C A U S E 3 DES REVERS» qu'oNT essuiés les puissances coalisees dans les dernieres campagnes, clairement EXPOSËES et demontrées A TOUS LES HABITANS DE L' E U R O F E, avec les RESSOURCES qui LEUR restent POUR CONTINUER la guerre ET la FAIRE avec plus DE succes. /Ml*! Prix ii fols d'Hollande. /V3 Se trouve & Amfierdam chez D. J. Changuion, Ö. dd Four, G. Heintzen, J. A. Crajenfchot; la Hajei If. vail 'djeefj, P. F. Goffe, J. Klis; Leide, Hot> koop , Murray , Thoir ; Rotterdam , Hake • & D. Vis, Arnhem, Troost & Fils; Utrecht, Wild & Altheer, J. de Waal &é,   C A ü S E S DES R E V E R S, Qu'oNT ESSUIÉS LES PUISSANCES COALISÉES DANS LES DERNIERES CAMPAGNES , CLAIREMENT EXPOSÉES ET DEMONTRÉES A TOUS LES HABITANS DE V E U R O P E, AVEC LES RESSOURCES QUI LEUR RESTENT POUR CONTINUER LA GUERRE ET LA FAIRE AVEC PLUS DE SUCCES, T j Europe entiere fe trouve dans des circonftances inouïes; elle a a combattre des ennemis vraiment formidables par leur nombre, leur courage & leurs resfources de tous les genres, mais bien plus dangereux encore par les complots odieux qu'ils trament dans Tombre, par Jeur ,criminelle indifFérence fur tous les  fiioyens de fuccès, par leurs principes anarchiftes & déforganifateurs fi bien faits pour égarer la multitudé) par les intelligences nombreufes qu'ils ont feu fe ménager dans tous les pais, dans tóutes les dalles, jusques dans la perfonne de queiques miniftres Ie refpeéfc arrête ma plume & m'empêche de designer a 1'étonnement des races futures, des têces plus illuftres encore. Ceft me guerre a mort, comme les régicides eux-mêmes ont eu fi fort railon de Ia nommer; il faut que le monftre de 1'anarchie périffe, ou que 1'Europe s'attende a voir prochainement la chute de tous les trönes, Ia difTolution de tous les liens de la fubordination & de la fociétë, faneantilTement & le mépris de toute Religion, la fubveriïori de tous les principes, le déplacement violent de toutes les propriétés, & le maflacre de la moité de fa population; telle eft la feule régénération qu'orï doive & qii'óh puiffe raifonnablement attendre de la part de cenx qui om trem-  C 3 ) trempê ïeurs mains parricides dans le fang du plus jufte des rois, & de la réunion de tout ce que le monde contient de plus profondément dépravé; car, dèsque le crime a prévalu en France, dèsque la grande machine ébranlée dans fes fondements a menacé d'une mine prochaine, on a vu de toutes parts le rebut & la honte de 1'humanité accourir vers le foyer de la corruption» comme on voit ces Hyenes faméliques attirées par les exhalaifons des cadavres, fe réunir pour en partager les débris. Cette guerre ne relTemble plus aux guerres ordinaires déja fi odieufes, mais dumoins toujours foumifes a quelques loix qui en diminuent fhorreur, interrompues par quelques fufpenfions d'armes qui laiffent refpirer 1'humanité, & fuivies d'une paix qui lui permet fefpoic de réparer fes pertes» lei point de quartier, point de relache; c'eft un anima! dévaftateur qui a déja défolé la contrée qui le vit naitre & contre lequel les contrées voifines ont été forcées de  C 4 3 prendre les armes, fous peine d'éprotrver le mêrae fort; c'eft 1'ordre fociai luttant contre la barbarie* c'eft en quelquè forte la nature réuniffant fes efforts pour ne pas retomber dans l'anéantifTement & le cahos. Qui le croiroit que 1'Europe 1'a vu fe former & fe groffir fans effroi, ce torrent dont 1'orinige & les progrès annoncoient fi bien les ravages , fans prévoir qu'il ménacoit .effen* tiellement Jfa fureté ou dumoins fans chercher a lui oppofer aucune digue? Si ceux qui en dirigeoient le cours n'avoient été retenus dans le principe, par des craintes & des confidérations timides qu'ils ont fi bien furmontées depuisj s'ils avoient déployé a 1'époque des premières attaques de Mons & de 7o«rftaiy eet enfemble dans les mefures & cette audace dans 1'éxécution qui fait maintenant un problême du falut des peuple3, les maux que je n'annonce aujourd'hui que pour qu'on s'occupe efficacement de les éviter, inonderoient déja la furface de 1'Europe, 1'Univers en-  • C 5 ) entier feroit un vafte champ de fang & de carnage; & ceci n'efl: point une fpéeulation oifeufe, une crainte chimérique. Leurs forces étoient la, & avanc qu'on eut pu en réunir de capables de les arrê-ter, la moitié de 1'AUemagne & la Hollande entiere euffent été foumilès, ils en auroient accumulé les immenfes tréfors, partout ils auroient immolé les fujets fidèles, armé leurs milliers de partifans & cette foule de gens foibles que la circonflance feule décerrnine ; les uns & les autres, après s'être rendus fi coupables contre 1'autorité légi. time, auroient bientöt déployé la méme énergie pour en anéantir jusqu'aux dernières traces; la trainde de matières combuftibles s'écendoit partout, & dans ce premier moment d'irréiolution, d'effroi , de déhuement & de ftupeur, 1'embrafement eut été général. La divine Providence en a autrement ordonné , car envain chercheroit-on ailleurs des caufes a des événements qui ont fi étrangement confondu tous A 3 les  C 6 } i les calculs de la prudence humaine. Que ces gens qu'aucune expérience ne forme & a qui 1'école de 1'adverfité n'a rien appris, ne viennent plus oppofer ces grands mots vuides de fens de fidélitê incorruptible des troupes; de bonté naturelle des peuples; d'attachement aux Souyerains &c...... Le crime heureux trou- va toujours des Se&ateurs & des Profélytes. Avant cette époque fatale, éxifta-t-il des troupes plus fidèles & chez qui fhonneur fut un mobile plus puisfant ? eh bien, elles fe font rangées presque fans effort fous les étendards de la révolte. Connut-on un peuple plus douxj plus fenfible, plus hospitalier, qui poffédat a un dégré plus éminent toutes les vertus fociales ? eh bien, aujourd'hui c'eft un peuple de cannibales, d'antropophages avides de fang, & les flots qu'ils en répandent fans cefle femblent ne faire qu'irriter leur foif dévoraute. Enfin, les annales de l'hiftoire ont-elles confervé le fouvenir d'une nation plus diftinguée par une efpèce d'i- do-  C 7 D dolatrie pour fes Rois, qui en ait donné des preuves plus touchantes & plus multipliées? & le plus jufte de tous les Soüverains, le meilleur & le plus loyal des hommes, celui qui réunifloit la piété de Saint Louis a la tendrefle paternelle d'Henri quatre, le bon Louis Seize enfin a péri fur un échaffaut; fes dernières paroles a fon peuple étoient des paroles de bénédictton & d'amour, & è 1'inftant oü la hache fatale termine ïe cours d'une fi belle vie, fair retentit de cris bruyants d'allégreffe; la france entiere eft armée pour foutenir fes bourreaux, ils viennent au bout d'un an fur le lieu du fupplice infulter a la mémoire de leur augufte vidime , & 1'anniverfaire de eet éxécrabie affaffinat a été célébré dans toute 1'étendue du royaume par des réjouilTances & des Himnes patriotiques. Tant & de fi terribles éxemples n'ont cependant produit que des impreffions paffagères, mème fur les trönes. On diroit que 1'efprit d'aveuglement eft veA 4 nu  ( 8 ) nu raflurer les victimes en même temp^ que l'efprit de vertige excite les bour> reaux; au même inftant, une fbrce furnaturejle & irréfiflible femble avoir armé les uns du glaive & entrainer les autres a grands pas vers leur perte inévitable. On compte fur des traités , fur une neutralité parfaite... comme s'U pouvoit éxifter des traités folides avec le Tigre, comme s'il fuffifoit de ne pas le provoquer pour n'avoir rien a redouter des effets de fa fureur; on fe raffure fur 1 eloignement... comme s'il falloit beaucoup de temps a la foudre pour. étendre au loin fes ravages, comme li tous ceux qui forment une même chaina ^Ieélrique n'éprouvoient pas en quelque forte au même inftant, la même, eommotion. Qn a 1'air de jouer avec qne révolution qui menace de tout renverfer, de tout envahir, qui n'en caehe pas le projet, & qui acquiert tous les jours de nouveaux moyens de Ie réalifet*. Qn na que de? vues mesquinee,? on ne fait que les. calculs retrécis  C 9 ) & ifolés