L'AERIQUE HOLLANDAISE; TABLEAU HISTORIQUE et POLITIQUE, DE L'ÉTAT ORIGINAIRlï DE LA COLQNIE D U CAP DE BONNE-ESPÉRANCE COMPARÉ AVEC L'ETAT ACTUEL DE CETTE COL N I E. Tuhlié fur le manufcru d'un Obfervflteur injlruit. gic yos non vobis mclUficatis apes ƒ VIRGH, O U B N HOLLAND E. s 7 8-3»   AVERTISSEMENT DE L' E D I T E U R. Manufcrit de VAuteur anonime clont je puUie V Ouvrage, ma ètè remis dans un ét at trop imparfait pour pouyoir étre envoyê a la prejfe fans étre retouche'. Je Vat donc réfondu en entier pour la partie Typographique. jfai étê ehligé de le tranfcrire; ceft un ayeu que je dois faire publiquement, pour que ï Auteur ne foit pas furpris de voir paraitre fon Ouvrage fous uneforme différente. Je dois aujfi ayertir, que je me fuis permis d'ajouier de moi-même , queU que peu de rèfïeclions qui mont paru pouyoir étre placées a coté de celles d« ïAuteur. J'ai  A V E R TISSEMENT tu foin de les diflinguer par des Notes , au bas de la page. VOuvrage ma paru en gênéral bienfait; tnais c'ejl le Public éclairé qui feul tft en droit de le juger de T'apprécier. T A*  TABLEAU HISTORIQUE et POLITIQUEi DE.L'ETAT OR1GINAIRE DE LA COLONIE • DU CAP DE BONNE^ESPÉRANCË COMPARÉ AVEC L'ÉTAT ACTÜEL DE CETTE C O L O N I E. J_j'Europe n'a presque plus de Despotes , parcë que presque tous les Peuples qui 1'habicent, ont êtê éclairés fuccciïivemenr. fur les droits que la Naturk leur donne. Cependant le Despotisme a des attraics fi döux pour les Souverains, que ne pouvant plus 1'exercer' impunement dans une parcie de la Terre, d'öu la faine" Philofophie 1'a expulfé , ils 1'exercenc ericore imperieufemenc dans ces Régions loingtaines, oiï les horiimes, presque dégradés de leur noble Origine, fe Iaisfeiu conduire corame des bêces de fomme, n'ofent A mur-  C ■ 3 murmurer de leur esclavage , & baifent même la main du Despote cruel qui les enchaine. Les fenciments de la Nature femblent émoufles dans ces Climats fauvages,' habités par des Etres créés pour étre raijonnalks, mais qui ne nous reflemblent que par le corps animal qui nous eft commun h tous. On paiTe h ces Despotes orientaux de gouverner leurs peuples avec la verge de fer; leurs préjugés, leur féroce éducation , 1'ufage immémorial, forment, pour ainfi dire, une espéce d'excufe en leur faveur: la belle, la tendre, la compatiüante Nature eft encore muette chez eux. Mais peut - on pafler aux Souverains de 1'Europe d'étre des Tyrans pour leurs Sujets expatriés & transplamcs dans des Terres ifo-; léés & féparées, du gros de leurs dominations? Cs Despotisme eft d'autant raoins excufuble, que ces Terres fonc défrichées & culcivées au profic de ces memes Souverains qui recueillent le fruit le plus précieux de la fueur & de Tinduftrie des Colons. II n'eft cependant que trop vrai, que presque tous les Colons trausportés. en Afie , en Afrique & en Amérique, font opprimés, vexés & maltraités; il n'elt que trop certain, que ces vi&imes d'un Gouver- ne-  C 3 ) nement arbitraire fe plaignent hautement de 1'opprefliön dans laquelle elles gémifiènt. Non feulement les Monarques Européens font gouverner leurs Colonies avec une injuftice & une dureté inouïes, mais ce qui eft plus revoltant encore, les Républiques fe permettent ces coups d'autorité terribles & cruels qui écrafent & découragent leurs Colons dans les deuxïndes. Procédé attroce que la doucêur & 1'égalité du Régime républicain condamnent hautement; politique cruelle, injufte & malentendue qui doit a la fin ruiner ces précieux écablisfements; Despotisme affreux, dont le contre-coup doit renverfer le Despote & affranchir le Sujet d'un efclavage dans lequel il ne peut plus vivre, paree qu'il eft devenu intolérable ! Pourquoi le Gouvernement despotique eft - il de tous les Gouvernements le plus infuportable & le moins propre a tenir le iujet dans robéifiance & la dépendance? C'eft paree qu'il eft le plus injufte & le plus inhumain. Oui la Nature frémit a raspeél des chaines, dont on la charge; le coeur de 1'homme fe courrouce dans 1'opprobre d'un efclavage qui l'affimile aux animaux; la raifon éclaire 1'éfprit de A Jt 1'hom-  ( 4 ) 1'homme fur la nobleflè de fon origine & de fa défHnation; en réclairant,elle le cabre contre des loix arbitraires qu'un Tyran ne ceüe de porter pour 1'opprimer : enfin le moment arrivé, oü 1'homme fachant ce qu'il fe doit a lui - même, n'écoute plus que les cris aigus de fon honneur outragé; alors il met tout en oeuvre pour fe venger fur celui même qui abufant de la force, a méconnu tout-h la fois, & les droits duSouverain , & lesdroits facrés du Sujet, en outrant les uns & en foulant aux piés les autres. Dans ce moment de lumiére, 1'homme devenu enthoufiafte de fa liberté , foupire après le bonheur d'en jouir, il la cherche; une circonftance heureufe la lui fait entrevoir; il la confidére comme lui tendant la main; il faifit cette circonftance, il fecoue les chaines qu'il traine honteufement; le bruitqu'elles font, 1'indigne, il fort de fon engourdiflement, il s'éveille & plein d'une noble audace, il s'arme contre 1'oppréfleur, lui réfifte en face & finit par brifer fon joug qu'il jette avec mépris, aux piés de celui qui avait eu 1'imprudence de le lui impofer. Les Colons de 1'Amérique vienent d'en donner nn exemple mémorable. Les Anglais ont éprouvé a leur {  C 5 ) leur dam, combien il eft imprudenc d'opprimer des Sujets & de ne plus les regarder corame des Freres ayant tous une même Mere • Patrie. . Ces vaftes & fertiles Colonies du nouveau Monde font perdues pour eux; cette perte a tari la fource de leur richefiè nationalle; en perdant 1'Amérique, les Anglais ont coupé le nerf de leur profpérité, de leur gloire & de leur fupériorité fur les autres Nations; ils fonc rentrés dans la clalTe ordinaire des Puiffances maritimes ,& 1'on peut dire ,que le fceptre des M^rs qu'ils onr porté avec tant tant d'arrogance, eft échapé pour toujour de leurs mains. Les Anglo- Américains peuvent étre imités par les Colons des deux (ndes; leur exemple peut devenir contagieux. Les Anghiis ont perdu per des fautes multipliées, leurs Colonies; ces fautes doivent tourner au profit des autres Souverains & les rendre fages. Le Despotisme affreux que TAngleterre a exercé fur fes Colons avant leur infurreélion , doit apprendre aux Puiffances qui ont des Colonies, a tempérer le leur, a, 1'adoucir, & a traiter leurs Colons fur le même pié fur lequel ils traitent leurs Sujets Européens. Ces Puiffances diovent faire plus, elles doivent veiller foigneufement fur la conA 3 dui-  t 6 ) duite de leurs prépofés dans les Colonies, elles doivent reprimer leurs rapines & punir leurs vexations; fans cela , les Colons fe révolterotit. La fauiTe confiance que lesAnglais avaient en leurs forces, doit apprendre aux autres 'Puiflances, que ces forces employées fans prudence, ne fervent qu'a irriter & a rendre le defir de la Liberté plus vif & plus ardent; malgré ces forces, les Colons deviendront libres quand ils le voudront, & certainement ils le voudront, li 1'on continue k les vexer & a n'avoirj' pas égard a leurs juftes plaintes; il faut redreiTer leurs griefs, leur rendre juftice & punir des Agens qui les épuifent, les découragent, les irritent & les oppriment impitoyablement. Tel eft le cas particulier & acluellement exiftant de la précieufe Colonie du Cap de Bonne- Espérance. Les Agens de la Compagnie Hollandaife des Indes- Orientales fe permettent depuis trés - longtems des excès qui font devenus infuportables, & j'ofe dire avec confiance, que les Colons du Cap mérkëftt plus que tous les autres Colons, fujets de la Compagnie, les égards, Feftime, l'arTeétion & la protection fpéaale de la Mere - Patrie. L'importance de cette pos-  C 7 ) polTeflion juftifje Ia préférence qui eft due aux Co* lons du Cap. Voila la Thefe que je me propofe de démontrer. Les preuves en font nombreufes & palpables; il n'eft queftion que de les préfecter fous leur véritable poïnt de vue & de les mettre fous les ycux de Mrs. les Directeurs de la Compagnie d'une maniere fimple & lumineufe. C'eft a quoi je vais m'appliquer. Pour traiter cette matiere importante avec ordre & clarté , j'expoferai dans un premier Chapitre , ce que c'eft que la Colonie du Cap; quels font les privileges primitifs des Colons; quclles font leurs obligations primitives envers la Compagnie; en un mot, je tacherai de déveloper le Contrat Social primitïf paiTé entre la Compagnie & les premiers Colons envoyés par elle dans cette fertille Contrée dc 1'Aftrique. Dans un fecond Chapitre, je tacherai de peindre a grands traits, le Régime affreux & deftrufteur de cette Colonie; régime qui doit porter tót-ou-tard les Colons ruinés a quelque coup de force & de defespoir, & qui enfin doit entrainer la Compagnie dans le fonds du précipice, fur le bord du quel elle| marche avec trop d'alTurance, dépuis plulleurs anA 4 nées.  - C 8 ) pees. On verra ies terribles conféquences , dont il eft le principe pour les Colors aétuels, & celles qui fé manifeftent déja pour la Compagnie & qui la ménacent d'une ruine totale. Dans un troitiéme ChapU tre, je me permettrai d'indiquer fuccintement les premiers moyens que la Compagnie, ou plutót le Sou-, verain doit prendre , tant pour rémedier aux abus énnormes, que pour prévenir, autant que pofilble, 1'éclat que le roécontentement des Colons eft fur le point de faire contre des Serviteurs infidelles, deve. nus leurs oppreflèurs. Quel a été 1'Etat primitif de la Conftitution doméflique de la Colonie du Cap? Quel eft 1'écat aétuel de cette même Conflitution ? Quel eft la réforme a faire dans le Régime de la Colonie? Tel eft le plan que je me fuis fait & que je tacherai de remplir. Le Tableau de comparaifon, que je vais mettre fous les yeux du Lecteur judicieux, fervira au moins a démontrer inconteftablement, qu^un Gouvernement doux, humain, jufte & bien ordonné dans fon origine, a dégénéré rapidement en un Gouvernement impérieux , odieux, crucl, injufte & tyrannique. Je coafagre mes recherches a 1'intérêt public* ceux  C 9 ) ceux de la Compignie & ceux des Colons me font également chers: puifle la Mere - Patrie s'applaudir bien-töt d'une réconciliation fincère entre les habitans d'une précieufe Colonie, d'un coté, & les Agens de ,1a Compagnie de 1'autre! II importe hautement a la Compagnie de revenir fur fes pas & de mettre un frein a la rapacité de fes Prépofes; fi elle continue a autorifer leurs exactions injuftes, les Co lons fe revoltfront & fe fairont droit aeux-mêmes; dans ce cas, la Colonie eft perdue pour la Compagnie ; la perte de celle- ci doit néceiTairement entrainer laruine detout leCommerce aux Indes - Oriëntaties. Si les Colons entreprenent de brifer leurs chai* nes, une terre qui ne doit étre fertilifée que par leur fucur,fera arrofée de leur fang;car ce dé.hirementne. peut fe faire fans éffufion de fang; dèslors ils pourraient bien devenir la proye de quelque Nation ambitieufe, qui depuislongtems, guette le moment de dér busquer les Hollandais, comme ceux-ci ont débusqué les Portugais. La Compagnie doit tout facri-. fier, pour régagner la confiance, la cordialité & le refpecT: de fes Colons; ceux - ci doivent de leur coté, fe prêter de bonne grace a un raccommoderaent deA 5 ve-  C w ) venu hautement néceflaire pour les uns & pour l«s autres. Le Sacrifice a faire par la Compagnie, doit dautant moins lui couter, qu'il ne confifte qu'en trés- peu de chofe. Les victimes que les Colons veulent, qu'on immole au bien public, ne font que des Ames de boue, des Sangfues cruellesqui, abufant du pouvoir que la Compagnie leur a confié, vexent & pillent, en fon nom, des Colons, dont le feul crime efl: de ne vouloir pas vivre dans la mifere, au milieu de 1'abondance & fous 1'influence du climat Ie plus beau, le plus fein ókleplus bienfaifant. Les Agens de la Compagnie veulent tout extorquer des Colons, pour s'enrichir & revenir jouir en Europe, avec arrogance, du fruit de leurs rapines & de leurs concuflions; les Colons refufent de tout donner, perce que le furplus de leur récolte leur appartient de droit naturel, après avqir payé les droits auxquels la Compagnie les a affujettis. Les Esclaves n'ont rien en propre, pas même les Enfans que la Nature leur donne; ce principe n'eft fondé a la verité, que fur la barbarie des hommes avides & cruels; laRaifon & la Nature le desavouent. Mais les Colons font-ils Esclaves? Ne font-ils p!üs li- bies?  bres? Et s'ilsle font, pourquoi les traiteren Escla ves? CHAPITRE I. Qttel a été VEtat primitif de la Cotiftitution politique & domeftique du Cap de Bonne - Espérance ? _y^u comraencement du XIV. Siècle , I'Europe n'avait aucune communication directe avec les Grandes - Indes; le feul commerce qu'elle faifaic alors avec ces peuples éloignés, était de très-peu de conféquence; Alexandrie fituée fur le bord de 'la Mer - Méditerranée, était 1'entrepot général que les Arabes, feuls maitres du commerce de lTnde, fournifiaient. Les Marchandifes y étaient portées par la Mer-Rouge jusqu'a la hauteur du Caire; de la, on les transportaic avec'des Chamaux dans cette ville, d'oü on les faifait pafler enfuite a Alexandrie par la voye de terre. Les Venitiens , les feuls Navigateurs Euro- péens  péens de ce tems qui ofafient encreprendre des voyages jusques dans le Levant, & naviger jusqu'au bouc de la Méditerranée, allaient chercher ces objets de commerce, & en faifaient leur profit, en les revendant a des hauts prix, aux autres Nations de 1'Europe. LesPortugais, jaloux de ce que les Venitiens s'ctaient emparés de ce commerce lucratif pour ce tems, formérent le hardi projèt d'aller eux-mêmesa la fource & de triompher glorieufement de leurs rivaux, dont ils ne fe croyaient pas en état de fouffrir la concurrence, en ne faifant comme eux, que des voyages fur la Méditerranée. Henri, frere de Jean II., Roi de Portugal, mie a profit les connoifiances qu'il avait acquifes, dans un Siècle d'ignorance; il fe forma une Cour, qui ne fut proprement qu'une Ecole d'Aftronomie & de Pbifique; il fut aflez heureux pour y former des bons marins, du moins des hommes hardis, qui avides de gloire, furent bien aife qu'on leur fournit 1'occafion de fe diftinguer fur un Element, fur lequel on n'allait encore qu'en tremblant, paree qu'on était obligé d'y aller a tatons & d'y voguer au hafard. Après quelques épreuves qui  C 13 ) qui réuffirent, Jean II., Prince fage & éclairé, en* voya quelques - uns de fes Sujets a la découverte d'un paflage aux Grandes Indes. En 1493. Barthelemi Dias découvritla pointe méridionale del'Affrique; mais il n'ofa la doubler, ou du moins la reconnaitre d'aiTez prés pour y defcendre. Les Flots irrités qui -venaient fe brifer avec énroi contre les écueils dont cette pointe eft environnée, 1'érTrayerent; il défefpera d'y trouver une Baye fure, & un Port commode ; il revint fur fes pas après avoir donné a ce fameux Cap , le nom de Cap des Tempêtes. Son raport ne fit qu'encourager le Roi de Portugal a tenter le paflage; & pour animer fes Sujets a une découverte de cette importance, il donna a ce Cap, le nom de Cap de Bonne • Efpérance, qu'il a toujour confervé. Cinq ans après, c'eft-a-dire en 1498, Vasques de Gama part de Lisbonne avec quatre vaisfeaux bien équipés. Après une Navigation difficile & pénible, il découvre le Cap, il le réconnait & le doublé hardiment; il longe la Cöte de Coromandel & entre dans la Grande - Mer des - Indes, oü il fait des découvertes importantes, & jette les fondements de quelques établiiTements qui, dans la fuite, devinrent une  C H ) yne fource immenfe de richeiïès pour le Portugal; mais les Portugais ne fcurent pas laconferver, & ils s'envïrent bientöc dépouillés par les Hollandais, comme ils en avaient dépouillé eux - mêmes les Arabes. II n'eft pas de mon fujet de déveloper, les intrigues, lesménées, les artifices, les injuftices & les cruautés des Portugais dans cette partie méridionnale ue 1'Afie; ils y mirent tout en ufage poury dominer, & tout leur réuffit pendant qu'ils n'eurent pas d'Emules Européens; mais ilsdevaient s'attendre a en avoir& ils en eurent bientöt effectivernent; les plus rédoutables furent les Hollandais. Les Portugais furent reduits a deux, ou trois petits Comptoirs qu'on leur laifia par grace, & ils eurent le chagrin de n'avoir découvert & fondé le Commerce Ie plus étendu qui fe foit jamais fait, que pour les autres peuples qui les en ont presque totallement exclus. Peu après que les Hollandois eurent étendu leur Commerce dans les Indes, & qu'ils y eurent jetté lesfondementsde plufieurs établifiements importants; ils fentirent, qu'il leur manquait un lïëu de repos & de rafraichiilèment, oü leurs vaifieaux foit en allant, foit en revenant, puflent jetter 1'ancre avec aflurance &  C u ) & renouveller, ourafraichir leurs provifions; illeuf fallait un point de réunion intermédiaire entre 1'Europe & 1'Afie, pour que leur Commerce püt fe faire plus commodément & avec moins de risque. Ce poinc important, van RiebeekIc trouva. Au retour d'un voyage, le Navire fur lequel il était en qualité de Chirugien, rélacha au Cap deBonne-Efpérance: Cet habille homme mit a profit le court féjour qu'il y fic; il apprécia cette pointe d'Affrique tout ce qu'elle valait, & furpris dü peu de cas que les Portugais en faifaient, il médita'deslors la conquête de cec établiflement pour la Compagnie de fa Nation. Révenu en Europe, il fit part de fes vues aux Directeurs & il les expofa avec tant de clarté, qu'il n'c-üt pas de la peine a perfuader. II fut réfolu que les Portugais en feraient chaifés. Ces Réfolutions ne coutaient gueres a prendre, dans un tems , oü on s'était permis tant de conquêtes de cette nature. Un acte d'injuilice de plus, ne devait pas étre un obftacle a Fagrandiffèment d'une Compagnie naüTante , que fes profpérités rendaient orgueilleufe & metaient en étac de tout entreprendre avec fuccès. Le Cap de Bonne - Efpérance & le terrein que la Co-  C 16 ) Colonie a occupé depuis, eft ficué entre les 34 & 35 dégrès de longitude & les 37 & 38 dégrès de la-1 tidude méridionales; c'eft-a-dire h peuprès au milieu de la Zone tempérée méridionale. Quoique ce beau pays foit hérifle de montagnes, le Ciel y eft pur & ferein; les valées en font très-fertiles ; les fources y font nombreufes & abondantes, & la Nature lui a prodigué tous les avantages propres a en faire une demeure délicieufe. Avant 1'arrivée de* Portugais,cette belle contrée était habitée par un Peuple fauvage, pareflèux, indolent & mal propre, hideux même avoir; lesHotentots en un mot, la pofledaient atitre d'héritage, le plus jufte faus doute, mais trop fouvent le moins fuffifant, aux yeux de 1'Ambition avide & injufle. AuiTitöt que la Compagnie eüt pris tous les arrangements néceflaires pour 1'Expédition du Cap, elle fit partir Riebeek pour en étre la Chef; 1'exécution de ce plan ne pouvait pas étre confiée a de meilleures mains. Cet Agent habille & zélé arriva au Cap en 1653. H ava'c même avec lui afiez bon nombre de Colons qui s'étoient engagés volontairement a le fuivre : Pappas de faire une fortune rapideT & tous  C 17 ) tous les autres moyens uficés dans des pareilles circonftances, avaient écé mis enufage par les Embaucheurs de la Compagnie en Europe, & on eüt ramaiTé aflez vite une troupe de gens de bonne volonté compofée de Hollandois , d'Allemans, de Francais & de tant d'autresDesoeuvrés de difFérentes Nations Européenes. Dèsque Riebeek eüt mis pieda-terre, il fe préfente d'abord aux Portugais , les fiirprent & les force faci'lement a lui céder la place. II s'empara de 1'EtabliiTement fans coup-férir, paree que le Gouvernement Portugais n'avait fe.ulement pas penfé a éléver un petit Fort, & que les Colons, ou Agens qu'ils y avaient établis pouvaient a peine fe foutenir contre les Naturels du Pays,qui les furprénaient fouvent&en faifaient carnage quand ils le pouvaient. Les Portugais avaient écé d'abord recus par les Hotentots, alfez amicalement; premierement paree qu'ils croyaient, que les étrangers ne penfaient pas a s'emparer de leur propriété , & qu'ils n'avoient abordé chez eux, que pour y demander une hofpualité momentanée; car ces Sauvages ont au moins cela de bon, c'eft qu'ils font très-hospitaliers: fecondör preflè de la Compagnie, que leur fort, quant a Is liberté civile , ne deviendrait pas pire que celui dont ils jouiffaient dans la Mere-Patrie. On ne retrouve cependant parmi eux , aucune tracé de la liberté républicaine, reduite dans des juftes bornes & circonscrite par des loix fages & propres a prévenir 1'anarchie , fuite néceffaire d'un Gouvernement populaire, pris dans toute 1'étendue du terme & fans reftriction. Je vais cncrer dans le détail de ce Gouvamementde la Colonie du Cap que je ne fais pas difficulté d'appeller Arbitraire,j>ar rapport feulement aux Agens de laCompagnie; car j'ai tout lieu de penfer, que le Souverain, ni la Compagnie ne 1'entendent pas de même ; cette derniere du moins d'une facon explicite, & le premier d'aucune facon quelconque. Ribeek premier Gouverneur de la Colonie, avait établi fix differents tribunaux de juftice, ou de police ; fon fucceffeur, Bax, n'ifitaucun changement, & ces fix colleges refterent a peu prés fur le même pié qu'il les avait trouvés. II ne parut s'occuperque des améliorations pour les établiffements, & les édifices que Ribeek avait commencés, ou achevés imparfaitement. On lui reproche d'avoir été dur envers ceux  C Si 3 ceux qui étaient foumis a fes ordres, & très-op?niatre dans fes fentiments, quand il avait pris fon parti, ce qu'il faifait trop fouvent fans confulter perfonne. C'était 1'aurore affreufe de la naiüance du Defpotifrae qui depuis a appéfanti , prefque fans interrupcion, fon bras nerveux fur les Colons du Cap. Bax laifla écbaper les premières éteincelles de ce feu devorant qui devait défecher les racines de la Colonie & la conduire par dégrès au point oü elle eft actuellement. Aujourd'hui le Gouvernement politique eft mis en aftion par huit colleges differends. Je vais donner une courte notice de leurs fonftions particulieres, & 1'on rèrra, que les fept derniers n'ont qu'une autorité fictice & plus impofante que réelle. Ils font tous foumis a 1'autorité prefque fuprème du premier; c'eft dans celui-ci, que fiége le Gouverneur du Cap, comme Préfident; & c'eft ce Gouverneur qui porte le fceptre que la Compagnie luia confié; il le porte feul & fans partage ; quoique le Fifcal foit fensé indépendant de lui ckfemble être paria, fon Co-Souyerain a quelques égards. Je ferai remarquer en fon lieu, 1'imprudence qu'il ya d'avoir divisé ainfi 1'exercilTe fouverain de Ia police ; c'était affez pour les Da Co-  C 5* ) Colons, d'un Defpote; pourquoi leur en donner deux f Je crois, que la Compagnie aeu des bonnes vues; mais . certainement elle s'eft trompée : elle a voulu opérer fon bien propre & peut - être celui des Colons; elle s'eft donné une fangfue de plus, qui la fucce auiïi impitoyablement qu'elle fucce auffi les Colons. !«• College. Grand-Conseil. 2tme. , CoüR-De-JuSTICE. gemr. PETITE CoUR-De-JuSTICE, ^erae. ChAMBRE-DeS-M ARIAGES. yme. Chambre-Des- Orphelins. , (Jeme. ^ ChAMBRE EcCLESIASTIQUE. yeme. _ CoNSEIL-De -BOURGEOISIE» ge.ne. _ . CONSEII. - De-GüERREo §■ I. Z)« Grand ■ Confetl. Ce College eft composé de neuf Membres; ils font tous dans les premiers emplois de la Compagnie. Le Gouverneur le préfide , & a deux voix , qui font prefque toujours prépondérantes; de forte que les autres Membres, queique trés - confidérés & très-ref- pec-  ( 53 ) peétés, ne font pourtant que des fimples confeillers. Ce Grand-Confeïl décide de la Paix & de 1* Guerre a faire avec , ou contre les anciens propriétaires du pays ; les Hottentos. Ceux-ci font de tems - a - autres quelques incurfions rapides fur les derrières de la Colonie; il fagit quelque fois de réprimer leur ardeur & de les punir de vouloir tirer quelque vengeance momentartée des torts qu'on leur a fait, & qu'on leur ferait' encore , fi le terrein qu'on leur a abandonné , était a la bienséance de la Compagnie. Ce College tient la correfpondance immédiate avec les Directeurs de la Compagnie en Europe , avec la Régence de Batavia & a certains égards , avec celle de 1'lle de Ceylati. Le Secrétaire tient régiftre de tout ce qui fe paffe dans cette affemblée; le lundi de chaque femaine , de 9 a 12 heures , eft le jour fixé pour la tenue de ce Confeil. §• 1 i De la Cour- de-Juflice. Cette Cour eft composée des mêmes membres que le Grand - Confeil, & aftez fouvent les deux Bourguemaitres regnans de la Viile du Cap, y prenent féanD 3 ce.  C 54 ) ce. Ce Tribunal connait en première inftance de toutes les affaires civiles qui ont lieu d'habitant a habitant, & de toutes les affaires criminelles. Lorsqu'une des deux parties eft un bourgeois du Cap , & 1'autre un ferviteur de la Compagnie, ou que les deux parties font bourgeois du Cap, on appelle les deux Bourguemaïtres pour étre préfentsaladifcufilon du procés & pour donner leur voix dans la Sencence qui fera pornoncée ,■ mais on doit reraarquer que les Bourguemaïtres, ne font que deux, contre neuf: aufli prenent-ils ordinaire ment Ie parti prudent de fe taire & cPop'tner du Bonnet. On les appelle pour veiller , dit-on, aux intéréts de leurs concitoyens, quand ils font compromis avec ceux de quelque fujet imméJiat de Ia Compagnie; & on a Je foin de rendre leur préfence inutile, par le peu d'inüuance que deux timides voix peuvent avoir , fur neuf voix prefque fouveraines & tonnantes; ils n'y font donc que pour le Décorum. On peut appcller de cette Cour, a la Cour - de -Juftice de Batavia, ou jh'ême a celle de Hollande. Cette refource a fon petit prix, a la vérité ; mais elle entraine des longeurs & d'autres défagréments que je confeillerais toujours d'éviter, a la par-  C 55 ) parcie qui fe croit lezée. II vaut mieux dit. on, boU ter un peu, que de s'expofer a perdre les deux jambes , pourvouloir aller trop loin, chercher la. guérifon de celle qui eft blefsée. §. ui Be la petite Cour - de - Juftke. Cette Cour fubalterne de Juftice, eft composée d* huit Juges. Le Préfident eft toujours un des Membres du Grand- Confeil, troisBurgerraadenchoifis par le Grand-Confeil, dont 1'un eft Vice- Préfident & quatre Agens de la Compagnie. La Compagnie a donc ici encore la grande majorité; c'eft-a-dire cinq voix , contre trois. Cette petite Cour connait de tous les procés de trés - petite conséquence, comme petites querelles, petites injures, peda torts, & petites dettes dont les fommes particulieres ne doivent pasexcéder celle de i 50 florins. Encore cette Chambre - de - juftice eft fi dépendante de la Grande Courde-Juftice , qu'elle doit entrer avec elle dans les raports les plus minutieux des affaires qui s'y traitent. Le Secrétaire de cette Cour, qui eft toujours un Agent D 4  C 5* > de la Compagnie, en tient le Greffe. Les membres en font changés tous les deux ans, par 1'éleétion du Grand - Confeil, ou plutót par celle du Gouverneur, a qui les Burgerraaden préfentent une doublé Me de fix de leurs concitoyens qu'ils ont toujours foin de choifir au gré du Gouvernement, & par une Me de buit Agens de ia Compagnie dont la moitié font nommés pour exercer pendant deux ans. On dit que les Regitres de cette Cour font envoyés de tems en tems aux Directeurs de la Compagnie en Europe. C'eft a mon avis, furcharger les vaifieaux qui reviennent en Europe,d'unfardeau trés - inutile, quoique afièzléger. 11 ferait bien pius a-propos, je penfe , d'envoyer cxactement tous les ans en Europe, les Regicres du Grand - Confeil, & ceux de la Grande Courde-Juftice. Au moins on donnerait a Mrs. les Directeurs , une occupation très-utile & trcs-intéreiTente. Ils pourraient juger plus pcrtinament de Ia maniere de rendre la juftice aux Colons du Cap, & ils feraient plutót prêts-a redreiTerlcs griefs des Colons a la charge du Gouvernement, lorfque ceux«ci réclament leur juftice & la proteélion qu'ils leur doivent. Mrs. les Directeurs font faits pour s'occuper des gran-  ( 57 D grandes affaires des Ecabliflements Orienteaux de la Compagnie & non de bagatelles dont le jugement deffinidf devrait être confiéa la prudence & aPéquité des Agens des Colonies dans FInde. §. I V. Be la Chambre-des-Mariages. Cette Chambre eft composée des mêmes Juges , que celle de la petite Cour-de-Juftice. On Fapf pelle Chambre-des- Mariages , paree que tout ce qui piécede la conforamation des mariages des Habitants, Colons, Serviteurs de la Compagnie & autresIndividus dans le reflbrt de la Colonie, doit être traité & reglé a ce tribunal; il n'eft permis a qui que ce foit de fe marier, fans en avoir obtenula permiffion; & cette permiffion ne s'accorde jamais , avant la discuffion de tout ce qui regarde les Parties qui veulent s'engager dans Fétat du mariage. C'eft cette Chambre qui doit donner une permiffion par écrit au Miniftre, pour publier les trois bans de mariage ufités; après la publication faite pendant trois dimanches consécutifs, il procédé a la bénédiftion nuptia» D 5 le >  C 58 ) Ie , s'il n'y a pas eu d'empcchement déclaré aux Bans; s'il y ena, 1'affaire eft portée devant la Chambre qui juge de la légalité, ou de 1'illégalité de 1'oppofition faite. S. v. De la Chambre • des - Orphelins. Ce College de police efl: composé de fept Membres ; le Préfident efl: toujours le Fifcal: il efl afljfté de trois ferviteursde la Compagnie, & de trois bourgeois ; par eet arrangement la pluralité des voix eft encore ici du coté de la Compagnie ; ce qui, particulièrcment dans ce cas, n'eft pas jufte. Car fur cent Orphelins , nonante-huit, font enfans de bourgeois, ou de Colons. II eftvrai, que le Vice-Préfldent eft un des trois bourgeois, mais il eft vrai aufïï, que le Secretaire eft toujour un ferviteur de la Compagnie. Les membres de cette Chambre font renouvellés tous les deux ans. Ici ce décident toutes les affaires relatives aux biens, a 1'entretien , & aux mariages des Orphelins; fl quelqu'un d'eux veut fe marier avant l age de 25 ans accomplis, U faut qu'il en ob*  ( 59 ) en obcienne Ia permiffion de ce tribunal, fans quoi il ne le peut. §. V E De la Chambre-Ecclefiaftique. Cette Chambre eft composée de neuf perfonnes; trois Miniftres, deux Anciens & quitre Diacres. Sa jurifdiétion & fon gouvernement s etendent fur la i difcipline éclefiaftique, fur la recette & la diftribution i des aumones & autres revenus de 1'Eglife. Elle a la furintendence des batimens des Eglifes , & des éeoles. Les petits confiftoires particuliers des Colonies particulieres du Cap dépendent de cette Chambre pour les affaires d'importance ; un Miniftre nommé par le Gouvernement eft Commiffaire-Préfident. §. VII. Confeil-de Bourgeoifie. Ce Confeil fut établi par le Gouverneur Simon van der Steil, lorfque les Réfugiés Francais vinrent s'établir en foule au Cap. Le Gouverneur lui donna la dénomination de ( Heemraden ) pour les Colonies de Sêeilsnbech & de Drakenftein \ car déja du tems  ( 6o ) t?e Riebeek , il y avait au Cap un efpece «le Confeil- de-Bourgeoifie don: les membres portent encore le titre de Burgerraaden. Les fonclions de ce Confeil font allez bornées aujourd'hui; il ne s'occupe que des interets des bourgeois, fimplement eomrae •bourgeois, & non comme Cobns ; il prépare les •propolitions que la Bourgeoific a quelques fois a faire 'su Grand-Confeil; il fait la lévée des iinpöts particuliers quele Grand-Confeil juge \ propos demettre fur les bourgeois; & enfin il recoit & tient compte des revenus particuliers que la Bourgeoifie de la ville du Cap retire de quelques pofFeflions particulieres, dont elle jouit en propre: telles que font, quelques jolis jardins, quelques vignobles ékc. On en eftime le revenu annuel a 50,000 florins. Les Cclonies de Stellenbofch & de Drakeftein, ont un Confeil-de-Bourgeoifie feparé & diflinél de celui de Ia ville du Cap. Ce Confeil particulier a beaucoup plus d'autorité & une Jurisdiction plus érendue que celui du chef-lieu ; on y juge en première inflance, des affaires dont 1'objèt font des dettes qui n'excédent pas la fomme de trois cents florins. Ce Confeil .efl: toujours préfidé par le Bailli de ï-i la  }a Colonie; & celui' ci efl: toujours un Employé de I» Compagnies $. V I I h Lu Confeil -de- Guerre. Les bourgeois des Colonies du Cap ayant été pour ainfi dire enregimentés par le Gouverneur Simon va» der Steil, & ce corps-armé de Bourgeoifie étant même divifé en Cavelerie & en Infanterie, il était naturel de lui donnerun Confeil-de-Guerre, qui con~ nut des manquements de difcipline-militaire, & autres affaires ayant rapport k la milice bourgeoife, Ainfi ce Confeil - de - Guerre fut établi par le Gouver* neur. Mais comme cette Milice Bourgeoife efl: ellemême divifée en trois corps; c'eft-a dire un corps au Cap, un autre pour les Colonies de Stellenbosch & Drakenftein , & un autre pour la Colonie de Zwellendam le Confeil - de - Guerre fut aufli divifé ea trois colleges; 1'un fut établi pour la Colonie particuliere du Cap, & les autres pour les autres Colonies. Ces trois colleges font compofés favoir, au Cap, 18. & le Préfident 19. membres: Stellenbosch, 20. Préfident le Ba'üli,  C 62 ) J3ailli, &lZwellendam 9. Le Préfident du College da Cap était toujours un raembre du Grand • Confeil, & Commandant de la garnifon, par confqquent un des premiers Agens de la Compagnie; le Préfident du college des autres Colonies, eft toujour le Bailli de ces Colonies, par conféquent aufli un employé fubalterne de la Compagnie. Les autres membres font pris entre les plus anciens Officiers de Ja milice bourgeoife. Les Officiers de cavalerie avaient toujours Ie pas fur les Officiers de 1'infanterie, fans égard h Panciéneté du fervice, mais aujourd'hui chacun prend rang felon fon anciéneté de fervice. . II eft certain , que la diftribution de la juftice & de Ia police générale de 1'EtabliiTement du Cap étant faite avec autantde prudence, que de bon ordre, il eft certain dis-je, qu'on devait s'attendre k en recueillir les fruits les plus précieux, tant pour la Compagnie, que pour les Colons & les Bourgeois établis dans cette heureufe contrée. Cependant tous ces beaux arrangements ne produifent que de 1'amertume pour les Colons, du préjudice réel pour la Compagnie , & du dégout pour les Bourgeois. Les feuls Agens & ferviteurs de la Compagnie en recoivent toue IV  C *3 ) I'avantage & tome l'utilité. Aufli Kolbe, qui ne doit pas être fufpeét en cette matiere, puisqu'il a été dans fon tems, un très-zélé ferviteur de la Compagnie, a dit, que Simott van der Steil, auteur, oa reformateur de tous ces differents colleges de police, avait eu plus en vue de fe faire une réputation d'homme jufte & éclairé, qu'il n'avait eu en vue le bien - être des Colons & des bourgeois, (c) Malheureufement les Succeffeurs de Simon van der Steil, fon fils furtout, l Adrlen van der Steil, n'eurent pas de meilleuies vues. Jettonsun coup d'oeil rapide fur la maniere, dont I ces huits tribunaux traitent les affaires de leur reflbrt-; nous nous convaincrons facilement, que la Compagnie , le Colon & le Bourgeois pourraient avoir leurs plus chers intéréts confiés en des meilleures mains. Cet examen fuperficiel fuffira pourtant, pour démontrer, que les plaintes des bourgeois & des Colons de 1'Etabliffement du Cap ne font que trop bien - fondées, & que les Agens de la Compagnie, depuis le' Gouverneur, (O Sefchry. j. de Cap. Chap. XVIII. T.II. p.205.  C «4 3 heur, jusqu'au dernier ferviteur, chacun felon fon pouvoir & 1'occafion qu'il en a, abufent excétïïvenient de 1'autorité que la Compagnie leur a confiée. Ils neregardent leurs emplois que comme des moyens de fortune dont ils fe fervent toujours per fas & nefas; fans s'embarraffer fi le bourgeois & le Colon en fouffrent, ou non. 1°. Le Gr and-Confeil, appellé plus communenement, Confeil - ds Police. Ce tribunal qui n'eir. compofé que des membres tirés de la claflè des Agens de la Compagnie, n'efi, a propremenr parler, que le Confeil-d'Etat, de la Compagnie. 11 ne doit connaitre d'aucune des affaires doméfiiques, civües ou crimmelles qui regardent les Colons, ou bourgeois de la Colonie du Cap: II doit fe borner ala direclion fpéciale des affaires particulieres de la Compagnie; aux reglements & ordonnances généralles de police; c'eft de ce Confeil - de - Police, qu'émanent les Placards relatifs au régime de la Colonie & dans aucun cas pofiible, le Colon, ni le bourgeois ne doivent être traduits devant ce tribunal: La raifon efl:, que tout Peuple doit avoir fes Réprefentans auprès du Souterain qui le gouverne; or le Grand - Confeil du Cap étaot  ( *5 ) étant compofê des membres attachés & dévoués a bi Compagnie & dont les intéréts particuliers font toujours en oppofion, avec les intéréts particuliers des Colons & bourgeois, ce Grand-Confeil fe trouve paria mêT me, compofé de membres qui, loin de réprefenter le peuple, font toujours, foit colleélivement pris, foic diftributivement pris, des antagoniftes déclarés des Colons & des bourgeois. J'aurais pu dire fans trop m'é? carter de. la vérité, que les membres qui compofenc le Grand - Confeil, font toujours ennemis perfonnels des Colons & dès bourgeois, a raifon des vexations dont ils fe rendent coupables a.leur égard, & du vif reiTentimeht qae ceux-ci doivent en conferver. 