rv  THÉORIE D E L'ART DES JARDINS P A R C. C. L. HIRSCHFELD, Cenfeiller de Jujlice de S. M. Danoifi & Profefeur de Philofopkie & dct Beaux-Arts dans l' Univerjité de Kiel. TRADUIT DE L'ALLEMAND. TOME TROIS1EME. AMSTERDAM i 7 8 i.   PRÉFACE DE L'AUTEUR. Q uoique la publication de eet ouvrage entraïne des difficultés & \ des déoenfes multipliées, & dont on peut aifément juger d'a- près fon plan, ce Volume fuit cependant de pres le fecond, fur lequel même il a quelques avantages. On trouve non feulement ici un plus grand nombre & une plus grande variété de planches, occafionnées par les matieres dont il eft queüion, mais encore plufieurs nouveaux defleins de maifons de campagne, d'édifices propres aux jardins & de monuments; ces defleins font dus a 1'heureufe invention & au goüt de Mr. Schuricht, jeune artifte deDresde, dont la renommée égalera un jour les talents. Dans aucune partie de 1'architeaure il neregne encore autant de difette que dans celle qui regarde les édiflces propres aux jardins. Les batiments de treillage, introduits par les Francois & employés jufqu'a préfent faute de mieux, font trop recherchés & n'entrent ici en aucune confidération; & fi nous exceptons quelques ouvrages anglois en ce genre, 1'architeaure propre aux jardins, qui pourroit être fi fertile ennouvelles inventions, commence a peine a fe former. Presque tout ce qu'elle a livré jufqu'ici ne confifte qu'en chateaux de plaifance & en maifons de campagne: quant a la foule d'autres batiments qu'on peut placer dans les jardins, a peine trouve-t-on, même chez les plus fameux maïtres d'architeaure italiens, quelques traces qui menent a de nou- 2 velles  iv Prêjace de t Auteur. velles invenrions. MonfieurSchuricht parcourt donc une nouvelle carrière, &il a faifile caraclere propre a ces édifices fi heureufemenr> que 1'on obfervera avec plaifir dans fes projets, la pureté, la fimplicité, Ia légéreté & 1'agrément qu'exigent ces ouvrages d'architeclure. Le Volume fuivant ofïrira encore plufieurs de fes deneins, égaux a ceux de ce Volume du cöté de la bonté de 1'invention. Ce Volume eft auffi plus riche du cöté des defcriptions de jardins que contient l"appendice. Je les aifaites moi-même 1'été pafle, lorsque 1'art des jardins me procura le plaifir d'entrcprendre un voyage dans quelques provinces d'Allemagne voifines du Holftein & dans 111e de Seelande en Dannemarck. Toutes les occafions que 1'on a de voir de nouveaux jardins, d'en conduire 1'ordonnance, ou d'en dire fon avis & d'y donner des confeils, fervent a éclaircir la Théorie même; on ne s'inftruit jamais mieux, 1'on ne pénetre jamais plus avant dans 1'efprit des principes, qui doivent toujours être puifés dans la nature, que lorsque 1'on fait fes réflexions a la vuc même des cantons qui doivent être embellis ou améliorés; d'aillenrs la variété illimitée des fcenes qui font du reflbrt de 1'art des jardins, invite Tarnde jardinier a obferver la nature bien plus fouvent que Ie peintre n'obfcrve les galleries. THEORIE  THEORIE D E L'ART DES JARDINS. Tom. III. A  TROISIEME PARTIE. Des ouvrages de tart dans les jardins. PREMIÈRE SECTION. Des Chdteaux deplaifance & des Maifons de campagne. SECONDE SECTION. Des Bdtimens champêtres moins conjidêrables. TROISIEME SECTION. Des Temples, Grottes, Hermitages, Chapelles & Ruines. QÜATRIEME SECTION. Des Repofoirs, Ponts & Portes. CINQUIEME SECTION. Des Statues, Monuments & Infcriptions.  Dès que 1'on eut'comnfcncë a établir fon féjour aux champs 5c dans les jardins, la néceffité y introduifit la première des habitations. Les Princes batirent des chateaux de plaifance, la noblefTe & le bourgeois des maifons de campagne, qui par leur étendue, leur architecture, leur diitribution & leur caraélere, étoient trés - différentes. On plaga dans les jardins grands & petits des édifices moins confidérables qui fervoient k la décoration, & offroientdequoi faireuncourtféjour & jouir des plaifirs champêtres. On y vit s'élever de petits batiments, des pavillons, des maifons & des cabinets de plaifance, des volières, &c. Peu de temps après on tkcha d'étendre le théatre des plaifirs de 1'efprit & du goüt, en introduifant des fabriques qui paroiffoient propres a ce but. On conftruifit des grottes, des hermitages, des ruines, des temples, moins pour les habiter que pour occuper 1'imagination & animer davantage les jardins par ces ouvrages fadices. On les orna d'infcriptions. II falloit des fieges pour fe repofer, des ponts & des portes pour lier entr'elles les parties détachées, & Ion reconnut que ces objets pouvoient en même temps être des moyens de décoration. On alla plus loin: on érigea des ftatues & des monuments. II eft manifefte qu'une partie de ces ouvrages'de 1'art eft principalement prefcrite par le befoin & par la commodité, & i'autre par 1'éiégance. Qiielquefois un même objet eft néceffité dans un endroit & embelliffement dans un autre. Dans nombre de cas ce dernier peut devenir fi frappant, qu'il fait oublier que le befoin en a été la première caufe. A 2 Les  4 Introdu&ion. Les jardins les plus anciens étoient encore tres -dénuées d'ouvrages de 1'art 5 le goüt non dépravé alors fe raffaffioit de I'attrayante fimplicité de la nature dans une cabane couverte de mouffe, dans une maifonnette ruftique & fans magnificence. Le luxe & 1'amour du fafte qui s'augmentent peu a peu, & le gout même qui fe raffine infenfiblement, ont presque une part égale a 1'introduétion des arts dans les jardins. De la vient le mélange du faux avec le vrai, du convenable avec ce qui ne Peft point De la vient encore qu'on a tout auffi fouvent, a force d'objets artifïciels, effacé, rendu difforme 1'empreinte fimple & pleine d'attraits qu'offroit la' nature dans un jardin, que rehauffé fon effet en le décorant. On voyoit déja une partie de ces objets dans les jardins des anciens, fur-tout des Romains, qui employoient fi volontiers farchiteaure &la fculpture pour affouvir leur amour du fafte. D'autres font dus aux Franqoïs, & d'autres aux Anglois, & on les a généralement imités. Tant Ia maniere ancienne que la moderne fe fervent desouvrages de Part, avec cette différence feulement, qu'en général la première montre plus de profufion & de disconvenance, &la feconde, h tout prendie, plus d'économie & de choix, fans cependant être exempte de bien des égarements fmguliers. C'eft un devoir, en faifant de femblables recherches, que de fe prémunir d'avance contre tout préjugé, & de remarquer d'un cóté les erreurs fréquentes & vifibles qu'on a commifes jusqu'ici en fait de bon gout tandisque de 1'autre cóté on détermine Ie véritable ufage des ouvrages d'architeéture & de fculpture dans les jardins; on développe s'ils peuvent être des moyens d'embellh- & de renforcer les impreffions que font les feenes de Ia nature, & jusqu'ou ils le peuvent; on montre quelles doivent être leur fituaüon, leur diftribution & leurs effets; & enfin on découvre d e nou velles manieres de les mettre en ceuvre. On a négligé jusqu'a préfent ces recherches, paree que 1'on trouvoitplus commode de fuivre uniquement tantót une mode & tantót 1'autre. II efl temps de citer Jes ouvrages de 1'art dans les jardins au tribunal du bonfens pour y fubir un examen févere. Et comme nous avons a paxler ici de pluheurs fortes variées d'édi-  IntroduUion. $ d'ëdifices, qu'en partie 1'on a déja. coutume d'élever dans les jardins, & qu'en partie on pourroit encore inventer, nos recherches fe borneront principalement au rapport de ces édifices avec 1'art des jardins, & a quelques points qu'exigent la beauté & le bon gout, vu qu'il n'entre point dans le plan de eet ouvrage de traiter des premiers principes effentiels de I'architeélure. On feroit presque tenté d'attribuer a 1'amabilité de 1'art des jardins, i'empreffement que témoignent les autres beaux arts a s'y réunir. Nous avons vu fa iiaifon avec la peinture. *) L'architeclure & la fculpture s'efforcent auffi de 1'embellir. La première lui fournit les Chdteaux de plaifance & les Maifons de campagne; les Batiments champêtres moins confidérables de différentes fortes & de différents ufages; les Temples, Grottes, Hermitages, Chapelles & Ruines; les Repofoirs, Ponts & Portes. La fculpture l'enrichit de Statues& de Monument:. *) Ier Volume, pages i6S-i?6. A 3 PRE  6 Première SetHion. ' Des Chdteaux de plaifancn PREMIÈRE SECTION. Des Chdteaux de plaifance & des Maifms de campagne. On ne s'eft peut - être nulle part plus écarté des véritables beautés & de la noble fimplicité de Parchiteéture que dans les maifons de campagne & les batiments champètres. *) Long - temps régna Ie préjugé qu'ici 1'on *) Non feulement le mauvais gout des propriétaires, mais auffi celui des Architeftes qui fe laiflerent éblouir par les préjugés vulgaires, y eut part. Quelques maitres d'architefture ont choifi les maifons de campagne pour objet particulier de leurs recherches, tandisque la plupart ne font qu'en paffant quelques legeres remarques a leur fujet. Au nombre des premiers fe trouve fur- tout parmi nous Paul Decker: voyez fon Architeffura civilis, ou de la Maniere de Mtir & de décorer les palais, les cours, les maifons de plaifance &c. des Princes & desGrands Seigneurs, Folio, Augsbourg j 711 -1716. 3 Vol. Ses deffeins de chateaux de plaifance & de maifons de campagne font fi furchargés d'ornements exceffifs, qu'il n'y a que le gout le plus luxui ieux & le plus extravagant qui puiffe en inventer de pareils. L'ceil ne fait oü fe porter au milieu de cette confufion fans fin; & les proportions, qui peut - être étoient vifibles dans le premier trait du plan, font tellement cachées par la multitude des décorations, qu'a peine on peut en foupconner les tra¬ ces. Les grotteS de eet architefte font des palais, & fes jets d'eau des monftres de compofition. A peine les plantes trouvent - elles place dans fes orangeries a force de ftatues; & eet honnête homme eft li fcrupuleux fur 1'article de la dignité des Princes, qu'il place des couronnes jusques fur le rebord des cheminées. On trouvoit ci - devant ce goüt d'architefture, non chez Decker feulement, mais aufii chez d'autres architeftes; on 1'approuvoit, non en AHemagne feulement, mais aufli dans d'autres pays. Cependant quelques auteurs s'élevoient au deffus de ces préjugés, p. e. Nette dans fes Maifons de campagne & de plaifance pour la nobleffe: eet architefte eft plus dégagé d'ornements fuperflus; cependant fes formes fontun peu lourdes, & fes deffeins en général dénués d'invention. Parmi les Francois ce font principalement Blondel ( Cours d'architefture, 8. 3 Tomes, Paris 1771. p. 343 - 2 5 2; & Distribution des maifons de plaifance &c. 2 Tom. 4. Paris 1737. 1738.) & Brifeux (Art de batir des maifons de campagne &c.  & des Maifons de campagne. 1 J'on devoit auffi étaler une grandeur & une magnificence furchargée d'ornements & d'une infinité de bagatelles, mais ou manquoient les belles proportions, & dont la forme & les décorations ne tomboient pas rarement dans 1'extravagance. Les chateaux de plaifance ne furent plus des batiments qui compofoient un enfemble bien ordonné; ils devinrent plutót un amas confus d'édifices mal lies, ou l'ceil étoit diftrait par la multitude des parties, & offenfé par leur défordre. On voyoit des maffes entieres dans une confufion rebutante. L'étendue, la grofliéreté & le défordre, faifoient même le caraclere frappant des chateaux de plaifance royaux. Lorsque la barbarie fut infenfiblement fubjuguée, & que le fafte & le luxe prirent fa place, on s'efforqa de faire des figures étranges, & 1'on tacha de remplacer la vérité & la beauté des formes par de vains ornements. On remplit & les toits & les veftibules de ftatues qui n'avoient attcun rapport avec la deftination du batiment; on infpira de 1'épouvante par de triites Caryatides qui préfentoient une image douloureufe de 1'humanité martyrifée. On péchoit le plus ordinairement en ce que 1'on perdoit enttérement de vue les différents caracleres & les diverfes deftinations des édifices. On élevoit une orangerie, un hermitage avec la même grandeur, la même richeffe de décoration que fi c'euffent été les premiers édifices d'une &c. 4. Paris 1743.) qui s'occupent fur- deffeins de maifons de campagne fe reftout de 1'architefture des maifons de 'femblent. Biondel tracé peu de maifons campagne. Ceux qui poffedent ces ou- de campagne, & la plupart d'un cararrages, & qui peuvent les comparer avec ftere noble & pompeux, mais encore les recherches qu'ils trouveront ici fur trop furchargées de ftatues fuivant le cette matiere, fe convaincront bientöt gout ordinaire. que les inftruftions de ces architeftes Au refte les ouvrages d'architefture n'ont pu nous être d'aucune utilité dans qui enfeignent la maniere de batir les notre plan. De plus, hormis quelques maifons de campagne different de ceux bonnes remarques ifolées, leur théorie qui n'offrent que des plans & des defleins eft fouvent fuperficielle & maigre, quel- d'édifices champêtres réellement exique réputation qu'ils aient d'ailleurs. ftants. Les meilleurs ouvrages de cette Dans Brifeux on a prodigué une ceuvre derniere efpece font cités 9a & la dans immenfe de gravures; presque tous les cette Théorie.  g Première Seblion. Des Chdteaux de plaifance d'une réfïdence; on y prodiguoit des efcaliers élevés & pleinsd'arf, les ordres d'architeélrure, les ftatues, les bas-reliëfs, le marbre Sc la dorure. Encore aujourd'hui on voit en Allemagne même affez d'exemples de cette pompe infenfée. C'étoit presque une rareté que de trouver en Europe parmi les chateaux de plaifance des Princes, quelques édifices qui formaffent un enfemble d'une certaine fimplicité noble, 8c qui Effent fur Pceil du connoiffeur une impreffion agréable par leur ordre, leur fymmétrie, la beauté des formes & la vérité du caraclere. La pompe n'eft pas dignité, ni le luxe, élégance. Que les maifons de campagne des Rois 8c des Princes fe diftinguent par une empreinte de majei\é 8c de magnificence, qu'elles annoncent a l'ceil la grandeur de leurs habitants, cela fe fonde fur les regies de la convenance 8c fur 1'opinion des meilleurs maitres en fait d'architeclure. Mais avec la grandeur même peut s'allier une noble fimplicité, 8c la beauté fans fard s'affocie avec la magnificence, non pour 1'accompagner feulement, mais encore pour la foutenir. Par chateaux de plaifance nous entendons ici des batimens fitués a Ia campagne 8c a. une diftance plus ou moins confïdérable des réfidences, 8c deftinés a faire jouir les Rois 8c les Princes du repos 8c des agréments de la vie rurale. Quoique dans bien des provinces les habitations champètres de la haute nobleffe portent aulïï le nom de chateaux de plaifance, nous les en diftinguerons cependant ici, ne fut - ce que pour faciliter la théorie. La nobleffe, les gens de qualité, ceux qui font dans des emplois honorables, les particuliers de dilhnclion, 8c même les bourgeois ont des maifons de campagne. Mais ces maifons font fufceptibles d'une grande diverfité d'étendue, de magnificence, d'élégance, de modération 8c de modeftie, fuivant la dignité, le rang, 1'état, la richeffe de leurs poffeffeurs. Nous pourrons donc diftribuer les maifons de campagne en magnifiques, en nobles} en éle'gantes, 8c en fimplement commodes. Dans toutes ces efpeces, tant de maifons de campagne que de chateaux de plaifance, il faut, fous le point de vue fous lequel nous les confidérons, faire fur - tout attention a la fouation, a la dijlribution 8c a la décoration. Nous  & dei Maifons de campagne. § Nous ferons a chacun de ces égards les remarques néceffaires, remarques fur la plupart desquelles les makres d'architeclure pouvoient paffer, paree que leur deffein n'étoit que de traiter de ce qu'il y a de mécanique & d'effentiel dans 1'art de batir. I. Situation. i. Elle exige deux qualités effentielles: la falubrité, 8c I'agrément. La "première chofe a laquelle il faut faire attention en commenqant un chateau de plaifance ou une maifon de campagne, c'eft de choifir un canton falubre 8c environné d'un ciel ferein; un canton qui ne foit point entouré d'étangs ou de marais, ni enfoncé dans des fonds ou dans des buiffons au point de ne pouvoir être atteint par les vents purifiants; un canton qui ne foit ni dans des plaines ou des vallées marécageufes, ni trop voifin d'une ville bien peuplée, dont les exhalaifons 8c la fumée gatent fouvent tous les environs. Si cette regie n'étoit pas fuggérée au jugement le plus ordinaire par un fentiment immédiat, 8c fi de plus, une foule d'écrivains anciens 8c modernes ne l'avoient pas répétée, on pourroit peut - être s'étonner moins de voir qu'on 1'enfreigne fi fouvent. Un goüt dépravé 8c une vieille couTomelIL B tume,  |0 Première -éeïïion. Des Chdteaux de 'plalfanct tume, refte des fiécles gothiques, rendent fouvent expres malfaine une fituation bonne en elle-mème. Tantót on éleve autour du batiment des alices tellement hautes 8c touffues que non feulement on perd un agrément effentiel, celui de la vue, mais qu'auffi aucune fraicheur reftaurante ne fauroit y pénetrer, êk que Fair demeure fans mouvement. Tantót on conduit autour des maifons de campagne un profond foflé rempli d'une eau croupiffante 8c empeftée, dont les exhalaifons font d'autant plus malfaifantes qu'elles pénetrent plus facilement dans les appartements peu éloignés; tandis qu'une eau courante feroit disparoitre tout ce qui peut être nuifible a la fanté, & ranimeroit l'ceil & 1'imagination. II eft inconcevable que plufieurs écrivains puiffent recommander, & même comme indifpenfables, des dispofitions auffi oppofées au bon fens. „Toutes les maifons „de campagne & les jardins de plaifance, pour être agréables, doivent „être entourées eft renfermées par des foffés, des murailles, des cloifons, „des paliffades, des haies &c." C'eft ainfi qu'un auteur hollandois commence fa théorie fous un titre impofant, *) 8c puis il admire les anciennes maifons de campagne de fes compatriotes avec tant de franchife, que fon gout dépravé mérite plus de pitié que de mépris. 2. Après , *) Les agrêmens de la campagne, ou fons de campagne, avec fig. 4. Leide, remarques fur Ia conftru£tion des mai- 1750.  '& des Maifons de eampagm. iï •'. !p *!; ■ 2. - ■ ;' Après Ia falubrité du fite, il faut en chercher Pagrément. La nature 1'offre 8c l'art le rehauffe, 8c tous les deux peuvent lui donner une diverfité infinie. Les différentes pofitions 8c les divers melanges des montagnes, des plaines, des vallées, des prairies, des forèts, des buiiTons, des Iacs & d s rivieres multiplient I'aménité d'une maniere admirable, 8c il eft permis a l'art d'augmenter la foule des variétés naturelles, tant en créant des objets, qu'en les enlevant, ou en les transpofant. Le penchant au plaifir engage a chercher les lieux les plus riants, & le bon fens approuve ce penchant qui nous enfeigne a ne pas choifir des enfoncements fombres, ni •des plaines vuides de bois 8c de buiffons, 8c oü l'art ne peut pas remédier aifément au défaut d'ombre 8c d'eau vive, mais a leur préférer de ces feenes que nous offre la nature; de ces cantons ou Ia beauté 8c la férénité de ja création déploient fans voile 8c fans contrainte leurs riants attraits; ou ne fatiguent ni 1'uniformité, ni le peu d'étendue, comme dans les prifons •des villes; ou la liberté, le nombre, la grandeur 8c le changement des décorations 8c des points de vue flattent l'ceil 8c occupent 1'imagination. L'art offre fes fecours pour prolonger 8c embellir les perfpeétives, pour donner a 1'eau un cours, aux arbres 8c aux buiffons un arrangement, aux jours 8c aux ombres une diftribution convenables, qui relevent encore les attraits de 1'enfemble, 8c font naïtre pour ainfi dire une nouvelle création tout alentour. Une médiocre éminence offre lefite le plus avantageux aux chateaux de plaifance 8c aux maifons de campagne. Le plus bel édifice perd toujóurs un peu de fon apparence lorsqu'il eft dans un fond, au lieu qu'il produit tout 1'effet dont fon architeélure eft fufceptible, quand il s'offre fur une hauteur. Alors il attire davantage, mème de loin, Pceil du voyageur qu'il femble inviter affeétueufement a s'approcher. Cette fituation augmente auffi le plaifir qu'on trouve a y féjourner. L'habitant refpire avec plus de liberté & de fatisfaétion fur le fommet d'une colüne ou fur le penchant d'un mont; en parcourrant des yeux le vafte payfage, il ramaffe plus d'images flatteufes, éprouve des fentiments plus fublimes, s'éleve avee B 2 plus  12 Première Seïïion. Des Chdteaux de plaifance plus de facilité au defius des légers brouillards qui obfcurciffent cette vie; a 1'afpect de la gradation des points de vue, qui ne fe développent pas brusquementni d'une maniere diftincle, mais s'étendent aperte de vue dans le crépufcule du Iointain, fon efprit s'égare dans les doux preffentiments de fa propre durée éternelle 8c fans bornes. La fituation la plus convenable a. toutes les maifons de campagne eft fur une hauteur; cette fituation eft auffi recommandable pour la fanté, vu qu'elle eft environnée d'un air plus pur, 8c qu'elle eft mieux défendue de toutes les humidités malfaifantes qui vont fe perdre dans 1'enfoncement. Les chateaux de plaifance 8c les maifons de campagne des poffeffeurs de terres femblent encore devoir ètre placées fur des élévations par des raifons particulieres. Non feulement 1'idée de grandeur 8c de majefté en acquiert une efpece de renfort, mais c'eft encore un fpeélacle agréable que celui qui s'offre quand on parcourt des yeux une partie de fon domaine & qu'on appercjoit les travaux aétifs de fes heureux fujets. Dans les fiecles barbares du pillage Sc des guerres on batiffoit les antiques chateaux fur la cime des montagnes 8c des roes, moins k caufe de la vue, qu'a caufe que cette fituation étoit plus forte. Cependant aujourcl'hui même, en voyant k travers les nuages des murs crevaffés Sc les ruines fufpendues de tours écroulées, nous ne confidérons pas leur affiette fans étonnement 8c fans admiration. Et fi 1'on vouloit actuellement par imitation, placer de ces anciens chateaux montagnards dans des pares d'une trés - grande étendue, il faudroit fans contredit tourner d'abord fon attention vers un fite hardi 8c en quelque faqon fauvage. Dans un canton ou regnent la férocité 8c Ia terreur, un édifice d'une architeéture grecque feroit trop élégant. Un chateau gothique k maffes fortes, lourdes 8c informes, k tours Sc k murs ou le temps 8c les ouragans ont laiffé des marqués de leur fureur, y conviendroit fans doute bien mieux. Des maifons de campagne placées fur une éminence médiocre, gagnent encore en attraits quand 1'éminence eft au bord d'une belle riviere, d'un lac, ou d'une baie formée par la mer. Alors elles acquierent non feulement des lointains pleins de mouvement, mais elles font encore une des x  & des Maifont de campagne. 13 des plus belles parties du tableau qu'offre le payfage. On a fur-tout fait un bon ufage de ces fites en Suede & en Suiffe. II n'eft peut-être aujourd'hui aucun pays en Europe 011 1'on s'occupe autant a batir de nouvelles maifons de campagne, que dans le territoire de la riche Geneve & fur le rivage de fon lac enchanteur. L'imagination même peut a peine fe figurer une contrée, oü foient raffemblées, dans une fi petite étendue & dans une plus belle fituation au bord du lac, autant de maifons de campagne magnifiques 8c élégantes. Cependant 1'on continue encore a batir dans ce canton 8c a le décorer a 1'envi avec une fomptuofité prodigue & un gout délicat qui ravit I'étranger, tandis qu'a plufieurs lieues alentour de Berne, république qui après Geneve eft le fiege du luxe en Suiffe, on n*a pas conftruit une nouvelle maifon de campagne depuis vingtans, 8c que 1'on s'y contente des jolis petits batiments propres 8t commodes élevés pour la plupart par des peres modérés dans des jardins pleins de raifins 8c dt fruits. 3- La propreté, 1'ordre 8c Ie' gout doivent principalement dominer "autour des chateaux de plaifance 8c des maifons de campagne, 8c y préfenter un fpeétacle oü l'art, dépouillé de toute apparence de contrainte 8c de toute babiole inutile, étale autant d'aifance que d'agrément. Comme la place adjacente eft une partie du terrein qu'occupe 1'édifice, Ia régularité peut B 3 encore  Première Seffiion. Des Chdteaux de plaifance encore s'étendre jusques-la; cette place peut être réglëefurla figurede la maifon, avoir des cótés parfaitement égaux, & s'étendre en ligne droite vers la porte ou Pavenue. Un défaut total de régularité y fembleroit étrange; car un batiment eft un objet d'affez grande importance pour porter Pinfluence de fa fymmétrie jusques fur les parties qui le touchent, 8c qui font encore hors de Pempire de Part des jardins. La fculpture même, appellée par Parchitefture a 1'aider dans la décoration du dedans 8c du dehors de Pédifice, peut s'offrir fur les places qui environnent des chateaux de plaifance, des maifons de campagne magnifiques et nobles. Elle peut les orner de ftatues, de vafes a fleurs, 8c d'autres ouvrages convenables, 8c prolonger cette décoration tant que la liaifon de la place 8c du batiment eft fenfible. Elle peut même fe perdre en répandant quelques morceaux ifolés jusques vers le lieu oü commence Ie jardin, 8c oü la nature, aux ceu.vres de laquelle Part ne doit jamais fe hafarder, commence a étaler fes feenes fans régularité. En Angleterre au fortir d'un palais plein de marbre, detableaux, 8c de dorures, on paffe fouvent tout-a-coup dans un canton fauvage. Ce paffage de toute Ia pompe de Part a la fimplicité négligée de la nature eft trop brusque. L'intervalle qui eft entre ces deux extrémités, devroit ètre rendu moins fenfible par des nuances réciproques 8s ménagées de gradation en gradation. II eft plus conforme a Ia fuite de nos idéés de nous égarer peu a peu dans I'agréable défordre qu'offre la nature, a laquelle Part cede fucceffivement la place. On avoit coutume d'enrichir les avant-places des maifons de campagne, d'orangers 8c de jets d'eau. Ces deux objets contribuent fans doute a 1'agrément 8c a Ia fraicheur; 8c des jets d'eau, pourvu qu'ils ne foient pas rendus difformes par les décorations ordinaires, difparates 8c peu convenables, pourront toujours, en qualité d'ouvrages de Part, êtreplacés prés d'un édifice. Peut-ètre cependant Pufage ci-devant trop général de ces fortes d'ornements, eft - il caufe qu'on s'en foucie moins aujourd'hui. Dans les pays chauds, oü les jets d'eau ontpris naiffance, 8c oü on les trouve encore en foule, fur-tout en Italië 8c en Efpagne, ils font une efpece de befoin inconnu aux pays feptentrionaux. ,. • . Les  £ƒ des Maifons de campagne. 1$ Les places fituées immédiatement devant les chateaux de plaifance & les maifons de campagne, doivent auffi peu être mafquées par des haies & des allées que par des batiments, quelqu'ordinaire qu'il foit de les voir emprifonnées par des obftacles pareils, fur-tout par des arbres élevés & touffus. Ces arbres, qui non feulement rendent 1'air moite, mais qui portent encore dans le Mtiment les infecles qu'ils nourriffent, enlevent deplus au payfage un de fes principaux agréments, la liberté de la vue. On a introduit nombre" de ces efpeces d'enclos en Hollande & en Allemagne, & on les y a fupportés trop long-temps pour qu'ils méritent encore de 1'indulgence. 4- Le but que 1-on fe propofe dans les chateaux de plaifance 8c les maifons de campagne, & qui eft d'y jouir fans trouble d'un paifible agrément, prefcrit de ne placer dans leurs environs que des objets qui préfentent un afpeét riant, 8c d'en écarter tous ceux qui font fufceptibles d'occafionner une impreffion désagréable. D'après cette regie celui qui batit une belle maifon de campagne, ne 1'entourera pas immédiatement d*une quantité d'édifices confacrés a 1'économie rurale, comme granges, étables, ckautres, qui le priveroient de la liberté de la vue, 8c d'un air pur. Quoique une coutume presque générale ait introduit 1'ufage contraire dans plufieurs provinces dAllemagne, il eft cependant oppofé a ce qu'exigent notre ima- gination  !g Première Seblion. Bes Chdteaux de plaifance gination 8c Ie bon gout. Nous inférons ici cette remarque, non' dans la vue d'exiger ce qu'on n'exécuteroit pas, le déplacement des batiments déja faits 8c deftinés a 1'économie rurale, 8c encore moins par un mépris injufte pour cette économie, mais uniquement dans la vue de donner un avertiffement utile a ceux qui pourroient conftruire a 1'avenir des maifons de campagne. On fait que nombre de chateaux font diftribués d'une faqon fi finguliere, que les granges 8c les écuries, fituées droit devant 1'habitation, ou du moins immédiatement a cóté, occafionnent, outre plufieurs inconvenients, de la malpropreté 8c des impreffions désagréables; enforte que fouvent le féjour d'une rue fale 8c étroite de la ville feroit plus fupportable que celui d'un pareil endroit, fans méme parler de ce que 1'afpeéldela plus belle maifon de campagne perd a une enceinte 8c a un voiünage de cette efpece. Un architede intelligent n'aura pas beaucoup de peine a. trouver une place propre aux édifices économiques, 8c qui foit a une diftance convenable du corps de Iogis. Rien n'efi plus mal-féant 8c ne fait un plus mauvais effet a l'ceil autour d'une maifon de campagne, que des environs déferts 8c fauvages, qui montrent par-tout des traces d'une culture nëgligée, 8c des chemins mal reparés 8c fales, qui, outre leur danger 8c leurs incommodités, réveillent encore des idéés désagréables 8c dégoütantes. II eft nombre de belles maifons de campagne qui, par les difficultés du chemin au travers duquel on eft obligé de fe faire jour jusqu'a elles, ne gatent pas peu Ie plaifir qu'elles donnent. Cet objet n'eft cependant pas une bagatelle,, vu fon infiuence publique 8c multipliée; 8c fi tous les poffeffeurs de terre d'une province vouloient pendant quelques années de fuite réunir leur zele 8c porter leur attention fur cet article, qui regarde en partie leur propre honneur, plufieurs cantons pourroient voir effeétuer des améliorations qu'on s'eft borné a fouhaiter jusqu'ici. Suppofé même que Ton ne voulüt pas porter en ligne de compte 1'embelliffement qui en réfulteroit pour le pays, toujours Putilité étendue de cet arrangement devroit le favorifer. Ne conviendroit - il pas que la route voifine d'un chateau feigneurial, fediftinguat d'un grand chemin ordinaire, 8c que par fa plus grande commo-  & des Maifons de campagne. 17 commodité, fon agrément 8c fa beauté elle réveillat une idee préliminaire 8c avantageufe du caraclere de 1'habitation voifine 8c de la dignité de fon poffeffeur ? Cette route peut s'embellir de nouveaux points de vue en fe coudant qk 8c la fuivant la nature du terrein; 8c la variété des fcenes compenfera la longueur caufée par ces détours. R Dijlr ibution. Les chateaux de plaifance fe diftinguent des maifons de campagne par plus de grandeur, de dignité 8c de magnificence. Les maifons de campagne du premier rang, deftinées k Ia demeure de la haute nobleffe, en approchent le plus; 8c a mefure que le rang 8c Ia richeffe du poffeffeur diminuent, il faut auffi que la grandeur, la dignité, la magnificence fe changent en modération 8c en modeltie. Quoique les chateaux de plaifance foient habités par les Rois 8c les Princes, ils n'exigent pas la même étendue, Ia même majefté 8c la même fomptuofité que les palais des capitales. Ceux - ci font non feulement les habitations conftantes des Souverains 8c de leur familie; ce font de plus des édifices oü le maitre veille k fes grandes occupations, oü il convoque fes Tome III. C con-  ig Première Sttïiun. Des Chdteaux de plaifance confeillers & fes chambres, oü il donne audience aux envoyés des cours étrangeres, oü la nobleffe & les gens en place fe raffemblent, & oü fe donnent les fètes publiques. Un édifice de cette nature doit donc ètre d'une vafte enceinte, & montrer de la grandeur & de la magnificence dans toutes fes parties intérieures. Au dehors il doit porter par-tout 1'empreinte de la dignité & de la majefté, & répandre autour de foi une imprefiion de refpecT: & d'admiration. Mais un chateau de plaifance a une toute autre deftination. Ici le Souverain dépofe, pour ainfi dire, le caraélere public qu'il foutient au milieu de fesfujets; il fe fivre au "repos de la vie privée. Laiffant en arriere une grande partie du tourbillon qui 1'obfédoit, il veut s'abandonner a Ia tendreffe de fa familie, aux douceurs de 1'amitié: il veut fe délaffer dans la folitude, puifer une nouvelle vie dans les joies paifibles de la nature; pour fe fentir heureux en qualité d'homme, il veut oubiier qu'il eft roi. Des demeures deftinées a ces effets, ne doivent pas ètre revêtues du caraclere majeftueux & magnifique des palais: elles doivent cependant conferver toujours un certain air de grandeur & d'élévation. II en elt un peu autrement des maifons de campagne de la nobleffe. Celle- ci eft plus faite pour les champs que pour la ville ; elle habke ordinairement fes terres, a la culture & au bien-être desquelles fa préfence paroit presque indifpenfable: elle trouve ici fon domaine & fa jurisdi&ion; elle y donne audience a fes fujets, & leur adminiltre la juftice. Le fiege de fon pouvoir étant a la campagne, elle peut convenablement y batir avec plus de magnificence que dans la capitale, oü fa grandeur fe perd dans le fafte des cours & des premières charges de 1'état, ou du moins, fa dépendance eft plus fenfible. D'après ces remarques, le caraétere des maifons de campagne de la nobleffe peut confifter en un mélange de dignité & de magnificence portée jusqu'a un certain point. Les maifons de campagne des autres perfonnes de qualité, qui ne poffedent cependant pas une certaine étendue de biens fonds dans Ie districl: desquels fe trouve leur habitation champêtre, doivent être confidé.rées comme des demeures de particuliers, & leur cantétere fe diüinguera .par un air d'élégance & de délicateffe; la grandeur & Ia magnificence ne Jui conviennent point. Les  & des Maifons de campagne. ïq Les maifons de campagne bourgeoifes doivent fe bomer a être décentes ck jolies; 1'éloignement de tout luxe êk de tout éclat, une modération ck une modeftie nobles, en font la beauté caractériftique. La richeffe ne doit pas s'y étaler avecun air affecté de pompe; un goüt agréable doit laremplacer. D'aprèslesdifférences qu'on vient d'indiquer, le caractere convenable aux chateaux de plaifance eft compofé d'une majefté & d'une grandeur mitigées; celui des fieges champètres de la nobleffe eft la dignité réunie a une magnificence modérée; celui des maifons de campagne qui appartiennent k des particuliers de confidération, 1'élégance ck la délicateffe; enfin celui des habitations ruftiques des bourgeois, la décence, l'agrément& la modeftie. II eft de plus un caractere propre & commun aux chateaux de plaifance ck a toutes les maifons de campagne; il confifte en une noble fimplicité, jointe a de la légéreté, de 1'aifance, de la beauté & de la grace. Ce caraclere fe fonde & fur la deltination & fur la fituation de ces édifices. On y cherche la jouiffance libre & tranquille des avantages de la vie champètre ck des attraits de la nature; ck ceux-ci leur fouriant tout alentour, 1'idée qu'on a de la convenance, & le plaifir que caufe un accord harmonieux de toutes les parties, exigent que des demeures en liaifon avec des objets auffi flatteurs ck aufli agréables, ne s'écartent pas trop du caraclere dominant de ces derniers. Une méchante cabane au milieu d'une lande inculte, n'étonne pas; mais une maifon de campagne mal batie au milieu d un riant payfage en détruit 1'effet. Comme les batiments"font d'ordinaire la première impreffion, qui enfuite s'étend fur toute Ia contrée environnante, on devroit être attentif a ce que cette impreffion ne fut ni contradictoire ni trop foible. Ce n'eft que par un accord fenfible du caractere de la maifon avec celui du payfage, qu'on peut obtenir une émotion agréable & renforcée. Car on feroit entrainé a d'étranges égarements, fi 1'on s'avifoit de vouloir faire contrafter 1'édifice avec Ie canton. En projetant une maifon de campagne 1'architeéte doit fur-tout faire attention, non feulement au caraclere général ck propre a ces fortes de batiments, mais encore au caractere particulier qu'il doit donner a fon ouvrage d'aprèsles différences énoncées ci-defius; ck 1'image conftante 6k fidelle C 2 de  20 Première Sectiun. Des Chdteaux de plaifance de ce caraétere doit le guider dans le choix, la deltination, la faqon, la liaifpn, 8c même Ia décoration de toutes les parties internes 8c externes. Les remarques fuivantes pourront aider a porter un jugement fur les principales de ces parties mèmes 8c a les diftribuer convenablement. i. En préfuppofant tout ce qui eft néceffaire a une habitation 8c tout ce qui appartient a la commodité de fa diftribution, chofes qui varient extrêmement fuivant les vues 8c les befoins du propriétaire, il faut d'abord, quant a 1'ordonnance même du batiment, 8c en tant qu'elle elt foumife aux regies du goüt, faire attention a la forme. Plus elle eft fimple, 8c moins par conféquent elle partage Pattention, plus elle eft avantageufe. Nous trouvons plus de plaifir a confidérer un quarré, qu'un hexagone ou unoétogone; la régularité, qui eft Ia même dans toutes ces hgures, ne fauroit caufer cette diverfité d'effet; elle ne . vient que de la plus grande fimplicité du quarré. Toute figure qui partage trop Pattention entre fes cötés 8c fes angles, fait moins d'effet qu'une aurre dont la fimplicité produit une impreffion non divifée. Aucune propriété n'appartient plus a la beauté de Parchiteéture que celle-ci; cet art perd dès qu'il paffe a des formes lourdes 8c embaraffées. La maffe totale d'un édijfice  & des Maifons de campagne. . 21 éclifice doit donc préfenter une figure unique, non divifée 8c complette, qui faffe un effet agréable a l'ceil. On ne peut choifir d'autre forme pour les batiments que la reétangulaire 8c la ronde. La figure la plus miférable quant k fon effet fur la vue, c'eft le triangle. Le rond fait, fans contredit, une impreffion trés - fatisfaifante, paree qu'il décrit une circonférence continue 8c fans aucun angle. II paroit convenir fur - tout k de petits édifices, dont le circuit n'eit pas affez grand pour que l'ceil ne puiffe pas le faifir commodément tout k la fois; cependant les temples antiques, qui étoient de moyenne grandeur, avoient quelquefois cette forme. Le rectangle eft plus commode pour la diftribution intérieure; il a encore, ainfi qu'on 1'a déja remarqué, une fimplicité prééminente, moyen- nant laquelle l'ceil peut avec facilité obferver 1'accord des cótés extérieurs 8c lés proportions des lignes. Un quarré long, qui rend le batiment trois ou davantage de fois plus large que profond, n'a ni la régularité ni 1'uniformité de parties du quarré; on le prend pour un quarré manqué; 8c les parties des dehors font trop écartées 1'une de 1'autre. Une longueur trop étendue détruit encore 1'air de grandeur de 1'édifice. Un feul quarré fuffira pour une maifon de campagne élégante ou jolie. Quant k celles qui demandent plus de place & de grandeur, on peut en compofer 1'enfemble de plufieurs quarrés, foit que fuivant Tanden goüt italien, on place autour du corps de logis trois ailes qui achevent le quarré, foit que d'après le changement favorable des architeétes francjois, on omette 1'aile oppofée au corps de logis. La première de ces ordonnances a beaucoup de majefté, fur-tout lorsque le batiment efta plufieurs étages; mais elle offre en même temps un afpecl; fombre 8c folemnel, qui convient mieux k la refpe&able. gravité d'un couvent qu'a la riante liberté d'un chateaude plaifance, 8c d'autant plus. que la vue eft bornée ala cour intérieure. L'ordonnance franqoife s'accorde mieux avec le caraétere d'un chateau de plaifance ou d'une maifon de campagne dans le ftyle majeftueux 8c noble. A 1'entrée elle fe préfente k l'ceil avec une certaine pompe 8c une certaine dignité, 8c offre de tous les trois cótés, principalement du corps de logis 8c C 3 des  22. Première Seïïiön. Des Chdteaux de plaifance des bouts des deux ailes, la vue de 1'avant - place. Mais il ne faut pas que rentree foit offufquée par un mur élevé j elle peut refter entiérement ouverte, ou fi 1'on veut la fermer, il faut la garnir d'un treillage léger 8c de bon gout. Cependant aucune diftribution ne paroit mieux s'accorder avec 1'aifance, la beauté 8c 1'agrément d'un chateau de plaifance 8c d'une maifon de campagne, que celle oü 1'on donne au corps de logis deux ailes en ligne droite: alors 1'édifice avec toute fa faqade fe préfente dés 1'avenue a l'ceil en entier 8c completement; il montre tout a la fois la proportion de fes parties, la perfeftion de fa fymmétrie, 8c la beauté de fes dehors; il attire 8c occupeles regards de loin, 8c annonce la liberté 8c la gaieté; enfin il offre au propriétaire une vue également libre tant depuis le corps de logis quedepuis les ailes. Celles-ci peuvent ètre un peu plus baffes que celui-la, pourvuqu'elles lui foient bienproportionnées, 8c qu'elles foient elles - mêmes d'une longueur convenable, enforte que la faqade entiere ne foit pas trop allongée. 2. Plu-  & des Maifons de campagne. 23 2. Plufieurs étages ne font pas indifpenfablement néceffaires a la magnificence d'un batiment comme on Pa cru quelquefois. Un édifice peut avoir trois & plus d'étages fans gagner de ce cóté; tandis qu'un autre qui n'aque le plein-pied peut être d'une apparence trés-grande & très-magnifique, ainfi que le prouvent nombre d'exemples. Lorsque le batiment eft fur une hauteur, fes appartements inférieurs même peuvent faire jouir d'une vue agréable. Lorsque la néceffité ou la commodité rendent plufieurs étages recommandables, il faut, pour que Pafpecl de la faqade foit d'un bel effet, en marquer diftinclement les divifions par des bandes & des corniches, a moins qu'il n'y ait des colonnes ou des pilaftres. La belle apparence d'un batiment dépend fur-tout de la diftribution des facades: elles doivent non feulement ètre Pouvrage de la régularité, du bon ordre & de la fymmétrie, mais encore ètre revètues du caraétere général des chateaux de plaifance & des maifons de campagne, c'eft a dire de fimplicité, de légereté, d'aifance, de beauté & de grace. Suivant les différents caracteres des édifices mèmes, les facjades doivent exciter des fentiments particuliers de majefté, de magnificence, de dignité, d'élégance, de délicateffe, de décence, & de modeftie. La facade doit principalement être analogue au cara&ere du batiment, paree qu'elle tombe d'abord fous les yeux, & paree qu'elle doit annoncer la deftination de 1 'édifice. Elle doit ètre d'une fimplicité noble, k laquelle on peut toujours allier la magnificence, & ne point diftraire par une grande variété & par une déchiqueture de parties ifolées; ne point étaler d'ornements fuperfius qui cachent les parties principales, ni des acceffoires qui détournent l'ceil de la conlidération de Penfemble, ni même de partie principale affez richement décoréepour produire cet effet; ne point préfenter une multituded'angles ou de pointes faillantes qui effacent toute impreffion de grandeur & de magnificence, & détruifent d'une maniere fenfible 1'effet de Penfemble. Une égalité parfaite de parties, dont aucune ne fe diftingue, offre un afpe& maigre: les parties principales fe diftingueront donc par  2^ Premiere StU'tan. De! Chdteaux de plaifance par une beauté particuliere, afin dattirer l'ceil, fans cependant le détourtier entiérement des autres parties qui concourrent a 1'effet de Penfemble. L'entrée principale fera fur-tout magnifique & élégante: elle fera droit au milieu, d'oü la vue va parcourrir les autres parties ck fe délecler a leur accord & a leur fymmétrie. Outre leur néceffité les fenêtres font encore des moyens d'embellir les facades qui fans cela feroient nues, fur-tout lorsqu'elles ne font pas décorées de colonnes & de pilaftres. La quantité des fenêtres dépend également de la commodité intérieure de 1'édifice, & de la décoration des dehors: font-elles en trop petit nombre, ceux - ci font vuides & triftes. D'un autre cóté la multitude des fenêtres partage les dehors en de trop petites parties, diminue par la même Pidée de folidité indifpenfable pour que le batiment faffe un bon effet, & atténue 1'impreffion de grandeöT & de fimplicité qui caufe a 1'ame une émotion fi agréable. La grandeur des fenêtres doit avoir a 1'enfemble de 1'étage oü elles fe trouvent, un rapport qui réjouiffe l'ceil. Les fenêtres font le meilleur effet lorsque leur largeur eft la moitié de leur hauteur. La figure quadrangulaire a ici 1'avantage fur la circulaire ck fur les arcs de cercle, qui font, avec les lignes horifontales ck verticales de la facade, un contrafte auffi fingulier qu'une porte ronde entre des fenêtres quarrées, & caufent en même temps nombre d'angles qu'on s'efforce enfuite envain de mafquer. Les frontons des fenêtres, quoique très-ufités, font un ornement fuperflu ck trés-peu convenable a la fimplicité d'une facjade. Les ailes que 1'on ajoute aux deux cótés du corps de logis, peuvent auffi contribuer beaucoup a Pembelliffement de toute la facade. Elles font, pour ainfi dire, des continuationsdela maffe principale; elles doivent donc conferver le rapport le mieux proportionné avec celle-ci, ck ne pas s'écarter de fon caraclere, quoiqu'elles ne demandent pas précifément la même hauteur, ck admettent moins de décorations. Une jufteffe parfaite de proportions, de fymmétrie, de fimplicité ck d'éfoignement de tout luxe & de toute  & des Maifons de campagne. -. 2 j toute prodigalité", doitfe remarquer dans les ailes d'un batiment, fil'on veut qu'elles concourrent k faire une impreffion de grandeur. Un des moyëns les plus confidérables d'embeliir les dehors d'un batiment, font les ordres de colonne 8c les portiques, qui de larchitecture des anciens ont paffe dans celle des modernes, fur-tout des Italiens. Les colonnes d'abord introduites par Ja néceffité, & enfuite faqonnées infenfiblement par Ie gout comme des objets fufceptibles de beauté, donnent en général aux batiments de la vie, de 1 elégance & de la dignité, 8c offrent de plus dans leurs formes, leurs proportions 8c leurs ornements, un caractere diftinct & déterminé. Les colonnes corinthiennes qui ont un afbeet élevé 8c fvelte, une abondance de décorations, de la variété Sc une magnificence fublime conviendroient le mieux aux palais des fouverains dans les grandes villes, elles femblent trop riches 8c trop faftueufes pour des chateaux de plaifance. Ceux-ci s'accommoderoient peut-être mieux de 1'ordre romain ou compofite, dont la forme eft également belle, fvelte 8c de grande apparence, mais non auffi riche que le corinthien; fa. magnificence eft plus modérée. Les maifons de campagne du fiyle noble paroiffoient s'approprier avec raifon 1'ordre ïonique, qui tient le milieu Tornt HL D entre  a§ Première Settion. Des Chdteaux de plaifance entre la gravité du dorique & la beauté fublime du corinthien; car 1'ordre ïonique réunit a Ia fimplicité une modefte élégance, & un agrément délicat; fa forme plait fans éblouir, & flatte l'ceil par fon doux attrait. On peut même le mettre avantageufement en oeuvre dans des chateaux de plaifance a plufieurs étages, en le placant au fecond par deffus le dorique, qui convient au raiz de chauffée par fa force 8c fa grande fimplicité, 8c cette réunion fournit k Ia vue 1'occafion de faire une comparaifon agréable entre i'aménité plus vive du premier, 8c Pafpeci plus grave du fecond. Les portiques, que les Grecs & les Romains pratiquoient fi volon-; tiers, tant pour Ia commodité que pour 1'agrément, autour de la plupart de leurs édifices fomptueux, peuvent ètre confidérés 8c comme parties ajoutées aux cótés du corps de logis, 8c comme des batiments détachés 8c formant en eux -mêmes un enfemble. Nous les confidérons ici fous le premier point de vue. Les portiques ne fourniffent pas feulement une promenade k 1'abri de la pluie 8c du foleil, 8c des fiegestgréables pour les inftants du repos, ils donnent encore aux batiments un afpeét riant 8c magnifique. Ils permettent auffi au deffus d'eux des galeries découvertes, qui préfentent de nouvelles promenades, 8c une vue lointaine plus étendue. Ils conviennent fur-tout aux chateaux de plaifance 8c aux maifons de campagne du ftyle magnifique & noble, mais ils font trop faftueux pour les maifons de campagne d'une efpece-inférieure. On peut animer les entre - colonnes par des ftatues, 8c les murs par des peintures. On trouve de ces beaux portiques a quelques maifons de campagne italiennes, particuliérement parmi celles qu'a baties Palladio. Leur ufage eft rare aujourd'hui même en Italië, 8c il n'eft guere encore introduit dans les autres pays: il eft vrai qu'ils font principalement convenables aux climats chauds dans lesquels ils ont pris naiffance. Cependant puisqu'ils contribuent fi fort a la magnificence des batiments, 8c qu'ils offrent par-tout en étéun ufage commode 8c agréable, il feroit k fouhaiter qu'on en trouvat un plus grand nombre fur-tout auprès des chateaux de plaifance 8c des maifons  ö1 des Maifons de campagne. maifons de campagne du ftyle noble, édifices auxquels ils font fi bien affortis. 3- Le toit eft a Ia vérité une couverture qui ne contribue en rien a Ia beauté de Pédifice, mais il eft néceffaire, & il faut le faconner de fon mieux afin qu'il ne nuife pas k la bonne apparence du batiment. Plus un toit eft plat & peu élevé, plus il eft préférable. Un toit fimple eft le plus conforme aux maifons de campagne. Le toit brifé, ou Ia maufarde, eft commode pour les grandes maifons de campagne, k caufe des vaftes greniers qu'il procure, mais il donne un afpeét un peu lourd, fanscompter que placer la demeure des domeftiques, a laquelle eft d'or- ^ 2 dinaire  ■2$ Première Secïion. Des Chdteaux We plaifance dinaire deftiné le galetas, au deffus des chambres des maitres, c'eft caufer fouvent du désagrément 8c même commettre une efpece d'indécence. Les plus beaux toits font les coupoles, qui appartiennent aux batiments ronds. Elles offrent un coup d'ceil fuperbe de loin, 8c 1'on feroit presque tenté de les recommander par cette feule raifon, fi les batiments ronds n'avoient pas d'ailleurs, a caufe de leur figure, tant de beautés. Lorsque Ia hauteur de la coupole furpaffe fa Iargeur, elle a la plus belle apparence, car la forme en hémifphere eft trop platte. Les coupoles paroiffent convenir principalement aux maifons de campagne élégantes, qui confiftent en un feul corps de logis fans ailes ou batiments adjacents, 8c qui doivent fe diftinguer par la délicateffe 8c 1'agrément Elles procurent le möyen d'éclairer Ie dedans par le haut, ce qui donne le plus beau jour, 8: font intérieurement un effet fuperbe lorsqu'elles font décorées de fculptures 8c de plafonds peints. Quelquefois auffi on peut pratiquer fur les maifons de campagne un comble a terraffe ou tronqué, avec une galerie découverte au deffus des poutres qui terminent a proprement parler 1'édifice, 8c rendent inutile un toit rehauffé. On entourera la galerie d'une baluftrade également folide 8c élégante. D'ici 1'on découvre en liberté les lointains, 8c on y refpire pendant la foirée une fraicheur agréable; c'eft pourquoi cette maniere de batir convient Ie mieux aux maifons de campagne 8c aux édifices champêtres, 8c eft très-eftimée dans les pays chauds, oü d'ailleurs il pleut rarement. Les tours ne femblent gueres compatibles avec Ia liberté 8c 1'agrément qui doivent caractérifer les chateaux de plaifance 8c les maifons de campagne, paree qu'elles donnent presque toujours au batiment un air maffif ou du moins pefant. Elles rappellent d'ailleurs le fouvenir de ces fiecles  i' & des Maifons 'de campagne. 