E S S A I SUR L E DESPOTISME ET LES RÉVOLUTIONS D E R U S S I E.  ,3 1 8 8 U Jï  PREF A CE. 'Hiftoire de la derniere révolution de Ruffie, afé/tf afc ta^ d'autres qui Vont précédées, Wé? feroit que le re'cit d'une heureufe Conjuration; mais ft Pon jette. un wil retrograde fur Thiftoire des peuples gouvernés par Cath. 11 fur le génie■& la conduite de fes prédecejfeurs, fur le caraclere & les intrigues des principaux des Moscovites, ce grand événement qui change la politique Véquilibre de toute VEurope devient intérejjant a toutes les nations, glorieux a celle qui seft élevée a la puiffance fouveraine & avantageux auxfujets foumis volontai* rement d fon autorite'. Cejl aux annales du Regne de Cath. II. a container e de eet te vér ite; fon hiftoirefurprendra par les détails d'une guerre & d'un gouvernement politique, oü des rejjbrts feer ets & des génie s ca* chés ont produit tout qui s'eft jait admirer Jous les regnes des plus jameux conquérans, N'ayant point percéces myfteres, & riétant pas fuffifamment inftruit pour compqfer ce vafte tableau, je me contenterai de rapporter des détails qui me font ajjez familiers pour faire une fidele defcription de la célebre révolution de Cath. II. Les circonftances les plus minucieufes y peindront le caraclere & le génie de ceux qut figurent fur cette ff ene. Mon hut, fans louer ni hldmer perfonne9 eft de développer le coeur & ïefprit de Phom-  P R F A C EL" tne; de faire voir a tout le par fon propre jugement, ce que peuvent produire la préfence d'efprit^ le fang froid & ïimperturbabilité de Vame; quelle fupêriorité Von acquierl fur fes femblables, en les connoijfant, en oppofant aux événemens, une rêfolution ferme & une contenance inébranlable; & enfin quelles font leg fuites des foiblejfes ou des inconféquences.  Le gouvernement Ruffe a toujours été confidéré comrne despotiqae. Suivant Montesquieu, il ne faut que des paflions pour établir cette forte de gouvernement, tout le monde eft bon pour cela (i): un „ grand Empire fuppofe une autorité despotique dans celui qui le gou„ verne (2): dans ces états il n'y point de loix pour ainfi dire, il n'y „ a que des mceurs & des manieres " (3). Après ces grands principes, „ ce célebre écricain invite fes lecleurs a voir avec quelle induftrie le „ gouvernement Moscovite cherche a fortir du despotifme , qui lui „ eft plus pefant qu'aux peuples mêmes" (4). Malgré cette opinion générale, on ne peut fe difpenfer deconvenir que depuis longtems., il a fubfifté dans les nations Ruffes une efpece d'autorité, ou du moins, d'intriguepuiffante qui contre-balancoit le pouvoir arbitraire du Despote.. Le plus cruel des fouverains Ruffes, accoutumé d'enfanglanter le glaive de la juftice, autant que celui de la guerreofitions fans nombre qu'il rencontra. Les Boïards mécontens du gouvernement d'Alexis & de^yoir at- (11) Jean & Corneille de Witt, maffacrés i Ia Haye en 1672. ^  #(5)# tirer dans leur pays tant d'étrangers, qui condamnoient en commun tous les ufages de Ruffie, & qui, chacun en particulier, tachoient d'en établir de nouveaux, ne cefferent de s'oppofer a ces innovations; dans plufieurs endroits ils fe révolterent ouvertement; dans d'autres on fe fervit de ce prétexte pour prendre les armes & pour caufer le plus grand défordre dans toutes les Provinces- de la Ruffie. La révolte de Stenk^-Razin qui mit en combuftion les Royaumes d'Aftrakan Sc de Gafan, n'eut point d'autre motif. Ce chef eut même 1'impudence de 1'appuyer du nom du Tzarowits Alexis Alexiowits déja mort, difant avoir recu de ce Prince des ordres., qu'il ne faifoit qu'exécuter en pillant & faccageant tous le pays. Le kneéVDo]gorouki,ii ia tête.de 1'armée du Tzar, ne fit aucun quartier a tous ceux des rebelles qu'il put prendre: en moins de trois mois il en fit paffer douze mille par la main des bourreaux, dans la feule ville d'Arfamas. Stenko:-Razin fut fupplicié dans Mofcou, dont il vouloit s'emparer,. pour maffacrer tous les Boïards qui tyrannifoient le pays. Cette rebeilion a peine finie furie Wolga, une autre s'éleva fur leDon; le knées Zerbatoff chargé de la réprimcr, tua plus de cent mille rebelles les armes la main, & n'en fit pas moins exécuter par les bour-reaux, que le knees Dolgorouky. Telles furent les premières oppofitions que les Mofcovites apporterent aux changemens que leurs Princes ne propofoient que pour leur bien, & que le Tzar Pierre maintint avec autant de fermeté que fon pere Alexis. Ce dernier paffa toute fa vie a fon enir une autorité que les grands & le peuple attaquoient fans ceffe. Fédor fon fils aïné, lui fuccéda & ne régna qui fix ans. Aucun événement confidérable ne rendit fon regne illuftre, quoique mémorable pour la nobleffe qu'il rédoutoit: il la dépouilla de tous les titres & privileges,, qui s'oppofoient continuellement a 1'exécution de fes ordres, qui n'étoient rien moins qu'abfolus. II fit une convocation générale,, oü fous le prétexte de ratifier & confirmer. les droits de la nobleffe, il fe fit livrer les adtes qui conftatoient leurs droits & leurs titres; il les jetta tous dans le feu, voulant qu'a 1'avenir les droits & les prérogativesde fes fujets ne dépendiffent plus de la-nobleffe d'un chacun, mais de 1'autorité fouveraine, qu'il cherchoit a. rendre despotique, tandis que la. nation ne s'occupoit qu'a la reftreindre. Fédor fuivit toutes les nouvelles maximes de fon pere, il inftitua pour fon fucceffeurPierre I. fon cadet, au préjudice d'Iwan fon puiné, qu'il croyoit d'une fanté trop délicate pour remplir les devoirs d'un despotisme, fi différent de celui dont les fpéculateurs politiques réduifent toute 1'obligation a la fimple volonté du despote. II eft vrai que le Tzar avoit une grande, confiance en la. Tzarine Nariskin fa belle mere. & que les parens de cette Princeffe n'avoient pas peu contribué a fairernommer fon fils fuccefleur de Fédor, par préférence a Iwan fon. beau fils. A 3 Rx'volte des Royaumes d'Aftrakan & de Cafan. Sédition punie. StenkoRazin fupplicié. Rebeilion fur le Don.  Révolte des StieltzifleS en 1682. i(<5)§ La Princeffe Sophie ambitieufe & jaloufe d'une autorité qu'elle fe flattoit de pofféder fous le nom d'Iwan dont elle étoit 1'aïnée & de même lit, fufcitales plus grand troubles dans 1'état pour changer 1'ordre de fucceffion établi par Fédor. Pour acquérir le droit de punir ceux qui s'oppofoient a fes vues, elle fe plaignit que le Tzar fon frere étoit mort de poifon, & fit arrêter par les Streltzi%s tous ceux qu'elle déclara foupconner d'avoir eu part a ce crime: elle fe fervit de cette milice avec tant defuccès, qu'elle livra Mofcou pendant trois jours a leur fureur; ils firent périr deux freres de la Tzarine & fa belle mere, ils renfermerent dans un cloitre le pere de cette Princeffe, & détruifirent tout ce qui put tomber dans leurs mains de la maifon de Nariskin. Sophie vint enfin a bout de faire reconnoitre Iwan Tzar, conjointement avec Pierre, öc de régner avec eux fous le titre de co-régente. Elle laiffa punir enfuite, par ordre du Sénat, ceux qui 1'avoient fi bien fervi. Favorifant dans cette circonftance le pouvoir & les prérogatives du Sénat, elle n'employa point le prétexte de fon autorité pour les fauver, & déclara n'avoir aucune part a tout ce que les rebelles avoient fait. Couwantzki (12) , préfident de la chambre des Streltziftes fe crut affez puiffant & avoir rendu d'affez grands fervices, pour demander en mariagc pour fon fils, la Princeffe Catherine, foeur cadette de Sophie; il recut la mort pour réponfe. On la lui donna par furprife, ainfi qu'a fon fils, lorfqu'ils alloient enfemble au couvent de la trinité, pour y célébrer la fête de Ste. Catherine, avec la Princeffe de ce nom. Ce meurtre ne fut cependant point ordonné par le defpotisme: on lat une Sentence a eet officier des Streltziftes; elle ne fut exécutée que paree qu'il étoit horsd'état de fe défendre. Ce corps de milice reffource effentielle des Boïards contre le fouverain qu'il faifoit trembler, ne manqua pas de fe réyolter, auffi-töt qu'il apprit la mort de fon chef; mais par d'autres intrigues on parvint a le calmer. Le Tzar Pierre fentit toute la néceffité de réformer cette Milice, non moins redoutable aux fouverains Ruffes que celle des Janiffaires aux Empereurs Turcs; plus il employa de prudence & de fecret, a préparer eet événement, & plus il fe propofa de rigueur dans fon exécutioh, pour n'en plus craindre de retour funefte. La Princeffe Sophie nommée Co- régente par les Boïards, & par un fénat qu'elle avoit choifi, fit le Knées Galitzin adminiftrateur temporel del'Empire, c'eft a-dire premier Miniftre. Ce Knées fgut écarter & punir les Streltziftes, & faire rentrer les Sénateurs dans Pexercice d'une confidérable partie de 1'autorité fouveraine. Comme il s'attacha moins anommer aux emplois les Boïards, que ceux qu'il favoit le plus attachésafes intéréts, il s'attira la haine de la nobleffe, mais il contint (12) Cette dnrgs eft aftez femblable^a.celle d'Aga dans le corps des Janiffaires, elle donnoit toute autorité fur les Streltziftes.  €>( 7 )6 plus aifément les Sénateurs dans les bornes de 1'autorité qu'il leur laiffa. Sophie voyoit avec inquiétude le tems de la majorité de lés freres s'ap. procher, elle crut pouvoir s'affurer la puiffance fouveraine par le plus horrible'complot. Le Knées Galitzin en fut chargé, mais fur ce qu'il temporifoit trop, elle en confia 1'exécution a Thékélavitan qu'elle avoit nommé préfident de la chambre des Streltziftes a la place de Couwantsky. Thékélavitan foutenu de fix cents Streltziftes croyoit avoir fi bien pris fes mefures, qu'il touchoit au moment de 1'exécution du projet, lorfqu'il fut découvert & arrêté par ordre du Tzar Pierre: Sophie eut recours aux prieres: le Tzar ayant fait voir a ceux qu'elle envoya, que non-feulement fa mort, mais encore celle de fa femme, de la Tzarine fa mere & de fes freres étoient la fuite de cette conjuration, & qu'elle facrifioit même ceux qui s'employoient pour elle, ils cefferent de folliciter fon frere en fa faveur. Le Tzar la fit enfermer dans un couvent avec la Princeffe Marie fa fceur, & les y fit garder a vue jufqu'a leur mort (13). II punit tous les complices de la conjuration de divers fupplices, 'il fe contenta d'envoyer le Knées Galitzin, fon fils & fes amis en 'exil en Sibérie. Un autre Knées Galitzin parent du premier étoit'alors en poffeffion de fa faveur. Cette nouvelle perfidie des Streltziftes redoubla la haine du Tzar pour ce corps, mais il facrifia pour le moment fa paffion a fa politique, & renvoya la vengeance de tant d'attentats, au tems oü il pourroit 1'exercer fans risque. II les éloigna cependant autant qu'il put de la Capitale. _ f Pierre fit fon entrée a Mofcou a la tete de tous les Boïards & Senateurs qu'il avoit raffemblés. Son frere Iwan le recut dans le Kremlyn, ou Palais Ducal, dont il ne fortit plus du refte de fa vie. Cependant fon nom fut joint en qualité de co-fouverain a celui du Tzar Pierre dans tous les act.es. • .. , , - , , . C'eft ainfi que le defpotisme change de nature, fe trouvapendant huit ans fur deux têtes, après avoir été quelque tems fur trois, car la Princeffe Sophie, Co - régente, gouvernoit avec fes freres, fignoit toutes les expéditions, affiftoit a toutes les affemblées du Sénat, & décidoit de tout • la monnoie portoit fon empreinte comme celle de fes freres. Après la mort du Prince Iwan, 1'autorité refta toute entiere au Tzar Pierre Plufieurs Boïards & grands de 1'Empire, parmi lesquels étoit le knées d'Amilka, fouffrirent impatiemment tous les changemens que faifoit le Tzar, il réfolurent de s'en défaire par un affaflinat. La difficulté de 1'entreprife les forja de s'ouvrir au jeune Menzikow, paree ou'étant valet de chambre du Tzar, & couchant dans fa chambre, il pouvoit aifément en donner 1'entrée. Le knées d'Amilka engagea fa fille a flatter Menzikow de 1'efpérance de la pofféder un jour, pour 1'at* tirer a fon parti. Conjuration de Thékélavitan en 1688,. Coniuratiou du Knées d'Amilka. (13) Sophie ne mourut qu'en 1704.  Confpirations tuccclfives. •C 8 )0 t Menzikow tombé dans ce piege, s'engagea dans la confpiratïon, maisiï s en repent.it bientöt & la découvrit au Tzar. Ce Prince fe cacha prés de 1 endroit oü le knées d'Amilka étant a table avec Menzikow 1'inftrui. foit de la conjuration, & lui nommoit les conjurés. Le Tzar prit les noms de quarante yil fit arrêter, & exécuter fort promptement. La filte du knees d Amilka ne fut qu'exilée. Menzikow quelque tems apres, obtint fa grace, a condition qu'elle ne paroïtrait jamais fous fon nom. Menzikow 1'époufa & la préfenta comme fa femme au Tzar qui la recut avec bonté. ^ C'eft a ce premier trait de Pattachement de Menzikow que ce favori dut une fortune, que le Tzar difoit vouloir rendre égale a la fienne d autant que Menzikow fauva plus d'une fois fa vie & fon armée, dans les guerres contre les Suédois; le Tzar en d'autres occafions en recut d auiii bons confeils, que d'importans fervices. Pendant plufieurs annees on vit eelore fucceffivement des confpirations & des exécutions fi peu interornpues , que 1'on crut que le Tzar fe livroit par gout a des cruautes, que la politique lui rendoit indifpenfables , paree que les Boïards ne cefloient defoulever le peuple contre le gouvernement. C'eft ainfi que les Francois compterent vingt deux attentats de cette nature, fur le meilleur de leurs Rois,, qui ne s'occupoit qu'a faire leur bonheur. Plus d un fiecle & demi n'a point encore tari les Jarmes de la poftérité de 1 ingrate generation qui s'arma fi fouvent contre Henri le Grand dont Pierre le Grand peut a bien des égards foutenir le parallele, ayant joint a la bravoure & aux qualités perfonnelles du Monarque de France un genie indépendant & créateur, un caraftere inébranlable, une infatigable activitp, & un efpnt conféquent, qui ne varia jamais fur aucun de fes projets. Les fuccès: du Tzar Pierre contre les Turcs & les Tartares, la prife d Aloph (W) & la terreur de fes armes, firent ceffer pour un tems ces complots qu il avoit toujours eu le bonheur d'étouffer dans leur naiffanlance. Croyant fa puiffance fuffifament établie, le Tzar annonca qu'il vouloit palfer dans les pays étrangers, pour connoïtre les mceurs des autres peuples, & réformer celles de fes fujets. C'étoit le premier Souverain Mofcovite qu'on eüt vu fortir de fes états pour voyager. Ces peuples avoient par préjugé de religion, le plus grand éloignement pour communiquer avec les autres nations, enforte que les Boïards faifirent ce prétexte pour les foulever. Le Tzar méprifa toutes repréfentations, & declara qu ïl emmeneroit avec lui beaucoup de jeunes Seigneurs, qu'il en enyoyeroit d'autres dans tous les Etats de 1'Europe, pour leur faire connoïtre les ufages des peuples, chez lefquels ils iroient puifer tout ce qui pourroit etre utile a leur patrie. Avant de quitter la Ruffie, il donna fes ordres pour qu'on conftruifït (14) En 1697.  CK 9)# en fon abfence une flotte au deffus d'Afoph. Jufques-la, les Mofcovites n'avoient paseu 1'idée de marine, & cetce nouveauté fut plus onéreufe que celle du voyage du Tzar; paree que les grands, la nobleffe, le clergé & le peuple furent obligés de conftruire & de fourmr ces vaisfeaux, montés & équipés a leurs dépens, ce qui rendit le mécontentement général. . Trois Boïards, un Colonel de" Cofaques & quelques Officiers des Streltziftes firent un complot d'affaffiner le Tzar. Ils fe 'propofoient de mettre le feu a quelques maifons voifines du Kremlyn, & fe flattoient dans le tumulte, de faire périr le Tzar, perfuadés, qu'il leur en four» nircit 1'occafion en venant, felon fa coutume, donner fes ordres, &s'employer lui-même, pour arrêter 1'incendie. Deux complices effrayés de la noirceur de leur projet, & touchés des foins que leur Souverain prenoitde leurs perfonnes & de leurs biens, déclarerent au Tzar, en fondant en larmes, la confpiration qu'on tramoit avec tant d'ingratitude. Le Tzar fit périr dans les fupplices tous ceux qui fe trouverent convaincus d'y avoir part. Cette conjuration ne changea nen a fes projets de voyage, il fe mit fous un nom particulier, a la fuite de la grande Ambaffade qu'il envoyoit en fon nom, chez la plupart des Souverains de 1'Europe. La plus grande magnificence marqua fon palfage a Ber. lin, Amfttrdam, Londres & Vienne. Le Tzar fe propofoit de paffer de cette ville en Italië , lorsqu il apprit que les Boïards mécontens de tous les changemens qu'il fe propofoit de faire, & défespérés de voir arriver, de tous les pays, desbandes entieres d'ouvriers & de gens de tous états, venoient de porter les Streltziftes a une nouvelle révolte. Depuis la conjuration de la Princeffe Sophie ils avoient été tous éloignés de la capitale, & répandus en différente; earnifons: ils fe raffemblerent au nombre de dix mille fur les frontieres de la Lithuanie, dans le pays de Smolensky. Leur Général, & leun principaux Officiers entrerent dans le complot, dans lequel une partie cle la haute nobleffe, & du clergé s'engagea. Le plan étoit de déclarei le tróne vacant, par 1'abfence du Tzar, & de nommer Tzarine la Princeffe Sophie, qui jusqu'alors avoit tenté vainement de s'évader du couvent, oü fon frere 1'avoit renfermée. Les régens & le confeil de Mofcou, qui n'avoient pu s'oppofer auj volontés du Tzar, voyoient avec chagrin que dans fon abfence on n< refpeótoit plus fon autorité; que chacun fe plaignoit hautement & re fufoit de fe prêter a ce qu'on exigeoit. Ils n'apprirent qu'avec in. quiétude que les Streltziftes s'étoient s'affemblés & marchoient a Mos^ cou, fousle prétexte d'aller voir leurs families qu'ils avoient quittéei depuis plufieurs années, & de s'informer en même tems du fort dt Tzar, s'il étoit mort ou en vie. Le confeil de régence envoya des de. putés aux Streltziftes pour tacher de les faire changer de réfolution Les députés diftribuerent gratuitement quelqu'argent & firent avan B Confundon de quelquel Benards.  ©( 1° )© eer fix mois de paie au Streltziftes. Plus on leur accordoit , plus ils ^vS|neC^fMMi raif°nS',PrkreS> arëent' rien nePut les^ter Lai yille de Moscou etoit alors gardée par des nouveaux régimens , que Pierre I. avoit lui-même formés, & confiés aux ordres d'officiers etrangers pour lesexercer & difcipliner fuivant la méthode des na- % in £LPH agUenef d > rETpe- Les réSens eurent ^rs a eux, & leur ordonnerent de s'oppofera 1'entrée des Streltziftes dans Mos. £r,' £ x G°ld0? f? mit a la téte d'environ 15000 de ces foldats etrangers & marcha droit aux rebelles qui n'étoient plus qu'a quhv ze heiies.de Moscou. II leur députa quelques Seigneurs de ia NobTeiTe qui 1 avoient fuivi comme volontaires, peur leur propofer de ne nas SSef ? ' ? kS-rffurer fur h Parole > ^ lef fSisf roTt ?u toute les demandes raifonnables qu'ils pourroient faire, bi les btreltziftes n'avoient eu que leur intérêt particulier en vue, fen^Zt ? rCnU i°Ur^CeqU,ilf défiroie^ & fe feroient retirés contens, maislefpnt de fédition des Boïards ne pouvoit être calmé par les propofioon» du Général. Les Streltziftes loin de fe défifter mé- ÏSSTp?* SrVr!r UIichemin Par]afo'ce, fi Jon prétendoit's'oppofcr a eux. Gordon les prevint, mais voulant les ménager & leur donner le tems de rentrer dans leur devoir, il fit pointer lis canons, de facon que les boulets paffoient au deifus de leur tête ; les pretre qui fuivoient les Streltziftes & qui les animoient a combattre fe ml rent auffi -tot a ener miracle, & a dire que St. Nicolas protégeoit vifiblement les Streltziftes, qu'ils chargeaffent hardiment leurs ennemis , & qu ls n en redoutaffentrien. Les Streltziftes étonnés eux-mémes dê voir 1 artillerie ennemie fans effet, crurent a leurs prêtres, & s'avancerent avec intrepidité fur les Ailemans. Gordon qui vit que fa douceur produifoit un effet contraire a celui qu'il en avoit attendu, fit bientot ceffer le miracle en foudroyant les Streltziftes, qui ne pèrdirent rien de eur animofité: il les chargea fi vivement qu'il en tua quatre mille fur la place & forca les autrel, après deux heures d'un combat fort opiniatre, a demander quartier, & a fe foumettre. Gordon les fit decimer fur le champ de Bataille & emmena le refte avec leurs Offi. ciers a Mofcou On decouvrit bientöt a 1'aide des fupplices & des moiS Z^:^ Ch£fS ^ ma^jufquesaux Tandis qu'on en rempliffoit les prifons de Moscou, le Tzar qui re. Sffiad &»rer ^ CettÊ J^0^ k Vienne en Aucriche ^ foS Am. Chef êeX rnnT- 4 & A ^ , ^ iï ^t co"fP^aUon furent emmenés a fes pieds. 