'Le danger ferait d'autant plus .grand pour le Colon & pour ,1e bourgeois a ce fupréme tribunal, que les emplois desjuges qui le compofent, rendent néceflairement ces Juges toujours fufpefts. La raifort en eft'palbable; il n'y a aucun de ees juges, Agens de la Compagnie, qui en cette derniere qualité, n'ait a faire particulierement, en fon propre & privé nom^ ayed tous & chacun des Colons & bourgeois de 1'Etebliffement du Cap; il faudrait être un Ange pour Hiettre a 1'écarttout intérêt & tout refientiment par■. ab E ti-  C 66 ) ticulier; & 1'on fait que les Agens de la Compagnid ne font certaineinent pas des Anges. Au nombre des juges du Grand-Confeil, un des plus éminents après le Gouverneur, & le troifième en rang, eft 1'Agent de la Compagnie, qui eftrevêcu de la charge de Fifial- indépendant; celui-ci a mon avis, y fiége comme juge, contre toutes les regies de la prudence. C'eft le plus dangereux juge que les Colons puiflent avoir: II a toujours intérêt que ceux-cifoienthumiliés. Les Placards qui en émanent de tems en tems, font tous faits pour aggraver le joug des bourgeois & des Colons, fous prétexte de maintenir le bon ordre. Dans toutes les autres Cours-de-Juftice, leFifcal eftborné a reprefenter la portie publique; fa charge 1'autorife feulement a lafonftion de Demandeur pour Ie Souverain, contre 1'Accufé, ou pour 1'Accufé contre le Souverain; il fait la fonétion d'Avocat-Général, mais jamais celle de juge ayant voix délibérative: Ildonne fes conclufions, & les juges les fuive.nt, les rejettent, ou les corrigent felon leurs lumiéres. AuGrandConfeil du Cap, le Fifcal, loin de plaider pour la Partie publique, opine a fon tour avec les autres juges ck participe par la, au prononcé des Ordonnances de po-  £ «7 ) ée police, qui trés - fouvent devrait être rigöurèufés contre lui, puisque trés - fouvent elles ont pour objet, un different élévéentre lui & quelque Colon, ou bourgeois, a raifon de fa charge de Fifcal. ■ Lmftiiution de ce Grand-Confeil a été dans fon tprincipe très fage & trés - bien entendue: il était lborné a la connaiffance des affaires proprement dites tde la Compagnie; II reglait feulement, les moyens id'étendre le commerce de la Compagnie, les impots aannuels a mettre, & a percevoir, mais ces impots me pouvaient fe mettre que du confentement de Burger - Raade k Bourguemaïtres. Ce Confeil-dei Police recevait les comptes de la recette & de la dépenfe de la Compagnie; il reglait tout ce qui a uö raport immédiat avec Ja garnifon du Fort, & les ■ ïórtifications; tout ce qui regarde diretfement les .Agens de la Compagnie,, fous ie refpeft unique de leurs emplois parraport a la Compagnie, toutes les affaires concernant les batiments, magafins, 1'hopi•tal, le-jardinde la Compagnie, les améliorations e faire, les abus a reformer dans le Gouvernement dêtaillé de la Compagnie, 1'approvifionement, la reparanon & fentretien des vaiffeaux de la Compagnie i Ei «*  C *8 } en un mot on y décidait de la Paix,' oü de la Guerrd contre les Hotentots. Telles ont été au commence-. ment, & telles devraient être encore les uniques fbnctionsdece Confeil-'d'Etat. Maislesambitieux van der Steil, pere & fils en firent un tribunal univerfel & y fiégerent en Defpotes: C'eft du haut de ce tribunal, devcnu fous eux, une véritable Inquifition d'Etat, qu'ils lancaient la Foudre dont ils- térraiffaient indiftinctement, le Colon & le bourgeois devenus e'fclaves des Gouverneurs.!. Cet abus d'autorité fut porté filoin, que la Compagnie crüt devoir le réprimer, en def> fendant aü Gouverneur de fe mêler a 1'avenir de la difcuffion desraffanes criminelles, en lui confervant ïeulement-le droit de cönfirmer-les fentences, portant peines afflift'ives & de leur donner par fa fignature, la fanclion du Souverain, affinqu'elles fortent lëgalement leur plein effet. Voilk pourquoi le Gouverneur He prend pas féance dans la Haute - chambre-de Juftice. Je_vais prouver que la Compagnie, 'n'apas affez fait, & que 1'interdidtion du Gouverneur de fiégerit cette Chambre, n'eft qu'unfimple palliatif. a°. ha. Haute Chambre - de - Juftice. Les affaires 'du réffurt de;,cette Cour,-font ouciviles, ou crimi- nel-  C 69 ) nelles; dansles deux cas les deux Bourg-emakres re-, gnansy font appellés; ils y occupentle dernier rang,, n'y donnent leur voix qu'après les autres confeülers, qui font tous Agens de la Compagnie. Sur quoi il eftfacile de rémarquer,queces Bourguemaitres, qu'on y appelle dans les deux cas, fous pretexce d'y dóffen-/ dre la propriété de leurs concitoyens, y font trèsinutiles & qu'ils ne peuvent pas empêcher, que cette: propriété ne fok ufurpée & ménagée felon le bon plaifirdes Juges Agens de la Compagnie, car quand on vient a demander 1'avis des Bourguemaitres, 1'affaire eft'déja décidée h la pluralité des voix des Juges Agens de la Compagnie: Les Bourguemaitres ne font donc appellés dans cette affemblce, que pour y être témois, le plus fouvent, des injuftes fentences prononcées contre le Colon, lorsque la Partis civile efl: un ferviteur de la Colonie: Car les Loups ne fe mangent pas entre eux. II efl: arrivé plus dkme fois, que lorsque quelqu'un des Bourguemaitres fe montre trop a découvert le patron & le déffenfeur des droits du bourgeois, ou du Colon , qu'on ne le fait pas avertir de fe trouver a 1'audience, ou même qu'on le ménace de le chaflèr du Cap & de 1'envoyer E 3 dans  C 70 ) dans un autre Etabliffement de la Compagnie, s'il nefe défifte pas des principes fcrupeuleux de probité, dont il fait profelfion trop ouvertement dans la Chambre-de-Juftice, lorsqu'il y fiége. Quelle inconféquenee! On le fait venir pour y voir clair, & on veut qu'il y foit fourt, aveugle & muet, Nous verrons plus bas, qu'un Ft/cal indépendant a pretendu, que les Bourguemaitres du Cap ne fiégent pas de droit pour les affaires criminelles. Mais pourquoi les Bourguemaitres ne feraient ils pas appelles aufli dans les caufes criminelles? 11 me femble que c'eft dans celles-la, qu'ils doivent avoir une influance dire&e & confidérable. L'honneur, la rér putation,Ja viemêmedu bourgeois & du Colon ne fontr ils pas des biens affez précieux aux yeux de la Compagnie, pour qu'elle n'eüt pas pris jusqu'ici, lesprécau-t tions les plus éfficaces, affinque eet honneur, cette réputation c* cette vie du bourgeois & du Colon ne foient pas entierement a la difcrétion de fes Agens ? Le Fifcal indépendant, qui fiége comme juge dans les affaires civiles, fait feulement dans les affaires criminelles les fonctions de Parite publique; mais comme il eft Agent de la Compagnie, il ne peut-être confidéré comme pro-  C 7i ) :prote geur des loix criminelles , ils feraient aflürés que s'ils font féverement punis , c'eft qu'ils 1'ont bien mérité. II eft vrai, que la Compagnie a voulu prendre ce femble, deux moyens pour obvier acet abus d'autoriié de la part du Gouverneur. Tous les deux font inéflcaces, & ie Gouverneur n'en eft ni plus, ni moins lié. Le premier eft la voye d'appel a la Chambre- de -Juftice de Batavia, ou a la Cour - de - Juftice deHollande, en Europe. Quel eft le Colon , ou le bourgeois, je le demande, qui s'expoféra a un voyage long & périlleux, foit qu^il veuille avoir' recours  C 73 *> cours a Batavia, ou a la Haye? Quel efl: le particulier qui fe determinera a faire une abfcence de trois, ou quatre ans, ,pour aller pourfuivre le jugement d'un procés déja perdu au Cap ? Quelles de-, penfes énormes ne fera-t-ü\ pas obligé de faire & quelles pertes réelles ne fera-1- il pas dans fon Etabliifement au Cap, fur le quel il ne pourra plus par lui - mëme, porter un oeil attentif? Comment oferat-il revenir au Cap, s'il gagne a Batavia, ou a la Haye, un procés déja perdu devant le premier juge. La perfécudon des Agens de la Compagnie 1'y attend; & bientöt un nouveau procés qu'on trouvera. moyen de fufciter, lui fera perdre les triff.es reftes d'une fortune que le premier pro', és avait confidérablement endomagée. Si un Colon, ou un bourgeois était aflez fol pour fe determiner a fuivre la voye d'appel qui lui efl: ouverte, je lui confeillerais de vendre fon établiffement, de faire argent de toutce quiluiappartient, & de partir pour 1'Europe, avec la ferme réfolutlon de ne plus repaffer en Affrique, foit qu'il perdit, ou qu'il gagnat fon procés. II vaut donc mieux pour lui, dabandonner le manteau en entier, a celui qui ne lui en demande même que la moitié, que de s'exE 5 po-  C 74 ) pofer a réclamer la juftice d'un tribunal fupérieur a la Haute Chambre - de - Juftice du Cap. Pourvu qu'on lui laifle la chemife, il doit fe confoler & prendre fon mal en patience, crainte de pis. Le fecond moyeri pris par la Compagnie, ne vaut guete mieux que le premier. Elle s'eft déterminée depuis longtems d'envoyer au Cap, un Fifcal indépendant; c'eft-a-dire qui n'a a répondre qu'a la Compagnie elle-même: La Compagnie a voulu donner par la, un furveillant auftére au Gouverneur, & qui dans le befoin puiffè s'oppofer éfficacement a fes entreprifes injuftes. Queft-il arrivé de ce moyen qui parait d'abord fi fage? C'eft que, lorsque le Gouverneur & le Fifcal indépendant s'entendent, ce qui arrivé trés - rarement a la vérité ,ils font tous deux de concert, le mal que le premier faifait tout feul; lorsqu'ils ne s'entendent pas, 1'unfait du mal de fon coté, & 1'autre en fait du fien : dans ce cas, c'eft avoir confié la garde du troupeau a un autre Loup aufli avide & auffi fort que le premier; de cette facon, le Colon & les Burgerraaden en font deux fois plus mal, & le bien de la Compagnie en eft doublement pillé. En unmot, ce font deuxTyrans, au lieu d'un. Un Fifcal indépendant eft un fleau  C 75 ) fleau de plus & pour la Colonie, & pour la Compagnie. 3°. La petite Chambre - de ■ Juftice. J'ai déja dit, que cette Chambre efl: abfolument dépendante de la première , & quoiqu'un Bourguemaitre y falie la fonction de Vice-Préfident, 1'influance des Bourguemaitres qui y fiégent, n'y eft pas d'un grand effeu Cependant comme fa jurifdiétion ne s'étend que fur desvedlles & des bagatelles, tout s'y paffe un pea mieux dans 1'ordre. Pourquoi? Parceque les Agens de la Compagnie mettent peut-être au deffous a eux , de s'occuper ferieufement de ces petites affaires: de minimis non curat Prztor. Cette Chambre eft d'ailleurs très-inutile dans un fens , de même que la Chambre Haute-de- Juftice ; car fous un Gouvernement defpotique, tous les tribunaux d'une Juftice réglée ne font d'aucune utilité réelle pour le Sujet. Lorfque quelque Colon , ou bourgeois eft appellé devant cette Chambre par quelque ferviteur de la Compagnie, ou par quelque concitoyen, mais ami & dépendant du Gouvernement, pour caufe de querelle particuliére , ou d'inconduite perfonnelle , le Gouverneur évooue 1'affaire devant fapropre perfonne J quand  C 7ö ) quand bon lui femble, il réformela Sentence portée contre le délinquant, quand elle ne lui parait pasalTez. févere ; & ufant quelque fois-, ou pour mieux dire abufant étrangement de fon autorité, il traite le coupable, non en bourgeois , mais en véritable Sujet & ferviteur de la Compagnie , il le létranche de fait , du corps de la fociété bourgeoife, & 1'envoye les piés & les poings liés, abord d'un vaifièaudela Compagnie, enqualité de foldat, ou de matelot; qualité qu'il ne perd plus fa vie durant , & il 1'exile ainfi fuivant fon bon plaifir, pour le refie de fes jours. Le Fifcal indépendant fe permet auffi de tems en tems de ces petits traits de fantaifie. J'en raporterai plus bas un exemple tout récent. Le Lecteur frémira fans doure d'horreur ; mais je ne fais qu'y faire : En qualité d'Hiftorien, je dois raporter les faits ; tant pis pour ceux qui me mettent dans le cas de dévoiler des turpitudes & de les publier kleur honte. 4°. La Chambre - des ■ Mariages. Cette Chambre n'eft k proprement parler , pas diftincte de la petite Chambre-de-Juftice. Les mêmes Juges la compofent. Ce qui la diftingue de 1'autre, c'eft qu'il y a an jour fixe- dans Ia femaine deftiné a ne s'occuper que  ( 77 } «Me des affaires qui ont raport aux mariages. Rieii de plus intérefiant, que les engagements facrés du mariage, tant par raport a la fociété en général, que par raport aux individus qui s'y foumettent. Hors le cas oü ce font les ferviteurs-de la Compagnie qui fepréfentent pour obtenir Ja permiffion de femarier , il me parait que toutes les affaires, ayant raport aux engager ments du'mariage aprendre par les Colons & bour: geois de l'EtabliiTement du Cap, devraientêtre naturell'ement traitées par des Juges, ou fi . 1'on ve,ut par des Commiflaires- tous tirés du corps de la fociété Bourgeoife du Cap, pour les habitans-de la Colonie principalle, :& du corps des Colons, pour les individus des autres Colonnes. Ce.fi: cette fociété qui efl: la plus intéreflce a fe perpctuer & a feréproduire d'une maniere honorable & utile; c'efl, elle qui efi le plus apportée de connaitre la convenance , ou la difproportion des mariages qui fe préfentent a faire; c'eft: elle en un mot qui efl: ,1a plus propre a ménager les intéréts respeclifs des families qui. s'allient par des mariages. Exiger d'ailleurs, une permiffion fprmelle pour-pouyoir fe marier, lorfqu'on efl: parfaitement libre de le faire &;que le fervice de la fociété ne peut rien fouf- frir  C 7S ) frir d'un mariage, qu'au-contraire la fociété ne peut qu'y gagner beaucoup, exiger, dis-je, des petits bourgeois cette permiffion formelle , & exiger feulement des bourgeois difiingués, d'en donner connoisfance au Gouverneur, avant d'avoir rien décidé pofitivement a ce fujet; c'eft une diftinélion odieufe, c'eft un attentat contre la fociété & contre Ia nature; c'eft "traiter le bourgeois en véritable efclave ; c'efl lui ravir le plus précieux privilége de 1'humanité, c'efl ca un mot, enchainer la Nature. Que dire donc d'un Souverain, qui par principe, par intérêt perfonnel, ou par je ne fais quel motif plus lache encore, refuferait \ un honête bourgeois de marier fa fille, lorfqu'elle eft parvenue a 1'age de s'engager avec connoiffance 'de caufe dans 1'état faint du mariage? ce Souverain ne pafferait-il pas h jufte titre, pour le bourreau de la fociété? Oui fans doate : eb bien ! le cas 'exifte acltuellement au Cap. Un Placard émané depuis peu de Gouvernement, ou fi 1'on veut du 'Gouverneur, appuyé trés - mal - a propos , fur un Reglement de la Régence de Batavia, vient d'intcrdire aux bourgeois & Colons du Cap, de marier leurs filles avec quelque ferviteur de. la Com- P*-  C 79 ) pagnie, fans en avoir obtenu Ia permiffion par écrit, non plus de la Chambres - des - Mariages comme ci-devant, mais du Gouverneur lui-même. On croic favoir le motif qui a fait rendre cette Ordonnance iajufte de Police. Voici le fruit prématuré de cette Ordonnance ; je dis prématuré, paree que le cas que je vais ragporter avait exifté quelques jours avant la publication du placard, & que vraifemblablement» ce cas efl: la caufe la plus prochaine de la dite ordonnance. Un perruquier du Cap ferviteur de la Compagnie , abufe de la foibleflè qu'avait pour lui, une orpheline acluellement dans la maifon des orphelins; cette trop crédule & trop facile créature devient enceinte & deraande a la Chambre des mariages, d'être unie par le mariage, au raviffeur de fon honneur: ce mauvais fujet content d'avoir ravi a cette fille la fleur virginalle , n'a plus de goüt pour elle ; il agit par deflbus main, il employé des amis & des protecteurs ; je veux, croire , que Paffaire fut reprefentée fous un faux jour, au Gouverneur, en conféquence, le Gouverneur refufe a la fille, a la Chambre des orphelins & au perruquier la permiffion de mariage; & le mariage n'a pas eu lieu. Quel exemple funefte pour 1'te  C 80 y i'avehir : Te crimè'le plus noir aux yë'ux de la fociété , & celui dont les fuites font toujours les plus funestes , peut donc-alier la tête levée, & fe proménér impünement dans la Colonie du Cap! La fragile vertu des filles de cette Colonie eft exposée aux entrepriies des libertins, ferviteurs de la Compagnie, fans pouVoir fe faire faire juftice, au cas que le crime deviene évident; & 1'honneur des families honêttes n'a plus de protecleur & de deifenfeur contre les fuborneurs infames qui deformaiS peuvent tranquilement aflbuvif leur infame paffion, fans être obligés è la reparatiori laplus fimple; % plus'naturelle , & la feule qui foit complete, dans ces' cas'trop frequents, & qui le de^ viendront encore d'avantage ! Le Gouverneur portë föh defpotifme plus loin ; il prétend erichainer lê ceeur-même des jë'uties gens, & lui faire la loi; abfurdité ihouïe ! II a deffendu k tous & chacun des fer* viteurs' attachés k la Compagnie de Faire ïamour k* Une fille fans fa permiflion formelle. II faut que cë Gouverneur aif: ön cceüf bien froid, & qu'il n'ait jamais gouté le plus voluptueux & le plus naturel de ïovls lés plaifirs ; c'eft celui d'aimerune fille , vers laquelle un penchant irrefiftible nous entraine, de lui dire  C 81 ) dire qu'on 1'aime, & d'en recevoir un retour innocent de tendreiTe. Cette deffenfe eft puerille , abufive & contre nature; je doute que Mr. le Gouverneur foit obéi dans ce cas particulier. La nature fe moquera de eet ordre; & elle ira fon train comme elle 1'a fait ci-devant, au rifque même d'encourir toute la colere du maitre injufte qui fait des loix dont 1'exécution eft plus que moralement impoflible. 5°. het Chambre-des-orphelins. Cette Chambre, telle que je 1'aidecrite ci-delfus, eft en général alfez bien ordonnée quant a la difcipline domeftique ; les enfans y font trés-bien nourris , & bien entretenus , ón y prend foin de leur éducation réligieufe & civile ; on leur fait apprendre des métiers, & généralement on confulte a ce fujet leur goüt & leurs forces naturelles. Cependant 1'adminiftration n'en eft pas fans abus. i°. II me parait, comme je 1'ai dit, que les Regens & Adminiftrateurs de cette maifon devraient être tous choifisd'entre le corps des bourgeois les plus notables du Cap. 11 ferait alfez, que le Gouverneur eüt comme dans tout le refte, la furintendance générale ; par la il ferait autorisé a fe faire rendre compte de 1'adminiftration parrjculiére de cette maifon , de F re-  C 32 ) recevoir &d'arrêter lescomptes annuels èkc. 2°. Le Secrétaire de cette Chambre eft un ferviteur de la Compagnie ; ce qui eft injufte. Le bien des orphelins confié en de telles mains , rifque toujours beaucoup plus, que s'il était confié a un bourgeois, qui naturellement eft plus porté pour les enfans de fon concitoyen, qu'un ferviteur de la Compagnie qui leur eft prefque toujours tout-a fait étranger. Mais un falaire de 40 florins & 5 pr. ct. de la totalité des biens délaifies par les peres& meres des orphelins, font un gage trop confidérable pour en gratifier un honête bourgeois. Le Gouverneur trouve plus naturel d'en gratifier un ferviteur de la Compagnie , qui fouvent n'a d'autre mérite que celui de favoir bien calculer k fon avantage. Les cinq pour cent percus par le fecretaire de cette Chambre, font, bonan, malan, une petite douceur de 20,000 k 25,000 florins : ce fecrétaire doit naturellement fouhaiter, que la mort vienne tous les ans, faire un récolte abondante en peres-de familie, & peupler par la & lescimétieres, & la maifon des orphelins. Je le demande, n'eftil pas injufle, cruel & opprefllf, qu'un fecrétaire foic autorifé a s'engraiflèr ainfi aux depensdela fubftance de  C §3 5 de 1'orphelin ? Ce droit de 5 pr. ct. fur les biens des orphelins, efl: un droic exorbitant, intollérable , & qui annonce la rapacité la rnieux décidée. Les abus étaient encore plus énormes du tems du Gouverneur Simon van der Steel. La pinture que Kolbe en fait efl: affreufe. Un Agent de la compagnie , titré de Curator ad lites , s'empare dabord des biens délaiflés par des ferviteurs de la Compagnie , ou autres qui meurent au Cap , fans inftituer un héritier aifricain j & dont la fuccéflion revient de droit a des parens , ou amis eitropéens ; ces biens font mal adminiflrès ; on peut dire qu'ils font au pillage ; ce réfidu clair pour les héritiers, efl: toujours trés - modique en proportion du produit total de la vente de fes biens. La fomme qui en revient paflè par tant de mains, que comme une boule de beurre , elle fe fonc prefque totalement avant qu'elle n'arrive au dernier qui doit en profiter & a qui elle appartient de droit. 30. Les biens des orphelins étant vendus après la mort dé leurs parens, le font publiquement; la fomme en prove- nant^ (<0 Befchrv. van de Cap. T. II. p. 196, a p. 2»3i F 2  C 84 3 nant, eftplacée a un intérêt de 6 ft, cc. La chambre des orphelins en a l'adminiftration ; mais il arrivé trés-fouvent, que le Préfident en emprunte lui-même une fomme confidérable pour en faire fes profhs: 1'injuflice confifteence que Mr. le Préfidencde la Chambre nepaye pas un foud'intérêtdesfommes qu'il juge a propos de prendre dans la caiflè des orphelins, & que prefque coujours, il les prend fans en donnerconnoifiance aux membres qui compofenr cetce Chambre. Cec un vol, fans douce ; mais ce vol refte impuni comme tanc d'autres. 4®. Par une ordonnance trèsprécife , les CommiiTaires de cette Chambre font autorifés a donner la permiffion de fe marier a un orphelin qui, pour des bonnes raifons, la demande avant d'avoir atteintlage de 25 ans; au moyen de cette permiffion qu'il préfente a la Chambre-des-Mariages , il peuc procéder , felon la forme ufitée a la célébration de fon mariage ; mais le Gouverneur a jugé a propos de dérroger a cette fage ordonnance ; il exige qu'avant tout, 1'orphelin qui veut s'établir , aille en perfonne, lui en demander la permiffion: cette coutume introduite dèpuis peu, efl: abufive & annonce un defpotiüne toujours croilTant. 6°. De  C 35 ) 6°. De la Chambre Ecclefiaftique. C'efl: celle oü il y a le moins d'abus \ & ceux qui pourraient s'y trouver ne grevent ni le Colon , ni le bourgeois. On leur prêche la parole de Dieu, avec décence & avec vérité , c'efl: tout ce qu'ils ont befoin. Quant a 1'économie de la Chambre-Ecclefiaftique , elle efl: tout a fait fubordonnée au Gouvernement, & a bien des égards , rien de plus jufte. Les revenus de 1'Eglife font immenfes ; mais en général ils font aflèz bien adminiftrés. ■ y°. Confeil- de-bourgeoifie. C'eft ici que les abus font multipliés & énormes ; fur tout dans le cheflieu. J'ai déja dit, que tout peuple qui n'eft pas efclave doit avoir un réprefentant vifible & agifiant auprès du Souverain: inutilement les bourgeois & Colons du Cap le chercheraient - ils parmi eux ; ce réprefentant n'exifte pas. Tous les peuples le trouvent dans ceux qu'ils commétent d'entre eux pour veiller aux intéréts de la Nation. Ces commettans font choifisordinairement dans les individus, les plus fages & les plus refpedlables du corps total de la bourgeoifie , & ces commettans , députent ordinairement , a tems, ou h vie , un petit nombre d'enF 3 treux  ( 86 ) treux pour les réprefencer dans toutes les affaires qui ont pour objet, les droits & les priviléges des citoyens, confidérés comme individus de la fociété, & comme corps de Nation. C'efl de ce principe fi naturel, que tirent leur origine tous les corps municipaux des villes; de la aufli provient rinftitution des chefs de la bourgeoifie fous differentes dénominations. Ces chefs forment un petit corps chargé de la police , & de la diflribution de la juftice civile & criminelle. C'efl ce qu'on nomme ordinairement le corps de la Juftice ; les membres qui le compofent font qualifiés , ou de Confuls, ou de Bourguemaitres , ou ÜEchevins &c. la qualification n'y fait rien, mais les fonétions principales en font toujours a peu pres les mêmes. La Colonie du Cap a, il efl vrai, des Bourguemaitres ; mais ils font fans autorité réelle & ne font pas nommés par les bourgeois , comme je le démontrerai tout al'heure; ainfi ils ne fauraient réprefenter que trcs-imparfaitement & trés-inutilement Ia bourgeoifie : ils ne font que des fentinelles muéttes , & par conséquent d'aucune utilité pour leurs concitoyens. Cen'étaitpas cependant comme cela, quele Fondateur de la Colonie 1'avait entendu , lorfqu'il établit  C 87 ) établit deux Bourguemaitres au chef - lieu & qu'en fui te il donna le tïcre de Burgerraaden a ce corps d'anciens & nouveaux Magiflrats. Ribeek entendit certainement honorer le corps des bourgeois du Cap & celui des Colons de tout l'établhTement, en leur donnant pour réprefentant, & pour protecleur des droits & priviléges des habitants & Colons , des hommes refpecélables & titrés qui euffent, dans 1'occafion, le droit de s'oppofer aux entreprifes d'un Gouvernement, que ce brave homme prévoyait devoir devenir arbitraire. L'oppreffion la plus dangereufe & la plus a craindre dans tout Gouvernement politique , & néanmoins la plus ordinaire , efl: 1'impofition arbitraire des charges fur le peuple , par le Gouvernement; Ribeek avait fenti cette vérité , & pour en prévenir les fuites terribles contre fes chers Colons , il accorda a la Colonie générale le beau & précieux privilége de ne pouvoir étre chargée , dans aucun cas , de nouveaux impots fans le confentement exprés des Burgerraaden. Ce droit originaire fubfifte encore aujourd'hui au Cap; mais on n'ofe 1'y faire valoir. Le Gouvernement fait a la verité la demarche de propofer aux Bourguemaitres une nouvelle impofition, lorfqu'il veut en mettre F 4 une,  C 88 ) une ; mais cette cérémonie ne fert qu'a micux attefter la perte du privilége de s'y oppofer , car on n'oferait le faire réellemenc. Simon van der Steel, autantpour diminuerl'influance & 1'autorité des Burgerraaden du chef-lieu , que pour flater fa vanité , comme Fondateur de la Colonie qui porte fon nom, voulut, que les Colons de cette nouvelle plautation fuflènt foustraits ala jurifdiélion des Burgerraaden , & leur donna un petk corps de Magiflrats féparé , fous le nom de Heemraaden. La vanité de ce tyran touvait fon compte , dans cette divifion d'intcrêts; & fon autorité defpotique y gagnait beaucoup. 11 divifa 1'Etabliflèment f pour mieux le gouverner & 1'opprimer a fa fantaifie. Un Bailli mis a la tête du Confeil des Heemraaden, était un moyen fur d'en diriger toutes les réfolutions au gré du Gouvernement. Cet homme impérieux connaiffait la maxime. Divide & impera. Dans toutes les fociétés d'hommes un peu libres , il y a des édifices publics deflinés a tenir les aflemblées des commmunautés , & au defaut de ces édifices , il y a au moins une place fixe pour traiter des affaires publiques ; nefut-ce qu'un champ ouvert, ou un carrefour orné d'un grand arbre, fous le quel la Com- munauté  ( 89 ) munauté s'aflemble pour y délibérer fur fes intéréts. II y a au Cap , il efl; vrai, une Maifon-de- Ville , mais elle efl: trés - inutile, puifque la bourgeoifie ne fe raflèmble jamais pour y délibérer; eet Hotel - de - Ville ne fert que d'ornement a la Cité ; le feul ufage public auquel il fert, c'efl: d'étre le corps - de garde dés bourgeois armés qui y montent toutes les nuits, h leur tour , pour veiller uniquement, aux incendies qui pourraient réduire la ville en cendres. Ceux qui ont 1'honneur d'avoir été Bourguemaitres en exercifle , s'appellent Burgerraaden , ils font quelquefois au nombre dé dix , ou douze. On dirait au moins que ceux-ci devrait former le Confeil-de-Ville avec les Bourguemaitres regnants , & réprefenter ut cumqne , Ie corps de la Bourgeoifie ; point du tout, ils ne reprefentent rien qu'un fantöme de Corps-de-Ville. Et voici pourquoi ? i°. ces Burgerraden, n'ont rien a* faire , ni a dire , lorfqu'ils font fortis de charge. 2°. paree que, ce qu'on appelle, Confeil-deVille, au Cap , efl: composé de trois ferviteurs de la Compagnie faifant les fonclions de Confeillers dans la Chambre-de-Juflice & du Préfident de cette Chambre , qui efl: toujours un des principaux Agens de la, F 5 Com-  C 90 ) Compagnie , d'un coté , & de 1'autre de deux Bourguemaitres en charge ; 1'unique fonétion de ce foidifant Confeil - de - Ville eft de faire une lifte de quatre bourgeois du Cap pour remplacer les Bourguemaitres qui doivent fortir de charge. Cette lifte eft préfentée au Grand-Confeil de police , qui élic a volonté, deux, des quatre bourgeoisportés dans la nomination. L'éleélion faite, toujours au gré des Agens de la Compagnie , paree qu'ils font quatre contre trois pour la faire , eft enfuite communiquée pour la forme aux anciens Burgerraaden, qui fontforcés de dire, fiat. Les alfembler a 1'Hotel de Ville pour cette puenlle cérémonie, ferait encore leur faire.trop d'honneur, & leur donner une efpéce de confidération qu'on ne veut pas qu'ils ayent; ainfi pour obvier a eet inconvenient énorme , les Eleóïeurs de la Compagnie , vont trouver dans leurs maifons, cinq ou fix des plus anciens Burgerraaden, & leur difent, voici, Mrs. réletlion; le Grand'- Confeil de police fe flatte que vous ne l'improuverezpas. Cette formulle eft courte comme 1'on voit, mais elle annonce le peu d'eftime qu'on a pour les Burgerraaden. Le Lecleur penfe bien, que pas un feul Burgerraaden n'eft pas afiez impru-  C 91 ) imprudent pour y trouver a redire ; on ne s'oppofa i| pas ordinairement, a pure perte, a quelque chofe qu'on ::ne peut pas empêcher ; encore moins s'y oppofer it-on quand on a touc lieu de craindre 1'indignatïon id'un Defpote, & d'encourirles fuites afireufes du plus (éffréné reflèntiment. Tel efl le cas fes Burgerraaden :au Cap. Quon dife aprés cela, que les Bourgeois idu Cap font en poilefiion d'une liberté civile, honête (& naturelle, & qu'ils en jouiifent. Les Agens de la Ha Compagnie-s'éfforcent de le faire croire a leurs ! Maitres, mais pas un homme de bon fens & un pen iinftruit ne les en croira, 11 y a peu de mois, qu'un i de ces fupots de la Compagnie, fe trouvant au Cap pour y briguerun emploi, meilleur fans doute que ce-» lui qu'il venait de quiter, je ne fais comment, dans i yn autre établillement aux Indes-Orientales , ne fit ■ pas difficulté de dire hun notable bourgeois du Cap, chez qui il était, que les bourgeois du Cap ne devak étre confidérés que comme les efclaves des ferviteurs i de la Compagnie , & qu'ils n'étaient \k,que pour leur j faire bouillir la rnarmite, & y entretenir le feu dessous. Cette expreffion efl: un peu grotefque, j'en eonviens, mais du moins elle prouve évidemment qu'elle  C 92 ) qu'elle efl: la facon générale de penfer des Agens de Ia Compagnie par rapott aux bourgeois. Ce fupot impertinent aurait mérité , que le Bourgeois qu'il infultait attrocement dans fa maifon , en buvant fon vin , lui eüt mis la tête dans la marmite , & qu'il en eut fait un bouillon pour les autres Agens. On ne peut pas difconvenir néanmoins, que cette fangfue, nouvellement débarquée au Cap, n'interprêtat trèsbien les fentiments de fes camarades. Je ferai voir en fon lieu , comment les bourgeois & Colons de eet Etabliflemeut important font traités par les Agens auxquels ils ont a faire chacun a leur particulier. Je donnerai la deflus des détails intéreflans, lorfque je réfuterai 1'Agent apologifle de la Compagnie, qui vient de mettre au jour une déflenfe de fa propre conduite. 8° Confeil-de~Guerre. J'en ai déja donné la description. II y a ici quelques abus préjudiciables & defhonnorables pour les bourgeois & Colons enrégimentés dans les diftërentes compagnies qui compofent le corps de la Milice - Bourgeoife du Cap. Je remarquerai d'abord, qu'un auteur anonime & moderne , d'une foi-difant nouvelle defcription du Cap de Bonne - Efpérance , a 1'impudence , d'appeller foldat le bour-  ( 93 } bourgeois du Cap portant les armes & revêtu de IV niforme bourgeois. Cet auteur trés-infidelle , dans ces details hiftoriques , & dans ces defcriptions , eft evidemment voué aux intéréts des Agens de la Compagnie. II a pillé Kolbe, n'a pris de cet Hiftorien que les inexaftitudes qui fourmillent dans fon ouvrage , & a laifle a 1'écart les judicieufes réflexions que Kolbe a femé de tems en tems , dans fon ouvrage volumineux. 11 a travefti, jnutilé & défiguré fon guide. Ceux qui ne connaitraient rEtablhTement du Cap, que par cette defcription en deux volumes in 8°, n'auraient connaiffance que d'une Fable maulfade & infipide. (e~) Le premier abus que je remarque dans ce Confeilde - Guerre - bourgeois, c'eft qu'il eft toujours préfidé au Cap, par le Commandant de la garnifon du Fort, qui a été jufques a Mr. Gordon , aétuellement Commandant du Chateau, membre du Grand - Confeil - depolice, & parconféquent Agent trés • devoué au Gou- ver- (O Cet ouvrage fe debite , & Jmjlerdam, chez Petrus Conradi, a Hzrlingen , chez Volhert vm der Plaats. L'Editicm eft de J77S-  C 94 ) vernement. Cette affeétotion de la part du Gouvernement , prouve évidemment une méfiance injurieufe a 1'cgard des bourgeois libres qui ne fe font enrégimentés, que pour être en état, en cas de befoin, de fe joindre a Ia foible garnifon du Fort, pour répouflèr unennemi qui viendrait faire une invafiondans la Colonie. II parait naturel, quepuifque le Gouvernement, a eu aiïez de confiance dans les bourgeois & Colons, pour leur permettre de s'armer, & de s'exercer , il aurait du avoir en eux une confiance entiere, en leur permettant de fe choifir un chef parmi eux pour préfider a leur Confeil - de - Guerre. Cette condéfcendence ne pouvait avoir aucune mauvaife fuite pour Ia Compagnie ; mais il faut que le bras du Defpotefoit toujours armé de la verge de fer, & que cette vergefe faffe fentir plus, ou moins,dans toutes les occafions! Voila fans doute 1'unique raifon que lé Gouvernement peut donner dans ce cas, du peu dé confiance qu'il montre dans une milice , qui feule peut fauver la poffeffion du Cap d'une invafion ennemie. Dans les autres Colonies , le Bailli efl Préfident du Confeil-de-Guerre particulier qu'elles ont: L'inconféquence efl encore plus grande; car ordinai- remene  C 95 ) i rement ce n'eft qu'un malotru favorifé du Gouverineur, qui trés-fouvent de fimple matelot, foldat, i ou ouvrier de la Compagnie , parvient a 1'emploi de ] bailli ; tout au plus ce n'elt jamais qu'un fcribe tiré i de quelque comptoir , ou magazin de la Compagnie i & envoyé dans la plat pays , pour y être le fleau des i cultivateurs. Voila un militaire bien inflxuit pour I préfider a un Confeil - de - Guerre! Le fecond abus,non moins ignominieux que le prei mier, c'efl: que ce corps de bourgeoifie armée n'a j pas le droit de fe choifir fes Officiers. Le Gouveri neur les lui donne , & la milice bourgeoife efl: oblij gée de les recevoir de fa main. On fent que les bourgeois-créatures du Gouvernement, car il y en a, i ont toujour la préférence. Je dis qu'il y a des bourl geois- créatures du Gouvernement du Cap. Les Agens i de la Compagnie fe mariant au Cap; avec des filles i de bourgeois , il e(l aifé de comprendre que les fils (& arriere-petits fils de ces Agens font créatures du ( Gouvernement & qu'ils en font favorifés a tous égards. (Cela parle de foi - même , dans un Gouvernement vicieux. Le troifième abus efl:, que cette milice purement bour- t  C 96 •) bourgeoife efl commandée impérieufement & fans aucun ménagement, lors même qu'il n'eft queftion que des intéréts de la Compagnie. Lorsque quelque foldac de la Compagnie déferte & s'enfuic, on n'a rien de plus prelfé que de commander un detachement, de la milice bourgeoife pour courir après lui & le ramener au Fort. C'efl: avilir le bourgeois libre. II n'eft pas fait pour fervir de valet-de-pié au Confeilde-Guerre de la garnifon, & pour lui ramener un homme qui n'efl: jufliciable que de ce Confeil-deGuerre. Les foldats de la garnifon font faits pour courir après leurs camarades deferteurs, comme danstous les régiments , les foldats refpeótifs font commandés pour aller a la pourfuite d'un deferteur de leur propre régiment. En France les cavaliers de la Maréchauflee font chargés trés - fouvent de courir après & d'arréter les deferteurs; mais les bourgeois du Cap ne font certainement pas les cavaliers de la Maréchauflee du Gouvernement; leur état efl: plusnoble & plus réléve. Le quarrieme abus eft de nature a révolter le fujet le plus docile & le plus foumis. Lorsqu'un Navire étranger fe préfente pour entrer au Cap, ou feulement qu'il a été fignalé, la garde de k  C 97 3 Ia milice bourgeoife efl: commandée & doublée, pour veillerfur les adtions decec étranger& pourempêcher toute communication fufpecle des habitans avec lui- Le Gouvernement craint plus la contreba'nde, que la t pefte : du moins toutes les précautions fe prenent pour obvier au premier malheur. Auffi- tót qu'on eft-iriftruit au Cap d'une rupture entre les Puiffances eüropéenes, & qu'on y craint la Guerre, le Gouverneur envoye des ordres a tous les'diflricTs de 1'Etabliflèment, & ces ordres portent injonétion abfolue a tous les militaires bourgeois de fe rendre avec leur armes & bagages au Cap, pour venir le deffendre d'une invalion fubite. Immediatement après avoir recu cet ordre fuprétne, les cultivateurs enrollés dans la milice bourgeoife, font obligés de quiter, femmes, enfans, ménage , domefliques ,' efclaves &c., & de partir pour fe rendre au Cap; il y en a qui en font éloignés de Cent Lieues. Ils font obligés de venir tenir garnifon au chef-lieu pendant un tems confidérable; & tout cela a leurs propes dépens. De la il arrivé, que leurs plantations reftent en friche pendant le tems de leur abfcence, que leurs efclaves ont la plus grande facilité de s'enfuir, que leurs femmes, leurs enfans G &  ( 93 } & leurs récoltes fout expofés aux infultes & aux dé* vaftadons des Hottentots, leurs plus cruels ennemis# II faut donc que ces malheureux Colons s'expofen$ ï perdre leur propriété, pour conferver celle de la Compagnie, fans que celle-ci leur donne un verre d'eau en compenfadon des frais énormes qu'ils font obligés de faire pour leur voyage, & pour 1'entretien de leurs chevaux, armes &c.! Quel efl: le Defpote qui obligé fes Sujets k le fervir a la guerre, fans récribution quelconque! Quel efl: le bourgeois libre, obligé k un reglement fi cruel! Ce qui doit rendre ces abus d'autant plus grands aux yeux d'un homme raifonnable & qui a quelque idéé de la liberté, c'efl: que la milice du Cap, s'habille, s'arme ck fe monte a fes propres dépens , & qu'il n'encoute pas une obole a la Compagnie. L'offïcieir bourgeois, comme le plus fimple bourgeois armé, quil foit dans 1'infantérie, ou qu'il foit dans la cavelerie, doit acheter fon uniforme, fes armes & tout fon attirail de guerre de fon propre argent, & il doit 1'entretenir de même. Le Cavalier bourgeois, doit acheter, fon cheval ékle nourrir a fes dépens; 'il doit même, a 1'exception d'une petite quantité de pou- dre,  < 99 ) dre, de pierres a fufil & de bales que la Compagnie fournit tous les ans aux bourgeois armés, il doit disje , acheter le furplus des munitions dont il a befoin pour s'exercer: En un mot la milice-bourgeoife du Cap n'efl: pas a la folde de la Compagnie; le pur patriotismc la fait armer, ce même patriotisme la fait 'fervir fans rétribution. Elle eft donc libre de fa nature | on doit lui conferver au moins les déhors de ia liberté; elle eft d'une utilité trés - direéle pour la Compagnie, la Compagnie doit donc la traiter avec tous les égards qui font dus a un corps de volontaires armés pour le bien-étre général de l'Etablifièraent. Je dis plus, ce corps refpeótable doit-étre caréöe par le Gouvernement, car le falut, la pro'fpérité & la fureté de celui - ci, dépend entierement :de la bravoure & de la vigilence de celui - la. Que feraient en effet la pitoyable garnifon du Fort contre am ennemi qui fe préfenterait pour s'en emparer? ÏRien, oui rien, jofe le dire avec confiance. Que 'ferait-elle cette garnifon, contre la milice bourgeoi[fe, fi celle-ci s'avifait un jour de vouloir fe venger ddes coups d'autorité que le Gouvernement ne cefie de ffraper contre les bourgeois & Colons de 1'EtablilTement G s af"  ( 100 ) affricain? Rien encore, oui rien. Le Corps de la' bourgeoifie armee, dans couce 1'étendue de 1'Etablisfement du Cap, fair une petite armee de 6"ooo hommes tant infanterie, que cavalerie; ces 6000 hommes font trés - bien exercés & d'une adreflè extraordinaire h tirer avecjufteflè; presque jamais le payfan armé du Cap ne 'manque fon coup : en' cas de befoin, le nombre de cette milice peut - être porté a 12,000 ou 14,000. La garnifon du Fort efl: tout au plus de 500 hommes , elle efl: compofée presqu'en entier d'un ramaffis de mauvais fujets & de vagabonds eirropéens. La Compagnie doit faire attention a cette derniere réfiexion furtout; ma prédiclion pourraitbien s'accomplir, & fi elle s'accomplit, le Cap eft perdu pour la Compagnie fans reflburce; car, ou les Colons dévicndront libres & indépendans, ou ils fe donneront au premier qui voudra prendre leur vengeance enmairi. Ils trouveront des vengeurs, j'en fuis fur; J'avoue que ces vengeurs pourraient bien devenir pour eux, des nouveaux tyrans; mains aumoins ils feront vengés de leur premier Defpote. Les chaines qu'un éfclave porte actuellement 1'occupent tout entier, il ne penfe jamais a ravenir, Iorsqu'il fuccombe fous le poids  c m ) poids de fes calamités préfentes; content de les brifer, ces chaines accablantes, il lcsjette loin de lui quand il le peut; il fuit, fans prévoir qu'un autre maitre auffi cruel, ou même plus cruel que celui qu'il quite, 1'attend pourle protéger un moment, & 1'enchainer de nouveau. Pendant que 1'homme eft dans les fers, il ne s'occupe que de fon infortune préfente; lorsqu'il eft délivré, ne fut - ce que pour un moment, il ne s'occupe que de fa félicité momentanée; & il abandonne toujours a la Providence, 1'avenir qui 1'attend & auquel il ne penfe presque jamais quand il eft dans L'éfclavage. Le defir de la liberté & le moyen de fe la procurer abforbent toutes fes penfées. Voila 1'idée générale qu'on doit fe former du Gouvernement actuel du Cap de Bonne-Efpérance, quant a fa police. Je vais éflayer dedonnerune ésquifie du traitement particulier qu'on fait aux bourgeois & aux Colons de cet EtablhTement. Je ferai voir que ces Colons ne font pas mieux traités par les Agens particuliers de la Compagnie, auxquels ils ont nécelTairement a faire, que par le Gouvernement pris colledtivement, & confidéré en total. J'ai des excés énormes d autorité a réprocher aux Serviteurs de la G 3 Gom-  C ) Compagnie, dans l'exercifïê des eroplois lucratifs qu'ils gérent. C'eft ici que la rapine & la concuflion, fous mille formes ditferentes, préffent & grevent le malheureux bourgeois & le cukivaceur. Depuis pres de quatre ans, les bourgeois & les Colons du Cap de Bonne-Efpérance, ne pouvant obtenir lè rédreflèment de leurs griefs particuliers, de la part du 'Gouvernement affricain, fe font déterminés de faire porter leurs juftes & refpeftueufes plaintes aux Directeurs de la Compagnie, en Europe. Quatre d'entre eux furent choiiis & en envoyés enHollande, pour réclamer la Juftice de la Compagnie: deux de cesR.