88 Septième persècution. d'autre Lu t que le bonheurdes sociétéshumaines, ei autres moyens que la justice.Or, cette politiqueestaussi opposéeaux principes qui règnent oans i édit üEmmanuelPhilibert, crue la lumière est opposée aux ténèbres. Le sens commun suffit pour le prouver. 11 est assez étrange que depuis plusieurs siècles les hommes qui gémissent sous ie poids de tant de tyranriies diverses, n'aient point encore porté 1 eed pénétrant de la raison sur les prétentions smguhèresde ceux qui les gouvernenf; ou qu'ils se soieut borrés a des plainles infructueuses sur un objet de cette importanee. Apeine se doutet-on encore enEurope, que les gouvernemens , qüels qu'ils puissent être , n'ont et ne peuvent a Voir absolument aucun droit sur la conscience, et que c'est par la plus criante des injustices qu'ils se sont arrogés a cet égard un empire que tout réprouve. ll ne peut appartenir a aucun homme de dicter des loix a ia pensée d'un autrej et la différenee des opinions reb'gieuses doit êtie nulle pour tout gouvernement sage et raisonnable. On est homme avant d'être protestant calliolique ou de telle autre secte qu'il vous plaira ; et c'est comme hommes seulemeni que le gouvernement doit considérer tous Jescitoyens. Je n'ai donc pas exagéré lorsque j'ai acousé d'injustice tout gouvernement qui exclut des emplois civils et en général des avantages de la société , ceux qui ne'sontpas de la même secte que lui. 11 est vrai qu'ils ne manquëfit pas de sophismes pour s'excuser; mais je n'ai besoin, pour les confondre, que de leur faire une seule queslion : Eux qui sont si re!i«  Septième persècution. 8g gieux , si attachés en apparënce a la cause du 'christianisme\ onl-üs troüvé une seule ligne dans le code sacré des chrétiens qui les autorise a prélërer telle ou telle secte a toute autre ? L'évangile reconnoit-il des protestans , des catholiques, des luthériens, des réformès , des quakers ou trembleurs? Donne-t-il la priorité a quelqu'un de ces sectaires ? Cette doctrine hienl'aisante ne voit sur la terre que des bons et des méchans, et tout au plus des chrétiens et des payens; mais elle n'oublie jamais crue ces derniers aussi sont des hommes, et je désireroisquenos gouvernemens modernes ne prétendissent pas être plus sages que l'évangile même. Lorsqu'on veut dire sans détour des vérités utiles , on s'attire infailliblement la haine de tous les partis intéressés a les méconnoitre. N'importe; comme je n'appartiens a aucun d'eux, et qu'il faut bien crue quelqu'un parle, lorsque tout le monde s'obstine a se tairesur un sujet de cette importance, je parlerai avec courage chaque fois que 1'occasion s'en présentera; et si les bigots et les fanatiqp.es s'élèventde concert pour me poursuivre,il sera très-décidé a mes yeux que j'ai raison. Mais il est tems de revenira 1'édit d'Emmanuel Philibert. Outre les réflexions qu'il vient de nous suggérer, il en est encore queiques-unes qui méritent place ici. Le duc de Savoie part de ce principe, « qu'il » ne peut exister de repos et de tranquillité pu35 blicpie dans un pays ou il y a deux sortes a de religions.» mm Oui sans doutelorsque l'un«  Septième persècution. q3 Ia ville contre les francais, on les laissa vivre tranquilleraent; mais la paix ayant élé signéë en 1509, on ne tarda pas a les persécuter de nouveau. Dès le mois dedécembre 1465, on avoit pubhé contre eux un ordre par Jequel il leur étoit enjoint d'aller a la messe sous les peines les plus graves \ mais on parvint a en assoupir les effets jusqu'au momentoü parutle facal éditde i565. A cette époque toutes les families qui voulurentrester fidèlcsa leur conscience, furent obligeesde s'expatrier; on en incarcéra néanmoins un grand nombre , et celles qui eurent la foiblesse de se pber aux circonslances , restèrent dans la paisible possession de leurs biens. Apeu de distance de Coni, il y avoit un °ros vifiage nommé Caraill, quiVétoit guère peuple que de Vaudois. Ils ne furent pas plus épargnés que leurs voisins. Presque tous ceux qui voulurent résISterse virent condamnés aux galeres ; les autres perdirent leurs biens et durent quttter leur patrie. Parmi ces derniers on remarqua six frères gentilshommes , seigneurs de Killeneuve, Solari, donti'un se fixa finalement dans la vallée de Luzerne. On y vit aussi arriver Louis Bressour, Kis de cePanta/éon -Bressour ( d'autres éerivent BehSoür ) qui avoit si fort persécufé les Vaudois; et sa familie est restée depuisétablie dans cette vallée, et fort attachee a la croyance de nos ancétres. Cette persècution s'étendit même jusqu'a la vallée de Barcelone, d&YEspeleX oans la Savole,et fut marquée en général dans tous les endroits ou U y avoit des Vaudois, par des cruau-  04 Septième persècution. tés inouies er des emprisonnemens sans nombre* Dès que la nouvelle en fut parvenue dans . Fétranger, les princes protestans d'Allemagne , et sur-tout l'électeur de Saxe et l'électeur paratin, se réunirent pour s'en plaindre très-vivement au duc de Savoie. Ce dernièr lui envoya même M. Jünius i son conseiller d'état, aurruel Pon fit les promesses les plus positiyes de ne plus inquiéler les Vaudois. Mais a peme étoit-il parti, que CastroCARO pubha des ordres très-sévères dans toute la vallée de Luzerne, et enjoigwit, entr'autres, sous peine de mort et de conbscation des biens , a tous les habitans de son gouvernement qui n en étoient pas originaires , d'en sortir dans Vingt-quatre heures, et de n'y jamais reparoitre. II défehdit aussi , sous les mêmes peiiies,aux Vaudois de Campiilon et de Fénil, d'aller au temple dans la communaulé de S. Jean, qüoique c'eut été de tems immémorial le beu de leurs exercicessaerés, et cpi'on Ie leur eüt confirmé par 1'édit de Carouröe 156i. Mais telle étoit 1'an'reux fanatisme de ce tems, qu'on ne se faiscit aucun scrupule de manquerdeparole a ceux qu'on trouvoit a propos d'appeller hérétiques , et que les traités les plus solemnels n'étoient qu'un vam verbiage sur leqüel on nepouvoit compter. _ r A 1'ouie d'une infraction aussi perfide , 1 electeur palatin écrivit au duc de Savoie une lettre très-énergique, ( dont LÉGER nous a conservé la copie, seconde partie, pag. 41 - 45) dans laquelle il se plaint amérernent de sa conduiteenvers lesVaudois, diseulpe pleinement ces  Septième persècution. q5 mfortunés des calomnies atroces qu'on ne oessoit d'inventer contre eux,fait sentir a ce prince combien ses procédés a leur égard étoient contraires aux maximes de Ia raison et de la reiigion , et termine par le supplier de les laisser enfin vivre en paix, et suivre a leur gré la reiigion qu'ils tenoient de leurs ancétres. Cette lettre étoit datéede 1'an i566. Les instances du généreux Frédéric, jointes a celles de la duchesse même, crui ne cessoit de s'intéresser aux Vaudois, leur procufèrerit quelque repos jusqu'a 1'année 1671, que Castrocaro se mit de nouveau a les persécuter.  q6 Huitième persècution. CHAPITRE VL Huitième persècution. Evénemens des aH* nées 1570-1574. Mort de la duchesse et du duc de Savoie. s Ie mols de septembfe iöyo, le duo Emmanuel Philibert avoit publié un nouvel édit, par lequel il étoit défendu a tous les Vaudois de faire aucune assemblée sans la préseuce ou la permission expresse de Castrocaro , sous peine de cent écus d'amende, ou d'autres punitions arbitraires. {Racoltcï dlegl''Editti , etc. pag. 3. ) II ne se passoit assurément rien dans les assemblées des Vaudois, qui ne put être connu de tout le monde. Mais il étoit d'une dangereuse conséquence , pour la suite, de se laisser astreindre a ne pouvoir s'assembler qu'au gré de leurs ennemis; et cet acte étoit d'ailleurs manifestemeht contraire aux traités Ïjrécédens. Nos ancétres avoient donc les ruisons es plus solides pour refuser de s'y soumettre. Cette résistance irrita Castrocaro; et s'il avoit pu se livrer a son ressentiment, il n'y a pas de doute que les Vaudois n'en eussent promptemenf ressenti les efféts. il en vouloit sur-tout aux habitans de Bobhi, cn.1'1 avoieiit de leur cóté bien des motifs de ne, pas 1'aimer. Le principal étoit la construviion récente  Huitième persècution: 97 een te du fort de Mireboue, qui se trouve nux extrêmités de cette commune, du cóté de la France, et qui étoit de?liné visiblemtmt contr'eux, puisgu'il fcrmoit le seul passage que les Vaudois de la vallée de Luzerne pnssent trouver pour se soustraire aux persécutions de leurs ennemis. Castrocaro se plaignit vivement au duc des Vaudois de Bobbi ; mais ies représentations de ces derniers, joinles a celles des autres égüses , ne lui permirent pas de clonner essor a sa vengeance. Ce fut a cette époque cpie 1'on fit des recherches très-sévères contre un grand nombre de Vaudois, que 1'on accusoit d'avoirsecouru les {)rotestans de France, dans leurs guerres contre es catholiques. Charles IX, en ayant été averti, écrivitde Blois, au duc de Savoie , en date du 28 septembre ilóji , pour le priër ins~ tammentdene plus inquiéterles Vaudois, et de leur pardonner, comme il venoit de le faire lui-même aux protestans francais. Cette lettre conlribua beaucoup a procurer quelque repos aux habitans des vallées, Ils conclurent deux mois après, le 11 novembre 1071, dans une assemblée généraledes chefs de familie, six articles qui sont connus sous le titre d'articles dhmion des vallées , et dont le principal hut étoit de se lier de nouveau solemnellement et d'un commun accord pour persister, malgré toutes les persécutions possibles , dans la croyance cpi'ils avoient recu de leurs pères, et se soumettre lidélement aux ordres de leur prince, et des Seconde portie. C      HISTOIRE des VA U D O IS, Ou des habitans.des vallées occidentales duPiémont, qui ont conservé le christianisme dans toute sa pureté, ct a travers plus de trente persécutions, depuis le commencement de son existence jusqu'a nos jours , sans avoir partieipó a aucune réforme. jingiislis valhs , uhi , cunclis exul al orls , Jieligio stabilem fixerat usque larem ; Quis negetesse 13EUM vestris qul gaudeat antrist Perpetuum qul sttcros numen amare specus ? JPrisca DEI renuuntsi crcdereJacta projanit JPartdite qua? vestris visa fuere jugis ! tome premier A PARIS, Chez lecle rc , rue S. Martin, n°. 354. ja X.ausanne} chez Luquiens : se rouve ^ ^ ^ Utrecht, cliez Alihisï.. ï 7 9 6.  « N'enchainez point les cceurs pardes li pr,}s 1'Eclu.se, en Flandres. M. Jacob Seny , ancien écheyin. Nimègue. M. Rappard de Balgooi. Al. Reuchlin. slmheim. M. Gavanon , pasteur en. M. Faure van der Vilt. Maëstricht. M. Payen. M. Roux. Wals. 'M. Payen. Gioningue. M. Guiyot. M. !e prof. Schceder. M..S. S. Garles. L. Diekema. lianen. M. Lemker. Deventer. M. Pareau. Gouda. M. Willet. - ■ I 'M. Burca. Campen. M. Augier. M. H. R. Verhaagen, messingue. ' M. Huè't. Ilardenvjck, M. Chevalier. Ziriczéc. M. Soyer pasteur em. Zutphen, M. J. J. de Malapert. Mad. Guérin. Mad. la B. de Heekeren D, de Kvll, a Rurlo, prés de Zutphen. M. le B. van Loz. M. Bévier. Schïcdajn. M. J. W. Hoeckwater, not. Mad. Prehn. F rancher. M. Romar. M. Ocker Gevarts, fils , ane. bourguem. ^dmerovgen. M. Hugenholtz. Suisse. Lausanns. M. Develey, 5 exernpl. M. Luciuiens, 100 exernpl. Gen ére. M. Jurine. VI. Barrilliet, fils. | JTverdun. M. de Félice , i3 exernpl. Basic, i M. Ern. Mérian.  (7) M. Rodolphs Bourcard. M. Jérome Falckeiser. M. Henri Eglinger. M. d'Annone. M. le prof. Meyer. M. le prof. Rodolphe Bux» torf. M. Achille Herzog. M. Achille Wolleh. M. Ri;ou. M. Combe. JDiesse, dans le canton de Berne. M. Emmanuel Gross'pasteur. i t a i 1 e m a c j E, Berlii,. M. Nicolaï, 3 exernpl. P~ienne. M. L'ambassadeur de Naples, Danemarcx. Copenhague. \ M. Monod , 5 exernpl. I T al i e. M. le C. d'Astorn". f^xillces %-audoises du.PiémoJit. La Tour. M. P. Geymet. M. J- P- Goanle. M. P. Goante. M. J. B. Goante. M.Michel Frache. M. Jacques Poët. M. Daniël Appia. M. Paul Chauvia, M. Jancjues Roland. M. Joseph Donaud. M. ,T. Antoine Peyrot. M. Combe, pasteur émér. M. Joseph Brez. M. Jean-Pierre Arnaud. BoUi. M. .Tosué Negrin. M. Daniël Bonjour. M- JacqUes i-.auzafot. Villard. M. Pierre Musset. M. J. P. Pellenc. M. Jean Bertinat. Mlle. Elise Brez. Hora. M. L. B. Peyrot. M. Jean Tourn-Boncosur. M. Antoine Tourn. M. Mare Salvajot. N. Jean Morel. De Sair.l-Jean. Les frères Cyprien, Michel , Daniël , et Barthélemi IiEvel. Fenesirelles. M. Daniël Coucourde. DUCHÉ DE WüRTEMBEHO, en jéllemagnc. M. Charles Moutoux, k Dur' menz, 20 exernpl. M. FrédéricMoutoux,a.Pj7i> est donc très-précieuse pour toutes les » nations chrétiennes, et son histoire ne » peut que les intéresser vivement. Divers » auteurs 1'ont écrite avant moi; mais leurs » ouvrages sontpour la plupart très-rares; *> aucun d'eux ne renferme notre histoire » complette , et leur styie est devenu » presque inintelligible. » Les auteurs dont je voulois parler dans ce prospectus, sent : Perrjn , Gilles , Leger , Arnaud et Boyer. PeRRIN a écrif une Histoire des Vaudois et Aibigeois, qui a été imprimée a Genève, chez Matthieu Eerjot, 1'an i 6t8 , en deux voi. in-12. Cette histoire, écrite dun styie qui en rend ü lecture fdtigante 7 ne va que jusqu'en 1601. Elle contient , néanmoins , plusieurs documens précieux qu'on chercheroit vamement ailleurs, Le  xiv PREFACE. synode de nos vallées avoit envoyé a PeritiN , alors rainisrre a Lyon , tous les manuscrits et les renseignemens dont il avoit besoin ; '-et c'est sur ces matériaux qu'il a coxnposéson ouvrage. II est si rareaujourcliui ,, qu'on rie le trouve plus dans aucur.e librairie. P. Gilles , pasteur de 1'église vaudoise de la Tour , a aussi ecrit i'histoire desa patrie , sous le titie d'Histoire ecclésicustïque des églises réjormées recueilhes en quelques vallées du Piémont et circ@nvoisin.es , cutrefois appellées églues vaudoises. Cette histoire imprimée chez J. de Tournes , en 1648 , im vol. petit in-40. commerxe a 1'an 1160, et va jusques en 1643. Elle contient des détails intéressans sur I'histoire des persécutions que les Vaudois ont essuyées jusqua 1'époque oü Tauteurvivoit; et elle est, par-lamême, précieuse; mais son style ( est encore moins agréable que celui de Ferrin. On ne sait sur quels fpndemens Gilles a trouvé a propos de donner le nora de réjormées a nos églises vaudoises , puisqu'ii ptouve lui-même en plusieurs endroits, quelles nont jamais subi aucune r éformation. 11 auroit dü s'en tenir tout umment su nom qu'eiles portoient des les tems les. plus anciens, et ne pas le remplacer par un autre qui ne leur convient en aucune ma nier e.  P R E F A C E. xv Jean Leger, pasteur etmodérateur des églises de nos vallées , est ie meilleur historiën vaudois que nous possédions. Son ouvrage qui a pour titre : Histoire générale des églises évangéliques de Piémont oa vaudoises, parut a Leyde, en 16691, chez Jean le Carpentier , en un volume in-fol. Cette histoire va jusqu'en 1664. Elle est pleine derudition , annonce de vastes et profondes connoissances, et respire la piété la plus solide. Elle renferme des monumens très-importans et mille faits curieux, qu'on ne retrouve nulle autre part. C'est, en un mot , un ouvrage d'un travail immense. Mais l'auteur se noie trop souvent dan;des détails et des répétitions fastidieuses; ce qui , au reste , dok moins être regardé comme un sujet de reproche pour lui, que pour le siècle oü il vivoit. Leger ayant joué lui-même un grand róle dans la plupart des événemens qu'il décrir , son livre réunit par-la un dégré d'intéïêt que n'ont point les deux historiens précédens. L'ouvrage d'Henry Arnaud, pasteur et colonel des Vaudois , a paru en 1710, en en un volume in-S°. sans lieu d'impression. II ne contientque ['Histoire de la rentrée de nos ancêtres dans leur patrie , trois ans après qu'ils en furent chassés par le duc de Savoie, c'est-a-dire , en 1690» Quel-  xvi P R E F A C F. que coutte que soit la période renfermée dans cette histoire, elle n en est ni moins piécieuse,nimoins intéressante; car les détails de cette rentree, comme je Ié discis encore dans'mon prospectus, tiennent presque du prodige. Henry Arnaud quifut toujours a ja tête des Vaudois dans cette expéditicn, a scu les exprimer avec une naïveté et en irême teras avec une force qui en rend la lecture fort attrayanre pour tont arni de la vérité, quoique, comme il le dit luimême dans Ja dédicace a la reine Anne , son style n'akpas ce poli qu'on cherche ranr. L'ouvrage de eet hom me respectable étoit composé de deux parties , dont la première , contenant I'histoire de la renttée des Vaudois , est la seule qui ait été publiée. L'autre devoit contenir I'histoire de la guerre qui survint entie le Piémont et la France, après la rentrée de nos ancêtres, guerre dans laquelie les Vaudois ont eu une part tiès-active. Nous profkons de cette occasion pour inviter les personnes cui pounoient avoir quclque cennoissance dece manuscrit, de vouloir nous en faire part, afin que nous puissions en tirer parti d-ns le 3e. volume de notre ouvrage, qui ck viendroit par-la bien plus intéressant, et plus digne de 1'attention du public. H. Arnaud  P R E F A C É. xvij Arnaud étant mort a Stutgard, dans le duehé de Wurtemb&rg ^\\°y a toute apparence que eest dans ce duchéque son manuscrit doit se trouver. ; Le dernier historiën des Vaudois„ dont j'ai fait mention, c'est Boyer. II a publié son ouvrage a la Haye,i'an 1691 , enun petit volume in-11 , sous le titre d'Abrégé de i'Histoire des Vaudois. Cesï un précis denotre histoire , écrit avec beaucoup de jugement et de solidité, mais qui laisse désirer bien des choses importantes, tant pour ce qui regarde la ' doctrine et les mceurs des Vaudois, que pour la partie historique. Cet ouvrage ne va que jusqu'a la fin de 1790. Je ne parle point des histoires des Vaudois, publiés tant en anglaisqu'en hoilandais, quoiqu'il y en ait trois différente* ' seulement dans cette derniere langue dont la meiileure est celle de M. Martinet Je passé égalemeht sous silence les auteurs qui pailent de nous avec plus ou moins d etendue , tels que le baron de Sekendo rf , dans son histoire de La réforniation Ruchat , Basnage , etc. etc. parée qu'ils ont tous également puisé dans fes histo nens onginaux que je viens de/faire connoitre , et que leurs ouvrages éé sont que des ccmpdations plus ou moisls soi^nées  xviij P R E F A C E. Telles sont les sources oüj'ai puisé les principaux matériaux de cette nouvelle Histoire des Vaudois. Tousles ouvrages que j'ai nommés étant fort rares , j'ai cru que je rendrois un vrai service a ma patrie en travaillant a une histoire qui put les remplacer , et qui tint un juste milieu entre une longueur fatigante, et une sèche briéveté. Sachant par experience combien peu la jeunesse vaudoise connok notre histoire, faute de secours nécessaires , je n'avois d'abord songé qu'a. en publier un abrégé , pour sonusage, par demandes et par réponses. J'avois même déja achevé la première partie de ce travail. Mais ayant réfléchi, ensuite , que je pourrois être plus utile en l'appropriant k toutes les classes de lecteurs, j'ai recommencé cette histoire sur un plan tout-afait différent; et ce plan a produit 1'ouvrage que je donne actuellernent au public. Je dois avertir cependantqu'outre les secours dont je viens de parler , j'en ai eu divers autres qui rn'ont été fort utiles. M. Certon , pasteur a Rotterdam , m'a communiqué , de la manière la plus obligeante, ejuatre manuscrits très-intéressanSj, parmi lesquels il y en a un que je soup^onne venir de la plume du grand Arnaud. Un autre de ces manuscrits m'a offert des  P R E F A C E* jlIx renseignemens sur les Vaudois du Pra«. gela, que Ton ne trouve dans aucun de nos historiens. J'ai aussi consulté avantageusement le Recueil des édits publiés par la maison de Savoie au sujet des Vaudois ; recueil qui a été égakment inconnu aux auteurs qui ont écrit notre histoire. Enfin, étant Vaudois moi-même , et m'étant toujours beaucoup occupé de ce qui concerne ma patri e , il est un grand nombre de faits sur ksquels j'ai pu m'instruire directement , pendant les courses assez nombreuses que j'ai faites dans nos vallées. Detoutes les communes qui les composent, il n'en est qu'une seule que je n'ai point visitée ; j'ai séjourné dans la plupart des autres , et par-tout j'ai cherchéa m eclairer sur les objetg qui pouvoient m etre utiles dans la composition de mon ouvrage. II est peut-êrre inutile que le lecteur le sache ; mais je suis obligé de dire quej'a-vois congu le plan de mon histoire dès lage de 16 ans, c'est-a-dire en 1787, et que c'est de cette époque que daten/les premiers mémoires que j'ai rassemblés. Depuis Iors je n'ai cessé de m'en occuper ; je fais cette remarque pour quelques professeurs des académies de Lauzanne et de Geneve , oü je faisois alors mes études ; et je suppose qu'ils n'ont pas besoin que je b a  xx PREFACE. leur en dise davantage. C'est la seule ma- nière dont il me convient de me venger. Au reste 3 dire au public que j'ai employé prés de dix ans a la composition de eet ouvrage, c'est assez lui dire que j'ai fait tout ce qui étoit en moi pour le satisfaire. Et pourquoi le déguiserois-je ? J'ai concentrésurce point toutes les forcesque la nature m'a départies. Jen'airien négligé pour ne pas rester au-dessous demon sujet. Un froid récit historique auroit glacé mes lecteurs. J'ai donc dü chercher a reposer, ou plutöt a soulager leur attention , de tems a autre, en animant mon style de queiques réflexions. Elles sesont présentées naturellement sous ma plume ; et, si j'ai un regret, c'est de n'avoir pu les étendre davantage. Les objets que ces réflexions embrassent sont de deux genres. Le premier ne regarde que ma patrie, et le gouvernement auquel elle est soumise. Lesecond,biènplus vaste , embrasse la totslité des nations chrétiennes. Dans 1'un erTautrecas, j'ai cherché la véntéde bonne foi et avec zèle, et je me suis appliqué a 1'expliquer avec force. Y ai-je réussi ? C'est au public éclairé a le décider. Mais ce qu'il importe beaucoup que je déclare moi-même, c'est que je n'ai jamais eu 1'intention de blesser  P R E F A C E. xxi qui qne ce soit. Si j'ai erre , on jugera > par mon empressement a réparer les er-reurs que jé puis avcir. comrnises , combien la vérité m'est chèv.e.. Je prie^eulement qü'on n'aille pas chercher dans mes réflexions ce que- je n'ai point voulu y . metrre moi-même. Je n'ai d'autve désir que celui d'être utile k 1'iiumaniré , et je désavoue d'avance tou't ce qui. pourroit ne pas concourir a ce hut. Sil'on peut me dé-» montrer que mes principesaoient nuisibles, je corsens k me soumctrre a temt ie mépris deshonnêtes gens; mais'leur sulTrage. -. étant Ie seul que j'ambitionne , j'avertis les elabaudeurs, les faiseurs de systêmes , » etc. que je ne recönnoitrai jamais leur jugenient comme celui du. public. II est eacore unordre de personnes desquelles j'en appellerai toujours. Cesont celles qui par leurs méthodes scholastiques, leurs iftnpm* ■brables sufetilités , leurs disputes sans fin , et leur esprit de bigotisme dénaturent ■ laplus sirnple et la plus airaable de toutes les religions. Si j'ai raison aux yeux du public éclairé , j'aurai tort a leur tribunal. Je sais d'avance qu'ils me condamneront, peut-être même sans m'avoir lu. Mafc qu'iisne croient pas que jemenetfraie. Leur censure fera de reste l eloge de mon rravaili Si, k 1'instar de la cour ^3  «ij PREFACE. de Rome & vouloient aller plus loin ÏZT 'r$\ SUiï3nt Ieurcha"table courame, ils cherchoient a joindre les per- XCr?S n C£nSUre ' ^e leurdi^ frol dement: era/w /y^. w , /v« ,y* crains que ceux qui ne le traignent point. Je dois m'abstenir de répéter ici ce que ie dis dans lés premiers chapitres de ce ivre p0ur prouverque Ies Vauc|ois SQnt leseul peuple qui air conservé inviolable- Thér Jt fine Cl;rétienne i W* aucune alteration, depuis les premiers siècies du cnristiamsme jusqu'a nos jours. Mais ie ne puis m'empêcher d'observer, que c'est de nos vallées que sont parties les premières etincellesde cette réformation qui a rspprpche sinon en entier , du moins en parne la plupart des peuples del'Europe, de la pureté et de la simplicwe pnmitives du christianisme. II est tres - probable que C a l v i n lui-même etoit d origine vaudoise ; car il y a encore aujourdhui plusieurs families de ce nom dans nos vallées , d'ou nous croyons que la sienne s est transportée en PicardUJC* qu il y a de cerrain , c'est que dans la prétace que ce grand réformateur a mise k Ia tete de la première bible francaise qui ait jamais paru, et qui avoit ététraduite par  P R E F A C E. xxiij un de nos plus célèbres barbes , nommé Olivetan , il reconnoit qu'il lui étoit unï par les liens de la parente; ce qui nous fait présumer que Calvin lui-même , avoit puisé chez les Vaudois la doctrine qu'il a ensuite prêchée a Genève et ailleurs. II est certainaussi que, long-temsavant la réformation , il y avoit en Allemagne, enHongrie, en Bohème, etc. un grand nombre de personnes qui suivoient la doctrine des Vaudois ; et nous verrons dans Ia suite de eet ouvrage, que les Vaudois de Bohème et ceux d'Alsace envoyoient même leurs jeunes gensdans nos vallées, pour les former a la prédication. On sait encore que le célèbre Lollard, qui tra* vailla avec tant de zèle k répandrela doctrine vaudoise en Angleterre , étoit originaire de nos vallées , et il y avoit prêché long-tems avec beaucoup de succès. La Tour Lollarde qu'on voitencoreaLondres, a re$u son nom des disciples de ce Lollard , que Pintoiérance y fit enfermer. Nous osons même assurer que c'est par le moyen des Vaudois que la réformation s'est introduite dans'ces provinces. II est certain que c'est de nos valiées que sont sortis les Vaudois de la P rovence . du Languedoc , du Dauphiné. Ces Vaudois s'y ctantaugmenté considérablement, sur- b 4  xxiy PREFACF. tout a Ly.on,, devinrent les objets de la hainede 1'arcbevêque de cette ville,JW l>E Belle-Maiscn, qui les persécuta'vers 1 an ii 8a lis se retitèrent en Pkardie, sous a conduite de />wW Valdo , et recurent jenom de picard. Us le multiplièrent tellement dans cette province , que lorsque 1 HiLiPPE-AuGUSTEvroi de France , voulut les en extirper , il fit raser prés de trois cam maiscns de gentilshommes , qui ayoient embrasséla doctrine vaudoise. Ces puards, ainsi que les Vaudeis de Lyon , ( tous originsires de nos vallées ) } forcés de quitter leur seconde patrie, se réfugièrent en grande partie dans ces provinces , et servirent a y entretenir et a y répandre la connoissancedela vérité". Onsait même que ce fut pariri ces réfugiés Vaudois , qui prirent dans les Pays-B&s le «om de Wallons , que. fut dressée Ia première confession de foi qui y ait ja-, mais paru , et qui e&t due au célèbre marryr du même nom que moi , Guide Brez. Cette confession imprimée pour la premièrefois en 1561, fut adressée a Phieippe II, roi d'Espagne , en 156i , revue et confirmée au synode d'Anvers en 1 j8 j, et adoprée enfin par le synode de Dordt, qui ne fit qu'y changer quelques expressions. Ces. obseryadons importanres prouvent que  P R E F A C E. XXv nos vallées sont la mère-église de presque toutes celles qui suivent aujourd'hui en Europe la doctrine protestante , et que celles de ces Provinces-Unies , en particulier , tant hollandciisss que walLones , ont ia même origine. Les observations que je faisois il y a un moment sur la dispersion des Vaudois dans le LangueJoc , la Picanüe,les PaysBas 3 l'Angleterre , etc prouvent que la plupart des églises de ces divers pays ont originairement rc-911 leur doctrine de nos vallées. II est doncde mon devoird'annoncer a tous les vrais chrétiens t que ces dernières églises sur-tout se sont toujours n-iontrées et se montrent encore très-reconnoissantes envers leur mère. C'est avec k satisfaction la plus douce et ia gratitude la plusvive que je dis a tous les amis de la religion que c'est uniquement par les bienfaits de ces deux états que les églises et les écoles de nos vallées subsistent encore. Je me fais aussi un devoir de déclarer que c'est a la générosité des cantoris protestans de la Suisse que nous devons les diverses fondations de Genève, de Lauzane et de Bale qui fournissent a nos jeunes gens les moyens de faire leurs études. Car quoique nos valiées aient éré autrefois un véritable séiTiinaire , oü se rendoient de la Bohème et i  xxvj P R E F A C E. de V.disace même, les sujets qui vouloïent se former a la prédication , nous envoyons aujourd'hui tous nos étudians en Suisse. Ce n'est que de ces ames généreuses qui s'intéressentsi vivement a nous , que nous pouvons espérer la réforme de eet abus , dont les suites ont été plus f unestes a none patrie qu'on ne sauroit le croire. Nous en indiquerons les moyens a la fin de ce premier volume. Le lecteur sensible et humain qui aura parcouru les tableaux déchirans de perficlie, de' trahisons et d'atrocités qui reviennent si souvent dans la suite de notre histoire , nous demandera sans doute quels turent donc les crimes qui attirèrent tant et de si cruelles persécutions a nos ancêtres ? Leurs crimes! .... lis n'existèreut jamais que dans la tête de leurs bourreaux; et .ces bourreaux et leurs chefs eux-mêmes ne purent jamais en articuler, ni en prouverun seul. Uui, je ne crains pas de le direè la face de i'univers : il sera toujours impossibie a nos ennemis les plus acharnés de mettre au grand jour une seule action qui ait mérité ,jene dis pas d'attirer aux Vaudois les barbares persécutions qu'on leur a si souvent suscitées, mais qui ait pu fournirun prétexteplausible depoursuivre criminellement un seul d'entr'eux. Pourquoi  P R E F A C E. xxvij furent donc immolées ranr de milliers de victimes innocentes, qui crient encoreveneeance au ciel ? Pourquoi ont-eiles ete si souvent teintes du sang de leursmtortunés habitans ? Pourquoi f . .. . Pour assouvir-les prétentions orgueilleuses et le fanatisme fétoce de la cour de Rome.... II est donc vrai et il importe beaucoup de ne pas 1'oubiier , il est donc vrai quil a existé des évêques, se disant les ministres du plus doux , du plus bientaisantdes tnaitres,quiontarboré unétendard de sang au sein du christiaoisme. II est donc vrai qu'il a existé des hommes, dirois-je, ou des monstres, qui en se proclamant les successeurs de S. Pierre , ont couvert 1'Europe de leurs crimes , et la terre du sang de ceux qui osoient leur résister. IIest vrai qu'il a existé des tyrans , qui , sous le nom de papas, ont avili 1'humamte de la manière la plus indigne , en prétendant, lesanathêmes ada mam , que tous les mortels devoient soumettre leur raison et leur croyance au joug le plus méprisable et le plus odieux. 11 est donc vrai que des milliers , que des milliofts d'hommes , du nord au midi, ont été sacnfiés par une puissance qui ose se dire chrétienne , et cela paree qu'ils avoient le courage d'attaquer ses prétentions ndicules, et dopposer uns 2  xxvfij PREFACE. 4igue au torrent de ses pernicleuses «axime»!.... Graces en soient rendues -u eieJ! son empire est auxabois ; ia iujni|re succede insensihlement aux ténèbres; e fanatisme et ia superstitiën paroissent vouloir rentrer a jamais dans les antrcs aftreux qui 1 ont vu naitre< Rome, Ronje, ton nom ne survivra clans 1'hisroire que pour etre en exécration dans tous les siècjes Ja!souvententendudes personnes qui reprochoient aux Vaudois d'avoir pds \s arrnes pour se défertdre, chaque fois quJils se sont vus attaqués par leurs ennemis, ^Hes se lonaoienten cela sur le v. 21 du • ch' deS.Matthieu , oü 1 ecrivain sacré rapporteces paroies de Jésus : Lorsqu'ort vous persécutera dans une ville ,/uyerdans une autre y car je vous assure qu'avant que vousaye^fai: le tour des villes d'Israël] le jus de l'homme sera vsnu, Mais il sufntde lire ces paroies pour se convamcre qu'clles ne sadressent quaux ciiscipies que Jésus avoit désigné pour aller annoncer 1 evangile dans les différente* villes de ia Judée, etquelles ne peuvent jamais s'apphquer, ni aux Vaudois, ni a tout autre peuple persécuté pour cause de reugion. La nature elle-même nous apprend f rtpousser par la force un aggresseur inpste, et la voix de 1 erangile ne saurofc  P R E F A C E. xxix êrre contraire a la voix de la nature „ puisqu'elles ont toutes deux le même Di£U pour auteur. D'ailleurs , si Je sentiment de ces personraes étoit fondé, il s'ensuivroit que chaque fois qu'un peuple voudroit en attaquer un autre sous prétexte dereligion, ce dernier devroit se laisser égorger sans résistance , ou quitter ses biens ct sapatrie , pour aller trainer ailieurs une existence pe'nibie. Öe cette facon 1'imiocence et la vertu scroient exposées a toutes les fureurs des méchans , et ne pourroient plus compter sur un jour de tranquillité dans cette vie. Une telle doctrine ne seroit propre qu'a répandre le trouble et la confusion dans tous les états ; car si vous êtes lepius fort aujourd'kui , je puis letre dernain a mon tour , et j'acquiers alors ce droit de vous égorger, que vous prétendiez avoir hier sur moi, Qui, quoiqu'on en puisse dire, le droit de défendre ses biens , ses opinions , sa vie, injustement attaqués; ce droit est Ie plus sacréde ia nature, etquiconque osele combattre est, a mon avis, 1'ennemi du genre humain. Je le demande , d'ailleurs , a toutes les personnes raisonnables : Ya-t-ilsur la terre une seuie puissance, un seul corps, une seule assemblee,sous quelque nom qu'oa  xxx P R E F A C E. veuille les désigner, qui ait le droit d'exigerque sa oróyance serve de régie aux autres hommes ? Puisque le but unique de la religion esr de nous lendre heureux s et que notre bonheur dépend ab olurnentde DitU , ne faut-il pas être d'une impudtnce extreme pour aller s'itigérer dans une affaire qui nous rc garde nous seuls , et dcuis laquelle aucun mortel, quel qu'il soit, ne sauroit avoir la mêmeinfiuence ? , Vous prétendéz que ma croyance doit se régler sur la vötre , et sur-quels rondemens , je vous priel UIEU vous aiiroit-il étabii pour me révéltr les vétités fondamentaies du Crmstianisrne ?. ... Mais il a déclaré lui-même que nous riavons quun seul makre , un seul législateur ; et ce législateur , il y a prés de dix-huit cents ans qu'il a paru sur la terre. Quelles peuvent donc être vos prétentions ? Croiriez-vous qu'il est nécessaire , pour obteriir la félicité éternelle , d'admettre tout ce qu'il vous a plu de convertir en dogmes ? Dans ce cas , il ne nous reste que des larmes a donner a tous ceux qui ne pensent pas comme vous ; car vous n'ignorez pas sans doute que cent sectes peut-être, ont des opinions tout-a-fait opposées aux vötres. Reconnoissez donc v« tre erreur , et conventz quil ne peut y avoir de vérités  PREF ACE. sxxj rèellement fondamentales que celles qui som e^alement adopties par tous Le\ chrétiens , de quelque communion qu ils soient; et ces vérités sont en fort petit nombre et très-faciles a saisir. Toutceque les hommes y ont ajouté est parfaitement inutile. Un DIEU justeet bon ne sauroit avoir imposé a ses enfans la croyance de quelques propositions obscures , qui ont été et sont encore un objet de controverse. Les vérités donc il fait dépendre norre bonheur doivent être d'une évidence qui les mettea la porree de Uesprit le plus borné. Or, je demande , si'tie toutes les opinions qui divisent encore aujourd'hui les chrétiens , il y en a une seule qui porte ce caractère ? Je de* mande, par conséquent, s'il y a une seule de ces opinions qui puisse être regardée comme essentieile a ia croyance d'un vrai chrétien ; une seule qui puisse fournir un prétexte raisonnable de traiter d'hérétiques ceux qui ne 1'adoptent pas? Et, cependant, n'est-ce point pour de semblables opinions que la terre a été si souvent couverte de carnage ? N'est-ce pas sous ce prétexte que des torrens de sang ont tant de foisinondé i'£u ope? N'estce pas la la source de tous les maux, de toutes les persécutions qu'ont essuyé les infortunés Vaudois ?.... Ne voudra-t-on  xxxij P H E F A C E. jamais voir que c'est a i'abus aussi funeste' que criminel des premiers principes de 1'évsngiie, qu'il faut attribuer toutes les calamités que tant d'esprits injustes rejettent sur le christianisme même ? Pourquoi y a-t-il encore dans le sein de cette reiigion d'union et depaix,tant desectesdiverses ? Pourquoi les catholiques haïssent-ils lesprotestans et les protestans les catholiques .''Pour* quoi se regardent-iis réciproquement comme hé;-étiques? Pourquoi se traitent-ils avec tant d'aigreur et de dureté ?... C'est qu'au lieu de remonter a ia source, a 1'évano-iU même,ils ne puisent que dans les ruisseaux, que le mélange des opinions humaines a corrompu ; c'est qu'au lieu de chercher ce qui constitue 1'essencedela foi chrétienne dans les déclarations si expresses de Jésus et de ses apötres, qui doivent être la règle unique de norre croyance , ils vont 1'étudier dans les confessions de foi des chefs de leur secte et de leur parti; c'est qu'au lieu de revêtir eet esprit de charité , sans lequel il n'est point de christianisme , ils ne reconnoissent ordinairement d'autre guide que le vil intërêt, et qu'ils oublicnt entiérement , « que la reiigion ne -con»> siste pas en paroies, mais en vertus. » La nature de mon travail, et les intéréts écuter, se massacrer de la manière la plus barbare; tant ies conséquences de la plus pedte errcur, en ce genre, peuvent être terribies I Telle est i'essence de la foi chrétienne ; je dis que toutes les opinions qu'on y a ajoutées sont parfaitement inutües, même dangereuses , et qu'on ne sauroit trcp s'empresser de les faire disparoitre du sein du christianisme. Je dis que tout chrétien ne devant compte de sa croyance qu'a DIEU seul, ii est de son devoir de ne la fonder que sur les déclarations les plus express es de l'évangile , sans tenir aucun compte de toutes les subtilités dont les hommes ont cherché k les embrouiller. Je dis qu'il est impossible au théologien le plus rusé de trouver une seule ligne dans tous les écrits sacrés, qui donne k quelque personne ou assemblee que ce soit, le ciroit d'imposer une formule de foi aux autres hommes. Ce prétendu droit que la cour de Rome, et après elle, tant d'églises té formées, ont voulu mettre en pratique , n'estdonc qu'une usurpation manifeste, et sur les droits de DiEU qui est seul notra 3  xxxvUj PREFACE. juge „ et sur ceux de chaque homme, dont aucun n est tenu de rendre compte de «a croyanceaun autre. Levangileest la seule regie immuable de la foi, et 1'Etre-Suprême a laisse a chaque homme lesoin de 1'expli Tels ont été de tout tems les principes des chrêtiens de nos vallées ; tels ils sónt encore aujourd'hui. Levangile est leur juge umque , immuable. Ils ne riennent aucun compte de tous ces échafaudages d opinions humaines , que tant de sectes ont élevé auiour de lui. Jamais aucun den-  P R E F A C E. xxxix tr'eux ne prétendit prescrire a ses frères sa croyance, comme une règle de foi. Les mots d''hérésie et A'orthodoxie, ce dernier sur-tout, leur sont presque inconnus. lis ne savent pas mieux ce que c'est qu'ura dogme ; car ils n'ontjamaistrouvé ce terme dans les livres sacrés, et leur première règle est de s'y tenir religieusement, autant pour les choses que pour les mots. On n'entendit jamais parler parmi eux , de disputes de reiigion ; et ils sont scandaiisés lorsqu'on leur dit qu'il y a des soi-disant chrédens qui, au lieu de s'appliquer k bien faire , perdent leur tems a disputer sur ce sujet. La plus grande union règne dans toutes leurs églises , qui ne sont^, au pied de la lettre, qiiun emir et quune dme. Le synode qu'elles assemblent ordinairement tous ies deux ans, n'a d'autre destination que de maintenir 1'ordre parmi les églises, et de les pourvoir de pasteurs. II ne s'ingère point dans les arianes de la foi, paree que chaque Vaudois est en ceia son propre juge , et qu'il n'en reconnoïtroit jamais d'autre au-dessus de lui quei'évangile. On pourroit donc leur apphquer,avec ie plus grand fondement , ces paroies d'un écrivain sacré : « lei est la patience des vrais. » fidèles ; ici sont eeux qui gardent les » cora mandemens de DIEU et la foi de » JéiUS. » 6  xl PREFACE, II tst vrai que les Vaudois se sent plus ou moins départis de cette simplické depuis ie siècle de ia réformation, paree qu'il* ont été obligés de se servir des iivres des réformés , et d'cnvoyer leurs jeunes gens dans les académies étrangères. Mais outre que ces aitérations sont d'assez peu de conséquence il sera fort aisé de les faire dkparokre dès qu'on voudra s'en donner la peine. On se sert, par excmple, da-s nos vallées -, du catéehisme d'österVald , paree que nous n'avons aucun moven dans none patrie d'en faire irnprimer d'autres. Mais je me propose de metïre au jour celui doiit se servoient nos ancêtres, et qui date du commencement du XIIe. siècle. Leger l'a transerk dans son ouvrage , ainsi que Perrin ; et 1'oiïginal dok s'en trcuver dans la bibliothèque de Camorldge. En le substkuant dans toutes nos écoles a celui d'OsTERVAED , nous nous rapprochcrons de nos aïeux, et pour que la reform? soit compiette, il ne nous restera a dé.skcr que de pouvoir étabik un petit séminaire dans nos vallées, oü nos jeunes gens seroient a même de faire toutes les études nécessaires pour se former a la prédic^tion. j'ai déja dit qu'on en trouveroir le plan a la fin dece volume. Je dois ajouter encore une observation,  PRE F AC E. xlj avant de terrainer cette préface. C'est qu'on me jugeroit mal, si i'on ooncluoit de ce que je viens de dire, que je ne fais aucun cas de ia réformation. 11 est vraiqu'en qualité de Vaudois, je ne puis y attacher la Hiême importance que ceux des peupies qui portent le nom de réformés. Mais je déciare néanmoins que je regarde cette révolution comme très-intéressantepar ses euets , autant pour i'ordre civil que pour 1'ordre religieux, et que, quelles qu'aient pu être les intentions de quelques-uns des reformateurs, ils n'en méritent pas moms, a mes yeux , ie titre de bienfaiteurs du genre kumain. On leur doit assurément en grandepartie ies progrès des sciences, cle la raison, de lasainephiloscphie, etsanseux i'Europe entière gémiroir peut-être encore sous ie j oug avilissant de lapapauté. Ce sont encore eux • qui ontjettéles premiers fondemens de la liberté civile et politique, si étroitement unies a la liberté reiigieuse ; et les bons esprits admireront toujours ie beau code de loi que Calvin a laissé a la répubiique de Geneve. N 'est-ce pas aussi a leurs principes que ies cantons protestans de ia Suisse , plusieurs villes d'Aiiemagne, ces ProvincesUnies, doivent leur liberté ? Les réformateurs méritent donc , a jusre titre, la reconnoissance de toutes ies ames  xlij P R E F A C E. bien nées; mais cette reconnoissance ne doit point dégénérer en idolatrie. Leurs opinions ne doivent jamais prévaloir au point d'être misesacötéde 1'évangile; car e^finLuTHER, Calvin, Wicleff, Zwingle, (Ecolampade , etc. n'étoient que des hommes, et ils ont pu se tromper aussibien que nous. Profitons de leurs bienfaits, mais ne jurons point par leur nom. Ecoutons leurs lecons , mais rappellons-nous toujours que ce ne sont pas celles de l*évangile. N'oublions jamais que nous n'avons qu'un seul législateur, qui est Jésus, et que c'est déroger au respect et a la gratitude qui lui sont dues, que de prendre un autre titre que celui de ghrétiens. Qui que vous soyez donc , lecteur t entre les mains duquel eet ouvrage pourra tomber, souffrez que je vous recommande les intéréts de la plus consolante de toutes les doctrines; de cette doctrine , « pure ** et sans taches , qui consiste a avoir soin » des veuves, des orphelins, en un mot , » de tous les müiheureux, et a se préser» ver des vices régnans et de la corrup» tion du siècle. » Mais permettez que je vous exhorte de ne puiser la connoissance de cette sublime reiigion que dans les écrirs sacrés , qui doivent seuls être notre règle invariable et notre fidele boussole. Par-ia  P R E F A C E. xliij rouscontribuerez a ramenertouteslessectes chrétiennes sous les étendards de 1'évangile, et a rallumer dans tous les cceurs le règne de cette charité ou de cette philantropie , qui fait 1'essence du christianisme. Par-la vous rendrez de plus en plus respectable et chère a tous les mortels cette maxime si simple et si utile , « dene faire aux autres » que ce que nous voudrions qu'ils nous » fissent. » Par-la toutes ces animosités , ces violentes persécutions, qui ont causé tant dedésordres dans le monde, s'éteindront entiérement d'eiles-mêmes, paree que tout homme désire ardemment de conserver sa conscience dans 1'indépendance des autres hommes, sur-tout a 1'égard du culte qu'il rend a son DIEU , et que la contrainte , en matière de reiigion, de quelque beau prétexte qu'on veuille la couvrir, est toujours injuste et cruelle. Par-la vous anéantirez toutes les factions dans les états, paree que chaque membre qui les compose sera bien aise que tous ceux de ses compatriotes qui ne sont pas ennemis du gouvernement , puissent, avec les mêmes droits , jouir des mêmes privilèges que lui. Par-la enfin, vous contribuerez a rendre au christianisme toute sa splendeur , toute son ef-  xiiv P R E F A C E. ficacité , et tout leur lustre, aux vertus qu'il recommande. Vous serez ainsi les bienfaiteurs de votre familie, de votre patrie , et je ne crains pas de le dire, du genre humain entier. Les méchans, les bigots , les faux dévots, vous haïront sans doute. II est même probable qu'ils vous persécuterent. Mais vous n'aurez qua vous retirer a 1'ombre de votre conscience, pour rendre toutes leurs manoeuvres inutiles. La douce satisfaction dont elle vous fera fouir, vous dédommagera amplement des niaux passagers que la caiomnie et 1'injusticepourront vous susciter; et si jamais les hommes viennent a rec'onnoitre le vrai mérite , c'est a vous seuls qu'ils dresseront des statues. Utrecht, [e 4 octobre  NOTE, ( Elle sc rapporte d la page xxxvj de cette préfack.) Les principaux passages, ou les vérités fondamenlales du christianisme sont exposées avec le plus ds clarté, sont les suivans : Evangiis de S. Jean, chap- UI, 36. — IV, 25,26, 29, 89,42.— VX, 69. —X, 24,16, — XX,3o,3i.— XI, 27. Evangile de S. Luc, chap. XXIV. Actes des apótres , chap. II, 22. — ïtï s 18.— IV, 10,12.'— V, 29,33. — VIII, 5, 12,37. —IX, 30,22. —X, 42,43. — XI, 14. —xv, 7,19. — xvii, 1,9. — xvin>4» p* 27, 28. —. XXVI, 22. Tous ces passages se rapportënt a celui-cï: k La vie étcrneïle est de ne reeonnoï tre pour le » seul vrai DIÉUque lol , et Jésus que tu as » envojé. » Ge qui veut dire, en d'autres termes , que les seuls articles. dont la croyance est nécessaire pour obtenir la vie eternelle, sont ceux que i'écrivahi sacré désigne dans ces paroies : C'est la le vrai fondement de la reiigion chrétienne.'Les autres véritéssecondaires sontlaissées al'explication particuliere de chacun de ses disciples.  Qu'il me sol l donc permis de ledire. Je ne puis concevoir que plusieurs grands hommes, et parmi eux l'illusti-e Jean Alphonse TüreTiN, dont j'aime et je respecte singuliérement lesécrits, aientpuavancer qu'il est impossible de définir les articles fondament aux de la foi chrétienne, et que ces articles varient, même suivant les tems, etc. ( Dissertatie* de articuUsfundamentalibus,operum,lom. 3. edit. Franequerce in-40. ) Car s'il est une vérité qui me paroissedela dernièreévidence,c' paroit avojr tiré son nam.  28 •Descrlplion ou de la ville de Luzerne, qui en est le cheflieu , ou du torrent du même nom , qui en arlose une partie, ou enfin du',flambeau, (en pismontais Luzerna ,) qu'elle a eu de tout teras pour armoiries. Elle est séparée k 1'occident de la valide de Quegras , par Ie col de la Groix ; elle a au midi la vallée du Po ; au nord celle de S. Margin ; a 1'orient le terrdoire de Bubiane et de Briqueiras. Cette vallée compreml les communautés de Hora, S. Jean , la Tour , VillardaXRobbi. La communauté de Rora , siluée au sudouestdsLuicrns, est ia plus petite de la vallée de ce nom. Le vallou oa elle se trouve n'a d autre largeur que celle du torrent de la Luzerne qui descend de 1'alpe Friolent , et va se jetter dans le Fé/ice. Cette communauté est entiérement montueuse, et ne produit que des chataigneset du bied. C'est du quartier appellé les Vignes que le cdpitaine Janavel étoit originaire ; mais comme les Vaudois furent chassés de ee quartier pendant les persécutions , sa familie s'est retirée dans la communauté de la Tour, oü elle subsiste encore. La communauté de S. Jean est, sans contredit, la plus belle et la plus riante de toutes celles qui composent nos vallées. Elle est, pour la plus grande partie , siluée dans une plaine déiicJeuse, oüles prës'j les" champs, les vignes, les vergers et les "jardins les plusfertiles,se confondent tour-a-tour , et préssntent un aspect ravissant pour tout homme qui sait apprécier les beautés de la nature. Cette communauté iait un comuierce étendu envins , enbleds et  '■des vallées vaudoises: »9 sur* tout en soie. Elle est bordéèa 1'orlent et a i'occident d'une superbe chaine de collines qu'oa nomme la Costière , toutes couvertes des plus beaux vignobles et des Iruits les plus exquis. Cette cóte ou costière est arrosée par un bras de l'Angrogne qu'on a eu soin dy conduire. Le temple de la communauté est au lieu nommé le Chabaz , sur le territoire d'Angrogne. La communauté d'Angrogne es\ contigue a celle de S. Jean, et s'étend en montant vers le nord , jusqu'aux alpes de la Vachère, de la Cella, de la Cella-Veglia et de Vlnfernet. Elle paroit avoir tiré son nom d'un torrent appellé l'Angrogne, qui descend da ces alpes.Cette communauté, toute montueuse, ne produit que irès-peude vin, mais beaucoup de légumes, de iruits , de fourages et de cbataignes. Elle est naturellement très-ibrte; car on ne peuty pénétrer que par deux endroits , ducötéde Luzerne et de Êriqueiras; et ces deux endroits ont toujours eu des postes cu'on pouvoit défendre avec peu de monde. Si ces postes étoient forcés , on pouvoit se retirer plus haut aux barricades, ou le vallon forme une gorge fort étroite, défendue par une muraille _ trèsépaisse de gros cailloux. Après cette retraite on en trouvoit encore une autre très-forte sur la montagnede/a Vachère. Enfin , a I'occident de cette montagne, est leVré-du-Iour, quiservit de dernier asyle aux Vaudois, contre les armées combinées du Pape, de 1'Espagneetdu duc deSavoie, qu'on avoit envoyé pour les exterminer en i56o et i56i. Ce lieu est un creux environné de montagnes presque inaccessibles,  3° Bescription ou 1'on ne peut entrer que par Un chemin pratiqu e dans Ie roe au bord du torrent de l'Angro craindre Jésus-Christ, qui ne veuille ni mé»dire, ni jurer,niinentir, ni coramettre d'a» dultère, ni tuer, ni dérober, ni se venger de ses » ennemis, ils disent qu'il est Vaudois , et digne * de mourir. » Que eet écrit soit authentique, et qu'il mérite la plus grande confiance, c'est ce qu'attestent les deux exemplaires sur parchemin, en vieilles lettres gotliiques, qui se trouvent encore aujourd'hui, l'un dans la bibliothèque de Cambridge, en Angleterre, et 1'autre dans celle de Genève , oü je l'ai vu moi-même en 1789. Ces deux manuscritsont été déposés dans ces bibliotlrèques, afin de servir en tout tems de téinoignages irrécusables contre nos persécuteurs et nos ennemis. Je Ie demande donc. Y auroit-il du bonsens a admettre, que ces Vaudois, dont on jugcoit la bonne conduite digne du dernier supplice, dèsl'an onze-cent, ont tiré leur nom de ce Valdo qui n'a paru qu'en onze cent soixante et quinze ? ne f alloit-il pas qu'ils le portassent loug-tems avant le XIle. siècle, puisqu'ils étoient connus dès-lors , et décriés si publiquement sous ce nom ? Mais afin de ne pas donner aux choses plus d'imporlance qu'elles n'en ont, nous avouerons sans détours , que lors même qu'on parviendroit a élever des doutes sur 1'origine de noü*e nom, nous nous en mettrions fort peu en peine; car, enfin, ce nest pas dans le nom_ qu'ils portent, que les Vaudois chefcfient leg türesde  Nom des Vaudois. a3 « " leur gloire. II en est d'autres bien plus cliers a leur cceur. Nous nous gloriiions avec nos ancêtres, et nous rendons graces a DIEU d'avoir touj'ours conservé dans nos vallées la doctrine évangéüque dans toute sa pure té, et sans aucun mélange de ces opinions humaines qui ont infectépendant si long-tems,etqui infectentencore une si grande partiedu monde chrétien. Nous nous gloriiions d'avoir persévéré dans la même croyance depuis les premiers siècles du christianisme jusqu'a nos jours, malgré les nombreuseset cruelles persécutions qu'on nous a fait essuyer. Nous nous gloriiions de ce que, 1'Etre-suprême a daigné choisir notie patrio poury conserver le flambeau de la vérité,e£ de ce qu'elle a été le fanal. oü tous les autres peuples sont venus, en diiïérens tems, puiserla lumière qui les a éclaiïés. Nous nous glorifions d'avoir contribué a entrètenir dans la plupart des paysde 1'Europe, la simplicitédela doctrine chrétienne, parleinoyen cles ministres que nos ancêtresavoient soind'y envoyer. Nóus nous gloriiions de n'avoir jamais été réformés, quoique ce soit a notre école que les réformateurs se sont instruits, comme ils 1'avouent eux-r mêmes. Nous nous gloriiions, enfin, de ce que nos vallées sont la mère-église de toutes les églises réformées ou protestantes. Voila quels sont nos tilres. Voila nos preuves. Chacun sait que Luther et Calvin n'ont commencé a travailler a la réformation , 1'un rpi'en i5i7 , et 1'autre en i536. Or , parmi la i'oule de preuves que nous allons alléguer succcssivement, nousayons uue confession dc foi  44 Nom des f^audois. des églises vaudoises, datée de Fan 1120 , o\t elles professent exactement la même croyance qu'aujourd'hui. L'original de cette pièce doitse trouver, avec beaucoup d'aulres manuscrits vaudois', dans la bibliothèque de Cambridge , dont nous avons déjaparlé. Le lecteur voudra bien recourir a latraduction que nous avons placée a la fin de ce volume. Tous lesécritsque nous avons eu le bonheur de sauver des incendies de nos vallées , ou de soustraire a lafureur de nos ennemis , confirxnent pleinement que la doctrine de nos anceires a toujours été conforme a cette confession de foi; et pour ajouter encore a cette certitude, s'il est possible, nous ferons suivre cette conlession d'un petit catéchismeen langue vaudoise, qui datedel'an 1100. Nous ne les avons point insérés dans ce chapitre, cramte de trop interrompre le fil de la narration. Mais ce qui doit lever jusqu'au moindre doute sur ce sujet, c'est le témoignage d'un de nos plus grands adversaires , du pape Pie il, connu sous le nom SAneas Sylvius , avant qu'il parvint a la thiare. Dans son Histoire de Bohème, imprimée par Anioine BONS , il dit , en parlant des Vaudois de ce royaume : * Ou'ils aboient contre tous les prêtres; et que » s'étant séparés de 1'église catholique, ils ont ») embrassé la secte impie des Vaudois, de » cette faction pestilentielle , et dès long-tems 3» condamnée, dont les dogmes sont : ~™(v)ue » 1'évêque de Rome est égal aux autres éveques; » qu'il n'y a point de feu du purgatoire; s> que les priètes pour les morts sont vanies \  Nom d'es Vaudois. 4S » qu'il faut abolir les images de DIEU et celle 5, des saints ; que ïe monde est le grand temple » de DIEU ; que ceux-la limitent sa majesté , » qui batissent des églises , des oratoires , des » monastères; s'imaginent que la djvunte y M est plus favorable, et que sa bonté s'y ^trouve » plus facilement; que c'est en vain qu'on re.y, court aux saints qui règnent dans le ciel si avec J. C. et qu'ils ne servent denen. » Claude de Sey ssel, évêque de Marsedie, qur vivoit ala fin du XVe. siècle, ajoute un nouveau poids aux assertions déja si conclaanles de PlE II. Cet homme célèbré avoit été dans le maniment des affaires sous Louis XI , Charles VIII et Louis XII. On crut sous le règne de francois Ier , que personne ne devoit être plus propre que lui pour amener les Vaudois dans le sein de la commumon romaine. On le fit donc archevêque de Turin, afin qu'ayant ces prétendus hérétiques dans son diocèse , et étant a même de s'entreteuir tous les jours avec eux, il put aviser plus lacilement aiu moyens de les faire changer de croyance , oude les détruire. Voici tout ce qu'il trouve a reprendre dans leur doctrine, dans lelivre qu'il aécrit expressément contre eux. « G'est, dit-il, qu'ils ne recoivent cpie ce y> qui est écrit dans 1c vieux et le nouveau tes» tament; qu'ils disent que les pontifes romains » et autres évêques ont dépravé 1'éeriture par 3) leur doctrine et par ieurs gloses ; qu'ils ne cé» lèbrent point les fêtes des saints ;_qu'ils disent » que nos prêtres n'ont aucune puissance cl'ab» soudre les pêcliés j qu'ils prétendent qu'eux  46 'Nom des Vaudois: ■» seuls conservent la doctrine évangélique j) et apostolique ; qu'ils alHrment qu'on 3ï doit mépriser les indulgences accordées par » 1'église; qu'ils détestent les images et les 3> signes de la croix cpie nous adorons ; qu'ils 3> croient qu'il n'y a point de mal a travailler s) les jours de fête ; qu'ils n'observent point le » carême; qu'ils enseignent a leurs complices 9> ies paroies des évangiles , des apötres et au» tres saints, en langue vulgaire , pour former 3) leurs cceurs, allêcher les tidèles, et orner leur » secte de belles paroies de saints, afin qu'on 3) croie salutaire ce qu'ils persuadent; que le j» droit de contracter mariage ne peut être in3> terditparqui que cesoit; que la messe n'e33 xistoit point du tems des apótres, etc. etc. Telle ayant donc été, dès les tems les plus anciens, la croyance des Vaudois, de 1'aveu même de leurs ennemis, nous devons chercher h prouver qu'ils ont recu cette croyance des apötres, ou de leurs premiers successeurs, et que depuis lors elle n'a jamais varié dans nos vallées. Ce sera 1'objet des deux Qhapitres suivans.  Croyance des Vaudois.- 47 CHAPITRE III. Preuves historiques de Vantiquité de la croyance des Vaudois. I/illSTOTRE rapporte quel'apótre Paul ayant été conduitprisonnieraRome y séjourna pendant deux ans, avec Ia liberté d'aller par laville, de maison en maison.II profita de ce séjour pour étendre 1'église qui avoit elé fondée dans cette superbe cité; et ce sont ses membres qui ont servi a répandre la reiigion chrétienne en Italië, et par conséquent dans le Piémont qui en fait partie. G'est ce que 1'aporre paroit inslnuer luimême, lorsqu'il dit a la fin du XIIK 'chapitre de son épitreaux hébreux : « Saluez vos cony> ducteurs et tous les fidèles; ceux qui sont d'Italie vous saluent. » Quelques personnes allant encore plus loin, prétendent que les Vaudois ont recu f'évangile de 1'apótre Paul lui-même; et cette opinion n'est pas destituée de tout fondement. On lit au chap. XV. v. 24-28, de 1'épitre aux romains : -*» « J'irai vers vous, lorsque jepary> tirai pour aller enEspagne; j'espère que je ■» vous verrai en passant par votre pays, et 3) que vous me conduirezcle-la, après que j'au» rai premiérement été rassassié en partie d'a- y> yoir été auprès de vous Après donc que y> j'aurai achevé cela , et que j'aurai consigne 35 ce fruit, j'irai par chez vous en Espagne. » Paul étoit a Corintlie lorsqu'il écriyit qu'il  48 'Croyance des Vaudois^ youloit aller en Espagne. II n'y a aucun cloute s'il a fait ce voy age par terre, qu'il ne soit passé par leTiémont, qui étoit sur la route de Rome en Espagne: et s'il 1'a fait par mer,il n' étoit pas nécessaire qu'il passat par Y Italië pour aller de Corintlie en Espagne. Si donc il a fait sontrajetpar leFie'mont, comme on peut le croire , il est certain qu'il a enseigné le christianisme, puisqu'il 1'annoncoit par-tout ou il se rencontroit. 11 se peut encore que la connoissance de 1'évangile ait été apportée dans nos vallées par ceux des chrétiens qui cherchoient a se soustraire aux cruelles persécutions de Néron , de Domitien ,et desempereursqui leur succédèrent. Aucun lieu n'étoitplus propre a leur servir de refuge que Jes montagnes de notre patrie, oü ils pouvoient faciletnent se mettre a couvert de toutes les poursuites de leurs ennemis. Au reste, 1'on sent bien que dans des événemens d'une si haute antiquité , et sur lesquels ïious n'avons que de si foibles lumières , il seroit peu juste d'exiger des preuves positives. Les monumens nous manquent, il est vrai, et ïl nest pasétonnant que ceux que nos ancêtres pouvoient avoir , se soient perdus au milieu de toutes les persécutions qu'ils ont si souvent endurées. Mais neus avons en notre faveur tant de probabilités, tant de faits même , tant d'aveux positifs et authentiques de la part de nos adversaires, qu'il n'est aucune personne équitable, qui, après les avoir mu rem ent examinés, puisseconserver le moindre doute sur 1'origine et 1'antiquité que nous donnons a nos églises.  Croyance des Vaudois. 49 II est d'ailleurs une observation très3siinplej mais très-importante, a Ijaquelle on n'a pe.sassez faitattention. On doit convenir :[iie sous le règne de Constantin et de. ses successeurs , 1'Italie entière étoit déja chrétienne. On m'avouera également , que tant que 1'église romaine a conservé le christianisme dans sa pureté primitive, il seroit absurde d'exiger des Vaudois des preuves de ia pureté de leur croyanoe, puisqu'elle étoit exactement la même que cefe de 1'église dominante. Ce ne 1'ut que lorsqua cette église commenca a. inlroduire dans soit seinv, et è vouloir faire adopter des opinions et des usages nouveaux , que les Vaudois refusèrent de s'y soumettre 5 et c'est ce qti£ n'est arrivé qu'a la ün du huifième siècle.! Car , quoiqu'il se' fut déja glissé bien des abus avant ce tems, les principaux fondemens de la vérité n'en subsistoient pas moins en entier. Tout ce qui tient a la doctrine de la communion romaine moderne étoit. alors inconnu , comme 1'ont prouvé directement Juellus, Daillé, Dumoulin , etc. 