiflemens le moins connus, & qui cependant n'eft pas le moins important en lui-même; c'eft celui de la Baye-d'Hudfon, oü d'un premier coup d'ceil 1'on voit les biéns qu'il eft facile d'y opérer. On eft fi bien informé en quel tems, comment & k quelle occafion cette vafte mer a été découverte, & 1'on connoït fi bien les régions qui 1'environnent, autant s'entend qu'on y a pénétré jufqu'a préfent, qu'il feroit fuperflu d'entrer ladeftus dans quelque détail. Le deflein de découvrir un pafiage a la Chine a été le premier motif qui détermina nos hardis concitoyens k s'enfoncer dans les mers du Nord: quoique cette tentative fut fans fuccès, elle n'en a pas  ( 19) moins prodüit une conféquence qui, f| elle ne leur fut pas immédiatement avantageufe a eux-mêmes, 1'a cependant été a leur pays. Les fatigues, les dangers & les dépenfes de ces intrépides avanturiers fu« rent confidérables; plus d'une fois ils fe virent arrêtés dans leurs courfes, & forcés par la rigueur du climat qui rend ces mers impraticables, de chercber fur des rivages barbares de quoi fournir a leur fubfiftance jufqu'au retour de la faifoa propre a pourfuivre leur projet. Tels furent les premières caufès de commerce avec les habitans de ces pays, commerce auquel on n'avoit pas encore penfé, & qui probablement n'auroit jamais eu lieu, tant les difficultés & les obftacles étoienc nombreux & capables de décourager 1'esprit le plus acTif & le plus entreprenant. Séparés de la partie Ia plus inftruite du globe, réduits a vivre dans un pays inculte, les habitans de ces régions lointaines bornoient leurs befoins dans le eerde étroit des néceffités indifpenfables de la vie, fans penfer a quoi que ce foit qui B »  (20) aurpit pu leur faire naitre 1'idée*, encore moins 1'cnvie de fe procurer rien de plus. Le commerce qu'on fitd'abord avec eux, fut donc néceffairement comme dans fon principe, c'eft-a-dire un troc immédiat ou échange d'une denréé pour une autre, fans intervention d'argent, répréfentation facTice, néceffaire pour prévenir les difficultés & remédier aux inconvéniens des échanges dans les pays d'un commerce plus étendu & plus abondant en denrées. Le commerce d'échange efl d'un avantage manifefte pour ceux qui en favent profiter. C'eft un moyen de fe défaire k bon prix des denrées & marchandifes furabondantes chez foi, & qui par conféquent y font de peu de valeur. Ceux a qui onles porte, n'étant pas en état de fe les procurer ailleurs, ne les demandent pas a meilleur marché , quelque abondantes qu'elles foient, & n'exigent pas qu'elles foient d'une délicatelfe & d'un fini qui les enchériroient beaucoup pour le vendeur, fans être d'une grande utilité pour 1'acheteur; ils font même peu  («) d'attention sux défauts d'une marchandife que d'autres rejctteroient. Cependant celui qui les leurporte, a en retour des effets que les natifs lui abandonnent a trèsbas prix, & d'autant plus volontiers qu'ils leur font inutiles; ceux-ci fe trouvent même fort heureux de pouvoir ainfi les échanger pour d'autres dont ils ont befoin, & qu'ils ne fauroient avoir autrementje n'infifte pas, Milord,fur le profït confidérable que retire notre nation des matieres brutes qu'on apporte dans le pays pour y être fabriquées; il n'eft perfonne qui ne fache qu elles fourniffent de 1'occupation a une infinité d'ouvriers, dont beaucoup fans cela feroient oififs, pour ne rien dire de plus. Ces circonftances étoient trop frappantes pour n'être pas aufïïtöt appercues; mais on n'avoit pas feu en profiter, a beaucoup prés, & ce qui auroit du être d'un avantage immenfe pour toute la nation, ne 1'étoit, au moyen d'une charte exclufive, que pour un petit nombre d'individus, qui, excités par une cupiB 3  (.«»■) dité bafTe & 'fordide & une politique mal con9ue ou plutót iMöire, favoient adroitement le rapporter en entier a eux-mêmes en reftreignant ce commerce, au lieu de 1'augmenter, de crainte que le bénéfice qu'ils retiroient de ce monopole (par comparaifon immenfe) étant connu, ne devint un objet de confidéracion publique. Ceft ainfi que, par inattention, ou fur de faux expofés, on les a laiiTé abufer tranquillement & avec la plus infigne mauvaife foi, d'une charte qui, dans le principe, leur avoit été accordée fous les prétextes les plus plaufibles & les plus fortes affurances du bien public. La chofe fera mieux expliquée & prouvée par la lifle & 1'évaluation fuivantes des différens articles exportés iïAngleterre a la Bate-tfHudfon, & la lifle & 1'évaluation de ceux qui ont été importés de eet Etabliffement en Angleterre. Elles ont été dreffées avec la plus grande exaditude & d'aprés les meüleures autorités.  ( n ) MARCHANDISES EXPORTÉES DE UANGLETERRE POUR LA BATE UHUDSON. Draps de laine communs,\ Pelkteries , Cotons, Toïles j d'Angkterre, Ar mes de chasfe, Fufils de cbafe, Pierresl èfufil, Poudre a'tirer, Bal-\ les de plomb, Coutelas, Cuirs i apprêtès, Set, Farine de froment, d'avoine, d'orge, Pois, Fêves ,Dreche ,Lard & Boeuf falè & fumé, Beurre, Fro- tg 16>ooa mage, Bifcuit, Mélajfe, Acier j travaillé, Fer, Bronze, Cui-\ we, Etain, Pïpes, TobetcA Bonneter ie, Cbapeaux, Cban- delles, Agres, & Provifion de navire , Merceries, Epice- ries, Huik, Eaux devie Vins. Tous ces articles, auj prix moyen de trois années, | ont coüté J' B 4  (24 ) MARCHANDISES EXPORTÉES DE LA BATE UHUDSONPOUR UANGLETERRE. 34 milk peaux de Ca/lor,' 16,000 Martes 2000 Loutres, 1 100 Fouines, 3000 Renards 5000 Loups, 7000 Lievres ,650 0&7\r »o/ry 40 Ours blancs, 500 Pêcheurs, 250 Orignaux 3000 G^/, 3 o # 50. quintx.plumes de Ut, 20. ^ 30 quintx. cotes de^1 baleine, quelques tonnes huile' £29>34-o* de haleine, 150,000 plumes d'oie, 2000 $poil de Caflor, 1000 peaux dElan, 2000, peaux de Bêtes-fauves, 250®. Caftoreum. Ces articles , jj évalués fur le prix de la pre-1 miere main a Quebec, coütent | au prix moyen de 3 ans. 3 Au premier coup d'ceil, on croit voir dans ces liftes & évaluations tout le con-  ( *5 ) traire de ce que j'ai avancé ci-devant fur 1'importance de eet établiifement; mais fi 1'on confidere que dans les exportations énoncées ci-deflus eft compris tout ce que la Compagnie envoie pour 1'entretien & 1'approvifionnement de fes agens & ferviteurs, dont par conféquent il ne peut y avoir de retour ,puifque la confommation s'en fait par eux; fi, dis-je, il eft conftaté que ce commerce eft déprifé k deffein; fi enfin les moyens iniques, employés a eet effet,font de touteévidence, alors la vérité de mes obfervations paroit dans toute fa force: mais ce doit être la le fujet d'une autre lettre. J'ai rhonneur d'être, &c. P. S. Je prie V. S. d'obferver que dans 1'évaluation des marchandifes exportées de la Baye cTHudfon je me fuis réglé fur ce que ces memes articles fe payent k Quebec. J'ai dü régler ainfi cette évaluation, paree que la Compagnie de la Baye-a"Hudfon conB5  ( 26) duit toutes fes affaires avec un fecret fi impénétrable, qu'il eft impofiïble de connoïtre précifement a quel prix elle échan- , ge fes marchandifes contre celles des naturels. Elle eft dans 1'ufage de ne donner des brevets a fes Agens qu'après leur avoir fait prêter le ferment de garder le fecret fur fes opérations; & elle ufe d'une telle dureté envers ceux dont elle ne peut 1'exiger, qu'elle leur óte bien tot 1'envie de s'en mêler en aucune maniere. Cependant, comme elle ne peut cacher la grande quantité des exportations, il eft facile d'avoir connoiffance jufqu'a un certain degré de ce myftere; je dis jufqu'a un certain degré, car il n'eft pas poffible de favoir au jufte quelle quantité de ces exportations confument les Agens de la Compagnie, & conféquemment quels font les retours qu'ils font chez eux. Ce que je fais par ma propre expérience , c'eft qu'elle n'a point de prix fixe pour aucune des marchandifes de 1'échangeur, & qu'elle les met a tel taux qu'il lui plait; je dois dire auffi, quejel'aivue.  (*7) dans plus d'une occafion, donner des exemples d'une équité rare, & pouffër la délicateftë de confcience jufqu'au point de fe contenter de mille pour cent de profit. Ces liftes montrent donc feulement quel avantage retire h préfent la nation du commerce de eet établhTement, fousle monopole de la Compagnie. On verra lorfqu'il en fera tems, quel feroit celui qu'elle en retireroit fi ce monopole n'existoit pas, dans un expofé plus particulier de la méthode curieufe dont elle fe fert pour tenir ce commerce dans 1'état öü ü eft d'inertie & d'inutilité pour la nation.  C 28 ) L E T T R E. IV. M i l o a d, J'ai fait voir dans les lettres précédentes le peu d'importance du Commerce de Ia Baye-d'Hudfon, dans fon état a&uel; j'ai afluré qu'il étoit fufceptible d'une telle amélioration que la nation en pourroit retirer un très-grand avantage: il me refte maintenant a prouver cette aflèrtion. Pour le bien faire, il me fera néceflaire de rappeler des circonftances auxquelles on n'a pas fait attention jufqu'a préfent, mais qui ont influé fur ce commerce dès fon principe, & qui y influent encore aujourd'hui de la maniere la plus pernicieufe. Lorfque Ia Compagnie de la BayeSHudfon fut établie (en 1670) il yeut des gens en place & des capitaliftes fi fort alarmés des intrigues de Cour, & qui en  (*) redoutoient tellement les fuites immédiates pour eux & chez eux, qu'ils concurent le projet de former des Colonies au délk de 1'Atlantique fans égard k 1'éloignement des lieux & k la difficulté d'en retirer du bénéfice. Voilk comment des entreprifes politiques de la plus grande importance furent confiées k des gens qui, k tous égards, manquoient des talens néceffaires pour les conduire avec fageffe. Dans ces malheureufes circonftances, le Gouvernement accorda une charte exclufive pour commercer dans les pays qui confinent k la mer appelée la Baye-d'Hudfon, k une troupes d'aventuriers, fans confidérer qu'elles en pourroient être les fuites. Sans foutien ni proteétion du Gouvernement, ces hommes entreprenans oferent, avec leur modique fortune, jeter les fondemens d'un commerce en apparence fi rempli de difïicultés, que tout homme qui n'eüt pas été intimement perfuadé de la certitude du fuccès, en auroit été efirayé. Ils ne furent pas décus  ( 3o ) dans leurs efpérances. Dès leur premier eflai ils eurent un bénéfice énorme, dont ilseurent lieu d'être eux-mêmes étonnés. De pareils fuccès pour un commencement fi précaire, montrent a quel degré d'élévation ce commerce pourroit être porté en lui donnant plus d'étendue. Mais le plan de la Compagnie pofoit fur un principe bien différent; au lieu d'étendre ces premiers effais pour augmenter fon capital; au lieu de faire connoitre fes fuccès, elle ne s'occupa que du foin de les dérober entierement au public. La chofe étoit facüe dans ce tems de trouble & de divifion. Elle aima mieux s'approprier entierement le profit de ce commerce, refTerré comme il étoit, que de courir le hazard de le partager avec d'autres, s'il eüt été pouffé autant qu'il pouvoit 1'être. Depuis ce tems-la, comme je 1'ai déja obfervé a V. S., la Compagnie ne s'efl jamais défiflée de ce principe. Excitée par cette cupidité fordide, elle s'efl contentée de faire valoirie petit capital auquel la néceffité 1'avoit d'abord oblr-  ( 3i ) gée de fe borner, & de former un petit Etabliffêment k peine fuffifant pour fuivre le commerce limité qu'un fonds pareil pouvoit comporter. En cela 1'évenement n'a que trop bien répondu a fes vues: le produit peu confidérable de fes exportations , & conféquemment de fes retours, a tenu ce commerce dans une telle obfcurité, qu'il a pam au-deffous de 1'attention du Gouvernement, & voilk pourquoi il eft refté, k la lettre, exclufivement en fes mains, quelque contraire que cela fut k 1'efprit de la charte qui lui avoit été oclroyée. II faut avouer que la Compagnie étoit puiflamment excitée k tenir une pareille conduite; car je ne crains pas d'avancer, & la chofe n'eft que trop vraie, qu'elle a toujours retiré & qu'elle retire encore, fecrettement, plus de bénéfice qu'un capital décuple du fien ne produiroit par toute autre voie de commerce; & nous n'avons que trop- d'exemples a préfent qu'une pareille raifon eft bien fuffifante  Cs») pour fermer les yeux fur 1'intérêt nationaï, & fe diffimuler fa mauvaife foi. Ce mot ne dit pas trop: c'eft ainfi que doit être appelée une violation auffi manifefte de ïa claufe qui,dans toutes leschartes, porte cxpreffément que tout commerce, concédé exclufivement, fera pouffé auffi loin qu'il peut 1'être pour 1'avantage de la nation. Je ne ferois pas furpris qu'a ce fujet, ceux qui font intéreffés a garder cette affaire dans fon état aftuel d'obfcurité, m'objeftaffent que les importations prouvent que le capital fuffit pour ce commerce, & qu'il eft abfurde & déraifonnable de penfer qu'il y eüt quelqu'un affez aveugle fur fes propres intéréts , pour ne pas augmenter des exportations qui lui procureroient fürement des retours proportionnés. On a répondu d'avance a la derniere de ces objeétions. Je vais montrer maintenant la faufleté de la première, & comment les importations continuent a être Ci peu confidérables, fi peu confidéra- bies  C 33) bles dis-je, relativement a ce qu'elles pourroient être; car elles font énormes, il 1'on confidere ce qu'elles coütent. Quoique les naturels des vaftes contrées qui entourent la Baye eTHudfony avec qui la Compagnie trafique, aient été jufqu'a préfent dans eet état d'ignorance primitive qu'une peuple plus inftruit a 1'orgueilleufe préfomption d'appeler fauvage, le Ciel ne leur a cependant pas refufé les connoüTances nécelfaires pour exécuter le peu de projets de leur fphere étroite; auffi n'y avoit-il pas longtems qu'ils faifoient ce commerce, lorfqu'ils s'appercurent des taxes exorbitantes qu'on leur jmpofoit, quoique probablement ils ne viïFent pas jufqu'a quel point on vouloit les vexer. J'ai obfervé a V. S. que le commerce de la Compagnie de la Baye dHudfon avec les naturels, confifte en échange de leurs fourrures contre quelques articles de nos manufactures & marchandifes du plus bas prix. La première chofeque devroient faire ceux qui en ont la djreélion, feroit de fixer les C  (34) prix des différens articles deftinés aux échanges, a un taux fi bien combiné qu'on ne fut jamais dans la néceffité de le changer; par la on préviendroit tout foupcon d'injuftice dans 1'efprit de ceux qui, incapables de juger de ces prix ni des circonftances qui quelquefois en peuvent rendre le changement néceflaire, trouvent furement ce changement mauvais, quelque raifonnable qu'il foit;au lieu que fi 1'on avoit un tarif, comme je le propofe, ïls s'y foumettroient fans murmure. Je ne parle pas de la juftice qu'il y auroit d'ailleurs a prendre ce temperament. Mais la Compagnie en a pris un bien différent; elle change arbitrairement, pres^ que en tout tems, le tarif de fes marchandifes & de celles des natifs, non fous prétexte qu'elles valent plus ou moins que les années précédentes, mais feulement felon la quantité plus ou moins grande des dernieres, paree que c'eft ladeffus qu'elle regie la valeur des fiennes, la quantité des effets exportés étant a-peuprès toujours la même. Une pareille  ( 35 ) vexation étoit trop frappante pour n'ètre pas appercue même par ces Sauvages: ils ne pouvoient en témoigner leur reffentiment, en difcontinuant le commerce, comme auroit fait tout autre peuple dans une pofition différente; cependant ils ne tarderent pas a imaginer des moyens pour n'en être plus dupes; ils n'apporterent plus de leurs fourrures qu'autant que leur peu d'expérience leur avoit appris qu'il en falloit pour avoir en échange toutes les marchandifes de la Compagnie, dont la quantité leur étoit auffi connue par expérience. Au refte, comme dans leurs chaffes, ils tuoient pour leur nourriture beaucoup plus d'animaux qu'ils n'apportoient de fourrures au marché, ou ils confumoient eux-mêmes le furplus de cellesci, dont ils auroient pu fe difpenfer & fe procurer un retour avantageux, ou ils les jetoient par reffentiment, fuivant en cela la politique des''Hollandais, qui, pour conferver le prix de leurs épiceries en jettent le fuperflu dans la mer. C 2  C 3<5 ) Nous verrons dans la lettre fuivante quels feroient les effets d'un fyftême différent de celui qu'on fuit. J'ai 1'honneur d'être &c.  ( 37 ) LETTRE V. Mi l o r d> J^a caufe & les conféquences de la conduite qu'a tenu conftamment la Compagnie de la Baye d'Hudfon depuis fon établiffement, ayant été difcutées, voyons maintenant ce qui feroit arrivé fi 1'on éut adopté un autre fyftême, ou, plutót, fi un pareil établiffement n'eüt point eu lieu, & que le commerce eüt été abandonné a fon cours naturel; car, affurément, il n'eft pas d'autre moyen de le rendre avantageux St une nation, tout monopole, dans le principe, étant contraire a 1'intérêt public, & donnant a des particuliere le pouvoir d'y mettre des entraves & d'en arrêter les progrès. Le feul commerce, ou au moins le feul qui mérite qu'on en parle, dont s'occupe a préfent la Compagnie de la JBaye d'Hudfon, c'eft ie coroc i72AOO Chapeaux, Chandelles, Agrès,! Merceries, Provifions de navi- J re, Epiceries, Huik, Lardl & Bceuffumés, Drêche, Li-\ queurs fortes , & Vins; ce | qui, au prix moyen de trois| années, a coüté Pour tranfporter les articles ci-deflus de Londres, Pool, Weymoutb, Dartmouth , Tynemouth , Topsham, Briftol, Liverpool & de différentes parties del'Mande, a Terre-Neuve, & de lk porter le  C04 ) poifïbn & fhuile, aux différens mafchés du Portugal dzVEfpagne & de VItalië, y compris la prife & la préparation dudit poiflbn, on a employé 380 navires, montés^ chacunde 1 2 hommes, || 2000 barques mon-^ 20560 hommes, tées chacune de 8\\ hommes Je n'ai point compris dans la lifle cideffus des articles envoyés a Terre-Neuve, le Sel, la Farine de froment, celles d'avoifie, d'Orge, les Pois, les Féves &c. apportés la de Philadeiphie & de nos autres Colonies Américaines, qui, pour n'être pas ïmmédiatement exportées de la Grande Bretagne, n'en augmentent pas moins le Commerce de fes Colonies, dont le profit reflue toujours fur la Mere- Patrie. MARCHANDISES  (<*) MARCHANDISES EXPORTÉ ES DE TERRE-NEUVE, 30,000 Tonnes Morue feche a £10 . , . » . £300,000» 3,000 Tonnes HuiIe . è £ 15 » k . ■» i . 45,ooo» £345,000. D'après ces tableaux la balance ne pa* soit être en faveur de la Grande-Bretagne que de 71,600 liv. fterl. mais il ne faut pas s'imaginer que ce foit Ik le montant total des prorits du Commerce* Les prix ci - deffus de la morue feche & de fhuile, font feulement de ce qu'elles valent fur les lieux. Dans les différens endroits oü on les envoie elles rapportent le triple au moins, enforte que, dans la fupputation la plus modérée, ce commerce ajoute annuellement aux richeffes de la nation un profit net de plus d'urt demi-= million. Au premier coup d'ceii ori volt Ito  (66) portance d'un pareil commerce; la variété ainfi que le nombre des articles exportés prouvent combien il contribue a faire fleurir nos manufaftures. La pêche de la morue forme une pepiniere de matelots, qui, accoutumés a une vie dure & laborieufe, entretiennent & nourriflent notre navigation; elle eft donc un des principaux nerfs de notre force la plus naturelle, la plus eflentielle. De quelqu'importance que foit fa prospérité actuelle, k enjugerpar 1'état ci-desfus, on a cependant encore la perfpecïive de 1'étendre davantage. J'ofe dire que fi 1'on fe feit des moyens propres pour cela & qu'on en pourfuive le plan avec vigilance & vigueur, on doublera le produit de la pêche en trés-peu d'années. J'ai obfervé k V. S. que les cötes de cette ifle abondent en havres larges & fürs: la première idéé qui fe préfente pour porter le commerce k fon étendue naturelle, feroit de former des établiflèmens fur ceux de ces havres qui font le plus  ( *7 ) propres a faciliter la pêche fur les Bancs; on y tiendroit des forces fuffifantes pour s'en conferver 1'ufage & la poifeffion: ce feroit un moyen d'épargner la perte du tems, les frais, öCautres inconvénients que nous éprouvons fi fouvent. Comme la quantité de poifibn fur ces bancs eft inépuifable; fi nous y avions des établifïèmens pour 1'y préparer promptement & le foigner, nous ferions en état d'approvifionner toutes nos Ifles des Indes occidentales & de fournir au foutien de leurs Negres a beaucoup meilleur marché que nous ne faifons a préfent. Par ce moyen le fucre qui nous viendroit de ces Ifles pour notre confommation feroit a plus bas prix que par le paffé, & nous nous verrions en état de le donner a meilleur marché qu'aucun de nos rivaux dans les marchés étrangers. Que le Breton foit toujours jaloux de conferver fon honneur en refpeclant la foi des traités, comme il a fait dans tous les tems! Que le Francois jouiffe de fes E 2  ( 68 ) ufurpations; mais ne lui donnons rien de plus, & ne pouflbns pas 1'indulgence jusqua permettre qu'il franchifle des limites déjk trop étendues. J'ai 1'honneur d'être. &c.  (69) LETTRE IX, M i l o r d, \Juittons maintenant, fi V. S. le trouve bon, les cótes de 1'Océan pour faire une petite excurfion fur la grande riviere de St Laurent, dans notre nouveau domaine du Canada. On a depuis peu tant difcuté, tant examiné les avantages qui doivent nécesfairement revenir a la Grande Bretagne, de cette vafte contrée, comme c'elt 1'ufage dans toute acquifition nouvelle, qu'il feroit inutile d'en donner ici le détail. Pour ne pas abufer de la patience de V. S. je me contenterai donc de dire quelques mots, en paffant, de quelques-uns des plus confidérables. La première chofe que nous devons nous propofer, c'eft de chafler du centre des Colonies que nous avons fur ce vafte E 3  ( 70 ) Continent, un ennemi invétéré, aélif & dangereux, afin de n'être plus expofé a être attaqué par derrière; cela fait, notre peuple travaillera avec autant d'activité & d'induftrie que de fécurité k améliorer fes établifïèmens; ü fera plus: il ne craindra pas de s'enfoncer dans les terres, & d'aller s'établir dans les endroits oü la fertilité, quelque production particuliere, ou quelque raifon de convenance 1'engageront a fixer fa demeure. C'eft le moyen d'éloigner une Puiffance rivale de la vue des natifs, d'öter a ceux-ci toute affiftance, & en même tems tout efpoir d'impunité, s'ils fe hazardoient a quelque hoftilité contre nous. Par la ils feront forcés de s'adreffer uniquement a nous pour toutes les commodités de Ia vie, & conféquemment nous ferons maitres de tout leur Commerce. Cela nous donnera encore la facilité d'étendre le nutre aufii loin qu'il eft poffible, & d'y ajouter de nouveaux articles a mefure qu'on en fera Ia découverte; les petits effais que nous avons faits jufqu'a préfent nous don-  (7i ) nent lieu de 1'efpérer. De la s'enfüivra 1'heureufe néceffité d'augmenter beaucoup le nombre de nos navires & de nos matelots , ce qui fera une addition de forces nationales. — Enfin, tous ces avantages décupleront dans nos mains , fi nous avons foin de ne pas fouffiir que nos ennemis s'en faififfent. Je prie V. S. de remarquer qu'en calculant tous ces avantages, je fuppofe qu'on fe fervira des moyens les plus propres a rendre cette Province la meilleure de nos acquifitions. Dans la fuppofition contraire , tout feroit perdu, & ces avantages s'échappant de nos mains deviendroicnt dans celles de nos ennemis des armes contre nous. Ceci ne doit point être regardé comme une fimple fpéculation ou comme un danger chimérique, qui n'exifte que dans mon imagination; car 1'obftination avec laquelle la Cour deFrance infifta fur la reftitution du CapBreton après qu'il lui fut enlevé dans la pénultieme guerre; les fommes énorxnes qu'il en coüta pour le fomfier 6c E 4  ( 72 ) le défendre dans la derniere; 1'humeur qu'elle marqua en le réclamant après qu'on le lui eut enlevé, & quand elle vit 1'impoffibilité de le recouvrer; tout cela prouve d'une maniere inconteftable combien elle étoit convaincue de 1'importance de ce pays qui, en la rendant maitreUe de la navigation, la mettoit dans le cas de foutenir fes empiétemens fur nous dans les pêches de Terre - Neuve, pour quoi ces fortifications avoient été éleveés & défendues. Après avoir éprouvé une infinité de fois combien elle fait peu de cas des Traités & de la fainteté de fes promeifes, nous devons juger de fes intentions quand, fans égard au Traité de Paris, elle a franchi les bornes qui lui étoient affignées & cela doit fuffire pour nous ouvrir les yeux fur ce que nous avons h efpérer d'elle, toutes les fois qu'elle trouvera quelque occafion favorable pour réclamer & faire valoir fes prétendus droits fur ce qu'elle aura acquis par de femblables infraciions. Les meilleurs moyens de prévenir de  (73) pareils defleins vont donc être 1'objet principal des nos confidérations aétuelles. Le tableau fuivant de notre commerce avec cette contrée montrera d'abord de quelle efficacité feroient ces moyens. E 5  (74) MARCHANDISES E XP O R. TÉES DE LA GRANDE BRETAGNE POUR LE CANADA. Draps de laine, Toiles, Co-* tons, Indiennes, £f autres mar- § chandifes des Indes, Linons, Fu- | fis, Poudre, Balles £f Pierres f h fufil, Couteaux, Fourchettes ff fcf autre fer travaillè, Galons ,9 d"or tfd'argent, Habits, Etof-\ fes, Bas, Chapeaux, GandsA Livres, Papier, Droguerie, Epi- | cerie , Verrerie, Cuir, Acier, | r Cuivre,Etain ,Ferc-blanetravail-*L*o 1 °5>000. Ié, EJlampes, Couleurs, Vernis, 8 Vermillon, Habillemens d'hom- f mes £f de femmes, Ouvrages de Ij mode, Selles, Brides &c. Cou-\ vertures, Voiles, Cordages ,Us-\\ tenfiles de pêche, Fromage, Ta-ft bac, Pipes, Biere, Liqueurs for-1 tes, Fins. Ces articles, au prix 8 moyen detroisannées, ontcoüté«f L'état ci-defllis de la nature & du produit actuel de ce commerce prouve évi-  ( 75) MARCHANDISES EXPORTÉES DU CANADA POUR LA GRANDE-BRETAGNE. 9000 Peaux de Cafior \ pooo ■« d'Ours 4000 — de Pêcheurs 13000 —■ de Loutres « 36000 — de Martes 350 — de Loups jj 4000 — de Fouines ^4 76,000. 2000 — d'Orignaux- ■■ 2000 — de Renards 50,000 — de Gazelles 100,000 — de Lapins 24,000 — d'Elans g 2000 fg de Cajloréum J Cotes de Baleine, Huile de Balei- ne, de Marfouin autre poijfons 2,500. 12000 quarts de Froment a 20/". . 12,000. Ginfang, Serpentine, Capillaire autres plant es médicinales . . . 3,000. Planches & bois de conjlruftion &c. . 11,000. £ 105,500. Pour ce commerce on employé 34 navires a inontés par 400 hommes. demment la poflibilité de le poufTer au point qu'il devienne par la fuite de 1'im-  portance la plus eflèntielle pour notre nation. Les marchandifes que 1'on porte au Canada, fi 1'on en excepte celles des Indes , font le produit immédiat de notre fol & de nos manufaclures, & les retours confiftent en produétions brutes de cette contrée; ainfi nous retirons de ces marchandife un doublé bénéfice: ajoutons a cela qu'avec ces matieres brutes nous occupons un grand nombre de bras dans nos manufactures, dont le travail eft une des principales fources de la profpérité nationale. Quant aux quantités de ces denrées & de ces retours, un fimple coup d'oeil fur 1'état du pays montre combien ces exportations font bornées en comparaifon de ce qu'elles pourroient être. Quelque humains que puiffent être les vainqueurs dans leur maniere de faire la guerre, quelque attentifs qu'ils foient h rendre leurs loixdouces, & leur gouvernement agréable, les habitans qu'ils auront fubjugués n'en auront pas moins pour eux  (77) fe méfiance & la crainte ordinaire dans toutes les nouvelles conquêtes. On obje&era peut-être que, dans la circonftance préfente, les Francois font les feuls habitans de cette contrée qu'on puilTe dire avoir été conquis; que les naturels n'ont fait que changer de maitres, mais cela ne change rien a la chofe. L'empire que les Francois ont acquis, par 1'artifice de leurs Prêtres & de leurs Moines fur 1'efprit des naturels ignorans, comme fur ceux qui, en apparence, étoientlibres & indépendans d'eux en qualité de fujets immédiats, a toujours été en proportion de 1'ignorance de ceux qui en étoient les vicümés. Nous avons fait durant le cours de la derniere guerre une trifte expérience, dans une infinité d'occafions, de 1'animofité & de 1'horreur qu'ils leur infpiroient contre nous. Tant que ces Prêtres & ces Moines auront la liberté de refter au milieu d'eux, pour les entretenir dans ces préjugés, & répandre leurs pieufes fémences de difcorde & de haine, il ne faut pas fe flater que les naturels aient  ( 78 ) jamais cn nous de la confiance & que nous puiflions nous en faire aimer. Si donc nous voulons gagner leur confiance, la première chofe a faire eft de bannir entierement les Prétres Frangois & les Religieux de toute dènomination, & de les remplacer par des Ecléjïaftiques attachés a notre croyance, qui, refpirant eux-mêmes le véritable efpritdu chriftianifme, & en pratiquant les devoirs les plus facrés, la philantropie & la bienfaifance, c'eft-a-dire, dans le ftile del'Ecriture fainte, la charité pour tous les hommes , infpireront a leur troupeau ces fentimens, en lui en donnant 1'exemple. Tel eft le moyen de diffiper les fombres préjugés qu'ont les naturels contre nous & de faire naitre dans leurs coeurs Ia confiance , 1'eftime & 1'amour fratemel. Nous reprochons, il eft vrai, aufïï k notre Clergé qu'il ne penfe qu'a vivre de 1'autel; qu'il eft trop pareffeux & beaucoup trop attaché aux plaifirs & aux chofes de ce monde pour travailler a Ia vigne du Seigneur, & porter Ia chaleur óc Ie  (79) poids du jour en convertifiant les nations fauvages k fa fainte loi; mais cela ne détruit en rien ce que j'ai obfervé ici. Les peines qu'ont pris a eet effet quelques individus, dans d'autres parties de VAmèrique, & les fuccès dont le Ciel a récompenfé leurs travaux,prouve que notre religion n'autorife point la négligence d'un devoir auffi faint, & que les Proteftans doivent être auffi ardens, auffi zélés a propager 1'évangile de Chrift, que les Papiftes d'une dénomination quelconquc. J'invïte nos Miniftres a montrer plus d'empresfement qu'ils n'ont fait pour porter le flambeau de la foi chez ces pauvres peuples. Par Proteftans, Milord, j'entends les Chrétiens proteftant contre toute tyrannie fpirituelle, quelle qu'elle foit, & n'obéisfant aux loix & k la doctrine de Chrift, que dans la pleine liberté de leur confeience, éclairée & foutenue par le pouvoir fublime de la raifon. Auffi ne m'arrêteraije point k diftinguer les noms que 1'imagination inquiete de 1'homme leur a donnés,  (8o ) quoique, dans le fonds, il n'y ait entte eux aucune diffërence effentielle. De ce que je propofe qu'on bannifiè le Clergé papifte, on ne doit pas conclure que je me contredis moi-même en propofant une pratique oppofée a la liberté chrétienne que je profeife. Quand les principes de quelques fociétés d'hommes attaquent évidemment cette liberté & font formellement contraires aux principes les plus eflentiels de la religion qu'elles profeflent en commun avec nous; en vérité, le plus court chemin, eft de chalTerces focietés dangéreufes du milieu de nous, fi notre religion & notre liberté nous font cheres. Tels font cependant les principes de ceux qui s'arrogent a eux-mêmes le droit d'enchainer 1'efprit humain, de 1'aflervir h leurs propres opinions & de prefcrire des bornes k la miféricorde divine, felon leur fantaifie; &lachofe eft fi manifefte qu'il feroit abfurde de la contefter. Prenons donc intérêt au bonheur fpirU tud  ( 8i ) mei des naturels; ce foin vraiment méritoire ne fera pas perdu pour nous, même dans ce monde; il en jaiÜira une fource abondante de biens temporels dont nous ne tarderons pas a jouir. Eclairons leurs efprits; ils fe civiliferont; leur férocité s'adoucira; nous verrons finir ces guerres barbares & ces maffacres qui défolent leurs pays; nous verrons augmenter leur population, & de eet accroilfement naitra une confommation plus grande dont notre commerce profitera; ils auront befoin d'une quantité plus confidérable de nos marchandifes , & nous aurons en retour une plus grande quantité de leurs produftions. lis nous aideront par leur adrelfe & la connoiffance qu'ils ont de leur pays, a améliorer le commerce qui fe fait actuellement entre eux & nous, & a le continuer avec la flateufe efpérance de de 1'aggrandir par la découverte de nouveaux articles. Ils acquerront avec empreffement la connoilfance de notre religion , fi nous les traitons comme amis & comme freres, & ils feront très-fatisfaits F  (82) de fe mettre fous Ja proteflion de nos vloix. Enunmot, leur nombre fera notre force, & ils ne feront plus qu'un feul & même peuple avec nous. Dans fénumeration de ces avantages V. S. fera peut-être furprife que je me borne a ceux qui font purement tempor els i c'eft pour m'accommoder a 1'efprit du fiecle, (s'il m'eft permis de parler ainfi) qu'on ne doit jamais combattre dans ïa pratique: mais, Milord, je vis dans 1'efpérance de voir naitre des tems plus heureux; les jours viendront oüles biens de cette vie ne feront eftimés qu'autant qu'ils ferviront a en mériter d'autres plus précieux; je veux dire, ceuxavenir; & qu'on ne prendra pas, au moins ouvertement, les moyens de fe procurer les premiers , s'ils font un obftacle a ce qu'on puiffe obtenir les feconds. Je fuis, hu« mainement parlant, confirmé dans cette idéé, par 1'expérience de tous les fiecles. C'eft une remarque univerfelle & invariable que les chofes déclinent quand elles font parvenues a un certain terme. Si  (83) Hmmoralité & 1'irréligion ne font pas en* core arrivées au plus haut pöint parmi nous, plaife au Seigneur faire miféricordê h. ceux qui les verront a leur eomble. Une chofe que je recommanderais encore pour améliorer cette importante ne* quifition, c'eft 1'agriculture* On aban* donneroit aux naturels les autres branches de commerce qui font entre leurs mains, comme étant plus capables de les pourfuivre avec fuccès: je parle du commer* ce de fourrures & pelleteries;car quelque augmentation qu'on puilfe faire du commerce de fourrures, foit dans ce pays$ foit dans tout autre de nos domaines^ & même partout oü nous avons des Etabiisfemens, nous fommes afïiirés d'en ivoif toujours un débouché avantageuX; Quant aux pelleteries, nous avons tout lieu d'en efpérer raccroiffement, prindpalêtiietit dans les peaux de bêtes fauves, dont otl pourroit importer une plus grande quantité qu'on ne fait a préfent; ce qui feroit pouf nos manufactures un avantage très-confiddfafole, Pour ce quieftdulabourage,non-feute" F 2  ( 84) ment les natifs n'y entendent' rien, mais ils manquent des inftrumens & uftenfiles nécefïaires pour ce travail. On fent parfaitement combien il feroit avantageux pour Xintèrieur de laprovince, de s'y livrer a 1'agriculture. L'agriculture occupe un tres-grand nombre de bras, & en même tems alfure au peuple une abondante lübfiftance. Plus les récoltes de grains font confideïables, plus elles font vivre & occupent de perfonnes. II n'en eft pas de eet objet comme de tout autre, il ne peut être pouffé trop loin, paree que le pain ne fauroit jamais étre trop abondant: les touches augmentent en propotion du pain qu'elles ont a manger. A tous ces avantages ajoutons que, de la furabondance de nos récoltes, nous ferions en état de foutemr les contrées qui peuvent avoir befoin de ces fecours, fins appréhender que cela fut nuifible au commerce de grains de la Grande-Bretagne ou de nos autres Colonies dans ces cantons, y ayant, comme je viens de le dire, des demandes fuffilantes pour tous, & rien n'étant plus  ( 85 ) naturel que de s'adrefier par préférence k fes voifins. Par 1'état précédent on a vu que 1'exportation actuelle- du Canada monte a 12000 quarts de froment; mais cette quantité eft plutót une preuve que le pays peut produire du grain, qu'une mefure de cette production; auffi ofé-je avancer que, fans négliger les autres branches de cómmerce, la récolte peut monter annuellement k cinquante fois plus. En un mot, Milord, avec le feul article de i'agriculture, moyennant qu'oi s'y applique comme il convient, la GmdeBretagne peut être dédommagée en peu d'années de tout le fang & de tou les tréfors que lui a coüté la conquês du Canada. J'ai 1'honneur d'être &e. F 3  ( 86) LETTRE X. M I L O R D, J) u Canada nous defcendrons avec le couranc jufqu'a Ia Nouvelle -Ecotfe, concüête plus anciennement faite fur la même Vuiflance. Cette Province eft fituée proche fembDuchure de la riviere de St. Laurent* Qaoiqu'il y ait plus d'un demi-fiecle que h Nouvelle-EcoJJe foit en notre poflèsfion, ïous n'avons rien ou prefque rien fait pour \ former de bons établiiTemens, jusqua a fin de Ia pénultieme guerre, que nous | envoyames & établimes une nombrenfe Colonie abondamment pourvue de toutes les chofes neceffaires. Nous y ft, mes conftruire alors, pour le fervice de Ia Marine, ftationnée dans cette partie de I'Amérique, un chantier excellent, ainfi que des logemens commodes pour les officiers & ouvriers employés k ce  ( 87 ) füjet , & des cafernes pour 1'armée; eet enfemble compofe la belle ville dHalüfax. Ces dépenfes furent confidérables pour le Gouvernement, & néanmoins en pure perte, fi 1'on en excepte le fervice particulier de la navigation. Quant & la culture & a 1'amélioration de cette Province, on n'a fait d'avances que pour les terres des environs de la ville, & tout ce qui en eft a quelque diftance eft refté dans le même état d'inutilité qu'auparavant. II fuit de lk que les habitans, au lieu d'étre en état de faire quelque exportation, n'ont pas même une fubfiftance fuffifante, &que, pour leur propre entretien, ils fontobligés de dépendre de nos autres Colonies; ils ne feroient pas même capables de payer ce qui leur manque fans 1'argent dépenfé parmi eux par la Marine & 1'Armée, feul bénénce qu'ils aient recu de cette derniere qui ne s'eft pas trouvée aüez forte pour les protéger contre les outrages des natifs. 