fel ... ■ ■■"» A   (E LTV R E S '0 P R O p E R. C E.,, TRA DUITES EN FRANCAIS Par F. P. Pietie. a MAESTRICHT, Cluz TH. Nïpels, Imprimeur-Libraire , R»e du Graud-foüe. -4 PARIS. fMerlin, Libraire, rne de Hurepoix N» 15 CheZ^arb0" ' Itnprimenr-LibiHire, ruc derMarbnriM. ï«yon , Jeune , Libraire , place des ,,uatre auiou. \Deienne, Libraire, Palais-Egalité. A n IX. /rirr~^>\   AVERTLsSEMENT DU TRADUCTEUR. PropbrcS est un des Auteurs du siècle d'Auguste. II a travaillé dans le genre de P Elégie, genre qui a fournl trois Poètes distïngués, Tibulle, Pro.perce et O vide. Ayant traduit ces différent auteurs , je me propose de les livrer aVimpression : on aura ainsi dans nOtre langue ce que Rome nous a laissè dans ce genre, et Ponpourra comparer ces trois Auteurs, qui ont un faire et une manière qui leur est propre. // me sembte que la chaleur et le sentiment distinguent les Êlégies de Tibulle • Properce plus fecond que son prédècesseur, a une imagination brillante , et beaucoup de connoissance de la fable dont üfait un heureux emploi ; Ovide plus simpleque Properce, a comme lui, beaucoup d'imagination et de connoissance de la fable, avec une di&ion plus naturelle et plus facile. A qui de ces auteurs donnera-Pon la palmeP Je crois qu'il faut laisser ju^er cette question a chaque individu en partuuher. Les ames tcndres feront duparti  de Tibulle; les imaginations vives embrasseront la cause de Proper ce ; les gens du monde, habitués a une tournure élégante et facile, seront les défenseurs d^O vide. Proper ce avait pris pour modèle Callimaque , Poète du seconddge ae la Grèce; alors la recherche et l''esprit remplacaient les graces simples et naïves des auteurs du premier dge. Peut être s"appergoit-oti dans Properce du défaut de son modèle; eest uneopinion que jehasarde et quon voudra bien me pardonner. Properce ètait fils d'un chevalier R@' mam qui avait embrassé la cause dAntoine et qui en avait été la victime. Octave Vavait fait périr. II ne paratt pas que fon fils en ait gardé de ressentiment. Devenu Vami de Mécènes, Properce a loué Auguste comme tous les Poètes de son temps. Le peu qu'on sait de la vie de Properce se trouve et dans les dictionnaires et dans les vies qu'en ont donnèes ses traducteurs. Je ne prétends pas devemr leur copiste, ni grossir ce volume par une fimple compilation,  ELÉGIES DE PROPERCE L 1 y R E PREMIER. Elégie première. Properce aime avec fureur Cynthie sa premièn passion ; arrlté dans ses fers , il constille d ses amis de Pimifar et de ne pas changer de maltresszs, L e s beaux yeux de Cynthie m'ont sédult : «He est Ia première femme qui ait rendu sensi*le un cceur jusqu'alors exempt de faiblesses. Mes yeux éblo.n, et baissés out déposé leur prgneiL L'Amour m'a terrassé , il me fouIe j ses pieds. Le pervers m'apprend a repousser les eonseils de la raison,il me faithaïr rinnocence et la chaste.é des belles. Les jours, les moi7 les années som tous livrés aux égaremens de DieuT5i°ni ^ P"dre ^ faV£l,r des Bravant mille dangers , essuyant mille fatigues Meleagre a vaincu la résistance Ia ge de Jas,us : ivre e *« ecartes. Malgré la résistance de la terre, A 2  (4 J > cette source sait se frayer un chemin. Des eoquillages de mille couleurs ornent nos rivages. Le ramage des oiseaux est plus t:ndre que les sons üiés tfun instrument. Ce n'est pas avec des parures étrangères que Phccbé a charmé Castor, qu'Hylaire a charmé Pollux. Saus recherche dans ses habits , la fille de TÉvène a fait deux rivaux d'Ydas & d'Apolion. Enlevée par Pélops, la belle Ilippodamie ne 1'avoit pas sé.luit par des charmes empruntés. Des pierreries ne surchargeaient pas la tête de ces Beautés célèbres; leur teint avait sa fraleheur naturelle et la pureté du coloris employé par Apelle. Elles ne cherchaient pas a s'entourer d'une foule d'adorateurs; la pudeur était leur plus bel ornement. Cynthie sans toilette et sans atours me sera toujours chère. La belle qui plait a son amant a-t-elle besoin de parure? Et quel avantage n'as-tu pas, toi qui as re^u d'Apollon le talent de la poésie, toi qui fais parler la lyre aussi savamment que Calliope, toi qui dans la conversation réunis les graces de Vénus et ia raifon de Minerve ? Si tu parviens, Cynthie, ï te défaire d'un luxe ïnconfidéré , tu feras i jamais le charme de ma vie.  C 5) ELÉGIE III. Rédt de. ce fu'iMa fait auprès de sa maftfeffe cn~ dormie ; tendces reproches qu'üt en. recoit. ' excédée de Ia recherche d'un amant parjure, tombe enfin assoupie & sans forces sur des rivages abandonnés ; Andromède, détachée du rochet oü elle attendait la mort, se livre au plus profond sommeil,• une Bacchante, épniséepar ses, longues courses sur le mout Edon , se jette & s'endort sur un lit de gazon ; ainsi que reposait Cynthie , Ia rite appuye'e sur ses mains tremblantes. La nuit était avancée. Pris (]e v-w, j'ava;s peine a gagner son logis; des flambeaux guidaient mes pas mal assurés. Cependant il me restait encore quelqu'usage de raison : fen profite po'ur approcher douceinent du lit. L'Amour et Bacchus, deux conseillers téméraires, m'invitaient a substituer mes mains a celles de Cynthie, et a enprofiter pour prendre des baisers. Je n'osai pas cependant troubler son repos : j'avais déja éprouvé sa colère & recu de se'vères réprimandes. Mes yeux étaient du moins attachés sur elle, ils ne Ia quittaient pas plus que les yeux d'Argus ne quittaient lo changée en genisse. A 3  ( 6 ) Tantöt je détachais des fleurs de ma couronrie , et je les placais sur la tête de Cynthie ; tantót je m'amusais a réparer le désordre de ses cheveux ; quelquefois je glissais»des fruits dans le creux de sa main : ces offrandes faites durant un sommeil peu complaisant étaient vaines, elles s'échappaient de la place oü on les avait posées. Des soupirs ont plus d'une fois soulevé. sa poitrine. Simple,je nfeffrayais de ces signes peu favorables; je craignais qu'un songe fa.-heux ne portat Teffroi dans son ame; je craignais qu'un brutal ne lui arrachat des faveurs malgré elle. Ces pensees m'agitèrent jusqu'au moment oü ia lune, frappant sur les fenêtres, introduisit sa lumière dans la chambre, et fixa ses rayons sur des paupières a demi fermées. Cette clarté trop vive fit ouvrir les yeux de Cynthie. Sa tête toujours appuyée sur sa main , elle me dit: ï'affront que tu a's recu a la porte d'une autre maitresse te ramène, ingrat, auprès „ de moi.... hélas ! pale et défait, a qui as-tu „ donné un temps qui m'appartenait ? perfide, ,, puisses-tu passer des nuits aulïï cruclles que „ celles auxquélles je suis sans cesse condam„ nee ! j'ai cherché long-temps , soit en bro„ dant, soit cn jouant de la lyre & e'loigner le „ sommeil. Excédée de fatïgués, je me plai-  (7 ) „ gnais de Tabandon oü tu me laisses etde tes >, affiduités auprès d'autres maitresses; mais „ enfin j'ai succombé. Le sommeil battant des „ ailes a rafraichi mes paupières eiiflammées : „ C'est ainsi qu'il a lari la source de mes larmes. ELÉGIE IV. Reproches d Bassus qai lui constillah tfahandonner sa mauresse : il U menace de son courroux, V * ourquoi, Bassus, Iouer devant moi mille beautés ? Pourquoi, provoquant mon inconstance, chercher k me faire quitter ma maitresse ? quclque sou le sórt qui metend , sourTre qUe je reste dans des fers auxquels je suis habitué. ia as beau me vanter Antiope, louer Hermione, combler d'éloges ce que les temps héroïques ont de plus distingué , Cynthie effaccra leur gloue. Elle ne craint pas d'être comparée aux beautés de nos jours, le juge le plus sévere ne pourra lui refuser la pomme. Mais, Bassus, Ia beauté de Cynthie est Ie moindre des charmes qui m'ont séduit. II en est de plus puissans pour triompher de nous. Son air de noblesse, des talens enchanteurs, des attraits voilés mais qu'on soupconne.... Bassus, Plus tu feras d'cfforts pour dctruire notre union ' A 4  C 8) plus tes efforts resserreront des nceuds garantis par des sermens mutuels. Ton crime ne sera pas impuni ; ma maitresse outragée connaitra tes projets. Furieuse elle te fera une guerre e'ternelle : n'écoutant que son ressentiment, elle ne souffrira plus notre commerce, elle fuira ta société. Dénoncé a tontes les balles, tu ne seras plus recherché dans leurs cercles. Cynthie assiègera tous les temples, elle n'oubliera pas les moindres autels; ses larmes appelleront sur toi la vengeance. La perte qu'elle redoute le plus est celle de son amour, ést celle de son amant. Sois toujours lamême, ó Cynthie, Properce t'adorera; il n'y aura jamais entre nou3 ni plaintes ai quereiles. É L É G I E. V. II dètourhi Gallus de. Penvie qu'il a de connaitra Cynthie:. il se prèparerait des chagrins etl'esclavage le plus dur. E N v i eux Gallus , fais trêve a des sollic'rtations qui in importunent ; permets que chacun de nous suive la route quM s'est i'rayée. In?ensé! Que prétends-tu? Éprouver mes tourmens? Malheureux ! tu te précipites dans un goufFre de maux, tu marches sur un bxasier inconnu, tu t'abreuves des poisons de la Thessaiie.  ( 9 5 Ne te figures pas que Cynthie ait Ia légèreté des femmes ordinairès. Si Faveu de ta fiamme lui déplait, elle en conservera un vif ressentiment. Si 1'hommage que je lui rends peut Ia flatter, que de chagrins tu te prépares! Elle ne te laissera ni repos, ni tranquiliité ; seule elle a Ie talent de maitriser les hommes les plus aguerris. Piqué de ses mépris, tu te réfugieras auprès de moi; confident de tes plaintes, je serai témoin de tes sanglots, je verrai couler tes pleurs,je verrai ton corps frissonner et ton front'porter rempreinte du désespoir. Les termes te manqueront pour peindre 1'excès de tes maux,- tu ne pourras définir ni ton état présent, ni celui qui t'attend. Alors tu apprendrais a connaitre Cynthie, a sentir la pésanteur de son joug : alors tu éprouverais ce qu'il en coute lorsque la porte d'une maltresse n'est pas ouverte pour nous : alors tu ne serais plus étonné de la pileurde mon visage, de la maigreur qui réduit a rien mon existence. Dans ta poursuite, la noblesse de tes ayeu'x ne sera pour toi d'aucun secours. L'amour n'a pas d'égards pour les portraits de nos ancétres. Si tu laisses entrevoir quelque marqué de fa». Wesse, ton nom, quelqu'illustre qu'il soit, sera k fable de Rome. Moi, qui ne puis guérir me**  C 10 ) blessures, quel baume verserai-je sur les tiennes ? Victimes Fun et Tautre de notre amour , nous serons compagnons d'infortune , nous con- _ fondrons sans aucun fruit nos chagrins et nos larmes. Ne cberches donc plus, Gallus, a connaitre le pouvoir de Cynthie ; si elle écoutait tes vceux, tu sentirais bientót tout le poids de ses chaines. ELÉGIE. VI. L'attachement qu'a Properce pour Cynthie Cempéche cPaccompagncr Tullus. Pour t'accompagner, Tullus, je ne craindrais pas d'aft'ronter la mer Adriatique, ni de confier mon vaisseau a la mer Égée. Avec toi je franchirais les monts Riphées, avec toi j'irais au dela des anciens états de jVIemnon : mais un tendre engagement m'enchaine dans les bras de Cynthie, je suis arrêté par ses plaintes, ses reproches, faltération même de sa beauté. Toutes les nuits elle me répète que, si je puis la quitter, il n'y a plus de respect pour les Dieux. Déja ellesecroit dégagée de ses sermens ; déja elle appelle sur moi les malédictions réservées aux amans volages. De pareils assauts excèdent la  «fee* mesforces. Périsse iWnsible qui Connaitre la savante Athênes, visiterles anciens ^numensderAsie,est.ceunbienasseZ gra"d Sner deC^hie'POur ru^ser « colere, a ses mjures, a son désespoir* S ulTora^je, lorsque le vaissean m'emportera om d elle, qu'elle se déchire le «üage, aü'ellV reproche aux „ents les bai«™,„'i,, emèvent Me maccused'ëtre un inonstre d^nsensibi- Tullus il tesiedbiende chercbera surpasser «au les Jois de 1 équ.té trop r.égligées. Occupé darmes et dela défense de ta p«rie tuZ Weoon» les faib.esses de c enfant cruel tepargner ,es tourmens jendnre et des vocux pour la mort, ieJ£ ressource des amans! "erniere La fortune tn'ayant condamné k vivre dan, ™ etatobscur, tr0Uves bon , TuliZ JZ -nfietousmes momens a un Die„ Ss Oi. . vu des amans séparés de leurs maitre^es soufFnr la mort sans regret. Eloigné de Cv, S P-sat jeéprouverlemémesort! Je „ s' P- nepo, ]a gloir£des arme « dt-iemr SOus les 4npdu.de 1'amour. A 6  C 3 Soit que tu ailles dans les contrées de la voluptueuse Ionie , soit que tu visites les bords fortunés qu'arrose le Pactole , soit que tu voyagcs par terre ou par mer, tu sauras remplir la mission qui t'est confiée ; si, pendant la route, il te souvient de ton ami, tu le plaindras d'étre né sous une étoile malheureuse. ELÉGIE VIL Jl Ponticus Voèti épique. Properce l et*ga%* m ne p.is mèpriser un Poète élégiaque , dans Li crainte que Camour ne se venge de ses mépris. Ponticus, ta muse nous retrace la guerre de Thèbes et les combats que se livrent Etéocle et Polinice. Rival du grand Homère,, puissent tes vers obtenir la plus grande faveur ! Leur succes fera ma félicité. Moi, je suis toujours le jouet des agitations de 1'amour. J'fli sans cesse quelque piainte a faire sur une maitresse intr?itable. Mes chagrini me tiennent lieu de génie. Je fais le procés a un siècle peu favorable aux amans. Tel est le genre de poésie que j'ai cultivé ; il a fait ma° célèbrité, il a illustré mes talens et mon nom.  C 13 ) Qu'on me loue d'avoir plu a une maitressa pleine de talens, qu'on me loue d'avoir supporté srs caprices et ses rigueurs, et que les ^ amans malheureux lisent mes vers et mettent a profit les peines que j'ai endurées ! Si 1'Amour d'une main süretelance un de ses traits vainqueurs , (puissent les Dieux te réserver une autre destinée! ) Ponticus , il faudra abandonner tes sept Rois et leurs combats. Tes vers a 1'écart moisiront tristement et t'arracheront des pleurs. Envain tu eflaïeras de composer de teudres Élégtes, 1'amour trop long-temps ne'gligé ne t'inspirera pas. C'est alors que tu me croiras un grand Poète, alors tu me préféreras a nos premiers génies : la jeunesse ellemême dira en voyant mon tombeau ; ... lei repose h peintre fidele des maux que nous „ cause Vamoiir ". Poète héroïque, n'ayes pas 1'orgueil de me'priser mes faibles accens ; souvent Tamour par des traits cruels se venge d'un hommage trop long-tems dilFéré.  ( 14 ) É L É G 1 E VIII. 11 invite. Cynthie a renoncer d un voyage qitcl'.a projettiit. Cynthie rendue d ses prières , il sa felicite du succes qifónt obtenu ses vets. nesie ? Mon amour ne pourrat-il donc t'arrêter ? Se peut-il que je te sois moins eher que Ia froide Illirie ? Ton compagnon de voyage t'intéresse-t'il assez pour te confier aux vents sans que je sois avec toi? Tu entendras donc tranquillement les mugisseinens d'une mer irritée? Tu auras le courage de reposer sur la planche d'un vaiöeau ? Tes pieds délicats s'imprimeront sur les glacés? Tu braveras les frimats et les neiges ? Que les Dieux daignent prolonger la saison rigoureuse de fhiver! Que les Pléyades paresseuses n'excitent pas 1'ardeur des matelots ! Que ton vaisseau reste enchainé dans les ports de TEtrurie, et que des vents ennemis n'emportent pas mes prières ! Amant délaissé , resterai-je seul sur un rivage abandonné ? Mes mains jmpuissantes rappelleront-elles envain une maitresse parjure ? Non , je n'aurai pas Ia force de voir les Mots  C " ) appaises faire passage a ton vaisseau. Infklèle, malgré tes torts, je souhaite que Galathee favorise ton éloignement , qu'elle te fasse éviter lés écueils qui bordent les cötes de 1'Épire et que tu entres heureusement dans le port d'Oricie. Des liens nouveaux ne remplaceront pas mes premiers nccuds. J'irai, Cynthie, sur le seuil de ta porte me plaindre de ton' absence : j'irai questionner tous les marins et leur demander dans quel port ton vaisseau a relaché ; je leur dirai, quelque part que soit descendue Cynthie ■> soit qu'elle habite 1'Étolie ou PÉlide , elle est la femme de Properce ; ses sermens Fengagent dans ces contrées , comme ils Fengageaient a Rome. Méchans , crévez de rage. Je triomphe ; Cynthie a écouté mes prières. Étouffe ta joie perfide, envie qui te repais de nos maux. Ma maitrefle abandonne le voyage qu'elle avait projeté. Cynthie m'aime,ma présence lui rend agréable le séjour de Rome. Elle refuserait un empire, si je ne le partageais pas svec elle. Un lit modeste lui suffit avec moi. Malgré mon peu de fortune, elle me préfère aux trésors du royaume qui fut la dot d'IIippodamie, elle me  c ié* ; préfère aux richesses qu'Éüs a amaffées pentianc ses jeux olimpiques. Quoiqu'on lui ait offert des dons considérables, quoiqu'on lui en ait promis encore de plus grands, Tappas du gain ne Pa pias fait renoncer a nos engagemens. L'or et les perles ne Tont pas rendue sensible a mon amour. Je dois son attachement aux charmes seuls de la Poésie. Apollon et les Muses savent récompenser leurs nourissons. Nctre union est leur ouvrage. Le chef-d'ceuvre de la nature, Cynthie est a moi. Assuré pour toujours de sa possession, les astres sont sous mes pieds. Un rival ne détrnira jamais un bonheur si bien affVrmi. Ma vieillesse se glorifiera d'un triomphe aussi éclatant.  ( -7 3 ELÉGIE IX. II donut des conseils a Ponticus qui est divinu amoureux comme il le lui avait pridit. ailleur indiscret, je t'avais annoncé que Famour te surprendrait, et qu'un jour tu enpa.krais avec plus de réserve , te voila donc sous kjoug, te voila donc aux pieds d'une maitresse qui te gouverne en souveraine et te fait payer Fhonneur d'être ron esclave. Les colombes de Dodone ne connai ELÉGIE XVIII. D.ins sa disgrace, Properce confe ses chagnns aux arbres et aux rockers. L E soufflé des vents remplit seul ce bois écarté et solitaire ; il semble fait pour recevoir les piaintes des amans : je puis donc sans indiscrètion lui racónter mes tourmens. Ces roches désertes ne trabiront pas mes secrets. A quelle époque , Cynthie, fixerai-je tes premiers dédains ? Quel est le sujet qui m'a préparé une source de larmes ? Moi, qu'on pla?ait au rang des amans fortunés, me voila marqué du sceau de la réprobation. Ai-je mérité un si cruel traitement? Quel crime a provoqué ton inconstance? Le choix d'une autre maitresse a-t-il porté le désespoir dans ton ame ? Non : tu m'as abandonné sans qu'une beauté nouvelle ait été rccue dans ma maison .? Ton changement pourrait sans doute me permettre une vengeance éclatante, mais je ne me porterai jamais a des excès odieux. Voudrais-je mériter ta haine ? Voudrais-je que des torrens de lartnes ternissent 1'éclat ae tes beaux yeux ? Devenu volage , t'avais-je donné des soupcons sur ma firiélité? Les seimens que j'ai faits n« B 6  ( 36 3 méiitent-ils plus ta confiance? Arbres, si vous poüvez connaitre 1'amour, Hètres et vous Pins chéris du Dieu Pan , venez rendre témoignage de ma constance. Combien de fois sous votte ombrage n'ai-je pas exhalé mes tendres piaintes? Le nom de Cynihie n'est-il pas gravé sur votre écorce ? Les chagrins, que m'ont causé tes mépris, ont-ils eu, Cynthie, d'autres confidens que \; seuil de ta porte ? Amant timide et qirconspect, j'ai appris a supporter tes hauteurs. Une douleur contrefaite ne m'a jamais dicté d'injustes reproches. Cependant, Dieux des campagnes, Nymphes et rochers, ce n'est que parmi vous que je trouve un repos inquiet et pémble. Seul dans ces déserts, je ne raconte qu'aux oiseaux mes nombreux chagrins. Quelque soient tes sentimens , Cynthie, les bois ne parient que de toi, et les antres écartés ne repetent que - ton nom.  c 37 3 iteafata flMMPJJ immmn « * «y.Btfv tw^j^^wasaaucffsarwcrï. elégie xi x. ƒ/ cralnt que , j';7 venait d mourir, Cynthit rti forme d'au.ras cngagtmctzs.- Je ne crains plus, Cynthie , Ie tiiste séjour des Manes , je ne crains plus de payer a Ia mort le tribut qui lui est dü. Mais mourir sans être sur de conserver ton cceur r ce doute est plus cruel que la mort. L'Amour n'a-t-il jetté dans nos ames qu'une flamrae legére qui ne doit pas atteindre nos cendres et les embraser ? Protésilas chez les morts n'a pas perdu, le souvenir de sa Laodamie; toujours épris de ses charmes, et désirant lui donner de vains embrassemens, son ombre s'est rnontrée dans son palais. Moi, si je descends dans le sombre empire, j'y porterai ton image. L'Amour tout puissant franchit les barrières posées par les destins. Envain la troupe célèbre des beautés qui furent la conquëte des Grecs se présenterait a mes regards, elle n'effacera pas les attraits de Cynthie. Le Tartare. lui-même ne sera pas étonné de mon jugement. Que les Parques t'accordent la plus longue vieillesse , tes funérailles ne m'en ccöteront pas moins de larmes ; mais si tes regards doivent honorer ma tombe , le trépas ,dans  c 3s ) quelque lieu qu'il me iiappe, me par^ltra suppurtable. Mais je crains que 1'amour pervers ne corrompe tes sentimens et ne te détache d'un amant qui ne sera plus qu'une cer.drè legére. Le perfide t'assiégera et saiira sècher tes larmes. Une 611e se riéfend mal contre ses attaques redoublées. Puisqu'il est encore en notre pouvoir de jouir de notre aitachement, profitotis-en , Cynthie, des liens heureux n'ont jamais asssz de durée.  C 39 ) ELÉGIE XX. A Gallat. Properce avert'u son ami de prendra des prècaations pour conseryer son Hylas et lui rappelte le son de celui gu'Hercule chérissait. Ton amitié constante m'engage a te c'onner un avis qui doit être sans cesse présent a ta pensée. Souvent 1'imprudence des amans attire lür eux les coups de la fortune. Ce qui est arrivé aux Argonautes sur les bords de 1'Ascagne doit te servir de lecon : ton nouvel Hylas n'ést pas moins beau , n'êst pas d'une origine moins illustre que le fils de Thiodamas. Si tu te promènes avec lui sur les bords ombragés d'une rivière, si vous vous rafraichissez dans les eaux de 1'Anio, si vous errez sur les vastes rivages de la mer , si un fleuve tortueux vous prête un asile agréable, défends, Gallus, ton Hylas des entreprises des INymphes et des Dtyades. Elles n'ont pas plus de réserve les uncs que les autres. Ne fréquentes ni les montagnes escarpées, ni les rochers brtilés par le soleil, ni des lacs mal famés. Hercule sur des bords étrangers a pleuré la perte de son Hylas «lérobé par 1'Ascagne impitoyable.  Ou raconte que les Argonautes remontés sur leur vaisseau étaient déja loin du Phase , que déja ils avaient dépassé rembouchure de 1'Athamante et qn'ils s'étaient arrêtés dans une rade de la Mysie bordée de rochers. Cette troupe de héros, se voyant sur un rivage paisible, se fait des lits de feuillage. Mais le bel enfant que chérit Hercule veut entrer dans les terres pour y chercher quelque source d'eau vive. Il est suivï par les fils de Borée, Zéthès et Calaïs. Soutenus par leurs alles, tous deux sont comme suspendus sur la tête dTIylas et lui dérobent des baïsers. S'approchant et s'éIoignant tour-a-tour, ils partagent les mêmes plaisirs. Hy'as couvert de leurs ailes y est comnie enferraé ; mais avec le secours d'une baguette, il échappe a leurs jeux libertjas. Les enfans d'Orithie écartés, Hylas continue sa marche; mais par malheur une Hamadryade Ie suit. Sur Ie soir.mct d'une montagne se trouvait une grotte, retraite chérie des Nymphes du canton. Au-dessus étaient des arbres chargés de fruits dus aux bienfaits de la nature. Un pré rafraichi par des sourcés n'eri est pas éloigné ; des lys qui s'y élèvent mèlés avec ra pourpre des pavots ont un éclat séduisant. Le jeune homme renonce a son projet et s'amuse a cueillir des fleurs. Ne se doutant de rien , il  C 41; s'approehe du miroir des eaux, se penche et se repait de la douce illusion que lui inspire sa beauté ; enfin, appuyé sur ses mains,il alionge et baisse la tête pour puiser 1'eau avec sa bouchc. Les Dryades étonnées de tant de charmes s'enflamment pour Hylas. Elles quittent leurs jeux ordinaires, elles poussent le jeune homme qui est entrainé sans peine et tombe au fond du réservoir. La chüte d'Hylas fait du bruit; Alcide qui rentend appelle a plusieurs reprises Hylas, mais 1'Echo seul lui repond ; la voix semble venir des fontaines les plus écartées. Cet exemple, Gallus, t'appreud a veiller sur robjet de ton amour : ne coufies jamais a des Nymphes la garde de ton Hylas.  C 42 ) ELÉGIE XXL Dtrnières paroies d'un GueriUrcuss: appelUGallus. (jr oEïiiBt, qui reviens blessé des champs de TÉtrurie et qui cherches a éviter un sort pareil au mien , pourquoi sensible a mes peines, fatigues-tu tes yeux par despleurs? Défenseurs iie la même cause , nous avons porté les armes ensemble. Puissent tes parens se réjouir de ta conservation, et puisse Acca ma sceur apprendre mon malheur par tes larmes ! J'avais e'chappé au fer meurtrier des soldats de César, mais je n'ai pu éviter les coups d'une main inconnue. Si ma fceur trouve sur cette montagne des os dispersés, qu'elle saehe que ce sont ceux. de Gallu?•  ( 43 ) ELEGIE XXII. b ï d k r n i è a b. Properce insiruit Tullus de Son origine et du litu de sa naissance. To n amitié pour moi, Tullus, te fait désirer de savoir qui je suis, qu'elle est mon origine , et quels lieux m'ont vu naitre. Tu connais Pérouse, cette ville célèbre par les funérailles de ses habitans et par sa destruction arrivée dans ces temps malheureux oü la discorde a armé les Romains contre les Romains. Campagnes de PÉtrurie vous serez pour moi une, souree éternelle de douleurs. Vous avez recti les membres dispersés de mon père : il n'a pas eu la consolation d'obtenir un tombeau. 1/Ombrie dont le sol est si fertile, et qui touche i 1'Étrurie , est le lievi oü j'ai rec.u la naissance. F ix du premier LlVEt.  