MÉMOIRES S E C R E T S, XXX Fe PART1E duRêgne de Louis XIII, O u XLIXe PARTIE 'des Règnes de Henri IV & Louis XIII.  Années oü commencent & finilfeiVt les Parties de eet Ouvrage. Regne de Henri IV. Parlies. commencent finijfent. I & 2 lóoi ff .1603. 3 & 4 160} d lóou $ & 6 ióoc ff 1608. 7 & 8 1608 i 1609. 9 6> 10 1609 i 1610, 11 & 12 1610. 13 & 14 ióio 4 ou 17 &• 18 1^12 a 161$. j & 6 ou 19 & 20 1613 a 1614, 7 £■ 8 2i & 22 1614 a i6ij, 9 6> 10 ou 25 & 24 161 y ff 1616. ii & 12 om 25 6- 26 1616 ff 1617. 13 & 14 cu 27 & 28 1Ó17. 15 36 ióio. 25 & 24 ou 37 & 38 1620 a 1622. 2j 6 26 ou 39 & 40 1622 a 1623, 27 6" 38 ou 41 & 42 1623 ff 1624. 29 & 30 ou 43 & 44 1624. 31 & 32 ou 45 6* 46 1624 a i62f. 33 & 34 ou 47 & 4S 1625 ff 162Ó. 3ƒ _cV 36 o« 49 6- 50 1626 4 10*7?  MÉMOIRES SECRETS, T I R È S DES ARCHIVES DES SOUVERAINS DE LEUROPEy Ouvrage traduit del'Italien. XXX Ve PART IE du Règne de Louis XIII, ou XLIXe PA R TIE des Régnes de Henri IV & Louis XIIL A AMSTERDAM; & fe trouve A PARIS, Chcz NYON, l'aïné , Libraire, rue du Jardinct; quartier S.-André-des-Arcs. M. DCC. LXXXIV.  Je remercie le Public de 1'accueil qu'il a daigné faire a mon Travail; &C je lui fais f^avoir que , fi cette TradudHon fe continue , les Volumes qui paroitront déförmais, ne feront point de moi. RÉquier-  T A B L E DES SO MM AIRES, Vive fenfibilité de Louis XIII, au fajet des injures fréquentes que lui faifoient les Anglois. Sage diffimulation de fa pare. Nouvelle Déclaration que Sa Majefté Britannique donne contre les Catholiques de fes Etats. Entrecien amer entre ce Monarque & Blainvilie, AmbaiTadenr extraordinaire de France. Admirable conduite de eet AmbaiTadenr, & lumineux avis qu'il donne a fon Roi. Ordre fecret de Louis Xill, pour rusner le Porc de la Rochelle. LeComtede Hollande & Milord Carlenton font envoyés vers lui avec la qualité d'Ambafladeurs extraordinaires : objet de leur envoi. AfFronts que les Anglois font chaque jour a Blainvilie. Les mécontentemens entre leur Roi & fa femme fe multiplient , pa§& t  vj T A B L E. Mécontentement du Connétable de Lefdiguières , du Maréchal de Créquy & des Francois en général, contre le Duc de Savoie & le Prince de Piémont fon Fils. Plainres que , de fon cóté , le Prince de Piémont ( venu a la Cour de France une feconde fois) fait contre le Connétable & ie Maréchal. Demandes qu'il ajoute a ces plaintes. Louis XIII foutient la caufe de fes Généraux. Confeil glorieux & avertilïemens falutaires que Créquy lui donne. Ordre de ce Monarque a de Cceuvres qui étoit touj'ours dans la Valteline. Le Pape eavoye des Troupes dans ce Pays , pour le recouvrement des Forts, Unique intention du Pontife dans cette démarche de fa parr. Le Roi fait a fon tour avancer des Troupes vers la Valteline; envoye ordre a de Cceuvres d'en lever aufll &c de réparer les Places. Commiflïon a d'Aligre, fon AmbaiTadeur: auprès des Vénitiens, concernant le même objet. Traité de Paix que de Fargis conclut & figne avec le Comte d'Olivarez, fans avoir au-  T A B L E. vij cuii pouvoir, Réfolution brufque que prend Louis XIII, de le rappeller & de le punir. Les raifons d'intérêt & d'Etat ayant été mürement péfées , ce Monarque fe calme, le Trairé eft réformé , acceptc & ratifié , page 43. Avis févère que Louis XIII donne a de Fargis. L'Efpagne ne fait pas plus de cas du Cardinal Barberin , Légat vers eüe , que la Francen'en avoit fair. Réflexious de [Auteur de ces Mémoires fur le Souverain Pontificat. Principaux Articles du Traité que la France & 1'Efpagne venoient de ratifier. Subftance de ces Articles. Plaintes des Vé.nitiens & du Duc de Savoie, tant fur ce que le Traité s'étoit fait fans eux , que fur ce qu'il renfermoit. Grande joie qu'il caufe aux autres Puiffances d'Italie, au Pape fur-tout. Le Duc de Féria , Gouverneur du Milanez , eft deftitué ; & D. Gonzales de Cordoue eft mis a fa place. Deux Ambaffadeurs extraordinaires, envoyés par Louis XIII, 1'un versie Duc de Savoie, 1'aurre vers les Vénitiens, les Suiftes & lesGrifous. Objet de eet envoi, p. 164»  'vüj T A B L E. Difficulté fur la Cérémonie de la Barrette que le Roi devoit donner au Cardinal Spada, Nonce a la Cour de France. Arrangement pris fur eet objet. Le Livre du P. Santarelli , Jéfuite , concemant le pouvoir du Pape, excite un grand murmure. Le Parlement le condamne au feu. Bruir artificieux que le Cardinal de Richelieu féme fur ce qui regarde fa Perfonne. Lettre terrible que le Duc de Savoie écrit a Louis XIII, fur le Traité que ce Monarque & celui d'Efpagne X'enoient de faire. Conférence entre rAmbalfadeur d'Efpagne , le Maréchal de Schomberg & d'Herbaut, furl'intelligence de quelques Articles, & fur la facon dont ils devoient être exécutés. Entrée a 'Madrid du Cardinal Barb erin 3 MÉMOIRES  MÉMOIRES SECRETS. Vive fenfibilitè de Louis XIII, au Jujet des injures fréquentes que lui faifoient les Anglois. Sage dijjimulation de fa part. Nouvelle Déclaration que Sa Majejlè Britanmque donne contre les Catholiques de fes Etats. Entretien amer entre ce Monarque & Blainvilie, Ambaffadeur extraordinaire- dc France. Admirable conduite de eet Ambajfadeur, & lumineux avis qu'il donne d Jon Roi. Ordre fecret de Louis XIII XXXV.Partie. A 1  (re avec Sa Majefté Britanni|ue quand je pourrai prouver [«e Ja raifon & Ja juftice , ^.-.CependaiKLonl un donna ordre fecrétement e préparer Jes matériaux néeüaires pour ruinerJe Port de i rtocJielle. Pour faire dépit a ce Moarque plus que pour autre iofe Ie Roi d'Angleterre ré»Jut de placer auprès de Ja ■eme fa femme (J), pour Dames » Que Sa Majefté Britanrrique ne rctenoie |doutequepai droitderep?éfailk " £ *) Hcnncttc, troiüéme fceur de Louis  Secrets. 19 de la Chambre , des femmes' Angloifes , Hérétiques ; èc de lui donner des Officiers Anglois, Hérétiques auffi, autant qu'il jugeroit bon. II Ie déclara a J'Evêque de Mende (a), le foir du 4 de Janvier. J'ai agréé , lui dit-il encore., tous IesFrancois qui ont été donnés a ma femme; mais s'ils meurent ou s'iis s'en vonc, elle ne leur en fubftituera d'autres que ceux que je lui préfenterai, paree qu'il eft jufte que chacun foir maitre chez foi. — L'Evêque lui répondit : — Perionne ne révoque en doute 1'autorité de Votre Majefté; mais Elle Pa, ce me femble, reftreince Elle-même, quant a fon Mariage, aux termes du Concrat, qui difent des chofes tout-a-fait oppofées au langage qu'Elle tient. Outre 0) Qui , comme on a vu , étoit a la tête du Ckrgé de Ia Mailende cette Princefle. 1616.  ió2ó. i I J < } i l i € r il fi ii n a a rr fa (ö) Pour Votre Majefté. *o Memoires cela la Reine fon époufe a juré folemnellement entre les mains du Nonce a la Cour de France, ■je ne jamais recevoir auprès Je Sa Perfonne , des Officiers J'une Religion contraire a Ja ïenne. Je fupplie en conférence Votre Majefté de ne >oint donner fujet a mon Roi a Ia Reine fa Mère, de fe 'laindre pour une affaire d'auflï »eu de conféquence (a), qu'eft elie-ci. — Le Roi d'Angleterre épondit : — Je ne crois pas u'on veuille me forcera m'abenir de pJaccr auprès de ma :mme des Officiers d'une Region contraire a Ja fienne.EIle e pouvoit pas, a 1'age oü elle con'tracïé avec moi, s'obliger n'en point foufïrirj d'autant ieux que cela n'étoit point d difpofirion. Je vais donc, de  S E C R E T S. 2.1 gré ou de force, exécuter mon deilein (a).— L'Eveque, voulant gagnerdu temps, lui demanda permiffion d'en donner auparavant avis a Ia Reine, Mère de fon Roi; arm de fe décharger de ce qui lui avoit été ordonné, Jorfqu*il etoit venu fervir Leurs Ma;eliés Britanniques(/>); 6c de faire voira cette Princeffè, qa'on avoit eu du moins quelque force degard pour elle, avant que d'en venir aux extrémités. Le Roi d'Angleterre donna a PEvcque nuit a dix jours, pour attendre réponfe ; quoique je fcjache de bon eridroit, lui dit-il, qu<- le Roi de France 6c la Reine fa Mère ne feront nullement faehés que je mette auprès de (a) Qui eft: d'en placer auprcs dV-lle autant qne je jugerai bon. C'eft cc qu'on a vu, il n'y a qu'un n\omenr. (J>) Yivic fous les Loix de 1'Angleterre., i6z6.  i6z6. i i i i (a) Par une lettre du 7 de Janvier , Mzg {>> iw une jcurc du u de Janvier, i^é. M Mémoires ma femme des Officiers d'une Religion differente de Ia fienne. Ce Monarque menacoit depuis long - temps la France de rompre avec elle. Mais, avant que d'en venir la, il voulut tenter Ia voie de I'accommodement. II envoya 'pour eet effet vers Louis XIII , le Comte de Hollande & Milord Carlenton, avec la qualité d'Ambatfadeurs extraordinaires. Blainvilie Sn donne avis au Roi fon MaïttQ (a), & il ajoute : -— C'eft linfi que fouvent les Anglois zont jufqua 1'extrémité, &c ils m reftent la d'ordinaire. — La louvelle du changement que eur Souverain fongeoit a faire lans la Maifon de fa femme , ut très-amère pour la France. re crois, marqué Louis XIII & 'Evêque de Mende (b), que Ia  Secre ts. 23 pmdence préfide peu aux délibérations du Confèil de i'Angleterre 5 attendii que cette Couronne veut montrer fa pui£ fance, fans s'arrêter a ce qu'elle dolt & a ce qu'elle a promis. Ma patience commence enfin a fe laflèr. Les Anglois fe propofoient de faire, a Couverture de leur Parlement [é), Ie Couronnemenc de leur Roi 6c de leur Reine. Louis XIII, en confequence, écrivit a Blainvilie (b) ; — Déclarez au Roi Charles, que s'il veut en ufer vis-a-vis de fa femme comme il a fait les. premiers jours de fon Mariage , elle acceptera le Couronnement; mais que fi, fans égard pour elle, il refufe de changer, dans cette Cérémonie, les for- (a) Qui d-voit avoir lieu Ic if, de Février. (Jr) La istrre eft du t$ de Janvier, 1616,  i6i6. (a) J'ai dit les formules du Sacre , ajoutc Louis X!II dans eet endroit de fa lettre; paree qu'au fond I'Onftion eft v.alide. qu'elles que foi nt les paroles quon y profère. ib) Le premier point de cette demandc ctou-ri propofable ? étoit-il recevable ? 14 Mémoires mules du culce Proteftant, elle Ie prie d'agréer qu'elle s'abftienne d'y confentir. La raifon en eft que, fi elle donnoit fon confentement pour être Sacrée par un Evêque non Catholique, elle feroit tort a fa Religion, & fcandaliferoit tous ceux des Anglois qui la fuivent (aj. Et , pour montrer feulement qu'elle ne reconnoit point 1'Eglife Anglicane, elle demande que le Roi fon époux approuve que POnclion , l'impofiti.)n du Diadême & des autres ornemens Royaux foient fakes par quelqu'un des Pairs Laïcs, ou par quelque Officier de la Couronne [b); 6c que cela s'exé-  Secrets. 2j cute ailleurs que dans Ie Temple. Louis XIII continue Ia préfente lettre a Blainvilie, de la facon qui fuit: — Les Ambafladeurs extraordinaires d'Angleterre ( mais uniquenent pour me donner un bon k. falutaire confeil, & afin que e reconnufTe, en m'unilTant a eur Maitre, que les Huguenots ï'étoient ni foutenus ni appuyés >ar lui. Enfin ils ont infifté pour a reftitution (a) de fes Vaifbaux, fi !ong-temps pourfuivie. J'ai répondu aux deux Am)afiadeurs : — J'agirai , Mefïeurs , corame fi j'étois ligué .vee votre Roi; voixs pouvez 'ous Ie promettre; mais je ne reux point m'unir a lui par un  S E C R E T S. 19 Traité. Vous n'avez pas deraifons pour demander la feconde de ces deux chofes; Sc j'en ai, pour m'abftenir de 1'accorder , qui font tres - fortes. Car le nom bruyant de Ligue ne produiroit rien autre que la diminution de mes forces; attendu que je ne puis faire une pareilie déclaration, fans être armé par-tout, Sc fans dépenfer inutilement.—J'agirai comme fi j'étois lié par un Traité; mais cela s'entend , après que j'aurai été fatisfait fur les points dont je demande 1'exécution. Quant a ce qui regarde les Rochellois, j'ai toujours efpéré du Roi votre Maitre, ce dont vous m'afsurez par rapport a eux ; Sc vous pouvez être perfuadés que , pourvü qu'ils viennent a réfipifcence, je ne leur refuferai point la Paix. Mais je ne puis convenir de cela avec perBiij i6z6.  i6i6. 30 Mémoires fonne. Ils ne doivent attendre eet avantage que de ma feule bonté. Et fi, comme vous le dites , votre Maitre eft bien difpole dans cette affaire , il reffentira les effets de ma bon-* ne difpofition en cas pareil 5 car je ferai toujours prêt a 1'affïfter, fi les Catholiques de fes Etats, ou autres qui s'y tfouvent , vouloient en troubler le repos. Quant aux Vaiffeaux que j'ai a ce Monarque, j'offre de lui rendre celui de haut bord qu'il ma prêté fur ma fimple parole; mais pour les fix Vaiffeaux marchands, comme il me les a prêtés par un Contrat, & que j'en ai encore un befoin évident , il feroit trop dur , ie crois, qu'il exigeat que je les rendiffe. j'ai donné aux deux Ambaf fadeurs, pour conférer avee  Secrets. 31 cux ( marqué Louis XIII a1 Blainvilie par une autre lettre fa))le Cardinal de Richelieu, le Maréchal de Schomberg 6t la Ville-aux-Clercs, auxquels ils ont fait trois propofitions, qui font i° Que j'entre dans la Ligue offenflve & défenfive que le Roi leur Maitre a faite avec les Hollandols. 2° Que j'accorde la Paix a mes fujets rébelles (b). 30 Que je rende a Sa Majefté Britannique, fes Vaiffeaux, & que nous vivions bien enfemble pour abaüTer la grandeur Efpagnole (c). Ils fe font étendus au long fur ceci 5 faifant voir 1'utilité de laLigue en queftion , 6c fa néceffité; perfiftantfur Ia reftitution des Vaiffeaux de leur Maitre; parlant (a) Elle eft du i de Février , 1616. (i) Aux Huguenots. (c) C'eft-a-dire celle de la Maifon d'Autriche en généiaL B iv 162Ó.  i6i6. ] j j j i .1 ] < J (a) A rctenit par conféqucnt ces Vaifieaux , «ent il a beloin. 3* Mémoires avecréferve de mes Rebelles, 6c s'intéreffant enfin aeux, uniquement par la crainte qu'ils avoient que la France, oceupéea les dompter, ne fe trouvat moins en état d'entreprendre la Guerre contre 1'Efpagne> difant fouvent qu'ils n'avoient poinr commiffion de favorifer les Rochellois, 5c que ce n'étoir point a leur inftigation , comme Avocats, qu'ils paroient, mais feulement comme imis de la France 6c du bien xiblic. Mes Commiffaires ont ré3ondu aux deux Ambalfadeurs: -Notre Monarque eut défiré, vleffieurs, pouvoir rendre au Votre fes Vaiffeaux , ainfi que 'ous le demandez; mais 1'opiliatreté des Rochellois 1'empc:he de le faire, paree qu'elle 'oblige a fe tenir armé (a) ,  Secrets. 33 pour ne pas mèttre fon Etar en dang-r. Fondé par un Contrat a retenir les VailFeaux en queftion , il ne fc.auroir croire qu'on veuille 1'importuner davancage pour leur renvoi. II ofFre cependancde rendrecelui de haur-bord , qu'il tienc de 1'honnêteté du Roi d'Angleterre, fon Frère (a), auquel il défne complaire fur 1'objet de la Ligue, fi elle eft utile a Sa Majefté Britannique & a lui;mais ce fera en efFectuant, fans promettre (b). — II ne croit pas au refte, Meflhurs, que vous foyez venus en France fans être chargés de Ie fatisfaire fur Piaexécution des prorneffes folemnelles que votre MaJtre (a) Son Beau Frère; car ce Monarque avohr epoufe , comme il a été dit rféja tant de ftiis Heiinettc de France , troiiïéme fceut de Louis XIII. U>) Sans fe lier par un Traité. Bv i6j6.  i6i6. {a) Par fon Contrat de Manage. (i) Un nouvel AmbaiTadeur du Roi leuï Maitre. . (c) D'oül'on conclut qu'ils avoient nes ordrespour cela , & que ce qu'ils difoient, il n'y a qu'un moment, n'étoit que menfonge. 34 Mé MO I R E S avoit fakes (a) .-Les deux Ambaf fadeurs, dit le Roia Blainvilie en finiflant cette lettre , ont témoigné ctre furpris d'un pareil Jangages 6c ils ont répondu qu'ils n'avoient aucun ordre fur ce point j mais qu'il paroïtroit bientöt un Ambaffadeur (b) , pour me fatisfaire en cela. — Et, fur ce que mes Commifïaires ont rejetté 1'offi e de ce nouvel envoi de la part du Roi d'Angleterre, ils ont donné a entendre qu'ils étoient prêts a me fatisfaire , tant fur ce qui concernoit les Catholiques Anglois, que fur ce qui regardoit la Maifon de leur Reine , 6c fes Vaiffeaux retenus (c).  