1 Non, ce bénéfice n'eft rien, comparé a la dépenfe. Qui ne voit qu'avec une partie feulemeut F 4  (88) de cette dépenfe on pourroit effectuer de plus grands biens, fi 1'on en faifoit un emploi plus judicieux! Qui ne voit qu'on pourroit ménager Ie travail & la vie d'un nombre prodigieux de malheureux qui meurent de fatigue & de mifere! Combien n'eft-il donc pas a fouhaiter que le Gouvernement prenne ces objets en confidération ? Halltfax eft d'une excellente reflburce pour la navigation, nos vaifleaux y trouvent un havre commode pour s'y tenir k 1'abri & s'y radouber; ils y peuvent refter quand la rigueur de la faifon rend la navigation impraticable fur ces parages , & y trouvent de quoi fe pourvoir de ce qui leur manque, fans être obligés de s'expofer k la fatigue, au danger & a une perte de tems confidérable pour retourner chez eux, comme il leur eft arrivé fouvent jufqu'a préfent. Si 1'établifiement de cette province a été négligé, ce n'eft pas qu'il foit impoflible d'en tirer un parti avantageux. Le climat n'eft ni agréable ni excellent, ce-  (89) pendant on ne peut pas dire qu'il foit malfain, ou peu propre k la végétation, moyennant qu'on fache fe régler fur les faifons. D'ailleurs, le fol n'eft pas fi maigre qu'on ne put, au moyen d'une culture propre & foignée, le rendre capable de la plus utile des produclions, dufroment, qui y oroïtroit en abondance, de même que plufieurs plantes & racines pour la table, dont nous faifons beaucoup de cas; fi elles n'y font pas encore au même degré de perfeclion que dans d'autres pays, elles n'en font pas moins faines & d'un excellent ufage. La véritable caufe de cette négligence vient des hoflilités continuelles des naturels qui, malgré leur petit nombre, font fans ceffe en embufcade, pour fondre en toute occafion fur les Colons & les masfacrer. Ces hommes féroces ne réufïisfent pas toujours dans leurs hoflilités, mais, dans une fituation auffi critique & auffi alarmante, il n'eft. pas pofiible que les Colons donnent tout leur foin pour la culture & 1'amélioration de leur terrein, F 5  ( 9o ) Je ne m'arrêterai point ici a faire des recherches fur la méchanceté des naturels envers notre peuple; j'aurai occafion d'en parler par la fuite. La chofe la plus elfentielle eft de prendre les tempéramens propres pour fe garantir de la fureur de ces fauvages. Une trifte expérience a prouvé que les foldats Européens n'ont pas les qualités requifes pour cela; ils ne font ni alfez a&ifs par eux mêmes, ni aiïèz accoutumés au pays, ni aflez endurcis k Ia rigueur du climat pour combattre & pourfuivre un ennemi qui réunit contre eux tous ces avantages, & de plus eft fans celfe excité par la haine la plus violente & 1'animofité la plus profonde & la plus invétérée. Les moyens les plus erBcaces pour mettre promptement fin aux incürfions des fauvages, feroient, au lieu d'envoyer d'ici de nos troupes, de fè procurer un corps de naturels de quelquesunes des Colonies voifines le plus fincerement attachées k nous, pour aller les combattre. Ceux-ci, naturellement féroces,n'occafionneroient qu'une dépeme  ( 9i ) très-modique, eu égard k celle que nous avons faite jufqu'a préfent fans fuccès: une fois que nous les aurions lachés contre eux, nous pourrions en très-peu de tems mettre la Province dans un état de fureté, foit en détruifant ceux qu'on furpreadroit dans ces hoftilités, foit enfaifant prifoniers les autres de tout age & de tout fexe pour les répandre dans d'autres Colonies éloignées, oü ilsnepourroient ni nourrir leur haine contre nous, ni trouver 1'occafion d'exécuter leurs pernicieux delfeins. II eft douloureux d'être obligé d'en venir k une pareille extrémité; mais nous y fommes forcés, puifque 1'expérience nous a prouvé 1'impoffibilité de jamais gagner ce peuple par les voies de la douceur. Je fuis bien éloigné, Milord, d'approuver une telle extirpation des naturels de quelque contrée que ce foit, & d'applaudir k leurs vainqueurs; je me ferois même bien gardé de hafarder une telle propoütion, fi j'eufle moins connu la bonté du cceur de V. S.; mais le cas eft  (92) ici très-différent. La Géorgie eft fi vafte & fi peu habitée, que nos établifiements peu vent a peine y être regardés comme une intrufion, & ne font même pas un inconvénient pour les habitans. Malgré cela, malgré tous les avantages que nous leurs avons offerts, il ne nous a pas été poflible d'adoucir en aucune maniere ces ames féroces, enforte que notre févérité contre eux eft juftifiée par la loi éternelle & immuable, qui prefcrit a tout homme de veiller k fa propre confervation. La fureté des habitans une fois établie, ils ne craindroient plus de s'aggrandir & de former leurs établiflemens dans les lieuxles plus fertiles par eux-mêmes, les plus commodes, & les plus convenables pour Ie commerce. En peu de tems ils nous feroient des retours, particulierement en bied, lin & chanvre, denrées pour lefquelles Ie fol de cette contrée eft excellent en beaucoup d'endroits: & nous ferions amplement dédommagés des dépenfes que leur tranfport nous a coutées.  (93 ) EXPORTATIONSACTUELLESDE JJANGLETERRE POUR LA NOUVELLE-ECO S SE. Draps communs, Toiles ètran-\ teres &f d'Angleterre, Fer, Ader, | Airain, Fer-blanc & Etain tra-K yaillés, Chapeaux, Bonneterie , J Mercerie, & OuvragesautourA Voiles, Cordages, Agrès fcf Ou-j tils de vaiffeaux, Filets pour !a^£ 26,500. pêche, Ouvrages de fellerie, Ga-1» lens Sor 6? d'argent, L\queurs\ fortes, Fins, & Drogues médici- II nales. Tous ces articles, au prix J moyen de trois ans, ont coüté | chacun an. •I' ARTICLES EXPORTÉS DE LA NOUVELLE-ECOSSE. ">ooo Barriques de Maquereaux ó falés i 2of. • £ 25oo Tonnes de Morue h £ 10 . • 25000. 300 Tonnes d'Huile de poijjbn h£i5 • . 45°°5 Tonnes de Cötes de Balei- ne, a£3°o Planches, Mats fcf autres Bols de Confiruclion . . • . 4.000. £ 38,000.  (94) Suivant eet état, le commerce de cette contrée paroït confifter entierement en bois de conftrucüon & en produits de pêche. Si 1'on y avoit des établiflemens folides & tranquilles, on verroit en peu de tems le produit de Ia pêche doubler, & celui du bois feroit fans bornes, toute la furface du pays étant couverte de forêts. Ces avantages font grands, fans doute; cependant ils font peu de chofe con> parés a ceux qu'on retireroit des divers articles de culture dont j'ai déja parlé4 fource nouvelle d'un riche commerce. L'expérience & une connohTance plus faine des parties intérieures de la contrée ajouteroient encore beaucoup a cette maife de félicité commune. J'ai 1'honneur d'être &c.  ( 9S > L E T T R E XI. M I L O R- D, "NJous pafferons pour quelques momens, fi V. S. le trouve bon, du Continent aux ifles adjacentes, de St. Jean & du Cap- Breton. L'Ifle de St. Jean differe trés-peu de de la Nouvelle-Ecofe quant au climat, mais eflentiellement quant au fol. Le fol de St. Jean eft trés-propre au plturage & celui de la Nouvelle - Ecofe au labourage. 11 s'en faut de beaucoup que cette différence foit défavantageufe ni a 1'une ni a 1'autre; au contraire, en donnant occafion k un échange dans leurs produits respectifs, il en doit néceffairement réfulter un profit réciproque, attendu que leur voifmage les met k 1'abri de tout inconvénient ou danger d'interruption. Tandis que les habitans de la Nouvelle*  (96) Ecofe s'appliqueront a 1'agriculture, ceux de St. Jean emplolront donc leur terrein un paturage; ces derniers pourront ainfi difpofer d'une grande partie de leur tems pour fuivre leur propre pêche; ils auront de plus du bétail pour approvifionner ceux qui feront engagés dans d'autres pêches, & il ne tiendra qu'a eux d'établir un commerce très-Iucratif, en eet article, avec les Ifles des Indes-Occidentales, oü ils auront toujours un débouché très-abondant. Je ne veux pas dire par la que la NouvelleEcofe n'eft bonne qu'au paturage, ou, 1'ifle de St. Jean qu'au labourage; je ne parle que des produftions qui leur font plus efïèntiellement propres a chacune, & qu'il leur importe conféquemment de fuivre,principalement comme objets de commerce. L'aclivité avec laquelle on entreprit 1'Etabliflement de cette Ifle, immédiatement a la fin de la derniere guerre; le nombre, le rang, & les richeffes des perfonnes qui voulurent y contribuer donnent lieu d'efpérer, avec le tems, des progrès plus  C 97 ) plus étendus que ceux qu*ón paroit y avoïr faits jufqu'a préfent; mais, quelie qu'ait été la caufe de ce retardement, il ne faut pas fe flatter d'en avoir bien connU les funeftes conféquences, & que 1'on fera plus heureux en revenant k 1'entreprife; L'importance de 1'Ifle du Cap-Breton ne confifte uniquement que dans fa fituation; tant que les Francois font poffédée ils en ont feu profiter pour protéger leurs pêches & nuire aux nötres fur les bancs de Terre-Neuve; mais cette importance k ceflë dés qu'elle eft: tombée entre nos mains, d'autant que 1'on nous reconnoït maintenant pour maitres de la pêche entiere; auffi avons-nous démoli tous les Förts qu'ils avoient élevés, leur utilité n'étant pas proportionnée aux fraix de leur entretien. Cette Ifle ne nous eft cependant pas tout - k - fait inutile, puifqu'elle s'étend fur les bancs de pêche qui 1'environnent dans toute fa circonférence, qu'elle nóus ofFre ainfi un afile pour préparer le poisfon qu'on y prehd,&nous épargnel'embarG  (93) ras, le délai, & la dépenfe de le transporter pour cela en d'autres endroits. Je ne m'arrêterai point fur 1'importance de fon havre pour la navigation de la riviere de &v Laurent. Le climat de cette ifle étant plus mauvais que dans la Nouvelle - Ecofe, & le fol encore moins propre a la végétation de toute efpece de plantes, je ne vois pas quel autre profit on pourroit en retirer. Elles font toutes les deux fituées fur des rochers, également expofées au froid de 1'hiver & a la chaleur de 1'été, n'ayant point de forêts pour les garantir de ces intempéries comme fur le continent. Ce feroit donc envain qu'on entreprendroit de former quelques établiffemens permanens dans cette ifle; ils ne réuffiront jamais affez pour engager le peuple a s'y fixer, ou pour nous rembourfer de nos dépenfes. J'ai 1'honneur d'être &c»  ( 99 ) LETTRE XII. M I L O R D„ ^Jous voila maintenant parvenus a la Nouvelle-Angleterre, contrée qui mérite bien ce nom, comme la première & la plus confidérable des Colonies que nous avons fondées en Amérique. Le climat, le fol & les productions de cette contrée font fi bien connus, que tout détail fur ces objets feroit abfolument inutile. Son importance pour la Mere= Patrie paroïtra fuffifamment dans 1'état fuivant de notre commerce avec elle. G %  (" IOO ) MARCHANDISES E X P 0 R* TÉES DE LA GRANDEBRETAGNE POUR LA NOUVELLE-ANGLETERRE. Fer Acier , Cuivre, Br onze,^ Fer-blanc, Plomb travaïllés,} Draps de laine, Etoffes, Flanel- j le , Molleton , diverfes Toi/es, Jj Soies, Galons d'or d'ar gent, 9 Mercerie , Bonneterie , C/za- J peaux, Velours de coton, Coutellerie , Clincaillerie , Chanvre, Toiles a voile, Cordage, Ouvrages de tapijjerie fcf de fellerie, Me- » nuiferie , Couleurs , Outils de^ i>o95>°00. navires, Agrès, Poterie, Marchandifes des Indes, Meules a aiguifer, Filets pour la pêche, Fr omages, Viande falée, Colifichets, Breloques, &c. Semences, Tabac, Pipes, Biere forte, Liqusurs, Vins drogues mêdicinales qui, au prix moyen de trois ans, ont coüté. J On fentira bien mieux encore 1'importance de ce commerce, fi 1'on en confidere la nature, & que les retours de nos exportations fe font en plus grande partie,  ( mi 1 MARCHANDISES EXPORTÉES DE LA NOUFELLEANGLETERRE. ioooo tonnes de Morue . £ 10 . ^"ioOjOoo-. Mats, Planches, Poutres, Ais , Solives , 45»000- 70 Navires . . . £700 . . 49,000. 8000 barriques de Maque- reaux &f aiofes falés . . a 2of . . 8,000. 7000 tonnes (Fhuile de Baleine a . .. . ..£ 15 ■ ■ 105,000. 28 tonnes defanons de Baleine . . . '. . h 4'3°° " " 8>400« 1500 barriques Têrébentlii- ne,Poix üf Goudron . . a 8r ... 6oo. Chevaux fcf gr os-bét ail .... 12,000. 8000 barriques de Potajfe . . a 50/.. 20,000. 9000 barriques de Viandefu- mée & 3°f - - 13,500.. Cire divers autres articles évalués, au prix moyen de trois années3 . » » '.. 9,000.. £ 307,500. de 1'argent foldé pour Ia plupart des articles exportés de la Nouvelle- Angkt er re dans d'autres marchés. II eft bien délicat, Milord, de dire quelque chofe qui paroifïè avoir le moiaG 3  ( 102 ) dre rapport aux malheureufes querelles qui fubfiftent actuellement entre la Grande-Br etagne &les Américains, fes chers enfans ; c'eft pourquoi j'obferverai feulement que fi le commerce de cette Colonie, dans 1'état ou font les chofes actuellement, eft fi avantageux, 1'on doit juger par la de ce qu'il a dü être avant nos querelles, quand nos exportations montoient h prés de £. 550,000 par année. Que ne devrions - nous pas faire pour lui rendre fon ancienne fpten-. deur! Les plaintes ftites par les Colonies de la rareté des efpeces parmi elles, ne peuvent infirmer ce que j'ai avancé: que nous. ètions payés en ar gent de la plupart de nos exportations pour la Nouvelle- Angleterre. Rien cependant de plus pofitif. Cet argent, il eft vrai, n'en vient pas immédiatement, mais des endroits oü fes marchandifes font vendues, d'oü il nous eft apporté direclement, les importations. de la Nouvelle- Angleterre, de tout autre pays que de la Grande - Br etagne r étant  ( io3 ) trop peu de chofe, pour être de quelque poids dans la balance du commerce. La rareté des efpeces parmi les Colonies vient donc de ce qu'elles nous payent en argent; & c'eft la ce qu'elles devroient éviter. Si 1'on demandoit, comment la Nouvelle - Jngleterre peut fe palk des différens articles de commerce que nous lui fburniffions autrefois, & dont la diminution de nos exportations attefte qu'ils fe privent k préfent, la réponfe fe préfenteroit d'elle-même. Par 1'état précédent, il paroit que la plupart des articles exportés confiftent en objets de luxe, ou au moins peu néceüaires a la vie; quant a ceux qui font iridifpenfables, la contrée fe les fournit abondamment. Aujourd'hui que les habitans connoiflent mieux qu'aucun autre peuple du monde tout le prix de cet efprit de liberté qui fit déferter k leurs ancêtres leur pays natal & les conduifit dans ce pays; maintenant qu'ils y jouiflent, comme individus, de plus d'indépendance a divers égards, parG 4  ( io+ ) ticulierement dans leurs manieres, lok & fituation, n'étoit-il pas naturel de penfer qu'a la moindre crainte (fondée ou non) de quelque atteinte a cette précieufe liberté, ils prendroient 1'alarme 6c fe porteroient aux dernieres extrémités pour s'y oppofer. C'eft donc par un principe louable qu'ils ont mieux aimé fe priver de tous ces articles de luxe, de convenance ou de commodité, 6c fe borner entierement aux plus urgens. — Nous ne favons 6c n'éprouvons que trop jufqu'k quel point ils ont déja commencé k le faire; il eft probable qu'ils ne s'en tiendront pas lk; & cette perfpeftive n'eft rien moins qu'agréable. Ces principes fe for^ tifient par la pratique, 6c ces privations, qui dans le commencement on dü leur être pénibles, leur deviendront par 1'habitude familieres au point de n'y plus faire attention. Je crains bien, Milord, que cela ne contredife 1'idée oü 1'on eft que la Nou-* velk-Angkierre doit dépendre abfolumenti de nous pour les articles que 1'ait é}c 1'in*  ( i°S ) duftrie ont rendus fi communs ici, qu'ils font a 1'ufagemême du bas peuple: mais après une recherche exacte, cette idéé tombe d'elle-même. Le peuple de la Nouvelle -Angleterre doit cette indépendance d'individus dans laquelle confifte vraiment 1'effence de la liberté, & qui en eft la meilleure proteclion, k une lot particuliere Shèrèditè qui veut que les pofleflions d'un pere foient réparties également entre tous fes enfans, afin de les tenir par la dans une heureufe médiocrité, & les obliger h tourner leurs penfées du cóté de 1'induftrie pour éviter la mifere; loi fage, qui en leur ótant & la tentation, & les moyens de fe procurer les objets de luxe, les garantit de la néceffité de fe laiffer dépouiller de leur liberté. Comme ils n'ont point encore pris un goüt aflez vif pour le luxe, pour hafarder, encore moins pour échanger contre quelque commodités que ce foit, les avantages ineftimables dont ils jouifient, rien au monde de plus abfurde que de G 5  s'imaginer qu'ils facrifieront leur indépendance a des befoins purement factices. J'ai précédemmenc obfervé a V. S. qu'on tire a peu prés tout le parti poffible des produftions de la Nouvelle-Angleterre; j'en dois excepter Ie chanvre & le lin qui font fufceptibles d'amélioration: le fol y eft admirable pour ces deux articles dont nous ne faurions trop recueillir, même pour notre propre confommation. t Les avantages qui réfulteroient nécefïairement d'une provifion fuffifante d'articles fi effentiels, fe préfentent naturellement a 1'efprit. Auffi 1'on ne peut affez s'étonner que 1'intérêt de quelques individus, quels qu'ils foient, puiffe être mis, même pour un moment, en concurrence avec celui de la nation en général, qui a un fi grand intérêt a ne pas fouffrir ce commerce entre les mains de quelques particuliers, mais de le faire elle-même. J'ai rhonneur d'être &c.  ( i©7 ) L E T T R E XIIL M I !• O R E! j^près la Nouvelle - Angleterre viennent naturellement les Colonies de Connecticut, de rijle de Rhode & de la Nouvelle Hampshire. Dans 1'origine elles lui appartenoient, & a plufieurs égards elles font encore regardées comme en faifant partie. Auffi toutes les obfervations que j'ai faites fur. la Nouvelle - Angleterre font-elles applicables k ces trois Colonies. Les productions de Conne&icut, deVIfïe de Rhode & de la Nouvelle-Hampshire font pour la plupart les mêmes que celles de la Nouvelle - Angleterre; & le commerce que font les trois premières de ces Colonies avec la Mere - Patrie eft fi mêlé avec celui de la quatrieme pour beaucoup d'articles, qu'il feroit plus difficile, qu'il ne femble néceifaire^e tirer une  ( io8 ) Ügne de féparation entre plufieurs de ces articles. Cependant, pour jeter autant de clarté qu'il eft poffible fur un fujet auffi intéreffant, je vais mettre fous les yeux de V. S. un tableau de leur commerce particulier, autant qu'il peut être fuppofé différent.  ( 109 ) MARCHANDISES EXPOR» TÉES DE LA GRANDEBRETAGNE POUR C0NNECTICUT, ÜISLE DE RHODE , & LA NOUVELLEHAMPSHIRE. Fer Acier , Cuivre, Br onze, Ij Fer - blanc Ö* Plomb travaillés , I Draps de Mne, Et o ff es, Flanelles, \\ Molleton, diverfes Toiles, Soies,\l Galons d'ortf d'argent, Mercene Bonneterie, Chape aux,Velours de I coton , Coutellerie, Clincaillerie," Chanvre, Toile a voile, Cordages, J Ouvragès de tapifferie &? de Sel-^n x 2 000. lerie, Menuiferie , Couleurs, Ou-^ tils de Navire, agrès , Poterie, j Marchandifes des Indes, Meules 1 a aiguifer, Filets pour^ la pêche, \ Fromages, Viande falée, Colifi-1 chets, Breloques, &c. Semences A Tabac ,Pipes,Biere forte ,Liqueurs, 1 Vins 6f Drogues médicinales. Tous | ces articles, au prix moyen de trois j smnées, ont coüté  ( ) MARCHANDISES EXPOR. TÉES DE CONNECTICUT, UISLE DE RHODE & LA NOUVELLE-HAMPSHIRE POUR LA GRANDE - BRETA GNE. Mats, Planches* Poutres Ms > &c. . . . . £ 3O>O0O. Viande fumèe , Beurre, Fro-\ ma$e {i5,ooo< Graine de cbanvre . . . 3 1500 Tonnes d'Huile de Baleine & autres . k£i5 . 22,500, Maqueraux falés, Aiofes & autres poijfons , . 7,ooo. Cbevaux & gros - bétail . . 25,000. 6000 Barriques de Potas- fe a 50 • 15,000. € 1J 4>5oo. La différence entre ces exportations & celles de la Nowvelle-Angleterre eft évidemment toujours Ia même, & partout, dans les différentes partiés du même pays, tous les articles de la Lifte ci-deüus font ia-  (III) dus dans ceux de la Nouvelle - Angleterre comme partie d'un tout. La balance, au premier coup d'ceil de ces tableaux, eft contre la GrandeBretagne; mais ce n'eft qu'en apparence. On a fait voir que le commerce des Colonies avec nous ne confifte abfolument que dans des objets, pour ainfi-dire, indifpenfables; fi donc il peut être constaté qu'elles ne tirent pas de nous une quantité de denrées proportionnées a leur nombre, on en dok inférer qu'elles fe les procurent de plus prés & de la main. a la main des autres Colonies, particulierement de la Nouvelle-York & de la Nouvelle-Angleterre avec qui elles font la plus grande partie de leur commerce; enforte que le produit de 1'excédent de leurs exportations fur leurs importations doit être porté au crédit de ces Colonies, & finalement aboutir au nótre, ainfi que j'ai eu 1'honneur de 1'infinuer a V. S. dans ma précédente lettre. Puis donc, Milord , que les quatre Colonies de la Nouvelle- Angleterre, du  (112) Conneclicut, de Vlfte de Rhode & de la Nouvelle-Hampshire font tellement liées 1'une k 1'autre qu'elles font inféparables en tout fens, je crois k propos de foumettre k V. S. quelques avis ultérieursj qui les concernent. On verra qu'ils peuvent être utiles k 1'intérêt général de toutes, & conféquemment a celui de la Grande-Bretagne qui n'en peut être féparé. L'importance de ces Colonies confistant non dans les produclions de leur cru, mais dans le nombre de leurs habitans & leur fituation avantageufe pour le commerce refpectif qui leur eft propre; la première chofe k quoi 1'on doit penfer, c'eft de faire en forte de pcrfuader aux habitans de s'occuper des objets les plus propres a fournir a leurs befoins, & de captiver en même tems fi fortement leur attention, qu'ils n'aient pas le loifir de former des projets que, dans un état de loifir, la contemplation de leur nombre leur feroit infailliblement concevoir. Les deux objets évidemment les plus propres k ce defiein. £11 en eft d'autres fans  ( 1*3 ) d'autres) font 1'agriculture & les manufac* tures; mais on doit y procéder par des principes différens. J'ai dit que 1'agriculture ne peut être pouffée trop loin: les confommateurs augmentent régulierement en proportion des objets qu'ils ont a confommer; & quand on a un fuperflu de denrées, on eft toujours afïuré d'en trouver une vente facile au dehors. Mais, a 1'égard des manufactures, on doit fe conduire bien différemment : au lieu de donner un encouragement général & ordinaire a. 1'exercice de tous les arts, comme dans la Grande-Bretagne , on doit choifir avec fagacité 6c précaution des objets particuliers dont on puiffe fe promettre avec raifon la réufïite, 6c ce choix doit tomber fur les chofes de première néceffité ou dont au moins il foit difficile de fe paffer. Ce n'eft pas, Milörd, qüe je prétende infinuer par la que les habitans de ces Colonies manquent de capacité pour les arts: on fait parfaitement le contraire, H  ( "4) Tout ce que j'entends par cette reftriction, c'eft que leurs talens devroient être employés a des arts analogues aux producKons & aux circonftances de leur pays, afin de s'y perfectionner öc de fabriquer fur le lieu les marchandifes que la partie la plus pauvre du peuple n'eft pas en état de fe procurer, 6c dont cependant elle ne peut fe paffer, ou au moins dont elle ne fe paffera pas fans murmure. Je crains bien que des politiques peu clairvoyans 6c avides n'en prennent 1'alarme, 6c ne s'écrient que ce que je propofe pour le profit de ces Colonies feroit au détriment de Ia Mere - Patrie; mais j'espere prouver que c'eft précifément tout le contraire, & que le moyen le plus efficace de nous les rendreutiles,& cela dans le fens le plus étendu & le plus important, eft de les encourager d'abord h s'occuper de leurs propres intéréts en s'appliquant a ces deux objets. La faine & falutaire politique de recommander 6c de favorifer 1'agriculture eft fi bien 6c fi univerfellement connue,.  ( 115 ) qu'il feroit inutile d'en donner iel dés preuves. Les premiers & les plus grands avantages qui en réfultent font de' fournir de foccupation & en même tems les moyens de fubfifter. Dans le cas aftuel, 1'application recommandée pour les manufaétures, opere le premier dê ces biens & conttibue elfentiellement au fecond, paree qu'il en eft peu, pour ne pas dire point, qui ne foient prefque auffi néceffaires k la vie que le pain même. Dans les endroits oü ces chofes ne peu* vent pas être immédiatement fabriquées par les confommateurs eux mêmes, leurs yeux fe tournent néceflairement vers les lieux oü ils peu vent les acheter; & s'ils manquent d'argent, moyen ordinaire poür de pareils achats, ils y fuppléent par 1'échange des chofes qui font en leuE pofleffion. Jufqu'ici on a pu croire que les pro* grès des Colonies pofent fur des principes juftes: en général cela eft vrai; mais il eft des circonftances particulieres qui forment H a  C "O des différences efientielles dans le cas préfent. J'ai dit que ï'importance de ces Colonies confifte feulement dans le nombre des habitans & en ce qu'ils jouiffent d'un état d'indépendance qui leur eft particulier: mais on doit obferver auffi que les véritables moyens qui les maintiennent dans cette indépendance, font qu'ils restent en même tems dans un état de pauvreté qui les empêche de confommer une quantité de marchandifes de la Mere-Patrie, proportionnée a leur nombre, & de plus, qu'ils bornent leur modique confommation a des articles fur lesquels les manufacturiers ont trés - peu a gagner. La méthode la plus prompte & la plus fure de faire tourner a notre avantage l'importance naturelle des Colonies, c'eft de les délivrer de cette pauvreté fans donner atteinte a leur indépendance. Cela eft d'autant plus aifé qu'il fuffit de les encourager, comme on a dit, a 1'agriculture & aux manufaétures. La première, en  ( H7 ) fóürniflant a leur fubfiftance, leur p-rocurera un objet de commerce d'un débit fèeile & infaillible,'tandis que les fecondes, en les mettant en état de fabriquer eux-mêmes les chofes de première necesfité pour lefquelles ils échangentmaintenant leurs produftionSjlaüTeront en leurs mains de quoi s'en procurer d'autres de plus grand prix, chofe impofüble dans les circonftances actuelles, quelque defir qu'ils en aient, & quelque pénible que leur en foit la privation. Que les habitans de ces Colonies foient , dis-je, encouragés a cultiver le chanvre & le lin, a tanner les cuirs de leur gros bétail, a filer la ïaine de leur brebis &c. &c. &c. & a les rendre propres par ces travaux aux befoins les plus immédiats; bientöt, au lieu d'appliquer la valeur. de leurs exportations, comme ils font maintenant, aux chofes de premier befoin „ ils en acheteront d'autres moins nécelfai^ res, mais d'un plus grand prix, ótconféquemment d'un plus grand profil pour le vendeur. Ce n'eft pas tout; dés qu'ils II 3  ( nS ) connoltront lé prix de ces nouvelles jouiflances, on les verra redoubler d'induftrie & d'activité pour augmenter de plus en plus leurs exportations. Ce n'eft pas encore le feul bien que produira cette fage mefure, elle les em-* pêchera de s'occuper du commerce & d'en partager les bénéfices avec nous; de forte qu'il reftera enrierement en nos mains, tandis qu'ils dirigeront toutes leurs penlees a 1'amélioration intérieure. Cet avantage eft fi évident, fi grand, qu'il fuffit de 1'énoncer pour exciter k prendre tous les tempéramens poffibles 6c propres k 1'obtenir. Qu'on ne dife pas que 1'accroiflement de la population, qui eft une fuite infaillible de 1'application k 1'agriculture, telle que je la propofe, feroit un encourage* ment a fecouer le joug de la Grande- Bretagne. II faut être bien borné en matiere de politique pour avoir une pareille crainte, Nos polTeflions fur le Continent font d'une telle utilité, qu'il eft au - deflus de l'imagination d'en concevoir  ( n9 ) ' 1'importance. Lors donc que les habitans pourront s'étendre dans 1'intérieur des terres, qu'ils feront fürs de Ia vente de leurs denrées, & que, d'un autre cöté, ils auront des retours qui leur feront plaifir, ils ne penferont jamais a rompre une liaifon auffi avantageufe, d'autant plus qu'en la rompant ils ne pourroient pas efpérer un meilleur fort, pas même un femblable. C'eft de cette dépendance de commerce dont il a été tant parlé depuis quelque tems, & dont on avoit des idéés fipeujuftes. Une connexion ainfi cimentée par des avantages mutuels, deviendroit indifloluble, & le nombre des Colons feroit notre force. Telles font quelques-unes des réflexions que je m'étois propofé de foumettre kV. S., bien perfuadé qu'en faveur du motif qui m'a fait prendre la plume, elle daigneroit les agréer. J'en referve d'autres, auffi importantes, pour un autre lieu, comme plus générales, & également applicables a nos autres Colonies. J'ai 1'honneur d'être &c; H 4  (120 y L E T T Pv E XIV. M I L-0 R D, LA Province que je dois foumettre enfuite a la confidération de Votre Seigneurie eft la Nouvelle - Tork; c'eft, a tous égards, le féjour le plus délicieux de toute 1'Amérique feptentrionale ; la lalubrité du climat & la fertilité du fol y font admirables. Outre fes produftions indigenes, abondamment fuffifantes pour tous les befoins de la vie, toutes les produftions de 1'Europe dont on y a fait des effais y viennent parfaitement, & il en eft plufieurs qui,avec peu de peine,yparviennent a un degré de bonté infiniment au-deffus de celui qu'elles ont en Angleterre après une culture très-foignéet>& trés - dilpendieufe. Ce pays nous eft de toute maniere fi bien connu, qu'il feroit fuperflu d'entrer  ( «O ici dans quelque détail particulier de cé qui le concerne. Je vous prie feulement, Milord, de jeter un coup d'ceil fur le tableau fuivant,du commerce de la NouvelleYork avec la Grande-Bretagne: je ne puis faire précéder de rien de mieux le petit nombre de remarques , qu'avec 1'agrément de V. S., je pourrai faire par la fuite. H 5  () MARCHANDISES EXPORTÊES DE LA GRANDEBRETAGNE POUR LA NOUVELLE TORK. Fer , Acier , Cuivre ,\ Etain, Plomb , Bronze & | Fer-blanc travaillès, Corda-1| ges, chanvre, Toiles a voile, |[ agres, Couleurs, Mercerie, || Clincaillerie , Bonneterie , Ij Chapeaux, Etojfes ,Flanelles, \ Serge de Colchefter, Soierie, Ij Galons d'or & d'argent ,Mar-1| cbandifes de Manche ft er, Toi-$£ 5 3 1,000. fof étrangeres & d'Angleterre, Poterie, Meules d ai-i guifer, Coutellerie, Bijoute- II rie, Sellerie, Menuiferie, Se- I mences, Fromage, Biere for- j te, Pipes, Tabac, Fins, Li-i queurs, Drogues mèdicina-\ les ; articles qui, au prix J moyen de 3 années, ont coüté jj  ( "3 ) MARCHANDISES EXPORr TÉ ES DE LA NOUVELLEVORK POUR VANGLETERRE & AUTRES MARCHES. *50,ooo Urlls de Art»* Bis-^ 7o"ooo 'quarts de Froment h aoT. - 7°,°°o. Fêvès, Pois, Avome,Bledd'inde fcf autres grains . . • ■ • • 40,000. $muf, & Porc falé, Jambon, Cjibi@? .