VUES D' U N SOLITAIRE PATRIOTE.     VUES D3 U N SOLITAIRE Patrio te. TOME SECOND. A LA HAYE; Et fe trouve d Paris Chez CLOUSIER, Impr.-Libraire, rue de Sorbonne. M. DCC. LXXXIV.   VUES D' U N SOLITAIRE PATRIOT E, Traité de concjliation ïerpétuelle entre les Abbés Commendataires it les religieux, &c. CHAPITRE PREMIER. Idéés générales. Les Religieux n'oublient pas qu'ils font les anciens Propriétaires, les Propriétaires naturels A 5  € Des Partages entre des biens des Monaftères. Auffi vbient-ilsavec regret que les Abbés Commendataires partagent avec eux leurs Domaines. D'un autre cöté, les Abbés, pleins de confiance dans Pautorité & la fageffe des Souverains, qui leur ont donné une partie des biens des Abbayes , ne doutant pas qu'ils foicnt les ufufruitiers légitimes de ces biens qu'ils tiennent des deux PuiiTances, ne négligent rien pour s'en affurer la jouiffance, & pour rendre leur chofe la meilleure poffible. De la cette concurrence fi adive entre les copartageans. II n'eft point de moyens, point d'expédiens, qu'ils n'emploient de part & d'autre, pour faire pencher la balance chacun de fon cöté. En vain les Magiftrats,pleins de lumières 6c d'équité, ont travaillé  LES ABB. ET LES RELIG. ? dans tousles tems a terminer leurs différends par des partages juridiques : 1'inftabilité des productions rurales, & la mobilité de leur valeur, ónt continuellement dérangé eet équilibre qui fait la bafe des partages canöniques ; elles ont toujours mis &c mettront toujours en état de guerre les Abbés Commandataires & les Religieux. Ces maux qui, depuis fi longtems défolent les Monaftères , caufent-ils moins de ravages dans les fuccefïions &c de défordre dans les Families des Abbés > Remédier a ees abus, concilier pour toujours les Abbés &: les Religieux; donner aux partages une forme invariable , d'après laquelle les copartageans auroient dans tous les tems leur part canonique, malgré la viciffitude que A 4  8 Des Partages entre" pourroient éprouver les revenug des Abbayes, foit par la révolution du prix des denrées, foit par les améliorations dont les biens ruraux font fufceptiblcs; donner enfin la tranquillité aux Families des Abbés ; ce feroit fans doute a eet égard opérer le plus grand bien. C'eft le but que je me propofe dans eet Ouvrage. Quand j'aurai balancé les avantages 5c les inconvéniens des différentes manières de traiter entre les Abbés Commandataires & les Religieux; que j'aurai fait connoïtre la manière la plus süre de porter a leur valcur les biens des Abbayes 5 que j'aurai expofé les moyens les plus vrais èc les moins onéreux d'entretenir les bfitimens, & d'éviter aux Abbés &C aux Religieux toutes difficultés a ce fujet; qu'enfln, j'aurai  les Abb. et les Relig. 9 donné 1'idée d'une nouvelle Adminiftration des Bois de réferves, qui deviendroit infiniment plus utile aux Bénéficiers; Je donnerai le plan d'un Traité perpétuel; D'après lequel les Abbés Commendataires Sc les Religieux , auront dans tous les tems leur part Canonique, malgré la révolution du prix des denrées; D'après lequel les Religieux feront- grevés de toutes les Charges; D'après lequel les Families des Abbés ne pourront plus être in-, quiétées ; D'après lequel enfin, les Fermiers des Abbayes auront la certitude d'avoir la jouiflance cntière de leurs Baux. Hommes vertueux ! hommes juftes! vous fur-tout qui êtes unis A y  io Des Partages entre par le Sacerdoce , vous que le Prince a placés parmi fes Peuples pour être fes Anges de paix; c'eft a vous fur-tout q-ue je fais hommage de mes réflexions fur ce fujet intérelfant.  tES Abb. et les Relig. it CHAPITRE II. De la forme la plus ufitée dans les partages» Dans 1'état a&uel des chofes, la part de 1'Abbé eft des trois lots celui qu'il a choifi ; la part des Religieux eft le fccond lot qu'ils ont choifi après 1'Abbé : le tröifième lot eft pour les charges. Par ce traité chacun a fa part •> 1'Abbé a la fienne , les Religieux ont la leur, & quelquefois il eft fait avec tant de jufteffe & de précifion qu'il feroit inattaquable, li le vice qu'il renferme néceffairement, ne rendöit fon exécution peu certaine & peu durable. Mais quellc que foit 1'équité des A 6  iz Des Partaoes entre Officiers qui préfident a la confection de cc Traité, quelque jufte que foit la balance avec laquelle ils pèfent les lots pour les rendre parfaitement égaux, ricn ne fauroit garantir eer équilibre contre 1'inftabilité de la valeur relative, dont les objets du partage font fufceptibles. Un Abbé intelligent augmentc les objets de fa Manfe, tandis que les Religieux négligent la leur; ou vice versa 3 les Religieux font des améliorations confïdérables, lorfque de fon cöté 1'Abbé laiffe tout dépérir. Alors plus d'égalité , plus d'équilibre. Gelui des deux qui a augmenté fi chofe , excite la cupidité de 1'autre. On crie a l'injuf-. tice : le partage, dit-on, eft mal fait: les Experts qui ont été appellés pour le faire , font accufés d'ignorance ou d'infidélité. Q&  les Abb. et les Relig. ij demande un nouveau partage; Sc après bien des débats, après s'êtrc confumés en frais de part & d'autre, on fe décide a tranfiger; & cettc tranfadion elle - même devicnt une fource de nouvelles demandes a chaque mutation d'Abbé.  14 Des Partages entre CHAPITRE III. Que les conteftations qui s'élèvent entre VAbbé & les Religieux _> ne font pas les feuls inconvéniens quentratnent les partages. Les contèftations qui s'élèvent entre 1'Abbé Sc les Religieux , ne font rien en comparaifon des difficultés qu'éprouvent les héritiers de 1'Abbé póur recueillir la fucceflion. Son mobilier, fon patrimoine, tout eft faifi pour les réparations. Ici le mal fe fait affez fentir; il eft inutile de le peindre. Dans cette conjon&ure, 1'héritier fe conduit fagement, lorf-  les Abb. et les Relig. If qu'au moment de la nomination dun nouvel Abbé, il fe préfente avec une fomme pour fe faire décharger de toutes réparations. Le nouveau Titulaire qui afesBullcs a payer, faifït avec avidité 1'argcnt qui lui eft offert; & dès ce moment fe voila chargé des réparations, en attendant qu'a fon décès fes propres héritiers éprouvent le même traitement, &c peut-être plus onéreux que celui qu'il vient de faire éprouver aux héritiers de fon PrédécelTeur.  16 Des Partages entre CHAPITRE IV. Traité d vie ; fes avantages & fes inconvéniens. Par ce Traité, 1'Abbé abandonne aux Religieux toutes fes prétentions fur fon Abbaye, a la charge par eux de lui payer annuellement, pendant fa vie Abbatiale , une fomme rlxe ou une quantité déterminée de denrées, & en outre de fe grêvcr de toutes les charges généralement quelconques. L'Abbé jouit donc paifiblement & ne laiffe a fes héritiers aucunes dimcultés pour fa fucceflion. De leur cöté les Religieux, maïtres d'améliorer tous les objets des deux Manfes, ne négligcnt  les Abb. et les Relig. 17 rien pour en tirer le meilleur parti. Combien de Maifons Religieufes ne fe font-elles pas reconftruites k la faveur de ce traité a vie ? Ceft a ce traité que les Abbayes d'Ourscamp, de Valloir, de Cercamps & tant d'autres , doivent leurs belles conftruétions. Mais depuis quelque tems ce genre de Traité eft devenu trés inftable. Dès que les Abbés s'appercoivent que les Religieux en tirent des avantages confidérables, ils fe croyent léfés. Alors ils ont recours a 1'expédient de remettre leur Abbaye entre les mains du Roi. Ce fyftême qui, malgré les Traités conferve aux Abbés leur liberté, jette les Religieux dans le plus grand embarras vis-a-vis du nouveau Titulaire. Eh! quand même les Abbés mourroient fidèles a leurs Traités, les Religieux  i8 Des Partages entre n'ont-ils pas tout a redöutér de fon Succeffeuf ou de rÉconomat pour les réparations ? De-la vient la ruine d'un grand nombre de Communaütés Religieufes qui , exagérant a leurs yeux les reffources qu'ils fe flattoient de trouver dans les Manfes des Abbés , ont augmenté leurs dépenfes & ont fait des entreprifes ruineufes. La faifie réelle que i'on vient d'autorifer contre un Monaftère de Fondation Royale, eft un exemple frappant des inconvéniens du Traité a vie. Voici le principal motif qui détermina les Religieux de ce Monaftère a traiter ainfi avec leur Abbé. Depuis long-tems ils étoient Penfionnaires de leurs Abbés Commendataires: les Abbés jouhToient  les Abb. et les Relig. 19 paifiblement, Sc s'occupoient peu 1 de 1'entretien des domaines Sc des lieux claüftraux. Le mal cependant croiifoit a vue d'oeil ; tout menacoit ruine ; il étoit inftant de reconftruire. Les Religieux pour n'être pas écrafés fous leurs toits antiques, firenr avec leur Abbé un concordat, par lequel ils fe chargèrent de toutes les rcconftru&ions , moyennant 1'abandon qu'il leur fit des Bois de réferves. La néceffité d'accélérer les travaux , leur fit mettre des Ouvriers par-tout; Sc leur premières reffources étant épuifées, ils eurent recours aux emprunts. Ils empruntèrent avec d'autant plus de confiance qu'ils comptoient fur le produit des réferves pour fe libérer. Mais leur Abbé, contre la foi de fes engagements, leur enleva ces mêmes  is Des Partages intre Bois qu'il leur avoit cédés; alors de nouveaux emprunts foreés par les pre: uiers, formèrent de loin 1'orage qui vient d eclater fur cette Maifon ; & 1'Arrêt quelle fubit aujourd'hui, entraïne non-feulement la ruine particuliere d'un des plus beaux Monumens de la piété dc nos Rois, mais il porte un coup fatal a la Propriété Eccléfiaftique, qu'il femble affimiler par la faifie réelle, a la Propriété Laïque. Si eet événement ne fuffit pas, un peu de réflexion fuffira fans doute pour faire fentir aux Religieux que leurs Traités a vie avec leurs AbbésCommendataires, font en général plus dangereux qu'utiles, & qu'ils courent, aujourd'hui plus que jamais , de très-grands rifques, de faire fur la foi de pareils Traités des entreprifes tant foit peu confidérables.  les Abb. et les Relig. 11 CHAPITRE V. De Vunion perpétuelle des deux Manfes.' D ans ces derniers tems, par un fyftême nouveau , quelques Abbés ont tenté de réunir a pcrpétuité leur Manfe al celle des Religieux. Cette réunion revêtue de Lettres-Patentes duement enregiftrées, annoncoit un arrangement folide. Par ce Traité les Religieux fc chargent de payer annuellement a 1'Abbé & a fes Succeffeurs, une telle fomme ou telle quantité de grains ou autres produdlions formant la valeur de la Manfe Ahbatiale, appréciée d'après le rapport des Experts.  t£ Des Partages entre En outre les Religieux payent les décimes de 1'Abbé jüïqu'a la fomme de De plus, ils fe grêvcnt de toutes les charges Clauftralcs, des réparations &: entreticns des domaines des deux Manfes 5 en un mot, ils ne lailfent a 1'Abbé que le foin dc toucher fa redevance. Tel fut le Trairé entre M. 1'Abbé Terray & les Religieux de Molefme; tel fut également le Traité entre 1'Abbé de Tyron & fes Religieux ; tel fut encore celui de M. 1'Abbé Adam avec les Religieux des Roches; tels furent plufieurs autres Traités. Les avantages de 1'union des deux Manfes fe préfentent d'euxmêmes. Les Abbés dégagés du foin de leurs Manfes , jouiffcnt paifiblement d'un revenu qu'aucun événement ne fauroit altérer.  les Abb. et les Relig. 13 Ce qui ajoute encore a la tranquillité de leur jouiflance , c'eft d'être allures que leur fucceffion ne pourra être troublée pour les réparations de leurs Abbayes,puifque par le Traité elles font totalement a la charge des Religieux. Mais quelque féduifant que foit ce partage, il renferme un vice effentiel avec lequel il ne peut fubfifter.  *4 Des Partages entre CHAPITRE VI. Vices du Traité d'union des Manfes. Pourquoi on Va vu attaqué par les Titulaires metnes qui en avoient formé le plan. Les Titulaires fe garderoient bien de porter atteinte a ce Traité, s'il iVétoit pas vicieux, s'il n'y avoit pas de léfiöh: Mais de la manière dont on y procédé, il eft moralement impoffibïe que les Abbés nc foient pas léfés. Voici Terreur: du moins la plus frappante. Par ce Traité, on fait a lAbbé fa part a perpétuité; &c cette part eft  les abb. et les ReLIG. eft une forame fixe, ou une quantité de grains déterminée. Suppofons cette fomme de dix mille livres; fuppofons encore que cette fomme foit Ia moitié du revenu des deux Manfes; alors c'eft avoir établi, par le Traité, que la part de FAbbé doit être a perpetuité la moitié de tous les revenus. Or, la moitié des revenus ne fauroit être une fomme fixe; pas plus fixe que les revenus eux-mêmes. Si les revenus, depuis la confe&ion du Traité, ont augmenté, la moitié des revenus a donc augmenté en proportion. Ainfi, faifaifons encore cette fuppofition : en 1770, les revenus étoient de vingt mille livres; la moitié étoit donc de dix mille livres. Au bail fuivant, les revenus font a trente mille; la moitié doit donc être de quinze mille livres. Tome II. g  ±6 Des Partages entre La part des Religieux éprouvc des augmentations graduelles, ou par la révolution du prix des denrées, ou par la concurrence des Fermiers, ou par toute autre caufe. La part de 1'Abbé doit donc également éprouver en proportion les mêmcs augmentations. Sans cela , fa part ne fauroit être jufte, nc fauroit être canonique. Sans cela, point de proportion dans le partage j point d'égalité; point de süreté par conféquent pour le Traité. Car tout Traité, ou il y a léfion, n'eft pasunTraité,maisuneconvention injufte. Donc le Traité perpctucl, de la manière dont il eft concu, n'eft pas un Traité, mais une er- reur. , Ainfi, pour perfeftionner le Traité d'union, il faut le redifkr au point, que la Loi qui en fera la  les Abb. et les Relig. 2,7 bafe, diftribue exaclement a 1'Abbé & aux Religieux leur part pro portionnelle & relative a la révolution graduelle des revenus de 1'Abbaye; de forte que la balance qui pefera les parts, garde parfaitement fon équilibre; & que ce qui augmente pour les Religieux, augmente proportionnellenient pour 1'Abbé. Le Chapitre fuivant nous fera voir comment on peut effectuer ce Traité. B t  iS Des Partages entre CHAPITRE VII. Moyen d'effe&uer la réunion des deux Manfes d perpétuité. Premiérement, par le Traité d'union perpetuelle des deux Manfes , il fera réglé qua 1'avenir , ni les Abbés Commendataires, ni les Religieux, ne pourront plus partager les biens des Abbayes; qu'ils feront obligés de les afFermer conjointement & par indivis; que les baux étant ainfi paffés par 1'Abbé, de concert avec les Communautés, qui ne meurent jamais, les Permiers ne pourront être interrompus dans leur jouiflance. i°. Tous les revenus feront partages par les copartageans, fclon  les Abb. et les Relig. 2,9 leurs droits refpeótifs. L'Abbé en. aura un tiers; les Religieux un tiers; 6c le tiers reftant fera pour les charges &: 1'entretien des bidmens. 3 0. D'après 1'évaluation faite par des Experts, des charges 6c des réparations annuelles, il fera ftatué que les Religieux en feront chargés a perpétuité. 4°. Pour alfurer la confection exa&e des réparations, il fera faic juridiquement , chaque année , une vifite des lieux clauftraux, 6c de touslesbatimens dépendans de FAbbaye; 6c fur cette vifite Pon adjugera au rabais les réparations qui auront été négligées par les Religieux. j". Afin d'indemnifer les Religieux des charges 6c des réparations dont ils feront grèvés par le Traité en Pacquit de 1'Abbé, il leur fera B 3  30 Des Partages entre accordé tous les ans fur les revenus deftinés aux charges, la mêmc fomme , a laquelle les charges auront été évaluées par les Experts. 