11 les interrogea lui-meme, confirma les fentences déja portées contre eux, & fi.rpas- Tz^T™ Kn™™* ^ feire * MoSCOU' toute «vént/du fidie l°WltS; 11 7ei)geok t0ut a la fois 1'infolence & la per- fidie aétuelle, & toutes les anciennes trahifons dont il n'avoit que  •( » )6 fufpendu le chatiment. On employa tous les genres de fupplices pour punir lesconjurés; les uns furent pendus, décapités ou roués, d'autres enterrés tout vifs, ou coupés en pieces. Deux mille rangés en ordre de bataille, furent décapités fur la grande place: on en pendit d'autres aux portes & aux murailles de la vie, & fur les grands chemins. Comme le grand froid pouvoit conferver ces cadavres, ils refterent expofés pendant plufieurs mois aux mêmes places oü les bourreaux les avoient laisfés. On rafa la maifon des principaux conjurés,* & le corps entier des Streltziftes fut aboli. Après cette horrible exécution, dont on ne pouvoit blamer la jusftice, mais dont la forme préfentoit quelque chofe de révoltant pour 1'humanité, le Tzar Pierre fit véritablement ufage de 1'autorité despotique arbitraire; il réforma 1'abufive autorité des Boïards & de toute la haute nobleffe, dont le peuple avoit fouffert fi cruellement & fi longtems. Les Régiemens fans nombre, que le Tzar fit fur tous les objets qui méritent 1'attention du gouvernement, établirent un nouvel ordre dans fes états fans néanmoins réduïre la diftribution de la juftice aux feuls caprices du despote. Ce font ces loix que Montesquieu regarde comme une induftrie du gouvernement Mofcovite, pour fortir du despotifme qui lui étoit a charge (14). Quelque chofe que fit le Tzar il ne put détruire ni 1'intrigue, ni les moyens d'intriguer, que la nobleffe conferva toujours, avec 1'ambition d'avoir part au gouvernement. Le regnedu Tzar Pierre qui prit le titre d'Empereur (15) & qui fonda de nouvelles loix, une nouvelle Capitale & ,pour ainfi dire, de nouveaux fujets, n'eft pas plus fait pour donner 1'idée de la conftitution d'un gouvernement, que le regne de fon émule Charle XII. en Suede. Cependant on lit avec étonnement dans fon hiftoire, toutes les difficultés qu'il eut a furmonter de la part de fes Boïards, d'un Sénat qu'il compofa prefque fur le modele de celui de Suede, de fon Patriarche qu'il dépouilla de toute fon autorité, de fon clergé & de fes peuples, avant de pouvoir les foumettre aux loix de fa volonté. II fut fouvent obligé de plier fuivant les circonftances, malgré la fermeté de fon caraclere, & malgré ce préjugé d'efclavage ou de foumiffion que tous les auteurs onc toujours dit que les Mofcovites portoient plus loin qu'aucun autre peuple de la terre. L'obéiffance & la fubordination a laquelle il fe voua pour 1'apprendre a fes peuples, eft le plus folide de tous les argumens, pour renverfer le prétendu despotifme arbitraire que les écrivains de (14) Efprit des Loix Liv. V. Chap. 14. (15) Le titre d'Empereur avoit été deji donné par 1'Eupereur Maxirailien au Tzar Iwan Bafile, comme on le voit par une lettre de ce Prince dattée de Brudenau du 4 Aoüt 1514 oü Pon trouve ces mots „ nous avon» établi une affeftion, alliance éternel,, le, & fraternelle amitié avec notre frere Ie grand Seigneur Bafile, par la grace de „ Dieu Empereur dominateur de tous les Rulïiens, & grand Duc de Woloditnir, de „ Mofcou & Neugarde, &c. Le même Tzar après la conquête des Royaumes de Cafan & d'Aftrakan, avoit auffi pris le titre d'Empereur des Tartares. B 2  Conjuration de réveque de Roftow. Confpiration du Tzarowits Alexis Petrowits. i i j ( 1 < i 1'Europeont donné pour forme conftitutive de fon gouvernement. La ridicule & fanatique conjuration de 1'évêque de Roftow, qui'n'employoit que des meffes pour faire mourir le Tzar Pierre, pour abufer de* la Princeffe Mar ie, reléguée a Susdal avec 1'Impératrice Eudoxe, dont laconfiance & la foibleffe ne fut pas moindre pour Glebow, n'auroit pas mérité des juges fous un despote, s'il n'avoit connu que fa volonté pour loi. Cependant on inftruilit le procés de ces deux prétendus infpirés, avec d'autant plus de formalité, qu'il fervit de bafe a celui du fils aïné du Tzar Pierre, & ces coupables furent exécutés publiquement ainfi que leurs complices. ' La conjuration du Tzarowitz (fils d'une première femme du Tzar) dont toutes les circonftances femblent couvertes de ténebres, malgré la publication faite par ordre de 1'Empereur, de ce fameux procés & de fes formalités, la condamnation, & la mort de eet enfant, font des traits oü 1'on ne voit aucun caraclere de despotifme. On ne peut lire fans étonnement toutes les circonftances de ce célebre procés; ainfi que toutes les formes judiciaires employées par le Tzar. La fentence d'exnérédation du Tzarowits & 1'inftitution de fon frere appellé en fa place k la fucceffion de 1'Empire, facie d'adhéfion du Tzarowits a cette fentence , qui precéda 1'inftruclion du procés, les expreffions mëme du préambule de 1'arrêt de condamnation, les longueurs, les formalités, la procédure entiere, le nombre & la qualité des juges, tout eft fait pour effacer jufqu'a 1'idée du despotisme. Ces formalités n'annoneoient que la puiffance légillative, oppofée a des fujets intriguans, qu'un fouverain vouloit effrayer par la lévérité de la juftice. Pierre I. fatigué fur la fin de fes jours du poid du gouvernement lyant placé toute fa confiance dans 1'Impératrice & s'étant fouvent repofé de 1'exécution de fes ordres fur le Général Menzikow, dont il ne aornoit point le pouvoir, ne paroiffoit plus occupé que du foin de polijer fes peuples & de les plier a de nouveaux ufages, & a une forme de Touvernement plus folide, que celle de la puiffance arbitraire, lorsju'on lui donna des foupgrons contre les deux feules perfonnes qu'il ugeoit dignes de fa confiance. II traita fon Général avec dureté dans jlufieurs occafions, mais plus il lui fit fentir fon pouvoir, & plus il lui it oublier la reconnoiffance qu'il devoit a des bienfaits inouis. Le Tzar Itablit un tribunal, oü Menzikow fut cité (17), de même que legrand <\miral Apraxin, fon frere leSénateur, & le Knées Dolgorouki préfident lu Sénat & nombre d'autres grands de 1'Empire, tous accufés de pécuat. _ Menzikow fut convaincu d'avoir mal adminiftré le tréfor dont il voit eu la difpofition,& condamné par le tribunal a remettre fon épée, !ca garder les arrêts, en attendant qu'on prononcat contre lui des peies plus grieves. II fubit cette punition fans fe plaindre, il s'attendoit f17) En 1719.  ec 13 )*> a une plus confidérable,' lorfqu'il recut fa grace, fous la condition de reftituer certaine fomme dont il n'avoit pu rendre aucun compte. L, trapereur le dédommagea magnifiquement de cette reftitution, qu'il exigeoit, plus pour 1'exemple, & pour contenir les autres grands de 1 Empire que pour humilier ou ruiner fon favon. Le grand Amiral tut traité de meme, il obtint auffi fon pardon aux dépens d'une amande confilérable & fut rétabli dans fon emploi, mais on ne lui donna point d'indemnité. D'autres feigneurs, coupables de pareilles fautes, furent punis avec plus de févérité, afin d'intimider ceux qui fe flattoient d obtenir leur grace pour de 1'argent. L'Impéracrie n'effuya pas fans dépit 1'humeur emportée & la violence du caraclere d'un Prince qu'elle offenfoit. Quoiqu'elle fe füt toujours heureulement tirée de toutes fes explications avec lui, les intrigues auxquelles elle fe livroit & dont on commencoit a parler affez haut, pouvoient la conduire a fa perte d'un moment a 1'autre. Menzikow étoit fa reffource & fon confident, mais elle avoit pris 1'habitude de fe choifir des favoris d'un autre genre. L'Empereur, fi 1'on en croit des gens vrais & d'une probité reconnue, furprit un jour 1'Impératrice avec fon Amant, dans un endroit des jardins oü ils fecrovoient a 1'abn de tous les yeux. II revint en filence au palais, y donna les ordres les plus précis, & attendit le retour de 1'Impératrice; il lui propofa de fe promener dans les jardins, elle 1'accepta fans aucune méfiance, & accompa-' gna 1'Empereur qui la eonduifit fans affeótation a la place qu'elle venoit de quitter. Catherine y vit fur une piquelatête de (18) celui quiJ'entretenoit une heure auparavant. Les regards percans de 1'Empereur embraffoient ce fpedacle & toute fa perfonne. Catherine les reffentit fans changer de contenance; elle affefta tant de fécurité, que 1'Empereur fe vit confus de trouver une ame fi grande dans une circonftance fi humiliante. . L'Impe'ratrice s'étoit toujours montrée fupérieure au refte des hommes, mais dans cette occafion elle furpaffoit tout ce qu'il étoit poffible d'attendre de 1'humanité. L'Empereur ne rompit point le filence>& ne fut point étonné que Catherine le gardat. La croyant affez punie, pour le préfent, & fuffifamment avertie pourl'avenir, ilcontinua fa promenade, &l'entretint enfin de fujets indifférens; il ne la quitta qu'en rentrant au Palais fans laifler rien échapper qui püt découyrir fa penfée. Menzikow appellé dans le moment , vit toute _ 1'inquiétude & les craintes de 1'Impératrice, depouillée du mafque qui cachoit fa foiblesfe aux yeux de 1'Empereur. Elle ne croyoit pas qu'il borna fa venTi 8) La paflïon que Catherine avoit pour Balck k fait croire qu'il fut ainfi puni dani le jardin; on Pa même répandu dans nombre d'écrits de ce tems, cependant ce n'ef point ainfi que Balck a péri. Lamberti rapporte dans fes mémoires que PImpératria empoifonna Pierre ie Grand, paree qu'il avoit découvert la paflïon qu'elle avoit pou Menzikow, & qu'il vouloit enfermer cette feconde femme, comme il avoit déja fait 1 première. ^ Con'piratiott de Catlieriiie & de Menzikow. I 1  geance a ce point. Menzikow ne lui difïimula point qu'il la croyoit en danger, mais il la rafTura fur la jaloufie de 1'Empereur. Elle avoit un exemple de fa fagon de penfer, dans la punition qu'il avoit fait fubir a Villebois dans une circonftance femblable. Le vin avoit troublé la. raifon de eet officier, au point de le rendre coupable avec elle du même crime, dont 1'Empereur favoit qu'elle n'avoit pu fe défendre. Villebois en avoit été quitte pour quelque mois d'une rigoureufe prifon, après lesquels il étoit rentré dans le fervice, & prefque dans les bonnes graces de fon fouverain. Confiderant les chofes du cöté de la politique, ils pérerent ce que 1'amour propre pourroit dicler a 1'Empereur, & s'il étoit a craindre qu'il changeat fon teftament qui 1'inftituoit héritiere de fa puiffance au même titre qu'il la poffédoit. Pierre I. avoit fait jurer aux Boïards & aux Sénateurs , de prêter & garder ferment de fidélité a celle ou celui qu'il inilituoit fon héritier par ce teftament, quoiqu'ils ne duffent étre inftruits du nom du futur fouverain, qu'au moment oü fa fuccefïion feroit ouverte. Le général confulté fur ce teftament, & intéreffé dans un choix qui'lui devoit laiffer 1'autorité fous le nom de Catherine, avoit fait fentir a fon maitre, que, fi le ciel abrégeoit fes jours pendant la minorité de fon petit fils, fes filles de différens Jits deviendroient le prétexte d'une gaerre civile; que les Boïards & les Sénateurs, choififfant 1'une ou 1'autre pour la proclamer, ne fongeroient qu'a former un parti, a la faveur duquel il puffent fe mettre a la tête du gouvernement; que 1'autorité ne feroit pas fuffifamment affermie entre les mains de 1'Impératrice, fi elle ne reftoit.que régente; mais que Souveraine, elle maintiendroit tout ce qu'avoit fait 1'Empereur, qu'elle éleveroit le feul Prince qui reftoit de fa familie dans ces mêmes principes, pour en faire enfuite fon fuccesfeur; qu'alors fes plans de toute efpece, pour 1'agrandiffement de la ville &pour le bonheur de fes fujets, feroient fuivis avec autant d'ardeur que s'il étoit encore a la tête de fon Empire; qu'il devoit s'attendre a tous les défordres poffibles, fi les troubles d'une minorité, les faétions des Boïards ou des grands, ou le manque d'autorité dans une régence ötoient les moyens de foutenir avec force, ce qu'il n'avoit élevé de tous cotés qu'avec des peines infinies; que, pour accoutumer les peuples a 1'obéiffance dont il vouloit faire jouïr 1'Impératrice, il l'avoit déja fait reconnoitre fous ce titre & couronner avec toute la folemnité du facre des Impératrices d'Orient, & toute la magnificence dont fon pavs étoit fufceptible. Catherine oppofoit aces raifons lemorne filence de 1'Empereur, qu'elle regardoit avec d'autant plus d'effroi, qu'elle n'avoit jamais pu dompter la violence de fon caraclere, ni réprimer qu'avec peine les premiers mouvemens de fes paffions; dans cette circonftance efientielle il avoit fu cacher pour la première fois de fa vie, ce qui fe pafioit dans fon in-  15 )@ térieur. Ce regard terrible, lancé jufques a fon ame, au moment ou elle fut frappée du fpeóbacle inattendu, qui devoit la trahir, fembloit y avoir gravé 1'arrêt de fa mort, dont le tableau la iüivoitpartout; elleconclut a celle de 1'Empereur & a ne pas perdre un moment a le prévenir. Menzikow n'infifta point. Dès le même foir 1'Empereur fut attaqué d'une fi violente colique, que fes douleurs ne lui laifferent que quelques légers intervalles; il fouffrit pendant quelques jours, après lesquels il mourüt dans les bras de 1'Impératrice. Loin de fe dérober a fes yeux, elle ne ceffoit de lui prodiguer les foins les plus affidus, ne permettant a perfonne de le fervir, ni même de 1'approcher; ne 1'abandonnant point unléulmoment a lui même, elle ofa fe flatter aforce d'attentions d'avoir diffipé fes foupjons, & prefque effacé les funeftes impreflions de la promenade. Le Teftament de 1'Empereur la mit en poffeffion du tröne fur lequel elle monta fans difiiculté. Tous fes fujets lui prétèrent ferment, & toutes les Puiffances étrangeres reconnurent fa fouveraineté, fans admettre fes titres. Menzikow difpenfateur de toutes les graces, plus defpote que Catherine, fuivit toutes les inftitutions de Pierre le Grand, donna tous fes foins a la confervation des jours auxquels étoit attachée fon autorité. II découvrit une conjuration, qui ne fut connue que par 1'exil & la confiscation des biens de plufieurs Seigneurs puiffans ; parmi lesquels on comptoit le Général Butterlin commandant des Gardes , le Major Général Pafiarow, le Général Oufchakow, un Nariskin, & un Dolgorouki, les Comtes Devier & de Tolskoy: aucun d'eux ne fut puni de mort, paree que 1'on dit, que leur plan ne tendoit, qu'a renfermerl'impératrice dans un couvent, pour déclarer le Grand Duc Empereur, afin de s'emparer de toute 1'autorité fous ce Prince mineur. _ Les partifans de ces Seigneurs débiterent qu'ils n'avoient point effectivement confpiré contre 1'Impératrice, mais qu'ayant feu profiter d'un moment d'abfence, oü Menzikow étoit allé régler quelques affaires en Courlande, ils avoient ouvertles yeuxa cette Princelfe, lür 1'abus quece favori faifoit de fon autorité, & fur la facilité de fe faifir de lui, lorfqu'il feroit en route & fans défiance; ils 1'avoient perfuadée, que par ce moyen elle s'affranchiroit d'une fervitude qu'elle avouoit elle - même lui étre fort a charge; 1'Impératrice avoit figné eet ordre & Men. zikow avoit eu défenfe de reparoïtre a la cour; mais a la priere de Baffewits, premier miniftre du Duc de Holftein, & a la follicitation de ce Prince lui-meme, 1'ordre avoit été révoqué. Le favori de retour, avoit ufé plus despotiquement que jamais de toute la confiance de fa Souveraine; il traita de confpirateurs, tous ceux qu'il voulut éioigner. Menzikow perdit bientöt 1'Impératrice, qui ne régna que deux ans & quelques mois, mais il ne perdit rien de f »n crédit & de fon autorité. Catherine crut regler le deftia de 1'Empire & de toute te familie Im- Conjuration contre Catherine Ia  ©( ie )m Teftament de Catherine I. cafE. périale, par un teftament qui iaiffoit le tröne a Pierre II. fils du Tzaro* wits, célebre par fon procés & par fa. mort. Elle ordonnoit que ce Prince qui n'avoit encore que 12 ans, époufat la fille du Général Menzikow. En attendant que ce mariage s'accomplit & que Pierre II. fut majeur, elle nomma pour tutrice fes deux filles Anne & Elifabeth , conjointement avec le Duc de Holftein époux de la première & le Prince de Holftein, Evêque de Lubeck, qu'elle ordonnoit a la feconde d'époufer. Menzikow fut a la tête du confeil d'état qu'elle compofoit des tutrices, de ce Général, du vice Chancelier Comte d's Jfterman, homme d'un rare mérite, & pour confeillers privés, des Knées Demetrius, & Michaëlowits Galitzin, & d'un Knées Dolgorouki. Jaloux de 1'autorité dont il étoit en pleine poileffion, Menzikow rédoutoit tout partage: dés lejour même de la mort de 1'Impératrice il s'empara de la perionne de 1'Empereur qu'il logea dans fon hotel, fous prétexte de veiller avec plus de foin a fon éducation; il fit caffer le teftament de Catherine, comme 1'avoit été celui de Louis XIV. par le Parlement de Paris, & refta feul maitre de toute 1'autorité, éloignant tous ceux qui s'oppofoient a 1'exécution de fes volontés, Quoiqu'il obfédat fans celle le jeune Empereur & qu'il eüt été nouvellement déclaré Généraliffime des troupes de terre & de mer, dans 1'étendue de tout 1'Empire, & qu'il crüt pouvoir compter fur tous ceux qu'il avoit placés prés de 1'Empereur, quelques-uns oferent lui demander des graces , & 1'Empereur les accorda fans en piévenir Menzikow. L'Impératrice Eudoxie Lapoufchin répudiée par Pierre le Grand (19), fut rappellée de fon exil, ainfi que quelques autres Seigneurs. • Menzikow ne voulant point contredire fon maitre, dans une circonftance qui fembloit n'affccler que fon coeur, apprit aux Courtifans de ce Prince a s'adreffer direclement a lui, fans prévenir le favori, comme ils avoient coutume de faire; ils perdirent en même tems la crainte que 1'Empereur ne redït a fon miniftre le mal qu'ils auroient le courage d'en dire, & les confeils qu'ils oferoient donner contre lui. Menzikow fans les foupconner, eut bientöt des ennemis qui ne ceffoient d'irriter 1'Empereur contre lui. II fe croyoit fi folidement établi dans fa place, lorfqu'il vit l'Empereur faire la cérémonie de fiancer fa fille, qu'il forma le projet de marier fon fils avec la Princeffe Natalie foeur de 1'Empereur. II trouva le moyen de donner tant de dégout au Duc & a la Ducheffe de Holftein, qu'ils prirent le parti de lui laiffer le champ libre, en fe retirant en Allemagne. Les ennemis fecrets de Menzikow qui voyoient chaque jour 1'Empereur, & qui s'occupoient fans ceffe a 1'animer contre lui, parvinrent a 1'aigrir au point, que fur quelques légers mécontentemens & fous le prétexte de fon peu de refpect pour les ordres qu'il donnoit, il fit arréter Menzikow avec fa femme Öc leur fille, quoique fa (10) En 1696.  fafiancée.; il les dépouilla de tous leurs biens, & les fit tous conduire en exil en Siberië. Le jeune Knées Iwan Dolgorouki, favori par choix de 1'Empereur, eut bientót toute fa confiance, & fa familie toutes les graces & la dif. pofition de tous les emplois. Tout occupé du foin d'amufer fans ceffe Ion maitre, il feut 1'enflammer d'une vive paffion pour la Knesna Dolgorouki fa foeur; il conduilit les chofes au point que l'Empereur la fianca, & fe difpofoit a 1'époufer avec éclat, lorsqu'il mourut a Moscou de la petite vérole. Son favori qu'il avoit fait fon grand Chambellan, ébloui de fa fortune & de celle de fa foeur, crut en vertu d'un teftament qu'il avoit luimême figné pour l'Empereur & par fon ordre, que quoiqu'elle n'eüt point encore été fa femme , elle pouvoit hériter de ion tröne. Sortant donc de la chambre de l'Empereur au moment de fa mort, il vint fe préfenter, en vertu de fa charge, 1'épée nue a la main, a la porte de fon appartement, & annoneant fa mort fuivant 1'nfage , il y joignit 1'acclamation de vive Catherine II, Impératrice de toutes les Ruffies. Perfonne ne répondant a ce cri, il rentra dans 1'appartement , & brüla, dit-on, le teftament de l'Empereur. Pendant toute la minorité de Pierre II. & furtout depuis 1'exil de Menzikow, on congoit quelles intrigues fe paffoient entre le grands de 1'Empire & ceux qui, par leur place, pouvoient avoir quelqu'infiuence dans le gouvernement. On ne fera point furpris de 1'inexpérience du Knées Dolgorouki, que perfonne n'ofoit contrarier fur ce qui regardoit. les plaifirs de l'Empereur, mais que perfonne n'écoutoit en politique, furtout, lorfqu'il croyoit pouvoir nommer fa foeur héritiere de 1'Empire, fans s'être affuré d'un parti , qui trouvat quelqu'avantage a la foutenir. Le Confeil d'état, le fénat, les principaux officiers des armées qui fe trouverent a Moscou , s'affemblerent dans le moment de la mort de l'Empereur; ils délibérerent fur ce qu'ils croyoient pouvoir faire de plus avantageux pour le bien de 1'état. Un Knées Gallitzin propofa de ne recevoir de fouverain que fous la condition qu'il fouscriroit a de certaines conditions, propres a limiter 1'autorité fuprême, & a détruire toute idéé de Defpotisme. Le confeil fut de fon avis. Un Knées Dolgorouki propofa d'élire la Princeffe Anne , fille puinée du Tzar Iwan frere de l'Empereur Pierre I, au préjudice de la Princeffe Catherine fa foeur aïnée, mariée au Duc de Mecklenbourg. Ses raifons prévalurent fur le droit d'aïneffe de la Ducheffe de Mecklenbourg. Le confeil régla les articles que la future Impératrice devoit figner, & les lui envoya par des députés en Courlande, oü elle fe tenoit encore, quoique veuve & fans enfans. On prit pour modele les changemens qui s'étoient faits en Suede après Ia mort de Charle XII, & ce_gouvernement, plus Républicain que Monarchique , fournit la conftitution d'un Empire , regardé comme defpotique. C Tentative cPIWan Dolgorouki pom faire fa few Impératrice. Conjuration du lenat lie Morcou contre le Dcibotisme.  