CONSIDÉRATIONS SUR LES (EUVRES DE DIEU T 0 M E PREMIER.   CONSIDÉRATIONS SUR LES (EUVRES DE DIEU, Dans le regne de la nature ET DE la ProVIDENCE. POUR TOUS LES JOURS DE L'ANNÉE. Ouvrage traduit de tallemand DE M*. C. C. S T U R M. TOMÉ PREMIER, Qui comprend les quatre premiers mois de l ' A n n é e. A L A H AY E3 Chez Pierre-Frederic Gosse, Libraire de S. A. S. M. DCC, LXXXVI,   c f y PRÉFACE D E LA TRADU C TRI CE, L E devoir Ie plus facré de l'homme étant celui d'aimer & d'adorer le Créateur, j'ai cru que je n'employerois pas inutilement mon loifir en le confacrant a traduire de 1'allemand ces Méditations fur la grandeur de Dieu dans le regne de la nature & de la Providence. Je n'ai eu d'abord en vue que ma propre édification , & d'exciter mon cceur a la louange du Très-Haut; mais des perfonnes a qui je ne puis rien refufer ont defiré que je fiffe imprimer ma traduflion. Je fouhaite avec ardeur que ces'Méditations fervent a réveiller de leur aflbupiflcment ces coeurs qui ne fentent & A 3  vj F R É F A C E. n'admirent rien, qui voient les merveilles de Dieu dans Punivers fans la moindre réflexion fur les beautés que la nature leur offre, fans la moindre fenfibilité pour les efFets fi marqués des tendres foins de la Providence, dönt euxmêmes lont continuellement les objets. Puiffions-nous, mon cher lefteur, donner aux grandes vérite's, que ces Méditations rappellent, 1'attention qu'elles méritent, & devenir par-la de jour en jour meilleurs & plus parfaits. C'eft le vceu le flus ardent de mon cceur. CO NS TA N C Ei  ( 7 ) P R É F A C E D E L' A U T E U R. < —-gSffj^- ■ '» Ti Ors&ue je fis paroitre eet Ecrit, il y a trois ans , il s'étoit précifiément écoulé un jiecle depuis la publication d'un ouvrage du pieux Scriver, intitulé: Méditations occafionnelles fur les ouvrages de l'art & de la nature. Je ne me fiais aucune peine davouer que j'ejlime beaucoup cette produïïion, & que je la prêfiere a bien des livres de dévotion modernes, dénués de fientiment & de précijïon. Qiielque peu afforti, au goüt plus délicat de notre jiecle, que puijj'e paroitre a certains égards la forme & le Jlyle de Vouvrage de Scriver, il a dautres avantages blen propres a dédommager fies lecteurs des défauts qu'on peut lui reprocher. Le zele de l''Auteur pour la pratique de la religion, fion grand fiens, la connoifiA 4  viij P R É F A C E. fattce quHl avoit des ouvrages de la nature de tart, le foin de cboijïr tin langage pref que toujours a la portee du vulgaire, font des avantages qu'on trouve, ce me femble, raremeyit réttnis dans les livres de dévotion, foit du Jiecle paffe, foit du jiecle préfent. Cejl le cas que j''ai toujours fait de l'ouvrage de Scriver, qui nia d'abord infpiré Venvie den compofer un qui lid reffemblat. Je me propofois un doublé but, en mettant par écrit des Conjidérations fur les oeuvres de Dieu, dans le regne de la ?iature £s? de la Frovidcnce. Je voulois que les gens, fans étude , trouvaffent dans un livre ce qiCil y a de plus effent iel a favoir touchant les objets que Dieu nous offre dans la nature. Vour eet effet j'ai choiji dans le vajie domaine de ïhïjloire naturelle les objets qui nous environnent journellemeut, dont la connoiffance hiftorique n'exige point une capacité extraordinaire. Jai taché de m'exprimer & de préfenter les chofes de maniere que mon livre fut a la fois intelligible & intéreffant pour tous les chrétiens, même pour les moins éclairés. En m'efforqant datteindre a ce but, je m'en fuis propefé tin fecond, c'ejl dHndiquer a mes lecleurs com-  P R É F A C E. ix ment onpeut puifer des kg ons de fageffe & de vntu dans la contemplation des chofes naturelles (*). 77 êtoit néccffaire pour remplir ces vues avec plus de fuccès, que je mijje a profit tous les fecours que les ouvrages des naturalijies me fournifjoient. C'ejl pourquoi je ne me fuis fait aucun fcrupule demprunter le langage dun Buffon, dun Derham, d'un Pluche, dun Nieuwentyt, dun Sulzer, dim Bonnet, ou de quelqu'autre Ecrivain de ce genre, toutes les fois que je l'ai cru néceffairc pour préfenter a. mes letleurs des idees plus précifes, £5? expriméés avec plus de clarté Cf? dénergie. Je dois faijir cette occajion pour me louer de Vajfiflance que fai trouvée dans M. le recteur Lor enz, qui non-feulement a compofé quelques - unes de ces Méditations, mcds dont les vajles connoiffances, en fait dhiftoire naturelle, lont mis encore en état (* ) Dans VAvant - Propos, qui ejl a la tête de Ja première édition, Vauteur expofe les motifs qui Vont déterminé a donner a Jon ouvrage la forme de Méditations pour tous les jours de l'anne'e: c'eji d'un co té, pour y répandre plus de variété , de Vautre , pour inviter Jes letleurs a fanftifier chaque jour par la contemplation de fa nature.  x PRÉFACE. de me fournir des lumieres, que j'ai tachè de faire fervir a Vinfirutlion & a Védification de mes letleurs. Je lïai fait aucun changement conjidérable a cette nouvelle édition, j'ai feulement retranchè les Cantiques qui fe trou. voient dans la première, £ff leur aifubjlitué de nouveaux morceaux écrits en prof e, eet arrangement m'a puru plus convenabh apres avoir publié, comme je Vat fait tl j a quelques tems, tout un Recueil de Cantiques fur les ceuvres de Dieu dans le regm de la nature (*). STÜRM. (*) Afin de rèunir ici les avantages des deiu éditions , on a traduit les Cantiques quife trouven dans la première, fj? les Difcours en profe , que) leur a Jubjiitués, dans la feconde.  PREMIER JANVIER. Mcditation pour le jour du Nouvd-An. Je me repréfente ce premier jour de 1'année comme s'il étoitle premier jour de ma vie, & j'ofe attendre de la bonté de mon Dieu tout autant de bienfaits pour 1'année qui commence aujourd'hui, que j'en ai obtenu lors de mon entrée dans le monde & durant tout le tems de nia carrière. Combien de faveurs n'ai-je pas lieu d'efpérer de mon pere célefte, qui dès le premier inftant de mon exillence, que dis-je, avant mëme que je fuffe né , s'eft occupé de moi avec tant de tendrefTe & de bonté ! Au moment que je fuis venu au monde, il m'afait trouver dans mesparens des amis qui m'ont affifté, qui m'ont nourri, & dont 1'a- CONSIDÉRATIONS SUR LES (EUVRES DE DIEU, Dans le regne de la nature, et de la providence.  12 CONSIDÉRATIONS mour défintéreffé fuppléoit a 1'état de foiblelTe & d'impuiflance ou j'étois réduit. Saus leurs fecours, fans leur généreux dévouementa mon bien-être, aurois-je confervé la fanté & tant d'autres biens dont je fuis en polfeffion 'i Si pourlors j'euife été en état deréHéchir fur ma deftinée, j'aurois pu fans contredit me promettre beaucoup d'heures agréables dans le cours de mon exiftence fur la terre. Maintenant que je fuis capable de ces réflexions, je veux me ïivrer tout entier au fentiment de mon bonheur & aux douces efpérances qu'il m'invite a formerpour 1'avenir. J'entre avec le jour préfent dans une nouvelle carrière de ma vie, non pas auffi dénué de tout, auffi incapable de m'ai» der que je 1'étois en venant au monde , mais avec le mème befoin de fecours que j'éprouvois alors. J'ai befoin que des amis viennent répandre des douceurs fur ma vie, qu'ils me relevent quand je fuis abattu par le chagrin, qu'ils me garantiifent des dangers qui pourroient me furprendre. Et mon pere celefte ne m'accorderoit-il pas ce bien li defirable ? Oui, j'enfuis fur, & quoiqu'il puiffe m'arriver dans le cours de cette année, le Seigneur m'a fans doute déja choifi un ami qui, dans les cas douteux, fera mon confeiller , & dans l'infortune, mon foutien; qui durant ma profpérité en partagera les douceurs, & dans mes foiblelfes, viendra a 1'appui de ma raifon. Lors des premiers momens de ma vie, Dieu avoit déja pofé les fondemens de ma deftinée a venir. Ce n'eft point par hafard que je fuis né de tels parens, dans une telle partie du monde, dansun teltems, &non point dans un autre. Et le tems, & le lieu , & les circonftances, & lesfuitesde manaüTance, Dieu avoit tout ar-  Sur les ceuvres de Dieu. i? ■angé de la maniere la plus fage. C'eft alors bu'ü régla mon fort, qu'il pela lesfouflrances que je devois endurer, qu'il vit les agremens & les douceurs qui devoientramener le calme 'j& la férénité dans mon efprit. D'après fes décrets bien des caufes, pour lors inconnues, deiroient concourir a mon bonheur, & tout ce iqui a eu des relations avec moi, devoit conbibuer a remplir fes vues bienfaifantes. Avec se premier jour de 1'année, mon fort eft comme réglé de nouveau. Le Seigneur qui m'a doniné 1'ètre, embralfe d'un regard , que nen ne ipeut tromper chaque femaine, chaque jour, rchaque inftant de cette année. A la vérité, tout jcequi me concerneeft caché pour moi, mais {tout eft a découvert aux yeux du Seigneur, & kout eft réglé, d'après fesdécrets, pleins de fagelfe & de bonté. Si durant cette année j'éLrouve un malheur que je ne faurois prevoir, Hl quelque bonheur imprévu me tombe en partage, ii j'eifuie quelque perte alaquelle je ne jrpouvois m'attendre, tout arrivera felon la voilonté de Dieu. C'eft rempli de cette convidion que ) entre nldans la nouvelle carrière, qui commence avec :ce jour. Quelque chofe qui m'arrive, je m'afteriimirai de plus en plus dans la perfuafion que 1'Eiternel fera mon Dieu & mon pere, dans ma '■vieilleife aufll-bien qu'il 1'a cté dans mon jeune siage. Si je me trouve expofé au befoin & a la tidétreffe, je me fouviendrai des jours de mon 1: enfance, de eet état bien plus critique encore, li & dans lequel néanmoins le Seigneur a eu pitie ide moi. Si j'effuie 1'infidélité de quelque ami, i cela mëme ne doit pas m'inquiéter, Dieu faura j me fufciter d'autres amis dans la tendrefle defi' quels je pourrai puifer la joie & le bonheur.  14 CONSIDÉRATIONS Si ma vie eft en butte a des perfécutions, a des périls qui femblent mettre en défaut toute ma prévoyance, ccla mème encore ne m'erFrayera point: je me confie au Seigneur qui a protégé mon enfance lorfqu'elle étoit expofée a mille dangers. Qu'eft-ce donc qui pourroit m'empècher de commencer cette année avec tranquillité ? Ah! c'eft fans inquiétude que je veux jetter mes regards fur Pavenir & abandonner mon fort a la direclion du Seigneur. Je veux fuivre avec foumiflion le chemin qu'il me montrera, & le bénir a chaque pas de ce qu'il m'y conduit d'une maniere fi miféricordieufe & li falutaire. DEUXIEME JANVIER. Des bienfaits que Dieu nous actorde en hiner, auxquels nous faijons troppeu d'attention. 5 I nous nous appliquions a examiner les ceuvres de Dieu , plus qu'on ne le fait communément, nous trouverions, durant cette faifon, bien des fujets de nous réjouir de la bonté du Seigneur, & d'exalter les merveilles de fa fageffe. Peu de gensfans doute font alfez infenfibles pour ne pas éprouver des mouvemens de joie & de gratitude, lorfqu'au printems, en été, 6 durant 1'automne, la belle nature leur déploie les riches bénédiftions de Dieu. Mais d'ordinaire les cceurs mêmes les plus fenfibles, font rarement excités au fentiment d'une douce reconnoiifance, quand ils voient les champs dépouillés de leurs fruits & de leurs charmes , quand 1'aquilon fouffle autour de leurs demeu-  Sur les ceuvres de Dieu. res, quand un froid glaqant vient engourdir la terre & fes habitans. Mais eft-il bien vrai que cette faifon foit fi dépourvue des bienfaits du ciel, & de ce qui peut allumer dans le coeur de 1'homme la reconnoiifance & la piété ? Non fans doute , mesfreres, accoutumez-vous feulement a ëtre plus attentifs aux ceuvres de Dieu, plus touchés des diverfes preuves de fa bonté envers nous, & vous trouverez alfez d'occafions, même en hiver, de louer votre bienfaiteur. Confidérez combien vous feriez malheureux fi durant un froid violent, vous n'aviez ni bois, ni lit, nivêtemens pour vous reehaurfer; avec quelle bonté le Seigneur prévient nos befoins , & nous fournit dans la faifon , même la plus dénuée, des relfources, & les néceffités & les commodités de la vie ? Peut-être éprou vez-vous dans eet inftant la douce chaleur du feu. Ne rendrez-vous pas des actions des graces au Seigneur , qui nous donne du bois avec une telle profufion, que les plus indigens trouvent a s'en pourvoir ? Vous êtes couchésdans un bon lit, bienfait, qui tous les foirs devroit exciter votre reconnoiffance, fi vous confidériez que la mifere privé un grand nombre de malheureux de cette aifance, qui au moins, durant la nuit, ferviroit a les garantir du froid. Vous avez des habits & peut-étre en fi grande quantité , qu'il ne vous elt pas difficile de braver les rigueurs de 1'hiver : fi vous ne fentez pas que ce foit-la un bienfait, fongez a vos pauvres freres dont les membres tranfis ne font qu'a demi couverts de haillons. Oh s'ils avoient feulement la moitié de vos vëtemens combien ils s'eftimeroient heureux ! Et vous ne voulez pas reconnoitre votre bonheur, & vous refufez d'en rendre hommage a votre bienfaifant Créateur!  l6 CONSIDÉRATIONS Ce n'eft pas tout encore. S'il étoit donné aux moreels de connoitre 1'enchainement de chaque chofe dans la nature , quelle feroit notre admiration pour la bonté & la fageffe de fon auteur ! Mais quoiqu'incapables de nous faire une idéé de 1'enfemble de fes ceuvres, lepeu que nous en appercevons nous donne aifez lieu de reconnoitre que le gouvernement de Dieu eft infiniment fage & bienfaifant. L'hiver auffi appartient au plan qu'il a formé; fi cette faifon n'exiftoit pas, le printems & 1'été n'auroient pas-tant d'agrémens pour nous, la fertilité de nos terres diminueroit de beaucoup, le conimerce ceiferoit dans bien des provinces, & une partie des bois & des forèts eüt été créée inutilement. Envifagé fous ce point de vue, l'hiver eft fans contredit très-utile; & fuppofé même que fes avantages ne fuifent pas auifi fenfibles, il fuffiroit de conlidérer que l'hiver eft 1'ouvrage du Créateur auffi-bien que le printems & 1'été, & que tout ce qui vient de Dieu ne peut être que bon. Etre fuprême, Créateur puiiTant & bon, pardonne fi par ignorance j'ai ofé jufqu'ici trouver a redire au plan que ta fagefle a formé. Pardonne 1'ingratitudedontfi fouvent je me fuisrendu coupable durant cette faifon. Oui, même en hiver, tu m'accordes plus de bienfaits que je n'en mérite, plus que je n'en faurois exprimer. Si jufqu'ici je les ai envifagés d'un oeil indiiférent, fi j'en ai méconnu le prix, au moins a Pavenir 'fy ferai plus attentif & plus fenfible. Lorfque durant ces jours froids, je fentirai la douce impreffion du feu, lorfque je ferai garanti par de bons vètemens, ou bien lorfque j'irai chercher fur ma couche la chaleur & le repos, tu recevras mes actions de graces, 6 confervateur  Sur les ceuvres de Dieu. 17 confervateur de ma vie, pour les bienfaits que ta main libérale répand fur moi dans cette faifon. TROISIEME JANVIER. Des preuves journalieres que Dieu nous donne de Ja Proaidence. Ne reconnoitre les traces de la Providence que dans les cas extraordinaires, c'eft trahir notre ignorance & notre foibleffe. Dans le cours ordinaire de la nature, il fe préfente journelleinent mille chofes qui devroient nous rendre attentifs & exciter notre admiration. La formation de 1'enfant dans le fein de la mere, eft une auffi grande merveille de la puinance & de la fageffe de Dieu, que la création du premier homme tiré de la pouffiere. De même la confervation de notre vie, fi 1'on penfe a la diverfité de caufes & d'eifets qui fe combinent pour 1'opérer, n'eft pas moins merveilleufe que la réfurrection des morts. La feule différence qu'il y a entre ces deux chofes, c'eft que 1'une arrivé iarement, tandis que nous fommes tous les jours témoins del'autre; de-la vientque celleci ne frappe point nos regards & n'excite pas affez notre admiration. Affurément ma propre expérience doit mé convaincre pleinement, qu'une Providence divine veille a la confervation de mes jours. Je ne fuis pas fur d'un feul moment de ma vie; mille caufes inconnues & cachées peuvent en précipiter le terme, glacer mon fang, ou arrêter ma refpiration! Ah! je ne fens quetrop combien je fuis incapable de me conferver la vie, Tomé I. B  Xg CONSIDÉRATIONS d'écarter telle ou telle infirmité, tel ou tel danger qui me menace. Sujet a tant de maux corporels, a tant de foiblefl'e , tant de befoms lolt a 1'égard du corps, foit a 1'égard de 1'ame, fort a 1'égard de ma fituation extérieure, je fuis vivement convaincu que fans les tendres loins de mon Dieu, je ferois une créature bien miferable. L'union de mon corps & demon ame, leur adion réciproque & continuelle, fontinconcevables, & ne dépendent ni de ma volonté, nide monpouvoir. Lebattementdupouls, le mouvement des liquides fe fait chez moi fans interruption, & fans que je puuTe y contnbuer en rien. Tout m'aifure que mes facultes, mon état, la durée de mon ètre ne dépendent pas de ma volonté. C'eft le Seigneur qui par un pouvoir fecret & abfolu, maintient en inoi la force, le mouvement & 1'exiftence. Si ma refpiration n'eft pas encore arrëtée, fi mon fang circule encore, fi mes membres n'ont pas encore perdu leur aétivité, fi les organes de mes fens ont confervé leur jeu, fi dans eet inftant j'ai la faculté de penfer & 1'ufage de ma radon, c'eft a Dieu feul que j'en fuis redevable. Mais pourquoi penfai-je fi rarement & avec fi peu de reconnoiïTance aux voies journalieres de la Providence ? Ah! les réflexions qui viennent de m'ëtre offertes, ne devroient elles pas être toujours imprimées dans mon cceur? Ne devrois-je pas au moins chaque matin & chaque foir de ma vie, méditer les bienfaits de mon Créateur, les admirer& 1'enbénir? Combien iie feroit-il pas jufte que je le fiife, & que par eet hommage je me diftinguaife de la brute 111fenfible de ces créatures qui n'ont pas requla faculté de contempler les ceuvres de la Providence.  Sur les ceuvres de Dieu. 19 Divin confervateur de ma vie, enfeigrte-moi a contempler dignement les merveüles de ta bonté. Rends mon efprit capable de ce raviifement qu'éprouvoit 1'ame de David toutes les fois qu'il s'occupoit a méditer tes ceuvres. Et quand tu m'accordes un bienfait, quelque petit qu'il foit, que j en fente le prix, qu'il me porte a te glorifier, a reconnoitre que tu es 1'unique fource du bonheur des hommes. Alors je pourrai m'appliquer ces paroles d'un pieux patriarche: Je fuis trop petit au prix de toute la fidélitê & de toute la gratuite dont tu as ufe' envers ton ferviteur. aUATRIEME JANVIER. Diverfes ufages du feu. Le feu eft en quelque forte 1'inftrument univerfel de tous les arts , & de tous nos befoins. Et afin que rhommepuüTe faire un ufage continuel de eet élément, le Créateur Pa placé nonfeulement dans Pair & dans Peau, mais il Pa renfermé encore dans tous les corps huileux & gras. Et de quelle utilité ne nous font pas les matieres combuftibles, qui fournilfeut au feu Paliment dont il a befoin ! Sans une provifioii fufEfante de ces matieres, nous ferions privés des plus grands avantages & expofés en même tems aux plusgrandes incommodités. En hiver, fansle feu qui nous éclaire, une grande partie du tems fe pafferoit dans une obfeurité infupportable. Privés de cette lumiere artificielle, nos occupations les plus agréables celferoient avec le coucher du foleil i nous ferions réduits B %  20 CONSIDÉRATIONS ou a refter immobiles, ou bien a errer dans les ténebres avec erlroi au milieu de mille dangers. Songez, ó mes freres, combien notre fort leroit trifteii dans ceslongues foirées, nous ne pouvions ni jouir des agrémens de la fociété, ni ufer des relïburces que nous offrent, dans 1'intérieur de nos tnaifons, la lecture, 1'écriture & le travail. Songez combien la plus grande partie desalimens que produit la terre, feroientpeu nourrirfans, peu falubres, fi au moyendufeu ils n'étoient dilfous, amollis, préparés jufqu'a un certain point. Et comment aurions - nous dequoi fournir a tantd'autres néceflités & aux commodités de la vie, fi les manoeuvres & les attiftes ne nous les procuroient a 1'aide du feu ? Sans eet élément nous ne ferions pas en état de donner a nos habits des couleurs fi diverfifiées;, nous ne pourrions parvenir a fonder les métaux, a les rendre dudiles, a les épurer; a changer le fable en verre; a recuire 1'argile; a donner a la chaux la confiftance de la pierre. Sans le feu, la nature & tous fes tréfors nous deviendroient prefqu'inutiles & perdroient a nos yeux la plupart de leurs charmes. Mais bornons-nous aux avantages que nous en recueillons dans eet inftant. Quel foulagement nous éprouvons dans cette chambre , qui en eft échauffée & qui nous garantit des impreffions de Pair extérieur! Durant les fortes gelees, nous ferions condamnés a Pinaclion, ou du moinsamillefenfationsdéfagréables, file feu en nous reftaurant ne nous communiquoit une certaine aclivité. Combien de vieillards & de confomptionaires fourfriroient doublement, fans la bénigne influence du feu! Que deviendroit lefoible nourrhTon, fi fes membres délicats n'étoient fortifiés par une douce chaleurl  Sur les ceuvres de Dieu. ju O infortunés, qui, durant ces jours froids, en éprouvez toute la rigueur, prêts a facrifier une portion du pain qui vous relte pour avoir du bois & rechaurFer vos membres tremblans, c'eft vous que jeplains du fonds de mon cceur. Votre état me fait fouvenir d'une portion de ma félicité , a Iaquelle jufquesici j'ai été trop peu attentif, & m'impofe plus fortement 1'obligation de bénir mon pere célefte des avantages que je tire de la chaleur du feu. II m'impofe aufti le devoir de confacrer mon fuperflu a vous foulager des maux dont je fuis exempt. O mon Dieu, mon Créateur & mon bienfaiteur, daigne jetter un regard fur moi, voici mon cceur s'exhale en louanges & en actions de graces. C'eft a tes foins paternels que je dois tous les avantages, tous les agrémens dont le feu me fait jouir. C'eft toi qui ordonnes a la terre de produire du bois en abondance, & ta bonté pourvoit fi rkhement a nos befoins qu'il n'eft aucun tems de 1'année dépourvu de bénédictions. Je te rends graces de celles dont je jouis actuellement. Continue a me faire éprouver la bénigne influence du feu, & puifle eet élément n'ètre jamais ni pour moi, ni pour mes freres, Pinftrument de ta vengeance! CINQUIEME JANVIER. Des amufemens de Vhiver. Du ra nt cette faifon, que par préjugé, tant de gens regardentcomme peu réjouilfante, chacun, felon fon goüt, cherche a fe procurer des amufemens propres a le diftraire, & a lui B ?  22 CONSIDÉRATIONS faire coulcr, fans ennui, les longues foirées d'hivcr. Plufieurs ne s'occupent a autre chofe qu'a fe dédommager des rigueurs du froid , en cherchant la diilipation dans de bruyantes compagnies & de vains plaifirs. II eft trifte de voir les etforts de tant de perfonnespour accourcir par Pinaction ou par des foins frivoles des jours déja trop courts. L'efpace d'une journée eft communément rempli par un enchainement d'occupations, qui ne répondent ni a la dignité de 1'homme, ni a la deftination de fon ame. Une heure après le lever du foleil, le voluptueux quitte fon lit; il projette pendant celle du déjeuner les amufemens auxquels il veut facrifier ce nouveau jour; puis s'abandonnant a 1'oifiveté , il attend 1'heure d'unfecond repas : elle arrivé & il fe livre fans mefure aux plaifirs de la table. Ralfafié ou plutót furchargé par 1'ufage immodéré qu'il vient d'en faire, il fe jette fur un lit de repos afin de reprendre les forces néceffaires pour foutenir de nouveaux exces. L'heurefonne oü il doit fe rendre dans une compagnie tumultueufe, a moins que le cercle bruyant ne vienne fe raffembler autour de lui. II fe met au jeu: pour la première fois depuis le lever du foleil, il fe montre alors qu'il eft doué d'une ame : & les cartes a la main , les heures s'écoulent rapidement pour lui. Enfin eet homme aniraal paffe du jeu a la table, & de la table au lit; mais il n'y trouve pas un doux fommeil: 1'infomnie, ou des fonges effrayans, viennent troubler fes heures nodturnes. Ccpendant de toutes les manieres de prodiguerles jours & les longues foirées d'hiver, ce n'eft point la encore la plus repréhenfible. Combien 1'homme eft ingénieux a multiplier les moyens d'abréger fon tems par de vains amu-  Sur les ceuvres de Dieu. 23 femens! Tantót c'eft la onaffe qui 1'appelle a quitter le fein des villes; alors il pourfuit, il force le lievre timide ou le daim craintif, qui réduit aux abois, fuccombant a fa foibleife, devient la proie du chaffeur, dont les plaifirs inhumains troublent le repos des campagnes & de la nature. Tantót la volupté 1'appelle au bal, oü fouvent il perd avec l'innocence la paix de 1'ame & la fan té du corps. Tantót ce font les plaifirs du fpeótacle qui l'enchantent; la des paffions viennent fe gliffer imperceptiblement dans fon cceur, ou s'y fortifier: paffions qui le rendent incapable de goüter les yrais plaifirs. Tantót il court a d'autres fêtes , a d'autres divertiffemens, qui trop fouvent auffi entraineijt des péchés a leur fuite. Peut-être ai-je défigné un aflèz grand nombre des amufemens de l'hiver; qu'il me foit permis a préfent de faire reffouvenir mes femblables des devoirs qu'ils ont a remplir a l'egard de css amufemens. Je ne blame point le penchant qu'on a pour la fociété, & qui nous devient particuliérement nécelfaire dans cette faifon ; mais évitez que ce penchant ne dégénéré en une paffion dominante & qu'il ne maitrife toute votre ame. Suppofé même que dans vos fociétés il ne fe paffe nen de contraire a la vertu & aux bonnes mceurs, elles peuvent, malgre cela, vous ëtre nuifibles fi elles vous prennent trop de tems, fi elles vous font négliger les devoirs de votre vocation, ou que Féconomie intérieure de votre maifon en foit dérangee. Les plaifirs ne font point notre oeuvre journaliere, ce n'eft qu'a titre de délaffement que le Créateur nous les accorde; avoir pour eux un goüt trop vif, c'eft rifquer de ne pas atteindre fa vraie deftination, & de rechercher telle B 4  24 CONSIDÉRATIONS jouiflance qui pourroit dans la fuite être une fource de regrets & de remords. Sur toutes chofes je vous confeille, ö mes freres, d'ètre bien attentif dans ces jours d'hiver au choix de tous vos plaifirs de fociété. Ne prodiguez pas votre tems a des amufemens dont vous ne pourriez jouir fans nuire a votre vertu, ou a votre réputation, ouau bien-ètre de votre familie. Que ces joies infenfées, qui pourroient bleifer votre prochain, exciter leurs plaintes, faire couler leurs lat mes, & vous écarter des devoirs que la fociété & la religion impofent, ne trouvent jamais d'accès dans votre cceur. Que les plaifirs, mêmesles plusinnocens, ne vous dominent jamais au point de vous rendre infenfibles aux plaifirs purs & folides du chriftianifme, ou de vous öter le goüt des occüpationsférieufes. O Dieu! gouverne toi-même mon cceur, & faisque jene t'oublie jamais en goütant les joies terreftres. Qu'au milieu du commerce des hommes, le fouvenir de ta préfence me précautionne contre les tentations. Que jefois toujours bien plus attaché a 1'exercice de mes devoirs de chrétien, decitoyen, depere, &c. qu'a la recherche de tous ees plaifirs qui me détournent fi aifément de mes obligations, ou qui du moins rallentiifent le zele que j'ai pour le bien. Et pourquoi aurois-je befoin de tant m'empreifer pour des amufemens frivoles, tandis que même en ces jours d'hiver, je trouve a ma portée des plaifirs plus puts? Oui, fi je trouve du goüt a la contemplation des ceuvres de Dieu dans la nature, le ciel étoilé, les champs couverts de neige, & mille autres phénomenes de l'hiver, ferviront a la fois a récréer mon efprit & a nourrir ma piété. Car en hiver auffi  Sur les ceuvres de Dieu. af les ceuvres du Seigneur font grandes, & celui qui les veutméditer, goütera des plaifirs continuels & variés. SIXIEME JANVIER. Du foin que la Providence prend des animaux durant Vhiver. De, millions de créatures raifbnnables difperfées dans les difterentes contrées de la terre, font pourvues dans cette faifon de tout ce qui eft néceffaire & leurs befoins , a 1'entretien de leur vie. Plus le nombre des hommes eft grand, plus leurs befoins font variés felon leur condition, leur age, leur faqon de vivre; moins nous fommes en état par nous-mêmes de former un plan & de prendre des mefures certaines pour notre confervation , & plus les arrangemens pleins de fageife & de bonté que notre Créateur a faits poury pouvoir, méritent notre examen & notre admiration. Maisil y auroit une forte d'égoïfme a reftreindre la bonté ik la fageife divine a la feule confervation du genre humain, fans nous fouvenir du fotn que la Providence prend aufli des animaux durant l'hiver; foin qui s'étend a des créatures bien plus multipliés fur la terre que les êtres raiïbnnables quil'habitent. Quelque merveilleufe que foit la confervation des humains, nous pouvons dire avec vérité que les foins de la Providence a 1'égard des animaux, font une preuve bien plus étonnante encore de la fageife, de la toute-puilfance, & de la bonté de Dieu. Que le nombre prodigieux d'animaux , que  a5 CoNsinÉRATiosrs notre globe renferme, trouve en été fa nourriture & fon habitation; cela n'eft pas fi furprenant, paree que toute la nature alors eft difpofée a concourir è cette fin. Mais que dans la faifon oü nous fommes , ce même nombre de créatures , ces millions de quadrupedes, de reptiles, d'oifeaux, d'infe&es & de poiifons continuent a exifter, voila une circonftance qui dok exciter Pétonnernent de toute perfonne capable de rcfléchir. La nature a voulu qu'une grande partie des animaux fe trouvaifent pourvus d'une couverture au moyen de laquelle ils pulfentréfifter facilement au froid, & fe procurer leur nourriture en hiver aufli-bien qu'eti été. Le corps des bêtes fauvages, qui habkent les forëts & les déferts, eft formé de telle forte quelepoil qui lecouvre tombe vers 1'été, tandis qu'il recroit vers l'hiver, & devient une fourrure qui met 1'animal en état de foutenir le froid le plus violent. D'autres efpeces d'animaux trouvent un afyle fous 1'écorce des arbres, dans de vieilles rnazures, dans les fentes des rochers & les cavernes des montagnes, lorfque le froid les oblige a quitter leur demeure d'été. C'eft-la que les uns ont porté d'avance les provifions, qui doivent les nourrir; d'autres y vivent de la graiife qu'ils ont amaifée pendant Pété ; d'autres enfin y paifent l'hiver dans un profond fommeil. La nature a donne a plufieurs efpeces d'oifeaux, un inftind: qui les porte a changer de lieu a l'approche de l'hiver ; on les voit voler par troupes pour fe rendre dans des climats plus chauds. Divers animaux qui ne font pas deftinés a voyager, trouvent néanmoins dans cette faifon ce qui fuffit a leurs befoins: les oifeaux favent découvrir les infecles parmi la moulfe & entre les fentes  Sur les ceuvres de Dieu. %j de 1'écorce des arbres ; diverfes efpeces de quadrupedes portent durant 1'été des provifions dans leurs antres, & s'en nourrilfent pendant l'hiver. D'autres animaux font obligés de chercher fous la neige & fous la glacé de quoi fournir a leur fubfiftance. Plufieurs efpeces d'infedtes, d'oifeaux, & de poiifons enfermés dans des marais & des fleuves gelées, font privés de nourriture pendant tout l'hiver, & cependant y confervent la vie. Peut-ëtre auffi que plufieurs des moyens que la Providence emploie pour la confervation des animaux, font encore cachés a nos yeux. Adore avec moi, chrétien , notre confervateur tout-puiifant & tout bon! Quelques foient fa grandeur & fa majefté, il ne dédaigne pas de faire attention a la plus foible créature qui exifte fous les cieux. Depuis 1'éléphant jufqu'au ciron , tous les animaux lui doivent leurdemeure, leur nourriture & leur vie. Et la oü la nature elle-même femble aride & dépourvue de reifources , il trouve moyen de fuppléer a la pauvreté de la nature. Que cette confidération fortifie ta confiance en Dieu. Comment, ó chrétien de peu de foi, pourrois tu donner acces dans ton cceur a 1'inquiécude, aux foucis , a 1'angoilfe, & défefpérer de ta confervation durant ces jours d'hiver? (*) Le Dieu qui nourrit les animaux rfabandonnera pas les humains. Celui qui je montre grand dans les petits objets, le fera davantage encore dam les grands. Le Dieu qui fournit une couverture aux animaux, faura te vètir; le Dieu qui leur indi- ( * ) Ceci eji en vers dans l'original.  