de 1'égoïsme lorsque les Sara-, mes dévorantes s'élèvent de toutes lea parties du grand édiflce focial & que ce n'eft pas trop du concours de toutes les volontés pour parvenir a s'oppofer a leurs progrès menacants; lorsqu'il feroit d'un li grand intéren d'être jufte au dedans & terrible au déhors , on n'employe que des demi-moyens contre 1'ennemi. commun & 1'on fe fert du relte do fa puiffanee pour s'en créer de nouveaux. Dans un état de chofes fi étrange, il eft permis , il eft ordonné a tout ami de I'ordre de faire entendre fa voix; lorsqu'un violent incendie fe déclare, tout le monde a miffion pour en arrêter les ravages; profitons du moment oü il en eft temps encore. Qu'on ne fe diflimule donc plus les forces des régicides; une grande partje de nos malheurs vient de les avoir trop méconnues ou trop méprifées: réfervons tous nos mépris pour leurs principes. Je vais partir das ^afes les plus fimples & les plus inconA 5 te/ïa-  ( io ) teftables: un vafte royaume que la nature femble avoir comblé de toutes fes faveurs, hériffé de places fortes oü 1'art épuifa fes relTources; un peuple immenfe & nacurelJement belliqueux dont 1'activité dévorante balancera toujours la plu?part des avantages de fes ennemis, diftingué des autres peuples par une fougue impétueufe a laquelle on réfifta rarement; des arfenaux nombreux & bien fournis; des moyens d'induftrie & de profpérité incalculables & qui le mettent toujours a même de réparer rapide ment la pluspart de fes pertes; un corps d'ingénieurs trés inftruit, 1'Artillerie la plus confidérable & fans contredit la- meilleure de 1'Europe Tel eft le tableau fidele des forces & des refiources de la France dans les circonftances ordinaires. Ajoutons maintenant a tant d'avantages réunis ceux que lui procure évidemment fon état de crife acluel: 1'anéantifiement du Commerce &: de la navigation, de tous les arts de luxe, d'une fou-  foule de profeffions & de métiers , a cTabord aigri ceux qui y trouvoient des moyens de fubfiftance; dans ces premiers moments de désorganifacion & de tyrannie, les puiflances étrangeres auroient pu compter fur le trés grand nombre de cette foule de mécontents; mais depuis, effrayés par des éxemples de rigueur , convaincus du danger & de 1'ïnutilité de leurs elForts, égarés par toutes fortes d'illufions & preffés de lanéceffité de vivre, ils fe font mis a la folde de leurs bourreaux; ils fe font rendus les inftruments de leurs vengeances; presque tous ont pris parti ou dans ces légions de gens ftipendiés a Paris & dans les Provinces pour reproduire la terreur & les violences fous toutes les formes, ou dans ces hordes des frontières, femblables a celles des anciens Normands qui alloient porter la défolation & chercher la mort au loin , parceque leur propre païs ne pouvoit fournir a leur fubf:ftance. lis n'avoient d'abord fuivi que la voix impérieufe de la faim ; mais ■ bien-  C » ) bientöt, réunis k tout ce qu'il y a de plus dépravé, ils font eux mêmes devenus des modèles de corruption & déformais tout retour vers une vie paifible & laborieufe ne leur eft plus poflible; car il eft a reraarquer que la vie des camps & des armées, quelque pénible qu'elle puiffe être , quelque aécivité qu'eüe éxige, ne forme que des hommes inutiles ou dangereux enfuite pour la fociété. C'eft ainfi que peu a peu 1'oifiveté & la faim ont couvert la Franee de Scélérats, que ce vafte Royaume s'eft transformé en un Camp hérifle de bayonnettes, que les fonderies & fabriques d'armes ontacquis une aétivité extraordinaire , que des armées innombrables ont bordé les frontières, & qu'il s'en eft formé de nouvelles, comme par enehantement, partout oü un événement imprévu eft venu tout a coup éxiger leur préfence; nous n'avons eü que trop d'occafions de nous en convainCre dans les dz'fférentes époques de la guerre de la Vendie, a Lyon, Marfeille, Bor* deaux, Toulon &c. Cet-  C 13 J Cette pépinière d'hommes dont ufiö génération nouvelle, élevée au milieu des allarmes, vient tous les jours réparer les pertes, n'a plus d'autre éxiftence que la guerre. Inftruits même par leurs revers, toujours expliqués paria trahifon & payés de la tête des géncraux^ encouragés par des fuccès plus ou moins brillants contre tous leurs ennemis; excités par l'ardeur du prllage & les fuggeftions les plus infidieufement atroces; enivrés par un fanatisme qui infpira toutes fes fureurs aux nations les plus calmes, qui produifk des traits multipliés d'héroïsme chez les peuples les moins belliqueux; dirigés par des chefs qui n'ont que falternative de 1'échafaut ou du fuccès, & qui ne peuvent 1'obtenir ce fuccès effroyable que par le bouleverfement total des empires; trop profondément coupables, trop entiérement abandonnés a Ia licence & a Ja débauche pour ne pas prévoir avec horreur le retour de 1'ordre; toujours bercés de f efpoir féducleur de toucher au  ( i4 ) au moment de commencer une nouvelle carrière au fein de 1'opulence & de la paix, enrichis des dépouilles de leurs viftimes ... tout concourt a annoncer que les révoltés de la France ne cefferont de réunir a la valeur ardente des anciens francois, une férocité jusqu'alors inconnue, & cette redoutable conftance qui paroiffoit ne pas pouvoir fe concilier avec la fougue & la légéretéde leur caraclère. Chercheroit-on encore k fe rafïurer, en 1794» avec cette foule de raifonneurs désceuvrés & de politiques ignorants qui ne ceflent de rabacher, comme dans les fix premiers mois de la révolution, que rien de violent ne fauroit être durable, & qu'ainfi les efforts extraordinaires de la France en prèsagent évidemment le terme prochain ? mais il eft trop clair qne cette maxime générale ne peut avoir aucune application dans les circonftances actuelles. Pourquoi fe flatteroit-on de voir cefler 1'effet quand les caufes acquièrent tous les  C 15 ) les jours un nouveau dégré d'énergie? le feu , qui eft 1'image de 1'aétivité, s'éceinc-il lorsqu'on 1'alimente fans cesfe? le Véfuve qui enfévelit, il y a plus de 1800 ans, Hercitlanum & Pmpeia fous desfleuvesde lave, n'éxerce-1- il pas encore tous les jours de nouveau* ravages ? & pourquoi donc cette a&ivité dévorante, qui eft de 1'effencede la cnfe a&uelle & que tout concourt a entretenir, vous prornettroit -elle le terme fi prochain de vos maux? fans doute c'eft un état de fiévre ardente, qui fera fuivi d'une foiblefle mortelle; mais fur quelles bafes calculez - vous la durée de 1'accès? fans doute I'édifice monftrueux de la révolution francoife- finira par s'écrouler, parcequ'il eft baïi fur un fa. ble mouvant & que toutes fes parties manquentde liaifon & d'enfemble; mais peut-être qu'une grande parde de la génération préfente aura le temps de s'éteindre & qu'un deuil général couvnra toute 1'Europe , avant 1'époque donc on ne ceflè de nous fixer le terme pré-  C i enfin tout ce qui épuife les reffources des puiflances étrangères, ne coute rien k Ia Convention depuis qu'elle a converti les papéteries en Hötels des monnoyes, & qu'elle a fubjugué Ia France au point de pouvoir tout ofer, fans ménagement & fans crainte. C'eft ainfi que 1'on dépenfe aujourd'hui, en fix femaines, plus que eet ancien régime fi décrié ne 1'a jamais fait dans une année entière, a 1 epoque de fes plus grandes dilapidauons, & que néamoins on auroifcaort  e 18 ) de voir dans ce monftrueux gaspillage ia plus légere caufe d'épuifement; puilque 1'épuifement ne peut réfulter que de la difproportion des efforts & des resfources & qu'ici les reflburces fe reproduifent, comme par enchantement, au gré des befoins. II eft, je Ie fais, telles dépenfes qui éxigent indifpenfablement du numéraire; mais tous les fouverains enfemble en poffedent - ils autant que la Convention a du s'en procurer par la fpoliation de toutes les églifes, des tréfors de la couronne, & des efpèces monnoyées trouvées chez cette multitude de perfonnes que leurs richefles feules ont fait arrêter ou immoler comme fufpectes; par le pillage des opulentes cités de Lyon & de Marfeille, & 1'enlévement des matières d'or & d'argent partout oü on a pu en découvrir. C'eft au moyen de ce numéraire verfé a pleines mains qu'elle foudoye des émiflaires dans tous les paï's, qu'elle recoit des puilTances neutres&de fes ennemis mêmes, les  C i* } grains & autres objets de confommatión dont elle ne pourroit fe paffer; car, jé fuis Ioin d'être de 1'avis des perfonnés qui penfent que la pluspart de ces cafgaifons, qui ne celTent d'aborder dans les ports de France, font autant de fecöurs gratuits envoyés par leurs dignes confrères, les patriotes étrangers; j'ai été alTez a portée d'étudier cette clalTé d'hommes pour pouvoir affurer que fintéret eft Ia première de leurs pasfions* avant même celle de faire le mal: les fran£ois ne doivent efpérer dë leur part que des vceux fanguinaires. & des manoeus vres fourdes, en attendant 1'époque des grands crimes s'ils parviennent jamais a pouvoir alTouvir leurs Vengeances avec la certitude de 1'impunité. Qu'il eft accablant de fe convaincre tous les jours davantage, qu'il ne manque a la pluspart des hommes pour devenir atroces, quë roccafion de fe livrer a toute leur perverfité naturelle! 