ÉLÉGIES DE PROPERCE. L 1 F R E S E C O N Ü. ELÉGIE I. Raisons pour ksquelUs Pioperce n'icrh que des poisies galantcs. Vous voulez savoir pourquoi mes poésies ne parient que d'amour, pourquoi mes vers ne respirent que la mollesse et la volupté ; ni Apollon, ni Calliope ne les dictent: ma maitresse est la muse qui m'inspire. Cynthie parait-elle couverte d'une robe venue de 1'isle de. Cos ? Un livre suffirait a peine pour décrire Ia richesse de sa parure. Ses cheveux négligés se jouent-ils sur son front? Ce désordre lui phut, et 1'éloge que j'en fais flatte son orgueil. Ses doigts sa» vans font-ils parler la lyre ? On admire l'adre?se de son jeu et la légèreté de sa main. Le sommeil cherche-t-il a fermer ses yeux appésantis ? Mon art est de trouver mille moyens de le peindre dans mes vers. Sans manteau et demi-nue se défend-elle de mes caresses ? Alors je composerais une Iliade. La moindre action, lemoindre mot échappés a Cynthie s'anoblissent et deviennent le sujet d'un long récit. Mécènes, si les destins m'avaient donné un génie assez puissant pour célébrer la gloire des  C 4' ) armes, je n'aurais pas chanté Ia guerre des Titans, je n'aurais pas placé 1'Ossa sur 1'Olympe ni fait du Pélion un chemin pour monter au Gel. La guerre de Thèbes, celle de Troye , monument éternel du génie d'Homère, les deux roers reünies par les ordres deXerxès, n'auraient pas été Ie sujet de mes chants. Je n'aurais célébré m les commencemens du règne de Romulus, ni les projets orgueilleux de Carthage , ni les pro-, gres effrayans des Cimbres, ni les victoires de Marius. J'aurais chanté* les exploits d'Auo.,ste et tes travaux, Mécènes; car, apfès Cés^tu dojs avoir la première place dans mes vers. Pourrais-je retracer les combats sanglants de Modene et ceux de Philippe, ]a fl)ite "de Ia flotte Sicihenne , Ia ruine de Pérouse ancien ornement de 1'Etrurie, la prise du Phare, la redufhon de lE'gypte , la soumission dujNil et ses eaux captives dont le tableau a été pr'omené dans Rome? Condnirais-je a la suite d'un char detriomphe des Rois chargés de fers? étaleraisje dans la voie sacrée les trophées de Ia victoire d'Actium ? sans doute ma muse t'associerait a ces grands exploits; dans la paix comme dans Ia guerre, Auguste ne fait rien sans avoir wis tes conseils. Vous êtes 1'un et 1'autre aussi inséparables que Piritholis 1'était de Thé<ée et Patrode d'Achille. Si Callimaeiie lui-même n'a-  ( 46 ) v*ït pas la voix assez forte' pour chanter la révolte d'Eneelade et les Géants foudroyés par Jupiter,moi, je ne suis pas plus propre a emboucher la trompette héro'ique pour chanter César et Fassocier ala gloire de ses ayeux. Le pilote parle des'vents, le laboureur de ses bceufs; le soldat compte ses blessures, le berger sesmoutons: moi, je chante les combats amoureux. Dans cette carrière chacun peut exercer ses talens. II est glorieux d'être le martyr cFune belle, plus glorieux d'en être le vainqueur. Puissé-je posséder toujours le cceur de Cynthie? puissé-je rester dans ses fers ? Mais si je suis forcé de prendre d'autres chaines, puissent-elles me serrer plus étroitement et puissé-je mourir de trop d'amour. Mais non, Cynthie n'approuve pas Finconstance des femmes , ellenereproche a 1'Iliade que Finfidélité d'Hélène. Une Phèdre nouvelle me présenterait des Philtres amoureux, ils seraient impuissans comme ils Font été avec Hyppolite. Qu'une Circé rn'a' breuve de sa liqueur, ou qu'une Médée me brüle avec ses poisons; malgré leur violence, Cynthie aura toujours mon cccur. Je ne veux vivre et mourir que pour elle. La médecine a trouvé des remèdes pour tous les maux, mais Famour ne souffre pas qu'o*  ( 47 ) _ ' guérisse les blessures qu'il fait. Avec le temps Machaon est venu a bout de fermer la plaie de Philoctète, Chiron a rendu a Phénix fussge de Ia vue. Esc'ulape avec les plantes de la Crète a ressuscité Androgée et 1'a mis en' état de revoir ses foyers. Télèphe percé par Ia lance d'Achille a dü. sa guérison au fer même qui Pavak blessé. Mais celui qui parviendrait a étouffer mon amour, pourrait donner a Tantale les fruits qui se dérobent a son avidite', il remplirait le tonneau des Danaïdes et les délivrerait d'un e'ternel fardeau, il briserait les chaines de Prométhée attaché a un rocher sur Ie Caucase et chassersit le vautour qui lui dévore les entrailles. Les simples,les enchantemens, les herbes cueillies par Périmède n'ont pas le pouvoir de guérir les plaies faites par 1'amour. On ne connait ni la cause ni le siège de la maladie: les maux sont grands; mais leur source est cachée. Le malade n'a besoin ni de médecin ni de lit de duvet. Le vent, l'intempérie des saisons n'augmentent pas ses souffrances; il respire , et tout-ècoup, une mort imprévue Penlève a ses amis étonnes. On ne connait pas les efFets dangereux de ramour. Lorsque les destins auront marqué la fin de mes jours, lorsque mon nom sera gravé sur un  ( 4? ) marbre peu apparent, Mécènes, toi Tespoir cïc ma jeunesse cnviée, toi qui hono.res ma vie comme tu honoreras ma mort, si le hasard te Conduit sur Ia route oü mes cendres seront dé> posées, fais anêter ton char, répands quelques larmes et consoles mes manes en disant : „ Les „ riguey&v&Qk'e miütress'e ont hatè la mort du „ malheureux properce ELEGIE II. 11 se reprend cPamour pour Cynthie dont il fait Pêloge Cr le portrait, To, qui te vantais qu'une maitresse ne te captiverait plus, Properce, te voila de nouveau sous le joug. Ton orgueil a fléchi les genoux. A peine hélas! as-tu passé un mois sans trouble et sans inquiétude : un second livre d'a> roours va te deshonorer, Je me croyais libre, une femme, ne devait plus partager mon lit, Pamour m'a décu par un faux traité de paix. Insensé ! je voulais quele poisson véctit sur un sable aride et le farouche sanglier dans le sein de la mer. Encore si je savais m'occuper d'études sérieuses'. L'amour souffre une distraction ; mais jamais un abandon absolu. Le  r 53) ELÉGIE IV. 11 menace Cynthie de la quitter et de prendre une autre maitresse ; ensuite il P'invite d faire un retour sur ellt-mcme et d changer de conduite. Il n'est que trop vrai, Cynthie; tu es devenue la fable de Rome, on n'y par]e que de ton inconstance et de ta légèreté. Avais-je mérité cette perfidie, et devais-je m'y attendre ? Infidèle,je Saurai te pnnir; le vent qui fa changé peut aussi produire mon changement. Parmi tant de beautés trompeuses, je puis en trouver une 4ni veuille acquérir de la célébrité par mes vers. Ses mceurs moins déréglées m'épargneront des aifronts. Son attachement deviendra ta satire ■ tu regretteras trop tardun amant fidéle et constant. Rompons ma chaine, il en est temps. Mon ressentiment a toute sa force ; s'il s'afïaiblit, Famour prendra le dessus. Le vent tourne moins souvent sar la mer ,• les nues, dans un temps incertain , cbangent de direflion avec moins de facilité, que les amans irrités ne se calment au moindre mot de leurs maltresses. Secouons donc enfin un joug honteux. Je souffrirai sans doute 5 mais une unit mettra fin a mes tourmens. En amour les maux sont légers, lorsqifon sait les supporter. c3  C H ) Mais, Cynthie, je t'en conjurc- par le nom sacré de Junon, épargne toi des regrets, ne sois pas ton propre bourreau. Le taureau poursuit son ennemi a coups de cornes ; la brebis roême résiste a celui qui la blesse. Quoique tu sois parjure , je ne déchirerai pas tes habits, ma co'.ère respectera les portes qui me seront fermées , elle épargnera les boucles de tes cheveux, mes mains ne déchireront pas ton vi.«age. Ces vengeances grossières ne conviennent qu'a ?in rustre dont le front n'est pas couronné de lierre. Moi, je ne veux que graver ces mots que les années tfeffaceront pas : ,, Cynthie est belle, mais Cynthie est légere ". Quelque mépris que tu affiches pour les bruits pubiics, cette inscription te fera palir.  C 55 ) fiMiwii iiiii—i mi irin " un i un ii i 11 ii ii iiiiiimii mii■■ ■ ■ m tm* ELÉGIE V. Reproches a Cynthie sur le nombrt de ses galans. Ir.vective contre les peintres qui ont corrompu les meeurs par des tableaux trop licencieux. LrfAïs qui voyait la Grèce a ses pieds, avait moins d'adorateurs que toi, Cynthie : la rcabon de ïhaïs, rendez-vous de la bonne compagnie d'Athènes, n'était pas si fréquentée que la tienne : Phriné, devenue assez riche pour rebatir la ville de Thèbes, n'avait pas comme toi une foule d'amans autour d'eüe : Ton goüc pour le plaisir t'a fait trouver encore nombre de pareus qui ont fair detedonner des baisers permis. Les portraits" des jeunes gens, ceux-mêmes des Dieux me font ombrage : 1'enfant au berceau qui ne parle pas encore , ta mère , si elle répète ses embrassemens, ta sceur et 1'amie qui couche avec elle, m'offusquenc et me tourmentent. La crainte et les soupcons me déchirent. Excuse un amant qui appréhende même que tn robe ne cacbe un rival. Que fenvie la femme d'Admète, celle d'Ulisse et celles qui n'aiment que la maison de leurs époux ! Si les belles ont le droit de faires C 4  C 56 ) tout ce qui leur plait, pourquoi a-t'on érigé des temples a la pudeur ? Le peintre qui le premier a représenté des objets indécens, et qui a tapissé une maison chaste de tableaux obscènes, a corrompu le cceur des jeunes filles; il les a rendues complices de ses déréglemens. Qu'il doit gémir sur les suites funestes de son art et sur les maux qu'a produits sa licence ! Nos pères ne décoraient pas leurs maisons de ces ornemens impurs ; des rnurs scandaleux ne portaient pas rafliche du crime. Ne soyons donc pas étonnés que les temples des Dieux soient déserts. Les toiles que file Arachné, Pherbe qui croit partout, annoncent Tabandon des autels. Quels surveillans te donnerais-je, Cynthie? quelle porte ne franchirait pas un rival odieux ? De quoi sert un gardien pour celle qui ne se garde pas elle-même ? La femme que le vice fait rougir, est seule assurée de sa chasteté.  C 57 ) ELÉGIE. VI. Tl se fèliche de la rêvocation de la loi Julia. s O k n s d o u t e , tu es enchantée, Cynthie , de la rêvocation de la loi, qui, lorsqu'elle a été publiée, nous a coüté tant de pleurs. Quoi donc? Nous eussionsété séparés! Mais Jupiter lui-aiême peut-ii séparer des amans sans leur aveu? Ccsar, mediras-tu, legrand César Uest grand sans doute a la tête des armées , il dompte les nations rebelles ; mais il ne peut rien sur 1'Amour. J'aimerais mieux cent fois que ma tête fut séparée de mon corps, que de t'abandonner et de prendre une femme. Engagé dans les liens du mariage, aurais-je pu passer devant ta port» sans verser un torrent de larmes, sans me re" procher mon infidélité ? Ah! quels tristes accers t'eüt préparé ma lyre? Ils eussent été P1US sinistres que les sous de la trompute funéraire. Moi, j'aurais des enfans pour préparer les tnomphes de nos Césars i Non , jamais soldat ne recevra de moi le jour. Si nos belles babitalent les camps, alor , Cyntlre, le cheval dé Castor n'aurait pas sssez de légèreté pour aller  c 53 ) te rejoindre. Je rlois ma gloire k nos amours. C'est elle qui a porté mon nom jusqü'aux rivages glacés du Boristhëne. Je n'aime que toi, Cynthie ; que Cynthie n'aime que moi ! Cts Hens seront plus forts que ceux du sang. Non je n'aürai jamais d'épouse ; jamais une autre maitresse n'entrera dans mon lit. Cynthie seule sera et ma maitresse et mon épouse. ELÉGIE VIL Désispoir de Properce sur L'èloigntment de Cynüiie, On m'enlèveune maitresse que j'adore , et tu me défends de pleurer ! Cruel, ne sais tu pas que les inimitiés les plus grandes viennent de ramour. Prends ma vie, je te haïrai moins. Mais voir Cynthie dans les bras d'un autre , voir que celle qui m'arpartenait n'est plus a moi, je ne puis le supporter. Agamemnon demande Briseïs et 1'enlève a Achille. Cette violeuce purte la discorde et la mort dans le camp des Grecs. Les premiers rapts ont occalionné les premiers combats. LVnlèvement d'Hélène entraine la ruine de Troye. Les Centaures au miiiau du Festin s'enllamment pour Hippodamie , ils attaquent Pirithoüs et veulent lui enlever son épouie; mais pourquoi chsrcher  C 59 ) des exemples chez les Grecs? Romulus, si digne d'avoir été allaité par une louve, Romulus coriseille ie rapt, il ordonne 1'uilèvement des Sabines. De ce moment 1'amour s'est tout permis dans Rome. Achilléa qui on a enlevé sa maitresse se renferme dans sa lente et ne vole plus aux combats. Il est insensible a la fuite des Grecs qui repoussés se réfugient sur les bords de la mer; il est insensible a la prise de leur camp qu'IIector réduit en cendres. 11 voit même, il voit le corps de Pairocle couvert de sang et de poussière , il le vo.t sans vie étendu sur la terre. L'enlèvement de Briseïs lui fait dévorer ces chagrins. L'amour outragé n'écoute que ses ressentimens. Mais un repentir tar.lif iui fait-il rendre sa captive ? Aussitöt Hector est immolé et trainé autour de ses murailles. Je ne suis ni héros ni fils d'une Déesse; cependant l'amour me tyrannise avec la même fureur. Ce Dieu a causé la perte des plus grands capitaines et des rois les plus puissans. Il t renversé Thèbes et 1'empire de Troye. Tout change, l'amour même a ses vicissitudes, On est vainqueur , on est vaincu. On tourne sans cesse dans un cercle de succes et de disgraces. Mon rival triomphe, commc j'avais triomphé. Est-ii écondujt ? Un autre prend sa place.  C 60 ) Que de présens a recü 1'rngrste ! Que de vers j'ai faits a sa luuange ! Cependant, 1'insensible ne in'a jamais dit ,, je Caime~". Insensé! j'ai passé des années a courtiser une perfide,a supporter jes mépris. Ai-je jamais rompu ses fers ? 1'orgueilleuse insultera-t'elle toujours a un amour si constant? Pénélope , si digne d'avoir une fouie d'adora'teurs, a conservé vingt ans sa chasteté. Le travail d'une étoffe ménagé avtc art servait sa pudeur, elle défaisait la nuit 1'ouvrage fait pendant le jour. Réduite a désespérer du retour de son époux, elle est devenue vieille a force de 1'attendre. Briseïs tmbrassant le corps glacé d'Achille, se frappe et se déchire le visage ; cette tendre captive lave dans le Simoïs la blessure de son amant et 1'essuie avec ses cheveux. Malgré la pesanteur du corps d'Achille , sa foible main en soutient le fardeau pour lui rendre les derniers honneurs, Achille n'avait ni Pélée ni Thétis , ni Deidamie dont il avait abandonné la couche pour aller au siège de Troye. Mais alors la Grèce s'honorait d'avoir des enfans dignes d'elle. On portait jusque dans les camps des mceurs chastes et pures. Perfide, tu n'as donc pa être seule pendant  e oi > une nuit, tu n'as pu passer un jour sans amantl Atable, tu t'es livrée aux saülies de Ja joie et aux excès du vin. Peut-ëtre ai-je été le sujet de tes plaisanteries ? celui que tu me préières est un volage qui t'avaic abandonné. Püisséstu rester enchainée a ce rare personnagï! Vuila donc la récompense des vccux que j'ai faits pour la conservation de tes jours! Alurs tu éra s prête a visiter les bords du Stix. Moi et mes amis, nous entourions ton lit baigné de nos larmes Infidèle ' Qui t'a rendu des services? Quirestait auprès de toi? M'aurais-tu traité plus indignement, si la guerre m'eut retenu au fond des Indes, ou si j'eusse fait sur 1'Océan un voyage de long cours. Belles, il vous est facile de nous tromper par de Fausses promesses, et d'ourdir des trames criminelles ,• cette science est la seule que vous possédiez parfaitement. Qu'une femme ait un juste sujet de ressentiment, qu'elle n'ait qu'un vain prétexte, sa constance n'a pas plus de stabilité que les sables des Syrthes bouleversés par les vents, ou que les feuilles dessechées par les frimats. Puisque Cynthie Ta voulu , je cède a ses rigueurs. Jeunes garcons préparez moi des traits encore plus acérés. Hatez-vous de me perger le  cffiur et de me débara>ser de la vie. Mon sang répandü sera la preuve de la supériorue de votre empire. Properce, tu vas donc mourir a la fleur de ton age ! Oui , meurs, et que la cruelle se réjouisse de ton trtpas, quV-ile tourmente tes rr.Ét • nes et poursuive ton o^nbre , yu'elle insulte a ton bücher et loule aux pieds tes cendres. Mais quoi! n'a t-on pas vu Hémon s'ouvrir le flanc avec son épée et tomber sur la tombe d'Antjgone. Ne pouvant retourner a Thèbes avec elie, il a mieux aimé mëler ses cendres avec les siennes. Cynthie , tu n'échapperas pas a mon ressentiment. Tu mourras avec moi, le même fer sera teint de mon sang et du tien. Ta mort me couvrira de honte; mais si elle me de^honore, du moins tu mourras. J'en atteste les astres , la froidure du matin, la porte même qui pour moi s'ouvrait quelque fois a la dérobée , aucune beauté ne nfa captivé commetoi. Traite en enuemi, tu me plais encore. Aussi nulle femme n,entreta-t''elle dans mon lit. JTy serai seul puisque tu refuses de le partager. Si une vie sans reproche a pü toucher les Dieux, quds permettent que mon rival reste dans tes bras aussi fioid que le msrbre.  c é ) É L E G 1 E VIII. Properce veut otiblier Cynthie et quittcr le genre EUglaque pour chanter Les exploits d'Auguste. Sous les yeux de leur mère , Éteocle tt Polinice combattant pour règntr se sont donnés la mort. Aussi lurieux que ces Princes, je combattrais volontiers en ta présence , Cynthie, et j'aurai;, peu de regret a la vie, si ma mort entrainait la tienne. Mais il faut me frayer une route sur 1'Hélicon , il faut que Pégase prenne un nouvel essor. Je veux céiébrer la valeur de nos armées et suivre la marche de César. Si je manque de force, on louera du moins mon courage. Dans les grandes entreprises la bonne volonté n'est pas sans mérite. Que les jeunes Poètes chantcnt les graces et les anciens les combats. Puisque Cynthie s'est engagée ailleurs, j'tmbouche la trompette héroïque : composant mon visage, je vois prendre un air sérieux. IV'ia Muse a changé de ton, elle veut un accent plus grave. Abandonne tes t'aibles crayons, Properce , et vous Déesses du Parnasse , rassemblez vos forces, j'en ai besoin pour un plus grand ouvrage.  C H ) Déja l'Euphrate ne veut plus que ses rives servent de rempart a la Cavalerie des Parthes, il se repent d'avoir arre\é les soldats de Crassus. ! 'Inde se soumet a César. L'Arabie, qu'il 11'a pas encore attaquée, tremble a son approche. Si quelque peupie, placé aux extrêmités de la terre, ne veut pas reconnaitre son empire, il sentira bientöt Ie pouvoir de ses armes. Je suivrai donc tes drapeaux, Auguste, le chantre de tes victoires deviendra céièbre. Puissent les destins m'accorder cette gloire ! Lorsque dans nos temples on ne peut placer sur la tête des Dieux les couronnes qu'on. leur oitre, on les dépose a leurs pieds ; moi qui suis peu fait au ton élevé du poéme épique, je me contente de jetter quelques grains d'encens sur un autel qui n'est pas a ma portée. O11 ne m'a pas encore introduit dans les Vallées d'Ascra, a peipe l'amour m'a-t'il baigné dans les eaux du Permesse- Qu'on parle de toi, ou qu'on te lai.'se dans 1'oiibli, peu m'importe, Cvnthie. Qui te loue, sèrae dans une terre ingrate. Au jour marqué pour ton trépas, ces dons brillans dopt tu es si vaine disparaitront avec toi. Ta tombe n'arrêtera pas même le regard dédaigneux du voyageur , il ne dira pas : „ Foila la cendre d'une M belle que ses lalens ont teniu cclèbre".  C 65 ) ELÉGIE IX. 11 loue le peiatre qui a réprésenié PAmoitr en etfanc avec un carquois et des jlêches. L e peintre, qui le premier a représenté PA» mour sous la figure d'un enfant, a eu une idéé bien heureuse. Il a senti que les Amans n'écoütaient pas la raison, et qu'ils sacrifiaient de grands avantages a des intrigues misérables. Ce n'est pas encore sans fondement que eet artiste a donné des ailes a 1'Amour. Il nous avertit que ce Dieu , aussi inconstant que nous, se promène d'un objet a 1'autre. Jouets d'une onde mubile, le vent ne nous porte-t'il pas de tous cótés sans nous fixer dans aucun endroit ? Enfin la main du Dieu est armée ds fièches dont le fer est acéré, et son dos est couvert d'un carquois. L'Amour ne nous frappet'il pas avant qu'on fout apper9u ,. avant qu'on se soit mis a 1'abri de ses coups ? Aussi personne n'échappe-t'il a ses flèches meurtrières. Ses traits ont pénétré dans mon cteur , ils y ont laissé son empreinte; mais pourquoi ce Dieu ne fait-il pas avec moi usage de ses ailes ï Pourquoi séjotirne-t'il constamment dans mon  C 66 ) ame?. Pourquoi me fait-il une guerre éternelle? Amour ,quel plaisir as-tu d'habiter dans un corps désséché ? S'il te reste quelque pudeur, porte ailleurs tes coups. Ce n'est pas moi, c'est mon ombre que tu poursuis. Si tu achêvés de me perdre,qui chantera tes triomphes? MaMuse, quoique iaible , est le soutien de ta gloire- Eh ! n'est-ce pas moi qui ai rendu célèbres les charmes de Cynthie, sa tête superbe, ses beaux bias , son ccil noir, et les graces de sa danse ? ELEGIE X. Cérémonies qui seront observdes a ses funéraiiïes i il se recommande au. souvenir dt Cynthie L'Amour a percé mon cceur d'autant de flêches que Suse en fóürnit a ses défenseurs, Ce Dieu veut aussi que je fasse ma cour aux Muses les plus légères ; ce n'est pas pour conduire les chênes a ma suite, ni pour attirer les hötes des foréts dans les vallons d'ïsmare. Son intention est d'étonner et Ae captiver Cynthie par le charme de mes vers , et de me rendre plui célèbre que le fameux Linus. La beauté ne m'a pa« séduit, je n'ai pas été ébloui pa l'éc'.at d'une naissance illustre ; mais j'aime s lire mes ouvrages a une maitresse  ( 6? ■) éclairée dont 1'oreille délicate peut jiiger mes vers. Ai-je obtenu son sufT.age ? Peu m'importe celui du vulgaire; 1'approbation de Cynthie me tiërrt lieu de tout. M'a-t'elie prêté une attention paisible et suivie ? Je ne redouterais pas même Jupiter irrité. Quand la mort aura fermé mes paupières, voici de quelle manière tu regieras Pordre de mes funérailles. Je ne veux pas qu'une longue suitê de portraits précède mon convoi, je ne veux pas que le son stérile de la trompette annonce la nouvelle de mon trépas ; on ne me portera pas sur un brancard d'ivoire : un corps mort ne doit pas reposer sur un lit de pourpre; une file nombreuse de bassins chargés de parfums n'embarassera pa- mon coitège. Mes l'unérailles seront aussi modestes que celles d'un Plébéien. La seule pompe que j'exige est qu'on porte mes trois livres d'Élégies. Je veux les offrir a ' Proserpine comme mon bien le plu-? précieux. Pour toi, Cynthie, tu suivras mon convoi la poitrine découverte et les habits déchirés ; tu ne cesseras pas de répéter mon nom. Lorsqu'on aura répandu des parl'uois sur mon visage , ta bouche imprimera le dernier l-ais;r sur mes lèvres glucées. Mon corps réduit en cendres, tu les recueilleras dans une urne modeste- Au  C 63 ) ^ dessus de ma tombe tu placeras une branche de laurier qui ombragera le lieu oü je reposerai; fais y graver ensüite cette inscription : ,, Fro„ peice rCa aimé que Cynthie ,• il n'est plus que „ cendre et poussière ". Ce peu de mots donnera a ma tombe autant de célébrité que le sang de Poiixène en a donné au tombeau d'Achille. Et toi, Cynthie, lorsque tu approcheras du terme de la vie , ne crains pas de te rendre dans le lieu oü je reposerai. Jusqu'a ce moment respecte mes manes; la terre qui me couvrira connaitrait tes sentimèris et te trahirait. Piftt aux Dieux que dans mon bergeau une des Parques ent coupé lö iïl de nies jours! Et pourquoi 1'homme ne vit - il que pour attendre 1'heure incertaine de la mort ? iVfatgrè trois siècles de vie , Nestor est descendu d' ns le tombeau. Sous les mürs d'Iüon aucun guerrier n'avait vu un vieillard de son ags, Si tu eusses moins vécu, Nestor, tu n'aurais pas pleuré ton fils Antiloque , tu ne te serais pas plaint que la mort t'avait épargné trop long-temps. Cynthie, tu donneras quelquefois des larmes a ton Amant, il est beau de re^retter ceux qui ne sont plus. Rappelle toi le hel Adoni ttfé par un sanglier; Vénus, les cheveux épars,  ( 7i ) E L É G I E X I I. Pla,sirs qu'il a goutés en passant la nuk avec Cynthie Y\ j j- e u r E ux Properce ! Nuit délicieuse ! Lit fortuné qui as partagé mon bonheur ! Tantót la poitrine découverte, Cy, thie livrait d'amoureux eombats : tantót, ramenant sa robe ortir de son lit sans vêtemenr. Endimion nu charme les yeux de Diane; dépoüillant ses habits, elle lui ac corde ses faveurs. Si, pour me tourmenter, Cynthie, tu gardais dans ron lit des vêterriens, tu verrais mes mains les déchirer. IWa colère'  c. n ) irait plus loin; ta mère trouverait sur tes bras des marqués de ma fureur. Tes charmes ont encore toute kur fraicheur , tu peux les livrer a nos jeux libertins. Laisse les vêtemens aux femmes dont les couches ont flétri les attraits. Tant que le destin le permettra, repa ssons nos yeux de ce qui ks charme et les euivre. Une' nuit éternelle nous attend , nos yeux une Ibis fermés ne se rouvriront plus. Puisses-tu de'sirer de m'enchainer si fortement que nos fers ne soient jamais rompus! Prends pour modèles les u-mlrescolombes ; 1'unionde ces oiseaux est un manage véritable. Dire qu'un I amour violent dure peu, c'est une erreur. 1'A-i mour , s'il e;t reel, ne connait pas de fin. La terre devenue stérile trompera 1'espoir du laboureur ; le soleil précipitant sa course raccourcira les jours; les fleuves, faisant rétrograder leurs eaux, remonteront a leurs fources ; la mer dessèchée laisser» le poisson se pamer sur lesable , avant que je porte mon hommage a une autre beauté. Vivant je suis tout a toi, je mourrai n'ayant été qu'a toi. Si Cynthie me donne 'plus d'une nuit , les jours me paraitrom des années ; si elle m'en accorde beancoup , je me croirai au rang des immortels. Une seule nuit fait d'un homme un Dieu. Si  C 7% ) Si les hommes paüaient leurs jours dans Ie fe'n des plaisirs, si, remplis d'un doux Nectar , ils reposaient sur des Hts, on ne ferait pas usage du fer meurtrier , on ne monterait pas sur des vaisseaux de guerre, et le Promontoire d'Actium ne verrait pas flotter les corps des Romains. Rome aftaiblie par ses triomphes ne serait pas si souvent en deuil. Que nos neveux louent ces victoires mémorables; le choc de nos verres n'ofFense aucun des Dieux. N'abandonnons jamais, Cynthie, des passetems q« fo„t le charme de la vie. Tu me don£*» mtlle baisers, ce serait encore trop peu. Nous ressemblons aux feuiihs desséchées qui tombées de nos couronnes se ramassent et se jettent dans des corbeilles. Aujourd'hui nous nageons dans les plaisirs et la volupté • peutetre le ,our qui Va naltre sera-t'il le teime de notre bonheur.  