ftj CONSIDÉRATÏON» que pour retraite les antres des montagnes, te fera trouver un afyle pour y couler tranquillement tes jours; le Dieu qui leur a préparé, même fous la neige & fous la glacé, la nourriture qui leur convient, faura pouvoir a ta fubfiftance dans les tems les plus critiques. Enfin, ö chrétien, que ces réflexions t'excitent a imiter, autantque tes facultés le permettent, les foins généreux de la divine Providence , en contribuant a la confervation & au bonheur de tes freres, & qui plus eft au bienêtre de toute créature vivante. Se montrer cruel envers les animaux, leur refufer la nourriture & les commodités indifpenfables, c'eft agir manifeftement contre la volonté de notre commun Créateur, dont les regards bienfaifans s'étendent auffi fur ces êtres inférieurs a nous. Et fi les animaux ont un droit réel a nos foins, combien ne fommes nous pas obligés d'adoucir, autant qu'il eft en notre pouvoir, Pinfortune de nos femblables! Qu'il ne te fuffife point d'avoir de quoi remplir tes propres befoins, maistache de fournir encore a ceux des autres , & qu'il n'arrive jamais que quelqu'un fuccombe a la mifere faute d'avoir recu les fecours que tu étois en état de lui donner. SEPTIEME JANVIER. Des agre'mens de Vhivcr. C^Haque faifon a des plaifirs & des beautés qui lui fon propres; & l'hiver même quelque dépourvu de charmes & d'agrémens qu'il pacoilfe a tant de perfonnes, remplit auffi a eet  Sur les cèuyres de Dieu. 29 égard le but du Créateur. En faveur de ceux qui par ignorance & par préjugé murmurent contre cette faifon, je vais détailler maintenant les plaifirs qu'elle procure & a nos fens & a notre coeur. N'eft-ee pas unafpect agréable que de voir 1'aurore luire fur un payfage couvert de neige? L'épais brouillard qui voiloit la terre & nous déroboit la vue des objets, fe diflipe tout a coup ; un léger verglas blanchit le fommet des arbres; les collines & les vallons fe colorentenréfléchiifantl'éclatdu foleil, dontl'heureufe influence donne a toutes les créatures une nouvelle vie; il femble inviter la méfange a quitter les bocages, & le moineau a voltiger de branche en branche. Amant la nature fembloit morte durant Tabfence du foleil , autant elle s'anime quand il paroit, & ellc récrée, dans fes vêtemens blancs, les yeux du voyageur. Vous eft-il jamais arrivé de confidérer avec attention la ftrufture de la neige? Avez-vous réfléchi fur les merveilles que renferme un feul flocon de cette fubftance ? Admirez d'un cöté la régulanté, la fymmétrie de fa forme, & de 1'autre le nombre infini de flocons femblables qui tombent de l'air. Quel fpedacle agréable de voir les cóteaux, les forëts, & les bocages revètus d'un éclat éblouufant! Quel charme réfulte de la confufion de tous ces objets ! Voyez, car 1'ceil ne peut fe raifafier de ce fpectacle quelque accoutumé qu'ony foit, voyez la brillante parure de ces haies, voyez les forêts fe courber fous le rideau blanc qui les couvre. Tout offre l'afpeét d'un vafte défert fur lequel s'étend un voile uniforme d'une blancheur éclatante. Quelle idéé me formerai-je de ceux qui a la  ?0 C O N S I D h A T I O N S vue de ces phénomenes ne fentent rien, ou n'éprouvent pas ce fentiment de plaifir que le Créateur a voulu leur procurer ? Et vous qui ne faites actuellement que murmurer contre les loix de la nature, combien vous me paroillèz dignes de pitié! Si 1'afpect de la nature en hiver n'excite en vous aucun plaifir, je crains que le printems, même avec tous fes charmes, ne vous trouve également infenfibles. Venez, mes amis, voyez & goütez combien l'Eternel eft bon, combien fa fageife eft adorable, & fa gratuite fans bornes dans tout ce qui concerne 1'hiver. La nature, quelque dépouillée qu'elle paroiife a nos yeux, eft cependant un chef-d'ceuvre divin, & notre feul aveuglementnous en dérobe les beautés. Dans chaque partie de la nature luifent quelques rayons de la divine fageife, & combien plus n'y en a-t-il pas qui nous font encore cachés! Nous ne la fuivons pas dans toutes fes voies, & nous ne fommes attentifsqu'a ce qui frappe nos fens & flatte nos inclinations. Et en ceci plufieurs fe rapprochent de la brute qui regarde le foleil, la neige & les autres phénomenes de la nature, lans remonter vers le Seigneur de qui procédé tout ce qui arrivé au ciel & fur la terre. O mes freres, de quelle fatisfaclion votre amefera remplie, fi vous vous accoutumez a contempler avec attention les ceuvres de Dieu dans cette faifon de 1'année ! L'air peut fe troublerautour de vous, leciel devenir orageux, & la nature fe dépouiller de fes agrémens ; mais votre efprit peut goüter de vrais plaifirs en découvrant en toutes ehofes des traces de la fageife, du pouvoir, & de la bonté de notre grand Créateur. Quelque bornées que foienc yos facultés naturelles, vous trouverez tou-  Sur les ceuvres de Dieu. ?i jours alTez de niatiere pour occuper & vos fens & votre elprit. Vous n'aurez pas befoin de rechercher avec inquiétude les diifipations du monde, les amufemens de la danfe & du jeu; vous trouverez foit dans la retraite, foit au milieu du cercle de vos enfans& de vos anus, des plaifirs toujours vrais & toujours variés. O mon ame, exerce-toi a les goüter ces plaifirs. Que les ceuvres de Dieu occupent fouvent ta penfée, & cette méditation t'adoucka les peines de la vie. Monte vers Dieu fur 1'échelle des êtres qu'il a créés, & quen tout tems & en toute faifon il foit 1'objet de tes louanges. HUITIEM E. JANVIER. Des ve'gétaux qui cnfervent leur verdure en hiver. T j A terre peut être comparée maintenant k •une mere a qui 1'on vient d'arracher ceux de fes en fans qui donnoient les plus belles efpérances. Elle eftfolitaire, dépouillée des charmes qui varioient & embellirfoient fa furface. Cependantelle n'eft pas privée de tous fes enfans: ca & la on voit encore des végétaux qui femblent braver la rigueur de l'hiver. Ici 1'épine blanche fauvage montre fes baies purpurines, & le laurier-tin deploie fes fleurs difpofées en ombelles,& couronnées d'unfeuilJage qui ne fe flétrit point. L'if s'éleve toujours en pyramide, & fes feuilles ont confervé leur verdure. Le foible lierre ferpente encore autour des murailles, & demeure inébranla-  3* CONSIDERATIONS ble tandis que la tempête fiffle autour de lui; Le laurier étend fes verds rameaux, & n'a rieti perdu de la parure qui l'ornoit durant 1'été. L'humblebuismontre tja & la, au milieu de la neige, fes branches toujours vertes. Ces arbres, & quelques autres encore, confervent leur verdure dans les climats les plus froids & dans la faifon laplusrigoureufe. lis fontl'emblême des avantages durables que poifede celui dont 1'efprit eft cultivé de 1'humeur douce & paifible. L'éclat de la parure qui n'éblouit que les yeux du vulgaire, eft un éclat frivole & palfager; le coloris du teint le plus brillant fe flétrit & toutes les graces extérieures ont peu de durée: mais la Vertu a des charmes qui leur furvivent. L'homme quicraint le Seigneur eft tel qiSun arbreplantéfur le bord d'un ruijjeau, il croit, z'éleve Ëf fes rameaux s'étendent au Loin, il porte desfruits dans la faifon fon feuillaqe ne fe flétrit point, il confole celui qui chercht de Combragc, & le voyageur le be'nit. Quelle image ravüTante que celle de l'homme pieux! II n'emprunte pas fa beauté des biens extérieurs & arbitraires de la fortune; fes vrais ornemens font en lui-mème. Les tempêtes de 1'adverfité peuvent Pébranler quelquefois, mais ne fauroientl'abattre; & bientötfbn front s'éleve au-delfus des régions orageufes. Si des malheurs inattendus le réduifént a la pauvreté, il eft riche encore puifqu'il poifede la bienveillance de Dieu, une bonne confcience , & 1'efpoir d'une immortalité bienheureufe. Tandis qu'il voit tomber autour de lui, ceux qui fiers de leurs richeifes, fe rebellent contre Dieu, ildemeure ferme, & fa noble humilité legarantit des chütes, car le Seigneur le prend par la main droite & 1'empêche de trébucher. Cette  Sur les ceuvres de Dieu.' 33 Cette meditation me conduit a 1'idée d'un vénérable vieillard; dans l'hiver de fa vie i! reifemble aux plantes qui, durant cette faifon de 1'année, ont encore confervé leur verdure. Combien d'orages de la fortune il a foutenus avec conftance! combien d'objets attrayans il a vu fe faner! II exifte encore, tandis que la plupart de ceux qui ont paru en même tems fur la terre, en ont été enlevés. On découvre en lui une douce gaieté, refte heureux de fon printems. Quelque ridé que foit fon front, quelques ravages que la main du tems ait imprimé fur fon corps, il eft toujours orné de vertus qui le dédommagent de la perte des agrémens extérieurs. II reverdit dans fes enfans, & fa fageife, fa droiture, fon expérience confommée fervent encore d'exemple & de lecon a fes arriere neveux. Ah! puiife l'hiver de ma vie avoir autant de charmes! Puiifai-je, après avoir perdu tous ces attraits de la jeuneife & de 1'age mur dont je me giorifiois, reverdir dans ma vieillelfe comme un arbre fertile, & infpirer, par mes vertus , la vénération & 1'amour! Dans peu la beauté de mon corps fe flétrira comme une fleur d'été: heureux alors fije n'aipaslieu d'en regretter la perte! heureux, fi je me trouve orné de ces attraits qui naiifent de la fageife & de la vertu, & que le tombeau même ne fauroit flétrir! Tome I. £  q4 ConsibIratïons NEUVIEME JANVIER. Sur Vc'tat fingulicr oü Vhomme fe trouve durant le fommcÜ. Pour apprendre a connoitre la tou.te-puiffance "& la fageife de Dieu , nous n'avons pas befoin de recourir a des événemens extraordinaires. Les chofes les plus communes , les changemens journaliers qui s'operent dans la nature & dans notre propre corps , fuffifent feuls pour nous convaincre de la maniere la plus forte, que c'eft un êcre infiniment fsge, infiniment puiifant & bon qui a créé le monde & qui en dirige les événemens. De ce grand nombre de merveilies dont il eft 1'auteur, je ne veux maintenant en rappeller qu'une; & bien qu'elle revienne tous les jours, elle n'en mérite pas moins d'ëtre obfervée & de devenir 1'objet de notre admiration. Combien de fois n'avez - vous pas été délafle & récréé par le fomxneil, & cependant peut-être que vous n'avez jamais réfléchi fur eet état, ou que du moins vous ne 1'avez pas confidéré comme un des effets les plus remarquables de la bonté divine. Vous penfez qu'il ne vous arrivé rien d'extraordinaire quand le bienfaifant fomnieilvient vous furprendre; vous croyez que la machine de votre corps eft faite pour cette fituation, & que le penchant, qui vous porte a dormir, provient de caufes purement naturelles. Mais peut-être le fommeil a-t-il deux faces fous lefquelles on peut 1'envifager. D'un cóté, il nes'y trouve rien quine doive néceifai-  Sur les ceuvres de Dieu. rement réfulter de notre nature: dePautre, ir y a dans eet effet naturel quelque chofe de ft frappant & de fi merveilleux, qu'il vaut bien la peine qu'on attaché a 1'obferver de plus prés. Déja c'eft une preuve de la fageife de notre auteur, que nous nous endormions imperceptiblement. Eifayez une fois d'épier le moment oü le fommeil s'empare de vous: cette attention mettra obftacle a fon approche, & vous ne vousendormirez point avant que cette idee fe foit évanouie. Le fommeil vient fans qu'on 1'appelle, c'eft le feul changement dans notre maniere d'ètre oü la réflexion n'ait point de part, & plus nous failbns d'efforts pour le produire , moins nous y réuifvifons. Ainfi Dieu a dinge le fommeil de maniere qu'il eft devenu pour l'homme une agréable nécelTité, &il l'a rendu indépendant de notre raifon & de notre yolonté. Pourfuis cette méditation , ö chrétien, &réfléchis fur 1'état merveilleux dans lequel tu te trouves durant tout le tems oü tu es hvré au fommeil. Tu vis fans le favoir, lansle fentir. Les battemens du cceur, lacirculation du fang, la digeftion, la féparation des iucs, en un mot, toutes lesfoncnons animales continuent & s'operent dans le même ordre. Ton ame paroit en quelque forte fufpendre pour un tems fon aclivité, & peu-a-peu elleperd toute fenfation, toute idéé diftinéte. Les fens s'amortilfent, & interrompent leurs opérations accoutumées. Les mufcles par degrés fe meuvent plus lentement, jufqu'a-ce que tous les nouvemens volontaires aient celfé. D'abord ce bhangement commence par le front; puis les iiufclesdespaupieres, du col, des bras & des weds perdent leur aclivité, au point que Phomüie femble être métamorphofé en plante. La C *  3 au lieu qu'il eft beaucoup moins fenfible dans les mers plus bornées, telle que la Méditerranée. Au refte 1'intervalle entre le flux & le reflux n'eft pas précifément de fix heures: il y a onze minutes de plus, de forte que ces révolutions n'arrivent pas le lendemain au même moment, mais trois quarts d'heure plus tard. Elles ne reviennent a la même heure qu'au bout de trente jours, ce qui eft précifément le tems qui s'écoule d'une nouvelle lune a 1'autre. Ce que 1'on peut conclure avec certitude de ce phénotnene fi conftant & fi régulier, c'eft que le flux & le reflux ont quelque rapport, quelque liaifon avec les mouvemens de la lune. Mais fans vouloir approfondir davantage la caufe de eet effet oü il y a certainement encore bien de l'obfcurité, fans décider file flux ik le reflux vient de la preffion de la lune fur les eaux, ou de la gravitation des parties de la terre vers la lune, réfléchiflbns plutót fur les vues que Dieu s'eft propofées dans ces révolutions fi remarquables. C'eft toujours une ignorance afiez pardonnable de ne pouvoir pas exphquer parfaitement les loix & 1'ordre de la  Sur les ceuvres de Dieu. 11? nature; mais c'eft une inattention & une ingratitude inexcufables de ne pas réfléchir fur Finfluence avantageufe que ces loix & ces grands phénomenes ont fur notre terre, ou d'oublier la reconnoiifance que nous devons au pere bienfaifant de la nature. Le premier avantage que nous procure le flux, c'eft de repouifer 1'eau dansles fleuves & d'en rendre le lit aifez profond pour pouvoir amener jufqu'aux portes des grandes villes, les charges & les marchandifes dont le tranfport feroit impratiquable fans cela. Les vaiffeaux attendent quelque tems ces crues d'eau , & ils en profitent pour arriver a la rade fans toucher le fond, ou pour entrer dans le lit des rivieres fans danger. Après ce fervice important, les marées diminuent; & laiifant rentrer la riviere dans fes bords; elles facilitent a ceux qui les habitent, la jouiifance des commodites qu'ils tirent de fon cours ordinaire. Un autre avantage qui nous revient de ce balancement perpétuel des eaux, c'eft d'empêcher qu'elles ne viennent a croupir, ou a s'infeder par un trop grand repos. II eft vrai que les vents y contribueut auffi beaucoup; mais comme il regne fouvent un grand calme fur les eaux , il pourroit en réfulter une putréfaction dans le baifm de la mer, qui eftle réceptacle oü tous les écoulemens de la terre vont fe rendre. Dieu a donc établi le flux & le reflux pour empêcher les dépöts nuifibles. Le mouvement de 1'eau qui monte & defcend, atténue & fépare ces vapeurs corrompues; & pour mieux entretenir la mer dans fa pureté, le flux & le reflux y mêle & y difperfe par-tout le fel dont elle eft pleine, & qui fans ce fecours fe precipiteroit promptement au fond.  «4 CoNUDiRATIONj Chrétien, ces confidérations peuvent natureliement te rappeller une circonitance, qui a beaucoup de rapport avee le phénomene dont nous venons de nous occuper. Ta vie elle meme n'eft qu'un flux & qu'un reflux, elle croit & elle duninue; tout eft inconftant & iujet au changement; rien n'eft de durée, il 11 y a point de joie, point d'efpérance, point de bonheur qui foient permanens. Tu na*es dans un fleuve rapide & inconftant. Prends donc garde a n'être point entrainé dans 1'abyme , & tache d'arriver heureufement au port, a des nves riantes &fleuries. D'un autre cótebénis Dieu de ce que tes maux & tes inquietudes ne font point de durée. Une douleur exceffive & durable, eft auffi peu compatible avec notre nature qu'un bonheur conftant & parfait. Ces viciffitudes mème parlelquelles tu paifes, te font inconteftablement avantageufes. Si tu jouiifois pendant tout le cours de ta vie d'une félicité non-interrompue, tu pourrois facilement oublier Dieu & tenorgueillir; comme d'un autre cöté, une iuite continuelle de difgraces & d'infortunes te jetteroit dans Pabattement & endurciroit ton cceur. Béni donc ton pere célefte des fages arrangemcns qu'il a fait a eet égard, & tache de te conduire dans toutes les circonftances & dans tous les événemens de la vie dans la profpérité auffi-bien que dans 1'adverl iite, d une maniere qui foit digne de ta vocaüon & de Pefpérance de la vie éternelle.  Sur ies ceuvres de Dieu. iaf HUITIEME FÉVRIER. Le foleil ne fe montre pas toujours. De s nuages de pluie & de neige ne couvrent pas toujours le ciel. Quelquefois les nuées fe divifent, après avoir répandu fur la terre 1'abondante provifion d'eau qu'elles receloient; & la plus agréable férénité s'étend fur-tout le ciel. L'afpect du foleil que des nuages obfcurs nous avoient dérobé pendant quelques jours, ranime toutes les créatures & les remplit de joie & d'allégreife. Pendant les jours d'été, nous fommes accoutumés a la prélence de ce bel aftre. Mais comme pendant l'hiver il ne fe montre que rarement, & feulement pour peu d'heures, nous apprenons a mieux eftimer fes bienfaits. Et n'eft-ce pas la, moa cher le&eur, une obfervation que vous pouvez faire a 1'égard de tous les autres dons que vous recevez de la main de Dieu ? N'eft-il pas vrai que vous fentez foiblement le prix des biens de cette vie, & que vous les regardez fouvent avec indifférence, quand ils font conftamment en votre poffeffion 'i La fanté, le repos, 1'amitié, un honnète revenu, & mille autres biens dont vous jouüTez journellement, ne vous paroiifent pas auili confidérables qu'ils le font en effet; & fouvent vous ne commencez a en fentir 1'excellence, que lorfque vous venez a les perdre. ii faut que vous foyez couché dans un lit de maladie , que vous foyez abandonné de tous vos amis, & que vous vous vous trouviez dans le befoin & dans 1'indigence, pour fentir combien il eft heureux  126 CONSIDÉRATIONS de jouir d'une bonne fanté, d'avoir un arni ridele, & les moyens de fubfifter honnêtement. Lorfque le ciel s'éclaircit, après avoir été long-tems obfcurci par des nuages, la terre ne laiiiepasde conferver encore un aifez trifte aipea. II eft vrai qu'elle eft un peu récréée par les rayons, mais cela ne fuffit pas pour lui rendre toute fa beauté. Le foleil n'a pas encore adez de force, pour furmonter le froid qui a durci la terre, & pour ranimer la nature qui paroit morte. C'eft ainfi que les lumieres de 1 eipntn echauffentpas toujours le cceur. Vous leprouvez-vous, mes chers freres, qui languiuez dans 1'infortune & dans 1'afflidion II arnve quelquefois que dans l'hiver de votre vie, ou dans d'autres circonftances triftes & iacneufes, vous entrevoyez de loin la joie & Ie plaifir, fans pouvoir en goüter la douceur & etre fortifié par leur jouiifance. Vous devez cependant des adions de graces a votre célefte bieniaiteur, pour ces rayons de joie quiviennent de tems en tems récréer votre ame, & adoucir vos foucis & vos peines, ne füt-ce que pour quelques momens. Je me borne, ó mon Dieu, a te demander cette faveur. Si c'eft ta volonte de m'afligner dans mavieillelfe quelques heures triftes & ténébreufes, je n'en murmurerai point & je ne perdrai pas courage. Veuilles feulement ranimer de tems en tems mon ame par quelques rayons de joie, & me faire entrevoir de loin une heureufe deftinée dans 1 eternité. Tout ce que j'ofe te demander, c'eft quelques momens de relache & de loulagement : ils me feront fupporcer avec courage les jours nébuleux de 1'adverfité. Que la férénité du ciel eftinconftante dans  Sur les ceuvres de Dieu. 127 ces jours d'hiver! Combien peu faut-il compter fur ies rayons bienfaifans du foleil 'i II ie montre a préfent avec une douce majefte, mais bientót il fera couvert de nuage, & avant qu'il foit midi, on ne verra plus rien de 1'éclat & de la beauté qu'il répandoit ce matin fur la terre. Telle eft aufli 1'inconftance de toutes les fcenes de notre vie. Nous ne pouvons jamais nous promettre des joies durables & un bonheur fans interruption. Cela doit nous rendre fages & précautionnés dans les jours de profpérité , & modérer notre amour pour les biens terreftres. Tout eft fujet aha. conftance & au changement. La vertu leule eft immuable: elle feule peut nous faire iupporter les viciffitudes & les difgraces de ce monde, & nous fortifier dans la bonne & dans la mauvaife fortune , en attendant qu'elle nous faffe arriver dans ces régions fortunees, ou nous ferons parfaitement heureux fans aucune ombre de variation & de changement. NEUVIEME FÉVRIER. Le tremblement de terre. IN^Otre terre éprouve deux efpeces de fecouifes. L'une eft caufé par Faction des feux fouterrains & par 1'explofion des volcans. Ces commotions ne fe font fentir qu'a de petites diftances & feulement lorfque les volcans agüïent, ou avant Pentiere éruption. Des que les matieres, qui forment les feux fouterrains, viennent a fermenter & a s'enflammer, le feu fait effort de tous cötés; & s'il ne trouve pas  128 C-ONSIDERATÏONS naturellement des ilTues, il fouleve ia terre & fe fait im paifage en la rejettant avec violence. Mais ces fortes de tremblemens ne s'étendent qu'a un efpace de quelques milles. Ils ébranlent la terre , comme Pexplofion d'un magafin a poudre produit une fecouife & une commotion fenfible a plufieurs lieues de diftance. Mais il y a une autre efpece de tremblemens de terre bien diiférente pour les effets & peutêtre pour les caufes. Ce font ces tremblemens terribles qui fe font fentir a de très-grandes diftances, & qui ébranlent une longue fuite de terrein, fans qu'il paroiife aucun nouveau volcan ni aucune éruption. On a des exemples de tremblemens de terre qui fe font fait fentir en mème tems en Angleterre, en France , & en Allemagne. Ceux-ci s'étendent beaucoup plus en longueur qu'en largeur; ils ébranlent une bande oa une zone de terrein avec plus ou moins de violence en diiférens endroits; & ils font prefque toujours accompagnés d'un bruit fourd, femblable a celui d'une groife voiture qui rouleroit avec rapidité. Pour bien entendre quelles peuvent ètre les caufes de cette efpece de tremblement, nous ferons les obfervations fuivantes. Toutes les matieres inflammables & capables d'explofion, produifent, comme la poudre, par 1'inrlammation, une grande quantité d'air. Cet air produit par le feu , eft tellement raréfié qu'il doit caufer des effets très-violens lorfqu'il a été long-tems enfermé & comprimé dans le fein de la terre. Suppofons donc qu'a une profondeur très-confidérable, comme a cent ou deux eens toifes, il fe trouve des pyrites & d'autres matieres fulfureufes, qui, au moyen de Pair,  Sur les ceuvres de Dieu. 129 l'air, viennent a s'enflammer, il faut néceffairement qu'elles cherchent des fifties, & que li celles n'en trouvent pas, ellesproduiiént les plus violentes fecoufles. On ne fauroic trouver de termes pour exprimer combien ces fortes de tremblemens font terribles & funeftes. De toutes les défblations, de toutes les cataftrophes qui arrivent fur la terre, il n'en eft point qui foient aufli formidables, aufli deftrudtives, &quirendent plus inutile toute la prévoyance & tous les efforts humains que les tremblemens de terre. Lorfque les fleuves fortent de leurs lits, fubmergent desprovinces, entrainent des villages entiers, il y a encore quelque reflburce: on peut fe lauver fur les montagnes, ou aux plus hauts étages des maifons; on peut oppofer des digues a la fureur des flots. Mais tout cela eft impofiible ou inutile dansles tremblemens de terre. 11 n'y a prefque poinc de danger auque! on ne puiffe échapper. La foudre n'a jamais confumé des villes & des pro vinces entieres; la pefte peut, il eft vrai, dépeupler les plus grandes cités, mais elle ne les détruit pasentiérement» au lieu que la calamité dont nous parions, s'étend avec un pouvoir irréfiftible fur tout un pays , & abyme des peuples & des royaumes entiers, fans laiifer la moindre tracé de ce qu'ils étoient auparavant. Seigneur Dieu! Dieu tout-puiifant qui pourroit fubfifter devant toi lorfque tu déploies ta puüfance! Qui pourroit te réfifter, lorfque tu te leves pour juger les nations! La terre tremble devant toi & elle eft ébranlée; les fondemens des montagnes font agités & frémiifent quand ta colere s'allume. Lei montagnes tremblent u caufc de toi Sf les cöteaux t'i Tome J. I  J}0 CONSIDÉRATIONS coulent. La terre tremble a caufe de ta prefence, la terre, dis-je , habitable & tous ceux qui y habitent. Ta fureur fe re'pand comme un feu, gf les rochers fe brifent devant toi. Nahum I. f. 6. Qui ne te craindroit, ó Roi de la terre! Oui, Seigneur, nous reconnoüTons & nous adorons ta majefté fouveraine. Tes jugemens font incompréhenfibles, mais en mème tems, tu es bon & miiéricordieux dans toutes tes difpeufations. O mon ame, tache de te bien pénétrer de cette grande vérité. Lors même que le Seigneur déploie fes jugemens fur la terre, lorfqu'il confume des pays entiers dans 1'ardeur de fon courroux, alors même fes voies envers fes créatures font des voies de fageife & de bonté. Pourrois-tu t'imaginer que c'eft pour te détruire, qu'il ordonne ces fecouffes effrayantes ? Toi, qu'un fouffle peut renverfer, pourrois-tu croire que le très-haut eüt befoin d'employer les élémens, & de fe fervir de toutes les forces de la nature pour te réduire en poudre? Reconnois plutót dans ces cataftrophes fi terribles, des vues plus relevées. Les tremblemens de terre même fervent, dans le plan du Créateur, a la confervation du tout. Et fuppofé que dcsvillages, des villes, des provinces, fuifent enfevelis fous leurs ruines, fuppofé que plufieurs milliers de créatures fuifent détruites, que font dix mille provinces, que font cent mille créatures au prix du monde entier , au prix de cette multitude innombrable d'ètres qui habitent dans tout Pempire de la créacion ? Sois bien convaincu que tout ce qu'il y a d'effrayant & de terrible dans la nature, tout le mal apparent, toutes les imperfeclions du monde, font néceifaires pour  Sur les ceuvres de Dieu. i?r la confervation du tout, & par-la même pour la manifeftation de la gloire de Dieu. Etre immenfe & tout puiifant, je t'adorerai donc & je bénirai ton nom, lors même que tu répandras fur elle la terreur & la défolation. Je ferai plus: je me repoferai avec une pleine confiance fur tes foins paternels. Quand même le monde feroit détruit, quand les montagnes s'écrouleroient & tomberoient dans la mer, tu ferois toujours mon foutien, ma force, & ma haute retraite. Tu feras toujours mon aide & mon protecleur dans tous les maux qui pourroient me furvenir. Que je pojjedc feulement une bonne confcience, gf je ne trouverai rien de terrible dans la nature, quand même toute trembleroit autour de moi. Que la terre fe brije fous mes pieds , que le monde entier s'e'croule, je dirai avec affurance: Dieu eji mon rocker gf mon défenfeur} fa main puiffante me fou~ tiendra toujours. DIXIEME FÉVPvIER. De Vordre que Dieu a e'tabli relativement d la vit & dia mort des hommes. D IE u obferve 1'ordre le plus exact & le plus merveilleux par rapport a notre vie & a notre mort. L'une 8c Pautre dépendent fi peu d'un hafard aveugle , qu'au contraire tout eft réglé & mefuré de la maniere la plus fage. Si nous établiifons nos calculs fur un certain période d'années, il fe trouvera qu'il meurt un nombre proportionné d'hommes a tous les ages de la vie. De trente-cinq a trente-iix vivans, I 3  jfSfï CONSIDERATIONS jl n'en meurt qu'un chaque année. D'un autre cöté, il en nait annuellement plus, dans la même proportion , qu'il n'en meurt, de forte que s'il en meurt dix, on peut toujours compter qu'il en nait douze. Outre cela, Dieu fait paroitre une fageife toute particuliere relativement aux divers ages de ceux qui meurent. Dans les premières années, fur trois ou quatre enfans, il en meurt d'ordinaire un; dans la cinquieme année de la vie, unfur vingt cinq; dans la feptieme, un fur cinquante; dans la dixieme un fur cent; dans la quatorzieme & ouinzieme, un fur cent. La vingtieme année eft a-peu-près égale a la quinzieme. Depuisla vingt-cinquieme année, la mortalité redevient plus grande. Dans la trentieme , il en meurt un fur foixante; dans la trente-cinquieme, un fur cinquante, &c. Avec quel éclat Dieu ne manifefte- t-il pas ici fa fageife & fa bonté, en ce qu'il épargne le plus les hommes dans les années de la jeuneife ? Et dans quelle admirable proportion ne