L'autorité fouverahie rétablie par 1'Impératrice Anne. Les députés avoient ordre de déclarer a la Duchefle de Courlande,, que fi ces conditions n'étoient point agréées & fignées par elle , le fceptre Impérial pafferoit en d'autres mains; ils devoient encore exiger qu'elle ne conduifït point en Mofcovie Biren fon favori, qu'elle avoit fait fon grand Chambelan en Courlande, öc que depuis elle en fit Duc. Les conditions de ces confpirateurs contre l'autorité fouveraine, méritent d'être citées, pour faire connoïtre 1'efprit de ceux qui les dictoient, & combien ils étoient éloignés de fe foumettre au defpotisme, & de le regarder comme la conftitution fondamentale de 1'Empire Ruffe. L'Impératrice ne devoit rien décider fans 1'avis d'un confeil défigné: elle renoncoit au droit de faire la paix ou la güerre de fa propre autorité; d'impofer aucune taxe öc de difpofer d'aucun emploi de conféquence; d'infliger aucune peine de mort , qu'après que le coupable auroit été pleinement convaincu de fon crime; de pouvoir confisquer les biens d'aucun de fes fujets; de difpofer de ceux de la couronné, & enfin de pouvoir fe marier , ni tefter, fans 1'aveu de fon confeil. La Duchefle de Courlande figna ces conditions a Mittau , fans s'inquiéter, fi fes états devenoient une république Impériale, & fi fa nobleffe, non affranchie encore de 1'efclavage dont Pierre III. Ta tirée, pouvoit lui donner des loix; elle ratifia cette capitulation dans Moscou, öc fut couronnée Impératrice, fi 1'on peut appeller de ce nom, & même fouverain, un chef qui régneroit a des conditions faites pour le Stadthouder, ou le Doge de quelque République. L'Impératrice aufli mécontente qu'on peut le fuppofer, mais inftruite d'avance des difpofitions de la nation & des intrigues de ceux qui s'étoient arrogé le droit de difpofer de la couronné, avoit conduit fecrettement avec elle fon favori, dont le confeil &le talent fupérieur en intrigues, lui devenoient de la plus indifpenfable néceflité. Sans confulter le confeil privé, elle nomma d'abord lieutenant Colonel des Gardes, le Knées Soltikow, fon parent. Cet emploi des plus effentiels, raffuroit d'un puiflant fecours, en cas de complot ou de révolution. Biren eut bientöt affez de fuffrages a fa difpofition, pour ofer confeiller a 1'Impératrice de convoquer a Mofcou une affemblée des états de 1'Empire, qui repréfenteroit tous les peuples foumis a fes ordres, öc d'ordonner au Sénat & au confeil de s'y rendre. Le Knées Soltikow, & tous les gardes a fes ordres entourerent la fale du confeil & garderent toutes les avenues, comme on en ufoit a Weftminfter du tems de Cromwel, oü les formalités de la juftice étoient foutenues de tout 1'appareil de la force militaire. L'Impératrice étant affife fur fon tröne, le Comte Matwe^fJ ayant obtenu la permiflion de parler au nom de toute la nobleffe, dont il étoit  ®( 19 )® député, lui déclara, qu'elle avoit écé furprife par le confeil de Mos* cou, & que toute la nation gémiffoic de la voir régner lous l'autorité d'un' confeil qui 1'avoit abufée, en lui faifant figner les conditions qui reftreignoient fon pouvoir, que non feulemenc le voeu de la nobleffe, mais auffi celui de touce la nacion étoit qu'elle regnat, & fa familie après elle, a toujours, avec toutes les prérogatives, dont fes prédéceffeurs avoient joui. t t L'Impératrice éleva la voix pour demander a 1'affemblée, fi l'acte qu'elle avoit figné a Mittau, n'avoit pas été pour lors approuvé de toute la nation, & fur ce qu'on luirépondit par une acclamation négacive, elle fe tourna vers le Knées Dolgorouki, lui fit des reproches de 1'avoir trornpée, & s'adreffant au Chancelier, elle lui commanda de repréfenter ces a&es qu'elle avoit fignés. Elle les fit lire a haute voix & demandant encore k 1'affembiée, fi la nacion enciere n'avoit point approuvé ces arcicles, öc 1'affemblée répondant toujours que non, elle prit les actes des mains du Chancelier, les déchira devant 1'affemblée & déclara qu'eüe régntroit a 1'avenir comme avoient fait fes prédéceffeurs; cependant elle affura fes peuples qu'elle les traiteroit avec la plus grande douceur, & qu'elle auroit foin de confulter des perfonnes d'une probité, d'une expérience Öc d'un fa voir reconnu. Elle fe fic folemnellement ab'foudre par le Synode d'un ferment indifcret, qu'elle n'avoit pronon» cé que fous un faux expofé. Soumettant ainfi fa conduite au clergé Grec, plus foumis que celui de Rome, elle ne laiffoit aucun retour a craindre contre l'a6t- d'autorité qu'elle venoit d'exercer. Toute la nouvelle conftitution établiedansle gouvernement fans yerfer une gouce de fang, fuc détruite de même. L'Impératrice fe choifit un confeil dont les membres porterent le titre de Miniftres du Cabinet, mot inconnu jufqu'alors en Ruffie: ce confeil n'eut aucune autorité & ne duc rien décider fans le confentement exprès de 1'Impératrice. Son favori fut plus en crédit & pofféda fa confiance plus incimement que jamais. II ne tarda pas a faire arréter les Knées Dolgorouki & tous ceux qui s'étoient fiatcés de le faire exiclore de la cour Impériale. II fe fit donner le titre de Comte., la charge de Grand Chambellan, & 1'ordre de St. André: & il fut auffi nommé Duc de Courlande quand ce Duché vint a vaquer par la mort du dernier rejetton de la maifon de Kettler. Quelques années après il pourfuivit avec fureur la familie des Dolgorouki, qu'il avoit laiffée dans fon exil, jufqu'a ce qu'un Knéesde ce nom gagnant du crédit & s'écant fait nommer a quelqu'emploi, réveilla 1'inquiétude de Biren,,au point qu'il exerga contre cette familie les actes les plus inoiiis de cruauté, quoique fous les formes judiciaires des loix. Le Duc de Courlande eut fans ceffj a combattre les loix & le Sénat, & quoiqu'il fe füt rendu fi redoutable que rien ne lui réfiftoit, il n'ofa jamais fe fervir des prérogatives du despotifme qu'il exergoit par le fait, „ mais il préfenta toujours le mafque des loix. C 2  m( 20 )0 Pendant qtie fes intrigues le rendoient le maitre a la cour, le Comte de Munich fe frayoit un chemin au crédit & a la puiffance par des fervices effentiels, en commandant les armées glorieufement contre les Turcs, & pouffant avec vigueur la guerre contre la Snede. Cette guerre des Turcs, que l'Empereur d'Allemagne fit de concert avec la Ruffie, fut pour ainfi. dire le premier lien politique qui réunit les deux Empires (20), & fit entrer la Ruffie dans les intéréts de toutes les cours de 1'Èurope. Jufques la les Tzars n'avoient fait la guerre que conjointement avec leurs voifins ou contr'eux, ik ne prenoient point de part aux affaires du refte de 1'Europe. Quelques circonftances qui font encore fecrettes déterminerent l'Empereur d'Allemagne a faire la paix avec les Turcs. Le Comte de Neuperg qui figna devant Belgrade ce traité de la facon la plus extraordinaire 1'auroit payé de fa tête, fi 1'Empereur n'étoit mort au moment oiï cette intrigue commencoit a fe dévoiler. La Reine de Hongrie qui fuccédoit a l'Empereur , en penfa tout autrement. Cette paix étoit abfolument effentielle a fes intéréts: elle en récompenfa le Comte de Neuperg qu'elle fit Veldmaréchal & qu'elle combla.d'honneurs. Le Comte de Munich écrivit avec aigreur (21) au Prince Lobkowits qui 1'avoit inftruit de cette paix & de fes conditions, que c'était trahir 1'alliance de la fouveraine de toutes les Ruffies, que d'avoir conclu ce traité fans fa participation, qu'il déshonoroic l'Empereur d'Allemagne par la ceflion d'une place teile que Belgrade, & par la honte de fe condamner lui-même a ia démolir, dans un tems- oü non feulement elle étoit en bon état, mais oü 1'on pouvoit fe flatter de voir périr 1'armée Turque qui 1'affiégoit, & d'avoir joint a eet important facrifice 1'abandon de la Servië & de la Walachie, dans la circonftance oü les Ruffes s'ouvroient un chemin jufqu'a la capitale de 1'ennemi, ayant enlevé Okfakow que les Turcs avoient tenté vainement de reprendre. Ces reproches du Général des Ruffes, & la vérité des torts du Comte de Neuperg étoient bien conftatés. Cette paix avoit extrêmement altéré 1'harmonie des deux cours Impériales. Le Comte de Munich, non moins heureux & non moins ferme que Menzikow , fe fit bientêt des amis & fut recherché par ceux qui vouloient fe mêler des affaires du gouvernement, & qui ne ceflbient d'intriguer contre le pouvoir fouverain , & fourdement contre le favori de 1'Impératrice. Depuis la terrible vangeance qu'il exerca fur la familie des Dolgorouki, qui s'étoit flattée de 1'éloigner de 1'Impératrice, il fit encore exécuter Wlftinsky (22) Secrétaire d'Etat, ainfi que le (20) Si 1'on en excepte 1'alliance de l'Empereur Bafile avec l'Empereur Maximilien; mais on lit dans 1'hiffoire que ces alllés ne fe réuniffóient que dans un moment oü tous deux faifoient la guerre aux Turcs, chacun de leur cóté,fans combiner leurs opérations. (21) En datte du 2.7 Sept.. 1739. (22) Cette cruauté du Courlandais envers Wirlinsky eff.d'autant moins pardonnable.-, que ce fecrétaire d'état ne lui vouloit aucun mal, & qu'il ne donna que des confeils fa-  «•aJUtk* Schroutfchow & leripkm intendant de la marine, il fit cou^t^ n toZt* Modchkin Poufchkin préfident du confei oTcomme?m & fit donner le Knout aux deux Secrétaires du Cabinet EicKr & Souda, & peupla la Sibérie d'exilés, non pour des confpxÏt on ou des trahifons, mais fous le prétexte qu'ils avoient parle peu efpeaueufement de 1'Impératrice & de fon f^^^'^^; ses tels que ceux de France fous le regne de Louis XIII. autoriloient mutes ces exécutions par des procédures legales. LImpératrice laiflbit agir fon favori qüi marquoit une averfion decidéeX^^rance. II 1'avoit témoignée dans la part que les Rusfes eurC en Pologne a la feconde expulfion. de Scanislas beaupere de LouiXV l pfife de Dantzik & de toute 1'armée Francoile qui n'éto t forte que de trois bataillons-,. & par des fecours envoyes a 1 Em, pereu d'Allemagne jufque fur le Rbin. II faifoit meme tournetcon?re la Frfnce la paix faite par fa médiation entre les Turcs & les Autrichiens^ paree Celle fut néceffairement fuivie de ce le des Ruffes, au momentP orieqComte de Munich avoit le plus grand avantage fur ^S!fSnï& que le Marquis de la Chétardie offi. rier fans & ne prenoit aucune précaution pour fa L'ambaffadeur s'affurolt -a la ^cour de ceux que leurs places ou leurs  m 23 p rangs rendoient néceffaires a fon projet; mais le Duc de Courlande infpiroit tant de crainte, que perfonne n'ofoit laiffer foupjonner de telles liaifons, ni faire la moindre démarche qui put le traliir, ou 1'expofer a des fureurs dont on connoiffoit les effets. Cette foible conjuration fut pourtant menée avec tant de fuite, qu'un jour 1'Ambaffadeur crut toucher au moment fi défiré, mais les inquiétudes d'Elifabeth, plus qu'aucune autre circonftance firent fuspendre 1'exécution d'un projet, qui lui fembloit trop donner au hazard. Le Duc de Courlande veilloit avec foin a tout ce qui pouvoit conferver fon autorité, il craignoit de la perdre, en même tems que 1'Impératrice, dontlafanté s'affoibliffoit chaque jour; ce qui le détermina de la pr'efTer de faire fon teftament. L'Impératrice 1'eut a peine figné qu'elle affembla le fénat, le confeil & les grands de 1'Empire pour leur faire préter le même ferment que Pierre I. avoit exigé, que tel que fut fonchoix,on 1'approuvat d'avance, & que Pon pretat fans diftlculté le ferment de fidélité a celui ou celle qu'elle nommeroit pour lui fuccéder. L'Impératrice avoit déja pris la précaution de faire déclarer grande Duchefle la Princeffe Elifabeth Catherine de Swerin Mecklenbourg fa niece mariée au Prince Charle Ulrick de Brunswik Wolfenbuttel. Ce titre q'ui femble répondre a celui de Roi des Romains en Allemagne, défigne ordinairement 1'héredité du Sceptre Impérial; elle avoit auffi fait quitter fa religion a fa niece, & changé fuivant 1'ufage de 1'églife Grecque fon nom , pour la faire appelier a 1'avenir de celui qu'elle même portoit. Lorfque 1'Impératrice mourut, ou fut, comme quelques uns l'ont prétendu, fur le point de mourir , le fénat & les grands furent inftruits des dernieres volontés de 1'Impératrice, & fommés de prêter ferment a fon fucceffeur. On apprit avec furprife que fon choix étoit tombé fur le fils du Duc & de la Duchefle de Brunswik, le Prince Iwan agé de deux mois feulement, que le Duc de Courlande étoit nommé régent de 1'Empire pendant la minorité , & fuivant les conftitutions Moscovites la minorité ne finit qu'a la vingtieme année. Ce Teftament ne fit que des mécontens , le jeune Iwan n'étoit* pas en état d'en connoïtre le prix. Le Duc de Brunswik fut outré de voir fon fils dépendre d'unhomme obfcur, qui, de 1'état le plus commun & fans mérite perfonnel, n'étoit parvenu que par la faveur de 1'Impératrice a la fouveraineté de Courlande; qui n'avoit jamais rendu & n'étoit en état de rendre aucun fervice effentiel a la Ruffie. La Duchefle mere fit éclater fon indignation fans ménagement, elle étoit jaloufe du droit que fon fils n'avoit acquis que par elle, & humiliée, furtout , après avoir changé de Religion, de fe voir dépouillée de toute autorité, dans un état dont elle devoit être Souveraine. Les Gardes de Semeonowsky dont le Duc de Brunswik étoit LieuteBant Colonel lui propoferent de fe révolter en fa faveur, & de nommer la  Conjuration temde en faveur d'Elifabeth. Duchefle 'Impératrice, mais ce Prince fentit que leur fédition n'occafionneroit qu'une guerre civile, & que le Duc de Courlande, ayan' eu le tems de prendre fes mefures, ne manqueroit pas de leur oppofer "les autres Régimens des Gardes, dévoués a fes ordres. Le Duc de Courlande qui youloit humilier & inquiéter le Duc & la Duchefle de Brunswik, fit courir le bruit que ï Impératrice avoit fait un codicile, par leque elle nommoit la Princeffe Ehfabeth fon héritiere La Chétardie, ardent en faveur d'Elifabeth, autant par politique que par inehnation eut bientot démêlé la fineffe du Duc de Courlande & fit Je plan de faire feryir fon projet même k fa ruine. Dans la même nuit ou 1 on fit affembler tous les Régimens des Gardes pour proclamer au point du jour le Prince Iwan, il employa tous fes amis & ceux que Lestock avoit pu gagner dans ce corps pour faire nommer Elifabeth au heu d Iwan. Le Palais de cette Princeffe fe trouvoit précifément fur la place ou estroupes s'affembloient & couvroit celui du Duc de Brunswik; il fembloit faci iter 1'entreprife, fi la Princeffe Elifabeth avoit été capable de quelque réfolution. . Leflock après avoir tout difpofë pour ce moment intéreffant, fe rendit al appartement de cette Princeffe, au moment que fes partifans commencoient a ener vive 1'Impératrice Elifabeth & ce cris continuoit avec chaleur Elifabeth etoit au ht, Leftock entrant brufquement dans fa chambre^ la fupplia tres inftament de fe jetter une robe fur le coros & daccourir a fon balcon pour fe montrer aux Troupes qui la procla* moient La Prmceffe auffi furprife de 1'apparition de Leftock, que des cris confus qu elle ne diftmguoit pas, ne lui répondit que ces mots ils me tueront; Leftock ne ceffoit de la conjurer de paroitre a Ja fenê'tre, elle lui fit a plufieurs reprïfes la même réponfe, ils me tueront Pen"dant qu elle s'opimatröit a fe cacher, un aide de Camp du Duc de Biren vint ener au Major des Gardes que c'étoit le Prince Iwan qu'il devoit proclamer Empereur, & le Duc de Biren régent. L'aide de chamo elevant lui-meme la voix, répéta fans ceffe ces noms. Les amis du Duc de Courlande revenus de leur furprife, & ne voyant aucune fuite aux premières acclamations, firent retentir les noms d'Iwan & de Biren avec tant de force qu enfin leur exemple fut fuivi de tous les Régimens des Gardes. Le Prince Iwan fut reconnu folemnellement Empereur & le Duc de Biren inftallé régent. r w u Ln \°7aj RDégent ^[aita fans be^coup de ménagementle Duc & ia . Duchefle de Brunswik. II affefta d'avoir de longs & de fréouens entretiens avec la Princeffe Elifabeth, & déclara même un jour Kt une-nombreufe affemblée qu'en tout cas il ne feroit pas eSbïraffi de „ renvoyer en Allemagne eet enfant couronné, & le Duc & la Duchef" t i? BiaPswJk» comme Menzikow avoit congedié le Duc, la Du„ cheffe & le jeune Prince de Holftein. „ On dit même qu'il avoit » remis  remis 1'exécution de ce projet & un autre non moins effentiel (23) après les fïmérailles de 1'Impératrice Anne. ; Le Duc & la Duchefle de Brunswik, auffi confternes que le regent, le fouhaitoit-, defiroient déja cette reflburce, pour leur tranquijlité : ils fe plaignoient un jour au Comte de Munich des duretés du régent; le Comte qui n'étoit pas plus fatisfait qu'eux, paree qu'on lui refufoit tout ce qu'il demandoit, leur offrit fon fecours; il propofa d'arrêter le Duc Régent dans' fon palais, de le conduire a telle prifon qu'ils voudroient nommer, & de faire enfuite reconnokre la Duchefle pour Régen te. Ce projet a peine propofé, fut accepté, & a peine accepté, qu'il fut exécuté. La Duchefle de Brunswik harangua fa garde & la perfuada de fuivre le Comte de Muniek, a qui 1'Empire alloit devoir fon falut, la garde obéit: le Comte fit halte a quelque diftance du Palais du Régent, & vint s'aboucher avec les officiers de la garde du Régent qui fe laisferent perfuader. Le Lieutenant Général Manftein avec vingt gardes armés, entra dans le palais fans aucune réfiftence. Les fentinelles ne firent aucun bruit, paree que eet officier leur étoit connu, & qu'il ne leur paria qu'avec douceur, difant, qu'il avoit une commiffion importante du régent même; par ce moyen il le furprit dans fon lit avec fa femme. Dans fon premier mouvement le régent crut pouvöir fe cacher fous lelit, &par fes cris attirer du monde a fon fecour&t Manftehrle faifit malgré fes efforts, lui mit un mouchoir fur la bouche, Ha fes mains avec 1'écharpe d'un officier, & le couvrant d'un habit de Soldat, le traïna iufqu'ala rue oü il fut jetté dans un caroffe du Maréchal de Munich, danslequel on le conduiflt a Schluffelbourg; on fit fon procés, il fut exilé en Siberië dans une prifon dont le Général Munich fit le plan, & qui lui fervit a lui-même, lorfqu'il fut traité comme il traitoit alors Biren. Le Comte Guftave frere cadet du régent Lieut. Colonel du Regiment des Gardes d'Ifmaelow fut arrêté de même, les fentinelles de fa garde voulurent d'abord faire réfiftence, mais on leur fit comprendre qu'elle feroit inutile; ils laifférent paffer Manftein feul, il parvint a la chambre du Comte & lui fignifia 1'ordre qu'il avoit de fe rendre maïtre de fa perfonne. Le Comte de. Biren ouvrit la fenêtre & fe mit a crier au fecours, mais Manftein lui déclara que fon frere étoit déja faifi, que, s'il ne fe rendoit, il feroit tué fur la place; Guftave ne fit plus de réfiftence & fe laiffa conduire a Schluffelbourg. Le Comte Erneft autre frere du régent fut arrêté fans réfiftence, ainfi que le Comte de Beftucheff. " Cette grande révolution (24.), fi facilement exécutée par quelques (23) Ce t "autre projet'étoit de' faire époufer Ia Princeffe Elifabeth a fon fils alné, & par ce moyen affurer le tróne Impérial- k- fa familie, mais Elifabeth le traita fan. ména§ement & avec beaucoup de hauteur, lorfqu'il vouloit traiter cette affaire. (24) 18 Sept. 1740, Rdgeiice de 1'Empire enlevée au Duc de Courlandi par la Duchefle de Meklenburg.  o (26 m Soldats de la garde de la Ducheffe de Brunswik,. la mit dans le cas de fe déclarer elle même régente & grande Ducheffe de Ruffie. Elle prit 1'ordre de St. André que la fouveraine, feule de fon fexe, a le droit de porter, elle fit renouveiler le ferment de fidélité a l'Empereur fon fils, en y joignant celui d'obéir aux ordres qu'elle donneroit comme régente, elle déclara le Duc de Brunswik Géneraliifime des troupes de terre & de mer. i L'Ambaffadeur de France, toujours rempli de 1'idée de mettre un jour la Princeffe Elifabeth furie tröne, ne vitce grand changement qu'avec regret; lom de fe rapprocher de la nouvelle Régente & de lui rendre ce qu'elle attendoit de lui, il affe&a de ne point paroitre chez elle, que le jeune Empereur ne fut préfent pour recevoir 1'audience öc n'adreffer Ja parole qu'a lui; fe retranchant furtout ce qu'on nomme 1'étiquette, il ne s'occupa qua faire perdre a la Régente toute la confidération qu'elle cherchoit a s'attirer, & a lui fufciter des ennemis a 1'aide desquels il püt la dépouiller de toute autorité, de même que fon fils de 1'Empire (25). < Le Comte de Munich s'étoit flatté de faire les fonótions de Régent & d'en laiffer^ feulement le titre a la mere de l'Empereur: quand il vit qu'elle ne 1'affocioic point a cette importante charge, & qu'elle confioit te commandement des troupes a un autre qu'a lui, quoique ce fut au pere de 1'Empereur,, fon zele fe réfroidit, & il accepta avec d'autant moins de fatisfaétlon la place de premier Miniftre, que le Comte d'Osterman Secrétaire d'Etat parut peu difpofé a recevoir un maitre & a ne pas décider comme il avoit fait depuis longtems, de la forme öc de 1'expédition des affaires de fon département. Les démêlés du premier Miniftre & du Secrétaire d'état allerent fi loin > & la Régente foutint fi vivement Ofterman, que Munich demanda fa démiffion; la Régente qui le craignoit, 1'accorda fans peine, avec une penfion de cinquante mille roubles. Elle fit prendre le titre d'Alteffe Impériale au Duc de Brunswik & le déclara co régent de 1'Empire: elle fit nommer Ie Prince Louis de Brunswik (26) Wolfembutcel fon beau frere Duc de Courlande, a la place de Biren fur lequel ce Duché yenoit d'être confisqué par la même fentence qui le déclaroit coupable de trahifon au premier chef, & le. condamnoit a 1'exil. Ce Duché féodal (25) La Chétardie agiffoit en cette affaire avec un reffentiment d'autant plus vif que ion amour propre avoit été humilié par la Ducheffe de Hrunswik, a laquelie il avoit témoigné d'abord un empreffément fi marqué, qu'il fut pris pour une offenfe, & que cette Princeffe le ménagea peu. Plus elle témoigna de bontés au Comte Delinard Ministre de Saxe, le même qui depuis a été le médiateur de la capitulation de Clofterfeven en 1757 au nom du Roi de Dannemark, & plus la Chétardie chercha les occafions de la mortmer & de fe venger. C26) C'eft ce Prince qui depuis a paffé au fervice des Etats Généraux des Provinces* Unies des pays-bas, qui 1'ont nommé Feldmaréchal de leurs Armées.  