S E C R E T S, 3^ Tel eft le contenu de cêsdeux lettres de Louis XIII a Blainvilie. Celui-ci lui marqué [a) i _ Hier le Confeil du Roi d'Angleterre a faic réfoudre ce Monarque a rappeller de France fes Ambaffadeurs, a fecourir ouvertement la Roebelle, a faire autorifer cela par Décret du Parlement , & exécuter par Buckingham. Ce Seigneur m'a déclaré combien il étoit défagréable pour lui que I'état oü font les affaires de Votre Majefté & celles du Roi fon Maitre , lui fit perdre le fruit des fervices qu'il a rendus a la France, & le mit era danger éminent d'être obligé de rendre compte de fa conduite au Parlement. Le Roi mon Maitre, m'a dit enfuite Buckingham , ayant contribué (ö) Pai une lettre êa ji de Janvier, Uifc ■Bvj 16 zó.  i6z6. («) Par 1c prêt qu'il a fait a la France , de fes Vaiffeaux. (i) Des Huguenots. 3 confentant a ce que, dans le Traité qui auroit lieu , il fut fait mention du rétabliflëment de 1'Electeur Palatin (d) ; comme de chofe fans laquelle la Paix ne feroit point faite en Allemagne, mais qui n'étoit pas cependant le fondement de la Guerre. Les Anglois faifoient chaque jour de nouveaux affronts a Blainvilie; tellement que famaifon courut grand rifque d'être infültée par le Peuple , après qu'on 1'eüt cherché lui-même pour infulter fa perfonne , comme cela étoit arrivé par rapport a quelques-uns de fes Domeftiques. Louis XIII fit en (a) Beau-Frère du Roi d'Angleterre d'alors, & dépouillé par 1'Empereur , ainti qu'il « été dit tant de fois. I6l6.  4° M é M O I R. E s i6z6. conféquence afsdrer (a) les e deux Ambaftadeurs extraordinaires d'Angleterre a fa Cour, J qu'ils recevroient le rrtême traitement qu'éprouveroit le fien(<5) : auprès de Sa Majefté Britannique. —- Les mécontentemens entre Ie Roi Charles & fa femme fe mulciplioient auffi. - Le Monarque avoit voulu que I Madame de S. George, Dame j d'honneur de la Princeife , | quittat fon fervice, & retour- 1 nat en France. C'eft ce que faifoient prefque tous fes au- | tres Serviteurs, ou par congé qu'on leur donnoit , ou par j les dégours qu'ils recevolent. Enforte que dans peu Ia Reine alloit fe voir environnée d'Anglois, tous Hérétiques.La France etoit fi fenfible aux manques ia) Le 14 de Mars. * (4) De Blainvilie.  S E C R E T S. 41 de paroles du Roi Charles (a),: qu'on la voyoic en général beaucoup plus irritée contre la Nation Angloife , que contre 1'Efpagnole. Malgré cela la raifon d'Etat faifoit toujours défirer a ce qu'il y avoit de plus qualifié, que 1'accommodement Jcontinuat de fe négocier. Et, puifque le Roi d'Angleterre preffoit vivement pour que Blainvilie, qui avoit 1'ueil trop pénétrant pour ia Cour, fut rappellé 5 puifqu'il étoit vrai j que, fi les confeils de celui-ci j euffent été fuivis , la France ren fut dé-ja venue aux prifes 1 avec ce Monarque; on fongeoit a envoyer a Londres un Sujet | plus agréable aux Anglois. Mais pon vouloit que eet envoi fut | précédé de la réparation due a |() Principal Miniftre du Roi d'EfpagHe. Cc) Pour les deux Couronncs. (rf) Qu'il avoit ci-devant en dépot , Sc dont de Cceuvres s'étoit emparé ( Rive excepté) fans raenagement pour les Enfeignes du S. Siége , qui les gardoient. — C'eft ce qui a déja été obfervé tant de fois. C iv 1626.  1Ó26. $6 MÉMOIRES point tenu de remplir les vuides qui viendroient a fe faire dans ces Troupes. Que les munitions de bouche & de Guerre & l'Arrillerie feroient tirées clu Milanez; &, que le Roi d'Efpagne fuppórteroit tous les frais de cette Guerre. Béthune (a) , voulant s'éclaircir fur la vérité clu fait, en paria au Pape & au Cardinal Magalotti, qui le ntèrent. Le Pontife donna néanmoins a entendre qu'il eüt déilré que le Roi de France lui rendit les Forts en queftion (b); & que, Sa Majefté ne Ie faifant point, il fe croyoit obligé a s'en montrer publiquement fenfiblcj mais qu'il auroit envers Elle de meiileurs procédés, qu'Elle n'en avoit eu a Ion (a) Toujours AmbalWeur de France auprès du S. Siége. (b) Que ce Monarque les eüt mis en dépóc entre fes maius , ai.ifi qu'ils y étoient auparavaiit.  St C RE T s. 57 ïég&rd; attendü qu'Eile I'avoit entretenu de railons frivoles , tandis qu'on lui ócoit les Fcrts. Cette réponfe obicure devint bientot claire. Le 10 de Février 1616 , Magalotti alla , par ordre du Pape , trou- 1 ver Béthune , pour lui faire part de Ia réfolution que Sa Sainteté avoit prife d'envoygr fix mille Fantaflins & fix-cents Chevaux , pour recouvrer les Forts de la Valteline , & dé-, fendre les Habitans de cette Vallée contre 1'opprelTion des Grifons. Le Pape y dit enfuite Magalotti a Béthune , aime paffionnément la France & fon Roi •> il chérit la République de Venife & le Duc de Savoie. Ce n'eft donc point par aucune mauvaife difpofition a leur égard, qu'il envoie du fecours aux Valéfansj c'eft feuiemeat poiir recouvrer le déC v i6zó.  ióz6. (a) Des Forts de la Valteline. lb) Aux Efpagnols, qui le lui avoient confié. (e) Par ces merries Efpagnols. (J) Pour homme favorifant les Grifons Hérétiques ; en ce qu'il étoit cru d'intelligence avec la France pour faire repaflér les Valéfans fous leur joug. — Voyez , quant a cette note & les deux précédentes, ce qui a été dit ci-devant. (e) Celle d'envoyer des Troupes contre les Grifons. (ƒ") Qu'on a vus venir inutilement en France , pour terrainer raccommodement des affaires. fS* MImoi r*e s pöc (a) qui avoit été mis entre fes mains. L'impuiiTance de le rendre {b) Pa fait accufer (c) de nauvaife foi j & Ia calomnie !'a fait paiTer pour fauteur i'Hérétiques (d). II n'a rien oublié pour éviter d'en venir a Pextrémité oü il fe porte (e) : te voyage de Nari Sc celui du Légat {/) en font la preuve. Tous les deux ont fait beaucoup d'initances au Roi TrèsChrétien , pour qu'il rendit les Forts. — L'intention du Pape ,  S E C R ETS. 55» dans ce qu'il fait aujourd'hui/ n'eft pas d'époufer aucune Ligue ou Aflbciation ; car il veut ie maintenir neutre Sc Pcre commun. — Le Roi peut empccher que Sa Sainteté n'exécute fa réfolution \a) ; c'eft en faifant repafier dans fes mains le Dépot des Forts, ainfi que Sa Sainteté a chargé Ie Cardinal Spada (b) de les lui redemander , & de le prier en même-temps de fe relacher quant a la fupériorité des Grifons fur les Valéians (c). SiEllen'obtienc point ces deux demandes, j'ai commiflion alors , Monfieur , de déclarer au Roi dans votre perfonne , qu'Elle ne peut fe (a) Celle d'envoyer des Troupes contre les Grifons. (b) Nonce a la Cour de France, nouvellernent fait Cardinal. —C'eft ce qui a été dit. (c) De ceder df vouloir que les feconds reconnoiffent les premiers pour leurs Supérieurs. C vj 16 ió.  » l } < • ] (a) Vis a-vis des deux Rois *. (J>) De ces mémes Reis.' * Celui de Francs Sc celui d'Efpagne. 60 MÉMOIRES difpenfer de fe mettre en étafc de réparer de tout fon poffible fa répuration , fi entachée par la prife des Forts; réparation Jont Elle prétend que fa réfolution actuelle feroit unmoyen; fans qu'Elle veuille pour cela s'écarter le moins du monde de la neutralité (a), ni fe départir de la qualité de Père com~ nun 'b), qu'Elle veut toujours :onferver. Enfin , Monfieur , 5a Sainteté prie Votre Excelence d'employer fes bons offices, pour engager le Roi TrèsÜJhrétien a lui accorder ce qu'il iemande. Béthune répondit: — J'e n'ai >u me réfoudre a croire le bruit ]ui court dans Rome , que Ie 3ape a réfolu d'envoyer des  S E C R E T S, 6l Troupes contre Jes Grifons.\ C'eft* paree que je reconnois, dans cette réfblution, nombre I d'inconvéniens; & que je vols trop de raifons qui diiluadest Sa Sainteté de Ia prendre. II y a d'ailleurs tant de contradictions dans ce que j'ai entendu de la boucbe de Votre Éminence , que j'ai en quelque iorte de la peine a en croire mon oreille. Quant a la réputation ( fujet pour lequel le Pape fe croit obligé d'envover des Troupes contre les Grifons) vous croyez , Monfieur le Cardinal, que celle d'un Souverain Pontife tient aux mêmes chofes que celle d'un Prince Séculier. Je crois au contraire que Ja réputation d'un Pape a pour fondement de foüiffrir & d'endurer , quand mème il ait: roit été offenfé; & il n'v a pas 16x6,  x6i6. ét MÉMOIRES d'ofFenfe dans Poccafion préfente. Béthune fït voir au long en quoi confiftoit le vrai devoir d'un Pontife. II faut, dit-il, qu'il donne bon exemple a tout Chétien , en pardonnant les injures; mais les Papes d'aujour* d'hui font fi éloignés du temps de ceux qui ont foufFert le martyre, qu'ils ont oublié le devoir de leur place, Sc enquoiconflite leur vraie réputation. Que Sa Sainteté puifTe fe maintenir neutre, Sc conferver fa qualité de Père commun, en envoyant des Troupes contre les Francais , c'eft chofe qui palfe mon intelligence ; Sc je ne crois pas que le Roi mon Maitre le comprenne plus que moi. Quoique le S. Père n'ait ni Ligue ni Affociation (a), Sc qu'il n'ait pas (a)Avec 1'Efpagne,  .S E C R E T S. 63 defTein d'en contracter aucune, cela n'empêche point que le Roi ne prenne en fort mauvaife part ce qu'il prétend faire (a)y attendu que les intentions de Sa Sainteté produifent le même efFet qu'on peut attendre d'une partialité. C'eft une réfolution pernicieufe pour le Pape, de demander au Monarque la reftitution des Forts (£), & que les Grifons renoncent a leur fupériorité furies Valéfans; de faire cette demande, en déclarant que Sa Sainteté eft réfolue, fi 1'un & 1'autre ne s'exécute pas , d'envoyer fes Troupes contre les Francois (c). Deman- (a) Scavoir d'envoyer des Troupes contre les Grifons. (ó) Le rétabliffement du Dépot des Forts de la Valteline entre les mams du Pontife. (e) C'étoit lesenvoyer contre les Francois, que de les envoyer contre les Grifons, dont les premiers défendoient la caufe les armes a la main. — On a vu jufques ici avec quel fuccès. I 626.  J6z6. 64 MÉMOIRES der en menacant, n'eft point un procédé dont on ufe envers un grand Roi , tel que celui de France. Cette conduite , au lieu de difpofer mon Maitre a accorder ce qu'on exige de lui, 1'éloigne entièrement de faire même .ce qu'il avoit d'abord' réfolu. Et, quant a ce qui me regarde , j'ai un regret h> fini de ne pouvoir me rendre a la prière que Sa Sainteté me fait de m'employer auprès du Roi,.pour 1'engager a exécuter ce qu'Elle exige de fa part. Je crois être obligé, par le devoir de ma place, de repréfenter a Sa Sainteté , que le Roi perdroit fa réputation , s'il confentoit maintenant a'aucun des partis propofis par Elle. D'autres Papes ont a la vérité fait la Guerre aux Princes; mais on ne lit point dans les  S E C R E T S. 65 | Hiftoires, qu'un feul 1'ait raice I a un Prince armé conrre les I Hérétiques {a). Ce feroit donc lune cache pour le Pontificac I d'Urbain VIII ,. de mettre les I armes en oeuvre contre mon I Maitre. D'ailleurs je penfè I qu'outre les autres inconveI niens qui pourroient naitre pour la Chrétienté , de cette nouveauté, ce feroit un grand deshonneur pour Sa Sainteté même , d'avoir entrepris une chofe , dont sürement Elle ne viendroit jamais a bout 5 & qui, au lieu d'avancer la Paix, la retarderoit beaucoup, & at* griroit les efprits. Mon Maitre ne fe laiiTera jamais aller, a 1'égard du Pape, aux relTentimens ; paree que cela eft contraire au devoir (a) Comme Louis XIII I'étoit alors contre i Huguenors. i6z6.■  i6i6. (a) Par conféquent contre les Griions , comme nous avons dit jufqu'ici. — Rtvc étoit la feule Place de la Valtehne qu'il falloit que de Cceuvres prït encore pour être totalemént maitre de ce Pays, & le faire recouvrer aux Grifons, Alliés de la Trance , 66 Mémoires d'un Roi Très-Chrétien ; mais il peut faire auffi beaucoup de cliofes défagréables a Urbain ; car il eft permis ( en refpecfanc leSouverain Pontificat) de réclamer pour ofFenfe, contre la perfonne de celui qui en eft revêtu. — Dans tout ce que j'ai expofé a Votre Éminence, Monfieur le Cardinal, je n'ai point prétendu engager mon Souverain, mais feulement faire connoitre mes fentimens particulers. Comme cependant ils font fondés fur la raifon Sc la juftice, je crois que Sa Majefté peut en avoir de pareils. L'intention d'ürbain VIII étoit uniquement d'envoyer a Rive (a) les fix mille hommes  S E C R E T S. 67 en queftion , pour s'acqukter' de Ia promerlè qu'il avoit fake : aux Efpagnols. C'étoit afin qu'en leur ötant, par ce mo- ? yen, Ie prétexte de fe plaindre i de lui, & de 1'accufer d'être de connivence avec la France, il put ( en cas qu'après cela ils ne fe mifTent point a la rai- : fon ) leur parler avec plus de fermeté. Son intention au refte n'étoit pas que fës Troupes, dans la Valteline, formafFenc j aucune faction. Le femblant que faifoit Ie Pape de vouloir envoyer des Troupes dans ce Pays, venoic [de pure foibleffe &c timidité > icar il étoit fermement réfolu a ne fe déclarer ni pour 1'Ef» ;au nom de laquelle il combattoit, ainfiqu'ert i celui des Vénitiens & du Duc de Savoie, rConfédérés de la Gouronne , par le Traité Jde Lyon : toutes chofes qui ont déja été lobfervées mille fois. i6z6.  i6z6. 68 Mémoires pagne ni pour la France, brave & courageux feulement en idéé & en parole. II avoit promis légèrement aux Efpagnols qu'il recouvreroit les Forts de Ia Valtdine; & toute fa vue étoic aujourd'hui de fe débarrafTer de cette promefFe fous quelque prétexte, afin qu'ils ne 1'accufafTent pas de mauvaife foi. L'intention au contraire de ces Efpagnols étoit d'engager les forces du S Siége contre celles de la France. Béthune voulut fjavoir de la bouche menie du Pontife fi les Troupes qu'il fe propofoie de'faire pafler dans la Valteline étoient deftinées a 1'attaque des Forts que Ie Roi tenoit dans le Pays,«bu fi Sa Sainteté les envoyoit feulemënt aRive, afin de tenir en quelque forte fon engagement a 1'égard des Efpagnols.Urbain répondit; —  S E C R E T S. 69 Les offices que j'ai employés i • pendant dix-neuf mois , avant : été inutiles, j'ai pris la rêfblu: tion d'envoyer mes Troupes I dans Ja Valteline , pour recevoir de Sa Majefté les Forts de cette Valiée; les défendre contre qui que ce fok; confentant même a les recevoir comme un nouveau Dépot (oü les defauts reconnus dans le premier feroient réparés) 5 a les garder üx ou huk mois, felon que Sa Majefté Pagrécfoit; & a ce que , dans eet intervalle, il y eüt une Trève qui préparat a un accommodement défïnkif, dont je ferois le médiatenr 5 & je confentirois alors a rendre les Forts (a), felon que les deux '[Rois \b) en conviendroient. '.Mais, s'il ne s'accordoient pas, () Celui de France & celui d'Efpagne. 1616  lóió. 70 MÉMOIRES je ferois obligé a remetrre ces ».. Forts a celui qui les a donnés en Dépot a mon Prédéceffeur Sc a moi (a). Je prétends ( fi le Roi Tres - Chrétien n'accepte pas ces conditions) employer mes armes au recouvrement de : ces mêmes Forts (b) , en mettant en oeuvre tous les moyens e que la Guerre enfeigne. Mon deffein n'eft point de tourner ; mes forces contre le Monar- • que, mais contre les Grifons 5 | toutes mes Patentes Sc Expéditions le prouvent clairement. , — Cette affaire une fois finie , , fi Sa Majefté veut faire la Guer- ■ re aux Hérétiques de fon Royaume, je lui fournirai la mê- ■ me quantité de Troupes Sc (a) A les remettre au Roi d'Efpagne. — ■ Qui en étoit alots en poiTeflïon , & fur lequel i la France les avoit depuis tous conquis3 Rive 1 excepté. {b) Au recouvrement du Dépot qui m'en i avoit été fait.  S E C R E T S. Jl i d'A rgent que je fonge 3 employer dans I'occafion actuelle. Béthune répliqua : — Je vois Votre Sainteté totalement déterminée a attaquer, fous Ie nom de Grifons, Je Roi mon Maitre 5 mais qu'Elle fcache qu'Elle le trouvera bien préparé pour repouifer cette injüre , & faire réjaillir Ia honte & la confufion fur les auteurs d'un deffein li mal concerté. Le Nonce a la Cour de France (a) préfënta au Roi un Bref conforme a ce que le Pape avoit dit de bouche a Béthune. I U déclara au Monarque, comme Ie S. Père avoit fait a 1'Ambaffadeur, que Sa Sainteté étoit (réfolue a envoyer dans la Valiteline fix mille Fantailins & fix(cents Chevaux, pour défendre 1616.  