épréfentants, duément autorifés par le Corps des bourgeois du Cap, ou du moins par tous ceux de ces bourgeois qui ont ofé figner la commiffion , &le nombre eft alfez confidérable, pour rendre refpeclable cette Députation aux yeux de la Compagnie, font encore ici, fans avoir beaucoup avancé les affaires de leurs commettans. II eft vrai que les lenteurs naturelles au Gouvernement Hollandais en général, ont été un obftacle h une dccifion formellc de la part de Mrs. les Directeurs de la Compagnie; mais quatre ans font bien longs ce femble, & paraiffent plus que fuf-  ( io3 ) fuffifans pour que la Compagnie puiiTe avoir recu da Cap, tous les renfeignements néceflaires pour juger .une affaire qu'il lui importe de finir, au moins amant, que la conclufion en eft importante pour les Colons .plaignants. Ces députés ne voulant pas d'abord, par refpect, & par égard pour le Gouvernement, & peut-être pour 1'honneür de la Compagnie, publier leurs juftcs fujets de plainte, avaient traité jusqu'ici cette affaire avec une circonfpection qui fait honneur aleur modération; ils s'étaient contentés de fournir des Mémoires, de préfenter des Requêtes ecrites-a la main, a Mrs. les Dix-& Sept- Directeurs de la Compagnie, qui en forment en Europe, l'Aflemblée ordinaire & qui réprefentent tout le Corps des Directeurs, & par conféquent la Compagnie ellemême. Rébutés par des longeurs & des pretéxtes, qu'ils avaient tout lieu de fufpecter d'une affectation marquée, ces députés de la bourgeoifie du Cap, ont cru devoir publier leurs griefs contre le Gouvernement de la Compagnie, & les mettre fous les yeux de tout le monde par la voye de l'impréffion. lis ont d'abord publié un Mémoire, & enfuite un fuplemenc G 4 *  C 104 j k ceMémoire. Ces deux pieces, qu'on ne peut ras Sccufer d'une éloquence impofante , & d'une tourneure artificieufe, refpirent par tout la fimplicité & lacandeur qui fait le caraclère diftinftif de ces malheureux opprimés & de leurs Eéprefentants en Europe. La vérité s'y rnontre fans fard & fans ornements; on n'y reconnait pas la main d'un Avocat habille & dangereux qui cherche plus a éblouir qu'a convaincre. L'expofé des fairs ne peut-être ni plusfimple, ni plus moderte. Le Ledleur n'a nulletnent befoin de mettre fon efprit a la géne pour dépouiller la vérité des envelopes qu'on lui donne trop fouvent dans des pieces de cette nature; il n'a que faire de fa tenir fur fes gardes, pour n'être pas trompé par les déhors d'une diflion brillante & d'un ftyle féduifant. II peut lire fans préeaution3 ces Mémoires, vrais enfans de Pingénuité & de la bonhomie. C'efl: dans ces fourecs, que j'ai puifé les vérités affligéantes pour les Colons & deshonorantes pour les Agens de la Compagnie, que je vais raprocher en racourci, pour démontrer plus particulierement ma feconde propofition, c'eft-a-dire „ que le Gouvernement de la Colonie du Cap n'eft plus ce qu'il a Hé dans  C 105 ) dans fon origine; & qu'il efl: devenu tout-a-fait oppréfïïf. Les plaintes que les bourgeois & Colons de 1'Etabliflement général du Cap ont fait faire k la Compagnie, fe divifent en plaintes, contre le Gouvernement aótuel en général, & en plaintes, contre les premiers & les plus diftingués Agens de la Compagnie en particulier; c'eft.-a dire, que les bourgeois .& Colons du Cap ont a fe plaindre du Gouvernement de la Colonie, & des Agens qui ont une partdirefte ace Gouvernement. Pour plus grande clarté, je fousdivife encore fes plaintes, en plaintes des bourgeois habitans du Chef-Lieu, & en plaintes des Colons établisdans les differentes Colonies qui forment 1'Etabliflement Hollandais en AfFrique. Les bourgeois de la cité du Cap ont des objets de plainte qui leur font particuliers, comme les Colons du plat-paysen ont , auffi qui leur font particuliers & d'autres communs avec leurs freres établis au Cap. G 5 AR-  ( io6 ) Art. I. Plaintes des bourgeois de la ville, du Cap de Bonne - Efperance, contre le Gouvernement & contre les Agens du Gouvernement. Nicolas Verburg, envoyé au Cap par la Compagnie, en qualité de Commiflaire muni de pleins pouvoirs pour corriger des abus qui s'écaient gliiTés dans le Gouvernement de cette Colonie; ne peut s'empêcher de dire a fon retour, que les Colons de VEtabliffemcnt du Cap qualifés d'hommes libres & répulés pour tels, étaient fi bornés & fi reflraints dans ï1 excerciffe de cette prétendue liberté, qu'on devait plutot les appe lier hommes-non - Libres, c'efta-dire entermes alfezfynonimes, Efclaves. Tel était leur déplorable état en 1676, felon ce Commilfaire, témoin occulaire de leur oppréflion. Cet état d'é'fclavage loin de s'adoucir, n'a fait que des progrés excéflifs jusqu'a nos jours. En effet les bourgeois du Cap fe plaignent avec raifon, d'un joug infuportable que 1'on s'applique de plus en plus de rendre péfant. Tous ces bourgeois habitants a la ville, ne font pas polfeffeurs de biens- fonds,  ( ) ƒ0»*, ils ne viventpastousde leurs rentes, la grande partiefontouartifans, oupetits marchands dérailleurs; ainfi ceux - ci doivent virre de leur travail meenam* que, de leur petit commerce & de leur induftrie. Le Gouvernement les a mis dans 1'impoffibilité de le faire, en renverfant leur ConfHtution & leur privileges. Ce que le Gouvernement a fait en grand, les Agens de le Compagnie le font aufli en détail de leur cóté. Riebeek avait permis a tous les habitans de fa Colonie de fe pourvoir de touts les elfets, apportés d'Europe au Cap, qu'ils jugerent leur être néceflaires, tant pour leur ufage particulier que pour en faire un commrece lucratif, en les révendant, foit a leurs concitoyens, foit aux Colons & planteurs du pays, foit enfin a qui ils jugeraient a propos de les ceder pour de 1'argent, ou pour autres fignes cómmerciaux. Cette permiffion était trés-naturelle, & c'eut été une injuflice criante de ne pas 1'accorder. C'efl: fur ce petit commerce, qu'eft fondée 1'aifance despetits bourgeois dans toutes les fociétés, & fur tout des habitans du fecond rang dans les villes. C'efl: ce petit commerce qui rend une ville aélive & floriiïante; en un mot une ville ne fau- rait  C 108 ) rait être peuplée fans ce petit commerce. Riebeek qui, comme je 1'ai déja dit, portaitfes vues jusques dans 1'avenir Je plus réculé par raport a fa Colonie, comprit,queles Agens & Serviteurs de la Compagnie établis au Cap a raifon de leurs emplois, pourraient dans peu, rendre fa permiffion nulle, & que ces Sujets de la Compagnie pourraient faire facilement le même petit commerce que les bourgeois, qu'ils pourraient entrer en concurrence avec eux pour 1'achat & la vente de leurs marchandifes, faire tomber le commerce des boutiquiers bourgeois & les reduire a la mandicité; il crut devoir mettre un obiTacle ace mal imminent & trés - dangereux pour les petits bourgeois du Cap; il déffendit donc a tout Agent, ferviteur ou fupot de la Cempagnie de faire aucun efpece de c»mmerce, des marchandifes qui arriveraient d'Europe, pour être vendues aux bourgeois du Cap, & pour par eux être revendues aux Agens & Serviteurs de la Compagnie, a tous les bourgeois & habitans du Cap, étrangers, ou non étrangers, & enfin a tous les Colons du plat-pays. Ce Réglement ne pouvait être ni plus jufte, ni plus fage : II leur déffendit au furplus d'acquérir aucuns biens-fonds au Cap  C 109 ) Cap, d'en affermer aucun pour les faire valoir k leur profit, & de faire aucune efpece de trafiq des denrées du Cap, foit avec les Colons, foit avec les vaisfeaux de la Compagnie, foit avec les étrangers;.en un mot il déffendit k tous les Serviteurs de la Compagnie tout efpece de commerce d'importacioH, d'exportation, en gros, ou en détail. Un auteur moderne & anonime veut faire entendre que la Conv pagnie ne déffendit k ces Agens & Serviteurs le commerce, qu'en 1707. & que jusques la ce commerce avait été licite & permis. II fe trompe évidemment. L'ordonnance dont il parle, eft de 1705. & non de 1707. & elle n'eft qu'un ampliation des Reglements faits par Riebeek. Malheureufement fes fuccefieurs immédiats, N. Bax, Simon van der Steel, & Guillaume Adrien van der Steel, ne tinrent pas la main k 1'exécution de ce Reglement de police; les deux van der Steel favoriferent aucontraire le commerce illégitime des Serviteurs de la Compagnie, & Adrien van der Steel gêna extraordinairement celui des bourgeois. Cet abus d'autorité devint fi outré & fi léfif pour les bourgeois du Cap, que la .Compagnie inftruite du de-  defpotisme de van der Steel, rendit une Ordonnance de commerce dans fon Aflèmblée, en date du 30 Octobre 1705. Cette Ordonance futenvoyée au Cap pour y être publiée. 1'Art. 12. efl: décifif. Je vais ïè tranfcrire mot-a-mot. // efl déffendu a tout Serviteur de la Compagnie depuis le premier jusquau dernier, de pouyoir faire aucune efpece de commerce, en Bied, en Betail,ou en Fin; foit par euxtnêmes, foit par d''autres, devant se contenter ■ce leur salaire, fans empiéterfur les privilé-ges des Col ons-Li bres, qui n'ont que ce feul xtoyen de peuryoir a leur fubfiftence. II eft a remarquer, que je n'ai avancé rien de trop, lorsque j'ai dit au commencement de ce petit ouvrage, que ceux qui étaient partis avec Riebeek, ou qui font partis après lui, pour allerpeupler le Cap, font partis comme enfans d'une République libre, & qu'en s'expatriant, ils n'ont perdu rien de leur Liberté républicaine. La Compagnie les qualifie de Colons - Libres, dans 1'Art., ci - deffus. En 1742, la Compagnie fit unRéglement général, ou pour mieux dire, elle donna des Status a toutes les pofleflions dans 1'lnde; ces Status furent envoyés au Cap pour y fervir de re-  C 111 ) regie, comme dans tous les autres Etablifïèment* prientaux: La déffence du commerce faice a tous les Serviteurs de la Compagnie y efl: rénouvellée & confirmée dans les termes les plus précis. Art. a. Du commerce déffendu &c 1'Art. 9. efl: encore plus formel; il porte que le commerce n'efl: permis, qu'aux feuls, bourgeois-libres, Hollandais & autres auxquels il eft permis de négocier, fans qu'aucun des ferviteurs de la Compagnie pui fe s'y ingérer; ce qu'ils feront obligés de promettre fous fermmt dans tous les tems öPcy, La Compagnie avait déjk fait les mêmes déffences dans fon Aflèmblée, par une Ordonnance, en date du 26. Avril 1668, ce qui prouve évidemment, qu'elle n'a jamais entendu, que fes Agens au Cap y poflèdaflent des biens biens > fonds, & qu'ils y fiflent aucune forte de commerce; maisce qui prouve aufli, que les Agens de la Compagnie fe font toujours moqués de fes ordres & qu'ils n'ont cherché qu'a porter préjudice aux bourgeois & aux Colons. Cette Ordonnance de 1706, & ces Status de 1742, ne font plus en vigueur au Cap; les Agens, Serviteurs & fupots de la Compagnie y font le commerce qu'il leur  C 112 ) leur plait, & le font de %ona mettre les bourgeoisdans rimpoflibilité de le faire avec quelque avantage: La délfence nouvelle & rigoureufe faite aux bourgeois-libres du Cap, d'approcher des Navires étrangers qui y abordenc, n'eft qu'un pur prétexte en faveur de la Compagnie, d'empécher pat ia un commerce de monopole entre les habitans du Cap & les: Nations étrangéres. La condition des bourgeois n'e* eft pasmeilleure, depouvoir approcheren payant, des Navires de la Compagnie qui arrivent avec leurs cargaifons au Cap; les Agens de la Compagnie ont des gens affidés qui vont acheter fous main toutes les marchandifes d'un débit journalier au Cap; foit que la vente de ces marchandifes fortant des vaiflèaux, fe fkflè publiquement, foit qu'elle fe faffe clandeftinement, les bourgeois font toujours la dupe des Serviteurs de la Compagnie, & lis ne peuvent acheter même, qu'autl très-haut prix, ceque ceux-ci ne veulentpas; quant a ce que les Agens achetent pour leur propre compte, ils le font transporter dans les Magalins de la Compagnie; les bourgeois font-forces pour fe fournir, d'avoir recours a ces Juifs, car ils font peuc-étre plus ufuriers que cette nation décriée: ils doivent leur  1 leür donnér dés grots prorits, & ne peuvent fe dëfai■ re que très-difficilement de ces marchandifes acheI tées ainfi de la feconde main , mais toujours ufuraire. Un commerce encore plus ruineux pour les bourI geois du Gap , eft celui que fe permettenc ouvertei ment les Agens de la Compagnie. Ils font faire des i aehats alTez confidérables de bied , de betail, de vin* i de legumes & autres produits de la Colonie; ees i achats étant faits, le plus fouvent en fociété avec des 1 bourgeois aflèz peu patriotes, pour n'étre la plupart i du tems , que des prête-noms , les denrées fe pori tent dans les magafins de la Compagnie, & de la dans ] les vaiflèaux de la Compagnie, ou autres , pour y étre i délivrées aux patrons des navires & payées par eux laux marchands poftiches, aflbciés avec les Agens moi.nopoleurs. II arrivé prefque toujours. lorsque He bourgeois viertt óffrir a fes navires la vente de fes j propres denrées , que ces navires font déja pourvus , (& que fi les maitres veuieut fe pourvoir encore t d'autres effets, ils ne veulent les acheter qu'a un prix itrès-modique ; car les Agens de la Compagnie trou' Vent toujours le moyen de faire acheter pour leur <£ompte, k trés - bon marché , & parconféquent ils • I H pen-  C "4 ) peuvent revendre h meilleur marché que le bourgeoisi Ce qu'il y a de plus dur én tout ceci, c'efl: que le bourgeois, a qui feulle commerce de fes denrées efl! permis par les reglements de la Compagnie , & par la conftitution fondamentale de la Colonie, ne peut cependanc expofer en vente fes denrées & les faire tranfporter fur les vaiflèaux auxquelsil les a vendues, fans payer au Fifcal, tant pour cent du produit de la vente & comme ce tant pour cent eft illégitime & deffendu par les ordonnances, le Fifcal le fixe comme il lui plait & felon qu'il favorife plus, ou moins le bourgeois propriétaire. Le prix ordinaire eft pourtant de 5 pr. ct. ce qui Iüi donne un petit revenu de 2^,000, a 30,000 florins. L'abus du commerce eft donc doublement préjudiciablé aUS bourgeois du Cap. i°. II confifte , en ce quécant autorifés feuls a le faire , a exclufion des ferviteurt de la Compagnie, ils ne peuvent le faire qu'en payant un tribut injufte au Fifcal; a°. II confifte cet abus criant, en ce que , le commerce étant fpécialement deffendu a tout Agent de la Compagnie , depuis lè premier jufqu'au dernier, il n'y a pour tant que les Agens de la Compagnie qui le faffent impunement & fans  C 115 9 fins payer aucune rétribution quelconque. Rien da i tnieux fuivi que les mauvais exempleS. Un fubalteri ne s'autorife toujours des exemples que fon Superieur ! lui donne; aufli dit- on avec raifon, tel maitre, tel walet. L'abus, dont je viens de parler, autorifé par l le Gouvernement , en produit un autre non moins lléfif pour le pauvre bourgeois du Cap. Le voici! III yaau Cap,comme dans tous les Ports de mer, des :habitans dont 1'unique métier efl: d'aller a la pêche , dè iVöiturer dans leurs barques les marchandifes a bord (des navires, & des navires au rivage il y en a qui [fe tienent fous des-tentes, ou dans des petites caba-» rnes dreflees fur le bord de la cöte, & qui y font uri jpetit commerce: de taillé de liqueurs, & autres pet> ttites provifions d'un debit ordinaire , foit aux oüwriers- du port, foit aux équipages des vaiflèaux cqui defcendent k terre. Le ferviteur de la Compa|gnie 'prépofé' a la garde du Port & du rivage, pour eempêcher la contrebande ^ c'efl: permis de mettre ia contributiori ces pêcheurs , bateliers, & petits lboutiquiers ; il regarde fans doute, le rivage du (Gap, comme une Terre feigneuriale qui lui apparstSent, & les petits bourgeois du Cap qiii y ont leur H 2 occu-  ( "5 ) occupation ordinaire, comme fes vafieaux : en conféquence, ce Seigneur prétendu les met tous a conr tribution ; le pecheur & le batelier lui payens tant, pour droit d'amarrer leurs barques au rivrge pendant la nuit, & le boutiquier tant, pour droit de fouage. C'eft infolent Gards - rivage, ( Geweldiger ) eft autorifé par le Gouvernement, a vexer ainfi le pauvre habicant du Cap , & a lui enlever une partie du fruit de fa fueur. Le Fifcal en a retiré, dit - on aufli une rétribution de 6 Ryksdaalders par an, que chaque batelier, pêcheur , ou boutiquier fur le rivage, font obligés de lui payer : lfe Fifcal nie le fait. Pour fe faire une idéé bien néte & bien jufte des concuflions que le Gouvernement fe permet a 1'égard des bourgeois du Cap, il n'y a qu'a jetter un coup d'oeil fur la lifte des difterentes accifes & impots auxquels il a foumis la vente en détail des denrées de première néceffitc & d'un ufage commun. Oui, les bourgeois du Cap, contre la conftitution de la Colonie, contre les ordonnances de la Compagnie, & contre les droits les plus précieux de la liberté, font foumis , par le plus grand de tous les abus , a des furcroits d'impots óc d'accifes qu'on exige , non obftant les  C "7 ) des accifes & impots reglés dans les baux ces fermes ^généralles, concre la teneur expréfle de leurs privileges. Si on leur a donné des fermicrs régiffeurs, préposés & autorifés par le Gouvernement, avec le quel ils ont contrafté, pour la levée des impots parties liers, & peut-étre autorifés par les Etats-Genéraux, idesfept Provinces-unies, pourquoi les vexer fous rimain, par de exaftions illégitimes? Chaque boulanger du Cap eft aftreint a faire renoui veller tous les ans par le Gouvernement, la permiffion i de faire du pain pour le vendre, c'eft-a dire qu'il doit tous les ans, acheter des nouvelles lettres de maii trife; en confequence il doit payer tous les ans, 26 -. Ryksdaalders , ce qui fait a peu prés , ƒ 62-8 f. en: coren'a-t-il avec cela que la fimple permiffion de ; vendre fon pain aux habitans , car s'il veuc vendre du bied, delafarine, &des bifcuits aux navires, ou : aux équipages , il doit premierement compofer avec / Mr. le Fifcal , & lui payer argent comptant, une permiffion que le Fifcal n'eft pas en droit de donner , paree qu'il n'eft pas en droit d'exiger qu'on la i lui demande. Le bourgeois du Cap porte en naiflant cecte permiffion avec lui. H 3 La  C fff! ) II n'eft pas permis aux bouchers bourgeois du Cap, de vendre une once de viande, a 1'ufage de la Compagnie, foit pour 1'Etabliflement du Cap, foit pour les navires de la Compagnie. Le Gouvernement a pris a ce fujet un moyen infaillible. U afferme pour un tems fix'e, a quatre perfonnes particuliéres, qu'on appelle pour cette raifon , bouchers fermiers (gecontracteerde-flagters} le droit d'égorger des boeufs & des moutons pour en vendre la viande foit aux Agens de la Compagnie , foit aux maitres des navires de la Compagnie. Ils s'obligent a faire cette livraifon \ raifon de ip pennings la livre, pour toute forte de viande. Mais les navires étrangers payent cette méme viande 2 f. la livre; par ce moyen les maitres des navires étrangers payent cette même viande plus de deux tiers en fus de ce que le Gouvernement la paye aux bouchers - fermiers. La praportion eft de 5 a 16. Quel tort ne doivent pas faire ces bouchers-fermiers aux bouchers-bourgeois du Cap. Si la boucherie était libre au Cap , comme elle devrait 1'étre par la conltitution de la Colonie % & par les priviléges particuliers des bourgeois , les bouchers du Cap auraient un debit incomparable- men?  C 110 ) ment plus grand que celui qu'ils ont: mais le Gouvernement a juge a propos dans ce cas, comme dans tous les autres, de couperune branche du commerce innocent & naturel des bourgeois du Cap. Mr. le Gouverneur & le Second y trouvent leur compte , car ils ftipulent tacitement avec les bouchers-fermiers, qu'ils leur livreront les 16 livres de viande pour 6 fols, pendant leur bail, qui eft ordinairement de 4 a 5 ans. Le Gouverneur confomme pour fa maifon, 2000 livres de viande par mois. 11 paraic que cet abus n'eft pas nouveau au Cap, & que les membres du Gouvernement aftuel marchent fidélement fur les traces de leurs dignes prédécelTeurs. Déja en 170Ó, les Agens de la Compagnie s'étaient permis des concuffions visa-vis des bourgeois bouchers. II eft dit dans une Ordonnance rendue par les Directeurs de la Compagnie, en date du 30 Oótobre 1706 Art. 14. Qitant a latuerie des beflieaux, & au debit de leur viande, Heft permis a un chacun & a tous les Colons {lesferyiteurs de la Compagnie exceptés, comme il a été dit déja & quil leur a été défiendu) ctègorger les bestieaux, & d'en vendrepubliquement la viande, except é aux navires de la Compagnie, dont nous pariet H 4 rm  rom plus bas; &c. Dans 1'article 15 de la même Ordonnance, le prix de la Hvre de la viande que les bouchers autorifés doivent livrer aux navires de la Compagnie , eft fixé a ijfol, ce qui fait treize dates en place de feize qui eft le prix fixé aéïuellement. Contra-Bedu&ie &c. p 103. Je ne finirais pas fi je voulais détailler toutes les lesextorfions auxquelles fontfujets en particulier, les bourgeois habitans de la Ville du Cap. Je me contente de mettre fous lesyeux du Leéteur, les plus vifibles ; elles fuffifent pourprouver, que ces habitans ne font pas libres , comme ils devraient 1'étre par leur Conftitution. Pour caraéïériftr cependant d'un feul trait, le vil efclavage auquel on les a aflujettis , je raporterai en finiiTant cet Article, un fait qui fervira beaucoup a démontrer le defpotifme le plus oriental, dans la perfonne du Gouverneur acftuel de la Colonie du Cap, II pric fantaifie a Mr. le Gouverneur de faire une vifite généralle , en 1778 , dans tout PEtablifTementaffricain; je me garde bien de la condamner; rien de plus beau qu'un Souverain qui voyage de tems en tems dans fes Etats, pour y remédier aux abus, pour y éeouter les juftes plaintes de fes fu-  ( 121 ) ilijets, pour y faire toutes les améliorations dontl'Adminiftracion efl: fufceptible ; je veux croire que c'était la les motifslouables qui engagerent le Gouverneur du Cap d'aller vifiter les Colons éloignés de la Capitale. A la vérité les grands avantages de cette vifite rie fe font pas faits fentir encore au Cop , mais le bien réel & vifible d'un Etat ne s'oppére pas tout d'un coup. Dans ce voyage de long cours, Mr. le, Gouverneur pour paraitre avec tout 1'éclat d'un Vice-Roi, jugea a propos de fe faire accompagner par tout, par un détachement de la milice bourgeoife , & ces bourgeois durent fe contenter de 1'honneur d'avoir fervi de Gardes- du - Corps a fon Excellence, car ils furent obligés de 1'escorter a leurs dépens. L'orgueil & la léfine de ce fimulachre de Souverain paraifient ici a découvert. Les bourgeois armés ne font plus une milice libre & volontaire , defqu'ils font obligés de fervir de garde-forcée au Gouverneur; ce font les foldats de la garnifon , qui doivent par état & par devoir, remplir cette fonclion. Que dire de la néceflité oü 1'on a mis les bourgeois libres & armés dn Cap, de fournir un détachement pour fervir d'efcorte au Gouverneur, dans un voyage, long, penible & difpendieux H 5 pour  C ff? ) pour chaque individu de 1'efcorte ? La nature & la liberté civile s'offenfent également d'un tel procédé; car il y a dans cet abus d'amorité , & de la cruauté & de l'oppreffion. La cruauté efl: d'autant plus revoltante, que Mr. le Gouverneur aétuel obligea le 7 Juillet 1778, fous peine d'une amande de 25 RykfJaalders, huit hommes & un Officier de la milice de Steelknhofck de comparaitre a 1'afiemblée combinée des Heemraaden & des Officiers du Confeil-de-Guerre de cette Colonie , pour y recevoir les derniers ordres de fe tenir prêts a partir avec armes, bagages ckchevauxpour 1'accompagner & 1'efcorter dans un voyage qui dura prés de trois mois. Nonfeulement ces miferables bourgeois, devenus efclaves dans ce moment, furent obligés de fuivre Mr. le Gouverneur a leurs propres frais & depens , mais encore de monter la garde , chacun a leur tour, a la porte de la ten te de fon Excellence pendant la nuit, comme des limples foldats qui font a la folde du Souverain. II efl: vrai que Mr. le Gouverneur avait eu la complaifance de leur promettre une indemnité proportionnée a leur état de militaires libres, a la longeur du voyage, a la fatigue, & aux pertes  ( m ) pertes qu'ils pourraient faire tant dans la courfe ellemême , que par la négligence forcée de leurs affaires domefliques ; mais le voyage fait, la générofité de fon Excellence fe dementit tout d'un coup. On voulut payer tous ces fervices & toutes ces pertes au moyen d'une modique fomme de 30 Ryksdaalders qu'on offrit a chacun de ces bourgeois-miliciens-libres. LI y eüt quelques uns de ces Gardes-du-Corps de Mr. le Gouverneur qui accepterent & fe contenterent par force , de cette modique gratification; mais il y en eüt quelques autres qui ne voulurent pas, qu'on peut leur reprocher d'avoir vendu leur liberté pour un prix fi modique. L'un deux y perdit fon cheval & tout fon équipage évalué au moins a 73 Rykfdaalders, qui devint la proye d'un Lion a qui il pleut d'en faire cu•rée. On croirait peut-étre que Mr. le Gouverneur bonifia cette perte; on fe tromperait; au contraire ce cavalier demonté paree Lion, fut obligé de fe poucvoir a fes depens , d'un autre cheval, pour pouvotr étre en état de continuer 1'efcorte honorable du Gouverneur. II lui en couta encore 58 Ryksdaalders de fa poche. On dirait au moins qu'il ferait permis de Ce plaindre d'un traitement fi peu généreux de la part de Mr.  ( i24 ) Mr. le Gouverneur; non cette foible confolation fut ótée aux malheureufes viétimes de la fantaifie du Defpote. Danid Bosman , eut f imprudence , de dire, qu'il ne pouvait pas comprendre comment le Gouverneur voulait, qu'il fe contentat de soRyksdaald. de domagement, pour 58 que ce voyage lui avait couté de fa poche; cette plainte trés-naturelle ce femble, fut un crime aux yeux de fon Excellence Mr. le Bailli de Steellenbosch. Et ce Bacha lui répondit d'un ton ménacant, que s'il ne le comprenait pas, 'tl le lui ferait bien comprendre , lui Bailli. Qu'on aille en Turquie pour chercher des exemples de cette nature, on pourra peut - étre y en trouver d'un peu analogues ; mais certainement on n'en trouvera pas dans nos Etats policés d'Europe. Ce fait jette un grand jour ce me femble, fur la conduite oppreflive des Agens de la Compagnie; c'efl: 1'unique raifon qui m'a engagé a le détailler un peu , parceque d'ailleurs il efl aflèz'récent & qu'il prouve, que les Colons du Cap ne fe plaignent pas h tort contre leur Gouverne. ment actuel. Si 1'on y prend bien garde , il eft tout aufli oppreflif que fous le regne des Van Der Stels ; & il mérite la même attention de la part de la Compagnie  C I2s ) gnie; il en mérite encore plus, car j'ofe le dire, & je le démontrerai, la Compagnie n'a jamais eu un intérêt plus direct a ménager les Colons du Cap , qu'elle I'a aftuellement. Art. I I Plaintes 'des Colons établis dans Us dijferentes Colonies qui forment ï' Etablijfement Hollandais en Affrique & qui font communes aux bourgeois , habitans & Colons de VEtablifffement particulier du Cap. Un vatte champ fe préfente devant moi; que n'aurais-je pas k dire, fi je voulais le parcourir en détail! Je me propofe uniquement de lever le coin durideau qui dérobbepeut- étre aux yeux des Directeurs, mais certainement awx yeux du public, toute 1'étendue de r0ppreflion;Xous laquelle . les Colons Batavo-Affricaïns rempenten gémiffant, depuis prés d'un fiecle. Je donnerai d'abord un petit tableau, mais vrai, des obligations pecuniaires., juftes & légitimes auxquellés tóusles Colóns 6k habitans de l'Etabliiïèment général .furent foumis, par 1'autorité des Etats-Généraux, pour iudemnifer la Compagnie • des  C '12- 5 ) fles avances faites & Èt faire en divers tems, poü* le bien - étre général , pour le foutien de toute ia' Colonie, &pour mettre la Compagnie dans le cas de retirer une utilité plus générale de cet important EtabliiTement. Les furcharges arbitraires & inconstkutionelles faites depuis a ces jufles impoficions, foit par le Gouvernement autorifé par la Compagnie , foit par les Agens particuliers du Cap me fourniront le Sujet d'un fecond tableau. L'injuflïce , 1'infubordination , 1'avarice , la hauteur, & tous les vices qui entourent des Miniftres fubalternes, trop èloignés de leur maitre pour étre fcrupuleufement furvëillés & appellés a rendre compte, y ferontmis enaaionavee Vérité & fans exagération. . PREMIER TABLEAU Riebeek n'avait mis aucun impot quelconque fur les denrées que les premiers Colons récoltaient. Ces Colons avaient encore befoin d'étre fecourus & d'étre aidés, & ne pouvaient parconféquent fuporter des charges fur les fruitsque les champs, qu'on leur avait donné, produifaient anhuellement. Ce qu'ils étaient obligés de fournir pour 1'entretien des ferviteurs dé fj.i # ■  C 127 > la Compagnie au Cap , & pour l'approvifionement des vaiflèaux, leur était payé k un prix convenu Öt honête. C'eft 1'unique engagement de redevance que les Colons contraétérent euvers la Compagnie , dès leur origine. C'était 1'unique moyen de mettre la Colonie fur un bon pié, & ce fut paree moyen qu'elle fe vit bientöt riche fur un terrein fertile & abondant. Je conviens qu'il était naturel, que par la fuite, les Colons fuflènt aflujettis a une redevance annuelle envers la Compagnie , qui devait pour toujours les protéger & les déffendre \ car fi la Compagnie trouve fon avantage particulier a étre en pofieflion du Cap, indépendamment des revenus qu'elle en percoit, les Colons trouvent aufli le leur a vivre fous: la dépen dance d'Un Gouvernement, qui ,• s'il était ce qu'il devrait étre, ferait peut-étre le meilleur poflible entre les Gbuvernements des Colonies des autres Nations Européenes, & qui , tel qu'il efl: aftuellement ,^eft fans contre dit, le plus mauvaisde tous. . - j 'ÜA-iQSL oh Q-isilininr-q »H»A .r3 * :'oo£ z. . • • • • *,'.-  C 128 ) IMPOTS autorifés par les Etats-Généraux. 1°. La dixme du froment, orge, feigle, & de tous les légumes-grains qui fe recolcent dans touce 1'écendue de 1'Etabliflèment ( Celui-ci efl expreffemeftt autorifé; les autres le font tiu moins tacitement.") 2°. Accife furie vin du Cap mife en ferme" ' ' générale & prodüifant. ƒ30,000: '3°. Accife fur les Eaux-de -vie. 20,000: 4°. Accife fur les boiiTöns importées de Hollande. . . . . 1500: par ail 50. Accife furies vins qu'il efl: permis quelques fois de livrer & de vendre aux navires étrangers. . . 20,000: 6"°. Accife fur la biere du Cap. . 4000: 7°- Accife particuliere de la Colonie de"| Stell^och 600: | par am 8°. Accife particuliere de Bay-Fals ^ ' ' 9%  ( 129 ) ' 9°. De chaque tonnau de vin qui eft porté au Cap /o: ïo. iocmc- 20eme & 4oeme> denier, furie prix des ventes des biens-fonds & maifons. Droit de timbre fur Ie papier. On ne peut pas fixer le produit de ces deux derniers articles; mais on fait qu'il efl: important & trèsconfidérable. Quoiqu'en général tous des impots foient autorifés par le Souverain , ou par la Compagnie, je ne puis m'enpêcher de remarquer, que les uns font beaucoup trop forts , & que la maniere de percevoir les autres eft accablante & oppreflive pour les Colons : ce ne : ferait encore rien , fi les Agens de la Compagnie ne i trouvaient pas le cruel moyen de les rendre & plus exorbitans , & plus difficiles a fuporter, comme je le ; ferai voir dans le fecond tableau. Je vais me permettre quelques obfervations courtes & générales fur ces ; differentes charges. Selon, moi la maniere dont Ia Compagnie percoit la Dixme de tous les grains des Colons eft hautement eppreflive. Le Colon le plus éloigné de la ville du I CaPy  C 130 ) Cap, comme celui qui en eft le plus proche, eft obligé de porter dans le magafin de la Compagnie, avec fa charrete & fes boeufs, les grains provenant de Ia Dixme, nets, criblés & fecs; & pour cecharroi, on ne lui donne feulement pas un verre d'eau pour fa pcine. Qu'on fe reprefente donc un Colon partjr de 1'extrémité de 1'Etabliilèment, avec fes boeufs & fa charrete, traverfer un pays qui manque degrandes routes battues & commodes, a foixante, ou quatre vingts lieues de diftance du terme oü il doit arriver; qu'on fe reprefente ce malheureux expofé pendant plufieurs jours, a 1'intempérie du climat, ou trop chaud, ou pluvieux, ala difiiculté des chemins raboteux & ferrés, aux frais d'un long voyage, a la perte de fa charrete, de fes boeufs & de fa fanté; dira - t - on que c'eft un Colon- llbre du Cap, en le voyant dans cet état? Non, on dira, que c'eft un Efclave qui remplit une des taches les plus dificilles de fon état; on dira au moins, que c'eft un ValTal d'un Seigneur le plus intraitable, le plus dur. J'indiquerai dans le troifieme chapitre, un moyen plus commode pourle Colon, de payer cette dixme, & auffifur pour ia Compagnie, pour qu'elle nepuüTe pas être trompée, ni  »i par le Colon, ni par fes Agens; ce. qui efl: au moifif aufli important pour elle \ que tout le rede. Cette dixme, parraport a fa trop grande étendue, efl: k certains égards injufte. Le Colon a été aflujetti aucrefois k payer cette dixme fur les grains qu'il doit referver pour le femence, & pour la nourriture de toute fa maifon: il efl: vrai qu'il ne la paye plus , paree qu'il refufe de s'y fóumettre; il me parait fondé. Les grains qui lui reftent i pour i ces ufages néceflaires , ne font pas un objet de revenu pour lui, ce n'efl: pas ün profit clair du produit de fes terres; ces grains ne font qu'un moyen de profit pour la récolte prochaine; c'efl: un dépot que fon champ lui confie, pour le lui en remettre une partie au tems de la femence, & pour avec 1'autre partie, alimenter fes domefliques qui travaillent & cultivent ce champ. 11 ne ferait pas plus injufte, ce me femble, d'obliger le Colon k lfvrer k la Compagnie, le dixieme boeuf, la dixieme charme, la dixieme charrete, & le dixieme efclave qu'il employé tous les ans k la culture de fes terres; le grain de la femence, & celui deftiné pour la nourriture de fon domeftique, ne font I 2 pour  ( 13* ) pour lui que des fimples raoyens d'aifance, ou de richefle, comme fes boeufs, fes charretes, fescharrues & fes Efclaves. Suppofons que la récolce fut fi modique, qu'elle ne produifit que les grains néceflaires pour la femence prochaine & pour la dépenfe ordinaire de Ia maifon du Colon; dans ce cas, qui peut arriver plus d'une fois, le Colon obligé d'en payer la dixme h la Compagnie , fera aufli obligé de la réacheter pour enfemencer fes terres & pour nourrir fes domeftiques; cela efl-il jufte? cela efl - ii naturel ? La maniere dont le Colon paye cette dixme, lorsqu'il efl: arrivé au Magafin de la Compagnie, efl: encore trés-onéreufe pour lui. II y arrivé avec fa quote - & - part des grains qu'il doit fournir cette année a la Compagnie a un prix fixe. Sur dix facs de grain qu'il livre, la Compagnie ne lui en paye que neuf, le dixieme faceft retenu pour lepayement de la dixme: après bien de petites cérémonies & des longueurs, le Colon recoit enfin une aflignation fur le Caiflier de la Compagnie, pour recevoir fon argent; & ce Caiflief lui retient £ pr. ct. pour la peine qu'il prend de conter la fomme: le Colon avait du payer aupavarant 18 fols au coraptoir, oüil avait été chercher fon aflignation. C'efl- en*  C J33 ) encore ici une autre injuftice; ce rabais efl oppreflif pour le Colon: un maitre doit payer fon tréforier, ou fonCaiffier; car de cette facon le Colon ne ra porte chez - lui, que trés - peu d'argent du provenu de fa charge, de bied; plus fa plantation eft éloignée de la ville du Cap, & moins il a de quite. Son voyage pour aller, fon fejour au Cap avant d'étre expédié, & fon retour chez lui, lui coutent beaucoup, tant pour fa nourriture, que pour celle des domeftiques qu'il même avec lui & pour celle des boeufs qu'il employé au charroi; fans compter, qu'ordinairement il lui en coute la perte de fes charretes qui s'ufent presque totalement dans le trajêt, contre des pierres aigues & tranchantes, dont tous les mauvais chemins de la ville, aux habitationsles plus éloignées font parfémés. Une charrete en état de rouler & de fervir, coute au Colon, au moins 170 Ryksdaalders. Quant a ce que j'appelle accife, il faut remarquer que le terme eft un peu impropre , mais 1'effet en eft précifément le même. La Compagnie afferme tous les ans, le privilége de vendre en détail, les vins du Cap, a un Fermier général, & le privilége de vendre toutes fortes de boiifons fortes fpécifiées ci-deflus, a quatre I 3 Par  C 134 ) particuliers; ce privilége eft exclufif pour tous les autres bourgeois. II eftaifé de comprendre , que ce fermier général & ces quatre fous-fermiers généraux des boiiïbns font la loi, foit au propriétaire qui leur vent en gros , foit au particulier qui achete chezeux en détail. Ainfi c'eft une véritable accife , impofée & fur celui qui livre au fermier de la Companie, & fur celui qui achete de lui ; elle eft en quelque facon arbitraire. Ces fermiers ne pouvant pas avoir de concurrants, ni pour 1'achat, ni pour le débit, font a peu prés tout ce qu'il leur plait: D'ailleurs ils préparent les boiftbns comme bon leur femble , les mêlent , les falfifient, les décériorent & les arrangent a leur fantaifie; car ils doivent retrouver beaucoup au déla du montant de la fomme qu'ils payent au Gouvernement pour leur privilége exclufif. 11 eft vrai que le Colon propriétaire peut vendre fon vin aux particuliers , pourvu qu'il le vende en gros & pas moins de deux ancres , fous peine d'une amande de mille florins. Mais 1'accife eft exorbitante dans ce cas, elle eft, comme je Pai dit dans la table i&simfo:sN°. 9.de9 fi.pour chaquetonneau payables ala  C 135 ) ala Compagnie. II arrivé quelque fois, que le tonneaune vaucque ioRyksd.(lesfeizeancres)c'eft-adire .qu'il doit payer d'impot 3 Ryksd. partonneau, lors même que le vin n'en vaut que 10. On doit entendre ici le vin ordinaire ; carlesvins fuperieursen qualité, fe vendent bien plus cher, mais ce lont ceux-la què la Compagnie achete , pour les envois a faire a Batavia, pour les approvifionements des navires & autres ufages du Gouvernement. Laperception des io"me 20 ^c & 40*™- denier, fur le prix des ventes des maifons & biens-fonds efl: exorbitante , fur tout celle du io=n>=- denier, dans un pays, oü le propriétaire eft figêné pour faire valoir fon bien-fonds & oü la main d'oeuvre eft fi chere. Ondoit confidérer,quela culture des terres y devient prodigieufement difpendieufe , par Ia cherté des outils du labourage & la cherté des efclaves qu'on employé a tous les ouvrages penibles. On doit furtout obferver, que 1'abondance extraordinaire de la recolte nuit, plus qu'elle ne pronte au cultivateur, parecque le prix des denrées en devient plus bas & qu'après qu'il a fatisfait aux demandes de la Compagnie pour fa livraifon paiticuliere, toujours fixée a un prixmoI 4 dique ,  C 136 ) dique , le furplus lui devient a charge, par la de* fence rigoureufe qu'on lui fait de le vendre aux étrangers. Enfin le droit fur les papiers timbrés efl; énorme5 cet impot raporte confidérablement, paree que le moindre accord public doit fe faire par devant les Notaires de la Compagnie feulement, chargés du timbre du papier. Je dirai un mot ailleurs de cette contrainte. Un des principaux motifs qui ont engagé les Colons Anglo- Américains a fe revolter contre 1'Angleterre , a été 1'impot du timbre que le Gouvernement Anglais voulait exiger deux, avec une rigeur a peu prés femblable a celle du Gouvernement du Cap. La Compagnie des Indes- Orientales doit faire une attention particuliére a cetarticle. II refuke de ce tableau, que quoique les differents impotsquej'y aiexpofés, foientautorifés par les EtatsGénéraux, leur perception en efl; au moins abulive & Jéfive, dans la maniere d'en faire la lévée. SECOND TABLEAU. ExaQiom, excès & cruautés du Gouvernement, en général, & des Agens particuliers de la Compagnie,  C 137 ) i gnie, voilk ce que je vais raporter avec quelque detail. II importe, que la Compagnie en foit inftruite en Europe, fi elle ne Telt déjamais furtout il eft abfolument néceflaire que le Souverain ne les ignore pas, pour qu'il puifie y remedier a tems, ou forcer la Compagnie a y remedier elle-même; il n'eft pas inutile, , que le public foit aufli un peu au fait de tout ce qui fe paffe au Cap , affinque , s'il arrivé, que la Colonie i cherche a fe faire juftice elle - même, ce même public : ne condamne pas une infurreftion que les Agens de ! la Compagnie au Cap aur'ont provoquée & rendu inévitable. Lorfque Riebeek diftribua aux Colons les terres' qu'il leur donna h déffricher , il leur donna ces terres en pure propriété & fans aucune redevance : annüelle a la Compagnie; aujourd'hui, outre la dixme dont j'ai parlé , a laquelle ces terres furent aflujetties par Ie Souverain , le Gouvernement les a mifes fous la Loi féodale, & il exige pour chaque i champ cultivé, ou pour chaque prairie & paturage, ü4 Ryksd. paran, que lelaboureur doit lui payer. On doit remarquer que le premier abus de cette redevance injufte , avait étéfeulement portéa 12 Ryksdaalders: I 5 le tü-  C 138 ) le fecond progrés qu'on a fait dans cette augmentation eft doublé du premier; & il ne ferait pas furprenant,que le troifiéme en fut encore doublé, outriple. Eft - ce donc ainfi, que la Compagnie exécute ponctuellement les conditions du contract focial qu'elle pafla avec les premiers Colons qui furent ménés au Cap par Rieebek! Defque l'EtablilTement fut porté a un point de culture reguliere, & qu'on peut juger avec quelque précifion du revenu 6c du produit ordinaire des champscultivés, on fixa le prix des denrées, pour que la Compagnie & le Colon puffent égallement trouver leur compte, la première en achetant fes provifions, & le fecond en les vendant. Le prix du fac de bied fut fixé 9 florins argent du Cap. (f) Le vin blanc ordL naire fut fixé a 40 Ryksdaalders letonneau; les autres denrées a proportion. La Compagnie, oules Agens au Cap trouverent bientöt aprés ces prix trop hauts & fe plaignirent; le Général Imhof palfant au Cap comme Commiflaire viiiteur de la Compagnie, ayant con- (ƒ) Le florin ne vaut auC?p que iöfolsdeHollande, ce qui fait les quatre cinquiemes du florin de Hollande.  