m 27 )& cependant relevoit de la Pologne $ la Ruffie n'avoit aucun droit de le confi: quer. L'Ambaffadeur de France fe flatta d'empêcher 1'effet de cette nomination, en y faifant former une oppofition au nom du Comte de Saxe. Le Baron de Dieskau protefta folemnellement dans faffemble de la nobleffe de Courlande, contre tout ce qui pourroit être fait au préjudice des droits du Comte de Saxe (que cette même nobleffe avoit élu tout d'une voix en 1727) & nommément contre la nomination du Prince Louis de Brunswik, il publia des manifeftes, pour établir la juftice des prétentions du Comte de Saxe. Toutes fes démarches n'empêcherent pas le Prince de Brunswik d'ecre élu. Lorfqu'il voulut fe mettre en posfeffion du Duché, le Roi de Pologne dont le Comte de Saxe étoit fils naturel, lui refufa 1'inveftiture, & défendit aux Courlandois de le reconnoitre pour leur Souverain. L'Ambaffadeur de France rendit cette affaire fi litigieufe, que la guerre feule pouvoit la décider; les Polonois & les Saxons paroiffoient difpofés a la foutenir avec chaleur. La Régente n'y mettoit pas un intérêt moins vif. Elle avoit formé le plan de Faire époufer la Princeffe Elifabeth au Prince Louis de Brunswik, & ne défiroit le voir en poffiiffion de la Courlande, que pour 1'y réléguer ainfi qu'Elifibeth dont elle redoutoit la préfence a Pétersbourg. La Chétardie n'avoit pas vu toutes les intrigues du Régent disgracié, fans effayer d'en tirer parti, fa chüte le rendit plus aclif. II ne ceffoit de faire inviter la Princeffe Elifabeth a profiter des circonftances , & lui faifoit redire par Leftock tout ce qu'il fuppofoit que penfoit le peuple & la nation. Ses brigues devinrent fi publiques, que la Grande Duchesfe ne put les ignorer, le Comte d'Ofterman 1'inftruifit d'une partie des chofes qui fe paffoient. La grande Ducheffe n'avoit aucune expérience, mais la plus'grande confiance en elle même. Dans une affaire de cette_ importance, elle crut ne devoir s'en rapporter qu'a fes propres lumieres. Elle manda la Princeffe Elifabeth, & s'enfermant avec elle, a -deffein de. fe cacher du Duc de Brunswik avec lequel elle vivoit dans une grande méfintelligence, elle la pria de s'expliquer avec franchife fur tout ce qu'on répandoit fur fon compte, & fur les nouvelles particulieres qu'elle avoit recues, & qu'elle ne craignit pas de lui communiquer. La Princeffe Elifabeth eut d'abord recours aux larmes; elles attendrirent la Régente au point qu'elle en verfa bientöt auffu Elifabeth n'eut pas de peine a cacher fon trouble, & a féduire la Régente par les proteftations les plus vives & les conti'~nces les plus éloignées de 1'objet qu'elle traitoit: enforte que ces dëöx Princeffes effuyerent mutuellement leurs larmes, fe jurerent une amitie réciproque, a 1'épreuve de tout, _& en dépit de toutes brigues & intrigues, par lesquelles on cherchoit, difoient-elles, a les mettre mal enfemble. D 2  ot « )m La régente ne témoignoit de confiance qu'en la Freulen Julie de Meng» den fa Dame d'honneur. Cette fille avec encore moins d'expérience que la Régente, décidoit avec plus d'aflurance, & perfuadoit fa maïtreffe de faire tout ce qu'elle difoit être bien. Le dépit du Duc de Brunswick contre cette Dame d'honneur la haine de celle-ci pour. le Duc, empécherent la Régente d'écouter, & plus encore de profiter d'aucun bon confeil, furtout dans cette circonftance. Ce qui fervit le plus a perfuader la Régente de 1'innocence d'Elifabeth fut, que tous les avis portoient que Leftock s'abouchok fans-ceffe avec la Chétardie, & qu'il ne ceffoit de porter les paroles de 1'un.al'autre; Elifabeth afiura. la Régente que cette calomnie étoit fi peu fondée, que jamais Leftock. n'avoit mis les pieds dans 1'hötel de 1'Ambaffadeur de France, elle indiqua les moyens de la convaincre de cette vérité, par les témoignages qu'elle la mit a même de recevoir. La Régente lut effectivement convaincue que Leftock n'avoit point été chez 1'Ambaffadeur, ni 1'Ambaffadeur chez lui ; n'ayant ni compris, ni même foupeonné qu'ils fe voyoient trés fouvent & fous divers déguifemens ailleurs, elle ne voulut plus. rien écouter de tout ce qu'on ne ceffpit de lui dire a ce fujet. Le Duc de Brunswick fut averti, trés férieufement de fe tenir fur fes Gardes & de réveiller 1'attention de la Grande Ducheffe; mais la: méfintelligence qui régnoit entr'eux, porta la Régente a perfifter avec opiniatreté dans la. confiance qu'elle avoit prife aux larmes 1'Elifabeth.. Cette Princeffe 1'avoit a peine quittée, que le Marquis de Botta Miniftre de la. Reine d'Hongrie, qnoique peu content de la Régente qui refufoit d'envoyer des fecours en Allemagne a fa fouveraine, la conjura de la maniere fa plus preffante de fe- tenir fur fes gardes & de fonger a mettre en fureté fa vie, celle du Duc de Brunswik & celle de l'Empereur. La Régente ne fit aucune attention a eet avis. Le Co Régent vouloit faire arrêter Leftock, elle 1'en empêcha. Elle formoit alors le projet de fe placer fur le tröne a la place de fon fils; comme elle conduifoit en fecret toute cette intrigue avec fa. favorite, (fe livrant plus volontiers a 1'efpérance qu'a 1'inquiétude;.) elle s'accoutumoit a faire peu. de cas de ce que lui difoit le Duc, avec qui fa favorite avoit grand foin. d'empêcher qu'elle n'eüt une trop grande intimité. Le comte Ofterman pour lequel elle avoit la plus grande confiance, effaya vainement de la rappeller a la faine politique. Elifabeth toute livrée au parti qu'elle avoit enfin pris, fe fhttoit de 1'exécuter au jour de 1'Epiphanie oü les Régimens des Gardes .font tous les ans une Parade fur les glacés de la Néva;, mais elle fut fi vivement preffée par le Prince de Heffe Homburg, qui ne ceffoit de lui repréfenter les rifques qu'elle couroit, ainfi que ceux qui fe dêvouoient pour elle, qu'elle s'imimida fur le danger actuel. La crainte lui fit prendre la courageufe réfolution de fe charger elle-même de la conduite & de 1'exécution d'une conjuration fi fouvent manquée & renouée. Le Ma-  réchal dë Lafcy rïval &jalcux du Comte de Munich, s'étoit engagéde foutenirde toutes fes forces les prétentions d'Elifabeth: il pouvoit, dans tous les cas, êxre de la plus grande reffource au parti d'Elifabeth qui fe livroit avtc confiance a fes confeils. La Régente crut en éloignant Lascy de Péiersbourg, écarter en même tems toute fédition, & toute intrigue: elle lui donna le commandement de 1'Armée qui marchoit en Suede. Leftok parloit avec tant d'indifcrétion du défir qu'il avoit de voir Ja Princeffe Elifabeth fur le tröne, que fa conjuration devenoit une efpece de raillerie donton fe moquoit dans les cafFés comme a la cour.. Un Eanqueroutier qui s'étoit engagé dans les Gardes de Preobragenski, s'étoit chargé de faire entrer le plus grand nombre qu'il pourroit de fes Camarades dans le complot. II le faifoic prefqu'avec autant d'indifcrétion que Leftok, & cependant avec quelque fuccès. Ce Régiment ayant reca i'ordre de partir pour 1'Armee, & tous les conjurés devant y marcher, la Chétardie preffa 1'execution du projet, il auroit voulu qu'il fe fit dés le même foir de 1'explication de la Grande Ducheffe avec la Princeffe Eiifabeth, mais les conjurés ne pouvant être avertis & raffemblés a tems, elle fut remife a la nuit du fecond jour; quatre vingts Gre* nadiers ou bas Officiers des Gardes de Préobragensky fe rendirent la nuit da 5 au 6 Décembreau Palais d'Elifabeth qui capituloit avec eux;. elle fe vit comme contrainte de fe mettre a leur tête, après leur avoir juré fur fon image (.27) qu'ils- ne la trahiroient pas, & qu'ils la défendroient jufqu'a. la derniere goute de leur fang. Elle s'avanca vers le Palais de la Grande Ducheffe, fans que la Garde eut la moindre méfiance de ce qui devoit fe paffer. La fentinelle n'eut aucun foupcon, & voyant arriver la Princeffe Elifabeth, elle fe laiffa faifir & mettre hors d'état de crier; un coup de couteau donné dés le même moment dans le Tambour, empêcha qu'on ne püt donner 1'allarme. Elifabeth haranguant elle-même les Soldats de la Garde de la Ducheffe de Brunswik parvint a les contenir, & a fe procurer la liberté de monter jusqu'a 1'appartement de la Grande Ducheffe qu'elle fit fa prifonniere, & qu'elle quitta bientót pour ne pas effuyer fes larmes. Dans le même tems on arrêta le Duc de Brunswick, le jeune Empereur, & le Prince Louis de Brunswik. Elifabeth étoit fuivie de la Princeffe de Trubetzkoy foeur du Prince de Heffe Homburg a qui elle remit fon cordon de 1'ordre de St. Catherine, & prit d'elle même celui de St. André. Leftock, les deux Fre* res Woronzow, Schowalow & plufieurs autres conjurés 1'attendoient a (27) Chaque Rufle a dans fa maifon 1'image de. quelque Saint a laqueüe il marqué !a plus grande vénération, & qu'on falue en entrant dans la chambre. Celle d'Elifabeth étoit une St. Véronique, c'eft a - dire une figure de Sf. Süaire, devant la• quelle elle fit vreu de-ne jamais faire mourir perfonne, fi elle échapoit cette ntot a la mort. Elle ratifia ce ferment dans I'Rglifa le jour de fori facre, elle fit préfent a fon image, d'une bordure de Diamant de óocoo Roubles, &dans toutes les circonftances de fa vie, elle lui rendit toujours le même cufte que Louis XI. rendoit en France a IImage de la vierge qu'il portoit toujours a fon chapeau. D 3  ©C 30 )© la porte de eet appartement. Les prifonniers ne furent pas plutöt en fureté, que la nouvelle de la révolution fe répandit & que tous les régimens des gardes fe joignirent aux Soldats de Préobragensky. Elifabeth fut proclamée d'une commune voix , & fe trouva le jour fuivant inftallée fans aucune difficulté, ■& fans avoir verfé de fang. On arrêta d'abord par fon ordre les Comtes de Munich , d'Ofter-' man, de Golowkin & de Lowenwolde , le Baron & la Freulen de Mengden & plufieurs autres. La nouvelle Impératrice fe fit préter le ferment de fidélité , publia des manifeftes & laiffa le fénat, le confeil & fes amis gouverner 1'Empire. Dés le même mois Elifabeth fe fit couronner avec la pompe la plus folemnelle. Elle trouva chez la Ducheffe régente, non feulement les plus magnifiques vêtemens de cérémonie, mais même un fceptre & une couronné enrichies de diamans, que cette Princeffe avoit recus tout nouvellement de Dresde pour fon couronnement; car elle fe flattoit alors d'enlever bientót le tröne a fon fils. Elifabeth joignit a la cérémonie de fon couronnement, le ferment folemnel qu'elle prononja a voix haute, en préfence de Dieu & de tout fon peuple , de ne jamais mettre aucun de fes fujets a mort: Comme on vouloit 1'arrêter en ce moment, & la prévenir fur les fuites de cette promeffe indifcreto, qu'on la fupplioit de ne pas faire fi légérement: je fais bien, dit-elle, que je fauve la vie de mes ennemis , mais je confervele fang de mes amis, qu'on me demandera bientót de répandre, & qu'il m'eft plus cher d'épargner a ce prix. La cérémonie fe paffa dans le plus grand ordre, & la plus grande tranquillité. Au moment de la révolution, Leftock partit pour aller chercher le Maréchal de Lafcy. Sollicitée inceffament par tous ceux qui ne défiroient fon élevation que pour changer de maitre, & forcée a devenir Impératrice malgré elle, Elifabeth fentoit tous les facrifices qu'on exigeroit d'elle; fon autorité d'ailleurs ne lui paroiffoit point fölidement affurée. On avoit obtenu fa parole, qu'elle débarafferoit fa nation de l'oppreffion des étrangers } c'eft a dire, du Duc, de-la Ducheffe & du Prince Louis de Brunswik, des Comtes de Munich, d'Ofterman, de toute la maifon de Mengden & de plufieurs autres qui poffédoient des grands emplois, & en général de toute la nation Allemande. Qjaoique 1'Impératrice eüt marqué toujours une averfion conftante a ceux que la politique lui deftinoit pour époux, on craignoit qu'elle ne fit grace au Prince de Brunswick, mais il ne fut pas plus heureux que les autres. Ceux qui s'étoient engagés a la foutenir fur le tröne, exigeoient déja toutes les conditions qu'ils avoient eux mêmes diclées. Elle craignoit fur-tout d'être forcée d'abandonner le Maréchal de Lascy , dont elle fentoit toute 1'importance, pour 1'état & pour fa perfonne. Après avoir fait publier divers manifeftes, pour établir la légiti-  ec 31 m mité de fon entrepife, & fon droit a la couronné, fon premier foin fut de faire transférer en lieu für l'Empereur Iwan avec fon pere & fa merej elle fit courir le bruit qu'elle les envoyoit en Allemagne ; mais elle les retint a Riga, d'oü elie les fit pafier fucceffivement dans diverfes fortereffes oü ils fürent gardés avec foin: on tint le jeune Iwan a part, mais le Duc & la Ducheffe de Brunswik refterent enfemble: ils eurent encore deux Princes & plufieurs Princeffes qui furent gardés comme euxj la Ducheffe mourut en couche d'un cinquieme enfant, en 1746. L'Empereur dépoffédé fut mis a mort un 1764 par 1'officier chargé de fa garde, pour prévenir les fuites de 1'entreprife d'un certain Mirawitz, fimple Officier, qui tenta de 1'enlever de Schluffelburg. Le Prince Louis de Brunswick que la Régente avoit fait élire Duc de Courlande, fut retenu quelque tems dans un Palais de 1'Impératrice, oü la garde qu'on lui donna, fous le prétexte de lui faire honneur, gêna fa liberté, de fajon qu'il fut véritablemenc prifonnier: on le renvoya bientót en Allemagne avec une efcorte non moins honorable, mais auffi gênante. II ne fut plus queftion pour lui de la Courlande (28;. Le Comte de Saxe fit un voyage a Moscou dans 1'efpérance de proficer de fa retraite, mais il en repartit bientót fans fuccès. On inftruifit les procés des Miniftres arrêtés, le Comte de Munich fut condamné a être tiré a quatre chevaux, d'Ofterman a être roue vif, de Golowkin, de Lowenwolde & le Baron de Mengden a être décapités ; mais 1'Impératrice pour oblerver le ferment qu'elle avoit fait a fon facré, leur accorda la vie, & fe contenta de les envoyer en exil en Sibérie (29). Elifabeth fignala fa reconnoiffance par les récompenfes accordées a tous o.ux qui 1'avoient ftrvi; Leftock fut fait Comte, premier Médecin & confeiller privé, elle fit RazbinouskV, grand Veneur & Chevalier de 1'ordre de St. André (30). Le Prince de Heffe Hom* (28) Elifabeth quelque tems après permit que Ie Roi de Pologne donnat 1'inveftiture du duché de Courlande a 1'un de fes fils légitimes qui prit poffeffion de ce pays dont il ne garda la Souveraineté que jufqu'au Regne de Cath. II. qui fe fit un principe de juftice de.rétablir Biren dans fes états; elle lui permit même après quelques années d'abdiquer en faveur de fon fils ainé qui fut reconnu malgré les oppoiitions des Polonois & dés Saxons. (29) Pour donner 4• la punition des condamnés toute la cruauté que permettoit Ie ferment de 1'Impératiice, on traina les prifonniers fur les échaffauts . on leur donna toute 1'horreur du fupplice , on leur banda les yeux , & 1'on n'annonca leur grace que Jorfqu'ils s'attendoient a recevoir le coup de la n ort, on rendit publique leur fentence & tous les crimes dont ils avoient été accufés , en forte que la vie étoit plutót une nouvelle punition qu'une grace (30) II n'avoit aucune part ou du moins trés peu dans tout ce qui venoit de fe pasfer, mais eet homme qui de chantre de la chapelle s'étoit infinué dans les bonnes graces de la Princeffe Elifabeth au point d'avoir tout crédit fur fon efprit , n'étoit cipable d'aucune intrigue, n'avoit aucun lalent ni génie, óc n'avoit réuffi que par une figure trés diftinguée. L'Impératrice a peine fur le tróne le combla d'honneurs & debiens,  S( 3* )* burg fut fait Lieutenant'Colonel des gardes du corps, dont elle fe déclara Colonel 5 Razomousky & Woronzow en furent Lieutenants avec le grade de Lieutenant général, Schwallow fut déclaré fous Lieutenant de ce corps & général Major en un méme tems; elle fit adjudant de la Compagnie & en même tems brigadier Grunftein, ce banqueroutier qU.i le premier des gardes de Préobragensky, s'étoit engagé de' la fervir; elle annoblit toute la compagnie de grenadiers de ce Régiment & accorda tant de graces a chaque fimple foldat & une protcótion fi déclarée, qu'ils crurent avoir acquis le droit de commettre impunément les plus grands défordres; ils fe livrerent a de tels excès de pillage, de mutineries, & de féditions, qu'on fut obligé d'employer d'autres Régimens pour les ccntenir. Le Comte de Beftuchef arrêté par ordre de la Ducheffe deBrunfvick, la même nuit que le Duc de Courlande, avoit été juftifié depuis, mais il étoit refté fans emploi. Elifabeth le fit vice - Chancelier & Chevalier de 1'ordre de St. André , & a la mort du Prince Czerkaski, i! devint Chancelier & eut la plus grande part a tout ce qui fe paffa fous le regne d'Elizabeth. Le Duc de Courlande & toute fa familie furent rappellés d'exil, mais le Duc n'obtint pas lapermiffion de revenira Pétersbourg ; il fut obligé de refter a Jéraflaw. Plus de cinq mille exilés par Menzikow & par Biren furent envain invités arevenir; ils étoient difparus, fans qu'on ait jamais pu connoïtre leur fort, quinze mille autres profiterent de la grace qu'Elifabeth accorda prefque fans réferve. L'Ambaffadeur de France fut comblé des graces de 1'Impératrice, outre le collier de fes ordres (31), des diftinétions qu'elle lui accorda, elle lui fit de riches préfens en diamans, & lui témoigna toute la reconnoiffance dont étoit capable un cceur qui la prodiguoit fans diftinclion jufqu'au moindre foldat. L'Ambaffadeur fatisfait de lui même & de 1'Impératrice revint a fa cour dans le moment oü les poliriques s'attendoient a le voir travailler folidement a quelque traité d'alliance. Poiir ne plus revenir fur fon fujet, je dirai que ces patriotes nationaux , qui s'étoient fait promettre par Elifabeth qu'elle affranchiroit la nation du joug de tous les étrangers, parvinrent a donner a 1'Impératrice desimprefïïons toutes oppofées a celle qu'elle avoit eues de la Chétardie. Mé- con- & fit fon frere Vice-Roi rTUkraine ou Hekman des Cofaques. On prétendit que 1'Impératrice apres fon facre époufa fécrettement Rafomousky. On ne pouvoit guere interprêter autrement les égards que cette Princeffe vouloit qu'on eüt pour lui, 1'état qu'elle lui faifoit tenir & les déférences qu'elle lui témoignoit: elle n'allerent pas cependant jufqu'au point de la gëner dans fon goüt pour les plaifirs, comme on Ie verra bientót; cette Cérémonie fut 1'efFet de 1'intrigue de TArchevêque de Bézan qui crüt en conféquence jouer un róle, mais il fut univerfellement méprifé. (30 11 recut 1'ordre de St. Anne & celui de St. André, chofe inouie jufqu'alors, pour un miniftre étranger.  