les retire-t-il pas de ce monde? Entre mille perfonnes qui meurent , ill y a par-tout un nombre a-peu-près égal de jeunes gens de vingt ans, de quinquagénaires , de fexagénaires, d'octogénaires. Heft vrai que le genre de vie des hommes, leurs vices, la guerre, les maladies épidémiques, peuvent en emporter plus dans certaines années que dans d'autres; mais ici encore la divine Providence a eu foin de mettre des bornes a la mortalité dans les années fuivantes, & de faire même en forte que la perte que le genre liumain a foufterte, foit abondamment réparée. Ajoutons a cela que toutes les faifons de 1'année ne font pas également dangereufes aux humains. Le printems eft celle qui emporte le  Sur les ceuvres de Dieu. i?? plus de monde, & ce beau mois de Mai, oü toute la nature femblc revivre, eft plus meurtrier que ceux de Mars & d'Avril. Mais dès que les chaleurs augmentent avec le mois de Juin, les maladies diminuent fenfiblement. L'été & 1'autonine font plus favorables a la fanté que l'hiver. Admire avec moi, ó chrétien, la Providence de Dieu, &fes tendres foins pour notre vie. II n'y a donc pas jufqu'au moindre mendiant, jufqu'a 1'enfant a la mammelle, dont les jours & les années ne foient marqués dans le livre du très-haut! Combien ne devons nous pas être tranquilles, puifque notre naiifance auffi bien que notre mort fontfi exactement déterminés ! Et combien ne doit-il pas nous être facile de furmonter les craintes exceflives de la mort! Dieu aura fans doute déterminé les hornes de notre vie, de la maniere qui nous fera la plus avantageufe. Si nous avons Paifurance' confolante d'avoir trouve grace auprès de Dieu par Jéfus-Chrift, nous pouvons auffi être certains que nous ne ièrons point enlevés de ce monde avant que nous ne foyons mürs pour 1'éternité, & que le Seigneur ne nous ait conduits au degré de piété qu'il nous deftinoit. Séduits par notre amour-propre, nous nous figurons fouvent aux approches de la mort, que Dieu nous traite avec une exceffive rigueur en nous rappellant fi-töt du théatre de ce monde. Mais foyons perfuadés que quelque prématuré que notre mort nous patoüfe, elle arrivé précifément au tems le plus convenable tant pour nous-mèmes que pour le refte des créatures. Au refte, mon ener lecleur, n'allez pas croire que eet ordre fi fage que Dieu a établi relativement a la vie & a la mort des hommes,  ï}4 CONSIDÊRATÏONS vousautorife a compter avec certitudefur uit certain nombre d'années. II eft vrai, fans doute, qu'il meurt moins de perfonnes dans leur quinzieme année, que dans la troifieme. Mais fi dans un lieu oü la population n'eft pas nombreufe, il ne meurt annuellement que cinq jeunes gens, qui peut vous répondre que vous ne ferez pas le premier ou le dernier de ces cinq, ou que fi vous paifez la quinzieme année , la mort ne vous enlevera pas dans la fuivante ? Cela ne devroit-il pas au contraire vous animer a achever 1'ouvrage qui vous a été afligné, pendant les années oü il eft probable que vous vivrez encore, puifqu'il eft incertain fi celles oü il y a d'ordinaire une plus grande mortalité, ne vous feront pas fatales ? — Surtout ne foyez pas aifez infenfé pour vous flatter d'une longue vie. La mort fait fes plus grands ravages précifément dans les années oü l'homme eft dans toute fa force, c'eft-adire, depuis quarante jufqu'aux environs de foixante-cinq ans. Et c'eft lorfque nous croyons avoir fait les plus fages arrangemens, lorfque nous avons formé les plus beaux plans pour vivre long-tems & heureufement, c'eft alors, dis-je, que la mort vient nous furprendre au milieu de nos projets & de nos efpérances. Chrétien ! que vous feriez fage fi vous vous prépariez de bonne heure a cette mort qui peut vous furprendre chaque jour! Dieu, dans fa fagefle, a ordonné les chofes defaqon qu'il meurt fur la terre environ trente mille hommes par jour; & combien facilementne peutil pas arriver que vous foyez du nombre de ces trente mille ? Combien donc n'importe-t-il pas que vous penfiez journellement a la mort, & que vous vous y prépariez avec foin? Que  Sur les ceuvres de Dieu. i?f cefoit-la, mon cher lecteur, notre principale occupation. Faifons de bonne heure toutes les difpofitioiis néceifaires, & foyons toujours prêts. Vienne alors la mort quand il piairaau Seigneur de 1'ordonner: elle nous trouvera veillans, & nous pourrons encore, dans nos derniers momens, bénir Dieu & notre grand rédempteur. ONZIEME FÉVRIER. Réfexions Jur la glacé. L'Eau qui eftcondenfé par le froid, perd infenfiblementfafluidité , &fechange, a mefure que le froid augmente, en un corps folide que nous appellonsglacé. Ce changement, qui, dans cette faifon, s'opere tous les jours fous nos yeux, mérite bien d'ètre examiné de plus prés. Au moins il eft bon d'apprendre a connoitre quelques-uns des phénomenes qui fe découvrent dans 1'eau gelée. La glacé eft un corps plus léger que 1'eau. Car lorfque 1'on met de 1'eau gelée dans une chaleur tempérée, de maniere qu'elle fe déprenne aux bords du vafe, on voit fenfiblement que la glacé furnage toujours, au lieu que fi elle étoit plus pefante, elle devroit néceifairement enfoncer. Ce qui la rend plus légere, c'eft 1'augmentation de fon volume; car quoique d'abord elle devienne plus compacts parle froid, elle fe dilate beaucoup lorfqu'elle fe transforme en glacé. Cette dilatation fe fait avec tant de violence, que la glacé eft ca, pable de fendre une fphere de cuivre d'une I 4  J?<5 CONSIDERATIONS telle épailTeur, qu'il faudroit, pour opérercet effet, une force de prés de 2gooo livres. Quand la croute de glacé fe forme fur la fuperfacie de 1'eau, la glacé eft encore entiérement tranfparente. Mais lorfqu'elle s'épaihu, elle devient opaque. Cette opacité vient des huiles d air, plus ou moins groffes, qui fe rafiemblent dans la glacé & qui occafionnentune rerraction plus fréquente des rayons. — La glacé exhale continuellement beaucoup de vapeurs, même dans le plus grand froid. On a trouve par des expéricnces réitérées, que dans Je iroid le plus vif, quatre livres de glacé perdent par 1 evaporation une livre entiere de leur poids -j j ]OUÏS' & qu'un m°rceau de glacé du poids de quatre onces devient plus léger de quatre grains dans 1'efpace de vingt-quatre heures. -~ La glacé commence d'ordinaire par la luperncie de 1'eau. C'eft donc une erreur de croire qu'elle fe forme au fond de 1'eau, & quelle furnage enfuite; car le froid qui fait glacer , venant de 1'athmofphere , cette caufè ne peut avoir fon effet au fond de 1'eau, fans avoir fait geler auparavant toute celle qui eft au-deffus. La maniere dont la glacé fe forme n'eft pas moins remarquable. Voici comment cela fe lait. Lorfqu'il gele lentement, on voit partir de la circonference interne du verre une multitude de petits filets qui prennent dirférentes direétions, & qui faifant entr'eux toutes fortes d'angles fe réuniffent pour former fur la luperhcie de 1'eau une pellicule de glacé trèsmince. A ces premiers filets on envoitfuccéderd autres: ils fe multiplient & s'élargilfent en forme de lames, qui augmentant elles-mèmes en nombre & en épaiifeur, s'uniffent a ia  Sur les ceuvres de Dieu. 137 première pellicule. A mefure que la glacé s'épailiit, on voit paroitre une multitude de bulles d'air, & plus le froid augmente plus auili ces bulies grofliflent. D'oü il arrivé que la tranfparence de la glacé diminuc, fur-tout vers le milieu, & pour lors elle commence a fe dilater avec violence & a former un plus grand volume. Lorfque le froid eft fort apre, & qu'il gele avec force , il fe forme fur la furface de 1'eau une mince membrane, qui partant des parois du verre, s'étend vers le milieu. Sous cette membrane il en vient d'autres qui paroiifent fous la forme de triangles, dont la bafe eft aux parois du vafe, tandis que les angles les plus aigus fe portent vers le milieu. C'eft ainfi que la croüte de la glacé s'épaiffit, qu'elle eft rendue opaque par les bulles d'air qu'elle contient, qu'elle fe dilate & devient de plus en plus légere. Mais après avoir réfléchi fur tous ces phénomenes , n'eft-il pas bien naturel de fe dire a foi-mème : quel ordre, quelle harmonie ne regnent pas jufques dans les moindres ouvrages de la nature! Comme tout eft réglé avec poids & mefure, felon le tems & les faifons! Comme tout dans la nature concourt & travaille a remplir les vues de Dieu ! Et fi nous avions une connoiifance plus diftindte &plus parfaite de ces vues, & des fages fins que Dieu fepropofe dans chaque phénomene, quel ne feroit pas notre ravhTement! Mais au moins le peu que nous enfavons, doit nous exciter a adorer la fageife du Créateur, & a magnifier fon faint nom.  I?3 CONSIDÉRATIONS DOUZIEME FÉVRIER. De la figure fphérique de notre terre. Ij E peuple fe repréfente communément la terre comme un plan uni, comme une furface ronde & plate; mais en ce cas il faudroit bien que les bornes extérieures de cette furface fe trouvaifent, & en approchant de quelque endroit, il feroit impoiiïble que nous appertjuffions plutöt les pointes des tours & des montagnes que leur partie inférieure. La terre eft donc un globe, mais elle n'eft cependant pas fphérique exadtement & a toute rigueur, car elle eft un peu plus élevée fous la ligne, & applatie vers les deux pöles, a-peu-près comme unc orange. Mais cette déviation de la figure circulaire eft très-peu confidérable, tout au plus de dix milles d'Allemagne, ce qui eft a peine fenfible dans un globe dont la circonférence eft de f400 milles d'Allemagne, & le diametre de 1720 milles. 11 ne reftera aucun doute fur la figure a-peu-près fphérique de la terre, fi 1'on confidéré que dans les éclipfes de la lune, 1'ombre, que la terre jette fur cette planete, eft toujours ronde. Deplus, fi la terre n'étoit pas ronde, comment en auroiton pu faire tout le tour par la navigation , & comment les étoiles fe leveroient-elles & fe coucheroient-elles plutöt pour le pays orientaux que pour les feptentrionaux ? Ici encore fe manifefte la fageife du Créateur. La figure qu'il a donné a la terre, eft la plus propre & la plus commode pour un monde comme le notre & pour fes habitans. La lu-  Sur les ceuvres de Dieu. 139 miere & la chaleur, qui font fi néceifaires pour la confervation des 'créatures, font par ce moyen difbribuées également & d'une maniere uniforme par toute la terre. C'eft par-la que ces retours journaliers & anuuels du jour & de la nuit, du chaud & du froid, de Fhumidité & de la féchereife, font rendus fi conftans & fi réguliers. Les eaux font d'abord diftribuées, dans une proportion égale , atoutle globe, & lesvents font fentir a chaque partie de la terre leurs falutaires influences. Nous ferions privés de tous ces avantages fi notre terre avoit une autre figure. Dans quelques contrées elle feroit un paradis, dans d'autres un chaos. Une partie feroit fubmergée par les eaux, 1'autre deiféchée par les ardeurs du foleil. Dans certains pays on feroit expofé a de furieufes tempètes qui détruiroient tout, tandis qu'ailleurs 011 étoufferoit, paree que les courans de 1'athmofphere feroient retardés &prefque entiérement arrêtés. Une partie de la terre jouiroit des bénignes influences du foleil , pendant qu'une autre feroit engourdie par le froid. Quel orgueil & quelle ignorance ne décélerions-nous point, fi nous ne reconnoiiiions pas ici la main d'un Créateur tout-puiflant & tout bon ! Et mériterions-nous d'ètre les habitans d'une terre, oü tout eft fi fagement arrangé , fi , femblables aux animaux brutes, nous étions inattentifs en voyant eet ordre admirable, & infenfibles en jouiifant des biens fans nombre qui nous en reviennent? Non, mon Dieu & mon Créateur, je ne me rendrai point coupable d'une fi monftrueufe ingratitude. Je m'éleve vers toi rempli d'étonnement & d'admiration a la vue de tes ouvra-  I40 CONSIDÉRATIONS ges, & j'adore ta fageife. Ma foibleffe ne me permet rien de plus. Ah! que je fouhaiterois d'ètre en état de te célébrer avec la mème ferveur que les intelligences céleftes , de pouvoir contempler d'un ceil plus éclairé tes merveilleux ouvrages, & de n'être pas fi fujet a me tromper en méditant fur les fins fublimes que tu te propofes 'i Mais je fais que tu daignes agréer avec bonté les foibles efforts que je fais pour te glorifier, mesconnoiffances, quelques bornées qu'elles foient, mes actions de graces , imparfaites fans doute, mais finceres. Un inftant que je pafferai dans les bienheureufes demeures de la Jérufalem célefte, m'éclairera plus qu'un fiecle entier ici-bas. Avec quels tranfports de joie je me repréiente cette bienheureufe révolution ! Ah! Seigneur, qu'il me tarde d'arriver dans ces régions fortunées, oü je contemplerai tes ceuvres de plus prés, oü je verrai ta face, & oü je te glorifierai avec tous tes faints pendant toute Pétendue de 1'éternité ! TREIZIEME FÉVRIER. Sur le peu de durée de la neige. Vo us voyez, chrétien, quelle elt PinftaLilité de la neige , & combien fubitement les rayons du foleil , des vents humides & doux, ou bien des pluies abondantes, la font difparoitre de deifus la terre. Souvent 1'afpect de tout ce qui nous environne fe change en peu d'heures, & a peine refte-t-il la moindre tracé  Sur les ceuvres de Dieu. 141 de cette neige qui couvroit les rues, les villages & les campagnes. Cette révolution fi prompte n'eft-elle pas bien propre a te faire réfléchir fur 1'inconftance & la vanité de tous les biens terreftres ? Aifurément ce n'eit pas fans raifou que la nature t'ofFre de telles images de la fragiücé des chofes d'ici-bas. Dans toutes les faifons, & dans toutes les variations que leur retour amene, elle te prèche, d'une voix forte & perfuaiive, cette grande vérité: tout eft vanité. Contemple autour de toi tout le théatre des chofes terreftres. Voit-on rien qui ne foit fragile & périifable ? Combien vite les plaifirs des fens ne nous font-iis pas enlevés! IlsdifparoifTentlorfqu'a peine nous avons commencé d'en jouir. Souvent, au lever du foleil, nous fommes gais & contens; & avant qu'il fe couche nous fommes piongés dans la triftefl fe & la défblation. Vous même, mon cher ledteur , n'avez-vous pas bien des fois éprouve dans le cours de votre vie, combien les jouiffances terreftres font incertaines & paflageres? Lesricheifes dont nous nous énorgueillÜfons, fe font fouvent des ailes, s'envolent comme un aigle, & abandonnent leur poifeifeur, précifément lorfqu'il fe flattoit d'en jouir en paix & fans interruption. Le paifage de la plus grande opulence, a la difette & a la mifere, eft fouvent aufli fubit que Parrivée du degel après le froid le plus rigoureux. Encore pourroit-on s'en confoler, fi notre vie elle-mème & notre fanté, n'étoientaufli fragiles que toutes les autres chofes fublunaires. II n'eft cependant que trop vrai que d'ordinaire ces fortes de réflexions nous touchent peu , tandis que nous fommes en poffeflion des  J4* CONSIDÉRATIONS biens terreftres. Nous reflèmblons a ceux qui dans une belle matinee d'hiver, fe hafarderent a fortir & a fe mettre en route, fans penfer aux fubits changemens de tems, qui font fi communs dans cette faifon. Lorfque la fortune nous rit, & que nous fommes dans les plaifirs & dans la joie, nous croyons n'avoir rien a eraindre, & nous ne confidérons pas combien foudainement les circonftances les plus heureufes peuvent fe changer en mal. Et fuppofé, mon cher lecteur, que jufques ici vous n'eufïiez pas eu 1'occafion d'en faire la trifte expérience , au moins eft-ilcertain qu'un tems viendra oü vous ferez convaincu par vous-mème du néant & de la fragilité de toutes les chofes humaines. Peut-être que vous êtes encore a-préfent au printems ou dans 1'été de votre vie; mais l'hiver ne tardera point a venir, & pour lors vous éprouverez combien font paffagers ces biens fur lefquels vous vous repofez avec tant de confiance; vous apprendrez que tous les plaifirs d'ici-bas font femblables a la neige, qui, a la vérité, éblouit les yeux, mais qui bientót fe fond & n'eft plus. Mais voiciune autre réflexion importante, que Pinftabilité de la neige peut occafionner. Souvenez-vous de votre foibleife & de votre impuilfance. Que pourroient toute Pinduftrie & toute la force des hommes, s'ils entreprenoient de détruire la glacé & la neige & d'en debarrafler la terre ? Mais Dieu opere cette révolution avec une facilité infinie. II parle, & foudain la glacé & la neige fe fondent a fa parole. II ordonne aux vents de fbuffler, & le dégel arrivé. Or, ce Dieu, qui fait faire de fi grandes chofes dans la nature, ne pourroit-il pas manifefter le même pouvoir dans le  Sur les ceuvres de Dieu. 14; monde des efprits, & dans la conduite de nos propres deftinées? II n'a qu'a parler & nos peines finiront; tout prendra autour de nous une forme riante. QUATORZIEME FÉVRIER. Hifloire abrëge'e de la crc'ation. I L y a eu un tems oü notre terre & les globes céleftes n'étoient point encore. Dieu vou. lüt qu'ils exiftaffent, & fa volonté toute-puiffante produifit les cieux & la terre. Tout étoit encore une malie informe & confufe, qu'on appelle ordinairement le chaos. Au premier jour de la création, Dieu communiqua ie mouvement a cette maffe brute, & il fépara les parties ignées & lumineufes. Ces particules fe réunirent & fe féparerent du refte de la ma. tiere, fans former cependant encore des corps particuliers. Dieunomma la lumiere, jour;& les ténebres, nuit. Jufques ici les corps fluïdes & folides étoient encore confondus les uns avec les autres. Dieu les fépara, il raifembla les eaux de notre athmofphere, il fitélever de la terre des vapeurs, qui en s'épaifliffant devinrent des nuées, & qui formerent ce firmament inférieur qu'on appelle ciel. Telles furent les ceuvres de Dieu le fecond jour. Les eaux couvroient encore la face de la terre , Dieu deftina le troiueme jour a les en féparer. Les eaux fe raifemblerent en divers réfervoirs, tandis que fur le fèc on vit paroitre des montagnes, des prairies, des champs, des vallons, desforèts, &c. Chaque arbre portoit déja fon  Ï44 CONSIDÈRATIONS fruit, de même que chaque plante, & tous ces végétaux contenoient les femences néceiftires pour la propagation de 1'elpece. Au quatrieme jour, Dieu forma de cette maffe de lumiere, qui dès le premier jour avoit été féparée des ténebres , il en forma, dis-je , des corps lumineux pour fervir a ia diilinction du jour & de la nuit, & a régler la viciffitude des faifons de 1'année. Alors parut le foleil, dont les feux & la bienfaifante chaleur échauffent & fertilifent la terre, & qui nous éclaire pendant le jour. Pour la lune, elle fut formée de la matiereténébreufe du chaos. Jufques laDieun'avoit encore produit fur la terre que des chofes inanitnées: le cinquieme jour fut employé a donner l'exiftence a une partie des créatures vivantes. Dieu remplit les eaux de poiffons de diverfes efpeces & de différentes grandeurs, & il leur donna des corps analogues a 1'élément dans lequel ilsdevoient vivre. Ilpeupla l'air de toutes fortes d'oifeaux, & il imprima dans tous ces êtres Pinttinct de perpétuer leurs efpeces , & de remplir l'air & les eaux. 11 ne refloit plus qu'a couvrir auffi la terre de créatures vivantes, & Dieu les créa le fixieme jour. II dra de la terre une multitude d'animaux fmvages & domeftiques, pour fervir tant au labourage qu'a la nourriture & a 1'entretien des hommes. Enfin, il produifit une infinité d'infectes & de reptiles. La ftature de tous ces animaux, lorfque Djeu les eut créés, étoit au point de la perfection. Tout étant ainfi préparé, le tems étoit Venu d'introduire dans le monde, l'homme qui devoit être le Seigneur de toutes ces créatures. Dieu créa donc le premier homme, & comme il appartenoit tant au monde intellectuel qu'au monde  Sur les ceuvres de Dieu. 14^ de corporel, il lui donna non-feulement un corps qu'il forma de la terre, mais auffi une ame raifonnable. D'une des cötes d'Adam, & pendant fon fommeil, il tira la femme & la lui préfenta pour être fa compagne. Ces deux êtres par lefquels Dieu termina les ouvrages de la création , furent les plus admirables chefs d'ceuvres de fa puiifance & de fa fageife. Or, chrétien, pourrois-tu réfléchir fur cette hiftoire, fans ètre frappé d'étonnement & d'admiration a la vue de la puiifance, des lumieres & de la fageife infinies qui fe manifeftent dans les ouvrages de la création? De quelque cöté que tujettes les yeux fur ce grand théatre, tu découvres par-tout le Seigneur Dieu tout-puilfant, a 1'immenfe pouvoir duquel rien n'eft comparable. Les cieux racontent fa gloire, & 1'étendue donne a connoitre 1'ouvrage de fes mains. Toutes les créatures font amantde preuves de fes adorables perfections; elles en font 1'empreinte & 1'image. Ce n'eft qu'en coufidérant les créatures fous ce point de vue, & en tirant de tels ufages de leur contemplation, que tu pourras être un digne habitant de eet immenfe univers. Et comment feroit-ii poffible de reconnoitre la grandeur & lagloire de Dieu dans les ouvrages de la création, fans que notre ame foit touchée & pénétrée des plus vifs fentimens de vénération, d'amour, de reconnoiifance & de la plus parfaite confiance? Oui, mon cher lecteur, ce font la des objets qui font dignes de ton plus profond refpect & de ton plus ardent amour. C'eft ici la fource féconde, d'oü tout ce qu'il y a de beau, d'agréable, & de raviifant dans la nature tire fon origine. Ici eft le Seigneur ton Dieu, qui feul eft digne de recevoir tes hom- Tornt I. K  146 considérations mages , tes louangcs & tes adorations. Voila 1'occupation la plus convenable & la plusjufte, celle pour laquelle nous avons été nous-mêmes créés, & a quoi toute la création nous invite. Si tu obéis ,a ton Créateur, fi tu t'appiiques a te conforrner dans toute ta conduite aux regies de fageife & d'ordre qu'il a fuivies dans la conftruction & dans 1'arrangement de toutl'univers , ce fera la meilleure maniere de le louer. Et fi plein d'une confiance filiale, tu te repofes fans crainte fur les tendres foins du Dieu qui t'a créé, voila la plus grande marqué de vénération & de refpect qu'il exige de toi. Applique-toi feulement a devenir, par Jéfus-Chrift, Pen fan t de ton pere célefte, & tu feras naturellement porté a remplir tous les devoirs auxquels tu es tenu envers Dieu. Q_U I N Z I E M E FÉVRIER. Avantages corporeh qut les animaux brutes ont fur nous. C^Uand on examine avec quelque attention le corps des bètes, onydécouvre divers avantages que nous n'avons pas. II eft d abord inconteftable que leur corps eft plus folide , plus fort & plus durable. La plupart des ' animaux font en état, dés qu'ils viennent au monde, de fe fervir de tous leurs membres, de chercher leur nourriture , &d'agir conformément a 1'inftinct que le Créateur leur a donné. Ils ne font pas fujets a toutes les maladies cruelles auxquelles nous fommes expofés, & qui détruifent fi fouvent notre conftitution.  Sur les ceuvres de Dieu. 147 Et quel merveilleux inftinct, quelle fagacité, quelle adrefle ne manifeftent-ils pas dans leurs mouvemens & dans 1'ufage de leurs fens ? Quelle n'eft pas la fineffe de leur odorat? Combien leur vue n'eft-elle pas fubtile & perqante ? quelle agilité, quelle vélocité dans tous leurs mouvemens, foit qu'ils volent, foit qu'ils courent? Et fi nous confidérons encore le merveilleux appareil de leurs organes , leur ftructure admirable, la figure noble & majeftueufe de quelques animaux, il fe trouvera que relativement au corps nous avons peu de prérogatives fur eux, & qu'ils 1'emportent même fur nous a plufieurs égards. II y a des gens qui fe plaignent du partage de l'homme, & qui font mécontens de ce que Dieu ne lui a pas donné la vélocité des oifeaux, la force du cheval, la fineife de 1'odorat des chiens, la fubtilité de la vue de 1'aigle, la légéreté du cerf. Mais, en vérité, il n'y a que la ftupidité & 1'ignorance qui puiffent enfanter ces murmures. Si nous connoiffions tout le prix d'une ame raifonnable, nous fentirions les immenfes avantages que nous avons fur les animaux nonobftant toute leur adreifc & tout leur inftinct. Pourquoi le Créateur a-t-il donné aux créatures privées de raifon certaines prérogatives qui font particulieres a leur corps? Pourquoi les a-t-il doués d'une fi grande force, de fens fi exquis, de tant de légéreté & d'adreffe dans les divers mouvemens de leur corps? Pourquoi a-t-il imprimé dans leur ame des inftincts fi merveilleux, & tant de fagacité pour fe procurer leur nourriture? Ce ne peut être que pour les dédommager en quelque forte de la raifon & des autres facultés de Pame humaine qui leur manquent, & dont il K a  148 CO NS I D f RIT I O SS nous a favorifés. Nous pouvons, par 1'ufage de notre entendement, nous préferver de plufieurs maladies, & nous garantir de bien des dangers; nous pouvons en obfervantles regies de la fanté ou en avant recours aux médicamens, guérir nos maladies & les infirmités de notre corps, ou du moins les foulager. Mos facultés intellectuelles nous mettent en état de nous procurer une mukitude de commodités & d'en jouir; & le commerce avec les autres hommes, la vie fociale , contribuent en mille manieres a notre bien-être. Les animaux brutes font privés de tous ces avantages, par cela même qu'ils n'ont pas requ le préfent ineftimable de la raifon. Ces créatures inférieures auroient dont été trop malheureufes, fi le Créateur ne leur avoit pas accordé quelques dédommagemens pour cette intelligence qui leur manque. Ceil pourquoi il a été en quelque maniere plus libéral envers elles qu'envers nous, dans la diftribution de certains avantages corporels. 11 leur a donné une ftructure, une forme, des fens appropriés a leurs divers befoins. II leur a accordé divers inftinds, une induftrie, une fagacité admirable, pour diftinguer ce qui leur eft falutaire ou nuifible, pour fedéfendre, pour fe procurer de la nourriture & pourvoir a leurs diverfes néceffités: avantages que nous n'avons pas au même degré , & dont nous pouvons aufli trés-bien nous paifer, puifque nous avons requ des privileges fans comparaifon plus confidérables. Ici encore, 6 chrétien, tu doisadmirer les foins paternels de la fage Providence envers les hommes. C'eft pour nous que Dieu a formé les brutes avec un art fi merveilleux. C'eft afin de pouvoir nous rendre des fervices d'au  SüR LES CEUVRES DE DlEU. 149 tant plus utiles, qu'elles ont été douées da tant de force, d'agilité, d'induftrie, d'un corps ü robufte , & de fens fi exquis. Nous ferions bientót fujets a toutes fortes d'incommodités, nous ferions privés d'une multitude d'avantages confidérables relativement a notre entretien & a nos occupations, fi les animaux, dont le fervice journalier nous eft fi néceifaire , avoient moins de perfections corporelles. Confidéré aufli que les avantages dont jouif» fent les brutes , font bornés au monde préfent, au lieu que tu as été créé pour un monde meilleur, oü ton corps, élevé au plus haut degré de gloire & de perfectum , fera affranchi de toutes les défectuofités & de tous les befoins auxquels il eft fujet ici-bas. SEIZIEME FÉVRIER. La lune. L A lune eft, après le foleil, celui des corps céleftes qui a les influences les plus falutaires fur notre globe. Et quand elle ne feroit pas par elle-même un objet très-digne de notre attention , elle le deviendroit au moins par les grands avantages qu'elle procure a notre terre. Déja a la fimple vue & fans nous fervir de télefcope, nous pouvons découvrir plufieurs des phénomenes de la lune; c'eft un corps opaque & fa partie lumineufe eft toujours tourttée vers le foleil. Les accroilfemens & la diminution de fa lumiere, fuffifent pour nous convaincre que la lune eft un corps rond & opaque, qui emprunte fa clarté du foleil. Ce K ?  JfO CONSIDÈRATIONS globe tourne une fois en vingt-quatre heures autour de la terre, & il acheve fa propre révolution en vingt-fept jours. Mais ce que 1'ceil nud peut obfjrver dans la lune, n'eft pas comparable a ce qu'on découvre a 1'aide des télefcopes & des calculs. Quelles obligations n'avons-nous pas a ces hommes éclairés qui, pour étendre nos connoiiTances, & pour manifefter de plus en plus la gloire du Créateur aux yeux des humains, ont fait des recherches & des découvertes qui nous mettent en état de nous former les notions les plus relevées des corps céleftes? Au moyen de leurs pénibles obfervations, nous favons a préfent que la lune, qui paroit fi petite a la fimple vue, eft cependant d'une grandeur aifez confidérable relativement a la terre. Sa furface contient environ 663042 milles quarrées, & n'eft ainfi que de quatorze fois moindre que la furface de notre globe. Quoique de toutes les planetes, la lune foit la plus voifine de notre terre, elle en eft cependant éloignée de yoooo milles. Dans la face de la lune , on découvre plufieurs taches qui font même vifibles a 1'oeil nud. Quelques-unes de ces taches fout pales & obfcures, d'autres font plus lumineufes, felon qu'elles renvoient plus ou moins de lumiere. Les taches lucides font vraifemblablement de hautes montagnes, quiréfléchiifent la lumiere du foleil du haut de leurs cimes; & les taches obfcures font des corps fluides, tranfparens, des mers, qui conformément a leur nature abforbent une grande partie de la lumiere, & n'en réfléchilfent que fort peu. Ces découvertes, auxquelles on ne peut rien oppofer de folide, nous montrentque la lune n'eft pas un corps auffi peu confidérable quele  Sur les ceuvres de Dieu. ifi peuple ignorant fe 1'imagine. La grandeur, la diftance, & tout ce que nous favons de ce corps célefte , nous fourniifent au contraire une nouveile preuve de la puiifance & de la fageiie ians bornes de notre Créateur. Mais une planete auffi grande que 1'eft la lune ,; n'auroit-elle d'autre deftination que celle d'éclairer notre globe pendant quelques nuits? Ce corps qui, felon toutes les apparences , eftfemblable a notre terre, & qui paroit propre aux mèmes fans, n'auroit-il été créé qu'afin qu'il produiut le flux & le reflux de nos mers, & qu'il procurat aux babitans de notre globe quelques autres avantages qui nous font encore inconnus i La furface d'un corps de quelques millions de lieues quarrées, feroit-elle dénuee de créatures vivantes ? L'Etre infini auroit-il lailie eet immenfe efpace défert & vuide? En vente, tout cela ne fauroit fe concilier avec la iagelfe &ta bontéde Dieu. Croyons plutöt que le Seigneur a établi fon empire dans cette planete auffi-bien que parmi nous. La le trouvent fans doute auffi une multitude ïnnombrable de créatures, qui adorent avec nous un mème Seigneur & un mème pere, qui lont comme nous les objets des foins de ia irovidence , & au bonheur defquelles Dieu pourvoit avec la mème bonté qu'au notre propre. , , Mais comme nos connoiffances a eet egard font encore fort imparfaites, arrêtons-nous aux avantages que la lune procure a notre globe. Les tendres foins de la fage Providence envers les hommes fe manifeftent ici bien ienfiblement. II a placé la lune fi pres de nous, afin qu'elle feule répandit plus de lumiere lur notre terre, que toutes les étoiles nxes en- K 4  irl Considérations femble. Par-la il nous procure non-feulement un agréable fpectacle, mais encore mille commodités & mille avantages, puifqu'a la clarté de la lune nous pouvons entreprendre des voyages, aller par-tout oü nos befoins nous appellent, prolongernos travaux, & expédier plufieurs de nos affaires pendant la nuit. De plus, dans quelle confufion, dans quel embarras ne ferions-nous point a 1'égard de la divifion & de la mefure du tems, fans la régulante avec laquelle les phafes de la lune fe fuccedent les unes aux autres ? II eft vrai que les calculs des altronomes nous difpenfent d'obferver, dans cette vue, les variations de cette planete ; mais toutes les utilités que 1'ufagedes almanachs nous procure, n'exifteroienc pas fi Pon n'avoit pas fait des obfervations fur le cours de la lune. Seigneur Dieu tout-puuTant! j'adore, a la clarté de Ia lune comme a la clarté du foleil, ta fageife & ta bonté! Plus je contemple les cieux que tu as formés, plus ta grandeur me remplit d'étonnement & d'admiration. Fais, Seigneur, que j'éleve les yeux de mon entendement vers toi, au-deffus de tous les objets terreftres, vers toi qui as créé tous les globes celefles, & qui les a fi fagement arrangés pour notre utilité. Quele ciel étoilé qui rend nos nuits d'hiver filumineufes, m'annonce ta louveraine majefté, & l'immenfe étendue de ton empire. Ah! quand eft-ce que j'arriverai dans ce bienheureux féjour oü je contemplerai de plus prés & avec plus de clarté les merveilles de ta grace !  