'et in-s directement divers partisans de la cour de Rome, Baronius, Enüphius, Platina, etc. que chacun peut consulter. On sait même qu'en ce tems 1'adoration des images , par exemple, fut hautement condamnée par les églises d'Angleterre, de France, d'Allemagne et d'Orient ; et que cette eondamnation fut confirmée par ie conciïe que Chaslemagne convoqua a Francfort- snr-leMein , en 794. Que les habitans du Piémont, et par conséquent ceux de nos vallées , se D  üó Croyance des Vaudois. soient aussi opposés aux innovations des papes , c'est ce que prouve ia lettre que les évêques d'Italie adressèrent, par le canal de Photius , a tous les patriarches des églises de 1'Orient. Baronius , qui rapporte cette lettre,fait parler ainsi ces patriarehes : avons recu une épitre synodale d'Italie, » ou les habitans d'Italie se plaignent contre y> leur propre évéque , d'une infinité de mé3) chancetés et de crimes, entr'autres, de la 3J ty ra unie qu'il veut usUrper sur eux , et 3» nous appellent a la défense de 1'église avec 3»- beaucoup de larmes. » Nous le répétons donc ; tant que 1'église dominante a conservé la doctrine évangélique dans sa pureté primitive, les églises vaudoises ont continué a professer avec elle cette même doctrine. Mais dès cpie la cour de Rome commenca a vouloir innover , les Vaudois, de leur cóté , s'appliquèrent a résister a ses innovations , et a conserver parmi eux le chiistianisme dans toute sa simplicité aposiolique ; comme en effet , nous soutenons qu'ils Font conservé depuis cette époque jusqu'a nos jours , sans avoir jamais eu besoin d'aucune réforme. Et ici les preuves se multiplient tellement sous notre plume , qu'il ne nous reste d'autre embarras que celui du choix. Sur la fin du huitiènie siècle, et au comKtencement du neuvième, Claude , évéque de Turin , dont le diocèse embrassoit nonseulement nos vallées, mais encore leDauphiné et la Provence , s'élèva si fortement contre 1'église romaine, que sadoctrine a été appelee  Croyance des Vaudois. 5 ft depuis Calvinisie par ses adversaires. Ecoutons ce qu'en dit ïllyricüs , clans son ca-, talogue des ténwins de la vériié, iivre IX» « ClaUDE , évéque de Turin , florissoit au » tems de Charjernagne et de Louis-ie-Pie.ux, j) dont il fut i'ami très-intime , avant même 3) d'être évéque. li a puissamment combattu 3> de bouche et par écrit contre 1'adoratiorr » des images , de la croix et des reliques ^ 3) contre finvocaiion des Saints , les pé'eri-; 3> nages, la primauté du pape , et plusieurst 3) auti-es choses semblables. II traitoit très3> mdement Ie pape même, qui s'irritoit fort 33 de ce qu'il condamnoit hautement le gair» 3) qu'il faisoit sur les pauvres superstitieux; » qu'il attiroit en pólerinage k Home. 3> Dans les fragmens qui nous restent de c& courageux évéque, (ct que 1'on peut lire danS Léger, première partie, page i3--i4.o), on le voit tombat tre avec beaucoup de force et; de vivacité , les abus dont parle Illyricüs^ ïl prouve , sur-tout , solidement , qu'il ne forme point une secte nou elle, comme on i'en accusoit, mais qu'il nefait que conserver ia doctrine des apóü'es dans toute sa pureté „' réprimant , combattant , et détruisant tant qu'il peut , comme il le dit lui-même, les schismes , les superstitions et les hérésïes. On> ne peut donc douter qu'un évéque aussi vigi-i lant et aussi actif, n'ait travaillé avec le pius grand som a conserver la saine doctrine dans; toute l'étendue de Kon diocese, et par conséquent dans nos vallées qui y étoient corni| prises.  $% Croyance des Vaudois. NouS pourrions alléguer une foule de preuves , pour faire \oir que nos ancêtres ont persévéré dans la même croyance pendant le reste du neuvième siècle et tout le dixième ; mais une seule nous suttira. C'est celle que nous fournit Marco Aurelia Rorenco, grand-prieur de S. I\oeh-, a Turin, d«ns 1'ouvrage in ti tule :■ Nar ratio ne delT introduiione de/Ie heresie nelle vai/i di Tiemonte , imp-rrmé a Turin, avec approbation de la cour , en ib3z ; et dans ses memorie hisloliche, publiés en 1645. Après, a voir par'é de la doctrine de ClAÜDE,' qu'il luii;pimt de nominer hérésie , il ajoute' e-vpiessémenr : « Que cetle doctrine a continué -s> dans les vallées tout te neuvième et le m dixiame siècle■» ; et ailleurs : ■« Que pour 1» tout Je dixième siècle il n'y eut rian de 3> nouveau dans les vallées , mais seulement s».Ja «qgntimntion des hénésies précédentes. '»■ Pour scnlir toute la force d'une telle dépositipn , il suilit de se rappeler epie M. A. Rorenco avoit poursuivi , pendant plus de di\ ans , les bitaitans des vallées, en quaiité de missiojinaire ; qu'il éfóit chargé de faire des recherches sur forigine de leur doctrine; et qu'il écrivoit avec 1'approbation du clergó de Turin, peu disposé assurément a favoriser les Vauclois. II seroit encore facile de prouver que pendant tout le dixième siètie. , non-seulernent les églises d'Italie , et par conséquent celles des Vallées , mais aussi celles de France, d'Angleterre, d'AUemagae, etc. ne se laisoient  Croyance des Vaudois. 53 aucun scrupule de mépriser les ordres des papes, el leurs innovations. On étoit donc bien éloigné de les croire infailliljles. Le pape Jean Xtl , par exeinple , nommé par les hïstoriens du tems , le plus scélérat des hommes-, et qui fut déposé a cause de ses crimes , devoit ccitainement répandre bien des dontes sur cette prétendue mfaiilibilité. Les choses allèrent encore en empirantdans le onzième siècle , dont I"histoire ne présente jfju'un tableau arï'reux de crimes , d'inlrigue» et c!e fanatisme. La cour de Rome , qui en étoit le centre, « étoufï'a tellenierit la charité » et la simplicilé chrétienne, (comme le dit 3> un auteur méme de sa communion) , que » presque tous les gens de bien et tous les » justes ont reconnu que c'est alors qu'a » cominencé le règnede 1'Ante-Christ , dont s> S. Jean parle dans son apocalypse. » Cet auteur est LamBertüs , qui a toujours été fort attaché au pape Grégoire VIL Dans un tems aussi malheureuxj les Vaudois furent réduits a ne plus prêc'ber que sur ies montegnes, parmi les bois, ou dans les villagcs lts plus écarrés. Les seuls endroits oü ils conservèrent Ia prédicafion lihre', sont Ma cel, Sa/se, Eodoret et Pral, dans la vallée de S. Martin ; le Taluc, Pevy i le GrandDub/on , Dormig/ious , dans celle de la Pérouse; les Gaudins , dans la communauté de Prarustin; Mora, Angrogne, et quelques parties du Viliard , dans la vdlée de Luzerne. Outre le nombre considérable de personnes qui refusoient d'admettre les iraditions de la d 3 y  45 Croyance des Vaudois. cour romaine, on vit paroitre dans ee siècle plusieurs grands hommes qui s'y opposèrent plus fortement que jamais. BSRSNGKU , aussi célèbre par son savoir que par ses verras, nia , par exemple, la transubstantiation, et écrivit divers ouvrages sur ce sujet. Sa doctrine fut condamnée dans deux conciles convoqués par le pape LÉON IX, Fun a Rome, etl'aiitrea Verceil, en Piémont, Fan 1049. ^n P&1'vmt m&me a m* signer une rétractation dans un autre-concile assemblé k Rome par le pape NicOLAS. Mais il ne iarda pas k la désavouer publiquement, et persévéra dans la doctrine qu'il avoit d'abord soutenue jusqu'a sa mort, arriyée en 1091. JLa croyance de Bérenger, qui étoit la même que celle des Vaudois , se rénandit consb dérablement après lui , « et elle fut si bien » conservée dans les vallées , dit un ancien » auteur, que parler d'un Bérengérien, c'étoit » parler d'un Vaudois. » Bérenger fut suivi de Vierre de Bruys, dont les disciples portèrent le nom de Fetrobusiens. 11 étoit prêlre de Toulouse , et sa doctrine s'aceordoit parfaitement avec celle des Vaudois. Bruys s'opposa courageusement a. la cour de Rome, ne voulut recevoir aucune de ses traditions, persévéra vingt ans a prêcher sa doctrine en Languedoc , en Provence, en Dauphiné , particuhérement dans lesdiocèses de Gap et d'Ambrun , éloignés seulement de quelques heures de nos vallées, et fut enfin martyrisé a S. Gilles en 1124. Ses disciples publièrent après sa mort un Ijvre en langue  Croyance des Vaudois. 55 vulgaire , destiné a faire cejnnoitre les raïsons qui les avoient engagés a se séparer de la cornmunion romaine. On voit une copie de ce manuscrit en vieiiles lettres gotluques, dans la bibliothèque de Ganibridge. Après Vierre de Bruys , parurent Ilenri de Bruys et Arnaud de Bresse , qui étendirent beaucoup la doctrine vaudoise dans la Lombardie , oü se trouvent nos vallées. S. Bernard, qui fiorissoit en 1120, dit, en parlant des disciples d'Heriri de Bruys , auxquels il donne le nom d'Apostoliques, « qu'ils se gloririoient d'être les vrais successi seurs des apötres, et les fidèles conservateurs » de leur doctrine. » Arnaud de Bres. E devint victime de la rage du clergé romain, qui ie fit crucilier et réduire son corps en cendres, en 1155. Un de ses disciples, nomrné Espérqn, succèda si bien , dit Léger , a son savoir et k son zèle, qu'on appella encore les Vaudois Espcronites , comme le reconnoit M. A. RoRENCO lui-même, lorsqu'il dit que par les Espéronites il faut entendre les mêmes rebgionnaires que les Vaudois, les Henriciens, les Vélrobusiens , les Amaudisles , les Apostoliijues, etc» etc. Le célèbre Vierre Valdo , riche babitant de Lyon, commenca dès 1'an ii7D,aar.noncer ouvertement la doctrine des Vaudois. ïl abandonna tous ses biens, se consacra entiérenaent a la profession de l'évangile , fit traduiie 1'écriture-sainte cn langue vulgaire , instrulsit le peupf? dans les rues et les ptaces publiques, et soutint ou'en fait de fèlieion, i! faut öbéir JJ 4-  56 'Croyance des Vaudois: a Dieu et non aux hommes. II refusa soumission au pape et a ses évêques; dévoila les mceurs scandaleuses des moines ; réfuta le purgatoire, la raesse qui commencoit a prendre pied , l'adoratipq des images, et les prières pour les morts. S'étant par-la attiré a dos la cour de Rome , ou siégeoit alors le pape 'Alexandre III, Valdo'fut chassé de Ljon avec la plupart de ses disciples. Un grand nombre d'entr'eux se retira dans la Lombardie, ou, comme le dit un ancien écrivain, « dans » |a Gaule-Cisalpine et entre les Alpes, ou 5) ils trouvèrent une retraite très-sure, {tutis-r 3) sirnum refugium. ) » II faut bien remarquer cette expression ; car il est impossible de 1'expliquer, a moins de convenir que les réfugiés de Lyon ne trouvèrent une retraite si sure, dans la Gaule Cisalpine et entre les Alpes, c'est-a-dire, dans les vallées de Pragela, tle Meane, de Matthias, dans le marquisat de Saluces, dans les vallées de Queyras , de Sésane, de Freissinières, de Val-Louise ■et de Su$e, que paree que tous ces endroits. étoient peuplés de Tétrobusiens , iïArnaudistes , etc. ou , en d'autres termes, de Vaudois. Preuve bien évidente encore que les Vaudois n'ont recu , ni leur nom , ni leur croyance de Vierre Valdo. Les autres disoiples de eet homme célèbre se retirèrent dans la Picardie , dans 1'AUe^ magne, sur-tout en Bohème et dans les PaysRas. C'est ici le lieu de, faire une remarque très^importante. En supposant même, ce dont nous P  Croyance des Vaudois. 07 sommes bien loin de convenir , que les Vaudois' ne se soient établis dans nos vallées que du tems de Valdo , il sera toujours incontestable qu'ils y ont été plus de cihquanté ans avant que les anciens corntes de Savoie, devenus ensuite ducs , eussent la moindre possession dans tout le Piémont. II est prouvé par Vabrégé de I'histoire des ducs de Savoie, que le premier comte de cette maison qui commenca a faire des conquêtes dans notre patrie,fut le comte Thomas, fils de Humbert. Après avoir accompagné Louis , fils ainé de Philippe-Auguste , roi de France, dans la guerre qu'il fit aux Vaudois et aux Albigeois de la Provence et du Langucdoc,il prit par surprise , en *233 , les villes de Vigon , Moncalier, Carignan et Pignerol, capitale de la province ou se trouvent nos vallées. Et c'est a cette époque , seulement, crue les ducs de Savoie ont commencé a dominer dans notre patrïe , ou nous étions établis longtems avant cette époque, et ou nous avions , par conséquent , tous les droits possibles de nous maintenir. Nous aurons souvent besoin de cette remarque dans le cours de notrs histoire, Les observations que je viens de soumettre au jugement de mes lecteurs, me paroissent prouver fortemcnt que les Vaudois ont en effet conservé 1'évangile dans toute sa pureté primitive , depuis les premiei's siècles du christianisme jusqu'a nos jours. Cependant, alin de ne rien laisser a désirer sur ce sujet, je vais encore fournir deus uouveaux genre*  58 Croyance des Vaudois. de preuves , dont 1'un sera tïré des écrits des Vaudois et des Protestans, et Fautre de ceux de nos plus fameux adversaires. Si cette réunion de témoignages laisse encore des doutes , ce ne sera du moins que chez des esprits aveuglés , ennemis de toute vérité; et ce n'est point de telles gens que nous ambitionnons de con;vaincre.  Doctrine des Vaudois. 09 CHAPITRE IV. Jjaniiquitê de la doctrine des Vaudois , prouvée par des témoignages tirés de leurs écrits, des écrits des pro testans , et de ceux de la communion romaine, Première sectio n. Témoignages tirés des écrits des Vaudois. Xjorsqu'on cherche a décider une questïon quelconque , la justice exige qu'on entende les raisons des deux partis ; et ce n'est qu'après les avoir mürement exarninées, qu'on peut juger avec connoissunce de cause. Personne ne peut donc trouver mauvais que nous en appellions aux Vaudois eux-mêmes, dans une discussion qui les touche de si prés. Dans la préface de la bible francaïse que les Vaudois firent mettre au jour en i53!>, ils rendent graces a Dieu, « de ce qu'ayant été y> enrichis du trésor de 1'évangile par les apötres » ou leurs plus proches successeurs, ils en 31 avoient toujours conservé l'entière jouisy> sance. » Le traité inütnlé la Noble Leicon, dont nous donnerons quelques fragmens a la suite de ce volume; ce traité , dis-je , dato (tefan 1 ico, fait voir que les Vaudois avoient  Gó Doctrine des Vaudois. consfamment rejeité , et rejetroient encore toutes les traditions de la cour de Rome ; qujls n'avount jamais recu et ne vouloieht recevoir d'autie doctrine que celle de 1'eyangile. J'en dis autant du traité de l'AnteChfist, daté de 1'an 1120, et de celui contre Tinvocation des Saints , qui doit être tout au moins du sixième siècle, puisqu'il appelle cette superstitlori une doctrine naissanïe , et que 1'on sait par I'histoire que ce n'est qu'au sixième siècle que Tinvocation des Saints s'élahht dans les églises d'Occident. Dans touies les eonfessions de foi , dans toutes les requétes que les Vaudois ont adressées , en diflerens tems , a leurs princes . ils parient de leur doctrine comme l'ayant recue de père en hls, depuis ié tem ps des apötres; et ce qui prouve que lèdrs adveisaii es même en étoient bien convaincus , c'est qu'ils ne se sont jamais avisés de le co mes ter. ^D.hjs la requéte qu'ils présentèrént , entr'aiïtres , au duc de Savoie , en löqg , et cpie M. A. Rorenco lui-même nous a conservée, ils disent : « Que ce n'est pas depuis, quelques 5> c entaines d'annéës qu'ils ont la connoiisance j> de la pure vérité, et cju'on ne pouvoit ignorer 3> que depuis cinq ou six cents ans auparav.mt y> ils ne 1'euseiguassent de même.1'» les Vaudois ne rerhontent ici que jnsques ^ers 1'an 900, paree que, comme nous 1'aVons remarqué dans le Iroisième chapitre, ce ne fut guère qua cette époque qu'ils se séparèrent ouvertement dela cour de Rome avec leur évéque Claüdi;.  Doctrine des Vaudois. €t Les Vaudois des vallées de Mal/hias et de Mc'ane , recurent ordre, en i6o3, de cruitter ces deux vallées , s'ds ne vouloient "point èmbras&ér la coiumunion romaine. ) ans la requête qu'ils envovèrent a ce sujet, au duc Charles-Emanuel , ils lui rappellen! expressément, « que la reiigion pou'i' laquelle il les * chassoit de leur palrie, n'étoit point une re3' hgion nouvelle , mais ia vraie doctrine apos» tolique, dont leurs prédécesseurs, de père 3> en fils,avoient toujours fait une profession 3) publiquc. » Les Vaudois de ces deux vallées ne laisoient quun même corps avec ceux das vallées de Luzerne , Pe'rouse et SaintMartin. . Enfin , dans presque toutes les requêtes , tous les mémoires, toutes les lettres écrites par les habitans de ces dernières vallées, ils ne cessent de répéter, « qu'on veuille seuie» ment les laisser dans la jouissance des exer3> cices de rehgion dont ils avoient toujours 3> pui, de tems immémorial, et ayant même 33 crue les. ducs de Savoie fussent priuces de 33 iiémont. » Ces requêtes, dont i'autbenlicité ne sauroit êjre contestée, puisqu'ellrs ont été impnmées avec leurs réponses , par ordre de la cour de Turin, sont assurémeut au nombre de plus de cent, et tiennent toules le même langage lo.rsqu'elles parient de lWienneré des Vaudois dans leurs vallées, aïnsi que de leur croyance , et_ des exercices de leur reiigion. Le sont toujours des expressións comme sempre , da < gni tempo , al sol ito , da tempo immemoriale 3 conforme aWahtico  62 'Doctrine des Vaudois: solito , conforme è loro antieke franchizie. etc expressións que la cour elle-meme a souvent acioptées dans ses décrets, et auxquelles elle n'a jamais rien eu a réphquer. Ce recueil des requêtes des Vaudois, avec les réponses et autres publications des ducs et duchesses de Savoie, relatives a notre patne, a été publié a Turin en 1678, chez J. Sinibaldo^ax ordre de la cour. J'ai eu le bonheur de m'en procurer un exemplaire, et je le regarde comme un des monumens le plus precieux de notre histoire. II m'a fourm piusieurs faits qu'aucun historiën des Vaudois n'a connu, et qui sont par eux-mêmes fort intéressans. Le tiire de ce recueil, petit volume m-ioho , est • Raccolta degTeditti , e altre provisioni dell'altezze reali delli seremssimi duchi di Savoia, di tempo in tempo promu/eate sopra gVoccorenti delle valle di Lucerna,?crosa eS.Martino, terre anesse d- S Bartholomeo, Vrarustino e Boccapbata , e d'eWaltre terre del Marchezalo di Saluzzo , e del Piemonte. Deuxième sectio n. Jémoignages tirés des écrivains protestans. A ces preuves , fournies por les Vaudois e imêmes, joignons-en quelques autres méés %s écrivains protestans. Leur témoignage est  Doctrine des Vaudoisl 63 des plus propres a ajouter un grand poids k celles que nous venons d'exposer. Le célèbre Théodorc de Bèze, dans ses j/orlraits des hommes illustres par leur pieté et leur doctrine , fait voir que c'est sur-tout par le moven des Vaudois des vallées de Piémont, que 1'évangiie s'est répandu dans presque toute 1'Europe ; et il dit expressérnent, « que ce sont eux qui ont toujours « eonservé Ia vraie reiigion , sans jamais se » laisser entiérement pervertir par aucune ten» fation. >) m-. Les Vaudois (ajoute-t-il ail-« j) leurs ) ont été ainsi appelés a cause de leurs 53 demeures ès-vallées , ès-détroits des Alpes; 3) et on peut dire que ce sont les restes de 33 la plus pure primitive église chrétienne ; » qu'il n'a jamais été possihle de les ranger » sous la communion romaine , malgré le9 » horribles persécutions qu'on a excitées con» tr'eux; et qu'ils ont encore aujourd'hui des » églises floi-issantes , tant en doctrine , qu'en 3> exeraples de trés - innocente vie. Je parle 3< particuliérement de crux des vallées des 3> Alpes , dont les uns sont sujets du roi de » France , et les autres du duc de Savoie. 33 Ïlmoarüs, dans son histoire de Charles V> dit positivement, « que les Vaudois se sont 3) opposés de toute ancienneté aux pontifes ro3) mains , et qu'ils ont toujours conservé la » doctrine la plus pure. » ( Hi vetusta consuetudine pontificem romaiiura nequaquam agnoscunt , e puriorem semper habuerunt doctrinam. Lib. XVI , page 584. ) Ssron Rudiger affirme que les Vaudois sont du  ■6~4 Doctrine des Vaudois. moïns antérieurs de 240 ans a Jean Hüs , qui vivoit vers la fin du treizlème siècle; calcul qui tombe a-peu-près vers les tems de 1'évêque Claude. L histoire ecclésiastique des églises réformées de France, confirme toutes ces dépositions, et déclare : « Que les Vaudois se » sont opposés de tems immémorial aux abus » de 1'église romaine; et que , malgré la rage » de tout le monde, le Seigneur les a telle» ment protégés, qu'ils se sont toujours con3> servés èv-vallées de Piémont, d'ou ils se 3) sont épars ès-quartiers de Provence, depuis » environ 270 ans. ' Cette histoire a été « imprimée en i558 ) , principalement a Mirt randol, Cabrière, Lormarin , etc. et que , 3) quant a la reiigion , ils n'ont jamais adnéré 3. aux traditions papales. » Amvraut , Drelincourt , Basnagb , Ruchat , Jüriïu, Werenfels , et plusieurs auteurs réfonnés , tiennent absolument le même langage. Mais il me tarde d'en venir a des tëmoignages auxquels pei>onne n'aura assurément rien a répliquer. Je parle de ceux que fournissent nos adversaires même, tous partisans très-zélés de la communion de Rome. TrOISIÈME SECTION*  Doctrine des Vaudois. 65 Troisième sectio n. Témoignages journis par la cour de Turin et les écrivains de ld comtnunion romaine. Je mets au premier raug tous les édits publiés par la cour de Turin , au sujet des Vaudbis , et qui ont presque tous pour objet da les engage-r a abjurer leur croyance. Le premier dont il soit fait mention dans le Recueil que j'ai kit connoiire ci-dessus , est de 1'an 1448 ; et, depuis lors, il en a été publié un grand nombre, dönt le but est toujours le même. Ceux du 2 mai 1452 , du premier décembre 14Ó6, du premier avril 1478, du 24 avril 1499» et du 3o septembre iöog, cités a la page 5 de ce Recueil, prouvent bien évidemment, par exemple, que les Vaudois sont du moins antérieurs d'un siècle a la réformation, puisquej. comme nous 1'avons déja remarqué, ce n'est qu'en 1517 et i535 que Lüthf,r et Calvin ont commencé a y travailler ouvertement. L'édit du 23 janvier 1476, donné de Rivoli par la ducbesse Jolant, mère et tutrice du duc Charles, est sur-tout remarquablea eet égard. Cetie princesse dit, en s'adressant aux magistrats de Pignerol, de Cavour et de Luzerne , ainsi qu'aux autres officiers de la cour : « Visis supp/icatione, et lilteris pravitatis hózreticce inquisitoris ,pcr copiam prcesentibus annexam, per consilium nobiscum resii E  66 Doctrine das Vaudois. dens visitatis : vobis sic omninbfleri volen* tes,utpotissimehidevalle Lucernoe, adgremium sanctce matris ecclesia; venire pos~ sint. » CRaccoltii degl'edilti, etc. page i.) C'est-a-dire, en substance, « que Ia duchesse » Jolant etson conseil, ayant pris connoissan» cede cette pernicïeusc hérésie, par les lettres » de Finquisiteur; elle ordonne a tous ses agens » de s'efforcer de faire entrersur-tout ceux de la » vallée de Luzerne , dans le sein de la mère« église. » Et, ce qu'il faut bien remarquer, c'est que dans presque tous les édits suivans, la cour de Turin parle de notre reiigion, sous le titre de reiigion prétendue réformée , en quoi elle a très-fort raison, puisqu'en efïét nous «'avons jamais été réformés. Mais ia duchesse. Jolant Fappelie une pernicieuss hérésie paree qu'i cette époque la réformation n'avoit point encore eu lieu. Et il fout que cette prétendue hérésie existat déja depuis bien longtems dans nos vallées, puisqu'elle étoit alors assez répandue pour attirer Fatten ïion du gouvernement , et lui paroitre pernicieuse. Le moine Belvedère , chef d'une mission que le pape envova dans les vallées en i63o, et qui étoit chargé par lui de faire^ des recherches sur Forigïne et les progrès de la croyance des Vaudois , nous fournira ici la preuve la plus éclatante sur la question qui nous occupe. Dans ia relation qu'il adressa au conseil de propaganda jide et extirpandis kereticis, il se plaint avec les autres missionnajres de ce qu'il ne pouvoit parvenir h convertir un seul Vaudois ; et toutes les raisons  Doctrine des Vaudois. 6f qu'il en donne, c'est, dit-il, « paree que le* 31 vallées d'Angrogne ont toujours et de tout 3> tems eu des hérétiques. Le valli Dl Angrq- gna SEMPRÈ e DA ogni tempo hanno avuto HERUTiCi, page Sy, della relations al consiglio de propaganda fide et extirpandis hereticis, imprimée a Turin en i636. Reynerus Sacco, étahli expressément comme inquisiteur contre les Vaudois, vient encore renchérir sur le moine Belvedère, Ainsi que lui, il a publié un livre contr'eux , dans lequel il leur donne le nom de Léom>.sles, d'un de leurs anciens rainistres nommé Léon, qui vivoit vers le troisième siècle.« De toutes les ï> sectes, dit Sacco , qui ont existé ou qui exis3> tent encore, if n'v en a aucune de plus persi nicieuse a 1'église que celle des Léonistes ou » Vaudois; et eek pour trois raisons: i°. paree 31 qu'elle est la plus ancienne de toutes, qucl33 ques-uns la i'aisant remonter jusqu'au tems 11 du pape Sylvestre , ( dans le quatrième 31 siècle), et d'aütres jusqu'au tems des apötres; » 20. paree qu'elle est la plus générale mént ré33 pandue , n'y ayant presque aucun pajs ou 31 elle n'ait pénétré ; 3°. paree qu'au lieu que 33 toutes les autres sectes iuspirent de 1'horreur si par les affreux blasphêmes qu'elles vomissent 11 contre ladivinité, celie-ci a une grande appa31 rerice de piélé, paree que ses partisans vivent 31 justement devant les hommes , ne croient » dé Diett que ce qu'il en faut croire, et re» coivent tous les articles dusyrnbole des apö11 tres. Seulement ilsblaspbêment contre 1'église j) romaine et son clergé. » ( Voyez la biblio- E a  68 Doctrine dei Vaudois. thèque des Pères, de GrktsERUS , traité contre les Vaudois. ) Mais s'il est des témoignages capables d ïmposer silence aux plus opiniatres détracteurs de 1'antiquité des églises vaudoises, ce sont assurément ceux de Claude de SeysSEL et deMarco-AurelioRorenco. . Le premier étoit, coinme nous 1 avons observé au chapitre II, archevêque de Turin. Dans un üvre qu'il aécrit contre nous, et qui a été imprirné avec privilege deFRANCOis premier, roi de France, il dit : « Que la secte oes » Vaudois apris son commencement d'un cer-, » tain Léon, homme tres ■ religieus du tems de » constantin-Ie- grand , premier empereur « chrétien; qui, ayant détesté l'extrême ava» rice de sylvestre, et 1'excessive largesse ue » Constanten , aima mieux suivre Ia pauvrete » dans la simplicité de la foi, que d'être avec » Sylvestre souillé d'un riche et gras béhébce, » auquel LÉON s'éroient joints tous ceus qui » pensoient bien sur la foi. » Le même auteur, après s'être donne ïnutilement beaucoup de neme pour trouver la première origine des Vaudois, conclut par ces motsremarquables : « Qu'il faut bien qu'il y ait „ des raisons puissantes et efficaces, pour que w cette secte vaudoise ait déja duré tant de . siècles »; et il ajoute ailleurs : « Toutes sortes » de geus ont en vain fait , en divers tems , » les plus grands efforts pour les extirper; ils » sont toujours restés vamqueurs , et absolu* ment invincibles, contre 1'opimon de toutle » monde. »  Doctrine des Vaudois- % Je prie le lecteur de ne pas oublier que Claude. de Seyssel écrivoif en i5oo, et de remarquer, sur-tout, cette expression qui a déjd duré tant de siècles. Nous avons déja cité M. A. Rorenco, dans le froisième chapitre de cette histoire. Sa familie subsiste ericore dans nos vallées, et un de ses descendans est en ce moment comte de la Tour. Ce Rorenco a été Ie plus infatigable et le plus zélé des missionnaires qu'on ait envoyé contre les Vaudois. Dans son ouvrage intitulé: Narration e dell'introdutione delle heresie nei/e valli di Piemonle, il se plaint de ce que l'hérésie du huitième siècle, par oü il entend la doctrine de Claude, « avoit continué j> dans les vallées le neuvième et dixième siècle.» II avoue même, dans ses memorie hisioriche, dédiées a Victor-Améijée premier, que cette secte n'étoit pas nouvelle du tems de ce Claude , puisqur plusieürs personnes s'étoient déja élevées contre la cour de Rome avant lui. Et, afin de ne nous laisser rien a désirer, il prouve ensuite que la même doctrine a continué d'être en vigueur dans nos vallées pendant le XIe. et XIIe. siècle. Quelque pressante, néanmoins, que dut être pour M. A- Rorenco , la force de cette vérité , il ne veut pas avouer que les Vaudois tiennent 1'évangile des apótres même , ou de leurs premiers successeurs, et n'en sachant, cependant, trouver d'autre origine, il conclut par ces paroies qui valent bien unaveu formel: On ne peut rien savoir de certair. awf y> son introduction dans les valléps. v ( Non sipuo har er cerlezza del suo ingresso net ie E 3  yo Doctrine des Vaudois. yaUL Introdut. delle.Heres. nelle valli, p. 60.) Un peu plus de ca'ndeur , un peu moins da lionte ,~et M. A. Rorenco auroit avoué que cette origine , sur laquelle il n'aime pas a prononccr, remonte aux premiers tems du christianisme. Enfin, Samuel CASSINI, de 1'ordre des Tranciscains , dit positivement dans son ouvrage ïntitulé : Vittoria triomfale , imprimé a Coni en Piémont, 1'an i5io, « que les erreurs » des Vaudois consistoient en ce qu'ils nioient » que 1'église romaine fut la sainte-mère-église, » etn'avoient jamais voulu obéir a scstraditions; » que pour le reste, ils reconnoissoient 1'église » chrétienne; et que , quant a lui, il ne pou*> voit pas nier qu'ils n'en eussent toujours été» » et qu'ils n'en fussent encore membres. » —■ Et, ailleurs, il n'hésite pas a faire les \audois aussi ancieus que 1'église chrétienne. Je 1'avoue; j'ai de la répugnance è. croire qu'il puisse éxistér des personnes qui, après avoir pesé cette foule de témoignages, conservent encore quelques doutes sur la succession vraiment apostolique des églises de nos vallées. Cependant, comme on m'a souvent demande , « s'il n'est pas plus probable que les Vaudois, » après avóir d'abord recu les opinions de la » cour de Piome, aient été réformés , dans la » suite, comme tous les peuples qui portent le » nom de protestans ? » Je demande a mon tour, par qui, quand et comment cette réforme a eu lieu ? Je demande oh en sont leg actes ? et je prie qu'on les produise. S'ü riy  Doctrine des Vaudois. 71 en a point , il n'y a donc pas eu de réforme dans nos vallées ; car, comment supnoser que tous les historiens auroierrt gardé le sitence sur un événement de cette nature, s'il avoit eu lieu. Ce silence peut donc tenir lieu ici des preuves les plus expresses ; et tant qu'on ne produira pas des témoignages irrécusables d'une réforme chez nosancêtres; tutitqu'onn'aurapas anénnti toutes les preuves des écrivains vaudois , protestans et catholiques, que nous avons alléguées; tant qu'on n'aura pas détruit toutes les requêtes des Vaudois a leurs princes, et les édits de ces princes envers les Vaudois; tant, enfin, que les Vaudois existerout, nous serons autorisés a croire qu'ils ont recu 1'évangile dans les premiers tems du christianisme; qu'ils Font toiqours conservé depuis lors sans aucune altération , et que leurs églises sont Féglisemère de toutes les églises réformées , et les seules qui n'aient jamais été réformées eilesmêmes. Cette vérité étant établie sur des preuves aussi inccntcstables, il ne nous reste qu'a faire connoltre 1 s moeurs des Vaudois, et la discipline de leurs églises , avant d'en venir a la partie historique de notre ouvrage. Ces objets feioiit la maüere des deux chapitres suivans» E 4..  72 Moeurs des Vaudois. GHAPITRE V. Des moeurs des Vaudois. En fait de reiigion, la théorie n'est rien sans la pratique. Reeonnoit-on les principes les plus sacrës , les vérités les pkis essentielies du christianisme , tout cela ne seroit encore qu'un vaig échafaudage , si 1'on ïi'y joignoit 1'exacte observation des devoirs qu'il impose.Detoutes les sciences, il n'én est aucune qui exige moins despéculation que celle de 1'évangile. Soji divin auteur a déclaré que la reiigion qufl est venu nousannoncer, ne consiste pas en paroies , mais en verlas; et il a donné cette importante déclaï-ation , qui fait si bien connottre 1'esprit du christianisme, en mettant la charité au-dessus même de la foi. La plupart des chrétiens de nos jours n oublient que trop, il est vrai, cette grande vérité % et leurs docteurs 1'anéantissent trop souvent encore. par les prétentións les plus absurdes. Mais elle n'én est pas moins incontcstable au tribunaldela raison.et de la révélation ; et il faut espérer, pour le bien de rhumamté, qu'elle ne" tardera pas a prévaloir sur les vams. ïantómes qu'on lui a substitués dans presque toute 1'Europe. Oui , j'aime a le croire, et le progrès irrésislible des lumières semble m'en éïre un sur garant ; nous approchons de ces jours heüreux ou 1'on ne de-* mandera plus a un homme de prouver scn,  Moeurs des Vaudois. y3 christianisme, en répétant , comme un pertoquet, la confession de foi fabriquéé par lrs chefs de la secte a laquslle il est attaché ; oü 1'on ne croira plus qu'il suffit d'admettre froidement quelques vérités évangéliques pour cire chrétien ; mais oh tous ceux qui prennent cebeau titre, reconnoitront : « Que » la seule reiigion pure et sans tache est m celle cpii consiste a avoir soin des veuves , )3 des orphelins, de tous ies malheureux dans 33 leurs aulictions, et a. se préserver des vices 3) qui règnent dans Ie monde. )3 On ne pourra jamais assez répéter que c'est la le véritable christianisme , et qu'il n'j a de vrai chrétien que celui qui j conforme entiérement ses sentimens et sa conduite. Telle a aussi été , de tout tems, la mam'èiQ de penser des Vaudois. Jamais on ne les entenait perdre dans des discusssions inutiles , dans des disputes toujours pérnicieuses , un tems qu'ils pouvoient empWy-er a faire de bonnes ceuvres; et, par une conséquence naturelle , il n'j eut peut-être jamais de société chrétienne plus vertueuse , de moeurs plus irréprochables. Nous allons voir que leurs adversaires même rendent d'eux ce beau témoignage. Nous avons rapporté , ci-devant, Ie passage remarquable de 1'inquisiteur Rejnerus Sacco, qu, après avoir parlé de la haute anti qui té des églises vaudoises , il dit, « qu'au >3 lieu que les autres sectes inspirent de 1'hor33 reurpar les blasphémes qu'ellcs vomisseni  74 'Moeurs des Vaudois. » contre la diviiiité, celle-ci a une grande 3) apparence de piété, ses partisans menant 3) une vie honnête dans le monde , et ob» servant tous les articles du symbole, etc. » ««-Ace témoignage, déja si concluant, nous en ajouteroris quelques autres qui ne le sont pas moins. Claude de SeysseL, qne nous avons aussi déja cité, avoue sans détour, « que pour 3> leur vie et leurs moeurs, les Vaudois ont 3> été sans reproches parmi les hommes, s'a» donnant de tout leur pouvoir k 1'observa» tion des commandemens de DIEU. » De Thoü , historiën francais aussi respectable que véridique, dit, « que ks Vauj> dois observent les dix commandemens de » la loi; qu'ils ne donnent entree chez eux, » ni dans leurs assemblées , k aucune oeuvre » d'iniquité; qu'ils ont en horreur et détes3) tent vivement les sermens iliicites , les par» jures, les imprécations , les injures, les y> quereiles, les séditions , les débauches, 1'i» vrognerie, le libertinage , les sacrilèges , les » vols , les usures, etc. etc. Le cardinal Baronius déclare aussi, « cjue 3) les Vaudois fuient tout commerce iilicite 3) avec les femmes ; » et Thuanus , historiën de la même communion, ajoute , « qu'ils ont 3> soin, par-dessus tout, de 1'honneur et de 3> la chasteté , au point même que leurs voi33 sins , qui étoient d'ailleurs contraires a leur 3) reiigion, pour mettre la pudicité de leurs » filles a 1'abri de la violence des gens da  Moeurs des Vaudois. 7!» v guerre, les confioicnt aux soins et a la » bonne foi des Vaudois. » Ces!: ce qu'on a vu , entre autres , en i56o, üorsque les troupes du comte de LA Trijïité.s'étant logees k la Tour, les catholiques de ce bourg envoyèrent leurs filles et leurs femmes aux Vaudois qui s'étoient retirés sur les plus hautes montagnes. Ce^ fut aussi alors que 1'on vit une jeune Vaudoise , entre tant d'autres, vivement pressée par un soldat , qui venoit de massacrer son grand-père sous ses yeux , préférer la conservation de son honneur a sa vie , et se précipiter courageusement du haut d'un rocher. De semblables traits ne se trouvent pas dans les annales des peuples médiocrement vertueux. Un moine anglais, cits par BoxHORNlüS , rapporte une anscdote qui peint bien aussi toute la pureté des mcenrs vaudoises. Une jeune fille, se trouvant forternent sollicitée par un jeune homme de satisfaire a ses désirs déréglés, lui répondit : « A DIEU ne » plaise, ö bon jeune homme, que je de» vienne jusques-la ton amie, ni 1'amie i) d'aucun homme; car je sais bien que si » j'avois prostitué ma virginité, je serois v étern&llernent malheureuse. » Cette pureté admirable de mceurs est encore si respectée parmi les Vaudois de nos jours , malgré la corruption cle notre siècle,, qu'il faudroit parcourir un assez long espace d'amiées, pour trouver un ou deux exem* pies de femmes vaudoises qui se soient ou-  "]6 Mceurs des Vaudois. bliées a eet égard. Celles quionteule malheur de succomber, deviennent 1'ohjet du mépris public; et il n'j a pas jusqu'aux enfans qui ne les montrent au doigt. Ellës ont besoin d'une vie entière de vertus pour faire oublier un peu leur faute. Que 1'on compare ces mceurs avec celles de tant de peuples quï ne rougissent pas de se dire chrétiens , et que 1'on juge de quel cóté est le véiitable christianisme ! Ecoutons encore ce que nous dit h ce sujet le bon VlGNEAUX. Personne n'éloit plus en ëtat que lui de bien juger les Vaudois. II avoit rempli pendant quarante ans la fonction de pasfeur au milieu d'eux, et rasemblé soigneusement leurs anciens écrits en langue vulgaire ; et c'est sur ces matériaux qu'il a composé ses memoires sur la vie , lesniteurs et la reiigion des Vaudois. Il leur rend le témoignagé, « d'être des gfns de bonne 3> foi , d'une vie irréproehable , grands ena» riemi's des vices ; » et en parlant de ceux de son tems , il ajoute : *i Nous vivons en 3) paix, en ces vallées de Piémont, et en 3) concorde les uns avec les autres ; nous avons 3) commerce et nous contractons entre nous, 3J n'ayanf jamais pris pour nos fils les blies »> de ceux de 1'église romaine , ni donné *3 nos blies a leurs fils. Au resie, nos moeurs >3 et nos coutumes leur plaisent jusques-la, 33 que les seigneurs et autres qui se disent » catholiques , aiment mieux prendre ser^ 3> viteurs et servantes d'entre nous, que d'en» tr'eux-mêmes, et viennent de bien loiö  Mceurs des Vaudois! 77 & eliercher parmi nous des nourrices a leurs j) enfans, trouvant dans les nötres, ainsï s» qu'ils le disent, plus de fidélité que chez les 31 leurs. » Nous avons remarqué plus haut, que les églises du marquisat de Saluces , ont toujours fait corps avec celles de nos vallées, et qu'il y avoit entr'elles les liaisons les plus intimes. M. PB Birague étant gouverneur de ce marquisat pour le roi de France, lors des massacres commis dans eet état en i$J2, recut ordre de faire aussi main-basse sur les principaux Vaudois de son gouvernement. BiRAGüE ayant communiqué eet édit barbare au conseil, composé des principaux Iaïques et ecclésiastiques de Saluces, un d'entr'eux eut le courage de s'opposer a 1'exécution, en protestant : « Que h roi avoit 3) assurément recu de mauvaises infoi'mations » contre ces pauvres gens, qui étoient des '» hommes de bien et d'honneur , très-fidèles » a son service, vivant paisiblement avec ^ leurs voisins catholiques ; auxquels , en un » mot, il n'y avoit rien du tout areprocher, >i si ce n'est qu'ils étoient de la reiigion. » A tous ces lémoignages nous pouvons en ajouter un dernier, qui doft avoir beaucoup de poids chez les personnes itnpartiales.C'est qu'en parcourant tous les édits qui ont été successivement publiés contre ies Vaudois, par la cour de Turin, on n'y trouvera pas le moindre reproche sur leurs moeurs , leur bonne foi , leur probité. Personne n'étoit assurément plus intéressé que nos adversaires  jS Bïceurs des Vaudois. a rechercher tout ce qui pouvolt être mis sur notre compte, puisque c'étoit le seul moyen de colorer en quelque sorte les horribles persécutions qu'ils nous ont si souvent suscitées. S'üs avoient trouvé quelque chose de fondé a eet égard, comment croire qu'ils ne 1'auroient pas fait insérer dans les décrets qu'on fulminoit contre nous. Un silence aussi extraordinaire de la part de ceux qui n'épargnèrent jamais aucun moyen pour nous détruire, ne vaut-il pas 1'aveu le plus tormei ? , On nepourroit donc qu'être etonne , apres tout ce que nous venons de dire, de voir un Albert de CapitAXEIS , un Rubis, et d'autres , calom'nier les Vaudois de la manière la plus infame, et leur attribuer des vicesqui n'ont peut-être jamais existé, meme dans les sociétés les plus dissolues, si 1'on ne savoit que telle a toujours été la méthode des fanatiques et des persécuteurs. Au déiaut de bonnes raisons, les payens avoient recours aux calomnies, auxmensonges les pms atroces pour noircir les premiers chrétiens, et les < rendre odieux aux empereurs. Telles sont aussi les armes qu'on a employées contre les Vaudois, lorsqu'on n'a pu les attaquer par celles de la force. Mais ils sont bien justihés de toutes les imputations qu'on a vomies contr'eux, par tout ce que nous avons dit de leurs mceurs et de leur doctrine , et sur-tout par la nature des témoignages que nous avons rappdrté. Si des araes viles et basses se sont efforcées de les diffameiv elles ne mc-  Moeurs des Vaudois. 179 rïtent que le mépris des honnêtes gens; et loih que leurs asserdons puissent mvalider celles de tant d'auteurs jusles et véridiques-, elles ne servent qu'a leur donner plus de poids, paree qu'elles prouvent que la passion seule présidoit a leurs jugemens. C'est ce qu'avouent, sans détour, divers écrivains de la communion romaine, et , enir'autres , Bern ard Girard et Guiilaume Paradin. Le premier déclare, dans son histoire de France , « qu'il n'y a rien , h dire la vérité, » qui ait attiré aux Vaudois Ia hnine du pape «■et des princes, que la liberté avec laquefie » ils reprenoient leurs vices, sun-tout Ia dis» solution des ècclésiastiques ; que c'est-la la » vraie cause qui les a fait fnortellement haïr, d et qu'on les a noircis de piusieurs opinions » exécrables. » Et Paradin dit, dans ses anridlès de Bourgogne , (b'vre Iï , édition de Lyon , de i566 ) , « que les erreurs et les vices dont on » taxoit les Vaudois, n'étoient que lictions » malicieusement inventées, n'ayantrien com» mis de ce dont faussement on les accusoit, » si ce n'est qu'ils taxoient fort librement la » corruption et les vices des prélats. » II faudroit être de bien maüvaise foi ou bien méchaut, pour avoir encore quelque chose a répliquer après une réunion de té moigur* ges aussi forinels et aussi irrécusables. Cependant, telle est Ia confiance que nous avons dans la bonté de notre cause, que nous défións qui que ce soit d'avancer quelque chose de fondé contre les mceurs et la conduite de nos ancêtres ;  6o Mceurs des Vaudois. et que nous ne craignons pas de dire qu'il n'y eut peut-ètre jamais de peuple dont la croyance, les sentimens et la manière de vivre, aient élé plus conformes a 1'évangile, que celle des Vaudois. C'est par la discipline ecclésiastique , qüi a toujours été en grande vigueur dans nos vallées, par 1'étude et la méditation continuelle des livres sacrés , que les Vaudois sont parvenus k entretenir parmi eux cette grmde pureté de mceurs, qui leur a souvent attiré 1'admiration de leurs ennemis même. Voici ce c[ue rapporte, a ce sujet, un ancien auteur de la communion romaine , dont le passage mérite bien, par sa naïveté, d'être transcrit en entier. « Tous les hommes et les femmes, ( dit-ih, en k parlant des Vaudois ), les petits et les grands , »> nuit et jour, ne cessent d'enseigner etci'appren3) dre; de jour} le laboureuf, en travaillant, en» seigne son compagnon , ou apprend de lui; » et la nuit, tout le tems qu'ils peuvent veils» Ier , s'emploie a s'instruire les uns les autres; » ils enseignent même sans livres. Celui quia »élé sept jours disciple , commence a en y> chercher d'autres a qui il enseigne aussi ce i) qu'il a déja prohté. S'il s'en trouve quelqu'un » cjui se veuille excuser , sous prétexte qu'il 5) ne peut pas apprendre par 'cceur , ils lui » disent: Apprends seulementun mot par jour; v au bout d'un an tu sauras déja plusieurs w sentences , et continuant d'année en année) »tu profiteras encore. — J'ai moi-méme vu de mes  Mceurs des Vaudois. 8t » mes yeux, (ajoute eet auteur ) , et oui' de 33 rnes oreilles un de ces pauvres pajsans ré33 citautle livre de Job tout entier par cceur » sans j manquer d'un mol, et quantité d'autres 33 qui savoientau bout du doigt tout le nouveau 33 testament. Que s'ils voient quelqu'un quï 33 vive mal, ils le chatient rudement par leur 33 discipline, et lui disent : Les apótres n'ont 33 pas vécu ainsi ; et nous , qui imitons les 3> apótres, ne vivons pas de la sorte. » Reynerus Sacco vient encore a 1'appui de eet auteur , lorsqu'il dit , « que les Vaudois 3> savent tout le nouveau testament par cceur 3. en langue vulgaire , et la plus grande partie >3 du vieux; qu'ils na veuient pas qu'on leur 33 prêcne autre chose; car ils disent que tout 33 ce que les prédicafeurs prèchent . sens le 33 proiiver par le vieux et le nouveau testament 3) n est que mensonge. >> Telles ont été des les tems les plus anciens et tehes sont encore , aujourd'hui , les bases' sur lesquelles les Vaudois ont fondé Ia conservation des bonnes mceurs parmi eux. Ils ne connoissent d'autre étude que celle de la rebgion, d'autre règle de foi que l'évangile et leur prermer soin fut toujours de chercher a y eonfprmer, autant qu'ils ie pouvoient leurs sentimens et leur conduite. Cependant'' ie devoir sévère d'un historiën nous oblip-e davouer que ceite conduite n'a pas toujours ete egalement admirable. Voici ce que la force de la ven té faisoit déja dire au bon Léger u y a plus de cent ans: « Je ne veux pas tellement justifier mes  S3 Hïceurs des Vaudois. * Vaudois, que je ne reconnoisse qu'ils ont » été des hommes su jets aux mêmes mfirmités » que les autres. Je conlésse même, et j en » démi's devant Dieu, d'autant plus qu ils sont a mes frères, et selon la chair et seion 1 esprit, js que les Vaudois d'aujourd'hui sont bien éioi» sriés-de cette grande sainteté et detachement » du monde de leurs bienheureux ancetres. y, Mais je dirai pourtant, a la gloire de l au» teur de toute bonne donation, que gene„ ralementpris, et comparés a tout autant de „ de peupks réformés que j'ai pu connoitre, „ non-seulement il n'y en a aucun qui les » suroasse , ( s'il ne s'agissoit de ma patrie , M je dirois même qui les égale) , en vrai zeie » pour la parole de Dieu, et sainte constance » pour la professer au péril de leurs biens et * 5e leur vie, mais aussi en simpbcité et m» nocence de conversation , sobriéte en leur » vivre , assiduité a leur travail , abstinence >,de toutes sortes de jeux , (si ce nest de , 1'exercice des armes, et sur-tout de larque» buse , du palet ,. de la course, et par fois de ala longue paume), et dans la rejection de , tous jeux de cartes, de dez , et de semblables » choses qui leur sont même mconnues. Un , conversera un siècle entier entr eux , sans y «entendre jurer Dieu; ils ont en horreur les „dnnscs, 1'ivrosmerie, la paillardise, et genea ralemcnt tous les vices crians ; et s il arme » que quelqu'un y tombe , il est tenu pour » infame. » . ., » La chicane , les procés et les plaidoyer* « enontété teüernentbannis, de toute antiquite,  Mceurs des Vaudois. » que Thuanus, traitant des mceurs des Vau'i «doisdes vallées d'Angrogne , assure que la » premier procés dont on y ouï jamais pari?ra » n est arrivé que dans le seizième siècle, qu'un >» pavsan, un peu plus riche que les autres» » ayant pris envie de faifé étudier son fils ent "droit, 1'obligea de fréquenter I'université da » iurm. Ce jeune fanfaron , élant de retour » en sa maison, accusa devant le juge un siert » voisin , lui demandant le paiément de ses « cnoux qu il avoit laissé manger par son trou» peau de cfièvres. ». Quoiqu'ü puisse nous en cóutèr de le dire • nousdevons cependant 1'a vouer sans délour. Les Vaudois nous paroissoient encore avoir dégénérés depuis letem.de Léger, fis se sont laifsés alter a des écarts qui leur étoient auparavant ïnconnus, et qui ont fait le malheur de pluSieurs families. Les procés commencent k devemr communs dans quelques communau'tës* le luxe, les jeux s'j inlroduisent insensiblement; et 1 on compte déja ( chose inonie auparavant ; quelques families qui vivent dans 1 oisivete et donnent par-la un exemple permcieux. Lezèle de Ia reiigion se refroidit aussf plus ou moins, dansles commumutés les plus voismes du Piémont proprement dit. Mais ces tacties que nous voudrions pouvoir effacer. du tableau des mceurs de nos compatriotes ne sont peuj-être qu'une suite inévitable de' la iragihte humaine , qui parott ne pouvoir approcher nulle part de la perféetion. Peutetre ausS1 avons-nous payé plus ou moins triDut a cette manie assez générale de croira F 2  84 Mceurs des Vaudois. toujours ses ancêtres meilleurs que soi; et nous faisons cette remarque autant pour nous-mêmes que pour Léger. . ,, Ce qu'il va de bien certain, d'un autre cote, ce que nous pouvons attester hautement, eest qu'on ne trouveroit peut-être pas , dans toute 1'Europe, un autre peuple oü.il v ait encore autant de bonne foi, de simplieité, de franchise et de bonhomie, que parmi les Yauaois de nos jours. Ils conservent un respect pour la reiigion , un amour pour leurs devoirs , une pureté de sentimens et de mceurs, quon chercheroit vainement chez la plupart des peuples qui se disent chrétiens. Et toutes ces verms sont jointes en eux atant ne modesüe, elles leur paroissent si naturelles , ils cherchent si peu a en faire parade que ce petrt: peuple présente le spectacle Ie plus touchant et le pms sublime, a toute personne qui le considere avec un coeur sensible et bon. , lTs voyageurs modernes se sont plu a celébrerladrofture naturelle, la grandeur d ame, Wénérosité, la bonté de divers peuples des i3le°s de la mer du Sud ; et les peintures quils en ont faites ont été lues en Europe ayec Ia plus grande avidité. Mais il n'étoit pas besoin 5'aUef dans la Mer-Pacifiaue pour trouyer un peuple digne de fixer les regards et dat7J 'aSmiration de toutes les ames bien nees. a toutes les vertus que la nature enseigne a fes enfans , les Vaudois p.gnent les veiiu «lus sublimes encore que recommancle 1 cvan 5e Eclairés de ce^double flambleau , ils liardientdans la carrière desdevotrsrehgieux,  Mceurs des Vaudois: 85 civils et doraestiqnes, d'une manière qui ne se dement jamais. Ils sont aussi pres de la nature qu'on peut 1'être dans 1'état de société. Ils vivent entr'eux dans la plus grande union. Ils respectent exirêmement le lien conjugal et la chasteté. Ils sont généralement bons époux, bons pères , bons amis , bons citojens ; et, quoiqu'ils n'aient pas , a beaucoup prés , la même part aux avantages civils, que les catholiques romains, ils out, cependant, toujours montré la plus grande fidélité a leurs princes , au milieu même des persécutions qu'on leur faisoit essuyer au nom de la cour. Et combien de fois ne les a-t-on pas vu, par exemple , dans peu de jours d'intervalle , porter, pour leur souverain , ces armes dont ils venoient de se servir glorieusement pour défendre leurs religions et leurs vies injustement attaquées ! Combien de services signalés n'ontils pas rezidus a la maison de Savoie, quelquefois même peu de jours après qu'on venoit de les persécuter eruellement en son nom ! Dans combien d'occasions ne 1'ont-ils pas aidée a repousser 1'ennemi des frontières de ses états! Un fait qui prouve encore extrêmement en faveur des Vaudois, qui atteste a merveilie leur admirable générosité , et cette charité sublime qui est la plus belle de toutes les vertus, mais que le christianisme seul peut inspirer, c'est que dürant tout le cours des persécutions qu'ils ont soufferts, et rnalgré les tourmens inouis, les perlidies sans nómbre, lessupplices atroces triton ne cessa d'employer pour les perdre, üs ne se laissèrent jamais aller a 1'esprit de ven- F 3  86 Mceurs des Vaudois: geance, et se contentèrent toujours de repousser la force par la force, II est impossible de trou,ver, dans toute leur histoire, un seul exemple qui les accuse d'avoir maltraité un ennemi sans défense; d'avoir violé leur parole dans les occasions même oü leurs barbares pei-sécuteurs auroient pu les y autoriser, en quelque sorte par leur mauvaise foi; il est impossible , enfin, de trouver un seul cas oü ils aient été cruels sans la plus absolue nécessité, c'est-a-dire,lorsqu'il s'agissoitdesedéfairedes ennemis qui venoient fondre sur eux. Et alors, encore, ont-ils toujours été très-réservés a ne verser de sang humain qu'aulant que 1'exigeoit leur süreté et leur défense. Je le demande de nouveau. Chez quel peuple trouva-t-on jamais tant d'humanité, de bonnefoi, de grandeur? Et quels admirables effets ne produiroit point le christianisme , s'il avoit par-tout des observateurs aussi fidèles cpue les Vaudois ? ' Si tant de qualités, tant de vertus sont par fois mêlées de quelques foiblesses , c'est que Ie sort de la nature humaine n'est point d'arriver ïci bas a une entière perfection. Le soleil luimême, malgré tout son éclat, a aussi ses taches. Celles qu'on peut reprocher aux Vaudois sont en petit nornbre, et ne tombentmême que sur quelques individus. La niasse entière est touta-f ait irréprochable, humainement parlant. II ne seroit pas même impossible de faire disparoitre ces légères ombres , en rétablissant dans ioute sa force 1'ancienne discipline ecclésiastique. Et c'est peur concourir, autant qu'il es^  Moeurs des Vaudois. 8j en nous, a une révolulion aussi désirable, que nous allons cousacrer le chapitre suivant a faire connoïtre eet important objet. Heureux et trop heureux, sans doute , si cette partie de notre travail, et 1'ouvrage entier auquel elle apparlient, peut contribuer a ramener, plus fortement que jamais, tous mes compalnotes au chemirk qui conduit a la vie éiernelle ! Heureux , sur-tout , si cette histoire produit sur la jeunesse vaudoise les fruits que fose en espérer ! Et si ce peuple entier, en se rapprochant chaque jour davantage de 1'Eternel, peut faire dire de lui a jamais : « lei est » la patience des fidèles ; ici sont ceux quï » gardent les commandemens de Dieu et la » foi de Jésus ! » NOTE. MM. Ies commisssires du synode w.Uïon, préposés par lui pour ttiriger les affaires qui coiieerneut les églises de nes vallées , ayant appris qua je m'occupois d'uue joouvelle Histoire des Vaudois , ont désiré d'en lire le manuscrit. La modestie ne me permot poiut de faire pari au pub]:,'; des éloges qu'ils out bien voulu dowier a mo» travail j mais ie ne puis pssser sous silence uue cbssrvation importante qu'un d'entrVux , M. Certon, m'acommuuiquée , et qui sera pi\obabïemeut répc,tée par d'autres personnes. Elle a pour objet la peinture des moeurs des Vaudois, que je viens de mellre sous Iss yeux de mes locteurs. M- Cerlon , qui ne coniioii point petsormellemant nos valiécs , oojoit que j'avois vu mes sompalriotes trop en beau. Voici ce qne je lui rópondis, a ce sujet , ea date du nstois d'oclobrc 1794. Va *■ 4  63 Mceurs des Vaudois. « Mon tableau des moeurs des Vaudois vous a » pa*u embelli , et j'e;-. suis peu éloiiiié. Maïs » i'ajtne a croire que si vous aviez vécu comme » moi paimi ce bon peuple et quu vous eiissiez » ensuite passé quelques années dans des pays eu » la corruption des mceurs est aussi grande qu'ici, » et dans les grandes villes de la Suisse , vous ne » trouvericz rien de trop au portrédt que je fais » de mes compatiio'es. On ne peut disconvenir , il » est vrc.i, que ) os rr.céuis et notre piété n'aient » dégénéré de celles de nos ancêtres ; mais je vous » proteste , cependant , qu'il n'y a encore que les « communautés les plus voisines du P;émont , au » nombre de deux ou trois, qui puissent encounr ce » reproche. On retreuve, dans toutes les autres » uué boibomie, une honnéteté , une candeur,iin » zee pour la reiigion , qui vous enchanteroienl. J ai » parcourü plus d'une ibis toutes ces communautés ; » fai séjouj-né dans la plupart d'enti'elks; je con-. » nois uce grande partie de leurs habitans, et parag tout je me suis eonfirmé dans l'opinion, qu on » ne trouveroit peut-être p-s de. cos jours un autre » peuple de mceurs aussi pu,r/s, d'une vie aussi » ineprochablc , d'anc piété aussi exemplaire que » les Vaudois. » . . Je n'ai rien a ajouler è ces observations. _Mals ]e. mVmpresse de saisir 1'occasion qui s'offre ici Baturellemenl d'exprimer toute ma reconneissance aux commissaïres dont je viens de parler, et pour Fintéiêt actif et siricère qu'ils ne cessent de prendre au hien-être de ma patrie, ei pour 1'amitié qu'ils nri'önj témoignée en particulier. Puisse la douce saf.staction d'avoir fait le bien, les dédommsger toujours des peines et des enabarras que doit entraiuer necessairement la gestion du département dont ds sont chargés!. Et comme cette idéé ne peut qu'etre agréable a des ames bonnêtes , je puis leur aïsurer q\\e la plus vive gratitüde des habitans de nos vallées ne césie d'accompagner ct de suivre les soms qu'ils vWient bien prendre pour eux. Cette precièüse récompense es!, sans doute, celle qwe ^51. les cosiiiiissair?s appróc:eat le plus.  Discipline des églises vaudoises. 89 CHAPITRE VI. De la discipline des églises vaudoises. Ju E s Vaudois ont conservé jusqu'a la réformation la discipline de 1'église primitive, telle qu'on la trouve décrite dans les épitres des apötres, et entr'autres, dans celles de S- Paul. LüTHER , MELANCHTON , BUCER et (ECOLAMPADE le reconnoissent eux-mêmes , dans les dilférentes lettres qu'ils ont adressées a nos nucêtres; et ce ne fut que d'après leurs avis, que ces.derniex'S commencèrent a se relacher un peu de la sévérité de 1'ancien gouvernement ecclésiastique , paree qu'ils sentirent que celle dont ils avoient usé jusqu'alors , n'étoit propre qu'a éloigner les personnes qui auroient désiré d'embrasser leur croyance ; et que souvent d'aulres personnes tombées en faute , préféröient d'abjurer plutöt que de s'exposer a la bonte publique qui devoit en être la pumtion. Je ne crois point, cependant, que les changemens que ces réformateurs conseillèrent aux ■ Vaudois , aient été aussi utiles qu'ils le pensoient. Melanchton disoit lui-même, qu'il ne pouvoit , au fond, désapprouver la grande sévérité de la discipline ecclésiastique qui étoit en usage dans les vallées et il souhaitoit beaucoup qu'elle fut plus en vigueur dans les églises protestantes. II est certain, en effet, que la  90 Discipline des églises vaudoises. plupart de ces dertiières n'ont pas su garder un juste milieu ; et que 1'abolition presque totale de la discipline, parmi elles, est trèsFuneste aux bonnes mceurs. Vojons quels étoient les moyens que les Vaudois employoient Ï)our les conserver au milieu d'eux dans toute eur pureté. Première sectio n. Du culte public. Lis Vaudois ont toujours célébré leur culte public, en langue vulgaire , jusqu'en i63o , qu'une peste enleva tous leurs barbes , (qui étoient au nombre de quinze ) a 1'exception de Gilles et Gros, vieillards très-respectables, mais presque hors d'état, par leur grand age, de remplir les lonctions du ministère. II fallut alors avoir recours en France, et sur-tout a Genève, pour procurer de nouveaux pasteurs aux vallées ; mais il fut impossible d'en recouyrer un seul qui put prêener dans ia langue du pays , ni même en italien. Depuis cette époque , le culte a continué d'être célébré en francais ; et cjuoiqu'il ne soit pas la langue maternelle des Vaudois, qu'il y ait même trèspeu de families oü on le parle habituellement, comme tous leurs livres sont écrits en cette langue, il n'y en a pas un qui ne la comprenne fort bien. Quant a Ia manière de célébrer ce culte, elle étoit a-peu-près la même que celle des églises réformées, si ce n'est que les Vaudois n'avoient  Discipline des églises vaudoises. 