CK 33 )B content de 1'intérêt que la France prenoita la Suede contre les plans & les vues de la Ruffie, le Comte de Beftucheff fe fervit de toutes les reffources de la politique, pourdécréditer la France & en même tems fon Miniftre que 1'Impératrice diftinguoit au point, qu'on craignoit tout de eet excès de faveur. II s'en fallut peu, que la fincérité du Chance» lier n'attira fa difgrace. L'Impératrice marqua fon mécontentement, le menara de 1'exil & tint pendant quelque tems fon fort en fufpens; elle lui rendit enfin fa confiance, dont il jouit fans oppofition pendant plufieurs années; mais elle la lui retira dans la fuite. Le Lord Tirawley, Ambaffadeur d'Angleterre contribua beaucoup a faire connoïtre la conduite de la Chétardie, a rel ever fes aéKons partïculieres, fes intrigues, & tout ce que fon orgueil lui faifoit débiter d'une maniere trop avantageufe a lui même. Son caraclere fut expofé d'une maniere fi défavorable, qu'a fon retour de France, lorsqu'il répandoit fur fa route a Hambourg & jufqu'a Coppenhague qu'il alloit changer le fiftême politique de toutes les cours du nord, par les traités qu'il feroit figner a 1'Impératrice , il fut confondu de recevoir la défenfe de paroïtre devant elle, & l'injonction de remettre le collier de fes ordres. Le Marquis de Botta , miniftre de la Reine d'Hongrie, a la cour de Berlin, fut auffi rappellé par fa cour, fur la demande qu'en fit 1'Impératrice, perfuadée qu'il étoit le chef d'une conjuration qu'on découvrit contr'elle; 1'intrigue n'avoit pas été conduite avec autant d'addreffe que celle du Marquis de Bédemar a Venife, mais 1'iffue en fut la même. La Reine d'Hongrie défavoua fon Miniftre, le rappella de Berlin, mais continua bientót a fe fervir de lui. Le peu de goüt & d'habitude d'Elifabeth pour le travail, laiiTa le Comte de Beftucheff maitre de la direction des affaires les plus effentielles; il n'eut plus a combattre que les favoris que 1'Impératrice choififfoit entre ceux qui s'empreffoient de lui plaire (32). Ilsfe^fuccéderent quelque tems fans rien changer au plan politique. Scrrwalow (33) parut vouloir profiter de 1'afcendant qu'il avoit fur 1'efprit de fa (32) Elle avoit trouvé un Sivers qu'elle avoit pris au fervice d'un chef de cuifine pour en faire fon valet de pied, qui paffa fucceffivement par tant d'emplois & obtint tant de graces fans la quitter, que décoré de fes ordres & fait Comte, lorsqu'elle fut Impératrice, il fut nommé pour aller a Vienne notifier a 1'Impératrice Reine fon avénement au tröne. La vanité feule faifoit le fond de fon caraclere, mais la vanité lui fuggéroit mille prétentions & 1'Impératrice les autorifoit & les réalifoit fouvent. f33) Le Maréchal de Schwalow qui s'eft rendu célebre ne jouüToit pas d'un crédit perfoftnel. La bizarrerie de cette intrigue mérite bien d'être mife au jour; cef éclairciffemens jettent toujours une grande lumiere fur les événemens des cours & fur les fortunes dont on ne connoit pas les motifs. Iwanowits Schwalow page de 1'Impératrice & d'une fïgure charmante eut le bonheur de lui plaire, & d'en être diftingué. Sa jeuneffe & le gout de fa fouverainc devoient le conduire a la plus haute fortune, mais il ne contribua qu'a celle de fes parens. Son E  •( 34 O© Souveraine, pour s'oppofer au Chancelier qui gouvernoit 1'Empire j il auroit perdu fon tems, fi le Comte de Woronzow, vice-Chancelier ne s'étoit joint a lui & n'avoit réuni les formalités juridiques aux intrigues de courtifan & a 1'intérêt des nouveautés. Le Chancelier fe vit fouvent arrêté dans fes plans, fans pouvoir déterminer 1'Impératrice a leur donner fon approbation. Négligeant les loix, la politique, & les intéréts de la couronné, elle avoit 1'air de ne facrifier fes véritables intéréts qu'a 1'indolence, mais dans le fond elle fe fervoit de ce prétexte, pour accorder a fes favoris les délais dont ils avoient befoin pour rompre le cours des affaires, pu gagner le tems de leur faire prendre une autre tournure. Plus le regne d'Elifabeth fut long, & plus cette incertitude des afT faires les plus intéreffantes embaraffa tous les Souverains de 1'Europe, & devint un enchaïnement de viciffitudes politiques contre lequel on n'avoit ni relfources, ni remedes. On en connut enfin le principe, & les Souverains les plus a portee en tirerent un parti d'autant plus avantageux , que les alliés de 1'Impératrice ne connoiffant point les refforts de cette politique intérieure, s'en rapportoient toujours a la parole, aux proteftations & aux promeffes du Miniftre & de 1'Impératrice, tandis que leurs ennemis en détournoient a propos les effets, & coufin Pierre Schwalow d'un caraclere trés fouple & trés adroit avoit une femme dont les talens pour 1'intrigue étoient foutenus par 1'efprit le plus agréable, la flneffe & la dextérité la plus grande: elle étoit laide & même contrefaite, mais ce défaut de nature corrigé par une extréme gaité, rendoit fes faillies plus piquantes & fon enjouement plus naturel. Elifabeth étoit fujette a ces maladies d'ennuis, qu'on nomme vapeurs ou hypocondrie; 1'intriguante Schwalow avoit Part de fe faire défirer & d 'arriver toujours a tems pour amufer ou diftraire 1'Impératrice; Ie petit coufin obfédé par fa parente & féduit par les grands principes qu'elle eut foin de lui donner, borna fes vceux & fes demandes a la clef de Chambellan & k la diftinction d'un logement de faveur a la cour; il eut même la modeftie de fe contenter. de 1'ordre de Pologne, tandis qu'il procura celui de St. André a fon coufin, qui fut fait en trés peu de tems Veltmaréchal, grand maitre de 1'artillerie & fénateur ; il joignit è ces brillans avantages Ia fortune Ia plus ' folide par le monopole de plufieurs branches de commerce & de confommation que 1'Impératrice lui donna, dont on évalua les revenus k un million de Roubles par an. Alexandre Schwalow frere du Maréchal obtint 1'emploi le plus important & de la plus grande confiance, celui d'Inquifiteur d'état ou de préfident de la Chancelerie fecrette. La politique exercoit fous ce nom è Pétersbourg autant d'abus & Ia même autorité que la religion Romaine a Goa fous Ie nom d'inquifition Portugaife. Le troifieme frere Iwan Schwalow eut des emplois moins confidérables, mais cependant des plus diftingués, & le modefte page ne fortit point de la médiocrité de fon génie & de fa fortune. Pendant tout ce tems le chef favori jouiffoit de toute la dignité de fa place fans s'inquietter des pafllons de 1'Impératrice & des graces qu'elle accordoit. Roz^rfrowsky vivoit comme un époux avoué, mais non reconnu, fa magnificence Ie confoloit & ne lui faifoit porter aucune envie au Page & aux Schwalows fes parens. Ces trois freres perfécuterent le Chancelier Beftuchef; quand le Marquis de I'Hópital Ambafladeur de France fe joignit a eux, ou plutót cabala, comme eux, contre Ie Chancelier, 1'Impératrice confentit a 1'éloigner, & Michel Woronzow fut fait Chancelier & fon frere Romanowits Sénateur, quoique ce dernier eut des talens bien fupérieurs a ceux de fon frere, & ua caraclere plus fait pour Ia cour.  m 35 )• rendoient fon alliance platöt nuifible par la confiance qu'elle infpiroit, qu'utile par 1'adreffe avec laquelle on la détournoit de toutes fes réfolutions & de celles de fon confeil: la fin de fa vie fur-tout fe palla de cette forte. FIN. Du Livre I.   @( 37 )• LI V R E IL X«i'I«ipératrice Elifabeth avoit annoncé de bonne heure fon éloignement pour le mariage; on eut foin d'affurer le regne qui devoit fuivre le fien. Elle avoit fait revenir a fa cour le Duc de Holftein, dont le pere étoit mort en Allemagne, après avoir été contraint par Menzikow d'abandonner la Ruffie, avec fon fils & avec fa femme, fille de Pierre le Grand, &jde même fit qu'Elifabeth. Le jeune Duc embrafla la religion Grecque, & fut déclaré Grand Duc de Ruffie & fucceffeur a 1'Empire. Les Suédois venoient de perdre laFinlande par factivité du Maréchal Lascy, a qui le Général Levenhaupt avoit abandonné toute cette province a mefure qu'il s'étoit avancé; ces peuples fe flatterent de trouver un puiffant médiateur, ou même un proteóteur en Ruffie; n'attendant plus de poftérité du Roi Fréderic de Heffe - Caffel. Dans un afiemblée générale, par acclamation des trois ordres, de la nobleffe, des bourgeois & des payfans, ils nommerent le Duc de Holftein fucceffeur a leur couronné, après la mort du roi Fréderic. Cette éleftion étant juridïque quoique le clergé proteftat contre, 1'affemblée des Etats envoya des dé! putés a Pétersbourg pour annoncer au Grand Duc fon élection. Le confeil de Pétersbourg ne jugea pas a propos que le Grand Duc acceptac la couronné de Suede, & 1'engagea de renvoyer les députés fans recevoir leurs offres. Ce n'étoit pas affez de donner 1'Empire au Duc de Holftein, le confeil crut avantageux d'en affurer la fucceffion a fa poftérité, &, pour eet effet, de s'occuper du choix de la Princeffe qu'il devoit époufer Après deux ans de délibérations öc de reflexions, le choix fe fixa fur une Princeffe d'Anhalt, dont la mere étoit fceur du nouveau Roi de Suede, & tante du Grand Duc. Le Prince d'Anhalt fon pere étoit un militaire rigide, tout occui pé dans 1'important gouvernement de Stetin, d'établir öc de faire obferver une nouvelle & févere difcipline, qui le mït en état de répondre a la confiance du roi de Pruffe dont i] poffédoit toute l'eftime. II laisfoit a la Princeffe d'Anhalt tous les foins de 1'éducation de fes enfans. Autant fon intelligence & fes connoiffances étoient folides öc étendues, autant celles de fon fils paroiffoient s'éloigner de la proportion oü  SC 38 )* dies devoient être avec fon age & fes forces. On rejetta d'abord fur la foibleffe du tempérament ce qui n'étoit qu'un vice de nature, que le développement de 1'organe n'avanjoit point, & que le tems n'a point encore reclifié. Le Prince d'Anhalt rebuté de la foibleffe d'entendement de fon fils, trop occupé de vertus militaifes pourJfonger a celles qui peuvent illuftrer le beau fexe, négligeoit autant fa fille, qu'il fuyoit fon fils. L'un & 1'autre étoient fans ceffe avec leur mere qui s'appliquoit a former leur efprit. Cette Princeffe réuniffoit tous les agrémens qui font le charme de la fociété, & toutes les vertus qu'on défire dans uneSouveraine: elle n'avoit point 1'ambition de Tröne : quoiqu'elle en eüt toute la dignité. Elle forma fa fille fur fon modele & la pénétra de ces fentimens de juftice, de douceur & de bonté, qui rappellent les Souverains a 1'humanité, quand la politique les en détourne. N'ayant point d'intérêt ni d'objet politique fur lequel elle put fixer particuliérement fon attention, elle ne lui donna que des connoiffances générales, fans pouvoir faire naïcre en elle, faute d'occafion, le goüt & 1'habitude du travail: fes préceptes répétés, fuppléoient a ce qu'elle ne pouvoit donner d'expérience. La médiocrité du patrimoine de toute la maifon d'Anhalt & le peu d'importance de la portion de la branche de Zerbfl, ne donnoient aucune influence aux Princes de cette familie dans les délibérations de 1'Empire, nul intérêt a fuivre ou a difcuter, & nulle expérience d'affaires a acquerir. La Princeffe d'Anhalt employa cette même dépreffion, pour élever 1'ame de fa fille, & la remplir de fentimens de grandeur & de dignité, qui mettent les Souverains au niveau de leurs couronnes. Elle 1'inftruifoit de 1'ancienne fplendeur de fes peres, fans s'arrêter aux fables qu'on débite fur leur origine, elle dévoiloit leur grandeur réelle,dans les tems reculés, oü 1'hiftoire a commencé d'établir lavérité. Elle lui racontoit lesgrandes aótions des Comtes d'Afcanie fes ancêtres, 1'étendue de leur puiffance & de leurs posfeflions. Ces hommes illuftres avoient poffédé pendant deux fiecles les Eleétorats de Brandebourg & de Saxe, ou pour mieux dire, tout ce que 1'Empire diflingue encore aujord'hui, fous le nom de haute & de baffe Saxe, dont leurs defcendans étoient privés depuis quatre cents ans. Elle lui donnoit une doublé lecon des viciffitudes de la fortune dans l'abahTement de la maifon d'Anhalt, & dans 1'élevation de celle d'Oldenbourg dont elle fortoit; rendant a fa fille 1'une & 1'autre fource de fon origine également chere & refpecïable; elle ne s'attachoit qu'a relever les exemples de gloire & de vertu des deux maifons pour en féconder Ie germe dans le coeur de fa fille. La jeune Princeffe pofféda bientót ces notions générales que 1'ufage du monde rend néceffaires. La vafle étendue des connoiffances de celle qui 1'inftruifoit, 1'agrément & la folidité de fa converfation, rapplaudiffement univerfel en fa  ec 39 m faveur, firent plus d'impreffion que les maximes du tröne, & la fille douée des graces & des traits qui rendoient la fociété de la mere fi féduifante, défira bientöt d'acquérir tout le brillant de fon efprit. Elle marqua le goüt le plus décidé pour tout ce qui pouvoit faire va'loir le fien. La littérature, les fciences, la poëfie & 1'étude des langues rempliffoient tous fes loifirs. Telle étoit la Princeffe que 1'Impératrice Elifabeth fit demander, pourpartager un jour le tröne de Ruffie avec fon neveu. La grandeur d'ame de la mere plus que 1'ambition, lui fit accepter un parti dont elle connoiffoit autant le danger que la gloire. L'exemple du pere de 1'époux qu'elle alloit donner a fa fille étoit trop récent & trop frappant, pour ne pas faire craindre quelque Menzikow ou Biren. Elle affermit 1'ame de fa fille contre toute inquiétude , fe chargea de 1'accompagner & lui promit de ne point la quitter qu'elle ne fut en état de fe paffer de fes confeils. Elifabeth pour attacher les Ruffes a 1'héritier qu'elle s'étoit nommé , & ce jeune Prince aux nations qu'elle gouvernoit, lui avoit fait refufer la couronné de Suede, qu'elle avoit fait placer fur la tête del'Evêque de Lubek, frere de la Princeffe d'Anhalt (3 r). Les concurrens au nombre desquels étoit le Prince Royal de Dannemark, cauferent £ ce fujet quelques troubles en Suede, mais la fermeté d'Elifabeth ou de fon confeil, & le droit du Prince Evêque les étoufferent bientöt Les fujets de divifion entre la Ruffie & la Suede furent terminés par un traité de paix. La jeune Princeffe d'Anhalt, après avoir paffe quelque tems a Moscou pour fe faire inftruire des dogmes de 1'églife Grecque, qu'il importoit a toute la nation qu'elle fuivit, embraffa cette religion , prit le nom de Catherine Alexiowna, au lieu de celui de Sophie Augufte Frederique qu'elle portoit, & füt folemnellement mariée avec le Duc de Holftein, qu'on ne défignoit que par le titre de Grand Duc. La Princeffe d'Anhalt & la Grande Ducheffe furent recués dans Pétersbourg avec tous les honneurs & toute la magnificence qu'on pouvoit attendre d'Elifabeth. Le peuple les vit arriver avec d'autant plus de fatisfaétion, que 1'efpérance qu'il avoit eu de voir la fucceffion impériale folidement établie par le mariage que Pierre II. alloit contraéter lorsqu'il mourut, avoit toujours été accompagnée de 1'inquiétude que eet Empereur ne fixat fon féjoura Mofcou , qu'il préféroit a Pétersbourg. Dans cette circonftance tout fembloit affurer le fiege de 1'Empire dans la nouvelle Capitale. (31) Ce Prince n'en fut en poffefiion qu'a Ia mort de Frédéric qui furvecut de huit ans a cette éleftion. Ce n'étoit pas Ie même que l'impératrice Catherine avoit défigné dans fon Teftament, pour époux de la Princeffe Elifabeth, quoiqu'il füt auffi Prince de Holftein & éveque de Lubec. F 2  •( 40 )* Plus la Princeffe d'Anhalt regut d'honneurs de 1'Impératrice qui lui fit prendre le titre d'Alteffe Impériale, la décora de 1'ordre de Ste. Catherine & la fit accompagner par - tout de fes Gardes du Corps, & plus Ie Comte de Beftucheff 6c ceux qui fe trouvoient a la tête des affaires , craignirent qu'elle ne détournac 1'Impératrice des plans qu'ils faifoient fans oppofition pour gouverner fon Empire. Le vice - Chancelier Woronzow, fansintrigue & fans talens, mais pêtri d'ambition & foutenu des confeils d'un frere intriguant & hardi, trouva dans ceux qui vouloient faire fervir fa fortune a la leur, tous les motifs, les moyens, & les reffources qui manquoient a fon efprit; ils craignoient Ia préfence de la Princeffe d'Anhalt, au moment oü la mort leur enleveroit 1'Impératrice. Elifabeth refpedoit plus qu'elle n'aimoit la mere de la Grande Duchesfe. Le caraclere de vertu de 1'une, & la liberté que 1'autre étendoit autant que fon autorité , fournirent aifément aux intrigues un contrafte qui ne pouvoit être que défavorable a 1'Impératrice. De fauffes confidences, des rapports défavantageux, des comparaifons odieufes, préfentées avec artificec* conftamment, produifirent bientöt leur effet ; la Princeffe & 1'Impératrice ne tarderent pas a défirer également une féparation , que la crainte, 1'envie & la jaloufie des Courtifans rendoient de plus en plus néceffaire. La Grande Ducheffe, contrainte de renfermer ce chagrin dans fon ccsur, apprit alors a devenir politique, a cacher les mouvemens de fon öme, ainfi que fes fentimens, & a connoïtre les hommes & 1'effet de leur ambition. Elle verfa des larmes ameres dans le fein de celle qu'elle alloit j>erdre, mais elle en reent de folides & d'utiles inftruótions. La Princeffe d'Anhalt quitta la cour de Ruffie, avec moins de regret de s'éloigner de fa magnificence & de 1'Impératrice , qui 1'avoit comblée d'honneurs , que de douleur d'y laiffer fa fille expofée a des intrigues & a des complots oü fa confiance en elle, lui devenoit inutile & impoffible a remplacer. Elle revint a Zerbft. La comparaifon du fils qu'elle retrouvoit, & de la fille qu'elle quittoit, affligea fenfiblement fon coeur. Devenue veuve & tutnee de ce jeune Prince, elle fe livra toute a 1'adminiftrarion de fon état, & a la conduite de fes affaires. Soit qu'elle n'eüt pas eu pour le Roi de Pruffe toute Ia reconnoiffance que ce Monarque avoit droit d'attendre des graces qu'il avoit répandues fur le Prince d'Anhalt, de la part qu'il avoit eue au mariage de fa fille, & de l'éleclionde fon frere au tröne de Suede, foit qu'elle crüt la dignité de fon caraclere intéreffée dans fes démarches, elle ne fe prêta point en plufieurs occafions a ce que le Roi de Pruffe croyoit pouvoir exiger d'elle. Ce roi fut fur-tout offenfé de la fermeté qu'elle  ÜC 4r )« témoigna, lorfqu'il lui fit demander de lui livrer le Marquis de Freignes, qui fe difoit agent ou envoyé de la Cour de France auprès du Prince fon fils, mais en qui le Roi de Pruffe ne reconnoiffoit point ce titre.' Elle ne fut pas même juftifiée par la conduite du Marquis de Freignes, qui, pour ne pas 1'expofer dans fon chateau, oü elle 1'avoit retiré, fortit pour fe livrer lui-même, fous fes fenêtres, au detachement des troupes Pruffiennes, quivenoit le réclamer jufques dans Zerbft. Comme il ne put produire fes lettres de créance ou fes patentes, on le conduifit a Magdebourg, oü il refta prifonnier pendant toute la guerre. La Princeffe d'Anhalt craignoit le reffentiment du Roi de Pruffe, a qui la politique ne permettoit pas de ménager ceux qu'il regardoit comme ennemis. Elle abandonna Zerbft, en confiant la régence de fon fils öc de fes états au confeil qu'elle y établit. Elle vint a Hambourg; de nouvelles inquiétudes ne lui permirentpas de fe croire en fureté. Elle choifit enfuite la Hollande pour attendre la paix, ou de plus heureux événemens; mais, pour s'y rendre, elle devoit traverfer 1'armée que commandoit le Prince Ferdinand de Brunswik. Le Roi de Pruffe; allié des Hanovriens & des Anglois, avoit quelques régimens & de fideles efpions a cette armée. La Princeffe d'Anhalt crut s'être heureufement tirée de danger, en lui dérobant le fecret de fa marche, & en fe faifant efcorter a 1'improvifte par le Prince de Holftein Gottorp fon frere, qui commandoit un camp volant de cette armée. Elle ne fut pas plutöt en Hollande, que les nouvelles qu'elle y recut lui firent applaudir a fa démarche. L'air de ce pays & d'autres raifons la déterminerent a paffer aux Pays-bas, oü 1'alliance des Empires d'Allemagne & de Ruffie, fembloient lui promettre une retraite honorable. Elle vint a Bruxelles avec autant de myftere qu'elle en avoit eu pour fe rendre en Hollande. Le Comte de Cobenzel, miniftre de 1'Impératrice Marie Thérefe, étoit bien éloigné de lui donner un azile; il lui permit a peine de fe repofer dans cette ville, colorant néanmoins fon refus des apparences de 1'intérêt qu'il prenoit a elle: il fe fervit du prétexte, que les Franco is, alliés de fa Souveraine, en abandonnant le champ de bataille de Crevelt & en fe retirant fur Nuis, venoient de mettre les Pays-bas a découvert, enforte qu'il avoit tout a craindre que le Prince Ferdinand de Brunswick n'envoyat faire le dégat dans fon pays, & ne vïnt affiéger Bruxelles, oü elle ne feroit pas en fureté. II la fit partir avec tant de précipitation, que cette Princeffe n'eut pas le tems de prévenir la cour de France de fon entrée dans ce Royaume. Arrivée a Valenciennes, elle écrivit au Cardinal de Bernis, fecrétaire d'état, pour demander au Roi la permiflion de venir a Paris oü elle mourut. Son féiour en cette ville, fa mort même, fon Teftament & F 3  les fuites qu'il eut, nepeuvent lailTer rimpératrice ni fes fuiets fans interetfur les malneurs de la Princeffe d'Anhalt en FranceX les resfources qu elle y trouva & fur 1'oubli dont on les couvre. Certaines cir conflances, cachees ou deguifées alors a la Grande Ducheffe, ne peuvent pas, toujours etre paffées fous filence, elles intéreffent aujourdhuTL gloiredel'Imperatnce, puifque la réputation des Souverains n'eflpas bornee par 1'etendue de leurs états, & puifque la voix de la Philofonhie monteejufques auxtrones, n'éteint point dans les cceurs la voix de la nature, & les droits de 1'équité 13 Pour en revenir a la Princeffe d'Anhalt, fa retraite eut tout 1'effet quen attendoient ceux qui 1'avoient occafionnée. Ils tinrent avec le Grand Duc la meme conduite qu'avec rimpératrice, qu'ils éloignoient f.