Sur les ceuvres de Dieu. if? DIX-SEPTIEME FÉVRIER. Les pluics arrofent & fert ilifent la terre. La fccondité de la terre dépend principale^ ment de 1'humidité, qui lui eft procurée par les pluies & les autres vapeurs aqueufes. Si 1'irrigation des terres étoit abandonnée aux foins des hommes, ce feroit pour eux une peine infinie, & encore malgré tous leurs travaux, la féchereife & la famine défoleroient tout. Les hommes auroient beau réunir toutes leurs forces, elles ne fuifiroient pas pour arrofer ce que leurs mains auroient femé & planté. Ils deifécheroient les puits & les rivieres fans pouvoir parvenir a abreuver & a ranimer les végétaux qui languiroient & périroient. Combien il étoit donc néceifaire que les vapeurs fuffent renfermées dans les nuées comme dans des outres, & qu'elles defcendiifent enfuite, a 1'aide des vents fur la terre, pour arrofer les arbres & les plantes 'i Chaque pluie enrichitla terre, qui fans ce fecours netarderoit point a avoir un air trifte & languiffant. Les tréfors que fa furface nous prodigue , font fans comparaifon plus précieux que tous les métaux & les pierres précieufes qu'elle renfermedans fon fein: la fociété humaine pourroit fort bien fubfifter fans or &fans argent, mais non pas fans les bleds, les légumes & lespaturages. Confidérez, je vousprie, mon cher ledieur, les bénédidions inexprimables que la pluie procure a notre globe. Une pluie qui furvient  IJ4 CONSIDÉRATIONS a propos renouvelle la face de la terre, & elle a bien plus de force encore & de vertu que la rofée , qui pendant la nuit humecte Pherbe & les feuilles. Les lillons des champs boivent avec avidité les eaux bienfaifantes qui font répandues fur eux. Les principes de fécondité fe développent dans les femences & fecondent les travaux des hommes. Le cultivateur laboure , il feme, il plante, & Dieu donne 1'accroiifement. Les hommes font ce qui dépend d'eux, & quant a ce qui eftau-deilus de leurs forces, le Seigneur lui-mème y pourvoit: l'hiver il couvre les femences comme d'un vêtement, 1'été il leséchauffe & lesvivifie par les rayons du foleil & par les pluies. 11 couronne 1'année de fes biens, & il fait que fes bénédictions fe fuccedent les unes aux autres, de maniere que les humains font non-feulement nourris, mais que leur cueur eft rempli de joie & d'allégreffe. La bénédiction divine ne repofe pas feulement fur les champs cultivés, elle s'étend aufli fur les prairies & même fur les paturages des déferts. Les contrées mëmes qui font abandonnées des hommes, & dont perfonne ne retire une utilité directe, font les objets de la Providence, & telle eft la bontéde Dieu que les cóteaux mêmes & les monts font ceints de joie , Pf. LXV. i & qu'ils fe parent a nos yeux d'une riante verdure. Les pluies ne tombent pas inutilement fur eux, & s'ils ne donnent pas des fruits pour notre entretien, ils font au moins d'immenfes réfervoirs d'eau pour notre terre, & ils produifent une grande variété de plantes falutaires & de fimples utiles a la fanté des hommes & qui fervent a la nourriture des animaux. N'oubliez jamais, ó chrétien, les biens que  Sur les ceuvres de Dieu. iff le Seigneur vous fait. Combien fouvent, furtout pendant le cours de ce mois , Dieu ïrhume&e-t-il pas la terre par les pluies; mais qu'il eft rare que vous penfiez comme vous le devez a la grandeur de ce bienfait. Apprenez a en connoitre tout le prix, & confidérez combien toute la nature feroit déferte, tritte & ftérile, il le ciel étoit pour nous d'airain & la terre de fer. Toutes les plantes, & tous les arbres périroient, toutes les créatures vivantes tomberoient en défailiance, nous refpirerions la mort avec l'air, tous les ruüfeaux & toutes les rivieres tariroient. Mais toutes les fois que les pluies arrofent la terre, Dieu répand fur nous de nouvelles bénédictions. Et vous pourriez vous plaindre & murmurer, lorfque les pluies d'hiver font abondantes & de quelque durée ? Vous auriez la témérité de cenfurer le gouvernement de Dieu? Ah! plutót béniifez le Créateur, a chaque ondée qu'il répand fur la terre; fentez & célébrez fes bontés envers VOUS. Par fon ordre les faifons fe renouvellent êjf fe jucccdent réguliérement les uns aux autres. Ccji pour nous que les pluies tambent fur la terre & la fertilifent. Dieu ouwe fa main libérale pour faire du bien aux hommes ,• fes bénéditlions defcendent fur nos contrées & y répandent la paix & Vallégreffc. Adorez donc votre Créateur, & chantez & fon honneur des cantiques de louange g? d'allions de graces. Que n'a-t-il pas déja fait pour vous, £«f que ne pouvez-vous pas attendre encore de fa bonté !  If6 CONSIDÉRATIONS DIX-HUITIEME FÊVRIER. Images que l'hiver nous donne de la mort. X Ai continuellementbefoin de recevoir des avertiifemens, qui me fa/Pent penfer au terine de ma vie. Je n'ai que trop de penchant a ecarter de mon efprit Pidée de Ja mort; & quand cela ne feroit point, il y a toujours mille affaires, mille diifipations qui nemelaiffent pas le tems de fonger a ma hu, ou qui rendent la penfée de la mort inefficace pour moi. II eft cependant néceifaire pour ma propre füreté & pour mon repos, que je m'occupe fréquemment de ce grand événement afin de diminuer la crainte que j'en ai. Je veux doncmettre a profit, dans cette vue ,'la faifon oü je me trouve actuellement, & envifager comme des images de la mort quelques- uns des objets qui s'offreijt tous les jours a mes yeux. La nature eft privée de cette beauté & de ces agremens qui 1'ornoient pendant 1'été. Les champs & les jardins oü nous nous promenions avec tant de plaifir, font incultes 8c déferts, & n'ont plus rien qui nous invite a y porter nos pas. Les jours font trop courts & trop défcigreables pour que nous defirions de les paffer a la campagne. N'eft-ce pas-la une vive image de ce que fera ma vie, lorfque j'aurai atteint l'hiver de mes jours ? Alors aufti auront difparu tous les agrémens dont je me glorifiois au printems ou dans 1'été de ma vie Les defagrémens, 1'humeur chagrine & les in-  Sur les ceuvres de Dieu. if7 fcrmités qui font propres a la vieillefle, ne me permettront plus degoüterles amufemens du bel age } & la plupart des mes jeunes freres ne trouveront aucun plaifir dans mon commerce. Les jours courts & fombres de ma vieillefle me feront a charge, & li je fuis raifonnable, mes vceux tendront a une meilleure vie. Que les jours font courts dans cette faifon! Mais nous aurions tort de nous en plamdre, puifqu'ils font fi triftes a préfent que la terre elf dépouillée de toute fa parure. — Et comme ma vie mortelle eft une lutte continuelle contre le pêché & la mifere, n'eft-ce pas un bienfait de Dieu d'avoir renfermé mon exiitence terreftre dans des bornes fi étroites ? Le chemin qui me conduit au ciel, eft court & femé d'épines; ne dois-je donc pas bénir la Providence de 1'avoir rcndu fi court? Plufieurs efpeces d'animaux palfent l'hiver dans un profond fommeil, dont ils ne fe réveillent que lorfqu'ils commencent a fentir la douce & vivifiante chaleur du printems.— Ainfi mon corps kïanimé repofera dans le tombeau jufques a ce que le jour du jugement dernier le réveille du fommeil de la mort. L'hiver nous fommes furpris par la nuit avant que nous nous y attendions, & au milieu de nos occupations. Lors peut-ètre que nous nous propofions de terminer encore telle ou telle affaire, le foir arrivé, qui interrompt tout a-coup nos travaux.—Ici encore j'appercois une image bien naïve de la nuit_ de la mort. Elle arrivera peut-ètre lorfque je m'y attendraile moins. Au milieu des projets que j'aurai formés pour 1'avenir, au milieu des entreprifes les plus importantes que j'aurai compté d'exécuüer, cette mort redoutable me iur-  1^8 considérations prendra. Ah! Dieu veuilie qu'elle me trouve dans des occupations qui puiifent m'ètre uüles pour réternué? Ce qu'il y a de plus trifle dans les nuits d'hi. ver, eelt fans doute qu'elles font fi longues, & que la lumiere du foleil tarde tant a reparoitre. —Et peut-être auffi que ce qui contribue a me faire tant appréhender Ia mort, c'eft la pepfee que mon corps fera filong-tems enferme dans la nuit du tombeau. Mais de même que.les nuits d'hiver s'écoulent imperceptiblement: dans un doux fommeil, de mème auffi Ia nuit de la mort paflèra infenfïblement, & nous verrons luire a 1'impiovifte le grand jour de la nouvelle création. Voila, chrétien , les réflexions édifiantes & utiles que I hiver peut vous donner lieu de faire. IVe craignez point de contempler fouvent ces images de la mort, & fur-tout appliquezvous a en tirer des ufages falutaires. Rcndezvousfamüiere l'ide'e de votre dernierefin, &f qu'elle vous foit toujours prefent e duns toutes les circonf. tances de votre vie. Alors vous pourrez envifaqer la mort fans effroi: elle fera pour vous unconfolateur dans les difgraces, un ami, un confeiller fidele dans la profpérite', un bouclier contre les tentations. DIX-NEUVIEME FÉVRIER. Moyens de fe procurer du feu. E) A n s ces longues nuits de l'hiver & pendant le iroid ngoureux que nous éprouvorus, le feu eft un bienfait qu'on nefauroit trop efti-  Sur les ceuvres de Dieu. ifo mer & reconnoitre. Combien notre vie ne feroit elle pas triite & miférable dans cette faifon, fi Dieu n'avoit donné au feu la vertu d'éclairer & de chauffer nos demeures, & fi eet élément n'étoit répandu par-tout? 11 ie trouve dans les fillons des foufres, dans les graiifes des animaux, dans 1'huile, dans la cire qu'amaifent lesabeilles , & dans tous les végétaux, quoiqu'il paroiife inactif, & qu'extérïeurement nous n'en appercevions par les effets. Mais le choc nous décele fa préfence , & nous montre du moins qu'il doit y avoir dans l'air un feu répandu par-tout, & qui re trouve entre les points qui fe froiifent. Par le frottement rapide & réitéré des corps duts, tels que font 1'acier & la pierre a fufil, le feu qui s'y trouvé renfermé eft mis en mouvement,' & les particuJes qui fe détachent de ces corps & qui font violemment agitées les unes contre les autres, acquierent une force capablede tout embrafer. Tel eft le moyen le plus ordinaire par lequel nous nous procurons journellement du feu pour nos befoins domeftiques. Mais prefque toujours nous nous contentons de jouir des fervices continuels que eet élément nous rend, foit pour la préparation de nos alimens, foit pour nous réchaufter, foit pour éclairer nos appartemens, fans nous mettre en peine de rechercher comment le feu eft produit. Si nous étions plus attentifs aux caufes de certains phénomenes naturels, nous trouverions par-tout des traces d'une fageffe & d'une bonté infinies. Et certes il ne faut pas un grand effet de méditation pour les découvrir ici. C'eft dans des vues de bienfaifance que Dieu a répandu le feu tout autour de nous & dans toute la nature, afin qu'il put fe pre-  If8 CONSIDÉRATIONS ter a toutes fortes d'ufages, & que nous puffions jouir de fes fervices en toute occafion. Cette matiere prend toutes fortes de formes pour nous être utile, & en s'aifociant a une multitude d'autres corps, elle nous procure les plus grands avantages. Ah! fi nous pouvions feulement nous accoutumer a ètre plus attentifs a tant de bienfaits que nous recevons tous les jours de la main libérale de Dieu! Mais hélas! c'eft précifément leur retour conftant & journalier qui nous rend froids & inditférens. Cependant ces preuves que nous recevons journellement de la bonté de Dieu , font celles dont nous pouvons le moins nous paffer, & par cela même elles méritent finguliérement d'ètre reconnues avec gratitude & avec joie. Penfez donc fouvent, mes freres, a votre fage & bienfaifant confervateur, & en jouiffant de fes bienfaits , mème de ceux qui vous paroiifent peu confidérables , accoutumez-vous a élever vos cceurs vers lui & a 1'horiorer comme la fource de tout votre bien-être. O Dieu! combien grande eft cette bonté, qui s'étend fur toute la terre ! Ta charité nous environne de toutes parts ainfi que la lumiere & le feu. AhJ puiife-je en être vivement touché! puilTe-Kelle éclairer & embrafer mon ame! Communfque-moi, pere célefte, quelques étincelles du feu de ton amour, pour que je les réfléchüTe fur mes freres, & qu'ils puirfent en éprouver aulïi les falutaires influences. VINGTIEME  Sur les ceuvres de Dieu. iSi VINGTIEME FÉVRIER. De l'e'gale difiribution des faifons. Ta n d i s que le foleil eft éloigné de nous, & que le froid rigoureux reiferre & ferme pour nous la terre, il y a des pays dont les habitans jouiifent de toute la beauté du printems , d'autres oü ils recueillent de riches moiffons , d'autres enfin ou 1'automneremplitleur celliers de fruits. C'eft ainfi que la fageife divine a réglé les révolutions des faifons , & diftribué a toutes fes créatures , en différens tems, les mëmes faveurs. Son amour impartial s'étend fur tous les êtres qui font fortis de fes' mains, fans avoir égard a leur rang, aleur nation, ou a leur mérite. ii fuffit qu'ils aient befoin de fes bienfaits, pour qu'il fe plaife a les répandre fur eux. Ses régards bienfaifans fe fixent avec autant de bonté fur les déferts de PArabie que fur les riantes campagnes de PEurope; & fous 1'un &l'autre pöle, il eft toujours le même dans fon gouvernement. Mais fi Dieu diftribue avec égalité les biens de cette vie, pourquoi donc prive-t-il certains pays des agrémens du printems, pendant qu'il nous en favorife avec tant d'abondance ? Pourquoi le foleil répand-il fes rayons avec tant de partialité, que dans quelques climats les nuits, & dans d'autres les jours durent des mois entiers ? Pourquoi, vers les póies, les campagnes couvertes de glacés, ne font-elles pas auflï belles, aufli fertiles, que nos plaines & nos vallons? Tornt I, L  162 CONSIDÉRATIONS Qui es-tu, ó homme, qui ofes faire de fem= blables queftions ? Quel droit as-tu de demander compte a 1'Etre infiniment fage de la maniere dont il gouvetne le monde? Mortel orgueilleux, apprends at'humilier, & reconnois les traces d'une fagpffe fouveraine dans les chofes mèmes oü ta foible intelligence croit appercevoir des défauts. Tu t'imagines peutêtre que la Providence a refufé a certaines parties de la terre, les avantages & le bonheur qu'elle a répandus avec profufion fur d'autres climats. Non, mon cher lecteur: Dieu a donné a chaque pays ce qui étoit néceiPaire a la vie, a 1'entretien, & au contentement de fes créatures. Tout eft arrangé felon le climat oü elles vivent, & par-tout la Providence a fagement pourvu a leur confervation & a leurs befoins. Les heures du jour varient dans les diverfes parties du monde felon certaines re- . gles, mais toutes les zones en ont, a peu de chofe prés , le même nombre. II n'y a prefque aucun pays habité, que le foleil favorife plus long-tems que les autres de fapréfence: toute ia différence qu'ilya, c'eft qu'ils en jouiffent en différens tems. Pour les habitans de la zonè torride, les jours & les nuits font conftamment d'égale longueur, tandis que fous les zones voifines cette égalité n'arrive que deux fois par an. II eft vrai que le foleil s'éloigne alternativement, & qu'il donné 1'été auncóté de Ia terre , pendant qu'il abandonne Pautre a l'hiver. Mais de 1'une des bornes de fa carrière annuelle, il ne manque jamais de revenir réguliérementa Pautre; & fi pendant l'hiver les jours n'ont pas été aufli longs que les nuits, 1'écé en dédommage amplement. Si même les peuples qui habiteut les zones glacées  Sur les ceuvres de Dieu: 165 font privés de 1'afpect du foleil pendant plufieurs mois, ils le voient après cela fur leur horizon pendant plufieurs autres mois de fuite; & s'ils ont quelques heures de jour de moins, ils en font dédommagés par de longs crépufcules. Seigneur, la terre eft remplie de ta bonté. Cette bonté eft répandue fous tous les cieux, & elle s'étend aufli loin que les nuées. Oü eft, dans tout 1'univers, le pays qui n'éprouve les effets de ton amour ? Oü eft la province de ton immenfe empire oü 1'onne découvre des traces de ta bienfaifance ? Oü eft la créature, oü eft l'homme, qui dans chaque faifon ne puiife voir & fentir combien tu es bon ? ,fe me réjouis de vivre fous ton bienfaifant empire ; je me réjouis des bénédictions fans nombre que tu as répandues fur toute la terre pour le bonheur de tes créatures. Eh! comment ne fouhaiterois-je pas que mes femblables, dans toutes les parties du monde , puiffent vivre aufli heureux , aufli tranquilles, aufli contens que moi ? Oui, tu le fais , toi mon Dieu qui fondes mon cceur, tu fais que je ne fuis ni aifez envieux, ni aifez intérelfé pour voir avec peine le bonheur des autres, ou pourne pas leur fouhaiter un bien-être égal au mien. O Dieu de charité , fais que je te devienne de plus en plus femblable. Comme tu aimes toutes tes créatures, & que, fans acception des perfonnes, tu fais a chacune d'elles tout le bien dont elles font fufceptibles, veuilles allumer dans mon cceur un amour aufli univerfel pour tous mes femblables, afin que je leur faffe du bien a tous felon mon pouvoir, & que du moins je faffe monter vers toi des prieres ardentes pour tous les hommes fans exeeption* L %  IÓ"4 CONSIDÉRATIONS VINGT-ÜNIEME FÉVRIER. i De Putilité de nos fens. T «f'Ai des fens, c'eft-a-dire, je fuis un ètre qui, par le moyen de divers organes merveilleux de fon corps, peut fe procurer plufieurs efpeces de fenfations. Par les yeux je puis acquérir la perception de la lumiere & des couleurs; par les oreilles celle des différens tons; par Vodorat & le goüt celle des émanations agréables ou défagréables , des faveurs & des odeurs, du doux & de Panier , & d'autres propriétés femblables des corps dont je puis faire ufage; par le toucher enfin, j'ai le fentiment du chaud & du froid, del'humide & du fee, du mol & du dur, &c. Or 2 préfent je me repréfente combien je ferois miférable fi j'étois privé des organes de la vue, del'ouie, du goüt, de 1'odorat, & du toucher. Si je n'avois pas la vue, comment pourrois-je me préferver de cette naulritude de dangers qui m'environnent, ou me faire une idéé de la magnificence des cieux, des beautés de la campagne, & de tant d'objets agréabies dont la terre eft remplie 'i Sans 1'organe de 1'ouie, comment appercevoir un grand nombre de dangers qui menacent de loin, comment s'entrecommuniquer fes penfées, comment jouir de Fharmonie & des charmes de la mufique; comment dans ma jeuneife auroisje pu recevoir les inftructions de 1'école, apprendre des langues, acquérir des notions, le talent de lire, & tant d'autres facultés qui me djftinguent li avantageufement des animaux  Sur les ceuvres de Dieu. \6f brutes? Si les organes de 1'odorat & du goüt m'avoient été refufés , comment pourrois-je diftinguer ma nourriture, difcerner les alimens qui me font falutaires d'avec ceux qui feroient nuiiibles, jouir des parfums du printems , & de mille objets qui me procurent actuellement des fenfations li agréables ? Enfin fans letacl, ferois-je en étatde découvrir, foit dans les alimens, foit dans la veille & dansle fommeil, ce qui pourroit me nuire, comment ferois-je capable de veiller a ma propre confervation ? Je ne faurois donc trop me rejouir & bénir Dieu, de ce que je puis voir, entendre, fentir fef parler. J'adore mon bienfaifant Créateur, je re~ connois &je célebre fa bonté.' Ma bouche s'ouvrira pour le glorifier par des cantiques de louange d'a&ions de graces. Mes oreillcs fcront attentives d Vhymne univerfel que toutes les créatures entonnent u fon honniur. Ah! qu'il ne m'arrive jamais de méconnoitre le prix de mes fens, ou d'en abufer! O mon Créateur , tu me les a donnés pour les fins les plus nobles. Et combien ne déshonnerois-je pas ta bonté libérale & 1'admirable ftructure de mon corps, fi je n'employois mes fens qu'a des fonctions animales, fans me propofer des vues plus relevées ? Que je ferois malheureux fi je necherchois mon bonheur que dans les plaifirs des fens, & fi je les préférois aux plaifirs fans comparaifon plus nobles de 1'efprit! Car il viendra un tems, oü mes yeux ne ïeront plus touchés de la beauté des objets extérieurs, oü les fons harmonieux de la mufique ne flatteront plus mes oreilles, oü mon palais ne trouvera plus de goüt aux méts les plus exquis & aux liqueurs les plus délicieufes. Un tems viendra oü tous mes fens ne trou- L ?  16*5 CONSIDÉRATIONS veront, ni agrément, ni fatisfaction dans les chofes terreftres. Ah ! que je ferois miférable alors li je ne connoiifois rien qui put nourrir mon efprit, confoler mon ame, remplir mes defirs ! Efprit de grace, dirige , conduis-moi de maniere, qu'en faifant ufage de mes fens, je ne perde jamais de vue le grand but de mon exiftence. Fais que leurs organes mèmes fervent a glorifier mon Créateur, & que, dès icibas , je commence a m'habituer a ces nobles occupations auxquelles ils feront employés dans le ciel. Dans ce moment oü je fens tout le bonheur d'avoir des fens bien conditionnés, jepenfea mes freres infortunés qui ont des fens défectueux, ou qui font mème entiérement privés de quelques-uns de leurs organes. O vous aveugles, vous fourds, vous muets, je ne faurois vous. voir fans déplorer votre fort, & fans reconnoitre plus que jamais combien je fuis heureux. Qui fuis-je, ö Dieu, pour que tu ne m'aies point placé dans la claflë de ces infortunés ! Comment pourrois-je aiTez te témoigner ma reconnoiifance pour la perfedion de mes fens! Aie pitié de ceux qui, par les dé, fauts des leurs fens, font privés de tant de confolations. Dédommage-les, fi c'eft ton bon plaifir, de ces imperfedions par d'autres avantages , ou fais du moins que dans 1'économie iuture ils foient heureux tant par rapport au corps que par rapport i 1'ame.  Sur les ceuvres de Dieu. IS? VINGT-DEUXIEME FÉVRIER. Elévations de Vame vers Dieu. Lorsque j'éleve mon cceur vers Dieu, je m'approche du but pour lequel j'ai été place dans le monde, & je jouis déja des avantgoüts de la félicité qui m'attend dans le ciel. Que les vains amufemens du fiecle me paroiffent méprifables, lorfque mon cceur s'accoutume achercher fa joie & fon bonheur en Dieu & en Jéfus - Chrift! Combien ne fuis-je pas humble & petit a mes propres yeux, lorfque je compare mon néant avec 1'infinie majefté de Dieu! Combien mon orgueil naturel n'eft-il pas confondu , lorfque je me perds, pour ainfi dire , dans 1'océan des perfectums divines! Et quel deur ardent ne s'allume pas alors dans mon cceur, de voir bientót ce grand & heureux jour oü je ferai uni pour jamais avecl'Etre immenfe & éternel! Mais fuis-je aifez touché de ces avantages ineftimables que me procure la penfée fréquente de Dieu, pour que je prenne en effet la réfolution de m'en occuper comme je le dois. Hélas ! au lieu d'occuper mon efprit de ce grand &fublime objet, je nefixe que trop fouvent mes penfées fur les chofes terreftres & periifables. Au lieu de trouver mes délices dans la méditation de mon Créateur, je ne me plais qu'a ce qui peut natter mes fens. Au lieu d'aimer eet Etre qui réunit tout ce qu'ón peut concevoir d'aimable, & qui peut feul me rendre parfaitement heureux , j'attache mon cceur a la terre & j'aime avec paflion des objets qui L 4  168 CONSIDÉRATIONS ne peuvent faire mon bonheur & dont ie ne iaurois jouir long tems. Que l'expérience du paife me rende fage pour 1'avenir. Jufques ici je n ai aime que les biens temporels, & je leur ai donne mon cceur. J'ai cherché ma pais &mon bonheur dans des chofes qui font encore plus fragiles & plus pénifables que moi. Mais a prefent mes yeux fe font ouverts par la grace de Dieu. J'apperqois unEtre qui raflemble toutes les perfbctions, qui m'a tirédu neant, qui m'a donnéune ame dont les defirs ne peuvent être fatisfaits que par des biens infims. Voila lEtre auquel je confacre mon cceur, en me devouant a lui fans réferve & pour toujours. En lui feul je chercherai déformais ma joie & ma confolation. Ces biens de la terre , que j'ai eu jufques ici 1'imprudence de preferer aux biens céleftes, je les échangerai contre des avantages incomparablement plus reels & plus foiides. J'uferai cependant des premiers puifque c'eff la volonté de mon Créateur, mais ce ne fera jamais en les préférant a 1 amour de Dieu. Au contraire, toutes les créatures me fourniront 1'occafion de m'élever vers le Créateur, & m'exciteront a bénir la bonte de celui qui a donné aux chofes terreftres la vertu de récréer mon ame & de fortifaer mon corps. Lorfque je jouirai de quelques-uns des biens fenfibles, je me dirai a moimenie: fi je trouve tant de douceur dans la jouiflance des plaifirs d'ici-bas, fineconnoiflant qu une petite partie des ceuvres de Dieu, cette connoiifance eft déja fi délicieufe pour moi, que fera-ce lorfque je le polféderai luimeme! Quelle ne doit pas être la félicité des laints qui le voient tel qu'il eft, & qui vivent dans la bienheureufe communion ! Silesplai-  Sur les ceuvres de Dieu. 169 iïrs, qui ne peuvent être goütés que par le moyen d'un corps fragile & pénifable, peuvent affecter fi agréablement mon ame , combien raviifantes ne doivent pas être les délices que 1'on goüte fans 1'entremife de ce tabernacle terreftre! Quels fentimens inefFables n'éprouverai je pas lorfque mon efprit affranchi de fes entraves pourra contempler, en toute liberté, la face du Seigneur! Si de foibles ruiffeaux peuvent être fi agréables ici-bas, que fera-ce de la fource d'oü découlent les torrens & les fleuves de délices ! Si un rayon de lumiere elt fi vivifiant, que fera-ce du foleil lui-mème! Si déja dans ce monde Dieu eft fi admirable dans fes ouvrages, que fera-t-il dans Péconomie future! O que j'afpire a jouir bientót de cette félicité dans la poifeflion de mon Dieu! Coulez rapidement, jours ténébreux que je dois encore paifer ici-bas! Heures qui retardez encore 1'heureux moment oü j'acquerrai une plus parfaite connoiifance de Dieu , précipitez votre courfe ! Jour fans nuage & fans obfcurité, oü mon ame débarraflée du fardeau de mon corps groflier, prendra fon effbr & s'élevera au-deflus de toutes les étoiles pouradorer 1'éternelaux pieds de fon tróne, jour heureux & fi ardemment defiré, hatez-vous de paroitre! VINGT-TROISIEME FÉVR1ER. Caufes du froid gj? de la chaleur. D ' O u peut venir la viciflitude d'une extréme chaleur & du froid le plus rigoureux fur la terre? Par quelsmoyens la nature produit-  17° CONSIDERATIONS elle ces révolutions ? II eft inconteftable que pendant l'hiver la température dépend de la fituation du foleil. Car lorfque notre globe, dans fa courfe annuelle autour du foleil, eft place de maniere que fon hémifphere feptentnonal fe détourne de eet attre , lorfque les rayons tombent dans une direcfion fort oblique fur nos contrées , & lorfque le foleil n'eft que peu d'heures fur notre horizon, il n'eft pas poifible que fes rayons donnent de la chaleur. Mais la chaleur ne dépend pas uniquement de la fituation & de 1'éloignement du foleil. Cet attre parcourt tous les ans les meines conilellations, & n'eft pas plus éloigné de nous pendant un hiverque pendant un autre. Cependant les degrés du froid de nos hivers font très-différens. Souvent un hiver eft auffi doux que 1'automne, tandis que dansun autre des mers profondes fe gelent, & que les hommes & les animaux peuvent a peine trouver des afyles contre le froid. Dans les pays mèmes oü , prefque pendant toute 1'année, les jours & les nuits font d'une égale longueur, la chaleur du foleil eft trop foible pour fondre la glacé fur le fommet des montagnes. A leur cime regne l'hiver le plus rigoureux, & a leur pied 1'été le plus ardent, quoique les mêmes rayons tombent égalementfur la cime & au bas des montagnes. Si le foleil étoit la feule caufede la chaleur & du froid, ces phénomenes feroient inexplicables. La nature eft riche en moyens, & mille caufes, qui nous font peut-être inconnues, fecondent fes opérations. Mais nous favons au moins que la conftitution de l'air & les vents ont «ne grande influence fur la chaleur & le froid d'un pays. De-la vient qu'il arrivé queloue-  Sur les ceuvres be Dieu. 171 fois que dans les plus longs jours de 1'été il fait froid, lorfque l'athmofphere elf chargée de beaucoup de vapeurs & que le ciel a été long-tems couvert de nuages, ou lorfque les vents apres du nord foufflent avec force. Dela vient encore, que même dans l'hiver le froid n'eü pas fort violent, lorfque les vents qui yiennent du fud, nous amenent un air échauffé. La nature même du fol contribue a la chaleur & au froid. En Siberië, par exemple, oü le terrain eft rempli de falpétre & de différens fels, il fait toujours plus froid que dans les contrées plus voifinesdu póle, & oü les rayons du foleil arriventplus obliquement. La chaleur propre & intérieure de la terre, fait auffi que dans certains pays le fol eft plus chaud & dans d'autres plus froid. Ces caufes & peut-être bien d'autres qui nous font inconnues, occafionnent tantöt le froid, tantót la chaleur fur la terre. Mais quipourroit connoitre tous les refforts de la grande machine de 1'univers & en expliquer les différens effets ? La plupart des phénomenes nous embarralfent & nous confondent; &nous fommes obligés d'avouer que toute la fagacité des plus habiles philofophes, ne fauroit pénétrer dans les profondeurs de la nature. Nous ne voyons qu'une partie & fans doute la moindre partie de fes opérations. Et certainement c'eft par des raifons très-fages que le Créateur a caché a nos yeux les caufes de tant d'effets que nous voyons dans le regne de la nature & de la Providence: il a voulu par-la nous apprendre a nous replier fur nous-mêmes. Que nous ferviroit-il en effet d'avoir la plus parfaite connoiifance de la nature, fi nous négligions de connoitre & de fanctifier notre cceur ?  