EX BIBLIOTHECA Dr. T. H. MILO    RÉVOLUTIONS DES PROVINCES-UNIES. TOME TROISIEME,   RÉVOLUTIONS DES PROVINCES-UNIES sous l'étendard DES DIVERS STADHOUDERS, s v 1 v 1 e s DES ANECDOTES MODERNES, Ou Tableau hiflorique ytopographique &politique des Provinces - Unies, de leur Commerce & Pojfejfions (Toutre - mer ; les Caufes des crifes que eet Etat éprouve aujourdhui. T O M E T R OISIEME. A N I M È G U E. 1 7 8 8,   REVOLUTIONS PROVINCES-ÜNIES DES DIVERS STADHOUDERS. ANEGDOTES MODERNES. La principauté d'Orange qui a été cédée a Ja France par la paix d'Utrecht , n'a aujourd'hui qu'environ fix lieues de longueur Sc quatre de largeur. Elle fe trouve enclofe entre le comté Venaiflïn & le Rhöne qui la fépare du Languedoc. Elle étoit autrefois d'une étendue plus confidérable 5 mais elle a été démembrée en divers tems par des ventes, des ceflions, des ufurpations, des partages, des dots 8c des appanages. L'an 1150, la princeflè Tiburge la divifa en quatre portions , Sc elle a fouffèrt encore depuis d'autres démembremens. On comptoit alors dans la principamé , Tome III. ft DES SOUS L'ÉTENDARD Coup-d'ceil fur la principauté d'Orange.  z Anecdotes deux évêchés, fix abbayes, plus de trente prieurés, trois comtés, trois baronies & quatre places, favoir: Chateau - Neuf, Douzerre , Tulette Sc Montbrifon, dont levêque de Viviers, le prieur du Saint - Efprit 8t le duc de Vantadour , fe difent princes. Cette principauté ne comprend aujourd'hui que les villes d'Orange , de Courthefon , de Jonquieres, de Gigondas 8c quelques bourgs. Son terroir eft extrêmement fertila, fur - tout en bied, cn vin , en fafran, en foie 8c en toute forte de bons fruits. Defiription d'Orange. Orange , capitale de cette principauté , eft une ville trés - ancienne , 8c dont on ignore 1'origine c'eft 1'une des quatre villes des peuples Cavares , fuivant la remarque de Ptolomée , 8c de-la vient le nom ÜArauJio Cavarum; elle eft aufli connue fous les noms ÜAuraJiaca Civitas, d'ArauJionenjïs urbs , 8c Pline 1'appelle Colonia fecundanorum , paree qu'on y avoit établi des foldats veterans de la feconde légion. Elle étoit autrefois beaucoup plus grande qu'elle ne 1'eft aujourd'hui , comme il paroit encore par les mafures des anciennes murailles, qui furent abattues dans les cinquieme 8c feptieme fiecles , avec environ les trois-quarts de la ville. L'an n?o , la princeffe Tiburge première, la fit fermer d'une bonne muraille que Louis XIV fit démolir l'an 1682. II y avoit fur la colline d'Orange , un vieux chateau 8c un puits d'une profondeur extraordinaire. L'an i6%i , Maurice de Naffau } prince d'Orange, fit  Moderne s. 5 &atir fur cette même colline , une fortereiTe qui fut rafée l'an 1660 , par les ordres de Louis XlV, Sc l'an 1673 , ce même prince fit démolir Ie vieux «hateau 5c toutes les défenfes de la ville. Antiquités qui fe trouvent è Orange. On voit & Orange un cirque, des arênes qui font a quatre cents pas de la ville , des bains pubhes qui en étoient a deux cents pas, 8c une partie dune groffe tour, que quelques - uns prennent pour un temple de Diane. Le cirque eft bati avec beaucoup d'artifice: 1'égalité 8c les proportions quon remarque dans les ares , dans les foubane«nens 8c dans les pilaftres , font voir que ce monument eft des Romains. Mais ce qu'il y a de plus remarquable , c'eft un are de tnomphe que le tems a renverfé , 8c qui a ete elevé par Caïus Marius , 8c Luftacius Catulus, qui avoient remporté une célebre viaoire fur les Cimbres 8c les Teutons. Cependant d'aurres prétendent que ce monument a été érigé en faveur de Domuius Mnobarbus 8c de Quintus Fabius faxtrnus Azmilianus, après qu'ils eurent vaincu les Allobroges. Conciks tenus è) Orange. Il s'eft tenu a Orange trois célebres conciles, Ie premier l'an 44 r , fous le pape Léon I: il étoit compofe de dix-fePt évêques, 8c ce fut Ilaire d Arles qui y pré'ïda. Le fecond fut convoqué fous le pape Félix IV. L'an 5z9 , par Liberius, 1'un des gouverneurs des Gaules , qui faifoit fa réfidence a A z  4 Anecdotes Orange : il étoit compofé de qüinze évêques air femblés contre les fémi - Pélagiens , 8c ce fut Cé» faire, évêque d'Arles qui y préfida. Le troifieme fe tint contre les Albigeois fous le pape Honorius II, l'an 1228 : il ne s'y trouva que des évêques d'Italie, 8c il fut convoqué par Romain, cardinal diacre 8c légat du pape. L'évêché d'Orange eft fuffragant d'Arles, 8c a eu d'illuftres prélats. Révolutions d'Orange. La ville d'Orange a éprouvé les plus grandes révolutions , après la chüte de 1'empire Komain. En occident, elle tomba fous la domination des Bourguignons 8c des Gots , 8c enfuite fous celle des princes Mérovingiens 8c Carlovingicns. Depuis le neuvieme hecle elle obéit aux rois de Bourgogne 8c d'Arles , dont le dernier fut llodolphe le lache , quimourut l'an'1032. Après Rodolphe, ce royaume fut foumis aux empereurs Allemands. Obfcuritê de l'kijioire des premiers feigneurs d'Orange. Il y a beaucoup d'obfcurité dans 1'hiftoire des premiers princes d'Orange. Quclques-uns prétendent même que ces comtes n'étoient proprement que des gouverneurs qui avoient au-deflus d'eux des comtes ou marquis de Provence. Le premier prince d'Orange , dont 1'hiftoire faffe mention, eft Théofret qui vivoit l'an 700, 8c dont le hls nommé auffi Théofret, fut aftömmé par les Sarrafins, l'an 720 ou 730.  Moderne s. S Première race des princes dOrange. Guillaume I, qui vivoit du tems de Charlemagne , eft le premier comte ou le premier prince d'Orange, pour avoir conquis cette ville fur un roi Sarrafin qui y régnoit. II fut furnommé au cornet, a caufe du cor-de-chafle qui fait encore aujourd'hui les armes d'Orange : d'autres 1'ont furnommé au court ne\ , paree que dans un combat , il eut le bout du nez emporté d'un coup d'épée. II mourut l'an 809 , Sc fut enterré dans 1'abbaye de Saint Guillem-le- Défert, quil avoit fondée le 14 décembre de l'an 84, comme il parou par un des a&es de cette abbaye. II prit Ia qualité de comte par la gr ace de Die'i, 8c on prétend qu'en ce tems - la il n'y avoit que les feuls fouverains qui euffent droit de s'attribuer le titre. Hérimbrue , fille du comte Guillaume I, fut fon héritiere univerfelle. Cette princelTe fut inariée, 8c porta fes biens en dot a Kollin ou Uoflelin, grand feigneur du royaume d'Arles , 8c qui, felon quelques - uns étoit de la maifon de Baux. De ce mariage naquirent deux fils , Hugon 8c Rogon , qui partagerent la principauté. Hugon ou Rogon , felon d'autres , eut une fille nommée Ataldts , qui lui fuccéda l'an 880 ou 890 : 8c qui eut pour fi!s Rambaud I, mort l'an 910 : Bofon , fils de Rambaud , mourut l'an 914. Les fuccefteurs de Bofon font inconnus, jufqu'a Gérard-Adhémar, qui fuccéda a fon prédécefteur l'an 1086. Ce dcrn;er laiffa Rambaud II, comte d'Orange qui fit le voyage de la Terre - Sainte, oü il mourut l'an A 3  Anecbotes ii 15. Sa fille unique Tiburge première , époufa Guillaume II , qui portoit déja le nom d'Orange, comme defcendant de Rogon : ils eurent deux fils qui partagerent la principauté Sc deux filles, 1'ainé des fils fut Guillaume III, qui eut un fils nommé Guillaume IV , 8c une fille nommée Thibour, qui fut mariée a Rambaud Guiran , 5c qui étant morte fans enfans , donna le quart de la ville d'Orange al'ordre ou höpital de Saint Jean de Jérufalem , lequel avoit un autre quart fur la même ville. De Guillaume IV naquir Rambaud, mort fans enfans, 8c qui donna fa portion 8c le quart qu'il avoit fur Orange au même ordre. Rambaud III, fils de Tiburge I, donna l'an 1173 , tous fes biens a Tiburge fa fceur 8c feconde femme de Bertrand de Baux : ainfi la principauté d'Orange paffa dans la maifon de Baux. Seconde race. Bertrand de Baux, fecond de ce nom , prince d'Orange , puis baron de Baux , eut de Tiburge II, princeffe d'Orange, Guillaume V, Bertrand 8c Hugues. Guillaume V, eut d'Éloi, fa première femme , Guillaume VI, 8c d'Ermengarde fa feconde femme , Raimond qui lui fuccéderent l'an 1225. Guillaume VI, mort l'an 1239, eut quatre fils, Guillaume IV , Bertrand , Hugues 5c Raimond II. Guillaume VII étant mort fans enfans l'an 1248 , Raimond II lui fuccéda 5c mourut l'an 1272 , laiflant deux fils , Bertrand II , 8c Raimond lil, Sc deux filles. Ces deux freres lui ayant fuccédé , firent l'an 1293 , un accord au  MODERNES y meyen duquel toute la principauté demeura indiviflble a Raimond III, a 1'exception de la ville de Courthefon , que Bertrand II fe réferva. Raimond III eut d'Eléonore de Geneve, fon époufe , Guillaume , Raimond 8c Henri. Guillaume mourut du want de fon pere , laiflant deux fils , Bertrand , Guillaume , 8c une fille nommée Thiburgete. Raimond II, puiné de Raimond IV , acquit de fes neveux Bertrand 8c Guillaume, tous les droits qu'ils avoient fur la principauté. Raimond IV eut fix fils. Raimond V lui fuccéda en la principauté d'Orange , 8c fe maria en feconde nöce , avec Jeanne , fille d'Anne , comte de Geneve, dont il eut une fille unique appellée Marie de Baux. Troijieme race des princes d'Orange , en la perfonne de Jean de Chdllon , fire de Harlai. '■ La princefie Marie de Baux , fille unique &C ïiéritiere univerfelle de tous les biens de Raimond fon pere, époufa l'an 1380, Jean de Challon, lire de Harlai. Ce mariage fut conclu dans la ville d'Avignon , en préfence du pape Clément VII : il fut alors convenu que la principauté d'Orange, appartiendroit au premier male qui naitroit de ce mariage, lequel fut Louis de Challon qui fuit. II eft k remarquer que Raimond V , qui ne mourut qu'en 1393 , 8c Marie fa fille , font les derniers , en qui la race de Baux a pris fin , 8c qui étant héritiers de tous les biens de cette illuftre maifon , Jes ont tranfmis de droit a Louis de Challon 8c a fes fuccefieurs. Jean de Challon laifla deux fils, Louis ion fucceffeur, Jean 8c deux filles. A 4  8 Anecdotes Louis de Challon étoit un prince d'une grande beauté , hardi, courageux ; ayant été défait l'an i42.9, pai Gaucour , gouverneur du Dauphiné , il aima mieux fe jeter tout armé dans le Hhóne , & de panera la nage , que de tomber fous la puiflance du vainqueur. II eut de Jeanne de Montbéliard , fa première femme , Guillaume VIII, qui luifuccéda l'an 1466 , 8c d'Éléonore d'Armagnac, fa feconde femme, naquit Louis, feigneur de Chateau - Guyon, 8c Jeanne mariée a Louis , comte de la Chambre. Guillaume de Challon VIII, du nom , prince d'Orange , ayant été fait prifonnier par Louis XI, roi de France , fe trouva contraint, pour fe tirer de prifon , de vendre a ce prince la fouveraineté de fa principauté d'Orange, pour la fomme de quarante mille écus, dont il donna la quittance fans les avoir touchés $ l'a&e de cette vente eft du 9 juin 1475. Guillaume mourut la même année, & eut de Catherine de Bretagne, Jean qui fuit. Jean de Challon, s'attacha a la ligue du duc d'Orléans , contre le gouvernement , pendant la minorité du roi Charles VIII, 8c fut pris a la baraille de Saint - Aubin du Cormier, l'an 1488. Les fervices qu'il rendit au duc d'Orléans, qui régna depuis fous le nom de Louis XII, lui firent obtenir la caflation du contrat, pafte entre Louis XI 8c Guillaume , comme fait par force 8c par un prifonnier : ainfi le prince Jean fut rétabli dans fa fouveraineté l'an 1500 , ce qui fut enfin ratifié par Francois I. 11 mourut le 9 avril 1501, lahïant Philiberte de, Luxembourg , comtefle de Charmi, fa  feconde femme , Philibert Sc Claude de Challon qui fut mariée a Henri, comte de Naflau. Philibert de Challon, prince d'Orange 8c de Melphe , fe déclara pour 1'empereur CharlesQuint, contre le roi Fran^ois I , qui confifqua fes biens l'an 1520, Sc donna la principauté d'Orange k Anne de Montmorenci, veuve du maréchal de Chatillon. Philibert fut arrêré prifonnier comme il panoit en Efpagne , Sc fut conduit de Flandre a Lyon , Sc de-Ia a Bourges , d'oü il ne fortit que par Ie traité de Madrid. L'an 1526 , il commanda 1'armée impériale a la prife de Rome, après que le duc de Bourbon y eut été tué , Sc ce fut lui qui forca le fauxbourg, enfuite la ville ; il fut tué l'an 1530, au fiege de Florence, fansavoir été marié, Sc laiffa fes biens a René de NaiTau fon aeveu , fils de fa foeur Claude de Challon, Sc de Henri, comte de NaiTau , a condition de porter fon nom Sc fes armes. René , comte de NaiTau Sc prince d'Orange , ayant a 1'exemple de Philibert de Challon fon oncle, tenu Ie parti de Charles-Quint contre Francais I, fut dépouillé de fa principauté d'Orange , laquelle fut réunie au domaine de Provence , par arrêt du parlement de ce pays, le 30 juin 1542. Ce prince mourut fans enfans, d'une blefiure recue au fiege de Saint - Dizier, le 15 juillet 1544 , agé de vingt-fix ans. Par fon teftament du 20 juin de la même année, il avoit inftitué pour fon héritier , fon coufin germain , Guillaume premier, Stadhouder, capitaine 8c amiral général des Provinces - Unies, dont on va donner 1'hiftoire avec  ï© Anecboïes Celles des autres Stadhouders fes fuccefleurs. Èclairciffemtns fur la maifon de Najfau : idéé générale du comté de Najfau. Le pays qui donne fon nom a 1'illuftre maifon de NaiTau , fi feconde en grands hommes, eft un comté d'Allemagne , qui a le Rhin pour bornes a Foueft , la rivier e de 1'eft au midi, le pays au levant; le comté de Waldeck au nord - eft, 8c le pays de Berg au nord - eft. Ce comté en renferrne plufieurs autres partagés en plufieurs branches , qui portent les unes le titre de prince, les autres celui de comte , Sc qui prennent chacune le nom de leur réfidence. La principale forêt eft celle de Weftervald. La Lohn , le Dill Sc le Siegen font les principales rivieres. Le comté de Naflau a toujours été mis au rang des fiefs les plus libres de 1'empire, comme ne reconnoiflant que 1'empereur, Sc jouiflant de tous les privileges Sc de toutes les prérogatives dont jouhTent les comtes de 1'empire , Sc particuliérement du pouvoir de battre monnoie d'or, d'argent Sc de cuivre. La maifon de Naflau , poffede encore dans le Weftreicht, aux confins de la Lorraine. le comté de Saarbruck Sc celui de Saawerden. Le comté de Naflau a pour capitale, une ville de ce même nom , en latin Naffovia, comme qui diroit NajJ'gavia , pays aquatique , paree que fon terrein eft fort marécageux. Cette rille eft a ftx mille de Hager, Sc a deux de Dietz , fur Ia rive droite de la Lohn, oü 1'on paffe fur un pont de pierre. De 1'autre cöté de la riviere fur une hau-  M O B E R S ï 'Si' Iï teirr, on voit un chateau nommé Stein, dont Ie pied eft lavé des eaux de la Lohn, Sc fur une montagne plus haute Sc ifolée eft 1'ancien chateau de NaiTau , qui a donné le nom au pays, Sc a 1'illuftre maifon qui a donné un empereur a 1'Allemagne , un roi a ï'Angleterre , des Stadhouders a la république des Provinces - Unies , Sc des ducs a Ja Gueldre. Origine de la maifon de Najfau. Quelques - uns font defcendre la maifon de Naflau, d'un officier Sueve , dont parle Céfar fous le nom de Najfua : d'autres fe contentent de re» monter jufqu'a Adolphe , comte de Naflau , mort l'an 703. Ccomme 1'hiftoire de ces premiers comtes eft pleine d'obfcurité , il fuffira de remonter juf qu'a Otton I, que Ton dit' être le quatorzieme comte de ce nom. Otton I, comte de Naflau, fut envoyé par Tempereur Henri 1'Oifeleur, Tan 926 , en Hongrie, en qualité de général de 1'armée impériale, 8c mourut a Nuremberg l'an 972, laiflant entr'autres enfans, Walrame qui fuit. Walrame I, fervit Tempereur Otton, dans les guerres de Bohème 8c de Hongrie , Sc mourut aufli è Nuremberg l'an 1020. Walrame II, fon fils, mourut Tan 1068 , 8c eut pour fuccefieur Robert fon fils qui mourut l'an 111 o , laiflant Walrame III, grand capitaine, mort Tan 1156.  12 A N E C D © T E S Henri I, fils de Walrame III, mort l'an 1199 * fut pere d'Ótton II, qui mourut l'an 1213 , & ne laiffa qu'un fils qui fut Henri II , furnommé le riche , a caufe des grandes terres qu'il acquit, lequel étant mort l'an 1254, laada de Mathilde , fa femme: i°. Walrame IV , qui fut tige des branches deNaffau, Wisbaden-Weilbourg 8c Idftein : 20. Otton , tige des branches de Naflau, Dellimbourg - Orange - Siegen , 8cc. Walrame IV, fils ainé de Henri II , furnommé Weilbourg le riche , eut pour fon partage la moitié du comté de Naflau avec les comtes de Wisbaden , d'Idftein 8c de Weilbourg , 8c fut du confeil de 1'empereur Ródolphe I: il mourut l'an 1289 , 8c eut d'Adélaïde, fille de Théodore, comte de Catzonnelle - Bogen, entr'autres enfans, Adolphe qui fuit. Adolphe , comte de Naflau, fut élu empereur l'an 1292, 8c mourut l'an 1298. II avoit époufé Imagine, fille de Gerlac , comte de Limbourg , 1'une des plus belles princefles du monde. Gerlac I , 1'un des fils d'Adolphe, fut ambaffadeur de 1'empereur Louis auprès du pape, l'an 13 31 , 8c mourut l'an 1361 , ayant eu d'Agnès , princeffe de Heffe, trois fils , Gerlac, archevêque de Mayence, Adolphe qui fuit, 8c Blanche qui fit la branche de Weilbourg. Adolphe II, mort l'an 13 70 , laiffa d'Annc , fille de Fréderic II, vicomte de Nuremberg , entr'autres enfans , Gerlac qui fuit. Gerlac II, mort l'an 1393, fut pere d'Adolphe III, qui par fes belles qualités Sc fa grande probité,  Moderne s. 13 fe fit aimer de tous les princes de fon fiecle , 8c mourut l'an 1426, ayant eu de Marguerite , fille de Bernard, margrave de Bade, deux fils, Adolphe, archevêque de Mayence 8c Jean. Adolphe IV, fut confeiller de 1'empereur Maximilien I, gouverneur des pays de Gueldres 8c de Zutphen , 8c mourut l'an 1504. II eut de fa feconde femme , Marguerite , fille de Philippe , comte de Hanau , Philippe qui fuit. Philippe quitta la religion catholique, embrafla la proteftante 8c mourut l'an 1520, laiflant Adriadne, fa femme , fille de Jean , baron de Bergh, entr'autresenfans, Balthafar qui lui fuccéda. Balthafar fut commandeur de 1'ordre Teutonique, 8c fut tué l'an 1568 , agé de quarante - huit an,s , ayant eu de Marguerite d'lfembourg , JeanLouis qui fuit. Jean-Louis mourut le ro juin 1596, agé de 29 «ns , 8c eut pour fuccefleur fon fils Jean-Louis II , mort l'an 1605 , 8c en qui finit cette branche dont la fucceflion pafla aux comtes de Weilbourg. Branche de Nafau-Weilbourg , dite de Sarbruck, ijfiie de celle de Wilsbaden. Jean I, troifieme fils de Gerlac I, comte de Naflau-Wisbaden , dont il eft fait ci - deflus mention fous l'an 1298 , eut pour fon partage le comté de Weilbourg. Son mariage avec Jeanne , fille unique 8c héritiere de Simon V, comte de Sarbruck , lui fit prendre le nom de comte de NajfauSarbruk: il mourut l'an 1371 , 8c eut pour fuccefleur fon fils.  *4 Anecdotes Philippe, comte de Weilbourg 8c de Sarbruck; mourut l'an 1429 , laiflant de fa première femme Catherine , fille de Fréderic , duc de Lorraine 8c Jean qui fuit ,• 8c de fa feconde femme , Agnès , fille d'Albert, comte de Hohenloc , Philippe, tige de la branche de Weilbourg. Jean li, mort l'an 1472 , laifla de fa feconde femme, Jean-Louis, qui mourut l'an 1545 , 8c eut de fa première femme, Adolphe qui fut le dernier de cette branche , 8c mourut fans poftérité l'an 1559 j fes biens paflerenta fes coufins les comtes de Weilbourg. Branche de Weilbourg ,/brtie de celle de Sarbruck, éteinteïan 1728. Philippe I, fecond fils de Philippe , comte de Weilbourg 8c de Sarbruck , dont on a parlé cideflus, fous l'an 13 71, eut en partage le comté de Weilbourg, 8c mourut l'an 1492 •■, Jean fon fils, nommé Louis I, qui fuccéda a fon aïeul, 8c mourut l'an 1523, laiflant Philippe qui fuit. Philippe II, étant mort l'an 1559, eut pour fuccefleur fon fils Albert, qui hérita du comté de Sarbruck, par la mort de fes coufins, 8c laifla entr'autres enfans, un fils nommé Louis II, lequei devint le chef de toute la familie , recueillit toutes les terres des ainés, 8c mourut le 8 novembre 1627 , Sgéde foixante - deux ans, laiflant entr'autres enfans, Guillaume - Louis, Jean , tige des comtes d'Idftein, 8c Erneft Cafimir tige des comtes de Witgenftein. GuiUaume Louis , né l'an 155)0, mourut Ie 23  Moderne s. 15 Ö'augufte 1640 : il laifla entr'autres enfans, JeanLouis Guftave-Adolphe , tige de la branche dite aujourd'hui de Sarbruck & Wolrade , dit le prince de Naflau. Jean-Louis né le 23 mai 1625, fut majorgénéral dans les troupes du cercle du haut Rhin, 8c mourut le 9 février 1690. II laiffa entr'autres enfans, Fréderic - Louis, né le 3 novembre 1651, & mort Ie i$ mai 1728. Fréderic n'ayant point laifle de poflérité mafculine , fes terres paflerent a Charles, prince de Naflau - Ufingen , qui avoit déja hérité des terres de la branche d'Idftein. Après avoir été qüelques années au fervice des Provinces - Unies, il pafla en Danemarck , oü il époufa Chriftine, fille de Fréderic d'Ahelefeld , grand chancelier du royaume , de laquelle il n'eut que des filles. Branche fortie de Najfau - Weilbourg, qui portoit le nom de Sarbruck , éteinte l'an 1713. Gustave - Adolphe , comte de Naflau - Sarbruck , fecond fils de Guillaume - Louis, dont il fera fait mention ci - deflöus a l'an j 627 , fit fa réüdence a Sarbruck. II fut général - major des troupes de 1'empire, 8c ayant été bleue au combat de Kochersberg le 7 oftobre 1677, il mourut deux jours après dans le camp des Francois, oü il avoit été conduit prifonnier. Louis - Craron , fon fils Sc fon fuccefleur , né l'an 1663 , entra au fervice de Frnnce , 8r mourut le 13 février 1713 , ne laiflknr <}uê des filles.  ió Anecootes Branche fortie de Naflau- Weilbourg, dite Ufingen. WolRADe , troifieme fils de Guillaume - Louis , dont il fera parlé ci-deflbus a l'an 1617 , 8c frere de Guftave - Adolphe, naquit le 7 mai 1635, & fit fa réfidence a Ufingen. Après avoir commandé long - tems la cavalerie Hollandoife , il fut fait gouverneur de berg - Op-Zoom , puis deBois-leDuc , Sc maréchal général des États - Généraux. L'empereur Léopold le fit prince du Saint-Empire, avec fes coufins, par a&e du 4 d'augufte 1688. II mourut le 17 oftobre 1702 , peu de tems aprèsqu'il eut pris Keifeswert fur les Francois : fon fils Guillaume - Henri, mort le 14 février 1718 , eut pour fuccefieur Charles, fon fils, né le 1 janvier 1712, lequel recueillit Sc réunit en fa perfonne les terres de la branche de Naflau - Idftein, l'an 1721 , 8c celles de la branche de Naflau-SarbruckOltweller , l'an 1728 , Sc devint 1'ainé de fa maifon. Le 26 décembre 1734, il époufa uneprincefle de Saxe - Eifenach, dont il eut trois fils. Branche fortie de celle de Weilbourg , & qui a confervé ce nom. Ernest - Casimir , quatrieme fils de Louis II, dont on a fait mention a l'an 1559 , époufa AnneIVIarie, fille de Guillaume , comte de Sayn - Witgenftein, dont il eut Fréderic, né le 15 avril 1640 , mort en feptembre 1675 , 8c pere de Jean Erneft, né le 13 juin 1664, 8c mort le 1 mars 1719. Jean-Erneft farvit de maréchal de bataille s  Moderne s. 17 taille, fous le landgrave de Heffe - Caffel, 8c fut J'an 1703 , généralde la cavalerie impériale, 8c général de celle de félefteur Palatin fon fils : Charles - Augufte , né le 17 décembre 1685, fut fait en avril 1722, général - major des troupes du cercle du haut-Rhin , dont il fut déclaré général l'an r72Ó : il fe maria le 17 d'augufte avec Fréderick - Wihelmine, fille de George - Augufte-Samuel, prince de Naffau - Idftein , dont il eut un fils néén janvier 1735. Branche de la maifon de Dellimbourg. Otton , fecond fils de Henri II, furnommé le riche , dont on a parlé a l'an 1213 , fut chef de cette branche qui en a formé plufieurs autres. II eut pour fon parrage la moitié du comté de Naffau , avec les villes 8c feigneuries de Dellimbourg, de Beilftein, de Siegen : il mourut l'an 1292, ayant eu entr'autres enfans, d'Agnès, fille du comte de Solms, Henri qui mourut l'an 1323 , laiffant deux fils, Otton II, 8c Henri qui forma la branche de Beilftein : Otton II, mort l'an 1369 , fut pere de Jean I , qui mourut l'an 1400, 8c eut pour fucceffeur fen fils Adolphe, mort l'an 1420 , fans poftérité mafculine. Engilbert I, fecond fils d'Otton II, fucceda k fon frere Adolphe, 8c mourut l'an 1442 , laiffant entr'autres enfans , Jean II qui fuit. Jean II, fut gouverneur du Brabant, feus Charles II, duc de Bourgogne, 8c mourut l'an 1475 , agé de 65 ans. II eut pour fucceffeur Engilbert II, fon fils qui fut auffi gouverneur du Brabant, lieuTome III g  xS Anecdotês tenant - général dans les Pays - Bas, 8c mourut fans enfans. Jean III, fecond fils de Jean II, fuccéda a fon frere Engilbert, 8c mourut l'an 1516: il laiffa, d'Elizabeth, fille de Henri, landgrave de Heffe , Henri 8c Guillaume. Henri , né l'an 1483 , partagea les biens de fa familie avec Guillaume fon frere. Celui-ci eut les terres fituées en Allemagne. Henri eut celles des Pays - Bas, favoir: la terre de Vianden, la baronie de Bréda , le vicomté d'Anvers. II fut envoyé par 1'empereur Charles - Quint, en qualité d'ambaffadeur en France auprès de Francois I; 8c la reineMarie , gouvernante des Pays-Bas, le nomma l'an 1536, général de 1'armée qu'elle leva pour fon frere Charles - Quint. II mourut le 14 feptembre 1538: il fut marié trois fois, 8c laiffa de Claude fa feconde femme , fille de Jean de Challon , prince d'Orange , morte l'an 15 21, René qui fuit. René , comte de Naffau 8c prince d'Orange, fut gouverneur de Hollande, de Zélande 8c de Frife , chevalier de la toifon d'or : Philibert de Challon fon oncle , prince d'Orange, dont il jouit jufqu'a fa mort , arrivée au fiege de Saint - Dizier, oü il fut emporté d'un coup de canon le 15 juillet r544, a 1'age de 26 ans. II n'eut point d'enfans d'Anne , fille d'Antoine, duc de Lorraine , fon époufe , 8c laiffa par fon tefiament approuvé de 1'Empereur , tous fes biens a Guillaume de Naffau fon coufin - germain. Guillaume le vieux , pere de Guillaume, premier Stadhouder de Hollande , fecond fils de Jean III ,  Moderne s. 19 Sf. frere de Henri, dont on a parlé a l'an 1516", eut en partage les comtés de Naflau 5c Dillemberg. II introduifit la religion proteftante dans fes terres, 5c mourut l'an 1559 , agé de 71 ans; il eut de Julienne fa feconde femme , fille d'Otton, comte de Stolberg, veuve de Philippe, comte de Hanau, mortel'an 1583,1°. Guillaume, premier Stadhouder , capitaine 8c amiral général des Provinces-Unies, lequel forma la branche d'Orange. 20. Jean , furnommé Ie vieux, qui continua la branche de Dillembourg. 3°. Louis ou Ludovic , quifervit utilementfon frere le prince d'Orange dans les guerres des PaysBas, qui vint en France au fecours du prince de Condé du tems des guerres de religion, qui furprit l'an 1571, la ville de Mons, que le duc d'Albe reprit peu de tems après , 6c qui fut tué prés de Grave a la bataille de Mookerheide , le 14 avril 1574- 4°. Adolphe , tué d'un coup d'arquebufe, en afliégeant Ie cloitre d'Herligerlée en Frife, Je 13 mai 1668. 5°. Henri, tué avec fon frere Louis. Branche ijfliede cellede Dillembourg , furnommee Orange. La branche d'Orange n'a que quatre génération. i°. Guillaume I, prince d'Orange. 2° Fréderic-Henri , fon fils; 3°. Guillaume II, fils de Fréderic - Henri 5 40. Guillaume III, fils de Guillaume II, roi d'Angleterre. Cette branche a fini par fa mort de Guillaume III, arrivé le 19 mars 17*1. B z  20 A n e c d o t e s Guillaume I,prince d'Orange ,premier StadhoudeJ de Hollande. , Jean I, dit le vieux , fecond fils de Guillaume , furnommé aufli le vieux , 8c frere de Guillaume I, prince d'Orange Sc Stadhouder de Hollande, eut pour fon partage le bien de fes peres fitués en Allemagne. II fut gouverneur de Gueldres, il procura I'union entre les états du pays Sc la ville d'Utrecht avec les états de Hollande , Sc mourut le 8 oék>hre iö"o6 , agé de 71 ans , ayant eu cinq enfans , de fes trois femmes , Sc ayant vu huitante cinq petits enfans, ou arriere-petits enfans. Ceux de fes fils que 1'on doit remarquer font, GuillaumeLouis , gouverneur de Frife Sc de Groningue j Jean, tige de la branche de Siégen ; George , tige de la branche de Dillembourg \ Erneft - Cafimir , tige de la branche de Dietz \ Jean - Louis, tige de la branche de Hadamar. Branche , aujourd'hui l'aintk de Dillembourg , furnommée de Siégen , de la branche catholique. Jean II, fils ainé de Jean I ou le vieux , eut pour fon partage la terre de Siégen , qui fait partie du comté de Dillembourg, Sc qui eft fituée fur Ia tige en Vétéravie. II mourut le 27 feptembre 1Ó23 ■■, il eut entr'autres enfans , de fa première femme , Jean III, Sc de fa feconde femme, Henri. Jean III, comte de Naflau - Siégen, furnommé Ie jeune, né le 29 feptembre 1583, fervit en Hongrie, puis revint au Pays - Bas, fous le comte Maurice. II fe fit catholique même du vivant de fon pere, pafla au fervice du dtsc de Savoie , Sc  Moderne s. 21 lui conduifit du fecours: il mourut 1'aa 1638. _ Jean - Fran?ois delïré , fon fils, s'attacha au fervice d'Efpagne , fut fucceflivement gouverneur de Luxembourg, du duché de Limbourg, puis de la Gueldre Efpagnole. L'an 1654 , 1'empereur Ferdinand III le créa prince du Saint Empire , lui 8c tous ceux des branches de Siégen, de Dillembourg, de Dietz 8c de Hadamar. II mourut le 29 décembre 1699 , agé de 78 ans. Guillaume Hyacinthe fon fils , naquitle 18 février 1666, ayant eu de grands démêlés avec fes fujets ; 8c fon chateau de Siégen fe trouvant occupé par une garnifon que l'éle£teur de Cologne y> avoit fait mettre en qualité de dire&eur du cercle il fe retira en Efpagne , fous le nom de comte de Challon , 8c obtint de fa Majefté catholique une peniion de trois mille piftoles. Kameau de la branche de Siégen, dite de WiJJembourg de la ligue protefiante. . Henri •> quatrieme fils du fecond Ut, dont on went de faire mention fous l'an 1606 , naquit l'an 1611, 8c mourut l'an 1652 : il fervit long - tems dans les armées de Hollande 8c fut gouverneur de Huls au pays de Waes. Guillaume - Maurice fon fils, fit fa réfidence k Siégen même, 8c mourut le 23 janvier 1091 ; il eut pour fucceffeur fon fils Fréderic-GuillaumeAdoiphe né Je 20 février 1680 , mort le 13 février 1722 , 8c pere de Fréderic - GuillaumeMaurice , né le 11 novembre 170Ó, 8c fair colonel d'un régiment d'infanterie Holiandoife le 16 juiller 1728. B5  *ï AN-feCDOTES Branche fortie de celle de Dillembourg-moderne ; & qui en a confervé le nom. George , 1'un des fils de Jean i ou le vieux,, eut pour fon partage le comté de Dillembourg , & mourut l'an 1623 , agé de 61 ans. LouisHenri fon fils, né le 9 mai 1594, fervit fous le grand Guftave , roi de Suede , fut fait prince du Saint Empire , 8c mourut en juillet l'an 1662 , ayant eu trois femmes. II eut du premier lit, George - Louis, né l'an 1618 , mort le 19 mai 1656, avant fon pere. Henri, fils de GeorgeLouis, né le 28 d'augufle 1641 , mourut le 18 d'augufle 1701, laiflant entr'autres enfans, Guillaume 8c ChrifHan; le premier naquit le 28 d'augufle 167© , 8c mourut le 21 feptembre' 1724 fans poftérité ; Chriftian fon frere , ayant fuccédé aux fiefs de cette branche , fe maria le 15 avril 1725 avec Ifabelle - Charlotte de Naflau - Dietz , fille de Henri - Cafimir , prince de Naflau-Dietz , Stadhouder de Frife 8c de Groningue. Branche fortie de Dillembourg, qui a pris le nom de Diet\ , furnommee Orange. Ernest-Casimir , comte de Naflau-Dietz, 1'un des fils de Jean I ou le vieux, dont on a parlé fous l'an 1559 , né le 22 d'augufle 1573 , fit fes premières campagnes en Hollande , 8c fut fait maréchal de camp par les Étars-Généraux. II fuccéda a fon frere Guillaume-Louis, dans le gouvernement de Frife 8c de Groningue, 8c fut tué a 1'attaquede Ruremonde le 5 juin 1632 : i! laiffa de Sophie Hedwige , fille de Henri-Jules, duc de Brunfwk, deux fils , Henri - Cafimir 8c Guillaume-  Moderne s. 13 Fréderic. Le premier fut gouverneur de Frife 8c de Groningue, 8c mourut le 13 Juin 1640, fans aveir été marié. Guillaume-Fréderic , né Je 7 d'augufle 1613 , fuccéda a fon frere dans le gouvernement de Frilè 8c de Groningue , que les états du payS rendirent perpétuel pour fa poflérité. En confidération de fes fervices , il fut créé prince l'an 1654, 8c mourut Ie 21 oétobre 1664, s'étant blefle lui-même en maniant une arme a feu. II eut d'Agnès - Émilie., d'autres 1'appellent Albertine - Agnès , fille de Fréderic - Henri, prince de Naffau Sc d'Orange, Henri - Cafimir qui fuit. Henri - Cafimir , prince de Naffau - Dietz, Stadhouder héréditaire de Frife , de Groningue, Sc commandant-général des troupes de ces provinces, maréchal général des troupes des Etats , naquit le 17 janvier 1657 , Sc mourut le 25 mars 1696 : il avoit époufé Henrierte - Émilie, fille de JeanGeorge, prince d'Anhalt-Deffaw, dont il laiffa entr'autres enfans, Jean - Guillaume-Frifon qui fuit. Jean - Guillaume - Frifon, naquit le 4 d'augufte 1687. Les états de Frife, de Groningue Sc des Ommelandes, le reconnurent après la mort de fon pere , pour gouverneur héréditaire, fous la tutelJe de fa mere. Le roi d'Angleterre, Guillaume III, cinquieme Stadhouder de Hollande , 1'inflitua fon hérkier par fon teftament, 8c les États-Généraux le nommerent welt-maréchal de leurs troupes. II eut le malheur de fe noyer le 4 juïllet 1711, en traverfant le Moerdyck. II avoit époufé le 16 avril 1709 , Marie - Louife, feconde fille de Char- . B 4  *4 Anecdotes les - Henri - Frifon Sc Charlotte - Amélïe-Louife , -néé Ie 13 oflobre 1710 , mariée le 3 juillet 1727, avec Fréderic , prince héréditaire de Bade - Dourlach, mort le z6 mars 173 2. Guillaume - Charles - Henri, reconnu unanimément Stadhauder héréditaire de Hollande , né pofthume , le 1 feptembre 1711 , époufa le 25 mars I734? fon altelfe royale la princefle Anne, fille de George II, roi d'Angleterre née le 22 octobre 1709 , dont il eut une princeffe. Branche de Naffau Hadamar, iffue de la grande branche de Dillembourg. Jean - Louis, dernier fils de Jean I ou le vieux, dont il eft fait mention ci-defius fous l'an 1559, naquit le 7 d'augufte 1590: il eut en partage le cömté de Hadamar, Sc ayant embraffé Ia religion catholique , il fut fait chevalier de la toifon d'or , gentilhomme de Ia clé d'or de 1'empereur Ferdf nand II, confeiller du confeil fecret de 1'empereur Ferdinand III, Sc 1'un des plénipotentiaires pour la paix de Weftphalie, après lequel il fut créé prince du Saint - Empire. II mourut Ie 6 mars 1Ö53 , ayant eu entr'autres enfans , d'Urfule , fille de Simon, comte de Lippe, Maurice-Henri qui fuit. Maurice - Henri, né l'an 1626 , mourut le 24 janvier 1679. II fut marié trois fois , 8c laifla du fecond lit, Francais Alexandre, né Ie 27 juin 1674, colonel d'un régiment Walon au fervice du roi d'Efpagne , dont il quitta le fervice, pour prendre les intéréts de 1'empereur , qui le nomma préfidént de la chambre impériale de Wetzlar. La branche de Naffau Hadamar, s'éteignit par la mort de Francois Alexandfe, arrivée Ie 27 mai 1711.  "Moderne s. *5 PREMIÈRES ANECDOCTES. Eleclions. Il étoit fixé par 1'ancienne conftitution, en difféi-entes époques , que les citoyens de chaque ville municipale s'aflembleroient pour 1'élection des magiftrats ; ceux-ci, obligés de reconnoitre qu'ils n'/toient que les repréfentans d'une bourgeoifie qui avoit le droit de les dépofer, étoient aflervis a Ia trifte alternative de flatter fes préjugés 8c fes caprices , ou de renoncer a l'éleétion qu'ils briguoient. Qu'arrivoit-il ? C'eft que les chefs de la république , en exenjant 1c droit qu'ils avoient confervé de choifir quelques magiftrats, ne nommoient a ces charges que des fujets idolatrés par la populace. Tous ceux qui afpiroient a ces cmplois fe trouvoient afliijettis a cette doublé dépendance du pcuple Sc du Stadhouder, qui, par ce moyen devenoit le vrai maitre de la république ; tandis que les diverfes Provinces Unies , fous un même chef, jouiflöient dans 1'Europe d'une confldération qu'une république défunie Sc entourée d'aufli puhTahs voifins, n'auroit jamais obtenues par fon argent Sc Ie crédit impérieux de fes richefles. Des Magiftrats dAmfierdam. Les magiftrats d'Amfterdam , que fa fituation, fon commerce 8c fa population rendoient ia ville  iö Anecdotes la plus Importante de Ia république, avoient Ca déja dans des tems reculés, acquérir une autorité plus aftermie fur des citoyens occupés de leur négoce , ou que leurs travaux lucratifs rendoient plus paifibles Sc moins jaloux de leurs droits. Les revenus immenfes de cette ville , mirent fes adminiftrateurs en état d'afturer fon repos 6c leur pouvoir par une milice réglée. Infenfiblement les charges vacantes furent remplies par des individus tirés d'un petit nombre de families , réunies par les mêmes intéréts: de tout tems ce fut le grand mobile qui rapprocha les hommes. Les adminiftrateurs fe partagerent les emplois dont ils avoient a difpoferj ils en revêtoient leurs proches 6c leurs créatures. on ne fit plus attention au mérite pour élever aux honneurs 6c a 1'autorité : Voila comme 1'efprit du gouvernement s eft dégradé fous la forme mercantille 6c parcimonieufe qui le caraftérife depuis tant d'années. On ne doit plus être furpris , fi 1'on ne trouve plus dans la riche ville d'Amftcrdam cette magnanimité 6c cette grandeur qu'on y avoit admirées dans les beaux jours de la république ; elle n'a plus d'autre bouffole que la vue des intéréts préfens 8c la prévoyance de ceux de 1'avenir. Sa politique fe bornoit autrefois a s'oppofer a toutes les démarches qui pouvoient augmenter 1'autorité du Stadhoudérat; aujourd'hui elle en redoute plus le pouvoir que celui des puiflances voifines: c'eft pour cette raifon qu'elle n'a jamais permis aux troupes de 1'état de pafler dans 1'cnceinte de fes murs. La tentative inutile que fit Guillaume II , pour furprendre cette ville , ne fervit qu'a mieux faire conr  Moderne 27 «oitre fa puhTance, 8c de quel poids elle étoit dans la balance de la république. La mort prématurée de ce prince ambitieux fut fuivie d'événemcns qui porterent un coup mortel au Stadhoudérat. Les magiftratures de la Hollande adopterent avec emprelTement le fyftême d'Amfterdam, qui tendoit a abolir eet éminente charge qui a toujours fait ombrage aux potentats de cette ville. ün vint a bout de 1'abolir , 8c pendant plus de vingt ans la république ne fut gouvernée que par des magiftrats municipaux. Ce fut 1'époque la plus brillante de la république. PafTons rapidement a 1'époque oü 1'occafion s'eft préfentée pour les magiftratures d'abaiffer la maifon d'Orange. Développement des nouvelles révolutions. On fait avec quelle répugnance les magiftratures des villes municipales s'étoient vues forcées a re • connoitre Guillaume IV pour Stadhouder : on fait qu'elles n'y confentirent que par la crainte d'un peuple qui fe permettoit les violences les plus extrêmes contre tous les magiftrats qui refufoient de fatisfaire fes vceux a eet égard : la plupart des ftatuts relatifs a ce fujet furent diftés par une populace qui aflïégeoit les hötels-de-ville , 8c dépavoit les rues pour accabler de pierres ceux d'entre fes adminiftrateurs qui héfiteroient a condefcendre a fes defirs. Le nouveau Stadhouder profita habiiement de ces momens d'enthoufiafme pour donner la fanöion la plus légale a fon autorité naiftante: il fut capriver les négocians par des égards fédui-  i& Anecdotes fans Sc par divers nouveaux régiemens qu'il propofa pour 1'avantage du commerce. On peut ajouter que fa fermeté Sc fon mérite perfonnel furent pour ce prince un grand véhicule pour arriver au but qu'il fe propofoit: peut-être auroit-il régné fur la république; fi la mortn'eüt tranché le fil de fes jours, loriqu'il étoit a la veille d'être déclaré comte de Hollande. Pendant la minorité de fon fils , les magiftratures fccouvrerent une partie de 1'influence qu'elles avoient perdues:.les families que Guillaume IV avoit déplacées de leurs charges , y rentrerent fans oppofition , Sc celles qui avoient montré Je plus de zele pour faire adopter la nouvelle conftitution, en furent totalement exclues ; elles ont même perdues leur influence au point qu'Amfterdam , depuis plus de vingt ans, aucun de leurs membres n'eft entré dans le gouvernement. Politique d'Amfterdam. La politique d'Amfterdam a toujours tendu a fe rendre Ia makrefie des dclibérations de la Hollande , Sc par ce moyen s'eft afiurée la prépondérance dans toute la république , comme en Suifie , Berne fur les autres cantons; aufti Amfterdam a-t-ii toujours favorifé ceux qui s'oppofoient aux dépofitaires du pouvoir exclufif; elle protégeoit tous les libdlifles qui ofoient les fronder. On y publioit depuis long-tems une feuille périodique pour le bas peuple, oü 1'on déprimoit toutes les aétions dti prince, oü en témoignant le plus vif attachement pour le rejeton des plus illuftres défenfeurs de la patrie, on le plaignoit d'êcre fi mal confeillé, d'être  Moderne $. z() entouré de confeillers perfides, de fe faire de groffieres illufions fur les intéréts d'un peuple libre 8c malheureux, 8c d'avoir fi peu de confiance dans les fages adminiftrateurs de la république. Cette feuille , intitulée kreelits-blat-je, eft écrite dans un ftyle fait pour la populace j mais avec les platitudes les plus groflieres , oü font entremêlées les infinuations les plus artificieufes fur la vie privée 8c Ja conduite, publique du Stadhouder , 8c les déclamations les plus injurieufes fur les partifans du prince. Objèrvations. Dans la révolution de 1747 , k peuple s'étoit flatté que 1'établilTement du Stadhoudérat donneroit Jieu a une diminution des impöts exeeftifs dont il étoit chargé. La dette nationale alloit audela de deux milliards: eet adoucilfement étoit donc impoftible. Le peuple , comme par-tout ailJeurs, ne porroit pas fes regards au-dela de fon contour; d'ailleurs les frais qu'exige le maintien des digues fe montoient a 1'équivalent de ceux qu'auroit coüté 1'entretien d'une armée. Le peuple, cette portion du genre humain , fi maltraitée par Jes puiflans 8c les riches, fe voyant fruftré de cette efperance , fe montra fort indifférent pour Je parti qu'il avoit è prendre : il fentoit bien qu'il ne pouyoit pas porter deux bats ; cependant, dans fon inertie , agitant Ja maffe de fes idéés, le peuple, par une fuite de fon zele pour la maifon d'Orange, voulut lui fervir de rempart contre les nouvelJes entreprifes de Ja magiftrature.  3* Anecdotes Le reffentiment des maux que la nation Hollaar doife avoit éprouvées de la part de la France, avoit rout-a-fair aliéné les efprits des intéréts de cette monarchie. Les Hollandois, pendant la guerre de 175Ó 8c 1763 , avoient vu avec une fecrete fatisfa&ion , les viétoires de 1'Angleterre fur la maifon de Bourbon ; mais 1'Anglois, fier de fa fupériorité 8c toujours infolent dans la prolpérité , fe permit, comme il a toujours coutume de faire en pareil cas , toutes fortes de vexations fur le mercantil des Hollandois; ces vexations laifferent dans leur coeur les impreflïons les plus profondes; & rarement le flegmatique Batave pardonne les injuftices qu'on lui fait. On ne doit donc pas être furpris fi les Hollandois cefierent de s'intéreffer pour leurs anciens alliés avec la même chaleur qu'autrerois. Ce fut lors de la révolution de 1'Amérique que ce refroidifiement 8c cette aliénation éclaterent; mais il n'en étoit pas ainfi de Ia cour de la Haye a 1'égard de celle de Londres: la première affichoit ouvertement fon zele pour les intéréts Britanniques. Dans ces circonftances la Hollande, comme la plus grande partie de 1'Europe , laifioit afiez entrevoir l'intérêt qu'elle prenoit au fort des infurgens : les liens du parentage pouvoient feuls empêcher le Stadhouder de fe détacher de 1'Angleterre , fans néanmoins ofer fe déclarer ouvertement contre les Américains : le peuple Hollandois en fit dès ce moment un crime au Stadhouder, 8c 1'animofité étoit a fon période, même avant 1'éruption de ia guerre que les Anglois déclarerent a la Hollande. Les papiers publics 8c les folliculaires dont  MO DE N E S, 31 la Hollande eft inondée , noirciftoient dans leurs écrits périodiques Guillaume V, 5c fe permettoient toutes fortes d'expreflions pour rendre ce prince méprifable a la nation : leurs entreprifes criminelles ont été couronnées des plus heureux fuccès. Pour toute réponfe aux torrens d'inve£tives dont on a abreuvé le jeune prince , il s'eft contenté de plaindre le fort de Ja république, Sc de lui faire prelfentir fon malheureux fort 3 il n'avoit cene de folliciter la nation de mettre plus d'activité a remonter fa marine Sc d'augmenter fes forces de terre; en effet, il n'y avoit pas d'autre moyen de faire refpe&er fa neutralité par J'Angleterre, 6c jamais la cour de Vienne n'eüt ofé lui enlever fes barrières Sc la forcer a une paix honteufe a laquelle elle vient d'être forcée. Suite des obfervations. Avant que l'Angleterre eüt déclaré la guerre aux Hollandois, elle leur avoit offert la neutralité la plus avantageufe : elle leur propofoit de les laiffer jouir tranquillement du cabotage de 1'Europe Sc du commerce de toutes les colonies Francoifes 8c Efpagnoles. Pour prix de ces avantages, l'Angleterre exigeoir des Hollandois qu'ils renon§affent a charger déformais leurs vaiffeaux de munitions navales : on leur paya fcrupuleufement ceux qui avoient été pris par les armateurs Anglois. Cette demande paroiffoit d'autant plus jufte , que fi les négocians Hollandois continuoient k pourvoir la marine de fes ennemis, la Grande-Bretagne auroit  31 AN. ECDOTES infailliblement fuccombé fous les efforts de tam de puiuances réunies contr'elle. li ne fcra pas hors de propos de remarquer ici en pafTant, que le traité de Bréda permettoit le commerce du bois de conftruftion , Sc que les Anglois s'en étoient prévalus cent ans auparavant, au grand détriment de la Hollande , en guerre alors avec la France; mais eft-on tenu d'obferver un traité qui nous entraïne a notre ruïne ? D'ailleurs, les Souverains fe font-ils jamais piqués de beaucoup de délicateue , quand il s'agit de leurs intéréts ? On ne peut fe diflïmuler que le Stadhouder n'ait toujours été plus attaché aux intéréts de 1'Angleterre qu'a ceux de ia maifon de Bourbon 5 mais le chef d'une nation doit-il avoir des intéréts contraires a ceux de fes fujets ? ne font-ils pas fontïés a lui en faire un crime ? Pour pallier la conduite du Stadhouder, onobjeéterafans doute qu'il ne pouvoit balancer a chercher Sc k procurer a fa patrie, qui ne fubfifte que du commerce, les avantages immenfes d'une neutralité , plutöt' que de 1'expofer aux rifques d'une guerre ruineufe. En effet, 1'ambaffadeur d'Angleterre avoit déclaré a la cour de la Haye , que la iienne attaqueroit les Hollandois dés le moment qu'ils feroient décidés a entrer dans la neutralité armée , ou convoyer leurs vaifleaux marchands chargés de munitions navales. Le commerce Hollandois avoit pris des accroif femens confidérables dès les premières explofions de la -guerre en Amérique, Sc ce commerce étoit devenu fi florifTant, que lorfqu'un négociant faifólt partir  Moderne s. 33 partir trois vaiüeaux pour les Indes occidentales: il fuffifoit qu'il en arrivat un feul a fa deftination, pour que 1'armateur fut dédommagé des frais de la cargaifon des deux aurres : il y trouvoit encore un bénéfice confidérable , quadruplé par les produdtions que le navire chargeoit pour fon retour. Enfin , lorfque la France fut enveloppée dans les hoftilités Américaines contre les Anglois, Ie commerce de la Hollande parvint a un degré de fplendeur qu'il n'avoit encore jamais atteint. La Grande-Bretagne avoit trois cents foixante vaifieaux de guerre, 8c prés de quatre cents corfaires qui couvroient les mers. Peut-on blamer le Stadhouder, difent fes partifans, des efforts qu'il a faits pour retarder cette guerre , dont la république n'a pu fe préferver ? Quelques années avant que cette guerre eüt éclaté , le Stadhouder jouiffoit encore d'un grand crédit parmi les membres du gouvernement de toutes les provinces; ce crédit étoit dü a la jaloufie des villes de la Hollande contre celle d'Amfterdam, & a celle des autres états confédérés envers la province de Hollande. A peine les colonies Américaines eurent-elles arboré 1'étendard de la liberté, que tous les négocians Hollandois fe flatterent de 1'efpoir amorcant de tirer une augmentation intariifable de richefTes par le commerce qu'ils méditoient déja d'établir avec la nouvelle république. Les vceux de toutes les magiftratures, de tous les négocians 5c des citoyens étoient pour elle rien de plus naturel ■, mais la cour de la Haye voyoit avec le plus grand dépit cette révolution dans les efprits; TomelII. Q ,  34 Anecdotes elle ne fut pas aflez diflimuler fon attachement pour la Grande-Bretagne. C'eft alors que les folliculaires hollandois donnerent un libre eflbr a leur brillante imagination : le Stadhouder devint l'objet de leurs fcandaleufes déclamations 8c de leurs farcafmes. Ün n'auroit ofé réclamer contre ces feuilles périodiques, accueillies de la multitude avec un empreflement dont on a peu d'exemples: elles firent des imprelTions très-profondes dans 1'efprit du peuple , outré d'ailleurs des infultes que le pavillon de la république effuyoit fur toutes les mers de la part des vaiffeaux de guerre 8c des corfaires Britanniques. II n'auroit peut-être pas été impoffible de conjurer 1'orage qui menacoit alors la république, fi 1'on avoit accédé a la propofition que fit dans ces circonftances la province d'Utrecht aux autres membres de 1'union \ elle demandoit qu'on défendit aux négocians tout commerce de bois de conftruftion 8c de munitions de guerre. Cette propofition fut ouvertement appuyée par le parti Stadhoudérien, mais elle fut hautement reprouvée en Hollande, avec les plus vives réclamations; ce ne fut qu'un cri parmi les négocians, qui déclamerent par-tout contre 1'atteinte qu'on portoit a la liberté du commerce. Amfterdam fe fignala par le zele avec lequel elle vouloit qu'on maintïnt la liberté des mers; elle ne put cependant obtenir qu'on accordat des convois aux navires chargés de munitions navales. Coup por tépar la France auStadhoudérat. La France fut profiter. du moment, c'étoit celui  Moderne s. 35 de frapper un grand coup; ellene laifla pas échapper une occafion fi favorable, 8c voici fa marche j elle fait afiurément honneur a la fagacité de fes miniftres. Depuis plufieurs années les ambafladeurs de cette couronne ne témoignoient au prince d'Orange que les égards auxquels la civilité les obligeoit envers lui, 8c ils avoient lié des relations intimes avec les magiftrats d'Amfterdam, 8c les principaux membres de Ia régence oppofés a fon Alteffe. Le duc de la Vauguion , en marchant fur les traces de fes prédécefleurs, avoit fu s'infinuer dans I'elprït des magiftrats ; ceux-ci fe trouvoient honorés de la familiarité avec laquelle ce miniftre traitoit avec eux; ils n etoient pas moins flattés des vifites qu'il leur rendoit , 8c de 1'exactitude avec laquelle il fe conformoit a leurs ufages nationaux : il fe rendit bientöt rnaitre des délibérations de la ville d'Amfterdam : il alluma le premier foyer d'oü font parris tous les coups de foudre qui ont frappé le Stadhoudérat. On méditoit dans le fecret 1'abaiflement de la maifon d'Orange , lorfque la France , pour achéver de mettre les Pro vinces-Unies fous fa dépendance , mit un impöt de quinze pour cent fur toutes les marchandifes apportées dans les vaifleaux de cette république, a 1'exception'de ceux des villes d'Amfterdam 8c de Harlem, 8c cette derniere , comme on le fait, n'a pas un feul navire marchand fur les mers. La nouvelle de cette prohibition fut re D4  5Ó Anecdotes pres a développer fes rares talens, fi tout ce qu'on en dit fe trouve conforme a 1'exadte vérité. On a remarqué qu'il avoit coutume de defcendre dans des détails minutieux ; mais un prince doit plus communément voir en grand: lespetits détails font pour les petits génies. Neveu 8c admiratcur du feu roi de Prufie dont Ü a époufé la niece , il paroit 1'avoir pris pour modele. C'eft avoir bien du courage , de 1'héroïïme dans le cceur , de 1'énergie dans 1'ame ; mais que cette tache eft femée d'épines fcabreufes 8c ardues! Comme le Saiomon du nord , Guillaume fe leve en toute faifon a quatre heures du matin. Le tems qu'il donne au fommeil ne fuffit pas , dit-on , aux befoins de Ia nature. Faut-il être furpris , ajoute-ton , s'il arrivé a ce Prince de s'endormir quelquefois dans les repas; il n'y a qu'a les abréger. On s'eft formalifé de voir ce Prince s'endormir dans l'aftemblée des Etats, cette anecdote eft très-accrédnée , il n'y avoit qu'a le réveiUer.-Il eft arrivé plus d'une fois a feu Louis XV de s'endormir aux petits foupers 8c d'être tranfporté dans fon lit , furpris par les vapeurs de Bacchus , fi glorieufement fur le tröne de France. On prétend même que Louis XV fe permettoit fur la fin de fa carrière de péter k la table, 8c que madame du Barri affeéïoit un bruit extraordinaire pour étourdir les convives en plaifantant. Cette licence 8c cent autres pareilles ontelles jamais été relevées , même par le Gazetier Cuiralfé ? On rsproche k Guillaume V, de s'endormir dans le? repas : eh bien ! il faut ou le laiiTer dor-  M O D E R N E S. 57 mlr Stronfler tout h fon aife, ou le réveiller , fi cela eft abfolument néceffaire. Les panégyriftes de ce Prince exaltent beaucoup la pureté de fes mceurs , fur - tout fa fobriété : tout le monde ne s'accorde pas fur ce dernier point ; le cri public eft , qu'il s'enivre tous les jours 8c 1'on s'eft permis de le publier dans des gazettes ordurieres. Je ne confeillerois pas au gazetier Franc_ois de fe permettre pareille licence, a moins qu'il ne lui prit fantaifie d'aller féjourner quelque tems a la Baftille, fi célébrée par Linguct Sc Caglioftro. Mille patnphlets attribuent a Guillaume V, tant de foibleffes ou de vices , qu'on doute, fi ce nc font pas autant de calomnies. Un fe donnera bien de garde d'entrer ici dans aucun détail circonftancié : on ne veut pas proftituer fa plume. Quoiqu'on puiffe dire des petits défauts qu'on attribue fi libéralement a Guillaume V, il feut rendre juftice a fon mérite : il paffe pour un trés-bon militaire : il aime les troupes , il en eft aimé. Depuis que le duc de Brunfwick n'eft plus en Hollande , on n'appercoit dans 1'armée aucun relachement de difcipline , les troupes font également bien exercées 8c bien commandées: c'eft une juftice que s'empreffent de lui rendre tous les officiers du canton de Berne qui militent fous fes drapeaux. Malheureufement, dit - on , pour ce Prince, en s'acquittant de tous les emplois d'un général, il s'eft trop occupé de particularités indignes de I'attention d'un chef fuprême : on a plus d'une fois été furpris de fe voir traiter gravcment de la forme  58 Anecbotej d'un chapeau , ou d'un pli ajouté ou retranchë dans un uniforme ; fes détrafteurs , Sc ils font en grand nombre, en ont pris occalion de le déprimer «de le faire envifager comme un génie. Borné 5c minutieux, deftiné par la nature, plutöt au róle dun officier fubalterne , qu'a celui d'un général. La guerre dont la Hollande a derniérement été menacée de la part de Jofeph II , furnommé k Monarque accompli , a mis Guillaume dans le cas de depjoyer fon génie, fes talens, 5c de faire eclater fes valles connoifiances dans le commandernent d'une armée. To«s les experts dans 1'art militaire ont admiré la pofition qu'avoit pris 1'armee Hollandoife, pour réfifter aux forces fupéneures des Autrichiens , 6c cependant , c'étoit Je fnnce feul qui avoit propofé le plan. Le comte de Maillebois, appellé au fervice de la Hollande , par un parti qui fe flattoit de voir s elever en lui un rival du prince d'Orange, ne tarda pas a démêler fa droiture Sc fa grande capacité. II s'indigna du róle auquel on le deftinoit, 8c témoigna conftamment le plus vif attachement pour le capitaine - général. Dès-lors , ceux qui 1 avoient appellé , devinrent fes ennemis implacables. l\s lui ont fufcité mille défagrémens, Sc 1'auroient renvoyé comme le duc de Brunfwick, fi Ia néceflité de ménager la France , ne les eut contraints d'obferver les bienféances a 1'égard d'un des premiers feigneurs de Ia cour de Verfailles. En général, on dit de Guillaume V , qu'il eft un des meilleurs princes de 1'Europe. En des tems plusheureux, il auroit peut-étre joué un plus grand róle.  Moderns s. 59 Bon ami, bon pere , bon mari, religieux obfervateur de fa croyance Sc de fa parole , il a le malheur de vivre dans des tems difficiles. Charles I étoit également né pour être un grand roi. Le fort de eet infortuné monarque eft celui du prince d'Orange aétuel, ou des relfemblances frappantes. II eft probable que la fource des rridheurs du Stadhouder , découle de Fefprit & de la conftitution des différentes villes municipales. Par quelle rahon ce prince n'a -1 - il trouvé dans le peuple , dans ces tems de crife, que fes prédécefleurs ? C'eft ce qui parok aftez difHcile a développer pour le moment. Mais voici a quoi 1'on peut attribuer en bonne partie, la caufe des difgraces que Guillaume V eft condamné a dévorer d'une maniere d'autant plus défefpérarite, que jufqu'ici il n'a encore pu en tirer aucune vengeance. On reproche a Guillaume V de n'avoir pas fu régler fa conduite , d'après le caraöere d'un peuple négociant, foupconneux & opiniatre •, mais pour remplir cette tache , il auroit fallu lui donner une éducation bien différente que celle qu'il a recue du duc de Brunfwick, fon oncle , c'eft - a - dire , qu'il n'auroit pas fallu lui inculquer les principes dans lefquels on éleve tous les princes d'Allemagne , deftinés a commander a des brutes 8c a des efclaves. Le Hollandois a une horreur fecrette pour le defpotifme & la tyrannie, 8c fur - tout pour 1'exercice du pouvoir militaire. Son génie mercantil ne lui permet de voir dans les officiers 8c dans les foldats , que de vils mercénaires, deftinés a un  6o ANEC B6TES eiclavage perpétuel & a une pauvreté fa»s fin. CeJJ-moi qm pak cette /paulette, dirabaffement le dernier citoyen au premier général de ia république Faut - il être étonné, fi les peuples en voyant leur Stadhouder , ne s'occuper a - peu-près que de larmée, en demander fans cefle 1'augmentation accueillir les princes étrangers & les officiers plus honorablemem que leurs premiers rnagmrats. Faut-il être furpris , dis-je, s'ils ont cellede voir en lui le premier de leurs concitoyens, «sus ne lont plus envifagé que comme le capitaine-general de leurs troupes. Ce qui n'empêche cependant pas que les citoyens, non-prévenus, ont toujours rendu a fon Aitefiê toute la juftice quelle merite. Etqu'eft-ce que ce duc de Brunfwick, qui a donné tant d'humeur aux Bataves? £our quelle raifon lont - ils homeufement fait fortir ll rapidement du fein de leur république ? Les caufes de eet événement frappant ne font pas encore bien connues : on s'empreffe d'en donner le lommaire, d'ailleurs 1'hiftorique feul eft trèspiquant. Coup - dozil raptd; fur le prince de Brunfwick. Le duc de Brunfwick eft un de ces princes qui augmententle nombre des grands perfonnages qui °.nt'e1m.alheurd'offrii- a 1'universle fpe&acle de Iinftabilite des chofes humaines. Ce duc, paffe en Ruffie avec fon frere, le malheureux Ulrick II , époux de la grande ducheffe Anne , & perc de 1'mfortuné Ivan III, au moment de voir fa bclle-foeur impérarrice & d'être fait lui-  Moderne s. 61 rïiême duc de Courlande, il fe vit précipité du feite des efpérances, dans une prifon pareille a celle oü fon frere 8c fon neveu ont péri. Après une affez longue captivité , dans laquelle il avoit elTuyé mille outrages , il fut renvoyé en Allemagne. II ferr vit avec diftincfion dans les armées de la reine de Hongrie. Les bleflures dont fon corps eft couvert, fönt autant de preuves qui dépofent glorieufement en faveur de fon courage. L'Europe entiere a admiré la capacité que cé duc a déployée dans diverfes Occafions. Tout fembloit lui promettre une vie tranquille 8c agréable a la cour de Vienne, oü il étoit autant confidéré,qu'il 1'avoit été a Pétersbourg, avant la chüte de fon frere , lorfque Guillaume IV le fit appeller en Hollande pour fervir de mentor a fon fils, Sc de flambeau a la république. Tout fembloit lui annoncer une retraite tranquille , un calma ftable , Sc un port afturé , après avoir échappé aux plus furieufes tempêtes; mais ce n'étoit pas fon deftin, H étoit encore réfervé a d'autres revers. II avoit cependant des droits rigoureux a 1'eftime publique , Sc fur-tout ala bienveillante de la nation Hollandoife ; mais que le fort eft capricieux! Malgré les talens militaires qui 1'avoient illuftré pendant plus de trente ans , malgré les applaudiffemens que les États - Généraux 8c les Provinces refpe&ives avoient donnés a fa conduite, malgré la connoiffance que la nation Hollandoife avoit, que c'étoit a lui qu'elle étoit redevable , de n'avoir point été impliquée dans la guerre de 1756, rien n'a pu le mettre a 1'abri du plus fenfible outrage ,  4i Anecdotes on ne dira pas qu'un prince d'une aufll haute narP fance , mais qu'un fimple particulier put jamais recevoir. Les bourg-maitres d'Amfterdam, dans le mémoire rédigé contre lui, ont eu la bafleffe de rappeller quelques fommes dont leur ville 1'avoit jadis gratifié. L'un d'eux, M. deRendorp , homme d'un trés - grand mérite , ne tarda pas a regretter de s'êtreprêté è une pareille démarche. Ce magiftrat avoit afiez de fagacité pour pénétrer bientót les fuites, qu'auroit le choc des magiftratures contre le Stadhoudérat. II s'oppofa de tout fon pouvoir au rölepaftif, que certaine puiftance vouloit faire jouer a la république, pendant tout le cours de la guerre , 8c a 1'influence que fon ambaffkdeur avoit fu fe procurer fur les régences de toutes les villes. Bientót les papiers publics fe déchainerent contre lui, avec une animofité égale a celle dont ils attaquoient le Stadhouder, tandis que les VanBerckel, les Guyfelaër , les de Capelle, Vande - Polle 8c de la Marfch , humoient chaque jour 1'encensque leur prodiguoient des plumes mercenaires. On fait comme la retraite de 1'infortuné duc a été forcée, 8c d'autant plus affligeante qu'elle a été peu méritée. Mais eft - il bien vrai, que fi la fameufe expédition de Breft n'a pu avoir heu , a -1 - elle été 1'ouvrage du duc de Brunfwick ? On prie le ledteur de vouloir fe rappeller les éclairciflêmens qu'on vient de donner ci-defius, Sc qu'on a cru les plus propres a répandre du jour fur le dénouement de cette grande affaire , fuivie  Moderne s. <*$ de tant d'orages, qui agitent encore aujourd'hui avec tant de véhémence les phlegmatiques bataves, entravés dans les pieges que leur a tendu avec des apparences féduilantes , la cour de Verfailles. Dénouement de lexpédition de Breji, felon les Stadkouderiens. Transportons - nous au moment, oü fans préjudicier a leur parcimonie ou mefquinerie ordinaire , les États - Généraux prirent quelques précautions pour prévenir que les équipages de leurs vailfeaux , ne fuflent nourris de vivres trop gatés pour un long féjour fur la mer. Ils ordonnerent que les navires ne quitteroient pas 1'Europe , qu'ils ne fuflent apptovifionnés pour le tems de la campagne, 8c que leurs vivres fuflent renouvellés dans le tems oü les produits de la derniere récohe arrivent dans le pays. C'eft ce qui a lieu ordinairement dans le cours du mois de feptembre. L'efcadre Hollandoife, prête dés le commencement de mai, a mettre a la voile , avoit été pendant toute la campagne retenue par les vents contraires, ou bloquée dans le Texel par la flotte Angloife , qui lui étoit fupérieure de 464 canons. Infentiblement elle avoit confumé fes provifions 3 la plupart de fes capitaines étoient a Amfterdam pour s'en procurer de nouvelles, 8c plulïeurs de fes vaiffeauxavoient efluyés des coups de vent dans une rade peu füre. Les mêmes ouragans avoient fait périr fur la cóte un grand nombre de navires marchj.nds, 8c plaiieurs vaiflêaux de l'efcadre avoient fouflèrts  64 Anecdötes dans leurs matures, 8c demandoient un prompt radoub : telle étoit, lorfque la cour de France fit a la Hollande, la demande imprévue de dix vaiffeaux de ligne, deftinés a joindre les forces qu'elle avoit a Breft : foit afin d'attendre a fon retour de Gibraltar 1'armée navale de la Grande-Bretagne , ou peut - être pour faire quelqu'entreprife contre 1'un de fes ports fur la Manche. Les efforts de la Hollande , a qui la guerre avoit coütédéja neuf vaiffeaux de guerre, avoient abouti a équipper quinze a feize vaiffeaux de ligne: devoit - on s'attendre alors , qu'après 1'équinoxe , dans la faifon oü les ouragans régnent dans la Manche 8c dans la mer du nord, la France lui demanderoit de dénuer fes cötes 8c fes places maritimes, pour expofer a une mer orageufe 8c aux événemens d'une expédition lointaine , le peu de forces qui lui reftoient pour fa défenfe ? Devoiton fe flatter.qu'une efcadre de dix vaiffeaux de ligne pourroit être approvifionnée en moins de quinze jours. Cet approvifionnement auroit peut-être été poffihle, fi de - même que toutes les autres puiffances, la Hollande eut eu des magalïns de vivres 8c de munitions; mais le Texel en eft abfolument dénué. Tous les objets de confommation 8c de défenfe doivent y être apportés dans les barques d'Amfterdam, 8c conftamment les ouragans 8c les vens du n^rd-oueft ont été contraires, a ce que leur tranfport eüt pu s'effëétuer. Ils ne chargerent que le 6 ociobre , 8t les ordres de la république défendoient'  Moderne s. 6$ défendoient a l'efcadre d'appareiller, fi elle ne pouvoit le faire avant le 10. II eft a remarquer que les vents, dans cette faifon , ne fe foutiennent jamais long - tems. Ils changerent le 16, Sc fuppofé que l'efcadre Hollandoife eüt appareillé, il eft difficile , que marchant réunie , elle eüt jamais pu franchir la manche. Quelles pouvoient - être les vues des miniftres de la cour de Verfailles, en demandant 1'envoi d'une efcadre qu'ils favoient ne pouvoir s'eflëdtuer qu'avec la plus grande difficulté , c'eft ce qu'on ne s'effbrcera pas de vouloir pénétrer. Le plus grand Mombre des magiftrats de la république en fentoient eux - mêmes Fimpoffibilité, s'ils 1'ordonnerent, c'eft qu'ils prévirent qu'ils ne pouvoient être obéis , qu'ils trouveroient un nouveau prétexte plaufible pour accabler le Stadhouder de nouvelles injuftices , Sc un moyen afluré de lui faire perdre 1'amour Sc la confiance des citoyens encore attachés a ce malheureux prince. Ce qui prouve que la cour de France a fait cette demande , fans beaucoup elpérer de fon exécution , c'eft 1'état -oü étoit alors fa marine. La plus grande partie de fes vaifleaux , de retour du malheureux combat du 12 avril, ralfemblés alors a Breft, formoit une efcadre formidable. Trois mois après elle fit une paix , dans laquelle la république n'étoit point comprife. Les ambaftadeurs de celle-ci fe plaignirent de eet abandon a M. de Vergennes 5 ce miniftre répondit que « le roi » trouvant une occafion de faire une paix hono» rable , il n'avoit pas voulu la négliger , d'autant Tomc III. E  66 Anecdotes » plus que la plupart de fes vailfeaux étoient « défemparés , qu'ils ne pourroient tenir la mer » qu'après de longues réparations ». Si au mois de janvier de l'an 1783 , après un féjour de trois mois dans leurs ports , les vaiffeaux de la France étoient hors d'état de fervir pouvoient - ils avoir été prêts pour une expédition dangereufe , en o&obre de 1'année précédente ? ün ne fufpecf era fürement pas les officiers Hollandois d'avoir manqué de courage , après la bravoure qu'ils ont fait éclater dans le combat de Doggersbanck , ni du zele pour leur patrie. S'ils ont témoigné de la répugnance pour Pexpédirioti de Breft, elle étoit naturelle 8c très-fondée. S'ils euf fent pu faire voile pour ce port , ne devoient-ils pas s'attendre aux ouragans ordinaires dans cette faifon, Sc a voir leur efcadre difperfée. En traverfan t la Manche , ils favoient qu'ils étoient guettés par huk vaiffeaux Anglois doublés en cuivre Sc bien équippés , a qui la célérité de la marche eüt permis d'enlever tous les traineurs, ou d'attaquer Sc de couper une partie de l'efcadre. Les vaiffeaux Hollandois de 60 Sc de 40 canons , font affez bons voiliers ; mais ceux de 50 , qui forment la plus grande partie de leur marine , fontauffi lourds que ceux d'Efpagne, Sc ne marchent pas plus vke que les groffes flütes qu'on envoie dans le nord Sc qui paroiffent avoir fervi de modele a leur conftruction. En cas de malheur les Anglois avoient leurs ports pour retraite ; mais que feroient devenus les Hollandois ? ne pouvant regagner la mer du nord Sc ne trouvant fur la cöte aucun port qui put rece-  MODERNES. 67 voir les batimens, iis auroient été réduits a fe brüler eux-mêmes , 8c a renouveller le fpeftacle qu'on avoit vu jadis lors du combat de la Hogue. La cour de Verfailles feroit - elle jamais fondée a faire un crime au Stadhouder 8c aux officiers de mer commandés pour cette expédition, d'avoir montré dans cette occafion trop de zele pour leur patrie ? D'ailleurs , il faut obferver que chez les navigateurs expérimentés de toutes les nations qui connoiffent la marine Hollandoife, 8c les mers du nord , que cette expédition étoit impoffible, 8c ne pouvoit être que funefte. Ce n'eft pas qu'on veuille alTurer que la répugnance que tous les officiers de mer ont manifeftée a y être employés, n'ait pas été augmentée 8c nourrie pour 1'averfïon qu'ils avoient de fe réunir aux Franc;ois. Le comte de Byland qui devoit commander l'efcadre deftinée pour Breft, dit ouvertement dans une compagnie, qu'il aimeroit mieux porter fa tête chauve fur un échafaud , que d'aller fervir fous les ordres d'un amiral Francois. On ne peut fe diffimuler a quel point la nation Hollandoife eft exafperée contre le Franc,ois dont elle n'a cependant qu'a fe louer. On en pourroit citer mille exemples : en voici un qui mérite d'être remarqué. Dès la première étincelle de guerre , quantité de jeunes Francais pafferent en Hollande dans 1'intention d'entrer au fervice de la république. Les recommandations de M. de la Vauguion , auquel la plupart d'entr'eux étoient adrelTés, leur procurerent bientót de 1'emploi fur les vaiffeaux de guerre. II eft inoui, combien de défagrémens ils y ont eu a effuyer : on E 2  68 Anecdotes pourra juger par Ie trait fuivant des mauvais traite*' mens qu'on a fait éprouver a tous les Francois qui avoient paffé au fervice de la république. Un de ces jeunes Francois, homme de qualité , dont 1'efpnt orné 8c les talens annoncoient une éducation difiinguée , fervoit a bord d'un vaiffeau ftationné au Texel. II alloit fréquemment è terre , accompagné^ de quelques officiers de fon age. Un jour qu'il s'y étoit rendu avec fa compagnie ordinaire , la converfation tomba fur la marine Hollandoife , dont la franchifel'excita a nepas diffimuler les abus, peut-être pouffa-t-il 1'indifcrétion trop loin en blamant ces abus trop ouvertement : on en fit le rapport au commandant qui fe permit de lui faire adminiftrer cinquante coups de canne, 8c de s'applaudir de cette lacheté , 8c les autres officiers ne rougirent point de partager cette infamie par 1'ak de triomphe dont ils en parierent dans les cotteries les plus diftinguées : voila comme 1'honneur Fran9ois fut refpecié par un commandant batave bien mal confeillé dans ce moment. II réfulte de 1'expofïtion qu'on vient de faire, qu'il n'eft plus permis de douter de 1'impoffibilité del'expédition de Breft, fur quoi roule cependant le principal grief dont les anti-Stadhoudériens font tant de parade,8c qu'ils colorent de maniere a donner les plus grandes vraifcmblances a leurs allégués contre la direétion des affaires générales. Quant aux autres inculpations dont on charge le Stadhouder avec tant de la libéralité , il faut avoir recours aux mémoires que cc prince a préfentés aux états de Hollande , & on fera complétement édifié. A tous les détails dans  Moderne s. 69 iefquels on vient d'entrer , on doit ajouter que la Hollande, a proportion de 1'état de décadence oü. elle eft tombée , n'a pas déployée moins d'aétivité que dans les tems de fa fplendeur •■, que depuis 1'éruption de la guerre , le Stadhouder 1'a fervie avec tout le zele d'un vrai citoyen, Sc que fi les efforts réunis des Hollandois n'ont pas été couronnés de tous les fuccès defirés , on ne peut s'en prendre qu'a la fortune dont les caprices Sc la bizarrerie n'ont pas mieux fervi le comte de Grafie. Pafions maintenant a d'autres développemens. Plan d'après lequel les diverfes magiftratures ont commencé a attaquer le Stadhoudérat. Le grand coup que la Grande-Bretagne avoit frappé en déclarant la guerre aux Etats-Généraux, avoit d'abord plongé les Hollandois dans un étourdilfement dont ils ne tarderent cependant pas a revenir. Se livrant alors au reifentiment qu'ils nourrifloient depuis long-tems dans leurs cceurs , contre la nation Angloife , leur haine dégénéra en fureur. A la Haye on voulut mettre le feu a la chapelle de I'ambaffadeur d'Anglererre \ dans diverfes boutiques, le peuple pilla Sc détruifit des marchandifes qu'il foupconna venir du pays ennemi } plufieurs chaires rétentirent de réclamations atroces , dans des temples confacrés au culte d'un Dieu , pere commun des hommes Sc a 1'exercice d'une religion dont la principale Sc la plus fublime doctrine enfeigne aux mortels a fe regarder com ne des freres. il fufiira d'cn citer un exemple. En faifant la pricre E 3  Anecdotes prefcrite après le, fervice divin , un miniftre Francois d'Utrecht s'exprima en ces termes: AbbaiJJe Seigneur Jiumdie & e'crafe nos perfidesennemis,&Lc. II faut toujours que les hommes faffent intervenir la divinité dans leurs débats , leurs guerres & leurs vengeances particulieres. La nation Hollandoife fixa tous fes regards fur les Anglois ; ceux-ci avoient furpris r 200 navires marchands Hollandois; cette riche capture enlevoit a la république plus de 12000 matelots ; elle oublia dans quelle décadence étoit tombée fa marine j il auroit fallu en créer une nouvelle fur-le-champ , ce qui étoit impoffible ; ce n'étoit plus le tems oü la Hollande couvroit les mers de fes flottes qui alloient brüler les vaiifeaux Anglois jufques dans la Tamife. Les Hollandois étoit humilié de voir qu'aucune flotte , qu'aucune petite efcadre ne pouvoit préferver fes cöres des infultes des moindres corfaires , & que fes pécheurs n'ofoient fortir de leurs retraites oü le manque de fubfiftances alloit les réduire a la derniere mifere. Ce fut dans ces circonlTances , que les magiftratures formerent le delfein de détruire ou du moins d'abaifler le Stadhoudérat, en le privant de i'unique appui qu'il avoit dans la faveur du peuple. D'abord les gazettes , les écrits périodiques fulmineren! contre le pouvoir exécutif : on refpe&a le prince d'Orange dont on peignoit les bonnes qualités • on attribua la mauvaife dire&ion des affaires aux confeillers dontil étoitenvironné depuis fon enfance. Parmi fes confeillers, on défignoit clairement le duc de Brunfwick : on infinuoit hardiment que  ion éloigrjement feroit un grand bonheur pour la république : on foutenoit que li 1'on pouvoit obtenir fa retraite , dès-lors les affaires feroient mieux adminiftrées , il régneroit plus d'harmonie parmi ceux qui tenoient le gouvernail: on fê flattoit hautement que 1'état feroit bientót a mëme de punir la Grande-Bretagne de fon injufte aggrefTion, peutêtre même de balayer une feconde fois les mers des vaiffeaux Anglois &C de forcer la Grande-Bretagne a excepter les navires Hollandois du fameux aéte de navigation , & rendre au commerce 1'ancienne fplendeur dont cette loi tyrannique 1'avoit fait déchoir. Tandis qu'une foule d'écrivains a gages fecondoient les deffeins des magiftratures ÖC ert prépaioient le fuccès , les chaires de toutes les religions rétentiffoient de lamentations fur la décadence de la république, 8c d'infinuations odieufes fur 1'adminiftration öt même fur la pureté des intentions du Stadhouder. La proteftion dont jouiffoient ces libelliftes , en enhardit d'autres a fuivre leur exemple. Chaque jour, chaque femaine voyoient éclore quelque nouveau pamphlet plus inlidieux , plus calomnieux que les précédens. On fe permit tout ce que la licence la plus effrénée peut vomir de plus ordurier. On n'épargna ni la Stadhoudéreffe ni le Stadhouder , ni fes auguftes prédéceffeurs } tous furent vilipendés devant toute la nation :, celleci voyant fes magiftrats témoins de toutes ces horreurs, devoit naturellement, ou tout au moins les foup9onner, fondées en réalité. II parut alors en langue du pays une feuille volante qu'on répandit dans tous les lieux fréquentés par la populace f E 4  7* Anecdotes contenant fïx vers fort énergiques dans 1'idiome Hollandois Sc dont voici le fens. Guillaume premier affranchit 1'état du jong de 1'Efpagne , Maurice, le premier général de fon tems, lui donna de folides fondemens : Fréderic-Henri lui procura les avantages d'une paix glorieufe: Guillaume II atiroit fait de grandes chofes fi la mort ne 1'avoit enlevé : Guillaume III fe combla de gloire, & arréta la France dans fes conquêtes: Guillaume IV alloit guérir les plaies dont la république faignoit; Mais Guillaume V fe contente de boire & de f pour la patrien II faut avouer que la langue Hollandoife eft bien energique en ordures; la francoife eft trop chafte Sc trop décente, pour fe proftituer de la forte. Voila un foible échantillon des turpitudes qu'on fe permet Sc qu'on tolere en Hollande , a 1'égard d'un prince que tous les peres de familie devroient prendre pour modele. Ce fcandale fait gémir toutes les ames honnêtes. A cette époque il arriva cependant que la décence Sc les réclamations de 1'ambaftadeur de Prufie , obligerent les ÉtatsGénéraux Sc ceux des provinces refpe&ives a profcrire quelques-uns des pamphlets les plus injurieux. Parmi ceux-ci fe trouvoit entr'autres un libclle intitulé : au Peuple des Pays-Bas, qui, en renouvellant la ftible, fi c'en eft une, inventée a 1'occafion de la saiffance du prétendant fils de Jacqucs II, Sc de  Moderne^ 73 Leuis XIV, tendoit ajeter des doutes fur Ia légitimité de Guillaume V. Plufieurs provinces offrirant des récompenfes confidérables a qui en pourroit découvrir 1'auteur. Celui-ci peu intimidé de eet appareil, vit aujourd'hui tranquillement a Amfterdam , oü il n'eft ignoré de perfonne \ cette malignité n'eft pas uniquement attachée a la Hollande. II n'y a pas fi long-tems qu'en France on a vu circuler quantité de louis aux cornes , cela n'empêche cependant pas les Francois ( on dit les Francois fort crédules) de croire a la légitimité de leur dauphin, 8c de tous les puinés. Ne faut-il donc pas avoir de la foi pour être bon croyant; il y a longtems qu'on reproche aux Hollandois leur incrédulité 8c la foi doit être aveugle , autrement il n'y a plus de mérite a croire , c'eft la loi 8c les prophêtes. Voici ce qui fe contrafte finguliérement en Hollande. Quant a la licence des hardis écrivains, fi 1'impunité eft aflurée a ceux qui attaquent 8c outragent le Stadhouder d'une maniere fi fcandaleufe , ceux qui entreprennent de faire fon apologie , ne jouiftênt pas du même privilege ; ils ont été perfécutés de la maniere Ia plus criante fur le petit nombre d'apologiftes du Stadhouder.Un d'entr'eux a été long-tems emprifonné a Dordrecht , ou malgré la réclamation des loix 8c une dangereufe maladie, II a efiuyé les plus rigoureux traitemens. Perfomages qui jouent de finguliers róles fur la fcene. Van-Goens, Van-Berckel, le baron de Capelle? Vande!