72 Mémoires la dignité du S. Siége. Le Rol répondit : — On auroit efpéré de la prudence du Pape, que Sa Sainteté s'entremettroit pour pacifier les troubles qui font entre les Princes, plutöt qu'Elle ne fe réfoudroit a une entreprife capable de les augmenter. Cela n'empêcliera pas que je ne conferve pour la dignité du S. Siége tout le refpect qui dépend de moi. Mais fi fes Soldats fe-joignent a ceux de 1'Efpagne,les miens, qui ne (cauront pas les diftinguer, les traite^ont comme gens a la lolde de cette Couronne. Telle fut la réponfe du Roi au Nonce. II fit marcher aufiitót diverfes Troupes vers la Valteline ; envoya ordre a de Cceuvres dé faire, dans la Rhétie & dans la Suifiè, les levces néceflaires pour fe défendre ; & ordre a d'AIigre, fon Ambafc fadeur  S E C R E T S. 73 fadeur. auprès des Vénkietis, ■ de demander qu'ils envoyaffent, en temps & lieu , le fecours dont il feroit befoin. II fit remettre a de Cceuvres troiscents mille livres, pour réparer les Places de la Valteline. La raifon en eft que, quoiqu'il fut perfuadé que Sa Sainteté difoit vouloir envoyer des Troupes dans ce Pays, plutöt paree qu'Elle étoit importunée par les Efpagnols, que réfolue de 1'exécuter, il ne laiflbit pas de fcavoir que le vrai moyen ; pour empêcher le S. Père de le i tenter, étoit de faire voir que l/es armes fe trouvoient en état de repouffer les flennes. — De Cceuvres obéit aux ordres du Roi, tant pour ce qui regardoit les Levéès , que pour ce [qui concernoit la réparation ï;des Places. Cependant Torquato Conti, XXXV. Pank. D i6z6.  i6zó. (a) Contre lui. {b) Toujours Nonce a la Cour de France. 74 MÉMOIRES Commandant des Troupes que e Pape envoyoit dans la Valreline , partie de Rome le 22 Je Février , pour fè rendre al Ferrare, rendez - vous général Je ces Troupes ; & il les fit mettre en marche vers Milan, ie 10 de Mars. Urbain VIII étoit dans une inquiétude extreme , vü la vive appréhenfion qu'il avoit que le Roi ne fè laifsat aller a quelque réfolution (a). Mais les lettres du Cardinal Spada (b) le raflurèrent; attendu que la réponfe du Roi, que cette Éminence faifoit fcavoir a Sa Sainteté, avoit été beaucoup plus douce que Ie langage que Béthune avoit tenu au Pontife. Urbain reprocha a eet Ambafïadeur , dans une Audience , fon exagération concernant la réfolution que  S E C R E T S. 7J Sa Sainteté avoit prife (a). Ce • fut en lui difant que le Roi 'ITrès-Chrétien & fon Confeil nel'avoient pas trouvée fi étran;ge qu'il 1'avoit préfagé. [Quant a 1'exécution , ajouta Ie S.Père, car, quant a mon intention, elle fera toujours très-bonne pourle Roi & le Royaume de France]. J'ai appris que Sa Majefté avoit fait la Paix avec les Huguenots. Jecrains qu'elle ne fok pas aufli avantageufe pour fon autorité , qu'il 1'auroit délirée 5 & que le Monarque étant recherché, comme il I'eft par divers Princes Hérétiques, ne fe ligue avec eux. Béthune répondit: — Si le Roi s'uniiFok avec ces Princes, il ne feroit que ce Ca) C'étoit toujours celle de faire paiTer des Troupes dans la Valteline , pour recouvrer le Dépot des Forts de ce Pays , arraché de fes mains , par la prife que de Cceuvres avoit faite de toutes ces Places, a 1'exception de Rive. Dij iózó.-  j6 ' MÉMOIRES ^, ^ " dont Votre Sainteté lui montre Pexemple ; car Elle joint fes Troupes, dans Rive , avec celles de Pappenheim & de Manffeld (a) ■■, qui, par les exces commis contre les Eglifes, n'ont que trop fait voir de quelle fecte elles font. Mon Maitre a été obligé de donner la Paix aux Huguenots, dans la perfuafion oü il étoit que Votre Sainteté s'unilToit avec le Roi d'Efpagne , pour lui faire la Guerre. Enforte que fi , par la Paix avec fes Rebelles , mon Maïtre n'a pas obtenu fur eux les avantages qu'il étoit d'ailleurs en état de prendre {b), on (a) Le Pappenheim dont il s'agit ici, étoit furnommé Cartholichifme , & différent de celui dont il a été par'é antérieurement. — Le Mansfeld eft autre que celui de la Ligue projettée pour rabailfement de la Maifpn d'Autriche- (b) Vü 1'heureufe condition de fes affaires.  S E C R E T S. 77 peut dire que Votre Sainteté en eft la caufe. J'ignore ce que le Cardinal Spada écrit concernant les réponfes de ce Monarque ; mais je vols, par les dépêches de Sa Majefté, que Ia réfolution de Votre Sainteté lui paroït étrange. Mon Roi fe maintiendra toujours , autant qu'il lui fera poffible, dans le refpeci dü au S. Siége-, fans néanmoins manquer d'aider la jufte caufe de fes Alliés; & il a déja donné les ordres nécef faires pour fe maintenir e-n poffefïïon de la Valteline (a), contre qui que ce foit. Lorfqu'Urbain VIII promit aux Efpagnols d'aider le recouvrement pour eux du Pays en (a) Toute conquife par de Cceuvres, a 1'exception de Rive. — On a vu ci-devant les ordres que le Roi avoit donnés pour défendre cette conquête. Diij 1626,  l6i6. 78 MÉMOIRES queftion , il réfolut avec tanf | de fermeté de ne rien faire def| plus , que rien au monde n'é-j| toit capable de le faire chan-1 ger ; & il pria Béthune d'enl afsürer le Roi Trés - Chrétien.| Enforte qu'il envoyoit dans laf Valteline ilx mille Fantaliïns'&i'l fix-cents Chevaux, comme vic-.l times de fa complaifance pourl les Efpagnols; éc comme de->;| vant fervir a efFacer dans eux I I'idée qu'ils avoient qu'il étoic-l d'intelligence avec la France. Béthune dit au Pape , dans une nouvelle Audience : — Jej vois les chofes s'acheminer 4 pour la France èi 1'Efpagne,a une rupture ouverte;laquelIef J feroit d'autant plus accélérée M que la jonclion des Troupes I de Votre Sainteté avec celles ! de la feconde de ces deux Cou- | ronnes, obligerok le Roi mon I  Secre t|. 79 Maitre a faire une diverfiondans le Milanez, èt a fe liguer avec les Princes Proteftans. Je n'y vois d'autre reméde, finon que Votre Sainteté, reconnoiffant les maux dont Eile feroit la caufe, veuille me promettre qu'Elle rappellera ces Troupes, ou du moins qu'Elle les fera arrêter a 1'endroit oü elles fe trouvent. Si Votre Sainteté me le promet, Elle obtiendra peutêtre de mon Maitre de plus grandes facilités pour 1'accommodement. — Le Pape répondit : — Je n'apprends nï de Spada (a), ni d'autre, que le Roi Trés-Chrétien ait pris ma réfolution (b) en aufli mauvaife part que vous le dites, Monfieur 1'AmbafTadeur. Au refte il m'eft impoffible mainte- (a) Nonce a la Cour de France. (b) Celle d'envoyer des Troupes dans la Yalteline. Div 162.6.  i6i6. i i i i (a) Q u elle les faiTe cefïer de penfer que jc fuis d'intelligence avec la France. (b) Totalcment impartial a leur égard. 80 MOIRÉS nant d'y renoncer , non plus que de faire arrêcer mes Troupes en chemin. U fauc que l'envoi que j'en . fais , me lave vis - a - vis des Efpagnols (a). U n'y a plus aujour3'liui aucune perfuafion qui puiffe me décourner de me montrer & d'être réellemenc Père commun des deux Rois {b). Afsürez le votre , Monfieur , .'Ambafladeur , que fi j'avois a renoncer a cette qualicé , ce ne feroit qu'a 1'avanrage de .3. France, a laquelle je con-efie que j'ai obligation. Je erai marcher mes Troupes len:ement. La raifon en eft que es Efpagnols font obligés de ournir des vivres, des munirions & autres chofes; & que lürement, pour 1'exécuter, ils  Secrets. 8r feront, a leur ordinaire, pa- j <^ 6 refïeux & tardifs. Mes Troupes :par conféquent n'apporteront pas grand prejudice a la raix, paree que tous ces incidens retarderont leur efFet. Dans eet état des affaires , on eut nouvelle a Rome du Traité de Paix (a) figné a Madrid par les Comtes de Fargis Sc d'Olivarez (b). Le Pape en eut une joie extreme , Sc prit de la occafion d'excufer la réfolution qu'il avoit prife d'envoyer des Troupes dans la Valteline. Dans tout ce que j'ai fait, dit-il a Béthune , j'ai eu pour but de m'accréditer davantage auprès des Efpagnols; afin de pouvoir leur parler plus (a) Pour la France & 1'Efpagne. {b) Celui-la Ambafladeur de Louis XIU auprès de Philippe IV. Celui - ci principal Miniftre du fecond de ces deux Monarques. Dv  'i (a) Le Cardinal Frangois Barberin , qu'on a vu que le Pape fon oncle avoit envoyé a cette Cour, pour achever , s'il fe pouvit, raccommodeineut des difierends. Sl MÉMOIRES librement, dans Ie cas oü ils voudroienc fe rendre trop diffi- 1 ciles pour Paccommodement. Tel fut le langage du Pape I vis-a-vis de Béthune. Venons-en I maintenant au Traité que les I Comtes de Fargis & d'Olivarez avoient fignés a Madrid tout 1 récemment.—Au commence- 1 ment de Septembre, 1625, le H fecond tint au premier divers I propos , qui montroient un H violent défir de Ia Paix. Sur la I fin du même mois, lorfqu'on | croyoit, en France la Négocia- 1 tion du Légat (a) rompue , | d'Olivarez paria de Paix a de I Fargis avec plus de chaleur I que jamais.Si vous avez ordre, Vlonfieur , lui dit-il, d'en trai- :er, je propoferai qu'on fépare 1  S E C R E T S. S3 les deux difficultés qui empèchenc de terminer 1'Affaire de la Valteline ; 1'une regardanc la fonne, Pautre le fond ; & que 1'kumiliation de celui des deux Rois qui dernandera le premier 1'accommodemenc (a), foit compenfée par la promeffe de la pare de l'autre , de céder quelque chofe dans ce qui concerne les Paffages Ces propos & autres firent conjecfurer a de Fargis que , fï les affaires ne changeoient pas, il ne tenoit qu'a la France , en parlant la première d'accommodement, de faire renoncer 1'Efpagne a fa prétention par rapport aux Paffages en queftion , ainli qu'au changement (a) Démarche qui regardoit Ia forme. 00 Démarche qui regardit le fond.—Ces Paffages étoient ceux de la Valteline, que les Efpagnols avoient voulu avoir , comme' il a été dit tant de fois, a caufe de la grande utilité qu'ils en euffent retiré. 1616  J6z6. (a) Sur les Valéfans. (b) Van des Miniftrcs de Louis XIII, les plus eftimés. §4 Mémoires qu'elle défirok dans la Souveraineté des Grifons (a). De Fargis conjeduroic auflï des propos du Comred'Olivarez, que, fi la. France fe relachok un peu fur 1'un & 1'autre points, elle amenerok 1'Efpagne a la foutnüfion qu'elle demandoic de fa part. De Fargis fit tout fcavoir a fon Roi, & il lui marquoit qu'il fe flattoit , fi Sa Majefté lui envoyoit commiffion ou fimplemenc permiffion pour Trainer, de tirer de 1'Efpagne la plus grande partie de :e qu'on demandoit d.'elle pour m entier accommodement. Le Marquis de Mirabel , AmbafFadeur de cette Cour a celle de France , entretint le Maréchal de Schomberg (b) de :e qui fe pratiquoit a Madrid,  Secrets. 8 5 & Ü dit a ce Miniftre : — Je ftiis faché que le Légat foit parti d'ici, fans que rien fe foit conclu. II paroit vouloir en attribuer Ia faute au Roi mon Maitre ; mais j'ai ordre de fa part de déclarer que les difïïculrés ne viennenr pas de fon coté ; qu'il déiire la Paix, & qu'il ne s'arrêtera pas a fcavoir *J c'eft Ie Roi de France qui doit parler Ie premier d'accommodement, ou fi c'eft lui. II traitera ici par mon moyen * ou il y enverra un Perfonnagè expres. Je demande une réponprompte , paree que les affaires preffent. II faut que, dans Je Traité qui fe fera, I'honneur de mon Maïtre ne foit pas bie Je quant aux paffages de ia Valteline. - Le Marquis de Mirabel dit ceci d'un ton ft modéré , que Je Maréchal de Schomberg jugea qu'il fe dé- 1626. '  j6z6. S6 MÉMOIRES partiroit de la demande des Paffages en queftion; pourvu que le Roi de France n'exigeat que les mcmes chofes qu'il avoit obtenues par le paffé. Le Marquis reconnoiffoit d'ailleurs qu'il n'étok pas jufte que les Grifons perdiffent la Souveraineté qu'ils avoient fur la Valteline. Le Maréchal de Schomberg répondit: — Notre Monarque agrééra , Monfieur , ce que vous propofez, paree que vous le fakes avec candeur; & je le recois corïime un figne des bonnes intentions du Roi d'Efpane. Le vrai moyen de faire la Paix , eft que les deux Rois ne veuillent pas en tirer avantage , 1'un contre 1'autre. La raifoh en eft que chacun d'eux, défirant conferver fa réputation plus encore que fa vie , hazarderok celle-ci, plutot que  öECRETS. 87 de Perdre celle-ld. L'Efpagne" « peut rien prétendre fur la ^ecie, norf plus que fur Ja Valte ine , fans défavantaee Pour Ja France; paree que , JI {* première pofFédoit ces deux ™ys , ik leroient un nouvel agrandiiTement pour elle , au prejudice des Alliés de Ja feconde. Pour parvenir a un bon accommodement, ii faut que Sa Majefté Catholique renonce de bonne foi a Fa prétentrion fuf. Jes PaiFages de Ja Val. teJme fource de Ja méfïance e"ri'e ^sdeuxRois. Pour ce qui «t du Pape, notre Monarque procurera a Ja Religion, dans Ja VaJceJme, tous Jes avantages que Je Pontife peut défrrer ) & Jes deux Rois feront Pour Ja fatisfacfion de Sa Sainteté, tout ce que doivent Sc Peuvent deux nis pjeins de deyaument. IÓZÓ  x6z6. (a) Ce fut par des lettres du xf & du cVOftobre , iéiy. (b) Le Comte d'Olivarez, noavellement fait Duc. 88 MÉMOIRES En conféquence de 1'avis que le Comte de Fargis avoit donné a Louis , concernant ce que le Comte d'Olivarez lui avoit dit, & les conjedures qu'il en avoit tiré , le Monarque jugea a propos de mander a eet Ambafladeur fa) : — Répondez de ma part (avec les plus grandes marqués d'honnêteté a 1'égard de l'Efpagne) aux propos officieux duComteDuc(£), &c témoignez-lui que, fi la Paix peut fe faire a des conditions süres &: honorables, enforte que ce dont on convkmdra, s'exécute, je n'en ferai pas éloigné. Les conditions fe réduifent a deux principalesv 1'une eft que l'Efpagne renonce a toute prétention fur les  S E C R E T S. 0*9 Palfages de la Valteline 5 I'au- tre, qu'elle confente a ce que les Grifons continuent d'être Souverains de ce Pays — Le Légat (a) s'eft principalement arrêté a demander la celfation de cette Souveraineté (b); perfuadé que l'Efpagne s'accommoderoit a mes juftes défirs, quant aux Paffages. En conféquence li nous Traitons elle & moi , le Pape, qui a une envie extréme de notre accommodement, foufFrira volontiers que le Souveraineté de la Valteline foit confervée aux Grifons. Le point critique eft donc que nous - nous accordions a Traiter. (a) Le Cardinal Francois Barberin , vena inutilement en France ( ainfi qu'on a vu) pour 1'accommodemenr définitif des Affaires. {&) A caufe du danger qu'il n'y avoit (felon Rome) pour les Valéfans, tous Catholiques, a renrrer fous le joug des Grifons, prefque tous Hérétiques, que la défeélion de ceux-la avoit tant irrités. 162.6.  i6z6. 90 MÉMOIRES Je conclus de tont ceci que 1'accommodement eft facile 5 ] car ft l'Efpagne renonce a toute prétention fur les PafFa- j ges de Ia Valteline , Sc confent que les Grifons continuent d'être Souverains de ce Pays, Ie tout acondition que je parlerai de Paix le premier, je Ie 1 ferai, paree que je le puis alors fans porter préjudice a ma réputation Sc a ma dignité. Voïci , marqué Louis XIII a de Fargis , la facon dont il faut J que cela s'exécute : — Vous diret au Comte-Duc, que le I Légat 'étant venu en France , [ Sc ayant accommodé tout Ie 1 difïérend concernant la Vake- I line, a 1'exception de 1'Article I qui regarde la Souveraineté des 1 Grifons par rapport aux Valéfans (Article auquel il n'a pas pu ; mettre la main, paree qu'il eüt fallu , pour qu'il le fit, que j  S E C R E T S. 5)1 l'Efpagne confentka Traker), ■ je ferois bien-aife de fc_avoir ft c'eft d'elle que vienc la dirKculté. Mais le principal elf de voir (avant que vous propoilez ce confentement de mon cöté) il vous pouvez vous afturer de réuiir. Et comme, quand vous le propoferez pour l'Efpagne, elle peut répondre ce qu'elle a déja répondu, fcavoir que fon Roi eft prêt a Traiter, pourvu. qu'avant tout les Forts de la Valteline foient mis de nouveau entre les mains du Pape; mon mtention eft que cette difïïculté foit levée , avant que vous promettiez que je traiterai. Si le Comte - Duc infifte pour que les Forts en queftion foient livrés au Pape , fakes lui confidérer les raifons pour lefquelles je ne puis confentir a un nouveau Dépot, qui rendrok 1'accommodement plus 1626,  i6i6. (a) Les Efpagnols d'alors. <)l MÉMOIRES difïïcile , que ne faic le priflcïpal difFérend. Louis XIII envoya a de Fargis les ordres qu'on vient de voir 5 afin qu'il fondat les difpoficions du Comte-Duc , &c qu'il en profkat, fi elles étoient bonnes. Mais il y a fouvent une grande difFérence chez les Efpagnols (a) entre dire & faire. Aufli le Marquis de Mirabel , leur AmbafTadeur a la Cour de France , retracta-t-il ce qu'il avoit dit au Maréchal de Schomberg-, 6c dans le mêmetemps on eut nouvelle de de Fargis, que le Comte-Duc lui avoit paru très-froid dans ce qui regardoit 1'Affaire de la Valteline; niant fortement lui avoir déclaré que , s'il avoit ordre d'en Traiter, lui ComteDuc propoferoit, que 1'humi-  S E C R E T S. 93 liation de celui des deuxRois, qui parleroit le premier d'accommodement, Fut compenfée par la ceffion que feroit 1'autre, de quelqu'avantage (a). Cette contrariété fut caufe que Louis XIII envoya ordre a de Fargis de procéder avec réferve , en rempliiTant les commi/ïïons qu'il avoit recues, & de n'agir que quand il pourroit en rélulter quelqu'utilité. Cependant le Comte-Duc, réglant fa conduite fur les événemens j ayanc vu le Duc de Féria (b) abandonner honteufement Ie fiége de Vérue 5 que les renforts de la France étoient arrivés a temps dans le Piémont, pour fuivre les Efpagnols; que Ia Flotte Angloife avoit invefti Cadix ; que les (a) De quelque chofe par rapport aux Parages de la Vaireline. — Voyez ci-devant. W Gouverneur du Milanez. 