6°. Pour faire quadrer 1'indemnité avec 1'augmentation ou la diminution du prix des denrées, des matériaux & de la main d'oeuvre, on peut régler que 1'évaluation des charges fera renouvellée par des Experts a des époques fixes & fucceffives; par exemple, tous les neuf ans, ou tous les dix-huit ans, &c. &c. Mais comme le Traité eft perpétuel, il vaut mieux pour la tranquillité des Parties, ftatuer que, fi la fomme a laquelle les charges auront été évaluées, fait la moitié du tiers-lot deftiné a 1'acquit des charges, les Religieux jouiront de la moitié de ce lot Sc non d'une  LÉS Abb. et les Relig. $t fomme fixe; fi cette évaluation fait les deux tiers de ce lot, les Religieux en auront a perpétuité les deux tiers, qui ne formeront pas une fomme déterminée; paree que les deux tiers du lot des charges feront aufii mobiles que le lot lui-même. Tour fentir 1'équité de cette forme de partage , citons un exemplc. LAbbaye de a trente mille livres de rente. Ellc a fait un Traité d'union perpétuelle des deux Manfes. Les Experts ont apprécié fes charges &; réparations annuelles a cinq mille livres; cette fomme fait la moitié de cello du tiers-lot qui eft de dix mille livres, deftinées aux charges. II a été réglé, qu'au lieu d'une fomme fixe dc cinq mille livres, les Religieux jouiroient a perpétuité pour les charges de la moitié du tiers-lot. B 4  3i Des Partages entre Si les revenus de cette Abbaye montent a trente-fix mille livres , le tiers deftiné aux charges fera de douze mille livres; les Religieux en toucheront donc fix mille. Si les revenus de 1'Abbaye diminuent & ne font que de vingt-quatre mille livres, le tiers fera de huit mille livres; & la moitié de ce tiers pour les charges ne fera que de quatre mille livres. Dans ce Traité, les Loix dc 1'équité feront obfervées avecd'autant plus d'exactitude, que dun cöté la mokié du tiers-lot repréfentera toujours les cinq mille d'indemnité , allouées par les Experts; & que de 1'autre, cette même moitié fera fufceptible d'augmentation ou de diminution, felon la mobilité des revenus, & fe trouvera toujours en balance avec les charges.  les Abb. et les Relig. 33 De forte que 11 les revenus augmentent, la moitié deftinée pour les charges augmentera au profit des Religieux, & les indemnifera d'autant de 1'augmentation des matériaux a employer aux réparations : fi, au conrraire, les revenus diminuent, cette moitié allouée pour les charges diminuera a proportion, & 1'Abbé payera moins. Ainfi, 1'indemnité accordée aux Religieux fera invariable & mobile tout a la fois. Elk fera invariable, paree qu'elle fera toujours la moitié du revenu de 1'Abbé 5 elle fera mobile, puifqu'elle fera relative & proportionnée aux revenus dont la mobilité tient a celle des denrées. 70. Les bois de réferve ne fauroient faire un objet de revenus annuels. L'Ordonnance a fagement B 5  34 Des Partages entre menagé eelte reflource pour les incendies, les autres évènemens de force majeure. Mais dans le cas oü le dépériffement des futaycs forcera de les couper; alors 1'emploi s'en fera au proflt de 1'Abbé & des Religieux, au mare lalivre de la part qu'ils auront aux revenus ordinaires. Si levaluationdes charges faites par les Experts ne monte qu'a la moitié du tiers-lot deftiné a leur acquittement j alors PAbbé aura la moitié de ce lot, & 1'autrc moitié appartiendra aux Religieux. Dans ce cas le produit des réferves fera partagé par moitié entre 1'Abbé & les Religieux. L'Adjudication des Fermes aux plus ofFrants, celle des réparations au rabais, choquant les opinions revues, nous allons expofei,  les Abb. et les Relig. 35 dans les Chapitres iuivans, les avantages & les inconvéniens de ces formalités ordonnées par le Traité. B 6  3 qui contraint d'affermer tous les biens des Abbayes. Vo us élevez la voix; je vous entends, vous qu'une longue expérience a rendu capablesde fertilifer le fol le plus ingrat. Nous planterons, dites - vous, cette vigne ; nous deflecherons ces marais; nous changerons en bois ces bruyères, vouées a un éternel abandon; & il faudra partager avec 1'Abbé les fruits de nos travaux! Que pourra déformais notrc induftrie? Les biens de 1'Abbaye feront arTermés ; c'eft la bafe  les Abb. et les Relig. 57 invariable, c'eft la Loi du Traité. Ces vignes que par nos foins nous rendions fi utiles & fi précieufes a tous égards, vont dégénérer & fe réduire a rien dans les mains du pauvre Vigneron, qui ofera s'en rendre Fermier. Ces Métairies, qui nous rendoient avec ufure les avances que nousfaifions pour les entretenir de bras &c de beftiaux nécelfaires a la culture , vont fe détériorer & redcvenir incultes. Ces Forges enfin, qui font des machines énormes &: fi diffkiles a monter , tomberont infailliblement, dés qu'elles celferont d être foutenues par nos mains.  33 Des Partages entre CHAPITRE IX. 1/Adjudication publique nuitellc aux améliorations ? J"E conviens qu'au premier coupd'oeil radjudication des deuxMa nfes paroit mettre des bornes aux améliorations que pourroient faire les Religieux. II faut convenir encore que les Propriétaires oublient le plus fou~ vent les Terres qu'ils donnent a Ferme. S'ils s'en occupent quelquefois, ce n'eft que pour en toucher les revenus , ou pour en renouveller les Baux &: non pour les améliorer. Mais fi nous faifons attention que le plaifir d'améliorer n'arjpar-  les Abb. et les Relig. 39 ticnt qu'a certaines perfonnes nées avec ces qualités adtives, qui ne permettent jamais a 1'homme qui en eft doué d'être indifférent fur fon objet; nous verrons que, bien loin d'êtr-e arrêtés par 1'admodiation des Manfes , les Religieux cultivareursimagineront fans cefle de nouveaux expédients pour donner plus de valeur aux objets de culture & s'affurer par la 1'augmentation de leurs revenus a chaque renouvellement des Baux, Dégagés, par 1'adjudication, des foins continuels qu exigent d'eux les parties de Biens qu'ils font valoir par leurs mains, ces Religieux verront les chofes plus en grand & porteront plus avantageufement leur attention fur 1'univerfalité des objets des deux Manfes; ils feront d'autant plus empreffés a travailler utilement  40 Des Partages entre que rien ne pourra retarder les progrès de leur induftrie. Eh ! qui s'oppofcroit a leurs vues économiques? Cenc fera pas 1'Abbé, puifqu'il partagera avec eux les fruits de leurs travaux. Les Fcrmiers fe garderont bien d'apporter le moindre obftacle aux améliorations , puifqu'clles tourneront a leur profit pendant le cours de leurs Baux. Ainfi 1'adjudication n'empêchc nullement les améliorations.  les Abb. et les Relig. 41 chapitre x. Vtilité de l'Adjudication de tous les objets des deux Manfes réunïes» Il eft de fait que les Abbés Commendataires ont beaucoup augménté leurs revenus , depuis qu'ils ont affermé leurs Manfes a des Compagnies ou a des Fermiers particuliers, a la chalcur des enchères. Les Manfes Conventuelles étant réunies a celles des Abbés , elles fubiront la même loi de Tadjudication. Elles en éprouveront donc les mêmes effets , le même accroiiferaent de revenus. Jufqu'ici les Religieux ont fait  42, Des Partages entre pour ainii dire , de leurs anciens Fermiers leurs Copropriétaires; il leur a paru injufte que, dans leurs Fermes, les enfans ne fuccédaflent pas a leurs pères. Ce procédé paroït honnête, j'en conviens; mais eft-il juftc ? fouvent le rils dun excellent Laboureur eft un homme inepte &fans conduite. Dira-t'-on qu'il eft jufte de préférer un pareil fujet a ce Fermier habile que 1'adjudication vous mettra a portée de choifir ? Difons-le: la concurrence eft le vrai moyen de diftinguer un Citoyen cultivateur , d'avec celui qui ne 1'eft pas. Celui qui a le plus d'émulation, celui qui vous offre le plus, celui enfin qui par fon induftrie enri« chit plus le fol national, c'eft lui fans doute que vous devez choifir. L'homme fans talent donne  les Abb. et les Relig. 4| mille écus d'une Ferme, il n'y fait que languir; 1'homme induftrieux en donne le doublé , il s'y enrichit. Je le répète ; la concurrence eft une chofe de juftice.  44 Des Partages entre CHAPITRE XI. BailgénéraL EJi-il utilc? De tous les biens, les mieux affermés , ce font les Manfes Abbatiales , données a Bail général parlesEconomats.LAdjudication publiquê de ces Manfes a donné lieu a des Compagnies de faire fur ces objets des fpéculations utiles. Elles ont excité 1'émulation parmi" les Fermiers \ & leur concurrence a porté les Fermes a leur valeur. Avant que ces Compagnies ne paruffent , les Laboureurs jouiffoient paifiblement de leurs Fermes, & fans augmentations. lis ne connoiffoient pas de concurrents. Le Fermier voifin n'ofoit fupplanter fon voiiin , &; fa dé-  les Abb. et les Relig. 47 marche eüt même paru déshonorante. Les Religieux qui régiffoient ces Abbayes avoient donné lieu a ce faux point d'honneur, paree qu'ils donnoient toujours les mêmes Fermes aux mêmes Fermiers. Que ces Fermiers fuffent bons cultivateurs ou non, ils renouvelloient leurs Baux fans augmentation, moyennant quelques préfens qui fe faifoient a la Communauté. Cette grande aifance que les Religieux procuroient a leurs Fermiers y caufoit un mal politique; elle engourdiifoit des hommes que la néceflïté a rendus depuis, fi aftifs & fi induftricux. Cependant les denrées augmentoient vifiblement. Des hommes  4 il n'en confie le foin a pcrfbnne; il fait tous fes voyages; il na pour fon intendant queluimême. Dun autre cöté, la Fermière, attentive fur les petits objets de détails qui torment fon diftrid, étend fes foins jufques fur les mmutiesj elle fait apprécier la perte d'un oeuf, paree qu'clle n'ignore pas qu'elle en perdroit trois cents foixante-cinq , s'il lui en manquoit un chaque jour de 1'année. Enfin , dans une Ferme 1'on ne ïeconnoit les Maitres parmi les Serviteurs, que par le courage, 1'activité , la vie frugale, & par  les Abb. et les Relig. 57 toutes les vertus dont ils donnent fans ceflé 1'exemple. II eft bien difficile que dans nos mceurs les AbbésCommendataires &; les Religieux fe foumettent a tant de fujétions : cette agrefte fimplicité fe concilie fi peu avec les idéés de décence & d'honnêteté publiques, qui gouvernent aujourd'hui 1'efprit des Citoyens aifés! Ainfi, öter aux Abbayes la faculté de faire valoir, c'eft leur öter leur efclavage, c'eft les remettre dans 1'aifance; c'eft en un mot dégager un arbre plein de sève, des chenilles, qui le rongent & qui le font languir. Laiffons donc aux Laboureurs le foin de cultiver les terres. Sud quifque gaudeat arte. Ces comeftibles, ces douceurs que les Abbayes tirent a grands frais de leurs baffe-cours, elles C5  yS Des Partages entre les recevront abondamment de leurs Fermiers, en déduction de leurs redevances. Au lieu de cette exploitation obfcure, ruineufe & monotone des terres, que 1'on confie pour l'ordinaire dans les Monaftères a des valets de confiance fort fouvent infidèles, 1'on y verra une Adminftration d'autant plus utile qu'elle fera plus fimple , & par conféquent plus oppofée a ces dépenfes fourdes, qui femultiplient a 1'infini dans la confufion des objets de détail , & qui, infcnfïbiement réduifent a rien les Maifons les mieux dotées. Alors les Cortimunautés fe trouvant plus a leur aife, fe porteront plus librement a ces travaux champêtres, dont les fuccès paffionnent toujours ceux qui s'y livrent. Et duflent-elles, par la Loi du Traité  les Abb. et les Relig. 5 9 perpétuel, partager les améliorations avec leurs Abbés Commendataires, rien ne les flattera plus que la liberté d'cxercer leur induftrk fur 1'univerfalité des biens des Abbayes, qu'elles pourront encore regarder comme leurs Propriétés. Elles ne verront dans leurs Abbés que des penfionnaires, dont les penfions feront graduclles & relatives aux revenus; & fe regardant comme les feuls propriétaires de la chofe, elles fe porteront avec ■une activité incroyable aux améliorations dont leur ancien patri-* moine fe trouvera fufceptible. Ici, vous verrez conftruire un moulin; la vous verrez delfé.cher un marais;plus loin des bruyères feront plantées en bois; ailleurs vous verrez s'élever des cabanes de Payfans; car ces malheureux s'attachent toujours a ceux qui les font travailler. C 6  6o Des Partages entre S'il eft vrai que la liberté d un riche confifte dans fon aifance, 6£ non . dans la faculté de fe livrer a des dépenfes ruineufcs & de caprices, le Traité perpetucl, bien loin de gêner les Abbés Commendataires & les Religieux, augmentera en tout point leur liberté , puifqu'il augmentera leur aifance. En effet, par 1'adjudication , ce Traité portera tous les biens a leur valeur. II diminuera les réparations , puifqu'il en empêchera la négligence, en les faifant adjuger annuellement.La paix qu'il donnera aux Abbés aux Communautés, leur épargnera les frais ruineux des procédures; & cette paix s'étendra fur une quantité de Families diftinguées, quipourrontvenir recueillir  les Abb. et les Relig. éi fans troublc & fans frais les fucceffions des Abbés. Enfin, le produit des réferves ceifant d'avoir pour objet d'emploi les réparations ordinaires,formerades capitaux dont les intéréts feront un accroiifcment de revenus pour les Abbés & les Religieux.  6% Des Partages entre CHAPITRE XIV. L'Adjudication publique des réparations a-t-elle des inconvéniens. Si 1'Adjudication publique des réparations avoit lieu, 1'on ne pourroit y procéder qu'après 1'annéerévolue; &lors qu'un ouragan auroit caufé dans les batimens quelques donimages, il faudroit donc, pour y remédier légalement, attendre 1'époquc des formalités annuellcs; & en attendant ces formalités judiciaires, les premiers dégats en entraineroient de plus onéreux. Un autre inconvénient, non moins confidérable, eft que les Bénéficiers feroient contraints par  les Abb. et les Relig. 63 la Loi, de faire a grands frais des réparations que, dans rétatactucl des chofcs, ils peuvent faire fans formalités & par économie. D'ailleurs, cette Loi feroit continuellement en contradidion avec elle-même. Car d'un cöté elle feroit établie pour empêcher la négligence des réparations, tandis que de 1'autre elie les feroit négliger, en fixant a une époque tardive, certaincs réparations qui ne fauroient fourfrir de délai, fans danger de la ruine totale des objets a réparer. Enfin la Loi de lAdjudication annuelle des réparations, feroit revoltante pour les Bénéficiers; elle les gêneroit dans leur Adminiftration; elle leur fufciteroit de nouveaux embarras, & grèveroit leurs bénéfices d'une nouvelle irnpofition.  ^4 Des Partages entre CHAPITRE XV. En réponfe au précédent. Ces inconvéniens, s'ils étoient réels, feroient, a la vérité, révoltans pour les Bénéficiers. Mais bien loin que la Loi de 1'Adjudication publique des réparations ajoutat aux charges de nouvellcs charges, elle en allégeroit fenfiblement le poids; & fes formalités, qui, au premier coup-dceil, femblent grèver les Bénéficiers, feroicnt, au contraire, pour eux , une fource d'épargnes &: d'cconomie. Car elle leur rappelleroit fans ceffe qu'ils n'auroient pour mcttre leurs batimens en bon état, quel'intervalle d'une Adjudication i une autre Adjudication; & fi  LES ABB. ET LES PvELIG. 65 dans le courant de 1'année, quelque ouragan venoit a y caufer de ces dégats, qu'il eft inftant de réparer, ils pourroient y remédier libremcnt; ils s'y porteroient même avec d'autant plus d'a&ivité, qu'il feroit de leur intérêt de diminucr le plus poffible 1'objet des devis annuels des réparations. Par ce moyen, 1'Adjudication feroit trcs-fimplifïée ; elle ne feroit plus, pour ainfi dire, qu'une formalité légale , trés peu onéreufe pour les Bénéficiers, mais effentielle pour cux; puifqu'elle leur procureroit chaque année la décharge juridique des réparations de chaque année. Ainfi, 1'Adjudication publique des réparations, feroit bien éloignée de grèver les Bénéficiers, 011 de les gêner a eet égard ; elle n'auroit pour objet que de faire  €6 Des Partages entre mcttre tous les ans, la dernière ma in aux réparations qui auroient échappé a la vigilance des titulaires, ou qui auroient été négligées.  les Abb. et les Helig. 