THÉORIE D E L'ART DES JARDINS p a r C C. L. HIRSCHFELD, Confeiüer de Jufiüe de S. M Danoife & Profefeur de Philofophie & de, Beaux-Arts dans ÏUniverfitêde Kiel. TRADUIT DE L'ALLEMAND. TOME QUATR1EME. LEIPZIG chEZ t*s HERITIERS DE M. G. WEIDMANN ET REICH. i783.  H  PRÉFACE DE L'AUTEUR. rjn verra Par Ia répartition des jardins en dates faite dans ce Volume, *) qu'on n'a encore développé ici que les principes de la moitié des efpeces variées de defTeins. L'idée qu'on doit fe faire d'un jardin, ne peut s'arracher a Ia grande confufion dont Pont embaraflee jufqu'a préfent les fïgnirlcations indéterminées & équivoques de ce mot, & Part même ne peut être ramené a des regies faines & aflurées, qu'en diftinguant les diverfes efpeces, les divers carafleres & les diverfes deffinations de tous les jardins, qu'on peut, n'en pas imaginer feulement, mais encore exccuter. Les objets de 1'art des jardins pris avec Tétendue que leur donne Ie plan de eet ouvrage, doivent éYre confiderés comme n'ayant presque pointété difcutés encore, &font, comme Ia nature même, d'une fertilité inépuifable. Cette Théorie, h mefure qu'elle avance, s'étend plus qu'on ne pouvoit Ie prévoir d'abord, & cependant je ne peux en 2 rétran- . *) pages 3Ü 32.  IV Prêface de P Auteur. rétrancher rien de ce qui lui appartient d'après fa nature. J'attends d'ailleurs avec raifon, de la facon de penfer des amis des jardins, dont je reegis de tout coté tant de preuves flatteufcs, qu'ils accepteront avec bonté un volume de plus qu'on n'avoit annoncé, pltitöt que de voir eet ouvrage demeurer imparfait lis recevront donc encore un cinquieme Volume, qui contiendra les principes de toutes les autres efpeces de jardins & de décorations champêtres, & outre d'autres additions, une tablc des matieres indifpenfable dans un ouvrage tel que celui-ci: ce Volume fuivra ce quatrieme fans rétard & terminera tout 1'ouvrage. Je remarque encore que c'eft moi qui ai fait toutes les defcriptions étendues de jardins de 1'appendice, lorsque le nom de 1'auteur n'efl: point marqué. THEORIE  THEORIE D E L'ART DES JARDINS. Tom. IV. A  QUATRIEME PARTIE. PREMIÈRE SECTION. Remarques diverfes fur le nouveau goüt en fait de jardins. SECONDE SECTION. ' Détermhation de tidêe qu'on doit fe faire d'un jardin. TROISIEME SECTION. Répartition des jardins en Clajfes.  PREMIÈRE SECTION. Remarques diverfes fur le nouveau goüt en fait de jardins. i. a nouvelle maniere en fait de Jardins, prit naiffance en Angleterre, & M^i ne dut pas fon origine a une brusque faillie d'imagination: elle fu£ I'effet de Ia réflexion & de I'obfervation de Ia nature. Les recherches de quelques Savants, dont les ouvrages pleins de fagacité & de gout font 1'orgueil de la Nation britannique, frayerent Ie chemin a ce nouveau flyle. L'imagination brillante de Milton lui fit voir des jardins exécutés un demifiecle après d'une maniere fi conforme k fes idees, qu'on diroit qu'ils ont fervi de modele a fes defcriptions. On avoit examiné foigneufement avant de rien rejeter; ou avoir réfléchi avant de planter. L'exécution réuffit, parcequ'elle ne devanga pas I'obfervation, maïs en fuivit pas - a-pas les traces. Telie fut Ia route que choifit Guillaume Kent, le créateur de 1'art des Jardins en Angleterre, & Ie'premier qui planta des jardins tels que Ie bon goüt pouvoit les fouhaiter. II fut peintre, architedte, & artifte jardinier, mais avec des fuccès bien inégaux. Dans le premier genre il fut au deffous du médiocre, fuivant le jugement d un grand connohTeur, Monfieur Horace Walpole: *) dans Ie fecond il fut reftaurateur de 1'art; & dans Ie troifieme, original j ou plutót il fut 1'inventeur d'un art qui donne de la réali- A 3 té *). Anecdotea of Paintaing in England. la defcription fuivante de la maniere dont Vol. IV. London 1780. L'appendice de le nouveau goüt s'eft introduit en Anglece Volume contient une Hiftory of the terre. Kent mourut ea 1748 daus la Modern Tafte in Gardening, écrite avec 64* année de fon age. goüt & avec efprit, & d'ou Pon a tiré  4 Première Settion. Remarques diverfes té a Ia peinture, & embellit Ia nature. Mahomet imagina un Paradis; Kent en créa plufieurs. Le goüt pitoyable qui régnoit dans tous les jardins de 1'Europe, étoit parvenu a fon comble, mème en Angleterre, lorsque Kent parut. Le Notre non content d'avoir étendu fur la France fa fymmétrie fatigante, cherchoit encore a 1'introduire de plus en plus en Italië, & fe rendit mème en Angleterre pour féduire le penfeur breton & lui faire adopter fon ftyle. II y planta les parcs de St. James & de Greenwich, monuments de fon mauvais goüt. Les rafinements les plus finguliers, s'accumulerent jusqu'a ce qu'enfïn Wife remplit les jardins d'ifs & de bois taillés en géants, en monftres, en armoiries & en infcriptions. L'extravagance ne pouvoit aller plus loin, & le torrent fe détourna. Bridgmann, le premier artifte jardinier qui fuivit Wife, fut beaucoup plus retenu: il bannit toutes ces découpures vertes, & n'en revint pas mème au quarré exact du fiecle paffe. II étendit fes plans, ne s'aftreignit plus a tracer chaque compartiment précifément comme fon oppofé, & quoiqu'encore fort attaché aux allées droites bordées dehaies élevées & bien taillées, il ne les employa cependant que pour marquer les contours. II varia les autres allées, en les décorant de buiffons fauvages, & de bosquets de chènes d'après nature, les renfermant cependant toujours entre des haies droites. II alla plus loin; il ha2arda d'introduire dans les jardins royaux deRichmond, des champs cultivés & des fcenes bocageres k cóté de ces ennuyantes allées fans fin. Mais cela n'arriva qu'après que d'autres artiftes eurent fécoué le joug de 1'exafte fymmétrie. Le pas le plus confidérable qu'on fit vers les améliorations qui fuivirent, fut de démolir les murs qui fervoient de bornes, & de leur fubftitueur des foffés; cette tentative parut alors fi étonnante que Ie peuple appella ces foffés: ha! ha! pour exprimer Ia furprife qu'il reffentoit de fe voir arrèter fi brusquement & d'une maniere fi peu attendue. A peine eut-on pratiqué eet enchantement fi fimple, que 1'on fe mita applanir & faucher le fol, & k le rendre uni avec Ie rouleau, Le terrein extérieur & attenant au foffé dut déformais fe fondre pour ainfi dire dans le mème tableau avec le jardin, & celui-ci de fon cóté être délivré de fi pre-  fur ie nouveau goüt en fait de jardins. 5 première régularité, afin de s'accorder mieux avec la conrrée plus inculte d'alentour. Le foffé féparoit le jardin du re/te: mais afin de ne pas tracer une ligne choquante entre le beau & Pagrefte, on fit entrer les parties adjacentes dans Ie defïein de I'enfemblej & dès que la nature fut une fois admife dans le plan, on vit chaque pas fait vers 1'embelliffement, fe diftinguer par de nouveaux agréments, & infpirer de nouvelles idéés. Acette époque parut Kent, affez peintre pour fentir les attraits du payfage, affez hardi & affez confiant pour hafarder &pour commander, & né avec un génie propre a tirer un grand fyftème du crépufcule qu'offroient quelques effais informes. II franchit les bornes ordinaires & vit que toute la nature n'étoit qu'un jardin. II fentit le contrarie enchanteur des collines & des vallons qui fe fuccedent imperceptiblem'ent; il prit goüt aux beautés des élévations douces & des enfoncements infenfibles, & obferva qu'un bosquet clair femé couronne les monticules d un agrément nouveau, & qu'en laiffant entrevoir le lointain a travers les tiges de fes arbres, il étend & allonge la perfpeétive par Ia comparaifon illufoire qu'il fait faire. C'eft ainfi que I'imagination de Kent appropria tout 1'art de la peinture en payfage aux fcenes qui pafferent par fes mains. Les grands principes qu'il fuivit furent la perfpeétive, & le clair-obfcur. Des grouppes d'arbres partagerent une plaine trop fimple ou trop étendue. Des plantes & des bois toujours verte furent oppofés a Ia Iumiere trop vive d'un champ tout uni; & lorsque Ie lointain offroit un afped: moins heureux ou affez découvertpour que Ia vue put en,embraffer tout d'un coup 1'étendue, d'épais ombrages en effacerent quelques parties, afin de lui donner de Ia variété par cette interruption, ou de rendre encore plus raviffante la fcene Ia plus riche en Ia dévoilant peu k peu au fpeétateur pendant fa promenade. En choififfant ainfi quelques objets de préférence, en cachant derrière des buiffons les défautsdu tableau, & en permettant quelquefois au defert Ie plus fauvage de s'allier k Ia plus belle déqoration, Kent réalifa les idéés des plus grands payfagiiies. Lorsqu'fl manquoit d'objets pour animer 1'horizon, fon goüt en architecture lui fourniffoit un point de vue oü s'alloit ter- A 3 miner  6 Première Seïïion. Renmnjues diverfes jriiner le lointain. Ses fabriques, fes repofoirs, fes temples, furent les ouvrages de fon pinceau plutót que de fon compas. Mais de toutes les beautés dont il décora le pays ravifïant qu'il habitoit, aucune ne furpaffa fa maniere d'employer les eaux. II fit difparoitre lescanaux, les refervoirs circulaires, & les cafcades qui tombent fur des marches de marbre, dernier degré de Ia magnificence fans goüt des jardins italiens èk franqois. La hauteur forcée d'une chüte d'eau ne fut plus. Dès lors la riviere fit ferpenter fes douces ondes en liberté, & lorsqu'elle étoit interrompu par la pofition de fes rives, fon cours parut caché par d'épaiffes broffailles femées ga & la a. delfein, & montra de nouveau fon éclat a une diftance* oü 1'on pouvoit penfer qu'elle reparoifToit naturellement. Son rivage fut applani fans rien perdre de fon irrégularité naturelle. Quelques arbres parfemés couronnerent le rivage, qui fembloit en quelque facjon fuivre les finuofités de Peau; & quand celle-ci difparoiffoit entre des collines, des ombrages defcendant des hauteurs s'avancerent fur fon cours, & concoururent a former le point éloïgné & lumineux oü elle alloit fe perdre, & fe tourner vers un autre cóté de 1'horizon azuré. Kent n'employant donc que les couleurs offertes par la nature, & n'imitant que fes plus beaux traits, l'Angleterre vit naitre une nouvelle création. On dépouilla le payfage de fon afpecT: agrefte, non pour le refondre entiérement, mais pour 1'embellir. On laiffa un air libre & aifé auxformes des arbres: ils déployerent leurs rameaux fans gêne, &lorsqu'un chène élevé ou un hètre fuperbe échappé a ia mutilation, avoit furvécu a la forèt dont il faifoit autrefois partie, on en écartoit tout buiffon & toute broufïaille, & on rendoit a 1'arbre fon éclat; afin qu'il fervit a. déporer & a ombrager fon emplacement. Lorsque les feuillages réunis d'une antique forèt déployoient au loin leur voile ondoyant, & offroient leur afpecl: vénérable, Kent éclairciflbit les premiers rangs, & ne laiflbit fubfifter quelques arbres ifolés & difperfés qu'autant qu'ils étoient néceffaires pour adoucir les ténebres qui leur fuccedoient, mèlant aux ombres prolongées des autres arbres quelques rayons de lumiere qui rendoient le terrein comme tacheté. Les  fur le 'nouveau goüt en fait de jardins: f Les artiftes fuivants ajouterent de nouveaux traits de maitre k ces premières efquiffes, ou perfeftionnerent eux-mémes quelques -unes des inventions dont nous venons de parler. Les arbres & les plantes exotiques, dont l'Angleterre eft redevable k Archibald Duc d'Argile, contribuerent fur-tout alaricheffe du coloris pouffé fi loin dans les nou velles fcenes champêtres. Le mélange des différents verds, le contrafte qu'offrent dans leurs formes, nos arbres fauvages & les pins & fapins du Nord & des Indes occidentales, font plus modernes que Kent, ou ne lui étoient encore que peu connus. Le faule de Babylone, toute ronce k fleurs, tout arbre k feuilles d'un deffein délicat ou hardi, font de nouvelles- teintes introduites dans la compofition des jardins britanniques. Le dernier fiecle connoiffoit fans doute plufieurs des plantes rares que nous admirons aujourd'hui, mais il eft probable que le tilleul & le maronier d'Inde, qui s'accordoientfibien aveclarégularité aiors k la mode & qu'on'planta par-tout, furent caufe qu'on négligea plufieurs autres arbres & arbrifleaux. Quelques juftes que foient les louahges dues aux décou vertes de Kent, il n'étoit cependant ni fans fecours, ni fans défauts. Pope contribua fans doute beaucoup k lui formerlegoüt. Les deffeins du jardin conftruit k Carltonhoufe pour le Prince de Galles, étoient vifiblement empruntés du jardin de Pope k Twickenham. Le Poète montroit une moderne forcée, Iorsqu'il difoit que fon jardin étoit celui de fes ouvrages dont il étoit le plus vain. Cependant il falloit ün effort finguüer dart & dé goüt pour donner tant de diverfité & d'ornements k un piece de terre de cinq arpents. Le paffage de 1'obfcurité des grottes au jour le plus clair, les ombres qui s'éparpiüent & fe rapprochent enfuite, les fombres bosquets, le vafte gazon, & la majefté de 1'iffue vers les cyprès qui eonduifent au tombeau de fa mere, font ménagés avec le jugement le plus exquis & quoique le Lord Peterborough 1'eut aide „a former fon quinccnce & a étaler fa vigne," ee n'étoit pas !a les parties les plus agréables de fon petit tableau. II femble que le plan des jardins de Rousham, conftruits pour Ie Génêral Dormer & regardés comme Ie meilleur ouvrage de Kent, ait été faite  g Première SeUïon. Remarques diverfes faitefurlemodele du jardin de Pope; au moins 1'ombrage ouvert & fuyant du vallon de Venus en étoit-il emprunté. L'enfemble eft fi beau & ü fort dans le goüt antique, qu'on diroit que c'eft le canton le plus agréable de Daphné, choifi par 1'Empereur Julien pour y jouir d'une folitude philofophique. Si les idees de Kent furent rarement grandes, la nouveauté de fon art en eft en quelque forte caufe. II auroit été difficile de porter tout d'un coup 1'art des jardins de 1'ordonnancede quelques arpents de terrein a celle de forèts entieres. Les maffes de Kent étoient trop petites, il s'attachoit trop aux effets immédiats & ne plantoit pas pour 1'avenir. II ne defïïna point de grands bois, & fes petits grouppes, furtout ceux qui garnifToient les replis d'un ruifTeau, étoient trop répétés. U étoit tres - ordinaire de voir deux ou trois hètres, puis tout autant de mélefes, enfuite un maffif de cyprès, & enfin un mélange de toutes ces fortes d'arbres. Les derniers deffeins de Kent furent cependant d'un ftyle plus noble. La répétition de quelques idéés particulieres, lui étoit ordinaire ainfi qu'a d'auft-es peintres, & rendoient fa main reconnoiffable; par exemple: un lac étroit entre des rivages finueux, entouré d'arbres ifolés & muni d un banc au bout. Après que Kent eut banni eet art des jardins qui n'étoit que méchanique, il ne fut pas plus que d'autres réformateurs demeurer dans de juftes bornes. II avoit fuivi Ia nature, & 1'imitoit fi heureufement qu'enfin il en crut tous les objets également propres a 1'imitation. II planta des avbres morts dans le jardin de Kenfington, pour donner un plus grand air de vérité a la fcene; mais les railleries le firent bientót revenir de eet égarement. Son premier principe étoit que Ia nature a horreur des lignes droites: fes imitateurs ferhblerent croire qu'elle ne pouvoit chèrir que ce qui étoit courbe. Tant d'hommes de goüt de tous les états adopterent cependant cette nouveauté, qu'il eft étonnant de voir naitre un fi grand nombre de beautés accompagnées de fi peu d'abfurdités. Henry Englefield fut un des premiers a perfeflionner Ie nouveau ftyle; il choifit avec beaucoup de goüt les principales beautés de tous les jardins agréables, c'eft-a-dire: des perfpedives & des points de vue heu- reux.  fur le nouveau goüt en fait de jardins .-. Q reux. On fe laffe bientót de tout 1'art du deffinateur, lorsque ces dermers coups de pinceau lui manquent. Les plus belles fcènes énnuyent a force d'etre vues, lorsqu'elles font denuées de tout agrément extérieur mats un afpect riant offre un fpectacle qu'on recherche toujours dé preterence. Brown & d'autres excellents artiftes jardiniers fïrent encore quelques pas dans la carrière du nouveau goüt. Combien 1'amélioration des iarcïmsn'a-t-elle pas rendue plus riche, plus riante, plus pittoresque la face de 1 Angleterre! Depuis qu'en bannilfant les murs, on a expofé aux veux tous ces embellmements, on voyage k travers une file de tableaux enchan teurs. Et quels attraits n'étaleront pas tous ces payfages, lorsque les jar dms, qui s'augmentent journellement, auront atteint toute la perfect ion de leur beauté. v «<.uon 1 ■JJLJ Tom. IV. b 3>a  io Première Seiïion. Remarques diverfes 2. A 1'êpoque oü la maniere de le Notre fe répandit en Europe, les jardins commenqerent presque par-tout a n'ètre que des copies; Sc leur deftin vouloit qu'ils ne puffent être rien de mieux, les préjugés, le défaut de jugement & la pareffe favorifant 1'imitation: 1'uniformité Ia plus ennuyante en fut 1'effet. Aucun ouvrage de goüt n'eft fufceptible de plus de richeffe 8c de plus de variété qu'un jardin, 8c aucun cependant n'a été rendu plus mesqnin & plus uniforme par 1'illufion que caufoit I'ancienne maniere. Encore actuellement il eft difficile de comprendre, comment le goüt en fait de jardins a pu s'égarer fi fort. Rien qu'une plaine toute platte 8c infipide; rien que des allées droites, des étangs quarrés 8c des places fablonnées, ou des figures étranges tracées en bois ou en pierre; point d'autre vert que celui des charmes, des tilleuls oudes peupliers blancs, fouvent taillés par Ia main d'un art barbare en des formes ridicules qui effrayoient la nature Sc faifoient rougir le bon goüt. On oublioit entiérement la richeffe ïnfinie que pioduifent les fites, la liaifon des difféients objets, les contraftes, les points de vue; on négligeoit de joindre les élevations aux enfoncements, les bu:Jfons & les bois aux eaux naturelles; on méconnoiffoit Ia grande variété d'arbres, de broffailles, deronces, de fïeurs Si de gazons que la nature nous offre par-tout. Etalant a nos yeux la diverfité & 1'abondance de fes plantes, ellenous invita long-temps a enrichir les demeures du plaifir; de tout cócé elle attiroit dans les prés & les bois, fur les hauteurs & dans les vallons, par Ie fpectacle fans gêne de fes attraits, pour lesquels elle avoit donné a 1'homme des yeux & du fenuV ment: cependant c'eft dans ce fiecle feulement quefhomme apprit d'elle k planter un lieu de déüces que le bon goüt put approuver. Tous les efforts demeurerent vains tant qu'il oublia d'obferver la nature; ik ces jardins fuperbes & couteux, oü tout fe trouvoit excepté la nature Sc Je bon goüt, virent anéantir totalement leur renommee par le temps Sc Ia critique. Le nouveau goüt des Bretons, qui bannifibit la régularité Sc 1'uniformité, Sc appelloit les vraies beautés de Ia nature dans les jardins, fournit en  fur le nouveau goüt en fait de jardins. x, en mème temps des avantages confidérables. Un des premiers fut 1'ufage Iibre qu'on fit de toutes fortes d'arbres, d'arbriffeaux & d'autres plantes tant indigenes qu'exotiques. L'indigence propre k J'ancienne maniere fcanooife djfparut, & la richeffe & la diverfité des arbres fauvages fe montra dans les jardins. Au lieu des feuls ifs qui affligeoient 1'ceil k cóté des hetres, on vit les unes après les autres de nouvelies efpeces d'arbres & d'arbriffeaux animer Ia contrée par Ja beauté de leur jet, Ia variété de Jeurs feuillages & les attraits de Jeurs fleurs. En même temps leur culture s'augmenta avec tous fes avantages pour Ia fcience foreftiere, pour les arts méchaniques & les métiers, & pour une foule de befoins de la vie civile. ^ Ce font principalement les arbres & les arbriffeaux américains que le goüt des jardins anglois a répandus en divers pays de 1'Europe. II eft vrai que plufieurs jardins pourroient aifément s'en paffer, fur-tout fi nous apprenions k mieux mettre k profit Ia quantité d'arbres que nous avons de notre propre crü. Mais il n'eft pas moins vrai que ces plantes américaines transplantees dans nos jardins, en ont accru & Ia beauté & I'utiÜtë Non feulement ces plantes augmentent Ia variété des plantations par Ieurs tiges, Ieurs feuillages & Ieurs fleurs; eiles intéreffent encore Ie bon goüt en ce qu'elles fervent k caraétérifer d'autant mieux différentes fcênes. Car* celles-ci ne font pas uniquement formées par Ia fituation & Ja difpofition du fol, & par 1'affemblage des objets que fournit Ia nature elle-même; mais la forme & le coloris des plantes déterminent en partie leur caradere' & 1'y empreint, pour ainfi dire, plus profondément. Les arbres & les arbriffeaux d'Amérique feront toujours recommendables par leur diverfité & Ieurs beautés caratfériftiques, fans que cependant ils doivent nous engager a devenir indifférents envers nos plantes indigenes ou plus anciennes. On ne fauroit oppofer k leur culture, qu'elle entraSneroit de grands fraix, car on ne peut faire ni entretenir un jardin fans une certaine dépenfe De plus la facilité avec Iaquelle on peut les planter & les multiplier, ainfi que la rapidité de I'accroiffement de plufieurs de ces arbres & de ces arbriffeaux américains, les rendent k coup für peu couteux; & les prix aux- B 3 quels  13 Première SeUion. Remarques diverfes quels on peut les acheter dans plufieurs endroits d'AIlemagne *) font trés raifonnables. Hors 1'Angleterre, il n'eft en Europe aucun pays qui s'accorde mieux que 1'Allemagne avec Ieclimat tempéré de PAmerique feptentrionale, par exemple de la nouvelle York, de la nouvelle Jerfey 8c de la Penfilvanie; les plantes de ces Provinces ne conviennent pas moins a notre climat que nos plantes indigenes. L'expérience prouve qu'elles réuffiffent très-bien chez nous, 8c que même les plantes des régions plus chaudes d'Amérique, s'accoutument de plus en pluS a nos contrées. Et ontelles moins de droit a ètre admifes parmi nous, que celles qu'on y a transplantées des contrées méridionales de PEurope, 8c même des pays les plus éloignés de 1'Afie ? Elles ont une valeur décidée pour la conftruclion des vaiffeaux 8c d'autres ouvrages d'architecture, pour la fabrication induftrieufe de toutes fortes d'utenfiles domefliques 8c de décorations propres aux batiments, 8cpour plufieurs commodités de la vie: elles font la fource d'un commerce avantageux, & inconnu lorsque les jardins étoient compofés feulement de haies 8c d'aliées fans utiüté. On ne peut certainement pas accufer le nouveau goüt en fait de jardins d'induire a de vaines dépenfes de ce cóté. Que ne coutoient pas les fleurs feules dans les anciens jardins? Ne payoit-on pas fouvent plus de mille florins pour un feul oignon, qu'un ver détruifoit quelquefois en une nuit, ou qui ne promettoit fa beauté paffagere que pour peu d'années? Qiiel mal n'apas fait entr'autre la Tulipomanie, qui depuis 1634 a 1637 fe répandit en Hollande 8c de la parmi nous ? Au rapport de Nicolas van Kampen, on paya en Hollande 5500 **) florins pour un feul oignon de Tulipe. Et combien d'argent 1'Allemagne ne prodigue -1 - elle pas encore aux marchands fleuriftes de Haarlem. Cependant la longue durée de Parbre 8c fa beauté qui s'augmente annuellement, lui donnent une fupériorité décidée fur la pompe colorée des plus belles fleurs qui s'épanouiffent & fe fanent; *) L'Almanach des Jardins, que j'ai commencé en 1782 & que je continnerai tous les ans enfeigne entr'autres les lieux ou 1'bn vend attuellement des arbres & des plantes exotiques. , **y. Voyez le I. Tome de 1'Art des Jardins. p. 61. & comparez avec la Note p. 55.  v . fur te nouveau goüt en fait de jar dim. Jg fanent; ii n'exige pas non plus une culture auffi affidue. Et que ne coutoit pas dans les anciens jardins 1'entretien ordinaire des orangeries qui ne produifoientpresque aucun avantage, & qui s'accordoient auffi peu avec notre climat qu'avec la bourfe de leur polfeffeur. Le bon goüt ne connoit plus ces monfirueufes machines bydrauliques, dont la ftruclure & la décoration engloutiffoient tant d'argent dans 1'ancienne maniere. On épargne encore la dépenfe qu'occafionnoit labondance des fiatues & des vafes, qui pour être pitoyables n'en coutoient pas moins. On ménage la dépenfe qu'occafionnoit Ia taille éternelle des haies, des allées, des labyrinthes, des cabinets, des théatres, & de tous ces monftres de 1'ancienne maniere franqoife & hollandoife. Les arbres & les buiffons que plante le nouveau goüt, fe confervent presque d'eux-mèmes, parce^ qu'abandonnés k Ia bonne nature ils croiffent gaiement & en liberté. L'emplacement des anciens jardins étoit I Ia vérité ordinairement plus petitque celui qu'exigent les nouvelles plantations; mais ceüx-la ne vaIoient pas mieux que des bruyeres ou des bancs de fable, tandis que les* efpaces verds & cultivés de ceux-ci deviennent en même temps utiles. Les arbres & les arbriffeaux épargnés par la violence tyrannique des cizeaux Iivrent avec plus d'abondance des böutures & des rejettons propres a Ia vente & a la multiplication de 1'efpece. Les plaines ne font plus des deferts vuides & fablonneux; elles font femées de toutes fortes d'herbes utiles. Les gazons fervent non feulement h tapiffer agréablement le terrein, mais encore a fournir des paturages ou du foin. Dans de vaftes parcs, on ne gate ni les champs ni les prairies. Une piece de grain oftre une décoration riante que 1'on marie avec le refte du tableau. Les bois ne perdent rien de leur utilité, quoiqu'un goüt fain les change en Iieux de déüces 5 ils y gagnent au contraire vu le furcroit de foins qu'on leur accorde. Des emplacements nuds & incultes qui choquoient 1'ceil, fe couvrem de plantes & deviennent utiles. Combien de plantations avantageufes 1'Angleterre n'a-t-elle pas gagnées I 1'embelliffement des Parcs? Et eet ^ 3 amour  I 4 Pmniere Se&ion. Remarques diverfes amour pour les pépinieres s'eft déja repandu avec le nouveau goüt en AIlemagne mème, furtout dans le pays d'Hannovre; il ne fe borne pas k 1'enceinte des jardins, mais s'étend jusqu'a d'autres parties des biens de campagne. La connoilfance utile des arbres & des arbriffeaux eft auffi devenue moins rare parmi des claffes d'hommes oü le préjugé ofoit cidevant la faire rnéprifer. Mais, dit-on, que ne coütent pas tant de belles fabriques dans les Parcs modernes ? Quelques queftions faites k notre tour vont fervir de réponfe k cette demande, ou plutót k cette objeétion: Que ne coutoient pas vos grottes avec tous ieurs coquillages & Ieurs autres ornements? Ne fe trouve-t-il pas plufieurs propriétaires de ces grottes réprouvées par Ie bon goüt, qui n'ofent en avouer les frais; frais qui fouvent auroient fuffi h conftruire une maifon de campagne d'un ftyle noble ou trois beaux temples? Exige-t - on qu'un pare renferme toutes les efpeces de fabriques dont on doit parler dans une Theorie? Oü recommande-t-on plus I'économie en fait d'ouvrages d'archite&ure que dans le nouveau ftyle? Unefimple chaumiere, une pauvre cabane de pêcheur, n'y fuffufent-elles pas fou;ivent pour réveiller 1'idée de beauté & de convenance, tandis que 1'ancienne & pompeufe maniere élevoit des pavillons aufli couteux que défectueux? Et qui pécha jamais plus du cóté de la prodigalité que cette même maniere qui plaqoit toujours un pavillon, une grotte vis-a- vis de 1'autre, afin de fatisfaire la fauffe idéé d'imiter 1'uniformité réguliere de 1'architeclure des villes? Enfin la violenee qu'on 'employoit pour défigurer Ia nature étoit en mème tems une profulion inutile. Qiie de collines & de montagnes n'applanit-on pas a grands frais pour changer en plaine 1'emplacement total d'un jardin? Et après avoir ainfi transformé tout en plaine, que de peines & de dépenfes ne falloit-il pas pour donner aux eaux devenues croupiffantes, un cours forcé? Tout effort fait pour oppofer k elle - même la nature, dont on peut imiter les modeles avec autant de facilité que d'avantage pour la décoration, eft une extravagance que Ia perte des frais punit d'abordj des fuccès malheüreux & le mépris augmentent encore cette punition. On  fur le nouveau goüt en fait de jardins. , 5 On feroit frappé cPetonnement fi, comme on I'a découvert pour quelques jardins, on apprenoit toujours les fommes immenfes qu'ont coüté des mutilations femblablesj une petite partie de ces fommes auroit fuffi pour connrUIre un jardin du goüt le plus noble. Mais ce fut la deltinée de I'homme de defigurer a force d'argent: il mutila les arbres, il mutila les chevaux jusqu'a ce quad ne lui refla plus a mutiler que lui -méme. Quelques confide'rables que foient les améliorations faites en Angleterre a Part des jardins, ce feroit cependant un étrange aveuglement .que de regarder eet art comme parvenu è la perfedion. Un examen impartial nous fait bientot connoitre les diverfes errcurs auxquelles nombre dvWlois sabandonnent dans Ieurs jardins, & qu'on a rélevées dans quelques endroits de eet ouvrage. Un des défauts les plus confidérables & les mo'ns reconnus de Ia maniere britannique, c'eft d'être en quelque facon trop limitee encore. Jusqu'a préfent elle s'e/t principalement bornée au genre agréa-  x§ Première SeBion. Eemarques diverfes agréable, 8c ne s'étend pas fur toutes les autres efpeces fi variées de jardins qu'on peut ordonner d'après la différence des fites & le caraclere propre au canton', d'après les diverfes faifons de 1'année, 1'état & les befoins du propriétaire, 8c quantité d*autres circonftances particulieres. Cette efpece de difette fe montre non feulement dans larépétition continuelle des tours, kioskes, obélifques, pyramides, colonnes, temples 8c ponts chinois &c., mals encore dans la maniere mème de planter. Rien n'eft plus ordinaire que, tantót de continuer le long d'un tapis verd ou au bord d'un ruiffeau des grouppes compofés d'un mème nombre d'arbres de la même efpece, tantót d'ordonner to'ijours de mème les plantations qui ornent ies cóïés des promenades, plaqant les arbres fur le derrière, droït devant eux les arbriffeaux, 8c devant ceux-ci 8c tout au bord les fleurs moins élevées,' & enfin de parfemer d'arbres ifolés ces grouppes qui reviennent fans ceffe. Toute uniformité dans les jardins eft dangereufe des qu'elle devient trop ordinaire, parcequ'elle ramene droit a 1'ancien ftyle. II eft également certain que cette uniformité ne fauroit ètre nulle part plus vifible que dans ies imitations franqoifes 8c allemandes de la maniere angloife. Car l'on fuivit fi fervilement le mème efprit d'arrangement avec les mêmes matériSux, que l'on en perdit de vue la nature de 1'emplacement 8c peut - ètre le génie même de 1'ordonnateur. Et cette mème exaclitude 8 'imiidtion dut ètre caufe que l'on n'atteignit pas a plufieurs beautés de Poriginal, beautés que lui avoient imprimées 8c la nature mème du terrein 8c 1'imagination finguliere del'artifte, tandis que fes fautes n'étantpas compenfées par de nouveaux efforts de génie, n'en devinrent que plus remarquables. Mais l'imitation ne s'égara jamais plus ridiculement que lorsque l'on fe mit, tantót a réunir les jardins anglois aux anciens jardins franqois, tantót h les reftreindre dans un trop petit diftricl, 8c a entaffer dans une efpace de quelques centaines de pas des objets propres aux parcs les plus étendus, ce qui rendoit le tout femblable a un jeu de marionnettes. On ne voit que trop d'exemples de cette puérilité. Malgré toutes les dépenfes on rfapperqevo.it rien que de mefquin. En d'autres lieux un goüt mal entendu pour  fur le nouveau gout en fait de jardins. , ? pour Ie naturel, entraina vers Ia rufficité, & fouvent tout Ie jardin n'éto, autre chofe qu'une allee ondoyante autour d'une prairie; ou lorsquon vouloitrendrel'ordonnanceplus riche, c'étoit un bofquet attenant a un chemin avec un ruifTelet tortillé comme un ferpent, au bout un pon etanois tres-muule, & Fuis encore un petit temple, une urne, un neti gazon avec un agneau qui trouvoit è peine de quoi fe ralfaffier pendant deux jours un fentier tortueux devant la maifon, & k I'entrée unhermïtage. 1 els font en plufieurs endroits les jardins anglois, que nous offre une maferable fureur d'imiter privée de goüt & d'invemion'1 St q on trouva fuperflu de penfer foi-méme, il fallut néceffairement q' limitation aveugle introduifit Ia difconvenance, la confufion & Ia monotonie. ia Lorsqu'on étoit dans le cas de faire des parcs d'une plus grande étendue & dy „ettre une certaine dépenfe, on faifoit venir L jafdiniersZg o» non feulement en Franee, mais auffi en Allemagne. Rien rfeCi. plus nature que de leur voir répéter fur un fol genJn, les idéés ™,ent foiviesou vuexécuter dans ieur patrie. Nous eumes des eopies &po,n,dong,naux. Etoit-il donc plus louable de fuivre 1= eapriceXn jardimeretranger, fouvent peu doué d'invention, &qui, chaque fois Z comptoit fon gain, fe rioi, de ia bonaffetopiditédesVliema^s, que de confu ter un connoilfeur du pays, 0u plu.6, de faire foi-méme fo„ p,an en fe donnant ia peine de réfléchir. „il ei! généralement vrai» remarquê . es-b,en Walpole, „q„e le propriétaire, pour peu qu'il ai. degoüt, 2 ,Je meilleurordonnateur de fon jardin. II envoi. Ie fite a tous les inrtan „de 1 annee & du jour. II fait en quoi la beauté sy peut accorder avee Ia „commodite & dans fes promenades foiitaires k pied ou i cheval, il re„marqué mille chofes que ne fauroit appereevoir un homme qui projette „en peu de jours un joli tableau, mais qui n'a le temps d'obferver ni les „parties en particulier, ni leur liaifon mutuelle." Nombre de propriétaires ne font point dénués de connoiffances & de gout; ils ont fait proviiïon de remarqqes fur les jardins pendant leur. V°r«/^ reuffir0ien' S'ik y «noien< propriétés & de, ^ befoins  Ig Première SeÏÏion. Remarques diverfes befoins de leur terrein. Mais ils oublient ces points, qui font les principaux dès qu'il s'agit d'un jardin; & la facilité d'imiter leur fait négiiger la rëflexion. Ils fe font un devoir de répéter fur leur fol ce qufis ont vu ailleurs, & chaque copie leur femble achever la gloire de leur goüt, pourvu qu'elle prouve qu'ils ont été en Angleterre. Soit par défiance de Ieurs propres forces, foït par pareffe, ou par prêjugé, d'autres propriétaires abandonnent entiérement Ieurs jardins auxconfeils de leur jardinier & au hafard. II eft affés étrange qu'on exige degens, qui le plus fouvent font fans aucune culture, fans aucunes connoiffances, & qui n'ont appris qu'a femer&ataÜler des arbres: il eft allés étrange, dis je, qu'on exige d'eux, un art qui eft une opérationficompliquéedu génie, & qui, outre tant d'autres connoiffances indifpenfables, fuppofe non feulement du goüt & du fentiment pour toutes les beautés de la nature, mais encore un jugement éclairé, une imagination riante & un talent créateur capable de choifir toujours parmi une quantité d'images & d'idées, les images & les idéés convenables au caradere de chaque emplacement, & propres a lui faire produire 1'effet le plus heureux. On veut qu'un garcon jardinier ordinaire exécute ce qui, mème pour des, hommes du monde & des philofophes, eft 1'ouvrage de Mprit & d'un fentiment délicat, ce qui demande tant de peine avant de pouvoir percer le voile des préjugés & parvenir a la lumiere primitive des bons principes. Ce journalier peut - il faire autre chofe qu'imiter pour fetirer de ce pas? Souvent un pareil jardinier pour avoir voyagé n'en eft que plus gaté. II n'a fait que voir fans obferver; qu'apprendre fans réfléchir. II rapportera foigneufement dans fon pays les fantaifies les plus extraordinaires & y transplantera tous les monftres du goüt étranger. Et lorsqifil fe rencontre enfin un habile artifte, il lui arrivé fouvent que le goüt fingulier, les préjugés, 1'entétement du propriétaire, lui oppofent des difficultés qui étouffent dès leur naiffance fes plus beaux projets. Bien des gens penfent que la poffeffion leur donne le droit d'être connoiffeurs: presque tout le monde chérit fon jardin ainfi que fes idéés, & mé- prife  fur !e nouveau gout en fait de jardint. t ^ prife celui d'un autre a mëfure que Ia réputation des avantages de ce dernier fe répand. *• Vu toutes ces ch-conftances fi peu favorables aux progrès de 1'art des jardins, il n'eft d'abqrd d'autre reffource que de I'arracher a I'imitation, & de le rendre Pobjet d'une étude fuivie. Pourque eet art puiffe développer toute fon étendue, toute fa beauté, pourqu'il puiffe dëployer entiérement Ia riche variété de Ia nature & de 1'induftrie qui lui manque encore, ii fauf qu'il devienne 1'occupation de gens accoutumés k réfléchir. On a deja remarqué que 1'art des jardins, ainfi & plus même que Ia nature fon inflitutrice, doit réveiller toutes fortes de fentiments & s'élever par ce privilege des beaux arts, au rang de Ia peinture & de la mufique. Que ceci eft important, mais que c'eft difficile! L/Art des Jardins doit travailler non feulement pour 1'ceil & pour 1'imagination, mais auffi pour le fentiment, ce qui eft un art bien plus grand encore; en faqonnant & en ordonnant les fcènes champètres, il faut qu'il produife une fuite d'émotions C a variées  ao Première Seiïion. Remarques diverfes variêes 8c intéreffantes qui fe réhauffent mutuellemenr. Celui qui ne penfe qu'a flatter 1'ceil fans faire jouir le cceur, eft auffi peu un artifte jardinier, que celui qui ne flatte que I'ouïe fans exprimer les paffions ou les exciter dans les autres, n'eft un muficien. Mais auffi que de talents 8c de Iumieres cela n'exige-t-il pas? Quelle connoiffance, non des plantes feulement, mais encore de la peinture en payfage & de 1'architeclurej que de tact, dégout, d'obfervation; que de jugement 8c d'imagination; quel ceil fenfible 8c penetrant! „Si dans la peinture," dit un bon connoiffeur, *) „fi dans la peinture, oü la difpofition „de tous les objets dépend de la feule imagination du peintre, oü fon tableau n'eft afiujetti qu'a un feul point de vue, oü i'artifte eft le maitre des „phénomenes du ciel, des effets de la lumiere, du choix des couleurs 8c de „l'emploi des accidents les plus heureux, la belle ordonnance d'un payfage „eft néanmoins une chofe fi rare 8c fi difficile; comment pourroit-on fe „figurer que dans 1'ordonnance d'un vafte tableau furie terrein, oü le com„pofiteur, avec les mêmes difficultés pour 1'invention, rencontre a chaque „inftant dans 1'éxécution, une foule d'obltacles qu'il ne peut vaincre qu'a „force de reffources, d'imagination 8c d'expérience, 8c par une afiiduité „8c un travail foutenu; comment pourroit-on, dis-je, fe figurer qu'une „pareille compofition puiffe être dictee par la fantaifie, abandonnée au hazard ou k un jardinier, 8c conduite fans principes, fans réflexions, fans „plan 8c fans deffeins ?" On me permettra de rapporter encore un jugement porté fur le même objet par un autre connoiffeur célebre, qui s'étoit établi dans la patrie du bel art des jardins. „Partout," dit Chambers, **) „oü^des fentiers tortueux, des arbrif„feaux répandus ca 8c la, 8c un mélange fans fin de tapis verds, de pet'its „bofquets 8c de boccages, s'appellent art des jardins, peu importe le jardi„nier, le plus médiocre faura exécuter le peu qu'il faut faire, 8c le „meilleur *) Le Marquis de Gerardin dans 1'ou- **) A la fin de fa Dilfertation on vrage intitulé: De la Compofition des oriental Gardening. Payfages &c. Pages 3 & 4.  fur te nouveau goiit en fait de jardins. 9 , „meilleur n'y pourroit rien de plus que celui - ci. Mais Ia oü s'eft introduite „une meilleure maniere, oü les jardins font naturels fans reffembler a Ia „nature ordinaire, neufs fans ètre gênés, & extraordinaires fans extrava„gance; ou Pattention du fpeclateur eft continuellement tenue en haleine „ou fa cunofite eft piquee, & fon efprit occupé par une grande diverfité dé „fenfations; la il faut que les jardiniers foient des gens de génie, d'expé„nence & de jugement; il faut qu'ils foient prompts k fentir, riches en' „moyens, fertilesen inventions, & qu'ils connoifient a fond tous les mou„vements du cceur humain." II ne devroit donc ètre permis qu'a des gens pleins de goüt & de pénetration, ou a des jardiniers doués de ces deux qualitës, d'ordonner des jardins d'une certaine étendue ou d'une certaine importance. Mais alors il faudroit auffi que ces jardiniers euffent une autre éducation quecelle qu'ils ont eue jusqu'a prefent, & qu'ils ne fuffent plus ravalés jufqu'a Ia claffe des manoeuvres ou des joumaüers ordinaires, oü s'étouffe jufqu'a la derniere etmcelle du gout & du noble fentiment de foi-même. Le nom de jardinier eft encore aujourd'hui presque méprifable dans plufieurs endroits, parcequil defigne ordinairement des gens de baffe extradion &delumieres encore plus bornées, qui ne favent qu'arrofer & émonder, &qui privés de genie & de 1 efpm d'obfervation, tebourent machinalement la terre II eft fans doute vrai qu'entre vingt il s'en trouve k peine un qui connoiife bien la botanique, & entre quarante k peine un qui ait Ie goüt bon. Mais choififlez des jeunes gens de talent, doués d'intelligence & de fenfibilitë; neles choififfezpas toujoun dansles états les plus bas mais quelquefois dans les etats plus releves de Ia fociété; donnez leur une éducation plus convenablealeur defbnation future; k 1'aided'une bonne compagnie infpirezleur 1 amour de mceursplus délicates & le fentiment de Ia décence, qui font auffi importantea Part qu'a Partifte; formez les de bonne heure aux langues, & a Ia oonnoiffance aes beaux-arts & des chefs d'ceuvre du bon goüt; rendez les habiles dans la botanique k force d'étude & d'obfervation., & familianfez les avec les premiers principes de Ia peinture, de Ia perfpeétive & dela belle arcmtecture; accoutumez les k obferver affidüment toutes les déco- ^ 3 rations  a a Prent. Seft. Remarques diverfesfur le nouveau gout en fait de jardins. rations & toutes les variétés de la nature dans les payfages les plus riches & les plus énergiques, & enfeignez leur en mème temps a en remarquer l-impreffion fur le cceur humain, & a fuivre la marche des paffions; enfin foyezjufteenversles talents, les connoiffances, l'expérience, le genie inventif&envers cette noble atfivité qui embelliffent la nature pour votre plaifir, récompenfez 1'artifte & honorez Tart. „Car," dit Sulzer dont Ie jugement eft décifif ici, „1'art des jardins exige autant de talents, & peutêtre plus de connoiffances acquifes qu'aucun autre des beaux - arts." Si, en fuivant cette route, vous ne formez point de bons artiftes jardiniers, renoncez a 1'efpërance d'en trouver jamais. Ce qui ne contribueroit pas peu a 1'ennobliffement de 1'art des jardins, ce feroit que les Princes établiffent une école particuliere pour eet art, ou qu'il plüt aux académies des beaux - arts,* de lui accorder du moins une place dans leur fanduaire. Alors des gens de génie & de réputation fe trouveroient engagés a travailler a fa perfeftion, &to.utesles mufes, toutes les graces fe feroient un plaifir de veiller a 1'éducatfon de leur aimable nourriffon & de 1'omer de Ieurs guirlandes. Et eet art mérite -1 - il moins que les autres d'ètre admis dans leur temple? Ne leur eft-il pas allié de prés? Ne met-ü pas en adivité une foule de talents, & ne produit-il pas une multitude d'effets? Ne s'occupe-t-il pas peut-ètre plus qu'aucun autre, du plaifir des Princes & de 1'embelliffement de la terre? SECONDE  33 SECONDE SECTION. Dêtermïnation de fidée qu'on doit fe faire d'un Jardin. i. j es recherches faires jufqu'a prefent fur quantité d'objets du relTort des -Li jardins, ont préparé a I'idée qu'on doit s'en faire, & cette idéé eft adtuellement plus facile k déterminer qu'elle ne 1'auroit été dès le commencement de eet ouvrage. Mais par oü cominencer ? On ne trouve presque ni dans Ia vïe civile, ni dans les écrivains aucune idéé auffi peu déterminée, auffi peu fixée que celle de jardin. Les préjugés, Ia diverfité des goüts parmi Ia plüpart des hommes, & les variations qu'a effayées 1'art des jardins même, ont contribué plus ou moins k rendre cette idee incertaine. On changeoit & leur modele imaginaire & leur dénomination, fuivant que l'on trouvoit ou ne trouvoit pas dans les jardins les objets & les arrangements que l'on ne s'attendoit pas ou que l'on s'attendoit k y rencontrer d'après I'idée que l'on s'en faifoir. Au commencement, & dès que les families & Ieurs chefs s'étabiirent dans un canton pour le cultiver, un jardin n'étoit fans doute autre chofe que Ie réceptacle des plantes & des arbres utiles, placés autour de 1'habitat'ronpour neplus ètre obligéde les aller chercherpéniblement dans les bois & fur les montagnes. On avoit befoin d'eau & d'ombrage; pour peu que' i'emplacement le permit, on fe procproit des fleurs champêtres pour recréer I'eeil déja accoutumé a prendre plaifir aux fleurs des arbres fruitiers &des ronces fauvages j on étoit attentif k difpofer le terrein d'une maniere commode, k 1'entretenir propre, 6k a fe procurer des promenades. Infenfiblement on vit nakre un jardin de plaifance k cóté d'un jardin potager. Le caraclere de ce dernier étoit 1'utilité, celui de I'autre, Ia fimplicite; & la chofe demeura telle pendant des fieeles. Les anciens princes a\'oient du bon fruit & du bon raifin, quand ils étoient bien magnifiques; mais Ia partie de Ieurs jardins deftinée au plaifir, n'étoit pas mieux que celle de nos fermieFS les plus commuus d'aujourd'hui. Homere préte k Alcinoüs un jardin  3jj Seconde Seïïion. Dêtermïnation jardin magnifique fuivant les idees du temps, & convenable a un palais orné de colonnes d'argent & environné de murs d'airain. Mais qu'étoit ce jardin, abftraclion faite du mérite que lui donne la defcription du Poë'te, & i harmonie de fa langue? Un efpace de quatre arpents de terre, contenant un affemblage d'arbres fruitiers, un potager, & deux fources, le tout environné d'une haie vive. Cependant avec quelles louanges démefurées ce jardin n'a-t-il pas été próné comme une merveiile par quelques admirateurs du fiecle d'Homere, & mème par quelques favants plus verfés dans Ie langage des poê'tes que dans les connoiffances du reffort des jardins. L'indigence & la fimplicité des lieux auxquels on voudroit pouvoir accorder le nom de jardins de plaifance, durerent fans doute depuis Homere jufqu'aux derniers temps des Romains; alors une pompe dénuée de goüt, & qui avoit tout hormis 1'air fleuri & champêtre, en prit la place. II m'eft d'autant plus agréable de pouvoir citer ici le jugement porté fur les jardins dePIine, parun nouveau critique anglois, Monfieur Walpole, *) que ce jugement eft presqu'entiérement femblablea celui que j'oppofai, il y a quelques années aux admkateurs aveugles des jardins Romains;**) reffemblance qui ne peut avoir été caufée que par un amour impartial de Ia vérité & non par une lefture réciproque. „Quelles étoient," dit-il, „les beautés „principaies des jardins de Pline aTufcum? Précifément les mèmes que „celles qui s'attiroient, il y a environ fbixante ans, 1'étonnement de notre „pays; des buis taillés en monftres, en animaux, en Iettres &ennoms „propres, foit du propriétaire, foit de 1'artifte. Dans un fiecle dans Iequel „1'architeclure pleinede fimplicité &de goüt, brilloit de tout fon éclat, dans „Iequel s'élévoient 1'amphithéatre de Vefpafien & lé temple de la paix, Ia „place de Trajan, les bains de Domitien & le chateau d'Hadrien, dont les „ruines font encore Pobjet de notre admiration & de notre curiofité, on „vit un ami trés - éclairéde 1'Empereur, un homme de littërature & de goüt, „fe complaire a ce que le peuple admire a peine dans un jardin de college. „Toute 1'ordonnance de ce jardin de Pline s'accordoitexaétefnent avec celle „des jardins conftruits parLondon &Wife d'après les principes hollandois. „Le *) Voyèz i'ouvrage déja cité: Hifto- **) -Voyez Ie I. Tome de eet ouvrage, ry of modern Talie in Gardening. p. 24 - 29 & 136.  deP.idêe qu'on doit fe faire d'un jardin. 3 5 „Le Romain parle de plateformes en talus, de terrafles, d'arbriffeaux mé„todiquement ajuftés, de baffins dans lesquels lomboient une cafcade, de „tuyaux qui lanqoient de 1'eau, de lauriers 8c d'érables plantés alternative*,ment, d'allées droites d'oü fortoient d'autres allées faites de,haies de buis „8c de pommiers entre- mèlés d'obéhfques. Ii ne manque plus que la broderie d'une platte - bande bariolée, pour pouvoir appliquer cette defcription „du temps de Trajan a un jardin du temps du Roi Guillaume." Ainfi changea I'idée de jardin dans les jours oü 1'amour de Ia pompe régnoit k Rome. Ce n'étoient plus les vergers & Jes vignes des Princes d'Homere; 1'art & la décoration commencoient déja, non k circonfcrine feulement 1'utilité, mais encore k expulfer Ia nature mème. Cette idee ne fe perdit pas entiérement dans le moyen age. Les jardins, qui, fans doute, demandoient une efpece de clóture ou de féparation, furent bientót orgueilleufement entourés demurailles, 8c privés par Ik de toute liaifon avec la belle nature: on leur donna une figure quarrée & une diftribution fymmétrique; on les plantade haies droites & de hautes allées, & un parten-e de fleurs, & dans la fuife quelques ouvrages de Part-en firent toute Ia décoration. La nobleffe étoit fiere de pofféder un pareil cachot ou dominoit une contrainte fuffocante, & oü Pair frais nepouvoit s'introduirej on ignoroit qu'un jardin put ètre autre chofe qu'un lieuoü la foütude la' plus morte étoit accompagnée de 1'uniformité Ia plus infipide. Lorsque Ie Notre traga en France au compas fes jardins exaclement fymmétriques, 8c les furchargea d'ornements pompeux 8c fuperflus, I'idée qu'on fe faifoit d'un jardin, changea, & cette nouvelle fagon de les envifager fe répandit dans toute PEurope avec le nouveau ftyle. Les haies droites 8c les allées au cordeau demeurerent, mais on les afiujettoit tellement auxcifeaux que Ieurs contours durs 8c roides, vus en Pair, devinrent infupportables k des yeux délicats. On négligea Paimable rufticité des formes que la nature donne aux arbres, on voulut faire tout mieux qu'elle, on pré* tendit mème corriger Parrondiffement fier du maronnier, Ie contour impofant du tilleul 8c la couronne fuperbe de Poranger. On ne fe contenta pas de défigurer quelques arbres Holés en leur donnant des formes ridicules, on Ton, IK D pIia  26 Seconde SeUion. Dêtermïnation plia encore les bofquets verdoyants a une architecfure pitoyable. Les canaux, les jets d'eaux revétus de marbre, les vafes, les ftatues, les treillages & les baluftrades remplacerent les attraits fleuris de la nature. Une vaine pompe privée de naturel, une opulence fans goüt, s'annonqoient par - tout dans ces lieux, qu'on regardoit comme les feuls vrais jardins; tout ce qui étoit ordonné ou projetté autrement, ne méritoit pas ce nom. Le Francois, qui coniidéroit Verfailles comme le modeie des beautés propres aux jardins, auroit a peine pu fe figurer le paradis fans allées fuperbes, fans machines hydrauliques, & fans ftatues: il ne fépara plus I'idée de fymmétrie & de raffinement outré de celle de jardin; & la moitié de 1'Europe s'égara fur fes traces. Cette erreur dura jufqu'a I'introdu&ion du goüt des jardins anglois; alors I'idée attachée jufqu'ici au mot de jardin, changea. Cependant comme celle que la maniere francoife avoit introduite, étoit devenue presque générale, il parut néceffaire de défigner plus précifément le nouveau goüt, en adoptant le nom de jardin anglois. Peu de temps après, & lorsque ce nouveau ftyle fe répandit, on fe mit non feulement a diftinguer les jardins des parcs, mais mème a les oppofer les uns aux autres: & néanmoins du temps de Ia maniere fymmétrique, un pare étoit tout autre qu'il ne fut en Angleterre & dans les écrivains de cette nation, après Pintrodu&ion du nouveau goüt. Anciennement un pare n'étoit autre chofe qu'un vafte enclos, entouré d'une haute muraille, partagé en grandes parties fymmetriques, planté d'allées droites fe réuniflant au mème centre, ou formant une étoile, & muni de quelques étangs & de quelques canaux creufés ca & la. Un lieu pareil offre, il eft vrai, de riches ombrages pendant la chaleur, mais il offre auffi une obfeurité trop grande, & qui n'eft égayée par aucun afpeél: dans Ie payfage, par aucune fcène intérieure & riante: I'humidité du fol, les exhalaifons des eaux croupiffantes, la fouled'infeftes, & la trifte folitude qui régnoient dans ces lieux, étoient a charge au promeneur, &Ierempliffoient de mélancolie. Ces parcs, qui abforboient en pure perte une fi vafte étendue de terrein, portoient entiérement le caraclere de ces temps oü  de f idee qu'on doit fe faire d'un jardin. a ? oü 1'orgueil fe complaifoit dans Ia poffeffion de la puiffance & de Ia richeffe, & banniflbit tous les plaifirs attachés k Ia focieté; oü les habitans des chateaux trouvoient néceffaire de fe cacher derrière des murs & des tours a caufe des violences qu'ils exerqoient & qu'ils craignoient; oü lagroffiereté des moeurs étouffoit Ie goüt des beautés riantes de la nature; & oü les chaffes qu'on faifoit dans ces valles enclos, étoient presque Ie feuUmufement de la Nobleffe. Lorsque l'on planta les nouveauxparcs en Angleterre, Ia chofe & Ie nom s'ennoblirent. On vit des tableaux en payfage d'un flyfe pur & embellis par "art; on vitun affemblage de décorations pour Iesquellesonavoit emprunté tout ce que Ia nature & 1'art ont de grand, de rfche & de fieuri Ce fut cependant fans raifon qu'on oppofa les parcs aux jardins. Car Ie peu d'étendue & la fymmétrie, que l'on vouloit attribuer k ceux~ci comme caraclere diftinctif, ne font nullement propres a leur origine & bien moins encore k leur nature & k leur deffination; 1'effronté préjugé feul leur avoit impofé ce caraélere. L'air champêtre, aifé, noble convient k tant d'efpeces de jardins, qu'on ne fauroit rertreindre ces qualités aux feuls jardins compris ordinairement fous Ie nom de parcs. Si, contre toute attente, 1'extravagante & puérile manie d'imiter les jardins chinois continuoit k fe répandre, I'idée que l'on doit fe faire d'un jardin, & qui pourroit atelkment devenir très-claire, fera de nouveau offusquée par les nuages de cette fantaifie desordonnée. On ne fauroit presqueplus faire de jardin fans temples chinois ornés de tortillages ridicules fans ponts tortueux, fans pagodes dorées ou vernies accompagnées de clochettes, fans rochers au milieu d'une plaine, enfinfans babioles fantaffiques qui étouffentla nature & Ie goüt. Le nom même de jardins chino - anglois & anglo-chinois eft journellement fur la langue desFrancois, & rétentit dans les ouvrages de cette nation: il fait moins de bruitchez les Anglois, quipréferent d'êtrelesinventeurs de la nouvelle maniere, &quiméritentcethonneur Oeft ainfi que Ie befoin, Ia mode, les préjugés, I'abus, & mème les révolutions opérées parle goüt dans 1'art des jardins, en firent varier conftamraent I'idée dans des pays & des temps différents. Ce qu'un fiecle nommoit ^ 3 jardin  2§ - Seconde Seïïion. Détermmation jardin n'en étoit plus un dans un autre fiecle, ou du moins ce jardin s'étoit revêtu de quelques traits qui ne laiffoientplus.fubfifteï' qu'une reffemblance éloignée avec le tableau précédent. 