••*••"* ' 30,000 ft. de Gre ... h lf. - . 1,500. 7fl«ffa«, Beurre & Fromage . . . S,ooo. 7 000 mefures Graine de lm a 40A 14,000. Chelaux & autres befiiaux . . 17,°°°Bo/j de Charpente , Planches , Mdts , Solives ...... 25,000. 7 000 mefures Potaffe . a ^oT. . 14,000. ' 20 Vaiiïeaux confirmts pour yente . . • * £ ?oo • - 14,000.. Cuivre, Métal & Fer en barre . . 20,000- Le tout, au prix moyen auffi de 3 ms,£ 526,000. Le produit confidérable de nos exportations rend parfaitement fenfible i'importance de ce commerce pour la Mere-pa-  ( 124 ) trie; cependant 1'on fera encore plus frappé de cette importance, fi 1'on confidere que la plus grande partie des exportations de cette Province paffe dans d'autres marchés; par conféquent que les retours font pour nous en argent, fyftêmc de commerce le plus avantageux qu'on puiffe fuivre dans quelque pays que ce fbfr. Bien des perfonnes, en voyant 1'état floriffant de cette Province, ont prétendu qu'elle étoit parvenue a fon plus haut degré de fpiendeur; mais on s'efl: étrangement trompé. J'ai dit dans Ia précedente Iettre qu'il étoit effende! d'encpurager 1'agriculture & des manufactures des chofes les plus communes & les plus immédiatement néceffaires, dans la Nouvelle - Angleterre le Conneclicut, F Ijle de Rhode & la Nouvelle - Hampshire, & j'ai ajouté que ces Provinces en retireroient de gros bcnéfices. Jen dis de même de la Nouvelle -York; qu'on y donne les mêmes foins, & il en  Page * 124 COMPTE de vente de 1^1 houcauts de tabac envoyés de Charles-Town dans la Cawline méridionale è Briltol, fur le navire le Lively, Cap. G. Carter, pour le compte de M. L. P. Fret a 32^ 6d par tonneau, , , £ 212.17. 6. Prime a ...... „ 10.12. 9. Avarie . • 9-iö. 6. Droits d'entrée 109,280 ft vieux & nouv. fubf. a 3* p?. . . . 341.10.— Augm. du droit de nouv. fubf. 3 7 fubf. 47,59, & impötaraifon ^ 2838. 4- 9- de 7!. rabais 15 p°. . . Etrennes a la déclaration, atter- rage & falaire au chantier. . 5«T7« — Tonnelage I par tonneau augm. 7. paf Hvre fur 575 ft. pour dommage de vaifleaux. 1. 1. 5* £ 4912,10, 8i,   ( Ï25 ) refluera des bénéfices confidérables fur a Grande-Bretagne. Les raiföns de cette alfertion font fi frappantes, & elles ont paru fi peremptoires quand j'ai parlé de ces autres Colonies, que la répétition en feroit ici fuperflue. II eft cependant h propos d'obferver a V. S. comme une preuve que la Nouvelle-York peut produire au-dela de ce qu'elle envoie, qu'elle met annuellement en ceuvre pour fon propre ufage, environ 2000 tonnes de chanvre & de lin, Quelque avantageux que puiffentêtre pour cette Province, les différens articles dont je viens de parler, ce ne font pas les feuls en quoi elle eft fufceptible d'amélioration. La réuflite de plufieurs esfais fouvent répétés a prouvé qu'elle abonde en métaux précieux. Les quantités de fer & de cuivre qu'on a déja exploités forment des objets efientiels de commerce: bien plus, il n'y a guere de doute qu'on ne découvre des métaux de plus grand prix, fi 1'on fait les chercher. Ainfi  s'ouvrent de nouvelles fources de richesfes également avantageufes. & a la Colonie & k la Mere-Patrie oü viennent refluer toutes ces richefles. j'ai fhonneur d'être &c  ( 127 ) LETTRE XV. M i l o a d, T,a Penfylvanie, Colonie adjacente, eft auffi favorifée des dons de la nature, & peut-être plus, comme 1'on dit, de ceux de la fortune. Je ne fache aucun pays dans 1'univers oü la forme du Gouvernement civil foit auffi bien combinée pour lebonheur des individus, & conféquemmentpour la profpérité publique. Rien en cela d'exagéré; fi 1'on avoit quelque doute la-deflus, 1'état fuivant du commerce de cette Colonie avec la Grande-Br et agne feroit bien propre a le dis* fiper.  ( 128 ) MARCHANDISES EXPOR TEES DE LA GRANDEBRE TAGHfE POUR PH1LADELPHIE, SEUL PORT DE MER DE LA P E NS TL VA NIE. Fer, Acier, Cuivre, Etain Plomb , Br onze £f Fer-blanc\ travaillès, Mercerie £f Coutellerie de Bïrmingham £f Sheffield, Chanvre, Cordages, Toiles a voile, Bonneterie, Chapeaux, Molleton de Colchefter ,Clincaillerie, Etoffes, Flanelle, Ouvrages de Manche ft er, Gands, Toile d'Anrdeture& ètrangere, Soierie, U^II)000i lons dor & dargent, Bijome- _ rie, Couleurs, agrès, Sellerie , Menuiferie, Poterie, Meules h aiguifer, Filets pour la pêche, Semences, Viande fumée, Fromage, Bierre forte, Pipes, Tabac, Fins, Liqueurs & Brogues tnédicinales. Tous ces articles,au I prixmoyende3 années, coütent.JI Telle eft la nature des exportations de cette Colonie,que tous les articles,a trèspeu de chofe prés, font portés a des MARCHANDISES  C 129 ) ■MARCHANDISES E XP O TÉ ES DE PHILADELPHIE POUR LA GRANDE-BR ETAGNE & AUTRES MAR* CHÉS* 350,000 barrils de Farine & Bifcuits . - . . a lor. . . £ 350,000, 100,000 quarts de Froment . h 2of. 100,000, Feves, pois, Avoine, Bied d''Inde &? autres grains i2,ooo< Bo3iif, Porcfumé, Jambons & gibièr . . < * • . • 45»000< 20,000 ft Ore. . . a if. . . 1,000. Beurre , Fromage , Langues, . . 10,000. Peaux de bêtes fauves & autres , 50,000. Gros bètail £g* Chevaux .... 20,000. Semence de Un 15,000 mèfur. a \of. 30,000. Planches, Mats, Poutres, Solives ö* Bois de charpente . . . 35,000. 25 Navires conftruitspour vente . . a £ 700 . - * i7,5oö. Cuivre, Métal Fer en barre . . 35,5co. Le tout, au prix moyen de 3 ans, £ 7.05,500. marchés hors de la Grande-Br etagne, Les retours s'en font conféquemment pour nous en argent. J'ai déjk obfervé dans la lettre précédente quel avantage I  ( ) réfultoit de cette circonftance, ainfi que du produit ne nos propres exportations, dans ce commerce. Les circonftances de cette Colonie étant abfolument les mêmes que celles de la Nouvelle - York, en fuivant la même marché, on peut également Faméliorer. Les détails feroient inutiles ; je ne dirois rien de nouveau. La nouvelle Jerfey eft fituée immédiatement h cöté de la Nouvelle-York &de la Penfylvanie; la nature ne lui a pas moins prodigué fes dons: cependant, a' dautres égards, elle eft beaucoup audeffous de ces deux Provinces. Les produétions de cette Colonie font exactement les mêmes que celles des deux autres, & fon commerce eft auffi dans le même genre, mais les produétions & le commerce font fufceptibles d'améliorations beaucoup plus confidérables, par la raifon que jufqu'k préfent on s'y eft beaucoup moins occupé de ces deux grands objets. La caufe de ce retardement venant  ( i3i ) uniquement de ce qu'il eft impoffible de vaquer a tout en même tems, il eft a efpérer qu'elle ceffera bientót; & la Nouvelle-Jerfey, a 1'exemple des Pro vinces adjacentes, peut-être a 1'aide d'une partie des habitans, qui de celles-ci viendront s'établir dans celle-lk, les moyens de faire fortune y étant auffi faciles, acquerra de l'éclat par elle-même, & de 1'importance pour la Grande - Bretagne: elle a en abondance tout ce qu'il faut pour cela. La Nouvelle-Jer/ey ne manque pas de ports bons & commodes; cependant elle n'a point de commerce particulier; tout le fien fe fait avec & par la NouvelleYork & la Penjylvanie, tant pour 1'importation que 1'exportation; & il ajoute confidérablement a celui de ces deux provinces , fpécialement dans 1'article important du cuivre, dont la plus grande partie s'exploite dans la Nouvelle-Jerfey. J'ai 1'honneur d'être &c. 1 a  C 132) L E T T R E XVI. M i l o h d, J)e la Nouvelle-Jerfey je paffe k la Virglnie & au Maryland. La nature a mis tant de reffemblance, a tous égards, entre ces deux Colonies; elles ont en outre une communication & une liaifon de commerce fi intimes, qu'on les prendroit pour deux diftriéts d'une même Province , plutöt que pour deux Provinces diftinctes, quoique formant deux Gouvérnemens particuliers. Et fi 1'on vouloit former une ligne de démarcation dans 1'échelle de leur Commerce, il feroit plus difficile d'en venir k bout que 1'éxécution n'en feroit avantageufe. Je vais donc mettre fous les yeux de V. S. 1'état du commerce de 1'une & de 1'autrc, comme n'en faifant qu'un a pré-  ( 133 ) fent; fans entrer dans aucun détail de leurs productions, ni m'arrêter a prouver leur aptitude naturelle a devenir plus importantes encore qu'elles ne font. 1 3  ( 134 ) MARCHANDISES EXPOR. TÉ ES DE LA GRANDEBRETAGNE POUR L A VIRGIN IE & LE MA RTL AND. Eer , Acier , Cuivre ,T| Etain, Br onze, Plomb, 6"J Fer-blanc travaillès, Cban-\ vre, Cordage, Etofes de Soie, j Flanelle, Baye, Toiles êtrange- \ res & £ Angleterre, Soie, Ga- i lons d*or & d'ar gent, Bijou-* terie, Mercerie, Clincaillerie 1 Chapeaux, Gands, Ouvrages \ de Manchefter, Birmingham\ r„ & Sbeffield,Tapiferies,Mar-^ y65'00°quetterie, Agrès, HamoisA . Poterie, Meules d aiguijer ,\ Couleurs, Saumure, Semen-\ ces, Filets pour la pêche, Fro-1 mage, Biere forte, Pipes,\ Tabac, Fins, Liqueurs &\ Drogues mèdicinales. Tous f ces articles, au prix moyen | de 3 années, coütent. Jl  * Page 134 Echelle des prix auxquels le riz doit être vendu a Londres, pour rapporter au chargeur dans la Caroline méridionale le change de 700 p°. 25 27,6, 30 32,6 35 37,6 40 42,6 45 47,6 50 j 55 60 65 70 Fret par tonne de la Caroline Méridionale a Londres. 25, % 13,3 13,5 I3,6|i3,8 i3,9ï 13,11 14,1 14,2* 14,4 i4,5§ 14,7 14,1015, 15,4 t$,j$ a 27,6 I3»«i i3,io 14 14»Ji I4,3 M-,4* H,* T4-7* H,? I4>10* 15» 15,3 15,6! 15,9! i6,i 30, | I4,§ I4.3Ï 14,514,^ 14.8 I4,P§ I4»11 i5»ï 15,2 15.31 I5,6§ i5,8§ 1511* 16,2! 16,6 32,6 | 14,7 14,8! 14,1014,11*15,1 15,3 15,4*15,6 15,7*15,3 15,10! i6,i§ 16,4$ 16,8 16,11 o 35, 5 iS' i5,§ i5,2ï 15,5 15,6! 15,8 15,9! 15,11 i6,§ 16,! 10,3! 16,7 16,1017,117,4 37,6 g 15,35 i5>7 I5,«i 15,10 15,1 1*16,116,2*16,4* 16,6 16,7* 16,? 17, 17,3 17,617,9 si 4°, "S 15,10*16 16,* 16,31 16,5 i6,6ii6,8 16,9116,417,! 17,2 17,5 I7,8§ 17,1 i§i8,2i 42,0 tg 16,4 16,5116,7 16,8! 16,10 16,11§ 17,1 17,2! 17,4 17,6 17,7! I7,io§i8, ii 18,4! 18,7! 45, Z 16,9 16,10117, 17,1117,31 17-5 J7,6l 17,8 179Ï 17," i8;iï |i8,3§ i8,6i 18,10ip,§ 'Z, r7,2§ 17,4 17,5! 17,7 17PI 17,1017,11 18.1Ï 18,2! iii,4§ 18,6'Ii8,9 19, 19.3 l%6 50, g I7»7i !7»9 i7,"§ 1.8, i8,Ü 28,3 18,4*18,6*18,8 18,9! 18,11 19,2 19,5" 19,8 19 n 52,6 g i8,i 18,2 i8,3§ i8,5ïi8,7 18,8* 18,10 i8,niip,§ 19,2*19,4 19,7 19,1 of20,1120,4! 55, 1 l8>6 18,7* 18,9 18,10*19, 19,1119,3 19,1! 19,6 19,8 19,9! 20,! 20,3! 20,6*20,9* O. 57,6 g 18,11 19,! 19,2 19,3*'ip,5 ip,7 iP>3* 'Wo 19,11*20,120,2! 20,3! 20,8! 21, 21,3 60, ï ip,4 JP,6 19,7! 19,9 ip,io*2o, 20,1! 20,3 20,4! 20,620,7! 2o,ii2i,2 21,521,8 Cf 65^ a 20,2i 20,4 20,5! 20,7! 20,9 20,I0i2I, 21,i 21,3 21,4*21,6 21,9 22* 22,3*22,6* 70, "C 21,1 21,2*21,4 21,5* 21,7 21,8! 21,10*22, 22,1* 22,3 2J}|f 22,7* 22,10 23,1*23,5 75, ' ^ 2I,ii§22,i 22,2* 22,4 22,5* 22,7 22,8* 22,1023,1* 23,3 23,6 23,623,9 '24, 24,3 & 22,10 22,11*23,1 23,2*23,423,5*23,7 23,8*23, io 23,ii*24,i*24,4|24,7| 24,10^25,1!   ( 135 ) MARCHANDISES EXPORTÉES DE LA VIRGINIE & DU MARYLAND POUR LA GRANDE - BRETAGNE & AUTRES MARC HES. 96,ooo tonnes Tabacfa £ 3 . £ 768,000. Bied d'Inde,Pois, Fêvcs &c . 30,000. 40,000 quarts de Froment, a 2of. 40,000. Peaux de bêtes fairues & autres. 25,000. Fer en barre . 35»000* Mats, Planches, Solmes, Terêbenthine & Goudron . 55,000Safafras, Serpentine, &c. . 7,000. 7,000 mefures de Semence ' de Un a 4ó£ > •' • • H,ooo. Porc, Bauffumês, Jambons . 15,000. 30 Navires,h £1,000. 30,000. 1,000 tonnes de Cbanvre '''(*) a £'21 . . • _2I'00°: Le tout, auffi au prix moyen de 3 ans, coüte £ 1,040,000. f*-\ Outre cette quantité de chanvre exporté ciü dans la C«S«m> Colons en réfervent plus üe 4000 tomi, & pluf de «oo de !in qu'ils mettent eux-mtoes en coeuvre pour kur propre ufage. ï 4  ( '3<5 ) La première chofe qu'on remarque dans les tableaux du commerce de ces deux Provinces, c'eft qu'k en juger par leurs produits, la balance eft contre la Grande - Bretagne; mais, comme on a déja obfervé en d'autres occafions, ce n'eft qu'en apparence. Tous les articles exportés de la Grande-Bretagne a la Virginie &; au Maryland font de nos productions & de nos manufactures, un trèspetit nombre excepté, encore ceux-ci fontils de notre propre importation, & une des branches les plus lucratives de notre commerce, deforte que le bénéfice que nous en retirons égale, ou a peu prés, le prix qu'ils nous ont coüté de premier achat, tandis qu'une partie affez confidérable des articles exportés de la Virginie & du Maryland paffe dans les Coloniqs voifmes pour y être échangée contre d'autres articles de leur cru que nous ne pourrions fournir que de Ia feconde main, & conféquemment a un prix fi exorbitant qu'il y auroit autant d'abfurdité que de tyrannie de vouloir qu'on les prit de nous.  ( 137 ) Mais il s'en faut de beaucoup que ce foit la le plus grand avantage que nous retirons de notre commerce avec ces Provinces. L'article capital de leurs produftions eft le tabac, denrée qui, outre les profits particuliers de commerce pour le Marchand, produit immédiatement un revenu public plus grand qu'aucune de celles qui entrent dans le cercle de notre commerce. Pour rendre la chofe plus fenfible k V. S., qu'il me foit permis de lui obferver que des 96,000 tonnes de tabac importées annuellement de la Virginie & du Maryland dans la Grande-Bretagne, il ne s'y en confomme que 13,500, dont 1'impöt, a £ 26. 1. o par tonne, monte k £ 35ÏJÖ75, & que les 82,500 tonnes reftantes étant exportées par nos Négocians dans les autres parties del'Europe,lavaleur en retourne a la Grande-Bretagne. II feroit inutile d'entrer en quelque détail pour prouver les avantages qui proviennent d'un tel commerce. Avec le fuperflu d'une denrée qui n'entre pas I 5  ( 133 ) dans le cercle de nos befoins, nous avons en nos mains la balance contre les chofes néceffaires que nous fommes indifpenfablement obligés d'acheter des autres pays, & par conféquent a perte. Enoncer ces avantages, c'eft les prouver. Je me contenterai donc d'ajouter que ce feul commerce donne continuellement de 1'emploi a 330 navires &a 3960 matelots, & ce fera affez pour voir que ce commerce fert non-feulement a nous enrichir, mais encore a étendre la partie la plus effentielle de notre force nationale. II eft naturel de penfer que des avantages fi effentiels & fi grands n'ont pas été négligés. La vérité eft que la culture du tabac a été portée auffi loin qu'elle doit l'être, tant que la vente n'en fera pas plus confïdérable qu'elle eft a préfent; mais cela ne doit pas empêcher ces Provinces de s'appliquer a la culture d'autres denrées. Le tabac a beaucoup fait négliger le bied aux Colons. Leur négligence s'eft même étendue fur le chanvre & Ie En, quoique, pour ces articles, on ne  ( 139 ) puiffe être plus heureufement fitué. Qu'ils confiderent qu'en s'adonnant a la culture de ces derniers articles ainfi qu'aux manufactures d'ouvrages de première néceffité, ils n'auront plus befoin de les acheter de 1'étranger, & j'efpere qu'il n'en faudra pas davantage pour les y encourager. II eft vrai que les habitans de ces Colonies ont enfin commencé k s'appercevoir des maux qu'entraine Ia négligence de ces articles, & qu'en conféquence ils ont fait quelques foibles efforts pour recueillir le bied néceffaire a leur fubfiftance; ils ont voulu fe difpenfer de 1'acheter, & ne plus s'expofer au danger de manquer d'un aliment de tous les jours, en comptant fur des fecours étrangers & précaires, tandis que le Ciel le leur oflioit en abondance fur leur propre territoire. Mais les entreprifes des individus font trop fujettes a être traverfées, & celles qui le font le moins, ne font pas pouffées avec affez d'activité pour rémedier k un mal qui a jeté de fi profondes racines; il faut  C140) qu'elles foient encouragées par la munifr cence publique. Je n'ai pas la préfomption, Milord, de vouloir prefcrire de quelle maniere cela doit fe faire. Je dirai cependant mon fentiment, & j'efpere que V. S. n'y verra rien de btèmable. II feut efpérer que ceux a qui fa Majefté a confié ce foin, ayant fous les yeux notre aéte d'agriculture, fentiront auffitót 1'utilïté de ce qu'on y propofe, & emploiront les moyens les plus efficaces pour le mettre a exécution. En recommandant cette politique on a déja fait voir les avantages qui en feroient une fuite infaillible. Pour ne pas abufer de la patience de V. S., j'ajouterai feulement, que dans 1'état actuel de ces Provinces, il y feroit plus dangereux que dans toute autre, de différer k s'occuper férieufement de ces divers objets; car le défaut de variété dans les occupations des habitans a ralenti beaucoup 1'efprit d'induftrie, & de la eft venu dans toutes les clafles de Citoyens un goüt  ( 141 ) trop marqué pour la diffipation & la dépenfe, goüt qui d'abord doit nuire k la profpérité de quelque pays que ce foit, & qui finalement en caufera la ruine, fi 1'on n'y remédié. J'ai 1'honneur d'être &c.  ( H2 ) LETTRE XVII. M I L O R D, A la fuite de la Virginie & du Maryland fe trouvent les deux Carolines, Septentrionale & Méridionale. L'inattention totale qu'on a fait jufqu'a ces derniers tems a la première de ces Provinces, & ïes très-petites dépenfes faites enfin pour fon amélioration, viennent de ce que le hazard, plus que le choix, préfide au premier établiffement qui fe fait dans un pays, & que lors même qu'un pareil choix peut fe faire, on ne peut pas d'abord faire attention a tout. Quoi qu'il en foit, nos yeux font enfin ouverts fur des avantages qu'on ne peut méconnoitre a moins d'être aveugle, & 1'on commence a trouver du loifir pour s'occuper a faire fleurir un pays dont le fol &  ( 143 ) le climat invitent a 1'agriculture avec 1'asfurance d'une très-ample récompenfe. En pareilles circonftances, il n'eft pas furprenant que le commerce de cette Province foit encore dans 1'enfance, & qu'il n'ait encore pu s'éiever a une hauteur confidérable. Montrons dans le compte fuivant quel eft fon état acïuel; nous verrons enfuite combien il pourroit être amélioré.  ( '44 ) MARCHANDISES EXPOR* TÉES DE LA GRANDE-BRETAGNE POUR LA CAROLINE SEPTENTRIONALE. Eer, Acier, Cuivre, Etain,' Fer-blanc & Br onze travaillés, Marchandifes de Manchefter & de Sheffield, Chanvre, Cordages, Toiles d voile, Soieries, Etoffes, Flanelle, Baye, Harnois, Clincaillerie, Mera'r/e, Bonnet erie, Chapeaux, Gants, Galons dor & d'ar gent, iSo/g, To/Zw $ Angleterre &j étrangeres, Tapijferies, mar-' £ 1 ^' ° ° °' quetterie, Pot er ie, Meules a aiguifer, Filets pour la pêche, Semence dejardins, Bijouterie, Fromage , Saumure , Zw/v /orft?, P/p^j- , Tabac , , I Liqueurs, Drogues mèdicinales. Tous ces articles, au prix moyen de trois années, coütent. j MARCHANDISES  ( HS ) MARCHANDISES ËXPÖR* TÉES DE LA NORD-CAROLINE POUR LA GRANDEBRETAGNE & AUTRES MARC HÉ S» £,000 Bar rils deRiz,è 40/: . £4,000» 2,000 Tonnes deTabach £7 > 14,000, 51,000 Barrils de Pmx, Gou- dron & Térébenthine, è ?f. 17,850* Planches, Mats, Solives, & autres bois de conftru&ion . ! 5,000», Bied deinde, Pots & autres Grains . > -> ?s00ö* Che'oaux & autres Befiiaux » . 5,000, ito* ^ différens animaüx » . 5,5°°» Le tout, au prix moyen de trois années, £68,350 II faut compter 1'excédent de texportation de cette Province fur fon importation de la Grande-Bretagne de la même maniere qu'on a calculé le même excédent dans d'autres Provinces, La plus grande paï* K  tie des denrées exportées paffe dans les Colonies voifines pour y être échangées contre les produclions de ces mêmes Colonies, deforte que, tout bien confidéré, la balance eft en faveur de la Grande-Bretagne. Mais, comme jel'ai déja obfervé, on ne peut pas juger raifonnablement de 1'importance de cette Province, d'aprés le produit actuel de fon commerce. II n'y a aucune de fes productions dont la quantité ne puiffe être multiple de ce qu'elle eft actuellement \ & fi 1'on favoit profiter de la bonté naturelle du fol, il en eft beaucoup d'autres qui y réufliroient parfaitement. La poix, le goudron & le riz font les feüles denrées que la Nord- Caroline envoie maintenant en Europe; les deux premières augmenteront infailliblement k mefure que le pays fe peuplera & qu'on défrichera le terrein pour étendre les établiffemens; & 1'aflurance d'un débit lucratif de la derniere fera un motif de plus pour la cultiver avec foin, comme article  t 14?) de commerce, auffi bien que de confetti* mation domeftique. Des différens articles nouveanx qui peu« vent être introduits dans le commerce de ce pays, le bied & le vin font les pre* miers qui fe préfentent h 1'efprit. On ne devroit pas avoir befoin de recommandeï la culture de ces premières , finon indifpenfables, nécejjités de la vie-, partout oü la nature veut bien les accorder. Le pain (fait de bied) eft „ le foutien de la vie" & „ le vin réjouit le toeur de Phêmmë* „ II n'eft donc queftioniciquedeprouver que le pays eft propre pour la culture de ces deux précieufes denrées. Etenceci, Milord, j'ai 1'avantage que 1'expérience vient a 1'appui de la raifon. Excités par 1'apparence du fol & la température du climat, les premiers Européens qui s'établirent dans la Nord- Caroline, s'emprefferent en différens cantons de faire des efïais pour le bied; partout le fuccès fut beaucoup au-dela de leurs efpé* rances: indépendamment de cela,cet objet a été négligé par la fuite. Contens de K 2  ( 148 ) 1'eflai ou peut - être incapables de Ie conti* nuer, au moins avec quelque vue de commerce, les Colons fuivent les fentiers battus & paroiffentavoirrenoncéaun avantage fi manifefte & fi grand. Une feuleconfidération fuffira peur rendre fenfible le bien réel qui réfulteroit de la culture du bied, pour Ia Nord-Caroline; c'eft qu'elle eft la dernicre des provinces Britanniques du coté du Midi qui produiroit du blecl: elle en pourroit donc approvifionner celles du Nord, a meilleur marché que celles qui font a une plus grande diftance. Les expériences qu'on a faites jufqu'a préfent pour la culture ,du vin, n'ont pas été en auffi grand nombre ni auffi étendues que celles pour la culture du bied; on en imagine bien les raifons: cependant elles ont été plus que fuffifantes pour qu'on ne les ait pas difcontinuées, & même elles ont été telles qu'on ne peut douter que le fol de ce pays ne foit propre pour lesvins de Frame , de Suijje & d''Allemagne. On en pourroit recueillir des quantités fuffifantes pour en fournir toutes les au-  C ï49 ) tres Colonies, & d'une aflez bonne qualité pour que dans la fuite, la Mere-Patrie fe déterminat a tirer de cette province une partie de cette denrée qu'elle tire maintenant en entier de 1'étranger. Les avantages qui en réfulteröient font de la plus grande évidence. Le vin eft d'un üfage fi univerfel, que les Pro vinces qui n'en produifent point y viendroient immanquablement faire leurs provifions, n'ayant point de moyen plus facile pour s'en procurer. On fait, il y a longtems, que Ie fol & le climat de la Grande-Bretagne font tels que la raifin ne peut y parvenir au degré de maturité néceflaire pour faire un vin agréable ou fain. D'un autre cöté, on s'eft afluré par des expériences répétées que le climat & le fol de plufieurs de nos Provinces de 1'Amérique Méridionale, en commencant par celle de Ia Nord-Caroline, y font propres. Pourquoi donc n'encouragerions-nous pas nos fujets a en cultiver aflez, non feulemeni pour leur propre ufage, mais auffi pour K %  { ïSo- > nous en approvifionner & fè. ménage? ainfi les profits d'un commerce qui finalement tourneroit a notre propre avantage, plutót qu'k celui d'autres nations ? pour concevoir cela, ilnefautpas, cefemble, avoir une fagacité extraordinaire, ni être un génie tranfcendant en politique. En parlant de ces deux articles feulement, je n'ai pas prétendu, Milord, qu'on ne puifie en ajouter d'autres au commerce de cette Province: mais je les regarde comme ceux fur lefquels 1'on peut fe promettre le plus de fuccès, & qui exigent moins de combinaifons. J'ai voulu, au furplus, ne pas diftraire 1'attention de mon leéteur en préfentant trop d'objets a Ia fois. Tandis qu'on s'occupera de ces deux branches, il s'en préfentera naturellement beaucoup d'autres , & les circonftances montreront comment on y doit procéder. Je ne fais qu'annoncer ici ces autres branches, paree que j'aurai occafion d'en parler ailleurs plus au long. J'ai/4'honneur d'être &c.  ( '5i ) LETTRE XIII. M i i o r b, J'ai eu raifuii de me plaïndre que la Nord- Caroline étoit négligée, mais j'aurois tort de dire quil en eft de même de la Sud-Caroline; elle ne 1'a été a aucun égard. De toutes les Colonies Britanniques de XAmèrique, c'eft celle qui a été cultivée avec le plus de foin, d'aclivité & de dépenfes; auffi en a -1 - on été parfaitement récompenfé. Le pays eft bien peuplé. 11 eft peu de régions en Eurofe oü la civilifation & la culture foient a un plus haut degré de perfection. Les productions aborigenes y font cultivées avec foin , & il n'eft aucune région connue, 011 les exotiques réuffiflent auffi bien & perdent auffi peu de leur bonté naturelle que dans la Sud-Caroline. Nos lecteurs jugeront de 1'avantage du commerce de cette colonie par le tableau fuivant. K 4  ( IS* ) MARCHANDISES EXPORTÉ ES DE LA GRANDE-BRETAGNE POUR LA SUD-CAROLINE» Fer , Acier , Cuivre,\ Etain, Plomb & Br onze tra-1 vaillés, Marchandifes de Man- | chefter, deBirmingham & de I Sheffi.eld, Chanvre, Cordage, \ Soie, Toiles d voile,Flanelle, | Baye de Cokhefter, Harnois, I Mercerie, Clincaillerie , & I Bonneterie ; Gands , Cha- I peaux, Galons d'or & d'ar- \ _ gent, Etojfes, Toiles d'Angle-V0 61 Ij000i terre &êtrangeres,Tapifferies, I Marquetterie,Po.terie, Meules \ è aiguifer, Bijouterie, Semen- | ces de jardin, Fromage, Sau-11 tnure, Biere forte, Pipes,Ta-1 bac, Vin, & Drogues mèdki- j nales. Ces articles, au prix | moyen de trois années, coü-J tent. J  ( 153 ) MARCHANDISES EXPORi TÊES DE LA SUD-CAROLl* NE POUR LA GRANDE* BRETAGNE & AUTRES MARC HÉS. 110,000 barils de Riz d 4o/. , • • £220,000,0.0, 3,ooo dito, Poix, Gou- dron, & Tèrèbentbine & 6f. . . • * 2,666. 13- 4- Porc meneer les amélioradons du pays; elles  ( 155 ) fe font étendues dans Ia fuite bien avant dans 1'intérieur; cependant il refte encore a la Colonie plus de terrein a défricher qu'elle n'en a mis en valeur. Difons, k la louange de 1'activité & de 1'induftrie des habitans, & pour encourager leurs fucceflèurs k fuivre un exemple auffi louable, que la plupart des endroits oü fe font faites ces améliorations avec tant de fuccès, font des terres adjacentes k la mer, qui exigent beaucoup de travail & donnent par conféquent beaucoup moins de bénéficerajoutons que de la cóte jufqu'k quatre - vingts - milles dans les terres , le fol eft plat, fabloneux, fans liaifon & fans profondeur, & cependant que ce terrein , tel qu'il eit, a une propriété toute particuliere pour produire un article de commerce des plus effentiels, favoir 1'indigo. Mais dépuis 1'endroit oü les collines commencent a s'élever jufqu'& 1'extrémité de la Province, le Cfel y a répandu avec profufion fes dons les plus précieux. L'air y eft infiniment plus doux, plus falubre que le long de la mer; les collines font  ( I50 couvertes de bois de prix, les valides arrofées de belles rivieres; & il n'eft forte de végétaux qui n'y croifte en abondance. II ne refte donc qu'a faire enforte de mettre a profit des faveurs fi marquées. L'on voit par 1'état précédent des exportations de ce pays que le riz eft le principal article. Quelque grande quantité qu'on y ait dé}k recueilli de ce grain, il eft conftant qu'on en pourroit recueillir beaucoup plus & fatisfaire ainfi a de nouvelles demandes. Les pois & autres graines potageres augmenteront auffi confidérablement a mefure qu'on avancera les établiflemens dans les terres. L'importance del'indigo, plante qui, comme j'ai déja infinué, croit fi bien dans les terreins fabloneux, eft trop connue pour qu'il foit néceftaire d'en recommander la culture, ou même d'entrer a cet égard dans quelques détails. Le feul article nouveau de commerce & de confommation domeftique qu'il foit manifeftement & immédiatement nécefiai-  ( 157 ) re d'ajouter aux produétions de cette Province, eft le vin. En parlant de la Nord-CaroMne, j'ai fuffifamment montré de quelle utilité il eft de cultiver la vigne partout oü le fol lui eft propre. J'ajouterai feulement a ce que j'ai déjk dit fur ce fujet, qu'il eft démontré par des expériences réitérées que la Sud peut aufll bien que la Nord-Coroline, produire les vins de France, de Portugal, de Suijjï & ÜAllemagne, & k un dégré, fi non plus grand, au moins égal de perfeélion. Je n'ignore pas qu'il y a un autre article, dont on a fait divers effais & qui a fourni matiere a bien des fpéculations, qui pourroit aufli être cultivé avec avantage; cejl la Soie. L'importance d'une telle additionau commerce de la Colonie, faute aux yeux. II s'agit feulement de favoir, fi, quelle que foit cette importance, on ne 1'achetteroit pas a trop haut prix. La population dans toutes nos Colonies eft fi modique, que tout article qui exige beaucoup de mains eft fort cher, &  qu'il vaut mieux les faire venir du dehors que de les fabriquer foi-même. II faut dire encore, que h Géorgie, Colonie qui nous avoifine, eft a tous égards beaucoup plus adaptée a Ia production de ce précieux article que la Sud-Carolme. Abandonnons donc la culture de la Soie a la Géorgie, &, en cherchant a faire plus que nous ne pouvons, n'allons pas courir le hafard de négliger ce qui eft en notre pouvoir, & de quitter le certain pour 1'incertain. Je dirai Ia même chofe du coton: peutêtre réuffiroit-il a la Sua'-Caroline• ; mais il vaut mieux le tirer des Colonies plus méridionales, dont il eft une produétion naturelle. Je n'aivoulu rien dire, Milord, pour plufieurs raifons de la découverte qu'on pourroit probablement faire de mines précieufes dans 1'une & 1'autre des Carolines. Quand on poffede des biens certains & fuffifans, il eft inutile, pour ne pas dire dangereux, d'en pourfuivre d'incertains;  ( 159) dYüleurs, je flus dans 1'inthne perfuafion que nous jouiflöns infiniment mieux des richefles que nous avons acquifes par gradation de travail & d'induftrie , que fi elles noüs fufXent venues tout a coup. J'ai 1'honneur d'être &c.  ( 160 ) l e t t r e XIX. m i l o r d> j^^près les deux CaroMnes, nous avons la Géorgie. Quoique la néceffité d'avoir une barrière entre nos Colonies & celles des Efpagnols > premier motif qui nous fit former un établifïèment en ce pays, ait ceffé par 1'abandon de la Floride a la Grande-Bretagne, on a cru ne pas devoir renoncer a une entreprife qui promettoit d'autres avantages aflez importans. Le fol & le climat de la Géorgie font excellens pour diverfes denrées trés eflentielles, que nos autres Colonies ne peuvent donner aufli bonnes, quoiqu'avec beaucoup plus de travail & de dépenfe. Avant d'entrer dans la difcuflion des articles que cette province peut fournir au commerce , je mettrai d'abord fous  fous les yeux de Votre Seigneurie un état de fon commerce actuel, conformément au plan que j'ai fuivi jufqu'a préfent dans le cours de cet ouvrage. L  ( '62 ) MARCHANDISES EXPOR* TÉ ES DE LA GRANDEBRETAGNE. POUR LA GEORGIË. Fer , Jcier , Cuivre , Plomb,* Etain, Fer-hlanc & Br onze tra-,' vaillés, Marchandifes de Birmtngham &f de Sheffield , Chanvre, Cordage, Toiles a voile, Etojfes i de Soie ,Flanelle , Baye de Colches- \ ter, Harnois, Mercerie, Clincail- j lerie, Bijoitterie, Chapeaux, Gants, Galon cïor & d''argent , Soierie , I Toile cl'Angleterre £f d'autres3 f ^^qqq, pays, Poterie, Pierres h aiguifer, jj Filets pour la pêche, Couleurs, II Agrès, Marchandifes de Man- I chefter , Marquetterie , Modes,- J Livres, Tapifferies, Semencesdejar- I rfiBj Pi/w, Tabac, Biere forte, n ^ïb &f Drogues médicinales. 1 ous I ces articles, au prix moyen de 3 jj ans, ont coüté j Au premier coup d'ceil le montant des articles ci-defltis paroit peu confidérable; cependant, fil'on confidere que l'établifTement de cette Colonie eft beaucoup postérieur aux autres, & qu'il a eu bien des  ( i*3 ) MARCHANDISES EXPORTÉES DE LA GÉORGIE, POUR LA GRANDE-BRETAGNE & AUTRES MARCHÉ S. 18,000 barrilsdeRJzh40/. .£36,000. 17,000$. Indigo . b iL . . 1,700. 2,500$. Soie . . d 10Ï. . . 2,500. Peaux de bêtes fauves & autres 17,000. Planches &c. Bois de cons- truclion ..... 11,000, Ecaille de tortue, Drogues, & Befliaux . . . . 6,000. Evalués au prix moyen de 3 ans, ces articles coütent £ 74,200. difficultés a furmonter, il y aura lieu d'être étonné qu'il foit monté fi haut. On a déjk expliqué d'oü vient, en pareil cas, 1'excédent de 1'importation fur 1'expor» tation, L 2  C iö4) Les principaux articles du commerce aciuel de la Géorgie font le riz, 1'indigo & les peaux. A mefure que i'établiffement s'étendra, chacun de ces articles peut devenir & deviendra probablement multiple du montant actuel, par les mêmes raifons que j'ai apportées en parlant des deux Carolines. ■ Mais de quelque conféquence que foient évidemment ces articles, ce n'eft pas fur eux feulement que pofe 1'importance de cette Province. II en eft d'autres d'un poids égal & peut-être plus confidérables dans la balance du commerce: ce font les vins & la foie. J'ai déja fait voir 1'utilité, j'ai penfé dire la néceffité de cultiver le vin, partout oü 1'on peut le faire bon. J'ajouterai feulement ici que, pour ce qui concerne la Province de Géorgie, 1'expérience a prouvé qu'a tous égards fon fol eft propre pour les vins de Portugal, ÜEfpagne, $ Italië, de Madere & des Canaries', qu'ils y croiffent auffi bons, finon meilleurs, que ceux que nous tirons  ( I6S') de ces pays, & en quantité fuffifante pour remplir nos demandes. II eft de toute évidence que ce feroit un avantage ineftimable pour la nation de s'approprier ce commerce, & de ne plus dépendre a cet égard des nations étrangeres. Je ferai donc a Ce fujet une feule remarque, c'eft que fi nous confidérons qu'elle eft la conduite du Portugal, d'oü nous tirons depuis plufieurs années, tout le vin néceflaire pour notre confommation , il n'eft pas poflible que 1'indignation & un jufte reflentiment ne nous confirment dans cette fage mefure. Les raifons que j'ai données, pour exciter les Colons de la Géorgie a la culture du vin, font, en grande partie, appjicables a la foie. L'ufage en eft devenu fi commun, qu'elle eft prefque regardée aujourd?hui comme une néceffité de la vie; il ne faut pas croire que ceux qui font en état d'en acheter s'en priveront, quel qu'en puifle être le prix. La production de cet article, ne fut-elle qu'en quantité fuffifante pour notre propre ufa» L 3  ge, feroit donc une épargneimportante, & fi elle devenoit telle qu'on en püt porter dans les marchés étrangers, ce. feroit une branche très-effentielle ajoutée a notre commerce. On a trouvé que le climat de la Géorgie convenoit, a tous égards, au ver-afoie. Les végétaux, qui font la nourriture naturelle de cet infecïe, y font indigenes. La foie de la Géorgie ne cede en qualité a aucune autre. La feule chofe qui femble mettre obflacle a la poürfuite d'un objet fi lucratif, c'eft qu'on manque d'un nombre fuffifant de mains pour en préparer une quantité qui puiffe mériter fattention publique. Pour foigner le ver-a-foie, il n'eft befoin que de femmes, & d'enfans qui n'ont pas encore la force requife pour des travaux plus pénibles. II eft manifeste que de cette maniere on peut s'appliquer a cette branche de commerce fans nuire a aucune autre qui intéreffe le bien public. C'eft auffi un fait connu, que la population augmente en proportion des  ( 167 ) moyens qu'a 1'induftrie de s'enricbir. Tandis donc que, de leur cöté, les hommes confacreroient leur attention & leur tems a des ouvrages qu'ils font feuls en état d'exécuter, cette partie de leur familie, au lieu d'être une charge fur leur induftrie, au lieu de les tenir dans une détreffe continuelle, & même de les décourager, changeroit totalement la fcene, répandroit 1'aifance dans leurs maifons, & la joie dans leurs cceurs, vraies & immanquables fources de population. Ce n'eft pas la une fpéculation chimérique: ce commerce peut produire les effets que je lui attribue ici; nous en avons pour témoignage irréfragable tous les pays oü il eft envigueur; le peuple, quoique afiujetti k beaucoup de difficultés & d'entraves inconnues dans les domaines de la GrandeBretagne, y a néanmoins un air charmant de fanté & de gaieté. J'ai taché,Milord, de rendre fenfibles les avantages qu'on peut retirer de cette branche de commerce dans un pays qui jufqu'a ce jour a été trés - négligé. II eft L 4  ( iö8 ) plus que probable qu'en s'y appliquant il s'en préfentera d'elles - mêmes plufieurs autres a 1'efprit. Mais je tiens toujours religieufement aux principes que j'ai pofés en commen9ant cet ouvrage, de ne rien avancer fur fimple conje&ure, & de ne rien alTurer que d'après ma propre expérience. Outre les particularités qui regardent immédiatement les produ&ions & le commerce de la Géorgie, il en eft d'autres qui peuvent intéreflèr cette Colonie & qui par conféquent méritent qu'on y faffe attention. Mais je les réferve pour une autre lettre, attendu qu'elles font applicables au pays qui va être 1'objet de nos réflexions, & qu'il eft tems de mettre fin a celle-ci, qui n'eft déja que trop longue. J'ai 1'honneur d'être &c;  ( ^9) LETTRE XX. M I L O R D, JNJous voila enfin parvenus a la Floride , derniere frontiere des poffeffions de 1'Empire Britannique, & conféquemment au terme de nos voyages fur le Continent de 1'Amérique. Une nouvelle acquifition de domaines donne toujours lieu h beaucoup de débats & de fpéculations. Depuis que nous fommes maitres de la Floride, on en a fait tant de defcriptions & de fi oppofées, qu'on eft fur, quoiqu'on en puiffe dire, de trouver des contradicteurs. En pareil cas, le mieux eft d'éviter les extrêmes, & affurément c'eft ce que 1'on doit faire a 1'égard de ce pays, les avantages & les défavantages, le bien & le mal en ayant été également exagérés en tout point, & cela par un même motif, par interêt particulier. H L 5  ( 17© ) fuffit poür fe convaincre de cela, de confidérer quelles font les perfonnes qui ont donné ces defcriptions, Ceux qui ont obtenu des conceffions de terres & qui defirent ou d'en vendre, ou d'y former des établiffèmens, repréfentent tout le pays comme celui de Canaan, „ oü couloient des fleuves de lait & de miel" afin d'exciter les acheteurs, & préfenter des appas aux avanturiers. D'un autre cöté, les militaires qui ont été envoyés pour en prendre pofleflion, ferécrient contre le pays. C'eft, difent-ils, un champ de fang; c'eft, comme Aceldama, une terre qui dévore tous les étrangers affez malheureux pour y aller. Quelque contradiótoires que foient ces expofés, il n'eft pas auffi difficile de les concilier qu'on 1'imagineroit. Les cötes, oü 1'on a jugé néceflaire de batir des places fortes pour protéger la navigation & en maintenir la pofleflion font extrêmement ftériles & mal-faines. L'intérieur du pays , au contraire, k commencer du pieddes montagnes, eft fain, &non-feu-  ( i7i ) lement eft fertile en denrées qui lui font propres, mais a 1'avantage précieux d'en produire beaucoup qui lui font étrangeres, & cependant de la qualité la plus excellente; il fuffit donc, pour bien juger de ces tableaux différens de la Floride, de ne pas confondre les cótes avec 1'intérieur, & de leur accorder leurs prix refpeétifs. Les fuites qui réfultent de 1'infalubrité des cótes font connues de tout le monde. Quant a 1'intérieur, il ne m'appartient pas d'en juger. Tout ce que nous en recevons, montre affez quels avantages le commerce Britannique peut retirer des produétions de ce pays. La Floride eft comme la Caroline, divifée en deux pro vinces de même nom, diftinguées feulement par leur fituation, 1'une a XOueft & 1'autre a F Eft. La plupart des défavantages indiftinctement attribués a tout le pays ne devroient 1'être qu'k la Floride oriëntale, qui eft en grande partie ftérile, fabloneufe, & presque déferte. St. Auguftin eft la place  ( 172) forte Ia plus confidérable & Ie principaï port de cette Province. II n'eft pas étonnant qu'un établifTement fi nouveau, & en pareiiles circonftances, n'ait pu encore procurer des bénéfices confidérables au commerce. Nous portons a St. Augujiin les mêmes marchandifes que dans la Géorgie & la Caroline, provinces limitrophes. Elles montent annuellement a 7000 livres fterlings, ou a peu prés: ce que nous en avons recu jufqu'k préfént ne mérite pas la peine d'être compté. On ne doit pas conclure de la que Ie pays ne puilfe produire aucune denrée propre pour 1'exportation, & qu'on ne puiffe y porter & y vendre une plus grande quantité des nötres. Ce font deux chofes également faulfes. Moyennant une bonne culture, la Floride produira du ris, de 1'indigo, de la foie, du vin & de la cochenille, & tout cela fera porté dans le commerce k des conditions avantageufes. II n'eft pas befoin de prou-  C 173) Vér combien ces articles font importans* Le dernier, furtout, fera une des additions les plus effentielles qui puiffent être faites k notre commerce, d'autant qu'il en faut beaucoup pour la fabrication de quelques-unes de nos marchandifes les plus précieufes, & que, forcé de 1'acheter de 1'étranger, il faut le payer a tel prix qu'il lui plait; au lieu que s'il venoit de nos domaines, non-feulement nous 1'aurions k beaucoup meilleur marché, & par la nous pourrions donner nos marchandifes a plus bas prix que nous ne faifons h préfent; mais nous ferions pancher la balance de notre cöté; & nous y mettrions le prix dans les autres pays. Ce qui donne de 1'importance a cette Colonie, ce n'eft pas le produit immédiat de cet article ni d'aucun autre, quelque confidérables qu'on les fuppofe, c'eft 1'avantage de fa fituation. Toute Ia Floride eft on ne peut mieux placée pour commercer avec les Colomes Efpagnoles; il eft certain qu'on y peut établir avec elles une communication réguliere qui ouvri-  C174) jroit un débouché pour les marchandifes de la Grande-Bretagne, dont nous au* rions en retour de lor & de 1'argent, commerce le plus lucratif de tous ceux que nous pouvons faire, quelque confldérable que nous en fuppofions le bé= néfice. J'ai 1'honneur d'être &c.  ( 175) m ■ s L E T T R E XXL M i l o r. d3 J^a Floride oriëntale n'eft pas heureu* fement partagée, mais cet inconvénient n'influe point fur fa foeur la Floride occidentale; celle-ci n'en tire que mieux partï de fes productions intérieures, & la population y augmente d'autant plus, qu'elle eft auffi avantageufement fituée que la Floride oriëntale pour le commerce avec les Colonies Efpagnoles; & peut-être n'eftil pas fur tout le Continent de 1'Amérique, d'endroit plus favorifé de la nature. La partie de ce pays qui borde le Misfiffipi préfente non - feulement toutes les chofes nécelfaires k la vie, mais encore le féjour le plus délicieux. Rien ne prouve mieux la différence de ces Provinces, que celle des produits de leurs commerces refpectifs, occafionnée par la différence de leur population.  MARCHANDISES EXPORTÉES DE LA GRANDEBRETAGNE POUR PENSACOLA, CAPITALE DE LA FLORIDE OCCIDENTALE. Fer , Acier , Plomb , Cuivre, Etain, Fer-blanc Bronze tra jj vaillès, Ouvrages de Birniingham II Ö* de Sheffield, Chanvre , Corda- | g, Gö/j£.r , Chapeaux, Toiles d'An- jj gleterre & autres, Galons d'or&§ _ d'ar gent, Marchandifes des Inde's ,T|4 97s00°e Marquetterie, Tapifferie, Agrès £f | Provijions de navire, Couleurs, | Peintures, Eflampes, Livres, Mo- i des, Poterie, Pierres a aiguifer, | Bijouterie, Pipes, Fromage , Biere | e, Fiwi', Saumure, Tabac, ar- ft ticles qui, au prix moyen de trois j années, ont coüté ^ MARCHANDISES EXPORTEES DE PENSACOLA POUR LA GRANDE-BRETAGNE. Des Cuirs,du Bois de Campê-^ che fcj' autres bois de teinture . JJ „ Et de ï Ar gent en Dollars f\ i> 0,0000. montant annuellement a . J L'enfance  ( '77 ) L'enfance de la Colonie rend fuffifamment raifon de la modicité des articles mentionnés dans la lifle d'exportation cidevant, & 1'on ne doit pas être furpris que la balance foit contre elle, le furplus étant d'une indifpenfable nécefïité pour effectuer 1'établiffement & avoir un fonds en main pour le commerce avec les Colo* nies Efpagnoles jufqu'a ce qu'on en ait conflitué un fuffifant pour cet effet. Outre les articles ici défignés, la Floride occidentale donne toutes les production s naturelles des Indes occidentales. Elle peut auffi produire les chofes les plus précieufes des autres pays, particulieren! ent différentes fortes de drogues médicinales, des vins, de 1'indigo , de la cochenille. L'importance de ces objets dans le commerce eft trop univerfellement connue pour qu'il foit befoin d'en recommander la culture. Un pays fi riche en productions mercantilles, & fi heureufement fitué pour les articles les plus précieux de commerce étranger, ne peut manquer de fe peuM  ( i'8 ) pier. II n'eft queftion que de le faire connoitre; auflitót 1'on y verra accourir de tous cötés, comme a une moiifon abondante, des hommes entreprenans & ingénieux, qui fe plairont d'autant plus dans ce beau pays, qu'ils y feront fous la protection de la Grande-Bretagne qui leur afiurera une pofleflion libre de leurs acquifitións & les traitera comme fes autres enfans. Quand j'eus 1'honneur de communiquer k V. S. ce que je penfois touchant la Géorgie, je dis que je réfervois quelques autres remarques que je ferois en leur lieu. C'eft ici, cemefemble, Milord, que je dois les placer. On a obfervé que le premier motif qu'a eu la Grande-Bretagne de faire un embliflement en Géorgie, a été deformer une barrière entre nos Colonies, fur-tout les Carolines, & les Colonies Efpagnoles, & leurs Indiens en Floride. L'acquifition de la Floride, au lieu de faire cefler la néceflité d'une telle barrière, la rend au contraire indifpenfable, en la portant plus loin, s'entend, car il eft  ( i?9 ) eïair qne les Efpagnols feront doublement jaloux d'une Colonie fi voifine des leurs & fi bien fituée pour commercer avec elles; ce qui ne quadre nullement avec le principe fondamental de leur Gouvernement, qui eft de fournir entierement lui - même a fes domaines ÜAmérique les marchandifes d'Europe dont ils ont befoin. II n'eft pas douteux que, pour pro* téger un pays ouvert aux incurfions des ennemis, on në peut fe difpenfer d'avoir des troupes, des fortereffes, & des pla,ces darmes; mais, quoique ce foient les premières chofes auxquelles ort doive penfer j ce ne font pas les feules nécelïaires dans la circonftance aétuelle. Les Indiens font les ennemis dont on doit principale» ment fe garantir, car ils agilfent toujours par furprife; femblables a des voleurs, ils fe partagent en petites troupes, font des incurfions fubites, mettent tout a feu & a fang & détruifent ce qu'ils ne peuvent emporter. J'ai deja montré (i) 1'inefficacité des CO page po. M 4  C 180 ) place s fortes, & 1'impuiffance des foldats Européens pour garantir un pays de pareilles déprédations, & indiqué (i) le remede qu'on devroit employer dans les circonftances préfentes. II n'y a point de fureté contre les Indiens, tant qu'on les aura pour ennemis. Qu'on en fafïè des amis & 1'on n'aura rien a craindre de leur voifinage. La chofe n'eft pas difficile; ils font naturellement braves, honnêtes, généreux, bons, & auffi fenfibles aux bienfaits qu'aux injures: en les traitant avec douceur, honnêteté & générofité, nous fommes aflurés de les attacher a nos intéréts; auffitöt qu'ils verront notre maniere d'en ufer avec eux, ils la compareront avec celle des Efpagnols dont les cruautés & la tyrannie excitent en eux le reflentiment le plus vif & le plus profond. Leur empreflement & leur ardeur k former une alliance avec ceux qui en agiffent le mieux avec eux, feront d'autant plus grands, qu'ils y verront une proteétion & une affiftance pour fatisfaire leur paffion (2) p. 90 & fuiv.  ( i8ï ) favorite (la vengeance) toutes les fois que 1'occafion pourra s'en préfenter. Je ne prétends par, Milord, exciter par-la ces peuples ignorans a des actes de violence contre d'autres peuples dont nous avons nous-mêmes a nous plaindre. Je veux feulement montrer comment nous devons détourner ces violences de defïüs nos têtes, & même quel eft le moyen de les faire tomber fur celles de nos ennemis , fi la néceffité nous forcoit de le faire. Ce n'eft pas la le feul avantage qu'on peut fe promettre d'une pareille conduite envers les Indiens natifs. II eft moralement fur qu'en agifïïint ainfi avec eux, nous leur ferons adopter en peu de, tems nos manieres, nous les incorporerons avec nous, & tous enfemble nous ne ferons plus qu'un même peuple. Une chofe que je dirai encore avec confiance, & qui eft bien esfentielle, c'eft que ces bonnes gens fe chargeront volontiers d'un travail qui, par la raifon de la différence des climats, furpaffe de beaucoup nos forces. Ce travail nous délivreroit de la nécesfité & du danger M 3  ( 182 ) d'importer d'Afrique ces Negres intraitables dont le nombre fait craindre k cha-? que inftant pour la fureté de nos Colonies & dont les dépenfes font un poids énorme pour notre commerce. Je ne dilferterai point ici fur les avantages & 1'obligation d'inftruire les Indiens dans la religion chrétienne. J'aurai occafion d'en parler dans un autre lieu, oü 1'application fera plus générale. J'ai 1'honneur d'être &c.  ( ) ~— ^ L E T T R E XXII. M i lf o r d, VJ[a in tenant que nous avons parcouru tous les domaines de la GrandeBretagne fur le continent de VAmèriaue, trouvez bon, je vous prie, que je m'arrête ici un moment, pour jeter encore un coup d'ceil fur les régions immenfes que nous avons traverfées. A notre départ pour ce voyage, j*ai dit qu'il étoit également de 1'intérêt de la Grande-Bretagne & de fes Colonies, de maintenir 1'harmonie & la bonne intelligence entre elles. Pour mettre en évidence la primiere partie de cette propofition (1'interêt de la Grande-Bretagne j j'ai montré fidelement & clairement les grands avantages qu'elle retire a préfent, & ceux, plus grands encore, qu'elle pourroit retirer de la profpérité de fes M 4 •  C 184 ) Colonies. II eft inutlle de prouver les avantages réciproques qui réfulteroient d'une bonne harmonie, paree que la nature de leurs liaifons & de leur commerce ne permettent pas de former la-deflus le moindre doute. On fournit a leurs befoins; on fupplée a leur faiblefïë. Sous la proteétion d'un pere puifïanf & indulgent, leur fommeil eft paifible, & leur reveil eft embelli par les charmes de la liberté. On aura probablement remarqué que, dans le cours de ces obfervations, j'ai recömmandé univerfellement 1'agriculture & 1'extenfion des établiffemens. II eft évident que la richeffe, la force, 1'importance de quelque pays que ce foit eft en raifon de fa population; ainfi tout établiffement s'étend de Iui-même. Quant k 1'agriculture, comme il pourra fembler étrange a ceux qui n'approfondiflènt jamais rien , qu'on propofe la même chofe dans tant de pays qui different les uns des autres a une infinité d'égards, on trouvera, apres un examen plus réflé-  ( 185 ) chi, qu'elle eft également convenable, esfentielle, & néceflaire pour eux tous. II n'eft point de plus grand inconvénient pour quelque pays que ce foit, que de ne pas recueillir dans fon territoire les chofes de premier befoin. Dans ce cas, on court fans celfe le rifque ou d'avoir des denrées de hiauvaife qualité, ou de les recevoir tard. Qu'on ajoute a cela qu'il eft toujours au pouvoir du vendeur d'y mettre tel prix qu'il veut, fachant qu'il eft impoffible k 1'acheteur de s'en paflèr. Lors donc qu'on veut établir une Colonie étrangere, le premier foin qu'on doit avoir c'eft de la mettre dans le cas de recueillir au plutöt fur fon territoire fa propre fubfiftance , & de ne pas fouffrir qu'elle dépende en cela d'autres pays. Par fubfiftance on pourroit entendre tout ce qui fert a la nourriture; mais ici cette expreffion doit être prife dans un fens plus limité: je veux parler feulement de 1'aliment le plus nécesfaire, le pain, foit qu'on le falfe avec notre bied ou avec le ris, qui eft le bied de M 5  ( 186) rhémifphere méridional; car de toutes les autres efpeces d'alimens, tant du regne végétal qu'animal,il n'en eft aücune qu'on puilfe dire vraiment néceflaire, en comparaifon du bied. Cela fuffit pour prouver la nécesfité générale & indifpenfable de 1'agriculture, néceflité a laquelle le Ciel a pourvu fi univerfellement, qu'il n'eft aucun pays connu fur la furface du globe qui refufe de donner ce fouüen de la vie, dés qu'on le cultive comme il faut. L'homme fent fi naturellement ce • befoin, que la terre a été le premier objet fur lequel il a exercé fon induftrie; auffi le labourage étoit-il dans la plus haute eftime, quand les hommes guidés par la véritable fagefle, menoient une vie auffi fimple qu'agréable. Ce n'étoit pas l'homme feulement qui donnoit la prééminence a cet art fouverainement vuile. Le Ciel, en tous les tems, 1'a encouragé plus que tous les autres, en qomblant ceux qui s'en occupent des  ( i87 ) faveurs les plus précieufes, la fanté, la force & la profpérité. Je ne veux pas dire par la que 1'agriculture doit être également recommandée dans tous les pays. On doit fe régler fur les circonftances, & les circonftances font diiférentes en beaucoup d'endroits. Le climat, le fol, la dif> ficulté de 1'exportation peuvent être tels, qu'il feroit fort imprudent d'accumuler plus de bied qu'il n'en faut pour la fubfiftance immédiate. Qu'on en faffe partout une ample provifion; mais qu'on s'en tienne la, k moins que 1'on ait quelque débouché pour le vendre avantageufement. Quand on a abondance de bied dans un pays, il y a abondance de tout cequi eft néceflaire a la vie, & conféquemment a bon marché; mais comme article de commerce, il n'en faut pas trop porter au marché, paree qu'il y feroit a un vil prix; précaution applicable aux pêcheries fur plufieurs cótes de la Baye-d'Hudfon, du Labrador, de Terre-  ( i88) neuve &c. du produit defquelles on peut trouver une vente fuffifante & avantageufe pour en affurer la profpérité, moyennant qu'on garde une certajne proportion dans la pêche; car fi on la pousfoit trop loin dans quelque endroit, elle en cauferoit la ruine, & dans cet endroit & dans tout le refte du pays. Trouvez bon, jevous prie, Milord, que je recommande la même reftriction k 1'égard des autres articles. Dans la defcription que j'ai donnée des diffërentes Provinces qui ont été 1'objet de nos confidérations, j'ai fait une énumération exacte & fidele de tous les articles que je favois ou que, fur de'juftes raifons, je penfois qu'elles pouvoient produire; mais je n'ai pas dit qu'il falloit cultiver partout indiftinftement chacun de ces articles. II faut voir d'abord quels font ceux dont il ïéfultera de plus grands avantages, & ce font ceux - la auxquels je confeille qu'on s'adonne par préférence, au moins s'il s'agit de commerce.  ( i89 ) Un ou deux exemples rendront ]a chofe plus fenfibie. On a fait voir que la Sud-Caroline eft propre h produire de la foie, & la Georgië de la Cochenille. II eft três-sür qu'elles le pourroient, & même avec un certain avantage , fi d'autres contrées ne 1'emportoient pas fur elles k ces différens égards; mais, dés que 1'on fait que la Géorgie produit de meilleure foie que la Sud-Caroline, & la Floride de meilleure Cochenille que la Géorgie, ne feroit-ce pas une abfurdité de vouloir contredire la nature,' & de pourfuivre la culture d'une chofe dans un endroit incapable de la donner telle qu'on en puiffe tirer de 1'avantage. II eft donc effentiel de connoitre les productions de chaque pays; & quand on les connoit, il eft bon de ne s'adonner qu'aux plus avantageufes. II y a une autre circonftance que j'ai déjk effleurée une ou deux fois, & qui me femble un moyen infaillible pour élever les Colonies a 1'état de profpérité  ( *po ) qu'elles peuvent naturellement avoir, c'eft de cultiver, civilifer, chriftianifer les naturels, s'il eft permis de s'exprimer ainfi. On voit également le bien qui en réfulteroit, tant dans 1'ordre de la politique que dans celui de la religion. L'entreprife ne préfenteroit pas des difficultés capables d'en détourner. La NouvelleEcoJJe exceptée, la difpofition des naturels & des Indiens voifins de tout le pays que nous pofTédons invite k cela. Leurs vices & leurs vertus font 1'ouvrage d'une nature inculte. Semblables k un terrein fertile, ils n'ont befoin que d'être cultivés pour produire uniformément le bien, autant que le comporte la nature d'un être auffi foible & auffi inconftant que l'homme. Une chofe certaine , c'eft qu'ils tiennent de nous leurs plus grands vices, & par cette raifon que nous n'avons aucun droit de les leur reprocher. Ils rendent naturellement le bien pour le bien, comme ils rendent naturellement le mal pour le mal, & cela doit être ainfi,  ( ipi ) puifqu'on ne leur donne pas d'autres lecons ou d'autres exemples. Nous avons donc tort de nous plaindre fi, dans leur maniere de nous traiter, ils fe portent k des excès. Méritons leur refpect, leur eftime, leur affection par de bons offices, par des procédés nobles & généreux; ils feront pour nous cent fois plus que nous n'aurons fait pour eux. Nous les ver* rons fe coucher a nos pieds. Le jour ils travailleront pour nous; la nuit ils nous garderont. Au furplus, la religion en fait un devoir , & fous ce point de vue il en réfulte un plus grand bien encore que fous celui de la politique; car outre 1'excellence plus grande de 1'objet en lui-même, il en découle tous les avantages d'une bonne & faine politique. Vouloir expliquer ce devoir k un peuple qui profeffe la réligion chrétienne , c'eft 1'infulter, c'eft le fuppofer fans principes & fans lumieres. S'ils ne le connoiffent pas, ils ont les Ecritures! s'ils n'y veulent pas croire, „ ils ne croiroient pas mieux a  C192) un homme reflufcité," encore moins a un homme qui vient leur parler fans misfion & fans autorité. J'obferverai donc feulement que c'eft aller contre les lumieres de la raifon, de la religion & de 1'expérience de tous les fiecles, de fe flater de réuflir dans quelque entreprife que ce foit, fi 1'on n'a pris d'abord les moyens les plus fenfibles & les plus indifpenfables pour s'attirer la faveur du ciel. II feroit fuperflu de m'étendre davantage fur ce devoir, il eft füffifamment connu. D'ailleurs, je n'ai ni le pouvoir, ni les talens nécefïaires pour me faire écouter avec quelque apparence defuccés. J'ai 1'honneur d'être &c. LETTRE  ( 193 ) L E T T R E XXIII. M i l o r d4 Je penfe avoir prouvé clairement les avantages que fe procurent réciproquement la Grande-Bretagne & fes Colonies; mes preuves font fondées fur 1'évidence irréfiflible des faits. Cependant comme des matériaux épars 9a & Ik n'operent pas fi fortement fur fefprit que lors qu'ils font réunis, je vous prie de me permettre de les raffembler tous fous un feul point de vue ; je lailferai la ..raifon tirer ellemême la conclufiom Les premiers objets qu'on s'efl propofés en formant des Colonies, ont été d'augmenter Ia force de Ia Mere-Patrie par une augmentation de population , & d'aggrandir fes richeffes en établiffant avec elles une communication de commerce d'une utilité réciproque, rien n'étantplus abfurÜ  ( '94 ) de & n'impliquant plus de contradictio!! que de fonder une Colonie avec quelqu'autre motif qu'un de ceux-ci ou au moins queiqu'un qui y ait rapport. L'expérience a prouvé que nos Colonies fur le Continent de 1'Amérique répondent parfaiternent h. la première de ces vues partout oü on en a fait 1'effai; & il eft a préfumer qu'il en fera de même dans les endroits oü le manque de tems, ou d'autres caufes moins excufables, ont jufqu'k préfent empêché de poulfer 1'effai jufqu'k un certain point, comme k la Baie-d'Hudfon, dans le Labrador & la Nouvelle-Ecojje. II faut fe garder, dira-t-on avec quelque apparence de raifon, de trop multiplier le nombre de nos Colonies. II feroit ü craindre de dépeupler la Bier e-Patrie , elle n'abonde pas affez en hommes pour qu'on en puiffe diftraire pour ces transplantations. C'eft \k une fuppofition fauffe, & 1'appréhènfion qui en eft le réfultat eft par conféquent fans fondement. La Métropole , QLondres}  ( '95 ) abonde en hommes qui, faute d'être employés comme il faut, font une charge & pour 1'induftrie de ceux qui le font utilement, & pour le commerce de la nation, la confommation qu'ils font a pure perte des denrées de première nécesfité en caufe la difette & la cherté; conféquemment la main d'ceuvre eft plus chere, & nos marchandifes portées aii marché fe trouvent a un trop haut prix* La Métropole a plus de ces hommes inutiles a nourrir qu'il n'en faudroit pour fournir aux Colonies quë j'ai propofées. Au lieu de lailfer la Mere - Patrie chargée d'un poids fi onéreux, qu'ort les envoie donc peupler nos établiiïêmens, ce fera un avantage pour 1'endroit qu'Üs quitteront & pour eux-mêmes. Cela a déja été amplement prouvé (i). II n'y a perfonne qui ne fache combien la population accroit rapidement partout oü finduftrie encouragée eft un moyen für de fe procurer les aifes de la vie; Que le fecond objet dont ils'agit ici. CO p. 47 & fuiv. N 2  ( '9<5 ) je veux dire rétabliflèment d'un commerce ayantageux, ait été déjk juftifié par toutes les Colonies que nous avons fondées, c'eft une chofe qui eft prouvée jusqu'k la convi&ion par 1'état du commerce refpectif de chacune. On a déja fait voir, d'une maniere évidente, que ce commerce n'eft pas encore k beaucoup prés ce qu'il pourra être par la fuite. On en jugera encore mieux par le tableau fuivant. Sans faire mention du nombre auquel monteront probablement lefdits navires & matelots, qu'on confidere feulement les profits qu'on fait fur les marchandifes exportées de la Grande-Bretagne & fur la valeur des productions brutes envoyées des Colonies en retour, avec le travail qu'elle procurent aux manufacturiers! J'ai 1'honneur d'être &c.  Page * 196. TABLEAU GÉNÉRAL des Navires & Matelots employés pour le Commerce de la Grande-Bretagne avec fes Colonies Amèrkaines, & de la valeur des Importations & Exportations refpectives. Colonies. Vaifeaux. Matelots. Exportations de \ Exportations desla G. Bretagne, Colonies. Baie-d'Hudfon f 130. £ 16,000. £29,340. Labrador . . , .1 120 Vaijfeaux Américains.j 49,050. Terre -Neuve 1 (2000 Bateaux) . . j 380.20,560. 273,400. 345,ooo. Canada • • • ... 34- 408. 105,000. 105,500. Nouvelle - Ecofïè . ... 6. ?2. 26,500. 33,00a Nouvelle Angleterre . . . 46. 552. 395,ooo. 370,500. Ifle de Rhode, Conneeticutl & Nouvelle-Hampshire . f 3' 3°' 12,000. 114,500. Nouvelle-York .... 30. 330. 531,000. 526,000. Penfylvanie 35. 39D. 611,000. 