6J CHAPITRE XVI. L'Adjudication annuelle des réparations efi-elle utile? ][j Adjudication publique des biens ruraux eft utile, paree qu'elle augmente les revenus. L'Adjudication publique des réparations feroit donc égalcment utile, paree qu'elle diminueroit infailliblement les dépenfes qu'entraïne nécelfairement la négligence des batimens; &: a eet avantage, ajoutez celui d'avoir les récoltes en süreté & a 1'abri de la vermine , compagne inféparable des batimens ruines. L'objet des réparations diminue a proportion de rexaftitude  63 Des Partages entre avec laquelle on a foin de les faire. Auffi le Propriétaire furveillant, dépenfe bien moins pour 1'entretien de fes batimens que celui qui s'cndort fur les dégradations. Tel au bout de dix ans dépenfe dix mille livres a réparer ce qui, chaque année, ne lui eüt pas coüté cinq cents livres, s'il avoit été plus vigilant. Lorfqu'un Bénéficier a touché fes revenus, fon Bénéfice ne lui doit rien. Mais il doit a fon Bénéfice d'en acquitter les charges: le forcer a les acquitter, c'eft le forcer a être jufte. C'eft pourquoi la Loi qui 1'obligeroit tous les ans a faire fes réparations, ne feroit que lui prefcrire cc qu'il doit a fa chofe, ce qu'il fe doit a lui-même & a fes héritiers , qu'il convient de mettre a 1'abri de ces difcuiïions ruineufes,  LES AöB. ET LES RELIG. 6$ qui dcfolent ordinairement les Families des Abbés Commendataires. Les Eccléfiaftiques pendant leur vie , font des anges de paix : pourquoi fouffrir qu'après leur mort, le trouble naiffe ainfi de leurs cendres ? Loi admlrable! qui obligeroit toutes les Abbayes a faire, chaque année, adjugcrpubliqucment toutes leurs réparations. Ces réparations feroient faites avec d'autant plus d'exaótitude que ce qui échapperoit une année, n'échapperoit pasl'année fuivante; Sc les dégradations ne pouvant plus s'accumuler, il n'y auroit plus de confufion dans les objets a réparer. Dans des Edifices bien entretenus, la plus légère dégradation devient fenfible; Sc pour efl faire Tappréciation, des hommes fimples pourroicnt fuffire.  fo Des -Partages entre L'on ne verrok plus ces devis immenfes & ruineux, dans lef* quels les Experts intelligens peuvent fe jouer a leur gré des intéréts desParties; dans lefquels ils peuvent ruiner 1'un, pour favorifer Tautre; dans lefquels enfin, ils peuvent, felon leurs vues particulières, diminuer arbitrairemcnt les objets, ou les exagérer. L'on ne verrok plus , a la mort des Titulaires des Abbayes, s'élever fur les réparations ces débats, ces chicanes révoltantes, qui quadrent fi peu avec 1'efprit de paix & de douceur, qui caradérife la plupart des Eccléfiaftiques d'un rang & d'une naiffance diftingués. L'on ne verroit plus, dans les Communautés Religieufes , ces négligences qui caufent la ruine de leurs batimens, & qui les forcent a reconftruire a grands frais  les Abb. et les Relig. 71 des édificcSj que des réparations faites a propos auroient encore fait fubfifter pendant des fiècles. On ne les verroit plus faire des entreprifes au-deflus de leurs facultés; car les devis, les adjudications & la réception des travaux, les fcroient fans cefTe compter avec elles-mêmes, & leur rendroicnt fenfibles les moindres écarts dans leur adminiftration.  72- Des Partages entre CHAPITRE XVII. Réflexions fur les Chapitres pré" cédens, u i nc voit que cette manièrc de partager les revenus des Abbayes & non les biens, que de charger des réparations les Religieux & non les Abbés , ce fera le vrai moyen d'affurer aux Abbés tout ce qu'ils pourront légitimement efpérer de leurs Abbayes, & encore de leur ménager, a eux & a leurs héritiers, la plus parfaite tranquillité. Dégagés par-la de tous foins onéreux, les Abbés, bien loin de voir dans les Religieux de leurs Abbayes des Parties adverfes, continuelle- ment  les Abb. et les Relig. 73 ment en activité pour leur en difputer le terrein, ne verront plus dans ces Solitaires que des économes utiles. En cffet, pour augmenter leur propre chofe, les Religieux augmenteront néceflairement celle des Abbés. De leur cöté, les Religieux connoilfant 1'étendue & les bornes de leur jouiiTance, tout leur infpirera de vivre en parfaite intelligence avec leurs Protccteurs naturels, leurs Abbés Commendataires. Ici 1' on fcnt combicn peut rcdevenir utile aux Monaftères la Claflé la plus diftinguée de 1'EtatEccléfiaftique. Ces avantages ne feront pas les feuls qui réfulteront de ce Traité perpétuel. Rien ne fera plus fatisfaifant pour les Communautés, que de Tome II. £)  74 Des Partages entre pouvoir, a tout inftant, fe rcndre compte a elles-mêmes de leurs revenus & de leurs charges. Sur leurs revenus, nulles difficultés: 1'adjudication publique des biens, ordonnée par le Traité perpétuel, mettra les revenus au grand jour. Les réparations feront également connues, puifqu'elles feront adjugées chaque année. II n'y aura donc plus que les dépenfes ordinaires, la nourriture & 1'entretien des Religieux, fur lefquelles 1'obfcurité pourroit encore fe répandre. Mais ces objets de dépenfe n'étant plus confondus avec les frais arbitraires de la Régie des biens, les Religieux les moins clairvoyans pourront, fans peine, fur ce point, apprécier la capacité ou lMnfuffifance de ceux qui, parmi eux \ feront chargés de ces détails,  les Abb. et les Relig. 7j Les Officiers des Maifons fe voyant ainfi éclairés dans leur conduite, fe rendront plus circonfpecls dans leur geftion. Ils s'épargnerontdoncledéfagrémentd'êtrecontinuellement en butte a leurs Communautés, & de fe voir accufés dïnvigilance & d'infidélité. De la Téconomie & la tranquillité dans tous les Monaftères. Le Traité perpétuel ne fera pas moins utile aux Fermiers des Abbayes. Car pour rendre invariable lAdminiftration de ces Monaftères , il ordonnera TAdjudication de tous les objets. Tout fe paffera cn public j tout fe fera devant le Juge. II n'y aura donc plus tien de fufpect; car foi eft due aux Magiftrats. De la la jouiffance paifible des Laboureurs. Sürs de finir les baux qu'ils auront D 4  7 Le fait qui fuit va éclaircir nos doutes. En 172.0, un Particulier hérita de fon père une réferve de quatrevingt arpens. Ces Bois avoient trente ans; il les vendit quarante mille livres; il s'cn fic deux mille livres de rente. En 1750, ces Bois étoient a leur révolution de trente ans; le même  88 Bois de réserve. Propriétaire les vendit encore quarante mille livres, dont il fefit également deux mille livres de rente. En 1780, le même vendit fa réferve pour la troifième fois; il en tira quarante mille livres. Voila donc de ces trois coupes un capital de cent vingt mille livres. Ajoutez a cette fomme les intéréts depuis 1720 jufqu'en 1780, vous trouverez que ces quatre-vingt arpens de réferve ont produit trois cents mille livres. Si ce Particulier avoit attendu fes Bois jufqu'a 1780, ils auroient eu a cette époque quatre-vingtdix ans: mais pour en tirer le même produit que de fes trois coupes de trente ans, il auroit fallu qu'il vendit cette réferve trois cents mille livres (trois mille fept cents cinquante livres 1'arpent); cela fe pouvoit-il ?  Bois de réserve. 89 Indépendamment du déficit a Pégard du produit, il auroit en. core perdu le fonds de fa réferve. Car il eft de fait que les trois quarts des Bois que l'on coupe fi vieux, ne repouffent que rarement. Ainfi, couper les futaies plus fouvent, en borner 1'age a trente ans, y réferver a chaque coupe les arbres qui promettroient le plus , foit pour la conftruction , foit pour 1'ufage de Ia Marine ; obliger les Bénéficiers a placer le produit des coupes &c a le convertir en contrats; les obliger encore dans Tintervalle d'une coupe a une autre coupe, a placer annuellement les intéréts de ces contrats, pour tenir lieu de la végétation graduelle des futaies que Ton auroit coupées; ce feroit affurer a ces Bénéficiers des fonds toujours prêts,pourremédier aux aecidens qui pourroient grèvcr  90 Bois de rérerv i. leurs Bénéficcs; ce feroit fubftituer en partic a leurs réferves en Bois, des réferves en argent. Ces réferves changées en contrats, s'accroitroient bien plus k leur profït que les véritables réferves, les réferves en nature. Cette manicre combinée d'adminimer les réferves, mettroit les Bénéficiers a 1'abri de ces entreprifes indifcrètes, que fuggèrent a la plupart des hommes les reffourccs extraordinaires & momentanées. Plus une réferve a vieilli, plus elle éblouit le Bénéficier qui 1'obtient. Peu préparé a cette relfource inopinée, il 1'exagèrc a fes yeux, & forme a la hate des projets trop étendus; fi bien qu'une réferve, au lieu de lui être avantageufe, devient pour lui une fourcc d'engagemens & d'embarras, auxquels il ne fauroit répondre.  Bois de réserve. 9* Auiïï, combien ne voit-on pas de Communautés dans la détrefle, par le feul fait des réferves qu'elles ont obtenues, Sc dont elles n'ont pas fu combiner 1'emploi! II feroit donc infiniment intéreffant pour les Bénéficiers, qu'ils connuffent 1'époque précife a laquelle leurs Bois de réferve leur feroient délivrés. Ce feroit le vrai moyen qu'ils puffent fe difpofer de loin a en faire le meilleur ufage poffiblc. Concluons donc que fixer 1'age des réferves Sc les borner a trente ans, ce feroit les améliorer Sc les rendre plus utiles aux Bénéficiers, au Public Sc a 1'Etat.  5>i Bois de réservé. CHAPITRE XXI. Projet d'Edit. T -L E Roi s'étant fait rendre compte des difficultés qui s'élèvent fans ccife entre les Abbés Commendataircs & les Religieux, fur les partages des biens des Abbayes; enfemble des moyens de remédier efficacement a ces maux, qui, depuis fi long-tems défolent les Monaftères, qui agitent les Abbés, qui troublent les héritiers de ces Bénéficiers, & qui dérangent les Laboureurs dont les baux font fouvent arrêtés au milieu de leur cours : ayant remarqué que ces abus avoient leur fource dans les Loix mêmes qui avoient été faites  Bois de réserve. 93 pour les prévenir; que ces Loix, en ordonnantl'égalité des lotsdans les partages, exigeoicnt une chofe inconciliable avec les effets du tems, avec les progrès de 1'induftrie des hommes, avec la nature même des biens ruraux, qui varient quelquefois dans leur effence Sc trèsfouvent dans leurs produdions, Sc qui, par cette inftabilité, détruifent continuellement eet équilibre qui fait la bafe des partages canoniques; Sa Majesté voulant concilier pour toujours les Abbés Commendataires Sc les Religieux; voulant leur procurer dans tous les tems leur part légitime Sc relative a la révolution des biens ruraux; voulant mettre les Families des Abbésarabridesdifficultésqu'elles éprouvent a recueillir la fucceffion de ces Bénéficiers; voulant affurer aux Laboureurs la jouiffance  94 Bois de reserve. entière de leurs baux, 5c rendre" aux Monaftères la liberté d'exercer fur 1'univerfalité des biens des Abbayes leur induftrie, que leur réfidence fur les licux rend fi utile au fol national : Sa Majesté a ordonné 5c ordonne ce qui fuit. Article premier. Les biens des Abbayes feront réunis a perpétuité, 5c ne feront plus qu'une maffe indivife. Les Religieux , cependant , jouiront des biens qu'ils ont rachetés de leurs propres deniers, ainfi qu'ils jouiffent fous la dénomination du petit Couvent. Ils jouiront pareillcment des lieux clauftraux, des jardins, cours, baffe-cours 5c des batimens qui en dépendent, ainfi qu'ils ont accour tumé d'en jouir. Les Abbés également confer-  Bois de réserve. 5,5 veront leurs logis, cours, jardins, bafle-cours & batimens qui en dépendent, & en jouiront perfonnellement comme par le pafle. Art. II. Excepté les biens ci-deflus énoncés, favoir lieux clauftraux, cours, bafle-cours, jardins, tantde 1 Abbé que des Religieux, tous les autres biens généralement des Abbayes feront adjugés au plus ofFrant par la Maïtrife des Eaux & Forêts, ou feront adjugés de concert par les copartageans, en préfence toutefois du Maitre particulier des Eaux & Forêts. Les baux auront toujours leur pleine & entière exécution. Ni la mort des Abbés, ni leur renonciation volontaire a leurs Abbayes, ni Tavènement du fucceffeur, ne pourra arrêter le cours de ces baux.  $>6 Bois de réserve. Art. III. Les revenus des Abbayes fe partageront entre les Abbés Sc les Religieux, conformément aux anciens partages canoniques; c'efta-dire, que TAbbé en aura les deux tiers Sc les Religieux un tiers. Cependant, fur les deux tiers de 1'Abbé, les Religieux auront une part proportionnée aux réparations Sc autres charges, dont ils feront grèvés a perpétuité en 1'acquit des Abbés. Cette fomme ne fera pas fixe; elle fera ou le quart, ou le cinquième, ou le fixième, plus ou moins, felon 1'évaluation de ces charges par les Experts, lors de la confection du Traité perpétuel; de forte que tel Abbé paiera aux Religieux pour les charges le quart de fes revenus, tel autre le cinquième , tel autre le fixième, &c. a perpétuité. Art,  Bois de réserve. 97 Art. IV. Les réparations feront toutes a la charge des Religieux, moyennant 1'indemnité accordée par 1c Traité perpétuel. Ces réparations feront adjugées tous les ans au Siége de la Maitrifc des Eaux & Forêts. Pour aiïurer le paicment exact des réparations a fur & a mcfure qu'elles feront faites & recucs le Maïtre des Eaux & Forêts d'élivrera fes Ordonnances, a exercer fur les Fermiers.par préférencc a toutes autres créances. Art. V. Les Bois de réferve feront coupés a lage de trente ans, en fe conformant aux Ordonnances pour Ie choix, le nombre & la qualité des arbres qui y feront marqués & réfervés. Tomé II, £  98 Bois de réserve. Le produit des réferves n'aura plus pour objet d'emploi les réparations ordinaires &z d entretien, qui feront toutes a la charge des Religieux , & ne fera déformais employé qu'aux reconftru&ions, ou réparations des dégats caufés par des incendies ou des ouragans, ou a des améliorations extraordinailes & très-importantes pour les Abbaves. S'il'n'y a pas d'objet d'emploi pour le produit des réferves, les fonds feront placés au pront des Abbés & des Religieux, qui en partageront les intéréts au mare la livre de la part qu'ils auront aux revenus. Si les Religieux ont avec 'leur tiers un fixième des revenus de 1'Abbé, a caufe des charges dortt ils feront grèvés en fon acquit, 'ils "auront un tiers des intéréts de ces réferves, óc un fixième des  Bois de ré" serve. ^ deux tiers des intéréts percus par 1'Abbé. Lorfqu'après trente ans révolus, l'on fera une autre coupe de réferve , alors les Abbés & les Religieux partageront le produit de la première des deux coupes, & laifferont 1'autre placée pour les évèïiemens de force majeure, qui pourroient grèver 1'Abbaye. Art. VI. Les Religieux dcpoferont au •GrerFe de la Maitrife, tous les neuf: •ans, un état bien circonftancié des améliorations dont les biens de 1'Abbaye feront fufceptibles, tel que 1'état des marais a deifécher, .des Moulins a conftruire , des Etangs a former, des Bois a planter, &c. Lorfqu'ils feront de cesaméliora■ tions importantes öc difpcndieufes, E 2.  ïoo Bois de réserve. ils en feront conftater la dépenfe par laMaitrife des Eaux & Forêts; & ils jouiront du produit de leurs améliorations, jufqu'a ce qu'ils foient rembourfés de leurs avances •, mais les avances étant acquittées , les améliorations renireront dans la maffe commune des biens, pour être partagées avec 1'Abbé. Art. VII. A la mort de 1'Abbé, tout cc qui lui fera dü fur les revenus de 1'Abbaye, jufqu'au jour de fon décès, appartiendra a fes héritiers , en faifant 1'exhibition de leurs titres au Siége de la Maïtrife, qui les autorifera a toucher fur les Fermiers de 1'Abbaye. Après le décès, les revenus de 1'Abbé pafferont fans aucunes formalités dans les mains de l'Eco.5  Bois de réserve; ioï ïiome du Roi, jufqu'a ce que le fucceifeur vienne cntrer en jouiffance, fans d'autres difficultés ni formalités que celle de prendre polfeflion. E 3  loz De l'arrangement DE I/ARRANGEMENT DES ARCHIVES. CHAPITRE XXII, Idéé générale. IPour des Gens-d'Affaires, pour des perfonnes formées dès leur jeuneffe dans les cabinets des Praticiens, toutes les manières de difpofer les Archives font praticables, font très-intelligibles. Mais pour des Propriétaires que leur éducation a toujours éloigné de la lecture des anciennes écritures, l'on ne fauroit imaginer en leur  DES ARCHIVES. IOJ faveur une méthode trop facüe pour connoitre, & pour confulter avec plaifir leurs Titrcs dc fropriétés. Eft il une manière d'arrangcr les Archives plus fimple &c plus facüe, que celle que nous donnons ici > Car, s'il eft aifé de tróuver clr.ns un volume lesarticles quelaTablc indique, il fera tout aufil facüe de trouver dans une colle&ion de Titres, les pièces que l'on cLfiicra. Lorfque l'on aura foin que cette colleciionait exadement la forme d'un volume imprimé, Sc qu'elle ait également fa Table, oü toutes les pièces foient rappellées felon leur ordre naturel, avec un précis de 1'objet qu'elle renferme. E 4  •ic>4 De l'arrangemenT (*) La relieure en onglets eft celle d'un livre dont les feufflets font naiifans, & rfonc qu'environ un pouce de largeur. Ces petits feuiilets fe nomment des onglets. Si, par exemple, on coupoit les feuiilets d'un livre, a un pouce prés du dos, Ion auroit une relieure cn onglets. CHAPITRE XXIII. Qu'il eft facile de donner aux Archives la forme de volume, LE volume imprimé eft une forte de carton, oü l'on raflemble une quantité de pages proportionnées a fon format. Si avec des titres on veut formei wn volume, il fera bien fimple de les raifembler dans un carton relié en onglets (*), & qui repréfente  DES ARCHIVES. 