91 point 1'usage du chant, et que chacun prioit poursoi avoix basse,avant et après lesermon, d'après le formulaire quedonnoient les barbes. Les choses sont aujourd'hui sur le même pied que dans les églises réformées de la Suisse, dont nous suivons la liturgie, faute de pouvoir en faire imprimer nous-mêmes, Deüxième sectio n. Des sacremens. Nos ancêtres ont conservé jusqu'en i63ola coutume d'arroser trois fois le front de 1'enfant dans le baptême , et de rompre en trois pièces le pain sans levain , ou 1'oublie, dont ils se servoient dans la sainte-cêne. Leur hut étoit de rappeler par-la le souvenir de Ia Trinité. Ils ne célébroient la sainte-cêne que quatre fois par an. Avant celle de Paques , quelquefois avant Noël, les barbes faisoient la revue générale de tous les membres de leur paroisse. Au jour indiqué , les hommes, les femmes et les enfans, maitres et domestiques, se rendoient dans Ia maison de Vancien de leur quartier , ou dans le temple le plus voisin. La , leur barbe les interrogeoit tous les uns après les autres , pour leur faire rendre raison de leur croyance , chacun suivant ses lumières. S'il arrivoit quelquefois qu'on en oubliat un, il ne manquoit pas de s'en plaindre, comme si son pasteur lui eüt fait un très-grancl tort. Peuple vertueux ! que n'as-tu persisté dans tQUtes ies partjes de tes vailée,s, dans une cou-  92 Discipline des églises vaudoises. tume aussi louable , aussi propre a perpétuer ton bonheur, et a inaintemr au milieu de toi le zèle de la reiigion ! On ne sauroit trop désirer de voir cette coutume se rétablir généralement parmi nous. S'il y a de nos églises ou elle soit encore en yigueur , elles sont en fort petit nombre. Troisième sec t ion. Des visites des églises. Parmi les changemens que 1'invasion des vallées , par le caydinal DE Bjchelieu , et 1'arrivée des ministres élrangers , occasionnèrent dans la discipline ecclesia stique , il f aut aussi compter ceux qu'éprouvèrent ies visites des églises. Les nouveaux ministres , trouvant cette discipline trop sévère , ne voulurent point s y soumettre , et se refusèrent également aux visites du modérateur. Avec un adjoint et un ancien , il parcouroit toutes les églises une fois par année, et s'informoit soigneusement de la conduite du pasteur de chaque communauté, pour en faire son rapport au synode. Ces visites paroissent n'avoir été rétablies qu'en 1690. Quoiqu'elles subsistent encore aujourd'hui, et qu'on put en retirer de grands avahtages, j'osè dire qu'eiles sont peu utilës, paree qu'on ne les fait presque plus que pour la forme, et qu'on perd trop souvent de vue leur ventable but. Je ne retracerai point les abus qui résultent de cette négligence. U sera facile ri'y \  Discipline des églises vaudoises. g3 remédier dès qu'on le voudra sérieusement; et nous avons encore , pour le bonheur des vallées , des ministres assez zélés, qui iravailleiont, dès que les circonstances leur seront favorables, a rendre a ces visites tous les dégrés d'utilitë dont elles ont été susccptibles dans les tems les plus anciens. QüATRIÈME SECTIO N. * Des censures consistoriales. J'en dis autant des censures consistoriales, qu'il seroit aussi fort a désirer qu'on rétablit dans toute leur vigueur. Une ou deux fois par anuée, le pasteur de chaque communauté étoit obligé de prier son consistoire de lui exposer tout ce qu'il désapprouvoit en lui. II sortoit pendant qu'on prenoit les voix ; et a sa renirée, le premier des anciens lui en disoit 1m brement le résultat, qu'il fut a son avantage ou non. On censuroit de la même manière les anciens et les diacres; mais chacun promettoit de garder le secret sur ce qui se passoit dans ces assemblées. ClNQUIÈME SECTIO N. Des corrections ecclésiastiques. La manière dont les Vaudois exercoient les cbatimens ecclésiastiques, en vers les personnes qui se conduisoient mol, mérite bien aussi que  94 'Discipline des églises vaudoises. nous nous y arrêtions quelques instans. Üii roeurtrier, celui qui avoit violé la sainteté dit mariage ne pöuvoit rentrer dans le sein de 1'église qu'après une longue suspension des sacremens, et après avoir donné pendant longtems des marqués non-équivoques d'un sincère repentir. Mais il falloit encore , avant cela, qu'ils Kssent les réparations suivantes. lis devoient se rendre trois dimanciies de suite dans le temple, et se tenir sur un siège a part,devant la chaire, pendant toni le service di vin. Lorsqu'il étoit fini, le pasteur avertissoit qu'une personne tombée en faute étoit admise a en faire les réparations publiques. Le pénitent continuoit, en demandant pardon , a haute voix, a Dieu et a ses frères, et en promettant de ne plus leur donner de mauvais exem pies a l'avenir. Enfin, le barbe lui annoncoitla rémission de son pêché, au nom et de la part de 1'Etre-suprême, et terminoit le service par une vive exhortation a teut Ie peuple. Les personnes qui avoient simplement entreint les loix de la chasieté , étoient censurées de la même manière , mais ne paroissoient que deux dimanches en public , quelquefois même un seul dimanche, et un jour ordinaire. La eoutume dont nous venons de parler , autorisée, prescrite même par 1'évangile, est encore une de celles qui auroient besoin d'être rétablies dans toute leur vigueur, dans plusieurs de nos communautés, ne fut-ce que pour prévenir les maux qui peuvent résulter du re*  Discipline des églises vaudoises: qS lacliement qui s'est introduit a eet égard ; car, il est d'une sage administration de chercher plutót a prévenir les fautes , que d'avoir ensuite a les punir. Aureste, je dofs le répéter; celles de ce genre ont toujours été, et sont encore fort rares dans nos vallées. Sixième sectio n. Des jeux. « ToUTES sortes de jeux de liasards , dit » Léger, sont bannis dans les vallées. On n'y » verra jamais jouer aux cartes, ni aux dez , » si ce n'est par des étrangers; et si quelqu'un « en est convaincu, il doit en faire une répara» tion plus ou moins rude, selon les circonsj) tances du tems, du lieu et des personnes. » Ces sages régiemens n'existent plus Les jeux de basard, ceux des cartes, sur-tout, commencent a s'introduire dans nos vallées; et, quoique je les croie pernicieux , ce n'est pas tant en eux-mêmes que jelesblame, qu'a cause des abus presque inévi tables qu'ils entrainent. Les fraudes, la ruse , le goüt de 1'oisiveté , la négligence des affaires domestiques et des devoirs de la société, la ruine plus ou moins prompte de ceux qui s'y adonnent ; voila , ce me semble, des raisons plus que sutïisantes pour faire condamner ces jeux. Sans doute que la reiigion, qui nous prescrit elle-même de nous réjouir pendant notre vie , ne veut pas crue nous la passions dans la tristesse et l'ennui; mais n'y auroit-il donc aucun milieu ? et les  q6 Discipline des églises vaudoises. jeux innocens ne sont-ils pas en assez grand nombre, pour qu'il faille avoir recours a ceux qui entrainent des conséquences aussi fdcbeuses ? Disons-le pourtant. II n'y a que peu de personnes parmi les Vaudois qui se hvrent a ces jeux, au point d'en négiiger leurs devoirs. Mais y en eüt-il moins encore, notre devoir nous obligeroit de les dénoncer. Septième sectio n. Des danses, etc. Les danses étoient absolument défendues parmi nos ancêtres, et ceux qui contrevenoient a Ia défense ne manquoient pas d'être censurés. On a même un exemple d'une sévérilé remarquable a eet égard. La femme d'un des pasteurs des vallées , avoit été conduite par une de ses parentes , qui étoit francaise, a voir dresser le mai sur Ia place de Luzerne, oü 1'on dansoit. II faüüt que son époux appeiat un autre pasteur pour présider dans le consistoire a la censure qu'elle dut endurer, quoiqu'elle n'eüt regardé ces danses que de loin. En général , les anciens Vaudois étoient extrêmement sévères sur ce sujet, ainsi que sur bien d'autres; mais il faut avouer aussi que nous nous sommes peut-être trop relachës da leurs maximes. Tant qu'elles ont régné dans nos vallées , elles y ont conservé les mceurs dans  'Discipline dss e'glisès vaudoises. 97 dans Ia plus grande pureté. C'est assez eh fairs 1'éloge. « 11 v a même , dit Léger, des régiemens J) contre les bïasphcniateurs ; mais pendant * vingt-trois ans que j'y ai exercé le miriisJ) tére, douze que j'en ai été le modérateur, 3' je n'en ai jamais vu d'ëxemple '; et je crois » qu'on y vivroit encore un siècle sans y eny> tendre jurer Dieu.» Léger a bienprédit; car , a quelques individus prés , on n'entencl personne dans nos vallées qui s'oublie jusqu'a parler sans respect de la Divinité. 11 7 règne, en général, la plus grande simplicité et la plus grande décence, tant dans les paroies" ue dans les actions. . Les anciens Vaudois étoient encore trésrigides sur la fréquentation des auberges , et autres lieux pubtics • objet sur lequel on s'est egaiement relaché de nos jours. 11 seröit bien a souhaiter, cependant, qu'on y veilfit aveo plas de som; car si ce relachement alloï| en augmentant, il ne pourroit que devenir trés-, iiuisible a notre patrie. HüZTIÈME sectio Wé * Des consistoireSi Je n'ai que peu de choses k dire sur cel article. Chaque église , dans nos vallées a toujours eu son consistoire coraposé du pasteur du beu, des anciens et du diacre. On naclmet personne dans la charge ^ancien, qu apres un examen séyère; mais celui auquej Q  (fl Discipline des églises vaudoises. on la confie la conservé toute sa vie , a moins qu'il ne s'eu rende indigne. En ce cas, il est déposé. . . 1 On choisit le diacre parmi les anciens les plus estimés. 11 ne doit distribuer ce que le consistoire lui donne pour les pauvres, que d'après ses ordres ou ceux du ministre. ' Au reste , je ne dois pas omettre d observer, que, dès qu'il s'agit de quelques affaires importantes Je consisloire n'a garde de les prendre lm lui-même. Il convoque alors tous les cneis clefamilie, et ne décide qu'a la plurahteaes voix. Cette démocratie rebgieuse est bien dans l'esprit de 1'évangiie. Neuvième s e c t i o w. Des colloques. outre les consistoires, nos ancêfres avolenï éncöfe deux autres espèces d'assemblees ecclésiastiques , les colloques et les synodes. Les colloques s'assembloient le premier vendredi de chaque mois, dans les vallées de Pérouse et S. Martin , et le dermer vendredi , dans celle de Luzerne. Ils étoient composes de tous les pnsteurs, et d'un ou deux anciens de chaque église. Les églises,recevment le co loque chacW a son tour; et les pasteursy prechoiem aussi alternativement. Leur predication tut sujette , jusqu'en i63o, a la censure de tout le peuple, des anciens et des ministres; ensmte * celle des anciens et des mi nistres; et, entin5  'Discipline des églises vaudoises, og elle ne ie fut plus qu'a la censure de ces derniers. On traitoit dans ces assemblees de tous les différends qui n'avoient pu être termines car les consistoires; de sorte que rien ne pouyoit être por té au synode, que par voie d'appel des colloques. Dans toutes les communautés oh le ministre et le consistoire faisoient leur devoir,on punissoitfortsévèrement quicortque alloit plaider devant les juges séculiers. C'est que 1'administration ecclésiastique défendoit a tout Vaudois d'avoir recours aux tribunaux contre ses frères , sous quelque prétexte que ce put être, sans avoir auparavant remis ses intéréts a 1'aucien de son quartier. Si les an-: ciens ne pouvoient raccommoder les deux parties, dslesrenvoyoient au consistoire. Celui-c? Ies obligeoit de choisir des arbitres, et de si-' gner, de part et d'autre, des promesses par lesqueiles elles s'engageoient de se conforme^ entiérement a leur décision. S'il arrivoit, (et ce tf étoit que très-rarement) , que les difFérendsnepussentêtre oomposés par cette der* nière voie , c'est alors qu'on les portoit aux colloques,et de-la au synode, qui prononcoit déhmtivement. Tels étoient les moyens qu'employoient nos vertueux ancêfres , pour éviter les É^ócès, et prévenir ia mine des families ; car, fl en étoit alors dans nos vallées , comme aujourd'hui. Celles qui entroient en justice, par devers les -juges ordmaires, n'en sortoient presque jamais sans être complettement ruinées. Mais du moins les procés étoient rares. Ils sont de venus presqu*  ïoo Discipline des églises vaudoises. communs de nos jours. Et, ce qu'il ne &UÊ r>as manquer d'observer non plus , eest que Fes iuces qu'on envoie parnn.nous poury terxninexëlesHdiSrérends ordinaires, Sont tous memontois et de Ia commumonromaine. Les grands procés sont portes a Pignerol, ou au que mes chers compatriotes voulussent, enfin, rélléchir sérieuseinent aux désordres de tout genre qu'ils causent dans euïs affaires et dan? celles de leurs parUes adverses, en refusant de terminer leurs differends ri'amiable ; quelles haines, quelles nnmities IsentUiennL par-la ^ * qui apprennent amsi h seviter, a se calom miar ï se nuire même sans scrupule pour quelques misérables intéréts lil suftit de jetter Z cour>d'ceil sur nos vallées pour se con, vaincrede cette tuiste vérite. . Voris Y verrez, au premier abord, des juges seinblal/es a des ïoupUvisseurs, qui ne devorent que pour dévorer encore et qui, poui dévöSr toujours , fomentent les a~^r m[ ce peuple trop peu defaant, ui tont en Sndre que son honneur est interesse a atta-quer ou k se défendre en justice e retiennen ?r mUla subterfuges dans leurs filets, s ils ont SiyX, etlele laissent écbapper qu* Wil nV a plus rien a prendre Remarquons, néanmoins , quilnyaqu* les inXudus et les families chez lesquels la reliirona visiblementdégénéré , qui seperdent ÏSffprocés. On ne voit point les plus sage* ^ y^k des exü'êmitéS mk coutraires, non,  Disciplin e des églises vaudoises. i o i senlement a 1'intérêt particulier , mais encore a la raison et a 1'esprit du christianisme. Volei ce que dit, k ce sujet, 1'apótre S. Paul, dans son épitre aux corinthiens, chapitre VI: « Si *» donc vous avez des procés pour les choses » de cette vie , choisissez plutót ceux aui sont » les moins considérables dans L'éghse , et » prenez-les pour juges. Je dis cela pour vous » faire honte. Etes-vous si dépourvus de gens » habiles, qu'il n'y en ait pas même un seul )3 parmi vous qui soit capable de juger les 33 difïéreuds qui sont entre ses frères ? Mais c'est 33 un frère qui plaide contre son frère, et cela 33 devant les infidèles.... C'est déja un grand dé>3 faut parmi vous que vous ayez des procés les 3» uns avec les autres. Que n'endurez-vous » plutót qu'on vous fasse lort ? Que ne souf33 frez-vous plutót quelque perte ? Mais c'est 3) yous-mêmes qui faites tort, qui faites perdre » aux autres , et qui le' faites a vos frères. 3i Ignorez-vous donc que les injustes ne possé33 deront point Ia félicité céleste ? >3 Je ne puis trop éxhofter les ministres de nos vallées de tourner, autant qu'ils le pourront, de ce cöté-Ia , leurs exhortations puWiques et leurs soins particuliers ; et je ne doute nullement qu'ils ne parviennent a extirper du milieu de notre bon peuple, lout genre de discprdë ét de haine, et a y rétablir entre tous les indiyidus et toutes les families , cette umon si touchante qu'pn admiroit dans nos ancétres. Cr 3t  'joz Discipline des églises vaudoises. Dixième sectio n. Des synodes. Xoksqüe le tems du synode approche, chaque ministre avertit le consistoire et les chefs de familie de s'arrêter après la fin du service religieux, afin de procéder a 1'élection des députés qu'ils veulenty en voy er. Ils donnent a ce.s députés une lettre d'envoi , qu'ils appellent mandat , par laquelle ils demandent Ia confirmation de leur pasteur, s'ils en sont conlens , ou en sollicitent un autre , s'ils ont quelques reproches a lui faire. C'étoit même autrefois la coutume d'exposer dans ce mandat tout ce qu'on trouvoit de répréhensible, non-seulement dans la conduite des ministres, mais encore dans celle de leur famiHe. Les synodes s'assemblent ordinairement aujourd'hui de deux en deux ans. Auirefois ils s'assembloient toutes les années , au mois de septembre. Un manuscrit vaudois , de 1'an %5öj , dit que nos anciens barbes se sont trouvés jusqu'au nombre de cent quarante a un 3uême synode, dans le vallon du Laus, qui fait partie du Prage la. Un des objets des synodes étoit anciennement de décider les différendsqui n'avoient pu être terminés par les colloques. Comme la cour a interdit, je ne saisj trop pourquoi, ces dernières assemblees, les synodes ne s'occupeiit plus que de ce qui regarde le maintien de fa discipline ecciésiastique, le sein des écoles^  Discipline des églises vaudoises. i o3 et ils pourvoient de pasteurs, de concert avec les députés, les églises qui en manquent ou qui en changent. Avant de se séparer, le synode nomme un modérateur , un adjoint et un secrétaire , qui forment ce qu'on appelle la table; et c'est a ce corps qu'est confiée la direction générale des affaires , tant que le synode n'est point assemblé. Nos synodes sont aujourd'hui présidés par 1'ihtendant de la province, qui y est envoyé de la part du gouvernement , mais qui ne Eeut se meier en aucune manière des déliérations. Chaque ministre prêche a tour de róle pour faire 1'ouverture du synode. C'est la seule occasion ou il soit permis aux catholiques-romains d'assister k nos exercices religieux ; mais aussi s'y rendent - ils alors en fouie, et de fort loin. Croiroit-on que c'est a la fin du dix-huitième sièole que je fais cette remarque ?.... Si je ne me trompe , 'es communautés de Pral, de Pramol, Maneille et Rora, sont Jes seules auxquelles leur position et leur petitesse ne permettent pas de recevoir le synode a leur tour. II n'appartient point au synode de s'ingérer dans les affaires de la foi. Du moins, routes les confessions et déclararions de nos aneêtres , dont j'ai pü avoir connoissance, ont-elles toujours été dressées dans des assemblees générales, non-seulement des pasteurs et des consistoires, mais aussi de tous les chefs dc fauiiilss qui pouvoient s'y rendre. C'est de ceüe G %  ïq4 Discipline des églises vaudoises. manière que furent dressés , entr'autres , es 1071 , ce qu'on appelie les articles d'union des vallées. Le synode n'ayanl ainsi, etnepouvant avoir aucune espèce d'influence sur la croyance des habitans des vallées, ne s'avise donc pas de leur prescrire des tbrmulaires de foi. Ils ont Févangile , et ne reconnoissent d'autres articles de foi que ceux qui y sont expriraés de la manière la plus farmelle. lis ne vculent étre ni plus sages ni plus savans que les fondateurs du christianisme. ■Une eonséquence naturelle de cette manière de penser, qui démontre bien la bonlé des principes des Vaudois, et qui découle né-? cessairement de l'esprit de la reiigion chrétienne ,' c'est que la superstitiën et le fanatisme n'eurent jamais aucun acces parmi eux. Et c'est un dernier fleuron que mes foibles pinceaux doivent ajouter a féloge de mes bons et vertueux compatriotes. Les philosophes qui ont si souvent lieu de s'indigner des excès commis sous le voile du christianisme , des dogmes absurdes qu'on lui prête, et de 1'es-. prit intolérant, incendiaire qui anime la plupart de ses soi-disant disciples; ces philosophes^ dis-je, peuvent reposer ici leurs regards avec salisfaction , et contempler un petit peuple pieux , sans superstition , religieux sans fanatisme. Et s'ils sont de bonne foi, eet exemple süffira pour les convaincre que le christianisme est en. lui-même la meilleure, la plus, vuile , la plus aimabls de toutes les. religions, ^ès, qu'on.' s'attaché \ en suivre l'esprit, sa»s  Discipline des églises vaudoises. ïo5 ge mettre en peine de toutes les rêveiïes, de toutes les absurdités des prêtres, des papes , des synodes et des conciles. Telles ont toujours été les maximes des Vaudois. Sincérement attachés a 1'évangile , pour la défense duquel ils ont si souvent prodigués leur sang et leurs vies, on ne les vit jamais courir après les traditions humaines. Intimement convaincus de la bonté de leur cause, de 1'excellence de leurs principes , mais pénétrés aussi de cette grande vérité , qu'il n'appartient a aucun homme quelconque de se mêler de la croyance d'un autre , on ne les vit jamais , comme tant d'églises qui se disent chrétiennes, dicter impérieusement des régies de foi, et les appuyer par des poignards et des büchers; On ne les vit jamais aspirer a la ridicule prétention de soumettre la terre a leur croyance , par les armes de la terreur. On ne les vi t jamais intolérans, au sein même de 1'intolérance, ni persécuteurs au milieu des sanglantës tragédies -que le fanatisme de la cour de B.ome a si souvent renouvelées dans nos vallées. On ne les vit, en aucun tems, possédés de eet esprit de secte et de prosélylisme, qui a été si funeste a la reiigion chrétienne. lis ont prouvé, en un mot, par une expérience d'un grand nombre de siècles, que le véritable christianisme ne se trouve que dans 1'évangile , et que tous les peuples qui vont le chercher ailleurs s'égarent plus ou moins. Ils ont prouvé que cette aimable doctrine , telle qu'on en voit 1'exposé dans le code Sublime des cluétiens, s'aljie parfaicement ave®  i 06 Discipline des églises vaudoises. Ia raison ; qu'elle n'en est que le complément ; qu'elle est le texte écrit des loix que Ia nature a gravées dans nos coeurs; qu'elle est 1'appui, le plus ferme soutien des vertus sociales et domestiques; que c'est sur-tout par des vertus que cette reiigion doit se manifester ; et que tout ce qui ne se rapporfe pas a ce but, lui est absolument étranger. Telle est la reiigion des Vaudois. Ames hcnnêtes, cceurs vertueux, n'est-elle pas aussi la vótre ? Si les ■ partisans de la cour de Rome ont persécuté , les réformés n'ont pas été plus sages a leur tour ; et en parcourant lesannales de 1'Europe, je trouve a peine un peuple qui puisse être exempt de ce reproclie ; car, ceux qui n'ont pu exercer de tjrannie religieuse a force ouverte , ont bien su s'en dédommager d'une autre manière. Par-tout,de Vienne a Lisbonne, de Madrid a Pétersbourg, les protestans , les catholiques , les luthé-\ riens , etc. s'exciuent réciproquement dans les endroits oü ils dominent; par-tout ils s'oppriment dès qu'ils peuvent en saisir 1'occasion. Quant aux Vaudois, qui ne saven! qu'être chrétiens, ils n'ont jamais cbercbé a primer sur les autres; et il n'a pas tenu a eux qu'ils ne vécussent toujours clans la plus parfaile harmonie avec tous leurs voisins, de quelque communion qu'ils fussent, comme ils en ont dcnné des pi-euves constantes pendant les courts intervalles de repos qu'on leur a laissé. ïl n'est peut-être aucun peuple qui soit plus disposé qu'eux a fraterniser sincérement avec toute la grande familie du genre- humain ,  Discipline des églises vaudoises. 107 persuadés , comme ils sont,- qu'une reiigion vraiment digne du ciel ne dolt tendrequ'a. resserrer de plus en plus les liens qui unissent 1'humahïté; et que tous les sy sternes qui sèment des germes de divisions parmi les hommes, sont évidernment faux, et méritent 1'animadversion de tous les gens de bien. Puisse I'exemple de ce petit peuple, aussi admirable par ses vertus, son courage et sa patience , que par la pureté de ses mceurs et de ses principes, être utile au siècle pour Icquel j'écris !  «o8 Pasteurs des Vaudois. CHAPITRE VIL Des barbes ou pasteurs des Vaudois. 3Le nom de barbe est un titre de respect dans nos vallées. II signifie oncle; et on le donne aux personnes auxquelles on veut téinoigner des égards. On s'en servoit dans les tems les plus anciens pour designer parficuliérement les pasteurs , qui ont conservé ce titre jusqu'en i63o. Les ministres que 1'on fut obligé de faire venir de 1'étranger, a cette époque , prenaut le titre de messieurs, ceux de nos vallées acloptèrent celui de messer, en langage vaudois. Depuis lors , la dénorninarioa de barbe a disparu ; et il paroit que c'est de ce mot que las. catholiques romams ont fait celui debarbet, sous lequel ils nous désignent encore dans tout le Piémont. jSos ancien? barbes étoient (comme deyroïent toujours 1'être les apötres du christianisme ) des modèles de toutes les vertus. « G'étoit, dit Léger, des personnes pieuses, » humbles, innocentes, d'un esprit doux, pai» sible et tranquille; extrêmement diligens et v laborieux dans 1'exercice de leur vocation, x et Irès-vigilans sur les troupeaux qui leur 39 étoient confiés. Ils travailloïent fidèlemeut » dans la vigne du Seigneur , consacroient » tout leur tems et tous leurs talens a ia con» version des ames, s'exposoient aux opprobres %  Pasteurs des Vaudois. 10$ 35 aux injures , aux persécutions, aux maux » de tout genre , a la mort même , pour la 3> défense de la vérité. lis méprisoient toute » sorte de fasie , de venité , de pompe, les j» richesses , les voluptés et les honneurs » que le monde pouvoit leur offrir. lis rem-, j3 plissoient, enun mot, fort exactement, tous >3 les devoirs de la nature et de la société. » Parmi ces barbes , les uns se marioient, les autres passoient leur vie dans Ie célibat, a cause des changercens de demeure auxquels ils se trouvoient souvent exposés pour satisfaire aux divers besoins des églises. Ils devoient même quelquefois entreprendre de grands voyages dans les pays étrangers, afirj d'y visiter leurs frères avec lesquels ils ont entretenu une correspondance fort étroite , sur-tout depuis le douzième siècle. Ces pays étrangers étoient , entr'autres , la Bohème, 1'Ailemagne , la Gascogne , la Provence , le Dauphiné , le Languedoc , 1'Angleterre , la Calabre et Ia Pouille. Nos barbes y alloienS tour-a-tour pour y prêcher 1'évangile, et ra-» nimer le courage des chrétiens de leur croyance qui s'y trouvoient. L'argent nécessaire pour ces vojTJges leur étoit fourni par les Vaudois des vallées, ainsi que tout ce qui deyoit servir a leur entretien pendant leur séjour dans 1'étranger. Outre la préuication , les barbes qui restoient dans notre patrie, s'occupoient a faire des copies des livres de 1'écriture-sainte, afin d'en faciliter Ia lecture autant que possible parmi leurs troupeaux. La plupart d'entr'eus  tio Pasteurs des Vaudois. s'adonnoient è. la médecine, a la chirurgie * et se rendoient ainsi les médecins du corps et de I'ame. Cette vue étoit d'autant plus Jouable, de la part de ces bons barbef , que les médecins ont toujours été fort rares dans nos vallées , au point même qu'il n'j en a pas un seul aujourd'hui dans toute la vallée de Luzerne, celui dont on s'y sert, étant catholique , et de la ville de Luzerne même , qui ne fait plus partie des vallées vaudoises. La vallée de S. Martin n'en possède qu'un , qui est Vaudois, et qui y remplit en mêmetems les fonctions de médecin et de chirurgien. II est donc très-difficiie, dans la plupart des communautés, d'avoir des secours en cas de v besoin. Mais il est vrai aussi que la manière simple et frugale dont vivent les Vaudois , leur rend eet art moins nécessaire que partout ailleurs. Initiés , comme ils le sont, dans 1'étude des simples, dont notre pavs aboncle, ils trouvent en elles presque tous les remècles qui peuvent leur être utiles. II y avoit aussi quelques-uns de nos anciens barbes qui s'appliquoient aux arts mécaniques, a l'imitation des apötres. _ Mais leur principal soin étoit d'instruire les jeunes gens en général , et ceux qui se destinoient a la prédication en particulier. Dans les tems les plus anciens, les études de ces derniers se réduisoient a apprendre par cceur les évangiles de S. Matthieu, de S. Jean, toutes les épitres canoniques , une bonne partie des écrits de Salomon,de David, des prophetes. Après quoi, s'ils avoient de bons lémoignages,  Pasteurs des Vaudois: ut ®n les admettoit a 1'état ecclésiastique , par 1'imposition des mains. Qu'il y a loin de cette méthode a celle qus 1'on suit de nos jours , et quels regrets ne devons-nous pas avoir a ce changement! II sullisoit dans ces bons visux tems d avoir ètu-^ dié Ia reiigion chrétienne dans 1'évangile , pour avoir droit de l'annoncer aux autres. Aujourd'hui 1'on veut qu'un apotre du christianisme passé la plus belle partie de sa jeunesse a apprendre des sciences qui ne le rendront certainement pas chrétien plus zélé , plus vertueux, qu'il n'apprendroit a 1'être a 1'école de Jésus. On commeuce par le faire gémir quatre ou cinq ans, au moins, k fétude des langues; de-la, il passé a ce qu'on appelle les belles-lettres; vient ensuite la philosophie, science peu utile, nuisible même, suivant la manière dont on 1'enseigne dans la plupart des académies. Voila une dixaine d'années consumées en ïravaux et en dépenses, et pourquoi ? pour s'instruire sur des objets qui n'ont aucun rapport avec la science du bonheur. Voila dix années pendant lesquelles le jeune homme, qui se voue a la prédication de 1'évangile , n'en a presque pas entenduparler, ou n'en a entendu parler, du moins, que comme d'un objet nécessaire, tandis qu'il auroit dü faire le principal point da ses études. Suit après cela la théologie , qui devróit consister , ce semble, dans la simple, mais approfondie connoissance de la révélation , des preuves qui, en établissent la vérité, e$  U2 Pasteurs des Vaudois. sur-tout de tous les devoirs qu'elle recommahde L'étudie-t-on de cette manière dans les colléges$ les académies ? nullement. Ce n'est pas 1'évangile qu'on y enseigne; ce sont les sentimens variés des comtnentateurs, des chefs de sectes, sur lea diverses parties de celivre saint. Est-ce-la se conformer k l'esprit de la reiigion ? N'est-ce pas, au contraire , se pénétrer de cette prétendue sagesse, de cette science futile qu'elle réprouve tant ? Qu'il me soit permis de le dire librement, je regarde la manière dont on étudie aujourd'hui la reiigion chrétienne, et celle dont on 1'enseigne, comme le plus grand obstacle a ses progrès. ïl ne faut pas croire qu'elle ait besoin de tout eet appareilde science pour faire impression , pour toucher , pour convaincre. Elle a en elle-même tout ce quï est nécessaire pour produire les plus heureux effets. Et afin de m'en assurer , je n'ai qu'a •jetter un coup-d'ceil sur nos bons Vaudois, lorsque leurs barbes n'étudioient encore que 1'évangile. Y eut-il jamais, parmi les peuples; qu'on regarde aujourd'hui comme les plus éclairés, une société dont les vertus aient élé portées a un si haut dégré de perfection ? Y eut-il jamais tant de bonne-foi, de courage, de piété , de fidélité pour le gouvernement, tant de respect pour les loix , tant d'amour de la patrie , que parmi les anciens habitans des vallées ? Ah ! si 1'on est obligé de répondre ici par la négative , se refusera-t-on encore a méconnoitre la source de la supériorité des anciens Vaudois sur tant d'autres peuples, et même sur lesVaudojs d'aujourd'hui ?  Pasteurs des Vaudois. n3 II est vrai que les études des #gune$ gens qui se vouoient a ia carrière ecclósiasti ue, ne furent pas tpujours' aussi simpies. Un y joignit dans la suite celles ae la grummaire, des langues, de la logique. Les proposans qu'on admcttoit a la prédication, étoient même obligés de rendre des propositions en itaiien , en latin et en francais, il y cependant encore bien loin de ces études, a celles que 1'on fait suivre aujourd'hui aux étudians vaudois. Je ne disconviens pas que toutes les sciences dont on veLtt qu'un ministi'e de 1'évangile soit omé, ne puissent être très-utiles dans des pays oü elles fleurissent, comme en France, en Angleterre , en Allemagne , en Suisse , dans les Provinces-Unies , etc. Mais je crois que tout eet appareil n'est d'aucun. usage dans nos vallées ; et qu'il est par conséquent inutile de faire perdre tant de tems, de causer tant de dépenses a nos jeunes gens qui se destinent a la prédication ; car, a qui feront-ils part de toutes leurs sciences ? aux VAUDOis ?.... Ils n'entendent que 1'évangile , et se soucient fort peu du reste. On leur parle hébreu dès qu'on s'éloigne avec eux de cette noble siinplicité que respirent par-tout les écrivains sacrés. Ils ne savent ce que c'est que la logique , la physique.les mathématiques. Ils veu'eut cpi'cui leur prêche le christianisme, et rien de plus. Tout eet échafaudage scientilique, dont on 1'environne de nos jours , ne pouvant donc leur être d'aucune utilité , pourquoi leurs pasteurs doivent-iis passer tant d'années a s'en munir ? H  H4 Pasteurs des Vaudois. Cette raison, fut-elle la seule, me parollroit sufhsante pour nécessiter une grande réforme dans les études de ceux de nos jeuncs Vaudois qui se consacrent au ministère évangé* lique/lVïais il en est une autre beaucoup plus impérieuse encore, que je développerai clans un moment. Le bien-être de ma patrie me fait fermer les yeux sur toutes les longueurs qu'on pourroit me reprocher. Ce n'étoient pas seulemcnt les sujets des vallées que nos barbes iustruisoient. Ils voyoient arriver chez eux , de tous les pays, des jeunes gens qui venoient chercher des (umières a leur école. C'est ce que la cour de Rome a soin de nous faire observer elie-même, lorsqu'elle nous dit, par le canal d'lLLYRTCUS , (cata~ logue des témoins de la tférité,livreXV): « Invcnio cos csse solitos ex Bohcmia, y> theologiam addiscendi causd , ad suos 3) prceceplores Valdenses , in Lombardiam 3) proficisci, veluti ad scholam , seu ad „ acatiemiam quamdam. » C'est - a - dire : « j'apprends qu'ils ont accoutuméde se rendre » de Bohème, en Lombardie, chez leurs pré» cepteurs les Vaudois, comme & une acaüé» mie ou a une école, pour y apprendre la „ théologie. » L'histoire des martyrs ajoute : K Que ceux d'Alsace en usoient de même, w et qu'ils envoyoient étudier et faconncr dans » les vallées ceux qu'ils vouloient consacrér » au saint-ministère. » (Livre I.) On voit encore de nos jours la grotte qui servoit de collége a nos anciens barbes, et ou ils semoient et cullivoient les principes de  Pasteurs .des Vaudois. n5 cette reiigion pure et sans taches, qu'il-s cherfchpient a répandre dans tout le monde. Cette grot te est au iameux Pré-du-Tour, dans la communau té d'Angrvgnc. Out re cette espèce d'académie ou de séliiinaire , qui étoit entretenu par toutes les vallées, il y avoit et il y a encore dans chaque toimnunauté une ou plusieurs écoles, ou Pon ens'eigne a lire et a écrire a la jeunesse des deux sexès , et oü elle s'instruit, sur-tout, des ibndemens de la reiigion , de Ia musique sacrée et de 1'arithmétique. 31 y a de plus deux écoles latines , oü les jeunes gens qui embrassent la carrière aposiolique , apprennent le latin et Un peu de gréc , après quoi ils passent dans les académies de. Lauzanne , de Genève et de Bale , pour y bnir leurs _ études; au lieu que jusqu'è la réformauon , ils les achevoient dans nos vallées. El je crois que nous aurions beaucoup mieux fait de nous en tenir a cette ancienne méthode. Celle qui a prévalu aujourd'hui me paroit , k tous égards , fort préjudiciable a notre patrie. Le chapitre suivant en développera les raisons. Ha  ïi6 Collége dans les vallées. CHAPITB.E VIII. Motifs qui nccessitent Vétablissement d'un, collége dans les vallées vaudoises , pour Vinstruclion de la jeunesse en génèraï, et en particulier pour les jeunes gens qui se vouent a la prédication. Plan proposé par Pauteur, et moyens dexécution. J'ai dit que le Pré-du-Tour servoit aufrefois de collége a nos bons ancétres. Et quelles devoient être énergiques et touchantes les lecons de ces vertut-ux barbes , qui faisoient retentir ia douce voix de 1'évangile , au milieu des merveilles et des phénomènes les plus éclatans de la nature ! Combien ne devoientelles pas faire plus d'impression que ces froids enseignemens que 1'on donne aujourd'hui au milieu de la poussière des colléges ! Ce n'est pas que je veuille conseil Ier de rétablir le notre sur le haut d'une montagne ; car la na-« ture est assez belle dans toutes les parties de nos vallées, pour qu'on puisse s'instruire partout également a sa voix. Mais jouissant heureusement d'une liberté de couscience que ne connurent jamais nos ancétres, plus a portée qu'eux de nous procurer tous les secouis nécessaires pour 1'instcuctioa de Ia jeunesse, pourquoi faisons-nous  Collége dans les vallées. i\f beaucoup moins qu'iis ne faisoient ? Si aidés du seul évangile , et d'un trés petit nombre dautres livres , ils ont pourtant forme des apótres zélés du christianisme , que ne pourrions-nous pas faire aujourd'hui, que nous possédons tant dexeellens ouvrages ? IS'y. a-t-il point , parmi nos ministres, des sujets. qui seroient très-bien en état d'instruire les étudians dans tout ce qu'il est nécessaire de savoir pour devenir un bon piédicateur de 1'évangile ? Et en supposant méme qu ils eu-sent moins d"erudiUon qu'un professeur d'académie , y auroit-il grand mal a cela 2 Un apótre même n'a-t-il pas déclaré que 1'écriture-^ainte est sutüsante pour rendre 1'homme de Dieu accompli en toutes choses ? Et puisque eest sur-tout par la pureté de Leurs mceurs et de leur croyance , et non par 1'étendue de leurs lumières , que nos ancétres se sont reudus s'i reiomniandables, pourquoi aspirerionsrous a d'autres titres ? pourquoi ne nous bornenons-uous pas a les imiter, autant, du moins, que notre situation actus lle le permet ? pourquoi , sur-tout, pourquoi ne voulons-nous pas voir que c'est au changement des anciennes couiumes qu'il faut attribuer celui qu'on ne peut s'empècher d'appercevoir dans les mceurs de nos ministres ? L'expériencs ne proavet-eile pas assez , que tout ce qu'ils puisent dans i'éiranger, ne sert qu'a altérer de plus en plus , parmi nous , cette simplicité si touclum'te , et vraiment patriarchale , dans laquelle vivoient nos ancétres , et qui faisoiï leur bonheur? H 3  [li8 Collége dans les vallées; Jusqu'en i63o, nos barbes n'avoient rien qui ies distinguat des autres Vaudois. Les •manières que nos étudians puisent aujourd'hui dans les grandes villes , quoique ce ne soit encore que le petit nombre, leur inspirent la sotre vanité de Youloir tirer une h'gne de déanarc'ation entr'eux et leurs ouailles, et dans un pays ou il n'y a aucune distinction de rang , que celle que s'arrogenf impudemment quelques êtres indignes du nom vaudois ; dans un tel pays1, dis-je, öü règne ki plus parfait* égaliié , ert exemple ne peut être que 1rès-nuisible. Ce n'est pas tout encore; et que sie puis-je ensevelir dans un profond süence ce qui me reste k dire ? Mais la voix de ma ffffü-ie doit marcher avant teut, et je serois mdigne d'écrire son histoire , je mériterois, toute son indignation, si j'éfois assez timide pour sacnfier ses plus chers intéréts a quelques, anohfs de convenance. Oui , il n'est que'tror, vrai que queiques-uns de nos étudians puisent, dans_ les académies étrangères, plus que des manières hautaines ; il n'est que trop i mi qu'ils y puisent des vices même ; et si le grand nombre se conduit d'une manière irréprochable , il ne s'én trouve néanmoins que trop qui sont les plus affligeantcs exceptions. En supposant même que, de retour dans leur patrie i ils changent de conduite, je demande s'il est possiMe d'anéantir la mémoire de leurs écarts , et u ce souvenir qu'on se pltifr souvent a exagérer , n'est pas capable de produire les plus facheux. elfeis parmileut-s eu.anless ?D'ailleurs, est-ee ?près une jeunessQ:  Collége dans les vallées. 119 passce dans la dissipation , pour ne rien dire dé plus , qu'on est en gtajt de s'attacher de C03UT, aux spins, nombreux et sans .cesse renaissans que 1'exerciee du ministère évangélique exige dans nos vallées ?. N'esUce.pas sur-tout le bou exemple qu'on a droit d'exi-, ger d'un apótre du christianisme ? Et cehu qui pêche par-la n'est-il pas un infame ,hypo* crits , une vraie peste qui risque de perdre tout Ie troupeau ? N'y en eut-il ms-me qu'un seul, dont fa conduite fut sujette a cauüon, il feroit encore beaucoup de mal dans nos val lees , ou chacun est a portée de se con- La charité chrétienne me delend de particulariser. Mon dsssein est d'exposer ce que je croas utile pou.r les. intéréts de ma chère patrie; mais je ne veux olïénser qui que ce soit , ni faire aucune application quelconque. Chacun peut se jugcr lui-même , d'après sa conscience. Mais , en ra'en tenant a ces généralités , je demande si elles ne réclament pas un prompt changement dans la manière dont nos féunes' gens lont leurs études, et s'il ne seroit pas indispensable d'établir dans nos vallées un petit collége oit ils pussentles achever. Ce n'est point au , basard que je jetie eet ie idéé ; je m'en suis sérieusement occupé depuis long-tems , et voici les moyens qui me parot troient les plus propres a en faciliter 1'exéculion. Les nombreuses persécutions qu'ont essuyées. nos vallées, en ayant ruiné presque tous les H 4  ï2ó Collége dans les vallées: habitans, il fut fait en leur faveur, et a di-' verses époques, des collectes fort considérables en Angleterre , dans les cantons protestans heiyetiques, et, sur-tout. dans les ProvincesIJmes ; et^cela au point que les dernières doivent être élevées au-dessus de trois cent mille flonns d'HolIande, comme les mémoires que nous avons en mam en font foi.. Cessommes ont été placécs sur les trois états que 'iious venons de nommer/ Les intéréts annuels cte celles qui se trouvent eu Angleterre et dans ies Provinces-Ünies, set-vent a 1'entretieii de toutes nos- églises, des écoles de chaque comnrunauté , et des deux Colléges latins: et les intéréts'dont les fonds< sont placés sur les cantons 'protestans de 'Ia Suisse,- forment des^ pensions' pour netrf étudians vaudois , dont éinq a Lausanne, deux a Genève et deux a Bale. II faut remarquer que ces derniers ionds stikt dus, pour la phis grande partie, a Ja générosité des habitans des Provincesünies', qui envoyèrent dans le tems une som me de cent mille florins d'Roliande, aux susdiis' cantons, pour être employee en faveur des Vaudois. En eonfiant ce don sacré aux soïns des cantons helvéliques, 1'intention des donateurs a été, sans doute, qu'il ÏYit employé 'le plus ut-ilernent pour les vallées , puisqu'ils n'ont prescrit aucun mode d'émrjloi particulier. II est peut-être inutiie de 1'ajöuter pour bien des personnes ; mais Ja chose est trés-nécessaire pour d'autres. Ces sommes étant Je produit de la générosité publique, en faveur des Vaudois ,  College dans les vallées. tzt leur appartienneut donc incontestablement ; et il doit bien leur être permis, par conséquent, d'en appliquer 1'usage a un objet qui est d'un intérêt aussi majeur pour leur patrie. II faudroit donc d'abord obtenir de nos généreux protecteurs le consent-ment de transporter chaque année sur les vallées, le produit des neul' pensions dont j'ai parié. L'amour et la bienveillance qu'ils nous ont toujours témoigué , ne permettent pas de douter qu'ds ne s'empressent d'accéder a cette di mande, d'autant plus que i'emploique nous proposons d'en faire , répondroit certainement mieux aux vues des donateurs , que celui qu'on en fait aujourd'hui. En supposant donc ce pomt accordé , je crois que tout le reste s'arrangeroit sans peine. Les deux colléges latins qui existent dé)a dans nos vallées, suffisent pour instruire les jeunes gens dans les iangues latines et grecques, les élémens de la reiigion , etc. il ne s'agiroit ainsi que d'y établir deux professeurs , dontl'un se chargeroit des belles-lettres et de la philosophie, et i'autre des diverses parties de la reiigion chrétienne , je veux dire des preuves qui en établissent la yérité, de la morale , de i'art de la prédicatiop ; a quoi 1'on pourroit joindré aussi 1'bistoire de noire patrie. Les étudians seroient, comme autrefois , examinés par le synode. IS os églises n'étant qu'an nombre de treize , : sans compter la première école latine qui est aussi desservie par un ministre), je crois que sept étudians suüiroient pour remplacer tous les pasteurs  122' College dans les vallées. qui meuren t : en fixant donc a ce nombre ceux qui pourroient avoir part aux pensions, il resteroit deux de ces pensions qu'on appliqueroit aux deux nouveaux prolésseurs. li est vrai quelles ne seroient pas suffisantes pour leur entre tien ; mais comme la manière de vivre est beaucoup moins coüteuse dans nos vallées qu'en Suisse, on pourroit réduire les pensions des sept étudians, et ajouter ce quon en retrancheroit a celles des professeurs. il y auroit encore un atitre moyen de remédier a eet inconvénient. Ce seroit d'étabhr le collége des vallées dans une des (ommunautés dont le ministre pourroit en même- tems être professeiir, paree qu'il sufïiroir alors de lui donner une pension d'un tiers plus considérable, par éférnple, que celle de sa cure ; et qu'il ne resteroit qu'une pension entière i f'ormer pour Tautre prolesseur. I:Plidnórfs , cependant , les cboses au pis , afin de pouvoir examiner notre projet sous tsmles ses faces. Supposons, pour un moment, ce rtue la piété et la justice des cantons évangéliques ne nous permet pas de croire, supposons qu'ils se reiusassent a transporter sur nos vallées le produit des neuf pensions dont nous avons parlé, le plan que nous proposons pourroit encore avoir li en, quoique plus diflicilement. II foudroit alors réduire les deux écoles lat'.nes a une seule ; appliquer les appointemèns de J'autre au prolesseur de belles-lettres et de philosophie ; et il suffiroii d'une petite souuue annuéüë pour 1'ajouler au paienient  Collége dans les val lees. ia3 ordinaire du pasteur , qui seroit en mêmete;ns prolesseur de théologie. U est vrai que, suivant eet arrangement; ceux des étudians qui feroient leurs etudes dans nos vallées ne jouiroient plus d'aucune pension. Mais il faut considérer aussi que les dépenses qu'ils y feroient n'excéderoient peutêtre pas les sommes que leurs pareus sont obligés de leur envoyer aunuellement en Suisse, pour remplacer le vuide des pensions qu'ils recoivent, et,qui ne sullisent jamais pour leur entreticn. Ainsi tout seroit a. peu-près compensé. Et d'ailleurs , comme on devroit nécessairement réduire le nombre d'années qu'ils emploient actuellemcnt pour faire leurs études» cela fcroit encore une compensation considérable. Joignez - y qu'iis ne seroient plus obligés a aucune dépense de voyage ; qu'ils pourroient passer toutes les vacances chez leurs pareus , et ces vacances reünies comprennent plus de trois mois. S'il se trouvoit quelque sujet qui annoncat de gi'andes dispositions , et dont les parens ne lussen t pas en état de pourvoir a l'entretien , öhaqüe église de nos vallées pourroit se cotliser pour lui fournir aunuellement une pelite somme. 11 faudioit, enfin , lormer une petite bibüöïfièqüè bien choisie , oïi les étudians pounoienl h ou ver tous les secours nécessaires pour leurs' études. Mais je crois que si le plan que je pro pose réussit, on pourroit trouver, sans b.eaucoup de dihkulïés , les fonds nécessaires pour cela , ou même les livres les  College dans les vallées. plus utiles. Je ne doute point que nös pasteurs, qui ont pour la plupart d'assez nombreuses bibh'othèques , ne s'empressassent d'y contribuer. Voila , en racourci, un plan qu'il me seroit facile de dévèlopper en cas de besoin. Les moyens de le rneltre en exécution , ctëpendent entiérement de nos généreux protecteurs , les cantons protestans de la Suisse, et du cinquième synode des églises wallones des Pro vinces- Unies , qui a en maiu la direclion de tout ce qui concerne les églises de nos vallées. Les diincultés que ce projet pourroit renférmer, me paroissent peu couSjdërables ; el il procureroit, a-coup sur, les avantages les plus importans a notre patrie. S'il est vrai, comme on n'en sauroit clouter, rpie rien n'a plus iniéressé les états protesfans^au sort des Vaudois, que 1'innocence de leur vie , 1'iutégrité de leurs moeurs , la pureté de leur doctrine , et la coustance admiralde avec laquelle ils ont supportéles plus cruelles persécutions, il est eertain aussi que ce spot la les titres dont nous devons être le plus jatoux , et que nous devons nous appbquer a conserver par tous les moyens possibles. Leslumières qui éclairent aujourd'hui l'Europe peuvent nous être un sur garant que nous ne serons plus poursuivis pour cause de reiigion. 11 nous est permis de compter sur un repos que nos ancétres ont acbeté au prix d'une trentaine de persécutions , toutes plus violentes les uues que Jes autres. Mais celté beureuse tranquilliié, lom de nous endorny>  Collége dans les vallées* rz$ dans une funeste inciifférence , cloit, au contraire, êtreun motif de plus pour enflammer notre zèle, et nous aniniér a nous montrer toujours dignes de notre bienfaiteur suprème , et de ces ames généreuses par le moyén desquelles il nous a dispénsé et nous dispense entore ses bienfaits. Notre plus grand soin doit être de conserver nos mceurs, notre culte, notre croyance , dans cette touchante pureté qui distinguoit si bonorablement nos vertueur ancétres. Et ce n'est qu'en évitant pour nos jeunes gens , sur-tout pour ceux qui doivent être un jour les conducteurs spirituels de nos vallées; ce n'est, dis-je, qu'en évitant pour eux 1'exemple funeste des grandcs villes , et en nous renfermant entiérement dans notre heureuse simplicité , que nous pouvons espérer de parvenir a ce hut, Ce n'est que par ce moyen que nous pourrons rétablir entiérement ces mceurs de 1'age d'or qui commencent a s'altérer parmi nous , et qui seront toujours faites pour présenter le spectacle le? plus intéressant a toute ame honnête et sensible , et le plus utile a tous les peuples corrompus. Ce n'est que par ce moyen que nous pourrons véritablement remplir tous les devoirs que nous impose la devise que nous avons adoptée, et être dans le fait, pour notre conduite comme pour notre croyance, un vrai flambeau resplendissant au milieu des ténèbres. (*) (*) C'est ici «ne allusion mix armoiries des Vaudois , composées d'ua flambeau qui respleüdu au  136 Collége dans les vallee*. Dans ce nouvel ordre de chösêS , nos éfü« dians ne soïtafct point des vallées , ne puiseront JSIüS chez félranger ce gout du luxe de Ia dissiparion , des amusemens Jrivoles, etc, qui ont déja fait tant de mal a notre patrie, . et qui ne roanquei ont pas de la perdre aveü Je tems, si 1'on n'en tarif la funeste source. Etant sans cesse sous Jes jeux de leurs pareus et de_ leurs compatriotes , ils seront d'autant plus intéressés a mener une vie irréprocbable, et a faire tous Jeurs efïbrts pour s'attirer 1'estime générale. Les mauvais exemples , si communs dans les grand es villes , ne pöïtt» ront plus les séduire. La carrière de leurs études ne sera plus semée que de vertus; et ils n'en sortiront que pour devenir les images vivantes de ces bons et vertueux bakbj?s dont nous avons tracé la peinture au commeneement de ce chapitre. Leur exemple ne pourrat qu'influer extrémement sur lous les habitans des vallées, qui ne tarderont pas a redevenir plus dignes que jamais de leurs ayeux ; et ce petit coin de terre qui nous s; rt d'asyle, lie cessera de mériter 1'intérêt et 1'adiniration du monde chrétien. Ames sensibles et hienfaisantes ! genereus: amis de ma thère patrie! tels sont lés molifs que je propose a votre attention. Daignez les peser a la balance de votre cceur, et je suis milieu des ténèbres les pN>sér>r.i!;ses,»! ^ort la lég^ntïs porte : lux i,ucet tn tenesris ; la lumièrc 'brille dansles ténèbres. Os arnioirie* sont particuhéiement celles de la vallée de Luzerne.  Collége dans les vallées. J2J persuadé d'avance que tout ce qu'il vous dictera 'tournera au plus grand avanicige de nos vallées. Permettez encore que je place ici 1'expression de la vive reconnoissance de tous leurs habitans , pour les bienfairs qu'ils ne cessent de recevoir de vous, et sout'ï'rez que je les recommande de plus en plus a vos soins paternels.  12.8 Plan d'étude pour les vallées. CHAPITRE IX. JEsquisse d'un plan d'études proposé pa?' l'auteur , pour le collége a établir dans les vallées. En envoyant le manuscrit de eet ouvrage au comité préposé par le synode wallon , pour diriger les affaires de nos vallées , j'y avois joint une notice, qui n'étoit destinée que pour messieurs les commissaires. Je viens de la re lire; et comme elle m'a paru pouvoir être de quelque uulité, en cas que mon projet se réalise , je vais la faire servir a former le dernier chapitre de ce volume. Voici a-peüprès ce que je disois dans cette notice : Peut-être me soupc^onnera-t-on d'être en confradietion avec moi-même, en voyant que je propose l'établissernent d'un professeur de belles-lettres et de philosophie , après avoir cherehé a faire sentir plus haut combien toutes ces sciences , telles qu'on les enseigne aujourd'hui, sont peu utiles a un ministre vaudois. Mais il est facile de voir que ce n'est que leur abus que je condarnne; car il n'est que trop évident, par exemple , que la philosophie qu'on enseigne dans la plupart des académies ne fait rien moins que des vrais sages. Je voudrois donc qu'on réduisit ces sciences a ce qu'elles ont de véritablement utile, et qu'on ne perdit jamais de Vue leur première / hl  Plan d'étude pour les valides, izg f>rèmière destination. Elles procureroicnt alors es plus grands avantages a ceux qui les étudieroient, et leur influence ne tarderoit pas a s'étendre sur toutes les classes de la société* En me resserrant dans ce qui regarde im~ médiatement mon objet, voici quelques idees qui pouiToient servir de base au plan que je propose d'exécuter dans nos vallées. Il faudroit u'admettre personne dans i'école latine avant 1'age de i3 a 14 ans, et a moins qu'il 11e sent parfaitement lire , écrire et orthograpbier. Chaque sujet y passeroit trois ans ; et ceux qui y auroient Fait Je plus de progrès en sortiroient pour entrer sous le prolesseur de belles-lettreset.de philosophie qui les perfectionneroit pendant deux ans dans 1'étude des langues, ( si 1'on veut absolument conserver cette branche) , y joindroit ceile de I'histoire, des antiquités sacréès , et qui s'appliqueroit sur-tout a leur donner 1'inteiligence , et a leur faire sentir les beautés des livres saints; objet négligé d'une manière honteuse dans toutes les académies. On réduiroit la philosophie a ce qu'elle a d'utile, en en éloignant toutes les vaines subtililés de I'école, On s'appliqueroit d'ahorel k faire connoitre l'homme , sa nature, ses facultés, d'après ce crue 1'expérience de tous les siècles en a appris. Cette étude, la première, Ia plus importante, puisqu'elle est Ia base de toutes les autres , n'est pas même soupconnée dans les uniyersités modernes. De-la on jetteroit un coup-d'oeil rapide sur Ia scène maguihque oü l'homme se trouva I  33o Plan d'étude pour les vallées. placé, on remonteroit a I'auretir de tant de inerveiiles, et ici s'ouvriroit 1'intéressant tableau de la philosophie naturelle , dont on parcourroit les vérités les plusimportantes. En se servant cles lumières que Fétudiant auroit ècquises par 1'étude de 1'his'toire, on lui tra> Ceroit Ia peinture des opinions religieuses des différens peuples ; on lui exposeroit vivement de quelle m'anière honteuse ils ont presque tous corrompu les lumières de la natufè/ët on lui feroit sentir par-la même Ia nécessité d'une révélation. Ici fmiroit la tache de ce premier professeur. II rertietttoit ses disciples ëihsi préparés au professeur de théologie. Gelui-ci commenceroit par s'occuper avec eux des preuves qui établissent la vérité de la révélation ; il leur prouveroit que ce qu'elle nous enseigne n'a rien de contraire aux lumières de ia nature, et n'en est que le déveïoppement ; il leur retraceroit avec soin Ie tableau des devoirs qu'elle nous prescrit, et feroit sentir les grands motifs qui doivent porter les hommes°a les observer. II parcourroit successivement, avec ses disciples, toute 1'écriture-sainte ; leur expliqueroit les endroits difficiles, et leur rappelleroit rapidement ce qu'ils auroient appris en belles-lettres sur les usages et cérémonies sacrées, II s'arrétéroit sur-tout a leur développer les beaux modèles de prédication que Jésus et ses apötres nous ont laissé dans leurs discours. 11 les exerceroit a composer sur ies matières les plus importantes de la reiigion, leur feroit connoitre les régies, yartic-aiières k 1'éloquence de la chaire,et leur  Flan d'étude pour les vallées. iS1 npprendroit a mettre dans leur travall plus de choses que de mots, a éviter tous les vains ornemens, k suivre toujours la plus grande simplicité. , II leur feroit rendre un grand nombre cle propositions sous ses yeux , et dès qu'il ies trouveroit en état de subir les examens , il les présenteroit au synode , oü chaque pasteur auroit le droit de les interroger. Les exarmuateurs principaux seroient tirés ausort.Apres avoir été trouvés digues d'être admis a la prédication de 1'évangile, les jeunes ministres devroient encore prêcher pendant une annee dans les différentes églises de nos vallées , avant de pouvoir entrer dans une d'elles comme pasteurs.1 On n'auroit pas moins d'égards dans leur admission a 1'apostolat, a leur bonne conduite, qu'a leurs connoissances; et le moindre reproche qu'on auroit a faire sur ce premier article, seroit un titre suffisant de renvoi. Dans un objet de cette importance, tous les peres de familie de la communauté , assemblés en consistoire, seroient appelés a témoigner pour ou contre le sujet qu'on voudroit exammer. Chaque étudiant devroit donc , suiv-ant ce plan passer trois ans dans I'école latine, trois en helles-lettres et philosophie , trois cn théologie , et un a s'exercer a la prédication. It avu-oit ainsi Vingt-quatre ans lorsqu'il parviendroit a la direction d'une ègbse , et il ny auroit rien de trop. d'oubliois d'ajouter que le professeur de théolode joindroit a ses autres insfrüctions un cours d'histoirede notre patrie. Les cbangemens , additions ou corrections  l3i Plan d'etude pour les valides. qu'on pourroit faire a ce pro jet, se présente-* ront d'elles-mêmes, si nos vallées sont assez heureuses, comme je 1'espère, pour en voir iexécution. C'est sur-tout au comité du synode vaiion, pour les affaires des vallées, que cette exécution me paroit tenir; et je ne doute point que tous les obstacles ne se lèvent facilement dès_ qu'il voudra y donner la main. L'intéret acüf et sincère que les membres qui le composent ont toujours pris au bien-êtrede notre patrie, m'est un sur garant du zèle qu'ils mamfesteront dans cette circonstance si importante, et le bien qu'ils auront fait sera le premier dédommagement de leurs peines et de leur soilicitude. Fin de la première partie.  HISTOIRE DES VAUDOIS, Ou des habitans des vallées Occidental es Au Piémont, qui Ont conservélè christianisme dans toute sa pureté, et a iraverè plus de trcnte persécutions.,. . depuis le commencement de son, existence f u&tfidd nos jours , sans evoirpa'rticipé d 'aiicunè réfomie- .... jPérisse a jamais Vaffrcnsc politique , Qui "pittendsur les cceurs un pouvoir despotique } Qui vcut , le/'er en main , converïir l:s mortels . Qui du sang hérétiqüe arrose les au'els 3 Et suiiant un faux zèle , ou l'ihtèrêi pour guides } Me sert un DIEU de paix que par des homicides l Henbi IV, i la reine Er.isABETR, dans U Heniuade , cbant Hi SECONDE PARTIE.  Angustat valles , uli , cunctis cxul ai ons , Heligio staiilem fixerat usque larem ; Quis negetesse DEUM vestris qui gaudeat antris, Perpetuum que sacros numen amare specus ? Prisca DEI renuuntsi crederejacta projani, Pandite quce vestris visa fuere jugis !  HISTOIRE DES VAUDOIS. SECONDE PARTIE. I N T R O D U C T I O N. li E S personnes qui ignorent que pjesque toutes les pages de notre hisloire sontmarquées de calamités et de sang , s'étonneront de ne marcher plus désormais qu'au milieu des maux de tout genre qu'out essuyé nos ancétres. Elles s'étonneront de vair ces vertueux Vaudois , dignes a tous égards de 1'admiration de 1 urn vers , poursuivis par le fèv et par Ie feu , traités comme les plus grandsscélérats, et noir' cis des calomnies les plus infames. Elles ne pourront concilier tant de barbarie et de férocité A 2  4 Iniroduction. avec tant de candeur et d'innocence. Un seul mot leur expliquera cette aiï'reuse énigme. C'est qu'unfaux zèle de reiigion méconnoit égalenient tous les devoirs de la reiigion et de la naiürë, qu'il n'y a rien de sacré pour lüi, et que le tigrele plus furieux est moins a oraindrequ un liornme qui en est possédé; Qu'on me donne a choisir de vivre parmi des iahaliques ou des bêtes féroces, je n'hésilerai pas un instant; je mecroirai trop heureux depouvóir meréléguer au fond desbais. Pourquoifaut-il que des êtres qui se disent raisonnables, que des êtres qui osent se range** dans la classe de Vespèce humaine, aient oublié tous les devoirs de Vhumanité, jusqu'a pouvoir massacrer de sang froid des miliiers de leurs frères?Pourquoi faut-il qu'ils aient abusé de la plus douce des religions , au. póirit d'eri avoir fait la complice de tous les crimes ? Pourquoi les potentals de la terre se sont-iUkérigés en juges dans une affaire qui ne regarde qua DIEU seul? qui leur a donné le droit de traiter d'hcrétiques ceux qui ne pensent pas comme eux? Est-ce pour couvrirses auteis de sang et de victimes humaines, que la pro videnee leur a coniié le glaive de la justice ? .... Je n'ai pour touterépouse que des larmes. Ce fut vers le milieu du XVC. siècle quecommencèrent a s'ouvrir ces scènes sanglantes, et avec elles* cetissu de trahisons etdc perfiches qui ont foruxé, pendant plus de deux eens ans la système de conduite de nos ennenus. Jusqu'a cette époque, les Vaudois ne paroissent pas avoir cssuyé de persécutions ouveries. Mai*  Iiilmduction; 5 On avoit déja employé contr'eux des vqies plus sourdes; et dès l'année i332 , ils avoient été jugés dignes de i'altention de la cour de Rome. La bulle que le pape Jean XXII ptiblkt d'Avignonle 8 juillct, en est une preuve,?ainsi que celle de Clément VII, datée de 1'an i3.8o. Dans la première, le pape dit : « Qu'il lut y> étoit parvenu que les hérétiques vaudois s ëy> toient considérablemcnt multipiiés dans les » vallées de Luzerne et óePérouse ; » et il donne a son légat ie pouvoir de procéder com tr'eux par les voics ordinaires de la justice. Majs I'histoire ne nous apprend pas que cette bulle ait fait beaucoup de malaux Vaudois ; et 1'on peuten dire autant de celle qui la süivit. C'étoit a 1'inqüisition qu'il étoit réservé de* travailler, par tous les moyens possibles, a leur entière ruine. Commelesmenéesde cefarouche , tribunal reviendront souvent sur la scène dans le cours de cette histoire, il convient d'en faire connoitre 1'origine a nos lecteurs. De tous les excès auxquelsl'esprit humaiu s'est porté , il n'en est point dont les suites aient été plus ftelles fes a la raison et a ia reiigion. Unprêireespagnol nommé DoMiNtQUEéfanr vcnu prêcber en France contre les Vaudois d'Albi oules Albigeois, le fit avec tant de yiolence, que son ordre en reent le nom de frèresprecheurs. Ce DominiqüE s'établit a Toulouse d'ou il envoyoit des espionsdans toutes les yilles voisines', pour y découvrir ceux qui étoient suspects d''hérésie, et les faire punir. ^REGOIMÉ IX, alors pape, ne fut pas lóng-tems a scnlm te grands avantages qu'il pourroit retiier d« A 3t  6* Intro ducüon. ces missionnaires ; et il autorisa, en conséquence, les dominicains en France et les franciscains en Italië, a s'enqüérir (inquirere) jpar-töüt des Kérétïques, et a leur faire leur procés. Telle est 1'origine de Yinqldsition , de ce ivibunalexécrable,quine sembloit néque m pour noyerle genre humain dans son fang. Soa principal siègé étoit a Rome, et c'est sur ce xnpdèle que fut élabli a Turin Ie fameux conseil de propaganda fuie, et extirpendis heTeiicis,crue nous n'appellerons dorénavant que la propa'gande. Ce conseil commenca par déclarer les Vaudois indignes de communiquer avec ies autres chrétiens. II ordonna qu'on conlisquat leurs Biens, qu'on rasatleurs maisons, qu'onabattft leurs arbres. II manda a tous les princes, a tous les seigneurs, de faire les perquisitionsles plus ëxactes pour découvrir les Vaudois qui pouvoient se trouver dans leurs états, et de les livrer enfre les mains des inquisiteurs, 11 alla jusqu'a enjoindre qu'on fermat toutes les villes, aliu qu'il ne put en échapperun seul. Le tiers des biens de cesinfortunés étoit pour ceux qui indiuuoient leur retraite; et il y avoit iespeines. les plus graves contre toutes 'les personnes qui aurojent enlrepris de leur donner un asyle , ou tle les secourir de quelque manière que ce f ut. Mais ceseApédieusétoientencoretropfoibles a'ux yeux de la cour de Rome. Ils ne hatoient Boini assez , asongré, 1'exurpation des" VauDCIS , dont elle 'auroit voulu qu'il ne rcslat pas lemointlre vestigesuf fa terre, et ils se multiplioient, plus que jamais, au milieu des ellbrts?  