29 • fiecles barbares, oü elles étoient tantót des forterefies, tantót des magafins de pillage, & tantót les prifons des plus foibles. III. Décoration. I. Les décorations qu'on joint aux parties effentielles des chateaux de plaifance & des maifons de campagne, pour en rehauffer 1'agrément, n'y font pas plus indifférentes que dans tout autre ouvrage des beaux arts. D'abord il faut qu'elles ne confiftent pas en faux - brillants qui ne font qu'éblouir la vue; qu'elles n'offrent ni luxe ni extravagance. II faut qu'elles conviennent en général aux batiments; qu'elles femblent naitre de la nature même de la diftribution; qu'elles foient fufceptibles de renforcer 1'effet de chaque partie effentielle k laquelle on les ajoute, & de la rendre plus agréable k l'ceil. II faut qu'elles foient ménagées avec jugement & avec économie, afin de ne préjudicier en rien k 1'impreffion que doivent faire les parties effentielles; qu'elles ne couvrent point la forme; qu'elles he nuifent point k la fimplicité, a la paifible magnificence des parties principales. II faut qu'elles foient conformes, tant au rang & aux richeffes du D 3 proprié-  30 Première Seclion, Des Chdteaux de plaifance propriétaire, qu'au caraaere d'une habitation champètre; qu'elles aien« une fignification, une relation qui s'y rapportent. Enfin il faut qu'elles s'accordent avec le caractere particulier de 1'édifice; car une petite maifon de campagne élégante & joÜe ne fupporle pas la magnificence & la richeffe d'ornements, que les chateaux de plaifance & les maifons de campagne de k première claffe femblent être en droit d'exiger. Principes fondamentaux fuffifants pour guider 1'arüfte dans la décoration, ou plutót pour 1'empècher de s'égarer. Vu qu'en dècorant une maifon de campagne il faut auffi avoir egard aux facultés du propriétaire, on le laiffera décider du plus ou moins de richeffe & de magnificence, ainfi que de toute Ia diftribution, afin qu'elle lui foit de 1'ufage le plus commode. On remarquera ici qu'en fait de décorations on a coutume depécher bien plus du cóté du fuperflu que de. celui de la difette, & qu'il eft toujours plus fur de faire ici trop peu que trop. Les chateaux de plaifance & les maifons de campagne ne doivent en général pas étaler la fomptuofité & les richeffes de décoration que leurs habitants ont coutume de déployer dans les palais des villes; ces édifices doivent fe rapprocher davantage de la fimplicité attrayante de la nature, & de la médiocrité fans parure de la vie champètre. De même que la forme & 1'ordonnance des dehors doivent annoncer aufpedateur qui s'approche, le caraétere déterminé des maifons de campagne, de même il faut qu'a fon entrée Ü voie ce même caraclere répandu Lr-tout fur Ia diftribution & la décoration intérieures. Chaque partie doit offrir la décoration, qui non feulement lui appartient fuivant les regies générales de la convenance, mais encore qu'elle exige, pour ainfi dire, comme lui étant propre d'après le caraétere particulier de 1'habitation champètre. L'impreffion agréable que caufent le choix heureux des décorations & la plus parfaite harmonie, peut encore ètre augmentée par 1'attrait de Ia variété: car une falie a manger exige une autre décoration qu'une chambre a coucher ou un cabinet d'étude; & les décorations mèmes font différentes, tant par leur matiere, que par la maniere St l'art de les mettre en ceuvre.  & des Maifons de campagne. 31 Les' décorations font en parties intérieures, dans les veftibules, les falies, 8c les appartements; en partie extérieures 8c appartenant au dehors du batiment. Qu'elles confiftent en tableaux, en feuillages, en bas-reliëfs, en vafes, en ftatues 8cc, toujours elles doivent avoir un air champètre, 8c rappeller la liberté, 1'agrément 8c la gaieté qui regnent a la campagne 8c dans les jardins. 3. Ainfi que des tableaux de dévotion, 8c ceux qui retracent des acles illuftres de courage 8c d'humanité, font le propre, les premiers des églifes, les feconds des palais royaux, de même les tableaux en payfages peuvent prétendre a la première place dans les maifons deschamps, fans exclure pour-  32 Première Setïïon. Des Chdteaux de plaifance pourtant les portraits ni les morceaux qui tiennent a la vie civile, a I'hiftoire ou a 1'allegorie. La nature riche & variée, encore que nous 1'ayions journellement fous lesyeux, ne raffaffie pas au point de ne plus nous plaire dans une heureufe imitation. L'art créateur du payfagifte fait enchanter 1'imaginaüon par mille nou velles images, qu'elle faifit avec plaifir paree qu'elle aime a fe renouveller ainfi un riant fpectacle. Dans des apparte-* ments enrichis de beaux tableaux en payfages, tout refpire autour de nous 1'air aimable de la campagne. En paffant dans Phabitation nous n'avons acraindre aucune impreffion contradictoire, aucun objet déplaifant; mais nous trouvons un accord fiatteur entre la maifon & le payfage, qui relte toujours en poffeffion de nous plaire a caufe de fa variété. Nous jouiffons de nouveau du point du jour avec Lucas d'Uden, dufoleil couchantavec Both ou Gillée. Nous parcourrons les cóteaux 8c les bois avec les Nymphes dePolemburg, ou, fur les pas deDiane nous nous gliffons fous defraix ombrages vers un bain. Tantót Teniers nous fait affifter a une joyeufe fète de village, tantót nous confidérons les moiffons, les vendanges, les promenades fur Peau, & les chaffes de Paul Brill. Tantót Sachleven nous mene fur des montagnes auxquelles fuccedent les plus beaux vallons, tantót les troupeaux du Berchem nous égayent en s'offrant a nous paiffant fur les hauteurs. Puis Ruisdaei nous arrache aux fcenes touchantes de la nature pour nous entrainer vers des cafcades écumantes; mais Guillaume van der Velde nous tranquillife de nouveau par des eaux paifibles, dans lesquelles fe mirent le doux azur des cieux 8c le rivage gazonné. L'innocence, le contentement, les jeux, les mceurs de 1'Arcadie feretracent k nous dans ces tableaux, 8c réunis aux attraits de la nature, nous invitent a éprouver les plus doux fentiments. II eft presque impoffible de fe dérober a une émotion touchante, lorsqu'on apperqoit les joies de 1'innocence m heureufe: 8c peut - être même le citadin diftrait qui vient leur rendre rapidement une courte vifite, en voyant les fcenes pafiorales de Dietrich ne pourra s'empècher de foupirer avec le poé'te: O toi qu'on voit régner dans ces bosquets tranquilles, Solitude! faut. il qu'un deftin rigoureux M'ert*  & des Maifons de campagne. " 33 M'encliaine pour toujours au tumulte des villes? / Avec ce patre ici je pourröis être heureux. *) Les tableaux dont nous venons de parler ne convienflent qu'aux murs deschambres, oü l'ceil peut auffi les confidérerpluscommodément; i!s peuvent occuper une place dans toutes les habitations champètres. Dans les chateaux de plaifance & dans les maifons de campagne du genre noble, les plafonds des falies & des appartements peuvent de plus ètre embellis par des peintures, mais qui doivent repréfenter d'autres fujets; des fujets allégoriques ou mythologiques, dont la fcene eft au ciel ou dans 1'air. Les changements des faifons & des parties du jour, les fpectacles naturels qu'offrent les nuages, les hiftoires mythologiques & les êtres allégoriques qui fe rapportent aux phénomenes qu'on obferve dans 1'air, font bien places ici. Mais que 1'on fe garde de faire peindre aux plafonds, des fleurs, des monftrcs marins, des jets d'eaux & d'autres objets, qui dans un pareil lieu font contradictoires & abfurdes, quoiqu'on en trouve plufieurs exernples mème dans des palais. *) Imité de PAUemand de Zacharie. Tomé IIT. E 3. Les  34. Première Section. Des Chdteaux de plaifance 3- Les feuillages & les guirlandes de fleurs font des ornements tresconvenables aux murs des chambres 8c aux murs extérieurs des maifons de campagne; ils le font moins pour les maifons de la ville, ou plutot on nevroit ici les troquer contre d'autres décorations. Le choix des arbres, des fruits 8c des fleurs qu'on imite, ne doit contredire ni la nature du climat, ni celle du fol. Quoiqu'on en trouve quantité, cependant les vafes font des ornements peu fignificatifs. Ils plaifent fans doute par Ia beauté 8c la fimplicité de leur forme; mais ils n'ont presque aucun ufage déterminé, 8c objets frivoles ils ne fervent qu'a remplir une place vuide. L'art feroit-il donc pauvre au point de n'avoir a leur fubftituer dans les chambres 8c les avantplaces, rien qui prëfentat plus de convenance & de variété? Én qualité d'ouvrages de la fculpture, appellée par l'architeéture pour I'aider a s'embellir, les ftatues font des décorations trés-conformes a des chateaux de plaifance 8c k des maifons de campagne. Elles peuvent augmenter confidérablement 1'impreffion de beauté & d'agrément que fait 1'enfemble, ck elles doivent non feulement être parfaites comme ouvrages de l'art, mais avoir de plus la faculté de réveiller des idéés ck des fentiments champêtres. Que font donc les Itatues de Jupiter, de Mars, d'Hercule dans des lieux oü nous cherchons celles de la Déeffe de la Paix, de • Cérès, de Bacchus, de Pomone, de Flore? Les charmes des Graces ck des Amours, les repréfentations allégoriques des différentes parties de 1'année & du jour, plaifent encore ici a 1'imagination. De grands fervices rendus aux arts bienfaifants de 1'agriculture ck du jardinage, ou k I'efprit humain en le recréant par la poéfie 8c la peinture paftorales, peuvent, devenus vifibles dans des ftatues élevées k leur honneur, y répandre leurs influences nobles 8c convenables. La quantité des ftatues dépend du cara&ere de 1'édifice 8c de la condition 8c des richeffes du poffeffeur. Encore ici le trop peu eft préférable au trop. Tant paree que les ftatues font des ornements couteux, qu'afin qu'elles produifent un effet plus affuré 8c plus grand, il faut n'en employer que  & des Maifons de campagne. 35 que trés-peu. Les maifons de campagne de Ia claffe moyenne peuvent très-bien s'en paffer, & celles qui font du ftyle joli & modefte, paroiffent n'en point fupporter du tout. Sans doute c'eft des Italiens que quelques Anglois ont d'abord pris Ia mode de remplir leurs maifons de campagne de ftatues, de bultes, de bas reliëfs, & d'autres ouvrages de fculpture, fur-tout antiques. Quelques maifons de campagne d'Italie reffemblent plutót a une académie qu'a des demeures champètres. On peut cependant excufer dans ce pays cette abondance de ftatues & de buftes, paree que ce font des reftesqui dépofent en faveur des beaux fiecles de la nation, des reliques vénérables qui nous rappellent le génie des grands hommes, qui jadis demeuroient fous ce ciel, dont les cendres repofent dans cette même terre. Peut - être encore qu'ici E 2 ce  Première Stbtion. Des Chdteaux de plaifance ce n'eft pas précifément fous Ie point de vue de décorations propres a une habitation champètre, qu'il faut juger des ouvrages variés de l'art ancien: les maifons de campagne italiennes font, pour ainfi dire, des magafins, oü 1'on peut transporter très-commodément tout ce que 1'on trouve infenfiblement d'antiques. Mais lorsque quelques Bretons ne s'attachent principalement qu'a bien remplir leurs maifons de campagne d'ouvrages antiques, vrais ou fuppofés, qu'ils ramaffent a grands fraix, comme fi ces ornements, fur-tout amoncelés, étoient conformes au caractere d'une demeure champètre, on peut les taxer tout au moins d'outrer les chofes. Les ftatues feront le mieux placées dans les appartements, particuliérement dans les fallons, a 1'entrée 8c dans les avant-places des batiments, paree que Pceilles y peut examiner plus facilement, & paree que nous fommes accoutumés a voir les créatures humaines fur la terre 8c non dans l'air. Par ces deux raifons, elles paroiffent des ornements moins convenables aux toits, a quoi fe joint encore Pincertitude de leur afTermiffement, 8cPidée inquiétante de leur chüte. Toujours des figures humaines placées dans des endroits peu naturels, fur des convexités, des pointes, des pentes fur lesquelles perfonne ne peut fe tenir fans danger de tomber, offrent un afpeét des plus étranges. Nous ne nierons cependant pas que non feulement la coutume nous les fait tolérer fur les toits, mais que mème elles y répandent un certain air de dignité 8c de magnificence: c'eft probablement d'après ce fentiment que nous avons imité en cela les anciens, qui paroiffent d'abord les avoir introduites, non fans Paveu de leurs idéés réligieufes, fur leurs édifices publics, lesquels étoient fous la proteétion de quelque divinité, ou leur étoient confacrés. Difficilement pourroit-on furcharger les toits de ftatues 8c de buftes plus que ne Pont fait dans les temps modernes les architeétes italiens. Veut-on néanmoins conferver ces ornements fur les toits des chateaux de plaifance 8c des maifons de campagne du ftyle noble, il faudra qu'ils n'y foient qu'en très-petit nombre, 8c que ce petit nombre foit non feulement aggrandi en proportion de la hauteur oü il fe trouve placé, mais qu'il repréfente auffi des chofes qui aient . le rapport le plus intime avec la deftlnation du batiment. Les ftatues con- \ viennent  & des Maifons de campagne. 37 viennent le mieux fur un toit en terraffe, tant a caufe qu'elles y ont 1'air de plus folidement placées, que paree qu'elles diminuent 1'uniformité de fa furface. Mais rien n'eft plus ridicule que de placer fur une maifon de campagne, ainfi qu'on le voit fouvent, Jupiter, Mars, Hercule, la Déeffe de !a Victoire & de la Juftice. Toujours cependant des ornements de cette efpece font plus affortis aux palais & aux chateaux de grandes capitales, qu'a des chateaux de plaifance, 011 la majefté dépofe une partie de fon fafte fatiguant, & fe rabaiffe plus au niveau de Fheureufe médiocrité de la vie. Dans 1'intérieur du batiment & a. fon entrée, 1'on fe gardera bien de cacher les ftatues dans des niches, quoique cette étrange coutume foit fort en ufage. Une ftatue ne fauroit faire un meilleur effet que vue k découvert fur un piédeftal: 1'impreffion que doit faire fa beauté demeure imparfaite tant qu'on ne peut en obferver tous les contours. lit pourquoi enterrer dans un mur la moitié d'une belle figure? Pourquoi rendre un édifice difforme par des cavités ? Des pots a fleurs, des écuffons, des figures d'animaux, & d'autres ornements de cette efpece, font fi vifiblement déplacés fur les toits, qu'il eft inutile de perdre un mot k ce fujet; par bonheur cé gout fingulier a déja difparu dans plufieurs endroits. Comme il femble que les toits, furtout les plats, ne peuvent fe paffer abfolument de toute décoration, ce feroit une occupation digne d'un architeéte doué de gout & de jugement réunis k une heureufe imagination, que de déterminer, k la place des ornements ordinaires, de nouveaux ornements, qui fuffent convenables aux batiments en général, & aux différents caraéteres particuliers dont ceux - ci font fufceptibles. E 3  3$ Prem. Se&. Des Chateaux de plaifance & des Maifons de campagne.  39 vent créer une furprife trés-vive. D'ailleurs ne font-ils que des refuges 8c non des objets fufceptibles d'impreffions confidérables, il vaudra presque toujours mieux les mafquer. Même lorsqu'ils font importants ils ne doivent  , moins confidèrables. 53 doivent pas avoir l'air d'ètre plapés la avec un foin pénible, comme s'ils vouloient attirer par force les regards. Lorsque 1'on met plufieurs batiments dans un jardin, ils fe diffingueront par la diverfité de leurs formes & de leurs apparences, 8c éviteront toute fymmétrie 8c toute égalité de pofition entr'eux. Car quoique un édifice, entant qu'ouvrage d'architedTure, exige de la fymmétrie, cependant celle - ci ne peut pas s'étendre jufques fur les emplacements, les diftances 8c les pofitions de plufieurs batiments champêtres, dont chacun formant un enfemble ifolé, eft indépendant des autres 8c domine le canton qui lui eft propre. Enfin, pour Ie bon effet de 1'enfemble, il fera néceffaire d'éviter le mélange bizarre de plufieurs ouvrages étrangers d'architecture, 8c dene pas placer dans une même perfpeétive un obélifque égyptien, un temple grec, un monument romain, une tour gothique, 8c un pavillon chinois; extravagance qui regne dans quelques parcs anglois, 8c qui eft fi frappante qu'on ne peut que s'étonner de la voir tolérée jusqu'a préfenf. Quels effets peut - on fe promettre de ces difpofitions pleines d'étalage, de ces ouvrages enfantés par la manie déréglée de 1'imitation, dans un lieu oü la nature déploie fes attraits avec une noble modeftie ? Ces efforts faits pour réunir dans un feul emplacement tant d'efpeces tranchantes d'architeéture, s'accordent - ils avec la fimplicité des jardins ? Et quelle confufion de temps 8c de lieux, confufion qui fait évanouir presque toutes les impreffions des fcenes préfentes de la nature! On eft frappé d'étonnement au premier afpect d'un affemblage auffi monftrueux, enfanté par une imagination effrénée; ce n'eft que la force de l'habitude 8c des préjugés qui Ie rend fupportable. G3  54 Seconde Settion. Des Sdtimenis champêtres 4. Nous  moins confidérables. 55 Nous avons déja infinué en quelques endroits qu'on peut envifager ïes batiments champêtres comme moyens de caraétérifer les fites naturels; & confidérés fous ce point de vue ils méritent que nous les examinions ■de plus prés. En jetant un coup d'ceil attentif fur les payfages qui font autour de nous, on remarque facilement 1'énergie d'impreffion qu'exercent les édifices fur Ia contrée environnante. Dans une vallée tranquille couronnée de prairies, & que parcourt en ferpentant un petit ruiffeau, nous appercevons d'humbles chaumieres répandues de cóté 8c d'autre, couvertes de mouffe 8c négligemment conftruites; elles femblent une propriété inféparable de ce fite dont elles augmentent la fimplicité 8c 1'heureux abandon. Sur la pente d'une montagne, décorée d'un cóté d'une forêt confidérable, de 1'autre de riches champs de grains 8c de paturages qui fe fuccedent toura-tour, femontrent, au deffus d'une enceinte d'arbres fruitiers, lesfaïtes de quelques maifons champêtres, qui élevëes, vaftes 8célégantes, frappent la vue; outre 1'idée de fertilité que réveille le canton, elles annoncènt le bien-être 8c les commodités de Ia vie. Quelques cabanes au bord d^un lac fitué dans un lieu clos, fauvage 8c inculte, nous font cependant deviner qu'on s'occupe ici de la pêche, 8c jettent par la quelques étincelles de vie dans 1'image de la folitude. Des demeures tombant en ruines 8c dont les murs crevaffés donnent paflage au vent, renforcent encore 1'idée de pauvreté révëillée par dés fables vaftes 8c arides. L'afpect de maifons de campagne privées de leurs toits 8c rendues inhabitables par une grêle ueltruétive, obfcurcit davantage le tableau que nous offrent des champs de blé ravagés. Un payfage floriffant 8c cultivé avec foin, nous fourit plus agréablement, lorsqu'une maifon de campagne d'une architeéture noble 8c riche s'éleve au milieu. Un chateau dévafté 8c fufpendu a la pointe d un roe, 8c dont les murs entr'ouverts ont laiffé tomber dans 1'enfoncement une partie confidérable de leurs maffes, augmentent la terreur qu'infpire le défert d'alentour, oü des roches pelées s'entaffent les unes fur j les  Seconde Setlion. Des Bdtintenls champêtres les autres, 8c retentiffent du bruiflëment du torrent qui s'agite refferré dans des cavernes. Après un long chemin a travers un bois paiüble 8c folitaire, un moulin a eau que nous trouvons a l'improvifte dans un fombre enfortcement, eft fouvent un objet très-capable de repandre de la fraicheur fur la fcene 8c de ranimer Pefprit. Nous fommes bien plus touchés encore, fur-tout au fortir du tumulte des villes 8c des grands chemins,' par Pafpeét: d'une habitation rultique, qui joliment batie dans un vallon imprévu, étale fon paiüble agrément le long d'une petite eau produite par un ruiffeau voiflö| 1'onde claire fe réjouit en renvoyant I'image de la cabane champètre 8c pleine d'attraitsj le feringat 8c la vigne mariés enfemble, s'elevent vers les fenêtres: des arbres fruitiers voifins répandent un aimable demi-jour, & a 1'entrée eft un tilleul qui les domine tous 8c dont 1'ombrage raffraïchiffoit déja nos ayeux; dans la cour différentes efpeces de volailles, qui toutes réunies en paix ne forment qu'une familie, tantót fe cachent tranquillement dans les ombrages, tantót barbottent dansl'eau, tantót volent avec un joyeux tumulte au devant du maitre de la maifon, qui s'avance les mains pleines, 8c le remercient de fes bontés par leurs voix 8c leurs mouvements. Heureux féjour de la paix 8c de la fimplicité, image touchante de 1'innocence feul relte des félicités d'Eden! Qui feroit aflez dépourvu de fenüment, qui s'oublieroit au point de ne pas ètre attiré par tes doux appas, de ne paslaiffer échapper a ton afpeét un foupir plein d'un defir dbuloureüx. Les édifices doivent produire leurs effets dans les jardins tout comme dans le payfage, ne pas y être de fimples objets, mais des objets d'une fignification déterminée. Ils doivent ètre propres non feulement a défijner plus clairement le caraétere des cantons auxquels on les a joints, mais encore a leur donner une nouvelle énergie qui fe répande rapidemenf fur Penfemble. Ils doivent rehaulfer Pagrément, la gaieté, la gravité, la mélancolie des fcenes dont ils font partie, 8c rendre chacun de ces caraéteres plus fenfibles. Une rotonde ouverte, p. e. fituée fur une éminence, augmente Pair aérien d'un petit grouppe d'arbres clairfemés qui en cou-  moins confidérables. ^ couronnent lapente: une chapelle renforce 1'air folemnel, un hermitage 1'air mélancolique, un temple 1'air noble, une chaumiere 1'air champètre propre aux diverfes fcenes. II eft donc d'abord nécefTaire que les batiments s'accordent avec le caraétere du lieu oü ils font. Se peut-il rien de plus abfurde que de placer une maifon bourgeoife dans un pare, un hermitage au milieu d'une piece de gazon vafte & découverte ou a rentree d'une grande allée, un pavillon d'un gout noble dans une lande, une cabane fur une colline décorée d'arbres fuperbes, une tour ou des ruines Ie long d'un ruiffeau rapide dans un parterre riant de fleurs, un cabinet d'étude fur Ie grand chemin, un bain au fommet d'une éminence? Des fautes de cette efpece bleffent fi manifeftement les regies effentielles de la convenance, qu'on ne fauroit les remarquer qu'avec le plus grand déplaifir. Le caraétere de chaque fcene détermine 1'édifice qui lui convient; & de cette détermination réfulte Ia diverfité nécefTaire des batiments. C'eft ainfi qu'un petit monticule aérien, couronné d'arbuftes fleuris, veut, pour augmenter fa gaieté, une maifon de plaifance d'un afpect léger, aifé & agréable; tandis que ladouce mélancolie d'un canton dos & ombrage exige un hermitage qui fe dérobe aux ycux. De plus la grandeur & Ia décoration extérieure de 1'édifice doivent toujours être méfurées fur le caraélere particulier du canton. Trop d'étendue & de richeffe étouffe fouvent 1'impreffion que devroit faire la fcene naturelle; trop peu ne Ia rehauffe pas affez. Car on n'oubtiera jamais qu'il ne faut pas confidérer le batiment & le lieu de fon emplacement comme des parties ifolées & exiftant chacune pour foi, mais qu'ils doivent former enfemble un tout, fe foutenir amicalement par leurs relations réciproques, & renforcer leurs ïmpreffions mutuelles par une liaifon Jiarmonieufe. Et de la vient que même a cet égard 1'enduit extérieur de 1'édifice n'eft pas indifférent. II faut qu'il s'accorde avec Ie caraétere de Ia fcene, qu'il ne lui donne ni trop ni trop peu de Iumiere; qu'il foit animé, quand elle eft riante; doux quand . Tornt III. H elle  5§ Seconde Se&ion. Des Edthnents champêtres elle eft douce; & quand elle tombe dans Ie ténébreux, qu'il s'enveloppe pour ainfi dire de fes ombres. Lorsque les édifices, par leur fite 8c par leur caraclere, caufes uniques de leurs grands effets, s'accordent avec les lieux oü ils font, onnefera pas réduit a recourrir a des ornements rebattus 8c a des acceffoires fuperfius. De ce nombre font fur-tout les fculptares & les peintures qu'on pratique aux murs extérieurs; p. e, des figures qui danfent a ceux d'une maifon de plaifance, des têtes de mort prés d'un hermitage, des fleurs, des oifeaux, des jets d'eau peints, &c. Ce font des fignalements 8c des interprétations vuides de fens, qui n'amufent que les yeux de Penfance, qui ne font néceffaires qu'a des idiot's. L'expreffion de fon caraélere manque-telle a la forme 8c a 1'ordonnance du batiment, toutes les richeffes de ces emblêmes n'y remédieront pas. Et cette expreffion y eft-elle clairement empreinte, a quoi bon cette profufion de commentaires dont on peut fe paffer, 8c d'ornements qui détruifent la fimplicité 8c dont Pimpreffion n'eft pas a beaucoup prés auffi prompte Sc auffi pénétrante que celle du batiment même ? II n'eft pas rare que l'ceil foit offenfé en rencontrant des peintures la oü il fe croit en droit de ne s'attendre qu'au fimple enduit de Ia pierre ou du bois. Encore plus infupportable eft la coutume de dreffer de fimples planches fur lesquelles font peintes des perfpeclives, des cafcades, des fleurs, Sec. coutume qui jusqu'ici n'eft pas entiérement bannie même de quelques jardins anglois. Cette mode dominoit dans I'ancien ftyle a Ia faveur d'une foule d'autres abfurdités. On ne fe rappelle pas fans indignation Pabus que Ie célebre Fontenai, peintre fieurifte, fut obligé de faire de fon art, quand Louis XIV. lui ordonna de peindre en fleurs les bords de plomb qui environnent les étangs dc Marly, 8c de les réparer aneuf tous les ans; Sc lorsque ce même artifte, pour remplir une lacune dans une haie, fut obligé de donner Papparence de feuilles de hêtre a des feuillcs de fer blanc découpé Sc cloué k un treillage de bois. II faut fans contredit un genie créateur 8c inventif pour furpaffer cette faillie. Rëve-  , moins xonfidtrabks. Revenons \ nos batiments. Pour pouvoir produire un effet für & prompt, il faut qu'ils fe lient aux fcenes auxquelles ils appartiennent, & non qu'ils en foient indépendants & s'offrent a la vue comme des objets ifolés. Ils doivent être au milieu du canton, ou du moins être entourés d'une partie confidérable de fon enceinte. Situés dans un coin, ou fur Ie fömmet d'une éminence, ils femblent vouloir, pour ainfi dire, s'éloigner de la fcene, & 1'on eft facilement tenté de les prendre pour des objets qui lui font étrangers. Cependant quelques arbres ou un petit bofquet fuffifent quelquefois pour rapprocher des parties détachées. En mettant de la liaifon entre les édifices & leurs emplacements, il faut fur-tout faire attention a donner aux premiers précifément la fituation qui rend leur effet plus certain & plus fenfible. Car un édifice peut ètre en liaifon avec la fcene, fans occuper le lieu qui lui conviendroit, & qui en rehaufferoit 1'impreffion. Cette regie eft fans doute jufte, mais fon application heureufe dépend dans tous les cas qui fe préfentent, du jugement fain de 1'artifte jardinier. En égard a Penfemble des parcs d'une vaffe étendue qui permettent plufieurs édifices, ceux-ci ont encore Pavantage de faciliter \ l'ceil la distinclion des différents cantons & des différents deffeins particuliers: car fouvent les grouppes, les bofquets, les pieces d'eau, & les gazons dont le tout eft compofé, peuvent être fi rapprochés 1'un dé 1'autre, que la diverfité des fites en devienne peu fenfible. Les batiments font les meilleurs moyens de remédier a cet inconvénient. Ils s'annoncent a l'ceil d'une maniere fi frappante, ils défignent les fites d'une faqon fireconnoiffable, ils impriment des marqués fi diftinétes de leur variété dans la mémoire, qu'on ne peut plus craindre de confondre les différentes parties de la compofition. II ne faut pas cependant attendre des batiments, dans les fcenes ifolées, un plus grand effet qu'ils ne peuvent faire. Ils produifent a la vérité presque toujours la première impreffion, qui enfuite fe répand avec beau- H 2 coup  6o Seconde Seiïion. Des Bdtiments champêtres coup de vivacité; niais il faut que la fcene mème ait un caractere 8e préfente une image qui accompagnent 8c foutiennent amicalement cette impreffion. Les batiments peuvent fans doute renforcer le caractere des fites naturels, mais ils ne peuvent jamais le changer. Un pavillon d'un fiyle noble ne fauroit changer un défert en élyfée. Les édifices fourniffent encore quelques autres avantages moins' confidérables. Ils fervent quelquefois k borner Ia vue, 8c empêchent la distraétion de l'ceil qui doit être contenu dans 1'enceinte intérieure. Souvent ils mafquent des afpects désagréables, p. e. celui d'une plaine nue, d'une fablonniere, d'une tourbiere, de hauteurs pelées, dont l'ceil eft détourné par 1'édifice de la beauté duquel il jouit. Ces effets peuvent en même temps être favorifés par les arbres placés dans le voifinage 8c qui augmentent 1'étendue de cet efpece de voile. Des grouppes d'arbres 8c de buiffons peuvent auffi s'employer au mème ufage, 8c ils content moins k pratiquer. Mais lorsque 1'on peut, fans nuire en rien k fon ufage effentiel, retirer d'un batiment ces mêmes avantages comme autant d'acceffoires, il ne faut pas les néghger, fur-tout vu que leur durée eft plus affurée 8c plus conftante, n'étant pas affujettis aux variations des faifons qui effeuillent les arbres. A tous ces avantages des batiments champêtres, fe joint encore Ia facilité de les mettre en ceuvre. Ils font bien plus au pouvoir des hommes que les cantons, qui doivent être créés par Ia nature, 8c que l'art ne faqonne presque jamais fans beaucoup de peine, 8c fouvent fans fuccès. L'artifte jardinier eft moins borné comme architecte. II peut créer des formes 8c des caracteres, 8c donner le fite 8c la liaifon qu'il lui plak.  moins confidtrubtes. Ci H 3 5.0n  62 Seconde Secïlon. Des Batiments champêtres On' peut encore étendre i'ufage des édifices en les deftinant a fervir de monuments. Alors ils font a peu prés en architeéïure, ce que font en fculpture, les ftatues, les urnes & les autres marqués de fouvenir. Par ce moyen les ouvrages de 1'architeéture acquierent une nouvelle deftination, & s'ennoblifïent en produifant des effets moraux fur 1'ame du fpectateur. Ces ouvrages peuvent être confacrés a la mémoire d'une chofc ou d'une perfonne. Dans ce cas cette chofe, ou cette perfonne, doit non feulement ètre d'un certain poid & d'une certaine importance, mais encore du reffort des idéés 8c des émotions propres aux jardins. C'eft ainfi qu'en Angleterre on a confacré dans le pare de Hagley des batiments a la mémoire de Pope 8c deThompfon; & ces batiments placés dans deslieux que ces poètes aimoient a vifitèr, & oü ils fe Iivröient fouvent a 1'enthoufiafme que leur infpiroit la nature, y font un effet auffi vrai que convenable. . Les images 8c les fentiments réveillés par ces monuments, peuvent être férieux ou enjoués, mélancoliques ou fereins. Une avanture dont le fouvenir caufe une douce rêverie, eft auffi bien placée ici, qu'une autre qui remplit 1'ame de gaieté. Afin de ne pas manquer fon effet, il faut que le batiment foit ïortement caraétérifé par toute fon ordonnance 8c par fa fituation; fa fignificaüon doit non feulement n'étre pas douteufe, il faut de plus qu'elle s'appercöive fans beaucoup de réflexion. Quelque difficile que cela foit, quelque fagacité 8c quelque génie que cela exige, il faut que 1'artifte s'eftbrce d'exprimer par le caraderedu batiment même, cette facfité a indiquer fa fignification. II peut foutenir cette expreffion de caraftere par des emblèmes extérieurs, mais il doit abandonner 1'efpoir de tout exprimer par leur fecqurs, a des efprits vulgaires, qui, incapables d'imprimer k leurs ouvrages un caraélere de vérité & d'harmonie, font dans le cas d'avoir recours a des additions interprêtes de leurs penfées. Quelques temples des anciens n'étoient que des monuments, 8? c'eft enpartiè en cette qualité que les Anglois les ont introduits dans leurs pares. Comme les temples ne font parmi nous que des imitations fans ufage de" ' terminé,  moins confidkables. 63 terminé, mais fe difïinguent cependant par un certain caractere de nobleffe & de gravité, ils femblent être précifément 1'efpece d'édifices Ia plus propre k fervir de monuments. Nous nous en convaincrons en faifant des recherches plus particuliercs aleurfujet. A cette efpece de batiments, expofés en qualité de monuments, appartiennent principalement les maufolées, qui ne doivent pas néceffairement receler des cadavres enterrés. Ils étaleront k 1'extérieur une paifible gravité, & une mélancolie qui ait quelque chofe de folemnelj ils feront de la plus grande fimplicité, & libres de tout ornement qui ne contribueroit en rien k exprimer leur caractere. Quelques emblêmes en petit nombre & bien choifis peuvent auffi produire dans ces batiments un effet très-rapide, comma dans cét exemple. Tt  64 Seconde SeUion. Bes Batiments champêtres moins confdérables. II faut fe garder d'employer des riches colonnades pour les grands monuments; elles leur donnent un air trop magnifique & trop animé. Quelques colonnes placées a 1'entrée fuffiront, & la fimplicité de 1'ordre tofcan paroit ici la plus convenable. Des murs maffifs Sc fans ouverture, une lumiere ménagée avec économie, Ia figure uniforme des dehors, Sc un enduit d'une teinte fombre, ne contribuent pas peu a donner a ces batiments le oaraftere qu'ils doivent avoir. TROI-  65 TROISIEME SECTION. Des Temples, Grottes, Hermitages, ChapeUes Ruines. t T e m p l e s. 1. es temples font dans les jardins d'aujourd'hui les ouvrages de Pimita- tion. II faudra donc voir d'abord, autant qu'il nous fera néceffaire, comment ils étoient dans Pantiquité. Les temples des anciens étoient ou batis en quarré, enforte que leur Iongueur étoit communément le doublé de leur largeur, ou c'étoient des édifices ronds avec une voüte ou coupole. Les temples de Ia première forme étoient fur - tout en ufage parmi les Grecs, quoiqu'on en vit auffi de 1'autre. Les Romains préféroient les temples ronds. Quelquefois 1'allégorie étoit la raifon de cette forme, comme p. e. pour le foleil, dont elle indiquoit la figure circulaire. Les colonnes fur lesquelles repofoient les temples, leur donnoient non feulement de la folidité, mais encore un afpeét noble. Comme une des facjades, quelquefois même plufieurs, étoit munie d'un avant -toit porté par des colonnes, celles-ci étoient indifpenfables. Quelques temples grecs n'avoient qua la faqade un portique couvert d'un avant-toit 5 8e ce portique confifioit tantót en quatre, tantót en fix colonnes. Quelquefois il y avoit encore derrière le temple une entrée avec un portique. D'autres temples étoient entourés de colonnes des quatre cótés j elles foutenoient un avant-toit qui régnoit tout autour de 1'édifice. Pour donner au tout une apparence plus grande, on menoit par fois deux rangs de colonnes autour du temple. Ces portiques étoient tellement chéris des Grecs 8c enfuite des Romains, qu'ils les pratiquoient non feulement a des batiments publics, mais auffi a plufieurs maifons particulieres, 8c cela tant k caufe de leur beauté, Tomé III. I qu'a  66 Troijïeme Seiïion. Des Temples, Grottes, qui caufe de lëur utilitê. Lorsqu'ils étoient couverts, ils'fervoient k fe défendre de la pluie 8c du foleil. Enhyver on fe rechaüffoit dans les portiques expofés au midi. On y trouyoit en général un lieu commode pour Ia oromenade 8c pour délibérer 8c parler d'af&ires, ainfi que pour s'entretenir amicalement. Leur largeur & leur longueur augmentoient non leulement leur commodité mais encore leur beauté. On voyoit fouvent iur leur entablement des ftatues qui décoroient auffi leurs entrecolonnements, tandis que des tableaux en animoient les murs. Les colonnades firent de bonne heure une grande partie de la beauté des temples grecs. ^ L'ufage des divers ordres des colonnes n'étoit pas indifferent. Au commencement on choifit 1'ordre dorique, k caufe de la grande fimplicité & de la paifible gravité qui lui font propres, 8e qui, fuivant 1'opinion des architedes anciens, convenoient le mieux aux temples. Enfmte on employa 1'ordre ïonique, & plus rarement Ie corinthien, qui fembloit avoir quelque chofe de trop luxurieux pour la dignité de ces batiments. Vitruve * donne des inftruclions fur le choix qu'il faut faire de 1'ordre des colonnes fuivant les «rentes divinités. Aux temples de Minerve de Mars &d'Hercule, il deftine 1'ordre dorique, grave & folide: a ceux de Venus, de Flore, 'de Proferpine & des Nymphes, le corinthien, élégant & delicat: &a ceux de Junon, de Diane & deBacchus, 1'ïonique, qui tient le milieu entre la fimplicité du dorique & la parure du corinthien. Quelque peu d'ufage qu'on ait fait de ces préceptes ingénieux, ils paroiffent de 1'mvention des Grecs. La mème chofe a lieu pour ceux qui prefcrivent le marb-e U'ris & le marbre rougeatre pour les temples confacres a Jupiter, a Mars 8c k Hercule, 8c le marbre blanc 8c brillant pour ceux de Flore 8c des Graces. „ ,. . » « Le caraftere des anciens temples étoit une noble fimplicité 8c une maiefté tranquille dans les formes, une beauté qui réfultoit des proportions peu compliquées des parties principales 8c de 1'ordonnance aifee 8c naturelle, 8c une apparence extérieure de magnificence fans luxe, qui s'accordoit avec le relte, 8c provenoit principalement des ordres d'architedture oc des *) Lib. i. c. 2.  Hermitages, Chapelles & Ruines. 67 & des "portiques. Peu de temples fe diftinguoient par une grande étendue; mais 1'empreinte de la plus belle architeéture fe voyoit fur presque tous: On ne s'y raffembloit pas ordinairement, hormis quelquefois k de certaines fètes publiques; plufieurs temples n'étoient deftinés, ni aux facrifices, ni a d'autres acles réligieux; ils ne fervoient que de fimples monuments. La fituation des temples augmentoit encore le reliëf que leur donnoit déja 1'architeélure. Hs étoient ifolés, féparés des autres édifices &entourés d'une belle place fouvent décorée de ftatues. Communément ils étoient fur une éminence, ou fur une petite colline, & avoient, quelquefois de tout cóté, quelquefois feulement a 1'entrée, de fuperbes efcaliers de marbre par oü 1'on y montoit. Suivant une remarque de Vitruve, *) on devoit déterminer mème les différentes fituations des temples d'après les. divers caraéteres des divinités: Jupiter, Junon & Minerve, comme étant les principaux proteéteurs des humains, devoient avoir leurs édifices confacrés dans les lieux les plus élevés; Mercure fur le marché, Apollon & Bacchus prés des théatres; Cérès hors de la ville; & Neptune au bord de la mer. Tous les ornements extérieurs & intérieurs des temples, qu'ils confiftaffent en bas-reliëfs, en ftatues ou en tableaux, qu'ils fuffent hiftorirjues ou allégoriques, avoient toujours un rapport convenable a la nature, aux propriétés, ou aux aétions des Dieux. Le fameux temple d'Apollon, p. e., élevé par Augufte a Rome fur le mont Palatin, étoit décoré dans ce gout. Dans le portique brilloient de tout cöté des ftatues qui indiquoient les effets bienfaifants du Dieu; au faite de 1'édifice étoit le char d'or du Soleil; les portes d'ivoire & les murs de marbre contenoient des tableaux relatifs a Apollon; lui-mème, ftatue fuperbe, paroiffoit dans 1'intérieur, pincant plein d'enthoufiafme la lyre; deux bibliotheques, Tune compofée d'ouvrages grecs, 1'autre de romains, annonqoient fa puiffance divine. — La décoration même de 1'autel, ainfi que fa hauteur, étoit hxe & fignificative. Des branches ou des feuilles de laurier, de lierre, de pin, de cyprès, d'olivier, de myrthe, annonqoient le fanétuaire de Phébus, de Bacchus, de I 2 Pan, *) T.ib. 2. c. 7.  68 Troifime Se tl ion. Bes Temples, Grottes, Pan, de Pluton, de Minerve, ou de Vénus; Sc 1'autel de Jupiter étoit plus élevé, tandis que ceux de Vefta 6c de Neptune 1'étoient moins. 2. Les Romains mettoient déja des temples dans leurs jardins. Dans ceux de Sallufte étoit un temple confacré a Vénus, & dans ceux du niont Aventin un autre confacré k Sylvain. Cette coutume devint fans doute plus ordinaire dans les temps poftérieurs, lorsque I'amour du fafte s'augmentant k 1'excès, rempliffoit les jardins de toutes fortes d'édifices. Entre les nations modernes ce furent les Anglois, qui les premiers introduifirent de nouveau dans les jardins des batiments en forme de temples antiques. Lorsque le nouveau goüt commencja a s'étendre, on fongea k des inventions propres k donner aux fites naturels un afpeél plus noble que ne leur donnoient les maifons de plaifance ordinaires. Et en s'attachant k cette recherche, on ne pouvoit que penfer k 1'imitation des anciens temples, vu que dans lemème temps, les connoiffeurs qui voyageoient en Grece Sc par tout 1'Orient, commenqoient k répandre fur les ruines de 1'antiquité un jour plus ferein, Sc dont les efprits ne pouvoient être éclairés fans être en mème temps remplis d'admiration. Dans  Hermitages, Chap elles & Ruines. 6q Dans plufieurs parcs anglois on a expofés des temples batis a 1'antique. II n'eft cependant point de jardins plus fameux de ce cóté que ceux de Stowe & de Kew. Nous allons confidérer un peu plus attentivement quelques-uns de ces édifices, fans faire attention a lafoule d'autres batiments qui font répandus dans ces lieux. Tous deux ont quelque chofe qui leur eft propre: confidérés du cóté de 1'architecture, les temples de Kew fe diftinguent par une beauté d'un genre plus noble; ceux de Stowe font mieux combinés avec des fcenes riches & bien cultivées. a. Temples de Stowe.*) Toute la vafte enceinte des jardins de Stowe eft partagée en une quantité de fcenes dont chacune prouve le goüt 8c 1'imagination de leur inventeur. Parmi tous les' temples s'offre d'abord la rotonde ïonique 8c ouverte, **) fur une colline entiérement ifolée. Sa fituation promet de loin une perfpeétive étendue; effeétivement presque tous les objets qui ornent ce cóté des jardins peuvent ètre apperqus de ce point de vue, mais ils ne forment entr'eux ni liaifon, ni contralte. Chaque objet en particulier appartient a quelqu'autre fcene qui lui eft propre. Le lac eft ici le feul objet capital, une grande partie de fa furface eft fi rapprochée, qu'on la voit fans interruption fous les petits grouppes d'arbres qui en ornent Ie rivage. La rotonde eft formée de dix colonnes qui foutiennent un dóme couvert de i 3 plomb, *) Stowe eft fitué dans Ie Bucking- fuis fur-tout fervi du beau tableau que hamfhire a 60 milles angloifes de Lon- tracé M. Whately. Jusqu'ici I'auteur: dres, & a une & demie de Buckingham. le tradufteur ajoute qu'il a pris tout ce On peut y voir quelle étoit la maniere qui eft tiré de Whately dans 1'Artde for- du fameux Kent, qui eft le vrai créateur mer les jardins modernes, &c. déja fou- de ces jardins. Au refte j'ai puifé dans vent cité, & que c'eft a cet ouvra- plufleurs fources, la defcription faivante ge que fe rapporte la citation fuï- que j'ai entre -mêlée de quelques rétle- vante. \ions; quantaux différentes fcenes, je me **} Page 289 & fuivantes,  éy0 Troijieme SecTion. Des Temples, Grotier, plomb, fous lequel eft une Venus de Médicis de bronze fur un piédeftal un peu élevé. Cet élégant édifice fait déja de loin un trés - bel effet avec fa ftatue qui s'offre entre les colonnes blanches; fa fituation ne fauroit être plus heureufe que fur cette colline, qui s'éleve doucement & que 1'on monte fans s'en appercevoir. Le temple de Bacchus eft d'ordre dorique; on y monte par quelques marches ornées de deux Sphinx qui font a 1'entrée. Les peintures repréfentent le réveil du Dieu. Aux deux cótés du temple font deux ftatues, Ia Poéfie lyrique & la fatyrique. La fcene qui s'offre du temple de Bacchus, eft d'un caraétere entiérement différent de celle que domine la rotonde, quoique 1'efpace & les objets foient a peu prés les mêmes dans toutes les deux; mais dans celle-ci, toutes les parties concourrent aformer un feul tout: le terrein de chaque cóté s'abaiffe infenfiblement vers le lac. Le bois ouvert fur la rive la plus éloignée pour découvrir le temple de Venus, s'éleve du bord de 1'eau vers la petite éminence fur laquelle il eft fitué, & fe rejoint derrière lui. Le temple de Venus s'offrant fous ce point de vue un peu de cóté & par conféquent en perfpeétive, n'en paroït que plus beau. Quoiqu'il foit beaucoup plus éloigné qu'auparavant, il paroit beaucoup plus confidérable, paree qu'il eft le feul objet qu'on apperejoive. Les eaux, le terreur & les bois y conduifent l'ceil naturellement: la campagne ne paroit point ici dans un lointain, mais elle s'éleve immédiatement au deffus des bois qui 1'uniffent avec le jardin. Toute la fcene compofe le payfage le plus animé. La fplendeur du batiment, fon image réfléchie dans le lac, la transparence des eaux, Ia forme finguliere de leurs contours, embellis par de petits grouppes d'arbres: toutes ces circonftances diverfes, qui fe difputent entr'elles de beauté, & fe réuniffent pour faire valoir 1'enfemble, jettent un éclat extraordinaire fur ce tableau. Le temple même de Venus elt compofé de troidiules unies par fix arcades d'ordre ïonique, & forme un demicercle. Cette figure, ainfi que la décoration intérieure qui confifte en tableaux tirés des poéfies de Spenfer, s'écarte trop remarquablement de 1'idée d'un temple dans le gout antique. Cependant on apperqoit d'ici des Ioin- tains  Hermitages, ChapeÜes & Ruines. *ri tains fuperbes: ils s'ëtendent tous en defcendant la pente d'une clairiere: celle-ci s'éleve par degrés jusqua une éminence couronnée d'un bois fuperbe qui Ia fait paroitre plus confidérable. Les monticules qui varient la pente générale, s'étendent trés - loin fous ce point de vue, & acquierent une importance qu'ils n'ont point d'ailleurs: celui fur-tout oü eft placée la rotonde, paroit une des plus belles fituations, 8c le batiment convient parfaitement a une expofition auffi découverte. Le temple de BacGhus au contraire qui oflroit une fi belle perfpeclive, n'eft plus ici qu'un objet folitaire entiérement environné de bofquets. La forêt qui couvre le fommet de la montagne & defcend Ie long d'un de fes fiancs paroit ici être trés ferrée; elle femble plus élevée qu'elle n'eft effectivement. La clairiere auffi eft vafte, & une partie de fes Iimites dérobée aux yeux avec art, fait naitre 1'idée d'un efpace plus étendu. On ne voit a la vérité qu'une petite partie du lac, mais il n'eft pas objet principal dans cette fcene, il n'en eft qu'une partie. D'ailleurs fes bornes ne paroiffant d'aucun cóté, il n'a pas un afpect mefquin. Si 1'on eüt voulu montrer une plus grande partie de 1'eau, on auroit nui au caraclere du canton; car celui - ci eft modefte & modéré, fans avoir rien de folemnel ou de gai; la grandeur 8c la fimplicité y font mélées a Ia beauté. Le temple de I'ancienne Vertu *) eft plus dans Ie ftyle antique: il a une fituation heureufe fur un monticule. C'eft une belle rotonde a coupole, environnée d'un portique d'ordre ïonique, 8c fermée de tout cóté. Un efcalier de douze marches y mene par deux portes tournées 1'une au midi 8c 1'autre au levant, fur chacune desquelles eft 1'infcription: Prifcae Virtuti. L'intérieur de 1'édifice eft joliment orné de fculptures, 8: on y découvre dans quatre niches les Itatues de grandeur naturelle des plus grands hommes de la Grece, qui fe font éternifés par la renommée de leur législation, de leur philofophie, de leur poéfie 8: de leur vertu héroïque. Au deffus de chacune on lit les inferiptions fuivantes, qui déterminent trèsbien leur mérite. Lycur- *) Voyez le I. Vol. page 240.  72 Troifieme Section. Des Temples, Grottes, LycurgiirS Qui fummo cum confilio, invefltis legibus omnemque contra corruptelam munitis optime, pater patriae libertatem firmiffimam. et mores fanftiffimos, expulfa cum divitiis avaritia, luxuria, libidiue, in multa faecula civibus fuis inftituit. Socrates Qui corruptiffima in civitate innocens, bonorum hortator, unici cultor Dei, ab inutili otio et vanis difputationibus ad officia vitae et focietatis commoda philofophiam avocavit, hominum fapientiffimus. Homerus Qui poetarum princeps, idem et maximus, virtutis praeco et immortalitatis largitor divino carmine ad pulchre audendum et patiendum fortiter, omnibus notus gentibus, omnes incitat. Epami nondas Cuius a virtute, prudentia, verecundia, Thebanorum respublica libertatem fimul et imperium, difciplinam bellicam, civilem et domefticatn accepit, eoque amilTo, perdidit Les  Hermitages, Chapelles & Ruines. 73 Les portes auffi font munies en dedans d'infcriptions conformes a ce fpeclacle digne de vénération, & qui tendent a réveiller des fentiments patriotiques, I'amour de la patrie, de la vertu & de la renommee. Une de ces portes a I'infcription: Carum efl'e civem, bene de republica mereri, laudari, coli, diligi, gloriofum eft; metui vero, et in odio elle, invidiofum, deteftabiie, imbecillum, caducum. Sur 1'autre on trouve ces mots: Iuftitiam cole et pietatem, quae cum fit magna in parentibus et prc-pinquis, turn in patria maxima eft. Ea vita via eft in coelmn, et in hune coetum eorum, qui iam vixerunt. Mais Ie plus beau temple de ce jardin eft celui de Ia Concorde & de Ia Victoire. II eft d'ordre ïonique, oblong, & conftruit fur le modele du temple de Minerve a Athenes, & de la vient qu'on 1'appelle auffi le temple grec; *) on monte par quinze marches fous un fuperbe périftyle de vingt-huit colonnes, qui regne tout autour du temple, & dont le plafond eftfculpté. Le *) L'Art de former les jardins modernes &c. p. 374 & fuivantes. Tome III. K  74 Troifieme SeUion. Des Temples, Grottes, Le fronton préfente en demi-reliëf les quatre parties du monde, qui apportent k la Grande Bretagne les principales produétions qui les caraétérifent. Le fommet du fronton eft orné de trois ftatues, ck celui du fronton oppofé en a autant. Sur la frife du portique on a gravé cette infcription: Concordiae et Viftoriae. Sur Ie mur' de face aux deux cótés de la porte, qui eft peinte en bleu & or, font deux grands médaillons, fur 1'un desquels font écrits ces mots: Concordia foederatorum & fur 1'autre: Concordia civium. Sur Ia porte on a gravé ce paffage de Valere-Maxime: Quo tempore falus eorum in ultimas anguftias dedufta, nullutn ambitioni locum relinquebat. L'intérieur du temple eft d'une grande fimplicité. On y voit quatorze niches vuides, indépendamment d'une autre niche, oü eft placée une ftatue, avec cette infcription: Libertas publica & au deffus de laquelle on lit cet autre paffage de Valere-Maxime: Candidis autem animis voluptatem praebuerint in confpicuo pofita, quae cuique magniiica merito contigerunt. Au deffus de ces niches, qui n'auroient pas dü refter vuides, font autant de médaillons oü les viétoires des Anglois fur les Francjois font repréfentées cn bas-reliëf. D'après fon caraétere particulier ce temple feroit mieux placé dans Ie pare du Roi, ck encore mieux comme édifice public ck national dans une des grandes places de la réfidence. Quelque cónfolante que foit Wdée de Ia concorde, celle que cette concorde eft une fuite de la fupériorité ck un effet du triomphe, n'en eft pas moins décourageante. La trifte image des larmes, du fang ck de la défolation, ne tarde pas k fuivre celle de la vicloire; fck des repréfentations de cette nature ne s'accordent gueres avec Pheu- reufe  Hermitages,- Chapelles & Ruines. ^5 reufe tranquillité de la vie rurale, & avec la paix de la nature. Rien ne fauroit cependant être plus attrayant que la fcene dans laquelle fe trouve *ce fuperbe temple. Une Iarge promenade conduit au Vallon grec, qui préfente Ie fpeclacle le plus fublime de tout le jardin. Après s'ètre étendu jusqu'a une tresgrande largeur, il commence a fe couder; il devient toujoursplus étroit & plus profond, & fe perd enfin dans un bofquet derrière quelques ormes ëlevés qui en interceptent les limites. Des bois & des bocages charmants couvrent de tout cóté les pentes du vallon, & les efpaces découverts font garnis de quelques arbres ifolés. A mefure que le vallon devient plus profond, ceux-ci defcendent plus hardiment le long de fes fiancs, traverfent lefond, ou s'étendent le long de fes bords, & fe raffemblent quelquefois en formant des grouppes ck des figures qui multiplient les variations des plantations plus étendues, compofées tantót de bofquets épais, tantót de bocages ouverts. Dans 1'un les arbres lancent des jets élevés; dans 1'autre ils couvrent le fol de leurs rameaux & forment de petites ouvertures. Au milieu de cette fcene, fur une éminence naturelle, peu rapide ck d'une yafte circonférence, placéeaun des coudes du vallon enforte qu'on en voit les deux cótés, eft fitué le temple. D'un certain endroit on appercjoit en plein fa facade majeftueufe décorée de fix colonnes ïoniques: d'un autre. la colonnade fuit en perfpeétive. Le temple tombe de tout cóté fous la vue, ck en imprimant fon caraétere de décence a tous les objets environnants, il répand un certain air refpeélable fur 1'enfemble. II ne réveille cependant ni trifteffe, ni mélancolie: les fentiments qu'il infpire font plutót doux, mais pleins de vénération, d'admiration ck de folemnité. II ne s'y trouve point d'eaux pour animer le fpeétacle, point de lointains pour 1'enrichir. Les parties du tableau font grandes ; 1'invention en eft fublime, ck l'exécution heureufe. La fcene eft indépendante de toute circonftance accidentelle, & fe foutient par fa propre majefté. K 2 b. Tem-  j6 Troifieme Seftion. Des Temples, Grottes, b. Temples de Kew.