10? parfaitement la couverture d'un livre. Mais il faudra que dans cette couverture tous les Titres foient dans le même ordre que les feuiilets d'un imprimé. Et pour que ces Titres nepuiffent fe déranger, ils feront attachés fut un feuillet de papier ou de parchemjn, qui fera collé aux onglets. De la on voit combien les onglets feront utiles pour notre objet; ils formeront le dos du volume; ils en laifferont 1'intérieur libre pour les Titres, pour les feuiilets, fur lefquels on attachera ces Titres, & pour le papier qu'exigera laTablc ou 1'Extrait des Pièces. E 5  io6 De l'arrangemen? CHAPITRE XXIV. Manière de procéder d Varran* gement des Titres, On commencera par coller aux onglets un feuillet de papier ou de parchemin; &c fur le verfo de ce feuillet, on écrira en tête, N°. I. Au-deifous de ce N°. on donnera TÊxtrait ou le Précis du Titre. Ce premier Titre fera attaché en face de fon N°., fur le redo du fecond feuillet, que l'on aura collé aux onglets. Sur le verfo de ce feuilict, on écrira en tête ,N°. II; & au-deifous de ce N°., on donnera le Précis du fecond Titre, & ce Titre fera attaché en face de fon fur ie redo du troifièmc feuillet.  DES ARCHIVES. I07 Sur le verfo de ce troifième feuillet, on écrira en tête, N°. III, & ainfi, jufquace que le volume foit complet. E 6  io8 De i/arrangement CHAPITRE V. Des attachés ou Hens des' Titres, Les attachés qui fixeront les Titres feront des bouts de rubans j 1'un collé fur le Titre, Tautre collé fur le feuillet fur lequel le Titre fera adoffé; &: ces deux bouts de rubans ne feront plus qu'unefeule &: même attaché, au moyen d'une épingle qui les réunira tous deux; & lorfque l'on voudra déplacer un Titre, il n'y aura que cette épingle a öter.  DES ArCHIYES; ïo£ CHAPITRE XXVI. Que les Titres feront impertur* bables. La Seigneurie, le volume , le* n°. étant en tête de chaque pièce, en gros caractère, comment 1'ordre desTitres pourroit-il être troublé ? Comment déplacer une pièce & lui donner une autre place que la fienne. Tous les Titres feroient fixés par des liens, comment céderoient-ils leur place? Que deviendroit donc un Titre qui auroit perdu fa place? iroit-il fe cachet &£ fe confondrc parmi d'autres pièces ? II ne le pourroit; car, faute d'être attaché , il glifléroit; & fon déplacement fauteroit aux yeux;  hïö De l'arrangement ce Titre, pour être replacé, n'auroit d'autre reflburce que de retourner a fon volume, & d'y reprendre fa place naturelle. L'ordre des Titres eft donc impcrturbable.  des archives. iiï CHAPITRE XXVII. Confervation des Titres. e n de mieux pour la confervation des Titres, que la manièrc de les arrangcr que nous venons d'indiquer. Dans les volumes oü ils feront placés, on les vcrra rangés & féparés les uns des autres, chacun par un feuillet de papier, fur lequel il fera adoffé. Les Titres que l'on aura pliés pour qu'ils n'excèdent pas le format du volume, ne feront que légèrement ferrés dans leurs plis: 1'air y circulera donc librement; & pour le renouveller, il fufHra d'ouvrir de tems en tems les panneaux ou chafïis vitrés, fous lefquels les volumes feront rangés en  fï* Dfc L'ARRAN6EMËNT forme de Bibliothèque. Alors, prenant chaque volume 1'un après 1'aujre, on le fecouera, pour faire tomber les mifes ou la pouffière, qui pourroient y caufcr quelque dommage. Avec ces petits foins, vos Titres feront fainement & a 1'abri de toute infulte.  t> e ? Archives. Hf CHAPITRE XXVIII. Facilité de Ure & de copier les Titres fans les déplacer. Pour lire & copier un Titre, il ne fera queftion que d'ouvrir le volume. Les pièces s'y préfèntetont d'elles - mêmes, comme les feuiilets d'un livre; &r fi les Titres que l'on voudra confulter font pliés, ils le feront d'une manière a pouvoir être déployés, lus &C copiés, fans être déplacés. Comme on liroit, fans la déplacer, une Carte Géographique, qui feroit pliée dans un livre (*). ( * ) Un Modèle matériel donnera 1'idée plus diftinfte de ce Plan d'arrangement des Archives. On peut s'adrefler, pour ce Modèle, aM.Gence, Archivifte, Rue de la Bücheiïe, Porte cochère,, au coin de la Rue des Rats.  t!4 LlQUIDAT. DES DETTES CHAPITRE XXIX, Idee générale. Qu'un Monaftère médiocrement doté fe trouve gêné dans fes affaires, cela fait peu dïmpreflïon fur les efprits; c'eft 1'effet ordinaire de la médiocrité. Mais que dans un Ordre riche, gouverné par des Chefs éclairés, il y ait des Maifons confidérables ruinées de fond en comble, & que ces Maifons patoiffent abandonnées, c'eft un vice DE LA LIQUIDATION DES DETT E S DES ORDRES RELIGIEUX.  des Ordres Religieux. nf d'adminiftration, qui va diredtement contre les bienféances de 1'Etat Monaftique. II eft donc eflenticl, & c'eft un point d'honneur pour les Ordres Religieux, que d'avifer aux moyens de liquider les dettes des Maifons obérées. Les Chapitres fuivans feront connoitre avec quelle facilité les Corps Religieux peuvent fe libércr.  u6 LlQUIDAT. DES DETTÉS- (*) Ordre de Ckeaux, Ch. général de n8i. CHAPITRE XXX. De la cohtribution gratuite. Ses avantages. Ï-jA contfibütion gratuite a quelquc chofe de noble & de religieux j & il fcmbleroit même que ce feroit aller contre le véritable efprit des Ordres rentés, & blelfer la piété généreufe de leurs Fondateurs, que de penfer a un autre moyen de fecourir fes frères. Un grand Ordre (*) voyoit autrefois de fi bon ceil le procédé fraternel d'un Monaftère qui en fecouroit un autre, qu'il lui accordoit les droits de la paternité, les droits d'infpection fur celui dont il avoit acquitté les dettes.  bes Ordres Religieux. 117 CHAPITRE XXXI. Inconvéniens de la contribution gratuite. Il y auroit daas la contribution gratuite de grands inconvéniens, des difficultés prefqu'infurmontables pour la mettrc a exécution. Et cffe.t, comment amener les Maifons a faire ainfi le facrifice de leurs épargnes, qui font ordinairement les fruits d'une pénible &c fage économie! Avec quels regrets le bon Econome ne verroit-il pas s'échapper de fes mains des fonds deftinés a 1'utilité de fa propre Maifon ï II feroit défefpéré, s'il voyoit employer ces mêmes fonds a confommer des entreprifes folies & ruineufes,  Il8 LlQUIDAT. DES DETTES Enfin, pour la contribution gratuite , il faudroit la decifion d'un Chapitre géncral. On fait qu'une pareille attaché eft un moyen peu facile a faifir. Ainfi, la contribution gratuite préfente des difficiüï tés prefqu'infurmontables.  des Ordres Religieux. 113 CHAPITRE XXXII. JlJI-U avantageux de vendre pour fe libérer? L'avantage de vendre pour fe libérer eft frappant. Les biens de la plupart des Maifons Religieüfes ne produifent rien en comparaifon de leur valcur foncière. L'Abbaye de ***, par exemple, eft dans une misère extreme : elle eft. obligée de payer annuellement dix mille livres d'intérêts , dont elle eft grèvéei Elle n'a que dix mille livres de revenus. Cependant les fonds ruraux qu' elle pofsède valent quatre cents mille livres. Qu'elle les vendc, elle cmploiera deux cents mille livres pour fe  Ï2.0 LlQUIDAT. DES DETTES libérer; il lui reftera, fes dettes payées, deux cents mille livres; laquelle fomme , placée a cinq pour cent, lui donnera dix mille livres de revenus, qu'elle touchera fans aucunes follicitudes d'Adminiftration. II eft donc avantageux de vendre pour fe libérer: 1'avantage paroit frappant. Voila les avan: tages, voyons les inconvéniens. CHAl?ITR;i  besOrdres Religieux. izi CHAPITRE XXXIII. Y a-t-il des inconvéniens de vendre pour fe libérer? I L y cn a de très-effentiels. Les Religieux ne pouvant plus acquéjrir, ne fauroient vendre fans fe faire un tort irréparable. Tant mieux, fi les biens ne rapportcnt pas cn raifon de leur valeur foncière. Le défautde produit annonce des reffources, & n'annonce nullemcnt la néceffité de vendre pour fe libérer. La modicité des revenus doit réveiller Fattention du régime pour porter a leur valeur les objets qui font fufceptibles d'être augmentés ou d'être améliorés. Tome II. F  I2.Z LlQUIDAT. DES DETTES Alors il faut, dans le rcnouvellement fuccefllf des baux, amener les Fermiers a donner aux objets leur jufte valeur. Par ces augmentations , la Maifon obérée fe rapprochera du pair; elle y arrivera enfin, & n'aura pas eu 1'odieux au grand fcandale de 1'Ordre, d avoir aliéné fes Domaines pour acquitter fes dettes. Que fans égards pour fes héritiers un Laïque mange fon bien, 51 bleffe par la les bienféances; il fe fait méfeftimer : mais il ne va pas conttc les Loix; car elles lui permcttent de difpofer a fon gré de tout ce qui lui appartient. II peut fuivre fes caprices , il peut être égoïftej & tout facrifier a fes jouiffances perfonnelles. II n'en eft pas ainfi des Corps Religieux. Car, fi pour lc^ Laïques, régoïfme eft un défaut, eet  des Ordres Religieux. izj égoïfme eft un vice intolérable dans des Eccéfiaftiques, & plus encore dans les Religieux. La Propriété des Monaftères eft dans leurs mains; mais elle n'eft pas a leur difpofition. Ils n'en font que les dépofitaires, les confervateurs 5c les ufufruitiers; 5c s'il arrivé qu'une Maifon foit chargée de dettes, le Corps doit tout faire pour conferver dans fon intégrité le dépot que les Fondateurs ont confié a fa vigilance. Avant de recourir au moyen extréme de la vente, il doit facrificr fes jouiflances a fon Territoirc, &c non fon Territoire a fes jouiffances. Pour prendre un parti fage, il n'a qua comparcr la maffe de fes revenus au nombre de fes Religieux actuels; alors il connoïtra 1'étenduede fes facultés. S'il a quatre millions de revenus, & qu'il n'ait que mille Religieux, c'eft F z  12-4 LlQUIDAT. DES DETTES quatre mille livres de rente pour chaque Religieux. Un Ordre qui feroit dans cette pofition, verroit que fans vendre il pourroit, en peu de tems, acquitter une dette énorme. La plupart des Ordres Religieux ont bien fcnti le danger de vendre leurs biens pour acquitter leurs dettes. Auffi ont-ils formé des Caiffes d'amortiffemens, par lefquelles ils établiflent entre les Maifons une folidarité de fait. La Congrégation de *** avoit il y a quelques années plufieurs Maifons grèvées de dettes confidérables; elle regarda les dettes particulièrcs de chaque Mönaftère comme celle du Corps; elle eut la fageffe d adopter pour fa liquidation le plan combine que lui propofa le Prélat éclairé, qui protégea, au nom du Roi, fon Aüénv  des Ordres Religieux. 125 blée. D'après ce Plan de Finance, cette Congrégation fe libère vifiblement : elle a déja acquitté plulleurs millions. Elle ne vendra donc pas pour acquitter fes dettes. Enfin, le fyftême de vendre pour fe libérer eft un fyftême dont les fuites funeftes fe font affez fentir pour n'avoir pas befoin d'être développées. *3  llê LlQUIDAT. DIS DETTES CHAPITRE XXXIV. Que le moyen de liquider promptement les dettes * feroit de rendre toutes les Maifons folidaires. La folidarité préfente des avantages réels: elle auroit pour objet de rendre les intéréts communs, & d'unir les Maifons entr'elles par la loi des fecours mutuels. C'eft par ces fecours réciproques, que dans le monde les honnêtes Families fe foutiennent; & les Ordres Religieux ne font-ils pas des Families honnêtes? Le frère aide le frère. Les Religieux ne font-ils pas tous frères ?  des Ordres Religieux. 147 La folidarité ne déplairoit fans doute pas a 1'Ordre de Citeaux, puifqu'elle le ;en:et!:roit dans les principes de fa farneufe Chartre de Charré, qui fait aux Supérieurs une ]oi 1::) de verrit au fecours des Maifons obérées? (*) Si aliqua domus pauperiem intoUrabilem incurre.ru, Abbas leci illius corarr, omni Capitulo generali hanc eaufam intimdreJludeat,& tune cceteri Abbates maximo charitatis igne fuccenji, illius Eccl-Jïa penuriam, de rebus a Deo collatis prout habuerint ,fujlentare feflinent. Chartre de Criante, Chap. III. F 4  12.8 LlQUIDAT. DES DETTES CHAPITRE XXXV. Des inconvéniens de la folidarité. T -H-jEs meraes inconvéniens font attachés a la folidarité & a la contribution gratuite; avec cette différence, que l'on peut moins abufer de la contribution que de la folidarité. En voici la raifon. , La folidarité étant une loi, elle deviendroit un fecours forcé; on pourroit y compter. On pourroit donc en abufer. La contribution, au contraire, étant volontaire & gratuite, elle pourroit être refufée en cas d'abus.  des Ordres Religieux. 129 CHAPITRE XXXVI. Comment on pourroit liquider les dettes en pretant aux Maifons obérées a un taux plus bas que le taux ordinaire. • Adoptez cc Plan; les Maifons ne doivent plus qu a leur Ordre. L'Ordre s'cnrichit, & 1'Ordre ne doit plus rien. Développons ceci. Prenez, pour vérifler cette idéé, prenez pour exemple la Maifon de Ch...., celle de tout fon Ordre la plus embarralfée. Vous voulez libérer les Religieux de Ch—; mettez-vous a la place de leurs créanciers. Au lieu de leur prêter a cinq, prêtez-leur a quatre F 5  I30 LlQUIDAT. DES DETTES pour cent; ils gagneront un cinquième fur les rentes dont'ils font grèvés. Et les quatre cinquièmes, a qui les payeront-ils? A vous, qui êtes leurs confrères, qui êtes leurs libérateurs, a votre Ordre, qu'ils enricliiront d'autant. Suppofons que cette Mai/on doive quarante mille livres d'intérêts annuels, a cinq pour cent: elle n'en payeroir plus que trentedeux mille, a quatre pour cent. II refteroit donc a ra Maifon de Ch.... huit mille livres annuellement; & les trente - deux mille livres qui lui refteroient a payer chaque année , tourneroient au profit des Maifons de fon Ordre, au prorata de ce que chacunc auroit prêté.  des Ordres Religieux. 131 CHAPITRE XXXVII. De Vexaclitude des Maifons d fervir les rentes. Oui, les Maifons feront exa&es, Sc très-exacfes a fervir les rentes. Si, d'un cóté, les Prieurs de ces Maifons ne craignent pas les pourfuites, de 1'autre ils auront a redouter fans ceffe les plaintes qui s'éleveront contre leur Adminiftration; Sc ces plaintes réveillant le régime de 1'Ordre, elles mettront les Prieurs négligeans en danger d'être déshonorés par la privation de leurs places. D'oix il arrivera que les Prieurs des Maifons obérées auront dans 1'Ordre autant dc furveillans fur F 6  132 LlQUIDAT. DES DETTES leur Adminiftration, qu'il y aura de Maifons qui leur auront prêté. Qucls efforrs ne feront pas ces Prieurs pour fe libérer? Ils ne fe contentcront pas de payer les intéréts , ils s'emprefferont encore d'étcindre les capitaux.  bes Ordres Religieux. 