3. Dans les derniers temps on diftingua très-bien les jardins deftinés a 1'utiiitépardesnoms particuliers tirés des plantes & des fruits qu'on ycultive. Les noms de potager, de jardin botanique gcfruitier, deverger, de vignoble, en défignent d'abord les diverfes fortes, & ne laiffent aucun doute fur la deftination principale de chacun. On fépara de tous ces jardins qui s'occupent de 1'utile, le jardin de plaifance qui n'eft confacré qu'a 1'agrément. On fuppofa, & l'on a eonfervé cette opinion dans tous les temps, qu'un jardin de plaifance ne pouvoit êtré deftiné qu'a reveillerdes émotions agréables, quelques différents et quelques peu convenables quefuffent les moyens employés a cette deftination. Un jardin eft fufceptible de toutes les émotions que produit la nature par fa grandeur & par fa variété, *) par fa beauté, **) par fon agrément & Ion *) Voyez I. Vol. p. 186 & füivantes. **) p. 190 & fuivantes.  de l'idee qu'on doit fe faire dun■jardin. . 39 fon amênité, *> par fa nouveauté, **> par fes contraftes. ***) Comme Ia nature, il peut, fuivant les différents cara&eres 8c les énergies variées des cantons, cauferal'ame un fentiment de complaifance, de plaifir, devolupté, dedouce méiancolie, d'admiration, d'étonnement, de refped, 8c même lui faire éprouver une élevarion majeftueufe; f) 8c non feulement il peut renforcer ces fentiments en appellant, mais avec difcretion, 1'art a fon fecours; il peut encore leur donner de Penfemble 8c de la liaifon. ff) Quelquefois Ia nature nous offre des tableaux achevés de fa main, 8c qui n'ont aucun befoindupinceau imifateurde 1'art. Elle a des cantons dont fa configuration elf empreinte d'un cara&ere fi détermké 8c fi fortement marqué, qu'ils font capables de produirele plus haut degré des fentiments dont nous venons -de parler. II elf donc des jardins naturels. On les rencontre dans les payfages les plus riches 8c les plus beaux de Ia Suiffe, de Htelie 8c de 1'Angleterre; 1'Allemagne ne nous en offre pas moins. Ils font plus multipliés dans les pays oü Ie regne végétal, favorifé par 1'extrème douceur du climat, foifonne avec luxe, & oü un printemps presq.ue éternel pare les collines 8des vallées d'un tapis émaillé defieu?s quipouffent d'ellesmèmes. Ces jardins naturels ne font pas feulement du genre romanesque & du genre folemnel, genres que la nature eft presque feuleen état de produire, mais encore du genre agréable. En quaiits d'un des beaux - arts, Part des jardins ne peut guere s'occuper qu'a réhaèffes Ie caraftere naturel des cantons, afin d'èn rendre les effets plus aflurés 8c plus piquants. II s'acquittede cette tache en faqonnant ie fol 8c le fite, en plantant,. cultivant & décsrant, 8c en fe laiffant guider par I'obfervation de la nature,- par la botanique, par le goüt 8c par le jugement. L'art apprend de la nature k devenir fon aide. Ces remarques qui, avec un peu de réflexion, fe préfentent comme d'elles-mêmes, nous menent a I'idée que Pon doit fe faire d'un jardin. C'eft un canton que l'art fff) a perfeétionné pour en renforcer Peffet naturel, 8c ce ne fauroit ètre aufte chofe. D j Ainfi *) Voyez LVol.p. rgg&fijivantes.- t) p. 214-261. & Vol.TI. p. 5-158"**) p.203 &fuivant«s. -ff) Voyez I.Vol. p. 178-580. ***) p. 2o6 & iuryantes, %ff) Voyez Je I. Vol. p. 167.178- 18c.  3 o Seconde Seiï. Dêtermïnation de Pidêe qu'on doit fe faire dktn jardin. Ainfi nous pourrons diftinguer autantdefortes de jardins fimples qu'il ya de cantons caractérifés, ou de cantons auxquels on peut donner un caraclere déterminé en les fagonnant. Tout ce qui contribue a mieux déterminer ou a renforcer Feffet naturel d'un canton, eft du reffort de l'art des jardins; mais tout ce qui détruit, affoiblit, trouble ceteffet, tout ce qui le rend incertain, en eft banni. Et ceci conftitue auffi Ia différence qui fe trouve entre un jardin & un C3nton purement naturel. Comme la nature en formant fes payfages fe propofe unefoule de buts plus fublimes, elle ne peut pas toujours fe borner uniquement a déterminer exactement & foigneufement les divers caracleres des cantons; de la réfulte quelquefois une efpece de rufticité & de mélange, qui a la vérité, s'accorde très-bien avec I'enfemble de fon vafte tableau, mais qui plait moins dans de petits efpaces oü Pceil n'eft ni diftrait, ni ébloui. Un canton peut donc ètre fieuri, attrayant, enchanteur, mais fon caraclere n'eft pas toujours affez pur, affez déterminé, affez faillant; de plus II eft fouvent privé dans fa rufticitéde toute la douceur, de tout rembelliffement que donnent Ia culture, & les effets qu'il produit font totalement dépourvus du furcroit de force que peuvent leur donner le génie & le goüt, a 1'aide des arts qui perfedionnent {kcultivent Ie terrein, & Ie couvrent de plantations.  Troifieme Seilion. Rtpartition des jardins en ctaffes, 3, ^^^^^^^^^^^^^^^^ TROiSIEME SECTION. Rêpartition des jardins en Clajfes. r\a, rtppergok maintenant fans peine, qu'en fuivant Ia nature, on peut W difbnguer plufieurs efpeces de cantons & dordonnances ou difelbutions, qui feront tout autant de jardins particuliers. Le mot jardin fera Pour nous Ie nom générique, Ie nom de familie pour ainfi dire, &nous rangerons rune apresPautre fous ce nom, les différentes efpeces. Amoins qu'on ne veuiüe jouer fur le mot, Ie nom même de Pare ne peut défigner qu'une efpece ou forte particuliere de jardin ainfi qu'onle deveioppera danslafuite On peut repartir les différentes efpeces de Jardin de la maniere fulvante. jardins relatifs aux Climats. jardins relatifs aux Sites. I. Jardin montagnard. II. Jardin en vallée. III. Jardin foreftier. jardins relatifs au caraBere des Cantons. I. Jardin agréable, gai, riant. II. Jardin oü regne une douce méiancolie III. Jardin romanesque. IV. Jardin majeftueux V. Jardin compofé de tous ces caraderes. jardins relatifs aux Saifons. I. Jardin printannier. IJ. Jardin d'été. III. Jardin d'automne. IV. Jardin d'hy ver. Jardins oufcenes quife rapp^mnt aux parties dn jour. I. Jardin ou fcene du matin. II. Jardin ou fcene du midi. III. Jardin ou fcene du foir. Jardins relatifs a l'êtat des propriêtaires. I. Jardins royaux, Parcs de Ia première grandeur, ou du ftyle pompeux. II. Jardins dela haute nobleffe&desgensdecondition; Parcs du ftyle noble.' III. Jardins de particuliers, jardins bourgeois. IV. Jardins campagnards; jardins champêtres. Jardins dont Is caraiïere dêpend de leur defination particuliere. I. Jardins publics. II. Jardins académiques ou joints a des académies. III. Jar-  5a Troifieme Seiï'wn. RépartUiori des jardins en' clajès. III. Jardins monaftiques ou jardins de couvent. IV. Jardins joint \ des fources minérales. V. Jardins d'hópitaux. VI. Jardins de cimétiere. EmbeUiffèments champ'etres de quelques .parties ifolées d'une maifon de campagne. I. Avant-place-d'un chateau de plaifance, ou d'une maifon de campagne. II Promenades dans les champs. III. Métairies ou Ferme. IV. Tarc de bêtesfauves. V. Vigne. VI. Villages. VU. Grand chemin. THEORIE  THEORIE D E L'ART DES JARDINS. Tome IV. j?  CINQUIEME PARTIE. Dêtermïnation des différentes efpeces de jardins. PREMIÈRE SECTION. jardins relatifs aux Climats. SECONDE SECTION. ofardins relatifs aux Sites. TROISIEME SECTION. £fardins relatifs au caraEïere des Cantons. QUATRIEME SECTION. jardins relatifs aux Saifons.  35 PREMIÈRE SECTION. jardins relatifs aux Climats. F 'übfervation Ia plus vulgaire nous enfeigne k faire attention, en culti*^ vantles plantes, k la nature du climat, a fa douceur ou a fa rigueur. Chaque régiona fes plantes, qu'elle nourrit avecfuccès comme fes enfants' & qui, arrachées a leur patrie, ne s'abatardirlent ou ne périlfentque trop' fouvent. La nature elle - même donne aux jardins des divers pays des caracTeres différents qui fe rapportent aux plantes, & dépendent du climat. Les champs de 1'Inde & de 1'Arabie offrent de tout autres families d'arbres & d'arbriffeaux que'les plantations de 1'Amérique feptentrionale, & cellesei différent encore des plantes du Sud de 1'Europe. L'homme ne doit pas moins que les plantes fe régler fur Ia nature du climat qu'il habite. II ne doit pas feulement obferver quelles plantes réuffi/fent Ie mieux, quelles moins bien, quelles point du tout; il doit encore favoir ordonner Ie Iieu de fes plaifirs champêtres d'après le caraclere de ce même climat. II fuffit de comparer un jardin de I'Italie inférieure avec un jardin de Ia baffe Saxe, pour remarquer leur différence & pour s'appercevoir que cette différence réfulte en partie de celle des climats. Cette difparité devient bien plus frappante lorsque les pays font plus éloignés 1'un de Pautre. Ce n'eft donc pas un petit défaut de jugement que de méprifer les jardins étrangers parcequ'ils ne peuvent pas ètre tels que les nótres, ou que de regarder nos jardins comme le modele leplus parfait, & d'après Iequel nous nouscroyons en droit de juger des autres. Souvent les mceurs & les coutumes qui dominent fous Pinfluence du climat, exigent les mêmes variétés que celui-ci. Lorsque les anciens nous décrivent Ieurs jardins, ils parient avec une complaifance finguüere de Ieurs grottes fraiches, de Ieurs fources abondantes, de Pair reftaurant de la mer, de Ieurs collines aérées, de Ieurs allées ombragées & garnies de platanes & de portiques couverts. Le climat en- E a feignoit  3 6 Première SehTion. Jardins feignoit aux Grecs 8c aux Romains a chercher 1'ombre Sc la fraicheur comme des chofes néceffaires, & 1'ordonnance de Ieurs jardins fuivoit cette néceffité. On eftimoit fi fort le platane a caufe de fon feuillage refpectable, qu'on 1'arrofoit de vin pour favorifer fon accroiffement. Le Romain prolongeoit fes maifons de campagne jufque dans la méditerranée, pour goüter la fraicheur de ce fite. Que diroit on d'unDanois qui feroit avancer fa maifon de campagne dans la mer du Nord. Les jets d'eau font une invention des pays chauds. Les Romains les aimoient en Italië, & les Maures les introduifirent en Efpagne, oü vu leur fraicheur, ils gazouillent encore en quantité, non feulement dans les jardins , mais auffi dans les cours intérieures des maifons. Mais ce fut la pafïion d'imiter & non Ia réfiexion qui multiplia fi fort ces jets d'eau dans les regions froides du Nord, en Suede p. e. que ci - devant on ne trouvoit un jardin beau qu'autant qull en étoit orné. Dans les jardins orientaux on recherchoit avec raifon Pagrément que eaufent des fources fraiches , des ruiffeaux qui murmurent & d'abondants aqueducs; le Hollandois, donc le pays n'eft en lui-mème que trop fourni d'humidité 8c de eanaux, agit 8c contre Ia nature 8c contre les regies de Ia fanté, lorsqu'il les introduifit dans fes jardins. En Efpagne, oüunefoule des plus beaux arbres 8c des plus belles fleurs, p. e. le myrthe, 1'amandier, le figuier, le lys, I'ceillet, 8c Ia rofe de plufieurs efpeces, croiffent naturellement, les jardins peuvent fe paffer de leur culture; en Allemagne, elle fait 1'occupation de 1'ami de Ia campagne. La multiplicité des gazons, dont le verd fuperbe eft favorifé par 1'humidité du fol, fait une des principales beautés des jardins anglois; mais fous Ie ciel de la Franee, 8c encore plus de Fltalie, il faut renoncer, au moins en partie, a eet attrait champètre. Dans des pays froids ou tempérés on fe plaita parcourir en fe promenant les labyrinthes ruftiques qu'offre la nature; fous la zone torride 1'ami des jardins recherche fes aifes & fa commodité; il aime a s'affeoir tranquillement fous un ombrage touffu. Souvent on ne defire pour jardin dans ces climats, qu'un bofquet épais compofés d'arbres enlacés d'une maniere  relatifs aux Climats. 3? maniere fauvage & des voütes defeuillage profondes & impéne'trables aux rayonsdu foled. Aux Indes ori.ntales oü la nature a pourvu aux befoms du cimat en lui donnant des arbres extremement grands & etendus un feul arbre comme le cale baffier ou le figuier des bracbmanes, forme un bofquet dans Iequel une fodété entiere peut fe mettre k 1'abri de la chaleur du jour. Limitation ridicule d'un modele imaginaire de jardins & de batiments chinois groffira-t-elle encore Iong-temps 1'hifïoire de nos folies? Le Breton elf fier de fes jardins anglois. Le Frangois veut tantót des jardins anglois, tantot des jardins chinois. EtleGermain, qui pourroit poneder un jardin allemand, que veut-il? E 3 SECONDE  ?8 Seconde SeUion. Jardins SECONDE SECTION. jardins relatifs aux Sites. I. Jardin montagnard. Le fite *) d'un jardin placé fur une montagne, fait qu'on y jouit d'un air pur & fain, 8c d'un féjouroü regnentlaliberté 8c la férénjté; des lointains étendus & variés, 8c le tableau enchanteur 8c changeant fans ceffe du ciei & du payfage y font gouter un plaifir deücieux. Cependant fa configuration naturelle, des collines 8c des roes pointus qui s'élevent de part & d'autre, des arbres 8c des ronces fauvages, peuvent auffi lui donner un afped clos & folitaire. II peut ètre attirant par fon aménité; oü préfenter fiérement de fauvages labyrinthes. Ileftfufceptiblede différentes efpeces de fcènes, tout comme fa vafte enceinte offredela placeapresque toutes lesfortes de cantons. II aime les chènes 8c les hétres, 8c fur - tout les bouieaux, les pins8clesfapinsdont les fommets portent leurfrémiffement dans les nuages. Le plaifir que caufent les lointains, plaifir particulier a ce fite, 8c qui femble élever l'ame au-deffus du monde, au-deflusde nos peines8cmème de nos befoins, le voluptueux contentement qu'infplre eet état, le fentiment animé 8c joyeux qu'occafionne le bruyant murmure des cafcades, & la délicieufe méiancoliequ'enfantele gazouillementplusdouxdesfources8cdesruiffeaux, peuvent compenfer le défaut de beautés intrinfeques ou le peu de culture d'un jardin montagnard. Son fommet médiocrement élevé 8c garanti par des arbres ou par des montagnes voifines, 8c mieux encore fes pentes douces offrentun emplacement agréable a Phabitation champètre: il peut mème admettre un beau temple grec fur une de fes éminences de forme élégante 8c richement boifée; mais fes pointes hardies oü d'arides parois de roe s'abyment l pic, demandent un antique chateau ou fes ruines. Des chateaux, des fortereffes, ou des tours gothiques font presque les batiments les plus convenables fur des promontoires raboteux 8c hériffés de roes, le long des bords de la mer, ou fur des iangues de terre élevées qui s'avancent hardiment dans les flóts: 1'afpecl informede ces batiments, leurforce8clereffouvenir de Ieurs anciens ufages, s'accotdent trés - bien avec I'air fauvage du lieu. *) Voyez le I. Vol. pages 219 & 223-228.  relatifs aux Sites. 39  40, Seconde Seïtion. Jardins En général on ne doit oublier dans 1'ordonnance cPauctm jardin, que le vévitable art de la décoration confifte l donner a chaque fcene ce qui lui convient. Dans la nature, nous aimons a voir des chevres grimpées fur un roe, & des moutons errants difperfés fur un gazon; nous aimons a voir, autour de la cabane du berger, des vaehes sarrèter a la fource oü elles s'abbreuvent, & une volée de pigeons fe repofer fur le toit d'une petite habitation ruftique. Lorsque le poète ou rartifte nous rend ces tableau*, nous avouons qu'il eft fidele difciple de la nature: il en eft de mème de rembeliiffcment & de Ia décoration des jardins par les ouvrages de 1'archite&ure. Au bord d'un lac, une cabane de pècheurj dans un lieu riant, un temple confacré a IaDéeffe des amours; dans un canton un peu plus férieux, le temple de 1'amitié; dans un endroit folitaire & mélancolique, un hermitage; dans un diftrid abondant en fourage, une métairie; fur une pointe fauvage de roe, les ruines coloffales de la demeure de quelque ancien héros: voük ce qui conftitue la convenance ou la bienféance des décorations, & le concours harmonieux que 1'art prête ii la nature pour en renforcer les impreflions. IL Jardin fituè dans une vatUe. La folitude, le repos & la paix des champs habitent le vallon; *) tout y eft doux, & calme & renfermé dans une tranquilie innocence. Des ruiffeaux fugitifs, ornés de ponts ruftrques & légers, parcourrent ce féjour; ils font trop petits pour renvoyer 1'image rayonnante du foleH, mais de jeunes fleurs, mouillées par leur onde fautiilante, fe mirent tout entieres dans ce miroir tremblottant. Le peuplier délié, le faule & faune, qui fe plaifent dans cefol humide, femêlent aux pruniers & a d'autres arbres fruitiers, Sc font difperfés en petits grouppes légers & transparents fur les rives de 1'eau. Aux environs, quelques riches gazons brillent de 1'éclat varié de mille fleurs champètres entremèlées fans ordre d'autres fleurs que 1'art a fait éclorei *) Voyez le I. Vol. pages 220. 221»  relatifs aux Sites. 4ï ecloreï ga & Ik I'ombrage d'un arbre antique rompt la clarté de la peloufe par es taehes plus ombres; & dans un recoin touffu repofe fans'pZ & a abn de Porage, fous des arbres fruiriers, une cabane ruftique &S aupres de laquelie paiffent fans crainte quelques vaches qui n'ont h„£ foin deberger Un hte de cette efpece pourroit-il offrirenvain fes doux attratfs Combien de fok „en ai-je pas fenti les effets avec volupté dans ces vaüees fertdes & paifibfes oü regne une douce chaleur, qui, ütlls au p.ed des Alpes, voyent s'élever vers leciel les fommets de ces montsan chis par Ia neige! Et combien d'amis fages & heureux de la nature n v jouiffent - ils pas deux - mêmes dans fhabitation modefte de leur jardin fous la vafte feudlage de Ieurs cbataigniers & de Ieurs noyers, & au milieu de 1 odeur des riches prairies qui les parfume lematin, & dugazouiliement des ruilfeaux qui lefoir les invite au fommeil cement D'autres efpece. de fites dans Ia vallée font propres 1 d'autres fcenes Un vallon ombrage par desforêts a haute futaie, recouvert d'épaüfes ces fauvages ou enceint de rochers, convient parfaitement a des fcenes fohta.res & melancoliques. On peut facilement donner k une conca'2 1'apparence d'un plus grand enfoncement, en reiïerrant fon ouverture fuperieure, ou en revêtant fes bords de broffailies élevées & de CTZl! groupes d'arbres touffus ou k feuillage foncé; Ie murmure Itouffé dun ruifleau qui derheure caché k I'cdl, augmente encore I'idée de profondeur. ue Une autre vallée d'une %ure étrange & avec des replis finguliers au fond de laquelle un torrent, tantót écume entre des rochers, tantót cóule tranqiullement, autour des arbres droits & élevés qui fortent de fon fein tantót fe change en chütes d'eau xumultueufes & fauvages, s'approche du' genre romanesque. L'art doit dans tous fes ouvrages fe conformer au genie de ces différents caracferes. Tornt IV. P m «v  Seconde Seiïion. Jardins III. Jardin forejier. Le caraclere propre aux forèts eft auffi le caraclere de cette efpece de jardin, qui partage avec elles toute la variété des fcenes boccageres. *) Ses propriétés principales font la richeffe de 1'ombrage, une fraicheur reftaurante, une calme paifible qui invite aux réflexions férieufes & a Ia jouiffance de foi-même; ce jardin offre encore la douce joie de la première innocence, joie qu'infpirent les animaux qui trouvent ici une retraite affurée, & les families variées d'oifeaux qui voltigent fous les ombrages & font rétentir ces voütes fombres des naïves chanfons de 1'amour. Un fite bocager ne préfente pas uniquement dans les pays chauds des commodités dignes d'envie; il a de plus I'avantage d'ètre planté d'avance par la nature, enforte qu'il eft d'autant plus facile d'y pratiquer les autres décorations. Et que l'art du jardinier le plus affidu eft peu de chofe en. comparaifon de la nature! Que de temps ne faut-il pas pour que nos plantations artiftcieHes acquierent une petite partiede ces fuperbes ombrages que nous donne une forèt pleine de chènes & de hètres antiques!. Des fiecles fe font écoulés avant qu'elle ait pu donner a fes arbres ces formes refpeftables, dont 1'étendue, la hauteur & la force élevent 1'ame. Ici la nature nous invite a jouir d abord fans peine, '& a nous affeoir gaiement en bonne compagnie fous ces mèmes feuillages qui faifoient déja les déüces de nos ayeux. Un bois vafte étant fufceptible de renfermer différentes fcenes, on peut auffi 1'orner de diverfes efpeces de batiments. Pour habitation, ou pour maifon de campagne, rien ne convient mieux ici qu'un édifice noble & régulier, folide fans ètre maffif, fimple fans ètre mefquin; & dont 1'extérieur foit décoré avec modération, Ie crépi des murs blanc & le toit bleu. II ne *) Voyez Tome I. pages 328- 230. & Tome II. pages 49- 57. & 65 - 76.  relatifs aux Sites. 4J H ne fera pas néceffaire de remarquer que des jardins d'une vafte étendue peuvent contenir les trois efpeces dont nous venons de parler &: qu'en combinant enfemble un jardin montagnard, un jardin fitué dans une vallce & un jardin foreftier, on peut produire un nou vel enfemble Cette combinaifon eft fondée dans la nature: Ie vallon eft accompagné d'une montagne, dont affez fouvent Ie fommet ou Ie flanc eft décoré d'un bois. F a TRÖI-  44 Troijieme SeFlion. Jardins TROISIEME SECTION. éfardins relatifs au cara&ere des Cantons. *) i Jardin agréabte, gai, riant. i. a nature, d'après les Ioix éternelles de Ia beauté & de Ia variété qu'elle lint toujours, a départi aux payfages une grande diverfité de cara&ere; 8c l'on diroit qu'en le faifant, elle a eu égard a la diverfité des goüts & des penchants des hommes defttnés a habiter ces lieux. Celui-ci chérit des attraits paifibles & des fentiments calmes, celui-la des fcenes éblouiffantes 8c animées: celui-ci fe plait a tout ce qui eft fingulier; il aime a s'égarer dans d'etranges romans 8c des contes des fées inventés a plaifir; celui-la préfere la folitude & Ia douce mélancolie a tous les plaifirsde la focieté; il fe promene fouvent entre les tombes de fes amis, & confidere avec ardeur a. minuit le ciel étoilé. Un autre préfere d'ouvrir fon fein a des fentiments fublimes qui infpirent de la grandeur & de Ia force; il enfiamme fon efprit par le récit d^aétions héroïques, 8c contemple avec fatisfadion les horreurs d'une tempête qui agite la mer en fureur. La nature fatisfait tous ces tempéramments, tous ces penchants, mème par les caracteres variés des cantons. Et nous pouvons flatter nos goüts dans nos jardins d'une maniere tout auffi variée 8c mème plus riche que dans les divers genres de peinture 8c de poéfie. C'eft pourquoi Ia nature elle mème donne k tout homme qui fe fait un jardin, Ie droit d'en choifir le caradere fuivant Ie penchant de fon goüt individuel. L'agréable, Ie gai 8c Ie riant ne différant entr'eux que du plus au moins,**) il n'eft pas rare dans les fcenes naturelles de ce caradere, de les voir fe fondre tellementl'un dans 1'autre qu'on ne peut plus en marquerles limites. *) Voyez Ie I. Vol. page 263. **) Voyez Tome I. page 242.  relatifs au carablere des Cantons. 4 5 Hmites. Le üte, li Raifori des objets, & mille accidents variés, font na'itre fouvent ces differences d'une maniere fi délicate & fi prompte, les rendent tranchante entr'elles, fi faillantes 8c enfuite fi peu vinbles, que l'art de 1 obfervateur s efforce envain d'en ranger toutes les variétés dans un ordre nxe. Cependant, quoique nous ne puiffions pas entreprendre de déterminer exadement tout ce qui dépend du fite, des liaifons 8c des accidents, nouspourrons peut-être défigner quelques-uns des objets qui nuancen! ce caradere. C'eft ainfi, p. e., que la nature nous fournit pour le caraöerederagreable,. des montagnes, des collines, desvallons, des prairies, des bois. Des Iacs, des rivieres, des grouppes d'arbres, des bofquets & des vues qui s'etendent fur les objets changeants & animés du payfage, tels que paturages couverts de troupeaux, ports pleins de barques, 8c rivages remphs de pecheurs, élevent ce caradere jufqu'au gai. Des gazons verdoyants, des fleurs champêtres 8c celles des arbriffeaux, lorsqu'elles font d une couleur deuce, comme, le couleur de chair, lerougeStre, le bleuatre Ie jaune pale & le blane, des grouppes légers d'arbres & de buifions I feuillage clair 8c aerien, des ruiffeaux limpides qui gazouillent des cafcades qm fe jouent, achevent de le rendre riant. Mais il eft d'autant moins poflible d obferver toutes ces nuances dans un jardin artificiel, qu'elles font toujours entrc-mèlees dans Ia nature: ordinairement un jardin eft riant dans une faifon, tandis que dans une autre il n'eft qu'agréable. L'art renforce ce caradere par plufieurs efpeces d'édifices champêtres affortiiTants, comme maifons de plaifance, cabinets, volières, cabanes de-pécheur, maifons rufuques, pavillons 8c temples confacrés 5 des objets 8c a des êtres agreables; par des ftatues & des tableaux allégoriquess enfin par des monuments qui portent des-fouvenirs flatteurs k 1'imagination Le caradere de I'agréable eft répandu dans Ja nature avec beaucoup de profuhon 8c de variété, & c'eft avec raifon qu'on fait la plupart des jardins en ce genre. Les peintres 8c les poëtes animés par une imagination riante, 8c farmliers avec les attraits de Ia nature, les particuliers heureux 8c doues de bon gout, toutes les ames bien nées,; qui favent fe fuffire k «Hes-menu», 8cgoüter les plaifirs innocents de Iavie champêtre, choi- F 5 fiffent  4$ Troifteme Seiïion. Jardins fiflent & forment avec fuccès;des jardins de eette efpece. En ces lieux habitent tous les plaifirs doux dont la riante nature peut combler i'homme pour le fatisfaire, 1'échauffer, 1'égayer, & dont le fouvenir dans des jours moins heureux, eft encore accompagné d'un douloureux defir. „O ruiffeau dont les ondes argentées ont fait autrefois mesdélices, „quand m'inviteras-tu encore au fommeil par ton douxmurmure? ",Heureux qui peut fe coucher fur tes rives, dont les chanteurs du '^boccage augmentent encore les attraits. Et vous, o bofquets! o ",vallon parfumé de violettes, o collines lointaines & bleu&res qui le „couronnez avec tant de graces, o lac tranquille, dans Iequel j'ai „mille fois vu 1'aurore mirer fes attraits que parent un rofetendre, „prés humides de rofée, qui m'avez charmé fi fouvent, quand vous „reverrai-je émaillés de mille couleurs?" " deKleifi. Toutes les parties dont le poëte a compofé ce beau payfage, objet de fesfouvenirs attendriffants, appartiennent parfaitement au caradere dont nous parions, & la nature les offre a nos yeux dans mille cantons que 1'art doit plus ou moins perfedionner. Mais que fa maniere de les combiner eft variée a l'infini! Que de diverfité dans la forme des monticules & des enfoncements! dans Ia faqon dont les collines doucement enfléesfe rapprochent 1'une de 1'autre, ou femblent, pour ainfi dire, fe fuir réciproquement ou s'étendent a la file en ondoyant, ou s'entaffent hardiment, & enfuite s'affaiffent encore pour devenir vallées! dans fa maniere de réunir enfemble les plantes, les brouffailles, les arbres, les grouppes, les bofquets, les bois, les landes & les eauxl Qiielle n'eft pas la diverfité innombrable des effets du clair-obfcur entre les hauteurs & les enfoncements , les arbres & 1'eau; dans les obftacles qui arrètent brufquement Ia vue, & les lointains qui fe déploient infenfiblement. La première loi eft ici d'obferver conftamment la nature, & d'ètre toujours auffi varié, auffi fertile, auffi nouveau qu'elle dans Ia compofition. Dans un deffein dont 1'agréable fait le caradere, on fuppofe Ie melange d'une foule d'inégalités & d'élévations dufol, de petites collines & de  relatifs au caratHere des Cantons. 47 de vallons. *) L'art de les mettre en oeuvre confifte principalement k les lier enfemble enforte qu'elles produifent tout feffet que peut produire un tableau barmonieux, k y planter des boccages, des bofquets & des grouppes de fleurs, d'arbriffeaux & d'arbres, k les parer d'un beau gazon, & k les animer par des eaux courantes & tombantes, par des ponts & des fabriques. Beaucoup de palfages de 1'ouvert au renfermé, du clair k 1'obfcur beaucoup de coups de jour riants & de reflêts incertains, beaucoup de tableaux faits de grouppes d'arbres k belle tige & k beau feuillage, beaucoup deronces fleuries, & de fleurs colorées, beaucoup de plantes k douces odeurs, beaucoup d'oifeaux qui attirent par Ieurs chants, beaucoup d'eau Iimpide, courante, ruiffelante & gazouillante, beaucoup de variété & d'attraits dans les afpeds qu'offre le payfage d'alentour, font tous des attributs de ce genre de compofition. Lorsque Ia nature a refbfé au fol des éiévations & des enfoncements, & qu elle ne livre qu'une plaine, I'artifle jardinier obligé de tracer dans eet emplacement un deffeiq de quelque étendue, doit tendre tous les refforts de fon imagination pour remédier aux défauts de ce fite. On peut donner a cette furface rafe un afpecf riant en y pratiquant par ci par Ik de douces inegaiites: on peut y former des collines, en relever encore Ie fommet avec des grouppes de grands arbres, & en difpofer les pentes douces k receyoir un beau tapis verd: k 1'endroit creufé on peut placer un Iac avec une ile animee par toute forte d'oifeaux; on peut multiplier les afpeéts intérieurs;™, tantó^vec des arbres clair-femés, tantót avec des arbres plus ferres, tantot avec des arbres élevés, tantót avec des arbres moins hauts & des brouffadlesquis-abaiffent en s'éloignant, tantót avec desgrouppss tranfparents, tantót avec des grouppes obfeurs, former de beaux points de vue qui dirigent I'ceil fur un objet lointain & mtéreffant, fur un batiment champetre agreable, fur un village, ou fur une églife; on peut féparer du refte un grand emplacement pour un troupeau, qui concourt tant k décorer & animer un payfage; on peut égayer quelques places étendues par de ncnes plantations de fleurs & de ronces fleuries, & planter derrière celles- *) Voyez Tome IL p. 7. g.  4g Troifieme Seciion. Jardins ci des maffifs épais d'arbres a haute futaie, qui font naitre aufpeétateur trompé I'idée d'une colline cachée. Par ces moyens 1'artifte jardinier peut óter a la plaine fon air mort & mefqujn, & la changer en fcenes champêtres. Comme une fituation femblable ne peut presque jamais être animée par une eau courante, il faudra que fes principaux embeliiffements confiftent en gazons découverts & agréablement décorés, en riants grouppes d'arbres, & en bofquets compofés fur-tout d'arbres étrangers Scrares. L'art des plantations, dont on a fur-tout befoJn dans les jardins du genre agréable eft fi important & cependant encore fi peu cormu, qu'indépendamment de ce que nous avons déja dit des arbres ifolés,*) des group-*, pes, **) des bofquets, ***) des bois, ****) des buiffons & des landes, f> de l'art de peindre avec les feuillages, ff) des fleurs> tft) de la décoration des gazons, tttt) nous avons encore plufieurs remarques, & plufieurs re« gles particulieres a rapporter a ce fujet. En *) Voyez Tome II. pages 39 -41. t) pag- 59 & **) pag. 43 - 46. tt) PaS-60 - 6ï' ***) pag. 46-49. ttt) P«£-92-97' ****) pag. 49- 54. tttt) pag. 99-102.  relatifs au caractere des Cantons. ^ En plantant des grouppes & des bofquets, on peut faire attention en partie au feuillage des arbres & des ronces, en partie aux couleurs de Ieurs fleurs en partie a leur bonne odeur. Quelques plantes réuniflent la beaute du feudlage a I attrait des fleurs & aux agréments du parfum. La beauté du feuillage depend du defiein délicat ou hardi des feuilles, deleuriéeé rete & de leur découpure en ailerons, enfuite de la fraicheur, de Ia nuance • f a5e' rh"te & briIIante de Ieur verd. Cependant comme Ia beauté du deflein n'eft que pour des yeux qui examinent attentivement & de prés les arbres & les ronces, il convient de s'attacher plutót auxautres propriétés desfeudles, proprietes que fon apperqoit plus promptement & plus facilement. Quant aux arbres qui compofent des grouppes & des bofquets il eft de confequence que les tiges en foient droites, fveltes & d'un bel afpecl parcequ'ici 1'ceil en porte d'abord fon jugement. L'artifte jardinier ne doit' jamais negliger les beautés durables du feuillage, beautés qui font un grand effet fur la vue&dont nous avons déja tracés les marqués caraclérifiiques *) Cependant les couleurs des fleurs & des ronces font des propriétés fi remarquables, qu'elles méritent une attention particuliere lorsqu'il s'agit des plantations a placer dans un jardin agréable. a. Coloris des fleurs d'arbres & d'arbrifeaux. Les couleurs dominantes dans les fleurs des arbres & fur-tout des arbriffeaux font: le blanc, Ie jaune, Ie rouge & Ie bleu. Chacune de ces couleurs comprend enfuite une variété de mélanges, de nuances &de diaprures qui font principalement remarquables dans Ie jaune & le rouee Qyelle multitude de teintes renforcées dégradées, mêlangées, les fleurs n'offrent - elles pas dans Ieurs propriétés ordinaires, & que d'accidents dans Ieurs vanetes! La Théorie fe perdroit dans un champ immenfe fi elle vouloit tenter d'énumérer les gradations & les diverfités d'une feule couleur dominante dans les families, les efpeces & les variétés des plantes fleu- *) Voyez Tome II. p. 16-39. rifiantes. Tome IV. Q  5, Troifwne Seïïion. Jardins riffantes: tous les efforts feroient vains, parceque le fol, le climat, Ie fite particulier, la température de 1'air, la faqon de cultiver, caufent autant de diverfités remplacées par de nouvelles diverlités dans d'autres circonftances. II ne refte d'autre parti a prendre que de fe borner a indiquer la différence générale des couleurs domïnantes, d'autant plus qu'un jardinier habile qui s'occupe journellement des plantes, peut aifément obferver les variétés 8c les nuances de chacune de ces couleurs dans les arbres & les arbriffeaux qui pouffent fous fes yeux. Les arbres 8c les arbriffeaux fauvages *) font donc aa) Cenxa fleurs Manches, comme: Aefculus Hippocaftanum, L. le maronnier d'Inde. Bignonia catalpa, L. la bignonia, bignone, catalpe d'Amènque 8cc. Clethra alnifolia,L. la clethra. Ciflus, L. Ie cifte. Clematis, L. herbe aux gueux, viorne des pauvres. Crataegus, L. 1'alifier de plufieurs efpeces, furtout Crataegus aria, L. alifier a feuilles arrondies, dentelées 8c blanches, alou- che de Bourgogne 8cc.; 8c Crataegus crus galli, L. 1'aze- rolier de Virginie a feuilles de poirier. Cephalanthus occidentalis, L. le cephalanthus, button-wood des Anglois. Chionanthus Virginica, L. le chionanthus, amelanchier de Virginie 8cc. Ceanothus americanus, L. Ie ceanothus de Virginie a petit fruit, Thé de la nouvelle Jerfey. Cornus *) On obfervera par rapport a ce ca- On n'a presque point encore penfé a eet talogue & aux fuivants, que le plan de article; mais 1'ami attentif des jardins eet ouvrage n'eft pas de donner une lifte n'a befoin que d'un indice pour pourfuicomplette des arbres, des arbriffeaux & vre ce fentier. Au refte nous nous bordes plantes, mais feulement d'indiquer nons, comme de raifon, aux arbres ik une nouvelle méthode, de répartir les aux arbriffeaux qui viennent en plein vent plantes d'après les manieres diverfes de dans notre pays. les mettre en oeuvre dans les jardins.  relatifs au caradtere des Cantons. $ t Cornus fanguinea, L. Iefanguin, oufanguen ordinaire des bois bois punais. Cornus florida, L. Ie cornouiller de Virginie. Cornus alba, L. le fanguin a fruit blanc. Dirca paluftris, L. Ié bois de plomb. Fraxinus ornus, L. le petit frêne. Jafminum officinale, L. le jafmin vulgaire. Lonicera Periclymenum, L. le cbevrefeuille d'AHemagne. Lonicera caerulea, L. le petit cerifier a fruit bleu. Magnolia glauca, L. le petit magnolia, magnolia bleu ou de Virginie &c. Mefpilus Pyracantha, L. ie nefflier pyracanthe ou buifTon ardenf. Mefpilus Amelanchier, L. 1'amelanchier. Prunus Pumila, L. Ie ragouminier ou Néga, ou minel de Canada. Prunus Mahaleb,L. le cerifier des bois k fruit amer, Mahaleb. Prunus Padus, L. le Padus ou bois de St. Lucie. Prunus Padus Virginiana, L. le Padus de Virginie. Prunus Padus nana du Roi, le cerifier nain. Prunus fpinofa, L. le prunier de buiflbn. Philadelphus coronarius, L. le feringa, feringua, ou feringar. Rofa alba, L. le grand rofier a fleur doublé. Robinia pfeudo acacia, L. le faux acacia, ou acacia d'Amérique ordinaire. Staphylea pinnata, L. Ie faux - piflachier, piftachier fauvage nez coupé. Staphylea trifolia, L. Ie nez coupé de Virginie. Syringa flore albo, Munchhaufen. Ie lilas ou lilac a fleur blanche'. Spiraea hypericifolia, L. le fpirée a feuille de millepertuis. Spiraea chamaedrifolia, L. Ie fpirée a feuille de germandrée. Spiraea opulifolia, L. Ie fpirée a feuille d'obier. Sorbus aucuparia, L. Ie cormier, cornier, forbier fauvage ou des oifeleurs, cochefne &c. G a Stewar-  52 Troifeme Seffion. Jar dhr Stewartia Malacodendron, L. *) Tüia europaea, L. le tilleul d'Hollande. Viburnum Lantana, L. la viome ordinaire, coudre moinfienne, ou manfienne, &c. Viburnum opulus,rofeum,L. 1'obier a fleurs doublés, rofedeGuel- dre, fufeau'ou fureau royal, obier ftérile, &c. Viburnum laceolatum, Muncbh. le tinus d'Amérique. bb) Ceux afitursjannes, comme: Berberis vulgaris, L. 1'epfne vinette, ou vinetier. Cytifus Laburnum, L. Pébénier ou cytife des Alpes, faufle ébene, &c. Cytifus feflilifolius, L. le cytife commun. Cytifus nigricans, L. le cytife verd foncé. Colutea arborefcens, L. le baguenaudiera veffiesrouges, faux fené, fené fauvage. Colutea iftria, L. le baguenaudier oriental, ou du Levant. Coronilla Valentina, & Cor. Emerus, L. le fené batard, & le fené batard commun. Ciftus, L. quelques efpeces de cifte. Caflia Marylandica, L. Ie caflïer ou caneficier de Maryland. Elaeagnus anguftifolia, L. 1'olivier fauvage du Levant. Hypericum, L. le millepertuis de différentes efpeces. Jafminum fruticans, L. le jafmin jaune des bois. Potentilla fruticofa, L. la potentille, pentapbylloides d'Angleterre en arbre. Robinia caragana, L. le faux - acacia de Sibérie, caragana. Robinia frutefcens, L. le faux - acacia vêlu & rofé, ou rofe acacia. Rofa eglanteria, L. le rofier églantier. Spartium *) Ce nouvel arbriffeau de Virginie, mencent a viellir font teintes d'an leger qui croit en Angleterre en plein vent & couleur de rofe changeant; cette plante a fleuri a Kew, merite 1'attention de 1'ami eft furtout recommandable par fes fuper. des jardins a caufe de fes grandes & bel- bes fleurs blanches, dont Ie centre offre les feuilles vertes, dont celles qui com- beaucoup d'étamines jaunes.  relatifs au cara&ere des Cantons. 5 3 Spartium fcoparium, L. Ie genét ou genét cytife ordinaire. • Sophora tetraptera, Miller. *) cc) Ceux a Jleurs rouges, comme: Amygdalus nana, M. I'amandier nain. Amygdalus pumila, L. I'amandier nain d'Afrique a fleur doublé. Acer rubrum, L. 1'erable de Virginie, erable plane de Canada, &c. Aefculus Pavia, L. le maronnier d'Inde a fleurs rouges, ou Pavie. Colutea orientalis, M. le baguenaudier oriental, ou du Levant. Cercis filiquaftrum, L. le gainier, arbre d'amour, de Judée ou de Judas. Cercis Canadenfis, L. le gainier de Canada. Ciftus,CIematis, différentes efpeces de ciftes & de viorne des pauvres. Daphne Mezereum,L. le garoua feuilles de laurier, Mézéreon, &C. Daphne Cneorum, L. le garou, Thymélée, ou Cneorum de Matthiole. Ononis fruticofa, L. I'arrête bceuf, ou bugrande. Punica grannatum, fl. pl. Munchh. le grenadier {fleur doublé. Pyrus malus coronaria, L. le pommier des bois de Virginie. Perfica fl. pl. Munchh. le pècher a fleur doublé. Rofa, L. Ia rofe de diverfes fortes. Robiniahifpida, L. le faux-acacia, acacia d'Amérique a fleuilles heriflees. Rubus odoratus, L. laronceodorante, ouleframboifier de Canada. Synnga perfica, L. le lilas ou jafmin de Perfe. Spiraea falicifolia, L. le fpirée a feuille de faule. Spiraea tomentofa, L. le petit fpirée, ou fpiraea de Virginie a feuilles cotonées, G 5 dd) Ceux *) Nonvel arbriffean de la Nouvelle meures. M. Jean Miller, auteur de 111Zeelande, a grandes fleurs jaunes pen- luftratio Syftematis SexualisLinn. 1'a fait dant en grappes; il fleurit en plein vent connoftre le premier dans fa nouvelle en Angleterre & y porte des femences colleftion de plantes.  54 Troifleme Seftion. Jardins dd) Ceux afleurs blancs, comme: Clematis, diverfes efpeces de clematite. Guilandina divica, L. le bonduc. Lycium chinenfe, Mill. le jafmin oïde. Syringa vulgaris, L. le lilas ou lilac commun a fleurs bleues. Et Quelques autres, quoique la nature n'ait pas été auffi prodigue de cette couleur envers les fleurs des arbres & des arbriffeaux, qu'envers celle des PlantQue d'arbres & d'arbriffeaux a belles fleurs mélangées de ces quatre couleurs dominantes, comme p. e. le tulipier, n'avons-nous pas laiffés de cóté1 Et de quelles fuperbes fleurs, fur - tout rouges, couleur de chair & Manches, ainfi que nuancées de ces différentes teintes, parent presque tous les arbres fruitiers! b. Parfum. aa) Des fleurs, comme: • Azalea vifcofa, L. le petit laurier rofe de Virginie a fleurs velues. Berberis vulgaris. Crataegus Aria. Crataegus Oxyacantha. Clematis, diverfes efpeces. Coronilla Valentina. Clethra alnifolia. Cephalanthus occidentalis. Calycanthus floridus, L. le bulneria a fleur d'anemone. Daphne Mezereum. Daphne Cneorum. Elaeagnus anguftifolia. Fraxinus ornus. Geniftahifpanica, L. le genét ou genefl épineux du mont Ventou. Hopea tinéloria, L. la hopée des teinturiers. Jafminum oflicinale. , Jafminum  relatifs au caraiïere des Cantons. 5 5 Jafminum Azoricum, L. Je jafmin d'Afrique ou des Aqores Jafminum humile, L. le jafmin d'Italie ou petit jafmin jaune. Laurus aeftivalis, L. le laurier de Canada. Lonicera Periclymenum. Magnolia, fur-tout Ie magnolia bleu (glauca) & Ie laurier tulipier de Ja Caroline (tripetala, L.) Philadelphus coronarius. Ptelea trifoliata, L. le ptelea a fruit d'orme & k trois feuilles. Pyrus malus coronaria. Pyrus Pyrafter, L. Ie poirier fauvage. Prunus Padus. Prunus Virginiana, Prunus Mahaleb. Prunus nana. Rubus odoratus. Robinia Pfeudo- acacia. Rhus Typhinum, L. Ie fumach de Virginie. Rofa, différentes efpeces, fur-tout Rofa mofchata, Mill. le grand rofier a fleur mufquëe. Rofa fcandens, M. le rofier de Mai. Rofa fempervirens, L. Ie rofier verd. Rofa cinnamomea, L. le rofier h fleur qui fent Ia canelle. Rofa Damafcena, M. le rofier de Damas. Rofa provincialis, M. Je grand rofier, dit de Provins Rofa gallica, L. Ie rofier a fleur mi-partie de rouge & de blanc. Kofa eglanteria. Rofa Carolina, L. Je rofier de Ja Caroline. Syringa vulgaris, & Syringa fl. albo. Sambucus Canadenfis, L. Iefureau de Canada. Sambucus ebulus, L. Ie hieble. Sorbus aucuparia. Tilia europaea. Tilia  Troifieme Section. Jardins Tilia Caroliniana, M. le tilleul de la Caroline. Viburnum Lantana. bb) Du feuillage. Laurus aeftivalis. Laurus faffafras, L. le faflafras. Myrica cerifera, L. le cirier. Populus balfamifera, L. le tacamahaca. Pr. Lauro-cerafus, L. le laurier-cerife. Rofa eglanteria. Rofa rubiginofa, L. le rofier églantier. Salix pentendra, L. le grand faule de montagne a feuille de laurier. Plufieurs arbres coniferes & réfineux répandent une odeur qui n'eft pas désagréable; quelques arbres l fimple feuillage, p. e. le bouleau & Ie mélefe qui quitte fes feuilles en hyver, ont des feuilles trés - odorantes, furtout les jeunes qui pouffent au printemps. De ces arbres & arbriffeaux, rangés enclaffes d'après les couleurs dominantes de Ieurs fleurs & le parfum qu'ils répandent, on peut compofer des bofquets & des grouppes eny mèlant plufieurs fortes de ronces a fleurs, de plantes bulbeufes & autres, choifies auffi fuivant Ieurs nuances & leur parfum. j.Li  relatifs au caraiïere des Cantons. 5 ? La diftribution des arbres & des arbriffeaux exige une grande connoiffance des plantes, beaucoup d'obfervation, d'étude & d'effais; & pourtant on croit que rien n'eft plus aifé. Cependant Ia différence eft énorme entreungarqon jardinier, qui ne fait que mettre enterre, & un homme qui plante avec goüt. Celui-la n'emploie quafi quelamain, celui- ci I'ceilnon un ceil ordinaire & peu exercé, mais un cei! que les loix de Ia perfpeclive ont rendu favant, & que les beautés de Ia peinture en payfage ont rendu delicat. r J & wu* Peut-être fut ce Ie fentiment des difficultés qu'on éprouve k ordonner les arbres avec goüt, qui fit que dans 1'ancienne maniere on fe borna aux plantations en ligne droite, aux allées fans fin & au quinconce; cette faoon de planter étoit fi commode & fi facile que 1'homme le plus borné pouvoit 1'executer. Mais les grouppes ou maffifs que l'on introduifit dans le nouveau ftyle, étoient tout auffi faciles, & fi Ie refte des plantations fe reduifoita cela feul, il feroit fuperflu de perdre même une fyllabea eet égard Rien n'eft plus ordinaire que de jeter Ja, pour ainfi dire, tout une planta" tion, mélange confus de toutes fortes d'arbres & d'arbriffeaux; & par ces amas fauvages & embaraffés, on croit avoir fatisfait k tout ce qu'exige Ja nature ou Ia maniere angloife. Mais quoique en de certaines circonftances de grands mafiifs d'arbres & d'arbriffeaux divers plantés pèle - mêle puiffent fervir k varier Ja fcene dans des jardins confidérables, cependant' il ne faut pas oublier qu'il y a entre un mélange fauvage d'arbres & une plantation pleine de goüt, une différence qui ne donne certainement aucun droit au premier de régner dans toute 1'ordonnance. D'autre cóté rien n'eft plus fatiguant que des plantations entiérement compofées d'arbres ou d'arbriffeaux de Ia même familie oude Ia même efpece. Ceci eft tout-a-fait contraire k la loi que prëfcrit Ia variété, &au procédé de la nature, qui ne manque jamais de répandre quelques'hetres dans une forêt de chênes, & quelques chênes, quelques bouleaux, ou quelques autres arbres ou arbriffeaux, dans une forêt de hêtres. Envain l'on Tome IV. H > a- n s efforce  5 g Troificme SeSfion. Jardins s'efforce de juMer cette uniformité fous prètexte de demeurer fidele a un certain caradere déterminé: on oublie que la variété ne détruit pas 1'unité de caradere. Une fcene douce deftinée au plaifir appelle la rofe, le lilas, le jafmin, le chevre feuille, la potentille, le cytife, 1'amandier nain, le faux acacia &C, & tous ces arbriffeaux & ceux qui leur reffemblent, réunis avec goüt, préfentent un tableau diverfifïé quoiqu^e harmonieux. Après les gazons, les arbres & les arbriffeaux fourniffent le meilleur moyen de donner une face neurie & riante a un canton. On peut mème mafquer facilement & a bon marché par un arbre ou par des buiffons, tous les objets ou les afpeds déplaifants. La nature ne pouvoit pas pourvoir de ce cóté aux befoins ou aux plaifirs de 1'homme, plus qu'elle ne 1'a fait. Elle nous indique pour chaque fol, pour chaque emplacement, une foule de plantes convenables: quelque aride, quelque raboteux, quelque marécageux que foit Ie terrein, nous pouvons 1'orner de plantes qui plaifent. II eft vrai que plufieurs efpeces, comme le tilleul, le maronnier d'Inde, 1'orme, leplatane, letulipier, Ie chène blanc & noir, le gainier de Canada (Cercis Canadenfis, L.), le noyer blanc de Virginie (Juglans alba, L.), le cirier (Myrica cerifera, L.), la ronce odorante (Rubus odoratus, L.) & d'autres demandent un fol fertile, gras & léger. D'autres aiment un terrein frais & fee, comme le hètre, le frêne, le faux acacia (Robinia pfeudo acacia, L.), la Gleditfch (Gleditfia triacanthos, L.), le micacoulier, micocoulier, fabrecouiller, falabriquier, (Celtis auftralis, L.), le noyer de Virginie (Juglans nigra, L.), le cedre rouge de Virginie (Juniperus virginiana, L.)> 1'erable plane de Canada (Acer facharinum, L.), le faffafras (Laurus faffafras, L.), &c. Les endroits humides & aquatiques, comme Ie bord des foffés & des ruiffeaux & les prairies conviennent a 1'aune, a différentes'efpeces de faule, au peuplier, a 1'erable de Virginie (Acer rubrum, L.), a 1'erable a feuille de frène (Acer negundo, L.), au bois de plomb (Dirca paluftris, L.), au thuya de Canada (Thuya occidentalis, L.), au pommier des bois de Canada (Pyrus co- ronaria,  relatifs au caraiïere des Cantons. ^ , ronaria L.), au cyprès de Canada k feuille d'arbre de vie (CupreUus irryoides, L.), & k 1'hamamelis (Hamamelis Virginiana, L) &c XT terrein maigre & fablonneux fuffit au beauleau, au tremble, au faux acada (Robinia caragana, L.), a la vigne urfine ou raifin d'ours (Arbutusuvt urii,L.), augenevrier, aux arbres coniferes & refineux comme Je fanin te pin, le cedre &c. II y a de même des arbuftes & des plantes, buibeufes öc autres, qui ne reuffiffent pas moins bien que les arbres & les arbriffeanv dans toutes ces diverfes efpeces de fol. Ainfi croiffent & ffeuriffent n P au milieu des gazons humides & des prairies, & Ie long des ruiffeaux tones fortes de digitales (Digitalis), de bec de grue des prés (Geranium pratenfe, L ), de benoite marécageufe (Geum nivale, L.), de branche urfine (Heracleum fphondyhum, L.), d'hydrophylle (Hydrophyllum yirgfeS num L.}j depaffe-rage fauvage ou des prés (Condamine praterfis L ) & différentes efpeces de chardon (Carduus heterophyllus, diffecfus 'tnhJ rofus, humdis, L.). Sur ,es rivages de la mer «fdL dests! ou f j pierreux & fahnneporte rien d'autre, nous voyons cependant fafier (A/i tnpohum, L.) le panicaut de mer (Eryngium maritimum, L), iLZl phaes (Hippophae rhamnoides, L.) & quelques autres plantes, & dans L fables mouvants les plus arides croiffent la girofïïee de fable (Dian hl arenarius L.) & Ia chondrille avec beaucoup de petites fleurs jaune (Chondnlla juncea, L.). Dans un terrein maigre, pierreux & cLZ entre des rochers, de vieilles décombres & de vieux murs fleuriffent le F r meterre jaune (Fumaria Iutea, L.), Ie bec de grue fanguin (Geranium fanguineum, L), fanemone fauvage (anemone fylveftris, L.), différente, efpeces d'alyffus (Alyffum fpinofum, montanum, incanum, L.) k 2 e nommee (Ciftus helianthemum, L.) &c. La nature a defliné d'autres plantes grimpantes & rampantes k s'entortiller autour des roes des murs des monceaux de pierre, des grottes, des hermitages, des cabane. des chaumieres revêtues de mouffe, des repofoirs boccagers, & des ruines artificielles & a leur donner un revêtement agréable de feuilles & de diffé rentes fleurs; telles font plufieurs efpeces de chevre feuille, de clematite H 2 (Clema-  <50 Troifieme Seïïion. Jardins (Clematis viticella, virginiana, vitalba, integrifolia, flammula, L.), la vigne, lelierre, la vigne vierge (Hedera quinquefolia, L.), la bignone, ou le jafmin de Virginie (Bignonia radicans, L.), le üerre de Canada, de Virginie, de la Caroline (Menefpermum canadenfe, virginianum, carolinianum, L.), les deux efpeces de plantes fuivantes: Glycine apios, L. & Periploca graeca, L., revonirnoïde (Celaftrus fcandens, L.), la pervenche grande & petite (Vinca major et minor, L.) &c. Combien n'y a-t-il pas d efpeces de gazons propres a revêtir d'un tapis verd le fol, de quelque efpece qu'il foit! La nature créa pour les prés humides, les endroits marécageux, les bords de rivieres & des ruiffeaux, les plantes fuivantes: Poa aquatica, L. Alopecurus pratenfis, L. Feftuca fluitans, L. Carex cefpitofa, L. Arundo arenaria, L. Carex pulicaris, L. &c. Un terrein leger, fee & maigre eft embelli par la Feftuca avena, L. 1'Avena pratenfis, L. le Hedifarum canadenfe, L. le Hedifarum coronarium, L. &c. Un fol leger & frais eft orné par 1'Avena elatior, L. & Ia bruyere Ia plus aride, mème une montagne de craie eft décorée par 1'yvraie fauvage ou Ray-grafs (Lolium perenne, L.)