*) Le jardin de Kew ne renferme pas une enceinte confidérable 8c'qui permette une grande diverfité de fcenes naturelles. Mais outre 1'abondance d'arbres, d'arbuftes 8c de plantes indigenes 8c exotiques, 8c fur - tout de l'Amérique feptentrionale, quiy viennent parfaitement bien, fes temples lui donnent un avantage remarquable. A leur aide on a taché de remédier au défaut de variétés naturelles. Car dans 1'intérieur du jardin les perfpeélives n'aboutiffent qu'a des objets voifins, a une piece d'eau, aux arbres, aux arbuftes 8c a de petites collines; 8c pour jouir d'un lointain dans le payfage il faut monter fur une tour. Les temples font peut - être trop nombreux pour un auffi petit efpace; peut-être n'ont-ils pas toujours des fcenes a eux par le moyen desquelles ils pourroient fe diftinguer mieux les uns des autres, 8c produire des effets plus déterminés 8c plus grands que ceux qu'ils produifent a préfent 8c qui fe confondent. Mais ils font d'une fi belle architeclure, 8c ils imitent la forme antique avec tant de gout, qu'ils méritent une attention particuliere parmi les ouvrages modernes de cette efpece. Lorsqu'un Roi doué d'un tacl fi fin en fait d'architeélure 8c de tant de connoiffances en botanique, un Roi dont 1'ame pleine de douceur ne s'ouvre pas moins aux impreffions de la nature qu'aux fentiments de 1'humanité, de la tendreffe 8c de 1'amitié, un Roi qui fait-réunir la dignité du monarque au bonheur d'un particulier, 8c qui, quand les affaires publiques lui permettent de defcendre du tróne, fe retire dans une maifon pleine de fimplicité 8c de modefte élëgance, **) oü il met toute fa gloire a être époux 8c pere, lorsque ce Roi gouverne une nation accoutumée a déployer même dans fes maifons de campagne fon penchant pour tout ce qui eit libre 8c noble, il faudroit que les plus beaux fites du pays fuffent fes lieux de plaifance, afin qu'il les embellit de monuments de fon invention, a la plus grande gloire des arts. Les *) Lieu de repos & jardin connu du dings at Kew, fol. London 1763. Voyez Roi d'Angleterre, prés de Londres. Les auffi le Tome I. de cette Théorie, p. 63 temples qu'on trouve ici font tirés de & 64. 1'ouvrage de Chambers, intitulé: Plans, **) Voyez le deffein de la maifon de Elcvations &c. of the Gardens and Buil- Kew dans le II. Vol.  Hermitages, Chapelles & Ruines. ff Les plus beaux batiments des jardins de Kew font le temple de la Victoire & celui du Soleil. Le premier fut élevé en mémoire de la fameufe bataille gagnée en 1759 pres de Minden par 1'armée alliée aux ordres du Duc Ferdinand de Brunfwick, fur 1'armée franqoife commandée par le Maréchal de Contades. Le temple furmonte une colline, & c'eft un édifice parfait & fuperbe. II préfente un périptere circulaire, d'ordre ïonique & a colonnes cannelées. La frife eft ornée de feuillages, & tout autour de 1'attique regne une guirlande de feuilles de laurier. La celluie ou 1'intérieur, d'oü 1'on découvre une jolie perfpeétive, eft ornée d'ouvrages délicats en ftuc qui repréfentent des trophées. Ce bel édifice a été conftruit fur les deffeins de Chambers 6k fous fa diredion. K 3 Le  -jg Troificme Seiïton. Des Temples, Grottes, Le terhple du Soleil eft dans un bofquet ouvert: c'eft auffi un périptere circulaire muni d'une attique 8t d'ordre corinthien. Les colonnes en font cannelées. L'entablement elt riche & imité du fameux temple de Balbeck. Au deffus de chaque colonne on voit dans la frife une lyre avec tme branche de laurier en reliëf. En dehors, 8c tout autour de la partie fupérieure de la celluie, s'étend une guirlande de fleurs 8c de fruits. L'intérieur repréfente une falie dorée d'un gout riche. Au milieu du plafond eft repréfente le Soleil, 8c les frifes offrent dans douze compartiments ceints de branches de laurier, les fignes du zodiaque en reliëf. Ce temple a ëté bati fous la direétion de Chambers. Le  Hermitages, Chapdies & Ruines. 1§ Le temple d'Eble paroit fur une éminence. Sa figure eft monoptere: il s'y trouve plufieurs ordres, mais le dorique domine. En dedans des colonnes eft une grande niche en demi - cercle, faite pour s'y affeoir. L'édifiêe eft conftruit de maniere afe mouvoir fur fon centre, & malgré fa grandeur on peut aifément le tourner avec une main. En  g0 Troifieme Seiïion. Des Temples, Gr otter, En prenant une allee écartée & folitaire on rencontre le temple de Pan, monoptere d'ordre dorique, & dont le profil eft imité du théatre de Marcellus a Rome. Les métopes font ornées de têtes de bceuf 8c de coupes propres aux facrifices. Le temple eft ferme d'un cöté, & arrarfé de maniere a fervir de repofoir. Li  Hermitages, Chajpelles & Ruines. Ji Le temple de la Solitude eft encore un trés-bel édifice: fa celluie eft oétogone, 6c il a deux fenêtres a cóté de la porte, 3- A caufe de leur forme 8c de leur caraétere, les temples appartiennent aux batiments les plus décents 8c les plus beaux, 8c ils méritent llmitation qu'on a commencé d'en faire dans les jardins. Mais cette imitation doit refter dans les limites du vrai, 8c être exempte de tout exces. Les temples des anciens avoient un genre propre d'architeéture, ainfi que nous I'avons déja vu. Ils ferment une efpece particuliere de batiments ; le modele s'en trouve dans des defcriptions 8c dans des ruines, 8c l'imitation ne doit point s'écarter de ce modele. Rien ne devient plus ordinaire que d'appeller temples des édifices dont la forme 8c la diftribution contredifent ce nom. Le temple de la Poéfie paftorale a Stowe eft d'une TomelIL L heureufe  82 Troifietm Seïïion. Des Temples, Grottes, heureufe invention; le batiment eft léger, négligé & agréable, mais fa forme n'eft point dans le gout antique. Le temple de 1'Amitié dans le mème jardin, reffemble plus a une chapelle, & celui des Dames a un pavillon, qu'a un temple. La première loi qu'on doit obferver dans les imitations de ce genre, c'eft de conferver fidélement la forme 8c le caraétere des temples antiques. C'eft donc une opinion trés - erronée que celle qui permet ici a 1'architeéte toutesfortes d'ornements, 8c qui pofe en fait qu'un temple admet fans répugnance tout ce que 1'imagination peut inventer de magnifique 8c de riche. D'après ce caraétere, dont les éléments principaux font la beauté 8c un air de dignité, les temples ne conviennent qu a des fcenes affortiffantes. Un temple d'un ftyle noble feroit trés-mal dans une lande ou dans un bocage peu élevé. II eft une foule d'autres efpeces de petits batiments champêtres, comme cabinets, tonnelles, pavillons &c. que 1'on peut toujours combiner avec les cantons d'une. maniere variée 8c convenable, 8c 1'on devroit réferver les temples pour des fites riches 8c nobles oü ils puiffent produire leur effet avec harmonie. On les appercpit avec plaiür fur des éminences qui dominent de fuberbes lointains, 8c a des endroits qui infpirent des fentiments de majefté calme, de vénération, d'admiration, & oü les imprefilons que fait le fpeaacle de la nature doivent ètre ennoblies. Dans de vaftes parcs qui permettent de multiplier ces fcenes, les temples peuvent auffi être plus nombreux, mais en variant leur grandeur, leur fituation, 8c leur deftination particuliere. De petits lieux de plaifance qui ne font que champêtres, qui fe bornent a une aimable fimplicité, des jardins dont 1'enceinte ni la deftination particuliere, ne permettent aucune fublimité de caradere, ne fupportent pas non plus des temples, 8c ce n'eft qu'un gout groffier 8c déréglé qui les en furcharge pour les rendre pompeux. L'emploi qu'on peut faire des temples ne devroit pas ètre moins fixe que leur architeéture. Les temples ronds paroiffent les plus conformes aux jardins. Leur forme réunit a la dignité, un certain air de légéreté, d'aifance 8c d'agré- ment,  Hermitages] Chapelles & Ruines: ment, qui les renc! fur-tout recorrtmendables pour les cantons oü la nature déploie fes attraits. Les temples oblongs ou quarrés recoivent, tant de leur forme que de leur étendue plus vafte, 8c du plus grand nombre de leurs colonnes, un air plus folemnel & plus.refpeétable. II ne faudra pas négliger entiérement cette différence en les mettant en ceuvre. Lorsque 1'imitation a fatisfait aux chofes effentielles, elle ne doit plus fe laiffer enchainer par des circonftances accidentelies ou moins conlidérables. Les temples ne font plus pour nous des édifices deflinés au fervice divin: leur intérieur n'exige donc pas Ia diftribution qu'il avoit chez les anciens. II peut, ainfi que nous Favons vu aux temples de Kew, être difpofé fuivant 1'ufage de notre fiecle 8c de maniere a offrir une habitation ou un repofoir agréable. Ce qui ci - devant étoit une celluie, un lieu confacré, un fejour de Ia divinité, peut maintenant être une falie. Ces changements dans fintérieur rendent auffi Ia Iumiere indifpenfable, tandis que dans les temples anciens on Pévitoit, ou du moins on 1'affoibliffoit, afin d'augmenter Pair refpectable & Ia folemnité du lieu. Car les temples oblongs n'avoient ordinairement point de fenêtres, 8c point d'autre jour que celui qui entroit par la porte; une feule lampe répandoit une foible lueur dans cette fainte obfcurité. Mais dans les temples ronds il tomboit d'enhaut par une ouverture, une Iumiere plus abondante. Cependant il fe trouve ici des exceptions a faire: quelquefois la deftination particuliere d'un temple moderne peut exiger qu'il foit intérieurement privé de jour, ou que celui - ci s'y change en un doux crépufcule. Un temple confacré h Ia Mort feroit trés-mal ordonné, fi fa celluie étoit garnie de plufieurs fenêtres. S'il eft encore permis aux beaux arts d'amufer par des repréfentations puifées dans Pancienne mythologie, Parchiteéture ne fauroit être exclue de ce droit. Non feulement ce qui nous eft refté des tableaux, des ftatues, 8c des bas-reliëfs de 1'antiquité, nous fait plaifir par Ia richeffe 8c la variété des fables mythologiques; les artiltes modernes ont de plus 'puifé fouvent jufqu'ici avec fuccès dans cette fource. Des édifices donc, donf La le  34 Troifime Seclion. Des Temples, Grottes, le caradere a du rapport a la mythologie, feront auffi recevables qu'un tableau, ou une ftatue modemes de cette efpece. U eft yrai que les temples que fon confacré aduellement k un Dieu, ou k un heros de 1 anttquité, n'ont plus d'intérètreligieuxninational pour nous; n'offrent pas me• me une reffemblance entre ces temps & les nótres, entre ces pays & notre pays. Mais, outre que la beauté de ces édifices leur acquiert en quelque facon le droit de bourgeoifie par -tout, & que fa préfence caufe par-tout du plaifir, leur afped nous transporte dans des fiedes ou 1'efprit s'egare parmi les images les plus agréables, oü le goüt fe nourrit, & 1'amour des artsfe remplit d'enthoufiafme. Nous réfléchiffons, nous comparons, nous demeurons attachés k une de ces images qui femble nous apparterur: nous détachons de la maffe générale de la reprëfentation mythologique une idéé intéreiïante pour tous les fiecles & pour tout obfervateur fenüble; nous écartons le voile de la fable, & découvrons la verite uüle & mitrudive qu'il cachoit. Puisque les temples doivent faire ces impreffions, il faut néceffairement que leur caradere foit diftindement exprimé. Enfuite il faut que e caradere mythologique des divinités auxquelles ils font confacres, ait quelque rapport avec les images & les émotions propres aux jardins. Autant que 1'architedure du temple de Bellone k Kew elt belle, auffi peu 1'on s attend k rencontrer un pareil monument dans un jardin. Les temples du Soleil & de Pan qui fe trouvent encore k Kew, & k Stowe ceux de Venus, de la Mere des enfantements & de Bacchus, font plus convenables. Dune, Cérès, Flore, Pomone, Apollon, lesMufes &4esGraces peuvent auffi rencontrer leurs temples parfemés avec économie dans nos jardins aduels, & toujours dans des fcenes afforties k leur caradere. ^Une nouvelle raifon de les y admettre, c'eft qu'ils font fufceptibles en meme temps d'une fignification allégorique, en rappellant les forces, les effets & les propriétés de la nature qu'ils repréfentent. Mais cette forte de temples n'étant presque intelligible que pour les connoiffeurs de la mythologie & pour les gens de goüt, on peut encore etendre  Hermitages, Chdpelles '& Ruines'. §5 étendre 1'ufage de ces batiments d'uné maniere moins équivóque. II eft certains effets de Ia vie champètre & des jardins auxquels on peut confa* crer des édifices. Les temples de Ia Sérénité, du Repos, del'Oublides foucis, de la Contemplation & autres, font des objets très-convenableS aux jardins & trés-peu mis en ceuvre encore. Ces édifices s'accordent très-clairement avec leurs fites fubordonnés, & par leur diftribution, leurs décorations & leur fituation, ils deviennent une nouvelle fource de variétés. Ils honorent la nature, en perpétuant Ia mémoire de ces effets, dont ils rëveillent un nouveau fentiment dans 1'ame de 1'obfervateur fenfible, toutes les fois que celui-ci s'en approche ou s'y arfête. Les 'difterentes faifons de 1'année,' & les diffërentes parties du jour peuvent auffi avoir leurs temples, pour rehauffer 1'impreffion des fcenes qui leur font préfërablement confacrées, & pour multiplier la jouiffance des attraits particuliers a chacune d'entr'elles. Des édifices de cette invention.contribuent fi fort k augmenter la variété & k caracftérifer les fites, ils offrent au génie de Partifte tant de nouvelles occafions de s'occuper, qu'ils méritent d être fortement recommandés. Que le temple du Printemps s'éleve daris ün lieu chaud & fetein; qu'il foit d'un ftyle flatteur & agréable, entouré d'images riantes qui annoncent le réveil dë la nature, & de jeunes fleurs entre Iesquelles les Zéphyrs de retour recommencent leurs jeux folatres. Que le temple du Matin furmonte la cime d'une colüne oü dominent également 1'aménité & la gaieté; que fon architeéture foit légere, aérienne, pleine d'attraits; fon expofition vers 1'ëclat de 1'aurore naiffante; qu'il foit environné d'eaux & de bocages voifins qui multiplient les fpeétacles fuperbes qu'offre la Iumiere erranté. Que le temple de I'Eté riche & noble paroiffe avec pompe au milieu de fleurs & de plantes brillantes qui croiffent en profufion, de bofquets formés d'arbres fruitiers dont les dons meuriffants étendent de branche en branche un mélange raviffant de formes & de nuances diverfes. Que fur une pente k Pabri des brülants rayons du foleil, le temple du Midi fe cache fous des arbres élevés & touffusj entre lesquels gazouillent de petits filets d'eau;' qu'il-an- L 3 nonce  g6 Trolfieme Seiïion. Des Temples] Grotter, nonce le plaifir que caufe Ia fraïcheur, & faffe naltre le defir du repos. Que le temple del'Automne, accompagné de la douce férénité du jour, s'offre entre des bofquets qui favorifent le plaifir de la chaffe aux oifeaux, fur une colline couronnée de raifins, de forbiers & d'autres arbres k baies. Que le temple du Soir, négligé & folitaire, repofe parmi les grouppes aériens de plantes odoriférantes fur le penchant occidental d'un monticule, au pied duquel ferpente une eau limpide. 4- Ces remarques n'ont d'autre but que de montrer fimplemertt a 1'arfifte jardinier la route qui mene k de nouvelles inventions, & qu'il peut parcourrir lui-mème k fa gloire; car la fource de ces inventions eft presque inépuifable. On peut fe procurer une multitude d'ordonnances & de décorations, qui ne demandent qu'a être réglées par un jugement fain pour demeurer toujours fidele au caraétere particulier de chaque faifon de 1'année, & de chaque partie du jour: & ce caraélere peut être indiqué, non par la fcene environnante uniquement, mais encore par l'.architeéture, & par des ornements d'une fignification déterminée. Des emblèmes expreffifs & qui ótent toute incertitude, font plus féants ici que des infcriptions, & s'offrent plus en foule; d'ailleurs les décorations ont certainement un plus grand mérite, lorsqu'elles font en mème temps des images allégoriques. Ces ornements conviennent k plufieurs parties des édifices, fur - tout k la fagade & dans la frife. Ils doivent réunir la fimplicité k la clarté, & n'ètre compofés que d'un petit nombre de fymboles peu compliqués, mais ayant un rapport intime avec la chofe qu'on veut défigner. On peut les repréfenter dans de petits tableaux, mieux encore dans de bas - reliëfs plus affortis k 1'extérieur des batiments. Voici quelques emblèmes des anciens qui étoient fi heureux dans cette partie de 1'invention; ces emblèmes méritent d'ètre imités dans les temples dont nous avons parlé. Sur une urne confervée jusqu'k préfent, *) paroiffent les Saifons fous *) Winkelmanm Verfueh einer Allego- C'eft a dire, Effai d'ail%ories, fur-tout rie, befonders fttr die Kimfi. 4- 1766. pour l'art, par Winkelmann.  , Hermitages, Chapelles & Ruines. 8? fous Ia figure de femmes fans ailes 8c d'ages différents, fuivant 1'ordre des parties de 1'année. L'Hyver, plus habillé que toutes les autres, les précede; il porte un lievre & un oifeau aquatique a un baton, 8c trame un marcaflin après foi: PAutomne avec des traits plus jeunes 8c un vêtement plus léger, tient une chevre par les pieds de devant, 8c porte des fruits dans une corbeille: 1'Eté eft trés - peu couvert 8c tient une guirlande: 8c le Printemps, dont les traits 8c les geftes annoncent une jeune fllle innocente, tient devant fa poitrine 8c dans fa draperie des poids écoffés, fruits de cette faifon. Cependant les emblèmes des faifons n'étoient pas toujours uniformes chez les anciens. Quelquefois ï'hyver étoit repréfenté par un Génie tenant dans la main une pomme de pin. L'image de 1'automne étoit Cérès portant un panier fur la tête, 8c ayant quelquefois a cóté d'elle une fourmi qui traine un épi, ou un Génie dont la main droite tient une grappe de raifin 8c Ia gauche un lievre. L'été 8c Ie printemps étoient fouvent indiqués par une Venus avec un myrthe ou une rofe. L'été feul s'offroit fous 1'apparence d'une figure qui court en tenant élevés dans les mains deux fiambeaux allumés. Le printemps feul étoit un Génie plus jeune 8c plus déiicat que les autres, tenant d'une main un bouquet 8c de 1'autre un agneau. Apollon un coq fur le poing indiquoit le matin; 8c Diane dans un char attelé de deux boeufs qui defcendent pour la mener vers fon Endimion, fignifioit le foir. D'autres emblèmes décéloient la mème exaéütude 8c la mème délicateffe. C'eft ainfi, p. e., que le repos étoit repréfenté par une figure affife la tête négligemment pofée fur un bras. Bacchus 8c une Bacchante qui danfe 8c fait refonner les cymbales, 8c entr'eux - deux un jeune Satyre qui d'une main porte fur les épaules une urne a deux anfes, 8c tient de 1'autre un flambeau renyerfé, étoit une image compofée 8c trés - fignificative qui invitoit a jouir des plaifirs avant que Ie flambeau de la vie fut éteint 8c nos cendres recueiilies. *) — Ces exemples prouvent combien étoient juftes 8c agréa- *) WinkelmannsAmnerhingenUberdie par Winkelmann. Cet ouvrage, ni le Baukimfl der Alten. 4, 1762. C'eft a dire: précédent, n'ont pas été traduits en franRemarques fur 1'Arcliitecture des anciens cois que je fache.  33 Troifieme Setlion. Des Temples, Gr otter, agréables ces emblèmes qu'un architeae de génie pourra augmenter de nouvelles inventions dans le goüt des Grecs. 5-A  Hermitage/, Chapeltes & Riunei. § CINQUIEME SECTION. £to Statues, Monuments & Infcriptions. I S t a t u e s. i. La fculpture n'a pas plus négligé que I'arcliiteélure de prendre part a Ia décoration des jardins. Les ftatues & les monuments font fes ouvrages; celles - la abondoient davantage dans les anciens jardins, ceux-ci dans les modernes. Les ftatues dürent bientót ètre mifes au rang des décorations propres aux jardins, lorsque 1'on commencja de traiter ceux-ci en théatres de la magnificence 8c de l'art, oü la fculpture n'avoit pas moins que 1'architeéture, le droit d'étaler tout fon éclat. Les Romains introduifirent les ftatues dans leurs jardins principalement par un amour inconfidéré du luxe; les Francjois principalement dans la fauffe idéé que ce qui décore les batiments convient auffi aux jardins. Sans doute que les Romains virent pour la première fois des ftatues dans les jardins des Grecs, parmi lesquels Alkamenes avoit déja drelïé dans fon jardin a Athenes, une Venus qu'il avoit faite, & qu'enfuite 1'empereur Adrien transporta dans fes fameux jardins. Aux dernicrs temps de la république, 8c fous les empereurs, 1'amour des ouvrages de l'art faifant partie du luxe dominant, les Romains placerent dans leurs jardins plufieurs des ftatues qui venoient en foule de Grece en Italië. Comme c'étoit dans ces lieux qu'ils donnoient leurs repas 8c leurs fêtes. ils y étaloient auffi tout ce qu'ils pouvoient trouver de magnifique. On y voyoit presque toutes fortes d'édifices 8c d'ouvrages de l'art, 8c dans une telle abondance, que Juvenal donne aux jardins de fon temps une épithete qui cenfuroit le luxe prodigue qui y régnoit, 8c fous lequel toute la fimplicité de la nature devoit ètre étoufTée: Coiiten-  Monuments & Infcriptiökü 143 Contentus fama jaceat Lucanus in hortis Marmoreis. Cependant dans des temps plus anciens régnoit auffi plus de modération. On fe contentoit d'une ftatue de Priape au milieu du jardin. Pomofisque ruber cuftos ponatur in hortis» Terreat ut faeva falce Priapus aves. Tibulks. Columelle*) avertit qu'il ne faut pas y chercher les chefs-d'ceuvres d'un Dédale, d'un Polyclete, & d'autres fculpteurs fameux, mais fe contenter d'expofer un Priape tout fimplement travaillé. On ne fuivoit pas toujours ce précepte. Du temps d'Augufte on faifoit leDieu des jardins de marbre. Cuftos es pauperis horti, Nunc te marmoreum pro tempore fecimus. Virg. Ecl. 7. Dans les jardins Serviliens aRome on voyoit les ftatues de Cérès & de Flo.re faites par Praxitele. On trouvoit encore, au rapport de Pline, **) les .ftatues des Satyres comme Dieux proteéteurs des jardins. Toutes ces fia,tues avoient dans les jardins des anciens un degré de convenance, qui disparoit dans ceux des modernes; elles étoient confacrées aux divinités fous la proteétion particuliere desquelles étoient, fuivant 1'opinion publique, les lieux mémes, les plantes & les fruits. C'étoit avec la mème bienféance que les anciens, fuivant une remarque de Vitruve, ***) plaqoient dans leurs appartements de printemps, d'été & d'automne, des images qui avoient un certain rapport h chacune de ces faifons. 2. Lorsque dans les temps modernes, l'art des jardins requt fa forme de la main de Le Noftre, les ftatues ne pouvoient manquer h fes plans vu 1'efprit qui 1'animoit. On commenca plutót a les regarder comme un befoin dans les jardins. Les emplacements que cet artifte défiguroit a force d'art, *) de cultu hort. **) Hift. nat. lib. XIX. Lib. VII. c. 5.  Gnqukme Setlion. Des Statues, d'art, enfurent furchargés jufqu'a fatiété. Car 1'on ne voyoit pas'qa Sc la une Flore a cóté d'un carreau de fleurs, ou un Bacchus fous une treille; mais onreffufcita, non pour décorer les jardins modernes, mais pour les remplir, tout ce qu'Athenes & Rome avoient jamais connu de diyinités grandes'& petites. Les plus zélés défenfeurs de la maniere fymmétrique ne pouvoient pourtant pas s'empécher quelquefois de remarquer combien cette profufion étoit peu convenable. Mème Blondel, *) qui loue 1'ancien goüt de fa patrie, 8e voudroit cependant faire de Dufresny, fort antérieur aKent, le premier artifte jardinier dans le nouveau ftyle, Blondel avoue que la'multitude des ftatues amoncelées étoit a la mode non feulement en France, mais encore dans d'autres pays. L'Italie la fuivoit d'autant plus volonti'ers qu'elle tiroit de fonfein nombre de reftes de 1'ancienne fculpture, 8c que la première elle fe vit enrichir par les ouvrages des artiftes modernes. Dans un pays oü les églifes 8c les palais font remplis des chefs d'ceuvres de l'art, oü le marbre fous un ciel ferein conferve plus longtemps toute fa beauté, les jardins ne pouvoient que devenir bientót des réceptacles publics de ftatues 8c de buftes. Parmi les autres nations qui achetoient a grands frais les bons ouvrages de cette efpece, les Angloisen poffédoient la plus grande colleétion, 8c cependant aucune nation ne s'eft moins fouciée de les étaler dans fes jardins. Les Hollandois furent modérés, paree que, riches comme ils 1'étoient en tableaux, ils faifoient moins de cas des ftatues; qu'ils n'avoient pas affez d'enthoufiafme ou de vanité pour fe les faire apporter; 8c qu'ils ne les voyoient pas créer par des artiltes nationaux. En Allemagne 8c dans le Nord on s'efforcja de remplir les jardins de ftatues comme d'ifs: on n'avoit ni ouvrages antiques, ni ouvrages modernes de bon goüt, excepté dans quelques jardins appartenant a des princes; 8c 1'on prodiguoit des fommes conüdérables pour de fimples ébauches. Depuis le plus riche poffeffeur de terres jufqu'au plus petit boutiquier d'un bourg, dominoit parmi nous le préjugé que des maffes qu'on honoroit du nom de ftatues, étoient indifpenfables dans un jardin pour qu'on put lui donner 1'épithete de trés - beau. D e la tant de marionnettes infupportables 8c de *) Jaques Francois Blonde], Cours d'architefture ckc. $. Paris 1773. 4. Vol.  Monuments & Infcriptions. 145 6c de bloes informes; unHercuIe haut d'un demi-pied joliment contour^é en plomb; un Bacchus fait d'un tronc de chêne fous la forme d'un ruftre ivre & grand comme un arbre; 8c tant d'autres repréfentations dégoütantes que 1'on rencontroit quelquefois contre toute attente dans les jardins de la nobleffe. Si 1'on fait attention au peu d'ouvrages confidérables produits par le cifeau defes artiftes, que 1'Allemagne peut montrer même dans fes cours principales; combien nous fommes encore arriérés vis-a- vis de 1'italie 8c de la France quand il s'agit de belles ftatues facjonnées par des mains nationales pour éternifer les vertus de nos compatriotes, on ne fera pas étonné de ce que la plus grande partie des prétendues ftatues regardées comme indifpenfables dans nos jardins, ne fuffent que des ébauches de bois ou de pierre, fans beauté, fans expréffion 8c fouvent même fans le moindre deffein. Si le connoiffeur avoit trouvé des ouvrages qui euffent fait honneur a l'art, il en auroit peut-ètre excufé la dépenfe; car des ftatues de cette claffe ne s'éxécutent qu a grands frais. L'ancien goüt péchoit principalement par fes ftatues, tant contre la fimplicité, que contre le caractere des jardins. Dans quel ques - uns on eüt dit que 1'on regardoit comme une grande beauté qu'une ftatue touchat 1'autre; leur multitude entaffée y faifoit oublier le lieu oü 1'on étoit, 8c portoit a fe croire tranfporté dans une galerie. Cet exces contreditles premières regies de la convenance 8c de la fimplicité, quand même les ftatues feroient au refte du plus beau fty'e, 8c qu'on ne remarqueroit aucune oppofition entre elles 8c le lieu. L'autre défaut heurtoit le caractere des jardins & étoit encore plus commun. On dreffoit des ftatues qui non feulement n'avoient aucune relation aux images 8c aux fentiments que doit réveiller un jardin bien conftruit, mais qui même concourroient a détruire tout 1'effet des fcenes naturelles. II peut paroitre indifférent a. un amateur] enthoufiafte qu'un ouvrage des meilleurs fiecles de l'art foit expofé a fes yeux dans un cabinet, dans une galerie, ou dans une place libre 8c découverte: mais il nous faut ici confidérer Ia chofe fous fon vrai point de vue. On ne peut comprendre ce que doivent fignifier dans un jardin les ftatues de Jupiter, de Neptune, de Mars, d'Hercule, dejunon, de Minerve, 8c de Tome IÏL T plufieurs  14-6 Gnquieme Seiïion. Bes Statues, plufieurs autres divinités, qui malgré les explications de la mythologie ia plus détaillée, demeurent toujours trés - éloignées de la nature & de la deftination des jardins. Un peu de réflexion les reléguera parmi ces ornements indifcrets que ne fauroient excufer ni une mode générale, niles applaudiffements de Ia multitude, ni celui des écrivains. *) C'eft ainfi, pour ne citer qu'un feul exemple d'un écart femblable, que les jardins Ludovici a Rome, qui paffent pour être des plus beaux de 1 Italië, renferment encore des ftatues qui repréfentent des rois barbares captifs, &mèmeNéron. On a montré ce mauvais goüt de plufieurs autres manieres encore: plus d'une fois on a placé Neptune dans une allée & Vulcain auprès d'une fontaine, & 1'on eft tombé précifément dans le vice que cenfure Horace: Qüi variare cupit rem prodigialiter unam, Delphinum %vis appingit, fluftibus aprum. II ne vaut pas Ia peine de s'arrèter plus long-temps a ces exces d'un art déréglé. On fent jufqu'au dégout combien ils font miférables, & on les rencontre encore trop fouvent, pour pouvoir defirer d'en trouver la mémoire retracée ici. 3- llfaudroit effedivement avoir une idéé très-imparfaite des effets variés que produifent les fcenes naturelles, pour regarder les ftatues comme des objets indifpenfables dans les jardins. Sans elles les plus beaux cantons exercent toute Ia force de leur impreffion; & un canton pauvre en attraits n'obtient par leur préfence qu'un effet acceffoire, foible dédommagement des charmes que lui a refufé la nature. Les ftatues prouvent Ia perfedion du génie humain, & étalent une certaine magnificence qui convient mieux aux *) On peut aifément s*imaginer que Ia dans fon grand Diftionnaire des jardiplupart des maïtres d'architefture, en- niers, ouvrage qui a fans contredit de trainés par la mode & par les préjugés, trés - grands mérites du cóté du jardinage propoferent auffi des ftatues qui ne con- économique & botanique, mais qoi dans venoient abfolument point aux jardins. tous les articles touchant les jardins de Mais on ne peut presque lire rien de plus plaifance, favorife d'une manieré étonfiüguiier que ce queMiller dit a cet égard nante le ftyle petit cc guindé.  Monuments & Infcriptiohs. f 4.7 'aux édifices qu'aux ïieux oü la nature demande a déployer fes beautés; 8c quand on les y rencontre, elles femblent s'ètre écartées par hafard des batiments, 8c s'être égarées dans ces endroits oü 1'on ne s'attendoit pas a les trouver. Cependant puisque par la Iongueur du temps qu'elles font en ufage, elies ont acquis une efpece de droit de bourgeoifie dans ies jardins, il eft plus prudent de montrer comment on peut en faire un bon ufage que de les bannir tout - a - fait. II y a pourtant quelques fortes de jardins donf le caractere paroit ne s'en accommoder guere, paree qu'elles lui communiquent trop d eclat 8c trop de vivacité. Tels font les jardins d'un caractere qui n'eft que champètre ou fimple, ceux du cultivateur 8c du bourgeois, ceux qui accompagnent un cloitre ou un cimetiere. Elles conviennent mieux au contraire aux jardins qui admettent un plus haut degré de décoration 8c de vivacité, qui permettent des fcenes riches 8c nobles, des édifices de plaifance, des temples 8c d'autres ouvrages de l'art humain. On ne fauroit nier que dans des jardins femblables, de belles ftatues ne foient des ornements convenables. Elles animent leurs emplacements 8c ont quelque chofe de fociable; elles occupent l'ceil 8c rimagination 5 elles fervent a caractérifer les fcenes, les temples 8c les autres batiments. Mais entant que fruits précieux du génie, qu'objets dont 1'expreffion eft fi nerveufë, elles doivent ètre plus que des fimples décorations. Elles font les formes vifibles des idéés, des fentiments, des paffions, des caracteres; formes qui, quand elles n'auroient pas d'autre attrait, intérefferoient 1'homme, paree qu'il s'y apperejoit lui-même. Elles réveillent non feulement la réflexion, mais engendrent auffi des fentiments. II n'eft aucun mouvement qu'elles ne puiffent caufer au fpectateur. Elles font d'un effet ra, pide 8c presque toujours pénétrant. Mais pour I'atteindre il faut qu'elles réuniffent a une grandeur proportionnée, de la correction dans le deffein, du génie dans 1'exécution, un caractere clair 8c déterminé, une expreffion vraie 8c forte. II faut que ce foient des ftatues, non des termes, qui moitié figures, moitié colonnes, n'offrent qu'une forme imparfaite, qui fut probablement le premier effai de l'art, 8c qui manque fi facilement 1'illufion. II n'eft pas non plus indifférent que ies figures foient grandes ou petites, a T 2 moins  148 Cinqukme Seiïion. Des Staiucs, moins que 1'on ne veuille, comme dans nombre de jardins, faire des ftatues un fimple jeu de marionnettes. 4- Mais quelles repréfentations choifir? Bannira-t-on abfolument 1'ancienne mythologie, cette nourrice abondante des arts? Non pas entiérement. Qui feroit offenfé de retrouver les divinités antiques des jardins & du plaifir, d'appercevoir Flore dans un parterre de fleurs, Bacchus fous une treilie, Diane dans un lieu bocager, Pomone dans un verger, un grouppe repréfentant Venus & fes Nymphes dans un lieu propre au bain, ou un Faune danfant dans un bofquet ruftique? Cependant ces ftatues font peu recommandables pour 1'avenir, paree que leurs images multipliées & leur ufage trop.répété dans les jardins, leur ont presque entiérement óté la faCulté de faire une impreffion agréable. Et confidérées comme divinités tutélaires, leur intérêt s'eft évanoui pour nous. Les ftatues allégoriques, la déeffe de la Paix tenant une branche d'olivier & des épis, ou ayant le giron plein de fruits, la déeffe de 1'Abondance avec fa corne, laGaieté avec un myrthe, la Joie avec des rofes a la main, & les faifons les plus agréables de 1'année, dont les images font fi propres a défigner les fcenes & les fabriques qui leur font confacrées, femblent nous toucher de plus prés, quoiqu'on n'en ait pas moins fait ufage. Nous prenons plus d'intérêt aux repréfentations de perfonnes qui ont réellement vécu, pourvu qu'elles s'offrent a nous fous la forme qui leur étoit propre & qui en retrace complétement le caractere; aux repréfentations de ces hommes qui nous font vénérables par la grandeur de leur génie ou de leur ame, par 1'éclat de leurs talents, ou par la bienfaifance de leurs aélions; qui nous élevent vers la fageffe par leurs écrits, & vers Ia vertu par Thiftoire de leurs faits, des grands poè'tes & des fages de 1'antiquité. Un petit bofquet de Sans-fouci, oü le Philofophe Roi, fe livrant en repos a la contemplation, oublie les lauriers du Héros, eft embelli par quelques ftatues antiques de philofophes grecs & romains. Qui ne fentiroit la décence & la majefté d'un pareil fpe&acle? Mais  Monuments & Infcriptions. 149 Mais de toutes les ftatues celles qui doivent nous intéreffer le plus, ce font les ftatues érigées par le patriotifme aux vertus nationales; les images de ces hommes, qui de la même nation que nous, en étoient 1'ornement; de ces hommes a qui nous devons nos lumieres, notre liberté, notre aifance, nos plaifirs. Et fans doute que Ie mérite peut prétendre k cette récompenfe. Peut - ètre que quelqu'un d'entre nos defcendants s'arrêtant devant cette image, fe retracera une longue fuite de grandes actions ou de nobles efforts; touché* entrainé par 1'envie de les imiter, il répandrapeutêtre même des larmes qui féconderont fa réfolution naiffante: peut-être encore la folitude, plus dominante ici qu'ailleurs, donnera a fes réflexions plus de force avec plus de calme, & aiguillonnera fon activité. Quoique ce ne foit pas toujours la 1'effet que produifent les ftatues des hommes de mérite, cependant elles peuvent le produire, elles 1'ont même fouvent produit, lorsqu'elles étoient confidérées par un obfervateur fenfible & non par un badaut diftrait. On fait combien de fois la noble jeuneffe de 1'antiquité fut infpirée par les ftatues de fes illuftres ancêtres; combien on pouvoit alors compter fur ces effets, & avec quelle énergie les philofophes ainfi que les parents, renvoyoient a ces images, a ces Ora ducum et vatum, fapientumque ora priorum, Quos tibi cura fequi, quos toto peftore fentis. Statius 1. s, car. s. Cependant les ftatues des héros, des législateurs, des fauveurs & des précepteurs de Ia patrie, conviennent mieux a des fcenes découvertes qu'a des fcenes dérobées. Ces ftatues font plus affortiffantes aux places publiques des villes, aux environs des chateaux du régent, des palais des grands, oü la dignité du lieu détermine leur caractere, & oü elles font plus expofées k la vue de la multitude. Dans les jardins, fur-tout dans ceux des particuliers, les ftatues des payfagiftes, des poè'tes qui ont chanté les beautés de la création, des philofophes qui nous ont inftruit de la fageffe de Ia nature & de 1'ufage qu'on doit faire de la vie, feroient plus k leurs places. Si 1'on exécute quelque part cette idéé, il faut efpérer que les Allemands feront affez bons patriotes pour préférer le mérite national k 1'étranger. T 3 Alors  ^ 'Chtquleme Seiïlon. Des Statues, Alors nos jardins, fi long-temps imitations de la mode, 8t fi rarement ouvrages de notre génie, acquerreroient non feulement un caractere en partie national, mais encore une énergie qui les rendroient bien plus inséreffants, & que toutes les copieS ordinaires des ftatues antiques ne fauroient leur donner. Mais alors il faudroit auffi que les André de Schlüter 8c les Balthafar Permofer ne fuffent pas fi rares parmi nous. s- Le bon effet des ftatues dépend beaucoup de l'emplacement&de I'attitude qu'on leur donne. Immédiatement autour de I'habitation, on fera bien de placer les ftatues fymmétriquement, a caufe des ouvrages d'architeaure auxquels elles appartiennent entant que produétions d'un art allié k celui-ci; mais dans les jardins mêmes le mieux fera de les difperfer ga 8t la ifolées, fuivant que 1'exigeront le lieu 8c la diftribution. Lorsque les ftatues font dans des places libres & découvertes, ainfi qu'elles le font presque toujours dans les jardins, on reconnoit d'abord qu'elles ne font la que pour la pompe. Perpétuellement expofées au regard, elles fatiguent enfin k caufe de l éternelle immobilité qui leur eft propre. Et lorsqu'il s'en préfente k l'ceil une certaine quantité tout a la fois, elles offrenta Ia vérité une apparence confufe de magnificence, maisne caufent pas une fuite d'émotions agréables. Les ftatues font un effet bien plus avantageux lorsqu'elles font placées chacune dans une fcene d'un caractere affortiffant. Ici la ftatue gagne paree qu'elle eft moins fouvent appergue; paree que fa beauté eft fans rivale, 8c peut fe rendre k fon amant fans partage. Celui-ci s'arréte, fait pour ainfi dire compagnie avec elle, s'abandonne a 1'enchainement d'idées 8c de fentiments paifibles qu'elle peut réveiller: 1'ame, 8c non l'ceil uniquement, s'occupe, ce qui eft le comble du mérite pour un ouvrage de l'art. Une ftatue fubitement appergue dans une fombre forèt, dans un canton écarté, produit fouvent une furprife agréable. Elle fait auffi un bien plus bel effet au milieu des arbres 8c des buiffons, des grouppes 8c des bof- quets,  Monuments & Infcriptiont. quets, que fur une place découverte; elle paroit hafaiter ou fe cacher icJ entre les troncs brunatres 6k les feuillées, qui donnent au marbre blanc des afpects très-pittorefques; & les changements caufés par le crü des arbres, par leur feuilJage qui pouffe 6k puis tombe de nouveau, donnent a la fcene une variété perpétuelle. Une ftatue de la Venus *de Medicis a dans Ie pare de Hagley une de ces heureufes fituations. *) La Venus occupe une encoignure voütée en ftyle rultique, dans un endroit écarté, ck au milieu d'un maffif épais d'arbres & deronces. Vis-a-vis on voit les grouppes les plus agréables de iauriers ck d'autres arbres toujours verds, qui font en liaifon avec le maffif Ils forment le pied d'une forêt fuperbe, qui s'éleve par derrière fur une colline en déployant toute fa beauté. Dans 1'enfoncement garni de fleurs, ck fous Ie bocage forme par les Iauriers, fe trouvent des fieges champêtres pratiqués avec toute la fimplicité poffible, & comme fi la nature les avoit taillés elle - même en pierre. D'un autre cóté la belle Venus fe montre de nouveau d'un air pour ainfi dire timide, comme fi elle vouloit fe cacher dans fa caverne rultique, ou comme fi elle venoit de fortir du bain. Un enfoncement creufé dans une éminence efcarpée & oppofée, & groffiérement décoré d'écume de verre & de cailloux irréguliers, offre une cafcade qui fe fait jour avec violence, & fe précipite écumante fur des terraffes a pic jufqu'a ce qu'elle aiile fe perdre, fous les racines d'un grand arbre, dans une ouverture oü elle difparoit. Les pentes douces font décorées de rofes, de chevre-feuille & d'autres arbriffeaux, ainfi que de plantes qui fleuriffent en différents mois, ckpréfentent un tapis continuellement émaillé de mille couleurs. Lorsque la multiplicité des ftatues peut avoir lïeu, fa variété eft indispenfable dans leurs repréfentations, leurs expreffions ck leurs attitudes, Les unes, d'après lecaraétere qu'elles offrent, exigent un air de repos, de réfiexion, de ce recueillement calme que caufent de grands fentiments; les autres du mouvement, de I'effort, de laétion. Les unes feront debour, les autres affifes; les unes danfant, comme les Dryades; les autres fe re- pofant, *) Letters on the beauties of Hagley &c. L. 7.  'Cmquiemt SeÏÏion. Bes Statues, pofant, comme des Nymphes qui fe baignent dans une onde claire fous un rocher. Les unes feront dans 1'attitude d'indiquer quelque chofe, les autres dans celle d'obferver, les autres dans celle d'admirer, les autres encore dans une attitude paffionnée, qui leur faffe perdre en quelque facpn leur roideur naturelle & gagner du cóté de 1'iilufion. Des images fans ame & fans vie ne conviennent pas dans un lieu oüla nature entiere invite a 1'obfervation & au fentiment. Les ftatues doivent animer la fcene 5 elles doivent donc paroitre toute nature, & jouer pour ainfi dire le róle d'ètre penfants & fenfibles. — Quelquefois la fimple abfence des piédeftaux peut aider a 1'illufion. Les ftatues dreffées fur une bafe en ont davantage 1'air d'un ouvrage artificiel ifolé & fans liaifon remarquable avec la fcene. C. Ordinairement on diftribue les ftatues chacune dans le canton qui lui convient. Le plus fouvent une feule fuffit pour renforcer ou ennoblir 1'impreffion de la fcene. II faut d'ailleurs éviter en général tout exces; il ne s'accorde pas avec la fimplicité des objets qu'offre la nature. La cherté même des belles ftatues invite a en faire un ufage modéré. Cependant on peut quelquefois placer avec fuccès des grouppes entiers de ftatues dans un canton difpofé a deffein. Alors on a un fpecfacle qui fe diftingue des fcenes ordinaires par plus de vivacité & par la richeffe de l'art; qui fouvent eft ménagé pour jeter du contrafte, & fur-tout pour créer une fuite d'idées & de fentiments qu'on n'obtiendroit pas fans cela. Des deffeins de ce caradere furprennent, animent, entrainent a 1'admiration, ou tranfportent 1'ame du fpeélateur dans d'autres temps, & dans des contrées lointaines. A cette claffe appartiennent toutes les imitations de lieux & de fcenes qui font naturelles a d'autres pays, ou qui n'ont d'exiftence que dans la mythologie, ou dans 1'imagination des poêtes. Les premiers ouvrages de ce genre naquirent fans 'doute dans la fameufe campagne de 1'empereur Adrien a Tivoli, lorsqu'il y fit imiter les lieux les plus fameux de la Grece. *) Dans les temps modernes, les champs ély- fées *) Voyez le I. Vol. de cette Théorie, p. 21.  Monuments & Infcriptlons. 153 fées a Stowe font devenus un modele fameux, & qui mérite bien"une defcription ici. *) Les champs élyfées „font arrofés par un beau ruiffeau, & les arbres „qui les terminent, y ont été plantés k defi grandes diftances, que Ia Iu„miere y pénetre de toutes parts, & y répand de la gaieté. Ces arbres „s'ouvrent fur une clairiere du cöté oü les eaux préfentent plus de furface, „& ils laiffent voir fréquemment, au travers de quantité d'autres ouvertures plus étroites, des lointains qui paroiffent encore plus reculés par la „maniere dont on les apperqoit. On entre dans les champs élyfées par une „arcade dorique, placée k 1'extrèmité d'un percé Dans 1'intérieur „des champs élyfées, font les temples de 1'ancienne Vertu, & des grands „hommes d'Angleterre. L'un eft fitué fur un endroit élevé, 1'autre dans „le fond du vallon ck prés de la riviere. Tous les deux font ornés des buftes „de ces hommes célebres, qui ont immortalifé leur nom dans les emplois „civils ou militaires, ou par leurs écrits." Le temple des illuftres Bretons a la forme d'un demi- cercle & renferme une fuite „de feize niches, dans chacune desquelles a été placé le bufte „de quelque Anglois fameux. Le milieu de la courbe eft orné d'une pyra„mide, avec la niche remplie par un fort beau bufte de Mercure, au deffus „duquel eft cet hémiftiche de Virgile: Campos ducit ad Elyfios. Et plus bas, une plaque de marbre noir, oü font gravés ces vers de Virgile: Hic manus ob patriam pugnando vulnera paffi, Quique pii vates, & Phoebo digna locuti, Inventas aut qui vitam excoluere per artes, Quique fui memores alios fecere merendo. On apperqoit les buftes d'Alexandre Pope, de Thomas Gresham, d'Ignace Jones, de Jean Milton, de Guillaume Shakefpeare, deJeanLocke, d'Ifac Newton, *) Cette defcription eft tirée de 1'Art qu'en 1773 on a publiê une nouvelle de former les jardins modernes &c. p. édkion corrigée de 1'ouvrage intitulé': 293 - 295. & p. 331, 383, 385 & 386. Stowe a defcription ékc. Voyez I. Vol. Mr. Hirfchfeld annonce ici par occafion p. 79. Tome III. U  Citiquieme Seiïion. Des Statues, Newton, de Frangois Bacon, duRoiAlfred, d'Edouard Prince de Galles, delaReineElifabeth, du Roi Guillaume III, de Walter Raleigh, de Francois Drake, de Jean Hampden, ck de Jean Barnard. Sous chaque bufte eit une infcription qui contient les a&ions & les vertus des perfonnages. „Cette fuite de niches eft terminée en bas, par trois grandes marches, 8c „s'enfonce dans un bocage de Iauriers, dont les branches tombant natu„rellement fur les frontons, forment une couronne a chaque bufte." Scène telle que la décrit Virgile: Inter odoratum lauri nemus, „Le terrein compris entre le batiment & les eaux, forme une pente douce „de la largeur de deux ou trois toifes, & couverte de gazon." „C'eft une idéé auffi belle que poétique, d'avoir placé la récompenfe „de la valeur dans les champs élyfées, 8c de les avoir décorés des images „de ceux qui ont fi bien mérité de leur patrie 8c du genre humain. Le „grand nombre des buftes 8c le fouvenir qu'ils excitent, n'ont rien que d'a„nalogue au caractere de la fcene. Jamais la folitude ne fut comptée par„mi les charmes de 1'élyfée, qu'on nous a toujours dépeint comme le fé„jour du plaifir 8c de la joie. Dans cette imitation, toutes les circonftan„ces s'accordent avec les idéés établies. - La rapidité de ce grand ruiffeau „qui coule au travers du vallon; quelques rayons de Iumiere réfiéchis d'un „autre ruiffeau qui vient s'unir au premier; le gazon d'un verd foncé, 8c „les buftes des grands hommes d'Angleterre, qui font réfiéchis dans l'eau; „la variété des arbres, reelat de leur verdure; leur difpofition ingénieufe, „qui fait de chaque arbre en particulier un objet diftinct, 8c les difperfe fur „les petites inégalités du terrein; tout cela joint a cette multitude d'objets „intérieurs 8c extérieurs, qui embelliffent 8c animent la fcene, y répand une „gaieté particuliere, que 1'imagination avoit peine a concevoir." Quelque belle que foit cette fcene a Stowe, on pourroit cependant encore y perfeétionner bien des circonltances, fi 1'on fe propofoit de faire dans quelqu'autre endroit une imitation femblable des champs élyfées. L'idée de ce féjour eft en même temps fublime 8c féduifante, 8c s'accorde trés - bien avec les impreffions les plus agréables que puiffe produjre un jardin  Monuments & Infcription f. 255 dm oü regne Ia férénité. On choifira d'abord un canton'qui réuniffe une riante aménité aucalme: un canton que n'ébranle point l'ouragan, mais que raffraichiffent les doux zéphyrs; un canten vafte, dégagé 8c parfemé de collines; point de chaines de montagnes, mais une enceinte de monticules entre lesquels s'ouvrent, dans les payfages lointains, des perfpectives, qui préfentent 1'image de Ia progreffion 8c de 1'immenfité; un aimable affemblage de frais gazons, de ruiffeaux qui fe jouent, de buiffons d'un verd clair 8c qui fleuriffent long-temps, degrouppes aériens compofés d'arbres majeftueux & peu ordinaires, entre les tiges desqueis on appergoive des afpeéls agréables; des éminences tapifiées d'un épais mélange de plantes odorantes 6k de fieurs a brillantes nuances; point de cafcades qui troublent le repos, point de temples, ou d'autres batiments, qui faffent naitre 1'idée d'enceinte ou de clóture; point d'animaux qui caufent beaucoup de mouvement ou de bruit 8c rompent le filence folemnel qui, dans ces lieux, invite aux plus doux fentiments qu'infpire le plaifir; feulement quelques petits oifeaux qui fe bercent ga 8c la dans le feuillage touffu, 8c pouffent les plus doux accents de 1'amour a travers les buiffons odorants. Que l'entrée foit déferte, embaraffée de ronces, ombragée 8c obfcurcie par des arbres d'un feuillage noiratre; qu'elle ne faffe attendre rien d'agréable 8c devienne toujours plus fauvage 8c plus inculte, 8c que tout-a-coup 1'éiyfée s'offre riant avec toute fa férénité 8c tous fes attraits. Devenere locos laetos, et amoena vireta Fortunatorum nemorum, fedesque beatas, Largior hic campos aether, et lumine vertit Purpureo — Virgil. Aen, VI. Les images des habitants fortunés de ce féjour ne doivent pas tomber toutes a la fois fous la vue, mais fe préfenter fucceffivement entre des collines parfemées de fleurs, des grouppes de ronces fleuries 8c des bofquets, 8c toujours dans un emplacement, dans une fituation 8c avec une expreffïon convenables a leur caradere; tantót folitaires 8c dans I'enthoufiafme; tantót comme dans une converfation amicale. Au lieu de buftes qui ne font U 2 qu'un  Onqiileme Sehlion. Des Statues, qu'un demi-effet, des ftatues de grandeur naturelle, qui ne foient pas entiérement a découvert, pour ne pas rendre le marbre trop éclatant, mais qui placées parmi des arbres, foient éclairées d'enhaut par un jour plus doux. Quoique ces fcenes aient un trés - grand attrait pour des perfonnes qui joïgnent a la connoiffance des fidions poétiques, un fentiment délicat, il faut cependant avouer, que leur effet eft perdu pour des perfonnes ordinaires. L'imagination de la plupart des hommes eft fi pefante qu'elle ne femble fufceptible d'aucune mobilité; leurs notions desfables de 1'antiquité fontlimfuffifantes, & fiincertaines, ils connoiffent fi peu les images des poëtes, que les imitations les plus heureufes de l'art des jardins paffent devant eux 8c difparoiffent fans toucher le cceur, & ne font qu'un fimple fpedacle pour les yeux. Cependant c'eft précifément pour jouir des fcenes de cette efpece, qu'il faut dans le fentiment une certaine facilité a recevoir les impreffions, dans i'imagination une certaine volubilité qui prévienne, qui remplace ce qui manque a 1'imitation pour être parfaite. ^ Car Ce caradere des lieux & de leur décoration ne fauroit jamais être repréfenté ici d'une maniere auffi parfaite, auffi illufoire, que dans les defcriptions des poëtes. Les emplacements, les arbres 8c les autres objets ne fontguere que ceux que nous fommes accoutumés l voir ailleurs; une grande partie du tableau qu'on veut offrir dépend de mceurs 8c d'ufages qui ne s'accommodent plus avec notre fiecle; 8c le tour d'efprit des fpedateurs, ainfi que les accidents naturels qui ne font jamais en notre pouvoir, doivent faire beaucoup de leur cóté. Avec des moyens auffi défedueux, 1'exécution de cette entreprife eft toujours très-difficile, 8c 1'artifte jardinier a fait tout ce que peut fon art, quand il a porté 1'illufion jufqu'a un certain point pour des connoiffeurs fenfibles, tandis que la foule paffe devant fon ouvrage en l'envifageant d'un air ftupide. 