C 74 ) ELÉGIE XIII. Plainu sur la lêgèreti de Cynthie qui l'a écarté pour recevoir un Préteu/r d'Jllirie O s^enj.raisser de ses richesses L E Préteur djllirie arrivé; quelle mine d'or pour toi, Cynthie ! Pour moi quelle source de chagrins'! Pourquoi mon r'rval en rangeant les cötes de 1'Épire n'y a t'il pas péri? Neptune, qu je t'eusse off.rt de riches présens! Des méts abondans et recherchés couvriront ta table et je n'y serai pas admis. Ta porte sera ouverte toute la nuit ; mais elle sera fermée pour moi. Si tu es sage, Cynthie, tu profiteras de cette moisson abondante ; tonds la toison de eet aninial stupide. Dépouillé de ses richesses; qu'il fasse un autre voyage en Illirie. Tu ne fais cas, ni des faisceaux ni des honneurs, tu pèses la bourse de tes adorateurs. O Vénus ! Viens au secours d'un amant malheureux. Fais que mon rival s'étoufFe lui-même dans le sein des voluptés. On obtieat donc des faveurs avec des présens. Jupiter, nos belles soupirent après ces dons indignes. Ma maitresse voudrait que j'allasse lui ehercher des ptrles dans Pinde, et dans Tyr  c ?s ) des robes de pourpre. Piüt aux Dieux que Rome ne possedat pas de richesses, et que son Prince lui-même fut logé sous le chaume! Les belles ne vendraient pas leurs faveurs; deux amans vieilhraient sous ]e même toit. Je ne me plains pas de ce que tu as passé sans moi soixsnte et dix nnits , de ce que tu as recu dans tes bras un homme si dégoutant, de ce que tu m'es infidèle : je me plains de ton sexe qui a toujours aimé le changement. Qu'un rustre se présente faisant sonner son argent; admis aussitöt, il se met en possession demon bien. Rappelle-toi cependant les malheurs qu'a causés le collier donné a Ériphile et la robe présenté? a Créüse. L'affiont que je recois ne peut donc tarir Ia source de mes larmes ! L'infidélité de Cynthie ne peut éteindre ma flamme ! Depuis que mon mal est bien recu je n'ai fréquenté ni les théStres,ni le champ de Mars, ni les Muses. Rougis de ta conduite, Cymhie , rougis-en ; mais on dit qu'une passion honteuse est sourde a toutes les repiésentations. Vo;s Antoine qui dans la batnille d'Actium abandonne sa Botte : ses soldats en frémissent envain. ,\0n amour insensé pour Cléopatre ie fait aUet a sa suite. II fuit, il Se sauve aux extrêmités D 2  C ?6 ) tie la terre. Cettejournée fut celèbre par Ie courage de Césarmais ce qui met le comble a sa vloire, c'est que lu main qui a su vaincre a su déposèr les armes. Dans quelqu'endroit que tu sois, ou sur terre ou sur mer, que je verrais avec plaisir les vents irrités disperser les dons qu'on t'a fait , tes robes de Tyr, tes perles , tes Ch ysolites dont Peau est dorée ! L'indulgent Jupiter ne se rit pas toujours des parjures des amans, il n'est pas toujours sourd a nos piaintes. N'entendstu pas son tonnerre qui ébranle la voute des Cieux, et sa foudre qui part du haut de l'Olympe? Ce n'est pas 1'efftt de Pinfluence des Pléyades ou du pluvieux Orion ; les éclats du tonnerre ont une cause plus sérieuse. Pour punk les parjures, Jupiter lance lui-même ses carreaux : il a aussi éprouvé des infidélités qui lui ont arraché des tormes. Si tu ne veux pas crakidre tous les orages qu'amène le vent du Midi, cesse , Cynthie , dVtacher tant de prix 'aux étoffes venues de Sidon. Tromper sur une nuit accordée, amuser un amant par de fausses promesses, c'est un crime aussi grand que si on se baignak dans le sang; Ie ne%uis qu'annoncer des malheurs i celle qui L laisse passer les «bits seul aussi mecontent Ie mon fit que du sien. Ne me plains-tu pas  C 7? j d'éprouver le snpplice de Tantale qui, place* au milieu d'un fleuve et brülé d'une soif irdeitte, re peut atteindre l'eau qui le fuit; ou celui 'de Sisyphe, qui sur une montagne employé de vains eiïürts pour monter un rocher qui lui échappe et retombe malgré lui. Il n'est pas de vie plus a charge que celle d'un amant; 1'homme ssge ne désirera jamais sa pénible existence. Moi-même qu'on enviait, qu'on croyait Ie plus fortuné des hommes, eri dix jours a peine me recoit-on une fois. Cruelle! tu me laisses coucher sur le senil de ta porte, tu me fais désirer de finir mes jours par le po:son. Exposé aux injures du temps , je repose dans des carrefours, ou bien j'appdle Cynthie par les fentes de sa porte. Malgré tous mes chagrins, je ne changerai pas de maitresse; elle me regrettera sans riou'e lorsqu'elle aura éprouvé ma constance.  C 73 ) ELÉGIE XIV. 11 engage Cynthie d cesser de teiadrt ses chevcux. amans se font haïr par des piaintes trop re'pétées. Un silence respectueux fait plus d'impresskm sur 1'esprit de nos maitresses. Aveztous vu quelque chose de réprchensible ? Soutenez que vous n'avez rien vu. Quelqu'écart vous chagrine-t'il ? N'avouezpas votre chagrin. Moi, je soulage mes tourmens par la pensee que 1'Amour maltraité souvent ceux qu'il a le plus favorisé. Gronder! Et que feraisje si j'avais des cheveux blancs et si les rides sillonnaient mon visage ? L'Aurore n'a pas méprisé la vieillesse de Titon ; elle ne souiFrait pas qu'il restat seul dans son palais. Avant d'atteler ses chevaux, elle le réchauffait sur son sein. Couchée avec lui aux portes de 1'orient, elle s'est plaint plus d'une ibis que le jour reparaissait trop tót. Obligée de remontersurson char, elle accusait les Dieux d'inju5tice et ne prêtait qu'a regret sa lumière au monde. Tant que Titon a vécu, sa conservation lui a donné plus de plaisirs que la perte de Memnon ne lui a causé de chagrins. L'Aurore ii jnir.e et si frai-he ne rougissait  C 79 ) pas de coucher avec un vieillard, et de donner des, baisers a une tête que rage avait blanchie. Mais toi, perfide , qui courberas bientót sous le poids des années, tu méprises ma jeunesse : tu n'as ni frère, ni enfahs, que ne suis-je et ton frère et ton fils! Insensée , tu adoptes l'usage ridicule des Bretons, tu platres ta figure, et tu reins tes cheveux. Crois-tu qu'une peinture appliquée sur le visage lui donne de la fraicheur et de la jeunesse ? il n'y a de beauté que celle qui est due a la nature. Les couleurs qui viennent des Beiges deshonorent une tête Roraaine. Malheur aux filles insensées qui veulent nous en imposer en teignant leurs cheveux! Cesses de te masquer et je te trouverai belle, Cynthie. Tu le seras toujours assez, si tu me viens voir souvent. Que ton lit soit le gardien de ta chasteté. Sur-tout ne te montres pas trop paree. Ne cherches pas non plus a m'en imposer , la renommee te trahirait; cette Déesse parcourt la terre et franchit les mers. D 4  C So ) ELÉGIE XV. Jlfèlic'ttt Cynthie sur le choix qifelle a fint (Punt campagne écartée et promet de la rtjoindrt bientót. Si je vois avec quelque peine que tu quittes Rome, je suis du moins satisfait de ce que, t'éloignant de moi, tu vas habiter une campagne solitaire. Dans ce chaste séjour, tu ne trouveras pas de jeunes séducteurs qui par 1'adresse de leurs discours cherchcnt a te corrompre. Sous tes fenêtres il ne s'élevera plus de quereiles entre tes amans ; leurs piaintes ne troubleront plus la douceur de ton sommeil. Tu n'auras sous les yeux que rjfs montagnes peu fréquentées, quelques troupeaux errans et le petit domaine d'un cultivateur peu riche. La , les jeux publics ne te prépareront pas a la volupté, et les temples ne seront pas complices de tes rendez-vous ; la , tu ne trouveras que des bccufs tracant des sillons et des vignerons iiabiles qui taillent leur vigne d'une main sure. Quelquefois tu porteras un p:u d'encens dans une humble cbapelle : un chevreau sera la victime qne tu ofFiiras. Enfin, la jambe nue, tu cpnduiras le chocurdes danseuses. Ne souffres pas , Cynthie, qu'un ttranger vieune troubkr cette fète cbantr pétre.  C 8' ) Moi, je chasserai ; deja je me fais un plaïsir de suivre les loix de Diane et d'offrir a Vénus les dons que je lui ai promis. Declarant la guerre aux bêtes fauves, je suspendrai leurs cornes a des branches d'arbres. Ma voix excitera 1'ardeur des chiens. Je n'aurai pas la tétnérité d'atta juer des lions féroces, ni d'aiTrdnter les sangliers redoutables. Mon audace se bornera a poursuivre les lièv'es timides, a percer les oiseaux de mes fléches. Le théatre de mes exploit; sera la forêt qui ombra^e les bord3 fortunés du Clitumne ou des troupeaux d'une blancheur éclatante vont se baigner. Avant de prendre aucune résolution , souviens-toi, Cynthie, que je dois te rejoindre bien öt. Des f'orêts dései tes, des eaux qui s;rpentent sur dts lits de mou.se, ne peuvent me dérourner de mes projets. Mais dans la crainte qu'un méchant ne veuille me nuire pendant mon absence, en parlant ue toi je te donnerai un autre nom. D 5  ( 32 ) ELÉGIE XVI. 11 r-ssure Cynthie qui avait des craintes sur sa fidiiiti. Qoe signifie ton dèsespoir? Briséis enlevés a Achille , Andromaque conduite en captivité , ont répandu moins de pleurs que tu n'en répands. Insensée ! Tu tatigues le Ciel par des piaintes , tu me reproches des trahisons. L'oiseau qui annoncait les malheurs de Cécrops n'a pas jetté des cris plus lugubres; après la perte de ses douze enfans , 1'orgueillcuse Niobé métamorphosée en rocher ne distillait pas tant d'eau que tes yeux versent de larmes. Qu'on me lie avec des chaines d'airain, qu'on m'enferme dans la tour de Danaé , je romprai mes fers, Cynthie , je furcerai ma prison pour voler dans tes bras. Je n'écoute rien de ce qu'on me dit sur ta fidélité, de ton cóié ne doutes pas de ma constance. J'en prends a témoin les manes de tes parens; que leur cendre s'élève contre moi, si je t'en impose! Oui, je te serai fidéle jusqu'a mon dernifr sounir. Le même jour et le même amour nous conduiront 1'un et 1'autre au tombeau. Quand tes talcns,  ( 33 ) quand tes charmes ne me captiveraient pas, la douceur seule de mon esclavags suffirait pour me retenir. La lune a montré sept fois son disque entier depuis que notre amour est le sujet de toutes les conversatións. Ta porte n'est jamais ferme'e pour moi : tous les jours je puis partager ton lit; je n'ai pas acheté tes faveurs au poids de 1'or. Mon peu de mérite et ton indulgence ont fait mon bonheur. Tu m'as recherché , toi que tout le monde recherche. Pourrais-je n'être pas reconnois.-ant de tant de bontés? Si je chaise jamais, que les furies se chargent de mon supplice ! Qu'Éaque exerce sur moi la sévérité de ses jugemens ! Que le vautour attaché aux entrailles de Tityus tourne sa rage sur les miennes! Semblable a Sisyphe , que je sois condamné a rouler éternellement un rocher.' Cesses donc de me prier d'être fidéle; je respecterai jusqu'a mon dernier jour Ia foi que je t'ai donnée. Tel est mon caractère, Cynthie; fi je m'attache difïicileraent, je me détache plu& difficilement encore. B 6  ( 84 ) Ë LÉG TE XVII. Ce qu: vitU d'arriver d Cynthie doit lui apprendre c. ne pas icouter si légèrement les hommes qui la trompera'unt comme elle vient de Pétre. ü e de faussetés Panthus t'a écrites sur mon compte ? Pour 1'en punir, je souhaite que Vénüs ne lui soit jamais t'avorable. A present, Cynthie, tu croiras que mes oracles sont plus stirs que ceux de Dodone. Ton Adonis vient de prendre femme. Que de nuits mal payées ! Le traitre n'en rougit jas. Dégagé, il r'.t de ton abandon. Mais toi, crédule amante, te voila délaissée et la fable de ce couple nouveau. II a le front de dire qu'il ne te fréquentait qu'a ta sollicitation et a regret. Le fat cherche a se faire valoir i tes dépens : tu fais les honneurs de sa nouvelle union. C'est ainsi que MéJe'e, a été trompée par Ja-on ; 1'infidèle lui a préi'éré Créüse, Princesse d'un sang moins illustr-. C'est ainsi que Calipso a été délaissé par Ulisse qui, sous ses yeux, faisaii appareiller son vaisseau. Belles, n'écoutez pas avec tant d'avidiié des amans volagss. Apprenez a n'accorder vos fa-  ( »5 ) veurs qu avcc discernemer.t. Mais peut ètre , Cynthie:, cberchestu déja a faire un nouveau cho:x ? Ce que tu viens d'éprouver doit te garant.rM'une seconde imprudence. Eh! ne suisje pas a toi, en tout tems, en tout lieu, en santé & en nialadie ? ELÉGIE XVIII. Properce avoue a Dimophoon son penchant pour Usfcnmes et les chagrins qu'il lui occasionne : nats les rigueur* de Cynthie le déterminen, d ne plus se iivrer qu'd des beautés ru.gaircs qui lui laisseront sa tiberti. Tu sais, mon cher Mentor, que j'ai a;mé plusieurs belles en même temps, et que cette fureur m'a conté bien des chagrins. Je ne puis parcourir les rues sans danger ■ les théatres serabient faits pour ma pene. Qu'un Acfur dévelappe ies bras avec grace, que sa voix exécute des accords arabies et var és ; en Pécou tant mes yeux cherch.-nt leur malheur, ils se fixent sur une gorge découverte , Us s'attachent a des cheveux qui ne sont anêtés que par un noeud de perles et qui tombent avec néali-ence sur un front bien dessiné. Si une beauté°fière " 1'air de rejetter mon hommage, une sueur froide inonde mon visage.  C Có ) ,, Pourquoi, diras-tu , avoir lant de faibh y pour le beau scxe" ? Peut on , hélas ! rendre^ ra son de ses penchans ? Et pourquoi ce Phrigien , se déchire-t'ü le bras avec un ter sacré ? Pourquoi dans sa tureur et au son du Sistre se dépouille t'il des avantages de la virilité ? La i a:ure nous a tous creé avec un r'aible particulier. Mon défaut est un goüt désordonné pour les femmes. Envieux Démophoon, dussé-je éprouver le sort de rintbrtuné Thamyns, jamais mes yeux ne se fermeront sur le mérite du beau sexe. Mais peut-être te parais-je trop fluet, extenué, et pour ainsi riire sans étoffe ? Désabusetoi; une belle s'est toujours louée de mes exploi's. Prends des informations, tu sauras que pendant toute une nuit ma vigueur ne se dément pas. Jupiter prés d'Alcmène de deux nuits nen a fait qu'une : 1'Olympe a été tout ce temps, sans son maitre; cependant il a repris avec la même activité 1'usage de sa foudreL'Amour ne détruit pas ses forces. Eh quoi! Achille sonant des bras de Briséis ne mettaitil pas en déroute les bataillons Troyens ? Hector, quoiqu'il n'eut quitté que tard la couche d'Andromaque , Hector n'a-t'il pas porté 1'tffroi sur la flotte des Grecs? Dans les combats ces Héros étaient redoutables ; moi, je suis en amour un Hector , un Achille,  ( *7 ) Le Gel, pour être éelairé , a besoin de Ia doublé lumière du Soleil et de la Lune. C'est ainsi qu'une seule maitresse ne suffit pas pour notre bonheur. Une belle ne peut-elle me recevoir ? II taut qu'une autre m'ouvre sa porte et me prodigue ses caresses. Si la mal-adresse d'un valet a indisposé ma maitresse, il est bon quMie' sache qu'une autre femme me veut du bten et qu'elle est prête a me recevoir. Un vaisseau est arrêté plus fortement par deux cables que par un seul. Une mère tendre est plus tranquille lorsqu'elle a deux enfans. Un amant ne vous plait-il pas? Belles, fermez-lui votre porte. A-t'U touché votre cccur s Rendez vous rie bonne foi. Quel plaisir avez vous a donner de fausses espérances ? Attendre une maitresse qui manque de parole , est de tous les chagrins le plus insupportable. On sVite «lans son lit, on soupire sans cesse, on se°reFent de n'avoir pas re?u 1'enfant qui n'était pas connu de la belle. On interroge de nouveau son valet; malgré ses réponses facheuses, on lui ordonne de répéter ce qu'on a craint d'apprendre. r Un novice serait a peine excusable de se bvrer a ces recherches vulgaires. Mais 1'eau saumatre d'un lac me paraitrait douce en ce'  C 88 ) moment. Faut-il qu'un homme bien ne' paye nn esclave étranger pour 1'instruire des engagemens qu'a pris sa maitresse? Faut-il qu'il S'intrigue pour savoir dans quel portique elle se cache, ou dans quelle promenade elle a porté ses pas? Avez-vous supporté pour une femme ce qu'on appclle les travaux d'Hercule ? On daigne vous écrire. Qu!y gagnez-vons ? La Dame vous demande un éventail image de la queue du Paon orgueilleux. Malgré le froid , elle vous engage dans une partie de paume; malgré votre dépit, elle vous force a jouer aux dcz. Enfin, elle veut avoir ces tristes chiffons, que Pon étaJe dans la rue sacrée. Ces fausses dépenses me déplai ent, et j'ai honte d'ètre le jouet d'une maitresse intéressés. Pour la voir, il faut payer des gardiens avides; souvent on est prisonnier dans des recoins mal-propres. Qu'on achéte cher ui.e nuit qu'on obtient une fois dans 1'année ! Malheur a ceux qui souffrent avec patience que les portes leur soicnt fermées ! Que je préfère ces femmes, qui, le manteau retroussé, marchent ks ement d'un air libre. Elles ne sont pas entourées d'une troupe de surveillans. II est vrai qu'elles parcourent souvent la voie sacrée avec une chaus^ure en mauvais ordre. Mais, vent-on les aborder? Elles font la moitié du chemin. Puint de remise a  C 89 ) craindre; curieuse», elles ne s'infbrffleflt pas de ee qu'un père vous donne a regret. Elles ne vous disent pas : „ Je crains d'être surprise ■ „ leve^-vous , Cr me quitte^ au phuót. Que je suis „ malheureuse! Mon mari rtfient aujourd'hui de ,, hi campagne". N'ayons donc de femmes que celles que nous envoie 1'Oronte et 1'Euphrate. Je n'aime pas non plus a soullier les couches nuptiales; enfin, il est constant qu'un amant ne peut conserver sa liberté. Attachez-vous a une Femme ? De ce moment vous cessez d'étre libre. Tu vas me dire , cst-ce Properce qui parle ainsi ? Lui, qu'un livre d'amour a rendu célèbre ; lui, qui a fait coimaitre Cynthie dans tous les coins de Rome ï Quelle! oreilles ne seraient pas révolte'es de ces tristes aveux ? 11 Faut, ou se conformer aux lois de la décence, ou se taire sur de sales amours. Si Cynthie plus humaine m'eut traité avec moins de rigueur, on n.' m'accuserait pas d'ëtre 1'apótre du libertinage ; je ne sérais pas Ja fable et le scandale de Ro'ne. Toujours son chevalier, toujours fidéle en apparence , j en impo» serais aux yeux les plus clairvoians. Ne t'étonne plus, Démophoon , si désprmais ja ne m'attache qu'a des beautés vulgaire*; elles  (90 ) déshonorent moins que les femmes du haut parage. Cette raisc 1 ne te parait-elle d'aucun poids ? ELÉGIE XVIII. Nouvellt inconstance de Cynthie. Elle n'aime pas puisqu'elLe prodigue ses faveurs a plusieurs. Pour ■ lui, il aimera toujours. V Voila donc Ie retour qui devait me combler de joie! Avec tant de beauté, ne rougistu pas, Cynthie , d'être si légère ? A peine aije partagé ton lit deux ou trois fois que ma préJence t'importune. Tout-a-l'heure je t'enchantais, tu dévorais mes vers. Comment tant d'amour a-t'il disparu si promptement ? Que mon rival fasse avec moi assaut de talent et d'esprit, mais sur-tout qu'il sache comme moi n'aimer qu'une maitresse. Ordonne lui de combattre 1'Hydre de Lerne et de t'appoiter les pommes du jardin des Hespérides; fais le consentir a boire du poison; qu'il fasse naufrage , et qu'il afFronte pour toi jusqu'a la misère. Ces épreuves, je ne les era ndrai point. L'homme le plus timide devient courageux pour te plaire. Mais ce rival, que tes faveurs ont rendu si vain et si fier, ne sera pas long-temps sans fabandonntr.  C 9» ) Celle qui ilonne a plusieurs de fausses marqués de tendrësse, celle qui prodigue ses charmes a plus d'un amant, ne connait pas 1'Amour. Moi, je vivrais autant que la Sibylle de Cumes, j'aurais a supporter les travaux d'Htrcule, je toucherais aux portes de la mort, qu'on ne me reprocherait pas une infidelité. Oui, Cynthie, tu recueilleras ma cendre et tu diras : „ Foïla cequimc reste ae Properce; il n'était „ Fas ni d'ayeux illustres, sa fortune itait pc.i ,, tonsidérable i mais il m'a toujours été fidéle. „ He/as.' il m'aimait sans partage ". Je sais tout souftrir; les mauvais procédés ne me rebutent pas. Les injustices d'une belle sont toujours supportables. Tes charmes, il est vrai, Cynthie, t'ont procuré beaucoup d'amans, mais le plus grand nombre t'a abandonné. Thésée n'a été que peu de tems attaché a Ariane et Démophoon a Phyllis. Tous deux ont violé le:; lois de i'hospitalité. Médée suit Jason et s'embarque avec lui ; mais bientêt elle est abandonnée par Pépoux qui lui devait la vie. INe te fie donc, Cynthie, ni aux nobles ni aux Héros du jour. On trouve difficiJement un amant assez fidéle pour qu'il puisse recueillir nos cendres. Cet avantage, tu le trouveras en moi. Mais, que dis-je? Puissé-je mourir le premier, puissestu conduire mes tunérailles le sein découvert et les cheveux épars.!  C 9* ) Merveille de nos jours, femme unique, beautd née pour mon supplice, tu viens donc chez moi , lorsque le destin me défend d'entrer dans ta maison. O Calvus, ö Catulle, souiTrez que mes vers donnent a Cynthie plus de célébrité que n'en ont eu vos maitresses. Le soldat qui vieillk quitte les arraes et vit dans la retraite ; les b'ceufs affaiblis par 1'age ne trainent plus la charrue ; le vaisseau qui tombe en poussière ne quitte plus le rivage ; les boucliers trop fatigués restent suspendus dans les temples. Mais dusséje vivre autant que Titon et Nestor, les ans n'affaibliront pas mon amour. - Si nous étions encore dans le siècle des Ileroïnes, je serais aussi recherché que tu Tes a présent. Les mceurs du temps me font tort. Mais, malgré le siècle pervers, je ne changerai pas de conduite ; chacun doit suivre la route qui lui convient le mieux. Sans doute j'aurais été moins malheureux dans les fers d'un tyran ou dans les entrailles du taureau imaginé par Pérille ; je serais moins a plaindre si la vue de Méduse m'eüt changé en rocher, ou si li vautour du Caucase eüt exercé sur moi sa furie. La rouille rouge le fer meurtrier, un peü d'eau mine un rocher ; mais rien ne détruit un amour alfermi et qui sak souffrir et des écartó  ( 93 ) et des menaces. Maltraité par sa maitresse, on supplie; innocent, on s'avoue coupable; repoussé, on embrasse ses genoux. Toi, dont la poursuite' heureuse a fait taire 1'orgneil de Cynthie ; rival crédule , ignores-tu que les femmes n'ont pas de constance? Le nautonnier' peut-Ü toujours acquitter les vceux qu'il a faits pendant la tempête? Son vaisseau ne périt-il pas quelquefoïs dans le port? Celui qui dispute Ie prix de la course, ose-t'il Ie dêmander, avant que son char ait achevé autour de la borne son septième tour ? des vents trompeurs se jouent des amans heureux. Plus la chdte est tardive, plus elle est accablante. Aimé de Cynthie, n'en sois pas trop vain. Conrens ta joie dans le secret de ton cceur. En amour 1'indifcrétion est fatale a son auteur ; on se perd sans savoir comment. Cynthie te désire-t'elle souvent ? Ne cède que rarement a ses désirs, un bouheur qui excite 1'envie est ordinairement de peu de durée. Pour vous, Amans, qui courtisez plusieurs maitresses, que vous devez éprouver de tourmens ! Vous fréquentez et les blondes et les brunes, toutes ont des charmes pour vous. Plusieurs s'habillent a la Grecque, d'autres i la Rdtaaine; ces deux parures vous charment égaleinent. Que votre belle soit d'un sang noble*  C 94 ) qn'elle soit née dans la roture , peu impofte ; elle sera la source d;s plus grands maux. Si une fomme suffit pour troubler notre repos, n'en prenons qu'une et notre charge sera encore assez lourde. ELÉGIE X X. Sonpe ou il voit Cynthie prére a pêrir dans la mer: il oTre de voyi~rer avec elle, et lui pro'net la faveur des Dieux. J' a i vu en songe ton vaisseau brisé par la tempête : je t'ai vüe, Cynthie, luttant co'Ure les flots de la mer Ionniene Tu avoua's alors les intrigues que tu m'avais cachées ,■ tes cheveux moüillés et collés sur ta tête te permettairnt a peine de la lever. C'est ainsi qu'Hellé voyageant sur le dos du bélier a la to:son d'or a été battue par les vagues. Que j'ai craint que tu ne donnasses ton nom a la mer Ionniene ! Le ■voyaseur en la traversant aurait déploré tatriste destinée.Quels vceux n'adressai-je pas a Neptune, & Castor, a Pollux, a vous ausez qu'il en reste une sur la terre. N'avez-vous pas lole, Tyro , Europe et la coupable Pasiphaé? N'avez-vous pas ce que llonnie, l'Achaïe, Thèbes, Troye qui n'est plus et Rome elle-même Ont produit de plus beau ? Hélas! les flammes avides du bücher les ont toutes dévorées. Ni la beauté ni le bonheur nesontde longue durée. La mort nous attend tous ou plutöt ou plus tard. Mais, Cynthie , pui?que tu as e'chappé a un grand danger, consacre tes chants a Diarie ; c'est un tribat qui tu lui dois. Rends auifl è Isis les nuits que tu lui as promises , et n'oublies pas les dix qui me sont réservées.  ( ioi ) ELÉGIE XXII. Rencontre d'une troupe d'amours qui conduit Properce chet Cynthie; muis commeil était jour et que cellt-ci l'avait attendu toute la nuit, elld se Live et Lui fait défendre sa porte. L premier principe des choses ? Que te sert la lecture des veis savans de Lucrèce? Hélas ! Le Patriarche des Philosophes eft de peu de refiource dans les grandes passions. Tu tireras, Lyncée , plus de profit des poésies de Philétas et des agréables rêveries de Callimaque. II ne te convient plus de raconter la disgrace d'Achéloüs vaincu par Hercule, ni  C "3 ) de décrire Ie cours trompeur du Méandre qui se replie sur lui-même et se joue dans les plaines qu'il a parcourues. Nouvel Arion, chanterastu la victoire d'Adraste dans les jeux qu'on célèbre en 1'honneur d'Archémore , le char d'Amphiarus englouti dans un abime, ou Capanre foudroié par Jupiter qui s'applaudit de son triomphe. II faut, Lyncée, il faut abandonner le genre héroïque et prendre un ton moins élevé ; il faut, te relTerrant dans un cadre plus étroit, ne plus peindre que de tendres amours. Homère ou Antimaque seraient pour toi de mauvais modèles; une jeune fille fait peu de cas de tous les Héros. Le taureau indocile se soumet au joug, lorsqu'oa s'est assuré de lui par de forts liens. Disposé a te revoiter contre l'amour, nous dompterons malgré ta résistance ton humeur farouche. Mais les belles s'embarassent peu de 1'ordre et de la marche du monde; elles ne s'inquiétent pas des chagrins de la lune, lorsque la rencontre du char du soleil éclipse sa lumière ; enfin ,peu leur im> porte de savoir si après la mort il refte quelque chose de nous, et si lorsqu'il tonne, c'eft Ju« piter qui dirige la foudre. Vois, Lyncée, quel eft mon sort. Je n'ai recu de mes pareus qu'une fortune modique;  C "4 ) mes ayeux rTont pas obtenu les honneurs du triomphe ; cependant, admis a la table des belles, j'y règne en souveraio. Je dois eet avantage aux talens que tu as dédaignés', Pereé des traits que ramour lance d'une main süre, je repose mollement sur ks fleurs qui la veille ont orué ma tête. Virgile seul peut chanter les combats livrés paria rlotte d'Augufte prés des rivages d'Acdum protégés par Apollon. Ce grand poète célèbre aujourd'hui les exploits d'Énée fondateur des murs de Lavinium. Auteurs Grecs ou Latins n'osez pas lutter contre lui : il va nous donner quelque chose de plus grand que Vlliade. Cependant Virgile avait peint les doux loisirs de Tyrcis couché a Pombre des pins , et les chagrins de Daphnis qui brise son chalumeau. Il nous a appris comme on gagne une jeune rille en lui donnant des fruits et un chevreau rióüvèllemëdt sevré. Heureux Mélibée ! Tes présens obtiennent un cccur qu'on fefuse aux doux accords de Tityre. Corydon encore plus heureux touche Alexis quijusque la avait fait les délices de son maitre. Après avoir quitté le chalumeau des bergers , Virsj.ile n'a pas cessé d'être l'amour des Hamadryades. II nous a retracé les préceptes quTIé-  ( '*5 ) siode a donnés sur la culture; il nous a enseigné Tart qui fait verdir les blés dans les plaines et les vignes sur les cöteaux. Ses vers ont le charme et 1'harmonie des sons qui sortent de la lyre d'ApoIlon. Mes ouvrages seront recherchés des lecteurs, soit qu'ils aient sacrifié a Famour, soit qu'ils aient méconnu son empire. Malgré les cris aigus d'un oison ftupide , le cigne de Mantoue n'a pas rendu des sous moins élevés et moins mélodieux. Varron , après avoir composé le poème de la toisón c'or, a fait des élégies et a chanté sa passion brükinte pour Leucadie ; le voluptueux Catulle en peignant Lesbie a rendu sa beauté plus célèbre que celle d'Helène; 1'élégant Calvus s'est servi des mêmes pinceaux pour déplorer la mort de 1'inFortunée Quintilie ; Gallus, le malheureux Gallus qui lave ses blessures réc'entes dans les eaux du Stix, a peint des mêmes couleurs les charmes de Lycoris. Cynthie , si la renommee me place au rang de ces poètes aimables, mes vers, illultrant ton nom, lui assureront l'kumortajité. Fin pu se co nd L ivr. s.  C n5 ) ÉLÉGIES DE PROPERCE. L I F R E TROIS IEME. É L È G I E L Properce s''applaudit d'avoir introduit un genre de poésie inconnu aux Romains. Malgré ses détracteurs et ies envieux , il se promet Vimmortalitè et la promet a sa maitresse, Callimaque, ombre sacrée de Philétas, permettez-moi d'entrer dans les bois que vous fréquentez. Ministre attaché a une source pure, je suis le premier des Romains qui ait joint a nos orgies les chceurs des Grecs. Dites-moi dans quelle retraite vous avez poli tos ouvrages, quel a été le mode que vous avez choisi et dans quelle source vous vous êtes abreuvés. Que d'autres se plaisent a chanter les combats, moi je ne veux composer que des vers doux et légers. Cet art me distingue et ufélève au dessus des autres; ce genre de poésie que j'ai créé me vaut les honneurs du triomphe. Sur mon char est un groupe de petits amours; a ma suite est une foule d'imitateurs : rivaux de ma gloire, vous faites de vains efforts pour m*at-  (tl?) reindre ; Ia route qui conduit au tempte de mémoire est étroite et glissante. Rome , des écrivains sans nombre consacreront ta gloire dans nos annales ; iis publieront que la Bactrienne va devenir la limite de 1'Empire. Mais les vers faits pour occuper tes loisirs de Ia paix, ces vers dérobés aux neuf sceurs, anivent dans ton enceinte par une route jusqu'alors inconnue. Muses, ceignez ma tête avec une couronne de fkurs ; une autre moins tendre blesserait mon front délicat. Des envietix me dérobent une partie de ma gloire, mais Ia mort m'en dédommagera avec usure. La postérité venge les morts et agrandit leur renomme'e : nos noms e'chappés du tombeau se répandent et paraissent avec plus d'éclat. Sans les poètes, qui connaitrait les murs tombés aux pieds du cheval de bois, le héros qui a lutté contre te Scamandre, 1'Ida et le Simoïs berceau de Jupiter, Pïector trainé trois fois aurour des murs de Troye, Déiphobe Héienus et Polydamas e'chappés au fer des vainqueurs? Piris, le célèbre Paris serait tout au Plus connu dans la ville qui Pa vu naitre. Uion, a peine parlerait-on de toi, quoique tu aies succombé deux fois sotis tes armes d'Hercule. Homère,q'ji a chanté ta rnine et tes malheurs, ne voit il pas fa renommée s'accroitre d'a^e 'en age ?  < n8 ) Rome pariera de moi dans les siècles !eS plus recplés ; cette gloire m'attend lorsque je re serai plus. Mes cendres ne reposeront pas sous une pierre méprisable, j'y ai pourvu et le Dieu des vers avcue mes espérances. Reprenous donc la lyre et que Cynthie reconuaisjse des accords qui ont charmé son oreille. On dit qu'Orphée trainait a sa suite les hötes des forêts et que les fieuves suivaiênt les accens de sa voix. Les pierres animées par les sous de la lyre d'Araphion, ont été se placer d'elles-mémes et former la ville de Thêbes. Galathée, la sauvage Galathee conduisait ses chevaux marins au pied de Phorrible iEtna pour entendre les chansohs de PoJyphème. S'étonnera-i'on encore que nos belles se plaisent a entendre les vers d'un favori de Bacchus et d'Apollon ? Ma maison n'est pas soutenue par des colonnes de marbre; Tor et Pivoire ne brillent pas sous mes lambris; mes vergers n'ont pas 1'étendue d'une forét; des canaux dispendieux -n'apportcnt pas 1'eau dans ma retraite ; mais j'en•tretiens commerce avec les Muses, mes vers plaisent a ccux qui les lisent. Calliope est fatiguée des jeux qui embrassent le cercle de mes jours. Heureusë la maitresse que mes vers ont rèridue célèbr'e! Mes écrits sont uu monument élevé a sa gloire.  C 119 T Les Pyramides baties a grands frais et qui touchent-le ciel, le temple d'Élée consacré a Jupiter et qui réprésente son palais, les Mausolées, monumens de 1'orgueil (les mortels , sont en butte a Finjure des ans; i!s sont sujets au ravage du feu et des eaux ; !e poids des anne'es les affaisse et ks détruit : mais le tems ne peut rien sur les productions du génie ; eltes ne périssent pas , kur gloire est éterneüe. ELÉGIE II. Songe pendant leque'. il voit Apollon et Calliope. Le premi. r tui cpnseïlli de ne pas embouchtr la trompette héroïque et l'autre Vengagt a continuer ses chants. Jr. rêvais que fétais sur 1'Hélicon et couché mollement a Pombre sur les bords de la souree que Pegase a fait jaillir d'un coup de pied. Je me flattais que ma voix aurait assez de ibrce pour chanter les Rois d'Albe et leurs exploits; déja j'apprcxhais mes lèvres de la source féconde dans laquelie Ennius a pnisé avec tant d'abondance. Ce poète a chanté le combat des Horaces et des Curiaces, le triomphe de Paul Emile et les dépouilles rappcrtées sur sa flotte , Pinactioa heureuse de Fabius, la défaite d»  ( 120 ) Cannes, les Dieux appaisés et combattans pour les Romains, Annibal ibrcé de quitter Fltalie et le capkole sauvé par le cri des oies. Apollon appuié sur sa lyre et couché sous un laurier a rentree de la demeure des Muses, m'appercoit et me dit : Insensé ! quel égare„ ment te porte a puiser dans cette source ? >, Qui t''a chargé d'entreprendre la taehe péni„ ble du vers héroïque ? Dans cette carrière „ nouvelle n'espère pas de gloire ; ton char trop „ fsible ne peut rouler que sur un tendre ga,, zon. Si tu veux que tes onvrages passent de main en main et soient lus par les jeunes fil„ les, ne sors pas du cercle que tu fétais tracé. Consultant ton génie, ne vas pas au dela de ,j ses forces. Ta barque se a en süreté, si, ,, une de tes rsmes touchant la terre , 1'autre ,, sillonne les eaux. La pleine mer ofFre trop „ de dangers ". Apollon se tait; avec son archet il m'indique 3'endroit oü je dois aller. C'était un sentier nouvellement tracé sur un sol couvert de mousse. I.a est une grotte tapissée de verdure et garnie de coquillages. A la voute sont su^penrius des tambourins ; on y voit les statucs des Muse' et celle de Silène faconnées avec de Pargile; Pan, on y remarque ton chalumeau. Des colombes, oiseaux que je ch ris et qui sont consacrés a la  C 121 ) la Déesse que je sers, trempent leurs becs pourprés dans 1'ÏIippocrène. Les neuf sceurs , qui se sont partagé le Parnasse, gardent chacune leur canton et préparent ■ les présens qu'elles distribuent a leurs favoris. Celle-ci cueille du lierre pour en garnir les thyrses, celle-la marie son chalumeau avec la lyre, une autre fait des couronnes de roses. Calliope, car a ses traits j'ai cru la reconnaitre , Calliope m'aborde et me dit : IN'attèle a ton char que des ci,, gnes. Que les hennissemens du cheval ne t'ins,, pirent jamais l'amour des combats; garde-toi ,, d'emboucher la trompette guerrière et n'as,, semble pas des bataillons autour de nos bos„ quets. Que t'importent les champs oü Marius a donné le signal du combat, oü les armées „ Romaines ont détruit la puissance des Teu„ tons ? Laisse le Rhin teint du sang des Suè„ ves rouler tristement leurs cadavres. Mais ,, peins nous les amans, qui, couronnés de fleurs, ,, assiègent la porte de leurs maitresses; laisse „ entendre les aboiemens des chiens, signe fa„ tal d'une honteuse retraite. Que ton art ap„ premie aux belles a se délivrer de leurs Pri„'sons, et a tromper la vigilance de leurs gar- diens impitoyables ". Après ces mots, Calliope trenipe ses mains dans la source et m'arrose avec la même eau dont elle avait couvert Philétas. F  C 121 > ELÉGIE III. 11 annonce les conquêtes que va faire Aupustt. Heureux sptctateur de s#s triomphes , ilse borne a suivre les drapeaux de l'amour. Lorsque ses feux stront éteints, il se livrera a l'étudt de la philosophie. A iiobste se dispose « combattre les riches Indiens. Ses vaisseaux vont traverser la mer qui produit les pierres précieuses. De grands trésors seront le prix de cette expéJition. Cette extrêmité de la terre lui prépare un nouveau triomphe : et le Tygre et 1'Euphrate vont couler sous ses lois. Les Suèves rendront hommage a nos faisceaux et les Parrhes s'habitueront a respecter la foudre de notre Jupiter. Flottes victorieuses, partez et déployez vos forces. Escadrons inviucibles , rapportez nous encore de riches dépouilles. J'ose garantir vos succès; vous vengerez Ia défaite de Crassus. Marchez donc et que de nouvelles victoires embellissent nos frites. Dieu des combats, et toi, Vesta , dont Ie feu sacré règle nos destins, faites que je sois Pbeureux témoin de ces nouveaux triomphes; que. je voie le char d'Auguste chargé des dépouilles des peuples vaincus, et que les applau-  C 123 ) dissemeus du peuple le forcent souvent de s'arrêter. Moi, penché sur le sein de la belle Cynthie , j'admirenu ce grand spectacle, je iirai les noms des villes conquises et je verrai J«s arroes rompues de 1'Indien soumis et du Parthe fugitif: leurs chefs chargés de chaines seront exposés aux regards sous des trophées. O Vernis ! conserve le sang de ta familie et qu'Auguste vive un siècle ; il est le dernier rejetton des descendans d'Énée. Que le plus riche burin soit la récompense de ceux qui 1'auront acquis par leurs travaux; pour moi j'applaudirai les vainqueurs, lorsqu'ils passeront dans la voie sacrée. L'Amour règne pendant la paix ; la paix est le vccu de tous les amans. C'est assez pour eux d'avoir a combattre les rigueurs d'une maitresse. Mon cceur n'est pas dévoré par 1'indigne passion des richesses. Je n'ai pas 1'ambition de me désaltérer dans des coupes enrichies de riiamans. La charrue ne sillonne pas pour moi mille arpens de terre dans la Campanie. Corinthe, je ne prétends pas orner ma maison de vases précieux dus a ton malheur. . En paltrissant le limon dont 1'homme a été formé, Promethée n'a pas prévu 1'imperfection de son ouvrage; Ie corps faconné, il n'a pas pensé a 1'ame : c'était le soin qui devait 1'ocF 2  C 1:4 ) cupcr plus particulièrement. Jetés sur ur.e nier agitée, nous sommes le jouet des vents. Nous cherchons sans cesse des ennemis ; une guerre linie est la source d'une nouvelle guerre. Insensés ! Vous ne porterez pas vos richesses sur les bords de 1'Achéron. On descend nu dans Ia barque fatale. Le vainquenr de 1'Inde sera confondu avec le vaincu. Jugurtha fait captif par Marius se trouve a ses cötés. La, il n'y a plus de dill'érence entre le riche Crésus et 1'indigent Irus. La mort la plus hcureuse est celle qui vient lorsqu'on la désire. Je me sais bon gré d'avoir fréquente" 1'Hélicon dès ma tendre jeunesse et de m'être associé aux amusemens des Muses. J'aime a noyer mes soucis dans Ie vin, j'aime a voir ma tête couronnée de fleurs. Lorsque 1'Sge avancé aura tari la source des plaisirs, lorsque ma tête se couvrira de cheveux blancs, alors je scruterai les secrets de la nature ; je chercherai a connaitre la main puissante qui gouverne le monde et le principe de la lurnière, soit que le soleil brille sur 1'horison , soit qu'il se cache sous les flots; enfin, je ne m'instruirai des raisons pour lesquelles la Lune dans le cours d'un mois ne montre qu'une fois son disque parfaitement arrondi. Je saurai encore pourquoi les vents ïèjjnent sur Ia mer, quel est leur pouvoir pour  C «25 ) faire des nues un réservoir d'eau intarissable. Le monde doit-il un jour être détruit? Iris si richement vêtue s'abreuve-t'elle des eaux de la pluie? Qui a ébranls Ie Pinde jusque dans ses fondemens ? Qui rend si obscur le visage et ie char du soleil ? Pourquoi le paresseux Boetes quitte-t'il si tard Pho rison ? Pourquoi les orages sont-ils le cortège ordinaire des Pléyades? Pourquoi la mer en furie ne sort-elle pas de ses limites ? Enfin, pourquoi Pannée n'a-felle que quatre saisons distïnctës? Telle sera Toccupatiou de ma vieillesse. Je m'attacherai encore a connaitre si les Dieux commandent dans les erifers, si les géants y sont punis , si Tisiphone a une chevelure hérissée de s'erpens', si Alcméon est obsédé par les furies, si des harpies dévorent les viandes préparées pour Phinée, si Ixion tourne sur une roue, si Sisyphè roule un rocher , si Tantale au milieu des eaux est tourmenté par la soif, si Cerbère gardïen des sombres bords porte trois têtes, si neuf arpens de terre ne suffisent pas pour contenir le corps de Tityus. Les supplices des grands coupables sontils des fables imaginées pour contenir le peuple crédule ? Avons-nous quelque chose a craindreau dela du trépas ? Voila les recherches qui m'occuperont dans mes dernières années. Pour vous , qui préférez a Pétude la gloire des arüïes, partez et rapportez nous les étendsrts enlevés a Crassus. ■ F3  ELÉGIE IV. Dialoguc aan Properce Cr Lygdamus esclave de Cynthie. II rouie sur la querellt qu'il y a eu entre les deux Amans. P r o p e r c e. I n s t r u i s - moi avec sincérité des sentimens de ta maitresse : cette confidence, Lygdamus, peut te valoir un jour la liberté. Ne cherche pas a m'enivrer de joie par un faux rapport. Ne me trompe pas en me disant ce que je puis désirer. Songe plutót qu'on doit être historiën fidéle , et que cette tache est le devoir d'un esclave aux risques même de déplaire. Explique-toi donc franchement, et, si tu es instaat de quelque chose, raconte-la dès son origine ; je te pré terai 1'oreille la plus attentive. As-tu vu Cynthie en pleurs et les cheveux en dcsordre ? Ses yeux fondaient-ils en eau ? Couchée sur son lit, a-t'elle oublié de demander son miroir ? Ses belles mains étaient-eiles •sans bagues et sans bijoux? N'était-elle couverte que d'un deshabillé sans art et sans prétention ? Son écrin est-il resté au pied de son lit sans ctre ouvert? Sa maison avait-elle un air de deuil? Ses femmes en travailla.it partageaient-  elles sa tristesse ? Eile-même filait-elle avec «n air disrrait ? Sa laine a-félle servi a essuyer ses larmes V Enfin, fa-felle fait avec amenume le récit de notre querelie ? L Y G D A M U S. Est-ee-la, m'a dit Cynthie, est-ce-la le traitement que je devais attendre d'un homme »j qui m'a donné sa foi en ta présence ? Mais >> on ne se fait pas scrupule de violer de pa55 reils sermeiis. Properce me quitte sans qu'il >, puisse m'imputer lemoindre crime. II me quitte , s) et jamais femme n'a moins mérité eet affront. », Le cruel se plait a me laisser dans mon lit ,) seule et dévorée de chagrins. Hélas! il veut „ ma mort, et bientót il pourra outrager mes ., nrines. Ma rivale ne 1'emporte pas sur moi „ par son mérite, mais par ses enchantemens ; „ la force de quelque rouet magique arrête mon. amant ; Ie venin d'uncrapaud bouffi, des cen., dres et des ossemens tirés d'un bücher,' des „ plumes de hibou , des bandelettes de laine ,, ramassées sur des tombeaux ; voila les liens „ qui 1'enchainent et 1'attachent a un autre lit. ,, Si mes songes ne m'abusent pas, je te pro„-mets, Lygdamus, que ma vengeance pour „ être tardive n'en sera pas moins assurée. Les „ araignées dégoutantej s'établiront bientót et F 4  C M ) „ fileront dans leur lit abandonné. Pendant la „ nuit, Vénus endormie leur refusera ses plaisirs. Properce. Si les piaintes de Cynthie partent d'un cceur sincère , cours, Lygdamus, et revole auprès d'elle. Va lui annoncer mes regrets et mes larmes ; dis-lui que dans ce que j'ai fait il n'y a pas eu d'artifice , mais du dépit. Je suis prêt a luijurer que je brüle pour elle des mêmes feux et que je lui suis resté fidéle, quoique j'aie été douze jours sans la voir. Si, par ton entremise, la paix succède a un si violent démélé, sois sür j Lygdamus, que j'obftendrai ta liberté.  C 129 ) ELÉGIE V. Naufrage et mort du jeune Pottus. Sortie contre Famoir des richesses qui a fait braver les dangers de la mer et qui a ouvert une nouvelle pont d la mort. Source des peines de la vie, maudit argent, pour t'acquétir ou avance la fin de ses jours. Cfcft toi qui donnés a nos vices un aliment perfide ; tu fais germer la semence de tous les maux. Pcetus courant après la fortune fait voile pour PEgypte : englouti avec son vaiffeau par les vagues en furie, il meurt dans son printen». Victime dévouée a ia fureur des vents , ii ell sous un ciel étranger la pature des poissons ; mais avant que les flots eussent étouffé sa voix, il a fait entendre ces tristes accens. „ Dieux de Ia mer Egée, vents irrités, va„ gu.es tumultueuses qui vous rassemblez sur ma „ tête , ou porterez-vous un malheureux qui „ meurt a la fleur de son age ? Mon corps scia- t'il attaché a ces rochers, tripte retraite des „_. Alcions ? Neptune ne s'est-il armé de ion „ tririent que pour me perdre ? Si • du moins ia tempéte jettait mon corps sur Jes rivages „ de rltalie; si ma mère pouvait recueillir roes F 5  c ; 11 cendres , je serais moins a plaindre...." Pcetus parlait encore, une vague 1'enveloppe, l'engloütit et le fait disparaitre. Tels ont été ses dernières paroles et son dernier jour. Pcetus, pourquoi rappeller ton jeune age? Pourquoi t'occuper du souvenir d'une tendre mère? Les Dieux de 1'onde sont sourds a tes piaintes. La tempête qui s'eft élevée pendant la nuit a coupé les cables qui tenaient ton vaisseau attaché aux rochers. Eloignée de toi, ta mère ne pourra te rendre les derniers devoirs ; elle ne portera pas tes cendres sur le tombeau de tes ancêtres; a présent les oiseaux de la mer se reposent sur ton cadavre et les gouffïes de 1'Océan seront ta sépulture. Effroi d'Orythie que tu as enlevée, cruelBo. rée , quel bien t'a fait la perte du jeune Pcetus ? Neptune, pourquoi te réjouir du naufrage d'un vaisseau qui portalt des hommes religieux? Troupe nombreuse des filles de Nérée , et toi, Thétis» toi qui a connu famour d'une mère, pourquoi n'avez vous pas soutenu un corps appésanti par les vagues? Un fardeau si léger n'eut pas fatigué vos mains délicates. Portez du moins son corps sur le rivage; qu'un peu de sable couvre un malheureux étouffé dans vos gouffres. Le paffager qui verra son tombeau, pourra se dire: Cette tombe accu/e nette témérite.  ( '3' ) Partez, montez sur vos vaisseaux et frayez une nouvelle route a la mort. L'induitrie hümaine s'est forgée un nouvel ïftfirnment de destruction. C'était peu que la terre offrit desdangers,nous y avons joint ceux de la mer. Notre art a doublé la somme de nos maux. Une ancre retiendra-t'elle celui qui n'a pu être retenu par ses Dieux Pénates? Quels maux ne mérite pas 1'ingrat.qui ne se contente pas des bieus que lui offre sa patrie? En ouvrant a 1'avare le sein des mers, la fortune lui tend un piège; pour s'assurer plutöt de son héritier, il ne se contente pas d'af1'ronter une fois les vagues : le trésor qu'il a amassé est le patrimoine des vents. Rarement un vaifTeau compte beaucoup d'années, • il n'eft pas même en süreté dans le port. Les rivages de 1'Aulide sont témoins des chagrins d'Agamem» non. Arginus qu'il aime tombe dans la mer et s'y noye. La mort de ce jeune homme retarde le départ de la flotte qui ne part ensuite qu'après Ie sacrifice d'Iphigénie. La Grèce eft-elie victorieuse ? A son retour les vaisseaux se brisent contre les écueils de Capharée. La Grèce entière semble être ensevelie sous les eaux. Ulisse pleure suceessivement laperte de ses compagnons. Son adrelTe cesse de lui être utile sur un élément perfide.  C '32 ) Une nuit désastreuse a donc enlevé Pcetus sur un vaisseau fragile ; pour le perdre , tous les maux se sont assemble's sur sa tête. Il n'a pu soutenir le bruit de la tempête ni le sifflement des cordages. Ses mains délicates n'étaient pas exercées a une manceuvre pénible. Qu'il eut été heureux d'être couché sur un lit de bois de cèdre! Qu'il eut été heureux de reposer sur un tendre duvet! Hélas ! les flots soulevés ont ouvert sous lui un abime et Vóat enseveli tout vivant. Content de son petit domaine, s'il eut cultivé ses champs, s'il eut écouté et suivi mes conseils, il vivrait encore et serait a table sous les yeux de ses Dieux Lares. Sans être riche, il occuperait un coin de terre oü rien ne 1'affligerait. Cruel Aquilon, tu ne soufileras jamais sur mes voiles. Ami des doux loisirs , je trouverai la mort a la porte de ma maitresse.  C 133 ) ELÉGIE VI. Les emportemens de Cynthie étant la preuve de son amour, Properce se fèlicite de tes avoir èprouvés. C^) ub la.querelle que tu m'as faite a la fin du souper m'a été agréable! Que tes reproches et tes injures avaient de charmes ! Echauffée par ta colère et par le vin, tu frappais la table. Ta main égarée me jettait a la tête des coupes remplies des dons de Bacchus. Dans eet accès de fureur, que ne m'as-tn arraché les cheveux, ensanglanté le visage avec tes belles mains, brülé les yeux , déchiré mes habits et mis a nu ma poitrine! Ces écarts eussent été autant de preuves de ton amour. Sans un attachement véritable , une maitresse n'éprouve jamais une frénésie semblable a la tienne. La femme passionnée vomit les injures et les malédictions, elle se roule aux pieds de la statue de Vénus, elle appelle autour d'elle la troupe de ses esclaves, elle court les champs comme une bacchante en fureur. Souvent des songes extravagans la mettent hors d'elle-même ; le portrait d'une jeune fille suffit pour exciter sa colère. Le trouble de son esprit est 1'annonce de sa passion; on ne peut méconnaitre les ef« fets d'un amour violent.  'c 134} Ne comptez pas sur 1'attachement dline maitresse qu'une infi-déHté ne met pas en fureur. Puisse une femme insensible être le lot de mes ennemis! Moi, je veux que mes compagnons voient sur mon cou les marqués de la colère de ma maitresse ; je veux que ma paleur marqué 1'excès de mes travaux. J'aime a me plaindre ou a entendre des piaintes; j'aime a voir couler les larmes de ma maitresse ou les miennes ; J urne a voir échapper des secrets qu'on voulait temt cachés, et sur lesquels onme recommandait le Wence. Je haïs ces galans dont le sommeil n'est jamais interrompu par des soupirs. Pour moi la crainte d'une maitresse irritée me tient toujours en haleine. Lorsque la Grèce redemandait He'lène et s'armavt pour la rendre a son époux , les plaisirs du ravisseur étaient plus vifs et plus piquans. Pendant que les Grecs combattent avec acharnement, et que le vaillant Hector leur résiste, Paris livre de tendres assauts a la beauté" qu'il a séduite. Moi, je veux être toujours en guerre avec Cynthie, ou combattre mes rivaux. Avec elle, ou pour elle, jamais de paix ni de trêve. Rome n'a pas de beauté qui puisse être ta rivale. Si elle en poffédait, que tu aurais a souffrir! Jouis donc de ta gloire, Cynthie, et sois fiére de ton triomphc. Pour toi qui as cberché a me supplanter, puisses-tu trouver une femme dont.  ( 135 ) le père ne cesse jamais de vivre et qui te donne une maratre ! Si Cynthie a la dérobée t'a accordé quelques faveurs, sache que tu les dois a son dépit, et non a son amour. ELÉGIE VII. 11 s'excuse auprès- de Mécènes de cc qu'il ne j'occupe pas d'ouvrages plus sérieux que des Elégies. Cu evalier Romain et descendu des Rois de 1'Étrurie, Mécènes , toi qui sais te reflërrer dans de sages limites, pourquoi veux-tu me jetter dans le vaste Océan de la littérature ? De grandes voiles ne conviennent pas a mon faible esquif; il me serait honteux, & tu ne le veux pas, que me chargeant d'un lourd fardeau, je pliasse sous le faix et succombasse sous une tache trop forte. Les mêmes travaux ne conviennent pas a tous les génies ; on ne parvient pas a une grande renommee par le même chemin; les Poètes sur le Parnasse ne sont pas tous a la même hauteur. La gloire de Lysippe est de donner la vie au marbre qui représente des figures humaines; celle de Calamus est de rendre la force et 1'ardeur des chevaux. La Vénus d'Appelle lui a assigné le premier rang parmi les peintres; mais  C 136 ) les tableaux de Parrhasius ne sont pas sans mérite. Mentor n'emploie que des f'ormes larges et grandes, mais Myos sur une coupe fait serpenter avec grace une légère Acanthe. Le Jupiter de Phidias incrusté d'ivoire est un chefd'ceuvre de sculpture ; mais Paros se glorifie des ouvrages de Praxitèle. Dans les jeux OlymPiques , celui-ci se fait un nom par son adresse a manier les chevaux, celui-la par la force et la légèreté de sa course. Les uns se distinguent au barreau , les autres dans les camps. Chacun fait valoir le talent qu'il a recu de la nature. Moi, qui ai gouté tes sages conseils, je dois par ma modération chercher a te snrpasser : Tu pouvais aisément obtenir 1'honneur des fakceaux et dicter des lois dans le sénat ; tu pouvais aller combattre les Mèdss belüoueux et rapporter dans ton palais les armes des peuples vaincus. Auguste t'accorde tout ce que tu désires, il te combie de ses bienfaits ; mais tu redens sa main libérale : fuyant 1'éclat , tu cherches 1'ombre et tu vis dans la retraite. Malgré la faveur des vents, tu repb.es tes voiles; une conduite aussi réservée t'égale aux Camiiles : ton nom sera aussi connu que celui des plus célèbres Romains. Associé a la gloire de César, tu marches prés de lui. Ton attachement pour ce Prince t'élève un trophée immortel.  