- Plufieurs fortes de trefles, qui font au nombre des herbes les plus propres a la nourriture des beftiaux, ne fervent pas moins a parer le terrein & a former des gazons agréables; tels font les trefles (Trifolium pratenfe, L.). Trifolium frugiferum, L. Trifol. montanum, L. Trifol. melilothus officinarum, L. Trifol. ftellatum, L. Trifol. hybridum, L. Trifolium agrarium, L.; enfuite la luzerne (Medicago fativa, L.)> 1'efparcette (Hedifarum onobrichis, L.), la geffe ou vexe (Lathyrus pratenfis, L.), la coronille panachée (Coronilla varia, L.) &c. Même dans les lieux marécageux oü rien d'autre ne pouffe, croit entre les jones & les rofeaux, le jone fleuri (Butomus umbellatus, L.), la becabunga (Veronica becabunga, L.), le flambe de Siberië (Iris fiberica, L.), la Phalaris canarienfis piéta, L. la chaffe-boffe (Lyfimachia vulgaris, L.), 1'oreille d'ane ou grande confoude (Symphitum officinale, L.), la girofflée d'eau (Hottonia paluftris, L.) &c. Tant il eft fur que le plan général de la nature eft d'embellir par-tout Ia terre. II n'eft point de recoin, tant caché,  4- D'après ces enfeignements de la nature, une des occupations importantes de 1'artifte jardinier eft d'animer par-tout fes cantons en les couvrant de verdure. Les arbres & les arbriffeaux font les objets du regne végétal qui, en fait d'embelliffements, frappent Ie plus 1'ceil & méritent fon attention: revenons-y donc encore. Lesbocages, c'eft-a-dire: des plantations d'arbriffeaux réunis a quelques arbres épars, peuvent d'abord ètre compofés fuivant les différentes couleurs des fleurs dont nous avons parlé plus haut. C'eft ainfi qu'on peut faire un bocage tout compofé d'arbriffeaux k fleurs blanches, comme rofes blanches& lilas de la même teinte, pelotes de neige, jafmin, clethra &c.j & au milieu, ou aux cótés de ce bocage, ou autour du chemin qui y mene, ou fur le gazon attenant, on peut planter quantité de fleurs de cette même' nuance. On peut de mème planter des bocages entiers d'une des autres couleurs dominantes, comme le jaune, le rouge & le bleu, entre-mèlant H 3 les  ga Troijïeme SeUion. Jardins les arbriffeaux de fleurs femblables. Ceci fournit des fcenes d'un effet trèsagréable, fur-tout lorsque quantité de ces arbriffeaux fleuriffent a Ia fois dans un certain temps, ce qui arrivé ordinairement au printemps & au commencement de 1'été. Mais ces bocages doivent en général ètre richement plantés, fans quoi toute 1'ordonnance auroit quelque chofe de puéril 8c manqueroit 1'effet que l'on en attend. L'uniformité de couleur ell compenfée par les diverfes nuances 8c teintes, & par les divers mélanges qui regnent dans chaque couleur dominante, 8c qui attirent la vue en 1'engageant a une obfervation plus exacte: les formes 8c la pofition des feuilles offrent encore de la variété dans les fleurs. Cependant un goüt délicat préférera peut-ètre aces fcenes uniformes un mélange, une compofition pittoresque de différentes couleurs. Ici furtout pour produire un tableau qui puiffe plaire au connoiffeur, il faut un ceil exercé aux diverfes teintes, affinités 8c liaifons des couleurs: il faut de plus obferver les mêmes gradations que l'on a remarquées dans la compolition des verds. *) Les couleurs doivent encore ètre mariées enfemble fuivant qu'elles font amies ou tranchantes. Le blanc s'allie avec les trois autres couleurs, tant avec le rouge 8c le bleu, qu'avec le jaune: le jaune fe mèle mieux avec le blanc qu'avec le rouge 8c le bleu: le rouge s'accorde plus avec le jaune qu'avec le bleu. Cependant les couleurs intermédiaires peuvent faciliter & adoucir les mélanges. Des fontes douces, 8c un mariage aimabledes couleurs paroiffent préferables a de grands contrafles dans cette forte de peinture. L'art ou la maniere d'ordonner la plantation dépend du caraétere des bocages. Une lande, un labyrinthe eft comme jeté la fans aucun ordre, fans aucune liaifon. Une fcene mélancolique doit être touffue 8c comme entaffée, 8c ne laiffer que peu de paffage a lalumiere. Un canton gai, riant, a beaucoup de places découvertes 8c d'entre-deux aéiiens: 8c un canton romanesque, ne confifte qu'en contraftes finguliers entre les formes des arbres 8c les couleurs de Ieurs feuillages. De *) Voyez Tome II. p. 62 & 63*  relatifs au caraiïere des G.ntons. g3 De bocages riants paroiffent plus beaux fur des collines doucement enflees & revétues d'un verd animé, que dans la plaine. La maniere dont les monticules s'éïevent les uns fur les autres, ou les uns derrière les autres; les formes inégales de Ieurs élevations; les divers affaiffements de Ieurs pentes; la facon dont quelques-uns femblent fe retirer, tandis que d'autres s'avancent en faillie; toutes ces variétés de fites & d'afpeds concourent incroyablement k répandre de Ia férénité fur Ie tableau. II faut auffi planter d'après ce caradere, & tantót éclaircir les grouppes, tantót les renforcer, tantot les femer écartés les uns des autres, tantót les refferrer en une maffe folide; iciplacerunbelarbrequis'éleveifolé; Ja jeter un petit buiffonj il faut faire fucceder 1'ouvert au renfermé, Ie clair k I'obfcur, I'élégant k 1'agrefte; le tout pour réhauffer d'avantage Ie caradere du canton, &rendre les points de vue plus pittorefques, plus attrayants, plus variés & plus frappants. r ■ En compofant des bocages & des bofquets, ainfi qu'en faconnant des forets naturelles, une des occupations les plus importantes eft celle de fe ménager des points de vue. On montre peu de connoiffance de Ia vraie beauté lorsqu'on ne penfe qu'a ouvrier partout des perfpedives. Aucun des fens n'aime plus k s'égarer que Ia vue, & rien ne trouble plus Ia jouiffance des beautés qui nous font offertes que cette diftradion perpetuelle de 1'ceil. II faut que Ie regard foit pour ainfi dire enchainé aux objets qui exigent que l'on s'y arrête; tandis que d'autres objets, qui ne feroient que diftraire, doivent ètre voilés, & d'autres fcenes obfcurcies, jufqu'a ce que 1'imagination oule fentiment foient entiérement fatisfaits par ce qui les avoit attirés. On fait que des fabriques & des collines, ainfi que des plantations fervent k mafquer des points de vue capables de diftraire. L'artifte jardinier fera donc guidé, & par les regies du goüt, & par celles de la perfpedive, en ordonnant fes points de vue: il examinera quand il doit les raccourcir ou les étendre, les fermer entiérement pour faire jouir de Ia folitude & pour procurer du repos k I'ceil, les borner pour faire éprouver tout I'effet de la fcéne, ou les rouvrir afin de faire goüter les agréments de Ia liberté &c de  64 Troifieme Seffion. Jardins & de la fêrénité. A 1'aide des points de vue nous nous approprions en quelque forte tout le payfage d'alentour; nous augmentons par leur moyen les plaifirs d'un petit diftrid, & nous nous procurons un nouveau domaine qui nous égaie fans nous ètre a charge & fans rien öter a fon véritable propriétaire. Mais que chaque point de vue elt différent dans fes effets! Vat-il tomher fur un lac? il caufe un fentiment de joie ou de fêrénité: s'enfonce-t-H dans un vallon? ilfait éprouverun fentiment depaix champêtre & de repos: erre -1 - il dans des campagnes vaftes 8c bien cultivées ? il occafionne un fentiment exquis de volupté. Une hauteur qui s'éleve dans les environs, bornela vue 8c réveille I'idée de folitude: une chaine de montagnes fait naitre un fentiment de grandeur 8c d'élevation majeftueux: de vieux chateaux 8c des ruines rappellent le mélancolique fouvenir des temps paffés: de fombres forêts engendrent la gravité 8c les réflexions ferieufes: des bofquets avec une eau courante raniment la gaité: une file de monts qui s'entaffent les uns fur les autres dans un lointain bleuatre, ou des chai-. nes de montagnes qui s evanouiffent infenfiblement dans 1'azur des cieux, raviffent 1'imagination par la repréfentation fublime de 1'immenfité. Savoir non feulement faifir tous ces afpeds fous Ieurs points de vue les plus favorables, mais encore faire de Ieurs différents effets un ufage convenable au caradere du tableau; n'en prendre ni plus ni moins que celui-ci n'exige; les faire fe fuccéder de maniere que les fentiments qu'ils font éprouver, fe marient enfemble 8c fe renforcent mutuellement, fe fondent en une fuite d émotions intéreffantes, ou frappent par le contrafte de Ieurs tranfitions fubites — telle elt la vraie fcience de 1'artifte jardinier. Mais pour ne pas manquer leur effet, ces vues dans Ie payfage doivent s'accorder avec les impreffions des fcenes intérieures. Les afpeds qui font renfermés dans les limites de Ia plantation ne font pas moins fufceptibles d'être revètus des attraits de la variété. La diverfité des arbres 8c des arbriffeaux, Ia grandeur 8c Ia pofition des grouppes, la diredion de I'ceil tantót vers un arbre extrêmement beau ou rare, tantót vers quelqu'autre objet remarquable, Ia fucceffion variée des décorations, des repofoirs, des gazons, des allées, la fraicheur que répandent de petits ruiffeaux gazouillants, qui avec Ieurs ponts  relatifs aucaraSmits Cantons. 6 ponts legers animent fi bien les bofquets & les bocages, contribuent ori/ cqialementaprocurer cette variété, «mjiouent pnn- Des bocages qui doivent étre traverfés par des promenades fiuueufes ne faurotent etre autre chofe qu'un affemblage degroup J&.5"f ' Plus ou moins grands, mèlés a que.ques arbrï, & £35,'*gÏÏ ortueux. Les arbres & les arbriffeaux les plus beaux & dbLués^p t ,ge leur eudlage, Ieurs fleurs, &>eur parfum, on.ledroiXC " vo.fins de tal du promeneur, & pour ainfi dire, de fe feluer a fon Se ceux d.u e moind beautó peuven( s,enireIa.er J£%lgv, Lorsque Ie grouppe d'arbriffeaux a une belle forme, H eft agréabfe deof' vo,rfedecouvrir,ou< tier. De peötes collines^ feurfpttoC un emplacement favorabfe pour ce. effet, Pordon„ance qui la™' oer devan, les arbriffeaux les p.us petto, ieniae ocjoU^élo t & derrière ces derniers les plus élevé<; n«,* , meaiocres» Plus beau grouppe eft ce,u! ^20^ de pyramide, * du milieu duquel s'é.auce un belle couronne. Cependant il ne faut pas tron rétóer 7»Tr ƒ Souvent un bel arbre ifolé ou un arbriffeau bi™ i , , t ges, fa,t un bon effet. L'avantage de ceci confifte en ce que teil du „ramen» paffe d un bocage a I'autre, & „e remarque !a progreffioTtoante du chemm que lorsqurl y eft parvenu, enfuite cette maniere de planter fu ' gere a M la radon apParen,e du détour que te fe fenneri JtorloÏt que le deflem de celui- ci a fouvent préoédé la plantation. LorSque"estn men, tout parucuiier en fes prolongean, fur fes pen.es des eminentou en les fadant tournoyer infenfiblemen, autour du naontioule, XHe'ouë parvenus au fommet, ils faffent jouir de toute la variété du tableau * Tome IV. t 1 Al'en-  ö6 Troifwne Seiïïon. Jardins A fendroit oü un ruiffeau ou une riviere fait un courle agréable, Ü faut, pour le marquer plus vivement, planter un arbre d'une forme attrayante a la pointe du fol. Sur les devants d'un grand bofquet ou d'une forêt, feront placés des arbres d'un jet vigoureux qui frappe la vue & d'un feuillage abondant dont la nuance tranche fur celles des arbres fitues derrière ; tels font le maronnier d'Inde & Ie platane. Sur une prairie hbre & étendue, fur un vafte gazon, ou dans quelque autre place découverte, parfemez quelquefois des arbres ifolés &touffus d'un jet majeitueux, &a quelque diftance les uns des autres: tout fpedateur fenfible comprendra eette invitation fecrete a fe rendre fous ces voütes fombres, & a s'y abandonner au fentiment du repos- & a des penfées fublimes, Lorsque la plantation doit commencer dès 1'habitation, elle ne confiftera qu'en grouppes legers & agréables. Une peloufe libre, vafte, & d'une belleforme eft préférable ici a une plantation ferrée; de 1'avenue la maifon paroit placée au milieu de ce riant tapis, & le crépi des murs tirant fur le blanc, (qu'il foit gris-blanc, blane jaunatre, ou blanc rougeatre) faitun trés-bel effet avec la verdure du fol. *) Des maffits fombres & épais d'arbres font les meilleurs fonds qu'on puiffe donner a de grandes peloufesj taal fe plait k s'y repofer, après avoir ërré quelque temps fur une file de grouppes riants & de jolis arbuftes en fleurs.. L'enfemble offre un fpe&acle des plus agréables, lorsque les grouppes décroiffant fucceffivement font diftribués- de faqonque l'ceil s'y perdeen quelque forte, & fe repréfente l'éloignement du fond comme plus confidérable qu'il ne 1'eft Les ombres dont les grouppes ou les arbres ifolés parfement le gazon, relevent Ie tableau en contribuant a la récréation & au repos de la vue. La nature nous montre dans mille prairies, eombien le feuillage des arbres contrafte agréablement avec la verdure du fol. A des fonds obfcurs faites fuccéder un riant bocage qui les rende encore plus tranchants.. Que la variété & le contrafte régnent toujours dans la grandeur, la forme, les diftances & le feuillage des grouppes. La plantation gagne en apparence lorsqu'on fait conttafler enfemble, non chaque arbre *) Voyez plus bas la 6me S'eftion, de la décoration de 1'avant-place.  relatifs au caraiïere des Cantons. 67 arbre particulier dont le grouppe eft compofé, mais plutót grouppe avec grouppe. Quelques tapis verds de formes diverfes qui ferpentent entre les grouppes 8c les bocages, répandent beaucoup d'agrément dans de valles ordonnances; on peut par-ci par-la, mais non partout, border ces gazons de fleurs 8c y préfenter quelquefois un arbufte fleuri ou un arbre, 8c même, lorsque 1'étendue le permet, un ou plus d'un grouppe d'arbres, pourvu qu'on évite une répetition trop fréquente. En général il ne faut jamais que les gazons foient furehargés de plantations; ils doivent préfenter de grandes furfaces vertes; Ieurs plantations ne font que des décorations, qu'un nouvel attrait, 8c quelquefois qu'une nécefflté préfcrite par i'ordonuance des points de vue. Souvent il convient mieux de laifler vuides les petites inégalités du fol, que d'y planter quelque chofe; elles fe fondent alors Tune dans I'autre d'une maniere plus douce. On peut orner une petite éminence, de fleurs, d'un arbufte, ou de quelque arbre nain; un grand arbre conviendr-oit moins a eet emplacement, dont I'élévation peu confidérable contrafteroit fmguliérement avec Ia hauteur de I'arbre-qui deplus eft totalement fuperflu dans ce lieu. A des angles faillants placez un arbre folitaire diftingué par fon jet 8c par fon feuillage; fon emplacement fait que 1'ceil s'y porte rapidement & s'y arrête avec plaifir. Des arbres deftinés a fe préfenter ifolés-doivent en général ètre remarquables par leur tronc 8c par leur couronne, ou attirer la vue qui s'y attaché d'abord, par quelqu'autre qualité éminente. Leur beauté fe diftingué moins dans une forêt ou dans un bocage entre d'autres arbres, que lorsqu'ils fe préfentent feuls 011 en petits grouppes 8c plus librement au regard. Le maronnier d'Inde, quelque commun qu'il foit, eft toujours recommendable de ce cóté, vu fa belle tête arondie, fon feuillage touffu, 8c fes grands bouquets de fleurs fi agréables a I'ceil. Le tilleul de Hollande, le peuplier d'Italie & de la Caroline, le tulipier, 1'erable, fur-tout celui qu'on nomme opale (Acer opalus, MUL) dont la vafte couronne ombragée de feuilles fuperbes releve la beauté de Ja tige, 8c dans les fcenes d'automne Ia le  é$- Troifisme Sellion. Jardins le forbier, dont les baies briliantes rempliffent abondamment lefommet, font encore recommendables a eet égard, vu leur belle forme pyramidale. Le fapin ordinaire ou femeile, le fapin male, le pin, le pin du Lord Weymouth, & d'autres arbres coniferes & réfineux, font placés de la maniere la plus avantageufe lorsqu'ils font ifolés: ils fourniffent un embelliffement admirable aux valles pieces de gazons, oü ils engagent tous les yeux a s'arréter dans Ia circonférence agréable qu'ils décrivent. En compofant les grouppes il faut principalement ètre attentif a mettre enfemble des arbres qui fe conviennent. Les arbres a feuilles s'accordent le mieux avec Ieurs femblables; il en eft de même des arbres coniferes & réfineux. *) II faut même prendre garde a Ia nature du feuillage. Le faule de Babylone, le bouleau & le mélefe affortiffent trés-bien enfemble; le tulipier, 1'erable, Ie platane, le chène, s'accordent par la forme découpée de ieurs feuilles; letilleul, le peuplier noir, le faux-fyeomore, pouffentdes jets également droits. Tous ces arbres peuvent trés-bien entrer enfemble dans la compofition des grouppes. Mais ici encore il faut éviter avec foin toute régularité. Dans les cantons romanefques doivent conftamment dominer le contrafte, la variété & Ia fingularité: le peuplier blanc s'y alüe avec le hètre fanguin. II faut choifir le feuillage d'après le lieu & d'après 1'intention de 1'artifle jardinier: un feuillage gai ou argenté convient fur les devants d'une forèt fombre, & un feuillage obfeur fur un gazon riant; des feuillages rembrunis, comme ceux de 1'if & du thuya delaChine, doivent ètre rejetés dans les fonds. C'eft en faifant foi-mème des effais, & en étudiant foigneufement fon emplacement, que l'on recueille les meilleures maximes touchant l'art de groupper. 11 eft indubitable que chaque canton exige une efpece particuliere de plantation convenable k Ia nature du fol, & qu'ön ne peut préfcrire des *) II ne fera peut-étre pas fnutile de quoi 1'Auteur oppofe ïci & ailleurs les rappeller que le feuillage des arbres co- arbres a feuilles aux arbres coniferes & niferes & réfineux n'eft pas proprement réfineux, oppofitionquelenom allemand tin feuillage, ou du moins eft compofé, de ces derniers (Nadelhölzer, mot-anon de feuilles ordinaires, mais d'efpeces mot: arbres a aïguilles) rend d'abord de knguettes ou d'aiguilles: c'eft pour- fenfible. Note du Traduiïeur.  retatifr au caraÏÏere des Canfons. g9 des regies exadement & invariablement appücables k tous les lieux. Au refte i faut tacher d'apprendre 1'art de groupper de la nature mème. Allez dans les forets & voyez comme cette grande & habile ouvriere plantevfyez comme elle déjoint, comme elle rafTemble; comme elle refferre ici comme elle éparpille Ja; comme elle eft économe dans 1'abondance & vanee fans prodigalité; comme elle-évite tout ce qui eft dur, tout ce qui eft tranchant; comme elle voute fes grouppes & fes bofquets, & fond 1'enfembie en un contour plein de douceur. . „ Lf P!antation d« buiffons exige qu'on faffe une attention particuliere a 1 emplacement & aux effets futurs; après vingt k trente ans les arbuftes iurvivent presque toujours k leur beauté & donnentaufol un afped inculte & lauvage, tandis que dans ce mème temps un arbre fe perfedionne Les plantes rampantes & k farments peuvent s'employer avantageufement dans les bocages. Outre le rèvètement qu'elles fourniffent k de vieux murs & a d'antiques batiments, elles fervent k renforcer Pair agrefte du tableau; a boucher des ouvertures; a former de petits berceaux & des allées voutees dans les bocages; k s'étendre d'arbre en arbre, & agarnir Ieurs entre- deux de guirlandes fleuries & pendants; enfin a entourer des troncs tortus ou troués & k cacher Ieurs défauts. Toutes ces remarques regardent les plantations faites par Ia main du jardinier. Mais dans combien de cantons la nature ne I'a-t-eïle pas prévenu? Quellecommodité & quel avantage ne trouve-t-on pas a profiter des plantations naturelles en les accommodant au génie de 1'cnfemble a les mettreenordre, alesperfedionner, alesenrichir! C'eft un procédé tréspeu refléchi, quoique des plus ordinaire?, que de commencer un jardin par la deftrudion de tous les arbres & arbriffeaux que Ia nature y a plantes Que de bocages & de grouppes pleins d'aftraits, qu'un goüt fain auroit admis avec plaifir dans fon plan, ont fouvent été Ia vidime de cette inconfidération! Quel art, quel pouvoir rendra k remplacement les troncs refpedables, les maffes d'arbres qu'il avoit, & en comparaifon desquels les plu, jolies plantations de l'art ne font qu'un jeu de marionettes > Quelle folie que de détruire ce qu'on cherche, de ruiner ce qu'on veut créer, & d'attendre du temps ce qu'on pourroit pofféder d'abord! 1 3 5- Les  ?0 Troifume Sefi'wn. Jar dim  relatifs au caraScen des Canictis. 71 Les manieree variées de raffembler les arbres en grouppes, font peutêtre encore inconnues a bien des amateurs, qui ne feront pas fachisde trouver ici un petit effai a eet égard. Le grouppe commencepar deux arbres; ce grouppe eft extrémement fimple, &n'oflxe presque aueune diverfité; levoici Les points marquentles arbres, & les lignes le chemin, afin d'indiquer Ia direction fous la quelle les arbres fe préfentent aux yeux. Trois arbres fe grouppent: • , . • • # * • « • • • Dans cette efpece de compofition il faut obferver que les arbres ne faffent jamais un triangle trop régulier, c'eft a dire: équilatéral; c'eft pourquoi un des points tendra toujours a troubler cette figure. On obfervera de plus que trois arbres-placés en ligne droite, ne font pas un grouppe, du moins d'une belle forme, mais feulement une plantation en ligne droite. La nature ne livre jamais trois?objets exaétement alignés^ Les grouppes de quatre arbres font: • • • • : # «• • », m • • • • * • 0 't • % e » c « . Ginq arbres peuvent fe'groupper; • — • • ••«► • # • • • • • * • ë «■ ♦ . * • • - * • * • » L" remfere figure eft le qiiinconce, qui eft encore trop régulier.- Six  73' Troifieme SeÏÏion. Jardins Six arbres fe grouppent: v;. ;•: v. • • • • • • * • • • • • • . r~ •/ • • * :• %♦ • • * o * « • . • On peut réunir fept arbres ainfi: • • • * # • • On peut ordonner avec la même variété des grouppes d'un plus grand nombre d'arbres. On voit par ces échantillons, non feulement comment on peut groupper les arbres, mais encore de quelle diverfité Ieurs affemblages font fufceptibles. La compofition en elle même eft aifée, car elle ne fe fait gueres qu'en réuniffant avec aifance & de différentes manieres des grouppes de trois, deux&un, desquels font formés tous les maffife d'un plus grand nombre d'arbres. On peut femer entre les grouppes d'arbres quelques arbuftes ifolés, ou quelques grouppes d'arbriffeaux, tant pour faire difparoitre toute apparence de ligne droite & d'angle trop tranché ou trop aigu, que pour décorer 1'enfemble. Dans des plantations plus grandes, une fuite de maffifs d'arbres, qui s'étendent le long des promenades ou a travers lesquels ferpente le fentier, font un effet trés - agréable, lorsqu'ils font entremêlés de quelques petits grouppes d'arbriffeaux. La réunion de plufieurs grouppes d'arbres forme le bofquer, qui n'eft en effet que la jon&ion de grouppes grands 8c petits réunis pour former un nouvel enfemble. L'ordonnance d'un bofquet eft donc la mème que celle des grouppes d'arbres. Voici le deffein de quelques grouppes; mais l'on fe rappellera que dans de femblables repréfentations l'art le plus exquis demeure toujours bien au deffous de la nature. D'abord  retatifs au earaiïere des Cantons. ? 3 Puis un grouppe d'arbres coniferes & réfinww 'jC^ê 1 moitié s'offre fur une petite colline. ' *"* h *Ias Srande K Enfin  74 Troifisme Seftion. Jardins Enfin un melange de divers grouppes dont quelques-uns s'élevent le long d'une colline en pente douce. , 6. Pour que les jardins du genre agréable deviennent plus attrayants &. plus amufants qu'ils ne 1'ont été jufqu'ici, il faut, autant que ieur enceinte peut le permettre, leur allier toute la variété choifie des fcènes naturelles les plus charmantes. L'artifte jardinier doit enrichir fon imagination des plus beaux tableaux de la nature, & épier conltamment celle-ci dans le payfage, oü elle déploye tous fes attraits. Les defcriptions & les repréfentations artificielles font fans doute des fecours plus foibles; cependant elles ne laiffent pas que de faire quelque effet. Elles foutiennent le génie, animentl'imagination & lui repréfentent, finon toujours dans une Iumiere vive, au moins quelquefois dans un doux crépufcule, Ia magie des fcènes que I'ceil n'a pas occafion de voir. On a déja décrit dans eet ouvrage une quantité de jardins dont 1'aménité fait le caradere, & dépeint plufieurs fcènes ifolées: cependant ici encore nous allons ouvrir une petite gallerie de tableaux naturels. Des defcriptions de chefs d'ceuvre, fur-tout tracées par des connoiffeurs, infïruiroient en plufieurs parties de l'art des jardins beaucoup mieux que toutes les regies. Mais oü font les chefs d'oeuvres faastache? Les defcriptions détaillées de jardins, combien ne font-elles pas rares ? Et n'eft - il pas bien plus rare encore de rencontrer le connoiffeur dans celui qui les tracé? Nous offrirons d'abord Ie tableau de plufieurs fcènes ifolées appartenant a un jardin du genre agréable, tableau defiiné par 1'ima-  relatifs au carablere des Cantons. ij j Pimagination heureufe d'un connoiffeur; enfuite nous préfenterons quelques defcriptions de jardin naturels, qui presque toujours fe diftinguent d'avantage par la beauté des fcènes qu'offrent la nature & les lointains, que par la variété de leur ordonnance inferieure. a. Suite de fcènes dans un jardin du genre agréable. *) „Nous devons trouver dès en fortant de la maifon, un fentier ombra„gé 8c battu, qui nous conduira facilement dans tous les endroits les plus „intéreffans." „Tantót c'eft un bocage, oü les rayons de Iumiere fe jouent a travers „les ombrages; le criftal d'une fontaine y réflechit les couleurs de la rofe „qui fe plait fur ces bords; le murmure des eaux Iimpides, les accents „amoureux des oifeaux, 8c le doux parfum des fleurs y charment a la fois „tous les fens." „Tantót c'eft un autre bocage d'un earaclere plus myftérieux; une „urne antique y contient les eendres de deux amans fideles, un fimple lit „de mouffe fous le creux d'un rocher, peut fervir aux leélures, aux conj,verfations, ou aux rèveries du fentiment." „Plus loin un bois presqu'impénétrable offre le fanéluaire des amans „heureux." „ A 1'extrêmité de ce bois Ie bruit d'un ruiffeau entendu de loin fous les „ombrages, invite aux douceurs du repos." „C'eft dans un vallon folitaire & fombre, que coule parmi des rochers „couverts de mouffe, Ie ruiffeau dont on entend Ie bruit. Bientót le val„lon fe refferre entiérement de tous cótés, & laiffe a peine un paffage par „un fentier tortueux & difficile. Quel fpeclacle s'offre tout a coup! a tra„vers les cavités obfcures de rochers éloignés, s'élancent de tous cótés des „eaux brillantes & rapides; les roes, les racines, 6c les arbres entremèlés „dans le courarft des eaux précipitées, varient les obftacles, Ie bruit Sc les „formes de Ieurs chütes, en cent manieres différentes. Des bois environ- K 3 „nent *) De Ia compofition des payfages &c. par le Marquis de Gerardin, pages46-56,  7& • Troijicme Setlion. Jardins „nent la place de toutes parts; Ieurs épais feuillages fe courbent & s'entre* „laffent fur les eaux écumantes: des grouppes d'arbres difpofés de la ma„niere la plus heureufe, donnent un effet fuprennant de clair obfcur, & de „perfpe&ivea cette fcene enchantereffe; le bord des eaux eft orné de plan* „tes odorantes, & de buiffons de fleurs; quelques rayons de lumiere ré„fléchis par le brillant des cafcades, éclairent feuls ce réduit myftérieux oü „régne ce jour doux qui lied fi bien a la beauté; ce fut la que la belle Ifmè„ne fe baignoit un jour; le hazard y conduit le jeune Hylas ; a travers les „feuillages, il apperqoit la maitreffe que depuis longtemps fon cceur adore „en fecret. Que devient-il kda vue de tant d'attraits! Embrafé de défirs, „combattu par la délicateffe, ce n'eft que par une füite précipitée qu'il peut „s'arracher au délire de fes fens; mais en fuyant il laiffe tomber un billet: „la belle Ifmène furprife du bruit qu'elle a entendu, regarde de tous cótés, „apperqoit le billet, fon cceur eft touché de tant de délicateffe, de tant d'a„mour. Hylas fut aimé, Hylas fut heureux; & le fouvenir de ces amants „conftans eft encore grave fur un chène voifin." „Ici dans un terrein profond & retiré, une eau calme & pure, forme „un petit lac; la lune avant de quitter 1'horifon fe plait longtemps k s'y mi„rer. Les bords en font environnés de peupliers; k 1'abri de Ieurs ombra-r „ges tranquilles, on apperqoit dans 1'éloignement un petit monument phi„lofophique. II eft confacré a la mémoire d'un homme dont le genie éclai„rale monde; il y fut perfécuté, parcequ'il voulut par fon indépendance „fe mettre au -deffus de Ia vaine grandeur. Un caraétere de filence & de „tranquillité régne dans cette douce retraite; & cette efpece d'Elifée femble „fait pour le bonheur paifible, & les vraies jouiffances de 1'ame." „Tantót un bois de chênes antiques, fous lesquels on entrevoit un „temple dans Ia plus profonde obfcurité du bois, offre a la méditation un „afyle filencieux. C'eft la que le Poëte n'eft point diftrait de fon enthou„fiafme divin; c'eft la qu'il trouve ces idéés fublimes qu'il doit exprimer „dans fes vers." „Ici s'offre un vallon étroit & folitaire; un petit ruiffeau y coule tran„quillement fur un lit de mouffe, les pentes des montagnes font couvertes „de  rthtifs au caraUtrt da Cardans. , „de fougere, & des bois enferment de tous cótés cette folitude; c'eft i£L* m pe,it hermitage> un m°!o*he« ft ft m*» „Sur Ie bord d'un vafte Iao, s'éievent des rochers arides; Ieurs dmes „font couvertes de pins, de fapins & de génévriers tortueux Le ,e"rdn „mculte offre par-toutfimage d'un défert; celieu eft féparé du refte de Ia „nature, par une longue chaine de rochers & de montaLs Le ei„ je „y «ent chercher des tableaux d'un grand ftyle; Parnan, m*eure7x ou „celu. q„, aperdu 1'obje, de fon amour, y viennent chereher boubhTleurs „pemes; mats ft „-eft „Cl, f, fauvage> „uPamour ne les pouZve Z „™.t graves fur les rochers, les noms de Ieurs maitrefles, ou les mont „ments de Ieurs anciennes amours." rnm'^Tve1un bois de cedres' une P™e aife jufq«« b, Ie „femme d'une haute montagne, au pied de laqueile Ia riviere ferpente dans 1££tt? Mi Vf *" «* » ^ horifon cou/on" „ „1 elo,gnement par un amphithéatre de montagnes. Déj-i Ie foleil levant 'pe;fon M ^ di«ie™- U ^-apeutfê diffi„Pe a fonafpeft; de longues ombres projettentfes arbres, les maifons & "ófle'phitf , 3C- deMSde 1UmiCTe enriChifet Ce tabl<»« W™nel, „ou le Phdofophe, apres avoir envain épuifé tous les fyftémes, eft forel „de reconnoitre Petre des etres, & le difpenfateur des c„ofes.« „appellen, danslavallee pouryrepofernos yenx dece fpeflacte éblouiffants „au p ed de la montagne eft un bois ob les houblons, & les chevrefeuils, „sfentomllan. au tour des arbres, formen, au-deffus de Ia téte des fefton „& des guriandes entrelaffées. Les tapis de mouffe & d'herbe verdoyan- " IL T 7?T ''f11" de Pe,ites fouras> ^tour des- „que les, dansdes budfons de rofiers fauvages & d'épines fleuries, Ie rofll- 'ferv£ FS3 e"ten,re f°n br"'ant * « ™«ffe „fervent a I ecouter avec d'autant plus de plaifir, qu'J Podeur de Ia rofe & „de 1 aubepme fe ,omt oelte des jaeynthes fauvages, des fimples violetó* Kj „&du  „g Troijieme SeSion. Jardins \ ' & du lys des vallées qui croiffent avec profufion dans toutes les places de "cejoli bois, qui font piquées de lumiere." En fortant de Ik un vafte enclos de prairies s'etendant jufqu a Ia riviere fert de paturage a de nömbreüx troupeaux, que n'effrayent jamais "ni les'chiens du patre, ni la houlette du berger. Grouppes en cent ma"nieres différentes, les uns paturent paifiblement, les autres font couches "tranquillement, & paroiffent encore plus engraiffés par la douceur de la "paix & de Ia liberté, que par la faveur de Vherbe fraiche & fleurie." . ' ,',Quelques mamfs de faules, d'aulnes, ou de peupliers, nous prefentent'leur ombrage pour nous conduire jufques k un pont, ou k un bac; "c'eft lk que l'on traverfe les deux bras delariviere, formés par uneisle. "charmante. Un bois de myrthes & de lauriers, dans Iequel on voit en"core unancien autel, le parfum des bois fleuris dont elle eft plantee de "toutes parts, & les ruines d'un petit temple antique, temoignent affez "qu'elle fut jadis confacrée k f amour; mais k préfent ce n'eft plus qu'un ^paffage} & la maifon du paffeur eft appuyée contre la ruine presque me"connoifiable du temple." , _ . De l'autre cóté de Ia riviere font les enclos d'une meta.rie dont on anpercoit les bktiments fur un cóteau voifin; un fentier en parcourt les "différents enclos entre des haies de grofeillers, de framboifiers, & de pews "arbres fruitiers. La terre ne ceffe jamais d'y ètre utile. Celle qu'on laiffe "ordinairement en jachere, eft enfemencée des plantes les plus propres a Ia "nourriture des beftiaux qui pkurent, & fertilifent en mème temps ces en"clos Le bceuf y rumine en paix, le mouton & ia chevre y bondiflent. "avec liberté, & le jeune cheval relevant déjk tous fes crins d'un air fier 8t "fnperbe, fe joue en henniffant dans fes courfes rapides." ?' Un peu plus loin, dans d'autres enclos, le laboureur conduit fa charme 'en chantant, & fes plus jeunes enfans folktrent autour de lui, tandis "que ceux qui font plus en état de travailler, arrachent les mauvaifes her-, "b-s dans le champ déjk femé: le travail épargne k la jeuneffe le défordre "des pafüons, il épargne les apoplexies, foutient la fanté, prolongeles jours "de Ia vieilleffe: & ces bonnes gens k la fin du jour, ont du moins échappe " „a 1'en-  relatifs du carahterè des Cantons. >jg „a 1'ennui, qui n'eft que trop fouvent Ie partage&Ie tourrhent de Ia richeffe „& de la grandeur." „Mais il eft temps de finir notre promenade: un verger ou hien un „bois d'arbuftes nous ramene a Ia maifon. J'ai voulu feulement vous don„ner un foible échantillon des beautés, & des variétés qu'on peut trouver „dans la nature; j'entreprendrois en vain de vous repréfenter toutes celles „dont elle eft fufceptible. La diverfité des cultures, les inégalités du terrein, „Ia différence des mêmes objets apperqus de différens points & fous diffé„rens afpeéts, enfin toute Ia fécondité du fpeclacle de I'univers ne peut „manquer de vous offrir, de maniere ou d'autre, des objets de détail en „telle abondance que vous ne ferez embarraffé qye du choix. Mais dans „le détail, comme dans 1'enfemble, ne contrariez jamais la nature." S t u d l e y.*) Le pare deStudley, digne d'étre vifité par lesvoyageurs, eft fitué dans un payfage agréable a quatre milles (anglois) de Ripon. La maifon eft a ia vérité jolie & bien diftribuée, mais les jardins attenants font 1'objet prin'cipal. On nous conduifit d'abord dans une falie a manger k Jaquelle. touche un gazon découvert; au bout de ce gazon font les ruines d'un temple d'ordre ïonique d'oü l'on decouvre de beaux lointains. Deux d'entr'eux préfen- *) Ces cinq premières defcriptions de tifpice du temple de Ia pieté, & une parStudley, Workfop, Luton, Raby Caftle 'tie de forêt avec quelques buiffons. Sur & Heftercomb en Angleterre font tirées la feconde planche eft une montagne ardu voyage d'Arthur Young dans les Pro- tificielle avec une fórèt qui en defcend, vinces feptentrionales & orientalesde ce un pavillon qui furmonte cette derniere pays. Studley appartient a Mr, William , & de 1'eau dans 1'enfoncement. Dans la Aislabie, Efq. dans le Yorkfhire. On a troifieme eftampe on voit un batiment quatre eftampes in folio qui repréfentent deftiné a y manger, un beau temple rond. des parties de ce pare, & qui ont été du gazon & une forét. La quatrieme 'deffinées & gravées par Walker. La cffre un beau lac environné de bois & première repréfc-nte une piece ti'eau de garni de fieges. • iigiye ovale entourée de ftatues, le fron-  8o Troifiemt Sebïïon. Jardins préfentent Peau fous divers points de vue & environnée de bois: fur une colline charmante eft une tour gothique; dans un quatrieme endroit fe voit un grand bafiin, & derrière celui-ci une gallerie couverte. En defcendant Ia colline a droite, on arrivé kun banc d'oü l'on apper* qoit une cafcade s'élancer du creux d'un rocher. Elle tombe dans un canal, qui forme une feconde cafcade aux pieds du fpeclateur, & va fe perdre enfuite derrière Ia forêt. Plus vers Ia droite on parvient.a travers un .vallon ombragé a une colline, au haut de Ia quelle elt une tente dans un emplacement pktorefque. De cette tente on voit un lac qui tournoie dans le vallon & dont le rivage elt garni de grands arbres, De Ia derniere colline on nous mena aux belles ruines de I'abbaye de Fountain, que Ie propriétaire a acquifes pour en orner fon pare. Au retour de I'abbaye on marche dans le vallon, lelong des bords du lac, au pied de la colline qui porte latente & dont le dos boifé s'offre aux yeux fous 1'afpecl d'un cone. Alors le chemin s'éleve & fe prolonge fur les cóteaux ombrages qui entourent le vallon. On découvreies vues les plus pittorefques a travers les arbres. On apperqoit tantót le lac, tantót les ruines, tantót une riviere qui s'approche de I'abbaye en faifant plufieurs détours. On parvient k un banc de couleur blanche oü s'offre un lointain entiérement différent des autres: les regards fe portent fur.un enfoncement garni d'une épaifie forèt Plus loin on découvre un obélifque prés d'un banc, & dans I'allée obfcure d'un bois oppofé; la même allee conduit k la tour gothique. D'ioi on voit un bois varié par nombre d'objets. A gauche une tour s'éleve au deflus de ce bois, un peu plus loin un édifice furmonte les arbres, &plus loin encore font les ruines d'un temple a coupole. Enfuite le chemin conduit au bord d'une éminence efcarpée & couverte d'arbres. A fes pieds coule un torrent rapide qui forme deux cafcades. Au bord de cette forêt elt un monument romain copié fur Ie modele du prétendu tombeau des Horaces & des Curiaces. On voit ici une vallée profonde dans laquelle une riviere fe perd d'un cóté fous des arbres, & de 1'autre entre des rochers. On remarque au - deffous de foi une cafcade, 5c vis-  relatifs au caraüere des Cantons. gg vis-a- vis Ia forèt fufpendue qui répand un air romanesque fur Ia fcêne. Le chemin cótoie toujours des précipices, jufqu'a ce qu'on parvienne k un temple placé fur une colline ronde qui s'avance dans Ia vallée. La riviere s'offre ici dans toute fa beauté; mais 1'objet principal eft la partie de Ia forêt qui couvre la file oppofée de collines. Lorsque l'on retourne k Ia maifon, le fpeftacle change entiérement. Au lieu des rochers & des forêts qui montroient de prés leur afpeéb fauvrge, on decouvre un payfage vafte. La ville de Ripon & fa tour font au milieu d'une vallée bien cultivée & décoréede villages& de maifons ifolées. Studley doit plaire k tous ceux qui le vifitent. Les belles chutes que forme le torrent, la forèt qui s'étend alentour en amphithéatre, les afpecls pittorefques de I'abbaye, les vues que l'on découvre de la tour gothique, Ie vallon fitué auprès de Ia colline avec la tente, I'eau qui cótoie préfentent tant de beautés que le fpeclateur eft bientöt forcé de les admirer, c. W o r k f o p.*) Si 1'onacheve I'habitation fuivant Ie plan arrêté, elle pourroit bienêtre Ia plus grande d'Angleterre. La facade atrois cent dix-huit pieds de long, & offre au milieu un portique avec fix colonnes fuperbes d'ordre corinthien. L'enfemble eft d'une architeclure auffi noble que pleine de fimplicité; & les appartements font beaux. Peu loin de 1'édifice eft une piece de terre ordonnée avec beaucoup de goüt & deftinée au plaifir. On y voit un lac & une riviere creufés par 1'art, qui imitent très-heureufement Ia nature & dont les rivages font décorés d'une faqon élégante & naturelle. Dès Ie commencement on appercoit dans un lieu folitaire & bocager, un banc de ftyle gothique d'oü l'on a pour point de vue une des anfes du lac. Le rivage eft inégal & femé de pieces de roe, & les arbres font penchés fur I'eau d'une maniere fauvage; plus loin I'eau s'élargit, & derrière dans le plus épais de Ia forêt, elle eft tra- *) Dans le Yorkfhire: eet endroit appartient au Duc de Norfolk. Tome IV. L  ga Troijieme SeUion. Jardins verfée par un pont qui produit un effet fuperbe lorsqu'il eft éclairc par le foleil, contraltant alors on ne peut pas mieux avec les bocages des environs. *) D'ici le chemin mene a gauche, & a travers la forèt, vers un gazon dècouvert, au bout duquel on découvre a droite I'eau que l'on ne perd plus de vue tant que l'on defc'end le long de ce tapis verd. A gauche elt un temple tofcan d'oü l'on jouit d'une vue agréable fur une partie du lac. D'autres fentiers menent en ferpentant a diverfes parties de 1'enfemble; 1'un a la ménagerie, 1'autre au pont joliment & legérementbati. Après 1'avoir traverfé, on trouve que Ie rivage s'éleve infenliblement & fe garnit d'arbres & de buiffons ifolés, ce qui fait un bel effet. A quelque diftance on a ménagé au milieu du bois une petite cafcade qu'on entend fans la voir lorsqu'on elt dans un temple voifin. Toute cette ordonnance doit plaire a celui qui chérit les douces fcènes de la nature & Ie vrai beau quoique dénués de Ia pompe & de la grandeur qui jettent dans l'étonnement. d. L u t o n. **) La beauté de ce pare, oü les collines, les vallbns, les bois & les eaux fe fuccedent de la maniere la plus agréable, paye richement du voyage qu'on y fait. En arrivant du cóté du Nord on cótoie le rivage d'une riviere qui en elle-mème n'étoit pas grand chofe, mais que l'art a rendu trèsjolie. Les arbres plantés fur les collines a droite del'entrée, fontun bel effet. A gauche eft un enfoncernent tortueux, garni en quelques endroits d'arbres plantés joliment le long de I'eau. Au bout d'un lac on rencontre une ile d'oü Ie fleuve finueux préfente une belle perfpedtive. L'ile même eft grande, couverte d'arbres élevés & de jeunes plantations, cequiembellit la fcêne. Le chemin fe prolonge a droite entre des arbres, a travers lesquels on voit conftamment la riviere. Lors- *) Dans 1'original des '-Voyages de **) Pare du Comte de Bute dans Ie Young, on trouve une planche qui re- Bedfordfhire. préfente cette partie pittoresque.  relatifs au earaSere és Cantons. e „ 83 Lorsqu'on s'approche de Ia maifon, on voit quantité de hêtres dont les ombres foncées relevent Ia beauté de I'eau. Un chemin de cailloux conduit a droite de Ia maifon*) vers I'eau; des deuxcótés quelques grouppes d'arbres parfemés préfentent au travers de Ieurs ouvertures les collines oppofées. Au pied de ces collines eft I'eau qui fait un joli coude; deux bateaux & une chalouppe avec des voiles &un pavillon y font a 1'ancre • mais ces batiments ne font pas proportionnés k Ia grandeur de I'eau Un peu plus vers Ia droite fe montre un pont de bois & fans aucun ornement maïs qui cependant offre un point de vue convenable; enfin vient une cafcade, qui, après quelques changements donneraplus de variété au canton & préfentera un bel afpeéï. Au retour de I'eau on paffe par une vallée agréable oüun monument place entre des arbres, offre un point de vue très-pittoresque: c'eft une colonne d'ordre tofcan fur un pied d'eftal quarré oü l'on Iit: k la mémoire de frangois Napier. Sur la colonne eft une urne. Vu de Ia vallée ce morceau fait un trés - bel effet par Ia nobleffe de fes proportions. On découvre encore d'ici toutes fortes de vues variées & de belles perfpeétives tantót k travers les bois, tantót dans des vallées profondes ornées de grouppes de hêtres; le tout enfemble rend le fpetf acle des plus champêtres. e. Raby-Cajlte.**) Le pare autour de la maifon eft diftribué avec beaucoup de goüt. Les clairieres, les bois, les plantations artificielles & les autres objets font tous trés-beaux. L'enfemble fait un bon effet 1'orsqu'on arrivé fur Ia grande peloufe qui eft devant la plantation attenante k Ia maifon. A droite, & fur Ia colline, eft la métairie conftruite dans Ie goüt gothique. Vis - k vis & je long de Ia vallée, font des grouppes ifolés d'arbres; entre ceux-ci eft Ia métairie du Lord appuyée a une colline. La piece de gazon, la plus gran- L 2 de *) Voyez-en les deffeins dans le I. **) Maifon de campagne du Comte de Vol. de cct ouvrage, pages 6g & 71. Darlington peu éloignée de la vüle de ce nom.  g 4 Troifiemo Seiïion. Jardins de en fon efpece que Young ait vue, eft entourée de trois cótés par des plantations qui pouffent vigoureufement. L'inégalité du fol en augmente encore la beauté; il fe déploie a droite 8c a gauche fur des collines, d'un cóté garnies d'arbres, 8c de 1'autre préfentant une furface continue qui s'étend a travers un vallon: celui-ci va fe perdre entre les arbres de maniere qu'on fe le repréfente plus grand qu'il n'eft effeclivement. Derrière la colline oü eft placée la métairie, eft une belle vue. A gauche eft le payfage entouré de collines boifées qui s'étendent jufqu'a la forêt dont eft environnée la demeure ordinaire qu'on découvre dansle lointain. Lorsque l'on monte a droite en longeant une terralfe faite par la nature, on jouit encore d'un afpecl: agréable. On voit la métairie 8c Ia colline qui defcend en ondoyant dans le vallon; devant foi l'on découvre un lac qui préfente fes formes irrégulieres au deffus des arbres fitués dans 1'enfoncement. A droite la vue porte fur une vallée, dans laquelle eft le bourg de Staindrop tout entouré d'arbres 8c de haies. A mefure qu'on avance, le tableau change. A gauche s'offre une file de collines bien cultivées, & la métairie gothique décore tout Ie canton. Tandis que l'on defcend dans le vallon, le bourg 8c la tour de Staindrop fe préfentent entre les arbres d'une maniere très-pittoresque. Plus bas Ie chemin traverfe Ia forèt, & la maifon s'éleve avec pompe au-deflüs de Pavant-fcêne boifée. Si l'on prend d'ici a travers la plaine jufqu'a ce qu'on parviennea la terralfe inférieure, on voit des enfoncements bien diftribués qu'on n'avoit pas encore apperqus. En général Young n'a vu nulle part des plantations ordonnées avec • autant de goüt. On a fqu profiter en maitre des inégalités du fol, 8c diftribuer un emplacement médiocre avec tant d'art qu'il enfemble beaucoup plus vafte. Rien n'eft plus beau que Ie grand gazon découvert, qui fe déploie fur les collines 8c entre les parties de la forèt, 8c qui, dans quelques endroits, s'enfonce dans les bois, 8c dans d'autres en reffort inopinément f. Hejler-  relatifs au caraÏÏere és Cantons. g 5 f. Hejlercomb. Le pare d'Heftercomb, peu loin de Bridgewater, confifte en une vallée folitaire oü le bois abonde, & qui dans plufieurs endroits eft d'un afpe& fauvage. Le goüt qui regne dans ce lieu fait honneur au propriétaire, Monlieur Bampfïeld. Tout alentour s'étend un chemin le long des flancs de la colline; fouvent il va fe rendre dans un fond éloigné, d'oü il fe releve enfuite fur des éminences desquelles on découvre un vafte payfage. L'eau qui manquoitici, yaété conduite des lieux plus élevés, & difpoféefous plufieurs formes. Les bois font ordonnés avec tant de choix & d'intelligence que 1'emplacement fembleplus vafte qu'il ne 1'eft effeétivement. De Ia maifon, le chemin conduit d'abord derrière une épaiffe forêt attenante a un vallon d'une pente douce, & mene a un banc joliment fitué. Au pied d'un précipice efcarpé, eft un petit lac environné par un amphithéatre d'arbres fufpendus; d'étroites Iangues du plus beau gazon rompent qa & la I'obfcurité des bois. Une caverne placée plus haut & a moitié ombragée par des arbres, & une petite cafcade qui s'élance ici entre la mouffe & d'épais buiffons, préfentent une fcêne agréable. Tout en haut & fur Ie fommet d'une colline qui domine Ie refte, fe trouve un hermitage d'oü l'on découvre tous les objets inférieurs. On trouve ici la plus grande variété quoique Ie tableau ne manque point d'enfemble. En montant Ia colline on parvient k une terralfe tortueufe d'oü l'on voit k droite 1'enfoncement avec la piece d'eau. Alors la fcênechange totalement. On arrivé k un vallon frais & folitaire, entiérement ombragé par un bois touftu fufpendu le long des cóteaux. On ne voit ni maifon, ni vafte payfage, mais feulement un clair ruilfeau qui nait entre un petit rocher & des brouffailles, & gazouille fur des cailloux. Le fentier conduit a travers une forêt obfcure vers un fiege champètre, d'oü l'on découvre tout-a-coup une cafcade qu'on ne fauroit regarder fans étonnement. Un gros torrent fort avec bruit d'un rocher & s'élance k plomb d'une faqon trés-naturelle, & d'une hauteur d'environ 40 pieds par deffus des L 3 pierres,  g6 Trojjieme Seiïion. Jardins pierres, de la moulïe 8t du lierre. On ne peut imiter plus heureufement la nature. Derrière le torrent eft un bofquet impénétrable 8c non moins efcarpé que la cafcade. Tout ce qui entouré I'eau eft auffi bien ordonné que eet objet dominant. Les branches des arbres fe penchent fur la cafcade d'une maniere trés-naturelle & ne laiffent paffer que les rayons du foleil qui brillent fur 1'onde tandis qu'elle tombe. On ne trouvera pas aifément une fcene auffi achevée, oü tout foit parfaitement réuni, & oü rien ne bleiïe la vue. D'ici le chemin parcourt un terrein d'un afped: inculte & fauvage qui fait un bon contrafte avec le tableau précédent; enfuite le chemin conduit aune colline avec un banc d'oü l'on découvre tout-k-coup un lointain fuperbe qui s'étend fur la vallée de Taunton. On traverfe un paturage, puis on rentre dans la forêt pour parvenir k un banc d'ou l'on voit a travers les branches un autre payfage qui fait auffi partie de la vallée, & préfente les tours de Taunton. On monte encore une colline fur laquelle eft 1'hermitage dont nous avons déjk parlé, & qui fe nomme auffi la demeure magique: ce nom lui vient d'une vieille magicienne qui eft peinte ici, 8c qui fournit k un pofte 1'occafion de dire que ce lieu étoit un féjour enchanté dont la magicienne étoit la déeffe du goüt. La perfpeftive eft ici tres-frappante. De la colline efcarpée 1'ceil porte dans le vallon oü elle defcend, 8c s'arrête fur le lac placé au milieu d'une forèt épaiffe dans 1'endroit le plus profond. Cet affemblage de verds gazons, de collines, de bois 8c d'eau eft charmant, 8c au - delk le regard découvre des cantons éloignés. Enfuite le chemin mene a un fiege d'oü la vue plonge dans un joli enfoncement tout entouré de bois impénétrables 8c qui ne diftrait en rien de la contemplation d'une cafcade qu'un magicien femble avoir tranfporté dans cette forèt. Difficilement trouveroit-on un fpeclacle plus pittoresque. La cafcade fe réunit d'une maniere très-avantageufe aux buiiTons qui fe retirent en arriere. g. Car-  relatifs au carattere des Cantons. g7 S- C a r t o w n.