-Pol , 8cc.  74 Anecdotes Van-Goens membre de la magiftrature d'Utrecht avoit publié un ouvrage intitulé , Syjïême politique de la ville d'Amfterdam , que tous les connoiiTeurs admirent comme un chef - d'ceuvre d'éloquence & derudition : il n'y a pas d'infultes, de calomnies & d'outrages, auxquels ce magiftrat n'ait été expofé depuis , tant de la part des libelliftes que de celle des citoyens de la ville qu'il habitoit. II a enfin été obligé de fe démettre de toutes fes charges , & retiré dans une campagne , il mene aujourd'hui une vie obfcure a laquelle la nature ne 1'avoit pas defiïné. Les infinuations artificieufes des écrivains périodiques avoient produit fur le peuple 1'effet qu'on devoit attendre dans ces circonftances , lorfque, la ville d'Amfterdam frappa le premier coup , en demandant au prince leloignemcnt du duc de Brunfwick. L'an 1781, au mois de juillet, les deux bourg-maiftres régnans préfenterent un mémoire au Stadhouder , dans lequel, en chargeant le duc de ladécadence de la république , ils demandoient que S. A. 1'engageat a fe retirer, & 1'on fait comme la retraite de ce duc s'eft faite avec autant de répugnance de la part du Stadhouder , que d'indécence de la part des États-Généraux, au grand fcandale de 1'Èurope entiere. Van-Berckel, penfionnaire d'Amfterdam doit moins a fon génie , qu'au hazard des circonftances. La célébrité a laquelle il eft parvenu , 1'averfion qu'il avoit toujours manifeftée pour la maifon d'Orange lui a valu cette charge qu'il exerce encore, & ce fut en cette qualité qu'il figna le fameux traité  Moderne». 75 éventuel entre la ville d'Amfterdam 8c les états-unis d'Amérique. Son féjour a la Haye le mit fouvent a la portée de manquer d'égards envers le prince : il ne lahffa échapper aucune occafion de s'oppofer a lui avec une fcugue Sc une paflion indignes de tout homme civilifé qui doit au moins refpecter 1'opinion publique. A ces défauts prés qui indiqnent ordinairement un génie borné , il paffe pour un homme affez probe ; mais on lui reproche de manquer de 1'ufage du monde , Sc de parler affez mal la langue franijoife , il partage ce dernier reproche avec bien des Francois: c'eft en échange , un des plus grands grecs 8c des plus habiles latiniftes qu'il y ait fur le théatre académique des parages oü il rélide , ce qui n'eft pas un petit mérite. II faut cependant dire a fa louange , que dans un tems oü la république n'auroit pas eu des Barnevelt , des Dewilt , ce M. Van Berckel eüt joué le plus grand róle parmi les Anti - Stadhoudériens \ peut - être M. de Gyslaar, penfionnaire de Dordrecht lui auroit difputé la Palme, car celui-ci eft homme a grandes prétentions , autrefois le bras droit d'un oncle qui le dirigeoit: il a été depuis le centre vifible d'eü font émanées les violentes réfolutions prifes contre le Stadhoudérat. Fier de fes liaifons avec 1'ambaffadeur de France , a peine daignoit-il marquer quelques égards au prince d'Orange. Plus d'une fois il a affëcté de le croifer en pleine rue , fans qu'il daignat fe découvrir devant Son Alteffè : voila de la fierté vraiment républicaine : cela s'appelle trancher da grand. Auffi ce fier républicain fe piquoit-U d'en agir fans fac,on avec les miniftres  7 Anecdoies des têtes couronnées. Un jour M. de la Vauguiort vint lui faire une vifitc de civilité ; il ne fe fit pas de peine de le recevoir dans fon cabinet, oü il fumoit fa pipe , prenoit un bain de pieds , 8c fans facon, il fe fit couper les ongles en fa préfence.Dans une autre circonftance , il s'agiffoit dans les affemblées des états de Hollande , d'une négociation avec la cour de France , rélative a un objet d'une nature défagréable pour la république : comment ! sYcna , M. de Gyslaar , Vauguion a-t-ilpudire cela ? Eh bien ! vous verrei comme /'irai lui laver la tête. Vandel-Pol. Le baron de Capelle , Vandel-Pol , mort il y a environ trois ans , auroit acquis une célébrité mieux méritée , li la cruelle parque n'avoit pas fi mal a propos tranché le fil de fes jours. II poffédoit en frife de grands biens , entr'autres une terre feigneuriale , dont les payfans lui devoient des corvées : ils pouvoient s'en rachcter moyennant un florin ; mais ce feigneur eut la générofité de les affranchir de cette légere redevance : il poufla encore plus loin fa générofité , c'eft que fous prétexte que des hommes libres ne pouvoient être afiiijétis a des corvées , il voulut les faire abolir par les états de la' province. La noblefle s'oppofa de toutes fes forces a eet aftranchiflement, 8c M. Vandel-Pol fut exclus des afiemblées de 1'ordre équeftre : voila comme on ne pouvoit plus mal réuffir avec des intentions auffi nobles. Ce traitement étoit afiurément trop rigoureux , le Stadhouder auroit dü le  Moderne s. 77 protéger ; cette omiflion ou cette négligence , en quelque forte impardonnable du prince, lui fit de ce M. Vandel-Pol , un ennemi d'autant plus redoutable, qu'il paflbit pour avoir été perfécuté pour le bien public. Auffi , lors du mécontcntement général excité contre le pouvoir exécutif , rappellé dans les aflemblées de la noblefie , il fut un de ceux qui s'oppoferent avec le plus d'acharnement a toutes les mefures propofées par Son Altefie. 11 ne fera pas inutile d'obferver que feu M. Vandel-Pol , avoit un de fes proches parens, nommé M. le baron de Capelle de la Marfih , qui a joué aufli un affez fingulier perlbnnage dans ces circonftances orageufes. Ce M. le baron de Capelle de la Marfch avoit été élevé avec le prince d'Orange, 8c il doit fa fortune a Son Altefie. Qu'a fait ce baron pour donner ellbr a fa reconnoiffance , il a publié une longue brochure , au fujet du refroidiffement injufte de Son Altefiea fon égard, 8c de la défiance qu'elle lui marquoit. II s'eft bien donné de garde de faire mention , dans eet ouvrage, d'une fcene qui s'eft paffée entr'elle 8c lui , fcene affez finguliere. Le Stadhouder lui reprochoit fes liaifons clandeftines avec fes antagoniftes, 8c notamment avec M. de Gyslaar j M. de Capelle protefta vigoureufement de fon innocence : le prince le rendit muet en lui difant, c< Monfieur , je fais que hier » au foir a dix-heures 8c demi , M. de Gyslaar » eft venu chez vous déguifé, 8c qu'il eft refté prés » d'une heure dans votre cabinet. » - Cette anecdote devoit donner beaucoup a penfer : en voici une autjre qui n'eft pas moins irap-  7§ Anecdotes pante. La haute opinion que la nation Hollandoife a de la princeffe d'Orange , refluoit en quelque forte fur fon époux. « Si Je prince , difoient les » citoyens, étoit d'un caractere auiïi abjeft qu'on » nous Ie dépeint, fon époufé auroit-elle pour lui » 1'attachement qu'elle lui témoigne ? Le roi de » Pruffe prendroit-il en lui un intérêt auiïi vif 8c » auiïi marqué ? La grandeur d'ame de ce monar» que lui permettroit - elle d'embraffer Ie parti » d'un prince indigne du fang dont il eft forti , » comme de celui auquel il eft allié ? » Voici jufqu'a quel point de fcélérateftè on en eft venu pour combler les malheurs du Stadhouder. Les premiers magiftrats de la provincé de Hollande fous les aufpices d'un miniftre étranger , formerent un complot qui tendoit a allumer la difcorde entre ces auguftes époux. Ils choifirent, pour exécurer cette trame odieufe , un homme que Son Altefie avoit tiré de lamifere , qu'elle avoit comblé de bierifait 8c a qui elle avoit confié tout ce qu'elle pouvoit avoir de plus précieux : celui-ci fe laiffa féduire par Tappas des grandes promefles qu'on lui fit ■■, tel fut le vil inftrument que la cabale employa pour 1'exécution du projet le plus noir qui fut jamais forti de l'enfer. Ce malheureux fe trahit luimême , il fut chaffé 8c obligé d'aller cacher fa honte en Suiffe, canton de Berne , Pays-de Vaux , ( féjour enchanteur qui recelc tant d'honnêtes gens en tout genre. ) Le Stadhouder a eu la grandeur d'ame & la générofité de ne pas abandonner la nombreufe familie de ce traitre, 8c a placé les deux ainés de res fijs f i'm dans les troupes? gj. rautre d la marine.  M o d e r n e s. 79 Au milieu des troubles qui agitent aujourd'hui les Provinces-Unies , on voit d'un cöté un corps fouverain oubliant les bolnes de la juftice qu'il doit k chaque individu , opprimer le prince fous les prétextes les plus frivoles, 8c priver de la protecYion des loix , le premier citoyen de 1'état, qu'il permet ouvertement qu'on le provoque , qu'on 1'attaque dans fon honneur 8c dans fes propriétés, 8c qu'on 1'outrage de la maniere la plus groffiere. D'un autre cöté,on voit un prince qui demande juftice 8c n'oppofe a toutes les infultes dont on ne ceiTe de 1'abreuver , que la patience , la douceur 8c 1'opprobre qui en réjaillit fur fes oppreftèurs : eh! tót ou tard une jufte vengeance n'éclatera pas fur les têtes criminelles. Principe de la décadence de la république. La décadence de la république , difent les Stadhoudériens , eft due a la haffelle de fes magiftrats. Les fouverains inftruits par leurs miniftres des menées fourdes 8c laches qui ont produit l'abaiftëment du Stadhoudérat, n'ont plus vu dans les états des provinces refpeétives , que des affémblées de particuliers indignes du rangoü ils font placés,conduits aveuglément par 1'efprit de partis, Sc paflïvement dirigés par une influence étrangere. Ils n'ont vu que des efprits bornés , qui, pour fe fouftraire a toute dépendance de la maifon d'Orange , cherchoient a fe garotter des liens qu'une autre puifTance leur tendoit. Quelles feront les fuites de ce choc de magiftratures contre la maifon d'Orange ? L'Angleterre , la Pruffe fouftriront-elles rabaiffement  8o Anecdotes d'une familie a laquelle elles tiennent par les lienê du fang 8c par ceux de la politique ? Les autres puiA fances verront elles d'un ceil indifferent la part que ces deux couronnes pourroient prendre a ces troubles. L'Angleterre occupée a cicatrifer , 8c guérir les plaies qui faignent encore depuis la derniere guerre, Sc è attirer chez elle Ie commerce que les divifions de la Hollande font déchoir de plus enplus , ne s'expofera fürement pas a troubler une paix dont elle fent tout le prix. La Pruffe craindroit également de s'engager dans une guerre avec la France dont les fuites ne pourroient que diminuer conlïdérablement les tréfors laiffés par le feu roi , 8c font le plus folide fondement de fa puif, fance , quelque put être d'ailleurs le fuccès de cette guerre. D'un autre cöté , ii eft de 1'intérêt de 1'Autriche que la Hollande refté dans 1'état d'abjeaion oü elle eft tombée. Les autres puiffances y trouyeront les mêmes avantages , ou feront fpecf atrices indifférentes des événemens qui pourront déchirep Ie fein des fept Provinces-Unies. ^ Quant a la France, elle prendra toutes les précautions poffiblespour conferver 1'influence qu'elle a fu fe procurer dans les affemblées qui conftituent la fouveraineté des divers états dont cette république eft compofée. D'ailleurs, dans des tems de détreffe, la France y trouvera toujours les fecours d'un argent prêté a un modique intérêt; les Hollandois lui fourniront en tout tems des navires pour le tranfport des denrées. Ce n'eft pas que la cour de Verfailles compte beaucoup fur 1'alliance qu'elle a contraétée avec les Hollandois; mais elle fera fon poffible poi»  Moderne s. 81,, pour les engager a rétablir leur marine, afin que la république , au cas d'une nouvelle guerre , puiflê faire reïpeéter fa neutralité , Sc que les ports de France a 1'abri de fon pavillon, continuent le commerce qu'ils font dans toutes les parties du globeEft-il bien vrai que la cour de Verfailles s'occupe férieufement du foin d'opérer une pacification entre les états de Hollande 8c Ie Stadhouder, fi c'eft Ia réellement fon deftein , c'eft qu'elle ne peut fans doute fe diffimuler, qu'a la fin le peuple rebuté Sc humilié du mépris dans lequel fa patrie eft tombée , quand le Stadhoudérat fera anéantit, on en rejetera la caufe fur fes magiftrats , comme il 1'atrribue aujourd'ui au prince d'Orange ; en effët les traitemens injürieux que le Stadhouder efliiie, commencent a intéreffer la nation en fa faveur , & fi elle reprend fon ancienne affeétion , foit pour lui , foit pour qüèiqu'üh de fes enfans , la haine de la maifon d'Orange 8c du. peuple contre cette puiftance , fera plus profondément gravée dans tous les cceurs qu'elle ne 1'a jamais été. Mais comment opérer une pacification qui puifle fauver 1'honneur des deux partis , ne reftera-t-il point un feu fous la cendre prêt a embrafer de nouveau la république au moindre fouffle ? C'eft ce que 1'événement nous apprendra jj d'ailleurs cette pacification parofc aflez généralement defirée , même de plufieurs magif■ trats. Après les excès oü fe font portés les corps! francs de Ia province d'Utrecht , le mépris que ceux de la Frife Sc de quelques autres diftriéts de la république , témoignent ouvertement pour 1'autorité fouveraine , qu'ils bravent impunément, Tome UI. F  g - A K £ C D O T .-E S toutes les magiftratures doivent fentir le-befoin qu elles ont d'avoir un appui dans le Stadhoudérat. La ville d Utrecht a donné Ja première a Ja répubhque Je fpecfacle d'un corps-franc , 8c quel'anéannffement de fa conftitution , le bouleverfement de fa magiftrature ont été effecfués par une bourgeoifie armée 8c en délire. C'eft un bourgeois d'Utrecht , janfénifte 8c peintre de fa profeftion , du refte lionnête homme, qui a con?u le premier 1'idee de cette miüce volontaire , 8c qui tire vanité do I avoir fait adopter a quelques-uns de fes concitoyens. Ceux-ci font parvenus a trouver environ deux cents hommes difpofes a formerle premier corps de cette milice qui ébranle actuellement le pouvoir des états de Uueldres, 8c fait trembler les allembJees fouveraines des provinces d'Utrccht de Frife 8c de Groningue. Si la pacification qu'on efpere avoit lieu , la république pourroït reprendre fon ancienne fplenteW; elle figureroit encore parmi Jes médiocres puifiances de 1'Europe 5 mais comme il n'exifte, dans fon fein aucun pouvoir capable de redrefier les abus, 8c d'en arrêter les fources 8c les progrès elle continuera a defcendre rapidement de la profpente oü elle étoit il y a un fiecle, vers le néant des etats les moins confidérables, ou même les plus abje&s. La principale caufe de cette décadence efda cherte de tous les articles de première néceffite , occafionnée par les impöts les plus onéreux qu on puifie imaginer , celui dont eft chargé le pain en augmente le prix de cinq huitiemes. Les autres taxes torment un fardeau énorme , dont le peuple,  Moderne s. 83 a proportion, fupporte la plus grande partie. Les ravages que le fifc fait dans les villes & les campagnes, font au-delfus de toute idéé , excepté Amfterdam , Roterdam , les villes de la Hollande, de même que celle des Pays Bas-Autrichiens , n'offrent plus que de valles folitudes oü regnent un filence & une oifiveté qui infpirent la mélancolie 8c la triftefie. Les manufactures , les blanchifferies de Leyde , de Harlem font expirantes. Celles de la Nord-Hollande , qui faifoient fubfifter des villages floriflans , ont entiérement difparu. Les maifons des petites villes ont peine a trouver des habitans ; enfin les fabriques de Sardam qu'on regardoit jadis comme le centre de 1'induftrie Hollandoife , ont diminué d'un dixieme depuis dix ans. Sans rimmenfité des capitaux de leurs poflefleurs , depuis long-tems la plupart des autres feroient abandonnées. II eft impoflïble de prévoir dans quels maux ultérieurs une décadence auffi fenfible pourra entrainer la république. On prétend que le prince d'Orange avoit prédit tous les malheurs dans lefquels lesdivifions qui déchirent le fein de la république , ont entrainé 1'état j la première fois que les états de Hollande lui envoyerent une députation , pour lui notifier une réfolution qui portoit atteinte aux prérogatives dont il avoit joui jufqu'alors : Son Altefie donna pour mot du guet , Pologne & Genève. Les partifans des démagogues foutiennent que c'en éroit fait de la république , fi les états n'avoient pas tout prévenu par leurs démarches. Suppofons que cela fut vrai, a toute rigueur, ne fera-ton pas toujours fondé a reprocher aux États d'a-- F 2  84 Anecdote's voir franchi les bornes de la décence 8c del'équité, fous le fpécieirx prétexte de chercher a réprimer quelques abus,qu'avec Ie tems 8c un peu de patience on auroit déracinés. Dans tout état les violences ont des fuites funeftés, 8c fur-tout dans les républiques orageufes 8c aufli mal organifées que la Hollande ; c'eft ce qui avoit fait dire a Hugo-Grotius , que de toutes les formes de gouvernement , celle qu'avoit choifi la république , lors de la révolution, étoit la plus pernicieufe, 8c qu'elle ne pouvoit manquer de lui être un jour funefte j cette affertion ne s'eft jamais plus complétement juftifièe que dans les circonftances acruelles. On aura bientót occafion d'en difcuter les raifons. Jetons maintenant un coup-d'ceil fur le caraéfere national , c'eft ce qui intérene le plus le philofophe. ■ Coup-d'aeil fur le caraclere Hollandois. DÈs les tems les plus reculés le peuple Hollandois s'eft diftingué de tous les autres par un amour exceflif pour la liberté, 8c par une opiniatreté indomptable. On fait avec quelle fermeté , avec quelle bravoure les anciens Bataves fous la conduite de Claudius Civilis , rélifterent aux Komains. Jamais leurs opprefleurs n'euflent terminé cette guerre d'une maniere honorable pour eux , fi la politique de leurs généraux, fuppléant a la force , n'euftènt réufti a allumer parmi eux les feux de la difcorde. Ainfï dés le commencement de notre ère , les Bataves furent vi&imes de leurs diflëntions. Déja ils payoient leurs chefs d'ingratitude ,  Modern es. 85 comme ils ont fait il y a un fiecle ou deux, 8c comme le Stadhouder adtuel le leur reproche, reproche qu'on a toujours fait aux républiques. Les Hollandois refpirant un air pefant 8c humide, relégué dans de vaftes marécages , connoiflant peu les pays auquel le fien eft contigu , apporte en naiftant les vices 8c les vertus dont le climat qu'il habite peut rendre 1'homme fufceptible. Aucun peuple n'offre une refiemblence plus frappante , pour le raioral 8c pour le phyfique entre les divers individus dont il eft compofé : aucun pays n'a une analogie plus parfaite entre fes differentes parties. Séjournez quelque tems dans la première ville , dans le premier village de cette république , 8c vous connoitrez a-peu-près le génie , les mceurs 8c le caractere de toute la nation. Phlegmatique par tempérament , induftrieux par befoin , 8C'avide par la confidération que donnent les richefies , le particulier Hollandois eft de tous les mortels , celui qui mene la vie la plus douce. Renfermé toute la femaine au fond de fon attelier ou de fon comptoir, abandonnant a une époufé fédentaire les foins du ménage 8c de 1'éducation de fa familie , fe délaffant le foir dans quelque cercle auprès des gens de fon état des travaux de la journée , tous fes jours s'écoulgnt tranquiilement , 8c fa vie monotone , dès qu'il eft entré dans 1'age mür , eft telle qu'elle fera vers la fin de fa carrière •■, 1'aifance générale répandue parmi toutes les ciaffes des citoyens , la liberté , la douceur du gouvernement , influent prodigieufement fur le cara&ere des habitans. II eft peu d'étrangers'non-prévenus qui, au premier F 3  86 Anecdotes afpect, ne prennent de ce peuple 1'idée la plus favo rable 5 8c en général il la mérite. La franchife 8c ia fincérité forment les traits caraétériftiques du Batave : telles font fes principales qualités. Examinons maintenant les défauts qu'on lui reproche. Coup-d'oeil fur les défauts qu'on reproche communé/nent aux Hollandois en particulier. Le défaut qu'on reproche le plus communément au Hollandois , eft 1'avarice ; ce vice odieux ou cette honteufe foibleffe , qui ne peut-être le partage que de petites ames, 8c dont les grandes ames ne furent jamais atteintes. Mais n'y auroit-il point d'injuftice dans le préjugé général oü eft l Europe , que toute la nation Hollandoife en eft infeétée ? Repréfentez-vous ce peuple commercant, élevé dès la plus tendre enfance dans 1'efprit &C dans les principes du négoce , dans 1'amour du gain , de 1'ordre 8c de 1'économie qui en font inféparables , en contracte bientót 1'habitude la plus enracinée. La cherté des corrfeftiblés , la ftérilité d'un fol qui ne nourrit que des beftiaux , 1'incertitude des événemens chez des particuliérs dont Ia fortune eft entre les mains des commercans , Sc qu'un revers peut anéantir , juftifient cette fage prévoyance ; mais quelque intéreffée que foit 1'ame du Hollandois , il n'eft pas de peuple , pas même les Anglois , oü les particuliérs facrifient de plus grandes fommes en objets de bienfaifancc , Sc qui plus eft , c'eft que leurs charités font ordinairement -vollées de 1'ombre d'un filence impénctrable , 8c  M O D E R N E S. 07 il faut avoir vécu long-tems avec eux pour s'appercevoir de cette qualité commune a toutes les clafies des citoyens. II eft a remarquer que eet amour du gain, qui fouvent devient exceffif, celui de 1'ordre , de la vie retirée qu'il mene, fon phlegme qui rend les organes de fon ame peu fufpe&ible des fenfations délicates qui font les charmes' SS gnes de lui, 8c ce fut cette émulation qui fit naïtre les grands hommes en tout genre , que nous offre 1'hiftoire ancicnne. La noble ambition de la jeu. neffe , les grands exemples qu'elle avoit devant les .yeux, formoient a la république une pépiniere de grands hommes , capables de remplacer , de furpalfer même ceux que la mort lui cultivoit. Quelle eft maintenant 1'école a laquelle' fe forment les jeunes citoyens, deftinés au gouvernement de la •république Belgique ? II n'eft aucun pays dans le monde, oü 1'éducation de la jeunelfe foit auffi difpendieufe qu'en Hollande , 8c il n'en eft aucun oü les peres foient plus idolatres de leurs enfans , 8c faffent plus de frais .pour leur éducation. Malheur'eufement le phlegme national, 1'efprit refterré des parens ne permettent -pas. au génie de prandre fon eftbr. A mefure que le .corps d'un jeune homme fe développe , on 1'aftrcint ■ a cette gravité , a cette lenteur de mouvemens , qui chez le Batave, pallé pour indiquer la folidhé de 1'efprit, 1'enjouement, la vivacité qui font les principaux charmes de la jeunelfe , font étouffés par la crainte continuelle , a laquelle elle eft rigidement alleryie. La fenfualité introduite par le luxe . 8c la molleife , forment néceffairement des génies ■é-pais , des corps pefans 8c incapables de rélifter aux viciflitudes d'un climat froid 8c humide , 8c d'une athmofphere chargée de particules nuifibles , qu'il pompe dans les marais 8c dans des eaux crou,piflkites. Auffi voit - on peu d'individus , jouir .d'un tempérament 8c d'une fanté robufte , 8c un plijs petit nornbre encore , fournir une longue car-  9S Anecdotes riere. Le plus grand nombre, avant d'être parvenus a un age avancé, trainent une vie languiiTante au milieu des mfirmités anticipées de la vieillefie. Au refte, cette gêne a laquelle les jeunes Hollandois font habitués dès 1'enfance, eft prefque Ia leuiequils éprouvent. Introduits dans les colleges ou on leur enfeigne lelatin , ils paifent tranquillement dans leurs fociétés , le tems qu'ils ne donnent pas aux etudes, 8c cela pour 1'ordinaire fous la conduite d'un gouverneur mercenaire , ( 8c oü n'y en a -1 - il pas ? ) Le Jatin , le grec, les antiquités grecques 8c romaines font les principanx objetsde leurs etudes. Ils vont érudier trois ans dans les univeriites, prcnnentle bonnet de dodteur utriufiue juns , reviennent chez eux, fe marient: a vïngttrois ans, ils font ordinairement magiftrats, 8c paroUTent dans les hötels-de-ville en perruques touffues, qui flottent jufqu'au bas de la poitrine. En general le magiftrat Hollandois connoit les relations de fa république avec les autres puifiances , auiïi peu que les moeurs, les ufages 8c les reffources des nations voiftnes auxquelles fon commerce le lie. L'hiftoire de fon pays fait partie de fon education, 8c c'efta-peu-prés la feule qu U lache. La plupart de ces magiftrats ne fortent jamais de leur patrie , ou s'ils voyagent, ils ne tont que quelques courfes dans les pays étrangersfort fuperficiellement, 8c ignorent la plupart le grand art de connoitre le cceur humain, Sc .manquent du taéfc 8c de la délicateiïè fi nécelfaires a des hommes d'état. Leurs cérémonies ennuyeufes, leurs monotones fociétés ne leur perrnettent pal \ ^d'acquérij  Moderne s. 97 d'acquérir cette aménité, cette expérience , cette flexibilité de génie que donne 1'ufage du grand monde. Auffi ont - ils toujours été dupes des miniftres fouples 8c intriguans \ voila pourquoi ils fe font toujours laiffé diriger par 1'efprit de parti, quand ils n'ont pas été guidés par des génies fupé^ rieurs. On trouve cependant quelques magiftrats , fur - tout a Amfterdam , qui pourroient figurer dans les premières magiftratures de la France, 8c qui joignent a un grand mérite tous les agrémens qu'on peut defirer dans les perfonnes du grand monde \ il eft vrai que le nombre n'en eft pas confidérable ; mais dans tousjes pays du monde, les perfonnes d'un mérite diftingué font rares : ( Rara avis in terris). Les circonftances favorables , oü la Hollande s'eft trouvée , plus que la fageffe de fes adminiftrateurs, ont beaucoup contribué a 1'élever au degré de fplendeur , auquel elle parvint après le traité de Munfter. Dans ce tems aucune nation ne connoiffoit les avantages du trafic au dela des mers. Celui des Anglois étoit encore dans fon enfance , 8c les Hollandois feuls poffeffeurs du cabotage de 1'Europe , d'immenfes pêcheries , du commerce de la Méditerranée 8c de la Baitique , attiroient fur leurs vaiffeaux une pépiniere de matelots Danois, Allemands , Suédois, dont ils armoient, fans préjudicier a leur marine marchande, les flottes les plus nombreufes , les plus formidables qu'on eüt vues depuis le tems des Croifades. Telle étoit 1'heureufe fituation de la Hollande , lorfque de Wit acquit fiir les dépofitaires du gouvernement, une influence que fon averfion pour la maifon d'Orange, lui avoit TomelII. G  $i8 Anegdotes d'abord procurée. Les lumieres que ce grand homme développa dans radminiftraüon de fa charge de grand - penfionnaire, lui acquirent une autorité égale a celle qu'avoient eu les Stadhouders. Ce fut lui qui engagea la république a prendre part aux guerres que fe faifoient les puhTances du nord. La prépondérance qu'avoit acquit la Suede , fut balancée par les flottes de la Hollande, intéreffée pour fon commerce, a ce que cette couronne ne devint pas maïtrefle abfolue de la Baltique. Tandis que ce peuple commercant fondoit uniqaement fa grandeur & la profpérité fur fes armées navales , oubliant qu'il étoit environné de formidables voifins, il laiffoit déchoir abfolument fes forces de terre. Les fortereffes qui devoient fervir de barrière a la république , étoient dans 1'état le plus délabré ; les troupes, dont le nombre ne fuffifoit pas pour les garnir , étoient commandées par de jeunes gens de bonnes families, mais incapables de les mamtenir dans la difcipline néceffaire. Les emplois militaires fe donnoient au crédit , a la naiffance , a la faveur. On a vu des bourg - maiires d'Amfterdam faire leurs laquais capitaines en récompenfe de leurs fervices : de Wit a joué un fingulier róle , il s'applaudifibit de 1'état d'abjection oü étoit réduit le pouvoir militaire , lorfque Louis XIV , qu'il n'avoit pas craint d'oftenfer , &T. par les miniftres duquel il s'étoit laiffé entretenir dans une funefte fécurité , qui mit la république fur le peiichant de fa ruine , de Wit avouoit qu'il feller: iaiftcr dépérir 1'armée de terre, afin qu'elle ne püt pas un jour fervir a 1'élévation du jeune  MöDERNEl 99 Guillaume, qui fut depuis Stadhouder. On fait comment il fe laifla abufer par Charles II, roi d'Ang'teterre , & quelle foiblelTe impardonnable a un aulfi grand politique , le fit tomber dans les pieges que lui tendoient les cours de France & de Londres. ( Mémoires de Gonville ). Au lieu de chercher a repouffer la force par la force , de Wit confeilla de céder a la circonftance. Le peuple demandoit a grands cris le jeune Guillaume pour Stadhouder. Mais de-même que Hannon , chez les Carthaginois, avoit été plus ennemi d'Annibal que des Romains , au lieu de confentir a 1'élévation de ce jeune prince , de Wit vouloit que fa patrie du faite de la gloire & de la puiffance, fut précipitée dans le dernier degré d'abjeétion, en acceptant les conditions humiliantes que la France vouloit bien lui accorder. Après la paix de Nimegue , qui fuivit cette guerre défaflreufe, mais cependant terminée d'une maniere honorable pour les Hollandois , la politique de cette couronne , a 1'égard des princes de la mai* fon d'Orange, fut entiérement changée. La cour de France, avant le traité de Weftphalie , avoit comblé les Stadhouders d'honneurs 8c de carefles, elle fut même de toutes les puhTances, la première qui leur donna le titre d'Altefle, au lieu de celui d'Excellence , dont Guillaume I Sc Maurice s'étoient toujours contentés. Fréderic-Henri, quelques années avant fa mort •, regut cette diftinétion flatteufe qui lui facilita les moyens de s'allier par des mariages a diverfes têtes couronnécs. Guillaunae III, avoit fouvent manifefté fa haine G z  100 ANECBOTSS contre Louis XIV. Ce monarque fentir combien il lui importoit de mettre des entraves a tous les deffeins de ce monarque ambitieux. Le miniftere de France comprit, que les magiftratures de la Hollande , qui n'avoient vu qu'avec le plus vif dépit , Ie rétabliftèment du Stadhoudérat, formeroient facilement un contre - poids a 1'autorité de cette charge. Le comte d'Avaux fut envoyé a la Haye , Sc parvint en peu de tems a créer a la France un parti qui auroit emporté la balance , li les excès commis par les Francois dans la précédente guerre , 1'ambition Sc la hauteur de Louis XIV , fes perfécutions contre les Huguenots, n'euflent fait fur les habitans une impreftion trop forte , pour que leurs magiftrats ofaftënt feconder ouvertement les vues de ce monarque. On n'entrera point ici dans les détails de la conduite de M d'Avaux, fuffifamment expofés dans fes négociations qui ont eté imprimés, il y a envi'ron trente ans : on ne retracera point après lui, con ment au moyen de quelques penfions Sc par fes fou pieffes , il fut dicfer les opinions de 1'affemblée fouveraine des villes, Sc comment , malgré les précautions prifes pour affurer le fecretdes délibérations , malgré le ferment que faifoient les membres de la fouveraineté de ne rien révéler de ce qui fe paftbit dans le fein de leurs affemblées , il étoit inftruit de tous les objets qui y étoient ' traités : on a reproché a la cour de France d'avoir permis la publication des mémoires de eet ambaffadeur. La ville d'Amfterdam, honteufe de ce 'qu'elle dévoiloit aux peuples la cenduite de fes ma*  Moderne s. iet giftrats, en fit faire une édition altérée la cour de la Haye , dont les intéréts étoient différent , en ordonna une fidelle, conforme en tout aux manufcrits laiffés par eet habile 8c adroit négociateur. La hauteur de Louis XIV ayant enfin aliéné les États - Généraux , la république fe vit entraïnée dans une guerre glorieufe pour elle , a la vérité , mais qui lui fut funefie par ragrandiffement de 1'Angleterre, a laquelle elle fe trouva forcée de contribuer contre fon gré. Guillaume W mourut, Sc pendant la guerre de fucceffion , qui fuivit im-. médiatement le décès de ce prince , la république joua un róle abfolument fecondaire : Heinfius qui la gouvernoit, moins habile, mais auffi ambitieux que de Wit , laiffa échapper plufieurs fois l'oocafion de faire une paix avantageufe , Sc d'affurer le bonheur Sc la puiffance de fa patrie. Ses alliés , las Sc épuifés de la guerre, retirerent le fruit de leurs viftoires , Sc abandonnerent la Hollande épuifée, qui dès - lors n'a ceffé de déchoir de plus en plus. Pendant les trente années de guerre, qui fuivirent la guerre de fucceffion, la Hollande cherchant a diminuer fes dertes, négligea abfolument fes forces de terre Sc de mer. Guillaume IV, appellé au Stadhoudérat , dans des circonftances femblables a celles qui y avoient placé Guillaume III, trouya des ports dénués de vaiffeaux, des magafins dépourvus de toutes munitions qudeonques , Sc une armée de terre fans difcipline Sc fans honneur. La paix d'Aix - la-Chapclle , fournit a cepripce les moyens d'affermir fon autorité : il s'occupoit a G 3  ïaz Anecdotes rétablir rarmée 8c la marine de la république lorfqu'une mort prématurée le troubla dans fes projets falutaires. II eut a peine le tems d'appeller le duc Louis de Brunfwick, 8c de lui confier la rutelle de fon fils au berceau. Ce prince s'acquitta de ces emplois importans avec une habileté 8c une fidtlité qui lui attirerenr 1'admiration de 1'Europe, les cceurs des Hollandois, 8c les applaudifiemens unanimes de la part des États-Généraux. En eftet , il n'y a point d'armée mieux difciplinée, mieux exercée que celle de la Hollande, les princes étrangers , la noblefie d'Allemagne qui s'emprefibient a y prendre fervice , y ont introduit eet honneur , cette délicatefie qui diftinguent les militaires de tous les états , 8c font un fi grand aiguillon a la bravoure. L'artillerie , les fortifications ont été mifes fur meilleur pied que ci-devant , 8c le duc de Brunfwick , lorfqu'en 1766, fon augufte pupilie parvint a la majorité, lui remit le commandement de 1'armée , dans un état que la république n'avoit pas vu depuis la paix d'Utrecht. L'armée de terre, a cette époque , fi elle eüt été complete , auroit pu monter a trois mille hommes. La marine n'étoit pas fortie de fon délabrement, oü la négligence impardonnable des États 1'avoit laiftee depuis prés de quarante - huit ans. Le Stadhouder, dès fa majorité, ne cefla de les exhorter a augmenter leurs forces. On ne fit aucune attention a fes demandes rélatives a 1'augmentation des forces de terre , du moins celles qui avoient rapport a la marine ont - elles eu quelque fuccès, A la fin de 1780, lors de 1'éruption de la derniere  MODElSïi IOJ guerre de«- clnquante - fix vaiffeaux, tant grands que petits, que la république pouvoit avoir , plus de la moitié avoient été conftruits depuis l'an 1766'. ui ' ■■■ ■ —bb m SECONDES ANECDOTES. Journal des grands Événemens qui ont préparé la révolution qui vient d'ajfu/'ettir len riches & phlegmatiques Bataves a la force invincible des Armes Pmjfiennes , d'oü eji réfulté le rétabliffemcnt fi defiré des ames honnêtes & fenfibles du Stathouder dans tous fis droits & privileges , &c. &c. Ï^ranchissons de petits intervalles pour nou* hater d'arriver aux événemens les plus intéreffans , qui ont préparé des fers a la riche & opulente république des Provinces - Unies. On a vu ci-deffüs, comme 1'efprit de vertige avoit répandu le délbrdre & la confufion dans tous ks ordres de 1'état. Pourroit - on voir avec indifférence , & fans douleur , ces riches provinces fe déchirer avec acharnement, livrées a 1'anarchie , commettre de fang-froid des horreurs & des atrocités dont on auroit rougi dans les fiecles les plus barbares. Dans ce moment le vaiffeau eft battu par une tempête trop violente , le gouvernail eft échappé des mains de ceux qui pouvoient feuls le G 4  ió4 Anecdotes diriger au grand but, au rétabliflement de la paix & de Tharmonie entre les chefs 8c les peuples ; malheureufement le délire eft prefqu'univerfel, la ruine totale des Provinces - Unies eft donc prefque inévitable. Nous touchons au dénouement tragique de la révolution qui va faire triompher les armes Pruffiennes , enchainer les phlegmatiques Bataves , jufqu'a ce que la réflexion leur infpire des moyens ftables de pacifier les elprits , de les ramener a un principe de politique mieux raifonné qu'il ne 1'a été jufqu'ici. Tri/lesproduits de Fanarchie & de la défunion des Provinces - Unies. La nuit du 2,8 au 19 du mois de Mai dernier , il s'éleva une émeute a Amfterdam , dans laquelle les Stadhoudériens 8c Anti-Stadhoudériens en vinrent aux mains; il y eut plufieurs morts 8c bleffés, vingt-huit a trente maifbns furent faccagées, entr'autres celles des bourg - maitres B/els & Bendorp. On fauva du pillage celle du bourg - maitre Dédel, qui étoit déja aflaillie. Quelques - uns des fëditieux ont été pris 8c très-rigoureufement punis 1 ils ont payé pour leurs complices, c'eft toujours ce qui arrivé en pareiHe circonftance. Peu de jours après Son Altefie Séréniïïïme le Stadhouder adrefla aux États - Généraux une déclaration rendue publique, dans laquelle le Prince fè plaint avec amerrume de la conduite des états de Hollande a fon égard, rappelle les évenemens $li qm mi les états de Gueldres 8c d'Utrecht f rc-  ■■Moderne- s.