17* CONSIDERATIONS Nous en favons affez pour être heureux, fages & contens. Peut-être qu'une plus grande connoiifance de la nature nous enorgueilliroit; peut-ètre qu'elle troubleroit notre repos, & nous feroit tomber dans 1'oubli de Dieu. Appliquons-nous feulement a faire un bon ufage du peu que nous favons, & a nous en fervir pour glorifier 1'Etre fuprème, & pour nous rendre meilleurs. Si après toutes nos recherches & toutes nos méditations, il refte encore bien des chofes voilées a nos yeux, tirons-en cette conclufion fi naturelle , que la fageife de Dieu paife toutes nos conceptions, qu'elle eft infinie, que nos lumieresfont bornees, & qu'ainfi, dans le fentiment de notre foibleffe & de notre néant, notre grand devoir eft de nous humilier, & d'adorer le très-haut. VINGT-QTJATRIEME FÉVRIER. j Singularité dans le regne minéral. I L feroit difficile , pour ne pas dire impoflïble, a notre entendement fi foible & fi borné d'embraffer a la fois tout le regne de la nature, & d'apprendre a connoitre dans leur enfemble les propriétés merveilleufes des chofes naturelles. Nous arriverons plus facilement a la connoiifance de Ia nature, fi nous commenqons par quelques objets ifolés, quelques beautes particulieres, en nous arrètant d'abord aux phénomenes les plus fenfibles. Confidérons donc a préfent quelques curiofités du regne mineral: nous ydécouvrirons, comme par-tout ailleurs , les traces de Pinfinie fageffe de Dieu.  Sur les ceuvres de Dieu. 173 Entre les pierres, il en eft peu qui méritent plus notre attention que Yaimant. Cette pierre , lorfqu'elle eft fufpendue , fe tourne de maniere qu'elle dirige conftamment un de fes cótés vers le nord, & 1'autre vers le fud; & c'eft dans ces deux cótés, qu'on appelle póles, que réfide fa plus grande vertu attractive. Ce qu'il y a de particulier, c'eft qu'elle n'attire point d'autres corps que le fer, & que fi 1'on prend deux aimans, leurs póles de différente dénomination , favoir, le póle auftral & le boréal, s'attirentl'un 1'autre , au lieu que les póles de mème nom, favoir, les deux méridionaux ou les deux feptentrionaux, fe repouffent & femblent fe fuir. On trouve des propriétés tout aufli merveilleufes dans le vif-argent. II fe prête a toutes les formes qu'on veut lui donner ; mais il finit toujours par reprendre celle qui lui eft naturelle. Dans lefeu, il s'éleve en vapeurs. Quand on le fecoue long-tems, il fe change en poufiiere. Par la diifolution, on parvient a en faire un cryftal dur & tranfparent; mais on peut toujours lui rendre fa première fluidité. L'or eft le principal & le plus précieux de tous les métaux, non-feulement par farareté, mais aufli par fes admirables propriétés. C'eft de tous les corps le plus dur & le plus inaltérable, en forte qu'il peut foutenir pendant deux mois l'aétion d'un feu trés-violent, fans perdre fenfiblement de fon poids. Ses parties font fi fubtiles , qu'un grain d'or battu peut couvrir cinquante pouces en quarré, de maniere que fur les deux furfaces on peut, a la fimple vue , diftinguer quatre millions de parties. Et fa ductilité eft telle que d'un feul grain on peut tirer un ril de roo pieds de longueur.  174 CONSIDÉRATIONS La forme merveilleufe du fel commun , les pierres brillantes, les figures fingulieres de la terre oü font cachés les métaux , les corps pétrifiés qui fe trouvent fouvent fur les plus hautes montagnes, a quelques centaines de milles de la mer, qui eft le lieu de leur origine, & cent autres fingularités du regne minéral, femblent être faites pour réveiiler notre curiofité. . Aucune occupation, quelle qu'elle puiife etre, n'a plus de charmes, n'eft plus fatisfailante, ne procure des plaifirs plus diverfifiés que la contemplation attentive de la nature. Suppofé que nous vécufiions quelques fiecles iur la terre, & que nous employailions chaque jour, chaque heure même, a étudier uniquement les phénomenes & les fingularités du regne minéral, il fe trouveroit encore au bout de ce tems-!a , mille chofes que nous ne pournons expliquer, qui demeureroient cachées pour nous & qui exciteroient de plus en plus notre curiofité. Employons donc au moins, puifque la durée de notre vie s'étend a peine a un demi fiecle, employons bien le peu de tems qui nous eft accordé, & confacrons-le, autant que nos vrais devoirs pourront leperrnettre, a obferver la nature & a procurer ainfi a notre efprit les plaifirs les plus innocens & les plus durables. La fatisfaction que nous y trouvcrons augmentera de plus en plus, a meiure que nous méditerons avec plus de foin furies vues que Dieu s'eft propofées dans fes ouvrages, car les merveilles de !a nature font fans comparaifon plus admirables & plus fuWimes, que toutes les produciions de Part hurnain. Celles-ci ne nous procurent pas toujours le bien-ètre & ne nous rendent point meilleurs: iouvent elles ne font que les objets d'une ad-  Sur les ceuvres de Dieu- ijf miration ftérile. Mais toutes les ceuvres de la nature, & même les plus fingulieres , ont pour objet le bien univerfel du monde. Elles exiftent non - feulement pour être vues & pour fervir de fpedacle, mï/is auifi pour qu'on en jouiffe. Et toutes fans exception publient la bonté de Dieu auffi-bien que fa fageife. VINGT-CINQUIEME FÉVRIER. Preuves expërimentaks &f quotidiennes de la Providence divine. Essaie, chrétien , de faire le dénombrement de tous les bienfaits dont la miféricorde de Dieu t'a comblé depuis le premier moment de ton exiftence jufqu'a préfent. Pourrois-tu compter les étoiles? Tout auffi peu ferois-tu en état de compter les biens que tu as requs pendant une feule année. Et que fera-ce de tous ceux dont Dieu t'a comblé durant dans tout le cours d'une vie, qui peut-être a déja été trés-longue ? que fera-ce des graces que tu as reques dans ton enfance, & que tu as oubliées, des nuits que tu as paifées tranquillement dans un doux fommeil, des alimens qui t'ont récréé & fortifié ? De combien de dangers vifibles & invifibles n'as-tu pas été délivré? Combien de fois Dieu n'a-t-il pas pourvu a tes befoins, & confondu ton incrédulité qui regardoit le fecours comme impoffiblc ? Aucun accident ne t'eft arrivé fans que Poeil du Seigneur ait veillé fur toi & t'ait garanti. Chaque jour de ta vie a groffi la fomme des faveurs de ton Dieu. Sa bonté s'eft renouvel-  176 CuNSIDÉRATIONS lée envers toi toutes les fois que le foleil a commence & terminé fa courfe. Et qui fait combien de fois Dieu a ufé de miféricorde envers toi a ton incu, & t'a préfervé de périls que tu ne connoiifois pas, & dom tu ne leras mftruit que dans le monde a venir' Et que dirons-nous des biens de la grace? Que tu aies eté racheté par Jéfus-Chrift, que levangile t mftruife du chemin du falut, que tu neiois point né dans lesténebresdu pagamime, mais au fein du chriftianifme, que Dieu travaille fans relache a te fandifier & a te periedionner, ne font-ce pas-la tout autant de preuves de fa bonté & de fes tendres compaliions i • Je n^X froire' mon cher le(fte"r, qu'il t'eft jmpoiiible de calculer la fuite immenfe des bieniaits de Dieu. Bornons-nous donc a un feul jour, & tache de fupputer les faveurs que chacun de tes jours amene avec foi: la lumiere, J air, les alimens , les forces pour le travail, le lejour que tu habites & les relations fur lefquelles fe fonde ta félicité, les divers amufemens & les plaifirs fi variés de ta vie. N'oubhe pas menie la faculté que tu as de pouvoir relpirer, & ne timagine point que ce foit-la une chole de peu de conféquence: c'eft de la relpiration que dépend la confervation de notre vie. lu reipues au moins douze fois dans chaque minute: voila donc dans chaque minute douze bienfaits, dont chacun eft fi eifentiel, que fans lui, tu ferois incapable d'en recevoiraucun autre. Avec la refpiration Dieu te conferve encore les facultés de ton entendement & de ta volonté, & les membres de ton corps. Suppofons que dans chaque minute notre ame ne falie que trente opérations, & ne  Sur les ceuvres de Dieu. 177 ne comptons, felon le calcul des médecins, que fix mille parties de notre corps que Dieu maintient a chaque moment, quelles merveilles de confervation ne découvrirons-nous pas? Car d'après ce calcul tu reqois de Dieu, a chaque minute, douze bienfaits relativement a la refpiration, trente relativement aux facultés de 1'entendement & de la volonté, fix mülc relativement aux parties de ton corps. Par conféquent Dieu t'accorde dans chaque minute 6042 graces, & tu en reqois tfof20 dans chaque heure que tu vis. Ah! puiifent ces expériences journalieres de la Providence & de la bonté de ton Dieu, faire les impreflions les plus fortes & les plus durables fur ton cceur! Elles le feront fans doute fi ton ame eft fufceptible de quelques mouvemens de reconnoiifance. Oui, fi tu as encore quelque fentiment de la grandeur des graces de Dieu & de ton indignité, il eft impofiible que tu n'aies une vive gratitude pour le confervateur de ta vie. Mais pour entretenir dans ton cceur un yif fouvenir des bienfaits de Dieu, fais en fréquemment le calcul. Plus tu t'en occuperas, & plus aufli tu feras difpofé a magnifier le Seigneur ton Dieu, plus tu feras tes délices de célébrer fes louanges. vingt-sixieme février. Tranquillite' de la nuit. Je ne faurois penfer fans admiration & fans reconnoiifance, aux tendres attentions de la Providence pour nous aiTurer le repos pcndanfc T&mc i, ]VI  178 CONSIDÉRATIONS 1'abfencedu jour. Dès 1'entrée de la nuit, ilfe répand dans toute la nature un calme, qui annonce a toutes les créatures la celfation de leurs travaux, & qui invite 1'homme au fommeil. Durant tout le tems que les humains repofent, la nature fufpend en leur faveur, le bruit, les lumieres éclatantes, & toutes les impreffions trop vives. Tous les animaux dont 1'aclivké pourroit troubler notre fommeil, ont euxmèmes befoin du repos; lesoifeaux cherchent leurs nids, le bceuf, le cheval, & nos autres animaux domelliques dorment autour de nous. Mais cette tranquillite de la nuit n'eft pas également agréable a tous les hommes. Plufieurs de mes freres a qui les douleurs, les maladies, & d'autres accidens font paifer les nuits dans Pinfomnie, fouhaitant que ce calme, ce filence mélancolique foit interrompu. Leurs fouffrances & leurs inquiétudes femblent augmenter tandis que tout eft aifoupi autour d'eux, ils comptent leurs heures, & il leur tarde de voir paroitre le jour, dans 1'efpérance que le commerce des hommes leur apportera quelque foulagement. Plufieurs des vicieux qui ont paifé le jour dans le défordre & dans une diflipation continuelle , trouvent auffi la tranquillite de la nuit incommode & pénible: elle réveille leur confeience, & le moindre bruit les etfraie. Je te bénis, ó mon Dieu, de ce que tu me rends le repos de la nuit fi agréables & fi reftaurant. La fanté dont je jouis, & la paix de mon ame , me procurent le plus doux fommeil. Quand j'ai vaqué aux travaux du jour, 1'arrivée de la nuit me fait adorer ta bonté, qui a fi bien difpofé toutes chofes pour me ménagec un agréable repos. Je me couche tranquil-  Sur les ceuvres de Dieu. 179 lement, tandis que les voleurs fe levent pour marcher dans les voies ténébreufes de 1'injuftice & du crime. Je dors en paix, pendant que tant de malades couches dans un lit de douleur & d'infirmité, foupirentaprès le fommeil, regarderoientle plus léger repos comme une faveur, & ne peuvent 1'obtenir. Je jouis d'un fommeil rafraichiifant, tandis que l'homme intempérant fe furcharge encore de méts & de boiifons, que 1'avare fe tourment par des foucis immodérés & par la crainte de manquer quelque jour du néceifaire, que lemécontent & 1'ambitieux roulent dans leur tète des plans d'élévation & de grandeur pour 1'avenir le plus reculé. Mais combien de fois l'homme n'interromptil pas la tranquillite de la nuit, par légéreté ou par malice ? Le bruit tumultueux des ivrognes, & la joie infenfée des libertins , troublent fouvent le repos des citoyens & nous dérobentles douceurs du fommeil. Ne devrions-nous pas refpeder aifez 1'ordre que Dieu a fi fagement établi dans la nature, pourne pas le troubler de gaieté de cceur? Ne devrions-nous pas aimer aifez nos femblables pour craindre de les priver du fommeil, & par-la de nuire a leur fanté, a leur vie même ? Hélas ! peut-être que ce bruit importun trouble & effraie, ici un mourant, la une femme enceinte, ou une mere qui nourrit fon enfant. II en fera tout autrement du repos que j'attends dans le tombeau. La je dormirai en paix, & je ne ferai réveille de mon fommeil que lorfque la voix de mon juge me rappellera a la vie. O que vous êtes heureux, vous fideles, que la mort a conduits d Dieu ! Vous êtes e'chappe's d toutes les miferes auxquelles nous fommes affujettis dans cc M a  tg© CONSIDÉRATIONS monde. Ici la vie même la plus heureufe fe pajjt dans des alternatives continuelles de crainte &f d'efpèrance } & notre repos eji trouble' par des peines ë? des inquiétudes Jans nombre. Vous, jujtes, au contraire, dont le corps repofe tranquillcment dans le tombeau, vous êtes affranchïs de toute mi/ere^, & jamais les foucis, le chagrin & la douleur n'empoifonneront votre joie. VINGT-SEPTIEME FÉVRIER, L'hiver eji une image de notre vie. D. A n s ces jours d'hiver il y a des viciifitudes continuelles : des flocons de neige & des ondées de pluie, des tempêtes &lecalms, des jours nébuleux & un ciel ferein fe fuccedent les üns aux autres. A peine les neiges ont - elles eclairci la nature & 1'ont-elles rendue brillante, que des pluies viennent les détruire. A peine le foleil s'eft-il montré, qu'il fe dérobe de nouveau a nos yeux. Et n'y a-t-il pas des variations femblables dans le monde moral ? Si plufieurs jours d'hiver font obfcurs, triftes & facheux, plufieurs fcenes de notre vie le font également.^ Mais comme lesorages & les ténebres font néceifaires & conformes aux fages loix de la nature, il en eft de même des accidens défagréables & de 1'adverfité que nous éprouvons quelquefois fur la terre. Qui peut empëcher que le jour ne foit obfcurci par de fombres nuages, & que notre bonheur ne foit troublé tantót par les hommes, tantót par des accidens? Comment feroit-il Poifible que le ciel füc toujours calme & ferein,  Sur les ceuvres de Dieu. igï & que notre ame jouit d'un repos non-interrompu? La conftitution actuelle de notre nature permet tout aulïi peu que nous foyons toujours affranchis de douleurs & de fenfations défagréables, que la conftitution du monde corporel permet que l'air ne foit jamais chargé de nuages. Les paffions qui produifent fouvent de bons effets, mais qui fouvent auffi en produifent de mauvais , font précifément dans le monde moral, ce que les tempètes font dans la nature. Et comme l'hiver & les frimats font une fource de fécondité, de mème auffi les fouffrances & les difgraces font des moyens de parvenir a la fageife & a la vertu. Les ténebres nous apprennent le prix de la lumiere; une clarté continuelle nous éblouiroit & fatigueroit nos yeux ; & un jour ferein ne nous fait jamais tant de plaifir, que lorfque des jours fombres & nébuleux font précédé. De même auffi nous n'eftimerions pas affez la fanté, fi nous n'apprenions a en connoitre tout le prix par le fentiment douloureux des maladies. L'excellence & les avantages de l'amitié , ne nous feroient pas fi fenfibles, fi nous ne rencontrions quelquefois d'infideles & de faux amis. Après tout, il eft certain qu'en général nous fommes trop portés a exagérer nos maux: les événemens du monde & les accidens qui nous arrivent, font rarement auffi triftes que nous nous le figurons. Notre amour-propre, notre orgueil, & notre exceffive délicateife nous aveuglent fouvent , au point que nous regardons tout ce qui nous arrivé comme des maux réels & confidérables, tandis qu'au contraire nousne tenons aucun compte de nos vrais avantages & des M 3  IS» CONSIDÉRATIONS douceurs dont notre vie eft accompagnée. II eft au moins indubitable que toutes nos peines doivent être comptées comme rien, en comparaifon de cette multitude de biens & de plaifirs qui nous font difpenfés par la divine Providence. Et ces maux même dont nous nous pkugnons , feront des bienfaits réels , quoique deguifés, fi nous favons en faire ufage conformément aux regies de la fageife : tout de mème que la neige, les tempêtes, la gelée, & toutes les autres vanations de la faifon oü nous fommes actuellement, font des moyens que Dieu emploie pour nous accorder de nouvelles faveurs. Et puis quand le ciel a été long-tems lombre & orageux, il faut bien qu'enfin les nuages fe diifipent, & que le calme & la lumiere ramenent la joie & 1'allégreife. Plus les ondees font fortes, & plutöt auffi les nuées tanflent. Plus les ténebres qu'elles répandent lont epames, & plutöt les rayons du foleil les diifipent. Les adverfités ne rempliifent qu'une petite partie de notre vie, & quand elles paroiflent le plus accablantes, quand il femble que nous allons y fuccomber, c'eft unepreuve qu'elles font fur le point de finir. J'accepterai donc fans murmurer la portion de louffrances qu'il a plu a Dieu de m'affigner. Je ferois deraifonnable fi je ne lui demandois que des plaifirs & des jours heureux. Non, Seigneur: que la pluie & les rayons du foleil, les ténebres & la lumiere fe fuccedent alternativement dans tout le cours de ma vie ; j'y fuis tout réfigné. Si tu trouves a propos de troubler & d'ebranler mon ame par les orages de 1'adverfite, que ta volonté foit faite! Qu'importe que la coupe qui m'efl prëfentêe, foit plus ou moins amere} que mes peines foient plus ou  Sur les ceuvres de Dieu. 18? moins durablcs , tandis que je fuis en deed du tombeau: je fais en qui j'ai cru , je fais , ö mon Dieu , que tu me donneras un jour le falut éternel. Ceux qui fement ici-bas avec larmes , moiffonneront avec chant de triomphe. Lorfque les courtes foujfrances de cette vie feront pajjecs , je reconnoitrai combien elles m'auront été avantageufes , je béni. rai Dieu de m'avoir conduit au ciel par la voie des tribulations. Telles font les penfées qui me foutiendront dans toutes mes difgraces. Comme 1'attente du printems rend fupportable le trifte afpect dè 1'hiver, ledoux efpoir de 1'éternité m'encouragera a fupporter, avec réfignation & avec conftance, les fouffrances du tems préfent. A travers les ténebres de cette vie s'ouvre devant moi la raviifante perfpective d'un heureux avenir. Ce que j'entrevois dans 1'éternité, répand déja quelques rayons fur le fentier oü je marche; & c'eft ainfi que j'arriverai imperceptiblement aux bienheureufes demeures du repos, de la lumiere & de la joie. VINGT-HUITIEME FÉVRIER. Utiité des montagnes. Ne feroit-il pas plus avantageux pour notre globe, que fa furface ne fut pas fi inégale, & que tant d'énormes montagnes ne la défiguraifent point? II me femble quelquefois que la figure de la terre feroit bien plus réguliere, que notre vue s'étendroit plus loin, que nous voyagerions plus commodément, & que nous jouirions de cent autres avantages, fi la terre M 4  J84 CONSIDÉRATIONS n'étoit qu'une vafte plaine. Mais peut-ètre que je me trompe en jugeant de la forte. fe veux donc m'affurer de ce qui en eft, & réfléchir fur 1'utilité des montagnes , pour voir il j'ai raifon d'ètre mécontent de 1'arrangenient actuel de notre globe. D'abord il fe manifefte que c'eft des montagnes & des collines que viennent les fources, qui lont produites foit par les neiges abondantes, foit par les nuées dont ces éminences font toujours couvertes. C'eft-la ce qui entretient Ie cours des fleuves & des rivieres. Ces chaines de hautes montagnes, qui s'étendent de 1'Orient vers 1'Occident & qui trayerfent une grande étendue de pays, fervent a empêcher la diflipation des vapeurs & a les condenfer en eau. Elles font donc comme autant de chapiteaux & dalembics, qui préparent & diftillent 1'eau douce pour le fervice des hommes & des bêtes, & leurs pentes font defcendre & couler les fources par une chüte moderee dans les vallons qu'elles arrofent & fer. tihfent. Outre eet avantage ineftimable des fources & des fontaines que les montagnes nous pro. curent, elles ont encore plufieurs autres utihtes trés - fenfibles. Elles font la demeure de plufieurs efpeces d'animaux dont nous faifons beaucoup d'ufage. Elles fourniifent, fans qu'il nous en coütela moindre peine, 1'entretien & Ja fubfiftance a une multitude de bètes, qui nous font fort utiles, foit par leurchair, foit par leurs peaux. Sur les cótés des montagnes crojflent des arbres, des plantes, & un nombre innombrable d'herbes & de racines falu, taires, qu'on ne culdvepas avec le même fucces dans les plaiues, ou qui n'y out pas les  Sur lis ceuvres de Dieu. ïBf mèmes vertus. C'eft dans les entrailles des montagnes que fe forment les métaux & les minéraux, dont la génération ne pourroit pas fe faire fi bien dans les pays bas & unis , ou ils ne trouveroient pas 1'humidité néceifaire. Les montagnes fervent encore a nous mettre a couvert des boufées des vents froids & piquans du nord & de 1'eft; elles font les nourricieres des vignes les plus exquifes, & leur fein renferme les pierres précieufes, elles font, pour ainfi dire, les bouleverds de la nature pour garantir les pays de la fureur des mers & des tempêtes; & comme des remparts & des fortifications naturelles, elles défendent plufieurs Etats contre les invafions de 1'ennemi & 1'ambition des conquérans. Elles maintiennent peut-être 1'équilibre de notre globe; & quoi qu'il en foit, elles font des efpeces d'amphithéatres qui nous procurent les vues & les perfpeclives les plus riantes, & elles donnent aux maifons & a des villes entieres la fituation la plus agréable. II eft vrai que quelques-unes de ces montagnes font dangereufes & formidables. Elles caufent des fecoulfes terribles & des tremblemens de terre, & les volcans répandent tout autour d'eux les flammes & la deftruction. Mais il faut confidérer que comme le foufre, le falpétre & d'autres minéraux, non - feulement contribuent beaucoup a la fertilité des terres, mais font aufli néceifaires a la vie & a f humectation de toutes fortes de plantes , il étoit convenable qu'il y eüt une efpece de magafin univerfel oü ces matériaux fuifent dépofés, pour être enfuite diftribués, par l'air & par les vents, fur toute la furface de la terre. Et quoi qu'il s'y trouve quelques inconvéniens, ils ne fau-  ï8 m™ cccur'ab 't fiilH T.?T C°Urage qui étoit Prêt a dé rance Ut ? chaque rayon d'efpé- lance qui a recree mon ame, pour charme bienfait que j'ai déjarecu de toi, & p0llr toul ceux que tu me réferves encore dfnH^Ï? ia grandeur de 1 efpérance que je puis conce voir en qualité de chrétien f Bénie foit ta mi iencorde, ó mon divin rédemntP,,r ™ "lérité le droit d'efKSS viflante efpérance de vivre éternelLment d'ê"  Sur les ceuvres de Dieu. 217 DIXIEME MARS. De la gelée Manche. C^'Est un phénomene trés-ordinaire dans ce tems-ci, que les buiifons & d'autres corps, expofés en plein air , paroiifent a la vue comme s'ils étoient couverts de fucre. Le givre ou la gelée blanche ne font autre chofe que des vapeurs glacées auxquelles les corps qu'elles touchent, font perdre leur fluidité. Tous les jours il tombe de la rofée, quelque peu fenfible qu'elle foit, fa fluidité ne fauroit provenir que de chaleur; mais il eft très-faciie qu'un corps perde fa chaleur, fur-tout lorfqu'il eft mince & délicat & qu'il vient a toucher des corps beaucoup plus froids que lui. Dans les froides nuits du printems , les brouifailles doivent perdre plus de chaleur que les branches plus épaiffes: il eft naturel par conféquent que les petits rameaux foient couverts de givre pendant que les autres en font exempts. Lorfque la rofée s'attache a des corps confidérablement refroidis, elle leur communiqué auffi-tót fa chaleur; & qu'en peut-il réfulter finon que la rofée avant perdu la caufe de fa fluidité, fes parties fe rapprochent, fe joignent, & forment une légere écorce de glacé. Si a ces vapeurs prètesafe condenfer, ils'en joint d'autres qui ne le font point encore , celles-ci perdentleur fluidité au même inftant, & fepofant en défordre fur les premières, ou a leurs cótés, toutes enfemble forment ce qu'on appelle le givre. A préfent il eft facile de comprendre co'mment il arrivé quelquefois que nos cheveux &  218 CONSIDERATION» le poil des animaux font couverts de givre: la tranfpiration & les exhalaifons de la bouche' & du nez, fi elles s'attachent aux cheveux & qu'elles foient expofés k Paction de Pair froid, occaiionnent cette efpece de congélation. C'eft de la même maniere qu'on peut rendre raifon des fils luifans qu'on voit fouvent fur les édifices durant l'hiver: fi les murs ont un certain degre de froid , les vapeurs aqueufes qui y font attachees fe condenfent. Mais quand le froid eft très-vif & qu'il gele fortement, eet effet na pas lieu, paree que les vapeurs font déja glacees dans Pair, & que fuppofé mème qu'elles viennent a defcendre fur le mur, elles ne pourroient pas y refter attachées paree qu'elles ne ie touchent que par quelques points. Cependant il arrivé quelquefois dans les fortes gelées, que les murs fe blanchilfent comme s'ils étoient reyêtus de neige, mais c'eft une marqué certaine que la rigueur du froid eft fur le point de diminuer. Ici encore, ó chrétien, reconnois les vues iages & bienfaifant.es de ton Créateur. Dans fa main & fous fon gouvernement, tous les effets de la nature tendent dans chaque faifon a la fertilité & au bonheur de la terre. Et puifque dans 1 enchainement de toutes les parties de la création , chaque phénomene contribue de fa part a la perfection de 1'enfemble, n'eft-il pas raiionnable dereconnoitrela fageife de Dieu dans chaque cas particulier & de célébrer chacun de ies bienfaits'{  Sur les ceuvres de Dieu. 219 ONZIEME MARS. Des moyens qui contribuent a la fertilité de la nature. L A fage Providence fe fert de divers moyens pour fertilifer le monde corporel. Quelquefois les nuages fe répandent en pluie afin de purger l'air de vapeurs nuifibles, d'amollir la terre , & de lui apporter de nouveaux fucs nourriciers. Dans d'autres tems lorfque la terre eft privée des bienfaits de la pluie, une douce rofée humecte&féconde leterroir, &ranime les foibles plantes prêtes a fe delfécher. Dieu a voulu que chaque faifon eüt des moyens particuliers de fructifier la terre. La neige qui durant l'hiver paifé a couvert nos champs & nos prairies, a non-feulement fervi a garantir la terre de 1'impreflion du grand froid, mais au moyen des fels dont elle eft mélée, elle a contribué encore a fertilifer le terroir. Les fréquentes tempêtes qui fe font fentir au printems, préfervent l'air de corruption , fechent la terre & difperfent les pluies fur la furface du globe. Et quelle bénigne influence n'ont pas fur la fécondité de la terre ces orages, qui durant 1'été excitent la terreur des gens timides & craintifs! Avec chaque pluie d'orage le Créateur verfe fur la terre fes précieufes bénédictions. Onpeut, fans rien outrer, foutenir avec alfurance, qu'il n'y a aucune révolution dans 1'air ou fur la terre, qui ne contribue d'une maniere direcle ou indirecte a la fertilité de notre glo-  aao CONSIDÉRATIONS be. Chaque faifon ramene les phénomenes qui lui font particuliers; & chaque phénomene de la nature produit des effets dond'heu eufe mfluence eft plus ou moins vifible. Même "es Meaux qui caufent un dommage effecuf a eer taines contrées de la terre, ne font qu'un mal particulier qui contribue a remplir des vues bientaifantes, puifqu'il en réfulte des avanta- Ër ET T°ndS C°nfidéré da"s IWemblS. Jar-tout, & en tout tems, je reconnois tes tendres foins & les effets de ta gratuite ó Créateur tout fage & tout bon « iJrJT'l dU ^ & > ta louange xY- tevede l orbiteque par court la terre jufqu'aux cieux tantot parfeme de fleurs , tantöt couvert de neige } iciornedepampres, ld couronné d'épis ,■ il eclebre ta gloire &unit fes accords d thoJoniê dcTfpkl res. Quand la neige g? la glacé changent en déferts nos prauies quand Coragan mugit dans les airs, quand ton éclair fait trembler les humains , quand les fleuves fortant deleur lit fubmergent les cLpa~ gncs, quand tous les élémens fembünt confpirer la defliu&ron du monde, c'efl alors que tu prépare, ^xhabüansde la terre la joie, Üfalatf iffiZ Uhti, Uabondance. uJcr- Ici je me repréfente les divers moyens dont Dieu fe fert pour fertilifer, fi Ton peut s'expnmer ainfi, Ie monde moral. Pour conduire 1 homme au fentiment de fa deftination,4 1 horreur du pêché & a la pratique du b „ Dieu emploie des moyens tantót doux, tantó violen., auelquefois il juge a propos d'éSIer fortement le pécheur, de déployer fur lui des jugemens féveres & des chatimens delon- 1! n JïïT' 3fi" dC l*Jévema de fon fom^n. üparle aux cceurs endurcis, comme aux Ifraé-  Sur lf.s ceuvres de Dieu. aai litesfur le Sinaï, avec des éclairs & une voix de tonnerre. Pour d'autres, il emploie des moyens oppofés, il cherche a les arracher a la vanité & au vice, & a les attirer a lui par la douce voix des bienfaits. J'en fuis un témoin vivant, & je reconnois, 6 Seigneur, a la louange de ta grace que tu as mis tout en ufage pour me conduire a toi. Tantót il t'a plu d'appefantir tamain fur moi , & de confondre mon orgueil par divers chatimens. Tu m'as envoyé des maladies & d'autres revers pour me porter a réfléchir fur mes égaremens. D'autres fois, tu as elfayé de m'attirer par les voies les plus douces, tu m'as comblé de biens & de gratuités, & tes faveurs femblables a une pluie falutaire du printems fe font épanchées abondamment fur moi. Mais qu'as-tu obtenu de moi en me fourniffant tant de moyens de converfion ? Ai-je porté les fruits qu'un bon terroir ne refufe jamais quand le ciel lui eft favorable ? Ah! mon cceur étoit femblable a un rocher qu'aucun tonnerre ne fauroit ébranler, qu'aucune pluie ne fauroit amollir. Ils font infructueux jufqu'ici la plupart des moyens que tu as mis en oeuvre pour me ramener des fentiers de 1'erreur; mais le feront-ils toujours? Non: il eft tems que je devienne plus docile, plus difpofé a t'obeir. Plus je voudrois dirférer a me repentir, plus mes péchés & mes vices s'accroitroient, & plus j'aurois de peine a les extirper de mon cceur. Je me borne a te demander une grace , ó mon Dieu, c'eft que tu ne ceifes jamais de travailler a ma converfion. Tu peux ou m'effrayer par tes menaces , ou me raifurer par tes promefles, me conduire a toi paria rigueur des chatimens ou par 1'attrait des bienfaits; je bénis d'avance  22i CONSIDERATIONS tons les moyens de falut dont ta fageife fera vewllesen uferamon égard, fais que e re tourne a toi & que je devienne fertUe cVboi. nes ceuvres. n DOUZIEME MARS. Des avantages que procure la mer. idohf ^"P-^ï fuperficiel jetté fur notre globe, donneroit ieu de emir*. n„"ji > joint une jufte proportionSe'? enlue" d eau & 'etendue de terre ferme. Au prenner a pedl, il paroit que cette immenfe quantiS d eau qui en 0 une fi pa J^"^ Sr a'S e."ceG1' comnle mille autre! ^^^^^ ZI «Sta "pt Sr'" n,0itié ^es vaS nefeoicpas ftam™?