C 13? ) Ma barque fragile craint d'affronter une mer orageuse ; elle se tient sur les eaux paisibles d'un fleuve. Cadmus, je ne chanterai pas le désastre de la Ville que tu as batie ni le combat des deux frères victimes 1'un de 1'autre; je ne célèbrerai pas la chüte de la porte Scée, les remparts ouvrage de Neptune et d'Apollon , le retour des Grecs après dix ans deliège, la chüte de Troye aux pieds d'un cheval de bois, ni les sillons tracés sur ses tristes ruines. II me snffit de suivre les traces de Callimaque et de Fhilctas, et d'obtenir quelque faveur en imitar.t leur badinage. Puissent mes vers êye fêtés par les jeunes filles et les jeunes gsrgors! Puissent-ils m'élever des autels et m'honorer comme un Dieu l Cependant, si tu me 1'ordonnes, Mécènes, j'oserai manier la foudre de Jupiter; je peindrai 1'audace des Géants , Cée qui menace le Cicl et Oromédon éciasé sous des monts entassés. Je ferai voir la charrue tracant 1'enceinte de la Ville oü sont a présent nos palais, et les mürs de Rome atfermis par la mort de Rémus; je chanterai les deux enfans de Mars aüuités par une louve. Guidé par toi, mon génie oscra tout entreprend'.e. Je suivrai le char de César qui a triomphé des deux mordes, et je publierai la défaite des Parthes dont Part est de combattre en fuyant, la ruine de Péluse succombant sous nos armes et la fuite d'Antoine réduit a se donner la mort.  C 138 ) • Protecteur de ma jeunesse, Mécènes, ne retire pas la main qui m'a soutenu : donne !e signal, et sous eet auspice favorableje me laucerai dans la carrière. Si j'ai quelque gloire, elle est ton ouvrage. Je dois ce que je suis a la docilité qui m'a fait suivre tes conseils. ELÉGIE VIII. Properce célèbre le jour de la naissance de Cynthie. J'étais étonné de ce qui me procurait si matin la visite des'Muses ; le soleil dorait a peine l'horizon, lorsqu'elles ont paru au pied de mon lit. Elles m'annoncent le jour de la naissance de Cynthie et donnent trois fois en battant des mains les signes les plus favorables. Que ce jour soit sans nuages, que les vents se taisent, que la mer appaisée cesse de gronder. Dans un si beau jour on ne doit pas trouver de malheureux. Le rocher de Niobé cessera de pleurer, les Alcyons suspendront leurs tendres piaintes, Progné ne déplorera pas la mort de son fiis. Toi, qui es née sous les astres les plus favorables , lève-toi, ma Cynthie , et commence la journée par des vceux adressés aux immortels. Quand le b»o aura dissipé les vapeurs du som-  C Ï39') meil, tu t'occuperas du soin de ta parure ; ayes attention de mettre la robe que tu portais le jour qui a éclairé ma défaite. Ome ta tête de fleurs et prie les Dieux de conserver une beauté qui fait ta gloire. Demande leur encore de rendre éternel 1'empire que tu as sur moi. Lorsque les autels couverts de fleurs auront été purifiés avec 1'encens, lorsque les lumicres répandront dans la maison leur 'vive clarté , alors on se livrera aux plaisirs de la table. La nuit se passera en fêtant Bacchus. On prodiguera les parfums : les danscs répétées fatigueront le joueur de flüte. Les propos libres et malins de ma Cynthie aiguiseront [uos plaisirs. Un tumulte agreable ne permettra pas de fermer les paupières; le bruit de notre vive orgie trou» blera le repos du voisiuage. Nous interrogerons le sort, nous jetterons les dez pour savoir qui de nous deux famour a blessé plus profondément. Lejeu sera prolongé pendant la plus grande partie de la nuit, et le reste sera consacré aux doux mystères de Vénus. Le partage de ton lit, Cynthie, couronnera cette fête. C'est ainsi que nous passerons 1'heureux jour qui t'a donné la naissance.  C 40 ) ELÉGIE IX. 11 exeuse son amour pour Cynthie par les exemolcs des faiblesses des Dieux, des héros et des 'plus grands hommes. L'amour d' Antoine pour Cliopdire lui fournit Voccasion de rappeller les vietoires d'Au-uste. Pourquoi t'étonnsr qu'une .femme me tourmente, m'enchaine et me tienne soumis a sou empire? A tes yeux je suis un lache ; ne pas rompre ma chaine te parait un crime. Mais, mon ami , le pilote expérimenté prévoit que Ja nuit sera moins orageuse ; le soldat couvert de blessures prend des précautions pour s'en garantjr. Jeune et présomptueux j'ai pensé comme toi. Aujourd'hui mon exemple doit t'inspirer une crainte salutaire. Médée, e'prise de Jason, et pour lui faciliter la conquête de la toison d'or, a mis sous le joug des taureaux qui vomissaient des Hammes ; elle a semé la discorde entre les guerriers enfantés par la terre; elle a ferme les yeux du dragon qui n'avait pias encore connu le sommeil. Montée surun clieval, 1'intrépide Per.thésilée ose attaquer les Grecs ; elle est rènveïsée par Achille qui lui óte son casque : a ia vue de tant de charmes, le vainqueur est vaincu.  La Reine de Lydie , Omphaïe, ap^ès s'ètre baignée dans le lac Gigée, abuse de son pouvoir sur Heccule et fait porter une indigne quenouille au héros qui avait pacifié la terre et posé les colonnes denver terme de ses travaux. Sémiraffiis, qui a bad Babylone capitale de la Perse, qui Pa entourée de remparts si larges que deux chariots marchant dans un sens opposé pouvaient y. passer sans se heurter, qui a conduit 1'Euphrate dans' la ville qu'elle avait fondée , et qui a joint la Bactrienne a son empire ("*), cette Reine si célèbre 1'est encore plus par les excès que l'amour lui a fait commettre. Mais pourquoi accuserais-je nos Héroïnes? Pourquoi inculperais - je les Dieux eux-mêmes? Jupiter en se deshonorant par des amours incestueux, n'a-t'il pas deshonoré TOlympe ? Mais quoi! Cléopatre entourée d'une troupe de vils esclaves n'a-t'elle pas couvert d'opprobre nu* Emperenrs ? Pourprix du meurtre de son époux, elle a voulu obtenir 1'empire de Rome et soumettre le Sénat a ses lois. Coupable Alexandrie, terre d'Egypte si connue par tes artifices, Memphis si souvent ensanglante'e pour notre honte, (•) J'ai pris la liberté d'ajoüter cette pljra?e pour dotyie: ju sens a une chose qui ne me puraissait pas en avo'r. J; pense qu'il y a ici une lacune,  C ) n'as-tu pas fait mourir le grand Pompée, lui qui avait triomphé des trois parties du monde? Jamais Rome ne te pardonnera le plus grand des crimes. O Pompée, il eut mieux valu mourir dans les champs de Pharsale, ou plutot il eüt fallu te réconcilier avec César. La Reine incestueusè de Canope est souillée du sang répandu a Philippes : Torgueilleuse opposait a notre Jupiter les hurlemens de son Anubis ; elle se flattait que le Tibre tremblerait devant le Ni'. Quoi! la trompette guerrière des Romains aurait cédé au son cfféminé dusisrre! Nos vaisseaux redoutes auraient fui devant de faibles galères ! On aurait vu cette Reine superbe arborer ses drapeaux sur le capitole; on Paurait vu nous donner ses lois et placer sa stntue a cöté de elle de Marius! A quoi nous eüt Servi d'avoir brisé le sceptre de Tarquin, a qui son arrogance a fait donner le nom de superbe? Rome, jouis de ton triomphé : sauvée par Auguste , souhaite-lui de longs jours. Mais Cléopatre se refugié du cöté du Nil, elle tend les mains pour recevoir nos choines. Je la vois chercher le dard de la vipère qui nous venge * je vois son corps s'engourdir et se glacer. Ses yeux sont livrés pour toujours au sommeil. Avec un si grand Empereur, Rome, tu n'avais a craindre ni Cléopütre ni un géaéral tou-  C i43 ) jours plongé dans le vin. Toi, qui embrnsses sept montagnes, toi qui gouvernes le monde entier, aurais-tu craint les armes d'une femme? Ne te rappelles-tu pas les flottes commandées par les Scipions, les étendarts guide's par les Camilles, les drapeaux de Pompée plantés sur les rives du Bosphore, les trophées élevés pour la défaite d'Annibal et de Siphax , la gloire de Pyrrbus eclipsée devant nos bataillons ? Aurais-tu oublié Curtius qui se précipite dans un gouffie pour sauver sa patrie, Décius qui se jette au milieu des ennemis pour assurer la victoire, Coclès qui soutient seul 1'elFort des troupes de Porsenna et qui donne le tems de couper un pont, enfin, le guerrier qui a pris le nom du corbeau qui seinblait combattre avec lui ? Voila les grands hommes que les Dieux t'ont donnés; ces mêmes Dieux veillent a ta conservation. Tant qu'Auguste vivra, redouterais-tu le courroux même de Jupiter? Apollon de Leucade rendra immortelle notre victoire • un seul jour a suffi pour détruire le plus grand des appareils de guerre. Pour toi, mon ami, soit que tu quittes le port ou que tu le regagnes, rappelle-toi la gloire de César et vogue avec süreté sur la mer Ionicnne.  f 144 ) ÉLEGIE X. 11 Teprocht d Postumus Cabandon de Oalla et la préférence qu'il donne d la gloire des armes. 11 le félicite d'aillturs d'avoir une femme aussi cliaste malgré les mceurs du siècle. T v as donc eu , Postumus, la cruauté d'abandonner Galla malgré ses larmes. Guerrier intrépide , tu as été rejoindre les drapeaux de César. L'envie de combattre et de dépouiller les Parthes devait-elle te rendre sourd aux prières de ton épouse ? Je maudirais volontiers le soldat avide et le mari insensible qui préfère les camps au lit nuptial. Arborant 1'habit militaire, tu iras donc abattu par la fatigue et pressé par la soif puiser dans un casque les eaux de 1'Araxe. Cependant, Galla alarmée des moindres bruits se désolera et craindra que 1'amour de la gloire ne soit la cause de ta perte; elle craindra les iièches des Mèdes qui aiment a se teindre de sang, et leurs chevaux vigoureux tout couverts de ter: elle craindra qu'on ne lui rapporte Turne qui contiendra tes tristes restes ; car c'est ainsi que reviennent ceux qui ont péri dans les corabats. Que tu es heureux, Postumus, d'avoir une femme chaste ! tu ne méritais pas un si grand bonheur  C i45 D bonheur. Que ne se permettrait pas Galla , si elle avait moins de réserve et de pudeur, si elle réglait sa conduite sur ton ambition et ton indifférence ? Mais tu peux partir en süreté. Galla ne se laissera pas gagner par des présens; elle ne se souviendra pas même de ton insensibilitéQuand tu rentreras dans tes foyers, a quelqu'heure que ce soit, ta femme enchantée se jettera a ton cou et y restera suspendue. Nouvel Ulisse, tu as une autre Pénélope ; mais du moins Ga'la n'aura pas a supporter une si longue absence. Ulisse fut retenu par dix ans de guerre; par rismare , montagne delaThrace; par le détroit de Gibraltar; par son séjour dans la caverne de Polyphême qu'il a privé de Ia vue ; par les ruses , les breuvages et les encliantemens de Circé ; par Scylla et Charybde qui absorbent les eaux de la mer et les revomissent ; par ses compagnons qui avaient détourné les troupeaux du soleil confiés a la garde de Lampétie; par Calypso qui a pleuré amèrement le départ de ce héros ; par une longue navigation pendant Ia saison la plus rigoureuse ; par sa descente aux enfers ; enfin, par le charme des Sirènes qu'il a su rendre vain en bouchant avec de la cire les oreilles de ses matelots. Ce héros a mis fin a tant de coursea en faisant un usage avantageux Q  C i46 ) (le son are; il a immolé la troupe des amans qui avaient désolé Pénélope. Cette vengeance était due a une femme qui pendant si longtemps avait conservé son cccur a ïon époux. Mais Galla par son amour et sa constance 1'emportera même sur Pénélope. É L É G I E. XI. Lz luxe de Rome Cf li corrupüon de ses meturs sont les avant coureurs de sa mine. l^ouk quoi les belles vendent-elles si cher leurs faveurs ? Pourquoi Pamour épuise-t'il les plus grandes fortunes ? La raison n'en est que trop apparente; Pexcès du luxe ne connait pas de bornes. Linde nous envoie Por de ses mines, la mer rouge ses perles, Tyr ses étoffes de pourpre, 1'Arabie ses parfums. Voila la cause de notre perte. Les femmes les mieux surveillées 11e résistent pas a Pattrait de ces trésors : le désir de les posséder fait taire Porgueil de nos Pénélopes. Une femme porte sur elle le patrimoine de ses petits enFans.; elle étale leur dépouille et sa honte. Aujourd'hui les demandes n'ont pas de borne, les libéralités n'ont plus de mesure. Une femme parait-elle résister ? Mettez en jeu les présens, bientót il n'est plus de etueïle.  C \47 ) Que les peuples noircis par les feux du sdJéil ont des lois plus sages! Le corps d'un épotix est-il porté sur le bücber ? Ses femraes en habit de deuil entourent son convoi. T.outes se disputent fhonneur de se jetter vivantes dans les Hammes et de suivre leur époux. Celle qui n'obtient pas eet honneur se retire honteuse et con. fuse ; 1'autre triomphé, court a la mort et se précipite sur le corps dévoré par les flammes. Mais cheznous, trouve-fon une femme fidéle? Nous ne connoissons plus detendres Evadnés ni de chastes Pénélopes. Les paisibles habitans des campagnes étaient autrefóis plus heureux. Ils n'avaient de richesses que leurs moissons et le produit de leurs vergers: leur libéralité était 1'offre d''un fruit nouvelle ment cueilli ou des corbeilles pleines de mures. Ils faisaient des bouquets de violettes et quelquefois ils y joignaisnt des lys qui en recevaient plus d'éclat. Ils présentaient a leurs maitresses des branches de vigne garnies de leurs feuilles et de leurs fruits, ou leur donnaient un oiseau •remarquable par la beauté et la variété de son plmuage. Ces petits présens valaient des baisers donnés a la dérobée et dans des lieux écartés. La peau des jeunes animaux couvrait ces habitans sauvsges; le gazon leur servait de lit; la voute d'un arbre touffu leur prêtait son omG 2  C 148 ) bcagèè Souvent même des Nymphes sans voiler leurs charmes paraissaient au milieu d'eux. Le bélier chef du troupeau faisait paitre sur PIda les brebis et les ramenait a son maitre. Les Dieux et les Déesses protecteurs des campagnes entretenaient commerce avec leurs habitans et visitaient leurs humbles foyers. „ Mon ami, „ disait Pan , si tu chassis avec ton are ou „ avec un chien, si tu poursuis un lièvre ou „ un oiseau , monte sur un rocher et m'appelles , „ je partagerai tes peines ou tes plaisirs ". Dans notre siècle on négligé le culte des bois sacrés. L'or est le Dieu qu'on révère; Tor a hanni la bonne foi et rendu tout vénal; Por faisant taire les lois, la pudeur n'a plus de frein. C'est 1'or qui a rendu Brennus sacrilège et lui a fait piller et brtiler le temple d'Apollon ; c'est Por que cherchaient les Gaulois lorsqu'ils ont attaqué le Parnasse. Un tremblement de terre, une neige abondante ont fait manquer leur entreprise. L'or confié a Polymnestor pour le remettre au fils de Priam Pa rendu infidèle, il lui a fait violer les droits sacrés de Phospitalité. Êriphile, si tu n'eusses pas eu le désir de parer tes bras de riches bracelets, Amphiarus et ïon char n'eussent pas été engloutis dans ua abttne. Le dirai je ? Mais puisse ma prédiction nes'ac-  C '49 ) cömplir jamais ! L'orgueil et le luxe de Rome la conduisent a sa perte. Cette annonce est une véiité;mais on n'y croit pas. C'est ainsi que Troye était sourde aux prédictions de Cassandre. Seule elle a osé dire que Paris causerait la ruine de sa patrie ; seule elle a publié que le cheval iaissé au pied des murs de Troye était une ruse et un piège. Ses avis devaient sauver Troye et son Prince. Hélas! on a reconnu trop tard que Cassandre était inspirée par les Dieux. ELÉGIE XII. 11 regrette que les Dames romarnes n'aient pas itt éievées comme les files de Sparte. Spar te, ce n'est pas sans raison qu'on admire 1'académie oü se forme ta jeunesse. L'éducation que tu donnés aux filles a sur-tout de grands avanrages. Dans les exercices qui sont communs aux deux sexes, les jeunes filles, quoique .nues, ne souffrent jamais des libertés qui les déshonoreraient. Une jeune Spartiate lance avec adresse une balie qui par sa vitesse trompe les regards; armée d'un baton crochu, elle fait tourner une roue qui résonne sous ses coups redoublés. Couverte de poussière , elle court et gagne le bou» G 3  C i5o ) de la carrière. Son corps est endurci aux coups qu'elle regoit dans le jeu du pugilat; pour celui du ceste, elle se couvre gaiement le bras d'un gantelet. Le disque pésant qu'elle va lancer joue et tourne dans sa main. Elle sait manceuvrer un cheval, porte avec grace une épée et couvre sa tête d'un casque. Les cheveux blanchis par les frimats, elle parcourt les bois du. Taygete et suit la voix des chiens. Elle se jette a 1'eau comme les amazones qui se baigncnt dans Ie Thermodon ; elle combat comrae Hélène a combattu avec Castor et Pollux : 1'un devait remporter le prix de la lutte, 1'autre celui de Ia course ; ces demi-Dieux ne rougissaient pas d'entrer en lice avec une femme. Une autre loi de Sparte défend aux amans de se voir en secret ; mais dans les jeux publics* il leur est permis de ne se pas quitter. Une fiüe ne craint pas de marquer ses sentimens; e l; n'a pas a redouter des gardiens ni les reproehes d'un amant jaloux. On n'a pas besoin d'interprêtes étrangcrs; chacun ne'gocie pour son propre compte: aussi n'a-t'on pas le chagrin d'attendre long-temps une décision. A Sparte de riches habits ne font pas illusion aux yeux ; on n'y connait pas les soins ennuieux de peigner et parfumer ses cheveux. Mais a Rome les femmes ne marchent qu'entourées d'un cortège nom-  c w; breux ; elles sont si bien escortées qu'on ne peut les approcher. On ne connait pas leur figure et 1'on ignore si elles donnent leur aveu a ceux qui les recherchent. Celui qui s'offre pour époux traite toujours en aveugle. Rome, si tu suivais les institutions de Sparte , si ta jeunesse était élevée dans des exercices coramuns aux deux sexes, ces avantages me rendraient ton séjour plus agréable et plus cher. É L É G I E XIII. // prie Cynthie Je cesser de persccuter Lycinna ; il i'y engage par l'txïmplt de Dircé et par les nssurances d'un attachement èternel. Q v e nos arrours, Cynthie , cessent d'être orageux. Ne m'expose plus a passer les nuits loin de toi. Lorsque j'ai dépouillé la robe et la timidité de 1'enfance , lorsque j'ai commencé a sentir le besoin d'aimer, Lycinna plus savante que moi s'est chargée de mon instruction ; elle m'a donné, sans que je lui eusse fait des présens, les premières lecons dont a besoin un amant novice. Cette intrigue date déja de trois aus. Depuis cette époque je n'ai pas parlé dis fois • & 4  C '5* ) » Lycinna. L'amour que tu m'as inspiré a étonffii tout autre sentiment. Content de tes faveurs, aucune femme n'a pris d'empire sur moi. J'en atteste Dircé , qui ,jalouse de l'amour qne Lycus avait eu pour Antiope, s'est rendue coupable des plus grandes barbaries exercées sur cette infortunée> Cette R.eine furieuse brülait les cheveux d'Antiope; elle lui déchirait le visage : injuste et cruelle, elle lui distribuait comme a son esclave une tache trop forte ; elle la faisait couchersur la terre ou la tenait enfermée dans une prison dégoutante; elle a été jusques a lui refuser le pain et 1'eau. Quoi donc ? Jupiter, ne viendras-tu jamais au secours de la malheureuse Antiope ? Ses mains, hélas ! sont déchirées par des fers. Comme Dieu , rougirais-tu de veiller sur les jours de ta maitresse ? Antiope en captivité doit-elle cher* cher un autre libérateur que toi? Cependant, c'est elle qui seule et malgré sa faiblesse, a le courage de briser les fers que lui fait potter sa rivale : elle fuit en tremblant et se réfugié sur les hauteurs du Cythéron^ les ténèbres ne 1'ar- ■ rêtent point : elle couche sur 1'herbe couverte de gêlée bianche; effiayée par le bruit des . eaux de 1'Asope, souvent elle s'imagine que Dircé est a sa poursuite. Cette mère chassée de ses foyers ne'trouve dans Zéthus ou Amphion qu'insensibilité ou faiblesse.  ( i 53 ) A la suite d'une ttmpéte, lorsque les vents cesseut de se faire la guerre, la mer abat ses vagues soulevées, les Mots tranquillisés battent le rivage avec moins de fracas. C'est ainsi qu'Antiope épuisée par la fatigue tombe et se couche sur la terre. Ses malheurs inspirent enfin la pitié ; ses enfans reconnoissent leur erreur. Respectable vieillard, toi qui as protégé leur enfance, tu les rends a leur mère, et ceux-ci pour la venger attachent Dircé a un tauresti furieux qui la déchire. Antiope, reconnais 1'ouvrage de Jupiter; le supplice de Dircé fait 'a gloire. Son corps réduit en lambeaux Ta fait périr en détail et semble multiplier Ie lieu de sa mort. Les prairies de Zéthus sont arrosées de sang : Amphion vainqueur chante son triomphé sur le mont Aracynthe. S'il est possibis qu'une femme maitrise ses ressentimens, mets fin, Cynthie, a tes persécutions contre Lycinna. Jamais des rapports facheux ne frapperont tes oreilles. Je jure de n'aimer jamais que toi : oni, je porterai mon amour jusque dans les feux de mon bücher. G 6  C '54 ) É L É G I E XIV. II délibère pour savoir s'il ira joindrt sa maitressequi au milieu de la nuit le demande a Tivoli. A u milieu de la nuit je recois une lettre de Cynthie qui m'ordonne d'aller la joindre sur-Iechamp a Tivoli. Cttte ville se fait remarquer par Ia blancheur de ses deux tours. La Nymphe de 1'Anio s'y perd aussi dans un lac profond. Quel parti prendre? Braverai je les ténèbres dela nuit? Mexposerai-je aux embüches des voleurs ? Si la crainte m'arrête, si je ne suis pas les ordres de Cynthie, ses pleurs me feront plus de mal que la main des brigands. Avec elle la moindre faute est un crime , elle m'éloigne pour un siècle et me fait sentir tout le poids de sa colère. Après tout est-il quelqu'un qui ne respecte pas un amant qui voiage ? Le brigand Scyron n'oserait pas farréter. Sur les confins mêmes de la Scythie , il ne trouverait pas de barbare qui lui fit du mal. La lune lui préte sa lumière j la clarté des astres lui découvre les mauvais pas, Famour lui-même féclaire avec son fiambeau. Devant lui les chiens les plus redoutables per-  < 55 ) dent leur furie. La vie d'un amant est par tout en sürete'. Et quel mom-tre voudrait se baigner dans son sang? Vénus elle-même n'abandonne pas un soupirant éconduit. Si le trépas devient le salaire de ma témérité, je ne dois pas éviter la mort même a ce prix. Cynthie m'apportera des parfums, elle couvrira ma tombe de fleurs, elle sera prés de moi et ne pourra me quitter. Que les Dieux cependant ne permettent pas qu'on m'enterre sur une rout; trop fréquentée, le pied du voiageur blesserait les cendres d'un amant délicat. Qu'on me place plutöt a 1'ombre d'un antre écarté ou sur un tertre sablonneux. Je n'aimerais pas qu'on lat mon épitaphe sur un grand chemin. I G 6  C t 56 ) ELÉGIE XV. 11 prit Bacchus de le délivrer des tourmens de V Amour. Bacchus , je me jette au pied de tes auteli ; seconde mes vceux, Dieu de la treille , et rartage mes ressentimens. Tu peux mettre un frein a 1'arrogance d'une maitresse insupportable : ta douce liqueur peut potter un baume salutaire sur mes blessures. C'est toi qui réunis ou brouilles les amans. Que ta puissance arrache de mon cceur le levain qui y fermente. Tu n'es pas novice en amour; j'en ai pour garant Ariare que tes linx ont transportée dans le Ciel. II n'y a plus que la mort ou le vin qui puisse étoufF^r le feu dévorant qui me consume. L'amant disgratie, a qui les fumées de ta liqueur n'ont pas öté la raison, est tourmenté toutes les nuits. Hélas ! mon ame agitée flotte sans cesse entre la crainte et 1'espérance. Mais, Bacchus , si ta liqueur bienfaisante peut appelier le sommeil et répandre ses pavots sur mes tristes paupières, je te promets de cultiver moi-même la vigne, de la planter et de 1'aligner sur tes riches cóteaux. Par mes soins les animaux ne YÏendro&t plus détruire 1'espoir  C >57 ) de tes recoltei. Que mes cuves se remplissent tous les ans de ta liqueur pourprée ; que mes pieds se rougissent en foulant la vendange : je te consacre une vie qui sera due a tes bienfaits. Alors on me reconnoitra par-tout pour le chantre de ta gloire. Je eélébrerai ta naissance'au milieu des foudres de Jupiter; je raconterai Ia délaite des Indiens mis en déroute par la troupe de tes Bacchantes; je peindrai les vains efforts de Lycurgue qui voulait détruire ton nouvel empire ; j'annoncerai la mort de Penthée immolé p»r sa mère et ses tantes, et Ia métamorphose des Tyrrhèniens qui, d'abord enchainés par tes pampres, ont ensuite sauté de leur navire dans la mer oü ils ont été changés en Dauphins. Je n'oublierai pas Naxos qui voit couler dans son sein un fleuve de ta liqueur odorante , ni ses habitans qui ne cessent de s'en abreuver. Des pampres garnis de raisins suspendus sur ta tête descendront sur tes épaules, une mitre Lydienne ornera ton front, tes cheveux distilleront des parfums exquis, une robe flottante jouera sur tes pieds dégagés du cothurne. Les habitans de Thèbes feront résonner leurs timpanons, et les Satyres enfleront leurs ehalumeaux. Prés de toi , la mère des Dieux ayant une tour sur sa tête fera battre les Cymbales bruiantes qui conduiront la daose Lydienne. Sur le portiquè du  c 153) temple, le grand sacrificateur, une coupe d'or a la main, te fera des libattons de vin. Pour te chanter, je chaur-serai le cothurne orgutill.ux. Mon génie se montera sur le ton élevé de Pindare. ó Bacchus! Délivre moi d'un joig insupportable, commande au sommeil d'éloigner de moi les- soucis qui me dévorent. ÉLÉ G I E X V I. Sur la mort de Marcellus. D ans le lieu oü les flots de la mer se jouent avec les eaux de l'Averne, sur le rivage oü Enée a élevé un tombeau a Misène, prés du chemin bruyant du aux travaux d'Hercule; enfin , dans ces champs qui ont retenti du bruit des cymbales, lorsque Bacchus suivait le cours de ses conquétes, dans ce même endroit sont les sources chaudes qui ont rendu Bayes sicélèbrej mais ces sources sont devenues odieuses, depuis qu'elles ont été souillées par un crime. Un Dieu ennemi s'est donc arrêté dans ces tristes contrées ? Marcellus prenait les bains, Jorsqu'il a été plongé dans le Stix. Son ombre erre encore autour de ces sources funestes. Hélas! que lui a servi son illustre naissance , ses vertus, la plus tendre mère, le choix et IV  C '59 ) •loption de César ? Tout a 1'heure il figurait sur le plus brillant des théatres; les soins de sa mère avaient pre'paré sa grandeur : il n'est plus. L'infortuné termine sa carrière a vingt ans. Ses grandes destinées se resserrent et se perdent dans un cercle si étroit. Mortels, gonflez vous d'orgueil; promettez vous les plus grands succès; allez recevoir en public les plus vifs applaudiïsemens; étalez des vétemtns plus riches que ceux d'Attalus; soyez couverts de pierreries : le bücher attend eet nppareil fastueux, il sera la proie des Hammes. Nous marchons tous a la mort : libres ou escteves , nobles ou plébeiens , nous suivons tous cette route fatale. Encore faut-il se défendre de la gueule du gardien des enfers et flatter la rudesse du nocher qui nous recoit dans sa barque. Fut-on couvert de fer ou d'acier, malgré le casque et la cuirasse, la mort sait oü porter ses coups. Eut-on la beauté de Nérée, la force d'Achille, les richesses de Crésus et tout 1'or du Pactole; rien ne met a 1'abri de sa fauïx meurtrière. Nocher, qui passes aux rives infernales les manes des hommes justes, aks soin de conduire cette ombre respectable dans le lieu réservé a ClaudhiS vainqueur de la Sicile, et a. César qui de ia terre a monté dans le Ciel.  