MÉMOIRES S E C R E T S. XXXVIe PART IE du Régne de Louis XIII, OU Le PART IE des Régnes de Henri IV& Louis XIII,  Années ou comtnencent & finiiïenï les Parties de eet Ouvrage. Regne de U&nri IV. Parties. commencent. finijjetU, 1 &. 1 1601 & 1603. 3 & 4 1603 i 160Ï, < cs 6 i6oy d 1608. 76-8 iócS 2 1609. 9 . On rraite en France , en Efpagne , a Rome , dans la Valteline & dans le Milanez,fur la manière dont fe fera la détnolition des Forts du quatriéme de cesPays.Capitulatio.n  vlij T A B L E. fur cetobfet, portam 1'exécution du Traité de Moucon. Les Forts font démolis. De Cceuvres eft fait Maréchal, en récompenfe du bon fervice qu'il avoit rendu au Roi, en affiftant les Gtifons, Alliés de la France. Cinq Ambaffadeurs extraordinaires , envoyés par le Monarque , vers pareil nombre de Puiflances. Objet de la Légation de chacun d'eux. Prétention du Duc de Savoie au titre de Roi de Cypre. 11 défire de le prendre , autoifé par le premier Roi de la Chrétienté , & prie en conféquence Louis XIII de le lui donner. Subftance d'un Ecrit qu'il avoit remis au Préfident de Bullion , lors du départ de celui - ci de Turin, & fur lequel il fondoit fa prétention, page 180. MÉMOIRES  MÉMOIRES SECRETS. Satisfaclions que le Roi d'Angleterre donne d la France. Ce Prince ratifie la Ligue de Hollande & de Dannemarck. Confpirations che^ la feconde de ces quatre Puijfances, contre i autorité Royale & le Gouvernement.Le nom du Duc d'Anjou {a) leur fert de voile. Emprifonnement du Maréchal d'Ornano , effet des noirs artifices du Cardinal de Richelieu. Zèle du Duc d'Anjou , pour le faire XXXVI. Parcie. A  t 2 MÉMOIRES élargir. Lxs 'deux fères Vtn~ dömes lombent dans (es piégcs du Cardinal de Richelieu , & font arrités. Vive Jenfibilité de ' Monjieur, a ce fujei. II forme la rèjolutwn qu'il avoit déja prije a toccajion du Maréchal dOniano , qui étoit de parttr brujqueme?it de la Cour, & de je déclarer mécontent. Ojfre que le Comte de Soi(fons lui fait jaire jur eet oljet. Intrigues redoublées du Comte de Chalais , en faveur de Monfieur. De Chalais ejl arrété. Ca emprijonnement fait prendre a Monfieur , pour la troifiéme fois , la réjolution d'abandonner la Cour. Moyen affe^ plaifant dont le Cardinal de Richelieu Je Jen , pour effacer dans fon cozur tout rtffentiment. Monfieur épouje MademoifeUe de Montpenfer.  Secrets. 3 Les Miniftres Efpagnols efpé-roienc fort (a) que les pJaintes & les démêlés qui alloient toujours croiffant entre la France & 1'Angleterre, produiroient enfin une rupture ouverte.Mais le Roi Charles cherchoic quel' <]uefois a 1'évker. II donna fai tisfadion a Blainville 5 ce fut 1 en chatiant ceux de fes Offij <:iers qui avoient pen refpecté les Gens & la Maifon de cec ! AmbafTadeur; en donnantmainlévée pour quelques Vaitfeaux laifis fur les Francois; & ordre pour qu'il fat fait droit quant aux autres. Ce procédé du Roi d'A nglecerre étoit regardé comme défir de fa part de vivre' en bonnè intelligence avec Ja • France ;. atcendii le brult qui U) Lettre de Louis XIÏI a Blainville , fon Ambaf adeur extraordinaire a Londres, du 18 dAvril, 162.6. 1626.  J 616. 4 Mémoires couroit que celle-ci avoit fait fa Paix avec 1'Efpagne ; &, vd les brouilleries de Charles avec fon Parlement. Le 29 d'Avril , Blainville prit congé de lui pour retourner en France; &l ce Prince racifia la Ligue de Hollande öc de Dannemarck (0), avec tous les Articles' fecrets. Le Monarque Danois fe plaignoit fort de ce que Louis XIII avoit renoncé ■X la Guerre contre 1'Efpagne. Mais rien n'étoit plus contraire a la faveur nailTante du Cardinal de Richelieu, que d'engager fon Roi dans une Guerre étrangère Sc difficile , tandis que le dedans de PEtat étoit vicié, &c qu'on découvroit fans celle de nouvelles confpira-» Ca) Cclle qui s'étoit faite entre ces deux^ Puirtances & lui, pour le rdtabliffement de l'Electeur Palatin, fon Beau-Frère , dépouill£ par 1'Empereur.  Secrets. j tions conrre 1'autorité Royalere le Gouvernement. Richelieu ferma en conféquence 1'oreille a tous les cris & a tous les murmures, & s'appliqua tont entier a étouffêr dans le principe les fédirions, auxquelles Ie nom | du Duc d'Anjou (a) fervent de voile. Le Roi avoit donné pour Gouverneur a fon Frère, après de Bréves & de Lude, le CoIonel d'Ornano , Corfe , Seigneur d'un mérité rare, qui, j dès le commencement, apporra tant de foin a fon éducacion, qu'elle étoit univerfellement applaudie. Le jeune Princc étoit comme un terrein , qui', par défaut de culture, ne produit, au lieu de bonnes herbes, que des bruyères & des épinesl i") Qui les fomentoit, Aiij tëHj,  i6z6. (u) Dans ces deux connoiffances, il furpalTa tout autre, dit le Texte. (i) Qu'il feut parfaicement , dit auffi te Texte. (c) Dans laquclle , dit encore le Texte J • peu 1'égalèrent. (of) Oii il excella. 6 MÉMOIRES D'Ornano employa tout Tori 1 foin a déraciner chez lui les vices nahTans, Sc a y répandre des femences de toutes vertus. II régla fes pafTe-temps; modéra fon ardeur pour le jeu; 1'ap- I pliqua a la lecture de l'Hiftoi- | re 5 a 1'étude des Eortifications > I a celle des Médailles Sc des 1 Statues , tant anciennes que | modernes(a); lui fit apprendre 1 Ia Géographie {b), la Naviga-J tion , la Botanique (c) Sc 1'Equi-l tacion (d). Tant d'ornemens 1 dans 1'éléve firent une fi gran-| de réputation au Gouverneur J| qu'elle excita contre lui Pen-ft vie 3 qui eft dans les Cours | comme dans fon élement. En-I  Secrets. 7 forte que le Marquis de fa Vieuville , Sur-Intendant des Finances, & premier Miniftre alors (lequel défiroic avoir 1'afcendanc fur la Reine-Mère &i le Duc d'Anjou) , mie route fon indufirie a renvei-fer d'Ornano , afin de mieux établir fa faveur, en le décruifant. II donna a entendre au Roi, qu'il ne pourroit jamais être sur de ion Frère , tant qu'il auroit auprès de lui le Colonel (a). L'adrefïe de la Vieuville lui réuflir. A Compiégne , ou Ia Cour fe trouvoit, d'Ornano eut ordre de fe recirer. Le Duc d'Anjou y fut fi fenfible , qu'il chafTa de chez lui tous ceux qu'il crut avoir part a la difgrace de fon Gouverneur. Celui - ci fut relégué dans le Dauphiné 3 & il refufa par deux fois d'obéir, (j) D'Ornano. A iv 1626.  j.6i6. (a) Qui ne fe maintint pas long-teuips daas la place de premier Muüftre. 8 MÉMOIRES fous prétexte qu'il ne pourroit ; pas, aufla bien de loin que de prés, fe juflifïer conrre 1'impof- I ture. Cette délbbéiflance lui attira 1'indignation du Roi , j qui 1'envoya prifonnier au Chateau de Caen, oü il étoit feu- : lèment privé de la liberté. Le i Duc d'Elbeuf s'employa de toutes fes forces a la lui faire i recouvrer. II engagea Ie Duc i d'Anjou a trainer avec plus de civilïcé qu'a 1'ordinalre Mademoifelle de Monrpenfier, afin de s'attacher la Cour. Les Mi- | niftres, fuccefTeurs du Marquis de Ia Vieuville (a) dans fes emplois, furent charmés d'avoïr occafion de fatisfaire le Duc d'Anjou, & de faire retomber fur le Marquis tout 1'odieux de la févérité du Roi envers d'Or-  S E C R E T S. 9 nano. Enforte que ce Seigneur 1 fut rétabli, finon dans 1'Office de Gouverneur , déformais importun au jeune Prince , du moins dans 1'emploi de Premier Gentilhomme de fa Chambre, &. dans celui de Sur-Intendant. Son contentement fuc cependanc empoifonné par la vue de la vie diilolue que meuoic fon Eléve , a laquelle il n'efpéroit plus de remédier , paree que le jeune Prince ne déféroit plus a fes avis. D'Ornano , imbu de la commune opinion que le Duc d'Elbeiif étoit le principal auteur de ces défordres , chercha ( malgré J'obligation infinie qu'il avoit a celui-ci pour le fervice récent qu'il en avoit re^u) a le décréditer auprès de ce même Prince. Cependant le Maréchal de Roquelaure mourut. A peine A v 1626.  x.6 z 6. ( enforce qu'il fongea a le détruire, a lui tsndre des piéges pour le faire paroitre coupable, & achever ce que la Vieuville avoit commencé. II trouva 162,6.  i6i6. (u) Bras drök da Cardinal, 14 MÉMOIRES ün inftrument propre pour cela dans la perfonne du P. Jofeph, Capucin (a); qui, Tous Ie voile de Pamitié \ faifoit confidérer au Maréchal, qu'il étoit temps de procurer a Monfieur 1'entrée dans le Confeil, pour qu'il s'inItruisit dans la connoiffance des afFaires. Ne craignez pas, dit le Capucin au Maréchal, d'ètre refufé •, atcendu que vous ne ferez que demander ce qui eft du a la naiffance Sc au mérite du Prince. Rien ne pouvoit Matter davantage 1'ambition du Maréchal ; vu que tout avancement de fon Maitre étoit le fien propre j Sc, comme le défir fait aifement iüufion , il fe perfua'doit que le bien de 1'Etat demandoit que , puifque le Roi étoit fans enfans , 1'héritier  S E C R ETS. ij préfomptif de la Couronne für élevé dans l'art de gouverner. 4i penfoic qu'une fois que Monfieur aurok écé re^u dans le Confeil , il lui feroit part de tous les fecrets de la Couronne les plus importans, Sc qu'il ne pourroit en conféquence fe difpenfer de 1'y faire admettre aufli, conformément a la promefTe qu'il prétendoit en avoir eu de fa part , des le temps même de la faveur de de Luy> nes. Le Maréchal dit donc imprudemmentau Roi, qu'il feroit a propos que Sa Majefté introduisit fon Frère dans le Confeil , pour apprendre l'art de gouverner, £c s'inftruire des affaires d'une Couronne dont Ia confervation le regardok de fi prés. Que & Sa Majefté ne croyoit pas devoir lui donner place fitót dans le Confeil , i6ió.  i6z6. \6 MÉMOIRES Eile lui donnat du moins lö commandement de 1'Armée. II ne fut pas difficile a Richelieu, qui réuffifToic fi bien a faire paroïtre quelqu'un Cu£peet de mauvais deflein , de repréfenter la demande du Maréchal , comme criminelle , 6c de perfuader au Monarque d'y oppofer un refus abfolu. Le Maréchal , dit - il au Roi, infpire de trop hautes penfées a Pame ambitieufe d'un Prince qui vient immédiatement après Votre Majefté. Il ne cherche a lui procurer le commaadement d'une Armee, qu'afin qu'il s'en ferve i vous dépouiller , & qu'il partage avec fon Gouverneur le pouvoir Royal.—Le Cardinal de Richelieu prévoyoit que le dégout que feroit éprouver a ce Prince le refus, le porteroit a  S E C R E T S. 17 quitter la Cour ; ou que , s'il y reftok, il fe laiflérok aller a des paroles & a des acles d'irnpatience, qui aigriroienn le Roi contre lui , 6c augmenteroienc fes méflances. Oétok ainfi que le Cardinal trahifloit 6c calomniok fecrétement le Maréchal, tandis qu'il entretenoit extérieurement avec lui une bonne intelligence, 6c qu'il faifoit en public fon éloge. — C'eft l'ordinaire des Miniflres dominans, qui veulent tenir les Princes du Sang dans la fervkude, 6: avec eux tout le refte des Sujets, d'ufer de pareils artifices. — Si Je Duc d'Anjou, dtfok encore le Cardinal au Roi , refufe d'époufer Mademoifelle de Montpenfier, cela vient de ce que le Maréchal d'Ornano lui perfuade fortement que , s'il époufoit une Sujette de Votre Ma- [616.  i6z6. (.a) Dans les miemies. — Car par le mot général de Miniftre , Richelieu ne défigne ici d'aurre que lui, qui étoit 1'arbitrc abfolu des Affaires. i S Mémoires jefté, il feroit plus Sujet, movermant ce mariage , qu'il ne 1'étoit avant qu'il Ie contractat; paree que la fortune des deux époux fe trouveroit entre les mains de Votre Majefté , par conféquent dans celles de fon Miniftre (a). Le Duc d'A njou , a la vérité , n'eft maintenant nullement porté aux troubles, enforte qu'il n'a pas befoin d'appui étranger. Cela n'empêche pas que le Maréchal d'Ornano ne lui dife : — Pour que Votre AltefTe foic en sareEé, & plus confidérée en mêmecemps, il faut qu'EUe ufe de |*révoyance , 6c qu'Elle prévienne le cas ou le Roi, fuiv&nt les mauvais confeils de fon Miniftre , livreroit fon  Secrets. 19 Frère (a) a la violence de celuiei. Car alors Vocre' AkeflTe ne pourroit trouver que des fecours étrangers, qui lui manqueroient, fi Elle n'avoit pas dehors quelque liaifon de fang un peu étroite. Ainfi, pour fe mettre en sureté, il faut qu'Elle perfifte a refufer d'époufer Mademoifelle de JVlontpenfier 5 pa-ce que, fi Votre Akeffe contradok ce mariage , tout fon bied fe trouvant dans le Royaume, feroit (dans le cas de difgrace) auiii-töt faifi ; & Elk fe verroit réduke , ou a la misère , ou a une fervkude indigne du rang de Prince Ei Votre Alteflerecevrokd'autam plus difficilement du fécour: des PuiüaaceS Etrangères, que (a) Livreroit Votre AltefTe. (ó)Donc on violeroit dans Elle toiues les prérogatives, en exigeant de la part tout ce qu'on Youduoit. lóló.  ióz6. (a) Dü rétabliflcment d'un Prince dans fes droits. 10 Mémoires -quand il eft queftion d'affaires d'Etat, on regarde plus k 1'intérêt, qu'a la gloire & a I'amitié. En époufant au contraire une PrincefTe étrangère, Votre Alteffe tireroic une riche dot, & auroit une forte protection dans la Puiüance dont Elle •tiendrbit fon époufe. Le feul moven enfin pour Votre AlceïFe , de fe foutenir, eft de le faire avec les forces des voifins, comme fi c'éroit avec les fiennes propres. Tel eft le langage, difoit Ie Cardinal de Richelieu au Roi, que le Maréchal d'Ornano tiérit au Duc d'Anjou. II fait dans cette occafion tout ce que j'aurois peut-être fait moi-même, fij'eufieétéa fa place.— C'étoit ïinfi que Ie Cardinal imputoit  SECRETS. 2t des machinations a celui qu'ilvouloic opprim'er. — Louis XIII , naturellement crédule Sc méfiant, ayant moins d'égard a la qualité de fon Frère , qu'aux fuggeftions de fon Miniftre, fit arrêter le Maréchal (a), Sc avec lui Chaudebonne , Grand Maréchal-de-Logis du Prince ; foit que celui - ci fiit /ufpect au Cardinal; foit que fon Éminence voulüt lui faire fubir le même fort qu'au Maï-échal, pour empccher que le Public ne crüt que toute la faute d'Ornano confiftoit dans la mauvaife difpoficion de lui, Cardinal, a 1'égard de fa Perfonne. — Les frères d'Ornano, les S1"3 Déagen , de Modéne Sc d'aucres encore furenc arrêtés auffi. Quant au premier, il fut (a) Ce fut a Fontaiaeblcau i6z6.  (a) Pont il étoit an des Mignons, 0) D'Aligfe. 2% Mémoires " bientöc dépouillé de tous fes emplois. Piloran ayant porté la triite nouvelle de fa dttention au Duc d'Anjou ia) , ce Prince hors de lui - mcme fe ren dit auffi - tót chez le Roi, oü les Gardes ne permirent qu'a lui feul d'entrer> la porte fut refufée a toute fa fuite. — Le hazard fit rencontrer au Duc, dans J'appartement, le Chanchelier (b), auquel il demanda la raifon pour laquelle le Maréchal avoit été arrêté. — Je prie Votre AltefTe , répondit le Chancelier , de m'excufer fi je ne la lui dis pointj attendii que je ne me fuis point trouvé au Confeil ou cette réfolution a été prife , &c qu'en confc-  S E C R E T S. 23 quence je n'en ai point été fait • participant. Ce procédé dn Chancelier déplut fort au Roi & aux Miniftres.il avoit molli fel on eux,. au lieu de montrer la fermeré qui convient au Chef de la Juftice , obligé de faire valoir les réfolutions de fon Maitre, loin de parler en homme privé, &j qui craint. Sa foibleile lui attira 1'indignation du Monarque, qui lui óta les Sceaux , & les donna a Marillac. Cependant le Duc d'Anjou fe plaignit amèrement au Roi, fon Frcre , de 1'emprifonnement d'Ornano , & lui dit: — Votre Majefté* peut me faire reflèrrer auffi 5 car jefuis autant coupable que le Maréchal. Gafton & Ornano (a) peuvent ctre juftei nent accufés d'avoir excef- (a) Moi & lui. 162.6,  i6z6. (ö) Le Maréchal d'Ornano, Plus 24 Mémoires fivement aimé Votre Majefté & I'Etat 5 & 1'on ne fcauroit leur attribuer que ce crime. Au refte je veux ( fans me prévaloir de ma naiflance) qu'on me fafte fubir la mort, fi 1'on a deftein de la donner au Maréchal , malgré fon innocence. Je le vois a la fin tombé dans les piéges que 1'envie & la malice lui avoient tendu's depuis long-temps. Mais j'efpére que la juftice de Votre Majefté n'abandonnera point un Frère, 6; qu'elle ne laiftera pas non plus un Officier de fa Couronne (a) en proye a la rage de fes ennemis. Si jamais je découvre 1'auteur de 1'emprifonnement du Maréchal, les bras feuls de Votre Majefté pourront lui fervir d'aiyle contre un-e jufte vengeance.  SECRETS. i ƒ Plus Gallon intercédoit pour d'Ornano, plus il le rendok fufpect, & le faifoit paroitre criminel 5 attendu que Ton zéle don nok couleur a 1'accufation du Cardinal, fcavoir que Ie fecond avoit Ia plus grande partie de la confiance du premier, & qu'il en abufok. Peut - être même le delTein du Cardinal étoit-il de faire fervir le couroux de Gallon a perfuader au Roi, qu'il falloit qu'il fe gardat de fon Frère} peut-être le Cardinal avoit-il pour objet touta-la-fois de faire cfaindre a Gallon , par les méfiances 6c Ia mauvaife humeur que le Monarque lui montreroic, un péril évident pour fa Perfonne. Quoi qu'il en foit, le Roi répondit a fon Frère : — Je ne doute point que, fi vous venez a voir le Maréchal convaincu de ce dont on 1'accufe, vous ne XXXVI.Partu. B l6z6  J 616. CO De tnon intérêc. 26 MÉMOIRES - ceffiez de le protcger. Je vous connois trop poïté pour le bien de 1'Etat, pour que vous influkz au projer formó de le renverfer. On le fert de votre nom; .... mais ftjachez diftinguer 1'intérêt du Maréchal de celui d'un Fr ere (a). Je mourrois plutöt , répliqua Galton , que d'abandonner un homme qui n'eft coupable d'autre chofe, finon qu'il eft mon ferviteur. Ces offices- preflans de Monfieur n'empéchèrenr pas que le Maréchal ne fut eonduit a Melun (bus bonne garde, mis dans un bateau, Chaudebonne dans un autre; &i qu'ils ne fuftenc tous les deux tranfportcs a Vincennes, &c reiïerrés. Monfieur cependant dép'êcha fans délai a la Maréchale d'Ornano Ca-  Sec r ets. 27 jpeftan, Lieutenant d'une Compagnie d'Infanterie Corfe, Iequel avoit été Page du Mari. IJ portoit une lettre par laquelle le Prince afsuroit laMaréchale , qu'il prenok Ia part Ja plus fenfible a fon affliclion, & qu'il n'aurok pas de repos, qu'il ne Peüc fait cefïèr. Le Cardinal de Richelieu, inftruit d'avance de eet envoi , avoit fait placer fur les diverfes routes de Fontainebleau , des •Gardes du Roi, pour faire arrêter Capeftan , & lui prendre la lettre. Mais la ferme réfolution oü étoit celui-ci, de mourir plutót que de manquer de remplir fa commiffion , lui fit forcer les Gardes, dont il blefia queJques-uns dafigereufement. La Maréchale ayant recu la lettre de Monfieur, yrépondit ^ur le champ, & donna la fienne a un de fes laquais , traBij 1626,  i6i6. 28 MÉMOIRES .vefti , pour qu'il la porrit a Piioran ou a Goulas(a), &c que celui des deux a qui elle auroic été confiée, la remk au Prince en mains propres. — Ce fut Goulas quï la re^ut. Deux heitres après s'étant préfenté a. Monfieur (b) fur le grand efcaJier du Chateau , avec un air chagrin , lui dit: — J'ai recu pour Votre AltefTe une lettre de la Maréchale d'Ornano, que j'ai perdue y je ne fcais oü ni commenti peut-être m'eft-elle tombée de la poche. — Mais le traitre 1'avoit portée au Cardinal de Richelieu , qui , Ie lendemain , la fit lire en plein ConfeilMonfieur préfent, lequel fe contenta d'en témoigner de la forprife. Car ni cctte preuve, ni tant d'autres qu'il avoit eues, de i'infidélité (a) Le fecond étoit fimplement attaché a Monfieur. {b) A deflein, dit le Texte.  S E C R E T S. 29 de la plupart de fes Domefti- ' ques, ne fervirent de rien pour lui ouvrir les yeux, &c le porter a remédier aux trahifons continuelles qu'on ourdilToit contre lui. Sa foiblelTe 1'empècha toujours de fonger a empêcher que fes Gehs ne le vendiffent. On difoit de I'Abbé de Ja Rivière , hm d'eux , qu'il fcavoit ce que pefoit fon Maïtre, pour 1'avoir plufieurs fois vendu. La Cour répandoit parmi eux de grolTes récompenfes; 6c, pour les mériter, ils épioient avec le plus grand foin touccs fes démarches les plus fecreres, dont ils faifoient le rapport au Cardinal. Aufli, Jorfque le Prince alla parler au Roi pour le Maréchal , il le reconnut inftruit de ce qu'il vouloit luï repréfenter, & préparé pour le refus des demandes qu'il venoit tui faire. Le Monarque fit même Biij 1616.  