*) Le pare de Cartown doit être mis au rang des plus beaux parcs d'Irlande. C'eft une grande plaine étendue fur des collines & pentes douces & environnée de vaftes plantations qui s'ouvrent & fe partagent en plufieurs endroits & fourniflent beaucoup de variété. Une grande vallée agréable ferpentea travers toute le tableau; au fond de cette vallée coule un petit torrent, que 1'art a rendu une grande riviere, & qui égaie Ia plupart des fcènes de ce féjour. Un joli pont de pierre paiTe par deffus I'eau. Les Hmites de cette vallée font trés - diverfifiées; une partie conllfte en pentes douces & infenfibles, & une autre partie en collines efcarpées & couvertes d'épaiffes brouiïailles: ailleurs c'eft un jardin d'arbuftes éiégamment diftribué & entretenu avec beaucoup d'ordre: ce jardin eft muni d'une cabane autour de Iaquelle Ia fcêne eft trés - agréable. Plus loin Ia vallée prend une toute autre apparence; d'un cóté s'éleve un roe a pentes rapides & difperfées fans ordre, &de 1'autre une forêt. A un des endroits les plus exhauffés du pare eft une tour, du fommet de Iaquelle on découvre tout le fpeclacle. De part & d'autre du pare s'étend une plaine garnie en quelques endroits de belles plantations, & dans Iaquelle on entretient prés de onze cents moutons avec le plus grand ordre; elle eft bordée par une large bande de ia forêt que perce une promenade. h. Belleisle. Belleisle, féjour du Comte de Rofs, eft une ile de deux-cents arpenfs d'étendue & fituée dans le lac d'Earne. Chaque partie de cette ile confifte en montagnes, en vallées, & en pentes douces. Elle contient beaucoup de bois, dont une grande partie eft antique & forme des ombrages touffus & des *) Les quatre defcriptions fuivantes beaux parcs dlrlande, ont été tirées da de Cartown, Belleisle, DunkettJe & voyage de Young en Irlande. Caldwel, qui font au nombre des plus  gg Troijieme Seïïion. Jardins & des bofquets clair-femés & riants. Les arbres font comme pendus Ie long des collines, & fe préfentent par la même de la faqon la plus avantageufe. Le tout eft de la plus grande beauté. Un bras du lac paffe devant la maifon placée prés de fes rives dans un bois agréable qui répand également de 1'ombre & des attraits aux environs. Une ile a bocages épais, & une colline majeftueufe de forme circulaire, qui eft le pare des bètes fauves du Comte & s'adoffe a une haute montagne, bornent par devant I'eau, Iarge ici de trois milles (anglois). A droite font quatre a cinq maffifs d'épais buiffons croiffant fur tout autant (files qui sTélevent hardiment au milieu du lac. L'eau paffe entre ces ïlesen canaux étroits, & compofé un fpectacle des plus pittoresques. De 1'autre cóté le lac étend derrière la forèt un de fes bras, qui elt étroit & forme Belleisle. Lord Rofs a difpofe, autour de Mie, des promenades d'oü l'on jouit d'une vuë trés-variée. Sur une colline charmante eft bati un temple, dont le point de vue eft formé par les 'iles mentionnées plus haut, qui cependant préfentent 1'afpeét ie plus favorable Iorsqu'on les voit de la grotte. Elles offrent des attraits peu communs: deux d'entr'elles femblent fe réunir, enforte que l'eau qui coule entre deux prend PafpecT: d'une belle anfe enfoncée profondément dans une obfeure forèt. La colline oü eft le pare des bêtes fauves s'éleve au - deflus des iles ; des montagnes forment le fond de 1'enfemble. Aux pieds du fpeélateur auffi tout eft beau. Une plaine parfemée d'arbres qui forme le rivage du lac, fe termine infenfiblement en une forèt touffue d'arbres a haute fütaie, par deffus la cime desquels on vöit, dans 1'éloignement, les montagnes de Cultingh étaler leur afpeét plein d'une fierté majeftueufe. i. Dunkettle. Dunkettle eft un des plus beaux lieux de 1'Irlande. C'eft une colline de quelques centaines d'arpents, que des pentes douces partagent en emplacements très-variésj le contour, ondoyant par -tout, eft fuivi d'un boccage confidérable & dans quelques endroits alfez épais pour prendre 1'apparence d'un fombre bofquet, tandis que dans d'autres il femble un hallier épar-  relatifs au caraïïere des Cantons. ^ eparpillë & un affemblage de grouppes ifolés d'arbres. Cette colline ou plutot eet amas de collines, eft borné d'un cóté par une partie du port de Cork qu'il domine, & de 1'autre par une vallée dans Iaquelle coule le Glanmire. Le rivage de cette riviere préfente de Pautre cóté toutes les variétés qu'un payfage charmant peut offrir pour fervir de points de vue k Dun kettle. Dans quelques endroits font des vallées étroites dont le fond eft entiérement couvert d'eau; les rives efcarpées font couvertes de bois énais qui répandent une ombre obfeure. En d'autres endroits Ia vallée s'ouvre pour decouvrir Ie fite d'un joli viliage riant dominé par des bois & des colbnes Ici Ie rivage fe releve infenfiblement par Ie fecours de grandes haies qui fe pro ongent fur des collines & fe furmontent 1'une Pautre, & ailleur la vaLee s abaifte dans des champs variés. Une colline ainfi placée & don a fu face eft fi diVerfifiée, doit néceffairement fournir les points de vue les plus ravilfants. Afin d'en mieux jouir Monfieur Trent hommedoul du meilleur gout pour découvrir & décrire les beautés de Ia nature, eft fur le point de fa.re une allee qm defcendra dans ces fonds inégaux & d'oü l'on decouvnra les pnncipaux lointains. Tout eft fi beau qu'on deviendroit trop prohxe en voulant Ie décrire avec exaéutude; parions feuIemenTd quelques vues qui caufent tant de plaifir qu'elles feules fuffifent pour attirer les voyagem* Du bord fupërieur du verger on voit en bas uL partie de la riviere fe changer en un baffin régulier; un de fes angles s'étend vers Cork & va fe perdre derrière ,a colline deLota, t^VK2 rompt entre les forets aux pieds des hauteurs qui s'élevent en ce fieu; Ia maifon fe cache dans 1'ombre, & Ja riviere fe perd derrière le Lota qui 'éleve avec beauté. L'autre canton, qui conduit k 1'embouchure du port eft amoitie cache par les arbres dont eft entouré Ie pied de la colline fur Iaquelle on eft; on a devant foi une file fuperbe d'éminences cultivées dont les clotures entremelees de petites parties du bois, font quelquefois remplacees par des maifons, qui cependant ne font pas en afiez grand nombre pour detruire 1'impreffion champètre que l'on éprouve. Le fpeéfacle eft non feulement attrayantdu cóté des objets qui compofentordinairementun payfage; deft encore animépar 1'agrément qu'y répandent des vaüTeaux& Fome IV. yt des  §0 Troijieme SetHion. Jardins des chalöuppes toujours en mouvement. L'enfemble offre* un des tableaux les plus raviffants que l'on puiffe voir. En quittant le verger on parvient au fommet d'une colline qui fert de rivage a la riviere de Glanmire, & l'on découvre dans toute leur beauté les forèts oppofées deLota. Si 1'pn monte au haut de la colline attenant au pare des bêtes fauves, on aune vue auffi belle que vafte; le regard defcend dans une vallée qui entouré presqu'entiérement les pieds du fpeétateur & fe termine a gauche par la riviere de Cork, Iaquelle prend ici 1'apparence d'un lac borné par des forêts & des collines, & s'enfonce dans le fein d'un vallon, afpecf qu'aucun pinceau ne fauroit imiter. Les collines oppofées de Lota, la forêt & la plaine femblent avoir été formées expres pour ce point de vue. Aux pieds du fpeétateur s'éleve du fein de la vallée une colline environnée de buiffons. A droite une vallée s'étend vers Riverstown; dans le fond delafcène font des collines cultivées; & plus loin on voit au - deffous de foi un petit vallon dans Iequel coule une riviere. Un pont a plufieurs arches réunit deux parties d'un beau village dont les prairies fe relevent infenfiblement, & offrent une fucceffion de bois & de plaines jufqu'aux collines de Riverstown ; les environs font entourés de parties agréables de collines cultivées. A gauche s'éleve du fein de la vallée jufqu'a 1 horifon, une piece de terrein boifé, ce qui forme un afpecf clos mais gracieux: un bois de chênes touche aux collines du pare des bêtes fauves & embellit le fpectacle. Les enclos qui font fur le bord oppofé de la riviere font un effet admirable a Ia vue. k. Caldwelï. II n'eft point d'afpecl: plus fuperbe que celui qu'on apperqoit en s'approchant du chateau de Caldwelï. Des promontoires qui couverts d'une forêt épaifie s'avancent dans le lac d'Earne, & les ombres quejette une grande chaine de montagnes, produifent le plus bel effet qu'on puiffe imaginer. Si dès qu'on a paffe 1'entrée, onferend a gauche au fommet d'une colline diltante de deux cents verges, l'on découvre toute la feigneurie devant  relatifs au caraSere des Cantons. g t vant foi. C'eft un promontoire long de trois milles (anglois) qui s'avance dans le lac, & préfente un mélange agréable dc foréts 8c de plaines; d'un cóté eft une ombre épaiffe, de 1'autre de la verdure parfemée d'arbres; & le tableau fe termine par des bois. Du cóté de 1'Orient, cóté entiérement boifé, eft une baie. Dans le lac fe trouvent fept iles, dont i'une nommée Bow eft longue de trois milles (anglois) 8c large d'un & demi: cependant l'eau qui refte étant large on peut encore naviguer librement fur le lac, borné par la grande chaine des montagnes de Turaw. A droite ce lac paroit une belle riviere avec deux grandes iles, & le tout enfemble compofé un fpetftacle des plus magnifïques. Lorsqu'on monte une petite colline qui fe trouve dans celieu, les deux promontoires boifés fe réunifiént 8c n'en font plus qu'un, ouvert cependant au milieu de maniere a laiffer voir le lac tout entouré de bois. Au - dela font des iles parfemées dans le lac, dont les ondes argentées percent les ombres obfeures de la forêt. Au tour deTélevafion fur Iaquelle on fe trouve, le terrein eft inégal, rocailleux, fauvage, varié, Sc ne contrafte pas mal avec les beautés brillantes du refte. Peu loin d'ici, le lac confidéré du fommet d'une autre colline, préfente de grandes maffes d'eau que l'on voit poindre au-dela des promontoires boilës & des iles.' Au pied de cette colline eft une petite avenue, 8c du cóté oppofé de celle-ci font les champs de cette terre, entremèlés de belles foréts qui commencent immédiatement au bord de l'eau. La maifon fituée entre les arbres 8c au fein de 1'obfcurité, femble un féjour commode pour ceux qui veulent vivre écartés de tous les foins terreftres & de tous les chagrins. Devant la maifon eft une plaine qui montre fa verdure animée au milieu des ombrages plus fombres; 8c au haut de 1'efpece d'ifthme qui réunit la maifon a. celui des promontoires boifés qu'on appelleRofs a goul, le lac dont la furface argentée brille k travers les tiges de quelques arbres ifolés, forme un beau baffin environné d'arbres; enfin les montagnes de Turaw terminent tout le tableau de la faqon Ia plus fuperbe. Par- ci paria quelques pieces de terre incultes rendent la fcêne encore plus variée. Une autre colline montre un fpeclacle tout différent. On voit un petit promontoire boifé qui s'avance dans une baie formée par deux promontoires M a voifins  £3 Troijïeme Se&ion. Jardins voifins & plus grands, nommés Rofs a goul 8c Rofs rnoor éaft. Ici Ie lac roule fes flots entre une quantité innombrables d'iles, & s'étend presque auffi loin que la vue peut porter. Dans une grande baie a droite 8c au pied desmonts de Turaw, font deux belles iles, qui parfemées d'arbres, fournilfent avec le promontoire la plus agréable diverfité. On ne peut voir des perfpecfives plus belles 8c plus variées que celles du promontoire Rofsmoor. Les iles de part 8c d'autre, différent entr'elles, les unes étant couvertes de bois touffus, 8c les autres de fimples buiffons. Ici font des roches ifolées, la de belles collines vertes s'élevent fiérement du fein des ondes. Les promontoires font tout auffi diverfifiés: quelquesuns confiftent en une forêt épaiffe qui jette les ombresles plus obfcures; d'autres font des bofquets ouverts; mais par-tout le rivage elt éievé 8c préfente des payfages charmants. Le fpeétacle qu'on apperqoit de la pointe oriëntale de Rofsmoor, eft réellement|enchanteur. On a devant|foi un promontoire élevé, compofé de bois 8c deplaines, 8c qui s'avance affez dans le lac pour permettre une doublé vue d'un vafte circuit. Du haut d'une colline on voit couler le lac a fes pieds, 8c l'on a la forêt de Rofs a goul droit devant foi. Cette forêt jette une ombre des plus foncées 8c produit un effet admirable. De 1'autre cóté Ie promontoire de Rofsmoor touche a un autre promontoire boifé, fur Iequel on découvre une belle plaine entre des arbres difperfés qui ne laiffent voir que par échappée la maifon a moitié cachée dans I'ombre. En portant les yeux un peu plus a gauche, on voit trois autres bandes étroites de forêt, qui s'étendent dans Ie lac 8c donnent en généralune ombre épaiffe, quoiqu'elles permettent a l'eau de paroitre par-ci par-Ia derrière les tiges ók a travers les branchages. Tout ce tableau eft entouré de collines cultivées, derrière lesquelles font des montagnes lointaines. Ici n'eft aucun objet qu'on ne puiffe voir diftinclement, aucun qui n'augmente la beauté du fpeétacle, dont 1'enfemble offre un payfage riche en attraits variés. L'autre détroit fitué au deffous de Rofsmoor préfente un afpect différent, 8c fe termine par les montagnes 8c les rochers de Turaw. A droite ces détroits s'uniffent au lac qui déploie a 1'ceil une vafte furface parfemée d'iles. La fcène n'eft que foiblement empreinte'de fublime,  relatifs au caraiïere des Cantons. g3 fublime, mais fon caradtere eft la beauté, la fêrénité & I'aménité. La nature n'emploie dans ce lieu fes forces que pour plaire. Les diverfes parties font trés - variés & cependant elles fe marient parfaitement enfemble. Les ' r°cs mfmes de Turaw ont un afpedï doux, & ne font aucune impreffion désagréable par des pentes rapides ou des redents raboteux. Le propriétaire a bad fur la pointe du promontoire de Rols a goul un temple odogone, d'oü l'on joult de plufieurs perfpetfives riantes. M 3 II. Jardin  94 Troj/ïeme Seiïion. Jardins II. Jardin ou regne une douce mélancolie. Au milieu de cette foule de fcènes qui nous retracent notre fragilité, & qui mème en paffant avec le plus de rapidité, laiffent toujours des larmes ou du moins une difpofition melancolique après elles; au milieu de cette foule d'illufions de nos paffions & de nos efpérances, rien ne femble plus convenable aux befoins de notre nature que de rechercher quelquefois & les confolations qu'offre la folitude, & la fageffe qu'infpirent des réflexions paifibles. Nous apprenons 1'art fi rare de rentrer en nous mêmes, lorsque nous ne trouvons plus de place ou d'amufement dans le monde, &trop heureux celui qui peut encore rentrer & s'arrèter en lui-mème! Nous ne tirons jamais plus d'avantage de notre expérience que lorsque, éloignés du fracas des objets qui faifoient naitre & mourir nos vceux, qui nous enchainoient par des Hens enchanteurs, ou nous répouffoient en faifant couler nos larmes, nous réfléchiffons tranquillement fur les jours que nous avons vécus. Souvent nous retrouvons dans ces fouvenirs folitaires un bonheur perdu, & jouiffons de nouveau en idee d'une félicité évanouie a jamais; 1'imagination pleine d'une douce mélancolie, nous fuivons le courant qui entraine tous les évenements paffagers de cette vie. Dès que nous nous arrachons au tumulte du monde, notre cceur s'ouvre avec plaifir a des fentiments plus calmes qui font la nobleffe & le bonheur de 1'humanité; il s'abandonne au charme fecret de latendreffe, de la fympathie, de la douleur, de faffMion & d'autres fentiments de cette efpece. Et la vie neleur offre que trop d'aliments! Partout 1'image d'années écoulées & de felicités détruites frappe nos yeux: ici une jeuneffe fanée; la une amitié diffoute, un amour éteint: ici une fuite d'efpérances trompées, des vceux animés par des paffions, & des paffions mortes au milieu des vceux j la un labyrinthe d'évenements, labyrinthe obfcur & embarraffé a fon entrée, & cependant lumineux a fafortie: ici la néceffité d'avancer dans Ie fentier gliffant de la vie; la I'incertitude de fon terme & Ie long éloignement des deffinées futures, que le cceur preffent, que 1'efprit efpere, & que couvre  relatifs au caraÏÏere des Cantons. "" Q$ eouvre néanmoins l'obfcurité impénétrable du voile qui les dérobè a nos yeux, Ces réflexions qui troublent & raffurent tour k tour, ces fentiments qui mfpirent de Ja tendreffe & de la fermeté, la nature les nourrit tant par mille exemples de fragilité, que par des cantons particuliers Sc d'un caradere folitaire Sc férieux. Une fenfibiJité non altérée encore a toujours éprouve les impreffions de ces cantons; & quelquefois des peuples même barbares n'y peuvent refifter. Les Poëtes ont fi fouvent décrit les bofquets paifibles de la mélancolie, les demeures fombres de la folitude dans les forèts, les fieges cachés dela réflexion fous des parvis de roes fufpendus d'une maniere fauvage; ils ont peint une fi grande quantité de déferts clos comme la retraite des paffions, le refuge de 1'infortune, que cette efpece de iejours naturels ne peut ètre inconnue. Auffi dans les jardins'modernes on a placé quelques fcènes folitaires & mélancoliques avec des décorations aiTortiffantes; mais fouvent on ne ménageoit ces fcènes ifolées que pour jeter du contrafte & de la variété dans le tableau. Cependant onpeut auffi conftruire des jardins entiérement revêtus de ce caradtere férieux & mélancolique, tout comme la nature offre des cantons oü ce caraclere domine uniquement. *) La nature nous livre pour ces fcènes, des enfoncements profonds des fentes dans de hautes montagnes Sc dans des roes, des recoins cachés dans des endroits montagneux, des lieux incultes Sc touffus & des déferts boifés. Rien de tout ce qui annonce de Ia vivacité ou du mouvement aétif ne peut entrer dans cette efpece d'ordonnance; point d'afpeél animé, point de riante peloufe, point de parterre de fleurs briljante*, point de lac découvert. La folitude, la clóture, 1'obfcurité, 6k Ie calme doivent regner ici par-tout & y produire Ieurs impreffions puiffantes fur I'ame. Lorsqu'il s'y trouve de i'eau, elle fera dormante, ou n'aura qu'une marche infenfible; ellefera embaraffée de rofeaux, Sc s'enfoncera fous les ombres d'arbres penchés fur fon Iit; ou bien elle difparoitra dans un épais buiffon, & invitera 1'imagination a fuivre fon cours mi/lérieux dans 1'obfcurité; ou encore, dérobée aux *) Voyez Tome I. pages 243.245.  g6 Troijieme Sehlion. Jardins aux regards, elle produira un murmure étouffé, ou fe perdra en chutes régulieres mais fourdes. Afin de détourner la lumiere & de renforcer les ombres, les plantations néceffaires confilteront en Iandes touffues, en grouppes ferrés, ou en bofquets ferm és. Les arbres & les arbriffeaux auront un feuillage abondant & d'un verd foncé, tels qu'en ont Ie maronnier, 1'aune vulgaire, Ie tilleul noir d'Amérique, le chène noir, Ie thuia de Canada (Thuia occidentalis, L.), 1'if, le peuplier noir (Populus balfamea, L.) &c. Une variété du bouleau a branches pendantes (Betula pendulis virgulis, Munchh.), & principalement le faule de Babylone, qui par fes branches tombant trés bas vers la terre, femble exprimer un fentiment de pitié & une compaffion caufce par un bonheur évanoui, conviennent particulierement a ces fcenes, fur-tout lorsque le verd encore trop vif de Ieurs feuilles eft furmonté par le verd noiratre qu'occafionnent les riches ombrages d'autres arbres plus elevés. C'eft fous 1'obfcurité que répandent ces grouppes, ces bos* quets & ces bois, que le jardin d'un caraétere mélancolique promene de tout cóté le dédale de fes allées, tantót dans de ténébreux enfoncements, tantót fous les ombres que jettent des montagnes ou des rochers fufpendus, tantót le long d'une eau filencieufe, fur la quelle les arbres d'alentour répandent une nuit éternelle, tantót vers une place découverte oü des buiffons ïemés de tout cóté entretiennent un doux crépufcule, tantót vers un bane ■ que couvrent des voütes impénétrables & affaiffées de feuillage, tantót vers un liege de mouffe fous un chène tortu & a moitié détruit par le temps & les orages, tantót vers une maffe de roes fauvages & couverts de brouffailles oü refonnent les plaintes fourdes de quelques chütes d'eau cachées. De longues allées d'arbres elevés & touffus, garnies de buiffons, qui, en augmentant la clóture de ces lieux, en augmentent auffi les tenebres myItérieufes, ces allées femblables aux voutes d'antiques couvents & d'églifes gothiques font trés - convenables ici, vu qu'elles invitent 1'ame a de graves méditations. Les impreffions de ces fcènes font encore finguliérement renforcées par des accidents affortis k leur caractere. fjömmele croaffement niono$one de quelques frr^öu'iÜes, les plaintes mélancoliques d'un ramier,  nlatlfs au caraÏÏm és Cantons. ramier oü Ie battement cl-ailes du bibou, qui fe plai, 1 demeurer iJL delèrtacote duphilofcphe folitaire avec IequelUfympathifefibTe„ u° accdent plus ordinaire, & en mème temps pL beau, dl fourn par ia 1„^ d n oes heures ou répandan, fo„ &la. argenté for ce fpeftacle, 'eecl an ge la nmt en un doux crepufcule; oü fa luenr ici fe glfffe entre te aZ! aereï^?^ ^f"6*™* *■ ^'ienrrewauxtodontlecara«ere eft d etre melancoliques & qui en renforcent les effets i, etages') dcsmaufolées,^ des ruines;-, la fcnlp" efe«ttonu' meno, des urnes, des colonnes & d'autres.marqués de fouvTnV^TcT fiere» aiamiti ou k Pamour après !a mor. de 1'objet ch S & ou leur a pea rempliffent l'ame d'une Wfteffe touchante; la Poéfc „ousX «e. üües mettent, ou du moins entretiennent l'ame dans Ia iUi^rJ ***** '**fonsp,us ,,evï & at qt;s oet.e dffpofitton^ne devott que Ia préparer. Si dans une pertte ouverture peu eclatree des buiffons fitués vers foccident, oü le foleil coulant land ord,na,reme„, fes derniers rayons, on Ufo* fa . rome d'ule btutó ou t mor, k detruite, cette imcription tracée par la main de fo^an, Le foir d'une aile paifible Envain pour moi plane fur ces cöteaux: En perdant la beauté qui me rendit fenfible, Hélas.' .j'aitout perdu, le bonheur, le repos. vaD*teSV°yeZ T°toe HL PagS 108 & fui" *W) P3ge M3 &c' **\' ****) Pages IÖI-I7J. **) pages 62 - 64. *****\ o H page 175 &c. Tornt IV.  9g Troipme Seciion. Jardins Du foleil au couclianfc la lumiere empourprée Depuis lors ne préfente a ma vue égarée Qu'un funebre ftambeau dont le dernier efïort Eclaire, en s'éteignant, la tombe révérée Oü repofe 1'amour dans les bras de la mort. Quel cceur feroit affez infenfible pour ne pas ètre profondément ému, quand mème il ne prendroit aucun intérèt plus intime k 1'hiftoire de ces amants? Etfi, quittant ce trifte fpeétade, & tournoyant dans ce melancoliquebofquetpour s'approcher infenfiblement de fa fortie, il termmoi fa route dans un canton riant plein de fleurs ck de rofes, ou fe trouveroit cette autre infcription: Des chagrins brifons la chaïne, Semons des fleurs fur nos pas: Un moment bien court nous mene De la naiffance au trépas. Pourroit - il encore réfifter k 1'impreffion de ce doux fentiment? Des urnes, des monuments & des hermitages font donc, ainfi qu'on fa déjk remarqué, des décorations trés ■ aiTortifiantes k un jardin ou .a mélancolie domine. Auffi en a-t-on fouvent feit ufage. C'eft amfi que les jardins connus de Marienwerder prés d'Hannovre, qui, etant reunis a un convent, renferment plufieurs tableaux. propres k nous retracer notre Iragilité, tels que des ruines & des monuments, offrent encore un hermitage ., digne clètre remarqué. II eft appuyé contre un chène vénérable entouré. de fieges de pierre & auprès duquef un autre chène éleve fa cime deflechée. Environné de buiffons, eet hermitage n'a presque aucune peripeétive La fabrique mème eft de cailloux bruts tels qu'on les trouve dans les champs; les jointures font remplies de mouffe, & les boifer.es encore couvertes d'écorce. Le toit de chaume attaché k des lattes non rabotees, fert en mème temps de plafond. Al'entrée on apperqoit un autel avec fes ornements ordinaires. On voit ici un crucifix, un rofaire, des images de la vierge, des livres de dévotion, & de plus un lit de repos de bois & une elca-  relatifs au caracieve des Cantons. Me pardonneroit mes erreurs. A 1'ombre d'un jeune arbriffeau, J'appercus un jour cette belle: Les fleurs que de chaque rameau, L'amour faifoit pleuvoir fur elle, Couvroient fon fein, fa téte, fes habits. Les unes par 1'éclat des perles, des rubis, Accompagnoient 1'or de fa treffe blonde. D'autres faifant en 1'air un joli tour, Et retombant fur le gazon, fur 1'onde, Tra9oient en chiffre: ici regne l'amour. Laure modefte au milieu de fa glóire, Ravit mes fens, & ce beau jour Eft a jamais gravé dans ma mémoire» Oui, dans le ciel affurément, Cette Nymphe a regu la vie; Dis-je dans Ie tranfport de mon ame ravle: Au milieu de 1'enchantement, Gü me tenoient fon air, fa taille, fon fourire, Je me crus tranfporté dans le celefte empire, Sans favoir ni quand, ni comment. Depuis ce jour ce gazon me plait tant .... Par-tout ailleurs, je languis, je foupire. *) ( Canzone 2?.) „Vallée *) La traduélion de cette chanfon ( ou de Frangois Pétrarqne, tirées de fes ceuplatót ode) du Pétrarque eft dèMr. 1'Ab- vres & des auteurs contemporains, avec bé deSade dans fes Mémoires pour la vie des Notes en Diüertatious, & les pieces julti-  io4 Troifieme Seffion. Jardins „Vallée que je remplis de mes plaintes, fleuve qu'accroÜTent fouvent „meslarmes, animaux de ces bois, charmants oifeaux, poiffons retenus „entre ces verds rivages; air ferein qtféchauffent mes foupirs, doux fentier „devenu fi facheux pour moi, colline qui me plaifoit jadis & m'attriftes au„jourd'hui, & oü l'amour me ramene encore par une antique habitude! je „reconnois bien en vous Ia forme accoutumée, maishélas! non en moi, „qui d'heureux que jlétois, fuis devenu le féjour de la plus profonde dou„leur. Ici je voyois autrefois.la beauté qui faifoit la félicité de ma vie, & „maintenant j'y reviens contempler le lieu oü fon efprit quittant fa dé„pouiile terreftre s'eft envolé vers le ciel." (Sonet. 260.) „Lorsque j'écris afïis fur une rive fraiche & neurie, fi j'entends le ga„zouillement des oifeaux, le bruit des feuilles agitées par le.Zéphir, ou le „murmure d'un clair ruiffeau, je crois voir& entendre celle que le ciel nous „montra, & que Ia terre nous cache. Elle répond de loin a mes foupirs, „& me dit avec bonté: pourquoi verfer tant de Iarmes ? Devriez-vous me „plaindre? Ma mort m'a rendue immortelle, & mes yeux qui ont paru fe „fermer, fe font ouverts a une lumiere qui ne s'éteint jamais." (Sone.t.238) „Transporté par mes penfées au lieu qu'habite,celle que je cherche & „que je ne peux trouver fur terre, je Ia retrouvai plus belle & moins févere „parmi les habitants du troifieme ciel." *) „Me prenant Ia main, elle me dit: fi mon efpoir n'eft pas dequ, tu „feras encore avec moi dans ce féjour: je fuis celle qui te fit tant fouffrir „& dont la journée fe termina avant le fok-. L'efprit humain ne fauroit „concevoir mon bonheur^ je n'attends plus que toi & Ia belle dépouiile que „j'ai laiffée la bas & que tu as tant aimée." „Hélas! juftiflcatives. Amfterdam, chez Arkftee que traduites ici: en cela j'ai fuivi 1'édï& Merkus, 1764. 3 Volumes in 4. Tome tion de ce Poëte publiée a Paris en 1768 2. p. 208-210. La traduftion en profe par Mr. Praulr, 2 Vol. in 12. fous le tiduSonnet:„Lorsque j'écris affis fur&c." tre: Le Rime de Francefco Petrarcha. eft tirée du même ouvrage, Tome 3. p. Note du Tradudtewr. 207. 2c8- Au refte j'ai cru faire plaifir *) Parmi les Italiens le troifieme ciel, aux amateurs de la langue italienne en fuivant le fyfteme dePtolomée eft 1'orbileur indiquantleN". des pieces duPétrar- te de Venus. Note du Traduïïeur.  rtiqtifrau, carailere des Cantons. x 0 „Hélas! pourquoi fetu^elle? pourquoi quitta-t-efie mamain> Au „tonde ces difcours pieux autant que chaftes, peu s'en fallut que ie ne re„ftalfe aux cieux." (Sonet.261.) „Que fais- tu ? A quoi penfes- tu? Pourquoi regarder en arriere le „temps quine fauroit revenir? Amedéfolée! Tune fais que nourrir Ie feu .„qui te confume." * ^uaiexeu „Cette douce voix, ces gracieux regardsquetuas déerits & dépeints „I un apres Pautre, ont quittés Ja terre; & (tu «e Ie fais que trop /il elt „hors de faifon & inutüe de les chercher ici." „Ah! ne renouvelle pas le poifon qui te tue; ne pourfuis plus des „penfers agréables mais trompeurs; attache-toi plutot k des réflexions fo„lides qui fe menent avec certitude k une bonne fin." r. ^^"ï Cid puiSque rienici ^s ne peut nous plaire: Hélas' „C eft bien a Ia malheure que je vis cette beauté qui vivante & motte de' „voit m enlever mon repos.". (Sonet. 232.)  I06 Troifieme SeÏÏion. Jardins III. Jardin romanesque. i. L'art ne peut prendre que peu de part au cara&ere romanesqiie; ce caradere que nous avons déja tracé en décrivant quelques cantons oü il domine *) elt presque entiérement 1'ouvrage de la nature. Celle - ci le compofé non feulement de cantons montueux, de rochers, de cavernes, de grottes, de cafcades, de cataraétes, & en s'aidant des fituations & des formes lingulieres de ces objets; elle emploie encore des Iiaifons & des oppofitions extraordinaires, des irrégularités étranges dans 1'arrangement, & des hardieiïes frappantes dans les contraftes. II faut que la nature ait totalement préparé le lieu oü doit s'offrir un jardin romanesque; toutes les imitations de 1'art n'aboutiroient ici qu'a des babioles ridicules. Mais auffi la nature montre tant de variété dans Ia créationde ce caraclere, qu'on peut imaginer une fuite de deffeins & de jardins romanesques tous diftingués I'un de 1'autre par des coups de pinceaux fortement prononcés. Cependant c'eft ici, oü tout dépend a peu prés du caprice de Ia nature, que 1'artifte a le moins le droit de prétendre qu'elle réuniffe précifément dans remplacement choiü tous les traits du romanesque dont elle parfeme fes tableaux. Et que de variété dans ces tableaux du romanesque! Tantót c'eft un amas d'iles boifées qui élevent Ieurs hauteurs pointues au - deffus des bords de I'eau, dans 1'endroit oü les branches des arbres fe baignent dans le lac; c'eft ainfi que dans celui d'Earne en Irlande, une foule de collines couvertes d'obfcures forêts furmontent hardiment la furface des ondes, & forment comme un grand canal tortueux dans Iequel les batiments paffent a la voile. Tantót c'eft une file de montagnes hériffées de fapins dont les eimes verdoyantes font dominéés par un fommet pélé & toujours couvert de neige, ainfi qu'on le voit en plufieurs lieux de la Suilfe. Voici quelques tableaux détaillés de cantons romanesques. a. Lac *) Voyez le I. Vol. pag. 222 & 346-253.  relatifs au caraSen des Cantons. 107 a. Lac des quatre Cantons en Suiffe. *) ^ „Le Wald/terfee, ou lac des quatres cantons, eft fans contredit 1'a„mas d'eau Ie plus magnifique & Ie plus diverfifié de cette efpece que Wye „encore vu. Le bras fupérieur, ou lac de Lucerne a Ia forme d'une croix „dont les branches s'etendent de Kufsnacht a Dallenwal, village peu con„iiderable, voifin de Stantz capitale du canton d'Underwald. II elf borné „du cóte de Ia ville de Lucerne (ce qui forme une belle perfpeétive k fon „extremité du nord-oueft) par des collines foigneufement cultivées s'a„baiffant en pente douce jufqu'au bord de i'eau, contraftant admirablement „avec Ie cote oppofé uniquement compofé d'une maffe énorme de rochers „henffes & fteriles. Le mont Pilate s'éleve majeftueufement des bords du „lac, &eftpeut-etreune des plus hautes montagnes qu'il y ait en Suiffe, „fi I on calcule fon elevation de fa bafe, & non du niveau de la mer C'eft „une fimple montagne ifolée, qui fe divife par Ie haut en deux pointes „efcarpees, qui lorsqu'elles ne font pas couvertes de nuées ont un afpeil „majeitueux/' * „Vers Ia fin de ce bras, les montagnes qui bordent le lac, fe rappro„chent &: ferment une baie trés- étroite qui a k peine un mille; peu après „le lac s'elargif de nouveau, alors nous fommes entrés dans Ie fecond bras „ou dans le lac de Schwitz; k 1'occident nous avions Ie canton d'Under' „wald, & a 1'eft celui de Schwitz. Ici les montagnes font plus élevées, & „infiniment variees; quelques-unes font couvertes jufqu'au fommet de Ia „plus belle verdure, d'autres font presque perpendiculairs & efcarpées „Ici les forêts paroiffent de vaftes amphithéatres, Ia elles s'avancent dans „I'eau, & forment des promontoires." „Au cóté du levant de ce bras, fe trouve le village, foit ville de Ger„faw, fituee au pied du Rugi: c'eft la plus petite république qu'il y ait en , ^ 3 „Europe. •) Effiu fur 1'etat prefent, naturel, ci- &c. Ouvrage traduit de 1'Anglois. A vd & pohtique de la Suiffe, ou Lettres Londres & a Laufanne enSuiffe. itSi. 8 adreffees a Guillaume Melmoth, Ecuyer, Lettre u™e, par Guillaume Coxe, Maitre ès Arts, &c.  10£ Troifieme SeêHon. Jardins. Europe. Son territoire confifte, partie en une langue de terre, qui s'avance jufqu'au lac, & le refte en un terrein fitué fur la pente rapide du „Rugi. Pour les politiques ambitieux, qui jugent des états par Yétendue de „leur territoire & de leur pouvoir, un pareil diminutif de république rélé„guée dans un coin du monde, ifolée & a peine connue en Europe, pa„roitra ne mériter aucune attention; cependant le plus petit morceau de „terre oü l'on chérit la liberté & oü elle eft en honneur, ne fauroit man„quer d*intereffer ceux qui connoilfent tout le prix de 1'indépendance & „font convaincus que 1'opulence & les grandes poffeffions ne conftituent „pas le bonheur." „Vers le bout de ce bras, Ie lac forme une baie confidérable, au milieu de Iaquelle elt fitué Ie village de Brunen, que la fignarure du traité de 1315 entre les cantons d'Uri, de Schwitz & d'Underwald a rendu célé„bre: nous avons de la entrevu Schwitz, qui eft le bourg capital du canton „de ce nom, & environ diftant de deux milles de Brunen; il eft un peu „plus enfoncé dans les terres, au pied de deux rochers trés - élevés, poin„tus & efcarpés." „Ici nous avons pris a la droite & fommes entrés dans le troifieme „bras ou lac d'Uri; Ia perfpecYive en eft fi magnifique & fi fublime, que „1'impreffion qu'elle a faite fur moi, ne fortira jamais de ma mémoire. „Répréfentez-vous un lac étroit & profond qui après de neuf milles de „longueur, bordé des deux cótés de rochers arides & fauvages, pour Ia „majeure partie perpendiculaires; avec des forêts de hétre & de fapins fur „Ieurs croupes, s'étendant jufqu'au bord de l'eau: il eft certain que les ro„chers font fi efcarpés & fi fort penchés, que ce ne fut qu'avec peine que „nous pümes obferver quatre ou cinq petits endroits oü il auroit été poffi„ble^de mettre pied a terre. Au moment de notre entrée a la droite, une „pierre immenfe qui s'étoit détachée du rocher & étoit venue tomber a „quelque diftance du rivage, a attiré toute notre attention. Elle a prés de „foixante pieds de hauteur, eft couverte de broffailles & d'arbriffeaux, & „m'a rappellé, en quelque faqon, ceux que l'on découvre au milieu du faut ^,du Rhin, prés de Schaffhoufe; ici le lac étoit aufii clair que du criftal & „parfai-  relatifs au caraiïere des Cantons. , 0 9 „parfaitement calme. La fombre, filencieufe & folemnelle obfcuritê ooi „regnoit da s ce fi ft ^ ^ ^ & „nble ^iTernent de la cataradïe du premier. Nous avons aper'u un peu „plus lom, fur la pointe Ia plus élevée du Seelisberg, une petite chapelle nous a paru inaccemble 5 ftau- deffous Ie petit village de Gruüi prés „duouel on pretend que les trois libérateurs de ces cantons s'affemblerent „&. ou ds fe promirent réciproquement de ne point s'abandonner & dé La cMte du Rkin pres de Scfmffhoufe en Suife. *) „Nous mimes pied S terre a Lauffen, chétif village du canton du Zu- iu dirduTan?ant jufqu'au bord du prëdpice ^ S'étend ^ *™t 1efT„,te ƒ f T* n°US f°mmeS tr0Uvës Perpendiculairement au„deffus de la catarade, & avons vu les flots fe précipiter aux deux cótés du I^^F^&--fomm enfuite defcendu» jufqu'è ce que nous foyonsparvenus un peu au-defTous „du In.fupeneur du fleuve, & nous nous fommes trouv és üprès de iJZ quejauroispresquepülatoucberaveclamain. On a élevé uneefpécé d echaffaudage au eentre de cette eifrayante cataraéfe, & a fendroit oü „elle efï Ia plus terrible: les flots écumans roulant avec fureur Ie „nuage continuel occafionné par I'eau qui jaillxt tout au tour S une grande Mance&,eIevealTezhaut. . . . enfin Ia majefté d'unpareü fpfdacle „a furpalfe de beaucoup I'idée que je m'en étoit formée, & eft fort au. deffus de toute defcription: h environ cent pas, autant qu'd m'a été poffi„ble d en juger de I'echaffaudage, fe trouvent deux rochers au milieu du „faut, qui empechent qu'on ne puiffe voir de Ia toute fa largeur; Ie plus „pres des deux paroiffoit avoir été percé par Mon continuelle de I eau „qui fe faifoit au travers un paffage obfique d'oü elle fortoit avec un bruit „fourd &.une violence inexprimable. Après nous être arrêtës pendant *) Coxe, a^Lettre. 0 3 „quelque  4 Troifieme Seciion. Jardins quelque temps acontcmpler avec admiration, & dans le plus profond filea' ce la fublimité majeftueufe de eet étonnant payfage, nous fommes de",fce'ndus, & étant parvenus au-deffous de la chüte nous avons traverfé le "fleuve qui étoit fort agité." ...„,* „Jufqu'alors je n'avois vu la catara&e que de cote 5 ma1S ici elle s elt ouvërte graduellement, & a préfente une nouvelle perfpeétive, dont j'ai "joui tout k mon aife; m'étant affis k eet effet k la rive oppofée. Voici "quels ont été les objets qui m'ont le plus frappé: on voioit fur la rive que nous venions de quitter, un chkteau fitué fur le bord du précipice, & s'a"vancant au- deffus du fleuve, tout prés duquel étoit une églife & quel"ques chaumieres; k la rive ou j'etois affis, un affemblage de cabanes trés "prés de la chüte; & dans le fond, des collines plantées en vignes, ou gar' nies de bois touffus; fur le fommet un beau petit hameau bordé d'arbres; "le gros volume d'eau qui paroiffoit d'écouler du fond de ces cóteaux; les "deux rochers dont je viens de faire mention avancant hardiment Ieurs tè"tes jufqu'au milieu du faut, ck précifément k 1'endroit oü il eft le plus dan"gereux Ieurs cimes couvertes d'arbriffeaux, & divifant la cataraéte en "trois branches principales. La couleur de Peau du Rhin eft extrèmement "agréable, étant d'un verd de mer clair j je n'ai pü m'empècher de remar"quer le bel effet que produifoit les différentes nuances du verd, mèlees "avec la blancheur de l'eau écumante. La vue que l'on a d'une forge oü "?on fond le fer, voifme du Rhin, eft admirable: ce fleuve y eft retenu par "une éclufe afin d'empècher qu'il n'entrajne les ouvrages, & les chaumie"res du voifinage} par le moyen de cette éclufe une petite portion du fleu"ve entre en tombant dans une auge, fait tourner un moulin, & forme un "joli ruiffeau argenté, détaché de la principale catarade, qui coule le long du rocher- Au-deffous du faut, le fleuve s'elargit confidérablement & forme un baffin beaucoup plus étendu." " Citons ici encore une defcription de ce fpeftacle étonnant qu'offi-e Ia nature. Ces defcriptions partent toutes deux d'hommes qui peignent auffi bien qu'ils obferventj toutes deux font au nombre des tableaux les plus récents} toutes deux, préfentent le même objet fous des points de vue un peu  relatifs au caraftere des Cantons. , 11 peu différents, & compofent en quelque facon un feul enfemble Quhie voit pas le Rhin s'élance & écumer dans la répréfentation fuivante tracée par le peintre allemand de Ia nature? *) Qui Entend pas mème le tonnerre que forme fa chüte ? D'abord au fortir de Ia ville de Schaff houfe Ie torrent fait un petit faut occafionné par des rochers en partie cachés & en partie vifibles: quoique I'eau nes'élance pas de fort haut, elle réfléchit cependant ainfi que fon écume, beaucoup de beUes couleurs aux rayons du foleil. On a pbuffé dans Ia riviere quelques petits mürs, en faveur des roues de moulins & de manufadtures que l'eau fait aller ici. Lauffen même eft un bourg peu confidérable k une petite lieue d'allemagne de Schaff houfe 5 dans cetefpace coule le Rhin en formant plufieurs finuofités; le voyageur parcourt des montagnes tantót cultivées, tantót incultes, & ce n'eft qui un petit quart de lieue au-dela de Lauffen que le Rhin fe précipite par deffus des rochers eleves & forme la grande & fameufe chüte. A moitié chemin on entend dejale bruit, femblable k celui de plufieurs moulins tournant avec force De nuit, lorsque Ie vent eft favorable, on peut quelquefois 1'entendre prés de la porte de Schaffhoufe, & par conféquent k une lieue de diftance On eftime large d'au moins deux - cents pas Ia furface fupérieure d'ou tombe Ie torrent, & 1'inférieure oü la riviere recommence k couler avec moins de violence, large d'environ cinq cents. Des deux cótés font des montagnes entre lesquelles Ie torrent fe fraie un paffage. Sur ces montagnes qui ne font pas fort hautes, on voit encore k gauche une fabrique de lil d'archal, que le Rhin fait aller par fa chüte. A droite eft un chiteau habite, appartenant au territoire de Zurich. On croiroit que vue d'en haut & de ce cMteau la chüte doit paroitre encore plus belle, mais l'on fe trompe : on ne. fauroit Ia voir d'ici toute entiere; les montagnes faillantes fituées plus bas, en cachent une partie. Au - dela du torrent font des vignobles d'oü l'on peut voir la cataracle de tous les cótés j enfin on peut fe pla- cer , *> Vo>7aSe de Mn Sanders> Pi-opfleur Ie 3™ Volume du Recueil de Voyages i Carlsruhe, a la chüte du Rhin prés de pablié par Mr. Bernouilli. St%ffhoufe pendant 1'année 1781, dans  j j 3 Troifieme SetTion. Jardins eer au milieu & en face du fpeétacle le plus majeftueux qu'offre la nature. A proprement parler il y a quatre cafcades I'une a cóté de l'autre; la cinquieme, plus petite, n'a été ménagée qu'en faveur de lafabrique de lil d'archal. II elt manifefte qu'il doit fe trouver fous l'eau quantité de rochers effrayantes & de pointes dentelées. On n'apperc,oit cependant plus qu'une grande pointe de roe, qui s'éleve fort haut entre la feconde & la troifieme cafcade; cette.pointe, tapiffée de mouffe, & percée au milieu d'un grand trou caufé par le choc perpétuei des flots, & a travers Iequel la vue paffe trés-bien, difparokra probablement un jour tout-a- fait. Le torrent Ia heurtera de toute fon impétuofité jufqu'a ce qu'il 1'ait minée & renverfée ainfi que, fuivant toute apparence, il a déja détruk nombre de rochers. L'eau, en parvenant a la hauteur & en s'élancant de la, fe change entiérement en écume. Telle eft en bref la defcription de tout le tableau. Le Rhin entier devient écume auffitót qu'il eft parvenu a ce lit de pierres. On ne voit plus qu'une mer du lait Ie plus pur. On croiroit porter fes regards dans une chaudiere de lait bouillant fans relache. L'eau, -qui s'éleve en pouffiere trés - déliée, & qui lancée en l'air fous la forme d'une fumée des plus fines & des plus raréfiées, vole vers le ciel, préfente un afpecl: dont Ia beauté ne fauroit fe décrire. Plus on regarde plus il femble que le bouillonnement & le mugiffement du torrent, en quelque facon encore foible ici, deviennent plus fort ck furieux, ck cependant ce n'eft qu'une illufion: feulement quand les eaux font fort hautes on remarque une augmentation de fracas confidérable. A chaque pointe faillante qu'elle choque, l'eau s'élance excefiivement haut, puis fe rompt & retombe fur elle-mème. On diroit que l'eau dans fa chüte bout de tout cóté, & veut fe gonfler en gros bouillons. Le foleil vient- il a luire fur cette montagne bouillante, fur cette mer d'écume? on voit autour de la cafcade, non un feul are en ciel, mais mille; chaque goute repréfente un miroir; les ares en ciel fe croifent, fe confondent, fe traverfent réciproquement, fe fondent enfemble ck brillent d'un éclat plus vif, fe féparent & deviennent plus beaux. II en nait une pompe de couleurs qu'aucun langage humain ne fauroit décrire. Nous fouhaitons a tout homme bon 6t fenfible une après-dinée auffi belle & auffi remplie  relatifs au carablere des Cantons. 113 remplie du plaifir Ie plus pur que la nótre. Un grand vautour des Alpes plano* preciiement au-deffus de la cataraéte, & s'élévolt de plus en plus tout comme s'il confidéroit cefpedacle avec autantd'étonnementque nous Un peut aufii prendre plaifir k arrêter quelque temps fa vue fur Ie baffin & au pied de la chüte, oü 1'eau a repris fon niveau. La 1'écume furnageant agreablementen bandes innombrables&enlongues traces d'un blanc de lait offre mille belles couleurs, fe mêle lentement, fe perd en gouttes tréspetites, & fe réfout infenfiblement en une eau verdatre. Afin de nous approcher autant qu'il étoit pofïible de cette cafaracle majeftueufe, nous entrames dans une naceile de pêcheur, & traverfdmes le torrent. Lorsque Ie bateau fut k force de rames affez defcendu pour pouvoir gagr^r Ia diagonale, 1'onde entraïna k quelques verges du bas de Ja chüte la naceile vers lautre bord avec une viteffe & une impétuofité;extraordinaires. Nous mmies pied a terre & montames la montagne k droite j enfuite on defcend le Jong de quelques terraffes oü fe trouve une petite maifonnette de bois appuyee contre une parois de roe; onyentre, & alors on eft auffi prés du faut qu'il eft pofïible de I'être fans danger. Ici l'on ne s'entend^Ius parler -1'un lautre, tant font grands le murmure, Ie bruiffement, les coups & Ie tonnerre. On croit ètre au milieu d'un orage éternel, continu, & mille fois repete par les échos. On s'imagine abaiffer fes regards fur une grande & large voie laclée, qui s'épanche avec une abondance croiffant toujours & fort d'abymes inépuifables. On peut diftinguer les millions de paraboies ifolées qui naiffent les unes fur les autres, & qui preffées en un clin d'ceil par d'autres millions de colonnes liquides élancées, coulent I'une dans 1'autre, font & demeurent de 1'écume, jufqu'a ce qu'elles fe foient précipitees au bas des rochers. Mais iJ eft impoffiblemême ici de remarquer plus exaélement la fine pouffiere humide. On Ja voit, on en eft infenfiblement mouillé; elle monte femblable a un léger nuage, les nuages s'entaffent; le vent faifit cette pouffiere, 1'emporte, & dans Ie mème inftant il s'imbibe d'eau nouvellement pulvérifée; mais la poudre Ia plus fine eft un fable grofïier, comparée k ces globules d'eau fubtilifëe k 1'infini. Tous ces objeft réunis nous mirent en enthoufiasme, mon compagnon de voyage & Tome IV. p . *■ moi:  114 Troifieme Seïïion. Jardins moi: nous hafardames une chofe qu'on ne propofe point comme un exemple a imiter, & dont nous nous répentimes quafi lorsque nous y repenfames de fang-froid. Nous eümes envie degravir encore plus loin contre cette parois de roe, afin de pouvoir porter d'en haut nos regards dans le torrent tombant avec impétuofité. La maifonnette eft attachée aux flancs de la montagne par des perches de bois qui montent a cóté des rochers. Nous donnames nos chapeaux a garder au domeitique, parceque le vent violent qui regne la haut les auroit enlevés. Nous ne penfames pas qu'il pourroit bien nous enlever auffi, & nous ne penfames pas d'avantage a Ia maniere dont nous redefcendrions: nous grimpames, trés-prés de la cataraéte, le long de ces perehes, encore environ cent pieds plus haut, & vimes de la plus diftinétement le premier tourbillon qui eft extrèmement violent; alors nous apperqumes ce que nous ne pouvions voir, mais feulement foupqonner de plus bas; c'étoit une quantité de rochers en zigzag que l'eau frappe impétueufement obligée de furmonter avec effort les obftacles & les écueils. Repréfentez - vous les ondes d'un océan de lait bouillant & écumant: lorsque ma vue plongea dans ce grand fpeétacle de la nature, je perdis Ia parole. Je ne pouvois plus m'écrier, m'exhaler en exclamations, témcigner les tranfports qui m'agitoient. Tous mes fens étoient comme fufpendus, mes penfées s'étoient évanouies. Je me rapelle encore diitinétement les infiants oü je ne voyois ni n'entendois réellement plus rien, oü j'avois perdu tout fentiment de mon exiftence, & oü je ne faifois, pour ainfi dire, que demeurer fufpendu au - deffus de ce magnifique abyme. Lorsque j'en détachai ma vue, je m'imaginai avoir furpris la nature a I'infiant de fa naiffance. Tels furent, peut-être, le bouillonnement, Ie bruiffement, Ia fougue de la terre & des mers, lorsque la nature en travail fit fortir le Rhin & la Savannah de fon baffin immenfe, & leur oppofa ces barrières, ces digues, ces parois des rochers. c. Grofies  relatifs au caraBere des Cantons. nj 'V *' •• •;. % *.;*, • • c. . . _ - , Vy.;-f, Grottes en Mande & dans la Grande Brétagne. A Skeheenringky *) & prés du grand chemin, entre ce lieu & Cahir eft une grotte romanesque. Son entrée eft une crevaffe dans une colline de pierre calcaire; cette crevaffe eft fi étroite qu'a peine on y peut paffer Un defcend une échelle d'environ vingt échelons & l'on parvient k une voute de cent pieds de long, fur cinquante k foixante de haut. D'ici part une petite caverne qui par une allee finueufe mene k un demi-mille d'lrïande de diftance, & offre tant de variété qu'on ne fauroit la eonfidërer fans admiration. Dans quelques endroits Ia caverne du rocher eft fi large que lorsqu'on I'ëclaire bien par des lumieres, elle reffemble k la voute d'une cathedrale foutenue d'épaiffes colonnes. Les parois, le plafond, Ie fol & les colonnes, font tour-a-tour recouverts de toutes fortes de figures phantaftiques, & fouvent joliment incruftés de cryftal de roche; quelques places bnllent autant que fi eiles étoient parfemées de diamants; quelquesautres font plafonnées de cette efpece de cryftal de roche qui a tant de reffemblance avec un choux-ffeuv. L'efpece de cryftal qui, en fuintant k tovers les voutes, -forme des colonnes, a pris dans quelques endroits des ngures regulieres, tandisqu'ailleurs il préfente 1'afpecl: d'une draperie Iuifante & pliffée. Les angles des parois femblent pleins de glaqons en forme de fufeaux. Une partie de la caverne fituée vers le Nord, eft dans quelques lieux fi étroite & fi baffe, qu'il faut y paffer en rampant; puis on fe retrouve tout - k- coup dans un grand efpace voüté. Le cryftal de roche de toute cette caverne eft trés - brillant, & en grande partie femblable k Ia pierre de Briftol. A quelques centaines de verges (angloifes) & dans Ie lieu le plus grand de Ia grotte, eft une eau profonde au bas de la pente k droite; le peuple appelle cette eau Ia riviere. Une partie du chemin eft couvert d'une efpece d'argile qui prend toutes fortes de formes, & dont la couleur eft brune; cette argile ne fe trouve nulle part ailleurs dans les environs. La fameufe caverne du Peak, & la grotte d'Aneel en JBourgogne ne font pas comparables k celle-ci P 3 L'Okey- *) Voyez les Voyages de Young en Irlande. I. Partie;  ji6 Troifome Seïïion. Jardins L'Okeyhole," ou caverne d'Okey,*) dans une des montagnes de Mendip, a deux milles (anglois) de Wells, eft une des plus grandes curiofités naturelles d'Angleterre. A Pentrée de la caverne on apperqoit une affez grande quantité de groffes pierres difperfées fans ordre, & par deffus quelques-unes desquelles il faut paffer. Lorsqu'on eft plus avancé Ia caverne s'élargit, jufqu'a ce qu'on foit arrivé a un endroit oü l'on defcend treize marches pour entrer dans un chemin étroit; l'on y montre le tomfceau de Ia vieille forciere d'Okey que l'on prétend avoir demeuré ici. Ce tombeau n'eft autre chofe qu'un informe morceau de roe couvert d'une forte de croute. De cette allee on parvient a la cuifine, & enfuite a une caverne immenfe que l'on nomme I'eglife, & qui dans quelques endroits eft haute de prés de quarante pieds. On a de la peine a marcher ici, car lesmorceaux derocher fontjetéslaendésordre, & d'un cóté ferpente la riviere d'Axe, enforte qu'on peut a peine fe gliffer de l'autre cóté. On ne peut réellement fe repréfenter rien de plus terrible que cette monftrueufe crevaffe. La fente brillante qui s'eft formée le long de Ia riviere, & les gouttes de cryftal qu'on y voit pendre ainfi que des diamants, font des beautés qui caufent un vrai plaifir, fur-tout quand on les confidere comme ne faifant qu'un feul enfemble avec les incruftations del'autel, dulievrefufpendu, de la cave, du cuveau de cette cave, & avec un grand morceau de roe, qui fe penche vers la riviere fans tenir h rien. Après I'eglife & fes beautés étonnantes, les objets les plus propres a caufer de 1'admiration font deux belles concrétions appellées le fauteuil & la cuve a raffraichir. La première eft a baguettes dans le goüt ruftique, & la derniere renferme une petite quantité de la meilleure eau. D'ici on parvient a une allee oü l'on defcend huit marches, après lesquelles on pourfuit fon chemin jufqu'a ce qu'on *) Cette defcription d'une grotte ro- & du pays de Galles, auxquelles on a manesque eft tirée ainfi que les defcri- joint une excurfion faite dans les caverptions fuivantes d'un ouvrage anglois nes d'Ingleborough & de Settle en dont le titre rendu en fraj^ois eft: Re- Yorkfhire. Cet ouvrage n'a pas été marqués faites pendant un voyage dans traduit en francois que je fache. Note plufieurs parties d'Angleterre, d'Ecofie du Traduïïeur.  relatifs au caraiïere' des' Cantons. 