^goutoient de toute affaire. II leur importoit beaucohp dS pas aiffer fubfifter entre les époux une harmonie, qui mettoitPtous e lens & toutes les reffources de 1'efprit de la Grande Ducheffe dans leur Se coniÖl ^ • aJPrend,re au f«ur E™P^eur a fe paffer de ou autre conieil. lis reuffirent de ce cóté, vainement attaqué, tant que la grande-Ducheffe avoit été foutenue des.confeils de fa mere q Pour mieux affurer leur défunion, on tacha de leur infpirer des goClts qui les rendiffent moins agréables 1'un a 1'autre. On s'attacha d'abord ! fonder le caraflere du Grand Duc, fur 1'ignorance la plus complette des affaires de 1 Empire & fur le goüt de la difïipation & mêm7de la dé bTreJa-?luS °U-Ïée; on s'occuPa de lui ren^ les plaifirs de la Table ïf'nïtfT qU h,abltUels'. °n aPPlaudk a t0llt ce 1U 11 fit dans 1'yvre ! fe, on lui fit regarder eet état comme le plus heureux de la vie Ce Plaifir, toujours fuivi d'un fombre retour, n'affeéte 1'ame que par ifi! tervalle, & laiffe un vuide qui rappelle fouvent a la raifon: on craignit avec juftice ces precieuxintervalles; fur-tout, fi de triftes circon. ftances, ou de fages réflexions portoient le Grand Duc a défirer de fai re un meilleur ufage de fon tems. On eut alors recours a renthoufiafme pour remphr uneame qui devoit être fans ceffe détournée des feuks idees auxquelles on craignoit qu'elle ne fe livrat Le Nord avoit produit un fecond Charles XII. L'exemple du premier avoit infpire la prudence au fecorid; les malheurs de fa jeuneffé avoTent mün fes réflexions, & la politique avoit modéré fes paffions Lesfon pour en elever 1 edifice Fedenc (32) avoit comprisque fa grandeur ne  m 43 )0 fur Ie tröne de Pruffe il avoit, de fes mains, faconné de nouveaux foldata, & fait avec eux d'utiles, conquêtes. Son intrépide aétivité veilloit autant a 1'ordre de fes troupes, qu'aux démarches de fes ennenis. Toujours avec les uns, toujours en face des autres, la réunion des plus formidables puiffances de 1'Europe n'avoit pu le faire plier. Relevé fans ceffe de fes pertes, préfent par-tout, triomphant, ou voyant échapper la vicfoire, rien ne 1'altéroit. Un ordre égal, une févere difcipline le foutenoient contre tous les événemens; fes traités de paix étoient toujours la derniere vicloire de la guerre qu'il terminoit. L'Europe entiere accouroit a fes exercices en tems de paix, & fes ennemis en tems de guerre, étudioient autant qu'ils combattoient les manosuvres de fes troupes. On ne parloit que de difcipline & d'exercice a la Pruffienne, Féderic créoit, & 1'Europe imitoit. Le Grand Duc enflammé de ces tableaux fublimes, qu'on mettoit fans ceffe fous fes yeux, oublia bientót tout ce que les miniftres d'Elifabeth vouloient éloigner de fon efprit. On lui laiffa porter un uniforme court & ferré , & commander 1'exercice a la Pruflienne a des Allemands, dont il fe fit une troupe favorite. II crut imiter Pierre le Grand, & trouva des flatteurs dont les louanges 1'enivrerent autant que le vin, & lui perfuaderent qu'il avoit les talens militaires du héros de la Ruffie. Les Régimens des Gardes voyoient fes parades avec auffi peu de foucis, que les Streltziftes regardoient autrefois celles des premiers foldats Allemands que Pierre le Grand forma, pour détruire cette infolente milice. Ils ne foupconnoient pas le Grand Duc de pareils deffeins, fa troupe n'effrayoit point les Gardes qui, fuivant 1'exemple des Streltziftes, avoient déja nommé plufieurs fois le maïtre de leur Empire. Le Grand Duc imitateur zêlé, crut auffi devoir pratiquer 1'obéiffance; mais ce ne fut point a des Ruffes, qu'il voulut cbéir. Par une nouveauté furprenante, il entra par procuration, au fervice de Pruffe, & voulut paffer par tous les grades; fi 1'on n'a point outré les faits (öc fi cependant il eft poffible d'en croire un de cette nature) ce fut dans un tems oü la Ruffie faifoit Ia guerre la plus vive au Roi de Pruffe, que 1'héritier du Sceptre Impérial vouloit ion obéiffance a fon ennemi. Elifabeth entraïnée par la maifon d'Autriche dans 1'alliance de la France, qu'elle avoit toujours évitée, avoit envoyé de puiffantes armées dans les états du Roi de Pruffe, pour y porter une guerre offenfive, que la valeur & la patience du feul Féderic pouvoient foutenir. Le fanatifme guerrier du Grand Duc n'étoit point ignoré des Ruffes; il difpofoit peu ces nations a chérir, ni même a confidérer un chef qui défiroit ouvertement de voir leur ennemi triompher. Loin de quitter le fervice Pruffien avec le titre de fujet, le Grand Duc fe fit honneur d'être Colonel au fervice du Roi de Pruffe en même tems  0( u )0 qu'Empereur en Ruffie. Lorfqu'il monta fur le tröne une de fes principales inftru6Hons a fon miniftre en Pruffe, fut (dit-on) de veiller a ce qu'il ne lui füt point fait de paffe • droit dans le fervice. Les politiques, qui facrifioient a leur ambition, le caraclere de celui qui devoit avoir le titre de leur maitre, & dont ils efpéroient abforber toute l'autorité, fentirent que deux paflions auffi vives que celle du vin & de l'enthoufiafme militaire , foutenues par 1'impunité, devoient néceffairement produire la férocité. Pour 1'envelopper de filets dont il ne lui füt jamais poffible de fe débaraffer, ils choifirent une fille de Romanowits Woronzow, pour le retenir par la douceur del'amour, quand des excès de violence ou de fureur les expoferoient eux-mêmes a fes caprices _& a fes cruautés. Cette pafiion, éloignant le Grand Duc des confeils d'une femme qu'on craignoit, devoit le livrer tota. lement a la difcrétion de ceux qui ne vouloient négliger aucun moyen de fe rendre maitres abfolus de lui. Le Grand Duc auffi facile dans cette occafion que dans toutes celles qui fiattoient fon amour propre ou fes goüts, fe trouva bientöt engagé dans la plus férieufe paffion. Quoique fa maitreffe n'eüt aucun trait de beauté, ni de ces graces piquantes qui font naïtre les défirs, que fa. converfation n'eüt rien de fupérieur a celles des femmes de fon age, & qu'elle n'eüt pour féduire, que la voix de ceux qui 1'entouroient, & la vantoient fans ceffe a l'Empereur, elle devint bientöt néceffaire a fon bonheur, & pendant dix ans éprouva fa confiance. Cette paffion politique engageoit le Chancelier a ménager le Grand Duc, qui par.ce moyen trouvoit dans Tonele, le retour des complaifances qu'il avoit pour la niece. Sa favorite ne iëpara point fes intéréts de ceux de fes amis, & fa grandeur devint par la fuite le pivot, fur lequel roula toute leur ambition & leur efpérancej mais tant qu'EJifabeth vécut, le Grand Duc ne fit en état de rien faire pour elle, pour fes amis, ni pour lui-même. Tandis qu'il fe livroit avec tant d'ardeur a tout ce qu'infinuoient fes favons, la Grande Ducheffe étoit pour eux un objet d'inquiétude continuel. Le Grand Duc n'avoit jamais ceffé de la voir , il n'avoit point enfreint dans fon coeur 1'eftime que le mérite & la vertu font toujours refpecler, il ne pouvoit lui refufer quelque confiance , mais 1'effet en étoit fitöt détruit par 1'adreffe de ceux qui difpofoient de fon ame, que le feul mérite qu'il tiroit de lui-même, devenoit bientöt une foibleffe, & en.quelque forte unefauffeté, par fa conduite. On auroit défiré que les confeils, qui pouvoient fiatter les paflions de la Grande Ducheffe, euffent été faifis par elle, avec la même avidité que par le Grand Duc; mais 1'intrigue employa vainement toutes fes refiources fur fon efprit. Si 1'on crut pouvoir la foupconner dè quel-  quelques foiblelles elles n'eurent jamais affez de conlëquence Sc de pouvoir, pour donner fur elle 1'empire qu'on exercoit fur l'Empereur On 1'entoura de perfonnes affidées, qui ne ceffoient de la flatter & dé 1'engager a la confiance, par tout ce qui pouvoit 1'infpirer. Les fages avis de la Princeffe fa mere, avoient armé fon efprit contre toutes tentatives. On éloigna d'elle tous ceux qu'on lui crut trop attachés ; bientöt elle fut réduite, au milieu de la cour, a une prifon d'autant plus dangereufe, qu'elle n'étoit pas gardée par des murailles, mais par des yeux fans ceflë furveillans. Ne jouiflant d'aucune liberté ' elle ne pouvoit pour ainfi dire point échapper a 1'avide curiofité de fes gardiens, qui ne négligeoient aucune précaution pour s'afiurer de fa conduite. Entourée de perfonnes toutes dévouées a fes ennemis elle ne pouvoit s'ouvrir avec aucune, 6c concentroit dans fon coeur fes fentimens & fes réflexions. Une foeur de la favorite du Grand Duc, tentoit fur-tout de s'emparer de fa confiance, & n'épargnoit rien pour y parvenir. Quelque goüt pour les fciences Sc pour la littérature, un génie vif & un efprit prompt & romanefque, une connoifiance précife du röle qu'elle devoit jouer , les confeils de fon pere & de fon oncle, la reflburce dont elle devoit être aux fiens , lui donnerent des avantages qui la faifoient diftinguer de toutes celles qui pouvoient approcher la Grande Ducheffe; cependant elle ne pouvoit fe vanter d'aucune confidence. Elle échauffoit envain le goüt de la Grande Dirchefie pour les fciences \ elle vantoit envain fon efprit, le parti qui la foutenoit applaudiffoit vainement a ce commerce littéraire, il n'en recueilloit aucun fruit. On voyoit fans inquiétude'la correfpondancede la Grande Ducheffe avec quelques favans ou beaux efprits des pays étrangers. Tout ce que rapportoient les efpions furveillans la Grande Ducheffe n'annongoit de fa part, que l'amour du bien & 1'efpérance de fe rendre un jour utile aux Ruffes. L'enthoufiasme n'accompagnoit jamais fes expreflions ni fes goüts: fes vues paroiffoient raifonnables, fes intentions droites, fes confeils au Grand Duc folides. Sa conduite fans ceffe éclairée étoit toujours conféquente. C'eft ainfi que ces deux héritiers de 1'Empire paffoient leur tems tandis que celui de la Souveraine étoit confacré totalement aux plaifirs' & a un abandon d'affaires qui paroïtroit inoui, fi 1'on entroit dans les détails de fa négligence. Quand fa fignature étoit néceffaire, fes miniftres ni ceux des puiffances étrangeres ne pouvoient être fürs d'un terme pour 1'obtenir. Elle oublioit également fa cour, le public & les fpedracles (33) qui 1'attendoient, fans qu'on ofat la preffer, quoiqu'on (33) Elle a quelquefois envoyé dire a minuit qu'elle ne viendroit pas, & les acteurs & ipecïateurs étoient depuis fix heures a 1'attendre. G  fgüt qu'elle n'étoit occupée d'aucune affaire. Sa fanté s'altéra de fac/on, qu'on trembla fouvent pour fa vie. Elle la prolongea pendant plufieurs années, au-dela de toute efpérance; mais enfin, elle ceffa de vivre. Le Grand Duc lui fuccéda fans aucune oppofition. Le théatre de 1'Europe offrit en ce moment toute une nouvelle décoration. Le Colonel Pruflien, autocrate de toutes les Ruffies, fe propofa de donner pour alliés, a fon chef militaire, toutes fes troupes qui la veille étoient fes ennemis. L'inégale balance de 1'Europe ne pouvoit plus efpérer d'équilibre. Féderic plus fage que Charles XII. ne mit point fon ambition k pouffer fes ennemis a bout,_& k faire, a 1'aide de fa nouvelle alliance, de nouvelles conquêtes, qu'il n'eut pas été certain de garder; fes vues fe bornerent au maintien de fes anciennes poffeffions, qu'il affura par des bons traités, & par un formidable appareil de guerre en tems de paix. Le flambeau de la guerre éteint par la mort d'Elifabeth, apprit aux Ruffes a connoïtre leur force & leur importance dans 1'Europe. On n'aura pas de peine a croire la confiance du nouvel Empereur dans le Général couronné, qu'il avoit choifi pour lui vouer la fubordina* tion que Pierre le Grand afFe&oit envers fes fujets (34); mais qui peut concevoir combien la prudence d'un Monarque tel que Féderic dérangeoit les projets ambitieux des intriguans de Pétersbourg? L'influence Générale des affaires de 1'Empire leur échapoit, & l'Empereur marchoit a grand pas vers le Despotifme. II annonca'qu'il prétendoit être maitre dans fon Empire, & faire refpeóler fa volonté, dans 1'exécution de fes loix, comme dans celle de fes traités. On 1'accufa bientöt de dé teller tous fes fujets. S'il leur témoignoic quelque mépris , on ne 1'attribuoit jamais aux mauvaifes qualités de celui qu'il méfeftimoit; mais au fentiment de haine de l'Empereur pour tous les Ruffes. On fappoit ainfi la confiance publique & le refpeci pour un maitre qui, ne croyant rien devoir a fes fujets, n'avoit Ia prudence de cacher aucune de fes paflions, & de ménager aucun de fes propos. Suppléant a Ia capacité par de 3'obftination, fa volonté toujours dure & jamais raifonnée, révoltoit également qui la promulguoin, qui la faifoit exécuter, & qui fupportoit fa rigidité. II fouffroit alors que rimpératrice lui repréfentat ce qu'elle croyoit propre a contribuer a fa glpire & au bonheur de fes fujets; la jaloufie de fa favorite eut bientöt détruit cette confiance, que les fujets zêlés remarquoient quelquefois avec plaifir dans leurs entretiens. Cette ambitieufe maïtreffe confirma l'Empereur dans 1'opinion que fa volonté devoit être Ia feule loi de fon (34) On fait que eet Empereur pafla par tous les grades depuis celui de Soldat, juf«u'a celui de Général: il marchoit alors dans le rang de fon emploi, donnant Pexemple de 1'obéiflance la plus fcrupuleufe & ne mapquant a aucun des devoirs de la place qu'il tecupoit.  «K 47 )# Empire. Cette maxime ne fut pas mieux recue que du tems de ces anciens Boïards dont on a vu Jes complots 8c les féditions. Ce fut alors que 1'intrigue eut recours a de nouvelles rufes 8c fe crut dans le cas d'employer la plus terrible des armes contre un Souverain. Le Clergé fut mis en jeu. La voix de la religion retentit bientöt dans tout 1'Empire; malheureufement elle n'éclate jamais dans les états, que pour donner le fignal des plus défolans fiéaux de 1'humanité. Le mécontentement du clergé fut fuivi de celui de toute la nation, fuperftitieufe a 1'excès, L'Empereur accufé de n'avoir point refpeóre' la religion dominante, de préférer celle des Luthériens, de leur faire conftruire des temples, & par une ambition facrilege, d'avoir ufurpé déja les biens des églifes grecques, & enlevé des pierreries & les effets précieux qui les décoroient, devint bientöt 1'ennemi commun. Ce ne fut d'abord qu'un murmure fourd & géneral; mais le clergé, foible & déprimé par Pierre le Grand, n'attendoit pour frapper fon coup que 1'occafion & le fecours des Soldats ou de la Politique. Soit que ceux qui jufqu'alors avoient gouverné l'Empereur 8c 1'Empire, n'euffent point de plans pour changer 1'ordre acluel du gouvernement qu'on trouvoit infoutenable, & fait pour la ruine de 1'Empire, foit que le défordre préfent fecondat pour un tems leurs vues, ils n'oppofoient au mécontentement général que des plaintes du peu de confiance de leur Souverain en eux; ils ne donnoient aucune efpérance de calmer 1'agitation univerfelle. Sous la fin du regne précédent, on avoit paru vouloir fe fervir du jeune Iwan pour contenir d'autant plus le Grand Duc: on 1'avoit changé de prifon & rapproché de la capitale: on avoit tenu quelques propos obfcurs a ce fujet, mais eet enfant détröne fembloit totalement oublié dans cette circonftance, & 1'on n'entendoit perfonne parler de lui; 1'on ne voyoit pas même qui des gens en place, pourroit en tirer parti. L'inquiétude générale occafionnoit des plaintes particulieres; il ne fe formoit cependant aucune affociation dangereufe contre le gouvernement. Si les mécontens cherchoient dè tous cötés des appuis, la crainte les empêchoit de fe raffembler, 8c de fe foutenir par leur nombre & par leur force. Le chancelier Woronzow, quoique dans le plus haut crédit, ne difpofoit pas de fon maïtre, comme un Menzikow avoit fait de Catherine, ou un Biren de 1'Impératrice Anne. Le Comte de Panin, Sénateur, Grand maïtre & Gouverneur du Grand Duc, avoit tant d'influencedans les affaires, qu'il embamiffoit fouvent le Chancelier. Les yeux étoient ouverts fur toutes fes démarches, mais fa politique leur donnoit un ton d'indifférence qui nepermettoit pas de pénétrer dansjes projets que les uns le foupjonnoient d'avoir, & dont les autres le'croyoient incapable. G 2  €K 4« )© L'Impératrice étoit fans intrigue comme fans crédit : Ie Roi de Fruffe écrivoit a l'Empereur que cette Princeffe méritoit fa confiance & ne pouvoit lui donner que de bons confeils. Le miniftre de Féderic fans ceffe a 1'oreille de 1'Empereur, négocioit heureufement pour fon maïtre, fans détruire cependant 1'effet de la jaloufie & des confeils de la jeune Woronzow, qui ne triomphoit que par la méfintelligence de fon maïtre & de fa rivale. Le filence de 1'Impératrice, fa patience, & fa douceur firent croire qu elle n'étoit point a redouter. La favorite entreprit de la renverfer du tröne pour occuper fa place. Ce projet formé par fon oncle & applaudi par fon pere 8c par fes créatures, couroit rifque d'être contrarie par le Comte Panin , & par ceux, qui pouvoient profiter du mécontentement général, pour s'unir en faveur de Catherine. On foupjonnoit Je Comte Panin d'avoir 1'ambition d'un Morozow, & de vouloir fuivre les traces d'un: Biren, quand il fit nommer un Empereur enfant pour régner fous fon nom. Tous ces bruits fourds allarmoient 6c inquiettoient la nation, détruï. ioient la confiance des grands, & les faifoieht tenir fur leurs gardes, lous étoient entourés d'efpions , tous en entretenoient , & trem» bloient de s'ouvrir les uns aux autres. On avoit déja tenté plufieurs fois de difpofer 1'Impératrice a fe joindre au parti qui fe formoit en faveur de fon fils, mais le Comte Panin, maïtre de eet enfant, que 1 Empereur croyoit'mieux entre fes mains qu'entre celles de l'Impéra> trice, auroit-il vu de bon oeil, donner la régence a la mere de fon éleve, ou cette mere auroit- elle pu fouffrir d'être la fujette de fon fils, fans etre en même tems 1'organe de fon autorité? Le tems s'écouloit, 8c tous ces nuages répandoient fur la capitale cette fombre obfeurité, qui précéde les tempêtes. L? Kn[sna d'Afcow, fosur de la favorite de l'Empereur, recherchoit & raffembloit a Pétersbourg, tous ceux qui fe piquoient de goüt, de fcience ou de littérature,. enforte que fa maifon étoit Ie rendez-vous des oififs de la cour,. 6c des gens- a prétentions. Ce fut dans ces af5femblées que plufieurs mécontens s'aboucherent, fe reconnurent 6c ft herent d intérêt. Grégoire Orlow, officier aux gardes, d'un caradere noble, fage, politique, & néanmoins entreprenant, hazarda le premier les avance». Son attachement pour 1'Impératrice ne fembloit chereher qu'a rendre le fort de cette Princeffe intérefiant; plus il la plaignoit, & plus il s'at* tirwt d efhme; il ne paria de la fervir, que lorsqu'il put fe flatter de le faire avec quelque füreté. Orlow avoit trois freres d'un caraftere auffi ferme que Ie fien, d'un courage 6c d'une intrépidité redoutable par leur exces; il les remplit de eet enthoufiafme patriotique qui leur  m 49 )o fit fermer les yeux fur toute autre confidération; il trembla lui - même, que rimpétuofité de leur zêïe ne nuifit a fa prudence. Son premier foin fut d'affurer fon parti par les armes, en engageant les régimens des Gardes a favorifer la révolution qu'il méditoit. Le Knées Galitzin, capitaine dans Je régiment des gardes d'Ismaelowsky, mécontent comme beaucoup d'autres, connu par un caraélere franc & courageux, parut a 1'ardent Orlow le plus propre a feconder fes vues. 11 s'attacha d'abord a le flatter, & enfuite a 1'animer; il le vit en peu de tems prêt a fe livrer entiérement a tout ce qui pourroit faire ceffer le défordre du gouvernement aéluel, & donner 1'efpérance d'un regne plus paifible. PalTeilc autre officier aux Gardes, plus vif & plus entreprenant, fuivit le projet avec plus de chaleur & s'y livra tout entier. Un jeune gentilhomme, noramé Rotowsky, d'un tempérament ardent & d'un caraclere fougueux, augmenta leur nombre: il avoit des amis, Sc s'étoit attiré la confiance de plufieurs perfonnes, que non feulement il rangea du parti d'Orlow, mais qui lui donnerent auffi de nouveaux partifans. Teplow, chaiacelier d'Ukraine fervoit les Orlows avec une ardeur extréme, fon zêle fuyoit les'lenteurs des délibérations, & ne s'exergoit que dansles divers mouvemens qui fatisfaifoient fon agiflante inquiétude; il eut beaucoup a fouffrir de fe voir fans ceffe rébuté par le Viceroi d'Ukraine fon proteéteur & fon ami. Quelque chofe qu'il fit, il ne püt jamais le déterminer a prendre la moindre part a la conjuration, quoiqu'il en écoutat volontiers les détails, & qu'il en défirat le fuccès; fa pareffe exceflive furmontoit toujours les confeils & les inffcances de fon ami. Jufques la rimpératrice vaguement follicitée, n'auroit pas été fage de répondre au cri des mécontens, mais on lui montra qu'il n'étoit plus prudent de fe refufer a 1'empreflement du parti qui la vouloit fervir. Orlow ne s'ouvrit a la Knisna d'Afcow que lorfqu'il fut afluré de fes amis & qu'il crut pouvoir tenter 1'entreprife. Cette maifon ouverte a toute la cour pouvoit aifément fervir de rendez-vous' aux conjurés ; ils pouvoient s'y voir & s'y parler en liberté, quoiqu'avec précaution; la Knisna jouifloit d'un affez libre accès auprès de 1'Impératrice, pour qu'Orlow aidé par elle, püt aifémenteacher fes démarches & fuivre vivement fon projet. La. haine, 1'envie & la jaloufie avoient rompus tous les hens qui devoient attacher a fa familie la Knisna d'Ascow, & fa fosur, piquée contr'elle du peu de progrès qu'elle avoit fait fur 1'efprit de rimpératrice, étoit la première a la tourner en ridicule. Sa grande jeunefle, fon peu d'expérience, & fon amour propre faciliterent fa féduction; le plus difficile étoit d'infpirer a 1'Impératrice de la confiance en elle. Quoiqu'Orlow, a qui Catherine accordoit toute la fienne, 1'afliirat: de la.jeune Knisna, elle ne prenoit aucun crédit fur 1'efprit de fa Souvee G 3  fiC 50 )# raine, & ne fervit, pour ainfi dire, qu'a porter la parole. Cette méfiance empêchoit de faire des plans raifonnés 8c fuivis. Les efpions des Woronzows entouraient 1'Impératrice; aucune de fes demarches n'échappoit a leur pénétration, & fi la foeur de la favorite de l'Empereur ne fut pas fufpefte, on ne pouvoit 1'attribuer qua 1'habitude ou 1'on étoit de voir 1'Impératrice s'entretenir librement avec elle de littérature 8c de tout ce qui pouvoit y avoir rapport, & 1'on favoit le peu de confiance que fa Souveraine avoit en elle. Le Comte Panin, attentif a tout ce qui fe pafioit a la cour de Catherine, n'étoit pas plus fidélement inftruit que les Woronzows; il fe laiiToit féduire par les mêmes apparences. Orlow fe cachoit avec autant de foin de 1'un que de 1'autre. Comme fon projet n'a jamais été bien développé même a ceux qui le fecondoient: il feroit abfurde. d'en donner d'autres détails que celui du fait principal, d'établir Catherine'fur le tröne; (35) 1'état de l'Empereur 8c du grand Duc, & Ja forme du gouvernement après cette révolution, fembloient fubordonnés aux circonftances & a leur incertitude. L'Impératrice fe défendoit avec confiance: foit inquiétude, prudence, crainte ou préjugé, elle ne pouvoit fe déterminer a rien. On Ia prefioit fans ceffe, on 1'avertiffoit du danger qu'elle couroit: fa vie, au dire de plufieurs, n'étoit pas en füreté. L'Empereur vouloit la rendre coupable des intrigues qui fe tramoient fous fon nom 8c la punir comme chef d'une confpiration, Quelques-uns venoient lui répéter les propos qu'ils difoient avoir entendus tenir a la favorite que bientöt elle la feroit répudier & qu'elle occuperoit fa place. On lui citoit 1'exemple de la première femme de Pierre le Grand & 1'humilition d'habiter un couvent. De la terreur, on la ramenoit h. 1'efoérance; on lui montroit, que fans la diligence d'Elifabeth, & fa confiance, quoique tardive, en fes amis, la Régente Anne de Brunswick enlevoit Ie tröne a fon fils, & fe faifoit reconnoitre Impératrice. On lui repréfentoit queles Ruffes, accoutumés a ces fréquentes révolutions les regardoient pour ainfi dire avec indifférence; que Je cri de quelques foldats décidoit toute la nation; que le Capitaine Galitzin avoit déyoué, non feulement toute fa compagnie & nombre de Gardes de fon Régiment a fon fervice, mais même qu'il s'étoit afl'uré d'une compagnie entiere dans chacun des autres régimens des Gardes, & qu'il flattoit fon parti d'en faire déclarer d'autres, qu'il n'auroit pas été prudent de mettre dans une confidence, déja trop étendue. Malgré la réfiftance continuelle de 1'Impératrice, Orlow parvint a 1'engager a (3?) C^x qui prétendent que fon plan étoit de mettre Ie Grand Duc'fur le trdne, n'ont pas fait reflexion, que n'étant point maitre de eet enfant ni de concert avec fon gouverneur, fon projet auroit été totalement fans confiftance.  