1626.  94 MÉMOIRES » - Affaires d'Allemagne ne prof z péroient pas pour la Maifon d'Autriche ; le Comte - Duc , dis-je, fe montra plus difpofé a fe rendre aux invitations de Paix. En conféquence il fit adroite'ment infinuer au Pape d'envoyer Légat en Efpagne le Cardinal Barberin,fon neveu(a), fous prétexte du Baptême de 1'enfant dont la Reine étoit grofle {b). D'un autre cöté , le Comte-Duc, revenant a fa première facon d'agir , donna a entendre a de Fargis , que le Roi d'Efpagne défiroit ardemment la Paix; qu'elle ne tenoit qu'a 1'envoi de fa part d'un AmbafFadeur en France, pour 1'ébauciier ; & qu'il feroit eet envoi , s'il pouvoit fe flatter 0) Qui avoit déja été Légat en France, od 1'on a vu qu'il étoit venu inutilement. 0) Et qu'on difoit qu'il devoit temt iut les Fonts.  Secrets. 9j d'obtenir quelque condition favorable , concernant les Paffages de la Valteline. Au commencement de Novembre, il y eut entre le ComteDuc tk. de Fargis, diverfes conférences; & ils furent d'avis de mettre par écrit , chacun de fon cóté , ce qu'ils avoient digéré enfemble. Le ComteDuc avoit rempli fon Ecritde paroles étudiées avec beaucoup defoin,pour en prendre avantage fur la France. II la faifoic entr'autres parler la première, comme fi elle eüt demandé la Paix a l'Efpagne 5 & il ne concluoit rien finon qu'il falloit laifler 1'Article concenant la reftitution de la Valteline pour Traiter des autres Articles. — Cet Ecrit fut rejetté par de Fargis, qui néanmoins en envoya copie au Roi de fl France , fon Maitre; lequel le 1626.  O) Par une lettre du j de Décembre , (i) Au raeme de Fargis. concernanc r>6 MÉMOIRES rejetta de fon cóté , Sc envoya ordre expres (0) a fon Ambaffadeur (b), de procéder avec réferve ; de laifTer parler le Comte-Duc, fans faire aucune réponfè dont il put tirer des confequences; afin de lui öter de 1'efprit 1'idée qu'il avoit qu'on devoit le prévenir , Sc de 1'obliger ainfi a faire les avances. La Reine d'Efpagne accoucha d'une fiile , le 21 de Novembre de 1'année oü 1'on étoit alors 5 Sc le Roi de France, fon Frère , envoya a Madrid le Marquis de Ramhouillet, avec le caradère d'AmbafFadeur extraordinaire , pour faire les congratulations. II le munit outre cela d'une Inftrucïion  S E C R E T S. 97 pcóncernant ce qui s'étoit paffé i jufqu'alors dans I'AfFaire de Ja Valteline ; lui declarant fes intentions & fon intérêt quant a eet objet, fans lui donner comrniffion d'en traiter; il )ui dé■ fendit même d'en venir a aucune Négociation avec Ie Légat. C'étoit afin que fes Miniftres gardatfent en Efpagne Ia meme réferve vis-a-vis de celui 'du Pape , que le Comte de iGondemar & Ie Marquis de i Mirabel avoient gardée vis-avis de lui en France fa). Ces ordres fi limités, donmés (b) a un Perfonnage confommé dans les Affaires , & en qui 1'on avoit une 'enticreconfiance , faifoient voir que 1'intention de Louis XIII 0) Ou Mirabel étoit touiours Aroba/Ta^r pour la prerniêre de ces deuX Cutnts ^ ^fte' cor^ ^ ^e oü i'oU XXXV. Partie. F, 1616.-  J6i6. j ] < < i J r c ( i t "\ c F {ouvoir y renoncer, fans faire ort aux intentions droites de Totre Majcfré. Voyant done ue le Confeil d'Efpagne ne iétendoit pas rien diminuer  S E C R E T S. 99 j de la Souveraineté des Grifons \\ fur la Valteline, non plus que : de 1'obligation de fa part de 1 demander permiffion a Ia France , pour ufer des Paffages de ce Pays , j'ai fïgné avec le Comte-Duc les Articles que j'envoye a Votre Majefté, avec i les raifons que nous avons données 1'un & J'aurre , avant que de le faire. Le Roi & les Miniftres torent étonnés de Ia teneur de cette lettre. Ils voyoient un Traité de Paix , figné par un Ambafladeur qui n'avoit aucun pouvoir , Sc qui n'avoit donné auparavant aucun avis fur 1'objet. A 1'inftant même le Roi réfolut de rappeller de Fargis, Sc de Ie punir févcrement. II entretint plufïeurs jours dans fon ame ce fentiment rigoureux. Le Monarque jugea néanmoins a propos d'examiner Eij 1616.  Ï6x6. IOO MÉMOIRES d'abord dans fon Confeil , j fi le Traité feroit rejetté , j & 1'Ambafladeur révoqué; ou 1 s'il n'y auroit pas quelqu'ex- 1 pédient a prendre. Plufieurs I furent d'avis qu'il falloit abfolument que le Traité fut rejetté ; affurant que la forme n'en valoit rien , vü que 1'Ambafladeur 1'avoit conclu de fon propre mouvement, fans ordre ni-pouvoir. La réputation du | Roi, pourfuivoient-ils, s'y trouvs entachée , en ce qu'on voitl que la Paix s'eit négociée en I Efpagne (a). Cette Couronne s'eft prévaïue de 1'extrême facilité de 1'Ambafladeur , pour mettre ia défunion entre notre Monarque 6c fes Confédérés {b)-->l (a) Tandis qu? 1'honntur du Roi vouloit! qu'elle fe Négociat enFrance. 0>) Par ces 'Confédérés , il faut toujoursl entendre les Véniiiens & le Duc de Savoie ,| ligués avec Louis XIII , par le Traite del Lyon.  S e c r e t s. ior répandre parmi eux la méfian-'" ce , Sc des femences de mau'vaife difpofition ; faire regarder le Roi comme un Prince de mauvaife foi 3 retarder fes deffeins; décourager fes Troupes , Sc leur ouvrir la porte au retour (a). Au refte la précipitatlon avec laquelle ce Traité a été conclu , fait juger de Ja foibleffe de l'Efpagne , qui fe trouve dépourvue d'hommes Sc d'argent 5 qui a la Guerre a foutenir en Flandre , en Allemagne , en Italië , Sc contre 1'Angleterre; a qui la Mer eft comme interdite ; qui voit les Indes menacées > la France , 1'Angleterre, Venife, la Savoie Sc la Hollande conjurées pour fa perte 5 Si la Suiffe pres de ( quoique ce foit la le fondement du Traité d'union (^).Son deffein eft d'entretenir la divifton entre la France Sc l'Efpagne , Sc de s'agrandir dans 1'Etat de Gènes, au prix du fang des Sujets de Ia première, Sc moyennant fes tréfors. La conduite  S E C R E T S. 107 qu'il a tenue en Italië vis-a-vis du Connétable (a) a pu montrer qu'il n'y avoit aucun profit pour le Roi dans la Guerre contre les Génois > que le Duc vouloit recueillir le fruit de tous les fuccès , & faire porter a notre Monarque tous les frais. L'Angleterre 6c le Dannemarck ont leur but particulier; c'eft de rétablir 1'Elecleur Palatin (b). Celui des Hollandoij eft de fe maintenir contre la Couronne d'Efpagne , 6c de s'agrandir a fes dépens. Et néan moins, non contens de la diverfion que les armes Francoifes font en Italië, a celles *de Ia Maifon d'Autriche , ils de- (a) De Lefdiguièrcs. — On a vu antérieuremen: les démélés dc celui-ci avec le Duc de Savoie. (i) Beau Frère de Sa MajePté-'Biitannique, rébelle a 1'Empereur , & dépouillé par lui. — Cette rébellion , ce dépouillernent & leurs caufes ont dé ja été remis fous les yeux du Lecteur mille fois. Evj 1626.  j6z6. («) Les Huguenots. ïo8 MÉMOIRES mandent a notre Roi un Cecours d'hommes & d'argent, pour l'exécutkm de leurs deffeins. Outre cela les trois Puiffances Proteftantes dont il vient d'être parlé , ne feroient pas fachées que Sa Majefté s'embarquat dans une longue Guerre 5 paree que ce feroit un moyen pour obtenir de fa part, a la Paix, des conditions plus favorables pour ceux de leur Sedte, qui font dans la France (a). La Guerre contr'eux dure toujours. Les Grands de 1'Etat montrent très-peu de zéle pour la grandeur de la Couronne , & en général pour ce qui flate le Roi. On découvre nombre de Mécontens, tk. diverfes cabales a la Cour au fujet du Mariagé*projetté entre Mon-  S E C R E T S. 10p fteur {a) 6c" Mademoifelle de Montpenfier. Le Roi, en faiiant la Paix avec l'Efpagne , diffipera les troubles, 6c maintiendra hautement fon autorité fur fes Sujets; au lieu que , s'il rompoit avec l'Efpagne, ils pourroient fe foulever , 6c le forcer a faire avec défavantage ce qu'il peut maintenant réfoudre avec honneur (b) ; 6c peut - être 1'ëngageroient - ils tout-a-la-fois dans une Guerre civile Sc dans une Guerre étrangère. — On a perdu en Italië beaucoup d'Officiers 6c de Soldats 5 le Tréfor eft épuifé ; on fournit des fecours d'argent aux Hollandois , au Roi de Dannemarcic Sc a Mansfeld ; 6c il fera difficile, impoffible même de les leur continuer. (a) Le Duc d'Anjou , Frère unique du Roi, (6) Scavoit la Paix avec cette Coutonne,  i6z6 («0 Sans Venife & la Savoie. IIO MÉMOIRES - .. Refte 1'obligacion ou 1'on eft de ne point Traiter fans les Confédérés (a). Sur quoi 1'on répond qu'avant de conclure Je Traité , on le leur communiqueroit; mais que le leur communiquer dans 1'état oü il fe trouve, fans être sur que l'Efpagne agrééroit les corrections que notre Monarque délïre d'y faire, ce feroit occafionner inévitablement la'rupture, attendu 1'inclination que les Confédérés y ont ; 6c conclure le Traité contre leur gré , ce feroit leur donner un dégout plus que feniible. Le Roi , difoient ceux du Confeil, qui penfoient comme 1'oiwient de voir, laiffant la cette formalité, doit procurer, par une bonne Paix, le bien général, dans lequel fon avan-  S E C R E T S. r i r tage Sc celui de fes Confédérés' fe trouveront compris. Ün ne doic pas craindre que ce procédé aliéne de la France les Véniriens Sc le Duc de Savoie (a) , Sc qu'il les porte a s'unir a l'Efpagne. La raifon en eft que leur vue Sc leur intéret font trop conrraires a ceux de Ia feconde de ces deux Couronnes; conrre laquelle ils ont befoin d'ctre protégés Sc fecourus par la première , difpofée comme de coutume,d continuer fa Ligue avec eux (b) , pour Ia confervation des Paffages de Ia Valteline; Sc qui peut s'engager (e) a les défendre avec toutes fes forces , en cas qu'ils fuiFent attaqués par fa rivale. (a) Qui font toujours les Confédérés e» queftion. (ó) Dans laquelle elle fera a la fin entret les Suilfes , dit le Texte. (c) Par le Traité. 1616.  i6z6. 112 MÉMOIRES Ces dernières raifons, balancées avec les précédentes, farent jugées plus fortes. On réfolut en conféquence d'accepter les avantages que l'Efpagne propofoit; de corriger ce qu'on appercevoit de défectueux dans le Traité■> de tenir cette Affaire fecrette aux Ambaffadeurs des Puiffances Confédéréesj & de les entretenir de belles paroles, dans 1'intention d'effectuer ce qu'on leur auroit pronvis, fi 1'on ne pouvoit pas s'accommoder avec l'Efpagne , a des conditions juftes & honnorables. Conformément a cette réfolution , Lingendes, Secrétaire de de Fargis, & qui avoit apporté le Traité, fut renvoyé en Efpagne , avec des Dépêches du Roi pour eet Ambafladeur, oü Je Monarque difoit: — J'ai été pfriti(ii>m/>nr fm-nrK rif Vf>ïr Uil  S E C R E T S. 113 Traité fait par vous, fans or- dre de ma part, a mon infcu même ; je ne puis donc 1'approuver étant de cette facon. Pour montrer cependant que je fuis très-bien difpofé pour la Paix publique , j'en ai examiné les Articles , 8c confenti (plutöt que de rompre tout-afait la Négociation) a les faire réformer de la facon que j'ai jugée la plus équitable 5 fans rien changer de tout ce qui concerne Pintérêt Sc la réputation du Roi d'Efpagne, que j'ai mis avec les miens dans une balanee égale. Je vous envoye les Articles retouchés , avec une Inftruction fur ces mêmes Articles; vous ordonnant -de vous rendre a 1'Audience de Sa Majefté Catholique (a) ,• afin de faire enforte (a) Partie pour 1'Arragoa, dit le Texte,  i6i6. i ï '4 MÉMOIRES que ce qu'il y de défectueux foit réformé ; &:, dans le cas oü Je Comte-Duc paroitfoit bien difpofé pour cela, vous les figneriez avec lui; en donneriez en même-temps avis a 1'Arabaftadeur de Venife & a celui de Savoie, qui font a la Cour de Madrid; leur difant que , fans commiffion de ma pare, & au péril de vos jours, vous ïvez figné un Traicé, que vous ivez cru avantageux pour moi, va que les Pailages de Ia Val:elïne y fonc conftrvés en en:ier a Ia France feule, & que la Souveraineté des Grifons fur es Valéfans y eft totalemenc maintenue. Si au contraire Ie Comte-Duc ne veut pas entendre parler de correclion d'Arricles , prenez fur le champ :ongé , & venez rendre compre Je votre conduite. Mais, s'il ;onfent a la réforme d'une  Secrets. . 115 partie, dépêchez-moi alors un Courier pour fcavoir mon fentiment; fans qu'aucun Miniftre de Puidance ni autres en ayent le moindre vent. De Lingendes partit de la Cour de France avec ces Dépêches , le 6 de Février , & arriva a Madrid le 1 j. De Fargis , les ayant lues, monta fur le champ a cheval, pour aller voir le Roi d'Efpagne (a). Et cependant il témoigna par lettres aux Miniftres de France , un déplaifir extréme d'avoir mécontènté le Roi par la 5gnature du Traité. Je ferai tout mon polfible , leur difoitdl , pour réparer cette faute ; &, (1 je ne réuflis pas, j'apporterai ma tête aux pieds de Sa Majefté. ■ (17) Qui étoit en Arrngon, ahilï qu'oa a vu il n'y a qu'un moment. i6t6.  O) Et dont il étoit queftion , il n'y a qu'un moment. 116 Mémoires Quarante jours s'écoulèrent depuis le départ de de Lingendes jufqu'a fon retour; enforte qu'il ne reparut a la Cour de France, quele 16de Mars. II apporta un nouveau Traité, figné par le Comte-Duc & de Fargis, meilleur a la vérité que le premier, mais qui n'ctoit pas conforme en tout a 1'Inftrucf.on que de Fargis avoit recue du Roi fon Maitre (a). Outre ce Traité ,* de Fargis envoyoit aux Miniftres une note des difficultés qu'il avoit trouvées a 1'obrenir plus avantageuv que le précédent, Sc il ajoütoit.- — Avant que de Ggner cc fecond Ecric, je propofai au CoiTite-Duc de brüler enfemble tout le travail que nous avions fait jufqu'alors. C'eft ce qu'il refufa ; comme  Secrets. 117 aufïi de m'accorder un peu de temps pour ïnformer mon Roi de ce qui s'étoic pafTé. Enforte que, penfant que ma faute paroitroit moindre dans le nouveau Traité, que dans le premier, je le fignai, & en fis part fur le champ aux Miniftres des Confédérés (d). Le Comte-Duc fit la même chofe,. tant a leur égard, qu'a celui de tous autres Ambaiïadeürs de PuifTances Etrangères a la Cour de Madrid. Le jour de 1'arrivée de de Lingendes a celle de France, le P. de Bérulle {b) alla vifiter Je Cardinal Spada (c) , auquel il (a) A I'Ambafladeur de Venife & a celui de Savoie , dont les Maitres étoient les Confédérés de la France , par le Traité de Lyon. (b) Général de 1'Oratoire , fi eftimé de cette Cour , & qu'on a vu ci-devant jouer un (i freau róle par fa prudence & fa vertu. (c) Nonce. — Lettre de celui-ci au Cardinal Barberin3du 19 de Mars, 1616. JÓ2Ó  i6x6. (a) Ce Piince fe trouvoic pour Ia feconde fois a Ia Cour de France , aigfi mie 1'on a vu. Nous avons dit les raifons qui fy avoient amené , la première, & celles qui ly avoient fair xevcnir, la fcconde. I I 8 MEMOIRES ' dit : — II eft venu d'Efpagne avis d'un Traité fait entre le Comte - Duc d'Olivarez & le Comte de Fargis, relativement a la Paix. Mais je crains bien que quelques-uns des Articles qu'il renferme , ne foient peu reoevables. Jufqu'a préfent les AmbalFadeurs de Venife & de Savoie , & le Prince de Piémont (a) n'ont qu'une connoiffance obfeure de 1'objet. De Fargis efFectivement a figné un Traité de Paix, a fon propre* rifque. Le Cardinal de Richelieu montre une grande agitation d'efprit & une grande perplexieé. Tout coniidéré, j'efpère plus que je ne crains ; mais mon efpérance eft bien peu de chofe.  