Introductionl 7 qu'on faisoit pour les détruire.Que fit alors cette orgueiileuse cour 1 .... Elle conféra a ses missimmaires lepouvoir de livrer au bras sé< ulier tous ceux qu'ils croiroient hérétiques , et de les raettre a mort sans miséricorde. L'histoire de notre patrie n' eslqu'une preuve contmuelle de cette atroce violation de toutes les loix du droit naturel et civil, de tous les principes du christianisme. Ce n'est pas tout encore, et vous en frémirez , lecteur ! Toute accusution, 1'üt-eile pai tie du plus infame scélérat, étoit yalable contre cespauvres Vaudois, etsuffisoit pour leur faire perdfe leurs biens et leur vie. Comparer les témoins , enlendre les accusés, peser les preuves de pari et d'autre , eut été d'une justice trop relevée pour des inquisiteurs ; il leur suffisoit dun billet, d'une signature donnée par une personne inconnue, pour condamner un "V audois. Que dis-je! ces farouches missionnaires nonf-ilspas été jusqu'a publier des sentenees contre des cadavres ensevelis depuis 2& n 3oans? n'ont-ils pas fait brüler leurs os sur des buchers? et ces exécutions abominables, n'out-elles pas servi de prétexte a la confiscation des biens des families auxquelles ces cadavres appartenoient ? Ün père étoit obligé de déposer contre son fils, une épouse contre son époux, un frère contre sa sceur, un ami contre son ami. Les liens de la nature, du sang , de 1'aniitié, n'étoieni rien aux yeux de 1'inquisition. Celui qui avoit le malheur d'ètvesoupconn.J d'hérésie devoit produirc sept témoins de soii A4  8 ïntroduction. ïnnocencê. Si 1'nn d'entr'eux refusoit de prè\ ter sennent en sa faveur, son supplice étoit presque inéviiable. On n'indiquoil jamais a 1'accusé les témoins qui déposoieni contre lui; et il impertoit peu que des témoins s'accordassent, ou crue leurs dépositions fussent contradictoires r un seul suffisoit pour ordonner la torture. L'accusé n'avoit pas même la liberté desechoisirunavocat; c'étoit Yinquisition qui te lui donneit. Ouoiqu'on ne put lui prouver son crime , il n'étoit jamals absous. II restoit noté d'infamie, et son .nom étoit conservé dans ies regitresde eet horrible tribunal. Bien des persomies croiront., peut-étre, que je leur en impose , et qu'un sjstême aussi inférnal n'a jamais pu entrer dans latête d'aucun mortel. Ce doute fait bonneur a la bonté de leur caractère; mais il ne prouve pas une grande connoissance des hommes. Plus on étudieleur. liiston-e , plus on se convainc qu'il n'est aucun exces dont ils ne soient capables, dès qu'ils sont paryenus a faire taire la voix de Ia conscience ét celle de la reiigion, Est-il. quelqu'atrocité qui puisse encore étonner de leur part, quand on sait 'que des tigres a face espagnole, &a% massacré dans peu d'années au-dela de sept> Mïllions d'américains ? • Malheureusement poun Phumanité , il est impossible d'élever le moindre dofete sur 1'exéf rable systême de Yinquisition. Des milliers , des miliiards de victimes déposent contr'elle, et ses actes même nele confirment que trop. Je. m/;carterois clu butde Ia reiigion en présence du peuple. I L » Que nul ne peut êt'rë admis comme pénis tent, ni recevoir 1'absolutiou sacramentale , » si directement ou indirectement il recèle » quelque hérétique. ii i •» Que celui quine les rêvèledoit être retran» ché de 1'église comme un membre pourri , 35 suspect et infesté d'hérésie, de peur qu'il in?> fecte et corrompe les autres. IV. » Dès que quclqu'un a été Amis ès mains *« du bras séculier, il ne lui faut pas permeltre » de se justilier devant le peuple, de peur que ?> par ses justifications il donne de grandes irnpressions aux simples qu'on lui fait tart, et  Régies des inquisiteurs. il » que s'il échappe, la reiigion catholique n'en 3) recoive du préjudicè. V. 33 Tl se faut bien garder de jamais faire grace y> a un homme condamné pardeyant le peuple, 3) quand même il se rétracteroit de son héré3) sie, et promettroit de se convertir ; car on 3) ne pourroit jamais brüler grand nombre de 33 ces hérétiques , si on les laissoit évader sous » ces helles promesses, qui ne leur ertant arra» chées que par la frayeur des suppiices , ne 3> sont jamais bien observées; et cependant s'ils 33 promettent devant le peuple de se convertir, » et qu'on ne laisse point pour cela de les faire 33 mourir , le peuple croit qu'on leur fait tort. 33 Aiusi le meilleur est qu'ils ne puissent jamais 33 parler devant le peuple, VI. 33 II faut toujours que 1'inquisiteur suppose 33 le fait comme tout avéré, se contentant seu33 lemen t d'en examiner les circonslances , eu }3 cette manière : Buisque tu es convmncu 3> d''hé ré sie, dis-moi en quelle chambre dela 3> maison est-ce que se retiroient les barbes , » ou les ministres, quand ils venoient te vu v silerPel semblables questions., VIL « L'inquisiteur doit toujours avoir un livre ou> 33 vert en présence de 1'accusé , faisant semblant » d'y avoir enregistré touje sa vie, et quantita  Regies des inquisiteurs, h de dépositions convaincanles contre lui. VIII. 33 II le faut incessamraent menacer de mort & inévitable, s'il ne confesse jngénuement 3> toutes choses, et renonce k son hérésie. Que » s'il répond: S'iljaut que je meure, j'ai me 5> mi eux mourir en celle professie- « qu'en r» ceiie de 1'église romaine öertainement 5! alors il ne restera plus de grace pour un tel * homme, mais il le faut incontinent livrer i) alajustice, eten presser 1'exécution, IX. » II ne faut jamais penser de convaincre ces p hérétiques par les écrilures; car ils en abusent » avec tant de dextérité , qu'ils confondent bien » souvent par-la tous ceux qui les entrepren33 nerlt, d'ou vient aussi que souvent ils preu* 33 nent occasion de se rendre encore plus opi» niatres , voyant sur-tout que des personnes 3) doctes ne sa vent que leur répondre. X. 33 II ne faut jamais répondre cathégori33 quement a un héréiique , et en 1'interro33 geant illui faut accumuler plusieurs inter33 rogats a la fois , afin que de quelque facon » qu'il réponde , on ait toujours moyen de rév pliquer a sa confusion, XL s> S'il s'en trouve qui semblent disposés è  Régies des inquisiteurs. 1% •» pro tester qu'on leur fait tort, et qu'ils n'ont » jamais embrassé l'hérésie des Vaudois, il faut 3) que 1'inquisiteur les prévienne, leur disant 3) qu'ils n'avanceront rien a jurer le faux, et 3) qu'il a des preüves en raain plus que sufïi33 san tss pour les convaincre ; car , par ce w moyen , voyant. qu'il n'y a point d'appa33 renced'éviterla mort, ils confesseront cfuu33 tant plus aisément qu'il leur faut promettre 33 en termes ambigus, que s'ils avouent tranche33 ment leur erime^ ils doivent espérer grace; 33 de cette facon ily en a qui confesseront clans » 1'espérancede pouvoir avoir la vie sauvée. » * * • Telles sont donc les régies que suivirent les inquisiteurs clans leurs persécutions contre les Vaudois, sur-tout depuis la fin du XIe. siècle. Ilestcertain qu'en les lisant, on est bien éloigné de soupeonnerqu'eilesaientpu partir d'une 'ame chrétienne. Etoü en serions-nous , grand DfEU! si telles étoient les lecons de 1'évangile ? il ne resteroit plus a 1'honnête homme qu'a 1'ahjurer, qu'a condamner' a unoubli éternel une doctrine qui ne seroit pro pre qu'a propaeer sur la terre 1'hypocrisie, la mauvaise foi, les persécutions, tous les crimes les plus atro- ces Mais non, telle n'est point la parole de paix et de fratemité du législateur des chrétiens ! aimez-vous les uns les autres : voila la base de tous ses précèptes, de toute sa morale; et c'est a cela que tous recönnoïtront que vous êtes mes disciples , si vous vous aimez les uns les autres : voila ia belle li vree du chrétien. Par-  14 Régies des inquisiteurs. tout oü vous netrouverez pas cette sublinie lecon réduite en pratic[ue , soyez persuadé qu'il n'y a point de christianisme; qu'il n'y a que du fanatisme et de la folie. La reiigion n'approuva jamais que les moyens de bonté, de douceur et depersuasion, paree que son divin auteur n'est f)as venu pour perdre les hommes, mais pour es rendre heureux,  Premières persécutions. i5 GHAPITRE PREMIE R. Colonies vaudoises qui quittent les vallées dans les quatorzième et quinzième sièc/es. Première persècution contre les Vaudois , en 1400. Seconde persècution en J475 et 1476. Bulle remarquable da. pape Innocent VUL 'Iroisièine persècution dont, ellefut suivie. Quatrièiuepersècution contre les Vaudois de Saluces 3 en i5oo. INT oirs avons ditci-dessus, que Valdo ayant quitté Lvon avec ses disciples , vers la fin du Xlle. siècle , plusieurs d'entr'eux vinrent s'établir dans nos vallées. Ils s'y multiplièrent tellement, qu'environ cent cinquante ans après, le pays ne pouvant plus contenir tous ses habitans, plusieurs families alièrent se fixer en Provence , oü elles batirent les villages de Cabrières , Mérindol, Lormarin , etc. D'autres families, sur-tout de la vallée de Luzerne, se retirèrent a Paysanne , Praidglielm, Biolet et Bielonet, dans le marquisat de Saluces. Quelques-unes du Val- Cluson , se rendirent IxMéane et k Bïathias, prés de Suse. Mais les colonies les plus considérables qui scrlirent alors des vallées , furent celles qui alièrent chercher un asyle clans la Calabre et la Pouille. Ellesy batirent d'abord, prés de Mortal le, Ie bourg qu'on appelle Borgo-d'Oltramontani, paree que ses fondateurs yenoient  i6 'Premières inquisltlonst d'au-dela des monts Apennins, qui sont entre lé Piémont et la Calabrë. Ginquantc ans après, lö nombre des habitans de ce böurgs'étantconsidérablement augmenté , par les nouveaux venus qui yarrivoient de tems en tems des vallées* ils furent obligés d'en batir un autre auquel ils donnèrent le nom de Saint-Sixte; et dans la suite ils y ajoutèrent encore ceux de Vacarisso , Argentine et Saint-Vincem. Enfin * le marquis Spinello permit a nos "V audois de batir, dans ses terres, Guardia, ville ferméé prés de la mer, qui ne tarda pas a devenir florissante. Vers 1'an 1400, les Vaudois de Provenee étant persécutés par la cour de Piome, plusieurs" d'entr'eux reiöürnèrent dans les vallées , d'oü leurs pères étoient sortis, el , accompagnés d'un assez grand nombre d'habitans de ce dernier pays , allèrent s'établir aux environs de Naples, ou ils batirent successivement les petites villes de Monlione, Mohtavato ,laCella êtla Molta. Cent ans après,quelques Vaudois de la Fraissinières, dont les églises faisoient alors corps avec celles de nos -\ allées , allèrent habiter la VÜle de Volturara, voisine de celle que nous Venons de.nommer'; et ce fut la dernière émigration un peu cönsidérable que nos ancétres nrent a cette époque. Cesptiles ct Ion ies, originaires des valides. , en recevoieni réguüèrement des pasteurs qui alloient de ville. en ville pour les instruir'e et les fcrtifier dans kUr croyance..Nos BARBES possjédoiejit même des majsoiis k FlQr<5r'ce > *  ■Premières persécutions: ï~) GéneS, a Venise\ et le barbe Gilles, qm Voyageoit en Italië pour visiter ses frères,. en trouva plus de six mille dans cette dernière Ville seulement. 11 y en avoit aussi a Rome et dans plusieurs autres villes; mais ils étoient obligés de s'y tenir extrêmement cachés , alin de se dérober aüx poursuites des papes. Qubique les Vaudois du Vaal-Louise , de Prahsinicres et d'Argentières, en Daupbiné , aient été perséeutés par le pape Clément VII, dès 1'an ioöb , il ne paroit pas que cette persècution se soit étendue jusqucs sur les vallées de Piémontda première dont nous ayohs connoissance, n'y arriva qu'en 1400. Une grande iroupe de catholiques nomains se jetta , vers la fin de cette annés dans la vallée de Pragela , et forca les Vaudois qui s'y trouvoient de s'enfuir, avec leurs femmes et leurs enfanSj sar les plus hautes montagnes , öu envirón qüatfe-vingt de ces innocentes créatures, el la plupart de leurs mèrés; périrent de froid; La montagne qui servit en cette occasion de principal asyle aux persécutés, fut nommée i'Albergam,du mot italien Albergo; qui signifie gite , retraite ; et elle conservé encore ce nom aujourd'hui. Après avoir massaeré tous les Vaudois qui leur tom beren t entre les mains, ces brigands pillèrent leurs maisons, emportèrent tout ce qu'ils purerit enlever a Suse, et pendirent a un arbre une femme Vaudoise qu'ils trouvèrent sur la montagne de Méane. Cette persècution est une des plus violentes que les habitans du $?ragela aient essuyé; mais elle n'est rien en Seconde partie, B  i8 Premières persécutions. comparaison de celle qu'ont éprouvé les Vaudois de la vallée de Luzerne, qui vont nousoccuper a présent.. • - Ce fut en 1448 que Lours, duc de Savoie, pubiia a Pignerol son premier écht au sujet fles -Vaudois de cette vallée, et de ceux de JBubiane, 1'énil, Cainpillon et Mombron. II y en ajouta un- autre en 1402. Le duc A me oef, en lit parodi e un troisieme en 1466; etladuchesseJor,ante un quatrièmeen 1473. Cesquatre édits sont cités a la.page cinquième du recueil imprinsé par ordre de ia cour de Turin, dont nous avons parlé dans la première partie ce cette histoire ; mais comme on n'a pas trou vé a propos de les faire parcitre dans ce recueil, nous ne savons. autre chose de leur contenu, si ce n'est qu'ils connrmoient les •privileges des habitans des divers endroits que nousvenons.de nommer. - Deux ans après le dernier de ces édits, les moines missionnaires que les archevêques de Turin avoient envoyé aux vallées , se plaignirent de ce que leurs'habitans ne vivoient pomt selon les mceurs et la croyance de la communion romaine, et firent tous les efforts possibles pour les rendre odieux a leur prinee. Ils engagèrent même 1'inquisiteur Andrè de Aquapendents, et j. Gompssio, évéque de Turin, k publier contr'eux d.es bulïes tréssévères, datées du 28 novembre 1470, Et ce fut en suite de ces bulies que plusieurs Vaudois ayant été surpris pat leurs ennemis, perdirent la vie par la main des bourreaux. Le barbe Jordan TertïAN fut brulé a Suse; Hypolitc  Premières persécutions. ïg B-OtiziER a Turin, oü Ugon Chiamp, de Fenestrel/es, fut aussi cruellement martyriséi 'Villermin A m B r o i s e et Antoine HiANI furent pendus sur le coi de Méane. C'étoit sans doute pour donner plus de force encore aux bulles de 1'inquisiteur contre les Vaudois; que la duc hesse Jolante püblia son édit lalin du 23 janvier 1476. Dans eet ordre remarquahle / (dont on peut voir une eopie a' la fin de la seconde partie de eet ouvrage ) elle s'adresse sur-tout aux magistrats dePigne* rol, de Cavour, au podesta ou juge de Luzerne , et leur recommande de ne rien épargner pour amener les Vaudois dans le sein de la comnmnion romaine, et pour exécuter contr'eux les bulles inquisitoriales, en cas qu'ils fissent résistance. Par eet ordre, antérieur de pres de quarante ans aux premiers commencemens de la réformation, la duchesse reconnoit ouvertement 1'antiquité de notre origine , je voulois presque dire notre suc cession apostolique; car elle ordonne a ses délégués de faire tous leurS efïbrts pour faire entrer ( venire) les Vaudois dans le sein de Ia communiort romaine , et non pas de les y faire rentrer, comme on s'est si souvent exprimé clans la suite, faute d'cire bien inslruit de notre histoire. L'on peut dire, en elfet, dans le sens le plus étroit, que les Vaudois de nos vallées ne se sont jamais sépafés de 1'église dominante. Ils ont tout simpïement continue a professer , de père eu fils, la doc trine évangéliquë dans toute la simplicité qu'elle leur avoit été transmise par les B 2  2o Premières persécutions. apötres, ou leurs premiers successeurs. Et c'est Cette simplicité clefeur croyance et de leur culte, jointe a la pureté de leurs mceurs, qui leur a attiré successivement tous ies maux, toutes les persécutions qu'ils ont essuyé. Leur crime étoit de voüloir s'en tenir uniquement a 1'évangile, d'obéir a DIEU plutöt qu'aux hommes; et leur constance , digne de l'admiration de l umvers, ne trouva pour récompense, sur cette terre , que des glaives et des büchers. Non, la postérité ne pourra jamais croire qu'il ait existé un homme qui, se disant Is représentant de la Dipinitésur la terre, c!évoua au fer et au feu tous ceux qui avoient le courage de résister a ses orgueitleuses prétentions, qui refusoient de le rsconnoitre cornme chef d'une église crui ne peut en avoir d'autre que jésus; ou si son nom parvient jusqu'a. elle, ce ne sera que pour y être voué a. 1'exécration générale. Clément VTI, qu'on peut regarder comms Ie fondateur de 1'empire la plus moustruèux qui ait jamais existé, avoit commencé , dès la fm du XIV e- siècle, a allumer le feu de la persècution contre ceux qui ne vouloieiit pas le reconnoitre comme le vrai chef de 1'église chrétienne. Mais il devoit encore être surpassé en barbarie par Ie pape Innocent VIII. Ce pontifesuperbe, se prévalantde l'ignmrance, je dirai mieux, de 1'abrutissement sous lequel 1'espèce humaine gémissoit alors, concat Ie projet le plus orgueilleux qui soit peul-être entré dans i'baprit d'un mortel; il entreprit de souïnettre le monde entier a sou autorité. Ses suc-  'Premières persécutions: 2r cesseurs, tnivaillant sur le même plan, augmeiitèïent insensiblement leur autorité; etl'ou •vit les servitéurs de ce Jésus qui rd avoit pas un lieu pour reposer sa lête, élever leur tröne nu milieu du faste, du luxe le plus insolent, et pétendre dicter des loix suprêmes aux peuples et a leurs souverains. La bulle que eet Innocent VIII s'avisa de publier contre les Vaudois , a la fin du XV siècle , et qui fut la source de toutes les persécutions qu'ils essuyèrent dans la suite, est un monument trop extraordinaire pour que nous puissions la passer sous silence. II est bon, d'ailleurs , de ramener Fat tention des hommes sur ces siècles de barbarie , afin qu'ils apprennent combien on peut abuser de la plus douce desreiigions, et de quelle imporlauceil ést pour le bonheur du genre humain , que toutes les ames bien nées travaillent a la ramener de plus e» plus a sa simplicité primitive ; car il y a autant de difTérence entre le vrai christianisme et celui de la cour de Rome, cru'entre la ■ lumière et les ténèbres. Les autres communions ne sont pas exemptes de reproches a eet égard, et il en est peu qui n'eussent encore besoin d'une grande réforme. Cettebulle datéedeRomeFan 1477, estadressée a Alberl de Gapitaneis „ archidiacre de Féglise de Crémone, nonce du pape, et son . ommissaire dans les états de Ghakles, duc de Savoie. Innocent VIII s'y plaint vivernent « de ce que les sectateurs de cette trës-perni» cieuse etabominable secte cr'hommes malins » » nomuïés paiwres de Lyon} ou Vaudois „ B S I  Premières persécutions. » qui s'est malheureusement élevée depuis l lon^ms dans le Piémont, et les lieux voi| sms disent, fo„t et commettent beaucoup t de choses c°ntran-es |la foi orthodoxe, ofïèn- santesauxjeuxdeladivinité,et très-perni-, » cieusesau salut des ames. » 1 .En conséquence de quoi , vu l'inutilité des enorts qu avoient déja fait auparavant les missionnaires, pour couvertir les Vaudois, « et » se croyant obligé par le devoir de sa charge ? de deraciner absolument de Péalise Catho- * üque cettemaudite secte, etioi.sceux qui sey roient squiliés de cette perniueuse hérésie, * fNN0(cENT ordonne, de son plein pouvoir, a » tous les eyeques, archevêques , vic aireset * autres olhciers-généraux, d'ob'éir a son in» quisjteur , de 1'assister en toutes choses , et de » Fendre avec lui les armes contre les sus» dits V audois et tous les autres hérétiques , » ahn de les écraser comme des aspics veni? meux, et de fortifier ainsi les peuples qui » eursont confiés.dans la profession de la vraie » lm, » Li leur recommande a tous de nc rien negljger « pour une si sainte et si nécessaire >' extermmation de ces mêmes hérétiques, et m t\/*mp yGr ^ous leurs soins. » Mais comme les princes et les souverains pouvoient trouVercette commission lortétrange et sur-tout fort barbare, Innocent VI LI recommande a son inquisiteur, « de les exhorter » c e prendre en main le bouclier de la foi or« thodoxe, etde lui prêterseeours, ainsi qu'aux » autres evêques , archevêques , yicaires , etc, * Pft ft'eittjrminer et de déiruire eutié-  Premières persécutions. 23 * rement tous ces exécrables hérétiques. » _ 'Après une introductlon aussi douee et aussi apostoJique , plutöt digne a mes yeux d un satellite de Satan, que d'unserviteur de 1 evanghe, le pöntife de Rome ordonne a tous les prédicateurs « de prêcher cette croisade , d exi citer , d'enflamer les lidèles k étemdre cette * peste, par la force et par les armes , et d an» soudre tous ceux qui se croiseront, combat» tront ou contribueront a cette cxtermma» tion si sainte ; de les absoudre, dis-je, detou» tes les peines, censures et sentences eccte» siastiques. II accorde aux croisés une dis» pense pour les irrégularités qu'ds pöurröient * avoir commises en se mêlant des choses di» vines, pour quelque apostasie que cé soit. h » recómmande aux inquisiteurs de composer » avec ceux qui auroieut des biens acquis lur» tivement ou injustèment, pourvu qu ils les » emploient a 1'extermination des hérétiques. » II donne a tous ceux qui combattront contre » eux , une pleine indulgence et rénussion de » tous les pêcbés qu'ils pourront avoir com» mis ; et ce pardon doit même s'élendre jus» qu'a l'article de la mort. » Néanmoins , comme beaucoup de personnes pouvoient être téntéës d'élever des doutes sur la validité d'un tel pardon pour 1'autre vie, Innocent leur offre une amorce plus capable de.faire impression sur elles. II leur donne le droit, (quel siècle que celui oü de lelsjjüentats ont été commis sousle voile del'évangile;.) il leur donne le droit « de s'emparer de tous les » biens, meubleset immeublcs des hérétiques , B 4  24 Premières persécullons, » de tout ce qu'ils meneront duns les terras ca^ 3) thohques, ou en retireront. Sesmissionnaires o> doivent ordonncr a tous ceux qui sont au 3> service de ces hérétiques, de les quitte* eu » quelque heu que ce soit, et d'obeir avec res» peet aux mandemens apostoliques , sous peme d'excomunication , ou de telles autres »> peuies que fes inquisiteurs jugereni a propos ? de ',eur infltger » Xnnocjsnt VTTI va même Jltóqu a déclarer , « que tous ceux qui auroieut * eontrastéquelque detteenye/s les hérétiques, ou qui aurotent queique promesse a reipplir * en vers eux, n'y seront plus obligés , et il déiend k ses partisans tout eommerce, toute 33 relntion avec les Vaudois. » Une lelie suite d'horreurs, des maximes aussi subversies de toute justice, de tout ordre, de toute humamté, de toute reiigion; des principes aussi insuitans pour lespèce humaine, out déja sans doute assez de quoi révolter ; et je vots l-indignation de mes lecteurs s'allumer , et vouer a 1 exécration ce monstre qui, sous uneiace humaine, apu proiérer tant uatrocités...,, Mais ce n'est pas tout encore, Oui, un prêfre, se disant le serviieur des servileurs de Jésus-Christ, n'a pas rougx de dire pubhquement dans une bulle, « qu'il ¥ déposoit tous. ceux qui n'obéiroient pas a ses, >3 ordres, de quelque dignité, de quelque ordre 33 ou de quelque état qu'ils fussent- que les ec, 33 cleaiastiques, perdroient leurs dignités el leurs, 33 benéfices ; les iaïcs s leurs honneurs, leurs; » ütres, leurs. fiefs, leurs privileges. » Etafift • i\m psn nemanquat a une scène aussi scand^  Premières persécutions. 35 leuse, aussi impudente, il lesclcclare les uns et les autres « iniumes et inhabiles a remplir 33 dansla suite aucun emploi. » Ce qui m'étonne cependant le plus dans tout ceci, ce n'est pas qu'im prêtre audacieux ait eu 1'insolenced'affielier desprétentions aussi absurdes , mais que les souverains ne se soient pas mis a latête des peuples pourl'éeraser; mais que des hommes doués de raison aient travaillé a exécuter les maximes atroces du pontife rornain; mais que des nations entières, que presque toute 1'Europe ait plié sous le joug du plus ridicule, comme du plus monstrueux empire qui ait jamais para sur la terre; mais que les foudresde la cour de Rome, ses anathêmes et ses indulgences , en aient imposé aussi longterm, et en imposent encore; mais qu'au milieu des lumières de notresiècle, ilexiste encore Un PAPE, et qu'on puisse faire encore quelque cas de la papaztlé/,.,. Voila ou je meperds absolument. 11 faut espérer qu'ün jour arrivera , enlin , pil les hommes cesseront de se laisser mener comme un vil troupeau de cpiadrupèdes. Je clois le dire , afin qu'on ne m'attribue pas des intenüons que mon cceur ne sauroit nourrir. Je ne hais point ies cajholiques; mais je les plains vi vemen t. S'ils veulent être üdèles aux principesdeleur secte,iis sont obligés derenoncer au plus bel apanage de respèce humaine , a 1'usagede leur raison; ils sont obligés de rece-. yoir avec humilité iouïes les rêveries, toutes ie.-, absurdités qu'il plait au pape de leur dieter. Si j"éjois de cette secte > ce motif seroilplus.  26 Premières persécutions. quesufïisant pour me la faire abjurcr' a jamais. Mais, d'ailleurs, cbmmé ma première maxime est de m'en tem'r toujours uniquement a levangile , et de ne rien ad mei I re qui n'y soit formellemcnt expliqué,. je demande aux puis zélés partisansde ia cominunión' romaine, si Jésus et ses apótres ont élabli des cardimmx et des papes ? Je leur demande si ces premiers fondafeürs ciu christianismes'ingérèrent jamais dans les affaires civiles, s'ils se mêleren t du gouvernement, s'ils formeren t des listes par lesquelles ils spéciHoient les prix du pardon de chaque pêché ? Je leur demande.... Mais j aurois trop a demander; et 1'on ne voudröit pas m'entendre. La bulle d'fNNOCENT VIII est suivie d'une. apostille presque aussi longue de son légat, et signée^par deux notaires de Pignerol, autorisés par Ie duc de Savoie a la faire publier dans tous ses états. On peut voir cette pièce en entier, en manuscrit, dans la bibiiothèque de Cambridge. Léger nous en a conservé une copie, dans Ia seconde partie de son ouvrage , ou il aticste que eet édit barbare coüta la vie a plus de huit cent mille Vaudois, ou de ceux qui suivoient leur doctrine dans les cliverses parties de 1'Europe. Qu'on juge, après cela, s'il est aucun terme assez Lort pour parler d'un Innocent VIII, et du systême sanguinaiie de sa cour. Une plume de fer ne suffiroit pas pour peindre un tel monstré. Voyons a présent quels furent les effets de ces anathêrnes sur les Vaudois. Mimi des paientes du pontife de, Rome '%  Premières persécutions: 27 rAlbert de Capitaneis engagea le duc de Savoie, le roi de France, et les autres princes voisins , a lui ldurnir des troupes pom- exterminer les habitans des vallées. II parvint a ^rassembler environ- dix-huit mille hommes, outre ciriq a six mille volontaires piémontaïs qui accouroient de toute part a cette sainte exlirpalion , sur les promesses qu'on avoit faites de Jeur donuer le pillage des vallées, et la confiscation des biens de ceux qu'on chasseroit ou massacraroit. Si 1'on joint a cela ia pleins rémission des péchés , accordée a tous ceux qui alloient a cette guerre, on couviendra qu'il n'en falloit pas davantage pour y attirer Félite de la canaille d'alentour. Afin d'agir avec plus de succès , cette armée se partagea en plusieurs corps, dont les uns s'acheminèrent vers Angrogne, et le reste de la vallée de Luzerne ; les autres vers la Pérouse, S. Martin , et le marquisat de Saluces; quelcjues-uns, enfin, défilèrent dans la vallée de Pragela ou ils commirent beaucoup de cruautés, sur-tout contre les habitans du Fraissé. Mais les Vaudois de cette vallée étant parvenus a se réunir en assez grand nombre , repoussèrenl 1'ennemi de leurs foyers. Les principaux corps de Farmée se portoient sur la communauté d'Angrogne. Les habitans en ayant été avertis, se prèparèrent a les recevoir de leur mieux, et prirent possession des passages les plus avantageux. Quelcmes-uns d'entr'eux , munis de longues targes de bois , en guise de cuirasses , qui les couvroient entiérement, et oü les flèches  28 Premières persécutions". s'arrêtoient sans leur nuire , formoient Ie premier rang. Ceux qui venoient après , se trouvant ainsi a couvert, pouvoient se servir avec beaucoup d'avantage de leurs arcs et de leurs arbaiêtes. _ L'emiemi , trés - supérieur a tous egards , fit sa plus vive attaque du cóté de Roccat-Magnot,- déja les Vaudois sevoyoient sur le point d'étre forcés , déja on n'entendoit plus , de tout? part, que les cris et les gémissemens des feimnes et des enfans , qui sollicitoient a haute voix la protection du cial pour leurs pères e< leurs époux , lorsque le chef de la bande enaemie, Lenoir , de Mondovl , leur répondit, avec d'horribles imprécations, i miei, i miei faranno la passado.. •Indigné de tant d'arrogance, Peiret R.evee 1'ajuste, le tue d'un coup de flèche; et les soldats, consternés de la perte de leur commandant, prennent tous la fuite, et se précipitent la plupart parmi les rochers. Irrirés de cette dél'aite , les ennemis revinrent , peu de tems après , attaquer Angrog/ie avec de plus grandes forces, et s'emparèrent, malgré la vive résistance des Vaudois , de toute ia partie de eette communauté qui estau-dessous du Pré-du-Tour. S'ils étoient arrivés jusqu'a ce poste si important , c'en étoit fait de tout le vailon ; mais il survint heureusement un brouillard si épais , qu'a peine pouvoient-ils se voir les uns les autres. Ce contre-tems les ayant empêchés de reconnoitre la bonté du lieu , ils ne s'y arrêtèrent point Les Vaudois qui s'y étoient réfugiés se mirent alors' a les poursuivre, et jctèreat  Premières persécutions: 89 Une telle épouvante parmi eux , que la plupart trouvèrent la mort dans leur fuite. Entr'autres , un de leurs eapitaines , nommé Saqüet, de Po/onghère en Piémont, tomba d'un roe dans le torrent de ¥ Angrogr.e, et fut entrainé dans mi goulfre qui portoit encore son nom plus de cent ans après, Ce goulfre a élé comblé par une grande inondation survenue en 1610. L'attacme que les ennemis firent sur Pral 11e fut pas plus heureuse. Etant tombés au nombre de sept cents sur le village des Ponimiers , ils furent si bien reeus par les habitans de Ia communauté,qu'il n'échappa qu'un seul porte-enseigne, aucmel ies Vaudois firent grace, afin qu'il put aller annoncer cette nouvelle au reste de 1'armée. Les assauts livrés dans les autres partieS des vailées , ainsi qu'a Praviglielm , dans ie marquisat de Saluces , n'ayant pas mieux réussi que les précédens , les ennemis des Vaudois n'osèrrnt plus les attaquer ouvertement. Ils se contentèrent, pendant prés' d'une année, de faire des courses dans la plainé-pour les tenir toujours en allarmes ; et ces excursions furent très-préjudiciables a nos ancétres, paree qu'étant obligés d'avoir sans cesse les armes a la main, ils ne pouvoient cultiver leurs terres dont ils tiroient toute leur subsistance. Cependant Philippe VII, duc de Savoie, considérant que la guerre qu'il faisoit aux Vaudois étoit peu honorable pour lui, et trèspréjudiciable a. ses sujets; touché sans doute  3ö 'Premières persécutions. aussi.de cómpassion pour ces pauvres persécutes ;,drsons mieux encore , sentant peutetre toiite la bonté de leur cause, Philippe resolut d'y mettre fin. Las Vaudois étoient rassemblés a Pra-Ajssuït. II v envoya un eveque pour trailer de la paix, k condition, seulement , que quelques-uns d'enh'eux se rendrojent a Pignerol , oh il faisoit sa résidence, afin de lui demander pardon , au nonl de. tous , d'avoir pris les ar mes. Ces bonnes gens se sounurent de bonne grace a cette condition. Le duc leur pardonna tont ce 'qui s étoit .passé pendant la guerre , móyennarlf une certaine somme d'argent. II 'feeonnut qu'il avoit été mal informe sur leur compte, ainsi que sur celui de leur croyance, et décïara hautement , cf qu'il tiWöii pas de si » bons , si fidèles et si obéissans sujets que »>_les. Vaudois.» II confirma tous leurs privileges , et promit qu'on les laisseroit a l'avenir en paix. Ce fut encore a cette occasion que Philippe Vllqdejnanda a voir quelques-uns de leurs enfans. Cobnne il n'y avoit sorte cie ménsonges et de calpmnies que leurs ennemis n'in ven tassen t pour leur nuire, ils avoient eu, entr'autres, 1'impudence d'assurer a ce princc, « que les enfans des Vaudois naksoient avec » un seul ccil au milieu du front, et quatre » rangées de dems noires et velues. » Philippe en ayant vu plus de douze , que leurs mères yanrent lui présenter, avoua qu'il n'en avoit jamais trouvé de plus beaux, ni de mieux faits.  Premières persécutions. Si Ce trait peint admirablement 1'état d'ignorance dans laquelle le Piémont étoit plongé a 1'époque dont nous parions ; car , queile époque que celle od 1'on ne rougif pas de dér poser aux pieds du tróne des impostures aussi grossières ! j Les Vaudois auroieut ïoui dès-Iors d'üne trauquilh'té, porfaite, si 1'exemple du prince avoit pu immer assez sur les inquisiteurs pour éteindre Je zèle fanatique dont ils étoient animés. Mais loin de s'adoucir a leur égard, ils ne s'occupèrent qu'a cliercher de nouveaux moyens pour les inquiéter et les détruire inscnsiblemeut. Ils se tenoient, entr'autres, aux embiicbes dans un couvent prés de Pignerol, saisissoienl autant de Vaudois qu'ils pouvoient, les mettoient en prison a i'aide de la force armee, et manquoient rarenient de les faire mourir. Outre cela,ilsparvinrent, a forced'intrigues, a engager Marguerite de Foix , veuve du marquis de Saluces, a persécuter les Vaudois qui se trouvoient dans son territoire; et cette persècution, qui arrivaen i5oo,fut si grande et si cruelle, que ces pauvres gens se virent obligés d'abandonner leurs maisons et leurs biens, et de s'enfuir dans la vallée de Luzerne. Ils demeurèrent pendant cinq ans dans ce malheureux état, ne cessant de supplier Ia marquise de leur permettre de retourner eu paix dans leurs fo}revs. Mais toutes les requêtes qu'ils lui adressèrent furent en pure pérte, a cause de 1'opposition du clergé. Voyant alors qu'il n'y avoit plus rien a espérer par la voie  32 Premières persécutions. de la douceur, ces Vaudois résolurent de ren» trer dans leurs possessions a main armée. lis se jetèrent a Pimproviste sur les usurpateürs, les eflassèréht', et leur ótèrent pour toujours 1'envie de chereher a s'y rétablir. Les Vaudois de ce marquisat ont joui, après cela, assez paisiblement de la liberté de leur' reiigion pendant presque tout le seizièmfc Siècle. CÏÏAPITRÉ  Mcformatiort* • 3§ CHAPITRE II. Epoque de la réformation ; effet qidelle p'roduisit dans les valides. Jdéjiexians ïmportantesy Chacun sait que les commenccmens dtt seizième siècle furent marqués par une grande; révoiution dans les opinions fdigieuses, brui changea considérablement la face de i'Europe; et soüs quelqüe point de vue qu'óh la considère, il est certaih qu'elle coniribüa beau.coup aux progrès de la raison, ainsi qu'ua boidieur de 1'bumanité. Depuis long-tems les désordres s'accroissoient dans la cornmunion romaine a un point èffrayant; et les principes les plus mönstrueux, les plus opposés a 1'évangile, les plus insültans poür l'espèce humaine , étoient prêchés au milieu des büchers, et iiiculqués par le fer et par le feu. Les orgueilleuses prétentions des papes he connoissoient plus de bornes. Les bulles et les anathèrnes , les ridicules foudres du Vatican, voloient de toute part. Un prèfre ordinairemeiit souillé de tous les crimes, osoit se dire le représentant de DIEU si/r ia terre , et exigeoit en son nom i'obéissance la plus aveugle. Mais ce qui acheva. d'outrcr tous ceux en qui il restoit e'ncórè quelcjue ombre de raison, ce fut 1'abominabia Seconde partie. G  34 Réformation. commerce des indu] genees. Moyennant uil* certaine somme payée a un des commis" saires du pape, on obtenoit le pardon de toutes ses fautes , de tous ses crimes passés et a venir. II y avoit même des tarifs qui régloient le prix de chaque vol, de chaque meurtre, de chaque adultère , de chaque parjure , etc. et le produit de toutes ces abominations étoit destiné a fouruir au luxe, aux débauches de la cour de Rome et de ses agens. Divers ionciles , plusieurs hommes vertueux, ecclésiastiques et laïcs , s'étoient vivement élevés contre ces bombies ahus', et n'avoient pu engager cette cour licencieuse h les réprimer. Tout ce cpi'ii y avoit de gens de bien gémissoit d'une telie opiniatreré , et 1'on croyoit déja le mal sans remède, lorsque s'éleva en Allemagne ce génie ardent et courageux qui sembloit réservé par la providence pour changer la face ; des affaires religieuses. Martin' LuTHER^ natif tflsteb , dans Ie comté de Mansfeld, de 1'ordre des augnstins, et docteur dans 1'académie de TFurie// berg , indigné des écrits scandaleux qu'on faisoit circuler dans sa patrie pour soutenir la doctrine des indulgences , s'en plaignit amèremen t, d'abord a Albert , archevcque de Mayence et de Magdebourg, et ensuite au pape Léow X. Mais ils ne prolitèrent ni 1 un ni i'autre de ses remontrances , et le pontife lecifamêmea comparoitre devant lui. Lüther refusa de se rendre a Rome , et se contents de défeudre sa cause en Allemagne, devant le cardinal G4JET4N. Peu satisfait de lui, ii  Réformation; 83 eh appela au premier coneile, ce qui mit le pape dans une telle fureur ,' qu'il lanca eii i5zo une bulle contre Lüther, par laqucllë il cdndamnoit sa doctrine comme hérétiqud et impie, ordonnoit-qu'on bfulat ses ouvrages. et Fexcommunioit, s'il ne consentoit k se rëtracter dans 1'espace de soixahte;jours, Avec plus de souplesse j la cour de Pvomë auroit évité une rupture ; avec plus d^amour pour la reiigion , elle se seroit 'prètéè k hi rélbrme paisible des abus | et auroit élouffé" ainsi ces funestes divisions qui ont été si perhioieUses aux intéréts du christianisme. Une; sévérité mal entendue d'un cóté, et ridicule de 1'autre, perdit tout. Luther étoit d'un caractère vif et bouillant; il fut indigné de m bulle de Léon X , ?! , pour toüte feponse% il la lit bruler publiquement a Wurtenberp\ Plusieurs princes allemands se déclarèrent pour lui et la réformation Ht de rapides prögrès. Environ ce même tems ,'c'est-a-di-re éh i5i6 ZwiNGLE leva 1'etendard de la réfofme k Zurich en Suisse ; Eerlold Haller a Rome en t$W'-j%ah CEcolampadé a Bale; Farel' Viret , Frümèntius, a -Génèvej ou Galviiï y donna la deïuière-mairi én i536. J'oublibis de nommer "BticÈR j qui fut appelé eii An-' gieterre vers le milieu de ce siècle, ainsi que ■Bierre Martyr , Paul Eagius, et plusieurs öütres , pour y travailler a la réformation, de concert avec Thomas Granmer, archeVêque de Cantorbéry. Dès que la nouvelle de cette révolution parvuit aux vallées , les balbes envoyèrervj G »  36 Pltformatiort: quelques-uns d'entr'eux. .en Suisse pöur.cötv* férer.avec les réformateurs..Barbe Martin* de la vallée de Luzerne., en: étoit déja dé retour dès i526.Il rapporta , ainsi que les autres barbes qui s'étoient entretenus aveo Zwlngle,, Cëcolampade et BüCER; il rapporta, dis-je, que. ces hommes pieux avoient donné beaucoup d'éloges ala ponstance iuébranlable avec laquelle les Vaudois avoient conservé parmi eux, de père en fils, la doctrine et le pulre évangélique dans toute leur simpiicité priniitive. Luther même, qui d'abord n'aimoit pas les Vaudois , paree qu'il les connoissoit mal, avoua , après avoir étéimieux instruit, que c'étoit a lort qu'on les condamnoit comme hérétiques, et ne put s'empêcher d'admirer le courage avec lequel ils avoient renonce a tous les sy sternes, humains t) pour s'en tenir invarjabfement a Ia loi révélée. La manière dont Cal vim s'intéressa a. eux , prouve également qirlil faisolt grand cas de ]eur doctrine. ... Aux éloges ,. les réformateurs joigniren-e cependant quelques remarques sur- les défauts qu'ils croyoient avoir remarqué dans la discipline des. églises vaudoises. II y eut même quelques ministres qui vinrent d'Allemagne dans nos vallées , pour travailler, avec leurs conducteurs, a remettre les choses sur un meilleur pied. Je clois néanmoins 1'observer. Les obiets sur ■ lesquels portoient les ■ observations des réformateurs, ne, touchoient en aucune manière aux articles iondamentaux de la croyance chielienne; ils étoient par coa-  Réformation. 3y séquent de peu d'importance. Peut-être même ne méritoient-ils pas !a peine que se donnèrent les Vaudois , de s'assembler de toutes les parties de leurs vallées pour les diseuter. Gés rcmarques étoient au nombre de trois. ' La première rouloit sur quelcjues points de doctrine qui ne sont pas spéeifiés. La seconde avoit pour objet quelques hommes ioibles „ qui s'étoient soumis a assister aux messes de la communion romaine, afin de se soustraire aux persécutions. La troisième , et ia princi» pale , blamoit les Vaudois de n'avoir pas cé-* lébré assez ouvertement le culte public depuis quelques années. Mais qu'il me soit permis de Ie dire. Les reproches que les réformateurs font ici a nos ancêires > le dernier , sur-tout , me paroit ou mal fondé, ou léger. Mal j'ondé, en ce que les habitans des'valiées devoient assurément avoir fait une profession bien ouverte de leur croyance , pour qu'on se fut décidé a les persécuter , comme on venoit de le faire. Tout ce qu'on pourroit dire, peut-être, c'est que jusqu'a cette époque, ils n'avoient pas un culte extérieur régie , comme dc nos jours ; qu'ils n'adoroient DIEU que dans des maisons particulières, des grottes , des cavernes, dans le silence des forêts : et c'est sous ce point de vue que ce reproche nous paroit léger; car, dans une reiigion dont le véritable culte est celuidu cceur , dont Fessence consiste a adorer 1)1 EU en esprit et en vérilé,1e culte exté-rieur et public peut être très-utile sans doute,., Riais, jamais indispensable 3 sur-tout lorsque* G §  38 Réformation, les cïrconstances ne permettent pas de 1'exercer. sans le dangerle plus imminent, comme c'étoit le cas des Vaudois. S'ils avoient voulu caciier leur croyance, on auroit raison de les blamer j mais ils la soutinrent au prix de leurs biens , de leur sang, de tout ce qu'ils avoient de plus cher, et il seroit injuste d'exiger dayantage. Les premiers disciples de 1'évangile étoientils moins bons chrétiens • pour n'avoir eu , dans Ia plupart des provinces, d'autres temples que les maisons des particuliers x oü ils se réfugioient pour adorer DIEU? Puisque 1'QCcasion s'en présente, ici naturellement , je ferai quelques remarques qui ane paroissent intéresser de très-près les progres du christianisme. Je crois qu'en général les réformateurs ne se sont pas assez attachés aux points fondamentaux de la reiigion chrétienne , qu'ils se sont souvent laissés entrainer dans des discussions qui n'y avoient presque aucun rapport, ou qui, du moins, étoient fort peu importante.?. Et c'est de la. que sont venues toutes ces disputes scanda-s leuses tfui ont fait tant de tort a ia cause de 1'évangile, et qui sont la bonte du nom chré- ■ tien. Le progrès des lumières a déja calmé en partie , il est vrai, ces haines religieuses qu'on. regardoit presque comme un devoir encore. même au nrilieu de notre siècle. Mais il s'en faut de beaucoup que les dilférentes sectes qqi décbirent Ie christianisme, que ceux qui w.rï a leur têie, sur-tout, soient devenus plus; sages. Elles se méprisenï encore réciproque-s. gient, pour ne rien tiire de plus j et ce qyva  B-cfermalLOn* 3g la postérité aura de la peine a croire , c'est qu'a la fin du dix-huibème siècle il y avoit encore nombre d'états en Europe, ou quelques différences d'opinions sur la vierge Marie le purgatoire , la destioée fature des hommes, le cülte public, etc. sullisoient pour dégrader jundiquement un citoyen des droits que la nature lui avoit donué comme a tous les autres, pour 1'éloigner des èmplois el des autres avantages de la société civile. Quelque spécieux que soient les prétextes. dont on se scrt pour colorer celte conduite, je n'en soutiens pas moins qu'elle est absolument contraire a la justice et a la reiigion. Alajusti.ce, paree queles hommes naissent tous avec les mêmes droits; que 1'immoralité et le manque de talens doivent seuls les empêcher de parvenir aux postes les plus élevés;, et que les citoyens d'un état, participans tous également, chacun suivant ses facultés , aux impositions publiques , aux dangers et aux maux de la patrie, il est juste qu'ils parficipent aussi tous également aux bienfaits de la société. Cette conduite est contraire au christianisme» On le sentira aisément, pour peu qu'on y réfiéchisse. C'est une grande erreur de croire,. comme on le fait trop souvent, c[ue la société soit feite pour la reiigion, et non la reiigion pointe, société. Le vajsseau est-il pour les voiles ?" la montrè pour son ressort ? Non sans dèute» H en esl de même du christianisme. Cette docfeinevraimeutcéleste a été don née aux homme G. 4.  $a llcformation. pour cor.tribuer h leur bonheur général; et cYst vioter les principes fondamentaux que de la faire servir de prélexte pour éloigner telle ou lelie classe, ou secte fi'hommes, des ayantages communs de la société. Les juifs éloient fondés sans doute k ne point admettre ceux d'une auire reiigion aux avantages civils de leur répubhque. DIEU luirnêmé ie leur avoit expressément ordonnéj et la reiigion, qui les distinguoit de tous les autres pc uples , leur en faisoit également un devoir. Mais il n'en est pas de même sous 1'évangile, qui n'a point été donné a un état particulier, mais a tous les hommes sans exception. Et c'ést de-la que je conclus, que les protestans, \üh catholiques., les lulhériens, les remontrans, etc. etc. etc. ne devroient jamais oublier qu'ils sont CHRÉTIENS avant tout, et qu'a ce titre ils manquent les uns et les autres k leurs devoirs, en se traitant réciproquement ^hérétiques, et en éloignant des avantages civils ceux qui lcür sont opposés d'opinions, dans les sociélcs ou ils dominent. Grace au zèle fana tique de ceux qui prennent spin d'entretenir i'erreur parmi les peuples , il est encore aujourd'hui une infinité de personnes qui croient de bonne foi, que ce qu'ils cppellent la reiigion caihalique, la reiigion y.cjbniiée , la reiigion luthérienne, etc. etc. sont autant de reh'glons différentes. J'aurai le cQU7-age de leur dire que ce ne sont que des sectes , comme tant d'autrcs , et qu'il n'y a, quune seule reiigion vraiment digne de ce^itre} le CimiSTlASisME. Je crois mêmeppuyoj$  lléformation, 4* leur assurer ome les partisans de ces diverses. Secte* admettent tous également les articles fcndamentaux de ia croyance du chrétien , et que, pat-la même, ils sont tous frères, et qu'ils doivent toujours se trailer réciproquement comme tels. Mais , me dira-t.on , quels sont donc ces articles fondamentaux du christianisme, ovt, en d'autre? termes, ces articles qu'il est necessaire de croire pour être un vrai chrétien . de réponds que ce sont ceux dont Jssus et ses apótres exigeoient la croyance des personnes qu'ils convertissoient a0t la confession de foi de chacune d'elles, 011 ciiroit en citet qu elles Ont autant de religions diHérentes. Mais si 1 on remonte jusqu'a la source, si 1'on met de cóte. {outes les opinions humaines qu'on a trouve ü propos de convertir en dogmes , on se con-. yaincra que les grandes vérités qui forment ''essence de 1'évangile, sont rreues par toutes ces sectes , et que les points sur lesquels elles différent, n'ont d'imporiance qu'autant quon veut bien leur en donner. ' J'ai cherché a ap£\o£on&r cette mauw*  ^2 Rêfoi7nation% avec f0Ute rattention ^ . *jm\ cfue J'öie consuhe I'histoire, S aze mterrogé le code dés chrétiens, feS de to^T TOnvai—rien n'a feil pS au'on\P" f^ftism, que cette fuxeur qu on a eue> d Jes d ^ loir aiöutér de ncuveaux articles de foi a ceux dont ,1 demande la croyance. Si tous let chietiens s en étoient tenus a ces derniers Eennn^f8116 Ce ^?il est ^essaire de c one poUr eh un rai dis ^ on ne connouro, t pcmt ces querelles indécentes n'aum S°UVem T 1,611 Bntf°Wi ,a «*» «cuuoit pas ete mondée du sang de tant d'in- srss Times; et 1,011 P;üs Pa, j , ^^■■Pourmoije suis de Paul et mot d'ApolIos, et mei de Céphas ■ WntL-,amiS dU christia"^me se contente-1 loxent d etre chrétiens , et ne souilleroientplus ^f^."°m e" J%^ociant,enIuisuhstituant tnerne quelquefois ceux de catholiques de lutheriens , de caivinistes , etc. etc. ton les: Asc.ples.de Jésus seroient frères, et ne déshonorer01ent plus leur reiigion par le, haines les plus odieuses et les plus funestes. Jepourroisdévelopper ces importante* vérites Je pourrOIs faire voir que rien n'est pina «mpla plus beau, pius Alïrue, que rien est.Pius ProPre a assurer le bonheur de 1'humamte, que le christianisme pris dans toute sa purete pnmitive; et 1'on seroit forcé de convemr en meme-tems que rien ne ressemble moms a cette doctrine adarirable , que Is-  Réformation, 4^ christianisme tel qu'on 1'enseigne encore assez généralement aujourd'hui. Mais ce seroit trop_ m'écarter du plan de mon ouvrage. J en at dit assez pour faire entrevoir a tout vrai chrétien, quels sont les principes que ] ai adoptes sur ce suiet, et la marche que je suivrois si ie venois un jour a le traiter plus en detail. ' Je suis persuadé d'avance que certames personnes, qui ne sont encore que trop nombreuses denos jours,désapprouverontles idees que j'ai répandues dans celte histoire sur une matière aussi délicate a leurs yeux. Mais ie leur déclare, qu'étant absolument etranger a toute secte, a teute commuuion particuliere, et ne reconnoissant d'autre titre que celui de chrétien , je me suis cru obligé a pubuer des rénexions qui m'ont paru pouvoir contnbuer aux proscrès d'une doctrine a laquelle ie suis sincèrement attaché de cceur et d'espnt, et que ie ne cesserai de défendre de toutes mes lorces, autant contre les incrédules, que contre ses faux partisans. J'aurai même le courage de leur dire une vérité qu'ils n'aimeront peut-etre pas a entendre, mais qui n'est que trop certaine. C'est que je suis persuadé que les incrédules de tous les siècles ont fait beaucoup moins de lort h la cause de 1'évangile, que ces faux chrétiens qui renient leur reiigion par leur conduite, ou qui la défigurent par 1 alliage imour des opinions humaiues. Qu'on rende a cette sublime doctrine toute sa simphcité apostobrrue , qu'on rejettc tous les sy sternes oes hommes, pour ne s'en tenir qu'aux belles et \oMchaptes lecons de Jésus et de ses apötres^  44 Réformation. et je suis convaincu qu'on ne trouvera pas un homme de bon sens en Europe, qui ne s'empresse de se ranger sous ses éfendards. Les ames fionnetes de tous les parris pensent de même Ja-dessus, je m assure. Leur approbation est la seule que je recherche. Quant aux autres, ie ra ai qu un mot a leur dire, et ce mot ne sera «ne emgme que pour ceux qui ne voudront pas le comprendre : Je crains DIEU, et, apres hu , je ne crains -que ceux qui ne le eraignent pas. Revenons actuellement a nos Vaudois. Des que les barbes leur eurent communiqué' les observations des réformateurs , ils s'assemn.erent de toutes les parties des vallées, pour les discuter. Le résultat de cette assendjlée convoquee a Angrogne le 12 septembre i532, iut une nouvelle confession de foi. L'assen • timent qu'on lui donna ne fut pourtant pas si general, qu il ne se trouvat plusieurs personnes et entr autres deux pasteurs qui soutinrent avec raison qu il auroit mieux valu s'en tenir aux anciennes confessions , et sur-tout a celle de lan 1100. Je dirai même plus. Je crois que toutes les conjessw.ns de foi dont 011 a inondé 1'Europe particuhérement depuis la réformation , ont Aait beaucoup.de tort a la cause du cmisliamsme. L'lnstoire ne nous le prouve que trop; et cette expérience devroit ouvrir les veux aux iaiseitts de confessions de nos jours, et a leurs partisans les plus zélés. Ne faut-il pas, en effet , être ou plein de l.oue, ou pleui de vanité, pour oser donner d.e-  Réformation, 4^ ïloUvelles confessions defoi, après Ie symbole des apótres ? Et ne dira-t-on pas, a entendre les sectaires anciens et modernes , quils en savent davantage queJisüS et ses apótres i Ou leurs confessions de foi contiennent la même doctrine que le symbole recu par tous les chrétiens, et alors elles sont parfaitement inutiles; ou elles contiennent une doctrine contraire a ce symbole , et aans ce cas elles sont dangereuses, ou, pour mieux dire, elles ne sont plus des confessions de la Jou chrétienne. 11 ne peut y avoir ici aucun milieu. : Disons-le donc encore, pmsqu on ne sau^ roit jamais trop Ie répéter. Que de san^ on auroit épargné dans tóus les siècles, si ion s en étoit tenu tout simpiement a la doctrine da l'évangiie'.et si les chrétiens des diverses sectes n'avoient pas poussé la démence jusqu'a vou-~ loir décider des questions que le fondateur du christianisme lui-même a laissé mdécises. N'hésitons pas même a blamer nos Vaudois de s'être écartés de leurs sages maximes dans cette occasion ; mais soyons aussi portes a les excuser , en'considérant les circonstances ou ils se trouvoient. L'intérêt que las reformateurs prenoient a eux, leur parut sans doute mériter quelque déférence. lis rie crurent donc pouvoir mieux faire qu'en prenaut en considération lesremarques qu'ils leur avoient communiquées;et c'est ce qui produisit la conies* sion de foi dont nous avons parlé. Le ton de cette pièce , la publicité avee laquelle les Vaudois résolurent de célebrer M i  ' » 4^ ïiéfomiaiioh. fculte divin, étonnèrent beaucoup leurs érrne* mis. Les momes qu'on avoit envoyés dans ies vallées pour percevoir les reveniis des curés et convertir leurs habitans, perdirent tout espoir de les vöir jamais réunis a la communion romaine , et se retirèrent fort mécoiitens de leurs succès. Mais ils ne restèreut pas oisifsj leur banie contre lës Vaudois étoit trop amère trop mvétérée ,- pour qu'on put espéref de la Voir s assoupxr. lis ne s'occupèrent qu'a chercher de nouveaux mojens pour 1'ex haler avec itüit; et ann d'y réussir d'autant mieux, ils s adresseren! au due Gharlks, et ourdirent si bien leurs trames perfides, qu'ils lWagèrent4 commencer une nouvelle persècution.  Cinquièmè persècution. 4f CHAPITRE III. Cinquièmè persècution sous le duc charles, en \h'è\ et iö35 , airigée par Pantatéon bressour. Les vallées passent au pouvoir de la France, sous Francois Ier. Persècution contre les Vaudois de Provence, eu 1540. Remarques pafticulières. Les persécutions secreties continuentj'usqu'en 1559. Pour se soustraire aux persécutions précédentes, plusieurs Vaudois avoient quitté leur patrie, et s'étoient retirés en Provence, surtout a Merindol , Cabrières et Lormarin. Ils y demeurèrent en paix jusqu'en i534, que les évêques de Cileron , d'Apt, de Cavaillon, etc. firent reehercher tous ceux qui se trouvoient dans leurs diocèses, ann de les punir comme hérétiques. Ayant appi'is par les procédures que la plupart de ces prétendus hérétiques, qu'ils avoient fait arrêter, étoient Fiémontais , ils en écrivirent sur-lë-champ a archevêque et a 1'inquisiteur de Turin. Ceuxci s'empressèrent de profiter de cette circonstance, et ne tardèrent pas a obtenir du duc Charles qu'il établit Fantaléon Bressoüe. - Seigneur de Rocheplatte f pour diriger la guerre contre les Vaudois. Mais avant d'en venir a cette extrêniité , Bressour se transporla lui-même en Frofencet  48 Cinquièmè persècution', avec des lettres du duc pour le parlement t alm d'èxaminer les Vaudois Piérnoniais qüon Venoit dV .arrêter. Les inibrmations qu'il prif deux hu firent connoitre presque toutes les families vaudoises habituées dans Ie. tets du duc de Savoie, paree qu'il y avoifcgfes pri_ sonmerS de presque toutes les communautés. II sinforma encore des barbes qiu avoient som dé les visiter et de les instruire, et trouva que la plupart d'entr'eux venoient des vallées. Mum de ces renseignemens , Bressour hest pas plu tót de retour en Piémont, qu'il dresse deux grandes listes , dont I'une contenoit les noms de ceux qu'il savoit être par^ tisans déciarés de la croyance des Vaudois , et 1'autre ies noms de ceux qui les avoient plus ou moins favorisés. Ce funeste tableau ayant été remis aux inquisiteurs, on vit paroitre bientot après un édit du duc , en eiste de Quiers, du 28 aout i535, par lequel il ordonnoit a Bressoor de se saisir de tous ceux qu'il reconnoitroit pour Vaudois, et de ne les relacher qu'a prés les avoir fait entter dans le sein de Ia communiën romaine, ou les avoir pums comme ils le mériroient. Les officiers civds et mih'taires, tous les sujets de l'étar, en un mot, recureiit en même-tems Pordre d'assister Bressour de tout leur pouvoir, dés qu'ils en seroient requis, sous peine d'une forte amende. Bressofr choisit, en conséquence, cincf cents hommes sur toutes les troupes du ducs et- lorsque , les Vaüdüis. croyoient être dans une. profonde paix, qu'ijs n'étoient point sui leurs  Cinquièmè pefsèciillari. 44 Jours gardes, qu'ils ne së deficiënt en aucune manière de leurs ennemis; 11 v int les surprendi e' tout-a-eoup, tUa et massacra tout ce qui sé préseritaalui, safis aucunedistinctiond'agéni dusexe, et jetta ainsi lu plus grande pansteruationdau es vallées. Mais les Vaudois étant reVenttS i. eux la nuit suivante , se raliièrent si bien out dès le point du jour, comme leurs ennemis se disposoient a cóntinUer le carnage le long de la vallée de Luzerne, ils les chargèrent par derrière , par devant eten liane, avec tant devigueur, que la plupart de ces brigands restèrentsurla place, ét cjueles autres prirenf la luitenen abancionnant le butin et les prisonniers qu'ils avoient faits. C'est a coup de caitioux lancés avec des frondes, que les Vaudois chassèrent eu cette occasion leurs ennemis, aürapport de Peivrin. Cette manière de combatlre convenoit beaucoup aux habitans des vallées, qui n'avoicnt que peu d'armes. L'exercice de la fronde est teicbré aujourd'hui lort en vogue chez nos jeunes gens , et 1'on est quelquelois élonné de la justesso avec laquelle ilsatteignent leur tiatj qui est toujours placé a une grande distaUce. Madame Blanche., veuve du comlede Luzerne et d'Angrogne , se montra fort sensiblé a cette perfide invasion faite par Bressour , et lui eftmdës plaimes irès-vives. Malgré cela il öbtint deux jours ajfci ès (le 2,5 septem.hre ) . des lettres du duc, par lesquelles il éioit défendit, aux habitans de la vallée de Luzerne et de SaintMartin de s'assembler eri armes, sous peine de' cent mares d'argent póur cbaque désobéis-' Seconde partie» ö  5o Cinquièmè persècution. sance. Cependant Bressour se contenta dès-Iors deWdesexcursionsdans Ie Bas-Piémont ou les Vaudo1S étoient épars parmi les eluho- ÏÏ;!' CTéqüë fo^foibIes. Aus ien pnl-il Un si grand nombre qu'il en remplit son de SofaZ J «n de 7W -BW/ assesïn-f ' V1fCaU'ed,el lnCïuisitio11' avec ses assesseurs, leur faisöit leur procés, en condam- nees ueprrson. II y eutmême quefques-uns de ces pmonmers, dont on n'entendit plus pa er après qu ds furent tombés entre ses mains De Z:rtrét°rnt Marc S^vAs„'de Pi! nacüe, Ju,en Colombat, du Viliard de la Pérouse, et George Stall, de Fénil. -Le duc de Savoie voyant que ces persécutions secreties contre les Vaudoiszre faisoiemqSs afïermir davantage dans leur croyance: considéram aussz que lorsquW les Wquoit'ouvertement, « la peau d'un Vaudois lui coutoit tou» jours qmnze ou vingt de celles de ses meilleurs «catholiques » pubfia des lettres patentes par esquelles ü étoit expressément tWendu^e " les inquieter, sous quelque prétexte que ce Mes lecteurs se doutent bien que la politique eut beaucoup de part a la pubncation de^cet échtE„ effet, Fra*cols I" , roi de France, ayant le ve une grande armée sous les ordres du comte de Saint-Paul et del'amiral Chabot' demandcxtauducdelafairepassersursesterre^ poui aller reconquérxr le duché de MiJan. ^harles, qui ne qroyoitpasdeyoirseprêtef  Cinquièmè persècution: 5i a une demande de cette nature, résolut d'employer tous ses sujets pour soutenir son refus ; et comme lés Vaudois occupoient les gorges les plus importantes des Alpes,par lesquelles 1'armée francaise auroit pu pénétrer en Piémont , il crut qu'il fallo.it se'lés attacher, alin de les avoir pour défendre ces passages en cas de be-, som. ' L'ennemi, peu satisfait de la réponse du duc, entra sur ses terres, malgré toute la résislance qu'il put lui opposer , s'empara d'une partie de la Bresse, dela Savoie,et pénétra jusqu'en Piémont. Nos vallées passèrent alors sous la. domination francaise, ety restèrent prés de vingttroisans. La guerre ayant continué en Piémont pendant tout ce tems, les Vaudois souffrirent leur part des calamilés que ce terrible fleau entraiue toujours avec lui; mais on ne les inquiéta presque point pour leur croyance. II n'y eut que quelques particuüers qui continuèrent a être victimes du zèle fanatique de 1'inquisition. Catelan Gib.AB.det, de Saint-Jean, par exemple, fut arrêté vers la fin de l'année i535, et condamné a être brülé kRevel, dans le marquisat de Saluces. 11 se soumit a son sort avec une résignation admirable. Arrivé au lieu du supplice,il demanda deux cailloux , et lesfrottantl'uncontj e 1'autre , il dit ases bourreaux : « Vous espérez de détruire nos églises par vos persécutions; mais vous en viendrez tout y> aussi peu a bout que moi d'anéantir ces deux 3> pierres que vous voyez entre mes mains; >* et il monta tranquülement sur son bücber, Da  $z Cinquièmè persècution, Le 26 avril ï536, Martin Gonin d'An* grögrre barbe aussi recommandable par ses connoissanees, que par ses mceurs et sa piété, fut arréte en Dauphmé, a son retour de Gcnève etcondamne par Ie parlement deGrenobie è être jette ümsj lsere. On avoit trouve sur lui des tettres qui prouvoient qu'il étoit un des barbes vaudois et comme toutes les instances qu'on iuibt pour lengagerderenoncera sa croyance, se trouverentinutiies, et qu'on craignoit que le peuple desapprouvat cette exécution barbare nuit FeCipita dans la rivière pendant la Les Vaudois n'avoient alors que des nouveaux testamens , avec quelques livres de 1'ancien, mi assez petit nombre. lis résolurent donc be iaire un primer promptement toute la bible, ets adressèrent pour cela a un libraire de Neufchatei ,en Suisse, qui, moyennantquinzecents ecus dor quils lui avancérent , mit au jour Ia première bible francaise qu'on ait vue en France. Cette bible fut fraduite par lebarbe vaudois llobert Omvetan, avec le secours de sonparem, le célèbreCalvin. Onprétend que Ia version faite peu d'années auparavant par Jacqiies Lefevre D'EsTAPLEsJeur avoit servi de modele. Ce qu'il y a de cerlain, c'est que la tradüction d OuvETANa été la base de presque toutes celles qu'on a publiées dans la suite. Les pasteurs etprofesseurs de 1'académie de Genève iarevnrententr'autres , et la firent réimprimer des 1'année 1588. 1 Cette bible étoit précédée d'une préface de Kalvin , dans laquelle il reconnoit avec plaisk'  'Cinquièmè persècution: 53 les Héns de parente" qui 1'ünissoient au barbe Olivetan, et c'est la-dessus que j'ai avancé d;ms le prospectus de cette»/histoire i que calvin étoit d'origine vaudoise. Il esl trèsprobable que la familie de ce célèbre réformateur étnigra de nos vallées en Picurdie , pendant les persécutions dont elles ont été si souvent le théatré, comme beaucoup d'autres ont émigré en Languedoc, en Provence et en Dauphiné. II y avoit encore, en 1660, plusieurs families du nom de Calvin dans la vallée de S. Martin, particulieremënt kRiüdaret, qui est une annexè de 1'cglise de Ville-Sêche ; et je les ai encore connues moi-même, pendant le séjour que j'ai fait dans cette communauté en *784- , , , Nous avons vu au commcncement de cecliapitre, que les Vaudois qui s'éloicnt réfugiés de nos vallées en Provence, commencèrent a y, être inquiétés par les évêques en i534; mais cette persècution n'étoit rien au prix de celle; cme 1'on leur fit essuyer quelques aunées ■ïipiès. En 1640, le parlement ÜAixM citer devant lui plusieurs Vaudois de fdérindol\ et sur leur refus de comparoiire, a cause des dangers auxcruels ils se voyoient exposés., il les coudamna avec tous les autres habitans de ce bourg, a perdre leurs biens et leur vie, et ordonna que le bourg lui-même seroit détruit. L'exécution deeet tesentence barbare fut diflerëe jusqu'en avril 1045, que le cardinal de Tournon obtint du roi fa permission d'y procéder par la force des. armes. d a  S4 Cinquièmè persècution co.n„lent, POIlr(leRome » ™ » se r«lg;a dao ,;„s ;alli/;S .