4.. mais reprenons 1'ea öumération des reflburces du gouvernelaent acluel de la France. B s hm  ( 20 ) Les armées éprouvent-elles quelques befoins? 1'envoi de quelques foiirnitu* res, telles que fouliers ou chemifes, éprouve-t-il des retards ? ces objets font mis en réquifition dans toute la contrée;"a l'inftant tout le monde s'empreffe de fe dépouiller; & 1'homme le mieux penfant, par la même plus en butte a la malveillance , fe fera remarquer par 1'étendue de fes dons foi -difant patriotiques, trop heureux de fauver fa tête au prix de pareils facrifices. Ce qui a lieu pour les chofes les plus minutieufes, comme dé la charpie ou du vieux Iinge pour panfer les blefies, s'étend généralement k tous les objets fans exception ; il n'en faut pas davantage pour fe procurer les hommes & les chevaux, faire courir la pofte aux canons & aux armées; la fignature du premier fcélérat que Ia Convention a invefli de fes pleins pouvoirs, opère comme par un charme magique, en deux fois vingtquatre heures, ce que les Souverains ne peuvent effeétuer qu'au bout de plu- üeurs.  C 21 > fieurs mois , & en prodiguant leurs . tréfors. Nous pourrions faire encore de nouveaux rapprochements, qui tous concourroient a démontrer jusqu'a 1'évidence que les Francois réunilïent contre leurs ennemis une foule d'avanrages, eflèntiellement dépendants de la crife affreufe qui les agite; car , quel eft le fouverain , quelque despote qu'on le fuppofe, qui pourroit ofer une feule fois ce que les prétendus régénérateurs de la France ne ceflènt de faire depuis quatre ans ? un léger irapot, impérieufement éxigé par les circonftances pour le maintien des propriétés & de 1'éxiftence des contribuables, eft robjet de mille plaintes & de mille réclamations, tandis qu'on difpofe arbitrairement de tout en France & que le moindre mur. mure feroit 1'arrêt de mort "du malheureux qu'on dépouille, pour avoir plus de moyens de 1'opprimer. II feroit aifé de faire fentir 1'importance inappréciable d'une confidération B 3 qug  £ 14 ) $ue nen ne fauroir balancer. Les régi^ gides combattenc fur leurs propres foyers» entourés de forterefïes qui facilitent leurs, attaques, alfurent leur retraite, & repofent leurs armées; ils ont la certitude de pouvoir aifément réparer leurs perles. Les alliés, au contraire, font dans un païs ennemi, entourés de malveillants & d'efpions; leur territoire, ouvert de Routes parts, n'efl garanti que par les. places dont ils penvent fe rendre maitres; leurs pertes ne fe réparent qu'après beaucoup de temps, avec des difficultés & des dépenfes extraordinaires; enfin, il leur faut une longue fuite de fuccès brillants & non interrompus pour en venir h leurs fins, & s'il arrivoic que la viéloire fe rangeat entièrement, pendant un feul jour, du cöté de la rage forcenée foutenue par une grande fupériorité de nombre..... tout feroic perdu fans reflöurce. Que faut-il donc conclurre de tant ^e trifles & inconteffcables vérités? le contraire de ce que vous confeillent de  ( *3 ) •toutes parts cette foule de malveillants qui vous entourent, parcequ'il eft en général d'une faine politique de tenir une conduite oppofée a celle que nous tracé 1'ennemi; ils veulent une paix impolïible, faites une guerre a outrance, car on ne peut traiter qu'avec un ennemi généreux. Que diroit-on de navigateurs paifibles qui, a la fuite d'un foule de provocations, d'outrages & de menaces 3 fe feroient enfin décidés a réunir leurs forces contre unForbandont ils ne peuvent attendre que 1'efclavage ou la mort, fi bientöt après on les voyoit fe dévouer en viótimes foumifes &cherchera traiter avec cemêmepirate, parcequ'ils trouvent plus de réfiftance qu'ils ne s'y étoient d'abord attendus ? & cela, fans fonger que le peu d'enfemble & d'harmonie qu'ils ont mis dans leurs efforts a été le premier obftacle a leurs fuccès, au moment oü un peu de conftance encore & Ie concours de tous les moyens alloientpurger lesmersde ce B 4 fie«  C 24 ) fleau dévaflateur & devenir a jamais Ie gage de leur fureté. Suppofons un vaiffeau qui renferme un grand nombre de paflagers de tous les états, de toutes les nations; les hannes particulieres, les différences de langage, tout concourt a les rendre abfolument étrangers les uns aux autres, peut-être même ennemis. Une voye d'eau fe déclare & pendant longtemps perfonne ne s'alarme de fes progrès. On commence cependant a prévoir le danger & les uns fe mettent tout entiers a la befogne , tandis que les autres, pour colorer leur mauvaife volonté, prennent pour prétexte, ou leur foibleffe ou leur fécurité perfonnelle au milieu de l'effroi général. Enfin, le péril devient imminent; le moment des illufions eft pafte, 1'image de la mort eft préfente a tous les cosurs; dans un clin d'oeuil, elle a fufpendu toutes les hai. nes, a presque fait difparoitre jusqu'a h dilïérence du langage; tout le mon^ de  C 25 ) de s'entend, tout le monde retrouve des forces peur concourir au même but; le voifinage des cötes donne une nouvelle ardeur & le vaiffeau ne tarde pas a mouiller au port L'application n'eft pas équivoque, le voile eft affez . léger; mais enfin c'eneftun, quelque tranfparent qu'il puiffe être , & déformais il faut que la vérité fe montre toute nue. L'Europe eft ce vaiffeau menacé d'une fubmerfion prochaine; cette longue & funefte indifférence, tous les Souverains ont eu longtemps a fe la reprocher; & encore aujourd'hui, pendant que quelques uns d entr'eux feconfument en efforts pour le falut de tous, la voix püblique en défigne d'autres qui refufent de les feconder & qui les traverfent peut - être. Dieu veuiile dumoins que. l'éxaélitude du rapprochement ne fe borne pas la & que 1'urgence du danger leur deffille enfin les yeux pendant qu'il en eft temps encore. Je ne doute pas du fuccès de leurs efforts réunis; Paris eft le but oü ils doivent B 5 ten-  C ) tendre; mais, qu'ils ne perdent pas de vue que la Campagne de 1794 décidera irrévocabtement de leurs deftinées. C'eft fans doute eet enfemble, cette précieufe harmonie qui doivent être robjet de nos voeux les plus ardents; mais fi nous avons jamais Ie bonheur de voir le concours de toutes les volontés & de tous les efforts vers un même but, il fera encore effentiel de mettre a profit les lecons falutaires de 1'expérience, & d'employer une ta&ique nouvelle contre un ennemi qui a tout bouleverfé. II eft trop évident qu'on a plus d'un reproche a fe faire dans 1'emploi des farces, pendant le cours de la Campagne de 1793. Je cherche k oublier celle qui 1'a précédée ; je refpeéle le voile impénétrable qui en couvre les opérations, & je détourne les yeux des calamités inouïes qui en ont été la fuite, pour m'arrêter avec complaifance a cette époque fi glorieufe pour les armes smtrichiennes. Breda étoit pris; 1'importante place de  C 27 ) de Maëfïricht, bombardée avec vigueur „ étoit menacée