JÓ2Ó. (a) Dont il a dcja été parlé j lequd avoie 30 MÉMOIRES 'quelque menace de traiter le Maréchal avec plus de rigueur, fi 1'on continuoit de 1'importuner pour fon élargiffement. Ce qui venoit d'arriver, fit voir a la Maréchale combien peu elle devoit fe fier a ceux qui entouroient Monfieur. Enforte que , ne fcachant comment entretenir commerce de lettres avec lui d'une facon süre, elle fe vit obligée de fe fervir de Dauphin , Gentilhomme Corfe, ancien Domeftique du Prince ; lequel avoit de fréquens entretiens avec Monfieur, &C lui étoit utile pour fes Ballets. Elle recommanda a Monfieur , par 1'organe de Dauphin, fes intéréts &c ceux de fon mari. Elle le fuppHa fur-tout de donner au jeune Piloran (a) ia confiance , qua-  Secrets. 31 voic ci-devanc ie Maréchal ; & de n'ajouter foi qu'a fes rapports, dans les chofes qui regardoient les Ornano. — Dauphin , voulanc s'attachêr d'une fac^on particuliere, le Préfident le Coigneux, fon ami, & Chancelier de Monfieur, fit confidérer a la Maréchale, que Piloran étoit trop jeune, pour ménager feul fes intéréts avec prudence & circonfpeclion. Que Monfieur Iui-même ne pouvoit pas fe pafTer d'un homme de confeil & d'expérience pour ia conduite de fes affaires. II engagea en conféquence la Maréchale a faire enforte cjue le Prince partageat fa confiance #entre Piloran 6c le Préfident. Je vous afsüre, Madame, lui dit - il, que le fecond fera , été Page du Prince, & étoit neveu de Madame de Verderonne , liee d'amitié avec les Ornano. Biv 1616,  3* Mémoires 1 comme Ie premier, très-dévoué aux d'Ornano , & qu'il vous fervira avec toute afreclion &. toute fïdéliré. Galton, entièrement plongé dans les plaifirs, ne demandoic pas mieux que de fe débarrafïér totalement des affaires 5 enforte qu'il accepta fans déJai le choix qu'on lui propolbit, du Préfident le Coigneux, avec lequel il avoit déja formé quelqu'habitude , par reflemblance de caraclcre; attendu qu'ils aimoient tous les deux la dépenfe & la joie. Et Piloran fut bien-aife de partager avec un hom-me de Robe la confiance de Monfieur , afin d'éviter la rivalité qui n'auroit pas manqué d'avoir lieu , s'il avoit partagé cette confiance avec un homme de même état que lui: Sans compter que le Préfident I'ayant aidé de fes confeils £i  Secrets. 33 de fa bourfe dans diverfes oc-" cafions , il étoit charmé de pouvoir lui marquer fa reconnoiflance.— Toutes les affaires donc de Monfieur paffbient par les mains de ces deux hon> mes. La Cour, qui n'eüt point aimé a voir Ia réputation &c le crédit du Prince augmenter , conféntit aifement au choix qu'il faifoit d'un homme de Robe pour régler fes maximes > vu que cette forte d'hommes eft: naturellement timide , par conféquent éloignée d'infpirer des penfées turbulentes, contraires au bien de 1'Etat. La Cour jugea que le Coigneux étoit le fujet qu'il lui falloit» car il étoit doux, traitable , de qualité & de mérite, non aftez grands pour que le Rol ne put pas modérer bientót fes prétentions , pour peu au'elles Bv 162.6  34 MÉMOIRES lui dépltuTent. — Le Coigneux obtint facilement i'agrément du Cardinal, paree que Dauphin &c lui s'entendoient fecrécemenc avec cette Éminence. Le Roi & la Reine - Mcres'efForcoient de détruire dans Monfieur , 1'éloignement qu'il avoit pour Mademoifelle de Moncpenfier, & qu'ils préfumoienc lui avoir été infpiré par les remontrances du Maréchal d'Ornano. Sur ce qu'ils confidérèrent que 1'intérèt de l'Êtat demando-ic qu'il l'épousatj & qu'ils foupconnèrent violemment que le Comte de SoifTons fongeoit a enlever la Princeflè, ils redoublèrent d'ardeur pour vaincre la réfiftance de Moniieur, & ils en vinrent enfin a bout. — Troncon , Secrétaire du Cabinet 3 fut chafie de la  Secrets. 35 Cour, pour avoir voulu retidre ■ fufpe&e au Roi la Reine-Mère, a 1'o'ccafion de cette Affaire. Plaife a Votre Majefté conftdérer, avoit-il dit au Monarque , les facheufes fuites que peut avoir un mariage , établi entre une riche héritière , parente de la Maifon de Guife , & un Prince a qui un grand Appanage eft deftiné ■■, &c cela, tandis que Votre Majefté eft fans enfans, & d'une fanté foible. Si ce mariage avoit lieu , les Courtifans , dont 1'intérêt eft la régie, tourneroient les yeux vers le foleil naiffant. Car ils attendent de Monfieur, dont la complexion eft Donne , une belle poftérité, fur laquelle ils fonderoient leurs efpérances > & ils formeroient en conféquence des defteins diredement contraires a Ia sureté de Votre Perfonne Royale. B vj xózó.  (a) Jéfuitc. (l>) Et voudra toujours Ia venger. On a vu dans les Parties précédentes de eet Ouvrage la fortune & la chüte éclatantes de ce eelebre Favori & de fa femme ; Tinteret que la Reine-Mère ( aveuglée ) avoit toujours piïs a cc qui les regardoit; & les regrets que leur mine , a laquelle le Roi fon ijls avoit confenti, lui avoit caufés r, té (bien loin que fon intention foit de lui porter aucun préjudice) j c'eft ce que le temps fera voir. Louis XIII n'étok pas moins prévenu contre le Cardinal de Richelieu, conduéteur de cette affaire , que contre la ReineMère j enforte que Son Éminence s'attendoit a tout moment a fon éloignement de la Cour, par 1'envoi (a) de faPer- (a) Qu'il penfoit que ïe Roi feroit» IÓ2Ó,  Ï6z6. Mémoires fonne a Rome. La Reine-Mère & lui, voyant que le Monarque avok. fi mauvaife opinion d'eux , employèrent tous ieurs foins , pour découvrir qui Ja lui avoit donnée. Ils furent huit jours dans la plus grande agitation. A la fin les larmes de Ja PrincefTe obtinrent la révélation du fecret. Les imprelfions que j'ai, lui dit fon Fils, m'ont été donnéesparTroncon, Marfillac, Seneclerre. — Le Roi en nomma d'autres encore de la même cabale; la Reine-Mère les fit tous chatier comme ils méritoient, fi 1'on en excepte Barada, Favori du Monarque, que ce Prince fauva de la pu~ nition , en le tenant caché. Le Cardinal de Richelieu avoit ourdi la trame contre le Maréchal d'Ornano , d'unë autre manière encore, que celle qui a été rapportée ci- deflits.  S E C R E T S. 39 £'avoit été en publiant que le" Marquis de Chalais , Maitre de la Garderobe du Roi, étoit de la confpiration («) (quoiqu'il en eut donné les premiers avis a lui Cardinal , en lui difant que , dans une alTemblée de neuf perfonnes, il avoit été réfolu de fe défaire de fon Éminence dans fa maifon de Fleury). De Chalais, felon Richelieu , ayant déclaré le fecret au Commandeur de Valence , celui-ci lui avoit reproché fon manque de foi, qui le faifoit ofer ( Domeftique , co-mme il étoit, de la Maifon du Roi) attenter a la perfonne de fon premier Miniftre. Et de Chalais , intimidé , étoit allé aocompagné , révéler tout a lui Richelieu, qui 1'avoit prié d'en (a) Piétendue, I 6-2Ó,  i 40 Mémoires ' inftruire Ie Monarque. C'eft ce qu'il avoit fait. De Chalais, jouant Ie perfonnage d'homme doublé, pallbit (a) de fon appartement (£), contigu a celui de Monfieur, dans le cabinet de ce Prince , & avoit avec lui des enrretiens de plufieurs heures. Cela fut découvert & rapporti au Cardinal. Le Grand-Prieur, qui étoit du complot, Ie voyant éventé, chercha a recouvrer les bonnes graces de fon Éminence, a Iaquelle il dit des chofes trés obligeantes, pour 1'endormir. II ofa même le prier d'employer fon crédit, pour lui obtenir 1'emploi de Grand-Amiral. Richelieu , feignant d'y avoir déja pen- 0») Durant les téne'bres de la nuit. (t>) Celui qu'il occupoic au Cbateau ie  S E C R E T S. 41 ie, lui dit. — C'eft une affaire ■ aifee , Monfieur ■■> allez-vous-en en Brecagne, pour revenir enfuice a la Cour avec le Duc de Vendöme, votre frère, remercier enfemble le Roi. — Vendöme étoit Gouverneur de la Bretagne , que le Cardinal vouloit arracher de fes mains fans bruit; fermement réfolu de 1'en tirer de force , fi l'adrefle ne fuffifoit pas. ■ On voyoit une étroite amitié .entre le Grand - Prieur 5c le Comte de SoifTons \ tous les deux vivoient dans une parfaite intelligence avec Monfieur , Sc 1'affermifloient dans fon élol gnement a époufer MademoiTëlledeMontpenfier.Le premier des trois pafloit pour un intriguant de Cour très-habile. Cela lui donnoit beaucoup de confidéreration dans le Royaume; mais il ne faifoit rien fans le coü'  16 z 6. (a)Ourdie pour le rcnverfement de Ia fortune de Son Emmance. — Certe cabale étoit reelle ; mais quant a la confpiration pour laquelle le Maréchal avoit été arrêté elle etoic purement chimérique, comme on'verta par la ante. 42 Mémoires ■'eilduDuc,fonfrère.Cependant 1 le Cardinal de Richelieu, ayant I détruit Ia cabale du Maréchal I d'Ornano (a), employa tout fon I art &l toute fon indultrie a ren- 1 verfer les Vendómes; mir en I oeuvre pour eet effet les flate- 1 ries, les promefiesj fit rnontre j d'excellenre difpofidon a leur 9 égard , afin de les attirer au piege s dit au Grand - Prieur I qu'il traiteroit de 1'emploi d'Amiral avec le Duc de Montmorency5 ou qu'il feroit fupprimé 1 & qu'on donneroit a lui, GrandPneur, commilfion pour 1'exer- 1| eer. Ce Fils de Henri IV 'fe lahTa prendre a I'hamecon. II perfuada au Duc, fon frère,  S E C R E T S. 43 fde fe rendre a la Cour (  S E C R E T S. 47 1 prompt établiiTement de fon i Appanage. Le Cardinal, après is'ètre d'abord bien fait prier , i confentit aux quatre de man: des ; quoiqu'il témoignat les hregarder comme exorbitantes. I Je fervirai toujours Monfieur, dit-il , de tout mon pouvoir^ &. je lui montrerai clairemenc par les efïets, que je n'ai jamais uien fait que pour fon fervice. f — Monfieur envoya, le lendemain, Filoran remercier le CarI dinal. Le Roi fit fcavoir a ce Prince ! la détention des Vendömes ; i elle elt fondée fur de bonnes . raifons, lui difoit-il; & je ne 'm'y fuis déterminé qu'a la dernière extrémité. — Monfieur y i fut vi^vement fenfible 5 &. elle I lui fit prendre de nouveau la i réfolution de partir furtiveiment de la Cour. Mais fes deux : Mignons, voulant en traverfer. x 626.  l6i6. 48 MÉMOIRES 1'exécution, 1'exhortèrent a voir auparavant le Roi, 6c a le fupplier de lui accorder 1'elargiffement du Maréchal d'Ornano; auquel (difoient a Monfieur fes deux Favoris ) 1'honneur de Votre Altefte eft attaché. — Le Prince confentit a faire cette tentative, 6c il efFeétua la chofe, le foir du même jour. Mais Je Roi lui répondit: — Je ne crois pas que vous veuilliez protéger un homme auflï méchant qu'eft le Maréchal: il y a contre lui des dépofitions fuffifantes pour faire mourir vingt de fes pareils. — Monfieur répliqua : — Le Maréchal , Sire , eft innocent 5 & je me fais fort de le prouver a Votre Majefté. S'il étoit aulTi coupable qu'on le lui dépeint, je ferois le premier a le condamner. — Le Prince demanda, mais en vain, que les dépofitions en queftion lui  S E C R E T S. 49 lui fuiTeiït montrées; enforte ■ : qu'il quitta le Roi. mécontent, èc confirmé dans la réfolution de s'enfuir de la Cour. Madame de Villars lui avoit promis de lui rémettre le Havre de Grace (a). Balagny promettoit d'ob« tenir pour fon Altefle Laon ; & Elle fe flattoit d'avoir Metz a fa difpofition. Monfieur voulut cependant voir d'abord s'il pouvoit compter fur le Havre, il en paria a Villars, qui lui dit que fa femme n'avoit aucun pouvoir fur cette Place, — &c il la refufa nettement au Prince. — Maillortic , lequel commandoit dans Laon pour Ie Marquis de Coeuvres, dit qu'il ne connoiiToit pas Balagny. Le Marquis de la Vallette, a qui de Chalais avoit envoyé Ia (ö) L'une des trois Places dont fon mari étoit Gouverneur; les deux autres ttoient Rouen & le Pont-de-Cé. XXXVLP arm. C  i6i6, (<0 Le Duc d'Epernon, Gouverneur de Meti, Place dont il avoit confié la Garde a fon fils. JO MÉMOIRES - Laubière, pour 1'engager a Iivrer Mecz a Monfieur, déclara ouvertement qu'il ne pouvoit pas embrafier avec tant d'éclat le parti de ce Prince , fans le confentement de fon père (a). Enforte que touces les mefures prifes manquèrent. Et néanmoins la Cabale, celle des femmes fur-tout, preflbit toujours plus Monfieur de quitter la Cour; ce qu'il ne pouvoit pas exécuter fi aifément, attendu qu'on épioit avec Ie plus grand foin toutes fes démarches. De Chalais s'intérefloit a la fortune de Monfieur; il témoignoit un ardent défir de le fervir. C'étoit uniquement par inciination ; vu qu'il étoit fi bien au pres du Roi, qu'il ne pouvoit pas rendre fa condition  Secrets. 51 meilleure , en s'attachant au Duc d'Anjou. J'avoue ingénument , difoit-il, que le fort du Grand - Prieur [a) me force a m'écarter de 1'obéilTance (b). Tout le monde fcait 1'obligation que je lui ai 5 il m'a hautement défendu contre mes ennemis, jufqu'a vouloir fe battre pour moi. Ces raifons doivent être un garant pour Monfieur, de ma fidélité, & Ie convaincre que j'aimerois mieux mourir que de le tromper; fcachant que le Grand - Prieur eft fon martyre (c). Gafton fe difpofoit a quitter la Cour j & il envoya vers Ie Duc d'Epernon 1'Abbé d'Aubafine, pour lui demander re- 1{a) Tout nouvellement reiTerré avec foa frère. (A) Due au Roi. {c) Que 1'état du Grand-Prieur eft faplus ' yive peiac. Cij 1616.  (a) On a vu dans les Parties précédentes 4e eet Ouyrage , qu'il en avoit plufieurs. 51 MÉMOIRES traite dans les Gouvernemens (0). Le lendemam de Chalais eut un long entretien avec Piloran 6c Boifdalmay, auxquels il dit : — II m'eft très-aifé de trouver a Monfieur un afyle de süreté,.6c de lui menager les palTages. Je puis même dipofer fur la route des relais , lans que perfonne Te doute de mon defiein. Mon avis eft qu'on enyoye vers le Marquis de la VaJette, 6c que Son AlteiTe lui écrive. Je lui écrirai auffi; vu que je fuis fon intime ami 5 6c paree que je fcais qu'il n'hcfitera pas a recevoir Son AlteiTe dans Metz. — De Chalais 6c les deux Mignons fe promirent re? ciproquement le fécret pour tout. Mais Monfieur refufa d'écrite au Marquis de la Vallette y  S E C R Ê T 53 paree qu'il ne vouloit point lefier au mefiager de de Chalais (auquel il eut fallu remettre la lettre ), & qu'il ne jugeoit pas devoir rien hazarder mal-apropos. Boyer, venu de Paris , lui propoioït de fe retirer a la Rochelle. A4ais, comme une démarche, telle que celle d'aller le jetter dans unParti qui faifoit "horreur, eüt été exécrable aux yeux de tous les Ordres de i'Etat, & qu'elle eut mis d'ailleurs la liberté de Son AlteiTe en danger, il en rejetta abfbJument la propofition. — Le même Boyer afsuroit Monfieur de la part du Comte de Soifions , que ce Prince lui fourniroit cinq - cents mille écus, huit mille Fantaflins, &quinzecents Chevaux,avec le fecours de fon épée 5 s'il fe déclaroit C iij 1626.  X6i6. (4) Le Cardinal de Richelieu, 54 MÉMOIRES contre le Miniftre (n de penfer de de Chalais;. mais Elle ne recevoit pas de réponfe fatisfaifante de (a part; paree que le Coigneux ignoroit  Secrets. 55 ce qui fe paflbit dans les entre-" tiens nocturnes entre de Chalais £c Monfieur. La vérité eft que de Chalais cherchoit fon utilité, tant vis-a-vis de Monfieur, que vis-a-vis du Roi. Le Cardinal lui ofFroit des honneurs & des emplois, s'il vouloit fervir Sa Majefté auprès de Son Altefte (a). II lui faifoit même efpérer i'emploi de Meftre-deCamp de la Cavalerie-Légère, &C de lui conferver celui qu'il avoit déja (b). De Chalais promettoit des merveilles ; & il agiftoit enfuite avec Monfieur, d'une facon tout-a-fait contraire. Le Duc de Longueville fe rendit a Blois , & dit a Boil dalmay : — II n'a pas tenu a moi que les chofes ne fuiTént (a) A laquelle il étoit attaché par fentiinent. (b) De Makre de la Garde-robe du Roi. C iv 1616  i6z6. (a) Pour s'éloigner dc la Cour. J<5 MÉMOIRES en meilleur état. L'ambkion a perdule Grand -Prieur; mais, loin de nous décourager , il faut chercher a rétablir les affaires.— Le Roi déclara a Monfieur, qu'il partiroit pour Nantes dans trois jours. Ce voyage imprévu, 8c qui éloignoit Mon.{ieur davantage du chemin qu'il fongeoic de prendre {a) , lui fut d'autant plus fenfible , qu'il feut que les Commiffaires du Roi avoienc interrogé Chaudebonne, & plus étroitement refferré le Maréchal d'Ornano» Comme il confervoit toujours la même affection pour 1'un & 1'autre, il en fut pénétré de douleur ; & fit prier le Cardinal de tenir la parole qu'il lui avoit donnée, fcavoir qu'on ne continueroit pas de procé-  S E C R E T S. 57 der contr'eux, fans 1'en avertir. ■ Cependant Ja Cour étant arrivée a Saumur , Je Roi dit a Monfieur : — Je fcais que vous avez un bon caractère; mais je fcais auffi que vous êtes enrouré de méchans. Piloran & Boifdalmay s'étudienta vous perfuader | des chofes tres - faullés. Dieu (m'eft témoin fi je vous aime. Je penfe que vous ne garderez pas auprès de vous, des Iiommes fi contraires a notre union & au bien de J'Etat 'Ceux qui cherchent, répondit «Monfieur, a faire accroire-a V. M. ce 'dont je n'ai jamais eu 1'idée, font des caractères trés - pernicieux. Ce n'eft pas d'aujourd'hui que je fcais que Piloran & Boifdalmay'ne font pas aimés de toutes les perfonnes de ma Maifon. Goulas & Marcheville font du nombre Cv  i6i6. 58 MÉMOIRES ■ des mal - intentionnés a leur égard. La Cour étant arrlvée a Nam tes, de Chalais intrigua plus que jamais. Le Duc d'Elbeuf étoit fon ennemi déclaré. II fit fc^avoir au Roi par la voie de Barada , que Louvigny avoit dit que Monfieur vouloit fe défaire de Sa Majefté , en fe fervant de de Chalais, lequel devoit empoifonner la chemife qu'il lui donnoit le matin, comme Maïtre de la Garderobe. Que les autres amis de Monfieur étoient complices d'une fi grande fcélératefTe. — La Malice elle - même ne pouvoit inventer d'impofture plus horrible que celle-ci, qui mettoit Ia plus grande méfiance entre les deux Frères. Le caractère doux de Monfieur fuffifoit, a Ia vérité, pour exclure toute vraifem-  S E C R E T S. 59 iblance fur eet objet. Néani moins lorfqu'il s'agit de la vie i du Souverain , 6c de 1'Héritier immédiac d'une grande Couronne , on prête Poreille aux , invraifemblances mêmes; elles donnent de 1'inquiétude, 6c on les examine. II arrivé fouvent que les Miniftres aidenc ces méfiances af fligeantes, pour pofféder feul< la confiance du Prince, 6c faire tout fans avoir pour compéti teurs ceux de fon Sang. Ils s'é tudient d'ordinaire a perfuadei au Souverain , qu'il n'y a d'ex périence 6c de fidélité que dan eux , 6c que tout autre a qui oi confieroit la conduite des af faires , perdrok 1'Etat. Ils vc yent toute 1'habileté du genr humain renfermée dans leu perfonne , 6c beaucoup de chc fes a défirer dans autrui, pou bien exercer les emplois. —• II Cvj i6zó. s ï r irs  i6i6. (a) Ou feignent de croire. (i) Le Cardinal de Richelieu. do MÉMOIRES reconnoilTent, dans leurs parens, leurs amis 6c leurs créatures, quelque aptitude pour Ie fervice du Maïtre ; mais cela eft limité, 6c relatif a la faveur qu'ils leur accordent 6c au cas qu'ils en font; car ils les favorifent de manière a fonger auffi a les perdre , quand la jalousie ou 1'ingratitLide le leur dictera. Par ces artifices y les Miniftres ferment toutes les voies a la connoifTance exacte des chofes 3 croyent ia) vérités pures, les menfonges déguifés, 6c tiennent (dit aifez plaifamment 1'AuteuV de ces Mémoires) le vrai caclié aux confins du faux. En conféquence de ce qui ident d'être dit, Louis XIII y fourd aux plaintes générales contre fon premier Miniftre (/»),  S E C R E T S. 6ï qui le faifoit régner glorieufe- _ ment, ouvroit aifément 1'oreille aux plainces que celui-ci lui faifoit contre les deux Reines (a) 6c Monfieur, comme aulTi contre les Grands de 1'Etat Sc les Pariemens ; paree que Richelieu lui donnoit a entendre que les animofités des uns Sc des autres contre Ie Miniftère venoient de mauvais delTeins contre la Perfonne de Sa Majefté , 6c d'ambition (b) pour le Sceptre. — Néanmoins , dit encore 1'Auteur de ces Mémoires , comme on vit foiw des Loix, il faut leur obéir ; fe conformer a l'ulage , 5c fupporter Ia pétulance 6c Ia dureté d'un Miniftre, avec la même patience avec laquelle on fouffre Ia ftériiité dz Ia terre, ou le trop (ö)La Reine-Mère & la Reine régnante. De la part de Monfieur. 