7' Afin d'éviter' les inconvénients des repréfentations tirées de la mythologie 8c des fables poétiques de 1'antiquité, 1'artifte jardinier peut fe tourner vers des fcenes tirées de fon temps 8c de fa nation, fcenes qui, outre  Monuments & Infcriptïcns. 15? outre qu'elles font univerfellement intelligibles, font auffi plus intérefiantes. II n'eft ici gêné par aucun modele; il invente lui - même, & il eft maitre de fes inventions; l'ordonnance eft toute en fon pouvoir; la fcene eft pour ainfi dire d'avance fur fon terrein. II n'eft pas obligé d'avoir recours a des reffources éloignées; il trouve tout fous fa main; il peut prendre le plus court chemin, & être fur de fe rapprocher avec fuccès du fentiment ou du génie du fpeétateur. Un excellent modele en fait cle pareilles fcenes nationales, c'eft le Normannsthal (vallon des Norwégiens) dans Ie pare royal de Fredensbourg peu loin de Copenhague; 1'on s'en convaincra dans Ia fuite. *) *) Voyez la defcription de ce pare dans 1'Appendice a ce Volume. II. Monu~ U3  Citquleme Seïïion. Bes Statues, II. Monument s. K. Les monuments & les maufolées font des moyens trés - efHcaces de trans-, mettre a la poftérité le fouvenir d'une perfonne ou d'un événement. De la vient qu'on en rencontre chez tous les peuples, tant chez ceux qui n'avoient encore fait que peu de progrès vers la civilifation, que chez ceux oü floriffoient les arts & les fciences. Dans les pays oü 1'on n'avoit pas encore découvert 1'écriture, on fe voyoitplus qu'ailleurs dans le cas de conferver la mémoire d'une aétion ou d'une perfonne, par le moyen des monuments, quelque groffiers qu'ils fuffent. Un fimple monceau irrégulier de pierres défignoit Ie lieu oü s'étoit paffe quelque événement remarquable 8c intéreffant pour la nation; oü 1'on avoit livré une bataille, conclu une allianee, tenu quelque conférence folemnelle; ou bien il marquoit le lieu oü repofoient les reftes d'un ancien héros de la nation. On trouve encore dans plufieurs pays, fur-tout dans Ie Nord 8c en Ecoffe, des exemples de ces monuments uniquement compofés d'uH amas de cailloux bruts & élevés dans des fiecles écoulés depuis long- temps, en mémoire de quelque aventure nationale arrivée au héros qui en avoit été la vidime. ■ Chez les nations, qui fachant prifer le mérite, cultivoient auffi les beaux-arts, les monuments qu'on élevoit devoient encore être importants du cóté du goüt. Les Egyptiens, lesPhéniciens, les Etrufques avoient déja des ouvrages eftimables en ce genre; mais les Grecs en poffédoient une plus grande quantité & de plus beaux qu'aucune des nations éclairées par les arts n'en poffédoit avant eux. Ils récompenferent de bonne heure Ia force 8c la valeur, par des ftatues 8c d'autres monuments publics; cependant ces marqués de fouvenir n'étoient pas uniquement érigées 11'honneur des héros ou de ceüx qui avoient vaincu dans les jeux publics, mais encore a 1'honneur des patriotes deftruéte urs des tyrans, 8c quelquefois a celui des philofophes 8c des poëtes qui avoient écl&Vré la patrie. Toutes les villes, 1 toutes  Monuments' & Infcriptiont. 159 toutes les places publiques, les grandes routes mème cle la Grece, étoient remplies d'une foule de fuperbes monuments élevés k 1'honneur du mérite; monuments qui brillent encore k notre imagination dans les defcriptions de Paufanias, 8c dont les reftes font encore 1'orgueil de l'art 8c 1'admiration des connoiffeurs. Les tombeaux n'étoient pas cachés comme chez nous, mais expofés le long des grands chemins aux regards des paffants. Nombre de places, oü le peuple fe raffembloit pour fe promener, étoient embellies par les ftatues des hommes les plus fages 8c les plus vaillants de la nation. Quelques batiments même n'avoient été élevés que pour y conferver des monuments honorables. Le Grec ne pouvoit porter fes yeux nulle part fans rencontrer 1'image d'un héros, d'un patriote, d'un fage; 8c quelles impreffions fortes, durables 8c propres k rappeller de nobles fouve^ nirs, aréveiller 1'émulation, ne devoient pas faire fur le fpectateur, ces monuments folemnels du mérite, dont il étoit environné, que la patrie entiere approuvoit, révéroit, 8c fouvent même avoit fait dreffer k fes frais? Le citoyen pouvoit-il manquer d'être fenfible pour fon pays 8c pour la vertu, iorsqu'il y étoit invité de tout cöté ? — Les Romains auffi, dés leurs premiers fiecles, récompenferent le mérite par des monuments publics, qui gagnerent du cóté du goüt 8c de la délicateffe k méfure que ce peuple fe familiarifa avec les arts des Grecs. Le fénat de Rome n'étoit pas le feul qui confacrat dans des places publiques des monuments honorables k la mémoire de fes héros 8c de fes patriotes; les autres villes de Pempire obtinrent auffi la permiiTion d'ériger des ftatues 8c des buftes k leurs bienfaiteurs; ies particuliers même pouvoient, avec 1'aveu du fénat qui leur en marquoit Remplacement, vouer un monument k des perfonnes de leur familie, ou ordonner dans leur teftament qu'on exécutat ce deffein. On fe rappelle fans doute combien les Romains fe fentoient non feulement émus, mais encore pouffés k une active émulation par les monuments refpeclables de leurs ancêtres. *) Les *) Pline le jeune en faifantjcnention d'une ftatue dreflee par ordre de Trajan en  qq Cmqmeme Seblion. Des Statues, Les nations modernes n'ont que rarement fait ufage d'un moyen auffi puiffant d'encourager le mérite, en même temps qu'on en conferve la mémoire. Ce n'eft qu'a quelques princes, k quelques heros ou hommes d état qu'on a érigé ga & lk des ftatues dans les places publiques des capitales dreffé un bufte dans une falie, tóti un tombeau dans une egliie. Quelles fommesn'a-t-on pas prodiguées pour des copies mulnphees a 1'mfini des divinités de 1'antiquité, dont nous farciffions nos villes & nos jardins, tandis qu'on n'a que bien rarement penfé a confacrer une partie de cette dépenfe aux véritables bienfaiteurs du genre humain, & aux gens de mérite de notre propre nation. *) Rien ne devroit ètre plus facré aux princes que de récompenfer le mérite généralement utile par des monuments publics, & de répandre par ce moyen des fouvenirs encourageants dans des lieux oü le peuple fe raffemble & s'arrète fouvent en foule. Un monument élevé a un homme fage & magnanime eft non feulement un triomphe accordé a la vertu; il eft encore, & pour les contemporains, & pour la poftérité, une invitation publique d'imiter cette vertu. 2. Si, en mémoire du jeune Cottius, parle de la force des monuments d'une maniere qu'on ne fauroit lire fans intérêt. Quo quidem honore, quantum ego interpretor, non modo defunfti memoriae, et dolori patris, verum etiam exemplo profpeaum eft; acuent ad bonas artes juventutem adolefcentibus quoque (digni fint modo) tanta praemia conftituta; acuent principes viros ad liberos fufcipiendos, et gaudia ex fuperftitibus, et ex amiffis tam gloriofa folatia. Erit ergo pergratum mihi, hanc effigiem ejus intuerii fnbinde refpicere, fub hac con- liftere, praeter banc commeare. Etenim fi defunftorum imagines domi pofitae dolorem noftrum levant, quanto magis eae, quibus in celeberrimo loco, non modo fpecies et vultus illorum, fed honor etiam et gloria refertur? Lib. 2. Ep. 7- *) Ceci regarde particuliérement PA1lemagne. On a commencé dans le Nord un fuperbe établiflement de cette efpece &tel qu'aucun pays n'enpoffede encore. Voyez dans 1'Appendice la defcription de Jagerspreis.  Monuments & Infcriptionfi 161 2. Si, a 1'exemple des anciens, nous apprenions aprifer davantage I'énergie des monuments, nous pourrions, tout en jouiffant des agréments champêtres, réveiller mème dans plufieurs cantons de nos jardins, Ia mémoire d'un mérite beau ou utile, 8c y entretenir les fentiments mor aux. IJ ne faut pas grande réflexion pour ordonner un jardin, féjour du plaifir, enforte que fans bleffer le bon goüt, il offre dans quelques endroits 1'école de la fageffe; 8c des monuments de vertu font bien plus décents Sc bien plus propres a cet effet que 1'idée puérile exécutéea Verfailles, oü 1'on voit des jets d'eau répréfenter les fables d'Efope, dont on s'eft vu forcé d'expliquer encore le fens par des infcriptions placées dans le voifinage. Entre les différentes fortes de monuments, les uns conviennent mieux aux places publiques des villes, les autres aux jardins. Les fouverains, les héros, les hommes d'état, les bienfaiteurs magnanimes de la fociété, tous ceux dont le mérite infiue fur 1'état en général, ont droit a des monuments publics placés dans les capitales oü ils font érigés aux dépens de Ia nation, ou du moins expofés a fes yeux. Des monuments que peut élever un particulier, qui font moins confacrés a des mérites brillants qua des mérites d'un genre agréable, & ceux qui fur-tout ont une certaine analogie avec les images champêtres, ou fe rapportent aux fcenes naturelles 8c k leur ennobliffement, font principalement affortis aux jardins. Ici 1'on peut confacrer des monuments aux philofophes, aux poè'tes, aux artiftes, a des citoyens utiles, ou a des amis, tant morts que vivants. Ces marqués de fouvenir peuvent être également vouées au plaifir 8c k la douleur. Elles exigent toujours une fcene convenable au caractere de ces émotions. Que le monument d'une avanture, d'un fentiment ou d'un fouvenir agréable, attire l'ceil fur la belle colline qu'il furmonte: qu'un monument de douleur ou de mélancolie fe cache modeftement dans un Tome III. X enfon-  j$j Gnqüieme Scclbn. Des Statuis, enfoncemcnt ineulte, au milieu dc i'ombrage d'épais bofquets, ou fous un rocher. Les effets des monuments peuvent être très-variés, fuivant la diverfité des perfonnes ou des chofes dont ils raffraichiffent la mémoire. Ils réyeilient des fouvenirs ou des fentiments intéreffants de vénération, d'amitié, & d'amourj des émotions quicaufentun doux plaifir, ouunedouce mélancolie. Lorsque les beautés de la nature ont raffafié nos yeux, nous aimons k nous arrêter auprès des monuments oü le cceur trouve de quoi s'occuper. Les monuments dont le fujet eft pris dans la familie même du propriétaire ou dans le cercle de fes amis, font les plus énergiques pour lui & pour tous ceux qu'un même intérét réunit k lui. Cependant en pareil cas, il ^ faut  Monuments & Infcnpthns. 1G3 faut aufH faire affez d'attention au fpeétateur étranger, pour que'celui-ci, lors mème qu'il ne peut être ému, foit du moins occupé par un fpectacle, que 1'objet même qu'il retrace, ou le goüt avec lequel il eft conftruit, rend propre a cet effet. Les différentes fortes de monuments font tantót du reffort de 1'architeéture, & tantót de celui de la fculpture. Les batiments, & fur-tout les temples dont on a traité plus haut, les pyramides, les pilaftres, les arcs de triomphe, appartiennent ala première; a la feconde les ftatues, les obélifques, les colonnes, les urnes, les maufolées &c. Quelques monuments réuniffent les deux arts. Les uns font fimples, comme une ftatue, une urne, une colonne; les autres compofés, comme un maufolée orné d'un grouppe de figures, ou une urne contre laquelle s'appuie une ftatue dans une attitude plaintive. L'artifte peut en général choifir entre tous ces monuments, celui qu'exige le caraétere & 1'importance de fon objet. Parmi ces monuments il s'en trouve cependant quelques - uns qui, a caufe du caraétere de magnificence, de grandeur & de majefté qu'ils ont, conviennent fur-tout a la vénération qu'excitent des vertus fublimes & brillantes, & qui par conféquent font mieux placés dans les capitales que dans les jardins. De ce nombre font les arcs de triomphe, les ftatues équeftres, les obélifques, 6k d'autres colonnes élevées. On les a introduits dans quelques parcs royaux & jardins d'une grande étendue & d'un caraétere noble, & fans doute ils y font mieux que dans les jardins des particuliers; mais avec tout cela ils font plus affortis aux places publiques des villes, & aux environs des palais & d'autres édifices magnifiques, oü le caraétere qui leur eft propre, peut renforcer encore 1'impreffion de dignité & de majefté du lieu. Ces monuments annoncent une efpece de pompe qui ne s'accorde pas toujours avec la fimplicité des jardins. Un obélifque fait fouvent un effet admirable vers une forèt ou vers un lac: mais un are de triomphe dans un jardin fait presque le même effet qu'un berceau de feuillage au milieu du marchê. La fingularité peut s'attirer 1'attention & caufer un court étonnement; elle ne fauroit jamais fatisfaire le bon goüt. Une pyramide nous ramene dans les temps des Egyptiens; c'eft un ancien monument qui X 2 doit  164» Gnquième Seblion. Des Statues, doit fervir adëfigner une chofe moderne; on ne voit point d'enfemble vraiment, bien afforti; on n'apperqoit qu'une fimple imitation, dont 1'effet ne s'accorde pas toujours heureufement avec le but qu'on tache d'atteindre; tandis qu'une fimple colonne, propre a tous les pays, feroit un objet bien plus convenable. Des urnes & des maufolées font des objets fortables dans les cantons mëlancoliques des jardins, par la même qu'ils ont une rélation naturelle avec le caraétere & les effets de ces cantons. Ces fabriques renforcent en gënéral 1'impreffion que fait un canton mélancolique, & réveillent de plus des idéés & des fentiments que ce canton ne fauroit produire par luimême d'une maniere auffi déterminée. Elles rendent le fpeétateur attentif dés le premier coup d'ceil: il eft attiré tout en éprouvant un preffentiment douloureux; le refpect, 1'amour, 1'idée de réunion & de féparation, les larmes, le defir, la douleur, toutes images attendriffantes, fepréfentent a fon efprit en foule; il s'approche, voit & lit; il entend Ia voix plaintive de 1'amitié, & y joint bientót la fienne; & tandis qu'un fentiment de fympathie 1'entraine, il fe rappelle ce que lui-mème a perdu, & ce que bientót peut-être fon ami, ou fon époufe, perdra en le perdant; un mélange de terreur mélancolique, de douleur tendre, de defir affectueux, d'efpoir incertain, inonde fon cceur; & il s'éloigne lentement en pouffant un foupir qui décele toute la plénitude des émotions qu'il éprouve. Des monuments effectifs placés dans un jardin, doivent bien plus toucher encore que le fameux tableau dè Pouffin appellé communément 1'Arcadie. *) Au milieu d'une contrée riante „1'on voit le monument d'une jeune fille „morte a Ia fleur de fon age. L'infcription fépulcrale n'eft que de quatre „mots latins: Je vivois cependant en Arcadie! Et in Arcadia ego. Mais „cette infcription fi courte.fait faire les plus férieufes réflexions a, deux jeu„nes garcjons & a deux jeunes filles parées de guirlandes de fleurs, & qui „paroiffent avoir rencontré ce monument fi trifte en des lieux oü 1'on de„vine bien qu'ils ne cherchoient pas un objet affligeant. Un d'entr'eux „fait *) Da Bos, Réflexions critiques fur ia in 8- a Paris chez Piflot, 1755. Tome I, Poéfie & fur la Peinture, üxieme édition feclion 6.  Monuments & Infcriptions. 165 „fait remarquer aux autres cette infcription en lamontrant du doigt, & „1'on nevoit plus fur leurs vifages, a travers l'affliétion qui s'en empare, „que les reftes d'une joye exfpirante. On s'imagine entendre les réflexions de ces jeunes perfonnes fur la mort qui n'épargne ni 1'age, ni Ia „beauté, & contre laquelle les plus heureux climats n'ont point d'afyle." En conftruifant un monument, 1'artifte a le choix entre une foule de formes, pourvu qu'elles foient en elles - mêmes de bon goüt, & s'accordent au caraétere de fon ouvrage. L'invention de toutes les parties de 1'édifice, fon exécution, & même fa décoration, doivent fe décider & fe mefurer exaétement d'après les regies de la convenance, d'après le plus ou le moins d'importance, le genre particulier & la deftination de 1'ouvrage. Toute fa forme extérieure doit attirer la vue d'une maniere agréable, & avoir un caraétere clairement exprimé, qui ne laiffe pas le fpeétateur longtemps en doute fur fa fignification; & ce caraétere doit ètre tel que 1'on puiffe Ie faifir avant que la Ieéture de 1'infcription n'acheve de 1'expliquer. Une urne, un maufolée, font des objets faciles a comprendre en eux-mèmes; mais une fimple colonne étant fufceptible d'une variété de fignifications, exige quelque petit acceflbire explicatif, une infcription ou un emblème. Un papillon, dont déja les anciens fe fervoient, & avec raifon, pour indiquer 1'immortalité de 1'ame, Pfyché qui la tète penchée fur fa main s'appuie contre le piédeftal d'une colonne, une figure affife qui de fes deux mains s'embraffe les genoux, un Génie éteignant un flambeau &c, font des fymboles bien plus décents pour les maufolées, qu'une dégoutante tète de mort. Une fimple guirlande de fleurs fuffit fouvent pour indiquer que la colonne fur laquelle elle eft pofée, eft confacrée a un fouvenir. agréable. Dans aucun ouvrage de l'art on ne doit plus éviter toute fuperfluité de décoration, que dans les monuments; rien n'eft plus nuifible a la majefté calme & a Ia fimplicité grave qui fait I'effence de leur caractere. Un maufolée paroit presque ne fupporter aucun ornement. Plus le monument eft fimple, moins il peut diftraire la vue, & plus fon impreffion eft affurée & prompte. 11 faut que l'ceil puiffe 1'embraffer en entier tout k Ia fois, & qu'il n'ait rien k chercher ou k parcourrir. Deux infcriptions X 3 bleffent  idQ Gnquieme Seclion. Des Sttttues, bleffent déja Ia fimplicité, & une colonne toute entiere furmontée d'une urne, offre quafi une compiication fuperfiue. 3- Après que dans Ia nouvelle maniere on eut multiplié l'art de produire les émotions dont les jardins font fufceptibles, on y introduifit auffi des monuments d'un genre noble. Depuis long-temps les Anglois ont confacré dans leurs parcs des urnes, des colonnes, 8c, comme on 1'a déja remarqué, des édifices, en mémoire de leurs poëtes 8c d'autres gens de mérite de leur nation. On en rencontre aujourd'hui presque par-tout des exemples. On alme a. fe rappeller qu'un des premiers monuments de cette efpece, eft en même temps un monument de piété filiale, pofé par Pope a 1'honneur de fa mere, dans fon jardin affez connu de Twickenham, 8c qui fubfifte encore: c'eft un pilaftre quadrangulaire 8c tronqué; il eft haut de quinze pieds, fans le piédeftal de cinq pieds, 8t eft décoré de cette in* fcription: AhEditha, matrum optuma, mulierum amantiffima, vale! Ce monument eft placé fur une petite élévation de gazon, & environné par - tout de fapins, d'ormes & de cyprès; l'entrée eft une place tapiflée de mouffe, ck ombragée de grands arbres. L'AlIemagne poffede en plufieurs jardins des monuments trés - convenables ck d'un bon goüt. *) Cependant Gellert eft le premier d'entre nos poëtes k qui 1'on en" ait érigé un: il a été placé par Oefer dans un jardin prés de Leipfig, **) 8c il elt auffi digne de 1'habile artifte que de 1'homme dont toute Ia nation réve- re *) Un de ces monuments nouvelle- ne fera fans doute pas néceffaire d'averment pofés fe trouve dans le jardin de tir qu'on ne doit point s'attendreatrouver la feigneurie de Raftorf a deux milles ici la defcription des principaux monu( d'Allemagne) de Kiel: Mr. Mielckmi- ments, mais feulement quelques exemples. niftre du St. Evangile a Preetz, en don- **) GeUerts Monument, g. Leipzig na une defcription in 8- en 1779. *" U d'oü la defcription fuivante eft tirée.    Monuments & Infcriptions. 167 re les cendres. Gellert réunit le premier dans la poéfie allemande, la Iégéreté, la délicateiïe & 1'agrément, a la fimplicité & a la naïveté, & lui donna ce qu'on appelle Ia grace. On peut donc le regarder avec raifon comme ie pere desGraces allemandes; mais ilmourut tandis qu'elles étoient encore dans 1'enfance, 8c laifla a d'autres le foin de les perfeétionner. Cette ïdée qui renferme un éloge fi vrai 8c fi modéré de Gellert, & préfente les traits effentiels de fon caradere littéraire, guida 1'artifte. II raffembla autour de 1'urne du poè'te les trois Graces; ce font des enfants, mais de petits enfants charmants qui promettent de devenir les créatures les plus aimables quand leurs attraits feront entiérement développés. Elles pleurent leur pere & réverent fa mémoire. Deux de ces petites déeffes fe penchent triftement fur fon urne ouverte & placée fur une colonne non achevée. Sous elles Ia troifieme, a genoux au pied de 1'urne, fe baiffe vers la figure du poëte qu'offre un médaillon attaché par des feuilles de laurier a la colonne, 8c y joint le dernier ornement, en y placjant une rofe, attribut de cette Grace. L'expreffion de la douleur eft convenable a ces enfants au deffus des enfants vulgaires. Des larmes coulant avec violence ne défigurent point leurs vifages, 8c leur affiiétion femble réhauffer leurs attraits.— Le morceau entier eft de beau marbre de Saxe, égal en tout a celui de Paros, 8c la colonne eft cannelée; 1'altragale qui entoure le fut de la colonne, a, comme celles des colonnes d'Antonin 8c de Trajan, la forme d'unê couronne de laurier, 8c la colonne même, fans diminution, repofe fur Ie milieu d'une marche quarrée. Du cóté oppofé a celui du médaillon, 011 lit fur une table qui lui eft femblable en grandeur, en forme 8c en décoration, 1'infcription: ( Geilerts Andenken) A Ia mémoire de Gellert. Les figures excedent un peu la grandeur naturelle des enfants; 1'urne, haute de trois pieds fix pouces, eft ainfi que la colonne, de trois pieds fix pouces de diamêtre: avec les figures 1'urne eft haute de cinq pieds, la colonne avec fa bafe de huit, 8c par conféquent toute la conftruétion a treize pieds de hauteur. *) Nous *) Voyez Planche L  16g Cinquleme Seclion. Bes Statues, Nous n'avons point d'abbaie de Weftminfter oü ia cendre des premiers hommes de Ia nation repofe a cóté de Ia cendre des Rois. Nous n'avons pas même, comme Ia France, une académie qui trouve Ie moyen de procurer des ftatues aux génies du premier rang. Le mérite en fait de fciences ck d'arts ne voit encore parmi nous aucun établiffement deftiné a iui rendre publiquement les hommages qui lui font dus; plufieurs favants ck poëtes illuftres, dont les nations nos voifines lifent les ceuvres avec admiration, ont a peine une pierre fépulcrale qui porte leurs noms. — Mais nos jardins nous offrent, avec Ia place néceffaire, une occafion favorable de nous honorer nous-mèmes en pofant des monuments k 1'honneur de nos hommes diftingués. Quel prince, quel grand feigneur, ou quel particulier montrera 1'exemple? Halier, qui le premier nous peignit les fpectacles fublimes de Ia nature qu'offre fa patrie, mérite en fa feule qualité de poëte un des premiers monuments placé dans des fcenes alïortiffantes au caraétere élevé de fa poéfie pittoresque. A lui „dont les chanfons immortelles nous rendent préfentes les rives fuper„bes & odorantes de 1'Aar, êkqui, en chantant les Alpes, s'eft érigé ces „foutiens des cieux en colonnes dreffées k fon honneur," *) a lui foit confacré ce monument, placé fur un roe élevé au milieu d'un payfage fuiffe entre-mèlé de paturages ck de villages, ck terminé par les Alpes dans le lointain. **) Que Hagedorn lui fuccede ici; Hagedorn qui nous attira fi fouvent vers les plaifirs de la vie champètre, & dont les chants purs & riants couloient comme la fource qu'on voit fourdre de fon monument, pofc fur une peloufe dans un bofquet aérien. ***) é Voici *) Kleift dans fon Poè'me intitulé: le **) Voyez Planche II. Printemps. ***) Voyez Planche III.        Monuments & Infcriptions. iCg Voici un monument pour un autre poète, qui cëlébra les beautés de •la nature, qui vécut en ami de 1'humanité, 8c mourut en héros pour fa patrie. *) Qui 1'élévera, ce monument, a 1'honneur de notre Kleift, Ie chantre du Printemps? Lui, qui pendant fa vie, fe fentoit plus heureux qu'Achille 5c Annibal; car „II voyoit les aunes touftus fe balancer fur Ie fol parfemé de fleurs; il „voyoit la décoration du riant bofquet, le blanG bouleau plein de feuilles, „Sc le ruiffeau errant dans le vallon." **) Hercule s'appuie douloureufement contre 1'urne, autour de laquelle eft un paffage du poète qui fignifie: „Vents, foufflez doucement, Ia cendre facrée repofe." Un petit Cupidon couronne fa lyre. Le monument eft placé fous des arbres d'un feuillage fombre 8c a. branches pendantes, dans un lieu un peu élevé d'oü 1'on peut découvrir le payfage lointain. Que 1'on dreffe auffi. dans nos jardins un monument pour Hagedorn, frere du poète, juge éclairé en fait de beaux arts, 8c artifte heureux luiméme, qui fut fi bien développer les beautés de la nature, Sc celles de la peinture en payfage. 11 favoit le grand fecret de trouver l'art dans la nature. Tantót, accompagné d'Horace 8c de Chaulieu, il favouroit ***) les plaifirs innocents de la vie champètre; tantót fe livrant davantage k lacontemplation du créateur adorable de tout, 8c les defcriptions agréables d'un Thomfon 8c d'un Sulzer a la main, il confidéroit les beautés de la nature, qu'il retrouvoit enfuite chez lui dans les tableaux de Swaneveld 8c de Thoman. Le connoiffeur parcourt avec plaifir dans fon ouvrage la variété des *) Voyez Planche IV. ***) Voyez fes Réflexions fur la Pein¬ ture, 2tl» Partie; ouvrage qui parut en **) Paffage oü ce poè'te parle de lui- allemand a Leipzig fous le titre: Bemême. trachtungen über die Malerei/. 8- ifóz. Tome III. Y  170 Cinquieme SeStion. Des Statues, des fcenes qui nous enchantent dans Ia nature, & des imitations que nous en offrent les payfagiftes. Son monument eft devant une fombre forèt fur une place découverte, d'oü 1'on apperqoit un vafte payfage & Dresde dans 1'enfoncement. *) Mais il n'eft pas toujours nécefTaire d'attendre que nous pleurions nos hommes illuftres pour leur ériger des monuments ; nous pouvons leur en Confacrer pendant leur vie, dés que leur réputation eft décidée. Les marqués de fouvenir deftinées k retracer un mérite encore vivant, ont un air de férénité que n'a pas un maufolée, & font par'la même plus afforties aux émotions que produit un jardin riant. Quelle idéé eft plus naturelle que celle de confacrer un monument au plus grand poète paftoral moderne, k celui qui nous fit fentir avec tant de fimplicité & de naïveté, 1'innocence & les doux plaifirs de 1'age d'or, qui fut nous retracer les attraits fans art de la nature, tant par la magie de fes vers que par celle de fon burin; k Gefsner? En voici le projet qui n'attend que d'être exécuté. **) Le monument eft dans une grotte au bord d'un ruiffeau. Quelques arbres environnés de lierre I'ombragent par devant, & la vigne rampe en s'élevant le long du rocher. La Mufe paftorale, auprès d un autel fur lequel font pofés un chalumeau & un burin entourés de fleurs, enfeigne k un Génie quels font les fentiments d'un amour pur, en lui montrant des pigeons affis devant lui: un Satyre & un jeune Faune prêtent une orejlle attentive. — Les maufolées font 1'apanagedes fcenes mélancoliques; ils font encore d'une application convenable dans les jardins autour des couvents & des cimetieres. Lorsque le but que fe propofe 1'artifte jardinier, exige que la terreur caufée par un pareil fpeétacle foit encore renforcée, on peut avec fuccès *) Voyez Planche V. **) Voyez Planche VI.    jiLVI.   Monuments & Infcriptions. im fuccès énger Ie monument dans une fombre caverne, qui, dans quelques cas particuliers, peut elle - même fervir de tombeau. 4- On fentira fans peine combien tous les ouvrages de 1'art & de Hmjtation mis en ceuvre dans les jardins, & dont nous avons parlé jufqu'ici, pourroient contribuer non feulement a renforcer 1'effet des fcenes naturelles, mais encore a produire de nouvelles émotions, fi on les avoit places dans des lieux convenables, &fion les avoit ménagés avec jugement, avec gout, & fur - tout avec une fage économie. La principale précaution qu'on doit obferver en les employant, c'eft de n'en jamais faire les parties capitales du tableau, mais de les fubordonner toujours aux fcenes natu- Y 2 relies,  172 ' Gnquieme Setliou. Des Statucs, relles, de ne les jamais entaffer indiftindtement, & de ne jamais offrir un ouvrage de 1'art qui ait k lui feul tous les acceffoires accidentels dont fon efpece eft fufceptible. Quelquefois même les ouvrages de l'art les plus féants 8c les plus eftimables, peuvent être arejeter dans des cas particuliersj & ce qui décore un jardin d'un certain caraétere, défïgure un jardin d'un caraétere différent. L'artifte jardinier n'a jamais plus befoin d'examiner 8c de juger par lui-mème, de comparer, de choifir 8c de mettre au rébut, que lorsqu'il s'agit de 1'ufage des ouvrages de l'art. II ne fera pas non plus nécefTaire de démontrer combien les objets de l'art 8c de 1'imitation dont nous avons parlé, 8c qui ont Ia faculté de réveiller les images 8c les fentiments les plus importants, font au deffus de ces petites décorations propres k 1'ancienne maniere. Entre tous les beaux arts, celui des jardins, vu fa nature, fouffre Ie moins les décorations recherchées, 8c cependant c'elt précifément celui que Ie goüt jadis dominant en avoit le plus furchargé. II n'eft presque point de jeu d'efprit fuperficiel, point de'projet, fruit d'une imagination fantafque, que 1'on n'ait adopté dans les jardins, 8c que 1'on n'ait cherché k y maintenir obftinément, comme s'il y étoit bien placé. La nature a fouvent été forcée de céder k cette tyrannie, au point qu a peine on retrouvoit fes traces. Quelques - uns de ces jouets du petit genre, étoient firidicules que 1'homme d'efprit endétournoit les yeux avecdégoüt, 8c qu'ils ne fervoient au plus qu'a divertir les enfants. De ce nombre font p. e., les parterres oü des pierres colorées, des débris de porcelaine, des morceaux de verre, des plaques de marbre, des coquillages, deffinoient toutes fortes de figures fur le fable; les avenues pavées de cailloux blancs 8c noirs qui devoient repréfenter des feuillages ou des animaux; les eaux d'attrape; les machines qui imitoientle fon de la trompette, ouleséclats d'une fufée; les orgues hydrauliques, 8c d'autres fadaifes artificielles. On ne fauroit foutenir que ce goüt foit banni de par - tout aujourd'hui. Nous voyons encore en Allemagne dans les jardins de tant de princes,une foule de vafes vuides qui ne fignifient rien; 8c en Italië fur - tout, les jardins font encore farcis de jouets ridicules 8c de fubtilités étranges. En voici quelques  Monuments & Infcriptions. 173 ques exemples tirés du jardin fameux du chateau ducal de plaifance, nommé Pratolino auprès de Florence, *) jardin dont les Italiens parient avec enthoufiafme. Qu'on life 8c qu'on juge par foi - même. Sans parler du géant dans le ventre duquel eft une grotte, ni du Jupiter dont le foudre brillant lance de l'eau, arrétons-nous d'abord aux machines des longues grottes qui font a cóté du chateau. Une d'entr'elles, furnommée Galathée, offre au milieu un foi - difant lac d'eau claire, d'oü fortent des rochers couverts de coraux 8c de coquillages marins. Subitement paroit un Triton qui fonne de fa conque! marine. Auffi - tót un roe s'ouvre, 8c Galathée s'avance affife fur une grande conque dorée que tirent deux dauphins qui vomiffent de 1'eau par la gueule. Deux autres conques, du centre desquelles s'ébmce un jet d'eau élevé, I'accompagnent des deux] cótés jufqu'au rivage. Dans une autre grotte . on voit fur de grandes coupes d'eau, deux harpies d'airain qui vomiffent de l'eau, & deux autres harpies couvertes d'ouvrage en mofaïque, outre un enfant avec un globe que l'eau fait tourner; a fes pieds des canards boivent & fe baignent dans un petit étang. Une autre grotte repréfente un bain garni de miroirs tout autour. Tandis que 1'on s'apperc-oit de tout cóté, le fol fond fous les pieds 8c 1'on fe trouve bien mouillé. Dans la plupart des grottes on a ménagé des bancs trompeurs le long des murs 5 s'affeoit-on? un jet d'eau s'élance de deffous les pieds droit en l'air. Plus loin on voit dans des grottes des bergers avec leurs troupeaux, des moulins a eau en plein jeu, de petites ftatues qui vont de cóté & d'autre, des oifeaux qui chantent, une femme fortant le feau a la main, d'une porte qui s'ouvre, 8c allant au fon d'une mufette dont joue un berger voifin, puifer a quelque diftance de l'eau dans un puits, 8c retournant enfuite d'oü elle eft venue. Cette Dame s'appellelaSamaritana. Vis-a-vis de ce chef-d'ceuvre eft une fbrtereffe affiégée 8c défendue par une foule de foldats. Les canons 8c les fufils lancent de l'eau. On entend battre la caiffe 8c un grand tintamarre, tout eft'mis en mouvement par l'eau. — Sous 1'efcalier, par lequel on defcend du cóté Y 3 du *) Tirés des lettres de Mr. Jagemann fur 1'Italie. Vol. 2. Lettre 18- Ouvrage publié en allemand en 1780.  174 Cinquleme SecTion. Bes Statues, du chateau dans Ie jardin, eft une grotte oü fe trouvent Ia ftatue de Ia Renommee qui tient une trompette dorée, un dragon dans 1'attitude de boire, & un payfan qui tend une coupe. Lorsque Ie jeu commence, la Renommee fonne de Ia trompette, & remue les ailes; la coupe fe remplit d'eau, Ie payfan Ia préfente au dragon qui y plonge la tête & boit. Dans une grotte oppofée a celle de la Renommee, eft affis Pan, qui mis en mouvement par l'eau, fe leve, joue de laflute, branie la tète, ckferaffied. Les orgues, les pendules, les carrillons que l'eau meut, les ftatues qui en fe tournant inopinément inondent le fpeétateur, les théatres au milieu desquels s'élevent des vafes d'eau, & d'autres inventions de ce genre, fe fuccedent jufqu'a. la profufion dans ce jardin. — Après tous les petits tours de force de ces fingulieres machines hydrauliques, reprenons haleine en confidérant Ia belle fcene naturelle que nous offre 1'image fuivante. III./«-  Monuments & Infcriptions. ï-75 m. Infcriptions. i. Les infcriptions font des additions qu'on fait aux édifices ou aux monuments pour en expliquer 1'origine ou la deftination. Elles fervent donc a tirer d'incertitude fur la fignification de ces fabriques, 8c a fatisfaire tout •d'un coup Ia curiofité que 1'on éprouve en s'en approchant. Les propriétés effentielles des infcriptions font d'être courtes & claires, convenables al'objet, 8c de paroitre comme nées fans effort de fa nature 8c de fa deftination. On peut fe fervir de petites fentences en profe, ou encore mieux en vers d'une méfure peu longue, lesquels s'impriment plus facilement dans Ia mémoire. Les expreffions doivent être courtes, nerveufes 8c fans apprêt. Rien n'eft plus recommandable dans les infcriptions que la fimplicité 8c I'énergie. Quelques ouvrages d'architecture, les colonnes 8c d'autres monuments, feroient fouvent incompréhenfibles fans infcription. Mais c'eft ici, oü la néceffité les introduifit d'abord 8c les exige encore fouvent, qu'elles doivent principalement s'efforcer d'être concifes: quelques mots, une couple de vers fuffifent fouvent pour éclaircir la deftination de 1'objet fur lequel ils font écrits ou gravés. Un édifice ou un monument ne fupporte qu'une feule infcription, paree que n'étant propre qu'a un feul ufage, une infcription fuffit pour 1'expliquer. La fabrique n'eft pas la en faveur de 1'infcription, mais 1'infcription en faveur de la fabrique; 8c plufieurs infcriptions appliquées a un monument, ne font qu'une décoration fuperfiue, qui caufe plus de confufion que de clarté, quelque belle que foit d'ailleurs chacune de ces infcriptions en particulier. On peut auffi répandre quelquefois cja 8c la dans un jardin des infcriptions ailleurs que fur des batiments 8c des monuments", p. e., fur des repofoirs, des bancs, des portails 8cc. Alors elles ceffent d'être des éclairciffements néceffaires, 8c s'écartent par conféquent un peu de leur première  Cinquleme Setlion. Des Statues, miere deftination. Dans ce cas, ne fervant plus d'indice, elles pourront ètre un peu plus longues & plus détaillées 5 cependant elles ne dégénéreront pas en defcriptions prolixes, ni en recits fecs, deux défauts trèsordinaires. Elles pourront tantót fe rapporter aux beautés propres a la fcene, tantót rappeller a la mémoire quelque précepte utile, tantöt exprimer un fentiment afforti au caraélere propre du lieu, 8c caufé par ce mème caraétere. Elles ne paroitront donc pas péniblement recherchées, ni ne fe contrediront elles-mêmes paria confufion des fiecles 8c des langues d'oü elles font empruntées. Lorsqu'elles font morales, elles doivent fur-tout exprimerune penfée importante, ou un fentiment noble 8c vrai; quand elles fe rapportent au caradere de la fcene, elles feront frappantes 8c éner- giques. , Des infcriptions d'une invention heureufe, 8c placées dans un lieu convenable, font toujours un bon effet. On peut fans doute s'en paffer; les impreffions que caufe un jardin feroient bien foibles fi elles avoient befoin de ce fecours. Cependant elles arrêtent fouvent le promeneur fugitif; elles excitent la réflexion dans un temps oü 1'on fe livre entiérement k un mouvement machinal; elles amufent dans la folitude, animent 1'imagination réveillent la fenfibilité, ou parfement d'avertiffements utiles le fentier du plaifir ou le fiege du repos; presque toujours elles font importantes, paree qu'elles caufent une fuite d'idées 8c de fentiments, k laquelle 1'ame ne fe feroit peut-être pas livrée auffi facilement fans ces infcriptions. Pour que 1'ufage qu'on en fait dans un jardin foit judicieux, il faut les y répandre avec beaucoup d'économie. Toutes les fcenes n'exigent pas plus que tous les batiments, des infcriptions; 8c lorsqu'elles font trop multipliées, elles perdent de leur effet, paree que 1'on y fait moins d'attention. On aime a rencontrer quelques infcriptions parfemées; mais elles deviennent fatigantes quand elles fe préfentent en foule k la vue. Un artifte jardinier, qui par-tout oü Ion veut fe repofer, invite k la leéture, quibarbouille d'infcriptions tous les bancs, toutes les planches, eft auffi infupportable qu'un babillard effrontë qui veut fans ceffe nous étaler fes faillies ou fon érudition. On  Monuments & Infcriptions. ' ifj On peut puifer les infcriptions dans plufieurs fources, fur-tout dans les poëtes de 1'antiquité ou de fa patrie; on peut encore les imaginer foimème. Ön fait combien Ia langue des anciens eft convenable aux infcriptions, 8c combien 1'on a fait ufage de leurs tréfors en ce genre. Cependant pour la plupart des cas elles devroient être comppfées dans la langue du pays, paree qu'écrites en langue ancienne ou étrangere, leur effet eit perdu pour Ia foule. C'elt une chofe finguliere que de voir pèle - mêle dansun jardin une quantité d'infcriptions latines, angloifes, frangoifes 8c allemandes. Le fage Anglois fe fert de fa langue quand il ne puife pas clans les poëtes romains. L'Allemand feul négligé 8c fa langue 8c fes poëtes 5 il ne femble jamais plus content que lorsqu'il affiche des infcriptions angloifes ou frangoifes. 2. Comme les exemples inftruifent 8c amufent, nous allons d'abord rapporter ici quelques infcriptions latines, qui fe trouvent dans divers pares anglois, 8c qui, pour la plupart, font des paiTages connus tirés des poëtes romains. Les infcriptions des Leafowes font déja eftimées depuis long - temps, tant a caufe de Ia beauté de leur poéfie, qu'a caufe des heureufes applications que fut en faire le génie de 1'illuftre Shenftone; il s'en trouve cependant quelques-unes en Anglois qui font trop longues. Sur une urne, qu'il confacra a la mémoire d'une jeune parente, on üt cette touchante infcription: Peramabili fuae confobrinaej M. D. Ah Maria! puellarum elegantilïima. Ah flore venuftatis abrepta! Vale! Heu quanto minus eft cum reliquis verfari, quam Tui meminüTe. Tome TIL Z Dans  iyS" Cinquieme Seffiion. Des Statuest Dans un vallon folitaire & boifé, oü s'offre une belle cafcade, on lit fur le doffier d'un banc, ce paffage: — — lucis habitamus opacis Riparumque toros et prata recentia rivis Incolimus. — A un endroit oü 1'on découvre en entier une belle vallée: Huc ades, o Meliboee! caper tibi falvus et hoedi, Et fi quid ceffare potes, requiefce fub umbra. Et montant a travers un vallon champètre & fous 1'ombrage d'épais bouleaux, vers un recoin obfcur, on trouve fur un banc ces mots: — — me gelidum nemus Nympharumque leves cum Satyris chori Secernunt populo. Dans un féjour dérobé & muni d'un ombrage agréable, de grands arbres & d'une eau claire, & oü 1'oreille eft charmée par Ie frémiffement des feuil!es d'un bocage voifin, & par le bruit éloigné d'un ruiffeau qui tombe, on trouve cette tendre invitation : Nerine Galatea! thymo mihi dulcior Hyblae, Candidior cygnis, hedera formofior alba! Cum primum pafti repetent praefepia tauri, Si qua Tui Corydonis habet te cura, venito. Dans un autre canton on parvient a un fiege raviffant k I'ombre d'un rocher, d'oü 1'on apperqoit dufein de 1'obfcurité, une perfpeétive agréable qui s'étend fur le payfage varié; on découvre les Leafowes, 1'habitation, un gazon entouré de bois, une eau tremblottante; la principale décoration de ce lointain eft Grange, maifon de campagne fituée entre des plantarions. Sur ce fiege on lit: — — Hic latis otia fundis Speluncae, vivique lacus, hic frigida Tempé, Mugitusque boum, mollesque fub arbore fomni. Sur un temple de Pan décoré d'un chalumeau & de la flüte a fept tuyaux des anciens.' Pan primus ealamos cera doniungere plures Edocuit; Pan curat oves, óviumque magiftros. Auprès  Monuments & Infcriptions. Auprès d'un fiege confacré a la mémoire de Thomfon: Quae tibi, quae tali reddam pro earmine dona? Nam neque me tantum venientis libilus auftri, Nee percufla juvant fluftu tam littora, nee quae Saxofas inter decurrunt flumina valles. Le fameux pare d'Hagley poffede auffi quelques infcriptions heureufement empruntées des poëtes romains; les fuivantes pourront fervir d'exemple. Dans un bois folitaire de chênes on lit auprès d'un ruiffeau murmurant, cette leqon philofophique d'un poëte: Inter cunfta leges et percunftabere doftos, Qua ratione queas traducere leniter aevum, Quid minuat curas, quid te tibi reddat amicum, Quid pure tranquillet, honos an dulce lucellum, J^n fecretum iter, et fallentis femita vitae. Dans un enfoncement agréable, oü des arbres forment une efpece de voute, on paffe prés d'une fource qui fe fait jour entre des cailloux & tombe dans la riviere: un peu plus loin un ruiffeau coule entre des rochers avec un joli gazouillement, fe réunita Ia riviere,, forme encore une cafcade 8t va fe perdre dans les buiffons. On lit ici: Hic gelidi fontes, hic mollia prata Lycori, Hic nemus, hic ipfo tecum confumere in aevo. Un fiege de mouffe placé dans un bofquet, eft ombragé par des arbres hauts ck s'étendant au loin. Les bancs ont par derrière des buiffons, du lierre ck de la mouffe. Vis - a - vis une cafcade tombe perpendiculairemenf a travers du lierre, murmure au bas entre des cailloux, 8c va fe perdre dans les buiffons. Ce joli fiege a pour infcription: — — Ego laudo ruris amoeni Rivos et mofco circumlita faxa nemusque. Dans un autre endroit, on a devant foi une belle cafcade qui divifée en deux par un rocher, va tomber dans un torrent fur lequei eft jetté un pont. Plus haut eft un canton fauvage, un peu plus loin une clairiere découverte, ck enfin une verte colline furmontée d'un temple rond. On appercoit ces Z 2 objets  jg<3 Ctnquieme Seblion. Des Statues, objets a travers un bois épais, qui répand un air fombre 8c majeftueux fur toute la fcene. On lit ici cette infcription des plus convenables: Viridantia Tempé, Tempé; quae filvae cingunt fuperimpendentes. Plus loin 'un banc environné la moitié d'un chêne vénérable placé dans une vallée profonde 8c folitaire; elle eft remplie de toutes fortes d'arbres; de chênes, de hêtres, de frènes, entre -mêlés: quelques-uns de ces arbres font trés-vieux, 8c leurs racines découvertes s'entrelacent les unes dans les autres; d'autres font élevés, minces 8c droits. Entre ces arbres ferpentent des ruiffeaux dans des lits dont la pente eft rapide. Leur murmure, le roucoulement des ramiers qui fe mèle aux accents perqants des oifeaux plus petits, Ia folitude 8c 1'obfcurité du lieu qui a quelque chofe de folemnel, font uhe impreffion fi flatteufe fur 1'ame, qu'elle oublie tous fes foucis, 8c s'abandonne au repos 8c au plaifir. Le banc porte cette infcription : Libet jacere modo fub antiqua ilice, Modo in tenaci gramine; Labuntur altis interim rivis aquae, Queruntur in fïlvis aves. Fontesque lymphis obftrepunt manantibus, Somnos quod invitet leves. Le temple de Venus a Stowe eft décoré de cette infcription tirée de Catulle: Nunc amet, quinondum amavit; Quique amavit, nunc amet. On rencontre dans les parcs d'Angleterre une foule d'infcriptions femblables 8c des plus heureufes, tirées des anciens poètes. 3- Cependant des infcriptions allemandes font plus recommandables pour des jardins allemands, fur-tout quand elles ne font pas placées précifément fur des édifices ou fur des monuments, auxquels les latines paroiffent  t Monuments & Infcriptions. igi roinent mieux convenir, mais qu'elles font rëpanduesfur des bancs, des portails, 8cailleurs, pour amufer agréablement le cceur ou 1'efprit. Ceux qui ne favent pas les puifer en eux - mêmes, peuvent avoir recours a nos meilleurs poëtes, dans lesquels on trouve des paifages fufceptibles d'un emploi heureux comme infcriptions. En voici quelques exemples, que 1'on peut facilement augmenter encore, 8c qui rapportés ici ferviront a nous rendre attentifs aux tréfors que nous poffédons. II ne faudra qu'un jugement tres-médiocre pour fentir k quelles fcenes 8c k quels lieux ces paffages conviennent. *) Le doux plaifir ne fuit jamais Qu'un riant berceau pour palais; Que les penchants de la nature: Et pour fes compagnes 1'aifance II n'a qu'un bouquet pour parure, Avec la naïve innocence. Z 3 Que *) Tout ce qüe Mr. Hirfchfeld vient me un fi grand nombre de penfées déta- de dire ici, & qui regarde la nation alle- chées & poétiques pourroient ennuyer, mande en particulier, eft applicable a lues de fuite en pro fe; que d'ailleurs les toutes les nations policées, en fubfti- vers, fuivant Mr. Hirfchfeld lui-même, tuant leurs langues a celle desGermains. conviennent mieux aux infcriptions, j'ai Si je.ne m'étois pas aftreint a être tra- effayéde traduire ces paflages en vers. dufteur exaft & fidele, & fi cette ver- Si 1'on trouvoit ma poéfie mauvaife, je fion n'étoit deftinée uniquement qu'a la prie les critiques de compter pour quel- nation francoife, j'aurois pu faire difpa- que chofe, ma bonne intention, & la roitre tout ce qu'il y a de local dans ce difficulté de traduire presque exaftement, morceau, en mettant la langue francoife d'une langue riche & libre dans ma lan- a la place de 1'allemande. J'aurois fans gue plus pauvre & plus génée, en fe doute aulfi pu trouver dans les poëtes rappeüant toujours, que ne recevant frangois des paffages fufceptibles d'être forigmal qu'a mefure qu'il s'imprime, fubftitués a ceux que notre auteur cite je me fuis trouve, fans le favoir, enga- en allemand; mais alors je me ferois *gé dans cette entreprife épineufe. Au écarté de fonbut, qui eft de faire con- refte ces vers font, comme je 1'ai dit, noitre les richeffes de fa nation en ce -traduits presqu'exatïement, paree que de genre, & j'aurois enfreint la loi que je fimples imitations auroient mal rempli me fuis impofée, de n'être que fimple & 1'intention de Mr. Hirfchfeld. Note du fcrupuleux tradutteur: cependant com- Tradufteur»  jg2 Gnquume SeïTwn. Des Statues, Que tout eft beau üans ces azyles! Irisvintm'y trouverfous ces berceaux tranquilles, Oü les rameaux fleuris du chevrefeuil rampant Vont s'enlacer aceux du jasmin odorant. Cette onde coule fans rien dire; Elle ne s'arréte jamais. Arrête-toi, paffant, viens, approche, refpire: Et le long de cette eau te repofant au frais, Apprends d'elle k te taire en verfant tes bienfaits. >*• ■#• Si je ne puis vivre dans 1'abondance, Je puis au moins vivre content, heureux. Que m'importe des Rois la pompeufe opulence, Quand Flore de fes dons daigne orner mes cheveux? Avec quelle douceur j'éprouve dans ces lieux Les plaifirs de la vie & non fes foins pénibles. Quand 1'aurore au matin vient éclairei mes yeux, Elle trouve mon cceur & mon efpri paifibles. Ici je vois, ailleurs je ne le vis jamals, L'enfer bien loin, le ciel bien prés: Je brave 1'un, 1'autre je le révere. Si je ne trouve autour de machaumiere, Perles ni couronnes de prix, J'y vois la violette & la rofe & le lys. Hpr Oui je renonce aux tréfors pour jamais, Pourvu que le foleil luife fur ma chaumiere, Et que la pluie arrofe mes guérets. J'aitout ce qu'il me faut pour combler mes fouhaits; Un don de plus le ciel me veut - il faire ? Qu'il m'accorde un ami fincere. Qu'un autre afpire a la richeffe; Le hafard feul la donne & la ravit; Je n'ai qu'un arbre, un ruiffeau le carelfe, Et ces préfents, nature me les fit: Qu'un autre habite une vafte demeure; Je fuis au large, & n'ai point d'embarras: Que fur un tröne il s'étende a toute heure; Sous un ormeau, moi je prends mes ébats. Cette fombre forêt, cet arbre en fleurs m'enchante, Ainfi que le ruiffeau qui dans ce pré ferpente, Et que les doux accents que pouffe vers : les cieux, Le matin &lefoir, le roffignol joyeux. Lors-  Monuments & Infcriptions. 