ELÉGIE XVII. L' Amour des ftnmes est plus dèri^li que celui des hommes. T u m'objectes toujours le gout qne nous avotis pour les plaisirs de ramour. Crois moi, Cynthie , Vénus maitrise ton sexe avec plus de force. Avez-vous rompu le trein sacré de la pudeur? Votre raison égare'e ne connait plus rien qui 1'arrête. Il serait plus aisé d'éteindre la flamme qui ravage les moissons, de faire remonter les fleuves a leur source, de rendre les Syrtes un port assuré, de faire une rade du cap Malée, que de mettre une digue a vos emportemens et d'étouffer la semence de vos penchans déréglés. Pasiphaé ne prend-elle pas la forme d'une genisse pour ohtenir les faveurs du taureau dont elle est éprise ? La Nymphe Tyro brülant pour 1'Enipée veut jouir du torrent de ses eaux : Myrrha, cachée aujourd'hui sous 1'écorce d'un arbre, a la fréne'sie de partager la couche de son père. Parlerai-je de Médée ? L'Amour en délire lui fait expier par le meurtre de ses enfans 1'infidélité de son époux. L'adultère de Cliteronestre reconnu dans Mkènes couvre d'op-  C 16*1 ) probre la maison de Pélops : et toi, Scylla , tu prétends acheter la main de Minos en dépouillant ton père du cheveu d'or garant de la durée de son empire; telle est la dot que tu Veux porter a son ennemi. Malheureux Nisus, un fol amour ouvre a Minos les portes de ta ville. Jeunes filles, ménagez-vous des attachemenj moins criminels. Scylla captive Fut attachée a la proue du vaisseau. Mais ce n'est pas sans raison que Minos a été choisi pour un des juges des enFers j vainqueur, il a bien traité son enaemi.  C 162 ) ELÉGIE XVIII. On n'aime pas quand on prJfèrt l'amas des richesses a La possessiou de son amant e. T u te flattes, Cynthie, que tes charmes occupent encore celui qui de ton lit a monté surun vaisseau. L'amant qui quitte sa maitresse pour courir après des trésors porte un cceur insensible. Düt-il se procurer tout Tor de l'Afrique, ees biens le dédommagent-ils de la perte de tes charmes ï Insensée , tu te reposes sur la foi des sermens et sur de vaines promesses. Peut-étre ton amant fugitif repose-t'il déja sur le sein d'une autre maitresse. Tu es belle, sans doute; Pallas t'a prodigué ses talens : ton ayeul t'a laissé un com célèbre ; mais, pour être beureuse, il te manque un ami fidéle : eet ami, c'est moi; vole donc dans mes bras, Cynthie.  C 163 ) ELÉGIE XI X. Avant de profiter des bontès de Cynthie, il veut ■ faire un traité garant de leur fiaéiité réciproque. C y n t 111 e consent a me recevoir dans son lit ; 1'heure du rendez-vous est après le coucher du soleil. O Lune ! reste long-teras dans ta première station , et toi, Soleil , quoique 1'Eté te demandede longs jours, hate- toi de quitter 1'horison. Nos premiers momens seront employe's a régler nos conventions, a faire le traité garant de notre fidélité. De longues assurances de mon attachement précéderont nos combats amoureux. L'amour lui-même mettra son sceau a notre nouvelle alliance; nos témoins seront les astres qui forment la cour de la Déesse de la nuit. Si no-' tre union n'était pas consacrée par des sermens réciproques, pourrions nous invoquerles Dieux vengeurs de la foi violée? Les nceuds formés par le seul goüt des plaisirs sont bientót rompus; mais nos promesses réciproques doivenï nous assurer d'une fidélité inébranlable. Si quelqn'un fait violence a des engag'emens que les autels auront sanctifiés, s'il souille en y entrant un lit devenu sacré , qu'il éprouve  C 164 ) les tourmens les plus cruels de l'amour; qull passé par la main des plaisans et devienne la fable de Rome ; que sa maitresse soit insensible a ses pleurs et sourde a ses piaintes; que toujours amoureux il n'obtienne jamais la récompense de son amour. É L É G I E XX. 11 si propose cTaller a Athènts pour itoujfer son amour pour Cynthie. J e me vois donc réduit a partir pour la docts Athènes. Ce long voyage me délivrera d'un attachement malheureux. La vue de ce qu'on aime irrite nos feux et les augmente. L'amour luimême se plalt a leur fournir de 1'aliment. Pour éloigner ce Dieu perfide , j'ai tout.employé ; le cruel m'assiège et me presse de tous les cötés. Après bien desrefus.si Cynthie merecoit, je la trouve dormant toute habillée sur le bord de son lit. La fuite est donc ma seule ressource : en changeant de climat, l'amour s'éloignerade moi autant que je m'éloignerai d'un objet dangereux. Allons mes amis, mettons a flot un navire; que le sort décide qui de nous sera matelot: attachons les voiles au haut des mats. Déja un  ( iö5 ) vent favorable nous invite au départ. Adieu donc remparts de Rome ; adieu mes amis; adieu Cynthie, quelque soient tes sentimens pour moi. Marin novice, je vais donc m'engager sur la mer adriatique : j'ai besoin d'implorer 1'indulgence des Dieux des tempêtes. Après avoir traversé la mer lonienne, le navire fatigué ira se reposer dans le port de Leche. Le reste de la route ne demande qu'un peu de courage ; Mtons nous de nous rendre a eet isthme qui sert de barrière a deux mers. Lorsque le vaisseau sera dans le Pirée, je monterai dans la ville qui doit sa grandeur a Thésée. C'est la que je travaillerai a me former a la sagesse ; je fréquenterai ou 1'école de Platon , ou tesjardins, Epicure. J'étudierai cette langue divine qui prêtait ses foudres a Démosthènes, et a Ménandre ses graces et ses heureuses plaisanteries. Mes yeux s'attacheront sur des tableaux sublimes ou sur des statues immortelles travaillées en ivoire ou en bronze. Le tems qui s'écoulera , la distance que les mers auront mise entre moi et Cynthie , guériront les plaieï que l'amour m'a faites. Si je meurs, ce sera 1'ouvrage du sort, non 1'effet d'un amour honteux. Le genre de ma mort n'aura rien qui me déshonore.  C iö6 ) ELÉGIE XXL II invite Tullus a revenir a Rome. T^v l l u s, la froide Cyzique te possède depuis plusieurs années : tu es voisin de 1'isthme battu par.les flots de la Propontide, du mont Bydime , du temple consacre a Cybèle et de la route que Pluton a prise lorsqu'il a enlevé Proserpine. Es-tu donc aussi attaché aux villes célèbres par la mort d'Hellé que tu es insensible aux voeux d'un ami qui te rappeile ? Mais quand tu aurais vu eet Atlas qui soutient le fardeau du ciel, les contrées oü le fer de Persée a coupé la tête de Méduse, les riches étables de .Gérion , le champ témoin du combat d'Antée et d'Hercule, et les chceurs des Hespéridcs; quand tu aurais monté sur le vaisseau qui le premier a eu une proue et qui a cherché le Phase et la Colchide; quand tu aurais fait le voyage qu'ont fait les Argonautes guidés par la colombe qui leur montrait le chemin; quand tu aurais visité les rives du Caystre et les sej.it embouchures du Nil: ces pays fertiles en miracles ne valent pas le séjour de Rome. La nature y rassemble tout ce qui 'est disrer-c sur la terre.  C 167 ) Cette ville est plus connue par la force de ses armes que par les injustices de sa pclitique. Rome, tu n'as pas a rougir du récit de tes exploits. La justice a affermi ton empire plus stirement que le fer. Après la victoire nous tendons les mains aux vaincus. Ou trouve ici Ie Tibre grossi par 1'Anio, le Clitumne qui a fertilisé l'Ombrie , les sources que Mareius a rassemblées dans un aqueduc qui sera un monument éternel, PAlbane qui marie ses eaux avec celles qui viennent de la forèt voisine, et avec la source qui a désaltéré le cheval de Pollux. Cette terre ne produit pas de serpens couverts decailles ; nos eaux salutaires n'engendient pas de monstres inconnus; on n'y entend pas le bruit des chaines d'Andromède victime de Porgueil de sa mère; le soleil ne recule pas a Ia vue des méts qu'on nous sert; une mere irritée ne consume pas a 1'écart un tison qui porte la mort dans le sein de son fils ; des Bacchantes furieuses n'immolent pas Penthée qu'elles prennent pour une béte féroce ; "une biche substituée a Iphigénie n'ouvre pas aux Grecs Ie chemin de la mer; Jünon n'a pas le pouvcir de métamorphoser ses rivales et de détruire leur beauté en les changeant en gc-nisses. On ne trouve ici ni les croix préparées par Siris, ni les rochers si funestes a la flotte des Grecs, ni les arbres courbés et rapprochés qui ont fini par déchirer 1'auteur de ce supplice.  Ci63 ) Tullus, Rome est ta patrie, CeJt le séjour qui te convient le mieux; tu dois y briguer les tlignités qui ont illustré tes ancêtres. Ton éioquence sera un bouclier pour tes Concitoyens. A Rome on peut laisser a sa postérité de grandes espérances; on peut même y être chéri de 1'épouse qu'on a choisie. f1 ' J ELÉGIE XXII. Rcgrets sur la ptrte de ses tablettts. J'ai donc perdu mes savantes tablettes1 Avee elles que j'ai perdu de trésors ! Un long' usage les avait fatiguées; mais pour inspker la confiance, elles n'avaient pas besoin de mon cachet; elles parlaient pour moi et savaient appaiser le courroux de ma maitresse: elles n'étaient pas chargées d'un or incrusté ; faites d'un buis ordinaire, elles n''étaient enduites que d'une cire commune : malgré leur simplicité, elles m'avaient rendu ds grands services. Le succès a toujours couronné leurs entreprises. C'est, je crois, sur les tablettes que Cynthia in'avait écrit : „ Je suis furieuse ; indifférent, pourquoi ne „t'»i-je pas tu hier? As-tu fait la cour a une v femme  ( '6g ) „ femme plus belle que moi.? As-tu a me re„ procher quelque crime imaginaire ? Si ce n'est pas ce billet, c'est celui-ci: „ Viens me voir : nous passerons Ia journée „ tête a tête. L'amour disposera de la nuit en „ ta faveur ; le reste du temps s'employera en _ » aimables bagatelles qu'ane fille, qui n'est pas „ sotte, sait imaginer pour tromper 1'heure et „ faire oublier fa durée". Que je suis a plaindre! Mes tablettes seront tombées dans les mains de quelqu'avare qui en fait le régistre de ses usures. Si on me les rapporte, je payerai bien celui qui me les remettra. Et qui ne préfèrera pas mon argent a un peu de bois? Pars donc, mon esclave, va mettre cette affiche sur quelque colonne ; sur-tout aies soin de marquer que je demeure aux Exquilies- Li  f i>P D ELÉGIE XXIII. et UERsnit. Properce annonce d Cynthie sa rupture. La confiance que te donne ta beauté est aveugle et mal fondée. Mes hommages, Cynthie, t'ont rendue trop vaine. Mes vers ont exagéré le pouvoir de tes yeux. Je rougis a présent des louanges que je t'ai données. J'ai prêté a ta figure un charme et une expression qui n'étaient dus qu'aux illusions de l'amour. J'ai comparé ton teint a celui de 1'Aurore ; mais 1'éclat de ton visage est un éclat emprunté. Les conseils de mes amis n'ont pu me détacher de toi: le pouvoir magique n'a pas même eu la force de me tirer de 1'abime. Je croyais a ta beauté, sans que le fer, le feu ou la crainte fissent violenee a ma franchise; mais alors les feux de l'amour me dévoraient jusqu'aux entrailles. Esclave enchainé , je trainais sur le dos des mains renversées. Aujourd'hui mon vaisseau couronné de fleurs est entré dans le port : écbappé aux dangers des Syrtes, je suis en sürêté ; je respire enfin , après avoir essuyé la tempête la plus violente. Mes plaies, quoiqu'envenimées, se ferment et se guérisswit. Mon bon génie, car tu es un  TT • • C 171 ) Dieu , je me jette au Pied de tes anfels. J„p;. ter a été trop longtems sourd è mes prières. J'étais donc Ia fable de tous les plaisans : i table chacun exer9ait son esprit a mes dépens. Quoi! Jat p„ te rester attaché pendant cinq ans; je Pai pu , quoique ton injustice (soupconnat ma fidélité. Non, Cynthie , tes pleurs ne me toucheront plus. C'est avec ces ruses que tu m'avais subjugué. Pour me tromper, as-tu iamais manqué de larmes ? Peut-étre ne m'éJoi»néje pas sans regrets; mais le ressentiment Pemporte sur ma faiblesse. Faut-il, Cynthie, que ta na.es pas su ménager des fers auxquels je donnais les mains ? \Porte, témoin de mes soupirs et de mes Iars; porte que mon bras irrité n'a jamais frapPée, je te dis adieu. Et toi, Cynthie, puissestu sentir tout le poids des années! Tu avais 1 art de me les cacher ; mais bientót les rides simpnmeront sur ton visage; bientót tu arracheras avec dépit des cheveux blancs; bientót ton miroir te montrera un front sillonné. Méprisée a ton tour, tu éprouveras de cruels rebuts : ma muse Pannonce ces maux in^vitabfes Apprends donc, Cynthie, apprends a craindre le moment qui consommera la ruine de tes charmes. F I » DU L I V R E T R 0 r S I K-M E. II 2  c 172 0 ÉLÉGIES DE PROPERCE L 1 V R E QUATRIE ME. ELÉGIE I. Êloge de Rome devenue aussi grande après de si faibles commencemens. VAuteur parle aussi de sa propre gloire. jE t r a k g er , cette vaste enceints qui Fait de Rome la ville du monde la plus puissante, n'était avant Fétablissement d'Ênée -dans le Latium, que des montagnes et des paturages. Évandre Fu«jitif a Fait reposer ses troupeaux dans le Keu qu'occupe le temple d'Apollon protecteur de nos flottes. Des autels dore's ont reraplacé des Dieux d'argile. AutreFois on ne rougissait pas de coucher sous un toit rustique. La Foudre de Jupiter grondait surlemont Tarpéïen, et le Tibre edoigné de nos murs ne voyait sur ses bords que des patres étrangers. De cette faible tige est sortie la race de iü>> Fondateurs. Les deux Frères habitaient la même maison. Le Sénat, dont la pourp-e relèwe aijourd'hui la majesté , ne renfermait qje des hommes grossiers couverts de peau. Le son de Ia trqir.jc' appdlait.au conseil les premiers Sé-  C 173 ) nsteurs; ils tewient souvent leur assemblée aa milieu d'un pré. Des toiles suspendues et flottantes n'ombrageaient pas nos vastes théatres. L'avant-scène ne répandait pas au loin ses parfums. On ne s'occupait pas alors du soin d'amener dans Rome des Dieux étrangers; le peuple religieux adorait avec crainte ceux de son pays. Tous les ans ón célébrait la fête de Palès en bridant quelque tas de foin : de nos jours le renouvellement d'un lustre est marqué par des courses de chevaux. La modeste Vesta se glorifiait alors d'étre traine'e par des anes couronnés de fleurs; des vaches maigres conduisaient les ustensiles et les vases sacrés. Des pores engraissés étaient promenés dans ' des carrefours peu décorés; au son du chalumeau, le berger oiTrait les entrailles d'une brebis; le laboureur couvert de peau faisait jouer son fouet. C'est dela qu'est venue la fête licencieuse des Lu* percales instituée par Fabius. Le soldat sans discipline n'ëtait pas couvert d'armes lnisantes > il se battait avec un baton durci au feu. Lucmon est le premier qui ait fait usage de casque et de rente. Les troupeaux faisaient la plus grande nchessede Tatius. Romulus vainqueurdes Titiens, des Ramnes & des Lucriens, rentre en triomphé dans Rome, monté sur un char trainé par II 3  C '74 > quatre chevaux blaucs. Alors cette ville était. moins considérable que Boville un de ses Faubourgs. Alors, Gabie qui n'est plus, renfermait un peuple nombreux. Alors, Albe , batie sur 1'indication d'une truie blanche , était puissante; il fallait y passer pour aller a Fidènes assez éloignée de Rome. Les Romains n'ont conservé de leurs fondateurs que le nom , eux-mêmes rougissent a présent d'avoir eu pour nourrice une louve. Troïe, c'est sous les auspices les plus heu* reux, que tu nous a envoyé tes Dieux fugitifs. Que le vaisseau d'Enée eut un guide favorable! Ce Héros avait déja recu un gage de la. protection des Dieux en échappant au fer des bataillons vomis par le cheval de bois. Les Hammes qui dévoraient Uion ont encore respecté Ie fardeau sacré qu'il portait. Avec lui sonl venus les pères des courageux Décius et des Brutus inflexibles. Vénus elle-même a apporté les armes invincibles de César. La victoire a s'uivi par-tout les drapeaux de Troïe renaissante. Jule, cette heureuse contrée a adopté le culte de tes Dieux. La Sibylle de 1'Averne, agitée sur son trépied, avait ordonné des purifications pour appaiser les mlaes de Réraus- Cassandre qui a  C t» ) annonce 1'infortune de Troïe n'a pas été écofttée : les derniers jours de Priam ont fait reconnaitre la vérité de ses prédictions qui se sont accomplies de nos jours. »ó Grecs, disaie » la fille de Priam , iloigne^ de nes murs le cherul „ de bois ; votie victoite vous sera funeste. Troii „ ne péiira pas toute entière. Jupiter veut que j) de ses cendres il en renaisse une qui triomf Aera i, de reus. Nourrice ces enfahs de Mars, ó louve! que tu as fait des élèves redoutables! Que ton lait a donné-'de force a cette ville qu'ils ont foadée! Je veux la décrire cette Rome si puissante; si ma yoix n'est pas assez forte pöur un char.t aussi élevé, je ne dois pas moins employer mon peu d'haleine pour honorer ma patrie, quelque farble que soit la source d'oü découlene mes vers. Qu'Ennius couronne sa tête de laurier : pour moi, Bacchus, il me suffit d'une branche de lierre ; donne la moi, et que POm( brie s'applaudisse de la célébrité de mes écrits; qu'elle se glorifie d'avoir donné le jour a un nouveau Callimaque. Si du fond des vallées quelqn'un considère la hauteur de nos remparts, il atteudra de mou génie la même élévation. Rome, seconde moi; c'est pour ta gloire que je tiavaiile; et vous', Romains, pour m'encourager aeeordez-mojvotre H 4  ( ï?6 ) hienveillance; que les présagts les plus favorables secondent aussi mon entreprise. Je chanterai donc nos fêtes, les jours qui leur sont consacrés et les noms antiques de chaque pays. Tel est le travail que je m'impose , quelque pénible qu'il soit. Je commencerai ainsi : Troïe tu périras, mais Rome qui deseend de toi te/era revivre. Ensuite je raconterai ses combats et sur terre et sur mer. Mais, me dit un Astrologue : „ Imprudent „ Properce, pourquoi t'engager a chanter ces „ merveilles ? Les Parques n'y ont pas donné „ leur aveu , les graces se refusent a tes desirs, „ Apollon s'y oppose, tu demandes a ta lyre ,, des sons dont tu aurais a rougir. Je te diraj „ la vérité sur la foi de bons garans. Ne crois „ pas qu'AstroIogue ignorant , je ne connaisse ,, pas Tart de tirer le secrèt des destinées ; je „ descends d'Horos le Babylonien qui était fils d'Archytas et petit fils de Conon. J'atteste les Dieux que je ne démens pas le savoir de „ mes ancêtres. On doit une confiance entière „ a mes oracles ; mais aujourd'hui 1'or fait par„ Ier les ministres des Dieux, 1'or fait mentir J5 Jupiter et tous les sigues du Zodiaque. J'ai prédit a Arria, qui contre le gré des „ Dieux envoyait fes enfans a 1'armée, je lui ai prédit que 1'état qu'elle leur faisait em-  ( i?7 ) „ brasser leur serait funeste et qu'ils ne rap„ porteraient pas leurs armes dans Ia maison „ paternelle. Les tombeaux de ces infortunés „ attestent la vérité de ma prédiction. Luperj, cus, occupé a~ soutenir son cheval grièvement „ blessé a la bouche, n'avait pas pris de pré„ cautions pour ne pas tomber : Gallus, défenw dant avec courage 1'étendart qui lui était con,. fié , a été rtnversé au pied de 1'aigle cou„ vert de son sang. Entrainés par leur mau„ vaise destinée, ces deux jeunes guerriers ont », péri victimes de 1'avarice de leur mère. Hélas! „ c'est a regret que j'ai vu ma prédiction ac„ complie. ,, Cinara grosse de deux enfans ne pouvait se „ riébarasser de ce doublé fardeau; Lucinesem„ blait prolonger les douleurs de l'enfantement. „ Fais , lui ai-je dit, fais un voeu a Junon , elle ., exaucera ta prière. Elle obéit, et sur-le-champ ,. elle est délivrée. Ce succes garantit mon savoir. „ Les oracles qu'on rend dans le temple de „ Jupiter Ammon,les entrailles des victimes que ,, 1'on consulte , 1'augure qu'on tire du vol des oiseaux , les ombres évoquées par le pouvoir ,, de la magie ne méritent pas la confiance qu'on „ doit a mes connoissances. Mon art est de ,, consulter les cieux , Ia route des astres et la »i position des zones. La planette de Jupiter est H 5  C 173 i „ toujours favorable ; mais celles de Mars et de „ Saturne raenacent des plus grands maux. Je „ connais égulement 1'influence du signe des pois„ sous , celle du lion féroce et du capricorne „ qui aime a se baigner dans les eaux de lTIes„ périe. „ L'exemple de Calchas est-il assez puissant? „ 11 ouvre la mer a la flotte des Grecs qui „ étaient plus en süreté sur les rivages protec„ teurs de 1'Aulide : il enfonce le couteau dans „ le sein d'Iphigénie et teint de sang les voiles »» d'Agamemnon. Mais les Grecs ne peuvent rentrer dans leur patrie. Toïe, ne pleure plus „ sur ta ruine; regarde les cótes de 1'Eubée. „ Nauplius a fait allumer des feux vengeurs „ sur les rochers qui bordent son isle ; les vais- seaux de tes vainqueurs sont brisés, et dis„ persent tes dépouilies sur les eaux. Ajax, „ abuse a présent de la victoire ; aime, enlève „ Cassandre et brave Minerve qui t'avaitdéfendu „ d'arracher de ses autels la prêtresse qu'elle „ chérissait. „ L'histoire consacre ces faits ; mais 2 pré„ sent, Properce , je vais parler de ton étoile : „ verses des larmes sur ta propre infortune. L'Ombrie t'a vu naitre dans une familie d'an„ cienne extraction. T'en imposé-je ? Est-ce biea j, la ta patrie ? N'es-tu pas né dans la vailée  ( 179 j profonde oü la ville de Mévanie est toujours couverte de brouillards qui s'élèvent des eaux ,, d'un lac que les pluies d'été rendent moins froid ? C'est la que surle peuchant d'une co!„ line est la maison que tes talens ont rendus „ plus célèbre que la demeure de tes ancêtres. „ ïu as recueilli les cendres de ton père plutót „ que tu n'aurais dü les recueillir. Aujourd'hui „ ta fortuue est très-resserre'e. Au lieu de ces ,, nombreux troupeaux qui cultivaient de vastes „ domaines , un étranger, la perche a la main, „ t'a chassé de ton riche patriraoine. „ Lorsque ta mère t'a retiré 1'anneau d'or „ pour te donner la robe virile, Apollon a j> commencé a te dkter des vers et t'a défendii de te livrer a 1'éloquence tumultueuse du bar„ reau. Fais, t'a-t'il dit, des élégies: li tache est délicate ; mais elle te convient. Deviens „ le modèle de ceux qui écriront après toi. „ Tu serviras sous les étendarts brillans de „ Vénus; tu combattras les sectateurs d'un „ plaisir déréglé. ,, Mais une jeune beauté t'enlèvera les pal„ mes que t'ont méritées tes travaux : a peine „ auras-tu échappé a un piège que tu tomberas „ dans un autre; elle disposera suivant son „ caprice de tes jours et de tes nuits. Tes lar- mes n'auront qu'une cause trop légitime. JNi H 6  C 180 ) „ tes veilles, ni les vers affiches a sa porte ne „ la fle'chiront pas. La femme de mauvaise foi sait ,, trouver des jours pour échapper a nos pour„ suites ". „ Soit que ta harque hitte contre les Hots, soit que sans défense tu tombes dans une ,, troupe d'ennemis, soit que la terre ébranlée 5, ouvre sous tes pieds un abime, redoute Tin„ fluence dangereuse du Cancer ELÉGIE II. Eloge du Dieu Vertumne. Poübquoi vous étonner que mon corps prenne tant de formes? Apprenez a connaitre le Dieu Vertumne. Je suis originaire de la Toscane et né dans ce pays. La guerre m'a fait abandonner les Volsiniens sans regret. J'aime la foule. Un temple magnifique ne me plait pas; il me suffit. d'être en face d'une place publique. Autrefois le Tibre passait dans 1'endroit ou est mon temple. L'etfort des rames y faisait entendre le siiBement de 1'onde déehirée. Le fleuve ayant cédé son lit aux Romains, ce changement a donné lieu au nom que je porte. On croit encore que je le dois aux moissons qui ne se resserrent que lorsque le soleil revient sur ses pas.  