d'une deftruclion prochaine; Ja Hollande alloit être envahie & aflurer a jamais Ie triomphe du crime ; il falloit une efpèce de miracle pour conjurer 1'orage. Le Prince de Cobourg, quoique attendant encore des renforts confidérables , malgré les rigueurs de Ja faifon & la grande infériorité de fes forces, n'héfita pas a le tenter; il n'y avoit pas un inftant a perdre. Un fuccès, tel que les annales de f h> ftoire n'en offi-ent pas d'éxemple, couronna cette héroïque refolution ; de toutes parts, les régicides épouvantés* difperfés, taillés en pièces, -abandonnant Magazins & Artillerie, fuyoient en desordre devant une petite Armee, & dans ce même païs que la réunion de toutes leurs forces n'avoit pu conquérir que pas è pas fur un corps de quinze mille hommes, harraffés de fatigue. Ils ne femblèrent fe rallier a Nermnde, a la voix de 1'intrèpide JD»mmrier, que pour donner un nouveau luf-  X *8 ) lufbre au triomphe de leurs vainqueurs; le nombre, 1'impétuofité, 1'acharnement du défefpoir , tout céda a 1'intrépidité au deffus de tous les éloges des braves autrichiens & a 1'habileté de leurs dignes chefs; jamais la renommee n'eut a publier des exploits auffi rapides, ausfi éclatants; chaque jour, chaque heure étoit le fignal d'un nouveau fuccès; on ne peut comparer cette marche triomphale qu'aux flots irritcs de 1'Océan qui renverfent tout ce qui fe trouve fur leur paffage, & rejettent au loin fur les cötes toutes les impuretés qui fouilloient fon fein. De quels fuccès, ces premiers fuccès ne paroiffoient-ils pas fheureux préfage? la disgrace de Dumourier, eet homme moins dangereux encore par fes rares talents que par fa profonde fcélcratefle, arriva presqu'au même inftant; le coup vigoureux d'authorité qu'il frappa contre Bournonville & les quatre députés qui vinrent lui fignifier les ordres fuprêmes du tripöt Conventionnel, fa gran^  C 2° ) grande influence fur les troupes qu'il avoit presque dccidéês a marcher vers Paris, tout fem'bloit arinoncer que la dernière heure du crime étoit enfin venue. Une foule d'ineonfjquences puériles que les fureurs de la vengeance & le délirè de 1'orgueuil peuvent a peine expliqüer, firent entièrement avorter le vafïe plan qui eüt brifé en un feul jour le fceptre de la Convention; mais, dumoins il dut en réfulter néceffaireraent une dèsorganifation totale, une confternation dont on pouvoit fe promettre les plus grands avantages. L'obfervateur éclairé & impartial vit avec un douloureux étonnement 1'inaction des alliés , pendant que Dampierre ralTembloit avec activité autour de lui les débris de 1'armée, & fe mettoit en état de venir bientöt provoquer les vainqueurs. Plein de refpect pour les intentions & les talen ts des généraux autrichiens, je fuppofe que de grandes raifons ont déterminé leur conduite; j'imagine qu'ils  i 33 ) qu'ils ont voulu atrendre des renforts en hommes & en Artillerie pour être fijrs de pouvoir enfuite frapper de plus grands coupsmais , en combattant furtout contre desfrancois, ce fupplément de forces pouvoit-il balancer 1'avantage de profiter de la terreur générale qu'avoit infpiré le nom autrichien ? depuis, toutes leurs tentatives n'ont ceffé d'être couronnées par la Vl&oire, mais jamais on n'a paru fonger è tirer parti de ces fuccès; chaque coup de vigueur a été le fignal d'une longue inaétion qui en a fait perdre presque tout le fruit. Les efprits , frappés de terreur, ont toujours eu le temps de fe rafleoir & c'eft cependant cette falutaire terreur qui n'auroit pas du celTer d'être un inftant a Vordre du jour, pour fe fervir de 1'exprelTion que les bourreaux appliquent è leurs vidimes; c'eft elle qui a fait & maintenu la révolution & fi elle ne concourt puüTamment a détruire fon monftrueux ouvrage, il eft trop  C 3i 3 trop. a craindre que les efforts des puiV fances ne fafTent qu'aggraver en pure perte les maux de rhumanité. Qn en a vu 1'effet de cette terreur, lorfqu'après le fameux fiège de Valen* Vennes, fi longtemps différé, fi peu actif pendant quelques inftants, & fuivi comme le refte des opérations, d'une inaclion mortelle , on fe préfenta devant.le camp de Céfar. Avec quel plaifir on fe reporte a cette époque brillanie oü rien ne püt rafTurer 1'armée conr ventionnelle, ni cette pofition que Ia nature femble avoir voulu rendre inexpugnable, ni ces travaux immenfes oü Tart avoit tout récemment épuifé fes reffources, ni cette Artillerie fi terrible dont les nombreufes redoutes écoient hérifTées. La terreur précédoit les armeg des aüiés jufqu'alors toujours viétorieufes; leur intrépidité, dirigée par une taéliquefavante, n'avoit pas encore connu d'obfhcles. Le même fentiment, agite tous les cceurs des régicides; tenter lm nouveau combat, c'eft aux yeux de tous  C 3* ) tous s'expofer a une nouvelle défaïte & 1'on voit abandonner fans coup férir,- a la firaple approche de 1'ennefhi', ce même camp que vingt mille bras venoient de mettre en état, difoit-on, de refifter viclorieufement a tous fes efforts; qu'on repréfentoit -naguères^ a la Convention comme le boulevard - de la France, & qu'on s'étoit accoutumé a regarder affez généralement comme lë plus grand obftacle pour parvenir jusqu'a Paris. Quel moment précieux pour frapper des coups aflurés & décififs, foit en pourfuivant a outrance 1'armée fugitive , foit pour preffer la reddition des places ou cette retraite inattendue avoit répandu le découragement, & qui fe trouvoient livrées a leure propres forces! quel augure plus favorable pour le refte de la campagne! le Major (FAspre eft chargé d'aller foramer Cambrai; de toutes parts il entend dire dans cette ville que les habitants defirent de fe rendre; qu'il n'y a presque point de garnifon 6c qu'on fcaura bien triom- pher  C sa ) pher de fa réfiftance , pareequ'on nè veut pas s'expofer a fubir le fort de Valenciennes; que Ia place eft entièrement dépourvuede moyens de défenfe & qu'a peine quelques canons en défendent les remparts &&.... Néamoins, le Commandant fait la réponfe ufitéeen pareil cas, a moins qu'on ne fe foit affuré d'avance de fes difpofitions; il protefte qu'il fe défendra jusqu'a la derniere extrémité. Quelques boulets rouges, & deux cents bombes venues en pofte euffent aifément trioinphé de ces prétendus projets de réfiftance & afluré la poffeffion de cette place importante ; aujourd'hui , il faudroit confommer fous fes murs un temps précieux & des munitions immenfes, tracer trois paralleles, facrifier beaucoup" d'hommes dans les tranchées, avoir unè Armée nombreufe pour couvrir le fiè- ge* (O On n'a pas tardé a' avoir la preuve Certai^ lie du dénuement total de la place par les rap-' ports rendus a la Couvention*  C 34 > ge, & remporter des Vicloires fignalées pour pouvoir en continuer les opérations: c'eft furtout en guerre que 1'occafion perdue ne fe retrouve plus. Laréponfe négative du Commandant, fans avoir égard aux circonftances oü fe trouvoient & la Ville & 1'Armée conventionnelle, fut le fignal d'une marche rétrograde. C'eft alors que cette fatalité qui femble préfider aux deftinées de la France & 1'entrainer rapidement vers fa perte, fit prévaloir la réfolution de divifer les forces des alliés pour pouvoir mener de front les fièges de Dunkerque & du Quesnoi; c'eft auflï de cette époque que datent tous leurs revers. Le Duc D'York prit la route de Dunkerque, a la tête d'une Armée de quarante mille hommes de bonnes Troupes. La célérité de fa marche, fon arrivée fous les murs de cette ville fans groffe Artillerie, longtemps avant le terme convenu avec 1'Amiral Macbride qui devoit preffer le fiege de cöté de la mer;  (' 35 3 mer,' 1'intrépidité héroï'que mais peu mefurée avec laquelle on pourfuivit les fayards jusques fur le glacis de la place; la fuite en Angleterre du Général iriandois qui y Commandoit..,.. .Tout concourt a annoncer qu'on avoit des intelligences , & qu'on y compta ad point de négliger les précautions de la prudence la plus commune. Si 1'oii s'étoit feulement pourvu de quelquë Artillerie de fiège & qu'on