616.  I6i6. 61 MÉMOIRES de pluye, 6c les autres accidens de la Nature. Et, quand on fouhaite la difgrace ou 1'abaiirement de ce Miniftre, il faut les attendre du Souverain luimême, ou de la Providence, 6c ne pas en témoigner fon délir par la fédition, le tumulte ou la rébellion. Ce qu'on imputoit a de Chalais, étant regardé comme véritable, bien qu'il n'eiit pour fondement que la rivalité en amour qu'il y avoit entre le Cardinal 6c lui , pour Madame de Chevreufe ; le prétendu coupable fut arrêté, 6c refterré dans une chambre du Chateau de Nantes. Cet emprifonnement accrut 1'amertume de Monfieur; 6c fut un nouvel aiguillon a fon delTein d'abandonner la Cour, arrêté pour le Vendredi fuivant, 8c divulgué a cette même Cour , la  S E C R E T S. 63 veille. — Le Roi allarmé fit appelier le Préfident. le Coigneux, auquel il dit: — Je fcais que mon Frère fonge a fuir fecrétement de Nantes; & je fi^ais aulli ( fi fon defTein vous eft connu) comment je dois vous faire traiter. Je ne crots point, répondit le Préfident , que Monfieur couve dans 1'ame une pareille réfolution. Jurez - le, répliqua le Roi. — Mais le Préfident voulut, dans cette occafion (chofe qui peut-être ne lui étoit arrivée dans aucune autre) fe montrer fcrupuleux &; dit qu'il ne juroit jamais de rien. Son entretien avec le Ro ayant été rapporté a Monfieur ce Prince examina avec fe Favoris , comment il exécute roit fon départ. Parmi les di vers avis, celui d'une chalfèf mulée prévalut. Le lendemain i6z6. L > S i  i6z6. 64 MÉMOIRES ' jour marqué pour Ia fuite , & lorfqu'on* étoic déja en habic de chaiTeur , le Préfident propofa que Monfieur envoyat de nouveau vers le Cardinal, pour voir s'il obtiendroit de lui, par la voie de la douceur , les chofes qu'il demandoit de fa part. Sur eet avis, Gafton commanda a fon monde de I'attendre; & avec fept ou huit de fes Gens (le Prince & eux a cheval) il fe rendit avec une promptitude extreme a la Haye, lieu hors de Nantes, oh le Cardinal demeuroit. Mais cetre Éminence , en lui faifant manger trois conferves & deux prunes de Gènes, efFaca.de fon cceur, corame avec une éponge, tout reffentiment, tout ce que Gafton méditoit depuis long-temps contre fa Perfonne. Songez, lui dit-il enfuite, a la süreté de votre monde 5 car il a été dé-  S E C R E T S. 65 I Cidé que , s'ils retournoient a Nantes , ils feroient arrêtés. Gaiton étant allé les rejoindre, on réfolut de revenir a la Ville r lorfque la chaiTe feroit linie; 6c le Prince alla defcendre chez la Reine-Mère, qui lui dit de fon cöté : — Songez a la sureté des perfonnes de votre Maifon, attendu que je ne puis point répondre qu'il ne leur arrivé pas du mal. Monfieur, étant donc revenu chez lui , paria a Boifdalmay de cette facon : — C'eft avec un regret infini que je fuis forcé de vous laifTer tous; maas partez, 6c je vous afsüre que je vous fuivrai de pres. LadelTus, Boifdalmay, Piloran 6c quelques - autres , ayant pris congé de lui, fortirent fur le champ deNantes. Mais ils n'en étoient pas loin, qu'ils recurent un billet du Préfident Ie Coi- XXXVLP ank, *C 1626.  \6z6. (a) C'étoit celui , comme on a dit, de Premier Gentilhomme de la Chambre. 66 MÉMOIRES gneux. par lequel celui-ci leur marquoit qu'ils pouvoient re-, venir fans rie'n craindre , paree que le Roi leur avoir. pardonné. Ilsapprirent aulTi que le Duc de Bellegarde avoic été fubftitué au Maréchal d'Ornano , dans 1'emploi que le fecond remplilToit ci-devant auprès de Monfieur (a) ce qui étoit contraire aux alfurances que le Prince leur avoit données, larfqu'ils étoient fur le point de partir. Enforte qu'ils pensèrent qu'il avoit joué la comédie ; qu'elle s'étoit changée en tragédie pour d'Ornano & de Chalais; & qu'il avoit facrifié 1'un & 1'autre a la vengeance du Cardinal de Richelieu. Mais revenus a Nantes , le jour d'a-  S E C R E T S. 67 prés , Monfieur leur dit qu'il avoit fait tous les efïorts poflibles pour fauver d'Ornano, & qu'il y avoit réufli; qu'au rede c'avoit été en charmant le Roi & la Reine-Mère par le narré de chofes qui jufques-la ne lui étoient jamais venues en penfée. Boifdalmay, Piloran éc les autres s'appercurent alors que Monfieur avoit été vendu , Si que les principaux de fa Cour le trahilToient (a). Tandis que tout cela fe pafloit, le mariage de ce Prince avec Mademoifelle de Montpenfier fe conclut. La Princefle étoit arrivée a Nantes, ces jours la, avec Madame de Guife. Le Préfident le Coigneux , (a) Puifqu'il croyoit avoir fauvé le Maréchal d'Ornano , tandis que fon emploi étoit déja donné au Duc de Bellegarde , figne certain de la perte ptochaine du premier de ces dcu'x Seigneurs. 1616.  i6i6. 68 MÉMOIRES connoiflant Ia difficulté de perfuader a Monfieur ce mariage fa), s'étoit joint a Piloran 8c aBoifdalmay, pour vaincre fa réflftance; 8c tous les trois lui avoient fait de fï fortes repréfentations, qu'a Ia fin il y avoit confenti, 8c avoit chargé le Préfident d'aller porter au Cardinal de Richelieu la parole qu'il donnoit Ia - delfus. Le Prince la confirma enfuite au Cardinal , de fa propre bouche; hors d'état néanmoins de confommer fon mariage , de quelques jours, a caufe d'une gonorrhée qu'il avoit.—Monfieur cependant pria la Reine fa Mère de faire enforte d'obtenir pour lui les conditions avantageufes qu'elle lui avoit promifes, du nombre defquel- (a) Vu, dit le Teite , qu'il lui avoit fouvcnt entendü dire — j'aimerois mieux êtrc damné, que de Ie contradter. les  S E C R E T S. 69 les étoient 1'augmentation de — | fon Appanage, 1'élargilTement 1 du Maréchal d'Ornano & celui . de de Chalais. La première de ï ces trois demandes lui fut ac:cordée; & 1'on garda un filenïce profond fur les deux autres. SQuoi qu'il en foit, le Contrat de mariage entre lui & Mademoifelle de Montpenlier ayant été dreiFé , les Fiancailles fe Krent; & les Contradans foren t mariés, le foir du même jour, par le Cardinal de Richelieu , dans le Cabinet de Ia Reine-Mère. II n'y eüt jamais de miriage plus trifte que celui'. ci, vü le petit nombre de Seii gneurs qui s'y trouva; & Monjfieur n'avoit pas même un ha. bit neuf. 626.  70 Mémoires 1616. Doublés & triples artifices dont uje le Cardinal de Richelieu , pour perdre fes ennemis , & conferver toute fon autorité. II fait au Nonce a la Cour de France ( concernant la perfonne de lui Richelieu ) un détail plein d'arrogance, de pétulance & de manquement d l'égard de fon Souverain. Monfieur efl comblé de faveur, & le Comte de Chalais efl décapité. Le Roi fait en plein Confeil, des reproches amers d la Reine régnante. Le Maréchal d'Ornano meurt dans fa prifon. V~ive fenfibilité de Monfieur , dont il avoit été le Gouverneur. Le Comte de Soiffons part de Paris d l'improvifle. La cohtinuation du Proces contre de Chalais rempliiloit  Secrets. 71 Monfieur d'amertume. II em- • ployoit tous fes efforts pour le fauver , lorfqu'il n'étoit plus temps; il avoit perdu la feple occafion qui s'offrok a lui d'aiJder fes ferv keurs & fes amis. Pour plus claire intelligence de cette afFaire fi embrouillée de de Chalais &. de Monfieur, |nous rapporterons le détail que ile Cardinal de Richelieu en fit, Idans le temps, au Nonce a la ÏCour de France {a). Celui-ci fe Irendit a 1'Audience de Pautre, le ij de Juiilet; & il ne le lltrouva réveillé que depuis peu , i-iquoiqu'il fut tard. Le Miniftre de, Sa Sainteté feut que celui Ide France étoit allé , la nuk précédente , traiter avec de Chalais, reflerré dans Ie Chateau de Nantes, & qu'il n'étoit ?: revenu a fon logis, qu'a une (ö) Le Cardinal Spada. 1626.  72 MÉMOIRES heure après minuic. Le premier trouva dans la cour 6c 1'antichambre de ce logis, plufieurs GegitÜshommes qui avoient la mine de gens attachés a Richelieu , 8é qui le fuivoient partout. Cette Éminence, qui étoit dans fon lit, n'eut pas plutöt appercu le Nonce, qu'il lui dit: — Je luis a demi-mort; il faut que je porte tout le fardeau. D'un cöté les infirmités , de Pautre les craintes 8c les dégouts-me tiennent dans des agitations continuelles. Richelieu, ayant après cela conjuré le Nonce de lui garder le fecret fur ce qu'il alloit lui confier, 8c ayant protefté au Miniftre de Sa Sainteté qu'il 1'avoit toujours aimé 6c eftimé, lui paria de cette facon : —Je luis bon ferviteur du Pape , bon Francois néanmoins 6c ami des bonnes Loix, quoi que vous ayez  S E C R E T S. 73 jiayez die ou écrit contre moi.— iMais je vais commencer ma ■ confidence.—D'abord il n'eft pas nécefïaire de vous apprendre que j'ai fervi &c que je fers le Roi avec toute forte de zéle Sc que je le fais avec une fl grande utilité pour 1'Etat, Sc un fi grand détriment pour mes affaires , qu'on ne peut rien imaginer au-dela. Pour preuve de cela, il fufEt de dire qu'embarralTé tout le jour, comme vous voyez, d'occupations pour la Couronne, je le fuis beaucoup plus encore durantla nuit. Mais ce qui me fatigue davantage , eft que le Roi me fait appeller fans ménagement pour des minuties. C'eft ce qui eft • arrivé ces jours paffes. Malgré les précautions prifes pour la sureté de 1'emprifonnement du Comte de Chalais, a peine celui-ci fut-il arrêté, que le Roi XXXVI. Parde. D i 626,  i6z6. j < * 1 ] t 1 i 1 J l c f r (a) De Monfieur, 74 Mémoires m'envoya chercher a une maifon cie campagne a deux lieues de Nantes, oü je m'étois retiré j & ce fut uniquement pour me dire que le Prifonnier tonnoir & menacoit; qu'il falloit en conféquence délibérer fur 'expediënt qu'il y avoit aprenire. La France , continue Richeieu en parlant toujours au vlonce, eil: a la veille d'enfaner des difcordes civiles horri)ies. Le Maréchal d'Ornano a i profondement enraciné dans e coeur du Duc d'Anjou (a) , e défir de ïa Couronne, qu'il ï'afpire a rien de raoins, & eut y parvenir par quélque oie que ce foit, fans en exepter la magie. On ne fcache «as a la vérité, que ni le'Duc i le Maréchal ni aucun autre  S E C R E T S. 75 |idu complot 1'aic exercéejmais » on foupconne qu'elle 1'a. été a 1'égard du Duc; car il eft cer; tain que , depuis quelque temps, en diverfes occafions , il tord la bouche, & tourne les » yeux, de telle facon qu'il donfle fujet a la Reine-Mère elle,même de dire qu'il a I'air d'un Energuméne. On avoit préparé desmoyens ft puiffans pour le faire parveI «ir a la Couronne , que s'il fe i fut pafte feulement fix mois encore fans qu'on les eut découverts, le Roi n'eüt plus été a ' temps d'en empêcher Ieffet.Aud jourd'hui même , tout connus qu'ils font, fi je ne travaillois a les détruire , ils feroient encore affez forts pour déthroner : Ie Roi dans trots mois. Et de 2a vient 1'emprelTement que les '- -Conjurés ont montré dès le «ommencement, & qu'ils monDij  16x6. : j i j I ] i 1 j 76 MÉMOIRES trent toujours de m'éloigner du maniement des affaires j ou de. faire ceffer dans .moi le zéle du fervice de Sa Majefté; & peutêtre leur deftein eft-il de m'öter Ia vie. Du moins eft-il certain que j'ai eu & continue d'avoir le plus grand fujet de le foupconner. Aufli, après m'être pourvu d'une trentaine de Gentilsbommes, & les avoir tous arnés de piftolets ( avec permiffïon &. Brevet du Roi),, pour es tenir auprès de ma Perfonie a Ia campagne, j'ai comnencé a craindre de n'être pas ;n süreté , même avec cette >;arde, hors des lieux murés. Snforte qu'après trois ou quare jours, je me fuis retiré a la yllle; quoique I'air de la cam>agne foit ce qu'il y a de plus alutaire pour ma foible com)lexion. Quelques vilites que e recois ici % tantot. de Mon-  S E C R Ë T ê. 77 fïeur, tantöt de fes créatures, me donnent pareillement une grande appréhenfion. Monfieur a avoaé au Roi, a la ReineMère Sc a moi, par manière de repentir Sc comme en condamnant les mauvais confeils, que, lorfqu'il fe propofoit d'aller de Fontainebleau a Fleury, au temps oü je faifois mon féjour dans le fecond de ces deux endroits, le Grand-Prieur lui avoit perfiaadé de me faire peur, en mé mettant un poignard a la gorge Sc me mena^ant de me tuer, fi je ne lui promettois d'afsürer auprès du Roi fes demandes. Malgré eet aveu Sc ce témoignage de repentir, tant vis-avis du Roi que vis - a - vis de moi, il ne lailTe pas de temps en temps ( par inconltance de jeunelTe ou par trouble intérieur ) de reprendre de la hauDiij IÓ2Ö  i6z6. 78 Mémoires teur & de parler en furieux 5 c'eft: ce qui eft arrivé hier matin , au Confeil du Roi , oü il s'eft trouvé. Car , moins de demi-heure après qu'il a eu remercié Sa Majefté, en 1'embraffant, de quelques bonnes paroles de fa part, & qu'il a eu erabrafte auffi la Reine-Mère avec Pexpreffion du plus grand contentement, il eft entré en fureur, fans aucun nouveau fujet. Sur quoi la Reine-Mère lui ayant demandé le motif d'un changement fi fubit , il a répondu , en jurant, qu'il n'étoit pas content, & qu'il avoit bien raifon de ne pas 1'être. Votre mécontentement , a répliqué la Reine - Mère , vient peutêtre de ce que vous n'êtes pas bien avec Dieu •> de ce que vous. ne vous êtes pas confefle depuis long-temps. — Je ne fuk plus ni de Dieu ni du Diable*  S E C R E T S. 79 k repris Galton avec aigreur. Cet exécrable propos rendant le Roi & Ia Reine-Mère tout interdits, il a fallu qu'a mon rifque je les aye avertis de faire leur devoir. Me tournant vers Monfieur avec un peu d'empire, je lui ai dit: — Vous ne faites donc pas attention que vous êtes devant le Roi, que le langage que vous venez de tenir , n'eft digne ni de vous ni de lui ? Et quelle eft votre penfée ? Cette lecon a rendu Gafton muet pour ce moment; Ie Roi & la ReineMère fe font placés fur leur Siége ; & la chofe n'eft pas allee plus loin; fi ce n'eft qu'après le Confeil, Gafton étant allé trouver la PrincelTe, lui a dit: — Je vous prie, Madame, d'avertir le Cardinal de ne plus me parler devant le Roi comme il a fait; car je fuis réfolu Div 1626:  t» Je dis prétendue; car, dans cette occalion, comme dans toute autre , Richelieu calonmioit ceux qui lui étoient fufpecls, en mêlant le vrai avec le faux , de diverfes manières.— C'eft la remarque fort jufte que fait 1'Auteur dans unde fes fommaires nar* ginaux. 8© Mémoires a ne pas fouffrir qu'il falTe 1 mon égard le Juge ou Ie Pédagogie. Cependant ( pourfuit Richelieu, en concinuant de faire au Nonce fa prétendue confidence {a))9 il eft aifé de conjeéturer ou feroient allées les chofes, fi je n'euffe pas parlé alors. Car, outre qu'il y a de la hauteur dans Gafton , il y a allez de gens qui I'y entretiennent. On en a plufieurs preuves, dont Ia dernière eft la dépofition du Comte de Chalais. Celui-ci, après avoir refufé de rien avouer au Garde - desSceaux, & a tous les autres qui étoient allés le fonder , s'eft  S E C R E T Si Sr iaiiïé engager par moi a con-' feller quantité de complots qui avoient Iieu avec la participation du Prince. II fe formoit en effet fans celTe des projets audacieux, dont 1'un étoit, Monfieur le Nonce, celui dont je vais vous faire le récit. — Lorf que le Roi fut parti de Paris pour Blois, Gafton, qui avoit obtenu permiffion de refter dans la premierede ces deux Villes, encore deux ou trois jours , devoit tenter la délivrance du Marécnal d'Ornano & des au* tres Prifonniers, en tachant de forcer VincennesÖc la Baftille, ou de s'en emparer par intelligence. Ce projet ayant manqué (vu que j'avois laifte de trop bons ordres dans 1'un & I'autre endroit), Gafton en forma un autre plus dangereux encore. C'étoit de s'enfuir a la Rochelle , lorfque la Cour iroit Dy 1626.  i6z6. $1 MEMOIRES de Blois en Bretagne, 8c qu'elfe feroit arrivée a Saumur. Mais ceci ayant aufli manqué, attendu que j'en fus averti a temps,, 4 la fuite de Monfieur a la Rochelle fut projettée de nouveau, lorfque la Cour étoit déja arrivée a Nantes; 6c peut-être j ne fut-elle retardée , que par i Ia diverfité de fentimens de 1 ceux qui avoient part au deffein de cette évafion , dont les^ § uns étoient d'avis que Monfieur fe retirat en Efpagne, d'autres en Angleterre, ceux-ci en Hol- I lande, ceux-la dans un endroit I du Royaume , autre que la Rochelle. Tous ces projets renaïtront, tels qu'ils avoient été I concus*.> ou ieront arrangés. 6 d'une aütre manière; 8c ils tien- li dront le Roi Sc 1'Etat dans un 1 embarras continuel , jufqu'a ce I que Monfieur fe marie (a)vou | (ö) Le rnaiiage ito Prince a été rapporté ci« f  S E C R E T S. «3 ! faiTe quelque écart, ou que Ie Roi ait des enfans. De la vienc que la Reine-Mère & moi avertiiTons fans cefTe Sa Majefté de faire avec plus de foin le devoir de bon mari, fi EJle veuc fe mettre en repos. Le Roi fair. véritablement ce qui lui eft pofiible; vu du moins 1'éloignement naturel qu'il ena,& celui qui eft occafionné parun peu de vanité de Ia part de la Reine , fon époufe, excitée au refus , plutót par les perfonnes qui 1'environnent, que par elle-même. Refte encore un moyen d'arrêter tout d'un coup les defteins de Monfieur : c'eft la prifon. Mais , outre Ia répugnance extreme que Ia Reine - Mère a pour une pa- Idevant. — II faut donc conclure de ce qui ciï dit ici , qu'il n'étoit point encore fait, lors de la prétendue confidence du Cardinal de üicnelieu au Nonce, 1616.  (a) Signéc du 9 de Juïn, & que Ie Monarque écrivoit de Blois au Cardinal, qui étoit; alois a Limours> ?4 MÉMOIRES reille voie, il faut confidérejr? quel mouvement elle produiroit dans un Royaume tel que celui de France, fous un Roi jeune , d'un efprit médiocre , &; fans enfans. Enfin il fe trouve par-tout des épines; & toutes jufqu'ici ne piquent que moi feul. Le Roi le fcait; & cela fert peu cependant pour le faire fonger ou a me garantir de leurs piquures, ou a me dédommager par des rofes. Je veux vous donner, Monfieur le Nonce y une preuve inconteftable de la connoilfance qu'a le Roi, du prix de mes fervices. — La-demis le Cardinal mit fous les yeux du Minif tre de Sa Sainteté, une lettre de la propre main de Sa Majefté (a), en forme de réponfe,  S E C R E T S. $5 & qui fuppofoit une forte in-, flance que lui faifoit Son Éminence de lui permettre de renoncer aux affaires. Toute la lettre du Roi étoit employée a prier le Cardinal de continuer de les gouverner. Vos foins, lui difoit-il , qui ont toujours été infïniment utiles au fervice de PEtat, le font aujourd'hui plus que jamais ■■> 8c fans eux mes affaires feroient dans un danger évident. Je vous promets de vous protéger dans toute occafïon, foit contre le Duc d'Anjou, foit contre tout autre Prince 8c Seigneur. Je vous révélerai a 1'avenir , comme j'ai fait par le paffé, les délations contre votre Perfonne, 8c leurs auteurs > fans demander de juftification de votre part; vous défendant même d'en employer d'aucune forte. II me fuffit de 1616,  ; : $6 Mémoires la préfomption qui nait dés fervices trop importans que j'ai recus de vous jufqu'a ce jour. Certe lettre, dit le Cardinal au Nonce, a été fake par le Roi & la Reine-Mère conjointement; & vous pouvezen con:Iure, Monfieur, qu'on reconloit réellement 1'utilké de mes ervices. Je puis me vanter qu'ils furpaflent bien fouvent !es défirs mêmes de mon Mai:re. Et j'ai plus de peine a lui perfuader quels font les molens qu'il faut prendre pour r]ue je les lui rende, & a corriger ce qu'il y a de défe&ueux ians ces moyens, qu'a avancer res affaires. Je puis citer des ïxemples récens de ces deux points. — Après avoir eu une peine extreme a le faire confentir a ce que le Prince de;  S E C R E T* S. 87 Condé s'abouchat avec moi a Limours (a), j'ai eu une égale peine a lui faire voir le fruic qu'on en retireroit (b) , fans permettre au Prince de revenir a la Cour. De plus il eft arrivé de eet abouchement que, quoique le Roi m'eüt envoyé , a Limours y pouvoir par écrit d'accorder la permiffion dont je viens de parler , non-feulement je n'ai pas fait ufage de ce pouvoir , mais j'ai négocié vis-a-vis du Prince, de telle fac_on, qu'il a déclaré lui-mème, par une lettre écrite a Sa Majefté , qu'il ne demanderoit jamais plus de retourner a la Cour , mais qu'il en attendroit tranquillement la permilfion du (d) Atrendft , dit le Texte , 1'orabrage (ï grand que eet abouchemenc donnoic a Sa Majefté. ,. (i) Et qu'on en a retité en efFet, dit encot$ Je Teste, 1616.  