- *«5 demande le cömmandement de la Haye , 8c invite les provinces ainfi que les régens , a concourir avec lui au rétabliflement de 1'union, de la concorde 8c de la profpérité dans la république. Ce prince fe hata d'arriver a Amersfoort le 9 du mois de Juin 1787 , pour infpetter les troupes qui y étoient campées 8c fiégea aux États. Le Confeil d'État propofa aux États - Généraux un plan de conciliation ; les préliminaires furent, que la province de Hollande retireroit fa proteétion a la ville d'Utrecht, 8c rappelleroit toutes les troupes qu'elle avoit déja fait pafler fur fon territoire, que la Gueldre Sc les états d'Utrecht, retireroient buit jours après leurs troupes 8c les feroient rentrer en Gueldres, que la Hollande ordonneroit auffi aux auxiliaires de quitter Utrecht, 8c que les ÉtatsGénéraux feroient médiateurs 8c garans de 1'accomodement: cette propofition fut prife , ad referendum par toutes les provinces. Les troupes malintentionnées qui formoient le cordon de la province de Hollande , leverent prefque toutes 1'étendard de la rebéllion. Lesrégimens qui étoient dans des villes ou forts fur la frontiere , déclarerent ne vouloir obéir qu'aux États - Généraux , & refpecterent hautement les ordres des états de Hollande. Plulieurs officiers démis, caffés 8c déja remplacés par d'autres nommés par les états de Hollande , revinrent a leurs régimens , depuis la publication 1 du manifefle du Stadhouder, 8c reprirent leur rang, 8c leur fervice, en chaffant ceux qui avoient été nommés a leur place. Les officiers des gardes HolJandoifes ayant été fommés par ordre des états de  ïod A-•» S C D O T t'i Hollande , de s'expliquer clairement fur leur difpofition aótuelle , a obéir ou a ne pas obéir au* ordres qui leur feroient donnés de la part de Leurs Nobles & Grandes Puiffances: fept feulement ré-< pondirent qu'ils feroient fideles aux états de Hok Jande , tous Jas autres demanderent du tems pour s'examiner Sc pour répondre. Bientót on vit partir d'Amfterdam un détachetnent de trois cents bourgeois armés, divifés en cinq compagnies avec tous leurs officiers Sc basofficiers , commandés par Ie capitaine de Wilde y en qualité de lieutepant - colonel, pour fe rendre a Muyden , petite ville a trois lieues d'Amfterdam , place importante a caufe des Éclufes, au moye» defquelles on pourroit inonder tous les environs. Dans le même tems, il fort de Harlem un détachement de cent cinquante bourgeois pour fe rendre a» Nieuwersluis, a cinq lieues de Harlem, afin d'y tenir auffi garnifon, 8c pour Ia même raifon qu'aMuyden. Ces deux places fixoient les deux extrêmités du cordon Hollandois ■■, toutes ces précautions furent néceffitées par la défobéifiance de quelques régimens, 8c Ia mauvaife intention de quelques autres régimens. Auffi-tót les états de Hollande écrivirent a tous les régimens qui étoient a leur folde, de même qu'aux bataillons 5c compagnies détachées , qui étoient auffi a leur folde , avec ordre de partir fur-le-champ pour fe rendre en Hollande , fous peine d'être caüês comme défobéiftans.  Moderne si ï©7 Héfolution ie Leurs-Hautes-Puifances les ÉtatsGénéraux , du b Juin 1787. Tous les officiers 8c foldats, qui auront obfervé les ordres 8c le ferment de Leurs - Hautes-Puiffaaces, 8c qui s'y conformeront a 1'avenir , peuvent fe repofer fur la proteaion de Leurs - Haur.esPuilTances : on leur continuera la paie de leurs gages 8c foldes, a 1'échéance des jours fixés, pour le compte de la géhéralité, 8c il fe fera une négociation de deux cents mille florins, provifionnellement pour le compte des provinces de Gueldres , Utrecht 8c Frife , fous la garantie de Leurs-Hautes - Puifiances, fans aucune charge pour la province de Zélande. Tel fut 1'arrêté , 8c talie fut la réfolution des provinces de Gueldres , de la Zélande , d'Utrecht & de Frife. Ce ne fut pas tout : les états de Gueldres 8c d'Utrecht réfolurent d'accorder aux troupes qui fe trouvoient alors dans leurs provinces , une augmentation de douze Ibis de folde par fernaine , a compter du 4 dudit mois. Le 7 Juin , les députés de la ville d'Amfterdam firent aux états de Hollande propofition fuivante: « Qu'il foit nommé une commiffion, compofée » d'un petit nombre de membres de cette affemr> blée, ne palfant pas le nombre de cinq , en y » joignant deux des membres du confeil député, » réfidant a la Haye, ainfi qu'une perfonne due» ment, h ce falariée , en qualité de fecretaire au » choix de ces commiffaires, 8c d'accorder a » cette commiffion des pouvQhs affez amples ,  Anecdotes » pour les mettre a même de prendre 8c de faire » exécuter des mefures efficaces, 8c telles qu'elles » jugeront les plus propres a repouffer toures at» taques contre cette province 8c la ville d'U» trecht, 8c a faire échouer toutes les machina» tions fecrettes ou publiques de leurs ennemis , » ou de ceux de leurs confédérés , avec qualifi» canon ultérieure d'ailigner, pour exécuter effi » cacément 8c fans délai, toutes ces mefures, telles » perfonnes qu'ils y jugeront propres, d'employer » a eet effet 1'argent de la province, de récom» penfer ceux d'entre les militaires qui fe diftin» gueront parmi les autres, en zele 8c en obéif» fance aux ordres du fouverain, Sc a ceux de la» dite commiffion; enfin , a prendre au fervice 8c » a la folde tels corps de volontaires , parmi les » bourgeoifies 8c les affociations des villes 8c du » plat-pays de Hollande, qui voudronr fe laiflér » employer au fervice de la chere patrie, 8c a » la défenfe des confédérés. » Qu'afin d'être de la plus grande utilité pofli» ble pour le fervice de la patrie , 8c de faire for» tir a fes ordres la plus prompte expédition , la » fufdite commiffion devroit fiéger dans le cordon » même, ou prés de 1'endroit oü fiege lé com» mandant en chef de la milice de cette province; » que de plus elle devroit tenir correfpondance » avec la commiffion perfonnelle, établie par ré» folution de Leurs Nobles 8c Grandes-PuhTances, » le 6 Septembre 1786, 8c réfidanta la Haye , » Sc agir de concert avec elle ; qu'enfin cette » commiffion ne fera pas tenue de donner ouyer*  M o d e r ne s. 109 ï> ture préalable de fes délibérations ni réfolutions} » mais qu'il fuffira , qu'après les avoir eftettuées, ï) elle en fafle rapporr a 1'affemblée de Leurs » Nobles Sc Grandes - Puifiances, lorfque le fe» cret des affaires le permettra. Le vénérable » confeil autorifant d'ailleurs fes députés au nom » de la ville , de faire la fufdite propofition , le » plutöt poflible, 8c d'infifter le plus fortement » qu'ils pourront fur une prompte conclufion , en h déclarant qu'il ne veut pas être refponfable des » fuites préjudiciables Sc funeftes, que le délai » des délibérations fur cette propofition , fa ré» jecfion ou fon affoibliffement pourroit entrainer » pour la chere patrie, pour fa liberté Sc pour » les citoyens qui refpeéf ent le gouvernement. » Les villes de Dordrecht , Harlem , Leyde , Roterdam, Schiédam , Schoonhoven , Alcmaër , Monnikendam 8c Purmerend , accéderent fur - lechamp a cette propofition. L'ordre équeftre, Delft, la Brille , Gouda , Gorcum, Hoorn, Enckuifen , Edam Sc Médenblick, refuferent de s'expliquer .tout de fuite : on leur donna le refte de la femaine pour fe décider ■■, mais leur refus n'empêcha pas que la réfolution ne fut prife, puifqu'elle avoit en fa faveur dix voix affurées. Le 10 Juin , les États - Généraux, Sc le Confeil d'État aflémblés a 1'extraordinaire , prirent la réfolution de fufpendre le général Van-Ryffel , qui commandoit les troupss de la province: de Hollande, de fa commiffion Sc des fonétions de général•major, lui interdifant tout commandement , fous peine de caffation Sc de pourfuite criminelle ; dé*  ho Anecdotest fenfe k tous officiers & commandans d'obéir 3 .aucun ordre de ce général. La ville d'Utrecht, ayant convoqué pour le 11 une affemblée d'États dans fon fein , fous prornefle d'une fauve-garde envers les membres qui vou* droient s'y rendre. Cette affemblée eut lieu Ie jour nommé: il s'y trouva deux membres du premier ordre , l'ancien clergé , Je feul comte de Boërzelaar pour la nobleffe , dix membres de la nouvelle régence d'Utrecht, & deux de chacune des villes de Montfort Wyck. Le comte de Boëtzelaar y déclara au nom de 1 ordre équeftre , qu'ils regardoient unanimémerjt cette airemblée comme illégitime 8c nulle, apres quoi il fe leva 8c quitta Ja falie. On apprit bientót Ia nouvelle fuivante : La garnifon d'Oudewenter , ville de Hollande, 8c une place des frontieres de cette province 8c de celle dUtrecht, compofée du troifieme bataillon de Grénier 8c de deux bataillons de Stuart, vient de fenfermer dans la tourle commandant Van-Citters, 8c les officiers nommés par les états de Hollande, pour remplacer Jes officiers défobéilfans ; enfuite •cette garnifon révoltée a défarmé la bourgeoifie , 8c une cirquantaine d'auxiliaires , 8c enfin , après avoir encloué Ie canon , elle a quitté fon pofte , 8c s eft retirée avec armes 8c bagages en plein jour. C'eit lelieutenant-colonel Balnéavis , du régiment de Stuart, brigade Écofibife, qui , déguifé dit-on, en payfan, s'eft introduit dans Oudem mer , 8c en a emmené la garnifon. Les états *^fidlandeprorrürent auffi-tót deux mille ducats  Modernen è sruiconque livreroit eet officier entre leurs mams. - La garnifon de Gorcum , ville de la fud-Hollande , fituée fur la Meufe , prefque fur la fronttere de Gueldres, & féparée du pays de la generahte , yai le fleuve oü baigne fes murs, déferta en pleinjour tambour battant, enfeignes déployées s cette garnifon étoit compofée du régiment de Waldeck, de 4 bataillons , & du régiment de Mariniers de Salm, de i bataillons, formant un corps de 1800 hommes. La garnifon de Géertruydcnberg, compofée de deux bataillons de Suyllard, déferta auffi \ voila qui fait honneur a ces braves militaires, qui doivent a jamais être flétris par la voix de la renommée , paree qu'il n'eft jamais permis a aucun militaire de quitter fon pofte , ce n'eft point a lui a examiner , qui des deux partis a tort ou raifon •, mais il doit une obéiflance aveugle a la puiffance qui lui paie fa folde. MM. les députés d'Over -Iffel Sc de Groningue, envoyés a Utrecht puis a la Haye , pour travailler a une médiation, firent un voyage inutile , & ne voyant pas de poffibilité a un accommodement, ils repartirent pour leurs provinces refpe&ives, fans avoir la fatisfaftion d'avoir rempli leur commiffion. Les états de Hollande, après avoir changé la propofition d'Amfterdam en réfolution , nommerent une commiffion chargée de pleins - pouvoirs pour faire agir. les troupes du cordon , & fe fervir é'al&ns mojttrs oropres a la défenfe de la ville d'Ur-echt 8ï dc leur province. Cette commiffion fopt compofee de M. Camerling de Harlem , Mi Biok de .Lüyda,M..de Wit d'Amfterdam , M.  An.ecïoiïs Van - Toulon de Gouda , 8c JV1. Foréeft d'Alfcmaar ; cette commiffion ne tarda pas de fe tranfporter fur les frontieres. Les villes de Dordrecht, de Leyde, de Schiedam, s'expliquerent aux états de Hollande Sc de WeftFrife,touchant la fufpenfion générale du prince d'Orange , de toutes fes charges dont la province fa revêtu ; les autres villes ne tarderent pas a s'expliquerde la même maniere. Le 13 juin, 1'alfemblée des états qui fe tint a Utrecht, fit publier ce qui fuit : » Les états du pays d'Utrecht, a tous ceux qui » ces préfentes liront ou entendront lire , falut : » favoir, faifons \ comme depuis quelque tems il » s eft élevé des diflentions dans cette province , » d'oü il eft réfulté que quelques membres d'état, » s'afTemblant a Amersfoort, fous le titre détats, » ont jugé a propos de faire entrer quelques trou» pes dans cette province. Sc fpécialement auffi » de celles qui font a notre folde, 8c qui nous » ont prêrje ferment de fidélité, 8c cela a deffein, » comme il paroit, 8c qu'il eft déja prouvé , de » répandre le fang des citoyens, aefions dont » nous nous flattons , que chaque vrai patriote 8c » tout brave officier a de 1'horreur ; è ces caufes, » nous ordonnons a tous , tant officiers que fijfa V dats, Sc dès ces préfentes regues 8c auffi-tót »' qu'ils auront connoiffance du préfent édit, qu'ils » aient a quitter 1'endroit oü ils fe trouvent 8c è » fe rendre ici , ou dans quelqu'autre endroit de » la Hollande, afin de ne pas fe trouver obligés » de fervif contre ceux a la folde defquels ils font, SC  Moderne s. 113 & contre leurs co - bourgeois , & de fe fouil» Ier du fang des bourgeois; nous engageant k les » prendre tous fous notre prote&ion particuliere , » & que dès ce moment, leur folde Sc leurs ap» pointemens leur feront payés au comptoir de » cette ville ; Sc tous, tant officiers que foldats , » du plus haut rang , jufqu'au plus bas, feront » dédommagés de tout ce qu'ils auront aban» donné , ou perdu en ladite occafion xu Autre explofion. Peu de tems après, on fe permit d'arrêter a Schoonhowen,la princefie d'Orange qui fe rendoit courageufement a la Haye : on poufla 1'outrage jufqu'a lui öter les gens de fa fuite, Sc elle fut gardée a vue dans fon appartement. La pafiion ne raifonne point. Ce voyage de la princefie étoit un piege contre lequel il falloit fe précautionner, Sc on y a donné, tête baijfée, comme dit le proverbe vulgaire , Sc c'eft précifément cette démarche , vis-a-vis de cette Princefie, qui va décider du fort de la république. Les Anti - Stadhoudériens pouvoient - ils donc ne pas foupconner qu'on n'infalte jamais impunément une princefie, fceur d'un Monarque auffi puiflant que le roi de Prufie : ignoroient-ils donc que tous les Souverains fe foutiennent mutuellement, quand il s'agit de leurs perfonnes , ne devoient - ils donc pas s'attendre que le monarque Prwflïen feroit fondé a demander une fatisfadtion éclatante , 8c que le cabinet de Verfailles feroit par-la même forcé de mollir & Tomé UI. H  Iï4 Anecdotes d'abandonner un parti, qu'il ne foutenoit en appa» rence que pour le facrifier plus méthodiquement a fes plus cruels ennemis. La France n'a jamais vifé qu'a 1'abbaifièment de la république des Provinces - Unies : il falloit donc être bien aveuglé pour fe fier au cabinet de Verfailles. On va bientót voir comme les Anti Stadhoudériens en ont fait la trifte expérience. La derniere révolution de Genève , cependant étoit un exemple affez récent, pour rendre les Anti - Stadhoudériens plus prudens ; mais il en eft des peuples comme des particuliérs; rarement ils mettent a profit les fautes d'autrui. Que falloit-il donc faire ? Donner une puilfante efcorte a Ia princefie pour la conduire a la Haye , avec toute la pompe due a fon rang •■, la proclamer Stadhoudérefie , lui rendre fes gardes , 8c faire nommer publiquement un régent a fes enfans, fous la tutelle des États - Généraux •, ce difpofitif en auroit impefé a 1'Europe entiere : ni le roi de Pruffe, ni 1'Angleterre n'auroient plus eu de prétexte pour rétablir le Stadhouder : les patriotes auroient refté mairres du champ de bataille fans coup férir. Sed non fic fata tulere. Pendant qu'on gardoit a vue, a Schoonhowen, la princelfe dans fon appartement, le Confeil comité des États de Hollande fit arrêter 8c conduire a la prifon criminelle , M. Timmerfman, capitaine de cavalerie , accufé d'avoir voulu emmener deux efcadrons du régiment de Heffe - Philipftadt, qu'il commandoit a la Haye. ' Le 6 du mois de juillet dernier , les états d'U-  Moderne s» 115 «recht, fiégeant a Amersfoort 8c le prince Stadhouder , ordonnerent au régiment de Rade - Dourlac, d'entrer dans la petite ville de Wych, prés Duftede ; ce qui fut exécuté fans éprouver le plus petit obftacle. Cette petite ville de Wych eft lituée précifément a 1'endroit oü le Lecke fe fépare du Rhin ; c'eft une des cinq vdles qui ont voix aux états de la province d'Utrecht. Le défarmement des Corps - Francs, dans les provinces oü ils avoient perdu la fupériorité, continua a s'effectuer en plufieurs lieux , avec tous les excès qui accompagnent la guerre civile. Le peuple de Middelbourg fe jeta fur les maifons des patriotes , les faccagea , 8c fe livra contr'eux a toutes les fureurs qu'on dok attendre par - tout oü la violence eft devenue la feule loi. La bourgeoilie de Fleffingue, dans la même province, forga la magiftrature a diflbudre le corps patriotique. Les états de Gueldres 8c le Stadhouder , ayant envoyé le régiment des Mariniers de Salm , a Haderwick , ville de Gueldres fur le Zuiderzée , les membres du Corps - Franc qui s'y trouvoient, fe retirerent a Amfterdam. Le 7 du même mois ? les députés du confeil de guerre & de la bourgeoifie patriote d'Amfterdam, efcortés d'un détachement de grenadiers < firent nommer par la régence deux nouveaux bourgmaitres, a la place de MM. Dédel & Béels, def titués depuis peu de leurs emplois. A Déventer , première ville de 1'Over - Iftel, les Stadhoudériens 8c Anti-Stadhoudériens envinrent aux mains j le Stadhouder n'eut pas plutöt appris H 2,  Hó Anecdotes cette nouvelle, qu'il envoya de Zutphen k Deventer un bataiilon du régiment de SuSyard, 8c un détachement du régiment de Pons, cavalerie. Dénouement de la détention de la princejfe d'Orange. La princefie d'Orange , digne héritiere des vernis de fes ancêtres , 5c fur- tout du génie du Salomon du Nord , fon défunt oncle , elt la princefie la plus éclairée, la plus vertueufe öc la plus accom ■ plie qu'il y ait en Europe. Excédée par les mauvais traitemens des prétendus patriotes, elle imagine un ftratagême , qui lui a parfaitement réufll. Cette Princefie prit la réfolution courageufe de fe rendre a la Haye feule , fans autre efcorte que deux chambellans 6c une dame d'honneur; elle étoit en effet partie d'Amersfoort, avec MM. les comtes de Bentinck 1'ainé, öc de Rendwick , lorfqu'elle fut arrêtée le 2.9 , par un parti d'auxiliaires bourgeois. A Haftrecht, k une lieue de Gouda : la Commiffion Hollandoife cantonnée a Waerden, empêcha S. A. R. de pafier outre, 6c lui propofa de fe rendre a Woerden même, lieu de la réfidence de cette commiffion. S. A. R. fe refufa a cette propofition , 8c fe rendit a Léerdam , terre de la maifon d'Orange, entre Schoonhoven 6c Gorcum , d'oüelle repartit le 30 , pour retourner a Nimegue , oü elle arriva le même jour dans la foirée. Cette tentative de la princefie , fixa 1'attention des Etats - Généraux, 8c donna lieu k une aflem-  Moderne s. «7 Mée extraordinaire des mêmes Etats, & de plus des Etats de Hollande 6c de leur Confeil comité ; cette affemblée dura plufieurs jours. Enfin, dit la Gazette d'Amfterdam, les États - Généraux fommerent, avec toutes les formalités requifes, les Etats de Hollande defaciliter a S. A. R. fon arrivés a la Haye , menacant lefdits Etats des fuites' les plus fdcheufes en cas de refus. M. Fagel, greffier des États - Généraux, remit è L. H. P. une lettre de Son Altejfe Royale , con~ cue dans les termes fuivans: « Le cas fingulier oü je me trouve aujourd'hui , » m'a fait écrire la lettre ci - jointe , a M. le Con» feiller penfionnaire de Hollande, dans laquelle » je lui fais connoitre les motifs de mon voyage, » 8c je le prie de les mettre fous les yeux de Leurs » Nobles 5c Grandes Puifiances. J'ai cru en même » tems de mon devoir, de vous en donner con» noiffance , pour vous mettre en état d'en inf» truire L. H. P., foit au Comité ou a 1'Aflem» blée générale , comme vous le trouverez le plus 5) convenable. Je n'entrerai en aucune réflexion w fur eet événement. Quiconque me connoit, com» prendra facilement, combien je dois être tou» chée d'un incident fi contraire a mes fentimens » 5c a mes defieins, mais j'efpere d'être bientót » en état de pourfuivre ces derniers , avec tout le j> zele 8c la fidéüté , qu'exigent de moi les vrais s) intéréts de la patrie 6c de ma maifon , 1'affer» rnifiement de la conftitution, 8c le rétabiiiremem H 3  n8 Akecdotes » du repös public. C'eft avec ces fentimens que » je me dis, Sec. Signe', WlLHELMINA. Schoonhowen, le 18 juin 1787» La lettre de S. A. R. au Grand Penfionnaire de la province de Hollande , porte ce qui fuit: « Le fouhait le plus ardent de mon cceur dans » le moment dangereux oü fe trouve la républi» que , 8c oü le prince Stadhouder eft empêché de » venir lui-même a ra Haye , eft de contribuer » par mon intervention , s'il étoit poflible , a pré» venir une guerre civile , imminente , Sc a ter» miner les différens fur les fondemens de la conf» titution établie. Voila les feuls motifs de mon » voyage a la Haye , que j'efpérois de voir refter » fecret jufqu'a mon arrivée a la maifon de Bois, » d'oü j'aurois communiqué mon but a leurs » Hautes Sc Grandes Puifiances, comme auffi aux » États - Généraux. Je n'aurois jamais cru voir » échouer ce defiein falutaire , avant que je me » fufie mife en état d'employer tous mes efforts a » eet égard. Vous ferez informés, Monfieur, que » je fuis empêchée de continuer mon voyage 5 » néanmoins j'efpere que ce retard ne mettra point » la chofe hors d'effët ,• mais j'ai cru néceffaire de » vous donner connoifiance des vrais motifs de » mon voyage en Hollande, vous priant de les » porter föus les yeux de Leurs Nobles Sc Grandes Puifiances , Sc fuis , Sec. Signé, WlLHELMINA. Schoonhowen, le z8 juin 1787.  Moderne s. ii9 On ne ie permettra ici aucun commentaire fur ces deux Iettres de S. A. R., Ie leéteur éclairé /êntira de lui - même ce qu'on en doit penfer. Dès le lendemain , le chevalier Harris, miniftre d'Angleterre , Sc M. de Thulemeyer envoyé de Prulfe , dépêcherent un exprès a ieurs cours refpeétives , pour les inftruire de la détennon de Son Alteffe Royale. Voici le beau chef - d'ceuvre de la politique des états de la province de Hollande : au lieu de reprouver hautement cette détention, ordonnée par le comité de défenfe fiégeant a Woerden , ils approuverent la démarche qu'on venoit de faire , Sc qui a fervi de prétexte de guerre. La détention de S. A. R. fut unanimément défapprouvée par 1'ordre équeftre , Sc par les villes de Delft , de la Brille, de Hom , Enckuifen, Gorcum , Édam Sc Medenblick , qui, ayant voté précédemment contre la formation même de ce comité de défenfe , ont a plus forte raifon protefté contre fa derniere démarche. La princeife, a fon retour a Nimegue, fut recue par le corps des grenadiers Wallons en parade, Sc portam tous la cocarde Orange, ainfi que le refte de la garnifon 8c la ville entiere. Le drapeau Orange fut arboré fur la tour, 8c S, A. R. entra dans le chateau aux acclamations univerfelles. La crainte d'un foulévement général a la Haye, 8c aux environs parok avoir été le feul motif qui ait déterminé la commiffion des états de Hollande , a refufer le paflage a S. A. R. Si 1'on avoit pris le parti que je viens d'indiquer ci - defTus, on fe feroit H4  ii» Anecdotes précautionné contre un foulevement général, on n'auroit prêté le flanc a aucune autre furprife , Sc on auroit fait évanouir tout prétexte de guerre a la face de 1'univers étonné. Lettre de S. A. R. Monfeigneur le Prince Stadhouder , è Leurs Hautes Puijfances par les États - Généraux des Provinces - Unies , datée i'Amersfoort, le 29 juin. Hauts et Puissants Seigneurs. « Dans ce moment, nous lammes infbrmés » avec certitude que S. A. R., notre chere époufé, » en fe rendant de Nimegue a la Haye , a été arrê» tée prés de la ville de Schoonhowen, par un parti » de bourgeois armés Sc de militaires, Sc qu'en» fuite Elle a été reconduite dans cette ville , oü » elle eft détenue 8c gardée de la part de MM. » lesCommiflairesdes Seigneurs Etats de Hollande. » 11 n'eft pas néceflaire , que nous mettions fous w les yeux de V. H. P. combien nous fommes » frappés Sc fenfibles au fujet d'une acStion fi vio» lente contre une perfonne illuftre , 8c qui nous » eft attachée par des liens aufii chers. V. H. P„ » convienqent aifément que nous ne faurions nous » montrer indifférens a une flétrifiure qui nous a » été faite 8c a notre mailbn , Sc a la perfonne » d'une Princefie royale :> nous attendons par » conféquent avec une pleine aflurance , que V. w H. P. voudront bien prendre telles mefures, que » S. A. R. foit relachée Je plutöt que pofiible de fa  M © b e r n e s. tZÏ » détention & remife en liberté. Nous attendons » auffi que V. H. P., comme ne pouvant être in» différente aux intéréts 8t a 1'honneur de nous , » de notre chere époufé 8c de nos enfans , vouj> dront bien coopérer a ce que la flétriffure fake » a la perfonne de notre époufé , foit réparée au » plutöt j tandis que nous ne pouvons non plus » nous attendre que les maifons royales, auxquelles » notre époufé & nous , fommes apparentés de fi » prés, pourront être indifférentes a un procédé » auffi violent, fur quoi, &c. Signé, W. Prince d'Orange. Cette lettre fut un nouveau motif pour engager L. H. P. a faire de nouvelles inftances auprès des états de Hollande, pour qu'ils réparaffent le tort ou le défagrément fait a S. A. R., 8t qu'ils priaffent madame la Princefie de continuer fon voyage commencé , afin de pouvoir remplir le but qu'elle avoit manifefté elle - même : L. H. P. déclarant , comme elles 1'avoient déja fait précédemment, qu'elles laifieroient toutes les fuites pour le compte de la Hollande. Le 9 de ce même mois de juillet, dans 1'aprèsmidi, arriva a la Haye un courier extraordinaire de Ia cour de Berlin , au baron de Thulemeyer, miniftre de Sa Majefté Pruffienne. M. de Thulemeyer fe trouvoit alors a Nimegue, d'oü il revint peu d'heures après 1'arrivée du courier. Le lendemain il eut une conférence avec le préfident des EtatsGénéraux , auquel il remit un mémoire de la part du roi de Pruffe , dont voici la teneur :  121 Anicdotes Mémoire préfenté d L. H. P. les ttatsi Généraux des Provinces - Unies , par fon Excellence M. le baron de Thulemeyer , envoyé extraordinaire de Sa Majeflé le Roi de Pruffe. Hauts et Puissan ts Seigneurs. « La fagefie de Vos H. P. a prévenu 1'éton» nement 8c Ia douleur profonde , dont Sa Majefté » Prufïienne a dü être atteinte , en apprenant que » le voyage projetté de Son Augufte Sceur pour la » Haye, entrepris dans les vues les plus falutaires, » a été traverféprès de Schoonhowen par des gens » armés; le roi eft inftruit de 1'opinion éclairée » qui^ a prévalu dans 1'aflemblée de Leurs H. P. » a 1'égard de eet attentat imprévu 8c atroce, » autant que des réfolutions qui en font réfultées, » 8c y applaudira certainement. C'eft par ordre » expres de S. M. P. que le foufligné a communi» qué a L. N. 8c G. P. les États de Hollande, le » Mémoire dont une copie fe trouve a la fuite de » ces lignes , 8c par lequel il infifte fur une fatis» faétion éclatante , autant que fur la punition des » auteurs de 1'injure commife. Vos Hautes P. y » coopéreronr fans doute avec le zele emprefle » que le foufligné a eu le bonheur de leur recon» noitre , dans plus d'une occafion pour le main)) tien de 1'amitié 8c de 1'harmonie , qui jufqu'ici » ont fubfifté entre les deux états, a la Haye, le io » juillet 1787.  Moderne s, 123 MÉMOIRE préfenté h L.N. & G. P. les Seigneurs États de Hollande & de Wefl-Frife, par Son Excellence M. le baron de Thulemeyer, envoyé extraordinaire de S. M. le roi de Pruffe. Nobles, Grands et Puissants Seigneurs. « Le Roi mon maitre , n'a pu apprendre qu'avec » une forte fenfibilité 1'attentat commis prés de » Schoonhowen , contre la perfonne de Son Au» gufte Sceur , que les vues les plus falutaires eon» duifoient a la Haye. S. A. R. retardéc dans fa » route , s'eft vue entourée de gardes Sc de gens » armés qui ont même été placés dans fon appar» tement. » C'eft par ordre expres de S. M. P. que le fouft, figné , fon Envoyé extraordinaire, a 1'honneur » de s'adreffer a V. N. Sc G. P. pour infifter , de » Ia maniere Ia plus preftante Sc la plus forte , » fur une fatisfaétion éclatante de cette injure, 8c » fur la punition de ceux qui 1'ont commife. II » s'empreflera a inftruire le Roi fon maïtre de 1'im» preffion que les repréfentations de fon miniftre » auront produite fur 1'afTëmblée fouveraine de la » Hollande. Sa Majefté jugera, par le réfultat des » délibérations de V. N. Sc G. P. a eet égard , du » prix auquel elles évaluent fon amitié 8c fa bien» veillance, a la Haye le iojuillet 1787. » Les patriotes de Zutphen en Gueldres , ayant fait craindre quelque foulevement pour changer la magiftrature ; celle -ci aidée de la garnifon , les  ïM Anecbotes défarma tous; le même défarmement eut lieu a Arnheim 8c a Doësbourg, 8c le foir même dans ces trois villes, les cocardes Orange furent univerfellement arborées , 8c les maifons illuminées , a Helvoetluis , a-peu - prés la'même fcene eut lieu. Dans toute la Gueldre, les patriotes furent défarmés. Cette opération fut précédée a Arnheim , de beaucoup de défordres 8c d'excès commis par lesfoldats 8c les partifans du Stadhouder , ainfi qua Bommel, Doësbourg 8c Thiel; mais la révolution fut moins orageufe a Nimegue , 400 patriotes fe laifierent fort tranquillement' défarmer, 8c jugerent fort a propos d'arborerla cocarde Orange. La ville de Haffeit en Over - Iffel, fut furprifepar un parti de foldats déferteurs du cordon Hollandois/'La régence elle-même favorifa fous main cette révolution. Elle fit plus, elle écrivit aux Etats - Généraux , qu'inviolablement attachée a 1'ancienne conftitufion , elle avoit fortifiée la ville, recue des troupes , 8c qu'elle demandoit l'afliftance de L. H. P. Un détachement des Francs fortit de Zwol, pour tacher de faire rentrer Haflelt fous lobéiffance des États d'Over - Ifiel, mais cette tentative fut fans fuccès. Le 6 juillet 1787 , les États de Hollande prirent la réfolution de réc'lamer la médiation de la France. M. le confeiller penfionnaire Van - Bleyfwyck , fut chargé d'en informer l'ambafiadeur de France. Le 7 de ce même mois, on fit la même propofition dans une affemblée extraordinaire des ÉtatsGénéraux. Les députés des autres provinces la prirent en communication a leurs commettans.  .Moderne s. 115 La nuit du 7 au 8 , la garnifon d'Utrecht fit une fortie , pour faire replier les poftes avancés de 1'armée du prince d'Orange ; elle réuffit dans fon entreprife , 8c ne perdit qu'un feul caporal qui fut tué d'un coup de feu. A-peu-près dans le même inftant, le bruit fe répandit qu'on faifoit avancer un nombre fort confidérable de canons de gros calibres pour 1'armée d'Amersfoort; 8c auffi - tót le camp de Zeyft fut levé. Les bourgeois qui formoient alors le cordon Hollandois , furent avifés de fe tenir fur leurs gardes. Quantité d'officiers fe détacherent du parti de ta province de Hollande , 8c préférerent d'obéir aux États - Généraux. Pour juger fainement de leur conduite , il eft a propos de connoitre la formule du ferment que prêtent les officiers des régimens au fervice de Leurs Hautes Puiffances. Formule. « Je promets 8c fais ferment d'être fidele aux » États-Généraux des Provinces-Unies, quirefte» ront attachés a 1'union 8c a la religion réfor» mée, de - même qu'aux États de la province » dans laquelle je ferai employé. Je promets d'être » fidele aux régens des villes , dans lefquelles je » ferai mis en garnifon, de les fervir fidélement » fous les ordres de S. A. S. Monfeigneur le Gou» verneur 8c Capitaine-Général de ce pays, je pro» mets d'obéir aux feigneurs États - Généraux 8c » particuliérement a S. A. S., de-même qu'aux au» tres chefs , fous lefqueis je fuis, pu qu'on pour» rok me donner. Je promets de refpe£ter leurs  Ii<£ A N E G D O T E.S » ordres, de leur obéir, Sc de fuivre les ordon» nances militaires faites ou a faire comme je» veux que Dieu me foit en aide. » La détention de Ia princefte d'Orange, ne pouvoit avoir que de mauvaifes fuites; les Anti - Stadhoudériens devoient s'y attendre. L'Europe entiere avoit fixés fes regards fur S. M. PrufTienne ; qu'indignée de Ia démarche auffi refpeétueufe que peu réfléchie qu'on s'étoit permife vis-a-vis de fa Sceur, a demandé a main armée une fatisfaétion proportionnée a 1'offenfe. C'eft pour 1'obtenir fans délai, que Sa Majefté réfolut de faire marcher furle-champ quarante bataillons, 8c trente efcadrons-, outre une partie des huffards de Ziethen 8c des dragons , formant en tout foixante mille homme:. La régence 8c la chambre des guerres 8c finances de Clève , furent affémblées extraordinairement k ce fujet , 8c tout fut bientót préparé pour le paffage de toutes ces troupes. Dans un trés - court efpace de tems , tous les habitans des campagnes des environs de Cleves, amenerent leurs chevaux a un rendez-vous défigné , pour choifir ceux qui pourroient être propres au fervice de 1'artillerie. Tous les préparatifs néceftaires furent bientót accélérés: on expédia dans le duché de Magdebourg des ordres de préparer en diligence , tout ce qui étoit néceflaire au paftage, au féjour , 8c 1'approvifionnement des bataillons Pruffiens, deftinés a tirer une vengeance éclatante de la démarche imprudente qu'on avoit hafardée contre la princaffe d'Orange.  MOQERNES. 127 Détail de Varmée PruJJienne. Cavalerie. Cuiraflïers. . . . 9,450 Dragons. . . . 10,500 ' Huflards. . . 15,000 f 35>i5© Huflards a cheval. 200 J Infanterie. Infanterie. . . 95,424 *| Troupes de garnifon. 2 5,560 Garnifon Gronad. 4,260 j Volontaires. . . 4,260 I Milice 5,680 Y T47-"4 Artillerie. . . . 9,900 j Chaffeurs 710 J Ingénieurs. ... 710 | Invalides. ... 710 J Total, 182,364 hommes. Pendant que 1'armée PrufTienne s'avan9oit vers les confins des Provinces - Unies, plufieurs villes fe rangerent du parti Stadhoudérien. L'ancienne conftitution 8c les droits du Stadhoudérat , tels qu'ils furent éiablis l'an 1747 , 8c confolidés l'an 1766 , furent confirmés par la régence de Middelbourg. Le calme fe rétablit dans cette capitale de la Zélande , 8c au même prix a Fleflingue 8C Ziriczée , deux villes dont les confeils avoiejjt pertché vers le parti patriote.  iz& Anegqotbs Les États d'Over - Iiïel, qui votent de concert avec ceux de Ia province de Hollande , firent rentrer dans le devoir la ville de Haffelt, en lui pardonnant fa révolte. Ils fufpendirent le prince d'Orange de fa dignité dé Stadhouder 8c d'amiralgénéral \ enfuite ils mirent a la tête de leurs CorpsFrancs , un officier Francois , nommé Ternant. Sur ces entrefaites , arrivé a la Haye le marquis . de Vérac, ambafladeur de France, qui remit auffitöt, de la part du Roi fon maitre, au greffier de Leurs Hautes Puifiances, un Mémoire qni contenoit ce qui fuit: Hauts et Puissants Seigneurs. Le Roi a été informé que les États de la province de Hollande , ont propofé le 7 de ce mois, a V. H. P. de recourir a fa médiation , pour la conciliation des différends qui divifent la république. Sa Majefté a été infiniment fenfible a cette marqué de confiance , 8c Elle a ordonnée au fouffigné fon ambafladeur , de déclarer a V. H. P. , non - feulement, qu'elle eft dhpofée a y répondre, mais auffi qu'EJle s'empreffera, autant qu'il jpourra dépendre d'Elle , au rétablilfement du calme de la république , & de la bonne harmonie entre les différens membres de 1'union. Le Roi faifit avec empreffèment cette occafion, pour exprimer a V. H. P. la vive douleur que lui caufent les troubles qui agitent les Provinces - Unies, Sc pour fixer leurs regards fur les défaftres qui en feroient les fuites , s'ils n'étoient bientót arrêtés. t< Sa Majefté penfe . que pour atteindre ce but falutaire,  Moderne». 