eut eu le foin de mettre 1'Amiral Macbride dans le fecret de cette marche prématuréej pour pouvoir employer la force au défaut de la perfuafion, une place de la force de Dunkerque eut été pröbablement emportée avant qu'on put la fecourir. Peut-être même qu'il eut fufË que les forces fullent la pour être dispenfé d'en faire ufage; car le grand moyen de fe ménager des intelligences & d'en tirer parti, c'eft d'être toujoufé en état de s'en palfer. Dès qu'on vit qu'il në falloit plus compter fur des intelligences $ maiheii»  C 36 ) reufement trop regardées comme infail^ libles, on fongea a recourir aux moyens de vigueur ordinaires & 1'on attendit, dans une forte d'inaction forcée, 1'arrivée de 1'Artillerie de fiège. Pendant ce temps-Ja, quelques Chaloupes Canonnieres & une ou deux carcafles de batiment armées, renouvelloient fans ceffe leurs ravages dans le camp des alliés, & défoloient impunément la Cavalerie autrichienne. La Garnifon, de fon cöté, appréciant tous les jours davantage a leur jufte valeur les expresfions menacantes de la fommation, voyant-qu'on ne fongeoit pas même a 1'inveftir, recevant a chaque inftant par la voye de Gravelines des renforts de tous les genres & l'aflurance d'être bientöt délivrée, faifoit de ftéquentes forties & répugnoit plus que jamais a toute efpèce de Capitulation. Ces mêmes hordes Conventionnelles, qui avoient abandonné les pofitions les plus inexpugnables a Ia feule approche de la maffe impofante des alliés, fon- ge-  C 37 ) gerent k leur tour a faire une guerre ofFenlive quand elles les virent fe divifer, & fe promirent d'avance un fuccès certain de la réunion de presque toutes leurs forces contre une Armee de quarante mille hommes, obligée de fe fubdivifer encore en Arinée d'obfervation & de fiège, & de contenir une garnifon dont on pouvoit a tous moments- augmenter le nombre & diriger les efforts. Le camp de Casfil fut défigné comme le lieu du rendez-.vous des régicidespeu a peu les Troupes y arriverent par petits Corps détachés fans qu'on air tenté de troubler la marche d'un fe>ul Bataillon, ou de les inquiéter fur d'autres points. Enfin , après avoir raffembié leurs forces bien a loifir, puisque Ia place ne fut pas même inveflie un feul mflant; après avoir bien combine leur plan & s'être affuré de tous les moyens dexécution, ils fe répandirenc comme un torrent dans Ia plaine. Alors, Yin. trépide réfiflance des alliés ne fervic qua prolonger Je carnage, retarder de C 3 que]-»  C 3§ ) quelques inftants leur défaite, & expo, fer a des dangers plus imminents la perfonne du Général en chef & «runde* fils du Roi d'Angleterre, tous les deux Heffes & au moment d'être faits pnfonniers. On connoit 1'énormité de leurs vertes en hommes, canons, magazins, &c on fe fouvient de la cruelle déroute des Hollandais, a Menin & a Vemck, qui en fut la fuite immédiate ; neamoins, le Général Houchatd que la Victoire venoit de couronner d'une maniere fi éclatante ne tarda pas a por. ter fa tête fur 1'échafant, & de tous les jrénéraux imtnolés par la hache de la Guillotine , c'eft peut-être le feul dont la mort ne puiffe pas être régardée comjne un aflaffinat, car il eft certain qu'a devoit naturellement arriver pis encore. La valeur de 1'Armée autrichienne & 1'habileté de fes Chefs ne tarderent pas a arrêter les progrès des régicides & k les faire rentrer fur leur territoire; mais rien ne pouvoit réparer les pertes énormes des alliés dans tous les genres, les "" anir;  C 39 ) animofite's qui en furent la fuite, Ie retard du fiège de Marbeuge dans une faifon fi avancée, & moins encore 1'effet redoutable de tant & de fi grands fuccès fur 1'opinion, dans une guerre toute d'opinion. Jusqu'ici les patriotes avoient combattu les alliés quoiqu'une funefte expérience dut en quelque forte les leur faire regarder comme invincibles; la Vi&oire de Dunkerque leur infpira la même préfomption , ranima dans leurs cceurs les mêmes efpérances que chez les fauvages de 1'Amérique, lorfqu'ils virent pour la première fois tomber fous leurs coups ces Européens qu'ils avoient confidéré pendant fi longtemps, comme des êtres d'une claffe fupérieure. Ils crurent qu'il ne s'agilToit plus que de bien diriger leurs efforts; il n'en fallut pas davantage pour juftifier a leurs jeux les trahifonsqui avoient été le prétexte de la disgrace ou du fupplice de taut de Généraux. On dut f'attendre è leur voir déployer dans C 4 peu  ( 40 ) peu une audace nouvelle ; l'occafioB ' s en préfenta bientöt. Les autrichiens qui étoient fur le point ó'entourei Maubeuge, quand la déroute de leurs alliés les obligea k fe por ter en toute hate du cöté de Menin, fentant corabien la poffefïion de cette place affureroit la tranquillité d'une grande étendue de leurs Frontières, fe décidèrent a effayer de 1'emporter avant la fin de la Campagne. Toutes les ' redoutes qui en défendoient les approches furent attaquées & enlevées a la fois; déja, malgré la rigueur de la faifon, la ville étoit inveftie & 1'on presfoit les travaux du fiège, lorsque les ïégicides qui avoient raffemblé, lentement & fans obftacles, toutes leurs for-* ces du cöté de Landrecy & d'Ayesnes, vinrent attaquer 1'armée d'obfervation. N'ayant pas pu parvenir a 1'entamer dans cette première, affaire, ils livrerent de nouveau une bataille générale ïe lendemain; c'eft alors qu'excités par te  C 4i ) Ie délire du fanatisme & fabondance des liqueurs enivrantes, on les vit fe précipiter a la bouche des Canons qui moiffonnoient les rangs entiers, & ne ceffer de chanter leurs airs révolutionnaires au milieu des ruiffeaux de fang, des cris des blelTés, & des cadavres des leurs entaffés par monceaux, Rien fans doute ne pouvoit réfifter a tant d'acharnement, puisque les braves Autrichiens furent obligés d'abandonner leurs pofitions. , Leur retraite fut celle du Lion accablé par le nombre & dont perfonne n'ofe approcher de trop pres, malgré la perte de fon fang & 1'épuifement de fes forces; mais enfin il fallut lever le fiège de Maubeuge & ne plus s'oecuper qu'a défendre fon propre territoire. Quelle confiance en fes forces ne due pas infpirer a la Convention, ce grand fuccès contre les meilieures Troupes & les meilleurs Généraux de 1'Europe { Pendant que cela fe paffoit dans cette partie des Frontières, les fameufes lignes de ffeï/fembourg, qu'on avoit pa^  ( 4^ ) ru longtemps regarder comme inexpugnables, furent forcées en moins d'une heure par 1'Armée du Général de Wurmfer & 1'Armée du Prince de Condé', les Pruffiens contribuerent au fuccès de cette journée par des manoeuvres. On devoit s'attendre naturellement a beaucoup plus de réfiftance, mais la Viétoire de JVeïJfembourg fut une fuite de 1'échec de Maubeuge , car il paroit qu'on avoit fortement dégarni les lignes pour être plus fur de faire lever le fiège de cette place. Ne laifibns pas pafler 1'occafion de faire une remarque confolante: obfervons que ces tranfports continuels de Troupes fi fatiguants & fi deftruóteurs pour les hommes & furtout pour les chevaux , Qd'Alface en Flandres & de Ilandres en Al/ace, de 1'Armée du N&rd a celle de la Vendée, des gorges de la Saveye fous les murs de Lyon, de Lyon a Jeul&n, & de Toulon a Perpignan~) & la longue inaftion des Armées jusqu'au moment oü elles ont recu les ren- forts  C 43 3 forts des autres points, prouvent d'une maniere inconteftable que la Convention commence a porter la peine de fes monftrueux excès, & qu'obligée de répartir fes partifans dans tous les coins du royaume pour contenir fes norabreux ennemis de 1'intérieur, elle ne peut pas envoyer contre ceux du déhors , autant d'hommes quelle a 1'air de le Croire & qu'elle eft parvenue a le perfuader; cela prouve encore que fa grande réfiftance tient furtout a la maniere dont elle a été attaquée & a la liberté qu'elle a toujours eüe de dégarnir fans inco.nvénient tous les points, pour réunir des forces immenfes dans celui qui étoit menacé. Re venons auxLignesde JVeïffembourg\ après ce grand fuccès, le plus important fans doute de