«rnd ™n,bre étoient sortis et ni, il. , ' ° '™K ancetr« tour, .1„, '! S ,'rouverent tous les se.  Cinquièmè persècution: 55 pèrant d'obtenir quelque grace de leur nouveau monarque, eurent recours a Francois 1". Mais cette démarche ne fit qu'empirer leur condition. Leroi leur prescrivit de vivre selon les loix de Péglise romaine; déclara que s'ils n öbeisspient, il les feroit punir comme d'obsimés hérétiques, et en donna pour toute raison , qu'il ne les faisoit pas bruter en France pour les loley rer au milieu des Alpes. Ensuile de eet admirablemotif, il fut enjoint aux Vaudois , sous peine de mort, de chassertous leurs ministres , et derecevoir a leur place les pretres qu on leur en verrolt pour célébrer la messe. Les Vaudois, qui ne surent jamais composer avec leur conscience , répondirent courageusement, « qu'itteur étoit impossible d o- * béir k un ordre aussi contraire a la reiigion „ qu'ils proS'essoient; qu'ils étoient^ prets a » rendre a Gesar ce qui appartient a Gesar , * comme ils 1'avoient toujours fait; mais „ qu'aussi ils vouloient rendre a DIEU ce qui » lui appartient, et qu'ils étoient résolus de lui » obéir, quoiqu'il put leur en couter. # _ Dans tout autre tems , une réponse aussi viaoureuse auroit sans doute été le signal dun nouveau -massacre. Heureusement pour les Vaudois, le roi de France ayant alors plusieurs affaires sur les bras, ne put empïoyer la lorce contre eux, et le parlement deTurmdut seborner a quekfiies persécutions particuberes. C'est ainsi qu'il ordonna aux juges et aux maatrats d'assister vigoureusemenlles momes et ks inquisiteurs, et de faire brmer tous lesA'audoisoui tomberoient entre leurs mams. Y&i D 4  PÖ Cinquièmè pers/cu/ion, SmS * re?urem *« mort avec Pwi ^ !-iU! admirahleT «'irvpeW, , m' ^W^rin et d'user. «, IS^^kfe * ^uté des -d^ Jjoupeaiu. Mes commeneèrent a se trouveo muence de monde, qui venoit de tout cóté U Premier ¥ <*Iui iS^fVallfe^^fe Ce fut encore a cette époque quei'on comW»m Pnvoyer nos étudians dan les ennesett-angeres. Cettfe innovarion souCa bewcouples barbes, cpi se trouvèrent pS Sfl* djl™, d'un aut^cck ^TObib^tdesuptsqui se yourjient au ^  Cinquièmè persècution. 07 nJstèrè évangélique, paree que la plupart n'étoient point en état de foürnir aux dépenses qu'auroit exigé leur séjour dans 1'étranger. Ge changement a d'ailleurs été des plus funesles k a notre patrie , comme nous 1'avons fait sentir dans la première partie de cette histoire; et nous ne saurions nous enipêclier de renouveller iel nos vceux pour cpi'il puisse se faire une prompte réforme a eet égard. Le nombre des pasteurs ayant consïdérablement diminué depuis quelque tems dans nos vallées, on fut obligé d'avoir recours en Suisse pour s'en proeurer. Gillès des Gilles , barbe vaudois, qui étoit allé visiter nos frères établisaux environs de Naples, élont passé par le pays de Vaud en retournaiU dans sa patrie, y prit avec lui un ministre francais, nom mé No el , auquel on conHa 1'église d'Angrogne, • i'.umbert Ar rus fut placé aBobi, et d'autres' pasteurs dans les églises qui en manquoient; de sorte que nos vallées se trouvèrent ainsi lort bien pourvues pour long-iems. Get avanlage , joint au zèle vraiment apostolique de nos anciens barbes, et aux circonstances de la guerre, favorisa beaucoup les progrès de la croyance des Vaudois dans toute 1'étendue du Piémont. La cour de Bome, qui sè tarda pas d'en être instruite , ne négligea rien de ce qui pouvoit arrêter un torrent aussi daugereux pour elle. Et ce fut d'après ses insta nces et celles du roi de France, que Ie parlement de Turin envoya deux commissaires qans nos vallées, pour y prendre tous les rens?ignemens dont if avoit besoin , et procéderè la destruction des Vaudois, par les moyens  53 Cinquièmè persècution. qu'ils jugeroient _ les plus convenables. Ces deux commissaires, Barthélemy Aimé, seigneur de S. Julien , et Augustin de Ecclesia , s'aeheminèrent a la Pérouse au mois de mars 1556 , et y firent publier au nom du roi, « que chacun de ses habitans eüt a aller a la » messe, sous peine de mort. » Après cela ils se retirèrent a Pignerol, et y citèrent un grand nombre (ie Vaudois. Ceux qui obéirent furent fort maltraités ,et 1'on fulmina des sentences sévères contre les autres. Parmi les premiers, on remarqua sur-tout ia naïve simplicité d'un pauvre laboureur qui, ayant recu ordre de S, j üxien de faire rebaptise'r un de ses enfans,.( baptisé auparavant par un barbe vaudois ) demanda le tems de prier DIEÜ avant de lui répondre. Cette faveur lui ayant ére accordée, il se mit a genoux , lit sa prière, et après 1'avoir achevée , dit au prési-, dent: « Je consens, monseigneur, de vouslais3) ser rebaptiser mon enfant; mais a condition » que par un écrit signé de votre main, vous » medéchargiez devant DfEU dupéehé que h vous me feriez commettre , Irf^ferenant sur 3) vous-même et sur votre postérité, pour en » répondre un jour de va nt lui, et rece voir la pu■» niiion que vous me feriez encourir. » S. Julien , étonné de cette sentence, lui rópondit: « J'ai assez a répondre de mes péchés, 3> sans me charger encore des tiens; » et le congédia d-'auprès de lui. Cette circonstance, jointe a plusieurs autres de la niême nature, lit voir au président et a. son adjoint, que la fulmination de tous leurs dóerets ne pourroient jamais ébranler Ia cons.-  Cinquièmè persècution. 5q tance des Vaudois. Ceux-ci necessoient de protester, d'un cóté, de leur inviolable fkléfité pour le service du roi« et assuroient, de l'autre, « qu'ils étoient prêts, selon ses ordres , a chan» ger rie reiigion ,si 1'on pouvoitleur prouver * par 1'écriture sainte cm'iis se trouvoient dans 5) 1'erreur. » On crut donc qu'il falloit essayer si la prédication de quelques moines très-habiies ne feroit pas d'efï'et. D'après cela les deux commissaires s'aclieminèren t kAngrogne aveo les moines, et y firent prêcher 1'un d'eux. li adressa une longue exhortation aux Vaudois, par laqueile il les pressoit beaucoup d'enirer dans la comtnunion romaine. Lorsqu'il eutlini de parler, quelques-uns des principaux demandèrent qu'il fut permis aux BARBES de lui répondre paisiblement; mais S. Jlillen le re» iusa pour des raisons qu'il n'est pas difficile d'imaginer. L''Angrogne il se transporta successivement dans les autres communautés de la vallée de Luzerne, et trouva par-tout les mêmes dispositions. fl lit appelier ensuite chacun des principaux devant lui, employa tour-a-tour les flatteries,les promesseset lesmenaces;fitmouvoir, en un mot, tous les ressorts qu'il crut propres a les ébranler ; mais ce fut en pure perte. Les commissaires ayant ainsi épuisé tous les moyens possibles de convcrtir les Vaudois, et sondé parlaitement 1'état de leurs affaires , retournèrenla Turin. Ils rendirent compte au parlement de ce cpu'ils avoient fait, et des difbcultés qu'il yauroit a délruire les Vaudois, ou a les réunir a la communion romaine. Ils öjpütèrerit que si 1'on usoit de yiolencs, ils  6o Cinquièmè perscculion. étoient résokis k se défendre jusqu'a iadernière extrêmité; et que les lieux de leur demeure étantnaturellement très-forts, ü étoit a craindre qu'il y eüt beaucoup de sang répandu , avant qu'on put en venir a bout. Mais ces difncultés öe parürerit pas aussi grandes au parlement qu'aux commissaires. II crut que rien ne seroit plus iacile au roi de France , que d'exterminer une poignée de montagnards, et sc bata , en eonséquence , de lui envoyer les procés intentés contr'eux. S. Jultsn et son collè et ses apótres. r> Une telle réponse ne pouvoit manquer d'ïrritéf vivement les ennemis des Vaudois. Elle fut suivie de la publication des ordres les plus sévcres, et le parlement cifa de nouveau un grand nombre de nos ancétres a comparortre devant lui. Mais ils n'eurent garde d'obéir, et se contentèrent de répondre paf écrit a ses citations. Cette année et la suivante coutèrent la vie a deux barbes des vallées. L'un , nommé Nicolas Sartoris, de Quiers en Piémont, avant été arrêté a la cité d'Aoste, y fut reconnu pour Vaudois , et brulé le 4mai ïSBj. L'autre,nommé Gcoff'roi Varaille, natif de Busque, étoit fils de ce Geoff 'roi Varaille qui, en 1488, avoit conduit des troupes contre les Vaudois. Le jeune Varaille s'étoit fait moine en i5ao, et avoit été établi grand-miss'ionnaire contre les habitans des vallées. Mais plus il travailloit a la conversion de ces prétendus hérétiques, plus il étoit touché des raisons qu'ils lui opposoient, jusqu'a ce qu'en fin il passa dans leur parti; et nouveau S. Paul , se mit a prêcher avec beaucoup de zèle la doctrine qu'il avoit jusqu'alors persécutée. Pendant cpu'il étudioit pour couvertir les autres, il reconnut la plupart des erreurs delacommunion a laquelle il étoit attaché, et quitta la cour cle France 011  6~2 Cinquièmè persècution. il étoit a Ia suite du noneedupape, pour së retirer a Genève. Après y avoir achevé ses études, il desservit pendant cpaelque tems 1'église de S. Jean, dans la vallée de Luzerne. Mais ayant cédé aux instances qu'on lui fit d'aller visiter les frères qui se trouvoient a Busque sa patrie, il fut arrêté a son retour a Bar ges, le 17 novembré, conduit a Turin, et brulé le 29 mars j 588. Sa mort fut telle qu'on pouvoitl'attendre d'un chrétien aussi zélé que lui. Aureste, ces conversions ont toujours été si rares dans nos vallées, qu'il ne m'a pas été possible d'en trouver d'autres exemples que celui de G. Varaille. C'est que les ames comme la si enne sont plus rares encore. A cette époque, 1'intercession des princes protestans d'Allemagne procuracpuelque repos aux |Vaudois, jusqu'a la paix du 3 avril i55q, parlaquelle Emmanuel Philibert fut remisen possession de ses élats, k 1'exception des villes de Turin, Quiers, ChivaseX Villeneuve-d'A.st, avec leurs territoires. On conclut aussi, en même tems, le moriage du duc avec MarGüerite de France, sceur du roi Henri. L'un et 1'autre commencèrent par se montrer très-bien disposés en faveur des Vaudois qui venoient de rentrer sous leur domination; et I'année i55q se passa sans qu'ils fussent molestés. Mais le nonce du pape, d'un cóté, et de 1'autre, le roi d'Espagne, quelques princes d'Italie et les prélats piémontais harceièrent si fort le duc de Savoie par leurs importunités ordinaires, qu'ils parvinrent enfin a obtem'r de lui un nouvel édit contre nos ancétres.  Sixième persècution. 63 CHAPITKE IV. Sixièmepersècution sous le duc Emmanüel PÉiLrfeÉR'ï, dirigée par le comte de la T h in i té , en i56o et i565. Succès étonhahs des Vaudois. Paix de Cavourt du 5 juin i565. Générosité de divers états protestans envers nos ancétres. X/ordre de recommencer la persècution contre les habitans des vallées, fut donné de Nice, ou le duc tenoit alors sa cour , ie i5 de févrief:i56o. Philippe de Savoie, seigneurde Baconis , cousin du duc, et George Goste, comte de la Trinité , furent établis pour la diriger; on leur joignit 1'inquisiteur général Thomas Jacomel, le conseiller Corbis , et le prévöt général de la justice , en cpalité de commissaires exécuteurs. Ces déJégués commencèrent leurs exécutions par la ville de Carignan, dont la plupart des habitans étoient "Vaudois; et dès le deuxième de mars, üs y firent bruler un homme avec sa femme, paree qu'ils refusoient d'aller a la messe. Les autres habitans de cette ville, qui voulurent rester fidèles a leur conscience, se sauvèrent dans les villes voisines qui étoient au pouvoir des francais. De Carignan, les commissaires se rendirent a Vigon, qui n'en est pas fort loin. Mais deux des Vaudois qui s'y trouvoient la eruit™  64 Sixième persécutioti, tèrent k leur approche, et en furent .pour ia confiscation de leurs biens. Lés Êdèlés «es. autres bourgs et villages en firent da rneme. Après cela les commissaires partirent pour Suse, douils se jetèrent a l'improviste sur ies communautés de Matthids et de Méane qu ils saccagèrent cruellement, et dont ils firent bruler Ie ministre h petit feu. . Les'habitans des vallées voyant crue la persècution alloit cbaque jour en augmentant, resolurent d avoir de nouveau recours a leur prmce. Ils intéressèrent plusieurs nobles eft leur faveur, entr'autres Charles, comte d'Angrogne , qui se chargea de présenter leuis requêtes a Ia cour et au conseil d'état. Ils s'adres^erent aussi par lettres a la duchesse Marguerite , en la suppliant de vouloir prendre part a leur malheureux sort. Ces diverses requétès eonienoient, en général, les assurances les plus iortes de leur soumission et fidélité enversieur' souveram , dans tout ce qui ne blesseroit pas leur conscience; mais, d'un autre cóté aussi, Ia declaration formelle de vouloir toujours obéir a DIEU plutót qu'aux hommes , aux i depens même de leur tranquillité, de leurs biens et de leur vie. Ces supplicatious étoient accompagnées d'une apologie, par laquelle ils relutoient parfaitement toutes les calomnies que leurs ennemis avoient inventées pour les perdre dans 1 esprit du duc; et ie tout fut envoyé a thee par Francais Gilles de Briqueiras, et Cesar de Castillon. Pendant que les Vaudois tachoient ainsi d'adouck  Sixième persècution. 6$ d'adoiicir la cour en leur faveur, leurs ennemis ne cessoient de les harceler, tant dans la vallée de Luzerne , que dans les vilies de CampiUon, Fenil et Bubiane. Dans la vallée de S. Martin , deux frères Truchet, seigneurs de la communauté de Riüclaret , ( aujour-. d'hui une des annexes de 1'église de VilleSêche ), firent tout ce qu'ils purent pour exterminer les Vaudois qui s'y trouvoient. Mais ils ne reiuportèrent que bonte et confusion de toutes les attaques qu'ils leur livrèrent, par les troupes qu'ils avoient rassemblé contr'eux. A cette menie époque', les ennemis assaillirent aussi trés - vioiemment le bourg de S. Germain \ et voici quelle en fut 1'occasfou. Les moines de 1'abbaye de Pignerol ( qu'on dit avoir été fondée en 606 , par AdÉlaide t lille du dernier mart[uis de buse , et veuve d'un comte cle Maurienne ); ces moines, disje, ennemis jurés des Vaudois, vouïant proliter de la permission que 1'on clonnoit k chacun de les persécuter, prirent a leur solde une troupe d'environ 3oo bandits , dont ils se servoient pour exercer toutes sortes de brigandages et de cruautés contre les Vaudois de leur voisinage. lis les envoyerent, entr'autres , un jour , pour surprendre le ministre da S. Germain, qu'ils firent bruler a petit feu. La plupart des maisons de ce bourg furent saccagées, et un grand nombre de ses habitans tués ou i'aits prisonniers. Les Vaudois dela vallée de Luzerne, ayant appris ce qui venoit de se passer a S. Germain , résolurent d'y envoyer du secours j et tant qu'il Seconde partie* E  66 Sixième persècution; y fut, les satellites des moines de Pignerol n'osèrent rien entreprendre ; mais a peine étoit-il parii , qu'ils revinrent a la chargeComme ils s'approchoient en assez grand nombre de ce bourg, ils furent heureusement découverts par quelques Vaudois qui étoient sur la colline d'Angrogne. Ceux-ci donnèrent iout de suite 1'allarme, et rassemblèrent promptement une forte troupe d'hommes armés, qui marchèrent par deux chemins sur 1'ennemi, en tuèrent un grand nombre , et mirent les autres en fuite. _ ■ Dans le même tems , les Vaudois de Pinache et du Viliard, qui s'étoient retirés au Grand-Dublon , se virent attaqués par un gros d'ennemis venant du cóté deJaven ( gros boura- au nord-est du Grand-Dublon, et qui 31'en °est séparé que par une montagne); mais ils furent encore assez heureux pour repousser avec succèsles divers détachemens qui mar-» choient sur eux. Et dans cette occasion, comme dans toutes les autres , leur premier som fut d'en rendre graces au DIEU de 1'univers. Cependant , les commissaires dont non» avons parlé ci-dessus, ne cessoient d'exhorter les Vaudois de se soumettre a ce qu'on exigeoit d'eux, sur-tout de renvoyer leurs pasteurs , et de recevoir a leur place les predicateurs qu'on leur donneroit. Mais toutes ces représentations ne les ébranlèrent^ en aucune manière. lis persistèrent toujours a répondre, tc qu'ils n'écouteroient les prédicateurs qu'on » vouloit leur donner, qu'autant qu'ils annon» ceroient la parole de DIEU dans toute sa  Sixième persècution. 67 J» pureté; et que , quant a leurs pasteurs , ils » ne consentiroient jamais a s'en séparer , « puisque leür vie étoit sans reproches , et » qu'ils avoient besoin a chaque instant clë j) leur secours. » Sur ces entrefaites, les Yequêtes que les Vaudois avoient adressées a la cour, y ayant été examinées, le prince et son conseil trouvèrent bon de les envoyer è Rome, et de ne prendre. aucunpartidécisif qu'après la réponSe dü pape;. Elle fut telle qu'on devoit 1'attendre. Cet orgueilleux pontife écrivit, « qu'il ne cönsèn3) tiroit jamais qu'on mit en discussiön les 5) articles de foi; qu'il entendoit que chacun j) se sournit aveüglément a toutes les cónsli« tutipns du saint-siège ; que les voies de y> douceur ayant été jusqu'alors inutiles pour 3» ramener les hérétiques , il falloit procéder s) contr'eux avec vigueur , et même par ia » force "des armes, s'il étoit nécessaire.» Cette vbie füt eelle c[uela cour adopta. Mais, pour ne pas trop brusquer les choses , elle se décicia a envoyer aux vallées quelqu'un de pro pre a convaincre les accusés de leurs erreurs ; et Antoine Poussevin, commandeur de S. Antoine de Fossan, fut le héros qu'elle choisit. Le principal hut de sa mission devoit être de chasser les barbes des Vaudois , et de les remplacer par les prédicateurs qu'il jugeroit a propos de leur donner. II parcourut, dans ce dessein, leurs différentes communautés ; assembla les princip ui: d'entr'eux; déploya tout son savoir, et eut recours aux plus viyes instanoes, aux menaces E 3  68 'Sixième persècution: même, pour les engager d'aller a Ia messe; mais tout fut inutile. 11 n'obtint des Vaudois d'autres réponses que celles qu'ils avoient déja données aux commissaires Jacomel et GoKBiSr Après avoir travaillé pendant plus d'un mois a remplir sa mission , et s'être convaincu que toutes les démarches qu'il pourroit faire encore seroient a pure perte, Poussevin retourna a la cour du duc au commencement de septembre, et le sollicita vivement de ne plus rien ménager contre les Vaudois. Ceux-ci, de leur cóté , eurent encore recours a leur prince et a la duchesse de Ferrare; mais ce fut aussi sans succès. Voyant alors qu'il n'y avoit plus d'accommode'ment a espérer , chacun commenca a se pourvoir des choses nécessaires , et a rétirer les personnes foibles , les provisions et les hardes dans les habitations les plus élevées. Tous les Vaudois célébrèrent un jeune public, sepréparèrentavec un courage et une allégresse incroyables k recevoir tout ce qu'il plairoit a DIEU de leur dispenser, et résolurent unani mement de se défendre jusqu'a la dernière extrêmité. Toutes ces mesures furent pleinement confirmées dans un conseil général des chefs de familie de toutes les vallées. Les bruits de 1'approche de 1'armée, destinée a exterminer les Vaudois , augmentoient chaque jour; et elle parut, en effet, a Bubiane , le premier novembre i56o, sous la conduite du comte de la Teinité. L'avantgarde passa le Pélice le même jour, et commenca ses ravages par la communauté de  Sixième persècution. 69 'S. Jean. Le jour suivant, 1'armée entière se mit en marclie pour entrer dans Angrogne; rnais les gardes que les Vaudois avoient placé sur les principaux passages , s'y opposèrent courageusement, et lui tinrent tête jusqu'a la nuit, que 1'ennemi se retira a Ia Tour. La plupart des habitans de ce bourg étoient de la communion romaine, et désiroient 1'extirpation des Vaudois, avec toute 1'ardeur que peut inspirer le fanatisme le plus farouche. Cependant telle étoit l'estime et la confiance qu'ils avoient en nos ancétres, qui pour lors s'étoient retirés sur les montagnes voisines , que , malgré leur haine religieuse, la plupart leur envoyèrent leurs femmes et leurs filies, avec prière de les garder, tant qu'ils seroient obligés de Ioger 1'armée du comte de LA Thinité. Ce trait seul vaut les plus brillans éloges. Dès que le comte eut fait réparer le fort de la Tour, il envoya une nombreuse garnison au Viliard, une autre a la Pérouse, et augmenta celle du chateaü du P.errier, dans fa vallée de S. Martin. Mais ayant vu, par 1'issue de la première journée, qu'il n'auroit pas bon marché des Vaudois, il résolut, comme font toujours fait leurs ennemis, d'avoir recours aux perridies et aux trabisons. II écrivit a ceux Angrogne, qu'il étoit faché de ce qui étoit arrivé les jours précédens ; que son dessein n'avoit point été de les attaquer, etc. etc.; et , sans attendre leur réponse , il envoya te premier de novembre des déta-. chemens du cóté de Taillaré, grand quartieB. L %  99 Sixième persècution. de Ia communauté de la Tour, et du cóté du Viliard. Mais ils furent repoussés avec beaucoup de perte dans ces deux endroits. Le corps qu'il avoit fait marcher sur Angrogne , n'ayant pas eu plus de succès, et craignant que cette at laqué engageat les Vaudois a rom'pre 1'acbeminement au prétendu accord qu'il vouloit faire avec eux , il eut 1'impudence de leur prptester de nouveau qu'elle s'étoit faite a son inscu. II se rendit lui-même au temple de S. Laurent, le dimancbe 10 , et voulut aller voir le Pré-du-Tcur, pour en faire, disoit-il, son rapport au duc. Le iecteur se rappellera que ce Pré-du-Tour est ïe boulevard de nos vallées, et qu'il fut tpujours {e dernier refuge de nos ancétres. _ Après avoir traité avec les Vaudois plusieurs jours de suite , le comte de la TriJfiTÉ les engagea d'envoyer des députés a Verceil, oü E mm anuel. Philibert tenoit alors sa cour, Turin se trouvaut au pouvoir des francais. Chaque communauté nomma les siens ; et la députation partit avec une requête signée de la plupart des habitans des vallées, par lacpielle ils supplioient le duc « de vouloir les laisser vivre en paix dans la » reiigion que leurs ancétres avoient professée ■>■> depuis plusieurs centaiues d'années, et qu'ils » soutenoient être le pur évangile; ils linis» soient par 1'assurer de leur entière soumiss> sion , et prptestoient qu'ils étoient prêts k »' exposer leurs biens et leur vie pour lui s 3) pourvu qu'on les laissat servir DIEU sui. 'f, vaut leur conscience, »  Sixième persècution. 71 Le comte fit accompagner ces députés par son secrétaire Gastaut. A peine étoient-ils partis , que ce traitre exigea des habitans du Taillaré et des Bonvets , deux quartiers considérables de la commune de la Tour, qu'ils lui livrassent leurs armes; et comme ils n'étoient point en état de résister, ils durent obéir. Se voyant ainsi sans cesse obligés aux violences de leurs ennemis , les Vaudois de ces deux quartiers se retirèrent , en partie , sur les plus hautes montagnes, en partie, dans les communautés d'Angrogne et du Viliard^ Un vieillard, agé de cent et trois ans , qui s'étoit caché dans une eaverne, y fut cruellement massacré. Ses bourreaux voulurent ensuite violer sa petite-fille , qui 1'avoit suivi dans cette retraite pour le soigner; mais elle n'hésita pas de préférer son innocence a sa vie, et s'élanca dans un précipice. Après avoir fait ravager les communautés de la Tour et du Viliard, le comte de la Trinité voulut encore que les Vaudois payassent une. partie de 1'entretien de son armée , et promit dte ia faire retirer d'abord après le paiement. II lui fut compté pour cela huit mille écus; mais les troupes n'en restèrent pas moins dans les vallées. Quelques jours après, une partie cle cette armée alla a Angrogne, y coromit beaucoup de désordres, et pilla tout ce qu'elle trouva a sa bienséance. Mais ayant ensuite recu ordre de quitter les vallées , pour se retirer dans les plaines voisuics, elle laissa a E 4  72 .Sixième persècution. Ia Tour et au. Viliard de fortes .garmsons, qui en inquiétèrent beaucoup ies habitans. Les soldats du fort de, :ce premier bourg , commireni même une. horrible cruauté envers Odoul Geimet. Ce.t infortuné , alors agé de soixante ans , ayant élé attaché sur une table, on couvrit sön bas-venfre d'un vase rempli de ces insectes nommés sc arabés sier* coraires, paree qu'ils. habiteht dans ia fienfe des chevaux; et ces animaux étant entrés dans son corps,,1e firent mourir au milieu des doubleurs les plus cruelles. Les députés qu'on avoit envoyéa Verceil, furent de retour aux vallées au commencement de janvier i,%5. S'il falioit juger du succes de leur mission, par l'édit qu'E.mmanuel Philibert publia le i o de ce mois , on diroit c]u'ii ne leur laissoit rien a désirer. Car après avoir vu les priviièges et iramunités qui avoient éié accordés aux Vaudois par ses ancétres , le duc les confirme sans réserve dans eet édit, et ordonne a tous ses officiers civils et militaires , de les observer et faire, observer mot pour mot. Mais, soit que la cour n'ait voulu qu'enclormir les Vaudois , soit qu'elle ait été trompée elle-même, il est cerfain que ce nouvel édit ne contri, bua en rien a assurer la tranquillité de nos malheureux ancétres. J'en ai rapporté le précis , afin de faire voir que ces sortes de pièces ne sont pas toujours de bons monumens pour f histoire. II se trouve a. la seconde page du recueil original des édits qui out été pubjiés au sujet des Vaudois, par la cour de.  Sixième persècution. 73 Turin , et dont j'ai déja parlé au chapitre IV. de la première partie de cette histoire. L'expérience , ce témoin 'toujours irrécusable, ne tarda pas a prouver, en effet, combien 1'édit de la cour etoit illusoire. L'armée ennemie rentra dès le sept de février , dans la vaüée de Luzerne. Elle marcha le même jour , par plusieurs cótés , sur Angrogne, et repoussa les Vaudois jusqu'au lieu appelé la Cassa , ou ils parvinrent a se rak lier, et d'ou ils firent une défense si vigoureuse, qu'ils obligèrent le comte a la retraite, $prè's lui avoir tué beaucoup de monde. Mal* gré cela, cette journée leur fut trés-funeste ; var les ennemis en descendant mirent le feu a plusieurs centaines de maisons ou granges, et emportèrent tout ce qu'ils purent. Tous les habitans $Angrogne s'étant retirés au Pré-du-Tour , a la suite de cette affaire , le comte de LA TrïKITË forma le dessein de s'en rendre maitre. Pour eet effet, il ie fit attaquer, le 14 février , par trois endroits a la fois. Du cóté du nord , par lés hautes montagnes qui le séparent de la vallée dé S. Martin; du cóté de 1'orient, par celles qui le séparent de Pramol et de la vallée de la Pérouse ; et du cóté du sud-est, paria partie basse et abandonnée dCAngrogne. Mais toutes ces attaques furent également infructuéuses ; et fennemi , repoussé des trois cótés h la fois , perdit beaucoup des siens. Les Vaudois terminèrent la journée par les plus vives actions de graces a ce DIEU de bonté  74 Sixième persècution. qui venoit de les préserver de la perte totale dont ds étoient menacés. A 1'attaque du Pré-du-Tour, le comte de IA Iriwité fit succéder celle du bourg de Jlora, petite communauté d'environ quatrevingt families, qu'il prit et brula. Mais ses Jianitans , qUi s'étoient retirés au Viliard , ne tardèrent pas de rentrer dans leurs foyers, et den chasser 1'ennemi. Bobbi, Viliard et le Taillaré, ayant été également assailb's avec force , les Vaudois de ces communautés parvinrent a repousser 1 ennemi jusqu'a la Tour, après quelques actions assez vives , dont 1'une, entr'autres , eut beu prés du Rospard, et 1'autre prés du pont du Subiasijue. L'armée du comte de ï,A Trinité se trouvant lort affoiblie par ces differens échecs, n employa le mois suivant a la recruter, et la porta a six ou sept mille hommes. Avec ces forces, il marcha , le 17 mars, sur Angrogne, dans le dessein de tenter de nouveau la conquête du Pré-du-Tour. ^L'attaque qui eut encore lieu de trois cores a la fois, fut des plus rudes. Néanmoins. Ies Vaudois , enhardis par leurs succès précédens, favorisés par le local qu'ils occupoient, et ammés d'un courage inébranlable , soutmrent non-seulement ces attaques avec la plus grande vigueur, mais repoussèrent encore les ennemis , et les obligèrent k prendre la fuite , apres leur avoir tué beaucoup de monde. Dn cóté des Vaudois, il n'y eut que detu mor»» et deux blessés^  Sixième -persècution. Après cette défaite, le comte se rendit avec son armée dans la vallée de S. Martin , pour porter du secours a la garnison du chateau du Ferrier, dont les Vaudois de la vallée , aidés de ceux du Val-Cluson , pressoient vivement le siège. II parvint a le faire lever, mais ce fut aussi ie seul avantage qu'il remporta pendant le séjour de plus d'un mois qu'il y fit. De retour dans ia vallée de Luzerne , il ponvoqua les principaux habitans du Taillaré ■, et promitdene plus les inquiéter,pourvu qu'ils missent bas les armes. Les députés n'étant point autorisés a prendre un tel engagement, déclarèrent qu'ils devoient avant tout consulter leurs frères ; mais le comte irrité les somma de lui donner une réponse sur-leciiamp. fis eurent la ioiblesse de lui promettre ce qu'il dernandoit, et ne furent pas longtems a s'en repentir. Dès le jour suivant, 17 avril, le comte de la TrinitÉ fit marcher deux gros corps de troupes yers le Frè-du-Tour , et envoya , pendant la nuit même , le reste de son armée au Taillaré. A peiney étoit-eile arrivée, qu'elle se mit a massacrer tout ce qu'elle rencontra. Mais comme son hut, en s'emparant du Taillaré, étoit, sur-tout, de faciliter 1'approche du Fré-du-Tour, elle continua sa marche cle ce cöté-la. Les Vaudois qui s'y étoient réfugiés , ayant été avertis de l'a]>proche de Pennend , se hatèrent de marcher contr'eux ; et quoiqu'ils ne fussent d'aborcl. que douze, six d'entr'eux arrêtèrent les pve^  76 Sixième persècution. / öfïers venus dans un sentier fort éfroit pra* tiqué dans le roe, tandis que les six autres, étant montés sur le roe même, accabloient de gros cadloux ceux qui s'obstinoient a forcer le passage. Sur ces entrefaites , nos douze champions recurent des secours avec lesquels, ils obhgèrent l'ennemi a la retraite. D'un autre cóté, ceux $ Angrogne se déiendirent si vigoureusement , qu'après plusieurs tentatives inutiles pour assaillir le Prédu-Tour, 1'armée dut se retirer du cóté de la Tour, en partie par la cóte Rossenc, en partie Ie long de Ia colline qui est entre ce bourg et Angrogne, Les Vaudois poursuivirent 1'ennemi jusqu'a lendroit nommé Ie Chiamp de la Rama, ou il voulut commencer a se remettre en ordre de bataille. Mais ils tombèrent sur lui avec tant d'impétuosité, que les soldats prirent la luite sans faire aucune résistance , et se réfugièrent en désordre dans le bourg de la Tour. Les deux corps d'armée qu'on avoit envoyé par Angrogne , pour attaquer le Pré-duTour, de concert avec Je détachement qui montoit par le Taillaré, ne furent pas plus heureux , et durent se retirer après une perte considérabje. II eut été facile , en poursuivant 1'armée fuyarde, de lui tuer encore beaucoup de monde. Mais les principaux chefs , et sur-tout les BARBES , ne voulurent jamais y consentir. \ ivement pénétrés de eet ardent amour des bouimes , dont le christianisme enflamme ses  Sixième persècution: 77 vrais disciples, ils avoient résolu, dès le commencement de la guerre , de se tenir sur la délènsive autant que possible, d'épargner avec soin le sang humain, et de n'user qu'avec la plus grande modération des victoires que DIEU pourroit leur accorder. Fidèles a ces principes, les barbes n'épargnèrent rien pour fes faire observer dans toutes les occasions, et un grand nombre d'ennemis leur ont dü la vie. Cette générosité, cette humanité admirable de la part des Vaudois, ne pouvoit manquer d'étonner leurs persécuteurs; aussi en ont-ils témoigné plus d'une fois leur admiration. Tous les historiens du tems s'accordent a dire que cette mémorable journée ne coüta la vie qu'a deux de nos ancétres , outre deux autres qui furent légérement blessés, et nos ennemis mêrue n'ont jamais dit le contraire. Ce succès éclatant réjouit extrêmement_ les Vaudois et leurs amis , et fit une vive impression sur 1'armée ennemie, et même dans tout le reste du Piémont. On vit le jour d'après un capitaine venir rendre le reste de sa compagnie au comte de la Trinité , en lui déclarant qu'il ne retourneroit jamais plus a. de semblables expéditions. Un autre officier avouoit encore qu'il s'étoit trouvé a plusieurs batailles ; mais qu'il n'avoit jamais vu les soldats aussi éperdus, que lorsqu'il falloit combattre contre les Vaudois. II ne sera pas inutile de remarquer, qu'outre 1'armée que le comte de la Trinité avoit lui-même livrée, le roi de France lui envoya,  78 Sixième persècution. a la prière du duc de Savoie, M. de MauGiron i avec dix compagnies d'infanterie, di M. de la Motte-Gondrin , avec d'autres troupes toutes composées de soldats choisis et expérimentés. Les Vaudois , très-inférieurs en nombre a leurs ennemis , ne reeurent j pendant toute cette guerre, que quelques foibles secours de leürs frères-de Provence. Le comte de la Teinité étant tombé malade , cette eirconstance , jointe aux grands succès des Vaudois , a 1'intercession de la duchesse Marguerite, et a la désertioil des soldats j qui voyoient qu'ils avoierit tout a perdre et rien a gagner dans cette guerre y engagea le duc de Savoie a entrer enhn dans des négociations de paix , et k demander que les Vaudois lui envoyassent des députés pour traiter avec lui. Daubigné, historiën francais, dit d'eux , k qu'ils étoient mal vêtus , mais 3) qu'ils n'avöient du village que 1'habit, et que 3) la modestie, 1'assurance et la sufiisance y 3> parurent bien d'ailleors. » II cite a cetie occasion un entretieh, que je rapporterai d'autant plus volontiers, qu'il me paröit peindre a merveille la naïve simplicité et la bonhomie des Vaudois. Cet entretien eüt lieü entre nos députés et GhasSincourt , écuyer de Ia duchesse Marguerite. Vöici les propres termes de Daubigné : « Chassincourt demande a Un de ces ma■» gnifiques ambassadeurs: De quel fronfpou-. j> vez-vous, vöus autres misérables , compaa roitre devant votre prince pour oser traiter,» après ayoir guerroyé contre lui ? De quelle  Sixième persècution. 79 » assuranre 1'osez-vous dédire sur le fait de 3) sa reiigion , autorisée par tout le monde , 3) contester contre un si grand prince, con3> seillé de docteurs , vous qui n'êtes que » pauvres patres ignorans de toutes choses, et 3) qui de toutes vos folies ne pouvez attendre » que le gibet ?.... * « Monsieur ( répondit le plus agé des dé3» putés) ce qui nous donne assurance de 3» paroitre devant notre prince , c'est que sa 3) bonté nous y appelle. Notre résistance a été 3) juste puisque forcée, et que DIEU 1'a voulu 3> approuver par ses merveilles. Encore n'avons3) nous point porté de résistance pour la perte 33 de lous nos biens; mais quand il a été ques» tiond'opprimer nos consciences,etd'éteindre » parmi nous le vrai service de DIEU, lors 3) nous avons vu notre prince executant a 3) regret ( comme nous croyons charitable» ment) les commandemens du pape, poussé 3> par les mouvemens d'autrui , et non plus » par les siens. Quant a la simplicité que vous » connoissez en nous , DIEU la bénit, paree 33 qu'il n'a que faire des grandeurs de la terre 33 pour exécuter de grandes choses. Les instop» mens les plus abjects lui ont été souvent 3> les plus agréables. Assez sages sont les coiv >3 seils c[ue fesprit met en avant; assez hardis 39 sont les cceurs qu'il échauffe 5 assez vigou-4 33 retix les bras qui sont fortifiés par lui. Nous 3) sommes ignorans, et n'affectons d'autre élo3J quence que de prier avec foi. Et quant a » la mort de laquelle on nous menace , la * foi du prince est plus précieuse que nos vies j  80 Sixième persècution. » et, en tout oas, celui qui a bien au cceui? » la era in te de DIEU , n'j a point celle de » la mort. » Ges paroies; suivant 1'expression de Daubigné, émurent Chassincourt a la réformation , et engagèrent plusieurs personnes de la cour a s'intéresser en faveur des Vaudois. Aussi le duc leur accorda-t-il la paix , par un édit daté de CAvoüR,le 5 juin i565. Cet édit portoit , en substance , « que le prince » pardonnoit aux Vaudois toutes les fautes 35 qu'ils pouvoient avoir commises ; qu'il con» firmöit toutes les franehises , immunités , » privileges généraux et particuliers qui leur » avoient été accordés , tant par ses prédé» cesseurs que par lui-même; et enfin, qu'on » leur laisseroit le libre exercice de leur reli» gion dans les vallées , la communication » et le commerce dans tous les états de S. A.» D'après cet édit, les Vaudois qui avoient été obligés de s'enfuir de Campillon, de lènil, de Bubiane et de Luzerne , furent rétablis dans la possession de tous leurs biens, de même que ceux de Riüclaret et de Faè't , dans la vallée de S. Martin , qui avoient été chassés de leurs maisons et de leurs terres, par les deux frères Truchet , dont nous avons parlé ci-dessus. Et ce fut a Philippe de Savoie , seigneur de Raconis, que les Vaudois furent sur-tout redevables de cette réintégration , ainsi que de ia pacificatiën qui 1'avoitprécédée. Telle fut la fin de cette persècution , qui devoit être 1'époque de la ruine totale des Vaudois, et qui eut pour eux les suites les plus  Sixième persècution. Qt plus funesf.es, malgré les succes qu'ils remportèrent constammeut. Les ravages de tout genre que les ennemis cbmmirent pendant leur séjour dans les vallées , avoient rumé tant de families , que la plupart d'entr'elles se virent dénuées de toutes ressources.^ Les pasteurs de Genève , instruits de leur situation, leur firënt passer généreusement des secours , et les engagèreut a envoyer des personnes de confiance auprès des autres églises de Suisse et d'Allemagne, pour impiorer leur générosité. Le célèbre Calvin se dislingua, èn cette occasion , par son zèle et sa charité envers les vallées. Les députés vaudois qui avoient été envoyés dans Pétranger , d'après le conseil des ministres de Genève, ne tardèrent pas d'être de retour dans leur patrie , avec des sommes considérables qu'ils avoient recues de Pélecteur palatin , du duc de Wirtemberg , du margrave de Eade, des cantons protestans de la Suisse, de 1'église francaise de Strasbourg, et de ceijes de Provence. Ces sommes soula» gerent beaucoup les infortunés Vaudois , et leur firent gouter d'autant mieüx les douceurs de la paix, clont ils ne jouirent maiheureusement que trop peu. Seconde partie. F  82 Septième persècution: GHAPITRE V. Septième persècution provoque'e par l'e'dit d'Emmanucl Philibert,du 10 fuin i565 , et dirigée par Castrogaro. Réjlexions sur cet édit. Les Vaudois obtiennent du repos jusqiden 1671 , par Pintercesswn de l'électeur palatin. JWalgré un traité aussi formel que celui de Cavpur, conclu de la part du duc , et signé d'un cóté par son cousin Philippe de Savoie, et de 1'autre par les principaux chefs des vallées , malgré les promesses solemnelles qu'on réitéra si souvent de ne plus inquiéterles Vaudois , ils se virent exposés, dès 1'an i565 , a une persècution plus cruelle encore que toutes celles qu'ils avoient soufïertes jusqu'alors. . L'édit d'Ernmanuel Philibert qui provorrua cette septième persècution , est. datée de Turin, du 10 juin i565, et mérite a tous égards que nous nous y arréiions quelques instans ; les principes qu'il renferme peignent admirablementle siècle danslecraei il parut , etle fanatisme qui le dietu. Comme les hommes étoient encore éloignés k cette époque des premiers élémens de la raison et de la philosophie qui ont fait de nos jours tant de progrès en Europe! Après un court préambule, dans lequel le duc de Savoie attribue la propagation de ce  Septième persècution. 83 qu'il appéïïè notre secte , k des malveillans rui , sous prétexte de sainteté , ne cherchoient ttu'atromperlès peuples, il cleclare qu il se sent plus animéde compassion que de ressentiment contre ces hérétiques. Pms ilajoUte: « Mais considérant que le support. dl une lelie i secte exciteroit la Colere de DTFU contre * nous; quelereposetlatranquihlepubhque * ne peuvent exister dans un pays ou il y a » deuxsortesdereligions, etétanl tres-deades » a maintenir dans nosétats 1'antique reiigion >> de la sainte éalise catholique romaine, etc. ne » voulaot pas iléanmoins procéder en toute ri» eueur contreles susdits,mais plutötuserde cle» mence etd'humanité, nous avons trouve bon, » d'après la déiihération de notre conseil, de » publier cet ordre if révöcable, par lequei nous » ordonnons h tous ceux qtri ne voudront pas « vivre suivant la susdite reiigion romaine, » qu'ils aient a quitter nos états dans le terme * de deux mois après la pubhcation des pre-, sentes; en quel cas nous leur permettons cie a disnoser de leurs biens,meubles et immeubles; » et quant a ceux qui ne se conformeront pas a » cet ordre, qui continueront adógmahser ,qui » vendrontles livres défendus de cette secte, ils 4 encourront la peine de mort et la conhsca» tion de tous leurs biens, etc. etc. etc. » Pour unlecteur quiréflécfcif, pour une ame lionnête et vertueuse , cet ordre est le renveisement de tous les principes de la nature , de la reiigion et même de la boliüque. De la nature, paree que les hommess etant rassemblés en société pour leur bien commun, F a  84 Septième persècution. n'ont pu „I votilu accorder au souverain que clans 1 efat; et eelte autorité , cuoiqu'en disent es ennem.s de 1'espèee humame, ne peuS cet oidie jamais aux pensees, aux ooinions T S*™* ^ peïéees desSr 1 e"'!0;116 iég'sIfteUr ™ doit jamais öescenche , c estun domaine sacré, sur ienuei aucUn homme au monde n'a rien a voP e Suple^ empire Sm' Ies -*-e„Ssats H Z ' gOUuei'nC ■ °«^P*« ies hornes de ses pouyotrs ; ,1 est, a coup sur , un tyran de lwf r SUr^S P'US ,n,"n» concepriou. aus i e é MqU/,t,0n Seu!e' cet^ahlissement iernWeserIets,sumroit pour faire VmieralW era ton des siéeles la meinoire de tous fel Le croiroit-oh cependant ; maleré les In »;eres dont nous ai„^„s tant'a ^^aujourd'huineammip^^^^S en Lurope et en faisantla ii.te desLuvernentens qui s'y trouvent, il y en auroit a neme trois qui ne mén tassen, pas d'être mi5 sm ce rang Mais Pe n'esf pas it?le lieu d'en faire tl numeration. I ne sera pas inutile, néanmoins d a,„uter que 'appèlle ^siteursTZ^. enlxeCr ^ * ^ c^cné, mais encoxe tous ceux qui parmi les protestans, les  Septième persècution. 85 Iuthériens et autres sectes seroblables, veulent s'ingérer dans Li croyance de leurs frei s-s , et leur prescrire des régies de foi. II ne manque peut-être a ces derniers que le pouvoir, pour faire autant de mal que les autres. A les entendre déclamer contre la secte catholique, vous diriez qu'ils sont la tolérance même. Mais on voit par leur conduite et par celle de la plupart des gouvernemens réformés, que Fin tolérance y joue un grand role. Les gouvernemens catholiques n'admettent, il est vrai, aucun réformé aux postes élevés de Fétat: mais qu'on m'indique un gouvernement protestant qui soit plus raisonnable Les principes du XVe. siècle respirent encore de Madrid a Pétersbourg. Si 1'ordre d! Em-manuel Philibert est contraire a la raison , il ne Fest pas moins au christianisme ; et ou est le cceur barbare qui a pu concevoir que la tolérance est un crime aux yeux de cet être tout bon, dont toutes les dispensations envers nous ne respirent que tolérance et support ?.... Quoi ! pour plaire a DIEU , il faudroit donc être des lions et des tigres, il faudroit se baïr et se décbirer, il faudroit détruire par le fer et par le feu tout ce qui ne pense pas comme nous! .... est-cela ce que nous dicte 1'évangile ? est- ce pour semer le feu de Ia discorde sur la terre qu'il a été donné aux hommes? — Mais il nous recommande, par-de«sus tout, d'aimer tous nos frères sans exception , nos ennemis même ; il nous exborte a ne Fure aux autres que ce que nous voudrions qu'ils nous» fissent; ( et il n'est assurément pas un homme qui désire d'êü'e persécuté, opprimé ) il nous. F 3  86 Septième persècution. dé.claxe enfin qu'en toute narion celui qui craint DIEU , lui est agréable; et il n'a pas voulu entendre sans doute que pour remplir cette condition, il faiile admettre toutes les rêveries des tyransdela pensee, qu'il faiile soumettreaveuglément ses opinions religieuses aux caprices d'un seul homme, ou d'uiïe ciasse d'hommes quelconques. Si je pouvois citer Emmaniiel Philibert au iribunal de la raison el: de 1'évangüe, je luidemanderois de me montrer les chartes de son infaillibilité, de produire des titres qui i'autorisent a persécuter tout ce qui ne pense pas comme lui, a s'ériger en mattre de la pensee du peuple qu'il gouverne. «tSi par un de ces s> événemeus , cmi sont du moins dans Fordre y> des possibles (lui dirois-je encore ) lesVau33 dois étoient parvenus a dominer en Piémont,' y> et qu'une de leurs families fut monlée sur le » tróne, auriez-vous été bien aise qu'ils eus»> sent prof essé les mêmes maximes que vous ? i) qu'ils se fussent. mis en tête qu'ils s'atlire35 roient la colère du ciel eii vous tolérant, et 35 que, sous cet étrange prétexte, ils vous eu$» sent banni de votre patrie en vous poursui33 vant par le f er el par lefeu ? Auriez-vousap3» plaudia leurs maximes, s'ils avoient envoyé >3 chez vous une horde de brigands pour piller » vos biens, vioter vos femmes,massacrer vos en#> fans, te tout paree que vous croyez a la messe, 3) au purgatoive, a la transubstanliation 'i 33 Ou bien prélcndriez-vous que ce qui auroit 3> été injuste , atrqcé de leur part, put être justé » et, humain de layötre ?..... "Quelque soit eu-  Septième persècution. 87 eore 1'aveuglement des peuples et les prétentionsabsurdes de certains gouverneniens.les hommes comprendront tót ou tard qu'ds n'ont jamais pu se donnés des maitres pour les oppruner et les égorger, comme un toucher égorgeun iiou> peau de moutons. Ils comprendront que les princes et tous ceux'qui s'attribuent la souveraineté, ne sont en efïétau corps pohtique que ce que la diete et la médeeine sont au corps humain ; c'est-a-diie des senlinelles destineesa mainlenir 1'ordre dans 1 état, a guérir parleurs soins et leurvigilance, les pïaiesquipourroieut tui être faites; ils comprendront que tout ce quivaau-dela estinjustice; que tout ce qui est du ressort de la pensee , n'a rien de commuu avecle gouvernement, et qu'un roi ,un prince n'a pas plus de droit a s'ingérer dans les opinions des peuples, qu'un médecm clans celles des malades qu'il est appellé a soigner. lis comprendront enfin que si 1'on a le droit etc renvoyer un médecin qui vousempoisonne au lieu de vous guérir, ou a bien aussi celui de rel user obéissance aux médecinspolitiques qui vous onnrimeut au lieu de vous gouverner. Et c'esl pour cette raison que j 'ai dit que 1'orclre publié par Emmanuel Puilïbert étoit nonseulement contraire a la raison et a 1'évangile, mais encore a la poliliqueméme. Kon pas, a la vérité, a cette poliuque astucieuse èt perfide, qui ne consiste cju'a tromper les hommes, asaisir ct a retenir avec lorce tous les movens possihles de les opprimer ; mssS a ietle politiqué sage et bienfaisante, qui repose sur les base* ctcruelles de la morale, qui na ï 4  go Septième persècution. des deux s'ar-roge impudemment le droit de dominersur l'autre,etde 1'opprimer auméprisdes loix les plus sacrées de l'évangile. Mais dans tout autre cas, ce principe est d'une absurdité palpable ; et 1'expérience le dément également. Je demande au lecteur sensé s'il y eut jamais de guerre de reiigion cbez les anciens , malgré les sectes sans nombre qui les partageoient; je demande si 1'on a vu quelqu'une de ces sectes persécuter 1'autre et troubler par-la la tranquillité publique ; je demande si dans les pays oü chaque secte a eu soin de se contenir dans les hornes de la raison, on a vu s'y élever cles dissensions intestines ? Les Etats-Unis de 1'Amérique, ce témoin si recloutable des folies de notre continent, neprouvent-ils pas, par le fait, qu'un grand nombre de sectes diverses peuvent vivre pfisiblement ensemble, et former i'état Ie plus florissant, lorsque le législateur est assez juste, assez .vaisonnable pour ne pas les avantager les unes auxdépens des autres? On obtiendra toujours les mêmes effets , lorsqu'on -emploiera les mêmes moyens ; et le jour n'est pas loin , peut-être, oü les puissances européennes rougiront enhn de leur long aveuglement, et comirieneeront a imiter 1'exemple de cette sage répubüque. D'ailleurs, qu'il me soit permis de le répéter encore ; il n'est pour un vrai chrétien d'autre reiigion que le christianisme; et tous ceux qui se parent des noms de lutliériens, de ré/ormés , de catholiques, de calvinistes, de jansénistes, etc. ne sont quedessectaires a ses yeux. Si cette véritési simple, mais malheureiisemcut  Septième persècution. Qï si peu reconnue , purvicnt jamais a reprendre ses droits, l'humanité aura fait un grand pas vers le bonheur , et les hommes recoimoitront ene-ore une fois, en dépit de leurs tyrans, qu'ils soni tous frères par la nalure, et que le bul du christianisme n'est que de resseirer ces Hens sacrés. Alors on ne demandera plus dam homme s'il est protestant ou catholique ; son titre de chrétien lui sullira , s'il y joint les vernis qu'il exige. L'époque oü nous yivons 11'auroit-eile pas été destinée par la sage providence k opérer cette révolution bienheureuse qui doit tant influer sur le bonheur de 1'cspcce humaine? Voir tous les hommes se réunir eu'in de nouveau sous les étendards du christianism b, abjurer les haines religieuses qui les divisent, ne se glorilier que du beau titre de CHRÉTIENS , ne reéonnoitre dans tous leurs semblables que desfrères.qai leur sont étroitementunis par les liens de la reiigion et de Ia nature; cette perspeqtive doit être délicieuse pour foute ame honnêie, et elïene peut êtreregardée comme une chimère que par ces hommes farouches et atlrabilaires, pour lesquels tout ce qui regarde le bcmhemde 1'espèce humaine est absolumeht inddïérent. Ces réflexions nous ramènérit a la suite 'de notre histoire. ■ - . Quelque faux , quelqu'iujustes que soient les principes sur lesquels repose 1'éditdu duo de Savoie/il n'en eut pas monïs sorfplein effet. Scbastien Gratige', de Castrocaro , toscan de naissance, 'et ecloned des milices ÜMmr  §2 Septième persècution. manuel Philibert éioit parvenu , k force d intrigues , a se faire nommer gouverneur des vallées. Ayant eule malheur de tomber prisonnier entre les mains des Vaudois, pendant la guerre précédcnte , il leur voua une hame d autant plus condamnable, qu'on 1'avoit traité avec tous Jes égards possibles pendant sa détentoqn. Mais son orgueil humilié lui faisant ou. bher tout Ie reste, il ne négligea rien pour nuire a ces ïnfortunés autant qu'il dépendoit de lui. II commencale cours de ses vengeances par faire emprisonner, sans forme de procés, le barbe Gilles des Gilles , par persécuter le barbe Hümbert, et par forcer leur confrère ■Lentule a quitter les vallées pour se retirer dans le pays des grisons. Gilles des GiLLrs fut conduita Turin en février i566. Onne négligea rien pour ie faire entrer dans la commuruon romaine;mais menaceset promesses, tout lut inutile. L'ordre d''Emmanuel Philibert s'étendant a tous ceux qui, dans ses états, ne voudroïent pasreconnoilre la cour de Rome , on se mit en devoir de persécuter également les Vaudois du -Bas-Piémont, et cesoin lut conbé au fiscal-général Barberi. Ennemi juré de tout ce qui ne portoit pas le nomde catholique, et violent au possible , il réunit tous ses talens pour exécuterdignement cette commission. Cani fut ie premier théatre de ses exploits. Cette ville avoit eudefouteancienneté des Vaudois dans son sein, et même en grand nombre» Tant qu'on eut besoind'eiu pour la défense de  q8 Huitième persècution. inagistrats qu'il établiroit, dans tout ce qui ne blesseroit point leur conscience. La lettre du roi de France et la. _ conclusion de ces articles ranimèrent considérablement le courage des Vaudois; et déja ces infortunées victimes du fanatisraése fiattoient de pouvoir jouir enfin de quelque relache, lorsque la nouvelle de la Saint-Barthélemi yint les plonger de nouveau dans les plus vives inquiétudes. Castrocaro n' eüt pas plutöt appnsles liorribles massacres qui caractériseront a jamais cette affrèuse journée dans les annales sanglantes de notre espèce, qu'il chercha a. faire éprouver le même sort a tous les francais qui s'étoient réfugiés dans nos vallées , pour éehapper a leurs bourreaux. La-dessus fa plupart des Vaudois crurent qu'il étoit prudent de se retirer; et ils alloient exécuter cette résolution, lorsque le duc, qui n'approuvoït point le barbare projet de castrocaro , leur fit savoir a tous cp'ils pouvoient revemr chez eux sans aucunecrainte, et leur donna même la permission derecevoir leurs frères de France, en les assurant qu'il ne leur seroit fait aucun tort. . . . Pendant que les uns et les autres jouissoient ainsi de quelque repos, les Vaudois de la vallée de Pérouse n'en étoient pas moins en proie a la persècution. Charles DE BiRAGUE , . fieutenant du roi de France dans cette vallée, s'étant convaincu crue toutes les iilstances seroient inutiles pour les faire désister de 1'exercice public de leur reiigion, en-  Huitième persècution. 99 gagea le parlement qui sicgeoit alors a Pi^■flero/ (au comraencemènt de 1'été i5y3 ) a envoyer un commissaire a la Pérouse. Ce commissaire h'ayarit point trouve les Vaudois disposés aluiobéir, BlRAGUE crut qu'il y réussiroit mieux par ie moyen des bayonnettes. En conséquence de quoi il fit partir. ses troupes de Pignerol le 22 juiliet, tomba avec eiles sur le village de S. Germain , et y surprit cincj sentinelles qu'il fit pendre peu de jours après. Les autres Vaudois se dé-, fendirent vigoureusement jusqu'a 1'arrivée du secours que le capitaine Frache leur amena d'Angrogne, et au moyen duquel ils pafvinrent a mettre en faxte 1'ennemi. Cette aclion fut suivie de plusieurs autres de moindre importance.et ce qu'il y a d'assez remarquable, c'est que ce fut pendant ces escarmouches que les habitans de la communauté de Prarnol, oh il y avoit alors beaucoup de catholiques , se décidèrent tous a embrasser la croyance des Vaudois. Le prêtre qui y disoit la messe, fut obligé de se retirer. Birague voyant qu'il n'avancoit pas beaucoup dans son projet, désira , enfin, de trailer avec les Vaudois, leur fit ptoposer de lui envoyer des commissaires, et la paix fut conclue a Pignerol le premier septembre. Charles IX, roi de France, étant mort le 3o mai de 1'année suivante , on vit arriver peu de tems après a Turin son frère Henri III, de Valois , qui revenoit de Pologne, ou il avoit abdiqué la royauté pour monter sur le tröne de sa patrie. Son passage fut marqué par G 2  ioo Huitième persècution. la restitution qu'il fit au duc de Savoie, de la* ville de Pignerol, de la vallée de Pérouse, et autres possessions qui lui appartenoient avant la guerre. Les réjouissances que 1'on fit a cette occasion , furent bientöt troublées par la perte de la duchesse Marguerite de Savoie. Cette princesse, dont tous les historiens s'accordent a faire 1'éloge, et qui ne cessa jamais de s'intéresser a nos ancétres , finit ses jours le 19 octobre 1674. La mort de cette généreuse protectrice faillit d'ètre trés-fuueste aux Vaudois. Leurs ennemis se levoient déja de toutes parts pour tomber sur eux, lorsque leurs protecteurs parvinrent, par leurs représentations auprès du duc, a arrêter cette nouvelle persècution, avant qu'elle éclatat. Le fruit de leur intercession fut une trève de qualre ans, c'est-adire jusqu'a la mort d' EmmanuelPhilibert, arrivée en aout i58o.  Marquisat de Saluces". 101 CHAPITRE VII. 'Précis de VhisLoire des Vaudois du marquisat de Saluces, depui§ leur premier établissement connu dans ce marquisat , jusqu'a Vannée i633 , qu'ils en furent entiérement dépossédés. Avant d'aller plus loin , il est nécessaire que nous nous arrêtions quelques instans aux Vaudois du marquisat de Saluces: Etroitement unis avec ceux de nos vallées, soit par les liens de la nature , soit par ceux d'une croyance commune , comme eux aussi ils ont été exposés a plusieurs persécutions plus ou moins violentes. Nous donnerons, dans ce chapitre , le récit de celles qu'ils ont soutTertes jusqu'a 1'année i633, qu'ils en furent entiérement chassés. Le marquisat de Saluces est sifué au midi cles vallées. II comprend plusieurs villes bourgs et villages , et est en général d'une grande utilité. La vallée du Pó , la plus septétïtriotiale de ce marquisat, est celle oü les Vaudois ont toujours été en plus grand nombre. Chacuu sait que le fleuve qui traverse cette vallée , tire sa source du Mont- Visol, et qu'a prés avoir parcouru une grande partie de }'Italië, il va se jefer dans le golfe de Venise. Le Mènt-Visol., oü il commence , sépare la vallée du Pó de la vallée de Luzerne: On avoit G 3  \02 Marquisat'-de Saluces. entrepns de percer cette montagne d'outre en outre ; mais j'ignore par qui et a quelle époque cel ouvrage a été commencé ; j'ignore également s'il a jamais été actieve, Ce souterrain est connu sous le nom de Pertus de Visol. Nous avöns'remarqué , au commencement du premier chapitre de la seconde partie de cette histoire, que les Vaudois de nos vallées avoient envoyé des colonies dans le marquisat de Saluces, dès le commencement du quatorzième siècle. Quelques recherches que nous ayons faites, il nous a; été impossible de découvrir s'il y avoit déja des Vaudois dans ce marquisat, avant fépoque dont nous parlons* Quoi qu'il en soit, ils s'y conservèrent dès-lors, et y formèrent.successïveraent plusieurs éghses très-ilorissantes , parmi lesquelles on dislinguoit sur- tout, en 1561, celles de Pravigiielm, Bidet, Bietpnet et Dronier. Les Vaudois de cette dernière église qui étoit alors sous la domination francaise, ayant appris qu'on venoit de permettre le libre exercice de leur reiigion a tous les protestans de la France, s'adressèrent a la cour pour avoir part aussi a cette permission, Mais les parentes qu'ils obtinre.nt ne tardèrent pas a être révoquées par les intrigues de leurs ennemis; et ils furent réd.uits, dans la plupart des églises de ce marquisat, a célébrer leur culte en cachette. On y comptoit néanmoins , dès-lors, neuf pasteurs. Gaelatée étoit pasteur des y illfs de Saluces , Savithm , Caramagnole y ïc Valeis et Villa - Palet; S.Masseran,  Marquisat de Saluces. io3 de Vezzol, Alpèse et Costillote ; F. Trtjcins , de Draaier ; A. La.NC.ia xcis , de S. Bami ah, Pallière et Carignan; V. Gelïdo, d'Accit; J. Lsoart , de 5. Michel, Pras et Cfoq%5AvF..SöUF, déPraviglielm^ B. Jordan , de Biolet et Bietonet, et un neuvième, de Demon et lestapna. On peut juger par cette énumération, combien les Vaudois étoient dès-lors npmbreux dans le marquisat de Saluces. Qu,,I droit a-t-on donc pU avoir pour les en chasser entiérement dan» la suite ?.... Le seul qu'aient les tyrans, le droit du plus fort. Les églises de ce marquisat n'avoient soutfert crue des persécutions partielles et peu considérables , jusqu'a 1'aunée i £72 , qu'a la suite des borribles massa'cres de la S. Earjhélemi, BiRAGUE, gouverneur du marquisat , recut ordre du roi de France de 1'aire mainbasse sur les principaux Vaudois de son gouvernement, et sur-tout sur ceux dont il trouveroit le nom dans la b'ste qu'il lui envoyoit. A la réception dé cet ordre, BiRAGUE assembla le conseil, pour lui en communiquer le contenu. Quekjues-uns des membres furent d'avis qu'on 1'exécutat sur-le-champ ; mais Fafchidoyén de Saluces ayant obseryé que, peu de mois auparavant, le roi lui-même a'/oit ordouné qu'on traitat ses sujets protestans avec la même douceur que les catholiques, et qu'il n'y avoit que de faux rapporls qui eussent pu Fengager a changer de résolution, le conseil conclut qu'il sumsoit de s'assurer 4es- ücrsomies dont les noms se trouvoient daaa. G 4  1^4 Marqiusat 'de Saluces. Ia lisfc, jusqu'a ce qu'on éut informé Ie roi, qu'il n'y avoif absoiüment aucun reprochea faire sur leur coiupfc , et qu'en cas qu'il perSxstat a vouloir ks faire mourir, ii y auroit toujours assez de teiiis pour' cela. Le courier que Biragüe ex'pédi'a pour apporïer ces remontrances k Ia cour, en ren, contra un autre qui eii 'venoit avec 1'ordre « de ne point exécufeui'édit précédent mais ? de prendre garde stu^uiéiit que les Vaudoitf 3> de son güuvernëmehfnëse 'soulevassent point 5) póur recouvrer 1'exeicice public de leur re-■•> ugipdj.» Ce contre-ordre engagea la plupart de ceux 'qui.avoient 'quitté le marrpiisat de Sahiees 'h'y renner, et ils y furent rétnblis cio-ns }a possession de leurs maisons et de leurs Les Vaudois de ce rttarcpiisat jouirent de qu.?!que repos jusqii'e'n ,i5d8 , qu'il retouraa ^ous la po>session du duc dé 'Savoie. Ce prince avant fait citer devant Ril plusieurs des principaux membres de 1'église de Dianier, les engagea d'ailér a la mësse , a force de promesses et de menaces. Mais ce moyen ne réus.sissant pas assez a son gré, il écrivit k tous les Vaudois du marquisat, en daie clu 27 mars 1*597» Pom' les exborter d'embrasser la commuhion romaine. Les Vaudois répondirent, « qu'étant très-persuadés que leur reiigion étoit 3) en tout conforme a ceüe de l'évangile, ils 3) ne pourroient jamais se résoudre a 1'abju31 rer; et qu'en conséquence, ils prioient le » duc de vouloir les laisser du moins aussi Iran33 quilles que les juifs, qui, quoiq u'ennemis,  Marquisat de Saluces. io5 * nés du nom chrétien, vivoientpidsiblement » dans ses étatè; » Gette répoiise 'suspendit la persècution dont ils étoient menaces, ■ jusqu'en i6"oi. . ' ■ Gharles - Emmanuel étant devenu alors mairre absolu du marquisat de Saluces, par l'échange de la Bresse, fit publier, au inois de juin , un édit par lequel il ordonnoit , « que tous les Vaudois qui, dans 1'espace de * quinze jours , n'auroient pas déclaré leur » iniention d'aller a la messe, eussent a quit» ter le marquisat deux mois après la publica» tion de 1'édit, et a n'y jamais rentrer, sous ■» peine de mort et de confiscation de tous » leurs biens. » • Les ames honnêtes et sensibles jugeront facilemenl de i'eiïët que cet ordre dut produire sur les infortunés Vaudois ; mais ce qu'ils croirout a peine , c'est crue toutes les instances qu'ils purent faire pour obtenir quelqu'adoucissement a ce décret, furent en pure perts. Ils se virent obligés d'ahandonner toutes leurs possessions, et de se retirer les uns en France, les autres a Genève, leg autres dans nos vallées. Les Vaudois seuls de 1'église de Fraviglielm } et de ses annexes , restèrent paisifetemént dans leurs foyers , paree que leurs ennemis , par une ruse bien digne cl'eux , étoient parvenus k persuader a ces bonnes gens qu'on ne les inquicteroit pas , vu la grande aritiquitë de leur église. Et, en efFet, on se cppduisit envers eux comme s'ils avoient été fo r ni el lemen t exceptés de Fjédit. Mais dès qua leurs frères des autres communautés se furent  i oG Marquisat de Saluces. enfuis, onleur déclaraque puisqu'ils n'a voie nt pas obéi a 1'édit , ils avoient tous encouru les peines qui y étoient contenues , et sur cela, ils se virent obligés de se retirer précipitamment sur les montagnes voisines , en laissant leurs femmes et leurs enlans a la merci de leurs ennemis. Ceux qui avoient des armes se retirèrent dans les bois du Chdteau-Dauphin, au nombre de deux cents. Ils avoient fait déclarer , avant leur départ, aux catholiques du voisinage, que se voyant persécutés injustement, ils leur laissoient leurs femmes et leurs enfans , avec promesse de leur rendre (comme le dit LÉGER ) et le bien et le mal qu'ils recevroient d'eux. Ces catholiques , qui n'avoient garde de les aller attaquer dans les bois , et qui craignoient les sorties qu'ils pouvoient faire , intercédèreiit si viveme-nt en leur faveur, qu'ils obtinrent pour eux la permission de rentrer dans leurs maisons et clans leurs biens. Ces foibles restes furent conservés jusqu'en i633 , mais sans d'autres pasteurs cpue ceux que leurs frères de la vallée de Luzerne y envoyoient de tems en tems , dans le plus grand incognito. Le z5 septembre de cette même année , ie duc Victor-Amedée Ier. publia un édit qui respiroit les mêmes principes que celui d'EMMAKUEL-PHlXiBERT , de 1'an i565, et qui futexécuté avec tant de rigueur, qu'il n'est plus reste depuis aucunes tracés d'églises vaudoises dans tout le marquisat. 