2 j ? qu'on arrivé l une autre figure de fpath nommée la tête de lion; on I'appercoit dans le coin d'une coupole immenfe nommée le veftibule des domeftiques. Ce veltibule nous parut Ia plus haute de toutes ces cavernes; nous ne pümes pas en déterminer exaclement 1'élévation, mais, a en juger au coup d'ceil, elle étoit d'au moins cinquante pieds. Enfuite on parvient a ce qu'on appelle Ie grand portique: en s'y rendant on voit la cheminée du portique, caverne étroite & affez haute. Ce portique eft le plus grand de beaucoup en étendue; il reffemble exatfement a une rotonde dont 1'élévation au centre eft d'environ vingt cinq pieds. A un mille de Buxton, eft la première merveille du Peak, Ia caverne de Poole. Suivant le récit des vieilles gens d'alentour, un banni nommé Poole en fit fa demeure. Le trou par Iequel on entre dans la caverne, eft trés-petit, & promet peu; mais quand on s'efl avancé quelques pas en rampant auffi prés de terre qu'il eft pofïible, on parvient k une fente oü l'on montre Ia felle & Ia tortue de Poole, deux belles incruftations. En allantplus loin on voit d'autres beaux morceaux de fpath, entortillés autour du rocher de toutes fortes de manieres, & qu'on appelle les boyaux & le fac a Iaine de Poole: I'un & I'autre fe font formés d'une maniere inimitable, & comme fe forment les pétrifications blanches dela plus fine forte; d'un cóté jaillit une fource d'une eau tranfparente & limpide, & de I'autre 1'image trés - exaéte d'un éiéphant la trompe pendante, frappe la vue. Ici il faut fe mettre a quatre pour grimper en rompant Ie long d'un fentier glilfant qui mene a une voüte étonnante de foixante a feptante pieds, oü fe trouve fufpendu au plafond un trés-grand morceau de fpath nommé Ia flêche de Iard; de cóté fe voit Ie portrait exaét du vieux Poole lui-même. De la on fe renda la toilette du Lion & de Ja Dame: celui-Ja s'étend en iiauteur, & celle-ci pend vers Je bas avec un air de négligence auffi aifé qu'élegant. On vous mene enfuite vers d'autres beautés encore plus grandes, comme: la prétendue lanterne obfcure, qui reffemble beaucoup plus aunfphinx ëgyptien; une quantité de belles incruftations fufpendues en forme de draperie: & un plafond qui, compofé de pétrifications tranfpa- 3 rentes,  n$ Troifieme Seffiion. Jar dim rentes, brille comme fi c'étoient autant de glacjons. Après avoir admiri quelque temps ce fpeclacle, on fe rend a un apartement d'au moins cinquante pieds de haut, dans le quel eft; une petite figure de fpath noire, fembiable a une fouris, & immédiatement au-deffus une grande rangée de tuyaux d'orgue. D'ici l'on parvient au pilier de la Reine d'Ecoffe, qui fut ainfi nommé lorsque la malheureufe Marie vifita ces lieux. II eft entouré de belles incruftations, qui, étendus légérement & dans le goüt gothique comme des rideaux, font le meilleur effet. La plus grande partie des voyageurs retournent ici fur Ieurs pas, mais la curiofité nous porta a nous hafarder jufqu'au bout de la caverne. Le lieu étoit extrêmement efcarpé & raboteux,' & fi gliffant que .fi nous ne nous étions pas fortement cramponnés, nous n'en aurions jamais atteint le fake; parvenusen eet endroit nous demeurames quelques temps dans un étonnement muet. Une lumiere placée a notre infeu tout au bout de la caverne, paroiffoit une étoile briljant au milieu des nuages pendant une belle nuit, Sc une autre lumiere, placée tout auffi eonvenablement fur Ie terrein que nous venions de quitter, faifoit un effet également fingulier & terrible. Nous ofames avancer encore, & paffames devant deux incruftations extrêmement belles; 1'une eft nommée Ia felle des Dames; I'autre eft une efpece de rideau. Enfuite nous penetrames a travers le trou d'aiguille de St. André, & laiffant a droite fon tróne ou fon pavillon, pétrifieation remarquable par fa grandeur & par fa reffemblance avec la vérité, nous nous rendimes, en traverïant un monceau de roes irréguliers, vers un chemin nommé a bon droit & énergiquement: la route qui éreinte. Ici nous recommenqames a grimper jufqu'a ce que nous fuffions parvenus au bout apparent de cette grande .caverne. Nous retournames alors fur nos pas avec plus de précaution encore qtfauparavant, & revim.es enfin la lumiere du jour. Nous dirigeames notre route vers une mine de plomb nommée Ie Speedwell de Staffordfhire. Nous appereümes dans la pente d'une montagne, une ouverture qui, a 1'aide de cent & fept marches presque perpendiculairs, nous mena vers une riviere oü nous attendoient une naceile & un  relatifs au. caraUere des Cantons'. ,' g un homme. • Nous nous confiames a eet autre Caron. Cette navfeation fouteiraine etoit auffi fublime qu'effrayante. Le vent frifoit nos oreilles avec un bruit impofant; le lieu étoit obfeur & Ia lueur feule de nos chandelles Pedant. Tout étoit tranquille dans la naceile, 8c 1'imagination fans ceffe aAve fe repréfentoit tout en grand. Nous éprouvions dans cette route un degre de plaifir quenous n'avions encore goütê dans aucune progenade fur eau: tout-a-coup nous entendimes un bruit mélodieux, qui reflechipar Ia voute, venoit fe perdre auprès de nous en fons doux&agréables. Nous continukmes notre route; le fon fe foutint, mais en devenant remarquablement plus fort. Enfin nous arrivames au lieu d'oü il partoit & notre etonnement s'y accrut. Un petit garqon de 10 k ia ans, placé dans une niche ou il trouvoit k peine place pour fe remuer, & d'oü il ne |?ouvo.t fortir fansaide, portoit, par le moyen d'unfoufflet, de 1'air frais jufqu a fextremite de Ia riviere; c'eft ici que le petit chanteur fredonnoit les chanfons. La nature 1'avoit doué d'une voix charmante, & fans penfer a fa lituation, il travailloit 8c chantoit pendant huït heures, temps hxé pour fa journee. Nous depafilmes eet habitaat des pays fouterreins, continué mes notre chemin, 8c en atteignimes enfin Ie terme, après avoir parcourru un efpace de feize a dix-huit cents pas: ici nous trouvames trois hommes frais 8* vigoureux a 1'ouvrage, 8c nous en retournames comme nous étions venus. L'avenue de Ia caverne de Peak, ou Peakshole prés de Caftleton, eft grande 8c terrible. Un torrent qui fort de fon entrée, coule 4 gauché & I on eft entouré k droite d'une file de rochers qui élévent Ieurs cimes jufques aux nues. Un d'entr'eux eft haut de deux cent cinquante pieds Lorsqu'on arrivé a 1'entrée, large de cent vingt pieds fur quarante-deux de haut, I'attention eft attirée par un afpeét extraordinaire. Dans ce féjour ténébreux font quelques cabanes éparfes, 8c l'on voit une foule de femmes 8c d'enfants filer; Ie fpecïacle préfente en tout comme un autre monde- Ia vue n'eft nullement bornée, car les créatures gaies 8c contentes que l'on -voit li fort occupées, s'étendent tellement au loin qu'elles forment une per- fpecfive  I2a Troifieme Seffion. Jardins fpeétive qui femble infinie a 1'imagination. La première chofe que nous montra a 1'entrée notre conducteur ruftique, qui elf le philofophe 8c le naturalifte de ce lieu, c'eft la maniere dont l'eau fe coagule en fpath (fpar). D'abord, dit-il, ce n'eft qu'une goutte tranfparente; a l'air elle devicni comme de la colle, & infenfiblement elle fepétrifie. 11 nous montra enfuite la flèche de lard, grande incruftation pendant d'un cóté. Nous paffames promptement devant eet objet, pour parvenir a une petite porte d'oü l'on découvre la plus énorme caverne imaginable. Nous defcendimes cependant plus bas vers la maifon aux cloches. D'ici nous defcendimes encore beaucoup, ck vinmes a la riviere oü nous entrames dans une barque prête a nous recevoir, nous y étendant tout du long afin de ne pas heurter de la tète au rocher furbaiffé; nous fümes ainfi menés au - dela de l'eau, ou plutót on nous fit remonter un torrent tortueux. En mettant pied a terre, nous nous crümes dans 1'antichambre des déités fouterreines. Rien n'eft plus étonnant que 1'afpeél de ce féjour terrible. 5a longueur méfurée eft de deux cent foixante & dix pieds; fa largeur de deux-cent dix, & fa hauteur de cent vingt. Afin que l'on puiffe jouir ici dans toute fon étendue de 1'obicurité épouvantable de cette fcene, brüle tout-alentour une foule de lumieres qui brillent comme des étoiles, 6c augmentent le friffon de terreur que caufe ce fpecTacle. Mais il étoit affez plaifant de voir revenir la naceile avec d'autres paffagers, auffi tout étendus, qu'elle dépofoit plus bas a 1'entrée d'une caverne a peine affez grande pour qu'un homme puiffe s'y gliffer. De la nous nous rendimes vers un autre coude de la riviere, que nous traverfames fur les épaules de notre guide, pour parvenir a la maifon de Roger pluie, qui porte ce nom par ce qu'il y tombe continueHement partout des goutes d'eau. Nous pourfuivions tranquillement notre chemia vers la porte, lorsque nous fümes fubitement égayés parun choeur d'hommes qui chantoient dans une niche fituée ï cinquante-fept pieds au-deffus de nous. Nul effort de l'art tfauroit pu produire un effet auffi digne d'admiration. La voüte gercée en mille manieres, la hauteur de la caverne mème, lefilence qui régnoit ici, 8c qu'interrompoit le feul gazouillement de l'eau dans la celluie pluvieufe, le tout enfemble formoit un mélange ex- traor-  relatifs au cara&ere des Cantons. , a, traordinaire de romanesque & de fublime. Nous nous arrêtames ici. Les airs fe chantoient Ientement & avec folemnité. Tout portoit Pefprit k Ia réflexion. La nature fe montroit k nous environnée d'une majefté terrible; nous nous croyons tranfportés dans un autre monde. De Ik nous allamesalacave du diable; & defcendant d'ici I'efpace decent cinquante pieds Ie long d'une colline fablonneufe, nous jrouvames ce qu'on appelle Ia maifon, qui elt k moitié chemin & oü coule une eau très-limpide; l'on nous y montra comment Ia pluie & Ia neige pénêtrent Ia terre, &en fe ramaffant dans la caverne, font, enfler Ia riviere. Pourfuivant notre route nous paflames au bord de l'eau fous trois arcades régulieres en grande partie , oü nous entendimes le murmure d'une cafcade. Nous traverfames Ia riviere, &parvinmes k une autre enfilade d'arcades tout auffi belles, qui la riviere reftant k droite, nous menerent k la roche pendante & au ferpent petrifte, Iequel eft tres-bien confervé. Enfuite nous vinmes k un endroit ou le torrent eft trés-rapide & oü I'eau degoutte en abondance Ie long des parois. D'ici nous continuames notre cheminfous une autre enfilade d'arcades, & après avoir vu Thomas de Lincoln, lieu auquel on a donné ce nom k caufe de fa reffemblance avec une cloche, *) nous atteignimes enfin le terme de cette caverne étonnante, k deux mille deux cent cinquante pieds de la première entree, & k fix cent vingt pieds de Ia furface de Ia colline. Avant de quitter ce lieu, il nous faut encore parler de 1'effet formidable de ce qu'on nomme ici un coup de vent, caufé par une petite mine creufée dans Ie roe & allumée enfuite. L'ébranlement fut étonnant, c'étoit comme fi le ciel & Ia terre s'abymoient Cependant nous demeurames tous fermes, hors un domeftique qui tomba par terre de frayeur. Après avoir affifté k cette expérience nous retournames vers 1'entrée oü l'on nous öta nos chandelles, & oü nous revimes la lumiere du jour qui pénétroit dans Ia caverne, & qui nous fit voir tous les objets fous un point de vue bien plus majeftueux qu'auparavant. Quoique fatigués nous mon- tames *) Sans doute batifée aiufi, Notedu Traduiïeur. Tome IV. Q  i2a Troifieme Section. Jardint tames au fommet du Peak, & confidérames 1'antique chateau dont quelques parties font encore trés - bien confervées. Nous nous aflimes dans ce lieu pour nous repofer un peu, après avoir encore jeté un regard fur la caverne fituée au - deffous de nous: nous fümes furpris 8c recrées d'une faqon charmante par de la mufique qui fe fit entendre fur une colline oppofée. Elle ne pouvoit venir plus a propos, & perfonne ne pouvoit ètre plus difpofé que nous a nous livrer a ce plaifir. Notre journée avoit été pénible, le repos nous étoit néceffaire. Nous nous divertimes donc de ces fons agréables, nous admirames la fêrénité de la foirée, & nous étendant tranquiliement fur le gazon, nous diffipames de cette faqon notre fatigue. d. Dans la plupart des lieux que nous venons de citer, le romanesque touche quelquefois au fublime ou a 1'héroïque, 8c fe revét même en partie de ces caraderes. Mais dans les tableaux fuivants le romanesque fe rapproche plus du caradere agréable & doux: 8c cette modification a quelque chofe d'extrêmement flatteur pour des ames dont les fentiments font plus tendres 8c plus paifibles. L'LIe de St. Pierre dam le lac de Bienne en Suijfe. *) Le lac de Bienne eft un des plus beaux Iacs de Suiffe: il „eft fitué —. „immédtatement au pied de la première ligne du Jura. — Sa longueur eft „environ de trois lieues, fur une petite lieue dans fa plus grande largeur. — „L'Isle de St. Pierre — d'un petit quart de lieue de longueur—eft une colline „d'une forme irréguliere, dont le plus haut point eft élevé, fuivant une ob„fervation du barometre faite par Mr. Pidet, de i a i pieds au - deffus du „niveau du lac; 8c le lac Iui-même eft élevé de 178 pieds au-deffus de „celui de Géneve." „Cette *) Voyage dans les Alpes, précédés dans 1'Académie de Géneve. Neufchatel d'nn effai fur 1'hiftoire naturelle des en- chez S. Fauche &c. 1779. 4. Tome I, virons de Géneve, par Horace Benedict page 331-323. de Sauffure, Profeffeur de Pbilofophie  relatifs au caraiïere des Cantons. 123 „Cette colline en pente douce du cóté du midi, fe termine vers Ie bas „par une petite plaine, dont nous trouvames une partie couverte de riches „moiffons, & lerenede prairies & de troupeaux. Untfeg^^ „ble occupe la pente oriëntale qui eft plus rapide. Au-deffus de cesvignes „on trouve des vergers, & ,u-deffus de ces vergers, une forêt de chène ' „qui couronne toute Ia fommité de fisle dans fon plus grand diametre On „a coupe dans cette forêt une large & belle aliée, qui cótoye Ie bord Occidental de hsle. Ce bord, taillé presqu'a pie a une affez grande profon„deur, paroit un peu fauvage; mais eet afpecf ne fert qu'a faire brilier d'a „vantage les riches payfages que préfente k cette même promenade Ia cóté „Occidentale duJac, la Neuve ville, leLanderon, & d'autres beaux vilt „ges batis dans de grands vignoblesau pieduu mont Jura. La cóté orien„ta;e du lac forme auffi avec celle-laun contraftepiquant; fesbordséle„ves & efcarpés ne montrent que des roes nuds ou des forêts couronnées „par les AlPeS, dont e lesne laiffent voir que les fommets les plus élevT „Aarmheu de cette allee qui traverfe fisle dans toute fa longueur on trou „ve dans une prairie un pavillon odlogone, ombragé par de grands chêtïï „& deftme a fervir d'abri a ceux qui viennent s'y promener " „Ainfi cette isle, dans un efpaoe affez petit pour être poffédé par un „feulhomme, & afiez grand pour nourrir une familie nombreufe &oour „n'avoir pas comme d'autres petites isles, I'apparence d'une prifon four„nit oresque d'elle-même les produébons les plus utiles & les plus variées „lebled, lev,n, lesfruits, lefourage, lebois, lepoiffon, &ony trouve „des retraite*; melancoliques, des fites doux & paifibles, d'autres riches ck „bnllants. Je ne crois pas qu'il y ait au monde un lieu qui fut plus fufce „ptible d'etredécoré dans Ie goüt des jardins anglois; mais il faudroit cue „l'art eut bien foin de fe cacher, pour ne pas gater un ouvrage forti oresque parfait des mains de Ia nature." 1 ^ J °f f> fnt Mr' de SauffuW & nous donner une peinture fidele, eft vifitee dans le temps des vendanges plufieurs dimanches de fuite par une foule de gens du voifinage, qui s'amufent pendant Ie jour a Ia bon* ne chere, a la mufique, k la danfe & a l'amour. Vers midi arrivent de tout °-a cóté,  124 Troifieme SeSfion. Jardins cóté, a forces de rames, des compagnies dans des barques pleines de joie & de mufique. Mais rien n'eft plus charmant que le retour de toutes ces joyeufes barques le foir au clair argenté de la Lune, dont la clarté ici fe prolonge avec les flots, la fuit en fautillant les jeux des ondes légeres; ici répand tout alentour fa douce lueur, & Ia eft limitée par les ombres foncées des montagnes; je n'ai presque jamais vu avec plus de plaifir une fcêne romanesque au clair de Lune d'une belle foirée. Generalife en Efpagne. *) Generalife, édifice du temps des Maures, & qui étoit une maifon de plaifir & d'amour, „Generalife eft Ia fituation la plus agréable ck Ia plus pit-? „toresque qui foit aux environs de Grenade. II eft bati fur une montagne „très-élevée, ck les eaux y jailliffent de toute part; elles s'échappent en „torrents, & forment des cafcades charmantes dans les cours, les jardins „& les falies de eet antique palais. Ces jardins font en amphilhéatre, ck 5,plufieurs arbres refpe&ables par leur vetufté, y prètent encore aux Chré„tiens 1'ombrage qu'ils prodiguoientauxMauresautrefois. Je me fuis affis1* dit le voyageur dont nous empruntons cette defcription „au pied de deux „cyprès, dont les rides, la blancheur & la hauteur atteftent le nombre de „fiecles qu.'ils ont vécu; on les appelle encore les cyprès de la reine Sultaj,ne, ck l'on prétend que ce fut auprès de ces arbres que le perfide Gomel „accufa Ia vertu de cette princeffe, ck celle des Abencerrages; ils ont, dit„on, prés de quatre cents ans. Je les admirois avec un fentiment que ne „font point éprouver des monuments de pierre, mais ici Ia vie refpire. „Generalife eft un lieu privilégié de la nature. Ah! Si un compatriote de „Stern ck de Richardfon étoit le maitre de ce palais, il n'y a pas de place „imaginée par les faifeurs de romans qui put 1'égaler. C'eft le fite qui m'a „donné Ie plus de regrets de le voir habité par des propriétaires infenfibles. „Je gémiflbis de voir les terraffes fuperbes ck naturelles de ces jardins en„chantés, pavées en compartiments, ck ce lieu qui fut autrefois le centre „de • *) Nouveau voyage en Efpagne, fait fe trouve a Paris 1782. Tome I. pages en 1777 & 1778' 2 Vol. 8- Londres& 308, 209 & 211,  relatifs au caraiïere des Cantonr. , 2 5 „de h volupté afiatique, ètre reduit a de fimples rofeaux, comme fe recoin „ftenle d un cloitre de Capucins. Lair pur que l'on refpire a Generalife, „fa f .rudure fimple 8c maurisque, la clarté 8c 1'abondance des eaux me rap«peLoient ce temps oü Grenade étoit une des plus belles villes du monde; „elleeffaujourd'huitrifleScdéferte; unedéfaite, d'autres mceurs, un au„tre gouvernement ont anéanti fa gloire.« La belle infcription arabe fuivante dit ce que Generalife étoit jadis: „Palais charmant, tu tepréfentes „avec beaucoup de majefté; ton éclat égale ta grandeur, & ta lumiere re„jadht fur tout ce qui t'environne. Tu es digne de tous les éloges, car ta „parure a quelque chofe de divin. Ton jardin eft orné de fle*rs qui re„pofent fur Ieurs tiges, 8c qui exhalent les plus doux parfums; un air frais „agite foranger, 8c répand au loin fodeur fuave defes boutons. J'entends „une mufique voluptueufe fe mêler au bruit des feuilles de tes bofquets. „ i out eft harmonieux, verd 8c fleurt autour de moi." e. Le romanesque peut auffi fe montrer dans des Iointains 8c des accidents ) extraordinaires, fur-tout aux heures oü commence 8cfinit **) la lumiere du jour, 8c principalement dans des payfages montagneux 8c au bord de a mer. Ici les jeux les plus finguliers des nuages fe forment en 1 air. Un obfervateur de la nature ***) vit une fois du haut d'une des premreres Alpes, toute la Suiffe jufqu'au mont Jura changée en un Océan de nuees. Elles brilloient d'un éclat femblable k celui delaneige, quoique leur couleur tint beaucoup du mceUeux de Ia laine; leur furface étoit unie & coloree comme celle de fa mer pendant une foirée calme d'été. A loueftla chame uniforme des montagne? dont eft compofé le Jura, fen> bloit des cotes éloignées; par-ci par-la des monts élevoient Ieurs fommets comme autant d'isles. Quelques - unes étoient couvertes de troupeaux, qui tantót defcendoient dans la mer, 8c tantót en reffortoient; d autres paroiffoient défertes; plufieurs effroyables, comme celle d'O- Q- 3 beron. ' *) Voyez Ie I. Tome, pag. 239. 24c. «*) Voyez le Mercure allemand de ) pages 86. 87- JBr. Wieland, mois de May ,78,.  I2Ö Troifieme SeUion. Jardins beron. *) Le foleil couchant lanqoit peu a peu fur eet ocean toutes les 'couleurs de 1'aube du jour; des ombres infenfibles en adoucifïbient 1'éc'at. Chaque nuage amené des montagnes par le vent, s'affaiffoit comme du fable, & prenoit place. Ce fpeétacle duroit depuis une demi-heure, Ie ciel étant des plus fereins, lorsque tout-a-coup la mer s'ouvrit en plufieurs endroits, & fit voir, au lieu de mer veilles monftrueufes, une foule de chateaux, de villes, de bourgs & de champs. Ceux qui ont eu 1'occafiön d'obferver de deffus les hauteurs dont Berne eft environnée, le fpeclacle que tracé fur les glaciers le foleil couchant, connoiffent encore une autre fcene rorpnesque & des plus fuperbes qu'offrent les foirées en Suiffe. „Ca les Alpes élevent Ieurs fommets couronnés de nuage au-deffus „du vol d'oifeaux; leur front orné de neige & de pourpre, 8c brillant „de 1'éclat des rofes, efface les fommets des montagnes plébéiennes." Halier: **) Ce n'eft pas feulement leWetterhorn, mais auffi Ie Schreckhorn, & d'autres pointes étonnantes des Alpes les plus élevées, quife prolongent en une longue chaine 1'efpace de plufieurs milles, & s'élevent au-deffus du dos bleuatre des montagnes moins hautes fituées devant ces premières. Cette grande file de montagnes couvertes d'une neige éternelle, fépare, ainfi que le dit le Poëte, d'un éclat couleur de rofe & de pourpre, lorsque Ie foleil n'eft déja plus vifible a 1'horifon. D'abord ces pointes blanchies brillent au loin de 1'éclat ferein qu'y répand le crépufcule du foir. Peu de temps après Ia nature fe revèt du plus beau pourpre, & en teint pendant quelques minutes les faites les plus élevés: les flancs de ceux-ci, éclairés plus fortement, commencent a briller auffi, jufqu'a ce que toute I'étendue des montagnes 8c des maffes de neige fiotte dans des rayons de lumiere. Après que ce fpecfacle au-deffus de toute defcription aravi les yeux pendant quelques inftants, *) Poëme du même Mr.Wieland, dont 1'origine du mal , premier chant. Le !a traduftion francoife en rimes oftaves Tradudteur a fubftitué les Alpes en géa 1'Italienne, doit paroitre inceffamment, néral a une Alpe feule nommée le Wetfi même elle n'a pas déja paru. terhorn, fans doute parceque ce nom **) Poéfies de Mr. de Halier traduites étranger lui parsiffoit peu poétique en de 1'Allemand, Berne 176c. Effai fur Fran9ois.  relatifs au caraUere des Cantons, intentie pourpre paüt, & un couleur de rofe moins vifen prend Ia place' nfenfiblement celui-ci paffe a un violet tendre ^lé^V^Z rouge bnllant. Le violet obfcurcit de plus en d1i« a, «?' P Un ro,( auemdre daus aucun tableau i la pompe de ce fpeflade é.onnam f mpreffion furpafle (ome rénergie des la„gues; Que de fi n, l" con.emple, & toujours avec fc ^ „J^^^*"^ ^ «et' ^ d'ateatio«: *«• **** nate 2. Des  13| Troifieme Seiïion. Jardins 2. Des gens de goüt & qui habitoient des cantons romanesques, ne pouvoient manquer de ctioifir auffi un jardin de ce genre. Ici Ie comble du favoir confiftoit a ne pas altérer les difpofitions primitives de la nature, a ne pas s'efforcer de les refondre, mais a les prendre telles qu'elles s'offrent, tachant uniquement de les réhauffer par quelques fecours de l'art, autant que celui-ci peut contribuer k réhauffer ce caradere. Qu'on lifeles defcriptions fuivantes. Ham.*) A trois milles (anglois) a peu pres d'Akeover eft Ham, féjour du Chevalier Port. On auroit peine a trouver en Angleterre un jardin plus romanesque. Un vallon étroit eft environné de collines élevées, ou plutót efcarpées & couvertes de bois; elles forment un amphithéatre parfait. Un rapide torrent s'élance d'un cóté au pied des hauteurs; de i'autre cóté fe trouve une allée d'oü l'on découvre toute 1'étendue du lieu. On ne fauroit imaginer une forèt d'un afpeét plus noble; elle defcend, pour ainfi dire, Ie long des flancs d'un rocher efcarpé. A 1'entrée du vallonle chemin s'éleve contre un roe, d'oü l'on découvre dans quelques endroits ia riviere afes pieds, tandisque dans d'autres on 1'entend feulement mugir en s'élancant a travers les rochers. Au bout du vallon on rencontre du cote de l'eau un banc d'oü l'on peut voir tout 1'enfemble tu tableau. Vue d'ici 1'entrée femble fermée, parceqü'on appercoit au loin une montagne oppofée dont la forme préfente un cone tronqué régulier. Le pont jeté fur la riviere nuit presque a la beauté de la perfpecfive, parcequ'ii paroit trop petit comparé a 1'afpeél fuperbe de la vafte forèt & de la montagne fituée visa-vis. II ne faudroit point de pont du tout, ou bien il faudroit un pont hardiment compofé d'une feule arche, &proportionné a cette fcêne magnifique. Sous le rocher du jardin jailliffent deux rivieres; 1'une eft le Hamps, i'autre le Manifold qui coule pendant fept milles (anglois) fous terre. Lorsqu'on *) Voyage d'Arthur Young dans les Provinces orientales d'Angleterre. Lettre 4me.  relatifs au cara&ere des Cantons. s 2 Lorsqu'on y^ jette de la menue paille a Wetten, on Ia voir reiTortir dansTDove!Une ^ *™* ™ ^ k C o £ k e n.*) Cocken a I'avantage de poneder une riviere agréable, qui dans ctuelques endroits coule avec rapidité, dans d'autres doucement, & dont les ri vages font bordes, tantót de roes efcarpés, tantót d'arbres penchés fur les eaux, & tantot de prairies entourées dehaies. L'art n'y a pris d'autre part que celle de prefenter ces beautés naturelles au fpedateur fous Ie poin de vue e plus favorabie. Au Nord de la maifon, fe trouve dans la fo " un emplacement de forme circulaire, d'oü les pointes des tours de Chefer fe montrent d'une maniere pittoresque dans Ie lointain entre deux collines boifees; a fes pieds fon découvre dans un enfoncement a pie, Ia riviere qu faitdejohesfmuofites. Le canton offre en général un afp^fauvage & ineul te; maisa gauche une colline couverte d'arbres jette de Ia variété dans «e tableau. D'ici le chemin mene du cóté droit a la métairie ou TiTéCeZ une per^Uve toute différente. On voit des campagnes cultivéls cl partage la riviere; a droite s'éleve un grand mafïïf de roe couvert d'ariX Enfu.teon defcendla colline, a travers une grande prairie, pourveniraia riviere: alors e chemin fe prolonge dans Ia forêt, au pied du roe dans I quel on ,, tailIe au bord de ^ Ces ^ ^ ^ de dans le genre romanesque; Ieurs crevafïes garnies de chênes élevés &r d autres arbres, menacent la tête des paffants. Salvator Rofa ne pourroit pemdre la nature fauvage avec plus d'attraits. La riviere contribue beau coup a 1'embelliffement de Ia fcêne; elle coule avec bruit par deffus des ro chers & des cailloux & augmente Pair fauvage du canton. Bientót après on paffe de ces roes dans une vallée couverte de gazon, oü Ia perfpeéfive change *) Voyages d'Arthur Young dansles Lettre 15. Cocken eft entre Durham & provmees feptentrionales d'Angleterre, Newcaftle, & appartient I Mr. Carr! Tome IV. jp»  150 Troijeme Seclion. Jardins- change encore une fois & tout - a - coup. D'un cóté de Ia riviere eft ime colline boifée, tandisque I'autre cóté préfente d'une maniere agréable une rangée étroite de buiffons ifolés. En fe retournant pour errvifager les rochers qu'on a laiffé derrière foi, on les voit fe mirer pittoresquement dans les ondes, aux endroits oü la riviere coule plus doucement. -; En avancant on découvre infenfiblement entre les arbres d'antiques ruines placées fur le rivage: elles font en grande partie couvertes de lierre, & derrière elles s'éleve une forêt. Ici Ia riviere recommence a couler rapidement entre des parois de roe. Vis-a-vis des ruines de I'abbaye les rochers font de jolies tortuofités, & au-deffous, la riviere 8c une terraffe ferpentent d'une maniere pleine de goüt. L'on a devant foi un amphithéatre de roes 8c de forèts. Lorsqu'on s'affeoit fur un banc placé dans eet endroit, on jouit d'une trés - belle vue. A droite eft une parois de roe majeftueufe; la riviere difparok entre cette parois 8c la forèt oppofée; a gauche s'étend une colline couverte de bois. Quand l'on fe rend au berceau qui eft fur la,colline a main droite, on voit une partie de forêt, fuspendue pour ainfi dire fur une quantité de morceaux de roches brifées. Au pied de Ia hauteur ferpente la riviere, qui, fe partageant en plufieurs grandes maffes d'eau, ajoute la plus agréable variété a ce canton romanesque 8; va fe perdre enfin dans la forêt. Du cóté oppofé de la riviere on voit les ruines de la vieiile abbaye dans un fonds en chaudron. Par deffus ces ruines la vue s'étend au loin dans des champs entourés de haies. Enfuite on parcourt quelques enclos 8c l'on rentre dans Ie pare. Le fentier fe prolonge au bord d'un précipice boifé, 8c defcend a travers un chemin fauvage 8c rocailleux vers Ia riviere qui coule doucement ici. On parvient de nouveau a un endroit oü des maffes penchées de roes couvertes d'arbres femblent menacer ruine a chaque inftant. Après plufieurs détours dans la forêt, on revient enfin a la terraffe fituée devant la maifon; fon y trouve un albett tout différent de ceux qu'on a eu jufqu'alors: Ia vue  retettifr au earaSere des Cairtons C r a i g h a 11 *) Craighall, maifon de campagne i deux milles (angloisl au NT™! de BWgowrie en Ecofle, «ft dan, un fite de» plus"^„"2ƒ Elle eft au milieu d'une vallée profonde nar.,™,, • ■ , bruicres arides dont on rfapper^i, pas la Z T» TT * n-ouve encore une foule de VélevSi £ » °" dis de tombeaux. La maifon même eft au bord d'une pem a dclfoos de Iaquelle coule avec bruit la riviere nrofonT^R l a quelque chofe de fombre Vers Ie «L iTJrofonde d Erecl* qui >= Plus beau mais Je plTieJbTe ue71 * *** s'étend environ a un demi-mMe (ltos/1un^ de la maifon, la riviere qui iufn, es l° , ' 1 pm Près fes rivages kJMfi~" £ Z^T^I ^ variés, eft refferrée dans un cana. él't pafdes ^ *- - lieux, fai, »^tS,trit pellé ,e cM,eau de la^d^ ./^'Z^ **! *" y avoir habité dans ^n/cKvaI Afès pm^J ^ dirige fa courfe droit vers Craiehall t , ,. COudes' a «eurs rocbers «W,™^'^ * deur mWe, eft enuéremen, „ni par deva»ti it^ZfZ *) Voyage de Mr. Pensant Ecolle & aux iU* w j, ment Anglois. JeS Hebrid«> ouvrage originaire-  ig3 Troifieme Seiïion. Jardins cher fe trouve une caverne dans Iaquelle on entend perpétuellement dégoutter l'eau. t 3' On a déja remarqué que, quand il s'agit de jardins romanesques, l'art ne peut presque rien faire; tout ce qui lui refte, c'eft defournir a la nature quelques petits fecours qui 1'aident a parcourrir Ia route qu'elle s'eft ellemème frayée, & par-ci par-la quelques décorations affortiffantes & propres a renforcer fes effets. Le premier devoir de l'art a 1'égard de ce caraclere, eft de ne rien gater. Le romanesque rejette toute élégance, toute parure; il veut qu'aucun embelliffement déücat n'efface les traits de fa rufticité originaire, & il reclame, comme fon appanage, toute 1'irrégularité qu'on pourroit lui avoir enlevée. ^es  relatifs au caratHere des Cantons. >r3 3 Les fabriques exigent le plus de jugement & de prudence dans les cantons & les jardins romanesques. Un pavillon d'un goüt délicat, un temple élégant, ne conviennent point du tout a ce caraclere, quelqu'ordinaire qu'il foit de les y renconrrer. Dans les lieux oü font des rochers & des abymes, les cavernes ou les grottes*) font des objets trés - affortiffants. On peut leur ajouter encore un air de merveilleux, en les confacrant a des enchanteurs, a des forcieres, adesgéants, a des fpeclres, adesfées, &a d'autres êtres fantaftiques, en répandant & racontant dans des infcriptions quelque aventure fabuleufe qu'on fuppofe arrivée dans ces lieux. Les contes populaires font les premiers exemples a citer ici; dans quantité de pays ils fervent encore d'annales a la fuperïïirion. On fait ce qu'ils racontent du pont du diable fur le mont St. Gothard. Prés de Kirkby-Lousdale, dans le Yorkfhire, fe trouve fur un torrent un pont remarquable de trois arches faites de pierres taillées. On ne fait rien de fon age; mais fuivant le bruit populaire: „le diable fa bati pendant une feule nuit que le „temps étoit fort venteux; il n'avoit pour cela qu'un tablier rempli de pier„res, & par malheur Ie cordon de fon tablier fe rompit tandisqu'il voloit „par deffus une montagne, enforte qu'il en perdit beaucoup; fans quoi le „pont auroit été bien plus élevé." L'imagination, exaltée déja par I'impreffion du canton, aime a s'égarer fans frein dans des images extravagantes; elle s'enflamme au fouvenir de mille fables autrefois racontées par Ia nourrice; elle rajeunit d'anciennes apparitions, change I'apparence des objets, crée de nouvelles formes, & prête k la fcéne un certain effroi que ne connoiffent ni la nature ni la raifon, & que cependant la première femble occafionner & la feconde ne pas rejetter entiérement. Outre les infcriptions, on peut décorcr les grottes magiques d'étres imaginaires: 1'extravagant & le fabuleux, condamnables par tout ailleurs, peuvent trouver leur place véritable ici. On peut même bajir des palais magiques, les confacrer a quelque fée, les remplir de toutes les merveilles des fiecles auxquels on les a empruntés, préfenter ici le Roland de 1'Ariofte, ou les ouvrages bien plus magiques de Wieland, Idris, Amadis, Oberon, parer les murs de ta- R 3 bleaux *) Voyez Tome III. pages 94-107.  134 Troifieme Se&ion. Jardins bleaux retraqant ies combats des chevaliers errants avec des géants 8c des monftres, ou bien offrant des chateaux enchantés, des princeffes enlevées 8c d'autres aventures étranges. Mais que tout foit comme jeté la d'un air négligé, fauvage & hardi, que rien ne décele un effort pénible vers 1'art & i'élégance. L'architeclure doitétre finguliere, pleine d'jrrégularité, éloignées des formes ordinaires 8c des proportions agréables de I'architeéture grecque, a peu pres comme dans lé'difice fuivant que I'architecle en Ie deffinant, rempli peut-ètre de l'enthoufiasme que lui infpiroit Ie fentiment de fon génie créateur, n'avoit fans doute guere deftiné ï nousfervir d'exemple en fait de fingularité. Quelques  relatifs aucaraïïere des Cantons. ^ Quelques re/les de l'architeéture ma.iiv» vr i eau mattendns, •) qUÏ conviennent finguliétement ï des LJ^JZ L'ordonnance dek fameufelfola bella**1 enfphm*. ™»v r fembleenuereftdamcefiteunpetitmiradeencegenre On peut auflï parfemer les cantons romanesques de quelques nlanta- g eT'ml:: mfffifs r9U'e"eS "e ***** P3S « Srou pesqbirarmt gees, ma,s en maffifs fauvages, mailles & difperfés négligeamment & ont:t. «t:tr,fcnteM,qudque c,,°fe *5 S un tera inr- out attenuon a la nature du feuillage.- nueloues ef™™fo quelques variétés d'arbres s'accordent de ce cóté tóSau ton roma «que donne au canton par fon fite & par fa configuration nat„rX Une nuance extraordinaire & finguliere de feuillage efi premiéremên TaT gentee ou la bhnche & blanchStre, comme dans faune d CdTfe*" Wandjes (Ahus incana, d.K.), Ie peuplier blanc, MolteLlI^ IS LV T T', ''°liVkr du kmnt ^ rZwH°' dU leVaM (Amyg*'« orientalis.M.)! PhlpL phaes (H,ppopbae rhamnoides, L.), le pourpier de mer, fou tóe*L artoche en arbrifieau (Atriplex Halinus, L ) 'outeneile, ou D'autres efpeces & d autres Wriétés d'arbres & d'arbrifieabx conviennen, extrêmement aux fcènes romanesques a eanfe dé leur feuillage d W ou panache. De ce nombre font: l érable de Penfylvanie I feute pa^ chees (Acer Penfylvanicum fóffls vanegatis, du Roi), I'étab, ^ "de mon tagne d,t fycomore panaché (Acer majus foliis eleganter varS d |,£rabIe ^Canada (Acer rubrum, I»), I'érabfe panachéSes' ^ *> Voyez Tome II. pae;e i ?4. jttN t ^ f &e 154,. *r> v„yes Tome j pages  l»k Troifieme Se&ion. Jardins de platane (Acer platanoïdes, foliis eleganter variegatis, d. R.), I'aunek feuilles panachées (Alnus foliis variegatis, Munchhaufen), le charme a feuilles panachées (Carpinus Betulus foL variegatis, L.), le cornouiller a feuilles panachées (Cornus foliis eleg. varieg. d. R.), le hètre doré (Fagus foliis ex luteo varieg. Munchh.), le chataignier doré (Fagus caftanea foliis ex aureo eleg. var. Munchh.), le frêne doré (Fraxinus foliis ex luteo var. Munchh.), le chène ordinaire a feuilles panachées de blanc (Quercus vul: garis fol. ex albo varieg. L.), lefaule marceau ou marfeau a feuilles rondes panachées & terminées en pointe (Salix acuminata fol. var. d. R.), le fureau vulgaire a feuilles panachées de jaune (Sambucus fol. ex luteo var. L.), le cormier des forêts dont les feuilles font, panachées de jaune .( Sorbus fol. ex luteo varieg. L.), l'orme cultivé a feuilles panachées^de blanc (UImus fativa, fol. ex albo var. d. R.), 1'ormeau de Hollande panaché (UImus hollandicafol. var. d. R.), plufieurs variétés du houx (llex aquifolium, L.) a feuilles panachées de jaune & de blanc; de plus du maronnier d'Inde, de laKetmia ou guimauve royale (Hibifcus Syriacus, L>), du laurier cerife (Pr. Padus Laurocerafus, L.), du lilas (Syringa), de la pervenche (Vinca minor, L.) Sec. A cette claffe appartiennent encore, non feulement le hètre fenguin (Fagus fylvatica fol. atrorubenfibus, Munchh.), dont les feuilles d'un rouge foncé & enfuite tirant fur le noir offrent un afpeclfingulier, mais aufïi le fuftel ou bois de fuftel (Rhus cotinus, L.); avant la chüte de fes fleurs, les tiges en fonj unies, mais après cette chüte, elles fe revètent de filaments rougeatres & déliés qui préfentent une apparence tout a fait étrange & hérilfée. II eft auffi quelques plantes que Ieurs propriétés extraordinaires femblent affortir aux fcènes romanesques, telles font: plufieurs efpeces d'arum ou pied de veau ,(Arum, L.) & de lichen (Lichen, L.), la jalouüe ou tricolor (Amaranthus tricolor, L.), fur les feuilles de Iaquelle le verd, Ie rouge & le jaune fe réuniffent d'une faqon finguliere, le dompte-venin (Afclepias nigra, L.) a fleurs noires, la digitale de Virginie (Digitalis ferruginea, L.), la carline (Carlina acaulis,), dont les feuilles s'étendent par terre  relatifs au caraMere des Cantons. f 5y terre & refTemblent k des chardons épineux, mais dont Ia fleur, quoioue confiderable, dl ifolée & fans tige, ou n'en a qu'une très-petite, & reL fortement d'un éclat argenté quand il fait un beau foleil. IV. Jardin majejlueux. i. jys jardins d'un ftyle fublime & majeftueux, ne peuvent fe oreer par Part des plantations; dumoinss'éoouleroit-ilplusd'unegénérationavant que des arbres „ouvellementptotés, quoique d'une végldon prompt' ^ caufer  V33 Troifieme Secfion. Jardins caufer un fentiment bien marqué de fublime. Mais Ia nature y a pourvu par les chênes & les hêtres élevés, reftes du premier age du monde, que' nous trouvons danS nos forèts, & par de grands maffifs de pins & de fapins qui croiffent fur des fols montagneux & couverts de rochers. On choifira donc de grandes & obfcures parties de forèt, oü fe trouvent des arbres de cette efpece, dont les cimesfe cachent dans les nuages, & dont les branches déployées au loin, ombragerent jadis des générations depuis longtemps réduites en pouffiere. Mais Ie fite auffi eft de conféquence. Lorsque un bofquer, un grouppe de chênes, de hêtres, de pins, ou de fapins, d'une grandeur & d'une élevation extraordinaires, eft placé fur une montagne ou fur un promontoire au bord de la mer, ou garnit une pente d'oü fait plonge dans un en■ foncement confïdérable, tout fpedateur dont la fenfibiiité n'eft pas corrompue, trouvera que ce tableau naturel eft d'un caradere fublime, & ce caradere deviendra plus fort encore, fi a cefite fe jóignent les vues d'un lointain vafte & qui s'efface infenfiblement, ou 1'afpecl voifin de quelques objets majeftueux, tels qu'une chaine de montagnes, des rochers, de fombres forèts qui femblent fufpendues en fair, la mer, ou une file de vallées profondes & ténébreufes. Un vieux chateau gothique, qui, a demi-ruine par le temps, s'éleve fur une pointe de roe entre des maffes informes d'arbres foreftiers, femble achever 1'effet du fublime dans ce tableau. Le caradere fublime*) a donc lieu principalement dans les montagnes, & dans les payfages élevés & femés de roes. Ici font des bois obfeurs, des enfoncements, destorrents, des cataractes mugiffantes 5 ici la vue s'étend fur des pays immenfes, fur les tableaux d'un lointain inépuifable, fur les fpedacles variés qu'offrent les nüages peu élóignés de 1'obfervateur, fur des volcansqui vomiffent de la fumée ou bien fur 1'ocean fans borne qui forme le propre de ce caradere. L'art de la culture derneure fans effet dans ces lieux. Tout y doit ètre grand, étendu, fort, hardi, en un mot fouvrage de la toute puiffante nature. Quelque chofe de fauvage & d'agrefte, un certain *) Voyez le I. Tome pages 223, 228-230, 253, 354. Ü Tome pages 103, 126128, 144-151.  relatifs au caraSere des Cantons. x ^ certain défordre hardi, une certaine maniere négligée d'entaffer de grandes & fortes maffes, font presque inféparables du caradere en queftion. Des batiments délicats 8c élégants ne lui conviennent point; il veut des chateaux & des tours antiques qui foient comme fulpendus a des rochers, 8c même les ruines d'édifices raajeftueux que le temps 8c lafoudre ne dét'ruiilrent qu'infenfiblement 8c avec peine. Des obélifques 8c des colonnes qui compofées de cailloux informes, rappellent les événements héroïques' des fiecles reculés ou lamémoire des anciens héros, paroiflent les monuments affortis l ce fite. Les ponts feront groffiérement conftruits de morceaux de roes, ou compofés d'arches fortes 8c hardies. Un profond filence, qui regne ordinairement fur les montagnes inhabitées 8c fur les éminences rocailleufes, 8c qui n'eft interrompu de temps en temps que par le bmitdelatempête, ou par les cris de I'aigle demandantfaproie, n'eft pas moins fublime que le bruiffement d'une catarade fauvage qui fe précipiüe avec fureur dans un abyme plein de rochers, 8c que ie tonnerre renvoyé par les echos des roches voifines. Du haut des montagnes, 1'afped de Ia mer pendant une tempète ou pendant un clair de Lune calme, 8c celui des nuées déchirées par Ia foudre, oftrenta 1'ceUdes accidents très-fublimes. a. C'eft dans les pays montagneux, comme la Norvegue, I'EcofTe 8c la Suiffe, que la nature forme fes cantons majeftueux. Combien n'eft-il pas, fur-tout en Suiffe, de féjours champêtres, que leur fite le long des montagnes les moins élevées des Alpes, 8c les vues qu'elles préfentent, revèt entiérement de ce caradere! Marienluft*) peut auffi être mis dans-cette claffe a caufe de fon fite héroique. Les cantons fublimes 8c majeftueux étant d'ordinaire trop agreftes 6e trop incommodes pour y placer 1'habitation même, on obtientplus aifément les effets de ce caradere, en choififfant Ie voifinage de ces Üeux & en les prennant pour perfpedive. C'eft ce qu'on a fait dans les tableaux fuivants. S 2 Edgecombe *) Voyez le Tome III. pages 24c-243.  ,4© Troifieme Seblion. Jardins Edgecombe pres de Plymouth.*) Edgecombe eft „un promontoire qui avance dans la mer a droite de „la rade de Plymouth. Le propriétaire eft un Lord, qui a fait conftruire „fon habitation fur le fommet; peut-ètre dans le monde entier n'en trou- veroit-on pas une autre auffi bien fituée: vous direz que cette exprefïïon ^'eft hardie; mais fi vous la voyiez vous feriez étonné de la perfpeclive, & „de la quantité des chofes qu'on découvre dans Ie lointain." „Des fenêtres on voit en droite ligne devant foi le vafte ocean qui „s'étend fort au dela de la portée de Ia vue. A environ dix milles (anglois) „de diftance en mer il y a un phare placé fur un rocher, abfolument ifolé, „appelle Eddyftone: quoiqu'a une fi grande diftance, on découvre aifé„ment ce phare du mont Edgecombe. A droite eft la rade de St. Nico„Ias, la citadelle, le chantier, & la ville de Plymouth; la rade fourmille de "vaiffeaux de guerre, & d'autres batiments de différentes grandeurs, dont "quelques - uns font a 1'ancre, d'autres en mouvement, & un nombre étonnant de chalouppes, alfant & venant continuellement k la voile ou k la ra„me; le tout environné d'un vafte terrain délicieux, coupé par un grand "nombre de collines, & de ruiffeaux. Ajoutez encore k ceci, que fous lés fenêtres, & tout alentour du pare, on apperepit des vaches, des daims, ",des canards, des dindons, & d'autres animaux paiffant tranquillement fur „un tapis de verdure, entouré d'une promenade circulaire, ce qui fait un „beau contrafte avec la fcêne animée qui fe préfente au - deffous, dans „la rade." Rosline pres d'Edimbourg. **) Un payfage anglois préfente la nature perfecüonnée&cultivée: quoi■ qu'il foit fouvent des plus romanesques, il eft cependant en général trop petit, & la vue eft trop limitée. L'ceil en faifit facilement 1'enfemble d'un feul coup. Mais en Ecoffe un certain caradere de grandeur & de majefté fe *) Jofeph Baretti, voyage de Londres **) Lettres de Topham écrites d'Edima Gênes &c. Lettre 6me. bourg pendant les années 1774 - 1775. 40e Lettre.  relatifs au caraBere des Canton;. j 4 x fe montre dans toutes les parties. La nature paroit travailler ici en grand; toutes ces ceuvres font hardies, pleines de force, & iibres des entraves qu'impofent les raffinements de 1'art. Ajoutez que 1'afpeét du ciel eft auffi admirable, auffi varié que celui du pays. Les vents y régnent avec une violence extraordinaire, & font que I'air ne peut jamais jouir du calme & de la fêrénité néceffaires pour répandre une certaine apparence paifible & riante fur les objets. Les nuages pouffés par les vents impétueux, prennent mille formes phantaftiques, changent fubitement & offrent d'autres images tout auffi fingulieres. On ne s'étonnera donc plus de 1'imagination fauvage d'Offian qui fait de ces nuages des êtres de Ia propre création; qui les metamorphofe en manes de héros décédés, ou en efprits malins portant avec eux la mort & Ia défolation. Prés d'Edimbourg, Ie cMteau de Rosline, actuellement tombé en ruine, offre Ia fcêne la plus pittoresque que l'on puiffe imaginer. La porte voütée qui conduit dans ce lieu, préfente les traces des injures que Ie temps & les faifons ont faites a fes murailles. Au - dedans de Ia porte, paroiffent les reftes ruinés du chateau même; ce font des colonnes brifées & informes; par-ci par-la on en voit de renverfées; les unes s'élevent clans les airs; d'autres font au niveau du terrein: les unes font tapiffées de Iierre, les autres nues & dépouilfées: toutes portent les marqués vénérables de leur pompe & de leur grandeur paffées. Le foleil, qui tantót Jance fes rayons a,travers les voittes écrafées, tantót eft voilé par des nuages, les montre fous un afpeér favorable. A gauche s'éleve au-deffus du chateau, un mont efcarpé, dont le flanc eft couvert de broffailfes jufqu'au femmet' exceptë .dans quelques endroits oü l'on voit Ia roche nue fe montrer, ou bien un filet d'eau tomber. Sur une montagne hors de I'enceinte du chateau, font dans un finguïier défordre les débris de ce qui faifoit autrefois les batiments extérieurs. - Acfuellement on n'y reconnoit rien hormis Pare d'une fenêtre d'oü l'on jouit d'une belle vue furk payfage inférieur. On ne fauroit voir un plus beau tableau en fait de ruines que celui de eet are: fes pierres fe font amo>- s 3 lies,  I42 Troijteme Se&ion. Jardinsr lies, fa forme commence a fe perdre, 8c il eft déja tombé en partie; Un vieux arbre placé tout auprès, a paffé fes branches defféchées a travers les murs que les vents ébranlent, 8c qui rendent un fon creux & lamentable 'capable d'infpirer de 1'épouvante au plus hardi pendant le calme & 1'obfcurité de la nuit. Sous ce lieu eft une petite plaine environnée de collines qui s'élevent infenfiblement. Une maifon de payfan, petite mais propre, embellit eet emplacement féparé par un ruiffelet du terrein fur l§guel elt le chateau. Tout ce fpeétacle retrace le repos 8c la folitude. II eft abrité de tout cóté, 1'orage ne fauroit 1'inquiéter, 8c fi jamais fon habitant fentoit quelque défïr de 1'abandonner, il lui fuffiroit de lever les yeux 8c de regarder le chateau de Rosline pour fentir le néant de toutes les grandeurs humaines, & pour voir 1'orgueil 8c la force de plufieurs fiecles fe réduire en pouffiere. Les collines environnantes les plus voifines de cette plaine font tapiffées du plus beau verd; les brebis qu'on voit paitre fur les éminences, 8c le foleil qui luit fur leur furface, leur donnent un afpeét extrêmement pittoresque. Derrière ces collines s'éleve une chame d'autres monticules totalement enterrés fous la neige, 8c qui, probablement éloignées des premières de plufieurs milles (anglois), paroiffent cependant y toucher. On peut aifément imaginer Ia beauté de ce contrafte; fur quelques collines toute Ia pompe des plantes revètues du verd le plus riant; fur les autres toutes les horreurs de 1'hyver. On apperejoit la réunion de deux faifons effeclivement aufïi oppofées qu'elles femblent ètre voifines. Ces dernieres collines font dominéés par les montagnes du Hihgland dans toute la majefté terrible de leur grandeur & de leur élevation peu communes. Jardin de Crouchet fur le roe de Gibraltar. *) De ce jardin, fitué encore plus haut que la citadelle, étant placé fur une terraffe adoffée au roe, on découvre a la ronde un efpace de foixanfce milles (anglois). Perfpeétive étonnante 8c peut-ètre la feule au monde! On apperqoit trois royaumes, 1'océan qui entoure^la terre, et la méditeran- née *) Carter, voyage fait de Gibraltar a Malage en 1772. ier Livre, Chap. 7.  relatifs cm caracfercdes Cant'öns. x 4 3 nee dont les derniers flóts balgnent la terre fainte. D'un cóté on a Ie detroit que limite 1'antique royaume de la Mauritanië, & 1'ceil rafe & parcourt pour ainfi dire, le bord agréable du mont Abyla Barbefull fi céiebre parmi les poétes arabes; les tours blanches deCeuta renvoyent les rayons du foleil couchant. Dans les plaines de la Mauritanië eft Tanger qui appartenoit auirefois aux Anglois,- La- nouvelle Algefiras & les ruines vénérables 'de Carteja, font des monuments de finftabilité de Ia fortune. Avec quelle beauté 1'une ne s'éleve-felle pas du fein des ondes, en prolongeant fes neres murailles fous I'ombre des forèts! On entend fouvent dans toute Ia baie refonner Ie tonnerre de fes canons; tandisque la famcufe Carteja, colonie romaine & port deftiné aux flottes decepeuple, eft enfevelie fous fes ruines filencieufes, Sc poffede k peine encore une tour pour annoncer ce qu'elle étoit jadis. Saint Roe, nouvelle fortereffe efpagnoie, femble Ia reine des collines d'alentour Sc les domine toutes. A quatre milles (anglois) k gauche, tombe en pouffiere fur unmonticule orgueilteux, Caftillar, ville dont la renommée Sc 1'importance commencerent Sc finirent avec 1'empire maure. Devant foi l'on découvre Ia hauteur. majeftueufe des montagnes énormes de la Siërra de Ronda, dont les faites touchent aux nuages, & dont les fruits abondants & fair pur couronnent Ieurs nombreux habitants de fanté & d'abondance. Aux pieds de Ieurs collines orientales pres de Munda, Céfar et les fils de Pompée fe difputerent il y a plufieurs fiecles 1'empire romain,, & fur Ia plaine azurée, k Ia hauteur de Mala-a le pavillon britannique amaintenu dans ce fiecle contre Ia maifon de Bourbon , f empire encore plus étendu de Ia mer. *) On diftingue trés - com.