la guerre fi 1'on en eut recueilli tout le fruit qu'il étoit naturel d'en attendre, Lauterbourg & Wéiffembour'g ouvrirent leurs portes; 1'ArméeViclorieufe fit une marche de plufieurs lieuës fans rencontrer un feul ennemU 19  C 44 1 Ia ville de Haguenau, quoique couverte par une forêt confidérable qui pouvoit en retarder la prife, fe rendit fans réfiftance; les habitans paróiffoient dans les dispofitions les plus favorables; PAruiée régicide étoit en quelque forte difperfée & frappée de confternation. Strasbourg même, sül falloit en croire un bruit public qui a pris une bien grande confiftance & que perfonne n'a cherché a démentir, Strasbourg offrit au Général de Wurmfer de lui ouvrir fes portes Mais, je ne me permettrai pas d'établir mes réfléxions fur des probabilités ou de fimples conjectures, &je me plais a croire que lorsqu'il ne s'agiffoit de r,ien moins que de frapper un coup déciüf qui devoit hater le terme des maux de 1'humanité, il n'auroit pas pü éxifter de claufes capables, je ne dis pas de provoquer un refus, mais même de faire différer d'un inftant la conclu» fion d'un pareil traité. Ce qu'il y a dumoins d'inconteftable , tfeft que les alliés avoient un parti mm-  c 45 3 aombreux & puiflant dans les murs de Strasbourg & qu'on n'a pas fongé a pro•fiter du premier moment de la confternation des patriotes & de la déroute de leur Armee ,' pour tacher de s'aflurer de cette place importante; ce qu'il y a de fur encore, c'eft qu'on a reflé longtemps dans une inaétion inexplicable, même par les rigueursde la faifon, puisque 1'aétivité des patriotes ne s'eft pas un moment ralentie; c'eft que la feule tentative de vigueur qu'on ait faite s'eft réduite a 1'attaque du Fort-Louis qui s'eft rendu dans la première femaine; c'eft enfin, qu'après avoir jetté quelques bombes dans Landau, pendant trois ou quatre jours, on a entièrement abandonné la partie pour adopter le fiftême funefte & eternel du Blocus , comme s'il eut été fort extraordinaire d'éprouver, de la part de la place la plus forte du royaume & de 1'ouvrage le plus parfait de Mr. de Vauban , la réfiftance dont la moindre bicoque eft fufceptible. Pen-  ( 0 5 i. Pendant ce temps, la Convention $ dont le grand art confifte furtout a profiter des fautes nombreufes de fes ennemis & a employer les longs & mortels intervalles qui ont toujours léparé leurs opérations, s'eft hatée d'envoyer des commiflaires en Alface. La terreur, les éxa&ions & des flots de fang ont marqué leurs pas. Après avoir fait immoler comme fufpeft, a la tête de 1'Armée, tout ce qui ne portoit pas aiï dernier dégré d'éxaltation le délire révolutionnaire, pour Confirmer la prétendue trahifon 'qui avoit expliqué aux yeux de la multitude la prife des lignes , ils vinrent régénérer a leur maniere la Ville de Strasbourg; c'eft a dire, que toutes les places de fadminiftration furent confiées a des Sans - Culottes éprouvés par leur éner^ gie & leur perfévérance dans le crime, que le fang des gens honnêtes coula è, grands flots fous la hache de la Guillotine , & que les riches de toutes les elalfis s'eftimerent trop heureux de fau-  C 47 ) ver leurs tetes, auprix de contributions pécuniaires énormes. De toutes parts les réquifitions d'hommes fe firent avec une nouvelle a&ivité; on recut des renforts confidérables de 1'Arraée de Jourclan, bien fur de pouvoir fe dégarnir fans danger devant un ennemi qui avoic pris fes cantonnements ; on raflembla toutes les garnizons de VAlface & de la Lorraine On me difpenfera d'en- trer dans aucun détail fur le fort des lignes de la Motter & de fes redoutes, ainfi que du Blocus de Landau dont un peu de vigueur & de conftance auroient depuis longtemps affuré la polTelïion , qui feulepouvoitprocurer la tranquillité aux Armées alliées. 1'Impreflion en eft trop douloureufe pour les ames honnêtes; la plaïe faigne encore, elle prolonge le regne du crime & les fuites en feront a jamais irréparables pour tous les malheureux habitants de 1'Alface nouvellement conquife, du Duché des Deux-Ponts, & de la partie de 1'Allemagne qu'on a été obli-  C 48 ) übligé d'abandonner aux dévaftationS fans éxemple des régicides. Ne craignons pas de trop nous appefantir fur des vérités d'oü dépend le falut desEmpires; & pour cela, mettons en oppofition les differentes circonftances des fuccès & des revers, faifons une récapitulation plus étendue & plus rapide des principaux événements de la Campagne derniere. Le Prince de Cobourg, a la tête d'une petite Armée, culbute toutes les forces jnsqu'alors vie-torieufes des patriotes, les pourfuit toujours la bayonnette dans les reins, délivre la Hollande & fait la conquête des Païs - bas en moins de quatre femaines; le camp de Fatnars, qui fous ie Maréchal de Villars, tint les ennemis en échec pendant toute une Campagne, a été enlevé dans quelques heures aveC une perte peu confidérable; le fameux camp de Cezar a été évacué d'après les feules dispofitions d'attaque des alliés; le camp retranché de Ghivekk & celui fous  t 49 ) fóüs Dunkerque n'orit pas órjpofé Üfté longue réfiftance; quatre mille hommes attaqués dansMarchiennes, ont été, tous fans exception, taillés en pièces ou faits prifonniers; enfin * il' n'a pas fallu plus, d'une heure pour fe rendre maitre des lignes foraiidables de Weïffembourg. Paffons aux revers: les Retranehe* ments $ H'ondfcoóte ont été pris, inondés du fang des allics; 1'Armée Hollan> doife, qui défendoit Menin & Ver wicht, m a été mife en déroute; les AutrichienS eux-mêmes, couverts pair de horabretix abbatis, ont été förcés de lever le fiègé de Maubeuge; les approches de Toulorti d'oü dépendoit le fort de la ville, «Sc qu'on avoit eü le temps de fortifier pen^ dant qüatre mois , oht été forcées en moins d'une heure ; on a été obligé d'abandonner, presque fans combattre, les lignes de la Motter oü vihgt-quatrë redoutes, garnies d'Artillerie, croifoient leurs feuxo Le blocus de Landau a eté levé, & les races futures ne voudront jamais ajouter foi aux triftes feuillets da d 1'iïi*  ( So ) l'hiltoire de ce fiècle defer, qui leur api prendront que les Armées des deux plus puiflants Potentats de 1'Europe , Commandées par le Général de Wurmjer & le Duc de Brunswick, ont été repousfées de pofiüons que Ia nature , 1'arc & la faifon concouroient a rendre inexpugnables, par un ramaffis de Brigands fous les ordres de Hoche & dePichegru; qu'elles ont été obligées d'abandonner non feulement toutes leurs conquêtes, mais encore leurs magazins, &unepartie intéreffante de leur propre territoire qu'elles ont vu ravager impunément de la manière la plus atroce, après avoir mis le Rhin entre elles & les Brigands viclorieux. N'eit-il-pas bien naturel de conclurre de eet appercu, que le peu de de fuccès de la Campagne doit être beaucoup moins attribué a 1'infuffifance des forces, qu'k 1'emploi qu'on en a fait? n'en réfulte-t-il pas évidemment qu'on n'a eu égard ni a la nature de cette guerre, ni a 1'efpèce d'ennemis qu'on  C si > s^ron avoit a" combattre ? dans une guer* te iopinion, & furtout contre des francois, qui joignent a leur bravoure & a leur impétuofité naturelles, tout le délire du fanatisme, le moindre échecqu'on éprouve eft le garant d'un échec plus confidé rable qu'on ne tarderapasaéprouver; le moindre retard eft une faute, dont 1'ennemi prorite pour revenir de fon étonnemenfc & réparer dans un inftant fes forces; le fiftême d'une guerre défenfive entraineroit la perte inévitable des plus nom* breufes & des plus Vaillantes Armées* 11 faut toujours attaquer les Régicides, diffiper a temps leurs ralTemblements ♦ marcher a eux avant qu'ils ne s'ébran* lent pour préfenter le combat; les prévenir en tout, les harceler fans celTe; les pourfuivre a outrance quand on eft vainqueur, les attaquer encore le lendemain du jour oü la Victoire fe fera rangée de leur cöté.,... avec une pareille conduite, des Troupes ordinaire* pourront les foumettre; avec de la lenjteur, des cordons, des abbatis & des X) 2 d'e»  C 5* ) lignes, ces brigands