^ *SSfc* * «™  Sur les ceuvres de Dieu. m% me, ce qui n'auroit point été poffiblc li elle n'edt rempli qu'un moindre efpace. t La mera donc été faite le réfervoir general des eaux , afin que la chaleur du foleil eu attirat des vapeurs, qui après cela retombent en pluie, ou , lorfqu'elles s'aifemblent au haut des montagnes, deviennent les fources des ruilfeaux & des fleuves. Si 1'étendue de la mer étoit plus reiferrée, il y auroit beaucoup plus de déferts & de contrées arides, paree qu'il tomberoit moins de pluie & qu'il y auroit moins de fleuves. Et que deviendroient les avantages qui refultent du commerce, fi ce grand amas d'eau n'exiftoit pas? Dieu n'a pas eu deifein qu'une partie du globe fe trouvat totalement indépendante des autres; tout au contraire, il a voulu qu'il y eüt des relations entre tous les peuples de la terre. C'eft pour cela encore qu'il 1'a entrecoupé de mers, afin d'ouvrir aux hommes une communication avec ceux qui habitent les parties de la terre les plus éloignées des autres. Comment pourrions-nous acquérir nos richefles & nos tréfors, fi nous étions réduits a les chercher a J'aide des chevaux & des voitures. Comment le commerce pourroit-il avoir lieu, fi la navigation ne nous en ouvroit la voie la plus facile! Dans ce partage de notre globe en eau & en terre ferme, je reconnois donc, ó mon Créateur , une nouvelle preuve de ta fageife & de ta bonté. Quelque éloigné que je fois des rivages de la mer, je me relfens journellement de fon heureufe influence. r \ Ah! fi encore a 1'égard de ce bienfait j'étois plus reconnoiflant envers Dieu ! Si la connoiffance de fes attributs adorables dont le ciel,  224 CONSIDÉRATIONS la terre & la nier m'offrent 1'empreinte, pouyoit m exciter a glorifier fon faint nom ' Oui Seigneur, mon cceur eft difpofé a te rendre les actions de graces qui te font dues. Aflifte-moi par la vertu de ton efprit afin que ma rcconiioiflance te foit agréable. Mais peut-être ne luis-je pas touche dece bienfait autantque ie devrois letre. D'autres nations peut-ètre en ientent mieux tout leprix: mais n'y eut-ilaucun peuple qui fe fouvïnt de tes faveurs? la mer elle-menie feroit un témoin de ta puiifance cV ie heraut de ta merveilleufe bonté. Car toutes tes créatures, la mer aufli-bien que la terre & tous leurs habitans célebrent ta gloire, o Dieu tout bon ! TREIZIEME MARS. Be la différence qu'il y a entre les animaux g? les plantes. Les différences qui exiftent entre les animaux & les plantes, font fi confidérables & fi Vihbles, quil ne faut qu'un examen fuperficiel pour s en aflurer. Sans contredit la plus remarquable de ces diflérences confifte en ce que les animaux ont la faculté de fe mouvoir & de changer de lieu; faculté dont les végétaux lont totalement privés. Une différence plus eüentielle encore, c'eft la faculté de fentir qu on ne fauroit difputer aux animaux, tandis qu on ne peut 1'accorder aux plantes. A cela il faut ajouier la maniere de fe nourrir, qui diftingue encore les plantes des animaux 5-eux-ci , au moyen des organes extérieurs, font  Sur les ceuvres de Dieu. 22f font en état de choifir les alimens qui convien-v nent a leur nature; les plantes au contraire font obligées de recevoir la nourriture telle que la terre la leur offre, fans y faire aucun choix. Cette nourriture leur ett fournie par Thumidité de la terre, & par Paction des vaiffeaux des feuilles qui pompent & attirent les fucs nourriciers répandus dans l'air. Le nombre des efpeces eft bien plus confidérable dans le regne animal que dans le regne végétal: feulement parmi les infectes, il y a déja peut-être un plus grand nombre de claffes, en y comprenant celles qui ne fauroient être appercues qu'a l'aide du microfcope, qu'il n'y a d'efpeces de plantes vifibles fur la fuperfkie du globe. D'ailleurs, les animaux n'ont pas tantdeconformités entr'eux que les plantes en ont les unes avec les autres, & cette grande reifemblance rend celles-ci difficiks a claflifier. Une nouvelle circonftance qui établit la différence entre les deux regnes, c'eft la maniere dont les animaux & les végétaux fepropagent; maniere très-diftincte malgré les rapports accidentels qui s'y trouvent. Et qui n'apperc,oit encore une différence bien marquée entre les animaux & les plantes, a 1'égard de la demeure des uns&des autres? Le feul lieu oü les plantes peuvent croitre & fe perpétuer c'eft la terre: la plupart s'élevent au - deffus de fa furface & font attachées au fol par des racines plus ou moins fortes; d'autres font entiérement fous la terre; un petit nombre d'entr'elles croiffent dans Peau, mais pour être durables, il faut qu'elles jettent des racines en terre. Le féjour des animaux, au contraire, eft moins borné & ils fe difperfent plus avant dans le monde. Une multitude innombrable peuple la furface, Tornt l, p  22$ CONSÏDÉRATIONS & 1'ihtérieur de Ia terre; quelques-un« habitent au fond de la mer, d'autres parcoiirent les eaux a une aflèz grande hauteur. Plufieurs vivéht dans les airs , dans les végétaux , dans des corps d'hommes & d'animaux, dans des matieres fluïdes & mème dans les pierres. Si 1'on confidéré les animaux & les plantes a 1'égard de leur grandeur, on y trouvera encore des difterences aifez marquées. Entre la groffeur de la baleine & celle de la mite, 1'intervalle eft bien plus confidérable que depuis le chêne le plus élevé jufqu'a la plus petite moufle. Enfin c'eft fur-toutdans la figure que confifte la différence la plus générale & la vifible entre les animaux & les plantes: la plupart des premiers ont a eet égard un caradere fi marqué qu'il eft impolfible de les confondre avec les végétaux. Cependant gardons-nous de croire que nous ayons parfaitement dccouvert les bornes qui féparent le regne anima! du regne végétal, & approfondi tout ce qui les diftingue. La nature , pour diverfifier fes ouvrages , fe fert de nuances prefque infenfibles: dans 1'échelle des êtres la perfedion s'accroit fucceflivement & monte par des milliers de degrés , enforte qu'une efpece plus parfaite ne diftere jamais que de fort peu de celle qui la précede immédiatement. Qu'elles font étroites les limites qui féparent les plantes des animaux! II y a des plantes qui paroiifent fenfibles, & des animaux qui femblent dépourvus de fentiment. Rieh neprouve mieux ce que j'avance que les découvertes qu'on a faites dans le corail. Autrefois on s'accordoit a regarder les coraux comme des plantes marines, mais a préfent on a de fortes ratfbns pour les tranfporter dans  Sur les ceuvres de Dieu. 227 le regne des animaux, car ce qu'on avoit pris jufqu'alors pour une fleur, s'eft trouvé êtreun véntable animal. Ainfi chaque ordre de créatures arrivé infenfiblement a laperfection par des degrés innombrables. Pluson multiplie les obfervations, plus on a lieu de fe convaincre qu'on ne peut déterminer au jufte les bornes des trois regnes, minéral, végétal & animal, & qu'entre 3a plupart des créatures, il fe trouve plus de conformités que de diffemblances. Du moins eft-ilfür, que leslimites qui féparent les créatures plus parfaites de celles qui le font dans un moindre degré, deviennent enfin imperceptibles pour des efprits aufli bornés que les nótres. Tout ce qui vient d'ètre dit doit te perfuader, ö homme, que le monde, avec toutes les créatures qu'il renferme, eft 1'ouvrage d'une intelligence infinie. Tant d'harmonie & tant de differences, tant de variété & a la fois tant d'uniformité, ne peuvent provenir que de PEtre tout-puiifant, tout fage & tout bon, qui a créé 1'univers & tout ce qui fubfifte. Que ton cceur s'éleve vers lui! Va de la pierre a la plante , de la plante a la brute, de la brute a l'homme; & de l'homme aux efprits céleftes. Puis élance-toi vers 1'Etre infini, incommenfurable, préfent par-tout, le Créateur de la terre, le confervateur des plantes , le protecteur des animaux, le pere des humains, ie roi des efprits! Mefure, s'il fe peut, mefure fa grandeur. Effaie de fonder la profondeur de fa fageife! — Etre trois fois faint! les efprits crée's font trop foxbles pour connoitre toutes tes ceuvres: elles font immenfcs, & pour les raconter, ilfaut être infini J? a  228 CoNStDÉRATIONS comme toi. Ainfi, ó chrétien, moins tu^es en etat de concevoir jufqu'oü s'étend la fageife de Dieu, plus tu dois t'empreifer a méditer fa grandeur & fur-tout a imiter fa bonté autant que tu en as le pouvoir. Tu le vois , aucune creature n'ell privée des foins bienfaifans de lEtre infini; lis s'étendent fur la pierre & fur ia plante, auffi-bien que fur les animaux & fur Jes humains. Devant lui, en quelque forte, il n'eft point de diftinclion. II exerce fa gratuite envers toutes les ceuvres qu'il,a faites. Chrétien , a eet égard encore cherche a imiter ton auteur. Tu occupes , il eft vrai, un rang diftingue parmi les êtres créés, mais garde-toi bien d'ètre cruel & tyrannique envers les créatures qui paroiifent avoir recu moins de prérogatives que toi. Tache plutót de jouir avec reconnoiifance & modération, de toutes les créatures que Dieu te donne pour en faire nlage, afin qu'en toutes chofes Dieu foit g!orifie par Jéfus-Chrift, a qui appartiennent i nonneur, la louange & 1'aclion de graces dés maintenant &. a jamais. Q.UATORZIEME MARS. Uniformité& diverfité des auvres de la nature. Xj E ciel qui eft au-deifus de nos têtes & la terre qui eft fous nos pieds, reftent toujours Jes memes de fiecleen fiecle, & cependant ils nous donnent de tems a autre des fpeclacles auffi vanes que fuperbes. Tantöt le ciel eft couvert de nuages, tantöt il eft ferein, tan-  Sur. les ceuvres de Dieu. 219 tót bleu, tantót peint de diverfes couleurs. Les ténebres nocturnes & clarté du midi, les feux éciatans du foleil & la lueur plus pale de la lune fe fuccedent réguliérement. L'efpace incommenfurable du ciel paroit tantót défert, tantöt femé d'un nombre infini d'étoiles. Et de combien de changemens & de révolutions notre terre n'eft-elle pas le théatre? Depuis quelques mois, uniforme & fans parure, la rigueur de l'hiver lui a ravi fa beauté; bientót le printems va rajeunir fa face; 1'été nous la montrera plus belle & plus riche encore; & après quelques mois 1'automne verfera dans notre fein des fruits de toute efpece. D'ailleurs , quelle variété fur notre globe d'une contrée a l'autre! Ici, dans un terrein plat & uni s'offrent des plaines dont 1'ceil ne peut embraffer les limites, non plus que les différentes beautés. La, s'élevent de hautes montagnes couronnées de forèts; a leur pied de fertiles vallons font arrofés par des ruiifeaux & des rivieres. Ici, des gourfres & des précipices, la des lacs dont les eaux font immobiles, plus loin des torrens impétueux. De tous cótés 011 apperqoit une variété qui récrée les yeux, & ouvre le cceur au fentiment d'une joie douce & pure. Ce mème affemblage d'uniformité & de diverfité, fe retrouve dans tous les végétaux de notre globe: ils tiennent tous de leur mere commune la même nature, & la même nourriture; ils ont tous la même maniere de germer & de croitre : cependant quelle prodigieufe différence entre un brin d'herbe & le chène! Tous enfemble font rangés fous certaines clalfes : ceux qui font de la mème efpece fe reffemblent beaucoup a la vérité, & malgré cela combien de dilférences n'apperqoit-on pas  3?0 CONSIDÉRATIONS entre les uns & les autres ? II en eft de même leiïïïI animaux=> ftgeffe du Créateur les a egalement partagés en plufieurs clafles, & quelque diverfité qu'il y ait entr'eux il TfclZtV^™ t0üjours des "PP» » eüentiels. II y a meme un certain degré de con- fornute entre l'homme & 1'animal de 1'efpece la plus infeneureyQpelque élevé que foit Ï W me a plufieurs égards fur les animaux n'a t i pas en commun avec eux, & même avec es n elt-ce pas le foleil, l'air, Ia terre & 1'eau qui muriüent, fe fanent & meurent; & ces mêmes humainelT11CeS diverfités! La ™»™ reünierft -°US l? tems & chez 1^ peuples eft toujours la même. Et ceoendanc t>hSTu ^ Ce"e m"l"tude mnom que individu a une figure qui lui eft proore une phyfionomie & des talens particuliers^ui juiqu a un certain point fervent a le diftin ceuvres le rZT 3It/0u " ™"re dans fes ceuvres le plus haut degré de variété ani f« trouve compatible avec la ftructu effenriel e cïifl>; J 110 re glübe^ fe dlvifent en trois Cercl£Slnei"aUX' Végétaux' & animaux. en efn5« fWagent !n genres> les ^nres ' 2 ' f ^«inede celles-ci confprend vLÏÏne,T°mhlMe d'i"dividus. De-la vient quil n'eft pojnt de créat jf lé f fa  Sur les ceuvres de Dieu. . a?i terre , ou qui fe trouve dénuée de rapports ayec d'autres êtres de la même efpece. Et il n'eft point d'efpece particuliere qui n'ait une lorte de connexion avec les autres, ou des rapports généraux avec le refte du monde. De eet aifemblage d'uniformité & de diverfité qui s'étend jufqu'a lïnfini, dérive i'ordre & la beauté de 1'univers. La différence qui a Heu entre les créatures de notre globe, demontre la fageife du très-haut, qui a voulu que chaque être accupat un rang détermine, & qui a tellement fixé leur deftination qu'il eroit impoflible d'anéantir les rapports & les oppofitions qu'il a mis en eux. Même les plus petits ouvrages de la nature, ceux qui fe deroberoient a nos yeux s'ils n'étoient armes d'un microfcope, offrent tant d'unité & de variété, qu'ils élevent néceifairement notre ame a la contemplation de la fageife infinie du Créateur. , Oui, Seigneur notre Dieu , tu as tout réglé avec fageife, tu as tout rapporté a 1'utihte & aux plaifirs de tes créatures. Maintenant que je n'ai fait que jetter un regard fuperdciel fur la diverfité de tes ouvrages, Ven fuis rayi d'étonnement. Que feroit-ce fi j'étois capable de pénétrer plus avant dans 1'effence des etres, & d'en connoitre pleinement la ftructure! Cependant, ó pere des lumieres, fource eternelle de la fageffe, je te rends graces pour ce foible degré de connoiifance que tu me permets d'en avoir. Que je ne ceffe jamais d'envifager comme le devoir le plus agréable , celui de méditer tes merveilles & de te retrouver dans chaque objet de la nature. Bientót nos contrées nous offriront le fpectacie des beautés variées que le printems répand fur la terre. P 4  i?» CONSIDERATIONS Je me réjouis d'approcher de ce momentta iageiie & de ta bonté. aUINZIEME MARS. TDes graines. Ous les végétaux viennent de grainesmats la pjupart d'cntr'elles ne font point fe-' m A'ï Ppem mème aux yeux deshomvueeUef 3 'latUre ?ui leS l,,fPerfe- Da"* cetTe de dnlP?l'garni qUeiqUeS ^li"es d'une efpece lt0ud a,gre«esqui leur fervent comme d ailes pour pouvoir être emportées & diüeminees parle vent. D'autres graines font mennes & affe2 pefantes pour tomi Perpen diculairernent fur la terre, &pour s'yinfiSr fans qu'elles aient befoin d'autrefecours D'autres plus grandes & plus légeres,& qui pour roient etre emportées parlement ojfóuven Et'cTou'ü v Yldi fédrh™ d>=S fit ce qu il y a deplus admirable, c'eft que la nature femble avoir confié a quelques oifeaux le foin de p anter des arbres. lis fe,ne„t Jeï cïïnf 'rqU' P0u/rent enfuite & iS? diêïe; 0,1 ■ VU dGS Corbeaux Planter de. clienes, & yoici comment ils s'y nrennenc pour cela. I1S font avec leur bec un frou, óiï  Sur les ceuvres de Dieu. a?? ils laiifent tomber un gland qu'ils crouvrent enfuite de terre & de moufle. 11 ne faut pas croire qu'ils faffent tout cela dans 1'intentiont de planter des arbres: ils y font uniquement pouifés par 1'inftinct. Ils enterrent le gland pour s'en nourrir, celui-ci germe & devient un cliène. Diverfes femences, par leur goüt & par leur odeur agréable, invitent les oifeaux a les avaler, a les tranfporter ainfi avec eux c,a & la, & a les rendre fécondes par la chaleur de leurs inteftins; après quoi lorfqu'ils les ont gardées quelque tems dans 1'eftomac , ils les laiifent tomber en terre oü elles prennent racine, poulfent, fleurilfent & produifent de nouvelles graines. Admirez-ici, mon cher lecteur, les fages & tendres attentions de votre Créateur. Si la diffémination des femences dans les prairies & dans les forêts avoit été entiérement abandonnée aux foins des hommes, dans quel mauvais état ne feroient pas les prairies & les forèts? Mais voyez comment, au retour du printems, 1'herbe & les fleurs fortent de la terre & l'embellhTent, fans que les hommes y aientcontribué en rien. Pere tendre & bienfaifant, quel n'elipas ton amour pour tes créatures, & que ta fageife eft admirable ! Mais ce n'eft pas encore la tout ce que les graines nous offrent de merveilleux. Ce qui mérite encore notre attention , c'eft que la plante entjere , quelque grande & étendue qu'elle foit, eft cependant cachée dans Pefpace étroit de la graine. Toute la tige du chène, fes feuilles, fes branches, & fes racines fe trouvent déja dans le gland. II y a plus : comme la confervation & la propagation de toute Pefpece dépend eu grande partie de lafemence, le Créa-  2?4 CONSIDÉRATIONS teura eu foin de Ia garantirfuflifamment. Dans les plantes qui reftent toute 1'année en terre, avec quelle précaution les fleurs & les graines ne font-elles pas renfermées pendant l'hiver dans les boutons, oü elles font bien garanties, & couvertes detuniques clofes & artiftement rangées ? A 1'égard des plantes qui ne peuvent tenir contre le froid de l'hiver, elles font confervées fous terre par leurs racines ou leurs fruits , jufqu'a-ce que la douoe chaleur du printems les faife regermer. Quelques femences font logées au milieu du fruit, celles-ci dans des écolfes & des goutfes, celles-la dans des capfules & descoques de bois; mais chaque graine eft garantie & défendue de la maniere la plus convenable a fa nature. Par-tout, ó mon Créateur, par-tout je te vois & je te reconnois. Les moindres ouvrages de la nature manifeftent ta fageife & ta bonté. A préfent que le laboureur eft occupé aconfierles femences a la terre, fais, ó mon Dieu, que je m'occupe fréquemment & vivement de toi. C'eft-toi qui as donné a la femence la vertu de germer & de produire, c'eft-toi qui la eonferves pendant la mauvaife faifon, & c'eft par toi qu'au bout de quelques mois, elle ferta notre nourriture & a nos plaifirs. , SEIZIEME MARS. Sur la grandeur &f la diflance du foleil. S I vous n'avez encore jamais bien fenti 1'extrème petiteife de notre globe, & votre propre néanc, peuc-ètre, mon cher lecteur, que vous  ■ Sur les ceuvres de Dieu. a?f fentirez vivement 1'un & Pautre fi vous confidérez ce corps immenfe qui communiqué la lumiere & la chaleur, non-feulement a notre terre, mais encore a une multitude d'autres mondes. Le foleil eft prefque au centre du fyftème planetaire, & il y eft en quelque forte comme le monarque de feize mondes; car les fix planetes du premier ordre, & les dix planetes fecondaires, ne font autre chofe que des mondes, qui reqoivent du foleil leur lumiere, leur chaleur, & leur mouvement intérieur. Cela feul pourroit fuffire pour montrer que eet aftre doit être d'une groffeur prodigieufe, & ce quile confirme encore c'eft fa grandeur vifible nonobftant 1'immenfe diftance ou il eft de nous. Mais il ne reftera aucun doute ladelfus, fi 1'on admet les calculs & les mefures des aftronomes. II en réfulte que le diametre du foleil eft au moins cent fois plus grand que celui de la terre; & cela étant, il faut que le globe du foleil foit pour le moins un miilion de fois plus grand que le nótre. Peut-ètre qu'il feroit plus facile de déterminer au jufte fa groifeur, fi fa diftance de la terre n'étoit pas fi prodigieufe. Les aftronomes varient fur cette diftance; mais en tenant le milieu entre le plus grand & le moindre éloignement qu'ils aifignent, cette diftance fera de vingt-deux mille demi-diametres de la terre. Or, le demidiametre de la terre eft de huit cent cinquante lieues d'Allemagne. Ainfi le foleil, dans fa moyenne diftance , eft éloigné de nous de dixTiuit millions, neuf cent & vingt mille lieues d'Allemagne. Cette diftance eft parfaitement attortie aux effets de eet aftre & a 1'influence qu'il a fur nous. Quelques planetes font plus prés de lui 5 mais fi notre terre étoit a  Considérati-ons leur place, elle feroit réduite en cendres. D'autres planetes font fi éloignées, qu'au cas que notre globe Kit a une pareille diltance, il feroit enveloppé d'une obfcurité affreufe & perpetuelle, & il feroit abfolument inhabitable. Kous lorames cependant fondés a croire que ces mondes , qui font ou plus voifins ou plus eloignes que nous du foleil, ont été rendus propres, par le Créateur, a être habités , foit que leur conftitution ou leur athmofphere ioient dirlerentes des nótres, foit que leurs Jiaoitans, etant d'une autre nature, puiifent loutenir le plus haut degré du froid ou de la chaleur. Mais peut-être que ce que nous venons de nire de la groifeur & de la diftance du foleil paroitra exagéré. Car notre ceil ne voit rien dauiii grarid que la terre que nous habitons, &c elt a e e que nous comparons ce foleil qui elt un milhon de fois plus grand. Cet aftre nous paroit petit a une telle diftance, & fur ce point nous fommes tentés d'en croire plutót nos yeux que notre raifon. Si Dieu nous avoit place fur une planete qui relativement a la terre hit auffi petite que la terre 1'eft par rapport au foleil, la grandeur de la terre nous paroitroit auffi peu vraifemblable, que nous le paroit a prefent celle du foleil. II n'eft donc pas etrange que nous foyons frappés d'étonne*ent en reflechilfant fur la groifeur & la diftance de cet aftre. Et fi lorfque nous examinons une mite ou un brin d'herbe, nous v découvrons tant de merveilles, que fera-ce d'un globe auffi grand & auffi brilla.it que 1'eft le loleil! Mais ce n'eft pas uniquement pour exciter notre admiration, que Dieu a placé ce bel attre dans le ciel. Cette admiration doit  Sur les ceuvres de Dieu. 237 nous faire remonter jufqu'a ce grand Etre qui eit le Créateur, le guide, & le confervateuc du foleil. En comparaifon de fa grandeur, la grandeur du foleil n'eft qu'un point; & 1'éclat de cet aftre n'eft qu'une ombre comparé a 1'éclat de la majefté du Seigneur. Quelle ne doit pas être la grandeur, la puiifance, & la gloire de celui qui a créé le foleil { Effayez de fuivre cette idéé, livrez-vous a cette méditation , & vous trouverez ici infiniment plus d'incompréhenfibilités encore, que lorfque vous réfléchiffezfur la grandeur du foleil. Si la terre eftfi petite en comparaifon de ce globe de feu, quelle ne doit pas ètre fon inexprimable petiteife en comparaifon du Seigneur! Si de la terre au foleil il y a un efpace fi immenfe j quelle inconcevable diftance ne doit-il pas y avoir entre nous & 1'infini! Qui eft fetnblable dtoi, 6 eternel ! Rien ne peut t'ctre comparé, Aucune louange ne fauroit être digne de ta grandeur, & aucun entendement, quelque fublime quil foit, ny fauroit atteindre. La fplendeur , la majejié la gloire i'environnent, ö toi qui es le principe gf la vie de tous les êtres. Tu t'enveloppes de lumiere comme d'un vêtement. Que notre conftante occupation foit de louer le Seigneur, toutes les fois que nous éprouverons les falutaires influences du foleil, qui eft le chef-d'ceuvre de fes mains. Quece témoin qui attefte la grandeur de Dieu , & dont nous pouvons recevoir & fentir a tout moment les dépofitions , nous apprenne combien notre Créateur eft digne d'ètre adoré, quels font les tendres foins aveclefquels il veille fur nous, & combien il mérite tout notre amour & toute notre confiance. Mais en admirant le foleil que nous voyons fur nos têtes, n'oubüons paj  2?8 CONSIDÉRATIONS de penfer a notre divin rédempteur, a ce foleil de juftice qui nous a vifités dans notre milere, & dont les rayons nous apr-ortent la guérilon, lat fan te & le falut. Les influences de ia grace lont auifi néceifaires a notre falut, que celles du lokil le font a notre vie naturelle. Nous ferions piongés dans la nuit la plus profonde, dans la nuit du pêché & du défefpoir, h par fa dodnne & par fa rédemption , il n'avoit apporte dans le monde la lumiere , la vertu, & la confolation. DIX-SEPTTEME MARS. Imperfiaion de la connoiffanee que nous avons de la nature. Po ur au oi donc le Créateur ne nous a-t-il pas donne Ia faculté d'avoir une connoifiance plus approfondie des phénomenes du monde corporel? II femble que les hornes de nos lumieres a cet égard foient directement contraires au but qu'il s'eft propofé. II veut que nous connoiflions fes perfections, & que nous magnifions fon nom. Mais le vrai moven de mieux connoitre fes glorieux attributs& de lesmagnifaer plus dignement, ne feroit-ce pas d avoir une connoiifance plus parfaite des ceuvres de la création? II me femble que ie pourrois d autantplus admirer la grandeur de 1'Etre &. co'ltrib«erd'autantplusefficacement a ja glonfication de fon faint nom, fi 3 etois en etat de faifir tout 1'enfemble , de connoitre la perfedion de chaque partie de découvrir toutes les loix & tous les reiforts  Sur les ceuvres de Dieu. a?9 de la nature. Si j'admire déja Pinfiniegrandeur de mon Dieu, a préfent que je ne puis connoitre qu'une partie de fes ceuvres, quels ne feroient pas mes feminiens, combien ne ferois-je pas abforbé dans la méditation de fes glorieux attributs , avec quelle profonde vénération ne 1'adorerois-je pas fi jepouvois pénétrer plus avant dans la connoiifance de la nature, & ii j'étois en état d'en expliquer avec plus de certitude tous les phénomenes! Mais peut-être que je me trompe enjugeant de la forte. Au moins elt - il certain , que puifque Dieu n'a pas jugé a propos de me donner une connoiifance plus approfondie de la nature , il faut qu'il foit plus glorifié a préfent felon la mefure de mes forees , qu'il ne l'auroit été dans une autre fuppofition. Et faut-il être furpris que dans mon état actuel je ne puiife pas découvrir les premiers principes de la nature? Les organes de mes fens font trop foibles pour pénétrer dans 1'eifence des chofes, & je nefauroisme formerune idéé corporelle des objets que mes fens ne font pas en état de difcerner. Or, de ces chofes qui ne fauroient être faifies par mes fens, il y en a une infinité dans le monde. Quand je veux me «pré* fenter les inhniment-grands & les infimentpetits dans la nature, mon imagination s'y perd. Lorfque je réfléchis fur la viteife de la lumiere, mes fens ne font pas capables de fuivre une telle vélocité. Et lorfque je veux me faire une idéé des veines & de la circulation du fang de ces animaux, dont on dit que le' corps doit être un miilion de fois plus petit qu'un grain de fable , je fens toute la foibleife ö*es facultés de mon ame. Or, comme la nature s'éleve depuis les infiniment-petits jufques aux  24° CONSIDÊRATIONS infiniment-grands, doit-on s'étonner que je ne puüfe pas en approfondir les vrais principes. Mais fuppofé que Dieu m'eüt donné la force & la fagacité nécefTaires pour embraifer la liaifon & Penfemble de 1'univCrs , de maniere que je pulfe pénétrer dans 1'intérieur de la nature, & en découvrir diftinctement les premières loix, qu'en réfulteroit-il? II eft vrai que j'aurois occaiion d'admirer dans toute ion étenduela fageife de Dieu dans Parrangement du monde; mais cette admiration ne feroit pas de durée. Peut-être que je reifemblerois a la plupart des hommes , qui dans leur inconftance^n'admirent les chofes qu'auffi long-tems qu'elles leur paroiifent au-deifus de leurs conceptions. Si j'avois une idéé claire & nette de tout le fyftème de la création, peut-ètre me croirois-je capable de former un pareil plan. En un mot , peut-être que je ne fentirois pns 1'infinie diftance qu'il y a entre le Créateur & moi, & qu'ainü je ne lui rendrois pas la gloire qui lui eft due. Je n'ai donc aucun fujet de me plaindre de ce que les connoiiiances que j'ai de la nature, font ii imparfaites: je dois, au contraire, en benir mon Créateur. Si 1'elfence des chofes m'étoit plus connue, peut être que je ne ferois pas aufli touché, aufli reconnoilfant envers Dieu que je le fuis a préfent; peut-être que je ne m'occuperois pas avec autant de plaifir de la contemplation de fes ceuvres, & que je n'y trouverois pas toujours une nouvelle fatisfa&ion. Mais a préfent que je n'ai, pour ainlidire, appris que les premiers rudimens du livre de la nature, je fens & la grandeur de mon Créateur & mon propre néant. A préfent chaque obfervation, chaque découverte que  Sur les ceuvres de Dieu. 2411 que je fais, me remplit d'une nouvelle admiration pour la puiifance & la fageife de Dieu. A préfent je fens s'allumer de plus én plus dans mon cceur le defir d'arriver dans ce bienheureux féjour, oü j'aurai une plus parfaite con«oiffance de Dieu & de fes ceuvres. Seigneur, conduis-moi par ton efprit, afin que je faffe un bon ufage des connoiffances que tu m'as accordées, & que je tache de les