11 y auroit une foule de réflexions a faire sur un ordre aussi injuste, et sur ceux du rnêms  Marquisat de Sahices. 107 genre qui le précéderent; mais j'en laisse le so'in a mes lecteurs. Je suis las de ifavoir a retracer que des attentats contre la nature , la reiigion et 1'humanité. Je voudrois pouvoir les couvrir d'un voile impénétrable, Mais la vérité m'oblige a parler , queiquesévères que puissent être ses accens; et ce n'est assurément pas ma faute si elle blesse les fanatiques et les bigots. Je me soumets d'avance a toute leur haine; c'est la seule gloire que j'ambitionne. Peut-être , néanmoins , parviendrai-je a réveiiler quelques remords , a exciter quelques larmes sur les injustices sans nombre dont mes ancétres furent les malheureuses victimes. Peutêtre même ( car il ne faut désespérer de rien) le gouvernement senlira-t-il enlin que 1'injustice seule ayant pu ravir a nos pères la possession de ce marquisat, et des privileges dont ils y jouissoient , il seroit de son équité de nous les rendre, ou du moins de révoquer 1'édit mconcevabie qui nous conline dans nos vallées , quelle que puisse en être la ponulation; édit impolitique , pom ne rien , ^6 de plus, qui force chaque année un grand nombre de nos compatriotes a quitter leur patrie pour n'y jamais revenir , et qui porte ainsi ie coup le plus sensible a la prospérité de l'état.  ïoö JEdit de 1602. CHAPITRE VIII. Détails sur ce qui s'est passé depuis Vavènement de Charles-Emmantjel au tróne, en i58o, jusqu'a son édit de 1602. Précis de cet ordre. Observation importante. Charles-Emmanuel n'avoit que dix-neuf ans lorsqu'il succéda a Emmanuel-Philibert son père. Les commencemens de son règne procurèrent quelques repos aux Vaudois. Les années i58o et i58i se passèrent sans . aucun événement remarquable. Les levées considérables de troupes qu'on lit dans le Piémont en 1S82 , firent craindre de nouveaux malheurs aux habitans des vallées; et Castrocaro , leur gouverneur, ne négligea rien pour, .cjonner du poids aux bruits qui se répag^ '4ent sur ce sujet. Ce ne fut cependant qu'ime fausse alerte, mais qui servit néanmoins a mettre fin a la tyrannie de cet homme cruel. Les plaintes nombreuses qu'on avoit portées contre lui, les crimes, et, en particulier, les assassinats dont il s'étoit rendu coupable, engagèrent enfin le duc a le rappeler, et, comme ii n'obéissoit point k ses ordres , a le faire prendre de force dans le chateau de la Tour; a lui conh'squer tous ses biens, et a le confiner dans une prison pour le reste de sa vie : punition trop foiblc encore, si on  Edit de 1602. 109 la compare aux mnux sans nombre qu'il avoit causé a nos ancétres. La fin de Pannée i582 fut marquée par un édit de Charles-Emmanuel, qui confirmoit aux Vaudois des vallées et a ceux de Eenil, CampilloM et Mombron, tous les privileges et immunités dont ils avoient joui jusqu'alors; mais cet édit ne parle point de leur croyance. Ce que j'y ai trouvé de plus rernarquable, c'est 1'intérinalion du sénat de Turin qui le suit, et oü 1'on voit la liste des privilèges antérieurement concédés aux Vaudois , dont le premier est au duc Louis , de 1'an 1448; le second , de 1'an 1402 ; le troisième , du duc Amédée , de 1'an 1466 ; le quatrième, de la duchesse Jolant, de 1'an 1478; le cinquièmè, du duc Philibert , de 1'an 1499; et le sixième, enfin , de 1'an löog ; tous , par consécpient , de long-tems antérieurs a 1'époque de la réformation ; et c'est ce qu'il importe beaucoup, de remarquer, pour fermer la bouche a toutes les objections de 1'ignorance. II n'est aucun de nos historiens cpii ait connu ces édits. A cette même époque, je veux dire en i582, les protestans du Dauphiné se virent plusieurs fois assaillis par leurs ennemis. Nos Vaudois les secoururent de tout leur pouvoir, en diverses occasions, et leur rendirent par-la de grands services. Ceux d'entr'eux qui se distinguèrent le plus, furent les capitaines PelLENC, du Viliard • Frache , de la Tour; et Appia, de S. Jean. Dans le recueil des édits , dont j'ai déja parlé piusieura fois, j'en ai trouvé un du 3  iio Edit de 1602. janvier 1584 , par lequel le duc ChARLEPEmmantjel connrme de nouveau tous les privileges de nos ancétres. J'y ai remarqué surtout ces expressións : Secondo Vanticö soliio, conforme d loro antichefranchisie. Cette antique coutume, ces antiques franchises sont Eour nous des preuves bien fortes , dans ia oucbe du gouvernement même qui nous persécutoit. Ce fut en i588 que le duc de Savoie s'empara du marquisat de Saluces. Deux ans après , une petite armée, sous les ordres du co tule de Gattinara, séjourna quelque tems dans la vallée de la Pérouse , mais n'y lit . rien de remarquable. Charles - Emmanuel ayant été occupé , pendant les années suivantes, a faire la guerre en Provence, les Vaudois des vallées jouirent d'une grande trancpiillité; il n'y eut que ceux de Matthias ,et de Méane , prés de Suse , qui firent exception ; encore parvinrent-ils a se racheter des poursuites de leurs ennemis , en leur donnant de grandes sommes d'argent. Les chefs auxquels le duc avoit confié la garde des vallées, n'y mirent pas tous les soins qu'elle exigeoit. Cacheran, qui commandoit la vallée de Pérouse , croyant les francais trop occupés dans leur patrie, pour songer a entrer en Piémont, négligea de faire faire les gardes nécessaires ; et une suite de cette négligence fut 1'entrée de LesdiguièRES , officier francais , qui arriva avec son armée sous les murs de la Pérouse, le 27 septembre i5g2. A cette nouvelle, les habitans de la vallée  Edit de 1602. ïil de S. Martin prennent les armes, envoient une députation aux Vaudois de la vallée de Luzerne, et de-la une autre a la eour, pour savoir ce qu'il 1'alloit faire dans une circonstance aussi ditïicile. La cour répond, que n'ajant pas de forces pour s'opposer a 1'ennemi , le plus sage étoit de se rendre paisiblement. Pendant qu'on fait cette démarche , Lesdiguières s'empare du chateau de la Pérouse , impose des contributions a toutes les vallées , marche sur Briqueiras, soumet sans résistance le fort de la Tour, ainsi que celui cle Mirebouc ; somma Vigon , ou se rassembloient les troupes piémontaises , et sur le refus du commandant de le rendre, 1'emporte d'assaut. Après cela , il ordonne a tous les seigneurs et habitans des vallées, de venir prêter entre ses mains le serment de fidélité au roi de France , les menacant de les y contraindre par la force des armes, s'ils s'y refusoient. Ce serment ayant élé prêté , LESDIguières va assiéger le chateau 1 de Cavour , situé sur un roe tout-a-fait isolé et fort escarpé , et 1'oblige, en peu de jours, de capituler. Leduc de Savoie étant revenu de Provence en i5q3, alla attaquer le fort d''Exil'es avec de grandes forces, et le réduisit. Les troupes espagnoles , milanaises et napolitaines , qui Favoient servi dans ce siège, marcbèrent ensuite sur 1'armée francaise, engagèrent le cotnbat avec elle , prés de Salabertran ; après quoi le duc ramena son armée en Piémont, et Lesdiguières renvoya la sienne, en partie dans le Dauphiné, en partie a Briqueiras.  112 Edit dé 1602. ChARLES-EmIvIAKTJel ayant fait brtir Ie fort S. Ben011, entre Pignerol et la Pérouse , alla attaquer celui de Miradol , Pernpoita , et tailla en pièces toute la garnison. Son armée marcha ensuite du cöté de Luzerne oü. elle se logea, ainsi qu'è. Bubiane, et dans les lieux voisins , en de-la du Pe'lice , du cóté du midi, tandis que les francais occupoient 1'autre cóté de la rivière, c'est-a-dire, le nord. On conclut alors une trève, qui dura jusqu'en septembre 1694. Le duc rouvrit la campagne par le siège de Briqueiras , et le prit après une assez longue attaque. II ne restoit plus ainsi aux francais que Cavour et Mirebouc. Charles- Emmanuel les prit lui-même en 1595. Dès 1'année précédente , il avoit fait appeler quelques-uns des principaux Vaudois , et sachant bien que la force seule avoir pu les engager a prêter le serment de hdélité au roi de France , il confirma tous leurs privilèges, et ne donna d'autre satisfaclion a leurs ennemis ( qui auroient voulu pro liter de cette circonstance pour les persécuter de nouveau ) que celle d'insérer le mot de pardon dans les lettres patente* qu'il accorda aux habitans des vallées, en date du 25 novembre 1594. Lorsqu'après s'être rendu maitre de Mirebouc , le duc redescendoit en Piémont, les principaux des Vaudois se réunirent au Viliard pour Pen féliciter , et lui réitérer les assurances de leur fidélité. Ce prince leur répondit, en présence cle toute sa cour : « Soyez>» moi seulement hdèles, et je serai toujours pour  Edit de 1602= 11$ 5» pour vous un bon prince er un bon père; i> quant a la liberté de vos couscionces et des y> exercices de votre reiigion, je ne ferai au5) tune innovation contraire aux privileges j) dont vous avez joui jusqu'è présent; et si 3) quelqu'un cberche k vous molesler, recou« rez a moi, et j'y pourvoirai. » Des promesses aussi cordiales et aussi lor-, melles consolèrent beaucoup les Vaudois , et leur firent concevoir les meilleures espérances pour 1'avenir. Mais elles ne furent point capables d'arréter la rage du ciergé , qui n'en continua pas moins a persécuter tous ceux qui lombèrent entre ses mains; et les jüsuites, sur-tout, se distinguèrent dans cette carrière*. Ils parvinrent même, a force d'iutrigues et de promesses, a séduire les capilaines Jean. Tron, de S. Martin, et Bernardin Jahler, de Pramol, en i5gq. Les ■Vaudois regrettèrent peu le premier, qui n'étoit pas un fort bon sujet. Quant a 1'autre, pn a scu dans ia suite, que se voyant recherché par le duc de Savoie , pour des abus d'autorité , il n'avoit trouvé d'autre moyen de se soustraire aux poursuites de la justice, qu'en em brasem t ia communion romaine. Si mes lècteurs ne comprerinent pas quelie conne.xion il peut y avoir entre ces deux objets, je les prierai, avant tout, d'oublier que nous vivons a la fin du dix-huitième siècle ; après quoi je leur ohserverai que, dans ma patrie, le passage du christianisme au catholicisme est un brevet d'impunite'; et s'ils croyoieut que je leur en impose, je leur citeröis 1'exemple trés - récent Seconde partie. H  li4 Edit de 1602. ( j'en ai été témoin moi - même en 1787 ) d'un jeune homme qui , s'étant rehdü coupable de sacrilège , en volant clans une église romaine de la Tour, avoit encouru la peine de mort et celle du feu, suivant les loix de 1'état. Pour sauver sa vie, il neut qu'a déclarer qu'il vouloit aller d la messe; et c'est ce qu'il lit en efï'et. Ön ne me croira peut-être pas mimx, si je dis que ce qu'on appelle , en Piémont , changement de reiigion, est non-seulement un brevet d'impunité, mais encore un brevet de fortune. Rien n'est plus vrai cependant. Les Vauclois ne peu vent -parvenu' qu'aux postes les plus subalternès, dans tous les genres , paree quïis ont Ie malheur de ne pas croire a ia transubstantiqtion , au purgatoire et au pape. Mais si quelqu'un d'entr'eux a da 1'ambition avec des talens ; s'il possède, suriout , 1'art de faire taire sa conscience , la la carrière des honneurs s'ouvre devant lui, dès qu'jl promet d'aller a la messe; et pour peu qu'il ait de protection dans le haut clergé, sa fortune èst assurée. Je dois dire cependant que ces changemens de reiigion sont assez rares, et que les exemples qu'on en voit sont tous, sans exception , fournis par des personnes dont les affaires se trouvent dérangées, et dont la conduite est fort sujelte a caution. L'amour se mêle aussi cjuelquelois de la partie ; et comme les loix ne permettent pas les mariages entre les Vaudois et les catholiques, on renonce des Jèyres a sa croyance, pour parvenir a posséder  Edit de 1602. liS ce crue l'ori aime; et voila comment de mau* vaises loix donnent naissanee a des crimes ; car c'en est üii sans doute que d'agir contre sa conscience. Je ne crois pas que de tous les Vauclois qui ont jamais embrassé le catholicisme, on puisse en citer un seüi qui 1'ait fait pa.v conviction. Les passions, t'intérêf et le crime en ont toujours été les seuis moteurs. Une remarc[ue qui pourra paroitre singuliere a mes lecteurs, mais qu'une longue expérienee a justifiée parmi nous, c'est qu'on n'a jamais vu prospérer clans nos vallées aucun de ceux qui ont eu la lacbeté de renoncer a la . croyance de leurs pèrcs : ils ont prescfua tous été 1'objet du mépris général pendant leur vie, et sont morts dans l'opprobre. ün ne peut citer aucune familie florissante de notre patrie, ciont les aiicêl rës aient quitté le cbrisliani.sme pour passer dans la eommunion romaine. Je ne tenterai pas d'expliquer ce fait, mais j'avoue qu'il m'a toujours siuguliérement frappé. J'en reviëns actuellement a la suite de mon histoire. Parmi les viclimes parücuUères de la per--: sécution , on rcmarqua, en avril 1601, Bartlielemy Coüpin , mai'chaild drapier , et ancien de 1'église de la Tour. Ce respectable vieillard étant allé, selon sa couiume , a la foire d'Ast, se Irouva a souper avec plusieurs marchahds catholiques. L'un d'éntr'eux s'étant mis a parler de la diversité des réligions, attaqua grossièrement celle des Vaudois* Coupin eritreprit de la défendre. a Comment, lui dit » son adversaire, vous êtes donc Vaudois 2 H 3  «i6 Edit de 1602. « Oui sans donte. — Et vous ne croyez « pas que DIEU soit dans l'hostie ? ^— Non. ,) üh ! quelle fausse reiigion que la votre ! « mm Ma reiigion est aussi vraie qu'il est vrai » qu'il existé un DIEU.... etCi » La-dessus Coupin fut appelé devant 1'évêque d''Ast. On 1'accusa d'avoir tenu des propos scandaleux , quoiqu'il n'eüt fait que défendre sa croyance; et pour conclusion , il fut jeté dans un cachot; car c'est ainsi qu'ont toujours raisonné les persécuteurs; et si les raisonnemens de ce genre ne sont pas fort concluans aux yeux d'un vrai chrétien , ils le sont du moins a ceux de 1'inquisition. Les habitans de la Tour ayant appris 1'em- firisonnement de Coupin , demandèrent sa déivrance au duc , qui parut s'intéresser pour iui; mais on le trouva peu de tems après mort dans sa prison, d'ou on ne le tira que' pour le faire bruler publiquement. Cependant ces persécutions particulières ne produisant pas grand eflèt, les ennemis des Vaudois parvinrent a obtenir du duc un nonvel édit cpii devoit avoir plus d'influence. fl est datéde Turin , clu 25 février 1602. Comme j'écris sur-tout pour mes compatriotes, je suis obligé d'en rapporter les principales dispositions, Afin d'empêcher, ce qu'on appelloit notre hérésie de s'étendre, le duc défënd d'abord, eous peine de mort et de conliscation des biens , de faire aucun acte religieux hors des limites des vallées de Luzerne , la Pérouse et Ü. Martin } ainsi que d'y tenir des écoles  "Edit de j 602. 'nj publiques ou particulières. II défend les maliagès entre les Vaudois et les catholiques , entre les catholiques et les Vaudoises , sous peine de confiscation des biens des parties contractante*. Aucun catholique ne pourra entrer dans les maisons des Vaudois, assister a leurs exercices ïeligieux , a leurs assemblees , etc. sans enedurir la peine de mort , et la conliscation de ses biens. Mais il est expressément défendu aux Vaudois de chereher a dissuader ceux d'entr'eux qui voudroient aller a la messe, et de s'opposer , de répondre même aux miss sionnaires qu'on enverra dans les vallées pour les convertir. Tous les Vaudois , sans exception , sont exclus des emplois publiés dans I'étëndue entière des états dn duc ; et ceux qui en possèdent sont obligés dc les abandonner. 11 ne leur est pas même permis d'avoir des nolaires de leur croyance, pour passer leurs actes et reeë voir leurs. deruières dispositions. Enfin , il est défendu a tous les catholiques, sous peine de eonüscation , de vendre ou louer des biens meubles et immeubles aux Vaudois ; et 1'on mande a tous les officiers civils et mibtaires de tenir sévèrement la main k 1'exccution de ce décret. Il y auroit ici mille observations a faire.. Je ine borne a une seule qu'il importe de rappeler souvent : c'est que les Vaudojs étoient en possession des vallées et des villes de Bri~ queiras, F etui, Campil/on , Bubïane , Luzerne , ainsi que du marquisat de SalucesT. ïï 3  i )8 ' Edit de 1602. lon?-tems avant que les ducs de Savoie fussent princes de Piéfnout; et que, s'ils se sont mis sous leur protot hou , ce n'a été que sous la condition expresse qu'on ne les molesteroit point , et qu'on ne leur arracheroit pas les droits qu'ils tenoient de la nature même. Aussi traitèrent-ils avec le couite Thomas, tors de son entree dans le Piémont; et c'est sur ce traité que sont fondés les privilèges, les ira* munités qu'on leur a si souvent renouvelé et conb'rmé,et qu'on a plus souvent vtólé encore. Que 1'on juge, après cela, de la justic© de 1'ordre que je viens de rapporter. Mais 011 11 'y regardepas de si prés avec des liéréliques ; et il n'est aucune iniquité , quelque grande qu'elle puisse être, qu'on ait Fartde faire passer a la faveur de ce titre , inventé sans doute par le plus malfaisant de tous les génies. Et puis les tyrans de la perasée viennent encore nous dire qu'ils n'ont a cceur, dans tout cela , que les intéréts de la reiigion!... .Oui, mais tte la reiigion des scélérats, et non pas de celle de 1'évangile.  Neuvième persècution. CHAPITRE IX N'euvicme persècution. Trois commissaires aux vallées. II arrivé successivement d Turin deux envoyés extraordinaires de la Grande-Bretagne, pour intercéder en faveur des Vaudois. Les francais entrent en Piémont. Mort ^Charles-EmmanuelIer. Vigtor-Amédée lui succède. M. A, Rorenco et Belvédère écrivent contre les Vaudois,ei sont refutés par P. GlLLEjS. Années 1602 d i6Sj. X? J_jN eonsequence de 1'ordre public par Charles-Emmanuel , on vit arriyer a Luzerne: tiois cominissaires , Ie comte Charles, seigneur de cette ville; Ie chevalier Ponte, gouverneur de Turin et des vallées , et l'archeyêque Beoglla. Ces délégués, qui étoient accompagnés d'un grand nombre de moines el de jésuites , firent appeler devant eux tous les cheis de familie de Luzerne . qui siüvoient la croyance des Vaudois, et leur ordonneren* de quitter cette ville, a moins qu'ils ne voulussent aller a la messe, Leurs menaces effrayèreut quelques ames foibies, qui se plièrent aux circonstances ; mais ie plus grand nombre fut inébzanlable. De Luzerne, les commissaires se rendirenï m Bubiane, qui comptoit nombre de families; vaudoises dans son sein Js mais ou ils ne purefi* il 4  i2o Neuvième persècution. faire aucun prosélyte. Comme ils attribuoïent cette ferme té au zèle de quelcpies-uns de leurs principaux, ils envoyèrent a Turin, par devers le duc , les frères Valentin et Matlhieu Boüle , S. Falc et P. Moresc. Valentin Bouj.e avant élé introduit devant le prince, cclui-ci le pressa très-vivement d'embrasssr la communion romaine , et d'engager les autres .Vaudois de Bubiane a en faire autant. VaJentin répondit qu'il ne pouvoit se prêter aux dêsirs du duc, sans biesser sa conscicnce, et fut congédié fort amiablement; mais ses compagnons, moins courageux, promirent tout ce qu'on voulut, et ne tardèrent pas a s'en repentir. Cette foiblesse fut suivie de 1'ordre positif qu'on iniima a tous les Vaudois de Cam•pillön , Fenil et Bubiane, qui ne voudroient pas aller a la messe, d'en sortir dans 1'espace de cinq jours , sous peine de mort et de confiscation des biens. On Out beau protester contre un ordre aussi injuste , aussi évidemment contraire aux promesses les plus formelles du duc, et k tous les privileges accordés et ratïfiés par ses prédécesseurs , ce prince se contenta toujours de répondre qu'il ne pouvoit, peur le moment, accorder ce qu'on lui demandoit; et ensuite de 1'ordre qu'il avoit donné, toüs les Vaudois de Luzerne, Fenil, Campillon' et Bubiane, qui ne voulurent pas y obéir, furent crueltement chassés de leurs maisons. De la vallée de Luzerne, l'archevêque Bro. Gt.la passa a cciic de In pérouse; mais il n'y eut pas plus de succès*  Neuviêtne persècution. 121 Le gouverneur PöNTl élant retourné a Turin pendant L'absence du duc, y fut arrêté , on ne sait pourquoi, par les ordres.de la cour , et dépouillé de tous ses emplois. Les Vaudois saisirent cette occasion, p?Ür s'adresser au comte de Luzerne, quijotiissok alors d'une grande inflnence, et 1'nitércsser en leur fnveur. Le comte leur promit de ne rien négliger a cet égard , et rcpartit pour Turin. La requéte des'Vaudois fut présentée au duc; mais elle n'eut son plein elf et qua Cqni, oü il s'arréta en aÜant a Nice, et d'oü il publiaun nouvel édit le 9 avril i6o3. Cet édit portoit en substance : « Qu'il étoit perr » mis aux Vaudois de faire bbfémeht leurs » exercices religieüx dans toute 1'élendue des » trois vallées , d'avoir part aux emplois pu» blies et de commercer avec les cathohi) ques. » L'année suivante nos vallées perdirent le barbe D. Vignaux, inëffif de la Gascogne , et qui avoit exereé le ministère parmi les Vaudois pendant longues anné'es. Le synode national des églises de France, qui venoit d'être convoqué a Gap dans fe Dauphuié, avoit demandé aux directeurs des églises vaudoises de vouloir enveyer au ministre Perrin tous les livres et manüscrïts vaudois quils pourroient recouvrer. Vignaux fut cbargé de cette commission , et s'en acquitïn avec beaucoup de soin ; mais son grand age ne lui ayant pas permis de faire le voyage de France, eommë il se 1'étoit proposé, envoya a sa place son fils Jean V igsaüx, et c'est  122 Neuvième persècution. sur les'mémoires qu'il remit k Perrtn, que ceiüi-ci a composé son histoire des Vaudois. Ji ne s'est rien passé de mémorable depuis 1604 jusqu'en 1613. La guerre s'éüyit alors adumee dans le Montferrat, tous lessujeis du duc en etat de porter ley armes , et les Vaudois en particulier , furent obligés de marcher pour défendre les 1'rontières. Nos ancétres se conctuisirent dans eelte circonstance avec: assez de distinction pour mériterYapprohation particuliere _ du prince, et l'assurance qu'il nouolieroit jamais les services qu'ils venoieut de !ui rendre. Ils ne se distinguèrent pas moins lannée suivante, dans la guerre qui survint entre le roi d'Espagna et le duo de Savoie, et pendant laquelle on leur confia la garde tie Vercei/. Mais ils eurent lieu de se convaincre durarit ie séjour qu'ils firent hors des vallées, combien le fanatisme ealomniatcur éton actif et atroce k leur égard- Dans les endroits éloignés des grandes villes, tous les habitans fuyoient a leur approche, paree que des monstres cle scélératesse étoient parvenus a leyjj persuader « que les Vaudois > fiIa devoient arriver parmi eux étoient des » brigancis , dont la plupart n'avoit qu'un » ceil au milieu du front, et quatre rangées » de dents longues et noires; qu'ils man»' geoient leurs ènfans, après les avoir fait » rótir; qü'ifs blasphêmoienl contre DIEU; * TJ.'l!s u'étoient pas chrétiens , etc. etc. et » mfile autres horreurs de ce genre. » Aussi les habitans qui avoient eu le courage de ne-  Neuvième persècution. 12,3 ne pas abandonner leurs maisons, étoientils tout tremblans lorsqu'ils y voyoient entrer un Vaudois; mais ia douceur et Phonfièteté qu'ils remarquèreut dans toute la conduite de ces prétendus mangeurs d'enfans , ne lardérent" pas a les désabuser sur leur compte , et ils en vinrent dans peu a les aimer de tout leur cceur. Lesannées suivantes n'offrirent d'autre événement remarquable que la publicalion d'un édit, par lequel ii étoit défendu aux Vaudois d'enterrer leurs moris dans les cimetières catholiques, sans doute de crainte que ïhérésie devint épidémique parmi les cadavres. Ce même décret ordonnoit aux habitans de S. Jean de fermer le temple qu'ils avoient fait batir peu d'années auparavant, et exigeoit des trois vallées une contribution de six mille ducalons. Quelque dures cpue fusseut ces condiiions , les Vaudois furent^ obligés d'y souscrire, On poussa même les prétentions üisc[u'a les obliger de tramsporter ailleurs ceux de leurs cimetières etui étoient contigus aux cimetières des catholiques. En 1622, on vit paroitre aux vallées la bulle du pape Grégoire XV, dans laquelle il accordoit au duc de Savoie la dismie des revenus ecclésiastiques qu'on recueilloit dans ses états. Les personnes qui réfléchissoicnt, virent dès-lors qu'on ne manqueroit pas de persécuter les Vaudois, pour témoigner a sa sainteté toute la reconnoissance que méritoit une générosité aussi singulière; et c'est ce cruï at't'iva en effen  124 Neuvième persècution. Le préfet de Saluces ordorina k tous les Vaudois de Pravig/ie/m de cbmparoitre devant lui; et sur le refus qu'ils firent de lui ebéir, il les condamna tous a un bannissement perpetuei. 11 n'j eut qué les instances de Les3iJGV"u.RFS aüprès du duc , qui furènt cnpahles de fghe révoquer cet ordre ; encore ne voiilut-ön le faire que verbalemenr. Outre les Vaudois dont nous avons parlé jusqu'ici, il y en avoit aussi un grand nombre dans la vallée de Barce/one , dépendante du cardinal de Savoie; mais ils en furent tous cbassés en avril 1620 , et se retirerènt en Dauphiné, a Urange , k Lyon , ou dans nos vallées. L'orage que les personnes clairvoyantes avoient commencé a craindre , dès i'année précédente , paroissoit ne pas devoir tarder a éelater; mais on n'en vit encore que les avant - coureurs jusqu'en i655. En janvier 1624 , on lit marcher un régiment d'infanterie dans la vallée de Pérouse, afin de forcer les habitans a démolir les temples qu'ils y avoient construits, au nombre de six, quoique dans tous les édits publiés jusqu'alors, on n'eul fait menlion d'autre tempte c[ue de celui de S. Jean. Comme les Vaudois de celle vallée n'étoient pas assez en forces pour soutenir leurs droits, ils duren! consentir a la démolition qu'on exigeoit. Malgré celte condescendance , les ennemis ne laissèrent pas d'attaquer vivement Ie bourg de S. Germain , et après avoir obligé les Vaudois de i'abandonner, ils les poursuivirent jusqttes sur les  Neuvième persècution. aa5 hauteurs voisines. Celte perfulie suspendif pour quelques jours les conferences ; mais enfin les troupes ennemies furent réduites a se retirer. Le bruit des mauvais traiiemeus qu'on faisoit endurer aux Vaudois, s'étunt répandu clans Pétranger, on vit arriver a Turin , en 1627, un ambassadeuï extraordinaire cie la GrandeBretagne, pour intercéder en leur faveur aüprès de la cour. 11 en obtint la promesse qu'on cesseroit de les molesler ; et rc-partit le 20 octobre, en retomiuandant ses protégés a divers seigneurs de sa connoissance. Èn 1628 , l'atnbassadeur des états-généraux des Pro vin ces- Unies, a Constantinopie, nom mé HaacqüE , ayant désiré d'avoir un ministro qui possédatdiverses langues,et qui put correspondre avec les chrétiens de 1'Orient, on lui envoya de nos vallées le P. Antoine Léger, qui séjourna plusieurs années auprès de lui. Dans la même année 1'armée francaise sous les ordresdu marquisd'üxel , faisoit nn'nede vouloir entrer en Piémont; mais les Vaudois, aUxquels le duc avoit conlié la garde desfrontières des vallées , y firent si bien leur devoir , que 1'ennemi ne put percer par aucun cóté. C'esta cette même époque que Marc-Aurèle Borenco , prince de Luzerne , er fils de J. B. ftORENCO , comte de la Tour, ibnda dans ce bourg le couvent des moines capucins quiy sub-, siste encore aujourd'hui, et qui a joué un róie dans I'histoire denos vallées. On vit arriver a 'Turin, 1'année suivante, un nouvel ambassadeur extraordinaire, de la  iz6 Neuvième persècution. part de F Angleterre, nommé Carlile, II intercéda vivement au pres du duc pour qu'on laissat les Vaudois en repos, et obtint de lui les témoignages les plus honorables en leur faveur ; mais il s'appercut aussi que si ia cour éloit assez bien intentionnée a leur égard, 1'implacable clergé savoit toujours trouver quelque moyen de rendre ces bonnes 'dispos;tions inutiles. Un des principaux ressorts que ce clergé employa, ce fut 1'envoi d'un grand nombre de moines, qu'il établit dans diverses partjes des vallées ; mais ce moyen ne réussit pas mieux que les précédens ; on ne put engager aucun Vaudois a aller les entendre, ni a fournir a leur entretien , comme on 1'exigeoit d'eux. Cependant, comme cette nouveauté pouvoit avoir des suites fuHëstes, et qu'elle étoit d'ailleurs contraire a toutes les promesses du duc, la vallée de Luzerne s'adressa a lui , en janvier 1629 , pour en obtanir justice. II lui fut répondu par son fils Victor- AmÉdée , qui prdonna au comte de Luzerne de pourvoir a ce que les Vaudois fussent maintenus en tranquillité. La plupart des moines qui avoient déja. pris leur demeure dans les vallées, furent obligés de se retirer. A Ja findefévrier de la même année (1629), on apprit que 1'armée francaise s'avancoit M grands pas du cóté de Briancon, pour entrer dans les vallées ; mais ce ne fut qu'une terreur panique; car il fut conclu peu de tems après un accommodernent entre la cour de Turin et celle de la France. Cependant, tous  Neuvième persècution, 127 les Vaudois avoient déja pris ies arm es pour la défense de 1'étal; c'est ainsi qu'ils se vengeoient des persécutions et des désogremens de tout genre qu'on ne cessoit de leur faire essuyer. L'accommodement ayant été rompu , les francais entrèrent en Piémont du cóté deSuse'„ et se trouvèrent sous les murs de Pignerol dès le 20 mars de 1'aü ió'3o. Cette ville fut obligée de_ se rendre trois jours après. Les vallées hésitoient encore a suivre son exemple, lorsquelles furent io in méés par le maréchal de Schomberg , de se soumettre avant quatre jours, Comme il n'y avoit aucun secours a espérer de la part du duo, l'assemblée génén rale des clieis de familie et des seigneurs du beu , vota pour la reddition , a condition néanmoins qu'on ne les forceroit pas a porter les armes contre Charles-Emmanuel, Une peste trés - maligne qui passa de la France en Piémont, y cansa cette année de grands ravages , et emporta , en particulier , Ia plupart des pasteurs des vallées. ChaRLESAnüel HioUrüt aussi a ia même époque, après avoir régné cinquante ans. II fut rempiacé par son bis Vicyor-Amédée ler. L'année suivante , la paix fut conclue a Queinasc , en Piémont , entte les cours de Turin, d'Espagne et de France. Cette dernière conserva la ville de Pignerol et la vallée de S. Martin. Les commencemens du rèene de VictqrAmédée Icr. parurent de bon aügure pour les V audois ; et les effets auroient continué, sans  128 . Neuvième persècution. dpute , h répondre a ces apparences fayorables , si les inquisiteurs avoient partagé la modération de leur prince. Mais le sang seul pouvoit satisfaire ces fanatiques inslruinens de ïa cour de Rome. Ils crurent que des disputes cónfiéesades moines habiles , auroient quelques succes. Eri conséquence , M. A. Rorenco , dont nous avons parlé ci-dessus, composa plusieurs ouyrages , qui attestoient également son iguorance et sa mauvaise foi, mais préeieux par les aveux que la force de la vérité lui arrache de tems a autre. Ce sont ceux que nous avons cilé clans la première partie de cette histoire. Le moine Belvédère voülut aussi entree en lice et publier des livres; mais leurs écrits furent réfutés victorieusement par P. Gilles, pasteur a Ia Tour, et auteur de I'histoire des Vaudois, imprimée a Genève en 1644, dont nous avons parlé dans notre préface. li rend compte lui-même , eu détail , de ces diverses réfutations, a la fin de son ouvrage. Les années i63i a 1687 se passérent sans aucun événement mémorable. 11 n'y eut que la dernière qui fut marquée par la mort du duc VlCTOR-AmÉDÉE ; et comme son fils étoit encore mineur, le gouvernement tomba entre les mams de la duchesse ChrÉtiéNNE , sceur du roi de France. CHAP1TRE  Massacres. iz soit en les livraht aux inquisiteurs; s'ils ne comparoissoient pas,-les condamner saus les nvoir entendus, les bannir , confisquer leurs biens, sans avoir voulu leur permet tre de se conslituer devant leurs jugas ordinaires et seuls légitimes, comme plusièuts d'entr'eux Favoient demandé, etc. etc. »— Tels sont lesprincipaux moyens qu'employa ïa propa-gandc pour exterminer les Vaudois; ef l'esquisse que nous venons d'en trater, sufiira pour donuer une idéé de tous les autres. II iaudroit avoir eu entree dans cet antre da- I 3-  Mass acres. scélératesse , pour pouvoir présenter un ta-* bleau complet de ses crimes. Cependant ces menées, quelque perfides qu'elles fussent, n'avoient pu séduire qu'un petit nombre de personnes perdues de conduite, et qu'on n'eut par conséquent aucun sujet de regretter, Un incident malheureux arrivé au Viliard, fournit de nou velles armes aux agens de la propagatide. On étoit parvenu , depuis quelques années, a établir un couvent de moines dans ce bourg. tin infame traitre, qu'ils avoient gagné, en lui fiiisant obteoir grace pour tous ses crimes, travailla a animer les Vaudois contre ces missionnaires , avec lesquels il avoit ourdi sou plan. II attira d'abord dans ses filets la femme de Manget, pasteur du lieu , Joseph et Dapiel Pellenc , et les engagea a proposer une assemblée ou 1'on décideroit de chssser les niomes eh question. Cette assemblée fut convoquée aux Boujssés, dans la commune de la Tour, le 22 mars i6~53. Elle désapprouva hautement le projet que Manget présenta , et le censura vivement , ainsi que tous ceux qu'il avoit amenés avec lui. Malgré cela, sa femme ayant fait un faux rapport aux Peleencs , de ce qui s'étoit passé dans l'assemblée, son avis préyalut dès le soir même; et 1'on chassa, non-seulement les moines, mais on ruit encore le feu a leur couvent. Ces deux jeunes gens ont protesté , clans la suite , qu'ils ne se seroient jamais portés a un tel excès , si on ne les avoit trompés de la manière Ia plus infame sur la décisiqn de l'assemblée d.es,  Mass acres. *35- J3ouyssés, et si on ne leur avoit assuré,_surtout, que ces moines étoient venus s'établir au Viliard contre les privileges accordés auparavant aux Vaudois. Quoi qu'il en soit,on juge bien que les inquisiteurs ne laissèrent pas echapper une aussi belle occasion. Ils eurent soin de la revétir de toutes les couleurs de la calomnie; et eu la présentant sous cette 1'orine a la duchesse ré* gerrte , ils 1'engagèrent a faire partir cinq oit sik mille hommes , sous la conduite du comleTedesco, pour aller surprendre et bruler le bourg du Viliard. j/LÉGek, alors modérateur des vallées, prévoyant que l'exccs commis dans ce bourg auroit des suites funestes , s'étoit rendu , aveö les principaux de son égiise ( S. Jean) et des églises voisinesdevant le magistrat de la vallée , siégeant a Luzerne. II y protesta haulement de 1'innocence de l'assemblée des Uouyssés , ei de la commune du Viliard, dont il n'y avoit que quelques particulierS qui se fussent rendus coupables ; il olï'rk même , ar* nom de tout le peuple ,de pré ter mam-forte a Ia jUStice si elle vouloit s'en saisir. Cette démarche n'arrèta pas néanmoins le C. Tedesco, qui avriva iusqu'aux portes du Viliard, saus rencontrer la moindrc résistance. Mais au moxnent de 1'attaque , il tomba heuteusement uno si lor te pluie , qu'aucun des soldats ne put faire sa décharge. Les Vaudois qui étoient abrités, donnèrenMout de suite i'alarme , ce qui , joint a 1'approcbe de la nuit, obligea le C. TEDE.scode relourner a Luzerne as ze ses troupes^ sans avoir rien pu exécuter. I 4  '36 Massacres. Cet heureux dénuuement de'routa un peu la propagande, qui avoit fondé de grandes espérances sur 1'aifaire du Viliard. Mais aussi ïertile en ressources que criminelle dans ses projets, elle ne tarda pas a saisir de nouveau* mojt ns, qui devoient aboutir infailliblement, suivant elle,a 1'entière destruction des Vaudois. On ne men croiroit peut-être pas, si je ne faisois que raconter un des moyens qu'elle voulut eroployer immédiatement après celui qui venoit d echouer ; mais je 1'appuierai, dans la suite, de toutes les autorités propres a mériter la plus grande confiance a mon récit. Je dois me Lomer pour Je moment au fait même. Ce moyen étoit de faire égorger tous les Vaudois par 1'armée francaise, qui se trouvoit en Italië , sous les ordres du maréchal de Grancé. C'éloiten janvier 1564. ^e foi avoit assigné pour quartiers o'hiver a celte armée , le Dauphiné, la Bourgogne , Ja Provence et le Languedac. Ces provinces offrirent des sommes considérables pour s'exempter du logement ; et le marechal de Gra'ncé accepta d'autant plus voiontiers cette proposition, que la cour de Savoie s'oifroit a ies loger dans nos vaïlées pour beaucoup moins dargent, quoiqu'ii y eut déja. en quartiers 1'escadron de Savoie, qui étoit fort k charge a ses habitans. . D'après cet accord, G rangé fit avartcer ses troupes vers les vallées , et se rendit a Pignerol pour leur assigner des logemens. Pendant ces, entrefaites, la propaganda  Massacres. iSj quoique parfaitement instruite de la convention qui venoit d'être conclue entre la cour de Turin et le maréchal, ht agir des capacins, quelques seigneurs des vallées,et d'autres émissaires, pour persuader aux Vaudois c[ue c'etoit contre 1'intention de la duchesse régente, que ces troupes étrangères renoient ioger dans ses états. A force d'artifioes on parvint a leur faire croire} et on les engagea par la a prendre les armes pour s'opposer a i'entrée de 1'ennemi, • qui étoit déja dans la vallée de Luzerne. Le gros de cette armee se trouva, le 2 février 1654 » devant le bourg de la Tour, pour le forcer,et obliger les Vaudois a lui fournir du logement. Quoique tous les habitans du Viliard et de Bobbi, en état de porter les armes, s'y lussentrendus pour défendre le passage, les troupes francaises étoient si supérieures a tous égard** sur-tout paria cavalerie, qu'il est probable que ce poste n'auroit pu tenir long-tems, et que les soldats irrités par la résistance qu'on leur avoit opposée, n'auroicnt pas manqué de mettre tout a feu et a sang. C'est en etïët ce qu'ils avoient dit hautement, dès qu'ils eurent appris que les Vaudois étoient sous les armes pour leur défendre I'entrée des vallées. Dans cette extrémité, et au moment même oü 1'on alloit donner 1'assaüt, Léger courut se jetter aux pieds du maréchal, lui découvrit touie la trame ourdie par la propagande, et le pria de se procurer un billet de la duchesse, en lui promettant que dès qu'on le verroj) } toutes les vallées recevruient ses troupes,  ï38 Massacres. sans aucune résistance. Ce billet étant arrivé dès le lentiernain, 1'armée entra paisiblement dans ses quartiers. Nous 1'avons déja dit ; on a eu, dans Ia suite, des preuves incontestables cpie le dessein des ennemis des Vaudois étoit de se servir de ce sfratagêrne pour les détruire entiérement, ou pour les affoiblir , du moins de manière qu'on pdt en avoir bon marcbé 1'annéesuivante, époque oü 1'on se proposoit de les faire disparoitre pour toujours .de la surface de la terre. Léger s'élant rendu a Paris , après les horribles massacres qui signalèrent cette trop fameuse année, rencontfa un capitaine du régiment de Crancé, qui alloit voir le maréehaL Celui-ci n'eut pas plutót appris 1'arrivée de Léger, qu'il le fit prier de se rendre chez lui. Voici en substance le discours qu'il lui tint : —* « Mr. le » pasteur, je connois fort bien a présent, ct » déja 1'avois-je fort bien reconnu ci-devant, 33 qu'on se vouloit servir de moi pour vous « couper a tous la gorge, et puis me faire » trancher la féle a moi-roéme , quand ina3) dame la duchesse me disoit de loger mes 3> troupes aux vallées, et que cependant on 3) menacoit de sa part les vallées de sa to33 tale disgrace , si elles les recevoient, comme 3> vous m'en donnates vous-même a la bonne 3> beure le salutaire avis devant le boUrg de » la Tour. C'est pourquoi, Mr. Ie pasteur, si 3> vous avcz besoin de moi auprès du roi mon » maiire, je suis pïêt è monter lout h 1'beure » en carosse pour vous aller présenler a sa  Massacres. 189 » majesté , et 1'informer de ce que j'ai décou» vert en Piémont de ces menées et maudites 3) pratiques. » Ce discours, joint a. la déposition faite par M. du P e t 1 t- B o ü r g, officier francais, ne laisse lieu a aucune réplique. Depuis I'entrée des troupes francaises dans nos vallées, les affaires allèrent de plus en plus mal. L'orage grossissoit de jour en jour; mais ah'n qu'il éclatat avec plus de succes, il i'alloit prendre certaines précautions; et c'est a quoi 1'horrible propagande n'avoit garde de manquer. Elle a même eu soin de nous détailier les raisons qui devoient la porter au massaere de tous les Vaudois; et ces détails sont consignes clans une cléclaration que léger a fait remettre a la bibliothèque de Camhridge, en. Angleterre , pour être a jamais un témoignage jrrécusable de la barbarie de nos ennemis. Le zèle de la propagande pour la communiën romaine ; 1'opimon qu'en fait de croyance , tous les hommes sont obligés de se soumettre aux sentimens du pape, et surtout le désir d'établir clans les vallées les irlandais que Cromwell avoit chassés de leur patrie, a cause des massacres afi'reux qu'ils avoient fait des réformés leurs compatriotes ; 1'envie de se conserver la faveur de la cour de Rome , afin d'en obtenir plus faciiement des pensions et des bénéfices ; la certitude de se rendre maitres des biens des pauvres persécutés; — tels sont, en substance, les motifs de i'affreuse boucherie de 1600, comme les enViemis des Vaudois font avoué eux- incmes  ï4° Massacres. d'une manière plus ou moins directe. Que 1'on pèse ces motifs a la balance de la raison et de l'évangile , et que 1'on juge les monstres qui n'ont pas rougi d'en faire la base de leur conduite ! Ce qu'il y a de plus revoltant encore, c'est que le duc Charxes - Emmanüel II avoit confirmé aux Vaudois toutes les eoncessions qu'ils avoient obtenues de ses ancétres, et tous leurs privileges , par un édit daté deTinin , du 3 décembre 1664; édit dans lequel il les reconnoit ( ainsi que dans celui du 29 décembre i653 ) pour de très-lidèles et très-obéissans sujets. ( Raccolta degTeditü , pag. 91 - 97 ) Et comme on les chicanoit encore sur de pures formalités relatives aux originaux des décrets qui leur avoient été accordés en différens tems, ils obtinrent que la cour enverroit des commissaires pour les examiner; ce qui eut lieu aux jdiratsrprès de Luzerne, en novembre 3604. Tous ces originaux furent reconnuspour fidèles , enliers , parfaitement bien en ordre ; et 1'on en donna même un acte aux Vaudois. Ils n'aüendoient plus que de pouvoir faire entériner le dernier décret qu'ils avoient ol> tenu pour se croire'en toute sureté ; on avoit promis de le fake immédialement après la vérilicaliou des originaux dont nous avons parlé ; les sommes qu'on avoit exigées pour cela, étoient déja payées depuis long-tems, lorsqu'au mépris de toutes les promesses qu'on leur avoit si souvent renouvellées \ sans qu'on put les accuser , avec fondement , d'avoir coinmis la moindre faute, ni en général ni en  Massacres. 141 particulier, on envoya 1'auditeur Gastalo dans la vallée de Luzerne , pour enjoindre aux Vaudois de Briqueiras, S. Second, Bubiane, Fenil. et Campilion , ainsi qu a. ceux de Luzerne , S. Jean et la Tour , ci'abanclonner lous ces endroits dans Pespace de trois jours , sous peine de mort et de contisealion de biens pour tous ceux qui ne voudroient pas consentir d'aller a la messe. Cet ordre étoit a ia Ibis injuste et cruel. On se convaincra aisément de. la consternation terrible dans laquelleil dut jetter les Vaudois, si 1'on pense qu'ils se trouvoient au milieu du plüs'rude des Invers, chassés sans aucune miséricorde de ieurs possessions légitimes , et contraints de se jetter sur les montagnes , parmi les neiges et les frimats. Pelits enfans, vieillards, malades, femmes enceinles, femmes en touche, tout dut fuir. Ceux qui . étoient forti et bien porlans, en voulant secourir leurs frères, leurs pareus, leurs amis, se voyoient souvent ar/êtés dans les chemins que les neiges et les pluies rendoient impraticables. Enfin , en approchant ü Angrogne, ils enfoncoient par-toutdans laboue jusqu'aux* genoux, de sorte qu'il étoit impossible, dit LéGür,^ de voir cesmalheureusescréaturesexposées a une si grande misère, sans en verser des larmes de sang. Nos Vaudois supportèrent néanmoins toutes ces calamités avec une constance admirable. Pprmi le grand nombre de ceux qui se trouvèrent enveloppés clans 1'ordre de Gastaldo, il nyeneut aucun qui n'aimat mieux s'exposer aux plus grands malheurs, plutöt que da  142 Massacres. conserver ses biens, en abjurant sa croyance! Leur situation étoit cependant si déplorable $ qu'elle ne leur permettoit presque pas d'y chereher de remède. Ge fut alors que les autres Vaudois prirent leUr cause en main avec toute la chaleur dont ils pouvoient être capables. Ils envoyèrent une dépUtation a Gastaldo pour lui représenter ausssi pathétiquernent qu'il leur seroit possible, tout ce qu'ils croiroient propre k le toucher, afin d'obtenir , sinon la révocation de fédit , du moins un délai suffisant. Mais le cceur de cet homme fut insensible a toutes les instanees qu'on put lui faire. Nous avons dit que 1'ordre qu'il venoit de publier étoit aussi injuste que cruel. II sulïit d'y jetier un coup d'oeil pour s'en convaincre. Les Vaudois qu'il vouloit cbasser de Bubiane , Fenil, CampilIon , Briqueiras, Luzerne , S. Second , S. Jean et ia Tour, y étoient établis de tems immémorial , et fort long-tems avant que les ducs de Savoie eussent aucune autorité en Piémont. Ainsi ni la cour de Turin , ni les commissaires , ni aucune puissance au monde, n'avoient le droit de les en chasser. Outre cela, 1'habitation et la possession Iégitimes de ces lieux avoient été tres-souvent reconnues, ratifiées et conlirmées par les ducs de Savoie, depuis leur avénement a la principauté de Piémont. C'est ce que prouvent iitcontestablement tous les édits publiés par eux jnscm'a cette époque ; celui du 24 novembre *582< du 3 janvier' i5Ö4, du 2,1 novembre  Massacres-. ja3 1594, du 14 raai i6o3, du 9 avril et 29 septerabre de la même année, du 17 aout 1620, et enfin le traité fait avec M. de Raconis, qui permet aux Vaudois d'habiter par tout le Piémont. ( Voyez toutes ces pièces, soit dans Léger, soit plutót dans le recueil publiépar les ordres même de la cour de Turin : vous les trouverez depuis Ia page 4 jusqu'a Ia 97e. Avec des titres aussi authenliques , aussi incontestables, on ne doute pas que les Vaudois n'aient enfin obtenu justice. Non, lecteurs; toutes leurs requêtes, leurs supplications , leurs instances furent en pure perte. Leurs ennemis sachant combien ils étoient fondés dans la possession des lieux qu'on leur coniestoit, se batloient qu'ils n'obéiroient pas a 1'ordre de Gastaldo, et qu'on pourroit tirer de leur désobéissance un prétexte pour les détruire. Et s'ils obéissoient, et qu'on ne put les chasser du reste des vafiées, ils pensoient que les endroits qu'ils abandonnoient seroient sullisans pour y établir les irlandais. Les Vaudois ne voulant rien négliger pour obtenir la justice cjuij leur étoit due. , envoyèrent une dernière députation a Turin. Ges députés étoient munis de pleins-pouvoirs pour conclure tout ce qu'il plairoit au duc, sauf h ne pas toucher a ce qui regardoit la reiigion et les privileges des vallées. II furent renvoyés comme les précédens, tantót du duc a sa rhère, tantót de la duchesse au marquis de PlANESSE , de celui-ci a la propagande, et de cette dernière encore ailleurs. On les arausade cette manière jusqu'au 16 avril i655.  »44 Massacreü. Enfin cm leur avoit promis une audienc'e définitive pour le 17 du même mois, et le jour même, ils apprirent que le marquis de PlANESSE étoit arrivé dans la vallée de Luzerne. II se trouva cependant une ame assez charitahle a la cour pour avertir le député I). Bianqui de se sauver promptement, en ajoulant que les affaires alloient mal aux val-1 lees, mais que tout ce cm'il pouvoit lui en dire, c'est que le marquis de PlANESSE y étoit déja. Ainsi furent trahis les pauvres et innocens Vaudois; ainsi fut conduite la trame infernale qui devoit les anéantir; ainsi en agirent des hommes cui ne rougissoient pas de se donner le nom de chrétiens, et qui n'étoient, au fond, que des mongtres de cruauté. Cceurs sensibles ! ames honnêtes ! dépouillez en ce moment toute seilsibilité. Voüs auriez trop a souffrir en contemplant les scènes affreuses crue nous allons faire passer sous vós yeux. Nous vous transpörtons chez des tigres et des cannibales, s'il est possihle, du moins, que les tigres et les cannibales aient jamais été aussi féroces que les ennemis des Vaudois. GHAPITHE  Dixième persècution. '143 CHAPITRE XI. Dixième persècution. Massacres de 1655/ dirigés par le marquis de Pianesse , sous le règne de Charxes-Emmanuel II. Détails. RéflexionSi Ce fut le samecli 17 avril i565 , que le mar" quis de Pianesse entra claris les vallées. II avoit sous ses ordres une arriiée de quinZe mille hommes, composée, pour la plus grande partie, des troupes du duc, de quatre régimens francais, d'un régiment allemand, et de douze cents iflandais. Le 18 , celte armée saccagea les communautés de St Jean et de la Tour, sans trouver aucune résistance. Le iq', elle vouluc forcer les Vaudois dans les lieUx même oü ils avoient été maintenus par 1'ordre de Gastaldo mais ils se défendirent avec beaucoup de courage, et forcèrent 1'ennemi a la fuite, malgré son immense supériorité. Le 20, 1'armée fit tous ses eSTorts pour brnler lé temple de S. Jean , et fut encore repoussée avec une perte considérable. Les Vaudois n'eurent qu'un mort et deux blessés. Leur' capitaine Jayer commenca a se disiinguer én cette occasion. Le lendemain 2 i , PlANESSE prévoyant cpfil n'auroit pas bon marché des Vaudois, par la force des afmes , eut recours a la plus infains Seconde partie\ K.  ufi Dixième persècution. perfidie. II fit appeler leurs députés par un trompette, avant le jour, pour leur apprendre, di'sóitril, la volonté de leur prince. Les Vaudois qui ne désiroient que la paix , souscrivirent avec empressement a cette demande. Le marquis reent leurs députés avec tous les témoignages de la plus grande bienveillance ; et après les avoir éblouis par ses promesses trompeuses, il leur dit qu'il n'en vouloit qu'aux habitans des lieux défendus par 1'ordre de Gas- ' taedo , et ajouta que , quant aux autres, ils ji'auroient rien a craindre, s'ils vouloient seulement, en signe d'obéissance, loger pour deux ou trois jours , dans cbacune de leurs communautés , un régiment d'infanterie et deux compagnies de cavalerie. Les députés qui ne soupconnoient aucune trahison , paree qu'ils avoient. la bonhomie de juger ie marquis par eux-mêmes , engagèrent toutes les communautés a recevoir les troupes qu'on leur enverroit. La plupart des ministres plus prévoyans, et en particulier J. Léger , témoignèrent néanmoins de grandes défiances sur ce sujet. Ges troupes ne furent pas plutót entrees dans chaque communauté , qu'elles se saisirent de tous les passages , et furent suivies du reste de 1'armée. On les pria de loger dans les bourgs les plus bas, qui étoient aussi les plus commodes pour elles , et on offrit de fournir tout ce qui leur seroit nécessaire. Mais elles avancèrent tant que le jour le permit, jusqu'aux habitations les plus élevées. Une partie de l'araiée monta par le, chemiw  Dixième persècution. 147 Ordinaire d'Angrogne ; 1'autre par celui du Viliard et de Bobbi; latroisième marcha sur les collines de la Tour; la quatrième alia se jeter dans le Pré-du-Tour, dernier boulevard de nos vallées. Ce corps de troupes ayant mis a feu et a sang tout ce qu'il rencontra sur le chemin, lit voir trop tard aux Vaudois qu'ils étoient trabis de la manière la plus horrible. Alors on ne songea plus qu'a sauver sa vie. La plupart des hommes se jetèrent sur les montagnes a la faveur de la nuit, sauvèrenC Une partie de leurs families , et se glissèrent, par 1'autre pente de la montagne , dans la vallée de Pérouse qui appartetioit encore aux: francais. Les habitans des autres parties de la vallée de Luzerne furent presque tous obligés de rest er dans leurs communautés , faute de pouvoir se sauver. On avoit pris soin de leur fermer tous les passages. Cepeudant 1'ennemi, après s'-êjre emparé de toutes les vallées , feigmt de vouloir ne s'y arrêter que quelques jours pour se rafraichir, et exhorta beaucoup les Vaudois qui étoient restés , de rappeler les fugitifs, avec assurance qu'on ne leur feroit aucun mal. II y en eut d'assez crédules pour tomber dans le piège. Telle étoit la situation des affaires, lorsque le 24 avril, le sjgnal fut donné sur la colline de la Tour, nommée le Castelas ; et au même instant, toutes les innocentes créatures qui se trouvèrent au pouvoir de cette horde d'assassins , furent immolées avec des rafinemens de cruauté qu'aucun terme ne peut exprimer. On frémit en voyant mener des hommes a la bou- K 2  'Dixième persècution! cherie , comme on y mène un troupeau da brebis; on fïïssonne lorscpu'on voit passer au lil cle 1'épée des ennemis vaincus , lors même qu'on voit exécuter ies plus infames criminels, par ia main du bourreau. Mais ces genres de mort ne sont rien encore auprès de ceux qu'employèrent les brigands lachés dans nos vallées. li faudroit une pïume de Ier pour pouvoir en donner une jusle idéé , et les expressións me manquent presque en commencant. Les enfans arrachés des bras de leurs mèreséplorées; froissés , écrasés contre des murailles et des rochers; décbirés en'deux par des soldats qui les tiroient, 1'un par une jambe , et 1'autre par 1'autre. Les malades, les vieillards des deuxsèxes, brulés clans leurs maisons, hachés en pièces , liés tout nuds en f'orme de peloton, ia tête entre les jambes', et précipités ainsi du haut des montagnes et des rochers. Les fiiles et les femmes violées , mud lees, empalées toutes vives, et dressées sur les graudschemins. D'autres a qui 1'on remplissoit le ventre cle cailloux, d'une manière que la décence ne permet pas cle décrire. D'autres que 1'on faisoit sauter, en mettant le feu aux poudres dont on remplissoit leurs oreilles et leurs bouches. D'autres , enfin, auxqueiles leurs bourreaux coupoient les seins parmorceaux, pour les fricasser et les manger. Les hommes hachés tout vifs, pièces par pièces , écorchés , mutilés , suspendus par les parties les plus nobles et les plus sensibles, et expirant ainsi au milieu des tourmens les  Dixième persècution. 