705,500. Virginie & le Maryland. , 33o. 3,9 dues pour l'Angleterre, & quis pa£ leur commerce & par leurs liaifons, vont O  '( 8 ) devenir trop intéreflantes a tous les peuples commercans pour ne pas mériter leur attention. Nous n'offrons pour le moment que l'efquifle d'un ouvrage plus étendu, fur le commerce & les productions de ces Colonies , dont nous nous occupons, parceque le fyftême politique de 1'Europe, en fe développant, nous aidera d'autant plus a donner dupoids a nos idéés, & qu'au moyen des documens authentiques & directs, qu'on nous a promis, nous nous verrons plus en état par la fuite de les préfenter avec intérêt & de les faire adopter. Le rapport immédiat des villes, ports & places des Treize Etats-Unis ,avec ceux qui les avoifinent & n'en font point partie, néceffite une expofition fommaire de l'origine des Colonies établies dans l'Amérique Septentrionale. Jetons auparavant un coup d'ceil fur 1'efpace que cette partie du monde occupc fur le globe; déterminons les longitudes & les latitudes des différentes parties  (9) qui la compofent; difons un mot fur fes produftions les plus eflèntielles, & finisfons par rapprocher toutes les poffeffions que les Anglois y avoient avant la préfente guerre. Divifion de FAmérique Septentrionale. L'Amérique-Septentrionale, féparée de la Méridionale par 1'ifthme de Panama, qui n'a que 7 lieues d'étendue dans fa moindre largeur, commence au 7me. degré de latitude Septentrionale & s'étend jufqu'au 8ome. degré de même latitude; elle eft coupée du Nord au Sud par une chaine de hautes montagnes qui, s'éloignant & fe rapprochant alternativement des cötes, laüTe entre elles & 1'Océan un territoire de cent cinquante, de deux eens, quelquefois de trois eens milles angloifes- Au-dela de ces monts eft un défert immenfe, dont quelques voyageurs ont parcouru jufqu'a huit eens lieues fans en trouver la fin. On imagine que des O a  (IO) fieuves qui coulent a 1'extrémité de ces lieux fauvages, vont fe perdre dans la mer du Sud. Cette conjecture rfeft pas fans vraifemblance. Le Continent fe divife en dis graüdes parties, fcavoir: Do NORD AU SUD. (i) Longitudes. Lat. Sepr. AMinent. i°. La Nouv.-Bfet. lozie/Z, le fort Torch * 3070. 16' 550. 26' , ucm*. . . {fc ; ; «; g; »■ CAnnapolis. . . . 312. 20. 44. 48. 3. L'Acadie. . . . < Ca/> de SaMe. . . * 312. 10. 43. 24. IPort Ccmzeau. . . * 316. 45. 45. 20. ^ T a Nouv - An»let J Bofion- • • • * 3°7- 3- 42- 25. 4. La jNouv..Anöiet. { New_ Cambridge^. * 3o6. 30. 42. 5. La Virginie. . . James-Toism. . . . 300. 5. 37. o. 6. La Caroline. . . Charles - Tootj. . . 297. 55. 32. 50. 7. La Floride. . . ƒ ff • • 29S. 30. 30. o. ' l Penfacola. . . . 290. jo. 30. 55. D E Lr'E S T è L'0 U E S T. 8. La Louifiane. . |Nouvelle - Orleans. .* 287. 30. 29. j8. 9. Le Vieux Mexiq. \Mexico 277. o 20. o! 10. Le Nouv.-Mexiq. \Santa Fé. ... 271, o. 35. 32! (O Toutes ces longitudes Tont cotnptè'es de la pertie de 1'iHe de Fer aui eft & io°. jufte a 1'oueft de Paris, fuivanc Pufage des gdogrzphes Francois. Celles marquées d'un altêïifque font les feuls points bien déterminés. Quant aux' autres, quoique "nous les ayions uiefurées avec le plus grand foin fur 1'Atlas de 1'hlft. de 1'Abbé Rainal, nous a'ofons affurer qu'elles foient auffi esactes que les autres.  C ii ) Les IJles de l'Amérique Septentrionale font en trés - grand nombre & peuvent fe divifer en cinq corps, fcavoir: Les A^ores, les Ifles de Terre • Neuve , les Bermudes, les Lucayes «Sc les Aacilles. Wh. Longitudes. Lat. Sept. i°. hes Agores, ou Terceres font au nombre de 9. & fltuées entre les 35 & 41'L de lat- Sept. Tercere Angra * 3500. 27'' 380. 39' Sainte Marie La ville * 352- 31. 36". 57. Pico Pic des Agores. . . * 349- 11. 38- 35. Fayal La Bate * 349- 2 38. 32. Flores * 34euvc. . . \ piaifance.. . . . 395- 40. 47. 40. Anticofti Le port aux Ours. . 316". o. 49- 30. L'ifle Royale.. . . . Louisbourg. . . . * 3,17- 45. 45. 54. L'ifle St. Jean. . . . Charlotte-Toixm . . 314. 20. 46. 30. 30. Les Bermudes vis-a-vis de la Caroline font fltuées entre les 30 & 34d. de lat. Septentrionale. Géorges town en eil la Capitale. . . . 312. 20. 32. 20. St. George \St. Georges-Town. , 312. 40 30. 15. S^. David 319- o. 28. 20. Warwich .' 318. 30- 29- l?. Sommerfet, . . . 317. so.j 20. 5. O 3  ( i») Longitudes. Lat. Sci>t«Sl 4°. Les Lucayes font partie des Antilies & font fituées entre les 23 & 28 degrés de latitude Septentrionale, auSud-Eft de la Floride, dont elles font feparées par le canal de Bahama. Les principales font. Bahama 298. 20. 26". 30I Lucayonique ' 300. o. 27. oJ San Salvador 3°2- 20. 24- Bimini 298. o. 25. 50J A abaftre 301. o- 25. 30.) Pvovidence 299. 3°- 25. o., Samana 3°5- o. 23. yê Ifle-Longue 3°3- °- 23« 5". Les Antilies fe divifent en grandes & "en petites. Les Grandes font au SudEft des Lucayes au nombre de quatre. CUDa La Havane. . . . 2950. o' 23°. io< CSan Domingo. . . 308. 20 18 20. St. Domingue. . . . Sf. MifM, Les Barbades. . . . \ ou, Bridge-Town. 317- 4<*- T3- La Grenade 3*5* 45- »*• »?• St. Vincent 3*«- *2' Tabago 357. o ïi. I°- La Trimt* , 3*7- jo- 10. 6. Antigue ^ St. Jean. . . * 315. 3}.- % j- Ste Lucie. .3l6- 4° 3- Redonde * 315. 7- *6- £}• St. Eurtache. ... . ■ Le Bourg. . . ■ * 3'4- 3° J7- cflba * 314. 19 17-39- St. Martin P«»»e 4- 3- l8- Isles Sous le Vent. Elles Tont moins nombreufes que les premières & font fituées le long des cötés de la Terre - Ferme. La Marguerite. . . -1 3»3°- l° £ Bonaire 2°- '2' 2Ö- Curacao - 3°8. 25- 12. 10. Oruba I - • 3°7- 3°- I2- 10 Quoique les ifles fuivantes n'appartiennent point a notre plan, leurs rapports & leur utilité, eu égard aux voyages pour l'Amérique, nous ont paru rendre ce fuplément néceflaire. Entre le détroit de Gibraltar & les Canaries font. L'ifle de Madere. . .\Funchal * op. 44* | 32°- 38. Cap. St. Laurent. . * 59 32- 1* O 4  Longitudes. Lat. Sepï, ï S L E S CaMARIES. Ténériffe Sainte croix. ... * i° 24. 28 P;c da Ténériffe. * 1 o 28 17' Ifle de Palme. . . . Tajfacorte ... * 359. 42. o8! ,£ Ifle Gomere Le Fort * 0 n2 28 6 Lancerote . . , . . Pointe Eft. ... * 4 ï4. 2g.' 14.' Fortaventure Pointe Oueft. . * 7 8 28 2 Ifle de Fer, . , . . Au Pic * q.' o! 14. 57.' Isle du Cap. Verd St. Jago. . . . . , Porto Praya. . . * 354. 7. 14, ti^ïruu. Avant larrivée des Européens, 1'A&w. (*;.méricain du Nord, vivant du produit de fa chaffe & de fa pêche, ne cultivoit point la terre; tout fon pays étoit heriffé de fr> rêts & de ronces. La culture n'a pu vaincre encore une habitude enracinée par des fiecles, ni 1'art corriger la nature. Mais ce climat, fi longtems ignoré ou négligé par les hommes, offre auffi des, dédommagemens qui réparent les vices <% les effets de; cet abandon, (*) La difficulté de nous procurer des détails plus étendus fur les produótions indigenes de i'Amérique Septentrionale nous a forcés a- nous borner aux obletf.Jei plus connus; mais 1'on travaille actuellement * 1 biftoire naturelle de ce pays & 1'on doit défiW que les Améncams qui s'en occupent nous faffenE ejeQ,ÊÖE jouir du fruit de leurs travau*.  ( 15 ) Entre les arbres qui font propres a l'Amérique Septentrionale on compte furtout VErable & le Cirier. 1'Erable y eft trèscommun; c'eft de ce bois qu'on fait les chaifes, les tables ou autres meubles femblables.Sa feve eft d'un grand ufage dansles feftins. Elle eft blanche, très-claire, extrêmement rafraichiifante,lailfant dans la bouche un agréable parfum, d'ailleurs falutaire & pectorale. C'eft au moyen d'une incifion qu'on extrait cette feve; pour 1'amener a fétat de fucre, on la fait évaporer par 1'action du feu jufqu'a ce qu'elle ait acquis la confiftance d'un firop épais. On la verfe dans des moules de terre ou d'écorce de bouleau, le firop fe durcit en fe refroidiflant, & fe change en un fucre roux prefque tranfparent & affez agréable. Pour lui communiquer de la blancheur on y mêle quelquefois, en le fabriquant, un peu de farine de froment: mais cette préparation altere fon goüt. Ce fucre fert au même ufage que celui de cannes: mais pour en avoir une livre, ilnefaut pas moins de dix-huit ou vingt livres de O ft Erable.  Cirieu liqueur. Ainfi le commerce n'en tirera jamais un grand proflt. L'Erable tient lieu de cannes aux fauvages de l'Amérique. Cet arbre croit jufqu'k la hauteur du chêne & fe plait fur le bord des ruiffèaux dans des lieux humides; fincifion fe fait dans le mois de Mars, au bas du tronc, & cette incifion a deux ou trois pouces de profondeur: la liqueur des jeunes arbres eft fi abondante qu'en une demi-heure elle remplit une bouteille de deux livres, mais fi 1'on veut conferver 1'arbre, il ne faut y faire qu'une ou deux incifions. Le Cirier eft un arbriffeau rameux, tortueux, irrégulier, qui fe plait dans un fol humide. Ses feuilles difpofées alternativement font étroites, entieres ou dentelées, toujours couvertes de petits points dorés presque imperceptibles. II porte des fieurs m&les & des fleurs femelles fur deux individus différens. Les premières forment des chatons, dont chaque écaille porte fix étamines; les fecondes, difpofées de même fur les jeunes rameaux, ont,au lieu d'étamines, un ovaire furmon-  ( 17) té de deux ftyles, qui devient une coqüe très-petite, dure, fphérique, recouverte d'une fubftance grenue, blanche ékonctueufe. Ces fruits, dont l'affemblage a 1'apparence d'une grappe, font ramaffés a la fin de 1'automne & jetés dans 1'eau bouillante. La fubftance dont ils font enduits, fe détache, furnage & s'enleve avec une écumoire. Lorfqu'elle eft figée, elle eft communément d'un verd fale. On la fait fondre une feconde fois pour la purifier. Elle devient alors transparente & d'un verd agréable. Cette matiere, mitoyenne entre le fuif&lacire, pour la confiftance & la qualité, tenoit lieu de 1'un & de 1'autre aux premiers Européens qui aborderent dans ces contrées. Elle brule plus lentement que le fuif, eft moins fujette a fe fondre, & comme 1'odeur n'en eft pas défagréable , elle obtient toujours la préférence partout oü 1'on peut s'en procurer fans la payer trop cher. Mêlée avec un quart de fuif, elle brule beaucoup mieux. Outre cette propriété , on en compofe d'excellent  OifeauMoucbeouColibri. i ] ] < t < 18) favon & de bons emptótres pour les blessures. On s'en fert même pour cacheter. Parmi la multitude d'oifeaux qui peuplent les forêts de l'Amérique Septentrionale, TQifeau-Mouche eft un des plus finguliers. Son nom vient de fa petitefTe; il a le bec long, pointu comme une aiguille; fes patés n'ont que la groffeur d'une épingle ordinaire. On voit fur fa tête une huppe noire, d'une beauté incomparable; fa poitrine eft couleur derofe, & fon ventre eft blanc comme du lait. Un gris bordé d'argent, & nuancé d'un jaune d'or trés brillant, éclate fur fon dos, fur fes ailes & fur fa queue. Le duvet qui regne fur tout le plumage de :et oifeau, lui donne un air fi délicat lu'il reflèmble a une fleur veloütée, dont a fraicheur fe fane au moindre attouchenent. Le printems eft 1'unique faifon le cet oifeau charmant. Son nid, perché iu milieu d'une branche d'arbre, eft re^êtu en dehors d'une mouffe grife & rerdatre, garni en dedans d'un duvet rès-mou, rarnaffé fur des.fleurs jaunes.  (lp) Ce nid n'a qu'un demi-pouce de profondeur fur un pouce environ de diametre. On n'y trouve jamais que deux ceufs, pas plus gros que les plus petits pois. Semblable aux abeilles, ce leger volatïle ne fe nourrit que du fuc des fleurs fur lesquelles on Ie voit fouvent voltiger; quelquefois il fe plonge dans le calice des plus grandes. Son vol produit un bourdonnement pareil a celui d'un rouet & filer. Malgré fa foibleffe, il ne paroit pas méfiant; les hommes peuvent s'approcher de lui jufqu'a huit ou dix pieds. Croiroit-on qu'un être fi petit fut méchant, colere & querelleur ? Souvent ces oifeaux fe font entre eux une guerre achameé; dans leur colere ou dans leur impatience ils poulfent un cri femblable a celui du moineau. Tous les êtres ont une efpece ennemie; celle de 1'OifeauMouche eft une grofte araignée très-friande de fes ueufs, contre laquelle il ne les défend pas fans peine. Les Abeilles font abondantes dans l'Amérique Septentrionale j mais 1'on croit que Abeillssm  Maïs. ( 20 ) cet infefte y a été apporté d'Europe. Depuis que les bras de l'induftrie ont fertilifé la terre dans cette partie du monde, on a vu qu'elle pouvoit donner aux cultivateurs les mêmes plantes ou les mêmes fruits que 1'Europe, & ce bienfait n'eft: pas le moins confidérable dont ils aient été récompenfés. Lorfque les Anglois aborderent dans l'Amérique Septentrionale, les habitans vagabonds de ces contrées folitaires ne cultivoient qu'a regrct un peu de Maïs. Cette plante a le port du rofeau; fes feuilles aflez larges & fort longues, entourent k leur bafe la tige qui eft ronde & noueufe par intervalles. Un panicule de fleurs males la termine: chacun des paquets dont il eft compofé, a deux fleurs recouvertes par deux écailles communes, & chaquefleur a trois étamines renfermées entre deux écailles propres: a 1'aiffelle des feuilles inférieures fe trouvent les fleurs femelles, difpofées en épi très-ferré fur un axe épais & charnu, caché fous plufieurs enveloppes. Le piftil de ces fleurs, entouré  ( 21 ) de quelques petites écailles & furmonté d'un long ftyle, devient une graine farineufe, prefque fphérique, enfoncée a moitié dans 1'axe commun. Sa maturité eft annoncée par fa couleur & par 1'écartement des enveloppes qui laiflènt appercevoir 1'épi. Cette efpece de bied, ignorée alors en Europe étoit la feule qui fut connue dans le Nouveau-Monde. La culture en étoit facile; les fauvages fe contentoient de lever du gazon, de faire des trous dans la terre avec un b&ton & de jeter dans chacun un grain de Maïs qui en produifoit deux cents cinquante ou trois cents autres. Les préparations pour s'en nourrir n'étoient pas plus compliquées. On le piloit dans un mortier de bois ou de pierre, & après 1'avoir réduit en p&te, on le cuifoit fous la cendre;fouvent même,on le grilloit feulement avant de le manger. Le Maïs réunit bien des avantages: fa feuille eft très-bonne pour la nourriture des beftiaux, chofe infiniment préeieufe dans les contrées oü les prairies ne font pas communes.  ( **) Un terrein maigre, léger & fabloneux eft celui qui convient le mieux a cette plante. Sa femence peut être gelée au printems, même k deux ou trois reprifes fans que les récoltes foient moins abondantes. Enfin, c'eft de tous les grains celui qui peut foutenir plus longtems la féchereffe & 1'humidité; auffi les Anglois fe déterminerent a le conferver & a le multiplier dans leurs établiffemens; ils en envoyerent au Midi de 1'Europe, dans les Indes-occidentales, & s'en fervirent pour leur propre ufage (*). l'Amérique (*) Je n'écris point ï'hiftoire naturelle de cette région. Ainfi de tous les reptiles qu'on y trouve je ne parlerai que du ferpent a fonnettes. Celui-ci eft trop connu pour qu'il foit befoin d'en faire ]a defcription; j'obferverai feulement qu'il eft natuTellement peureux. Jamais il n'attaque les pasfans, a moin« qu'on ne 1'irrite. La morfure en eft très-venimeufe, & on 1'avoit toujours regardée comme incurable jufqu'a la découverte qu'on fit il y a quelques années *dans la Nouvelle EcolTe d'une plante que fa propriété fit appeler la plante du ferpent. La poudre en étant appliquée fur la piqfire, en forme de cataplafme, eft un véritable antidote. Cette plante eft facile a diftinguer: la tige en eft ronde, un peu plus grofie qu'une plüme d'oie, de trois ou quatre pieds de hauteur: elle fe couronne d'une fleur jaune d'une agréable odeur. qui reflemble  (23) 1'Amérique Septentrionale eft abondante en mines d'or, d'argent, de cuivre & de fer; & c'eft a ces précieux dépóts que la terre recele dans fon fein,c'eft k l'infatiable avidité des hommes pour les richefles que l'Amérique eft redevable aux Européens des lumieres qu'ils y ont portées; mais quand on confidere a quel prix l'Amérique a acheté ces lumieres, ie problê* me propofé fur le bien ou le mal de la découverte de l'Amérique, loin de pouvoir fe réfoudre, ne laiffe a 1'efprit que des doutes & des entraves & rend la queftion encore plus embarraffante: ce ne fera jamais qu'après avoir cornparé ces biens & ces maux, qu'après les avoir pefés dans la balance de la juftice & de la raifon, qu'on pourra prononcer. De quel cóte penchera • t - elle ? On 1'ignore; il eft douteux qu'il en réfulte un reflemble a une marguérite commune, tant par fa forme que par fa grandeur Ses feuilles, qui font d'une figure ovale & étroite, font foutenues par un pédicule d'environ un pouce de long qui fort des nceuds de la tige: chaque pédicule a cinq feuilles» coaime un pied de bied de Turquie. P  ( 24 ) Populo, tion équilibre, encore moins une apparence en faveur de la fomme des biens. Cette queftion intéreffante propofée par ÏAcadèmle des Sciences de Lyon avoit excité autant mon admiration que mon enthoufiafme; elle me fit naitre fidée de 1'approfondir & d'en chercher la folution; mais, arrêté au milieu de mes recherches par mon infuffifance & par les obftacles qui fe préfentoient en foule, j'ai penfé qu'il ne m'appartenoit pas de la réfoudre, & je me borne a faire des voeux pour que le travail d'un homme de génie vienne nous éclairer fur cette incertitude. L'Amérique Septentrionale compte environ quatre eens mille noirs. Le nombre des blancs s'y éleve a deux millions cinq ou fix eens mille ames; fi les calculs du Congrès ne font pas exagérés, les citoyens doublent tous les quinze ou feize ans dans quelques - unes de ces Colonies & tous les dix-huit ou vingt ans dans les autres. Cette grande population prend fa fource dans les avantages que produit fagriculture & dans la néceffité  ( 25) d'avoir des enfans pour en augmenter les reffources & les produits, f Agriculture, encouragée & néceflaire dans cette partie du monde, prépare un accroiffement & une population qui prouveront aux Européens que li ce bienfait va toujours en diminuant chez eux, ils ne doivent en accufer que la dépravation de leurs mceurs, leur parefle, leur goüt pour lés plaifirs & leur éloignement pour le manage. Pojjeffions Anghifes avant la guerre préfente. Plus il eft fiateur d'exercer une immenfe domination, plus il eft douloureux de la perdre; plus Ie degré de gloire oü 1'on eft parvenu eft éminent, plus Ia chute en eft ordinairement rapide & honteufe. Les Carthaginois & les Romains offrent des exemples frappans' de cette trifte vérité. En fuppofant, comme nous 1'avons déja dit, que les fleuves qui couient a 1'extrémité des déferts immen- P 2  ( «O ies au-delk des Apalaches, aillent fe per* dre dans la merduSud, la Grande-Bretagne auroit embraffé par fes Colonies toutes les branches de la communication & du commerce du Nouveau - Monde. En paffant d'une mer de l'Amérique h 1'autre par fes propres terres, elle auroit touché pour ainfi-dire k la fois aux quatre parties du monde; des polTeffions qu'elle avoit dans les Mers Orientales, elle auroit pu fe tranfporter aux Indes-Occidentales par la Mer Pacifique. Une fois qu'elle eüt découvert les langues de terre, ou les bras de mer, l'ifthme ou le détroit qui Hent 1'Afie k l'Amérique par 1'extrémité du Septentrion, elle auroit afpiré peutêtre k prédominer fur les deux Mondes par le commerce & par le nombre de fes flottes. Mais la fortune fe joue de 1'ambition des hommes en leur laiffant entrevoir ces jouilTances; & le tems en prouve la chimère.  La Grande - Bretagne avant fa malheureufe guerre avec fes Colonies, étendoit fon autorité fur la plus grande partie du continent de l'Amérique Septentrionale , fcavoir: La Nouvelle - Bretagne, Le Canada. La partie de la Louifiane fituée k FEil du fleuve du Miffifïipi. L'Acadie ( Nouvelle Ecojfe ). La Nouvelle-Angleterre. La Penfylvanie. La virginie. La Caroline. La floride. I s l e s. Terre - Neuve. L'ifle - Royale (Cap-Breton). La Jamaïque. Nombre de petites Antilles dont les principales font: La Grenade. La Defirade.. La Barbade. St. Chriflophe. Antigoa. La Barboude. L'Anguille. Newis. St. Lucie. Mon;tferrat. Tabago. P 3  ( 23 ) Ces pofTeffions font toutes,plus ou moins, un commerce direct avec les Colonies Américaines. Outre les calculs précédens du Voyageur Américain, le commerce des Provinces Septentrionales dé l'Amérique avec les ifles des Indes occidentales équivaut au fiers, au moins, de celui qui fe fait avec la Grande-Bretagne: il faut ajouter encore que les Provinces de la NouvelleAngleterre, Conne&icut, Rhode -Ijland & Nouvelle-Hampshire négocient outre cela fur la cóte d'Afrique avec quatre-vingt-dix vaifleaux pour la traite des Negres. Leurs cargaifons pour les Ifles-Antilles & la partie méridionale de l'Amérique, avec Surinam, Démerary & autres ifles a fucre des Indes Occidentales, confiflent en rum, melafle, chandelles de fpermaceti, tabac & autres pruvifions. Ces 90 navires apportent ordinairement 9900 Negres, lefquels, a 35 liv. par tête, rapportent une fomme de 346,500 livres fterlings. La conftruction des navires efl: confidérable dans ces Provinces-; on les  ( 29 ) envoie aux Antilies chargés de toutes fortes de provifions, qui y font vendues en retour du produit de ces ifles, qu'ils portent enfuite dans la Grande-Bretagne, oü ils vendent vaiffêaux & cargaifon, & expédient de lk des toiles k voile & autres articles pour achever 1'équipement d'autres navires déja fur les chantiers. Au refte, nous renvoyons le lecteur aux objets refpectifs de chaque Province. Dans les beaux jours du commerce de la Grande-Bretagne avec fes Colonies, la Mere - Patrie entretenoit, aux dépens de fes enfans, un fi grand nombre de gens en place, que j'ai penfé qu'on en verrok avec plaifir une énumeration authentique, afin de fe faire une idéé des dépenfes énormes que ces charges devoient occafionner. Etablissement Général. i Commandant en chef de toutes les forces de S. M. en Amérique. i ViceAmiral. P 4  ( 30) x Secrétaire d'Etat, i Sous-Secrétaire, i premier Commis en chef. i Commandant en chef de tous les vaisfeaux. i Intendant général des forêts, i autre dans le Canada. 1 Auditeur général des plantations , i Député. ï Sur - Intendant pour les affaires des Indes dans la partie Méridionale, i autre de même pour la Septentrionale. 4 Juges de la Cour fupérieure de la ViceAmirauté, refidant a Charles -Town, Philadelphie, Bofton & Halifax. 5 Commilfaires a 1'établiffement de la douane pour le continent de l'Amérique, les Bermudes & les Ifles de Bahama. i Secrétaire , i Caiffier, i Receveur général , i DéputéCaifïïer, i Controleur-général, i Solliciteur général. 2 Infpeéteurs généraux des exportations & des importations, i Infpecleur en chef, i Garde -minute.  (3t) i Receveur général pour 1'hópital de Greenwich en Amérique. i Député - Maitre général des poftes pour le Sud, i autre pour le Nord. i Intendant général des poftes & grandes routes, i Intendant-général de terre pour le Sud, un autre pour le Nord. , Pour l'A r m é e. i Général & commandant en chef, 2 Aides-de camp, i Secrétaire. 1 Major - général, i Aide de camp, 2 Brigadiers - généraux , i Deputé Adjudant • général. 3 Majors de brigade, i Député Quartier-Maitre général , 2 Affiftans Q uartier - Maïtres généraux. 2 Ingénieurs a New-York, 1 a Quebec, 1 a Halifax, 1 a Philadelphie, 2 dans la Floride oriëntale, 2 dans l'occidentale. 1 Maitre-général des barraques, ijugeAvocat. P 5  ( 3* ) i Chirurgien- général & i Directeur de Fhópital. i Commiflaire- général des magazins & provifions. i Député Maitre-Payeur-général. i Commiflaire général des revues, i Prêvot-Maréchal &c. &c. Qu'on ajoute h. cela le nombre prodigieux de fubalternes que toutes ces places exigeoient, on fentira aifément combien la caifle des Etats - Unis doit être foulagée depuis qu'ils ont arboré 1'étendard de la liberté! Tel a été le préjugé des Européens contre les peuples de l'Amérique jufqu'a la révolution actuelle, qu'ils n'imaginoient pas qu'il put y avoir un fage gouvernement au-delk de 1'Atlantique. Tout attefie cependant qu'avant cette époque, les Provinces, qui compofent aujourd'hui les Etats - Unis, avoient toutes les fortes d'établiflemens qui peuvent contribuer au bon ordre, a 1'harmonie, h une communication facile, en un mot, a tout ce qui  ( 33 ) conftitue la félicité publique. Chaque Etat avoit fes AlTemblées, fa cour de Chancellerie, fon tribunal de juftice ordinaire, fa chambre pour les caufes civiles, fes feffions générales de paix, fa Cour d'Amirauté, fes AlTemblées d'Amirauté, fa Cour d'appel, fes Officiers de douane, fa Milice provinciale, fes garnifons, fes Commiffaires pour 1'églife & les écoles,fes Officiers de pilotage pour les rades & ports, fes Officiers de police pour la propreté & 1'entretien des rues, fes Commisfaires & Infpecteurs pour le tabac & autres denrées, fes Juges de paix, fa garde de nuit, fes tatifs, fes quayages, fes poids, fes magazins, fes poftes, fes relais; en un mot, 1'on voit régner tant d'ordre, de décence,de fureté, de tranquillité dans Boston , Philadelphie , Savannah , Charlestown, St. Auguftin &c. &c. qu'il n'eft perfonne qui,a tous ces égards,ne préférat le féjour de ces villes a celui de la ville la mieux policée de 1'ancien Monde. Ofons le dire: l'Amérique Septentrionale a eu fon fiecle d'or,& cela eft fivraique,  C 34 > fans déroger a Ia loi, on a vu jufqu'a 15 a 20 ans s'écouler fans qu'il ait été prononcé un feul arrêt de mort. Peuples de 1'Europe, ceffez donc de regarder l'Amérique comme une région fauvage, & comme une terre inculte & négligée. Sachez que la civilifation y eft parvenue au même degré deperfeclionque chez vous, & que peut-être elle furpasfera la vótre en vous forcant a 1'admirer. Quoique les Ufage s de commerce pratiqués ci-devant entre la Grande-Bretagne & fes Colonies ne puiffent être confidérés comme devant fubfifter toujours les mêmes, ce n'eft pas une raifon pour les palTer fous filence: ils ferviront d'éclaircilfement k ceux qui y font intéreifés par des opérations anciennes, & d'inftruétion pour ceux qui cherchent a fe former une idéé jufte du commerce de l'Amérique Septentrionale. D'ailleurs, puifque c'eft elle qui doit probablement changer un jour toute la conftitution civile du nouvel Hémifphere, il faut être fcrupuleux fur tout ce qui la concerne.  (35) Ufages de Commerce dans quelques - unes des'principales villes de l'Amérique Septentrionale, tels qu'ils étoient fuivis en 1774 relativement a leur Commerce avec la Grande-Bretagne, & tels qu'ils le font encore furtout a 1'égard du cours des changes. Pour avoir 100 Livres fterlings, la Virginie, la Nouvelle-Hampshire, Maffachufet Rhode - Ifland, Con- necticut donnoient 125 liv. cour. La Nord-Caroline.7 . ,. New-York. . .ƒdlt0' Les Jerfeys. . > . .""| Les Etats de la Délaware.» La Penfylvanie 1 " Le Maryland *■ La Sud - Caroline. 700. dito. La Géorgie 108. dito. La Floride oriëntale. .? IOO ^ La Floride occidentale/ L'intérêt permis étoit de 8 p» par an, excepté en Virginie, oü il n'étoit qu'a 6 pi. Le change a Charles-Town , capitale de la Sud-Caroline, étoit avec Botton £541. 13^ 4 Pour 100 Uv. argent de permiffion. New-York 400.— - • . 100 liv. cour. de New-York. Fhiladelphie 433. 6 8. . 100 liv. cour. de Penfylvanie. Les lettres de change fe tiroient toutes fur la Grande-Bretagne New -York, & Philadefphie a 30 jours devue; rarement fur quelques autres Provinces ou Ifles des Indes occidentales, Les lettres de change qui revenoient a protêt aflujettiffoient Ie tireur dans Ia Nord-Caroline a 15 pi de rechange&iop^d'intérêt. Dans la Sud - Caroline. . . 10. . , . dito.~> Dans la Géorgie . . . 15. . • • dito. > 8 ps dito. Dans les deux Florides. . 15. . . . dito 3  ( 30-) Tableau de la valeur des monnoies d'Angleterre, de Portugal & d'Efpagne qui ont cours dans la Sud - Caroline, la Géorgie &c. Grande-Bretagne. Sud-Caroline. Géorgie. £. f. d. £. f. d. £. f. d. jj ([«Guinee i. i. o. 7. 7. o. 1. 3. o. |j J Ecu 0. 5. o. i. 15. o 0. 5. o. ^11 Schellng. . . . o. 1. o. o. 7. o. o. 1. o. «Ij ÏSix pences. . . . o. o. 6 o. 3. 6, o. o. 6". ~ (Tjohannes. ... 3» 12. o. 26. o. o 4. o. o. §J Demi - Johannes. . 1. 16. o 13. o. o. 2 o. o. ^Moïdore. . . . 1. 7. o 9. 15. o. 1. 10. o] «Piftole. . . . . o. 16. 6 6. o. o. o. 18. o. , Demi - Piftole. . . 0. 8. 3. 3. o. o. o. 9. 0. ' Piece de 2 piftoles. 1. 13. 0 12. o. o. 1, 16. o. Piece de 4 piftoles. 3. 6. o. 24, o. o. 3. 12. o. gj Dollar (1). . . o. 4. 61. 12. 80. 50. Demi - Dollar, . . o. 2. 3. o. 16. 3. 0. 2. 6. bq JU dito. milled o. 8. 1*0. 1. o. I Dito un milled. o. 7. 6 0. 1. o. II > dito. milled o. 4. 1 . . . ILPiftarine o. 6. 3 . . io§ Dans Ja Jfloride Unentale la pntole vaut, 6'. 6 . le Dollar. . . 4. 8. le Johannes 16 Dollars. Dans Ia Floride occidentale la Piftole vaut 4 Dollars. le Dollar. . . 41'.. 8d. le Johannes, 17 Dollars. le Moïdore. . 6 Dollars. (1) Le Dollar eft actuellement 1'argent repréfentatif du commerce dei Etats-Unis, dont le change direét avec laFrance eft 1 Dollar pour 5 livres tournois, a 30 jours de vue.  ( 37) Origine des Colonies dans VAmèriqm Septentrionale. Pendant que les Efpagnols & les Portugais découvroient des mondes , & donnoient des loix a des nations inconnues, la France étoit tranquile fpectatrice de tous ces événemens, & ne paroiflbit point encore entrainée par 1'esprit des conquêtes éloigneés; un feul homme lui ouvrit enfin les yeux. Ce fut 1'Amiral de Coligny, un des gémes les plus étendus, les plus fermes, les plus actifs qui aient jamais illuftré fon fiecle. Ce grand politique envoya 1'an 1562, Jean Ribaud dans la Floride, contrée immenfe qui s'étend depuis le Mexique jufqu'k la Caroline, fi 1'on eüt fuivi les ordres de Coligny, fi la furbordination eüt été maintenue entre les Européens, le tems & la patience auroient rendu cette première tentative & les fuivantes une fource intarriflable de gloire & de profpérité pour la France; mais on ne fit rien de ce qu'on devoit faire, & les  Fondement de Quebec dansh Camaa. 't i ( '] i t n (38 ) entreprifes furent fans fuccès jufqu'a 1'année 1608, que Samuel de Champlain, après avoir remonté bien avant le fleuve St. Laurent, jeta fur fes bords les fondemens de Quebec, qui devint le berceau, le centre & la* capitale de la Nouvelle France, ou. du Canada (1). Les Européens y trouverent des forêts immenfes, des rivieres fans nombre, (2) qui leur offroient des caufes toujours actives d'émulation & d'induftrie, tandis que la chaffe & la pêche, qui faifoient les principales occupations des fauvages, fourniflbient a ceux-ci les marchandifes contre lesquelles ils échangoient leurs importations. II y avoit dans le Canada, trois langues principales ("i) Ce nom vient de quelques Efpagnols qui itant venus chercher en cet cndroit dei mines d'or Sc d'argent, & n'en ayant point trouvés, s'écrierenc :n s'en allant: Aca Nada, il n'y a rien ici. d) On a attribué la caufe du froid violent & ong qu'on éprouve dans ces contrées, aux bois, iux fources, aux montagnes dont ce pays eft couvert; mais d'autres Obfervateurs ajoutent è ces faues du froidj 1'élévation du terrein, un ciel tout érien, & rarement chargé devapeurs; la direftion es vents qui viennent du Nord au Midi par des ïers toujours glacées.  ( 39 ) principales, 1'Algonquine, la Sioufe ét la Hurone ; elles font d'une énergie 6c d'une précifion dont on a peine a donner une idéé: les métaphores en font plus hardies, plus familieres dans Ia converfation qu'elles ne le font dans 14 poëfie même épique des langues de 1'Europe. Ces peuples étoient divifés en plufieurs nations dont le gouvernement étoit a peu prés le même. Quelquesunes reconnoiflbient des chefs héréditaïres; d'autres s'en donnoient d'éleclifs; la plupart n'étoient dirigés que par leurs vieillards. C'étoient de fimples affociations fortuites & toujours libres, unies fins aucun lien. On peut fe faire aifément une idéé de leur gouvernement, fi 1'on ajoute que la voionté générale n'y affujetiffoit pas même la voionté particuliere. Louis XIV, fur Ia fin de fon regne, fut forcé de céder aux Anglois Ia Bate d'Hudfon, Terre-Neuve, & XAcadie, trois posfeffions qui, avec le Canada, formoient Q  ( même chef régiiToit les quatre Provinces*, mais avec les maximes qui convenoient a chaque Colonie. Conneélicut & Rhode -Ifland reftoient en polfellion de leur contrat primitif pour les récompenfer de leur foumiffiori. Quant k la nouvelle Hampshire, elle avoit toujours été conduite fur les mêmes principes adoptés pour MaiTachufet. Les Colonies, au lieu de fe voir affranchies, comme les habitans de Ia Grande-Bretagne, des droits de douane fur la pêche de la baleine, devoient payer un droit de 5 6 liv. 5 fous par tonneau k leur entrée dans la métropole; ce droit étoit cependant réduit k la moitié, lorfque 1'importation fe faifoit par les propres navires de la Grande-Bretagne. Cette vexation fut encore plus grande, quand a cet impöt, déjk trop onéreux, on en ajouta un autre, en 1699, de 5 fous 7 deniers par livrd pefant de fanons. Cette nouvelle taxe eut des fuites fi funestes, qu'il fallut la fupprimer en 1723; on en excepta cependant la pêche du Continent SeptentrionaL A quelques S  (?