s'affurer dc quelques fönds pour les circonftances oü 1'argent pouvoit devenir d'indifpenfable néceffité; elle crut pouvoir s'adreffêr avec quelque confiance au Baron de Breteuil, Miniftre Plénipotentiaire de Fran- • ce. Quoique fa cour füt mécontente de celle de Ruffie, il étoit a fuppo'fer que fon miniftre chercheroit a tirer avantage des circonftances a&uelles; il n'auroit peut-être pas été difficile enfuite de le faire concourir a la réuffite du grand projet, en 1'engageant plus ayant dans_ la confidence. Quoique Catherine n'eüt demandé que foixante mille Roubles, qu'elle favoit qu'un dc fes fujets lui délivreroit dans 1'inftant fur 1'ordre du Miniftre de France, celui-ci ne jugea pas a propos d'avancer cette fomme: il répondit que pour le moment il n'étoit pas en fon pouvoir de faire ce que 1'Impératrice défiroit, il 1'affura d'ailleurs du zêle qu'il avoit perfonnellement pour elle, & de l'empreffement avec lequel il chercheroit a fe mettre en état de la fatisfaire. II voyoit, comme tout Pétersbourg, un mouvement confus, Scunmurmure fourd, qui devoit être fuivi de quelqu'événement, mais, comme les autres, il ne pouvoit pénétrer le myftere. Le projet de l'Empereur, de répudier fa femme & d'époufer fa favorite, étouffoit en quelque forte les autres bruits; 1'on croyoit généralement que, dans le cas d'une révolution, le tröne regarderoit plutót le Grand Duc que fa mere; perfonne n'ofoit parler ouvertement. Quelques jours après, le Baron de Breteuil, ayant mieux pefé les chofes & ayant pris confeil, fe préfenta chez rimpératrice, pour lui dire qu'il s'étoit mis en état de fatisfaire a fa demande; elle lui témoigna beaucoup de reconnoiffance, 6c le remercia fans accepter fa propofition. Ce miniftre avoit des ordres de fa cour de fe retirer de Pétersbourg & de témoigner fon mécontentement en quittant cette ville, fans notifier fon départ avec les formalités d'ufage, ce qu'il fit, 6c fe rendit a Varfovie. (36).; Tandis qu'on étoit ainfi de toute part en fuspens, Orlow fut^ mftfuit a Pétersbourg, que l'Empereur devoit venir d'Oranienboom, a Péterhoff, oü 1'Impératrice étoit pour ainfi dire gardée a vue, quoique libre en apparence; que fon plan étoit d'y célébrer la fête de St. Pierre, dont il portoit lenom, d'y diner avec elle, 6c de la faire enlever le même (36) II appriten cette ville Ia révolution qu'il auroit pu prévoir; mais n'ayant point recu 1'ordre de fa cour a tems, il continua fa route jufqu'a Vienne, d'ou il fut renvoyé a Pétersbourg. Il s'occupa d'y foutenir la dignité de fon caraftere fans fe preter aux prétentions que 1'Impératrice attachoit è la dignité Impériale; que la cour de Prance ne vouloit reconnoitre que fans conféquence pour les prérogatives. Les deux cours ne trouverent point de mots qui puffent les fatisfaire également, & 1'ordre de Ia Syntaxe Francoife devint la fource des difficultés, qui ne leur permirent plus d'avoir réciproquement des ambaffadeurs ni miniftres, & qm peut-être fut la première fource de la guerre des Ruffes contte les Turcs.  ec ja m jour, foic pour la mettre dans un couvent, foit pour la traïter plus rigoureufement, & de difpofer enfuite de fa main en faveur de fa maïtresfe. II apprit dans le même tems, que fa conjuration couroit rifque d'être découyerte, & qu'il n'avoit pas un moment a perdre pour la mettre en exécution, ou pour fe dérober a la vengeance de fon maitre. Un foldat des Gardes, admis dans le complot, s'étant enyvré, avoit été rencontré par fon capitaine, qui 1'avoit frappé rudement en lui reprochant fon yvrognerie > le Soldat avoit effuyé les coups fans fe plaindre, mais il fe conloloit en difant que ce mauvais traitement ne feroit pas de longue durée & qu'il auroic fon tour; plus le Capitaine le frappoit, & plus il répétoit la même chofe. Le capitaine étonné de ce propos, dans des circonftances oü tout .pouvoit être fufpeét, avoit conduk le foldat chez lui, & 1'avoit queftionné fur le champ avec tant de préfence d'efprit, que le foldat en manquant abfolument, & le vin 1'empêchant de fentir la conféquence de ce qu'il difoit, il rendit a fon capitaine tout.ce qu'il favoit de la conjuration, mais d'une maniere fort confufe, tant par le peu, dont il étoit inftruit, que par les circonftances, qu'il ajoutoit ou qu'il forgeoit. Cependant il nomma Pasfeik un de fes officiers pour principal auteur de la conjuration, & accufa quelques foldats d'être du complot. Le capitaine fit arrêter d'abord les foldats accufés, & courut chez le commandant de Pétersbourg pour 1'avertir de ce qu'il venoit de faire & de découvrir. D'autres foldats de la correfpondance ne manquerent pas d'aller fur le champ avertir Pasfeik: chacun des conjurés, pour plus de précaution, avoit deux hommes attachés a lui, tant pour veiller a tout ce qui le menajoit, qu'a ce qui lui pouvoit arriver, afin d'avertir les autres conjurés a tems. Orlow en ce moment étoit chez Pasfeik avec plufieurs conjurés, ils délibéroient fur le parti qu'ils devoient prendre dans une circonftance fi critique, puifque la réfolution d'arrêter 1'Impératrice devoit naturellement être fuivie des recherches les plus férieufes fur la conduite ,de ceux dont on connoiffoit 1'attachement pour elle. L'appartement oü fe trouvoient les conjmés étoit a rez de -chauflee de la rue, & découvroit au loin tout ce quN s'y paflbit. On tint confeil a la hate, 1'on y conclut de fe féparer d'abord, & que telle chofe qu'il arrivat, chaque conjuré donnat fa parole la plus facrée de ne nommer aucun complice, & de ne ré veler auciiRe circonftance dela conjuration, au moins pendant vingt quatre heures; afin de donner a chacun le tems de fe mettre a 1'abri des pourfuites. Comme Orlow vit que Pasfeik étoit plus particuliérement menacé, il laiffa quelques efpions autour de fa maifon, & donna rendez-vous aux conjurés pour Ie moment d'après, a certain lieu qu'il indiqua. Ils n'étoient pas encore tous partis, qu'on vit de loin une compagnie de Grenadiers s'avancer vers la maifon de Pasfeik. Au lieu de fortir par Ia porte^  m< 53-)$ porte, ceux qui fe trouvoient encore dans 1'appartement, pafferent par les croifées pour fe jetter dans le jardin, d'oü chacun efcalada les murs & fe fauva comme il put. L'officier des Grenadiers trouva Pasfeik dans fon appartement avec quelques valets qui rangeoient les tables de jeu. II lui demanda d'abord pourquoi fes convives le cachoient, & dans quel" endroit de fa maifon ils s'étoient retirés; Pasfeik répondit qu'ils avoient fini leurs parties dans le moment & qu'ils venoient de fe retirer; 1'Officier, affuré de fa perfonne, fit quelques recherches dans la maifon, & n'ayant rien découvert, il revint auprès de Pasfeik qu'il queftionna de nouveau, mais fans fuccès; il le conduifit a la tête de fes Grenadiers chez le Commandant de la Ville. Loin de donner quelque connoiffance h eet homme, Pasfeik effaya de le faire changer d'idées, & de 1'engager a ne pas s'en rappor ter aux discours vagues d'un foldat yvre, qui ne pouvoit dire aucune Circonftance effentielle d'un projet qui ne paroiffoit pas raifonnable ; le Commandant mal inftruit, fe contenta de tenir Pasfeik aux arrêts dansles. Cazernes, & d'ordonner qu'on fit toutes les recherches poffibles pour découvrir de nouveaux_complices, &, s'il étoit poffible, le fecret de la Conjuration. Orlow inftruit de la tournure que prenoit 1'affaire, ne défefpéra de rien , mais conclut avec les autres Conjurés, qu'il ne reftoit pas un moment a perdre, & qu'il falloit tout employer pour arriver jufqu'a rimpératrice, & 1'engager a fe laiffer conduire a Pétersbourg, oü 1'on tacheroit d'employer la bonne volonté des Compagnies des Gardes dévouées a la fervir, pour la proclamer Souveraine & ia faire reconnoïtre enfuite par tous les régimens des Gardes. L'entreprife étoit d'autant plus difficile qu'il fembloit impoffible d'avertir 1'lmpératrice a tems, & de 1'enlever a fes furveillans. On avoit arrêté Pasfeik fur les fix heures du foir, les Conjurés raiTemblés dans un autre endroit, avoient perdu du tems a s'informer de ce qui fe paffoit aux cafernes. Le Commandant s'étoit affuré de plufieurs foldats dont on avoit recji les dépofitions; on avoit auffi pris des informations fur Pasfeik, qui n'avoit en rien trahi le fecret de fes complices. La circonftance prefTante du projet que l'Empereur devoit mettre le lendemain a exécution, défefpéroit les Conjurés; ils n'imaginoient aucun moyen de fouftraire 1'lmpératrice au danger qui les menajoit autant qu'elle. De tous les conjurés, le feul Grégoire Orlow étoit capable de conduire un projet d'importance,. aidé d'un frere dont (37) le génie vif &ar-~ dent ne s'arrêtoit point aux difficultés, & qui fe livroit avec ardeur a (37) Alexis Oriow, chargé depuis de Texpédition de Ia Morée. On pourroit comparer ces deux freres au Maréchal & au Chevalier de Belle-Ifle en France. Ils font trop connus en Europe pour qu'on puhTe ignorer queis fecours ils tkoient rnutuellement dc leurs géuies, quoique de carafteres fi • difFérens. H  *( 54 )* tout ce que les circonftances paroiffoient ofFrir de refTource; il prit fur lui d'arracher rimpératrice au fort qu'on lui deftinoit, & de la conduire a Pétersbourg. Son frere Alexis fe chargea de tout difpofer pour la réception de Catherine, & de veiller a 1'effentiel, tant pour préparer leurs amis, que pour empêcher 1'efFet des recherches du gouvernement. Orlow accompagné du feul Bradazinsky, 1'un des plus déterminés & des plus zêlés de la troupe, fe vit bientöt dans un caroffe de louage fur la route de Pétersbourg a Péterhof, fe flattant de ramener rimpératrice dans cette même voiture, faute d'expédient plus prompt & plus für. On compte vingt fept verftes (38) de Pétersbourg a Péterhof. La chaleur exceffive rendoit alors les chemins d'autant plus difficiles, qu'ils font trés fablonneux; on ne trouve fur cette route ni relais, ni voitures de rechange 3 en forte que 1'impatience d'arriver doit toujours être modérée par la néceffité de ménager les chevaux. Onze heures étoient déja fonnées' quand ils arriverent a Péterhof. Bradazinsky fe mit a 1'écart du cöté du Pare, n'ofant fe montrer ni conduire fes chevaux dans aucune écurie, attendant avec impatience fon ami, & donnant la plus grande attention au moindre bruit, pour accourir a fon fecours en cas de befoin; ou s'il ne lui pouvoit pas être utile, retourner promptement a Pétersbourg inftruire fes amis de fon fort. Comme dans cette faïfon la nuit par fon peu de durée, eft a peine diftinguée du jour, & que Catherine fe retiroit ordinairement de bonne heure, Orlow ne pouvoit pas efpérer de fe cacher & rifquoit beaucoup en voulant s'introduire chez 1'Impératrice. Quoique fon appartement füt a rez de chauffée du jardin, il ne pouvoit aborder d'aucun cöté, les fen-> tinelles le repoulfant a chaque endroit qu'il approchoit de «trop prés; il fit envain plufieurs fois le tour du chateau, qui n'eft pas fort confidérable & ne trouva de lumiere d'aucun cöté: il n'imaginoit point de moyen d'y pénétrer par 1'intérieur; il craignoit d'ailleurs de fe rendre fuspecl au point de fe faire arrêter, & d'être conduit chez un Chambellan de l'Empereur, qu'on pouvoit regarder comme le gouverneur de cette efpece de prifon; il prit le parti d'aller fe préfenter chez ce chambellan pour tacher enfuite de pénétrer par 1'intérieur, ou de renouveller fes recherches au dehors avec moins d'inquiétudes. Le chambellan étoit déja couché: furpris de voir entrer Orlow a cette heure, n'étant liés enjfemble que par ces noeuds de fociété que donnent 1'habitude quotidienne de fe voir a la cour & la politeffe contrainte des courtifans, il lui marqua fon étonnement de le voir arriver dans un moment fi peu fait pour fe préfenter dans une maifon Impériale. Orlow affeétant un défes- (38) La verfte eft un peu plus qu'un quart de lieue commune de France, il en faut 104 ou 105 pour équivaler un dégrés de I'équateur, compté pour 25 lieues de France. Sa mefure pi écife eft de 665 toifes de France.  *( 55 )• poir& un chagrin violent qui le troubloient, lui raconta qu'il venoit de faire a Pétersbourg une partie de jeu qui 1'avoit ruiné, qu'il ne voyoit de reffource qu'a la cour de l'Empereur oü il fe rendoit pour tenter de nouveau la fortune au jeu , ou pour implorer les graces de fon Souverain, s'il ne trouvoit pas des amis ou d'autres moyens de remplir les engagemens qu'il venoit de contraéter: que regardant le chambellan comme fon ami & croyant pouvoir compter fur lui dans cette circonftance fi malheureufe, il s'étoit fait un plaifir de venir le voir, tandis que fes chevaux fe rafraïchiffoient; qu'il lui demandoit fes ordres pour la Cour, & qu'il fe flattoit d'arriver encore a Oranienboom avant le lever de l'Empereur. Le chambellan peu flatté de fa confidence, mais plus occupé de fe débaraffer d'Orlow, que de 1'obliger, lui répondit en homme de cour, & le congédia le plus vite qu'il put. Orlow ne le quitta que pour recommencer avec plus d'attention fes recherches, il ne vit aucun moyen, & n'imagina nulle rufe pour parvenir a fon but; il revint au jardin, & s'approchant avec plus d'affurance des batimens, il entendit du bruit dans une chambre voifine de 1'appartement de 1'Impératrice: remarquant une porte entre - ouverte il ne balanja pas de s'y préfenter; il fut arrêté dans le moment par les cris de plufieurs femmes effrayées a fa vue: c'étoient celles qui fervoient 1'Impératrice. Orlow les reconnut aifément, il leur fit fes excufesavec autant d'éclat & de bruit qu'il lui fut poffible, dans 1'efpéranrance d'attirer 1'Impératrice, ou de lui donner lieu de s'informer de ce qui fe paffoit. II y perdoit fon tems & défefpéroit prefque du fuccès de cette tentative, lorfque fon obftination a refter dans cette chambre & a renouveller fes excufes avec fi peu de précaution, attira la femme de chambre favorite de rimpératrice, qui n'ignoroit point la confiance intime de fa maitreffe pour Orlow: celle-ci prit un ton d'autorité pour lui dire de fe retirer, & pour lui faire une vive réprimande de la hardieffe d'une demarche de cette nature. Comme elle foupgonna cependant qu'elle n'étoit point düe au hafard, elle joignit a fes reproches un coup d'oeil; Orlow le comprit. II fe retira fans trop s'éloigner; quelques momens après il vit reparoïtre la femme de chambre, qui s'étoit affurée de la clef de cette porte, elle avoit cóngédié les autres femmes, pour s'informer librement du fujet d'une fi finguliere vifite. Orlow lui fit les plus vives inftances d'aller fur le champ inftruire fa maïtreffe du danger qui la mena§oit, & de la conjurer de fe fier a fon zêle & a fa fidélifé; qu'un caroffe 1'attendoit avec Bradazinsky en dehors du pare, & qu'elle n'avoit pas un moment a perdre, pour fe rendre a Pétersbourg, oü 1'attendoit la Couronné Impériale que les Gardes mettroient fur fa tête en arrivant: que fans cette indifpenfable précaution, fa vie, & celle de tous fes partifans étoient H 2  €K sa )# f^^o^f^t^6 de Conjurés qu'cn arrêtoic fSa°Süe > nmpfraHice n'euc iamais approuvé direclement la Coniura- Sk t^^Jr^°^n refLfe' elle fendc ** ce"e «X leroit jamais admife, & qu'on ne la croiro t point fur fa parolë- elle lll/f re,r0,SeraU Pani violeat & P«fcipite que lui pSoit un homme fur Ia fidehté duquel elle n'avoit aucun foupcon mak dont n dlfe/,^ue]Je n,e pouvoit confentir a cette démarche Sur de nn.i ïSï^^ herr,,^bie? PTme"reau Conjuré^ntre^LTn Snt dÏÏeu -^r 6 de s exP i(3"er ave^ ^ Orlow le fit avec tant de ttu i peiamt fi vivement a 1'Impératrice I'importance de «> Si Taiffa' ffZ " ^ P'ï dÊ f£ C°nfier -"éremenf? hi lf « Jui Jaifia Ie tems que de prendre a Ia hate une robe, telie ou'elle lui tomba fous la main, il la conduifit dans Ie pare, &évkTnt^vtfoin les fentinelles, il parvint a 1'endroit ou BradLnsky 1'aTtendoit veroitdel7Zurmp™mémëtS> dans P^Pérance qu'on en renvo. yeroit de Pétersbourg au-devant deux de ce^naturf ïw ""S P" prTir Une rapidké de circonftance. oe cette nature, neut que le tems de ce vovaee pour préoarer & ré. gier avec Orlow tout ce qu'elle avoit a faire. 7 § pourpreParer <* re' CaSaine'Tuiï füt r?ncon£ree> mais ^ être reconnue par le même Capitaine, qui le premier avoit eu vent de la Confpiration Cet offi ^S^IZ^^'T ^ ? faire de »onvdll?Scto? f i wmntf 4 rFmn«raTdant de ,a >ville' ^ a Oranienboom rendre "SShen &S5T,%de t0UtC- f °n aV°k découverta Pétersbourg; 11 etoit en Caroffe & voyageoit lentement & a fon aife ne nouvanr pas fe procurer de relais. Cette lenteur dans les démarche" & cette molleffe dans un officier, confolerent Orlow, qui fut St peu de tems apres par un caroffe, qu'on envoyoit au- devant dV lui dans le ie reparer fi vite, avoit determiné les deux Conjurés a monter avec a pSeXur/311;. 2 RS* Phf-°n découvertJqui «tcSïï&ydS MnS ?