étendre continuellement. Ne permets pas qu'elles foient jamais infructueufes en moi, mais fais qu'elles m'excitent de plus en plus a te glorifier & a te fervir. Que pour cet effet, je me fouvienne toujours, que tu ne me jugeras point d'après la grandeur & la multitude de mes connoiffances, mais d'après le bon ufage que j'en aurai fait. DÏX-HUITIEME MARS. Utïlité des végétaux. C^Uand je confidéré Ie grand nombre & la diverfité des végétaux, j'y découvre, comme en toute autre chofe , les vues bienfaifantes de mon Créateur. Que peut-il en efFet s'ètre propofé en couvrant la terre de tant d'herbes diverfes, de tant de plantes & de fruits, fi ce n'eft 1'utilité & les plaifirs de fes créatures ? Les plantes font en fi grand nombre & fi variées, qu'on en compte déja audela de trente mille efpeces, & tous les jours on en découvre encore de nouvelles claffes & de nouvelles efpeces. Leur multiplication va a 1'infini. Qui ne feroit étonné, par exemple, Trnc i, Q,  CoNSIDERATIONS que d'un feul grain de maïs ou de bied de Turquie, il en provienne deux mille autres grains; & qu'une feule graine de pavot le multiplie au point qu'en deux ou trois ans on puifle en enfemencer tout un champ! Pourroit-on fe perfuader que dans cette multipiication prodigieufe des plantes, Dieu n'eüt point eu en vue Putilité de fes créatures ? II ne fauroit me refter aucun doute fur les intentions du Créateur, fa je confidéré Pufage qu'on a fait des végétaux depuis les tems les plus reculés. Tous ies jours les plantes & les fruits ne me fourniifent-ils pas les alimens les plus fains & les plus nourriffans? Mes vètemens , ma demeure , & les meubles qui me procurent tant de commodités & d'agrément, ne les dois je point pour la plupart au regne végétal ? II n'y a aucune partie des plantes qui n'ait fon utilité. Les racines fourniifent des médicamens, elles fervent a la nourriture, au chautfage, a faire de la poix, des teintures, & toutes fortes d'uftenciles. Du bois, on en fait du charbon, des batimens , du feu , des remedes, du papier, des teintures, & une multitude innombrable d'inftrumens. Ve'corce mème a fon utilité dans la médecine, dans les tanneries, &c. La aendre fert a engraiffer & a améliorer les terres, ablanchir la toile , a faire du falpétre , & 1'on fait ufage de la potaife dans la teinture. La ré fint eft utile aux peintres, on en fait des baumes, de la poix, du goudron; on fe fert de la térc'benthine en médecine, de la colophane pour verniifer, pour fouder , pour frotter les archets des inftrumens de mufique afin de les rendre plus fonores; du mafiic pour parfumer. Les fleurs récréent & réjouiffent tant par leurs couleurs que par leurs parfums, fer-  Sur les ceuvres de Dieu. 243 venten médecine, &fur-tout fourniiTentaux abeüles leur miel & leur cire. Les fruits, qui mLirifTentpeu-a-peu, fervent a notre nourriture, & on les mange foit tels qu'ils viennent de 1'arbre , foit après les avoir cuits, féchés, confits, &c. Mais les végétaux ne fervent pas feulemenfi aux hommes, ils font encore de laplus grande utilité aux animaux, dont la plupart n'ont point d'auüre nourriture. De-la vient que les prairies font fi multipliées, & qu'il y a- même une fi grande variété d'herbes & de plantes, afin que les dirférens animaux puhTent trouver celles qui leur font le plus convenables. Mais, ó pere célefte, oü. trouver des expreffions pour célébrer ta bonté ! Qui pourroit compter tous les préfens que le regne végétal nous fait par ton ordre? Ce qu'il y au moins de bien manifefle, c'eft que tous les arrangemens de ta Providence a cet égard , ont pour objet Putilité de toutes tes créatures. Tu as pourvu aux befoins de chacune en particulier; tu as affigné a chacune d'elles la plante qui convient le mieux a fa nourriture & a fa confervation. II n'y a aucune plante fur la terre qui n'ait fon but & fon utilité. Quels fentimens de reconnoiffance & de vénération ne dois-je donc pas éprouver a 1'afpect d'une campagne, d'un champ, d'une prairie ! Ici tes foins bienfaifans ont réuni ce qui eft néceifaire a 1'entretien & aux plaifirs des habitans de la terre. Ici, ö Dieu, tu ouvres ta main & tu raffafies a fouhait toute créature vivante. Ici chaque herbe , chaqui épi, chaque fleur , chaque arbre me prèche ta gratuité. Je ne ferai point fourd ni infenfible a cette voix fi intelligible, je goüterai & je favourerai combien tu es bon: je Q. a  3t44 CONSIDÉRATIONS m'encouragerai de plus en plus a metcre toute ma confiance en toi. DIX-NEUVIEME MARS. Dc laJlruBure du caur humain. .A-V E c quel art merveilleux & inimitable n'eft pas conftruit ce corps mufculeux , qui elt litué dans la cavité de la poitrine , & que 1'on appelle le cceur ! Sa figure eft en quelque forte celle d'une pyramide obtufe, & il eft fitué de maniere que fa pointe inclineun peu du cóté gauche. Sa fubftance paroit ètre un tiifu de quantité de fibres charnues, entrelaiTées avec nn artifice admirable, enforte que les extérieures s'étendent du cóté gauche du cceur vers le droit, & les intérieures du cóté droit vers le gauche. Ce vifcere a intérieurement deux cavités qu'on nomme les ventricules , qui font féparés 1'un de 1'autre par une cloiJbn charnue. La fe trouve une veine qui conduit le fang des parties fupérieures du corps dans le ventricule droit du cceur; une autre qui ramene le fang des parties inférieures dans cette même cavité; une artere qui le pouife dela dans le poumon; une autre veine par laquelle il revient du poumon dans le ventricule gauche, d'oü il eft diftribué dans tout le corps par la grande artere. Du cóté du ventricule droit eft une efpece de fac mufculeux qu'on appelle oreillette , & qui recpit le fang avant qu'il fe répande dans le ventricule droit; une autre oreillette non moins utüë aboutit au ven-  Sur les ceuvres de Dieu. a4J* tricule gauche, afin que le fang s'y arrête pendant une nouvelle contraction. Tout le fang paife par le cceur , il y entre Sc il en fort continuellement, & par les contractions de cevifcereil eft pouifédans toutes les parties du corps humain & il circule par toutes les veines. Lors même que tous les autres membres de notre corps font en repos, le cceur eft dans un mouvement perpétuel depuis le premier moment de notre vie jufqu'au dernier. En état de fanté, le cceur fe contracte au moins foixante fois par minute, & par conféquent trois mille fix cent fois par heure; & a chaque battement de pouls il jette environ deux onces de fang. La force qu'il doit employer pour cela, n'eft pas petite. Car pour que le fang foit pouifé de maniere qu'il parcoure feulement deux pieds dans la grande artere, il faut que le cceur furmonte une ré.fiftance de neuf cent quintaux, & par conféquent en vingt-quatre heures une réiiftance de feize millions de quintaux. Toutes ces chofes font également admirables & incompréhenfibles. Mais, s'il faut tant de pénétration & d'expérience, tant de lumieres & d'attention, pour fe former feulement quelque idéé de la ftructure du cceur, combien ne faudroit-il pas ètre infenfé pour croire que celui qui a fait ce merveilleux ouvrage, fut dépourvu d'intelligence & de lumieres, & qu'il eüt agi fans deifein , aveuglement & au hafard! Non, ó mon Dieu, Dieu immortel, je reconnois ta fageife & ta puiifance dans la formation de mon cceur ; 8c rempli d'étonnement & d'admiration je m'écrie: Grand eft le Seigneur notre Dieu! Grand eft le Créateur des hommes! Tes ceuvres font admirables & mer- a ?  ï<|t> CONSIDÉRATIONS veilleufes, Seigneur Dieu tout-puiflant! Créateur de toutes chofes, quelle eft ton infinie 'grandeur! O mon ame, quelle émotion n'éprouves-tu pas quand tu te livres a cette méditation ? Ah! puiilés-tu avoir ces feminiens toutes les fois que tu réfléchis fur la fage ftructure de ton corps ! Chaque fois que je refpire , je devrois me fouvenir de la bonté de Dieu; a chaque battement de mon cceur, je devrois, s'il étoit poflib'.e, bénir & remercier 1'auteur & le confervateur de ma vie. C'eft en fa main que font tous les mouvemens du fang & toute l'adtion du cceur. A la volonté de Dieu, le cceur ceffe de fe contracter & de fe dilater, le fang fe glacé dans les veiries & ne circule plus, tous les mouvemens vitaux s'arrètent foudain. C'eft uniquement par Dieu que j'ai la vie, le mouvement & 1'ètre. N'oublie donc jamais, ö mon ame, la reconnoiifance & 1'amour que tu dois au Seigneur. Confacre-toi a fon fervice avec tous les membres de ton corps, & que ton cceur foit toujours pénétré de refpect & d'amour pour lui. VINGTIEME MARS. Du changement dei faifons. Les climats les plus chauds, aufli-bien que les plus froids, n'ont dans 1'année que deux faifons qui foient véritablement différentesi Les pays les plus froids ont un été d'environ quatre mois, pendant lefquels la chaleur eft trës-fórte a caufe de la longueur des jours : leur hiver eft de huit mois. Le printems &  Sur les ceuvres de Dieu. 247 1'automne y font prefque imperceptibles, paree que dans trés-peu de jours une chaleur extréme fuccede a un froid exceilif, & qu'au contraire les grandes chaleurs font immédiatementfuivies du froid le plus rigoureux. Les pays les plus chauds ont une faifon feche & brülante pendant fept a huit mois: viennent enfuite des pluies qui durent quatre ou cinq mois, & cette faifon pluvieufe fait la différence de 1'été & de l'hiver. Ce n'eft que dans les climats tempérés qu'il y a quatre faifons réellement différentes dans 1'année. La chaleur de 1'été diminue par degrés, de forte que les fruits d'automne ont le tems de mürir peu a-peu fans ètre endommagés pat le froid de l'hiver. De même, au printems, les plantes ont le tems de poulfer & de croitre infenfiblement, fans être détruites par des gelées tardives, ni trop hatées par des chaleurs précoces. En Europe, ces quatre faifons font particuliérement fenlibles dans 1'Italie fupérieure & dans les parties méridionales de Ia France. A mefure que 1'on avance versie nord ou vers le fud, les printems & les automnes font moins marqués & plus courts. Prefque dans toute la région tempérée, 1'été & l'hiver commencent d'ordinaire par des pluies abondantes & qui durent long-tems. DepuislamiMai jufqu'a la Saint-Jean , il pleut plus rarement, après quoi les fortes pluies reviennent & continuent jufqu'a la fin de Juillet. Les mois de Février & d'Avnl font d'ordinaire très-inconftans. Si les neiges fondues & les pluies s'arrètoient fur la terre fans s'écouler & fans s'évaporer, 1'eau monteroit annuellement ala hauteur d'un pied & trois quarts dans la plupart des pays. Q 4  *48 CONSIDÉRATIONS Ce changement des faifons mérite toute notre: admiration. On ne fauroit 1'attribuer au Jiaiard; car dans les événemens fortuits il ne peut y avoir ni ordre ni conftance. Or, dans tous es pays du monde, les faifons fe fuccedentles unes aux autres avec Ia même régua"teiu,e,Ies nu«s aux jours, & changent laiped de la terre précifément au tems marqué. Succeffivement nous la voyons parée tantóe dherbes & de feuilles, tantót de fleurs, tantót de fruits. Enfuite elle eft dépouillée de tous les ornemens, jufqu'a-ce que Ie printems revienne & la reflufcite en quelque forte. Le printems, i ete & 1'automne, nourrilfent les hommes & les animaux, en leur fourniflant des fruits en abondance. Et quoique la nature parome morte en hiver, cette faifon ne laiife pas dayoir aufli fes bénédictions: car elle humecte & fcconde la terre, & par cette préparation , elle la rend propre aproduirefes plantes & fes fruits quand le tems en fera venu. Keyeille-toi donc , mon ame, pour louer & pour benir ton Dieu & ton bienfaiteur. C'eft aujourd huique recommence cette faifon charmante qui t'ouvre une fi agréable perfpecïive pour 1 avemr, & qui te confole des triftes jours de 1 hiver qui vient dè s'écouler. Le printems s approche chaque jour, & avec lui mille plaifirs & des bienfaits fans nombre. Combien nV a-t-il pas de mes freres qui ont fouhaité de vivre afiez pour voir le renouvellement de Ia nature , & pour fe remettre pendant les beaux jours du printems de tout ce qu'ils avoient lourfert pendant Ia mauvaife faifon. Mais ils n ont pas eu la confolation de voir ce jour, & ieur vie s eft eteinte avant la fin de l'hiver. ffus favonfe que plufieurs miilions de mes  Sur les ceuvres de Dieu. 249 femblables, qui ont été enlevés par la mort depuis le commencement de l'hiver jufqu'au jour préfent, je vis encore & je puis me livrer a la joie qu'infpire 1'arrivée du printems. Mais combien de fois n'ai-je pas déja vu cette faifon fans penfer a la bonté de mon Créateur, fans que mon cceur fe foit ouvert a la reconnoiifance & a 1'amour! Peut-ètre eft-ce ici le dernier printems que je verrai fur la terre. Peut-ètre que lorfque 1'équinoxe reviendra, je ferai déja un habitant du tombeau. Que cette penfée m'excite donc k fentir d'autant plus vivement le bonheur dont mon Créateur me fait jouir, a être plus touché de fes bontés envers moi, a gouter avec plus de précaution les plaifirs du printems, & a racheter avec plus de foin les inftans de cette vie palfagere & fugitive. II y a encore une réflexion que le changement des faifons peut me donnet' lieu de faire. Comme les faifons fe fuccedent dans la nature» elles fe fuccedent aufli dans le cours de ma vie, mais avec cette différence que celles qui font écoulées ne reviennent point. Deja il n'eft plus ce printems de ma jeuneife qu'accompagnoient la beauté, 1'enjouement & les graces. L'été & 1'automne de ma vie , faifons oü je devrai montrer au monde des fruits parvenus a leur maturité , approchent de jour en jour. II eft trés - incertain fi j'atteindrai l'hiver de la vieilleife. Peut être je mourrai dans la vigueur de Page. Seigneur, que ta volonté foit faite. Pourvu que je perfifte jufqu'a la fin dans la foi, dans la vertu & dans la piété, ma vie, quelque courte qu'elle puiife ètre, aura toujours été aifez longue & aifez heureufe.  considérations VINGT-UNIEME MARS. Sur diverfes chofes guiparoijjent d'ètre d'aucune utdite'. S'Il y a une fage Providence qui gouverrte le monde, il femble qu'elle doive s'étendre jufques fur les plus petites chofes & les moindres événemens , enforte qu'il n'arrive rien qui ne foit d'une utilité manifefte. Mais combien de chofes n'y a-t-il pas dans le monde qui ne font utiles a rien. Le vent du nord frappe & difperfe les fleurs des arbres, elles fe flétriffent & ne font d'aucun ufage. Des graines qui auroient pu produirede nouvelles plantes, périffent fans donner du fruit. Des multitudes innombrables d'infectes, font non-feulement inutiles, mais mème très-nuifibles aux hommes, aux bètes, & aux végétaux. Quantité d'hommes Sc d'animaux ne font que fe montrer fur la terre , & difparoiifent foudain. D'autres nailfent difformes & monftrueux, ou deviennent impotens. Combien de facultés & de talens fe perdent faute de pouvoir être employés! Combien de bons projets & d'entreprifes utiles échouent avant que de parvenir a leur maturité! Tout cela pourroit-il avoir lieu ii un Etre infiniment fage gouvernoit 1'univers? Mais, ö vous qui ofez révoquer en doute Dieu & fa Providence, avez-vous donc une connoiifance aifez parfaite de toutes les chofes, & des relations qu'elles ont les unes avec les autres, pour pouvoir dire avec une entiere certitude: ,ceci neferta rien, cela eft abfolu-  Sur les ceuvres de Dieu. ayi ment inutile ? N'oubliez donc jamais combien vos lumieres font foibles & bornées. Votre devoir eft de garder un refpectueux filence, d'adorer, & non pas de critiquer les ceuvres du Seigneur, qui adonné tant de preuves de fa fageife, dans une infinité de chofes dont 1'utilité eft manifefte & nous eft parfaitement connue. Confidérez d'ailleurs qu'une chofe peut ètre utile de différentes manieres, mais que tandis qu'elle fert a une fin, elle ne fauroit dans le mème tems fervir a une autre. L'infecte qui, dans fon enfance, devient la proie des hirondelles, ne peut point, fans doute, produire une nouvelle génération; les efforts que 1'alchymifte fait pour trouver la pierre philofophale ne font, a la vérité, d'aucun fuccès pour la formation de 1'or : mais 1'infecte eft au moins utile en ce qu'il fert de nourriture a 1'hirondelle, & les tentatives du chymifte nous ont au moins valu cette belle porcelaine dont nöus jouiifons a préfent. Vos larmes ne peuvent fléchir cet homme féroce & cruel qui abufe de fon pouvoir pour opprimer le foible; mais quoique vos intereeflions en faveur de ce miférable foient inutiles, vos larmes ne font point perdues, elles fervent a entretenir la fenfibilité de votre cceur, & il y a un Etre qui recueille ces larmes précieufes pour les enchaffer dans la couronne qui doit un jour déco'rer votre tête. Ne croyez donc jamais qu'il y ait rien dans le monde d'entiérement inutile. II peut, a la vérité, y avoir certaines chofes qui paroiifent ne pasréuffir, & ne pas répondre entiérement a la deftination qu'on leur fuppofoit; mais elles ne laiifent pas de fervir au but que Dieu fe propofoit & de la maniere qu'il 1'avoit réfolu.  JE ft CONSIDERATIONS II peut encore y avoir des cas oü Dieu paroit ne point atteindre parfaitement la fin qu'il s'étoit propofée. Pour que certaines chofes s'effectuent & fe réalilent, il faut peut-être que d'autres manquent en quelque forte & foient défectueufes. Mais s'il eft inconteftable que la vraie fageife ne s'occupe pas uniquement du préfent & porte aufli fes vues fur 1'avenir, fi Dieu eft infiniment fage & fi fa fageife doit fe manifefter dans le monde comme dans un miroir. il faut qu'il arrivé fouvent ici-bas que certaines chofes, confidérées féparément, paroiifent ne pas remplir parfaitement leur deftination, paree qu'elles ne peuvent la remplir que conjointement avec d'autres. La part que ces chofes ont dans Pexécution de tout le plan , peut ètre fi peu connue, fi imperceptible qu'elle nous échappe entiérement. Mais il ne s'enfuit point de-la qu'en effet elles n'y contribuent en rien & qu'elles foient in utiles. II faut en conclure , au contraie, que Dieu ne feroit ppint infiniment fage, & qu'il n'agiroit pas d'après un plan bien ordonné, s'il n'arrivoit pas fouvent des chofes qui nous paroiifent inutiles. Cette perfuafion, mon cher lecteur, contribuera beaucoup a votre repos & a votre bonheur. Tous les jours il arrivé dans la nature, & dans le cours de la vie humaine, des événemens, dont les rapports & la liaifon vous paroiifent incompréhenfibles, & que vous feriez quelquefois tenté de regarder comme inutiles & fans objet: il eft tout naturel qu'alors vous les trouviez facheux & défagréables, ce qui pourroit affoiblir votre confiance en Dieu. Mais plus vous vous convaincrez par la raifon, par 1'expérience journaliere, & paf les déclara-  Sur les ceuvres de Dieu. af? tions de PEcritureSainte, plus, dis-je, vous vous convaincrez de la bonte de Dieu & tte la fageife & de fon gouvernement, plus auiii vous pourrez vivre content & tranquilie dans 1 adverfité comme dans la profpérité. Alors il ne vous fera pas difficile de reconnoitre , que dans tout ce que Dieu fait & dans tout ce qu il perniet, ilfe propofe des fins infiniment fages, & qui font toujours , d'une maniere ou d'autre, avantageufes a Funivers, Et quand vous verrez tant de petits objets dans la nature, tant d ïnutilités apparentes, tant d'événemens qui paroiifent inexplicables ou mème entierement contraires au plan de Dieu, bien loin d'y trouver a redire, vous adorerez toujours la jageile & vous lui rendrez la gloire qui lui eft due. il ne s'eft jamais mépris dans le gouvernement de l'univers. Tout ce qu'il fait, tout ce qu il permet, eft toujours juftifié par 1'évenement. Rapportez-vous en donc a fa fagefle, & repolez vous toujours fur elle , fans avoir jamais la témérité de critiquer fes difpenfations. L elt le feul moyen de vivre tranquilie ici- bas, öc d'ètre éternellement heureux dans le ciel. VINGT-DEUXIEME MARS. Harmonie entre le monde phyfeque & le monde moral. L A fageife de Dieu a mis les plus grands rapports entre la terre & fes habitans, eniorte que 1'une eft manifeftement faite pour les autres II fe trouve une liaifon mutuelle & une convenance parfaite, dans toutes les ceuvres  2/4 Considkuations du très-haut. La nature humaine & Ia furface de la terre ont des rapports trés-marqués & une analogie fiappante. Comme les corps des plantes & des animaux fe forment, croilfent parviennent a la maturité, & périifent, dè meme auiii les hommes font foumis a cet ordre de la nature. Et comme il y a une grande diverfité dans les climats & les terroirs, dont les uns font fertiles tandis que les autres lont itenles, il y a une variété femblable dans es eipnts , dans les talens & les facultés des hommes Tel a été le plan du Créateur de toutes chofes, & il y a dans cette diverfité plus de bonte & de fageife qu'on ne ie croiroit d'abord. Bien loin de nous paroitre défectueufe, nousn y trouverions que de la beauté & de la periedion , fi nous avions une entiere connoifiance des chofes. Si quelqu'un étoit tenté d'objecter : pourquoi donc Dieu n'a-t-il pasdonné les memes facultés, le mème degré d'intelligence a tous les hommes, nous pourrions lui repondre : quies-tu, aveugle & foiblemortel, pour oier demander compte a Dieu de ee qu'il a fait? La créature dira-t-elle a celui qui 1'a creee, pourquoi m'as-tu faite ainfi? Nous pourrions demander: pourquoi Dieu n'a-t-il pas voula que tous les pays & toutes les contrées de la terre, fulfent également agréables & rerulcs ? Pourquoi trouve-t-on en certains endroitsun fol riche & fécond, tandis qu'ailleurs il eft fi ftérile & fi ingrat que toutes les peines que Pon le donne pour 1'améliorer font perdues? Ne doutons pas que cette diverfité ne foit rrès-convenable & très-digne de notre admiration, quoiqu'elle ne foit pas toujours conforme a notre facon de penfer. Les contrées les plus arides & les plus défertes, ont leur  Sur les ceuvres de Dieu. aff beauté & leur utilité aux yeux du Créateur, il en eft de mème des nations les moins cultivées & les plus fauvages: toutes tiennent la place qui leur convient dans rimmenfité des êtres créés, & leur variété fert a manifefter la fagtjfe de Dieu qui eji infiniment diverfe. Ephef. III. io. Mais comme c'eft manifeftement Pintentiort de la divine Providence que la terre foit cultivée, & qu'elle produife en abondance des fruits pour la confervation des hommes & des animaux; comme c'eft pour la même fin que Dieu nous a donné le bied dont les terres doivent être enfemencées; de mème aufli, & a plus forte raifon encore, il convient a fa fageife que la nature humaine foit cultivée, & que notre ame foit rendue féconde & mife en état de rapporter 1'excellente moiffon de la vertu & de la fainteté. C'eft dans cette vue qu'il a donné a l'homme les leqons de la vraie religion, lefquelles, fi elles trouvent un terroir bien difpofé a les recevoir, produifent des fruits exquis , comme le bied qui eft femé dans une terre fertile. De-la vient auffi que Pévangile ne peut avoir d'efficace dans le monde que proportionnellement aux facultés naturelles des hommes, & aux difpofitions avec lefquelles ils le reqoivent. 11 y a encore de nos jours de vaftes contrées qui font incultes & ftériles, quoique la Providence ne leur refufe rien de ce dont elles auroient befoin pour ètre fertiles. C'eft ainfi que nonobftant la publication de 1'évangile , il y a encore tant de peuples qui croupiifent dans 1'ignorance. Et même parmi les nations les plus policées de la chrétienté, 1'efficace de 1'évangile eft très-diverfe Stlefera toujours, felon la di-  »f 6 CONSIDÉRATIONS verfité du caraclere de ceux a qui il eft annonce. Les uns ne le comprennent point, & n'ont aucun lentiment de la vertu falutaire des vérités de notre fainte religion. D'autres les reqoivent ces vencés avec empreifement & avec joie, mais ces impreifions ne font point de duree. Chez d'autres encore les paffions & les foucis du monde étouffent la divine parole. I) autres enfin, mais c'eft le plus petit nombre, la recoivent dans un cceur honnëte & bon, avec fageffe, avec conviction, avec iincente, & ce n'eft que pour eux qu'elle devient la puijjancc de Dieu en falut. Kom. I \6 Mais a quelle de ces claffes apparaens-je? Quelles impreifions la doctrine du falut a-celle faites fur mon ame ? Quels fruits la bonne lemence de 1'evangile a-t-elle produits dans mon cceur { Voila des queftions auxquelles ma confcience doit repondre de bonne foi & avec iincerite; mais la conduite même de ma vie en eft la meilleure réponié. VINGT-TR OISIEME MARS. De la nature £=f des propriétés de l'air. L'Ai r eft ce corpsfluide & fubtilqui environne tout notre globe, & que toutes les créatures vivantes refpirent. Quoiqu'il foit fi prés de nous, qu'il nous entoure de tous cótés, & que nous en éprouvions continuellement'les erfets, nous n'en connoiffons cependant point Ia yentable nature. Ce que nous favons au moins, c eft que l'air doit ètre quelque chofe de corporel, car nous pouvons nous en con- vaincrc  Sur les ceuvres de Dieu. Zfj vaincre lorfque nous agitons rapidement la main & que nous la pouffotis vers notre vifage. II n'eft pas moins inconteftable que l'air eft fluïde, que fes parties font défunies, gliifent aifément les unes furies autres, & par ce moyen obéiffent a toute forte d'imprelïions. Si cela n'étoit pas, fi c'étoit un corps folide, nous ne pourrions ni le refpirer, ni le traverier fans obftacle. La pefanteur eft une propriété qui lui eft commune avec tous les corps, quoique l'air foit mille fois plus léger que 1'eau, ia pefanteur ne laifle pas d'ètre encore très-confidérable. La force avec laquelle l'air pefe fur chaque furface d'un pied cn quarré, eft de deux mille livres. Un homme, haut de fix pieds & dont la furface eft d'environ quatorze pieds en quarré, foutient continuellement une maffe d'air de vingt-huit müliers, ou de deux eent quatre-vingt quintaux. Cela paroit peut-être incroyable; mais la réfiftance de l'air, qui eft dans notre corps, empêche que ne fentions le poids de l'air extérieur, car l'air renfermé dans le corps humain maintient 1'équilibre avec celui qui nous environne de toutes parts. L'élafticité de l'air n'eft pas moins certaine. 11 fait continuellement effort pour s'étendre dans un plus grand efpace ; Scquoiqu'il fe laifle comprimer, il ne manque jamais de fe débander dés que la preffion ceffe. Le feu & la chaleur manifeftent cette propriété de l'air, & par ce moyen il peut occuper un efpace cinq ou fix cent mille fois plus grand que celui qu'il occupoitprécédemment, fans que cette prodigieufe dilatation lui faffe rien perdre de fa force élaftique. Voila tout autant de merveilles bien dignes de notre admiration, & 1'on y trouve la caufe Tomc I. R  af8 CONSIDERATIONS d'une multitude d'efFets étonnans. C'eft 1'air qui foutient notre globe & qui le maintient dans fon orbite. C'eft dans l'air que s'aifemblent les nuées, quiprennenttant de couleurs & de figures différentes, &qui, felon qu'elles font condenfées ou raréfiées , retiennent les vapeurs ou les répandent en pluies , en grêle, & en neige fur la terre. Sans l'air nous ne pourrions faire ufage de nos fens; notre vie mème, aufli-bien que celle de tous les animaux feroit impoflible, & il n'y auroit ni feu ni eau. Ainfi donc, ó mon Dieu, l'air m'annonce ta grandeur, ta puiifance, & ta bonté. Quel autre que toi auroit pu rendre cet élément propre a tant d'ufages divers! C'eft toi qui es le Créateur & le maitre de la pluie, de la neige, des vents, des tonneres & delafoudre. Oui, Seigneur, c'eft toi qui fais toutes ces chofes. J'adore les profondeurs des richeifes de ta fageife & de ton intelligence, qui fe manifeftent avec tant d'éclat dans tout cet arrangement de la nature. Avec quelle fageife n'as- tu pas mefuré la quantité, le poids, le reifort & le mou- . vement de l'air? Avec quelle bonté ne le faistu pas fervir a une infinité d'ufages pour le bien de notre globe ? Seroit-il poflible que moi qui refpire a chaque inftant cet air fi néceifaire ala confervation de ma vie, & qui en éprouve continuellement & a tant d'égards les bénignes influences, feroit - il poflible que je fulfe infenfibles aux tendres foins que tu as de moi ? Une telle ingratitude ne me rendroit-elle pasindigne du bien que tu me fais toutes les fois que je refpire! Non, jejoindrai ma voix a celle de toutes les créatures pour célébrer tes louanges. Je pfalmodierai au Seigneur pendant ma vie, &  Sur les ceuvres de Dieu; 2fg je te bénirai, ó mon Dieu, tant que je vivrai. Mon ame loue 1'Eternel! Alléluya. VINGT-QUATRIEME MARS. Il n'y a rien de nouveau fous lefoleil. I L eft certain que par rapport a nous, il arrivé bien des chofes nouvelles fur la terre; la nature fait éclore a chaque faifon de nouvelles fleurs, & mürir de nouveaux fruits. Le théatre de la nature change d'année en année. Chaque jour amene de nouveaux événemens & de nouvelles révolutions; la fituation des objets change journellement, ou plutöt ils s'offrent a nos fens fous des formes différentes. Mais ce n'eft que relativement aux bornes de notre intelligence & de nos lumieres, qu'il eft vrai de dire qu'il y a du nouveau fous le foleil. Dans la réalité rien n'eft plus certain que cette propofition de Salomon : Cc qui a été, c'eft ce qui fera i & ce qui a été fait, eft ce qui fe fera, £sf il n'y a rien de nouveau fous le foleil. Dieu , dont la fageife eft infinie, n'a pas trouve a propos de multiplier les êtres fans néceilité. II y en a autant qu'il eft néceifaire pour fuffire a nos befoins , a nos plaifirs, & a notre curiofité. Nous ne pouvons pas même connoitre fuperficiellement toutes les ceuvres du Créateur, bien loin de pouvoir les épuifer. Nos fens ne font pas aifez fubtils pour appercevoir tout ce que Dieu a formé; notre intelligenco eft trop foible pour fe faire une jufte & parfaite idéé de tous les êtres créés. De-la vient que nous croyons quelquefois qu'il y a bier* R %  3<50 CONSIDÉRATIONS des chofes nouvelles fous le foleil; car comme 1'empire de la création eft immenfe, & que 1'on ne peut en faiiir d'un coup-d'ceil tous les afpedts , nous nous figurons que chaque point de vue, qui s'offreanous pour la première fois, eft nouveau , paree que le Créateur a mis dans chaque partie du monde une variété & une diverfité prodigieufes. Le monde n'a pas befoin d'une création continuée & qui s'étende jufqu'a 1'infini. II fuffit que l'Etre des êtres maintienne 1'ordre qu'il a établi dés le commencement. Dieu eft un artifte qui n'a befoin que d'un petit nombre de refforts pour varier les ceuvres qu'il a produites, & qui font cependant fi diverfifiées & en fi grand nombre, que quoiqu'elles fe fuccedent les unes aux autres & qu'elles reviennentavec la plus grande rigularité, elles nous paroiffent toujours nouvelles. Contentonsnous de jouir avec reconnoiifance des chofes qu'il a creees, fans entreprendre d'en fonder la profondeur, & d'en vouloir faifir la vafte etendue. L'impofïibilité oü nous fommes de dénorabrer toutes les ceuvres de la création, eft en quelque forte le cachet auquel nous pouvons reconnoitre, que le monde eftl'ouvrage d'un Dieu, & c'eft en mème tems une preuve certaine de la foibleffe de notre entendement. Mais n'a t-on pas fait dans ces dermers tems des découvertes eutiérement inconnues autrefois? Tous les regnes de la nature ne nous ofFrent-ils pas^a préfent des phénomenes dont on n'avoit précédemment aucune idéé? — La plupart de ces découvertes font dues moins a notre fagacité qu'a nos befoins. A mefure que ceux- ci fe font multipliés, ils nous a fallu de  Sur les ceuvres be Dieu. %6i nouveaux moyens de les fatisfaire, & la Providence a daigné nous les fournir. Mais ces moyens exiftoient déja, avant que nous les découvriffions. Les minéraux, les plantes, & les animaux que nous avons appris a connoitre depuis peu, exiftoient déja dans le fein de la terre oua fa fuperficie, avant que les recherches & les travaux des hommes les euifent mis fous nos yeux. Et il eft certain que plufieurs des découvertes dont nous nous glorifions le plus , avoient déja été faites par les anciens ou que du moins ils les avoient entrevues. Si le monde étoit l'ouvrage du hafard, nous verrions de tems en tems de nouvelles productions. Pourquoi donc ne voit-on pas de nouvelles efpeces d'animaux, de plantes, de pierres? C'eft que tout a étéarrangé par la fageife infinie de Dieu. Tout ce qu'il a fait eft fi bien fait, qu'il n'a pas befoin d'ètre renouvellé ou créé de nouveau. Ce qui exifte fuffit pour nos befoins & pour nos commodités. Rien n'a été fait au hafard \ mais tous les événemens ont été déterminés dans le confeil de 1'infinie fageife, & font comme enchainés les uns aux autres. Tout 1'édifice du monde fe conferve par le gouvernement de fon ,Createur, & par le concours des loix tant générales que particulieres. Tout eft marqué au coin de la fageife, de 1'ordre, & de la grandeur. En tout & par-tout Dieu eft glorifié & magnifie. A lui foit gloire éternellement!  