*) réclamations prés, tout paroifïbit tranquille dans Les Colonies, & rien ne fen> bloit annoncer h l'Angleterre 1'orage qui devoit 1'écrafer fous le poids d'une guerre inteftine, & la priver pour jamais de fes Colonies. La première explofion fut occafionnée, en 1764, par ce fameux acte du timbre qui défendoit d'admettre dans les tribunaux aucun titre qui ne feroit pas écrit fur du papier marqué & vendu au profit du fifc. Les Provinces Anglaifes du Nord de l'Amérique s'indignent toutes contre cette ufurpation de leurs droits les plus précieux & les plus facrés; &, d'un accord unanime, hommes & femmes renoncent a la confommation de ce que leur fourniffoit la métropole, jufqu'a ce qu'elle ait retiré un bill illégal & oppreiTeur. Après deux ans facie du timbre eft révoqué ; mais le Parlement, honteux d'avoir plié, veut, en 1767, que ce qu'il n'a pu obtenir de revenu par le moyen du timbre, foit fuppléé par un impöt fur le verre, le plomb, lecarton, lescouleurs, le papier  ( 73 ) peint & le thé, portés d'Angïeterre en Amérique. Les peuples du Continent Septentrional ne font pas moins révoltés de cette innovation que de la première. Trois ans s'écoulerent cependant, fans qu'aucune des taxes qui bleffoient fi viyement les Américains fut percue. C'étoit quelque chofe; mais ce n'étoit pas tout ce que prétendoient des hommes jaloux de leurs prérogatives; ils vouloient une rénonciation générale & formelle a ce qui avoit été illégalement ordonné, & cette fatisfaction leur fut accordée en 1770. On n'en excepta que le thé; mais ce droit ne fut pas plus exigé que les autres. Le miniflere, trompé par fes Délégués , croyoit, fans doute, les diTpofitions changées dans Ie Nouveau-Monde, lorfqu'en 1773, il ordonna la perception de firn-'. pot fur Ie thé. A cette nouvelle, 1'jndignation efi générale dans l'Amérique Septentrionale. Dans quelques Provinces on arrête des remercïmens pour les navigateurs qui ont xefufé de prendre fur leurs bords cette S 2 '  ( 74) production; dans d'autres, les négocians" k qui elle avoit été adreiTée refufent de la recevoir; ici, on déclare ennemi de la Patrie quiconque ofera la vendre; la on charge de la même flétriffure ceux qui en conferveront dans leurs magafins. Plufieurs contrées renoncent folemnellement k 1'ufage de cette boifTon; un plus grand nombre brule ce qui lui refte de cette ' feüille, jufqu'alors 1'objet de leurs délices. Le thé expédié pour cette partie du globe, étoit évalué cinq ou fix millions , & il n'en fut pas déchargé une feule caiffe. Bofton fut le principal théatre de ce foulevement. Ses habitans détruifirent dans le port même trois cargaifons de thé qui arrivoient d'Europe. Le parlement d'Angïeterre, irrité de ' 1'opiniitreté des Boftoniens, fit fermer, le 13 Mars i 7 74, le port de Bofton: il fut défendu par un bill d'y rien débarquer, ni d'y rien prendre. La Cour de Londres s'applaudiffoit d'une loi fi rigoureufe, & ne doutoit pas qu'elle ne ramen&t cette ville a fon devoir, ou que fes  (75) voifins, alarmés du dangerqui lamenacoit, ou jaloux de profiter de fa difgrace, ne cherchaffent a s'en prévaloir pour en tirer avantage; mais 1'attente du miniftere eft généralement trompée. Bofton refte ferme & brave 1'orage; les efprits s'exaltent de plus en plus; le cri de la religion renforce celui de la liberté, & les liens qui uniffoient jadis les Américains a l'Angleterre font rompus pour jamais. L'exemple des Boftoniens entraine les autres habitans de Maffachufet, & 1'union du plus grand nombre; & dés lors fe forme la République des treize Etats-unis (*) dans 1'ordre fuivant. (*) L'efpace occupé par les treize Républiques entre les montagnes & la mer n'eft que de foixantefept lieues marines; mais fur la cöté leur étendue eft en ligne droite de trois eens quarantecinq depuis la riviere de xSte. Croix, jufqu'a celle deSavanmh, comme 1'indique la Carte placée a la fin de cet Ouvrage. S 3  Longitudes. I Lat. Sepf. ï Nouv. Hampshire. Portsmouth. . . . «07» «0 , 3. L'ifle de Rhode . New.Port. . . . ^j- & 11 £ 4. Connechcut. . . New-Haven . . . 304. ^ /Jt. ^ 5. Nouvelle-York. • {^^^ * * 302' 4o' 4°- Jo' 6. Nouvelle Jerfey . AmUy?'. '. '. \ X" 57.* ló' S 7. Delaware. •> * r* 8. Penfylvanie. . . Philadelphie. . . 301. 40. 40'. 25" 0. Maryland. . . . J Baltimore. . . . 300. 30 39. 45- \ Anapolis. . . . 300. 10. 39. 25. ;o. Virginie. . . . J Iftlliamhourg. . . 299, 30. 3?. 20. Ifcaje de Chefapeak. 301. 15. 37 30". 1. Caroline Septentr. / Wilmington. . . 298. 22. 34'. 20'. I Brunswick. . . 298. 15. 34 5 2. Caroline Mérid. 1 Charles-Toyin. . 297. 28 32" 45.* \ Port Royal. . . 296". 55. o2 7 3. Georgië. . . . Savannah. . . .295. 45 . 31' jj Ces treize provinces envoyerent a Philadelphie, dans Ie mois de Septembre 1 7 74 > des Députés chargés de défendre leurs droits & leurs intéréts. Ces Députés réunis compofent le Congrès Américain. De ce moment ce ne font plus quelques particuliers qui oppoïent une réfiftance opiniatre a des maïtres impérieux; c'eft le Congrès de l'Amérique, qui lute contre le Parlement d'Angïeterre; c'eft une nation contre une autre nation. D'un cöté,  ( 77 ) on fait des préparaófs de guerre, des armemens; de f autre, on s'occupe des moyens de repoufièr 1'ennemi; & ce qui pouvoit refter d'affection pour Ie gouvernement primitif eft étouffé. II ne manquoit plus que de donner de 1'énergie aux efprits: un ouvrage intitulé le Sens commun, produit cet effet. „ Jamais, difoit 1'Auteur de cet écrit célebre, jamais un intérêt plus grand n'a occupé les nations. Ce n'eft pas celui d'une ville ou d'une province, c'eft celui d'un Continent immenfe 6c d'une grande partie du globe. Ce n'eft pas 1'intérêt d'un jour, c'eft celui des fiecles. Le préfent va décider d'un long avenir; 6c plufieurs centaines d'années après que nous ne ferons plus, le foleil en éclairant cet hcmisphere, éclairera ou notre honte, ou notre gloire. Longtems nous avons parlé de réconciliation 6c de paix: tout eft cbangé. Dès qu'on a pris les armes, dès que la première goute de fang a coulé, le tems des difcufions n'eft plus. Un jour S 4  (73) a fait naïtre une révolution; un jour nous a tranfportés dans un fiecle nouveau, 6cc." Dans la nuit du 18 Avril 1775, Gage, Commandant des troupes royales, fait partir de Bofton un detachement chargé de détruire un magafin d'armes & de munitions, qu'avoient les Américains k Concorde; elles y réuffiflent; mais a leur retour elles font aflaillies par la milice. Quelques mois après fe livrent des combats plus réguliers, 6c c'eft dans un de ces combats que Warren devient une des premières viclimes de la liberté. Le Congrès honora fa cendre, & fon oraifon funebre fut prononcée avec cette noblefle, cette énergie 6c cette décence qui caraclérifent des ames libres. Le Congrès s'occupe enfuite du foin d'aflembler une armee, 6c le commandement en eft donné a George Wafington le Fabius de l'Amérique, dont le nom palfera k la poftérité le plus reculée. Le nouveau Général vole h Maflachufet, prcfle , enferme 1'ennemi dans Bofton,  C 79 ) & force enfin fix mille foldats a fuir: Bofton eft évacué le 24 Mars 1776. Cette victoire accéléra le vceu général pour 1'indépendance; & le Congrès profita de cette heureufe circonftance pour la prononcer. Le 4 Juillet 1776 fut le jour mémorable oü les Colonies briferent le joug & rompirent tous les liens qui les unifföient a l'Angleterre. Hancok, Franklin, les deux Adams furent les plus grands acteurs de cette fcene intéreffante. On a écrit au - deffous du bufte du fecond: E Cxlo eripuit fulmen, fceptrumque tyrannu. Les bornes que je me fuis prefcrites dans cet ouvrage ne me permettant point des détails plus longs, je me contenterai d'ajouter que la France, après avoir reconnu 1'indépendance des Américains, fit un traité d'amitié & de commerce avec eux, qui fut figné a Verfailles le 6 Février 1778, & fignifié le 14 Mars de la même année a la Cour de Londres. Les Etats Généraux des Provinces-Unies des PaysS 5  Origine de la Nouvelle-Angleterre. (80) Bias, toujours attentifs a tout ce qui peut affermir & augmenter le bonheur de leurs fujets, viennent, a 1'imitation de la France, de reconnoitre 1'indépendance Américaine ; cette déclaration eft du 19 Avril 1782. La reconnoiflance univerfelle de cette indépendance en Europe devant être la bafe de la paix, ii faut efpérer, pour le bonheur de 1'humanité, que toutes les Puiffances fe réuniront bientót pour coi> courir a cette heureufe fin. Nouvelle Angleterre. C'eft au fanatifme que la Nouvelle-Angleterre doit fes premiers Colons. Les Puritains éprouvant de jour en jour de plus grandes. perfécutions en Angleterre, ils fe virent obligés de fuir leur patrie, & 1'émigration en fut fi confidérable en Amérique, que I'année fuivante, ils furent dans la nécefïité de fe difperfer. Les peuplades qu'ils établirent, formerent d'abord la Province de Majjachufet,  ( 8t ) d'oü forrirent bientöt les Colonies de la Nouvelle Hampshire, de Conneclicut & de Rhode -Ifland, qui par la fuite formerent autant d'Etats féparés, & obtinrent chacune une charte particuliere de la Cour de Londres (i). Uniquetnent occupés du, plaifir de vivre en paix, ces peuples nouveaux négligerent de donner une bafe folide h leur bonheur; ils vécurent ainfi 1'efpace de vingt ans, & ce ne fut qu'en 1630 qu'ils fentirent la néceffité de donner une forme & leurs Colonies refpectives. Ils convinrent a cette époque d'avoir tous les ans une Affemblée dont les Députés feroient-nommés par le peuple, oü ne pourroient fiéger que les membres de 1'Eglife établie & qui feroit préfidée par un Chef fans autorité particuliere. On établit un Confeil national, chargé de régler les affaires publiques & de juger tous les procés: les lumieres de la raifon , fans le fecours d'un code, devoient décider tous les différends. O) Suivant un Tableau publié par le Congrès, la Mouvelle-Angleterre forme feule une population de Jiuit eens un mille fix eens foixante-dixhuit ames. Sa p$' iulation.  ( 82 ) Son éten dus. t La Nouvelle Angleterre, bornée au Nord par le Canada, a 1'Oueft par la Nouvelle-Tork, a 1'Eft & au Sud par la Nouvelle-EcojJe & parl'Océan, n'a pas moins de trois eens milles fur les bords de la mer, & s'étend a plus de cinquante milles dans les terres. Falmouth dans la baie de Cafco, & Portsmouth dans la NouvelleHampshire; Bofton, Marble-Head, Salem & Newburry-Port dans la Baie de Majjachufet; New-port dans l'ifle de Rhode; & New-London dans le Conne&icut, font les principaux havres oü fe font toutes les affaires. Les défrichemens s'y font avec fageffe & toujours fous l'infpeclion des loix qui font immuables a cet égard. Dès que foixante families offrent de bétir une églife, d'entretenir un Pafteur , de folder un Maitre d'école, 1'aflemblée générale leur affigne un emplacement, & leur donne le droit d'avoir deux repréfentans dans le Corps légiflatif de la Colonie. Le diftrict qu'on leur affigne eft toujours limitrophe les terres déja défrichées & contient  (83) ordïnairement fik milles quarrés d'Angïeterre. C'eft ainfi que s'aggrandit la Nouvelle-Angleterre. Plus on y défriche de terres & 1'on y exploite de forêts, plus fair qu'on y refpire eft pur & fain. Cependant, comme 1'abondance des récoltes n'a pas rempli les voeux des Colons, ils ont dirigé leur induftrie vers d'autres objets. Ils conftruifent des navires pour les Navigateurs étrangers; ils ont des fabriques confidérables de chapeaux, de toiles de lin & de chanvre, de draps communs &c. A ces manufactures, qu'on peut appeler nationales, les habitans de la province ajou- ? tent des fabriques d'une eau de vie faite avec la mélaffe qu'ils vont chercher aux Indes-Occidentales. Ils vendent des quantités prodigieufes de cette liqueur aux fauvages voifins, aux pêcheurs de morue, a toutes les Provinces Septentrionales; ils la portent même jufqu'aux cötes d'Afrique. De cette facon, ils s'approprient une partie des denrées de l'Amérique, foit Méridionale , foit Septentrionale, & les échanges de CO Foyez k Foyageur Amêricain} pag. ioo&ioi. Son comwrce (i).  ( 34) ces deux régions, fi néceffaires 1'ime a 1'autre, paflènt par leurs mains. Le cacao, le café, le coton font encore des articles dont ils tirent des partis avantageux. Mais de toutes les reflburces de cette Colonie, la pêche efi: la plus efïèntielle: le nombre prodigieux des bateaux qu'elle y emploie en eft une preuve convaincante. La pêche du maquereau occupe annuellement durant le printems & 1'automne environ 1500 bateaux & 3000 hommes; celle de la morue 500 batimens de 50 tonneaux avec 4000 hommes d'équipage. La pêche de la morue eft au moins de deux eens cinquante mille quintaux. Avant 1763 la Nouvelle - Angleterre faifoit la pêche de la baleine en Mars, Avril & Mai, dans le golfe de la Floride; & en Juin, Juillet & Aoüt, a 1'Eft du'grand banc de TerreNeuve; elle n'y envoyoit alors que 120 chaloupes de 70 tonneauX chacune, & montées par 1600 hommes; mais en 1767 cette pêche occupoit déja 7290 matelots.  ( 85 ) Les productions de la Nouv elle-Jngleterre font la morue, fhuile de poiflbn, la baleine, le fuif, lecidre, les falaifons, le maïs, les porcs & les bceufs, la potaffe, les légumes, les matures pour les navires marchands & pour les vaiffeaux de guerre, ainfi que des bois de toute efpece. Les exportations des quatre provinces réunies s'éleverent en 1769 k 13,844,430 liv. 19 fois 5 den.; mais cette Colonie recevoit annuellement plus qu'elle ne donnoit, puifqu'elle a dü conftamment a fa métropole vingt-quatre ou vingt-cinq millions de livres. Nouvelle - Hampshire. Cette province, ou cetEtat, contient environ cinquante mille habitans, fes productions & fon commerce font les mêmes que dans les autres Provinces de la Nouvelle Angleterre, dont nous avons fait mention dans 1'article précédent. La Nouvelle Hampshire s'étend depuis la baie de MalTachufet jufqu'au fleuve  (86) Ports* tnouth St. Laurent. La ville de Portsmoutb en eft la capitale: c'eft de fon port, fitüé dans le havre de Piftatdqua, foixantè milles au nord de Bofton, que fe font toutes les expéditions de la Colonie. La proximité de cette province de celle de Maffachufet, la plus confidérable de la Nouvelle-Angleterre, eft un obflacle aux progrès de fon commerce. Mais il eft k préfumer qu'k mefure que fa population augmentera,le défrichement, la culture des terres , augmenteront auffi fes productions; & que d'un plus grand nombre de befoins, naitra un commerce plus confidérable avec les ports les plus fréquentés de l'Amérique- D'un autre cóté, en fuppofant que fes importations & fes exportations fe bornent feulement aux ports voifins de la Nouvelle-Angleterre, 1'excédant des échanges n'en fera pas rnoins un avantage évident pour la balance du commerce de la Nouvelle-Hampshire. Cette confidération eft applicable a toutes les provinces de la République qui feront dans le même cas que celle-ci. Mas-  C 87) Massachuset. II n'eft dans l'Amérique feptentrionale aucune province auffi confidérable, auffi florifTante que celle de Majfacbufet, dont la population monte a 900 mille ames. Elle eft bornée au Nord par la Nouvelle Hampshire, a 1'Eft & au Sud par 1'Océan atlantique & le Connecticut, & k 1'Oueft par la Nouvelle York. Sa longueur eft de 112 milles & fa largeur de 38. Au nombre de fes productions les plus confidérables on compte le bied d'Inde, les moutons, les boeufs, les cochons, les poiffons, le lin, le chanvre, & les bois de coriftruclion. Ses manufactures principales font celles de toile, de draps de laine, de cuirs & de chapeaux. La quantité de bois & d'autres matieres propres a la conftruction, la mettent dans le cas de batir un grand nombre de navires. Elle a dans fon fein des mines de cuivre & de fer. En échange de ces productions elle rapporte des Ifles a fucre de la mélaffe, dont elle fait de f eau de vie. Le commerce T Pojition 6? Population ■le Majfa> chufet Ses pro. iuStkns  ( B8 ) Bofton i Ses forti fications, üe cette province eft confidérable & fe fait prefque tout a Bofton. Cette cité, qu'on peut regarder comme la capitale de la Nouvelle Angleterre, efi: auffi la plus con[ïdérable de l'Amérique Septentrionale; file eft fituée dans une péninfule de quatre milles de long, au fond de la belle baie de Maflachufet, qui s'enfonce environ huit milles dans les terres. L'ouverture de cette baie eft défendue contre 1'impétuofité des vag'ues, par quantité de rochers qui s'élevent au-deffus de 1'eau, & par une douzaine de petites ifles, la plupart habitées, qu'on nomme Brewfters. 'Ces digues, remparts naturels, ne laiffent une libre entrée qu'a trois vaiffeaux de front. Sur ce canal unique & très-étroit fut élevé -a la fin du fiecle dernier, dans l'ifle du Chdteau, une citadelle réguliere fous le nom de Fort-Guillaume. Elle a cent canons du plus gros calibre & trèsbien difpofés. A une lieue en avancant eft ■ un fanal fort élevé, dont les fignaux peuvent être appercus de la fortereffe, qui les répete pour la cóte, tandis que Bofton a  (89) ïes flens qui répahdent en même tems fa* larme dans 1'intérieur des terres voifines. Hors les momens d'une brume épaifïè dont quelques vaifleaux pourroi ent profi ter pour fe gliffer dans les ifles, la ville a toujours 5 ou 6 heures pour fe préparer a recevoir 1'ennemi: en attendant elle peut, en vingt-quatre heures, raffembler dix mille hommes de milice. Quand même une flote pafferoit impunément fous l'artillerie du chateau, elle trouveroit au Nord & au Sud de la place deux batteries qui, commandant toute la baie, 1'arrêteroient a coup fur, & donneroient le tems a tous les bdtimens de fe mettre -a couvert du canon dans Ia riviere de Charles. La rade de Bofton eft affez vafte pour que 6oo voiles y puiffent mouiller furement & commodément. On y a conftruit un magnifique mole, affez avancé pour que les navires, fans le fecours de la moindre allege, déchargent dans les magafins qu'on a Mtis au Nord. A 1'extrémite du mole, eft la ville b&tie fur Sl un terrein inégal & en forme de croiflant T 2 i fit tion.  (90) Sa popu 'ition. Salem autour du port fur le bord de la mer & h trois lieues Sud de Neiv-Cambridge. Cette ville fut fondée par une partie de la Colonie de Charles-Town. II n'eft point de ville dans l'Amérique qui foit plus avantageufement fituée pour le commerce que Bofton. Elle comptoit - avant les troubles trente-cinq ou quarante mille habitans de diverfes fectes. Ses Edifïces publics & particuliers font magnifiques. Le logement, les meubles, lesvêtemens, la nourriture, la converfation, les moeurs, les ufages , tout y reflembloit fi fort a la vie qu'on mene a Londres qu'il étoit diffirile d'y trouver d'autre différence que celle qu'entraine toujours la population exceflive des grandes capitales. A dix-huit milles Nord de Bofton, fe trouve la ville de Salem, que 1'on ne peut nommer fans fe rappeller les fcenes de défolaüon & de trouble qu'y cauferent 1'ignorance & le fanatifme d'un Pafteur qui, croyant qu'une Indienne avoit enforcelé fes deux filles, fujettes k des, convulfions, fouleva la multitude contre  tous les Indiens. Ces infortunés, foupconnés du crime de forcellerie, furent en grande partie condamnés a mourir. . Cependant peu de jours après le bandeau de l'erreur tomba, & a 1'aveugle fureur des affaffins fanatiques, fuccederent une confternation affreufe & les regrets les plus amers. Salem eft fituée dans une plaine entre deux rivieres qui forment deux havres, dont 1'un fe nomme le havre d''été & 1'autre le havre d'hiver. Les premiers colons de Mafïachufet s'établirent d'abord en cet endroit. Cette ville, célebre par la conftruction des navires, fait fon commerce direétement avec les ifles a fucre; elle eft par les 42 degrés 35 min. de latitude feptentrionale & les 3070- 15' de longitude occidentale (au mèridien de Vljle de Fer.') Le Cap-Cod, ,k fentrée de la baie de Maffachufet, la fépare de celle de Barnfiable, au nord de laquelle eft batie la ville de ce nom. La Colonie de Nezu-Plimoutb, dépenT 3 Sa fittiation. Le Cap Cod.  (92 ) Flimotitl PitiohfCQ : dante de 1'Etat de MafTachufet, s'étend jufqu'k cent milles le long des cötes depuis le Cap-Cod jufqu'a la partie nord, & a prés de cinquante milles de largeur; elle fut appelée Colonie de Plimouth, du nom de la première ville que le Confeil en Devonshire fit batir. Cette ville, affez confidérable, fe trouve par 410. 10'de lat. & par 306", 35' de long. Elle eft fubdivifée en trois Comtés, favoir: Bristol, Plimouth & Barnftable. La baie de Penobfcot, dans Ie diftrict de Sagadahoc , eft encore une dépendance de Mafïachufet; fon embouchure a vingtun milles de largeur; la riviere de Penobfcot, formée du courant de trois lacs, vient après un cours de cent trente milles former cette baie. PvHODE-ISLAND. Rhode-IJIand, ou L'ifle de Rhode, la troificme province en rang dans la Nouvelle-Angleterre , eft la plus petite des trois. Sa population eft de cinquante-neuf mille  ( 93 ) fix eens foixante & dix-huit habitans. Cet1 Etat efi: fitué fur le Mount-Hope & doit v fes premiers habitans a un ancien établis-1 fement de Providence. L'ifle dont la Province tire fon nom, eft dans la baie de Narrhangufet; elle fut longtems 1'afile de ceux qui fouffroient de 1'efprit de perfécution, nommément de ceux qui furent chaffés de Bofton en 1639. Les habitans de l'ifle n'ont que deux temples, 1'un pour les Presbytériens, 1'autre pour les Anglicans. La fertilité du fol & la température du climat de l'ifle de Pvhode font fait nommer avec juftice le paradis de la Nouvelle-Angleterre. Bofton n'en eft éloigné que de foixante milles au Sud, 1'hiver y eft moins fenfible; 1'Océan 1'environne, & elle n'eft pas fi fujette aux vents de terre que les villes du Continent. Son commerce d'importation & d'exportation eft confidérable en proportion de' fon étendue: le beurre, le ffömage, les boeufs, les chevaux, les pores, le bois de conitruction & les vaiffeaux font les articles que les habitans vont échanger dans 1 T 4 °opula- im de. 'ijle di Rhode. Son f> nsree.  ë Providence. ( 94 ) les ifles a fucre contre du rum, du fucre & de la mélafle, dont ils font de 1'eau de vie qu'ils portent en Afriquepour la traite des Negres. Une liberté illimitée de religion, Ia beauté du climat, la fituation la plus heureufe, tout invitoit les planteurs a venir fe fixer a 1'Ifle de Rhode; auffi y accouruton de toutes parts; mais fon étendue ne fuffifant pas pour tous ceux qui vouloient établir leur domicile dans ce charmant féjour, plufieurs furent obligés de retourner au Continent, oü ils acheterent. un vafle terrein fur lequel ils éleverent*les villes de Providence & de Warwich. La ville de Providence, fltuée prés de 1'embouchure de la riviere de Patuxit, eft la capitale d'une colonie de ce nom, dont le diftriót peut avoir environ vingt milles en quarré. Cette ville eft aflez grande, très-peuplée & dans un état florilTant! elle eft fous la latitude de 410. 5 2' & fa longitude occidentale eft de 3050. 2S'. La Capitale de lifle de Rhode eft Newport, fitué dans la partie Sud Oueft  (95) de l'ifle; fon havre eft fur & commode; il eft défendu a 1'entrée par un fort régulier, armé de trois eens pieces de canons. C'eft de ce port que fe font toutes les expéditions de la Colonie: on doit juger par-la de la population, des reffources & de la profpérité de New-port. CONNECTICUT. Cette quatrieme & derniere Province de la Nouvelle - Angleterre eft bornée a 1'Oueft par la Nouvelle-York & la riviere SHudfon» féparée de Xlfle-Longue par un bras de mer du cóté du Sud; a l'Eft eft Rbode-Ifland avec une partie de la province de Mafïachufet, & au Nord le refte de cette Province-ci. La riviere de Connecticut eft une des meilleures & des plus larges de la Nouvelle-Angleterre. Les deux cötés de la riviere font trés abondans en bois; & 1'extraction du goudron & de la térébenthine eft fi confidérable, qu'un tiers prefque de la Colonie s'en occupe. Le commerce de Connecticut eft du même genre que celui des autres ProvinT 5 Nswport. 'Situation ie Connecticut.  ( 96) Sa P pulation. New-hi ven. ces de Ia Nouvelle-Angleterre. Les produétions les plus elTentielles de cet Etat font fes mines de plomb, de fer & de (_ cuivre qui contribuent beaucoup a 1'enrichir. On évalue le nombre de fes habitans a cent quatre -vingt-douze mille. Le port & la ville de New-Haven font le rendez-vous général de la Colonie, c'eft Ik que fe traitent toutes les affaires. La ville eft fituée dans 1'enfoncement d'une baie dont le détroit fépare 1'IfleLongue du Continent; elle étoit autrefois la capitale d'une colonie du même nom; mais elle fut réunie au Connecticut, en 1664 , par une charte de Charles II. L'inftruftion de Ia jeuneffe y eft fort foignée, on y a fondé k cet effet un college qui eft très-nombreux; il s'appelle TareHall. Parmi plufieurs villes de ce diftricl, on remarque furtout Brentford connue par fes ouvrages en fer, dont elle approvifionne toute la Colonie.  (97) N O U V E L L E-Y O R K» Au commencement du dix-feptieme fiecle cette contrée fut découverte par Henri Eudfon, fameux navigateur anglais, qui étoit alors au fervice de la Hollande. Cette PuilTance y fonda la Nouvelk-Belge qui ne prit le nom de Nouvelle-Tork qu'après que les Anglais en eurent, une feconde fois, pris polfeffion, & qu'elle leur fut alTurée par un traité de paix. Cette province, relTerrée a 1'Eft par la Nouvelle-Angleterre & bornée a 1'Oueft par la Nouvelle-Jerfey, n'a que vingt milles d'efpace fur le bord de la mer, mais s'élargit infenfiblement & s'enfonce jusqu'a deux eens milles dans les terres, d'un cöté jufqu'au lac George, ou Saint Sacrement, & de 1'autre jufqu'au lac Ontario. La riviere d'Hudfon qui fort des montagnes fituées entre ces deux lacs, ne porte que de foibles canots durant foixante-cinq milles, encore cette navigation eft - elle interrompue par deux cafcades qui obligeot a deux portages d'environ Situation de la Nouveile.York. 1  (98) Albani. JJIe-Longue. deux eens toifes chacun. Mais d'Albani a 1'Océan, c'eft-a-dire dans 1'efpace de cent cinquante milles , on voit durant toutes les faifons, fans crainte d'aucun accident, voguer fur ce magnifique canal, a marée haute, des batimens de quarante a cinquante tonneaux, ce qui entretient une circulation continuelle & rapide dans la Colonie. Albani eft a cent cinquante milles de New-York; on y compte environ trois eens cinquante maifons. La partie de ce grand établiflèment que les navigateurs trouvent d'abord, eft 1''Ijle-Longue, appelée quelquefois Ijle de Natfau, qui eft féparée du Continent par un canal étroit. Elle a cent vingt milles de long fur douze de large;elle eft divifée en trois Comtés, Su folck , Richmond, & Queen's-Counfy. Le commerce de 1'Ifle-longue confifte en diverfes fourrures, en chevaux, boeufs, pores, pois, froment & toute efpece de grains; fon fol eft propre a Ia culture de tous les fruits; le lin & le chanvre y croüTent aifément, ainfi que le tabac  ( 99 ) dont la qualité égale celle du Maryland. Sa Lat. eft par 400. 32'. & fa longitude de 304°. 59', Cau niéridien de l'ifle de fer.) Suivant les derniers dénombremens, la Province compte deux eens cinquante mille habitans de diverfes nations, de diverfes fectes. Les riches pelleteries qu'ils tirent des fauvages, & le furplus de celles de leurs propres chafles, qu'ils ne confomment pas, font portées au marché général. New-York, ville importante défignée. aujourd'hui, comme la Colonie entiere, fous le nom de Nouvelle-Tork,a beaucoup perdu de fa confidération & de fa profpérité depuis la derniere révolution. Ce font les Hollandois qui font batie dans 1'lfle de Mahanatan, qui n'a que quatorze milles de longueur & un mille dans fa plus grande largeur. La ville de New-York, placée a deux milles de 1'embouchure de la riviere d'Hudfon,n'a proprement niport ni baflin; mais elle n'en a pas befoin: fa rade, ouverte dans toutes les faifons, New-York  C ioo ) acceffible aux plus grands vaifïeaux, a 1'abri de tous les orages, dok lui fuffire. Quoique les rues de New-York foient irrégulieres, la ville n'en offre pas moins un afpect intéreflant par fair de propreté qui y regne. Les maifons bdties en briques & couvertes de tuiles offrent plus de commodité que d elégance. L'aifance eft univerfelle, les vivres font abondans, d'excellente qualité & a bon marché; la derniere clalfe du peuple a une relTource afiurée dans les huïtres dont la pêche feule occupe deux eens bateaux. C'eft peutêtre de cette aifance univerfelle que nait la molleffe & 1'oifiveté que fon reproche aux habitans, & qui ont fi fort influé fur" les moeurs & fur la fociété en général de cette ville. Les exportations de New-York pour les Indes-Occidentales confiftent en pois, farine, feigle, bied, pommes, oignons, ais, planches, douves & autres bois, chevaux , moutons , bceufs, pores , beurre, fromage, falaifons & huïtres; & les retours, en rum, fucre & mélaffe.  ( ioi ) Les denrées ou marchandifes qui furent expédiées en 1769, monterent a4,352,446 liv. 1 7 f d.9 den-tournois. Quoique cette ville foit encore entre les mains des Anglais, il eft a préfumer que,foit par conquête, foit par cefïion volontaire, les Américains en deviendront les maitres. Nouvelle Jersey. La Nouvelle Jerfey, qui porta d'abord le nom de la Nouvelle - Suede, eft dans le voifinage de la Nouvelle-York. Elle a environ cent vingt milles de long du Nord au Sud, & cent de large de 1'Eft a 1'Oueft. Avant la derniere révolution on ne comptoit dans ce pays fi vafte, que feize mille habitans; c'étoient les defcendans des Suédois & des Hollandais, fes premiers cultivateurs. La population y a augmenté depuis, au point qu'on y compte aujourd'hui cent trente mille habitans. Le pays eft couvert de troupeaux, & abondant en grains; le chanvre y vient  ( «2 ) ■Amboi. mieux que dans aucune des conrrées voifines. On y a ouvert avec fuccès une mine d'excellent cuivre. Les cötes en font acceffibles & le port tfAmboi capitale de la Province, eft affez bon. Aucun des moyens de profpérité, propres a cette partie du globe, ne lui manque, cependant elle eft toujours reftée dans une obfcurité profonde. Son nom eft prefque ignoré de 1'Ancien - Monde, & ne feroit guere plus connu dans le nouveau, fi cette Colonie ne faifoit partie de celles qui font défignées fous le nom des treize Etats-Unis. La Nouvelle -Jerfey n'a donc pas autant de célébrité que la plupart des autres Etats de la Confédération ; mais fes habitans n'en font pas moins heureux, & peut-être ne gagneroient-ils pas a fortir de leur paifible obfcurité. Le commerce de la Nouvelle-Jerfey fe fait k Amboi, k peu de chofe prés dans les mêmes importations & exportations que la Nouvelle York; elle exporte de plus, des fourrures,. du tabac, de la poix & du goudron. Les habitans n'ayant aucun  ( *°3 ) aucun commerce direct avec fétranger, transportent leurs productions, furtout a. Philadelphie,par le moyen de te Delaware. Delaware. L'Etat que 1'on connoit fous cette dénomination efi compofé de trois Comtés, favoir: New-Caftle, Kent & Suft ex, toutes les trois fituées fur la belle riviere de la Delaware qui donne fon nom a toute la Colonie. La ville de New-Caftle que la Delaware baigne de fes eaux eft k trente milles fud-eft de Philadelphie; fes maifons, au nombre de cinq a fix eens, font trés bien bities; fon heureufe pofition ne peut, avec le tems, que produire une augmentation de commerce & de population. Moyennant de 1'émulation & une bonne harmonie avec fes voifins, cette ville eft füre de prospérer. I en efi de même des villes de Kent & d£ Suft ex; cette derniere, fituée comme les autres fur la rive de la Delaware, efi ha bitée par de^ Colons dont les plantage V New Cafile, ' Kent (f SuQ'ex. i  ( «* ) font a des diftances inégales, paree que le choix n'a été décidé & fïxé que par la voionté inmédiate & arbitraire des différens habitans qui venoient fuccefïivement peupler cette Colonie. Le fol y eft bon, le ciel pur, & les faifons bien réglées. Ces trois Comtés faifoient autrefois partie de I'Etat de Penfylvanie; mais a la révolution elles s'en font féparées pour faire un Etat a part. Cependant leur gouvernement fe conduit fur les mêmes principes. La Délaware, après avoir feparé dans fon cours la Penfylvanie de la Nouvelle - Jerfey , va fe perdre dans f Océan Atlantique entre les Caps May>& Henlopen, oü elle forme une large baie. Cette riviere eft navigable pendant plus de deux eens milles; mais au - deffus 'de Briftol il y a une chute d'eau confidérable qui rend la navigation impraticable dans la partie Nord du Comté de Brucks, une des onze Comtés de la Penfylvanie. Tous les Articles néceffaires k L'etat de Délaware lui viennent de la Penfylvanie.  ( 105 ) Pensylvanie De toutes les fondations de Colonies tant anciennes que modernes, il n'en efi aucune qui ait eu un concours plus heureux de circonflances, & qui porte uri caraélere plus noble & plus intéreffant. Au feul nom de Penfylvanie quel eft l'homme qui ne fe fente penétré de refpect pour celui de fon iliuftre fondateur! fa naifïance, fes vertus, fon cölis rage, fes talens politiques, fon humanité, le motif qui le fit expatrier, tout enfin ce qui tient a ce grand homme (*) eft connu, & a été répété dans une infinité d'ouvrages oü tous les Auteurs lé repréfentent a 1'envi comme uri des Philofophes qui honorent le plus fhumanité. Guillaume PENN partit d'ArigïeteiTë en 1681 pour aller fonder cette Co-j lonie. Le terrein qu'il choifit, eft gardé a 1'Efl par 1'Océan, au Nord par la Nou- (1) Voy. furtout le 4e. vol. de 1'Hift. ph. & pol. de Raynalj édic. in 4". V 2 pofitiori é laPtri~ ylvanie.  