183 Lorsqu'a travers fes pleurs 1'auroreme fourit, Lorsque de fes ailes la nuit Vient raffraichir ma paifible retraite, La fageffe me dit d'un ton affeótueux: Mortel! qu'eft-ce qui t'inquiete; Et pourquoi ces futiles vceux? Celui qui te créa veille a tes deftinées; A ce monde fivain feroient- elles bornées? Non, non, efpere mieux de la bonté du ciel. Le temps de cette vie eft un clin d'ceil rapide; Son bonheur le plus grand un bonheur peu folide: Tu feras immortel. O proménade fombre! ö paifibles forèts ! Vous prés que le printemps orne de fes attraits! Un deftin fortuné me mene en ces azyles, Ou libre de foucis, loin du fracas des villes, Enfin je jouirai de ce repos heureux Que le fage toujours voit fourire a fes yeux. Tes agréments, magnifique nature! Flattent mes yeux dans les champs diaprés, Sur les cóteaux tapiffés de verdure, Dans ies bofquets par tes mains décorés. Simple & fans art ma Mufe fait me plaire, Et m'égayer autant qu'un bon vin vieux. C'eft lorsqu'aux fots je parois folitaire, Que je jouis d'un fort délicieux. O toi qui répandis fur toute la nature Un attrait enchanteur! Toi de toute beauté fource abondante & pure, Qui t'égale en grandeur ? Que 1'amour le plus faint brülant ta créature Vers toi porte fon cceur! La nature pour nous n'eft dure ni fauvage; Si, nous jetant entre fes bras, Nous lui lailïions le foin de nos ébats, Nos jours couleroient fans nuage. Le plaifir dont fa main fait feule tous les frais, Ravit fans rien couter, ne fatigue jamais. II eft tranquille, pur & doux comme 1'aurore GlhTant far les riants attraits De la rofe qui vient d'éclore. ■#- Qu'heureux eft 1'homme a qui fa con- fcience N'a rien k reprocher! L'homme que 1'or, ni la vaine arrogance N'ont jamais fu toucher ! L'homme qu'on voit, a la vertu fidele, Méprifer les grandeurs, Quand  jg.. Chqmeme 'Seiïion. Des Stdtues, Quand pour le vice une ardeur criminelle Enflamtne tous les cceurs! L'homme qui loin du fracas delaville, Séjour des fauffetés, Libre, repofe a 1'ombrage tranquille D'ormeaux qu'il aplantés! ■*■ Le ruiffeau dans la plaine encor coule & murmure; Le feuillage eft encor verd & raffraichiffant; Plus belle que jamais, la lune au teint d'argent De ces arbres encor pénetre la verdure; Que ton afpect eft fuperbe, ö nature! Et qu'il eft propre acomblernosdefirs! Auffi jufqu'a ma mort fera-t-ü mes ' plaifirs. Qu'elle eft belle cette parure Que fur les champs, mere nature, Etend ta riche invention! Mais plus belle eft encor la volupté tracée Sur les traits du mortel tout plein de la penfée De ta grande création. De ces arbres touffus les ombres foli- taires Invitent aux douces chimères, Dontavec voluptéfeberce notre efprit, Alors que ramaffantles volages penfées, Etleurfixant des bornes plus preffées, 11 eft heureux, & tout feul fe fuffit. Chaffe, ami, ton humeur facheufe; C'eft transfqrmer ce monde en tombe ténébreufe Que d'éviter fes plaifirs innocents. Si de dégout nos cceurs étoient ex- empts, Bientót des torrents de délices Découleroient pour nous des collines propices. O fortuné païs! oü comme en Arcadie Habite 1'innocence; oü 1'orgueil, ni 1'envie, Dans nos prés, dans nos champs que dorent les moiffons, Du dieu dujour jamais n'offufquent les rayons; Oü le plaifir encor peut trouver une place; Ou, fousnostoits dechaume, onn'apper9oit la tracé Du defir des grandeurs, ni de la trahifon; Oü nos coupes encor font vuides de poifon; Oü la droiture encore a 1'honneur en partage, Et la fidélité fe laiffe en héritage. Qui s'arrache a. Ia ville eft un mortel ' AËÊfammm' heureux! Le frémiffement du feuillage, Le doux bruit du ruiffeau volage, L'eclat que les cailloux font briller a fes yeux, Tout  , Monuments & Infcrijitions. *85 Tout fert a lui précher la vertu, la fa- . geffe. Pour lui tout berceau fornbre eft un temple facré, Ou vers fon créateur il fe feut attiré Avec une vive allégreffe: Et fur un verd gazon, comme au pied d'un autel, IIfléchit le genou devant 1'étre éternel. -%r Celui - la feulement eft favori des cieux, Qui loin du bruit que fait la foule extravagante,Au bord d'unclair ruiffeau, dort, fe réveille & chante. A 1'orient, pour lui, le foleil radieux Nuance 1'horjzon d'un pourpre gracieux: Un doux parfum, pour lui, s'exhaledes prairies: Le chant du roffignol nourrit fes rêveries. Un fombre répentir ne le pourfuit jamais, A travers les möiffons qui dorent fes guérets, Vers fes riches troupeaux paiffantdans la vallée, Ni prés de fes raifins fous la verte feuillée. TJn aflidu travail affaiffonne fes mets. D'un fang pur & léger il goüte les bienfaits. Son fommeil difparoit quand 1'aurore - étincelle: Le zéphyr du matin l'emporte fur fon aile. Tome III. L Aux doux plaifirs nous confacrons Le temps de notre vie: Et fans cefle nous chérirons L'odeur de la prairie, Des oifeaux les amoureux fons. Pour nous verdhTent les bofquets, Les champs, les paturages. Pour nous le ciel, de fes réflêts, Teint les fources volages, Deblancs, de bleus, de rouges traits. • Pour nous la cafcade en ces lieux Murmurant fe déploie. Dans la fleur qui brille a nos yeux, Sourit la douce joie: Le cceur la fent; il eft heureux, Heureux ainfi que les agneaux Paiffant 1'herbe fleurie. Célébrons dans un doux repos L'auteur de notre vie, Qui nous fit tous ces dons fi beaux. . La lune a la face luifante Eft calme, aimable, bienfaifante; Par - tout fon fouris plein d'attraits Répand le repos & la paix. Exempte d'aigreur, de rudeffe, Telle auffi 1'aimable fageffe Remplit d'ur.e égale douceur, L'homme qui lui livre fon cceur. Comme 1'aftre du jour s'incline h fon couchant, Qu'un jour ainfi s'incline ma vieilleffe! Mon paffage en ce monde eft calme, uni, riant; k. a O veuil-  ig6 ' Gnquieme Seiïion. Des Statues, O veuille encor la' fuprême fageffe En préferver la fin d'un abyme effrar yant! •#■ Le fommeil foutenu de fes ailes paifibles Se plait a vifiter les tranquilles hameaux. U aime la vallée, oü de fombres ormeaux Récelent Ie zéphyr fous leurs branches flexibles, Oü doucement gazouillent les ruiffeaux. Gais font mes foirs, gais mes matins. Les princes, ni leur tyrannie, Ni leurs cuifants chagrins, Nil'orgueil, ni la maigre envie, Ni d'un brutal plaifir les criminels attraits, Ne m'approchent jamais. Viens fous cette feuillée & fraiche & folitaire, Ou la rofe fleurit avec le doux jafmin; Oü plein de feu brille dans la fougere, Le jus qui croït au bord du Rhin. Quelques feuilles tombant d'une rofe flétrie, Nagent fur la liqueur, ÓV'nous font fouvenir, Que jeune encore on peut perdre la vie, Qu'il faut fe hater d'en jouir. De ce lieu calme oü préfide la paix Venus fe plait a goüter les attraits. Souvent aufll Daphni, jeune bergère, Dont les yeux bleus, dont la taille légere Méme a Venus ne Ie céderoient pas, Sous ces berceaux promene fes appas. Lors au devant de la belle Daphné S'étend le calme en ce lieu fortuné; Et fur fes pas eft par-tout 1'innocence. Zéphyr badin contient fa pétulance; Du roflignol fe réveillent les chants; Et les ruiffeaux deviennent moins bru» yants. A Philis. Que cette campagne fleurie, Philis, fois toujours ton portrait: Comme cette verte prairie Sois toujours belle fans apprêt. Plus que 1'aurore defirée, Aimable comme fes rayons, D'ennuis, d'orgueil fois délivrêe, Ainfi que ces riants vallons. Je veux, louantleciel, me réjouir toujours Du plus petit des dons qu'il daignera me faire: Je veux de fleurs parfemer la carrière Que parcourront encor mes jours. Cominent  Monuments & Infcriptions. Comment ne pas feréjouir de vivre! Quand fur le trefïïe épais je viens ici m'affeoir, Du parfum des fleurs je m'ennivre, Avant même que de les voir. Vallons, & vous' cöteaux, Que maintenant l'été décore! Mon cceur charmé d'un paifible repos Eft transporté de vous revoir encore. Prés & bois, vous êtes charmants! Charmante eft la rofée humeftant la verdure! O que tes plaifirs font touchants Eaviffante nature! Pour traverfer libre & joyeux De ce bas monde la mêlée, Contemple fous cette feuillée Le léger habitant des cieux. , Vois comme il faute, chante, couve, Sans foucis, allarme, ou chagrin; Et fous ces rameaux épais trouve Un doux repos jusqu'au matin. Quand le foleil luit fans nuage, II ne pré voit jamais 1'orage: Le ciel tonne: un arbre, un rocher Dans le vallon vont le cacher. Chaque jour fa voix gaie & pure Chante 1'auteur de la nature: Et calme, chantant, fans effort, II va voltigeant vers la mort. -*• -#» Je me jette en vos bras, ö campagnes chéries, A Dont un ciel pur& doux celnt les calmes prairies! Sauvez-moi, fauvez-moi du tumulte & du bruit De ces vaftes rités oü 1'ennui me pour. fuit. En ces lieux la joie Par-tout fe déploie; Sur ces verds cöteaux, Et dans la vallée; Sous ces arbriffeaux, Et dans la feuillée. Tout s'anime & fent; O qu'il eft charmant Le Mai bienfaifant! C'eft ici, mon ami, qu'exfpire le fracaS Du vain tumulte de la ville. Oü que ton ceil fe porte, oü que tour- nent tes pas, Le ciel eft plus ferein, la route eft plus facile. Qu'il eft doux cet air pur,' dont le fouffle flatteur CarefTe ton vifage & répand la fratcheur! II n'entrahie avec lui, ni rumeurs infenfées, Ni les noires vapeurs fur la ville entaffées. Quand par-tout fe tairont les joyeux, chalumeaux; Que les troupeaux repus reviendront au village; a 2 Q«e  ïgg' Cinquieme Seclion. Des Stcttues, Que ta voix, celebrant le foir .& le repos, Fera' rétentir le bocage; Et que tes compagnons attentifs a ton chant, T'écouteront muets fur le voifin branchage; Qu'ici tout fe taira; que plus légérement Frémira même le feuillage; Et qu'alors, pour prêter 1'oreille a tes chanfous, Viendra cette beauté, 1'objet de mon délife; Que fes levres, pour prix de tes amou- reux fons, Ferontéclore un doux fourire: Alors, ö roffignol, alors plus que jamais Adoucis de tes chants la cadence ampllie; Et que lagaie AJifeenfinboive alongs traits La plus tendre mélancolie. De ces buiffons fleuris habitante légere, Que de cette cafcade abreuve l'onde claire, O Philomele!. encor ne quitte point ces lieux. Philis va revenir d'une lointaine ter- ' re; Tes fons n'égalent pas fes fons mélodieux. Apprends d'elle a chanter ; & que de toi la belle Apprenne l'art d'aimer qu'ignore la cruelle. Oui, tout ce que je vois font des préfents des dieux. Le monde même eft fait pour rendre l'homme heureux: Un bonheur général anime la nature; Et tout offre i nos yeux Du fouverain des biens 1'empreinte viye & pure. Heureux, heureux celui, qui dans un doux repos, Laboure avec fesbceufs fon champètre héritage; Qui, vêtu des toifons de fes jcunes agneaux, Se couronne de fleurs, fe nourrit de laitage; Qui, pres d'une cafcade & fur un mol gazon, S'endortpaifiblement au fouffle deZéphyre, Et n'eft point réveille par 1'éclat du clairon, Ni par les roulements de la vague en délire; Qui, content de fon fort, aux vceux ferme fon cceur: Ah! le ciel ne pourroit augmenter fon bonheur! Dans  Monuments & Infcriptions. 189 Dans tes ceuvres, ö Dieu, que tu te montres grand, Et dans les cieux, & fur la terre! Tu donnas au foleil fa chaleur, fa Iumiere ; Sa force k 1'élephant; A la fleur, fon parfum & doux &bieufaifant; Et fon tiffu mcelleux k la mouffe legere. ■#• Envain la rofe étale fes appas, Lorsque jamais on ne la cueille; On paffe devant elle & 1'on n'y penfe pas, Et fans la plaindre on la voit qui s'effeuille. Sous cet ombrage, 6 ma Sylvie, Jouis avec moi de la vie! Le ciel favorable k nos vceux Peut - il nous rendre plus heureux ? L'arbre touffu qui nous couronne Eprouvera bientót 1'automne; Mais Thyver méme de nos jours N'affoiblira point nos amours. Que ferions - nous de la fortune Et de fa richeffe importune ? L'amour nous fit le don charmant De plaire & d'aimer conftamment. Jetefalue, aimable aurore: Jouirois-je de tes appas, Si dans mon lit, dormant encore, Je m'étendois entre deux draps? Ai Autour de moi regne la joie Dans le vallon, furlecóteau: Par-tout k mes yeux fe déploie Un attrait flatteur & nouveau. 3 *i Sans cefie fuyons le chagrin; Souvent il n"eft qu'une chimère: Même dans un lieu folitaire Fleurit la violette au milieu du chemin. Heureux quand la cueillant plein de reconnoiffance, On ne 1'écrafe pas avec indifférence! " O toi! pour qui Ie temps fans foucis & fans peine, Sous un modefle toit s'écoule doucement, Ainfi qu'un clair ruiffeau s'écoule dans la plaine, Tu vois de fes larmes d'argent L'aurore parfemer la riante prairie; Ta vois, plein d'une ardeur fans ceffe rajeunie, Le foleil radieux enflammer 1'orient: Dans 1'ardeur du midi tu fens un doux zéphyre, Qui careffant les arbres, les buiffons, Et les épis dorés, efpoir de nos moiffcns, Dubrulant dieu du jour vient modérer Pempire:. Tu bois de tes raifins le neftar bien- faifant, Et reprends un nouveau courage: Tes mets iimples & fains, qu'affaifon- ne i'ouvrage, t 3 Font  Gnquieme SecTxm. Des Statuer, Font circuler ton fang légerement: Dès que le doux fommeil vient fermer ta paupiere Tu t'étcnds oü tu veux & dors traru quillement; .Et feul tu fais jouir des cieux £; de la terre. ■#• Grand Dieu! dans 1'univers mes yeux ne fauroient voir Que des effets frappants de ton divin pouvoir» Toi feul, Etreinfin;, de la nature es 1'ame: De toi 1'aftre des jours tient fa force & fa flamme, Sa grandeur, & fa majefté; Le cours errant, 1'incertaine clarté Des flambeaux, qui la nuit des cieux parent 1'enceinte, Sont 1'ceuvre de tes mains dont ils portent 1'empreinte. Vous du printemps filles aimables, O fleurs! a mes vceux favorables Pour cette fois croiffez plus promptement. Un doux efpoir me dit qu'en vous voyant, Chloé, ma bergère cruelle, A mon amour ne fera plus rebelle. - Qui connoit tes plaifirs, innocente nature! Pour tout tréfor defire un paifible ma« noir Que le chaume recouvre; une onde fraiche & pure, Avec un petit bois, oürefonnent lefoir Les chants du roffignol caché dans la verdure. Les cieux font azurés & les vallonS verdillent; Déja la primevere & ie muguetfleu. riffent; Et déja les champs & les prés, Par les mains de la jeune Flore De mille couleurs bigarrés, Deviennent tous les jours plus bigarréi encore. Accourez donc, ö vous a qui le Mal fait plaire; Venez vous réjouir des beautés de la terre, Et célébrer le créateur, Dont la paternelle puiffance Fait poufler l'arbre avec fa fleur, Et déploie a nos yeux cette magnificence. Le berger au courtifan. Dans le mol édredon tu dors enféveli; Je dors couché fur la tendre verdure: II faut, pour te mirer, un criftal bien poli; II me fuffit d'une eau tranquille & pure: Tu foules a tes pieds des tapis fomptueux; Je foule aux miens la docile fougere: Pour éteindre ta foif il faut des vins couteux; A peu de frais 1'onde me défaltere: Tu  Monuments & Infcriptions. IQI Tu refpires a peine en tes murs confiné; Libre en plein champ j'habite la verdure: Tu ne vois qu'un printemps que l'art a delïiné; De mon printemps le peintre eft la nature: Bien fouvent les plaifirs dérangent ta fanté; Je me trouve toujours une vigueur nouvelle: Un Suiffe, a tes dépens, veille k ta fa- reté; J'ai pour ma garde un chien fobre & fidele: Pour t'endormir il faut le fon des in- ftruments; Au doux fommeil la cafcade m'engage: Des hommes énervés te prodiguent leurs chants; Du rofïignol j'entends le doux ramage: Tu dors que le foleil eft au haut de fon cours; Quand je m'é veille il ouvre fa carrière: Ta maitrefie du fard emprunte les fecours; Dans un ruiffeau fe fardé ma bergère. Accourez cheres compagnes! Par vos danfes, par vos cbants Célébrez le doux printemps! Un vent chaud, dans nos campagnes Nous rappelle, & des ormeaux, Que de fa tendre Iumiere Blanchit des nuits la carrière, CarcfTe les verds rameaux. O jouiflbns de la vie! Envain par-tout le plaifir A nous viendroit-il s'offrir? Mes fceurs, tout nous y convie; De fleurs ornons nos cheveuxj Et qu'une rapide danfe Du rouge de 1'innocence Anime nos teints joyeux. Dans les prés, dans les champs, Au retour du jeune printemps, Que de fleurs a cueillir nous offre Ia nature ? Pour danfer fous 1'ormeau Au fon du chalumeau, D'une guirlande ornons ma blonde chevelure. Mals, d'une vive ardeur, N'exalterois-je pas 1'auteur De toutes les beautés qui pare ia verdure? Que'ma voix par fes chants, Prouve mes fentiments: Puiffe les mieux prouver ma conduite future. Dans un repos que rien n'altere, Vrai fage! ó quel eft ton bonheur! II fin-paffe de loin celui d'un empereur, Et de tous les rois de la terre. Comme la rofe, Je vois fleurir 1'aurore de mes ans : Mon ame encore n'eft éclofe • Qu'aux vceux, aux plaifirs innocents Et féduifants. Mais  I92 Gnqukme SeUion. Des Statues, Monuments & Infcriptions. APPEN- Mais fi je 1'ouvre Aux voluptés, au coupable defir, Rofe 1 du rouge qui te couvre On verra mes traits fe couvrir. Et fe flétrir. ■*• Heureux l'homme qui fans chagrins Cultive en paix fon héritage! D'un air riant tous les matins Plu-bus vient dorer le bocage, Oü couché fur le verd gazon, II «ratje d'un fommeil profond. A 1'occident Phebus encore- Au fortuné mortel fourit. Soit bien-venue ö douce nuit! Pour repofer jufqu'a 1'aurore, Qu'il fe ïx'veillera gaiment, Paifible il s'eudort en chantant. -*■ Paflbns en fouriantle coursde notre vie, Au fon flatteur de nos douces chanfons-: Et quand il fera temps de quittex. la partie, En fouriant chez les morts defcendons.  APPENDICE. DESCRIPTION DE QUELQUES JARDINS. I. Defcription de Fredensbourg. II. Defcription de ^dgerspriis. III. Defcription de Marienlujl. IV. Defcription de Sophienberg. V. Defcription de Frédéricsberg. VI. Defcription de quelques maifons de campagne de Sedande, fur-tout de Bemftorff. VII. Defcription de Schwanfee. VIII. Defcription de Brefe. IX. Defcription du jardin du Prime d Zelle. Tome III.   '9? I. Le refpeét avec Iequel on s'approche des demeures des rois jöüil a Fredensbourg d'un privilege rare; il peut refter uni avec la liberté naturelle de la vie. Ni cérémonial guindé, ni géne afferviflante n'exigent ici qu'on diffimule & qu'on renonce a foi-même. Le refpeét & la décence nefuivent que les loix de la nature, & la politeffe des mceurs eft dirigée par Ie bon goüt. Ici 1'on eft libre ck ferein comme le payfage qui vous enchante de tout cóté. La cour n'a que de la dignité ck point de vaine pompe: point de garde que 1'amour du peuple qui 1'entoure avec des regards fatisfaits. Le fujet venu des provinces les plus éloignées, fe croit encore chez lui, ck 1'étranger commence a ne plus regretter fa patrie. La férénité d'efprit ck la décente liberté qui regnent ici par-tout dans les maniéres, font naturelles, car elles font 1'effet de la monarchie laplus douce &de 1'affabiüté des perfonnes de la familie royale. Tant a caufe du féjour que la cour y fait en été, que par les beautés variées de la nature, ck l'ordonnance de fes vaftes jardins Fredensbourg eft le premier des chateaux de plaifance röyaux de Dannemarck. II n'offre pas il eft vrai, par fa fituation, des vues étendues fur la mer comme Marienluft, Sophienberg, Charlottenlund & Frédéricsberg, mais il poffede en revanche une riche diverfité d'attraits champêtres. Les environs portent la plus flatteufe empreinte de fertilké & de culture; les plus belles forèts, dont les vaftes interftices font occupés par des champs emblavés & des prairies, élevent de tout cóté leurs têtes orgueilleufes; & du nord a 1'oueft, le vafte lac d'Efferom roule fes ondes dans 1'enfoncement, entre des collines verdoyantes ck des bois. Bb 2 Ce «0 Ce chateau royal appartient k S. M. que Fredensborg, nom' danois'de ce ctóla Reine Douairière Julienne Marie, & teau, fignifie: ie bourg oucbateau de la eflacinqmilles (danois) deCopenliague. paix. Note de 1'auteur. Le tradufceur ajoute,  i£>6V Appendice. Defcription Ce lieu mérïtoit d'être choifi pour féjour par Frédéric IV. II acheva le chateau en 1720, lorsqu'on y fignala paix avec la Suede, & lui donna le nom d'un événement qui pour le cceur d'un roi pere de fon peuple, vaut plus que cent conquêtes. Le monument érigé dans la cour du chateau eft en mème temps un monument de gloire pour les rois qui chérjffent la paix. Au bas d'une colonne décorée de guirlandes, & élevée au milieu de la cour, paroit, du cóté qui fait face, une ftatue de marbre blanc repréfentant la Paix. Sous la ftatue, & fur le piédeftal de marbre blanc qui porte Ia colonne, on lit cette infcription en lettres dor: Paci ftatuam arcem quodque reliquum fuit vitaft dedicavit Fridericiis quartus Anno MDCCXX. Et du cóté du chateau: Pacis hnc usque continuae Rcgis Chriftiani feptimi moderamine firmatae ftacori et confervatori D O 1YI. dicat ïuliana Mai'ia Anno MDCCLXXV. Le chateau, qu'on a élargi il y a quelques années, éleve fa coupole d'un air aifé & majeftueux au milieu des ailes qui 1'entourent. *) II a une foule de beaux appartements, magnifiquement décorés, & enrichis de tableaux peints par les plus grands maitres. De trés - belles perfpeétives s'étendent dans le jardin, & vont a travers les larges allées, ménagées expres en ligne droite, fe perdre tantót fur le lac d'Efferom, & tantót dans le payfage lointain paré de mille attraits variés. Ici *) Voyez une repréfuntatiou du corps de logis a la p. 4 du II. Volume de cette Théorie de l'art des jardins.  de quelques jardins. igy Ici venoit fe déiaffer Frédéric V. pendant les années immortelles de fon heureux regne, & il fit de ce chateau de plaifance le féjour ordinaire de la familie royale durant l'été. Son ame douce s'y récréoit en goutant les plaifirs de la nature 8c le plus grand bonheur dont les rois foient fufceptibles , celui d'éprouver les fentiments délicieux que lui caufoit 1'amour fincere de fon peuple. C'eft a lui, qui voulut que mille établiffements utiles fortiffent du néant, 8c qui dit a tous les arts de fleurir dans fa patrie, c'eft k lui que ce jardin doit fon aggrandiffement 8c fes décorations. Lorsque fon augufte époufe fe promene dans ces lieux, on diroit que 1'ombre du monarque plane encore en filence fur ces chênes vénérables qu'il chériffoit, 8c que chérit celle qui fit fon bonheur. Cette Reine aime k habiter ici, & la paix 8c Ia félicité s'empreffent d'y habiter avec elle. Chaque jour elle ranime ces promenades raviffantes par des regards qui portent la joie par - tout; 8c avec un goüt égal a la bonté de fon ame, elle continue k dér corev Ia nature de tous les nouveaux embelliffements qui peuvent encore avoir lieu dans les vaftes cantons de ce pare. Le chateau de plaifance a 1'avantage d'être fitué au bord d'une forèt trés - confidérable, compofée des plus beaux arbres que la nature faffe croitre fans culture dans ces climats, ck fur-tout de hêtres & de chênes refpeétables. Cette forèt eft fi vafte qu'on pourroit plütót 1'appeller une colleélion de forèts attenant I'une k 1'autre. C'eft dans ce féjour, déja enrichi par la nature de toute Ia variété poffible de fcenes bocageres, décoré 9 marbre blanc d'Italie, font placés fur des piédeftaux de marbre de Norwege. Ils font ornés de guirlandes 8c de feftons de fleurs; fur 1'un font repréfentés en médaillon Socrate 8c Diogene, 8c fur 1'autre Anacréon 8c Sapho. Les figures des faifons, de grandeur naturelle, font Flore avec une guirlande; Cérès avec des épis 8c des fruits d'été; Bacchus jeune encore avec desraifins; & un Vieillard enveloppé d'une draperie auprès d'un feu que contient un baflin. Enfuite 1'avant-cour eft garnie de deux grands gazons eouronnés tout autour de lits de fleurs. En ligne droite devant cette avant-cour, on découvre la grande allée de front qui préfente une vue fuperbe. Aux deux coins du commencement de la forèt, l'ceil eft attiré par deux grands ouvrages de fculpture qui repréfentent deux royaumes; a droite la Norwege Sc a gauche le Danemarck. Ce font des figures de marbre blanc d'Italie; elles offrent des femmes affifes le vifage tourné vers Ie chateau, & elles répofent fur'des efirades élevées, entourées d'une baIuftrade de marbre rougeatre de Norwege. Tout le piédeftal, qui eft oblong, les baluftrades 8c les efirades qui font au milieu, ont enfemble föixante 8c deux pieds de longueur. La partie fupérieure de la baluftrade eft ornée des armes du Roi, de guirlandes de fieurs, de cornes d'abondance, 8c d'autres emblèmes, tous auffi de marbre blanc d'Italie. Le commencement du pare étant fi voifin 8c a la vue du chateau, il ne pouvoit être décoré d'une maniere plus décente 8c plus magnifique. Les figures, hautes de huit pieds, 8c les eftrades élevées qui les fupportent, font d'une belle proportion rélativement a la forèt, dont les arbres s'élancent majeftueufement en l'air, 8c portent un feuillage verd foncé qui fait un contrafte fuperbe avec la blancheur du marbre. C'eft vers ces monuments de 1'habile cifeau d'un Wiedewelt, que l'allée de front commence. A proprement parler, elle confifte en deux larges allées compofées de tilleuls, qui ont atteint leur cru, 8c de jeunes fapins entre - mèlés. Au milieu de ces deux allées eft un efpace trés - large 8c trés-long, orné de plufieurs grandes pieces de gazon dont les formes font variées, 8c fur lesquelles s'élevent, outre quatre grouppes confidéra- bles  Appendice. Defcription bles qui repréfentent des fujets tirés des anciennes fables poétiques, d'autres morceaux de fculpture, tous de 1'invention de Wiedewelt. L'ceil jouit d'une trés-belle vue, qui paffant fur ces tapis verds décorés, lui offre dans la campagne une avant-fcene montueufe & couverte de champs de bleds, agauche une partie confidérable du lac d'Efferom, ckau-delades forèts qui s'enveloppent dans leurs obfcurs ombrages, tandis qu'a droite des payfages riants & lointains forment un contraite raviffant. Entre la ligne extérieure des deux. allées & une haic, qui forme le cadre de la forêtj s'étend encore de chaque cóté un chemin orné de perfpeélives variées. Et des deux cótés de ce canton, les cimes élevées des arbres forefhers offrent un afpeét fublime. L'allée de front fait, ainfi que nous 1'avons déja vu, la divifion natu> relle de ce pare royal. Quartier de P eJl. t. Cantons a droite de'i'avant-cour, depuis te chateau juf%i?h la forèt. Immédiatement devant 1'édifice s'étend a droite de 1'avant-cour, un lieu de plaifance muni de haies peu élevées, par deffus lesquelles la vue paffe facilement quand on eft dans le chateau: dans cette enceinte ferpen-r tent des allées, & dans leurs inter valles on voit tantót des places feméeS dé firatiers, tantót des grouppes de petites ftatues. A droite une large allée garnie de Iauriers, mene dans une grande allée tirée au cordeau. Autour de la partie inférieure de ce lieu de plaifance, fe replie en demi-cercle une allée de tilleuls; elle va joindre a gauche l'allée extérieure de ce quartier de i'eft, c'eft a dire,. Ia carrière, qui commence plus haut k l'églife du. chateau, & fe prolonge enfuite vers le bas en offrant un percé très-t pittorefque. Deux autres fcenes touchent l'allée de tilleuls qui décrit le demi-cercle autour de la haie. Celle  de quelques jardins. 201 Celle de Ia droite confiite en quatre peloufes entourées de haies peu hautes, entre lesquelles ferpentent des fentiers. Deux petites allées de tilleuls qui partent du cóté de l'édifice, traverfent cette fcene. Son extrêmité fupérieure vers Ie chateau, eft ornée d'une rangée de ftatues dans des attitudes animées & comme prêtes a s'envoler; ces ftatues font pofées fur des piédeftaux devant une petite bordure de gazon, autour de laquelle tourne un fentier. L'extrêmité inférieure va joindre la forêt, ayant de chaque cóté une colonne, & au milieu un morceau excellent de fculpture de 1'invention de Wiedewelt. Ce morceau, pofé fur une petite peloufe ronde, élevée & environnée de tilleuls, repréfente la fête de la vendange dans le goüt antique, & confifte en un grouppe de fix figures en demirelief, placées fur une table de marbre avec des décorations affortiffantes. La table eft attachée a une fabrique compofée de bloes bruts de marbre de Norwege, & décorée d'un vafe de marbre blanc. Les deux allées de tilleuls aboutiffent également k ce monument. Derrière cette partie paroit une riante fcene bocagere avec des clairieres découvertes. L'autre fcene eft k gauche; une contr'allée qui commence ici & va en pente, la fépare de la première. C'eft une belle place ronde, environnée d'une haie baffe. Au milieu eft une élévation que furmonte une haute colonne roftrale de marbre qui porte au bas, tout prés de fa bafe & de deux cótés, des infcriptions en lettres d'or, placées dans des tables rondes entourèes de feuilles de laurier. Du cóté du chateau on lit: Fortiffinia Confilia Tutiiïïma De 1'autre cóté: Anno MDCCLXII. Autour de cette élévation s'étendent deux terraffes peu élevées & enyironnées d'une rangée de tilleuls, entre lesquels fieuriffent de petits buiffons de rofes. Sur la terraffe fupérieure, deux morceaux de fculpture en marbre munis d'emblèmes allégcriques, comme Ia poupe d'un vaiffeau &une Tome IJL C c cou-  Ö02 Jppendiee. Defcription éouronne de feuilles de chène, fervent a décorer ces cótés ou la colonne ne porte point d'infcription. De petits gazons ornent cet emplacement tout autour. Derrière la colonne, & presque a 1'ombre de la forèt attenante, font deux pavillons ouverts par devant, d'oü 1'on appercoit le chateau entre les arbres, & oü la cour mange quelquefois. Dans 1'efpace qui mene des pavillons ala forèt, on voit une autre colonne de marbre de Norwege ; c'eft une colonne miliaire furmontée d'un globe. Tous ces ouvrages de l'art font de Wiedewelt. La place bocagere fituée derrière cette partie, eft pleine d'attraits. Du fein des plus beaux gazons, fur lesquels font quelques tentes, s'élancent des hêtres élevés & garnis d'un épais feuillage; tantót ils font grouppés, tantót ifolés, leurs tiges offrent des entre deux très-pittorefques, & les jours & les ombres qui fejouent, font un fpe&acle enchanteur. Mille habitants des bois commencent dans les airs un concert joyeux; les chants variés paffent de cime en cime, & de nouvelles mélodies, qui partent des humbles buiffons, y répondent. i. Cantons de la partie fupérieure de la for'et, en defcendant de la contr'allée extérieure (ou de la carrière) jufqu'a lallée environnante. Lorsqu'on fe tourne plus vers I'eft au fortir de la partie que nous venons de décrire, on parvient bientót a la derniere contr'allée de ce canton, ou a la carrière. Elle commence a 1'angle du chateau & a la droite de l'églife, & contient trois chemins; celui du milieu eft garni de tilleuls touffus croiffant en liberté, & ceux des deux cótés font encadrés par une haie bafle qui les fépare de Ia forèt adjacente. Cette allée prend, ainfi qüe toutes les autres contr'allées, un air inculte & fauvage vers fon débouquement dans la forèt, ck finit au bas a l'allée environnante. Vers cette carrière s'étend, du cóté de 1'eft, Ia partie fupérieure de la forèt dans tous fes attraits naturels. Cette partie eft tres-confidérable; de grands hêtres élevent ici leurs têtes touffues, & parmi ces hêtres font des tapis verds, des étangs, un manege, & une plantation de jeunes chênes.  : de qutiqiies jantint. 203 nes. La fin de Cette partie de la forêt eft d'une beauté finguliere. üri voit un grand maffif de hêtres élevés, droits & fveltes, qui eft environné par les plus beaux gazons. Quelques-uns de ces gazons du cóté du chateau, font couronnés de fleurs; 8c ceux qui font les derniers du cóté de l'allée environnante vont fe perdre en pente douce, & récréent la vue par leur verdure fans apprèt. Au bas de cette partie de la forêt ferpente une longue allée trèsagréable, plantée d'une rangée de jeunes fapins. Tandis qu'on parcourf cette belle promenade, on voit a gauche des fcenes trés-variées. On appercoit d'abord une allée de fapins qui fuit en defcendant 8c au milieu de laquelle eft un beau chène très-droit & ifolé. A cela fuccede un maffif de fapins impénétrable a l'ceil. Une feconde allée de tilleuls 8c de fapins entre-mélés, préfente 1'afpeét d'une ftatue, 8c eft fuivie d'un autre fombre maffif de fapins. Une troifieme allée de maronniers 8c de fapins s'ouvre, 8c un nouveau maffif de fapins paroit. Une quatrieme allée de tilleuls 8c de fapins fe préfente, 8c un beau gazon découvert, garnide quelques hêtres élevés 8c d'une petite plantation de jeunes chênes, I'accompagne. Luie cinquieme allée eft alternativement compofée de tilleuls 8t de fapins, 8? 1'on découvre un riant bofquet de jeunes chênes, coupé de fentiers tortueux, 8c parfemé de quelques grands hêtres 8c de quelques chênes antiques entourés de fieges de gazon. Ces cinq courtes allées qui defcendent vers la gauche, menent toutes a ce que 1'on appelle le plantage de Plefs: elles offrent tout autant de fucceffions attrayantes de 1'ouvert au fermé, du ferein au fombre. Les maffifs font bien ordonnés 8c d'un effet heureux. L'ceil quittant la clarté qu'offrent les ouvertures 8c les buiffons du plantage de Plefs, retourne a ces grouppes obfcurs, impénétrables mème k la Iumiere du jour, 8c s'efforce envain de s'y frayer un paffage. On voit varier l'afpeél de ces objets lorsque 1'onfe promene en defcendant le long de ces cinq courtes allées. La première offre k droite le maffif de fapins, qui s'ouvre au milieu 8c préfente un tapis verd libre avec un grouppe de hêtres; k gauche la vue pénetre k travers la fimple rangée de fapins qui forme l'allée, 8c rencontre les tiges des arbres foreftiers dont Ie Cc 2 feuil-  2C4 Jppendice. Defcription feuillage élevé jette de l'ombre. A l'entrée de la feconde allée on appere,oit des deux cótés les maffifs de fapins; a droite s'incline entre ces maffifs un fentier encadré de beaux maronniers & de fapins; a gauche un tilleul folitaire invite a pénétrer dans un enfoncement gazonné. Dans Ia troifieme allée 1'éternelle obfcurité des maffifs fe deploie des deux cótés. A la droite de la quatrieme eft un grouppe de fapins, tandis que le maffif en obfcurcit la gauche; vers la fin de l'allée, deux fentiers vont joindre Ie plantage de Plefs; celui de la droite, planté de fapins, a pour point de vue un grand vafe, celui de la gauche, bordé de fapins & de maronniers entremêlés, mene l'ceil vers une ftatue. De part & d'autre de la cinquieme allée on voit verdoyer de jeunes chênes: a droite un fentier tortueux conduit dans un bofquet formé par ces arbres; a gauche apparoit une longue allée, qui a Pentrée du plantage de Plefs qu'elle traverfe, cótoye un grouppe de chênes. Cette derniere allée fe prolonge a droite du bofquet de chênes, dépaffe 1'angle fupérieur du plantage de Plefs, qui demeure a gauche, 8claiffanta droite Ia ftatue de Flóre, va fe terminer dans l'allée environnante. Vers la fin de la partie fupérieure de la forêt, on tourne a gauche, paffant a cóté d'une jeune plantation de chênes, & entre deux petits tertres furmontés de quelques arbres antiques; on laiffe a droite un petit gazon, & 1'on parvient au plantage duPrince royal. II confifte en une jeune plantation de divers arbres, de ronces, de plantes potageres & autres, & de fleurs. C'eft ici que ce Prince, qui donne les plus belles efpérances, occupe mème fes heures de loifir, a s'amufer de connoiffances utiles, & a s'inftruire par fes amufements: c'eft ici qu'il apprend a fe plaire a la naïve fimplicité de la nature, importante aux rois mêmes, paree qu'elle entretient le repos de 1'ame. II obferve ici, quoique dans une petite enceinte, l'aétivité continuellement progreffive de Ia nature; il voit, comme toutes fes forces fuivent des loix invariables, comme elles tendent toutes a des fins oü fe réunHTent la fageffe & Ia bonté fuprémes. II voit & fent que c'eft aux princes, qui occupent le plus haut rang, a qui il peut Ie moins ètre permis de remplir leur place fans faire un ufage bienfaifant de leurs facultés. Plus  de quelques jardins. 205 Plus bas, & tout au bout de la partie fupérieure de la forèt oü de beaux gazons s'étendent en pente, on entre dans un bofquet de jeunes chênes des plus agréables, a travers lequel ferpente un fentier qui mene auffi au plantage du Prince royal. En traverfant ce plantage, on parvient de nouveau k un bofquet adjacent de chênes; il touche k la jeune plantation des mèmes arbres que 1'on appercevoit de la promenade placêe au bord de la partie fupérieure de la forêt. Ce bofquet eft beaucoup plus grand qu'aucun de ceux qu'on a decouvert en venant jufqu'ici. Son afpeét fiatte & arrète. Les tiges droites iancent un jet vigoureux. Les cimes fe raffemblent en voute, & caufent un demi-jour agréable coupé par quelques rayons de foleil qui embelliffent encore le verd aninié dont le fol eft tapiffé. L'allée longue & tortueufe mene k un berceau féjour cheri de la Reine: il eft formé par le tiffu naturel des rameaux & du feuillage des jeunes arbres, & a par devant une large allée droite qui conduit hors du bofquet. A droite fe prolonge l'allée tortueufe qui fort de ce lieu plein d'attraits fur 1'éminence du plantage de Plefs, & devant la ftatue de Flore. De 1'éminence on apperqoit le milieu de ce plantage avec toutes fes décorations, qui confiftent ici en haut dans la ftatue de Flore dont nous venons de parler, plus bas dans la ftatue de Diane, & entre-deux en un grand vafe orné deGénies tenant des guirlandes de fleurs &des fruits. Le plantage de Plefs eft un canton étendu qu'entourent les arbres élevés de la forêt & des allées. II eft partagé en baffes haies forméescle buiffons de noifettiers & d'aunes; ces buiffons font percés en tout fens de fentiers droits plus ou moins longs, qui menent par une multitude d'iffues dans Ie canton adjacent. L'intérieur des haies eft occupé par des maffifs de toutes fortes d'arbres indigenes, comme bouleaux, aunes, cormiers, frênes, faules, fapins, coudriers, cequi donne a 1'enfemble un air bocager, & offre k l'ceil une fcene agréable par les différentes nuances de verd qu'il apperqoit. Le gibier & les oifeaux trouvent une retraite affurée dans ces divers enclos. Cc 3 La  £05 Apphdice. Defcription La plus longue des allées qui conduifent hors de ce plantage, eft a droite quand on vient de la ftatue de Flore, & préfente un afpeét raviflant Elle eft mèlangée de tilleuls & de fapins, traverfe l'allée de chataigniers qui parcourt le milieu de tout le pare, commence enfuite a être compofée de maronniers d'un beau jet élancé & de jeunes fapins, fe prolonge dans la forèt inculte&négligée, & va tomber fur une grande place ronde, am dela de laquelle elle paffe pour aller fe perdre plus bas dans la grande allée environnante. La place ronde dont nous venons de parler, eft élevée & a quatre march'es; elle eft deftinée a un batiment qui fera ici un point de vue fuperbe, & jouira lui- mème de la plus belle perfpeétive. Deux petites allées de beaux érables s'étendent de cöté & d'autre. Celle de Ia droite, en venant du plantage de Plefs, pénetre la forèt & aboutit a l'allée environnante. Et celle de la gauche, dont le miüeu eft décoré de part & d'autre d'un bofquet de fapins, va tomber dans la derniere contr'allée ou dans la carrière. Les angles, que 1'on apperqoit de cette place ronde entre les quatre avenues, font plantés de jeunes bofquets de chênes, & derrière eu* la forêt offre tout alentour une fuperbe enceinte. Trois autres cantons partent de la ftatue de Flore placée dans Ie plantage de Plefs, s'étendent en longueur, & defcendent entre l'allée que nous venons de décrire & qui fort de ce Üeu, & entre l'allée environnante. Le premier va jufqu'a l'allée de chataigniers qui traverfe le milieu du pare, & préfente une fcene bocagere fauvage & inculte, entre -mêlee fur-tout de jeunes chênes & de beaucoup de fous - arbriffeaux. Le fecond s'étend jufqu'a l'allée d'érables, & n'eft aufli qu'un Üeu fauvage & inculte fans aucun fentier. Le troifieme encore eft une fcene bocagere, compofée principalement de jeunes frênes vigoureux & très-refferrés; au bas & du cóté de 1'angle de l'allée environnante, vers lequel ce canton fe fléchit, il devient un enfoncement découvert & gazonné, autour duquel font de beaux fapins avec tout leur fous - bois croiffant en liberté. L'autre extrêmité de ce canton, du cóté de l'allée qui fort du plantage de Plefs, eftentourée par un jeune bofquet de chênes; celui - ci s'étend vers Ia place ronde fituée entre les deux allées d'érables ainfi que nous 1'avons déja remarqué. ■ Ce féjour  - de quelques jardin;. SOf féjour a encore un fiege de gazon fermé par les cótés, & qui préfente de front la vue des buiffons environnants &des premières tiges du bofquet de chênes adjacent, tandis que par derrière les jeunes arbres foreftiers fe voütent 8c forment une arcade naturelle. Defcend- on de ce canton dans l'allée'environnante, on parvient bientót a un édifice de pierres, quarré 8c élevé, qui porte fon faite dans les eimes touffues des frênes élancés. C'eft un moulin qui mene l'eau au chateau par des conduits. Vu fon air groflier 8c gothique, 8c fon fite foütaire oü cet objet n'eft nullement attendu, il produit un effet qui s'accorde fi bien avec celui de tout le refte tu tableau, que d'abord on feroit tenté de croire que ce batiment n'a été placé la que dans ce deffein. D'ici 1'on parvient aunebeiie fcene bocagere qui confifte en des hêtres trés-beaux 8c trèsélevés, fous Iesquels s'étendent des tapis verds 8c des fentiers tortueux, tandis qu'on voit a droite I'iffue de la carrière devenir toujours plus inculte 8ï fauvage. Un fentier finueux conduit en montant aux cantons placés de ce cóté entre la longue allée qui part du plantage de Plefs 8c la carrière. On arrivé bientót au petit bocage de fapins fitué vers l'allée d'érables qui eft k gauche, 8c 1'on a, du cóté drolt, la verdure claire 8c gaie de jeunes noyers, entre Iesquels quelques bouleaux fveltes 8c élancés abandonnent leurs feuilles légeres aux jeux des vents. On traverfe l'allée pour venir au plus grand bocage de fapins, que longe en ferpentant le fentier qui mene k une plantation entre-mèlée de chênes, de noyers 8c de buiffons de noifettiers. A droite de cette plantation eft encore un petit bocage de fapins, une autre plantation d'arbres variés, 8c enfuite une fcene bocagere fauvage, décorées de vertes peloufes. Le fentier tortueux a deux iffues dans la grande allée de chataigniers qui traverfe Ie pare. En croifant cette allée, on parvient k un court chemin bordé de tilleuls que furmontent des fapins. Des deux cótés font des parties confidérables de forêt compofées d'arbres grands 8c petits, de buiffons 8c de petites plantations entre-mèlées. A gauche, en pourfuivant toujours le droit chemin, on voit un enfoncement avec des fieges de gazon placés en demicercle 8c entourés de tilleuls 8c de fapins, 8c derrière ceux-ci d'antiques chênes.  20g Appendice. Defcription chênes. De ce lieu'on appergoit droit devant foi, & a travers des hêtres élevés, une fombre forèt. On revient a la partie inférieure du plantage de Plefs, & 1'on découvre alors que la ftatue de Diane qui paroiffoit dans le lointain, eft dans ce féjour. De ce plantage, fitué de ce cóté le long de la carrière vers lequel ileftouvert, on peut retourner par celle-ci au chateau, ouprendrepar une des cinq allées qui, comme on I'a décrit plus haut, fe rendent ici en defcendant de la partie fupérieure de Ia forèt. 3' Cantons entre la carrière & la contr'allee voifine a gauche. La contr'allée, qui fuit a gauche la contr'allée extérieure, ou Ia carrière, eft de tilleuls, offre au milieu un gazon, & a la vue fur le payfage verdoyant. Elle occupe le milieu des contr'allées du quartier de 1'eit. Derrière le lieu qu'occupe le monument qui repréfente la fète de la vendange, eft, comme on l*a déja remarqué, une fuperbe partie de forèt, décorée de grands'hêtres & de peloufes naturelles. Une allée bordée de tilleuls & de fapins part de la carrière, & fe fiechit a gauche vers le canton que nous allons vifiter. Au milieu de cette allée on voit paroitre un ouvrage de fculpture; des deux cótés du chemin la forèt offre fon afpeél fauvage. On rencontre bientót une place ronde, environnée de tilleuls & de fapins. Deux petites allées, auffi de tilleuls & de fapins, s'étendent d'ici au travers de la forêt. Celle de la gauche aboutit a la contr'allée voifine. Celle de la droite débouche dans la carrière, & ouvre en même temps une perfpe&ive attrayante entre deux haies d'aunes, dont les efpaces font remplis d'arbres de la même efpece & de forbiers; cette perfpeétive s'étend vers le milieu du plantage de Plefs, oü Ia ftatue de Diane paroit fur le devant, & celle de Flore dans le fond obfcur du tableau. Les deux bofquets d'aunes qui précédent encore la carrière, ferment un demi-cercle: tandis que 1'on s'y promene, on appergoit vers le haut l'entrée d'un agréable fiege de gazon, auffi en demi-cercle, & au milieu duquel un tilleul folitaire laiffe pendre  de quelques jardins. 209 pendre fes branches. On parvient a ce féjour par une petite plantation de fapins, après laquelle on paffe a cóté d'un beau hétre dont le pied offre encore un fiege de gazon. Au bas du bofquet eft l'entrée d'un autre fiege de gazon femblable au premier; au milieu on voit auffi un tilleul, mais deux jeunes forbiers empêchent la reffemblance qu'auroient fans cela ces deux fieges; de grands hêtres jettent ici du haut de leurs cimes touffues des ombres raffraichiffantes. L'allée fe prolonge au-dela de la place ronde, dans laquelle nous venons de faire un écart. A gauche eft un bocage agréable, très-ferré & obfcur, compofé principalement de fapins. On croife la grande allée de chataigniers qui ttaverfe tout le pare, & 1'on voit des deux cótés d'épais halliers de plufieurs fortes d'arbres, fur-tout de fapins. Une place ronde & exhauffée fe préfente a l'ceil: le grouppe coloffal de la fculpture, grouppe qui de loin animoit ce point de vue, s'éleve fur cette éminence couronnée par une rangée fimple de tilleuls, qui vers le bas fe mélent a des fapins, avec Iesquels ils environnent le pied de la hauteur. Pafte cette place ronde, & tandis que i'on continue k parcourrir cette allée, qui fe prolonge toujours en baiffant infenfiblement & va fe perdre dans l'allée environnante, l'ceil découvre k gauche une plantation inculte ck ferrée, compofée de plufieurs fortes d'arbres, fur-tout de jeunes chênes, avec beaucoup de fous-arbriffeaux. Enfuite paroit une ouverture riante qui donne fur un petit gazon fitué dans un enfoncement; mais k celui-ci fuccede immédiatement un hallier obfeurci par des fapins, ck tellement impénétrable, embaraffé ck fombre, que les rayons du foleil ne peuvent le percer. A droite Ie promeneur eft récréé par un joli bocage de jeunes chênes, & bientót après par un ténébreux maffif de fapins furmonté de bouleaux dont les branches pendent d'une maniere pittoresque. Au haut de ce jeune bocage de chênes on eft invité par un fentier dé* tourné qui conduit droit au travers de cette plantation. Ce fentier laiffe k droite un gazon agréable décoré d'arbres, & s'enfonce k gauche dans un bois inculte ck fauvage de fapins, de chênes, de coudriers, & d'autres arbres, Tome III. D d « parmi  ai0 Appendice. Defcription parmi Iesquels des chênes majeftueux, des hêtres 8c des bouleaux s'élancent vers les nues; puis, ferpentant entre des buiffons de jafmin 8c de feringats quifaluentle paffant de leurs parfums, il égare 8c amufe long-temps Ie promeneur. On ne fe laffe pas de pourfuivre ce fentier, 8c a peine fe repofe-t - on fur un petit fiege qui femble fe cacher derrière un fapin 8c quelques jeunes chênes dont les rameaux s'entrelacent confjdemment, tant eft attrayant ce féjour inculte, lequel s'étend au loin, recule même vers le haut jufqu'a la grande allée de chataigniers, 8c a fon iffue dans le lieu oü celleci croife la carrière. Tout au bas de l'allée que nous avons fuivie jufqu'ici, un autre fentier pénetre encore en ferpentant dans cette folitude. Les fentiers paffent tous deux au - dela d'un large chemin qui s'écarte de la carrière, traverfe 1'efpece de défert dont nous parions, 8c parcourrant une partie clair-femée de la forêt, va fe perdre dans l'allée environnante. De la partie inférieure de la carrière jufqu'a Ia fin de la contr'allée, deux allées entre iêsquelles nous nous fommes promenés jufqu'a préfent, une grande 8c belle partie de la forèt étend fon afpeét. naturel & fauvage. La contr'allée même ne fe prolonge qu'a travers les bois, 8c bientót fes deux fentiers vont fe perdre dans une peloufe naturelle 8c non frayée. 4- Cantons entre ta contr'allée du milieu & ta demiere contr'allée. La perfpeaive qu'offre la derniere contr'allée, bordée de tilleuls 8c munie d'un gazon au milieu, va fe perdre dans le payfage verdoyant. En defcendant la contr'allée du miÜeu, on a d'abord des deux cótés de trèsbeaux bois fitués derrière les deux parties du pare décrites plus haut. A droite 1'on découvre une petite allée détournée qui va joindre Ia carrière, 8c 1'on jouit de la perfpeaive qu'offre le milieu du plantage de Plefs 8c fes décorations. Dans ce canton paroit d'abord a gauche une large allée entre deux fombres bofquets de fapins: elle eft traverfée par une petite allée, qui part du lieu oü eft le monument, 8c eft garnie de fapins 8c de tilleuls, Iesquels- vont  de quelques jardins. tij. vont peu après joindre de part & d'autre les faofquets de fapins: cette petite. allée débouche immédiatement après dans la grande allée de chataigniers.. L'allée large dont nous avons parlé, fe prolonge encore entre deux autres. bofquets fombres de fapins, & aboutit a Ia contr'allée extérieure. En pourfuivant la contr'allée du milieu, on entre dans la grande allée de chataigniers; cette allée forme des deux cótés des perfpeétives charmantes, fur-tout a gauche, oü elle fe perd dans un almable demi-jour, moyennant un coude qu'elle fait ici dans 1'enfoncement. Si 1'on defcend entiérement cette contr'allée, onadepart & d'autre des bois tres-épais de toutes fortes d'arbres, & closde plus k droite par de jeunes chênes & a gauche par des fapins. D'ici 1'on parvient a l'allée environnante, & 1'on prend d'abord a gauche par un joli fentier finueux. Toujours tournoyant ck garni de buiffons de jafmins, il conduit a travers une folitude pleine d attraits plantée de toutes fortes d'arbres, ck mene enfin a une montagne appellée le Schneckenberg (la montagne en limaqon). C'eft une belle montagne ronde, entourée de pentes douces ck couronnée par quelques hêtres a haute futaye. Elle eft environnée tout alen-: tour par les plus beaux arbres & buiffons de la forêt. On ne pourroif fe repréfenter une plus belle enceinte de bois, ni des voütes plus pittoresques d'arbriffeaux. Tout elt ferré & clos, ck cependant libre ck plein d'aménité. Une feule petite ouverture permet a la vue de fe porter fur 1'avantfcene montueufe du payfage. Au nord, oü fe préfente en bas a gauche un petit gazon riant, la montagne tombe rapidement, & le regard plonge dans un enfoncement boifé. Cet enfoncement, 1'élévation des arbres fur la montagne, 1'enceinte foreftiere & ombragée, & Ia folitude folemnelle qui regne en ces lieux, fe réuniffent pour former un féjour propre aux plus graves méditations. Au fud du pied de la montagne,* le fentier finueux longeant les buiffons, traverfe une partie de forèt, & tourne a gauche dans une grande lande agréable, garnie fur-tout de fapins. Par - tout d'épaiffes ombres & de Ia fraicheur, & les chants de mille habitants des bois qui célebrent le bon- D d 2 «eur  £12 Appendice. Defcription heur de la liberté dans un profond repos. Plufieurs fentiers ferpentent dans cette lande; quelques-uns aboutiffent dans la contr'allée extérieure; un chemin droit mene vers le haut & caufe une furprife frappante en conduifant k 1'improvifte dans la grande allée mitoyenne de chataigniers. Un autre chemin defcenddela montagne 8c continue k s'étendre dans fa forêt en cótoyant d'autres éminences adjacentes. On voit au deffus de foi des arbres touffus s'élancer vers les nues, 6c le long des pentes k droite l'ceil fe porte dans un enfoncement garni d'arbres. Ce chemin mene dans la lande dont on vient de parler; ou, fi 1'on veut, dans la contr'allée extérieure; ou encore dans les promenades raviifantes qui font plus haut, 8c qui parcourrent la partie de forêt attenante k l'allée de front. 