133 CHAPITRE XXXVIII. Que prétereflj pour les Maifons même qui doivent , un moyen de fe libérer. Füt-il vrai, ce qui n'eft pas, que la plupart des Maifons euffent des dettes propresa acquitter, elles auroient encore un intérêt pécuniaire a prêter a celles qu'unc urgente néceffité fait recourir a 1'emprunt. Eft-ce-la un problême 5 II n'eft pas difficile a réfoudre. Une Maifon a dix m ille livres de rente; elle doit un capital de dix mille livres. Elle n'a d'autres reffources pour rcmbourferque fes épargnes : elle met chaque année  r34 LlQUIDAT. DES DETTES mille livres en bourfe. Mais pour n'être pas tentée de les diftraire a d'autres fins, au lieu de mettre cette fomme en bourfe, elle la place a quatre pour cent d'intérêts, fur Ja Maifon qui a ouvert un emprunt. Ainfi, fon avoir au bout de dix ans fera égal a fon débet. Cette Maifon de vra dix mille livres; il lui en fera également dü dix mille. C^eft donc trouver un avantage a prêter, lors même que l'on doit. Prêter, pour fe libérer foi-même, n'eft donc plus un problême. Ce Plan exécuté, les Supérieurs majeurs, connoïtront a fond les affaires des Maifons de leur dépendance ; & le tableau des rentes conftituées fera connoïtre la fituation de chaque Communauté. Ce tableau fera la cenfure pu-  dss Ordres Religieux. 135 blique ou 1'approbation des Officiers des Maifons. De la 1'émulation. Les hommes voient-ils qu'on apprécie le bien qu'ils font? ils font pleins de zèle pour le faire, lis redoutent, au contraire , de faire le mal, s'ils s'appercoivent qu'on éclaire leur conduite.  i$6 Des Épargnes DES ÉPARGNES DES MONASTÈRESt pour acquitter leurs dettes. CHAPITRE XXXIX. Motif général des Épargnes. as vcnons de voir que lc vitu moyty*. cficquitter les dettes oUs Maijons ohtre Ig r feroit de leur ƒ acre Ji^ék* a untaiUX plus bas que. (e toAix" cïdiWH'tv-. V\cus CrmwcLnh ^ ri^'r , fi l'on ne fait- 4«s épaajfrs*'? Nous olU^ Jwic faire connoïtre  DES MONASTÈRES. 137 la nécelïité de réferver au moins le dixième des revenus, que l'on aura foin de placer tous les ans fur les Maifons auxquelles 1'Ordre aura permis d'ouvrir un emprunt.  138 Des Épargnes CHAPITRE XL. De la néceffitê de faire des Épargnes. Les Maifons Religieufes doivent 1'exemple d'une Adminiftration fage, leur Patrimoine étant le Patrimoine des pauvres. Ja*>ais un Monaftère n'eft mal da-W s«s affaires, que les malheuren* s'en reffentent, par la privatiéM. journalière des charités, auxqutf-ks ils ont droit de prétehdïe.. S'il arrivé donc qu'une Maifon foit obérée, elle doit néceffairemcnt faire des épargnes pour fe libérer. Si elle n'a pas de dettes,  DES MoNASTÈRES. elle doit encore épargner une partie de fa chofe , pour parer aux évènemens qui pourroient la gtèver.  140 Des épargnes CHAFITRE XLI. Que toutes les Maifons peuvent épargner le dixième de leun revenus. Les grandes Maifons n'en fouf. friroient pas; & les petites encore moins. Expliquons ceci. J'appelle grandes Maifons toutes celles qui jouiifent au moins de dix a douze mille livres de rente. J'appelle petites celles qui font au-deifous. Une grande Maifon peut faire de grandes épargnes. L'on en peut jugcr par fes dépenfes. Elles font confidérables, en comparaifon de  DES MONA STÈRES. 14! ce qu'elle emploie pour les befoins fréels de la Communauté. Jamais ; le nombre de fes Religieux n'aug1 mente a proportion de fes revenus. Vous verrez bien une Maifon de fix mille livres de rente avoir quatre Religieux. Mais trouverezvous une Maifon de vingt-quatre mille livres de rente avoir feize Religieux ? Et encore moins une i Maifon de quarante - huit mille I livres de revenus, qui ait trentedeux Religieux J Ainfi des au-» tres. Difons-le, ce font les dépenfes qui font grandes, & non les Maifons. Puifquc les dépenfes font confidcrables & fouvent exceffives , les borner, c'eft concentrer 1'aifance dans les Communautés. I Ainfi, bien loin qu'elles fouffrent,  I4i Des Épargnes qu'elles foient gênées par 1 epar gne du dixième de leurs revenus les Maifons Religieufes n'en feron que plus a leur aife.  DES M ON A STÈRES. 14? CHAPITRE XLII. Pourquoi les petites Communautés feroient-elles plus facilement des épargnes ? La chofe eft fenfible. Plus on eft riche, plus on tient au luxe; & plus on tient au luxe, moins on eft le maitre de borncr fa dépenfe. Dans une grande Maifon, le Supérieur craint toujours de n'être pas afTez grand; il réfifte avec peine aux préjugés qui éblouilfent les Puches, & qui les entrament dans les dépenfes qui les ruinent. Mais dans une petite Communauté, le Supérieur peut, fans rougir, fe reftraindrc a rhonnéreté  144 Des Épargnes néeeflaire; il peut rejetter les fu~ perfluités , & par la fe procurer Taifance. Cherchez-vous de 1'argent? voyez chez les Particuliers : rarement vous en trouvercz chez les R-iches* CHAPITRE  des M on a stères. i4j- CHAPITRE XLIII. Avantages de placer annuellement les Épargnes fur les Maifons qui auront ouvert un emprunt. Si l'on doutoit qu'il füt avantageux de placer annuellement les épargnes, on pourroit douter qu'il füt avantageux d'augmcntcr tous les ans fa chofe. On douteroit également qu'il füt avantageux de fe menager une reffource pour parer aux accidens.LesChapitresfui vans pourront éclaircir ces doutes. Tome IJ, q  i4<5 Des Épargnes CHAPITRE XLIV. Le prêt des Épargnes lie les Maifons entr'elles. Les Maifons, dans le rapport qu'elles ont entrelles , trouveroient un avantage infini a s'intércffer les unes aux autrcs : Vis unita fit fortior. Et le vrai moyen de les lier, 'c'eft de rendre leurs intéréts communs par le prêt de leurs épargnes. Sans ce point de ralliement, les Maifons rcntées font autant d'êtres ifolés, qui concentrent tous leurs foins dans leur propre fubfiftance. Une Maifon dans la détreffe fouffrira long-tems, fi elle attcnd  DES MO NA STÈRES. I47 pour fe remettre, que les Maifons ■de fon Ordre viennent lui offrir ieurs bons offices. Mais au moven du prêt des épargnes, nvtUe Maifon ne languira, nulle ne pourra même fe déranger. Un Supérieur local ofera-t-il fe flatter que les Maifons qui auront placé des fonds fur la fienne, s'endormiront long-tcms fur fon impéritie ou fur fon goüt pour la diffipation? On aura foin de 1'avertir. Sans doute il fe corrigera; ou bien-töt viclime de fa faulfe con.fiance, il fera remplacé par un Supérieur plus fage & plus vigilant. G a  148 Des Épargnes CHAPITRE XLV. Que le prêt des Épargnes} en donnant aux Maifons le droit de fe furveiller3 nenuiroit pas d Vautorité des Supérieurs majeurs, ISfoN, le droit de furveiller a 1'adminiftration du temporel d'une Maifon, fur laquelle on a placé des fonds, n'eft pas un droit de la gouverner. Ce droit ne feroit que le privilege de réveiller 1'attention du régime fur le fort d'une Maifon avec laquelle on eft lié d'intérêt. Bien loin de nuire a 1'autorité, cette inquiétude ne feroit qu'ajouter a fon étcndue.  DES MONASTÈRE S. 145* Vous avez de 1'autorité; vous ne 1'exercez pas : chaque jour cette autorite diminue. Elle fe réduit a rien. Voulez-vous la conferver, voulez-vous même PétcndreJ faifilfez avec foin les occafions de 1'exercer, mais toujours pour le bien. Ordonnez le prêt des épargnes; liez par la les intéréts. Nulle Maifon ne fera exempte de recourir a votre autorité. Elles y auront recours ; Pune , pour tirer fur le prêt des épargnes une fomme pour fes befoins urgens; Pautrc, pour être mieux fervie de fes rentes. Votre autorité, fans celfe en exercice, rentrera dans tous fes droits. Vous ferez juftïce , & a tous momens vous diftribuerez des bienfaits. Que ne devra-t-on pas a des G 3  jyo Des Épargnes Supérieurs, a des Chefs perpétuellement en acfivité pour faire le bien des Maifons de leur dépendance ! & a qucl titre pqurroientils mériter mieux la confldératioit & le dévouement de leurs Confrères ?  des Momastères. iyt chapitre xlvi. Le prêt des Épargnes feroit avantageux d VEtat. Le prêt des épargnes enrichiroit toutes les Maifons. Jamais.les Propriétaires des biens ruraux ne s'enrichiffent, que PEtat n'y trouve fon avantage. Le tribut fe percoit en raifon des produclions. Autre avantage du prêt des épargnes : il empêcheroit les Maifons de théfaurifer. II feroit donc circuler les épargnes. Eft-il rien de plus avantageux pour PEtat, que la circulation des efpèces; Enfin, la même Loi qui ordonneroit aux Monaftères de faire des G 4  tyz Des Épargnes épargnes, leur défendroit en même-tems d'emprunter des Laïques. Elle favoriferoit par la d'autant les eraprunts que le'Roi fait pour les bcfoins de 1'Etat.  DES MONASTÈRES. 153 CHAPITRE XLVII. Suffiroit-il d'inviter les Maifons d prêter leurs Épargnes ? A des Supérieurs zélés, a des Religieux qui aiment leur Maifon & qui defirent égalemcnt le bien de leur Ordre, 1'invitation fuffiroit pour les décider a prêter leurs épargnes. C'eft entrer daiis les vues de rhomme Lage, que de luipropofer des maximes utiles. II fait le bien ; il recherche le mieux. Mais pour ceux qui ne connoiffent que leur jouiffance perfonnelle, que la liberté d'exercer leurs caprices \ bien loin de fe rendre a 1'invitation qui mettroit des G5  ij4 Des Épargnes bornes a leur dépenfe, ils ne ceffeloient de fermer 1'oreille a la voix qui les rappelleroit au bien. II n'y auroit donc que la volonté expreffe des Supérieurs majeurs, ou du régime, qui pourroit infailliblement amencr les Maifons a prêter leurs épargnes,  DES MoN ASTÈRE S. lyy CHAPITRE XLVIII. Le Régime peut-il obliger les Maifons a placer tous les ans leurs Épargnes? ISfous laifferons cette queftiori a décider. Mais s'il eft vrai que les Supérieurs majeurs puiffent obliger les Maifons d'acquitter leurs dettes, il peut donc leur impofcr la loi de préférer le moycn le plus certain pour fe libérer. Eh ! quel moyen plus sur que celui de placer annuellement une partie de fon revenu ? S'il eft encore d'une fage prévoyance que toutc Maifon qui G 6  i$6 Des é p a r g n e s ne doit rien, faffe chaque année quelqucs épargnes, il eft donc pru dent de lui en impofer le devoir. Une telle Loi ne peut qu'éclairer les Supérieurs locaux, en leur rappellant fans cefte qu'ils doivent naettre des bornes a leur dépenfe. Mais je vous entends, vous qui gouvernez avec fageffe, qui faites. des épargnes : pourquoi me foumettre a une Loi qui n'eft point faite pour moi ? Je gouverne utilement; je me fuis ménagé des reffources pour parer aux accidens. Adminiftrateur fidéle, ne vous y trompez pas. Ces épargnes que vous avcz accumulées avec tant de foin , vont être employées aux entreprifes du jeune diffipateur, qui va' bien-tót vous lüccéder. Mais placez vos épargnes fur d'autrcs Maifons;ne laifteza votre fucceffeur que des contrats: il n'en  DES MONA STÈRES. 157 pourra faire ufage que fur 1'avis de fa Communauté, & fur 1'autorifation du Supérieur majeur. Ce recours a 1'autorité eft un retard a la diflipation ; c'eft un moyen d'ouvrir les yeux a ce jeune imprudent, & de rendre utile entre fes mains 1'emploi des deniers que vous avez amaffés. Pour vous convaincre de cette vérité , voyez ce que font devenus les épargnes de telles & telles Maifons. Ici je vous arrête > vous gardez le filence.  i;8 Des Épargnes CHAPITRE XLIX. Pour placer les épargnes d intérêt a faut-il Vattaché du Gow vernement ? ous ne repondrons pas a cette queftion : nous dirons feulement que des Abbayes de Bernardines, de Bénédicfins, des Hopi taux & des Fabriqucs ont placé a rentes conftituées fur la Maifon de Chaalis,  DES MONASTÈRES. 15$ CHAPITRE L. A quel intact les Maifons pla~ ceront-elles leurs Épargnes ? A. quatre pour cent; ce feroit le raux le plus raifonnable, Placer au-delfous de ce taux, c'eft donner des regrets a la Maifon qui place. Mais il feroit peu fraternel de prêter au-deflus de quatre pour cent.  160 Des Épargnes CHAPITRE LI. Que prêter & emprunter en même-' tems nemporte pas contradiclion dans la Régie des Maifons. S I le prêt général des épargnes avoit lieu, il y auroit, nous dirat-on , des Maifons qui feroient dans le cas d'emprunter & de prêter en mêmc-tems : c'eft recevoir d'une main; c eft répandre de fautre. Cette Adminiftration paroit fe contredire; elle paroït même pucrile. Dans cette Adminiftration, rien ne fe contredit; un feul fait fur eela diffipera les doutes. Une Maifon, par exemple celle deRoyau-  DES M.ONASTÈRES. l6l mont, a vingt mille livres de revenus ; il lui furvient un accident: il lui faut fur-le-champ vingt mille livres. Elle tire cette fomme fur le prêt général des épargnes. Mais tandis que d'une main la Maifon de Royaumontrecoit vingt mille livres, de 1'autre elle place deux mille livres, qui font le dixiè' me de fon revenu. Elle continue ainfi d'année en année; & au bout de dix ans, elle aura placé vingt mille livres; elle aura donc pour vingt mille livres dc .contrats. Dans cette pofition, que fait la Maifon de Royaumont ? Elle tranfporte fes contrats aux Maifons auxquelles elle doit, & s'en fait donner une quitcancc de rembourfemeut. Par cette opération bienfimple, voila la Maifon de Royaumont libérée. Elle a fait honneur a fes  161 Des Épargnes engagemens; elle a, par fes économies , rembourfé la fomme qui lui avoit fervi a parcr aux accidens. Une autre Maifon, celle de Cercamp, a trente mille livres de rente. Elle place chaque année trois mille livres, qui font le dixième de fes revenus; elle a au bout de cinq ans quinze mille livres d'épargnes en cinq contrats. Mais a cette époque, la Maifon de Cercamp a befoin des fonds qu'elle a placés. Elle s'adreife au Supérieur majeur pour tirer cette fomme fur le prêt général des épargnes. Alors, le Supérieur ne fait qu'indiquer les Maifons qui délivreront a la Maifon de Cercamp cette fomme de quinze mille livres, moyennant le tranfport qu'elle leur fera des cinq contrats de trois mille livres.  DES MONASTÈRES. ïé$ ■ Par ce revirement, cette Maifon fe voit rembourfée des épargnes qu'elle avoit accumulées pendant cinq ans. Qui ne voit par-la que la Congrégation la plus obérée peut facileiïient fe libérer 8c s'enrichir > Suppofons a cette Congrégatïon huit cents mille livres de revenus; les épargnes de chaque année feront de quatre-vingt mille livres, Cette fomme liquidera la Congrégation d'autant, ou 1'empêchera de fe grèver de pareille fomme. Si 1'Ordrc auquel cette Congrégation appartient pofsède quatre millions de revenus, il épargnera tous les ans quarante mille livres pour acquitter fes dettes.  ï<% Des Épargnes CHAPITRE LIL Vemploi des Épargnes feroit-il borné d la liquidation des dettes ? SI les Maifons Religieufes s'impofoient la loi de faire des épargnes, & de les faire circuler entre elles pour rendre leurs intéréts communs, les Chapitres généraux » auroient infailliblement les yeux ouverts fur les Supérieurs qui demanderoient des fecours : & fi ces fecours étoient employés a des objets de fafte & de caprice, le régime s'éleveroit contre les mauvais Adminiftrateurs , & puniroit ces indifcrets d'avoir abufé de fa confiance.  DES MONASTÉR.ES. i6f Les épargnes feporteroientdonc naturellement fur ces objets ruraux , fur ces défrichemens qui ont rendu & peuvent rendre encore les Religieux fi recommandables aux yeux de leurs Concitoycns. II feroit fuperflu de par]er de 1'utilité des défrichemens; mais l'on ne fauroit trop faire fentir a quel point les Religieux s'oublient, lorfqu'ils négligent volontairement le fol qui leur a été confié. Ne fait-on pas encore aujourd'hui 1'éloge des anciens Religieux cultivateurs , tant ils ont bien mérité de la Nation par leurs fbins infatigables, a étendre & a perfeétionncr la culture dans les déferts les plus affreux. Les biens, comme nous 1'avons dit, n'étant plus partagés, ne  •p66 Des Épargnes formant plus qu'une maffe indivife, les Religieux regarderoient indiftinctement toutes les poffeffions des Abbayes comme les leurs; & par-tout oü ils trouveroient a exercer leur intelligence , ils s'y porteroicnt avec cette activité, que Ton met ordinairementacréer •des furfaces nouvelles. 11 eft inutile de dire combien les Abbayes ont encore de terres a cultiver (*\ Les plus petites Maifons font celles qui, proportion gardée, en ont le plus, &c la maffe en eft confidérable. Pourquoi les Monaftères , qui ont encore tant de travaux a faire, (*) LAbbaye de , a dix lieues de Paris, pofsède trois a quatre mille arpens de bruyère, qui peuvent être plantés en bois. La majeurc partie de ces bruyères font dans la Manfe de 1'Abbc Commendataire.  