129 felutaire , il eft certain que V. H. P. prennent les mefures les plus promptes 8c les plus efficaces pour arrêter , dès-a-préfent, les mefures hoftiles auxquelles on fe livre dans plufieurs provinces: Vos H. P. préviendront ainfi la guerre civile , 8c faciliteront le fuccès de la conciliation qu'il eft fi defirable d'efteetuer. Cette exhortation de la part du Roi lui eft dictee par 1'amitié qu'il porte a la république , 1'intérêt qu'il prend a fa confervation 8c a fa profpérité, 8c 1'affection particuliere pour chaeun des membres qui la conftituent. La Haye le 18 juillet. Le Marquis de VÉRAC. Quel beaume calmant pour les plaies profondes qu'on va faire a la république des Provinces> Unies! Voici quelque chofe de plus confolenr. Répartie auffi ingénieufe , qu'elle caraclérife une belle ame. Lorsque la princefie d'Orange fut arrétée en allant a la Haye, le comte de Bentinck dit au fils ainé de S. A. R.: « II faut, mon Prince, que votre -» pere imite Amilcar, pere d'Annibal, Sc vous » fafie jurer aux pieds des Autels de ne jamais » pardonner k ces audacieux infurgens. » Cette infinuation eft auffi odieufe qu'elle décele un mauvais cceur, mais la répartie fait trop d'honneur au jeune Prince pour qu'on ne s'empreffe pas de Ia Tomé III. I  130 Anecdotes rendre publique , puiiTe t - elle pafièr i la poftéricé la plus reculée, pour rendre hommage a un jeune Prince qui penfe aufli noblement. « Monfieur » le Comte , je crois pouvoir me flatter de ne ja» mais manquer a ce que je dois a mes auguftes » parens , je ne fuis point infenfible aux infultes » récentes faites aux auteurs de ma vie ; mais fi » Fon vient a réparer ces torts , je me flatte d'être » trop bon Hollandois pour ne pas pardonner Sc » oublier. » Parcere fubjeclis & de bellare fuperbos. Extrait publié a Deventer le 17 juillet. Le 17 juillet, on publia a Deventer 1'extrak fuivant, du régiftre des réfolutions de cette ville. Comme il a plu aux Seigneurs États de Gueldre, de faire camper quelques militaires fur les frontieres ultérieures de cette province , dans le voifinage de cette ville, fans nous communiquer leurs intentions, 8c qu'il eft a craindre, au cas qu'on n'y pourvoie , qu'il ne furvienne des démêlés entre lefdits militaires Sc les bourgeois auxiliaires, deftinéfi a la défenfe de cette ville : c'eft pour prévenir toute difcordance, que les Échevins 3c le Confeil ont trouvé bon d'auuorifer leurs co-régens, MM. G. Dumbar, G. J. Jacobofen , 8c A. G. Béfier en qualité de commandans de cette ville , de mettre en oeuvre , au plutót., les moyens néceiTaires pour la défenfe de cette ville , Sc en même tems d'enjoindre a ces Mefileurs , que tant que la ville ne feroit point attaquée , qu'il ne fe commit point d'a£tions qui démontraifent évidemment que le def  Moderne s. iji ffeïn des fufdits militaires fut d'attaquer hoftilement eette ville , qu'il fut ordonné aux milices bourgeoifes 8c aux auxiliaires , de n'employer aucuns moyens de fait ou de violence , quand même cette milice paroitroit inopiriément fur notre territoire , fitué au - dela de 1'Iflel, ou qu'elle leur feroit quelques infultes , ou qu'elle exerceroit quelques actions non permifes, dont on pourroit fe procurer quelque fatisfaétion par des moyens violens ; mais d'en faire d'abord rapport: que dans ce cas on J pourvoira , 8c afin de prévenir autant que poflible tous les défordres , les fufdits Commandans font priés 8c autorifés de donner les ordres nécefïaires , pour que tant que ces militaires feront cantonnés , qüe nos bourgeois 8c auxiliaires s'abftiennent de paroïtre fur le territoire de Gueldre , fituée audela de 1'Ifiel, avec leur fabre ou d'autres armes, les avertifiant que tous ceux qui 1'enfreindront, 8c qui occafionneront quelques hoftilités , feront rigöureufement punis fuivant 1'exigence des cas. Signé, Gerh. 8c Dumbar , Secretaire. Le i 5 juillet, les États de la province d'Utrecht, aflemblés a Amersfoort, écrivirent aux États - Généraux pour les prier de prendre toutes les mefures convenables pour protéger le commerce 5 8c pour que la navigation fut füre , on prit des mefures en «onféquence de eet avis. La ville de Wyck, furprife par les Anti - Stadhour dériens , fut un échec confidérable pour le parti •ppoie : paree que le Stadhouder y avoit d'aberd I i.  i3* Anecdotes mis au - dela de 400 ouvriers pour augmenter les fortifications. Son plan étoit d'en faire une place de retraite , 8c au point de ralliemenr, d'oü il auroit pu incommoder conlidérablerhent la province, s'il ne parvenoit pas a di/fiper fes troupes, avant que les ouvrages euflent été finis. Grands bruits d'une guerre générale. Bientót après, la nouvelle fuivante fe répandit dans toute la Hollande , que lelieutenant-général baron de Gaudi , infpecteur général des troupes PrulTiennes en Weftphalie, avoit fait adrelfer une lettre circulaire aux divers officiers-généraux fous fes ordres. Le général de Budberg qui comman» doit a Lipftad Sc dans le comté de la Marck, y fit publier cette dépêche, qui porte ce qui fuit: Le Roi ne pouvant regarder avec indifférence f*infulte faite en Hollande , le 28 juin a S. A. R. la princefie d'Orange , étant déterminé a la venger , li 1'on ne donne pas une fatisfaction éclatante k cette princefie , S. M. a ordonné de tenir prêts les régimens en Weftphalie , pour qu'ils pulfent fe mettre en marche au premier ordre. Les bataillons de grenadiers en garnifon, fe mirent en marche , Sc les ordres furent expédiés de tous cótés pour J'achat des chevaux nécefiaires a i'artillerie Sc aux bagages : on enleva les magafins de grains SC de fourages; 1'armée recut ordre de marcher fur deux colonnes, dont I'une étoit appuyée fur Duisberg prés du Rhin , 8c 1'aurre fur le Véfel. La nui: du premier du mois d'augufte , quatre a cinq mille cuiraffiers, huflards, chafleurs Sc  Modern es. 133 auxiliaires, & quelques foldats da régiment de Palardy , marcherent d'Utrecht a Zcedik dans 1'intention de piller la maifon du prince d'Orange i. mais ils furent repoulfés par une centaine d'hommes qui s'y trouvoient. II firent une feconde tentative 5 mais ils furent tous repoulfés avec vigueur. Dans cette feconde attaque , ils prirent la fuite , furent difperfgs, 8c allerent cacher leur honte 8c leur défefpoir dans des haies 8c d'épais buiflbns. Sept hommes de Salm , un de Palardy 8c un auxiliaire furent pris 8c conduits immédiatement a Amersfoort. Un maitre des logis , 6c un trompette furent encore furpris par une patrouille. On trouva trente fulils que les fuyards avoient abandonnés : il n'y eut que quelques individus obfcurs tués ou blefles dans cette légere efcarmouche. Le mémoire de M. de Vér^c, ambafladeur de France, qui avoit été préfenté aux États - Généraux , faifoit beaucoup de fenfation fur les efprits des deux partis •■, d'oü il réfulta une inaction complete dans les troupes Stadhoudériennes 8c AntiStadhoudériennes : on fe flattoit même alors dun heureux prélude qui fembloit annoncer une pacification générale ; mais ce rayon d'efpérance s evanouit bientót. Le rhingrave de Salm ayant cru pouvoir dépofter 1'aile droite du prince Stadhouder , pour atteindre fon but, fit fortir un gros detachement de la garnifon d'Utrecht, qui, bientót fut formé en deux colonnes: 1'une compofée de trois cents hommes aux ordres du rhingrave même , tenta de furprendre un gros corps de troupes des états de ï 3  134 Anicdotes Gueldre ; mais elle le trouva dans une pofitioa M avantageufe , qu'elle n'ofa exécuter fon deflein; 1'autre colonne confiftant en trois cents cinquante hommes, tant de troupes réglées que de milices , fe porta vers Soesdyck, oü elle tenta de furprendre le premier bataillon de Heffe - Darmftadt. Les affaillans furprirent d'abord quelques piquets avancés •■, mais ayant pénétré plus avant, le bataillon leur oppofa une défenfe fi vigoureufe , qu'après une aétion de demi - heure, dans laquelle les deux parus développerent la plus grande valeur , ils furent a la fin forcés de lacher le pted. Dans la pourfuite , les troupes de Gueldre firent trente a quarante prifonniers , 8c 1'on prétend même qu'il n'y a eu qu'un homme de tué 8c trois blefies : du cöté des patriotes, il y eut tinq hommes de tués, outre 1'enfeigne Van-Gyfen, 8c quinze blefles. Cette perte fut avouée des patriotes même. On ajoute a ces détails que les troupes de Salm revinrent a 1'attaque jufqu'a trois reprifes differentes. Le colonel Erpel , commandant du bataillon vi£torieux, qui recut une contufion dans le combat, avoit d'abord fait demander du fecours ; le prince de Heffe - Darmftadt s'étoit mis a la tête de quatre cents hommes, pour le renforcer ■■, mais il n'arriva qu'après l'aétion, 8c le commandant eüt la gloire de s'être glorieufement défendu avec 8o a 3 oo hommes , contre un corps de plus de 3 50. Nouveaux développemens. 9 du mois d'augufle, les états d'Utrecht fircwj  Moderne ff. i35 publier un édit , par lequel ils accordoient une amniftie générale a tous les habitans de Wyck} ils 1'étendirent même fur les fieurs Nys 8c VanderKemp détenus alors; quoique difent les états, ils s'en jbient rendus indignes en excitmt les habitans è fe foulever contre leur Souverain légitime. « Pour prévenir de nouvelles tentatives de la » part de ces deux perfonnes, elles furent mifes » provifionnellement fous une garde füre ». La cour provinciale d'Arnheim , rendit au nom des États de Gueldres, une proclamation , par laquelle il étoit ordonné a tous les fujets de la province qui, en qualité d'auxiliaires , fe rendirent a Utrecht pour y prendre du fervice, de 1'abandonner fans delai, fous peine d'être punis felon 1'exigence du cas. II fut défendu par le même édit a aucun des habitans, fous des peines pareilles, de fe rendre a Utrecht 8c de s'y enröler. Dans ces circonftances, le baron de Thulemeyer , miniftre de Pruffe a la Haye , re§ut un nouveau courier de Berlin , après 1'arrivée duquel il demanda une conférence au grand penfionnaire de Hollande. II remit £ ce magiftrat une déclaration ultérieure de S.M.P., touchant la réponfe des états de Hollande , au mémoire qu'ils avoient fait paffer depuis peu a ce Monarque : voici leur réponfe telle qu'elle a circulé dans les gazettes Hollandoifes. Réponfe. L. N. 8c G. P. ont trop d'égards pour Sa Majefté . ie Roi de Pruffe , 8c pour fcn illuftre maifon, pour I 4  i}6 Anegdotes pouvoir fouffrir qu'il füt commis dans ce pays quelqu'attentat , ( expreflion dont s'eft fervi le fufdit envoyé ) contre mad. la princeffë d'Orange, feeur de S. M. L. N. & G. P. ne peuvent fe diffimuler que Sa Majefté le Roi de Pruffe , ne peut fe refufer aux égards que les puifiances fouveraines fe doivent les unes aux autres : qu'ainfiL.N. ScG. P. ne peuvent pas attendre de la facon de penfer de S. M., que le Roi confidéreroit comme des attentats contre la perfonne de S. A. R. Les mefures de L. N. 8c G. P. qui, en qualité de feul Sc unique fouverain de cette province , ont cru devoir les prendre ; mefures d'ailleurs , qui ne tendoient qu'a la confervation de la tranquillité publique , a la füreté des habitans Sc au bien-être de 1'état, Sc cela uniquement, paree que S. A. R. s'eft trouvée impliquée dans les mefures prifes a ce fujet. Que L. N. 8c G. P. auroient defiré que Sa Majefté eüt été exadtement informée , avant tout, des circonftances qui ont eu lieu dans ce cas fingulier, par un récit fidele de ce qui s'y eft paffé. L. N. Sc G. P. ont raifon de ne pas douter qu'alors le mémoire de M. 1'envoyé Thulemeyer n'auroit pas été remis, comme il 1'a été ; que cependant L. N. 8c G. P. ne fauroient attendre de 1'élévation des fentimensde S. M.le Roi de Pruffe, que ce monarque voulüt exiger que S. A. R., madame la princeffë d'Orange , füt fupérieure au Souverain même de cette province j 8c fur ce fondement, que S. M. voulüt auffi confidérer comme un attentat, ou comme une injure faite a la perfonne de madame fa fceur, tous les empêchemens qu'elle a pu  Moderne s. i?7 rencontrer dans fon voyage pour fe rendre a Ia Haye : v®yage contraire aux intéréts de 1'Etat. Que cependant L. N. 8c G. P., pour donner unè preuve éclatante du vrai prix qu'elles mettent a 1'amitié 8c a la bienveillance de S. M. , ne font aucune difficulté de déclarer de leur cóté , que , quant a ce qui regarde le fait même , elles en ont été vivement touchées , 8c qu'elles ne delireroient rien avec plus d'ardeur , que d'avoir eu les moyens de le prévenir \ qu'il eft plus que vraifemblable , qu'effeétivement eet accident auroit été pre^enu , fi S. A. R., au lieu de partir a 1'improvifte , après une abfence d'environ deux ans, pour rentrer fur le territoire de cette province , eüt prévenu d'une maniere convenable L. N. 8c G. P. du defir qu'elle avoit de venir dans la maifon du Bois (pres de Ia Haye), 8c des motifs qui la conduifoient, puifque de cette fac,on, non - feulement L. N. 8c G. P. auroient été dans la pofiibilité de juger d'avance du fondement de ce defir , Sc des motifs de S. A. R. •■, mais que même elles auroient pu faire part a madame la Princefie , des confïdérations que ce voyage devoit naturellement leur fuggérer; que même alors L. N. 8c G. P. auroient pü 8c auroient dü faire refiöuvenir madame la Princefie de la maniere que le prince Stadhouder quitta , avec toute fa familie , cette province au mois de feptembre «785. , p Le mécontentement du Prince contre le Souverain de la province de Hollande, montré clairement 8c a plufieurs reprifes, rapproché d'une foule de démarches vifïblement tendantes a faire fentir  J38 Anecbotes è cette province , les fuites 8c les fruits de ce m'êcontentement , 8c 1'emploi même de toutes les forces de la république qui étoient fous fa main, dirigé a cette fin; le contenu de ce déclaratoire qui a fait tant de bruit , 8c donné par le fufdit Prince , le 26 mai dernier \ mémoire oü 1'on perd abfolument de vue toutes les idéés d'une reconnoiftance etfeftive de 1'indépendance entiere de la fouveraineté de cette république, d'oü il eft réfulté malheureufement , que toutes les relations entre L. N. 8c g. P. 8c le Stadhouder aftuel, foient divenues trés - indécifes; 8c enfin la divifion extréme qui regne dans les fentimens de la nation, dont la plus confidérable 8c la plus refpe&able portion, en réclamant fes libertés , eft extraordinairement prévenue contre le Stadhouder , en voyant clairement Ie but auquel il tend , pendant qu'une autre partie, nourriftant des fentimens oppofés , 8c que la populace trompée 8c fans jugement comprife dans cette feconde portion , a déja abufé de la maniere la plus fcandaleufe , en plufieurs endroits , du nom d'Orange , qu'elle en fait même un cri de révolte : pour ainfi ouvrir la plus affreufe des féditions, 8c de deftru£t;on , que tout cela méritant les plus férieufes confidérations, auroit pu être remis fous les yeux de S. A. K. comme pouvant beaucoup infiuer fur la tranquillité de cette province , que de plus, par rapport au deffein 8c au motif du voyage de madame la princefie d'Orange , on auroit pu aufli lui repréfenter qu'autant que fon arrivée ici : pouvoir avoir pour objet de faire difpuoitre, foit par fon entremife , foit en entamant des conférences  ' M Ó D E R N E S. ^avee ie-Souverain , tous les différends & les diffentions qui fe font élevés dans 1'état 5 que ce but , quelque louable & quelque eftimable qu'il foit en lui-même, conlidéré dans fon principe general-, n'auroit cependant jamais produit le fruit qu'on s'en étoit promis, vu le manque d'impartialitéj qu'après tout ce qui eft arrivé , la nation ne pourroit pas fuppofer dans madame la princefie \ ïmpartialité néanmoins qui eft la première qualité requife dans une médiatrice, puifque les conférences qu'on avoit en vue d'entamer n'auroient au moins pu avoir lieu , auffi long - tems que le Stadhouder, comme principale perfonne, auroit perfévére opv niatrément dans fa facon de penfer & d'agu connue , contre le Souverain de cette province ; fuppofé toutefois que les termes de la médiation , & autres dont on s'eft fervi, puiffent être employés dans un fens propres , entre le Stadhouder & fon Souverain , ou la perfonne qui 1'auroit reprefente: que, conféquemmwit L. N. & G. P. n'auroient pu s'empêcher de conclure de toutes ces confiderations , les chofes étant ainü : que d'un cóte il auroit été impoffible que 1'arrivée de madame la Princeffë dans cette province eüt contribue aux deffeins pacifiques qu'elle dit avoir eus \ que dun autre cöté , le but de fa venue ayant malheureufement été trompé , ce voyage même devoit etre différé encore pour quelque tems , pour contnbuer au repos & a Ia tranquillité de cette province, qui étoit fans doute le but que S. A. R..fe propofoit en venant a la maifon duBois. Ce retardetoit indifpenfablc pour éviter de nouvelles agitations,  I4« Anecdoiu que 1'arrivée de S. A. R. auroit infailliblement eau* fée dans les efprits , dont la facon de penfer eft fi differente \ que par 1'occafion qu'elle auroit dontfée a une populace emportée; cette popalace fous les apparences de fe livrer a une joie publique, dans 1'idée faufiede s'acquitter par - la de fes devoirs envers Ia maifon d'Orange, 8c de lui faire honneur , auroit Mché la bride aux defirs qu'on nourrit 8c qu'on excite parmi elle, 8c fe feroit livrée a la fédition 8c au défordre de toute elpece , au grand préjudice du pays 8c des citoyens qui 1'habitent. L'e^périence malheureufe de ce qui eft arrivé dans plus d'une province, le même jour qu'on croyoit madame la Princefie arrivée a Ia Haye , les féditions affreufes, les pillages , 8c les cruautés auxquelles on s'y eft livré, précifément ce même jour , ne confirment malheureufement que trop les confidérations que nous venons d'indiquer fur les fuites infaillibles qu'auroit eues 1'arrivée de madame la Princefie a la maifon du Bois. Que L. N. 8c G. P. penfent que ces réflexions appuyées par des inftances , telles que 1'importance de la chofe les exigeoit, mifes fous les yeux de S. A. R. , 1'auroient convaincue de la néceffitéde differer ce voyage^ que par-Ia, madame la Princefie auroit compris 1'importance pour elle, de travailler de concert avec L. N. 8c G. P. au bien - être du pays, 8c a y rétablir la tranquillité 8c le bon ordre; 8c que de plus, elle auroit empêché que fon but louable 8c pacifique , n'eüt précifément tourné contre fon intention , au détriment de la chofe publique, en la faifant feirir  Moderne $, 141 elle - même au tumulte & au pillage, qui auroient été les fuites infaillibles de fon arrivée dans la' province ; L. N. Sc G. P. penfent, avec d'autant plus de confiance , que ces réflexions auroient fait une vive impreffion $ qu'elles veulent bien fe perfuader que S. A. R. auroit été réellement difpofée a prouver par des effets, les fentimens eftimables tju'elle a déclarée avoir pour le bien de 1'Etat. Que cependant 1'arrivée imprévue de S. A. R., que certainement qui que ce foit, connoilfant 1'état des chofes, n'auroit pu prévoir, ayant öté toute occafion a L. N. Sc G. P., de faire part de leurs fufdites conlïdérations a madame la Princeffë, doit être conlidérée comme 1'unique caufe de 1'accident , qui fait le fujet du mémoire de M. 1'envoyé extraordinaire, accident auquel L. N. Sc G. P. ont été certainement auffi fenfibles , que Sa Majefté le Roi de Pruffe a pu 1'être lui-même. Que néanmoins , pour ce qui regarde cette arrivée , a laquelle perfonne ne devoit s'attendre , 8c attendu que L. N. Sc G. P., par cette raifon, 1'ignorant eux-mêmes, ne pouvoient donner aucuns ordres quelconques qui y fuffent rélatifs : 1'empêchement qui a été apporté a la continuation du fufdit voyage de S. A. R., ne doit paroitre étrange a qui que ce foit, puifque, comme L. N. Sc G. P. en ont été informées dans la fuite , Meffieurs leurs députés, chargés des moyens de défenfe de cette province , Sc auxquels il avoit été particuliérement enjoint d'écarter tout ce qui pouvoit être préjudiciable a cette province, en vertu de leur obl.igation a eet égard , avoient donné un ordre général d'ar-  tAfZ Anecdote 3 rêter toute perfonne quelconque , qui voudroÏÈ entrer dans la province fans aucune exception , 5C dont la préfence pourroit être nuilible a la tranquillité publique , de la retenir jufqu'a ce que Meflieurs les fufdits députés auroient donné des ordres ultérieurs a ce fujet •■, qu'en conféquence de eet ordre général, qui a été donné fans penfer abfolument a un voyage que madame la PrinceiTe pourroit faire dans cette province, S. A. R. a été effeétivement retenue : il ne peut donc pas paroitre aucunernent étrange , que les fufdits députés ayant été promptement informés du fait, aient fait difficulté de permettre que madame la Princefle pourfuivk fon voyage , 8c qu'avant tout , ils aient voulu connoitre 1'intention de leurs hauts commettans , qui devoit leur être parfaitement inconnue , pour ce cas particulier 8c imprévu fur-tout. MefTieurs, les députés, auxquels 1'état des chofes étoit parfaitement connu, 8c qui déja n'ignoroient pas les mouvemens que le voyage de madame la PrinceiTe avoit occafionnés, pouvoient facilement prévoir combien cette venue donneroit occafion aux troubles, 8c aux déprédations dont il a été parlé plus haut, 8c qu'ainfi , conlidérant que le fecret , foigneufemlcnt gardé fur ce voyage , 8c la maniere cachée dont il avoit été entrepris, en rendroit les effets poflïbles d'autant plus dangereux, du moina pour L.N. 8c G. P.: 1'on ne peur pas dire qu'ils aient outrepafTé les bornes d'une prudence néceffaire, lorfque craignant de prendre pour leur compte les fuites dangereufes qui étoient plus que jprobables , ils ont perfuadé a S. A. R. de fuipendre,  Moderne s. 145 ïbri voyage, jufqu'a ce qu'ils eufTent recu les ordres de L. N. Sc G. P., Sc qu'on eüt le tems de prendre des mefures pour la confervation du repos public. Que tout ce qui a eu lieu dans cette rencontre , pour autant que L. N. Sc G. P. en font informées , s'eft pafte d'une maniere trés - décente ; de forte. que quelques - uns de mcflieurs les Commiftaires fufdits ont accompagné S. A. R. a fa propre réquilition , Sc pour la füreté de fa perfonne, avec une efcorte de cavaliers jufqu'a Schoonhowen j qu'arrivée en cette ville, Sc y étant reftée un peu plus d'un jour, S. A. R. a jugé a propos, après avoir appris les délibérations provifionnelles de L. N. Sc G. P. fur cette affaire , de retourner a Nimegue; delfein a 1'exécution duquel elle n'a éprouvé aucune oppofition quelconque \ preuve évidente qu'on ne lui a óté rien de ia liberté , tandis que de plus , il n'eft parvenu ni par les lettres de S. A. R. , ni d'ailleurs , aucunes plaintes a L. N. Sc G. P., foit au fujet de la conduite tenue par meffieursles Commiifaires fufdits envers S. A.R. dans cette rencontre, foit fur tel autre fait quelconque , qui eüt feulement 1'ombre d'un traitement indécent ou injurieux, ou d'un manque d'égards convenables pour fon illuftre perfonne, au fujet de quoi L. N. 8c G. P. pourroient fe croire en droit de décerner quelque peine ou correétion, en vers meftieurs les Commiifaires fu^Jits, dont la démarche a prévenu , plus que piobablement un tumulte populaire. Que L. N. H G. P. s'aiïurent avec raifon, que Sa Majefté Pruffienne, après avoir recu ce» détails,  T44 A N ï C B O I S ï voudra bien fe convaincre qu'elle n'avoit pas étê informée auparavant, avec 1'impartialité requife concernant le fait intentionné dans le mémoire de M. 1'envoyé extraordinaire de Thulemeyer; que de plus , M. de Thulemeyer fera prié d'aflurer Sa Majefté Pruflïenne, que L. N. 8c G. P. mettant Ie plus haut prix a 1'amitié de Sa Majefté, qu'elle n'exigera jamais de leur part, qu'elles négligent en quelque facon de prendre toutes les mefures néceffaires auxquelles tout Souverain eft indifpenfablement tenu 8c obligé , pour la confervation du bien-être des citoyens confiés a fes foins, tandis que finalement L. N. 8c G. P. peuvent encore donner a Sa Majefté Pruflïenne , 1'aflurance la plus pléniere } que dans leurs délibérations ultérieures fur eet objet, elles ne feront mues par aucun autre morif que par ceux qui tendent au but falutaire de la tranquillité publique ; qu'en outre , attendu que fuivant les informations données par M, 1'envoyé de Rhéede, Sa Majefté Pruflïenne s'eft auffi adreffée fur cette affaire a la cour de France. M. le Confeiller penfionnaire fera prié , ainfi qu'il effj prié par la préfente , de donner connoiflance de cette réfolution a M. le marquis de Vérac , ambafladeur de Sa Majefté Très-Chrétienne prés la République , avec priere d'en faire parvenir a la cour les informations néceflaires ; enfin , qu'il fera auffi envoyé par lettre , copie de cette réfolution aux Seigneurs États des autres provinces. Meffieurs de 1'ordre équeftre 8c les nobles firent inférer une annotation toute contraire dans les régiftres , a la date des 7 8c 19 du mois d'augufle \ 8e  Moderne s, i45 & y perfifterent. Les députés des villes de Delft, Ja Brille , Édem 8c Médenblick, firent infcrire leur déclaration en date du 10 du même mois Meflieurs, les députés des villes de Hom Sc d'Enchuifen , firent inférer aulfi leur annotation du dix du courant. Les États - Généraux firent au mémoire particulier qui leur avoit été remis le mois précédent par 1'envoyé de Prufle , une réponfe diamétralement oppofée a celle qu'on vient de mettre fous les yeux du le&eur. Ils y difoient qu'après les plus vives 8c les plus inutiles inftances , auprès des États de Hollande, n'ayant obtenu aucun fuccès, ils laiflènt entiérement au compte defdits États de Hollande , les fuites qui pourront réfulter de ces événemens, 8c qu'ils n'en veulent être aucunement rgfpanfables. L'extrait de cette réponfe fut expédié au baron de Rhéede , envoyé de la république a la cour de Berlin , pour lui fervir d'inftru£tion. Bientót après , un courier extraordinaire venant de Berlin , apporta a la chambre des domaines, guerres 8c finances du duché de Cleves, des ordres confirmatifs 8c immédiats, fignés de Sa Majefté , de prelTer tous les préparatifs néceflfaires a 1'armée qui étoit en marche, Scqui devoit arrivcr en peu. M. Flefch , commiflaire - général des vivres fe rendit a Véfel , oü arriverent en peu de tems les huflards de Schullenburg , partis de la Poméranie , ainfi que les troupes du duché de Magdebourg 8c de la principauté d'Halberftad ? qui fe mirent en marche avec toute leur artillerie. jLes divers régimens qui devoient former 1'armée 3 Tornt III. K  i4ó Anecdotes eurent ordre d'être raifemblés 8c prêts a entrer en campagne le 3 o de ce mois. Le 10 du mois d'augufle , arriverent a Wéfel dix millons de rixdallers , pour le fervice de 1'armée Pruflïenne, qui fe raflembla avec adtivité. Pendant tout eet intervalle , on ne s'occupoit a Berlin que des difpofitions rélatives a la formation & a la marche de 1'armée de Weftphalie, qui fe mit bientót en mouvement, Sc ne tarda pas d'arriver a fa deftination. Sur-le - champ le Roi de Prufle fit favoir au prince de Reufs , miniftre de 1'Empereur, que Sa Majefté Pruflïenne faifoit aflembler un corps de troupes fur les frontieres du duché de Cleves , fans deffein de faire la moindre conquête fur les Provinces - Unies, mais uniquement pour obtenir des États de Hollande , fatisfacf ion de leur conduite en vers la princefie d'Orange. Heureux prétexte fous le voile duquel on eft prévenu , comme on le verra bientót , è rétablir le Stadhouder dans tous fes droits 8c privileges. Mouvemens internes dans les Provinces - Unies. Pendant tous ces préparatifs de guerre, qui préludoient une invafion prochaine dans les Provinces - Unies, les Corps - Francs de la province de Hollande , tinrent une afiemblée générale a Leyde , 8c firent remettre au grand penfionnaire , ün manifefte ou déclaratoire de leur part, que fon volume ne nous permet pas d'inférer ici tout entier: on fe bornera au narré des morceaux les plus remarquables.  Moderne St M7 « Nous, hommes 5 bourgeois 8c habitans des » villes de la Hollande, par la grace de Dieu, >x parvenus a 1'age de difcernement, Sc doués d'ef» prit Sc de jugement, par conféquent dans 1'obli» gation de veiller a la profpérité de nos villes Sc » de la patrie , a tous ceux qui verront ou enten» dront lire ceci , falut, 8cc. » Manifefie. « Savoir , Faifons , que depuis long - tems , nous avons dü remarquer a notre grand chagrin, que 1'ingrat, 1'infidele , Sc de jour en jour plus infupportable , le premier ferviteur de la république , connue fous le nom de Prince d'Orange & de Najfau , s'eft fi indignement conduit dans fes éminentes charges de Stadhouder héréditaire , capitaine-général Sc amiral contre fon honneur , Sc le ferment prêté au pays en général, 8c particuliérement a la province de 'Hollande , que nonfeulement 1'attachement de la nation entiere pour lui Sc fa maifon s'eft changé en une haine légitime i mais auffi qu'ayant ofé s'oppofer par fes vues Sc a&ions defpotiques aux defleins 8c aux buts falutaires de L. N. 8c G. P., 1'unique 8c légitime Souverain repréfentant du peuple de cette illuftre province j 8c qu'au lieu d'exécuter leurs ordres légitimes , il les a contre-carrés : il a été la feule caufe de tous ces troubles , peines 8c défordres qui ont tellement ébranlé Sc déchiré notre chere patrie , qu'étant plus que perfonne intéreftés a fa fituation, nous auriQns été autorifés depuis K z  14S AnecdoteS long - tems a publier ce préfent declaratoire , & a prendre de telles mefures, que nous aurions jugé les plus propres a contre -carrer les vues 8c defieins de Guillaume V 8c de quelques régens indignes , paree qu'ils abufent de 1'influence qu'ils ont fur 1'efprit de celui qui, au lieu d'être le défenfeur des droits du peuple , en eft devenu 1'ufurpateur \ fur 1'cfprit d'une partie de la nation qui eft féduite, 8c par 1'affociation de la cabale Ariftocratique , fur les confeils du Souverain même , dans aucune autre vue que celle de caufer des défordres, 8c de renverfer par leurs liaifons illicites avec la cour perfide d'Anglcterre , non - feulement 1'heureufe conftitution des provinces en particulier , mais celle de 1'union même , 8c de mettre a fa place un nouveau plan de defpotifme. » Quoiqu'on puifte regarder tout cela comme fort indifférent , par rapport a notre propre influence 8c pouvoir, fi néceifaires pour la confervation de la république, il faut cependmt convenir qiu fondé fur un a\a,itage propre 8c. imaginaire de Guillaume V 8c de fon parti pernicieux, il peut devenir très-dangereux au bien eflentiel de la chere patrie. On doit attribuer uniquement a notre penchant vifible a la tolérance 8c a la concorde , mais fur-tout h notre attachement connu pour la confervation de la tranqu llité & du bonhcur public , fi nous avons palfé fous (ilence 8c méprifé jufqu'ici la continuation des troubles excités par eet objet détefié de la nation , 8c les corrupteurs du p ys 8c du peuple . en confervart ou er tachant de cenferver uniquement notre droit inné par las  Moderne Si 149 Voies les plus douces 5c les plus modérés, voulant éviter foigneufement tout ce dont on auroit pu foupconner quelque nouveau mécon ten temen t, ou allumer davantage le feu de la difcorde 6c des diffentions réciproques parmi les vrais patriotes Sc la cabale Orange 8c Ariftocratique. . . Lors donc que 1'ardeur infame de 1'ambrtion démefurée de cette pernicieufe cabale , après avoir taché de porter les citoyens a s'armer contre leurs concitoyens , après avoir attenté a la vie des régens légitimes de quelques villes , proftitué honteufement les autres , mis le défordre dans toutes les parties du gouvernement , 5c qu'attuellement encore elle propofe de faire prendre les armes contre les bourgeois, de fouftraire les meilleurs 5c les plus habiles officiers a 1'obéifiance des Seigneurs États de Hollande , de les divifer entr'eux , enfin, de faire du territoire ci - devant paifible Sc floriffant des provinces de Hollande , Utrecht Sc OverIfiël, le théatre d'une guerre civile , oü beaucoup de citoyens malheureux Sc féduits, feront conduits de fang-froid a la boucherie , 6c épuiferont par 1'eftufion de leur fang 6c de celui des militaires , les forces de la république , uniquement pour faire paifer le plan de defpotifme. Alors, dis - je, le cceur de chaque digne Hollandois doit fe fendre a 1'idée du danger préfent qui nous menace, de voir bientót notre heureufe union pour jamais rompue , la forme de notre gouvernement jadis £ heureufe 5 entiérement altérée ou  15c Anecdotes plutöt ariéamie pour jamais , 8c facrifiée a un Stadhouder qui ne refoire que le defpotifme , 8c par une conféquence néceflaire , la décadence du commerce & de Ia navigation, 8c voir tout - a-lafois tous ces avantages, 8c le bien - être perdus , lefcjuels par la bénédicfion divine 8c la bonne direétion de nos vrais repréfentans, nous ent mis en état d'être la terreur de nos ennemis voifins , & de faire Vadmiration de toute l'Europe. Nous fouflïgnés , ne pouvons dans eet inftant, cacher combien nous fommes affé£tés de la trifte fituation oü fe rrouve notre chere patrie, en voyant que le favori de 1'État qui a été plus que tout autre Stadhouder privilégié , 8c a recu dès fa plus tendre enfance tant de bienfaits, eft 1'inftrument qui cherche a porter un coup mortel a notre liberté •■, nous refientons plus que jamais la force de eet amour, qui nous lie a notre patrie, dont nous maintiendrons 8c défendrons la liberté, fuivant notre ferment 8c notre devoir , 8cc. f L'affaire fi férieufe de 1'expulfion des députés d'Utrecht aux États Généraux , propofée par la Zélande , devant avoir probablement des fuites de Ia pkis grave importance , nous ajouterons a ce que nous en avons dit, la conclufion textuelle de la réfolution prife Ie 2.3 juillet, a rafiemblée de L.H.P, Les députés des États de Hollande, après avoir expofé leurs motifs ont terminé leurs avis en difant: £ « Qu'a ces caufès, les Seigneurs leurs commettans, déclarant provifoirement que ceux-ci tiennent pour légale radmifiion defdits États - Généoux j qui y ont été regus Ie 14 juin dernier , après  Moderne s. avoir exhibé leurs commiflions des États d'Utrecht, lous lefquelles aucun des Députés des autres provinces n'a fait des remarques, quo adformam; que de plus ils font d'avis que 1'afiemblée de L. H. P. eft incompétente a s'immifcer dans les différends , entre les membres des États de la province d'Utrecht , attendu que cette affaire eft purement domeftique \ qu'en conféquence , dans le cas qu'il füt employé quelques moyens pour expulfer par voie de fait, lefdits Députés de 1'affemblée de L. H. P., les Seigneurs États de Hollande fe trouveroient obligés de prendre lefdits Députés en leur protettion , 8c d'interdire en revanche le territoire de cette province aux Députés des membres des États de la province d'Utrecht , qui s'aftemblent a Amersfoort , fe réfervant lefdits Seigneurs leurs commettans, telles démarches par rappprt au contenu ultérieur defdites réfolutions Hollandoifes Sc aurres, qu'ils jugeront convenables. Sur quoi MM. ks Députés des fix autres provinces ont délibéré 8c pris copie de la propofition fufdite , pour être communiquée a leurs commettans, 8c en attendant il a été trouvé bon 8c arrêté , que copie d'icelle fera mife entre les mainsde M. de Weidéren , 8c des autres Députés de L. H. P. pour les affaires de loix 8c régiemens , afin de les examiner avec quelques commiflaires du confeil d'État, a choifir par euxmêmes, pour faire rapport du tout a l'aflemblée. MM. les Députés de la province de Zélande ont déclaré , « qu'ils perfiftent dans leur réfolution préccdente, 8c qu'ils en réclament 1'effët particuliérement, pour ce qui concerne Texpullïon des pré- K 4  151 Anecdotes tendus députés d'Utrecht, fans s'en écarter en rien; mais vu ia teneur firjguliere Sc léfive de la propofition de meffieurs les députés de Hollande, ils en prendront copie pour la portcr a la connoiffance Sc aux délibéiations des feigneurs États leurs commettans , déclarant de plus, qu'ils font d'avis que dans un comité de L. H. P. avec le confeil d'État, il faudroit avifer aux mefures a prendre contre les menaces frites par la province de Hollande , Sc pour le maintien de la liberté qui appartient a meffieurs les députés des Confédérés. Les Etats de Hollande ont caffé divers officiers généraux , plus attachés aux ordres de L. H. P. qu'a ceux de la province. Dans ce nombre eft le général Grénier , Suiffe d'origine , colonel du régiment Vallon de fon nom , Sc commandant de Gertruydenberg , M, Verduyn-, colonel au régiment de Pallardy , M. de Bentinck , colonel a celui de Dundas , Sec. eurent le même fort. Les États de 'Zélande ont donné leur avis fur la médiation demandée par la province de Hollande , dans une réfolution du 30 juillet, dont voici la teneur. Après la délibération , il a été trouvé bon Sc arrêté , que les Députés ordinaires de cette province feront chargés Sc autorifés, comme ils le font par la prefente , de déclarer a 1'aiTemblée de L. H. P., que L. N. P. nc font pas moins affoctées que les Seigneurs États de Hollande , du danger des circonftances aéruelles , Sc qu'elles en appréhendent également les fuites affligeantes. Que cette j-y-Gvince a toujo.urs été inciinée a ne rien épar-  MODEKNIS Ï55 gner de ce qui peut fervir a rétablir la concorde defirée, ÖC a foutenir 1'union a laquelle elle a déclaré fi folemnellement vouloir demeurer attachée. Que L. N. P. fouhaitent cordialement , que les diffentions qui ont eu lieu dansplufieurs provinces , fur des objets de differente nature , ÖC qui en font venues a de trifies extrémités , aux dépends des privileges acquis légitimement de la liberté politique & de la. füreté perfonnelle , puiifent fe terminer par les Confédérés eux - mêmes &C fans la médiation de quelques puifiances étrangeres , 1'alliance de 1'union fourniffant a eet effet des moyens qui n'ont pas encore été effayés affez férieufement pour défeipérer de leur fuccès. Que L. N. P. font d'avis, que les Confédérés doiventpréalablementrecourir aces moyens conftitutionnels , ÖC fpécialement a ceux de 1'article XVI de 1'union , ( qui eft de la plus grande application aux circonftances aétuelles) , oü il-eft dit diftin&ement: « s'il arrivoit, ce qu'a Dieu ne plaife, qu'il s'élevat quelque méfintelligence , difpute on diffention entre les provinces, qu'elles ne pourroient accorder entr'elles; quant a ce qui concerne quelques provinces particulieres , elles feront affoupies öc terminées par les autres provinces , ou par ceux qu'elles députeront a eet effet. Qu'enfuite , fi ce moyen fe trouvoit infruftueux, ou que la crainte d'une guerre civile exiftat encore après la décifion des confédérés , qu'alors feulement on fe verroit dans la néceffité de réclamcr les offices de médiation étrangere voifine , öc qu'alors même il faudroit préalablemcnt concerter les points  *54 Anecdote» qui feroient les objets, qui devroient engager I réclamer la médiation des Puilfances étrangeres. Que dans un tel cas, L. N. P. feroient auffi de 1'avis des Seigneurs les États de Hollande, qu'il faudroit d'abord réclamer la cour de France, k caufe de fon alliance avec eet État, 8c de 1'intérét manifefte qu'elle prend a fa poftérité 8c a fes intéréts. Que d'un autre cóté, il y a des raifons importantes pour la république , de réclamer non - feulement le fecours de Ia cour de France, mais encore celui d'autres puüTances. Que durant les troubles aétuels, Ia république a eu plus d'une fois le contentement de recevoir fucceffivement de fes autres voifins , les proteftations les plus fortes 8c les mieux intentionnées du delir qu'ils avoient de voir le repos 8c la Concorde rétablis dans eet État. Que Sa Majefté Pruffienne avoit auffi témoigné au mois de feptembre de 1'année derniere, par une ambaftade extraordinaire , combien elle s'intéreflbit au bonheur 8c a laprofpérité de eet État; 8c a par - la confirmé les oftres bien intentionnées de médiation , faites a L. H. P. environ une année auparavant, par le feu Roi fon prédécefleur. Que. Sa Majefté Britanique n'avoit pas donné moins itérativement , des affurances de fon inclination 8c de fon amitié envers la république , fpécialement par les mémoires préfentés par fes ordres , le 20 mai 1784 , 8c le 5 juillet" 1786, remémorant le fecours que les deux nations s'étoient plufieurs fois mutuellement prêté , pour la conf. rvadon de leur religion fit de leur liberté. Que  Moderne sr 155 i'on peut auffi fe flatter avec fondement de l'iritérêt particulier que la cour de Vienne confervera pour la profpérité de cette république, tant a caufe des anciennes alliances avec elle, que des intéréts du voifinage, 8c en conféquence du traité conclu avec cette puiffance 1'année 1785 , fans parler des relations particulieres , que ladite cour a de concert avec L. H. P. a 1'égard de Sa Majefté Très-Chrétienne. Qu'en conféquence , L. N. P. s'imaginent que L. H. P. avant de conclure finalement, fur la propofition faite par la Hollande a la généralité , touchant la réclamation de la médiation de la France , il falloit décider s'il n'y a pas moyen de réunir les provinces, entre lefquelles les malheureufes difientions ont lieu d'une maniere conftitutionelle , 8c fi en conféquence il n'y a pas d'autre voie que de réclamer les puifiances étrangeres j 8c qu'en ce cas, L. N. P. font d'opinion , qu'il jfaudroit amplier ladite propofition , en faifant la priere a eet effet, au même tems, aux cours de Vienne, Londres 8c Berlin , autorifant en outre , lefdits Députés ordinaires den faire 1'ouverture a L. H. P. : declarant de plus que L. N. P. ne concourront en aucune facon a la médiation propofée , que fur ce pied la , & qu'au défaut de quoi, elles feront refponfables des fuites ultérieures qui doivent néceffairement réfulter des circonftances actuelles. Ce n'eft pas fans étonnement , qu'on a remarqué que la Zélande ait défigné au nombre des médiateurs 4e ^a république , un Souverain avec  t$6 A H E « B 8 T ï } lequel elle refufa de ratifier le traité de 1784. Précifément a 1'époque oü ce Manifefte parut, les Corps-Francs commencerent de former un corps d'obfervation de fept a huit cents hommes, prés de Woerden. Tout étoit alors en mouvement a Berlin , 8c le col! ge militaire s'affembloit trés -fouvent. Les régimens défignés pour former 1'armée , furent ceux de Jung, Waldeck, Marwitz, Budberg , Eckartzberg , Gandi, Richmann 8c Knohelsdorf , infanterie ; plus un bataillon de Langler 8c un de Reunert, cavalerie; les cuiraflïers de Rohr 8c de Kalkreuth , les dragons de Lottum , 8c les huffards d'Eben '\ deux compagnies d'artillerie , 8c le canon pour quatre grolfes batteries. Dans cette énumération ne font pas eomprifes les troupes ftationnées en Weftphalie. C'eft alors qu'arriva une feine horrible , qui rappelle la barbarie des anciens tems. Les payfans d'un village nommé Vieux-Béveland, témoignant dans une réjouiftance leur attachement pour la maifon d'Orange , 400 hommes du Corps - Franc de Dordrecht tomberent fur eux , en tuerent quelques - uns, en pendirent trois par les pieds, 8c avec une cruauté phlegmatique les mirent en piece a coup de fabres. En fe retirant ils emmenerent ave^ eux trente a quarante de ces gens , qu'ils firent emprifonner pour les faire punir felon la rigueur des loix.  