«nodement k la fimple vue Ja petite ville d'Eftepona, & dans un temps fe.rem on voit diftindement les murs rouges du chateau deMarvella oü Ia cóte eft fameufe par fes vins. La perfpetfive entiere eft terminée par les Alpujarras Sc Ia Siërra Nevada que l'on peut trés bien voir, & dont Ia tète couverte de neige depuis le commencementdu monde, fournit de ruiffeaux cryftallins- Sc de torrents d'une eau excellente, Ia vallée la plus fertile & Ia . plus agréable du monde connu, Ia céiebre Vega de Granada. ! ■ ■ - Vues *) L'Efcadre angloife remporta cette viftoire Te 24. Aout 1704 fur les flottes combinées de France & d'Efpag.ne.  i44 Troifieme Seïïion. jardins Vues de l'Etna. *) Dans les fites & les vues dont il aété queftion jufqu'ici, 1'héroïque étoit quelquefois tempéré par Ie romanesque 8c Pagréable. Mais qu'elles font tout-a- fait fublimes les vues de l'Etna accompagnées des réflexions que fait le philofophe a cette hauteur! „II voit les feux fouterrains travailler a rendre a Ia nature, l'eau, l'air, r,le phlogiftlque 8c les fels, emprifonnés dans les entrailles de Ia terre; U „voit tous ces élements s'élever du fond d'un gouffre immenfe, fous la for„me d'une colonne de fumée blanche, dont le diametre a plus de &oo toi„fes; il voit cette colonne monter droit au ciel, atteindre les couches les „plus élevées de 1'atmofphere, -8c la fe divifer en globes énormes qui rou„lent^ de grandes diltances en fuivant la concavité de la voute azurée. II „entend le bruit fourd 8c profond des explofions que produit Ie dégage„ment de ces fiuides élaftiques; ce bruit circule par deiongs roulemens „dans les valies ca vernes du fond de l'Etna, 8c la croute vitrifiée qui Ie „couvre, tremble fous fes pieds. II compte autour de lui, 8c voit jufques „dans leur fond les nombreux crateres des bouches latérales ou des foupi„raux de FEtna, qui vomirent autrefois des torrents de matiere embrafée; „mais qui refroidis depuis longtemps, font en partie couverts de prairies, „de forèts, 8c de riches vignobles. II admire la maffe de la grande pyra„mide que forme 1'enfemble de tous ces volcans; elle s'éleve de plus de „ioooo pieds au-delfus de la mer qui baigne fa bafe, 8c cette bafe a plus „de 6 o lieues de circonférence. Cependant toute cette pyramide n'eft de „fond en comble que le caput mortuum ou le réfidu des matieres que ces „bouches ont vomies depuis un nombre de fiecles. Et ce qui augmente „encore fétonnement de 1'obfervateur, c'eft que toutes ces explofions n'ont „pas fuffi pour épuifer dans le voifinage de cette montagne, la matiere des „feux fouterrains; car il voit presque fous fes pieds, les isles Eoliennes, qui „furent autrefois produites par ces feux, 8c qui en vomiffent encore. Mais „confidérant de plus prés le corps même de l'Etna, le naturalifte obferve, „que *) Voyages dans les Alpes &c. par Mr. de Sauffiwe. Difcours préliminaire do I<* Tome.  rdatijs au carauere des Cantons. r 4 ,ique ■fandisqu'il-fort des entrailles de Ia terre, des torrerits de miriéraux vi„trines: qui augmentent la maffe de Ia montagne, 1'aclion de J'air & de l'eau „ramol tpeu a Peufa furface extérieure; les ruiffeaux produits par les pluies „& par Ia fonte des neiges, qui entourent même en été fa moyenne iXion „rongent & minent les Iaves les plus dures, & les entralnent dans la mev „II rcconnoit enfuite au couchant de l'Etna, lesmontagnes de Ia Sicile & „afonLevant, celles de f Italië. Ces montagnes, qui font presque toutfs „de nature calcaire, furent anciennement formées dans Ie fond même de Ia „mer qu'elles dominent aujourd'hui; mais elles fe dégradent, comme les „Iaves de l'Etna, * retournent k pas lents dans Ie fein de MéLnts Z es „a produtfes. II voit cette mer s'étendre de tous cótésau-dela deMtL & „ce la Sicde, a une diftance dont fes yeux ne diftinguent pas les bornes; il „reflechit au nombre immenfe d'animaux vifibles & invifibles, dont Ia main ,,vivifiante du créateur a rempli toutes ces eaux; il penfe qu'ils-travaS „tous k affpcw les élémente de Ia terre, de Peau & du feu, & qu'ils con „courrent a tonner de nouvelles montagnes, qui peut-être s'éleveront k „leur tour au - deffus de la furface des mers." „C'eit ainfi que Ia vue de ces grands objets engage Ie Ehilofophe k „mediter fur les revolutions paffées & k venir de notre globe. Mais fi au „milieu < e ces méditations, Videe des petits êtres qui rampent k Ia furface „de ce globe, vient s'offrir a fon efprit, s il compare leur durée aux gij „des epoques dela nature, combien ne s'étonnera-t-il pas, qu'occupant „fineu de place & dans I'efpace & dans le temps, ils ayent pu croire Z „étoient lunique but de la création de tout funivers; & lorsque du fommet dePEtna il voit fous fes pieds deux royaumes qui nourriffoient au„trefois des millions de guerriers, combien 1'ambition ne lui paroit-elle „pas puerile!" r 3- Le majeftueux s'offre dans toutes ces defcriptions comme Ie propre du fite montagneux. Cependant ce caradere peut encore fe former par de grands & obfcurs enfoncements, par des torrents qui mugiffent dans les fentes de Ieurs rochers, & par des fombres forèts penchées fur des abyme e.carpes. Le canton fuivant en offre un exemple. Tome IV. t 1 Sur  Troïfume-SeÏÏion. gfardins Sur k route de Tinnyhinch a Inniskerry l'on trouve k Dargle,*) vallée d'un caraclere extrêmement fublime. Le chemin cótoie le bord d'une pente d'oü l'on voit une perfpeétive agréable compofée du cours d'une riviere qui traverfe k vallée, & de la forèt de Powerscourt qui préfente ici de grandes malfes d'une ombre obfcure: k vue eft bornée par des montagnes. En tournant a gauche vers le chemin de traverfe qui mene a Ia Dargle, on rencontre d'abord un échantillon de ce qu'on peut attendre d'une vallée majeftueufe & boifée, oü les montagnes presque enchainées les unes aux autres, kiffent a peine un paffage a k riviere qui fait autant de bruit que fi elle fe frayoit un chemin par force. On voit devant foi une belle plaine avec des champs clos & terminée par k mer. D'abord que Ton parvient a la Dargle, vallée longue d'un mille (anglois), on rencontre itne des plus belles hayes d'arbres du monde. C'eft une vallée étroite fonnée par deux montagnes oppofées, le tout garnis de chênes ferrés. Le bas de la vallée, dont la profondeur eft extraordinaire, fe rétrécit teliement que le lit de Ia riviere en occupe toute la largeur; k riviere même roule fes flóts d'un rocher a I'autre plutót qu'elle ne coule. Le contour de la forèt, qui frappe les yeux de tout cótés, eft trés-vafte, & Ia profondeur de 1'abyme au bord duquel on fe trouve, immenfe; ajoutez-y le bruiffement de Tonde, & vous aurez un fpeétacle réellement attachant. A moins d'un quart de mille (anglois) de diftance, le chemin qui perce k forêt, mêneaun nouveau point de vue a droite. C'eft le fommet d'un roe trés-faillant d'oü Tceil plonge perpendiculairement dans un abyme profond de quelques centaines de pieds, pour voir Ie torrent s'élancer avec bruit par deffus de grands morceaux de roes. L'endroit d'oü l'on découvre eet afpedt eft une partie très-faillante des montagnes citérieures. Celles qui font précifement visa-vis étant concaves, on découvre Ia vallée a droite & a gauche, & des deux cótés on voit des forèts immenfes dont 1'afpecl eft fuperbe. Au - dela de la forèt a droite font quelques enclos a cóté d'une colline. On n'abandonne qu'a peine ce lieu enchanteur. La fublimité d'une forêt pareille, que n'interromp aucun objet étranger, & qui eft toute entiere fufpendue a des pentes, eft déja grande en elle-mème; mais Ie bruit perpétuel d'une cafcade *) Voyage de Young en Irlande &c. Ire Partie.  rehtifs au caraSere *det Cantons. 147 mWvm, rend rimpreflion encore plu, faj Ici ne ^ ^Lt ƒ «n qu, fe contredifent, ici ne s'offrentpoint de .emples, co JZ fin» jugement pour animer un tableau moins rian, que trifte. DeTal code ou qui tombe, eft i ,a vétité, un objet animé; mais * offre qu obfcurement, fon bruit produit un tout autre effet En £££ van, fon chemin un peu plus loin, on apperqoi, un nouveau morceau fii lant de roe, duquel on découvre encore une doublé vue, i droite & i gauche. On vo,t enface une forêt qui defcend le long des hauteurs, & aSZt d une etendue fi .mmenfe qu'on peu, i, peine imaginer „uelqu chof de Pfospompeux. La riviere dl, comme auparavant, au fond de la v ,ée Wieme* efcarpee & profonde qu'on cram. d'y potter la vue. Ce, abyme epouvantable, les roches potaues & pelées, le bruiffement des eaux tZ fe reunu pour produire un feu. & grand fentiment; celui du fublhne A peme 3. ,-on faitencore ving, pas qu'une fcêne fupetbe s'ouvre a gauchec eft «„ payfage lointain avec des enclos, & nne nviete qui fe coude eMri es montagnes pour aflet fe je.er dans ,a mer. E„ prenai k droionï oouvre de nouvelles fcènes bocageres; i moitié de la defcente on rencontre un afpefttou, ifferemdes précéden,, On eft endèrement e^oZ debo.s, &lavue traverfan, a droite quelques chênes peu élevés, porte for la ore. oppofee, & fur une file d'arbres derrière Iaquelle on nZ ™r Ie cel, cej,donneu„agremen,peuCommunaucon,ourdelacolline & fat un effe, tres agréable. Enfuite le chemin defcend en ferpentant v-ers un banc de gazon adolTe 1 une pointe de roe, d'oü l'on voi, une perfoeéï veexnwW Immédialemen, au-deffous eft une grande fentedans !e ree qu. ne parat entr'ouvert que ponr laiffer paffer un torrent; celui - ci s'élance par deffus nn li, de pietre dans un canal qui va fe Cacher dans Ia foret. Au-deffus une forêt noire & obfeure s'éleve a une hauteur extraordrnane, & exdut toutaun-e objet. A gauche l'eau roule par deffus des motceaux de roches bafe, fpeflade vraimen, fublime! Sil'on pourfoi le fenuer . mene Ie long de feau au fond de Ia vailée, ou s'ouvre une nouvelle fcene dans iaquelle il n'eft aueune circonftance qui puiffe faire. Ta tor,  148 Troifieme SeStion. jardins tort au caradere dominant. Dans une ouverture entourée de bois & de roe, oü l'on ne découvre que de l'eau outre ces objets, on voit la riviere fourdre du fein de rochers fracaffés: elle fe roule a travers la fente; des roches font fufpendues fur fon lit comme fi elles étoient prêtes a fe précipiter dans le canal & a reprimer le cours impétueux des flots. Le feuillage eft li touffu qu'on n'apperqoit pas le ciel; d'effrayantes ténebres font répanduesfur tout le tableau. 4- Nous poffédons en Allemagne un ouvrage d'architedure héroïque, qui mérite encore qu'on en faffe mention ici; c'eft celui quioccupe le mont Charles ou Carlsberg prés de Caffel. On voit un grand amphithéatre de montagnes rabotteufes, la plüpart couvertes de bois; Touvrage eft élevé fur une de ces montagnes; une forêt fauvage s'étend au loin alentour. On monte cinq cents marches pour arriver au pied du grand batiment fupérieur. D'ici s'élance de dégré en degré une cafcade artificielle abondamment nourrit par les riches fources des montagnes environnantes; de larges efcaliers montent des deux cótés. L'édifice même auquel cette cafcade & fes jets d'eau (qui cependant font trop puérils en comparaifon de la grandeur hardie du refte) fervent d'embelliffement, mérite beaucoup plus d'attention. II offre une maffe admirable tant par fon étendue que par fa hauteur. Car, lorsqu'on elt parvenu au pied du batiment oétogone fupérieur, il refte encore plus de trois - cents marches a monter pour arriver au fake. L'ouvrage, environné par-tout de triples voütes entaffées les unes fur les autres, eft entiérement vuide au milieu, & n'a que le ciel pour tok. Sur la faqade de eet oétogone eft élevée une haute pyramide, dont Ie fommet eft furmonté par la ftatue coloffale d'Hercule; celle-ci eft de métal, haute de trente ck un pieds, & l'on monte dans fon intérieur par la pyramide. Tout l'édifice, compofé, ainfi que fes appartenances, de trés - grandes pierres de tuf non taillées, préfente aux yeux une maffe monftrueufe de roes naturels. L'entrée remplit l'ame d'un étonnement refpeétueux. Elle éprouve toute 1'impreffion du filence folemnel qui regne fous ces maffes énormes de roches entaffées, Sc fous ces voütes élevées, oü Ia lumiere du foleil ne pénétre qu'avec  réhtifs au caraïïere des Cantons. ,4 g qu'avec pdnepoury répandre une Iueur plus foible que le jour, mals plus forte que Ie crepufcule. Derrière le batiment, deux efcaliers commodes condurfent a la feconde voute trés - femblable k linférieuré: on parvient de meme a la troifieme, diftinguée des deux précédentes par une forme plus elegante, & par des pilaftres d'ordre tofcan pratiqués dans les parois. Les deux voutes d'enbas offrent une maiTe tout -4- fait brute; la troifieme feulement elt un peu plus foignée, quoique encore trés-uniforme; on n'apperGoit point ici de petits ornements. Un efcalier commode conduit enfin k h gallene large & toute decouverte qui domine ces voütes. La pèrfpedive quipaffant par deffus plufieurs montagnes plus petites, la plupart raboteufes ou rocadleufes & par deffous des collines bocageres, fe perd au loin dans le payfage ou plonge dans fenfoncement, eft toute entiere d'un caradere fublime & affortit tres- bien k KmprefEon de la fabrique mème. L'enfem, We eft plan de majefte & du ftyle d'arcbitedure le plus hardi j ü eft encore umque en fon genre, & le reftera peut-être toujours, parcequ'il eft abfolumem fans uti te& coute des fommes trop confidérables pour qu'on fimite; • d Un,™rader de plein d'une fiere grandeur & dé prodigahte. Tout le canton accompagné de fes forèts fauvages de fes montagnes pierreufes, & de fes afpeds agreftes, étoit finguliérement propre a une fabrique heroique de cette efpece. Cependant, ni les petits jets deau, n, Ia cafcade meme, ni les plantations & les decorations élégantesau pied du Carlsberg ne s'accordent avec la dignité de ce caradere Quelb «mpreffion toute differente ne feroit pas un torrent impétueux, qui, fauvage & fans decorations, s'elanceroit avec fracas par deffus ces marches groffit res de roe & croit fe perdre fubitement tout au bas dans des taillis épais * Quelqu'etonnement que caufe eet ouvrage par fa hardieffe & par fa grandeur extraordinair, les impreffions qu'il fait font pourtant denuées des émotions produites par d'antiques chiteaux fitués fur des montagnes ou par les rumes d'edïfices femblables placees fur des rochers. Le Carlsbem offre un miracle qui femble 1'ouvrage d'une puiffance furnaturelle; fa Fraudeur peu commune accablele fpedateur en lui faffant fentir Ia petiteffe & Ia toibleffe d'autres ouvrages humains. Des chateaux gothiques, vieux ou k ^ * demi  150 Troifieme Seffion. ^fardins < demi renverfés, dont la fituation & les maiTes font hardies, ont a la vérité bien moins d'energie pour exciter I'admiration & 1'étonnement, mais ils intéreffent par le fouvenir dece qu'ils étoient habités jadis, & par celui de l'u; fage effedlif que les héros des fiecles précédents faifoientdeces roes entaffés; forte d'intéret qui manque totalement k l'édifice du Carlsberg. Et ce fouvenir eft en même temps accompagné d'une foule d'idées acceffoires attendriffantes, réveillées par fhiftoire de ces temps & de Ieurs mceurs. Les décombres d'un antique chateau, d'oü jaillit une petite cafcade, & fitué fur un roe que le foleil couchant éclaire d'une lueur fugitive, offre, accompagné de ces accidents, une fcène pleine d'une tranquille majefté; & cette fcêne caufe une impreffion qu'un cceur accoutumé aux fentiments doux, ne troqueroit pas aifément contre un autre. V. jardin  relatifs au caraBere des Canton*. \ 5 r V. r Sfardin compofé de tous ces caraBeres. i; HPoutes ces efpeces de jardins, Ie jardin agréable, gal, riant, celui oü , »P,e «ne douce mélancolie, le jardin romanesque & Ie majeftueux, ont ete conlideres jufqu'ici chacun fuivant fon caradere particulier. Cette unite de caradere peut cependant renfermer une grande Variété. C'eft amb que compofé Ia nature, & c'eft ainfi que fartifte jardinier doit composer d apres elle Ces deffeins d'un caradere unique exigent une imaginaton des plus heureufes; car tout doit y demeurer convenable a ce caradere & cependant etre toujours changeant & varié; tout doit étre préfcrit p r la nature dö fite & par celle de fes afpeds, & exécuté par les arts de la plantation, de la culture, & de Ia décoration, trois objets auxquels fe rapportent les occuparions principales de fartifte jardinier. Parmi les caradeciT\ a & 1C r°maneS(3ue «** fur-tout riches & variés; après plusborné ™>e*Ueuxmoins*h™d™-> mélancolique paroh ètre Ie On peut ordonner des jardins compofés de ces divers caraderes, & ces jardins auffi font préparés par Ja nature & quelquefois perfedionnés par I art. Dans les difpofitions de Ia nature, le romanesque s'allie fouvent tant èl agréable qu'au fublime; &ades fcènes fombres & folitatres en fuccedent fouvent de riantes & d'animées. C'eft ainfi que Ia nature procédé toujours dans fes payfages, fuivant les loix éternelles de Ja variété & de Ia diverfité, & ne cefTe jamais d'intérefïer. Des cantonsmisen liaifon peuvent s'accorderou contrafter enfemble Dans Ie premier cas ils doivent ètre affez changeants & diverfifiés pour que leur fucceffion nefatigue pas, mais plutót devienne plus attrayante & plus recreative, les impreffions fe renforqant réciproquement. Dans Ie fecond cas, ils s'interrompent & enfantent de Ia furprife, de 1'étonnement, un plaihr.vi^ comme par exemple, Iorsqu'après un canton mélancolique ont voit poindre tout-a-coup une fcêne égayée avec des vues riantes. Quelques cantons  15 a Troifieme Secfion. jardins , cantons contrafient plus fortement enfemble, d'autres moins; & il faut faire attention même a cette efpece de dégradation quand on compofé. En réuniffant plufieurs cantons & plufieurs fcenes, tout doit ètre fubordonné au but de réhauffer Ieurs effets & de renforcer Ieurs relations réciproques. *) Le ehoix de tous les moyens propres k effecluer cette réunion eft fubordonné a ce même but. Quelques multipliés que foient ces moyens, ils doivent cependant être par -tout convenables au caradere de 1'emplacement. L'art des liaifons & celui des tranfitions., font une partie difficile pour 1'artifte jardinier comme pour le muficien, pour le peintre. L'ordonnance doit être telle qu'on n'apperqoive pas d'abord dès 1'entrée la liaifon de 1'enfemble, faute ordinaire & presque inévitable dans 1'ancienne maniere fymmétrique; le plan daun jardin, ainfi-que celui d'un drame, & pour dire plus, ainfi que celui des payfages de la nature, doit obferver l'art de 1'intrigue; ne pas laiffer voir d'avance oüTon doit arriver, quelle fcêne va fucceder a I'autre; tenir toujours 1'attente en haleine & 1'animer par des illufions; attacher tellement au foedtacle acluel qu'on penfe qu'il elt le plus beau, julqu a ce qu'on foit frappé par un nouveau ipeétacle, dont la beauté inattendue & dominante affoibliffe 1'impreffion du premier; aiguifer le fentiment par le changement & le contrafte; le renforcer progreffivement en réveillant d'autres émotions afibrtiffantes; & élever enfin toute la chaine des impreffions jufqu'au degré oü peuvent la porter les forces réunies de la nature & du génie. On peut donc dire d'un grand pare, dans Iequel tous les tableaux dont le payfage eft fufceptible reclament leur place comme dans une gallerie, qu'il eft bien ordonné quand tous les cantons, toutes les fcènes, font d'une compofition heureufe, & que leur affemblage elt fait avec adreffe. 2. La defcription fuivante des cantons autour du lac delftllarney enlrIande, que l'art a embellis en partie, & dans lesquels s'offre une réunion de i'agréable, du mélancolique, du romanesque & du fublime, va nous offrir un modele intéreffant d'un enfemble compofé de plufieurs cara&eres. Young *) -Voyez le I. Tome, pages 262, 263; & le Tome II. page 11,  relatifs au caraSuere des Cantons. „ . *55 r -Young corrimence Ia defcription de ces cantons'& de ces vue, a Orochshill (colline d'Orochs) fitué au bord du lac de Killarney *) r chemin traverfe des pieces de terre bien ordonnées. La perfpecïve eft ra .viffante. La maifon du propriétaire eft au bord de Ia plaine & k cóté d'une foret qui couvre toute Ia peninfule, jette de fombre fur fa penteprofonde & fournit au lac un beau rivage. Tomis & Glena font de grandes maffes .de montagnes d'une apparence incroyablement pompeufe; leur contour elt doux & leger.dans fes inégalités; tandisqu'au contraire les mon's fitué. en dela du Nid de I'Aigle, préfentent un contour fi raboteux que rien ne iauroit être plus fauvage: afpeél épouvantable & fublime, qui caufè nfik d etonnement que de plaifir. Le Turk eft d'une forme majeftueufe & J, •grande maffe du Mangerton s'éleve au-deffui de tout. Les champs culti ves du coté de Killarney contrafient avec les fcènes effrayantes dont nous venons de parler; une longue file de montagnes Iointaines & bieuatres compofent les limites éloignées du lac versDingle. On rencontre dans les jardins les reftes de I'abbaye conHdérable du Mucrufs, batie fous Henri VI & qui eft encore en fi bon état, que fi elle 1'étoit d'avantage, l'édifice en feroit a ia verité plus parfait, mais fes ruines en plairoient moins. Elle eft cachee dans fombre de quelques trembles refpeétables. Le lierre lui donne eet: air pittoresque que cette plante feule eft fufceptible dedonner j ies murs bnfes & Jes portes renverfées répandent fur ce tableau „les derniers & lugubres agréments de la caducité « Des monceaux difperfés d'offements & decranes; desor'ties, des ronces & de mauvaifes herbes qui pouffentpar bouquets entreles pierres désunies' tout fe réunit pour caufer cette impreffion mélancolique qui fait Ie mérite de cette efpece de fpedacle, & qu'on auroit peine a éprouver auffi completement ailleurs. Le cloitre forme une place trifte au milieu de Iaquelle pouffe un if des plus confidérables. C'eft une grande tige, de deux pieds en diamétre,, de quatorze piedsde haut, qui de fes branchesdéployées en foule ■de tout coté, ombrage 1'emplacement entier. On peut dire de ce lieu que „le mélancolique bybou y raconte fes douleurs k la lune.« *) Voyages de Young en Irlande, V' Partie. ^6S Tome IV. \j  154 Troifieme Seïïion. ar dim Ces décombres font du vrai ftyle propre a de pareils édifices: la trifteffe eft l'impreffion que de femblables fpecfacles doivent produire, 6c c'eft ce qui a parfaitement lieu iel. De I'abbaye on parvient a une terralfe que la nature a formée au bord du lac; elle eft irréguliere & finueufe; d'un cóté un rempart de rochers auxquels le choc continuel des flots a donné toutes fortes de flgures; de I'autre une forèt compofée de toutes les plantes que fupporte le climat, & percée par nombre de promenades. La vue dont on jouit du haut de cette terraffe eft variée mais complete. Le lac déploie une eau large couverte de roes 8c d'iles, celles-ci font, a une ou deux prés, toutes boifées; Ieurs contours font nets & diftin&s. Rien n'eft plus riant que cette fcène douce & paifible; fa beauté contrafte parfaitement avec les montagnes majeftueufes qui ferment les rivages du lac. Ces montagnes s'élevent en offrant un contour ft varié, & en mème temps fi pompeux, qu'on ne fauroit imaginer rien de plus fublime. Tomis 8c Glcna font d*une grandeur immenfe, mais vu 1'épaiffe forêt qui couvre Ieurs flancs, 8c vu leur furface unie, elles n'ont rien defauvage; tandisque les montagnes voifines du Nid de I'Aigle, 8c celles qui font au-dela, préfentent un contour plein d'inégalités 8c de pointes. Leurs pentes ne font que des roches en redans, d'une grandeur immenfe, 8c dont les formes horribles femblent fufpendues au-deffus du lac: lorsqu'd fe trouve quelque ouverture, d'autres rochers tout auffi rabofeux y dreffent leurs têtes menagantes. On découvre ces fcènes des différentes parties de la terraffe, fous des points de vue variés a 1'infini. On a ménagé un cl>emin dans la peninfule a travers des champs, des boismontueux, des plaines, 8 le muguet, lys des valiees. ■— — — — fl. pleno, J Crocus fativus vernus, ? , r cc ~ *~ • o r -O ' > Ie laffran pnntanier & fes vanetes. —- — fpecies variae, ) Cynogloffum omphaloides, la langue de chien, herbe au nombril. Erythro-  relatifs aux Saifons. Erythronium dens canis, ) , ,. , „ „ r > le chrendent 8c fes variétés — — — vanae fpecies, S *«"«=ics. Fritillaria imperialis, ) . , fpecies variae, f ,acouronneimP^iale 8c fes variétés. Fritillaria meleagris, > , P. ... . . , ° > la fritillaire avee fes variétés — — Jpecies vanae, 5 Fritillaria pyrenaica, ) la fritil laire des Pyrénées avec fes va- — ~ fpecies variae, } riétés. Fumaria bulbofa, \ — — cucularia, > la fumeterre, coridale, nel de terre. — — lutea, J Galanthus nivalis, 1 la perce - neige, violette deFévrier, — — — fl- pleno, S violier bulbeux, 8tc. Gentiana acaulis, la gentiane fans tige. Geum urbanum, la bénoite. Hyaeinthus non fcriptus, 1 utrinquefloribus,M. j racemofus, ! la jacinthe ou byacinthe avec botrioides, fes variétés. variae fpecies, j — — —- mufcati, J Jberis femper florens, la paffe-rage ou chaffe-rage fauvage. Iris pumila flore caeruleo, 1 — — — purpureo caeruleo, J _ _ variegato, }■ I'itis-ordinaire ouflambe. — biflora, J Leucoium vernum, la perce-neige. — — aeftivum, le violier d'été. Narciffus, Pfeudo - narciffus, fpecies variae fl. pleno, 1 le narcifTe & — — bicolor8cfpeciesvariaefl.p|. I fes variétés — — poeticusfl.pl. ï a fleur — — minor, J doublé. Y a Orni-  172 Quatrïeme Scïïion. jardins Ornithogalum nutans, 1'ornithogale ou churle, Orobus vernus, 1'orobe, ers, ou pois de pigeon. Phlox pilofa, le phlox. Primula veris & fpecies diverfae, Ia prime vere & fes variétés. —7 ±- auricula, vulgo auricula urft Sc variae fpecies, I'oreille d'ours auricule Sc fes variétés. -—'• — farinofa, Ia prime vere, primerole farineufe. Pulmonaria officinalis, la pulmonaire. — •— — anguftifolia, la petite pulmonaire. — — — virginica1, la pulmonaire de Virginie. Ranunculus amplexicaulis, 1 K — — — repens fl. pleno^ la renoncule de diverfes —■ — — aconitifolius fl. pl. ' efpeces. ■— — — chaerophyllus fl. pl. Saxifraga craflifolia, la faxifrage ou rompt-pierre. — — granulata fl. pf. la faxifrage a fleur doublé. —- — rotundifolia, la faxifrage vulgaire. Scilla amoena, ^ T bifolia flore albo, : I - , , n , > Ie lys hyacynthe. flore caeruleo, [ J J 1 flore rubro, J Trollius europaeus, le trollius d'Europe. Tulipa fylveflris, la tülipe fauvage. Valleriana divifa, la valériane. Viola odorata, -\ flore caeruleo pleno, S> la violette de Mars.' ou violier com- _ albo — 3 mune- montana, la violette. "y —- tricolor, Ia violette de trois couleurs, penfée. Herbe de la Trinité. j • 3- • " ' Les "eurs des arbres Sc des arbriffeaux, qui font fur-tout 1'appanage de Ia jeune faifon, font avec celles des plantes une des parties principales d'un  relatifs aux Saifonr. 3 1 7 3 d'un jardin printanier. Cependant il ne faut pas nëgliger Ie feuillage, quoique dans ce temps de 1'année il n'ait pas encore pouffé au point d'offrir de voütes epaiiTes Qüelques arbres & arbriffeaux font recommendables par eurs fcudles hatives & d'un verd clair, dont la vivacité s'accordefibien avec Ie caradere du printemps; tels font: Iehétre, Iegrofeilier épineux, legrofeliier rouge a grappes (Ribes alpinum, L.), le fufain k larges feuilles (Evonymus latitolius, d. R.). Les arbres coniferes & réfineux, qui presque tous font d une nuance trop foncée & trop morne, ne convfcnnent point dans les fcenes printanieres; leur teinte comparée } la teinte riante des autres jeunes feuilles, produit une impreflion désagréable. Dans cette faifon Ie verd des arbres feuillus eft cependant encore trop clair & trop peu varié, pour qu'on puiffe obtenirun tableau, enmariant enfemble les diverfes nuances. Les arbres dont les feuilles nouvelles répandent une odeur fuave en pouffant, comme le tacamahaca & Je mélêfe, mentent encore une place ici Dans ce temps de 1'annëe, la lumiere du jour eft bienfaifante & propre jammer 1'homme; il êprouve avec voluptë fes rayons doux & réchauffants; les plantes auffi defirent fon influence reftaurante. Le jardin printanier choifira donc pour fon fite un endroit expofé aux regards du foled ^ Une file de pentes collines bien éclairées par fes rayons & joliment enfiees qui deployent en ondoyant leurs douces pentes fans enfoncements profonds, paroiffent offnr 1'emplacement le plusfavorable k ce caradere Ce fite devient plus attrayant encore, lorsque l'on peut dans les petits vallens faire gazouiHer entredes cailloux brülants, quelques ruiffeau* dont londe fou claire& transparente, Ie cours animé, Ie murmure modéré & non bruyant, & les rivages couronnés de fleurs penchées qui fe mirent dans 1'element liquide. Cette eau & les buiffons des environs attirent différents oifeaux melodieux, dont la compagnie n'eft jamais plus agréable que pendant ces jours de fête confacrés k l'amour & aux chanfons Que la fêrénité & Ja joie regnent par-tout dans Ie jardin printanier. Toutes es decorations, tousles ouvrages de 1'art doivent annoncerle caradere de la faifon, lajeuneffe&Jagaieté. Des fieges découverts, desberc 1 x & des temples riants placés en face de perfpedives flafteufes éntourés au dehors d'arbres emaillés des dons du printemps & de fleurs odorantes, par^s  ,7 4 Quatrieme SecTion. jardins en dedans d'images quinerefpirent que le plaifir, appartierment a ce canton comme ornements affortiiïants. Les fabriques feront légeres & d'un ftyle gai: que le temple du printemps tféleve fur une colline diaprée demille fleurs»  relatifs aux Saifons. /> Ï?J, II repofe fur huil colonnes ifolées d'ordre ïonlqoe; fa coupole légere eft entourée de guirlandes & furmontée par un vafe de fleurs; fur la marche inférieure qui environné toute la fabrique, deux bancs invitent a s'y repofer. Des images riantes qui indiquent les plaifirs de la faifon, peuvent decorer ce temple & réhauffer 1'agrément de fon impreflion ; des amours danfant avec des Nymphes éveillées, la déeffe de la joie, ou celle des fleurs embraffee par un beau jeune homme, Ie printemps, font des ftaiues affortiffantes. Des infcriptions placées fur les fabriques & les repofoirs peuvent auffi contribuer k rendre plus attendf aux fcènes printanieres, & inviter k jouir des plailirs qu'elles offrent. Au rollignol prêtez 1'oreille Avant qu'il termine fes chants > Et même au retour du printemps Ecoutez bourdonner 1'abeilie. Dans les jardins du printemps oü les cieux verfent en fourlant leur lumiere, oü h verdure naiffante brille d'un éclat gracieux, oü tant de plantes nouvelles reuniffent Ieurs tétes diaprées, Dans ees bofquets ou de brillantes fleursParfumant l'air des plus douces odeurs, Ornent les bords de cette onde argentée Qui gliffe en paix dans fon Ik tortueux Oü par les fons du roffignol heureuci L'oreille eft enchantée. Dans ces jardins oü la jeuneffeék Ia joie sembraffent, oü les chants de l'amour heureux retentiffent de toutes les branches, les doux fentiments de Ia tendrelfe penetrent bientót un cceur fenfible. Le murmure de ce feuillage Le parfum qu'exhalent les fleurs, De ces roïïignols le ramage, De l'amour chantent les douceurs» Ceft ici, parmi des grouppesde rofiers, d'amandiers, & d'autres arbriffeauxfleuns,aumi^ de la hyancinthe, du narciffe, prés des bofquets oü le chantre des amours atüre par fes accents, le tong des ruiffeaux fur les bords desquels croit I'aimable violette quifembie fourire agrëabfementaux jeuxdesondes fautillantes, c'eft «a que les Graces ou l'amour s'attendent h trouver leur temple  i7§ QuatrUme Seïïion; ar dim  k relatifs aux Saifons. Qyeiles imnges enchantere/Tes, quelles penfees pleines de douceur & d abandon, une fcene femblablene réveille-t-elie pas! Lecceureftn ^ tré de tendrefie tandisque les yeux Iifent cette infcr^tion: P O Laure, fois la bien venue! Viens, fais rétentir dans ces lieux, S.éjour des amours & des jeux, Les fons de ta voix ingénue. Viens réunir tes doux accents A ceux des chantres du printemps. n. jardin d'êtê. T e caradere de I'ëtéa fes parttes diflindlves rmrquées. Les planfes fni 1. fonnentalor.dans toute Ia force de leur végétation, 8c t champs & des arbres fe colorent aux approches de leur maturité uZ fleurs epanou.es prefentent tous leurs attraits. Par- tout le feuille ent é rement devdoppé 8c fe déployant en riches voütes, flotte d ns S aïs & repand fon ombre bienfaifente; le verd s'efl revétu de toute la force d t terne Les forets ondoyent fleres de la beauté de Ieurs feuilles LesZl ri«;exhalent une abondance d'odeurs balfamiques, & font animées pa re Ipedacle joyeux qu'oflre lafenaifon, qui, au milieu des occupa io/s d «no,flbnneurs & des faifeufes degerbes, rétentit, tantöt d'un ris cl^mpétre tantot d'une chanfon d'amor, tantot du cri monotone de la caitvoifine CCS fcfneS fuccedent ce»es des différentes recottes de grair* Les trou' peaux temoignent par des mugiffements Ia joie que leur infpire Ieurs ™ paturages, 6c .a feille revient plus pleine de lait' Les fpecies divïï qu oftre la nature, fe montrent dans toute leur pompe, dans toute leur ne" feébon. Les orages peignent aux yeux dans les nues les tableaux les Zs uperbes Avec Ia chaleur s'augmente auffi I'ombre, 6c avec h fonl'eu dujoursaccroitla profonde obfeurité des forèts. Lété donne k chaqUe pame de ajournee un caradere 6c des agréments particuliers; au m in une^urqutreflaure; au milieu du jour, une clarté accompT^ ^ d'une  a7g QuatrUme Section. jardins d'une ardeur accablante, un filence folemnel de toute la nature, Ia fufpenfion des travaux& même des chanfons; aufoir, une diminution falutaire de chaleur, & un doux calme. Et quelle nuit fuccede a ce jour! Ses heures n'ont point de ténebres effrayantes; elles s'écoulent paifiblement dans un aimable crépufcule; leur fraicheur, les odeurs fuaves qui s'exhafent alors, le profond filence, raniment la nature qui fommeille; & le ciel même paré de fes étoiles femble lui fourire. Le jardin d'été eft particuliérement deftiné a procurer une jouiffance relevée des agréments de cette faifon, & a défendre de fes incommodités. Le choix & 1'ordonnance de toutes les fcènes dépend de cette deftination. On cherche dans cette faifon une ombre bienfaifante. Une forêt touffue de hêtres & de chênes eft donc un grand préfent de la nature. Cependant 1'induftrie doit auffi venir fouvent a fon fecours dans le jardin d'été. Des grouppes ferrés & des bofquets d'arbres, dont le feuillage grand & riche offre un afyle agréable, doivent 1'ombrager. Le tilleul, lemaronnier d'Inde, 1'ormeau, 1'érable, Ia catalpe, Ie peuplier de la Caroline, le tulipier, le platane de 1'Amérique feptentrionale, & quelques efpeces de magnolies s'offrent pour eet effet. La promenade fous ces arbres eft fraiche & aimable; ils fourniffent encore aux berceaux & aux repofoirs un abri plein de charmes. Mais 1'ombre n'eft pas tout ce que nous attendons des arbres pendant l été. Nos yeux auffi veulent fe repaitre des attraits qu'offrent les fleurs, en partie odorantes, qui s'épanouiflent alors fur une fi grande quantité d'arbres & d'arbriffeaux fauvages. Outre le tilleul dont nous avons déja parlé, fleuriffent en été, *) quoique feulement pour un temps: Aefculus Pavia, L. le maronnier d'Inde a fleurs rouges. Azalea nudiflora & vifcofa, L. le petit laurier - rofe de Virginie. Berberis vulgaris, L. 1'epine- vinette. Colutea *) Dans les provinces méridionales & de ces arbriffeaux fTeurhTent peut -être d'AHemagne quelques - uns de ces arbres même avant les mois d'été.  relatifs aux Saifons. ' Colutea orientalis, M. le baguenaudier orientaï. Cytifus Laburnum, L. 1'ébénier ou cytife des Alpes, —- — feffilifolius, L. le cytife commun. Clethra alnifolia, L. la clethra. Cephalanthus occidentalis, L. le cephalanthus, button-wood des Anglois. Chionanthus virginica, L. Ie chionanthus, amelanchier de Virginie arbre de neige. Elaeagnus anguftifolia, L. 1'olivier fauvage du Levant. Jafminum officinale, L. le jafmin ordinaire a fleur blanche. — — fruticans, L. le jafmin jaune des bois. Liriodendron tulipifera, L. le tulipier de Virginie. Lonicera Tartarica, Diervilla, & autres efpeces. Magnolia glauca, L. le laurier-tulipier des Iroquois. Philadelphus coronarius, L. le feringat a fleur blanche. Ptelea trifoliata, L. la ptelea a fruit d'orme & k trois feuilles. Prunus Mahaleb, d. R, le mahaleb. Padus virginiana, L. le padus de Virginie. nana, d. R. le cerifier nain. Robinia Pfeudoacacla, L. le faux-acacia ordinaire. — — hifpida, L. le faux-acacia k feuilles hériflees. Rofa, \ Spiraea, > diverfes efpeces. Syringa, ) Staphylea pinnata, L. Ie nez-coupé, faux piflachiet. — — trifolia, L. le nez-coupé de Virginie. Tamarix germanica, L. le tamaris d'Allemagne. Viburnum Lantana, L. Ia viorne ordinaire. i—. — opulus rofea, L. la rofe de Gueldre, pelote de neige &c. Z a Parmi  *8Ö 'Quatrieme SeUion. jardins Parmi les arbriffeaux il en eft quelques-uns qui fleuriffent quafi pendant tout 1'été, comme: Ceanothus americanus, L. Ie ceanothus de Virginie a petit fruit. Colutea arborefcens, L. Ie baguenaudier a veffies rouges, faux* fené. — — iftria, M. le baguenaudier du Levant. Genifta germanica, L. le genét d'AIlemagne. Itea Virginiana, L. 1'itea. Kalmia latifolia & anguftifolia, L. la kalmia a feuilles Iarges ou étroites. Lonicera femper virens, L. le chevrefeuille periclymenum, ou de Virginie. *""s **- caprifolia germanica, L. d. R. Ie chevrefeuille d'AIlemagne. Potentilla fruticofa, L. Ia potentille, pentaphylloïdes d'Angleterre en arbre. Rubus odoratus, L. la ronce odorante. Rofa, différentes efpeces, comme: Rofafcandens,M. Rofa omnium calendarum, Munchh. Rofa Carolina, L. Spiraea falicifolia, L. le fpirée a feuille de faule. Vinca major, L. la grande pervenche. A tous ces arbres & arbriffeaux on peut réunlr des arbuftes, des plantes bulbeufes & annuelles a fleurs, que 1'été fournit en quantité pour Ia décoration des jardins, & les raffemblant dans les grouppes, les bocages, les promenades, lesberceaux, & autour des repofoirs, en compofer des fcènes pleines d'attraits. Les fleurs de 1'été femées fur Ia verte peloufe ou Ie long de l'eau qui réflêchit leurs nuances, offrent encore des décora* tions trés - jolies & trés - animées. On peut auffi parfemer avec goüt les plantations d'été d'arbres qui colorent agréablement leurs fruits dans ce temps, comme 1'abricotier, Ie cerifier, & quelques efpeces hatives de pommiers. Ils raniment la vue par  relatifs aux Saifons. " lSx i-JW fTS •** d°"nem fur des ™™m * wu. peaux & fur des plames couvertes de grains, avec tous les fpeaacles cfcmpètres ^dks prékn^ foM fe recommendabfa d» t£ ce de jardin dont nous parions. r Mais rien n'afiortit mieux au caraélere de 1'été que Ia fraicheur de tmuf Un fite qui fourni, des ruiffeaux & des cafcadL qne le jour fel pü::::: ttnttrdemum,ur£r-en des ^ plus rares. Un lac préfente une jouifiance plus afiurée & moins aux caprices du hafard. Le feul afpeét d'une onde Srt" tn mouvement amene un air frais, & fon miroir, quand elle eft c Cc égaye P le nouveau tableau des collines, des arbres, des nuages & d S„ des ceux, qu'd refléchit. Des promenades & des reoofoirs commodesZ font peut-être nolle part plus agréables qifici. * comm0[les ne Les fabriques font unvrai befoin dans les jardins en queftion • mais tants. Elles dmvent avant tou, fournir un abri contre la chaleur l un féjour fa,t pour goüter les douceurs du repos; mie tan- <• ombragé & frais. Vu fabondance du J% £ £ taec des arbres & de 1 eau, devenir des objets très-pittoresques Elles Cr .?n,C°re ^ Wi& *™ ™ -n on ftchc & fer.de s'etale un temple confacré a Cérès ou i la nature qui produit; oue dans un beu bocager & touffu s'offre une cabane dëcoL,lpZZ paturage une pente & jolie laiterie, qui défigne la fcéne en taESflta D« bams font auffi p,uS qu'un fimple objet de plaifir dans un ,2,  !|3 Quatrime Seiïion. jardins  relatifs aux Saifont. j 3 3 III. jardin d*automne, i. T^ans cette faifon Ia nature n'eft plus occupée qu'a fivrer Ia recolte abon±S dante de fes derniers fruits, & fe prépare infenfiblement a fon repos. Les feuilles commencent a fe fletrxr & k tomber; la force végétative & v> Vinante s'aflbiblit; tout, jufqu'au jour, tend k décroitre. Cependant I'automne ne manque pas d'attraits, même indépendamment des fcènes joyeufes de Ia derniere moifion, & des fêtes de la vendange. L'ardeur tempérée du jour ne fait plus éprouver qu'une douce chaleur. Un calme impcfent plane fur les champs & les forèts. Le ciel fe pare d'une fêrénité moins eclatante; de legers nuages fe montrent quelquefois k fa voüte azurée; femblables k des miroirs d'argent ou ade petits tableaux, ils rompent Ia monotonie générale de la teinte, & paroilTent imiter, tantót des collines rougeatres accompagnées de vallons de couleur grife, tantót d'autres objets champêtres. Les brouillards du matin, qui détruifent lentement Ie feuillage des arbres, raniment Ia verdure du gazon. Et quels fpedacles pittoresques, lorsque la lumiere du jour fe déploie en les diffipant, & qu'une nouvelle création s'éleve avec une beauté rellufcitée pour ainfi dire! Un fentiment paifible de volupté & de reconnoilfance qu'infpirent les derniers bienfaits de Ia nature, une douce mélancolie k I'afpecl de ces fcènes qui ne laiffent plus rien k efperer, fcènes triftes de fragilité, font les deux fentiments dominants que caufe Pautomne. Lefprit s'abandonne au repos pour stoccuper de réflexions férieufes; & telle qu'une belle foirée d'automne qui répand fur les nuages de rofée légers & flottants dont elle eft accompagnée, un aimable couleur de rofe, une certaine douceur qu'on ne fauroit décrire s'étend fur toutes les fenfations. Dans cette faifon les bois & les bocages préfentent k nos yeux un nouveau fpecf acle en fait de coloris. Pendant 1'été toute la nature étoit revètue de verd. Maintenant il paffe d'un ton de couleur k I'autre; du verd pSIe au jaundtre & jufqu'au rougeStre, au rouge foncé & au brun, avec  134 Quatrieme StElion. jardins avec une variété infinie de dégradations & de nuances. Ce feul changement du feuillage fournit a la nature des tableaux, que n'offrent ni Ie printemps ni 1'été malgré tous leurs charmes. a, Cette metamorphofe de teintes s'étend k Ia vérité presque fur tout !e regne végctal, & les feuilles fe couvrent dans les forèts & dans les vergers de différentes nuances rougeatres & jaunes. Cependant quelques arbres 8c quelques arbriffeaux montrent en particulier un changement pittoresque dans leur feuillage, le verd y paffant a un rouge vif; tels font; Cornus fanguinea, L. le fanguin ordinaire des bois. Evonymus europaeus, L. le fufain, garas 8tc. Hedera quinquefolia, L. la vigne vierge. Liquidambar fiyracifol. L. le liquidambar. Mefpilus arbutifolia, L. 1'aüfier de Virginie a feuilles d'arboufier. Quercus coccinea, L. le petit chène verd a feuilles très-piquantes 8c qui porte le Kermès. — — rubra, L. le chène rouge de Virginie ou de Canada. Rhus coriaria, L. le fumac ou vinaigrier. typhinum, L. Ie fumac de Virginie. glabrum, L. le fumac de Canada a. feuilles liffes. D'autres arbres 8c fur-tout arbriffeaux fauvages portent enautomne des baies jaunes, bleues 8c principalement rouges, qui non feulement donnent aux bofquets & aux buiffons une apparence gaie 8c jolie, mais qui animent encore la fcène en attirant les oifeaux, Sc en favorifant 1'oifelerie. Parmi ceux - ci, il faut placer: Berberis vulgaris, L. 1'épine-vinette. Cornus amomum, M. le cornouiller de Virginie. Crataegus, L. 1'alifier de différentes fortes, comme: Oxyacantha, fl. pl. L. Crat. Oxyac. Caroliniana, Munchh. Crat. coccinea, L. Crat. Crus galli, L. Crat. tomentofa, L. Crat. lucida, d. R. Ilex  relatifs aux Saifont. rt> Ilex aquifolium, L. le houx. Juniperus, L. différentes fortes, fur-tout; Junip. Virginiana M le cedre rouge de Virginie. ' Lonicera caerulea, L. le chamaecerafus ou petit cerifier a fruit bleu. — — tartarica, L. le chamaecerafus ou petit cerifier de Tartarie.' — — Xyiofteum, L. le xylofleon. Mefpilus Cotoneafter, L. Ie cotonalfer. — — Pyracantha, L. le buiffon ardent. Prinos verticillatus, L. Ie prinos. Prunus Padus, L. Ie bois de St. Lucie. Virginiana, L. le padus de Virginie. Mahaleb, d. R. le cerifier des bois k fruit amer. fpinofa,L.Ie prunier de buiffon, prunierfauvage, prunellier Rhamnus catharticus, L. Ie nerprun purgatif diverfes fortes. Sorbus aucuparia, L. le cormier. Sambucus nigra, L. Ie fureau. racemofa, L. le fureau k fruit rouge difpofé en grapnes Vaccinium vitis idaea, L. I'airelie, myrtille ou raifin de bois. ' Viburnum Lantana, L. Ia viorne. opulus, d. R. 1'obier, aubier, ou fureau d'eau. Ces arbres & arbriffeaux k feuilles & a baies pittoresques, réunis avec des efpeces qui confervent longtemps leur feuillage, peuvent aider a compofer des fcènes charmantes pour la faifon, tant en formant des grouppes' & des bocages d'automnes, qu'en fe difperfant fur la peloufe qu'ils décorent d'un verd durable. Plufieurs arbres font encore verds bien avant dans I'automne, comme: n Acer creticum, L. I'érable du Levant. Celtis, L. le micacoulier, la plupart de fes efpeces, comme; Celtis auftralis, orientaiis & occidentalis. Populus nigra italica, Munchh. le peuplier noir deLombardie. UImus americana, d. R. 1'orme d'Amérique. Viburnum Lantana, L. la viorne, & autres. Tome IV Aa Afin  i36 Qiiatrieme SeBion. jardins Afin que Ie fpeélacle de cette faifon manque d'autant moins d'attraits, la nature ne fait fieurir qu'alors quelques arbres & arbriffeaux, ou en fait fleurir d'autres pour la feconde fois. A cette claffe appartiennent: Bignonia radicans, L. la fleur a trompette, jafmin d'Amérique. Caffia Marylandica, L. le caffier, caneficier de Maryland. Cornus alba, d. R. le fanguin a fruit blanc. Hamamelis Virginiana, L. 1'hamamelis. Hybifcus Syriacus, L. 1'althea frutex, Ketmie. Lonicera Symphoricarpos,L. le petit fymphoricarpos d'Amérique. Rofa fempervirens, L. le rofier verd. Rhus Copallinum, L. le fumac dont les feuilles font empennées, & toute la tige du milieu ailée. . L'automne eft fur-tout le temps de la maturité d'une foule d'excellents fruits, dont Ia recolte eft une véritable fète que fournit la nature. Les divers fruits ne contribuent pas moins a décorer les fcènes d'automne, tant par leurs formes, que par leurs couleurs douces & animées. La vigne reclame principalement fa place ici. On peut 1'employer, tantót a couronner les plantations, tantót a former des berceaux ou des allées couvertes: on peut Ia diriger le long des murs des batiments, ou la faire grimper autour des tiges & fe fufpendre d'arbre en arbre. Dans les Provinces oü le climat favorife la culture du raifin, une colline couverte de farments eft presque une appartenance indifpenfable du jardin d'automne, a moins que celui - ci ne foit dans le voifinage de quelque vignoble. Flore mème embellit encore les derniers jours de l'automne. Presque toutes les fleurs dont fe pare cette faifon, confervent plus longtemps leur beauté que les enfants tendres & fugitifs du printemps. Voici une petite liftedes plantes d'automne, dont quelques - unes fleuriffent alors pour la feconde fois. : Arbriffeaux. Achillea tomentofa. Alcea rofea. _ millefolium. Antirrhinum majus colorum va- Ageratum altifiimum. riorum. Arum  relatifs aux Saifons. f Arum maculatum. Eupathorium macu,arum. A/ter tripolium. altiffimum. amejlus. Fumaria lutea. divaricatus. Gentiana Pneumonanthe dumofus. Geranium ftriatum. -ericoides. - _ fanguineum. tenuifolius. Gnaphalium rutilans. iinarifolius. Helenium autumnale. iinifolius. _ latifolium. concoior. Helianthus multiflorus. , • ri§idus- giganteus. undulatus. Hieracium aurantiacum. - a,Pinus' umbellatum. novae angliae. Hypericum calycinum. cordifofius. Iberis femperflorens. puniceus. Lathyrus latifolius. mutabilis. Phbx carolina. tradefcanti. : carinata? nQVa f novi belgii. divaricatica. tardiflorus. Potentilla eretfa. grandiflorus. Rudbeckia laciniata. Buphthalmum grandiflorum. hirta — — — Helianthoides.. — oppofitifolia. Chryfanthemum feretinum. Saponaria officinalis fl. pleno Clematis integrifolla. Scabiofa arvenlïs. Coreopfis verticillata. Solidago Virgaurea. tripteris. Spiraea Filipendula fl. pleno. , auriculata. Viola tricolor. Eringium amethyftinum. Phytolacca decandra. Eupathorium canabinum. Primula auricula. — r-. — purpureum. — _ veris. Aa 3 Plantes  133 Qudtrteme Seiïion. jardins Plantes bisannuelles. Cheiranthus fruticulofus. Matricaria Parthenium fl. pleno. ChryfanthemumLeucanthemum. Scrophularia lucida. Gauf a bienhis. Plantes bulbeufes. Amaryllis lutea. Cyclamen europaeum autumnale. Colchium autumnale fpec. diverf. Plantes d'été, dont on peut avoir les fleurs jufqu'a Ia fin de l'automne. Amaranthuslividus, fanguineus, Lotus tetragonolobus. flavus, hypochondriacus, cruen- Lupinus pilofus & luteus. tus 8c caudatus. Malva mauritiana. Antbemis valentina 8c alriffima. Mirabilis Jalapa. Alter chinenfis & ranunculoides. Nigella damafcena. Atropa phyfaloides. Papaver Rhaeas. Blitum capitatum & virgatum. Salvia hifpanica. Borage officinalis. .Scabiofa atropurpurea. Calèndula officinalis fl. pleno. Senecio elegans. Centaurea mofchata 8c napifolia. Silene armeria. Cheiranthus annuus. Tagetes patula. Chryfanthemum micones. — — erecla. Delphinum confolida. Xeranthemum annuum. Lathyrus fativus, articulatus, odo- Zinnia multiflora, 8cc. ratus, tingitans & annuus. Tels font les tréfors variés que 1'inépuifable nature réferve a l'automne pour fon embelliffement. Quel ufage n'en peut pas faire un fage artifte jardinier, tantót pour former des grouppes ifolés, ou des bocages entiers, tantót pour compofer une file de tableaux placés en perfpeétive fur des longues peloufes, tantót pour encadrer ces tapis verds, tantót pour offrirun fpectacle charmant étalé fur une éminence qui s'éleve, tantót pour décorer les fabriques 8c les repofoirs d'automne! Presque toutes ces variétés pitto- resques  relatifs aux Saifons. ï 8 9 resques caufés par Parriere-faifon, ne font que de courte durée; cependant I'obfervation & Ie goüt peuvent non feulement les arrêter pour en augmenter Ia jouilfance, mais encore les réunir pour en compofer une fucceffion plus longue. L'artifïe jardinier doit conftamment s'attacher a dé, couvrir tous les accidents agréables qui accompagnent l'automne dans le canton qu'il habite; il verra fon alïiduité recompenfée, car il furprendra a la nature fes plus beaux tableaux. En mariant enfemble les nuances des arbres & des arbriffeaux, il pourra préfenter, dans 1'union 8c 1'oppofition des couleurs, une diverfité inconnue a toute autre faifon. Aucun fite ne femble plus avantageux pour étaler dans toute fa beauté cette peinture faite avec des plantes, qu'une colline en pente douce. Quel fpedacle n'offre pas une plantation, qui commencant par un gazon riant femé de fleurs d'un colorisanimé, monte en préfentant des arbuftes pleins de baies jaunatres 8c rouge&tres, continue par des arbres & des bocages dont les feuilles font teintes en jaune & en rouge, enfuite va fe joindre a des maffes entieres d'un feuillage rouge rompu par un verd clair, 8c finit par des grouppes ferrés d'arbres coniferes Sc réfineux, qui revètus de nuances brunatres Sc d'un verd foncé, font terminés par 1'azur de 1'horizon! Dans cette efpece de peinture on peut obtenir le plus de grands contraftes entre les couleurs Sc les maffes, avec tous les effets admirables qu'ils font fur la vue. Des collines bien expofées au foleil, fur-tout lorsqu'elles s'élevent dans un bois, ou même Ie dominent en quelques endroits, femblent fournir 1'emplacement le plus favorable pour des jardins d'automne. Que Ie canton foit fee Sc chaud. Des promenades au bord de I'eau, Sc des temples aérés ne nous attirent plus; nous aimons une douce chaleur entre les collines, Sc nous recherchons des afiles couverts. Des maifons de chaffe*) Sc des cabanes propres a 1'oifelerie font particuliérement convenables a des deffeins de ce caradere. 4- Cependant vers les derniers jours de l'automne tout court au devant de la deftrudion. Les feuilles tombent 8c crient fous les pieds du prome- Aa 3 neurj . *) Voyez le Tome III. pages 42. 43.  ïgo Qitatrieme Seïïion. ^fard'ms neur; la forèt offre fa nudité tranfparente, & 1'orage agite fes cimes en fiffiant. Decolorées & défertes, les collines femblent en deuil. Le peu de verdure & de fleurs que le brouillard & la gelee n'ont pas encore détruites, font les derniers efforts de la nature épuifée. L'air ne rétentit plus que du croaffement plaintif des corbeaux, & des fons aigus des oifeaux de paffage, qui raffemblés en troupes & mis en fuite par les terreurs de notre hyver, vont chercher des pays plus heureux. D'après ce caradere, le jardin d'automne admet encore dans des cantons féparés, oü il n'offre que les dernieres fcènes de Ia deftrudion, des objets affortiffants a fon impreflion, ou même capables de la renforcer. Des ruines, des colonnes brifées, un maufolée a moitié tapiffé de mouffe, une cabane détruite, derniere demeure d'un vieillard décedé, tout ce qui, en réveillant cette image, peut augmenter le férieux, la réflexion & la douce mélancolie, convient a ce fpedacle touchant de fragilité. IV. Jar-  relatifs aux Saifons. i ^ r IV. jardin d'hyver. i. Tandisque I'hyver étend fon fceptre de ferfur tant d'états, Ia nature J- favorife des doux attraits du printemps quelques payfages chéris. Les environs de la ville de Hieres en France font en particulier célebres de ce cóté. Suivant la defcription de Mr. de Luc *) qui arriva dans ces lieux en Janvier, **) c'eft un féjour des plus attrayants en hy ver. On y trouve les promenades les plus agréables. „Auffi nous promenons - nous," dit il, „presque tout le jour. L'air eft plus que tempére, il eft chaud. Au „dehors nous cherchons I'ombre, & dans Ia maifon nous tenons les fenêtres ouvertes du matin au foir. Rien ne peint I'hyver a nos fens. „Les fourures dont nous nous étions pourvus pour nous rendre ici, font au „crocj par-tout la campagne eft couverte de verdure, & les oifeaux l'é„gaient par leur chant: le jafmin qui tapiffe l'un des cótés de notre maifon, „eftprêt a nous donner les fleurs que l'automne avoit préparées; „les violettes, Ie narciffe, leromarin, parfument déja les jardins; & notre „table eft fournie des légumes que nous voyons croitre avec abondance" 0n n'eft Pas plutót dehors de Ia ville, „qu'on fe croit dans I'an- „cien jardin des Hefpérides. Le plus beau foleil relevant 1'éclat de pom„mes d'or par millions, enchaffées dans Ia plus belle verdure, fait de ces „lieux un féjour oü nous croyons fouvent de rêver." „Cette contrée ft heureufa aux yeux des habitans du Nord, eft une „petite plaine environnée de collines, mème du cóté de la mer, oü des „iles alfez élevées femblent fe joindre a la terre-ferme. Cette première „enceinte, par-tout acceffible, eft garantie elle-même du cóté du Nord, „par diverfes autres chaines de collines de plus en plus élevées, qui font „comme des ouvrages avancés contre Ie froid. De forte que le foleil, fe „promenant depuis fon lever jufqu'a fon coucher dans eet admirable vallon, „y concentre fa chaleur fans que des caufes contraires 1'affoibliffent." „Auffi *) Lettres phyfiques & morales fur les montagnes & fur I'hiftoire de la terre & del'homme. Lettre 6me. 1775.  