Secrets. 119 Spada écrivit aufll - toe a iRichelieu un billet, par lequel lil lui difoit : — Bérulle m'a i annoncé de votre part une graif de joie (a). C'eft ainfi que fe font les, grands coups. C'eft le temps d'étendre votre gloire par-toute Ja terre, & de faire admirer. votre mérite par le Pape & tout le Sacré Collége. Je vous remercie de 1'honneur que vous me faites , en me donnant les prémices d'une pareille nouvelle. L'Ambaffadeur de Savoie ne pouvoit croire que le Roi eüt .Traité une Affaire fi générale, d'une facon fi privée (b). — Le I (a) Civilité puremene menfongère de Ia Il part de Spada. On peur votr, quelque*; ligr.es | devar.t , il c'étoit de la p irt du Cardinal de Riclielieu , que Ie P. de liérulle avoit donné i au Miniftre de Sa Sainteté , ld nouvelle du Traité dont il s'agit. (A> Qu'il eut Trjité une Affaire commune l[ a lui , aux Vénitiens & au Duc de Savoie , ii (Piifances liguées par le Traité de Lyon), I comme il elle n'eüt regardé que lui feul.  i6i6. (a) Quoique certainemcnt , ajoutoit le Maréchal de Schpmberg, le Roi ne voulüc pas commettre une fautc , s'il fe trouvoic que de Fargis en.eüt fait une. vaux i ro Mémoires -Maréchal de Schomberg fe montra fort fcandalifé de ce que de Fargis avoit tranfgrelFé lts ordres du Monarque. C'eft un bon Chevalier, dit-il, mais dans cette occaflon il a donné des marqués de folie 5 ou du moins fes Dépêches, au premier coup d'ceil, Ten montrent-elles atteint. Ce n'eft pas que cette idéé ne puilfe s'adoucir, quand Jes Articles qu'il a fignés, auront été examinés, & que fón Secrétaire , qui en eft le porteur, aura été entendu 5 mais, en attendant, il met le Roi dans un étrange embarras {a). — Spada repréfenta au Maréchal, que Ci Yon ne terminoit pas dans 1'occafion préfente , il falloit s'attendre a une Iliade de tra-  Secs ets. nr vaux (a); avec d'autant plus de1 défavantage pour le Roi de France , que la difgrace du Commandeur de Sillery, puis celleduMarquisde la Vieuville, enfin celle de de Fargis (b) don- fa) A des travaux d'aHffi longues durée pour les Puiffances bclligérantcs , que ceux qui eurent lieu au fujet d'Ilium *. * Iliurn ou Troye , ville de 1'Afie-Mineure , que tous les Rois de la Gréce affiégèrent pendant dix ans , pour ravoir une femme i qui avoit abandonné fon mari i ; & ville que les Troyens défendirent avec fureur tout autant d'années, pour tacher de garder cette femme , dont le Raviffeur 3 étoit d'ailleurs fort njéprifé d'eux. — C'eft le fujet qu'Homère a traité en vers pompeux dans fon Iliade , celui de fes deux Poëmes , que I'aatiquité a le plus vanté. 1 Héléne. z Ménélas , Souverain d'Aigos , 1'un des Rois en queftion. 3 Paris, 1'un des Fils de Priam , Roi des Troyens. (b) On a vu la difsrace des deuv nrermere dans les Parties précédentes de eet Otsvrage; celle du troifiéme n'cüt pas manqué d'avoir }ieu , fi le Comte-Duc eüt refufé d'acquiefcer 3 la réforme du Traité que celui - ci & lui avoient figné. Et le jufte motif du Roi. pour XXXV. Partie. F 1Ó26.  IÓ2.6. Üï MÉMOIRES • neroient a toutes les Nations trop de méhance des armes de la France (a). Les Traités de Madrid 5c de Rome , conririioit Spada , ont été faits , fans qu'on ait appellé les Vénitiens 6c le Duc de Savoie. La protectfon d'un Roi auffi grand que 1'eft celui de France , eft afTez forte pour mettre leurs intéréts a couvert. La République 6c le Duc agrééront la Paix , a quelque prix qu'elle s'achéte j quoi qu'il y ait cependant toute apparence que , «unit de Fargis , eüt été , comme on a vu , oue eet Ambafladeur, fans pouvoir ni commiffion , avoit figné un Ecrit qui fe trouvoit déshenorant pour la Cotironne. (d)Feroienttrop.cramdrea routes les Nations, que fon deflein ne fut de mettre les armes en oeuvre , Si de rcjetter tout Traite. ■ — Le Commandeur de Silléry avoit menage avec ie- Pape celui de Rome 5 le Marq'iis de la Vieuville en ménagoit un avec les Elpagnois, lorfqu'il fut congédié 5 & ^ Fargis avoit : figné , au péril de fa tête, celui aont il s agic . a&uellement.  S E C R E T S. 123 pour leur réputation , &t pour obliger davantagele Roi, ils feront femblant de ne point la vouloir. Le défir général de la Paix fit enfin préférer par le Confeil de Louis XIII, les raifons qui vonloient qu'on approuvat le Traité figné par de Fargis, a -celles qui vouloient qu'on le rejettat (a) , & que le Maréchal de BaiTompierre foutenoit avec force. L'AmbafFadeur extraordinaire de Venife a Ia Cour de France (b) avoit dit au Maréchal , peu auparavant, que les lettres de ^Ambafladeur de Ja Republique en Efpagne 1'avertifloient qu'il fe faifbit Ja un Traité fecret entre les deux 00 Lettre du Cardinal Spada au Cardinal Barberin , du 10 de Mars , 1616. (p) Contarini. Fij f  i6z6. (a) Entre cette rnême Erance & cette même Efpagne. I24 MÉMOIRES Couronnes (a). Baffompierre en avoic ri , comme d'une chofe fans vraifemblance; &. néanmoins il raconta au Cardinal de Richelieu ce qu'il tenoit du premier de ces deux Miniftres Vénitiens. Son Éminence 1'affura, en lui ferranc la main , qu'il n'y avoit pas même des Traités en fon ge; mais que I'adreffe Efpagnole. répandoit des bruits, propres a donner aux Confédérés de la France , des ombrages fur fon compte. Le foir même, le Maréchal de BafFompi-erre raconta au Prince de Piémont ce qui s'étoit pafïé entre lui & 1'Ambaffadeur extraordinaire de Vénife, entre lui &: le Cardinal de Richelieu. Le Prince lui répondit: — Les Vénitiens font une  S E C R E T S. 125 race d'hommes fpéculatifs 8c' ombrageux, qui débitent leurs vifions comme bonnes nouvelles. Leur AmbalTadeur extraordinaire vous a donné celle-ci, non qu'il la crüt süre , mais paree qu'elle lui eft venue dans ï'efprit. Je fuis très-certain qu'il ne fe traite rien , au préjudice de la Ligue , non plus que de fes projets. Mais,ce meme foir, le Roi ayant fait appelier les Maréchaux de Baffompierre 8c de Créquy a 1'endroit oü fe trouvoient la Reine-Mère , le Maréchal de Schomberg (d) 8c d'Herbaut (£), ils apprirent ce qui s'étoit paffé en Efpagne entre de Fargis 8c le ComteDuc , par la lecture du Traité. (<0 L'un des Miniftres de Louis XIII, les plus eftimés. * (i) D'Herbaut-Phélippeaux , 1'un des trois Secrétaires ci'Etat ^fur les Affaires Etrangères , qui avoient rémplacé Puyfieulx. Fiij 1626.  (a) Ce raifonnement de^ftflompierren'étoic pas trop jufte x comme 1'on voiu Ii6 MÉMOIRES ■ II étoic au refte fi gro(fierement fait, que Baffompierre le nomma honteux a la France, contraire a la Conféclération , préjudiciable aux Grifons (a) ; 6c qu'il renonca a 1'idée qu'il avoit eue d'abord ; fcavoir que tout s'étoit fait par ordre du Roi, 6c que ce Monaque , pour appaifer fes Confédérés, feignoit de n'en avoir aucune connoiffance. Baffompierre crut que de Fargis avoit efFe&ivement figné le Traité , fans ordre de fon Souverain. II fit en conféquence tout fon poffible pour empêcher qu'il ne fut ratifié , ainfi qu'il étoit arrivé des Traités d'Occagna 6c de Rome. Cependant le Roi ordonna aux quatre Perfonnages nommés ci-defFus, de venir le trou-  S E C R E T S. 117 ver le lendemain matin 5 & en attendant, de ne parler de rien au Prince de Piémont. Le Confeil s'affembla, Sc Bafïompierre s'etoit propofé d'y déployer toute la force de fon éloquence, pour faire rejetter le Traité acluel. Mais ayant mieux pefé ce qu'il alloit entreprendre, ayant confidéré que cette affaire étoit, non la fienne, mais celle du Roi, & qu'il fe tourmenteroit en vain , fi Sa Majefté vouloit ratifier le Traité j qu'il étoit incertain li Elle n'avoit pas envoyé ordre a de Fargis de le ligner; que peutêtre la Reine-Mère èt le Cardinal de Richelieu 1'avoient menagé 5 la première , pour mettre 1'union entre fes enfans (a); le fecond, pour étein- (a) Entre le Roi de France , fon Fils, & le Roi d'Efpagne , fon Gendre. F iv l6l6,  JÓ2Ó. (a) Qu'étoit le Traité qu'il aveit figné avec le Comte-Duc. 113 MÉMOIRES dre , moyennant Ia Paix avec Ie dehors , les troubles qui commencoient a naitre au-dedans; Baffompierre enfin confidéranr qu'il pourroit arriver qu'il fe portat quelque préjudice , s'il fe déclaroit erop , modéra fon ardeur, 6c fit dans le Confeil, plutöc le Perfonnage d'auditeur, que celui d'orateur. II remarqua que Ie Cardinal de Richelieu paria avec beaucoup de réferve, 8c s'ouvrit peu; fe contentantde blamer la lègéreté , la précipitation 6c le peu de prudence de de Fargis j digne , difoit-ilv de peine capicale, pour avoir ofé, fans ordre du Roi, entreprendre une chofe d'auffi grande conféquence (a). Tous enfin s'occupoient plus a cenfurer  S E C R E T S. 129 POuvrier, qu'a. détruire 1'Ouvrage.On paria peu du Traité, beaucoup du Contractant. On eüt défiré feulement que Ie Traité en queftion eüt été rectifié en certains points , mais non qu'il eüt été annullé. Spada [a) dit aux Miniftres : —- Deux chofes me font de Ia peine dans cec Ecritj 1'une eft que les Rois de France Sc d'Efpagne ne prennent d'autre voie pour racommoder 1'AfFaire de Ia Valteline , que celle de remettre des Peuples Catholiques (b) fous Ie joug d'Hérétiques (c) j qui eft ce que le Pape a toujours eu le plus en horreur. L'autre chofe qui me déplait dans le Traité , eft (a) Le Cardinal de ce nom, toujours Nonce a la Cour de France. (.t>) Les Habirans de cette Valteline, tous Catholiques. (e) Sous celui des Grifons, prefque tous Hérétiques. Fv 1626.  IÓ2Ó. 130 MÉMOIRES que les deux Rois y parient de Religion par manière de discours , 6c qu'ils n'en actribuent pas la connoiffance au Pontife feul. Et cependant on devoit au moins y répéter les Articles arrêtés a Rome (a); quoique , par ce qui a eu lieu depuis le mouvement de de Coeuvres dans la Valteline , on ait reconnu qu'ils demandoient plus d'étendue. Le foir du 17 de Mars, le Roi fit au Prince de Piémont, par manière d'acquit, quelque part du Traité dont il s'agit toujours. Ce fut d'une facon vague, & du ton d'un Maitre qui déteftoit la témérité de fon Ambaffadeur {b), comme ayant Négocié fans fon ordre. Le (a) Entre le Pape & le,.Commandeur de Sillery. (b) De de Pargis.  S E C R E T S. T 3 i Prince répondit: — Je remer- ■ cie Votre Majefté de ce qu'Elle me communiqué ft promptement Jes avis venus d'Efpagne. Mais, Votre Majefté ne m'apprenant point les particularités de Ia Négociation, je ne puis dire autre chofe, llnon que je refpe&erai toujours fes penfées tk. fes réfolutions. L'après diné dü zo de Mars, le Cardinal de Richelieu donna Audience au même Prince de Piémont, en préfence du Maréchal de Schomberg , de d'Herbaut Sc de I'Abbé de Scaglia (a)> & la Séance dura une heure Sc demie. Le Cardinal communiqua au Prince un Ecrit, qui étoit un extrait fuccint de la dernière Dépêche de de Fargis. II finiflbit par la • (<) Dont le dernier étoit Ambafladeur dc Savoie a la Cour de France. F vj l6ló  i6i6. (ö) Ceui que de Fargis avoit fignés avec Ie Comte-Duc. 131 Mémoires juftification de celui-ci, lequel difoit: — Sur ce qu'on m'avoit marqué en diverlés occafions, que le Roi n'avoit point pris Jes armes & ne les employoit pas, pour faire desConquêtes, mais pour défendre fes Alliésj & Ia renonciation des Efpagnols a leur prétention quant aux Paflagcs de la Valteline, & les autres avantages pour la France , compris dans les Articles iufdirs (a), me paroiffant faire cefFer la caufe de la Guerre ; j'ai cru me conformer a la volonté du Roi, en faifiifant 1'occafion qui s'ofFroit a moi ; laquelle n'admettoit pas de délai, vü que l°s Efpagnols preffoient, qu'ils avoient de la mefiance, & qu'ils étoient gens a faire de nouvelles difpofitions, qui ren-  S E C R E T S. 135 droient 1'accommodemefït plus difficile. J'ai jugé que le fervice du Roi demandoit que j'empêchaflecela, en acceptant promptement, quoiqu'au péril de ma forcune 8c de mes jou.rs , les avantages que l'Efpagne offroic a Ja France. D'Herbaut Jut a haute voix 1'Ecrk en queftion •, Jequel mit en fureur le Prince de Piémont Sc 1'AinbafJadeur de fon Père, moins a caufe des Articles que de Fargis avoit fignés , qu'a caufe de la Paix en général. Ils repréfentoient avec force qu'après tant de menaces faites a l'Efpagne, 6c tant de dépenfes, cette Pa«x étoit honteufe 6c préjudiciable , non - feulement au Duc de Savoie, mais au Roi de France. Que l'Efpagne étoit très-foible ; 8c que, li 1'on eüt pourfuivi la Guerre avec courage 8c promptitude^ Louis XIII iózó.  i6i6. 134 MÉMOIRES eut fait en Italië les plus. grands progrès. Le Prince de Piémont, 1'Ambafladeur de fon Père, le Cardinal de Richelieu & les autres fe déchainoient tous également contre de Fargis. Ils difoienc qu'il méritoit d'être profcrit, comme coupable de Lèfe-Majefté au premier chef, & mettant fon Roi dans la néceffité, ou d'approuver une ad ion faite fans fon ordre, ou de perdre toute la confiance du Public, par lesrefus fi fréquents de fa part, d'autorifer la conduite de fes Miniftres. Or, ajoutoient-ils, le refus, dans 1'occafion préfente , fait d'autant plus de tort a la répu*tation du 'Roi, que l'a&ion de de Fargis peut d'ailleurs paroïtre utile &c honnête aux yeux de ce même 'Public. Ainü* finit la Séance , fans qu'on eüt fait des deux cotés  SECRETS. 15J autre chofe , qu'écouter. Le Prince de Piémont conjectura aifément que les Miniftres de la France avoieiit la Paix en vue; car fes cris & ceux de 1'AmbalFadeur de fon Père ne leur firent aucune impreiiion, quoiqu'il fe fxit montré beaueoup plus porté pour Ia Guerre , que d'autres & lui-même n'avoient cru. Le "Roi lui avoit donné ci-devant 1'emploi de Lieutenant - Général de fon Armée d'au-defa des Monts> & lui avoit promis buit mille Fantaffins Francois , èc mille Chevaux, pour renforcer celle que le Prince avoit dans le Piémont; a laquelle on vouloit outre cela joindre les Troupes qui fe trouvoient dans la Valteline, oü 1'on fe fut contenté d'en laiiTer la quantité néceffaire pour garder les Forts qui 16x6.  i6i6. (a) Que de Cceuvres faifoit conftruire par ordre du Roi. — Voyez antérieurement lei raifons de eet ordre que Louis XIII avoit donné. (i) Celle de réduire cette Ville, fur laquelle la Maifon de Savoie prétend avoir des droits. (c) Toujours Ambafladeur de cette Caur a celle de France. Ijó" MÉMOIRES s'y conftruifoienc(a)..—LeP. de Bérulle, s'entretenant avec ce même Prince , lui die qu'on pourroic le fatisfaire, en lui permettant 1'entreprife de Genève (/>) 5 mais il ne montra , pour cec objet, ni éloignemenc ni inclination qu'on put dire fixes. Sur les derniers avis venus d'Efpagne , 'le Maréchal de Schomberg alla, de la part du Roi , trouver le Marquis de Mirabel (c) , pour fcavoir de lui s'il avoit quelque pouvoir concernanc la correction ou le changement de chofes non ef-  S E C R E T S. 137 fentielles, renfcermées dans le • Traité que de Fargis Sc le Comte - Duc avoient figné. — Le Marquis dit au Maréchal qu'il n'avoit pas de pouvoir ladefliis. — De Fargis s'excufoit de ce qu'il ne s'étoit pas étendu autant qu'il 1'auroit pu , dans les points du Traité, concernant la Religion. Son excufe étoit qu'il n'avoit pas de copie des Articles de Rome (a). Le Cardinal Spada (b) dit au Cardinal de Richelieu i — II n'eft pas étonnant que le Traité que de Fargis a figné a Madrid paroifFe plus avantageux que celui de Fontainebleau. La raïfon en eft que l'Efpagne n'intervenant point a celui-ci, Sc (a) Surlefquels il fc füt réglé. — Ces Articles étoient ceux qui avoient été arrangés entre le Pape & le Commandeur de Sillery, & dont il a été tant queftion dans les Parties précédentes de eet Ouvrage. (J>) Toujours Nonce a la Cour de France, [626.  