Moderne s. 157 Mouvement internes a Utrecht. Le 29 juillet, toute la ville d'Utrecht fut en mouvement , on avoit réfolu d'attaquer les troupes cantonnées. Versie foir, un corps de 1400 hommes compofé de huflards , chafleurs , auxiliaires , bourgeois, Sec. fortit de la ville : on ignoroit leur deflein ; mais 1'événement prouva que leurs vues tendoient vers Zoesdyck, tandis qu'une partie de ces troupes marchoit vers Bunnick. La divifion qui s'étoit portee a Zcesdyck , réuflït a faire furprendre les deux premières fentinelles , par deux ou trois hommes qui feignoient d'être des déferteurs d'Utrecht, mais une troifieme fentinelle foupconnant la rufe , déchargea fon fufil. Les troupes averties prirent les a:mes, 8c les aflaëians furent dans une fi grande confuiioi, que dans 1'obfcurité plufieurs auxiliaires Sc foldats tuerent qu ;lquesuns de leurs propres partifans. Le mauvais état dans lequel ce détachement revint a Utrecht, y caufa une confiernation générale. Le nombre des morts Sc des bleflës fut trés - coufidérables. Démarche de la cour d'Angleterre auprès des EtatsGénéraux. Le 17 du mois d'augufte 1787 , le chevalier Harris, ambafladeur d'Angleterre a la Haye , p'éfenta aux États - Généraux , un mémoire concu dans les termes fuivans : Hauts et Puissants Seigneurs. « Le Roi animé des fentimens de 1'amitié 1*  t5% AïTECDOTES plus vraie 8c la plus fincere pour V. H. P., ne peut voir qu'avec une peine extréme la continuation des malheureux troubles qui fubfiftent dans la république des Provinces - Unies, 8c qui par leur durée , la menacent des fuites les plus facheufes. Les mémoires , que le foufligné Envoyé extraordinaire 8c Miniftre plénipotentiaire, a préfentés a V. H. P., depuis qu'il a 1'honneur de rélider auprès d'EUes , font foi que le Roi fon maitre , en bon voifln 8c ami de la république , n'a cefle de defirer d'y voir rétablir le calme ; 8c Sa Majefté feroit toujours difpofée i y coopérer de fon mieux , dès que V. £L P. le jugeroient a propos. Sa Majefté ayant obfèrvé, que les États des provinces de Zélande 8c de Frife , ont déclaré leur difpofition a demander*Üa médiation de quelques puifiances yoifines , ( au cas que V. H. P. jugeaflent une telle interventiofi néceflaire, ) 8c que celle de Zélande a même rappellé a cette occafion les affurances réitérées que le Roi a données de fon amitié pour les Provinces - Unies, le Souflïgné a ordre exprès d'afliirer V. H. P. que Sa Majefté a con£tamment fort a cceur > le rétabliflement de la tranquillité de la république , la confervation de fa véritable conftitution, 8c le maintien des juftes droits 8c privileges de tous fes membres. Sa Majefté éprouveroit la plus grande fatisfaéfion , s'il y avoit lieu de croire que des moyens internes, fournis par la conftitution elle - même , pourroient fuflire a 1'accompliflement d'un objet aufli falutaire , mais en même tems , fi V. H. P. décident, qu'il eft eflentiel de recourir a une médiation étrangere, 8c d'y  M O D E R N E S.' 159 ïnviter Sa Majefté, alors par une fuite naturelle de fon affection 8c de fa bienveillance pour Ia république , Ie Roi s'empreffera de prouver a V. H. P. Ion defir fincere d'employer tous les foins qui pourront dépendre de Sa Majefté , pour conduire la négociation a une ifiue heureufe , lolide 8c permanente. » A la Haye , ce 14 d'augufle 1787. Signé, Le Chevalier Harris. Dans ce même tems, il fut décidé que le camp que la province de Hollande avoit formé a Woerden , feroit tranfporté dans les environs de la Haye 8c de Leyde. On croyoit que la garnifon d'Utrecht étant affez forte pour défendre cette ville , 8c pouvant toujours être fbntenue en cas d'attaque , il feroit plus a propos de transférer ce camp prés de Ia Haye, oü les efprits étoient alors dans la plus grande fermentation. Les États - Généraux ayant délibéré fur la lettre de M. le lieutenant - général Vander Dulfen , gouverneur de Bois-le-Duc, il a été trouvé bon 8c arrêté, fauf délibérations ultérieures , de prier 8c d'autorifer le confeil d'État, d'ordonner aux officiers , gouverneurs 8c commandans de toutes les villes 8c lieux (ïtués fur le territoire de 1'État, demême , qu'aux officiers refpecf ifs du diftridt de la généralité , de prêter la plus foigneufe attention au paffage 8c a 1'entrée des militaires étrangers, quoique pourvus de paffe - port ,86 de ne point  \66 Anecdotes leur accorder le pafTage , au cas qu'ils ariivafient par troupes ou fucceiTivement, 8c en plus grand nombre que de coutume , mais de les arrêter, 8c après une interrogation fommaire , touchant les motifs de leur venue, ainfi que du lieu oü ils viennent , d'en donner au plutöt avis au confeil d'Étar. Un extrait de cette réfolution fut envoyé aux ambalTadeurs de L. H. P. a la cour de France, avec ordre d'en donner communication au cabinet de Verfailles , de s'informer s'il y a quelque connoiffance du pafTage de nombre de foldats 8c artilleurs Francois qui fe rendent journellement en Hollande, ou fi Ion doit regarder leurs paffe-ports comme faux 8c fuppofés. Cette manoeuvre ne pouvoit guere en impofer aux Stadhoudériens. Dans ce moment M. le marquis de Vérac , ambafladeur de la cour de Verfailles , recoit fes lettres de rappel, M. le marquis de la Cóte fon gendre , étoit déja parti pour Paris, a la place de M. de Vérac. La cour de Verfailles nomma M. le chancelier de Saint - Prieft, ci - devant ambaifadeur de Sa Majefté Trés - Chrétienne a Conftantinople , 8c qui plus d'une fois, par fon habileté dans fes négociations, avoit maintenu la paix entre 1'empire Ottoman 8c celui de Ruflïe. On fe flattoit que la république des Provinces - Unies fe relfentiroit également des talens conciliatoires, que ce trés - habile miniftre avoit développés dans plus d'une occafion avec tant de fuccès. On a attribué le rappel de M. de Vérac , a la réfolution que Sa Majefté Trés - Chrétienne avoit prife de concert avec les cours de Londres 8c de Berlin , " de  Moderne s. 161 'été mettre fin aux malheureufes divifions qui déchiroient le fein des Provinces - Unies. On donne pour certain, que le cabinet de Verfailles avoit hautement défapprouvé toutes les extrêmités auxquelles le parti Anti - Stadhoudérien s'étoit aveuglément porté vis-a-vis du prince Stadhouder 8t de la PrinceiTe fon augufte époufe. C'eft fans doute, pour cette raifon , que le trés - fage archevêque de Touloufe n'a jamais voulu permettre que le cabinet de Verfailles parüt en ancunefacon conniver aux exces auxquels fe font livrés les AntiStadhoudériens , eft modus in rebus : il y a un mili eu en toutes chofes. Le monarque Francois aflëdté lui - même des infultes faites au prince Stadhouder 8c a fon augufte époufe , s'étoit haté d'envoyer M. le chevalier de Saint-Prieft pour calmer, adoucir les efprits 8c ramener les deux partis a une parfaite réconciliation : eet envoyé paroifiöit être également agréé des uns 8c des autres , mais on verra bientót que fi le Roi de France ne pouvoit faire un meilleur choix , il doit avoir de grands regrets d'avoir trop tardé a faire partir fon émilfaire. On obferve que la cour de Verfailles fe laifie prefque toujours prévenir dans fes entreprifes. En effet , ,avant que le chevalier de Saint-Prieft füt parti de Paris, on apprenoit dans toute la Hollande , par des avis fürs de Cleves, que les troupes Pruffienncs avoient ordre d'entrer le 5 feptembre dans le territoire de la république, fous le commandement du duc de Brunfwick, dont on ne peut trop exalter la prudence Sc Ia précilion, dans FexpédiTome III. L  l6l A N £ C D O T E S tion délicate dont il étoit chargé par Sa Majefté Pruflïenne. D'un autre cöté, le bruit fe répandoit dans toutes les Provinces-Unies , que le camp de Givet s'augmentoit de jour en jour,8c qu'on en donnoit le com* mandement au prince de Condé. Si les Pruftiens font redoutables aux Francois , les phlegrnatiques Bataves auroient-ils plus de courage ? 'Tout femble 1'annoncer ; car dans le moment même que les Provinces - Unies font menacées d'une invafion fubite , les États d'Utrecht affëmblés a Utrecht même, fufpendent le Stadhouder de toutes fes charges , 8c lui en envoient la notirication que Son Altefie Royale refufa de recevoir. L'aflemblée générale des Corps-Francs lui fit également notifier qu'elle avoit mis fa tête a pour prix 6000 florins , s'il s'avifoit d'attaquer Utrecht , ou quelqu'autre ville de Hollande. Voila le comble de la démence démagogique. La petite armée des Corps Francs quitta le 30 d'augufte les environs de Delft, 8c alla camper prés du chateau de Haylaardick , dans le diftricf de Weftland. Son but étoit de défarmer les payfans de ce canton, dont le plus grand nombre étoit affecTionné au parti du prince d'Orange : de-la ce camp fe porta vers le village de Scheveling, 8c enfiiite a la Brille, 8c fe rendit enfin a la Haye , oü il étoit queftion de prendre des mefures trèsférieufes contre la fociété Orange du Lion d'Or , qui étoit alors trés - nombreufcs, 8c dont les patriotes vouloient défarmer tous les membres. Les États d'Amersfoort ayant permis au prince  Moderne s. 163 Stadhouder d'attaquer Utrecht, S. A. vint lui-même au camp pour faire les difpofitions convenables pour le fiege de cette ville. Le 18 d'augufte, deux détachemens aflez confidérables de fon armee , vinrent élever des batteries au Bild, village a une lieue d'Utrecht. Le Rhingrave fit fur-le-champ une fortie avec 1500 hommes, tant de troupes réglées que de bourgeois. II y eut a cette occafion un petit engagement , après lequel les troupes du prince fe retirerent fans avoir établi aucune batterie. Le village fouftrit beaucoup des bombes que les patriotes y j eterent : on inonda enfuite le terrein des environs, ce qui rendit la ville inattaquable de ce cóté-la. Le 7 feptembre, les chefs du parti Anti-Stadhoudérien firent les plus grandes tentatives pour déterminer la Frife a groflir leur parti, 8c ce ne fut pas fans fuccès , auflï cette province ne tarda pas a devenir le fiege de fanarchie la plus complete. Les Anti-Stadhoudériens employerent, pouratteindre leur but, les mêmes moyens qu'ils avoient déja mis en ufage dans la Hollande. On fit préfenter des requêtes par les citoyens armés: on dépofa ceux des magifirats qui refufoient d'y foufcrire, en leur en fubftituant d'autres connus pour être ennemis de la maifon d'Orange. Bientót les Corps - Francs furent rétablis : les nouveaux États rappellent leurs troupes du camp de Zeyft, enfin , ils fulpendentle Stadhouder de fes charges , 8c fe joignent aux provinces de Hollande , Over-Ifiel & Groningue , Sc font pencher de rechef en faveur des patriotes , la pluralité des voix dans l'aflemblée des États-Gé- L z  IÓ4 Anecdotes ncraux j enfin , tout étoit dans la plus grande cor> fufion , 8c 1'ivrefle de la populace étoit a fon plus haut période, lorfque les derniers avis de Cleves, annoncerent que 1'armée Pruflïenne y étoit enfin toute raflemblée, que tout y étoit en mouvement, Sc qu'elle faifoit fes dernieres difpofitions pour entrer par deux endroits différens, fur le territoire de la république , mais fentrée des troupes Pruffiennes dans les Provinces - Unies fut précédée d'une déclaration de M. le duc de Brunfwick, tendante a informer les habitans des motifs qui ont occafionné cette démarche , des ordres de Sa Majefté Pruflïenne 8c des intentions du commandant en chef. On fe bate d'en donner le précis. Après avoir rappellé le cas arrivé a madame Ia princefie d'Orange , les demandes réitérées d'une iatisfadtion pour une itvjure que Sa Majefté regarde comme faite a Elle - même , 8c les réponfes dilaroires 8c évafives qui ont été rendues , tandis que Ja prétendue majorité des États de Hollande perfévere dans fes mefures outrageantes contre monfeigneur le Stadhouder , qu'elle continue de faire infulter ce prince dans mille libelles dilfamatoires, Sc s'acharne de dépolféder les magiftrats par des violences inouies , Sc è faire fes efforts pour la ruine du Stadhoudérat 8c la maifon de Naflau , Sa Majefté a pris la ferme réfolution de fe procurer la fatisfacfion qu'elle ne peut obtenir autrement. Les habitans furent enfuite affurés qu'il ne leur feroit fait aucun mal , pourvu qu'ils ne s'oppofaflent pas a la marche des troupes du Roi. Ceux de la Hollande en particulier , furent afiurés  M O D E R K E Si l<$$ «pi'on ri'avoit aucune vue de porter atteinte a la conftitution de leur province , ni a la liberté; mais que Sa Majefté n'auroit en vue que d'obtenir ia fatisfaétion qu'elle demande. A 1'approche des troupes Pruftiennes, les chefs du parti pa'triote avoient répandu le bruit, que les troupes francpifes venoient au fecours de la province de Hollande, Sc qu'elles avoient même pénétré jufqu'a Bois - IeDuc ; mais ce bruit ne fe fbutirrt pas , Sc 1'on fut bientót défabufés. Hatons - nous d'arriver k ce jour fi flatteur pour le prince d'Orange, jour a jamais mémorable , oü fon triomphe fut complet. Le 7 feptembre a midi , S. A. S. qui ttoit a la maifon de Bois , fut menée a la Haye, par la bourgeoifie qui trajnoit elle - même fon carroffe : il eft impofïible de dépeindre les démonftrations de joie, les cris d'allégrefte qui accompagnoient cette entrée. Madame la Princeffë arriva a la Haye le même jour avec fes enfans, accompagnée de monfeigneur le duc régnant de Brunfwick leur entrée ne fut pas moins brillarite que celle du prince Stadhouder. La réfolution par laquelle les États de Hollande rendirent a ce prince toutes fes chargest 8C prérogatives, fut prife a 1'unanimité des Députés de toutes les villes, excepté ceux d'Amfterdam ; celleci tint encore fortement, comme on aura bientót occafion de le faire voir. Le 13 feptembre , les troupes Pruftiennes qui s'étoient déja approchées du territoire de Gueldres , y pénétrcrem de grand matin fur diverfes L 3  166 Anecdotes colones, 8c continuerent leur marche pour Ia Hollande après avoir été admifes dans les villes de Nimegue 8c d'Amersfoort Le 16, monfeigneur le duc régnant de Brunfwick prit fes quartiers dans Alparen , première ville de cette province. Le même jour , un corps de Pruffiecs fe préfenta devant Gorcum. Le commandant , Ie baron de Capelle - de - la-Marche , avoit fait abattre un pont qui y conduifoit, mais qui fut réparé pendant la nuit. Le lendemain la ville fut fommée de fe rendre. Les Francs ayant eu 1'infolence de faire feu fur le trompette Pruffïen, on y jeta un boulet rouge qui mit le feu a une maifon, alors le commandant demanda a ca.pituler, promettant fur fa parole d'honneur de fe rendre prifonnier. Tandis qu'on arrangeoit les articles de la capitulation, il abandonna la ville avec fa garnifon , 8c les PrufTiens y entrerent fans obftacle. Cette conquête étoit d'autant plus importante, qu'elle rendoit les PruiTiens maïtres des . Éclufes d'oü 1'on peut inonder tout le plat - pays des environs. Le 14 feptembre une colonne de 1'armée Stadhoudériennes entra dans Utrecht fans coup férir 5 elle trouva dans cette ville óobeaux canons abandonnés par les Francs qui avoient honteufe^ ment laché le pied , 8c s'étoient fauvés précipitamment. La ville d'Utrecht fut a la merci des Stadhoudériens , qui s'y comporterent avec toute la modération poffible. Les régens qui étoient alors en place , avoient été fubftitués a ceux que les bourgeois armés avoient dépofés ci-devarif; mais  M O D E R N E S. 167 ils avoient eu la fage précaution de groflïr la troupe des Francs fugitifs, Sc les magiftrats légitimes rentrerent dans, 1'exercice de leurs fon&ions. Le même jour une colonne de 1'armée Pruftienne défila par la ville de Nimegue. Dès les fept heures du matin arriverent deux efcadrons des huflards d'Ében : ils furent fuivis de deux compagnies de chafleurs a pied , du bataillon franc de Renouard , de trois bataillons de Marwitz , d'autant de KnobelsdorfT Sc du bataillon grenadier d'Éckartzberg. S. A. R. la princeffë d'Orange jouit du doux fpeétacle , de voir défiler ces troupes a Kalverbusch. Le duc régnant de Brunfwick paffoit a la tête du régiment de KnobelsdorfT : il fortit de la ligne pour parler a madame la princeffë , avec laquelle il ne s'entretient qu'un moment. Les troupes pafferent le Vaal fur le pont volant, ce qui fe fit fi lentement, qu'il étoit prefque midi , lorfque le dernier bataillon de KnobelsdorfT fe troava a 1'autre rive. Le bataillon grenadier d'Éckartzberg refta a Nimegue en garnifon , Sc le régiment du prince de Valdeck, qui eft au fervice des Provinces - Unies , en étoit parti la veille pour fuivre 1'armée Pruflïenne. Les troupes qui pafferent par Nimegue avoient campé la nuit précédente prés de Loinen , d'oü elles partirent dès le lendemain matin , pour fe rendre a Zeyft. Arrivées a la grande Bruyere , derrière Arnheim , elles fe réunirent a 1'autre colonne. Le jour précédent, 1'autre colonne des troupes Pruftiennes y avoit féjournée jufqu'a fept heures du foir, elle -étoit formée de trois efcadrons de huflards d'Ê- L 4  i68 Anecdotes ben, du bataillon franc de Langlois, trois bataif^ lons d'Eichmann , trois de Jungwaldeck , trois de Budberg, cinq efcadrons de dragons de Rohr , cuir raflïers , trois bataillons de Gandi , Sc enfin cinq efcadrons de cuiraflïers de Kalkreuth. L'armée Pruflïenne ayant fait une marche forcée , étoit arrivée le même jour vers le foir a Zeyfl , elle étoit compofée de vingt - trois bataillons d'infanterie , d'un demi bataillon de chaffeurs a pied , d'autant d'artilleurs, Sc de vingt efcadrons de cavalerie. Lhaque bataillon étoit compofé de 650 hommes , ycompris les officiers, Sc chaque efcadron de 170 hommes. Ainfi toute l'armée étoit compofée de 19000 combattans , auxquels fe joignirent-encore cinq efcadrons de Golz. L'armée du prince d'Orange qui fe trouvoit alors a Zeyfl: , étoit compofée de 15,000 hommes; les deux jours fuivans on vit paffer fur des efquifs devant Emmorick la groffe artillerie pour être tranlportée a Arnheim. Pendant toutes les manoeuvres des Pruflïens , les États de Hollande rendirent quelques ordonnances pour prévenir les tumultes, Sc toute efpece de mouvemens populaires. Monfeigneur Ie prince Stadhouder en fit autant de fon cöté : il fit publier une déclaration, dans laquelle il exhortoit tous les citoyens de s'abftenir dc tout excès, qui pourroit troubler la tranquillité générale , fage précaurion , mais affez fuperflue pour le moment. Précifément a cette époque la Frife venoit d'oppofer aux Stadhoudériens la plus grande fermeté : on avoit ordonné des pourfuites contre la  Moderne £ 169 toinorïté des affemblée? fouveraines de cette province , laquelle s'étoit retirée a Franeker, d'oü elle appelloit tous les Francs a fon fecours; déja on étoit furie point d'en venir aux mains, la fareur avoit armé le pere contre les fils, ceux-ci contre le pere , Sc les freres les uns contre les autres, les families diyifées alloient s'égorger, les hoftilités avoient déja commencée. On alloit voir toutes les horreurs de la guerre civile , mais heureufement pour la Frife , 1'invafion des Pruffiens fut un coup de foudre pour la cabale, qui arrêta Sc fufpendit les bras armés les uns contre les autres. Le 21 d'oétobre, tout fut dans le plus grand défordre a Franeker. M.Byma principal membre de ia régence déclara a la minorité affemblée , que les fecours attenelus de la France n'auroient pas lieu , que le peuple refufoit de défendre la ville, &c qu'il ne lui reftoit qu'a fe foumettre aux Etats. Le même foir cette déclaration fut réitérée , ajoutant qu'on feroit bien de fe mettre a 1'abri des pourfuites. Les chefs firent préparer des voitures pour leur départ, fous 1'efcorte de foixante auxiliaites qui forceren; les portes 8c fortirent de la ville, malgré les bourgeois qui vouloient s'oppofer a leur fuite, entr'autres fugitifs , on remarqua M. de Béér, chef des Infurgens , qui fe fauva avec fa maitreffe en croupe fur un cheval, qu'il avoit fait dételer de devant un canon. On faifoit feu de tous cötés, d'affez loin , il eft vrai, pour que perlbnne ne füt atteint , ni bleffé. Ces petites rufes de guerre font affez comiques en pareil cas. Les États de Frife n'eurent pas plutöt appris ces mou-  17» Anecdotes vemen* , qu'ils envoyerent des troupes a Franeker , pour yrétablir la tranquillité. La plupart des chefs s'embarquerent a Markum : on laiffa ignorer pour quelle deftination. Quant a M. de Béér , il fe rendit avec les gens qui lui demeurerent attachés , a Stavéren, oü il féignit de vouloir faire la défenfe Ja plus vigoureufe , ma's il fuit encore. Les Etats - Généraux avoient enjoint a toutes les places Sc villes , d'öuvrir leurs portes aux troupes Prufïïennes. Les villes de Véfel de Naerden , qui avoient paru vouloir oppofer une grande réüftance , ouvrirent leurs portes , Sc furent fe mettre a la difcrétion de leurs vainqueurs. Le général de^ Matha qui commandoit la ville de Naerden , prévint les Pruffiens , dont il recut 1'accueil le plus gracieux 8c Ie plus honorable. t La ville d'Amfterdam effaya d'entrer en négociation avec le duc de Brunfwick , elle lui envoya quatre Députés qui en furent trés - bien accueillis, 8c parurent s'en retourner fort contens. Depuis ce moment, le bruit courut qu'on étoit convenu des quatre points fuivans : i0* Que la régence d'Amfterdam refteroit telle qu'elle eft. 2°. Que toutes les corporations bourgeoifes feroient fupprimées. 3 °' Qu'il n'entreroit point de troupes dans la ville. 4°. Que les Députés feroient envoyés a la Haye, a madame la princeffë d'Orange, pour lui faire de trés - humbles^ excüfes fur la détention de fa perfonne.  M o b e"r'n e s. tft Nous touchons bientót au dénouement de la réfolution d'Amfterdam. On ne peut mieux donner une idéé de la révolution générale , qui fe fit touta-coup dans les efprits, comme dans le gouvernement , que la réfolution que la guerre de Schoonhoven , qui avoit été une des premières provinces, a éclater contre le Stadhoudérat, a prife ces jours derniers, voici ce qu'elle porte en fubftance. « Que les bourg - maitres 8c échevins de Gette ville s'étant appercus , que ceux de leurs co - régens qui s'étoient laiffé abufer par une influence étrangere , étoient revenus a des fentimens vrair ment patriotiques , avoient trouvé bon d'annuller toutes les réfolutions qui avoient eu lieu depuis quelques années en cette ville , au défavantage de Monfeigneur le Prince d'Orange , qu'elles feroient biftees des régiftres , déclarant en outre qu'ils rétabliflent dès ce moment S. A. S. dans toutes fes prérogatives , droits ,8c privileges , 8c toute la multitude fe hata de célébrer cette heureufe révolution , par une grande fête que chacun chemina a fa maniere. M. le chevalier Harris donna un fouper fplendide , qui fut fuivi d'un grand bal auxquels la familie Stadhoudérienne aftifta. Pendant que dans la ville de Schoohovon , on fe livroit aux doux tranfports de Ja réconciliation , du moins apparente , a la Haye les Stadhoudériens 8c les patriotes fe donnoient la main en figne de réconciliation , on y for9oit les Francs a brüler leurs travaux, 8c on détcrminoit leurs femmes a chanter des chanfons en 1'honneur du parti d'Ofangc ,• enfuite les cendres des ouvrages brüiés,  *7* Anïcbotes dont Ia lefiure avoit été imaginée contre les Stadhoudériens , étoient portées par un patriote fous les fourches patibulaires, Sc par furcroit d'hurmliation pour les patriotes, on les forcoit a la Brille a trainer leurs drapeaux vers la place de parade, tandis que leurs femmes chantoient des chanfons a la Iouange des Stadhoudériens. A la Haye , les Juifs manifefterent leur joie par un jour d'actionsde graces Sc de prieres qu'ils folemniferent , Sc ils illuminerent magnifiquement leur fynagogue. La conduite de cette nation , pendant les ttoubles de la république mérite les plus grands éloges ; mais ce qui mérite confirmation, c'eft qu'on a donné pour certain, que quantité de chrétiens Bataves des deux partis, fe font fait couper Ie prépuce Sc circoncire , pour groftir la nation juive établie dans ces parages. Mais ya-t-il donc autre difterence entre les Juifs Sc les Nazaréens, finon que les uns font baptifés Sc les autres font Circoncis. On a vu ci-deffüs que la ville d'Amfterdam avoit entamé une négociation avec le duc de Brunfwick , en voici le réfultat. Inflruaion de la ville d'Amfterdam donnée h fes Députés , pour être repréfentée au duc de Brunfwick. i°. MM. les Commiifaires demanderont a Son Altefie , quelles font les raifons qui 1'ont portée a faire menacer la ville d'Amfterdam d'une attaque hoftile, puifque la régènce de cette ville n'a fait aucune olfenfe a Sa Majefté Pru/Tienne, dont M. le Duc commande les troupes.  Moderner 573 za. Au cas que Son AJteflè M. le Duc avancat, «jue Sa Majefté Pruflïenne exige une fatisfodfiön pour madame la princefie d'Orange , a 1'occafion de 1'empêchement mis a fon fameux voyage de la Haye, MM. les Commiflaires repréfenteront qu'il y a eu pour cela les plus grandes raifons, fuffifamment connues, qui avoient néceflïté cette démarche ; mais qu'en même tems, pour lever cette difKculté, le Vénérable Confeil de cette ville eft prêt de donner a M. le Duc des éclairciffemens convenables 8c convaincans, 8c d'entrer fur ce fujet , en pourparler propre a lever tout doute, étant prêt auffi de remettre a S. A. un exemplaire frantjois de toutes les pieces miniftérielles relatives a cette matiere. 30. Que cette ville attend, que S. A. S. n'entreprendra pas une attaque ou une invafion fur fon territoire , qui déja par 1'inondation partielle qu'on s'eft vu obligé de faire , comme étant la feule défenfe , propre a conferver cette ville , lui a caufé néanmoins un grand dommage, qui d'ailleurs ne pourroit manquer de faire couler des flots de fang, 8c livreroit la ville au pillage 8c au meurtre, malheurs qui feroient fuivis de la ruine de cette ville , de celle de la province de Hollande, 8c qui ne pourroit manquer auflï de nuire hautement, même aux États de Sa Majefté Pruflïenne 8c a route 1'Europe , enfin , par rapport a 1'intérêt général du commerce , a caufe de la perte des bénéfices qui enréfultent, en particulier des péages fur leRhin, qui en feroient Ja fuite infaillible, 40. Qu'en conféquence, la régence avoit décerné  174 A N E C D O T ES cette commiflïon folemnelle pour donner a S. A. S. toutes les ouvertures 6c les éclairciffëmens néce£ faires fur le véritable état des chofes; qu'elle ofoit fe promettre de la maniere généreufe de penfer de S. A. S. 6c de 1'élévation de fes fentimens, que M. le Duc voudra bien remettre fous les yeux de Sa Majefté Pruftienne ces ouvertures fincercs, afin que le fujet du mécontentement de Sa Majefté , tombant par le fait même , 8c ne fubfiftant plus, Sa Majefté ne foit d'autant plus difpofée a recevoir les témoignages réitérés de la haute eftime que cette ville defire fincérement de conferrer pour le Roi 6c pour toute fon illuftre maifon , 8c qu'ainfi Sa Majefté puifie prendre la réfolution de faire retirer fes troupes de tout le territoire de la république , au moins dans tous les cas , de convenir d'une ceifation d'hoftilités 8c d'une amniftie réciproque. On fe flattoit que cette inftruction mettroit en évidence le refpeét que cette ville a pour Sa Majefté Pruftienne, dont elle venojt d'afihrer M. le duc de Brunfwick, commandant en chef de l'armée de Sa Majefté Pruftienne , envoyé pour procurer une fatisfaétion a Madame la Princefie d'Orange 8c de Nafiau. Le duc de Brunfwick avoit fait la réception la plus gracieufe aux quatre Députés Amfterdamois : tout fembloit leur promettre un heureux fuccès de leur négociation, mais ils furent bientót détrompés. La députation des deux membres de la régence , envoyés auprès de Madame la Princefie d'Orange , pour lui faire la fatisfadtion convenue  M O D E R N E S. '17J avec le Duc , n'eut pas le fuccès defiré. Son Altefie Koyale répondit, qu'il n'y avoit d'autre fatisfaction fuffifante, que la foumiffion entiere de la ville d'Amfterdam aux quatre articles, du dernier Mémoire du Miniftre Pruftïen , ce fut auffi Xultimatam de Monfeigneur le duc de Brunfwick. La régence ne jugea pas a propos d'accéder a ces demandes; en conféquence, les hoftilités qui avoient déja été meurtrieres 6c fulpendues pour quelques inftans, recommencerent avec plus de vigueur du 30 feptembre au 1 octobre. En vain, les régens avoient envoyé un expres a la Haye, pour prier les États de la province de nommer deux Commiffaires de leurs alfemblées , pour conférer avec le Confeil de ville d'Amfterdam , fur les moyens les plus propres a fatisfaire la Princelfe , 6c de 1'engager a fe relacher en quelque chofe fur les quatre points exigés. A trois heures du matin les Pruffiens attaquerent la ville en trois endroits diffërens a la fois, mais on répondit par un feu tres - aótif 6c trés - meurtrier. A cinq heures les Pruffiens firent un feu d'enfer fur la ville qui dura jufqu'a fept , les intrépides Amfterdamois fe défendirent avec une vigueur , dont on a peu d'exemple. Malgré le redoublement du feu Pruffien, qui moiflbnnoit, pour ainfi dire, a chaque minute des milliers d'affiégés, ceux - ci étoient fur - le - champ remplacés par des patriotes qui écumoient de rage , 6c étoient impafiens de le faire mer fur les cadavres de leurs combourgeois. La fortune feconda pour un moment ï'ardj&ur des affiégés. Ceux-ci qui s'étoient défendus avec une  tj6 Anecdotës pétulence & uri acharnement , qu'il eft difficile dé peindre , depuis trois heures jufqu'a fept, firent un carnage affreux des afiaillans qui furent repouffés avec précipitation, 8c fe retirerent même en défordre. Jufqu'ici on a pris des précautions pour ne pas laifler tranfpirer au jufte , qu'elle a été le nombre des tués ou bleftes, de part 8c d'autre dans cette attaque •, mais on fait aujourd'hui qu'il y eut plus de dix mille Pruffiens de tués, fans compter les bleffés, 8c plus de feize mille du cöté des affiégés. M. le duc de Brunfwick qui ne s'attendoit nullement a une réfiftance fi vigoureufe, donna un peu de relache a fes troupes, 8c fit taire pendant le refte du jour fes batteries contre Amfterdam , atteftdant toujours que cette ville lui enverrok des Députés pour traiter des articles de la reddition , 8c ordonna fur - le - champ 1'attaque des forts d'Ouderkert, d'Amftelvéen , Duyefvendreg , Kaal-Jeslaam 8c Halfveog-harlem ; ces forts ne furent emportés qu'après une réfiftance des plus vives 8c des plus opiniatres. II périt dans cette adfion une infinité de braves gens de part 8c d'autre. Le 2 d'oétobre , on tranlporta dans la ville d'Amfterdam quantité de bourgeois morts ou bleffés , a la défenfe des fufdits forts que les Pruffiens y envoyerent. La nuk fuivante tout étoit fous les armes a Amfterdam, le Magiftrat les avoit fait prendre a tous ceux qui étoient capables de les porter. Ce furent - la les derniers efforts du patriotifme expirant. On ^ï'entendoit dans ces momens de fureur, dans tous les quartiers de la ville d'Amfterdam, que des hurlemenls  Moderne s. 177 nurlemens affreux 8t les cris du défefpoir. Les femmes avec leurs enfans offroient dans les maifons particulieres le Ipecfacle le plus affreux , on en vit quantité accompagner leurs maris pour mettre le feu au canon contre 1'ennemi avec leurs enfans , fuipendus a la mamelle, courir au - devant de Ja mort avec une intrépidité, que le défefpoir féul peut inipirer •, ce n'étoit pas un petit nombre de femmes dont rimagination exaltée précipitoit la démarche , c'étoit des compagnies entieres de femmes Sc de filles mêlées aux premiers rangs parmi les aflïégés , moiflbnnées comme ceux - ci par le canon des Pruffiens, 8c qui expiroient fur des tas de cadavres le mot de Patrie dans Ia bouche •■, c'étoit le cri de guerre. La confternation étoit générale : tant de pertes multipliées , la mort de tant de braves citoyens , la défolation dans les families , déterminerent la régence a demander une trève au duc de Brunfwick, qui faifoit tirer a boulets rouges fur les différens quartiers de la ville', d'oü 1'on répondoit avec un feu qui n'étoit pas moins aétif. Les patriotes par milliers couroient a la mort avec une frénéfie 8C une fureur dont on n'a jamais vu d'exemple , dans ce dernier moment de crife oü le courage patriotique alloit expirer , 8t entraïner en expirant la ruine immanquable de tous les Amfterdamois , la régence fe hata de demander une trève au duc de Brunfwick : il n'y avoit pas d'autres moyens de prévenir les malheurs d'une ruine totale, d'un carnage univerfel Sc inévitable. Dans le même tems on fit favoir a Ia bourgeoifie , que pour ne pas s'enfevelir tous fous Tomé III. M  178 Anecdotes les ruines de la ville , il falloit céder a la force ï Sat patricB pugnatum ejl. Les Magiftrats ordonnerent a leurs députés d'acquiefcer a tout ce que les autres membres de la province de Hollande exigeoient , 8c même a la démiftion des nouveaux régens. Auffi -tót il y eut fufpenfion d'hoftilités, 8c 1'on s'occupa du fob d'éteindre le feu que les boulets rouges avoient allumé dans toute la ville. On eut le bonhcur d'y réuffir dans la journée. Ce fut alors qu'on commenca a refpirer a Amfterdam après un fi horrible carnage. Le réfultat de la derniere négociation fut , que le Prince Stadhouder feroit rétabli dans toutes fes prérogatives , 8c que la ville ne recevroit point de garnifon , Sc qu'elle feroit toujours comme elle 1'a été jufqu'ici, la fauv e- garde de la liberté nationale , mais au moment même oü 1'on fe flattoit que la tranquillité Sc la conftitution alloient être folidement retablie dans la république , le cri public annonca qu'il falloit s'attendre a de nouvelles fcenes fanglantes. Le difpolitif des arrangemens propofés 8c confentis par les Magiftrats d'Amfterdam , fut univerfellement réprouvé par la bourgeoifie du parti patriote , qui étoit le plus nombreux; d'ailleurs ceux du parti contraire étoient indignés de voir tant de fang vcrfé, 8c la république des Provinces -Unies fi mal traitée pour le rétablilfement d'un Stadhouder, qui auroit pu mieux s'y prendre pour être agréable au gouvernement des Provinces - Unies , dont il n'eft que le premier officier , 8c dont les prétentions outrées coütoient tant de fang a 1'État.  