x6z6. (a) Scavoir de permettre au Prince de Condé de revenir a Ia Cour. —« Voyez quelques lignes plus haut. (J>) Secrétaire du Cabines, SS Mémoires -bon plaifir de Sa Majefté; Sc qu'il regarderoic fon abfence comme auffi utile pour lui, que pour fon Souverain, J'ai fait voir encore au Roi, continue le Cardinal en parlant toujours au Nonce , que Je pouvoir qui me fut envoyé a Limours (a), Sc que Tron^on (b) avoit dreffé, étoit concu d'une facon préjudiciable a 1'intérêt de Sa Majefté.— Le Roi, connoiflant donc que je Ie fers a mon rifque, fonge ou a me mettre en afturance, ou a me dédommager des dangers que je cours pour lui; Sc, en attendant, ma fortune Sc mes jours font manifeftement expofés. Car, quant au premier de ces deux objets, il eft certain que  S E C R E T S. S9 je n'ai pas au-dela de cinquante ; mille écus de revenu; que j'en dépenfe cent (a) 5 & que , cidevant,je me Tuis trouvé avec cinq-cents-cinquante mille livres de dettes {b). — Le Roi ne m'a jamais donné un lol du fien; il ne m'a pas même payé les avances que j'ai faites pour le temps duranc lequel j'ai rempli 1'emploi de Secrétaire d'Etat (c), lors de Ia Régence. II ne m'a donné pour tout bénéfïce, qu'une Abbaye qui palTe pour être du revenu de cinq mille écus, &c qui n'eit afFermée que cinq mille livres. Le Roi, (a) Coinpris, dit le Cardinal, ce quej'employe a faire batir. -—Bienfoible raifon pour prétendre a un dédommagement ! (b) Compris , dit encore le Cardinal ,. quarante-cinq mille écus, que m'a couté une nouvelle acquifition que j'ai faite pour 1'arondifTement de ma terre de Richelieu. — Raifon aufli ridicule que les précédentes. (f) Ce temps ne fut que de quelquesmois, aiufi qu'on a vu antérieurement. 1.6x6  IÓ2Ó. ^ i ] ; fO MÉMOIRES natureilement avare , ne peut encendre parler de rien qui faffe plus de peine a fon oreille &afoncoeur, que de débourfemenc. Quand quelquefois il m'a offert des penfions, il 1'a fait fr froidement, ou du moins fi peu conftamment, que le premier refus honnête de ma parta fufpour faire cefler 1'ofFre. Si je ne connoifTois cette avarice de mon Maitre, ne croyez pas que ('eufie été affez fïmple pour ne pas accepter une penïïon de 1000 écus, qu'il vouloit me dontier. La Reine-Mère n'a pas fa léGnède fon Fils. Elle fcait compa:ir du caeur & de la main tout a !a fQis. Dernièrement,commela Oour partoit de Paris, ayant rcu que j'y laiffois une dette de juatre-vingt-deux' mille écus / :11e fit, fans me rien commuliquer, engager des pierredes pour cent-vingt mille écus, &  S E C R E T S. 91 Ipayer fur le champ la deuce. Je • ü'ai appris hier par un Courier expres que m'a dépêché mon Agent de Paris, lorfque la chofe étoit déja fake. Que j'eulTe contradé mes autres dettes dans Ia Capitale, comme je les^ ai eontradées en Poitouj ou qu'elles fuflént venues a la connoiffance de Ia Reine-Mère, peutêtre les aurok-elle acquktées auffi. Au refte, fi j'euffê pu pref. fentir fon deifein par rapport a ma dette de quatre-vingt-deux mille écus, loin de laüler refter a Paris, l'argent qu'elle a donné pour 1'éteindre, j'eufiè taché de le faire palier a Rome, oü il faut que je fonge déformais a me retirer 5 puifque le Roi s'applique fi peu a me mettre a couvert des périls auxquels je fuis habituellement expofé. Quand je Ie lui fais toucher au doigt, il fe met a pleu- 1616.  < I f 1 C C r c j< a e d a n le fa g v V' 91 Mémoires rer 5 je pleure auffi , & ces pleurs éteignenc toute ardeur. L'application du Roi a me nettre i Pabri, fe réduit a me :onfeiller de faire i'acquiiition ie Ruel, qui eft a deux lieues 5c demie de Paris; ayant des oflés & un pont-levis. — On emarque principalement deux hofes dans la fimplicité de ce onfeil; 1'une, que Ruel eft une aaifonnette, plutöt délicieufe, ue forte; 1'autre , que Sa Maifté ne parle point de m'aider Ja payer 5 elie eft d'ailleurs [timée cent mille écus, a caufe e fes eaux, de fes jardins & Jtres chofes fort agréables , iais de peu de rapport. IJ feroit a propos, Monfieur Nonce (pour que je vécufTe ns ombrage , & que ma dilité fut hors de danger), que 3us parlailez au Roi ; que xis le réveiJJafliez un peu plus,  S E C R E T S. 93 1 Sc lui fiffiez confidérer que Ia| décence demande qu'il pour| voye a Ja sureté de fon Miniftre, i en lui donnant quelque forte i d'abri pour le cas d'orage. Mais I je fais attention qu'il n'y a pas, I prés de Paris , des Places de I conféquence qu'on puifle me i donner , fans déranger les choi fes 5 Sc que celles qui font éloii gnées , me ferviroient peu , I paree que je n'aurois pas le b temps de m'y retirer. Breft , 1 dans la baffe - Brecagne , me :; conviendroit beaucoup, mais il I eft au bout du monde. Je parlerai au Roi, répondit le Nonce au Cardinal de Ri1 chelieu, quand Votre Eminen: ce le jugera bon 5 j'exhorterai : Sa Majefté a prendre foin de I votre Perfonne, 5c de la dignité : de Cardinal, que vous avezeue, a fa nominarion -y 5c a. ne pas ; permetre qu'elles foient expo- 1616,  iéi6: (u) Qu'on a vu que 1'un des deux [di'Cï 3vaic , lorfqu'ils furent arrêcés. 94 MÉMOIRES fées a aucun accident , fans qu'elles ayent moyen de s'en garantir.*— Je vous remercie , Monfieur, repliqua Richelieu ; faites la-deflus ce que vous jugerez a propos. — Revenant après cela a ce qui regardoit Breit 5 cette Place cependant me conviendroit, dit-il, fi Ia Reine-Mère acceptoit le Gouvernement deBretagne; mais, quelqu'inltance que les Etats de la Province lui en faflent, & quoique le Roi 1'en prie, elle ne s'y réfout point, paree qu'elle craint que 1'emprifonnement des Vendömes ne foit attribué a delTein de fa/part d'avoir ce Gouvernement \a). D'ailleurs le Roi Ie lui ofFre d'une facon froide ; & de fon cöté cette Princeiïe, qui a de Ia généro-  S E C R E T S. 9 J fité, voudrok que fon Fils re- " connut qu'il la force a accepter le Gouvernement en quefiion-, 5c non que c'eft elle qui 1'oblige a le lui ofFrir. Si cionc vous venez a en parler au Monarque , Monfieur le Nonce , vous pouvez lui faire fentir que ia Bretagne eft une des Provinces ou il a Ie plus befoin d'avoir un Gouverneur d'une fidélké éprouvée; attendii que c'eft ia ^porte par ou les ennemis peuvent plus aifement entrer dans Ie Royaume. Je vois, luidirezvoiïs , que Votre Majefté ne peut en confier la garde a des mams plus fidéles , que celles de fa Ml-re, qui fera néceffitée a 1'accepter pour le bien de J'Etac &c le fervice du Roi, fon Fils. Le Nonce loua le difcours du Cardinal; mais il répondit d'une fa^on vague, 6c ne vou- 1626.  i6z6. 96 Mémoires Jut point s'engager a parler au Roi de cette affaire. Au refte il ne fcavoit comment qualifier Je propos de Son Éminence ; étoit - ce a deffein qu'il Ie lui avoit tenu ? Etoit- ce par hazard ? Diverfes raifons lui faifoient croire la première de ces deux chofes 5 d'autres raifons lui perfuadoient la feconde. Quoi qu'il en foit, le Nonce étoit irréfolu quant a la démarche que le Cardinal exigeoit de lui. II s'en voyoit diiTuadé par la réflexion qu'il faifoit, que moins cette Éminence fe croyoit en süreté en France , plus Elle feroit cas de Rome; 6c que le contraire de cela produiroit le contraire de ceci. II me femble , dit I'Auteur de ces Mémoires, que Richelieu pouvoit fe contenter d'avoir engagé la Reine - Mère k atelier avec lui la lettre du 9 de Juin  S E C R E T S. 97 . Juin [a), & a perfuader au Roi de Ja figner; lans en faire tro] phée,fans Ja montrer au Nonce, pour qu'il en rapportat Je contenu au Pape; 8: qu'elle fut divuJguée chez les aucres Princes, afin qu'ils fcülTenc les obligations eflèntielles dont Louis XIII s'avouoit redevable a fon égard. D'autant mieux que , par cette lettre , Richelieu mettoit au grand jour fa pétulance & la foibleflè de j fon Maitre. II repréfentoit le Roi 11 foupconneux & fi avare, qu'il n'y avoit ni a compter fur lui, ni a efpérer de fa part. Richelieu vantoit au contraire fon génie & fes fervices* difant que, pour le fecond de i ces deux objets, il avoit prodi- (a)'CelIe que le Roi avoit écrite de Blois t au Cardinal; Sc que celui-ci difoit avoir été I faite par le Monarque & fa Mère conjointeI ïnent. — Voyez ci-deffus. XXXFLPartk. E 1616.  i6z6. 98 Mémoires - gué fon bien & fa fanté i fans qu'il eut tiré du Roi autre ehofe, que I'ofFre d'une penfioti de vingt mille écus 5 offre que | Sa Majefté cefia , difoit-il, de lui faire , aux premiers mors de refus de fa part; enforte que, fans les libéralités de la Reine-Mère, il lui eut été impoffible de fubfifter. — C'étoit . ainfi que Richelieu foutenoit la dignicé de fon Prince & la | réputation des affaires de la France (a). Sans compter ( c'eft toujours 1 Auteur qui parle) ceii que les effets faifbient voir {b). I Le 26 de Juillet, le Nonce j alla vinter fon Éminence , quij lui dk : — Le Duc d'Anjou (c) j (a) Mordante & juftc ironie de 1'Auteur del ces Mémoires, dont la polhique étoit inn-|j niment fupérieuie a celle de ce Cardinal ,1 "enie fublime au jugement des yeux louches, i (b) Par oü Vittorio Sjri fait claircment en-11 tendre que Richelieu décréditpit autant lel Roi & le Royaume par fa conduite , qu$j par fes difcours. \c) Monfieur.  S E C R E T S. 99 vint hier matin me voir ; il m'a avoué qu'il m'avoic les plus grandes obligations, & m'a offert une éternelle amitié'; quoique, cinq ou fix jours auparavant, il eut juré publiquement de ne jamais plus me pardonner. II m'a déclaré que le confeil de- s'enfuir a la Rochelle lui avoit été donné par Ie Comte deSoiflbnsj qu'il avoit recu huk a dix billets de la Reine régnante, &l la plupart de Ia main de cette Princefïe, qui le dilfuadoit d'époufer Mademoifelle de Montpenfier. LeRoi, continue Richelieu en parlant toujours au Nonce , eft indigné au. dernier point contre 1'Abbé de Scaglia (a) , comme contre un des principaux auteurs des troubles ac- (£) Ambafladeur de Savoie a la Cour de Trance. Eij ióió.  i6i6 ïoo Mémoires - tuels ; Sc un jour , Monfieur Ie Nonce, je vous montrerai une atteftation fignée parle Monarque, Ia Reine-Mère, Ie Gardedes-Sceaux & moi ; qui vous fera voir que Ie Duc d'Anjou a avoué en préfence de nous tous, avoir traité de fa conjuration avec 1'Abbé de Scaglia , de même qu'avec les deux derniers Ambaffadeurs d'Agleterre a. notre Cour, Sc Arfens, AmbafTadeur extraordinaire de Hollande. — Aujourd'hui même , le Roi a chargé le Commandeur de la Porte, mon oncle , de m'avertir qu'on avoit delTein de faire jouer une mine dans mon carrofle, en mettant quantité de poudre dans le vuide du fiége fur lequel j'ai coutume de me placer. — Le R.oi a de 1'averfion pour fon époulè; paree qu'il fcait que le Maréchal d'Ornano avoit fait yoir  8" É C R Ê T S. IÖI a cette Princefte , que fon marin'exifteroit plus , au mois de Mai {a), &c que le Duc d'Anjou la prendroit pour femme. Le Nonce (b) alla prier fe Roi de pourvoir a la süreté de Richelieu. Celui-ei en fut fort fatisfait; paree qu'il feut que le Monarque avoit fort goüté Ia démarche du Miniftre de Sa Sainteté; & qu'il en avoit été fi aife , qu'il étoit allé fur le champ en faire part a fa M.ère, a laquelle il avoit dit : — Je m'occuperai de la sureté du Cardinal. J'avois cru jufqu'ici que le Nonce n'étoic point fon ami; mais je vois aujourd'liui le contraire. Monfieur , qui avoit haï morteliement le Cardinal , eft changé auffi. C'eft (a) Celui qui venoir de fe paffer. (&) Lettre de celui-ci au Cardinal Barberin, da ij d'Aout} i6z6. E Üj i6z6.  i6i6. Ha) Selon que le Cardinal avoit déja dj:. {i) Qui en étoit alors Gouverneur. i02 Mémoires ainll que Richelieu, en faifant connoitre fes actions , change fes ennemis en amis. Le Nonce s'étantabouché de nouveau avec cette Éminence, Elle lui fit part de tout ce qui paroilfoit de Ia procédure contre de Chalais , d'Ornano , les deux frères de Vendöme, le Comte de Soiffons & leurs adhérens. Les conjurés, lui ditil, que de Chalais feul a dénoncés , font au nombre de vingt-cinq. II y a eu réellement un Traité a Saumur entre tous (a), j'ai découvert un complot formé par eux contre mes jours; & qu'il avoit été envoyé avis de Fontainebleau en Bretagne, au Duc de Vendöme {b), & par celui-ci au Duc de Monrmorenci, Commandant alors 1'Ar-  Sec rets, 105 rrtée contre la Roebelle , de ne ■ point combattre, ou de lahTer a Soubife (a).l'honne'ur & 1'utilité du combat. — Il a été queftion dans PAÜemblée des conjurés, de mariage entre la Reine régnante & Monfieur (b). — Le Roi a réfolu d'envoyer dire au Comte de Soiflbns, qu'il avoit découvert telles & telles chofes centre lui 5 mais qu'il 1'afsüroit qu'on ne tiendroit compte du pafTé , qu'en tant qu'a 1'avenir il donneroit quelque fujet de le rappeller. On examina hier dans le Confeil s'il feroit plus a propos de différer le fupplice de de Chalais, pour confronter celui- ci avec le Maréchal d'Ornano &: les deux frères de Vendö- (a) Chef du Parti Huguenot , conjointement avec le Duc de Rohan , fon frere. (6) Lorfque, felon le Cardinal, on fe feroit débarrafle du Roi. E iv 1626.  i6i6. i ] i j 104 Mémoires me 5 ou de faire mourir maintenanc de Chalais, & d'achecer la perte de fon témoignage par une prompte délïvrance de fouci, non-feulement quant a ce qui regarde le Ftoi, mais quant a ce qui concerne la Cour, déiormais trop inquiéte fur la facon dont juftice fera.rendue dans cette affaire.—On a été du dernier avis 5 premièrement , paree que, de Chalais mortoon auroit toujours fufïïfamment de preuves contre les autres comces; en fecond lieu , paree cjue te Roi eft fi bon, que peuthre il ne procéderoit pas conrre tous, Sc fur-tout contre les Tioins notés Sc les plus qualiiés. Richelieu dit enfuite au STonce. — Je crois qu'il ne me èroit pas difficile d'obtenir Sreft, Je ne veux pas cependanc .voir cette Place, paree qu'elle  ,S E C R E T S. 105 eft trop éloignée. — Je pourrois *" encore obtenir la Normandie ou la Picardie ; mais les Places fortes de la première ne font pas au pouvoir du Gouverneur de la Provincc. Quant a la feconde , le Roi me donneroit, je penfe, Amiens. Toutefois, en 1'acceptant, je me mettrois dans la nécefiicé d'en puvrir les portes a Monfieur, dans Ie cas oü le Roi viendroit a mourir 5 ou de me faire regarder , nonfeuiement corame rébeile, mais comme partifan de 1'Efpagne , vu le voifinage de la Flandre. J'ai donc fongé a me procurer promptement Ie Havre - de~ Grace , Place aujourd'hui furliiamment forte ; qu'on peut aifément rendre imprenable 5 & qui étant peu éloignée de Paris & Port de Mer, a tous les avantages déflrables. Sans compter E v 626,  i6i6. {a) L'intime ami du Cardinal de Richelieu; & qui fe trouvoit toujours dans la Valteline , occupé a en achever le recouvrement pour les Grifons , Alliés de la France. (4) Dont la vente pourra me produirc ia fomme en queftion. 106 MÉMOIRES .qu'elle eft entre les mains de Madame de Villars, fceur du Marquis de Cceuvres (a); laquelle me la cédéroit pour un peu dargent que je lui donnerois, fi le Roi ne fe réfolvoit pas a la dédommager du fien. Ce Monarque a voulu me donner Calais; mais, outre que cette Place eft dans un pays fi vüain &c fimal entouré, toutes les fois qu'elle a été affiégée , elle a été prife dans cinq ou fix jours. — Quand vous m'entendez parler, Monfieur le Nonce, d'un débourfé de cinq - cents mille livres, ne croyez pas que j'aye cette fomme; mais jeveux vendre a Monfieur, Limours  S e c r e t s, 107 qui au refte faic partie du Duché de Chartres (a). Le procés contre de Chalais 8c fes complices fe continuoit, tandis que Monfieur époufoit Mademoifelle de Montpenfier (b). II confomma , peu de jours après, fon mariage, dont les .douceurs temperèrent 1'amertume du refus qu'il avoit effuyé , dans les fupplications réitérées qu'il avoit faites au Roi, pour qu'il pardonnata de Chalais (c). En confidération de ce mariage, le Monarque donna a fon Frère, pour Appanage, les Duchés d'Orléans 8c de "CJiartrés , avec le Comté de Blois (d); 8c il y ajouta depuis (a) Lcquel alloit être compris dans 1'Appanage de Monfieur. (t>) Ce fur , le y d'Aoüt, 162.6. (c) Qu'on vouloit, di: le Texte , fairs fervir d exemple aux autres complices. {.d) I! fut appeüé dès lors le Duc d'Orléans. E vj 162Ó.  x6i6. 2o8 MÉMOIRES la Seigneurie de Montargis , pour qu'il en jouit jufqu'a la concurrence de cent mille livres de revenu net. Le Roi établit oütre cela a Ton Frère,: par un Brevet, une penfion de cinq-cents mille livres, a prendre fur les Finances d'Orléans. Les Parties-Caftielies, concernant Ia nomination aux emplois de fon Appanage , rendoient ilx-cents-vingt mille livres par an. Moyennant ce revenu, auquel étoient jointes d'autres parties encore , Monfieur touchoit annuellement un million. Sa femme lui apportoit la Souveraineté de Dombes, la Principauté de Roche-fur-Yon, les Duchés de Moatpenfier , de Chatelerault & de S. Fargeau , avec plufieurs autres beaux Domaines, ayant le titre, foit de Marquifat, foit de Comté, fbit de Baronie. Ces Domaines  S E C R E T S. 109 joints a des rentes perpéttielles ■ qu'elle avoit, donnoient un revenu de trois-cents-trente mille livres. Le Roi forma au Duc d'Orléans une brillante Cour; ce Prince en trelTailloit de joie; Sc n'avoit plus, pour le préfent, la penfée de fe retirer dans quelque Place; defTein que de Chalais lui avoit infpiré, pour complaire au Comte de Soiffons, & pour obéir a Madame de Chevreufe, qu'on difoit être amoureufe de de Chalais , comme le Cardinal de Richelieu étoit amoureux d'élle. Or, celuici ne pouvant fouffirir d'avoir celui - la pour rival, Sc étant naturellement violent dans fes affeclions, le bruit courut en conféquence que c'étoit 'cette raifon plus que toute autre, quï 1'ïncitoit a pourfuivre la mort dz ce rival. En effet, felon. fa. 1616.  i6i6. (u) Le Lefteur impartial pent voir paree qui a été dit jufqu'ici , quel étoit Ie vraide cette -confpiration, & fi elle méritoit Ia irwit. I io MÉMOIRES coutume , au lieu de le faire juger par le Parlement, 11 forma, pour travailler a ce procés, un Tribunal de Commifiaires ou Juges, choifis par lui, a la tête defquels étoit le Gardedes-Sceauxj procédé fort odieux a la Nation j quoiqu'infenfiblement 1'ufage falTe qu'on n'en murmure plus tant. L'infini&ion du proces contre de Chalais, linie, il fut mis fur la fellette, pour reconnoitre le contenu des interrogatoires qui avoient précédé. II avoua qu'il avoit été de la confpiration (a) treize jours; mais ïl dit que depuis, il n'y étoit rentré que par-ordre du Roi.— II fut condamné a avoir la tête tranchée; 1'Arrêt portoit que fon corps, mis par quartiers,  S E C R E T S. I I r feroit expofé aux quatre coins de la Ville. — Mais il n'y eut que le premier de ces deux articles, qui fut exécuté; le Roi fit grace du fecond. L'exécution eut Iieu, le 19 d'Aoüt. Madalne de Chevreufe avoit eu ordre de fe retirer en Lorraine; ce fut ce qu'elle fit. Cette Dame, quoique mariée dans la Maifon de Guife, époufoit fi aveuglément les intéréts de la Reine régnante, que , pour 1'amour d'elle, elle avoit fait tout fon poffible pour que Monfieur n'épousat pas Mademoifelle de Montpenfier , tk qu'il quittat la Cour. Cependant le Cardinal de Richelieu, voyant qu'en répandant le fang , il irritoit horriblement contre lui, quantité de Maifons qualifiées, demandoit au Roi Brouage; ne fut-ce qu'afin que cette Place lui fer- ióió.  i6i6 lil MÉMOIRES - vïc a fe dérober a Ia première fureur de 1'orage , dans Ie cas oü leMonarque venant a mourir, Monfieur voudroit faire arréter Son Éminence. Brouage , difoit le Cardinal en lui-même, me donneroic tour au moihs le temps de faire mes conditions, & d'afsurer mes affaires. — Le Comte de Crémiile & Madame de Chalais, mère de celui qui venoit d'êrre décapité , fe répandoient, a ce fujet, en propos terribles contre Ie Cardinal ; prétendant qu'il avoit engagé le-frls par promelTe de pardon , & de récompenfe même, a confelfer & écrire au Roi', en fuppliant, ce qui étoit & ce qui n'étoit pas ; ou du moins ce qui n'étoit rien autre que Contes faits auprès du feu , & Romans de Cour; qui ( s'ils devoient être punis comrae crimes , difoient le Comte  S E C R E T S. I ! 