149 plus cruels qu'il soit possible de concevoir. Ici un père voyant massacrer son enfant, 1'époux voyant déshonorer sa femme, la mère sa fille ; 1'enfant voyant arracher les entrailles de son père, ou fendre le ventre a sa mère enceinte i ses bourreaux prendre son fruit, et le porter en parade au bout de leurs piqués Je fré u mis d'indignation ; mon sang s'allume dans mes veines Ah ! monstres ! monstres vomis par 1'enfer! est-ce donc ainsi que vous prétendiez répandre et propager la reiigion du plus doux , du plus tendre et du plus eharitable des hommes ! Est-ce en vous conduisant avec une cruauté inconnue aux bétes féroces même , que vous prétendiez convertir le peuple le plus humain et le plus débonnairei Oui, je ne crains pas de le dire ; si la raison et l'évangile ifavoient déja voué a 1'exécration de tous ies siècles une communion cjui autorise . qui ordonne même de telles, atrocités » Ia journée du 24 avril dont vous fütes les instrumens barbares, sufïiroit pour la faire délester par tous les hommes sages, éclairés et amis de leurs semblahles. La terre étoit inondée de larmes et de sang; des pleurs , des gémissemens , des cris de détresse retentissoient de rochers en rochers , d'échos en échos , et portoient ces lugubres aceens dans toute 1'étendue des VALLÉES. Si 1'on avoit pu évoquer des enfers le génie du mal, il auroit élé sensible, sans doute, a ce funeste tableau; mais, quant aux assassins des V audois , ils n'en furent touchés en aucune manière. Ce qui le prouvé, c'est qu'après cette- e. a  i5o Dixième persècution. horrible boucherie , ils allèrent encore a la cbasse des échappés qui avoient fui dans les bois, sur les hautes montagnes, dans les cavernes et les rochers ; c'est qu'ils saccagèrent, pillèrent et réduisirent si bien en cendres la plupart des bourgs et des villages, qu'il y eut des communautés entières oü il ne resta pas un seul hatiment sur pied. Et qu'on ne croie pas c{Ue j'aie rembruni les traits, trop peu nombreux encore, du tableau que je viens d'esquisser. J'ai chercbé, sans doutc, a les peindre avec cette vive indignation qui doit animer toute ame honnêtea la vue du crime , et des plus horribles des crimes; mais le tout est fondé sur des faits qu'il ne rn'est que trop facile de prouver. Ce que j'ai rapporié , ce que je rapporterai encore , repose sur les preuves les plus autbentiques et les plus juridiques. Elles ont été recueillies par deux notaires publics , avoués par le gouvernement, en présence et a 1'instance de J. Léger , alors modérateur des vallées y et des principaux agens politiques et ecclésiastiques; et ces preuves ont été réduites en actes solemnels, pour servir de témoignages a tous les siècles. Outre cela, les officiers et les soldats même, dont on s'étoit servi pour massacrer les Vaudois, ont fait des dépositions par écrit cle tout ce qui s'étoit passé sous leurs yeux, de sorte que la malignité la plus décidée sa trouve hors d'état de contester aucun des détails de cette affreuse journée. S'il restoit cependant encore quelques doutes a mes lecteurs, je les renverrois au chapitre neuvième  Dixième persècution. f|SfJ( de la dcrxième partie de 1'ouvrage de LÉG vu, oü toutes ces preuves sont exposées avec le plus graad détail; oü tous les massacres sont. nom nés nom par nom, od tous les genres le sorp.'ices sont représerités par des taiilcsö-W^es dont la vue seule fait frétuir ;' ou toit est dévelrppé avec une scrupuleuse xactiude, nom , surnom ,_,age , sèxe , lieu de .laisance ef lieu d'assassinat. "Vbici quelques traits particuliers qui pourroit tenir lieu de tous les autres , et satispare entiérement le lecteur impartial. Ln chirtirgien francais a déposé qu'il avoit entendu un jeune hommè de Cuniiane qui se vantoit d'avoir, avec quelques autres de ses compagnons '5 fait boülllir la têle d\m "Vaudois pour en manger les cervelies. Sara RosTAGNOL , native du quartier des Vignes, prés de Luzerne , fut surprise aux Airals par un soldat qui lui fendit le ventre du bas en haut avec une faucille qu'elle avoit en main , après quoi un autre de ces brigands lui trancha la tête. Cette femme étoit agée de 6o ans. Quelques-uns de ces assassins s'étant saisis de Marlhe CoNSTANTlïïFE, femme de Jacqucs B.ARRAL, lui coupèrent ce qu'ils purent des parties naturelles, 1'évenirèrent et hacbèrent ses seins morceau par morceau , peur les faire fricasser.et les manger. ün jeune homme de Freissinière , aprê& avoir recu un grand nombre de coups de poignard dans toutes les parties de son corps, tut les parties naturelles coupées, et ses bout- K 4  ^■5^, Dixième persècution. r64Ux mirent une chandelle ailumée contre Ia piaie, alm ci'arrèterla trop grande effasion de sang, et;.d'allqnger ainsi son supplico Aprèscela ou ïui arracna encore les ongles iveo. des tenailles, on 1'attachu a la queue du mulei du. marquis de Pianesse, pour le faire ti-aqei* par les a-ues, el fon linif par le jetter dans u. rivi: i c. Esaïe Grand, d'Angrogne, agé de 90 'ns, et la femme de. Daniël Armand , de la Tan; furent déchiquelés pièces par pièces , comne l un anima! a ia boucherie. ■ P. Simcn, d''Angrogne , agé de 85 ans, fut attaché en farme de peloton, la tête entre les jambes, et précipité clans cet état. CemaL heureux ayant été arrêté , en roulant, par rm arbrej vécut encore trois jours clans cetta borrible situatiën, sans cp.fi! fut possible da lui donner aucun secours. Le précipice oii il se ti ou voi t étoi t inaccessibie. Qua (re femmes , dont trois de la Tour et une du 'Viliard, ayant leurs enfans sur leurs bras , furent arrêtées a la Sarsenna- On comraenca par leur couper le nez, les doigts des naams et des pleds , ensuite les pieds et ies ruains même; après quoi, sans vouloir leur donner le'coup de grace, on saisit les innocentes créatures qu'elles portoient, et on les jelta du haut des rochers. Jacques et David Prin , du Viliard, furent saisis dans leur lit, au viilage de la Boudeine, et trahsportés dansles prisons de Luzerne. La, après plusieurs tourmens , tous fjlus ah'reux. les uns que les autres, on leur-  Dixième persècution. i53 ecorcha les bras depuis les épaules jusqu'au coude, en forme de petiies bandes de peau, qu'on laissoit atfSachéés au corps par le haut, et qui restoient ainsi floftantes sur la chair vive. On leur éeorcha de Ja même manière lo reste des bras jusqu'aux mams, les cuisses jusqu'aux genoux , les jambes jusqu'a la cheville du pied, et on les laissa mourir de soif dans cet étai>. Anne Charbonnïer , ds la Tour, fut violée, et ensuite enfilée sur une piqué par les parties naturelles, pour servir denseigne aux tigres a face humaine qui 1'avoient saisie. La lille de M. Lokg, de Bcbbi, après avoir essuye* le mème traitement, fut rótie au feu, sur une grande et iarge pierre. Trois enfans de J. A. Michelin, de la Tour, fureut mis en pièces a coups de sabre , ou écrasés contre un roe. Jean Planchon, du Villaiil, agé de 25 ans, fut conduit k Luzerne , attaché par les parties nalurelles k la queue d'un mulet; et dès qu'elles furent déchirées , on perca un de ses pieds pour y faire passer la corde , et on le traina par toute la ville, en i'assommant a coups de cailloux. Jacques Michelin, de Bobbi,hit suspendu par les parties naturelles contre une porte, et ou le laisssa mourir dans cet état. Deux autres Vaudois subirent le même suppiice a la Sarstnna. D. Salvajot et sa femme , Jean , Louis , Barthélemy Dürand, et Daniël Revee, de 4-iora, eurent les oreiUes et ia bouche rerttpliei  154 Dixièvie persècution. de poudre, a. laquelle les cannibales mirent Ie feu. Ils coupèrentla tête, arrachèrent les cervelles et le cceur a D. Cardon, de Rocheplalte, et les mangèrent. Ils firent bruler , au milieu d'un grand nombre defagotsde bois, Marguerile Revel, de la Quarterra , communauté de S. Jean , Marie de Pravillelm , Jeanne Besson , agées de 90 ans, et Madonna Lena , agée de 80. La veuve de Jean HüGON , de la Tour, infirme depuis trois ans, fut mise sur un chariot avec sa filie; et leurs bourreaux les accompagnoient , en les percant de coups de piqués d'un cóté, et les accablant de pierres de 1'autre. Enfin , ou a fait cbauffer publiquement, a Garsillane, des fours a cuire le pain, et ou les a remplis de Vaudois tout vivans. Je m'arrête, je n'ai plus le courage de poursuivre cette liste sangiante et atroce. Mon^me gémit, mon cceur se révolte, tout mon sang bouillonne, et peu s'en faut que je nemaudisse 1'espèce humaine ! Non, la nostérité ne pourra jamais croire qu'un peuple tranquille, ami de la vertu et de la reiigion, ait pu être traité avec tant de barbarie, uniquement paree qu'il n'admettoit pas le purgatoire, la transubstantiation et la messe ; ou si elle le croit, ce ne sera qua pour détester les monstres couverts d'une couronne ou d'une thiare ,• qui purent ordonner de telles horreurs; et pour vouer a 1'exécra-  Dixième persècution. i55 tïon de tous les gens de bien la secte impure qui les autorisa. Si j'étois né dans le catholicisme , ce seul fait suiïiroit pour me faire abjurer cette communion, comme il a suffi depuis long-tems pour me rendre odieux les principes qui la dirigent. En récapitulant le nombre des victimes de cette affreuse journée, dont on n'a pu savoirles noms, ou qu'on n'a pu reconnoitre, on a trouvé qu'elle avoit conté ia vie a 3i personnes de 6'. Jean ; 24 d'Angrogne ; environ 80 de Ia Tour,- 46 du Viliard; 28 de Bobbi; 28 de Rora; et 4 Ae Rocheptatte Cette liste, comme je l'ai dit, n'est que celle des massacres dont on n'a pu conslater les noms; mais lorsqu'après le traité de Pignerol, on fit le dénombrement des Vaudois cle chaque commune , il en manqua un très-grand nombre encore, dont on n'a jamais pu savoir ce qu'ils étoient deveilus. Quantilé d'enfans des deux sèxes , sur-tout, furent cnievés et transportés dans le Bas-Piémont, sans que leurs parens aient pu les recouvrer, quelques ins tances qu'ils aient faites. Outre cela, il y eut encore un gitod nombre d'hommes qui furent tués en combattant, les horreurs que nous avons décrites n'ayant presque été commises que sur des enfans, des femmes et des vieillards. Mais cette journée n'eiit-elle conté la vie qu'a ceux dont nous avons spécilié les suppüces, elle seroit encore la plus affreuss dont les annales de notre patrie fassent mention. Puisse le soleil de justice s'ékver enfin sur elle,  ïS6 Dixième persècution. et y ramener pour toujours le calme et le bonheur ! Puisse, enfin, la cour de Savoie ne plus nous traiter comme des enfans hdtards , et briser les barrières odieuses qui existent encore entre nous et les catholiques ! Ge sera, il est vrai, un dédommagement bien tardif des maux sans nombre que nos ancétres ont éprouvé sous son gouvernement; mais c'est aussi un dédommagement que la justice et la reiigion ne cessent de réclamer , et qui arrachera des larmes de reconnoissance a tous les bons Vaudois. II est faciie au prince bienfaisant qui nous gouverne de faire notre bonheur : il n'a qu'a ïe vouloir; et il le voudra dès que ses courtisans ne 1'aveugleront plus , dès qu'ils ne 1'empêcheront plus de se livrer amc élans de son cceur. Au reste, je ne dois point lakser ignorer a mes lecteurs, que peu de tems après ies massacres du 24 avril ï655 , le marquis de PlANESSE publia, sous le nom de la cour de Turin , un long manifeste, par.lequel il prétendoit justifier ses harbaries , et faire voir que les Vaudois avoient mérité de plus grands chatimens encore. Kous ne pouvons transcrire ici cette pièce , et celles qui la suivirent, parée qu'elles grossiroientinutilement notre ouvrage. Elles ont été imprimées dans le tems en francais et en italien , et les contemporains en ont fait justice. On peut en Voir aussi une traduction Intérale et une réfutation complette dans Yhistoire des Vaudois , de Léger. Je dois porter le même jugement de 1'édit publié le 2.3 raai iC55, sous le nom de Charles-  'Dixième persècution. i57 Immanuel II, dans Iequelircondamneè 1'exil les principaux des Vaudois, et met leurs têtes a pnx, « /w/r co„//r w^ (m_ » /o«/' Janavel, qui s'y étoit retiré avec sa familie (il babitoit auparavant au quartier des'F'ignes, prés  Omièmc persccuiioru r6i 'de Luzerne) les appercut de Ioiu. Avec sent Vaudois , les seuis qu'il lui fut possihle d'avoir alors, mais tous bien détermiués, il alla attendre les ennemis a un poste fort avantageux» et tomba sur eux si a propos, que crqyant sans cloute qu'ils avoient affaire k beaucoup plus de monde, ils prirent tous Ia fuiie. Encouragés par cc succes inattendu, les Vaudois les poursuivircnl vivement, et en tuèrent encore plus de cinquunte. A la nouvelle de cette défaite , PlANESSE! envoya dire aux babitans de Rora, « que les » soldats qui les avoient attaqués n'étoient pas 3) de ses troupes; que e'étoient des voleurs et » des vagabonds , et qu'il lui auroit fait plaisir 3) de les avoir tous taillés en pièces. » Mais les Vaudois ne tardèrent pas a se convaincre que les mensonges ne coütoient rien aux émissaires de la propagande. Dès le lendemain Pianesse envoya sir cents hommes contre eux, qui s'aeheminèrent par la colline de Cassulet. Le capitaina Janavel eut encore le bonheur de les appercevoir deloin. Sa petite troupes'étoit accrue de douze hommes armés qui 1'étoient defusils, de pistolets et de coutelas; ies autres n'avoient que des frondes. II divisa ce foibie detachement en trois bandes,et les mit en embuscade dans les passages les plus avantageux. Le courage inlrépide avec lequel ils attaquèrent 1'ennemi, lui coula soixante hommes, et valut encore la victoire aux Vaudois. Ce nouvel échec ue découragea point Ie marquis. Comme il ne se faisoit aucun scru- Seconde partie. h  ï6a Onzième persècution. pule d'ajouter perfidies sur perfidies, il envoya le comte Christophe a Rora, pour dire a ses vassaux « que ce qui venoit d'ar» river n'étoit qu'un mal entendu fondé sur y> un faux rapport, mais qu'étant mieux ins» truit, il auroit soin qu'on les laissat désor}> mais en repos. » Afin de leur prouver la vérité de cette assertion , il lit partir le jour suivant un troisième détachement de neuf cents hommes pour aller les exterminer. L'intrépide Janavel étant encore allé au-devant d eux vers le lieu nommé Damasser, ils rebroussèrent du cóté cle Fian-prd , afin de pouvoir se retirer, en cas de bcsoin, au Viliard ou a la Tour. Mais ils n'en furent pas quittes pour cela. Les Vaudois qui connoissoient parfaitement ces montagnes|, parvinrent a leur couper la retraite, en tuèrent un grand nombre, et mirent les autres dans une telle déroute, qu'ils furent obligés d'abandonner , en fuyant, tout le butm etlebétail qu'ils avoient pris. L'embarras que ce bétail leur donna, fut en grande partie la cause de leur déiaite. Pour le coup , le M. de Pianesse devintfurieux. Afin d'assouvir sa vengeance, il rassembia tout ce qu'il put des troupes qui étoient 'a sa portée, et n'envoya pas moins de huit mille hommes pour massacrer vingt-cmq families, qui composoient toute la population de Rora. Ces troupes avoient leur rendez-vous marqué; mais elles s'y rendirent deux heures trop tard, a 1'exception cle celles de Bagnol, «conduites par le capitaine MARIO. Celui-ci  Onzième persècution. x63 eroyant qu'il n'avoit pas besoin d'attendre les autres, divisa les siennes en deux corps, et fit assaillir les Vaudois prés du poste de Rummer. Mais ils eurent le bonheur de gagner une éminence, ou ils ne pouvoient être attaqués que de front, et ils lirent dela une résistance si vigoureuse et si longue, qu'enlin le découragement s'empara des ennemis, qui s'enfuirent, en Iais^mt soixante des leurs sur la place, sanscompter ceux qui périrent dans la fuite. Le C. Mario lui-même tomba dans un goulfre d'oü on ne le retira qu'avec beaucoup de peine. II fut conduit a Luzerne , saisi d'une maladie qui lui fit souffrir les tourmens les plus horribles, et pendant laquelle on assure lui avoir entendu répéter plusieurs fois, « qu'il sentoit déja le feu de 1'enfer » dans ses entrailles, a cause des personnes, » des maisons et des temples qu'il avoit fait » bruler dans la vallée de Luzerne. » 11 mourut au milieu de ces cruels remords. Après cette victoiresignalée,nos dix-sept Vaudois se retirèrent avec leur chef sur le sommet v d'une colline pour y prendre du repos et de la nourriture ; mais a peine y étoient-ils, qu'ils découvrirent un autre detachement qui venoit du cóté du Viliard, et grimpoit la montagne pour les surprendre par derrière. Sur-le-champ JanAvel et les siens allèrent prendre possession d'un passage très-avantageux. Les soldats qui furent détachés pour reconnoitre ce poste, crurentqu'il étoit occupé par leurs troupes, et cette erreur leur fut trèsfuneste. Les Vaudois lirent leur décharge, et L a  164 Onzième persècution. chacun mit ie sien par terre. Ceux qui restöieftt, tout éperdus d'une telle défaite, allèrent jet ter l'épouvante dans le gros de 1'armée et 1'engagèrent a la fuitc. Les Vaudois poursuivirentïes fuvards, en tuèrent un grand nombre, et se réunirent ensuite potu? remercier Dieu. de la délivrance méinorable qu'il venoit de leur accorder. Honteux de tant de mauvais succès, le M. maisons incendiées et leurs champs déat vastés. » —Plutót la mort que la messe , fut la réponse unanime de tous les habitans de cette communauté. On pense bien que cette réponse ne satislit guère le marquis; aussi rassembla-t-il de nouveau un corps de dix mille hommes pour faire une dernière tentative. Ces dix mille hommes furent partagés en trois détachemens , dont 1'un avoit ordre d'aller atlaquer les Vaudois du cóté du Viliard , 1'autre du cóté de Bagnol, et le troisième du cóté de Luzerne. De cette manière ü étoit impossible que ces pauvres gens pussent échapper. Cependant Janavel n'hésita point d'aller au-devant du premier corps d'armée qui se présenla. llcombattit avec un succès extraordinaire, et 1U mordre la poussière k un grand  Onzième perse'cutionl lG5 nombre d'ennemis; mais averti que les deux autres détaehemens avoient gagné le poste oli vingt-cinq families de Rora s'étoient retirées, et se voyant pret a être aecablés par le nombre , il vouktt conserver une vie qui pouvoit encore être utile a ses compatriotes. II se sauva avec ses compagnons d'infortune, et son bis agé de sept a buit ans , dans la vallée de Queiras, appartenant a la France. Mes leeteurs pressentent sans doute la con» dmte des ennemis en vers les infortunés habitans de Rora. Les campagnes ruinées , ies matsons réduites en cendres, les enfahs écrasés contre les rochers ou déchirés en pièces, les vieillards assommés, les falies et les femmes viölées. et erapalées.... en un mot, toutes les borreurs du 24 avril renouvellees.. .. Les tigres et les vautours dans leur plus grande fureur , auroient encore pu prendre des. Ier-ons chez les assassins des Vaudois. i "ent vingt-six personnes furent les victimes de cette journée. Cet afïYeux massacre auroit du satisfaire la baine sanguinaira du marquis de Pianesse ; mais il n'avoit triomphé, avec toutes ses troupes, cpie des vieillards , des femme6 ét des enfans. il écumoit de rage de n'avoir pu détruiré Janavel et ses Bdeles compagnons. II crut que les menaces et sur-tout la crainte de perdfe ce qu'il avoit de plus cher, feroient plus d'impression sur lui que la force, et il lui écrivit en conséquence : « Qu'il l'exhoi ïoit, pour la dernière ibis, de » renoneer a l'hérésie, que c'étoit le seul * moven de rentrer en grace auprès de S. A» Ló  i66 Onzième persècution. » royale, et cle sauver la vie a sa femme et » a ses filles qu'on tenoit prisonnières; au » lieu crue s'il continuoit a s'opiniatrer, il j) les feroit passer par les flammes. Que quant » a lui, pour en venir a bout sans beaucoup j) de peine, il mettroit une si grande somme ji sur sa tête , qu'on ne tarderoit pas de lui » apporter, et que si on pouvoit lesaisir, on »» n'épargneroit aucuns tourmens pour le pu» mr de sa rébelüon. » Janavel répondit : « Qu'il n'y avoit aus> cun supplice assez cruel, aucune mort as» sez barbare pour 1'engager a abjurer sa » croyance, et que les menaces du marquis * ne faisoient' cpie 1'y aflermir _ davantage. D> Quant a ma femme et a mes uli< s ( ajou3> toit-il ) la bonne providence ne les aban» donnera point; et si elle vouloit perrnetlre » que vous les tissiez moui-ir, les flammes » ne consumeroient que leurs corps, et_ leurs »> ames pures et innocentes iroient bientöt 5> vous accuser aux pieds du tröne du Dieu v. de 1'univers. »  Succès des Vaudois. 167 GHAPITRE XIII. Retour de Janavel aux vallées. Succès des Vaudois dans plusieurs actions particulières. Noms de ceux qui se distinguèreni le plus. Trève publiée par la cour de Turin. Ja navel ne séjourna pas long-tems clans le Dauphiné. Après s'y être repose quelque,? jours, et avoir reuni auprès cle lui les Vaudois qui s'y étoient aussi réfugiés de diverses parties de la vallée de Luzerne, il repassa les montagnes, et se renciït sur une alpe du cóté du 1 Viliard et cle Bobbi, nonunée la Pelaa di Geymet. Ji partit cle la le 22 mai, pour aller se jetter sur le viilage de Luzernelle, ou il espéroit cle trouver des vivres, et cle faire quelques prisonniers, par le moyen desquels il pourroit obtenir 1'éehange de sa femme et de ses blies. Mais il y avoit tant d'hommes armés dans ce bourg, et ily en accourut encore un si grand nombre de Luzerne, a la nouvelle del'approche de Janavel , qu'il fut obligé cle se retirer. D'un autre cóté, le capitaine Barthéïemi Jaïer venoit de se mettre a la tête de tous les récbappés des massacres qu'il avoit pu rassembler dans la vallée de Pérouse et de P'ragela. janavel en ayant étéinstruit, allale jotndre ii Angrogne le 27 mai. Ils résolurent, de concert , d'aller attaquer le bourg de Garsiilane ; h 4  168 Succès des Vaudois. mais tout ce qu'ils purent faire, cefut d'enlever dou,:e bceufs dans un village vqisin; le 28 ils mare herent sur S. Second , et Temportèrent d'assaut, Toute la garnison irlandaise , au nombre de huit cents hommes , futpasséeau fildel'épée; juste punitïon de l'atroce barbarie qu'ils avoient déployée dans les massacres du "24 avril. Les piémontais, comme ils 1'ont avouéeuxmémes, perdirent aussi dans cette ali'aire environ elnq a'six cents hommes.'On lit éprouver aux maisons et aux églises le même traitement que les ennemis avoient exercé contre les maisons et les églises vaudoises. On enleva sept clocbes et beaucoup de butin qui y avoit été apporté des vallées, Mais on respecta saintement les femmes , les enfans et les vieillards; tous ceux, en un mot, qui n'avoient pas coneouru aux massacres. 11 n'y eut qu'une seule lille qui fut tuée par mégarde. Les Vaudois ne perdirent dans cette occasion que sept hommes, sans compter sixautres qui furent blessés. Le 5 juin, les capitaines Janavel, Jayer, Laurens et Bennet se réunirent pour aller butiner dans les cassines de Briqueiras, et pour se jetter dans la ville même, s'il y avoit moyen. Laurens et Jayer prirent le chemin de Roclieplatte, afin de pouvoir s'approcher plus secretement de Briqueiras, a la faveur des bois qui s'étendoient jusqu'asseai prés de ce bourg. Jayer descendit dans la plaine , et ravagea grand nombre de métairies et de petits villages. Sur- le-champ on sonna lallarmcXes habi tan*  Succès des Vaudois. 169 de Briqueiras, de Cavour, de Campillon > de Fenil et de Bubiane, accoururent avec une prnmptitude extraordinaire, accompagnés de la cavalerie et de 1'infanterie qui se trouvoient dans ees villes et ces bourgs. Jayer fut obligé de se retirer par le chemiu de S. Jean, et Laurens par celui de Rocheplatte.Ws rencontrerent Janavel sur la costière de S. Jean , se réunirent a lui, retournèrent a la charge , mi rent 1'ennemi enfuite, lui tuèrent au-dela. de cent cinquante hommes, en blessèrent un grand nombre, et n'eurent de leur cóté qu'un mort et deux blessés. Peu de jours après 1'ennemi envoya un convoi h Mirebouc. Janavel se trouvoit, avec huit hommes, au passage de Maibec. A la fay< tir du grand avantage c[ue lui donnoit ce poste, ïl arrêta pendant cinq a six heitres les 3oa soldats c{ui forinoient leconvoi, et en tua plusieurs. Mais il fut enfin obligé de céder, et se retira a la Felaa di Gjeyniet. .11 ne tarda pas a se rëünir de nouveau aü capitaine Jayer, pour alter attaquerleforL de la Tour. A leur appfóchè la garnison fit une sortie qui lui couta beaucoup cle monde; et après quelques heures de combat, elle fut obligée. de se retirer , sans pouvoir même emporter ses morts, qui inontoient a plus de trois cents. Ce succès encouragea tèlfement le Vaudois, que dès le lendemain ils allèrent encore se poster prés de la Tour. Ils pouvoient atteindre jusqu'a ce bourg avec leurs coulouvrines, sans uvoir rien a craiuclre des armes a feu de 1'eu-  170 Succès des Vaudois. nemi; aussi n'eut-il pas le courage de se mettre en campagne. On donne dans nos vallées le nom de coulouvrines a des fusils de deux ou trois pieds plus longs crue les fusils ordinaires, et quelqueJbis ménie davantage. II y a des personnes qui prétendent que ces coulouvrines peuvent porter les balles a la distance d'un petit mille d'Italie. J'en connois deux dans nos vallées; 1'une est entreles mains de la familie Bonjour, de MalperLus, quartier de Bobbi ; 1'autre appartient a la'familie Goante, de la Tour. On prétend que cette dernière est celle du ctpitaine Janavel. La même familie possède aussi la cannede ce vaiilantguerrier. De telles reliques sont toujours précieuses. Après ces dififérentes aetions, les Vaudois se retirèrent a Angrogne, et résolurent de délacher quatre cent cinquante des leurs pour aller surprendre le bourg de Crusol, dont les habitans avoient e;i beaucoup de part aux massacres. Les crusoliens s'étant en luis a leur approche, ils se contentèrent d'enlever quatre cents bceufs ou vaches, six cents brebis, et tout lebutinc[u'ilspurentemporter. Parmi ce butin ils reconnurent un grand nombre d'eiïèts qui avoient été pillés aux vallées. Pendant cette expédition, les ennemis qui se trouvoienta S. Second, la Tour, Briqueiras et Luzerne, biblèrent les maisons qui étoient restées k RoclieplaLte, et marchèrent cle la sur Angrogne pour y surprendre la petite troupe qu'ony avoit laissée sous les ordres cle Laurens, tie Jacques Jayer, frère du capitaine, et de  Succès des Vaudois. BENNET. Ceux-ci voyant qu'on venoit les attaquer par différens endroits, se partagèrent en deux détachemens, dont 1'un gagna le sommet de la montagne, et 1'autre se posta un peu plus bas sur une petite colline. L)ix-sept des plus déterminés furent placés en embuscade dans l'endroitoü les ennemis devoient se joindre, et ils les surprirent avec tant d'impétuosité, qu'ils les forcèrent encore a la fuite. Au retour de Crusol, Jayer étoit allé dans la vallée de Pragela poury vendre une partie de son butin. II avoit promis d'être de retour dans peu de tems. Comme il n'arrivoit point trois jours après 1'époque fixée, Janavel résolut d'entreprendre de foreer Luzerne. II se trouva Ie 6 juin assez prés de cette ville, et dér ilt d'embiée les deuxavant-posles. Mais comme la garnison avoit élé renforcée le soir d'auparavant, il fut impossible a Janavel de se rendre maitre de la ville. Le i5 du même mois , se trouvant a Angrogne avec ses trois cents hommes, il vit approcher t'armée ennemie,fortede plus de trois mille. Elle étoit partagée en quatre corps, dont fun devoit gagner le haut de Ia montagne, le second attaquer a droite, le troisième a gauche, et le quatrième de front. Le trompette qui devoit leur donner le signal, 1'ayant fait un peu plutót qu'il ne falloit, laissa a Janavel le tems de se retirer sur une colline voisine, d'oü il résisla a toutes les a ttaques de 1'ennemi, depuis Ie matin jusqu'a deux heures aprèsroidi, qu'il le forca a la retraite. II le poursuivit ensuile jusqu'au bas d'Angrogne, lui tua plus de cinq  xyz Succès des Vaudois. cents hommes, et n'eut qu'un mort et deux blessés. Sur ces entrefaites on vit arriver le capitainc Jayer, qui se joignit a Janavee, et recominenca avec lui a pötirsuivre les fuyards. Mais ce cornbat fut bien funeste aux Vaudois. Le brave Janavel recut une balie qui faillit de ■lui coüter la vie. Outre cëla, un traitre étant venu trouver Jayer. a la _bn de 1'action, lui assura qu'il n'y avoit point de troupes du cóté d'Osase, qu'il pouvoity faire un grand burin, 'et se venger par-la de ses ennemis. Le trop confiant Jayer prend avec lui cent cinquante hommes, met le feu a quelques cassines , et les pille sans trouver aucune résislance. Mais s'étant acheroiné un peu plus haut, il se vit tout-a-coup environné par un escadron de Savoie , el y perdit la vie avec tous les stens, a 1'exception de 1). HardAING, du Teineau, quartier du Viliard, qui se caclia dans un marais jusqu'a la nuit, et apporla le premier cette funeste nouvelle aux vallées. ■ La mort de ce brave, mais imprudent capitaine , ét -la blessure de Janavel , répandirent une grande consternation parmi les Vaucloisi lis ne tardèrent pas cependant. a reprendre courage; et sous la conduite de Jactjites Jayer et de Laurens, ils marchèrent courageusement a la rencontre de 1'ennemi, qui venoit les attaquer de nouveau avec six mille hommes. Ces Vaudois qui descendoient cle la Vachère, n'étoient qu'au nombre de •cinq cent cinquante; ils mirent néanmoins  Succès des Vaudois. iy3 les piémontais en déroute, et leur tucrent plus de deux cents hommes, Ils n'en perdirent que deux de leur cóté, dont 1'un étoit le capitaine Michet Bertin , qui fut sur-lechamp remplacé par son fils. Au commencement de juiliet, le colonel Andrion arriva de Genève aux vallées avec un de ses capitaines et un soldat. II avoit déja servi avec beaucoup d'honneur eu France et en Suède, et venoit prendre en main la cause des infortunés Vaudois. Le 11 du même mois fut aussi marqué par 1'amvée de J. Léger , alors modérateur des vallées. 11 revenoit d'un grand voyage qu'il avoit entrepris pour tacher d'intéresser les protestans de France et de quelques autres pays en faveur de ses compatriotes. A peine fut-il parvenu avec M, Andrion sur la montagne de la Vachère, qu'ils remarquèrent un grand défaut dans la disposition des troupes. Elles avoient voulu se prévaloir de quelques étables fort écartées , et se trouvoient par-la si éloignées les unes des autres, qu'on n'auroitpu, en cas de surprise, les rassembler et les mettre en état de défense. Mais comme il étoit impossible d'y remédier pour cette nuit, on envoya quatre espions , deux du cóté de La Tour, et deux de celui de Luzerne, pour savoir s'il n'y avoit rien a craindre. Deux d'entr'eux tombèrent parmi 1'armée ennemie, qui faisoit halte auprès des masures du temple d:„Angrogne, ou elles devoient attendre le jour. Ges deux pauvres  174 Succès des Vaudois. gens se crurent d'abord perdus; mais voyant que ceux des ennemis qu'ils abordèrent les premiers , bs prenoient pour des leurs , ils se couchèrent qüelcjue tems auprès d'eux sur l'herbe, et puren t entendre tous leurs pro jets. Ils s 'esquivèrent ensuite successivement. Les piémontais s'en étant appercus , courUrent après eux, et leur lachèrent deux coups de fusil, mais sans pouvoir les atteindre. Ce bruit fut un signal de ralliement pour les Vaudois, qui se rassemblèrent sur-le-champ auprès de MM. léger et Andrion. Cependant leur diligence ne put égaler celle de 1'ennemi qui se voyant découvert, se mit aussi-tót en campagne. Déja un de leurs escadrons faisoit halte sur une éminence, a la vue du poste des Barricades, tandis que les trois autres donnoient 1'assaut de trois cótés a la fois. Après un combat de dix heures, ils emportèrent ce poste , et se mirent a crier : vicloire! victoire! comme s'ils s'étoient rendus maitres cle toutes les vallées. 11 ne restoit qu'une seule retraite aux Vaudois ; ils s'y retirèrent promptement, et s'y défendirent avec le plus grand courage. Et comme ils commencoient a manquer de. poudre et de balles,' on obligea ceux qui n'en avoient plus , a combattre avec des cailloux, oua rouler du haut en bas des quartiers de rochers aussi gros qu'il étoit pcssible. Ces quartiers faisoient des ravages ci'autant plus terribles parmi les assaillans , qu'en tombant sur d'autres roes , ils se partageoient en un grand nombre de parties, qui portoient par-  Succès des Vaudois. 170 tout la frayeur et la mort. Aussi quelques ennemis commencèrent-ils a prendre la lüite ; et les Vaudois , sortant tout-a-coup de leurs barricades , jettèrent un tel ell'roi dans le reste de 1'armée , qu'elle ne songea plus qu'a la retraite. On ne trouva que quatre-vingt-quinze mortssur le champ de bataille ; mais on a su ensuite quel'ennemi enavoitemporté plus de trois cents, tant morls que blessés; et qu'outre cela le régimentseul.de Bavièrey avoitperdu cent quatre- vingts hommes, sanscompier quelques officiers. Les piémontais ayant voulu deux jours après mettrele feu auxbleds qui étoient encore sur pied, furent poursuivis jusques sous les mursde la Tourpurle capitaine Belin, et perdirent encore dix a douze hommes. Le i7juillet, M.Descombies , officier distingué du Languedoc , arriva aux vallées avec quelques autres protestans francais; et comme il avoit rempli avec honneur des postes élevés dans les armées de France, il lut élu d'une voix unanime général en chef des Vaudois. On rassembla , en même tems , soixante a quatre-vingts cavaliers , que 1'on mit sous Ia conduite de M. Charles Feautier , aussi francais de naissance. A 1'aide de ces secours, les Vaudois se flattèrent de pouvoir recouvrer dans peu tout ce que les ennemis possédoient encore dans leur pays. Leur première tentative fut contre le fort et le bourg de la Tour. fis s'en trouvèrent a un quart d'heure le 19 de grand matin, et firent halte jusqu'au point du jour. Si alors on avoit sur-le-cbamp iivré 1'assaut, comme le dési-  176 Succès des Vaudois. roient les Vaudois, le bourg et Ia forteresse ne pouvoient manquer de tornber entre leurs1 mains; mais M. DESCOMBlESusant a cette occasion d'une prudence fatale, ne voulut pas permeltre 1'attaque avant d'avoir envoyé des soldats francais pour reconnoitre la place. Ces gens, dit LÉGER, firent les rapports des israëlites qui étoient allés épier la terre de Canaan. Ils représentèrent ce poste comme nnprenable pour une armée dix fois plus grande, et engagèrent ainsi le général a faire battre ia retraite. Néanmoins les capitaine Belin et le lieu.' tenant Peyronel, qui n'approuvoient pas ravis de Descombies , ne laissèrent pas d'aller se jetter a corps perdu contre le bourg , avec un grand nombre de Vaudois et quelques francais. Belin qui y étoit né, et en connoissoit fort bien les endroits foi bles, perce en peu d'instans la muraille du cóté du couvent des capucins , et avant que les ennemis s'en appercussent, se rendit maitre du bourg et ensuite du couvent. Dès que la garnison du fort en fut instruite, elle ne demanda plus qu'a capiluler. Déja 1'on commencoit atraiter , lorsque les troupes de Luzerne arrivèrent au secours de celles du fort, et enveloppèrent le bourg par derrière,pour couper le chemin aux Vaudois. II y a donc toute appai-ence qu'après des avantages assez tjorisifjerables , ils auroient été taillés en pièces, si le capitaine Janavel , qui faisoit alors sa première sortie depuis sa bfessure, neut fait battre la retraite trés-a-propos. Cette retraite ne leur coüta qu'un seul homme. u Outre  Succès des Vaudois. 177 Outreles aetiorisdont nous venons de rendre compte , il y en eut encore plusieurs autres dans lesquelles 1'avantage fut presque tottjöurs du cóté des Vaudois. Aussi M. Descombies , qui étoit bien en état de les juger, n'a-t-il pas craint da dire de nos ancétres, qu'ils se batloient comme des lions; et j'ai la douce satisfaction de pouvoir ajouter que leurs descendans ne sa sont pas montrés moins héroïques qu'eux , Comme le gouvernement lui-même en a fait 1'aveu public. Nous croyons de notre devoir de transmettre a la postérité les noms des officiers qui se distinguèrent le plus dans cetta guerre; et nous y joindriohs également la 11ste de tous les Vaudois qui s'y firent remarquer par leur valeur, si les historiens avoient pris soin de la recuèillir. Les capitaines Barthélemi et Jacques Jateb , de Pramol, et leur lieutenant Andrion, de Costabel/e. Le C. Josué Janavel , du quartier des Vignes , prés de Luzerne , et son lieutenant Etienne Revel , de Rora. Le C. BÉlin, de la Tour. Le G. Genolat, de S. Jean, et son lieutenant Paul Facout. Les capitaines Bertin père et fils , d'Angrogne , et Genon des Genons. Le C. Laurens , de la vallée de S. Martin , et son lieutenant Jacques Peyronel ou gonnet. Seconde partie- M  ijS Succès des Vaudois. Enfin le capitaine Bennet, de S. Germain, et son lieutenant Rufin. Peu de tems après, la cour de Turin fit publier une trève qui ne fut point rompue jusqu'a la paix. Nous en suivrons les négociations dans un des cbapitres suivans; mais nous avons besoin, avant cela, de jetter un coup-d'ceil sur les événemens que nous venóns de tracer.  R.éflexions importantes. jyq CHAPITRE XIV. Coup-d'eeil sur les évènemens précédensi Réflexions importantes. Il faut convenir que les ducs de Savoie n'avoient pas de meilleurs et de plus fidèles sujets que nos ancétres. Ils ont toujours suivï le parti de leurs princes, dans toutes les guerres qu'ils ont eu, soit au dedans, soit au dehors; et ils n'ont pvis les armes que lorsqu'on a voulu forcer leurs consciences, et les priver du Jibre exercice de leur reiigion. Néanmoins, la cour de Turin les a presque toujours traité avec une dureté dont I'histoire des autres peuples ne fournit point d'exemple ; et la seule raison qu'elle en ait pu aliéguer, c'est qu'ils ne vouloient pas aller a la messe. Toutes les imputations qu'on a ajoutées a cellela , ne sont que des fables absurdes. Ce motif est, d'ailleurs , le seul que Ia cornet ses émissaires avouent dans leurs édits ;ou, s'ds articulént quelques autres accusations , c'est pour dire quelque chose, pour mettre du moins en avant quelques prétextes; mais, . quant a des preuves iolides, ils n'en ont jamais pu fournir aucunes. C'est ainsi cpe Charles- Lmmanuel II, clans son édit publié après les massacres de i655, pour motiver le bannissement cle ceux des Vaudois qui s'éloient le mieux conduits contre la horde d'assassins M a  *Bo Réflexions importantes. qu'on avoit laché parmi eux, les accuse de tébellion , de crime de lèze-rnajesté divine el humaine, etc. etc. mais sans citer aucun fait, sans donner aucunes preuves, sansindiquer ni le tems, ni le lieu du délit, ni le triËünal du il a été jugé ; de sorte que le seul sens raisonnable dans lequel on puisse prendre ce décret, c'est qu'il condamne ces Vaudois , d cause qui Is n'ont pas vou/u se laisser égorger aussi patiemment qu'on Vauroit désiré. GastaldO , plus sincère , avoue ce motif sans aucun délour, lorsque dans son manifeste publié avant les massacres, il dénonce la mort et la conjiscation des biens d tous les Vau* dois qui ne voudroient pas embrasser le cathoticisme ; et les autres princes, antérieurs ou postérieurs a CharlEs-EmmANUEL , ont presque toujours tenu le même langage. C'est toujours leur zèle pour la communion romaine, leur attachement pour le pontife cruï s'en dit le chef, cpii les engage a i'aire massacrer pieusement ies Vaudois qu'ils ne peuvent convertir. On peut donc regarder comme un fait incontestable, qüè la cour de Turin n'a jamais eu d'autre motif'pour persécuter les Vaudois, que celui de leur faire abjurer leur croyance; et c'est pour cette uniqüe raison qu'on a si souvent violé envers eux les loix de la nature et celles de l'évangile, et qu'on les a toujours sacriiiés , sans pitié , a la rage de la cour de Jlome et des inquisiteurs. Les Vauclois essaycrent pendant long-tems  Réflexions importantes '. 181 d'éviter la persècution, en se reiirant sur leurs plus hautes montagnes; mais, enfin*, se voyant poussés a bout, ils prirent le parti tle déléndra leurs droits par les armes, et ils eurent raison. ïl n'y a que des fanatiques elfrénés qui puissent leur en faire un crime. Je dois le répéter encore, la nature elle-même nous dlcte d'opposer la force a la force, de résister, de tout notre pouvoir, a 1'injustice et a 1'oppression, et l'évangile ne nous donne pas d'autres lecons la-dessus. En nous prescrivant d'aimer notre prochain comme nous-mêmes , ne nous ordonne-t-il pas de recourir a tous les moyens honnêtes qui peuvent assurer notre bonheur ? Et si un méchant veut le troubler, n'est-il pas de notre devoir de lui faire face, sous quelque titre qu'il se présente ? Ne devons-nous pas nous défendre de toutes nos forces, contra ses attaques et ses persécutions ? Les Vaudois, je le répète, avoient doncun justesujet de prendre les armes, sur-tout dans la dernière guerre. On avoit massacré, par la plus horrible barbarie, aux uns leurs pères et mères, aux autres leurs épouses et leurs enfans, a ceux-ci leurs frères et leurs sceurs; et aucun d'eux n'auroit survécu a 1'alfreuse journée du 24 avril, s'ils ne s'éloient dérobés par la fuite a la rage de, leurs bourreaux. Tant de sang innocent répal+du d'un bout des vallées a 1'autre , crioit vengeance au ciel; et le ciel y répondit en permettant aux échappés des massacres, d'en punir les coupables auteurs. Les victoires étonnantes cju'ils remportèrent presente toujours, depuis lors, sur leurs M 3  i8z Réflexions importantes. persécufeurs , quoique chassés de leurs possessions et de leurs biens, quoique peu exercés au métier de la guerre , quoiqu'extrêmement inférieurs en nombre; ces avantages extraordinaires prouvent que la providentie avoit les yeux sur eux, ét les soutenoit de son puissant secours. Si 1'on se refuse a cette conséquence, il faudra nécessairement convenir que les Vauclois dont nous parions étoient les plus héroïques des hommes. Tls n'eurent d'autre appui, pendant toute la guerre, que celui de quelques officiers, et leur armée ri'alta presque jamais au-dela de i5oo hommes. La cour de Turin étoit assistée par le roi de France , par le duc de Bavière et par les bulles des papes , qui valoient souvent des aralées; Tous les piémontais en agc de poiv ter les armes, avoient eu ordre de les prendre, du moins dans le Haut-Piémont. Cependant toutes ces forces reünies ne puient reniporter aucun avantage décisif contre les Vauclois ; elles furent presque toujours battues et mises bonleusement en fuite. Janavel rentra dans les vallées avec deux cents hommes, quoiqu'on en eut confié la défense a douze cents irlandais, et a trois mille hommes d'autres troupes. Les Vaudois , au nombre de cinq cents , forcèrent le bourg cle S^Sscond , ou il y avoit une garnison de 800 i-riandais et de 65o piémontais bien retranchés. Dans Ia plupart des combats, nos ancétres n'avoient que deux ou trois morts, lorsque 1'ennemi les comptoit par centaines. Les calculs les plüs modérés portent sa perte totale, pendant les trois mois que clura  Réfiexions importantes. i83 cette guerre, a quatre mille hommes; et les Vauclois n'eurent pas même a regretter cent des leurs, en comptant dans ce nombve ceux qui périrent par l'imprudence fatale du capitaine Jayer. Enfin , ce qui doit former le dernier trait de ce parallèle, c'est que les avantages que les ennemis remportèrent de tems a autre, ne furent jamais dus qu'a leur perfidie. J'ai dit plus haut que le manjuis de PlAnesse avoit puhlié, après les massacres, un longmanifeste , dans lequel ilétaloit mille calonmies toutes plus absurdes les unes que les autres. J'ai fait voir qu'on n'avoit absolument aucun droit de déposséder les Vauclois cle leurs maisons et de leurs biens, puisqu'ils les occupoient long-tems avant que les ducs de Savoie fussent princes de Piémont, et que dans la jurisprudence de toutes les nations policées , le droit du premier occupant est un droit -incontestabie et sacré. J'ai fait plus; j'ai osé défier tous nos ennemis , a la face de 1'univers, de prouver cpue les Vaudois aient jamais commis aucun des crimes dont on les a accusés. Je vais actuellement plus loin encore; et je ne crains pas de dire, qu'ensupposantmême cpie les Vaudois se fussent rendus coupables, ce n'en étoit pas moins le comblc cle 1'injustice de les persécuter comme on 1'a fait. S'ils étoient criminels, il falloit les traduire. devant leurs tribunaux légitimes, articuler leurs crimes , les prouver, et punir tous ceux qu'on auroit pu convaincre de s'être écartés des loix. Mais chasser un grand nombre de families de leurs biens , sans aucune forme de procés, sous M 4  '184 Rèjlexions importantes. prétexte seulem ent qu'elles ne vouloient pas aller a ia messe, envoyer une armée cle brigands pour exterminer d'innocentes créatures, ciont tout le crime se réduisoit a vouloir conserver la croyance et le culfe de leurs ancétres, c'est, puisqu'ilfautirsncber le mot, c'est quitter les fonctions de prince et de juge, pour faire celle d'un assassin ; c'est fouler aUs pieds la mörale ; c'est se jouer cle la reiigion , en prétendant Ia défendre. Que des fanatiques sans lumières eroient gagher le ciel, en massacrant ceux qu'il leur plait iiominer hérétiques , c'est déja sans. cloute un bien grnncl attcntat contre la nature et la speiété; mais qu'un gouvernement qu'on'cloit suppcser eclairé, qu'un pontife qui ie dit le .c\et d ■ 1'eg'ise , aient pu auloriser ce* alrodttes'par leurs bulles t-1 par leurs édits; qu'ils .aient pu orclonner de sang froid le massacre cle leurs frères; qu'ils,aient pu pousser la mér -cUapoelé jusqu'a vouloir justilier-ces horreurs, -après lies avoir fait commetire.... Kon, il n'est aucun tenue qui puissè exprimeri toute l'.in■ dlgnation que je senss'aliuiuer clansmon ame, •lorsque je médite "sur- t-elle chalnetlecrimes! . • iEb ! cm'ils nous moulreul donc,.les princes ei les polentafs de la terre, qu'ils nous moutrent qui hs a é tab-lis -juges en tre-les hommes et leur .'créaieur , qui leur ;a dcinné, le droit de régler .les opinions religicuses de. ceux qu'ils.gouverncnt; car, avautoela, nous: serons toujours fondés a ne les regarder que comme des tyrans de la pensee ! Mais ne sait-on pas assez aujouru'iiui , que le chrétien ne doit compte  Réflexions importantes: i85 de sa croyance qu'a DIEU seul, et que tout homme qui veut s'en mêler, ne peut lelaire qu'en empiétant sur les droits de la divinité ? De souverain peut, il doit même exiger que chaque homme reconnoisse et adopte tous les principes de la rnorale et du droit naturel , qui sont nécessaires pour le maintien et la prospérité.de 1'état; mais ses droils et ses devoirs ne s'étendent pas plus loin. Ou'une partie dela na tion croieau purgatoire, ou qu'elle le rejeite, qu'elle admette la transubstantiation, ou qu'elle la nie, qu'elle invoque les saints, ou qu'elle refu.se dé leur rendre au^ cun culte, qu'elle ailie a la messet au préclie, etc. etc. ces oh jets ne sont plus de son ressort ; il n'a pas plus de droit qu'un autre homme de les soumeüre a son autorité. Et d'ailleurs , qu'est-ce qu'un héréliqüe? Si vous vous adressez a un partisan de la communion romaine , il vcus dira que ce sont les rèformés qui sont hérétiques ; si vous inlerrogez un protestant , il vous répondra que ce sont ies catholiques ; si , vous consultez un arminien , il cfiera h 1'hérésie en parlant d'un remonstrant ; et en réunissant ces décisions orgueilleuses , • vous sercz tenté d'en conclure qu'il n'y a que des hérétiques sur la terre. Mais consultez la raison , et sur-tout 1'évangüe ; ils s'aecorderont a vous dire qu'il n'y a d'autres hérétiques que ceux cjui violent les loix sacrées cle la nature, que les méchans, que tous ceux, en un mot, dftnt la verlu distinclive, la première verlu n'est pas la charité , ou 1'ümour sincère et acüf de tous leurs  i86 Réflexions importantes. semblables. Ils vous diront qu'en toute nation, celui qui craint DIEU lui est agréable; et que Ia reiigion ne consiste pas en paroies, mais en Vertus. Et vous vous étonnerez de voir des vérités aussi évidentes, si généralement méconnues et oubliées dans la pratique , qu'il n'j a peut-être pas trois gouvernemens qui s'y conforment aujourd'hui. On ne se ma'ssacre plus , il est vrai, on n'allume plus des büchers. Mais y a-t-il donc beaucoup de mérite a n'être pas des scélérats ? Les protestans ne haïssent-ils pas , ne méprisent-ils pas, n'oppriment-ils pas les cathoFiques dans les états ou ils dominent ? et les catholiques ne leur rendent-iis pas la pareille dans ceux oü ils sont les plus forts ? Pvègne1-il entre les peuples qui se disent chrétiens, cette union , cetts concorde, cette fraternité qui est le premier devoir d'un vrai disciple de l'évangile ? Sont-ils véritablernent frères et amis ? Les lecteurs ont déja satisfait pour moi a toutes ces questions ; il n'en est aucun qui n'y ait répondu par la négative. Pourquoi hésiterai-je donc de dire ouvertement la cause de ces abus, et de tant d'autres encore ?.... C'est que le christianisme qu'on prêche aujourd'hui, n'est plus le même que celui qu'enseio-nèrent Jésus et ses apêitres : c'est que , parmi les catholiques, il n'est que le résultat des opinions particulières de la cour de Pvome; parmi les réformes, cle celle des réformateurs: c'est que par-tout on a méconnu sa noble simplicité, pour y substituer un vain échafauda^e  Réflexions importantes. 187 de dogmes incompréhensibles : c'est que la plupart des soi - disant chrétiens 1'accommodent a leurs passions , au lieu de le suivre, et qu'ils font de cette loi, qui n'a été publiée que pour le bonheur de 1'humanité , un prétexle aux tjrannies de tout genre qu'ils exercent sur leurs sembiables. L'évangile nous dit que pour obtenir le bonheur éternel, il sulïit de croire que Ie DIEU qu'il annonce est le seul vrai DIEU; de reconuoitre jésus pour son envoyé, et de remplir les devoirs qu'il nous a présents. Mais nos chefs de secte, se croyant plus sages, sans doute , que les fondateurs même du christianisme , n'ont garde d'en resler la. Ils vous font des lisles de dogmes qui ne linissent pas; ils en exigent impérieusement la croyance des autres hommes, quoiqu'ils n'y comprennent rien eux-mêmes ; et d'un seul mot, ils vous condamnent aux supplices éternels, si vous refusez d'adopter toutes leurs rêveries, tous leurs extravagans systêmes. Qu'arrive-t-il alors ? i'amour propre se mêle -de la partie, 1'esprit de secte fermente, les disputes s'animent , la haine s'allume ; et si l'ün des deux a une supériorité de forces décidée, le sang ne tarde pas a coulor, ou du moins, il tyfannise et il opprime, au nom même de ce christianisme, qui ne recommande que support, bienveillance et amour. Voila I'histoire de toutes les guerres de reiigion, de tous les maux qu'on attribue si irijustement a la reiigion chrétienne, puisqu'ils ne sont crue l'effèt de 1'ignorancc, des passions et des égaremens des hommes. Voila la cause  s88 Réflexions importantes. et 1'unique cause du peu de vertus qui règnent ordinairement parmi ceux qui se disent ses disciples. Mais qu'on les éclaire enfin sur cette belle doctrine, qu'on leur fasse sentir qu'avec toute la foi possible , on est encore un inauvais chrétien, si 1'on n'j joint la pratique de toutes les vertus; qu'on ramène , en un mot, le christianisme a sa simplicilé primitive, et tous ces abus disparoitront! Que tout homme qui croit ,a 1'existence d'un DIEU, et qui regarde Jésus comme son envoyé, soit reconnu pour chrétien , comme il ï'est en effet, et toutes les sectes s'anéantiront d'elles-mêmes ! Que les hommes cessent de tjranniser leurs frères pour des opinions dont on ne doit compte qu'a DIEU seul , et toutes les vertus renaïtront sur la terre ! Enfin, que chaque homme reconnu pour chrétien, jouisse, dans 1'état dont il est membre, de tous les avantages publiés et particuliers , civils et politiques, et 1'on verra s'opérer une révolution qui sera le plus beau triomphe du chritianisme.  Int. des cant. protest, de la Suisse. 189 GHAPITKE XV. Intercession des cantons protestans de la Suisse, en faveur des Vaudois. IjA nouvelle des massacres ne tarda pas k se répandre en Europe; et tout ce qu'il y avoit d'ames honnêtes et sensibles, déplora les malheurs des infprtunés Vauclois. Mais leur intérêt ne se borna pas a de vaines lamentations. La plupart des états protestans prirent vivement a cceur la cause des habitans des vallées , et leur procliguèrent tous les secours que pouvoit dicter la plus tendre bienveillance. Nous avons déja. vu arriver ci-devant a Turin , deux ambassadeurs extraordinaires envoyés de la part de Ia Grande-Bretagne, pour intercéder en faveur des Vauclois; et nous reviendrons ailleurs sur f'intercession de ce gouvernement. Ce cbapitre doit contenir le prérus des démarches que les cantons protestans de la Suisse lirent dans le même but. A peine les cantons eurent-ils appris la puv blication de 1'ordre de Gastaldo, qu'iis écrivirent au duc de Savoie, en date du 6 mare i655 , pour le supplier cle laisser en paix les Vaudois, « vu, sur-tout (disoient - ils en» tr'autres ) que comme le doivent de vrais » et fidèles sujets, ils sont toujours demeurés » inviolablement fermes dans tous leurs de» voirs envers V. A.»  zgo Intercession des cant. prot. La cour ne répondit a cette lettre que par des accusaticns de Ia nature de celles qu'elle publia ensuile dans son manifeste. C'étoient de prétendus excès , une haute insolence, dont elle ne donnoit pas la moindre preuve, selon sa coutume, et qui, en eiïet, n'avoient jamais existé que sur le papier. Puis elle ajoute: « Le dernier desquels excès arrivé le » propre jour de Ia nativité de notre Seigneur, j) en l'année 1604, nous a convié a ne point » dissimuler une si baute insolence.» Ce prétendu excès que la cour avance ici, comme le principal motif de 1'ordre cle gastaldo, n'a point été cité dans 1'ordre de Gastaldo même, ni dans le manifeste, ni dansl'édit de CharLES-Emmanuel. Cette lettre seule en fait mention, et il importe beaucoup de 1'observer. En supposant même que quelques enfans de la Tour eussent fait une mascarade avec un ane, et 1'eussent tiré sur un clocher, étoitce une raison suffisante pour chasser de leurs terres, non - seulement les habitans de cette communauté, mais encore tous ceux deS. Jean, Luzerne , Luzernette, Campillon , Fenil, Briqueiras et Bubiane ? Etoit-ce un crime assez énorme pour condamner a la boucherie tous les habitans des vallées 't Falloit-il noyer une faute, une étourderie dans le sang innocent des vieillards, des femmes et des enfans qui n'avoient pu y participer en aucune manière ? Falloit-il faire un vaste tombeau de nos vallées,pour punir un moment cfeffervescejiLe de quelques jeunes gens ? Mais il n'est pas vrai, d'ailleurs, crue cette  de Ia Suisse. iqt actiën ait été commise par des Vaudois, comme la cour les en accuse. C'est a des catholiques qu'il faut l'attribuer ; et 1'on m'en croira sans peine , si je dis que ce fut Gastaldo même qui constata ce fait , après avoir pris, aux iustances des Vaudois , toutes les informations qui pouvoient 1'éclairer la-dessus. Le prétendu excès dont on les accuse auprès des cantons helvétiques , n'est donc qu'une nouvelle calomnie dans toute 1'étendue du terme. Les massacres du 24 avril ne prouvèrent que trop combien 1'intercession des cantons protestans avoit été inutile. Dès qu'ils en eurent appris ia nouvelle, ils ordonnèrent dans tous leurs états un jour extraordinaire de jeune et de prières, et une collecte générale pour secourir leurs malheureux frères des vallées. Ils écrivirentaussi, de tous cótés, en leur faveur, des lettres très-pathétiques qui respiroient la charité la plus ardente, et députèreut a la cour de Turin le colonel Wits , pour y prendre en nkain de leur part la cause des Vaudois. M. "W 1 t s ayant obtenu audience de la cour, lui témoigna, avec beaucoup de force, la vive douleur que les cantons avoient ressentie a la nouvelle du massacre des habitans des vallées , et lui présenta un mémoire des cantons, par lequel ils lasupplioient de vouloir enfin leur rendre justice. La duchesse leur répondit ,« que quoiqu'elle n'eut a rendre compte » de ses actions a aucun prince du monde, » elle avoit néanmoins chargé le marquis de » Pianesse de 1'instruire de toute cette affaire, en » faveur de 1'ancienne amitié qui la lioit avec  192 Intercession des cant. prot. » les cantons. » C'étoit renvoyer au loup 1'apologie des brebis. Aussi n'y a-t-il sorte cle subterfügës auxquels le marquis n'eut recours dans son entretien avec M.JWiTS..2'iais l'envoyé des cantons, qui n'éfoit pas la dupe de ce manege , lui fit Voir clairement toute la fausseié de ses assertions, et des accusations qu'il intentoit conire les Vauclois. Et comme il s'appercut que ses instances ne pröduisoient aucun efï'et a la cour, jl repartit pour la Suisse. Les cantons, dont le zèle ne pouvoit se refroidir par des obstacles, résolurent d'envoyer encore une ambassade solemneile au duc de Savoie, et d'intercéder de nouveau auprès des autres puissances, pour les intéresser en faveur des Vaudois. Ils écrivirent dans cette vue aux États-généraux des Provinces-Unies, et au protecleur de la Grande - Bretagne, ölivier Cromwel. On peut voir une copie de cette dernière lettre clans 1'ouvrage de léger , deuxième partie, page 206. On y remarque sur-tout les expressións süivantfes , qui süffiroient pour faire voir a toute 1'Europe c[uelle étoit la manière dont les gens sensés et les gouvernemens équi tables envisageoient les persécutions qu'on faisoit aux; Vaudois. « Nous faiv sons aussi connoitre ( disent ces vénérables » cantons) Ia même résolution qne nous avons » prise aux états-généraux des Provinccs» Unies, qui, comme nous en sommes assu7> rés , ne refuseront point leur aide et secours » d des frères innocens ettrès-indignement » vexés. » — Cette lettre étoit du 17 juin 1600. M.  de la Suisse. iq3 M. Wits fut donc envoyé, pour la seconde fois, a Turin , ou il devoit étre suivi par quatre autres ambassadeurs. II y arriva au commencement de juillet, s'adressa de suite a la coür , et n'obtint d'autre réponse que celle qu'on lui avoit donné la première fois; et lorsqu'il eut annoncé la procbaine arrivée des quatre ambassadeurs , elle tacha d'en éluder 1'eiï'et, en ciisant, « que le roi de France s'élant » offert pour terminer cette affaire, et témoiy> gnant vouloir moyenner le pardon aux rem belles , elle ne pouvoit la tirer d'entre ses 3> mains. » MM. HlRZEL , eonsteltein , socin et Stóckar , ayant appris cette réponse avant d'arriver a Turin, bésitérent beaucoup sur ld parti qu'ils avoient a prendre. Cependant | comme ils étoient déja fort avancés dans leur voyage, ils résolurent de 1'achever , et arri* vèrent a la capitale le 24 juillet. Ils furent très-gracieusement accueillis par la cour, et lui présentèrent un mémoire (dont cn peut voir 1'extrait dans Léger , deuxièmé partie, pages 207 et 208) destiné sur-tout a justilier les Vaudois de 1'accusation de révolte, ' qui leur étoit intenlée dans dilférens écrits. Les cantons s'y plaignoient encore amèrement des violences, des cruautés'qu'on avoit exercées contre leurs frères. — « Certamement, disoient»* ils, cette extréme désolatton et caiamité a « tellement outré les cceurs de tous nos peuples, » que nos supérieurs n'ont pas eu peu cle peine » a empécher qu'ils n'accourussent par miluers i> au secours de leurs pauvres ïvbvensicruelléSeeondc partie, Jvf  •a54 Int. des cant. protest, de la Suisse. n ment oppressés. Et nous savons bien aussv x que la ïuême émotion s'est rencontree parmi > les sujets des autres puissances, etc. etc. » Enlin , ies envoyés pressoient la cour de conclure un accommodement avec les Vaudois, qui les mit a 1'abri de toutes violences pour 1'avenir. On répondit au mémoire des ambassadeurs, en leur envoyaut M. Gresi, conseiller d'élat, avec un écrit tendant encore a noircir les Vaudois, et a justilier leurs persécuteurs. On leur tumoigna cependant que , malgré la média» tion du roi de France , ils pouvoient bien se transporter aux vallées, pour s'y informer de 1'état des affaires. Ils se rendirent, en effet, dès le jour suivant a Pignerol , cpui appartenoit encore aux francais. M. Servient , ambassadeur de France, le comte TrüCHIS , le iénateur Perraqüin , le préfet B.essan , le prieur M. A. RoRENCO , et quelques autres agens du duc, ainsi que les députés des vallées , a la tête desquels étoit J. léger , y arrivèrent aussi successivement, et, tous ensemble , commencèrent les négociations pour la paix.  Traité de paix de i655. 193 CHAPITRE XVI. Négocidtions de paix et patentes de Pignerol , concilies le 18 aoiit i655. Réjlexions sur ce traité. Adresse de l'aiiteur & Victor-Amébee III. Cje &t le 3 aoLit que s'ouvrirent les négociations. Ce même jour les ambassadeurs des cantons s'aboucbèrerit avec les députés des vallées, Léger, Lepreus, Jayer, etc. pours'informer exactement de tout ce qui s'étoit passé, et leur faire connoitre tout 1'intérêt que les cantons protestans de la Suisse prenoient a leur cause. Ces ambassadeurs ayant communiqué a leur souverain le pécit de la négociaiion de Pignerol, dans trois relations difïérentes, et ces trois relations se trouvant en entier dars Léger (deuxième partie, page 208, etc.) j'y renvoie ceux de mes lecteurs qui aiment les. détails circonstanciés. Dans la première relation , on remarque ce passage: — « Au reste, nous avons bien appris, 3) par des informations indubitablés , que lts » cruautés exercées contre les Vaudois, (quoi» que la cour de Savoie 1'asse tout ce qu'elle » peut pour les déguiser) a notre extréme » regret, ne sont que trop véritables, et telles » que des cceurs de diamant n'en pourroient » jamais ouïr le récit sans se briser et se fondra j» de douleur. a N a  *q6 Traité de paix de ï655. Le jour après ce premier entretien , les ambassadeurs suisses et les députés des vallées , se reudirent chez M. Servient , ou ils trou- • Verent les envoyés de la cour de Turin. LÉger mon tra par la lecture de di Héren tes pièces, rasolidité des concessions et des privileges des, Vaudois, et ies justifia pleinement sur toutes les calomnies qu'ön avoit inventées contr'eux. Le comte Trüchis s'erïbrca de les rél'uter par un discours qui ne tendoit a rien moins qu'a persuader,que ies Vaudois devoient aller se prosierner aux pieds du duc, la corde au cou, et lui deuiander grace dans cette posture; préten lion trop étrange et trop ridicule, pour que nous ayonsbesoin de nousy arrêler. Une autre non moins singulière, que ce délégué cherchoit a appuyer, c'étoit, .< que quoique les habitans » des vallées eusseut obtenu plusieurs cqncess> sions et édits des ducs de Savoie , ils ne s> pouvoient avoir d'elï'etqu'autant de tems que 3) duroit la vie de celui qui les avoit accordés; » et crue son successeur n'étant pas tenu cle les j) observer , pouvoit les casser légitimement. » Si ces principes s'accordoient avec ceux de la propagande, ils n'en étoient pas moins contraires aux premiers éléinens de la morale de la nature et de la société; ils n'en étoient pas moins souverainement injustes. Mais se piquet-on de justice envers des hérétiques ? Les fanaticfues sa vent-ils même ce que c'est que ce mol ? Le inercredi 5 , les ambassadeurs suisses insïstèrent forteinent auprès des commissaires du duc, pour une amnistie générale, la resiitutiou  Traité de paix de i655. 197 des biens des Vaudois et le rétablissement de leurs privileges civils et ecclésiastiques. Le 10, le comte Truchis , après diverses propositïons d'arrangement , tout aussi peu aceeptables les ünes que les autres , ne rougit pas d'y mettre cette clause : « Oüe non-seulement » les Vauclois consenliroient, mais qu'ils con» tribueröient même a la consrruction du fort » de ia Tour ; » — Proposition qui leur étoit Cl autant plus impossible d'accepter, que cette citadellejavoit élé autrefois le pernicieux instrument desvexations qu'ils avoient sourï'ertes, et qu'on ne vouloit le relever que pour ponvoir encore les vexer impunément, comme la suite 1'a irès-bien prouvé. Le même jour, M. ViTS reent une lettre de M. Morland , envoyé extraordinaire de la Grande-Bretagne , par laquelle il le prioit de ue point béter ia conclusion du traité, vuqu'ïï espéroit de recevoir bientót des ordres de sou 'souverain pour cette négociation, et qu'il se flattoit de pouvoir y influér d'une manière avantageuse pour les Vaudois. Le i3, les députés recurent un projet écrit cle 1'aecord qu'on vouloit faire, mais il ne les satisbt riullëment; Les jours suivans furent employés a en discuter les articles ; et le 16 du même mois, on ies corngea a la satisfaction commune. Mais après le départ des ambassadeurs suisses , les Vaudois refusèrent de les signer, paree qu'on ny parloit pomt de 1'intercession des cantons belvetiques. Avant de quitter Pignerol, leurs envoyés avoient eu soin de recommander vivemeut la cause des Vaudois au ministre de N 3  198 Traité de paix de 1655. France , sur-tout pour ce qui regardoit la démolition du fort de la. Tour, et M. Servient avoit promis de s'y employeravec ehaleur. Dans leur quatrième relation, datéede Turin , le 3i aout, les ambassadeurs suisses expliquent les raisons qui les obligèrent cle conclure le traité avant 1'arrivée des envoyés de Ja Grande-Bretagne et des Provinces-Unies; puis ils a joutent: —- « A noti e retour a Turin , 3) nous n'avons point manqué de presser 1'exé») cution de 1'article fait a part, touchant la 3) démolilion du fort de la Tour; et nous 3) avons recu de bonnes assurances que la chose 3» s'efïëetueroit, et cpu'elle n'étoit retardée qu'a 3j cause du deuil que la cour prenoit a 1'occaï> sion de la mort de la duchesse de Manloue, •» tante du duc, etc.» II faut bien remarquer ce passage. II fait voir . avec la dernière évidence , que s'il y avoit un article secret, relatif au fort de la Tour, il portoït de démolir celui qui y étoit, et non d'y batir une citadèlle beaucoup plus forte encore, et dans un lieu mille fois plus préjudiciable aux Vaudois, comme on le fit ensuife , au mépris des promesses les plus soiemnelles qu'on leur avoit si souvent réitérées , ainsi qu'aux envoyés des cantons protestans de la Suisse. Mais, encore une fois , ce n'est pas enyers des hérétiques qu'on croit devoir tenir sa parole. On les trompe, on les persécule, au lieu de les convaincre; et si cet expédient n'est pas le plus juste, il est du moins le plus sur, lorsqu'on a la force en mam. 11 ^sjt facile ci'avoir raison ayec ie secours des  Traité de paix de l655. 