193 Quatrime Section. jardins „AufTï voit-on ici en plein champ, au milieu de I'hyver, ce que nous „n'ofons confier a l'air qu'en été dans nos climats. Mais les oran- „gers fur - tout font la gloire du pays. Le rocher du chateau d'Hieres, qui „autre fois protégeoit la ville, protégé aujourd'hui ces beaux arbres; ils „font tous raffemblés a fon abri dans un demi - cercle d'environ un quart „de lieue du rayon. On les trouve plantés dans les vergers, comme les „arbres dans les bois; tou* auffi entaffés, & avec auffi peu d'ordre. Ils „s'élevent autant, 8c font plus chargés de fruits, que le commun des arbres „de nos vergers." L'ceil ne peut s'en raffafier. — „Ce pays eft le jardin d'hyver d'une partie de Ia France" On „envoie d'ici dans toutes les villes voifines, & même jufqu'a la ca- „pitale, des artichaux, des petits pois 8c des fleurs." Les vents affez forts qui regnent quelquefois ici, ne font pas froids. „La pluie même, qui presque toujours refroidit l'air dans des contrées petf „diftantes, & que nous avons déja eue affez fouvent, n'a fait qü'embellir „la campagne, en ajöutant par-tout les verds.naiffans, 8c les fleurs nou„velles, au grand nombre d'arbres 8c d'arbriffeaux toujours verds qui cou„vrent le pays." La chaleur de I'hyver „n'a que des effets falutaires; elle vivifïe tout, „les habitans comme le pays. Nous avons fous nos yeux les paffe-tems „de leurs jours de fètes. Ils fe raffemblent fous des ormeaux qui commen„cent a boutonner. Les enfans en garniffent les branches; tandisque la „jeuneffe des deux fexes, vétue fort a la légere, danfe le rigodon du pays „au fon du flutet 8c du tambourin. Rien n'eft plus gai que ces fêtes cham„pètres. Et c'eft au mois de Janvier que nous jouiffons du fpedacle de fê„tes champêtres." Plufieurs perfonnes maladives fe rendent d'autres pays dans ce canton favorable, fi riche pendant I'hyver en objets 8c en afpecls attrayants, pour y chercher quelqu'adouciffement a leurs maux dans cette faifon rigoureufe. Les environs de Nice en Italië offrent un féjour d'hyver non moins agréable. Les Anglois accoutumés depuis quelques années „a quitter leur ile „en automne pour paffer I'hyver dans les pays méridionaux de I'Europe, „ont  relatifs aux Saifont. „ont beaucoup contribué J mettre en réputation" ces environs T «• „pcrfonnes," continue Mr. Sulzer dans fa defcription de ce canton Vb „per onnes q„i m cl,erchent point ies p|aife a»gtafa-*£ „font fures de n-ouver ici un clima, ou I on eft è .'abri du froid, de „ 1 „Stdesbromllards, oü l'on jouit pour ainfi dire en byver d'un mlT „Perpétuel Leverde ,775 qui fe fi, fe„,ir avec tarnde ^2 S „Nord de .'Europe & même dans une partie de l'ftalie, fuf fe, ™l ï „rvicc Les pluies Sc les vents des moi» de TanvW t, F- „étoient fes feu.es incommodités de ce rude byver. C^Z nou^ „mes dan» ces mêmes moi» & furtout en Decembre iJZuJllT, ti rffif qi,e ,a piuie ccfcit> ■***» „aux plus doux prmtemp» de 1'Allemagne." L'air parut 1 „beaucoup plu» pur & plus ferein que par-tout ailleufs ü _ 1 „ces climat» Ia nature n'eft pas entiérement en repos pendant I'bvver Le! „jardms fon, toujours verds, on y feme & plante lans re" he TJl „drct» mcubes de» montagnes font perpétuellemen, couvem d herbe d» „les plames on voit des fleurs naiflan.e», de» arbres chargé»" te „ „en fleur» Lesoliviers & les laurier» porten, des fruits pefln" Phv „ver fesfe,ron,er»& Ie» orangers paroiftenten mèmetemps dansmut lel „eclat & forment un coup d'ceil magnifique." "nstoutlem; „Les promenades de ees contrées acquiérent un nouveau prix nour „un «ranger aceoutumé aux pays feptentrionaux, en ce qu'elles .u X „de toute part des objets inconnus." en' „Les fimples les fleurs & les arbres de ces environs font autant de nouveautés, les déferts des montagnes ofien, gratuitemen, une quantil de produatons, qu, ne réuffiflen, dan» les climats du Nord qu'a forcê 1 „feu* & de culture, & qui y font le plus bel ornement des jardins ° Mr Sulzer trouva „fur une des montagnes fes p,„s ^s ,out *) Journal d'„„ voyage fait e„ ,7„ d„it de 1'AHemandi A la Haye Ï!"r & .776 d»s ieS P.ys méridi0„MX de KM Llb •' *y° C 1'Eumpe par Jeaa George Safeer. Tra- .,7..lftti2'l* "5'  194- Quatrïeme Sciït&n. jardins „grand aloès d'Amérique: dans plufieurs endroits le figuier dinde (opun„tiaj) tient lieu de haye; Ie myrte, Ie fmilax, le jafmin jaune, le lentisque, „!e grenadier, le fumac, le fraifier (arbutus), & d'autres arbriffeaux extrêmement rares chez nous, croiffent ici le long des grands cheminsSc „dans les déferts. — L'ceil découvre par-tout tant de rieheffes" étrangers ü un germain „dans le genre végétal, que cette contrée, confidérée fous „ce feul point de vue eft déja précieufe pour 1'amateur." „Ainfi un valétudinaire qui a befoin de refpirer un air pur & fee, & de „fe tenir en exercice, trouvera a Nice pendant I'hyver tout ce qui lui eft „nécelTaire. La promenade autour de la ville eft d'une beauté „merveilleufe. On fe promene Ie long de la mer fur un rempart de pierre en tirant vers 1'occident, ou l'on découvre tout le golfe, „la cóté avec fes collines, & Ia ville d'Antibes. De ce rempart on paffe „fur la digue voifine, & on y continue a marcher vers le Nord. Ici on a „une vue vraiment raviffantej d'un cóté les plaines de Ia ville, parfemées „de plufieurs centaines de jardins avec leurs pavillons: de I'autre les eolli„nes des environs, ornées d'une quantité innombrable de baftides ou mai„fons de campagnes, & couvertes de forèts d'öliviers: d'autres montagnes „s'élevent derrière celles - ci en amphithéatre." „Quand on eft parvenu-a 1'extrèmité feptentrionale de la ville, on de„fcend de la digue pour entrer dans un large chemin, qui fait tout Ie tour „du rocher. Dans cette courfe on découvre encore une petite étendue de „plat pays divifé en jardins, & plus loin le Mont-Alban avec les débris du „chateau dont j'ai parlé. Le port offre enfuite un autre coup d'ceil affez „frappant; on y a établi un grand nombre de guinguettes, oü les matelots „vont fe divertir. Du cóté de la mer commence le fuperbe chemin qu'on „a creufé dans le rocher, & qui reconduit fur le rempart dont on eft parti. „La fe préfente une partie des cótés élevées qui s'étendent vers Genes, Ia „haute mer, & mème dans un jour bien clair, le fommet des montagnes . „de Corfe. Cette promenade eft la plus belle qui puiffe être imaginée." „Les ondes qui viennent fe brifer contre les rochers dans Ie temps „des hautes marées, oftrent encore un fpedacle intéreflant qu'on peut fe „pro-  rettili/s mix Saifonr. „procurer fur le chemin qui aboutit au port. L'eau écumante réjaiïïit en „l'air après le choc, & retombe en partie fur des rochers plus ou moins „élevés, dont chacun a pour ainfi dire une figure particuliere; ces chüte» „forment autant de cafcades différentes. Le fpetfateur placé dans un che„min élevé au deffus de la mer, ne perd rien de toutes ces beautés & ne „fe raftafie pas de les admirer." Oiitre ces promenades auteur de la ville, on peut „lorsqu'on arme la „variété choifir fes promenades dans les vallées & fur les collines „oü la diverfité & la beauté des chemins, des vues & des objets eft inépui„fable" Par-tout oü l'on fe trouve fur les hauteurs, on découvre devant ioi une perfpedive dont les attraits furpaffeni toute defcription. 3. Quel féjour ravifTant óffrent ces contrées heureufes, fur-tout aux perfonnes maladives, dans un temps oü tant de provinces au Nord de lïurope font engourdies par le froid & les glacés! Cependant les autres faifons de 1'annee n'y ont pas tout 1'agrément auquel on s'attendroit peut-être après les charmes de I'hyver. Nous, qui habitons des pays oü^cette faifon exeroè toute fa rigueur, nous devons cherchera nouspréferver de fes incommodités, & en même temps k faire 1'ufage Ie plus avantageux des agréments dont lbyver egaye quelquefois quelques-uns de fes jours ou de fes femaines. Nous fommes appellés a nous créer des jardins d'hyver même endépit du caprice de la nature. Précifément dans les pays feptentrionaux oü la rigueur de la faifon a coutume de régner plus qu'ailleurs, elle efl compenfée par des attraits qiri manquent aux contrées oü un liyver plus doux, il efl vrai, mais auffi plus fombre & plus malfain, s'écoule au milieu des pluies & des brouHIards. La nature engourdie ne perd pas toute fa beauté pendanfcette efpecede mort; elle commence mème k fe rajeunir pour étalerde nouvelles beautés QiieUe créationneuve&inattendue, n'offre-t-elle pas fouvent le matin dans fa parure de gelée blanche ou de neige, & combien-ne brille-t-elle pas aux rayons plus rouges du foleil levantl La lurface de la terre fe cou- Bb a vre  *$6 Quatriéme Seffion. £fardim vre d'un vètement dont la blancheur éblouit; au-deffus d'eilc le ciel déploie fon azur ferein dont la clarté univerfelle eft quelquefois rbmpue par de petits nuages récélant la neige dans leur fein, & dont les nuances & les formes font variées. Les arbres paroiffent imiter les arbres en fleur du printemps; fur les buiffons reluifent en tremblottant les fils argentés du frirnas; & dans le lointain on voit quelquefois une forêt élever fa cime au deffus de la vafte maffe blanche. Les eaux offrent un couveau fpeclacle, foit qu'elles roulent leurs ondes bleuatres entre les collines couvertes de neige, foit qu'immobiles elles forment un grand miroir de glacé. Et quelle fcène fuperbe lorsque 1'aurore verfe fes feux fur ce lac uni, & répand enfuite des flots d'une lumiere rayonnante furtout le payfage! Quelle foule de coups de jour parfemés fubitement dans les plaines & fur les hauteurs, lorsque un leger voile de brouillards fe déehire par-ci par-la, ou qu'une yapeur plus obfcure fe diffipe en s'éievant! Quel nouveau fpedtacle rempli de pompe a 1'inftant oü le foleil quitte la terre! Tandisqu'accompagné de nuages enflammés il s'abaifie en occident, les collines revètues de floccons de neige commencent a. rongir; la dorure Iumineufe fe déploie de montagne en montagne, de forêt en forêt, jufqu'a ce que le vafte payfage fe colore d'un pourpre riant, & qu'enfin le monde blanchi femble s'allumer d'un feu rayonnant. Infenfiblement cette clarté eblouiflante s'éteint; le rouge brillant de la neige fe changeen une lumiere plus douce, & le tableau qui raviflbit nos regards eft auffi fugitif que fuperbe. Mais peu de temps après la lune jette du haut des cieux tranquilles fa lumiere argentée fur la terre couverte de neige; quelle douce illumination & quelle agréable diftribution des ombres! Elles tombent avec une ténébreufe majefté du haut des arbres, des collines & des édiflces fur Ie plaine blanchiffante, & tandisqu'elles obfcurciflent quelques endroits, d'autres font réhauffées par 1'éclat de 1'argent; une clarté perpétuelle femble avoir pris poffeffion des hauteurs. Cependant la gelee répand fans bruit fes puiffantes.influences; on n'entend pas le moindre vent; toute la création dort; dans les cabanes ruftiques brülent quelques foibles larnpes qui répandent une lueur interrompue, & 1'abboiement lointain & étouffé des chiens craintifs i>'éleve vers la lune; a la"  •' relatifs aux Saifons. \ ,9? la voute fereine des cieux les étoiles étincelantes appellent Ie fage a des réflexions fublimes; & dans les lieux oü les lacs montrent encore k découvertleur miroir, la planete voifine de notre terre, Ia reine de nosnuits, y mire fon pale vifage. Ce font effeclivement les fpetfacles accidentels caufés par Ie foleil & par la lune k leur lever & £ leur coucher, qui préfentent fous un afpeftplus doux & plus beau, Ia blancheur univerfelle dont notre ceil eft ébloui, & dont la monotonie le fatigue. En byver la nature offre une foule de métamorphofes & d'accidents merveilleux qui ne laifïent pas que d'amufer. Quel prodige n'eft pas Ia formation de Ia glacé! Oü l'eau profonde ondoyoit, \k fe joue maintenant fans inquiétude la jeuneffe du viiJage, & le courlier marche fiérement fur les flots enchainés. La •cafcade s'efforce envain de murmurer, les gouttes d'eau s'endurciffent & ie réuniffent en s'efforqant de couler. Le torrent qui s'élancoit d'une parois de roe, fe pétrifie en longues colonnes blanches que la tempête ne fauroit ébranler. Les fenêtres de nos maifons font peintes par Ia gelée des nuits, de fleurs & de petits payfages, a travers lesquels fe jouent d'une fa■qon aimable, les rayons rouges & fereins de 1'Aurore. Et quel fentiment -de fanté, de force & de vivacité ranime toute la nature humaine! Quelles bandes joyeufes n'égayent pas les glacés des Jacs & des rivieres, en les parcourrant en patins ou en traineaux, & en compofant des tableaux d'hyver que fouvent le peintre ne trouve pas indignes d'être imités! Mais quels fpecfacles fuperbes & au -deffus de toutes les imitations de l'art, ne préfentent pas encore dans nos provinces & pendant lesfoirées d'hyver, les aurores boréales! *) i> Quoique 1'afpeft des arbres coniferes & réfineux dut naturellement infpirer I'idée de planter un jardin d'hyver, il paroit cependant qu'on a très- *) Je pejgmsjadis, dit Mr. Hirfchfeld trachtung. C'eft-k-dire: I'hyver, médi- •dans une note, ces fcènes d'hyver & d'au- tation morale. Cet ouvrage dont 1'édi- tres, accompagnées des reflexions qu'el- tion la plus récente eft de Leipzig 1775 les occafiomient, dans un petit écrit in- & le format 8, n'a pas été traduit en titulé: Der Winter, eine moralifche Be- Fran5ois.  'x 9? - Quatrieme Seiïïon.' gfkrdhis peu penfé l fon exécution. Qiielqües écrivains britanniques 'ont corramencé a foutenir cette idee fi naturelle par des préceptes plus particuliers. Bacon *) femble avoir été le premier a parler d'un jardin confacré fpécialement aux mois d'hyver. „Pour la fin de Novembre," dit-ü, „& pour „Decembre & Janvier il faut choifir les plantes qui demeurent vertes pendant tout I'hyver. Telles font le houx, le lierre, 4e laurier, le génévTicr, „le cyprès, lif, lebuis, lepin, le fapin, leromarin, lalavande, la per- „venche; les orangers, les citroniers & les myrtes, quand „on les garde dans des ferres; & la marjolaine qu'il faut raettre le long „d'un mur & vis-a-vis du foleil, &c." On voit que cette propofition étoit fans doute encore peu déterminée. Addifon **) étendit cette idéé un peu plus. „Les murs," dit - il, „font couverts de lierre au lieu xle pampres. „Lelaurier, le houx & plufieurs autres arbres & plantes de la mème nature,, croiffent" dans ce jardin d'hyver, „d'unemankre fi touffue qu'on „ne peut imaginer une fcene plus animée. Le rouge ardent des baics qui „font alors fufpendues aux branches, femble le difputer en beauté a la ver- „dure du feuillage. Diverfes efpeces d'oifeaux fe reti- „rent dansee petit emplacement verd, & s'y jouent entre lesrameaux & „le feuillage, lorsque le refte du jardin ne leur offre plus 1'abri d'une feule „feuille." Home ***) & Chambers «**) ont auffi parlé d'un jardin d'hyver,* & Whately *****) ajouta mème quelques regies pour eet effet Ces écrivains ont montré Ie chemin jufques- la. Un lieu habité par une familie pendant toute 1'année, eft très-défeéhieux lorsqu'une partie du jardin ou du canton n'eft pas difpofée de forte que l'on y puiffe aller en hyver refpirer l'air pur, jouir en liberté d'une belle journée, Scfe procurer du mouvement & de la récréation en fe promenant. La nature du climat rend ce befoin encore plus vif. II eft comiu qu'en France, *) Sermones fideles, ethici, politici. ***) Elements of Criticifm. •***) Diiïertation on oriental Gar- **) Dans le No. 477. du fpeftateur. dening. Voyez la note pages 146 & 147. Tome I. **«*) L'art de former les jardins mode cette a-*duction. dernes, &c.  relatifs aux Salfons. France, & plus encore en Italië, I'hyver n'a pas, a beaucoup prés, Ia méme rigueur qu'en Angleterre, en Allemagne & dans les autres pays plus feptentrionaux. Pendant les mois qui n'appartiennent point a Ia belle faifon, on ne veut pas toujours demeurer renfermé, mais pourvu qu'on foit al'abri du mauvais temps on aime a prendre en plein air le mouvement fi nécelfaire a la fanté. Au printemps & en été Ia nature fleurit par-tout. La jouiffance qu'offrent fes attraits eft fi féduifante, que nous nous plaifons a 1'étendre jufques aux mois qui d'ordinaire en font dépourvus, ou préfentent des fpeflacles tout oppofés. On peut dans un jardin d'hyver commode goüter encore une partie des agréments de 1'été, pendant les jours temperés & fereins qui fe rencontrent fouvent dans fes mois les plus rigoureux. Alors Ia verdure offre aux yeux un charme nouveau. Les moment» doux & clairs que nous accorde le foleil, font d'autant mieux venus qu'ils font plus fugitifs. Et une petite volée d'oifeaux, qui voltigent parmi les arbres toujours verds, ou fe réuninent fur leurs branches pour former un gazouillement affeclueux,. ne donnepas, il eft vrai, une image parfaite du printemps, mais jette cependant une certaine gaité fur 1'auftérité de la faifon. La deftination d'un jardin d'hyver eft limitée. On n'y peut guere exiger qu'un abri contre I'inclémence du temps, & fes commodités néceffaires pour refpirer Fair & fe promener. L'ceil k la vérité cherche auffi a ié récréer & par 1'afpecT- de la verdure, & par celui de fcènes agréables d'hyver telles que nous les avons décrites plus haut. Mais ici Ia nécefiité va devant Ia beauté;. Ia régularité k droit de reciaraer fa place dès qu'elle devient commodité; & un mur qui tourné verd Ie Sud, fournit de la chaleur au promeneur & aux. plantes, peut voiler même Ia plus belle .perfpeétive. ,;- Le jardin d'hyver fera peu éloigné de I'habitation, & k I'abri des vents rigoureux, fur-tout du Nord. . Qu'il s'étende vers Ie midi, & s'ouvre au foleil & k fes douces influences. Que le fite en foit féc & un peu élevé. Les fentiers feront de gravier, fermes & k couvert du vent par-tout. Si remplacement 6cTétendue du canton permettent des routes commodes pour  2oo Quatneme Seciïon. £farJhis pour réquitation, fëparées cependant des fentiers, 1'ordonnance en aura un avantage de plus. L'agrément du jardin d'hyver confifte dans les diverfes families & efpeces d'arbres & d'arbriffeaux toujours verds, 8c dans leur di/tribution. Une regie manifeftement nécelfaire, c'eft de nc choifir que les arbres dont la verdure réfifte aux mois les plus rigoureux. Combien Ia nature n'a-t-elle paspourvu, même de ce cóté, a ce que I'hyver eut quelque chofe d'aimable. Elle nous fournit une quantité d'arbres, tant coniferes & réfineux qu'autres, 8c d'arbriffeaux qui ne perdent pas leurs feuilles, afin que nous puiffions en parer nos jardins d'hyver; comme: Buxus fempervirens, L. le buis ou bouis. Bupleurum fruticofum, L. le perce-feuille en arbriffeau 8c a feuille de faule. CupreffusThyoides,L. Ie cyprès de Canada \ feuille d'arbre de vie. Daphne Laureola, L. la laureole ou Ie garou des bois, garou k feuilles de laurier qui ne tombent point en byver. Evonymus americanus, L. le fufain de Virginie. Epigaea repens, L. 1'epigée. Hedera helix, L. Ie lierre des poëtes. Hypericum afcyrum, L. le mille -pertuis a grandes fleurs. Jafminum humile, L. Ie jafmin d'Italie, ou petit jafmin jaune. — — azoricum, L. le jafmin d'Afrique ou des A^ores. Ilex aquifolium, L. le houx. Juniperus communis, L. le génévrier ordinaire. — — Virginiana, M. le cedre rouge de Virginie, ou de la Caroline. — — Caroliniana, M. le génévrier de la Caroline. — — thurifera, L. le génévrier fauvage ordinaire en ar¬ briffeau. —- ■— chinenfis, L. le génévrier de la Chine. — — oxycedrus, L. le grand génévrier a fruit rougeatre, cadé. Juniperus  reïatifs aux Saifoni. J 301 Juniperus Phoenicea, L. le grand cedre a feuille de cyprès & k fruit jaune. — — Lycia, L. le cedre de moyenne grandeur k feuille de cy¬ près & a gros fruit. — — Hifpanica, M. le cedre d'Efpagne k gros fruit noir. — — Sabina, L. la fabine, favine, ou le favinier. — — Lufitanica, L. le favinier de Portugal. Kalmia anguftifolia, L. la Kalmia toujours verte & } feuiJIe étroite. Laurus fylveftris, L. Ie laurier. Liguftrum italicum, L. le troêne toujours verd d'Italie. Lonicera peryclimenum fempervirens, L. le chevrefeuille toujours verd de Virginie. Mefpylus Pyracantha, L. Ie nefflier pyracanthe ou buüTonardent. — — orientalis, L. Ie nefflier du Levant. Pinus fylveftris, L. Ié pin fauvage, pinafter. paluftris, L. le pin de marais k trois feuilles longues. picea, L. ie pignet, pece ou peffe. abies, L. le fapin ordinaire ou femelle, avet. ftrobus, L. le pin blanc du Canada, pin de Lord Wey- mouth. 3 balfamea, L. le baumier de Gilead. Cedrus, L. le cedre du Liban. rubra, M. le pin deNorvegue, pin d'Ecoffe ou de Géneve. maritima, M. Ie grand pin maritime. rigida, d. R. Ie pin de Canada a trois feuilles, cipre ou pin-cipre. Canadenfis, L. Ie pin, ou epinette blanche de Canada. taeda, L. Ie pin de marais a trois feuilles trés - longues franc-encens. * cembra, L. 1'alviez briancjonnois.  203 Quatrterne Setlion. jardins Prunus Padus Lufitanica, L. le petit laurier-cerife de Portugal — — Laurocerafus, L. le laurier-cerife. Quercus Ilex, L. le chêne verd, ou yeufe. — — Virginiana, M. le chêne de Virginie a feuille de faule. —- — fempervirens, M. le chène verd a large feuille. — coccifera, L. le petit chêne verd a feuille trés - piquanfe & qui porte le kermes, graine-d'écarlatte. — — fuber, L. le liege. Rofa fcandens, M. le rofier de Mai. fempervirens, L. le rofier verd. Taxus, L. l'if. Thuja occidentalis, L. 1'arbredevie, ou thuja de Canada, de Siberië &c. : orientalis, L. Ie thuja, ou arbre de vie de Ia Chine. Ulexeuropaeus, legrand genét épineux, jonc-marin, joncepineux &c. Vaccinium vitis idaea, L. 1'airelle a feuilles longues & blanchatres. Viburnum nudum, M. le tinus de Virginie. Vinca major & minor, L. la pervenche commune, grande & petite. De ces arbres & de ces arbriffeaux, on peut compofer des grouppes & des bocages d'hyver admirables, & les diftribuer en mème temps de facon qu'ils offrent des mélanges & des tableaux de verdure trés - jolis. Lesga2ons, quand ils fe confervent verds, peuvent ètre décorés de petits grouppes tant d'arbres que d'arbriffeaux. II eft encore trés-agréable de rencontrer quelquefois en fon chemin une fleur que Ia nature a réfervée pour cette faifon, comme 1'ellébore noire (Helleborus niger, L.), fellébore puante, pied de griffon (Helleborus hyemalis, L), ou en Février les premiers enfants de Flore, qui annoncent Ie printemps. Un  relatifs aux Saifons. ao? Un jardin potager voifin, oü la culture fe continue presque pendant tous les mois, peut fournir une récréation amufantepar I'afpecT; des occupations acf uelles, & par 1'attente de 1'avenir. Une ferre bien conftruite dans Iaquelle on cultive avec foin les plantes exotiques, qui fouvent fleuriffent & embaument l'air dans cette faifon paroit fur-tout convenir au jardin d'hyver. PJacée au milieu de la plantation, elle peut même devenir un objet très-intérelfant pour l'ceil & lorsqu'elle eft ouverte k de certaines heures, caufer un fentiment debcieux & illufoire, femblable a celui que caufent les beaux mois de 1'année. On peut y joindre avec fuccès une volière pour augmenter encore les attraits de l'enfemble. Les portiques couverts & décorés intérieurement de tableaux & de ftatues, tels que ceux des anciens, qui pour I'hyver n'avoient d'ouverture que vers Ie Sud afin de laiiTer entrer les rayons du foleil au midi, méritent d'être imités dans les jardins en queftion, a caufe de la promenade commode qu'ils offrent. Au refte Ie jardin d'hyver peut être placé & ordonné de fagon qu'il demeure agréable pendant les-mois les plus riants, & qu'il faffe une partie convenable de 1'enfemble deftiné aux autres faifons de 1'année. Je crois ne pouvoir mieux terminer cette inftruétion touchant le jardin d'hyver, qu'en rapportant une remarque également délicate & judicieufe écrite au Lord Kayms par un de fes amis. „Nous ne comptons d'ordinaire dans la vie, que fur le bonheur & „rarement, trés - rarement, fur I'adverlité. Nous povtons ce penchant „jufques dans nos jardins; neus ne cultivons que les ornements égayés „de 1'été, & ne prenons goüt qu'aux plantes qui fkurilTent k Ia faveur „de la douce rofée & des rayons agréables du foleil. Nous bannifiöns de „notre idéé le terrible hyver, pendant Iequel nous regrettons doublement Cc» „Ie  ao4 Qiiatrieme Sebïïon. jardins relatifs aux Saifons. „le manque des influences bienfaifantes de eet aftre, parcequ'elles ont fait „place au vent percant du Nord, & a un froid penetrant. Dans lefens „métaphorique & dans le fens littéral, on peut appelier fage le jardinier „qui nous pourvoit d'un toit favorable contre les tempêtes de Décembre, „& qui cultive les plantes fufceptibles d'animer & de décorer cette trifte „faifon. ' Celui qui ne fait pas fe retirer fous le portique des Stoïciens, lors„que Ie jardin d'Epicure a ceffé de fleurir, n'eft pas philofophe: celui qui „veut bannir lés fleurs & les parfums de 1'été pour s'affeoir conftarriment „a 1'ombre des cyprès, l'eft trop.'c APPEN-  APPENDICE. DESCRIPTION DE QUELQUES JARDINS. I. Defcription de Louifenhtnd. U. Defcription d'Auguftenbourg. III. Defcription de Gravenjlein. IV. Defcription de Loitmarck. V. Defcription de Satzau. VI. Defcription de IVandsbeck. VII. Defcription d'Eckhof VIII. Defcription du jardin ducal de Gotha, & de quelques fcenes champêtres aux environs de IVehnar, IX. Defcription de Harbke. X. Defcription des Leafowes. Cc 3  I  207 ï. L o u i f e n l u n d. *) a Iibéralité de Ia nature & I'affiduité du goüt fe font reünies dans ce lieu, pour parer Ie féjour d'été d'un Prince, qui ignorant fes propres mérites, plein d'une fenfibilité exquife pour toutes les vertus dont I'humanitéeftdécorée, faitgoüter, a cóté d'une des plus nobles Princeffes de Ia maifon de Dannemarc, & au milieu des jeux de fa petite & aimable familie, tous les plaifirs de la campagne, & les goüte avec la modération & la tranquillité d'un particulier heureux. On ne voit point ici de vaine pompe» de fuite étourdiiTante. Mais on y voit régner d'autant plus l'amour de la nature, Ia fêrénité que fon afpeét fait naitre dans les regards, & toute 1'affabilité des fentiments qu'infpirent ia liberté, la tendreffe & Ia bonté d'ame. Jufqu'a préfent Louifenlund a tiré plus d'avantages de Ia main de Ia nature, & de 1'attention qui la conduilit a s'embellir elle même, que de I'architeclure. L'édifice habité jufqu'ici par Ia familie du Prince, n'a que 1'apparence modefte d'une maifon de particulier. II repofe dans 1'enfoncement d'une colline; de fa facjade on découvre la Schley qui coule environ a cent pas dela, & Ie payfage qui fe déploie de I'autre cóté de Ia riviere. Cette eau, qui fort de la mer baltique peu loin deKappeln & s'enfonce dans Ie Düché de Schleswig, y parcourt 1'efpace de quelques milles; quoiqu'elle foit effecf ivement un bras de mer, elle forme une large riviere qui ferpente agréablement entre les payfages très-fertiles d'Angeln & de Schwanfen, & étale devant 1'habitation uné furface confidérable. Elle eft animée par des navires & des petites barques, & renferme en abondance toutes fortes de poiffons. Un yacht joliment conftruit fe trouve devant une terralfe, qui *) Maifon de campagne a deux milles neur & Lieutenant général pour S. M. de Schleswig. Elie appartient a S. A. desDuchés de Schleswig & de HoJfïein: S. Monfgr. le Prince Charles Landgrave cette maifon porte le nom de i'epoufe' de Hefi'en - Caffel, FeJd - Maréchal des du Prince. Armées du Roi de Dannemarc, Gouver-  ao8 Appmdice. Defcription qui s'étend en long au bord de la Schley devant 1'habitation, & qui, partagée en quelques plateformes couvertes d arbres, offre des promenades fraiches. On s'embarque ici pour aller a Schleswig. Le voifinage de l'eau, pour Iaquelle le Prince a un penchant particulier, iournit a 1'habitation la fraicheur que refpire i'haleine des vents. Une grande peloufe, bordée des deux cótés de tilleuls, prolonge fa pente douce depuis la maifon. jufqu'a la terraffe au bord de Peau. A droite quelques batiments, deftinés a la demeure des gens de la cour ck aux befoins économiques, fe cachent derrière les arbres. Le payfage au-dela de Ia Schley & en face de Ia maifon, confidéré de ce point, offre peu de traces de fertilité & de gaité. Son afpeél gagneroit fi l'on plantoit fur le rivage des fapins, des bouleaux & d'autres arbres qui fe contentent de 1'indigence d'un fol fablonneux, & qui, raffemblés en grouppes, romproient de leur verdure fes furfaces arides. Mais ce que Ia nature a refufé de ce cóté, elle 1'a compenfé avec une aimable prodigalité par les attraits répandus par-tout ailleurs. Derrière l'édifice fe déploie un terrein confidérable, planté en maniere de jardin avec une riche variété. Et droit devant Ia fin de ce jardin s'éleve une belle montagne, au pied de Iaquelle ferpente l'avenue, qui, bordée de tilleuls, mene a la maifon. La montagne préfente fur fa cime, dans un fite pittoresque entre des forèts qui s'élevent, la métairie avec deux batiments économiques dépendants. Des deux cótés du jardin, tant vers Ie Sud- eft que vers 1'Oueft, s'étendent a Ia file de belles forèts, réunies aux prairies les plus riantes & a dès vues fur Ia Schley; & tout autour de ces bois, qui forment les limites du pare, on a ménagé avec une diverfité attrayante les promenades tortueufes & les chemins propres a 1'équitation, dilfingués des premières avec beaucoup de jugement. Telle elt la vue de I'enfemble. Mais les parties ifolées, tant naturelles quedécorées par 1'art, ont des charmes qui s'attachent l'ceil & invitent Ie cceur aux fentiments les plus doux que puiffe infpirer la nature champêtre. Tantót ce font les fcènes pleines de liberté de Ia campagne, les forèts, les prés, les champs enfemencés, les eaux &c. qui par la beauté de leurs fites &de  de quelques jardinr. 20g & de Ieurs formes, recréent Ie promeneur; tantöt ce font des emplacements oü 1'art étale fes plantations & fes deffeins, qui 1'amufent; celles - ci fe trouvent particuliérement fur les derrières de la maifon. Les regards font ranimés par une fuite de plantations variées. Ic paroit un amas de gazons couronnés de fleurs toujours épanouies; Ia un bocage très-confidérable & trés-riche, compofé d'arbres & d'arbriffeaux rares de I'Amérique feptentrionale & autres, Iesquels profperent dans un lieu peu abrité; tantót ce font des arbres fruitiers, qui la s'appuyent k trois terraffes defcendant vers le Sud-eft, & ailleurs fervent de cadres a des allées étendues en long, & qui occupent le fpeétateur par la diverfité de leurs fruits, & de leurs degrés de maturité; tantót c'eft un grand potager oü le verd changeant des plantes étale un mélange agréable de nuances; tantót un autre petit champ enfemencé environné d'arbres fruitiers; tantót un grouppe de cerifiers bordé de petits troènes; tantót un berceau ombragé par des tilleuls, d'oü fon découvre les perfpeclives les plus riantes; tantót un tapis verd arrondi, revêtu tout alentour de trés-beaux chataigniers, qui éievent leurs tiges vigoureufes, & annoncent d'avance ia riche recolte qu'ils Iivrent chaque automne; tantót une plantation d'arbriffeaux fauvages indigenes, entre-mêlés d'arbres fruitiers; tantót une file de fuperbes faux-acacia ordinaires,*) fous Iesquels un fentier va fe perdre tout-a-coup dans les ténebres raffraichiffantes d'une forêt, k 1'entrée de Iaquelle un fiege bien ombragé & fitué fous un hètre vénérable, invite k goüter une folitude majeftueufe & le calme impofant de la nature. Dans ce canton fi vafte & planté comme un jardin qui s'étend derrière 1'habitation, l'ceil eft en même temps ravi par les plus beaux lointains; ils s'offrent principalement k celui qui s'affeoit dans Ie berceau de tilleuls. En face la vue defcend par deffus les terraffes garnies de plantes variées, vers une prairie extrêmement agréable toute environnée de bois; dans quelques endroits les arbres forêtiers pénetrent dans la prairie d'une maniere trés - pittoresque, & y forment d'agréables ombrages, tandisque le refte fourit aux rayons de lumiere, qui s'y répan- *) Robinia Pfeudo-acacia, L, Tornt IV Dd  2ïo jfypendice. Defcrijjtion répandent fans obftacle. A droite la métairie montre fur fa hauteur 'un afpeéf gai & ruftique. La montagne qui s'enfle devant elle, préfente le verd clair de fes.grains; celui-ci contrafte agréablement avec 1'obfcurité de la forèt fituée derrière, & qui des deux cótés de la métairie domine de fon faite 1'éminence. Dans 1'enfoncement a gauche paroiffent d'abord l'har bitation, enfuite, par échappées, la Schley avec fes rives citérieures qui fe perdent dans les prairies, & peu loin de la deux grouppes d'arbres confidérables, entre Iesquels la vue va errer fur les plaines verdoyantes. Dans Ie •fond du tableau s'élevent des forèts éloignées, & plus vers Peft, Ie payfage & fes champs de grains fe perdent dans les vapeurs azurées & flottantes oü -l'ceil ne peut plus rien diftinguer. A 1'öccident, de vertes forèts fe fuccedent en defcendant depuis le pied de la montagne que furmonte la métairie, jufqu'aux ondes de la Schley. Cette montagne, objet des plus agréables a la vue, préfente auffi un fpedacle ehampêtre & amufant dans le temps de Ia moiffon; & quand celle-ci eft finie, un fpedacle plus in tér effarit encore; les vaches qu'on y mene paitre, errent fur la pente des hauteurs, rempüffent Ia contrée de leurs joyeux mugiflements, & avec tout ce lite •bocager, achevent un tableau qui ne s'offriroit pas envain aux crayons d'un Berchem. La métairie, qui eonfidérée de divers points des promenades, forme uneperfpecfive trés - pittoresque a travers ou au - deffus des arbres, eft cftme architedure fi convenable, fi fimple & fi ruftique, c'eft un Mtiment fi propre & fi agréable, qu'on pourroit y difpofer quelques chambresoü Ie Prince iroit prendre le thé. Les appartements font décorés de bons tableaux & d'eftampes, & fourniftent des perfpeftives étendues trés - riantes.. On découvre droit devant foi, par deffus les flancs couverts de grains de la montagne, les plantations du jardin, fhabitation, h Schley, & au-dela de cette -derniere, de valles champs, rompus par des pieces enfemencées, des bois •& des églifes. A droite s'élevent les forèts dans lesquelles s'étendent les promenades, & par deffus ces forèts paroit, a un mille (d'Allemagne) de diftance, la ville d'Eckernförde avec fon port, dont l'eau brille a 1'horizon lointain auquel les voiles teodues des navhes paroiffent quelquefois comme fulpen-  de quelques jardins. >■ %endues. A gauche mouten, enverdoyant les forèts ocddentaJdu pa.e, on volt de nouveau une partie eonfidérable de Ja Schley & en dell quelques bo.si au bas, furies devants du tableau, & au pleïdel mot fe outl " T' °ffren' ™e fCê"e P'eine i méM- D™ ce pay fage, ou les regards errent parmi tant de fcènes diverfes, & rapporten, 4 I ame les tmages les plus riantes, le cours de la Schley fe cache ueZ2t dans des enfoncentents & uerriere des forèts, on «„ZTte™ n>a,s fon voit palier les voiles flottantes entre les arbres & les ch 1 " femencés; afped des plus romanesques. P' m' De 1'habitation, & des plantations qui profperent derrière celle-ei des allees droites de tilleuls conduifentuans les forèts du pare & Z! .« promenades ruftiques & charmantes qui ferpenten, Ic^D'autes a coortes e ,dleo s, on de peupliers s'ët^nd fur une colline Ie long du rivage de la Schley, dont les ondes roulent dans le fond Une porte mene de Ia falie a cette terralfe, qui préfente une promenade' pleme d'attraits, & ornee des points de vue les plus fuperbes Soit que l'on fe promene, foit que fe repofant dans les appartements de 1 habitation on laiffe errer fes regards dans Ie payfage, la riviere confiderable de la Schley avec fes navires & fes petits bateaux allant & venant offre toujours un tableau plein de vie & d'amufement. On peut en jouir de prés. Devant 1'habitation un efcalier defcend vers un pont orné de pots de fleurs, Iequel conduit a un berceau faillant bati tout-a-fait en bas fur les flots; il eft couvert par en haut, muni de fieges en dedans, & en dehors dun balcon d'oü l'on peut monter dans les gondoles voifines. Rien ne furpaffe 1'agrément de ce féjour. Tantót foreille eft amufée par Ie bruit plus fort des ondes & des rofeaux, & les barques s'éloignent en danfant fur les flóts agites; tantót retardant leur marche, elles gliffent doucement fur la plaine calme & argentée, & paroiffent s'arrêter a deffein au milieu des charmes de ce canton. L'ceil eft occupé de tout cóté par Ia beauté fraiche du payfage environnant, & par les agréments de fes reflets aimables dans l'eau, oü fe peignent encore les legers nuages du ciel avec leurs nuances changeantes. Cependant deux infcriptions, que Ia main de Ia vérité écri- *) Terre nobIe& maifon de campagne Mr. de Dewirz, & appartient aftuellede la Paroiffe de Schwanzen, dans le Du- ment a Madame fa veuve. ché de Schleswig: elle appartenoit a feu  336 Appendice. Defcription vit au plafond du bereeau, rappellent des fouvenirs entiérement affortis 1 1'enfemble du fpecfacle. Du cóté de l'eau: Ici Ponde, avec liberté, Serpente & réfléchit 1'objet, qui 1'environne. De fa franchife elle tient fa beauté; Sori cryftal plait & ne flatte perfonne. Et du cóté du pont, par delfus Iequel on a paffé au milieu des fleurs: Des jours heureux voici 1'image! Les Dieux fur nous verfent-ils leurs faveurs? lis offrent fur notre paffage Quelques afpefts riants, du repos & des fleurs. Tous les objets du payfage, dont la vue amufe le fpeclateur aflls dans ce lieu, fe montrent encore avec plus de liberté & d'attraits a celui qui les confidere du haut de la terraffe. Ses yeux paffant par deffus la Schley, qui fépare le diftriéi citérieur de Schwanzen du payfage d'Angeln, vont parcourrir a 1'oueft Ie bourg voilin & confidérable deKappel, avec fes toits de tuiles qui dominent joliment les arbres d'alentour: un bac paffe a ce bourg 5 il nourrit fes habitants adifs par la navigation 8c la vente des harengs fi connusdeKappel, dont les meilleurs fe pêchent ici en tres-grande quantité. Derrière le bourg s'éleve une haute enceinte de forèts obfcures, qui s'ouvrent par-ci par-la pour faire briller de petites pJaines verdoyantes de grains. Au fud de Kappel, des paturages couverts de vaches qui errent en liberté, defcendent en pentes douces vers Ia riviere; d'autres paturages fertiles, & d'autres champs de bied moins éloignés y touchent, & au milieu du payfage, précifément en face du berceau 8c dela demeure, fe montre dans un fite pittoresque entre des arbres, la métairie de Todmarck; le fond de ce vafte payfage eft rembruni de tout cóté par des forèts, devant lesquelles un champ de bied farrazin, étalant quelquefois fa fleuraifon blanchiffante, offre un contrafte plein d'aménité. En deca de la Schley, vers 1'eft, s'élevent deux forèts admirables. Chacune d'elles préfente un bel enfemble 8c un contour pittoresque. Voifines, 8t cependant féparées, elles permettent a l'ceil d'errer entr'elles dans Ie lointain  de quetques jardint. aj7 lointain vapoureux du payfage. Le fite auffi bien que I'étendue diftingue ces forèts. Devant la plus grande (le bois de Loitmarck), qui tire plus vers 1'eft, s'offre fous ce point de vue, une colline dont Ia pente douce aboutit aux rives de Ia Schley; I'autre (le bois d'Efpenitz) fe penche d'avantage Vers l'eau, au bord de Iaquelle fe montrent encore fur une pointe de terre, deux grouppes d'arbres des plus agréables. Entre ceux-ci 8c la derniere forêt, fe montre dans Péloignement, au-dela d'un coude que fait la Schley, la petite ile d'Arnifs, fituée au milieu de Ia riviere. Ce coude de 1'onde autour de Ia pointe de terre boifée, n'embellit pas peu le tableau. Les navires qui remontent la riviere a Ia voile en venant de Schleswig, gliffent autour des forèts & des grouppes, apparoiffent par les ouvertures, difparoiffent de nouveau, & répétent bien quatre fois ce fpedacle illufoire avant d'arriver devant les fenêtres de Ia maifon. Cette fcène devient plus attrayante encore, quand elle eft éclairée par les rayons du foleil couchant. Tandisqu'il s'abaiffe fur les forèts de 1'oueft, le bourg de Kappel fitué dans un fond devant elles, commence a s'envelopper d'une ombre douce, qui defcend du faite de fes maifons & de fes arbres dans l'eau; le troupeau,quitte lentement'le paturage voifin pour fe rendre fur les rives du lac; ici un grouppe de bétail fe difperfe fur le gazon; un autre s'étend la fur la peloufe; un autre encore puife le raffraichiffement dans 1'onde, 8c voit avec étonnement fon image flotter dans les eaux. Les reflêts des bandes de lumiere couleur de rofe qui défignent Ia route du foleil en occident, ondoyent fur la riviere, fe prolongent fur ce miroir paifible, & continuent long-temps k préfenter leurs tableaux aimables & variés. Un jour plus rouge va frapper les premiers grouppes 8c le front des deux forèts placées dans le canton op* pofé de 1'eft; il pénetre Ieurs ouvertures de fes rayons rompus, égaye les voiles blanches qui s'approchent en - dela des bois, 8c fe joue adouci fur les flots lointains. Cependant les forèts plus écartées continuent a s'enfoncet dans les ténebres, jufqu'a ce que les rayons difperfés qui luifent foiblement encore dans le payfage, ici s'évanouiffent, la s'éteignent plus lentement; & qu'avec Ie calme du crépufcule qui s'approche, un doux fentiment de repos & de jouifiance de foi-mème commence a fe répandre dans l'ame. Gg 3 Al'art-  2 38 Appcndice, Defcription A Pangle ooeidental de Ia longue terraffe eft un pavillon rond bien bati, que l'on a déja vu s'élever avec un charme des plus pittoresques au-deffus des bocages fitués devant lui dans Ia perfpedive qu'on découvroit du berceau au bord de la riviere. Ce pavillon confifte en une belle falie que décorent des eftampes admirables, fur-tout en payfage. La hauteur de fon fite lui fournit des vues libres par - tout. Les cantons charmants des environs femblent profperer a 1'envi pour ravir les yeux; de chaque fenètre on découvre un nouveau fpedacle. Dans ce lieu encore la vue eft attirée principalement par les deux forèts qui font a 1'orient, par la pointe de terre voifine garnie de grouppes d'arbres, par Ie courant de Ia Schley qui fe coude derrière cette pointe, & par les forèts obfcures & éloignées, avec lesquelles 1'éclat argenté des ondes contrafte agréablement. Dès que l'on fort du par villon, l'ceil eft accueilli de tout cóté par les payfages les plus riants, dans Iesquels un certain calme plein de douceur fe réunit au caradere agrefte qui leur eft propre. ; Prés de ce pavillon, quelques fentiers tortueux ferpentent entre des bocages touffus compofés de divers arbriffeaux indigenes, & defcendant Ie long d'une pente, vont fe perdre vers le bac. On voit en bas, les maifons de Kappel fituées a découvert fur les rives oppofées de biais; prés de ces maifons eft un affemblage de navires & de barques qui s'y tiennent ordinairement. Dans ces fentiers la perfpedive eft quelquefois abfolument voir lée, quelquefois dirigée avec choix fur les plus beaux points de vue. On découvre tantót Ia Schley, tantót Kappel, tantót une forêt, tantót quelques autres parties du payfage. Mais ces tableaux font variés par la diredion des afpeds. Pour en faire jouir d'autant mieux, on a choifi avec goüt les places oü font des répofoirs. Parmi ceux - ci fe trouve entr'autres une petite maifon d'écorce d'arbres. Une autre fabrique couverte de chaume, & éloignée de Ia première, git encore dans ces mêmes bocages. Le bas de cette fabrique renferme une chambre ronde, tapiffée d'écorce, & munie de bancs tout alentour. Au plafond fe voit cette infcription: Alterna R e q u i el On  Se quelques jardins, 039 On jouit ici de Pafpect de Ia Schley & de la partie du bourg oü elt PégÜfe, afpeét que l'on voit fe peJndre d'une maniere plus douce dans Je miroir, lorsque l'on entre dans cette ehambre. Une allée fituéé plus haut mene au cabinet fupérieur, qui fait en quelque forte le fecond étage de la fabrique. L'infcription tirée d'Horace: Lïnquenda tellus et domus et placens Uxor, neque harum, quas colis, arborum Te praeter irivilas cupreflbs : ■ Ulla brevem dominum fequetur. efl entiérement affbrtiffante a un féjour confacré aux réflexions graves qu infpire la folitude. Le fouvenir du propriétaire précédant revient remplir Ie cceur de vénération & d'attendriffement. Souvent, affis dans ce Jieu, il méditoit fur la valeur d'une vie dont il jouiffoit en fage, & dont il étoit 6 digne de jouir plus long - temps. II a quitté fnaintenant ce féjour champétre, cette maifon, cette époufe affable & complaifante, *) une de ces ames nobles&tendres, qui s'abandonnent avec tant de plaifir aux doux fentiments du bon & du beau, & ne connoilfent point de maniere plus dé-' lieieufé de goüter leur exiftence. Souvent encore fes hrmes coulent dans ces bocages folitaires; mais fes regards fe portent enfuite avec I'expreflion d'un defir paifible, vers les plaines plus belles de 1'éternité, qu'habite maintenant fon époux chéri, tandisqu'ici bas ltomme integre elt encore enfiammé par 1'image de fes vertus. A 1'extrèmité .oriëntale de la terraffe, oü finit l'allée de tilleuls, un chemin en ligne droite, bordé d'ypréaux, mene a travers champs au plus petit des deux bois. Dans Ja fuite on le réunira a la terraffe, par un bocage de beaux arbres & arbriffeaux de 1'Amérique feptentrionale & autres, qui ferpentera le long des bords de Ia Schley. Ce deffein offrira une des promenades les plus agréables, & un monument du goüt d'un connoiffeur,**) qui, familier avec les deux aimables fiil'es de la nature, la peinture & Ia mufique, *) Mad ame de Dewltz nee de Rumohri **) Monfieiw le ChamBellan de Warnffedt, qui d'emeure ordinalrement avec foc ep-ssife ehez Madame de Dewitz.  240 Appendice. Defcription mufique, fent toutes les beautés du payfage & en jouit de nouveau dans les imitations de l'art. La nature a déja préparé en partie les attraits de ce tableau: car le fol s'abaiffe & fe relcve en ondoyant doucement, ckle rivage fait un coude, que les fentiers feront obligés de fuivre. Ces deux circonftances font fur-tout importantes pour la variété des points de vue, dont la multiplicité, ainfi que 1'embelliffement, dépend ici de l'art des plantations. D'après fon caraétere, qu'il ne découvre qu'actuellement, le bois dans Iequel nous entrons, appartient plutót a la claffe des bofquets. II confifte en hêtres tres - beaux, trés - droits & trés - élevés, d'un age mür. Les tiges qui s'élancent en liberté & ont peu de branchage inférieur, mais des cimes admirables, ne fe (ferrent pas enfemble, & leurs entre-deux aérés font presqu'entiérement debaraffés de fous - arbriffeaux. Tout eft plein de vie & de gaité dans ce vafte bofquet. Les chants des oifeaux qui rétentiffent du fommet des arbres, Ia beauté du courant de Ia Schley qui ferpente & des payfages fertiles des environs, qui brillent de tout cóté, les vues variées & donnant tantót fur 1'obfcurité d'une forèt, tantót fur la voute azurée des cieux qui fourit entre les rameaux élevés, I'afpeét de Kappel, qui égaie par I'idée agréable qu'il réveille, les jeux flottants & incertains des coups de jour, quelquefois le bruit inattendu des voiles qui paffent & dans quelques endroits fe cachent derrière les arbres oü l'ceil ne les découvre pas plus qu'il ne découvre Peau, tout fe réunit pour animer ce bofquet charmant. II eft décoré par un édifice des plus agréables, qui renferme une chambre, deux petits cabinets, dont Pun fert de dortoir, une chambre pour Ie domeftique, & une cuifine dérobée. Ce batiment eft folitaire & cependant riant. Entre les tiges détachées, dont les cimes répandent de riches ombrages, l'ceil va errer par deffus Ia Schley fur les plaines & les forèts éloignées. La chambre &Ies cabinets ne pouvoient être mieux ornés que par de beaux payfages en tableaux & en gravures, qui faits par les plus grands maitres, font fi bien choifis pour la deftination de ce féjour. On voit ici une partie des deux cents payfages de Claude Lorrain en Mezzo Tinto, que Boydell publia en Angleterre, il y a quelques années. Que la nature paroit douce & belle  de quelques jar dim. ■■ 34i & belle & toujours variée dans ces copies tracées par fon favori, k qui elle découvroit fes attraits fans referve! Peu loin de eet édifice on arrivé k un repofoir couvert & a coupole, en forme de temple. II eft au milieu du bofquet & dans un cercleformé par cinq grands arbres, qui, débaraffés de rameaux par Ie bas, ont des têtes fuperbes, & Ie couvrent d'un abri majeftueux. A Ia coupole on Iit cette infeription : Mens bona, fi qua Dea es, tna me in facraria dono. On avoit projeté de vouer ici un temple k Ia raifon. L'idée n'eft pas fauffe en elle-même; car notre efprit ne goüte les beautés de Ia création, que lorsque Ia raifon nous fert de guide. Mais Ia fabrique en queftion n'eft pas affez grande en égard k fon emplacement, c'eft - a- dire: en égard k la hauteur & k la groffeur des arbres qui 1'environnent. Si Ia raifon devoit jamais rencontrer dans un pare un temple qui lui fut confacré (& je ne fache pas qu'elle en ait rencontré encore), il faudroit en deffiner corredement Ie caradere d'architedure, .On le conftruiroit en.marbre,, ou en pierre; Ia folidité ou Ia force fe montreroient dans fa conftrudion; Ie dehors feroit d'un afped tout uni, modefte & un peu antique; point de pompe, bien moins encore des décorations exceflives; rien qu'une exaditude parfaite dans toutes les proportions, & un air de tranquille majefté dans la diftribution de toutes fes parties; point d'autre ordre que le dorique plein de fimplicité. Les fentiers du bofquet dont nous parlions, ferpentent de tout cóté & menent k des fieges difperfés. On n'a point ménagé ici de larges ouvertures a Ia vue. Baris un bofquet ou un bois de ce caradere, les afpeds k travers les rameaux font beaucoup plus agréables, parcequ'ils n'offrent que par parties, & fous des points de vues toujours variés & pittoresques, les objets extérieurs qui attirent l'ceil. Et ces points de vue changent avec les faifons, vu que le feuillage, par fapouffe, fon accroiffernent, faflétriffure, & fa chüte, & fur-tout par Ia fêrénité lumineufe de fa verdure au printemps, & par fes teintes mêlées en automne, fournit 1'avant-fcêne des tableaux champêtres, de nuances toujours nouvelles. Tome IV. Hk Dans  34 a- Appendke. Defcription Darts les forèts au nord de Loitmarck, fe déploient pendant des heures entieres, de vaftes promenades garnies de repofoirs. Par-tout elles font clofes & bien ombragées. On rencontre, dans un endroit, une maifon bocagere ifolée & accompagnée d'une ouverture en perfpeétive qui donne fur le payfage pittoresquement varié 8c fur la tour de Kappel. Un autre canton decesboisranime l'ceil de ceux qui les parcourrent, par 1'afped d'une prairie, ailleurs c'eft un petit parterre de fleurs entouré de fieges, fcêne modefte de plaifir au milieu des bocages folitaires. Au refte le caradere de 1'enfemble eft compofé d'ombrages qui forment autant de voiles 8c d'un mélange de gravité 8c de folitude. Les bocages fe ferrent les uns aux autres, 8c deviennent d'épais labyrinthes incultes, du fein desquels s'élangent des chênes 8c des hêtres antiques avec leurs branches déployées au loin, dont les ombres épaiffes renforcent encore 1'obfcurité majeftueufe de la fcêne. Ici demeurent le repos de tous les fens, Ia méditation férieufe la jouiflance répétée des jours écoulés, 8c le preflentiment des deftinées futures. V. Sat-  de quelques jardins. 