3 de Crémiile & Madame de Chalais ) , feroient trancher la tête a la moitié des Courtifans. — L'Abbé de Scaglia , AmbafTadeur de Savoie , écoic un de ceux qui avoient foin de recueillir ces propos. A Nantes, la Reine régnante fut appellée au Confeil ; &. le Roi, après lui avoir reproe hé qu'elle fongeoit a deux mar is (a), fit lire une partie de la dépofition de de Chalais, par laquelle il paroiifoit qu'il avoit été queftion de relTèrrer Sa Majefté dans un Monaftère, de Ia faire déclarer impuilTante , &z de marier Ia Reine a Monfieur. — Le matin du 4 de Septembre^ (b) , on publia la mort du (a) A celui qu'elle avoit dans fa Peifonne; a celui que , felon la caloranie ( a laquelle fon Parti donnoit lieu ) elle efpéroit avoir bientöt dans la Perfonne de Monfieur. (b) Lettre du même jour, écrite au Grand- 162,6.  i6z6. Duc , par Gondi, fon AmbafTadeur a la Cour de France. _ . (ü) Elle avoit eulieu après quelques jours de fiévre-maligne , & dans la prifon.^ — On a vu que ce Seigneur avoit été arrêté dès le commencement de la découyerte de la prétendue conjuration. 114 Mémoires Maréchal d'Ornano ia). Lors qu'a toute extrémité il étoit prés de recevoir le Viatique , il fit un difcours fur ie fujet pour lequel il avoit été refïerré; jura fur fon ame, que Monfieur n'avoit jamais eu Ia moindre penfée contre la Perfonne du Roi; & qu'aucun de ceux qui étoient partifans de ce qui s'ourdilToit, ne lui avoit jamais non plus rien confeillé de pareil. Seulement, dit le malade , fur ce qu'on voyoitMonfieurtotalement exclus du Gouvernement, &i que le maniment des affaires avoit paffé en entier au Cardinal de Richelieu, on a cherché a diminuer 1'autorké fi grande  S E C R E T S. H5 de ce Miniftre , pour en faire ~ paffer une partie au Prince. Tout ce qu'on avance de plus eft , ou contraire a la vérité, ou ignoré de moi. — Le malade, après avoir ainfi parlé , recut le Viatique 3 & il expira peu après. On foupconna qu'il avoit été empoifonné; mais les Médecins & les Chirurgiens afsürèrent que fa mort avoit été naturelle. Monfieur y fut vivement fenfible; & il paria avec beaucoup d'émotion contre celui qu'on difoit 1'avoir accélérée (a). Le Comte de Soiifons , fe fentant accufé de complicité quant a la conjuration (£), partit de Paris a 1'improvifte , pour Sainte - Croix , 1'une de fes 00 Contre le Cardinal de Richelieu. (A) Accufation qui n'étoit que nop fondéepour ce qui regardoit l'abaiiTement de l'autorité du Cardinal. 16 zó.  116 Mémoires " Terres , aux frontières de Ia Bourgone, du cöté de la'Savoie. II écrivit au Roi pour lui demander la permiflion de pafter a Turin , èL de la aux aucres endroks de l'Italie ; & lui rriarquoit qu'il s'éloignoic jufqu'a ce qu'il eut pu fe juftifier fur ce dont on 1'accufbir. Le Confeil conlidéra que Je Comte ayant, ou peu de delfein par rapport a l'Italie , ou peu de crédit dans ce pays, iJ valoit mieux pour Ie Roi, qu'il fut loin de Monfieur, que prés, nonfeulement quant a préfent , mais pendant quelques années. II eft donc utile pour Sa Majefté , difok. le Confeil, qu'EUe lui permette, plutót a contrecceur, que volonriers, de pafter en Italië 5 paree que ce fouvenir lui fera craindre de revenir a la Cour, & qu'il donnera prétexte a Sa Majefté de l'en  S E C R E T S. ii- tenir éloigné autant qu'EIle jugera bon pour le fervice de fon Etat, ainfi qu'EIle en ufe par rapport au Prince de Con- dé, iözóT"  Il8 MÉM O IR ES Réfolution foudaine que prend le Roi d'Angleterre , de chaffer d'auprcs de fa femme , tous les Francois qui la Jervoient, & de vouloir qu'elle ne foit plus fervie d l'avenir que par des Anglois Proteflans. Extréme fenfibilité de la France, d ce fujet. Ambaffades réciproques. Baffompierre envoyé vers Sa Majeflé Britannique. Audience fon longue & fort vive. Ejfronterie extréme de Buckingham , d l'occafion de cette Audience , la feconde que le Monarque donnoit d l'Ambaffadeur. Baffompierre parle avec vigueur dans le Confeil. Les différends s'ar rangent, tant par rapport d la Maifon de laReine , que par rapport aux Catholiques Anglois, &c. Mort du Connitable de Lefdiguières,  S E C R E T S. 119 Earada difgraciê. S' Simon lui Juccéde dans la faveur auprès du Roi. Ce Prince donne une Garde au Cardinal de Richelieu. La Cour partit de Nantes pour revenir a Paris. A peine y étoit - elle arrivée, qu'on y vit paroïtre le Baron de Carlenton, Ambafladeur extraordinaire du Roi d'Angleterre , & Ie Comte de Tellières, Clievalier -d'lionneur de la Reine, époüfe de ce Monarque, envoyé par elle. L'objet de leur voyage étoit d'inftruire la Cour de France , de la réfolution foudaine que Sa Majefté Britannique avoit prife, de chafler d'auprès de fa femme tous les Francois qui Ia fervoient; &. de vouloir qu'elle ne fut plus fervie a 1'avenir, que par des Anglois Proteftans. L'Ambaftadeur 1626.  ï2o Mémoires " étoit venu pour en donner les raifons; 8c le Chevalier , pour raconter 1'état miférable oü étoit fa Maitrefle, &l le-danger oü fon ame fe trouvoit; attendii que le Roi fon mari étoit déterminé a ne lui laiiTer d'autres Francois ni d'autres Catholiques, qu'un feul Prêtre , pour Cliapelain 6c ConfelTeur, & que fa nourrice.—Elle prioit le Roi de France fon Frère, 6c la Reine fa Mère , d'avoir pitié d'elle Sc de la fecourir. Le prétexte du Roi d'Angleterre pour en ufer comme il faifoit, étoit que les Francois avoient donné de trop grands Fcandales ; qu'ils avoient publié le Jubilé; aidé les Catholiques Anglois , dans tout ce qui concernoit la Religion ; cherché a amener a leur opijiion ceux des Anglois qui ne penfoient pas comme eux; 6c en  Secrets. iii en avoir gagné plufieurs; qu'en- • fin les Prédicateurs de la Reine avoient die clairement en Chaire, qu'un Jéfuite ■( qu'on avoit tout nouvellement fait mourir pour les chofes concernant Ia Foi) étoit Martyr. Que ce propos avoit été conftrnié par plufieurs Serviteurs de la Princeffe; lefquels on avoit vu baifer & ramaffer la terre oü le fang de ce Jéfuite avoit été répandu; garder enfiiite cette terre , & 1'honorer comme Reliques. Cela eft contraire, difoit le Roi d'Angleterre par la bouche de fon Ambaffadeur , a ce que la France a promis par fon Traité d'Alliance de Sang avec moi; fcavoir que les- Francois au fervice de ma femme ne donneroient point de fcandale. Me trouvant donc délié de mes engagemers vis-a-vis d'hommes XXXVI. Partk. F 1ó26  I6z6. (a) Lettre de Gondi, AmbafTadeur du GrandDuc a la Cour de France , éatite a ce Priacc , le ii d'Aoüt, iói6. 122 MÉMOIRES -féditicux dans mes Etats, j'ai réfolu de les en chafTer. Les Miniftres du Roi de France répondoient (a); — II a été convenu que, dans le cas ou les Francois attachés a la Reine d'Angleterre, ou quelquesuns d'eux, ne fe conduiroient pas avec la prudence que leur Religion 6c le repos de la feconde des deux Cours exigeoient d'eux, on en donneroit avis a notre Monarque ; afin qu'il y remédiat felon le véritable lens du Traité; mais prendre la réfolution de chaifer les Serviteurs de la Reine d'Aneleterre, 8c en donner enfuite avis, cela eit ïnjurieux , contraire aux pa&es, Scinfupportable.  Secrets. 113 La France fut extrêmement' fenllble a cette nouveauté. Elle cherchoit les moyens de faire enforte que la Socur de fon Roi ne recut pas un ff injufte traitement, Sc que la dignité de la Couronne ne fut pas entacliée. On dépêcha en coniequence fur le champ un Courier a I'Evêque de Mende [a) , qui n'avoit pas encore eu ordre de fe retirer 5 Sc on Ie chargeoit de protefter a Sa Majefté Britannique , que Leurs Majeftés Très-Chrétiennes regarderoient comme une contravention a ce qui avoit été ftipulé entre les deux Cours, & comme un adte d'hoftilité , la violence qu'EIle vouloit exercer a 1'égard de la Reine, fon époufe. Le Roi d'Angleterre avoic (a) Lequel étoit a la tête du Clergé de Ia Reine d'Agleterre, F ij 16x6.  J 6ié. 124 Mémoires pris occafion des embarras in-l cérieurs de la France, pour enM ufer comme il faifoic ; paree qu'il croyoic qu'ils empêcheroient toujours que les prote£ tations de la part de cette Couronne fuftent luivies de réfolutions \ qu'il faudroit en venir i de nouveaux accords; 5c que la moindre chofe que lui, Roi d'Angleterre., obtiendroit, ie> roit qu'il lui fut libre de chaiïèr tous les Francois qui étoient au fervice de fa femme. Quoi qu'il en foit, Louis XIII réfolut d'envoyer a ce Prince , fon Beau-Frère , un Ambafladeur exprès , pour lui marquer fa fenfibilité en termes convenables a ja dignité de fa Perfonne 5c de fa Maifon ; il fit ohoix, pour eet efFec , du Maréchal de Baffompierre. Cependantles Francois chaffés d'auprés de la Reine d'An-  S E" C R E T S. U5 gleterre étoient arrivés a Paris, de même que Milord Montagu , que Sa-Majefté Britannique envoyoit, ious prétexte de compiimenter les nouveaux époux (a). Mais , Ioin qu'on voulut recevoir fon compliment, le Roi lui fitdire de s'en retourner , paree qu'il ne vouloit ni le voir ni 1'entendre. On croyoit que le Monarque en ufoit a fon égard avec cette rigueur , paree que Montagu étoit un de ceux qui avcienr le plus la confiance du Duc de Buckingham , qu'on fcavoitravoir induit Ion Kol a prêr.er poreille aux cohjurés contre le ' |R.oi de France (b). On pouvoit en confëquence -craindre que , fous prétexte de venir compiimenter Monfieur & Madame , (a) Monfieur Sc Madame. Cb) Voyez ce qui a été dit ci-devant de ces Ipéjendus conjurés. Fi''J 1616.  16z6. (a) On a vu ci-devant les raifons pour Iefquelles la Cour d'Angleterre avoit envoyé ce Seigneur a celle de France, & ce qui étoit arrivé a fon occafion. (b) Voyez. quelques pages plus haut ce qui regardc eet Ambaifadeur extraordinaire du. Roi d'Angleterre. 116 Mémoires il n'eüt quelque commiffion Cecrette, dangereufe pour Louis XIII. D'aacanc mieux qu'au temps du Comte de Hollande (a), toutes les allées & les venues ayant été faites par Monragu , on foupconnoit que , dans 1'Hiver de 1'annéeacruelle , il avoit été porteur de paroles dans les complots concernant la Conjuration. Quoi qu'il en foit, il s'en retourna en Angleterre aa plus vlte. L'AmbalTadeurCarlenton (Z>), odieux de toute manière, n'avoit obtenu encore du Roi de France, qu'une Audience, dans laquelle ce Monarque lui avoit  8 E C A E T S. T27 montré un vifage fort févère. La Reine-Mère fut long-temps en fufpens pour fcavoir fi elle le verrok; &,quand enfin elle lui donna Audience , elle fe contenta de lui répondre : — Le Roi mon Fils ne fouffrira jamais 1'injure qu'on veut faire a lui & a fa Soeur. II défendra toujours cette Sceur , comme il convient 5 & il aura en recommandation fa réputation propre , comme il fied a un Roi de fa forte. I On prelTa le Maréchal de Baffompierre de hater fon départ p>our 1'Angleterre. II eut Keu, Ie 27 de Septembre ; & , le 7 d'Oclobre, le Maréchal fe trouva a Londres, oü il ne fut, ni logé par le Roi, ni défrayé. La nuk de ce même jour , le Duc de Buckingham & Milord Montagu allèrent fècrétement Fiv 1626.  IzS M É MOIRÉS * ie trouver ■■, Sc cette première- I viiite fut mêlee de plaintes réciproques.— Cependancle Maréchal eut ordre de Sa Majefté Britannique , de renvoyer en France le P. Sancy de 1'Óratoire, qui étoit de fa luite. II refufa abfolument de le faire > | difant que ce Père étoit fon | Confeftèur. Si Sa Majefté ,. t ajouta-t-il , prétend toucher a ma Maifon, je m'en retournerai en France. Le 11 d'Oclobre, le Comte de Carlile alla le chercher avec les carroftes du Roi, pour le mener a Hamptoncourt, a 1'Audiencede ce Monarque. Mais Sa Majefté , lui dit-il, veut fcavoir d'avance ce que vous avez a lui expofer. II 1'entendra de ma: j bouche, répondit BalTbmpier- re; Sc 1'on ne prefcrit point a un AmbafTadeur ce qu'il doit repréfenter a un Prince vers. i  S E C R E T S. ïi9 lequel il eft envoyé. je ferai~ bjentot de retour en France, ' fi Sa Majefté Brkannique ne veut pas me voir. Je vous jure, Monfieur , reprit le Comte de Carliie , que mon Maitre ne veut fcavoir d'avance ce que vous avez a lui expofer , que pour éviter quelqu'émodon de fa part; laquelle ne manqtieroicpas d'avoir lieu, s'il vous entendoit lui faire en Public quelque reproche „ qui fut oüi desPrincipaux de fon Royaume. Et, la Reine'fe trouvant préfente a 1'Audience, il pourroit arriverquele déplaifirque luia caufé 1'expullïon de fes Domefriques, s'enflammat; qu'elle fe lai£ sat aller a quelque extra v agance, en préfence de tous lesalliftans s ou quelle pleurat a chaudes larmes. Mon Maitre, vouknt dons évïter de fe compromettre , aime mieux , Monfieur, vous F v 616.  {d) Mon jSeau-ïrère» 130 Mémoires •écouter en particulier, que de parler avec vous d'aucune affaire , vis - a - vis de fes Sujets. Eh bien, reprit a fon tour Baffompierre , on peut prendreun tempérament; c'eft que, quand j'aurai complimenté votre Maitre, que je lui aurai remis les Lettres du mien, & que j'en viendrai aux raifons pour lefquelles j'ai été envoyé, il m'interrompe èc me dife : — Vous avez , Monfieur 1'Ambaffadeur, a retourner a Londres il eft tard ; il faut remettre la difcuflion des affaires a un temps plus propre; un de ces jours , je vous enverrai chercher de meilleure heure, pour conférer avec vous plus a loifir. En attendant, il me fuffit de vous avoir vu , & feu que le Roi de France, mon Frère (a), & la Reine, fa Mère, fe portent  S E C R E T S. 13 r bien. Je ne veux pas retarder plus long - temps 1'impatience que la Reine mon époufe a de t'apprendre de votre bouche. Aïnfi nnira 1'Audience , dit Ie Maréchal de Ratfompierre au Comte de Carlile, en propofant ce tempérament: — Ce qu'il avoit propofé, fut goüté , &s'exécuta.Mais, comme il s'en retournoit, le Roi lui fit dire, par le Comte de Carlile, qu il ne luidonneroit 1'Audience particuliere qu'il lui avoit promife, qu'en tant que le P. Sancy léroit renvoyé en France. II repondit a cela comme il avoit d'abord fait, en ajoutant: — Sa Majefté Britannique doit fe contenrer des égards que fa: pour Eile , en ne permettam point qu'uh homme de nv< Maifon ,. qui n'eft, ni condam •né , ni accufé , ni coupable fréquente la Cour non plu Fvj 1626. »  i6z6. 00 Qu'on a vu naguères venir en France fous prétexte de féliciter les nouveaux époux, ( Monfieur & Madame) ; & a qui Ie Roi avoit fait dire de s'en retourner , paree qu'il ne vouloir ni 1'entendre ni le voir. (£) Le Baron de ce nom , arrivé depujs peu a.la Cour de France avec la qualité d'Am. bafiadeur extraordinaire. — Voyez de nouveau, quelques pages plus haut, ce qui reg.ude, «et Ambafladeur.. 131 Mémoires que la Ville 3 6c en le tenant enfermé dans fa chambre. Je prie votre Maïtre Si vous, Monfieur, de ne plus me faire une demande auffi déraifonnable qu'efl: celle de vouloir que je renvoye mon Confefleur. L'exemple qu'on m'allégue de- ce qui s'eit pratiqué a i'égard de MilordMontagu (a), n'a aucun rapport avec le cas préfent. Et d'ailleurs, fi 1'Ambafïadeur Carlenton {b) a fouffert que, chez lui, il fut fait commandement a Milord Monragu de s'en retourner , loin d'être difpofé a fouffrir qu'il me foit fait le  S E C R E T S. I-35 même affront par rapport auP. Sancy, je Pempêcherai, au péril même de mes jours. Ainfi paria le Maréchal de Baffompierre au Comte de Carlile. A la fin Montagu alla dire au premier, de la part de Buckingham : — Malgré votre réfolution,Monfieur, a vouloir retenir auprès de vous le P. Sancy , le Roi mon Maitre ne Jaiffera pas de vous donner Audience demain (a). — II y fut conduit dans les carroffes du Roi,& 1'eut dans une Galerie du Chateau d'Hamptoncour. Elle fut longue & fort vivej car le Roi fe miü dans une grande colère , Sc I'Ambaffadeur, fans lui perdre Ie refpecl, lui paria comme il convenoit, céda certaines chofes , &: en obtint beaucoup d'autres. (1) Jcuii, 15 d'Oclobre. 1616. \  JÓ2.6. (fl) Buckingham devoit fe tenir decouvert,.. comme fe trouvant en la prefence de (on 3.oi; Baffompierre devoit fe tenir couvert „ comiiis rcpréfenrant le fiea.. 13-4 MÉMOIRES Cependant Buckingham, fe détachant brufquement de i'endróit ou il fe trouvoit, furvint & leur die avec une effronterie extreme : — Je viens metare le hola entre vous. Baffompierre fe découvritj &,tant que Buckingham refta , il ne voulut point remettre fon chapeau , quelqu'inftanee preffante quïjui fut faite de fe couvrir ; rnaïs^ Jorfque Buckingham futparti, alors il fe couvric. Depuis, ce Seigneur lui demanda pourquoi il en avoit ufé ainfi i C'a été ? répondit 1'Ambaffadeur, pour vous-faire honneur; pour que vous ne fuflïez pas découvert,. tandis que je ferois couvert (a). —Buckingham lui en feut beaucoup de gré_— Mais une autre  Secrets. 135 raifon encore avoit porté Baffompierre a agir comme il avoit fait; c'eft que 1'Audience étoit devenue un entretien particulier, vu que Buckingham 1'avoit interrompue. Quoi qu'il en foit, elle fut fort apre. Le Roi d'Angleterre ne fe montra nullement difpofé a fatisfaire les demandes du Roi de France, fon Beau-Frère, quoiqtie juftes 5 car il dit a Baffompierre (a): — Vous n'avez pas commiffion de me déclarer la Guerre de la part du Roi TrèsChrétien ? Non , répondit Baffompierre, je ne fuis point un Hérault; je fuis un Maréchal de France, pour vous faire la Guerre , quand le Roi mon Maitre la réfoudra. Mais jufqu'a préfentil s'eft comporté en Frère a 1'égard de Votre Majefté. (a) Lettre de celai-ci au Roi, du rj d'Qctobre., 1616, lóió.  i6i6, 136 M. é M O I R E S ■ Si cela eft, reprit le Roi d'Angleterre, il doir donc me killer tranquille & Jibre chez moi-, vü qu'il n'appartient ni a lui ni a perfonne autre de voir ee qui s'y Fait. La Religion de la Reine mon époufe eft en süreté; 5c je ne chercherai, ni directement ni indirectement, a I'en. faire changer. Quant au refte je n'entends pas qu'elle arrende de protection , d'autres que de moi. J'ai été forcé de chafter de mes Etats fes Domeftiques Francois , a caufe des brigues qu'ils y formoient. Ils ob-lédoient la Reine , pour qu'diene fit pas ie moindre cas des. Anglois , Sc qu'elle rfapprtt point leur langue 5 refroidiffbient fon aftéetion a mon égard (chofe li vraie, que maintenant qu'ils font éloigncs de. fa Perfonne , elle vit mieux avec moi); Sc \z M donneraik  S E C R E T S. 137 ; J'avenir toute forte de contcn1 tement. Qu'on ne m'importune 1 donc pas pour le rappel de fes I Domeftiques, paree que sürementon neréufllra point a 1'obtenir. Je fuis le maitre dans mes Etats, 8c perfonne n'a rien a y voir. Si la bonne intelligence, qui eft entre les deux Couron! nes [a] venoit a s'altérer , on ne pourroit pas m'en imputer la faute. Votre Perfonne , Monfieur le Maréchal, m'eft fort agréa1 blej & je vous 1'eufie prouvé en vous faifant l-'arcueil le plus favorable , fi 1'afFaire qui vous a conduit ici , 6c le mauvais ti-aitement fait avant cela a. mes Miniftres (/<), ne m'en euflent empêché. J'enverrai en France un de mes Confidens. (a) La France & 1'Angleterre. (l>) MontaguSc Carlenton. — Yoyez un peu plus haut. 1616  i ózó. (a) Baffompierre parloit ainfi, paree qu'il fentoit bien que le Duc de Buckingham , fi défagréable a la Cour de France , feroit ce confident que le Roi d'Angleterre y envetsoit. Ï38 M É M O ï R Ë S Baffompierre répondita tout, article par article ,5c dit, quant a i'envoi d'un Confident, que Ia chofe étoit tout-a-fait inutile , 5c qu'elle déplairoic (a). Enfin, ajouta-t-il enfuite, jene prends point pour une réfolution finale , la réponfe que Votre Majelté vient de me faire; j'efpére qu'EIle changera d'avis, 5c qu'EIle prendra le parti d'entretenir une étroite amitié avec le Roi mon Maitre.