DES MoNASTÈRES. \6j pourquoi abandonneroienr-ils dans icurs alcntours un grand nombre de pauvres journaliers , qui, fouvent, faute d'ouvrage, fontforcés de mendïer. Adoptant la maxime que les plus malheureux font les plus chers a 1'humanité, les Religieux fe feroient donncr par les Curés voifins un état des plus néceffiteux, &c cmployant de préférence les plus pauvres a leurs travaux, ils détruiroicnt par-la d'autant la mendicité. C'eft pourquoi rien ne feroit mieux vu de la part des Religieux rentés, que la loi par laquelle 1'Ordre prefcriroit a fes Maifons de faire des épargnes, & de les faire circuler dans toutes les Maifons qui auroient befoin de ces fecours extraordinaires, pour des travaux öéceifaires; fur-tout pour les objets  i6"8 Des Épargnes ruraux, qui formeroicnt autant d'Atteliers de charité. La circulation de ces épargnes devicndroit d'autant plus active, que chaque Monaftère enverroit les fiennes directement a ceux fur lefquels il lui feroit ordonné de les placer; & il joindroit a 1'envoi de fes fonds une procuration pour la perfonne qui recevroit en fon noni le contrat que lui pafferoit la Communauté a laquelle il auroit prêté fes revenus. De-la rinutilifé d'une caiffe commune; il eft fi facile d'en abufer'. Mais, dira-t-on, des vues aufïï patriotiques peuvcnt-ellcs convenir aux Riligieux de nos jours? Les priver d'une partie de leurs jouüTances, pour améliorer leur Propriété , n'eft-ce pas leur faire facrifier le préfent a 1'avenir > N'eft- cc  DES MONASTÈRES. ce pas les faire renoncer a cuxmêmesï Nos mceurs acf uelles peuvent-cllcs s'accordcr avec ces principes? Cela étoit bon pour les anciens Cénobites. Ilsfaifoient fortir dekürrerfe la volanie, le boeuf& ,c mouton, fans y toucher; & c'etoit pour leurs Concitoyens qu'ils multiplioient ces comeftibles. II s'en faut bien que les Religieux d'aujourd'hui foient aufli défintérefles.'Mais leur jouilfancc eft. elle inconciliable avec 1'arnéliorationdufol national, ce véritable interêt de 1'Etat? Pour vous rapprochcr fur cela de la vérité, voycz dans le Chapitre fuivant, quèlques notes de comparaifon des Relifeieux acTuels avec les anciens, Tomc /ƒ.  170 Des Épargnes CH APITRE LUI. Suite du précédent. Les Religieux de nos jours font-ils moins propres aux ƒoin's ruraux que les anciens? Jamais la France n'oubliera ce qu'elle doit aux anciens Cénobites. Elle fait que le fanduaire Sc les champs partageoient tous les momens de leur vie. L'on voyoit encore il y a quelques années dans la cour de Clairvaux, le petit Monaftère que St. Bernard avoit conftruit, Sc habité avec fes difciples. Cette efpèce d'Hermitage étoit devenu 1'objet de la vénération des Peuples; Sc le Yoyageur Citoyen ne pouvoit  DES MONA STÈRES. {jf s'empêchcr d'admirer les belles jonftruftionn & 1« travaux confiderables, auxqucls ce pieux rédmt avoit donné lieu. II fcjfcfc Von- ce que devient le plus petit objet dans les mains des Propriétaircs qui ne quittent jamais le lieu de leur réfidence. E" cffct, fi St. Bcrnard n,éto venu donncr la vie a ce défert cc beu, fiinréreiTant aujourd'hui' qui s'accroit&s'embellit tous les jours, feroit rcfté ténébreux& faUvage, & feroit encore paitie de la roret. Je m'éloignerois trop de mon lujet, h }c parcourois la mukitude dc fairs qui conftatent 1'utilité des anciens Religieux. Je n'omettrai cependant pas celui qui fait égale, ment honneur au Chapkre de St Qucntin & aux Religieux de Boheris. H z  i7i Des Épargnes Les Ghanoines ne pouvant améliorer le terrein qu'ils pofledoient entre les deux bras de la rivièrc d'Oife, fentirent que c'ctoit manquer de patriotifmc, que de retenir un bien qui, dans d'autres mains pouvoit devenir utile a leurs Concitoyens, Sc augmenter les revenus de i'Eglifc. Ils le donnèrenc a ces Religieux cultivateurs : » Nous vous avons donné ce terrein, leur dirent-ils, paree qu'il nenousproduifoit que des ronces Sc des épines; quia trïbulos & fpinas germinabat nobïs (*) «. Que voit-on , a la place de ces brouffailles ? Des Canaux que les Religieux ont creufés, quatre Villages qu ils ont formés, Sc un trèsbeau Monaftère qu'ils ont conftruit. Chartre de Donaüon de IM3--  DES M ON A STÈRES. ïfy Mais revenons aux Religieux de nos jours. Sont-ils proprcs aux travaux champêtres ? Voycz ce que vient de faire 1'Abbaye de Bufcy, pour 1'amélioration de fa Propriété. Elle a fait fortir de dcffous les eaux un terrein fi confidérable, qu'elle a augmente fa fortune de quatre-vin^t mille livres de rente. N'eft-cc pas augmcnter d'autant les richelfes de 1'Etat? Jcttez un coup-d'ceil furies travaux qu'ont faits depuis dix ans les Religieux de cette Abbaye voifine du Tombeau de Jean-Jacques. Vous verrez par quels moyens fimples^ & peu difpendieux , ils ent defféché une lieue d etenduc de terrein, en faifant palfer les eaux ftagnantes par-dcffous les eaux courantes. Vous y verrez comment, par cc H 5  174 Des Épargnes moven, l'on peut tenir les eaux des rivières forthautcs, fans inonder les riverains. Vous y verrez encore par qucl procédé ces Religieux contiennent Peau des étangs, defsèchcnt 6c transforrnent cn prairie toutes les parties noyées" 6c couverres dc joncs. Portcz enfin vos regards fur Fe Prieuri de Sr. ürfin, Diocèfe de Mans, petit Monaftèrc fitüé au milieu d'une forêt. Ce lieu, avant qu'il ne füt habité par les Religieux , s'appelloit le Deftrt. Une grande partic du territoire étoit ingrat, & couvert de roches arides; il préfentoit tant d'obftacles a la culture , qu'il étoit abfolument oublié des Colons. 11 étoit réferve au dernier Prieur de cette Maifon de changer ce rcpaire d'animaux malfaifans en habitations humaines. II imagina de conftrulrea fes  DES MoNA STÈRES. frais douze cabanes de Payfans; il placa un ménage dans chaque cabanc, &r donna a chaque ménage dix arpens de terres en toute propriété. Ces terres furent bien-tót mifes en culture ; & le Religieux, Chef de cette Colonie naiffante, alloit conftruire douze autres cabanes , lorfque fa Maifon fut détruite par 1'Evêque Diocéfain. Les cinq Paroiffes voifines flrent des démarches empreifées pour la confervation de ce petit Monaftère; mais le fort cn étoit jetté. Les vceux & les foilicitations furent inutiles. Les friches du Défen reftcront donc en friches; &: les loups, tranquillcs dans leur repaire, ccntinucront d'inquiéter les Colons d'alcntour. Qu'eft devcnu ce Religieux cultivateur, ce Père des malheureux? Sa deftinée, fans doute, étoit de H4  ij6 Des Épargnes Vieillir & de finir fes jours parmi les pauvres. Cherchez-le au QuinzeVingts; vous le trouverez dans une fimple celluie. Il fcroitencore aujourd'hui plus .aifé que l'on ne penfe , de faire d'un grand nombre de Religieux des cultivateurs éclairés. Donnezleur des idéés mérhodiques d'agriculture, donnez-leur les principes raifonnés de l'Hiftoire Naturelle, de l'Hiftoire du champ qu'ils habitent. Vous les verrez bien-töt regarder, d'un ceil attentif, une in.finité d'objets qu'ils voient avec indirférence , qu'ils foulent aux pieds; vous les verrez s'exercer entr'eux fur mille découvertes qu'ils feront tous les jours. II eft fans doute défavanfageux pour le champ de la France , que  DES MONASTÈRES. 177 les Commendcs aient détourné les anciens Religieux de leurs travaux champêtres. Ils avoient commencé par les terres les plus fertiles, & le produit qu'ils en tiroient, les cut conduits avec le tems a fertllifer ces furfaces confidérables qu'ils ont laiffécs en friches; ma'i's il étoit avantageux aux Religieux d'aujourd'hui, qu'on leur laiflat cette reffource pour mériter 1'eftime de leurs Concitoyens. Car plus ces objets font difficiles a cultiver , plus les Religieux qui s'en occupent intéreffentl'Etat par leurs foins ruraux. L'homme policé veut être confidéré de fes femblables; & fi les Reli gieux ne captivent plus reftime publique par leurs auftérités, ils peuvent du moins fe la concilier par des travaux utiles. Ils ont parmi eux des hommes intclligens. Les bras ne H 5  178 Des Épargnes leur manquent jamais, ils font toujours environnés de pauvres: & les épargnes enfin, leur ménageroient des fonds fuffilans pour ces Atteliers de charité. Que leur manqueroit-il donc, pour opérer ce grand bien > La paix. Nous allons voir dans les Chapitres fuivans, comme on peut la rétablir,  Des Supérieurs , &c. 17^ CHAPITRE LIV. Idéé fommaire. La paix eft-elle aufli éloignée des Cloïtres qu'elle paroit 1'étre ï Ne peut-on pas facilement 1'y rappeller , en rétabliifant la même Jurifdidion que les Commendcs ont dé trui te i Cette Jurifdidion, fondée fur 1'autorité patcrnellc des Supérieurs inamovibles , calmcroit infailliblement les efprits. Car quelle eft H 6 DES SUPÉRIEURS PERPÉTUELS.  180 Des Supérieurs la fource des diffenfions monaftfqucs, fi ce n'eft 1'amovibilité des Supérieurs clauftraux' Cette inftabilité entretient néceflairement dans les Religieux 1'efpérance de commander; Sc cette efpérance les rend fi méritans a leurs propres yeux, qu'ils ne croicnt plus vojr dans leurs Supérieurs des hommes auxquels ils doivent obéir. C'et cfprit d'ambition qui les tourmen te, les porte a 1'intrigue, les rend jaloux, Sc quelquefois ennemis les uns des autres, altère cn eux 1'amour du bien comnaun, Sc en fait des égoïftcs. Ainfi, pour rétablir la paix dans les Ordres Monaftiques, rendez aux différcntes Maifons de ces Ordres, leurs Supérieurs naturels, leurs Abbés Réguliers; vous verrez bien - tot les changemens les plus heureux. L'Anarchie ceüéraj  PERPÊTUELS. ig-i chaque Maifon reconnonra fon Chef. Vous croyez peut-être que j'en veux aux Commendes. J'en mis bien éloigné. Je me fuis fait une loi de refpcfer en toutes chofes les vues fages du Gouvernement. Jamais les Abbés Commendataires n'aurontjoui de leurs Abbayes avec autant d'avantages, avec autant de tranquillité , que d'après les principes que j'ai établis, & d'après ceux que je vais développer. Jamais auffi, d'après ces mêmes principes,, les Religieux n'auront été plus a portee de bien mériter de PEtar, &: de fe concilicr Ia bienveillance de lenrs Abbés Commendataires, leurs Prorccreurs nés. Je parlerai d'abord de 1'infuffifance des Prieurs, pour rétablir la difeipline dans leurs Maifons; de la néceüité des Abbés Réguliers,,  181 Des Supérieurs de 1'utilité qui en réfultera pour les Maifons , pour les Ordres , pour les Abbés Commendataires, & pour 1'Etat.  PERPÉTUELS. 185 CHAPITRE LV. A-t-il été défayantageux aux Ordres Religieux de sJécarter de leurs Loix primitives? D ans leur origine, les Ordres Religieux avoient peu de Loix ; & leurs Loix étoient obfervées, paree qu'elles étoient aulfi fimples qu'elles étoient fages. Lorfque leurs Codes font devenusplus volumineux, lesnouveaux ftatuts ont multiplié les difïicultés -> la difcipline réguliere s'eft affoiblic; elle a preique difparu. Pour de fi petites Rcpubliques, il ne faut pas tant de Loix. Alle* a Matines dans un Monaftère„ c'eft aller a Matines dans un autre:  184 Des Supérieurs chanter la Mefle dans celui-ci, c'eft chantcr la Meflfe dans celui-la, &"c. Qui voit un jour une Maifon Religieufe , il la voit pendant un an; il la voit pendant des fiècles. Un Ordre Religieux eft un compofé de plufieurs Monaftères, qui doiventnéceffairementfeconduire d'une manière uniforme. Ce qui s'obferve dans 1'un, doit fe pratiquer dans un autre. La régularité n'eft pas une de ces chofes purement idéales, que l'on peut, fans conféquence, analyfer & développer a 1'infini. C'eft une chofe de pratique, que, malgré les circonftances des tems, il faut toujours tacher de fimplifier pour la ramener a fes véritables principes, pour la mettrc a portee des fages, de ces hommes qui veuvent être fenfés toute leur vie. Les Religieux de la meillcurc  PERPÉTUEL5. l8j Volonté fe découragent, s'ils ne voient pas clairement les devoirs qui leur font prefcrits. Mais le zèle, au lieu de fimplificr les obfervances régulières, croiroit fe manquer a lui-même, s'il n'ajoutoit aux préceptes de nouveaux préceptes, aux difficultcs de nouvelles difficultés. Rien ne fauroit mieux nous convaincre de cette vérité, que la révolution des Commendes. Lorfque les Monaftères eurent pcrdu leurs Pafreurs naturels, leurs Abbés Réguliers , Pon vit dans POrdre de Citeaux PAbbé, Chef, .& les quatre premiers Pères, regarder comme un accroiffement de leur Propriété , les Maifons de leurs dépendances. La réception des Novices, la tranflation des Religieux, la nomination ou la defti.tution des Officiers; tout, dans ces  i%6 Des Supérieurs Monaftères, fe fit par leurs Ordres; leur volonté y devint la règle, & rarement ils confultèrent les Communautés. De-la, cette inftabilité dans le régime; de-la, 1'indifcipline qui fit perdre aux Religieux 1'efprit de Jeur état, & qui perdit la plupart des Maifons. Tandis que ce relachement faifoit fes ravages dans les Communautés, les cinq Abbés difcutoient vivement entr'eux les nouveaux principes, d'après lefquels ils croyoientdevoir gouverner; & en voulant, fur ces objets, donnet a 1'Ordre des maximes nouvclles, ils cn ébranlèrent les fondemens par les doutcs qu'ils répandirent fur la vérité de fa première légifiation. Ces hommes, refpcftables par leurs dignités, & non moins re-  PERPETUELS. 187 commandables par leurs qualités perfonnelles, au lieu de s'agiter ainfi, au lieu de fe décrier récipro-' quement, & de s'accufer, même publiquement, d'avoir expolié les Maifons cn Commende, combien n'auroicnt-ilspasfaitplusfagement d'engager eux-mêmes 1'Ordre, a décerner aux Prieurs les mêmes prcrogatives, la même autorité, qui étoient attachées a la dignité des Abbés qu'ils ont remplacés. II fuffifoit que 1'Ordre interprêtat le nom d'Abbé d'après les véritables principes, d'après les idéés attachées a ce nom. Peut-on fe faire illufion fur fa fignification £tre Abbé d'une Communauté, n'eff-ce pas cn être le Père? (Abba. Pater). Le Prieur n'en eft-il pas également le Père; Les Abbés Commendataires viennent, a la vérité, partager le  iS8 De s Supérieurs tcrritoire des Abbayes; mais ils ne touchent nullement a leur régime intérieur, a leur Jurifdicïion. Ils ont même intérêt a laiiTer païtre tranquillement le troupeau qui rend leur champ fertilc, & a ne pas óter de la main du Pafteur, le baton fur lequel il s'appuie.  PERPÉTUELS. 189 chapitre lvi. Les Prieurs font-ils infufifans pour la réforme projettée? Je ne mettrai pas en queftion fi, dans les Ordres Monaftiques, il y a des abus : il y en a, puifqu'il s'agit de les réformer. Mais pour réformer ces abus, il faut néccflairement, dans les Supérieurs locaux, une autorité proportionnée a 1'étendue des maux auxquels on veut rernédier. Dans 1'Ordre de Citcaux , par exemple , 1'autorité eft fondée fur la dignité abbatialc. La puiftancclégiflative de 1'Ordre appartient au Chapitre - Général.  190 Des Supérieurs Mais 1'Abbé de Citeaux, les quatre premiers Pèrcs, & les aurres Abbés, partagent cntr'eux la puiffancc exécutrice. Ils ont, chacun dans fon diftrict, une autorité plus que fuffifante pour faire exécuter les Loix & pour réformcr les abus. Dans leurs Maifons, pour peu qu'ils le veuillent, point de difficulté. Mais dans celles qui dépendcnt d'eux, ils ne peuvent agir que de très-loin, que par des Prête-noms, par des Licutcnans, par des Prieurs, qui n'ont qu'une autorité précaire, révocable ad nutum. La chofe qu'une Communauté ignore le moins, c'eft Je peu de confiftance d'un Supérieur amovible. Si ce Chef eft ferme , s'il veut détruire les abus, ilaura contre lui fes confrères5 ils le dégoüteront: il faudra le changer. Celui  PER.PÉTUELS. 