C 139 ) conféré avec les bourgeois & les Heemraades fur cette matiere , car dans ce tems, on les confultait encore , le prix du froment, fut fixé k 8 florins, le fac, & le vin blanc k 30 Ryksdaalders. Cet arrangement fait k 1'amiable , & qu'on crut definitif, fut accepté & les Colons s'en contenterent,' paree que le Commiflaire leur promit, que la Compagnie leur acheterait tout le furpius des denrées qu'ils auraient k vendre. Sous cette condition , la feule qui fur^aventageufe aux Colons, ils profpérerent pendant quelques années; cette profpérité offufqua le Gouvernement; il s'occupa k la retteindre & k 1'arrêter. II ne s'y prit pas ouvertement k la vérité, peut- étre dans ces tems en auraitil eu quelque honte ; mais par des tours de foupleflê trop connus & trop ufités chez les Mimftres qui ne fe croient k la tête de FAdminiflxation ,que pour ruiner le fujet & s'enrichir aux depensdela fueurdu laboureur & de 1'artifan, le Gouvernement du Cap trouva le moyen de faire rétluer les denrées. de toute forte dans la Colonie, au point que le cultivateur s'en voyak embarafie. Une récolte des plus abondantes en 1757, fervit k point nommé le Gouvernement du Cap, & favorifa fes vues d'ufure & d'oppreflion. Le Colon fe vit  C i4o ) fe vit forcé de vendre fon froment a raifon de 8 Ryksdaalders la charge ; cette charge efl; compofée de 10 facs , ce qui ne revient pas a 3 florins le fac ; la diminution eft donc fur le dernier prix fixé, de plus de 5 florins par fac. Le vin fut vendu pour 8 Ryksdaalders le tonneau; fi 1'on retrandie 3 Ryksdaalders , fur 8 par tonneau de vin, que le Colon devait payer a la Compagnie en forme de rédevance fur cette denrée, que refte-til pour le Colon? Prefque rien. Si 1'on fait attention, que le Colon eft aflujetti de livrer franco , toutes fes denrées dans les magafins de la Compagnie , ou aux vaiflèaux étrangers auxquels il en vend de tems en tems, & furtout en tems de guerre, quoique avec une certaine gêne , & contre 1'intention formelle de la Compagnie , on conclura avec raifon, que le Colon ne travaille que pour la Compagnie; furtout en tems de paix, tems au quel il eft abfolument gêné. On comprend, que les Colons murmuraient, & on comprend aufli, qu'ils avaient raifon. Le Gouvernement leur ouvritun débouché pourfe defaire du furplu* de leurs denrées; mais cet acte même de juftice, ne fervait qu'a couvrir un acte de la plus grande injuflice. La  C 141 ) I La Compagnie s'obligea i acheter des Colons quel1 ques milles charges de froment pour envoyer en Eu: rope, a condition que la charge fe vendrait feulement 18 Ryksdaalders, & que la charge du froment, qu'on 1 envoyait a Batavia fe vendrait 24 Ryksdaalders. On j pourrait demander premierement pourquoi la CompaI gnie ne tient plus 1'accord fait par le Commiflaire , Im hof , & pourquoi elle n'achete plus tout le furplus * 1 des denrées du Colon, comme elle s'y était engagée, & encore pourquoi elle fait un accord nouveau fur le prix de la charge du froment, au préjudice du Colon? On pourrait demander en fecond lieu, pourquoi cette difference d'un quart , dans le prix d'une même denrée , dont la qualité & la quantité font parfaitement i égalles, & dont la livraifon fe fait égallement fans i fraix du coté de la Compagnie, puifque le froment deftiné pout 1'Europe, & celui deftiné pour Batavia doit étre rendu par le Colon, franco, dans les magafms de la Compagnie ? C'efl: aux Agens de la Compagnie a nous expliquer cette énigme: ils pourraient facilement le faire , s'ils voulaient, mais je doute qu'ils ofaflènt le faire. Le but évident de ce débou1 ché ouvert aux Colpns pour fe deffaire d'une partie de leur  C 142 3 de leur froment, eft 1®. pour leur oter le moyen de s'en deffaire a un plus haut prix avec les étrangers ; 2°. pour avoir le moyen de percevoir une dixme plus forte que le Gouvernement ne la percoit, lorfque le froment refte invendu & que la Compagnie nejuge pas a propos d'en faire 1'empléte en entier; car du total de la livraifon , foit pour 1'Europe, foit pour Batavia, la Compagnie ne paye que les neuf dixiemes; c'eft-a-dire fur dix facs, elle n'en paye que neuf. Voila une injuftice criante fans doute ; car le Colon ne pourrait pas livrer fans perte, même dans fon propre grenier, la charge du froment, a 8 Ryksdaalders; ainfi on Ie force a un accroiflèment de perte én 1'obligeant au charroi gratis de cette denrée. La perte qu'il fait fur les autres denrées ellen proportion de celle qu'il fait fur le froment & furie vin. Le laboureur eft obligé d'acheter dans les magafins de la Compagnie, tout ce dont il a befoin pour cultiver & faire valoir fes terres. 11 payait ordinairementles 500 tb de fer, 5 Ryksd. aprefent il doit les payer 8 Ryksd. II ne devait payer le chapeau de charbon-de-terre, que 13 Ryksd; il doit Ie payer 18 Ryksd. Les douves pour la vaiflèlle vinaire qui fepay-  ^ H3 } fe payaient dans lecommencement, 18 Ryksd. lecent, ce payent aétuellement jufqu'a 50 Ryksd. & ainfi a proportion de tout ce qu'il eft obligé de fe fournir & de prendre abfolument dans les magafins de la Compagnie. Ainfi d'un coté, le prix de ce qu'il vent a laCompagnie , eft prodigieufement bailfé, & le prix de ce qu'il achete k la Compagnie, eft prodigieufement haüiTé. Le monopole de la Compagnie peut-il étre plus oppreffif pour le Colon ? Mais, je dis mal, ce n'eit pas le monopole de la Compagnie , car elle y perd confidécablement; c'eft le monopole des Agens de la Compagnie, au Cap; puifque ce font les Agens feulsqui s'enrichiflènt aux dépens du Colon, & aux dépens de la Compagnie. : Le cultivateur eft pourtant obligé k des frais irnmenfes; car un efclave en état de travailler la terre, lui coute aumoins 300 Ryksd. Une charette ordinaire avec tout fon attirail, lui revient a 170 Ryksd. Une charme k 50 Ryksd. & ainfi a proportion des autres outils ferrés & non ferrés abfolument néceflaires k la culture des terres. Oui, je le repete, la condition du Colon du Cap eft déplorable en tems de paix ; en ,tems de guerre il 1'améliore un peu , paree qu'alors ona  C H4 ) on a befoin de le ménager & de lui permettre un commerce de fes denrées avec les étrangers amis du Gouvernement & del'Etat. Qu'eft-il arrivé de cette oppreflion dans la quelle, le petit bourgeois de la Ville du Cap & le Colon du plat pays vivent fous un Gouvernement qui de jour en jour devient plus intollérable ? Le voici, le malheur n'efl: pas équivoque. La Colonie du Cap s'eft dépeuplée par 1'émigration d'un nombre confidérable de pauvres habitans qui ont pris le parti d'en fortir, paree qu'ils ne pouvaient pas y vivre; te nombre des maifons aétuellement inhabitées au Cap prouve cette trifte vérité. D'autres habitans de la ville ont pris le parti de s'aflbcier enfemble & de prendre une feule maifon 'pour fervir de demeure a plufieures families qui y vivent miferablement enfemble, fous le même toit. Pourquoi? Paree que tout efpèce de trafiq avec les étrangers étant abfolument deffendu dans toute 1'etendue de 1'Etabliffement , paree que le petit commerce intérieur étant furchargé de tant de reftriclions, & que la Compagnie ayant jugé a propos d'en affer'mer le privilége exclufif a quelque peu d'habitans favorifés, il fuit de la,que toute refourcede gagner fa vie  C 145 ) i vié avec tin peu d'avantage eft coupëe k la plupart de i éeux qui ne peuvent vivre que de leur induftrie, h'ayant I pas des rentes póur obvier aux dépènfes du ménage. La fermier général du vin, & les fermiers générauX i des boiflons fortes ne permettent ailx particuliers dé Iléver des cabarets bour y révendre en détail, lesvins i& les liqueurs que ceux ci leur vendent k parcelles, i qu'au moyen d'une rétribution confidérable qui rend i ces boilfons fort cheres. Ils doivent payer ordinaireIment de 8k 10Ryksd, deuxancres de vin, quand les 1 feize ancrescoutent chez le vignerön, de 20 k 25 Ryksd. Les bourgeois & Colons qui ont des envois en argent Èa faire en Europe , doivent remettre leurs fommes 1 dans la caiflè de la Compagnie, & pour cette remife, [payer i°. k la Compagnie, 6 |pr. ct. 20. AuCaiflier, j Ipr. ct. Ce droit de commiflion eft certainementexcésIfif. Encore n'efl-ce pas le feul inconvenient k foufifrir. Celui a qui 1'envoi de 1'argent eft fait , doit aattendre que la Compagnie ait le tems de le lui recmëttre , & fi la fomme efl; un peu confidérable , la (Compagnie ne rembourfequ'a termes; il eftvrai,que {par förme de compen fation, elle paye un intérêt modisque pour tous les termes rétardès. K Les  ( i4<* ) Les bourgsois qui veulent faire tuer pour leur provffbn , du falage , doivent payer a la Compagnie, i fol par mouton & 6 fols par vache. Cet impot qui ne parait que peu de chpfe , efl: pounant confidérable ; car les ménages dans cette Colonie font trésnombreux h caufe de la fecondité prodigieufe desfemmes & de la quantité des efclaves dont on efl; obligé de fe fervir pour le travail; ce qui force sr faire de trés-grandes provifions. En 1752 , par un P'lacard émané de la grande Régence des Indes, tous les habitans, Colonsck bourgeois furent furcement priés, fous preftation folemnelle de ferment, de faire une jufle évalaation de leur effets, meubles , bijoux , &c. tant leur apparnant en propre, qua leurs femmes & enfants, fur le pied indiqué par le Placard même & de payer en forme de don gratuit; mais évidemtaent forcé , le 5oeme- denier. Pour la conftruélion d'un Mole au fonds de la Baye du Cap, affin que les vaiflèaux de la Compagnie pus» fent y étre a 1'ancre en fureté pendant 1'hyver, les bourgeois libres du Cap furent contraints a une corvee ignominieufe & très-chere; c'eft-a-dire qu'ils furent  C 147 ) furent forcés d'envoyer leurs efclaves pour y travailJer , ou de payer en argent\ a proportion du nombre de leurs efclaves. Cet aiTujetilfement ignominieux prouverait tout feul, que la Compagnie n'a plus d'égard aux immunités & aux priviléges des Colons du Cap. Le caraclére le plus marqué & le plus diftinctif d'un vaffal efl: fans doute 1'obligation aux corvées h Tégard de fon Seigneur. En 1762 , on obligea aufli les bourgeois a une autre corvée de la même nature, pour faire une nouvelle efplanade qui ne fert que de pur agrément; & dont il n'y a gueres que Mrs. les défoeuvrés de la Compagnie qui en profitent. En 1774, il fut queftion de faire un nouveau cheminqui oonduit dépuis le Fort, jufqu'au Bois-Roni CtRond-Bosja) , ou pour parler plus exaéteraent, depuis le cliateau, aux jolies maifons de plaifance , du Gouverneur, & du Second, (fous'Gouverneur.") Ce chemin eouta, tant aux habitans de la ville du Cap, qu'aux Colons de la Compagnie, au dela de 60,000 florins; & cela pour 1'ufage journalier des deux premiers membres du Gouyernemen.t. Inutilement on eher.chera.it aujourd'hui la précieufe liberté accordée K a au&  C 143 ) aux Colons par Riebeek, les traces en font même éffacées; cette liberté efl: enfevelie dans lesfondementsdê -tous ces ouvrages publiés faits par corvée. Ce n'efl: pas tout,ce dernier chemin public doit étreentretenu, & pour fournir a fon entretien , 1'impot fur les maifons, a été doublé , & il y a apparence que c'efl: pour toujours. Le maitre des ventes publiques a aufli , en qualité d'Agent de la Compagnie, portionau gateau. Son 'droit particulier eft 2§ pr. ct. pour les biens-fonds vendus a 1'encan , & pour les meubles, 5 pr. ct. Outre ces impots, corvées & redevances, les bourgeois font aflujettis a des impots particuliers , lévés par les Burgerraden, pour 1'entretien de la Colonie fpécialement; c'eft-a-dire, pour lesponts, chemins publics, égouts, Maifon-de-ville, &c. Mais ceuxci font naturels & juftes; c'eft des impofitions injuftes & oppreflives, qu'on fe plaint; & celles-ci rendent les autres impots a charge & difficiles a payer. Quand aux Colons que la mifére a forcés d'abanf donner leur petit établilfement, leur état eft encore plus déplorable. Ils ont pris le trifte parti de fe retirer très-loin de la Capitale, fur un pays monta- gneux7  C H9 ) gneux , & de s'y occuper de la trifte relTource d'y faire pacager du betail a corne & a - laine, pour avoir du beurre donc ils puiiTent faire quelque profit. Leur nombre augmencanc, par un accroiflèment rapide de familie, ou par d'autres miférables Colons qui viennent les y joindre, ils ont été obligés de fe difperfer ca & la ; car tous les diftriéts ne font pas égallement bons pour le paturage. Quelques - uns d'entre eux y font du favon. Cette reflburce ne les aide pas beaucoup; voici pourquoi. Lorfqu'ils ont a vendre une certaine quantité de beurre & de favon , ils partent de leur défert pour venir au Cap avec une modique charge. Vu la longeur du voyage, qui dure environ un mois & demi ; vu la difficulté des chemins & le paflage difficile des rivieres qu'ils rencontrent, vu enfin la petitcfle de leu'r charette , ils ne peuvent fe charger tout au plus que de 1000 livres de beurre & d'environ 500 livres de favon ; voila leur charge. Ce voyage, ils ne peuvent le faire, qu'une ou deux fois tous las ans. Quel efl: le revenu qui leur en provient ? II efl: trèsmodique. Arrivés au Cap, & la vente faite , il leur revient communement de toute leur charge ico Ryksd. Sur ces 100 Ryksd, ils doivent en payer K 3 48 a  ( i5o ) 48 k la Compagnie potar le louage dc dens pkces , car ils ne peuvent fe paflèr d'en avoir une pour 1'été 3È une pour 1'hyver, fi dumoins ils veulent faire uné provifion de icco livres de beurre. Les 5a Ryksd. qui leur retfent, avec les petits profits qu'ils peuvent faire fur leur bétail , doivent fournir a leur entretien, car bien, ou mal ils doivent être couverts. La plupart ne peuvent pas manger du pain , & doivent entierement fe nourrir de laitage & de viande ; le peu de bied qu'ils récoltent, ils doivent le troquer contre du bétail dont ils ont befoin. 11 y a de ces payfans fi pauvres , qu'érant dangereux de fe feparer & de s'cloigner les uns des autres , dans des déferts, oü ;J.s fout nétucilement obligés a fe deftendre contre les ani-naux carnaciers de toute efpéce qui attaquent leur bétail , & contre les Hottentots qui font fur leurs arrieres & qui les pilfent quand ils peuvent, ces pa vres payfans,dis- je, font obligés de fe retirer plufieures families enfemble dans la même cabane. Aufii la plupart des jeunes gens, qui manquent des moyens pour s'etablir en leur particulier , ne fe marient pas; quelquesuns de tems en tems, s'ehfuient chez les Hottentots leurs voifiris, fe mêlent parmi  ( i5i ) eux, & y procréent une génération mixte qui, avec le tems , devieadra pire que la race des Hottentots même. Cette race qui participera du fang Europeen , & du fang fauvage Affricain , réunira le courage & k refleérion des Européens , k la férocité & k 1'indifcipline des Hottentots , & fe rendra rédoutable avec le tems, ft un Peuple qu'elle méconnaitra pour lui avoir donné ia moidé de fon origine ; elle oubliera, que les Européens étabiis dans cette contrée , font -fes demi freres ; la partie la plus noble du fang qui coulera dans les veines de ces Européens- Hottentots, ne fervira, qu'k donner plus de chaleur k I'autre partie de ce fang tout k fait Hottentot ; oui la Compagnie , doit y faire une attention parriculiere , cette race pourrait bien un jour fe venger des torts faits k fes peres Européens & Hottentots, 6c chafTer les Colons aftuels de leurs établilfements, pour fe mettre plus k lYife. D ne faut pour cela qu'un chef capable de fermeté & de réfolution. Serait-il donc fi extraordinatre, que ce fang mêlé en fournit un, un jour, ou autre ? Amon avis, il ferait bien plus extraordinaire que cela ne fut pas. Ce Chef, fi jamais il exifte, n'aura pas de la peine ft rafièmbler fous fa baniere K 4 t0Ut£S  C 152 ) toutes ces differentes families des Hottentots chaffees de leurs fertilles habitations , il pourra alors innonder cepays, d'un peuple nombreux,excité par lavangeance & par le pillage ; il pourra facillement faire fouléver les efclaves qui ne demanderont pas mieux que de s'afranchir du joug de leurs maitres ; en un mot, il pourra tout ce qu'il voudra. Je fais que les Colons auront peut-étre au commencement 1'avantage des armes a feu contre eux, mais enfin ils feront obligés de fuccomber, accablés par le plus grand nombre. Ils tomberont dans les piéges que ceux-ci leur tendront & y feront égorgésen détail, d'autant mieux que les habitations, dansles diftricïs les plus éloignés, font écartées a une diftance d'une , ou de deux heures , les unes des autres. II eft certain dumoins, que , fi cette race ne peut pas parvenir a expulfer les Colons acluels, elle réuffira a leur caufer ces domages dans les plantations, qui opéreront leur ruine totale & qui les obligeront alesabandonner. Les irruptions qu'elle fera , quand elle aura atteint un accroifTemenr refpeétable , feront plus dangéreufes, qu'elles ne le font actuellement, paree qu'elles feront mieux conduites, mieux réfiechies, & mieux  C 153 ) & mieux foucenues. Encore un coup , la Compagnie doit y penfer : un homme de bon fens ne faurait me traiter avec raifon de vifionaire. Revenons aux Colons, &aleurmifére. Lorfque le Gouvernement ferme les yeux fur le commerce que les Colons font avec les navires étrangers , ce qui arrivé particulierement en tems de guerre , Ie Colon efl: obligé de payer k la Compagnie 3 Ryksd. par tonneau de vin, & 5 Ryksd. de plus au fermier général de cette ferme particuliére, ce qui fait un impot de 8 Ryksd. par tonneau de vin , qui outrepafle le fort Fort, pour étre rendu aux vaiflèaux auxquels il doit étre porté. II fuit de Ia , que cette ferme particuliére rend a la Compagnie, dans le tems, oü le Gouvernement permet ce commerce , au dèla pe 25 a 30,000 florins; quoique fouvent elle n'en donne que 12,000. II efl: vrai qu'en tems de guerre, ce gros impot efl: plus fuportablepour le Colon, paree qu'il a plus de débit, & qu'il vent plus cher, comme dans cette guerre aótuelle, pendant laquelle, ce commerce efl: fait fans contrainte; mais la guerre finie , 1'impot de 8 Ryksd. par tonneau , efl: exorbitant. Cependanc le Colon s'y foumet, parecque K 5 laCom-  C !54 ) h Compagnie ne lui prenant qu'une quantité de vfk modique , le fuperflus l'embarraiïè, & qu'il vaut mieux qu'il en retire quelque chofe que d'étre obligé de le jetter, comme il y a été obligé quelque fois. Le commerce des comeftibles avec les vaiflèaux étrangers, n'efl: pas fujet a uné ferme générale, comme celui du vin ; il devrait étre libre comme je Fai dit, en ckant FOrdonnance du 30 oclobre 1706. Art. ia. Mais malgré cette Ordonnance & le droit pritnitif des Colons, la Compagnie a jugé a propos de le deffendre rigoureufement. Cependant ce commerce fe fait de tems en tems, & fur tout en tems de guerre : Mais non fans être aflujettia un impot, qu'il a plu au Fifcal indépendant d'y mettre, en vertu de fan pouvoir illimité , ou du moins non fubordonné a celui du Gouverneur. Le bourgeois du Cap, ou ie Colon qui vciu faire ce commerce très-licite de fa nature , & trés-illicite en'même tems par le Despotifme de la Compagnie, s'adreffèau Fifcal; celuici lui en donne la permiflion , a condition qu'il lui payera, pour chaque loolb de farine, pour chaque icofe de bifcuit, pour chaque ioolb de lart , & pour chaque fac de bied qu'il vendra & livrera aux  C *55 ) aux vaiflèaux étrangers, un florin, argent du Cap, pour chacun dc ces articles. Par cet arrangement & cette condéfcendence du Fifcal, cet Agent fe fait un reve^ nu illégicime aflcz confidérable tous les ans, car il eft aifé de comprendre qu'il ne fe fait pas tirer 1'oreille pouraccorder de telles permiffions, non plus, que pour en accorder bien d'autres, qui pour en étre plus clandeftines, n'enfont que plus opprefiives pour le Colon & plus lucratives pour lui. De cette facon , cette farine , ce bifcuit, ce lart, & ce bied qui n'ont pas payé la dixme a la Compagnie , la payent a Mr. le Fifcal indépendant, fur un pied plus baut, qu'ils ne lapayeraient a la Compagnie, fi ce bied était tranfponé dans fes magafins , comme il devrait 1'étre, par 1'accord que la Compagnie a fait avec le Colon de lui acheter tous le furplus de fes denrées. Le Gouvernement s'excufe, au nom de la Compagnie, de remplir cette obligation contraétée par elle, fur ce que la Compagnie s'en trouverait furchargée & n'en pourrait pas trouver le débit. II y a bien des chofes a dire fur cette excufe. Mais en fuppofant qu'elle foit bonne, le manque de ce débit, a qui doit-il étre attribué, partjculiereraent pour les vins? Saris  C 156 ) Sans difïïculté a la Compagnie elle - même, II efl: vrai qu'on s'eft dégouté k Batavia des vins du Cap, paree qu'on les y porte altércs, quelque fois gatés, & presque toujours mal faifants; mais eft-ce les Colons qui livrent k la Compagnie, leurs vins gatés & altérés: non certainement; les Commis des Magafins de la Compagnie les gatent, en les mêlant fans diftinéiion, en les entaflant les uns fur les autres, en les fouffrant extraordinairement, & en un mot en ne les foignant pas comme ils doivent 1'étre; car rien de fi facile k fe gater que le vin, il s'échaufle facillenient, il fe trouble & s'aigrit plus facilement encore; les barriques, fur tout des vins nouveaux, doivent étre entretenues pleines, paree qu'elles perdent beaucoup de vin par la fermentation. C'eft donc paria négligeance Scl'inhabilité peut-être du Maitre de cave, que les vins du Cap perdent de leur -qualité dans les magafins. La preuve en eft irréfragable. Les Étrangers qui achetent le vin directement du Colon, ne font pas difficuké d'en donner jusqu'a 60 & 70 Ryksdal. du tonneau, que la Compagnie eft fenfée acheter k 40 Ryksd. & dont cependanc elle ne paye que 27 Ryksd. Eficétiyement quoique le Colon foit  ( 157 ) fok obligé de donner quitance de 40, les 3 Ryksd. que la Compagnie retient pour fon droit fur le,s vins, & les ) o que Mr. le Gouverneur s\pproprie font en pure perte pour le vendeur. Si les vins du Cap étaient mauvais de leur nature & fujets a fe gater, les Étrangers s'emprelferaient-ils d'en faire leur provifion? Les bleds tropsentaifés dans les greniers, s'echauffenc aufli, le papillons'y met & les ronge, quand on n'a pas le foin ailidu de donner de 1'air aux greniers & de remuer de tems en tems, les piles de froment, ou même de les transporter d'une place a une autre,.ne fut-ce qu'a quatre, ou cinq piés de diftance. Si Ia Compagnie faifait porrer un foin attentif dans les Magafins, ou pour mieux dire fi fes prépofés y veillaient feigneufement, les denrées s'y conferveraient parfaitement, & elle en trouverait toujours un débit aiTuré, avec un profit confidérable qui la tnettrait dans le cas de tout acheter au Colon; celui-ci fe trouverait par la, en état de tirer un revenu honnête de fa plantation. Deplus,voici un autre grand defaut, c'eft que la Compagnie ne veut. pas recevoir le bied des payfans dans le tems qui convient leplus aux Colons de le transporter au Cap , pendant que les boeufs font en-  C iS8 ) «ncoreen état de fupporter cette facigue, & que les payfans peuvent donner, k leurs boeufs le repos nécelTaire pour reprendre leur travail , a la faifon du labourage prochain. Mais il femble, que la Compagnie fe plaife k tenir le Colon dans la mifere, & a borner exttaordinairement fa fortune: un homme de bon fens k de la peine k comprendre la fin de cette politiquc cruelle. II eft pourtant vrai, qu'elle envoye des ordres furmels au Gouverneur, & aux Fifcaux indépendans pour tenir le Colon & le bourgeois dans une médiocriré & dans une gêne qui les font murmurer avec raifon. Tous 'les Gouverneurs du Cap, n'ont pas eu la même franchife & la même humanité que Mr. Tolbac; la même franchife que lui, pour déclarer aux Colons, que s'ils étaient opprimcs, ce n'était pas fa faute, mais celle de la Compagnie dont il était obligé de fuivre les ordres pofiufs; & la même humanité, pour prendre fur lui de s'en écarter en partie, lorsque ces ordres étaient de nature b reduire le Colon & le bourgeois k la dernierc extremité. L'éloge de ce Gouverneur bien - faifint & humain k été fait par un maitrej le leéteur verra avec plaifir, que je lui préfent* en- f  C *59 ) encore Ie portrait de Tolbac, peint par Mr Labhé Raynal; levoici; „ Cec homme généreux a montré „ durant la derniere guerre, une humanicé un de„ fintéreiTement donc aucun de fes prédécelTeurs, ne „ lui avaic laifle 1'exempie. Aftèz éclairé pour s'élé„ ver au defltis du préjugé, afiez ferme pour s'écar„ ter des ordres abfurdes qu'il recevait, il a encou„ ragé les Nations qui tachaient de fe fupplancer, k „ venir charcher des fubfiftances dans fa Colonie; elles les obtenaienc a un prix aiTez modéré pour ne „ pas fe rebuter & aflez forc cependanc pour donner „ de 1'aétivicé au culcivaceur. Puifle ce fage adminif, ftraceur jouir longtems de la douce fatisfaction d'a„ voir fait la forcune de fes concitoyens & de la gloire f, d'avoir négligé la fiene. (g) Les fouhaits de Mr. 1'Abbé Raynal n'ont pas été encore accomplis. Pour achever 1'éloge de Mr. Tolbac, j'y ajouterai un trait, qui n'eft pas public & la vérité, mais qui n'en eft ni moins vrai, ni moins ho- (g) Hiftoire phil. & politique du com. &c. T. i. p.2C2j Edit. dc Maftricht 1775.  honoraWe a Ia mêmoire de ce-'fage A ?mini(trateutv Un bourgeois du Cap nommé Tenhoutcn, homme trésaifé d'ailleurs, fut un jour chez le Gouverneur, pour le pricr de lui faire acheter par Ia Compagnie, une partie des denrées qui furchargeaienc fes greniers, affin d'avoir un peu d'argent comptant dont il manquait pour des réparations préffentes & indifpenfables; La Compagnie ma abfolument deffendu , répondit Tolbac, de rien faire acheter pour fon compte aux bourgeois & aux Colons; jai des ordres précis /i deffus ; parceque la Compagnie efl déja pourvue ; mais en attendant que fen regoive de plus conflitutionels & de plusjuftes; voilaun fac de 3000 florins, acceptez-le &fervez vous- en. Ce trait de la vie privée de Tolbac , annonce , un coeur droit , compatiilant & généreux. Ces fortes d'hommes ne devraient jamais mourir; paree qu'ils ne font prefque jamais remplacés. La Colonie du Cap perdit tout, en le perdant; elle le pleura comme fon Pere, & le fucceffeur de Mr. Tolbac, a prodigieufement augmenté les regrets des Colons , qui fe fouvienent encore avec attendrilfement, de leur protefteur & de leur ami : ils n'ont pas oublié les dernieres paroles de ce  C 161 ) de ce bon Pere, elles font rémarquables •, étendu fur le lit de mort & prêt a rendre fon arae pure entre les mains de fon Dieu, il die a ceux qui 1'entouraient & qui pleuraienc amerément la mort prochaine; „ mes „ amis, mes enfans, il n'efl pas encore tems de pleu„ rer; vous n'en aurezque trop le fujet, trois ou quatre „ ans après que je ne ferai plus.,, Cette prophétie ne s'accomplit que trop! Parcourons rapidement 1'Hiftoire du Defpotifme particulier des principaux Agens de la Compagnie au Cap. Ce Defpotifme orgueilleux s'appéfantic, & fur les forturtes & fur la liberté des Colons & des bourgeois: rien n'efl facré pour lui, il opprime, il ufurpe indiilinélement; Peu de bourgeois & de Colons dont il ne faffe des viétimes. II efl naturel, que le Citoyen pértubateur du répos public , ou qui fraud? a deffein le Souvèrain, ou qüi fe met au deilus des Loix de police fagementétablies, il efl, dis je, naturel, qu'un tel mauvais Citoyen foit punï, dans fon corps, quand fon crime mérite une peine affliftive, & par fa bourfe, lorfque le manquement peut être alfez puni par utte amande pécuniaire. Cependant le bon ordre, & juftice & la fureté du Citoyen demandent, que i4 m  ( ) eea pfiHMtions & ces amandes ne foient pas arbitrai* xps « comme elles le font au Cap, Quelques exempjes.récencscités au hafard & fans affeéhuion , prou^exont., que dans cet Etabliflement, le Colon & le bourgeois y font h Ia merci du Fifcal indépendant , W? j ai céja appellé le fieau de la Colonie. sntju bourgeois du Cap f«) eroyant avoir occalion de faire quelque benefice, fur un parti de fufils que lui préfentait a vendre un navire étrangcr, al'ancre dans la Baye-Fauffe (Bay-Fals) fa détermina a faire cet achat. Mais comme il favait, qu'il lui était deffendu de faire entrer ces armes au Cap & de les conduire chez-lui, il voulut s'affurer d'une permiffion, aumoins tacite du Fifcal. II fe détermine de 1'aller trouver, ne doutant pas de réuffir auprès de cet Agent d'une facon , ou d'autre. Cette démarehe de la part du bourgeois, prouve déja contre le Fifcal, paree qu'elle annonce une pofiibilité de pouvoir le corrompre & de le mêner au point de manquer aux devoirs de fa charge. Sans doute que le bourgeois avait des preuves évidentes de .la facilité qu'il y avait de gagner le Fifcal. Ce bourgeois lui propofe fon cas, il en recoit une réponfe a demi fage  C i«3 ) lage & a demi imprudente. Le Fifcal répond, fe nê puis pas le permettre; voila la fagelTe de fa réponfe; mais je vois avec plaifir, qu'un bourgeois puiffe fubftfler. Voila 1'imprudence, ou la fineflè du FifcaL L'imprudence, en mettant ce bourgeois dans le ca» de faire ce commerce déffendu, pour avoir la cruelle fatisfaclion de le prendre fur le fait & de lui dé3 cerner une amande exorbitante. Le cas arriva le bourgeois va chercher les armes achecées , les chari riots qui les portent font arrêtés au premier pofte, [j ils font fouillés, la contrebande eft découverte, le | Commandant de la patrouille avertit le Fifcal ; ce-» ji lui-ci, comme s'iln'avait été prévenu de rien, fait appelier le bourgeois, lui déclare, que les armes font \ confisquées, la moitié au profit de 1'Arfenal du Cap É & 1'autre moitié au profit du FifcaL Qu'on juge de J la perplexité & de 1'embarras du pauvre bourgeois , a pris en flagrant délit, il eft vrai, mais moralement 1 afluré de n'y étre pas pris. Le Fifcal le ménaca i i d'ailleurs de le faire coffrer & de lui faire payer une i une grofle amande. Le Fifcal n'était pourtant pas E li méchant qu'il voulait le paraitre. Le bourgeois : j irouva moyen de 1'adoucir, en lui propofant un accomL 2 mode-;  C i<*4 3 modernent. L'Agent voulait d'abord exiger 300 Ryksd. le bourgeois fit fi bien, qu'il contenta le Fifcal au moyen de 200 Ryksd qu'il s'engagea de payer. Au moyen de cette fomme , le bourgeois fut autorifé par le Fifcal a une fraude évidente, il fut convenu entre eux, qu'on ferait femblant de reporter les armes au vaifieau d'oü on les avait tirées, mais qu'après avoir dépafie le Fort, on viendrait par derrière, le long du jardin de Mr. le Fifcal, & que trompant la vigilence du pofte avancé, en pourrait facilemene arriver avec les dites armes a la maifon du bourgeois, en attendant que la nuit fut tombée pour les retirer dudit azile ,généreufsment fourni par le Fifcal lui - même. Le tout réuflit au gré du Fifcal, il fut payé de fes 200 Ryksd, & le bourgeois en fut quite pour la peur & pour fon argent. Le Fifcal ne voulait pas cependant qu'on peut lui réprocher un jour ce manque a fon devoir , car il avait dit au bourgeois, que s'il revelait, qu'il avait été obligé de payer une amande , la diable lui cajjerait le col, &c. Le bourgeois n'a pas eu peur, que le diable prit parti dans cette affaire , car il a tout révélé. Tant il eft vrai, que , lorfque deux complices vienent a fe brouiller, celui qui  C *6$ ) qui efl: en fouffrance n'épargne jamais I'autre & qu'il le charge aumoins de la moitié du crime! Que Mr. le Fifcal donne telle tourneure qu'il lui plaira a ce fait inconteftable , il ne fe purgera jamais du reproche que la Compagnie efl: en droit de lui faire, d'avoir manqué a un des principaux devoirs de fa charge , pour gagner une fomme de 200 Ryksd. Le bourgeois n'en fera pas moins fondé a lui reprocher une perfidie & un tour ordinaire a Mrs. les Baillis & Fifcaux. Je n'ignore pas la réponfe que le Fifcal k faite; je me referve de lui repliquer en fon lieu. Cet atcentat eft uniquement contre la propriéré du bourgeois," en voici un d'auffi fraiche date, contre la liberté civile. Un bourgeois du Cap (CharlesHenri Buytendag} ayant quelque difpute , fans doute très-vive avec fa femme , celle-ci, dans un premier accès de rage , de paffion & de vengeance, trop ordinaire k ce fexe faible, k la vérité, mais exceflivementemporté dans les premiers moments de la colere, fut trouver le fubstitut de Mr. le Fifcal , & lui portam une phinte verbale contre les mauvais traitements de lön man, lui déclare, qu'elle prétend en étre féparée. Le fubsL 3 titut  C '66 ) eli, ou eftce au Cap qu'il a eu lieu, fe demandera k lui même, un Leéleur inftruit des horreurs du Gouvernement arbitraire & des priviléges des citoyen? d'un Gouver7 nement qui doit refpefter & protéger la liberté civile? Effeétivement le fait ferait incroyable, s'il n'était attefté dans;toutes fes circonftances,par des témoignages écrits & authentiques; d'ailleurs il eft récent; il date du 20 de Janvier 1779. Le Fifcal ne le nie pas , L5 &ü  C 170 ) & il tache de le dénaturer & de le préfenter a fon avantage: J'ai quelques petites obfervations a lui faire fur fon apologie, & je les lui propoferai en fon lieu. J&ytendagn'ett pas la feule vietime desTyrans-Fiscaux\ beaucoup d'autres ontétéenlevés aufli cruellement & envoyésaufli impérieufement que lui, les piés & les poings liés, pour fervir la Compagnie en qualité d'efclaves. Michel Engelhard, Hans Mola ont fubi, le même fort, fans que les Burgerraaden en ayent été inftruits, & fans qu'on fache encore le motifqui a fait commettre ces meurtres; je dis meurtres , puifqu'onlesa réelement retranchéspour toujours de la Société civile dans laqu'elle ils avaient pris naifiance, fans qu'aucun crime, du moins connu, leur eüt fait mériter un traitement fi attroce. En Rufiie, perfonne n'eft envoyé aux Mines de Syberie, avant d'avoir été atteinc & convaincu en juftice reglée , d'un crime qui mérite d'étre expié par un efclavage aufli pénible & aufli honteux. 