— BafTompierre paria après cela pour le foul agement des Catholiques Anglois. Ils font fi durement traités, dit-il au Roi Charles, que le Mariage de Votre Majefté , qui leur faifbit efpérer un fort tranquille, femble ne  S E C R E T S. 139 s'être fait que pour augmenterla perfécution contr'eux. La faute en eft, répondit le Roi d'Angleterre , aux Francois qui compofoient ci-devant la Maifon de ma Femme. L'Audience fi brufque que Sa Majefté Britannique avoit donnée a Baftompierre , caufa tant d'amertume a eet Ambaffadeur , que , fans 1'ordre qu'il avoit de fon Souverain, de lui en faire fcavoir les particularités par un Courier y il eut démandé fur le champ fon Audience de congé, pour s'en retourner en France 3 vu que 1'honneur & la dignité de fon Maitre fembloient le demander ainfi. Balfompierre employa le temps qui s'écoula entre Palier . Sc Ie venir du Courier, a exciter PAmbaftadeur ordinaire de la Couronne a Londres a parler vivement 3 Sc les Marchands iózó  i6i6. 140 Mémoires ' de cette Vdle , qui craignoient, une Guerre, & trembioient de peur qu'elle n'eut lieu, a faire quelque murmure. BaiFompierre s'appliqua encore adonner de 1'appréhenlion de cette Guerre,. a Charles &c a fes Miniftres. Sa vue en tout cela étoit d'engager Buckingham a entretenir la bonne intelligence entre les deux Couronnes, par la confidération de fon ineérêr particulier (a). Cependant Ie Roi d'Angleterre rit dire a.Baifompierre [b)y par fon Secrétaire d'Etat Connové , qu'il déiiroit que fon O) Auquel leur méfintelligence eut infininient nui, paree qu'elle eu: accru les murmures des Anglois en gétiéiaj contre fa Perfonne , qui ne leur éroir aéji que trop odieufe , comme on le voit par tout ce qui a été dit de lui jufqu'a préfent. (£) Lettre de celui-ei a d'Herbaut, 1'un des. rrois Secrétaires d'Etat de la France poor les AfFaires-Etrangères , qui avoient remplacé Puyfieulx. Cette lettre eft du 10 d'Octobre 16 z 6.  Secrets. 141 Exceüence exposat dans fon Confeil ce qu'EIle avoit a profofer; afin qu'il püt y accommoder fa réponfe, de la facon la plus conforme au goüt du Röï de France, fon Frère (a). L'Ambaffadeur paria dans le •Confeil avec vigueur ,'& finit par demander 1'entière réparation des violations du Contrat de Mariage de Leurs Majeftés Britanniques; de la promeffe , en particulier, de meilleur traitement pour les Catholiques Anglois. — II prioit le Roi de . lui donner une réponfe défini■cive. .... • p j cim.'&.-i ! r Lorfqu'il fut forti du Confeil, Buckingham I'afsura que des Cathpliques Anglois feroient -traités avec plus -de douceur, •fi Ia Reine en faifoit Ia demande au Roi ; & ajouta que Ia ('0 Son Beau-Frère, IÓZÓ.  1 6z6. Ï42 MÉMOIRES chofe s'exécuteroit, a Ia prière feule de cette Princefle. Mais pour ce qui eft du rétabliflement de fes Domeftiques, ditil, je ne crois pas qu'il y ait lieu de 1'efpérer. Ce n'eft point a la prière de la Reine, répondit Baffompierre, que lesCathoIiques Anglois doivent être traités avec plus de douceur; c'eft en vertu des promeflès que le Roi fon époux en a fait par écrit. Et, quant au rétabliflement des Domeftiques de Ia Princefle, je ne demande la rér folution de Sa Majefté Britannique Ia-deflus, qu'afin que le Roi mon Maitre puilïe, de fon cöté, prendre la fienne. L'efpérance du raccommodement de ces diiférends commenc,a a renaitre, leDimanche, 2 5 d'Oclobre, jour auquel Baffompierre réconcilia Buckin-,  S E C R E T S. 143 gham avec Ia Reine (non fansbeaucoup de peine). Le Roi étant iurvenu lorfque cette réconciliation fe fahoit, fit aufïï Ia lïenne avec fa femme; mo~ yennant quoi Jes différends en queitions'arrangèrent.L'Article qui donna Ie plus de peine (a), fut celui qui, quant a la Maifon de la Reine , regardoit 1'Evêque èc les Prêtres. Le Comte de Carlile , Puritain &z liomme a fophifmes , foutenoit que c'étoic a fon Souverain a choifir ceux-ci; & il excluoit de ce choix les Réguliers, a caufe de ' leur dépendance immédiate du Pape. On ne peut pas, difoit-il auui , admettre un Evcque , fans préjndice des Loix de 1'Angleterre. Ces idéés du Comte de Car- Gt) Lettre de Baflomj icrrc a d'Herbaut, du 8 de Novembre , 162.6.  16z6. 744 MÉMOIRES Iile furent caufe que huk jours fe pafsèrent a contet'ler, & Baffompierre obtinc a la fin ce qu'il demandok; mais non le rétablilfement du Premier Ecuyer de Ja Reine ; paree que Milord Perfy, frère de la Comtefle de Carlile (laquelle avoit beaucoup de pouvoir fur 1'efprie de la PrincefiTe), &. fils du Comte de Nortumberland, le plus pui (Tant des Grands de 1'Angleterre, étoit alors en poffellion de I'emploi. Balfompierre fe relacha fur ce point (qui n'étoit d'aucune importance), pour tirer de la Cour d'Angleterre d'autres avantages. C'étoit par la faveur de Buckingham, qu'il obtenoit la plupart des chofes qu'il vouloit; &: fans elle, il ne fut jamais venu a bout de rien. Sous prétexte de faciliter a la Reine, le möyen d'apprendre la  1 S E C R E T S. 145 I la Langue Angloife, il fut conI venu que fa Maifon feroit comI pofée de Francois & d'Anglois. 1 On confidéroit d'ailleurs que, I fi Ia Princefle n'avoit auprès I d'elle , que des Etrangers, Sc I que les Nationaux fuflent priI vés de cette faveur , 1'amour ardent que les Peuples avoient pour fa Perfonne , fe refroidiroit 5 Sc que , manquant des moyens de s'attacher plufieurs Seigneurs Sc Dames d'Angleterre par les emplois de fa Maifon, fes intéréts en recevroient uil grand préjudice. Cependant Ie Roi révoqua les commiffio'ns qu'il avoit établies contre les Catholiques de fes Etatsj Sc, en attendant, il ft élargir les Prêtres de leur 'Communion, qui étoient ref : ferrés. II promït auffi de rendre tous les Vaiffeaux Francois, qui avoient été pris Sc conduits dans XXXVI. P arm. G l6z6.  Ï6i6. 146 MÉMOIRES ■ fes Ports. Mais 1'exéeution de ceci fut troublée par la faiiie précipitée qui fut fake a Rouen, de Vaifléaux Anglois, dans le temps même que Sa Majefté Britannique donnoit main-levée pour les Vaifléaux Francois. Car la nouvelle de cette faiiie étant arrivée a Londres , fut caufe qu'au lieu de la main-levée en, queftion , Charles fit faiiir les marchandifes appartenantes aux Francois, qui fe trouvoient dans fes Etats > réfolu de s'erïiparer de tous les Vaifléaux Normands, que les flens rencontreroient fur mer. A la fin cependant tout s'airangea. Skot que 1'accommodement général eut été fait, les duretés dont on ufoit auparavant a 1'égard de Baflompierre, fe changèrent en honnêtetés ; ce ne firent plus que fêtes & paflètemps. Lorfqu'il partit, le Roi  S E C R E T S. 147 lui Bt préfent d'un joyau com-pofe de quatre diamans Sc d'une perle. Comme il alloit s'embarquer aDouvres, il apprir que ce Confident que le Roi d'Angleterre lui avoit dit vouloir faire palier en France, pour traiter du Commerce, étoit le Duc de Buckingham (a). Ce Seigneur avoit envoyé vers Baffompierre , Milord Montagu , pour le lui faire fcavoir, Sc le prier de rebrouffer chemin jufqu'a Cantorbery , pour confcrer avec lui 5 c'eft ce que Baffompierre fit. Dans eet entretien , il fit tout fon poffible pour dilïuader Buckingham d'aller en France; ou du (möins pour 1'engager a remettre fon (a) Barïbmpierre s'étoir cres bien dputé du cboix de TEnvoyé. — Voyez ce qui a été dit la-dellus ci-devant. — Quant au commerce, objet de eet envoi, on n'a pas vu que le Roi d'Angleterre en eut parlé a 1'Ambafladeur francois. Gij 1626.  i6z6. (a) Au menie Baflbmpierre. — Lettre du Monarque a celui-ci, du i;> de Décembre , 1 J("/)'Lerfqu'il étoit AmbafTadeur auprès de rca Perfonne. u 148 MÉMOIRES vovage a un temps plus favorable. Mais tout ce qu'il put en obtenir , fat que Buckingham le différeroit jufqu'a ce qu'il re lequel , après s'être plaint au long, comme de coutume, de Ia conduite des Francoistdans L'affaire de la Valteline, fe Iailfa aller jufqu'a dire : — Si les Efpa-j gnols tranfportoicnt en Flandre les Troupes qu'ils ont dans Ie Milanez(ainfi qu'ilsontfait fcavoir fous main a mon Maitre , que tel étoit leur deffèin ) ce  S E C R E T S. 165 Prince pourroit fe mocquer des ■Francois (a). | Le Marquis de Mirabel (£) ;eut une longue Audience du -Cardinal de Richelieu (c) , qui icommenca par lui dire qu!il faudroit que les deux Rois (d) Te promiffent de ne point faire Ileur accommodement avec 1'Angleterre , 1'un fans Pautre. Son Éminence pourfuiyit enfuite de cette forte ; — Notre .Monarque n'ayant pas pour le préfent de Vaiffeaux, ne peut pas promettre beaucoup5 mais il fe mettra bientót en état d'ao-ir; & , en attendant , il donnera libre entree dans tous fes Ports de I'Ocean , a la Flotte Efpa- - (a) Paree qu'il ne craindroit plus le voiflnage des Troupes en quelrion, qui font i'objet de fon inquittude. (J>) Toujours Ambaffadeur d'Efpagne a la pCour de France. (c) Lettre du Cardinal Spada au Cardinal !£arberin , du if de Septembre , 1616. 00 Celui de France & celui d'Efpagnp, J 62.6,  166 MÉMOIRES gnole, Sc les fermera au contraire aux Vaifléaux de Sa Majefté Brirannique. Les Anglois j font fi fuperbes Sc fi peu fenfés, qu'il n'y a pas lieu de croire qu'ils acquiefcent aux demandes qui leur feront faites. .; — On pouvoit donc'prévoir ci - devant le fuccès qu'auroit : l'AmbaiïadedeBaflompierre(a). Mais, quand notre Monarque ne s'accommoderoit point avec les Anglois, veuille Sa Majefté Carholique (quoi qu'il en foit) s'obliger a accorder aux Francois , la commodiré de fes Ports, comme Sa Majefté Tres- J Chrétienne confent a accorder aux Efpagnols, celle des fiens. Le Marquis de Mirabel dit au Cardinal Spada [b) : — L'in- (a) Voyez un peu plus haut le retour de , ce Seigneur , de 1'Angleterre , & ce qu'il y avoit fait. ' (b) Lettre de celui-ci au Cardinal Barbetin, du t} d'Oétobre, i6%6.  S E C R E T S. 167 tention du Roi de France eft que chacun des deux Rois démofhTe (a) les Forts de la Valteline, qu'il tient achiellement. Le Marquis de R.ambouillet eft Fur le point de partir pour 1'Efpagne; & il a ordre de convenir avec Sa Majefté Catholique, fi Elle accepre ce parti, qu'EIle feralafeule dontle Traité fera mention, par rapport a ces mêmes Forts. Pour ce qui eft des différends entre Gènes & le Duc de Savoie , les Miniftres :de Sa Majefté Très-Chrétienne 1 répondent: — Nous confentons >que les arbitres que les Parties inommeront pour les décider, foient, pour Ie Duc, des Francois hommes de Robe, & des Milanois pour la République. Mais nous entendons qu'avant I (a) Que lui & le Roi d'Efpagne fon Beauit Frere demoliflcnt, &c. i O ZÓ,  i6i6. ió8 Mémoires la nomination , on fe reftitue de part 6c d'autre ce qu'on s'eft pris depuis le jour auquel la Guerre a commencé. Quant a I'argent qui a été faifi a Marfeille 8c aCalais, notre Monarque le fera rendre dans un an , 8c donnera sureté pour cela. En atrendant on fera la liquidation, & de ce que 1'Efpagne a tiré (a 1'occafion de cette faifie) des Marchands Francois qui fe trouvoient chez elle j & de ce que les Génois ont pris de Marchandifes Marfeilloifes. — On défalquera encore de eet argent la créance de Claude de Mari ni j qui elf: de cinquante mille écus, felon la liquidation qui en a été faite en France. Telle eft la fubftance de ce" que le Marquis de Mirabel dit au Cardinal Spada, le 6 d'Octobre, au fujet des intentions du Roi de France 6c de fes Miniftres,  S E C R E T S. IÓ9 IVIiniltres. Ce jour la même d'Herbaut (a) dit au même Cardinal : — De Fargis (_J>), dans le Traité qu'il a conclu en Efpagne ( c), s'eft avancé au-dela de tout ce que 1'ordre &le devoirdemandoient de lui. — Les commiffions données par le Souverain de eet Etat au Gouverneur de Milan, fur 1'Article concernant Ia démolition des Forts de Ia Valteline (d), Font pleines de fmeffes &c de fubtilités. — Le Chevalier Cioli, chargé des affaires du Grand - Duc a Rome , avoit (a) L'un des trois Secrétaires d'Etat pour les Aftaues etrangères , qui avoient remplacé Puyheulx. (6) De Fargis d'Angennes, Comte de Roerjepoe , toujours Ambaffadeur de France a la Cour de Madrid. (c! Traité qu'on a vu antérieurement qui avoit tant révolté la Cour de France, & qui avoit penfe faire perdre la tête a fon Auteur. W) Seloa la copie , ajoute d'Herbaut, ouef «je Fargis nous en a envoyé. XXXVLP ank. H IÓ2Ó.  i6i6. (a) Celles de France & d'Efpagne. ' (b) Gondi , Ambaffadeur ou Refident de cc JPrince auprès de Louis XIII. Cc) Le Marquis de Mirabel. 170 MÉMOIRES propofé quelques partis pour raccommodement entre les deux Couronnes (a); 6c le Cardinal Spada témoigna a d'Herbaut être furpris que la France n'y trouvat pas de quoi fe fatisfaire. Peut-être , lui dit-il , ne refléchit - elle point fur Ia quantité 6c la qualité de ces partis. II pourra fe faire que le Réfident du Grand-Duc ici [b) s'entremette entre les Miniftres de Sa Majefté Trcs-Chrétienne 6c 1'Ambaftadeur de Sa Majefté Catholique (c) , pour que la Négociation de 1'accommodement fe continue.— D'Herbaut répondit avec quelque froideur quant a cette entremife du Réfident du Grand-Duc. Le 7 d'Odobre, le Marquis  S E C R E T S. 171 de Mirabel alla voir le Nonce;' & durant Ia vifite qu'il lui fit, il vomit mille propos amers, & fit paroitre une foule d'ombrages, auxquels Ia dernière Négociation avoit donné lieu. II le plaignit de ce que, pour joindre le Cardinal de Richelieu, il falloit faire feptou huit lieues; & de ce qu'il ne fervoit de rien de parler a d'autres que lui. Si le Roi de France, ditil enfuite, refufe d'approuver Ia Négociation de de Fargis, il Faut qu'il fafFe examinerla ma1 tière avec plus de foin , plus de promptitude & moins de févérité, Car de 1'envoi du Marquis de Rambouillet en Efpaj.gne, & d'autres chofes encore, on peutinférer que les Francois n'agilfent pas férieufement; & que de même que, ci-devant, lis ont confenti au Traité de Moucon, paree que leurs affaiHij 1626.  162.6. 1JZ MÉMOIRES •res étoient a la veille de fe trouver dans un facheux état, aujourd'hui qu'ils croyent _ y avoir fuffifamment pourvu, ils reprennent 1'efprit de trouble , cherchent des prétextes 5 & pour les couvrir, &c tenir les Efpagnols endormis jufqu'a la nouvelle occafion, ils montrent le Traité fecret qu'ils ont avec l'Angleterre. S'ils avoient véritablement envie de finir , ils propoferoient des expédiens y ou donneroient lieu a d'autres d'en propofer, & ne fe tiendroient pas immobiles comme ils font. Puifqu'ils en ufent ainfi, je confentirai a quelque tempérament, quoique je n'aye pas la-delfus d'ordre particulier du Fvoi mon Maitre. On peut, par exemple, faire pafTer le Dépot? des Forts de la Valteline, des mains du Pape en celles du Grand-Duc a qui démolira en-  S E C R E T S» 173 fuite ces Forts. — Goütez-vous cela, Monfieur le Nonce? Et voudriez- vous en entamer la Négociation ? — Le Miniftre de Sa Sainteté tacha d'adoucir le Marquis de Mirabel, &c furtout de diffiper fes ombrages. II y a apparence , lui dit - il, que de Fargis manquoit de pouvoir pour la dernière Négociation. Je le préfume d'abord de ce que je fcais que le Roi de France envoya commif fion , il y a quelques mois, a ceux de fes Miniftres qui font en Italië , de négocier avec I'Ambaffadeur d'Efpagne a Rome, ou avec le Gouverneur de Milan. Je le préfume en fecond lieu de ce que , quand la Cour étoit a Nantes, fur la demande que je fis que Sa Majefté TrèsClirétienne concourüt avec Sa Majefté Catholique, a décharger le Pape du foin de la déHiij 1626.  j6z6. (a) Mon AmbaiTadeur awprès d» S, Sicge. 174 MÉMOIRES molition des Forts de la Valteline, Sa Majefté Très-Chrétienne répondit: — Je déclare que je conlens volontiers que Sa Sainteté foit délivrée de ce foin. Et je juge a propos, Monfieur le Nonce, que vous Sc moi écrivions aéhiellement Sc de concert en Elpagne > afin que, par 1'entremife du Nonce a cette Cour , Sc de de Fargis, mon AmbafTadeur, on fafle enforte que Sa Majefté Catholique donne aufii ce confentement 5 Sc qu'EIle envoyé pouvoir au Comte d'Ognate, Ton AmbaiTadeur a Rome , ou a quelqu'autre de fes Miniftres en Italië, de convenir au plutot avec le Comte de Béthune (a), ou quelqu'autre de mes Miniftres dans ce Pays, de la manière dont la démolition des  S E C R E T S. 175 Forts en queftion doit fe faire. Le Cardinal Spada repréfentoit au P. de Bérule, que le Marquis de Rambouillet fa) , pour donner de 1'importance a fon AmbafTade , 6c pour fatiffaire fon génie fubtil, commenceroit un nouvel ouvrage, au lieu d'achever celui qui s'élevoit depuis li long-temps; 6c ' que, d'une chofe légere, il en feroit une de conféquence.—La réponfe que la Cour de France donna au Marquis de Mirabel, le 14 d'Octobre, concernant Partiele dont il s'agït toujours (b), fut qu'elle s'en remettroit enticrement au Comte de Béthune 6c au Marquis de Cceuvres, qui le réfoudroient avec les (a) Qui alloit partii' pour Madrid. — On a vu naguères quel étoit 1'objec de fa Légation. (/>) Celui de la démolition des Forts de la Valteline. Hiv 162Ó.  i6z6. (a) Oii elles commenceroient par rentrer, puifqu'on a yu qu'elles en avoient été chaf« fées. (i) Celles de France & celles d'Efpagne. (c) C'eft-a dire celles d'Efpagne dans Rive, •au fccours de laquelle elles étoient d'abord venues; celles de France dansles autresPlaces de la Valteline; defquelles de Cceuvres s'étoit cmparé, a 1'exception de Rive. 176 MÉMOIRES - Miniftres du Roi d'Efpagne en Italië, felon que ceux-ci voudroient traiter avec 1'un, outraïter avec Pautre, 8c qu'ils feroient a portée de le faire.—Le Comte d'Ognate laiftaauchoix duPape 1'un des deux partis propoféspar le Chevalier Cioli, toucliant ce même Article; fcavoir que, quand les Troupes du S. Siége feroient forties des Forts de la Valteline ia) celles des deux Rois {b) y viendroient (c) ( fans qu'il fut dit, dans le Traité , qu'on les y appelleroit pour les démolir); ou que la démolition en feroit commife aux Suiftés, pourvü qu'ils ne fuffent pas fuf-  S E C R E T S. 177 pecfs. — Le Marquis de Mirabel croyoit donc que le Comte d'Ognate n'avoit pas laifle au Pape le choix en queftion, fans en avoir Ie pouvoir; &., ce pouvoir fuppofé, difoit-il, je juge que, fi la France inclinoit pour 1'un des deux partis, il fuffiroit d'en écrire au Comte de Béthune, pour être sur qu'il feroit fuivi. On peut même, je penfe, e» écrire au Marquis de Cceuvres direélement 5 car il eft probable que le Gouverneur de Milan eft muni auffi de pouvoir (a), ou du moins qu'il fcait 1'intention du Roi d'Efpagne , fon Maitre (b), Le 8 d'Octobre , Louis XIII (a) Pour le choix toujours en queftion. (A) De Cccuvres donc qui , fe trouvant toujours dans la Valteline , étoit a portée de ce Gouverneur , pouvoit traiter avec lui de 1'un des deux Partis. Hv 1626.  JÓ2Ó. (a) De laquelle on a vu le detail préce'demmenc. 178 MÉMOIRES avoit dit d'une voix fort intelligible, en dïnant, entouré d'un cercle de perfonnes: — LeDuc de Savoie traite pour devenir Roi de Cypre. — Quant au différend de ce Prince avec les Génois, la France n'étoit pas oppofée a ce qu'ils fe reftituaf fent ce qu'ils s'étoient pris durant la Guerre (a); mais bien a ce que cette reftitution précédatla nomination d'arbitres, ou qu'elle y fut fubftituée. La vraie marche eut été a la vérité de confentir d'abord a la Paix, de rendre enfuite les prifes en entier, 8c d'en venir après cela a la nomination dont il s'agit. Mais les Miniftres de la France avouoient qu'ils ne pouvoient venir a bout d'engager 1'Efpagne a confentir que cela fe fit  S E C R E T S. 179 ainfi; 6c il y avoit apparence • qu'ils ne ie ioucioient pas non plus de 1'y engager ; 6c cela , afin d'obliger le Duc de Savoie a nommer pour arbitre un Francois 5 c'eft ce que ce Prince vouloit éviter (a). — On étoit convenu que , quand la démolition des Forts de la Valteline auroit été faite , les Troupes des deux Couronnes (b) fortiroient du Pays. Mais elles ne pouvoient pas le faire avant cela; 5c elles étoient par conféquent a charge a 1'un 6c a 1'autre Roi par la dépenfe qu'elles leur caufoient; comme Pétoient au Pape celles qu'il avoit envoyées dans le Milanez. 