IÓ2Ó. (a) Le Cardinal Francois Barberin , neven du Pontife, qu'on a vu naguèrcs Légat a la Cour de France. 138 Mémoires ne voulanc point déclarer fes fentimens , il falloit que le Pape , qui le ménageoit , fe réglat de manière a pouvoir efpérer de 1'y faire accéder y lorfqu'il auroit été arrêté 5 ou qu'il juftifiat aux yeux du Public 1'abandon qu'il feroit des intéréts de cette Couronne , comme provenatst d'une fatiffaction convenable, qu'il auroit re^ue du Roi de France 5 fans compter que , quand on Traite pour foi, on peut fe rendre plus facile y que quand on Traite pour les autres. Et c'eft précifément le fujet pour lequel le Pape 8c le Légat [d] prefsèrent tant pour que d'abord les Forts de la Valteline fulTent mis de nouveau entre les mains de Sa Sainteté 5  S E C R E T S. 139 car ils étoient siirs que, cela exécuté, le Roi d'Efpagne traiteroit, 8c ils fentoient bien que la levée de beaucoup de difficultés en feroit le fruit (a). Au refte je ne pais ni convenir ni nier que le Traité que de Fargis a figné, foit plus avantageux que celui de Fontainebleau 5 attendü que je ne 1'ai vu ni tout entier , ni a mon aife. Mais il m'eft certainement facile de faire voir que la plus grande partie de la Négociation de 1'Affaire aéhtelle a pour objet direct ou indirect 1'intérêt de la Religion , 8c la sureté de Peuples Catholiques (b). Or il n'efi pas étonnant qu'un Pape, en traitant cette Affaire, foit plus zélé 8c plus circonfpect qu'un Prince Séculier. (a) Paree que ce Prince fe relacheroit fur beaucoup de chofes. (£) Des Yaléfans, tous Catholiques. 1626.  i6i6. ( ou bien qu'ils foient tous Valéfans, & que d'entre ceux qui feront propofes , les Grifons puiffent faire choix de la moitié. >— L'Article qui dit que 1"Artillerie & les munitions des Forts de la Valteline feront rendus au Gouverneur de Milan, eft trop vague; il faudrolt qu'il exceptat la portion qui fe trouveroit ap- (o) A qui le Dnc redemandoit ce Marquifst, — On a vu dans les Parties précédentes de eet Ouvrage , les ratfons fur lefquelles il appuyoit fa demande , & celles da refus que faifoient les Génois d'y piéter ï'oreille. 1616.  i6i6. . ( avec cette lettre j l'Efpagne fe rendit aux voeux de la France ; le Traité fut réformé &. ratifié. (a) Ce fut a I'occafion d'une réponfe qu'elle lui faifoit. (/>) Louis XIII, fon Fils, & Philippe IV, fon Gendre. (c) Elle , Marie de Médicis. (d) Dont on a vu qu'il étoit Secrétaire.  1^4 Mémoires /eVert* az/e Zo«w -577/ a afsürer Ie repos & la fortune de ces Neveux } paliflant aux moindres menaces que les Princes font, de les détruire; fe laiffant arracher des mains le Baton Paf toral (oj; oubliant totalement 1'intérêt du S. Siége, pour ne s'occuper que du leur 3 lans fouci pour ce que la Thiare deviendra après eux, & 1'abandonnant a qui aura le courage de fe 1'approprier. Ces défordres, deffrudleurs du pouvoir Apoflolique , font d'un tresmauvais augure , fi quelque (a) N'ofant faire aucun ufage dc leur Puiffauce fyirituelle. XXXr.Pank. H 1616  1626. («) Le Lefteur n'a pas befoin d'être averti que, pour ce que 1'Auteur vienfde dire des Papes , il faut fe tranfporter au temps oüü écrivoir. 0) Par le Pays des uns Sc des autres., 170 MÉMOIRES Pape ne rend au S. Siége fon premier éclac , en les faifant promptement ceffer par une prudence 6c une piété rares, pareilles a celles qui l'ont établi, maintenu 6c élevé (a). Voici maintenant quels étoient les principaux Articles du Traité que la France 6c l'Efpagne venoient de ratifier. — i° Les affaires des Grifons 6c des Valéfans feront remifes dans le mème état ou elles étoient avant la Guerre ( en 1617 ). Par conféquent la Souveraineté fur les feconds fera confervée aux premiers , 6c Ia difpofition ablolue des Pafla-! ges (b) , a la France, qui en étoit en poffeffion alors.— 2° II  S E C R E T S. 171 n'y aura jamais a 1'avenir, dans' Ja Valteline, d'autre exercice de ReJigion, que celui de la CathoJique, ApoftoIiqueSc Romaine. — 30 Les Valéfans pourront élire entr'eux leurs Gouverneurs & leurs Magiftrats, qui feront ou de leur Nation, ou Grifons, mais tous Catholiques. — 40 Cette éledion fera ratifiée par les feconds, fans qu'ils puiflent refufer de le faire. — y° Tous les Forts de la Valteline feront remis entre Jes mains du Pape, pour être aufli-röt démolis & rafës. — 60 Les deux Rois (d) travailleront avec toute fincérité a réconcilier les Princes , qui étoient leurs Confédérés pendant la Guerre (b) 5 & ils n'affïfteront ouvertement ni f» Celui de France & celui d'Efpagne. (A) A réconcilier leurs Confédérés refpec* tifs. Hij i6z6.  i6i6. (a) Et eACore étoit-ce a 1'occafion de h efrafTe, I7i MÉMOIRES fecrétement aucun d'eux pour Ia continuer , fans avoir fait auparavant tout leur poffible pour accorder leurs dirE.rends, par le moyen d'un accommodement amical & jufte. La France coinmuniqua aux AmbalFadeurs de Venife Sc de Savoie auprès d'elle ce Traité qu'elle venoit de ratifier. Le Prince de Piémont étoit deja parti pour 1'Icalie, oü il rerournoit peu fatisfait de 1'accueil que laCouronne lui avoit fait. 11 avoit, a la vérité , été logé chez le Roi, fervi par fes Officiers , & toujours fplendidement traité; mals il n'avoit été admis qu'une feule fois a la table du Monarque (e) , oü il fut placé au bas, fur un fimple ta.bouret, tête nue , &:c; Sc il  Sêcret's. 173 prétendent, comme Beau-Frère * du Roi (a) , que la France eut du s'écarter un peu en fa faveur, de tout eet ufage qu'elle obfervoit vis-a-vis des Princes de fa condition. L'Ambaffadeur de Venife attendoit de fa République permiffion de quitter auffi la Cour de France, dont il fe montroit 'très-mécontent; mais fur-tout de fon premier jVliniftre (b) , qu'il repréfentoit comme doublé. Lui & 1'Ambaffadeur de Savoie ne cefToient de fe plaindre de ce que Ia Couronne avoit Traité a 1'infcu de leurs Maitres refpecfifs (c). Ce procédé, difoient-ils, tournera tout enfin au profit de l'Efpagne •, attendu qu'il faudra qu'ils s'ac- (a) II avoit époufé Chriftine , feconde foeur de Louis XIII. (6) Le Cardinal de Richelieu. (c) Ses Confédérés par le Traité de Lyon. Hiij 1616,  i6z6. (a)Et qu'ils ne fongent plus après cela * dit le Texte , a la heurter. (£) Avec les Efpagnols. 174 MÉMOIRES commodentavec elle du mieux qu'ils pourrontfa), puifqu'il ne fe trouve plus de fidélité dans la France. On entendoit tous les Peupies de 1'Europe déchirer la réputation de la feconde de ces deux PuiHances, Sc celle de fes Miniftres fur - tout. La France , difoienr ces Peuples, emploie vis-a-vis de fes Confédérés la fcinte la plus adroite , afin de les tromper. Eiï# les repait d'efpérance pour la prochaine campagne, en mêmetemps qu'elle fait la Paix avec fes Adverfaires (b). Lorfqu'il a été queftion de fe procurer des Compagnons de fatigues Sc de périls , Sc des Affociés de dépenfes, elle a traité fes Confédérés avec une forte d'égalité;  Se c r e t s. ï75 faifant tout de concert aveceux. Mais, fitót que 1'occaiion s'eft offerte a elle de former des deffeins a part, elle leur a tout caché, comme s'ils avoient été fes Sujets. Elle ne leur a pas laiffé parvenir Ia moindre connoiffance du Traité, que quand il a été conclu 5 Sc cela, afin de les forcer a 1'accepter ; leur prefcrivant ainfi de nouvelles loix, &z fe difpenfant pour fa part d'exécuter les accords qu'elle avoit faits avec eux. Ce procédé, très-fenfible aüx Vénitiens, fe grava tellernent dans leur fouvenir , que \ lorfque Belliévre, Lionne 8c d'autres Ambaffadeurs de Praiïte fe prefentèrent depuis pour exhorter la, Répub'ique a fe liguer avec la Couronne pour 1'intérêt commun, le Sénat rappella toujours le malheureux Hiv rézó.  (a) Succefleur de Richelieu dans la place de premier Miniftrc, après la mort de celuici. (£) A ce qu'il difoit a 1'Auteur de ces Mémoires : Per quello che a noi dicsa. — C'eft 1'Auteur qui par'e» 175 MÉMOIRES exemple du Traité dont il s'agit ici, comme une preuve sure que, quand Ia France les auroit embarqués dans une Guerre pénible contre Ia Maifon d'Autriche, elle ne fongeroit qu'a profiter ailleurs, pour fon utilité particuliere , d'une li forte diverfion. Pour efFacer de 1'efprit du Public, fur-tout des Princes , une fi facheufe impreffion fur la fidélité de Ia France , lè Cardinal Mazarin (a) refufa toujours [b) d'engager fon Roi a Traiter avee l'Efpagne ou l'Empereur, fépa^ rément des Alliés de la Couronne , malgré les avantages trés - amples qu'on lui ofFroit r  Secrets. 177 8c les follicitations qu'on lui faifoit, de prévenir les Négociations fecrettes de ces Alliés. Le Cardinal Mazarin, par cette conduite , vouloit donner au Gouvernement de Ia France, de I'éclat; 8c Ie faire applaudir par«k réputation d'exa&itude dans i'obfervation de fes promeffes a 1'égard de ces mêmes Alliés. Cependant les Miniftres de Louis XIII répondoient aux plaintes des AmbaiFadeurs de Venife 8c de Savoie contre le Traité de Moucon : — Vous n'avez a vous plaindre , Meffieurs, que de Ia forme du Traité ; car le fond en efl: bon. Le Roi s'eft déterminé a envoyer au plus-töt, vers la République 8c le Duc, des AmbafFadeurs pour les inftruire en détail des raifons qui Pont engagé a le faire. Hv iózó.  j6z6. U) La France, Ia République & Ie Duc., ligués par le Traité de Lyon, 27S MÉMOIRES Venife fe plaignoic 8c de ce qu'on avoit Négocié fans elle, 8c de ce qu'elle n'étoit point nommée dans le Traité > 8c de ce qu'il portoit que les Forts de la Valteline feroient mis de nouveau entre les mains du Pape, pour être rafés. Venife eut voulu que la Ligue (a) les eüt toujours gardés, pour être süre a 1'avenir des Paffages de la Valteline.— Les Miniftres, fans s'arrêter a la première de ces trois plaintes , répondoient a la feconde: — La République aft comprife dans le Traité fous le nom de Ligue. — Ils répondoient a la troifiéme: — II eft impofïible de convemr de Paix, tandis qu'une des Parties' refteroit armée, 8c maïtreffe du Pays contefté. Mais notre Monarque  S E C R E T S. 179 a plufieurs moyens ihfaillibles > * pour afsurer a lui Sc a fes amis les Paffages de la Valteline. II fe flatte que, quand Ia République aura encendu 1'Ambaffadeur qu'il a delTein de lui envoyer, elle fera totalement fatisfaite. Les plaintes du Duc de Savoie ne fe bornoient pas a la qualité des conditions du Traité. Ce qui lui alloit le plus au cceur , étoit la conclufion de la Paix , Sc Ia celfation de Ia Guerre entre les deux Couronnes (a), amère pour lui, a caufe des vaftes efpérances de fon ambition, fondées fur leur méfintelligence. L'Abbé de Scaglia [b), 1'un de fes Miniftres les plus affidés, avouoit ingënuement que la France, par le (a) La France & l'Efpagne. {b) Toujours Ambafladeur de Savoie auprès de Louis XIII. Hvj 1626.  X6z6. (a) Qui leur appartenoit alors» {b) De Ia Maifon d'Autriche , comme 1'Empereur fon Frère & le Roi d'Efpagne'S tous les trois étroiteraent lies d'intérêts. iSo M i M O I R E S 'Traité qu'elle venoit 4e faire avec l'Efpagne, avoit pris toutes les suretés polfibles pour la Valteline 5 mais ces suretés &c de plus grandes encore, difoitil, n'empêclieront pas les Efpagnols de s'en emparer quand ils voudront, attendu Ie voilTnage du Milanez (a) , & des. Etats de 1'Archiduc d'Inipruck (b). Le vrai reméde elf de profiter de 1'occafïon favorable qui Je préfente , pour chaffer fes Efpagnols du Milanez. Toutes les Puiffances d'Italie, Venife & Ia Savoie exceptées, feréjouiffoient beaucoup du Traité de Moucon , le Pape principalement. A la première nouvelle qu'il en eut, il alla  Secrets. lii aü-devant de Béthune (a), pour lui témoigner ia joie fans égale qu'il avoic de ce que la Paix s'étoit faite entre deux Rois qui étoient les Colonnes de Ia Chrétienté. Je fuis délivré par la. , lui dit - il, de I'appréhenfion extreme que j'avois que les lTx mille hommes que je faifois avancer vers Ia Valteline [b), n'euifent pas de meilleurs fuccès, que les Troupes que Ie Marquis de Bagno (c) avoit déja. Je vous apprends donc fans Ie moindre reflentiment, que la Paix s'elt faite fans Ia participatioft de mon Neveu (dj. (a) Toujours AmbaiTadetu de France auprès <3u S. Siége. (b) Pour en recouvrer les Forts, &Ies avoir de nouveau en Dépöt. (t) Général des Troupes du S. Siége dans ce Pays. (d) Le Cardinal Francois Barberin , qui Ce trouvoit alors en Efpagne avec la qualité de Legat; & qui, de Barcelonne , ou tout s'étoit conclu fans fa participation , avoit palfé a Madrid. — On a vu tout cela ci-devant, 1626.  JÓ2Ó. O) Dont 1'Auteur a déja rapporté les prirtcipaux Articles. Io*2 MÉMOIRES J'efpére que la Religion Catholique fera maincenue dans la Valteline, conformément a ce que porte le Traité. Louis XIII déclara que, par ce Traité, qu'il jugeoit néceffaire au Public, Sc utile au rétabliflement des affaires de fon Royaume , il n'entendoit en aucune faijon renoncer a fa Confédération avec Venife 6c la Savoie ; que fon intention étoit au contraire de 1'étendre beaucoup plus. Par ce moyen, il adoucic en quelque forte leur aigreur ; en attendant ce que leur diroit de fa part I'Ambaf fadeur extraordinaire qu'il alloit envoyer vers chacune d'elles. Voici la fubfrance du Traité de Moucon (a) , difoient les  S E C R E T Jj 183 Miniftres qui étoient auprès de Ja Perfonne de ce Monarque. Le premier Article accorde a la France les deux points eflentiels (a) , tant conteftés ci-devantj f^avoir la pofteffion pour elle des PaiFages de la Valteline , a 1'exclufion de toute autre PuiïFance ( en vertu de ion ancienne Alliance avec les Grifons) , & la Souveraineté pleine de ce Pays pour ceuxci. Tout cela réiulte des termes précis de 1'Article, qui remet les chofes dans 1'état oü elles fe trouvoient en 1'année 1617, & qui annule les Traités de Lindau , de Coire , de Milan & femblables, faits depuis ce temps la. Cet Article donc, rektif au Traité de Madrid , eft jugé plus avantageux (a) Quant a 1'Affaire cn foi, dit le Teite5 ic quant a 1'honneur, i6z6.  i6z6. 184 Mémoires que les Articles arrangés a\ Rome entre le Pape & le Commandeur de Sillery 5 & plus abfolu quant a la Souveraineté de Ja Valteline pour les Grifons, que ceux qui ont été propofés par Ie Légat. II eft vrai que , dans ceux-ci, le droit de parage par ce Pays, celui de 1'AIliance de la France, & celui de faire la Paix ou Ia Guerre, de battre Monnoie, d'accorder des graces, ont une explication plus ample, & plus avantageufe aux Grifons, que dans 1'Article aduel. Aufli, dans l'Inftructipn qu'on fit paffer a de Fargis pour ré forme de fon Traité , lui ordonnoit-on d'étendre un peu plus eet Article, & d'ajouter enfuite la claufe — fans rien changer ni innover quant aux Alliances , dans ce qui concerne les Pajfages de la Valteline, & la Souveraineté des Grifons fur es  § E C R Ê ï S. I §5 Pays. Mais l'Efpagne rejetca • avec fermeté cette explication. Elle fe fondoit fur la raifon que, fi elle ne .gagnoit rien dans cette affaire, elle ne vouloit pas non plus y perdre. La France, difoit l'Efpagne, doit être contente de conferver aux Grifons la Souveraineté de la Valteline, fous les termes généraux de rétablillement dans 1'état oü ils fe trouvoient depuis plufieurs années , 6c de Loi de poffeflion. Quant au Pétitoire , j'ai, difoit l'Efpagne , un droit fur la Valteline , aucjuelje ne prétenas ni renoncer ni déroger. Cette Vallée a été démembrée du Milanez; 8c les Souverains de ce Duché ne pouvoient pas 1'en détacher; paree que les Souverains ne font qu'ufufruitiers de leurs Etats, 6c qu'il ne leur efl permis ni de les donner ni de les engager. 1626.  