Moderne s. 179 Il ne faut pas être furpris, fi a cette époque 1'animofité contre le Stadhouder , étoit alors pref que générale a Amfterdam , auffi la réfolution y fut pour ainfi dire univerfelle , de s'y défendre jufqu'a la derniere goutte de fang. Déja le Prince de Brunfwick avoit fait avancer tout le refte de fa groffe artillerie pour réduire Amfterdam en cendres, cette ville alloit être livrée au pillage des Pruffiens impatiens de buttiner dans la plus opulente ville de 1'univers, ce qui jufqu'ici n'avoit fait qu'enflammer leur courage , 8c les avoit fait redoubler d'eftbrts. Enfin on convient des conditions auxquelles la ville d'Amfterdam fe rendroit. Détails. La reddition de la ville d'Amfterdam eft un événement trop intéreffant pour toute 1'Europe commercante , pour ne pas s'arrêter un moment aux circonftances qui l'ont précédée. Le 27 du mois de feptembre les députés d'Amfterdam fe rendirent auprès de M. le duc de Brunswick pour convenir avec lui de la fatisfacfion exigée par madame la princefie d'Orange. Ce Prince remit la note fuivante : « La fatisfadtion que Sa Majefté Pruftiene de» mande, doit comme vous le fentirez vous-même » être entiérement conforme aux articles énoncés » dans le dernier mémoire de M. de Thulemeyer, 5) Tous les autres membres des Etats de la pro» vince font prêts k donner cette fatisfaéfion 8c » n'attendent que votre concurrence. Du moment » que vous aurez confenti par vos députés aux Mi  i8q Anecdotes » États, je regarde ma commiffion comme ter» minée, 8c les troupes du Koi quitteront im» médiatement le voifinage de votre ville Sc des » places circonjacentes : Vous connoiffëz trop » bien , Meffieurs , les fentimens de S. A. R. la » Princeffë d'Orange, pour douter qu'elle préfere » de paffer fur beaucoup de chofes, que d'ex» pofer votre ville a des inconvéniens facheux. En conféquence il fut envoyé deux députés a la Princeffë pour lui offrir fatisfaétion. S. A. R. leur fit remetre une réponfe conc^ie en ces termes: « Je fens, Meffieurs, avec la plus grande fa» tisfaétion, que le langage de mon cceur s'ac» corde parfairement avec les idéés de générofité » que vous voulez bien reconnoitre en moi. Je » ne defire en effet, rien moins que la punition » des torts qu'on s'eft permis vis - a - vis de moi. » Je fuis profondément afTedtée du fort des auteurs » 8c inftigateurs de ces torts, & bien particuliére» ment de 1'état de calamité dans lequel la ville •» d'Amfterdam fe voit réduite. Je ne defire rien » plus ardemment, que de voir affurer les moyens » & lesréfolutions qui doivent faire évanouir les déf» ordres 8c les injuftices précédentes , rétablir les » régences conftitutionnelles, les prémunir contre » tout armement dangereux des habitans , Sc par ii ce moyen pouvoir rétablir la tranquillité pu» blique, Sc rendre a la patrie fon ancien bien être j> Sc fa profpérité. Et je m'offre avec plaifir, en me » contentant de vos témoignages , d'engager le )) Roi mon frere a fe départir de toute autre point » de fatisfaftion , 8c a faire retirer fes troupes  Moderne s. 1S1 » de devant votre ville, aufli-töt que la lincérité » de ces témoignages fera confirmée par la con» currence de la ville d'Amfterdam , par 1'accëf» fion a toutes les réfolutions qui ont été prifes » ces jours pour le rétabliflement des affaires, » agiflant auffi de concert avec les autres membres » des États de cette province pour prendre telles » autres mefures 8c réfolutions falutaires propres a » remplir mes vceux les pluspurs, 8c lebut de la prof» périté que je me propofe de faire renaitre dans la » patrie. J'aurois fait néanmoins de grandes diffi» cultés de me rendre ici fur 1'invitation qui m'en » a étéfaite par les feigneurs États , s'ils n'y avoient » ajouté 1'aflurance que mon époux feroit rétabli » en tout. A cette fin je maflure qu'on ne croira » pas que je defire voir les fufdits auteurs 8c infti» gateurs attaqués , ni dans leur honneur , ni dans » leurs biens, 8c beaucoup moins expofés a perdre >i la vie , mais que , fans foup$ons ultérieurs, ils w feroient démis de leurs poftes , dans lefquels » ils pourroient encore exciter de nouveau em» barras. » Cette réponfe fit évanouir 1'efpoir d'un arrangement , 8c la trève n'étant que de 27 heures , le duc de Brunswick écrivit dans les termes fuivans au confeil de la ville d'Amfterdam, Je regarde la trève comme expirée dès ce foir entre les ) 8c 8 heures, tems ou MM. les Députés pourront être de retour a Amfterdam. Je fuis très-fermement réfolu d'al er en-avant 8c d'exécutcr mes ordres , a moins c.u 1 je na re^oive une lettre de S. A. S. Madame a Princefie d'Orange , par la M 3  i8z Anecdötes quelle elle me marqué qu'elle ne defire autre fatïsfadfion & intercéde pour m'engager a retirer les troupes. En conféquence , la ville fut attaquée ? 8c maigré la brave défenfe qu'elle oppofa par-tout aux Pruffiens , elle perdit tous fes poftes. Le i le magiffrat demanda une nouvelle trève , 8c a conférer avec deux commiifaires des Etats de la province. 11 leur demandoit que le peuple eüt une influence convenable : i°. Que la milice bourgeoife confervat fes armes, comme elle a toujours jouï de ce privilége. 30. Que la régence aftuelle 8c tous les employés confervaffent leurs poftes refpecfifs : 40. Que la ville reftat exempte de toute garnifon 8c de tous quartiers : 5°. Que non exigeat point Ja publication du placard conccrnant le port des cocardes Oranges dans la ville ÜAmfiertlam ; qu'auffi 1'on ne füt point forcé a s'en parer , afin de prévenir les excès qui en réfiilteroient certainement : 6°. Que toutes perfonnes , tant poliïiques que militaires , qui fe font retirées en cette ville ou dans les autres places qui fervent a couvrir Amfterdam , ou qui ont été prifes fous la proteöion de la ville , ne fuflent point inquiétées, ni moleftées dans leurs perfonnes ni leurs biens, dans lequel nombre 1'on devroit eomprendre tous les membres qui ont été employés dans des commiffions d'État , ou municipales. Voici les reponfes des commiflaires a chacun de ces articles en particulier. Réponfe^ au premier. Qu'attendu qu'une commiiTion d'État s'occupe déja rélativement au pxesiier article , il feut en attendre le rapport;  Moderne s. 183 Réponfe au fecond. Que toutes milices bourgeoifes légitimées pourroient conferver leurs armes, au cas que qu'on le trouvat municipaiement utile. Réponfe au troifieme. Qu'on ne peut pas 1'accorder comme étant contraire a la réfolution de L. N. 8c G. P. du 23 Septembre , par laquelle les rémotions ont été défaprouvées comme illégales 8c violentes , &. qui ont enjoint de le rétablir a eet égard dans fon premier État. Réponfe au quatrieme. Qu'on pourroit 1'accorder conformément a la fatisfaétion [ convention ] par laquelle la ville d'Amfterdam s'eft jointe a la république contre les Efpagnols accordée k la ville d'Amfterdam l'an 1578. Réponfe au cinquieme. Qu'on pourroit être facile a eet égard , pourvu que perfonne ne füt molefté , paree qu'il porte couleur d'orange. Réponfe au fixieme. Que les commïftaires de L. N. & G. P. ne peuvent rien prendre fur eux, attendu que cela appartient a la fatisfaftion que S. M. P. exigeroit pour Son Altefie Royale. A i'inftigation des réfugiés d'Utrecht, la bourgeoifie d'Amfterdam refufa de confentir a ce dernier article, quoique fes magiftrats euftent tout accordé , mais le duc de Brunswick indigné fit des préparatifs fi formidables, qu'ils en impoferent a la multitude , dont 1'eftervefcence commencoit a fe rallentir. 11 fut donc convenu que la ville d'Amfterdam accéderoit a toutes les réfolutions des états de Hollande , 8c recevroit une garnifon qui y féjourneroit jufqu'a ce que toute fermentatie» füt appaifée. Le 6 d'Oöobre la régence M 4  ij?4 Anecdotes d'Amfterdam accéda a routes les réfolutions que les États de Hollande avoient prifes concernant la fatisfaétion a donner a Madame la PrinceiTe d'O. range , 8c fur-tout rélativement au rétabliflement du Prince Stadhouder dans toutes fes prérogatives. En conféquence L. N. 8c G. P. envoyerent une députation a S. A. R., pour s'informer quelle fatisfaétion elje deliroit. Cette Prirjcefie répondit, en témoignant combien elle fe félicitoit de voir 1'unanimité rétablie dans la province , qu'elle s'en expliqueroit inceflamment par écrit; effe&ivement, le 7 elle remit une note oü elle demandoit la démiflion de feize membres de la régence que les États réfolurent de lui accorder. La ville d'Amflerdam avoit d'autant plus lieu de fe féliciter de eet arrangement, que fa réfiftance aux armes Prufliennes avoit coüté la vie a un nombre confidérable de braves dcfenfeurs de la patrie. Jamais fiege ne fut plus meurtrier. Les Pruffiens éprouverent une réfiftance qui-coüta la vie a plus de 6 a j milles hommes dès leurs , du nombres defquels s'eft trouvé une quantité prodigieufe d'officiers , du cöté des Amfterdamois ; il y a eut environ 22 mille hommes tant tués que blefies. On prétend que le nombre des morts eft encore beaucoup plu's grand , par la raifon que journellement les rivieres 8c les canaux charioient une infinité de cadavres ; ce n'eft cependant pas que le Duc de Brunswick air fait rirer a boulets rouges , comme on fa dit ci-deflus •■, mais des avis plus récens difent feulement qu'il s'étoit contenté de faire cette menace , voyant que la vüleji^rnf-  Moderne s. 185 terdam fe difpofoit a faire une nouvelle réfiftance; d'ailleurs on lui avoit mé un officie* a fes cötés a la feconde attaque qui fut fi violente 8c fi Hieurtriere de part 8c d'autre , dont on a donné le détail ci-defius. Cet habile Général , renforcé des troupes du Stadhouder , ayant pris les mefures les plus vigoureufes pour réduire toute la ville d'Amfterdam en cendre , 8c mettre tout a feu Sc a fang , de concert a tout ce qui reftoit de courage aux patriotes , qui vouloient encore fe battre jufqu'a la derniere goute de leur fang 8c s'enfevelir fous les ruines de la ville. Les Pruffiens, de leur cöté, avoient fait des prodiges de valeur , car ils s'étoient approchés avec la plus grande intrépidité , 8c du grand matin du pofte d'Amftefvéen , extraordinairement renforcé par les l'Amfterdamois.rjes battcries de ce retranchement on fit contr'eux un feu des plus aétifs; ce qui ne les empêcha point d'avancer avec de grands facs de laine qu'ils rouloienr devant eux 8c a la fuite defquels venoient des Haubitz qui fervoient a répondre aux batteries des Amfterdamois. Les Chefs qui comnjandoient les retranchemens , déconcertés par la violence 8c 1'intrepidité des Pruffiens , fongerent bientót a la retraite , fous prétexte de faire une expédition fecrctte. Ils fe couvrirent d'infamie en remettant le commandement a d'autres officiers , 8c en fe retirant a la fourdine : ils laiflerent les malheureux 'bourgeois 8c les autres troupes expofées au fort  it6 Akecbbtü funefte auquel ils furent facrifies de Ia maniere la plus barbare 8c Ia plus impitoyable. En effet les Pruffiens s'élancant a pas de géant vers Ie retranchement , ceux qui s'y trouverent, étoient en trop petit nombre pour s'y défendre plus long-tems 8c avec fuccès ; auffi trois-cents d'entre eux tacherent de fe fauver par le chemin d'Amftelvéen ; mais ils trouverent le pafTage occupé par trente chafieurs Pruffiens, a travers lefquels. ils voulurent fe faire jour , mais fort inutilement. Les chsfieurs en tuerent un grand nombre que leurs camarades jettoient dans 1'eau a mefure qu'ils tomboient. Les Pruffiens ne cefiöient de leur crier de fe rendre s'ils vouloient fauver leur vie : ils prirent enfin ce parti, mirent bas les armes, 8c furent faitsprifonniersdans une églife. Pendant ce tems, les Pruffiens fe rendirent maitres des retranchemens, 8c y trouverent encore quelques militaires la plupart francois, qui furent tous trh - charitabkment paf» fés au fil de 1'épée , de pareilles horreurs revoltent rhumanité. Le village fut entiérement pillé, 8c tous les habitans faccagés. Les Pruffiens ne perdirent que 2 ou 3 douzaines d'hommes. Quant aux prifonniers qui étoient dans Téglife , 8c parmi lefquels on comptoit des habkans de Zwol, de la Haye , d'Utrecht 8cc. , quelques foldats de Salm , 8c plufieurs Amfterdamois; il eft a remarquer que feize de ces derniers furent remis en liberté par un bourgeois d'Amfterdam, qui, touché de leur fort eut la générofité de s'intérefier pour eux auprès des Officiers Pruffiens, quoique ces mêmes prifonniers Teuffent crueUement, ei-  Moderne s» 107 Levant, perfécuté , 8c 1'euffent même fcgrcé a abandonner fes biens 8c fa demeure. Ce trait de bienfaifance de la part de ce généreux Amfterdamois fait honneur a rhumanité. On ne traita pas avec tant de clémence les autres prifonniers qui furent tous garottés trois a trois 8c tranfportés fous une efcorte de huflards a Ltrecht. Peu de jour après on vit pafier a Nimegue plus de 460 prifonniers qu'on tranfportoit dans les États de Sa Majefté le Roi de Pruffe. Dans le même tems Ie bruit fe rèpandoit dans toute la Hollande que ie rhingrave de Salm, accompagné de fon Secretaire , avoit auffi paffe par Nimegue dans la nuit du 30 Septembre, après avoir changé de relais , 8c qu'il avoit continué fa route par Grumbaut : on fait aujourd'hui qu'il a paffe en Turquie , que le grand Vifir a agréé fes offres de fervice , 8c qu'on lui a conféré un grade militaire très-honorable. M. le baron de Capelle de la March fait pri* fonnier a Gorcum , fut auffi conduit a Nimegue. Le 19 Septembre la populace étoit toujours ft irritée contre lui qu'elle 1'auroit mis en pieces dans toutes les villes oü il y a paffe , s'il n'eüt^ été ac•compagné d'une efcorte de quelques militaires. Enfin Amfterdam ayant accepté toutes les conditions impofées par les États Généraux, confentit a recevoir garnifon jufqu'a ce que toute fermentation füt appailfée. En conféquence de cette réfolution , les Magiftrats établis illégalement dans le courant d'Avril dernier, fe démircnt de leurs poftes qui furent  ï88 Anecdotes rendus a ceüx qui les occupoicnt légalement auparavanr. Dix-fept Membres de la régence furent deftitués k la réquifition de Madame la PrinceiTe d'Orange , en outre tous ceux qui s'étoient diftingués par leur oppofition au Stadhoudérat, fubirent le même fort , de ce nombre furent entr'autres MM. de Gyfelaar , penfionnaire de Dordrecht , Van - Berkel & Wifcher, penfionnaires d'Amfterdam , & enfin M. Bickcr de la même ville. Ce dernier magiftrat eft univerfellement eftimé, tant par fon intégrité que pour fes autres qualités perfonnelles ; mais de pere en fils c'eft le fort de cette familie d'être tous oppofés au Stadhoudérat , héritage bien onéreux pour les defcendans, puifqu'ils finifient touspar êtreles triftes vicTimesde leur opiniatreté. Guillaume II, lors de fes rixes avec Amfterdam, fit emprifonner les deux freres Bircker, députés de la même ville a l'aflemblée des ÉtatsGénéraux dans la révolution de 1672 , 1'arriere grand - pere , & l'an 1747 , le pere de celui dont il eft ici queftion , ont été également dépofés de leurs charges. Monfeigneur le duc de Brunswick, voulant s'aflurer de 1'exécution de toutes les conditions exigées de la ville , demanda & convint enfuite avec le Magiftrat: i°. Que les troupes de Sa Majefté Pruftienne occuperoient la porte dite de Leyde , par un dé ■ tachement de 130 hommes , 10 ChaiTeurs , 4 Huflards , une ordonnance &C deux picces de canon» 20. Que deux bataillons & les chafTeurs occuperoient le fauxbourg de 1'Overtoon. 3 °. Que pour prévenir i'animofité , i! n'entreroit  Moderne s. 189 • dans la ville aucun militaire fans permiffion du Magiftrat. 40. Que le Magiftrat s'aifureroit des Éclufes aux portes dites de Harlem 8c de Muyden. 5°. Qu'on donneroit journellement-au Duc connoilfanoe légale jufqu'a quel point on auroit exécuté les conditions convenues. 6°. Qu'on informeroit M. de Haaren commiffaire de ce Prince , de ce qui concerne le défarmement des patriotes. En conféquence la porte de Leyde fut remife aux troupes 8c la couleur Orange devint publique a Amfterdam. Pendant que toutes ces révolutions s'opéroient, les Ambaftadeurs de Hollande a ia Cour de Verfailles informerent Leurs Hautes Puiflances , que le cabinet de Saint - James avoit fait déclarer a celui de France , qu'au cas que Sa Majefté Très-Chrétienne fit marcher un corps de fes troupes vers les frontieres de la république , Sa Majefté Britannique armeroit par terre Sc par mer \ mais que la notification faite au cabinet de Verfailles , que les diffórens entre le Prince Stadhouder , 8c les États étoient terminés , avoit mis hors d'effet la réfolution de la Cour de France , Sc qu'on pouvoit fe flatter que 1'harmonie feroit rétablie entre la France 8c 1'Angleterre. En effet , déji les États - Généraux avotent avifé leurs ambaffadeurs d Paris , pour qu'ils euf fint a informer incontinent Sa Majefté TrèsChrétienne , que les troubhs de leurs provinces étoient ter minés. $ que. Monfeigneur le Prince d!0-  100 Anecdotes range étoit rétabli dans toutes fes dignités , qu'on s'arrangeroit avec la Cour de Berlin , pour la. fatisfaétion qu'elle demandoit pour madame la Princeffë, que n'y ayant plus d'ennemis dans le pays , la demande d'un prompt fecours qu'ils avoient faite d Sa Majefté, devenoit inutile & ceffoit d'avoir Jon effet, ne doutant point qu'elle neprtt a ces heureufes circonftances, l'intérêt qu'elle avoit montré pour la profpérité de ce pays, <& que l'affeclion de Sa Majefté leur feroit toujours agréahle. Le cabinet de Verfailles ne s'attendoit a rien moins qu'a une révolution fi foudaine 8c fi inopinée. On prétend que Louis XVI prefibit extraordinairement les ferres a Verfailles , tandis que le duc de Brunfwick prefibit très-chaudement les Amfterdamois. On prétend que la cour de Verfailles devoit avoir notifié a celle de Berlin, que le Roi de France donnoit fon approbation aux mefures prifes relativement a la Hollande , d'autres avis détruifent cette commiffion , 8c dans ce cas le cabinet de Verfailles auroit été leurré ; le tems développera tous ces myfteres de la ténébreufe politique des cabinets de 1'Europe. Ce qu'il y a de moins équivoque , c'eft que Leurs Hautes Puifiances ont réfolu 8c arrêté , de faire pourfuivre le rhingrave de Salm en juftice , de faire procéder contre lui pour caufe de défertion , de le faire appréhender par-tout, oü on le trouveroit fur le territoire de la République, 8c enfin, décrire a la Cour de üanemarck 8c è.Hambourg pour en demander 1'extradition, au cas qu'il s'y füt réfugié.  Moderne s. 191 Le lefteur ne verra pas avec indifference la lettre par laquelle les Etats de Hollande donnerent avis a Son Altefle Séréniffime de la réfolution qu'ils avoient prife de le rétablir dans fes charges Sc prérogatives. « Illuftre Prince Sc Seigneur, ayant trouvé bon » par notre réfolution dece jour, de rétablir Votre » Altefle Séréniffime dans fa charge éminente de » capitaine - général de cette province , en annul» lant Sc abrogeant notre réfolution de fulpenfion , j) Sc tout ce qui y eft rélatif, 8c particuliérement » de lui rendre le commandement de la garnifon » de cette rélidence. Nous n'avons pu manquer » d'en donner au plutöt avis è Votre Altefle Séré» niflime, Sc de la prier en même tems , vu les » circonftances critiques , dans lefquelles notre » province fe trouve a£tuellement, de fe rendre a v la Haye, afin de mettre tout en regie, conjoin» tément avec nous, pour conferver la province, » rétablir fa conftitution chancellante , Sc en » étouffer les diflentions deftru&ives, fur quoi, » Sec. ». Le 15 d'octobre , les bourgeois Sc habitans de la ville d'Amfterdam furent prévenus de 1'entrée des troupes deftinées pour y former une garnifou aux ordres de Monfeigneur le Stadhouder. Le voili abfolu ScMonarque des Provinces-Unies dans ce moment. Le magiftrat d'Amfterdam fit publier a fon de trompe dans tous les quartiers de la ville , qu'on alloit recevoir garnifon , avec menace d'une punition rigoureufe , qu'on infligeroit a quiconque  192 Anecdotes entreprendroit de s'y oppofer. En conféquence J fur les parentes de monfeigneur le Prince d'Orange, on vit entrer dans la ville d'Amfterdam le premier régiment d'Orange - Naffau infanterie, 8c le régiment May infanterie Suiffe. Ces troupes furent diftribuées en divers quartiers , 8c ftationnées dans divers édifices publics, le commandant en' chef de cette garnifon , eft M. le général - major Dopff. Phénomene, qui n'avoit jamais paru jufqu'ici, depuis qu'Amfterdam fubfifte , rien d'étonnant. Cette révolution , depuis long - tems, avoit été méditée dans le cabinet de St. James, puifqu'il étoit réfervé a la gloire du jeune M. Pitt, premier miniftre de Sa Majefté Britanhique. La politique de fon cabinet étoit d'amufer celui de Verfailles par des preftiges, 8c opérer enfin une révolution auffi frappante , qui dans ce moment paroit intriguer plus jamais la cour de Verfailles. La France eft menacée elle-même d'un démembrement confidérable 8c prochain : eh bien! cette révolution annoncée par un capucin dans le Fatum Mundi, ne devra pas plus étonner que celle qui vient d'anéantir 1'orgueil des opulens 8c fiers Amfterdamois. Tout eft révolution dans ce monde j telle eft la viciffitude des chofes humaines. Dans ce moment, a Amfterdam , les efprits y font fombres: il y regne un filence plus morne que jamais; on y jouit des apparences d'une paix fimulée 8c d'un calme perfide. Car dès qu'on croira pouvoir opérer une révolution dans un fens contraire } le phiegmatique Batave, brülé d'indigna- tion,  Moderne s. ioj «on, faifira Ia première occafion qui fe préfentera pour venger avec ufure le fang de ceux de fon parti opprimé, qui lui femble devoir crier vengeance au pied du tröne de l'Éternel. il faut donc encore s'attendre è une nouvelle effufion de fang, tot ou tard cela ne peut pas manquer d'arriver , quelque précaution qu'on puiffe prendre d'ailleurs. Le iöoétobre , on célébra a Amfterdam, avec beaucoup de magnificence , le jour anniverfaire de Ia naiflance de Sa Majefté la reine de Prufle. On voit les négocians Amfterdamois fe livrer de nouveau a leurs Ipéculations, 8c le bas peuple retourner afes atteliers j 1'on fe flatte que la mifere 8c 1'indigence, compagnes inféparables des guerres 8c des dilfentions inteftines, difparoitront infenfiblement. Le même jour iö de ce mois, arriverent a Berlin deux députés des États de Hollande auprès du Roi de Prufle , chargés de remercier Sa Majefté de ce qu'Elle a mis fin aux troubles qui agitoient leur province , de défavouer 8c de rejeter la cabale qui dominoit dans leur affemblée è caufe de 1'outrage fait a madame la Princefie d'Orange, 8c enfin de fupplier^ le Roi de vouloir bien fe contenter de la fatisfadïion qui lui a été faite, ainfi qu'a cette Princefie 8c au Prince Stadhouder. L'arrivée de ces députés avec 1'agréable nouvelle de la foumiflion d'Amfterdam, ainfi que des autres fuccès qui ont accompagné les armes de Sa Majefté Pruftienne, ont caufé a la Cour de ce Monarque une joie indicible qui s'eft répandue dans tous les États de Tomc IIL n  i?4 A N E C D O T ES Sa Majefté. Ce jour étoit précifément celui'de ï'aïlniverfaire de la reine , ce qui fit qu'il y eut grand gala a la Cour , St des réjouiflances beaucoup plus brillantes, qu'il n'eft d'ufage en pareilles circonftances. On donne pour certain , & il eft trés - vraifemblable, que les troupes Pruftiennes pafleront une partie de 1'hiver, ou même plus long-tems en Hollande , jufqu'a ce que les autres puifiances aient donné leur approbation aux mefures de la Cour de Berlin , qui n'a point encore jugé a propos de publier la lifte des morts & bleffés de fon armée, dans 1'expédition contre les Bataves i on n'ignore cependant pas que cette expédition a été beaucoup plus meurtriere qu'on ne s'y étoit attendu , & qu'un trés grand nombre d'ofticiers Pruffiens ont perdu la vie dans cette petite guerre éphémere. On a écrit de Véfel, qu'a la prife feule de la digue qui conduit d'Ouderker a Amfterdam , les troupes Pruftiennes ont eu plus de dix -neuf a vingt - deux morts, & plus de cinquante - deux blelfés: parmi les premiers, fe trouvent le capitaine de Zfchock du bataillon de Diélitch , le capitaine de Keffel 8c le lieutenant de Rudowiky du régiment de Marwitz., Sc le capitaine de Pomiana du bataillon de Drotte. II ne fera pas inutile de remarquer que le duc de Brunfwick a fi fort expofé fa perfonne, en voulant reconnoitre un pofte avancé d'Amfterdam , qu'un officier fut tué a fes cötés d'un coup de canon qui lui emporta la tête.-« Brave, intrépide & illuftre duc de Brunfwick , ce n'eft pas la première fois que vous.avcz expofé votre vie dans les  Moderne s, .IOf fcombats & dans les aétions les plus meurtrieres : ■il y a long - tems que vous avez fait vos preuves «n fait de courage 8c d'habileté dans 1'art militaire : fi dans 1'expédition dont vous venez d'être chargé par Sa Majefté Pruflïenne , voslauriers ont été teints de fang , ce fut contre Ie vceu de votre cceur ï que n'avez - vous pas fait pour n'être que Tinrtrument de la paix, de Ia concorde 8c de 1'harmonie que vous avoit chargé de rétablir un grarïti Monarque dans des provinces Jivrés a la plus affreufe anarchie , 8c que 1'efprit de vertige avoit fi fort aveuglé , qu'on s'y étoit permis les outrages les plus aggravans vis-a-vis d'un Prince a qui 1'on dcvoit le julie tribut de fes 'hommages. II eft un terme a tout. Les oftenfes "fakes a l'Augufte PrinceiTe d'Orange avoient juftement in-' digné le Hoi de Prufte 8c allumé fon courroux: ce Monarque a voulu en tirer une éclatante vengeance 8c a terminé , par ce coup de main, toutes les diflentions inteftines qui portoient le trouble & le défordre dans toutes les Provinces - Unies. Le Monarque Pruftïen, en armant fon bras vengeur, en faifant marcher fes bataillons, a rétabli la paix 8c le ralliment des cfprits, a été 1'heureux réfukat de cette grande expédition , auflï bien concertée qu'elle a été exécutée avec jufteue 8c précifion «. On doit ici un juftj tribut de louanges a la prudence 8c a la clémence du duc de Brunfwick. Heureux les Amfterdamois, s'ils s'étoient rendus aux propofitions de paix qu'il leur avoit faitpropof(?r avec tant cie bonté ! Cé duc , ami de 1'hüma- N z  ic>6 Anecdotes nité , a gémi de fe voir forcé d'ert venir aux der* nieres extrèmités, qui Ie croiroit ? Son entrée triomphante dans Amfterdam lui a arraché des Iarmes , rien de plus vrai: il a contenu Sc contient encore les troupes Pruftiennes dans les bornes de la plus ftriéte difcipline , pendant leur féjour dans les Provinces - Unies. Tout le monde s'emprefle de leur rendre cette juftice Sc d'exalrer même leur défintérefiément Sc leur généroftté , conformément aux ordres de leur général : le parti même des prétendus patriotes a été forcé de rendre eet hommage aux bataillons Pruftiens. Par quelle fatalité faut - il donc qu'on ait mis a Fépreuve la bravoure de ceux qui ne venoient que pour rétablir la paix , 1'ordre 6c la concorde ! O ! riches Sc aveugles Bataves : fi 1'on vous a fait des plaies, ne vous en prenez qu'a vous-mêmes ; c'eft a votre avarice fordide qu'on doit attribuer les maux qui vous ont affligés , fi vous trouvez les moyens d'accumuler de 1'or 8c toute efpece de tréfors , vous ignorez i'art de jouir. O ! riches avares , vous avez fu de bonne heure doubler le Cap de Bonne - Efpérance , pour aller mettre a contribution de riches contrées de 1'Afie , 5c vous n'avez pas encore de boufiöle pour vous guider dans la route du bonheur. O ! Amfterdamois opiniatres, vous avez éprouvé 3a violence du feu Pruffian : puiflïez-vous en conferver un éternel fouvenir pour vous guérir a jamais de la funefte paffion , de vouloir dominer les autres provinces confédérées! Quand vous avez été obligés de céder a Ia bravoure 8c a l'intrépidité des ba-  Moderne s. 197 taïllons Pruffiens : vous avez dit dans votre défefpoir, (nous aurons garnifon.) • J^enit fumma dies & me luBabile fatum, JDardaniafuimus Troes , fuit ilium & ingens, Gloria teucrorum ferus omnia Jupiter argos tranjiulit. Apprenez , fameux roulier des mers , que toutes les Républiques portent dans leurs conftiturions, & dans les paffions de ceux qui les compofent, le germe de leur deftruéfion inévitable qui arrivé plus ou moins vïte felon les circonftances. Puiflè celle des Provinces - Unies être reculée encore pour quelques tems! Toutes les Républiques de la Grèce ont péri; Rome même , maitrefie de 1'univers, a fuccombé fcus fon propre poids, 8c a rentré dans le néant des chofes d'oü elle étoit fortie par des brigandages , &c par une chaine de circonftances qui favoriferent fon ambition: ce fut un miracle continuel qu'il ne faut plus s'attendre a voir jamais fe reproduire fur la terre, a dit le fameux Jean-Jacques Rouffeau. Les Républiques modernes dTtalie ont également fubi le fort des viciflitudes humaines. A quoi doivent donc s'attendre les Républiques qui exiftent encore aujourd'hui en Europe , & dont les Monarques voihns minent fourdement Sc fappent infenfiblement les fondemens ? Le concours des circonftances en déterminera plus ou moins vïte la chüte & la ruine. La République des ProvincesUnies touchoit au moment de fon entiere diflölu- N 5  ij8 A m e b 0 i e s tion, fi le Roi de Prufle ne s'étoit haté d'y oppblèr des forces prépondérantes, 8c c'eft par une efpece de miracle'que ce Monarque vient d'empêcher les aveugles JBataves de fe précipiter dans 1'abime qu'ils s'étoient creufés eux - mêmes , artifans de leur propre malheur. Plus d'une fois la Hollande a été fur le penchant de fa ruine totale. Dans ce moment elle dok fon falut au Roi de Prufle 8c a 1'Angleterre : puifle -1 - elle être reconnoiflante , comme elle le dok, d'un fi grand bienfait ! Si la République des Provinces-Unies eft fujette a des crifesc'eft en quelque forte 1'eftet néceflaire d'un vjce dans leurs conftitutions. L'unanimité requife pour la conclufion des affaires les plus importantes , eft , comme on a déja eu occafïon de le faire voir ci - deffus, un vice effentiel dans la législation des Provinces - Unies, En laiflant fublifter les irrégularités de fon Gouvernement , cette République doit laifler aufli fubfifter le Stadhoudérat, tant pour remédier aux troubles domeftiques, que pour fe précautionner contre les furprifes des ennemis fecrets de 1'État. .En effet, dans combien de circonftances akiques la République des Provinces-Unies n'a -1 - elle pas éprouvé Ié befoin de fe créer un diétateur perpétuel! Alors, bien-loin que les Provinces-Unies euflent rctrouvé en elles - mêmes les reflburces néceflaires pour les .coups dont elles étoient menacées, on ne peut fe déguifer que les vjces de leur Gouvernement 8c leur confternation n'euflent rendu leur perte inévitable, paree qu'il n'y avoit plus alors , pour ainfi dire, de roint de réunion ent^e les fept Provinces  Moderne s. 199 qui n'ofënt fe fier les unes aux autres, ni a leurs magiftrats, chacune fe feroit hatée de traiter en particulier , pour mériter des conditions plus avantageufes. C'eft le Stadhoudérat qui fauva alors la République, 6c dans les convulfions étranges qu'elles vient d'éprouver , il n'y a que le Stadhoudérat qui puiffe la fauver encore une fois. Hors 1'induftrie, les Provinces - Unies ne poffedent rien. Si leur marine marchande eft fort nombreufe, leur marine militaire eft de la plus grande foibleftè. Prefque toutes les Provinces-Unies font expofées aux conquêtes de la France , elles peuvent auffi en certaines pofitions fe reffentir par contre - coup de toutes les entreprifes du Nord. II eft donc de 1'intérêt, comme de la politique des Provinces - Unies , de s'attacher inviolablement a . 1'Angleterre 8c a la Pruffe , de cultiver les puifiances du Nord , de politiquer avec Ie Roi des Francois 6c 1'Empereur d'Allemagne, 6c être toujours en garde contre toute efpece de furprife, du refte vifer k la plus ftricte neutralité. L'intérêt des Provinces-Unies n'eft pas 1'intérêt de telle ou telle Province en particulier , mais de toutes les Provinces-Unies, prifes colleftivement fous la dénomination ordinaire des EtatsGénéraux , 8c fous 1'étendard d'un Stadhouder, devenu d'une néceflité abfolue, au maintien 8c a 1'har-, monie du grand tout de la République. Vérité malheureufement encore peu connue des magiftrats Hollandois! Auffi faut - il être furpris , fi dans des tems de crifes, on en voit parmi eux un grand nombre donner dans les plus grands travers. , 6c fe N 4  zoo Anecdotes facrifier eux 8c leurs concitoyens a Terreur dm moment. Que les phlegmatiques Bataves profitent de leurs fautes pafl'ées, pour confolider Tédifice de la paix qu'on vicnt de rétablir chez eux! FalTe le Ciel que eet édifice repofe a jamais fur une bafe folide 8t inébranlable ! C'eft le vceu de toutes les ames honnêtes 8c fenfibles. Premier réfultat de cette derniere Révolution. Les Cours de Saint-James 8c de Berlin font convenuesavec les États - Généraux, de contracfer pour toujours 8c a jamais, une alliance la plus étroite a certaines condipons qu'on peut appelier Tacites : la première eft , que la France Tera pour toujours 8c a jamais exclue de route alliance, Sc qu'on ne fe prêtera jamais a une négociation avec Elle , en quoi que ce foit, dans aucun genre, 8c fous aucun prétexte , 8c qu'on la regardera déformais comme ennemie perpétuelle de la République. Déja un négociateur de Londres eft arrivé a la Haye, avec plein pouvoir de régler 8c rédiger tous les articles de fa nouvelle alliance entre les Provinces - Unies, la Cour de Saint - James 8c celle de Berlin. De plus. Le Corps équeftre de la Province de Hollande vient de préfenter aux ÉtatsGénéraux des Remarques fur la fituation déplorable oü elle fe trouve, 8c qu'on doit attribuer principalement a la fufpenfion de Son Alteftè Royale, 8c fur la néceftïté de donner défbrmais a ce Prince le pouvoir néceftaire d'y remédier; qu'a eet effet,  Moderne s. lor St conviendroit: i°. De licencier tous les Corps a la folde particuliere de la Province de Hollande : 2°. De le charger de prendre a la folde de 1'union, des troupes allemandes de quelques Princes de 1'Empire pour pourvoir a la füreté , en attendant qu'on put rendre a l'armée fon ancienne difcipline : 3 °. De prier le Confeil d'État de faire inceffamment la pétition néceffaire è eet effet •■, c'eft déja une affaire en regie, Sc voila les Hollandois fous le joug de la plus aftreufe fervitude , & le Stadhouder auffi abfolu defpote dans les Provinces-Unies , qu'aucun autre Souverain de 1'Europe dans fes États. C'eft le pafTage ordinaire de 1'anarchie a 1'efclavage , Sc voila le terme oü en font aujourd'hui ces fameux rouliers des mers. Autre réfultat de la derniere Révolution. M. Van - Berckel, frere de Tanden penfionnaire d'Amfterdam , ambaffadeur de Leurs Hautes Puifiances auprès des États-Unis d'Amérique , eft rappellé. Les Députés de la ville de Schoonhoven ayant propofé d'anéantir au plutót les réfolutions flétriffantes a Tégard du brave colonel Balneavis, ainfi que la peine mife fur fa tête, comme auffi de lui faire une réparation fatisfaifante, Sc de mettre plutöt cette prime de 2000 ducats fur la tête du rhingrave de Salm. Leurs Nobles 8c Grandes Puifiances ont anéanti ces réfolutions flétriffantes , ainfi que la publication fur ladite prime. Ce colonel a ét£ le premier a exécuter les ordres des ÉtatsGéncraux , qui enjoignoient aux troupes de mar-  202 Anecdotes cher fur.le territoire de la généralité , au cas qu'oa" voulüt les contraindre a fauffer le ferment prêté a 1'union. Voila donc le parti Anti - Stadhoudérien pour toujours 8c a jamais dégradé , avili, anéanti, 8c la France dans l'impuiffance phylique de procurer aucun adouciffement a fon malheureux fort décidé pour toujours. On s'occupe aétuellement d'un plan propre a renverfer les anciennes conftitutions des Provinces-Unies , 8c faire paffer fous 1'équivoque d'un mot, tout le pouvoir législatif 8c exécutif entre les mains de Guillaume V , qui ne tardera pas d'être proclamé Roi des Bataves, grace a la terreur des bataillons Pruffiens, a 1'habile manoeuvre de M. Pitt , miniftre de Sa Majefté Britannique , 8c a la foibleffe de la France. O honte ! ö flétriffure a jamais ineffa$able pour le regne de Louis XVI ! U ne fuftit pas d'avoir bien commencé , mais il fa'ut encore favoir couronner fes entréprifes , de maniere a ne laifter rien a delïrer , c'eft précifément ce que vient de faire Son Altefle Séréniffime a Ia fineffe des regards duquel rien n'échappe. A la fin d'oétobre dernier invité par les États-Généraux a fe rendre a la Haye , S. A. S. répondit, « Que » fon deffein étoit de s'y rendre dès que fes af» fiftres le lui permettroient, 8c dès qu'il auroit » rempli la commiffion dont il étoit chargé par » Sa Majefté le Roi de Pruffe ». Son Altefle fol-~ licita tres - inftamment LL. HH. Puifiances a dé ployer tout le pouvoir qu'elles avoient en main pour faire rétablir le bon ordre dans les villes de HarJein^ de Leyde 8c d'Alkmaer, d'y faire défarmer  M O D E R N É 8. ZOJ teus ceux qui s'étoient armés inconftitutionnellement, au défaut de quoi S. A. S. les avertit trèsr férieufement qu'elle uferoit de toute la force militaire qu'elle avoit entre les mains pour faire exécuter un article auffi effentiel dans les conjonctures préfentes. En conféquence on envoya fur-lechamp une commiffion pour veiller a ce que le défarmement eüt lieu , fage précaution, puitqu'on trouva effedtivement quantité prodigieufe de prétendus patriotes ou boute - feux qui avoient encore confervé leurs armes , dans une bien noble intention , fans doute : il paroit qu'ils n'avoient pas eu beaucoup de déférence pour les États Généraux qui avoient fait notifier a ces énergumènes de remettre toutes leurs armes offenfïves fous les peines les plus rigoureufes. Quant a la ville d'Amfterdam , Son Altelfe Séréniffime fit remettre le 18 ocfobre dernier au confeil d'Amfterdam la note fuivante: jours recourir a des repréfentations ultérieures. Je dois encore ajouter que j'ai tout lieu de m'attendre que eet arrangement fera pris en confidération Sc exécuté en tout point avant 1'expiration du 23 du courant : ce feroit avec bien du regret que je me verrois forcé par un plus long retard , a prendre des mefures auiïi efficaces que néceffaires pour me faire obéir. Vous n'ignorez pas, Meiïieurs, que j'ai toujours évité autant qu'il m'a été poflible d'employer ia force majeure. Je fuis, Sec. A la réception de cette note épiflolaire, bn donna les ordres nécelfaires tendans a la prompte exécution des ordres militaires de Son Altelfe Séréniffime. Le 23 du mois d'OdTobre, Son Altelfe Séréniiïime le Duc régnant de Brunswick écrivit aux Magiftrats d'Amfterdam la lettre fuivante : Vous connoifiez, Meffieurs, trop 1'importance du défarmement de la partie de votre bourgeoifie armée inconftitutionnellement, pour être furpris de 1'intérêt preffant que je prends a 1'exécution de ce que vous avez fait publier en date du iy a ce fujet. Je vous prie, Meffieurs , de me faire connoitre le nombre des armes qui ont été délivrées, 8c fi celui des cartouches remifes entre vos mains répond a celui des perfonnes qui en étoient pourvues. Je ne doute pas que vous n'ayez pris toutes les mefures pour 1'exécution de vos ordres dans 1'efpace du tems convenu. Vous n'ignorez pas, Meffieurs, que j'ai pris les miennes pour exécuter ceux dont je fuis chargé. Je fuis ? Sec. On prétend que la Cour de Pruffe infifte  Moderne s. 205 Git une fatisfaétion a donner au Duc Louis de Brunswick, & a ce que ce Prince foit incontinent rappellé au fervice de la république. Si 1'on en croit la plupart des gazettes de Hollande , des Commiifaires ont été nommés par les États Généraux pour examiner des papiers tombés entre les mains du grand Baillif d'Utrecht, concernant le détachement des canonniers Francois envoyés dans la république. On a propofé a 1'aifemblée des États Généraux, de charger les Ambaftadeurs de la République a Paris, pour s'enquérir auprès de M. le comte de Montmoriïi , comment 5c par qui ce fecours avoit été demandé, en ajoutant qu'il conviendroit de faire la même demande aux États de Hollande , a la folde particuliere de laquelle ce détachement paroit avoir été attiré , afin de découvrir par quelles perfonnes 8ê de quelle maniere cette démarche a été faite. Si 1'on a fait pareille démarche dans les circonftances, elle ne peut-être régardée que comme une vraie pafquinade* Voici ce qu'il y a de plus probable, c'eft que la province d'Utrecht a propofé formellement aux États-Généraux d'entrer en alliance avec la Cour de Londres 8c de Berlin : il eft de plus très-certain que le Roi de Pruffe a fait déclarer a L. H. P. que Sa Majefté Pruftienne jugeroit du prix que les États-Généraux mettent a fon amitié, d'après la diligence employée a contracfer une alliance offenfive &£ défenftve avec Sa Majefté Pruftienne Sc Sa Majefté Britannique. Dans ce même moment les États dé Frife ont déclaré pour jamais, privé* de leurs charges, magiftratures, öcc. toutes les  io<5 Anecdotes Modernes. perfonnes qui ont pris part a fomenter les troublesj & qui ont mis le défordre dans cette province. Rien de plus jufte 6c de mieux raifonné. Puiffcnt toutes les républiques, en voyant I'exemple de la Hollande , ne rien négliger pour maintenir dans leur union des diverfes branches du Pouvoir Suprème , la confiance des Citoyens envers des Magiftrats intégres, magnanimes 5cdénués de préjugés 6c de tout efprit de parti. F/A' du troijkme & dernier Tome.  