11 était réfervé a un Gouvernement defpotique, tel que celui de Ruflle, d'étre plus humain, & plus équitable, qu'un Gouvernement qui ne devrait étre que Républicain, tel que celui du Cap. Au  c m 3 Au mépris de la Coriftkution, au mépris même de leur ferment, les Agens de la Compagnie fe donnent des terres , qu'ils font cultiver & fur lefquelles ils batiflènt des petits Palais enchantés, avec des jardins} avenues , &c. Ces terres font exemptes de 1'impot de 24 Ryksdaalders par champ, dont on a furchargé injuflement les champs des Colons libres, & elles font auffi exemptes de la dixme impofée, par autorité des Etats-Généraux, fur tout les biens fonds de l'Etabliflèment du Cap fans diflinélion. Les Esclaves de ces Agens cultivent les foi-difant maifons de campagne , & un homme affidé en vent pour le compte de fon Maitreles fruits en provenant; foit froment, vin,legumes, &c. Le Maitre-de-cave,qu'on pourraitappellerle grand Sommettkr de la Compagnie , efl: un Agent qui fait tirer parti de fon emploi aux depens du vigneron. Après avoir fait le cérémonie de faire demander a chaque vigneron combien de vin il pourra livrer a Ia Compagnie, il favorife ceux qu'il lui plak de favorifer, en recevant de Fun , une quantité plus confidé* rable que de 1'autre, quoique fouvent celui qui en fournit le moins, peut en fournir le plus; mais il leur  C 172 ) leur dit, que c'efl; une faveur qu'il leur fait & que dans ce cas, tout depend de lui. Oui fans doute ,tout depend de lui, & voila le mal! Aufli fait il des injustices criantes , fans qu'on ait le moyen de 1'en punir. Première injuflice , c'eft que le vendeur doit figner un recu de 40 Ryksd. par tonneau de vin , lorsqu'il n'en recoic que 27. & u n recu de 60 Ryksd. par tonneau de brandevin, lorsqu'il n'en rccoitque 50. On doit convenir qu'il y aurait un peu d'analogie entre ce Maitre de cave , & le mauvais Serviteur de l'Ëvangile, qui étant en peine de rendre fes comptes, faifait une maltöte a peu prés femblable; mais c'eft ici plus le crime du Gouverneur que celui du maitre de cave; car c'eft le premier qui en retire tout le profit. Lorsque le vin eft a 40 Ryksd le tonneau, le Cavier en achéte une plus"grande quantité, a 27 Ryksd, que lorsque le vin baifiè , & que 1'abondance force le vigneron a le donner au deflbus de 30 Ryksd. valeur inrrinféque & réelle; car alors il n'y a pas grand profit d'en donner 27 Ryksd. au vigneron; aufli dans ce cas, le Ca vier déclare, que la Compagnie n'a pas befoin de beaucoup cette année , & que la iivraifon a lui faire , fera modique. II fauc d'aiileurs, que fc  C J73 ) te vin a vendre par les Agens de la Compagnie i fans en excepter Mr. Ie Gouverneur , paffe devant le vin des Colons & qu'il foit encavé le premier. Refte a favoir, fi Mrs. les Agens de la Compagnie, qui n'ont droit, ni d'en cültiver , ni d'en acheter , pour le revendre, font des acquits de 40 Ryksd. pour 27 qu'ils font fupofésenrecevoir? C'eftunpetit fecret entre le Caiffier & eux. Le Cavier fe permet aufli un autre petit toar qui n'en efl: pas moins criminel & oppreflif pour le Colon, & qui doit étre trés lucratifpour lui feul. Lorsque la vendange a été abondante, & que les vinsr rouges ont réufli pour la quantité & la qualicé , 1» Maitre de eave force les livranciers a lui fournir leurs meilleurs vins rouges, & même le vin vierge, qui fe vent ordinairemene aux étrangers de 80 -a-90 Ryksd. le tonneau, pour le prix du vin blane, c'eft-a-dire pour 27 Ryksd. Les livranciers ne peuvent aucunement fe fouflraire a cette loi injufte & ufuraire du Sommellier de la Compagnie: car s'ils fe récrient fur la modicité du prix & fur le tort qu'ils doivent en fouffrir, il les ménace de ne plus les comprendre dans la livraifon & de leur laiffer tout leur vin pour le boi-  C 174 ) boire, ou pour le jetter:ils font afllirés,que ce malheur leur arrivera; puisque dans le cas de refus de livrer au Maitre de cave fur le pied qu'il 1'exige, il trouvera bien le moyen d'en empêcher la vente aux étrangers. Voila en général des preuves aiTez fortes de la malverfation de 1'Agent de Ia Compagnie appellé, Maitre - de - cave. Le Depenfier de la Compagnie, c'eft-h-dire 1'Agent chargé fpécialement de l'inspeétion générale fur les greniers de la Compagnie, fe permet aufli un manége criant & inique. Le froment que les Colons doivent livrer a la Compagnie, tant pour la depenfe ordinaire des Serviteurs de Ia Compagnie, que pour celle de la Garnifon , tant pour les envois a faire a Batavia , qu'en Europe, doit étre rendu par les cultivateurs respeclifs dans les greniers de la Compagnie le prix du last , c'eft a- dire d'une charge comprenant dixfacs, chaque fac devant pefer 160 lb, a été fixé a 24 Ryksdaalders. C'eft a ce prix que les Colons ont contracté avec la Compagnie , ou pour mieux dire avec le Gouvernement du Cap. Ce Depenfier a réduit de fa propre autorité , le prix du laft $t 18 Ryksdaalders, & a augmenté le poids du fac  c 175 3 fac de froment jusqu'a 180, a 1901b pefant. Voilft deux infignes concuflions; la première cottfifte k avoir diminué le prix du lalt de froment d'un quart, c'efta-dire de ne vouloir payer que 18 Ryksd, en place I de 24 ; la feconde d'exiger 301b de froment de plus ] par fac, c'eft - a - dire en place de 160 ïb, 190 fö, ce qui iI fait encore un quart d augmentation fur la denrée & I livrer : par ce moyen, le Colon ne vent réellement cl fon forment qua raifon de 12 Ryksd. le lafl, ou la 1; charge ; par ce moyen enfin , on ne lui paye véritaIblementque la moitié du prix fixé; c'eft-a-dire ia I Ryksd. en place de 24 Ryksd. Le dixieme fac lais« (fé pour rien a la Compagnie, en acquit de la dixme iÉétabüe par les Etats-Généraux, fait encore une diiminution de conféquence pour le cultivateur. Je cdemande donc fi cet honnête Agent n'eft pas un petit I IDefpote dans 1'exercifie de fa chafge ? Oui fans doute, iil 1'eft tout comme les autres le font. II fautavouer, cque ces premiers Emplois que la Compagnie donne, l jou que Mr. le Gouverneur donne au nom de Mrs. les Directeurs , font affez lucratifs , quand on n'eft ?pas affez mal-adroit pour les exercer en honêtte hompe. Refte a favoir fi la Compagnie en eft mieux fer-  C 176 ) Servië par fes Agens; il eft a craindre, que non: quelque aifé que foit le vol, quelque aflurée qu'en foit 1'impunité, rarement on fe determine ftvoler, pour óbliger & faire le profit d'un tiers. Mr. le Depenfier a aufli un jardin, qu'il fait va* loir, pour fon plaifir, il fait vendre les graines de femence des légumes au détriment du jardinier bourgeois. L'eau deflinée a arrofer ies jardins des verduriers du Cap , doit premierement paflèr par le jardin du Depenfier & y fejourner, jusqu'a ce que le jardin de ce petit Seigneur foit bien abreuvé , on permet aux verduiiers de faire ufage de ces eaux publiques, 3 heures le matin, & trois heures le foir, tout le refte du tems, cette eau eft au fervice de celui qui radicalement n'y a aucun droit & a qui 1'ufage en eft expreflement interdit par la Conftitution, paree que par la Conftitution, toute pofièfiion territoriale lui eft expreflement interdite. Nous avons déja vu, que le commerce , foit en. gros , foit en detail eft expreflement deffendu aux Agens de la Compagnie , & qu'ils doivent même promettre fous ferment, qu'ils n'en feront pas. Voici un fait particulier , "'qui prouvera le refpeét & Ia fou*  C i77 ) foumiffion des Agens de la Compagnie, aux ordres, & aux reglements faits fur le commerce & leur fidélité a leur ferment folemnel. * 11 y a au Cap un Comptoir de commerce fous la raifon de Cruywagen & Compagnie. Qui efl: ce Cruywagen, qui font fes Affociés? Je vais vous les faire connaitre. Cruywagen efl: le Caiffier de la Compagnie; fes Aflbciés font, le Maitre de pofte de Bay - Fals , le Teneur de livres du magafin & le Teneur de livres de la CahTe de la Compagnie ; tous Agens de la dite Compagnie. En quoi confifte leur commerce ? En toutes fortes de marchandifes, en gros & en détail. Quel profit font-ils fur ces marchandifes ? Trente pour cent au moins. Quel domage caufe aux bourgeois du Cap, ce commerce deffendu? II eft inappréciable paree que quantité de veuves & d'autres perfonnes indigentes, qui fubfiftaient autres fois au moyen d'un petit négoce qu'ils pouvaient faire des marchandifes, dont ces honnêtes Agens fe fontemparés , font aujourd'hui reduites k la mendicité & ne fubfiftent plus que des aumonnes qu'on leur fait. Ceci n'a pas befoin de commentaire pour étre entendu. Ce Caiffier a uffi une belle campagne, a une héure  C 178 ) diftahce du Cap ï Elle produic aflèz de légum&s pour en fournir plufieurs menages bourgeois, & les navires qui font h la rade , s'en fourniuent aufli trés-fouvent, H. J. de Wet, Teneur de livres au Magafin de la Compagnie & un des aflbeiés de Cruywagen ; non content de fe moquer desOrdornances de commerce, par une aflöfliation publique pour un négoce deffendu a tous les Agens en général, il pouflè fon mépris pour les fages reglements établis en faveur des Colons, jusqu'a fe fuire un revenu particulier d'une ufure publique & d'une malverfation dans fa charge qui revolte & par fa nature & par fa publicité. Tout ce que le bourgeois , le Colon & 1'habitant ont befoin d'acheter a la Compagnie, comme fer, charbon-deterre, bois & autres articles dont on ne peutfe pourvoir ailleurs, efl: vendu par cet Agent infidele a un prix arbitraire & exorbitant. II demande ce qu'il lui plak , & toujours il faut lui donner ce qu'il demande. II n'a pas honte d'exiger , 11 Schalins, pour une miferable pêle de bois pröpre a remuer le bied qu'on entaffe en pile: il vent communement 8 Ryksdaal-ders les ioolbdefer. Le Fifcal de la Colonie de Swcllendam efl: tout a la fois  t 179 t fois cabaretier, marchand-de boeufs, Cölort & planteur. II efl: cabaretier , paree qu'il fait' vendre ei détail Ie via que fes vignes lui raportent; il efl: marthand de boeufs, paree qu'il a ufurpé a la Colonie quatré prairies, oü il fait paicre tous lés ans 402 , a1 500 bêtes: il efl Colon, paree qu'il s'eft appröprïé du terrein, & il eft planteur p'arcequ'il fait cultiver quancicé de vignes. ' La Compagnie a fixé un prix pour ie bois, propres ii étre mis en oeuvres, qu'elle fournit aux Colons & aux bourgeois , pour 1'ufage du labourage & autres fins; il eft aufli reglé , que celui qui aura befoin de ces bois, doit fe pourvoir d'une Ordonnance dü Gouverneur qui enjoint au Maitre de ce magafin dè dilivrer au prix de la Compagnie , la quantité & Ia qualité dü bois demandées'par le Colon, öu par le bout*geöis: rien de fi fage que cette précautiön; mais elle a été prife inutilement. Aujourd'hui Mr: le Gouverneur réfufe de donner cette Ordonnance ,■ foit qu'il veuille ménager la peine de fon fecretaire , foit peutrétre qu'il ait part au monopole qui refuke de ce refus; car le Maitre du magafin, ne reconnaiffant plus de tarif fixe \ demande & exige ce qu'il lui plak; mais M 2 jamais  C 180 ) jamais moins de 30 pr. c. au deflus du prix de ls Compagnie. Le commerce des Colons & des bourgeois avec les navires qui viennenc a 1'ancre dans Bay- Fals, eft abfolument interdit & empêché. Le Maitre de pofte quiy fait fa refidence, un des afióciés de Cruywagen, achete tout de fes navires & leur fournit en échange tout ce qu'ils ont befoin.. Les charrois de ces marchandifes achetées & vendues, fe font de Bay-Fals, au Cap, & du Cap h Bay - Fals avec les charettes , les boeufs & les domeftiques de la Compagnie. C'eft un moyen fur d'épargner les frais de transport; c'eft un gain de plus. On doit convenir que ces Agens entendent trés- bien leur métier. Le Maitre d'équipage de la Compagnie, eft encore un autre Agent qui n'oublie pas fes intéréts particuliers ; il eft vrai qu'il ne penfe guere a ceux des Colons , des bourgeois & de la Compagnie, que pour leur nuire. Des qu'un navire a jetté 1'ancre au Cap, il y court accompagné d'un Medecin pour s'aiTurer, que l'Equipage n'eft pas infeété de quelque maladie contagieufe; mais cette vifite qui peut étre faite dans tnoins de demie heure, dure trois jours entiers, pendant  ( i8i ) dant lesquels il eft deffendu ft tout habitant du Cap d'approcher le navire nouveau venu. Le Maitre d'Ëquipage, qui fans doute ne craint pas la contagion , met a profic ces trois jours de quarantaine. 11 prend note de tous les articles que le navire porte ft vendre , & il fait 1'achat de tout ce qui lui convient, pour en faire enfuite un commerce très-lucratif, en revendant ces marchandifes a quiconque en aura befoin; il prend note aufli de tous les articles dont le navire a bcfoin, foit enrafraichiffements, autres provifions , ou marchandifes du Cap, & avant de fortir du navire , il a déja accordé pour la quantité & la qualité des livraifons qu'il s'eft engagé de faire. C'eftft-dire que dans trois jours, il a ruiné le commerce du bourgeois & du Colon avec ce navire. Je penfe qu'il n'a pas travaülé en faveur du commerce de la Compagnie pour les livraifons qu'elle pourrait faire ft fon particulier. Toutes les barques, chaloupes, gabarres & autres nacelles d'ufage pour le dechargement & le chargement des vaiflèaux qui font au fervice de la Compagnie & qui font dans les chantiers, font mis ft 1'eau & conduites par les matelots des navires de la Compagnie , pour exporter, & importer les effets de commerce M 3 que  ( 182 ) que Mr. le Maitre cTéquipage a achetés & Vendas pour fort propre compte. Cet Agent eii un aflbffiéde ce J. A. le Febrs, qui quoique Magiflrat du Cap, & par conféquent protecteur & défenfeur des privileges du Citoyen, en efl: devenu 1'oppreffeur, en prétant fon nom pour lever un Comptoir de monopole & d'ufure de concert avec les Agens de la Compagnie. II lui parait plus avantageux de fiéger le premier dans fon bureau, de nègoce, d'y préfider & d'y décider fouverainement, qu'il ne lui parait glorieux de s'aflbir quelque fois avec les Burgerraadens, dans les differents Tribunaux du Cap. C'efl: dans les magafins de ce le" Febre , que font dépofées routes les marchandifes achetées par le Makre d'épuipage , & c'efl dans ces magafins , que les pauvres bourgeois qui ont befoin de fe pourvoir , viennent achever de fe ruiner, en payant a des prix inoüis des effets donc ils ne peuvent fe paffer, & qu'ils ne peuvent trouver ailleurs. Ce Maitre d'équipage ne fe contente pas de faire un commerce illicite & préjudiciable aux bourgeois, il en fait un autre fouverainement nuifible pour la Compagnie elle-même; mais c'efl a la Compagnie a faire veil-  ( 183 ) veiller fur fes a&ions & a prendre tels arrangementl qui lui paraitront les plus propres, pour mettre un frein a 1'infidelité d'un Agent qui la pille fans ménagement. S'il arrivé qu'un vaiffeau de la Compagnie foit condamné, ou qu'il faffe nauffrage fur les cotes du Cap, le Maitre d'équipage en qonfisque les dabris & les agrêts a fon profit. Ces accidents le metr tent dans le cas de tenir magafin, de planches, de poutres, de voiles, decordages, de goudron, &c. &c. II y a au Cap des falines qui ont été, & qui doivent étre publiques j c'eft - a - dire, que tout bourgeois;, Colon & habitanc du Cap peut & doit pouvoir aller faire fa provifion de fel, foit pour fon ufage particulier , foit pour le revendre & faire fon profit de tout ce qu'il pourra y ramaffer. Le maitre d'Hotel de Mr. le Gouverneur, s'eft mis en poffeffion de ces falines & prétend , on ne fait fur quel titre , en étre le propriétaire, ou tout aumoins le Direcleur fuprême. Conféquemment a cette ridicule prétention, il n'eft plus permis aux bourgeois , Colons & habitans de 1'Etabliffement de jouir du benefice de ces falines, que pQur leur propre confommation. Chaque Chef de famülaeft obligé de fournir une note du fel dont M 4 U  C 184 ) il a befoïn chaque année pour fon ménage; on afoïn de ne pas lui en laiiTer prendre plus qu'il n'en peuc confommer, & cette proviiion faite, 1'approcbe des falines lui eft abfolument interdite. Mr. le Maitre d'hotel, fe referve le droit exclufif d'en fournir pour de 1'argent a tous ceux qui en ont befoin. Si Ton fait attention a la quantité des viandes falées qu'on a befoin pour fournir les navires de la Compagnie , & les navires étrangers qui vienent au Cap pour y prendre des provifions fraiches, &ala quantité de fel dont tous ces navires ont befoin de fe pourvoir pour ne pas en manquer dans leurs voyages de long cours; on fe eonvaincra facilement, que plufieurs petits bourgeois du Cap pourraient vivre honnêtement du commerce que ce fel leur donnerait occafion de faire. Qu'on juge donc du revenu que le Maitre d'hotel du Gouverneur fe fait de ces falines auxquelles il n'a pas plus de droit que moi. C'en eft affez, ce me femble pour prouver que les Agens de la Compagnie, depuis le Chef, jusqu'au dernier, oppriment & vexent étrangement le bourgeois & le Colon. Je ne furchargerai plus ce tableau; il ne 1'eft déja que trop. Je fuprimerai un infinité de détails;  C 185 ) détails , qui quoique intéreffants par 1'attrocité des procédés des Agens de la Compagnie, a 1'egard des Colons, par leur infidélités multipliées, même a 1'egard de la Compagnie , dont iis tiennent leur bienêtre, n'ajouteraient cependant rien a 1'indignation d'une ame vertueufe & d'un coeur fenfible : cetce indignation doit étre déja exhaiüTée au plus haut point dans le coeur d'un Leóteur judicieux , ami du vrai , du bon ordre, de la juftice , & de la liberté. Puisfe-t elle s'éléver au même degré dans le coeur ces dix- fept Directeurs de la Compagnie , acluellement occupés a examiner les plaintes des Colons du Cap, portées a leur aflèmblée par les Députés de ces miferables viclimes d'un Gouvernemennt tyrannique! Tout homme généreux & compatiflant doit faire des voeux pour que cela foit ainfi. Cependant ce régime inique, cruel, & oppreflif, a trouvé un apologifte! Mais heureufement pour la gloire de 1'humanité, cet apologifte eft un Agent de la Compagnie, accufé lui même de concuflion & de malverfation , & retiré depuis peu de jours , dansle fein de fa familie, ou 1'on dit qu'il eft, plus dans le deflein d'y jouir d'une fortune rapidement faite au Cap , que pour M § étre  C i8ö ) étre aportée de foutenir en perfonne, la deffenie imprimée qu'il a donné de fa conduite , comme Fifcal indépendant du Cap , avant même pu'il ne réfignat fon Emploi. L'examcn de cette défence, me fournira une partie de la matiere du troifieme Chapitre. CHAPITRE III. Refutation D'une Replique faite au Mé moiré, & au Suplement du Mèmoire en plainte conin le Gouvernement du Cap de Bonne-Efpérance; danger wm*«e«? pour la Compagnie, de perdre cet Etabliffement important\ 6? moybns majs  ( *99 ~) mais ils font élus fur une UJle de quatre ptrfpnn* que les bourgeois fairont , & fur laquelle le Commandeur & le Confeil 'choifiront les deux qui doivent être révêtus de cette dignité tous les ans, conformément d une Réfolution prife, il y a quelque année au mois deMay&c. Pieces justificatives annexées a la Replique du Fiscal N°, L Voila un Caraclére bien cluir de la liberté civile du bourgeois, de ne pouvoir être examiné & condamné dans le cas d'««s faute, ou d'un délit par un tribnnal, fans que deux bourgeois, fes concitoyens, revêtus d'une charge ad hoe, ne foient appellés, pour aider a 1'information, & pour avoir part a la Sentence; car c'efl: évidemment ceque fignirient cesexpréflions, (fefle neemen, te helpen befoigneren en Scntentieren.) Prendre Séance avec les Membres du Confeil, aider d ï'Information , & au prononcé de la Sentence. Comment aurait-on peu exprimer plus clairement que ces Burgerraaden, font des vrai» Co-juges fur les fautes & les délits de leurs concitoyens? II efl donc vrai, qu'ils font par leur inftitution , Membres intégrans de la Chambre- de -Juftice ; il eft vrai par la même, qu'ils y font aufli les gardiens N 4 &  C 200 } & les déiTenffèurs de la liberté civile de leurs concitoyens, comme ils y font les vengeurs des désordres qui fe commettent contre cette liberté civile de citoyen ft citoyen, & par conféquent contre le bon ordre de la Société. Ce ne font pas donc des fimples Membres appellés pas écudié en Europe, pourraient, s'ils le voulaient, s'inftruire au Cap par la lecture des livres qui ne leur font pas, étrangers, comme ils le font aux bourgeois ; Riebeek donc, en admettant les Burgerraaden k la Chambre-de-Juftice, n'a pas encendu y admettre des fimples Avocats favans Sc éclairés; il a feulement précendu y admetcre de crès honnêces gens, a qui la Raifon, la lumiere naturelle & 1'amour de la liberté civiie tiennent lieu de fcience acquife; or tout cela fuffit pour s'appercevoir des vexations que les Agens de la Compagnie fe permetcenc, pour les en réprendre & pour s'en plaindre au Souverain, fi leurs remontrances deviennent infructueufes a 1'égard des Agens-Juges - Prévaricateurs. Mr. le Fiscal a fi fort a coeur la preuve de fa première propofition, qu'il ne négligé rien de ce que la fubtilité & la chicane fourniffent toujours a celui qui en connait les détours. Les pages 6, 7, 8, & 9 de la Réplique nous offrent une fuice de raifonnements captieux & embrouillés, qui tous tendent a prouver une propofition plus captieufe encore. Cette propofition la voici; La Requéte préfentêe a la JLe'gence du Cap, pour en obtenïr la permijjïon d'en- voyer  C 3°3 } voyer cinq, ou fix Députés en Europe , affn de fe plaindre des mauvais traitements éjfuyéspar les bourgeois & Colons, de la part 'des Agens de la Compagnie, n'eft fignée que par quatre, ou. cinq cents de ■ces bourgeois, ou Colons5 encore la grande partie des fignatures a- t elle été furprife par finefe & par d''autres moyens plus odieux &c. Or le nombre de quatre, ou cinq cents perfonnes, dit Mr. le Fiscal, ne peut pas être cenfé repréfenter tout le Corps des bourgeois & des Colons du Cap; cela eft évident & plus clairque le Soleilen plein midi, donc &c. p. 7 & 8. i°. Dire que les fignatures ont été extorquées, furprifes &c. c'eft ce qu'onc dit conftament tous ceux qui ont été dans le cas de Mr. le Fiscal, c'eft ce que difent encore tous les jours, ceux qui font dans le même cas que lui, & c'eft ce que diront toujours ceux qui, comme Mr. le Fiscal, auront ft fe juftifier fur des plaintes portées par une Société d'hommes qui feront vexés, comme on a vexé les bourgeois & les Colons du Cap. L'argument de Mr. Boers n'eft plus qu'une formule ufée qui orne & qui alonge un Mémoire juftificatif: cet argument n'en impofe ft perfonne. Pour y répondre, il fuffif de demandar t  C 204 ) ft Mr. le Fiscal, pourquoi il ne s'eft pas pourvu d'un acte par lequel il conste, que ceux qui difent avoir été furpris, réclament leur fignature après avoir été détrompés, & proteftent contre tout ce qui fera fait en Europe, en leur nom? Cette réclamation authentique eüt fait la meilleure piece de fon Sac. Je fuis même en droit de conclure, que puisqu'il ne la produit pas, c'eft qu'il ne lui a pas été poffiblede 1'obtenir, ni par promeiTes, ni par careflès, ni par ménaces, ni par aucun de ces nombreux moyens qui font entre les mains d'un Fiscal indépendant au Cap, c'eft - ft - dire entre les mains d'un petit Souverain, qui peut exiger & obtenir tout ce qu'il veut. Je tire d'ici une preuve trés - forte, qu'il faut que les ceurs foient bien ulcérés au Cap , puisque malgré tous les risques ft courir par les Colons qui ont figné, il n'a pas été polïible de les porter ft révoquer leur fignature. Bien loin delft; le nombre des adhérants 'ft la plainte s'eft beaucoup accru ; 130 Chefs de familie ont envoyé aux Députés en Europe, leur fignature & fe font joints aux 500 premiers Chefs de familie qui avaient dabord figné au Cap la Requête en plainte. 20. Le nombre de 400, ou de 500 bour-  ( *°5 ) bourgeois & Colons qui ont figné la Requête en plaintff eft trop peu confidérable, dk-on, pour faire fenfation: c'eft un Sophisme: Le Fiscal lui-même en donne Ia folution. „ Puisque, dit - il, nos Serviteurs „ de la Compagnie font fi mêlés avec les bourgeois „ par les mariages qui fe font faits réeiproquement „ entre ces deux fortes d'habitans , qu'ils ne font prèsque plus qu'un Corps &c. p. 70. " J'avoue, que le nombre des habitans bourgeois & Colons du Cap eft beaucoup plus confidérable; mais fi 1'on fait attention, que depuis trés - longtems les Agens de la Compagnie, & furtout les Serviteurs du fecond ordre fe marient au Cap avec des filles de bourgeois, & que les filles qui proviennent de ces mariages fe marient aufli avec des bourgeois, on comprendra aifement, que cette race de Metifs dok ' déja être au Cap trés - multipliée, & qu'il y a peu de families aifées au Cap, qui ne foient apparentées de prés ou de loin avec les Membres du Gouvernement ; fi d'ailleurs on fait attention, qu'il y a au Cap, beaucoup de petits bourgeois favorifés par le Gouvernement; que les uns font les amis & les protégés de Mr. le Gouverneur, les autres de Mr. le  le Second, les autres de Mr. le Fiscal, les autres de Mr. le Caiffier, les autres de Mr. le Depenfier, les autres de Mr. le Maitre de Cave, les autres de JVIr. le Maitre d'équipages , les autres de Mr. le Maitre des ventes, les autres de Mr. le Secraitaire & les autres de Mrs. les Baillis des Colonies du plat-pays, &c. &c. on trouvera facilernent la raifon du petit nombre des fignatures appofées fur la Requête en plainte; on fera même furpris, que 500 Chefs de familie aient eü affez de courage, as-> fez d'intrépidité & afièz de défintérefiement, difons affez de verra, pour fe déterminer a figner une Requéte en plainte contre des demi Dieux terrefires qui les écraferont de leur foudre, fi le Souverain ne la leur öte des mains, & ne circonfcrit leur PuiiTance dans des juftes bornes. Ces 500 bourgeois & Colons font, ft mon avis, 500 Héros qui ont aiTronté le plus grand de tous les dangers, & qui auraient tout risqué, s'il était pofiible, que la Compagnie & le Souverain refufaffent d'écouter leurs plaintes & de faire droit ft leur Requête. Mr. le Fifcal a fenti la force de 1'argument qu'on pouvait faire contre lui, en s'autorifant de la quali- fica-  C fl67 > «catien qu'il donne lui-même aux bourgeois & ans Colons du Cap, en les appellant Gens Libres (vrye Burgeren, vrye Luyden,) Pour éluder la difficulté, ou pour mieux dire, pour fe dépétrer de cet embarras, il a tacbé de fe fauver au moyen d'une diflinction puerile, odieufe pourtant & fouverainement injurieufe aux Colons & aux bourgeois; il avoüe , qu'ils font libres, uniquement paree qu'ils ne font pas Serviteurs de la Compagnie, c'efl;-k-dire, qu'ib ne font pas de leur nature falariés par la Compagnie, comme les Agens & les ferviteurs le font; voila uniquement comment felon lui, on doit entendre cette denomination, vrye Luyden (Gens Libres") Mais, felon lui, cette denomination, vrye Luyden» fte doit pas s'entcndre, comme on Temend parraport aux habitans des Sept- Provinces. Cette interprétation efl: fi éïrange, que mes leftcurs pourraient bien me foupconner de fauflèté & de malignité en 1'attribuant a Mr. le Fifcal. Aufli pour faire voir, que je ne lui préte rien, je vais traduire fidellement fon paflage. „ On fe trompe „ beaucoup quand on veut faire une comparai„ fon entre les habitants d'une Colonie comme „ eek  ( 208 3 ï, celle-ci & les habitans privilégiés de nos granj, des villes dans la République, & on fe trora» perait encore plus en cherchant de conclure eiï Ü faveur des uns, par conféquence des autres". P- 43* Je ne repeterai pas ce que j'ai déja dit au commencement de cet ouvrage, pour prouver, que Jes premiers émigrants d'Europe qui ont peuplé la Colonie du Cap, fout partis , fous l'afliirance d'y jouir des avantages de la liberté dont ils jouisfaient dans la République & que leurs descendans doivent naturellement avoir hérité de fétat de liberté accordé a leur peres émigrants. Le Fifcal confond ici a deffein, les bourgeois du Cap defcendans des premires Colons envoyés par le Souverain, & les bourgeois du Cap, qui étant ferviteurs de la Compagnie, ont acheté leur droit de bourgeoifie au Cap, après avoir fervi la Compagnie en qualité de foldats, ou de matelots &c. II prétend, que ceux - ci ne font que conditionnellement bourgeois, & que la Compagnie en leur vendant, ou en leur donnant leur liberté, s'eft: refervée tacitement Ie droit de les traiter en fujets. Cette prétention eft abfurde. II eft déeidé que tous  ( Sop ) tout foldat qui a fervi fon tems, ou qui a acheté fon congé avant 1'expiration du tems de fon engagement, rentre dans toüs les droits de liberté qu'il avait avant de s'engager; donc tout foldat qui n'eft plus au fervice de la Compagnie, & qui a cheté fon droit de bourgeoifie au Cap, y jouit de droit, de tous les priviléges dont y jouiifent les bourgeois qui n'ont jamais été au fervice de la Compagnie. Les premiers ne font qu'un feul & même Corps avec les derniers, & il n'y a nulle diftinction entre eux quant aux priviléges de la bourgeoifie. Je remarquerai feulement en paflant,que fair empefté du Defpotisme que Mr. le Fifcal a humé au Cap pendant le fejour qu'il y a fait, lui a fait perdre la véritable idéé de notre Liberté républicaine. Mr. Boers parait avoir oublié, que lorsqu'il eft parti d'Europe, non feulement les habitans de nes grandes villes de la République étaient des habitans privilégiés en Liberté, mais même, qüe le payfan le plus pauvre, habitant du plus petit hameau de la République, eft aufli un individu privilégié en Liberté, avec autant d'étendue, que peut 1'être le Bourguemaitre le plus puiflant de notre plus grande ville. O de  ( 210 ) de la République. II efl; ft efperer, que Mr. le Fiscal rectifiera fes idéés fur la liberté publique, ft prefent qu'il eft retiré lui - même dans le fein de la liberté & qu'il fera aufli aloux de la conferver, que tout autre fujet libre duv .Eé;3ublique.- Mr. lê Fiscal accumule preuvts fur preuves, mais heureufement qu'elles ne font pas plus décifives les unes que les autres: en voici une d'un genre tout nouveau. La Compagnie, dit-il, eft Souveraine au Cap ; donc les habitans font fujets de la Compagnie ; donc la Compagnie peut les traiter comme bon lui femble. De ces principes, il en tire une conclufion générale; que tout ferviteur de la Compagnie eft un Membre plus diftingué, qu'un bourgeois du Cap, & que celui-ci doit en tout ceder le pas ft celui-lft. Voici de quelle facon indécente Mr. le Fiscal s'exprime. „ Car c'eft une vérité, „ qui ne peut étre méconnue par quelqu'un qui a „ une véritable idéé de la Conftitution originelle de „ cette Colonie, que tout cet Établiifement depend „ feulement de la Compagnie, & qu'il eft aflujeti ft „ fa feule volonté: que toute la conduite & toute la » Régence de ce pays ont été feulement confiées » aux  C 2ii ) % aux feuls Serviteurs de la Compagnie; & „ qu'en un mot, dans tous les cas ,un ferviteur de la „ Compagnie, a grade égal avec un bourgeois, doit „ avoir le pas fur lui, qu'ainfi ilparle de foi-même, „ qu'un foldat au fervice de'la Compagnie, doit s, avoir le pas fur un foldat de la Bourgeoifie &c. p. 50. Le Souverain de la République, n'a donc rien a dire au Cap, felon Mr. Boers! Je doute, que le Souverain goüte ce fyfléme nouveau; car Mr. Boers qui fait remonter ce fyfiéme a la Conftitution originelle de l''Etablifement de la Colonie, fe trompe évidemment. II n'a qu'a jetter un coup d'oeil fur les acres immediatement fubféquents a cet établifiement & il y trouvera la Souveraineté des EtatsGénéraux pleinement établie: il efl: vrai, que la conduite & la régence de tout l'EtabliiTement ont été confiés aux Agens de la Compagnie; mais fous la referve, que ceux-ci feraient comptables a la Compagnie, & que la Compagnie ferait comptable ellemême au Souverain. Cela eft fi vrai, qu'elle remet tous les ans, fes comptes fous les yeux du Souverain pour y étre examinés & approuvés. Suppofons, que le Cap fut acluellemenc entre les mains des Anglais, O a com*  C 2I3 ) comme Nagapatnam y eft; fuppofons, que les Artglais ne voulufiènt pas le rendre a la paix généralle, comme ils refufent de rendre 1'autre EtabhiTement eft-ce la Compagnie qui ferait appellée pour figner le traité de paix avec les Anglais & pour ratifier publiquement la céffion forcée du Cap? Cela devrair. étre, fi comme Mr. Boers le pretend, le Cap lui appertie.nr en toute Souveraineté; cela ne ferait cependant pas; car les Etats-Généraux, en vertu de leur fouveraineté , contraéteraient avec 1'Anglccerre & lui céderaient cet établiflèment, même contre le gré de la Compagnie, fi les circonftances malheureufes exigeaient d'eux ce facrifice, comme elles exigeront celui de Nagapatnam, quoique la Compagnie, confultée fur cette céffion, s'y foit refufée formellement. Ainfi c'eft uneerreur, & une erreur toute nouvelle, que d'attribuer la fouveraineté du Cap a la Compagnie, qui n'en eft que la dépofitaire, & qui negouverne au Cap que fous Ie bon plaifir des Etats-Généraux. Mais accordons pour un moment a Mr. le Fiscal cette fouveraineté chimérique de la Compagnie au Cap; car ce ferait fe moquer du Lecteur un peu inftruit, que d'accumuler les preuves pour refuter un  C 2I3 3 un paradoxe infoucenable & injuricux au Souverain ; examinons un peu la conféquence ignominieufe que le Fiscal en tire contre les bourgeois du Cap. Un Agent de la Compagnie a rang ègal, doit avoir le pas fur un bourgeois. II eft inconteftable, que Mr. le Gouverneur & Mr. le Second doiventavoir Ie pas d'honneur fur chaque bourgeois, quelque rang que celui ci puiffe avoir dans la Bourgeoifie; paree que ces deux Mrs. repréfentent plus le Souverain , qu'ils ne repréfentent la Compagnie. Mais il n'eft pas inconteftable, que Mr. le Fiscal doive avoir le pas fur les Bourguemaitres en charge; cette asfertion deplairra a Mr. le Fiscal indépendant; mais je ne fais qu'y faire; c'eft mon avis particulier & je le donne vaille que vaille, j'espere pourtant, qu'il aura plus d'un partifan-, j'entends qu'au moins cela doit étre, lorsque Mr. le Fiscal ne fiége pas comme juge, au grand-Confeil-de-Police, qui forme a proprement parler, le Gouvernement du Cap. Car je veux croire , que les Membres féants Ji cetre AlTemblée doivent jouir d'une confidération proportionée a 1'excéllence de leur Miniftére public. Mais par raport a toutes les autres charges O 3 &  ( ) & emplois de Ia Compagnie, je foutiens décifive* ment, que ce n'eft que par un abus infigne, que les ferviteurs fecondaires de la Compagnie, comme Caiffier, Depenfier, Maitre de Cave, Teneurs de Livres &c. &c. lorsqu'ils ne fiégent pas au Grand - Confeil. de Police, c'eft - a - dire hors de la chambre du Grand-Confeil, prenent le pas fur des honnêtes bourgeois du Cap ayant 1'honneur d'étre Burgerraeden, ou Officiers dans la milice bourgeoife. Quant a Mrs. les fimples foldats au fervice de la Compagnie,, il ne peuvent avoir le pas au Cap, que fur les Caffres employés par le Fiscal, ou par fes Récords pour apprehender les bourgeois criminels. Je voudrais bien favoir ce que Mr. Boers entend par Soldats de la Bourgeoifie; il n'ya pas au Cap des Soldats de la Bourgeoifie; il n'ya qu'une milice Bourgeoife , compofée d'habitans trés - libres & qu'on ne peut pas appeller Soldats, comme je 1'ai déja démontré plus haut. Les Bourgeois Soldats! cela implique contradiction. Un Soldat eft un homme a la folde d'un Souverain, payè par lui pour porter les armes & un uniforme; les Bourgeois du Cap portent les armes fans étre payés, & ne font  C 215 } font ft la folde de perfonne; la Compagnie les a alfujettis contre l'inftitution de leur établiifement, ft des fervices forcés fans rétribution; c'eft un abus qui doit étre réformé; c'eft un aviliffement duquel les bourgeois fe plaignent; mais cet abus n'eft pas un droit pour la Compagnie, & cet abus céftera, par autorité de la Compagnie , ou par celle du Souverain. Mr. Boers a-t-il oublié, que les milices bourgeoifes ne font établies dans les Républiquss, que pour veiller ft la confervation des biens de la fociété, pour deffendre leur priviléges contre 1'ufurpateur qui voudrait y porter atteinté, & pour, dans le cas d'une extréme néceffité, prendre les armes & fe joindre aux troupes reglées & payées par 1'Etat, affin de repouffer un ennemi qui ménace d'envahir les pofleflions de la Communauté; encore faut - il, que 1'ennemi ait fait une invafion, & qu'il foit ft la porte , pour obliger la milice bourgeoife ft marcher contre lui. Non, Mr. le Fiscal, il n'ya pas de bourgeois - Soldat au Cap, & par conféquent il ne peut pas y avoir dans aucun cas poflible, de concurrence fur la préféance, entre un fimple Soldat de la garnifon & un bourO 4 geois  C 2ICS ) geois du Cap, quel qu'il foit: celui - ci doit toujours marcher devant 1'autre; paree que celui-ci eft chezlui, & que l'.mtre n'efl qu'un fimple ctranger payé pour porter la livrée & les armes que la Compagnie lui donne. D'après les principes de Mr. le Fiscal indépendant , on comprend facilement pourquoi il dit/». 8. derniere ligne; que les plaignants ont trouVé bon, au mépris de leur souverain et e legitime de s'adrejjer dire&ement d la Compagnie même & p. 9. qu'ils ont foute aux piés les devoirs dont ils ont juré fobfervation ponciuelle, & comme Burger - raaden & comme Officiers de la Bourgeoifie. 11 n'ya qu'un moment que Mr. Boers pretendait, que la Compagnie eft Souvcraine au Cap; & a préfent il foutient, que la Régence du Cap eil Souveraine de l'Etabliffcment. C'eft ce que fignifie clairement cette exprcffion, \mr Souveraineiê légitime , (hunne wettigs Overigheid) ce qui prouve qu'il i'entend ainfi, c'eft qu'il dit, que les bourgeois ont ofé la méprifer , &, s'adrejjèr direftement d la Compagnie. Qu'on eft malheureux, quand on eft obligé de deffendre une mauvaife caufe! Un faux principe en amene un autre; c'efl ici le  C *t? ) le cas de dire avec vérité, abiffus abijjum invocat. C'eft contre la Régence, que les bourgeois ont a ie plaindre, c'eft contre le Gouverneur, contre le Fiscal & contre tous les principaux Agens de la Compagnie, qu'ils protent des plaintes graves; Et c'eft h la Régence, Selon Mr. le Fiscal, qu'ils auraientdu s'adreiTer pour obtenir fatisfaclion! Qui jamais- a avancé une thefe fi infoutenable! L'agent d'un grand ieigneur, fe prévaut de la proteéïion que fon maitre, dont il eft le favori, lui accorde, & cet orguéuilleux Agent, m'enléve ma propriété, m'infulte, me maltraité , m'enprifonne & me fait tous les torts qui font en fon pouvoir; c'eft a 1'Agent méme que jc dois porter ma plainte & c'eft de lui que je dois attendre la décifion de mon fort! En vérité cette maxime eft nouvelle. Tout homme de bon fens me dira, adreflez - vous d'abord au Maitre de ce mauvais ferviteur; & fi ce Maitre refufe de vous rendre jufti* ce , adreffez - vous au Souverain & pourfuivez devant lui la réparation & les dédomagements que vous étes en droit d'attendre de fa juftice. Le cas des bourgeois du Cap eft parfaitement le même; ils fe font d'abord adrefies, au Maitre des Agens qui O 5 les  C 218 ) les vexent, c'eft-a-dire a la Compagnie; & s'ils font fruflrés dans leur attente, ils s'adreflèront au Souverain; déja même les Députés des bourgeois & des Colons du Cap en ont recu 1'ordre expres de leurs Commettans. Encore un paradoxe de Mr. le Fiscal, & ce paradoxe eft avancé avec une aflurance qui étone & qui furprend tout homme doué des lumieres d'une raifon trés - ordinaire. Mr. Boers dispute aux bourgeois de 1'Etabliflèment particulier du Cap , non feulement leur état , mais même leur utilité au Cap & le droit qu'ils ont de faire leur réfldence au chef lieu: il voudrait les en chalfer, fans doute pour dé* berrafler la Régence & les individus qui la compofent d'une nuée de témoins oculaires des vexations en tout genre que le Gouvernement fe permet, & que les Agens multiplient, felon leur caprice & leur intérêt particulier. „ Que les Serviteurs „ de la Compagnie font les premiers & les plus néceflaires habitans pour la Compagnie, & qu'au„ contraire les bourgeois (comme je 1'ai amplement „ demontré ci-devant) felon 1'intention primitive, „ & le but général qu'on s'eft propofé, ne devrait „ pas  C 2IP ) „ pas étre id (c'eft - a - dire au chef - lieu). p. 68. " II voudraic donc, que le chef - lieu ne fuc habité, que par un peuple de petis Tyrans, qui accableraient les pauvres Colons disperfés ca & la dans les autres Colonies, du poids de toute leur autorité. Je conviens que ce fyfteme auraic de trés - grands avantages pour Mrs. les Agens; mais je nie qu'il fut avantageux pour la Compagnie, comme le Fiscal le prétend; car fi celle - ci eft volée au Cap par fes propres Agens, elle le ferait bien d'avantage , lorsqu'ils n'auraient pas a craindre d'étre furpris per des bourgeois qui peuvent les dénoncer a la Compagnie. . Toute la Replique apologétique du Fiscal porte fur ces principes: i°. Les Burger • Raaden & les Heem - Raaden ne font pas les Réprefentans des bourgeois du Cap, donc ces bourgeois n'ont pas de Repréfentans; donc ils n'ont pas le deroit de députer quelqu'un de leur Corps, pour porter leurs plainxes a la Compagnie. a°. La Compagnie eft Souveraine au Cap, donc tous les bourgeois font abfolument dépendans d'elle; donc elle peut les faire gou■verner comme bon lui femble; donc les bourgeois a'ont pas le droit de fe plaindre. 30. La Régence du  (_ 220 ^ èo Cfp reprefente au moins la Souveraineté, & les membres qui la compofent, font les feuls interprétes des volontés abfolues de la Compagnie; donc les bourgeois ne doivent porter leurs plaintes contre la Régence, qu'a la Régence même. Si ces principes étaient vrais & recevables, il n'eft pas douteux, que les bourgeois & Colons actuellement plaignans, ne fuflent dans leur tort; leur démarche ferait crimineile & répréhenlible, comme le Fiscal allure qu'elle Feft. Aufli iVlr. Boers prie t il Mrs. les Directeurs d'y faire une attention particuliere; ce point efl, dih 11, trés - èjfentiel parrapert a toute la plainte , & parraport a la maniere dont on s'y- efl pris pour la faire. p.^. Peu s'en faut même, que le Fiscal ne fe contente d'avoir expofé ces principes & qu'il ne fe dispenfe d'entrer dans un détail plus circonflancié, pour fe juflifier fur les accufations qui -le regardent perfonnellement. Si donc il eft vrai, que ■ces principes font faux & infoutenables, il s'en fuit, •que toute la Réplique porte fur un fondement faux, & que par conféquent elle ne lejuftifie nullement; ©r je me flatted'avoir démontré, ï°. que les Burgerraaden & les Heemraaden font les Réprefencans na-  C 221 ) naturels des bourgeois & des Colons du Capwre faffant qu'un feul & même Corps de peuple; que par conféquent ce Corps respeétable a inconteftablement le droit de députer qui bon lui femble d'entre ces individus , pour porter les plaintes a la Compagnie, contre la Régence du Cap , & contre les Agens qui corapofent cette Régence, ou qui font au fervice de la Compagnie fans avoir une part direcfte au Gouvernement de la Colonie. 2°.J'ai démontré, que la Compagnie n'efl: nullement Souveraine au Cap, que par conféquent les bourgeois ne dependent pas tellement delle, qu'ils ne puiflent avoir recours au Souverain, lorsqu'au mépris de leur liberté civile, le Gouvernement & les Agens les vexent, & que la Compagnie leur refuferait de leur rendre juftice. 