24? v. S a l z a u. *) T^errierel'habitadons'étaleun grand & beau gazon, bien entrefenu & Y orné de vafes blancs fur des piédeftaux, & de divers grouppes de fleurs, qui s'abaiffent infenfiblement vers une eau courante: cette eau environné en ferpentant la péloufe, &fon rivage elf couronne de troênes endeqa, & en-dela d'aunes élevés; quelques fentiers parcourrent eet emplacement. D'ici l'on découvre en ligne droite deux ponts peints en blanc d'une conftruélion légere &gracieufe; paffé ces ponts, l'ceil erre k travers une quadruple rangée de tilleuls auxquels ils menent, & va fe repofer fur un grand maffif d'arbres k haute fütaie; quoique difperfés dans le fond du payfage & hors des limites du pare, les arbres fe raffemblent, fous ce point de röft en un beau grouppe qui paroit devant un champ de grain doucement enfle en colline. Les deux allées de tilleuls qui commencent auprès des ponts, cotoyent un canal placé au milieu, & font entre-mélées de buiffons de rofes. Le canal aboutit k un baffin rond, derrière Iequel s'offrent de cote des plantations de tilleuls fur un fol verdoyant, & plus loin, entre ces plantations, des élevations de peloufe garnies de ftatues faites en Italië Entre ces ftatues & des enclos voifins remplis d'arbres fruitiers choifis on jouit de 1'afpecl riant de plufieurs prairies. Le pare eft k droite de i'habitation. On s'y rend k Ia voile dans des chaloupes fur un grand canal plein d'eau courante, qui fe prolonge jufoues pres de la maifon, ou l'on y va depuis Ia piece de gazon décrite, en paffant un pont. Ce chemin conduit par une nouvelle allée de tilleuls qui paffe entre de grandes prairies étendues au loin, fur - tout vers la droite A mu che on voit le canal former deux iles, I'une plus grande ayant des prome- nades *) Pare de la terre feigneuriale de mê- Mr. de Blome, confeiller privé & d,™ me nom dans le Holftein, a trois milles bellan de S. M. Danoife, & Chevalier de' Cd Allemagne) de Kiel, appartenaut k 1'ordre de Dannebrog.  344 Jppendice. Defcription nades plantées d'aunes & un petit étang au milieu, I'autre plus petite avec des peupliers d'Italie & un fiege que couvre un parafol. On traverfe un pont de bon goüt pour entrer dans les promenades du pare: ce pont mene de nouveau au-dela du canal. L'eau, tirée du lac Voilin de Seelent, efl fraiche, courante, poiffonneufe, 8c en grande partie bordée d'aunes: d'une Iargeur inégale, elle fe partage en divers bras 8c forme plufieurs coudes, baigne tout le pare, fait tourner plus loin les moulins de Ia terre, 8c va fe décbarger a deux milles (d'AIlemagne) d'ici dans la Baltique. Lorsqu'après avoir paffé le pont, on elt entré dans le pare, un fentier invite a fe rendre du cóté gauche entre les bocages, vers un fiege femicirculaire bién conftriiit. II eft couvert par le haut, 8c a par devant deux pilafires. La cloifon poftérieure eft d'un leger treillis, k travers Iequel brille le verd aimable d'un épais bocage de jeunes bouleaux 8c de charmes ferré contre ce repofoir. Par devant s'épanouit une petite peloufe décorée de fleurs; 8c tout auprès s'étend en long, bordé d'aunes élevés, le bras du canal, de 1'extrèmité oppofée duquel on fe rend par eau dans les promenades du pare. Sur ce fiege agréable on apperqoit cette infeription: Si la vie eft un fonge, quel bonheur de réver ici! Enfuite un fentier ferpente entre des arbuftes indigenes cultivés 8c mene au - dela d'un pont a Liberty. C'eft un joli batiment de briques avec un toit de chaume. On entre dans un falie enduite d'un crépi verd d'eau 8c blanc, 8c l'on voit devant foi dans un miroir pendu k la cheminée, 1'image réfléchie du canton oppofé. De chaque cóté de Ia falie font deux cabinets, dont 1'un eft difpofé en bain; 8c dans le derrière de Ia maifon, un petit menage champètre offre un nouveau tableau de la félicité peu connue dont on jouit aux champs. A 1'entrée du batiment verdit une plantation de divers arbres 8c de divers arbriffeaux exotiques. Un large chemin qui la perce, préfente des perfpeétives trés - ruftiques; elles s'étendent fur des prairies, 8c vont fe perdre dans le lointain au milieu des bocages 8c des bois. Dans les prairies un troupeau de vaches erre k 1'abandon, on fe raffemble dans le voifinage pour former un joli tableau pendant la foirée. Le fite de Liberty eft entiérement entouré par I'eau finueufe d'un canal qui ne permet  dequetques jardint. 34j met point au bétail de pênétrer dans ce lieu. Tout eft doux & champètre aux environs; & les différents arbres fruitiers, qui profperen t plantés au-' tour de cette heureufe demeure de la liberté, affortiffent trés-bien a ce caradere. A droite de Liberty, on paffe un pont environné de faules de Babylone, & l'on trouve a gauche un morceau de prairie agréable que traverfe un chemin bordé de divers arbres ifolés; ce chemin conduit de nouveau a un pont champètre, & de la aux plantations orientales du pare. Ici l'on erre dans des allées très-clofes & très-touffues, & prenant a gauche, on parvient au jeu de quilles, pavillon ouvert fitué dans un emplacement bocager que décorent quelques grands hétres & diverfes plantations. L'ceil découvre au loin entre les buiffons, la métairie de Sophienberg appartenant a Salzau; un autre perfpedive, qui paroit a travers une épaiffe refuite placée fur les devan#du tableau, attire cependant d'avantage la vue fur des prés riants, au fond desquels paroit le village de Pratjau. D'étroits & touffus fentiers errent vers I'hermitage. Cette fabrique eft d'une architedure convenable, & femble effedivement le domicile d'un anachorete. L'infcription tirée d'Horace: me fylva cavusque Tutus ab infidüs tenui foiabitur ervo. annonce le bonheur que la folitude & la modération ont fait trouver a 1'hermite dans ce coin affuré des bois. Sa demeure modefte a des murs revètus de gris, un toit de chaume, & au - deffus une croix. En dedans elle eft tapiffée d'écorce de chênes, lelit, les chaifes & la tablefont de la mème etoffe agrefte; les fenêtres qu'on croiroit empruntées a quelque vieille cathédrale gothique, & qui font entiérement convenables a cette fabrique, laiffent pénétrer un foible demi - jour.. Une.cloche pour appeller a la prie' re, prend devant 1'entrée. Derrière I'hermitage on jouit de 1'afped doux & paifible de quelques prairies bornées par des bocages, & de quelques plantations de fapins. Un chemin mene, en ferpentant entre les buiffons de la forèt, a une peloufe plantée de quelques aunes, a cóté desquels fleuriffent < Hh 3 quelques  346 Appendice. Defcription quelques joSis arbriffeaux. Cette place efl ornée d'un vafe pofé ft» un piedeftal. De ce lieu un fentier conduit a une fcene nouvellement exécutée. Un grand & beau gazon eft presque entiérement couronné de buiffonsi au cehtre s'éleve un grouppe admirable de peupliers d'Italie, k 1'ombre desquels on placera un monument confacré k 1'amitié: un fentier tortueux, bordé de forbiers ifolés, s'étend en-deca du gazon, & mene k I'emplacement du temple de 1'amitié. Lorsqu'on s'affeoit dans ce lieu, l'on voit naitre fubitement devant foi, une vafte & fuperbe perfpedive. Elle paffe par deffus de grandes prairies & aboutit au mont de Hohenhorft, que tapiiTe une forêt de hêtres, & qui eft diftant d'environ trois mille pieds. Devant cette forêt, s'élance une tour chinoife, qui diftingue encore d'avantage cette vue. L'emplacement de cette tour eft enclos, k caufe des troupeaux qui paiffent fur les pentes de la hauteur; les environs même de la tour font embellis par des plantations de mélefes, de pins & de fapins, & le bas dela montagne par des rofiers & d'autres arbuftes a fleurs. On quitte ce fiege placé dans le temple de 1'amitié, pour fe rendre h un amas d'arbres Sc d'arbuftes d'Amérique & d'autres arbres étrangers, qui profperent au mieux ici k 1'abri de la forêt, & par la culture foigneufe du connoiffeur a qui ils appartiennent. Des fentiers ferpentent dans cette plantation. Elle renferme encore un petit vignoble Sc un berceau de hêtres, ombragé par des tilleuls & encadré d'arbriffeaux k fleurs; k gauche une perfpedive traverfant un bocage élevé, fe termine k un village qui appartienta Salzau; & par devant, la vue pénetre entre les efpaces des arbres forêtiers, Sc paffant par deffus le lac de Seelent, va donner fur les forèts fituées en - dela, & fe repofe fur une montagne prés d'un moulin k vent dans la terre de Lammershagen diftante d'un mille (d'Allemagne); ce qui fait un afped des plus beaux. Au bord fupérieur un chemin tournoie dans un bois & aboutit k une autre plantation d'arbres exotiques. Un banc d'écorce invite k jouir de cette fcène fous des hêtres entourés de houx. On éprouve ici toute I'impreflion enchanterefle que font Ia beauté du feuillage Si des fleurs de ces arbres,  de quelques jardins. a47 arbres, les douces odeurs qu'ils exhalent, les chants & les badinages des oifeaux qui voltigent dans cette plantation ferrée, plans de 1'étonnement que leur caufe un fpedacle auffi nouveau. On abandonne ce lieu charmant, non fans defir d'en prolonger encor Ia jouiffance, & fon entre dans un grand & large chemin qui paffe au milieu des deux plantations principales de 1'eft & de 1'oueft, & fe dépioie depuis le pont a 1'entrée du pare, jufques a une trés-grande diftance, en offfant Ja vue du lac des prairies, des villages, des maifons ifolées, qui fe perdent^après un jeu varié de nuances, au fein d'une légere vapeur» On découvre entiérement les deux villes de Hambourg 8c d'AStona avec Jeurs tours, 8c 1'orgueilleux étalage de leurs édiflces, 8c en-dela l'ceil va fe repofer dans 1'aznr vappreux du payfage lointain. Après s etre' raffafié dans cette immenfe étendue, de 1'afpeét de mille fcènes de fet tilité 8c d'a-  356 Appendice. Defcription & d'abondance, on revient au temple pour Ie confidérer de plus prés. Cette fabrique majeftueufe eft dediée au foleil. On découvre de ce lieu Ie lever & le coucher de eet aftre, & l'on jouit des fpeétacles fublimes & raviffants que Ia création offre Ie matin & Ie foir. Le temple ne pouvoit donc ètre confacré plus convenablement a aucun autre objet de Ia nature vifible. La vue réunit ici Ia grandeur a la fertilité & a la vie j & ces images affortiffent fi bien a I'idée de l'ame vivifiante de toute la nature, que 1'effet & la caufe ne fe tiennent pas de plus prés. La forme ronde du temple a un rapport éloigné a la figure vifible du foleil, & fa coupole repofe en liberté fur de fuperbes colonnes d'ordre corinthien. Intérieurement eft une falie élevée, riante & richement décorée. Les murs font ornés'de fruits & de fleurs, fymboles de fertilité & de joie. Au plafond on apperqoit un grand disque blanc, des bords duquel jailliffent des rayons dorés; & dans le disque mème fe voit cette infeription en Iettres d'or : O pompe! o majefté! Jamais nos. foibles yeux Pourroient-ils foutenir 1'éclat qui t'environne, Etre qui créas tout, qui fais trembler les cleuxi Tu fais triller ta gloire au travers de ton tröne- En lifant cette infeription 1'efprit s'éleve aux réflexions les plus fublimes, auxquelles le caradere des lointains & du temple 1'avoient préparé; il s'élance au - deffus de ces payfages, au-deffus mème du foleil, verslecréateur d'autres foleils & d'autres mondes, vol le plus noble que puiffe tenter lefprit humain. Par deffus 1'entrée du temple, tournée vers Ie midi, fe voit dans Fentablement un petit globe célefte, fur Iequel deux génies appuient le bras de chaque cóté. Le génie du matin, qui eft k droite, tient en l'air de I'autre main un flambeau allumé, & Ie génie du foir, qui eft k gauche, tient fon flambeau renvérfé. Ce fymbole annonce dès 1'entrée, ia deftination du temple. Toute la fabrique eft enduite de blanc, & produit fur la colline entre les plantations, un effet admirable qui flatte l'ceil de loin, quand on arrivé du cóté de Hambourg, dans la nouvelle grande allée, Iaquelle, faifant le Jour de Wandsbeck, mene a Juthorn. Lorsque  de quelques jardins. gucpeloufe, qui, bordée de °, . ' ou cotoyant une lon- chercher diL'prolnadL * " '°"g de h ï™*» <^ Veut-on parcourrir la forêt d'aunes ? on eft Ai par un afped plein dWnité. On golte h frlh "** droite les ombres des aunes voifins & fn i^** *ue rePa^ent k aimable des champs & de h ,1, «k"1"*, on jouit de la vue couvert s'élever au milieu du boca» P" V0"le reP°foir liberté. Ces objets défi goent fa S T grandeS tCnfes soffi* «« invitent a s'y rendrT C0M'™«™ pare dans ces cantons, & bautfe^ grande parde auffi dj„« & 0^1 l "'0Hieme f°rêt' en main au pare. Cet.e a>£ ^ZlZ^Tl' T* *" "* " on a vers la gauche la vue libre d u~lfe l " ^ les deux forèts d'aunes & au bm* „„ ■ env'ronnée d= «5tó par Au chemin mème t^Z^ZZZl^ * «, fe coude au bord de ^To^^l^&f «? 1'eau courante de fource: enfin,,. „„ „, ? L, ', & eft entourée Par & foin fauché, & des fpe«ac,es am'ufants dVlTmo O u^ ? * venu a la troifieme forèt, on peut errer ( ^ ? °n * l'ar- promener le long de fon bo^^f^^ " * Kk ,. partie  3 58 Appendice. Defcription partie de la première forèt peu éloignée de 1'entrée fupérieure du pare. Cette partie de forêt eft un diftricf. ravilfant. Quelques grands hêtres, & quelques chênes agés, fous Iesquels font plantés de jeunes chênes & des ypreauux, élevent leurs cimes touffues; entre les troncs refpeétables verdoient de frais gazons, & les coups de jour, tantót fe gliffant a travers la voute de feuillage, tantót tombant en liberté par de grandes ouvertures, préfentent a l'ceil un aimable tableau, au milieu des endroits ou regne un crépufcule perpétuel. On apperqoit en même temps vers le bord fupé- * rieur du pare par échappées agréables, de petits jardins & des maifons de campagne adjacentes. On tourne de ce diftriél dans un long chemin en ligne droite, garni de jeunes chênes: il mene a la troifieme forêt qu'on voit ici embralfer circulairement un cóté du champ & de Ia prairie, tandisque de I'autre paroit en haut la feconde forèt. Le chemin même offre a gauche un bocage de jeunes chênes, & a droite le champ de grain attenant. Au - dela de celui - ci les regards font attirés par Ie fake du repofoir cou- • vert, & par les tentes qui fe préfentent dans la forêt vers Iaquelle on fe rend. Devant foi 1'bn voit a 1'extrêmité du chemin, une fabrique dont la blaricheur perce au fein des buiffons, & invite d'une faqon amicale le promeneur. Cet édifice ouvert, avec des colonnes ifolées de bois,. d'une conftruétion légere & agréable, préfente un fiege qui fait plaifir. Tandis qu'on veut s'affeoir, une infeription pfacée fur une table pendue au-deffus du banc, releve encore le fentiment des avantages de la vie champètre» C'eft ici, mon ami, qu'exfpire le fracas Du vain tumulte de la ville. Oü que ton ceil fe porte, oü que tournent tes pasy Le ciel eft plus fereiii, la route eft plus facile. Qu'il eft doux cet air pur, dont le foufïïe flatteur Carefie ton vifage & répand la fraicheur! 11 n'entrame avec lui, ni rumeursinfenfées, Ni les noires vapeurs fur la ville entaffées. De ce repofoir on prend de cóté dans les promenades de Ia troifieme forêt. Beaucoup plus grande que les deux autres, elles renferme un vafte circuit. Elle eft alternativement compofée de buiffons & d'arbres, & a quantité  de quelques jardins. ' raffemblée en ruiffeaux couverts de ponts neints en H, qu.contraftenr jolimentavec la verdure. Un grand' ZZlZ^2. foret presque par le milieu. Les promenades fe déploient en fi„2* . vent ici des ombrages & de l'eau. Le monde eft beau; nos prés font raviffants, Nos bois fur-tout que chérit la nature: 'Le roffignoi ies rernplit de fes chants, Et les plaifirs habitent leur verdure. On croit entendre cette louange du poè'te *) réfonner dans tous les bocages; ceux qui fe promenent ifolés, la fentent, & les compagnies fe Ia répetent tout haut. On voit ici, du matin au foir, quantité de perfonnes de tout état fe difperfer dans les vaftes promenades, pour oublier au milieu des chanfons joyeufes des muficiens ailés, les foucis des affaires, & même les chagrins de Ia vie. La générofité du propriétaire, paffant par deffus bien des incommodités, accorde a tout le monde 1'entrée libre de ce pare, qui eft plutót un lieu de plaifance public pour les habitants de Hambourg, qu'une retraite deftinée aux plaifirs particuliers du maitre. En projetant 1'ordonnance de ce féjour, on avoit déja penfé h cette deftination, qui, dans *) Mr. Claudius dans le poëme alle- empruntés les vers imités un peu plus mand intitulé: Wandsbeck, d'ou font haut. Note du T^aduïïeur,  de quitques jardins: % 263 dans !e voiiïnage de villes peuplées, eft un bienfait public. Par-tout fe découvre le foin de pourvoir a Ia commodité, ce font quantité de bancs deftinés au repos de ceux qui font fatigués, des petites peloufes environnées de fieges pour des entretiens fecrets ou pour des réflexions folitaires. Tout annonce qu'on permet 1'ufage public de ces lieux. Wandsbeck mérite non feulement les vilites nombreufes des citoyens de Hambourg, mais aufti leur reconnoiffance, toutes les fois que voyant s'ouvrir pour eux ces fcenes de délices que n'offre point Ia ville, ils éprouvent la volupté de reIpirer ici gaiment 8c en Jiberté fans un autre ciel.. VIL Eckhoff.*) T e caraclere doux 8c champètre d'Eckhoff s'annonce dès les derrières de la maifon. Ses fenêtres s'ouvrent a la lumiere douce du couchant, dont 1'éclat couleur de rofe releve Ia beauté d'une pente agréablement ornée qui attire d'abord les regards. La furface fupérieure de ce lieu, jadis une montagne informe offusquant Ia vue, eft decorée pres de Ia demeure, dë gazons, de grouppes de fleurs, 8c de divers arbriffeaux fleuris 8c odorants; des fentiers ferpentent par - tout dans ce riant diftriét; 8c fur Ia pente vers roueft, un jeune vignoble fait efpérer a Pamateur des railins d'en trouvêr un jour ici, pendant la chaleur retardée d'une belle après» dinée d'automne. De hauts chênes grouppés protegent des deux cótés cet emplacement, 8c par devant s'offre en toute liberté une vue admirable. Au pied' de Ia hauteur verdoie une bande étroite de la prairie vafte 8c pittoresque qui, avec les promenades d'Eckhoff, fait une des principales beautés naturelles du lieu; au-dela de cette bande s'éleve un terrein femé d éminencesj un enclos le fepare d'un autre terrein qui s'éleve encore d'avantage a droite, mais *) Pare de la terre noble de même au Comte de Hblk, Confeiller intime de nom au bord de la Baltique, a deux mil- Conférence de S. M. Danoife, & Chevales (d'Memrfgne) de Kiel, appartenant lier de Pordre de Dannebrog.  264 jJppendice. Defcription mais qui permet cependant de voir Ia pointe de la tour du village de Danifchhagen, Iaquelle, fituée direclement devant le fpeétateur dans Ie payfage oppofé, s'élance du fein d'un canton garni d'arbres. La clarté de Ia. prairie qui elt fur le devant, les paturages montueux, le champ de bied, le diftriét femé de forèts du village, compofent un tableau oü regne toute I'harmonie d'un rembrunilTement progreflif de couleur. Les deux grouppes de chênes qui bordent Remplacement derrière Ia maifon, font de caracleres différents. Celui de Ia droite eft ferré, & ne permet aucun paffage a la vue; un fiege fond placé fous fon ombre, donne fur le parterre de fleurs, 8c préfente au-dela un afpeét agréable, fur-tout vers un petit bois fitué a I'autre bord de Ia prairie. Le grouppe de la gauche permet aux regards d'errer a travers les arbres fur la prairie & fur le payfage fleuriffant, dans Iequel fe trouvent plufieurs parties de forèts: un chemin, paffant a cóté de quelques bancs, conduit d'ici au pied d'un petit vignoble par un bocage de rofes, de feringats, de jaüriins, de chevrefeuilles, & d'autres arbriffeaux. On apperqoit entre les arbres, tantót Ia tour de I'eglife, tantót a droite, un moulin a vent dsns , un fite dégagé fur une colline, tantót dans I'enfoncement, la prairie. De cette place derrière la maifon s'étendent plufieurs fentiers vers les plantations feptentrionales. On parvient d'abord a une petite & jolie fcêne oü 1'aimable enfance a coutume de fe jouer parmi les fleurs; un fite clos 8c folitaire, un berceau, & quelques lits de fleurs, plantés avec liberté 8c fans art, font ici 1'appanage 8c en mème temps la fatisfaétion de cette jeuneffe. Le chemin tournoie a droite fur la pente d'une colline couverte de buiffons 8c de grands arbres, divers fentiers ferpentent en haut autour de quelques fieges ombragés. En parcourant le chemin, on a conftamment a gauche la grande prairie, dont la nature a fait la plus belle peloufe imagi- . nable, qui defcendant du cóté plus élevé du nord entre deux petits bois étroits, fe prolonge en finuofités variées, enfuite, plus dégagée, fe flécbit vers 1'oueft, 8c enfin fe tourne a 1'orient, oü elle eft bornée par le rivage. de la mer; c'eft une furface verte admirable, vafte 8c cependant diverfifiée en fes contours 8c fes limites, 8c quelquefois animée en automne par un troupeau  de quelques jardins. 2Ö troupeau de vaches errant en liberté. Cette prairie égaie toujours \J tandisque 'on parcourt les promenades du nord. Lorsque l'on commen' eeamarcher acotedecetapisverd, la vue donne furies champ,, &peu de temps apres fur la forèt qui borde Ia prairie. Une chauffée avec un pont au milieu Ia traverfe, & réunit les promenades qui fe déployent de deux cotes. Bientót s'offre dans Ia plaine verdoyante & prés du chemin un fiege en para ol; il eil entouré d'un foffé plein d'eau limpide & courant te, fur Iaquelle eft un pont; on entend d'ici une petite cafcade qui murmure meme en byver, & l'on voit a cóté, les carpes fe jouer dans les ondes Duché de Magdebourg font non feulement précieux au connoiffeur a caufe de Ia diverfité & de Ia nchelïe des raretés qu'on y trouve dans leregne végétal} ils plaifent encore a 1'ami de Ia nature riante & fleurie, par leur fite & par leurs attraits. Ce fite permet auffi d'attendre continuellement de nouvelles améliorations, & il les favorife au point qu'il fuffit d'un génie créateur pour réhauffer les' charmes qui déja fe rencontrent ici. A 1'entrée du jardin, en paffant un pont attenant a la maifon, dont les chambres font arrangées avec goüt par le propriétaire acljuel, l'ceil trouve une riche moiffon. Qn *)Maifondecampagnetrès.connueprès Medecin de la Cour de Brunswick, un de deHelmftüdt, aux frontieres duDuché de nos plus fameux Botaniciens, qui penMagdebourg, actuellement l Monfieur de dant plufieurs années a en ces plantations Veltheun, Capitaine des mines. Le public fous fon infpeaion, & a publié a cet égard doit cette defcription a Monfieur du Roi, un ouvrage excellent & claffique. Tome IV. n  a ga Appendice. Defcription On eft d'abord Invité par une vafte place déeouverte, que termine au bout un cadre arrondi de broufiailles. Ce cadre, fimple dans fon invention, & dont 1'entrée fera décorée d'une urne au milieu de deuxSphinx, auxquels on travaille déja, orne d'autant plus 1'enfemble, que derrière fes buiffons les plus élevés on voit les fommets encore plus hauts d'antiques & nobles mélefes, & un pavillon bati en briques fur une colline. La planche jointe a cette defcription rendra cet afpeél attrayant plus facile a faifir; elle montre en mème temps que la belle nature confifte, h proprement parler, dans la nature mème perfedionnée d'une maniere fimple. Plus les jardins s'écartent de ce principe, plus ils fatiguent promptement & perdent leur attrait: voila pourquoi tous les jardins a parterres, a théatres, a décorations compaffées, ne plaifent plus aujourd'hui, &n'ont jamais pu plaire k ungoüt naturellement bon. A droite  de quelques jardins. . 235. A droite du jardin defcend un canal plein d'eau, qui fert iel de borne &fait tourner avec bruit un moulin; derrière le jardin eft un grand mur. qui fournit 1'abri néceffaire aux plantes rares & un peu déiicates pour ie ciimat de la Bafïe - Saxe qu'on a placées dans ce lieu. Je ne nommerai en fa-, veur de 1'amateur que Ia bülnerie odorante quand elle épanouit fes belles fleurs, leChinkgo de laChine, 1'aune a feuilles découpées, le chêne deRaynal, les chênes de Maryland, Aegilops & deLucombe, le pommier de Siberië, 1'épine-vinette d'Amérique, I'arbre a papier, le pin de la Chine, 1'érable a feuilles élégamment découpées, la véronique en arbrifleau des iles Falkland toutes raretés peu connues en partie, & en partie non décrites encore. S'avance - t-on a gauche, on fe voit bientót arrêté au rivage plat d'un étang parun beau bocage de platanes&de tulipiers; de cóté 1'étang eft bordé par une ferre décoréeeommeune chapelle gothique; devant foi un beau pont jeté fur le canal, conduit a une vafte plaine que garniflent des maflifs ifolés d'arbres rares; cette plaine fe termine en colline plantée des mêmes arbres. Afpeér riant, rendu plus flatteur encore par une redoute qu'éléva jadis le Général Banner, & que couvrent aujourd'hui de grands hêtres, par une montagne avec de bons arbres fruitiers, par un étang découvert plus éloigné, & par des champs de grains que rien n'offusque. Un large chemin tortueux nous mene, par une porte angloife, dans ün bofquet d'arbres & d'arbrilfeaux indigenes, litué a cóté de la colline, & qui eft la plus ancienne plantation de ce féjour. Ici plufieurs allées bien Ombragées s'étendent en montant vers Ia droite; on trouve encore quelques places garnies «Sc entourées de lierre, ainfi que quelques cabinets ronds & folitaires avec des bancs de pierre pour fe repofer. Le bois finit en haut par un grand fiege élevé, placé fur une colline d'oü l'ceil découvre au loin les plaines du Duché de Magdebourg 8c de la Principauté de Halberftadt, «Sc la ville de Schóningen, fituée a un mille (d'AHemagne) de diftance dans Ie pays de Brunswick; ados de Ia forêt fe préfente, quand il fait ferein, le chateau deBallenftadt occupant un fite élevé dans la Principauté d'Anhalt- Bernbourg. La perfpedive fe termine enfin au Broeken «Sc aux montagnes du Harz. Nn 2 Les  384 Appendict, Defcription Les derrières de ce beau canton font bornés par des arbres a haute futaie; Ia partie de forèt la plus voifine, & appartenant au mont appelle Ie mont bleu, offre a 1'antiquaire quelques-unes de ces élévations qui fervoient de tombeaux aux anciens Germains 5 les unes, non feuillées encore, font plantées de vieux hêtres vénérables & de charmes, tandisque d'autres ouvertes ont déja livré leurs tréfors d'urnes & d'autres objets. La defcription de Mr. Schafer les indique par leurs noms. Avec une imagination un peu vive, onpeut aifément, au prés de ces tombeaux, fe tranfporter parmi les plus anciens habitants de ces contrées, & occuper fon efprit. On fent alors dans un filence réligieux ce que fentoient jadis les Druides; on: voit giffant autour de foi les reftes d'anciens héros & capitaines germains ignorés aujourd'hui, bons peres de Ieurs tribus, hommes droits & honnêtes. Ils refpiroient Ia liberté, le plus grand des donsfaits aux mortels; dans leurs affemblées régnoient Ia gravité & la franchife; fideles les uns enversles autres, & fortementréunis, le bras nerveux & robufte protégeoit le bras plusfoible; Ia jeuneffe floriffante fuivoit fans fe relacher les traces de fes peres, & une molle indolence ne déshonoroit pas le genre humain. L'époufe ne s'attachoit qu'a fon mari; Ieurs enfants leur appartenoient a tous deux, & ils fe voyoient multipliés & confervés pour 1'avenir dans ces rejetons. Etat groffierde nature! s'écrie peut-ètre quelqu'un: maisil étoit heureux, cet étatgroffier de nature, & le vrai caradere germain ne Unit que lorsque les Romains eurent introduit la fourberie & 1'a/fuce dans Ia nation. Cependant, fuivant 1'hiftoire, 1'AlIemand de ces lieux demeura indompté; il vécut ici en paix, du moins fes tombeaux dépofent en faveur de Ia longue demeure de quelque tribu dans ces provinces. Tout le bofquet qu'on continue a parcourir, eft également tranquille & paifible. Une plantation de chênes, que perce quelques allées compofées de tiges élevées degraine, & derrière Iaquelle defcend de cóté un bois plus jeune de bouleaux, d'érables & de mélefes, nous mene a un large chemin du haut duquel on découvre une ancienne carrière, une glaciere, & des champs tirant vers Helmftiidt. Pardevant l'ceil s'attache a une vafte plantation d'arbres feuillus américains, & d'autres arbres rares; cette plantation, de onze arpents d'éten- due,  de quelques jardins, 3^5 düe, renfermé deux collines & une longue vallée; c'étoit autrefois un étang fitué dans le bois, que le créateur dece lieu, feu le refpedtable Juge de Cour Mr. de Veltheim, choifit le premier pour y former une ordonnance plus étendue, & fit remplir d'arbres il y a environ 23 ans. Ce n'eft donc plus Une jeune plantation; on y trouve des tiges élevées & des tiges qui ont atteint leur accroiflèment; on y voit le rejeton de 1'Amérique feptentrionale dans toute fa crue, témoigner ainfi fa reconnoiflance de la nouvelle place qu'on lui accordat jadis. Lorsqu'on defcend de la colline citérieure dans l'allée, on eft invité au repos par une caverne ouverte, encadrée de gazon, de rofes & de chevrefeuilles; autrefois c'étoit une carrière. On voit autour de foi des arbres rares plus jeunes, qui, vu que le terrein eft moins bon, ne font pas encore fort avancés, & permettent par conféquent une vue plus libre; devant eux font quelques beaux Sc grands arbres, des tulipiers de I'Amérique feptentrionale, doat la feuille étrangere montre d'abord que c'eft unè nouveauté; quand on les obferve plus attentivement, ils paroiffent chargés de belles fleurs jaunes ou bien de cones a femence. On arrivé au milieu de la plantation, & l'on voit une allée longue & large ombragée par des arbres. L'ormeau d'Amérique, le padus de Virginie, le platane, le tulipier, le tilleul de la Caroline, le chêne nommé graine d'écarlatte, le chène a feuille de cbataignier, a feuille de faufe, & le chène noir, le noyer d'Amérique, 1'érabJe rouge, 1'érable de Virginie a feuille de fréne, 1'érable deFrance Sc de Penfilvante, Ia grifaille de Hollande, lemeurier de Virginie &c, entremélés de beaucoup d'arbuftes rares, fe fuccedent avec la plus riche variété. C'eft une pepiniere en grand d'arbres élevés de fémence, oü l'on rencontre plufieurs tiges de chaque forte, Sc oü par conféquent l'on peut d'autant plus fürement obferver Sc rechercher la marche de la crue naturelle. Cette allée eft garnie ga Sc la de fieges de gazon; en montant fur la feconde hauteur, on trouve a fon fommet un fiege pareil, d'oü l'on peut faifir 1'enfemble, & laifler planer fes regards fur les cimes des arbres. Bénie foit la mémoire de 1'homme honnéte & humain, qui montra par fes foins dans ces cantons, ce que peut une affiduité bien employee, Sc comment l'amour des plantes rares fe réunit avec une utilité future! ' Nn 3 On  aS6 Appmdice. Difcription On rctrouve encpre cette combinaifon de rareté & d'utilité, en parcourant une plantation mêlée d'arbres feuillus & d'arbres coniferes. Ici fe voit Ie cedre rouge de Virginie, Ie franc - encens, Ie grand pin maritime, Ie chène noir, le pin de Canada, Ie pin de Lord Weymouth, & l'orme a petites feuilles, tous d'un jet fuperbe & mèlés enfemble en foule fur une plaine relevée & de douze arpents d'étendue, que termine pardevant une petite maifon de planches, d'oü l'on découvre une vue riante compofée des maifons de Harbke qui font peu éloignées, d'un bois épais de pins, d'un étang, d'une belle prairie, du grand chemin qui mene a Helmftadt, & des champs environnants; cette maifon fait aula" un joli effet quand on l'apperqoit du grand chemin. On retourne d'ici au bout de la plantation par fes allées tortueufes, & quand on entend dire que ce chemin conduit a une plantation admirable d'arbres coniferes & réfineux, on doublé le pas avec un nouveau defir. Avant d'atteindre Ia plantation on arrivé a un pointjoü Ia perfpedive gagne; quatre grandes allées percées dans Ie bois s'y croifent, & conduifent Ia vue, h travers une plantation de trés-grands mélefes, fur les édifices de lhabitation, enfuite, au-dela de vaftes champs enfemencés, fur la ville de Schöningen, qui avec les tours du couvent de St. Laurent, furmonte une colline. Le bois de mélefes comprend une partie des cinquante-cinq arpents de terre couverts d'arbres réfineux; ces arbres, agés de vingt-cinq ans, prouvent clairement combien ils s'accommodent de nos climats, & combien ils peuvent leur devenir avantageuxdans Ia fuite par leur utilité intrinfeque. Du cóté droit, qui va en pente, Ie bois fe termine par une quantité de pins & de fapins, auxquels touche la plantation des arbres toujours verds plus rares. L'éminence eft décorée par des cedres du Liban d'une beauté finguliere, hauts de trente a trente-cinq pieds, épais d'un pied, & agés de vingt- fix ans, par des pins de Lord Weymouth, des pins fauvages oupinafter, des buiffon ardents, des pins blancs & noirs d'Amérique, des cyprès, des franc - encens, des pins de Jerfey, des pins rouges d'Ecoffe & des baumiers de Gilead, qui plus loin occupent tout 1'enfoncement, en fe mèlant a des cedres rouges de Virginie, k des cyprès de Canada a feuille d'arbre  de quelques jardins. a 8 7 d'arbre de vie, & a des agnus-caftus rampants. Ce lieu eft le plus riche d'Allemag ne en cedres du Liban; il reftera toujours le plus beau quant k Page des arbres, & méritera toujours de ce cóté Ia préférence du connoifTeur. Jci brille Ja tige unie du grand pin de Lord Weymouth; le verd plus foncé de fuperbes beaumiers de Gilead s'y mêle a la nuance plus rélevée 8t plus animée de pins blancs, noirs & rouges d'Amérique, qui ont atteint une grande hauteur; 8c en automne, les baies rouges & ardentes du pyracanthe luifent dans tout ce canton, que parfument des exhalaifons balfamiques & réfineufes. La plantation finit par une plaine nouveilement cultivée & plantée de vingt-deux mille pins, au milieu desquels fe trouve un petit étang k loches: le fentier conduit vers une cabane de mouffe adoffée a un bocage fombre de pins: les paroles d'Horace: follicitae jucunda oblivia vitae, conviennent au mieux a cette maifonnette, d'oü l'on peut encore une fois parcourir des yeux la plantation. Et qui ne fe plairoit a revoir encore cette fcêne agréable? Qui ne fe plairoit k fe procurer quelque récréation, en admirant d'ici en paix ces tréfors naturels? Le fite elt des plus nouveaux & des plus romanesques pour beaucoup de fpectateurs: par derrière & alentour des fapins obfcurs 8c élevés, par devant une grande étendue de jeunes arbres coniferes, & la vafte plantation entremêlée d'arbres rares, coniferes 8t toujours verd, plaifent & contentent également. Des allées folitaires, tapillées de mouffe, defcendent le long des collines 8c menent par ün bois élevé de pins a un ruiffeau, qui murmure entre des troncs ;"a la fortie dü bois on voit une prairie & un étang i dans Iequel font deux petites iles habitées par des canards fauvages: ici fe termine le pare, don les plantations décrites réuniffent les parties 8c en forment un feul enfemble. Le Iefteur pourra facilement fe faire une idéé de fa grandeur, d'après cette defcription: il admirera cette riche variété, & fi elle 1'engage k vifiter lui-mème ces cantons 8c k les parcourir, fon ceil obfervateur découvrira & remarquera encore affez de beautés qu'on nepeut indiquer dans une defcription, parceque la différente maniere d'obferver préfente de nouveaux objets. Sür eft-il au refte que la difpofnion de 1'enfemble eft naturellement  23$ Appmdice. Defcription ment favorable, a caufe de fon fite exhauffé 8c adofTé a Ia forêt de hêtres: Ia vue des objets placés plus bas qu'il offre, lui donne beaucoup d'avantage fur des jardins en plaine; 8c quoique par-ci par-la des arbres devenantplus' haut ofïusquent la vue, qu'ils offusqueront encore plus dans la fuite, il refte cependant affez deplaces ouvertes, qui feront d'autant plus agréables qu'elles furprendront 8c feront recherchées a caufe des perfpeétives. Alors Ia plantation perdra, il eft vrai, 1'attrait de la nouveauté 8c de Ia jeuneffe, mais vu fes tiges élevées 8c exotiques, elle fera toujours neuve, & différera toujours des bofquets indigenes; la beauté de Ia nature étrangere s'y voit, pour ainfi dire, achevée. Cette pépiniere fournit un doublé plaifir a I'amateur de Ia variété: il obferve le véritable jet d'un arbre rare, 8c cette expérience pratique 1'inftruit de favaleur oude fa non - valeur dans nos climats, le conduit a de nouvelles obfervations, a de nouvelles recherches. Probablement nous pouvons en attendre des augmentations a la fcience forètiere; probablement quelque bonne efpece de bois s'accoutumera d'avantage a nos climats dans les fiecles fuivants, fans compter ce que l'ceil gagne k la diverfité du feuillage 8c des tiges, 8c les nouveaux embelliffements qu'en retireront les prairies riantes 8c les champs. De pareilles plantations vaftes fourniffent des expériences afiurées; 1'obfervateur n'eft pas réduit a des objets uniques d'oü il tire des conclufions fauffes; il peut compter par cinquantaines 8c par centaines, 8c calculer & conclure avec d'autant plus de certitude. Les remarques citées dans I'ouvrage intitulé: Harbkefche wilde Baumzucht (Defcription de la culture des arbres fauvages k Harbke) montrent combien Ia Botanique même y profite: ces remarques pourront encore être augmentées, 8c contribuer k enrichirla fcience, fi les propriétaires fuivants continuent, comme celui-ci, a recueillir 8c a cultiver de nouvelles plantes, encourageant ainfi les autres k imiter une femblable entreprife. Je prévois aufii d'avance les changements qu'on fera a bien des jardins d'après le modele de celui-ci, pour leur donner des attraits aifés 8c naturels. Le plaifir d'ètre créateur foi - même, entraine tant de fatisfaclion, que tout poffeffeur aifé d'un bien de campagne, pour peu qu'il ait d'aélivité, deviendra créateur en devenant imitateur; mais il faudra qu'il fe regie uniquement fur fon emplacement, 8c ne prétende pas  de quelques jardins. 2gg pas a pofféder entaffé dans un même lieu, tout ce que d'autres pofledent féparément. Combien de jardins n'ontpas ce défaut, qui leur donne un air guindé 8c les détériore au point qu'ils ne peuvent fe conferver ? La belle nature eft fimple; qu'on fuive fes deffeins fans vouloir trop la forcer; alors elle eft 8c demeure nature, ainfi que Harbke eft & demeurera principalement le domaine de la nature. FaitenAoüt 178a. X. Defcription des Leafowes. *) rr^outes les parties & tous les objets qui compofent les Leafowes, rap„ X „pellent fi vivement les idees paftorales, tracées par les poétes, & „font fi agréables, qu'elles font chérir Ia mémoire 8c juftifïent Ia réputation „de Shenftone qui a créé cette ferme, en a fait fon habitation, 8c I'a rendue „céiebre. C'eft une image parfaite de fon ame fimple, douce 8c belle, & „l'on doute toujours fi c'eft ce lieu charmant qui lui a infpiré fes vers, ou „fi dans les fcènes paftorales dont il eft le créateur, il n'a fait que réalifer ^ces tableaux intéreffans qu'il a répandus dans fes chanfons. L'enfemble „préfente par-tout Ie mème caradere, 8c cependant rien de plus varié que „les détails. Et fi vous en exceptez deux ou trois morceaux peu importants, tout y eft champètre, tout y eft naturel. C'eft exadement une „ferme dont tous les environs de la maifon font deftinés a la nourriture des „trou- *) Deftein fameux dans le ftyle pafte-- qui font plus détaiilées, & dont celle de ral, & tracé par le céiebre poè'te Shen- Mr. Heely offre des remarques critiques. ftone. II eft dans le Shropfhire entre Mais la defcription choifie repréfente le Birmingham & Stourbridge. Cette de- génie du tableau pris dans fon enfemble, fcriptión eft tirée de l'art de förmer les & méritoit par-la d'être préférée. Les jardins modernes &c. par Mr. Whately. inferiptions célebres des fcenes ifolées On.en a encore, entr'autres, deux de- ont déja étérapportées dans lelll«Tome " fcriptions par Meffrs. Dodsley & Heely, de cet ouvrage, p. 177 & fuivantes. Tome IV. O o  290 Appmdice. Defcription „troupeaux, & tous les divers enclos font traverfés par un chemin aufïï „fimple 8c aufll peu orné que ceux d'une campagne ordinaire. „Prés de fon entree dans les champs de Leafowes, ce chemin s'enfon„ce tout - a- coup dans un vallon étroit & obfcur, plein de petits arbres qui „s'élevent fur des précipices roides & efcarpés. Le fond du vallon eft ar„rofé par un ruiffeau qui tombe en cafcades naturelles au milieu des raci„nes d'arbres & des rochers. II eft d'abord rapide 8c découvert, 8c fe ca„che enfuite dans des bofquets oü l'on peut fuivre fon cours par le bruit de „fon gazouillement. Lorsqu'il reparoit^Jl coule fur un terrein beaucoup „plus bas, fe gliffe au travers de quelques petits bofquets de bois, 8c fe perd „enfin dans une piece d'eau qui eft placée a 1'extrèmité de ce lieu folitaire, „8c ouvre un payfage très-joli, quoique des plus fimples, dont les divifions „font peu nombreufes, & tous les objets familiers. Ils confiftentdans la „piece d'eau, des champs qu'on voit au - dela 8c qui s'élevent doucement, „8c un clocher qui eft placé fur le fommet. „La fcêne fuivante eft plus folitaire, 8c abfolument confinée dans fes „propres limites. C'eft un vallon fauvage 8c négligé, dont les cótés font „couverts de buiffons 8c de fougere, entre-mèlés de quelques arbres. Un „ruiffeau coule auffi au travers de ce petit vallon, 8c fort d'un bois qu'on „voit fufpendu fur un des penchans. II ferpente dans ce bois i'efpace de „quatre - vingt toifes fur une pente rapide 8c par une fuite continuelle de „cafcades. Des aunes 8c des charmes croiffent au milieu de fon lit, 8c „d'une feule racine portent quantité de tiges qui embarraffent le courant 8c „augmentent fon agitation. Ses bords font couverts de quelques gros ar„bres, dont 1'ombrage entrecoupé permet aux rayons du foleil de fe jouer „fur les eaux. A peu de diftance de ces arbres, eft un léger taillis qui, fans „jetter aucune obfcurité fur la fcêne, fuffit précifément pour empècher „qu'elle ne s'ouvre fur des points de vue plus éloignés. Tout 1'intérieur „de cette fcêne eft trés - animé. La rapidité du courant 8c 1'afpecl fingulier „des cafcades fbpérieures qu'on voit au travers des feuilles 8c des branches, „eft d'une beauté très-piquante 8c trés-pittoresque. Le chemin ayant „traverfe ce bois, revient ferpenter dans le même vallon; mais d'un autre „cóté,  de quelques jardint. „coté, il eft femblable a celui q.ui lui eft oppofé, & parok cependant former „une fcêne toute différente par Ia feule pofition du chemin; car d'une part, „il eft découvert & entiérement enfoncé, & de I'autre il eft fur Je fommet,' „couvert d'un ombragé épais, & préfente k gauche 1'afpeét fauvage du fond „du vallon, & k droite des champs emblavés, dont Ia vivacité des-couleurs „& Ie voifinage détruif toute idéé de folitude. „A 1'extrêmité du vallon eft un bocage dont les arbres font fort éle„vés, litué fur une pente rapide, & prés de deux champs cultivés, égale„ment beaux 8c irréguliers, mais dilférens dans toutes leurs parties; car Ia „variété de Leafowes eft admirable. Tous les divers enclos y font fi par„faitement diftingués les uns des autres, qu'ils conviennent k peine dans „une feule particularité. Des deux champs qui touchent le bocage, 1'in„férieur comprend les deux plans inclinés d'un enfoncement profond, dont „les bords font entourés d'un bois fort épais. Le champ fupérieur eft-une „colline fort coupée, terminée par une haie & par un grand ruiffeau k re„plis tortueux. Quelques arbres, foit ifolés, foit grouppes, couronnent „les inégalités de Ia colline, mais il ri'y en a aucun fur les bords efcarpés. „Le chemin fe glilTe fous une haie autour d'un gros arbre, 8c fournit ca 8c „la quelques échappées de vue de la campagne; 8c après avoir croifé une „autre haie, il s'éleve jufqu'a Ia plus haute éminence. „C'eft ici que s'offre une des plus riches, des plus variées, des plus „vaftes 8c des plus riantes perfpeétives que 1'imagination puiffe fe peindre. „C'eft un pays montueux, parfaitement cultivé, plein d'objets de toute „efpece 8c trés - peuplé. Oh voit en détail la belle ferme de Leafowes, 8c „tout prés, lavillede Hales-Owen. Celle de Wrekin, qür eft a plus de „trente milles de diftance, s'apperqoit aufïï très-diftincftement k 1'extrêmité „de 1'horifon. Dans plufieurs endroits on a planté des bois ou pratiqué des „clairieres, pour cacher ou découvrir certains points de vue. Précifément „au - deffous de la principale éminence qui domine ce magnifique payfage, „eft la maifon dont les objets les plus frappans étant dérobés k Ia vue par „des arbres, le refte de la ferme préfente fimplement uhpays compofé d'une „nombreufe fuite d'enclos. Mais un village, une ferme, une cabane que 0° 2 „nous  292 Appendice. Defcription „nous n'avions point obfervé dans f'immenfité d'une perfpe&lve générale, „deviennent importans dans des fcènes plus refferrées; & le mème objet „qui, dans teile pofition, paroiffoit ifolé, dans un autre eft précedéd'un „bois ou terminé poftérieurement par une colline. L'attention s'eft por„tée fur ies moindres circonftances qui pouvoient diverfifier les fcènes; „mais l'art n'eft jamais apperqu, 8c 1'effet paroit toujours naturel. „Les paffages a des décorations trés - différentes (fi l'on me permet „cette expreftion) font en général très-rapides. De cette expofition fi „gaie 8c fi élevée, on defcend immédiatement k des fcènes plus graves 8c „plus tranquilles. La première eft une prairie aufïï belle, aufïï unie 8c „aufïï étendue qu'une peloufe, 8c parfemée d'une grande quantité de beaux „arbres: au-deffous eft un petit défert terminé par une efpece d'amphi„théatre ruftique 8c par des taillis négligés 8c fufpendus. Un des cótés eft „remarquable par un bois compofé de quelques arbres de haute futaie 8c „d'un taillis extrêmement épais, qui renfermé une petite piece d'eau irréguliere, dont une des extrêmités eft k découvert, 8c'fournit affez de lu„miere pour animer tout le refte. Qiioique la profondeur des eaux, les „ombres qu'elles réfléchiffent, 8c Pépaiffeur du bois répandent beaucoup „de fraicheur-fur la fcêne, Ie froid ne s'y fait point fentir; c'eft une retrai„te qui n'a rien d'obfcurci ni de majeftueux, mais oü regnent Ia paix 8c Ie „filence; c'eft un azyle délicieux contre Ia chaleur brülante du midi, fans „participer de Phumidité ni des ténebres de la nuit. „Un ruiffeau plus tranquille que les précédens, coule de cette piece „d'eau au travers d'un long taillis; il forme d'efpace en efpace quelques pe„tites cafcades, ou ferpente autour de quelques iflots couverts par des „touffes de petits arbres. Le chemin borde le ruiffeau jufqu'au pied d'une „colline, fur Iaquelle il s'éleve par des inflexions trés - irrégulieres. Par„venu au fommet, il entre dans une allée étroite, qui forme un trés-beau „berceau. Mais quoique cette élevation, 8c Ia terraffe dont elle eft cou„ronnée, offrent les plus charmantes perfpedives, tout cela n'eft pas affez „naturel pour le caradere de Leafowes. Cependant, aufïïtót que le che„min eft dégagé de cette efpece d'entraves, il reprend fa première fimpK- „cite,  de quetqutT jardmt. 293 „cité, & defcend a travers plufieurs champs, d'oü la ferme préfente fuc„cefïivement quantité de jolis points de vue, diftingués par les variétés du „terrein, les différents enclos, les haies, les paliffades & les bofquets qui „les féparent: quelquefois ce font des malfifs, des arbres ifolés ou des „meules de foin qui interrompent les limites, ou font placés au milieu des „prairies. „Au pied de la colline, un bocage enchanté couvre un petit vallon, „dont les bords efcarpés renferment une jolie petite riviere qui ferpente „dans le fond. Elle fe précipite dans Ie vallon par une cafcade des plus „rapides & des plus bruyantes, qu'on voit briller a travers les petits jours „8c les ombres du bocage. La riviere fe partage encore en plufieurs peti„tes cafcades, mais fon cours eft Jent 8c tranquille dans 1'intervalle qui fe „trouve entre chaque cafcade. Ses eaux font partout claires 8c brillantes, „8c quelquefois diverfifiées par des rayons de lumiere, lorsque 1'ombre de „chaque feuille y eft marquée, 8c que le verd du feuillage, de Ia mouffe, „du gazon 8c des plantes fauvages qui croiffent fur fes bords, s'y réfléchit „avec éclat. Les rives font parfemées de plufieurs jolis grouppes qui com„pofentun taillis ouvert; 8c fur toutes les éminences des environs, s'éle„vent des arbres de forêt, dont les cimes fuperbes préfentent les plus belles „maffes. II s'en détache quelquefois un ou deux, qui femblent fufpendus „fur le penchant, ou qui croifent Ia riviere. Le vallon, en defcendant, „devientplus obfcur, 8c Ja riviere feperd dans un étang, dont les eaux, „presque fans mouvement, font environnées 8c obfcurcies par de grands „arbres. Un peu avant que la riviere ne fe mèle a 1'étang, 8c au milieu „d'un terrein planté d'ifs, eft un pont d'une feule arche, bati de pierre noi„ratre, 8c dans Ie goüt Ie plus fimple 8c le plus ruftique. Loin que Ie noir „de cet édifice jure avec le refte de cette fcêne, ce n'eft qu'une teinte plus „forte de la couleur générale: nulle partie n'en eft éclairée; il y regne partout un fombre religieux qui infpire du refpeét; 8c ce qui ajoute encore „a fa majefté, eft une infeription gravée fur un petite obélifque, qui indi„que que le bocage eft dédié au génie de Virgile. Prés de cette fcêne déliTome IV. P p „cieufe  2 94 Jppendice. Defcription de quelques jardins. „cieufe font les premières divifions du terrein qui compofé Ia ferme „Le chemin vient y aboutir, en fe continuant le long d'un ruiffeau. „Je ne faurois quitter Leafowes fans faire remarquer une ou deux circonftances fur lesquelles je n'aurois pu m'arréter fans interrompre la defcription de la route. La première eft 1'art avec Iequel on a feu diverfi„fier les divifions des champs. II n'eft pas jufqu'aux hayes qui ne foient „diftinguées les unes des autres: ici c'eft une fimple haie vive qui forme Ia „féparation; la, une fuperbe palilfade trés -épaiffe dans toute fa hauteur: „ailleurs, c'eft une ligne d'arbres, dont les tiges bien féparées, laiffent voir „des buiffons dans leurs intervalles, & dont les têtes, quoique touffues, „admettent de grandes maffes de lumiere. Quelquefois ces lignes d'arbres „font coupées k certaines diftances par des grouppes; & quelquefois c'eft „un bois, un bocage, un taillis ou un bofquet, qui forment les limites ap„parentes, & varient la forme & le ftyle des enclos. „La feconde circonftance digne de remarque, font les inferiptions „qu'on trouve en grand nombre." Une partie de ces inferiptions confifte en des defcriptions poétiques de Ia vie paftorale. Les urnes font un des principaux ornements de ces lieux: „les bemens n'yfont, pour la plupart que de fimples repofoirs ou de petites loges de jardiniers." Spéci/waiian  Sfècificatton des gravures contenues dans ce Volume. Nr. i. Maifon de campagne d'Ives dans le Yorkfhire, tirée de I'ouvrage de l'architeéte anglois James Paine: Plans, Elevations, and Se&ions of noblemen's and Gentlemen's Houfes, and alfo of ftablings, bridges, temples and other Garden buildings; executed in the counties of Derby, Durham, Middlefex, Northumberland, Nottingham and York. Illuftrated by Seventy—Four large Folio - Plates. London, fol. 1767- page 9. Nr. 3. Maifon de campagne de Sandbeck dans le Yorkfhire. Tirée du même ouvrage. page 15. Nr. 3. Maifon de campagne d'après le deffein de 1'architefte anglois James Lewis dans fon ouvrage intitulé: Original defigns in Arch.ite6t.ure. Bookl. 1780. fol. page 19. Nr. 4. Maifon de campagne du même. page 22. Nr. 5. Pavillon de Blondel, tiré de la Diltribution des maifons de plaifance. page 38. Nr. 6. Maifon de plaifance de Marienluft. Voyez la defcription Tome III. pag. 340- 344 de cette Théorie, page 30. Nr. 7. Pavillon de pare du Comte Kielmannsegg a Gulzow dans la Principauté de Lauenbourg. page 32. Nr. 8. Tour gothique du pare de Windfor, d'après le deffein de Sandby. page 39. Nr. 9. Portail de jardin; invention de Mr. Schuricht. page 43. Nr. 10. 11. 13. Sieges champêtres de Mr. Schuricht. pages 48- 56. 61. Nr. 13. Colline boifée avec un temple au fommet, de Tinvention de Mr. Brandt. page 70. Nr. 14. Quatre différents grouppes d'arbriffeaux & d'arbres, deffinés par Mr.Brandt, page 73. 74. Nr. 15. Chaife champètre de Mr. Brandt, page 93. Nr. 16. Hermitage de Marienwerder prés de Hannovre. page 99. Nr. 17. Temple de la mélancholie par Mr. Schuricht. page 100. Nr. ig. Siege champètre dans un canton mélancholique par Mr. Schuricht. page 105. Pp 2 Nr. 19  Specification des gravures. Nr. 19 & 30. Ponts inventés par Mr. Brandt, pages 127. 13a; Nr. 21. Edifice romanesque par Halfpenny. page 134. Nr. 22. Pont de Mr. Brandt, page 137. Nr. 23. Ruines gothiques d'après le deffein de Mr. Schuricht. page 150. Nr. 24. Temple du printemps par Mr. Schuricht. page 174. Nr. 25. Temple de l'amour par Mr. Schuricht. page 176. Nr. 26. Maifon de bains par Mr. Schuricht. page ig2. Nr. 37. Ruines de Mr. Brandt, page igo. Nr. 28. Maifon de campagne deiïinée par James Lewis. page 204. Nr. 39. Qnatre baluftrades de pont par Mr. Brandt, pages 214. 235. 234. 342. Nr. 30. Temple du jardin de Gotha. page 277. Nr. 31. Repréfentation du jardin de Harbke. page 2g3.