C 1S1 ) C'est moi qui jaunis le bois de la vigne et rougis par dégrés le raisin; c'est moi qui dore 1'épi que le grain a renflé; c'est moi qui adoucis le suc des cerises et qui fais mürir les prunes en automne et les mures en été; c'est è moi que ie cultivateur offre une couronne de fruits, lorsque 1'abondance 1'a récompensé des soins de la culture. Trompeuse renommee, tu cherches a me nuire, tu me prêtes une autre origine ; mais on doit croire un Dieu qui veut bien se faire connaitre. II est de mon essence de prendre toutes sortes de formes. Quelque figure que j'adopte, je plais toujours. Avec des habits de femme , je parais une jeuue beauté. Ai-je ceux d'un homme? Ils me conviennent également. Armé d'une faulx et la tête couronnée de foin, me voila un faucheur. Autrefois j'ai servi; sous les armes on louait ma bonne mine. Avec une corbeille chargée de grain , j'ai 1'air d'un moissonneur. Sans être quertlleur, vous croiriez que le vin me monte a la tête , si mon front est ceint avec du lierre. Ai-je une mitre? Je ressemble a Bacchus; une lyre a la main, je suis Apollon. Si je porte un épieu et des filets, on me prend pour un chasseur. Ai-je des flèches 1 C'est Faune qui poursuit les oiseaux. Quelquefois oa me croit un cocher, et quelquefois uq de  C i8a ) ces écuyers qui sautent lestement d'un cheval sur 1'autre. Prêtez-moi une ligne ; les poissons seront dupes de mon adresse. Avec une robe retroussée, je suis un Mercure galant ; avec une houlette, je passé pour un berger; avec un panier de jonc, on me eroit un vendeur de roses. Parlerai-je aussi des fonctions qui me sont attribuées plus particulièrement ? Les trésors du potager ne sont-ils pas dus a mes soins ? J'ai procuré le comcombre verdatre, le potiron au large ventre, le chicon pressé par un léger lien. Dans les prairies, les fleurs épanouissent pour former les couronnes qui parent mon front. Au reste , comme je prends toutes sortes de formes, le langage tbscan m'a désigné par le mot de Vertumne. Rome, tu as bien récompensé mes compatriotes , en donnant a un des quartiers de ta ville le nom de Toscan. Ce fut dans le temps oü Lucomédon vïnt joindre ses armes aux tiennes , pour chasser les Sabins commandés par Tatius; j'ai vu leurs bataillons ébranlés et leurs efforts impuissans; je les ai vu tourner le dos et prendre la fuite. Maitre des Dieux , fais que le peuple romain toujours en paix ne passé plus sous mes yeux en habit de guerre. Jene t'arrêterai pas longtems, toi qui cours  c \H ) au barreau. Encore un mot et je suis au bout de Ja-carrièie : Avant le règne de Numa, j'habitais cette ville que j'aimais; Dieu pauvre , un ciscau grossier avait faconné ma figure de bois. Mais toi, Mamurrus, qui travailles ie bron~e avec tant d'art, que Vargile n'avilisse plus tes mains industrieuses. La statue qui me représente avec mes divers attributs est un chef- d'ecuvrc. L'ouvrage est unique, mais il te vaudra plus d'un sufrage. ELÉGIE III. Cette lettre parait être de Galla d Postumus sous les noms supposcs d'Aréthuse Cr de Lycotas. A réthuse ecrit a son cher Lycotas; mais Lycotas, qui est si long-temps absent, est-il bien attaché a son Aréthuse? S'il trouve dans cette lettre des mots effacés, ils 1'ont été par mes larmes ; si les caractères de 1'écriture sont mal formés, il faut 1'imputer a une main faible et défaillante. Lycotas, tes courses éternelles te portent tantót chez les Bactriens , tantót chez les Seres dont les chevaux sont bardésde fer ; tu combats tour -a- tour les Getes qui marchent sur les 2'aces, les Bretons qui peignent leurs chsrs et  ( 184 ) les Indiens brülés par les feux du soleil. Sont» ce donc la les devoirs d'un époux , et devais-je m'attendre a passer tant de nuits solitaires, lorsque jeune et sans expérience j'ai cédé a la vivacité de tes poursuites ? Celie qui a porté devant moi la torche nuptiale 1'avait allumée sans doute sur les débris de quelque bücher ; 1'eau qu'on a jettée sur moi avait été puisée dans le 8tix ; la bandelette qui attachait mes cheveux avait été mal placée. Le Dieu d'Hymen n'a .pas été présent a mes nöces. Hélas ! mes vceux impuissans s'arrêtent ala porte des temples. Voilk déja le quatrième habit que je fais pour tes campagnes. Périsse celui qui a dépouillé les forêts pour fcire des retranchemens, et qui d'un os percé a fait une trompe guerrière ! Tl méritait mieux qu'Ocnus de filer la corde qui alimente la faim insatiable d'un ane. Mais, dis-moi, la cuirasse ne blesse-t'elle pas ton corps délicat ? Une lourde piqué n'est - elle pas un fardeau trop pésantpour tes faibles mains ? Cependant tes travaux militaires me sont moins insupportables que ne le seraient les caresses d'une rivale. On m'a dit que ton visage s'était allo'ngé ; je souhaite que ta maigreur vienne du chagrin d'être éloigné de moi. Quand 1'étoile du soir vient étendre les voiles funestes de la nuit, je donne mille baisers  C i85 ) _ aux armes qui sont restées ici; alors je me plains du dérangement de mes couvertures; je me plains de ce que le chant des oiseaux n'annonce pas le retour de la lumière. Pendant les nuits d'hiver je travaille aux habits que je t'envoye ; je file et roule sur des fuseaux la laine préparée a Tyr. J'étudie aussi sur Ia carte les dirierentes parties de la terre et quelle est la forme de notre globe ; je suis le cours de 1'Araxe qui doit recevoir nos loix; je cherche a connaitre fespace que peut parcourir un Parthe sans abreuver son cheval; j'apprends quelles sont les contrées que le froid resserre , et celles que le soleil brüle et réduit en poussière ; enfin , je veux savoir quel est le vent qui ramène en Italië les vaisseaux a bon port. Ma sceur partage mes ennuis : ma nourrice attribue avec adresse tes retards a la mauvaise saison. Heureuse mille fois Hyppolite! Cette Amazone portait les armes le sein de'couvert; sa tête délicatesoutenait le poids d'un casque. Que n'est-il permis aux Dames Romaines d'habiter les camps! Je partagerais tes travaux; je nt craindrais ni les montagues de Ia Scythie , ni le vent d'Ai'rique qui comprimé 1'eau et la durcit. Le courage d'une amante est grand , celui d'une chaste épouse Pest encore plus : pour la préserver des dangers, Vénus elle-même porte devant elle un flambtau.  F, v °86 ) i-t que m unporte a moi que tu portes 1'éten- dard garni de cristal et d'une étoffe de pourpre? Ma maison n'est pas moins une solitude ; ma porte est fermée a tout Je monde. A peine Ie jour des Calendes une femme entre-t'eile dans ma chambre. La chienne que j'aime, GJaucie , qui comme moi se plaint de ton absence, est la seule qui tienne ta place dans mon lit; j'orne de fleurs les autels de nos Dieux; je fais répandre de la verveine dans les carrefours ; je brüle sur nos antiques foyers 1'herbe qui vient chez les Sabins. Qu'une chouette fasse entendre son cri sur un toit voisin, que ma lampe étoufféeait besoin qu'on Ia rallume, ces mauvais pre'sages me condamnent a faire le sacrifice d'un agneau.etle prêtre se réjouit du nouveau profit qu'on lui procure. Ne mets pas, je te prie, tant d'importance a la défaite des Eactriens ; ne cherche pas a conquérir les riches tentes des Princes Arabes; défcnds toi de Ia grêle de plomb que les frondes envoyent en sifflant; garantis toi des flêehes que le Parthe adroit lance dans sa fuife. Vainqueur de ces peuples, rapportes tes armes entières; qu'elles marchent a la suite du char de triomphé. Sur - tout sois fidéle a nos engagemens; c'est a ces conditions que je fais des vceux pour ton retour. Lorsque j'irai suspendre tes armes a la  C 187 ) porte Capène, fécrirai au dessus : J'accomplis le vxu que j'ai fait aux Dieux qui tn'ont canserve mm ener Lycotas, ELÉGIE IV. tliitoire de Tarpêïa. Je chanterai le bois Tarpéïen, le tombeau de rintame Vestale qui lui a donné son nom, et la prise du Capitole, demeure antique de Jupiter : ce bois sacré, fait pour le bonheur , renfermait une grotte tapissée de lierre ; on y entendait le frémissement des eaux qui sortaient de leurs sources et baignaient le pied des arbres. C'était la retraite de Sylvain, lorsqu'au doux son de sa fiüte il y amenait boire son troupeau fatigué de la chakur. Tatius entoure la fontaine de palissades , il fait avec la terre un retranchement sür autour de son camp. Qtfétait Rome alors ? Voisine de Cures, on y entendait les faibles sons de la fiüte qui frappaknt le Capitole. La place publique qui dicte aujourd'hui des lois aux peuples vaincus était remplacement du camp des Sabins. Les remparts de Rome étaient ses sept montagnes, et ses chevaux beiliqueux allaient se désaltérer dans le lieu oü depuis fon a placé le Sénat.  C iSS ) Pour le service du temple de Vesta , Tarpe'ia va puiser de 1'eau a cette fontaine; un vase d'argde pèse sur sa tête. Elle voit Tatius qui s'exerce dans la plaine- Son casque öté laisse voir sa blonde chevelure; Tarpeïa est étonnée de la beauté du Prince et de Péclat de ses armes: ses mains ne soutiennent plus Purne qui s'échappe. De ce moment elle annonce des songes sinistres qu'elle impute injustement a la Lune ; elle prétend qu'elle a besoin de se purifier dans le Tibre. La crainte qu'elle a que le fer des Romains n'épargne pas Tatius lui fait offrir des ]ys aux Nymphes qu'elle veut se rendre favorables. Sur la fin du jour elle monte au Capitole; en marchant les ronces la déchirent. Arrivée au haut de la montagne , elle s'assied, déplore son malheur, et s'avoue coupable d'un amour qui doit irriter Jupiter. Camp des Sabins', dit-elle, tentes qui renfermez la garde de Tatius, soldats dont j'envie le sort, que ne suis-je prisonnière au milieu „ de vous ! Des fers.oui des fers ne m'effiayeraient pas, si j'avais le bonheur de voir Tan tius. Montagnes, Rome, Vesta que mes feux „ deshonorent, je vous dis adieu. Puissé-je „ être transportée dans le camp de Tatius par „ le cheval dont ce Prince arrange lui même la crinière !  ( 159 ) „ M'étonnerai - je a présent que la cruelle „ Scylla ait dérobé a son père le cheveu d'or j. et qu'une partie de son corps ait été changée „ en chienne? M'étonnerai-je qu'Ariane ait donné „ a Thésée un fil pour le guider dans les dé„ tours du labyrinthe, et qu'elle se soit ren„ due 1'auteur de la mort de son frère? Toi, „ qu'on a choisie si indiscrètement pour être „ la gardienue du feu sacré , Tarpéïa , tu vas „ devenirl'opprobre de ton sexe. Romains,soyez „ indulgens; ne vous étonnez pas si la flamme „ s'éttint sur 1'autel de la Déesse, il a été „ inondé de mes larmes. „ Demain, tel est le bruit qui se répand , „ demain on livre un assaut général. O Tatius! „ approche avec précaution d'une montagne hu- „ mide et couverte de ronces. La terre est glis- „ santé et le pas mal assuré ; le chemin ren- „ ferme des sources cachées dont ob ne se „ défie pas. Que ne possédé-je les secrets dela "„ magie ! Mon art yiendrait au secours d'un „ Prince dont la beauté m'a séduite. Prince „ des Sabins, Ie manteau royal te sied mieux „ qu'a celui qui ,abandonné de sa mère, n'a trou- „ vé qu'une louve pour nourrice. „ Recue dans ton camp, je puis partagerton „ sceptre et ton lit ; Rome que je te livre est » une assez belle dot. Mais, si tu l'aimes mieux,  C 190 ) „ et si le rapt des Sabines ne doit pas étie im„ puni, enlève moi,- use de représailles avec ,, ton rival. Les armées aux prises, je puis „ suspendre le eombat. Ralliez-vous a moi, „ jeunes Sabines, et négociez la réunion rles „ deux peuples. Tatius, conduis moi a 1'autel „ de 1'Hymen; la flüte fera taire la trompette; „ notre mariage éteindra tous les ressentimens, „ Déja la trompe a annoncé la quatrième veille ; „ les astres fatigués de leurs courses vont se „ rafraichir dans 1'Océan. Je vais enfin goüter „ le sommeil : les songes ne m'occuperont que „ de toi, Tatius; ombrechérie, tourne sanscesse ,, autour de mes yeux enchantés ". Elle dit et s'abandonne a un sommeil agité,elle ignore qu'elle est livrée a la rage des furies. Vesta, qui protégé les restes de Troye, nourrit son amour et verse mille feux dans son ame. Tarpeïa se léve et s'élance avec la frénésie d'une Bacchante qui, les habits déchirés, court des bords escarpés du Strymon vérs ceux du rapide Thermodon. Ce jour la on célèbrait la féte de Palès,anniversaire de la fondation de Rome. Les Bergers se régalaient entr'eux et la ville était dans les plaisirs. Les tables sont chargées de méts rustiques : la jeunesse dans Je vin s'arnuse a sautgr  C J9» ) par dessus des tas de foin allumés de plac? en place. Romulus avait voulu que ce jour la il n'y eüt pas de garde , et que le sommeil du soldat ne füt pas interrompu par le son de Ia trompette. Tarpe'ïa regarde ce moment comme favorable a ses projets, elle se rend auprès de Tatius, fait ses conditions et s'engage a servir de guide aux Sabins. La montagne était diflicile a gravir, mais la féte rendait la marche plus assurée. Aussitót Tarpéïa égorge les chiens qui par leurs cris auraient révélé sa trahison. Les Romains étaient ensevelis dans le sommeil ; mais Jupiier veillait lui-même au chatiment de Tarpeïa. Cette perfide avait livré une porte et trahi ses ConcitoyensFiére du succès, elle indique elle-même le jour de ses nöces; mais Tatius, quoiqu'ennemi des Romains, ne voulut pas récompenser le crime. Epouse mei, dit-il, et monte sur mon tróne : è ces mots les soldats jettent leurs armes sur Tarpéïa et 1'accablent sous ce fardeau. Voila , Perfide , la récompense due a ta trahison. O Vesta, une seule mort a-t'elle suffi pour punir la coupable qui a exposé tes autels a rester Fans feu ? La montagne a pris le nom dela prêtresseinfidelle qui 1'avait livrée. Chiens, gardiens de la Ville, vous avez éprouvé un sort que vous ne méritiez pas.  C 193 ) ELÉGIE V. Malèdictions contre la vieille Acanlhis qui faisait Le. métier infame de corrompre la jeunesse. Infame séductrice, puissent les ronces et les épines couvrir ta sépulture ! Pour ton malheur, que ton ombre éprouve le tourment de la soif; que tes manes ne soient jamais en repos; que Cerbère acharné contre toi te poursuive par des aboyemens éternels! Ton art est de séduire et de vaincre le plus faroucbe Hyppolite. L'union la mieux assortie est rompue par tes intrigues. Docile a tes lecons Pénélope ne s'inquiète plus du retour d'Ulisse, elle vole dans les bras d'Antinoüs. Par tes enchantemens, Paimant n'attire plus le fer, 1'oiseau a pour ses petits la haine d'une maratre, Pherbe des montagnes déracinée descend dans les vallons, la terre la plus compacte est emportée par les torrens. Tu dictes impérieusement des lois a la Lune; elle n'éclaire plus les hommes changés en loups. Pour tromper les regards de? tnaris les plus surveillans, tu dépouilles la tête des corneilles ,• enfin , pour me perdre moimême , tu consultes les chouettes et recueiiles 1'hippomane des jumecs qui sont pleines. Acanthis  C '93 ) Acanthis couvre de belles paroks ses actions eriroinelles; son adresse enflamme les desirs des filles les plus sages : elk triomphé de la résistance des plus rebelles. ,, Aimez-vous, leur „ dit-elk, les trésors que linde nous prodi„ gue et la pourpre dont Tyr est si vaine ? „ Aimez-vous les étofFes travaillées si artistement b dans l'ifle de Cös et les meubles qui décow raient Fancien palais d'Attalus? Aimez-vous « ks curiosités que Thèbes nous envoie et les « porcelaines que cuisent les Parthes ? Ne tenez » jamais votre parole , moquez-vous des Dieux, n affichez le mensonge et foulez aux pieds la » pudeur. Pour être plus recherchces, feignez v que vous avez un mari; imaginez un prétexte « pour recukr le jour oü vous devez vous ren„ dre. Une nuit éloignée rend un amant plus „ vif et plus empressé. „ Dans un emportement a-t-il dérangé votre „ coëfFure? Que sa colère vous profite, ne „ Faites la paix qu'en mettant sa bourse a con„ tribution. Avez-vous touché le prix de vos Faveurs? Parlez de Ia Fête dlsis qui vous. „ condamne au veuvage. Qulole votre esclave „ vous rappelle les ides d'Avril, et qu'Arpiclé „ soutienne hardiment que ks ides de Mai ra„ mènent le jour de votre naissance. Un sóu- pirant est-il a vos genoux ? Continuez d'éI  f 194 ) cnre un billet sous ses yeux; s'il mint „ un rival, s'il eil dupe de votre artifice, il eft 55 a vous. „ Ayez toujours sur votre cou des marqués " 'écentes . TU' fassent croire, qu'elle.* sont le „ fruit de vos jeux libertins. N'imitez pas Mé», dee qui a suiyi honteusement un infidèle • „ pour avoir fait des avances , elle a éprouvé „ des dédains. Que 1'adroite Thaïs vous serve „ de modèle : voyez comme dans les comédies „ de l'élégantMénandre,elle se joue des ruses », des valets. ,, Prêtez-vous aux gouts de votre amant. „ Aime-fil a danser ? Dansez. A table unissez j, vos voix et mariez vos chants. „ Que le portier introduise ceux qui appor* „ tent et qu'il dorme toute la nuit pour ceux >, qui ont les mains vides. S'il a de 1'or, ne „ refusez pas le soldat grossier , ni le matelot „ dont la rame a endurci les mains; ne rtbu„ tez pas même 1'esclave qui a été mis en vente j, sur le marché et aui a porté untcriteau sur „ sa poitrine. Voyez i'argent. sans voir la main „ qui le donne. „ Si, sans y joindre de riches parures, on „ voas aJresse des vers; dédaignant une lyre  ( *9S ) " 5tén!e' éeon^isez 1'Auteur. Profitez de votr* " le,Vldes' Ne rem«tez Pas a demain un bé» "ence qui peUt-être fait aujourd'hui. J'ai vu » des champs de roses que Poeste cultive , mois„ sonnés en un jour et brulés par le vent du j, midi. C'Cst avec ces discours séducteurs qu'Acantnis corrompt ma maitresse. (*). Reine du monde, ö Vénus, recois le don de «tte be..e _colombe;je te dois cette 0ffran en reconnoissance de tes bienfaits. J'ai vu Ia t0UK re[Joub,ée d,Acamh.s gorge ndee ; le sang et 1'écume couvraient es dents canées. J'ai vu son ame pestiféré p exbaler au travers du tok chétif ce ses père^. Le oyer etroit et glacé en frémissait d'horreur. puelques cheveux épars et un bonnet j'eusse alors entendu ta voix , ma vie eut été „ prolongée de quelques heures. T'a-t'on vu » accompagner mon convoi et mouiller de tes J5 larmes un habit de deuil ? Si tu as rougi „ de suivre mon corps au dela des portes de ,» la ville, ne devais-tu pas donner des ordres >, pour que le char marchat plus lentement? „ Ingrat, pourquoi n'as - tu pas recommandé „ aux vents d'allumer le feu de mon bücher ? „ Pourquoi n'y a-t*on pas répandu des parfums n qui m'auraient laissé leur odeur agréable ? Ne » pouvais-tu me sacrifier quelques hyacinthes de >, peu de valeur et faire sur ma tombe des lif, bations de vin? „ Ma rivale, qui tout-a-l'heure vendait ses „ faveurs Èt si bon marché, étale a présent des 9, robes d'or et se promèue avec orgueil. Si  C 203 ) quclqn'une de mes femmes ose parler de ma „ beauté, elk est aussitöt punie par une tache » au dessus de ses forces. La vieille Pétale, „ qui avaic porté des fleurs sur mon tombeau, „ a été enfermée dans une prison dégoutante; „ Lalagé qui avait demandé wie grace en mon „ nom a été suspendue par 1* cheveux & bat„ tue de verges. Que ne condamnes-tu piutót „ l'iniame Lygdamus a subir le supplice du feu! J'ai reconnu sa perfidie; le traitre m'a fait 9, boire du poison. Dut 1'adroite magicienne fairs „ disparaitre la liqueur meurtrière, la crucbe „ encore bruiante trahirait ses mains criminelles. 9, Tu as souffert que ma rivale enlevat 1'or j, de mon portrait; puisse celle qui s'enrichit „ ainsi étre dévorée des mêmes feux que ceux de mon bucher! Cependant, quoique tu le „ mérites, ie ne t'en veux pas, Properce ; tu as „ célébré long-tems dans tes ccrre, wra l,„»«v». „ et son empire. „ Je t'ai gardé une fidélité inviolable, j'en atteste ks destins dont ks arrêts sont irré„ vocables, j'en atteste Cerbère qui respecte „ mes moeurs et n'aboie pas après mon ombre. „ Si je Pen impose; que les vipères sifflent „ autour de moi et couchenc sur ma tombe! „ Dans ks enfers il y a deux séjónrs pour ks „ manes. Le nocher leur fait prendre des routes 1 6  I », d-.fFérentes. Tantót, sa barque fatale conduit „ dans lts lieux occupés par 1'infame Ciytem» nestreetparPindignePasiphaé^jui pourplaire i, a son amant, a pns la ressemblanee d'une ge„ nisse. Tantót, couronnée de fleurs,cette barque conduit dans 1'Élisée oü 1'on respire le » Parfu*n des r^jfs : c'est-la que sont les amans »» fil1èks i la, lés timbaks de Cibèle se marient „ avec ks sons harmonieux de la lyre. La, An„ dromède et Hypermnestrefidèles a kursépoux, » racontent ks principales actions de leur vie. » La première se plaint encore du rocher oü „ elle a été exposée , et des chaines qu'elle a „ portées pour expier 1'orgueil de sa mère. M L'autre raconte k grand attentat c om mis par ses sccurs, exempk horrible qui n'a pu la déterminer a se rendre coupable du méme crime. C'est ainsi qu'après la mort, de douces „ larmes consolent des peines de l'amour. Moi ,, je suis obligée de caHie.- tes numbieuses in- „ fidélités. „ Si ma mémoire t'est encore chère, si ren. „ chantement qui t'aveuglait est rompu, voici „ les ordres que je te donne. Que dans sa „ vieillesse Parthenie ma nourrice ne manque de rien ; cette bonne femme t'ouvrait ma porte ?, sans te mettre a contribution. Que Latris j, qui me servait au bain, n'ait plus 1'emploi  • C 205 ) 9I pémble de porter un miroir. Btüle les vers que tu as faits pour moi et cesse de vanter „ mes charmes. Ka-is óter le lierre dont les ra9, ineaux nombreux me pressent, me blessen; et 99 me tiennent enchainée. Qu'on élève une co>, lonne sur les bords de 1'Anio peuplés d'a„ gréables vergers. L'ivoire paffe faveur d'Her99 cule n'y jauuit jamais- Qu'on grave sur la „ colonne, cette inscription assez courte pour „ que le voyageur le plus pressé puisse la lire: „ ld rcpose Cy.nthie. Jnio, ma tombe donne un 9, nouveau prix aux tetres que tu fertiltses. v Ne méprisé pas les songes que comacre „ 1'esprit religieux ; ces espèces de songes mé„ ment toute ta confiance. La nuit met en li- • „ berté nos ombres , elle ouvre la porte de nos 1, pnsons. terbère lui même quitte sa loge re„ doutable. Mais le jour naissant nous ramène ,, aux enters; Je nocher qui nous recoit dans „ sa barque compte les ombres qu'il a passées. „ iois a present a d'autres femmes , Properce , „ bientót je te posséderai seule. Nous serons „ ensemble , et nos cendres réunies seront con99 fondues". Cynthie ayant fini ses piaintes et ses repro, ches, son ombre que j'embrasse s'éehappe etst perd dans mes bias.  C 206 ) É LÉG IE VIII. Cynthie surprend a Lanuvium , Properce qui y était alle avec deux filles pour se consoler des caprices,de sa maitresse. Cynthie furieust met en fuut les deux filles, er ne pc:donne a Properce qu aux conditions les plus dures. 4 ,a" e e« ez ce qui cette nuit a fait déserter le mont Esquilin. Le peuple a pris en foule le chemin de Lanuvium. Cette ville est depuis longtems le séjour du vieux dragon ; aussi ne manque-t'on pas 1'occasion de le visiter. On descend dans son antre par une ouverture étroite et ténébreuse. Jeunes filles, ne vous engagez pas légèrement dans un pareil chemin. On y trouve le serpent affamé qui demande sa ration annuelle , et qui du fond de sa retraite pousse d'horribles sifflcmens. Les jeunes filles qui redoutent son approche tremblent et palissent en présentant leur offrande. Le serpent saisit avec avidité les méts qu'on lui apporte; mais la frayeur agite les mains qui soutiennent les corbeilles. Si les filles sont chastes et pures, elles retournent chez leurs parens : alors les laboureurs annoncent que I'année sera bonne. Trainee par un aHage élégant, Cynthie se rend a Lanuvium. Elle veut porter son hom-  ( "07 j mage a Junon ou plutö: a Vénu?. Voie Appienne , dis nous avec quelle rapidité elle t'a parcourue ; les roues brülantes dévoraient le chemin. Placée sur ie siège du cocher, Cynthie se donne en spectacle au public. Elle n'a pas même rougi de se rendre dans des lieux mal famésUne taverne ignorée a été le'théatre d'une dispute malhonnête. Si je n'en lus pas acteur, ma réputation n'en a pas moins souffert. Je ne parlerai pas de la voiture doublée de soie du prodigue Volsius, ni des chiens molosses ,ornés de colliers brillans, et courant devant le char. Mais ce Volsius est un débauché que ses folies dépenses réduiront a vendre ses services, avant que ia barbe perce honteusement ses joues décharnées. Les atteintes fréquentes portées a la sainteté de mon union avec Cynthie, m'avaient décidé a porter ailleurs mes amours. Je m'adresse d'abord a Phyllis logée prés du temple de Diane sur le mont Aventin. Cette fille lorsqu'clle est a jeün est peu séduisante; mais dans le vin tout se change en graces. Je pense aussi a Téïa demeurant prés du bois sacré du mont Tarpéïen: elle a de la beauté ; mais un homme ne lui suffitpas lorsqu'elle a bu. Pour faire diversion a mes chagrins, j'étai.s résolu de passer la nuit avec ces belles et de réveiller dans des bras étrangers mon goüt pour les plaisirs.  C 208 ) Sur un gazon écarté était un seul lit. Un lit pour trois? Sans doute, j'étais entre Phyllis et Tcïa. Lygdamus versait a boire. Comme il faisait chaud , nous avions bonne provision de vin, surtout de celui de Lesbos. Un Égyptien jouait de la flüte; Phyllis battait son triangle ; des roses fraiches étaient semées au hasard. Un nain ra:na,ssé dans sa taille épaisse promenait sur un flageolet ses doigts écourtés. Nos lampes qui n'avaient pas été renouvellées ne donnaient qu'un jour faible; la table mal assise i'était renversée; je cherchais avec les dez a savoir par qui je débuterais ; mais le sort trompait toujours mon attente. Les belles chantaient a un seurd ; elles découvraient leur sein a un aveugle. Hélas ! je reftais aux portes de Lanuvium. Mais tout a coup on entend la première porte tourner sur ses gonds. Un bruit léger part du vestibule. Aussitöt Cynthie pousse les deux battans. Sa frisure était négligée; mais sa colère dounait de 1'éeiat a sa beauté. A sa vue, la coupe que je tenais échappe de ma main ; mes lèvres , quoiqu'arrosées de vin, palissent. Les regards de Cynthie sont foudroyans; sa fureur a toute 1'énergie dont une femme est capable. On aurait cru voir une ville prise d'assaut. D'abord elle se jette sur Phyllis dont tüe  ( sop) déchire le visage : Téïa, effrayée, appeüe du secours, comme si la maison eüt été en feu. Les lumières qu'on apporte troublent le repos du voisinage : dans cette nuit tumultueuse on entend partout du fracas.'Les cheveux en désordre et les robes déchirées , Phyllis et Téïa se sauvent dans la première taverne qu'ellestrouvent. Cynthie s'applaudit de sa victoire ; triomphante elle retourne a la charge et me frappe le visage a coups redoublés. Ses dents s'impriment sur mon cou et 1'ensanglante nt ; ses mains s'addressenr de préférence a mes yeux coupables. Lasse enfin de me maltraitsr, elle fait dépouiller Lygdamus qui caché derrière Ie lit imnlorait maprotection. Eh.' que puis-je pour toi Cr pour moi ? Nous sommes pris tous les deux: Enfin , suppliant et les mains jointes, je cherche a faire ma paix; mais elle me permet a pene d'approcher de ses pieds. „ Si tu veux» „ riit-elle, obtenir ton pardon, voici les con„ ditions que j'y mets. Tu n'iras plus paré, ,, soit aux galeries de Pompée , soit aux jeux du ,, cirque. Au théatre tu ne tourneras jamais la „ tête derrière toi; ta liiière restera ferméelors„ qu'elle s'arrêtera. Pour Lygdamus 1'auteur de >, mes chagrins, qu'il soit mis en vente et con„ duit au marché les fers aux pieds". Telles furent les conditions de Cynthie : j'y ai sou*.  