30. J'ai fait voir 1'abfurdité palpable qu'il ya de foutenir, que la Régence du Cap réprefente la fouveraineté de facon que ce foit elle qui doive connaitre en dernier reifort des plaintes que le Corps des Bourgeois ont a faire contre la Régence même. J'ai donc prouvé, que la Replique juftificative du Fiscal eft infuffifante , injurieufe au Souverain & même a la Compagnie, en ce que le Fiscal prétend,que ni le Souverain,ni la Compagnie ne  ( 222 ) ne font pas compétents pour connaitre des plaintes du Corps de la bourgeoifie contre la Régence. Cette prétention efl: clairement exprimée dans les pasfages que j'ai déja cités; mais le Fiscal la foutient d'une maniere plus décifive dans la Piece juftificative No. 2. annexée a la Replique. II confte par cette piece, que la Régence refufa au Corps de la Bourgeoifie , la permiffion d'envoyer en Europe des Députés pour porter des plaintes direétenent a la Compagnie ; permiffion qui avait été demandée par une Requête trés - refpeétueufe; Requête que la Régence n'accueillit pas & au bas de laquelle, elle répondit en permettant feulement aux Bourgeois de s'adresfer au Grand- Confeil-de-Police pour y porter leurs plaintes. „ Le Confeil ne peut pas avoir égard a la priere „ des Suppliants, laiflant néanmoins aux Supplians la referve de s'adreflèr a ce Confeil, comme ils le „ jugeront a propos, pour s'y plaindre fur ce que „ la Bourgeoifie fe trouve léfée. Piece juflificative „ No. 2. (Jpoflille') Paree que la Bourgeoifie a pafle outre, & que [malgré la deffenfe de la Régence, elle a envoyé des Députés en Europe, le Fiscal traite de rebelles & d'indociles les bourgeois du  C 223 ) du Cap, & pretend, qu'ils ont méconnu leur lègitime Souverain ( Wettige Overigheid) le Gouvernement du Cap. Avant de pafier a la discufiion des autres moyens de déffence allegués par le Fiscal; je dois lui propofer une difficulté a laquelle, je crois, il lui fera im* poflible de répondre d'une maniere fatisfaifante; & cette difficulté formera une démonfïration contre fon fyftéme de fouveraineté attribuée par lui, ala Régence. Un homme révêtu d'un emploi indépendant de Ia Régence, fous les yeux de laquelle il l'exerce, n'efl pas comptable a cette Régence de la maniere dont il exerce cet employ, or. Mr. le Fiscal, exercait fon emploi indépendamment de la Régence da Cap; donc Mr. le Fiscal n'était pas comptable a la Régence du Cap de la maniere dont il exercait foa emploi. Cet argument fondé fur la Comtniffion même du Fiscal indépendant, efl vrai dans toutes fes parties. Cela pofé, je demande, Mr. le Fiscal indépendant, peut-il malverfer dans fon emploi, ou ne le peut-il pas, c'efl -a -dire efl-il impécable, ou ne 1'efl - il pas ? Je crois, que Mr. le Fiscal indépendant, doitavouer, qu'il n'efl pas impécable, & qu'il peut  ( m ) peut malverfer, foit de propos délibéré, ou aiitrement dans 1'exercifTe de fon emploi; fi donc il peut malverfer & qu'il malverfe réellement, a quel Tri* bunal, la perfonne lefée par fesmalvcrfations,s'adresfera-t-elle pour obtenir réparation des domages & infultes foufferts par elle, de la part du Fiscal indépendant? Ce n'efl, ni ne peut étre a la Régence du Cap; pourquoi? paree que Mr. le Fiscal indépen* dant, attendu fon indépendance, n'eft par comptable de 1'exerciffe de fon emploi a cette Régence; car s'il y était comptable, il n'en ferait pas indépendant; a qui donc ? ce n'efl pas a la Compagnie, ce n'efl pas au Souverain, puisque Mr. le Fiscal prétend, que les bourgeois n'ont pu s'adreffer a 1'un ni a 1'autre fans méconnaitre la Souveraineté de la Régence du Cap; a qui donc encore un Coup? II faut que Mr. le Fiscal, s'il veut étre conféquent dans fes principes, réponde, a perfonne. II s'en fuit de la, que Mr. le Fiscal, par la raifon qu'il efl indépendant, peut mettre a 1'amande qui bon lui femble, fixer 1'amande comme bon lui femble, faire emprifonner qui bon lui femble , degrader du droit de bourgeoifie qui bon lui femble, faire d'un honnête citoyen, libre  C 225 j bre de fa nature, un foldat, ou un matelot au fervice de la Compagnie; exiler, bannirqui bon lui femble ; fans érre obligé de dire a perfonne pourquoi il iliflige toütes ces punitions, & fans que celui qui efl: la victime de fon caprice, ait le moindre droit de fe plaindre, ni au Gouvernement, ni ala Compagnie, ni au Souverain. Si Mr. le Fiscal veut admettre toutes les conféquences qui découlent de fes principes, il n'eft plus befoin,ni de Gouvernement, ni de Compagnie , ni de Souverain pour exercer, & faire exercer la police au Cap: S'il eft éffrayé de ces conféquences & qu'il les nie comme étant infoutenables, il faut qu'il avoue, que les Bourgeois du Cap devaient,aü moins pour les plaintes qui le cöncernent direétement, s'adreflèr autre part qu'a la Régence du Cap pour en obtenir le redreflement, puisque lui Fiscal eft indépendant & du Gouverneur & de la Régence, qu'en conféquence, il re§oit les ordres direétement de la Compagnie, & que c'eft a elle qu'il rend un compte particulier de 1'exerciflè de fon emploi; doncla Régence du Cap, en réfufant la permiflion aux bourgeois de porter leur plainte k la Compagnie, contre le Fiscal indépendant, a comP mis  C 22(5 ) mis une injuftice contre la bourgeoifie du Cap; donc, ou Mr. le Fifcal n'eft pas conféquent dans fes principes , ou s'il y eft conséquent, il tombe dans une abfurdité vifible; donc quel'parti qu'il prenne, fes principes fout infoutenables. Avant de paffer au fecond chef de défence du Fiscal , j'examinerai en peu de mots, une propofition fausfe qu'il avance avec la même affurance que s'il avancait une vérité. „ Mais on ne pourra pas affez s'é„ tonner que dansce cas, ni 1'un, nil'autre n'a lieu: „ qu'on n'a aucun droit, (les bourgeois du Cap ) pour „ faire le commerce, beaucoup moins de le faire a „ 1'exclufion des ferviteurs de la Compagnie, & que tJ par conféquent la Régence n'a pas apporté le moin„ dre empéchement a ce prótendu droit qui n'exifte „ pas, ckc. p. 57. 11 faut de deux chofes, 1'une, ou que le Fifcal ignore la teneur des Ordonnances $ue nous avons déja citées, qui établiffent le droit des bourgeois du Cap a un commerce illimité de leurs denrées avec les étrangers & les Ordonnances qui le défendent aux Agens de la Compagnie, & qui même exigent d'eux un ferment folemnel, qu'ils ne le feront pas, ou que le Fifcal ne reconna.ï(fè pas 1'autoritéde ces  C 227. ) ces Ordonnances favorables aux bourgeois, & rigoareufes contre les Agens de la Compagnie. On ne peur pas fuppofer que le Fifcal les ignore, il faut donc conclure qu'il les regarde comme abufives & portées fans une autorité afiez légitime pour qu'elles ayenc force de Loi au Cap. Nous attendrons qu'il démontre cette dernierepropofition, & qu'il prouve ,que la Compagnie n'a pas eu le droit d'accorder aux bourgeois le libre exerciflè de commerce, non plus que' celui de le défendre rigoureufement ft fes Agens & ft fes Serviteurs. En attendant, je conclurrai contre lui, que le droit des bourgeois du Cap ft un commerce exclufif , n'eft pas un pr étendu droit, mais un droit trèsréel, dont ils ont toujours joui, lorfqu'il n'a pas pin au Gouvernement & aux Agens particuliers de la Compagnie, & furtout aux Fifcaux, de letroubler de 1'empécher totallement, ou du moins de 1'aflujettir ft des entraves ignominieufes pour le bourgeois, & Iucratives pour les Agens de la Compagnie. Expofer la propofition du Fifcal, c'eft la réfuter. Mr. le Fifcal oublie qu'il fe réfute lui-même. Voici comme il s'explique ft ce fujet. „ Le fouffigné re£ marqaera . ...... que lorfqu'il eft venu ici ( au Cap ) P * ,y il1  C m 3 „ il a trouvé a fa grande furprife que prefque cha'ca* „ des habicants fans diftinftïon , même que quelques „ tra's de ceux qui rempiiffent fes premiers emplois, „ Fun en ceci, Taurre en cela, direcremcnt, ou par „ commiffion , faifaient le commerce ; & le moindre „ changement qu'il aurait voulu faire a ee fujet, aurait „ entrainé de fuite la ruine totale de toute la Colonie. „ p. 6ï. ..... . qu'il a laiiï'ë les chofes fur Tanden „ pié conformcment a fa vieille coutume qui avait lieu„ depais mémoire d'homme , & qui par un confen„ tement tacite, paraiflait avoir acquis toure la force de Loi , &c. p. 62. Le falut de ta Cölonie dépend donc du commerce illimité des habitans, felon Mr. Boers, on ne pourrait le deffendre fans la ruiner totalemerit. C'efl: fans doute ce qui a donné lieu aux fages reglements faits par Ribeek, par yatt Goons & par d'autres dans différents tems, reglements qui ont été toujours renouvellés en faveur des bourgeois du Cap,lorfque les Agens de la Compagnie ont voulu en différents tems les priver de Texerciflè de ce droic exclufif de commerce. C'efl a tort, que le Fifcal ajoute, que toutes les Lois antérieures a ce fujet, ont été abolies, ou dumoins rendues fans force & fans efl et, con-  C £29 ) contre une coutume qui felon lui, fe ferait introduite par abus. (_ en alle anterieure wetten ten dien opzigten geaboleert en te niete gedaan hebben ) il aurait parlé avec plus de vérité, s'il eüt dit , que de tout tems le Gouvernement & les Agens de la Compagnie , ent taché d'aboiïr & de rendre fans effet , les Loix antérieures , les Ordonnances & les reglements qui ont toujours alfuré aux bourgeois le droit exclufif de faire ;le commerce. Le Corps de la bourgeoifie du Cap fe plaint avec raifon, que, vu 1'oppréffion dans laquelle tcus les individus gémiffent dans la Colonie fous un Gouvernement devenu arbitraire, la Colonie efl: dans un état de décadance qui annonce vifiblement une ruine prochaine. II plak a Mr. le Fifcal de donner un dementi formel au Corps de la bourgeoifie. On eft étonné de l'alfurance avec laquelle il étale 1'état florifiant de la Colonie ; mais on eft encore plus étonné de lui voir prendre le ton d'un Prophete pour annoncer les eftets de la colere du Tout- Puifiant contre les ingrats habitans du Cap, qui, au milieu de 1'abondance, ofent fe plaindre de leur ditétte & de leur pauvreté. Je ne perdrai pas mon tems a P 3 copier  C 23o ) copier ce morceau d'éloquence du pathétique Fifca}. On peut le lire dans fa replique ^.9 & 10. Je n'ai qu'un moe a lui répondre; s'il y a du luxe au Cap, ce n'elt que parmi les Agens de la Compagnie & parmi les heureux bourgeois qui font, ou leurs alliés en parenté, ou leurs favoris, ou leurs aflbfiiés dans le commerce qu'ils fe permettent contre les Ordonnances & au préjudice des Colons. Ce font ceux-la qui font 1'objec de la cokre divine, & ce font ceux-la qui ont tout a craindre d'un Dieu vengeur des injuftices. C'eft dans cette clafie feule, que le luxe étale toutes fes fuperfluités c'eft dans cette clafie feule, que 1'abondance regne, c'eft dans cette clafie feule enfin, ©ü 1'on jouit infolemment de tous les avantages d'une fortune brillante, qui ne décroit jamais en proportion des dépenfes , paree que ces dépenfes, quelques énormes qu'elles foient, fe réparent toujours facilement aux dépens du bourgeois & du Colon, & aux dépens mémede la Compagnie. La vérité eft, que lorfque les bourgeois & les Colons fe font plaints , & ont fut 1'éclatante démarche d'expofer 5t la Compagnie leurs griefs, la Colonie en général était dans pn état de fouffrance , foit par raport a fon aifence, foit  C 23i ) foit par raport a la dureté des Agens de la Compagnie , foic par raport a fes priviléges & a fes immunités, foit enfin par raport a fon commerce gêné & reftraint de toute part. Mr. le Fifcal profite d'un moment de répi que la déclaration de la guerre entre la France & 1'Angleterre , a donné ft la Colonie du Cap , pour exagérer fon aifance acïuelle. Nous avouons, que dans ce moment, c'eft-ft-dire depuis le commencement de cette guerre, ou pour mieux dire, depuis 1'arrivée des troupes Francaifes au Cap, nous avouons dis-je, que la Colonie n'eft plus fi opprimée qu'elle 1'était en tems de paix , qu'elle fait fon commerce affez librement, qu'elle s'eft en quelque facon enrichie, par le haut prix auquel elle vend fes denrées, & qu'en un mot elle jouic aétuellement d'un état aventageux & alfez riant. Mais ce bonheur n'eft qu'accidentel; il n'eft que momentané; la guerre linie , 1'oppreflion reprendra fon cours, & la mifere viendra fe faire fentir avec plus de violence que jamais. C'eft ce qui eft conftamment arrivé après toutes les guerres précédentes; ce n'eft pas de fon état actuel & momentané, que la Colonie fe plaint, ft 1'égard de fon aifance ; elle s'eft plainte lorfqu'elle en P ^ avait  ( 232 ) avait le plus grand fujet, & elle perfide a demander k la Compagnie, qu'elle prenne les moyens les plus éfficaces, affin que les bourgeois & les Colons jouiftènt en tout tems , foit en paix, foit en guerre, de leur liberté civile, des avantages de leur Conftitution , de la liberté d'un commerce permis & légitime , de la libre difpofition des fruits de leurs travaux, après avoir fatisfait a leurs engagements vis-avis de la Compagnie , en un mot d'une parfaite fureté dans leurs rcaifons , tant qu'ils fe comporteront en honnétes gens, & fur tout, de ne pouvoir étre envoyés en qualité de foldats, ou de naatelots.au fervice de la Compagnie, dans aucun cas poffible ni pour qu'elle caufe que fe puiffè être de ne pouvoir être condamnés a des peines pécuniaires, ou affliélives & infamantes, fans avoir écé juridiquement ouis, convaincus & condamnés par la haute-Chambre-de-Juftice, au Cap, ou par le Tribunal aureffort duquel 1'affaire doit étre portee felon la conftitution de la Colonie. Voila ce qu'ils ont ceroandé , & voila ce qu'ils demandent encore. Peut-on le leur refufer fans injuftice! 1 Mr. le Fifcal craint, quelaruine de ia Colonie aura avec  ( 233 ) avec le tems un autre principe ; & ce principe, il le trouve dans Pabus des richefles que les bourgeois accumulent aujourd'hui, & qu'ils employeront en fafte, en luxe , en depenfes folies , en batimens fuperbes, en embelliflèments inutilles qu'on faira au chef-lieu, &c. p. 10. i°. Mr.le Fifcalraifonneen trés-mauvais politique, s'il raifonne ferieufement fur les richefles des bourgeois du Cap; mais je crois plutöt qu'il raifonne en Agent jaloux de la profpéiité des bourgeois du Cap , qu'il voudrait favoir dans 1'humiliation & dans lamifere, pour que le luxe inoui des Agens de la Compagnie brillat avec plus d'éclat» & leur prêtat une confidération d'autant plus grande. Plus les Miniftres abfolus d'un Souverain brillent par leur dépenfe , & plus ils fe font craindre a des fujets qui connaiflent a peine 1'aifance ordinaire d'ane vie privée. C'efl plus par des dehors brillants, & par des acceflbires extérieurs , qu'on fe fait craindre, que par un mérite réel & modefte. Le fujet dans 1'indigence efl: plus ébloui de 1'éclat de 1'or qu'il voit dans les appartements, fur les caroflès & fur les habits des hommes en place & conftitués en dignité, qu'il n'eft incimidé par 1'étendue d'une autorité légitime, P exer-  C 234 ) exercée fans oftentacion , fans fafte & fans éclat emprunté. 2°. Tous les Souverains , donc les fujecs trouvenc des richeffes dans le fol qu'ils culcivenc , qu'ils font valoir, & qui par ce moyen fe réproduifenc & fe mulciplienc cous les ans, doivenc voir avec facisfaclion, que ces fujecs lesfonc circuler dans 1'Ecac même, par des dépenfes de commodité, & même de luxe, lorfque ces commodités qu'on fe donne, & que le luxe , au quel on fe livre, n'exigenc pas 1'exportacion de 1'argenc de 1'Ecac dans les pays étrangers; c'eft- a-dire,lorfqu'on peuc fe procurer ces objets de luxe dans le pays même ;_or c'eft précifément le cas des bourgeois du chef lieu de la Colonie du Cap. Mr. le Fifcal ne parle que du luxe qui confifte , en pierres, chaux & matérieaux propres a batir. p. 10. C'eft donc avec des matérieaux pris au Cap même, fournis & mis en oeuvre par les habitans du Cap , qu'ils peuvent batir des belles maifons & faire des embélliffementsau chef-lieu; c'eft donc par la, que 1'argent fortant des coffres des plus notables & des plus riches bourgeois du Cap, panera dans les mains de la feconde dufte des habitans , c'eft-a-dire dans celles des artiftes, des ouvriers, &c. Ce luxe donc, que  C 235 ) q\xe Mr. Boers prévöit devoir opérer la deftruétion de la Colonie, opérera un effec tour contraire, puisqu'il feravivrea. 1'aife, un grand nombre de families, qui n'ont d'autre moyen de fubfifler,que celui de leur induflrie & de leur travail. 30. Mr. le Fifcal ea condamnant ces dépenfes, ne fe montre pas fort attaché aux intéréts de la Compagnie; car tout ces beaux édifices qu'il allure devoir fe confiruire au Cap dans la fuite , ne peuvent étre conduits a un certain degré de perfection & de magnificence, fans qu'on y fade une confommation prodigieufe dé fer; or ce fer, les bourgeois devront toujours 1'acheter a un trè.-haut prix de la Compagnie-meme, donc c'efl vouloir retrancher une branche confidérable de commerce a la Compagnie. Quant aux autres objets de luxe que les richeffes exceflives mettent en etat de fe procurer , jamais les bourgeois du Cap ne pourront fe ruinet par cet endroit. La Compagnie y a mis bon ordre; i°. en leur défendant ftriétement tout commerce d'importation avec les étrangers & en les forcant d'acheter d'elle mème tout ce qui vient d'Europe, ou d'ailleurs, pour pourvoir a leurs befoins & a leurs comrpodités. 20. La Compagnie a fait des reglement^ trés-  C ) rès-précis qui déterminent minudeufement en fair d'habits, de meubles, d'équipages, de bijoux & d'ornements &c. touc ce qu'un bourgeois peut avoir Sc ce qu'il ne peut avoir: je veux dire, ce qu'on lui permet d'avoir, &ce qu'on lui défend d'avoir. (k) Ainfi on peut aflurer d'avance, que jamais les richeffes des bourgeois du Cap, aufli longtems qu'ils relteront au Cap, ne feront une caufe de ruine pour la ColoDie en général, & qu'elles feront au contraire un principe d'aifance générale pour tous les babi tan ts du fecond ordre; c'eft-a- dire pour les moins aifés. Le troifieme moyen de déffenfe du Fifcal Boers , confifte uniquement a fe difculper des accufations graves portées contre lui, a difculper le Gouvernement en général furies opprefïïons dont les bourgeois fe plaignent, & enfin ajuftifier les principaux Agens de la Colonie, fur le commerce qu'ils fe permettent de faire, contre la foi de leur ferment. Je n'entrerai dans aucune difcuffion ultérieure fur ces deux der¬ ft) On trauma a la fln de cet ouvrage, la traduétion litteralle d'un Placard porté contre le luxe des bourgeois du Cap, «n date du 15 Juiliet 1775. Cette pi-ce eft curitufe.  C *37 ) dernierspoinrs; je nepourrais, querepetter ce qué jHOf déja die a. ce fujet. Je me (latte d'avoir prouvé évidamment que le Gouvernement du Cap confidéré en général , efl: tres-oppreffif pour le bourgeois & pourle Colonj'ai demontré aufli, que les Agens de la Compagnie , n'ont feulement pas le droit de commercer, mais encore que ce commerce, dans quel fens qu'on 1'entende, leur efl abfolument interdk, tant par les Ordonnances & les reglements faits en divers tems a ce fujet , que par leur propre fermenr. J'examinerai briévement la valeur des excufes du Fifcal pour les inculpations particuliere» , qui Ie regardent. Je crois, que ces exculès font infuffifantes , & qu'elles ne detruifent en aucune maniere, lalégitimité des plaintes portées contre lui; mais je reconnais en même tems, que les maux qui refultent de 1'abus d'autoricé dans le Fifcal & dans les autres Agens de la Compagnie, font plus Ie fait de la Compagnie elle-même , qu'ils ne font le fait i des individus qui exercent les emplois qu'elle leur donne. C'efl la faute de la Compagnie , fi fes Agens malverfent i°. paree que les gages qu'elle leur donne font trés - modiques. a°. paree qu'elle n'a jamais eu  ( 233 •) eu foin de les faire furveiller, ni de les faire punk de facon a intimider ceux qui fuiven: les mauvais exeinples de leurs prédéceflèurs. 30. paree qu'elle leur envoye des ordres fecrers & peremptoires, qui occafionnene en partie les defordres dont les bourgeois fe plaignenc, & donc quelque fois ils rejettent la faute fur les Agens. 40. paree que ces Agens font toujours , ou des parents , ou des amis, ou des protégés de Mrs. les Directeurs, qui fontenvoyés d'Europe , plus pour faire une fortune en écac de racommoder les affaires délabrées d'une familie qui a eu des malheurs, que pour y travailler au bien-étre des Golons & a favantage réel de Ia Compagnie. II ne ferait pas difficile d'indiquer quelques autres raifons aiufli fortes que celles-ei, pour prouver, que les premiers emplois dans les Ecabliffemencs de la Compagnie, fonc conférés avec erop peu de difcernemenc, & que la proceétion influe erop fur la nomination des premiers Agens de la Compagnie. Revenons au Fifcal. Depuis la page n, jufqu'a. Ia page 25 inclufe, le Fifcal, après un préambule aufli inucile qu'il efl long, x'applique a fe juflifier fur crois faits. Le premier regar-  ( 239 } regarde une compenfation en argent que J. van Rheemen a du lui payer , pour le faire défifter des pourfuices d'un procés criminel que lui Fifcal avaic intenté au fils de J. van Rheemen & au fils d'un des premiers Agens de la Compagnie, tous les deux complices des mêmes defordres. Le fecond, regarde une amande de 1500 Ryksdaalders, payée par C. P. Brand, de laquelle il lui a fac grace de la moitié; une autre amande de 1200 Ryksd. payée par Holtman dont illui remit aufli par grace un tiers; & le troifieme une amande de 300 Ryksd. payée par Olivler. Je veux croire, que ces bourgeois avaient mérité d'étre mis a 1'amande pour des prévarications contre le bon ordre & la police; mais je ne croirai jamais, que ces amandes puiflènt étre traitées de bagateles & de minuties; c'eft cependant fous ce point de vue que le Fifcal les envifage. „ Je fuis extremement mortifié „ de me trouver obligé de me défendre & de me „ juftifier fur des telles bagateles, comme fi elles de„ vaientétre confiderées comme des exaétions exorbi„ tantes,, &c, p, 25. II faut,que Mr. le Fifcal ait eu desaubaines bien confidérables & qu'il ait exigé des amandes bien grosfes,  fts, püifqu'il traite de bagatelles 500, ï$Öo, 1200 Ryksdaalders, payées par divers particuliers pour une feule fois qu'ils ont été pris en flagrant délit! Quant aux 300 Ryksd. payées par Olirier & au quel le Fifcal prétend avoir fait grace, je trouve que jamais amande n'a été décernée plus injuftement; & voici pourquoi. Cet Olivier efl: un Colon d'un des diflriéls de la Colonie particuliere du Cap , cet homme a comme les autres, un droit inconteftable a faire le commerce de fes propres denrées; il avait cru plus profirable pour lui, de faire moudre fon grain pour en vendre la farine, que de porter fon bied en nature au Cap, pour 1'y vendre; en conféquence, il porte de la farine au: Cap; on le furprend , on lé dénonce au Fifcal, & celui -cile met a 1'amande. Je demande fur quel fondement? Le Fifcal me répond, i° que c'eft pour avoir porté de la farine au Cap fans un certificat du meunier: je demande encore de quel droit on exige d'un Colon un certificat d'un meunier pour pouvoir porter de la farine a vendre au Cap ? Le Fifcal me répond, que c'eft par la raifon que la Compagnie ayant un moulin - banal, p. 24 , le Gouvernement doit s'aflurer, que les Colons font exacts a aller moudre k ce  C £4i i \zt Moulin-banal, & qu'il ne peut s'en afturer, que par le moyen du meunier qui efl: intérefle particulieremem & perfonnelement a ne pas fouffrir de fraude a ce fujet. Un Moulin-banal! eft-ce donc ainfi encore un coup , que les Colons du Cap font libres! Rien ne prouve plus 1'arrogante féoclalle & le despocifme des Seigneurs Suzerains, que la banalité des Moülins', des Fours, des Pneflbirs & 1'aflujettiflcment aux corvees: ce font Ik les marqués diiïinétives de 1'efclavage des vaflaux. Les Colons du Cap, ne font donc plus des Gens-libres; mais ils font vaflaux de la Compagnie, dans toute la rigeur du terme. Cependant le fait efl, que ce Moulin-banal n'appartient pas a la Compagnie , que la Compagnie n'y a aucun droit & que ce Moülin appartient en toute propriété au Corps municipal de la bourgeoifie du Cap , puisque les Burgerraaden 1'afferment au profit de la bourgeoifie; le fait eft, quel'amande pour tout bourgeois & Colon qui eft furpris, pour n'avoir pas fait moudre fon grain a ceMoulin, efl fixée & 10 Ryksd. & non a 300; que ces 10 Ryksd. doivent revenir a la caifle de la bourgeoifie & non a celle du Fifcal. Pourquoi ? Paree que la Banalité de ce Moulin, n'eft Q pas  C 242 ) pns une Banaliti proprement dice. Le Corps de ls bourgeoifie ayant fait conftruire ce Moulin a fes propres frais & dépens, on i'afferme a un Meunier, pour que le prix de cette ferme entre dans la caiflè de la bourgeoifie & lui fafle un fonds ; ce fonds eft destiné a fournir aux frais d'entretien & de reparations qui font a la charge de la bourgeoifie, comme nous 1'avons vuci-deftus. II refulte, que la banalité de ce Moulin n'eft que volontaire dans fon principe , & qu'elle eft uniquement a 1'avantage de la bourgeoifie elle-même. C'eft donc trés-mal a - propos, que Mr. le Fifcal s'autorife de la Banalité du Moulin , pour juftifier 1'amande de 300 Ryksd. qu'il defcerna fans ombre de droit,contre le payfan Olivier; celui-ci ne fraudait ni les droits de la bourgeoifie, ni les droits de la Compagnie. Pourquoi donc encore un coup, une amande de 300 Ryksdaalders ? C'eft répond 20. le Fifcal , parceque Olivier a compromis & méprifé Fautorité du Gouvernement, en difant a celui qui 1'arrétait, quil avait une permiffion expréffe depaffir, & qu'éffe&ivementil n'en avait aucune.p. 24. Cette jréponfe n'eft qu'un fophifme. Voici le fait. Le Moulin-banal de la bourgeoifie avait été fans pou- voir  C 243 ) voir moudre pendant plufieurs jours de fuite,pour des réparations indifpcnfables a y faire; Olivier, qui en efl; éloigné de plus de dix lieues, s'était pourvu d'une permiffion par écrit d'un des Burgerraaden, pour pouvoir porter au Cap , la farine qu'il avait fait faire aux petits moulins de fon diftriét & dont il avait payé les droits au Meunier , fermier du Moulin-banal de Ia bourgeoifie ; en conféquence, il était déja paflc une fois avec un chargement de farine, fans étre moléflé; lorfqu'il revint la feconde fois & qu'il fut arrêté, il ignorait, que le moulin fut réparé, & ayant fourni déja fon paffe-port, il croyait, que ce premier paffe-port devait lui fervir, jufqu'a ce qu'on lui eüt dit, qu'il devait s'adreffer comme de coutume, au Meunier de la bourgeoifie; c'efl: fur cette croyance , qu'il répondit au fergent de patrouille, qu'il avait une permiffion te pa fer. Eft-ce donc la un crime tel que le Fifcal le dépeint, contre fautorité du Gouvernement ? Eft-ce une faute qui doit étre expiée par une amande de 300 Ryksdaalders? Si jamais il y a eu de cas graciable, c*eft certainement celui ci. Une perfonne raifonnable ne peut pas dire, que la faute, s'il y en a, ait été commife de propos délibéré : Q 2 d'ait-  ( 244 ) d'ailleurs il confte, qu'il n'y avait pas de fraude. La Compagnie n'a pas plus le droic de défendre 1'entrée des farines provenanc du cru des Colons, qu'elle en a , a défendre 1'cntrée du bied , du vin, &c. En un moe, tous & chacuns les produits des terres de la Colonie , ont par la Conftitution - même , le droic d'entrer au chef - lieu, en payant a la Compagnie la dixme , en efpece, ou enargent, conformément aux reglements faits a ce fujet, lorfque la Compagnie dit qu'elle e(t fuffifament pourvue & qu'elle refufe d'acheter au Colon le furplus de fes denrées. En s'autorifant donc de la banalité du Moulin fans aucune reftriftion, Mr. le Fifcal cherche évidemment a fe juilifier au moyen d'une furprife dans laquelle tous ceux qui ne font pas particulierement inftruits du fait, doivent néceflairement tomber. Eh! combien y a-t-ild'hommes inftruits a fonds, en Europe, fur les détails de la Colonie du Cap ? Peut - étre fur mille, n'en trouverait - on pas un. Mr. le Fifcal paffe légerement , fur un autre chef d'accufation, qui a mon avis, efl celui de tous qui méritait de fa part, une attention des plus ferieufes: car le fait efl un des plus graves k fa charge en le  C 245 ) le confidérant du coté des penalités pecuniairesque le Fifcal impofe , ou dumoins a impofées arbitrairement, pendant fon court regne au Cap ; penalités qu'il traite de bagatelles. Voici le fait : le Lecteur jugera , s'il peut étre rangé au nombre des bagatelles. Jan Smit Juriaansz. efl: un boulanger bourgeois du Cap. Cet habitant tomba en contrevention a une Ordonnance de police; par laquelle il eft défendu a tout bourgeois du Cap , de bruler dans le four, ou autrement, du vieux jonc fee qui a eu fervi a Ia couverture des maifons ; les motifs de ce reglement de police font très-plaufibles, &on ne faurait jamais trop prendre de précautions contre les incendies, & fur tout dans des Villes & dans des gros Bourgs. L'amande fixée contre lesdélinquants par cette Ordonnance , eft de 25 Ryksd. pour les fimples bourgeois, & de la même fomme , pour les bourgeois - bouhngers , avec perte pour ceux-ci de leur boulangerie; c'efta-dire,que parle fait même, ils font déchusde leur droit de maitrife. Mr. le Fifcal , autorifé de la fusdite Ordonnance, foumit Jan Smit a toute la rigeut de ce reglement de police ; s'il s'en était tenu lk , Q 3 fa  ( 24<5 ) fa conduite eüt été fans reproche k cet égard. Mais Jan Smit efl un boulanger riche, & fa caiffe pouvait lui fournir de quoi apaifer la févérité du Fifcal: Soit que Jan Smit propofat un moyen de conciliation, foit que le Fifcal lui fit infinuer, qu'il ne ferait pas intraitable , il s'en fuivit un accommodement par lequel, Jan Smit fc vit contrahit de payer au Fifcal iooo Ryksdaalders, pour pouvoir continuer de faire du pain & dele vendre. Le Fifcal n'était pasautorifc d'accommoder cette affaire pour une bagatelle te i»oo Ryksd. & encore moins d'en faire fon profit; il devait dénoncer le boulanger délinquant au Tribunal compétant, 1'y pourfuivre en fa qualité de partie publique & attendre le jugement qui ferait prononcé contre Ie dit Smit. Mais il parut plus expéditif au Fifcal d'empocher iooo Ryksd. & de tenir quite le boulanger. Ce même Jan Smit a eu le malheur d'avoir a faire une feconde fois avec le même Fifcal, & 1'affaire en eft devenue bien plus férieufe pour 1'un & pour 1'autre. Ce Smit fut dénoncé au Fifcal, par un de fes fatellites affidés, pour s'écre renducoupable de vol, ou du moins de larcin, en faifant apporter chez lui, eer-  C 247 ) «ertains effetsque les vagues avaient pouffés contre le rivage,après le nauffraged'un navire anglais qui s'étaic perdu aux attérrages du Cap. Smit fut bientót appelle chez le Fifcal après une telie dénonciation. Le Fifcal le ménace de le pourfuivre criminellement, FéiTraye en lui faifant la peinture du fupplice le plus affreux pour lui & le plus infamant pour fa familie , s'il ne veut fe prcter a un accommodement fecret: Sw//frémitde peur, & dans ce moment, il croit voir la potence déja drelfée pour lui, les Calfres lefaifir, 1'emprifonner, & le bourreau pret a exécuter une fentence de mort contre lui: il demande k compofer, &fa caiiTe lui parait encore un moyen fur pour appaifer la colere du Fifcal; il fe refout fans peine a y avoir recours; le Fifcal & lui entrent en négociation ; la fin de cette négociation fut, que le dit orazVfignaune obligation d'une bagatelle de 15,000 florins en faveur du Fifcal, non en forme d'amande , mais en forme d'emprunt ; c'efl-a-dire , que le dit Smit reconnait avoir recu du Fifcal la fomme de 15,000 florins en argent comptant & qu'il promet de la lui rendre en efpeces, &c. Smit revenu chez -lui, raconte fon avanturea quelque ami; cet ami lui démontre , qu'il a fait Q 4 «ne  C H8 ) 'une fbttife, & lui confeille de ne pas payer la dite obli-gaticn évidemment extorquée. Quinze mille florins dus de cette facon , ne fe payent pas volontiers,. ou dumoins fans un vifregret; Smit écouta le confeil de fon ami , il le goüta & le fuivit. Le Fifcal demande le rembourfement duprétenduprêt, & Smit refufe de le payer. Le Fifcal déchu de fes efperances & trompé a fon tour par celui qu'il avait trop intimidé, porte fon affaire au Tribunal de la juftice reglée; il intente une aétion contre Smit\ celui - ci fe préfente & fe défend. II s'en eft fuivi un long procés qui n'eft pas encore terminé; mais tout annonce, qu'il fc terminera a la honte & au détriment du Fifcal. Sur les pieces du procés envoyées en Europe , un des Députés de la bourgeoifie du Cap a eu trois differentos confultations, qui toutes trois donnent gain de caufé a Jan Smit & condamncnt le Fifcal ft perdre fa » prétention contre Jan Smit, fauf le droit de le pour- fuivre criminellement. La première de ces décifions eft des Avocats Ploos van Amftel & Decker, célébres Avocats habitans d'Amfterdam; la feconde efl d'un desmeilleurs Avocats de la République, d'un des plus fameux , elle eft d'Elie Luzac, Avocat ft la Cour è  C H9 D de Hollande. La troifieme, celle fans douce qui eft la plus décifive, qui doic avoir le plus de poids , & qui mérite la confiance la plus entiere, eft celle que la célébre Faculté de Droic de 1'Accademie de Leyden vienc de rendre & qui eft publique. Elle eft fignée par les trois favants ProfefTeurs en droic de cette Univerfité, & munie du petic fceau en cire rouge de la dite Faculté. Mrs Peftel, Voorda & van der ■Keeffel Font fignée ; je penfe qu'une décifion folemnelle, donnée par trois hommes qui jouiflent a bon droit dans toute la République & même chezl'Ëtranger, d'une réputation de favoir peu commune, dok diriger avec cercicude le jugement d'un Tribunal, qui au Cap, ne peut pas fe procurer des lumieres relativemenc a cette affaire, en état de contrebalancer Fautorité trés - refpeécable de la Faculté de droic de FAccademie de Leyden. On efpèreaufli, queMr. Ie 'Fifcal ne traitera pas cette décifion avec le même mépris qu'il a traité celle de Ploos van Amftel. p. ig. Par cette derniere décifion le Fifcal eft condamné a rendre au dit Smit, Fobligation de 15,000 florins , & a payer tous les frais du procés faits jufqu'a ce jour ; fauf au Gouvernement, d'informer contre le Q 5  C 250 ) dit Smit» fur 1'accufation de vol & da larcin intentée contre lui par le Fifcal. (/) Quant ft 1'afFaire de Vos bourgeois du Cap, dont j'ai déja parlé & fur laquelle je me fuis refervé de faire une réponfe directe ft Mr. le Fifcal; je remarque i°. que Mr. le Fifcal avouele Fait quant au fonds, p. 27. & que toute fa défenfe confifte ft dire , que ce Vos ne lui avait demandé la permiffion de faire tranfporter chez lui, que ao ft 25 canons de fufil d'un gros calibre & qu'il fe trouva , que Vos avait fait porter 200 fufils montist, que fe voyant joué de cetteTacon & d'une maniere auffi cruelle que le payfan de la Fable qui avait aidé 1'Ours ftfortir d'une taniere trop étroite qu'il s'était creufée, & dans laqu'elle il s'était trop enfoncé, lui Fifcal 1'avait puni d'une fupercheriefi indigne, par une amande de 200 Ryksd. p. 28. Sur quoi je remarque z°. queMr. le Fifcal fipourvu d'ail'- (/) Ce quieftditde Ia décifion de la Faculté de Droit de 1'Accademie de Leyden , eft unepreuveajoutée aux autres , par 1'Editeur de cet ouvrage qui autrementn'y a aucune part que celle d'avoir corrigé les feuilles pour les fautes d'impreflïon , & pour avoir reftifiéle fers de quelques phrafesFrangaifes qui était en plufieurs en iroitt, louche & trop confus. Note de l'Editeur Fraryais*  C 251 ) d'ailleurs de pieces juftificatives, n'en fournit pas une feule qui attefte la vérité du fait tel qui 1'expofe ; au lieu que la plainte fur ce fait, eftappuyée fur deux déclarations formelles cotées n°. 6. & n°. 7. qui fervent de pieces juftificatives aux Mémoires des Députés de la bourgeoifie, & que Mr. Boers cite lui • même p. 26 de fa réplique. Quoique Mr. le Fifcal foit trés-véridique , pour convaincre les Leéteurs incrédules, il aurait du ce femble, oppofer piece juftificativea piece juftificative. Cela eüt mieux valu, que la i8eme- Fable de Pkilepkus, traduiteen Francais par Mr. de Bellegarde. p. 28. Ce n'eft pas d'une Fable qu'il s'agit , c'eft d'un Fait. Mr. le Fifcal, par un raifonnement trés-long, s'attache a prouver , qu'il valait mieux condamner a des amandes pecuniaires les bourgeois atteints & convaincus de vol , que de les pourfuivre criminellement & de les expofer aux peines affliétives & infamantes même au danger trés-imminent d'étre pendus fur le rivage oü ils avaient commis leur crime. Le premier parti felon lui, eft plushumain, plus décent & plus convenable a 1'honeur de toute la Colonie , oü toutes les families font aparentées par dec  C 252 ) des mariages qui fe font entre elles journellemenc. P' 34» 35 & 3^' On ne peut s'empécher de donner des éloges a Mr. le Fifcal fur cette facon de penfer ; mais malheureufcment pour lui elle parait trèsfufpeéte , vu que les amandes pécuniaires font a fon profit. Si 1'amande en remifiion de la peine infamanie , ou même de la peine de mort, était applicable aux pauvres, ou a qu'elquautre ufage d'utilitépublique , il n'eft pas douteux , que Mr. le Fifcal ne fe juftifiat parfaitement, en alleguant la raifon de compaiTïon , a 1'égard du délinquant , & a i'egard de fa familie; mais comme Mr. Je Fifcal , qui a eü affez de générofité & d'humanité pour commuer de fon autorité privêe, la peine infamante, en peine fimplement pecuniaire , n'a pas été ai'ioz gétféceux pour faire le facrifice des fommes qu'il a exigées pour lacommutation de la peine , on eft toujours en droit de fuspecter la droiture de fes intentions a ce fujet. Ce qui augmente les foupcons , c'eft que par raport a 1'amande de 15,000 florins , dont j'ai déja parlé , il avait pris une précaution , par laquelle il voulait évidemment fe mettre a 1'abri du reproche qu'on lui fait de s'étre fervi d'un moyen peu honnête, pour extorquer 15000  C 253 J 15000 florins da nommé Smit; ces foupcons fe fortifienc encore, en reflechiflant un peu fur 1'amande de 200 Ryksd. qu'il exigéa de Vos pour les Fufils porcés de Bay-Fals, & auquel il recommanda le feeree le plus abfolu fur] cec accommodement. Une chofe cependant justitie en quelque facon Mr. le Fiscal; c'eft, qu'après avoir promis a Mrs. les Directeurs de la Compagnie de mettre a exécur'on la rigueur des Ordonnances fans diflinftion de crime, ni acception de perfonne, & de ne plus faire des compenfations pecuniaires, p. 36. pour !des crimes qui méritent punition exemplaire & infamante, p. 36. c'eft, dis-je , que Mr. le Fifcal n'a pas pu gagner fur lui de faire un tel éffort contre fon humanité, & que pour ne pas fe mettre dans la dure néceflité de tenir parolle a Mrs. les Directeurs, & deshonnorer prefque toute la Colonie, en faifant infliger des peines corporelles aux bourgeois qui s'y expoferaient, il a mieux aimé refigner fon emploi, 5c fe retirer en Europe. Cetce démarche fait unhonneurinfini a fes fentiraents & a fon coeur ; c'efl: a mon avis la meilleure juftification qu'il pourraitproduire en fa faveur; elle éftace en grande partie felon moi, toutes les tfches  C 254 ) taches que les exaftions qu'on lui réproche, ont fait ft fon défintéreflement. Mr. le Fifcal employé prés de quiuze pages de fon Mémoire pour juftifier la conduite qu'il a tenue ft 1'égard du bourgeois Buytendag. II refulte de tout ce que Mr. Boers dit ft ce fujet, que Buytendag avait depuis longtems troublé le repos de la Colonie de Stellenbosch; que fur la plainte du Bailli &des Heemraaden de cette Colonie, portée par eux au Gouverneur du Cap,, le dit Buytendag avait vendu inopinément fon Établiifement, & s'était retiré au chef-lieu, oü il continuait par fes ivrogneries & par fes emportements, ft mal-vivre avec fa femme &avec fe familie ; que malgré les avertiflements réiterés, ft lui faits par Mr. le Fifcal Boers, le dit Buytendag reftant incorrigible, lui Fifcal avait inflamment prié Mr. le Gouverneur de mettre la fentence de baniffement portée contre Buytendag, ft execution; & que fur cette permiffion , il 1'avait fait enlever dans fa maifon & 1'avait fait partir pour Batavia en qualité de foldat de la Compagnie, avec O florins de gages par mois. Voila la fubflance de tout ce que Mr. le Fifcal allégue en 15 pages; c'eft-a - dire depuis la p. 36 , jufqu'k la  ( 255 ) la p. 51. Quatre pieces juftificatives appuyent Ie recit de Mr. le Fifcal & en conftatent la vérité. Ces pieces font quotéesn0. 