par leur a&ivité dévorante & leur acharnement féroces triompheroient a la longue des Soldats d'Aléxandre, ou en ehoififfant plus prés nos modèles d'héroïsme, des Autrichiens eux-mêrnes, qui déployeroient en pure perte toute leur valeur & leur habileté. Les raifons qui viennent a 1'appui d'une trop funefte expérience, fe preffent fous ma plume; j'en choifirai une d'un grand poids, qui tient effentiellement aux circonftances. Perfonne n'ignore la vivacité & la chaleur qui diftingue les francois-; leur état habituel feroit un état violent pour tout autre peuple. Qu'on fonge maintenant que tous les preftiges font mis en ceuvre pour éxalter ces difpofitions inflaramables, & 1'on aura trouvé 1'explication de tant d'effets en apparence fi extraordiuaires, mais qui n'étonnent cependant que ceux qui ont négligé d'en approfondir les caüfes. On verra, que les Armées patriotes font compofées en grande partie d'une foule d'aveugles, mais  ( 53 ) féunïs par le befoin ou la violence, mais dirigés par des fcélérats habiles. On verra, qu'on les prépare en quelque forte au combat & qu'alors ils reflemblent a ces fauvages, qui après avoir bu des liqueurs fermentées & entonné leurs chants de guerre, ne tardent pas a entrer en fureur, en brandiffant leurs armes d'une maniere menacante; ou bien, a ces dogues, naturellement faifis d'effroi a 1'afpect du Lion, mais bientöt excités au point d'ofer attaquer de front 1'animal terrible, qui, après s'être entouré de cadavres, finit par fuccomber d'épuifement a des affauts toujours renouvellés. ïl ne fera pas inutile de faire connoitre plus particulierement ici cette taélique infernale, fi digne des monftres qui 1'ont inventée. Lorsque fes régicides ont k frapper quelqu'un de ces grands coups, dont le comité de falut public a tracé le plan, & dont la tête du Général garantit le fuccès , on fait alfembler 1'Armée ; les Commilfaires paroiffent, décorés de toutes leurs marqués diftinélives; ils font leéiure de quelque flagornerie de la Convention ou du Comité, & ils y ajoutent une harangue dans le flile D 3 orien-  ( 54 ) öriental du jour. Les aboyeurs jurés ft lépandent dans les rangs pour en faire Ie commentaire, applaudir les forcenés , & travailler les tièdes; l'air retentie au loin des cris de Vive la République, d'imprécations & de blasphêmes contre tous les Rois fous le nom de Tyrans, contre tous leurs fujets fous le nom a"Esclaves ou de vils Satellites du Despotisme» Des femmes, ou plustöt des furies ou des Bacchantes, font couler 1'eau de vie fi grands flots; une mufique guerrière, qui exciteroit les plus laches , vient mettre le dernier terme a 1'égarement & a la fureur, & cinquante mille bêtes féroces écumant de rage, vont fondre è pas redoublés & en pouffant des cris de Cannibales, fur des Soldats dont la valeur n'eft excitée par aucune pafiion.... doit-on être bien étonné qu'un pareil choc les ébranle & finiffe par les enfoncer ? En attaquant les patriotes au contraire, on eft toujours fur de les prendre en quelque forte au dépourvu, c'eft a dire, qu'on n'a plus a craindre cette impétuofité fougueufe fi redoutable; cette mafle, cette réunion d'efforts qui n'étoient que 1'efFec de la réunion de tou-= tes  C 55 ) tes les illufions & de tous les preftiges. 1'accès de cette fievre ardente , qui augmente 11 prodigieufement les forces des frénétiques, eft pafte; chacun eft dans fon état naturel, aucun lien commun ne réunit plus tant de parties incohérentes; rien ne peut plus fuppléer aux grands talents; la défiance & le défaut de difcipline amènent bientöt la confufion & la crainte. C'eft alors que les troupes les plus braves, commandées par le Prince de Cobourg & le Général Clairfayt, reprennent toute leur fupériorité fur des brigands farouches aux ordres de Jour dan, Michau, & de cette foule de petits Scélérats Subalternes, que la Renommee n'a tirés de 1'obfcurité, que pour les vouer a 1'opprobre & a 1'éxécration des races futures. On pourroit fe rendre fenfible par une comparaifon ces deux états fi différents des Régicides, lorsqu'ils fondent fur leurs ennemis ou qu'on les attaque a leur tour, en fe repréfentant ces vieux chevaux, jadis 1'honneur du manége, qui, travaillés par un écuyer habile, fe rappellent encore leurs anciennes prouësfes, relevent leurs mouvements, reprennent toute leur fierté, &deviennent en état de fe mefurer avec les CourD 4 fiers  fiers les plus généreux; mais ces tes* fources factices ' difparoiffent avec la caufe qui les a fait naitre, & fi Fon les furprend 1'inflant d'après, on ne retrouve plus qu'une foibleile, proportionnée a 1'ctat violent auquel ils devoient leurs iüccès, Le même efprit d'impartialité qui me guide, & qui me fait former des vceux fi ardents pour 1'heureufe ifllie des grands événements qui balancent les deftinées de 1'Europe, m'oblige a hazarder encore quelques réfléxions fur la conduite des alliés ; car la lenteur, qu'on paroit fondé a reprocher aux Généraux , s'eft étendue auffi aux opérations des Gouvernements & a eu partout des fuir.es également funeftes. On difoit au commencement de la derniere guerre que la pendule de Monfieur de Sar tin e retardoit toujours fur celle du miniltère Anglois ; avec quelle raifon ne pourroit-on pas en dire autant aujourd'hui des pendules de tous les Cabinets de 1'Ëurope fur celle du Comité de falut public? je ne choifirai que deux éxemples a 1'appui d'une vérité, hélas trop évidente. Le premier eft cette malheureufe guerre de la Vendée, foutenue par des fujets d'une fidélité a toute épreu-  C 57 ) épreuve; parvenus a fe raflembler cofli« me par miracle, k fe maincenir par une aclivité, une harmonie & une perfevórance fans éxemple, a fe pouvoir d'Armes, de munitions & d'Artillerie, en les enlevant fur les régicides a force de réfolution. Eft-il bien poifible que ce foit ces hommes généreux, profeflanc hautement dans toute leur pureté les principes de la Religion & de la Monarchie , qu'on a laifles pendant fept ou huit mois, livrés a leurs propres forces, entourés d'ennemis de toutes parts, fans magazins, fans places fortes, n'ayant jamais que la même Armée a oppofer, & des Armées qui fe renfor«coient & fe renouvelloient fans celfe? Dieu veuille encore que tant d'indirFérence, n'ait pas été le réfultat des combinaifons d'une politique auffi aveugle qu'inhumaine. Enfin cependant, on a paru vouloir les fecourir & 1'on a pris des mefures a eet effet; mais, foit par la fatalité des circonftances ou la gaucherie des dispofitions , lorsque les Royaliftes fe font préfentés furies cötes, ils n'ont appercu aucun des fecours qu'ils efpéroient y trouver. Dépouryus d'Artillerie de fiège & de tous moyens d'attaque, ils font venus verfep D 5 des  C 58 } des flots de fang en pure perte, fous les* murs d'une bicoque telle que Granville;, la crainte d'être trahi, de manquer de vivres, & de fe trouver acculé contre 1'Océan fans aucun moyen de falut, a engagé ces viclimes génércufes a rentrer dans 1'intérieur des terres., & a fe frayer une route au milieu d'une muititude innombrable d'ennemis, avec les feules refïources du défefpoir. FArmement des Anglois eft arrivé a Guernezay bien peu de temps après; mais ce retard a fuffi pour qu'il ne refte plus aux gens honnêces que deslarmes a répandre, fur Ie fort de tant de milliers de fujets fidèles, qui, fans doute feroient maintenant Fobjet de nos plus chères -eipérances, & dés craintes les mieux fondées de la Convention. On ne peut pas calculer les conféquences d'une conduite, aufli contraire aux intéréts d'une faine politique qu'a Ceux de Fhiimanité; déja 1'édifice monftrueux de la République feroit tombé en ruines, fi Fon avoit fenti a temps qu'on ne triomphera jamais de la France, fans aflbcier plusou.moins les Francojs a fes efforts; que Ia contre-révolution tenoit furtout aux fuccès des Royali/ks; que la fonnation de leur Armee étoit de nature a fe grolfir de cette fou-  C 59 } foule de -fujets fidèles , opprimés ou contrahits de feindre le patriotisme; qu'enfin