1Ó2Ó. (a) De Rome , entre le Pape & le Commandeur de Sillery ; de la Valteline , entre !e Maiquis de Oeuvres & les Giifons d'un cóté , & les Valéfans de l'autre ; de France, entre les Miniftres du Roi 5c le Légat. MÉMOIRES Le fecond Article eft conforme a ce que tous les autres Traités portent 5 & Jes Grifons mem es y ont confenti. Ce qu'on y obferve de particulier, eft que 1'intérêt de la Religion eft moins foutenu dans le préient Traité, fait en Efpagne , que dans tous Jes autres projets d'accommodement , tels que ceux de Rome, de Ja Valteline, de France (a), dans lefquels les Efpagnols s'eroient toujours montrés li zélés pour «et intérêt. Le troifiéme Article a été plus débattu qu?aucun autre dans Ia Négociation de de Fargis , comme il I'avoit été ci-devant dans celle du Légat.  S e c r e T s. 187 Dans le Traité fait entre le Pape 8c le Commandeur de SiHery, 1'éleclion des Gouverneurs Sc Magiftrats (a) étoit entièrement laiffée aux Grifons, pourvu qu'elle fe fit de Sujets Catholiques. Ce Traité, en ce point , étoit plus avantageux que ceux de la Valteline èc de France. Notre Monarque eüt voulu que le point en queftion eüt été de la même manière dans le Traité actuel; fi ce n'eft que les Valéfans euffent propofé , pour chaque emploi , trois Sujets , de 1'un defquels les Grifons auroient fait choix 5 ou que 1'élect.ion de tous les Sujets eüt été faite par les Valéfans; fcjavoir moitié parmi ceux de leur Nation, moitié parmi les Grifons. Mais il fe trouva dans tous ces Partis, des diffi- (j) Objet dc eet Article. TóTóT  iÓ2Ó. i i < 1 J J lS§ MÉMOIRES cultés infurmontables; &c 1'on jugea que, pour afsürer la Reügion dans la Valteline , il étoit néceiTaire de lailTer aux Valéfans la liberté entière d'élire leurs Gouverneurs & leurs Magiftrats. Que, li 1'on donnoit pouvoir aux Grifons d'en élire davantage que les Valéfans , ce feroit leur accorder une autorité pleine fur ceux-ci; paree que les uns, par la crainte d'être exclus du choix, les autres, par 1'envie d'y être admis, fe rendroient dépendans de ces mêtnes Grifons, au préjudice de la Religion. Que faire le choix ni-parti , ce feroit ouvrir la 3orte a de nouvelles divifions. ^ue ces divers tempéramens :toient impraticables & incom>atibles en même temps avec a récompenfe pécuniaire que es Grifons devoient recevoir  S E C R E T S. 189 pour l'adminiftration de la Juf-" tice fa). Le choix des Gouverneurs Sc des Magiftxats fut donc lailTë libre aux Valéfans, pour qu'ils le fïffent, ou de Sujets de leur Nation , ou de Grifons. C'étoit afin que ceux - ci n'en fuffent pas exclus; Sc on leur adjugea, outre cela, la confirmation des Elêctions, avec une fomme annuelle, qui fut fixée a vingtcinq milie écus, par un Trai"té (/>) du 11 de Décembre , 1626. Moyennant eet arrangement, on crut avoir pourvu a la süreté de la Religion Catholique dans la Valteline, au repos de fes Peuples, Sc au (a) Pour dédommagement de leur renonciation a l adminiftratïon de la Juflice. — Voyez ce qui a été dit li delfus antérieureinent , & ce qui va êtie dit bieivór. (A) Fait en re le Miniflère de France, & Ie Mnrqjis de Mnabel, toujours Ambafladeur d'Efpagne a cette Cour,  1626, (1 MÉMOIRES fecret, pour confolider la Paix entre les deux Rois. lis s'obligent par eet Article a s'abftenir réciproquement d'hoftilités , ainfi que de donner du fecours ouvertement ou fecrétement , contre leurs Alliés d'Italie, refpeclifs. Et ils difent. —Si 1'un veut en uier différemment, il faudra qu'avant tout, il déclare a 1'autre les raifons de fon procédé 5 &c qu'il ne le mette même en oeuvre qu'après qu'on aura taché d'accorder a i'amia» ble leur différend. Outre ces Articles, qui depuis ont tous été ratinés, il s'en eft fait un a part en faveur de Claude de Marini {a}.— Les autres Articles du Traité re* gardent fimplement 1'exécution de ceux qui précédent, & les  S E C R E T S. 193 suretés prifes par les deuxParties. La meilleure preuve qu'on eut que l'Efpagne procédoit fincèrement a 1'exécution de ce même Traité, eft qu'au bout de quelques mois elle ota le Gouvernement du Milanez au Duc de Féria, qui avoit été I'auteur des troubles de Ja Valteline, & qui par conféquent n'étoit point un initrument propre pour Jes faire cefter. — D. Gonzales de Cordoue fut mis a fa place. — Le Roi de France envoya au Duc de Savoie Bullion , Confeiller d'Etat, avec la qualité d'Ambaüadeur extraordinaire, & le Sr de Chateau-Neuf, avec Ia même qualiré, vers les Vénitiens, les Suiffès & les Grifons-, {'un & 1'autre, pour faire agréer vvvï?U'mrs en queftion, JLA.XK. Partie. I  194 MÉMOIRES dont le premier effet fut une fufpenflon d'armes dans la Rhétieöc dans la Valteline. LeDuc de Savoie non - feulement y confencit > mais demanda que les Troupes Francoifes lortiffent du Piémont. C'eft ce que nous raconterons. en fon lieu , d'une manière plus étendue.  Sec r e t s. 195 ■ Difficulté fur la Cérémonie de la Barrette que le Roi devoit donner au Cardinal Spada , Nonce a. la Cour de France, Arrangement pris fur eet objet. Le Livre du P. Santarelli , Jéfuite , concernant le pouvoir du Pape, excite un grand murmure. Le Parlement le condamne au feu. Bruit artifiueux que le Cardinal de Richelieu Jème fur ce qui regarde fa perfonne. Lettre furieufe que le Duc de Savoie écrit a Louis XI'I, Jur le Traité que ce Monarque & celui d'Efpagne venoient de faire. Conférence entre l' Ambaffadeur d'Ejpagne , le Maréchal de Sc homberg & d'Herbaut , fur l'intelligence de quelques Articles, & fur la facon dont ils devoient être exécutés. Entréi lij  l6l6. O) Toujours Nonce a la Cour de France. (i) Lettre de Gondi , Ambafladeur du Grand Duc a la Cour de France , écme a Picchena , principal Miniftre de ce Prince , pi ij 4c Mars, iêi«. 19Ó MÉMOIRES a Madrid du Cardinal Barbcrin, Légat. D ANS la Cérémonie de Ia Barrette que le Roi devoit donner au Cardinal Spada (a), il y eut quelque difficulré {b)y próvenant de ce que le Confeil refufoit d'accorder a celui -- ci tous les honneurs qui furent rendus , en pareille occafion , au Cardinal Bentivoglio, fon prédécefleur dans la Nonciature de France. Le Confeil alléguoit pour raifon de fon refus a 1'égard de Spada , qu'on donna a Bentivoglio certaines marqués de faveur particulières, paree qu'il étoit un peu parent de la  S Ë C ïl Ë T S . 197 Reine - Mère (a) j Sc qu'on ne ' vouloit point les donner a d'autres, qui étoient d'une nailFance ordinaire. La difFérence du traitement confiftoit en ce qu'au lieu d'un Prïe-Dieu Sc d'un tapis pareils a ceux du Roi dans la Chapelle, Sc d'un üége pareil aulli a la table du Monarque (qu'eut Bentivoglio), Spada eüt eu feulement un coulfm a terre dans le premier cas, & un tabouret dans le fecond. A quoi il faifoit voir qu'il ne pouvoit confentir , non par rapport a. Foi, mais a caufe de fa dignité de Cardinal Sc de 1'exemple. — Le procédé de Ia Cour a 1'égard de Spada étoit un efFet de 1'antipathie qu'il y avoit entre lui Sc le Cardinal de Richelieu; de laquelle étoient (a) Marie de Médicis, fecondc femme de Henri IY. Iiij l6l6.  j6z6. (a) Introduéteur des Ambaffadeurs. (è) D'Hetbaut Phclippeaux , 1'un des rrois Secrétaires d'Etatpour les Affaires Etrangèies, qui avoient remplacé Puyfieulx. I98 MÉMOIRES dérivés ces troubles qu'on a vus dans les affaires publiques. On chercha des tempéramens propres a faire éviter Ia difKcuké concernant le PrieDieu & le Tapisj on convint que le Roi donneroit la Barrette au Cardinal Spada en particulier, & que ce feroit dans la Galerie. Quant au iiége pareil a celui de Sa Majefté , que Spada eut voulu avoir a fa table, Trénel (a) dit fecrétement au Roi & a d'Herbaut (i), que cela ne convenoit point 5 &C que, dans les bons temps , on ne donnoit au Nonce , qu'un tabouret. II cita 1'exemple du Cardinal de Buffallo , dont il afsüroit qu'il avoit été Mntroducteur, aMont-Ceau, a 1'occa-  Se CR e T s. 159 fton de la même Cérémonie. L'AmbafFadeur de CharlesEmanuel (a) difoit aufli que le Cardinal du nom & de Ia Maf» fon de fon Maitre n'avoit point eu a la table du Roi de France, un fiége égal a celui du Monarque ; & qu'a 1'Audience, Sa Majefté ne 1'avoit point fait affeoir. Mais Spada , fondé fur 1'exemple de Bentivoglio , & fcachant que 1'ordre (b) avoia été donné de lui faire un traitement pareil a celui que cette Éminence avoit recu , crut ne devoir faire tort , ni a fa.dignité, ni a fes fuccefteurs dans 1'emploi qu'il rempliftbit (c) ; & rejetta le tempérament qu'on ofFroit, fcavoir qu'il eut un fiége bas a la table du Roi. (a) Celui du Duc de Savoie. (/>) Dont le Cardinal de Richelieu , fon" antagonifte , avoit empêché 1'exécution. (c) L'emploi de Nonce. Iiv 1626.  (a) Anjourd'hui , die Vittorio - Siri, les Cardinaux fe contentenc de beaucoup moins, même quant a ceci. (b) Lors de la Nonciature de Bentivoglio. 200 MÉMOIRES II fe contenta de recevoir la Barette des mains de ce Monarque , 8c de faire fes vifices dans le Cabinec de Sa Majefté, oü il aimoït mieux être debout, que d'avoir en public un fiége non égal d celui qu'il eüt occupé dans ce même Cabinet (a). Le Cardinal de Richelieu, ufant de fes artifices ordinaires, lui fit dire de lui donner un peu de temps, afin qu'il püt mieux s'inftruire , 6c faire que la dignité de Cardinal ne perdit rien fous fon miniftère , s'it étoit vrai que fous celui de de Luynes (b), elle eüt gagné. L'arrivée a Paris de quelques exemplaires du Livre du P.  S'ecrets. zot Antoine Santarelli (d), concernant le pouvoir du Pape (b), occafionnèrent au Cardinal Spada, des fatigues méritoires vis-a-vis la Cour de Rome. Les propofitions que 1'Ouvrage renferme , excitèrent un grand murmure. Auffi le Parlement le condamna-t-il au feu (c), & fit exécuter fon Arrêt avec une certaine célérité, pour prévenir les diligences du P. Coron, qui s'aidoit fort du Roi & de la Reine, Mère de ce Monarque , pour qu'il fut limplement fupprimé. Tandis que le P. Coton follicitoit ainfi, il mourut. Etant a 1'extrémité, il avoit foufcrit un autre Arrêt du Parlement (a) Jéfuite. (J>) De pote/late Romani Pontificis. — Ce livre , imprimé aRome , eft de 1'année léif. (c) Lettre du Cardinal Spada au Cardinal Baxberin, du 17 de Mars, iéi6. Iv 1616.  (a) De Jonner des Atrêts pour les garantir. 101 MÉMOIRES de Paris , que ce Corps lu! avoit fait intimer, & que fouf crivirent auili treize de les Confrères, par la crainte qu'ils avoient qu'eux & ceux de la Société, qui fe trouvoient en France, ne fuffent forcés d'en fortir. Car le Cardinal de Richelieu avoit dit dans le Confeil , le Roi préfent : — Lorfqu'il s'agit des jours de nos Maïtres, on ne peut empêcher le Parlement de prendre les voies de süreté qu'il em.ploie(a). La Reine - Mère elle - même n'ofe parler. Si donc les Jéfuites veulent foufcrire 1'Arrêt actuel du Parlement, le Roi les mettra a couvert de toute pourfuite. Si au contraire ils refufent, il ne les forcera point a figner; mais, dans le cas oü Ie Parlement procédéroit a leur  S E C R E T S. 203 égard avec plus de févérité ■ qu'auparavant, Sa Majefté le laifïèroit faire. Le Re&eur des Jéfuites vou* lut vis-a-vis du Nonce excufer la fignature que fes Confrères & lui avoient faite de I'Arrêt en queftion. — Ce fut en repréfentant que les propoiitions du P. Santarelli étoient générales , & qu'il étoit par conféquent aifé d'y donner une ipterprétation favorable. La briéveté du temps, dit-il, ne permettoit pas d'agir avec plus de maturité. En vain vous alléguez, Moniieur le Nonce, que nous ne pouvions figner fans le confentement de notre Général 5 nous euiftons donné lieu a propofer un projet qui n'a que trop pris raoine dans 1'efprit de plufieurs Parlementaires; fcavoir qu'il faudroit faire enforte qu'il y eüt dans le RoIvj 16 2 6.  204 MÉMOIRES yaume, un Vicaire de Ia So~ ciécé, avec un plein pouvoir pour tout ce qui la concerne. Le Cardinal de Richelieu ne cefloit de répandre le bruit qu'il vouloit demander au Roi la permiffion de renoncer aux affaires, dont la fatigue étoit, difoit-il, incompatible avec fa mauvaile lanté. Mais fa conduite & fes difcours , depuis deux ans, faifoient voir qu'il étoit très-éloigné de fe retirer, & que le bruit qu'il femoit, étoit un pur artifice. Entr'autres chofes qui le prouvoient, étoient deux propos qu'il avoit tenus au Nonce , Sc qui s'accordoient peu 3 fcavoir qu'il avoit grande envie de faire un petit voyage a Rome (a) ; 5c qu'il feroit bien - aife que le {a) Un voyage de trojs mois.  Secrets. 205 Pape lui envoyat le Chapeau de Cardinal en France; comme Paul V 1'avoit envoyé au Cardinal de Lerme \a) en Efpagne. Richelieu difok qu'il ne s'efUmoic pas moins que celui-ci mais qu'il ne vouloit point obtenir cela comme une grande faveur, Sc comme une grace mandiée. — Le Nonce répondit: — Je doute fort que dans certaines chofes concernant la dignité de Cardinal , Urbain VIII fut plus retenu que Paul V. (Je fuis comme sur qu'il fe (a) Qu'il avoit décoré de la Pourpre; & qui fut ( tant fous le titre de Duc, que foas celui de Cardinal ) premier Minifhe de Philippe III. (£) Sixte V avoit réglé paruneEuüe, qtie les Cardinaux iroient prendre le Chapeau a Rome. On avoit dérogé a cette régie en faveur du Duc de Lerme ; 5c le Cardinal de Richelieu , qui s'eftimoit autant que ce Miniftre , eüt voulu qu'on y eut auffi dérogé pour lui. Mais dire cela, Sc dire en mêmete'mps qu'on veut aller a Rome , font chofes «rui ne s'accordeut nullement, iózó.  i6z6. (a) L'un des Miniftres de Louis XIII, les plus eftimés. (£) Lettre de celui - ci au Cardinal Barberin, du 9 d'Avxil, 1616. 20Ó MÉMOIRES -relacheroit en votre faveur, & qu'il vous enverroit le Chapeau , comme Paul V 1'envoya au Cardinal de Lerme). Mais ü Urbain VIII vous accordoit cette grace, le Comte d'Olivarez prérendroit auffi-tót qu'on doit 1'accorder auffi au Cardinal de Gufman , fon neveu; vu que le rang de Tonele, peu différent du votre, perfuaderoit a celui-ci, qu'il a un égal mérite , & qu'il peut en faire palier 1'efFet a un Perfonnage qui lui efl auffi lié par le fang, qu'eff, ce neveu. — Le Cardinal de Richelieu, ayant entendu cela, prïa le Nonce de ne point en écrire a Rome. — Le Maréchal de Schomberg (a) dit aufll au Miniftre de Sa Sainteté (b):  S E C R E T S. 2.07 s— Sitót que de Fargis eut figné le Traité de- Moucon , il en inftruifit, par un billet, 1'AmbafTadeur de Venife (a), auquel il marquoit qu'il avoit cru & continuoit de croire avoir fervi fon Roi a fon propre rifque , dans une occafion qui s'étoit foudainement offerte. Le Roi, continue le Maréchal de Schomberg , en parlant toujours au Nonce, défire la Paix; mais il n'eft point d'avis qu'elle fe faffe, fans que le Duc de Savoie recouvre les Places que les Génois lui ont prifes, lorfque le Traité étoit fur le point de le ratifier. Quand il aura été cónvenu qu'elles lui feront rendues, la ratification aura lieu, & le Duc la fera (^).Sans cela, le Roi ne prendra plus aucun (a) A Ia Cour d'Efpagne, od ce Traité S'étoit fait. (i>) Si néaamoins il veut, ajoutc le Tcxte. 1626,  JÓZÓ. j I i < (a) A qui ce Pays appartient. (i) Obtiennent des conditions moins dares. (c) Lettre du Cardinal Spada au Cardinal. Barberin , du ij d'Avril, i6%6.. 20S Mémoires fouci des affaires de ce Prince^ — Sa Majefté entend auffi , pour ce qui concerne ie Gouvernement de la Valteline , que les Grifons (a) ne foient pas traités fi durement (b); paree qu'autrement, dit Sa Majefté, ce feroit vouloir me perdre au* près de ces Peuples. Le Duc de Savoie écrivit auRoi fur le Traité de Moucon, une !ettre furieufe (c),dans laquelle il fe fervoit de termes très-piquans :ontre les Miniftres en général, raifant voir néanmoins fort clai■ement que le Cardinal de Ri:helieu étoit feul 1'objet de fon ndignation. — Certe Eminen;e dit a l'Ambafladeur de Dharles-Emanuel : — Le Duc  S E C R E T S. xot) ne rentend pas bien mainte-nant ; mais il le comprendra peut-être dans trois ou quatre femaines. — Le Cardinal faifoit allulion au temps auquel devoient arriver d'Efpagne les premiers avis. — La lettre du Duc de Savoie nommoit ètonnante trahijon ce qui avoit eu lieu a cette Cour (a). Le Sr de Liancourt remit au Cardinal Spada, en faifanc de grandes excufes fur le retard , les fept piéces de tapifferie, que le Roi donnoit au Cardinal Légat (b) 5 Sc Spada les fit paffer a Rome, oü Béthune (c) prefloit (d) Le Traité de Moucon. (4) Francois Baiberin , neveu du Pape, qui étoit venu en France, & avoit enfuite pafle en Efpagne, pour moyenner dans 1'une 5c 1'autre Cour Paccommodement définitif. (c) Toujours Ambafladeur de France auprès du S. Siégé. — Sa lettre a d'Herbaut, du 8, 4'Avril» 1616. i6z6.  