14,15, 15&16. A mon avis toute cette juftification porte fur un faux principe : Le Bailli de Stellenbosch , les Heemraaden de cette Colonie, le Fifcal indépendant, & le Gouverneur lui même fuppofent, que la Compagnie a le droit d'enroller ft fon fervice tout Colon, habitant, ou bourgeois de FEcablifiement du Cap , de le dégrader de fa qualité de citoyen libre , & de Fenvoyer oü bon lui femble, pour Fa fervir en telle qualité qu'il lui plaic, & aufli longtems qu'elle le juge a propos. Ce principe eft abfurde, cruel, inhumain , deftructif de toute fociété compofée d'hommes libres, & annonce le Defpotifme le plus éffréné. Je ne rapporterai pas ce que j'en ai déja dit. Je ferai feulement quelques courtes rtfleétions fur Ie reek-même du Fifcal. Selon la Requête en date du 6 May 177Ö , prefentée a Mr. le Gouverneur Plet ten berg, par le Bailli & Heemraaden de Stellenbosch & Drakenstein , Buytendag était regardé comme un fujet très(ernicieux a la Colonie, foit par fes ivrogneries, foit par  ( 255 ) par les mauvais traitements qu'il faifait ft fa femme j ft fes enfans, ft fes efclaves, & aux Hottentots qu'il avait pris ft fon fervice ; foit enfin par les querelles qu'il chcrchaitft fesvoifins, &lepeu de refpett qu'il paraiifait porter ft Mr. le Bailli de Stellenbosch. Je conviens que tous ces fuj'ets de plainte, en fuppofant qu'ils ne font pas exagérés, font graves; mais je nie qu'ils foient alfez Igraves, pour forcer un Colon ft s'expatrier, & pour demander qu'il foit envoyé en Europe, ou aux Grandes Indes, en qualité de foldat au fervice de la Compagnie. Buytendag devait étre renfermé dans une prifon , il devait y étre détenu jusqu'ft ce qu'on fe ferait appercu de fon amandement < & qu'on aurait pu conjeéturer avec raifon , que cette punition aurait mis un frein ft fes déportements ; c'était le premier moyen qu'on devait tenter contre lui. S'il avait fait tort ft fes voifins, s'il les avait infultés griévement en parolles, ou autrement, la voye des informations criminelles leur étant ouverte, c'était ft eux ft lepourfuivre pourobtenir en juftice reglée, une réparation proportionnée ft 1'injure & aux domages qu'ils en avaient recu, d'autant mieux qu'il avait un Établiifement , & que parconféquent il pouvait étre con-  | 257 3 coiidamné a payer au moins les frais du procés. Quant aux maltraitements a 1'égard de fes efclaves & des Hottentots a fon fervice, c'efl: une affaire purement domeftique & qui ne rcgarde que Buytendag . auflitöt qü'il n'y a pas de cruauté marquée & vilible de fa part, comme merutre, ou mutilation. Malheureufement les efclaves font a un maitre , ce que lui font fes boeufs , fes vaches & tous fes animaux domeftiques; la nature a en horreur, je le fais, une telle propriété ; tout homme raifonnable frémit au feul nom d'efclave ; mais jufqu'a ce que le commerce des efclaves foit aboli d'un confentement una* nime de toutes les Nations civilifées, lê maitre qui en a, peut les traiter comme bon lui femble, au meurtre & a la mutilation prés, fans que la légiflation ait aucun droit de connaitre de ces traitements. Si tous les Colons qui maltraitent leurs efclaves , devaient pour cette raifon , étre chafles de leurs plantations , bientöt tous les Etabliflements deviendraient déferts. Buytendag n'était pas aimé dans la Colonie de Stellenbosch \ je crois même qu'il méritait la haine de fes voifins , du Bailli, & des Heemraaden; mais on fliic t^u'une Requêce en plainte portée contre quelqu'un R qu'on  ( 258 ) qu'on n'aime pas, eft toujours fnrchargée & que les faits y font toujours exagérés. C'eft évidemment le cas de la Requête prefentée par le Bailli & les Heemraaden de Stellenbosch'. Buytendag, dit Mr. Boers, s"1 était moqué plufieurs fois du cara&ere du Bailli, il avait tournê en ridicule Vautorité du college du Bailli, & des Heemraaden , &c. p. 39. II eft certain qu'il n'eft pas prudent defe moquer Kan Bailli, & furtout d'un Bailli au fervice de la Compagnie des Indes; la teneur de la Requête contre Buytendag prouve, qu'on n'infuke pas impunément un perfonnage de cette conféquence: malgré cela, cette Requête porte fur des principes trés-érronés,en ce qu'elle conclut a demander 1'exil honteux du dit Buytendag. Mr. Boers avoue tout le detail des circonftances de 1'enlévement forcé de Buytendag ; il prétend les justifier feulement, en difant, que Buytendag ne s'ctait pas rendufur le champ a fes ordres. Je demande, 11 des ordres portés verballement par un meflager trèsincompctent, fi ces ordres, qui ayant plus 1'air d'une invitation , que d'autre chofe, portent de leur nature, une obligation de partir fur le champ ? Je demande fi un retard d'une heure apporté a leur exécution, pour dei  C 259 ) dés raifohs très-plaufibles, forme un crime, qui doit étre expié par uneprife de corps accompagnée des plus indignes traitements ? Qu'el eft 1'homme raifonnable qui goutera la juflification clu Fiscal a cet égard? Mr. le Fiscal lui fait un crime d'avoir infulté fon fattellite lorfque, pour la feconde fois, ce fuppot accompagné de quatre bourreaux cafres , vint lui fignifier qu'il avait ordre de 1'emmener de force. Quel eft 1'bonnête bourgeois, quel eft même 1'homme le plustranquille & le plus modéré qui h'eüt pas répondu au fatellite, ce que Buytendag lui répondit, ou a peu prés ? Vu le caraclére violent & emporté de Buytendag , vu le portrait qu'on nous fait de lui & par lequel on nous le reprefente comme un fcélérat en état de tout, je trouve, que Buytendag fut trés-modéré dans cette rencontre ; & le fatellite a mon avis, en fut quitte a bon marché. Un bourgeois libre , auquel un vil (Geweldiger) déclare qu'il n'efl: plus bourgeois , & qu'au contraire il eïtdevenu, fans le favoir, foldat de la Compagnie, que comme tel il doit partir fur le champ pour fervir en cette qualité , peut-il fe contenir , peut-il recevoir fans altération la fignification ▼erballe d'une fentence fi arbitraire; peut - il s'entendre R a dire,  ( 2ÓO ) dire, qu'il doit'partir fur le champ de lonne volontè, que fans quoi, en va Vemméner de force? p 41. Que Mr. Boers repende tout ce qu'il voudra; il me fuffit de favcir & d'étre afturé, que tout homme qui connait les droits que la nature lui a donnés & qui en fent toute 1'importnnce, me répondra,que le procédé du Fiscal était injufte, tyrannique & que Buytendag devait en étre révolté. Le nommé Opperman bourgeois braftèur du Cap fut aufti cité par le Fifcal, pour comparaitre chezlui,dela même maniere que Buytendag; Opperman répondit au (Geweldiger) que s'il avait 1'audace d'entrer chez lui, il lui caftc-rait la tête d'un coup de fufil; le fattellite n'ofa hafirder fa vie , il fut faire rapport a fon maitre de ce qui lui était arrivé ; le Fiscal de ce tems , reconnaiiïant fon tort ,. envoya un huiïïier de la ville avec des récorps; alors Opperman obéit, paree qu'il vit qu'on le traitait en bourgeois. La déclaration de cefupot du Fifcal,quotéeN0. 16• dansles pieces juftificatives, ne prouve rien en faveur de fon innocence , ni en faveur de la caufe que Mr. Boers plaide; elle eft évidemment fufpeóte. a tous égards. Mr. Boers, qui tache de rendre fufpeeftes tou-  toutes les pieces juftificatives alléguées par les Députés de la bourgeoifie du Cap , dans leur Mémoire en plainte a la Compagnie, aurait du prévoir, qu'on pouvait lui retorquer fon argument avec le plus grand avantage. Mr. Boers déclare, que par égard pour la familie de Buytendag & par modéraüou pour fa perfonne, il avait voulu éviter tout écht; cette modération efl; très-louable; mais eil-ce vouloir éviter toutéclat, que d'envoyer 4?. un oifcau de mauvaife augure , ft un bourgeois , pour lui fignifier 1'ordre peremptoire de partir fur le champ, pour fa rendre chez le Fiscal, chez le quel on n'efl appellé de cette maniere, que pour y aller recevoir des mauvais compliments ? Quoiqu'il en foit de la véracité de's allégations de "Mr. Boers, contre le reproche bien fondé qu'on lui fait d'avoir agi en tyran contre la perfonne du bourgeois Buytendag , il eft toujours certain & incontestable, que ni lui, ni le Gouverneur n'ont pas eu le moindre droit d'envoyer, comme foldat au fervice de la Compagnie , ni Buytendag, ni tout autre bourgeois , ou Colon de 1'Etabliflement du Cap ; la Compagnie doic defavouer cette demarche, & fi R 3 elle  C 262 ) # elle re vent pas la defavouer , le Souverain doit y mettre ordre & prendre le fait & caufe de tout ceux contre lesquels, le Gouvernement du Cap fe permetrait a i'avenir,ces a&es d'une autorité arbitraire, injuile & cruelle. Je n'ignore pas, que la Compagnie s'autorife a ce fujet, d'un abus intollérable qui a lieu en Ilollande. Des hommes vüs & dégradés, regardés même en Hollande avec le mépris le plus marqué & le mieux fondé, y font un trafic infame d'hommes qu'ils prenent dans leurs lacets , en fe fervant des moyens les plus honteux pour furprendre ces viétimes du befoin, & le plus fouvent de la bonne foi ; ils revendent ces infortunés a la Compagnie, pour étre envoyés aux Indes en qualité de matelots, ou de foldats; ces marchands de chair humaine, font connus fous la dénomination infame de Vendeurs~d'ames (Ziel-verkoopers ) Mais c'eft un abus fur lequel le Souverain ferme les yeux; or un abus ne forme jamais un droit. Je fais encore , qu'en faveur de Ia Compagnie, les Magiflrats des villes permettent quelque fois, qu'on retire desprifons,desmauvais fujets, condamnés ades emprifonemcnts longs& quelques fois perpécuels ,• la plü-  * ( 263 ) plupart de ces miferables ont le plus fouvent mérité de perdrelavie par des crimes avérés, dont ilsfe font fouillés , presque tous ont été publiquement fouetés furl'échafaud & portent fur leur dos, Fempreinte d'une marqué de feu qui attefte leur fcélérateflè; mais ce cas particulier eft bien differend de celui oü le Gouvernement du Cap fe trouve , lorsque fans forme de procés & fur une fimple plainte, il condamne un bourgeois a fervir la Compagnie en qualité de foldat, ou de matelot, fans auparavant lui avoir fait & parfait fon procés. Mr. le Fiscal Boers s'autorife encore d'un autre acte authentique , pour prouver le droit du Gouvernement a prendre pour foldat , ou pour matelot au fervice de la Compagnie, tel bourgeois qu'il lui plait, ou du moins qui ne fe comporte pas d'une maniere honnête. Cette piece que Mr. le Fiscal réclame efl: quotée N°. 17. dans les pieces justificatives. l°. Cette piece ne prouve rien contre Buytendag , a°. Cette piece conflate de plus en plus Fabus d'autorité dans le Gouvernement du Cap. Je dis, qu'elle ne prouve rien contre Buytendag ; paree que le cas de Buytendag eft tout - a- fait different de celui de Johan Hendrik Gans vanLippolsberg, dont il j r 4 yeft  C #4 ) * y efl: queftion. Ce dernier, après avoir fidellement fervi !a Compagnieën qualité de foldat; demande pour recompenfe au Gouvernement du Cap, de pouvoir étre recu au nombre des bourgeois de cette Colonie; on lui accorde cette faveur, avec la reflriction, qu'il ne pourra pas ccffer tPexercer fon métier de tailleur , quil ne pourra faire aucun commerce , qu'il ne pourra pas demander en proprieté, aucune terre de la Compagnie, cj5 que dans tous les cas , oü on aura befoin de fon fervice , ou que fa conduite ne fera pas reguliere, il fera permis au Gouvernement dele reprendre au fervice de la Compagnie, avec les mêmes gages quil avait ci-devant, &c. C'eft donc ici un contrat paiticulier & conditionel que celui-ci paffeavec le Gouvernement ; il fe foumet a ces conditions cruelles & injuftes a la vérité ; mais enfin il s'y fuumu la regie de,volenti non fit injuria , a toute fa force vis a-vis de lui Mais Buytendag avait-il pasfé un contrat de cette nature avec le Gouvernement? Non certainement; Buytendag était bourgeois , aux conditions que tous les auties le font ; Buytendag, était, vreye burger (bourgeois libre) dans toute la rigueur du terme ; 1'autre ne peut pas dire qu'il 1'eft;  * ( a*5 ) Feit ; il n'a recu qu'un congé a cerme indefini, 65? malgré fa lettre de foi • difant bourgeois, il eft toujours veritablement foldat de la Compagnie, fans gage. 11 n eft nullement affranchi; il refte toujours fujet de la Compagnie , puisque celle-ci peut le faire fervir quand bon lui femblera. Defcnfe de changer de metier , inhabilité a pojfèder en propre des biens fonds , obligation de reprendre les armes quand le Gouvernement le jugera apropos; tout cela ne prouve-t'il pas clairement,quecec homme eft privé des avantages les plus - caraétériftiques d'un homme libre & parconféquent de ceux d'un bourgeois. Quelle comparaifon donc peut- on faire de fon état avec celui de Buytendag ? Celui-ci avait des biens fonds, celui-ci pouvait faire tel métier qu'il jugeait le plus convenable a fa fortune , en un mot celui-ci était libre de fait & de nom; 1'aurre ne 1'eft certainement pas de fait, & s'il 1'eft de nom, ce n'eft que par un abus & une proftitution du terme refpeftable de liberté. a°. Cette piece conftate de plus en plus 1'abus d'autorité dans le Gouvernement du Cap. Chez toutes les Nations policées, même chez le tloi de Prusfé, oü tous kles hommes nailfent foldats, desqu'un R 5 mili-  C 2öö 3 * militaire a recu fon congé abfolu , qu'il I'a acheté , ou qu'on le luia accordé, foit a raifon de fesfervices, foit pour d'autres caufes quelconques, ce militaire peut difpofer felon fa volonté , de fa perfonne & de fes talents; il peut embraflèr tel état qui lui convient le mieux , en un mot il rentre par le fait même , en polfeffion de tous les droits de la fociété auxquels il avait renoncé par fon engagement, comme incompatibles, ou peu convenables avec 1'état de militaire qu'il avait embrafTé: cet homme n'ell plus militaire , & on n'a plus aucun droit de le faire fervir comme tel s'il ne fe rengage pas volontairement, Quiconque nierait ce principe, fefairait rireau nés. Le Gouvernement du Cap abufe donc étrangement de fon autorité, lorsqu'il 1'exerce contre des hommes libres, fous pretexte qu'ils ont été au fervice de la Compagnie & qu'il les force de reprendre ce fervice , après qu'ils en ont été délivrés & qu'ils ont fervi le tems pour lequel ils s'étaient engagés. Ceci n'a pas befoin de plus grandes preuves. Dans la piece juftificative quotée N°. 18, Mr. Boers pour étabir le droit du Gouvernement a prendre au fervice de la Compagnie tel bourgeois qui nefe com- porte  C ^7 ) porte pas bien dans la Colonie, rapporte une lifte des malheureux qui ont fubi ce fort au Cap,en différents tems. Cette liite encore un coup, fortifie mes preuves contre 1'excès de 1'abus d'une autorité arbitraire. Je remarque cependant, que cet abus na commencé^au Cap qu'en 1738. le 16 Decembre; donc avant cette époque, le Gouvernement ne s'était pas cru autorifé a ces coups d'autorité; donc ces coups d'autorité ne font pas juftiliés par la Conftitution même de la Colonie*, donc c'eft un abus. Je remarque encore, que les quatre fujets nomraés dans cette lifte,fous la date de cette année, furent condamnés a reprendre le fervice de la Compagnie & ft étre renvoyez du Cap, ft la Requête du Confeil-de- Guerre de la bourgeoifie da Cap. Ceci change beaucoup 1'état de la queftion ; ce font donc plutöt les bourgeois du Cap qui ont retranché de leur Corps refpectable , quatre fujets, mauvais fans doute, que le Gouvernement lui même. Mr. Boers föurnit ici la preuve la plus authentique des priviléges de cette bourgeoifie, qu'il parait tant méprifer dans le refte de fon Mémoire. Cette preuve en faveur des priviléges du Corps de la bourgeoifie, efl: d'autant plus frappante, que fur la lifte de 33 fujets du Cap,  ( 268 ) Cap , quï avaient été au fervice de la Compagnie , ou qui étaient originaires du Cap, fans avoir jamais ferVi la Compagnie , & qui, depuis 1738 , jusqu'en 1774 ont été pris au fervice de la Compagnie & renvoyés du Cap, 24 ont fubi cette punidon, a la Requête & fur les inftances du Confeil - de-Guerre de lei bourgeoifie & des burgerraaden, Ainfi en admettant ce droit injufte d'engager par force un bourgeois & de le faire fervir la Compagnie malgré lui, ce droit eft plus celui du Corps de la bourgeoifie, que celui du Gouvernement- Mais je le crois abufif, & dans le Corps de la bourgeoifie, & dans ie Gouvernement du Cap II eft tant d'autres moyens de punir & même d'exiler un mauvais fujet, que celui del'engager par force a fervir la Compagnie ne peut étre que révoltant. D'aiileurs ce qui prouve, que ce plan eft impoflïble dans fon exécution; c'eft qu'aujourd'hui il y a au Cap, quantité de families respecftables qui deflendent de fimples matelots, ou de fimples foldats qui avaient acheté leur congé & leur droit de bourgeoifie ; fi la Compagnie a le droit d'enroller par force a fon fervice tous les descendans des anciens foldats & matelots, il s'en fuit, que la plupart des bour-  C s(59 ) bourgeois aduels du Cap font dans le cas de fervir la Compagnie en qualité de foldats. Quels défordres ne s'en fuivrait-il pas de la , & quel danger pour la Compagnie de voir révolter toute la Colonie i Mr. Boers vient en fuite a fe juftifier fur fa maifon de Campagne, &c. p. 55. Un petit plan de ce joli ruide ■ bouteille accompagne fa juftification & la renforce. (pieces jufïificatives N°. 27. Tout cela efl: bien & je fuis bien éloigné de lui en faire un crime, capital. Je foutiens feulement, que felon le droit des Colons & fans leur bon plaifir , il ne peut avoir ni maifon de campagne , ni jardin; Scpourle prouver, je n'ai qu'a lui oppofer les reglements de la Compagnie faits a ce fujet en différents tems. „ Nous enten„ dons que par lui (Adrien van der Stel) doivent „ étre faits abatre & démolis tels batiments, qui ne „ font que de pure oflentation & qui font plus de „ luxe qued'ufage, ayant été conflruits par les Agens „ de la Compagnie aufli bien ici au Cap, que dans „ 1'Inde , qui déja ont empiré & donné dans 1'oeil, „ (c'efl- a-dire fcandalifé) Lettre de la Compagnie „ en date du 30 Oétobre 1706 , au Gouvernement du „ Cap ; Art. 6. „ Les ferviteurs de la Compaguie „ au  C 270 ) » au Cap, depuis ie premier , jusqu'au dernier ne pourront poffeder aucune terre, & nous entendons i „ que ceux qui en pofFedent doivent s'en défaire au „ plutót , a peine de confiscation , s'ils ne fe con„ forment pas a nos ordres & aux reglements faits k „ ce fujet dans notre affemblée du 26 Avril 1668 + „ oü il eft dit, qu'a la venir les Agens de la Compa„ gnie ne pourront jouir d'aucune terre ert „ propre , ni même en prendre a ferme , ou ét quelqu'autre maniere que ce foit, &c. ibid. Art. 12. „ D'oüje conclus, qua la rigueur, Mr. Boers n'eft pas en droit de fe récrier fur 1'accufation qu'on fait contre lui a l'occalion de fa petite maifon de campagne; attendu,qu'elle n'eft que de pure luxe & de pure ostentation. Je puis affurer a mon particulier, qu'elle eft très-jolie, trés-commode & dans fa petiteflê trés - fomptueufe qu'elle annonce un maitre affez opulent & qu'elle eft certainement dans le cas de ces ba-» timents de pure commodité que les reglements de la Compagnie, que je viens de citer, proscrivent entierement. On croit au Cap, que la maifon & les tneubles, que le jardin & fes compartiments , que les écuries pour vingt cbevaux, & qu'en un mot toutes les  C »7i ) les dépendances & les ornements de cette jolïe maifon ont couté au moins 80,000 florins; en comptant même , que la plupart des ouvrages de conféquence , comme la grille de fer, &c. ont été faits par les ouvriers de la Compagnie, qui travaillent toujours pour un Agent de la dite Compagnie, a beaucoup meilleur marché, que ne pourraient le faire les ouvrieribourgeois. On en fent la raifon parfaitement. II efl: dur pour les ouvriers-bourgeois, defe voir arracher le pain par les ouvriers de la Compagnie & Mr. Boers, me parait mal fe juftifier a ce fujet p. 55. II accu'fe d'orgueil & de parefle , les artift.es bourgeois du Cap. Quant a 1'orgueil, le reproche efl: mal fondé & les bourgeois du Cap auraient torc d'en faire parade; car les Agens de la Compagnie ont foin de le rabattre & de le réprimer cruellement: quant a la parefle, c'eft le moyen de 1'entretenir, que d'öcer aux bourgeois 1'occafion de travailler, en faifant travailler d'autres ouvriers, qui n'y ont aucun droit. On eft perfuadé au Cap, que le Fiscal &le Gouverneur ont voulu donner a ces grofliers bourgeois, une idéé du luxe Européen; le premier enoffrancaleurvue, un petit chef-doeuvred'architec- ture  C 272 ) ture délicate, brillante & élégante ;& le fecond en faifant confidérabïement augmenter & orner 1'Hotel du Gouverneur & le fuperbe jardin de la Compagnie , fous la direétion de 1'Ingenieur en chef qui avait été chargé de la conftruétion du nouvel Hopital construit au Cap , par ordre & aux frais de la Compagnie. Le refle du Mémoire du Fiscal, n'efl qu'un petit traité de politique fur la police domeflique de l'Etabliifement du Cap , fur le commerce des habi* tans & des Agens de la Compagnie, &c. Je ne Ie fuivrai pas dans ces détails. II eft permis a un chacun de faire part de fes idéés fur ces différents objets,- il les préfente fous le point de vue qu'il les envifage, c'eft a la Compagnie a adopter , ou a rejetter fon plan. Je vais aufïï lui préfenter le mien , après lui avoir fait toucher au doigt le danger qu'il y a pour elle,de perdrecet EtablüTement important. §. I L Danger imminent pour ta Compagnie, de per- • dre rEtabliJJement du Cap. Le danger que Ia Compagnie court deperdre 1'Eta- bliffe*  C 273 ) tabliffennent du Cap efl d'autant plus grand j qu'il procédé de deux caufes égalernent propres a accélerer & a faciliter cette perte. Vu 1'état de délabrement oü efl la Fortéreffe, le peu de tróupes en état de s'oppofer a une defcente & le découragement des Colons , un ennemi de la République peut fe préfenter au Cap & s'emparer facilement de cette importante poffeffion; première caufe du danger que la Compagnie court de perdre le Cap. Vu 1'indignation des Colons contre le Gouvernement, vu les forces qu'ils ont en main poür fecouer le jong péfant de la Compagnie , ces mêmès Colons peuvent détruire facilement les troupes que Ie Gouvernement pourrait leur oppofer en cas d'infurreclion ; feconde caufe du danger que la Compagnie court de perdre le Cap. Je foumirai très-briévemenc les preuves qui atteflentla vérité de ces deux propofitions; elles font' malheureufement pour la Compagnie, fi palpables, qu'un peu de refleétion fuffit pours'appercevoir de leur évidence. ' 1°. La Forterefiè du Cap , le fcul boulevard qui défend cette pofièffion contre une invafion fubite, eft dans un état très-délabré; c'efl un fait dont la vérité §_ faute  C 274 ) faute aux yeux de ceux qui font k portée d'examiner le Fort. Ce n'eft pas feulement au Cap, qu'on remarque avec furprife la négligence de la Compagnie, ou celle de fes Agens a entretenir les fortifications dansles Pofièffions- Orientalles, furun pjé de défence rcspeétable cette négligence eft vifible par tout oü la Compagnie a des Polfeflions. Tous les voyageurs étrangers , qui ont eu occafion de Voir.par eux-mêmes 1'état des Polfeffions Ilollandaifes dans les Indes, s'accordent a nous dire, qu'il.eft inconcevable, que la Compagnie ait laifie tomber par tout, les Forts qui y avaient été conftruits pour la défence de ces Etabliilèments . Tous ces voyageurs, Mr. de Bougainville particulierement, nous alfurent qu'il dépend des Anglais particulierement, de s'emparer quand ils voudront, de toutes les polfeffions Hollandaifes, foit fur la cöte d'Afie, foit dans les Moluques & ailleurs. Cette guerre qui fe termine alfez honteufement pour les Hollandais , prouve évidemment, que fi 1'IndeHollandaife n'avait été déffendue que par les forces nationalles, elle aurait paifé en entier fous la domination de 1'Angleterre. Le peu de conquêtes faites par les Anglais avec des foibks forces , prouve incon«.  ( 275 ) incontcftablement, que fi cette Nation n'eüt pas et en tête les forces francaifes & les forces de Uider AU, elle aurait reparé les. pertes qu'elle a fait en Amériqne, aux dépens des Hollandais, en les cbasfant des Grandes Indes & même des petites Indes, comme les Américains 1'ont expulfée clle-même de presque tout le continenc du nouveau monde. Les Francais ne feront peut-étre pas toujours dispofés a vendre leur fecours a la Compagnie, comme ils Font fait dans cette guerre , les Anglais n'auront pas toujours un Hider-Ali & les Marar.es fur les bras, comme ils les ont eus dans cette guerre; alors, il efl: a craindre, que les Anglais deviendront entreprenants 5 s'ils le deviennent & que la Compagnie laiflè fes polfeffions dans le pitoyable état oü elles font depuis trés-longtems , il ne faut pas étre grand politique , , pour prévoir avec certitude, que les Anglais chafferont les Hollandais de toute 1'Aiie. Non feulement Ia Fortereue du Cap efl dans üri mauvais état; mais les troupes qui y font pour la protéger, ne fuffifentpas pour la mettre en état de faire une vigourcufe réfiflence. Je Fai déja dit, il n'y a au Cap, que cinq cents hommes de troupes de Ia Corng a pagftir*»  ( 276 ) pagnie. i°. Ce nombre eft trop peu confidérable pour faire le fervice de la Forcerefie & pour garder les autres endroits de la cöte própres a une descente. Quand on a été fur les lieux , il n'eft pas poffible de do.iter de cette vérité. C'eft un fait, & un fait n'a pas befoin de preuves. 20. Ces cinq cents hommes, en fuppofant qu'ils font toujours complets, ne font presque jamais réunis dansle Fort. Le Gouvernement accorde fans difficulté des congés a la moitié des foldats, qui s'en vont travailler dans le plat-pays & qui trouvent un profit plus réel a fervir les Colons & les cukivateurs , qu'a fe contenter de leur fimple folde; ainfi il n'y a presque jamais fous les armes, qu'envircn 2 50 hommes pour faire le fervice de la Place. Ces travailleurs& ces ouvriers perdent peuk peu le goüt du fervice , oublient ou ncgligent leurs exercities milicaires, ne reviennent qu'a regret a Ia garnifon quand ils font rappellés, &enun mot, ils feraient plutöt tentés de livrer le Fort a 1'ennemi, que de le défendre contre lui: ces travailleurs foustrairs pendant très-longtems a la discipline militaire, ne peuvent faire que de trés-mauvais foldats. Quels hommes font d'aiitaurs ces foldats au fervice de Ja Com-  C *77 ) Compagnie ? Tout le monde fait, que ces hommes font pour la plupart, lerebutdes Européens,- que ce font des mauvais fujets forcés de quiter 1'Europe & de paffer en Afie qu'en grande partie, ce font des hommes engagés par force, par violence & par finesfe ; on peut affurer fans crainte de fe tromper, que fur cent foldats au fervice de la Compagnie, on n'entrouverait pas quatre qui ayent pris parti de bonne volonté & qui ayent un peu de goüt pour leur métier. Qelle confiance peut-on donc avoir en des foldats qui, d'aiileurs maltraités, ne fervent qu'avec la plus grande répugnance? ' Toute la reffource de la Compagnie ferait donc dans ce cas , la fidélité & lV.tachement des Colons. Ceux-ci pourraient par leur bravoure & leur bonne volonté , fuppléer au défaut des fortifications , & des troupes réglées; mais niau Cap, ni peut-étre ailleurs, la Compagnie ne doit pas Compter fur les Colons pour la défenfe de fes Pofleffions. Le Gouvernement en les opprimanten tems de paix, les a découragés pour fervir en tems de guerre ; le Gouvernement les traite de facon a les rebuter d'un fervice qu'ils feraient uniquement pour les intéréts de la ComS 3 pagnie  C 2?s ) pagnie & du quel il ne réfukerait pour eux , après avoir repoufie lYnnemi, que des nouvelles vexations , qu'un accroifièment de péfanteur au joug qu'ils portenc & enfin qu'un nouveau moyen entre les mains du Gouvernement, pour Jes re tenir plus que jamais dans un honteux efclavage. II réfulte donc de ce peu de réflections, qu'en cas d'attaque , la Comdagnie court le plus grand danger de perdre le Cap. La Compagnie en aurait fait certainement la trifte expérience, fi Mr. le Bailli de Sujjren n'avait pas été affez heureux de joindre 1'orgueilleux & le préfomptueux Jonfions a une des lies du Cap-Vert , fi le brave & bardi Commandant n'eut pas eu affèz d'intrépidité pour attaquer 1'Efcadre Anglaife dans ie Port de St. Jago, oü elle était a 1'ancre , fous la proteétion du Fort Portugais, de la défemparer & de la mettre hors d'état de continuer fa route vers leCap, avant de s'étre reparéa. Oui i cette action hardie de Mr. le Bailli de Snfjren a fauvé le Cap aux Hollandais. Ce Commandant aima mieux risquer de perdre la Flotte a fés ordres, en attaquant avec tant de défavantge la Flotte Anglaife , que d'avoir la douleur d'arriver trop tard pour fau-  C 279 ) fauver le Cap , oü il était envoyé, pour y jetter des fecours puiüants. Je puis aflbrer trés-pofitivement , que Jenfione arrivé au Cap feulement un jour plutö-t, queMr. dcSufnn, fe ferait emparé presque fans coup férir, de eet Etabliiïement ; autant paree qu'il « aurait éprouvé qu'une foible réfillance de la part d'une Garnifon foible & impuiflante , que paree que les Colons auraient formellement refirfé de prendre les armes, ou que les ayant prifes , ils n'en auraient pas voulu faire 1'ufage qu'ils auraient pu en faire contre les Anglais, s'ils n'avaient pas été hautement mécontents de leur Gouvernement. 11 parait, que la Compagnie était déja alors inftruite de la mauvaife dispofitiondes Colons ft fon égard, puisqu'elle fe détermina h foudoyer des troupes écrangeres autant pour pourvoir ft fa défenfe , que pour tenir les Colons en res peét par la préfence de ces forces devenues refpectables. Difons-le fans détour , les Colons dans ce tems-la, auraient recu les ennemis de 1'Etat comme leurs Libérateurs. Trifte perspeflive pour la Compagnie ! a°. Les Colons peuvent eux - mêmes, fans le fecours d'aucuneNation étrangere, fe révolter contre leGouS 4 verne-  ( 280 ) vernement & fe rendre indépendans de Ia Compagnie. Les Américains fe font rendus indépendans des Anglais ; a fortiori, les Colons du Cap peuvent fe rendre indépendans de Hollandais. Je dis a fortiori, & voici comme je le prouve. Mr. le Fiscal Boers va me fournir un principe dont je déduirai les conféquences qui formeront ma preuve. II dit que ïorsque la bourgeoifie demanda au Gouvernement, par Requête, Ia continuation desmêmesBurgerraaden „ la grande partie, fi non toute la bourgeoifie „ était fous les armes , a 1'occafion de fes exercifits „ annuels , &> qu'en cas de refus, elle faifait craindre, un renverfement forcé & violent au Ion ordre , „ &c. qu'on fut obligé de lui accorder cette demande „ peu refpeftueufe pour un an feuiemenc, a condi„ tion qu'elle ne fe porterait plus a des démarches fi a, peu respedueufes envers le Gouvernement ; mais „ que 1'année d'après, profitantde la même circons„ tance, cette bourgeoifie,' comme par formefeulement, „ avait demandé encore la continuation des mêmes „ Burgerraaden, quelque femaine avant les exerciffes „ militaires ; mais que précifément au tems oü elle ), devait reprendre les armes , elle avait encore pré- „ fen.é  f, Tenté cette année , une feconde Requête tendant „ aux mêmes fins que la première, & avec aufli peu „ de respeét» &c. p. 15. * Voila donc felon 1'aveu formel d'un Agent tres-infiruit de ce que peut la bourgeoifie du Cap contre le Gouvernement, voüh, dis-je, d'un coté la force des Colons contre les forces de la Compagnie , & de 1'autre, la foibleflè du Gouvernement contre la bourgeoifie armée du Cap. Lorsque les Américains ont penfé a fecouer le joug anglais, ils n'étaient pas aguerris, ni cxercés , car ils n'avaient ni armes, ni munitionsa leur dispofltion; les Colons du Cap font trés-bien exercés, ils ont des armes en abondance , ils peuvent avoir aflèz de munitions pour commencer les hoftilités avec avantage , & pour s'emparer facilement de tous les magafins & des arfenaux de la Compagnie ,• les Américains ert état de porter les armes, étaient au commencement disperfés dans un pays immenfement étendu, ils appartenaient a treize Etats différents,' ils pouvaient ne ■pas s'entendre & il efl trés - furprenant qu'ils fe foient affez entendus pour opérer & confommer la révolution; les Américains avaient autant & plus a craindre de leurs freres attachés a la Grande - Bretagne, S 5 que  C 282 ) que des Troupes même de la Grande - Bre tagne; les Américüns pouvaient étre attaqués par plufieurs endroits , les Américains risquaient de périr de faim & de manquer du néceffaire, fi les Anglais pouvaient parvenir a leur couper toute communication avec 1'Europe , ou dumoins avec les Hes de 1'Amérique; les Américains en un mot, entreprirent leur infurreétion avec de très-foibles efpérences de confommer le grand ouvrage de leur liberté ; les Colons du Cap en état de porter les armes & de s'en fervir avec le plus grand avantage, font tous raflèmblés dans un feul arrondisfement , & dix , ou douze jours fuffiiïènt, pour les réunir en un feul & même Corps de 20,000 hommes aumoins, armes en guerre a pied & a cheval; les Colons du Cap font unis par un feu! 5: même intérêt & ils font en trop petit nombre pour que la divifion fe mêlle parmi eux ; les Colons n'ont pas a craindre les faux freres , ils font tous égalernent opprimcs & ils foupirent tous égalernent après le moment de leur délivrance ; il ny en a aucun d'eux, qui parflaterie, ou par des vues ambitieufes, cherchat a faire fa cour au Gouvernement en trahifiant 1'intérêc général de rEtablilfement; ils font tous cuiavutcurs & n'embi- tionent  ( **3 ) tionentpas des dignités,ou desemplois lucratifs qui font tous remplis par des Agens de la Compagnie , & dont ils font exclus. Les Colons du Cap ne peuvent étre attaqués que par mer, ils connaiiTent parfaiT tement leurs cötes qui , en comparaifon des cötes de 1'Amerique , ne forment qu'une trés-petite lifiére facile k défendre par des gens dont les armes a feu portent a une diitence trois fois plus confidérable que les armes Européennes; un payfan peut du premier coup , tuer un homme a cinq cents pas de diftence; 12,oco hommes armés & adroits comme les Colons du Cap lefont,envalentaumoins 30,000,armésaTEuropéene qui viendrait pour les fcumcttre. La Compagnie n'a certainement pas 30,000 hommes de bonnes troupes a leur oppofer les eüt-elle , 30,000 hommes ne fe transportent pas fi facilement & a fi peu de fraix du Texel au Cap , qu'une pareille ?armée peutfe transporter de Portmouth a NieuveYork. Les Colons du Cap ne peuvent pas étre réduits par la famine: le bied, les légumes, les grains de toute efpece , le vin, la viande , en un mot tout abonde chez eux, & un armement parti d'Europe pour les aller foumettre, courrait le plus grand risque de périr de  ( 284 ) «lifere, peu de jours après fon arrivée fur los cótes méridionalles de 1'AfTrique ; car, je le demande, cToü cet armement tirerait- il des vivres & des rafraichiflèments , fi en arrivanr, le Chef de cette dangereufe expédition, ne pouvait pas dire, commeCefar, veni,vïdi, vfc/? Je pourrais prefier bien d'avantage cette comparaifon, entre la pofition oü fe trouvaienc les Américains par raport aux Anglais, & celle oü fe trouveraïent les Colons du Cap par raport a la Compagnie , fi ceile ci les forcait a fe révolter ; le le parallele ferait tout a 1'avantage des AifricainsKollandais, On peuc me faire une feule objeétion; mais elle tombe d'elle-même. On peut me dire , que puisque les Agens de la Compagnie font fi fort alliés par des mariages, aux bourgeois du Cap & qu'il eft peu de bourgeois au Cap qui ne tiennent par quelque endroft aux Miniftres de la Compugnie, celle-ci peut e^perer avec raifon, de trcuver, au Cap même un tresgrand nombre de partifans qui s'oppoferaient aux entreprifes de leurs concitoyens. fe rèponds i°. qu'il ne paruit pas, que la Compagnie ;!oïvl faire un grand föi.Js fur ces bourgeois apparèntës des Agens; puisque  C *8s > que'peu d'entreuxont réclamé publiquement, contre la démarche faité par cinq, ou fix cents de leurs concitoyens ; qu'a la vérité ils ont refufé d'approuver cette démarche par leur fignature ; mais leur filence même prouve au moins indireétement, que témoins de 1'oppréffion , ils fcraient bien aife, que leurs concitoyens s'en affranchiflent. S'ils étaient animés d'un véritable zéle pour le Gouvernement, peut-on croire» qu'ils ne fe feraient pas emprefies de figner une contre-Requête pour invalider, ou pour affaiblir la Requête des bourgeois plaignauts? 2°. Ces alliés des Agens de la Compagnie, ou fi 1'on veut cette nouvelle race de bourgeois , que j'ai appellés Metifs , ne font apparentés qu'avec les ferviteurs de la Compagnie , avec des ouvriers qui font aux gages de la Compagnie, & quelques uns, mais en petit nombre, le font avec des Agens de la Compagnie d'un rang un peu plus rélevé ; or ces ferviteurs même feraient bien aife d'étre affranchis de leur fervice & de recouvrer leur liberté qu'ils ont engagée a la Compagnie ; car ils feraient mille fois plus avantageux pour eux, d'étre comptés au nombre des gens-libres (vrye luiden') qu'au nombre des mercenaires de la Com-  Compagnie ; ce feraient peut-étre les plus acharnés k la défenfe de la liberté, des douceurs de laquelle ils fe propoferaient de jouir. 30. Ce n'eft tout au plus, qu'au chef-lieu , que la Compagnie pourrait efpérer de trouver quelques partifans mais ceux-ci feraient écralés au premier figne qu'ils feraient de combattre pour la Compagnie, par la fupériorité de leurs co - bourgeois , réunis aux Colons du plat-pays. Cette guerre nous a donné 1'occafion de connaitre la foiblelfe de la Compagnie au Cap , 1'animofité des Colons contre le Gouvernement, les refföurces que ceux-ci ont pourfe faire juftice a eux-mêmes , fi la Compagnie la leur refufe , en un mot nous nous fommes convaincus par nos propres yeux, que 1'Etablifiement du Cap ne tient qua un fil & que fi la Compagnie ne s'applique férieufement a regagner raffeclion de fes Colons , h reprimer les entreprifes du Gouvernement , a remettre en état les fortifications , a envoyer une GarmTon affez nombreufe pour s'oppofer en cas d'évenement finiftre , foit aux entreprifes des Colons, foit a celles des Anglais , ou même a celles des Francais, nous fommes convaincus, dis-je, que la Compagnie perdra cet Etabliffement pour  C 287 ) pour toujours avant qu'il foit trés-peu de temS. 11 eft dans le plus grand danger. II n'y a qu'une urgeante & déplorable nécefiicé qui puifiè excufer 1'imprudence de la Compagnie, d'*avoir eu recours au moyen extreme de faire défendre cet Etabliffëment par dea troupes Francaifes. Celles-ci y ont contracté des habitudes allarmantes pour la Cmopagnie; elles y font accuelllies par les bourgeois avec la plus grande afFabilité; les Francais vivent au Cap avec les Hollandais cordialement & avec cette aifance qui annonce une fimpathie d'autant plus dangereufe pour la Compagnie , que j'ofe dire, qu'elle eft presque contre natui re; du moins eft-elle miraculeufe, fi Ton fait attention a 1'oppofition naturelle qu'il y a entre le caraétére particulier de deux Nations. Cette fraternité extraordinaire ne peut étre attribuée qu'a 1'averfion des bourgeois du Cap pour leur Gouvernement & c'eft pour cette raifon, que cette averfion en eft plus dangereufe pour la Compagnie. Si la France & la Hollande venaient a fe brouiller , avant une parfaite reconeiliation entre les Colons du Cap & le Gou« vernement, la France n'aurait qu'a fe préfentér at) Cap avec une force tant foit peu respettable, & ie Cap  ( 238 ) Cap "lui ferait livré par les habitants mêmes; les Francais une fois en poflèflion du Cap & vivant en bonne union avec les Colons , je ne fais pas qui ferait en état de le reprendre fur eux. Ce ne font pas ici , des fimples conjectures ; un témoin ocula ie & qui a obfervéde fang-froid pendant prés de deux ans les difpofuions de habitants du Cap, peut, ce me femble, raifonneravec jufteffè &avec précifion, fur ce qui arriverait fi la Compagnie ne remédiait promptement aux abus énormes d'autorité, dont le Gouvernement du Cap fe rend coupable depuis trèslongtems. s- ui Moye.is de redreffement d prendre par la Compagnie des. Indes • Ortentales, tant pour ja propre fur etè ,quepourlaprospérité des Colons c5* des bourgeois du Cap de Bonne - Efpérance. Tout Etablifièment fans exception, eft fujet a des abus, qui fe glifiènt infenfiblement, qui s'acroifient rapideraent, & qui enfin s'enracinent fi fort, qu'il n'eft  C 289 ) n'efl guere plus poffible de les recrancher fans donner une commotion forte & violente a l'Etabliiïèmentmême pour le remettre dans fon état primitif. Quelque critique & diffieile que foit cette opération politique, on doit cependant fe déterminera la faire , fil'on ne veut pas avoir le chagrin de voir crouler fur des fondements minés, un Edifice politique, dont la confervation efl précieufe a 1'Etat qui 1'a élévé pour le bien, 1'avantage & la gloire de la Nation. Tel efl le cas ou fe trouve , de 1'aveu de tout le monde , la Compagnie Hollandaife des Indes-Orientales pour tous les EtablifTements Afiatiques Sc plus particuliérement pour l'Ëtablifiement AfFricain du Cap de Bonne-Efpérance qui efl la clef de tous les autres, aux Hes disperfées dans la Grande Mer des - Indes. La bourgeoifie du Cap demande des redreffements & elle indique les moyens qu'elle croit les plus convenables a cet effet; le Fiscal Boers convient, qu'il y a des abus & qu'il faut y remédier ; il indique aufli des moyens pour y parvenir. Sans adopter aveuglement en entier , le fyflème propofé par les bourgeois, & fans rejetter abfolument celui du Fiscal Boers, je me fuis fait un plan de redreffement qui m'a paru le plus T pro-  C ->° ) propre a concif.er les intéréts de la Compagnie & ceux des Coions , a conferver a la Compagnie une autorité alfez étenaue Sc afièz honoruble fur les Colons, en muinronun: cn rrérre tcrrs, une 2b-ra :ivi'.s en faveur de ceux-ci,qui les met te pour coujours, a 1'abri des coups de Despotifme qu'ils ont efluyé fi fiéuuernmcr.: depuis '.z mor: de Ribak, -ufou'a ce jour. Je vais i'expofer tel que je i"ai concu ; par fa fimplicité, il pourra fervir de canevas a celui que la Co~pu.;n:e ei: p:e:2•. eer ;e n'en d.