199 bayonneites ; il est vrai aussi que cette raison n'est que celle du loup de la fable; mais les tyrans de tous les genres n'en connoissent pas d'autre. Enfin, les obstacles a la conclusion du traité , ayant été applanis autant que possihle, on signa, de part et d'autre, 1'accord connu sous le nom de patente de Pignerol. Nous en insérerons l'original même a la fin de ce volume ; nous nous bornons, pour le moment , a en présenter la substance a nos lecteurs. Cette patente que la cour a voulu appeler patente de grace, pour sauver son honneur, commencepar un assez long préambule, dans Iequel les Vaudois sont représentés comme coupables d'avoirpris les armes pour se défendre contre les assassins qu'on avoit lachés sur eux ; et ensuite de ce principe que nous avons déia réfuté plus haut, le prince usant de son plein pouvoir, de sa science certaine et de sa souveraine clémcnce , pardonne aux Vaudois repentans toutes les fautes qu'ils peuvent avoir commises. Mais il est bon de savoir Cfue les Vaudois eux-mêmes , loin d'avouer ce préambule, ont toujours protesté contre son contenu. Ce préambule les accuse ouvertement de rebeliion , et ce crime ne fut jamais Ie leur, a moins qu'on ne dise que c'est être rebeile que de se défendre contre un brigand qui veut vous égorger. Les Vauclois défendirentleurs privileges, leurs biens et leurs vies, attaqués de la manière Ia plus injusle et la plus criante ; mais dans tout le reste ( et la cour elle-même n'a jamais pu en disconveuir ) ils ont toujours été d'une fidélité et N 4  2ö<5 Traité de paix de i65S. d'une soumission a toute épreuve. C'est donc a tort que les concessions et les privilèges contenus dans cette patente, sont accordés sous le 'titre de grdces, de tolérance , etc. On n'est pas dans le cas d'user de-grace, de pardon en vers ceux qui n'ont commis aucun crime, aucune 1'aute quelconque. Mais la cour n'ayant rien voulu relacher sur cet article , il a bien faltu céder tout en protestant. Le second article n'est pas moins injuste. II défend aux .Vaudois l'habifationdeiz^£7?z leurs parens pendant leur minorité; c'est» d-dire, les garcons avant Vage de \% ans, » et les files avant celui de 10. » C'est-a-due , qu'un crime qui devroit être puni avec la dernière rigueur, est ici légilime k 1'égard des Vaudois ; et que 1'on peut aller juridiquement arracher les enfans du sein de leurs mères, pourvu qu'ils aient atteint 1'age de dix a douze ans. Je ne sais , en vérité, de quel nom qualifier une semblable condition; mais mon sang s'allume lorsque j'y pense , et je voudrois pouvoirle faire servir a effacer des annales de ma patrie , des traits de dépravation et d'immoraiité si inconcevables ! Mais ce que mes lecteurs trouveront sans doute plus étrange encore, ce qu'ils auront de la peine a croire, et qui n'est cependant que 1'exacte vérité, c'est qu'on a encore vu, il n'y a que quelrrues années , un exemple de ces enlèvemens juridiques. Un père infortuné , qui vit encore , et que j'ai connu moi-même, s'est vu arracher une fille chérie d'entre ses bras, par les ordres du magistrat de la province;et cette jeune fille qu'on avoit trompée de la manière la plus infame , pour 1'engager d'ahjurer sa croyance, coule ses jours dans un couvent catholique, et est ravie pour toujours k sa familie. Je sais bien qu'on a prétendu et  Traité de paix de l655. io3 qu'on prétend encore , qu'elle avoit consenti elle-mêmeaembrasser le caiholicisme ; mais je demande a toute personne sensée, si c'est a 1'age de 10 a 12 ans qu'on est en état de se déeider pour le culte qu'on veut suivre ? Je demande si les loix permettcnt h un enfant de cet age de disposer de lui-même, et s'il n'est pas sous la tutèle de ses pareus jusqu'a 25 ans ? et je prie qu'on me dise,d'après cela, si la justice permettoit de regarder comme valide le consentcment d'une jeune fille qui n'éloit pas maitresse d'elie-même, et qui dépendoit en tout des auteurs de ses jours ? Qu'on entasse donc sophismes sur sopbismes tant qu'on voudra, et je n'en coulïendrai pas moins que cet enlèvement porte tous les caractères de Vinjustice ia plus criante et la plus atroce ; je n'en soutiendrai pas moins , quoicpu'il puisse m'en coüter , que c'est un renversement borrible cle toutes les loix divines et bumaines. S'il étoit permis de parler aux rois avec franchise , sans s'exposer a la haine implacable de leurs courtisans, voici a-peu-près ceque j'irois faire entendre aux jneds du tróne du roi de Sardaigne , notre prince actuel: « Sage VIC» TOR ! ( luidirois-je), oui, je le sais , vous y> êtes et vous voulez toujours être le père du » peuple que vous gouvernez. Mais on vous » dérobë la vérité, on 1'empêche de parvenir •>■> jusqu'a vous; et il se commet, a votre inscu, v des iniquités que votre cceur ne sauroitap» prouver. Ou cherche a égarer votre juge» ment. Sous prétexte de reiigion, ont met vos ». sujets les plus veruieux et les plus lidèies  204 Traité de paix de i6o5. t> dans la classe des enfans illégitimes ; et » lorsqu'enfin l'ih justice les force a se plaindre , » leurs requêtes sont adroi temen récartées. Sous » prétexte de reiigion , on les éloigne des em» plois un peu relevés , on les circonscrit, on » ies gêne dans 1'exercice de leur culte, et on » laisse subsister contr'eux des édits dont il ne » tient qu'a la malveillance d'abuser. Enfin, » par une suite des limites étroites dans les» quelles on les force encore de se contenir, » on oblige un grand nombre d'entr'eux d'al» Ier cbercher, dans d'autres climats, des res» sources que leur patrie leur refuse ; et 1'on » porte ainsi le coup le plus sensible a la pros» périté de 1'élat. » Je suis peut-être, par mon existence civile, » une des personnes les moins importantes de » 1'état; mais je vous aime, et je vous respecte » a cause de vos verlus. Permetiez donc que »> je vousdise toute la vérité; votre règne vous » a bien acquis le droit de 1'entenclre. >♦ En tracant , dans cette histoire , Ie luj> gubre tableau des persécutions cpte nos an5» cêtres ont soufFertes sous vos prédécesseurs , » j'ai fait indirectement 1'éloge de votre règne. » Mais il y manque encore, a. mon gré, un » tratt qui le couronneroit bien glorieusement, » et que j'espère pouvoir ajouter bientötatous » ceux qui ont déja rendu votre mémoire si » chère. Vous avez commencéa faire Ie bien, » ayez actuellement le courage de le faire tout » entier. Anéantissez, il en est tems, et vous le pottvez sans peine, anéantissez pour tou» jours les barrières odieuses qui existen t encore  Traité de paix de i655. 2o5 » entre les Vaudoiset les catholiques; puisqu'ils » sont tous les enfans de la même joatrie, puis» qu'ils sont tous 1'objet de votre sollicitude » paiernelle , qu'ils aient aussi tous part aux » mêmes privileges; et que la reiigion, dont » le hut est d'unir de plus en plus les hommes, » ne soit plus un prétexte pour les diviser. « Faites publier, dans tous vos états, que vous « ne reconnoissez plus d'autre différente entre » les habitans , que celle du mérite et de la 3> vertil, du vice et de la méchanceté; et vous » nous verrez tous, vieillards, femmes et en» fans , aecourir k vos pieds, les inonder des 3> larmes de notre reconnoissance, et bénir le 3> nom de Victor-Amédée III! j) La posïérité attend de vous ce grand acte » de justice ; et j'ose 1'implorer encore , au » nom de ceux de nos ancétres qui ont péri * par le glaive de la persècution. II. suffira a » leurs descendans pour leur faire oublier tout » le jsassé ; et j'aurai moi-même la doublé sa3> tisfaction de voir que mon travail n'aura pas 3> été inulile. >3 Je ne le déguise point; c'est sur-tout dans 3) ce but cpie j'ai entrepris cette histoire. J'ai >3 eu le courage d'j dire par-tout la vérité, et » peut-être 1'ai-je dite quelquefois avec assez 3) de force. Mais je savois cpue c'étoit lè seul >3 moyen de mérirer votre confiance , et de 33 vous faire connoitre Ie véritable état des » choses. fl n'est pas impossible que les méchans » cherchent a ahuser de ma franchise; qu'ils 3) travaillent a me nuire, en tordant mes ex3> pressions et en empoisonuant les motifs qui  2o6 Traité de paix de 1G00. a m'ont dirigé. Mais ils seront forces au si-* » lence, si vous daignez accueillir mon ou» vrage, et leur improbation fera mon éloge. » Prince vertueux et sage, je ne vous com» parerai pas a TitüS , paree qu'on pourroit » m'accuser de flaterie. Je dirai bien, cepen5) dant, que je me félicite d'être né sous votre » règne , et d'avoir pu vous parler avec toute » la franchise que vos vertus devoient m'ins» pirer. Je vais attendre, en silence, que la » renommee me permette d'en publier de nou>» veaux traits.»  Intercession de Cromwel. aoj CHAPITRE XVII. Intercession du protecteur de la GrandeBretagne en faveur des Vaudois, Etablissement d'une rente perpéluelle pour les vallées , injustement supprimée par le roi Charles II. Réclamations d ce sujet. De tous les princes qui s'intéressèrent en faveur des Vaudois, Ie protecteur de Ia GrandeBretagne, Olivter Cromwel, fut un de ceux qui y mit Ie plus de chaleur et de zèle , au point qu'on lui a souvent entendu dire, «que » jamais rien au monde ne 1'avoit tant ému 3) que la nouvelle des massacres du 24 avril. » —■ On rapporte même qu'il fit déclarer au duc de Savoie, « que s'il ne discontinuoit pas » de persécuter les habitans des vallées , il j) feroit passer une flotte par-dessus les Alpes » pour les secourir. » — Si ce mot est en effet de lui, il prouvé combien il prenoit a cceur le sort des Vaudois. Ge qu'il y a de certain , c'est que dès qu'il eut appris les évènemens des mois d'avril et de mai i655, il ordónna des jeunes. et des collectes générales , tant en Angleterre , qu'en Ecosseetenlrlande. 11 écrivit même a diverses puissances en faveur des Vaudois , entr'aulres au roi de Suède , au roi de Danemarck , et aux états-généraux, des Proyinces-Unies.  2o8 Intercession de Cromwet. Dès le lendemain de la date de ces lettres* c'est-a-dire , le 26 mai i655,M. Moreand recut ordre de se rendre a la cour de Turin , en qualité de son ministre extraordinaire. II étoit muni d'une lettre pour le roi de France. II la lui remit en passant, et le pria avec beaucoup d'instances de vouloir employer 1'ascendant qu'il avoit sur le duc de Savoie , pour J'engager a conclure enfin une paix solide avec les réchappés des massacres. On voit par la réponse que ce monarque adressa au protecteur, qu'il désapprouve qu'on ait employé les troupes francaises a la boucberié des Vaudois; qu'il nie avoir donné aucun ordre y relatif; et qu'enfin, il se loue beaucoup de la lidélité des protestans de France. M. Mos.land ayant trouvé 5. LÉGER a liVon, recut de lui tous les renseignemensdont il avoit besoin , continua sa route sur Favoli, et y arriva le 21 juin. Voici la manière dont il peignit les persécutions exercées contre les Vauuois, dans ia première audience qu'il obtint de la cour : « Et cmelle sorte de cruautés (dit-il en» tr'auires) n'ont osé faire lts soldats envoyés 5) conlr'eux, ou quelle barbarie ont-ils omise ? y> Leurs maisons de toute part en feu, leurs » membres déchirés, et la terre teinte ett sang; 5) les pauvres vierges violées , ayant vu leurs » ventres rempb'3 de cailloux , et contraintes 3) de mourir en cette sorte; des centaines de 3> vieillards, de décrépits et accablés d'années, » brulés dans leurs couches ; des enfans, les 33 uns écrasés contre les rbcbers , les autres égorgés  Intercession de Cromweï. '±cq * égorgés', et leurs cervelles cuites et dévörees »> avec une cruauté de Cyclope, et pire encore » par ces meur tres. Qüdi plus? certes, quoique » j'eri pourrois dire beaucoup davantage, Yhor* >5 reur qui saisit moji esprit quand )J pense , - ?Te, me le Peilt pertnettrë; Quand tous les 33 Nero ils de tous tems et de tous ages vien» drolent k renaitre ( ce qui soit dit sans oüënse « de V; A. R., car nous ne cröyons nas que 33 ce soit elle qui soit coupable de rien cle sem33 blable ) , certes ils en auroient horreur , » comme ceux qui seroient trouvés ii'avoir « j uuais rien perpêtré que cle doux et d'hu-: 33 mam , en cornparaiscn de ces actions cri~ o) niinelles. » Cependant les anges frémissent d'horreur 3) les hommes d'étohneraent ; le ciel même* 33 semble être étourdi des lamentables cris de 33 ces personnes mourantes, et la terre rouo-it 33 et a honte du sang cle tant de pauvres innoeens, dont on 1'a teinte. 3) Après cette vive harangue, M. Morland remit a la cour une lettre du lord protecteur, dans laquelle il demandoit, avec les plus vives insiances, le rétablissement et la tranquillité des pauvres habitans des vallées. Dans la réponse epie la cour fit k M. Morland, on remarqué les lignes suivantes. — «Elle ne pou33 voit (ce sont ses pröpres expressións) qu'elle 33 ne fut grandement étonnée de ce que la ma33 hce de l'homme s'étendoit, jusqu'a peindre 33 des chdtimens si doux et si paternels , 3» exercés sur des rebelles, avec des couleur» Seconde partiet O  gio Intercession de Cromwel. 7» si noires, pour la rendre odieuse a tous les 3) princes et états de 1'Europe. » Je demande a mes lecteurs s'ils ont reconnu dans I'histoire des massacres de i655, dans les relations des ambassadeurs suisses, cette douceur , cette paternité dont la cour caractérise ici les chatimens exercés contre les "V audois?.... Pendant son séjouraTurin , M. MORLAND eut plusieurs conférences avec 1'arnbasS sadeur de France. Dans 1'une d'elles , ce ministre tombant sur l'article des coneessions d'EMMANüEL-PHiLiBEKT , de 1'an i56i , oü est si clairement avouée et confirmée la légiiime habitation des Vaudois, dans les lieux d'oii on venoit de les chasser, M. Servient lui dit : « Qu'il voyoit eiïëctivement qu'EMj) MANUEL-PhilibeRT avoit accordé les con» cessions de i56i , et qu'assurément le duc » et sa mère pourroient être portés a les confir» mer , s'il n'y avoit a la cour des personnes » dune grande infiuence , qui, par zcle pour x la reiigion catholique, avoient mis tous leurs »> soins a leur donner de mauvaises interpré» tations, et qui présentoient tout ce qui se « passoit au duc et a la duchesse, suïvant le » biais qui leur convenoit le plus ; qu'il prioit 3) néanmoins M. MORLAND de ne pas rnettre j) du nouveau bois au feu, mais de faire une » douce relation de toutes ces procédures au 3) sérénissime protecteur. yi-~» Cette déclaration d'un ministre de France a celui de la GrandeBretagne est très-importante , et jète le plus grand jour sur ies véritables intentions de la  Infcrcess/on de Cromwel. art eöur de Turin. On ne peut 1'aceuser que da foihlesse , comme nous le disions dans notre préfacé; mais dans un tems ou les princes étoient esclaves de la cour cle Rome , ou les couronnes dépendoient cle ce Iribunal audacieux, faut-il s'étonner que les ducs de Savoie aient plié sous ce joug, tout comme les autres ? Oulre M. Morland , le protecteur de la Grande - Eretagne dépécha encore M'. Doening , qui avoit ordre de se joindre au premier , ainsi qu'a M. Pell son résident en Suisse , pour former a eux trois un conseil' plus éc:lairé, et se rendre ensemble a la cour cle Turin. M. DoüNtng , qui s'étoit arrêté a ïa cour de France pour y négoeier en faveur cles Vaudois, y apprit avec beaucoup de regret que la paix étoit cöncltie. a la vérité, mais a des condilions bien difïerentes de celles qu'il se seroit flat Ié d'obtenir , s'il avoit pu se trouver a Pignerol avec MM. Pell , Morland et 1'ambassadeur des Provinces-Unies. Les cantons protestans de la Suisse, avec lesquels ces messieurs se concertèrent, n'ayatit pu se joindie k eux pour 1'ambassade projelée , elle n'eut point lieu. M. DouNiNG recut ordre de repartir pour 1'Anglelerre ; M. Pell retourna a sa résidence; et M. Morland s'arrêta a Genève. Le commerce étant piresque nul dans nos vallées , les ressources des Vaudois se bornent nécessairement a 1'agi'icullure; et par une consécpence tout aussi naturelle, ils doiVent se trouver dans les plus grands embarras lorsque ses produits leur manquent. C'est ce qui est O %  2ï2 Intercession de Cromwel. arrivé plus d'une fois; c'est ce qui cirri va, surtout , après les massacres de i655. Dans cette situatiën si pénible, les écoles étoient abandonnéss en plusieurs endroits , paree qu'on ne pouvoit pourvoir alasubsistance des régens. Des pasteur* eux - mêmes étoient pour ainsi dire obiigés de mendier la nourriture de leurs families; et comme la disette régnoit également par - tout, ils trouvoient quelquefois a. peine de quoi les rassasier de pain cle seigle. M. Morland, instruit de cet état de choses, en informa le lord protecteur; et celui-ci couserva la plus grande partie des collectes qui avoient été faites en faveur des Vaudois, pour en établir un fonds permanent. Ce fonds qui montoit a plus de douze mille livres sterlings, devoit rester sur l'état a perpétufté ; et afin d'assurer d'autant mieux cette ressource aux habitans des vallées , le protecteur en fit dresser un acte solemnel par son conseil a TVuithal, le 18 mai i658. En voici la teneur : « Rapport ayant été fait a mons. le commis3) saire ,parle comi té, des affaires des pauvres 33 églises des vallées du Piémont, qu'ils avoient 33 été bien iuforinés par M. Morland cle l'état 53 desdites vallées, etc. il a été arrêté que i'ar33 gent qui reste de la collecte faite pour elles ^ 33 sera employé comme s'ensuit, pour un éta» blissernent fixe et oi-dinau-e a 1'avenir. 33 A M. J. Léger ,. qui a toujours agi pour le soutien cles vallées , 100 liv. sterL « A buit ministres demeuran t Sur ies terres du duc de Savoie, 3ao  Intercession de Grommel. 21S Ci-contre 420 liv. steil. » A. trois ministres demeu- rant sur terre de France en Val-Pérouse, 3o » Au maitre d'école général iclJ 1 20 » A dix maitres d'école particutiers, 60 ' A trois maitres d'école en Val-Pérouse, 9 » A quatre étudians en théo- logie ou en médecine, . ... 40 » Au médecin ...... 20 » Au chirurgien , .... 10 * En tout aunuellement, . 614 liv. sterl» JEtoit signe', Scobell , clerc du conseil. Cette rente qui feroit aujourd'hui un objet de plus de douze mille livres de Piémont par an, lut payée très-exactement jusqu'a 1'avènement de Charles If, au tröne d'Angleterre. t>e prince, disant qu'il ne prétendoit point effectuer les arrêlés d'un usurpateur , ni payer ses deties, les vallées en furent dèsiors entiérement privées. Quelle que puisse être Ia valeur du raïsonnement de Charles II pris en général, il n'en est pas moins vrai cjue les fonds qui fournissoient cette rente de 614 livres sterlings , étant le fruit des collectes faites en faveur des Vaudois; que ces fonds, dis-je, appartenoienS O 3  2i4 %n tercession de Crom wel. con testamenten t aux vallées, puisqu'ils avoient été formés uniquement pour elles, et qu'ils provenoient en entier de la bienveillance-et de la générosité de Ia nation anglaise. D'après ce raisonnement qui ne me paroit susceptible d'aucune contradiction, je suis foreé de dire qu'on n'a pu, sans injusiice, enlever cette rente aux pauvres Vaudois. Quelqu'ait été le caractère cI'Oltvier Cromwel , faut-il lui prendre de mauvaise part jusqu'au bien qu'il a fait ? Ls bien n'est - il pas bien par lui - même ? ou la nature dépendroit-elle des personnes qui le font ? Qu'il me soit donc permis d'en appeler a la générosité anglaise, et de demander si ce n'est pas un crime de lèze-Jiumanite', que de clépouiller un peuple malheureux des dons du public , sous prétexte que ce don a été recueilli par un usurpateur ?.... Je n'ai aucun moyen de faire parvenu? des réclamations jusqu'aux oreilles du gouvernement; mais je suis persuadé qu'il suffiroit de lui faire connoitre cette infractïon , pour qu'il s'empressat de la réparer, en rendant a notre patrie un revenu qu'elle devoit uniquement a la générosité des protestans d'Angleterre. La nation anglaise voudroit-elle laisser perpéluer une injustice pour 600 livres sterlings de plus ou de moins par année ?....  Intercession des Prov. Unies. 215 CHAPITRE XVIIL Intercession des Provin ces-Unies en faveur des Vaudois. Vifintcréiqideuesprennenè d leur sort. C'est une tache bien douce a notre cceur y que d'avoir a parler , dans ces PiioviHCES mêmes, des bienfaits sans nombre qu'on a recu constamment, qu'en recpit encore tous les jours cette patrie qui nous est si chère et si les accens da notre reconnoissance sont trop foibles pour les rendre dignement, nous n'en sentons pas moins toutle prix. Qu'il nous soit donc permis de plaéérici 1'expression de notre vivegratitude, quclqu'imparfaite qu'elle puisse être. Les ames généreuses auxquelles je m'adresse apprécieroni 'mieux encore 1'intention qui m'anime, que les élogesles plus pompeux cpue je pourroisleur donner. S'il y eut jamais deux peuples entre lesquels la charité chrétienne ait entretenu les Hens les plus lendres, c'est assurément entre les Bataves et les Vaudois. Cette philantropie, cette fraternitéphilosophique qui retentit aujourd'hui dans toutes les bouches, et qui habite si rarement dans le cceur, est un ressort bien foible, bien imparfait , en comparaison cle ce Hen parfait et sublime , qui unit les ames vrai* ment chrétiennes, et qui auroit déja fait un© O 4  2i6 Intercession des Frov. Unies. seule familie de tous les hommes , qui leg auroit tous ramenés aux doux sentimens de la nature, si des miïliers de sectes n'avoient perverti 1'esprit du christianisme et altérè son essence. Ce Hen précieux d'une croyance commune, qui unit si étroitemenl les destinées temporelles et éternelles des peuples qui en sont animés, se lit remarquer,sur-tout, d'une manière bien touehante. lors des massacres horribles du 24 avril ï655., A peine les états-généraux des Province->Unies en eurent-ils appris Ja nouvelle, qu'ils écrivirent au duc de Savoie tout ce que leur zèle put leur dieter de plus pressant , pour 1'engager a ne plus persécuter les .Vaudois. Ils s'adressèrent aussi au roi de France, au protecteur de la Grande-Breiagne, et aux cantons protestans cle la Suisse, pour les^intéresser au sort des inforlunés habitans des vaU léés; et alin de donner plus cle poids encore a toutes ces démarches, ils députèrent M. van Ommeren a la cour de Tunn, en le munissatjt d'inslructions très-détaillées. Ce M. van Ommeren étoit bourguemaifre de la ville de Wagemingen , el dépulé aux états-GÉnéeaux de la part de la pro vin ce de Gueidre. Les instructions dont i! étoit chargé, portoient, en subsiance, « que les éta.ts - généraux , » vivement touchés, des horribles harbaries qu'on venoit d'exercer contre les Vaudois de y> Piémont, vivant spus la domination du duc 8 de Savoie, croyoient devoir employer tous >i ies moyens qui étoient en leur pouvoir, pour \ secouj-ircemal.heureuxpeuple; quUls avoient  Iiiiercession des Prov. Unies. 217 j! déja. éciït a cet efïët a leurs ambassadeurs » en France, en Angleterre et en Suisse; et » qu'afin de mieux réussir dans leur projet, » iis chargcoient M. van Ommeren de se con» certer amicablement avec les CANTONS pb.O3' testans helvétujues; de se rendre ensuite v a Turin comme leur ministre plénipoten3) tiaire ; de se plaindre k la cour , en termes 33 vigoureux, des cruautés barhares exercées 3) contre les Vaudois, et de demander leur en3) tier rétablissement. 13 Pendant que M. van Ommeren s'acheminoit a sa dtstinatiou , les états-GÉnéraUX pubiièrent, le 6 aout , un ordre pour un jour de jeune et une collecte générale dans les sept provinces, en faveur des habitans des vallées. Toutes les villes , tous les villages, tous les habitans des ProvinceS-Unies s'empressèrent de seconder le zèle des états-généraux; mais Amsterdam se clistingua, sur-tout, par la grandeur de ses largesses , et par la manière dont elle fit connoitre Is vif intérêt qu'elle pre3 oit k la situation des Vaudois. Elle bt publier la lettre des etats-GÉnéraux , et 1'accompagna d'une autre par taquelle elle sollicitoit, de la manière la plus énergique , les. habitans $ Amsterdam , de contribuer autant que possible au sculagement des Vaudois. Ces deux lettres produisirent un excellent elfet ; et les sommes qu'on recueillit a cette occasion , furent très-cpnsidérables. Elles servirent a nos ancétres a se procurer des subsistances, 0 relever leurs maisons, arebatir leurs temples, è reprendre la culture de leurs terres , et a  218 Intercession des Prop. Zinies. réfablir des écoles dans tous les endroits oii les dilïicultés des circonstances les avoient forcé de les supprimer. Je n'ai pas besoin, sans doute , de dire que tcus ces bienfaits furent requs par les Vaudois', avec les sentimens de la plus vive reconnoissance.. Leur reiigion, qu'ils se sont toujours appliqués a suivre par-dessus tout , leur en auroit fait un devoir, si Ia nature n'avoit pas assez parlé a leur cceur. Bons el sensibles par naturel, et joignant a ces vertus toutes celles qu'inspire le christianisme, leur gratitude n'eut point de hornes, et les acceus en retcntissoient au méme instant d'un bout des vallées a 1'autre. Le souvenir s'en est si bien conservé dans notre patrie ; cette reconnoissance est devenue tm sentiment si naturel a tous les Vaudois, que l'enfant qui commence a peine a bégajer, comme l'homme fait , crue le vieillard sur le déclin de sa vie , comme ['adolescent , tous aiment a répéter, tous répètent avec la plus doucé satisfaction, le nom de ces généreuses PROVlNCES. II est dans toutes les boucbes , et plus encore dans tous les cceurs; et si les' vceux de plusieurs milliers d'ames vertueuses ont quelques droits auprès du tröne de l'ANCIEN DES JOURS, il. n'est aucune prospérité qui ne doive être le partage de ces florissantes eontrées; car il n'en est aucune què les Vaudois ne lu i demanden t chaque jour pour elles. Jeunes et vieux, riches et pauvres, ils se réunissent tous a ma foible voix, pour offrir aux généreux batAves 1'hommage solemnel de leur inaltérabie reconnoissance, et pour les supplier  Intercession des Prov. Unies. 219 de leur conserver toujours ce tendre intérêt qu'il leur ont témoigné depuis tant d'années, et dont ils chercheront toujours a se rendre dignes! Après s'être acquitté de ses fonctions auprès des cantons évangéliques, M. van Ommeren passa a Genève, poury conférer avec les envoyés britanniques, MM. Douning, Pell et Morland. Dela il se rendit a Paris , ou ii se joignit a M. Boorel , ambassadeur ordinaire des Provinces-Unies , pour presser le roi de faire examiner les griel's que les Vaudois avoient contre le traité de Pignerol , dont il s'étoit rendu le médiateur, par le canai de son ministre M. SÈRVlENï , et qu'ils se virentforcés d'accepter, quelque préjudiciable qu'il leur fut. Pour répondre aux instances de VAngleterre et des Provinces - Unies , la cour de France"ordanna a M. Lesdtgutères, gouverneur du Dauphiné, d'envoyer aux vallées une personne de confiancë, M. de Bals, maréchalde-camp des années francaises, ayant été choisi pour cette mission , convoqua les principaux des Vaudois a la TOUR, les 28 et 29 mars i656, afin d'apprendre d'eux - mêmes quels étoient leurs griefs. II entendit fort patiemment tous les détails qu'on lui donna a cet égard, et demanda qu'on les lui remit par écrit. Mum' de cette picce justificative , et de deux lettres des Vaudois, dont l'une pour le roi de France, et 1'autre pour M. LesdigütèRES, il se rendit a la cour de Turin. Mais les émissaires de la propagande surentsibienlui fasciner les yeux,  220 Intercession des Frov. Unies. et lui déguiser la vérité, qu'il sembla avoir perdu toutes les lumières qu'il avoit recueilÜes aux vallées, et que sa mission fut a-peuprès inufile. On a su, cependant, dans la suite, que le roi de France avoit été vivement ému a la lecfure de la lettre que les Vaudois lui adressèreht dans cette circonstance. Mais comme il étoit sur le point d'intercéder en leur faveur, On parvint a lui persuader, a force de men-songes, que tout ce que les Vaudois lui disoient, étoit sans fondement; et qu'ils ne faisoient des plaintes qu'a 1'instigation de quelques puissances étrangères. Ces menées, qui étoient sans doute liées au plan général de la propagande de Turin , mirent tin aux bonnes intentions du roi de France , et lui firent abandonner ' entiérement la cause des Vaudois. Voyons actuellement ce que quelques autres états firent pour eux.  Intercession dn roi de Suède, etc. 221 GHAPITRE XIX. Intercession du roi de Suède, de Vélecteur palatin , de Vélecteur de Brandebourg, du landgrave de Ilesse - Cassel, en faveur des Vaudois. TSfous avons dit cl - dessus que le protecteur de la Grande-Bretagne écrivit aussi au roi de Suède pour l'intéresser en faveur des Vaudois. Dès que Charles Gustave eut recu sa lettre, il lui répondit avec beaucoup de zèle, et lui dit entr'autres : « C'est pourquoi nous vous pro-? 33 mettons que , selon 1'borreur et 1'aversion » que nous avons concue pour des cruautés et » inhumanités si grandes, nous ne manque» rons pas d'écrire de la naeilleure manière ciu'il 33 nous sera possible au duc de Savoie, et d'in33 tercéder le plus puissamment que nous pour» rous a ce qu'il révoque cet édit rigoureux et 33 atroce, et qu'il rappeile en leurs anciennes >3 demeures ces pauvres personnes languis33 santes , que le Ier et le feu n'ont pas acbevé 33 d'exterminer.... C'est pourquoi nous sommes 3) prêts de prendre, conjointement avec V. A., 33 de tels expédiensetconseils qui puissent réus33 sir a 1'adoucissement de tous ces maux , et 33 a soutenir d'une même épaule la cause des 33 évangéliques. >3 Ce généreux prince écrivit, en même-tems, de la manière la plus énergique, a la cour de Turin, se plaignjt très-vivement des persécu-  222 Intercession du roi de Suède, etc.' tions qu'elle ne cessoit de faire essuyer amc Vaudois , et la pria avec instances de les rétablir et de les conserver a 1'avenir dans la paisible possession de leurs biens et de leurs privileges. Peu de tems après , ce monarque désira que J. LÉGER se rendit auprès de lui, afin de se.procurer par son canal loutes les instructions dont il avoit besoin, et de pouvoir ensuite prendre les résolutions les plus vigoureuses pourlerétablissement des Vaudois; mais une mort prémafurée vint malheureusement arréïer ses généreuses intentions. L'électeur palatin écrivit 'aussi au duc de Savoie, une lettre tres-pressante, qui revenoit a-peu-près a celle du roi de Suède. Frldéric-Guillaume , électeur deBrandc* bourg, ne voulut pas non plus le céder aux autres puissances en zèle et affection pour les Vaudois , comme le prouvent les lettres qu'il adressa aux gouvernemens de France, d'Angleterre et des cantons protestans de la Suisse; \\se monlra très-ernpressé h secourir les pauvres habitans des vallées, et olfrit méme d'ordonntr en leur faveur une collecte générale dans tous ses ét als. Lfi LANDGRAVE de HeSSE-CASSEL ne mantra pas moins de cbarilé envers eux. On peut voir dans LÉGER (deuxième partie, page 248) la lettre qu'il adressa a la cour de Turin. Cette piece, ct toutes celles des autres puissances, at testent hautemcnt i'inuocénCe de nos an cêlres, et la barbarie de leurs ennemis. Voici comme s'exprime, entr'autres Jc landgraveVlGLELM, dont nous venons de parler.  Intercession du roi de Suède, etc. 223. « Ayant appris naguères Is crue! massacre »> comrnis sur ceux de la reiigion nommés » Vaudois , j'ai eu peine d'abord cle prêter 33 foi a une histoire tant étrange, ne me pou•>■> vant pas imaginer que leurs aaVersaires 3> eussent jamais eu le cceur d'exercer des bar33 baries de cette sorte sur des pauvres peuplss 33 si fort innocens, qui ont toujours vécu avec » tant de fidélité et d'obéissance sous la domij nation cle V. A., sans faire jamais la moindre 33 o'ïënse , et qui même depuis si Iong-tems 33 ont été protégés et par vous ut par vos anJ3 cêtres.... Mais ces funestes noüvèilés me sont 33 confirmées de tant d'endroits, et si parfai33 tement circonstanciées , qu'il m'a enfin été >t impossible d'en douter, et de m'erripêcher 33 d'être saisi d'horreur, et tout ensemble ému >3 de compassion pour tant de milliers de pau33 vres ames réciuites dans une extrêmité si » grande, ayant été privées de leurs biens ou si de leurs vies, par la rage de leurs furieus 33 ennemis, et ce, sans distmction ni d'age ni 33 de sèxe. J'ai donc cru que c'éloit mon de33 voir, etc. etc. » Outre les princes dont nous venons de faire mention , il y en eut encore plusieurs autres qui s'intéressèrent en faveur des Vaudois. La républiqtte de Genève prit aussi beaucoup de part a leur sort; et presque toutes les églises réformées del'Europe leuradressèrent les let tres les plus touchantes. Tant cle marqués cl'intérêt prodiguées a nos ancétres par les gouvernemens les plus sages et les plus éciairés, suffiroie.nt pour faire 1'éloge de cet infortuné  224 Intercession du roi de Suède, etc. peuple; mais il est tout entier dans la cön^ duite ; et la méchanceté la plus effrenée në sauroit le soustraire a Padmiration et a 1'estime de tous les gens de bien. / Les Vaudois avoient a peine joui de quelque repos, que leurs implacables eimemis recommencèrent a ourdir les trames inliet nales auxquelles ils avoient si souvent eu recours pour les perdre. Mais neus n'en suivrons pas, pms loin le Hl pour le moment. II est tems de dé» tourner nos yeux et ceux de nos lecleurs, de détails aussi affligeans que ceux qui font Ie sujet de presque toute cette histoire. L'ême s'épuise en contemplant trop long tems de suite ces scènes ténébreuses, oü la méchanceié el le fanatisme semblent avoir mis en oeuvre leurs traits les plus envenimés.^ Elle a besoin de quelques intervalles de repos, abn de reprendre ses forces, et de pouvoir achever de parcourir les tableaux qu'il nous reste a tracer.  AVERTISSEMEN T. JLi a crainte d'interrompre le fil de cette histoire, m'a engagé a renvoyer ici quelques pièces qui lui appartiennent , et que j'insère sur-tout pour mes lecteurs vaudois. Je les aurois multipliées davantage , si je u'avois Voulu éviter de trop grossir mon ouvrage. La première pièce contient des fragmens d'un poëme en langue vaudoise, intitulé Ia .Noble Leicon , que j'ai dit se trouver en original dans les bibliothèques dë Genève et de Cambridge. Celui qui est déposé a Genève est un mariüscrit trés-beau , sur parchemin et en vieilles lettres gothiques. C'est a la complaisance de M. Senebier , qui étoit biblio-, thécaire de la république lors du séjour qu« j'y ai iait, que je suis redevable d'avoir pu examine» ce monument précieux. P APPENDIX,  £26 'Appendix. La seconde pièce est la confession de foi que les Vaudois publièrent dix ans après la Noble Leicon, c. k. d. en nzo. L'original en est consigne dans les susdites bibliothèques. Je donne en troisièrne lieu 1'édit latin de la duchesse JoLANT, paree que c'est un morceau important pour notre histoire. II est tiré mot-a-mot du recueil d''édits publiés par la cour de Turin , au sujet des Vaudois , dont j'aurai occasion de parler plusieurs fois dans le cours de cet ouvrage. La quatrième pièce est un catéchisme en langue vaudoise , daté de 1'an noo , et sur lequel je renvoie a 1'avertissement particulier qui le précède.  227 FRAGMENS Vun poëme en langue vaudoise , inlitülé i la Noble Leicon. Daté de 1'an ifoo. Texte vattdois. P remier Jragment. O frayres entendè une noble leyijon , Souvent devèn veglar e star en orèson , Car nos veen aquest mont esser prés del chavon ; Mot curiós deorian esser de bonas obras far , Car nos veen aquest mont de la fin apropiar. Benha rnil et cent an compli entièremènt Que fö scripta l'ora , que sen alderier temp. Poe deorian cubilar; car sèn alremancnt. Totiorn veen las enseignas venir a complimènt^ En acreysamen t de mal et en amermament de ben. Ayco son li perilli que 1'es- criptuia di L'avangeli bo reeognta et sant Paul o escri. Que neuc bome que viya non pö saber la fin, Traduction. Premier Jragment. O mes frères, écoufez cette belle lecoij 'Kousdevons souvent veilleret être en prières; car nons voyons ce monde approcber de saiin. Nous devons par la même raison être trèssoigneux ü faire de bonnes ceuvres. II y a mille et cent ans accomplis , depuis qu'il fut écrit que nous sommes au dernirr tems. Nous devrions peu convoiter, car nous sommes aux derniers jours. Nous en voyons chaque jour les signes s'ac-. complir , par les progrès des vices, et le déclin de la vertu. Ce sont-la les dangers dont l'écriture nous pat le, e t en particulier les évangiles et S. Paul. Aucun homme vivant ne peut connoitre sa fin , et e'est P Z  223 Fragmens cTun poëme vaudois. En nerco deven rnays temer ; car nos non sèn certan Si la mort nos penrè enchoy, o ben deman : Ma cant venrè Jesu al jorn del jujamènt Un cascum recebrè per entier payamènt, A quilli qu'aurèn 'fay mal e. aquilli qu'aurèn luyt bèn. Deuxicrnejragment. ( Ji auteur parle ici de Vt'la' dans lequel Dieu a créé Vhomme. J De poèr far ben o mal li donè franqueta ; Lo mal li a defendü, lo ben li ba comenda. Ay-on far , Tapt son li fals crestian enceca per error , Et majorment que li autre aquilli cue son pastor: pour cela que nous devons rVsxü' tant plus craindre , puisquer nous sommes incertains si la mnrf nous surprendra aujourd'hui ou demain. Mais qu:iDiva et morta. D. Qual cosa ès fè viva? R. Lo ès aquella que obra per carita. D. Qual cosa ès fè morta ? R. Second Sanct Jaques, la fè, s'HK non a obras ès morta ; e eJereco la fè ès ociosa sensa las obras. O fè moi la ès creire esser DIO , et non creire en DIO. SECTION II. D. De la qual fè siès-tu ? R. De la vera fè catliolica e apostolica. D. Qual ès aquella? R. La ès aquella la qual al conseil de li apostol ès despartia en doze articles. c D. Qual ès aquella ? R. J'o creo en DIO lo pajre tot paissant, etc. D. Per qual cosa poges tu cognosser que tu crees en DIO ? R. Peraizo. Car yo say e garde li coiamandament de DIO. D. Quanti son li commandament de DIO? R. Dies , com'ès manifest en exode , et deuteronomio. D. Quals son aquilli? R. O Israëlaulo leo Scgnór. 3Von aurèsDIO es trans, devant mi. Nonfarèsa tu cntaillamènt 7ii alcuna semblanca de lolas aquellas cosas que son al cèl, etc. D. En que pendon tuit aquisli commandament ? R. En dui grand commandament , co ès , amar DIO sobre tolas cosas, elo picymc enaima tu mesèjme. 2$a Ceiiëchlsme des Vaudois. R. Deux , la vive et la morale. D. Quelle est la foi vive ? R. Celle qui se manifeste par la charité. D. Quelle est la foimorte? R. Selon S. Jacques , c'est la foi qui ne se manij este point par les ceuvi es. En effet, la foi sans les ceuvres est inutile. On pe.it dire encore que la foi morte est celle qui eonsiste a croire en DIEU, et a se conduire comme si 1'on n'y croyoit point. S SECTION II. D. Quelle est ta foi? R. La vraie foi universelle et apostolique. D. Quelle est-elle? R. C'est celle qui est contenue dans les douze articles du symbole des apötres. D. Quelle est-elle ? R. Je crois en DIEU le pere tout-puissant , etc. D. Comment peux-tu t'assurer que tu crois er. DIEU ? R. Si je connois ses commandemens et si je les observe. D. Combien y a - t - il de . commandemens de DIEU ? R. Dix, comme on le voit dans 1'exode et le deutéronome. D, Quels sout-ils ? R. Ecoute, 6 Israël,ie Seigneur ton DIEU! Tun'auras point d'autre DIEU devant moi; tu ne le J'eras aucune imase iaillèe , ni aucune resstn.blance des choses qui sont au ciel , etc. D. A quoi se réduisent tous ces commandemens? R. A ces deux principaux , savoir , aimer DlEU pardessus tout , et let autres hommes comma soi-mémi.  Ccitêclüsmc des Vaudois. 255 SECTION III. 1). Qual ès lo fondamènt êï'aquisti commandament, per li qual un chascun deo inlrar a vita , senza loqual fondament non se pö degnament far ni r.omplir li commandament ? R- Eo Segnor Jésu - Krist del qual di l'apostal i. corinth. jéLlciin no pö pauzar altre fondament stier aquel qu'ès pausa , loqual és Jésu-Kiist. O. Per qual cosa po venir Pkome a aquest fondament? R. Per la fè, dizent S. Peïre : V^è vos j-o pausaraj en Sion la soberirana peira canlondl , esïegia et preciosa , a quel que creyrè en luy non serè conjondu. Et lo SégBor dis : *4quel que crès en mi a vita élerna. D. En qual maniera postu conoysspr que tu crees ? R. En co ch'yo conoysso lui meseime veray DIO et veray home, na e passiona, etc. per la mia redemption , justilication , etc. amo luy meseime, et desiro complir li commandament de 1 uy. D. Per qual cosa se perven a las vertus essentials , zo ès a la fè , Pesperanca et la carita? R. Per li don del sanct Esperit. D. Crès tu al sanct Esperit ? R. Yo y creo. Car lo sanct Esperit procedènt dal paire et dal filli , ès una personna de la Trinita, e second la divinita , es aigal al paire e al filli. D. Th crees DIO paire , DIO filli, DIO sperit sanct esser trés en personnas: done iu as trés DIOS ? jR. Non ay trèj, SECTION III. D. Quel est le fondement de ces commandemens , par lesquels chacun doit oblenirla vie éternelle , et sans lequel on ne peut remplir dignement ces commandemens ? R. C'est le Seigneur JésusChrist, dont 1'apótre dit, i, corinth. Personne nepeut poscr d'autre Jondement que celui pui est posé , savoir Jésus-Christ. D. Par quel moyen l'homme peut-il parvenir k ce fondement ? R. Par la foi, comme dit Saint-Pierre : Voici je matraden Sion Ij. maitresse pierre du coin , pierre choisie et pi écicuse celui qui croira en elle ne sera pas confus. Et le Seigneur dit: Celui qui cro.it eu moi a la vie éternelle. D. Comment peux-tu connoitre que tu crois ? Si jele reconnois lui-même comme vraiDIEÜ et vrai homme, qui estné, quia souffert, etc. pour ma rédeinplion et ma justification , etc. .Si je 1'aime , et si je désire d'accomplir ses commandemens. D. Parquelmoyenparvienton aux verbes essentiels , la foi, 1'espérauce et Ia charité? R. Par les dons du SaintEsprit. Crois-tu au Saint-Esprit? R. J'y crois; car le SaintEsprit procédant du père et du fils , est une personne de la Trinité; et quant a Ia divinité, il est égal au père et au fils. D. Tu crois que Dieu le père , Dieu U hls , Dieu ie Saint-Esprit sont trois personnes ; tu reconnois donc trois Dieux ? R- Je n'ea reconnois polat trois.  a56 CaUchlsme des Vaudois. D. Enipereo tu n'as nomma trés ? R. Aigo ès per rason de la dilïerenlia de las pcrsonnas ; ma non per rascn de la essentia de la divinita ; car jaaiar.o que el ès trés en personnas , emperco el ès un en essentia. SECTION IV. D. Aqtiel OIO alqual tu creès en qual modo 1'adores-tu , e coles ? K. Yo 1'adoro per adoration dc latria exterior e inlcrior. Exterior per pifgament de genouiïli , esleralion de mans , per inclinament, per bymnis, per cant spirituals , per dejunis, per envocations. Ma interioramènt per pietosa aïlection , per volvmta. appareilla a totas cosas ben placènt k si: ma yo colo per fè , per esperanca , e per carita en li teo commandament. D. Adores-tu alcuna otra cosa3 e coles come DIO ? R. Non. D. Perquè ? R. P£r lo seo commandament loqual el mandé destreitament, disent : Tu adorerès lo leo Segnor DIO , e servirès a luy sol. En ca ra , la mia gloria non la donneray d li autre. Et dereco : Yo vivo dis lo segnor, e tot genoil serè plega d mi. E Jesu-Krist dit : Lo seren vrays adoradors , liqual adoraren lo paire en esperit è veritd. 1'argel non voie esser adora de sanct Johan, ni peiie de Corneilli. D. En qual modo oras? R. Yo oro de la oration D. Tu en as pourtant nommé trois. R. C'est quant a la diffé rence des personnes , mais non juant a 1'essencede ladivinité; jar quoiqu'il y ait trois persennes , il n'y a cependant qu'une seule essence. SECTION IV. D. De quelle manière serslu et adores-tu le DIEUauquel tu crois ? R. Je 1'adore par un culte extérieur et intérieur. Extérieureruent, en me prosternant, en élevant mes mains, en m'inclinant , par des bymnes et des cantiques spirituels , par des jeünes et des prieres. Je 1'adore intérieurement par une sainte afleclion pour ses commandemens , par une Yolonte toujours disposée k faire ce qui iuiplait, par la foi, 1'espérance et la charité. D. Adores-tu et sers - tu quelqu'autre objet comme DIEU ?' R. Non. D. Pourquoi ? R A cause du commandement qu'il m'a donné , et par lequel il me dit , d'une manière bien expresse : Tu adoreras le Seigneur ton DIEU, et tu le serviras lui seul. — Je ne donnerai point ma gloire d un autre. — Je suis vivant, dit le Seigneur , tout genou se ploiera devant moi. It Jésui dit : Ceux-ld seront des vrais adorateurs , qui admeront lo père en esprit et en vérité. Aussï 1'ange ne voulut-il point être adoré de S. Jean3 ni S. Pierre de Corneille. D. De quelle manière priestu ? R. Je prie en répétant Ia  'Catècklsine des Vaudois. tiSy Hora per lo filli de DIO, disent: Nostre peire qui sies en li cèl , etc. D. Qual ès 1'autra vertu substanlial de necessila pertenènt a salu? R. Lo ès charila. D. Qual cosa ès charité? R. Lo ès un don del SanctEsperit per loqual ès reforma 1'arma en volunta , enluniena per fè , per laquel creo totas cosas de creyre , spero totas cosas d'esptrar. SECTION V. D. Crees - tu en la sancta gleisa ? R. Non, car illi ès crcatura; ma yo creo de ley meseima. D. Qual cosa crees-tu de la sancta gleisa ? R. Yo demando de lei meseima que la gleisa ès de doas mauieras , 1'una de la part de la substanlia , Tantra de li ininisteri. De ia part de la' substantia sancta gleisa caiholica son tuit li esleit de DIO , del commencament entro a la fin , en la gratia de DIO per 10 merit de Krist , congrega per lo San* - Esperit, e devant ordonnè a vita eterna, 11 nombre e li nom de liqual aquel sol conèc loqual eslcgic lor. Et rinaiement en aquesta gleisa non reman neon pruscrit. Ma la gleisa second la verita ministerial , son li ministres de Krist cum lo poble soject, Seconde partie: prière que le fils de DIEU" nous a enseignée , et qui commence ainsi : Notre père qui étes aux c eux , eu;. D. Quelle est 1'autre vertu qui est indispensable au salut? R.'C'est la charité. D. Qu'cst-ce que Ia charité ? R. C'est un don du SaintEsprit , par leqüel 1'ame est réformée en bonne volonté, éclaiiée par la foi ; et par lequel nous croyons tout -ce qu'il faut croire , et nous espérons tout ce qu'il faut espérer. SECTION V. D. Crois-tu en la sainte église ? R. Non , puisqu'elle n'est qu'un couiposé de créatures ; mais je crois qu'elle exisle. D. Que crois tu doncd'elle? R. Je crois qu'il faut la considérer de deux manières „ . quant a sa nature et quant ï son ministère. Quant a sa nature, Ia sainte église catholique ( c'est-è-dire unii'erselle~) comprend tous les élus de DIEU, depuis le commencement jusqu'a la lin, réunis en la grace de DIEU par le moyen de Jésus-Cluist et du S. Esprit, et destinés k la vie éternelle , et dont le nom et le nombre n'est connu que de celui qui les a choisis. Aucun intrus ne peut faire partie de cette église. En considérant 1'église quant a son ministère , elle comprend tous'  ^S8 Catéckisme des Vaudois. usant de Ij rnenestier per fè , esperanea, e carita. D. Per qual cosa dèves conoisser la gleisa de Krist ? R. Per li ministres convenivols , e lo poble participant en verita en li ministeti. D. Ma per qual cosa couoisses li menistres ? R. Per lo veray sèn de la f è , e par la sana doctrina , e per vita de bon excrnple, e Eer evangelization , e per deita menistration de li sacrament. D. Per qual cosa conoisses li fals menistres ? R. Per li frac de lor , per 1'enceque sta , per mala operation , per perversa doctrina , per indebita menistration de li sacrament. D. Per qual cosa se conoïs 1'encequesta ? R. Cum non sabon la verita de neces-ita. pertènent a. salü, gardan li airobament buman, enaimi li commandament de DIO, de li qual ès aquel dict de Esaïa que Kiist a dit Matth. XV : Aquest pob:t Jionora mi, cum labias ; ma lo coi de lor ès long de mi ; ma illi colon mi sensa raison , enseig iant ladoctrinas e li commandament de li hommes. D. Per qual cosaès concissua la mala operation ? R. Per li manifest pecca de liqual di 1'apostol, roman i : jdqucUi que jan ailal cosa non consegrén lo règne de 1)10. D. Per qual cosa ès conoissiu la perversa doctrina ? les ministres de Christ, ave« le peuple qui lui est soumis , suivant la foi, 1'espérance et la charité. D. Comment peux-tu reconnoitre 1'église de Christ ? R. Par les ministres convenables , et par le peuple qui parlicipe au ministère en toute vérité. D. Mais comment connois-tu les ministres ? R. Par le vrai sens de la foi et une saine doctrine , par une conduite exemplaire , par Ia jiiédication de l'évangile, et par 1'administration convenable des saeremens. D. A quelle marqué reconnois-tu les faux ministres ? R. Par leurs fruits , leur aveuglement, par leur rnauvaise conduite , par leur .doctrine perverse , et pai 1'administration indue des saeremens. D. A quoi connois-tu 1'aveuglement ? R. C'est lorsqu'on méconnoit les vérités qui sont indispensables au salut , et qu'on observe les tradilions humaines comme les commandemens ds DIEU. C'est dans de telles personnes que se vérifie ce passage d'Isaïe , allégué par Jésus-Christ : Ce peuple m'honore des lèrres ; mais son cceur est éloignéde moi; mais ils m» servent inutilement, puisqu'ils n'enseigncnt que des doctrines et des commandemensd'homme. D. Comment c&nnois-tu la mauvaise oeuvre ? R. P. rles pêchésmanifestes, dont 1'apótre dit : Ceux qui font de lelies choses n'obtiendrout pas le règne de VIS IJ. D. A quoi reconnois-tu la jnauvaise doctrine?  Catéckisme des Vaudois. z5g R. Cum. la enseigna contra j la fè e Pesperarca , enaima j jclolatria faita de mola maniera ii la creatura rationa! e non rational, sensibla , o vesibla, o non "esibla ; car losol peire , cum lo seo filli, e lo SanclEsperit , se deo coler , e non autre quelque qual se s a creatura. Ma contra aizó attribuissen k 1'bouie , e a 1'obra de las soas mans , ou a las parolas, ou a la soa authorila, enaimi que gl'bome cresent ] cequnmènt estiman lor esser aiosta tl DIO per falsa reiigion , e per avara simonia de li sacerdot. SECTION VI. D. Per qual cosa ès conoisSua la non debüa admmistration de li sacrament ? R. Cum li sacerdot non auven lo sèn de Krist , ni conoissen 1'entention de luy meseime , en li sacramen , e dison la gratia e la verita esser enc.Iausa per las solas ceremonias exteriors , e amenon li home senza la verita de la fè 5 de Pesperanca , et de la carita a receber lor meseime sacrament. Et lo seignor garda li seo daitals fals sacerdots , disent : Garda vos de li /al proplielcs. Item : Gat da vos de li pharise'i , go es del levan de lor doctrina. Item : Non voilld creire, non voilla anaien après lor. E 1'apostol 2, corinth- : Non voilla menar jong cinn li nonfidel ,• car qual participation de la. justitia cum la iniquild , e qual compagnia de . la luz d las tenebras , qual eonventiun de Krist al diav^l, R. C'est lorsqu'on enseigne contre la foi et 1'espérance ; tel est. par exemple , l'idolatriis ou le culte que 1'on rend de diverses maniërés auxcréatures raisonnabies , ou dénuêes de raison , risibles ou in\ isibles ; car on ne doit adorer que le père , le fils et le S. Esprit, et non aucune autre cïéature quelconque. Onagit d'une manière cóntraiie a cette-règle , loisqu'on rend ce culte a l'homme , a 1'oeuvre de ses m ms , a ses paroies ou a son autorité ; comme lorsque des hommes aveuglés s'imaginent se rendre agréables a DIEU par un faux culte , ou par 1'avare simonie des prêtres. SECTION VI. D. Comment reconnoit - on 1'administration indue des sacremens ? R. C'est lorsque les prêtres, ne connoissant pas Ie but et 1'intenlion de Jésus-Christ, dans 1'inslitution des saeremens, ils disent que la grace et la vérité y sont renferméesparles seules cérémonies extérieures^ et qu'ils engagent les hommes a recevoir ces saeremens sans qu'ils aient la véritable foi, 1'espérance et la charité. Dieu veut éloigner ses enfans de ces faux prétres , lorsqu'il dit : Gardez-rous des faux prophetes : gaidez-vous des pharisiens, c'est-a-dire, de leur pernicieusedoctrine: ne les croyzz point, et n''al.'ezpoint après eux. — Et 1'apötre dit dans sa seconde épitre aux corinth. : Ne vous réunissez pas avec les infidèles ,• car quelle communication pourroit avoir la justice avec Viniquité, la lumière aveo les ténèbres ? Ou quel rapport R a  z6o Catèchisme des Vaudois. o qual pariia del fidel cum li non fidel, , qual consentiment del temple de DIO cum las idolas ? Per la qual cosa isse delmez de lor, e sia deparli , dis lo Seignor, etc. D. Per qual cosa ès conoissü lopoble loqual nonès en verita en la gleisa ? ■' R. Per Ji public peccèi, e per la fè erronien. Car la ès de fagir d'aiuls , que non rtgne sozura de lor meseime. D. Per qual cosa devès communiquar a la sancta gleisa ? R. Yo devo communiquar a la gleisa per rason de subst'antia per fè , per esperanca, e per carita, e per observanza de li commandament , e per final perseveranza en ben. D. Quantas son las cosas minïsterials ? R. Doas , la parola e li sacrament. D. Qanti son li sacrament ? R. Dui, co ès lo batisme , e 1'eucharistia. SECTION VII. D. Qual ès la terza vertu necessaria k salu ? R. Esperanca. D. Qual cosa ès esperanc,a? R. Lo ès certa speramja de gratia , e de la gloria avenador. D. Per qual cosa se spera la gratia ? R. Per lo mediator JesuKrist , del qual di Sanct Joban : Gialia ès jaita per Jesu-Krist. E dereco : Nos reguèn la gloria de luy , plen jr a-t-il entre Jésus et le prince des en/'ers , entre un fidéle et un infidèle, entre le culle da vrai DIEU et celui des idoles ? C'est pourquoi sorlez du milieu, d'eux , et vous en éloignez , dit le Seigneur. D. Comment reconnoit-on que le peuple n'est pas membre de la "vraie église ? R. Par la corruption publique , ét par une croyance erronée. II faut éviter de telles personaes , afin de ne pas se corrcmpre soi-même. D. Par quoi dois-tu être uni a la sainte église ! R. Par la foi, 1'espéiance et la charité, par 1'observation des commandemens de DlIiU, et en persévérant constamment k faire le bien. D. Quelles sont les fonctions ministéiielles? R. La prédication de l'évangile et 1'administration des saeremens. D. Combien y a-t-il de saeremens ? R. Deux, le baptêmê et 1'eucharistie. SECTION VIL D. Quelle est la troisième Vertu essentielle au salut? R. L'espérance. . D. Qu'est-ce que l'espérance ? R. C'est une attente certaine de la grace et de la gloiie k venir. D. Comment espère - t - on cette grace ? R. Par la médiation de Jésus-Christ ; et c'est a ce sujet que S. Jean dit : La grace nous est venue par Jésus-Ch.; et ailleurs : Nous yoYons sa  entë vos e crèje d l'evangeli. D. Dont procedis l'esp&r ranca ? R'. Del don de DIO , et de Jas promissions , dont dis 1'apostol : El poissant per complir qual que qual cosa el promet; car el meseime a pronjès , si alcun aurè conoissu luy , e se serè penti, è aurè spera , car el vol aver misericordia , perdonar, justificar , etc. II- Quals cosas devian d'a-i guesta esperanca ? _ R. La fè morta , la seduction de 1'Ante-Krist, en autre que è Krist , co ès en li sanots , e en la'soa polesta , e authorita , parolas , en benediclions , en sacramens, reliquias de li morls , en purgatori soima et enfeint, enseignar avèr questa speranca per li mez liqual ven dreitament contra la veritè e contra Ji commandamènt de DIO, enaima ser idolatria de molta maniera , e per simoDiaca piavita , etc. Abandonnant la fontana de Paiga viva dona de gratia, per corre a las cisternas devant dictas , adorant, honorant , colent la creatura enaima io creator, servent a lei per orations , per dejunis, : gloire , pleme de grace et de vérité , et nous avons tous recu de sa plénitude. D. En quoi consiste cette grace ? R. Dans la rédemption , la rémission des péchés, la justification.. Padoption et ia sanctificalion. D. Par quels moyens peut-on espérer cette grace en Christ ? R. Par une foi vive , et par une vraie repenjance ; car Jésus-Christ a dit : Repentezvous, et croyez ik l'évangile. D. D'oü procédé 1'espérance ? R. Du don de DIEU et de ses promesses ; et c'est a cet égard que 1'apótre dit : 11 est puissant pour accomplir tout ce i n'il promet ; car il a promis lui-même, que si quelqu'un se repent et espère, après 1'avoir connu , il aura miséricorde de lui , ct lui pardonnera , etc. D. Qu'est-ce qui détourne de cette espérance? R La foi morte , la séduction de 1'Ante - Christ , qui nous fait abandcnncr Christ pour nous attaeher aux saints, ou a son autorité , è ses paroies , a ses bénédictions, aux saeremens , aux reliques des morls , a la fiction du purgatoire , et lorsqu'on enseigne a avoir cette espérance par des moyens qui sont directement opposés a la vérité et aux comtnandemeus de DIEU. De cette nature sont les divers genres d'idolatrie , la simonie'i etc. — Ensuite lorsqu'on. abandonne la fontaine cle l'eau vive qui nous a été acrordée par grace ; pour coiuir après ies citernes crevassées , pour idorer et servir la créature Catêckisme des Vaudois. 261  z6z Catêckisme des Vaudois. per sacrificis , donas , per uffertas , per pelegrinations , per envocations, etc. confidant jor aquistar gratia , luqual neun non a de donar sinon lo sol DIO en Krist. Enairni lavorant vanameni , laisson ,1a pecunia e la vita, e acerta non solament la vita present, ma 1'avenador, per laqual cosa lo ès dict , Vespercnca de H Jelon perira. SECTION VIII. D, Qual cosa dis de la beata vergena Maria ? car illi ès plena de gratia , com a teslilica l'angel ? R. La beata vergena fó e ès plena de gratia enquant a la soa besogna, ma non enqnant 5 la communication a li autre. Car lo sol seo filli ès pi en de gratia enqnant a la parlicipation , com ès dict de si meseime : E nos tvïh rcceopen gralia per gralia de la pleneid de luy. D."Tu non crèes la communicon de li sancts ? K. Yo creo que lo son doas ccsas en lasquals corrinunicon It sancts. Alcunas sonsubstantïals , alcunas son ministerials. Illi communicon a lassubstantial? per lo Sanct-Esperit en DIO , per lo merit de JesuKrist. Ma illi communiccn a las ministerials O ecclesiasticas, per li menestier fait debitament , en aima son per las parolas , per li sacrament, e per las oratiens. Yo creo 1'unt e 1'autra d'aquestas communiconsdeli sancts. La première omme le créateur , par des >rières , des jeünes , de» acrifices , des offrandes , des lélérinages , des invocatior.s, Ic. et 'qu'on se flatte par-14 ['obtenir la grace que DIEU" eul peut accorder par Jésusjlirist. Aussi ces gens-la tra■aillent-ils en vain, et perlent-ils leur peine e! leur vie, :t non-seulement la vie préente , mais encore la vie & renir : et c'est pour cela qu'il ■st dit : L'espéiance des méhans périra. SECTION VUL D. Que dis-tu de la bienïeureuse vierge Marie ? car die est pleinede gidcc, comme e dit 1'ange. R. La bienheureuse vierge a Hé et est pleinc de grdce pour ;lle-même , mais non pour la ïommuniquer aux autres. Son 'ils seul est plein de grace pour r-n faire part, comme il est dit de lui : Kous avons tous recu ?race sur grdce , de sa plénilude. D. Ne crois-tu point la cornmunion des saints ? R. Je crois que les saints communiquent entr'eux de deux manières. D'abord par le Saint-Esprit et par le mérite de Jésus-Clirist. Ensuite ils communiquent extérieurement entr'eux , par un ministère exercé convenablement, par 1'ouie de la parole , par les saeremens , par les prières. Je crois a 1'une et a 1'autre de ces communions des saints. La première seulement cn D1E(J , Jésus-Christ et le S. Esprit; et 1'autre en 1'église de Cnnst.  Catêckisme des Vaudois. 2.63 solament en DIO , e en JesuKrist , e al Sant-Esperit ; I'autra en la gleisa 'e Krist. D. En qualis ta la vita eterna? R. En la lè viva, e obrivcl, es pcrseveranca en ley meseima. Eo Salvador dis , Joan 17 : jlquesta ès vita eterna quilli connoissei te sol veray DIO , e Jesu-Krist loqual la trames. E ajucl que perseverarè entro Xe. section. Des synodes , 102 Chap. VIL Des barbes ou pasteurs des Vaudois, 108 Chap. VIII. Motifs qui nécessitent l'établissement d'un. collége dans les vallées vaudoises , pour l'instructwm de la jeunesse en général, et en particulier pour les jeunes gens qui se vouent ci la prédication. -» Plan proposé par l'auteur, et moyens d'exécution. S  266 Table des matières. Chap. IX. Esquisse d'un plan d'études proposé par l'auteur , pour le college a établir dans les vallées , 128 . SECONDE PARTIE. Introdi/ction, page 3 Règles suivies par les inquisiteurs , dans leurs persécutions contre les Vaudois , telles qu'elles sont rapportées dans Léger , deuxièmepart. pag. 5 et 6, 10 Chapitre Ier. Colonies vaudoises qui quiltent les vallées dans les quatorzième et quinzième siècles. Première persècution contre les Vaudois , en i4oo. Seconde persècution, en i4/5 et 1476. Bulle remarquable du pape Innocent VIII. Troisième persècution dont elle fut suivie. Quatrième persècution contre les Vaudois de Saluces , en i5oo, i5 Chap..II. Epoque de la réformation; eff'et qu'elle produisit dans les vallées. Réflexions importantes , 33 Chap. III. Cinquièmè persècution sous le duc Charles, en l534 et i535, dirigéepar Pantaléon Buessour. Les vallées passent au pouvoir de la France , sous Francois Ier. Persècution contre les Vaudois de Provence, e«i54o. Remarquesparticulières. Les persécutions secreties continuent , jusqu'en i55g, 74 Chap. IV. Sixième persècution sous le duc Emmanuel Pjiilirert , dirigée par le comte de la Trinité , en l56o et i565. Succès étonnans des Vaudois. Paix de Cavour , du 5 juin l565. Générosité de divers états protestans envers nos ancétres , 53 Chap. V. Septième persècution provoquée par Védit d'Emmanuel Pjiilirert , du 10 juin i565 , el dirigée par Castrocaro. Réflexions sur cet édit. Les Vaudois obliennent du repos jusqu'en 1671 , par 1'intercession de l'électeur palatin , 82 £hap- VI. Huitième persècution. Evénemens des années l5jo - 1574. Mort de la duchesse et du duc de Savoie , 1 96 q hap. VII. Précis de l'histoire des Vaudois du marquisat de Saluces , depuis leur premier établissement connu dans ce marquisat, jusqu'a l'année l533 , qu'ils en furent entiérement dépossédés , . 101  Taele des matières. 267 Chap. VIII. Détails sur ce qui s'est passé depuis l'avènement de Ciiarles-Emmanuel au tróne, en i58o , jusqu'a son édit de 1602. Precis de cet ordre. Observation importante , 10g Chap. IX. Neuvième persècution. Trois commissaires aux vallées. II arrivé successivement a Turin deux envoyés extraordinair es de la Grande-Brelame, pour intercéder en faveur des Vaudois. Les francais enirent en Piémont. Mort de Charles-Emmanuel Ier. Victor Am Ét> Én lui succède. M. A. Ito-' restco et Belvédère écrivenl contre les Vaudois , et sont réfutés par P. Gilles. Années 1602 a Chap. X. Préparatifs aux massacres. Etablissement de deux consetls , 1'uii d'hommes et 1'autre de femmes , tous les deux deslinés a diriger la persècution contre les Kaudois. Plan de conduite dela propagande. Incident fécheux arrivé au Viliard. Horrible projet des inquisiteurs, heureusement échoué. Edit iniuste et ciiiel c/e Gaslaldo. Années i63y a iG55 , ioq Chap. XI. Dixième persècution. Massacres de i655 , dïriges par le marquis de Pianesse, sous le rè Chap XVI. Négociations de paix et patenl.es de Pignerol, conclues le 18 aoüt 1655. Réflexions sur ce traité. -Adresse de l auteur a Victor-AmédÉe III, 1 q5 Chap. XVII. Intercession du protecteur de la Grande-Bretagne en faVeur des Vaudois. Etablissement  2g8 Table deS 'MATIÊres d'une rente perpétuelle pour les vallées , injustement suppriméepar le roi Charles II. RéclamaUons ace ChaTxVIII. Intercession des Provin ces-Unies en faveur des Vaudois. Vifmtérêt qu'ellesprennent a leur^ CuaTxIX. Intercession du roi de Suède , de Vélecteur palatin , de Vélecteur de Brandebourg du landgrave de Hesse- Cassel, en faveur des Vaudois , 221 Appendix. Avertissement, _ , Feagvens d'unpoëme en langue vaudoise , intitulee: Z«NübleLei9on,^tó^ZWiioo, 2 7 Confession de foi, publiéepar les Vaudois, lannce . j, 120 . telle quelle a été traduilepar Leger, 201 EniT publié par la duchesse J o e a n t , en l anne^ 'Avertissement , . , Cj**a*»*t des Vaudois composej>ar bes , au commencement du XUe. siècle , ei en francais, par Vauteur de l'histoire des Var^ do is , Fin de la Table des matières.