I bz6. (rétention quant aux Paffages le^ la Valteline , qu'elle crook avoir juftement acquife; ans compter que , lorfqu'on 'btient le fond,on doit faire eu de cas de ce qui eft fimlement apparence &; cérémoie. Le 11 de Mai, Je Secrétaire u Comte de Fargis arriva a ontainebleau. Le Cardinal de Lichelieu en étoit parti deux >urs auparavant pour fe ren-  S E C R E T S. 213 dre a Limours. C'étoit en con-. iequence de la peur que lui avoit fait le Duc d'Anjou (a), comme nous dirons ci-après. Cette peur ou quelqu'autre raifon ie fit réfoudre a ne plus retourner a Fontainebleau. Et néanmoins, comme le Traité toujours en queftion preffoit, quand il eut lu les Depêches qui regardoient eet objet, & q.ui lui avoient été apportees a Limours par le Secrétaire de de Fargis, il prit le parti d'envoyer a Ia Cour fa voix par le moyen du P. de Bérulle ; & il opinoit pour Ja ratification de tout ce qui avoit été arrangé en dernier lieu a Barceione (b). Malgré cel,a , le Chancelier , Ie (a) Galton , Frère unique de Louis XIIL -—Lettre du Cardinal Spada au Cardinal Barberin a ce Tujet, en date du 30 de Mai, 1616. (b) Qui n'étoit autre que le Traité de ^ipucon : nom emprunté , ainlï qu'on. a VI» *i-devaat. 1616.  i6z6. (a) Du moins par honnêreté, dit le Texte, (i) Vers les Vénitiens & le Duc de Savoie, Confédérés dc la France par le Traité de iyon. . 214 Mémoires Maréchal de Schomberg Sc d'Herbaut , n'ofant pas , en 1'abfence du Cardinal, mettre la dernière main a une Affaire il férïeufe , ou craignant d'errer, ou bien de donner occafion a cette Éminence de trouver a redire a ce qu'ils auroient fait, furent d'avis qu'il falloit trainer en longueurs faire des difficultés ; & dire que toute convenance vouloit qu'on dépêchat (a) des Couriers a Venïfe Sc a Turin {b), Sc qu'on en attendit le retour. Ils conclurent enfin que la préfence du Cardinal étoit abfolument néceffaire. Le 17 de Mai, Schomberg Sc d'Herbaut fe rendirent chez 1'Ambaffadeurd'Efpagne, pour  S E C R E T S. 215 I conférer enfèmble fur 1'inrelliI gence de quelques Articles du I Traité , &. fur la facon dont I ils devoient être exécutés. Ils dirent, quant au premier, que I leur Maitre n'étoit poïnt obligé I a rendre 1'argent iairi a Mar| feille , vü que le Traité ne par| loit que de celui qui avoit été } faifi a Calais. L'AmbaiTadeur I répondit: — Le Traité ne nora- me pas, a la vérité, Marfeillej j mais il parle de la fatisfacf ion I concemant les Leudes , VaifI feaux faifis dans cette Ville , I difFérens de ceux qui l'ont été i a. Calais, appellés Galifabres.il I paroit , répliqua d'Herbaut , 1 que ceux-ci appartenoient au ] Roi d'Efpagne; mais il y a des j preuves que ceux - la regar- doient les Génois. II n'eft pas 1 entré un fou des feconds dans 1 les coffres de la France-, tout a j paffe dans les mains du Duc de 16x6,  x6i6. 216 Mémoires Savoie & celles du Duc de Guife (a). L'Ambafladeur prétendoic fatisfaire a ceci par un feul mot; c'étoit que le Roi d'Efpagne avoit traité avec Ie Roi de France, Sc non avec les Ducs de Savoie 8c de Guife 3 que lui, AmbafiTadeur, n'avoit pas Ie pouvoir d'interpréter les Articles fignés par les Comtes d'Olivarez 8c de Fargis ; qu'il avoit encore moins celui de les corriger; 6c que , quels qu'ils fulTent, il n'étoit queftion aujourd'hui d'autre chofe, finon de les ratifier, ou de les rejetter pour toujours. L'Ambafladeur fit au Maréchal de Schomberg 6c a d'Herbaut une réponfe équivalente a Ia demande de leur part, fcavoir fi Ie Roi d'Efpagne ti- (a) Dont le fecond étoir Amiral des Mers du Levant pour la France, & yainqueur de la rébcllion Rochelloifc. reroic  Secrets. 117 reroic ou non de Rive les Sol-' dats qu'il y avoit, pour killer ce Fort au pouvoir des feules Troupes du Pape. Mon Maitre, ditl'AmbalFadeur, en ufera de la même facon que feront les Cónfédcrês (aj par rapport aux autres Forts {b); Sc je crois , s'ils les abandonnent, il n'héittcra pas a abandonner Rive. — Enfin Schomberg 6c d'Herbaut demandèrent pourquoi 1'Armée du Pape étoit logee dans le Milanez. C'étoit comme pour découvrir fi le Roi d'Efpagne étoit véritable- (a) Venife, la Prance & la Savoie, Confédérées par Ie Traite de Lyon. (b) Ce font toujours ceux de la Valteline , dont il s'agit, & dont on a dit tant de fois que les Troupes des Confédérés, commandées par de Cceuvres, s'étoient emparées C Rive excepté ) , oü le Roi d'Efpagne avoit envoyé des Troupes , pour fe joindre a celles du Pape , qui continuoient de le défendre , comme ayant été mis en Dépot avec lts autres , entre les mams du Pontife. XXXV Partie. K 1616  1626. 2l8 MÉMOIRES ment difpofé a retirer de Rive les Troupes qu'il y avoit 5 ou plutöt, comme pour donner a entendre a 1'AmbalFadeur , qu'ils fuppofoient que cela s-exécuteroit. Et cependant ils lui firent obferver que la ratification du Traité étoit venue d'Efpagne , écrite fur du papier ordinaire , Sc fcellée du Petit Sceau •, tandis que la Franc6 1'avoit envoyée a l'Efpagne fur du parchemin, Sc fcellée du Grand - Sceau. Le Comte de Fargis, ajoutcrent-ils, nous 1'ayant renvoyée , paree qu'il y manquoit quelque formalité , nous fommes en doute pour fcavoir fi nous devons la lui faire repalfèr écrite encore fur du parchemin 6c Scellée du Grand-Sceau 5 ou li nous devons imiter , quant a 1'un Sc quant a. 1'autre, 1'économie de l'Efpagne. —- Les ulages des  Secrets. 219 Cours , répondit 1'Ambafladeur, font auffi difïérens qu'elles ; mais au reite on peut avoir recours aux Archives pour voir quel papier 8c quel Sceau ont été employés aux Traités entre les deux Couronnes, antérieurs a celui-ci, 8c particulièrement a celui de Vervins. — Le Miniftre Efpagnol , voyant les propos que Schomberg 8c d'Herbaut lui tenoient, 8c que leur Maitre différoit de ratifier le Traité achiei , foupconna pendant plufieurs jours qu'il y avoit en cela quelque myftère. Mais le Roi le fit afsurer par le P. de Bérule, qu'il envoyoit fans tarder a de Fargis , par un Courier expres , un nouvel Aóle de ratification; ( 8c néanmoins 1'envoi fut difFéré juf-, qu'au 27 de Mai). La formalité qui manquoit a Kij 1616.  i6i6. ' j (a) Toujours Ambafladeur d'Efpagne a !a Cour de France. »lO MÉMOIRES ;ette ratification , telle qu'elle rut d'abord mandée en Efpagne, n'étoit autre que 1'omiffion ^ue le Roi avoit faite (en fi2;nant) de fes Titres de Roi de trance &. de Navarre. Le Comte d'Olivarez attribuoit cette omiffion a un artirice imaginé par la France , pour avoir un nouveau prétexte de retarder 1'achévement de 1'Affaire j ou pour que le Traité recüt le dernier coup de pinceau chez elle , après avoir recu tous les autres en Efpagne. Le Comte d'Olivarez écrivant au Marquis de Mirabel (a) a ce fujet, 1'avertiffoit lèrieufement d'être attentif a ce que le nouvel A&e de ratification que Ia France devoit remettre , fut fans reftriclion. Mais au fond  S E C R E T S. 121 Pomiffion qu'elle y avoit faite," venoit plu-tót d'inattention , que de malice. La France, il eft vrai , étoit d'autant moins excufable, que cette inattention étoit la faute de deux de fes Miniftres ; fcavoir d'Herbaut, dans le Secrétariat duquel furent formés les caraclères figurahs la fignature du Roi; & le^Chancelier, qui, en appofant le Sceau, devoit voir li 1'Acle avoit, dans le refte, les formes requifes. Ce qu'il y a de certain, c'eft que la fortune de tous les deux déclinoit dès-lors ; comme 1'événement le fit voir bientöt de 1'un, & qfütquè temps après de 1'autre (a). Leurs ennemis firent, a ce qu'on croit , valoir contre eux , auprès du Roi , cette la) Conformérrsent a ce que le Public avoit pronoftiqué de celui-ci, potte le Texte. Kiij 1626. /  Le Cardinal Spada (b) fe rendit,le 3 de Juin, a Limours, au fujet de la condamnation du Livre du P. Santarelli par Je Parlement (c) 5 & il paria au Cardinal de Richelieu, qui lui dit en 1'embraiFant: — Commentpuis-je faire pour devenir votre ami ? Que voulez-vous de moi?Pourquoi me donnez-v#us (a) Peut-être même plus qu'il n'étoit nécefTaire, dit encore le Texte. (b) Toujours Nonce a la Cour de France. — Sa lettre au Cardinal Barberin , du il d« Juin, 1616. (c) Et qu'on a vue ci-devanr. 222 MÉMOIRES nouvelle faute (a). Quoi qu'il en foit, le Comte de Fargis fe conduilit dans tout c'eci avec beaucoup de difcrétion; car, au lieu d'en écrire au Roi ou au Cardinal de Richelieu , il en krivit au Chancelier lui-même Sc au P, de Bérule.  S E C R E T S. 213 lieu de me plaindre de vos procédés, & de ce que vous mandez a Rome ? Tout m'eft rapporti par gens bien inftruits. — Le Cardinal Spada répondit: — Je n'ai pas de plus grande ambition , que celle d'être votre ami & d'être regardé comme tel. Cette paffion me domine tant,que je ne fcaurois m'en défaire , même lorfque vous donnez fujet a des plaintes de ma part très-amèresj lefquelles doivent peut - être faire encore plus de peine 2 mon cceur qu'au votre ; nonfeulement paree qu'elles foni trop évidemment fondées fin la jultice , mais paree qu'elle regardent le fervice de Dieu celui du Public , & 1'honneu même de Votre Éminence Elle que des Paix terminées des Huguenots réprimés, de féditions étouffées ont déj; Kiv 161Ó. > j i s |  l 6z6. 224 Mémoires couverte de gloire 5 & qui n'a befoin d'autre couronne, pour s'immortalifer , que quelque ferVice important qu'elle rendroit a 1'EgJife, dont elle eft un des principaux ornemens. Pour ce qui eft de ce que j'écris a Rome concernant votre perfonne, il eft beaucoup au-deffous de ce que je vous avois fait dire précédemment par le P. de Bérule & TEvêque d'Angers, vos amis 5 &, fans qu'il foit befoin d'autre preuve, je vous enverrai ies minutes de mes lettres. Le Cardinal de Richelieu répliqua aflez brufquement: — Quoiquejene porte pas, comme d'autres {dj , trois couronnes(è) alaceinture,jenelaiflerai pas de faire voir, avec le temps, (a) Comme vous. (b) La Tiare , forme'e de pareil nombre de :ouronnes.  S E C R T E S. 225 que, dans les chofes effentiel- „ les, je fuis beaucoup plus zélé pour le S. Siége, que qui que ce foit. Mais en France, on ne peut pas, dans ces matières, ni dans des circonftances telles que celles - ci, faire ce qu'on veut. Je défirerois fcavoir de vous , Monfieur le Nonce , quelle forte de fatisfaction le Pape demande. — Je ne fuis point venu a Limours, reprit le Cardinal Spada, pour difputer ni pour dialoguer, mais pour vous faire voir que je fuis votre véritable ami. Comme tel, je vous ofFre une caffette que j'ai apportée avec moi, & dans laquelle vous pourrez voir des Lettres , des Brefs , des Chifres, des Inftrudions , & tout ce qu'il vous plaira. Or fcait bien ici que le Pape 2 tant de confiance en votre mé rite , & une fi grande idee d< Kv 1616.  jó2ó. ] ( ( Mémoires votre pouvoir , qu'il ne me blarnera jamais d'avoir été prodigue vis-a-vis d'une ame auffi généreufe qu'eft la votre. Le Cardinal de Richelieu üt au Miniftre de Sa Sainteté les plus amples remercimens; approuva qu'il fe fut abflenu de préfenter des Brefs au Roi & a la Reine-Mère, avant que de prendre fon avis; & finit par dire : — Je fuis pret a tout ce que vous exigérez de moi , Monfieur Ie Nonce. Qu'on me donne feulement un peu de temps 3 qu'on permette que je me rende a Blois avec Maril!acj & remercions Dieu de ce ijue nous n'avons plus a faire ui Chancelier; car, avec lui, lous n'euffionsjamais achevé.—^onfentez, Monfieur le Non:e , que le P. de Bérule foit 'otre Interpréte vis-a-vis de  S E C R E T S. 227 moi , & le mien vis-a-vis de vous. Cet InfHtuteur de TOratoire convint avec le Miniftre du S. Siége de propoler feulement qu'on laifsat la 1'Arrêt du Parlement , ou qu'on Négociat , quant a cet Arrêt, fans parler ni de fufpenlion ni d'évocation. II fe réduifit enfuite a dire au Cardinal de Richelieu, qu'il falloit qu'on fit , du Livre du P. Santarelli , une nouvelle cenfure , qui le condamnat d'ane facon générale , fans qualifier aucune propofition ; & qui rendit de nulle valeur la condamnation du Parlement 3 & cela , fous prétexte de nullité ou d'autre chofe. Des moyens pour parvenir a ce but, Richelieu gouta affez celui de faire adreffer a lui Cardinal , Provifeur de Sorbonne, une lettre de celle- 1626,  l6l6. 228 Mémoires ci, par laquelle elle Te plaindrok de la facon dont cette condamnation s'étoit faite. Afin d'enhardir fufïïfamment la Sorbonne a cette entreprife, Richelieu confentit , non fans beaucoup de peine, que le P. de Bérule dit fecrétement a deux ou trois principaux Membres de ce Corps, que tout fe faifoit au feu de Son Éminence.— L'Inltkuteurdel'Oratoire obtint la fignature de vingtrrois, du nombre defquels étoit le Syndic. A ceux-ci s'en joignirent enfuite plufieurs autres , parmi lefquels fe trouvoit le Vicaire - Général de 1'Archevêque de Paris. Le fecret (a) fut fi bien gardé, qu'il ne fut f^u que très-tard. . *, (a) Si néceflaire , dit Ie Texte , confïé route fois a tant de gens, & qUe Ia malice au la iimphcite de quelqu'un d'eux eüt pu Faire éven ter. y  S E C R E T S. 119 Cependant Richelieu dit au Nonce (a), en paflant : — Je veux rendre 1'Affaire de la Sorbonne {b) tout-d-fait fatiffaifante pour le Pape, fans que le Parlement ait lieu de m'attaquer. Richelieu ajouta enfulte . _ J'efpère faire voir, dans dix - huit mois , la France fi changée , qu'on ne la reconnoïtra plus. Ce fera fur- tout par la deftrucfion des Huguenots, la fuppreffion des Impöts & PafFoiblifiement des Parle mens(c).—Telles étoient les hau tes penfées du Cardinal de Ri chelieu. Cette Éminence fe rioi du peu de fatisfadion que 1 (a)Lei6deJuül t. O La cenfurc que ce Corps fe propofoit de faire du Livre du P. Santareltr. (cl Soit par la dimiuution du nombre de ces Cours de Juftice , foit par cede du nombre des Sujets quilescompofent.—Farvedere i Parlamenti chianti, dit le Texte. 1616. 1 d  (a) Francois Barbcrin , Neveu du Pape Urbain VIII ; lequel , après être venu inutilcment en France pour 1'accommodenaent de^finitif des Affaires , étoit paiTé en Efpagne, oii il alloit jouer un pareil röle. {b) Oti on 1'a vu naguère. 230 Mémoires Cardinal Légat (a) recevoit en Efpagne. Celui - ci , parti de Barceione (b), s'achemina vers Madrid, pour y faire fon entrée. II s'arrêta quinze jours a deux lieues de cette Capitale, dans une maifon nommée Borajas, appartenant au Cardinal Zappata 5 oü 1'on arrangea le Cérémonial qui devoit s'obferver a fon entrée, fixée au Dimanche, 24 de JVIai, Sc pour laquelle on refufa de lui accorder Je Dais. Le matin de ce jour Ia, Ie Duc de Selfa, accompagné des Grands, Sc au milieu du Duc d'Albuquerque Sc du Marquis de Liche , tous a cbeval ,  S E C R E T S. 231 vêtus de noir , avec des pan- • naches , des pierreries 8c des livrées magnifiques, fe rendit au Palais du Roi, pour y recevoir les ordres de Sa Majefté. Le Monarque le chargea d'alIer faluer de fa part le Légat, a S.-Jéröme, oü il s'étoit tranfporté, 8c avoit été recu par les Religieuv (a). Le Duc de Sefta, la vifite faite, s'en retourna au Palais avec la même fuite, pour rendre réponfe aSa Majefté.-— Peu après, 1'Infatït Cardinal alla , en carroffe, faluer a fon tour le Légat, lequel le recut au haut de 1'efcalier qui conduit a 1'appartement duRoi(£), oü ils laifsèrent leurs Barrettes,fans fe parler. L'Infant entra le premier dans la falie, oü étoit un Dais, 6c un fiége au- (