15)1 qui le remplacera prendra, fans doutc, d'autres erremens; ilnégligcra les petites pratiques; il adoucira la règle; il accordera a fes Religieux des petits agrémens, des petites aifances, un peu plus de liberté. £t a ce prix, peut-être obtiendra-t-il la paix. Mais cette paix ne fauroit être folide : Qui moiicd fpernit} paulatim decidet. Le relachcment produit findifcipline ; de 1'indifcipline vient le défordre, & le défordre caufe de 1'éclat. Alors le Prieur ouvre les yeux; il voit Pabus; il vent y remédier : il n'eft plus tems. II fe replic fur 1'autorité du Père immédiat: il Pappelle a fon fecours. II accufe devant lui fes Religieux, & a fon tour il eft chargé par fes Religieux. Cependant, il faut faire ceflér le fcandalc. Le Supérieur majeur,  iS>z Des Supérieurs après avoir pcfé les raifons de part Sc d'autre, voit des torts des deux cötés; il finit 1'afFairc cn renvoyant de la Maifon les Religieux les plus indifcrets; &; fouvent il facrifle le Prieur qui a fait le mal par fa condefcendance ; paree qu'il ne fe fentoit pas affez d'autorité pour faire le bien. D'après cela, croira-t-on que les Prieurs i foient fuffifans pour répnmer les abus? Frappés de ces exemplcs, les Prieurs fentent de plus en plus leur infuffifance ; ils redoublent d'attention pour fe foutcnir, pour n'être pas déshonorés par la privation de leurs places. Leurs premiers foins font de captivcr leur Supérieur majeur. Ils tachent donc de découvrir fon foible; Sc s'il a des befoins, ils ne négligent  1'ERPÉTüELS, 15,3 négligcnt rich pour y pourvoir. i ar-1.1, Ic Superieur majeur devient Icfcmve des Prieurs : Qui actipït Jervus eft danth. Lorfqu'uné fbis le Chef eft corrompu tout eft perdu. Je plains alors les Maifons de fa dependance ; té plaihs encore les Prieurs qm tiennent a des principes honnetes: Ia perfécütibn qu'ils éprou^vent infa^liblement /eft d'autant phis contmdante, qu'elle eft plus cachec. Puifque dans 1'état acfuel des chofes, les Prieurs les plus réguliers onttant de peine a faire le bien comment feroient-ils le mieux > Ils lont donc infuffifans pour rétabhr dans leurs Maifons Ja difci. plmc réguliere. Voila les malheureux effets de« Commendes. Tomc II. j  i5>4 Des Supérieurs Le rétabli0èraent des Abbés Réguliers obvieroit a ces inconvéniens. Nous allons le vok dans le Chapitie fuivant.  P E R p £ T U E L S. I^j- C HAP ITRE LVII. Les Abbés Réguliers font-ils néceffaires? I JUF. Supérieur qui gonvernc Ie micux, eft celui qui a le plus d'intérêt a bien gouverner. Peut-on comparer 1 intéfé}t d'un Superieur perpétuel, a l intérêc d'un Supérieur triennal ou amovible a volonte ? Tranquillc fur fa pofition, ce Supérieur perpétuel eft sur de partager avec eeux qu'il gouverne le bien qu'il leur fait. Mais le Chef paifager ne pouvant comptcr que fur le préfent , a befoin d'une vertu extraordinaire pour faire le facrifice de fes jouiffances actuelles en faveur du bien futur. I x  i}6 Des Supérieurs 11 y a cu cependant dans tous les tems, & fous toutes efpèces de i. gime, des Chefs généreux &: définréreffes, qui ont fait le bien pour le plaifir de le faire. Mais dans nos nucurs actuelles, ce défintwieifemcnteftdevenu bien rare; &: il 1'eft d'autant plus, que 1'égoïfme femble n être plus un vice focial, &£ qu'il föït permis aux Supérieurs de fubordonuer Pintérêt général a leur int.érêt particulier. Puifquc les Religieux nc recher- chent les places que pour cux-mêmes, il faut fakir le point qui -les. y attaché le plus; &c ce point 'eft :cur intérêt perfonnel. Get in- térct'fc trouve dans la ftabilité de 'leur emploi. II faut donc, pour la chofe publique , les rendre pcr'pc-tuels. Si l'on rendoit a 1'Ordre de Ci- teaux fes Abbés Réguliers, chaque  PERPÉTUEL S. i9j Communauté auroit aux Affemblces générales fon Repréfentant, ion Abbé, qui, au bcfoin, invoqucroit pour elle la bienfaifance de fon Ordre. Les Chapitrcs généraux deviendroient d'autant plus intércifans, qu'ils feroient mieux compofés, qu'ils feroient plus éclaires, Scqu'ils repréfenteroient plus J:actement 1'alfociation de toutes les Maifons. Une Abbaye n'eft rée'lement affociée a une autre Abbaye, qu'autant qu'ciles partagent ép;a_ lement les avantages de la Sociét& Les avantages les plus cfTentiels d'une Société Religieufe, ce font les fecours mutuels. Les Abbayes Régulières ont, a eet égard, bien des préférences; paree que leurs Abbés ayant voix au Chapitre général, ils peuvent I 3  198 Des Supérieurs y expofer leurs befoins, &c appuyef par eux-mêmes la juftice de leurs demandes. Mais les Abbayes en Commendc languiront bien longtems avant que 1'Ordre fe décidat a venir a leur fecours. Pourquoi ? C'eft que lavoix qui plaidepour elles, eft une voix foible , qui ne fe fait entendre que de loin; c'eft que leurs timides défenfeurs ne font que des Pafteurs fans dignité, que des Chefs fans crédit, que des Prieurs amovibles, qui n'ont pas même la faculté de venir fe préfentcr a la porte du Chapirre, pour y^recommanderles intéréts de leurs Maifons; c'eft qu'enfln les abfents ont toujours tort. Mais que l'on donne a ces Prieurs la dignité abbatiale, on les verra au milieu del'Affembléc; ils feront connoitre leur embarras & leurs  r PERPÏTÜUS, ic>p reffources; ils parleront d'une manière a fixer fur leurs Maifons fattention particuliere de 1'Ordre, qui ne manqucra pas de venir a leur fecours. Ces Abbés, qui auront recu des fecours, oféront-ils jamais, en parcilcas, refafer leurs bons offices aux Maifons qui fe trouvecont dans la détreffe 5 La dignité abbattalc eft done nécetYaire a la profpéritc des Maifons, puiiqu'elle provoque infaillib'einent cn leur faveur la birnfaifuice dc 1'Ordrc. Cette dignité efe d autant plus a défirer, qu'elle rendroit a toutes les Maifons leur confidération, qu'elle les rapprocheroit plus de Tégalité, & qu'elle pcrfecVionncroit leur affociation, cn reiferrant les liens fratcrnels qui les uniffent, & qui rendent leurs intéréts communs. I 4  zoo Des Supérieurs CHAPITRE LVIII. Y auroit-il des inconvéniens a donner aux Prieurs le titre d'Abbé Réguliers ? jVf ais , dira-t-on, la plupart des Prieurs ont abandonné la difcipline réguliere,. Ils ont totalement perdu 1'efprit de leur état. Ils regardent eomme puériles une infinité de petites pratiques , qui étoient néceflaires pour confervcr les points eilenticls de la règle. Le fon mondain fur lequel ils ont monté leurs Maifons , annonce en eux ce malheureux efprit philofoplvquc qui jette du ridicule fur les pratiques les plus faintcs &: les plus raifonnablcs. Donner  PERPÉTUEL S. loi ya ces Prieurs la faculté, en vertil de leur titre d'Abbe, de compofcr les Chapitres généraux, n'eft-ce pas leur donner le pouvoir de met? tre en principes des abus qui, jufqn'ici, n'ont été que tolérés ? Donner a ces Prieurs le titre d'Abbé, n'cft-ce pas avilir la dignité abbatiale ? n'eft-ce pas la proftituer > n'eft-ce pas enfin portcr le dernier coup aux Ordres Religieux ? n'eftce pas achevcr leur ruinc ? Les Prieurs fe garderoient bien de tolérer les abus, s'ils pouvoient les réprimcr fans dangers perfonnels. Car dans une Maifon fans difciplinc, perfonne n'eft heureux; & le plus a plaindre, eft toujours celui qui la gouverne. Mais lutter contrc uneCommunautéjlapriver de ce-qu'elle appelle fes douceurs, c'eft s'attirer un ennemf-qui pardonnc dirficilement. Cependant, I 5  202 Des Supérieurs les Prieurs favent bien qu'ils ont a redoutcr la vigilance des Supérieurs majeürs qui leur recommandcnt ia règle; ma>s ils favent encore mieux tout ce que peut contr'eux une Communauté qui fe révolte. Voila les malheureux effets de la Commende. Elle a frappé les Pafteurs; elle a imprimé fur leur front cette timidité , qui perfuade aux inférieurs qu'ils peuvent irapunément défobéir a leurs ChefsLes Maïtrcs font devenus les efclaVes; & 1'afcendant des inférieurs eft extreme. Que peuvent faire en pareil cas des Prieurs honnêtes? Ils voicnt que la tranquillité eft le feul bien qu'ils puiffcnt procurer a leurs,fMaifons; ils vendent la règle pour acheter la paix.  PERPÉTUEL S. 203 CHAPITRE LI X. Suite du Chapitreprécédent. Ce qui, dans certains Ordres, nuit le plus a la difcipline réguliere, c'eft que les prévaricateurs peuvent facilement fe cachcr. Les Prieurs n'y paroiifent jamais aux Aifemblées. Ils n'y peuvent être connus que par le rapport des Vifiteurs ou de leurs Supérieurs majeürs ; & ces furveillans eux mêmes nc les connoilfent que fur les témoignages de leurs Commu* nautés, qui font leurs complices. Mais fi le titre d'Abbé obligeoit ces Prieurs de paroïtre aux Chapitres genéraux; s'ils pouvoient y étre cités; s'ils pouvoient y être I 6  204 Des Superieurs dcsnonorcs, combicn ne feroientils nas plus circohfpeels! Ils redoüteroienr les regards publiés de 1'Ordre ; ils trembleroient : Qui male agit j oa'u lucem. Les Affcmblécs des OrJres Religieux ont cela d'avantageux pour ces mêmes Ordres; c'eit que le zèle y fait plus que 1'intrigue, Sc que Thomme fimple peut y parler effiacement; Thomme faux s'y cache; il affe&e de baifer les chames qui le lient. Dans un Chapitre général, 1'Ordre s'appéfantit donc furies Abbés; 6c ces Abbés, a leur tour, font fentir a leurs Communautés 1'autorité qu'ils ont recue pour le maintien de la régularité. Quels inconvéniens y auroit-il donc, de donner aux Prieurs une quahté qui les rendroit fi unies a leur Ordre, a leurs Maiions 6c a eux-mêmes!  PERPÉTUEL S. iOJ chapitre lx. Pourquoi les Prieurs s'attachent peu a leurs Maifons? Un Prieur qui auroit l'efprit de fon état, qui rcgarderoit toujours comme fa chofe , celle que 1'Ordre auroit confue a fa vigilancc; cc Prieur ne füt- il que pour très-peu de tems dans une M ai ion quelconquc , il la rLgiroit avec zèle, & cultiveioit tous fes Religieux , commes'ildevoit être toute la vie au milieu d eux. Mais il eft Bien rare que des hommes s'attachent a des lieux, a des perfonnes qu üs peuvent quitte* a tout inftant.  10$ Des Supérieurs Toujours dans 1'efpérance d'une mcilleure fortune, les Prieurs portent continuellement leurs regards fur toutes les Maifons de leurs Congrégations. Et plus leurs qualitésperfonnelles, ou lafavcur, leur font efpérer de leurs Supérieurs majeurs, moins ils font conftans, moins ils s'attachent aux Maifons qu ils régiflént; & lafacilité qu'ils ont encore de changer de Religieux , les rend très-légers fur le choix de leurs confrères. L'inconftancc eft réciproque. Comment des Religieux s'attacheroient-ilsadesSupérieurs qu'ils voient toujours difpofés a les abandonner ? Ccpendant, il faut aimer fa Communauté pour la bien gouvcrner. Que l'on donne a ces Prieurs  PERPÉTUEL S. 207 le titre cVAbbés, c'eft le moyen infaillible de fixer leur inconftance, & de les attacher a leurs Maifons.  io8 Des Supérieurs CHAPITRE LXI. Les Abbés Réguliers font-ils attachés d leurs Maifons? Ce qui attaché fingulièrcmcnt un Abbé a fa Maifon , c'eft qu'il la re»arde comme un Domainc donr il a 1 ufufruit , comme un bien que la mort fcule peut lui ravir. Les Religieux qui compofent fa Cornmunauté, font une partie d fa Propriété , dont perfonne dans 1'Ordre ne peut difpofer fans lui Sc qu'avec lui. Auftï , les Religieux ne regardent ils pas leur Abbé comme un mcrcénaire, qui \icr,t cn pafftnt gouverner un troupeau qui ne lui appartient point. Ils voient, au  PERPÉTUEL S. I05) •contraire, en lui leur Pafteur naturel, le Père fnirituel qui les a cngencïrés a 1'Ordre, &: qui les a appelles dans fa Maifon pour pratiquer avec lui les faints exercices de la regie. II connoït fes Religieux , fes Religieux le connoiffent: &: comme ils font inféparables, ils font intéreflés a fe ménager réciproquement, a vivre cnfemblc en bonne intelligence. C'eft pourquoi, Pon voit rarement dans les Abbayes Régulières ces diflénfionSj qui agitent fi fouvent ies Abbayes en Commendes. L'on nc voit guère les Maifons de Flandres, gouvernees par les Abbés Réguliers, faire retentir les Tribunaux de leurs conteftations.' Ce qui attaché encore PAbbé a fa Maifon, c'eft Punité des principes , d'après lefquels fon temporel eft fagement adminiftrc.  2.10 Des Supérieurs Sur de fïnir ce qu'il aura commcncé, 1'Abbé fait avec confiance des entreprifcs utiles pour fa Maifon ; il ne craint pas d'être déplacé au moment oü fes vues économiques feroient fur le point d'être couronnées par les fuccès les plus heureux. Ce qui enfin attaché le plus elTentiellement 1'Abbé a fa Maifon , c'eft que dans 1'age oü l'on doit renoncer aux foins domeftiques, il peut, en toute confiance, fe rcpofer fur des confrères qu'il a recus & qu'il a form.s futahêmft Mais, dira-t-on , fi les Communautés étoient gouvcrnées par des Abbés Réguliers, ces Abbés, pour foutenir leur dignité, feroient néceifairement plus faftueux que les Prieurs. Ils feroient donc plus a charge a leurs Maifons. Car leur fafte fixeroit fur eux 1'attention du  PERPÉTUEL S. 211 Gouvernement, qui, pour réprimer leur luxe, ne manqueroit pas de les grèver de penfions; Sc par-la. les Ordres qui ont déja perdu les deux tiers de leurs poffeffions, fe verroient infenfiblement réduits a rien. Oui, fans doute, parmi tant dAbbés Réguliers, il fe trouveroit quelques hommes foibles Sc bornés, qui, fentant leur infuffifance pour foutenir par leur mérite perfonnel la dignité abbatiale, auroient recours au luxe pour fe donner plus de reliëf Sc de confidération. Mais ne concluons pas du particulier au général. Les Abbés étant choifis parmi les Bénémérites des Ordres , ils formeroient une Clalfe de Sujets diftingués, parmi lefquels il ne feroit pas rare de rencontrer des  iia Des Supérieurs hommes vertucux, même paffionnés pour le bien. Ces fages contiendroient les infenfés, & les rappelleroient a Pefprit de leur état. Que l'on ne croie pas que les Abbés fiflènt plus de d ipenfes que les Prieurs. Pour s'affurer du fair, que Pon jette un. conp-d 'ceil fur les Maifons gouvernées pas des ' Prieurs. Leur voit on faire des épargnes? & fi elles en font, que deviennent - elles , lorfque les Pfieurs changent ou meurent dans leurs places? 11 n'cn eft pas ainfi a la mort des Abbés Réguliers. Un Abbé meurt; Pon refpede d'avance, & fans le connoitre, le nouveau Titulaire qui doit le remplacer; l'on craint la dilapidation, & Ie nouvel Abbé rètrouvc tout ce que fon prédécefieur lui a laifle.  ÏERPÉTUELS. 213 Si la règle eft encore obfcrvée, c'eft fous les Abbés Réguliers. L'Abbé Régulier a 1'autorité fuffifante pour faire obferver la difeipHne reguliere; il peut même la porter jufqu'a Pauftérité. Les Prieurs, bien loin d'être auftères , a peine ofcnt-ils être réguliers. Er il feroit ridicule de penfcr que des Supérieurs amovibles puffent góuverner les Maifons de la Trappe & de Scpt-Fonts. Füt-il vrai (ce qui ne doit pas fe préfumer) que fous des Abbés Réguliers, toutes les Maifons fuffcnt grèvécs de penfions, ces Maifons, Sc fur-tout leurs Ordres, feroient encore dans une pofition bien plus avantageufe, que dans Pétat aéluel des chofes. Car les Abbés rcndroient les Monaftères bien plus décents, bien plus Religieux , Sc ils captiveroient bien plus  ii4 Des Supérieurs utilemcnt cn leur faveur la bienveillance du Gouvernement. D'ailleurs, d'après les principes que j'ai établis, les penfions ne feroient pas a craindre. Car les Abbés Réguliers étant chargés de 1'Ad miniftration générale des deux Manfes, il feroit avantageux que leRoi leurlaiflat degrandsmoyens pour les améliorations. Et ces améliorations augmcnteroient dans la main du Roi, la part des Abbés Commendataires, tiendroient lieu de penfions, & enrichiroient d'autant le fol national.  