r 210) crit. Fiére de mon humiliation, Cynthies'applsudit et sourit. Enfin , elle purifie la place qu'avaient occupée les belles étrangèrës; pn lavejusques aux portes. Les lurmères sont renouvellées ; une fumigation de souffre tourne autour de ma tête; les °coussins et les couvertures du lit sont chargés. Cynthie finit par se placer prés de moi et partage mes transports amoureux. ELÉGIE IX. Hercult après avoir tui Cr.cus annonce qu'on. lui ilèvera un temple sur le mont Aventin. Xl/RiTHiE, lorsque le fils d'Alcmène et de Jupiter eut enlevé de ton isle les troupeaux de Gé*ion , il les condnisit sur nos montagnes invincibles, montagnes qui n'étaient alors qu'une vaste et sombre forêt. Hercule et son troupeau se reposaient a 1'endroit oü le Velabre, étendant ses eaux, formait un marais couvert de barques. Ses bceufs ne furent pas en süreté dans eet asile ; Cacus en avait détoumé deux et s'était ainsi rendu coupable d'un sacrilège. Cacus qui vomissait des flammes par trois bouches habitait ces cantons. Se cachant dans un antre redoute, il y vivait de brigandage. Pour  C 211 ) nf pas laisser de traces de son vol, le brigand avait trainé les btcufs a reculons. Mais Hercule n'en ent pas moins connaissance du largin ; ses bceufs en mugissant trahirent le voleur. Le fils de Jupiter brise les portes de la caverne et fait périr Cacus sous les coups de sa massue. „ Sor„ tez de eet .antre , dit-il a ses bceufs ; sortez > 5, vous serez le dernier de mes travaux. Je vous „ ai cherché deux fois, deux fois je vous ai „ conquis ; habitez iong-tems ces paturages j 3, ils deviendront un jour une des places de „ Rome. II dit et il se sent la bouche sèche et brülante, La terre des environs ne présentait pas de sources; mais il entend au loin les jeux et les ris de jeunes filles qui habitaient un bois dont la voute épaisse et sombre annonjak rentree d'une forèt. C'était un temple consacre a Isis. Les hommes ne peuvent y entrer; leur présence sacrilège obligerait de purifier les sources s.acrées. Des rideaux de pourpre en dérobaient rentree qui était a l'écart. Cette ancienne habitation était éclairée par des feux qui répandaient une odeur agreable. Un peuplier servait d'ornetnent a ce temple ; ses vastes rameaux donnaient retraite aux oiseaux' qui faisaient entendre leurs concerts. Hercule s'avance a pas précipités. Sa barbe  C 2,12 ) était couverte d'une poussière épaisjf. Arrivé k Ia porte du temple , il y fait cette humble prière qui n'était pas 1'annonce d'un Dieu : „ö vous „ quifolatrez dans cette enceinte, accordez a un „ homme épuisé l'entrée du temple. Dévoré par >i la soit', je cherche par-tout une source ; si je la trouve, le creux de ma main suffit pour „ me désaltérer. Avez-vous entendu parler de celui qui a soutenu le Ciel? C'est moi. La „ terre que j'ai pacifiée m'appelle Alcide : et „ qui ne connait pas les exploits que j'ai faits >, avec ma massue,& le pouvoir de mes flêcheg „ qui n'attaquent pas en vain les monstres ? Je . „ suis le seul qui ait introduit la lumière dans » le séjour des ténèbres (*) „ Quand vous desserviriez le temple de la „ maratre qui me persécute, elle ne m'interdi„ rait pas 1'usage de vos sources. Si mon front „ terrible , si mon teint brülé par le soleil, si ma peau de Lion vous effrayent, sachez qu'en „ babit de femme j'ai servi la Reine de Lydie et „ que j'ai manié 1'aiguille et les fuseaux ; sachez „ qu'une écharpe légère couvrait ma large poi„ trine, et que mes mains, quelque dures qu'el„ les soient, ont fait tous les ouvrages qui re„ gardent votre sexe. {*) Ici il y a uae lacune.  C 213 ) Ainsi paile Hercule : la grande Prétresse, dont la tête blanchie par les ans est ceinte d'une bandelette de pourpre, lui répond par ces mots : ?, Etranger, épargne nous ta présence, éloigne „ toi d'une enceinte sacrée et ne profane pas „ un séjour respecté qui est interdit aux hom„ mes. S'ils en forcaient 1'entrée , on serait obligé „ de pnrifier le temple. Ces autels écartés t'an„ noncent assez quelles sont nos loix. Que n'en „ a-t'il pas coüté a Tirésias pour avoir voulu „ voir Pallas dans le bain ? Que les Dieux t'of,, frent d'autres sources! Ctlles-ci coulent dans „ des sentiers, inconnus; elles sont réservées „ pour 1'usage des femmesj Après ces paroles, Hercule d'un coup d'épaule renverse les portes; sa soif ardente ne lui permet pas d'attendre. II se précipite du cöté ct'une source dont il épuise pour ainsi dire les eaux. Les lèvres encore humides, il prononce eer oracle : J'ai rempli mes pénibles desttnéesFatigué de tant de travaux, faborde ce coin du monde et j'y trouve d pcine Vhofpitaliti. Que ce lieu soit censacré d la joie que j'ai de retrouver mes boeufs : mes mains puissantes y élcveront un autel dont l'approche sera interdite aux femmes. Cette vengeance est düe d Hercule d qui on a laisse endurer le touiment de la soif. Puissant Hercule, je te saJue. Rcconcilié en-  C 2<4 ) fin avec Junon, daigne protéger mes écrits. On te révère pour avoir purgé la terre des brigands qui la désolaient; sous le règne de Tatius, les habitans de Cures ont été les premiers qui t'aient élevé des Autels. ELÉGIE X. Lts dèpouilles oplmes ont fait donner d Jupiter le surnom de Férétrien. Romulus, Cossus et Marcellus sont les Sfuls qui ayent offert les dèpouilles des Généraux qu'ils avaient tués. Je vais apprendre ce qui a fait donner a Jupiter le surnom de Férétrien. Je vais chanter les dèpouilles opinies dépo>ées dans son temple par trois de nos Généraux. Cette entreprise est hardie; mais ïa gloire oü j'aspire me donnera des forces. Une couronne obtenue sans peine ne me plairait pas. C'est toi, Romulus, qui le premier as cueilli cette palnie glorieuse : tu es rentré dans Rome couvert des armes d"Acron que tu avais vaincuAcron menacait les murs de Rome, tu le combats, et ta lance victorieuse le renverse de son chevai et 1'abat a tes pieds. Ce Prince descendu d'Hercule régnait dans Ccenine. S'étant rendu la terreur des Romains, il se flattait de s'enrichir  C "-15 ) de leurs dèpouilles ; mais il fut lui-même dépouillé : ses armes ont été tcintes de son sang. Acron faisait pleuvoir une gréle de traits fur les tours de Rome : Romulus fait un vceu qui est aussitöt exaucé. O Jupiter , s'écrie-t'il, Tennemi que je vois est une viaime que je te devotie. II dit, & 1'holocauste fut consommé. Fondateur de Rome & modèle de courage, il a habitué les Romains a la vicïoire. Il savoit supporter finclémence des saisons ; >es mains avaient le talent de manier un cheval, mais elle ne dédaignaient pas la conduite de Ia charrUe. Son casque saus éclat n'était surmonté que d'une simple peau de loup ; son bottelier n'étincellait pas des feux que' jettent les pierres précieuses; son baudrier était fait d'une peau de boent' préparée. Mais alors on ne faisait pas la guerre de 1'autre cöté du Tibre; Nomente etle petit terroir de Core étaient ses conquêtes les plus reculées. Cossus est le second des Romains qui s'est illustré par la mort de Tolumnus Général des Véïens. Dans ce tems-la, Véïes était une puissance formidable ; cette ville qui n'est plus avait dans la place pubhque un fiège doré pour son premier magistrat. Aujourd'hui nos bergers jouent de la flüte et promèuent leurs troupeaux dans  Penceinte de ses murs; on y récolte des grains nés sur les corps de ses habitans. Le Général jdes Véïens s'était arrêté sur la tour qui défendait la porte de la ville ; alTuré dans ce poste, il entre en pourparler. Cossus lui répond : ., Le bélier ïi la tête d'airain sappe , vos murailles, une bonne galerie protégé nos travailleurs : Nous ferions mieux toi et moi „ de mesurcr nos forces en plein champ ", Le défi est accepté; les deux Généraux entrenten lice et corabattent : les Dieux protégent les armes des Romains. La tête de Tolümnus est abattue ; son sang baigne le pied des chevaux. Claudius Marcellus qui a repoussé les Gaulois au dela du Pó , a eu la gloire de combattre et de vaincre Virdumar chef de ce peuple. Ce guerrier prétendait que le Rhin était Pauteur de sa familie; il se distinguait par Padresse avec laquelle il lancait des traits du haut de son char. Couvert d'une cotte d'armes rayée , il combattait a la tête de ses troupes. Marcellus lui coupe la tête qui tombe avec son collier. Ces trois dèpouilles opinies ont été déposées dans le temple de Jupiter, et il porte le surnom èe Férétrien, soit parceque nos Généraux avec sa protection sont sürs de vaincre, soit paree cue couverts des armes des chefs vaincus, ils ^ les  C ai? ) les portent dans son temple. Telle est rong-ine du surnom qu'on donne a Jupiter. ELÉGIE XI. et dernièk.e. Paroles de Cornilie descendut aux enfers. Cesse, mon cher Paulus, d'inonder ma tombe de tes pleurs; les portes du Tartare sont sourdes a toutes les prières. Le noir Pluton prêtatil 1'oreiile a tes supplications, tes larmes se perdraient dans les Hots de 1'impitoyable Achéron. Lorfque du bücher on passé dans le séjour des ténèbres, on est soumis a un empire qui a la dureté des diamans. Les Dieux du ciel peuvent êcre fléchis; mais lorsque le triste Nocher a recu son saiaire , il ferme notre tombe et 1'herbe croit bientót sur notre bücher. Tel est donc Ie sort que m'a préparé la trompette funéraire , lorsque les flambeaux ont éclairé mou convoi. Hélas! Que m'a servi le titre de ton épouse? Parlerai-je des triomphes de mes ancêtres et de la grande renommée que mes vertus m'avaient acquise ? Les Parques en ont-elles été moins cruelles pour finfortunée Cornélie ? La main la plus faible peut porter ce qui reste de moi. Séjour des ténèbres, marais dont les eaux K  C 218 ) jsaresseuses semblent dormir, fleuves qui m'enchaiuez dans vos longs replis , vous m'avez appellée de bonna heure dans votre empire ; mais je n'y viens pas en coupable. Que Pluton me fecoive avec bonté ; ou , si je dois subir lejugement du sévère Éaque, si son urne doit décider de mon sort , qu'il assemble ses collègues et que les Euménides se rangent autour de leur tribunal. Sisyphe, abandonne ton rocher; ne tourne plus, roue d'Ixion ; Tantale, saisis une fois 1'eau qui trompe tes desirs ; et toi, Cerbère, ne tourmente pas aujourd'hui les ombres criminelles ; dégagé de ta chaine, reste couché dans ta loge : moi-même je plaiderai ma came. Si j'en impose a mes juges, que 1'urne des Dana'ïdes pèse sur ma tête et soit mon supplice! Si les trophées érigés a la gloire de nos aneêtres donnent du lustre a notre sang, je puis invoquer le vainqueur de 1'Afrique et de Numance. Les Libons mes ayeux maternels ne Héparent pas mon origine : ces deux maisons sont également illustres. Après avoir quitté la robe ' de 1'enfance, après qu'une coëifure nouvelle m'tü.i préparée a recevoir les torches nuptiales, je te donnai la main,Paulus; mais ce fut pour te quitter bientót. On lira du moins sur ma j tombe que je n'ai pas eu d'autre époux.  ( 2I9 ) O Rome ,j'atteste les cendres respectées de mes pères j j'atteste les héros qui ont mis TAfngue sous lejoug; j'atteste Persée qui avait pris Achille pour modèle ; j'atteste celui de mes ayeux quia détruit ia maïsönde ceméme Achille, que je n'ai pas eu a redouter les loix de la censure, et que ma vie a toujours été exempte de reproche. Non, Cornélie n'a Pas deshonoré la mémoire de ces grands hommes ; elle est devenue elle-même un exemple pour son illustre maison. Ses mccurs n'ont jamais changé, sa vie a été sans tache. Les mêmes vertus ont rempli Tintervalle qui s'est trouvé entre les torches nuptiales et les flambeaux funéraires. La nature m'avait donné des mceurs contbrmes a ma naissance ; la crainte d'un juge inflexible ne m'aurait pas rendue plus irréprochable. Qu'on apporte 1'urne qui a rendu'les jugemens les plus sévères , elle ne sera pas diffamée par les sufFrages qu'on rendra sur moi. Je ne crains pas les regards de Claudia , cette prétresse: si chère a Cibèle, et qui seule a dégagé son vaisseau arrêté dans le sable ; je ne crains pas les tiens, illustre Vestale, qui montras ton voile enflammé , lorsqu'on te redemandait le feu sacré. Mère tendre ttchérie, Scribonia , ma conduite ne t'a affl'-ée dans aucun tems, tu ne déplores que ma mort prématurée. Tes pleurs et les reK 2  c 2*°; «rsts des Romains ont honoré mes funérailles, César lui-même n'a-t-il pas rendu juniee a ma nu'moire? Il s'est plaint de ce que la digne soeur de sa fille n'était plus: ce Dieu a versé des larmes sur ma mort. Cependant j'avais mérité les honneurs qu'on rend a la fécondité ; ma pompe funéraire n'annon^ait pas une maison stérile. Lépidus et Paulus, vous êtes la consolation de votre mère : mes yeux se sont fermés dans vos bras. J'ai vu mon frère obtenir deux fois les honneurs de la chaise curule, j'ai été enlevée après sa nomination au Consulat. Mon bonheur a été de ne pas porter de deuil ; ma familie toute entière a tté présente a mes funérailles. Cher Epoux, je te recommande les enfans gages de notre uniou : cette tendre sollicitude se conserve sous les cendres du bücher. Toi, qui aux soins de.père vas joindre ceux d'une mère, tu auras a porter tout le faix de leur éducation. Lorsqu'ils pleureront sur ma mort, ajoüte a tes baisers ceux que leur aurait donné leur mère. Te voila donc chargé de tous les soins domeftiques: si ma perte t'arrache des larmes , que ce ne soit pas en leur présence; s'ils surprennaient tes pleurs , taris en la source et trompe les par tes baisers. Les nuits sont assez longues pour exercer tes douleurs. Souvent les  c m ) songes te présenteront mon image ; quoique seul dans ton lit, si tu m'adresses la parole , ne crains pas de t'expliquer comme si je devais te répondre. Mais, si une odieuse solitnde t'engage a choisir une autre femme , si une belJe mère adroite prend ma place dans ta maison; mes enfans, souft'rez et approuvez le nouvel engagement de votre père. Cette conduite peut flatter une nouvelle épouse qui veillera sur votre éducation. Ne me louez qu'avec réserve ; craignant la comparaison , votre belle mère prendrait pour une injure un éloge trop marqué. Si, fidéle a ma cendre, votre père se contente d'un premier hymen , s'il croit devoir ce grand sacrifice a ma mémoire, habituez-vous, mes enfans, a lui rendre agréables des jours, menacés d'une vieillesse prochaine , consolez-le par toutes sortes de moyens des ennuis du célibrt ; que les ans qui m'ont été dérobés soient ajoütés aux vótres, &qu'heureux par vos soins, votre père se complaise dans une longue vieillesse. Toi, ma fille , dont la naissance a été marquée par Ia Censure qu'exercait ton père, suis mon exemple & n'ayes jamais qu'un époux. Que de nombreux enfans affermissent la gloire II 3  C 111 ) d'e notre maison. Moi, j'ai passé sans régret dans la barque fatale. Elle m'épargne des chagrins quej'aurais eu a supporter. La plus grande gloire d'une femme, ce qui fait sa récompense, ce sont les éloges qu'on donne a sa mémoire. Ma cause est plaidée ; témoins qui pleurez ma mort, levez-vous et déclarez que la terre reconnaissante paye a ma mémoire le tribut d'éloges qui lui est dü. Si le ciel a été quelquefois la récompense des bonnes mceurs, pour prix de ma conduite, que j'obtienne du moins Favantage de rejoindre mes illustres aïeux. F I iV.  T A B L E DES MATIÈ1ES Conunant LXXXl Élégics. Livre premier. e I. P/operce aime avec fureur Cynthie sa première passion; arrêté dans ses fers, ilconseille d ses amis de rimiter et de ne pas changer de maitresse, page i Elégie I [. // combat le goüt de Cynthie pour la recherche dans sa parure. 3 Elégie III. Récit de ce qu'il a fait auprès de sa maitresse endormie; tendres reproches qu'il en recoic. § Elegie IV. Reproches a Bassus qui lui conseillait d'abandonner sa maitresse: il le menace de son courroux. 7 Elégie V. 11 détourne Gallus de l'envie qu'il a de cennaitre Cynthie; il se  préparerait des chagrins et l'escïavage le plus dur. page 8 Élégie VI. L'attachement qu'a Properce pour Cynthie l'empêche d'accompagner Tullus; 10 E'égie VII, A Ponticus Poète épique. Properce Vengage a ne pas mépriser un Poète élégiaque, dans la crainte que l'amour ne se venge de ses mépris. I o Élégie VIII. 2/ invite Cynthie a renoneer a un voyage qu'elle projet ait. Cynthie rendue d ses prières, il se felicite du succes qu'ont obtenu ses vers, 14 Élégie IX. II donne des conseils a Ponticus qui est devenu amoureux comme il le lui avait préditt 17 Elégie X. Témoin du bonheur de Gallus , il s'engage, pourprix de sa confiance , d lui rendre service dans les brouilleries qui pourraient naitre entre les deux amans. 19  Elégie XI. 11 engage Cynthie a quitter h séjour de Bayes. page 21 Élégie XII. A un ami. Malgré les mépris et l'abandon de Cynthie, Properce ne peut aimer et n'aimera jamais qu'elle. 23 Elégie XIII. 11 présume que la nouvelle maitresse de Gallus fixera sa légèreté. 24 Élégie XIV. A Tullus. Les biens de l'amour Femportent sur tous les autres.zó Élégie XV. Reproches d Cynthie sur son indijférence dans un moment oü la fort une le maltraité. 23 Élégie XVI. Properce fait iparler la porte Tarpeïa qui se plaint des vkes de sa maitresse qui lui attirent des injures. so Élégie XVII. Regrets sur son éloigncment de Cynthie. 33 Élégie X VIII. Dans sa disgrace, Properce confie ses chagrins aux arbres (t aux rochers, 35  Elégie XIX. // craint que, s'il venait d mourir, Cynthie ne forme d'autrts engagemens. page 37 Élégie XX. A Gallus. Properce avertit son ami de prendre des précautions pour conserver son Hylas et lui rappelle le soit de celui qu'üercule chérissait. 39 Élégie XXL Dernières paroles d'un Guerrier aussi appellé Gallus. 42 Élégie XXII. et dernière. Properce instruit Tullus de son origine et du lieu de sa naissance. 43 Livre second, Élégie I. Raisons pour lesquelles Properce n'écrit que despoésies galantes, 44 Élégie II. II se reprend d'amour pour Cynthie dont il fait l'éloge et le portrait, 48 Élégie III, Lorsqu'on s''engage au service des belles, il faut s'attendre d leurs caprices et d leurs rigueurs. 52  Élégie IV. 11 menace Cynthie de laquit* ter et de prendre un& autre maitresse; ensu/te il Vinviie d faire un retour sur elle même et d changer de conduite. page 53 Elegie V. Reproches d Cynthie sur le nombre de ses galans.. InveStive contre les peintres qui ont corrompu les mtzurspar des tableaux trop licenc. 55 Élégie VI. II se félicite de la rêvocation de la Loi Julia. 57 Elégie VII. Désespoir de Properce sur Véloignement de Cynthie. 5$ Élégie VIU. Properce veut oublier Cynthie et quitter le genre Élégiaque pour chanter les exploits d'Augujie. 63 Élégie IX. 11 loue le peintre qui a réprésenté l'Amour en enfant avec un carquois et des flêches. 6j Elégie X. Cérémonies qui seront observées d ses funérailles : il se recommande au souvenir de Cynthie. 66 Élégie XI. II a triomphé de la réptance de Cynthie. 69  Élégie XII. Plaisirs qu'il a goütés en passant la nuit avec Cynthie. p->ge 71 Élégie XIIL Plainte sur la légèreté de Cynthie qui Va écarté pour recevoir un Prêceur d'Illirie et s'engraissir de ses richeffes. 74 Élégie XIV. II engage Cynthie d cej/lr de teindre ses cheveux. 7l Élégie XV. U félicite Cynthie sur le choix qu'elle a fait d'une campagne écartée et promet de la rejoindre bientót. 80 Élégie XVI. 11 raffure Cynthie qui avait des craintes sur sa fidélité. 82 Élégie XVII. Ce qui vient d'arriver iL Cynthie doit lui apprendre d ne pas écouter fi légèrement les hommes qui la tromperaient, comme elle vient de Vêtre. 84 Élégie XVIII. Properce avoue d Démophoon son penchant pour les femmes et les chagrins qu'il lui occafionne ; mais les rigueurs de Cynthie le  dèterminent d ne plus se lïvrer qu'd des beautés vulgaires qui lui laisseront sa liberté. page §5 Elégie XIX. Nouvelle inconftance de Cynthie. Elle n'aime pas puisqu'el/e prodigue ses faveurs d plufieurs. Pour lui, il aimera toujours. 90 Élégie XX. Songe ou il voit Cynthie prete dpérir dans la mer : il of re de voyager avec elle, et lui promet la faveur des Dieux. 94 Elégie XXI. La maladie de Cynthie lui donne occasion de lui reprocher sa conduite; cependant il fait des vceux pour sa conservation. ^ g Elégie XXII. Rencontre d'une troupe d'amours qui conduit Properce chez Cynthie; mais comme il était jour et que celle-ci Pavait attendu toute la nuit, elle se leve et lui fait défendre sa porte. 10l Élégie XXIII. Defcription du portique d'/tpollon II invite Cynthie d lui refter attaché; mais il n'ignore pas ses infidéiités. La légereté eft le carac-  tére dominant des femmes; il ne prétend pas gêner fes gouts. 103 Elégie XXIV. Plaintè contre les fêtes d'Jsis et contre le vin. 109 Elégie XXV. et dernière. Danger de confier sa maitreffe d un ami. Conseils qu'il 'donne d Lyncée s'il veut s'attacher au beau sexe. 111 Livre troisième. Élégie I. Properce s'applaudk d'avoir introduit un genre de poésie inconnu aux Romains. Malgré ses détracteurs et ses envieux, il se promet l'immortalité et la promet d sa maitresse. 116 Élégie 11. Songe pendant lequel il voit Apollon & Calliope. Le premier lui conseille de ne pas emboucher la trompette héroïque, et l'autre l'engage d continuer ses chants. 119 Élégie III. Il annonce les conquêtes qus va faire Augujle. Heureux spectateur  dt ses tjiomples , // se borne d sulvre les drapeaux de l'amour. Lorsque ses feux seront èteints , il se livrera d 1'etude dela philojophie. 122 Elégie IV. Dialogue entre Properce & Lygdamus esclave de Cynthie. 11 roulesurla querelle qu'il y a eu ent ie les deux Amans. 126 Élégie V. Naufrage et mort du jeune Pcetus. Sortie contre l'amour des richesses qui a fait braver les dangers de la mer et qui a ouvert une nouvelle porte d la mort. 129 Elégie VI. Les emportemens de Cynthie étant la preuve de son amour, Properce se félicite de les avoir éprouves. 133 Élégie VII. 11 s'excuse auprès de Mécènes de ce qu'il ne s'occupe pas d'cuvragesplus sérieuxque des Êlég. 135 Élégie VIII. Properce célèbre le jour de la naissance de Cynthie. 133 Elégie IX. II excuse son amour pour Cynthie par les exemples des faib'esses des Dieux, des héros et des plus  grands hommes. L'amour d' Antoine pour Cléopdtre lui foitrnit Voccasion de rappeller les victoires d'Auguste. 140 Élégie X II -eproche a Poftumus Vabandon de Galla et la préférence qu'il donne d la g'oire des armes. 11 le félicite d'ailleurs d'avoir une femme aussi chaste, malgré les moeurs du siècle. 144 Flégie XI. Le luxe de Rome et la corruption de ses mxurs sont les avant coureurs de sa ruïne. 146 Élégie XII. II regrette que les Dames romaines n'aient pas été élevées comme les filles de Sparte. 149 Élégie XIII // prie Cynthie de ceffer de persécuter Lycinna; il Vy engagc par l'exemple de Dircé et par les assurancesd'unattachement éternel. 151 Élégie XIV. // dèlibère pour favoir s'il ira joindre sa maitresse qui, au milieu de la nuit, le demande a Tivoli. 154 Élégie XV. 11 prie Bacchus de le dédvrer des tourmens de VAmour. 156  Élégie XVI. Sur la mort de Marcel p. i?8 Élégie XVlt L'amour des fimmes est plus déreglé que celui des hommes. 160 Élégie XVIII. On n'aime pas quand on prèfère Vamas des nchcjjes d la possejjion de son amante. 162 Élégie XIX. Avant deprofiter des bontés de Cynthie , il veut faire un traité garant de leur fidélité réciproque. 163 Élégie XX. II se propose d'aller d Athh nes pour étouffer son amour pour Cynthie. i64 Élégie XX. II invite Tullus d revenir d Rome. l66 Élégie XXII. Regrets sur la pene de ses tablettes. 163 Élégie XXIII. et dernière. Properce annonce d'Cynthie sa rupiure. 170  Livre quatrième et dernier. Élégie I. Eloge de Home devenue aujji grande après de fi faibles commencemens. L' Auteur parle aussi de sa propre gloire, 172 Élégie II. Eloge du Dieu Vertumne.ilo Élégie III. Cette lettre parait être de Galla a Postumus fous les noms fup' pofés d'Aréthujè et de Lycotas. 183 Élégie IV. Hifloire de Tarpeïa. 187 Élégie V. Malédiblions contre la vieille Acanthis qui faisait le métier infame de corrompre la jeunesse, 192 Élégie VI. Properce célèbre Apollon et la bataille d'AStium. 196 Élégie VIL L'ombre de Cynthie lui app ar ait. 201 Élégie VIII. Cynthie surprend a Lanuvium , Properce qui y était allé avec deux filles pour se consoler des caprices de sa maitresse. Cynthie fu-  neuse met en fulte les deux filles, et ne vardonne d Properce qu'aux conditions les plus dures. 2o6 Elégie IX. hercule après avoir tuê Cacus annonce qu'on lui é/èvera un temple sur le mont Aventin. 2io Élégie X. Les dépouiVes opimes ont Jair donner d Jupiter le surnom de Férétrien. Romulus, Cossus et Marcellus sont les seuls qui ayent offert les dèpouilles des Généraux qu'ils avaient tüés. Élégie XI. et dernière. Paroles de Cor* neae descendue aux enfers. 2i7 F'M DE LA TaBLE DES MatIïRES,