00 Par la crainte qu'il avoit de n'en êrre pas traité bien favorablement 5 attendü qu'il avoit entrainé Louis XIII, comme malgré lui, a la Guerre contre les Génois , Tource pour la Trance , de dépenfes & d'afFronts. (è) Celles de Trance & celles d'Efpagne, Hvj 1626  i8o Mémoires On traite en France, en Efpagne , * Rome , dans la Valteline & dans le Milane^, fur la manière dont fe fera la démolition des Forts du quatriéme de ces Pays. Capitulation fur eet objet, portant l'exécution du Traité de Moucon. Les Forts font démolis. De Coeuvres efl fait Maréchal, en récompenfe du bon fervice qu'il avoit rendu au Roi, en affijlant les Grifons, Alliès de la France. Cinq Ambaffadeurs extraordinaires 9 envoyés par le Monarque vers pareil nombre de Puiffances. Objet de la Légation de chacun d'eux. Prétention du Duc de Savoie au titre de Roi de Cypre. II défire de le prendre , autorifé par le premier Roi de la Chrétienté, & prie en conférence Louis XIII de le lui  S e c r e^r s. i8f 'donner. Subflance d'un Ecrit qu'il avoit remis au Rrèfident de Bullion , lors du départ de celui-ci de Turin y & fur lequel il fondoit fa prétention. On traita en France , en * Efpagne , a Rome , dans la Valteline 8c dans le Milanez, fur la manière dont fe feroit Ia démolition dont il s'agit toujours 5 6c il fe rencontra beaucoup de difficulés, qui furent débattues depuis le mois de Mai de 1'année oü 1'on fe trouvoit (a), jufques au mois de Novembre de Ia même année. A cette H feconde époque, les Parties demeurèrent d'accord 5 mais ce dont elles étoient convenues , ne s'exécuta qu'au moisdeFévrier, 1617.Le Traité de Moucon (b) portoit que tous tb) Qu'on a vu ci-devant, i6z6. 1  i6i6. (a) Pape régnant. {b) Gelui de France & celui d'Efpagne. 182 MÉMOIRES -les Forts de la Valteline feroient mis de nouveau entre les mains du Pape, pour être auffi-töt démolis; & qu'au Gouverneur de Milan feroient livrées 1'Artillerie & les Munitions, qui avoient été remifes par inventaire a Sa Sainteté , quand Elle reent le Dépot. Urbain VIII (a) , ayant feu ce Traité , trouva a redire a quelques Articles concernant la Religion , qu'il eut voulu plus clairs Sc plus précis ; &c outre cela il déclara formellement qu'il n'entendoit pas fe charger de la démolition des Forts. Les deux Rois., [b), ditil, ne peuvent pas m'y obliger. Toute la part que je défired'avoir a 1'accommodement qui va fe faire entr'eux , eft de rentrer  S E C R E T S. 183 dans ces Forts, lefquelsavoient été remis auS. Siége en.Dépót; de recevoir des Miniftres du Roi de France, qui font dans la Valteline, les Armes, l'Artillerie & les Munitions qui y furent trouvées en 1624, temps oü 1'on s'en empara; de les rendre aux Miniftres d'Efpagne , qui font dans cette même Valteline &c d'en recevoir quittance. La France ne fe trouvoit point éloignée de livrer au Pape les Forts en queftion (a); mais elle vouloit être afsürée qu'ils feroient promptement démolis. Elle ne pouvoit en conféquence fe réfoudre a confentir qu'ils paflaftent (pour être abbatus } des mains du Pape en celles des Efpagnols ou des Valéfans; attendu que les uns (a) Dont de Caeuvres s'étoit emparé, Riv* txceptée. 1626,  i6z6. 184 MÉMOIRES '& les autres étoient Parties dans cette Affaire. Pour plus grande süreté de ladémolition, la France demandoit que le Pape fe contentat de 1'offre publique qui lui feroit fake des Fortsi ou qu'il fit entrer, pour un jour feulement, vingt ou trente Soldats dans chacun , tandis que les Troupes de la Ligue (a) fe retireroient prés de la. Cétoit afin de fauver les apparences au Pontife, ainfi qu'il le défiroit 5 mais au fond, afin de refter maïtrelfe de ces Places jufqu'au moment oü elles feroient démolies. La moindre chofe que la France demandoit , étoit qu'elles fuflènt Hvrées &c rafées fucceffivement; paree que la Couronne craignoit (fi elles étoient remifes 00 Celles de Trance , de Venife &; de Savoie • Puifiances liguées par le Traite de Lyon.  Secrets. 185 1 au Pape toutes a Ia fois) que les iEfpagnols ne filfent naïtre de 1 nouvelles difficultés, ou fur la déi charge qu'il défiroit d'eux, ou fur d'autres prétextes; afin qu'il fut forcé de les leur abandonner, ou pour le moins de les garder; ce qui eut été capable de replonger les chofes dans Ia confufion oü elles étoient avant Ja Guerre ; 5c de faire perdre le fruit de tant de dépenfes 5c de fatigues. Mais les deux tempéramens que la France propofoit, n'étoient point du goüt du Pape. II vouloit qu'on commencat, par bienféance, a met-tre de nouveau entre fes mains tous les Forts dont il étoit cidevant dépofitaire. Par le même motif d'honneur, 1'Efpagne infiitoit pour qu'ils fulTènt actuellement livrés au Pontife; 5c elle ne*défefpéroit pas (s'ilrefufoit de fe charger de les dé- l rtY-'.^ c..rï\ iózó.  JLÓZÓ. (a) Qui étoit toujours fon AmbanadcBï anprès du S. Siége. i26 Mémoires 1 molir) de les ravoir , pour en exécuter la démolition de la facon donc elle croyoit que eet honneur le demandoit de fa part. A la vérité, quelques-uns de ceux qui compoloient fon Confeil, difoient qu'il feroit honteux pour cette Couronne, qui avoit fait conftruire les Forts, d'être obligée de les démolir elle-même. Ces difficultés allongoient la Négociation. Louis XIII avoit envoyé plein pouvoir a Béthune (a), de les arranger a Rome avec le Pape & 1'Ambalfadeur de Sa Majefté Catholique ; Sc le Monarque avoit remis afa prudence le foin de prendre les suretés néceflaires pour 1'exécution de ce dont on feroit convenu; qui fut que tous les Forts  S E C R E T S. 187 qui conftituoient ci-devant le Dépot, feroient remis actuellement entre les mains de D. Torquato-Conti, pour le Pape (après que les Garnifons, tant, Efpagnoles que Francoifes , Vénitiennes ou Savoyardes, les auroient évacués), & qu'ils feroient lailTés libres au pouvoir de Sa Sainteté. Qu'on logeroit les Troupes Francoifes dans des endroits qui n'étoient pas du Dépot. Qu'auffi-töt après que les Forts auroient été rernis , on en eommenceroit la démolition. Qu'elle s'exécuteroit en même-temps pour les anciens &. les nouveaux. Que ceux-ci feroient abbatus par les Parties qui les gardóient auparavantj éc ceux-la fous la conduite de deux CommiCaires envoyés dans chacun de ces Forts , un par chacune de ces mêmes Parties; ayant avec eux des Pion- '1616.  i6i6. (a) Commandant des Troupes du Pape dans la Valteline. (b) Qui fe trouvoient dans Ie Pays en «meftion. (c) Des Rois de France & d'Efpagne. ld) Les Comtés de Chiavenne fc Bor» (nio. 188 MÉMOIRES niers du Pays ou d'autres Heux. Que 1'Artillerie, les Armes 6c les Munitions de Guerre, remifes par le Marquis de Bagno (a) au Marquis de Cceuvres, feroient rendues aux Miniftres d'Efpagne (b). Que, quand cela auroit été exécuté, 6c que les décharges des effets livrés auroient été données, les Troupes du Pape 6c celles des deux Rois (cl fortiroient dans le même-temps de la Valteline 6c des deux Comtés (d), qui, par ce moyen , refteroient libres de tous Soldats. On donnoit pouvoir aux Miniftres de part 6c d'autre, qui étoient fur les lieux, de faire a ces Articles  S e c r e t s. 1^9 tous les changemens qu'ils jugeroient convenables pour leur prompte exécution. Ils furent Iignés par les Comtes de Béthune éc d'Ognate (a), le 11 de Novembre , 1626. Nous allons les rapporter au long. Capitulation entre les Excellentijjlm.es Ambaffadeurs des deux Rois , touchant l'exécution du Traité de Moucon y conclu lé 5 de Mars , 1626, <$• ratifit ■par Leurs Majeflés, concernant les Forts de la Valteline & des Comtés de Chiavenne # Bormio. Sa Sainteté a déclaré aux Ambafladeurs des deux Rois auprès d'Elle , qu'EIle eft contente d'avoir Ia feconde part (a) Tous les deux Ambaffadeurs auprès du S. Siége , le premier , pour la France , iq fecondpour 1'Efpagne. IÓ2Ó.  i6i6. (a) Au feu des Miniftres des deux Rois, dit le Texte, c'eft-a-dire—Au feu de ceux de leurs Officiers qui font dans la Valteline. (b) Dans le Milanez. (V) Qui font dans la Valteline. 190 Mémoires ' dans 1'exécution de ce qui a été convenu entre Leurs Majeftés, par des Articles fïgnés a Mou & 1'on raferoit enfuite I les autres. C'eft ainfi que l'en- | tendent les Officiers refpeclifs, I qui pourront auffi commencer | & pourfuivre, par ou & comme | ils Ie jugeront plus aifé ou plus I a propos, il quelque caufe em- | pêche que 1'ordre ci deffus ne I fok gardé. 50 Chacune des Parties dé- I molira, par la main des Pion- I niers dont elle fe fera pourvue , 1 les 'nouvelles Fortifications I qu'elle tient aétuel'ement. 6° Les fortificatiors ancien- I nes ou Forts qui conltituoient I le Dépot, feront rafés fous les I yeux de deux Ccmm'ffaires par chaque Fort , fi 1'on juge qu'il I en faiiie autantj lefquels Com-1 miffaires feront envoyés par les Parties, im par chacune , Sc I . auront avec eux des Pionniers I du Pays (a), choifis par les Offi- I {ci) Ou d'autres lieux 3 diloit-on , il n'y a, I qu'un moment.  Secrets. 195 ciers des deux Rois, 8c aux frais de ces Princes. 7° Tous Jes Forts feront démolis en entier, enforte qu'il n'y rede pas la moindre défenle, 6c qu'ils ne puilTent pas être aifément reconftruits. 8° Jufqu'a ce que la déraolition en foit ackevée, les Troupes commandées , tant d'une part que de 1'autre , par les Officiers des deux Rois dans la Valteline, pourront refter (foit dans cette Valteline , foit dans les Comtés de Chiavenne 8c Bormio ) aux endroits oü elles Fe trouvent maintcnant. 9° II faudra néanmoins que ces endroits foient compris dans le Dépot , fitués a une difiance des Forts , convenable, 8c felon que les Officiers des deux Rois jugcront le meilieur •, fans que leurs Troupes T ii 1616.  j6x6. 196 MÉMOIRES 1 puiftent fe lailTer aller a aucune nouveauté. io° Lorfque la démolition aura été linie , elles fortiront t'outes en même - temps de la Valteline , Sc des Comtés de Chiavenne Sc Bormio , leurs territoires Sc Jurifdictions; laiffant le Pays totalement libre. . n° Les Armes, PArtillerie, les Munitions de Guerre Sc autres efrets , qui furent remis par le Marquis de Bagno au Marquis de Coeuvres , Sc dont 1'Inventaire fut fait alors, feront rendus aux Officiers de Sa Majefté Catholique , conformément néanmoins a ce dont les deux Rois feront convenus. 1 20 S'il arrivoit qu'il y eut quelque acceflbire de ces Articles , qui ne s'y trouvat pas expreflement renferméj qu qu'il  : 5 E C R É T S. 197 y eut de ces mêmes Articles qui ne puflènt pas s'exécuter exa&ement , tels qu'ils font, par des obftacles imprévus; les Officiers des deux Rois les arrangeroient entr'eux, de la fa^on qu'ils jugeroient la meilleure , en les approchant le plus qu'ils pourroient de leur teneur acluelle. 13° Sa Sainteté fera priée de donner ordre a ceux de fes Officiers, chargés de recevoir le Dépot des Forts, de procéder en cela avec toute la diligence poffible ; &, puifqu'Elle ne veut avoir d'autre part a 1'accommodement , que cclle de rentrer dans ces Forts; de 'recevoir des Officiers Francois les Armes , 1'Artillerie & les Munitions qui furent trouvées dans ces mêmes Forts, au temps oü 1'on s'empara; de les remettre aux Officiers EfpaIiij i6z6  i6i6. 198 Mémoires ^gnols, qni font fur les lieux, & d'en recevoir quittance ; on priera Sa Sainteté de régler du moins la quancité de Troupes avec laquelle fes Officiers doivent prendre polTeffion des diverfes Places qui leur feront remifes. On croir qu'il fuffit en tout de deux mille cinq-cents Fantaffins & trois-cents Chevaux; qui pourront, en attendant, ie tenir dans les endroits les plus voifms de la Valteline, fi Sa Sainteté & fes Officiers le jugent bon. Sitöt que fes Troupes feront en pofTeffion des Places dont il s'agit, elles laiffêront aux Officiers des deux Rois dans la Valteline & les Comtés de Chiavenne & Bormio , la liberté d'en faire ce dont il eft convenu dans les préfens Articles. Bien entendu toujours qu'il ne s'exécutera pour chacune , qu'après que  S E C R E T S. 199 ceux qui ont de Sa Majefté Catholique les pouvoirs néceffaires, auront donné a Sa Sainteté, pour celle la, 1'acquit de fon obiigation , concernant le Dépot de toutes, ainfi que celui des Armes , de 1'Artillerie Sc des Munitlons de Guerre. Pareillement Sa Sainteté fera fcavoir a. fes Officiers dans la Valteline Sc les Comtés de Chtavenne Sc Bormio, que , quand ils auront recu toutes les quittances, ils ayent a retirer fes Troupes de ces Pays, leurs Territoires Sc Jurifdiclions j ou du moins qu'ils les en tirent, en même-temps que celles de 1'Efpagne , de la France Sc de fes Alliés (a) en. fortiront. On promet de la part de celles-ci, aux (a) Par les Alliés de. la France , il faut toujours entendie Venife & la Savoie , liées a eUe par le Traité de Lyon. I iv 1626.  zoo Mémoires Troupes de Sa Sainteté , süreté pleine, 6c fecours contre quiconque voudrok les empêcher de prendre paifiblement poffeffion.des Forts, ou leur faire la moindre peine, depuis leur entrée dans les Pays en queftion jufqu'a leur fortie. De même il y aura de la part des Troupes de Sa Sainteté , sureté pour celles de 1'Efpagne, de la France 5c de fes Alliés. 140 II fe fera, de la préfente Capitulation , quatre copies , lignées par nous Ambaffadeurs, féparement; dont chacun gardera une de celles qui aura été ügnée par 1'autre ; 8c les deux reftantes feront préfentées a Sa Sainteté. Nous promettons que les préfens Articles feront obfervés en entier par les Officiers des deux Rois dans la Valteline 6c  S E C R E T S. 101 les deux Comtés (a); ainfi que par tous autres a qui il appartient de les exécuter. En foide quoi, nous fignerons de notre propre main , felon 1'ufage. Donné d Rome 9 le 11 de Novzmbre , 1626. LouisXIII approuva ces Articles ■■> mandant néanmoins a de Cceuvres (b), qu'avant qu'il les exécutat, Sa Majefté défiroit, comme chofe néceftaire, que la fomme annuelle que les Valéfans étoient obligés de payer aux Grifons (c), en dédommagement de la cellion que ceuxci faifoient a ceux-la, de I'adminiftration de la Juftice, fut (ut. Dans les afFaires imporrlntes, il eft plus sur de faire :e qu'on s'eft propofé, quand 'occafion s'en préfente , que le les mettre en danger, en les •ecommandant a la faveur du :emps 8c a la fortune; en s'at:achant a des formalités qui ne 'cauroient rien ajouter a ce ]u'on a obtenujöc qui expoent les afFaires a des accidens itranges 8c imprévus. Tel étoit le langage que Bulion devoit tenir au Duc de Savoie quant au premier point. Vous direz a ce Prince fur le  S E C R E T S. 4Tï fecond , portoit lTnftruction ' du Roi, que j'ai confenti a ce que fon différend avec Gènes fut remis a Ia décifion d'arbitres; paree que fi j'eulTe voulu que Son Altefle fit comp rife dans le Traité de Moucon, la conclufion de ce Traité eut traiïné fans fin en longueur; 5c que j'euffe en même-temps 8c inutilement obiigé mes Confédérés O) 8c moi, a porter les dépenfes excefiives qui fe font fakes pour la Valtelle, 8c dont nous- nous étions déchargés. Votre Alteffe, ajoUterez-vous, peut expofer maintenant fés prétentions plus a fon aife. Le Roi mon Maitre les foutiendra comme les fiennes propres, 8c lui en fera obtenir toute fatiffaction raifonnable. (a) Ces Confédérés font toujours les Vénitiens & le Duc de Savoie, unis a la France pat le Trajté de Lyon.  j6ij. (a) Toujours AmbaiTadeur de Trance auprès du S. Siége. ui Mémoires Vousdirez auDuc deSavoie, pour ce qui concerne le troiiïéme point: — Sa Majefté , fcachant que le grand coeur de Votre AlteiTe lui fait prifer 1'honneur plus quë tout le refte, a propofé au Pape, par Ia bouche du Comte de Béthune (a), de lui donner Ie titre de Roi , puifque Ia fituation de fes Etats & 1'équité ne lui permettent pas de les agrandir. — LePape eut volontiers donné a Votre Altefle le titre en queftion , fi plufieurs Potentats ne s'y fuflent op po Cés. Le Roi linie fon inftruéHon aBullion de la facon fuivante: — Sondez le Duc, flattez-le , & afsurez-le que je fonge a tout ce qui peut être honorable & fatisfaifant pour lui. Invitez-le  Secrets. 113 a vous expofer les .moyens par' Jefquels il croit que je puis réuffir a lui procurer la Royauté. II me parok d'autant plus juiïe de le propofer, qu'il n'y a dans le monde aucun Roi, felon moi , qui ne doive être bien-aife de voir admis au même rang que lui, un Prince de fa naiflance & de fon mérite. Bullion employa toutes ces raifons, en faifant valoir 1'honneur que le Duc recevoit du Roi, quand ce Monarque demandak de lui 1'approbation du Traité de Moucon, par une AmbaiTade extraordinaire. Cette attention , dit-il au Prince, fupplée avec ufure au manque (a) de communication du Traité. II importe a Votre AlteiTe de montrer au Public, que fon () Iucenaine, dit k Texte. 214 MÉMOIRES -intention eft de fe tenir toujours dans les bornes du refpect qu'EIle doit a mon Maitre , fans feparer fes intéréts, pour quelque raifon que ce foit, de ceux de la France. Bullion employa fur - tout avec une adrelfe merveilleufe le dernier moyen que fon Inftru&ion lui fournuToit, pour adoucir dans le Duc Pamertume que lui caufoit la non-participation du Traité dont il s'agit toujours. Ce moyen étoit de lui faire efpérer que le Monarque fon Beau - Frère (a) lui procureroit la Royauté ; honneur plus convenable a fon grand cceur , 8c plus conforme au défir paftionné qu'en avoit fa Maifon , que n'étoit Ia conquête {b) d'un petit nombre de  Secrets. 2 I ƒ Places, qu'il avoit deffein dejoindre a fes Etats, en continuant la Guerre. Par le doux efpoir dont Bullion natrok le Duc , il le rendk plus traitable fur 1'Article du Traité de Moucon» Ce Prince répondit en conféquence : — J'en conférerai d'abord avec 1'Ambaffadeur de Venife , pour ne pas rn.an.quer a mes promef•fes a 1'egard de la R.épublique; Sc je ferai enfuire la déclaration qui fera le plus du goüt du Roi de France. Si Venife témoigne refufer ce que je demanderai d'elle , je travaillerai a furmonter les obftacles de fa part , pour le fervice de Sa Majefté. Je prie donc Ie Roi de confentir a ce que je differe de me déclarer; afin que les offices qu'il faut que j'employe auprès de la République, foienc plus efficaces.  (a) Qui appartenoit alors aux Efpagnols. (b) De Bullion. (c) Depuis long-temps AmbafTadeur ou Re-> fident de France auprès du Duc de Savoie. prélentamez» 216 M ï M O I R E S Quant a mon difFérend avec Gènes, je demandeque le Roi d'Efpagne donne une Déclaration portant que je fuis compris , pour eet objet, dans le Traité de Moucon. Je demande auffi que Milan (a) 6c la République dont il s'agit ici, me donnent les suretés néceflaires pour que je fois certain que rien ne fera innové; 6c qu'on, me propofé les moyens pour parvenir a 1'accommodemenc avec cette même République. Je ne refuferois point la voie d'arbitres. Si Gènes prenoit le Roi d'Efpagne pour le Hen , je fupplierois humblement le Roi de France d'être le mien ; 8c d'agréer que vous, Monfieur {b)y 6c Claude de Marini (c) le re-  S E C R E T S. 217 préfentaffiez. Si Gènes vouloic ■ pour arbicre 1'A rchiducheüe Claire-Eugénie, je nommerois pour moi la Princefle de Piémont.Mais, enattendant, voulant montrer que mon deflein eft de me conformer a Ia volonté de Sa Majefté Très-Chrétienne, je confens a Ia Tréve avec Gènes, pour deux mois. •—Cette Tréve fut publiée dans e Milanez, le Génovéfat(a) 6c Ie Piémont. II y eut encore divexfes propofitions fur 1'Article des arbitres. Le Roi d'Efpagne propoloic qu'ils fuflént pris dans Ia Robe, 6c difoit que, fi Ie Duc de Savoie vouloit confentir a choifir pour le fien le PremierPrefident du Parlement de Grenoble ou de Dijon, ou quelqu'autre de eet état, Sa Majefté (<0 L'Etac de Gènes, XXXFL Pank. K 1627,  1627. 