veile York & la Nouvelle-Jerfey, au Sud par la Virginie & le Maryland, a 1'Ouefb par des terres occupées par les fauvages; de tous cótés par des amis & dans fon fein, par des habitans vertueux. Faffe Ie Ciel qu'ils ne dégénerent pas , & que dans les defcendans on retrouve les vertus des ancêtres! Faffe le ciel que les peuples corrompus qui viendront commercer avec eux leur lailTent en partant la gloire d'avoir réfifté au penchant, féduifant mais perfide, des pafiions & des vices! Les cótes de la Penfylvanie font resferrées & s'élargiffent infenfiblement jusqu'k cent vingt milles; fa profondeur, qui n'a d'autres limites que celles de fa population & de fa culture, embraffe déja cent quarante cinq milles d'étendue. La Penfylvanie propre eft partagée en onze Comtés, Phyladelphie, Bucks, doester , Lancastre, Tork, Cumberland, Berks, Northampton , Bedfort, Northumberland & Wef moreland. Comme 1'on n'a défriché qu'environ la  ( 107 ) 6e. partie du terrein, 1'opulence & les reffources de la Province augmenteront a mefure que la culture fera des progrès. Quand les Européens aborderent dans cette contrée, ils n'y virent dabord que des bois de conftruction & des mines de fer a exploiter. En abattant, en défrichant, ils couvrirent, peu a peu, les terres qu'ils avoient nettoyées, de nombreux troupeaux, d'arbres fruitiers, de plantations de lin & de chanvre, de légumes, de grains de toutes les fortes; mais notamment de froment & de maïs qu'ils reconnurent par une heureufe expérience être propres au climat. De tous cotés on pouffa les déüïchemens avec une vigueur & un fuccés qui étonnerent toutes les nations. D'oü naquit cette furprenante prospérité? De la liberté, delatolérance, qui attirerent dans ce pays des Suédois,des Hollandois, des Francois induftrieux, & furtout de laborieux Alleman^. Cette prospérité eft 1'ouvrage des Quakers, des Anabaptiltes, des Anglicans , de Méthodiltes, des Presbytériens, des MoV 3  Sa totrance. C 108 ) % raves, des Luthériens & des Catholiques, La fecle des Dumpiers eft une de celles qlii attire le plus d'attention par fa fingularité: fon fondateur fut un Allemand, qui, dégoüté du tumult e du monde, fe retira dans une folitude agréable a cinquante milles de Philadelphie, pour fe livrer a la contemplation. La peuplade ne monte tout au plus qua cinq eens, & porte le nom dEuphrate par allufion aux Hébreux qui pfalmodioient fur les bords de ce fleuve. Ce qu'il y a de plus ëdifiant, & de plus fïngulier en même tems, dans la conduite de toutes les fecies qui ont peuplé la Penfylvanie, c'eft 1'efprit de concorde qui regne entre elles malgré la différence de leurs opinions religieufes. Quoiqu'ils ne foient pas membres de la même églife, ils s'aiment comme des. enfans d'un feul & même pere. Ils ont ^éeu toujours en freres , paree qu'ils woient la liberté de penfer en hommes. C'eft k cette précieufe harmonie qu'on doit furtout attribuer faccroilTement rapide dc  la Colonie qui, foivantle calcul du'Con•gïès général, portoit fa population, en '1774, a trois eens cinquante mille habitans. La Penfylvanie recueille beaucoup de chanvre & de lin, qui avec le coton qu'elle tire de l'Amérique méridionale, fervent a entretenir fes manufaclures. Du produit des laines de fes brebis elle fabrique des draps groffiers. En échange de fes produdions territoriales, qui con fiftent en bifcuits, farines, beurre, fromage, fuifs, légumes, fruits, viandes fa léés, cidre, bierre, toutes fortes dë boi; de conftruction; elle fe procure des ifle Angloifes, Francoifes , Hollandoifes & Danoifes, du coton, du fucre, du ca fé, de 1'eau de vie, de 1'argent, qu font autant de matieres d'un nouveau com merce avec la métropole, d'autres Colo nies, ou d'autres nations de 1'Europc LesAcores, Madere, les Canaries, f Es pagne,' le Portugal offrent des débouché avantageux aux grains & aux bois de 1 Penfylvanie; le payement s'en fait en vin V 4 Populu tlon. Ses pro duEtions &fon com merce. > L S k s  ( XIO ) Philadelphie m laVilleizs Freres. ] J ou en piaftres. La métropole recoit du fer, duchanvre, des cuirs, des pelleteries, de la graine de ïin, des vergues, des mdtures; & fournit du fil, des draps fins, du thé, des toiles d'Irlande ou des Indes, de Ia quincaillerie, des galons dor & d'argent, d'autres objets d'agrément ou de néceffité. Philadelphie, capitale de cette Colonie, en eft auffi le centre & le rendez - vous. Ses exportations en Europe font du tabac, du froment, de la fleur de froment, des douves de chêne rouge pour les barrils, des douves de chéne blanc & rouge pour les tonneaux, de la potaffe & des fourrures. Cette ville célebre eft fituée a cent vingt milles de la mer, au confluent de la Dèlawart & du Scbuylkill. PENN qui la deftinoit a être la métropole d'un grand empire, vouloit quelle occupdt un mille de large fur deux milles de long, mtre les deux rivieres. Sa population fa pu encore remplir un fi grand efpace. ufqulci 1'on n'a büti que fur les bords de  (III) la Delaware, fans cependant renoncer aux idéés du Légiflateur. Les rues de Philadelphie, toutes tirées au cordeau, ont depuis cinquante jufqu'a cent pieds de largeur; des deux cötés regnent des trotoirs, défendus par des poteaux placés de diftance en diftance. Les maifons, dont chacune a fon jardin & fon verger, font conflruites de brique & ont communément trois étages; plus décorées aujourd'hui qu'autrefois, elles doivent leur principal ornement k des marbres de différentes couleurs qui fe trouvent k un mille de la ville. On en fait des tables, des cheminées ou d'autres meubles qui font devenus 1'objet d'un commerce aflez confidérable avec la plus grande partie de l'Amérique. L'Hötel de ville eft de la magnificence la plus fomptueufe ; c'eft lk que les repréfentans de la Colonie s'affemblent tous les ans, & plufieurs fois 1'année, s'il en eft befoin, pour régler ce qui peut intéreffer 1'ordre public. On y a placé tous Jes ouvrages qui peuvent les éclairer fur y s  (112) Ie gouvernement, fur le commerce êc: fur 1'adminiftration. A cöté de f Hötel de ville eft une fuperbe bibliotheque, formée en 1732 par les foins de 1'illuftre Franklin. On y trouve les meilleurs ouvrages anglois, ék plufieurs livres latins & Francois; elle n'eft ouverte au public que le Samedi. Ceux qui font fondée en jouiïTent librement dans tous les tems; les autres payent le loyer des livres qu'ils y empruntent, & une amende s'ils ne les rendent pas au tems convenu: c'eft avec ces fonds, toujours renaiffans , que s'accroit & grosfit journellement ce précieux dépót. Pour le rendre plus utile,on y a joint des inftrumens de mathématique & de phyfique avec un beau cabinet d'hiftoire naturelle, Non loin de ce monument en eft un autre du même genre: c'eft une belle collection des claffiques grecs & latins, avec leurs commentateurs les plus eftimés, & les meilleures productions dont puiflent s'honorer les langues modernes. En 1752 elle fut léguée au public par  ( "3 ) Ie favant & généreux citoyen Logan, qui avoit employé a la former une vie longue & laborieufe. La Ville des Freres a un beau College érigé en 1749 L'établilTement en eft dft principalement aux travaux du Docteur Franklin. dont lenomfe trouve toujours mêlé aux chofes grandes ou utiles, opérées dans la région qui fa vu naitre. Philadelphie fournit a tous les befoins de 1'humanité; 1'induftrie y trouve toujours des reflburces; c'eft fans doute a ces caufes qu'elle doit 1'agrément de ne voir dans fes mes ni pauvres ni infirmes. Ses quais, dont le principal a deux eens pieds de large, offre une fuite de magazins commodes , ingénieufement conftruits. En 1766 011 comptoit h Philadelphie vingt mille habitans de toute feéte & de toute nation. Chaque fecte y a fon temple; ék: le tolérantifme y eft porté fi loin, que 1'on voit un aflez grand nombre de citoyens, qui n'ont ni Prêtres, ni culte public, & n'en font pas pioins tranquiles. La poüce en veillanr  C 114 ) fur les actions & non fur les opinions des citoyens, a déja plus opéré de bien dans cette partie du Nouveau-Monde que chez les peuples les mieux civilifés de 1'ancien. La nouvelle République a pris de nos loix ce qu'elles ont de bon & rejeté tout ce qui lui a paru contraire a la loi füprême de la nature, & par conféquent oppole au bonheur public & particulier. Tout, dans Philadelphie, porte 1'empreinte du travail & de l'indufMe, & 1'on n'y a rein épargné pour faciliter les opérations de commerce. Les navires de cinq eens tonneaux y abordent fans difficulté, hors les temps de glacé. Les marchandifes arrivées par la Délaware, par le Schuilkill, font enfuite transportées dans les terres par des chemins plus beaux que ceux de la plupart des Etats de I'Europe. Le Maryland Cette province eft très-arrofée; on y voit couler nombre de ruiiTeaux, & cinq  ( «5) fivïeres navigables la traverfent; c'eft une des plus petites de l'Amérique Septentrionale. Le rils du Lord Baltimore, a la ^ mort de fon pere, qui fut le fondateur de Ch cette Colonie, fuivit religieufement fes projets. II partit d'Angïeterre en 1733 avec deux eens Catholiques, tous d'une naiflance honnête; 1'établilTement futfixé dans la partie inhabitée de la Virginie qui eft fituée entre la riviere de Potowmak & la Penfylvanie. Les fauvages, gagnés par la douceur & les bienfaits des habitans de la nouvelle Colonie, les en payerent en s'empreffant de concourir a leurs defleins & k leurs progrés. Sainte-Marie , autrefois capitale de 1'Etat, n'eft rien aujourd'hui, & AnapoUs qui jouit de cette prérogative, n'eft guere plus confidérable. C'eft k Baltimore dont le port peut recevoir des navires tirant 17- pieds d'eau, quefetraitent prefque toutes les affaires. Ces trois villes font fituées fur la baie de Chefapeak qui s'enfonce deux eens cinquante milles dans les terres, & dont la largeur com- Baltire c? l& rfapeak.  ( "6) Tabac. Son origine. mune eft de douze milles: deux caps Torment fon entrée; au milieu eft un banc de fable. Le Canal voifïn du Cap -Charles n'ouvre un pafïage qu'a de très-légers bdrimens; mais celui qui longe le CapHenri admet dans tous les tems les plus grands vaiffeaux. Entre les Apalaches & la mer, peu de terres font auffi bonnes que celles du Maryland. La prospérité de cet établiffement eft due en plus grande partie aux efclaves occupés, h plus ou moins de diftance de la mer, dans des plantations de tabac. Le tabac du Maryland eft plus fort & plus piquant que celui de la Virginie & fè nomme Oroonoko; il eft fort recherché dans le Nord & 1'Orient de I'Europe par rapport a la bonté de fa fêve. Cette plante acre & cauftique, trouvée, en 1520, prés de Tabasco dans le golfe du Mexique, transportée de la dans les ifles voifines, paffa bientöt dans nos climats, oü fon ufage devint un objet de difcuffion entre les favans. Les ignorans même prirent parti dans cette querelle,  ( ii7 ) & le tabac acquit ainfi de la célébrité- La mode & 1'habitude en ont, avec le tems, prodigieufement étendu la confommation dans toutes les parties du monde connu. Les meilleurs tabacs du globe croilTent dans le Nord de l'Amérique. Dans cette partie du Nouveau Monde; il faut mettre au fecond rang ceux qu'on récolte dans le Maryland. Nous parierons plus amplement de ce commerce &des revenus qu'il produit dans 1'article fuivant. La boiflbn ordinaire des habitans efi: le cidre, dont la bonté peut égaler le meilleur vin blanc; ils tirent du rum des Barbades. Madere & L'Angleterre leur fourniffent des vins. Ils fabriquent actuellement des bas, des étoffes de foie & de laine, des toiles de coton, toutes les efpeces de quincailleries, jufqu'a des armes a feu. C'eft a ces branches d'induftrie que la Province doit une partie de fes reffources & de fes avantages. Le transport entre le Maryland & la Virginie fe fait a peu de frais par les baies de la Son commerce  ( »8 ) Delaware & de la Chéfapeak qui ne lont divifées que par une langue de terre, qui s'étend environ dix milles Anglaifes du port de Chriftiana k la tête de la riviere d'Elk; de forte qu'k 1'exception de cette langue de terre, tous les tranfports fe font par eau & conféquemment k bon marché. Chefler-Town & quelques places de débarquement peu confidérables le long des différentes rivieres font autant de rendezvous pour les opérations de commerce de la Colonie. Les rivieres principales du Maryland font Patowmack, Patuxent & Severn k 1'Oueft, & Cbiptouk, Chefier, Sajfapas &c. k 1'Eft. La province du Maryland efi divifée en onze Comtés,- fix k 1'Oueft ék cinq k 1'Eft de la baie de Chéfapeak: les premières font Sainte Marie, Charles, Prince - George, Calvert, Anne, Arundel & Baltimore. Les fecondes font Sommerfet, Dor chefter, Talbot, Kent & Cecil. On fait monter la population du Maryland k trois eens vingt mille habitans. La  ( 119) La Virginie «Avec le même fol, avec le même climat la Virginie a fur le Maryland quelques avantages ; fon étendue eft beaucoup plus confidérable; fes fleuves recoivent de plus gros navires & les portent plus avant dans les terres; fes habitans ont un caraétere plus élevé, plus ferme & plus entreprenant. Cet Etat étoit, il y a deux fiecles, tout le pays que l'Angleterre fe propofoit d'occuper dans le Continent de l'Amérique Septentrionale. Sous ce nom 1'on n'entend plus que 1'efpace borné d'un cóté par le Maryland, & de 1'autre par le Canada. La Virginie, Cur la réputation de labonté de fon fol & de fa fécondité, vit augmenter rapidement le nombre de fes habitans; la paffion des richeffes, quiinfestoit de plus en plus 1'ancien Continent fut furtout le mobile de ces émigrations multipliées. Si les calculs du Congrès ne font pas exagérés, la population de cette Province s'étend a fix eens cinquante X  ( 180 ) mille habitans y compris les efclaves, que 1'opinion commune porte a cent cinquante mille. Ce fut en 1620 que les Hollandois introduifirent les premiers Negres dans la Colonie. Les travaux des blancs & des noirs donnent aux deux hémifpheres du bied, du maïs, des légumes fecs, du chanvre, des cuirs, des fourrures, des falaifons, du brai , des bois, des matures & furtout des tabacs, dont le meilleur vient de la riviere dTork. Depuis 1752, jufques & compris 1 7 5 5 •> f exportation du tabac fut confidérable; mais depuis 1763 , jufques & compris 1 770, elle diminua au point que, dans 1'intervalle de ces deux époques, elle fut réduite, année commune, a foixante deux mille fept eens quatre-vingt quintaux, tandis que la confommation anglaife augmenta chaque année de quarante-un mille cent foixante & dix quintaux. Cette diminution vient de la culture que font la Hollande, 1'Alface, le Palatinat & la Ruffie de cette denrée, & furtout des frais exor-  ( 121 ) bïtaris que ïa métropole faifoit fupporter aux Américains; vexation qui fut caufe d'une révolution confidérable dans ïa culture des terres de la Virginie & de la Caroline Méridionale. La première ne produiföit autrefois que du tabac; elle ne donne guere aujourd'hui que des grains: la caufe de ce changement vient de ce que les habitans de la Virginie ne pouvant retirer qu'un très-petit bénéfice de leur tabac en Europe, par rapport aux droits énormes dont on chargeoit cette. denrée, crurent devoir y renoncer, pour, a fexemple des Provinces voifines de Philadelphie & de New-Tork, tourner leur indufixie vers la culture des grains. Le fuccès répondit a leur attente; mais par ce changement le prix des terres hausfa confidérablement dans cette partie de Ia Province. Les payfans & les petits planteurs ne pouvant plus fe tirer d affaire par la cherté du terrein, fe retirerent derrière les deux Carolines, dans des terres qui étoient a trés-bas prix; ils y cultiverent le tabac avec tant d'avaiita- X 2  ( 122 ) ge, qu'avant le commencement des troubles on exportoit annuellement de la SudCaroline feule au de-la de 2000 boucauts de tabac, tandis que la Virginie s'enrichilToit par la quantité des grains qu'elle recueilloit. Un Négociant, connu par fa véracité & fon intelligence, & que fa modeftie ne nous permet pas denommer, nous ayant fait part de fes obfervations fur le commerce du tabac & du riz dans l'Amérique Septentrionale oü il a refidé 14 ans, nous affurons d'autant plus 1'authenticité de nos détails que nous avons en main les comptes originaux d'après lefquels ils font faits. Le produit du tabac tanten Virginie que dans le Maryland produifit, en 1674, audela de 130, 000 boucauts. On peut voir 1'ufage que les Anglois en ont fait & les impöts qu'ils en ont pergus dans un petit ouvrage in 8°. publié en 1776 par le célebre Dofteur Price, ayant pour titre: Obfervations on the Nature of 'the civil liberty ,tbe principles of the government and the juftice & policy of the war with Amèrica.  ( 123 ) Dans une de fes annotations, p. 43 on lit: M. Burke dans fon excellent difcours „ fur une médiation avec les Colonies d'Afrique & des Indes occidentales „ prétendoit qu'en 1772 ce commerce, „ étoit auffi confidérable que celui de „ la Grande - Bretagne avec toute „ I'Europe au commencement de ce „ fiecle. Suivant le compte & la balance des exportations & des importations entre les Colonies & la métropole, mis fous les yeux du Parlement pour onze années avant 1774, le bénéfice montoit annuellement a environ un million & demi de livres fterlings. Le montant annuel du payement aféchiquier, fuivant le compte des droits fur le tabac depuis 1770 a 1774, c'eft-adire pendant cinq ans, étoit, fans y comprcndre les revenus de l'Ecofïè, de 219,117 liv. fteii. La moitié du tabac effc importé en EcolTe, de cette moitée les 4 font exportés en France, en Hoilande en AJlemagne & autres pays. Les X 3  ( 124 ) exportations feules pour la France rappor* toient annuellement k l'Angleterre environ 150, 000 liv. fterl. en argent. En 1775 les droits fur le tabac en Angleterre rapporterent 298, 002 liv. fterL mais , hélas ! cette année fut 1'année d'adieux. On peut juger aifément, d'après ce feul produit, de quelle conféquence il eüt été pour l'Angleterre d'épargner fes Colonies. Voyons - en un exemple. Le monopole exercé fur le tabac étoit li confidérable, que 13 1 boucauts de ta-* bac, expediés en 1 775 pour compte d'un négociant de Charles-Town dans la Caroline-Méridionale ne produifirent au propriétaire que 1307. liv. 4 fous i~d. fterl. par les droits exceffifs qui réunis montairent a 4912 liv. 10 il 82L fterl. y compris la provifion du correfpondant qui n'étoit que de 3 p°, c'eft-a-dire en tout 147 liv. 7 fous 6d. fterl. Pour en donner une idéé plus claire, voici la copie de la faéture originale.  ( 125 ) Dans ce compte mon correfpondant ne prend que 3 p£ de commiffion; mais les frais & droits font fi exhorbitans qu'ils abforbent prés des f- de la valeur du tabac, puifque de £4912. 10. 8 \ti ne refte pour le propriétaire que £1307. 4- 1 »• Quelle énorme perte pour les Colons Américains, quel immenfe profit pour les Anglois! Combien le Commerce des Infurgens étoit foulé! combien il doit fleurir, ces entraves rompues. Le 1er. établiflement des Européens en Virginie fut a James-town; mais cettë ville tomba dans un teldifcrédit, que les habitans déferterent, & malgré tous les encouragemens de la Mere-Patrie, elle ne put fe relever. Au moyen des rivieres, il eüt été facile aux Colons de former des Communications d'une plantation a une autre, & de multiplier leurs reffources; mais ils tomberent dans une efpece d'apathie, regardant toute amélioration comme impoffible. Williamsbourg même, quoique le fiege du Gouverneur, des affemblées &c. quoiX i James' Tovon. Williams* bourg.  C iaö ) que décoré des plus beaux édifïces publiés du Continent feptentrional, n'a pas deux mille habitans. Les Virginiens ont contracté une dette énorme, & 1'on ne peut trop s'étonner que ce foit le luxe & le fafte qui en foient Ia caufe, fi 1'on confidere que ce peuple préfere le féjour de la campagne a celui des cités. On afiure qu'au commencement des troubles la dette nationale montoitk 25, 000,000 livres tournois. Le mal n'eft: cependant pas fans remede; ils ont dans la fertilité du fol de quoi fe libérer promptement. Leurs exportations fe font par les Rivieres de Patowmack, James & Tork. La Colonie fut troublée jufqu'en 1 774 par des démêlés politiques, fufcités par des Gouverneurs ignorans & avides. On ne parle plus aujourd'hui de ces démêlés; mais il nous refte un difcours de Logan, chef des Shawenejfes, (1) h Dunmore, Gouverneur de la Province, qu'il nous eft impoflible de paflèr ici fous . (1) Peuples indigenes de fa Virginie.  C 127 ) filéncè, quelque étranger qu'il foit k la nature de cet ouvrage. Te demande aujourd'hui k tout , homme blanc, fi, preffé par la faim, il efi: jamais entré dans la cabane de Lol gan, fans qu'il lui ait donné a manger: " fi, venant nud ou tranfi de froid, Lo l gan ne lui a pas donné de quoi fc " couvrir? Pendant le cours de la der niere guerre, fi longue & fi fanglante '„ Logan eft iefté tranquille fur fa natte " défirant d'être 1'Avocat de la paix. Oui tel étoit mon attachement pour ^ le "s blancs, que ceux-mêmes de ma nation lors qu'ils pafioient prés de moi, m " moiitroient au doigt, öcdifoient: U „ gan eft anti des blancs. J'avois raêm penfé k vivre parmi vous: mais c'éto avant 1'injure que m'a fait un de vou Ce printems dernier le Colonel Creftbj de fang-froid & fans être provoqué, maffacré tous les parens de Logan, fa épargner ni fa femme, ni fes enfai '„ 11 ne coule plus aucune goutte de m< fang dans les veines d'aucune créatu X 5 Difcours de Logan a üunmore. > » ■ j S , e >eit s. >, a is IS. >n re  ( 128 ) „ humaine. C'eft ce qui a excité rm », vengeance. Je 1'ai cherchée: j'ai tué » beaucoup des vótres. Ma haïne eft as„ fouvie. Je me réjouis de voir luire les „ rayons de la paix fur mon pays. Mais „ n'allez point penfer que ma joie foit „ Ia joie de Ia peur. Logan n'a jamais „ fenti la crainte. II ne tournerapas le „ dos pour fauver fa vie. Que refte-t-il „ pour pleurer Logan quand il ne fera „ plus? Personne." Que cela eft beau, ilmple, énergique &touchant. Démoftbene, Cicéron, Bojfuet font-ils plus éloquens que ce fauvage? Quelle meilleure preuve de cette fentence li connue: que c'eft le cceur qui rend l'homme difert ? La Caroline Septentrionale. Cet Etat un des plus étendus du continent de l'Amérique, borné au Nord par la Virginie, au Sud par la Géorgie, a 1'Eft par la mer & a 1'Oueft par les Apalaches; ü comprend fix provinces, Albermak,  ( 129) Clarendon Cr oven, Barkley, Colleton & Carter et. Le fol y eft plat, fabloneux & rempli de marais, & par cette raifon, fera toujours un obftacle a fes progrès; fes bois de chêne font trop gras pour être employés a la conftruction des vailfeaux; d'ailleurs, la quantité de bancs de fable empêche les navigateurs d'approcher de fes cótes. Suivant le Congrès, la Province compte trois eens mille ames, les Negres compris, qui font en petit nombre. La plus grande partie des habitans font d'origine écoffaife. Ces colons font rarement raffèmblés , auffi font - ils les moins inftruits des Infurgens, & les moins occupés de fintérêt public. La plupart vivent épars fur leurs plantations, fans'ambition & fans prévoyance. On leur trouve peu d'ardeur pour le travail, & rarement font-ils bons cultivateurs. Le porc, le lak & le maïs font leur nourriture, & fon n'auroit a rien leur reprocher fans leur paffion démefurée pour les liqueurs fortes. Cette Colonie fournit k I'Europe des  ( IS» ) Productions éf commerce. » i i i 3 Bruns' 1 'mek. j ( i ] cuirs, un peu de cire, dugoudron, de la poix, de la térébenthine, des peaux de daims, des bois de toutes les fortes, quelques fourrures, dix ou douze millions pefant d'un tabac inférieur; & aux Indes occidentales, beaucoup de cochon falé, de légumes fecs, du maïs, une petite quantité de mauvaife farine & plufieurs objets de moindre importance. Cependant les exportations de la Colonie ne paflent pas douze a quinze cent mille livres tournois. Les principaux ports oü slles fe font, font New-Burn, wïlmingl.on & Edington. Elle recoit en échange 3u Nord de l'Amérique, des eaux de vie, ïu fucre, dont elle fait une confommation mmenfe. La Grande-Bretagne lui fournisbit ci-devant fon vêtement & les inflrunens de fa culture, ainfi que quelques Regres. Dans toute 1'étendue des cötes 1 n'y a que Brunfwick qui puifle recevoir es navires deftinés a ces opérations. Ceux mi ne tirent que feize pieds d'eau aborlent a cette ville, batie prefque k 1'em)Oiichure de la riviere du Cap-Fear, vers 1'exrémité  ( ISO fextrémité méridionale de la province. Wilmington, fa capitale, placée plus haut fur le même fleuve, n'admet que des batimens beaucoup plus petits. Caroline Méridionale. La population de cet Etat monte actuellement a deux eens cinquante mille habitans , moitié blancs, moitié noirs; fon commerce dans les deux mondes confifte dans les mêmes objets que le commerce de la Caroline Septentrionale, mais en moindre quantité, paree qu'elle a principalement tourné fes travaux vers le riz & 1'indigo. Le riz croit dans les marais vol fins des cótes, & 1'indigo a quelque distance de 1'Océan. On ne compte que le quart du terreii qui foit défriché, le refte eft inculte par 1; perfuafion oü 1'on eft que les trois autre quarts ne font bons ü rien; il eft certaii cependant qu'il feroit poflible d'en tire un bon parti en y cultivant 1'olivier c3 le mürier, & de procurer ainfi a cett vr Wilmington l l > 1 r i  ( 13» ) province deux excellentes branches de commerce. On ne compte dans la Caroline - Méridionale que trois villles, qui font en même tems des ports. Georges-Tozvn, fituée k 1'embouchure de la riviere de Black, eft encore peu de chofe; mais fa fituation doit la rendre un jour confidérable. Beaufort, ou Port-Royal, ne fortira pas probablement de fa médiocrité, quoique fa rade puiffe recevoir les plus grands vaisfeaux & foit un abri fur. C'eft Charles-Town, capitale de la Colonie qui eft actuellement le marché important , & qui le fera néceffairement de plus en plus. Le canal qui y conduit eft femé de récifs & embarraffé par un banc de fable; mais avec le fecours d'un bon pilote on arrivé furement au port qui, dans tous les tems, peut recevoir jufqu'a trois eens cinquante k quatre eens navires avec leur chargement entier. Cette Capitale n'ayant point encore été évacuée par les Anglais, & les Améri-  ( 133 ) cains ayant interrompu toute communication avec eux, ce port n'eft pas ce qu'il a été & encore moins ce qu'il fera k la paix. La ville occupe un grand efpace au confluent de XJfthey & de la Coper, deux rivieres navigables. Elle a des rues bien alignées, la plupart fort larges, deux mille maifons commodes, & quelques édifïces publics qui pafferoient pour beaux en Europe même. Le doublé avantage qu'a Charles-Toivn d'être 1'entrepót de toutes les produétions de la Colonie qui doivent être exportées, & de tout ce qu'elle peut confommer de marchandifes étrangeres, y entretient un mouvement rapide, & y a fucceffivement occafionné des fortunes fort coniidérables. Les habitans de la Caroline Méridionale cultivent trois efpeces d'indigo ; la pre- / miere fe nomme indigo Frangois ou dTFis-% paniola; la feconde, Guatimala ou vrat Buhama; la troifieme eft Xindigo fauvage, production indigene de cette contrée. Cette culture, après celleduriz, Y 2 Com- %erce roiuduc- ions.  ( '34) eft robjet le plus eflêntiel & le plus lucratif pour la Colonie. C'eft de la culture du riz que la Caroline tire fes plus grandes reffources; auffi en fait-elle un commerce prodigieux, commerce dans lequel les Négocians Hollandois ont trop de part, pour ne pas voir avec intérêt le tableau fuivant, un des plus exacts de ceux qu'on a publiés en Angleterre.  ( 135 ) EXPLICJT10N de VEchelle précédent e fur leprix du riz. La Ügne d'en baut indique le prix du fret des vaiflèaux par tonnes de 2200©. ou 4 tonneaux de riz dans la CarolineMéridionale. La première colonne a gauche commencant par 25 & finilTant par 89 indique le prix auquel un planteur peut s'y tirer d'affaire. Mais pendant 1'efpace de 14 ans que Mr. L. P. a réfidé dans cet Etat, ü n'a pas vu le prix plus haut que 75^ ni plus bas que 37^ 6- Les autres colonnes du centre défignent les différens prix auxquels on devroit vendre le riz a Londres pour pouvoir jouir du change de 7 pour 1, ou 7°°P^- Puis" que 1 livre fterling en fait 7 k la Caroline, & qu'a Charles-Tozun le riz coüte par cxemple 47/. 6d. k combien revienda-t-U k Londres avec tous les frais que 1'on doit faire k raifon de 5 of. fterl. de fret par tonne (tel qu'il paroït défigné dans le tableau par une ligne noire ) on trouvera ca conféquence qu'il doit être vendu 1 8/. Y 3  ( 136 ) 6d. fterl. d'oü il fuit que la différence d< ce qu'il coüte a Charles-To-zvn vient de frais qui doivent être répartis entre le perfonnes ou compagnies qui ont une por tion dans ce commerce. Voyons main tenant combien feront iooo tonnes. icooTonnes riz a 5°og8netparTonnefontèi8,6pariooffiflerl. 500,000© a47f.ó.ct.de-la Caroline font £ 11875.1e change a^pr. 1. Ster" Maintenant d'après ce calcul,fi 1'on im porte dans cette République 60000 ton nes de riz, cela produit une fomme dt 175, 680 livres fterlings répandue dam notre pays, & fi nous faifons les importations avec nos propres navires (ce qui a été ci-devant une fource de richeffes pour l'Angleterre;) nous en éprouverons les > mêmes effets & nous rendrons par la une nouvelle vie a notre navigation. On ne doit pas, ileftvrai, ftatuer que nous puifiions importer tout le riz qui nous efi; néceflaire avec nos propres navires, & que tous les frais foient a notre charge; paree qu'en pareil cas 1 etranger gagne feulement le fret de 50^ par tonne, & ce qui refte de ces frais eft réparti aux intéreflës. 5 5 ^2928,11,6 !  i *37 ) Avant 1'indépendance de l'Amérique le fret étoit k Charles-Town a 50/. fterl. par tonne pour Londres, & dans le même tems k 6of. pour Cowes & Amfterdam ou autres marchés. Cette différence de 1 of. par tonne étoit un gain dont les navires devoient profiter, vu qu'ils étoient fouvent obligés de refter k 1'ancre 4 k 5 femaines k Cowes pour fubir les impofitions k la charge des intéreffés ou des chargeurs qui, outre les 10K ci-deffus par tonnes, fe montoient encore au-delk de 1 60 livres fterlings fur un chargement de mille tonnes. Ces frais confiftent en droits d'entrée, décharge, charge, louage de magafins, falaires aux travailleurs pour le remuage, pezage, tonnelage, étrennes aux Officiers de la douanne, commiflions & ports de lettres. Comme l'Angleterre ne confomme pas au-delk de trois cargaifons de riz, il fuit que prefque tous les frais qu'on faiföit fur cette denrée, peuvent être mis au profit de la grande balance deceRoyaume: mais par 1'indépendance de l'Amérique X 4  C 138 ) ils feront répartis entre les nations qui confommeront le plus de cette denrée. Les vailTeaux qui dans 1'année 1773 tranfporterent les produits de la SudCaroline furent au nombre de 507, dont la valeur montoit a cinq eens mille livres fterlings. La même année on exporta 150, 000 tonneaux de riz & 1200, oooffi d'indigo, &eni774 il fut importé 9000 Negres que 1'on vendit a Charles-Town environ 4 2 livres fterl. par tête ou £ 378,000 fterl. Depuis quelques années les cultures de tabac, lin & grains &c. font confidérablement augmentées. Maintenant que les Colonies ne font plus affujetties aux taxes onéreufes de l'Angleterre , & que leurs liaifons de commerce vont être libres avec toutes les Puiffances de I'Europe, il leur fera facile de tirer un meilleur parti de leur induftrie. Les exportations des deux Carolines feulement en riz & en indigo s'éleverent, en 1769, a 10,601,336 liv. tournois. ,Les deux Etats réunis occupent plus  ( 130 ) dé quatre eens milles fur ïa cóte, & environ deux eens milles dans les terres: t c'eft une plaine généralement fabloneufe' que le débordement des rivieres, que des pluies fortes & fréquentes rendent trèsmarécageufe: le fol ne commence a s'élever qu'a quatre-vingt ou cent milles de la mer, & 1'élévation devient plus fenfible en avancant vers les Apalaches. GÉORGIE Entre la Caroline & la Floride, eft la Géorgie fur une langue de terre qui n'a que foixante milles le long de la mer, mais qui, en approchant des Apalaches embratTe plus de trois eens milles de largeur. Ce pays eft borné au Nord par la riviere de Savannah & au Sud par celle ÏÏAlatamaha. La Géorgie doit fon origine k un trait de grandeur, de bienfaifance & de générofité ' dont il eft bien peu d'exemples. Un citoyen deZ,öWm,compatilTant &riche,voulut qu'après fa mort fes biens fuffent emY 5 Eten- lue des leux Caolines. Origine Ie la ïéorgie.  ( Ho ) Savannah ployés a rompre les fers des débiteurs infolvables que leurs créanciers détenoient en prifon. La fagelTe & la politique fecondant le vceu de fhumanité, ordonnerent que les infortunés qu'on rendroit libres ieroient tranfportés dans la terre inhabitée qu'on fe propofoit de peupler. Ce pays fut appelé Géorgie en 1'honneur du Souverain qui gouvernoit alors les trois Royaumes. La nation voulut avoir part a cette entreprife, & le Parlement ajouta 325, 000 liv. fterl. au legs facré du citoyen. Une foufcription volontaire produifit des fommes encore plus confidérables. Ces premiers colons y arriverent au moins de Janvier 1735. Oglethorpe, citoyen célebre & vertueux, fut leur conducteur & mérita la confiance du gouvernement. II placa fes compagnons k dix milles de la mer, fur les bords de la Savannah, riviere qui donna fon nom a la nouvelle ville qu'ils Mtirent fur fes bords, aujourd'hui capitale d'une Colonie florifiante. Savannah eft avantageufement fituée pour le commerce, quoiqu'a préfent  ( I4i) il foit interrompu, paree que les Anglois en font encore les maitres. Elle commenca d'être b&tie en i 733* La peuplade,bornée d'abord k centperfonnes, fut groflie avant la fin del'année, jufqu'au nombre de 1618, dont 127 avoient fait les frais de leur émigration, 320 hommes & 113 femmes, 102 garcons & 83 filles étoient les fonds de la nouvelle population & 1'efpérance d'une nouvelle poftérité. On y compte actuellement plus de 30 milles ames. On cultive du riz dans les terres balles, & le fol le plus élevé produit un indigo préférable a celui, de la Caroline. En 1 769 les exportations de cet Etat monterent a 1,625, 41 8 liv 9 fous 5 den. elles ont beaucoup augmenté depuis & augmenteront fins doute encore k mefure que les forêts feront abattues, fair deviendra plus falubre & les denrées s'accroitront avec la population. La Géorgie livre les mêmes productions que la Caroline Méridionale, mais feulement dans la proportion d'un h Populo, tion de la Géorgie. Ses produel ion.  ( U- > trois; car, dans 1'année 1772, fuivant les regiftres de la douane, il y eut 2 1 7 vaiiTeaux qui exporterent les productions dont le montant fut de 1 21 mille 677 liv. fterl. Qui ne verra avec étonnement que cette augmentation s'eft faite dans un efpace de 23 ans! car, en 1750 il n'y eut de denrées, que ce qu'on voit par la lifle fuivante, extraite des regiftres de la douane de cette Etat. En 1750, avec. 8 VaiiTeaux. £2004. Sterlings. 51. . ;. 11. . . . 3810. 52. ... 17. . . . 4841. 53. ... 23. . . . 6403. 54. ... 4.2. . . . 9507. 55. ... 52. • • • 15744. 56. ... 42. . . . 16765. 57. ... 44. . . . 15649. 58. ... 21. . . . 8623. 59. ... 48. . . . 12694. <5o. ... 37. . . . 20852. 61. ... 45. . . . 15870. 62. . . . 57. . . . 27021. 63. ... 92. . . . 47551. 64.. . . 115. . . . 55025. 65. . . 148. . . . 73426". 66. . . 154. . . . 81228. 67. . . 154- - • • 67092. 68. . . 1S6. . . . 92284. 69. . . 181. . . - 86480. En  ( 143 ) En 1770avec. 186 VaiiTeaux.£99383. Sterl4 71. . . . 185- • • • 901387- 72. . 1 . 217. • • 1 1216774 C'eft ainfi que la Caroline méridionale & la Géorgie virent augmenter en fi peu de tems leur commerce. La population rapide de ces Provinces fut duö principalement a leur étendue immenfé, a ïa bonté & propriété du terroir partout arrofé par de belles rivieres, enfin a fa fituation avantageufé, falubre & montueufe* Elles furent peuplées d'abord en grande par^ tie par des Allemands qui ayant fini leur fervice dans les Provinces Septentrionales de l'Amérique, comme Philadelphie & New* Turk, exercerent leur induftrie a la culture de 1'indigo, du tabac, du chartvre, du lirt & de toutes fortes de grains,fur des terres dont 1'acre ne leur coütöit fouvent pal 40 £ fterl. Le commerce que cës Provinces Font avec les Indiens, en échangeant les marchandifes européenrtes pour des peaux de cerf, de caftor , cire &e. eft aufli d'une Z  C 144 ) trés-grande importance. Si fon excepte Ia ville de New-Tork & la petite ifle de Mahanaidm (oü elle eft fituée) Xlfle longue & l'ifle des Etats, limotrophes de la la Caroline méridionale & de la Géorgie, 1'Empire des Américains s'étend fur les cötes maritimes a quinze eens milles, depuis la Nouvelle-Ecojfe jufqu'a la Floride. Auffi des calculateurs ont montré que le pays pouvoit contenir cinquante fois plus que fa population acmelle, qu'ils font monter a environ quatre millions d'ames. Obfervons, avant de finir, qu'il n'eft aucune puiflance en Europe qui ait tiré un parti plus avantageux de fes colonies que les Anglais: a la feule' infpection des importations & des exportations pour trois années énoncées dans le Voyageur Amèricain, on eft étonné de voir en faveur de l'Angleterre un excedant de 7, 295 mille 506 liv. fterl. D'un autre cöté, 1'on fait qu'en 1 771 l'Angleterre feule exporta pour l'Amérique 4, 706, 768 liv. fterl. de marchandifes. Quelle perte immenfe pour la nation! & quels regrets ne doit-elle  ( 145 ) pas avoir d'êtreprivée de ces reffources! fi a ce déficit elle réunit les fomrnes immenfes que lui coüte cette guerre malheureufe, elle ne peut fans frémirenvifager les circonftances afireufes qui en feront la fuite. Souverains de I'Europe! cet exemple eft frappant: puiiTe-t-il vous devenir utile & falutaire! Tel eft le précis que nous avions & préfenter au public, en attendant qu'au moyen des amples détails qu'on nous a promis fur le commerce 1'induftrie, les arts & les fciences des treize Etats-Unis» nous puiflions mettre la derniere main k Un ouvrage plus inftruótif& plus intéreflant* f i n Suit la copie authentique da Traité de commerce & des conventions particulieres tntre L. H» P. & les Etats-Unis* Z 2 Traité  Traité d'Amitiéet de Commerce entre L. H.' P.les Etats-Géné* raüx des Pays-Bas-Unis ós les Etats-Unis de l'Amérique,fcavoir , New Hampshire, Majjachufei, Rhoode-Ifand, Conneclicut, New-Tork, New-Jerfey, Penfylvanie, Delaware, Maryland, Virginie, Nord-Caroline, Sud-Caroline, & Georgië. I_/eurs Hautes • PuilTances, les Etats-Généravnr des Pays-Bas-ünis, 6f les Etats-Unis de Z'Amérique, fcavoir, New - Hampshire, MaiTachufet, RhodeIfland & Providence-Plantations, Conneclicut, NewYork , New-Jerfey, Penfylvanie, Delaware,Maryland , Virginie, Nord-Caroline, Sud Caroline, (f Georgië, defirant de déterminer fur unpié conJlar.t& équitable les regies d obferver au fujet de la Correspondance êf du Commerce, qu'ils ont intention d'établir entre leurs Pays, Etats, Sujets Habitans rejpeciifs, ont jugè que 1'on ne fcauroit mieux atteindre ladite fin, qu'en établijfant'pour bafe de leur transaStion l'égalité &? la réciprocitê la plus parfaite, & en éviiant toutes ces prêférences onéreufes, qui font d'ordinairc uns fource de querelles, d'embarras, & de mécontentemens; pour laijjer ainfi d chaque Partie la liberté de faire, au fujet du commerce & de la Navigation, tels Régiemens ultérieurs, qu'elle jugera les plus convenables pour ellemême; 6f pour f onder les avantages du Commerce unU quement fur Vutilitó réciproque fef fur les juftes regies d'un Trafic libre de part d'autre; réjervant avec tout cela d chaque Partie la liberté d'admettre, felon fon Ion plaijtr, d'autres Nations ü la participation des snêuies avantages.  ( 147) En partant de ces principes, les fnsdits L, H. P. les Etats - Généraux des Pays • Bas Unis om nommé ]i,<[rs Députés au milieu de l' Ajfemblée de Leurs-Hautes Puiffances: Et lesdits Etats-Unis de Z'Amérique, de leur cöté, ont mimi de Pleins-pouvoirs Mr. John Adams, dermercment Commiffaire des Etatsunis de i'Amérique d la Cour de Verfailles, ci-devant Député au Congrès de la part des Etats de Maffachu» fett's-Bay, &? Chef de Juftice dudit Etal, lejguels. font corm'nus & tombés d'accord. Article Premier. II y aura une Paix ftable, inviolable, & univerfelle, & une amitié fincere entre L. ti. P les Seigneurs Etats - Généraux des Pays - Bas-Unis & les Etats - Unis de l'Amérique; & entre les Sujets & Habitans des fus-dites Parties; & entre les Pays, Ifles, Villes & Lieux fitués fous la Jurifdiétiori des dits Pays-Bas-Unis & des dits Etats - Unis de l'Amérique, leur fujets & Habitans de tout état, fans acception de perfonnes & de lieux. II. Les fujets desdits Etats - Généraux des Pays-BasUnis ne payeront, dans les Ports, Rades, Pays, Ifles, Villes ou Lieux des Etats Unis de l'Amérique ou dans aucuns d'iceux , d'autres ni de plus grands Droits ou Impofitions, de quelque nature ou dénomiaation qu'üs puiilent être, que ceux que les Nations les plus favorifées font ou feront obligées d'y payer: Et il jouiront de tous les Droits, Franchifes, Privileges, Immunités & Exemptions dans le Trafic, la Navigation, & le Commerce, donc jouiffent ou jouiront lesdites Nations, foit en allanc d'un Port a 1'autre dans lesdits Etats, ou d'un de ces Ports a quelque Port étranger du Monde, ou de quelque Port étranger du Monde, a 1'un de.s Ports desdiis Etats. Z 3  ( 143 ) I I I. De même les Sujets & Habitans defdits EtatsUnis de 1Amérique ne payeront dans les Ports, Rades, Pays, Mes, Villes ou Lieux defdits PaysBas-Unis, ou dans aucuns d'iceux, d'autres ni de plus grands Droits ou Impofitions, de quelque nature ou dénomination qu'ils puiflent être, que ceux que les Nations les plus favorifées font ou ferons ob igées d'y payer: Et ils jouiront de tous les Droits, Franchifes,Privileges,Immunités & Exemtions dans le Trafic, la Navigation, & le Commerce, dont jouiffent ou jouiront les Nations les plus favorifées, foit en allant d'un Port a 1'autre dans lesdits Etats, ou de queiqu'un & vers quelqu'un de ces Ports, vers ou de quelque Port étranger du Mon= de: Et les E-ats-Unis de VAmérique, avec leurs, Sujets & Habitans, laifferont a ceux de L- H P. la jouiffance paifible de leurs Droits aux Pays, Ifles & Mers dans les Indes - Unentales & Occidentales 5 fans les empêcher ou s'y oppofer. I V. ]1 fera accordé liberté de confeience eDtiere & parfaite aux Sujets & Habitans de chaque Partie & a leur Families, & perfonne ne fera inolefté a 1'égard de fon Culte, moyennanc qu'il fe tournettea quant a la démonftration publique, aux Loix du Pays. 1! fera donné en outre liberté, quand des Sujets' & Habitans de chaque Partie viendront a mourir dans le Territoire de 1'autre, de les inhumer dans les Cimetiercs ulités, ou dans des endroits convenables & décents, que 1'on affignera a cela felon 1'occurence; & les Cadavres des linterrés ne feront inoleftés en aucune maniere: Et les deux Puiffances contraclantes pourvoiront, chacune dans fa jurifdidlion, a ce que les Sujets & Habitans refpecliifs puiflent obtenir dorénavant les Certificats requis ea cas de mores3 ou ils fe trouvene intérefles.  ( H9 ) V. Leurs- Hantes • Pwjfances les Etats- Généraux des Pavs-Bas-Unis, «Sc les Etats-Unis de 1 Amenqae, tacheront, autant qu'il eft de quelque mamere en leur pouvoir, de défendre & proteger tous lesVafc & autres EtTets appartenants aux Sujets & Habitans refpeftifs, ou a quelqu'un d'iceux, dans leurs roits ou Rades Mers internes, Paffes, Rivieres & auffi loia que leur jurifdiction s'étend en mer «Sc de recouvrer -  ( 153 ) les üttets a , : 'de Guerre, ou dans Pin- feau avant: k Dec a™ de^ lef'uds Effets ne venu fi la réclamation ne pouvoit fe taire que aans i ra Port appartenant aux Ennemis. xiii. Ft afin de pourvoir le mieux poffible k la Wré des Sujets & gens de 1'une des deux Parties, Sur qu'iJ ne foient point moleftés de la part des ÜffeSx de guerre ou Corfaires de 1'autre Partie, U fera défendu a tous les Commandant^ des VaisfUux de guerre & autres Batimens armes des iusSfcÉta^&nêreux des Pays-Bas-Unis & desdits Ftats-Unis de l'Amérique, ainfi qua tous leurs Officiers Sujets & gens, de donner aucune offenfe odommige a ceux de l'autre Partie: Et , s ilsea n-iffoient d'une maniere contraire, ib feront, fur il premières plaintes qu'on en fera, étant trouvés coupables après un jufte examen punis par leurs proEre uges, & en outre obligés de donner fatisfaftion de tous dommages & intéréts, & de les bonifier, fous peine & obügation de leurs perfonnes «3c Biens. X i V. Pour déterminer ultérieurement ce qui vient d'être dit, tous les Capitaines de Corfaires ou Amateurs dè VaiiTeaux, armés en Guerre fous Commisloa & pour compte de Particuliers, feront teaws  ( 154 ) avant leurdépart, de donner caution fuffifante devant les juges compétens, ou d'être entierement responfables des malverfations qu'ils pourroient commettre dans leur courfes ou voyages, ainfi que des contravendons de leurs Capitairies & Officiers contre le préfent Traité & contre les Ordonnances Sc Edits, qui feront publiés conféquemment & conformément a icelui, fous peine de forfaiture & nullité des fusdites Commiffions. X V. Tous les Vaiffe3ux & Marchandifes, de quelque nature qu'elles puiflent être, que 1'on reprendra fur des Pirates & Ecumeurs de mer, naviguant en pleine mer fans Commiflion requife, feront amenés dans quelque Port de 1'un des deux Etats & dépofés entre les mains des Officiers du Port, afin que Je tout fojt reftitué au vrai Propriétaire, fi-töt qu'il aura été donné des preuves jufles ct fuffifaates pour en conftater la propriété. XVI. Si quelques VaiiTeaux ou BStimens, appartenants a 1'une des deux Parties, k leurs Sujets ou Habitans , venoient a échouer fur les Cötes ou Territoires de l'autre, a périr, ou a fouffrir quelque autre perte maritime, il fera donné toute forte de fecours & d'afliftance amicale aux Perfonnes naufragées ou en danger de'faire naufrage: & les Vaisfeaux, Effets, & Marchandifes, ou ce qui en aura été fauvé, ou bien le provenu d'iceux, fi ces Effets, fujets a fe gater, ont été vendus, étant réclamés dans Pan & jour par les Patrons, ou par les Propriétaires, ou par leurs Agents ou Fondés de Procuration , feront reftitués ; moyennant feulement qu'ils payen.t les frais raifonnables, & ce qui doit fe payer dans le même cas, pour le fauvage, par les propres Sujets du Pays: II leur fera auffi délivré des Sauf - conduits ou Paffeports, pour leur paffage libre & für de-la, & pour le retour de chacuo dar^ fon Pays.  ( ï55 ) XVII. Au cas que les Sujets ou Habitans de 1'une des deux Parties avec leurs VaiiTeaux, foit publics & équipes en Guerre, foit particuliers & Marchands, foient forcés par la Tempête, ou par la pourfuite de Pirates ou d'Ennemis, ou par quelque autre néceffité urgente, a fe retirer & a entrer dans quelque Riviere, Crique, Baye, Port, Rade, ou Rivage, appartenant a l'autre Partie, ils feront recus avec toute humanité & bonne voionté, & jouiront de la proteftion & aide la plus amicale: Et il leur fera permis de fe rafraïchir & de s'approvifionner a des prix raifonnables de toute forte de Vivres & de toutes les chofes requifes pour 1'entreticn de leurs Perfonnes oü pour la réparation de leurs VaiiTeaux ; & ils ne feront en aucune fac,on retenus ou empêchés de partir desdits- Ports ou Rades, mais pourront faire voile & aller, quand & oh il leur plaira, fans oppoütion ou empêchement quelconque. XVIII Pour d'autant mieux exercer le Commerce réciproque, il a été convenu que, s'il s'élevoit une Guerre entre L. H. P. les Etats - Généraux des PaysBas - Unis & les Etats - Unis de l'Amérique, il fera toujours accordé aux Sujets de part & d'autre le tems de neuf mois après la date de la rupture ou de la Proclamation de Guerre,afin de pouvoir fe retirer avec leurs Effets, & les tranfporter oü il leur plaira; ce qu'il leur fera permis de faire, comme auffi de vendre ou tranfporter leurs Effets & i\;eublesen toute liberté, fans qu'on y mette aucun obflacle ,& fans que 1'on puifle, durant le tems desdits neuf mois, procéder a quelque faifie de leurs Effets, beaucoup moins de leurs Perfonnes. Au contraire, il leur fera donné, pour leurs VaiiTeaux & pour les Effets qu'ils voudront emporter, des Paffeports deSauf-conduit, pour les Ports les plus proches dans les Paysrefpectifs, & pour le tems néceffaire au voyage. Et aucune Prife faite fur Mer ce pourra etre réputée  ( utf > pour légitimement prife, k moins que Ia Déclaration de Guerre ait été connue.ou ait pu 1'être, dans le dernier Port que le Vaiffeau pris a quitté: Mais pour tout ce qui pourroit avoir été pris aux Sujets & Habitans de part & d'autre, & pour les offenfes qui pourroient leur avoir été faites, dans I'intervalle des fufdits termes, il fera donné fatisfact-ion. com* plette. X I X. Aucun Sujet de L. H. P. les Etats • Généraux des Pays-Bas-Unis ne pourra demander ni accepter quelque Commiffion ou Lettre de marqué pour armer des VaiiTeaux, (afin de les envoyer en courfe contre les dits Etats-Unis de l'Amérique, ou contre quelqu'un d'eux,ou contre les Sujets & Habitans desdits Etats-Unis ou quelqu'un d'eux ,ou contre la propriété des Habitans de quelqu'un d'eux,) de la part de quelque Prince ou Etat que ce foit, avec qui les fufdits Etats-Unis de l'Amérique pourroient être en Guerre. Pareillement aucun Sujet ou Habitant defdits Etats-Unis de l'Amérique ou de quelqu'un d'eux ne demandera ni n'acceptera aucune Commiffion ou Lettre de marqué, pour armer un ou plufieurs VaiiTeaux, ( afin de les employer en courfe contre les Hauts & Pu>ffants .Seigneurs, les Etats. Généraux des Pays-Bas-Unis, ou contre les Sujets 5t Habitans de Leurs tiautes->Juiffances, ou" quelqu'un d'eux,ou contre la propriété de quelqu'un d'eux)de la part de quelque Prince ou Etat que ce foit, avec qui L. H. P. feront en Guerre: Et, fi quelque Perfonne, de 1'un ou de l'autre cóté, acceptoit telle Commiffion ou Lettre de marqué, il fera punicomme Pirate. X X. Si les VaiiTeaux des Sujets ou Habitans de 1'une des deux Parries abordent a une Cóteappartenant a 1'un ou a l'autre defdits Alliés, fans avoir intenïion d'entrer dans un Port, ou, étant entrés, iaus  ( 157) vouloir décharger ou entamer leur Cargaifon, ou y aiouter, ils ne feront point obligés de payer, m pour les VaiiTeaux, ni pour leurs Cargaifons, des Droits d'entrée ou de fortie, ui de rendre aucun compte ds leurs Cargaifons, a moins qu'il n'y ait iufte fujet de préfumer qu'ils portent h 1 Ennemi des Marchandifes de Contrebande. XXI. Les dem: Parties contradlantes s'accordent de part & d'autre la liberté d'avoir, chacune dans les ports de l'autre, des Confuls sVice-Confuls, Agents & Commiffaires, établis par elle-même, dont les fonftions feront réglées par Convention particuliere , lorfque 1'une des deux Parties trouvera bon de faire de tels établiffemens. XXII. Ce Traité ne fera cenfé déroger en aucune msniere aux Articels IX. X. XIV. & XXIV. du Traité avec la France, tels qu'ils étoient numérotes au même Traité conclu le 6. Février 1778, & qui font Ss Articles IX- X. XVII. & XXII. du Traité dc Commerce, fubfiftant préfentement entre les EtatsUnis de l'Amérique & la Couronne de France: II n'empêchera pas non plus S M. Catholique d'yaccêder & de jouir de 1'avantage defdits quatre Articles. XXIII. Si dans la fuite les Etats-Unis de l'Amérique ju?' geoient néceffaire d'entamer des Négociations auprès du Roi ou Empereur de Maroc ou de Fez, ainfi qu'auprès des Régences ó'Jlgerx de Tunis , ou TVfpoli, ou auprès de quelqu'un d'eux, afin d'avoir des PalTeports pour la fureté de leur Navigation par la Méditerranée, L. H. P. promettent, qu'k la requifition qu'en feront lesdits Hauts Etats-Ums, Elles leconderont ces Négociations de la maniere la plus favorable, par 1'entremife de leurs Confuls réfidants auprès des fufdits Roi, ou Empereur & Régences.  ( i58 ) CONTREBANDE. XXIV. La liberté de Navigation & de Commerce s'étën» dia fur toutes fortes de Marchandifes , excepté feulement celles que 1'on diftingue fous le nom deCorctrebande ou Marchandifes prohibées: Et fous cette dénomination de Contrebande & Marchandifes prohibées, feront comprifes feuIemenrJles Munitions de Guerre ou Armes comme Mortiefs, Artillerie,avec leurs Artifices & appartenances, Fufils, Piftolets» Bombes, Grenadcs, Poudre a tirer, Salpêtre, Souffre, Mêches, Boulets & Balles, Piqués, Sabres, Lances, Halebardes, Casques, Cuirafles & autres fortes d'Armes; Comme aufTi Soldats, Chevaux, Selles, Equipages de Chevaux. Tous autres Effets & Marchandifes non fpécifiés ci-deffus expreffément, & même toutes'fortes de Matieres Navales, quelque propres qu'elles puiffenc être a la conftruclion & a 1'équipement de VaiiTeaux de guerre, ou h Ia fabrique de 1'une ou l'autre Machine de guerre terreftre ou maritime, ne feront ainfl cenfés, ni dia lettre, ni felon quelque interprétation préténdue d'icelle quelconqui, devoir ou pouvoir être compris fous les Effets prohibés 6? de Contrebande; en forte que tous ces Effets & Marchandifes, qui ne fe trouvent pasexpreffémentnommésci-deffus,pourront, fans aucune exception cc en toute liberté,être tranfportés par les Sujets & Habitans des deux Alliés des Places & vers les Places appartenant k 1'Ennemi; excepté feulement les Places, qui, dans Ie même tems, fe trouveront afTiégées, blóquées ou anvefties; & pour telles font tenues uniquement les Places entourées de prés de quelqu'une des Puiffances Bellieérantes. XXV. Afin que toutes diffenfion & querelle puiffentêtre évitées & prévenues,il a étéconvenu,qu'au cas que 1'une des deux Parties vint a être en Guerre, les Vaiffeaux «Sc Batimens, appartenants aux Sujets oü Habitans  ( 159 ) Habitans de l'autre Allié, feront pourvus de T ettres de mer ou Paffeports, exprimant le nom, la pro-, Driécé & le port du Vaiffeau ou Baarneet* comme auffi Ie nom & le domicüe du Patron ou Commandant dudit Vaiffeau ou Batiment; afin que par la 3 contle que le Vaiffeau appartienc reellement & vraiment aux Sujets ou Habitans de 1'uoe des Pardeï 'Suels PatVeports feront dreffés & M« felon la Formule annexée a ce Traite. Chaque ton que le Vaiffeau aura été de retour, rl faudra qu rl ait de nouveaux Paffeports pareils;oo du moins ces Paffeports ne dcvront pas être de plusancienne date que de deux ans avant le tems oh le Vaiffeau a ete la derniere fois de retour en fon pays. 11 a etearieté parëillement, que tels Vaiffeaux ou Batimens órint chargés devront être pourvus non-feulement des Paff -oorts ou Lettres de Mer fus-mentionnes, mais pnffi~d'un Paffeport général, ou de Paffeports particuliere, ou Manifeftes, ou autres Documens publiés oue 1'on donne ordinairement aux Vaiffeaux qü panent, dans les Ports d'ou les Vaiffeaux ont fait voile en dernier lieu, contenant une Spec.fication de la Cargaifon , de la Place d'ou le Vaiffeau è\l parti & de lelie de fa deftination; ou a défauc de tous iceux, de Certificats de la part des Magrstiats ou Gouverneurs des Villes, Places, & Colanies d'oh le Vaiffeau eft parti, dennes dans la forme ufuée, afin que 1'on puiffe favoir s'i y a quelquef Effets prohibés ou de Contreband a bordI des Vaiffeaux, s'ils font deftinés a les porter.en Pays ennemis ou non: Et,au cas que quelqu'un juge bon ou apropos d'exprimer dans lesdits Documens les Perronnes a qui les Effets è bord apparti nnent, il poüïïk faire librement, fans cependant y être tenu & rans que 1'omiffion d'une telle expreffica puiffe ui doive donner lieu a confifcacion, XXVI. Si les Vaiffeaux ou Batimens desdits Sujets ou Habitaas de 1'une des deux Parties, failanc voile Aa  ( löo ) le long des Cótes ou en pleine Mer, font rencontrees par quelque Vaiffeau de Guerre, Capre ou autre Batiment armé de l'autre Partie, lesdits Vaisfeaux de Guerre, Capres ou Batimens armés, pour éyiter tout defordre, refteront hors de la portée du Canon, mais pourront envoyer leurs Chaloupes k boid du Vaiffeau Marchand, qu'ils rencontreront de la forte, fur lequel ils ne pourront faire paffer que deux ou trois Hommes, a qui le PatronouCommandant exhibera fon Paffeport, déclarant la propriété du Vaiffeau ou Batiment, felon la Formule annexée a ce Traité: Et le Vaiffeau ou Batiment, après avoir exhibé un tel Paffeport, Lettre de Mer & autres Documens, fera libre de continuer fon voyage, en forte qu'il ne fera pas permis de le molefter ou vifiter en aucune maniere, ni de lui donner chaffe ou de le forcer a chaDger de cours. XXVII. II fera permis aux Marchands, Capitaines & Com. mandants de Navires, foit publics & équipés en guerre, foit particuliers & Marchands, appartenant aux dits Etats- Unis de l'Amérique ou a quelqu'un d'eux, ou è leurs Sujets & Habitans, de prendre librement a leur fervice & recevoir a bord de leurs dits Vaiffeaux, dans tout Port ou Place de la Jurifdiclion de Leurs Hautes- Pui(fances fusdites, des Matelots ou autres, Natifsou Habitans de quelqu'un desdits Etats, a telles conditions qu'ils agréeront, fans être fujets pour cela a quelque amende, peine, chatiment, Procés ou reprimande quelconques. Et réciproquement tous les Marchands, Capitaines & Commandants,appartenants auxdits Pays - Bas - Unis jouiront, dans tous les Ports & Places de 1'obéiffance desdits Eiats-Unis de l'Amérique , du même privilege d'engager & recevoir des Matelots ou autres, Natifs ou Habitans de quelque Pays de la Domination desdits Etats-Généranx: Bien entendu que, ni d'un cote jrï de l'autre, on ne pourra prendrea fon fervice tels de fes Compatriotes, qui fe font déja engagés au lervice de Pautre Partie contra&antc, loitpourla  (1*1) Guerre ou pour le Négoce, & foit qu'on lesrencotl* tre k terre ou en mer; a moins que le Capitaine oü Patron, fous le commandement de qui de telles perronnes pourroient fe trouver,ne veuille de fonplem oré les décharger de fon fervice; fous peine qu'autrement ils feront traités & punis comme Déferteurs. XXVIII. L'affaire de la Rëfaftion fera réglée en toute équité par les Magiftrats des Villes refpeftives, oh 1'ori juge avoir quelque lieu de fe plaindre k cet égard, XXIX, Le préfent Traité fera ratiBé & approuvé par Leurs Hautes ■ Puijjances , les Etats - Généraux dei Pav-Bas-Unis, & les Etats-Unis de l'Amérique; <5s les Acr.es de Ratification, de part & d'autre, feront délivrés dans Pefpace de fix mois ou plutöt s'il fe neut, k compter du jour de la lignature. En foi de quoi Nous Députés 6f Plénipotentiaires des Seigneurs Etats-Généraux des Pays-Bas-Unis, & Miniltre ■ Plénipotentiaire des Etats-Unis de /'Amérique » en vertu de notre autorifation Êf Pleins-pouvoirs refpeEifs, avons Jigné le préfent Traité & appofé le Cachet de nos Armes. Fait k la Haie, le 7 Odlobre 1782;  ( 162 ) „ Mo dele dll PASSEPOPvT „ qui fera délivré aux Navires „ ou Batimens, fuivant 1'Articie „ XX V de ce Traité. A Tors ceitx qui verront la Préfente, S altjt: J~% Fni/ons Javm'r, que par la Préfente efi accordée Liberté £f fermiffwn d Patron 6? Commandant du Navire (ou Batiment) nommé . . . de la .. . de.,, .du port de .... Tonnèaux ou environ, actuellement d VAn- cre dans le Port de deftinépour 6? chargé de... pour pouvoir partir, & pour continner avec fon Vaiffeau ou Batiment .Jon voyage; tel navire ou batiment ayant été vifité, £f le fufmentionné Patron ou Commandant ayant déclaré fous Serment devant l' Officier étabü d cet effet que ledit Navire ou Batiment appartient d un ou plufieurs Sujets, Peuple ou Habitans de ... ... & d lui (ou eux) feul. En foi de quoi. Nous avons figné la Préfente de nos Noms, & y avons attaché le Sceau de nos Armes, en la faifant contrefigner par .... Ce jour de l'An de Notre Seigneur Jéfus Chrift. „ Mode le du Certificat, „ qui fera délivré aux Navires „ ou Butimens, en conformi„ té du XXVme. Article dc „ ce Traité. TVT otTS .... .Le Magiflrat (ou Officiers des Convois) de la Ville ou du Port de . .., certifions $ atteflons,que le ...jour de . ..dans VAn de ISoire Set- gneur , C. D. de .... efi comparu perjonr.elleiuent devant Nous e? a déclaré fous Serment Jokmnel, que le Navire ou Batiment appelé , de Tonnèaux ou environ, dont de efi aduellement Patron ou Commandant, appartient de droit £f cenvenabkrr.ent d lui (ou aixj jtul. Qu'il efi aftuelliment deftiné de la  C 138 ) r/iïh tm Hu Port ie ....» pour le Port de"...., chargé Se s V d ZchanHes, fpécifiés tf détaUlés par-_ tkSerement ci-deffous comme il luit. En foi de quoi Nous Zn* kné ce Certificat & confirmé du Sceau %notr?Officef Ce... jour de VAn de Notre'Seigneur Jéius-Chrift. Mo del e d'une Lettre de Mer. Tres SêrénWmes, Sèréniffimes, Wfres, TrésPuifians, \xclllens , Nobles, RefpeStables, Vênèrables, Prudens, Prévoyans S^^^J^treurs Rois , Rêpubliques , Pnnces , Souverains , X cZus, Birons] Seigneurs ^ourguemaitres Echevins, Cmfeillers, comme auffi JW*>°$™f* %u(liciers & Régens de toutes les bonnes Villes & tlate , foit Eccléfiaftiques ou Séculiers qui verront ou cntendront Un/cette Patente Nous ^urguemaitres& Régens de la Ville de.... faifons fam,'que'Je Patron de (comparant devant Nous) a déclaré fous Scrment'folemnel, que le Navire nomme.... du port: d environ.... Tonneaux, qu'il commande aOuellement, apZrti nt è un Habitant des Pays-Bas-Ums .&quauSSujet des Ennemis n'y a-dm£tement ouin^rectement nuelqnl Portion ou Part, auffi vrai que Dieu ToutTuLit lui foit en aide. Et comme Nous verrion volontiers led Patron favori/é dans fes affaires I gitili s Nous requérons tous les fufmentionnés & chacun L particulier, oü ledit Patron viendra avec fon Navire § fa Cargaifon, qu'il leur plaije recevoir avec bonte & ïraiter colvenablement le Patron fu/mntwnne lui perZettant, fur Vacquit des Droits dc Peage ® Mpofitioj Zloutumés, en paffant & repaffant, depoumrfrattenter & paffer leurs Ports, Rivieres Territoire, lour exercer fon Commerce, auffi longtems & de la maniere qu'il l'y jueera convenable; ce que Nous vouions volontiers réciproquer. En foi de quoi & a cette caufe les Armes de notre Ville y élant appofees. CEn Marge était) „ Par Ordonnance de Leurs HauceS( PuiiTances „ les Etats. Généraux des Pays-Bas-Ums-. Aa 3  C 164) CONVENTION entrelesSeï* gneurs ETATS-GÉNÉRAUX des PAYS-BASUNIS & les ETATS-UNIS del'AMÉRIQUE, touchant ia Reprife des VaifTeauXi Les Seigneurs Etats-Gênéraux des Pays-Bas-Unis 6? les Etats-Unis de /'Amérique étant portés è itablir quelques principes uniformes, fur l'enlevement des Prifes faites par les Vaiffeaux de Guerre ou Commijjionnaires des deux Parties ContraSlantes, fur VEnnemi commun, & fur les Vaiffeaux des Sujets de 1'une 6? l'autre Partie, font convenus lu-deffus des Article? (divans. Article Premier. „ Les vaiffeaux de 1'une des deux Nations repris' M par les Corfaires de Pautre, ferontreftitués au pre„ mier Propriétaire, au cas que ces Vaiffeaux n'aient 5, pas été 24 heures au pouvoirdel'Ennemi; pourvu 3} que le Propriétaire du Vaiffeau repris paye pour „ cela un tiers de la Valeur du Vaiffeau, comme „ auffi de la Cargaifon, des Canons «St de PEqui„ pement; lequel tiers fera évalué, i 1'amiable, „ par les Parties intéreffées,- ou autrement, «Sc dans le cas oh elles ne pourraient s'accorder la-deffus, „ elles s'adrefferont aux Officiers de l'Amirauté de ,, la Place, oü 1'Armateur qui a pris le Vaiffeau, 5, 1'aura conduit. I I. „ Si le Vaiffeau repris a été plus de 24 henres aa „ pouvoir de 1'Ennemi, il appartiendra en entier aa „ Capteur qui l'autre repris.  111. Au cas qu'un Vaiffeau ait été repris par un Na'vire de Guerre ou Batiment appartenantaux Etats" Généraux des Pays-Bas-Unis, ou aux Etats-Unis S> de YAmérique, il fera reftitué au premier Proprié" taire, a condition qu'il paye le trentieme de la Valeur du Vaiffeau, & de fa Cargaifon , des Canons " & des Equipemens, s'il a été repris dans les 24 heures; & le dixieme, s'il a été repris après ,, les 24 heures: lefquelles Sommes feront réparties, comme une Gratification, parmi les Equipa„ ges des Vaiffeaux qui 1'auront repris. L'évaluation du trentieme mentionné ou du dixieme» fera réglée, fuivant la teneur du i«. Article de la préfente Convention. I V. , La Reftitution des reprifes faites par les Vais. 'feaux de Guerre fera, cependant & jufqu'a ce " que preuve convenable & fuffifante ait été don" née de la propriété des Vaiffeaux repris, admife " dans un terme raifonnable fous une Caution fuffi'\ fan te relativement a 1'obfervation des Articles ci? )\ deffus. V. , Les Vaiffeaux de Guerre & Corfaires de 1'une ou 'l'autre des deux Nations feront admis de part & 11 d'autre dans les Ports refpeftifs avec leurs Pri„ fes, foit en Europe, foit dans les autres Parties „ du monde; elles y pourront être déchargées & 3, vendues, d'après les formalités ufitées dans PEtat „ oü la Prife aura été conduite, autant que cela „ peut s'accorder avec le 221". Article du Traité „ de Commerce; entendu en même tems, que la „ Légitimité des Prifes faites par des Vaiffeaux des „ Pays - Bas ■ Unis fera réglée fuivant la teneur des 3, Loix & Régiemens faits k ce fujet dans les Pays- Bas-Unis j ainfi que celle des Prües faites par lgs Aa 4  (Idö) j, Vaiffeaux Amêricains fera jugée fuivant les Loix „ & Régiemens déterminés par les Etats-Unis de }i l'Amérique. „ Pour le refte, il fera libre aux Etats-Généraux „ des Pays-Bas Unis,ainfi qu'aux Etats-Unis. de V A„ mérique, de faire tels Régiemens qu'ils jugeront „ convenir, relativement a ce que leurs Vaiffeaux „ & Corfaires feront tenus refpeclivement a 1'égard „ des Vaiffeaux qu'ils auront pris & amenés dans s, les Ports des deux Puiffances. Pour la Notifi. „ cation de préfentes, Nous Députés & Plénipoten- tiaires des Seigneurs Etats - Généraux des Pays„ Bas ■ Unis & Miniftr-i plénipotentiaire des Etats„ Unis de YAmérique avons figné lefdites, en vertil „ de Nos Autorifations & Pleins-Pouvoirs refpec„ tifs, & confirmé de Nos Cachets ordinaires, M Fait d la Haye Is... V I.