5- Cantons entre la contr'allée extérieure & l'allée de front. A gauche de la contr'allée extérieure font encore des cantons particuliers, qui touchent a l'allée de front 8c fe développent en defcendant. On trouve d'abord en haut k gauche, une partie de forèt pleine d'arbres, dans laquelle paroit un étang. D'ici part un chemin qui ferpente k travers cette partie confidérable de la forèt, croife obliquement la grande allée de chataigniers, 8c, après avoir fourni un amufement trés - agréable en paffant entre des fcenes bocageres variées, fe fléchit tout au bas dans Ia piece gazonnéeplacée au bout de l'allée de front; enfin, ouvrant ici la plus belle des perfpeétives fur Ie lac d'Efferom 8c les forèts obfcures qui lui fervent de fond, il paffe dans le quartier de 1'oueft. Des fentiers tortueux fortent de ce long chemin 8c fe déployent vers les autres cantons que renferme cette vafte partie de forêt, qui fuit vers le nord Ia pente rapide de Ia montagne. Des fentiers percés dans un bois"ne peuvent guere être plus diverfifiés ni plus attrayants que ceux - ci: de riants buiffons égayent Ia vue, 8c de jeunes hêtres dans toute la première beauté de leur cru, fe jouent dans les jours brillants qui percent le tendre feuillage dont leurs têtes font couronnées. Quartier  de quelques jardins, ■ 213 Quartier de l' o u e jï. Le lieu de plaifance avec les petites haies qui eft de ce cóté de 1'avantcour, elt femblable a celui de la droite. Son intérieur eft presque décoré de même, 8c vers le bas une allée de tilleuls, qui touche a la contr'allée extérieure du quartier de 1'oueft, fe replie autour de ce féjour. Trois contr'allées partent du chateau & parcourrent ce quartier de 1'oueft, au bas duquel elles s'abaiffent profondément. La vue tombe fur le lac d'Efferom fitué dans le fond, &enfuite, fe relevant, fe porte fur les fombres forèts placées derrière. La clartéde l'eau, 1'obfcurité des bois, la férénité azurée du ciel, offrent les contraltes les plus fuperbes. Les variations de 1'air, la mobilité des nuages errants, leur obfcurciffement ou leur éclairciffement fubit, raniment ce point de vue en lui donnant 1'attrait de la^variété. t. Cantons entre Vallie de front, & la tontfallk exterieure laplus voifine. La perfpeétive que préfente cette contr'allée extérieure eft magnifique: les regards tombent fur Ie lac d'Efferom, 8c quittant fon enfoncement, remontent vers la forêt qui couronne fes rives. Les cótés de la contr'allée, compofée de maronniers & de tilleuls avec un gazon au milieu, offrent bientót de beaux hêtres. La large avenue qui mene vers ces hêtres, elt bordée de tilleuls croiffanten toute liberté acóté des arbres foreftiers & des buiffons: cette avenue s'étend affez loin en ligne droite. La promenade eft raviffante8c differe de toutes celles que nous avons parcourrues jufqu'ici. A gauche, un chemin bordé de jeunes fapins plantés fur une élévation de gazon, ferpente entre les Iandes adjacentes dominéés par quelques mélefes élevés quirécréent Ia vue: ce chemin s'étend au-deia de la contr'allée. A mefure que le chemin de la droite fe prolonge, fes arbres fe changent en jeunes fapins ferrés contre la forêt fauvage 8c inculte. II mene a une place ronde ceinte de tilleuls 8c de feringats; enfuite au-dela de Ia Dd 3 grande  „ r £ 'Appendice. Defcription grande allée de chataigniers; plus loin a une autre place.entourée de fieges de gazon & de tilleuls; puis il fe prolonge encore long-temps, entre des arbres de la mème efpece fitués fur le cadre gazonné de la partie de'forèt adjacente. Au bas il mene a une nouvelle allée de jeunes maronniers, qui commence au dernier des tapis verds de la grande allée de front, & aboutit 3 unlabyrindaeéloigné, au milieu duquel un pavillon ouvert de treillage furmonte une colüne ornée de ftatues. Au bas & a droite de ce labyrinthe, un fentier pénetre a travers" une lande agréable & naturelle plantée de plufieurs fortes d'arbres; ce fentier s'enfonce d'abord 6t puis fe relevant entre des chênes refpeclables 8c de vertes peloufes, il fe rend dans la jeune allée de chataigniers qui commence a 1'extrêmité de l'allée de front. A gauche du labyrinthe, part d'une allée de tilleuls qui 1'entoure, un chemin conduifant aun grand & obfcur bofquet de fapins planté fur la pente de la montagne. Ce chemin mene. a 1'extrèmité inférieure de la derniere allée de ce quartier. Veut - on remonter cette allée ? on voit a gauche, tantót le pavillon qui occupe 1'éminence du labyrinthe, tantót de belles parties latérales de la forèt, & fur-toüt des bocages de hêtres dans toute la gaieté de leur jeuneffe. 2. Cantons entre la dernier e contf allée du cóté de t'allée de front, & la contr'allée du milieu. Lorsqu'on entre dans cette contr'allée du milieu, on apperqoit d'abord au haut 1'emplacement oü fe trouve 1'obélifque confacré a la mémoire de Frédéric V. Le cifeau de Wiedewélt, qui a embelli toute cette fcene, a décoré l'entrée de l'allée d'un ouvrage de fculpture en marbre blanc; d'un cóté il repréfente le temple de la Vertu, &de 1'autre celui de 1'Honneur, en demi-relief. La place eft circulaire 8c un peu enfoncée. Tout autour s'étend un foffé muré & plein d'eau que traverfe un pont; le bord du foffé eft orné d'une encejnte de lits de fieurs; entre ceux-ci 6c une petite élévation gazon-  de quelques jardins. 215 gazonnée tournoie un fentier; fur 1'élévation gazonnée ferpente encore un autre fentier étroit avec une rangée fimple de tilleuls mêlés de mauves, & entre Iesquels on a ménagé une baluftrade de marbre; a 1'angle fupérieur eft un berceau. Au centre de la place eft une éminence a laquelle conduifent des marches de gazon. Ici s'éleve 1'obélifque de marbre de Norwege, avec Ie bufte de Frédéric V. fur une table ronde de marbre blanc d'Italie. De 1'autre cóté de 1'obélifque on lit 1'infcription: Prudentia et Conftantia & celle-ci: Anno MDCCLXIII. Derrière & au bas de cette fcene fe replie un fuperbe bocage de fapins, que traverfe une large allée qui préfente I'afpeét d'une autre colonne confacrée aux Graces dans une partie adjacente. Cette partie eft entourée d'un étang, au-dela duquel conduit un pont dont Ia baluftrade fe prolonge & s'étend tout autour de Ia place intérieure; des fapins environnent cet étang. Au milieu de cette place s'éleve la colonne. Sa tige, de marbre bleuatre de Norwege, eft ornée de guirlandes de rofes & de myrthes. Le chapiteau, d'ordre corinthien, elt de marbre blanc; un vafe doré le furmonte. Au pied de la colonne paroit une table ronde, de marbre blanc d'Italie, fur laquelle font repréfentées en demi-reliëf, les trois Graces qui s'embraffent. Ce morceau, de Wiedewelt, eft accompagné de cóté & d'autre par deux petits monuments ornés des images de Mercure & de Venus. En defcendant la contr'allée du milieu, on voit les deux fcenes que nous venons de décrire, briller a droite & contralter avec Ie fombre bocage de fapins oppofé. A droite un chemin bordé d'un rang de fapins fépare de la forêt la fcene inférieure, & remonte de 1'autre cóté dans le bocage de fapins. Une grande partie de forêt," plantée de plufieurs fortes d'arbres, s'offre a Ia vue quand on pourfuit la contr'allée. Plus loin on appercoit toujours a. droite une petite place ronde, d'oü part un chemin entre de jeunes  a l(3 Appendice. Defcription nes fapins, derrière Iesquels font des tilleuls qui touchent aux buiffons: le chemin ferpente k cóté de la forêt ombragée & inculte, & débouche dans la contr'allée extérieure. A gauche on découvre deux fentiers qui vont vers les cantons fitués de ce cóté. On a devant foi le fpectacle qu'offre dans 1'enfoncement le lac d'Efferom, fpeftacle dont la beauté s'accroit continuellement; on appercoit un champ de grain libre & découvert, qui depuis le rivage s'éleve vers la forèt environnante, & dont la clarté forme un beau contrafte avec les maffes fombres des bois. On traverfe la grande allée mitoyenne de chataigniers, & 1'on a du cóté droit un jeune bofquet de chênes fur une riante peloufe, avec lequel contrafte k gauche fur un fol nud, un bofquet obfcur de fapins percé d'une large ouverture pour laiffer voir un pavillon fort élevé. Au bas du bofquet de chênes fe replie un fentier quile traverfe & rentre incontinent dans un autre bofquet de chênes, auquel les buiffons des environs, quelques maffifs de fapins, & les grands arbres de la forèt, donnent un air fombre & folitaire. Le fentier fort de ce bofquet & mene audela de cette allée inférieure de maronniers qui part de l'allée de front, & qui offre ici a gauche dans 1'enfoncement, la vue du lac a travers une voute de feuillage; on parvient kun bocage inculte, d'oü le fentier conduit d'abord dans un grand & beau bofquet de fapins qui s'incline avec le flanc de la montagne. Tandis qu'on defcend le long du bord citérieur du bofquet, onvoit un fpeétacle fuperbe compofé d'une partie du lac qui brille k travers 1'avant - fcene bocagere fituée de ce cóté, & des forèts qui s'élevent derrière ce lac. A droite plufieurs fentiers menent de ce bofquet dans les cantons fupérieurs attenants. En defcendant le droit chemin placé de ce cóté du bofquet, on a devant foi dans 1'enfoncement une colonne brute c!e pierre avec un bufte: devant cette colonne, qui touche les brouffailles, eft un fiege de cailloux. Prés de la colonne, un fentier prend vers Ia gauche, & 1'on rencontre de nouveau, d'abord a droite, un bofquet de fapins moins grand que 1'autre, & qui fe releve fur Ie penchant de la hauteur. Auprès de la colonne, mais plus bas, eft un fentier qui fe rend k ce bofquet. Peu  de quelques jardins. 217 Peu après on voit encore a droite une colonne de roches brutes fur une bafe négligemment compofée. Ici un repofoir fuperbe appelle Ie promeneur. On eft a trés-peu de diftance de Ia rive du lac, &I'on découvre 1'afpeét magnifique des forèts fituées au - dela. Les ondes murmurent dans 1'enfoncement, & Ie frémiffement du faite des hêtres femble venir s'y joindre des nues pour former un concert majeftueux. De ce féjour part un fentier qui ferpente au pied de la montagne, & fe fléchit a. gauche en remontant au dernier bofquet de fapins, d'oü fon peut retourner dans l'allée inférieure de chataigniers. Continue-t-on fon chemin en bas & Ie long du grand bofquet de fapins, on a du cöté gauche une lande garnie de toutes fortes d'arbriffeaux, k travers les ouvertures desquels on voit quelquefois luire le lac qui fait entendre fon murmure. Le chemin va fe perdre k I'angle gauche du bofquet de fapins, & s'y méle k Ia forêt inculte & fauvage. En remontant a droite du bofquet, on retrouve de 1'autre cóté une autre lande plantée d'épais buiffons. A 1'angle fupérieur du bofquet paroit ün chemin trés-fombre bordéde jeunes fapins; ce chemin defcend entre de grands arbres touffus, ferpente vers Ie pied de la montagne, & s'enfonce dans i'iffue de la contr'allée extérieure. On remonte enfuite vers l'allée inférieure de chataigniers qui part de 1'extrèmité de l'allée de front, & 1'on y entre en tournant k droite. Elle fe prolonge entre des cantons trèsagréables, & dans 1'endroit oü elle forme 1'ouverture voütée vers Ie lac, elle defcend dans l'allée environnante. 3- Cantons entre ld contr'allée du milieu & la dernier e contr'allée extérieure (occidentale). Le bord de Ia forèt, jufqu'a Ia fcene oü fe trouve 1'obélifque, eft garni d'une rangée de ftatues placées k 1'ombre des arbres. La contr'allée extérieure compofée de tilleuls, préfente k fon entrée un afpecl trompeur: fon long tapis verd fe rétréciffant k mefure qu'il s'éloigne, paroit porter fon autre extrêmité pointue jufque fur l'eau du lac. Tome III. E e De  21 g Appendice. Defcription De 1'autre cóté s'offrent des campagnes riantes, 8t derrière elles Ia forêt s'éleve en déployant fes ténebres, au deffus desquelles brille 1'azur du ciel. D'abord a l'entrée de la derniere contr'allée, la faifanderie, qu'animent toutes fortes d'oifeaux, fe cache a droite fous 1'ombrage de quelques vieux arbres; une allée ferrée de tilleuls en occupe de ce cóté le devant. Une allée tortueufe, bordée de jeunes fapins, pénetre a droite dans ïes bois. Elle monte & defcend, croife un chemin alligné qui s'étend des deux cótés, traverfe a droite une petite place ronde, & fe perd ici dans une allée plus large: celle-ci, garnie de tilleuls & de petits fapins, defcend en ferpentant 8c mene dans la Vallée des Norwégiens. Cette vallée eft une des fcenes les plus intéreffantes de tout Ie pare. Une petite allée de tilleuls conduit dans une vallée ronde repartie en quatre pieces de gazon. Au milieu de ces peloufes eft une élévation gazonnée, d'oü s'élance une colonne de marbre de Norwege, entourée de guirlandes, &.terminée par un globe doré. Autour du vallon eirculent trois terraffes exhauffées, 1'une au deffus de 1'autre, 8c dont les talus font d'un beau gazon. Chacune a un fentier large 8c commode bordé des deux cótés de tilleuls. Sur la terraffe inférieure font deux pavillons ouverts fitués vis - a vis de Ia colonne. Tout alentour les arbres foreftiers s'élevant de beaucoup au deffus des jeunes tilleuls, forment une belle enceinte voütée. L'éminence fupérieure eft fermée k droite par un maffif de fapins; a gauche elle touche a une partie de forêt, qui, compofée de jeunes 8c de vieux hêtres, préfente un afpeét plus libre 8c plus riant. Mais ce qui rend cette fcene ïntéreffante, c'eft fa décoration. Elle eft garnie d'une foule de ftatues*) de *) Ces ftatues font du fculpteur de Ia le jardin royal de plaifance de Fredenscour, Monfieur Grund. Elles font gra- bourg. Publié par J. G. Grund, fculpteur vées fous le titre: Abbildung des Nor- de la cour), & accompagnées d'une matmsthals in dem Kb'nigl. Luftgarten zu eourte defcription danoife & allemande. Fviedensburg. Herausgegeben i on $oh. Les figures font de Heckel & bien Gottfr. Grund, Konigl. Hof- Bild- und gravées, Au refte il faut voir 1'enfemSteïnhauer. Folio. Kopenhagen JZ73- ble du tableau, non dans une imitation (Deffein de la Vallée des Norwégiens dans artificielle oü il perd toujours beaucop, mais  de quelques jardins:. de grandeur naturelle, qui, reparties tout autour fur les trois terraffes 8c entre les tilleuls, ont le vifage tourné vers Ia colonne fituée au centre du vallon. Ces ftatues font de grès blanc 8c fur de petits piédeftaux. Elles compofent un grouppe national important, car elles repréfentent des fujets du Roi, c'eft a. dire les habitants des deux fexes de tous les grands bailliages ck de toutes les iles de la Norwege, dans leurs différents habillements & leurs différentes occupations ck récréations. On voit ici des gens qui travaillent aux champs 8c dans les forèts, des pêcheurs, des chaffeurs, des-marins, des muficiens, des danfeurs, des enüemetteurs, des fiancées, des ménageres, des meres de familie, 8c tous avec une véritable expreffion de vifage 8c avec leurs inftruments 8c leurs parures convenables. Cette affemblée eft de föixante-quatre perfonnes, 8c s'augmente annuellement; on commence déja a garnir la terraffe fupérieure. La gaité s'annonce dès l'entrée de ce féjour: on voit a, droite deux figures qui danfent, 8c a gauche deux muficiens, Pun avec un tambourin, 1'autre avec un violon. Cette fcene eft des plus féduifantes. La blanche lueur des ftatues multipliées fait un effet admirable au milieu du verd riant des gazons 8c des tilleuls, autour desquels s'étendent les voütes fombres 8c élevées des arbres foreftiers; cet effet charmant fe remarque fur-tout lorsqu'on entre dans ce ffjour, ou lorsque, s'en approchant du cóté gauche, on voit poindre la blancheur des ftatues au milieu du léger crépufcule que caufent les arbres. Cette fcene eft également neuve 8c des plus variées; elle réunit la vérité a I'intérêt national. Le vallon eft clos 8c folitaire, 8c préfente cependant une image très-vive de la fociété. On paffe d'une figure a 1'autre; oncroit s'entreteniravec elles, leurdemander: d'oü elles viennent; qui elles font; ce qu'elles font la> ce que fignifie cet inftrument, cet ornement? On lit les infcriptions des piédeftaux qui font connoitre la patrie des ftatues. On fait des connoiffances agréables, 8c 1'on s'entretient avec une compagnie tirée d'une des nations les plus eftimables de 1'Europe, nation fameufe par 1'innocence de fes mceurs 8c par fon amour pour fon Roi. Auffi trouva -1 - elle un monarque qui la récompenfa! Ee 2 Quel mais fur les lieux mêmes. Depuis la des ftatues s'eft confidérablement augpublication de cet ouvrage, le nombre menté.  220 Jppendice. Defcription Quel triomphe pour une nation lorsqu'unRoi tel qu'etoitFrédéric V, daigne placer les images de fes fujets chéris dans un lieu qui les lui offre journellement, les placer mème au milieu du théatre de fes plaifirs; lorsqu'abandonnant la pompe de fon palais, il vient s'amufer dans la vallée a confiderer leurs occupations & leurs jeux; lorsque fa digne époufe, marchantfur fes traces bienfaifantes, aime encore ce lieu oü s'étalent les vertus norwegiennes, fait encore augmenter de nouveaux venus cette eftimable affemblée nationale! * Une allée de tilleuls, derrière laquelle font plantees toutes fortes de ronces indigenes a fleurs odorantes, fort du bas de la Vallée desNorwégiens, & defcend dans l'allée environnante. L'entrée de la Vallée des Norwégiens eft croifée par la grande allee mitoyenne de chataigniers avecfes tiges fuperbes &fes branches déployées; puis celle-ci, traverfant la contr'allée extérieure qui en eft tres - voifine, defcend a gauche, le long du flanc de la montagne, dans l'allée environnante. . En tournant a droite dans cette alléede chataigniers, on parvient bientót a un fentier étroit fitué a gauche. II eft tortueux, varié, féduifant, & paffant a cóté d'un fiege placé» fous un chène, il mene dans le canton au milieu duquel s'éleve enforme de temple rond unbeau pavillon de treillage a jour Le fite de ce batiment eft raviffant. Des deux cótés part une petite allée de tilleuls & de mélefes entre-mèlés, dont celle a droite fe rend dans la contr'allée du milieu. On a derrière foi une allée de tilleuls & de fapins percée d'une ouverture vers la faifanderie fituée plus haut, & droit devant foi une vue fuperbe fur le lac, dans lequel l'allée de tilleuls & de fapins femble aller fe précipiter; derrière l'eau ümpide les grandes maffes de la forèt jettent leurs ombres ténébreufes. De cette place on voit des quatre cótés des bofquets fombres de fapins occuper les entre-deux des avenues. t , ., En pourfuivant cette allée vers l'eau, on parvient d abord a un chemin fitué a droite, & qui longe le cóté d'un de ces bofquets. On appercoit le bufte de Frédéric IV en marbre blanc d'Italie, placé fur un piedeftal b éleve  de quelques jardins. a 21 élevé de marbre de Norwege. De ce bulte, dont la blancheur fait un bel effet vis - a - vis de 1'obfcurité des arbres, un chemin droit conduit dans une lande plantée de fapins, avec Iesquels les feuillages riants de jeunes prables font un beau contrafte. Ce chemin, long, aliigné, fombre & toujours obfcur, aboutit inopinément a une fcene pleine d'éclat & de beautés. On voit fe déployer une grande place qui s'abaiffe de la forêt vers le lac, dont les maffes lumineufes rayonnent dans 1'enfoncement. Le haut de la place eft décoré de tapis verds, de fleurs & d'allées riantes de tilleuls. Au bas font deux pavillons fitüés au bord de 1'éminence & avant qu'elle commence a pencher fenfiblement. A travers les ouvertures de l'allée environnante , s'offre une vue des plus récréatives. L'ceil découvre toute la largeur du lac, les forèts qui 1'accompagnent, avec leurs vertes peloufes & leurs champs emblavés, dont 1'afpeét riant fe préfente dans les intervalles de lanoire forêt, & les vaftes campagnes qui s'étendent a gauche; cette perfpeétive anime 1'ame de nouveaux fentiments, en lui faifant favourer les agréments de la liberté & de 1'étendue. Le grand avantage de Fredensbourg eft de réunir tous les attraits de la vie champètre. Les fcenes multipliées varient continuellement, les places incultes 8c les cultivées, 1'ouvert & le fermé, les jours & les ombres, les allées droites 8c les fentiers tortueux, les bofquets 8c les bois, les gazons & les maffifs, tout fe fuccede, 8c les décorations femblables fe préfentent toujours fous des points de vue nouveaux. Des chanteurs ailés de toute efpece habitent ces azyles affurés & animent presque tous les arbres & tous les buiffons de leurs accents; les ramiers voltigent par-tout ou roucoulent fur les branches élevées; 8c le jeune gibier erre fans crainte dans les allées ombragées. Ici la liberté embraffe 1'amour de la nature. Un air pur 6c falubre fouffle fur leurs tètes; l'eau, les forèts, les vaftes promenades attirent; 1'ombrage 8c Ia fraicheur defcendent de la cime des chênes; les odeurs reftaurantes qu'exhalent les gazons ras, rempliffent les fentiers finueux; 8c le long crépufcule des foirées d'été propre a ce climat, prolonge la jouiffance des plaifirs tranquilles qu'offre Ia nature. Ee 0 4.C0S'  22£ Jppendice. Defcription Cantons entre la demitre contr'allée (occidentale) & fallée environnante. En haut, vers 1'oueft, & immédiatement auprès de la partie du chateau oü fe trouve le cabinet de la Reine, eft un petit jardin confacré kun doux repos. H confifte en fleurs, en petits gazons, en arbres nains, & d eft décoré de quantité de morceaux excellents de fculpture, de marbre d'Italie & de Norwege. On y voit des figures couchées, des enfants endormis des grouppes délicats, des vafes de formes & de décorations dwerfes, _ des fieges de marbre, des colonnes, une cafcade. On retrouve encore ici des monuments exquis de Wiedewelt, artifte que le nord peut oppofer aux meilleurs maitres modernes du midi, oü les arts fleurirent d'abord *) Les morceaux fuivants de cet habile fculpteur font fur-tout eftimables. Au nied de 1'efcalier deux fphinx couchés; quatre vafes enflammes aux angles de la baluftrade; quatre vafes pleins des fruits qu'offrent les farfons; un vafe avec une tète de Satyre; & outre ceux-ci, quatre autres vafes qui montrentles différents ftyles de l'art chez les peuples de 1'antiquite ou u floriffoit particuliérement. Le vafe égyptien eft de marbre noir avec une tèted'Ifis & un fiftre; le piédeftal de marbre de Norwege, repréfente un autel décoré d'hiéroglyphes. Le vafe étrufque préfente par devant la tete du roi tofcan Arminus; il eft de marbre noir, mais fon piédeftal, en forme d'autel, de marbre de Norwege. Le vafe grec eft, ainfi que fon piédeftal, de marbre blanc, & orné des têtes de Jupiter & de Junon en demi-rehet; le piédeftal eft un autel rond. Le vafe romain, de marbre blanc, eft une compofition d'un ftyle plus moderne, afin de montrer combien on s'etoit écarté de la beauté des formes; le piédeftal eft un autel avec 1'infcripnon: Marti facrum, Patriae cuftodi. Aux deux extrémités d'une balustrade de marbre placée au milieu de ce petit jardin, font couchés deux enfants endormis de marbre blanc: 1'innocence elle-même ne peut fotomei*. Ier plus paifiblement. A 1'extrèmité du jardin fe trouve la petite cafcade; *> Le plus bel ouvrage de eet artifte, Frédéric V, qui doit être placé dans 1'é& de l'art feptentrional en général, n'eft glife deRofchild parmi les tombeaux des pas encore achevé. C'eft le maufolée de Rois de Dannemarck.  de quelques jar dhr. 223 èfle eft de marbre de Norwege & a la forme d'un roe. L'eau s'étend fur un rocher, 8c fe verfe dans un baffin par deffus quelques marches taillées en pierre; dans la pierre font des plantes aquatiques, despoiffons, desgrenouilles, grouppés d'une maniere pittoresque: aux cótés du baffin font des vafes recouverts par des ferpents. Derrière ce jardin, & dans un bas-fond, fe trouve un autre petit jardin, auquel conduit un efcalier a deux rampes, au milieu desquelles s'ouvre une niche décorée de rocailles. Dans ce dernier jardin s'éleve une éminence murée, munie de plufieurs terraffes 8c de plufieurs montées, entre lesquelles s'offrent des ouvertures. Le fommet de 1'éminence eft orné d'un grouppe de fculpture & de buiffons verdoyants; fon pied elt ceint d'un foffé qu'environne une haie peu élevée 8c que traverfe nn pont. Cette hauteur eft habitée par une nombreufe peuplade de canards. Les cótés du jardin font garnis d'arbres fruitiers. . A ce jardin touche un emplacement enrichi d'arbres fruitiers & de fraifiers. Une baluftrade de treillage, fe long de laquelle s'étendent les branches des arbres fruitiers, fert de féparation entre ces trois places 8c le pare. Et du même cóté une allée de tilleuls qui defcend du cMteau 8c longe ces trois parties, fait Ie commencement de la derniere contr'allée de ce quartier de 1'oueft. Du haut de cette contr'allée extérieure part l gauche, 8c dans les environs de la faifanderie, un fentier qui fe fléchit vers Ia droite 8c fe prolonge entre des parties de forêt. II mene a une grande place, d'oü un chemin conduit a droite dans la contr'allée extérieure, 8c un autre a gauche a 1'iffue du pare vers le fud.. Cette place eft ornée d'allées de tilleuls 8c de quelques antiques arbres foreltiers, 8c a du cóté gauche un étang, On la traverfe dire&ement, en laiffant a gauche premiérement un petit emplacement d'oü s'élancent de beaux mélefes, & enfuite un berceau, 8c 1'on parvient a U montagne de la Reine. Un chemin qui commence au pied du fiege placé fur cette hauteur, defcend droit le long de fes tafüs boifés. D'abord ü traverfe un bocage de fapins  'Jppendice. Defcription rL mn fi* a M'« environnante. On pourfuit celle-ci, qui eft dans f C & Sn paffe 1'endroit ou commence la grande allée mrtoyenne e ,i atóert pour remonter a droite; on continue fon chemrn au p.ed de f ombragée d'arbres, & tandis que 1'on s'approche de la ma,fon l St de 1'afpea d'une belle prairie terminée par les ondes de bateaux, ion, r ^ u des bl. ^feft £££T*maniere a fatiliter Pentrée du yacht üc des petits Tinnes uue fon trouve ici pour prendre le plaifir de la promenade fur t rt'on d couvre toute létendue fuperbe du lac, qui roule presque ÏÏL» taX & qui, -ec fes vaftes rivages * les forêts b payfage, » iM„ft-P rAté offre une fcene animee. f,tUe En *d maifon des bateaux on avance encore dans l'allée en* Ti l nrend a droite un chemin finueux qui mene au haut f«ne 'ÖaM»*»»**^;» ? rTtaZ ette folitude bocagere presque condnuellement entre de ,eu- / ^ n dte a fe repofer. Ce recoin eft fur une terraffe efcarpee de la verdoyant uwKe a le repo ^ ^ ^ ^ ^ Tnr'n e— dansUfenLprécédent on voit k gauche un autre nar vers Te fommet de la montagne de la Reine ou eft fon uïue F Retufons-nous ici, Mufe champètre des jardms & confideron la a ■ ,?de ces fcenes; elle eft pleine de nouveaux attraits. Vo,s ce fiege tiSerdontlatète couronnée de branches vigoureufes&deployees tu lom fe dérobe presque l l'ceil qui s-efforce de la fuivre repofe un ber« „ de tffleuls entre- lacés. Sa petite avant- place eft encernte d'un burfion rie é de troène. Derrière ce buiffon les pentes de 1'em.nence fon  de quelques jardins. 225 divifées en trois terraffes, qui en font tout le tour: Ia première 8c la feconde font ornées de mauves; 8c de la troifieme s'élevent des mélefes. On ne fauroit tfouver une vue plus fuperbe que celle qui s'étend ici fur les cimes flottantes de ces forèts. L'ceil fe précipite, pour ainfi dire, dans 1'avant-fcene boifée, d'oü s'élevent les têtes de plufieurs fortes d'arbres avec leurs verdures 8c leurs figures variées. Mélange finguüer 8c frappant de formes 8c de nuances! les faites pointus des fapins a cóté des épaiffes Koütes de feuillage du hètre, les feuilles légeres du bouleau a cóté des feuilIes pefantes du chêne. L'ceil quitte 1'avant - fcene pour aller errer tantót fur des pointes efcarpées, tantót fur les élévations ondoyantes que préfentent les feuiliages fitués plus haut. Une des extrêmités du lac brille derrière les maffes énormes des fcenes bocageres, pour les raffraïchir 8c pour repandre une gaieté douce fur ce tableau compofé de forèts. Immédiatement derrière l'eau, les forèts oppofées fe relevent 8c.jettent de longues ombres noiratres. Et quelle nouvelle majefté s'ajoute a cette fcene, lorsque la Reine fe repofeici pendant ces doux inftants oüle flambeau du jour étend a fon coucher fa Iumiere fur les forèts, 8c romp fes rayons dorés entre les maffes fombres des faites touffus. Les cimes orgueilleufes des arbres fe balancent; un frémiffement fonore femble annoncer qu'elles font animées; elles paroiffent fe baiffer pour être faluées par les regards de Ia Reine. Cependant fon ceil majeftueux fe porte avec une tranquille complaifance fur les forèts, 8c fur les payfages lointains qui fleuriffent derrière leurs ombres; payfages heureux oü chaque chaumiere fe prépare infenfiblement a lui confacrer les vceux de Ia foirée. Tome III. Ff II. J«- ■ J  22<5 Appendice. Defcription IL 3'dgersprii s.*) Jügerspriis eft fitué dans un payfage des plus agréables, des plus fertiles & des mieux boifés. Ce payfage eft entouré par Ie grand golphe de mer nommé Ifefiord, qui 1'environne de tout cóté, excepté vers le fud oü le fol étend fes prairies & fes bois. Le golphe fe divife autour de ce lieu en fes deux bas prineipaux; Ie moins confidérable, ou celui deRofchild, elt du cóté oriental 8c s'étend jufqu'a Rofchild; le plus grand déploie a 1'oueft une eau confidérable de plus d'un mille (danois) delargeur, & va jufqu'a Holbek & jufqu'a d'autres endroits, oü il prend différents noms. II fuffit de parler de cette pofition, pour exciter 1'imagination a fe repréfenter les perfpeétives fuperbes jqui s'ouvrent aux environs de Jagerspriis. Le chateau eft vieux mais vafte; il renferme une foule d'appartements en partie décorés de tableaux, ck magnifiquement meublés. De 1'étage fupérieur l'ceil jouït des plus belles vues fur les eaux du golphe oriental ck du grand golphe Occidental, ck fur les richeffes du payfage d'alentour. Immédiatement au devant du chateau fe déployent, tant du cóté de I'eft que de celui du nord , de grands gazons découverts 8c environnés de différentes fortes de fleurs. Les gazons de 1 eft aboutiffent a des berceaux verds ceints de tilleuls, entre Iesquels font des fleurs; a gauche s'étend une belle allée voütée d'ypreaux 8c de tilleuls, derrière laquelle repofe un étang. Les gazons du nord, outre leurs cadres de fleurs, ont encore un grouppe de fleurs fur une élévation; ils font de plus décorés de quatre beaux vafes placés fur des piédeftaux 8c offrant les emblèmes des quatre faifons, 8c d'une belle colonne de marbre dont I'éclat fait un effet trés-agréable avec la fraiche verdure. Toute cette place eft entourée de beaux tilleuls, entre Iesquels Ia mauve orgueilleufe éleve fa tète colorée. Des *) Ce chateau de plaifance appartient ditaire Frédéric, & eft a fix tnilles (dasi fon A. R. Monfeigneur Ie Prince héré- nois) de Copenhague.  . de quelques jardins. Des deux cótés, de 1'eft ainfi que du nord, partent de ces tapis verds, des allées au cordeau qui menenf aux fcenes moins régulieres, aux promenades , 6c aux bois. A 1'eft Pceil va errer dans Ie payfage a travers une haute allée, qui plantée de frênes, de faules, d'aunes, de tilleuls, de coudriers 6c d'autres arbres ferrés, s'éleve entre les forèts adjacentes. A droite eft un bocage de jeunes chênes; a gauche un autre bocage de fapins dans lequel fe fuccedent des allées droites 6c des fentiers finueux: tout pres de ces bocages font d'autres forèts qu'une allée d'érables réunit aux forèts du nord, compofées de chênes antiques 8c refpeclables entre-mèlés de hêtres 8c de fousarbriffeaux. Les forèts fituées vers Ie nord font grandes, pleines de liberté 8c de beautés naturelies, égayées par des gazons 8c des points de vue difperfés, 8c traverfées par des fentiers tortueux, dans Iesquels fe trouvent d'agréables fieges de gazon. Entre ces forèts des allées d'érables, de tilleuls 8c de chênes, attenant aux arbres a haute fütaye offrent une verdure variée 8c des promenades charmantes. Les arbres font plantés fur une peloufe naturelle 8c croiifent en pleine liberté. Par-tout on trouve la belle nature abandonnée a elle-même: tout eft vafte, aifé 8c fans apprêt. Un air fauvage répandu fur 1'enfemble du tableau, eft trés - convenable a un féjour qui a la deftination de celui-ci. II exige de Ia grandeur 8c point de décorations recherchées; des maffifs incultes, des forèts fombres 8c folitaires fe réunilfent pour renforcer les impreffions que 1'ame doit recevoir iel Jagerspriis eft un pare dont la folemnité forme Ie caraétere, 8c qui eft confacré aux émotions fublimes 8c réligieufes, que peuvent caufer par leur préfence, des monuments d'une haute antiquité, 8c ceux des hommes refpeclables de la nation. On voit ici des maufolées oü les offements des anciens héros du Nord repofent dans des cellules de pierres auffi indomptables au temps, que le Ff 2 courage  22 g Apptndke. Defcription courage de ces héros f étoit a leurs ennemis. En mettant le pied dans ce féjour, 1'ame fe fent faifie par la mémoire refpeétable de ces fiecles oü la noble fimplicité du cceur 8c la fermeté inébranlable de la vertu, accom-" pagnoient des mceurs groffieres. Un de ces maufolées eft dans une forèt du cóté du nord. II eft bati de cailloux dans le creux d'une colline, 8c offre une place fuffifante pour vingt perfonnes debout. Deux chênes antiques & tortueux, dont 1'afpeét s'accorde fi bien avec cette fcene, étendent leurs branches informes fur la colline; & tout autour, des chênes, des hêtres, des aunes, des buiffons de noifettiers a épais feuillage, compofent une enceinte touffue. Une table de marbre placée entre ies deux chênes, porte une infcription latine; elle apprend que ce tombeau, qui renfermoit les cendres de quatre mortels depuis huit fiecles, fut ouvert pour la première fois par Frédéric V au mois de Juillet 1744- °n a dtf' pofé cette colline de maniere qu'elle offre un repofoir au deffus de ce tombeau: elle eft tapiffée de gazon, 8t munie d'efcaliers 8c de fieges: une ouverture faite dans la forèt, offre a l'ceil 1'afpeft de quelques prairies, d'une partie du golphe oriental, 8c du vafte payfage. Un autre ancien tombeau eft défigné par le nom de Colline Julienne; il eft ifolé 8c du cóté de 1'oueft, vers lequel mene une allée de tilleuls qui part du chateau. Remplacement eft environné d'une baluftrade 8c d'arbres. Dans cette colline pénetre une caverne formée de cailloux bruts 8c qui va en fe courbant un peu: elle eft longue de vingt-fept pieds, 8c affez haute pour qu'une perfonne puiffe s'y tenir debout. Au fond de la caverne brüle une lampe; elle répand dans 1'obfcurité de ce fouterrein une lueur qui a quelque chofe de folemnel. Au deffus de l'entrée on lit une infcription dont voici le fens: Cet ancien monument (trouvé en 1775) eft confacré a la mémoire de la meilleure des meres par le Prince héréditaire Frédéric. La colline confifte en deux terraffes ou divifions. A l'entrée de la caverne, on monte des deux cótés un efcalier de gazon, qui mene a la premie-  de quelques jardins. 229 re terraffe iqu'environne un fentier circulaire. Au bord exterieur de ce fentier font placées, entre des mauves, fept colonnes rondes & d'un ftyle fimple, qui, comme le prouvent les noms & les infcriptions, fon confaCrées aux anciens rois danois & norwégiens, Skiold, Frode den Fredegode (Frode le pacifique), Dan Mykillati (Dan le magnifique), Haraid Haarfager (Haraid le chevelu), Gorm den Gamle (Gorm le vieux ), Haraid Hyldetand, & Wittekind, fouche de la maifon d'Oldenbourg. Tant par leurs infcriptions, qui décidentleur caraétere entant que monuments, que par la fimplicité ici trés - convenable de leurs formes, ces colonnes offrent une décoration heureufe & bienféante. La terraffe fupérieure eft plantée d'arbres, 8c également bordée de fieurs. Au fommet eft une place ronde, environnée d'une éminence gazonnée, 8c meublée en dedans de fieges. On découvre de cette hauteur une longue 8c magnifique perfpeétive. D'abord l'ceil eft enchanté tout alentour par une campagne trèscultivée, très-fertile 8cfleurie, remplie de toutes les beautés variées de la nature. A 1'oueft paroit Ie long 8c large golphe Ifefiord, qui, en attirant les regards vers fa rive oppofée, forme un grand 8c brillant couronnement liquide dans le tableau. Du cóté gauche 8c au fud, des forèts repofent dans le payfage; plus loin fe préfente le chateau 8c les batiments de Jagerspriis, avec les fommets voütés des chênes 8c des hêtres, parmi Iesquels fe diftinguent les faites élevés du bofquet de fapins. A 1'eft la vue fe déploie fur des forèts, découvre, a travers un percé, une partie du golphe de Rofchild, 8c va fe perdre; dans le payfage qui s'efface infenfiblement dans le iointain. Au nord s'étalent de grandes plaines avec des maifons ifolées, , des enclos, des buiffons 8c des arbres. L'afped eft trop riche pour être décrit ni peint. On peut retourner par divers chemins de cette colline a la tranquille obfcurité dés forèts. Ici fe préfentent des fcenes qui raviffent l'ceil 8c rempliffent 1'ame d'un refpeét religieux. On fe croit tout - a - coup transporte dans les bocages facrés de la Grece. L'intérieur des forèts 8c les allées- Ff 3 offrent  Appendke. Defcription offrent une' quantité de monuments brillants, que le Prince héréditaire, dont le noble efprit agit ici, fait élever en marbre de Norwege par fon Wiedewelt, aux hommes les plus diltingués de fa patrie. Quel fpe&acle neuf & digne de vénération! Un Prince du Nord crée ici un ouvrage que ne poffédoit pas même la Grece, du temps oü les arts & la raifony étoient portés au plus haut point, ou du moins ne poffédoit pas de la même maniere : car le Prince honore toutes fortes de mérites; il ne s'attache pas feulement aux héros & aux conquérants, que les marbres grecs faifoient furtoutrevivre, mais encore au fage politique, a 1'inventeur, a celui qui porta la Iumiere dans les fciences, au précepteur des peuples, au fauveur de fes concitoyens, a celui qui favorifa quelque établiffement utile, qui fans éclat caché en lui-même, paffe fouvent devant les yeux des grands fans en être remarqué, & mème k celle qui rehauffa Ia gloire de fon fexe en montrant une vertu male dans un fein féminin. Malgré toute 1'ardeur que témoigne 1'Angleterre pour 1'ennobliffement defesparcs, elle n'a cependant encore aucune entreprife de cette nature; les temples ou les monuments ifolés, érigés ca & la en mémoire des Bretons qui fe font illuftrés, même les fameux champs élyfées de Stowe, ne font pas ce qu'eft Jagerspriis. Le connoiffeur trouve ici la première exécution d'un deffein, que peut - ètre on avoit k peine imaginé dans ce goüt, & qui donne aux jardins une grandeur que ne pouvoit leur donner toute 1'affemblée célefte que Louis XIV évoqua du ciel mythologique. Les monuments érigés a Jagerspriis ont non feulement le mérite de la nouveauté, mais encore celui d'être nationaux. On y voit fe renouveller la mémoire des gens de la nation les plus diflingués par leurs vertus depuis les fiecles les plus reculés jufqu'a préfent. On en a fait un choix rigoureux. II eft des mérites de Ia première grandeur, & d'une valeur fi connue & fi décidée que 1'envie même paffe devant eux en filence, quoiqu'en leur jetant des regards louches & furtifs. Depuis trois ans que commenqa cet ouvrage, dont la continuation eft favorifée par 1'enthoufiafme le  de quelques jardins, 231 fe plus heureux, on a érigé trente monuments, & on les augmentera d'en\iron autant encore. Quelle gloire pour une nation de voir immortalifer fes verrus de toutes les claffes de citoyens & de tous les états, par un Prince dont Pefprit les connokSc dont la générofité les apprécie! Et quel encouragement pour la poftérité, qui appercjoit ici les monuments de fes refpeétables ancêtres, s'arrête devant eux avec un muet attendrilTement, fent la flamme de I'émulation s'allumer, & s'en refourne avec la noble réfolution d'être auffi un jour ce qu'ils étoient! Mème Ie patriote qui ne tient a ces noms éternifés que par les liens de 1'intérét national, fe réchauffe k Ia vue de ces marqués de fouvenir. On a réellemenf obfervé ces effets k Jagerspriis. On a fouvent vü une douce émotion fe montrer dans les yeux mèmes des dames 5 elles fentoient Ia grandeur de ces ouvrages, & fe rappelloient avec attendriffement les perfonnages ou les vertus qui en font le fujet. L'hiftoire de Ia patrie devient une étude favorite; on rougiroit en foi-mème de ne pas connoitre les perfonnes dont les monuments fe voient ici, ou de les avoir oubliées. L'étranger lui-même applaudit, & avoue qu'un Prince qui fait honorer les grands hommes de fa nation, a auffi le privilege d'en pofféder. Certainement le Prince, qui anime tous les beaux-arts de fa patrie, ne pouvoit leur donner une plus noble deftination que de les appeller a immortalifer les vertus nationales. Les monuments en queftion font des colonnes douées de la noble fimplicité propre k la beauté dans les ouvrages de goüt. Les formes font réguiieres & aifées, & varient k chaque monument: quelques-unes ont une défignation caraétériftique qui fe rapporte k ce que le mérite avoit de perfonnel. Les colonnes portent les noms des perfonnages, & font décorées, fuivant les regies du bon goüt, d'un petit nombre de fymboles bien choifïs, qui font d'une grande énergie dansles ouvrages de ce genre. Malgré toute Ia variété des formes & des emblèmes, la fimplicité eft fcrupuleufement obfervée. Voici  - 'Jppendice. Defcription Voiciquelques-uns de ces monuments*) pour fervir. d'e^ktce font ceux tfAbfalon, le fameux Evèque & Capitaine• de Tycho Brahe iL'A^i deFierre Colbiorenfen, H©^*^ * dUlrich Frédéric Gyldenlöve, le courageux conquérant de Marftrand, de Frédéric Danneskiold Samfoe, admiral général & qui amehora la manne; de ean Hartwig Emeft Bernftorff, 1'immortel minifire tfetat, dont les fages négociations préparerent au Holftein le bonheur de profperer fous le gouvernement danois. ès Clemens grave aauellement tous fauver la fortereffe, il encouragea encoJL^ZeL, qui paroltront, accom- re fes coneitoyens a mettre le feu a la ces monuments q y wftoriaues rela. ville & commenca lui - même par fa pro- iier' . „OB rx„f 9ffP7 de nerte. Colbiörenfen étoit négociant **ï Tous ces perfonnages font aiiez ae perce. mlnnn-i „Jus dans 1'hiftoire de Dannemarck: & mourut avec la quahte de colonnel - SotóLfenreftpent-étre^, L'artifte a fu mettre en oeuvre le marb e mit devant Frédéricshall; mais, pour molies & bnfees. Les  ie quelques jardins. Tornt TIL Gg   jjppendice. Defcription de quelques jardins. 2tf   Ajpendice. Defcription de quelques jardins. 237   'Appendice. Defcription de quelques jardins. 239 Les colonnes font parfemées dans le jeune bocage de chênes & dans le bois de fapins qui font a 1'eft du chateau, dans la grande forèt pleine de vieux chênes fituée vers Ie nord, & dans les allées & les promenades qui defcendent jufqu'au bas du pare dans la faifanderie. Elles font ifolées & féparées 1'une de 1'autre, afin que chacune ait achevé de faire fon eftet, avant qu'une autre fe montre. On les apperejoit presque toutes en des lieux ombragés, fur de petites éminences de terre, & fous des chênes ou des hêtres agés qui les environnent comme d'un crépufcule. L'éclat du marbre qui perce le feuillage, & la fainte obfeurité dans laquelle fe cachent quelquefois les monuments, jufqu'a ce que l'ceil les découvre fubitement, font tour - a - tour pafier leurs impreffions dans 1'ame. Tout eft tranquil le, folitaire, folemnel. Les effets de ces fcenes font grands & toujours frappants; mais le fentiment feul les faifit, on ne fauroit les décrire. Le tact du connoiffeur eft ici juge & panégyrique tout k la fois. Tous les fpeétateurs fe réuniffent afentir une profonde vénération pour le Prince, qui même dans le lieu de fes plaifirs champêtres, a pour compagnes les vertus & les Mufes, & qui n'aime fes bocages & fes promenades, qu'autant qu'il y voit briller les monuments érigés aux vertus de fa patrie. III. Marien-  2^0 Jtppendice. Defcription ' III. Ma r i e n l ujï*) Le fite de ce pavillon- royal a 1'oueft de la ville d'Helfingó'r, eft fi avantageux, qu'a peine la plus riche imagination dont un Thomfon foit fufceptible pourroit en feindre un plus favorable, & qu'a peine un Tavernier, qui avoit parcouru les lieux de plaifance les plus fuperbes du monde, pouvoit en trouver un plus heureux. Le batiment eft beau & n'exifte que depuis environ vingt ans. II eft adoffé contre une colline, & confifte en deux étages propres a ètre habités; car le plain-pied, qui n'eft totalement vifible que fur le devant oü, il offre une fortie deffous une arcade, fert aux befoins de la table, 8c eft partagé en appartements vaftes 8c clairs. Devant le premier étage fe trouve, fous une autre arcade, un fiege agréable 8c deftiné fur-tout a faire jouir de la vue du jardin, ou de 1'avant-place. Par derrière le batiment eft ménagé enforte que les carroffes menent a 1'étage fupérieur. Le toit eft plat 8c entouré d'une galerie dont la facade eft décorée de quatre beaux vafes. Tout 1'édifice elt de pierre 8c revêtu d'un crépi grifatre. Les chambres de ce pavillon font reparties 8c difpofées fuivant de juftes proportions; 1'étage d'en bas en contient quatre, outre quelques cabinets; mais les plus beaux appartements font dans 1'étage fupérieur; ils font décorés avec goüt 8c ornés de deffus-de-portes peintsparMandelberg. Au milieu de cet étage eft une grande falie quarrée, claire 8c agréable, qui préfente les plus belles perfpeétives 8c les réfléchit dans deux grands trumeaux couronnés par les portraits en médaillon de Frédéric V 8c de Julienne Marie peints par Pilo en maniere de demi-relief. L'ceil oublie bientót les 7 images *) Ce pavillon royal appartenoit a S. Ou a deux gravures de Marienluft; une M. laReine Douairière Julienne Marie, qui petite de Quift, qui n'offre que le bdtien a fait préfent au Prince roval Frédé- ment, & une plus grande de W. A. Mtilric. II eft tout prés de la ville d'flel- Ier ( «767 ), qui préfence de plus la colhfingör & de la fortereffe de Cronenbourg, ne & le jardin, a cinq milles (danois) de Copenhague.  de quelques jardins. images attrayantes de la mer 8c du payfage qu'offrent les miroirs, & demeure attaché a ces portraits chéris avec un muet raviiTement. A gauche un fallon a manger oblong touche k cette falie, Sc k droite font deux chambres. La colline a laquelle 1'édifice eft adoffé, eft partagée en plufieurs terraffes munies de montées 8c décorées de ftatues 8c de vafes. Elle eft revêtue de quelques arbres que vit croitre le premier age du monde; d'autres, fur-tout des tilleuls, ont été plantés depuis quelque temps, 8c 1'on en a formé par-tout des promenades ombragées, auxquelles fuccedent des repofoirs agréables. Le batiment s'éleve a la mème hauteur que la colline; mais les arbres furmontent Ie toit en terraffe, 8c compofent un fond bocager qui rétentit du chant des oifeaux. En face du pavillon fe déploie le jardin, ou plutót 1'avant-place, dont la gaieté foutient les impreffions flatteufes de ia colline 8c de 1'édifice. C'eft un parterre formé de peloufes 8c de fieurs entre - mélées de ftatues 8c de vafes, 8c environné de promenades fraiches fous des tilleuls. Larépartition 8c la décoration fymmétrique de cette avant-place, font trés- convenables ici vu fa liaifon intime avec le batiment; 1'emplacement ne permet point de deffeins oü regne la liberté, 8c d'ailleurs on ne les cherche pas même dans un lieu deftiné k faire jouir de -1'afpeét des objets les plus magnifi-1 ques de la nature 8c de l'art humain, objets qui s'élevent au deffus de tous les embelliffements dont les plantations puiffent être fufceptibles. Ce font ces grands objets de la nature 8c de l'art qui font la beauté de Marienluft. La toute-puiffante nature pourroit, peut-être, produire des fcenes plus fublimes 8c plus folemnelles; mais elle n'a jamais réuni dans un mème endroit des fcenes femblables k celles - ci. M ontez fur la colline ou fur le toit en terraffe, 8c attendez - vous k éprouver un ravifiément qui agrandit 1'ame 8c vous éleve au-deffus de vous-mêm e. A droite le regard fe porte fur la Baltique, fur l'ile de Hween qui s' éleve au milieu de fes fiots azurés; fur la ville confidérable d'Helfingór; derrjere cene«cj fur jes mats innombrables des vaiffeaux de toutes les nations qui paffent Ie Sund; fur Ie fuperbe chateau gothique de Cronen baurg, qui, placé fur une colline Tornt III. H h d'oü  242 Jfpendict. Defmption d'ou il commandc le détroit, fait avec fes tours, fes murs maffifs 8c fes baftions imprenables d'ou mille tonnerres s'élancent au premier fignalj un effet bien plus grand dans ce payfage héroïque que ne feroit le palais le plus élégant; 8c qui, rappellant a la mémoire les héros des premiers fiecles, éleve encore 1'ame par 1'image de force 8c de domination qu'il offre. P us vers le milieu l'ceil découvre tout te détroit de 1'Oerefund qui rend la Baltique a ïocéan; une grande étendue des cótes de Suede; 8c fur ces cotes la ville d'Helfinbourg avec fes maifons dominéés par la tour, qui feul refte de la fortereffe démolie, s'offre triftement fur la montagne. Vers la gauche paroiffent fur la pointe des rivages oppofés de la Scanie, les montagnes deKulIa; on découvre encoredece cótéleCattegat, 8c 1'entree de 1'ocean; 8c plus bas vers la gauche les rives de la Seelande, qui fertiles 8c garnies de belles forèts, font du cóté citérieur de la mer. - Ces perfpedives, uru< ques dans leur genre enEurope, furpaffenttoute defcription; il faut les voir pour en fentir toute la majefté. En jouiffant de ces afpeéts on oublie des beautés qui ailleurs enchantent 8c s'évanouiffent-ici; on oublie la riante avant-fcene oü des troupeaux paiffant fur des pentes douces 8c tapiffees de verdure, achevent un doux tableau champètre; on oublie les prés, les maifons 8c les jardins répandus au pied de la colline, 8c les gaies chanfons des oifeaux pcrchés fur les arbres qui couronnent le fommet de i'éminence. L'ceil ene fur des mers 8c des payfages, 8c 1'imagination jouit avec volupté de Fimmenfité de ces fcenes. Malgré toute leur étendue elles font voifines de l'ceil, qui les appercoit d'abord fans ètre obligé de les aller chercher péniblement dans le lointain; 8c la hauteur d'oü on les découvre ne les fait acheterni par la fatigue ni par le verrige. Ces fcenes font grandes fans ètre effrayantes; magnifiques 8c cependant toujours amufantes. - Les flambeaux variés des cieux, leur azur riant 8c les tableaux mouvants des nuages, le fommeil de la mer ou fon réveil mugiffant, fes flots écumants, amoncelés, fe chaffant 1'un 1'autre avec violence, le hurlement des vents, les cris des oifeaux marins qui planent en 1'air, le mouvement perpétuèl des vaiffeaux, dont il en paffe tous les ans feptahuit mille, 8c quelques fois jufqu'a trois cents par jour, a'traversce détroit  de quelques jardins.. 243 détroit — tous ces accidents donnent de Ia vie & de Ia variété a ces fcenes & ajoufent un nouvel effet k celui de leur majefté. Aucun détroit de toutes les parties connues du monde, ne peut fe glorifier de voir le fpeétacle magnifique que préfentent Ia quantité de vaiffeaux qui paffent affez fouvent tous a la fois par le Sund. II n'eft pas rare d'y voir jufqu'a quatre cents navires raffemblés qui attendent le vent favorable, & dont les mats en repos femblent former une vafte forêt. Le vent fe leve, les voiles s'enfient, les pavillons de toutes les nations voltigent; une ville flottante s'approche avec une pompe majeftueufe; le falut des canons qui rendent hommage au chateau de Cronenbourg, réfonne de tout cóté; les deux rivages rétentiffent de leur tonnerre; les plus puiifants des éléments, l'eau & le feu femblent fe combattre; une épaiffe fumée s'éleve des vagues blanchiffantes, & s'envole du fommet des mats vers les nues; Ie fentiment fier qu'infpire 1'idée de la domination danoife fur le Sund, enfle le cceur du patriote. Un fpeétacle d'une majefté plus douce eft celui que nous offrit Ie coucher du foleil, vu de Marienluft pendant une des foirées fereines & calmes des mois d'été. Tandis que cet aftre s'inclinoit vers la gauche fur les forèts qui couronnent les rives de Seehnde, & rempliffoit 1'occident de Aammes dorées, fa lueur fe répandoit fur la valte furface du Cattegat. La mer étoit tranquille pour achever la pompe folemnelle de cette fcene. Un torrent de pourpre, qui s'écouloit du bord de la carrière du foleil, s'étendoit fur 1'efpace fitué entre les cótes des deux royaumes oü 1'océan fe perd dans 1'immenfité; les parties les plus élevées du ciel fondoient infenfiblement leur couleur azurée dans une nuance grifatre; & fur Peau s'offroient des tableaux variés dans Iesquels le jaune s'entre - mêloit au couleur-de-rofe. Dans le pourpre de 1'horizon fe monü-oient immobilesles voiles orgueilleufes de quelques grands vaiffeaux; d'autres navires, moins éloignés, étoient k demi - enfevelis dans Ia vapeur. Le fon des cloches qu'on a coutume de fonner le foir k Helfingór, commencja k rétentir dans la contrée filencieufe. Jamais la nature ne fe plongea dans le repos d'une maniere plus fo„ lemnelle. Hh 2 C'eft  Jppendicc. Defcription C'eft au milieu des impreffions de ces fcenes, que le Prince, qui maintenant eft Pefpoir & un jour fera le bonheur de cet empire, cherche a former fa fenfibilité & a réveiller dans fon jeune cceur les deux premiers fentiments qui ennobliffent 1'ame des Rois, celui de la grandeur & celui de la bonté. Julienne Marie a fes cótés lui montre ce fpeétacle énergique; & le Souverain futur fait vceu devant elle d'être un jour grand & bon par luimème, ainfi qu'Elle voulut être & fut, Elle quiale droit d'être le précepteur des Rois par fon génie & par fon exemple. ^ IV. S o p h i e n b e r g. *) Sophienberg a une fituation telle que doit avoir un chateau de plaifance royal. II eft dégagé & placé fur une éminence dont le pied eft lavé par les flots de la Baltique: les pentes de la colline vers l'eau, font partagées en diverfes terraffes & décorées de pieces de gazon. La vafte perfpeaive de la mer, & la multitude de navires a la voile, le bruit des vagues, les grandes parties du rivage cultivé & fertilequi s'étendent de part & d'autre du chateau, a gauche une baie confidérable avec des forèts & des cabanes de pècheurs, rempliffent 1'ame du fentiment de la grandeur & d'une volupté fublime. L'afpeét maritime qu'offre ce féjour a quelque chofe de particulier. La Baltique paroit dans toute fon immenfe étendue: car le détroit voifin du Sund fe dérobe entiérement de cóté dans cette vue; & les cótes oppofées de la Scanie fe courbent au point que de loin elles paroiffent femblables a un golphe. Les navires qui fortent de 1'océan ou du Cattegat en fiechiffant leurs cours, femblent réellement devenir vifibles par magie. On les voit s'avancer comme s'ils s'élevoient effeétivement du fond de la mer. La foule de vaiffeaux de toutes nations qui viennent du Sund & s'y rendent, anime extrèmement cette partie de la Baltique. On voit de tout cóté *) Chateau de plaifance royal au bord de la Baltique, a deux milles (danois) de . Copenhague.  