2 1 8 MÉMOIRES nommeroit pour les Génols le Préfident du Senat de Milan , ou quelqu'autre au gré de la France. Le Duc difoit qu'avant que de mettre l'Affaire entre les niains d'arbitres , il faudroit qu'on remït les chofes dans 1'état oü elles étoient avant la Guerre; c'eft-a-dire que les Génois lui rendiftent quelques Places qu'ils lui retenoient, la Galère qu'ils lui avoient prife, & le Canon qui fe trouvoit a Gavi, lorfqu'ils reprirent cette Place; comme. il leur rendroit de fon cöté quelques Canons & quelques Pritonniers qu'il avoit a eux. — Louis Xlïl, inftruit de tout cela , chargea le Marquis de Rambouillet, qui partoit pour Madrid, de faire inftance au Souverain de eet Etat ( conformément a ce que le Duc demandoit) pour qu'il déclaraE ce Prince compris dans le Traité  Secrets. 219 de Moucon; & Je MonarqueFrancois oflroit, en attendant, de donner une DécJaration fur cec article , telie que le Duc pouvoit la défirer. Cependant Ie Préfident de Bullion revint de fon Ambaffade extraordinaire {a) , dont un des objets avoit été de faire confentir Emanuel a la Paix entre lui & la République de Gènes. Bullion avoit manié cette Affaire avec beaucoup de dextérité;car, au lieu de parler au Duc, de Paix, comme fon Inftruction le portoit, il s'étoit contenté de lui parler de Tréve. [b) Emanuel fit d'abord dif- aJu A c • d' ?cair'a • r°"iours AmbafTadein de Savo.e a Ia Cour de France, marqué 5 j-o* t °" Souverai» ■ une lettre du if d Oetobre , 161.6. . (b) C'étok afin de lui laifTer efpérer Ia con t.nuanon de la Guerre contre Gènes , don?Ie EMti*"1 hmoanoit «»j°ure d'envahir les Kij 1627.  120 MÉMOIRES •ficttlté d*y confentir, fous prétexte qu'il y avoit des Alliés. qui la refufoient. Mais Bullion n'eüt pas èe peine a lui faire voir que leur confentement n'étoit nullement néceftaire,. paree que ces Alliés, les Vénitiens en particulier ,n'avoient pas voulu prendre part a la Guerre. Tout cela n'empêcha pas Emanuel d'infifter pour qu'il fut compris dans le Traité de Moucon. Lui 5c Bullion drefsèrent 1'Article qui devoity être inféré ; ils convinrent qu'if fe négocieroit a la Cour de France, 6c.qu'on feroit voir au Cardinal de Richelieu , qu'il^ ne changeoit rien a ce même Traité (auquel le Duc donnoit un plein confentement, puifqu'en vertu de 1'Article en, queftion , il demandoit d'y être= eompris).  Secrets. tit Bullion (a) drefla un Ecrit; &, après 1'avoir communiqué a 1'Abbé de Scaglia (b), il y changea quelques endroits. II fubftitua entr'autres le mot d'Accommodement a celui de Compromis ; enforte que 1'alternative étoit un Traité ou Accommodement a 1'amiable. Quant a Ja Tréve, Bullion difoit : — Je ne 1'ai propoiee fi clairement, que pour J'utilité du Duc; lequel eft conventi avec moi , qu'il falloit, avant que de rietf' entreprendrede nouveau, que le Roi mon Maitre feut que fon AlteiTe s'étoit difpolée ( a fa réquifition) a faire tout ce qu'on exigeoit d'Elle ; & qü'en conféquence , pour 1'achévement de 1'AfFaire, Sa Majefté devoit Cd) Qui fe trouvoit maintenant a la Cour de France , ainfi qu'on vient de voir. ib) Lettre de celui-ci au Duc de Savoie , fon Maitre, du n de Novembre , i6i«. Kiij ' 'Jn /  1627. Ca) Cette même Efpagne & la France. (è) Lettre de celui-ci au Duc de Savoie fon Maitre, du S de Janvier, 1617. 22 2 MÉMOIRES être tenue de s'afsurer pour Son AlteiTe, que Gènes aceepteroit 1'accommodement que mon Maitre jugeroit convenable. C'étoit afin que 1'Efpagne s'obligeant a cela de fon cbté , & le Traité de Moucon portant que les Parties feroient ce que les deux Couronnes (a) détermineroiene, Gènes fut forcée d'accepter ce que mon Maitre propofoit. L'Ecrit que le Préfident de Bullion avoit drefle, fiit remis au Marquis de Rambouillet, qui partoit pour Madrid , comme nous difions, il n'y a qu'un moment. Le Cardinal de Richelieu dit a 1'Abbé de Scaglia {b): — Si vous euiliez eu , Monfieur , les pouvoirs néceflaires pour  S E C R E T S. 223 terminer les difFérends entre • votre Maitre 8c les Génois, on eüt pu le faire des ce jour. LAmbaffadeur d'Efpagne eüt accordé la reftitution de ce dont ceux-ci fe font emparés fur lui {a}. II eft vrai cependant qu'ils veuient remettre 1'Affaire , non a des Commiffaires , mais a 1'Empereur feul, ou que les deux Couronnes (b) 1'arrangent des a préfent. Si votre Maitre acquiefce a leur vouloir, je erois qu'ils débourferont, pour s'accommoder, unegroffe fomme dargent. L'Abbé de Scaglia répondit: — Si Gènes, ou pour mieux dire 1'Efpagne , approuvoit les conditions que la France elle-même a trouvé plus que raifonnables, 6c qu'on a prelTë (a) Fut convenu pour fon Maitre, qu'il falloit que les Génois reftituaffent au'vötre cc qu'ils lui ont pris. (ó) La France & 1'Efpagne, Kiv 1617.  224 MÉMOIRES mon Maïtre d'accepter , j'ai tout le pouvoir néceflaire pour terminer j attendü le défir qu'a Son AlteiTe de fe conformer au vouloir de Sa Majefté TrèsChréti^nne.Mais la Négociation me paroït empirer chaque jour, & fans qu'on puiife efpérer les effets de la protection due Sc promife a mön Maïtre.—L'Abbé de Scaglia finit par dire au Cardinal de Richelieu: —Pour cequi eft de remettre les difFérends a Ia décifion de 1'Empereur, je ne puis répondre fur ce point fans 1'ordre de mon Maïtre , non plus que fur ce qui eft de les terminer dès a. préfent; vu que,dans cette occafïon, il s'agit autant de la ré■ putation de mon Maïtre, que de celle du Roi de France; Sc qu'il faudroit que Son Altefle, pour retirer des mams des Génois ce qui lui appartient ,  $ E C R E T S. 225 : confentir a faire un Traité a' . leur facon. Votre Éminence peut donc voir ce que le Roi : doit faire ; Elle peut voir qu'il ; faut que Sa Majefté tache d'a; mener les Efpagnols a ce que le devoir exige d'eux , & fca| voir au jufte leur intention. On | pourroit , reprit le Cardinal, 1 convenir que la décifion .des ; différends feroit remife a qui ; elle appartient de droit, fans l nommer 1'Empereur. Je verrai 1 de nouveau 1'A mbaftadeur d' Ef : pagné; & je ft^aurai surement j jufqu'oü fes pouvoirs lui per' mettent de s'avancer pour les Affaires actuelles. Je vous en ; inftruirai enfuite , Monfieur , ; afin que vous dépêchiez un Courier expres a votre Maitre, pour fcavoir fa volonté êcreceI voir fes ordres. L'Abbé de Scaglia ne revit le Cardinal de Richelieu, que. K v 1627.  IÓ27- (a) Lettre du premier, écrite le lendemairi au Duc de Savoie fon Maitre. (£) De la part des Génois & du Duc de Savoie. (c) Qu'on a vu dans les Parties précédentes de eet Ouvrage , & qui termina le long •difFérend qu'il y avoit eu entre cette Cou- ; ronne & ce Prince. (d) Place & Marquifat dont les Genei» VV& MÉMOIRES le 20 de Janvier (a).Cecce Éminence lui die : — Hier feulement 1'AmbalTadeur d'Efpagne m'a montré fes pouvoirs.Tl m'a promis de figner {quoiqu'ils ne s'étendent pas fi loin ) un Ecric portant en fubftance i'acceptaüon de la Paix (b) ; Sc oü il feroit dit que Charles-Emanuel s'en tiendroit vis-a-vis de 1'Efpagne a ce que par.te le Traité d'Afti (c); lequel feroit expreffément nommé. Que les Génois rendroient au Duc tout ce qu'ils avoient a lui, Sc qu'il leur rendroit tout ce qu'il ^avoit a eux. Que le differend concernant Zuccarello (d) ne  S E C R E T S. 12.7 pourroit fe terminer que par la voie de Empereur ou des deux Couronnes , ou par celle d'arbitres, felon que les Parties conviendroient entr'elles. J'ai en confëquence ( pourfuit le Cardinal de Richelieu , en parlant toujours a 1'Abbé de Scaglia ) drelTé un Ecrit, que je vous montrerai, Monfieur ; & fi 1'Ambafladeur d'Efpagne le fignoit avec le bon plaifir de Gènes, vous pourriez le figner aufli.Je n'en ai pas le pouvoir, répondit 1'Abbé, &. nousfommes convenus, Votre Éminence Sc moi, que je donnerois avis au Duc mon Maitre de ce qui fe paffe, II faut, répliqua Richelieu, contenter les Génois le plus qu'il étoient en pofTeiïion ; que le Duc prétemloit lui appartenir; & qui avoit été Ie motif de fa Guerre qu'il leur avoit fatte conjointement avec Ia France , & dans laquelle on avoit échoué. — Nous en avons rapporté les détails dans les Parties précédentes de eet Ouvrage, .Kvj 1627.  {a) Sans que vous , qui êtcs fon Ambaflkpeur, intervinfficz. 22S MEMOIRES • fe peur. Je ne refufe pas de Ie faire , reprit 1'Abbé 5 mais il eft nécelfaire que je voyel'Ecric que Vocre Éminence a drefté, & que je 1'examine avec attention. Les Lettres &Inftructions} reprit a fon tour Richelieu , que TAmbalfadeur d'Efpagne a recues, & qu'il m'a communiquées, montrent que cette Couronne veut abfolumenr que Gènes & votre Maitre faflent la Paix. Moyennant quoi, je crois que les préparatifs des Efpagnols & des Génois en Italië doivent donner peu de fouci a Ia France. L'Ambafladeur d'Efpagne fit dire a 1'Abbé de Scaglia.- — Les Miniftres Francois voudroient conclure avec moi, fans que 1'AmbalTadeur de votre Maïtre intervïnt (a). Mon Roi ne pré-  S E O R E T S. 229 tehd pas favorifer davantage lesGénois, que ce Prince; il fcaic aflez toufce qui eft du a fa naiffance & a fa qualicé. Si vous avez, Monfieur 1'Abbé, pouvoir pour traiter, faites-le avec moi; & nous conviendrons dans une heure. J'ai parlé clairement aux Miniftres Francois; & je ne iignerai point d'Ecrk, quejene fcache qui traite pour le Duc de Savoie. Le pouvoir qu'avoit 1'Abbé de Scaglia, Fe réduifoit a confentir que les Génois donnalFent une fomme d'argent pour les prétentions de fon Maitre quant a Zuccarello; a confentir après cela de finir tout Ie refte; & que ce qui feroit demeuré indécis, fe terminat par la voie de 1'Empereur, ou par celle des deux Couronnes fa) , ou par celle («) La Fiancc & 1'Efpagne. 1627.  i30 M ÈMOÏRES ■d'arbitres.j bien entendu qu'il s'aisüreroit qu'il n'y auroit pas d'hoftilité nouvelle de la part des Génois. La France croyoic aïTez faire, en procuranc au Duc de Savoie la reftitution de ce qui lui appartenoic de droit. Quant a fa prétention par rapport a Zuccarello, difoit-elle, le temps peut fournir a ce Prince de meilleures occafions pour la faitevaloir.—Cependant 1'Abbé de Scagfia (a) aüa voir le Cardinal de Richelieu, auquel il dit: — L'intention de mon Maitre eft de s'en tenir, en traitant avec les Génois, a ce que la France lui a fait propofer. II efpère que Votre Éminence aura a cceur fa réputation. Si Elle 1'a foutemie , lorfqu'il traitoit avec un grand Roi (Ö,il peur, beaucoup (a) Lettre de celui-ci au Duc de Savoie, loB Maitre, du 11 de Février, 1617, (A) Celui d'Efpagne.  S E C R E t S. 231 plus efpérer qu'EIle le fera dans " 1'occalion préfente. — L'Abbé fe plaignic au Cardinal de ce qu'il ne lui avoit jamais fait voir 1'Ecrit qu'il lui avoit plulleurs rois promis de lui montrer.Vous 1'aurez sürement demain, lui répondit le Cardinal> &j s'il n'eft pas de votre gout, il n'y aura rien de fait; on attendrades nouvelles d'Efpagne, concernant les Commiflions dont le Marquis de Pv.ambouillet eft chargé (a). Mon Maitre, répliqua 1'Abbé, eft dans Ia néceffité abfolue d'armer de nouveau ; voyant les Ennemis de la France &; les ftens en armes plus que jamais , & devenus plus hardis par la défunion des Alliés{b).— L'Ecrit en queftion (c) Et qu'on a vues ci-devaut. (4) Par celle qui fetrouve entre cette même france , Venife & lui , Puiffances Liguées par Iï Traité de Lyon, 1627.  (d)Ci-devant Gouverneur du Mjlanez pour 232 MÉMOIRES ' ne fut pas plus montré a 1'Abbé cette fois-ci, qu'il ne 1'avoit été les précédentes. Cet AmbaiTadeur de Savoie vit celui d'Efpagne ,'&trouva qu'il n'avoit d'autre pouvoir que celui de convenir que les Génois rendroient au Duc ce qu'ils avoient a lui, fi ce Prince promettoit de s'en tenir au jugement de 1'Empereur, c'eft-a-dire de Ia Chambre Impériale, pour fes pr ,tentions quant a Zuccarello. Pour ce qui regardoit la süreté que la France demandoit dans Ia Paix qui fe feroit entre 1'Efpagne & le Duc , 1'Ambaffadeur de la feconde de ces deux Couronnes difoit a 1'Abbé de Scaglia: — Je recueille des lettres que je recois de Madrid, que 1'intention de mon Roi eft que cette süreté ait lieu.Et, depuis que le Duc de Féria (a) a  S E C R E T S. 233 été puni, je me difpofe a convenir par écrit , que la Paix fera comme elle écoit avant les mouvemens aduels, c'eft-a-dire qu'on fe conformera au Traité d'Afti; li néanmoins la France déclare qu'elle n'a pas de prétentions particulières contre Génes; & qu'elle n'a eu d'autre vue, en s'armant contre cette République, que celle de protéger le Duc, fon Client.Pour ce qui eft des biens pris pa% repréfailles fur les Sujets de ce Prince, par ceux de la République , je confens qu'ils foient rendus ; quoique les Miniftres de la France ne m'en ayent jamais parlé, & que je n'aye pas d'ordre particulier la - deftus, Mais je donne le confentement dont il s'agit, a condition que le Roi d'Efpagne , & dont le zéle outré hii avoit attiré 1'animadveruon de fon Maitre. 1617.  1627. (a) Entre Gènes & le Duc. (i) Sans qu'il foit queftion de les accorfimodcr par la voie des deux Couronnes. 134 Mémoires es différends (a) fe termineont a 1'amiable dans un temps léterminé ; 6c que, s'ils ne s'ar■angent point par la voie des Députés des Parties, on ira a a Chambre Impériale , lans larler des deux Couronnes (b). Ainfi paria 1'Ambafladeur i'Efpagne a 1'Abbé-de Scaglia. Helui-ci fit voir au long, que :'étok chofè inutile a 1'Affaire, k. préjudiciable a 1'Empereur, ]ue de vouloir révoquer en foute qu'il fik Juge compétent iour Zuccarello. Mais j'ai, dit1, les mains liées en cela. La aifon en eft que fi 1'Empereur lécidoit que Zuccarello fera •endu a mon Maitre, les Géïois refuferoient d'exécuter fon 3écret, 6c 1'on en viendrok de louveau auxarmes. Au lieu que, ï 1'on convient que les diffé-  S E C R E T S. 235 rends s'accommoderont de la manière qui a été dite , ils rendront auflï-töt Zuccarello. Nous ne devons rien demander de plus (pour être surs qu'on n'en viendra pas de nouveau aux armes), que ce qui a été convenu entre la France 8c 1'Efpagne. Tel futI'entretien que 1'Abbé de Scaglia eut avec 1'AmbaiTadeur de la feconde de ces deux Couronnes. Enfin le Cardinal de Richelieu "fit paffer au premier des deux (\a) , 1'Ecrit qu'il lui avoit tant de fois promis de lui montrer , 8c dont le Préfident de Bullion fut le porteur.C'étoit afin qu'il le fignat, 8c qu'il 1'envoyat a fon Maitre, s'il jugeoit a propos de le faire. L'Abbé demanda au Préfident ce que les Efpagnols difoient (a) Lettre de celui - ci au Duc de Savoie , fon'Maitre, du 18 de Février, 1617. 1617.  156 Mémoires ■aux Génois fur cec Ecric. Ne vous en mettez point en peine, répondit le fecond ; attendüque mon Roi veut faire fon affaire propre de celle du Duc ; & que, quoi que les Génois puif fent d ire, il fcaura bien les faire confentir a ce que porte ce même Ecrit. Je me garderai de le fïgner , répliqua 1'Abbé 5 mais je 1'enverrai a mon Souverain. — Le Miniftre Savoyard fut fort faché de nej'avoir point déchiré* fous les yeux du Préfident; dautant mieux que celuici, voulant lui faire voir que c'étoit fa production, fit les dernières correclions en fa préfence. L'Abbé fe modéra, & fe contenta de lui témoigner de bouche combien il avoit fujet' d'ètre fenfible a ce qua tant d'autres mauvais procédés qu'on lui avoit fait éprouver, on ajoutoit un pareil Ecrit, le plus m-  S E C R E T S. 137 digne de tous. — Le Préfident • park d'une lettre qui devoit fe faire pour süreté, que le différend concernant Zuccarello ne fe termineroit point par le jugement des deux Couronnes (a). ïl m'a été propofé quelque expédient dans ce goüt la, lui répondit 1'Abbé; maisinfuffifant pour 1'Alfaire. —L'Ecrit toujours en queftion fut prélenté a 1'Ambaffadeur d'Efpagne, pour qu'il le fignat; 8c il en demanda copie, pour 1'examiner avec plus de maturité. La France défiroït (chofe rein arquable) accorder tout avantage aux Efpagnols, devenus plus hardis par la manière dont ils avoient foutenu les travaux paffes; 8c paree que jufqu'alors le Miniftère Francois avoit recours, dans toutes les affaires, ( mais que , quant au fond, il avoit été arrangé conformément au goüt de ce Prince, autant qu'il avoit été poffible. —- On crut auffi que c'étoit I'intérêt de la France , que le  S E C R E T S. 139 Duc de Savoie n'eüt pas a faire a 1'Empereur. Ce même Prince déclara qu'il prétendoic au titre de Roi de Cypre, comme légitimement dü a fa Maifon; &. qu'il défiroit le prendre, autorifé par le premier Roi de la Chrétienté (a). II prioit donc Louis XIII de vouloir bien le lui donner , accompagné des honneurs & prérogatives dont jouiffoient les anciens Rois de Cypre , Sc que Sa Majefté accordoit toujours. aux Rois d'Ecoffe, de Suéde & de Dannemarck.Emanuel étoit content, li ce Monarque reconnoiftbit en lui la dignité qu'il* défiroit, en lui écrivant une Lettre, fcellée du Sceau ordinaire. II employa , pour 1'obtenir, toutes les perfualions dont fon vafte genie (l>) Par le Roi de France, 1627.  16ij. (a) Seconde Soeur de Louis XIII, 5c femme du Prince de Piémont. 240 MÉMOIRES étoit capable. Emanuel repréfentoit 1'Acte qu'il demandoit en fa faveur , de la part de Louis XIII, comme le plus digne de la Grandeur Sc de la Puiffance du Roi de France. La dignité, difoit-il , que je tiendrai toute du Roi, Iiera moi Sc mes enfans a la Couronne plus étroitement que jamais. Emanuel exaltoit fur-tout Phonneur d'avoir dans fa Maifon Madame ChrifHne (aU Sc il efpéroit qu'en conlidération de cette Princelfe, le Monarque ne lui refuferoit rien. Pour appuyer fa prétention fur le Royaume de Cypre , il avoit remis a Bullion, lors du départ de celui-ci de Turin , un Ecrit dont eet Ambaffadeur promit de faire a la Cour de France  S E C R E T S. 241 ie rapport le plus favorable 5 il lui donnoit a efpérer que le Roi y apporteroit la plus grande attention. Bullion , après avoir ainfi charmé 1'oreille du Duc, avoit pris congé de ce Prince ; tout joyeux de 1'avoir mis en meilleure difpofition d'exécuter Ie Traité de Moucon; fans Ie preffer davantage de lui fournir un Acte authentique, portant qu'il 1'acceptoit. Voici maintenant la fubftance de 1'Ecrit qu'Emanuel lui avoit remis: — Janus de Lufignan , Roi de Cypre eut deux enfans, fcavoir Jean & Anne. Jean lui fuccéda au Thröne, & Anne fut mariée a Louis, Duc de Savoie, Fils ainé de Vicfor - Amédée Ier. Jean eut auffi deux enfans , fcavoir 'Charlotte , d'Héléne Paléologue , fa femme légitime, & Jacques , d'une ConcuXXXVI. Partic. L 1627.  1627. Gz) Qui, comme Ion voit, fut la dernière de cette branche de Lufignan. 242 MÉMOIRES ■bine. Charlotte époufa Louis, Fils d'Anne, Tante de la jeune PrincelTe. Or Charles-Emanuel alléguoit pour fon droit au Royaume de Cypre , la Tranfaction du mois de Juin 1462, entre Charlotte [» d'un cbté, Louis (alors Duc de Savoie) & Anne fa femme, de l'autre, Tranfaclion qui porte que , dans le cas ou Charlotte & fon époux mourroient fans enfans, le Royaume de Cypre refteroit entièrement a Anne , li elle leur furvivoit, ou aux fiens a fon défaut. Emanuel alléguoit outre cela pour fon droit au Royaume de Cypre, la Donation qu'en fit la même Charlotte , dans le mois de Février, 148 5, a Charles, alors Duc de Savoie , fon Neven. Enfin, lors  S E C R E T S. 243 de la mort de Charlotte (a), le Pape Innocent VIII, qui occupoit alors le S. Siége, donna au Duc de Savoie, Neveu de cette PrincelTe , le titre de Roi de Cypre, dans la lettre qu'il lui écrivit, a ce fujet. 00 Qui eut lieu a Rome. Fin de la trente-flxiéme Partie. ERRATA. Page ligne au lieu de life^r 11 k ia note On a vu On en a vu 4° 17 le la 49 17 Mailloitic Maillortie 75 7 mette^ après le mot facon , la vir- gule qui eft après le mot yeux 76 1 maniement mani'rnent 84 15 des les 147 17 fit tout fon poflïble n'oublia tien 111 14 Valtelie Valteline M. DCC. LXXXIV. 1617.