&ro„l C-dej^R^Dd l°Ur & CG léSer incident ajoutoit SSr^ & leS «nt ala Sftg nes" Tt\oaJ^JTe heU^' lors(ïue ,e carofle arrïvantaux caferle momen^e narrr^ f de ?! leS CönjUrés' Orlow Prit dans des auTrès de ™ 1 ■ ^ baT-1 allarme' Pour attirer t0lls les Gardes aupres de ceux qui s'empreffoient de fe ranger autour du caroffe:  #C 57 )0 ceux-ci commencoïent a faire retentir fair des acclamations de Vive Catherine II. la mere du peuple, et l'Imveratrice de toutes les Russies On fit alors courir le bruit que l'Empereur avoit eu le malheur de faire'une chüte de cheval, dont il étoit mort fur la place, mais qu'en expirantiï avoit ordonné qu'on reconnüt 1'lmpératrice pour Souveraine. Cette Princeffe fut tirée de fa voiture , qui Lui fervit de Pavois; les Gardes la prirent dans leurs bras, comme les foldats élevoient les premiers Rois des Francs, & la placerent prés du cocher, oü ils la foutinrent quelque tems entre le liege & le caroffe, dans une attitude elevee, pour la montrer a tout le peuple, que ce fpeétacle attiroit; perfonne n'imagina de contrarier la nouvelle de la mort de l'Empereur, ni 1 effet de fes prétendues dernieres paroles. ,' ,'/„ L'Impératrice accompagnée de tous les Gardes fut conduite a 1 eghie de Cazan; 1'on avoit eu foin d'y faire tenir prêts, tous ceux qui devoient avoir part a la cérémonie. Catherine yrejut, non feulement la bénédiélion du Clergé & le ferment de fidélité de fes Gardes, mars auffi la foumiifion de tous ceux qui repréfenterent le fénat & la nation. Le Comte Panin y conduifit le grand Duc fon fils; & toute la ville, en un inftant, applaudit a cette nouveauté, qai n'occafionna d'autres défordres que ceux qui font néceffairement a la fuite des grandes foule?.' Orlow dans la plus vive agitation, fefit une bleffure légere a la jambe, il ne s'en occupa pas d'abord, mais le foir elle devint un fujet féneux d'inquiétude, & fervit a faire éclater la reconnoiffance de celle qu'il avoit fi bien fervie. Prodigue de foins & avare de tems, Orlow n etabhfloit pas Ia folidité de la Couronné fur cette impofante cérémonie. Si l'Empereur avoit eu des amis, la légéreté du peuple pouvoit rompre ces liens auffi facile* ment qu'elle les prenoit. Ce prudent Confpirateur, ne donnant aucun repos a la nouvelle Souveraine, la fit réfoudre a fe mettre, au même inftant, a la tête des trois régimens des Gardes, pour aller s'emparer de la perfonne de l'Empereur Quoique ce Prince n'eüt fait de tous fes fujets que des mécontens graces aux foins ofïicieux de fon clergé, ce même clergé pouvoit auffi capituler avec lui, & difpofer avec autant d'orgueil que les Pontifes Romains d'un trone qui venoit de fufpendre, & pour ainfi dire, d'abolir le Patriarchat. Le rétabliffement de cette dignité pouvoit devenir un équivalent de la couronné. L'intrigue & les paflions de cour, pouvoient auffi relever un parti que le fpeétacle des fupphces ou la crainte n'avoit point encore effrayé. Orlow faififfant rapidement toutes ces réflexions, n'avoit a leur oppofer qu'une extréme diligence a s'aflürer de la perfonne de l'Empereur. La Gardes, animés contre les foldats Allemands, quon leur difoit H 3  $C 58 )# ae pas vouloir reconnoïtre rimpératrice, mais prétendre élever fon fils aaPlace-,' ?r°y°ien£ .march,er c°n^ des rebelles trop foibles pour leur rehfter; als fe propofoient d'en faire des viftimes facrifiées aux reffend ment national & a Ja haine des Ruffes pour des loient conftammenta changer & a détruire leurs mcsurs c^les uflpes qu i s tenoient de leurs peres. On ne les inftruifit qu'en chemin, & mê hnTv^lS^^? ^^fair^Enle, défabufStïur la nouvelle de la mort de 1 Empereur, il étoit dangereux d'exciter du mecontentement entr'eux & un retour d'affection de la part de cëSqui pouvoient etre attachés a ce Prince. On annonca donc qu'il tfétoit pas encore expire pais qu'il étoit trés - mal de fifchüte; eTfin on en vint au point de dire qu'il étoit en pleine fanté, & qu'illllok pour fa perfonne! ^ ^ & P°Ur * ^ de Ja reliSion de Pendant que ces chofes fe paflbient, l'Empereur, qui fe repofoit fur la confiance que fes flatteurs 1'avoient accoutumé de prendre en fa puiffance, & fur la crainte qu'il infpiroit a fes peuples,St mis en teZffltoS^J ^"S0*.? fe «oyoit für Pd'exécuter fon pr^ ^^Mtótéf?na1pT, sin^ulét?lt Peu des avis qu'il recevoit de tous les cotes. il ne donna pas une plus particuliere attention aux nou velles que le capitaine apportoit de Pétersbourg, d'autant qu'eues ne re*. ri"s-on soblhnoit a lavertir de prendre garde a fa nerfonne & moins il faifoit attention a tout ce qu'on lui difoit Perl0™e, « les courtiians de 1 Empereur, & jufqu'a fes Gardes étoient inftruits qu'il fetramoit une Conjuration qu'il étoit encore tems de prévedr iÏÏen nannoncoit que te tenue en füt fixe, mais ces propoSP va™ répé és depuis plufieurs mois a 1'oreille de chacun, les dSinicherir^rieufe! de tous les miniftres & des grands, les mouvemens de plufieur a cir confpeaion uniyerfelle furtout, avertiiToient que VorkZetAt prêta fes gaerdefaCUn ' 60 tremblant> * P^roit, t ^tenK iJtt^/t^f^6^6' 2n eflaya vainement de rév^ er ion aètivite. P ein du projet qu'il médito t, ij en vovoit approcher le terme fans inquiétude, & fourioit a Ja crainte tr0uva point' & *™ apprendie" aucune nouvelle, mais il fut même inftruit que perfonne Se 1'avoitïuedepuTsl^  m 59 m veille; fes femmes entrées de bonne heure dans fon appartement, furprifes de ne 1'y point trouver, avoient raifonné fur fon abfence avec les Officiers de fa maifon: ils étoient tous perfuadés que l'Empereur 1'avoit fait enlever, & attendoient en filence & en tremblant la fuite de eet événement. L'étonnement de l'Empereur fit bientöt place a de nouvellës réflexions. Quelques perquifitions qu'il fit, il ne put favoir ce que 1'lmpératrice étoit devenue, il envoya de tous les cötés s'informer fi 1'on ne 1'avoit point appercue; il fit exaeïement parcourir tous les .coins du jardin & du pare immenfe qui le joint, mais il n'en fut pas mieux inftruit. II crut alors fon fecret découvert & que 1'Impératnce s'étoit dérobée a fon fort par la fuite. II n'imagina point que ia rétraite püt nuire a 1'exécution de fon projet, il fe flatta même de 1'y faire fervir, ne pouvant fe perfuader que fouftraite au moment de la vangeance, elle püt éviter de tomber bientöt dans fes mains; il fe propofoit déja de la traiter fans beaucoup de ménagement, lorfqu'il apprit qu'elle venoit a lui, a la tête des trois régimens des Gardes, qui 1'avoient proclamée fouveraine. Frappé de cette nouvelle comme d'un coup de foudre, il paffa des mouvemens les plus furieux de colere, a ceux de la terreur la plus panique; il témoigna fon chagrin par les expreffions les plus douloureufes » a la fuite desquelles fon inquiétude fe peignit dans fa contenance trifte & abbatue. En montant fur le tröne, il avoit rappellé le Maréchal de Munich de fon exil & fe plaifoit a lui marquer fa confiance & fon eftime. Ce vénérable vieillard, auffi refpeétable par fes fervices que par fes malheurs & par la fermeté de fon caraóïere, étoit alors auprès de lui. L'Empereur lui demanda ce qu'il devoit faire dans une circonftance fi critique; le Maréchal répondit avec beaucoup de fang froid & de tranquillité, qu'il n'avoit point d'autre parti que celui de marcher a la rencontre de rimpératrice; de s'avancer feul au devant des premiers Gardes^ de leur parler avec ce ton d'autorité, qui fait toujours refpecter les Souverains, & de terminer fa harangue en difant, qu'il leur pardonnoit une démarche a Iaquelle il ne s'étoient portés que fur le faux bruit de fa mort, qu'ils euffent a retourner a leur cafernes & a s'y tenir tranquilles: que s'avangant enfuite jufqu'a 1'Impératrice, il pouvoit diffimuler avec elle, comme avec les régimens des Gardes, & qu'après l'avoir raflurée fur fon exiftence, fe faifant fuivre par quelques Gardes du corps, & par toute fa cour, il devancfo les régimens des Gardes, & reprit le chemin de Pétersbourg: que 1'on auroit foin d'envoyer de fa part des perfonnes , qui prépareroient le peuple a.fon retour, enforte qu'il n'auroit rien a craindre, ni de leur part, ni de toutes les intrigues de 1'Impératrice; qu'il pouvoit s'en rapporter au Maréchal même pour contenir les régimens des Gardes, & les faire rentrer dans leurs Cafernes..  ®(6*0 )& Ce parti ne plut nullement a l'Empereur, qui répondit au Maréchal que cecte démarche étoit trop hazardée, & qu'on le tueroit; a quoi le Maréchal répüqua, qu'il ne pouvoit pas croire que fes Gardes fe portasfent a eet excès, que le caraclere même de 1'Impératrice répugnoit a cette cruauté, que d'ailleurs dans ces occafions les Souverains, nés pour commander les hommes, montroient qu'ils leur étoient fupérieurs en s'oppofant feuls aux efforts d'une multitude; que s'il avoit le malheur de fuccomber, il mourroit du moins avec honneur; qu'il avoit tout a craindre de périr fans gloire, fi 1'arrêt de fa mort étoit perté. • L'Empereur ne voulut jamais fe rendre a eet avis, mais affeclant un courage que n'annoneoit pas fa conduite, il dit au Maréchal, qu'il fe mettroit a la tête de ces huit cents foldats Allemands, qu'il avoit a Oranienboom, & qu'il fauroit bien avec eux feuls faire reculer les régimens des Gardes, & les punir de leur révolte. II reprit fur le champ le chemin d'Oranienboom; il n'y fut pas plutöt, qu'il ordonna qu'on fit des retranchemens, qu'on élevac une batterie de quelques petites pieces de canon de campagne & qu'on fe mit en état de s'oppofer aux efforts des Conjurés, ainfi que fit, quelques années après, le Roi d'Efpagne dans la fédition qui le fit fortir de nuit & a la dérobée de Madrid avee le Marquis d'Efquilace fon premier miniftre, qu'il fut obligé de renvoyer a Naples. Loin d'être raffuré par ces précautions & de fe déterminer a quelque réfolution courageufe, Pierre III. ne tarda pas avoir qu'elles ne pouvoient être d'aucune utilité, fi la perte de fa vie ou de fa Couronné étoient arrêtée. II monta fur le champ dans un Yacht, réfolu de fe retirer au chateau de Croonfloot & de s'emparer en même tems de Cronftad; ces deux places n'étoient féparées de fa campagne que par un trajet d'eau trés court que forme la branche de la Neva, qui coule entre 1'Isle de Retuzari & Oranienboom. II fe feroit rendu maïtre des vaiffeaux de guerre & des troupes de Marine avee lefquelies il pouvoit fe défendre.interromprela communication de Pétersbourg avec la Mer, & gagner affez de tems pour changer fon deftin. Les Conjurés 1'avoient prévenu & la place étoit affurée a 1'Impératriee. Lorsqu'il fut a portée de la première fentinelle , on lui cria de ne point avancer; il crut, en fe nommant & en ordonnant au foldat de ne point s'oppofer a fon paffage, qu'il fe feroit obéir; maiscelui-ci 1'avertit que le Gouverneur avoit défendu qu'aucun batiment entrat dans le port, & que les batteries avoient ordre de faire feu fur ceux qui voudroient forcer le paffage. L'Empereur, obligé de retourner fur fes pas, vint reprocher au Maréchal de Munich le confeil qu'il lui avoit donné, difant qu'il n'eüt pas été plus avantageux vis-a-vis des régimens des Gardes, que de ce chateau. Ne fachant a quoi fe réfou- dre,  dre, il demandoit inceffamment ce qu'il avoit' a faire. Le'maréchal ne fongea point a fe juftifier, mais voyant que fon maïtre fe répandoit en plaintes inutiles, il fe hazarda de lui donner un fecond confeil moins dangereuxque le premier, mais auffi digne d'un prince; ce füt d'aller fe mettre a la tête d'une armée de 40000 hommes, que commandoit le Comte de Romanzow, (39) fous Colberg en Poméranie. Les chemins étoient libres, & ces régimens moins féditieux que ceux des Gardes, ne refuferoient point a leur Souverain 1'obéiffance qu'ils lui devoient, & fuffiroient pour punir les rebelles, düt- on les traiter avec la même févérité que les Strelziftes 1'avoient été par le Général Gordon. Cet avis ne plut point encore a l'Empereur, mais il garda le filence le plus profond & paffa la nuit 6c le matin fuivant dans une conflernation d'autant plus grande, qu'il ne voyoit venir perfonne auprès de lui, ni pour l'affurer de la fidélité qu'on lui devoit, ni pour lui faire aucune propofition de la part de 1'Impératrice. Lorfqu'il fgat qu'elle avoit paffé la nuit a Péterhof 6c qu'elle continuoit a marcher a lui, toujours fuivie des régimens des Gardes; qu'elle avoit déja fait plus de fix verlies & qu'elle n'en avoit plus que quatre pour le joindre; ne pouvarit fe déterminer a aucune réfolution de vigueur, il prit le parti d'envoyer le Colonel Ismaè'low, un de fes favoris écouter les propofitions qu'elle voudroit lui faire & fouscrire a toutes conditions, lui donnant pouvoir de céder en fon nom le fceptre Impérial, & ne demandant pour toute grace que celle de fe retirer en Allemagne, pour y paffer des jours auffi tranquilles, que fon pere avoit fait après avoir quitté la Ruffie. Le feul mot qu'on permit de prononcer au député de l'Empereur, fut le ferment de fidélité pour Catherine II. qu'on lui diéla & qu'il ré» péta fans difficulté. Ayant été pour lors admis a parler a rimpératrice, elle 1'interrogea fur le fujet de fa miflion: il s'acquitta de tout ce dont l'Empereur 1'avoit chargé, fans qu'on 1'interrompït, 6con ne lui fit aucune réponfe. Voyant le mépris avec lequel on traitoit l'Empereur, & qu'on ne permettoit pas qu'il all&t lui rendre compte de fa Commiffion, il prit le parti de propofer a 1'Impératrice de lui livrer fon maïtre; il ne demanda pour exécuter ce plan, qu'un Caroffe & un Efcadron, affurant qu'il pouvoit affez répondre des difpofitions pacifiques de Pierre III. pour être certain de 1'engager a fe livrer lui-même a la difcrétion de 1'Impératrice, quoiqu'elle ne voulüt point déclarer fes intentions a fon égard. L'Impératrice, ne voyant aucun inconvénient a charger Ismaè'low de (39) C'eft le même, qui dans la campagne de 1770 a rendu de fi glorieux fervices a fa patrie, & fut fait Veldt-Maréchal. Lorsqu'il apprit la révolution du 2 de Juület, & qu'il feut que 1'Etripereur étoit encore cn vie, il fut trois jours è fe déterminer a reconnoitre Catherine II. pour Impératrice & a lui prêter & faire prêter par 1'armée le ferment de fidélité. I  cette commiffion, qui n'arrêtoit point fa marche, reconnoiffant en lui le caraclere le plus intéreffé, paria précaution qu'il prit de lui montrer une promeffe de l'Empereur, de lui donner une terrein confidérable & mille payfans, elle fit partir un Efcadron & un Caroffe a fa fuite, promettant de récompenfer fon zêle s'il exécutoit fidélement ce' qu'il propofoit. * Le tems de cette négociation avoit paru li long a l'Empereur, qu'impatient de ne pas revoir fon favori, il avoit dépêche le Comte de Woronzow, Chancelier de 1'Empire avec des nouvelles inftrucïions. On ne voulut point 1'admettre a voir 1'Impératrice, qu'il n'eüt prêcé ferment de fideiité; on lui dit qu'Ismaè'Iow 1'avoit fait fans difficulté. Woronzow répondit qu'un Chancelier ne fe décidoit pas auffi légérement qu'un foldat , & qu'il demandoit du tems. On accorda fa demande, mais on le retint a la fuite de 1'Impératrice, fans lui permettre de faire paffer aucune nouvelle a fon maitre. Ismaè'low de retour auprès de l'Empereur, le trouva dans la plus cruelle agitation, prêt a fe foumettre a tout ce que le defhin ordonneroit de lui. Son favori n'eut pas de peine a le réfoudre a monter avec lui dans le Caroffe de rimpératrice. L'Empereur fe fit accompagner de la jeune Comteffe de Woronzow fa favorite, & d'un Negre nommé Narcifle qu'il affeclionnoit beaucoup. 11 donna lui - même ordre a fes Gardes, de ne faire aucune réfiftance, êc d'obéir a rimpératrice qui les fit tous arrêter, & quelque tems après les fit partir pour Archangel, oü ils trouverent des vaiffeaux prêts pour les tranfporter dans le Holftein. On fe faifit de tous les papiers de l'Empereur dont 1'lmpératrice prit feule connoiffance. L'Empereur fe flattoit d'être conduit devant 1'Impératrice & de toucher cette Princeffe; fondant fon fort fur la bonté de fon cceur il ofoit efpérer plus qu'il n'avoit fait demander par fon favori. Cette 'efpérance s'évanouit a fa première queftion: on 1'inftruifit que le détachement qui 1'accompagnoit avoit ordre de le conduire a Robkow maifon de plaifance Impériale, peu confidérable, & la plus éloignée de la mer. En arrivant il remit lui-même fon épée & le cordon de rordre de St André a 1'officier chargé de fa garde, en lui difant, qu'il auroit dü les lui demander, & attendit affez tranquillement en apparence, ce qui feroit décidé fur fon fort, follicitant fans-ceffe la permiffion de voir 1'Impératrice, fans pouvoir 1'obtenir. II refta fix jours dans 1'incertitude, fans qu'il parüt que 1'Impératrice eüt donné d'ordre a fon fujet. L'on apprit après ce terme qu'il étoit mort d'une colique hémorroïdale. Son corps fut tranfporté a Pétersbourg & expofé fuivant les ufages de Ruffie dans 1'églife de St. Alexan-  dre Neusky, enibrte que chacun put le voir pendant plufieurs jours; il fut enfuite enterré avec toute la dignité qui convenoit a fon rang. Catherine fe fit folemnellement couronner a Mofcou quelques mois après. Le nouveau regne ne fut marqué que par des graces; Orlow, qui s'en étoit rendu fi digne par fes fervices Sc fon attachement, en fut comblé; de même que tous ceux, a qui rimpératrice avoit quelqu'obligation; le Chancelier Woronzow refta quelque tems encore en place, il regut enfuite de groffes fommes pour le mettre en état de voyager & partit pour les pays étrangers. Le Comte Panin conferva fes charges. On fut furpris quelques années après, de voir errer en Europa cette favorite, qu'on a regardée comme 1'ame de la Conjuration ; mais en 1'écoutant on perdoit bientót tous les préjugés qu'on en avoit. On remarquoit en elle un caraclere dur & exigeant, animé par 1'aigreur & 1'avarice. Qiiiconque a 1'idée d'une révolution foutenue dans un Gouvernement , n'imagine pas qu'une femme de vingt ans, puiffe en avoir conduit 1'intrigue & 1'exécution; furtout lorfqu'elle demande autant de courage qu'Orlow en employa dans celle-ci. Une Souyeraine, quelque reconnoiffante qu'elle foit, ne fouffre gueres des caprices, des hauteurs & des reproches de fes fujets; la Knisna d'Afcow ne dut fa difgrace qüa, cette conduite, &. ne voulant devoir fon retour a perfonne, fon obltination mit le fceau a fon malheur. Catherine II. ne traita point les amis de Pierre III. en ennemis, elle fe contenta d'exiler quelques perfonnes dont elle auroit pu craindre les intri-mes. Elle laiffa le Comte de Munich finir tranquillement fa vie, qu'on peut dire avoir été la plus fujette aux viciffitudes de la fortune j elle donna la plus grande attention au Gouvernement de fon Empire. On fcait avec qu*ehe enthoufiafme elle reg;ut & traduifit en Ruffe le Bélifaire de Marmontel, pour qu'il püt être connu de fes peuples; avec quel zêle elle raffembla des députés de toutes les nations de fon Empire, pour les faire travailler en commun a un code de loix uni« formes, dont elle-même compofa 1'inffcruction; avec quel courage elle foutint ce Roi qu'elle avoit fait élire aux Polonois, & avec quelle gloire elle porta la guerre au fein de toutes les provinces de 1'Empire Ottoman, & couvrit toutes les mers de fes vaiffeaux. On pourra juger de fa politique & de fes alliances par les fecours qu'elle a recus de 1'Angleterre dans les expéditions de fes flottes, Sc par les honneurs qu'elle a fait rendre dans fes états au Prince Henri de Pruffe-,1e Grand , Duc , en recevant 1'ordre du roi de Pruffe, adonné le premier témoignage d'attachemens a cette couronné, & d'adhéfion a 1'alliance, qui peut être la plus utile a fes états & a fa perfonne. " Tant de révolutions dans les deux fiecles pendant lefquels 1'Empire Ruffe a pris fa confiftance, une fi conftante oppofition de la part des I 2  peuples, au gouvernement defpotique, tant d'intrigues des grands dé 1 etat, affez puiffantes pour contraindre les Souverains a recevoir garder ou quitter la vie ou 1'Empire, ne font pas faites pour fixer les' idees fur la forme pofitive d'un Gouvernement. Rome, aux tems de fes plus violentes tempêtes, eft le tableau de Pétersbourg & de Mofcou. Les faftions font ou défont avec ia même rapidite des Empereurs au Nord & aux Midi: elles y laiffent aux Souverains 1'ombre du pouvoir, pendant que les miniftres en font un fantome effrayant aux yeux des peuples. Qui peut définir le pouvoir & la forme de ces Gouvernemens? Comment ont régné Céfar & Pierre le Grand? Comment ces grands hommes ont-ils terminé leur carrière? Quel Hiftonen ofera rapporter la forme de leurs Gouvernements a des principes pofitifs? Ce Philofophe anonime qui parle de tout avec une liberte fans réferve, n'a pas mal défini le Gouvernement Ruffe en difant, „ Regne qui peut & comme il peut." : Si quelqu'efpcrance confole 1'humanité, c'eft que les crimes Sc les intrigues émouffent leurs traits contre des trönes fondés fur la juftice & fur la bienfaifance, & qu'on n'en fait tomber ni les Titus ,ni les Trajans, ni une Marie Therefe. Le murmure, fource des révolutions ne s'éleve que contre 1'injuftice ou 1'ingratitude. Heureux le Souverain'qui n excite aucun murmure! plus heureux encore le peuple qui n'a ooint fujet de murmurer! ^ F I N.  —5=fT—Ialexis michaelowits . NA;:r;rr;r;KIN MARIE IGELNISE M1LOSLAUSKY . , Tzar en 164?, mort en io-6. morte en 1604. Morte en 1670. ' ■ . • —1 — ~ : i I J [ - J L J-L r j —j | £_ | 3_ (_ 3 ) (I) Empereur. • l — 1 -7^ 'i' a-t»i a MP " Eud"oxie~~ Anke Alexis Fédor Iwan Alexiowits, Natalia, PIERRE I. Sophie, Mar ié, Catherine, iiTUWl Alexiowits Alexiowits, exdu par le teftament de Né le unie Juillet 1672, nommé Tzai renferméedans renfermëe dans demandee e Tzarowits, Tzar en 1676, fon frere Fedor, procla- morte en 1682 par le teftament de fonFre- unCouventen un Convent en manage morte marié'deuX fois mé, par la fédition des re Fedor. Empereur en 1721. mort 1688. après la en 1688 apres par é g & Streltziftes, Tzar, régna en 1716 en 1725 le 8me de Février, Sédition des la fédition des Couwansky, fans lans ians ^ Mort en T(582 conjointement avec fon Ep0llfa SS' mo!f.e tV Tofténï5 Poftérité. Poftérité. Poftérité. en 1670. fans Poftérité. Frere Prierre L & mou- fanS Poftérité. En Premiei, & en Seconde noce. Poftérité. Poftérité. , , ———i , Epoufa N. Proskovia — " Ottokesa' Catherine (II) fille d'un Boïard Lapouschin. Alexiewna. dont il a eu, | Répudiéeèn 1696, d'Alpendeyl. 1 & mife dans un Nommée par fon » Couvent dont elle Teftament Impéra- I fut tirée par Pier- trice après lui en re II. en 1727. 1725. morte le | Morte a Mofcou. j 17111e Mai 1727. ^ ' f ~ J • J 1 r—" 1 (IV) - —■-. " Alexis Petrowits, ^Pie r r e Anna Elisabeth, l"7^ ' "* a""„t _■ > 1 w A n ow n a, Ma Rit- 'fHEODOUA, f Jt O s c o- «j petrowna, iVano'wna Anna Iwanow_a, Mar.l, , ^ ~| Condamné a mort par un tribu- inftituéhéré- Défignée époufe duDuc " Epoufa le Prince de Courlande, dont elle g .* nal nom mé par fon Pere, tier a la mort en 1728. de Holftein, Evêque de refta veuve. Impératrice en 1730 fuivant morte- morte £|| né en 1690. du Fzarowitz Lubek, morte fanspofté- WlSÈttt étatS'M0SC0U' *ï1 U*^V7Zu. toN ^ r^0Ufar ^ ttTlgS £_____££ "~ ^ P«« "•""•<**- ™* ^ ^ *?* fans Poftérité. f? "«^iJt^* P ^ g[?S 55- S»e. ^ W L—i — " " i ' J^ZZ—— ! ft cvii) f~ —qT^arTes Pierre Ulrik de Holstein, Empereur , , -1 . : m n rKwweur en fTIH fous le nom de Pierre III. le 5. |anv. 1762. Détróné le 9 - L „ Natalja, PlEB;RE «• "°^eSTcathe. «illet I7<52' après la mort d'EUtibeth. Epoufa le 1. Sep- Elisabeth Cat h brink de Meklenbour g, ,ue menzi. 1727, par le< tefanent «w» j« Sophie ^ Frederi d>Anhalt, née le .,mT. r „ aa. u kofF préten p'm ^ 1^ t; mais iamaisma- ,me May 1729, devenue Impératrice fous le nom de Cathé- CviuJ Epoufa Charles Ulrik de Brunswik Beyern, fe fit déc a- doit faire é. & N. Dolgorouk, mais jamaisma 2 Alexiewna, par la révolution du 9™ Juillet 1762. rer régente & vouloit fe faire impératrice lorfquelle \ fct 4fon né , mort a Moscou. ^ouronnée a Moscou, le 3 Oftobre 1762. fut prévenue par Elifabeth qui 1'exüa, morte en cou- 1 fils> j le 29 Janvier 1730- ______^-- ,. .—che en l748, . — 1PTül_Ó^Holstei1^ Anna de Holstein. I -. * j— j jp Grand Duc de Ruffie né (V) 1 L ~ — r-J- I_eni_± née e» T75S- 7 Iwan 11. nommé Empereur par le teftament I N. I N- N' d'Anne Iwanowna & Biren Duc de Cour- | . lande Régent dépoffédé par Elifabeth en Prince Prince Pnn- riui|| 1741. öSeptembre, &tuéaSchluffelbourgh, en jceile' Fff' dans fa prifon en 1764- ' 174-3- \ x7_. 'I744' it74 '    _