-u:e r.u'..cr.5r.:. eüs en adopcera un ; elle le doit, fi comme je 1'ai dit d;ns le précédent Paragrapbe , elle ne veut fe voir ch--'.-a :c p::.^e peur ::-j.u:; du plu; :~pe::e:: de fes E:ab;iüd-cn:i. La Compagnie doit commencer par tempérer 1'auterké excéEve qu'elle a donné au Gouvernement du Cap, ou peut-étre cue celui-ci s'ef: errogee fuccesfivement a fincu de la Compagnie, fcus ces pretextes qui , dans fese-men qu'on en a fait en Europe , ont paru plauGbles, uniuuemen: paree cu'üs étaient pre;en:és adrokeme-nt & que les Colons n'ont jamais oié rechmer d'une maniere folemnelle , comme ils le font aujourd'hui. Pour limiter cette su:orité du Go'o-  C *9i ) Gouvernement, & Ia fixer folidemen:, il me parait. i~. Qu'un Gouverneur ne devrait pas refter aa Cap plus de cinq ans; qu'au bout de ce tems , ft les Co'ons & los bourgeois en Corps ne faifaïent des fortes inftances auprès de la Compagnie, pour obtenir qïi. fut continué, le dit Gouverneur devrait étre rappeLé & rempiacé. Etant arrivé en Europe, il devrait écre foumis a un examen impartial & févóre fur fa ge ft; or.; furtout s'il y avait contre lui, des plaintes graves & afiez authentiques pour qu'elles méritaftent d'étre péfées & cifcutées foigneufement. Si après cet examen, le dit Gouverneur était trouvécoupable de fraude par la Compagnie , foit envers elle, foit envers les Colons, comme particuliers, ou comme faifant Corps, les richefles qu'il aurait acquifes pendant le tems da fon Gouvernement, devraientétre faifies par la Compagnie en forme d'amande & cette amande applicable en faveur de ceux qui auraient été léfés. Si le Gouverneur était trouvé innocent après 1'examen, la Compagnie devrait lui en donner un téraoignage public cc ie iaifler jouir paiiibiement 5c honorablement de fos riche-fès; je dis richefles; car cinq années font très-fuffifantes a un Gouverneur T 3 |*tf  C 292 ) pour s'enrichir honnctemcnt au Cap, fans malverfation & fans concuflion criante. Je pourrais faire voir, démontrer même , 1'éftkacité de ce moyen; je me contente deTindiqucr, laifiant a la Compagnie le foin de le réfkchir, de 1'adopter, ou dele réjetter. 2°. Mr. le Second, c'efl:-a-dire le Sous-Gouverneurpeut être continué par la Compagnie, fansaucun inconvénient, aufli longtemps qu'il s'acquite de fa charge en homme d'honneur & de probité; fi même on lui connaic les tulens nécefla'res pour étre fait Gouverneur, on doit Ie préférer a tout autre pour remplir ce pofle honnorable , lorsque le Gouverneur ferait rapellé. L'espèrance de' pouvoir parvenir a cette digftité éminente , fera pour lui un aiguillon falutaire & un puilfant motif pour regler fa, conduite fur les principes les plus exaóts de la juflice , de 1'humanité & du dcfintéreflement ; principes fur tout indispcnfables pour un Gouverneur d'une Colonie éloignée, principes, fans les quels un Chef, dont fautorité eft fi étendue, ruinera les intéréts les plus chers de la Compagnie , accablera les Colons & les réduira au défespoir. Celui qui s'acquite avec honneur des devoirs d'un fecond Emploi qui a un raport immé- diat  C «93 ) diat avec le premier, peut ordinairement remplir !es devoirs de celui - ci avec la même gloire f alors le premier pofte n'eft qu'une récompenfe qu'il a bien méritée par fa conduite réguliere dans le fecond,- il y a fait un heureux apprentiftage des vertus & dis qualités qui le rendent digne de monter au premier rang. 3°. Plus de Fiscal-indépendant. L'expériance doit avoir prouvé fuffifamment la néceffité abfolue de cette reforme. Un Fiscal indépendant du Gouverneur , eft un homme en état de gater tout le bien qu'un bon Gouverneur pourrait faire dans la Colonie, fi ce Fiscal n'eft pas animé des mêmes vues que le Chef du Gouvernement, pour le bien public, Un Fiscal & un Gouverneur,tous les deux égallement défintérefles, tous les deux égallement portés pour lebien des Colons, tous les deux enfin égallement dans les vrais intéréts de la Compagnie, feraient deux hommes uniques qu'on ne peut pas fe promettre raifonnablement d'aftèmbler dans un Etablifiement comme celui du Cap, deux fois dans un fiecle entier. C'eft même rimpoflibilité moralle de trouver en même tems un Gouverneur & un Fiscal vertueux, qui parait avoir T 3 déter-  C 294 ) déterwné la Compagnie a rendre le fecond indépendant dr. premier,, pojJT que ces deux Chefs de la Régence du Cap fe furveillaffènt & fe craigniffent mutuellenitnt. 11 en eil arrivé tout le contraire de ce que la Compagnie attendait. Ces deux hommes fe font rarcment furveillés éfficacement, ils fe font partagé fautorité pppréffive, ils ont travaillé léparement ft leur fortune particuliére & leur autorité fe trouvant ft certains égards en équilibre, ils ont pris le parti de fe céder tour-a-tour; c'eft - ft-dire de fermer les yeux chacun en particulier, fur leur conduite respcótive & d'aller leur train chacun de leur coté , au détriment du Colon & de la Compagnie. Bien plus, dans le mal qui s'opérait, ilsfe font fervis mutuellement d'excufe f un pour 1'autre. Les Colons fe plaignaient-ils au Gouverneur contre le Fiscal, la réponfe du Gouverneur était naturelle; je nepuis pas, y remédier; le Fiscal efl indépendant, je [ais quil a terp, mais j'ai les mains li éts par la Compagnie, je ne puis ni le réprimander, ni le punir, ni vous faire rendre juftice; il ne vous refle d''autre parti d prendre,que de vsus plainttre d la Compagnie • même. Se plaindre ft la Compagnie ! Trifte reflburce pour des Colons  C *95 ) Colons qui ne peuvent pas en recevoir réponfe avant dix grands mois, quelque diligence qu'ils faflent pour porter leur plainte en Europe, & quejque diligence que la Compagnie apporte pour examinerla plainte & pour y répondre: la Compagnie d'ailleurs n'aurait jamais fini, fi elle voulait connaitre minutieufement de toutes les plaintes particulieres a faire contre fes divers Agens. Elle ne doit s'occuper que desgrandes plaintes & même des plaintes portées par des Colons en Corps ; telle qu'eft celle qui eft aétuellement foumifea fon examen. Je ne voudrais pas, que le tems de la geftion du Fiscal fut fixé comme celui du Gouverneur , cette fixation entrainerait de trés-grands inconvénients; mais je voudrais,que tous les cinq ans, a 1'inftaïation du nouveau Gouverneur, celui-ci fut accompagné de deux Commiflaires Européens qui fuflent autorifés avec lui, a faire venir tous les Agens de la Compagnie 1'un après 1'autre , a les intéroger fur la maniere dont ils ont adminiftré leurs emplois, a leur faire rendre compte, a écouter paifiblement & . affe&ueufement les plaintes que les Colons & bourgeois auraient a faire contre chacun de ces Agens, a y avoir égard , fi elles étaient graves & bien prouT 4 vées,  C *9* ) vécs, h en faire leur raport ft la Compagnie, pour que celle-ci peut, ou deftkuer les Agens infidelles , ou les corriger & les punir felon 1'exigeance du cas. II me parait que ce réglement obfervé avec rigeur, ferait bien propre ft tenir en respect des ferviteurs qui par leur éloignement de leur véritable maitre , font ft portée de mal-verfer impunément quand ils favent, que dans un terme fixé, ils ne doivent pas rendre compte de leur adminiftration. Dans le cas d'infidélité prouvée. on doit les deftkuer & les condarnner ft rendre gorge; c'eft - ft - dire les punir par 1'endroit par lequel ils a uraient pêché. Voilft ce me femble un moyen bien fimple & bien naturel a prendre, pour contenir & pour reprimer la foif infatiable de ces petites fangfues. Ces exemplesd'une févérité devenue abfolument néceftaire, opéreraientleplus grand bien, autant en faveur de la Compagnie, qu'en faveur des Colons. 4°. Lt Compagnie doit aufii envoyer une Garnifon plus forte au Cap, fur tout ft prefent, que les Colons mécontents du Gouvernement, ne fe préfenteraient que de trés-mauvaife grace , s'il était queftion de repouffer un ennemi qui fe préfenterait pour envahir rEtabihTement. Je penfe, que le nombre des troupes  C 397 ) pes deflinées a défendre le Cap, devrait étre porté ft i2co hommes bien difciplinés & bien entretenus. Quoique les ouvrages extérieurs du Fort foient alfez bons& alfez en état , ilfaut indispenfablement, quele Fort foit reconltruit fur un autre plan, ou du moins améllioré & réparé avec le plus grand foin: tel qu'il efl: aujourd'hui, il n'eft pas en état de faire la moindre réfiftence. II eft inconcevable , que la Compagnie ait négligé d'entretenir la feule Fortereffe qui défend fon h'tabliflement le plus prédeux. Voila quatre articles qui regardent direétemenr les intéréts de la Compagnie; c'eft-a dire , qu'indépendemmentdu bien-étre des Colons, la Compagnie doit abfolument prendre ces moyens , ou tels autres analogucs a ceux- ci, qu'elle jugera plus éfficaces & plus propres a faire fleurir & prospérer 1'Ëtabliflènaent du Cap. Voici les moyens que je crois, qu'elle doit adopter pour le bien-étre général des Colons; c'efta dire pour aflurer leur liberté, leur propriété & leur profpérité , pour regagner leur confiance, leur atcachement & leur bonne volonté, en un mot pour les rendre heureux. i°. Aflurer d'une maniere irrévocable la liberté T 5 civi-  C 290 ) civile des bourgeois & Colons de tout 1'EtabliiTenient. Pour cela , il me parait , qué la Compagnie doit permettre au Corps municipal du chef-lieu de tenir fes alfemblées a la Maifon - de - Ville ; de difcuter dans ces alfemblées, tout ce qui a un raport immédiat aux affaires qui regardent direétement la communauté des bourgeois & des Colons du difiriét du Cap : de faire lanominationannuelle des burgerraaden qui doivent étre élévés a la dignité de Bourguemaitres regnans ; pour, cette doublé nomination étant faite, étre portée au Grand Confeil-de ■ Police, 1'Eledtion y étre faite & renvoyée enfuite als Maifon-de Ville, oü 1'inflalation des nouveaux Magiflrats choifis doit abfolument fe faire. Toutes ces affemblées du Corps municipal du Chef-lieu doivent étre préfidées par le plus ancien Bourguemaitre regnant. Cependant pour oter tout ombrage au Gouvernement du Cap, ilme parait, qu'un Agent nom» mé par le Gouvernement, devrait toujours étre a ces' aflemblées & y aflifier en qualité de Ccmmi faire furveillant; mais fans voix délibérative: cette précaution fuffit pour que les bourgeois ne puisfent rien tramer contre la Compagnie a 1'incu du Gou-  C 299 ) Gouvernement. Ce que je dis ici, pour ia Colonie particuliere du Cap, doit étre obfervé aulfi dans les autres Colonies: elles doivent avoir des aflèmblées libres, oü elles puiiïent nommer leurs Heemraaden qui doivent étre les repréfentans des Colons des districfts éloignés & feparés du Chef- lieu, comme les Burgerraaden doivent 1'étre des bourgeois & des Colons du Cap. 2°. La Haute-Chambre-de*-Juftice , ia PetiteCbamgre- de- Juftice, la Chambre-des-Orphelins, &c. doivent étre mi - parties ; c'eft- a- dire compofées d'un nombre égal de Membres , choifis entre les Agens de la Compagnie & entre les Burgerraaden , & même entre les fimples bourgeois. Ces Chambres doivent cependant étre toujours préfidées par un Agent diftingué de la Compagnie : le SousPréfident doit toujours étre choifi dans les Burgerraaden. Dans aucun cas, le Fifcal ne peut avoir voix délibérative , c'eft-a-dire s'afibir au rang des Juges. II eft toujours partie publique il &ne doit jamais avoir une part directe au prononcé des Sentences, ou des décifions: il doit éclairer les Juges, mais ilne doit jamais étre Juge lui-même.  C 300 ) Le Confeil-de-Guerre de la bourgeoifie doit étre tout compofé des Officiers de la milice bourgeoife, & préfidépar le plus ancien Capitaine de Cavalerie; le plus ancien Capitaine d'Infanterie doit en étre Ie fous-Préfident. Aucun Agent de la Compagnie ne doit y paraitre. Les reglements, Ordonnances & décifions de ce Tribunal doivent écre portés ft Mr. le Gouverneur pour recevoir par fa fignature, leur force exécutrice. La Chambre Ecclefiaftique, c'efl-ft-dire le Confiftoire doit étre mi-parti; c'eft-ft-dire, que le Corps des Agens & des ferviteurs de la Compagnie doit fournir la moitié des Anciens & des Diacres, & le Corps de la bourgeoifie 1'autre moitié; le plus ancien des Miniftres doit y préfider. Dans les grandes affaires, les reglements, &c. doivent étre communiqués au Gouverneur, ou au Confeil-de-Police, pour y recevoir une fancftion légalle. 30. II doit étre expreflement défendu au Gouvernement, par Ia Compagnie, d'obliger un bourgeois, ou Colon, quel qu'il foit, dans toute 1'étendue de 1'Etabliflèment général, de prendre fervice, foit en qualité de foldat, foit en qualité de matelot pour quelque  C 301 ) que raifon que ce puifle étre; le Gouvernement même ne doit pas étre autorifé a chalfer un Colon , ou bourgeois , fans que le procés lui ait été fait au paravanc dans toutes les formes , & qu'il n'ait été condamné au baniflement par une fentence rendue contre lui dans la Haute Chambre-de-Juftice. II doit étre défendu au Fiscal de faire prendre un bourgeois, ou Colon chez-lui , ou dans la rue, ou dans tout autre endroit, par un ( Geweldiger ) accompagné de Caffres. Un bourgeois, ou Colon ne doit étre faifi, que par les fergens de ville , au chef-lieu , & par les fergens des Colonies refpeétives dans ces mêmes Colonies. Les Caffres ne doivent fervir, que pour aider le bour-. reau dans fes exécutions. 40, La Compagnie doit abfolument interdire au Gouvernement de s'arroger le droit d'obliger les bourgeois & Colons aux corvées; d'exiger qu'ils donnent leurs efclaves , ou qu'ils payent des contributions en argent, pour des travaux a la charge de la Compagnie. II doit étre défendu au Gouverneur, d'obliger la milice bourgeoife de faire aucun fervice forcé auprès de fa perfonne , nide 1'alfujettira faire la garde des cötes lorfqu'un navire étranger fe préfente pour entrer au Cap, ou que quel-  C 302 ) ■quelque navire, quel qu'il foit, a fait nauifrage fur la cöce , &c. Ces quatre Articles mettenta couvert, ce me femble , la liberté civile du bourgeois & du Colon ; il eft de la juftice de la Compagnie de les adopter, ou d'en adopter tels autres que fon équité & fa prudence lui dicteront ; mais quels qu'ils puiflènt étre , ils doivent tendre au même butaufü éfficacement que ceux que je propofe. Après avoir pourvu a la liberté civile du Colon, on doit pourvoir encore a la fureté de fa propriété ; pour cela, laCompagnie doit prendre des moyens cfficaces pour reprimer 1'avidité de fes premiers Agens. Surtout elle doit obvier aux amandes exorbitantes & arbitraires, auxquelles le Fiscal condamne le Colon & le bourgeois, fous le plus frivole pretexte. Je fais, qu'il doit y avoir des peines pécuniaires , mais je fais aufli, que ces peines ne doivent pas étre laiflëes a 1'entiére difpofition d'un homme qui eft toujours intéreflea les groflir & a les multiplier. Pour procurer 1'aifance du Colon & du bourgeois, il faut premierement lui faciliter le moyen de payer fes impóts & fes redevances; fecondement il faut lui laiffer  ( 3©3 ) laiflèr une liberté honnéte de commerce: fans le cowmerce , il ne peut profpérer, fans le commerce il languit, il négligé la culture de fes terres, il ne fak pas ufage de fes taients; fans le commerce en unmot, il eft fans vie , fans ardeur, il devient pareffeux, il fe livre a la débauche, il négligé la vertu & fe précipite dansle crime; ilfait plus, il devient remuant, il cabale paree qu'il eft mécontent & s'il ne trouve le moyen de faire un commerce de contrebande , toujours préjudiciable au Souverain & a 1'Ëtat, 1'oïfiveté dans laquelle il vit, acheve de le rendre fécü» tieux. II eft donc hautement nécefiaire, que la Compagnie réfléchifte férieufement fur cet objet. Je vais hafarder quelques confeils qui y font relatifs. i°. La facon de payer la Dixme a la Compagnie, eft infiniment gênante & ruineufe pour la plupart des Colons, comme je 1'ai fait voir plus haut. II faut donc que la Compagnie fe détermine a établir des entrepots particuliers dans chaque Colonie particuliere. C'eft dans ces entrepots, que les Colons des Colonies refpeélives viendraient payer en efpèce la Dixme des grains aflujettis a cette rédevance & qu'ils viendraient y porter auffi leur quote-part des grains  C 304 ) grains & des vins que la Compagnie leur aurait acheté pour fon compte. Le Bailli de chaque Colonie, outoutaucre Agent nommé par la Compagnie , pourraient étre chargés de faire cette levée. Ces entrepots étant remplis & tous les Colons ayant fourni leur contingent, la Compagnie devrait faire voiturer a fes dépens toutes fes denrées au magafin général du Cap. Cette opération ferait d'autant plus facile pour la Compagnie, qu'elle a des voitures, des boeufs, des efclaves, des ferviteurs, des ouvriers , &c. k fon fervice; que fi elle n'en a pas fuffifament, elle peut facilement s'en procurer. Si d'ailleurs elle adopte le plan que je lui ai propofé d'augmenter la Garnifon , rien n'empêche que le Gouvernement n'employe fes propres foldats a ces charrois. Ce ferait un moyen de leur donner de 1'exercifle & de les rendre robufies. 2°. La Compagnie doit fixer un prix pour les denrées qu'elle achete des Colons, foit froment, légumes, vin, &c. Ce prix doit étre proportionné a la valeur intrinfeque des denrées particuliéres: mais furtout, il faut le déterminer de facon que le vendeur & 1'acheteur y trouvent raifonnablement leur comp-  ( 3o5 3 eomptë. Le Colon ne doit pas étre forcé , comme il 1'eft a prefent, de vendre a un prix trop modique, & ' aufli il n'eft pas raifonnable, que la Compagnie paye aux Colons le même prix , qu'un étranger lui paye pour la même denrée: il eft évident, qu'elle doit ac- 1 quérir a un prix plus modéré. Mais furtout,point de diftincftion entre 1'achat des denrées de la même qualité qui font deftinées pour Batavia, ou pour 1'Europe : elles doivent fe vendre au même prix pour les deux deflinations différentes ; car fous précexte, que celles que la Compagnie defline pour 1'Europe , fe vendraient a meilleur marché, que celles deflinées pour Batavia, le maitre du magafin pourrait acheter la plus grande partie pour 1'Europe, & dire que 1'envoy pour Batavia eft peu confidérable ; ce ferait donner acet Agent une occafion de monopole dont il ne maftquerait certainement pas de profiter; comme cela arrivé journellement. 3°. Le droit que la Compagnie a mis fur les vins, eft exorbitant & les prix qu'elle a fixés font infiniment trop bas, comme je Fai remarqué en fon lieu. Ce droit d'ailleurs eft au profit du Gouverneur , & au profit du Fiscal. II eft plus fimple, que la Com> V pagnie  ( 3°6 > pagnie exige Ia Dixme du vin, en efpèce, comme elle exige celle du fromcnc. 4°. Les Fermiers Généraux qu'elle a établis pour les vins qui fe vendent au Cap par les particuliers, en détail & en gros, doivent étre fupprimés; ils gênent trop le commerce intérieur & le commerce extérieur des cultivateurs. La Dixme percue fur les vins, fera moins gênante pour les Colons , & donnera a la Compagnie un profitinfiniment plus grand, que Ie profit qu'elle fait par cette ferme particuliére. II n'y a que les Fermiers, le Gouverneur, & le Fiscal qui retirent un profit réel de cette ferme ; le Colon & la Compagnie y perdent confidérablement. Le Colon après avoir payé a Ia Compagnie les redevances qu'il lui doit , efl en droit de faire de ces denrées ce qu'il lui plak , & d'en faire tel commerce qui lui paraitra le plus avantageux. Mais rien ne gêne ckne détruit plus fon commerce, que la concurrence injufte , inconftkutionelle & dangereufe, tant pour lui, que pour Ia Compagnie, des Agens de la Compagnie même. II parait donc abfolument nécesfaire que la Compagnie, t°. Dó-  C 307 ) i°. Défende trés féverement a fes Agens, de faire aucune efpèce de commerce au Cap , foit par euxmêmes & ouvertement, foit par des prête-noms & clandeftinement. II efl: impoflible , que le Colon puiflè fouftrir cette concurrence. L'Agent , ou fon Commiffionaire, ou fon aflbcié, fe prévaudra toujours du crédit que fon pofte lui donne, il achetera du Colon a vil prix & vendra a 1'écranger, ou a la Compagnie elle-même , avant même que le Colon foit averci qu'il a occalion de vendre. 2°. Le Colon & le bourgeois doivent étre maintenus foigneufement dans le privilége conftitutionel de faire le commerce exclufif des denrées & autres objets de négoce. La Compagnie doit encore faire d'avantage , elle doit obliger le Gouvernement a favorifer autant qu'il eft en lui, le commerce des Colons & des bourgeois; elle doit lever toutes les entraves & toutes les difficultés que les Agens , & fur tout le Gouverneur & le Fiscal ont mis & ,ont oppofé au commerce des bourgeois-, elle doit faire veiller feulement a ce que les Colons & bourgeois ne faflènt pas avec les étrangers, un commerce^d'importation, qui ferait préjudiY a ciable  C 308 ) cable aux intéréts de la Compagnie ; je veux dire , un commerce de fer, de bois, &c. qu'elle leur vend elle-merrie. Mais en même tems elle doit en modérer le prix qui actuellement efè arbitraire; paree que les Agens prépofès a la vente en détail de ces objets, furtout a la vente du fer & des bois propres a faire les outils du labourage, exigent ce qu'ils veulent, & rendent compte a la Compagnie comme il leur plait. 30. La Compagnie peut trés-facilement donner une nouvelle aftivité au commerce intérieur de tout 1'Etabliffement; elle y profitera confidérablement, & le Colon y trouvera un avantage dont il n'a pas encore joui. Les diftrióts de la Colonie du Cap regorgent de vin , au point que trés - fouvent, cette denrée fe vend a un prix trés-modique ; la Colonie la plus éloignée du chef-lieu & iitué au dela des montagnes , manque abfolument de vin ; les Colons y font réduits a la trifte néceffité de boire de 1'eau: a portée de cette Colonie du Cap , il y a des forêts de bois de haute-futée propres a la conftruétion des batiments; il y a entre-autres uneforêt, appellée, Antonnicqua, qui a trente lieues de longueur ; cette forêt  C 309 ) forêt aboutit par plufieurs coins a la mer , & parti* culiéremeut a deux Bayes afTcz bonnes & 0111'ancrage efl: fur; ce font les deux Bayes appellées ftiojjilbay & Plettenbergs-bay. Pourquoi donc ne pas profiter d'un moyen facile de commerce que la nature offre aux Colons du Cap? IIme femble,que la bonne politique veut, que la Compagnie engage les Colons du Chef-Jieu a aller porter aux Colons les plus éloignés , le fuperflu de leurs vins, ót a recevoir d'eux en retour, des bois de conftruétion dont la difette eft exceflive au Cap & qui pour cette raifon, y font d'une cherté affreufe. Six navires fuffiraiènt pour ce commerce intérieur ; commerce aifé & facile , fur tout dans la bonne faifon; paree que ces navires pourraient, foit en allant, foit en revenant, fe tenir prés de la cöte & la longer fans le plus petit danger. Tl réfulterait de ce petit commerce, un bien infini & pour la Compagnie & pour tous les Colons. Pour la Compagnie, paree que tous les vins du Cap auraient des débouchés pour étre'vendus, & plus aufli les droits que la Compagnie percoit fur cette liqueur, augmenteraient; elle pourrait même mettre un droit modéré fur 1'exploitation des V 3 bois,  C 3i° ) bois, & fur leur entrée au Cap. Ces bois lui appartenant en propre, il efl jufte , qu'elle en percoive une petite rétribution de celui qui les explokeraic pour en faire fon profit particulier. L'utilité pour les Colons efl: vifible ; les uns feraient aflurés d'avoir un débit profitable d'une denree qui trés- fouvent les embarrafle, faute d'occafion pour s'en défaire, & qui leur a couté des frais confidérables pour la recolter ; & les autres feraient aflurés aufli de fe procurer a un prix modique & avantageux, une boiflbn qu'ils ne connaiffent que par le nom , qui leur eft néceffaire , pour tempérer 1'eauqui débilite leurs forces. La population de ces Colonieséioignées du cbef-lieu, s'accroitrait bien vite; ces Colons auraient une nouvelle branche de travail; car 1'exploitation des bois exige des hommes forts & robuftes. On ne verrait plus des families fe féparer & des- jeunes gens s'enfuir chez les Hottentots, faute d'occupation chez-eux. Oui; je 1'avance avec confiance, ce ferait donner une nouvelle vie a 1'EtablhTement, ce ferait lui donner une activité qu'il n'a jamais eue. Les Colons du Cap follicitent la permifiion de faire ce commerce , la Compagnie doit 1'accorder fans difficulté. Mille bras  C Sn ) bras qui font oififs, feront employés utilement. Cé motif eft feul affez puiflant. 4°. Undes moyens le plus proprea faire fleurir le commerce au Cap, c'eft de permettre a toutes lesNations d'y aborder & d'y commercer avec les Colons. Les avantages prodigieux qui en réfulteraient, pour la Compagnie en particulier , & pour tous les Colons en général, mettrait bientöt 1'Etablifiement du Cap fur le pié le plus refpeétable. Toutes les richefles de linde viendraient s'y dépofer: le Cap ferait bientöt par rapport a tous les Etabliflèments des Européens dans 1'inde , ce qu'eft St. Euftache en Amérique , par rapport ft toutes les Colonies Anglaifes, Francaifes, Hollandaifes, &c. c'eft-a-dire un entrepót général de toutes les richefles de 1'lnde, & un magafin général des vivres , ou tous les Peuples Européens dans 1'lnde, viendraient fe pourvoir. C'eft alors, que la Compagnie établiflant des droits modérés, payablesfur les marchandifes d'importaion & d'export ation, percevrait un revenu infiniment plus grand , que celui qu'elle percoit aftuellement, même en grévant & en accablant les Colons du Cap. Ceux-ci fe dé feraient de leurs denrées'a V 4 des  ( 312 ) des fa-ars prix & feraient aflurés de n'en avoir jamais de fuperflues , comme il leur arrivé trés - fouvent. De la , la population s'accroitrait prodigieufement , paree que les déffrichements des terres incultes augmentant , le nombre des cul ivateurs devrait s'accroitre en proportion. Cet objet d'an élioration pour rEtabliflêment du Cap , demande furtout 1'attention la plus férieufe de Mrs. les Directeurs de la Compagnie. 5°. Depuis tres-longtems les Colons & bourgeois de tout rEtabliflêment fe plaignent avec raifon , des prix exorbitants qu'ils font obligés de donner pour les efclaves qu'ils achetent. Depuis longtems ils ont fait des inftances pour obtenir Ja permiffion d'avoir a eux,un, ou deux petits navires propres a la traite des efclaves. Déja en 1719. ils demanderent la permisflon de pouvoir faire par eux-mêmes, 1'acbat des efclaves a File de Madagafcar & aux lies adjacantes; cette permiffion leur fut accordée; ils envoyerent même trois hommes capables & affidés dans cette He pour y faire les achats ; mais foit que le Gouvernement y mit par la fuite des entraves , foit plutót,que les Francais s'étant rendus raaitres de 1'lle Mau-  ( 313 ) Maurice , & qu'y entretenant une forte Garnifon, ils fuflbnt en état d'empécher ce commerce aux Colons du Cap, voulanc le faire eux-mêmes, comme ils le font aétuellement, les bourgeois ékiColons fe virent forcés d'abandonner cecte entreprife-, & même de demander par Requête au Gouvernement, de ne plus la permettre. Mais aujourd'hui, les circonftances ont changé , & je ne vois pas que rien s'oppofe a ce que la Compagnie accorde aux bourgeois & Colons la permiffion de reprendre ce commerce particulier & de le faire pour leur propre compte. Je crois même que la Compagnie y gagnerait confidérablement. L'achat des efclaves devenu a plus bas prix par ce commerce , les Colons pourraient en acheter une plus grande quantité; celui'qui n'en a que dix, pourrait en tenir vingt, qui lui font même néceflaires; de la, les défrichements deviendraient plus nombreux & les terres aétuellement en valeur, en feraient mieux cultivées; de la , la confommation en ferait plus confidérable; de la, par conféquent les Dixmes payables a la Compagnie s'accroitraient en proportion. La Compagnie efl: donc intéreflëe autant pour fon avantage particulier, que pour celui des Colons V 5 de  ( 314 ) de leur permettre, fous quelques petites reftrktions, Ia traite des efclaves de 1'Ile de Madagafcar , des lies adjacantes & de la cóte occidentale de 1'Affrique. Cette cotnplaifance , qui ne ferait qu'un acte de justice de fa part, contribuerait beaucoup a lui reconcilier 1'amkié & 1'attachement des Colons. Les profits immenfes que les Francais font fur les efclaves qu'ils vendent au Cap , rejailliraient fur rEtabliflêment entier. Ce n'eft ici, je 1'avoue, qu'une efquife d'un plan de reforme & d'atréUoration que la Compagnie doit adopter nécclfiircmcnt. Cc ferait infuker aux lumiéres, a la jullice & au zé!e de Mrs. les Direfteurs, que de leur prcïciirc des reglements qu'ils s'auront faire avec plus de précifion, qu'un fimple obfervateur. Trois Commifiaires, choifis entre les Membres respeélables, vertueux , bumains, dcfintérefles & compatiflants du Corps des Directeurs, envoyés au Cap, pour y prendre les informations néceflaires , & pour v voir par leurs yeux,les défordres, ou dumoins les vefliges des défordres dont les Colons & bourgeois fe plaignent, trois Commiflaires, dis-je, de cette trempe font plus en état qu'un fimple particulier , d'ap- porter  ( 315 ) porter un reméde éfficace , fpécifique & fouverain h la ma'adie politique, qui,depuis longuesannées, mine & affaiblit rEtabliflêment du Cap Cette maladie dangereufe exifte ; c'efl: une vérité inconteftable ; elle ménace 1'Etabliflement d'une diflblution prochaine ; c eft une autre vérité non moins inconteftable. La Compagnie, juftement allarmée fur une perte aufli confidérable, doit prendre des mefures éfficaces pour la prévenir & pour remettre rEtabliflêment le plus important de tous ceux qu'elle a, dans un état de fureté & de profpérité qui lui en asfure la confervation. Le fuccès d'une réforme néceffaire dans le Gouvernement politique du Cap de Bonne-Efpérance, enö;agera naturellement la Compagnie des IndesOrientalles a procéder a la réforme de tous les autres Gouvernements dans fes autres pofleflions aux Grandes-Indes : celle-ci, aflure-t-on , n'eft pas moins néceflaire que 1'autre. Peut-étre 1'état critique, oü elle fe trouve aujourd'hui, doit-il étre attribué , autant aux déffauts d'un Gouvernement mal dirigé aux Indes , qu'aux malheurs d'une guerre que la Nation a été obligée de finir , en facrifiant les  ( 3iö ) les intéréts de la Compagnie, a la néceffité d'arréter unEnnemi perfide & cruel; Ennemi qui, poffedé du Démon de la vengeancela plus injufte, a vouluhumilier la Nation Hollandaife, après 1'avoir injuftement & traitreufement attaquée. F I N. P L A-  P L A C A R D. Publiê au Cap de Bonne-Espéran- ce, sur le luxe des AgENS ET des Bourgeois de la Colonie. Le 13 Juillet 1775. Ï^yk Tulbagh, Confeiller extraordinaire de 1'Incie , Gouverneur , pour la Compagnie des IndesOrientales, du Cap de Bonne-Efpérance, &c. &C. conjointement avec le grand Confeil -de-Police , favoir faifons. Cni'attendu , que dans le Placard qui nous a été envoyé ici par la grande Régence des Indes , a Batavia , contre le Luxe & la Pompe ; publie' ici, ce jour, pour y étre obfervé , il ie trouve pluficurs Articles quine peuvent regarder en rien cet Établiifement, ou qui étant contraires a la Conftitude cette Colonie , ne peuvent abfolument y étre mis en exécution , .Nous , pour ces raifons , avons jugé néceffaire non feulement, d'interprêter le dit Placard, mais même d'écartcr , par ees préfentes , tout abus d'autres explications contraires a 1'intention des reglements faits par ce Placard, de la maniere luivante, favoir. Au Titre ier- Des Voitures & tout ce qui y a raport, des cbevaux-de-main, &c. I. Que, pour des raifons de convenance, les Membres du Grand Confeil - de-Police pourront conferver leurs carroffes •, fans néanmoins qu'il leur foit permis d'y faire peindre leurs Armes , ou leur Chifre , & fans pouvoir y faire appliquer aucune dorure-, ces divers ornements étant refervés pour le feul Gouverneur. Qu'at-  C 318 ) 11. Qu'attendu , que dans ce Gouvernement, les chemins du Chef-lieu, aux autres Colonies & Diftriéts de tout l'EtabliiTement, & vice verfa, font fi inégaux , & ii difficües, qu'il eft impoilible de voyager en voitnre , avec moins de fix chevaux , pour cette raifon, il fera permis d'atteller aune voiture quelconque, comme ci-devant, quatre, ou fix chevaux. I I I. Pareillement, comme il n'eft pas poffible de congédier & de renvoyer les cochers & conducteurs Européens dontion fe fert ici, attendu que la plus grande partie des Colons de tout rEtabliflêment , font obligés de les employer pour faire le tranfport de leurs denrées ici au Chef-lieu , il fera permis , comme cidevant, de s'en fervir j avec certe reftriction ceper-^ dant, que les cochers , ou voituriers ne pourront étres vétus que d'habits ordinaires, fans la plus petirefiemblance a une livrée ; étant referve" au Gouverneur, & aux Membres du Grand Confeil-de Police, de donner & faire porter livrée a leurs cochers. I V. En conféquencc de 1'Art. 12. du fiisdit Placard, il eft ordonné ici aufli, que toute perfonne fans exception , devra faire arrëter fa voiture, & en defcendre lorsqu'elle appercevra , la voiture du Gouverneur venir a la rencontre de la fienne, dc même que faire une place convenable , pour laiffer pafler la voiture d'un des Membres du Grand Confeil-de-Police qm viendrait a fa rencontre. V. LaifTant entiérement fubfifter les reftriótions & les fixations faites a 1'Art. 21. touchant la dorure, la broderie,  C 319 ) derie & les galons de foie des harnois & caparagons des'chevaux, de fagon pourtant qu'il fera libre aux Membres refpectifs du Grand Confeil-de-Police de pouvoir frire ufage de tels harnois, équipages, &c. Au Titre 2eme- des grands Parafols, ÖV. V I. Perfonne , moindre en rang qu'un fous-Marchand , de la Compagnie, ou dans la bourgeoifie, celui qui ne ferait pas d'un rang égal a celui-ci, de même que toute femme , ou fille, dont le mari, ou le pere , n'aurait pas adtuellemcntfceance dans quelque Collége, ou bien n' n aurait pas eu ci-devant, ne pourront pas faire ufage de grands Parafols. V I I. Ne pourront aufli , ceux qui font d'un rang inférieur a un Marchand de la Compagnie, entrer dansle Chateau , lorsque le tems eft beau , avec un Parafol étendu. Au Titre 3*me- Des babillements d'Homme. VIII. Mr. le S. e c o n p , Mr. le Fiscal indépendant & Mr. le Lieutenant-Colonel, étant autorifés % conferver leurs habillements diftinctifs felon leur rang, tels qu'ils les ont eus ci-devant, il fera aufli permis aux Membres du Conieil-de-Police de continuer a s'habiller, de la maniere qu'ils 1'ont fait jufqu'ici. Au  ( 32o ) Au Tttre 4tnie- Des babillcments des Femmes & particulierement des Pierreries tif Bijoux. I X. Aucunes Femmes, que les Epoufesld'un firns-Marchand 4e la Compagnie , oucelies qui dans la bourgeoifie, lont du même rang; ne pourront porter des habits de foye, avec une garniture de foy e, ou avce une broderie ; elles ne pourront porter aufli ni Diamans ,ni mantelets, & quoique les Femmes d'un fous-Marchand de la Compagnie & des bourgeois d'un rang e'gal, puiilent en porter, cependant celies-ci ne pourront en faire porter a leurs enfans. X. II eft défendu, fous peine d'une amande de 2£Ryksdalders , a toutes les Femmes & Filles fans diftinction, foit en deuil, ou hors dc deuil, de porter des robes a queue trainante. Au Titre 6eme- Des Esclaves, ouDomejliques libres a livrée, foit en habits, bas Ö" fouliers. X I. Ce qui eft ordonné par les Art. 24 & 25 , a 1'égard des habits a faire porter aux Efc'aves-domeftiques ne pouvant avoir lieu ici, a caufe que le climaty eft plus fraix(qu'a Batavia ) pour cet effet les habits des Esclaves- domeftiques feront qu'ant a 1'etoffe & a la facon tousunis, fansparements&fanscolet d'une couleur differentes ; comme cela fe pratique aétucllement. Au  C 321 ) A.u Titre iï***> Des Enterrements, £fr. X I I. Exc^ptéala mort du Gouverneur, ond'nn Membre du Grand Confeil-de-Police perfonne, de quelque conditionqu'il puiffe étre, ne pourra fairejettcr & repandre du fable devant la maifon mp.rtuaire, encore moins dans 1 es rues, fous peine de 25 Ry ksdalders d'amande, en cas de contrevention. XIII. Le nombre des "Bedeaux dc mort, qu'il fera permis d'employcr aux enterrements, fera fixé commeil fuit. Pour le Gouverneur, on pourra en employer le même nombre que ci- devant. Pour Mr. le Second , le Fiscal indépendant & le Licutenant-Colonel , on pourra en employer trois feulement. Pour les autres Confeillers-de-Police, les Capitaines, Capitaines-Lieutenants, tant de la Marine, que des Troupes de terre, de même que pour un Miniftre; deux feulement. Mais pour toute autre perfonne moindre en rang, il ne fera pas permis d'en employer plus d'un, fous peine d'une amandede 100 Ryksdalders, contre ceux qui oferaient enfreindrece reglement; les contrevenantsaux ordres ci-deffus tomberontdans lecas des pénalités exprimées par les Art. du fusdit Placard principal, dont 1'intcrprêtation eft facile. Ce quieftordonnéparle 123 Art. fera exac~tement& ponctuellementfuivi, feulement avec cette difte'rence, que les ordres donnés rélativement aux habillcments d'hommc & de femme, n'auront force exécutrice, que fix mois après la publication de ce Placard. Et psur que perfonne n'en ignore, & ne prétende en igno-  C 322 ) ignorer, nous ordonnons & défirons ,que ce Placard foitpubüé aux places accoutumées, & affiche' par tout oü befoin fera. Ainfi fait Scarrctéau Chateau de Bonne-Efpérance, Ie 15 Tuillet 1755. Pubiié le 31 du même mois , &c. &c. &c Cette piêce, prouve deux Faits de la maniere la plus êvidriite, 1°. On voit, combien il eft difficile aux bourgeois du Cap de donner dans itn luxe ruineux & éffrené , comme Mr. le Fiscal Boers les en accufe. 2°. On voit. combien peu les Agens de la Compagnie, obéifftnt Qf fe conforment aux reglements que la Compagnie fait de tems en tems pour eux-mêmes. U n'y a pas un Agent de la Compagnie , qui fe foit conforme cxattcment aux reglements contre le luxe, faits par le Placard ci-dejfus. Ces Mrs. fe croyant, mal-d-propos Le'gijlateurs ,femettent aufii mal-A-propos au dejfus des Loix, dont ils ne font que les interprCtes. Ils font trés-rigoureux contre les bourgeois ff tres-indulgenspour eux-mêmes.  Cel Ouvrage fe vend : A Amfterdam, chez Changuion.—J. A. Crajenschot, Vlam vanGuliok & Guryn , *£c. Campen, J. A. de Chalmont. Delft, J. de Groot. Deventer, Karfenberg. Dordrecht, Blusfé & fils , & P. v. Braam. La Haye , H. v. Drecht & C. Plaat. Groningen , L. Huyzing. Haarlem, C. v. d. Aa & C. H. Bohn & fils. Hoorn, j. Vermande. leeuwaarden , G. Tresling & Gibals. Liyden, De Does, Heyligert & Hjrdlngh. Middelburg, P. Gillisfen en J. L. W. Abrami. Rotterdam, D. Vis. Krap, Lendengberg. & de Leeuw. Schiedam , Poolman. Utrecht, G T. v. Peddenbnrg , Stubbe , J. Vilcb & Wild , & dans les Pays étrangers, che^ les principaux Libraires.