de quelques jardins. 245 cóté les voiles voltiger vers les nues; des palais flottants fendent les vagues azurées & difparoiffent: les grandeurs & les conftructions différentes des vaiffeaux, leur approche ou leur éloignement, ia diverlité de leur marche, qui tan tót eft doüce ckxinie, tantót rapide, préfentent a chaque inftant un fpeétacle toujours varié. Le chateau offre cette perfpeétive riante, qui ne trouve guere fa pareille en Europe, & 1'offre de prés, paree que la plupart des navires font, pour plus de fureté, route en deqa de 1'iïe de Hween. Le chateau elt tourné vers I'oriënt, ck cette fituation lui préfente toutes les fcenes magnifiques qu'offre le foleil fortant du fein des mers. Et quellesfcenes, puiffantenature! L'afire qui te gouverne, s'avance; un crépufcule avant - coureur annonce fon approche; il éclaire le ciel oriental ck les ondes qui s'y roulent 6k qui femblent le laver. Des flammes étincelantes s'allument ck s'augmentent fucceffivement a 1'horizon, ck lancent de longues traces fur la plaine argentée. Les tableaux variés que Ia Iumiere, a mefure qu'elle augmente, forme avec les petits nuages difperfés ck comme fommei'.Iant encore dans le ciel, fe mirent dans les ondes limpides; & de doux vents, qui commencent infenfiblemenfra fouffler, en changent peu-a-peu la fituation & les formes. Et maintenant il fe leve, Ie foleil, dans toute la magnificence de fon éclat. Un feu éblouiffant s'élance fur la mer, ck dans 1'efpace qu'il éclaire, les vagues commencent abrilier; une fplendeur tremblottante fe répand de cóté fur les furfaces immenfes; partout les blanches voiles font faluées par la Iumiere; ck de loin a 1'horizon, des mats invifibles jufqu'alors commencent a paroitre. Des élevations éclairées du rivage circonvoifin rétentit le mugiffement des troupeaux, ck dans 1'enfoncement fe renouvellent les occupations des pêcheurs fatisfaits. On eft entramé a jouir non feulement des beautés fublimes, mais encore de la félicité que l'ceil rencontre dans cette vue. Tutus bos etenim rnra perambulat; Nutrit rura Ceres, almaque Fauftitas; Pacatum volitant per mare navitae; Ciüpari metuit fides. *) Hh 3 Le *) Horat. Lib. IV. Od. V.  5 dppmdht. Dtfcription Le chateau de plaifance «) eft d'un gout noble d'arcMteaure & d'une apparence grande & pompeufe. C'eft un reftangle a deux etages 8c accornIté de deux ailes; le corpsde logis eft couronné par une coupole. L endul blanc du batiment & fon toit azuré contribuent, ainfi que fa fituafon, ïlerèndre un obje, très-avantageux dans la perfpeaive, fur-tout pour renx cmi le voient en paffant 1 la voile. La facade du chateau a trois portes; celle du milieu, qb. eft rentree princtale, mene aune helle falie. Au deffus de celle- ci & au maren de Supérieur, eft une autre falie fuperbe décorée de tableaux qu. repr emS. de fleur : on découvre d'ici, par devant la mer, & pardemere e 1 e bofquet adjacen. & les forèts voifines, au milieu desque. es b* dunê maniere agréable la maifon de campagne blaoche de Kokkedal Les Z—ts du chateau fon, bien diftribués, vaftes riants & decores avec ir De Pétage fupérieur, qui fert a l'habrtation des ma tres, on oonte fdeux balcons placés i c6,é de la coupole, ft d'oü 1'on découvre un lom- * dement derrière le chateau eft un petit parterre ou les fjjgf U, arbres fruitiers fe fucceden,; ces dcrniers donnentles p us beaux fi™* . des allées ombragées de tilleuls limitent ce fepur a dro.te & a gauche. U «t«e mene d'ici dans un bofquet frais & charmant compofe en grande ™" i dehêtres, parmi Iesquels font plantés des frénes &ü'autres arbre, On v voi fur- out de fuperbes hêtres, d'une hauteur plus qu'ordma.re & grenen garnis de branches «ouffue, Des deux cétés de ce boa, qu, enferme pfus de qua,re arpents de terre, fontdes prair.es avec des bmflons d aunes Le bois eft coupé de fentiers tortueux: une allee de maronmers, mie traverfe, mene a Kokkedal; & de cette allée il en part une autrep us Z te qui conduit a Hirfchholm, Le fol a quelques inegakes & des clarierlTdécouvertes; il a de plus beaucoup d'eau de fource don, on pourror, T J,TL. ruiffeaux. Les beautés de ce lieu font naturelles; elles font un ») Bati en T744- On en trouve le deiïein 4 1» page 13 do W Volume de cet ouvrage.  de quetques jardinf, 24,7 mentations que Ia main du goüt pourra leur donner un jour , lorsque ce chateau de plaifance, qu'on fe contente aétuellement de vinter fans 1'habiter, fera confacré k la demeure ordinaire d'une perfonne de Ia familie royale. sfe— V. Frêdêricsberg.*) Le jardin de ce chateau fut commencé dans un temps oü la fymmétrie dominoit encore fur tous les jardins de 1'Europe. Cependant Ia fymmétrie, qui prefcrivit auffi l'ordonnance de ce lieu, y eft un peu adoucie par les grands arbres qui s'élevent dans les intervalles des haies, & qui con• fiftent en fapins & en quelques maronniers vieux & noueux: ces arbres forment des berceauxtouffus, quelquefois entourés de petits gazons. Le jardin eft en plaine, & ne renferme que des allées de tilleuls tirées au cordeau, des haies, des étangs & des pieces de gazon rondes, le tout foumis a la régularité la plus exacte. Au nord du chateau eft une terraffe a fix gradins bordés des deux cótés de fix allées fombres de tilleuls, accompagnées de gazons qui s'abaiffent avec 1'éminence; cette terraffe defcend vers le jardin fitué dans un fond. Suppofé que ce jardin, dont le fite bas & enfoncé ne permet guere de vues amufantes, ne put point être réfondu fuivant les regies du bon goüt; cependant le grand emplacement fitué au cóté oppofé, & au midi du chateau, feroit fufceptible de trés - beaux deffeins & avec peu de frais. Cet emplacement eft da peu prés un demi - mille (danois) en circonférence: il eft élevé & a des pentes douces & un fol trés - fertile, ainfi que le prouvent les plantations déja formées de tilleuls & d'autres arbres, & les belles peloufes. On jouit ici des plus fuperbes vues fur le payfage énvironnant, fur la Baltique, fur file d'Amak, fur la mer au-dela de cette ile & les vaiffeaux qui la *) Chateau royal de plaifance a un quart trouve le plan du jardin & le deiïein du cliade mille (danois) de Copenhague. On teau dans la 2*Partie duVitruve danois.  Jppendice. Defcription la fendent, fur la ville de Copenhague, & fur-tout fur fon fuperbe chateau de Chriftiansbourg. A 1'aide de nouvelles plantations 8c de quelques batiments d'une architedure noble, le goüt pourroit bientót créer ici des fcenes très-intérelïantes. Le chateau, quarré long avec deux ailes en faillie, eft un beau morceau d'architeaure: les appartements font ornés de dorures & de tableaux; & la cour eft environnée circulairement de petits édifices avec des arcades. Le corps de logis eft muni d'un balcon d'oü 1'on découvre les lointains les plus vaftes 8c les plus majéftueux. Du cóté du midi 1'on apperqoit la mer entre les iles de Seelande 8c d'Amak, 8c au-dela de cette derniere; enfuite la langue de terre nommée Stevensklint; une partie du payfage jufqu'a la ville deKöge éloignée de quatre milles (danois); 8c tout prés dans 1'avant fcene le village de Walbye. Vers 1'oueft l'ceil parcourt les vaftes plaines des payfages qui s'étendent 1'efpace de quatre milles (danois) jufqu'a Ro- • fchild Vers le nord s'offrent au-dela du jardin, des plaines cultivees 8c animées; labelle maifon de campagne de Bernftorff fur une colline; derrière celle- ci les vaftes 8c belles forèts du grand pare; plus prés vers 1'eft, Ie chateau de plaifance royal nommé Charlottenlund qui furmonte le bois; enfin une partie desédifices champêtres qui embelliffent lesrivages dela mer. A 1'orient les regards errent fur la ville de Copenhague, fur fa rade pleine de vaiffeaux, 8c fur l'ile deSaltholm; plus loin vers les cótés de Suede, fur les villes deLandscrone 8c deMalmoe diftantes de cinq milles (danois), & fur plufieurs tours d'églifes. Toutes ces vues magnifiques, qui font fi maiéftueufes 8c fi animées, s'offrent librement 8c diftinaement a l'ceil nud quand on eft fur cette hauteur. Frédéricsberg préfente auffi lui-meme, vu fa fituation élevée, un afpea fuperbe: quand on voyage par terre on apperepit le chateau s'élever de loin avec un grand effet; 8c on le voit de bien plus loin encore quand on eft en mer. VI. De-  de quelques jardins. 340 ^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^ VI Defcription de quelques maifons de campagne de Seelande; fur-tout de Bemstorff. On ne fauroit voir nulle part Ia nature plus belle qu'en Seelande. L'ceil elt enchanté par des cantons & des afpeös qui mettent la derniere main aux tableaux qu'offrent les payfages, & font foupirer ardemmentpour les plaifirs de la vie champètre. Champs fertiles, prairies, collines, Iacs, villages, forèts pleines de beautés pittoresques, lointains fuperbes fur la mer couvertede navires, habitations de pêcheurs au rivage, tout fe fuccede \ la vue avec une riche variété. La nature a prepare ici aux jardins des emplacements tels que l'art ne fgauroit en produire. Les bords de Ia mer offrent fur leurs collines, & dans les bois dont elles font garnies, les fites les plus. beaux. On trouve aifément des forèts d'une plus grande étendue que celles de Seelande, mais on en trouve rarement d'auffi belles. Les chênes & les hêtres qui les compofent font du jet Ie plus avantageux; le feuillage a une verdure d'une vivacité & d'une durée fingulieres. Les forèts renferment de riches gazons & une quantité incroyable de bêtes fauves & de toutes fortes d'oifeaux; elles montent le long des collines, defcendent dans les bas - fonds, & développent quelquefois au milieu de leur fein leslacs & les étangs les plus agréables, dans les eaux limpides desquels fe jouent toutes fortes de poiffons. Dans les plaines auffi de trés - beaux lacs s'offrent a l'ceil. Ces avantages naturels font encore rehauffés par un air fain qu'ont purifié les vents de Ia mer. En des lieux oü la nature offre de pareils jardins, ou du moins des dispofitions fi favorables aux jardins, le defir de jouir des agréments de la vie champètre fe réveille bientót. La Seelande a effeaivement dans beaucoup de cantons, des maifons de campagne dont les fites font des plus heureufement choifis. La plus grande partie de ces féjours font au bord de Ia mer. On ne fcauroit fe figurer une promenade plus riante, plus variée de fcenes Tornt III. Ij pleines  S£0 Jjipendiee. Defcription pleines d'attraits, que celle de Copenhague a Helfingör en fuivant les riva> ges de la Baltique; & je n'en connois aucune qui püt lui difputer la préférence, excepté celle des rives enchantereffes du lac de Geneve, quoique celles - ci foient d'un autre caradere. Outre les vues que préfente la mer couverte de voiles, on voit a gauche cette fbule d'agréables maifons de campagne le long desquelles paffe le chemin. Elles font presque toutes d'un bon goüt d'architeclure, quelques - unes mème d'un ftyle agréable, & repoient difperfées au pied des collines, entre de petits jardins plantés de fleurs & d'arbres fruitiers, & entre des buiffons environnants; afpeét trés pittoresque, & qui pendant plufieurs heures amufe l'ceil du voyageur. Ces maifons ne font pas auffi entaffées que les maifons des jardins qui font autour de Hambourg c\d'autres lieux, oü elles ferment pour ainfi dire une ville continue; mais elles font illées, ce qui nourrit mieux 1'idée de la folitude champètre. Plus on séïoigne de Copenhague, moins on appercjoit de ces jolies habitations; cependant elles ne s'évanouiffent pas tout-a-fait, gdorsqu'elles apparoiffent plus. rarement, les attraits du payfage récréent la vue de la maniere la plus agréable. Tantót le chemin cótoye la mer, tantót il s'éleve fur leshauteurs, & paffe entre des champs de grains fertiles, des paturages, des buiffons, & fouvent dans l'ombre des forèts adjscentes; aucune defcription ne fauroit faifir toutes lesriches variétés de vues, toutes les nuances délieates qui frappent un ceil attentif dans les beautés de ces campagnes. C'eft ainfi, p. e., quauprès de la papeterie qui eft entre Charlottenlund & Sophienberg, Ie «vage, qu'on voit s'étendre au long devant fci, préfente avec fes riantes collines, fes élevations & fes enfoncements, & les forèts agréables qui longent fon cóté gauche, un afpeét fi beau, que Ie plus habile payfagifte ne pourroit en Kvrer qu'une foible imitation. On découvre toute 1'étendue de ce lointain quand on eft au bord de l'eau prés du pont. Un peu plus haut on voit a gauche la riviere du pare royal, dont les eaux font aller les moulins, fe rouler brillante dans une grande & profonde prairie que tapiffe un verd très-vif & que couronnent de fuperbes forèts; afped qui furprend. & caufe un plaifir fublime. Bientót le chemin fe prolonge de nouveau dans 1'enfoncement, d'un cóté le long de la mer, * & de  de quelques jardins. 251 de 1'autre au pied d'une chaine de vertes collines qui s'étendent en ondoyant 8c enfuite fe coudent infenfiblement, 8c dont les fommets touchent k la forêt qui compofe le pare. Tandis qu'on pourfuit fon chemin fur les hauteurs du rivage, entre de riches champs emblavés Sc des paturages, terminés par des bois, on découvre avec une efpece de volupté majeftueufe, la Baltique qui fe roule dans 1'enfoncement, Sc au-dela les cótes de la Scanie. Plus on s'approche du Sund, plus 1'ceii eft amufé, tant par les voiles innombrables qui s'y raffemblent, que par les jolis villages de pêcheurs que traverfe le chemin. On appergoit ici avec plaifir un peuple content Sc aétif qui déploie par - tout fes filets pour profiter des richeffes de la mer; on voit le rivage couvert de canots 8c d'uftenciles propres k la pêche, 8c dans les fiots étincelants une jeunefié hardie qui s'amufe k nager. Parmi les maifons de campagne qui ont cette fituation raviffante aux bords de la mer, il en eft quelques - unes qu'on a ménagées avec un avantage particulier au fein des bois dont les collines du rivage font couronnées. C'eft ainfi que le pavillon royal de Charlottenlund repofe dansiafraiche obfcurité d'une forêt compofée de chênes 8c de hêtres, entre-mélés d'aunes, de trembles 8c de noifettiers. Quelquefois la mer offre ici, pendant les heures de la matinée, un fpeétacle romanesque. Tandis qu'on voit l'eau briller dans 1'enfoncement k travers une ouverture que préfententles allées 8c les arbres foreftiers qui vont en defcendant, la maffe énorme du fond éloigné du tableau fe mêle a la couleur blanche de 1'air avec tant d'illufion, que la mer paroit s'élever vers le ciel. Mais la forêt en elle - mème eft encore fauvage 8r inculte, quelques allées excepté: cependant, vu fes riches ombrages, fes fites folitaires 8c paifibles, les belles prairies de formes 8c de grandeurs variées qu'elle renferme, les vertes peloufes doucement enfiées en ondes & décorées de grouppes d'arbriffeaux, les petits étangs 8c les perfpeétives avantageufés que le payfage offre tout alentour, on pourroit aifément y créer des fcenes qu'elle attend encore de la main du bon goüt. Car jufqu'a préfent la nature eft ici fans aucun apprêt, 8c fi 1'on agrandiffoit 8c nétoyoit les eaux qui fe raffemblent dans cet emplacement, fi 1'on en féparoit quelques parties pour des fcenes déterminées, ft 1'on en re- Ii 2 hauffoit  'Appelidke. Defcription hauffoit Ie caractere par de nouveltes plantations & par des ouvrages affortiffants de l'art, quel féjour fertile en effets les plus beaux ne s'éléveroit - il pas ici au fein de ces lieux ineultes & fauvages? — Entre Sophienberg 8c Helfingör les deux maifons feigneuriales de Kokkedal 8c d'Eenrom occupent fur-tout un de ces fites au milieu d'une forêt fur une montagne, avec la vue de Ia mer. On ne fauroit s'imaginer des féjours bocagers plus agréables quant a la difpofition naturelle. Kokkedal a un beau batiment en quarré long d'un étage, recrépi en blanc8c furmonté d'un toit bleuatre: on y jouit de la vue la plus riante fur des payfages fertiles, fur une longue file de forèts qui couronnent le rivage, 8c fur une grande baie que la mer forme ici. Le fite eft élevé, ckles pentes font couvertes de paturages, de champs emblavés 8c de bois; mais le jardin mème eft encore dans I'ancien ftyle 8c plein de haies; il offre cependant des percés enchanteurs qui donnent fur la mer. — La forèt confidérable fituée entre Freudenfund 8c Eenrom eft des plus belles, foit que 1'on faffe attention au jet avantageux 8c fvelte des arbres, au couronnement des montagnes boifées qui femblent s'élever a i'envi, a la large 8c profonde vallée fituée entr'elles, a la piece d'eau confidérable qui tournoie du cóté oppofé entre les hauteurs verdoyantes, ou aux talus agréablement décorés qui s'étendent vers la mer. Les forèts préfentent une voüte de feuillage fi riche, elles forment entr'elles un contraftefi plein d'attraits, 8c compofent, avec la vallée 8c la piece d'eau, un enfemble fi magnifique, que 1'imagination ne pourroit fe retracer un plus beau féjour au fein des forèts. Et cependant ie tout eft un fimple ouvrage de la nature abandonnéea elle-mème, ouvrage qu'elle paroit avoir faconné dans un moment heureux, & auquel l'art n'a contribué en rien. L'édifice d'Eenrom eft une maifon de campagne fimple 8c rultique, fituée k l'ombre de la forèt. A 1'oueft fe trouve un grand enfoncement avec un étang, au milieu duquel eft un pavillon ouvert pour Ia pêche. Par devant Eenrom préfente 1'afpeét de la mer, de file voifine deHween, 8c des cótes de Suede oü Landscrone 8c fes batiments s'offrent diftinétement k l'ceil nud. Immédiatement devant le batiment eft un jardin de fieurs avec des arbres fruitiers; a celui-ci fuccede une terraffe décoréede buiffons fleuris 8cmunie de fieges de  He quelques jardins. 25 3 de gazons décöuverts 8c de berceaux ombragés, oü 1'on s'amufe a confidérer les lointains qu'offre Ia mer, tandis que 1'on entend Ie murmure desvagues peu éioignées; au pied des pentes de 1'éminence que furmonte Is maifon, eft un village environné d'arbres fruitiers. D'autres maifons de campagne éioignées de Ia mer, n'en ont pas moins cette fituation raviffante fur des éminences boifées. L'ombre, Ie repos, & lespoints de vue, ces avantages agréables de Ia vie champètre, font furtout le propre de ces fites. Ainfi s'éleve, au nord de Copenhague, Ie chateau royal de plaifance de Selleröd fur fa colline qui domine au loin les environs. La vue plonge fur un afiemblage fuperbe de forèts, 8c derrière celles-ci s'étendent de fertiles payfages, dont les bornes fe perdent a 1'horizon dans les ombres ténébreufes de forèts éioignées. Les forèts plus voifines, que l'ceil découvre toutes, montent 8c defcendent le long de monti* cules agréables. Entre les forèts font des champs de grains 8c des paturages que des troupeaux animent, des places de verdures 8c de formes différentes,-qui, s'enfoncent ici dans un recoin ombragé, 8c la fe développent: de nouveau avec liberté, 8c dont les nuances plus claires contraftent agréablement avec Ia teinte plus foncée des chênes 8c des hêtres. Difficilement trouvera-t-on un grouppe plus fuperbe de forèts toutes réunies fous un feul point de vue. Un beau fite femblable eft celui qu'occupe, a 1'oueft de Copenhague, fur Ia colline boifée de Frédéricsthal, Ia noble maifon de campagne qui fe rend encore recommendable a l'ceil par la beauté de fon architeéfure. De la hauteur defcend un jardin en terraffe avec des gazons 8c des allées a cóté. Tout autour font des forèts 8c des éminences charmantes, 8c derrière elles s'étend en tournoyant un grand lac poiffonneux. A 1'oppofite du batiment, 8c du fein d'un enfoncement qu'animent le murmure d'un ruiffeau 8c Ie mouvement d'un moulin, s'éleve une belle colline qui fournit une décoration finguliérement attrayante. Des forèts de hêtres defcendent dans Ia vallée ie long des montagnes environnantes, 8c Ie payfage a des attraits fi raviffants qu'on fe croit ti-anfporté dans un payfage fuiiiè. Au bord rabaiffé du lac font encore piufieurs jolies maifons de campagne; d'un cóté elles préli 3 fentent  Appendice. Defcription fentent I'afpeét. agréable de l'eau, ck de 1'autre les frais'ombragés des forèts qui vont en montant. — Peu loin de Frédéricsthal eft le beau viilage de Lyngbye, également fitué prés d'un lac poiffonneux & d'un bois peu élevé, oü l'ceil eft de nouveau amufé par plufieurs maifons de campagne élégantes appartenant a des families diftinguées. Dans des payfages fi richement doués de toutes les beautés de la nature l'art n'auroit que peu de chofe a faire pour contribuer a rehauffer 8? a multiplier ces beautés; pour varier les plantations, rendre les deffeins élégants, choifir, déterminer & ennoblir les fcenes par des édifices ck d'autres objets affortiffants, & créer par ce moyen de nouveaux fpeaacles fufceptibles d'occuperlegoüt, d'égayer 1'imagination & de réveiller une fuite de fentiments plus énergiques ck plus intéreffants; car telles font les occupations du bel art des jardins. On voit encore ici quelques traces de 1'ancienne maniere fymmétrique; cependant le bon goüt les furpaffe. A Seeluft, fitué fur le rivage a une lieue de Copenhague, on a commencé une nouvelle plantation qui promet beaucoup, paree qu'elle eft projetée avec goüt. Mais c'eft a Bernstorff, *) campagne fituée plus haut a un demi-mille (danois) au nord de la ville, qu'on voit une plantation achevée. Cette fuperbe maifon de campagne**) réunit a la fituation la plus heureufe, toute la beauté de Parchite&ure, ce qui la met a cet égard au rang des meilleurs édifices en ce genre. Elle eft fur une hauteur, ck préfente une vue libre ck fublime comme le regard perqant du Miniftre qui acheve ici fes grandes occupations. Au nord de 1'édifice, dont l'entrée porte cette noble infcription: Honefto inter labores otio facrum, la vue s'étend fur des contrées fertiles ck defcend jufqu'aux forèts fuperbes du pare royal. Au fud paroit la ville de Copenhague avec fes tours orgueilleufes, fa rade rempliedes vaiffeaux de toutes les nations, ckla vue loin- *) Maifon de campagne connue & ap- de i'Eléphant, &c. &c. au fervice de S. partenant au Comte de Bernstorff, Mini- M. Danoife. ftre d'état, Confeiller privé, Miniftre des affaires étrangeres, Direfteur de la chan- **) Le deffein s'en trouve a la p. 158 cellerïe allemande, chevalier de 1'ordre du IW Volume de cet ouvrage.  'de quelques jardins. S55 lointaine de la mer, qui, couverte de voiles allant & venant fansceffe, préfente une fcene noble & toujours animée. A 1'oueft touche une fraiche forêt, & a 1'eft le jardin placé immédiatement devant 1'édifice, defcend ert pente douce. La faqade vers le nord eft exempte des plantations d'arbres dont on offufque ordinairement les facjades des maifons de campagne > des gazons, dont le verd naiffant récrée l'ceil, vont bientót fe réunir a des champs emblavés, pour conrpofer un tableau champètre d'autant pkis riant, que les batiments deftinés a 1'économie rurale, font ménagés a une certaine diftance & avec une diftribution heureufe que peu de maifons de campagne connoiffent encore. La maifon elle - même offre auffi un point de vue trêsintéreffant dans le payfage; on Papperqoit fans gêne de tout cóté ckd'un grand éloignement. La plantation dont nous avons parlé, & qui compofe le jardin, confifte en une grande variété d'arbres ck d'arbriffeaux indigenes ck exotiques, ck fur-tout de ceux que livre PAmérique feptentrionale, *) qui *) Voici le catalogue des arbres & des Berberis vulgaris-, arbriffeaux que j'y trouvai & qu'on aug- Bignonia Catalpa. mente encore. Cette colledtion efly au- ■ ■ radicans, tant que j'en faist la première & la plus Chionanthus Virginica;complette jufqu'a préfent en Danemarck. Clethra alnifslia-. Ce catalogue montre en même temps les Cercis Siliquaftrum.efpeces qui réuffiffent dans ces climats, - Canadenfis& les connoiffeurs diftingueront bientót Cytifus- Labunuim. les families délicates de celles qui fsnt Calycanthus iloridus.plus robuftes» Colutea arborefcens. Crataegus aria. Acer Pfeudo - Platanus:. — torrmuaJis.- —— —— 1'latanoidesi- ■ —— oxyacantha fl. fimpf. Aefculus-Hippocaftanum.- • —— -— ü. pleno. —— Pavia. ■" ■ il. pleno rubro. Amorpha fraticofa.- - — —— crus gaili, Annonaglnbra. — — coccinea. —— trrloba. ■ viridisl Azalea vifcofa fl. rubro;. Cornus alb& Ceano-  Appendice. Defcription qui depuis plufieurs annéesont été plantés en bofquets raviffants munis de promenades, & qui par un cru des plus heureux ont développé de riches ombragés. On y voit des arbres & des arbriffeaux qu'on croiroit trop dé* licats pour le climat de Seelande, & qui plantés ici en plein vent, fur une hauteur, & a un demi-mille (danois) de la mer, ont déja foutenu plufieurs hyvers. Ceanothus americanus. Cephalanthus occidentalis. Celtis auftralis. Celaftrus fcandens. Elaeagnus anguftifolia. Evonymus latifolius. ■ europaeus. Gleditfia triacanthos. ., acanthos. Hamamelis Virginiana. Hydrangaea arborefceni. Hibifcus. Ilex aquifolium. Itea Virginiana. Liriodendron tulipiïera. Liquidamber ftyraciflua. Liguftrum vulgare. Lonicera caprifolium. . . alpigena. .„ Diervilla. fymphoricarpos. Lycium barbarum. Myrica cerifera. Mefpilus Pyracantha. . cotoneafter. . . arbutifolia. - amelanchier. Prunus Virginiana. . Padus. Cerafus. Prunus Cerafus fl. pleno. —— Lauro - Cerafus. . Potentilla fruticofa. Platanus occidentalis. Philadelphus coronarius. Pyrus Cidonia. Ptelea trifoliata. Robinia caraganna. ■ hifpida. . ■ ■ pfeudo - acacia. Rhus Cotinus. Rubus odoratus. Rhamnus catharticus. . frangula. ■ paliurus. Rofa; plufieurs efpeces & plufieurs variétés.Staphyka pinnata. ■ trifolia. Spiraea hypericifolia. - falicifolia. - opulifolia. Syringa vul garis fl. caerul, —— Perfica. Salix Babylonica. Sorbus aucuparia. Viburaum opulus. Zanthoxylum, clava Herculis.  de quelques jardins. 2^ hyvers.*) L'ordonnance eft d'un goüt exquis. Les arbres & les arbriffeaux font diftribués de fagon a compofer un enfemble agréable. Tantót ils offrent un mélange varié de feuilles 8c de fleurs; tantót ils préfentent des fcenes ifolées, comme un grouppe brillant de toutes fortes de rofes, ou un affemblage d'arbuftes, dont toutes les fleurs font blanches 8c s'épanouiffent fucceffivement, 8c qui ceignent un gazon peu étendu que décorent de petites fleurs de la mème nuance. On apperqoit ici, depuis le printemps jufqu'en automne, des roncesfleuries, qui, fur-tout dans les mois les plus agréables, rempliffent les cantons des environs de leurs douces odeurs L'enfemble de ce jardin eftfi riant qu'il engage bientót 1'imagination a errer d'une idéé féduifante a 1'autre, 8c qu'il mérite les foins particuliers d'un de nos plus aimables poëtes, **) qui nous chanta avec tant de feu les beautés de la nature, 8c qui, ala grande fatisfaétion de celle-ci, réunit dans ces lieux le jardinier au poète. *) Une autre preuve de la bonté du lande. Dans 1'ile de Falfter, ile fertile climat de Seelande, qu'on regarde ailleurs & abondante en toutes fortes de grains comme très-rude, c'eft qu'a. Charlotten- & de fruits, & qu'on ne fauroit traverfer lund, peu loin du rivage, les chataignes fans éprouver un plaifir des plus vifs, je atteign^nt a une parfaite maturité. Dans vis, après un printemps froid & pluvieux le verger de Bernstorff on cultive depuis le meurier noir couvert de fruits meu- long-temps les fruits les plus délicatsde riffants a la fin de Juillet & prés de la France, & on les porte k une telle per- mer. fe&ion, qu'on ne peut les diftinguer de **) Frédéric Léopold de Stolberg, ceux qui viennent de France méme. C'eft Comte du St. Empire, grand Echanfon dans ce verger qu'on a fait avec fuccès & Miniftre du Duc de Holftein-Olden- les premiers elïais de cette efpece en See- bourg. Tome 111. Kk Vll.Schu/an-  2ft 'Jppendice. Defcription VIL S c h w a n ƒ e e. *) La maifon feigneuriale de cet agréable féjour champètre, a été batie depuis les fondements il n'y a qu'environ trente ans, 8c offre un ouvra• ge achevé & durable, d'un goüt d'architeélure fimple mais pur. C'eft un . quarré long a deux étages, dont le plain- pied trés - avantageufement diitnbué, renferme la demeure des domeftiques, la cuifine, la cave 8c d'autres commodités économiques. Les étages contiennent les appartements du maitre & des étrangers. Dans le premier font deux grandes & belles falies réunies par une porte qui occupe le centre de 1'édifice. De chaque cote de ces deux falies font deux chambres. Les appartements des etages font élevés, clairs, fpacieux & en partie décorés avec goüt par le propriétaire aétuel.- Un grand 8c bel éfcalier rond conduit du plain-pied aux etages; un éfcalier dérobé fert de dégagement. Outre la diftribution favorable de 1'édifice entier, il jouit encore d'une belle vue de tout cóté. Sonfitene fauroit être plus heureux, tant a 1'égard de la pureté de 1'air, qu'a l égard des Iointains. L'édifice eft dégagé fur une colline, prés du rivage de la Baltique, dont il eft cependant éloigné de plus de fept cents pas. Lorsqu'il fera revètu d'un crépi plus animé, il offrira un objet encore plus intéreffant a ceux qui font voile en mer. La Baltique forme ici entre les cótes duHolftein & celles deMecklenBourg, un golphe large d'environ trois milles (d'Allemagne). L'afpeét entier de la mer préfente une grande 8cfuperbe circonférence d'eau, 8c audela de celle-ci ies payfages feperdent dans un lointain d'un bleu foncé, qui appergu du fommet des hauteurs nous plait tant, paree qu'il augmente *) Pare de la terre feigneuriale du mé- bellan de S. M. Danoife, Protefteur du menom dans leDuché deMscklenbourg, couvent noble d'Itzehoe, Chevaher de au bord de la Baltique, non loin de Tra- 1'ordre de Dannebrog, Seigneur de Klet- vemunde, & qui apparcient au Comte de kamp, Grünhaus & autres lieux. Brockdorff, Confeiller privé & Charri-  . de quelques jardins. ■> 25a, le fentiment que nous fait éprouver une vafte étendue, -& donne en même temps a 1'imagination l'occafion de s'occuper de ce que l'ceil ne fauroit appercevoir. La vue porte aifément jufque fur les eótes oppofées deHolitein. A droite on découvre quelques belles forèts, des biens de campagne 8c des. villages, Neuftadt, 8c plus loin file de Fehmern. A gauche paroit Travemunde. Tous les navires qui vont & viennent entre la Baltique 8c Lubeck, font vinbles dans la perfpeaive qu'on appercoit d'ici, & les appartements» fur-tout la falie fituée fur le derrière de la maifon, préfentent Ie raviffant fpeétacle des voiles orgueilleufes qui s'enfient entre I'onde azurée & 1'air. ferein. Une allée de tilleuls, dont les arbres fort efpacés laiffent d'autant plus de liberté a la vue, s'étend en defcendant vers le rivage 1'efpace de quatre cent cinquante pas. Aux deux cótés de cette allée font des paturages; a gauche paroit un village, & un petit bois de fapins fur une éminence; a droite Ia plaine elt terminée par des bois 8c des buiffons difperfés. Un accident agréable furprend quelquefois l'ceil a 1'iffue de l'allée quand Ie. vent eft calme; le rivage enfoncé fe dérobe entiérement aux yeux, & les navires, amenés comme par magie, femblent être parmi les arbres. Mais un fpeétacle plus fublime réjouit ici bien plus fouvent, lorsque, pendant les foirées tranquilles d'été, le foleil fe couchant derrière Ia mer y déploie toute fa pompe; lorsque fes rayons adoucis peignent fur les nuages flottants des tableaux continuellement variés; dont les réflets brillent fur ies claires furfaces des ondes, raviffent 8c difparoiffent; lorsque, tandis que les voiles blanchiffant.es gliffent fur les flóts empourprés, 1'aftre femble fe coucher dans les plaines heureufes du Holftein, derrière les rivages qu'il teint d'une clarte jaune doucement tempérée par la vapeur qui s'éleve: fpedacle qui n'invite pas envain a venir jouir de fes douceurs dansles appartements tournes vers le couchant. Cependant on entend, mème quand le vent eft foible, le murmure de la mer s'élever du rivage, 8c inviter 1'ame a une tranquille complaifance pendant le calme majeftueux de la foirée. A 1'oueft de la maifon font des peloufes ceintes de fleurs, 8c vers Ie nord fe développe le pare. II s'ouvre par trois belles plantations de tilleuls en quinconce, l cóté desquellesfont des avenues qui partent des tapis verds Kk 2 décorés  2Ö0 dpptndice. Defcription décorés de fleurs, d'une des ailes de 1'habitation, & de la cour, 8c menent au pare. La nature a commencé elle-même ce féjour par une forèt, en plaine a la vérité, mais compofée de chênes fuperbes, de hêtres 8c de frènes avec beaucoup d'épais fous - arbriffeaux, parmi Iesquels on aplanté des tilleuls & des marronniers. Cette difpofition primitive a fourni beaucoup d'ombre, 8c des endroits incultes 8c fauvages trés-agréables, d'oü fortent les odeurs balfamiques qu'exhalent des buiffons indigenes en fleurs: 1'on entend auffi par - tout les chants joyeux des oifeaux qui célebrent leur demeure. En entrant dans le pare du cóté de la cour, on paffe dans une longue allée naturelle, au milieu de laquelle elt un gazon dont la longueur réguliere fera agréablement interrompue par de petits buiffons fleuriffants; cette allée fe prolonge en montant entre les arbres foreftiers, 8c elt limitée en haut par un pavillon ouvert. De cette allée, la plus longue du pare, on tourne bientót a droite, entre des arbres fruitiers, dans une route obfeure, de laquelle partent des deux cótés d'autres fentiers a l'ombre agréable des feuillages fufpendus; en pourfuivant cette route on parvient en haut a un coin obfeur, oü elle fe fléchit dans une allée au cordeau qui préfente une vue que rien ne gêne. Peu après ce coude, la route mene au-dela d'un ruiffeau, 8c d'ici, a droite, vers un fiege agréable dans un berceau. De ce fiege ombragé on découvre devant foi un petit étang dans lequel le ruiffeau fe décharge en murmurant, a droite un trou-madame 8c a gauche un jeu de quilles. Direclement au - déla de 1'étang, s'ouvre, entre les arbres, une longue vue lointaine, qui rafant une prairie fituée de 1'autre cóté des bornes du pare, va fe perdre fur la mer, a travers une ouverture ronde ménagée dans un bofquet éloigné. Dans un certain temps de l'été on eft frappé ici par un fpeétacle enchanteur. Lorsque le foleil fe couche, fon difque enflammé paroit dans cette ouverture, 8c produit un effet dont tous les yeux font ravis. L'afpeét de la mer s'évanouit, 8c le feu prend entiérement la place de l'eau. Si dans cet inftant un navire vient a paffer a Ia voile devant cette ouverture, il femble placé dans le difque enflammé, 8c produit une efpece de fpeétacle magiquequi caufe laplus vive admiratidh. Des  de quelques jardins. 261 Des accidents de cette efpece font rares; mais on peut les remarquer, paree que ces accidents, quelque rapidement qu'ils difparoiffent, font une partie trés - confidérable, & tantót attrayante, tantót romanefque, tantót majeftueufe, des beautés champêtres. *) En quittant ce fiege, 8c fe promenant fous 1'ombrage toujours frais des grands 8c beaux arbres foreftiers, on s'avance vers le lieu qu'occupe le pavillon ouvert; avant d'y parvenir on trouve un banc fous un hêtre, d'oü 1'on découvre a travers trois allées touffues, trois perfpeélives différentes. Prés du pavillon, quelques fentiers tortueux, qu'a fait percer le propriétaire aeluel, s'étendent dans un bois adjacent 8c fauvage, qui fe prolonge entre des champs emblavés: ce bois offre de douces inégalités du fol, des arbres 8c des arbriffeaux fuperbes, & des vues trés-agréables, qui de 1'obfcurité du feuillage donnent, tantót fur la campagne, tantót fur Ia mer: oneft amufé par Ia fucceffion des afpeéVs intérieurs 8c extérieurs & par Ie bruit des fiots, presque toujours dérobés aux regards, excepté dans quelques endroits bien choifis oü ils montrent leur lueur imprévue a travers les ouvertures des buiffons épais; onnefelaffe point de pourfuivre cette promenade enchantereffe. Le pavillon, auquel nous retournons, eft fur une élévation de gazon & termine Ie pare de ce cóté. Ce batiment a par derrière un affemblage de champs qui font femés de grains 8c de treffle, ou qui fervent de paturages, vers 1'oueft un couronnement de forèts dans lesquelles ferpentent les promenades dont nous avons parlé, 8c par devant Ia longue allée foreftiere avec fa verte peloufe qui ramene a la cour de Ia maifon. Environ vers Ie milieu de fa longueur, la piece de gazon que furmonte Ie pavillon, a une efpece defaillie ronde d'oü l'ceil découvre huit allées différentes, dont les unes font courtes, les autres plus longues, les unes claires, les autres fombres, les unes terminées par des ouvertures que rien n'offufque, les autres fermées. Cette fucceffion du clair 8c des ombres, de 1'ouvért 8c du fermé, ainfi que la différence des pointsdevue auxquels l'ceil eft conduit 8c qui quelquefois font des ftatues brillant fur un fond obfeur, dirninuent en quelque Kk 3 facpn *) Voyez le I. Vol. p. 239. 240,  Lonl'uniformité dé la ligne droite que fuiven, ces allées. En continuanti i paTcourir 1c gazon, on voit encore plufienrs ouvertures & plufieurs feu-. m£Z*L a fe détourner, pour aller jouir de Pombrage du pare. ' Tmo e du pavillon, une allée de tilleuls conduit le long deshm, es d„ „are On laifie ï droite une belle piece de gazon, & Ion a du cote l*e une plantation de forbiers, de fapins, d'aunes & de bouleaux, que f vonten, les cimes plus élevées des chênes & des hêtres; des allées s en"d co é dans cette plantation, & offrent des afpeds riants qu, ocbulentl'ceil. Ce chemin mene enfuite dans une allée forelhere naturelle au- dela dun pon. blanc légéremen. bto, fous lequel murmure un petit ruiffeau en y formant une chüte. ^ Tes ruiffeaux font fi agréables dans un pare d'un caractere doux & champètre, qu'ils mériten. toujours d'y ètre employés & rendns plus conSh fis animent & raffralchiflent, & valent rnreux quelesetangs rfnts que 1'on rencontre encore fi fouvent dans les bofquets; qu, de Lr boue nourriffen. les infete, & quine font plus des glacés ou fe mnen te arbre Les ruiffeaux valent mieux que les machines hydrauhque, qu. eontredifent 1'air noble & aifé des forèts, & que 1'on hazarde encore quelle cis dans des places unies au milieu des bois ou el es font fouvent defiZ e malgré 1 nature, en cafcades manquées, 6t font un effet des plus Sordants. Qu eft-ilde plus beau qu'un ruiffeau don, ronde pure, ,c, femente entre ks buiffons, Ik plus rapide conle en murmurant, larampe Z ement? Le ruiflean eft toujours «n bel objet naturel; .1 ne ehoque nZZm ft PU» fur-out dans des fcenes oü l'ceil aime a s'arreter & peut göter fes attraits a loifir. Des machines hydrauilque fontencore ptas mCrtables dans le voifmage de la mer, dontle bruuïemen, revclle e fentiment du fublime. Que fon, tous ces petits artifices en compararfon du l andfpeélacledesflotsbouillonnants? Qu'eft un gazon lemen, me qu,n vis du mugiflémen. majeftueux des vagues qu, s'élevent & re ombe„,t L'effetleplus grand engloutit le plus foible, & les modmeauons ddferentes du mouvement de l'eau fe contrarie*. Mais ta un raffeau nous amufe par fon cours naturel.  de quelques jardins. 263 ' ^ Dans l'allée Foreftiere dont nous avons parlé, on découvre bientót k gauche un lieu de plaifance rond bordé de marronniers, & renfermé tout alen tour par les arbres de la forêt. Plus loin paroit, du même cóté, une allée fombre, au milieu de laquelle Ie tronc agc d'un grand chêne, dont les .branches fe cachent en haut dans la maffe générale du feuillage des autres arbres, interromp agréablement la vue. L'allée foreftiere ramene aux pieces de fleurs qui décorent 1'oueft de Ia maifon, que fon pare rend encore plus capable de répandre la gaieté fur les jours d'été d'une familie heureufe par fes fentiments réciproques de tendreffe, & par la faqon fage& tranquille dont elle jouit de la vie. VIII. Br e f e.*) De Ia maifon feigneuriale on entre dans le jardin par une colonnade d'ordre ïonique & en paffant un pont ombragé de chênes, de frènes, de tilleuls & d'ormeaux circonvoifins, plantés par des ayeux déja depuis longtemps réduits en pouffiere. Dés l'entrée oh voit en face une longue allée droite de tilleuls; elle eroife en haut une fombre allée de fapins, & traverfe enfuite un bois d'aunes, après lequel elle fe change en une allée de tilleuls plus jeunes & fe prolonge encore bien loin. A droite touche d'abord k cette allée de tilleuls, une partie du deffein nouvellement projeté auquel mene un joli pont; ce pont paffe fur un ruiffeau, qui coule entre l'allée & la nouvelle plantation, & qu'animent de leur murmure plufieurs filets d'eau. Au milieu l'allée eft coupée par une autre allée qui part du potager, & s'étend en montant vers Ia . *) Pare de la baronnie de Brefe, dans la Bafle- Saxe, Chevalier de Pordre deSt. la principauté de Lunebourg, a un mille. Stanislas &c. Plufieurs deffeins que cet( d'Alleniagne) deia ville de Danneberg, te defcriptioa préfente comme achevés, S: appartenant au Baron de Grote, Con- furent projetés au mois de Mai de cette feiller privé a&uel de TEle&eur de Co- année lorsque j'avoïs le plaifir d'être a" logneSc fon Miniftre auprès du Cercle de Brefe, & feront exécutés au plutöt.  'Appendice. Defcription Ia gauche: depuis ce milieu les yeux font occupés par deux grandes 8c belles peloufes prolongées jufqu'a l'ombre que jette l'allée de fapins, avec laquelle leur verd clair contrafte joliment; ces peloufes font par-tout environnées de ruiffeaux avec des filets d'eau. Outre cette allée, quife préfente en face lorsqu'on entre dans le jardin, deux fentiers s'ouvrent encore dés l'entrée a droite 8c a gauche. De celui de la droite, qui conduit dans le nouveau deffein, on apperqoit, a travers ^une large ouverture formée entre des arbres élevés 8c touffus, un grouppe de marronniers qui décorent la rive oppofée d'une riviere qu'on n'apperc,oit cependant pas fous ce point de vue: derrière ces marronniers s'offre une belle piece de gazon. A gauche fe fléchit, entre des chênes 8c des ormeaux élevés 8c antiques, un fentier, qui, laiffant a gauche le jardin potager 8c a droite une partie d'une vieille haie dans 1'ancienne maniere, mene k une jeune allée de noyers: après quelques finuofités, cette allée débouche vers le haut dans l'entrée de la fombre allée de fapins. Tandis que 1'on fe promene entre les noyers, on a du cóté gauche un verger, 8c du cóté droit une des deux peloufes dont nous avons parlé; 1'autre s'offre agréablement entre les troncs des tilleuls de la longue allée de front. A l'entrée de l'allée de fapins, un fentier fe glilTe k gauche vers le lieu que 1'on nomme le recöin des roffignols. A droite s'ouvre une large 8c longue allée majeftueufement obfcurcie par la verdure foncée des fapins élevés, qui quelquefois font entre - mèlés de marronniers. L'ame s'enfevelit dans le calme 8c dans une fituation grave 8c férieufe. Quelques coups de jours en petit nombre, rompent qa 8c la 1'obfcurité dans laquelle errent les regards jufqu'a ce qu'ils aillent fe repofer fur un buinon dégagé qui préfente fon afpeét. riant dans le fond reculé du tableaux. A gauche, un étang voifin, qui jufque vers fon milieu paffe fous les épais feuillages d'un bois adjacent d'aunes entre-mèlés enfuite de chênes, augmente la gravité de cette allée fublime; 8c k droite un buiffon planté derrière les arbres, marqué presqu'entiérement le gazon voifin, dont 1'afpeél moins voilé ne feroit que troubler 1'effet de la fcene. Vers la fin de l'allée de fapins un banc  • de quelques jardins.' 265 banc invite a fe repofer: au deffous de ce banc on voit attachée k un arbre une infcription allemande dont le fens eft: „Avec ma mere, mon pere s'eft affis dans ce lieu: j'y veux en paix „oublier auffi.toutes les peines de cette vie; toujours penfant avous, „toujours plein de reconnoiffance, je veux, parents chéris, vous confa„crer fouvent ici des larmes paifibles." Lapoéfie de cette infcription touche, quoique fimple, paree qu'elle exprime un fentiment noble, & que tout cceur bien né peut fentir en Ia lifant; elle touche fur-tout dans cet endroit, oü l'ombre & la clóture excitent la fenfibiiité. Après s'ètre rappellé les ancètres qui planterent ces arbres, qui fe repoferent fous leur feuillage, on s'approche du nouveau deffein. Ici plufieurs chemins partent de cóté vers divers cantons, qui, quoique étrangers au nouveau deffein, font cependant enrichis de fcenes 8c de promenades variées. Un regard jeté en arriere fur Ia fombre allée de fapins, renouvelle les fentiments férieux réveillés a fon entrée; 8c d'abord après on parvient k droite dans la nouvelle plantation, oü 1'on eft recju par le bruit d'une cafcade animée, quife précipite a cóté du chemin, fans qu'on puiffe deviner d'oü elle tire fon origine. On découvre alors une longue plantation de toutes fortes de jeunes arbres fruitiers d'une bonne efpece; de la le regard fe porte plus loin a travers une arcade blanche fur laquelle repofe un fuperbe ouvrage d'architeéture, 8c rafant un gazon va fe perdre dans les ténebres d'une forêt éloignée qui eft hors de 1'enceinte des jardins. De part 8c d'autre de cette allée d'arbres fruitiers, fe développent dans une vafte enceinte les bocages charmants nouvellement plantés, garnisd'arbriffeaux 8c d'arbres divers, entre Iesquels s'étendent des fentiers tortueux. Prés de l'entrée un pont mene k droite dans ces bocages, oü bientót un fentier étroit ferpente de cóté vers un banc placé fous un chéne; fur ce banc on eft affis vis-a - vis de la cafcade, on la voit écumer entre des ronces fleuries fufpendues fur i'onde, 8c 1'on eft amufé par fon bruit argentin, TomeIII. LI auquel  266 Ap'pendice. Defcription auquel fe mèlent les chants deshabitants des bois. La vue eft bornée tout autour; l'ceil fe repofe par-tout fur les verds feuillages des buiffons, dont les cimes légeres ondoient agitées par le doux fouffle du zéphyr. On entend le roffignol pouffer des fons plus brillants dans le bois d'aunes; on s'arréte fans le fa voir, & 1'on oublie presque de fe lever & de quitter cette aimable fcene. L'eau fe divife ici, après fa chüte, en deux ruiffeaux ; celui de Ia gauche s'écoule en defcendant le long de Ia plantation d'arbres fruitiers; celui de la droite entoure le nouveau deffein de ce cóté, & fe partageant environ vers le miüeu de fon cours, forme un autre ruiffeau qui murmure dans 1'intérieur de la fcene bocagere; ce ruiffeau fe décharge enfuite dans un canal, ainfi que Ie ruiffeau de l'allée d'arbres fruitiers. En abandonnant ce fiege prés de la cafcade, on erre a droite dans les bocages. Ils font compofés de toutes fortes de ronces indigenes entreniêlées d'arbres; en quelques endroits des arbres étrangers augmentent Ia variété des verdures & des fieurs. De petites peloufes, des lits de fraifiers, & des fieges de gazon, font parfemés dans 1'intérieur de ce féjour. Tandis qu'environné des odeurs balfamiques de la verdure & des fleurs, & tantót réveille parun oifeau qui prend fon vol, tantót bercé par les chanfons amoureufes des muficiens ailés, on avance en fe livrant a de douces rêveries, on eft conduit a une place ronde fituée a gauche, oü fe préfente, fur fon piédeftal & en face du promeneur, une belle ftatue de Méléagre placée dans un enfoncement de gazon entouré de tilleuls: ce Méléagre a le vifage tourné vers la forêt qui eft derrière l'allée de fapins. Le bel effet de cette ftatue, entiérement copiée d'après la ftatue antique & connue qui eft a Rome, provient non feulement de fa beauté intrinfeque, mais encore de fon emplacement: elle eft ici folitaire, & enoccupe d'autant plus Pattention du fpeétateur; on 1'appercoit auffi de plufieurs lieux plus élevés, & alors elle brille entre les buiffons avec un attrait raviffant. Attenant a cette place, que décorent encore deux berceaux formés par la nature, eft un petit pavillon k moitié voilé par le bocage: ce pavillon eft ouvert & couronné d'une coupole blanche, qui, fous divers points de vue, furmonte d'une maniere  _ de quelques jardins. 267 maniere agréable les voütes vertes du feuillage. De ce pavillon on découvre par deffus les buiffons, & a travers une ouverture ménagée dans un maffif d'aunes, les tours de Ia ville deDannenberg éloignée d'un mille (d'Allemagne). En quittant cette fcene renfcrmée on revient fur fes pas, 8c 1'on voit la cime de la fombre allée de fapins faire un contrafte admirable avec les bofquets riants fitués en deqa. A droite ferpente un chemin jufqu'a un pont jeté fur le ruiffeau finueux qui fort de celui dont eft environnée la partie fupérieure des bocages; ce pont conduit a une des fcenes les plus charmantes que puiffe créer 1'imagination. Le ruiffeau eft dans un mouvement continuel, caufé par trois filets d'eau & par des fources bouillonnantes qui 1'animent. Le petit pont blanc, fous lequel s'écoule en fautillant le ruiffeau, qui en fe jouant offre mille réflêts, touche a une élévation de gazon. Un banc entouré de ronces fieuries invite a fe repofer & a regarder d'en haut les jeux de 1'onde, les ponts 8c les autres bocages. Après avoir paffé Ie pont, un fentier mene des deux cótés dans un féjour, oü des arbres & des arbriffeaux, Ia plupart exotiques, 8c les plus belles fieurs, font plantés dans un agréable mélange 8c tres-prés 1'un de 1'autre fur de petites élevations bordéesde gazon. Autour de cett« raviffante colline neurie tournoient des fentiers finueux; au milieu eft une peloufe ronde fur laquelle une Venus de Médicis fe préfente d'un air que fa timidité rend aimable; car cette mere des Amours, qui ajoute au riant mois de Mai les fentiments les plus doux, ne rend jamais plus heureux que quand elle allie la modeftie a la beauté. Toutes les créatures des environs femblent fentir Ia préfence de la Déeffe; deux volières de treillage, dans I'une desquelles gazouille un jet d'eau, 8c dont les faites blancs s'élevent joliment au deffus des bocages, rétentiffent a 1'envi en concert des chanfons de 1'amour: d'autres oifeaux, que la liberté rend plus heureux & anime davantage a chanter, voltigent a 1'entour, fe balancent fur ies arbriffeaux pleins de fleurs, ou fe raffemblent en effaims curieux autour du treillage, qui, comme un odieux couvent, renferme peut-ètre quelque amante du dernier printemps dont les vceux n'ont pas été comblés encore; tout attire ici, tout y refpire la joie 8c le plaifir. LI 2 Par-  £5g Jppcwdm, Defcription Par-tout des arbriffeaux S'agite le feuilage, Et Zéphyre volage Careffe leurs rameaux. On voit de ces azyles Les habitants agiles Yoler, aller, venir, Chanter le doux plaifir: Et dans ces lieux tranquüles Tout femble rajeunir. *) Une odeur balfamique compofée de mille odeurs différentes, s'exhalede eet endroit délicieux, & s'étendant de la fur les lieux voifins, annonce Ie féjour d'une déeffe. Cette fcene raviffante eft environnée par les autres bofquets; & un fentier ferpente autour de fon enceinte arrondie. Outre le fiege qui eft prés du pont, ce fentier a encore un autre fiege fur une éminence, oü 1'on fe plait a fe repofer 8c a s'abreuver de la volupté que caufe ce fpeétacle. L'on eft charmé de la multitude variée des plantés étrangeres, 8c fur-tout de celles qui naiffentdans 1'Amériquefeptentrionale, 8c êtonné par leur heureux accroiffement. Derrière cette fcene charmante, 8c plus vers le haut, fontencore deux peloufes; une d'entr'elles offre, fur une élévation verdoyante, une ruche de verre, dans laquelle on obferve avec plaifir 1'aétivité de la plus utile des républiques. Au fortir de ces riants bofquets on peut s'approcher du canal par differents fentiers; leplus agréable d'entr'eux defcend en cótoyant le ruiffeau qui ferpente entre des rives décorées de gazon. A 1'endroit oü ce ruiffeau tombe dans le canal, il eft encore couvert d'un petit pont plat fans gardefou que garniffent quatre vafes. Ce ruiffeau croife le canal, 8c en reffort plus confidérable pour aller fe verfer dans une riviere qui arrofe un autre grand canton fitué vers le nord du jardin. • On pardonnera fans peine a ce canal d'être un canal, c'eft a dire: un réfervoir régulier qui s'étend pendant un long efpace. Un foffé riche en eau, *) Imité de 1'Allemand de Mr. de Hagedorn.  • de quelque! jar dim. 269 eau, qui exiftoit déja & ne pouvoit être déplacé, & Ia nature même du terrein qui ne paroiffoit guere permettre ici un ruiffeau finueux, Ie rendoient nécefTaire; d'ailleurs il eft exempt des défauts ordinaires aux canaux. Son eau eft pure, claire & poiffonneufe, & outre deux ruiffeaux qui s'y déchargent ck dont I'un le traverfe pour aller fe jeter dans une riviere, ce canal eft encore animé par de petits filets d'eau ck par des fources bouillonnantes. Ses bords font revêtus de gazon; des deux cótés s'étendent des fentiers commodes garnis en dehors d'une rangée de beaux peupliers noirs, dont les branches & les feuilles toujours agitées, embelliffent de leurs réfiets l'eau vive, ck augmentent la fraicheur de la fcene. Au bas du canal s'éleve un grand obélifque, qui, comme Ie porte une infcription, eft confacré a Ia mémoire de 1'immortel Munchhaufen, Miniftre d'état de 1'Eleétorat d'Hannover. De cet obélifque, au pied duquel jaillit en murmurant un petit filet d'eau qui fort d'une faillie de pierre, on découvre tout le canal dans fa longueur; au - dela du fentier gauche on voit deux ponts pofés fur les deux ruiffeaux qui fe déchargent dans le canal. La vue fe termine par un grand pavillon pittorefquement fitué devant un bois d'aunes. Après être parvenu Ie long du fentier gauche au fecond pont attenant au canal, ck 1'avoir traverfe, on apperqoit de nouveau a gauche l'allée d'arbres fruitiers voifine de l'entrée, êk dont nous avons déja parlé. Les arbres font plantés fur une élévation de terre bordée de gazon, ék entr'eux font des rofes, des mauves & d'autres ronces, qui, tandis que les fruits s'avancent vers leur douce maturité, égayent l'ceil par la variété de leurs nuances. En pourfuivant ce chemin, on eft bientót conduit par une autre allée dans le grand parterre fitué de ce cóté de l'allée d'arbres fruitiers. C'eft un grand tapis verd environné d'agréables buiffons que parcourrent des fentiers finueux. Au haut du canal on voit fourdre une fource qui produit un petit filet d'eau. De ce lieu, d'oü l'ceil découvre tout le canal, on voit 1'obélifque fur- Ll 3 monté  ^0 'Appendice. Defcription monté par les grands arbres fombres dont eft compofé le fonds du tableau, mirer fa forme allongée dans 1'onde, ce qui produit un bon effet. Ace bout fupérieur du canal touche un gazon affez grand, autour duquel les fentiers, bordés d'une feule rangée de peupliers, décrivent un demi-cercle de chaque cóté, & fe tournent de nouveau vers le grand pavillon adoffé au bois d'aunes. Ici 1'on voit la perfpeétive qu'offre tout le. canal en reculant jufqu'a 1'obélifque, & derrière le pavillon 1'on apperqoit une peloufe en demi - cercle ceinte d'arbres. A droite de ce pavillon fe déploie de nouveau un beau gazon, fur lequel un joli grouppe d'arbres embelli de fleurs, attire les regards. Le gazon longe a gauche un bofquet, & a droite une jeune allée de fapins qui conduit en ferpentant a l'entrée vers la cafcade, & aboutit par le haut a un épais maffif de chênes. A 1'angle fupérieur s'éleve, entre les buiffons, le bufte d'une divinité des bois. Plus pres du pavillon, & a droite de la jeune allée de fapins dont nous venons de parler, s'ouvre, dans un fite trèsagréable, une peloufe du plus beau verd; elle s'étend le long d'un bocage admirable d'aunes, qui tantót faillit en avant en grouppes pittorefques, tantót fe retire dans la maffe plus fombre de la forèt; dans 1'enfoncement, des chênes des aunes, des bouleaux & d'autres arbres, forment en fe voütant une fuperbe enceinte bocagere. En dela de cette peloufe, paroit, entre les bocages d'aunes, une cabane champètre avec un toit de chaume & un enduit blanc: cette cabane eft Ia demeure du gardien du pare, dont eegazon fait le commencement; 1'on goüte fouvent ici le plaifir de voir païtre les bètes fauves. Derrière le pavillon ferpente a travers le bois d'aunes un chemin qui mene vers la gauche dans le pare; k droite, un autre fentier conduit k Ia montagne d'Otton. Après plufieurs finuofités du fentier, & immédiatement au fortir du bois d'aunes, on monte fur cette hauteur, qui limite de ce cóté le jardin, & qu'on a élevée dans la plaine k force de peines & d'art. Du cóté ou des fentiers tortueux fe développent en montant fur le flanc de cette montagne, elle elt plantée d'arbres & d'arbriffeaux indigenes & exotiques très-ferrés, qui  de quelques jardins. 271 qui nön feulement en augmentent la maffe apparente, mais qui fervent encore en particulier a voiler les afpeéts pour un temps. On gravit la hauteur, toujours dans la clóture que forme le bocage, jufqu'a ce que, parvenu au fommet, on fe trouve inopinémentfous les ruines d'un temple oü 1'on eft frappé par une perfpeétivequi fe déploie presqu'a l'infrni dansle payfage. La vue porte d'abord fur une vafte étendue de prairies qui fe perdent a gauche parmi des buiffons incultes & fauvages; au - dela fur la ville de Dannenberg avec fon chateau, fon églife & la tour de fa chapelle; plus loin fur les mats des vaiffeaux portés par 1'Elbe qu'on n'appergoit point, enforte que ies navires paroiffent flotter fur la plaine; & plus haut, vers la droite de i'horizon, fur les montagnes du Mecklenbourg, qui bornent la vue de ce cóté. Outre les chaumieres ifolées, on diftingue a l'ceil nud fept villages dans ce lointain. Vers le milieu on découvre prés de Hitzacker deux hautes montagnes, fur 1'une desquelles font des ruines; ck tout-a-fait a gauche paroit une partie des bruieres deLunebourg, qui font contrafter letrifte afpeét de leur ftérilité avec 1'afpeét riant des vaftes prairies adjacentes. Dans 1'avant-fcene on voit tout-a-fait en bas, ck a gauche du bois d'aunes, un petit bocage qui touche ici le bas de la montagne; attenantace bocage eft un lac qui lave presque Ia moitié du pied de la hauteur, vu que c'eft ici qu'il a le plus de largeur. Le cóté de la montagne vers le lac eft éfcarpé, coupé de terraffes, & garni de gazon & de fous - arbriffeaux. Le lac eit, ainfi que la montagne, un ouvrage de l'art, & cependant fon apparence eft grande & naturelle. II eft animé par des canards, par des cignes, & par une gondole, vers laquelle on peut defcendre par un fentier commode du cóté du jardin, fi 1'on ne veut pas s'en retourner par le chemin par lequel on eft venu en fortant du bois d'aunes. Deux iles embelliffent le lac. La plus petite, ornée d'un joli grouppe d'aunes, s'éleve peu loin du pied de la montagne. La plus grande eft plus éloignée; elle eft ornée de ronces peu hautes & de fieurs qui fe mirent dans 1'onde. En portant de deffus la montagne, ies regards au-dela du lac, on découvre a gauche une rangée d'aunes & de buiffons qui en ombragent les rives; paffe l'eau, dont les bornes font cachées par un amphithéatre d'arbres fous Iesquels  2^ Appendice. Defcription auels elle paroit fe prolonger, on voit une rangée de chênes qui Vont vers b droite joindre la maifon, &lk, réunis k quelques maffifs, compoferune fombre enceinte; entre les tiges de ces chênes brille un vafte champ era-, Havé borné k gauche par une obfcure forèt, qui, vers le milieu de la plaine s'étend en buiffons 8c en grouppes plus clair-femés, 8c permet la vue c'u'nvillage &oigné. Dela montagne on découvre encore la nviere 8c Ion pont le p&turage avec la métairie, la ménagerie, 8c une partie de la maifon feigneuriale entre des arbres, 1'obélifque, quelques maifons du village de Brefe, derrière lequel s'élancent de hauts chênes qui terminent pittorefquement'l'horizon; plus prés on voit quelques parties des bofquets. — Sur la montagne mème d'oü 1'on jouit de toutes ces perfpeétives fuperbes, elt un temple, monument élevé par le refpeét filial 8c confacré par le poffeffeur aétael k fes parents. C'eft de lk que cette montagne a pris le nom de montaene d'Otton, 8c le lac celui de lac de Guillelmine. Le temple eft a demi ruiné 8c préfente la forme du fameux temple de Tivoli; les ronces qu! croiflent en liberté parmi ces triftes débris, 8c qui tantót fe fufpendent aux colonnes, tantót rampent le long d'un entablement k moitié demoli, donnent au tableau un air naturel 8c y font régner une douce mélancolie. Au deffusde 1'entréeon lit 1'infcription: Pietati! L'enfemble faitune impreffion touchante, & de loin mème les ruines de ce temple offrent un objet mtereftant dans la perfpeaive, fur-tout lorsque les rayons du foleil couchant répandent une douce teinte dorée fur les colonnes, 8c que la Iumiere incertaine fe joue dans les buiffons. • Endefcendantdelamontagne, on trouve, comme on 1'adeja remarque, une gondoledanslaquelleonpeut pafiér klaramelelac; ou bien 1'on retourne par le mème chemin par lequel on elt venu, au pavillon place devant le bois d'aunes. A gauche de ce batiment, un fentier ferpente entre des bofquets fur une élévation ronde, quefurmonte ungrouppede beaux arbres fruitiers. Les arbres-extérieursdecegrouppe ferment un cercle, 8cdes chevrefeuilles, aui fleuriffent agréablement, s'étendent d'un arbre k 1'autre en feltons futpendus: les arbres qui compofent le milieu du grouppe, font accompagnes chacun d'un rofier qui en embraffe le tronc. ^  de quelques jardins. 273 En prenant ce chemin, on Iaiffe la montagne a gauche, 8c 1'on parvient au bord du lac entre des grouppes de ronces 8c de fleurs plantées a la file, a travers Iesquels fe prolonge la promenade jufqu'a 1'endroit oü la riviere fe jette dans le lac. Tantót on cótoie l'eau, tantót on s'en éloigne, fuivant les différentes diftancesdes grouppes dont le chemin fuit la direétion. A droite on laiffe un grand gazon décoré de plufieurs grouppes d'arbres plantés fur de petites élévations de terre. Du lac, le chemin remonte le long de Ia riviere, vers une colline garnie de marronniers: un pont, jeté de cette colline a une autre, traverfe Ia riviere 8c mene a la derniere colline, qui eft un ouvrage de l'art; elle eft couronnée de quelques fapins 8c munie d'un fiege. Si Pon ne veut pas paffer le pont, on peut tourner a droite dans un fentier tortueux, bordé des deux cótés de ronces, tant du pays que de 1'Amérique feptentrionale, qui font plantées fur des élévations de terre. On rencontre de petites collines, qui, décorées de mouffe, ou couvertes de pierres négligemment éparfes, préfentent un afpeét fauvage. Le fentier aboutit k Ia piece de gazon devant le grand pavillon. D'ici 1'on cótoie la rive gauche du canal, 8c 1'on tourne bientót après dans une allée entre quelques arbres fruitiers; ces arbres ferment la fin de la grande allée d'arbres fruitiers qui commenqoit k l'entrée auprès de la cafcade. On arrivé k la grande peloufe qu'on avoit auffi appergue dès l'entrée, 8c 1'on voit alors de plus prés un objet, qui, quoique peu diltinét, avoit déja attiré 1'attention fous divers points de vue éloignés; c'eft un maufolée que le poffeffeur aétuel deftine a être fon tombeau. Ce morceau, d'une architeéture belle 8c fimple, elt placé fur des arcades, k travers Iesquelles paffent les regards, quand on les porte de divers endroits éloignés vers ce maufolée muni d'un éfcalier. Le fite, qui eft un grand gazon, eft dégagé 8c riant, 8c toute l'ordonnance eft oppofée aux idéés fömbres 8c vulgaires qu'on a coutume d'entretenir k ce fujet aujourd'hui. On fait combien les Grecs étoient habiles k égayer la penfée de la mort par des images agréables. L'ouvrage dont nous parions elt doué d'une partie de cette férénité, dont les hommes les plus fages environnoient la repréfentation de Ia diffolution Tome III. M m inévi-  Appendice.. Defcription inévitable du corps,périffable de l'homme, & fait d'autant plus aifément paffer 1'efprit a 1'idée de 1'élyfée. Quelque riante cependant que cette fcene foit en elle-mème, elle elt pourtant féparée des fcenes circonvoifines par un bocage qui 1'environne. Veut - on paffer devant ce féjour, on pourfuit a droite un fentier étroit 8c finueux, qui traverfe une.plantation affez confidérable de meuriers blancs: cette plantation, bordée d'un bocage compofé de plufieurs arbriffeaux indigenes, fe termine par un petit grouppe d'arbres fruitiers. A la fortie de ce lieu 1'on fe trouve a 1'endroit oü la riviere fort du canal, & au-dela 1'on voit une place piantée d'un grouppe d'arbres fruitiers femblable au premier. On fe promene enremontant le long des finuofités de la riviere, 8c on la voit avec plaifir couler entre fes rives gazonnées. Des deux cótés s'offrent des grouppes, tantót de marronniers, tantót d'érables, tantót de peupliers, 8cpar-ci par-la des fieurs plantées plus prés de l'eau, mirent leurs nuances dans 1'onde iimpide. On revient encore au pont qui traverfe la riviere, 8c en fe repofant fur les fieges qu'on y a ménagés, ou bien fur la colline a laquelle mene ce pont, on peut jouir de tout cóté d'une belle vue; parcourrir des yeux Ia riviere, Ie lac, les bofquets 8c les gazons environnants; porter fes regards tout alentour fur 1'enfemble, ou favourer avec volupté les beautés d'une feule des fcenes qui fe préfentent. Un fentier ferpente presque au milieu de la colline, du pied de laquelle part un chemin bas, qui paffant fous le pont 8c le long de la riviere, mene au lac. De deffus Ia colline on découvre une grande piece de terrein encore renfermée dans 1'enceinte du pare: cette piece de terrein, que la riviere fépare de ce cóté en longueur des bofquets décrits jufqu'a préfent, eft encore partagée en longueur par un foffé bordé de gazon fufpendu fur l'eau courante, qui va fe décharger dans le lac vers lequel s'étend ce terrein depuis la maifon feigneuriale. Le cóté du nord eft bordé par la rangée de chênes dont nous avons parlé en décrivant les Iointains qui s'offrent de deffus la montagne; ces chênes forment ici les bornes du jardin, 8c recouvrent un chemin qui part de la maifon de campagne, paffe devant trois viviers entre- mèlés  de quelques jardins. 275 mèlés de repofoirs ombragés, tourne autour du lac & de la montagne, 8c va fe perdre en haut dans le bois d'aunes adjacent au pare des bètes fauves. La piece de terrein placée entre la riviere & le foffé, eft plantée de groüppes d'arbres 8c d'arbriffeaux peu élevés, traverfés par des fentiers tortueux; mais la piece qui eft en dela du foffé eft un paturage confidérable 8c fertile, partagé en deux divifions, fur lesquelles on voit paitre en liberté des vaches blanches 8c des moutons: afpeét champètre des plus agréables, & qui, dans un jardin comme celui - ci, s'accorde des plus heureufement avec fa deftination. Paffé le paturage, & du cóté de la maifon feigneuriale, qui, fous ce point de vue, eft presque toute voilée par des arbres élevés, on apperc,oit a I'ombre de chênes antiques, la métairie, édifice d'une apparence rultique trés-fimple, placé dans un fite riant, 8c plutót conftruit pour ernbellir le tableau que par néceffité. Un pont tournant, jeté par deffus le foffé, 8c un chemin garni d'une baluftrade blanche peu haute, qui partage en même temps le paturage, mene de la colline a ce batiment. Voila les principaux cantons 8c les principales fcenes de ces vaftes jardins, qui, fans les allées 8c les promenades incultes dont ils font environnés, renferment au-dela de cinquante-trois arpents de terre, 8c qui font non feulement 1'ouvrage du goüt délicat 8c de la riche imagination du poffeffeur, mais encore d'un travail pénible 8c opiniatre. Car dans les lieux oü maintenant s'offrent ces fcenes raviffantes, on ne voyoit ci-devant que des marais habités par des infeétes: le fol même étoit peu favorable aux plantés, 8c il fallut commencer par le rendre fertile. Ce n'eft que depuis environ trois ans, qu'on travaille a cet ouvrage avec une ardeur qui étoit nécefTaire pour produire fi promptement d'auffi heureufes fuites. Et puisque ces jardins font déja fi fioriffants dans leur jeuneffe, on peut en attendre avec certitude des-impreffions bien plus belles après quelques années, lorsque tous les deffeins projetés feront achevés, 8c que les nouvelles plantations auront atteint a leur perfeétion. On eft effeétivement étonné, non feulement de trouver ici un ouvrage auffi admirable commencé depuis fi peu d'années, mais encore de voir, en fortant des déferts fablonneux de la bruieredeLunebourg, un aufli riche Mm 2 affem-  2^ 6 Jppendice. Defcription affemblage des plus fuperbes forèts, des plus riantes prairies 8c des plus beaux champs emblavés, s'étendre autour de ce féjour. Quel contraire frappant! D'un cóté ce lieu de délices, & de 1'autre la contrée voifine, de plufieurs lieuesd'étendue, oü l'ceil cherche inutilement au loin Ia cabane d'un homme, oü il ne rencontre presque que les triftes images de la ftérilité 8c de la mifere 1 Quoique le jardin foit tout en plaine, 8c n'ait que la feule montagne au bord du lac, on en a cependant presque entiérement banni 1'iiniformité, par la quantité variée des plantations, & par quelques petites éminences, fur - tout par la colline voifine de la riviere. Les ruiffeaux, dont l'eau pure & potable contient des poiffons qui s'y jouent, les petits filets d'eau & les fources bouillonnantes, les ponts blancs, batis légérement & d'un goüt bon 8c agréable, la multitude de beaux tapis verds, 8c les families innombrables d'oifeaux chantants, auxquels ce payfage offre un féjour favorable, tout fe réunit pour répandre ici le fentiment de la vie ck du mouvement. Cependant tout y préfente auffi un air doux ck champètre, 8c 1'attrait féduifant de la nature. Paffe l'entrée de ces jardins, on n'en appercpit nulle part les limites; Ia vue aboutit a des champs de grain, a des prés, 8c k des forèts; ou bien les fentiers fe perdent dans les promenades fauvages les plus agréables, qui s'étendent aux emirons jufqu'a plufieurs lieues de diftance. On remarque avec plaifir les plantations d'arbres fruitiers qui fe reneontrent ici, 8c que par un préjugé fingulier, on bannit de plufieurs jardins de cette efpece. Ces arbres mériteroient de droit une place, ne fut - ce que par leur feuillage qui concourt k augmenter la variété des verdures, 8c ils fe rendent presque indifpenfables par la.beauté de leurs fieurs 8c par 1'agréable attente qu'infpirent leurs fruits, dont les progrès infenfibles vers la maturité, décorent l'arbre, jufqu'a ce qu'il donne enfin fes préfents comme un bienfaiteur chéri. Plufieurs d'entre les places gazonnées offrent des jeux champêtres dont ies amateurs peuvent s'amufer, comme carroufel, efcarpolette, petit palet ckc. ces jeux donnent lieu a 1'exercice du corps dont déja les Romains aimoient k trouver 1'occafion dans leurs jardins. On peut de plus s'occuper de  ' de quelques jardins. 277 de promenades fur l'eau, de la pêche, & de la chaffe, pour Iaqueile le payfage des environs nourrit une foule de gibier de toute efpece. Celui qui ne prend aucun plaifir aces amufements, trouve encore hors de 1'enceinte dju jardin quantité de Iongues promenades, dans Iesquelles il peut errer de tout cóté pour fe donner du mouvement, & pour jouir d'un plaifir varié. Les vaftes cantons fitués au fud du jardin, lui font déja réunis par des promenades qui préfentent une fuite de fcenes agréables, toujours diverfifiées 8c naturelles, quoique modeftement embellies par le goüt; les embelliffements s'étendront encore dans plufieurs cantons incultes. Pourfuivons quelques - unes de ces promenades qui s'offrent ici en foule. Si, en partant de la maifon feigneuriale, on croife la fombre allée de fapins, on parvient a un pont, paffe lequel eft une tres-longue allée de tilleuls tirée au cordeau: cette allée terminée par des forbiers, paroit encore plus grande depuis qu'on en a óté un gazon qui en tapiffoit le milieu. De cóté 8c d'autre on découvre des champs & des prés qui fe fuccedent 8c font terminés par des forèts. On elt bientót furpris k droite par une ouverture qui donne fur une prairie étroite trés - longue: fouvent des biches viennent profiter de ce paturage qui s'étend entre des aunes 8c des bouleaux. Deux autres ouvertures agréables 8c femblables, donnent peu après du même cóté fur des clairieres. Enfuite on fe promene dans l'ombre que répandent fur l'allée de tilleuls, des bois élevés 8c épais qui 1'avoifinent des deux cótés. La longueur de cette allée fait que du milieu l'ceil fe perd aux deux bouts dans une fombre obfcurité. L'allée traverfe le grand chemin de Dannenberg, qui ferpente k gauche entre des chênes vers Brefe. Tandis que 1'on traverfe le grand chemin, *on paffe un pont 8c 1'on entre dans une allée de forbiers, ayant k gauche une raviffante prairie d'une grande étendue, entourée de beaux bois entre-mèlés d'arbres 8c de grouppes ifolés, 8c k droite une charmante forêt d'aunes 8c de chênes; unpeu plus haut la prairie ceffe, 8c fait place k une forèt, qui avec celle de Ia droite concourt k ombrager le chemin. Cette longue allée aboutit k des champs. A fon iffue un fentier s'enfonce k droite dans les buiffons, 8c ramene k l'entrée du chemin de Dannenberg. A gauche un fentier longe la ligne extérieure du bois, &z Mm 3 offre  Appendice. Defcription offre la belle vue de champs emblavés'qui s'élevent k droite décorés d'arbres grouppés & ifolés, & 1'afpeél du viUage de Yameln. Après avoir erre lons-temps, on revient encore fur le grand chemin de la ville de Lucho, bordé de chênes antiques & refpeélables qui offrent k travers leurs ouvertures des perfpedives amufantes: ce grand chemin prend veWla gauche & mene k Brefe. , , ., , r Du recoin des biches, canton bocager, fitue du cote mendional du iardin & ainfi nommé de la quantité de gibier qui 1'habite, un des fenüers conduit k la colline des lapins. Cette colline eft dans un des angles boifes d'une prairie, au bord d'un étang qui 1'environne. Elle eft de plus entourée d'une baluftrade, conftruite joliment dans le gout rultique de pieces de bouleaux non pelés, & qui de loin paroit auffi blanche que fionl'avoit neinte Le pont qui mene de la colline k la prairie, & un fiege place fous L chêne quifepréfente droit devant fon entrée, font également d'une conftruétion rultique & agréable. Différents chemins conduifent au pare des bètes fauves, dont une partie confiltant dans la prairie & le bois d'aunes, elt dans 1'enceinte du jardin ainfi qu'on 1'a déjk dit. Ce pare contient plus de neuf arpents de terre, &offre plufieurs promenades charmantes qui le cótoyent en ferpentant entte de belles allées de chênes & d'aunes. II oonfifte en bois & en buuTons épais entre Iesquels fe déploient de riches tapis verds. En pourfuivant la promenade on découvre, tantót quelques larges ouvertures taillees dans e Lis fur-tout ces trois ouvertures agréables qu'on appercevoit depuis la longue allée de tilleuls, tantót un grand morceau de champ entoure dunnes élevés dont les faites font encore obfeurcis par ceux des fapins qui les furpaffent, tantót immédiatement devant foi des prairies verdoyantes. A la fortie dê cette promenade raviffante, oü 1'on eft fouvent furpns par le bond imprévu d'une biche, on voit devant foi la glaciere fur une montagne boifée, d'oü 1'on jouit d'une belle vue fur les bois & les promenades qu on vient de parcourrir. , A l'entrée de la fombre allée de fapins, & au fortir de 1'allee denoyers, on rencontre plufieurs fentiers tortueux qui fe gliffent vers. le recoin  de quelques jardins. 279 des roflïgnols: ce dernier eft un bois de chênes, d'aunes, de noifettiers & d'autres fous-arbriffeaux épais „oü Philomele badine fur les branches lége„res."*) Dans ce canton touffu, qui rétentit par-tout des plus doux chants, on a de cóté des ouvertures qui a travers les arbres plus voifins 8C clair-femés, 8c les buiffons plus éloignés 8c ferrés, préfentent de nouveau des perfpeétives très-longues aboutiffant a des prés 8c a des champs emblavés brillants, 8c enfuite k un fond obfcur oü l'ceil va ferepofer. La fucceffion variée des places fombres 8c des places éclairées, des ouvertures Sc des enclos, des arbres qui s'avancent en faillie 8c de ceux quife reculent, les jeux multipliés des clairs 8c des ombres, les apparitions illufoires 8c incertaines qui fe préfentent dans 1'éloignement, forment un fpeétacle qu'on peut voir, mais qu'on ne fauroit décrire. Cette fcene devient encore bien plus impoffible k retracer, quand on la vifite pendant le calme folernnel de la foirée, lorsque la lune Iance fes rayons k travers les cimes touffues des aunes élevés, 8c répand la Iueur vacillante d'une Iumiere plus douce fur les humbles feuillages des buiffons; que tout fe repofe; que mème les feuilles les plus hautes remuent k peine; que les chants joyeux des roffignols s'élevent en triomphe, 8c redefcendent en fe fondant dans des tons plus doux, s'élancent de nouveau en des roulements perqants, 8c enfuite fe changent infenfiblement en foupirs languiffants 8c s'évanouiffent entiérement; que le cceur entrainé par ce concert mélange, fympathife tantót avec le raviffement d'une tendreffe heureufe, tantót avec les inquiétudes de 1'amour, tantót avec la douce mélancolie qu'infpire I'inceriitude de Pefpérance. De ce canton affez vafte, on peut paffer dans plufieurs allées 8c dans plufieurs promenades; une des plus agréables conduit a Ia maifon d'écorce. Presque toutes ces promenades s'étendent fur des chauffées, qui depuis longtemps ont perdu 1'air d'élévations artificielles, 8c qui font garnies d'antiques chênes, d'aunes, 8c de différentes efpeces d'arbriffeaux, fur-tout de noifettiers. Le fentier qui mene k la maifon d'écorce, varie continuellement fes finuofités agréables. Dés le commencement on a du cóté droit une valte *) Poéfies de Mr. de Halier tradnites de 1'AIlemand &c. Berne 1760. Poëme intitulé: Defir de revoir fa patrie.  2g0 Appendice. Defcription vafte & fuperbe prairie, environnée de forèts de chênes, &parfemée de chênes ifolés & de petits buiffons d'aunes, & du cóté gauche un bois attenant de hêtres & de chênes. On parvient tout prés d'une pile de büches entaffées, & tandis que 1'on veut négligemment paffer outre, une porte s'ouvre au milieu de ce tas de bois, & I on voit fe former, comme par magie, une cabane, d'oü fort un hermite entiérement habillé, qui invite d'une maniere engageante & pleine d'hofpitalité, a fe repofer un infiant chez lui. Sa cabane eft des plus fimples &des plus pauvres, ainfi que 1'indique fon nom, maifon d'écorce: une table, une couple de chaifes, un lit de repos, le tout de bois, fans aucun couffin pour 1'hóte efféminé, en font tout fameublement. Dans le fond de la cabane deux lucarnes groffieres offrent 1'afped d'une grande plaine compofée de champs de grain, & toute environnée de forèts de chênes: par la porte on voit un vivier, & tout auprès des buiffons qui mafquent la vafte prairie dont nous avons parlé plus haut. En pourfuivant fon chemin après avoir quitté la maifon d'écorce, on a pendant long-temps a droite cette prairie, & a gauche des champs emblavés presque immenfes, ceints de forèts éioignées & fombres; afpeét fuperbe, appercu pour la première fois depuis la maifon d'écorce, & qui élargit, pour ainfi dire, 1'ame afin de lui faire embraffer plus de joie. Le chemin toujours finueux, toujours ombrage, tantót par des arbres élevés, tantót par des buiffons, fe prolonge par deffus une éminence. , A droite, & lorsque la prairie finit, paroit une plantation de meuriers blancs. En jouiffant de 1'afpeét fans ceffe varié des forèts, qui tandis qu'on avance, femblent femouvoir, s'enfoncer, en reculant, dans leur propre obfcurité, on arrivé a la maifon de mouffe. f C'eft une fabrique entiérement brute & de la plus grande fimplicité, qui, en place de porte n'a qu'une ouverture, en place de fenêtres des lucarnes : elle eft munie d'un toit pour la garantir de la pluie & du foleil, & d'un banc pour s'y repofer. Par devant la vue parcourt la plaine étendue compofée de champs de grain dont on a déja parlé fi fouvent, & dont Ia clarté eft rompue par les forèts environnantes j a droite coule un ruiffeau, au - dela duquel on appercoit une belle prairie entourée d'arbres & de buiffons  de quelques jardins. 281 buiffons ifolés. La plus grande partie dè cette prairie fe préfente d'une maniere trés ^agréable k travers un grouppe d'arbres plantés de 1'autre cóté du ruiffeau. Quelques chênes trés-vieux jettent leur ombre bienfaifante fur l'entrée de la cabane. A gauche font, outre la plantation de meuriers, quelques grouppes fauvages de chênes; & derrière la maifon de mouffe eft un épais buiffon d'oü fort le ruiffeau. Cette cabane offre non feulement au promeneur un lieu propre k goüter un repos defiré; elle eft encore un objet trés - agréable dans 'ce canton. L'infcription de l'entrée: Felix, qui potuit rerum cognofcere caufas; Fortunatus et ille, deos qui novit agreftes! ne paroit pouvoir mieux convenir qu'a ce fite, qui fait éprouver toute la valeur du calme de la vie champètre, & des réflexions philofophiques auxquelles elle conduit le fage. On ne quittera pas le fiege de la maifon de mouffe fans faire quelques réflexions de cette efpece. Tandis que 1'on pourfuit fa promenade a l'ombre d'arbres touffus, on a du cóté gauche les champs de grain, & du cóté droit le ruiffeau, qui tantót coule prés de vous, tantót s?écarte en errant de cóté; tantót s'offre entiérement couvert de ronces fufpendues, tantót roule éclairé par les rayons du foleil rompus par la verdure. Au-dela du ruiffeau on voit par les ouvertures variées des buiffons, quelques parties de la prairie qu'on a découvert pour la première fois depuis la maifon de mouffe. Enfin ceffe 1'agréable compagnie du ruiffeau qui fe perd a droite dans les buiffons. A gauche on a toujours les champs emblavés, & a droite s'offre de nouveau une prairie charmante, ombragée par des arbres, & dont 1'enceinte eft pittorefquement décorée, ici de quelques chênes ifolés, & la de quelques petits grouppes de ces mêmes arbres. Pendant que 1'ame s'abandonne aux fenfations agréables que lui caufent les beautés de ce fpeétacle champètre, 1'état de calme doux dans lequel elle fe complait, elt fubitement troublé par le grand murmure d'une cafcade artificielle que l'ceil ne découvre nulle part. Plus on avance, plus on entend le bruit; on croit qu'on va découvrir la chüte d'eau, & elle demeure toujours cachée j on parvient dans fon voiünage k un tertre rond & couTome III. N n ronné  282 Appendice.- Defcription .ronné d'antiques chênes élevés, & elle continue a ne frapper que l'oreille par fon fracas. A 1'inftant oü 1'on entre dans le temple fimple.& rultique placé fur ce tertre, & confacré k la nature, on apperqoit tout - a-coup la belle cafcade fe précipiter écumante d'une colline oppofée & boifée, oü elle fort d'un enfoncement bocager pour tomber par deffus cinq terraffes dans un bas-fond voifin; fcene que rend encore plus belle la furprife qu'éprouve l'ceil. L'origine de la cafcade eft toujours invifible; car ici elle fort fous un buiffon d'un ruiffeau confidérable, qui découle de celui qu'on apperceVoit depuis la maifon de mouffe & qu'on ne fauroit appercevoir du temple. Ce féjour eft entouré de tout cóté par des arbres élevés ck d'épais buiffons; pn a feulement k-droite la vue de la derniere prairie dont nous ayons parlé, ck de fon fond fombre & bocager. L'onde s'écoule rapidement de cóté fous 1'ombrage des arbriffeaux, pour aller mouvoir un moulin peu éloigné qui augmente encore la vivacité de cette riante folitude. L'impreffion de cette fcene, la première fois que je la vis, m'infpira un enthoufiafme mélancolique. C'étoit pendant une des plusdouces foirées de Mai; le nouveau feuillage & les plantés exhaloient une abondance d'odeurs balfamiques; le ciel étoit doux, calme, & encore doré par les derniers rayons du foleil couchant; nous fumes requs par la mufique de quelques cors de chaffe éloignés, dont 1'énergie magique dans un féjour pareil ck pendant une foirée femblable, eft au deffus de toute expreffion; la cafcade' murmuroit, & les jeunes époux de philomele méloient a 1'envi leurs mélodies amoureufes k cet agrefte concert. • - Dela fcene de la cafcade, un chemin agréable, ayant k gauche un ruiffeau ck k droite une prairie, traverfe une forêt de chênes & d'aunes, enfuite des buiffons oüil forme plufieurs finuofités, & mene k l'hermitage. La nature ne pourroit former un fite plus clos, plus folitaire, & plus convenable que celui - ci au caraétere d'une fabrique de cette efpece. II eft partout environné de bois ck de buiffons voifins, qui femblent fe ferrer les uns contre les autres pour cacher ce féjour aux regards; le petit nombre de percés étroits ck peu éclairés qui s'y trouvent, aboutiffent tous k d'autres lieux obfeurs; ck les grouppes, qui tantót s'avancent enfaillie, tantót fe ; recu-  de quelques jardins. ■ 283 - reculent, ne forment des ouvertures que pour mieux mónrre'r lés ténebres des feuillages plus éloignés. En ce lieu git l'hermitage, conltruit dansle vrai ityle, de racines & de mouffe: il repofe dans un petit enfoncement, entre des chênes qui laiffent tomber leurs branches, & dónt les troncs antiques même fe courbent fur la cabane. A dix pieds de fon entree coule te ruiffeau dont nous avons parlé, & qui paffe ici en rampant fans bruit} on n'entend que la voix plaintive de quelque oifeau égaré, & le frémiffement mélancolique des faites des arbres & des buiffons agités par le vent; par-tout les feuillages affaiffés répandent des ombres profondes. L'ame fent toute 1'impreffion du filence & de la retraite; mème toutes les fcenes riantes de la nature fe font évanouies, afin de ne pas troubler fes réflexions. II faut qu'elle foit ici feule avec elle-même; qu'elle s'occupe toute entiere d'une férieufe méditation; qu'elle fente qu'elle eft une effence fpirituelle élevée au deffus du monde matériel; qu'elle s'accoutume a ces réflexions pures & fublimes," qui, dans d'autres lieux, doivent un jour faire fa félicité; pendant bien plus long-temps. L'indigence qui regne dans l'hermitage, n'elt qu'un emblème de 1'heureux talent de fe contenter de peu, talent que poffede le feul fage, qui ne va pas fe mettre dans 1'efprit de demeurer toujours ici: 1'autel, les livres de dévotion, Iacroix, qui furmontant Ie toit couvert de mouffe, fe cache dans le feuillage des chênes, font autant de fujets de réflexions, capables d'élever & de fortifïer en même temps l'ame; & le crépufcule que jettent les buiffons, fous Iesquels rampe Ie ruiffeau, image d'une vie paifible, fait cependant efpérer qu'au - dela de ces ombragés font des perfpeétives, qui, malgré tous leurs attraits, n'approchent pas de celles qu'ouvre a la vertu I'attente d'un monde a venir. Nn 2 IX. Ze  Appendice. Defcription IX. Le jardin du Prince, pres de Zelle. *) Al'entrée du jardin, on voit d'abord en face Ie champètre chateau de plaifance, vers lequel mene, du cóté droit, une avenue garnie d'une plantation peu élevée. A gauche du batiment on entre dans une allée trèsagréable, longue 8c tortueufe, bordée des deux cótés d'arbres, d'arbriffeaux 8c de fleurs indigenes 8c exotiques, qui végetent fur un fol tapiffé de gazon. Tantót les arbres ifolés montrent toute la beauté de | leurs jets 8c de leurs feuillages; tantót ils fe raffemblent en grouppes épais, &.flattent l'ceit par le mélange varié de leurs verds. Dans cette allée on voit a droite un paturage oblong trés-vafte, qui tantót s'offre a demi-voilé a travers les buiffons mèmes, tantót s'étalea l'ceil avec plus de liberté, a travers leurs ouvertures. Cette piece de gazon confidérable, entourée d'une baluftrade peu élevée, commence immédiatement devant 1'édifice, 8c fait le centre du jardin, toutes les autres fcenes fe déployant autour de ce tapis verd. La vue eft récréée par 1'afpeél champètre de quelques vaches qui paiffent, ou repofent étendues fur la verdure. Plus prés du chateau de plaifance s'éleve une montagne artificielle; 8c 1'on voit encore de ce cóté les furfaces de deux grouppes, 1'un plus'grand compofé d'arbres, placé environ au milieu de la peloufe, 8c 1'autre plus petit décoré de ronces. A gauche de l'allée, la vue pénetre quelquefois au travers des buiffons 8c des grouppes, 8c erre fur des champs 8c des prés voifins, qui entourent presque la moitié du jardin, 8c n'en font féparés que par une haie peu élevée. Vers la fin du vafte paturage, les bofquets changent infenfiblement de direélion, 8; Ie chemin monte vers une* petite élévation agréablement boifée, *) Appartenant aS.A.S.Monfeigneur Général de S. M. le Roi d'Angleterre, le Prince Erneft de Mecklenbourg - Stre- Elefteur d'Hannover. Ce jardin eft tout litz, Gouverneur de Zelle, Lieutenaat prés de la ville.  de quelques jardins, 285 boiiee, d'oü 1'on découvre toutle paturage, & au-dela le chateau. ' Depuis ici le jardin eft presque conftamment environné d'autres jardins circonvoifins, qui n'en font féparés que par la haie balie toujours continuée: une allée en berceau mene a gauche vers un pavillon chinois dans les buiffons. Ce pavillon occupe un fite folitaire & agréable; Ia vue, bornée de tout cöté par les feuillages fufpendus, donne direétement fur un petit gazon, & fur un étang calme bien deffiné, dont les bords font tapiffés d'un gazon émaillé, & qui eft entouré d'arbres trés - touffus penchés du cóté de l'eau. Ce féjour charmant n'offre qu'ombrage & que fraicheur; fa paifible fimplicité toucheroit fans doute l'ame davantage, s'il étoit permis a une cabane ruftique de remplacer Ie pavillon chinois. A gauche 1'on rencontre bientót un fiege, d'oü les regards traverfant les ombres fufpendues de tout cóté, vont fe porter fur l'eau voifine; vis-a- vis du pavillon, & au bord citérieur de 1'étang, eft, fous un ombrage, un banc champètre, conftruit de bouleaux avec leur écorce, dont la fimplicité fied fi bien au refte de la fcene. Le canton alentour de 1'étang eft coupé par plufieurs fentiers qui ferpentent fous des aunes élevés & fous d'autres arbres entre-mèlés d'arbriffeaux; & a droite on voit «ne grande partie du vafte paturage briller le long de la ligne extérieure de cette fcene, qui fait une des plus belles parties du jardin. On appercjoit toute la partie du gazon fituée de ce cóté, lorsque 1'on fort des bocages en tournant a droite. Un chemin tortueux, qui, entouré d'une baluftrade, fépare un paturage deftiné a des chevaux de celui qui fert aux vaches, mene entre des arbres vers la montagne. On voit encore un joli grouppe d'arbres s'élever fur le gazon a gauche du chemin. La montagne a une pente douce. Le fentier ferpente autour de 1'éminence, s'éleve infenfiblement a gauche, &redefcend de 1'autre cóté vers le batiment. On jouit d'une tres-belle vue quand on eft fur la hauteur qui commande tout le jardin & le payfage des environs. L'ceil appercjoit de prés tout alentour le vafte paturage, qui d'ici paroit presque trop grand pour 1'enfemble, les grouppes d'arbres & d'arbriffeaux, le petit troupeau, & au bord du paturage la furface fupérieure des voutes de verdure des bocages environnants: & plus loin la vue s'étend fur la vUle de Zelle, fur les vaftes cam- Nn 3 pagnes  2gg Appendict. Defcription pagnes d'alentour qu'arrofe 1'Aller, & quand le temps eft ferein, jufques, fur le Broeken, chaine de montagnes refpe&ables. On attend encore, pour jouir tranquillement de ces belles perfpeéüves, un temple d'un ftyle ruftique, qui doit décorer cette hauteur, féjour chéri auquel un court fentier mene du chateau de plaifance. La montagne eft tapiffée de gazon, & n'eft décorée que de quelques ronces peu élevées répandues qa ck Tandis qu'on defcend vers le pied de la hauteur, on remarque au milieu, un paffage voüté de briques, qui, en décélant que la montagne eftartifk cielle, diminue un peu 1'agrément qu'il procure au chateau, en y laiffant jouir de la vue des arbriffeaux oppofés. Si 1'on ne veut pas prendre le chemin qui conduit au haut de la montagne par le paturage, on eft attiré de 1'autre cóté par trois fentiers finueux, entourés de beaux arbres, d'arbriffeaux fleuris, de ronces & de fleurs, & dont les attraits engagent a 1'envi a les parcourrir. Nous vimes avec plaifir le chevre-feuille ck d'autres plantés rampantes a jolies fleurs, embraffer par - ci par - la les tiges des marronniers, des tilleuls, ck d'autres arbres de Ia.» grande efpece; le féringat bleu & blanc recouvrir fes buiffons, & Kris & Ie narciffe paroitre fe cacher modeftement fous le fombre feuillage qui tomboit en ondoyant jufqu.i terre, tandis que la tulipe offroit plus ouvertement a l'ceil fa fiere magnificence. Ces trois fentiers ferpentent en montant vers un beau gazon; mais avant que d'y déboucher, on eft encore attiré dans les bocages par un.petit tapis verd rond, pour s'y repofer au milieu d'une fcene des plus aimables. L'on voit autour de foi un mélange agréable d'arbres tous encore dans leur belle jeuneffe; des coups de jour brillants & des ombres légeres fe jouoient autour de nous fur les feuilles vacillantes, & les roflignols fe livroient infenfiblement au fonge de 1'amour en pouffant des foupirs languiffants. Ce fut au milieu de, cet enchantement que nous goütames 1'impreffion douce de cette fcene, qui pourroit peut-être admettre encore une ftatue convenable a fon caradere, ck toujours occupés de fes attraits, nous nous avanqames vers le gazon découvert dont nous avons parlé. II eft d'une forme oblongue agréable, ck décoré d'arbres ifolés, & de grouppes d'arbriffeaux.. Les  • - de quelque? jardins. ' 287 Les fentiers qui I'environrient font ceints de bocages. Au haut du gazon eft une maifon d'une architèéture fimple; fes murs font recrépis en blanc, 8c fon toit eft couvert de chaume. Ce batiment ne confifte presque qu'en une fèüle grande chambre deftinée a une bibliotheque. Le fite folitaire de cet édifice le rend tres - convenable k 1'ufage auquel on 1'a voué. Derrière le batiment font une petite menagerie 8c un pigeonnier: k gauche un fentier couvert fe gliffe vers un parterre de fieurs dans un enclos, 8c vers uneferre, 8c de la part un fentier garni d'arbres, lequel, en ferpentant le long du bord fifpérieur du paturage vers le chateau de plaifance, offre un fiege agréable 8c ombragé qui n'invite. pas envain lé promeneur. Les arbres de ce jardin, parmi Iesquels il s'en trouve une foule d'étrangers, ont des formes d'une beauté finguliere; 8c par-tout Ie fol oü ils fleuriffent, ifolés, grouppés, ou réunis k des arbuftes, eft tapiffé d'un riche gazon. Les fentiers pavés de gravier, font fermes, commodes, en dos d'ane, Scbordés de bancs qui offrent des repofoirs agréables; quelques-uns de ces bancs compofés de bouleaux non pêlés 8c entrelacés, préfentent un afpeét rultique. Le jardin eft planté depuis dix ans, 8c paroit avoir actueflement atteint fes plus beaux jours. L'enfemble eft d'un goüt très-pur 8c riant. II n'a pas une grande variété; mais Ia fimplicité 8c 1'air champètre qui en compofent le caraétere, 8c qu'anime une douce gaieté, ont tant d'attraits, l'ordonnance eft fi aifée 8c fi naturelle, que 1'on oublie de defirer plus que ce qu'on voit. U falloit un goüt délicat, non feulement pour choifir cette fimplicité, mais encore pour la défendre des attentats hardis de la mode. Et ce fut quelque chofe de plus que la délicatelfe du goüt, ce fut une candeur aimable qui enfeigna au Prince l'art de prendre plaifir k la beauté fans fard de la nature. Spécification  Sp'ecification des gravures contenues dans ce Volume. Nr. i. Grande maifon de campagne de Blondel, tirée de fa Diftribution des maifons de plaifance. Page 5. lïr 3- Maifon de campagne plus petite, du même. P. 9. ■ l' , Chateau de plaifance de Wanfted dans le comté d'Effex, projete & execute par Campbell. Tiré du I. Volume du Vitruve britannique ( Vitruvius BntanmLs or the Britifh Architect containing the plans, élévations and feftions of the reeular buildings, both publick and private in Great Britain. With variety of new defigns in aco large Folio - Plates, by Colen Campbell, Efq. London, fol. 1&2V0I. i7i7.&le3.Vol. 1735)- P-«o- Nc 4 Chateau de plaifance deffiné par Campbell & tiré du même ouvrage. F. 13. fe! 5. Buckinghamhoufe dans le pare de St. James. Tiré du même ouvrage & du même Volume. P. 15- , tfR 6. Maifon de campagne de Cholmondeley dans le Chefhire. Vitruve Britan. ^r^ltiev^ce de Hopton dans le comté de LinlithgOn enEcoffe. Tiré du même Volume. P. 20. Nr. 8. Maifon de campagne de Chevening dans le comte de Kent, d apres les deffeins d'Inigo Jones. Tiré du même Volume. P.22. t.. Nr. 9. Maifon de campagne de Chefter-Leeftreet dans le comte de Durham, da- nrès Campbell. Tiré du même Volume. P.25. Nr. 10. Maifonde campagne d'Ambresbury dans le Wiltf hire, d'apreslmgo Jones. Vitruve Britannique, 3. Volume. P. 27. Nr. 11. Chateau de plaifance de Stocke dans le Northunptonfhire, bati par Imgo Jones. Tiré du même Volume. P. 29. Nr 13. Maifon de campagne de Mereworth prés de Maidftone dans le comte de Kent. Tiré du même Volume. P.3»- , Nr «3. Maifonde campagne de Stourhead dans le WütfHre, d'après Campbell. Tiré du même Volume. P. 33- , Nr. ,4. Maifon de campagne d'Atherton dan. le comte de Lancafter. Tire du me. vr^PrcXt deMr.Schuricht deDresde. Maifon de campagne confiftant en fou* terrein rair de chauffée & entre-fol. Les fenêtres du fouterrein donnent dans le iardin Tout le batiment eft k maitié placé fur une terraffe, & n'a par confequent befoin que de trois marches devant la colonnade du cöté de la cour. De la colonnade on entre dans un fallon u Des deux cótés 2 &3 font des anticham-  Spécification des gravures-. bres. Attenant 2 eft un éfcalier qui mene au fouterrein& a 1'entre-fol: ce dernier, éclaire par le toit, renferme les appartements des domeftiques & les dépenfes. 4. Chambre k coucher. 5. Chambre que 1'on habite ordinairement. 6. Cabinet. 7. Salie k manger de laquelle on defcend dans le jardin par un éfcalier hors d'ceuvre» 8- 9- Cabinets deftinés- au jeu. 10. Cliambre ou appartement de fociété. 1 i. Chambre k habiter ordinairement. 12. Cabinet. Le fouterrein renferme les offices. Page 38. Nr. 16. Projet du même. Pavillon placé fur un fouterrein élevé: un éfcalier hors d'ceuvre conduit ace pavillon, qui confifte en une petite falie éclairée par le haut & accompagnée de deux cabinets latéraux, dont 1'un fert d'antichambre & 1'autre de paffage: dans le dernier eft un petit éfcalier qui defcend au fouterrein. Au fortir de la falie on trouve une colonnade fous laquelle eft l'entrée principale qui mene au fouterrein: ce dernier contient une grande falie, ou un bain, que foutiennent des pilaftres. P. 45. Nr. 17. Projet du même. Cabinet avec une demi - coupole pofée fur des colonnes ifolées. P. 47. Nr. 18. Projet du même. Pavillon avec deux appartements de formes différentes, & deux dégagements éclairés par le haut & propres k différents ufages. L'entrée eft une voute fphcrique foutenue par des colonnes ifolées: cette voute forme un convent demi-circulaire fur un éfcalier hors d'ceuvre. Les deux entrecolonnements du milieu font garnis de ftatues. P. 49. Nr. 19. Projet du même. Petit cabinet de plaifance avec quatre bancs enchaffés dans les murs &un buffet, oü 1'on peut ménager un petit jet d'eau pour favorifer la fraicheur. Les trous ronds aux quatre angles font des conduits pour 1'écoulement des eaux du toit qui eft en terraffe. P. 54. Nr. 20. Projet du même. Petit cabinet de plaifance éclairé par deux grandes portes vitrées, & couvert d'une voüte garnie de glacés. Pour rendre ce cabinet plus clair & plus tranfparent, on pourroit difpofer le toit en efpece devolet horizontal qui laifferoit pénétrer le jour par le haut. Dans les quatre niches on pourroit piacer des ftatues oudes tables, & des bancs dans les encoignures dumur. P. 61. Nr. 21. Projet du même. Petit monument. P. 63. Nr. 23. Maufolée, ou batiment deftiné k un tombeau. Tiré de Morris Architeftüre. P. 64. Nr.23. Temple de 1'invention de Mr. Brandt, dans leftyle du Pantheon aRome. P.68. Nr. 24. Temple de la Concorde & de la Viftoire a Stowe. Tiré de la nouvelle édi- tion de 1'ouvrage intitulé: Stowe: a Defcription &c. 1773. P- 73Nr. 25. Temple de la Viftoire a Kew. P. 77- Tome III. O o Nr.26.  Spictjuatian des gravures. Nr. 26. Temple du Soleil a Kew. Page 78. Nr. 27. Temple d'Eole a Kew. P- 79Nr. 28. Temple de Pan a Kew. P. 80. Nr. 29. Temple de la Solitude a Kew. P. 81. Nr. 30. Projet de M. Schuricht. Pavillon en forme de temple. P. 88Nr. 31. Projet de Mr. Brandt. Pavillon en forme de temple. P. 90. Nr. 32. Cabane champètre de 1'invention de Mr. Schuricht. P. 93Nr. 33. Grotte de 1'invention de Mr. Brandt. P. 103. Nr. 34. Grotte du même. P. 107. Nr. 35. Hermitage, tiré du Détail des nouveaux jardins. P. 109. Nr. 36. Scène environuant un hermitage par Mr. Brandt. P- 111Nr. 37. Hermitage par le même. P. 115- Nr. 38- Hermitage, tiré du Détail des nouveaux jardins. P. 118Nr. 39. Hermitage, tiré du même ouvrage. P. 121. Nr. 40. Projet de Mr. Schuricht. Repofoir avec un auvent bati devant un bocage: les percés de celui-ci & les objets qu'ils offrent, fe rencontrent avec les ouvertures des murs, qui, ainfi qu'on 1'a indiqué dans le pkn, font décorés en dedans & en haut d'ouvrage en mofaïque. Le tout eft fur une terraffe naturelle, devant laquelle eft un éfcalier. P. 136. \ Nr. 41 & 43. Deux portails du pare de Stowe. Tirés de 1'ouvrage cite: Stowe &c. P. 141. 'Nr. 43. Monument funéraire inventé par Mr. Brandt. P. 162. Nr. 44. Tab. I. Monument de Gellert, par Mr. Oefer. P. 167. Nr. 45. Tab. II. Monument de Halier, par Mr. Schuricht. P. 168Nr. 46. Tab. 111. Monument de Hagedorn le Poëte, par le même. P. 168Nr. 47. Tab. IV- Monument de Kleift, par le même. P. 169. Nr. 48. Tab. V. Monument de Hagedorn, Confeiller intime deLégat.on de S. A.L. de Saxe, & Direfteur général des académies des arts de Dresde & de Leipzig, par le même. P. 170Nr. 49. Tab. VI. Monument de Gefsner, par le même. P. 170Nr. 50. Monument funéraire placé dans une caverne qui fert de tombeau, par Mr. Brandt. P. 171. Nr. 51. Payfage du même. P. 174. Nr. 52 & s 3. Monuments d'Abfalon & de Tycho Brahe, par Clemens. P. 233Nr. 54 & 55. Monuments de Colbiörenfen & de Guldenlöve, par Ie même.- P.235 Nr. 56 & 57. Monuments de Danneskiold & deBernftorff, par lemême. P. 237.