PERPÉTUEL S. 2IJ CHAPITRE LXII. Les Supérieurs perpétuels confidérés fous leurs différens rapports font-ils plus utiles d leurs Religieux j d leurs Maifons , d leurs Ordresd leurs Abbés Commendataires & a VÉtat? Sont-ils plus utiles d leurs Reü~ gieux ? Un Prieur amovible qui gouverne d'après la volonté de celui qui peut a tout inftant le deftituer,  zi6 Des Supérieurs n'eft pas le maitre de fa propre volonté. C'eft une volonté étrangère qui gouverne par lui; c'eft une volonté impérieufc, que l'on nepeut modifierque difficilement. Tout ce qu'elle oruonne doit êtreéxécuté fans aucune interprétatioh : fans quoi ce Prieur s'expofe; & s'il eft plus attaché a fa place qu'au bonhcur de fes confrères, ceux qui lui obéiftent, obciftent a un defpote. L'Abbé Régulier, au contraire, eft libre de refléchir, de développcr fes propres ;dées. 11 peut, fans altérer les Loix de fon Ordre, fe plicr aux circonftances Sc a la difpofition des efprits ; il peut avoir des entrailles de Père, Sc fe regarder comme un Pafteur, a qui la Providence a confié un troupeau pour le rendre heureux. Ces Religieux font-ils honnêtes Sc  PERPÉTUEL S. zij & vertueux, ils ne font pas conti, nuellemcnt expofés a fe voir troublés par des externes, par de mau. v-iis Sujets, par des efpèces de Dragons, qui vont circulairement fcandalifer toutes les Maifons de leurs Congrégations, &y infeöer les efprits de leurs maximes d'irréligton, de révolte & d'indépendance. S'il s'agit de repeupler fa Communauté, 1'Abbé prend favis de ies Religieux, & rarement ils recoivcnt des Sujets d'une autre ProVince, que de celle dans laquelle fe trouve lAbbaye. Ces idéés patnotiqucsrclferrentlesliens de la fraternité. Les Supérieurs perpétuels font donc plus utiles a leurs Religieux, que les Supérieurs amoVibles. Tome IJ, jr  n8 Des Supérieurs Sont-ils plus utiles d leurs Maifons ? Est-il rien de plus nuifiblc pour une Communauté, que la mobilité de fon régime? Comment fon régime fcroit-il ftable, fi celui qui la gouverne n'a de volonté que celle des autres ï Un fimple Prieur eft un être plus paftif qu'aétif; il doit pour fa süreté redouter fa volonté particuliere, & fe rendre 1'efclave de ceux qu'il gouverne. Et comme la plupart de fes inférieurs connoiflent peu les objets d'Adminiftration , leurs idéés fe fixent SC s'étendent rarement fur la même Jigne. Plus ces hommes font bornés, plus ils font obftinés, minutieux, inquiets &z contraires a ces  PERPÉTUEL S. ±j$ öpérations, dontle Plan demande du talent, & dont 1'exécution exige encore plus de courage, de tems & de perfévérance. Le Supérieur perpétuel peut effeétuer en tout ia bonne volonté; il peut donner leflor a fon génie; il peut faire des prodiges d .Adminiftration. Le rétablijfement des Abbés Réguliers neferoit-ilpas injufie J a Végard des Chefs d'Ordres qui nomment les Prieurs? Au premier coup-d'oeil, qui ne croiroit que le rétabliifement des Abbés Réguliers ne füt défavantageux a lAbbé-Chef, & aux quatre premiers Pères de 1'Ordre de Cïteaux? Car de toutes les prérogatives attachées aleur dignité, K %  aio Des Supérieurs celles qui doivent le plus les flatter, c'eft la nomination des Prieurs; c'eft la faculté de faire des heureux ; c'eft le pouvoir de régir a leur volonté une quantité de Maifons , fur lefquelles il ne leur refteroit plus d'autres droits que celui de furveiller les Abbés qui les gouverneroient. Mais fi l'on fait attention que 1'autorité, qu'exercent ces Chefs fur les Maifons en Commende, leur caufe des peines continuelles, qu'elle excite contr'eux les plaintes & les clameurs de ceux qu'ils gouvernent , qu'elle occafionne enfin, entre ces Chefs eux-mêraes, des diflenfions trés - fatiguantes pour eux, & fatales pour 1'Ordre; ne fera-t-on pas forcé d'avouer qu'il feroit plus avantageux pour ces premiers Pères, qu'ils ne conmiffent que leur droit primitif,  perpétuel s. til leur infpecfion fur les Abbés Réguliers? Ces Abbés, qu'ils auroient droit de furveiller, fe porteroient naturellement au bien; & s'ils venoient a s'egarcr, la erainte d'être cités au Chapitre-Général, par leurs ieres immédiats, les ramèneroic Jieceifairement a leur devoir. Ainfi, le rétablilfement des Abbés Réguliers feroit avantageux pour les premiers Pères, & d'autant plus avantageux, qu'il feroit profpérer leur filiation , & que le bonhcur des Pères eft dans la profpérité de leurs enfans. Aes Abbes Réguliers feroient utiles d leur Ordre. Ne doit-on pas a 1'amovibilité des Supérieurs clauftraux, les troubles qui agitent aujourd'hui plus K 5  %i% Des Supérieurs que jamais la Congrégation de St. Maur ? II eft certain que la triennalité, obfervée a la rigueur, contrarie les Supérieurs d'un age mür, & qu'elle n'eft fupportable qu'a ceux pour lefquels la moindre jouilfance a toujours le mérite de la jouiffance. Les Religieux qui fe livrent aux affaires étant plus sürs de leurs emplois, ils les preferent a ces dignités, qu'il faut quitter a 1 epoque fixée par la Loi. C'eft pourquoi le pouvoir de la Congrégation paffe dans les mains ] d'un certain nombre de Religieux peu expérimentés, & qui font en- j core dans eet age, oü 1'homme a trop de paffïon pour bien gouverner. Ces jeunes Supérieurs domirient les Affemblées , & fe font templacer par de plus jeunes en- I Core -; d'oü il réfulte un trés- | grand mal pour la Congrégation» j  PERPÉTUEL S. üj Car cette ttiennalité privé fes Colléges de leurs meilleursProfelfeurs, & empêche ces mêmes Proferfeurs de devenir des hommes lettrés, & des fujets propres a foutenir un jour les intéréts de leur Ordre. Si les Supérieurs étoient perpétuels, les Religieux deftinés a les remplacer auroient le tems de fe former dans les places inférieures, &J les Maifons ne fe verroient plus facrifiées aux pafiïons des jeunes Triennaux. Enfin, les Affemblées n'étant plus agitées par les Elecfions des Prieurs, elles borneroient leurs foins a fe faire rendre compte par les vifiteurs de la fituation particulière de chaque Communauté. Combien 1'Ordre de Citeaux ne gagneroit-il pas au rétabliifement de fes Abbés Réguliers? Rien n'eft plus avantageux a eet Ordre, que K 4  12,4 Des Supérieurs fes Chapitres-Généraux; c'eft par eux qu'il connoit fes Loix, Sc qu'il cn maintient 1'obfcrvance. Chaque Maifon ayant au Chapitre-Général fon Rcpréfentant, fon Abbé Régulier, cette Alfemblée feroit d autant plus effenticlle pour 1'Ordre, qu'elle feroit mieux compofée; Sc que chaque Abbé regardant les ftatuts comme fon propre ouvrage ou 1'ouvrage de fes pairs, il feroit plus porté a les faire obferver dans fa Maifon. Enfin, le rétabliltement des Abbés Réguliers rendroit les différens Ordres Monaftiques plus refpe&ables. Ils le feroient d'autant plus, que les Religieux conftitués cn dignité, fe refpetleroient davantage, Sc feroient plus obfervés dans leur conduite. Ainfi, les Supérieurs perpétuels feroient trèsavantageux pour les Ordres Monaftiques.  perpétuels. 22f 'Avantages pour les Abbés Commendataires. Tout ce que feroit 1'Abbé Régulier, pour 1'avantage de fon Monaftère, il le feroit également pour 1'Abbé Commendataire. Car les biens étant indivis, le Commendataire partageroit les augmentations que 1'Abbé Régulier feroit intérene de faire; pour augmenter fon bien-ëtre , & procurcr plus d'aifance a fa Communauté. Nous avons fait voir que lAbbé Régulier feroit plus utile a fa Maifon, qu'un Supérieur amovible. C'eft donc avoir fait connoitre que le rétabliflcment des Abbés Réguliers feroit avantageux pour le* Abbés Commendataires.  n6 Des Supérieurs Avantages pour l'Etat. L'Etat eft une Familie, dont le Monarque eft le Père. Tous les Corps particuliers qui compofent ce grand tout, doivent fe gouverner d'après les maximes politiques, d'après les vues fages du Gouvernement. Les Ordres Religieux font de petits Corps politiques, qui ne tiennent leur exiftence que de la fanéiion du Souverain. Ils doivent donc être continuellement attcntifs a entrer dans fes vues. Ces petits Corps font naturellement mobiles. Pour les amener a tout ce que l'on veut, il ne faut que des maximes. Celle de placer des Abbés Réguliers a la tête de tous les Monaftères enCommcnde,  PERPÉTUELS. 2.27 & de les faire nommer par le Roi, d'après la Me des Bénémérites donnée par les Chapitres-Généraux, feroit un moyen infaillible de plier ces grands Ordres a toutes les vues du Gouvernement. Voudroit-on que pour le bien de la Nation, les Religieux redevïnffent cultivateurs» il fuffiroit de donner de préférence les Abbayes a ceux qui fe feroient le plus diftingués par leur intelligcnce dans 1'économie rurale : & fi, a cette maxime, l'on ajoutoit celle d'excitcr 1'émulation parmi les Abbés Réguliers, en les faifant palfer d'une petite Abbaye a une plus grande, quels cfforts ne feroient-ils pas pour angmenter leur bien être & leur confidération > Si l'on vouloit que les Religieux aimafiént les lettres, il faudroit nommer aux Abbayes ceux qui fe K 6  az8 Des Supérieurs diftingueroicnt par leurs talens. Si l'on défiroit que les Religieux fulfent exemplaires & même auftères, il faudroit encore leur montrer les Abbayes comme le prix de leurs vertus. C'eft ainfi que la Providencc fe fcrt des moyens humains pour amener les hommes a. la véritable perfection. Enfin, le rétabliïïcment des Ab* bés Réguliers donneroit au Roi la facilité de placer dans les différens Monaftères', des Supérieurs qui feroient les plus propres a répondre a fes vues. D'après les principes que nous avons établis, il eft conftant que le Gouvernement peut faire plier les Ordres Monaftiques a toutes fes fages difpofitions. II peut, par le partage perpétuel, concilier les intéréts des Abbés Commendataires &c des Religieux; faire régner3  PERPÉTUELS. 2Z£> entre ces copartageans, une paix inaltérable, & procurer aux héritiers de ces Abbés la plus parfaite tranquillité : il peut, par la loi des épargnes annuelles, lier toutes les Maifons entr'elles, les rendre furveillantes les unes des autres, & faire circuler des raoyens fuffifans, pour mettre chaque Monaftère en état d'améliorcr la portioa du Patrimoine Eccléfiaftique qui lui a été confiée. Puifque les Biens de 1'Eglife font infiniment plus utiles a la multitude des Citoycns, que les Propriétés Laïques, qu'ils font plus mobiles, paffent dans plus de mains, &; font fueceffivement lebonheur d'une multitude inombrablc de Families pauvres de toutes les claffes; que, femblables aux eaux, qui, par leur divifion, fertilifent le fol le plus ingrat, ils  230 Des Supérieurs peuvent répandre par-tout les fecours 6c les confolations; que ces relfources communes qu'ils ménagent, ne pourroient, dans certains cas, être remplacées par le Tréfor public , 6c moins encore par les libéralités incertaines 6c tardives d'une poignée de Riches infatiables, qui s'approprient 6c refferrent dans leurs mains la fortune publique, il feroit donc fatal a la Nation, que les Biens de 1'Eglife devimTent la proie de ces hommes cupidcs, 6c fiffent un jour regretter aux Francois de n'avoir plus cette dernière reffource, qui, a trois époques (*) mémorables, a fauvé le Prince 6c la Patrie. S'il eftvrai, comme nous 1'avons (*) Charks-Martel, le Roi Jean, & Fran* $ois premier.  FERTÉTUELS. ijl démontré, que les Monaftères partagent utilement la Dotation de 1'Eglife; s'il eft vrai qu'ils vivifient les campagnes, en y retenant le numéraire qu'ils dérobent au luxe des Villes, & qu'ils font circuler dans les mains des Journaliers j s'il eft vrai, que, par les fecours & les travaux continuels qu'ils procurent aux Payfans, ils donnent lieu a une plus nombreufe population; s'il eft vrai que les Biens que les Religieux laiflent dans le monde, équivalent a ceux dont ils jouiflent ; s'il eft vrai , qu'en fe retirant dans le Cloitre, ils laiflent a leurs frères les moyens de s'établir, & favorifent par la la population de leurs Families; s'il eft vrai, enfin, que les Monaftères font fur la furfacc du Royaume autant de petits poftes, établis de proche en proche, pour  z$2. Des Supérieurs, &c.' rappeller les Peuples a 1'unité de Religion, il eft indubitable que, tout Citoyen qui pefera ces avantages , reviendra de fes préjugés contre les Monaftères ; & que , fi on lui demande s'il eft plus utile, politiquement, de les détruire que de les conferver , il répondra que chez les Sauvages, l'on coupe 1'arbre pour en cueillir les fruits \ mais que parmi les Nations policées, ceux qui gouvernent les abeilles, en partagent le miel, &c confervent les ruches.  Postscriptum. 2.33 POSTSCRIPTUM. TAVOIS premis dans fAvtrtïffement de eet Ouvrcge j d'indiquer quelques moyens de concilier les Dro.'ts des Capitaineries,avec f intérêt des Proprietaires de Bois ; je promettois encore d'expofer mes vues particulières fur les moyens de rendre les Monaftères utiles a finjlitution de la jeuneffe ^fans dètoumer cependantles Religieux de la Prièrepublique ; but primitij de leur ét at: mais je m'appercois que la difcujjion étendue quexige ces objets, me conduiroit au-dela. des bornes que je mz fuis prefcrites pour ce Volume, Ji les réferve pour en former la matiere d'un autre Ouvrage dans lequel je traiterai de plufteurs autres  2-34 Postscriptum. objets politiques 3 ègalement relatifs i l'exijlence & a la confervation des Etablijfemens Monajliques. P I N,  T A B L E DES CHAPITRE S, contenus en ce volume. Traité de conciliation perpétuelle entre les Abbés Commendataires et les Religieux, &c. ChAPITRE PREMIER. Idéés générales. page 5" chapitre II. De la formt-.'ia plus ujitée dans les partages. 11 chapitre III. Que les contefiations qui s,élevent entre tAbbi & ks Religieux y ne Jont pas les feuls inconvéniens qu entralnent les partages. 14  T A B l E CHAPITRE IV. Traité a viej fes avantages & fes inconvéniens. page ï6 CHAPITRE V. De l'union perpétuelle des deux Manfes. 2I CHAPITRE VL Vices du Traitédunion des Man/es. Pourquoi on Va vu attaqué par les Titulaires mêmes qui en avoient formé le plan. Zq CHAPITRE VIL Moyen d'effecluer la réunion des deux Manfes a perpétuité. 2g CHAPITRE VIII. Objeclions contre la Loi, qui contraint d'affermer tous les biens des Abbayes. ^ CHAPITRE IX. VAdjudication publique nuit-elle aux améliorations? 38 CHAPITRE X. Utilité de ?Adjudication de tous les objets des deux Manfes reünies. A T 41 CHAPITRE XI. Bail général. Efl-il utile f .. 44  DE S CHAPITRES. 237 chapitre XII. Objeclions contrt 1'Adjudication des Biens. page j2» chapitre XIII. Réponfe aux objections précédent es. ^ chapitre XIV. VAdjudication publique des réparations a-t-elle des in* convéniens. fa chapitre XV. En réponfe au précédent. £4 chapitre XVI. rAdjudication annuelle des réparations eji-elle utile ? 67 chapitre XVII. Réflexions fur les Chapitres précédens. yz chapitre XVIII. Comment on pourroit ajfurer les fonds néceffaires pour les réparations. 77 Bois de réserve. chapitre XIX. Dans quel cas le produit de ces Bois devroit être a. la difpojltion des Titulaires ? 80  2,38 TA B LE chapitre XX. Ne feroit-ll pas utile de fixer a trente ans Vage des Bois de réferve ? page 84 chapitre XXI. Projet d'Edit3 pour le partage perpétuel. yi, De l'arrangement des Archives. chapitre XXII. Idéé générale. ïca chapitre XXIII. Qu'il eft factie de donner aux Archives la forme de volume. 104 chapitre XXIV. Manïère de procéder a l'arrangement des Titres. lo6 chapitre XXV. Des attachés} ou Hens des Titres. 108 chapitre XXVI. Que les Titres feront imperturbables. 109 chapitre XXVII. Confervation des Titres. UI  DES CH APITRES. 23$ chapitre XXVIIL Facilité de lire & de copier les Titres fans les déplacer. page 113 De la Liquidation des dettes des ordres RELIt gieux. chapitre XXIX. Idee générale. 114 chapitre XXX. De la contribution gratuite. Ses avantages. ll6 chapitre XXXI. Inconvéniens de la contribution gratuite. lij chapitre XXXII. Efl-il avantageux de vendre pour fe libérer? 119 chapitre XXXIII. Ya-t-il des inconvéniens de vendre pour fe libérer? 121 chapitre XXXIV. Que le moycn de Uquider promptement les dettes f feroit de rendre toutes les Maifons folidaires, I z6  2-40 T A B L E chapitre XXXV. Des inconvéniens de la folidarité. page 12.8 chapitre XXXVI. Comment on ' pourroit liquider les dettes 3 en prêtani aux Maifons obérées , a un taux plus bas que le taux ordinaire. IZ$ chapitre XXXVII. De l'exactitude des Maifons a fervir les rentes. 131 chapitre XXXVIII. Que prêter^ ejl y pour les Maifons même qui doivent} un moyen de fe libérer. 133 Des Épargnes des Monastères, pour acquitter leurs dettes. chapitre XXXIX. Motif général des Épargnes.. i$