elle étoit établie dans un canton extrêmement abondant, entierement.dégarni de places fortes, ouAe fuccès décifif d'un feul jour pouvoit determiner la conquête de plufieurs departements, & conduire 1'Armee tnoraphante fous les murs de Parts, » % le paffe au fecond éxemple qui n eit guères moins afïïigeant pour le cteur de 1'hbmme fenfible,ni moins decifif pour les progrès des alliés; il fuffira malheureufement d'expofpr les faits, Un bonheur infigne, «Sc tel que les chances de la guerre n'en ont peut-etre jamais fourni d'éxemple , a mis Toulon entre les mains des Anglois, fans qu'il leur en ait couté ni un feul homme ni un feul coup de canon; ils y ont trouvé vmgt-trois vaiffeau* de ligne fuperbes, dont deux de iso, trois de 8© & tous les autres de 74 pièces de canon, avec un nombre proportionné de frégates & autres batiments de guerre; trois mille canons appartenant a la marine, fans compter une Artillerie confidérable pour la terre; des munitions de toute efpèce en abondance; toutes fortes d'approvifionneraents pour 1'équipement des Vanle-  C 00 ) aox; & une population de vingt-cïnq a trente mille habitants , en général •bien difpofés a foutenir vigoureufement la démarche décifive qu'ils avoient faite, en commencant par méeonnoitre FAutorité de la Convention & finiflant par fe livrer a fes ennemis. Tout coneourdit a engager les alliés a fe mettre le pluslót poffible en état de faire une 'guerre offenfive, (iJSc la pofition géographique de Toulon offroit pour cela les plus grands avantages, entr'autres celui de ne rencontrer aucune place, dans quelque direclion qu'on voulut porter fes efforts. Les régicides n'etoient pas en force dans cette partie, n'avoient presque point de Troupes'de ligne, ne fe procuroient des münitions de guerre & des vivres qu'avec une difficulté extreme. C'étoit le feul moyen de faire évacuer le Comté de Nice, de ren- (i) II n'auroit pas fallu beaucoup plus de forces que.pour garder convenablement la ville & la rade de Toulon, oü 1'on étoit obligd de rdpartir les Troupes en dix-fept polles importants, dont les principaux, tels que la redoute de Balaguier & hi ïponragne de Pharon qui ont été forcds par les patriotes, dtoient dloignds de prés de deux lieuës & fdpards par la mer, de maniere a ne pouvoir fe donner mutuellernent aucnne efpe.ce de lècours.  jendre par la a 1'Armée Piémontoife froidifient «Sc découragent les fujets fidcles; qu'ils foient toujours juftes & grands, qu ils fe montrent dignes de leurs hautes deftmees; que la Clémence & la bonté Préfident a leur Gouvernement & leur gagnent tous les cceurs honnêtes, mais en móme temps, que la verge ehant fous les étendards du crime; c'eft la qtfune viétoire pourra être chérement achecée, mais c'eft la aufïï que rien n'empéchera d'en recudllir les fruits, d'en pourfuivre aoutrance tous les avantages, & demettrepourlongtemps 1'ennemi hors d'état denuire; car, fi l'on> parvient a mettre de pareilles troupes en déroute dans la plaine, il leur fera impoflible de ferallicr. La conduite de 1'armée de fiège doit répondre en tout a celle de 1'armée d'obfervation, c'efta-dire, que leurs moindres démarches auront pour but de concilier la plus grande aétivité posfible, avec les regies indispenfables de .la prudence; &, en général, il faudra fouvent fe départir des anciens errements dans des circonftancesfi nouvelles. Que d'immenfes munitions foient préparées d'avance pour être fur de ne pas fe voir obligé, je ne dis pas de fufpendre, mais même de rallentir un inftant fes efiorts. Qu'on transporte fous les murs de Lïlle un grand nombre de bouches a feu, qu'on ouvre la tranchée dès le jour même que les troupes fe préfenteronti qu'on ne négligé rien pour faire naitre 1'étonnement & la terreur par des coups de force & d'aétivité extraordinaires, car c'eft furtout d'une grande importance dans une ville, dont la population nombreufe doit avoir nécefiairement plus ou moins d'influence fur la garnizon. Que-les travaux du fiège foient fuivis d'après ce plan & les circonftances éventuelles qui pourront le modifier, mais que rien au monde ne puifie rallentir le feu des baneries; elles tireront feulement de plus pres ou de plus loix felon le plus ou moins de progrès des ouvrages. Que jamais un feul boulet froid ne foit dirigé fur la ville , qu'on s'attache de préférence a Pufage des bombes dont 1'effet terrible eft fi propre a atteindre le but propofé; que le nombre de . ■■: J COUpS  C 69 ) coups que doit tirer chaque pièce fok invatta; blement fixé d'avance, & qu'a la minute precüe chacune d'elles lance 1'effroi, la dévaftacion, & la mort le cceur me faigne en tracant ces lignes -mielies; eft - ce bien moi qui puts former de pareils veeux? moi, fur qui les maux d'ailtrui font une impreflion fi protonde , moi qui chéris fi tendrement la France & qui donnerois une partie de mon lang , pour mettre un terme aux calamkés qui 1'affligetn ? hclas om, & c'eft Phmnanité qui me les fuggere ces remedes violents, car tout ce qu'il y a de fang puien France s'écoule lans cefte par mille canaux:; il faut fe hater, S quelque prix que ce-fort, d aller en arrêter le cours, & pour cela, ü ne nous refte depuis longtemps a choifir qu'entre le mal '& le pire. La pureté de mes intentions me rafiure, Fimportance du but que je me propole m'encourage. Dans une crife auffi affreule, tout ménagement feroit un crime; cette pitié funeüs feroit celle de 1'homme cruellement fenöble, qui, dans la vue d'épargner quelque inftants de douJeur a fon malade, craindroit de tailler dans le ■vif pour arrêter les progrès de la cangrêne; toute copfideration timide auroit Ie me me eflet que le zèle peu éclairé de ceux , qui, au lieu de détruire I temps la maifon voifine de Fmcendie, fe confument en efforts pour diriger de maigres filets d'eau au milieu de 1'émbrafement, & donner par la une nouvelle acuvité aux Hammes dévorantes II ne me refte plus, ainfi qu'aux ames bonnetes de tous les pais, qu'a tenir les mains cievées pendant le combat, a fupplier le Dieu des armées de bénir cette nouvelle croifade, entreprife pour la plus fainte des caufes, & vraimenc digne d'un fiecle éclairé. Malheur aux infenfés donc es iours de tribulation n'ont pu deiBller ■ dont  c ?o y ïes yeux, & qui, dans cettte étonnante férie d'é^ vénements touc furnaturels, n'onc pas reconnu & adoré la main qui'nous frappe ! mais, leuf nombre diminue tous les jours, & la Religion voit avec attendrifiement rentrer dans le bercail, une foule de brebis qui paroiftbient égarées fans retour. Daignez, Dieu puüTant, acbever vöere ouvrage,.défarmervó.tre jutte colere, retirer vötre bras vengcur , foulever le bandeau funefte.qui derrobe la vérité a cette foule d'ames, rachetées par vötre lang précieux, & qui s'obftinent a courir a leur perte; Daignez veiller fur les milliers de viftimes au moment d'être immolées par le fer aflaffin; fauver les reftes infortunés de cette familie augufte qui nous offre un li terrible éxemple du néant des grandeurs humaines, retenir tant de bras déja levés pour fe frapper, arrêter tant de flots de fang pretsa fe répandre. En em~ ployant, comme vous nous 1'ordonnez, tous les moyens qui font a notredispofition, c'eft en vous feul que nous mettons toutes nos efpérances. Ne permettez pas plus longtemps le triomphe du crime , brifez les inftruments de vos vengeances, & que les impies apprennent enfin a le connoinoitre, ce Dieu qu'ils ont tant outragé. Toutes ces épreuves paflagères, quelque ri-1 goureufes qu'elles nous paroiffent, feront autant de faveurs fignalées, fi, par 1'effet de vötre grace, elles peuvent apprendre aux Rois k fe montrer vos dignes images fur la terre; aux peupless z ne jamais s'écarter des bornes d'une foumiffion que leur véritable intéret leur commande plus impérieufement encore que leur devoir ; a nous tous, que ce monde n'eft qu'un féjour de douleur & d'éxil, & qu'il faut fe hater de mettre a profit les peines-du tems, pour fe rendre digne degouter un jour des jouiflances plus durables.