Moderne s. 207 Suite des Réfultats de la derniere Révolution. Le 2 5 Oétobre arriverent a Berlin deux Députés des Etats de Hollande qui eurent audience de Sa Majefté le Roi de Prufle. Ils la remercierent de ce qu'Elle avoit bien voulu mettre fin aux troubles qui avoient répandy la confulion dans leur province, & lui avoient fait éprouver les plus cruelles convulfions. Les Députés eurent foin de rejetter fur la cabale qui tyrannifoit leur affemblée , 1'outrage fait a madame la Princeffë d'Orange , 8c terminerent leur difcours par fupplier le Roi de vouloir bien fe contenter de la fatisfaétion qui lui avoit été faite , ainfi qu'a la Princeffë 8c au Prince Stadhouder. La révolution qui vient d'avoir lieu dans le gouvernement , ne pouvoit qu'influer très-certainement dans le fyftême politique. Pour lui donner une Joafe folide , on s'eft haté de conclure une alliance avec les Cours de St. James , de Berlin 8c les Etats - Généraux : pour eet effet, un négociateur de Londres paru tout-a-coup a la Haye : on tient encore le fecret des articles du traité ; on fait feulement qu'on a pris des précautions pour écarter toute efpece d'influence de la part de la Cour de France dans les nouveaux plans qu'on vient d'adopter, Sc qui n'auront de confiftance que jufqu'a ce que les finances du Roi trés - chrétien foient rétablies 8c dans un meilleur état après une délapidation Ia plus dcfaftreufe qu'il y ait jamais eu depuis 1'établiffement de la monarchie FranTomelll. O  2o8 ANEcaoifis coife. Quand parviendra-t-on k ce but fi defiré l On ne fe perdra pas ici en conjecfure. En attendant qu'il arrivé une nouvelle révolution, voici ce que le corps équeftte de Hollande a jugé k propos d'arrêter : il a repréfenté depuis peu aux Etats de cette province des remarques fur la fituation déplorable oü elle fe rrouve , 8c qu'il faut attribuer principalement a la fufpenfion de Son Alteffe Séréniffime 8c fur la néceffité de donner a ce Prince le pouvoir néceffaire pour y remédier; qu'en conféquence il eonviendroit de le prier : i°. De licencier tous les corps a la folde particuliere de la Hollande : 2°. De la charger de prendre a la folde de 1'union , des troupes allemandes de quelque prince de 1'Empire pour pourvoir a fa füreté , en attendant qu'on put rendre k l'armée fon ancienne difcipline : 30. De prier le Confeil d'état de faire inceflamment la pétitiön néceffaire a eet effet. Amfterdam , Harlem 8c Alkmaer fe font réunies a toutes les autres villes de la province pour accepter la propofition faite par les états de Schoonhoven. Monfeigneur le Prince d'Orange a été autorifé par les Etats de la province a faire dans les diverfes régences 8c magiftratures , les changemens néceffaires pour le maintien de 1'union 8c de la tranquillité publique. Son Alteffe Séréniffime a déja nommé , a eet effet, une commiffion chargée de cette opération importante. Les huflards de Goltz ne furent pas plutöt arrivés a Clèves, après leur expédition a Over^ Iflel > que leur nombre fut bientót grofli par d'au-  Moderne s. 209 tres divifions Pruftiennes. II n'y a eu que fix bataillons qui ont eu ordre de refter dans la république , dont la plus grande partie a été d'abord: cantonnée a Breda, a Bois-le-Duc Sc a la Haye. Monfeigneur le duc de Brunfwick , de retour du voyage qu'il avoit fait a Ja Haye , vint bientót rejoindre fon quartier général a 1'Overtoom. Dans eet intervalle le confeil d'Amfterdam avoit nommé une commiffion compofée de trois de fes membres pour aller conférer è la Haye avec monfeigneur le prince Stadhouder : ils n'ont pas tardé de faire a leurs conftituans le rapport de leur commiflion : ils leur ont remis la note fuivante, tant de Ja part de ce Prince que de celle de madame la princefie d'Orange 8c de monfeigneur le duc de Brunfwick. Article premier. Comme toutes les cartouches a balie 8c tous Jes fufils n'ont pas encore été remis a la régence, 8c que de 1'avceu même de meftïeurs les bourgmaitres d'Amfterdam , plufieurs points doivent s'effe&uer encore , la fatisfaétion ne peut être regardée comme complete , que jufqu'a ce que le tout ait été achevé 8c fini. * Article II. Cependant pour tranquillifer è eet égard pour i'avenir Son Altefie Royale 8c Son Altefle Séréniffime le Duc, 8c pour pouvoir regarder la fatis- O z  ZIO Anecdotes faöion comme complete, Son Altefle Séréniflïme le Prince Stadhouder héréditaire ne veut pas fe refufer, a la priere des bourg-maïtres, de nommer un ou deux commiflaires, qui, avec des Députés de la régence pourroient avancer 8c applanir tout ce qui doit encore fe faire en vertu de la fatisfaétion , en conféquence du troifieme point de l'information de meffieurs les bourg-makres. Article III. Les mêmes commiflaires, de part Sc d'autre , pourroient dans la même occafion rétablir le confeil de guerre , 6c confirmer le réglement de Son Altefle 6c le prince Guillaume IV de glorieufe mémoire. Article IV. On entrera au plutöt dans des arrangemens pareils, fi la régence d'Amfterdam donne fon fuftrage a la propofition de Schoonhoven. Sur eet avis les Seigneurs Etats de Zélande ont écrit une lettre au prince Stadhouder, ainfi qu'a madame la Prince, pour la féliciter de 1'heureufe révolution arrivée dans la Hollande : Voici la réponfe du Prince , elle mérite de. trouver place ici. Nobles & Puijfans Seigneurs, bons & intimes Arnis. « Nous avons bien recu la lettre de Vos » Hautes Puifiances, datée du 4 du courant, par  Moderne s. 211 » laquelle Elles nous félicitent de 1'heureufe ré» volution des affaires. Nous fommes très-fenfi» bles de la part que Vos Nobles Puifiances daignent prendre k eet événement, 8c fommes » trés - perfuadés de Ia fïncérité de leurs fenti» mens, d'autant plus que Vos Nobles Puifiances » 8j la plus grande partie des habitans de leur » province, n'ont rien épargné , pendant Ie cours » des diffentions 8c des troubles contre la confm titution, pour la foutenir 8c pour monrrer par » des preuves indubitables , leur attachement » errrers notre maifon 8c notre perfonne : Nous » en aurons une éternelle reconnoiffance , 8c » prions le Tout - Puiffant que cette révolution » foit couronnée des fuites les plus propres pour w le bien de la patrie, auquel nous tacherons de » contribuer de tout notre pouvoir avec le fecours v de Vos Nobles Puifiances : fur quoi, 8cc. » Madame la princefie d'Orange a auffi fait une réponfe dont voici le contenu. « Nobles PuifTans 8c Grands Seigneurs, je ne » puis manquer de remercier Vos Nobles Puif» fances de la part qu'Elles prennent a 1'heu» reufe révolution des afFaires qui a eu lieu de» puis quelque tems. Les afiurances que Vos » Nobles Puifiances daignent en donner par leur » lettre, datée du 4 , me font trés - agréables. n Je tacherai de prouver a Vos Nobles Puifiances >i ma vive gratitude de leur attachement a ma » perfonne 8c a ma familie montré dans diverfes )> occafions, 8c fur-tout pendant les tems facheux » 8c de troubles qui ont eu lieu depuis quel- O 3  212 Anecdotes » ques tems. La profpérité d'une province oËr » j'ai éprouvé tant de marqués finceres d'affec» tion 8c d'eftime , me fera toujours chere , » 8c je tacherai d'inculper ces fentimens dans » le cceuf de mes enfans , en recommandant » leurs intéréts 8c ceux de ma maifon a Vos » Nobles Puifiances : je fuis, 8cc. » Les commiifaires que monfeigneur le prince Stadhouder avoit envoyés pour changer Ia régence de Schiedam, fe font acquittés de leur commiffion au gré des habitans öc a leur grande fatisraftion. On remarque que la plus grande partie de Ia nation revient infenfiblement a fon ancien attachement a la maifon d'Orange. Cependant on ne peut fe diffimuler qu'un nombre affez confidérables d'habitans, imbub des maximes d'un parti qui a long-tems dominé dans la république, nourrit encore dans fon cceur tous les fentimens dont il étoit ci-devant animé. C'eft eficore un feu caché fous la cendre , un rien pourroit le rallumer 8c caufer un incendie \ il y auroit tout a craindre dans les circonftances , fi les troupes cantonnées dans Amfterdam , 8c celles que la cour de Berlin fait hyverner en divers endroits des ProvincesUnies , n'alfuroient le maintien de la tranquillité qui vient de renaitre , du moins en apparence. Pour empêcher que la république ne vienne a rentrer dans le cahos dont elle eft a peine fortie, •on a pris toutes les mefures 8c les précautions les plus convenables. Les principaux membres de la régence font convenus d'un plan qui tend a affermix les nceuds des fept Provincss- Unies 7 en aug-  Moderne s. 213 mentant le pouvoir de leur chef. Le Stadhouder aura a fes ordres 8c fous fa direétion abfolue , toutes les forces de terre 8c de mer : il conférera feul tous les emplois militaires 8c les principales charges dans les magiftratures 8c il fera établi un confeil de guerre pour le paiement de l'armée. Son Altefle Séréaifllme aura la préféance 8c voix décifive a l'aflemblée des Etats-Généraux, qu'Euxmêmes auront plus de pouvoir 8c d'autorité que précédemment, 8c qui ne feront plus bornés a n'être que les ofganes des Etats provinciaux. On prétend que le comte de Hertzberg , miniftre d'état de Sa Majefté Pruftienne, doit fe rendre en peu a la Haye pour régler 8c ftatuer tous ces points. Leurs Hautes Puilfances ont arrêté de donner communication miniftérielle aux cours de France, de Londres 8c de Berlin , de 1'heureufe fin des troubles qui ont fi "long-tems affligé la république , ainfi que du rétabliflement de monfeigneur le prince d'Orange dans toutes fes charges 8c prérogatives éminentes , de remercier en même tems lefdites cours de Ia médiation qu'elles avoient offertes a eet effet, en ajoutant que Leurs Hautes Puilfances ne doutoient point que Leurs Majeftés Trés - Chrétienne , Britannique 8c Pruflïenne ne priflent beaucoup de part a eet heureux événement. Les troupes Pruftiennes qui hyvernent en Hollande font au nombre de 4000 hommes : voici les places oü elles font cantonnées , favoir : a Muyden 8c Wéfcl un bataillon , un autre a O 4  ^14 Xkecdotes Naerdcm , un bataillon de grenadiers k Woerden , de même qu'au fort de Wiérick , un -autre bataillon a Schoonhoven êc Nieuport, un bataillon a Schiedam 8c ün a Gorinchem , cent huflards d'Eben a Hilverfon 8c cent huflards de Goltz a Langftraat, en tout fix bataillons d'infanterie 8c deux cents huflards. Cette diftribution de troupes Prufliennes dans diverfes places qu'on regarde avec raifon comme les clefs des Provinces-Unies, n'ont pu empêcher la révolte de la plupart des militaires en garnifon k Bois-le-Duc. On aflure que cette levée de bouclier a été fufcitée par des patriotes 8c des étrangers vagabonds qui fe trouvoient en grande quantité dans la mairic. Plus de quarante maifons de particuliérs eonnus pour être attachés au parti Stadhoudérien ont été entiérement pillées: on a dérobé tout ce qu'on a pu trouver d'or 8c d'argent; il s'eft commis un carnage affreux dans lequel il y a eu quantité de perfonnes maflacrées : on a poufle la barbarie jufqu'a violer publiquement les femmes des plus riches négocians fous les yeux 8c les regards indignés des maris garottés §C enchainés. C'eft de nos jours, 8c chez des fedtes, foit difant chrétiennes, que ce font commifes de pareillcs horreurs, On eft cependant venu a bout, mais avec bien de la peine, d'appaifer les militaires 8c de les ranger a leur devoir : un bataillon de gardes hollandoifes ayant recu ordre de marcher précipitamment vers Bois» le - Duc , y diflipa  MoBERNES. 2If bientót 1'orage qui défoloit les habitans, 8c fur le champ Ia tranquillité fut rétablie a Bois-leDuc: auffitót on vit le magiftrat du lieu déployer toute fon a&ivité: il fit faire toutes les perquifitions néceffaires pour découvrir les auteurs des troubles \ quantité de perfonnes fufpeétcs, tant hommes que femmes ont été arrêtées, 8c tous les effets pillés qu'on a pu recouvrer, ont été tranfoortés dans les églifes : le pillage a duré pendant trois jours confécutifs. On n'a pas tardé a découvrir que cette infurrection a été romentée par des patriotes Sc des auxiliaires échappés d'Amfterdam 8c d'Utrecht. Plufieurs villes de la Zélande ont effuyé le même fort , les unes de la part des foldats dont les officiers n'étoient pas affez nombreux pour les contenir, les autres par la populace. La ville de Ziriczée eft entiérement détruite, 8c n'offre plus a fes habitans éplorés qu'un tas de décombres. M. de Treffan , qui commandoit a Amfterdam , s'eft précipitamment rendu k Dunkerque pour y recaeillir, au nom du roi de France , nombre de families hollandoifes qui, trés mécontentes des nouveaux arrangemens qu'on vient de prendre dans leur patrie , s'en exilent fur un fol plus riant, 8c oü ils font fürs de n'ètre plus expofés aux ravages de 1'anarchie. Le miniftere de France a donné les ordres les plus précis pour que toutes les families des émigrans Hollandois trouvent en France tous les fecours poftibles. Une grande partie de ces families fe font portées en Bretagne, oü elles formeront  ti6 Anecdotes des érabliffemens de commerce. L'Empereur a donné les mêmes ordres que le monarque Francois pour que fes Pays-Bas fuflent ouverts aux émigrans; mais on a obfervé que les Anti Stadhoudériens ne s'y portent pas avec autant d'affluence qu'en France. II eft très-facile d'en deviner les railbns. On prétend, & il eft affez probable , que Ie roi de Suède s'eft rendu a Coppenhague pour y engager cette Cour a former une alliance entre la Grande - Bretagne , la Pruffe 8t la Hollande, afin de contre-balancer celle qu'on dit devoirfe conclure entre les cours de Vienne , de Verfailles, de Pétersbourg Sc de Madrid. Les Etats d'Hollande, après bien des débats, confentirent a prendre huit a dix mille hommes de troupes réglées, 8c les Etats-Généraux ayant approuvé une pareille précaution , Leurs Hautes Puilfances réfolurent de réquerir Son Altefle Séréniflime & le confeil d'État, de former au plutót un plan a ce fujet, afin de pouvoir former une réfolution ultérieure. Le changement de la régence d'Amfterdam s'eft fait dans le meilleur ordre. Le 7 novembre, a n heures du matin, les commiffaites de monfeigneur le prince Stadhouder fe rendirent a 1'hótelde-ville. A une heure ils fc prcfenterent aux fenêtres, & firent la leef ure de Ia publication de Son Alteffe Séréniftime qui fut fuivie d'acclamations générales, qui redoublerent lorfque les nouveaux régens defcendirent, ainfi qu'au départ des comrnitfaires. Le choix du Prince , en créant bourg-  MODERNE3. 117 «ïaitres meffieurs Van de Poll Sc Straalman, a été univerfellement applaudi. M. Straalman eft d'une familie qui dans la révolution de 1747, s'étoit diftinguée par fon attachement a la maifon d'Orange , 8c qui depuis la mort de Guillaume IV, avoit été totalement exclue de la régence. Le même jour vers le foir, on vit une grande troupe de gens de Ja populace courir les rues : ils commencerent bientót a molefter quelques maifons oü demeuroient des patriotes : ils fe rendirent entr'autres dans celle d'un libraire nommé Verlem , éditeur d'une infame gazette qui fut fur-lechamp fupprimée Sc avec bien de la juftice. On caffa les vitres de ce libraire Sc celles du libraire Kx)k, fecretaire de 1'ex - fociété armée , qui avoit vendu les eftampes les plus outrageantes contre Son Altefle. On forca les marchandsde vin, bouchers 8c boulangers patriotes, a donner a manger 8c a boire aux tumultuans , dont les bacchanales fe terminerent le lendemain par de nou*eaux défordres, mais qui n'eurent rien de funefte pour 1'humanité. Ces derniers vertiges de 1'efprit de délire furent bientót fuivis d'une nouvelle commotion. Tout - a - coup on transféra a Maëftricht, des prifons dans les cafemates, cent quatre-vingt foldats: on paliflada 1'entrée du fort, devant lequel on tint continuellement deux pieces de canon, précaution d'autant plus néceflaire pour le moment , que le mauvais air pouvoit nuire a la fanré des innocens confondus avec les coupables. Le 11 Novembre arriya a Maëftricht le pre-  21$ Anecdotes mier bataillon de Munfter, qui fut fiiivi Ie lur Iendemain du fecond. A peine eut-on appris qu'il devoient arriver, qu'il fe répandit en ville une confternation inexprimable , öc chacun fe hata de tranfoorter fes meilleurs effets dans les villages voifins. A peine le fecond bataillon eut-il mis le pied dans la ville, qu'un melfager d'état apporta des dépêches pour le megiftrat Sc 1'état-major : il s'affëmblerent dans la nuit pour prendre les mefures néceftaires pour défarmer les deux bataillons. Pour ne pas allarmer les bourgeois, 1'exécution fut différée jufqu'au lendemain. On s'emprelfa de placer des canons fur la place d'armes Sc fur le pont : 1'un defdits bataillons étoient placés a Wiek 8c 1'autre a Maëftricht : quiconconque connok le local , fentira bientót la jufteffë de cette précaution, pour tenir en relpeét. des foldats renfermés dans des cafernes dont les iftues étoient ménacées du feu de I'artillerie 8c du fer meurtrier des troupes ennemies qui avoient ordre de paftér au fil de 1'épée tout ce qui auroit-: échappé au feu du canon. Dans un clin - d'ceil, tous les régimens qui formoient la garnifon de Maëftricht parurent 8c forcerent les nouveauxvenus a mettre bas les armes qui furent tranlportées a 1'arlênal. On fe faifit de leurs bagages, 8c chaque individu fut vifité avec la plus grande sxaétitude. II eft incroyale combien on trouva fur eux d'or, d'argent Sc de bijoux , les reyders 5c les ducats étoient coufus dans leurs habits , les montres d'or dans leurs cheveux, des chaïnes iu même métail Sc quant'té irodigi.ufe de mon-  MOPEBNES. Zip cres (Fargent cachées fous Ia chemife. On évalue a plus de trois cents mille florins ce qu'on a trouvé de récélé fur chaque foldat. Après une vifite fi t fcrupuleufe, ceux qui parurent les plus coupables furent menés fept èfept, au nombre de 175 dans les prifons de Saint Pierre. Ceux fur lefquels on a trouvé le moins d'effets précieux, ont été conduits aux cafemates oü ils ont été très-étroitement renfermé. Peu de jours après, comme on avoit tout lieu de sry attendre, il fut réfolu unanimément a l'aflemblée des Etats-Généraux, de concerter une alliance défenfive avec les Cours de Londres 8c de Berlin ; mais comme on a déja eu occafion de 1'obferver, aucun des articles qu'il efl: aifé d'ailleurs de foupconner , n'ont encore été rendus publics 8c ne le feront probablement jamais. On parle plus que jamais de cette fameufe alliance qu'on fait envifager comme prête a fe conclure ; mais on obferve a la Haye, a cette occafion , que 1'ambafiadeur de France a ftéquerrtment des conférences avec les miniftres du cabinet, qu'on dit être rélatives a eet objet. Lettre de Sa Majefté Pruftienne au baron de Réede, ambajjadeur extraordinaire de L. H. P. datée du z Janvier 1788. « Il efl: très-fatisfaifant pour moi, qu'en venn geant 1'honneur de mon fang , j'aie contribué » a rétablir le Stadhoudérat Sc la maifon d'O» range dans toutes fes prérogatives , au main» tien 8ï aux intéréts de laquelle je prendrai fans  r 2.20 AnECDOTES j> ceflè la pan la plus fincere. II ne m'eft pas » moins agréable d'avoir rétabli la paix 8c le » calme dans un état, dont le bien être me tiert» dra toujours a coeur, par une lüite de 1'amitié » que je porte a la république, 8c dont je lui » donnerai des preuves en tout ce qui dépendra » de moi. Vous afiurerez L. H. P. de ma part, » des fentimens que je vous manifefte ici, 8c vous » renouvellerez en même tems au prince d'O» range 8c a ma foeur, les afliirances de mon » fincere attachement. Je vois avec plaifir la nou» veile marqué de confiance que L. H. P. vous » témoignent par la commiffion dont elles vien» nent de vous charger : recevez a cette occafion » les afiurances de mon eftime qui vous eft due , » par les bons fentimens que je vous ai toujours » connus. » Le 3 , TAmbaffadeur extraordinaire de L. H. P. eut 1'honneur de fouper avec la princefie de Suède, abbefle deQuedlinbourg, chez la reine douairière, oü le Roi fit préfent, au duc régnant de Brunfwick , pour lui témoigner fon eftime 8c fa reconnaiflance, d'une bague très-précieufe ornée de fon portrait 8c d'un diamant d'un très-grand prix. On écrit de la Haye, en date du 6 de Janvier, que les efprits des deux partis commencent a iè rapprocher 8c 1'animofité a fe calmer. Les mefures rigoureufes prifes par les Etats 8c par monfeigneur le prince Stadhouder, en ont enfin impofé a Ia multitude , 8c malgré le feu caché fous la cendre, la tranquillité femble renaïtre dans le fein de la république. Si de tems en tems il y a encore des  Moderne s. 22ï fïxes & des tumultes, ce n'eft que parmi la lie du peuple. Jamais on n'a vu la Cour Stadhoudérienne aufti brillante qu'elle 1'a été ce dernier mois : on y a compté plus de deux mille perfonnes, parmi lefquelles il s'y en trouvoit un grand nombre qui étoient ci-devant du parti Anti - Stadhoudérien , qui n'ont pas gouté le fyftême de Caton tutique : ViBrix caufa diis placuit fed viBa Catoni : il faut que le crime foit puni ; aufti exécute-t-on a Maëftricht prefque tous les jours quelques coupables , fur - tout les pillards qui avoient eu part aux déprédations de Bois-Ie-Duc ; ces exécutions doivent continuer pendant plufieurs jours, a caufe du grand nombre de raviffëurs en tout genre. Parmi les atrocités commifes dans ces dernieres convulfions qui ont affligé les Provinces-Unies, la plus finguliere eft la fin tragique d'un infortuné charpentier pendu par les pieds par ceux du parti oppofé, mais a qui, après une fi malheureufe rencontre, on a fait des obfeques bonorables. A quumputer les caufes de tant de malheurs 8c de calamités Qu/dquid ddirant reges plecluntur achivi. Les peuples font punis des fottifes de leurs Princes. Le Stadhouder vient tout récemment de nommer une commiffion pour eftècfuer les changemens néceffaires dans diverfes régenees • cette commiffion fe tient a Delft, d'oü elle fe'rendra a Harlem , puis dans la Nord-Hollande : en attendant , plufieurs magiftrats prévoy ant leur deftitution prochaine, s'empreftënt de donner leur demiftion.  222 Anecdotes Des émigrans Hollandois redres a Orléans i ont demandé le terrein vague qui eft entre la cathédrale 8c la ftatue de Ja Pucelle , pour y batir tX y établir des manufacfures, le Roi le leur a accordé très-gracieufement. ün compte dans ce moment plus de 2400 families opulentes qui fe font expatriées en France &C il s'en expatrie tous les jours. La France tend les bras a tous les émigrans, tout les y appellé, fur-tout 1'édit en faveur des non-catholiques, le bon accueil, des terres a cultiver , des avances confidérables pour tous les befoins de la vie: ajoutez a cela tant de flatteufes efpérances dont on aime a fe repaitre dans un climat aufti heureux que celui de la France, tout cela eft bien capable de faire illufion a la multitude 8c de la féduire. Mais n'en feroit-il point des Hollandois comme des Genevois qui paroiftént d'abord ne fe trouver bien que hors de chez eux , 8c qui après bien des tentatives pour s'établir tantöt dans un coin du globe, tantöt dans un autre, reviennent tous terminer leur carrière dans les foyers de leurs peres, 8c finiftënt tous par ne fe trouver bien que chez eux , malgré la mobilité de leur cerveau, la légé- reté 8c 1'inconftance de leur génie. Si 1'on peut dire des Genevois, Trop heureux s ils connoijfoient leur bonheur , n'en pourroit-on point dire autant avec raifon des flegmatiques Bataves ? Les brouillards 8c les brouilleries font pour ceux-ci des élémens dans lefquels ils femblent nés pour y être fempiternellement balottés. En attendant de nouvelles révolutions, on ne peut plus heureufement rermincr  Moderne s. 123 rerminer ce Tableau, qu'en metrant fous les yeux du Lecfeur impartial, les décifions tranchantes de J'intrépide 8c de 1'infatigable Linguer. Étrange rcftrit du Magiftrat d'Amfterdam, Il n'eft pas queftion ici de donner 1'hiftoire de 1'inconcevable révolution dont nous venons d'être témoins dans ces contrées , préfervées depuis plus d'un fiecle des ravages de la guerre , ou du moins qui ne les avoient connus , que quand elles les avoient portés chez d'autres nations. Pour trouver quelque expédition qui femble en approcher, il faut remonter prefqu'au milieu du fiecle dernier, jufqu'a la defcente du fameux Guillaume III en Angleterre. Mais le Stadhouder, gendre de 1'infortuné Jacques II, fe préfentoit comme libérateur d'un peuple opprimé par un Roi: c'eft aux drapeaux de la liberté qu'il appelloit fes fujets futurs, 8c c'étoit avec 1'aide d'une république , qu'il venoit les défendre des abus de la monarchie. C'eft ici précifément le contraire. Ce font les républicains a qui 1'on reprochoit d'être des tyrans 8c des ufurpateurs : c'eft le Prince qui fe plaignoit d'être dépouillé de fes droits : c'eft d'un Monarque abfolu qu'il a recu 1'aftiftance a laquelle il en doit le recouvrement : dans 1'un 8c 1'autre pays le redreftéur charitable étoit un parent; mais en Angleterre , il marchoit pour renverfer du tröne le pere de fa femme, 8c ici pour y remettre le mari de fa fceur. 11 n'y a daas ces deux expédiTome III. p  224 A n e c do t e s tions de véritable rertemblance , que celle du nom des principaux intérelfés 8c de 1'ilfue. Mais une différence bien remarquable & digne d'être obfervée , c'eft celle des prétextes déduits dans 1'une ÖC 1'autre de ces occalions. L'invafion du gendre etoit fondée fur des griefs férieux&publics; celle du beau-frere , c'eft fur une infulte privée , faite a fa chere fceur, fur la néceffité d'expier 1'impolitefle des patriotes envers elle. La cour de Berlin n'allegue que ce motif dans le manifefte précurfeur rapide de fon armée. C'eft fur le refus d'une réparation exigée dans les vingt-quatre heures, que ce flot Pruftien a inondé la république depuis la Weftphalie julqu'a la Zélande, Et nous venons même d'entendre Sa Majefté le Roi d'Angleterre , aflurer gravement fes fideles Chambres, que Sa Majefté le Roi de Prufle n'avoit eu d'autre objet, en envoyant fes huflards, fes grenadiers , fes canons, fon général Kalkreut, 8cc. que d'aflurer une fatisfaétion convenable a 1'Altelfe Röyale , époufe de 1'Altefle Séréniflime. Si les Puilfances, par la grace de Dieu, quand elles fe fervent du terrible droit de 1'épée , devoient compte au public de leurs vrais motifs, ou fe piquoient de franchife dans celui qu'elles daignent paroitre en rendre, qu'on put par conféquent regarder celui-la comme lincere , ce feroit encore une fingularité de plus dans les événemens de ce fiecle. Ce motif feroit auffi bifarre, que le fuccès en eft furprenant. L'occalion fe préfentera peut-être de lever le oilefur les vrais intéréts qui ont produit 8c décidó  Moderne s. 115 cette manoeuvre fortunée : pour le moment, en liippolant qu'en effet le défaftre des patriotes Bataves n'eft du qu'a une groflïéreté trop brutale : je me bornerai a ramarquer qu'il n'y a point de nation a laquelle le défaut de politeffé ait attiré plus d'affaires férieufes. Au dernier fiecle, avant que les artifices de leur Stadhouder lui affuraflênt la couronne de la GrandeBretagne , ils avoient vu Charles II 8c Louis XV ligués pour les détruire : 8c ce qui avoit motivé 1'union , difficile a prévoir, de la France avec 1'Angleterre contr'eux, c'étoit leur impoliteflè : un Bourg-Maïtre patriote avoit infulté la première : un Général patriote avoit refufé de faluer le pawllon de la feconde. De nos jours une infulte au pavillon impérial leur a coüté une amende de vingt rnillions tournois , fans compter les frais des protections qu'il 3 fallu implorer alors, 8c les fuperbes fervices de vaifelles, donnés aux dépens de 1'Efcaut au miniftre médiateur de fon efclavage , 8cc. Enfin voilé que tout-a-l'heure une infulte envers une grande Princeffë les a expofés a 1'animadverfion fraternelle. Certainement s'ils profitent de ces lec,ons de politeffé multipliées, les Bataves, d'ici a quelques fiecles, feront le peuple le plus honnête qui ait jamais exifté, 8c 1'on peut fuppolèr qu'ils y ont de la dilpofition. La ville qui étoit le théatre de la plus vive effërvefcence Anti - Stadhoudérienne , vient de donner une preuve de dévouement, de foumiffion au parti contraire, qui n'a point d'exemple, 8c n'en aura P 1  zi6 Anecdotes peut-être jamais. Le corps municipal d'Amfterdam vient de rendre (le y Décembre 1787 ) 1'Ordonnance que voici : « Meftieurs du Magiftrat de la ville d'Amftern dam , perfuadés que dans une ville grande 8c » peuplêe comme celle-ci, rien ne peut contribuer » davantage a fa profpérité 8c a la faire fleurir, ï3 que lorfque ia bonne intelligence 8c 1'efprit paci» fique regnent entre fes habitans , ont remarqué » d'une part avec fatisfaétion qu'un grand nombre » de Bourgeois 8c Habitans fe font comportés, » fuivant la publication du 11 OcTobre 1787 , par » laquelle MM. du Magiftrat fufdit, pour prévenir » toutes rencontres défagréables , 8c pour 1'avan» cement du repos public, avoient exhorté tous » 8C chacun a fepourvoir d'une marqué d'Orange ; » couleur a laquelle on attaché en ce tems - ci le » ligne du defir de voir renaitre dans la patrie la w bonne intelligence , le repos 8c la tranquillité , » après tous les malheurs oü la difcorde 1'avoit » plongée. » Mais d'un autre cöté, Meftieurs du Magiftrat » fufdit ont appris avec regret, que nonobftant les » delfeins falutaires 8c les vues pacifiques qui conf » rituoient cette publication, quelques Habitans » au contraire de tant d'autres, qui, fuivant le » csracfere ancien des braves bourgeois d'Amf» terdam , coopérent au maintien du repos 8c de w h concorde , peuvent perfifter a trouver bon de » nourrir un efprit de parti, 8c paroiffent vouloir » méprifer ouvertement par leurs aétions, le bon confeil da Meftieurs du Magiftrat, par oü na*.  Moderne*. 'zij » gueres Ie repos 8c la füreté ont été troublés >>. d'une maniere extréme a la bourfe de cette » ville 8c ailleurs. » C'eft pourquoi Meftieurs du Magiftrat fufdit » trouvent bon d'exhorter 8c d'avifer encore de la » maniere la plus férieufe tous 8c chacun, de Je » pourvoir d 1'extérieur d'une marqué d'orange, » cocarde , na?ud ou ruban , comme une preuve » qu'on efl bien intentionné pour la conftitution, » afin que le repos ne foit maintenant plus troublé » dans cette ville. » Tous ceux qui, en négligeant de fatisfaire a cette ï) exhortation , auront mis au jour leurs fentimens » turbulens, féditieux 8c enclins a la diflention , » feront conlidérés 8c traités par Meftieurs du w Magiftrats comme fauteurs defdits fentimens. » Défendent néanmoins Meftieurs du Magiftrat » fufdit, qu'il ne foit fait aucune violence pour » ces raifons a de telles perfonnes, par qui que » ce foit, foit a la bourfe , foit dans les rues, 8c » fur-tout qu'il ne foit fait aucune moleftation ou » violence a eet égard aux loyaux Habitans qui fe w conduiront fuivant ce confeil ; tous ceux qui » fe feront rendus cotapables de ces faits féditieux, » feront punis comme perturbateurs du repos 8c de » la füreté publics, de la maniere la plus févere » 8c exemplairement. Fait a Amfterdam le 9 Dé» cembrc 1787. Signé, J. Van Der Dussen. » L'embarras même des conjonctures, la néceftité d'"!ifurer Je repos public , ne peuvent pas juftifier  Anecdotes öne femblable ordonnance ; elle réunit tout ce quï peut rendre un reglement de police odieux ,injufte, humiliant, contradictoire même. Qu'une populace effrénée, dans fon ivrelfe, adopte une livrée qui cara&érife fa fujétion au moment même oü elle la regarde comme un ligne de fon indépendance ; que les gens fages, en gardant au fond du cceur la véritable liberté de leur opioion , fe chargent fans fcrupule d'un fymbole qui ne les engage a rien, 8c qui devient un palfeport nécelfaire a leur füreté , rien de plus naturel j 1'honnête homme qui fe refufe alors a porter la cocarde eft plus fou que le peuple qui exige de lui cette complaifance. Mais que le Magiftrat donne a ce caprice une fanétion légale 3 qu'il attaché a cette démonflration le caradf ere d'une profeflïon de foi \ qu'il déclarc qu'elle fera tout-a-la-fois 1'interprête moral du cceur , & le gage de la füreté politique \ c'eft de fa part une abfurdité dangereufe, une inconféquence cruellement indilcrete : c'eft mettre 1'homme honnête 8c délicat dans la néceflité de choi/ir entre fon repos 8c fa confcience : c'eft 1'expofer a Ia crainte de fe fouiller d'une perfidie , 8c de s'accufer d'impofture. II veut bien cacher fes fentimens , mais non pas paroitre les abjurer: c'eft en même tems armer 1'audace du parti oppofé 8c 1'accroitre. La feule démarche qui convienne a 1'autorité en pareil cas, la feule qui lui foit permife , fi elle veut intervenir, c'eft d'interdire tout ligne oftenfible qui pourroit fervir au ralliement ou a Ia divifion.  MODERNES. 229 La municipalité d'Amfterdam ici n'auroit fait aucun tort aux Stadhoudériens , en fupprimant leur nuance favorite. Leur dévouement fe manifeftoit aftêz par leur obéiftance, 8c 1'uniformité commune a laquelle on les auroit aftreints, fe feroit trouvée bien compenfée par la nullité politique de leurs antagoniftes. Si le Magiftrat avoit craint de n'être pas obéi, il falloit fe taire : il falloit tolérer 1'enthoufiafme defpotique au vainqueur, 8c lailfer aux patriotes le choix entre une fierté périlleufe, ou une com ■ plaifance tranquilüfante. Avant J'ordonnance on pouvoit févir légalement contre les enragés, a qui le refus de porter un ruban jaune , auroit paru une raiibn fuftifante pour piller, pour affaftiner le fanatique capable de ce refus: aujourd'hui ils auroient des excufes 8c même des motifs a alléguer. La menace de les pourfuivre comme perturbabateurs du repos public, inférée dans le même placard , oü 1'obligation de fe prêter a leur manie eft impofée , comme une preuve qu'on efl bien intentionnépour ce repos, n'eft , je Ie répete, qu'une inconféquence de plus, ajoutée k celles dont ce réglement fourmille. Au refte, cette adminiftration produit les effèts qu'on devoit en attendre. II en réfulte une émigration prodigieufe. Ces contrées, li long - tems 1'afile des réfugiés de toutes les autres, perdenc journellement des habitans qui vont au loin chercher des aliles : on les leur ouvre, dit - on, ils *'y précipitent. Et ce qui eft affêz remarquable , c'eft que le  230 Anecdotf.s Modernes, plus grand nombre de ces fugitifs eft cornpofé d'artifans , d'ouvriers , a qui affurément il devroit être bien indifferent par qui la terre eft gouvernée. Dieu veuille qu'après la première effervefcencé, ils ne s'en repentent pas ! En reftant chez eux auroient-ils porté deux bats ? Ailleurs, n'en poïteront - ils pas un.? f 1 m