252 CONSIDÉRA-TIONS VINGT-CINQUIEME MARS. Des cavernes dans les montagnes. I-iEs cavernes fe trouvent d'ordinaire dans les montagnes, & peu ou point du tout dans les plaines. Elles fe forment, comme les précipices , par PaffaüTement des rochers, ou, comme les abymes, par Paction du feu. Les cavernes peuvent donc être produites par les mêmes caufes qui produifent les ouvertures, les ebranlemens & les affaiffemens des terres; & ces caufes font les explofions des volcans, 1 action des vapeurs fouterraines, & les tremblemens de terre; car ils font des bouleverfemens & des éboulemens, qui doivent néceffairement former des cavernes, destrous, & des ouvertures de toute efpece. Mais pourquoi ces cavernes, & a quoi fervent-elles ? Suppofé même, mon cher lecteur, que vous n'en puifiez découvrir aucune utibte, yous devriez cependant être perfuadé que c'eft dans des vues très-fages qu'elles ont été formes. Comme il n'y a rien fur la terre qui n'ait Ion ufage, peut-on croire que les cavernes n'aient pas auffi leleur? Mais il n'eft pas difhcile de reconnoitre qu'elles font effeétivement très-utiles. Les eaux s'y raifemblentpour etre enfuite diftribuées fur la terre, & pour 1 humecler lorfque les pluies viennent a manquer. Les cavernes des montagnes entretiennent le cours des eaux dans les canaux fouterrains. Dés que cette circulation eft arrêtée, il iurvient des fecouifes & des ebranlemens qui repandent la terreur & la deftrucïion fur  Sur les ceuvres de Dieu. 26"? notre globe. L'air renfermé dans Pintérieur de la terre, s'échappe par les antres & les cavernes. Ces ouvertures font donc néeeifaires pour que 1'air puüTe pénétrer dansles montagnes, pour donner un palfage aux vents, & une iiïüe aux exhalaifons. Car fi les ouvertures des cavernes, & leurs foupiraux, n'y occafionnoient une circulation libre, 1'air qui y feroit renfermé fe corromproit, ou fouleveroit & ébranleroit la terre. Souvent ces cavernes fe rempliifent d'eaux, defquelles fe forment enfuite des rivieres & des lacs. Tel eft le lac Zimitz dans la Carniole, qui fe remplit en certains tems, & qui en d'autres fe tarit ou fe perd fous des montagnes qui 1'avoifinent, de maniere qu'il eft quelquefois navigable, & qu'en d'autres faifons les habitans peuvent le labourer, y faire la récolte & y chaifer. Et combien d'animaux ne périroient pas, fi les cavernes des montagnes ne leur fervoient d'afyle & de retraite pendant l'hiver? S'il n'v avoit point de cavernes, nous ferions prives de plufieurs minéraux & de diverfes autres productions utiles, qui ne peuvent fe former ou parvenir a leur perfection que dans ces cavites fouterraines. ,, Vous voyez donc, mon cher lecteur, qua cet égard encore la fageife & la bonté de notre Créateur fe manifeftent fenfiblement. Vous avez une nouvelle preuve de cette grande vérité, qu'il n'y a rien d'inutile dans la nature, rien de trop , rien qui ne foit fait avec fageife, & dans des vues avantageufes a 1'univers. Plus vous vous occuperez de ces recherches, plus vous vous yexercerez, & plus aufli vousadorerez les fublimes perfections de Dieu dansles ouvrages de la nature. Livrez-vous donc de K. 4  254 considérations plus en plus aces nobles méditations, & que votre plus agréable occupation, a la vue de tous les objets & de tous les phénomenes que vous decouvrez fur la terre, & fous la terre, loit dadmirer & de célébrer la puiifance & la bonte de votre Créateur. VINGT-SIXIEME MARS. Circulation de lafeve dans les arbres. Les arbres, qui pendant plufieurs mois avoient paru tout-a-fait morts, coramencent mienüblement a revivre. Dans quelques femaines nousy découvrirons plus de fignesde vie encore, & dans peu les boutons groifiront, souvnront, & produiront leurs précieufes Beurs. J ai pu obferver réguliérement cette revolution au commencement de chaque printems ; mais peut- être que j'ai toujours ignoré juiqu ici par quels moyens elle s'opere. Les effets que nous remarquons au printems dans les arbres & dans les autres végétaux, font produits par la feve qui eft mife en mouvement dans les tuyaux des arbres, par l'air & par 1 augmentation de la chaleur. Comme la vie des animaux dépend de la circulation de leur fang, de même aufli la vie & 1'accroifiement des plantes & des arbres dépendent de Ia circulation de la feve. Pour cet effet, Dieu a iorme & difpofe toutes les parties des végétaux de maniere qu'elles concourent a la préparation, a la confervation, & au mouvement de ce luc nourricier. C'eft principalement par 1'écorce, qu'auprin-  Sur les ceuvres de Dieu. 25f tems la feve monte des racines dans le corps de 1'arbre, & que mème pendant toute 1'année la vie & la nourriture font diftribuées aux branches & aux fruits qu'elles portent. Le bois de 1'arbre eft compofé de petites fibres longitudinales, qui s'étendent en ligne fpirale tout le long de 1'arbre jufques au fommet, & qui font très-étroitement jointes enfemble. Parmi ces fibres il en eft de fi petites & de fi fines, que 1'une d'elles, qui eft a peine de la groifeur d'un cheveu, contientplus de huit mille fibrilles. II y a une multitude innombrable de petits canaux pour contenir le fuc nourricier & pour en faciliter la circulation. Ces canaux s'étendent dans les autres branches , & s'éleventdans toute la longueur de 1'arbre jufques au haut. Quelques-uns conduifent la feve de la racine au haut de 1'arbre , & les autres la ramenent du haut en bas. La feve s'éleve par les canaux montans pendant la chaleur du our, & elle re vient par les canaux defcendans pendant la fraicheurdu foir. Les feuilles fervent au même effet, & leur principal ufage eft de faire Ia concoction de la feve, non-feulement de celle qui procédé de la racine, mais auifi de celle que 1'arbre reqoit extcrieurement par Ja rofée, par 1'humidité de l'air, & par la pluie. Ce fuc nourricier eft diftribué de toutes parts, & dans toutes les parties de 1'arbre. Mais il ne pourroit pas monter par les tuyaux, fi ceuxci n'avoient des ouvertures par le haut. Et c'eft par ces pores que les parties aqueufes de la feve s'évaporent, tandis que les parties huileufes, fulfureufes & terreufes fe mèlent enfemble pournourrir 1'arbre, pour fe transformer en fa fubftance, & pour lui donner toujours de nouveaux accroiifemens. Si les fucs  266 CONSIDÉRATIONS ceffent d'arriver, fi la circulation eft arrêtée, fi I'organifation intérieure de 1'arbre eft détruite foit par un froid trop rigoureux & par la gelée, foit paria vieilleife, foit par quelque piaie ou quelque autre accident extérieur, 1'arbre meurt. Après toutes ces réflexions, pourrois-je voir dans cette faifon les arbres d'un ceil auffi indifférent que jel'ai fait jufques-ici 'i La révolution qui va fe faire en eux, me paroitra-telle encore peu digne de mon attention 'i Et pourrai-je obferver le renouvellement de toute ïa nature fans penfer a Dieu, qui donne la vie a toutes fes créatures, qui fournit aux arbres les fucs qui leur font analogues, qui communiqué a cette feve la force de circuler dans les canaux, & de diftribuer aux arbres la nourriture , la vie & Pdccroufement. Hélas ! qu'il foit polfible de voir chaque année toutes ces chofes , fans y faire 1'attention convenable, c'eft ce dont je ne fournis que trop la preuve. Voila déja bien des années qu'au retour du printems, j'ai eu occafion d'obferver cette vertu vivifiante qui iemanifefte dans les plantes & dans les arbres; mais je n'y ai pas fait plus de rétlexion que les animaux qui pailfent dans les campagnes. Et ce qu'il y a de plus étonnant encore, c'eft que j'ai été également inattentif a la confervation de ma propre vie , a 1'accroiifement de mon corps , a la circulation de mon fang. Ah! puuTe-je au moins a préfent que j'ai le bonheur de re voir un nouveau printems, penfer d'une maniere plus raifonnable & plus chrétienne ! Puiife-je reconnoitre enfin, dans toutes les ceuvres de la nature, ce Créateur bienfaifant qui n'eft pas éloigné de moi, &  Sur les ceuvres de Dieu. 5.67 dont chaque créatureme prêche la grandeur! Mais tous mesfouhaits feront infructueux, ü toi-mème Seigneur, qui es leDieu de toute grace , ne daignes incliner mon cceur a reconnoitre & a glorifier ton faint & grand nom. A préfent que toute la nature fe ranime, fais que mon ame foit vivifiée par ton efprit. Que cette nouvelle exiftence, que tous les végétaux recoivent dans cette aimable faifon, foit le fignal qui me réveille moi-même de mon aifoupifTement, & qui m'excite a marcher devant toi en fainteté, a meiier une vie active & qui te foit agréable, a fentir vivement & a célébrer ta puiffance & ta bonté. Que ce foit Ja le facrifice que mon ame t'offre dans ces jours qui nous donnent de fi belles efpérances. VINGT-SEPTIEME MARS. Sur Vignorance oü nous fommes de notre fort d venir. S I nous ignorons les événemens qui nous attendent dans 1'avenir, il ne faut pas en chercher uniquement la caufe dans la nature de notre ame, dont les facultés & les lumieres font renfermées dans des bornes fort étroites, mais auffi dans la volonté expretfe & infiniment fage du Créateur. II a connu les forces de l'homme, & il n'a pas voulu lui donner plus de connoiffances qu'il n'en pourroit fupporter. Les connoiffances font pour 1'ame ce que la lumiere du foleil eft pour les yeux: un trop grand éclat les blefleroit fans leur être utile. 11 feroit trés - dangereux pour la vertu des  268 CONSIDÉRATIONS hommes, qu'ils eulTent la faculté de prévoir d'avance ce qui leur doit arriver. Car les circonllances excérieures ont prefque toujours quelqu'influence fur la facon de penfer & fur les réfolutions que 1'on forme. Ainfi plus les événemens futurs nous feroient connus, & plus aufli nous aurions de tentations a furmonter, plus notre vertu auroit d'obftacles a craindre. Et combien ne fe tourmenteroit-on pas 13 1'on pouvoit lire dans 1'avenir! Suppofons, eneifet, que les événemens futurs doivent être agréables & heureux: tant que 1'on ne prévoit pas ce bonheur plus grand qui nous attend, ou jouit avec reconnoiifance & avec joie des avantages actuels que 1'on poffede. Mais tirez le rideau & montrez a l'homme une agréable perfpective dans 1'avenir, il ceifera dés lors de jouir du préfent. II ne fera plus content, plus heureux, plus reconnoiffant. II attendra avec inquiétude & avec impatience cette fortune qui lui eft deftinée, & les jours s'écouleront ainfi les uns après les autres fans qu'il en jouiife. Mais fuppofé que les événemens futurs doivent ètre triftes & facheux, nous en éprouvons d'avance toute 1'amertume aufli-tót que nous les prévoyons. Les jours qui fe feroient écoulés agréablement, en repos & en tranquillite fi 1'avenir nous étoit demeuré caché, fe paifent, dés qu'il nous eft connu, dans 1'inquiétude, dans 1'abattement & dans la défolante attente d'un malheur certain. En un mot, 1'idée des difgraces qui nous font réfervées, nous empêcheroit de goüter les plaifirs actuels & nous y rendroit infenfibles.Quelle n'eft donc pas la fageife & la bonté de Dieu d'avoir voilé 1'avenir ames yeux, & de nem'inftruire de mon fort qu'a mefure que les événe-  Sur les ceuvres de Dieu. 269 mens qui me font deftinés arrivent! Je ne fouhaiterai jamais d'anticiper & de goüter d'avance le bonheur qui m'attend, ni de fentir le poids du malheur avant qu'il foit arrivé. Je veux, au contraire, toutes les fois que je penferai a 1'avenir, louer Dieu de ce que 1'ignorance oü je fuis a cet égard, m'épargne tant d'inquiétudes, de foucis & de craintes. Et pourquoi fouhaiterois-je de voir a travers le voile qui me dérobe 1'avenir? Si je fuis aifuré de ma réconciliation avec mon Dieu & mon rédempteur, je puis auffi être certain que tous les événemens futurs, qu'ils foient triftes ou agréables, contribueront immanquablement a mon vrai bien. Et n'eft-ce pas un Dieu appaifé Sc réconcilié qui dirigetous les événemens &qui regie 1'avenir? 11 voit d'un coup-d'ccil tout le cours, tout 1'enfemble de ma carrière, nonfeulement cette portion de ma vie qui eft déja paifée, mais encore celle qui eft encore devant moi & qui s'étend jufques dans les profondeurs de Péternité. Quand je me livre au fommeil, je me recommande aux foins de mon pere célefte, fans m'inquiéter de ce qui pourra m'arriver pendant la nuit. Et quand je me réveille, je remets mon fort entre fes mains fans me mettre en peine des événemens dont le jour pourra ètre marqué. Au milieu mème des dangers dont je fuis environné & des malheurs qui me menacent, je me fouviens de la bonté de Dieu, je me confie en lui, Sc je ne doute pas qu'il ne les éloigne, ou qu'il ne les falfe tourner a mon avantage. Et quoique je ne. fache pas quels maux m'attendent dans 1'avenir, je fuis fans inquiécude a cet égard paree que je fais que Dieu les connoit, Sc que lorf- . qu'ils feront arrivés, il ne manquera pas de  3>7o considérations me confoler & de me foutenir. C'eft donc a ce fage & tniféricordieux arbitre de ma vie, que j'abandonne avec une entiere confiance le foin de ma deftinée. Ce que Dieu a détermine' d mon egard, doit nécejjairement arriver : c'eft la portion qui m'eft deftinée qui me convient. Le calice qui m'eft préfenté, je le regois fans répugnance & fans murmure, perfuadé comme je le fuis qu'il me fera falutaire. Je remets mon fort entre les mains du Seigneur, je m'en rapporte entiérement d tout ce qu'il trouvera bon de décider relativement d ma vie & d ma mort. Soit que je £ ■ * lk' 161 Ce mois finitauiour. d hui en eft une nouvelle preuve. PereTn dre & mifericordieux, je te bénirai jufqu'a mon dernier foupir pour tant de bienfaits, P°ur a"t ^ moyens de fubfiftance que a main libérale daigne me fournir  Sur les ceuvres de Dieu. 281 TRENTE-UNIEME MARS. * C^iNTISZUE D'UCTIONS DB GR^iCZS. Mo n ame chante fon bonheur en ta prefence, ó Eternel! Je chante avec un cceuc plein de gratitude la bonté de mon Dieu! L'homme, qui n'eft que pouflïere, qu'eft-il pour que tu penfes a lui ? Maitre de 1'univers, qu'avons - nous que nous n'ayons requ de ta gratuité? Qui a étendu le firmament dont la vue nous tranfporte ? Qui eft celui dont la main bienfaifante & divine a paré le globe de la ttïïTC • Qui revèt de beauté les collines, les yallons & les prairies ? qui a planté les forëts, & les arrofe de pluie & de rofée? Quiteveloppe & fait germer le grain confie a la terre ? Qui nous ramene chaque jour le foleil dans toute fa pompe ? Qui, durant la nuit, ordonne a la lune d'éclairer les humains < Qui eft-ce qui couronne de bénédictions chaque année pour ouvrir nos cceurs a la joie? Qui eft-ce qui nous aime fans variation, lors meme que fon tonnerre nous menace ? O homme! réfléchis fur le cours entier de ta vie: qui t'a aidé jufqu'a maintenant, qui, depuis ta jeuneife, a été ton foutien i Qui eft-ce? réponds. > ■ Seigneur , notre fouverain maitre ! c elt de toi feul que le falut découle fur les humains.  282 CONSIDÉRATIONS Nous fommes le peuple qui t'appartient & tu es notre Dieu. Combien font grandes ta bonté & ta fidéiite. tu comptes même les cheveux de notre tetej tu nous aiiütes vifiblement dans chaque danger. Oui, ta bonté s'étend auffi loin que s'étendent les nuées : le jeune corbeau crie atoi, Dieu de mifencorde, & ta main le nourrit. Fuiflant ami de l'homme! Tu es touché des lourrrances & des douleurs du chrétien. Ton cceur paternel compte les larmes qu'il répand en filence. Du haut de fon tróne fublime, Dieu jette U" re|ard, de bonté fur ,e cceur humble qui sabaifie devant lui. Eleve-toi, ame immortelle, vers celui par qui tu es. Pfaimodie, adore éternellement, avec une iai.nte confiance, le Dieu qui a tout fait pour toi. Mon ame, n'oublie aucun de fes bienxaits,  Sur les ceuvres pe Dieu. ag? A V R 1 L. PREMIER AVRIL. Hymne du printems. LOüANGE foitrendue a Dieu qui a créé le printems! a Dieu qui a paré la furface de la terre ! A lui foit gloire, honneur & puirlance, car il rend heureux les êtres qu'il a formés. Le Seigneur crée! Le Seigneur conferve! II aime, il bénit ce monde ouvrage de fa main! Célébrez-le, ö vous fes créatures ! Dans ces jours fortunés oü l'homme n avoit point encore abandonné fon Dieu , aftranchie du pêché & du chatiment qu'il entraine, la terre étoit un paradis. Aujourd'hui le crime & le chatiment l'ont défigurée, cependant on y reconnoit toujours la main de fon iublime auteur, & la terre eft encore le parvis du ciel. La campagne qui fembloit morte fe reveille & fe ranime ; chaque nouveau jour amene de nouvelles bénédiclions ; le vermiffeau qui rampe dans la pouffiere, l'oifeau qui plane dans les airs, fe réjouilfent de leur exiftence. La face de la terre eft rajeume; le ciel brille d'un éclat pur & ferein; les montagnes, les vallées & les forèts retentiffent de joyeux accens; & celui qui donne a tous 1'être & la vie, jette un regard plein de miféricorde fur les ceuvres de fa création. Cependant, ö Créateur, les champs & les  284 CONSIDÉRATIONS prairies font privés d'ame & defentiment, & tu n as pas choifi 1'animal deftitué de raifon pour le forrner a ta reiTemblance. C'eft 1'homme leul qmfe rejouit en toi, l'homme feul te connoit, fentton exiftence, & afpire a exifter eternellement. Célébrons-le! II eft prés de nous! Que toutes fes armeeslepfaImodie.it! Le Seigneur eft prefent par-tout dans le ciel, fur iaBte£C£ dans les mers! Je te glorifie, & je chante ta louange; car tu es la oü je fuis , toujours prés faitriPartaP °e' tonamour &tesbienTu appelles les nuées fur les campagnes, & tu appaifes la foif de la terre pour que l'homme s ennchiflè des dons de ta main. Tu ordon"epV: la ^ele> rofée & aux vents, ces Même quand la tempête s'éleve, quand Ia foudre menace & fait palir les humains , c'eft alors que la benediction & la fertilité jailMènt du iem des ténebres orageufes. Bientót le foleil nous rend fa lumiere, & aux éclats du tonnerre fuccedent des chants d'allégreife C elt en toi feul que nous trouvons le bonbeur en toi umque auteur de tous les biens. C eft toi qui au fe;our célefte nous feras puifer des lu-bas, heureux le mortel qui fe foumet k ton empire & fe prépare a fortir avec joTe de rZ°ndV rdanS rel>oir de s'unir » toi fon Crea eur & fon pere, & a Jéfus fon rédemp  Sur les ceuvres de Dieu. 28? PREMIER A V R I L. * Abus que Pon fait des animaux. Les hommes abufent en tant de manieres des animaux, qu'il feroit difficile d'en faire Pénumération. Ces abus peuvent cependant fe rapnorter a deux claffes principales. Car 011 fait ou trop peu ou trop de cas des animaux, & a 1'un & l'autre égard on agit d'une maniere contraire aux intentions du Créateur. D'un cóté, nous faifons trop peu de cas des brutes, lorfque fous prctexte que Dieu nous en a permis 1'ufage, nous nous arrogeons un empire illimité fur elles & nous croyons être en droit de les traiter felon nos caprices. Mais comment pourrions-nous prouver que nous avons ce droit? & fuppofé même que nous Peuflions , feroit-il jufte que notre empire dégénérat en cruauté & en tyrannie? Tout homme qui n'eft pas encore corrompu par des paffions & des habitudes vicieufes, eft naturellement porté a la compaifion pour tout ètre doué de fentiment & de vie. Cette difpofition nous fait fans doute honneur, & elle eft fi profondément gravée dans notre ame qu'un homme qui feroit venu about de 1'extirper, montreroit par-la même jufqu'a quel point il s'eft dégradé & combien il eft déchu de la noblefle de fa nature. II n'aura plus alors qu'un pas a faire pouc refufer aux hommes la compaflion qu'il n'accorde pas aux animaux, & bientót il fera un monftre. L'expérience ne juftifie que trop ce que je dis la, & mes leéteurs pourront aifément s'en rappeller des exemples. L'hiftoire'  386 CONSIDÉRATIONS nous en fournit: on y voit que les peuples qui fe plaifoie.it aux combats des animaux, diftinguoient auffi par leur cruauté envers leurs femblables. Tant il eft vrai, que no re conduite envers les bêtes influe fur notre ca M^T0^ & furlad~ denos mceurs: Mais, dira-t-on , nous ayons cependant le droic lil * i? r qUe nous f°y°ns autorifés a eur arracher fans regret & fans compaffion une vie qm eft ü cherea toutes les créatures queWque la néceffité nous y contraint nous pu ffions y trouver du plaifir & une joie bar! bare, qu en leur ótant la vie nous foyons en ÏZfthf fairC fTJlFrir mille tourmens recherches , fouvent plus cruels que la mort mê- a do ne les animaux pour fervir a nos befoins & a nos plaifirs, & qu'ils font deftinés a alléger nos travaux par les leurs; mais s'enfuit-il de-la que nous puiffions les fatieuer fans la S!rrCeffir' ,SS CXCéder de travaux au! deiius de leurs forces, leur refufer une fub. iiltance meritee par leurs fervices, enfin aeera durs ?UrS PdneS ^ kS traiteme«s 1« plus Mais en voila aifez fur Ie premier abus dont nous avons fait mention. Les hommes torn bent quelquefois dans une autre extrèmité en feifant trop de cas des bêtes. Celles qu fo avec „mi?6" r°Cial' qU? °nt Plus de avec nous, qui nousenvironnent, qui vivent dans nos maifons, qui nous amufent ou qu nous font utiles nous infpirent fouvent une ?endfie auïïT&;idVCUie- ^ Pre^«e honte aflèz UI Y 3 d£S h°mmes & des fem™s allez extravagans, pour aimer ces créatures au  Sur les ceuvres de Dieu. 287 point de leur facrifier fans balancer les de. voirs tout autrement eflentie s auxquels is font tenus envers leurs femblables. Que la euerre s'allume entre les nations, que oes armees fe détruifent les unes les autres, la nouveile n'en fera pas la moindre impreflion iur cette dame, qui quelques jours apres ne pourra fe confoler de la perte de Ion epagneul. Que de chofes U y auroit a dire la-deflus! mais je m'arrête pour terminer cette meditation par une remarque tres-importante. Les parens « tous ceux qui font chargés de 1'educanon des enfans ou qui vivent avec eux, ne fauioient être trop attentifs a s'abftemr fcrupuleulernent dp faire le moindre abus des animaux. il elt d'autant plus néceifaire d'infifter fur cette maxime, qu'en général la pratique en eft tres-negligée, & qu'on donne fur cet article les plus Luvais exemplesaux enfans « qui influe quelquefois de la maniere la plus funeftes lur "oute leur éducation. II ne faudroit jamais tuer aucune béte en leur préfence, & moms encore leur en donner la commiffion. Qu on les accoutume a traiter les animaux comme des êtres qui ont de la vie & du fentiment, & a 1'égard defquels nous avons des devoirs a rempfir Mais d'un autre cóté, que 1'on prenne bien garde que les enfans ne s'attachent pas trop aux animaux & qu'ils ne fe paffipnnent point pour eux , comme ils y font affezpor. tés. En veillant avec foin pour que les entans n'abufent des animaux en aucune maniere, il faut aufli leur apprendre a en faire un bon ufage, afin que dés leur plus tendre jeuneife , ils Jaccoutument 4 reconnoitre meme dans ces créatures 1'empreinte des perfeduons du Créateur.  288 CONSIDÉRATIONS DEUXIEME AVRIL. Du mouvement de Ia terre. Lorsq.ue Ie ravinant fpedacle du foleil Ievant , renouvelle chaque matin dans vos ames la reconnoiifance & 1'admiration que vous mfpire le fublime auteur de 1'univerV vous pouvez obferver en même tems que lè tervalleCpmagmfiqUe fpedade ch^e Par intervalle. Pour vous en convaincre par vos propres yeux , examinez 1'endroit oü le foleil fe leve au printems & en automne ; vous 1'appercevrez enfuite en été plus au feptentrion &.en hiver pluS au midi> Vous en *ondurez J£ raiion qu un mouvement doit ètre la caufe de ces cnangemensi car vous ne fauriez voir un corps quelconque changer de place fans qu'il ie ioit produit un mouvement foit en vous, foit en lui. Naturellement vous êtes porté k croire que c'eft le foleil qui fe meut, & qu'a tantot d un autre. Mais comme les mêmes phénomenes devroient avoir lieu fuppofé que le foleil reftatimmobile&que ce fut vous qui avec la terre tournaffiezautour de lui, & que file 6nT T^VW ni le mouvement dJ foleil n, celui de la terre, vous devez vous en auPW o.rm0,nS 4 vos, conjedures quaux obfervations multipliées que les aftronomes ont faitesdans le ciel & qui conftatent le mouvement de la terre. ""«acerjs nacReeprnlepntr2'V>0U/ doncen Premier lieu 1'efLs efn, °U/e trouvem les corPs céleftes, efpace qui eft ou vujde ou rempli d'une matiere  Sur les ceuvres de Dieu. 239 matiere infiniment fubtile qu'on nomme éthèr; c'eft-la que nage notre globe auffi-bien que toutes les autres planetes qui compofent notre fyftème folaire. Le foleil, de la grandeur duquel nous avons parlé dans un de nos diicours précédens , eft placé au centre, entouré de fes fujets qu'il furpane de beaucoup en grandeur. La pefanteur que notre globe a de commun avec tous les autres corps, 1'entraine vers ce centre, ou bien le foleil attire la terre par la vertu qu'ont les grands corps d'attirer ceux qui le font moins. Ainfi toutes les fois que la terre tend a s'éloigner du foleil, elle en eft attirée de nouveau. Elle fe meut donc en cercle autour de lui, de la mème maniere qu'on voit tourner une fronde , ou , pour me fervir d'un exemple encore plus analogue, comme unboulet de canon qui décrit d'abord une ligne courbe ; il eft vrai qu'il retombe fur la terre après avoir parcouru une certaine diftance ; mais peut-être il prolongeroit cette ligne 1'efpace de quelques milles, fi on 1'avoit fait partir de defiüs une haute montagne: fuppofez une élévation plus grande, il iroit plus lom a proportion; ajoutez encore a cette élévation, & il ira jufques chez nos Antipodes , pour revenir enfin au point d'oü il feroit parti. Tous ces effets auroient lieu d'après les loix de la gravitation ou de la force attractive de notre globe , & c'eft de la même maniere que celui ci décrit fon orbite autour du foleil. Cette orbite n'eft pas un cercle parfait, mais une ellipfe dont le foleil eft 1'un des foyers, ce qui fait que nous fommes plus loin de cet aftre dans un tems que dans un autre. Cette orbite renfermé quarante quatre mille demi-diamêtres de notre terre. Pour faire ce voyage autour du Tome I. T  29° CONSIDERATIONS foleil, elle emploie trois cent foixante-cinq jours, cinq heures, quarante huit minutes & quarante trois fecondes, efpace de tems qui eft la mefure de notre année, & après la révolution duquel nous retrouvons le foleil au mème endroit du firmament. Car dans chaque point de 1'orbite de la terre , cet aftre nous apparoit dans le ciel du cóté oppofé, enforte qu'a chaque mouvement infenfible , que fait la terre, nous nous figurons que c'eft le foleil qui fe meut. Au printems le foleil fe montre également éloigné des deux póles; de - la vient que les jours y font égaux aux nuits. En été il fe trouve de vingt-trois degrés trente minutes plus prés du nord, ce qui nous occafionne nos plus longs jours. En autumne il revient au milieu des deux póles; & en hiver ils'éloigne autant vers le fud qu'il s'étoitrapproché du feptentrion, & c'eft alors que nos jours font les plus courts. Si tel eft 1'ordre & 1'arrangement des grands ouvrages de la création, quel nouveau fujet d'admirer & d'adorer la fageife & la bonté fuprème du Créateur de 1'univers! Combien elle doit-être précieufe, ö chrétien, chaque nouvelle connoiifance qui te fait découvrir le pere de la nature dans les ceuvres de fa main ! Partout tu le retrouves, par-tout tu es obligé de t'écrier : Seigneur, tu as tout fait avec une fageife merveilleufe ! Et ne voudrois-tu pas abandonner avec une pleine confiance & une entiere réfignation la conduite de ta vie, a celui qui régit les mondes avec tant de fageife 'i Le foleil & les planetes obéiifent a fes loix fans jamais s'en écarter, & tu voudrois t'oppofer a fa volonté & violer fes commandemens? Lorfque tu entreprends un voyage on les dan-  Sur lés ceuvres de Dieu. 291 gers fe multiplient achaque pas, tuas raifon de chercher ton refuge dans fes foins paternels. Et combien plus n'avons-nous pas befoin de fa protection puhfante dans cette courfe de tant de milliers de lieues, que nous fourniifons tous les jours dans 1'immenfe efpace des cieux! N'eft-ce pas la un nouveau bienfait de Dieu, bienfait peu reconnu de la plupart des hommes, que de nous avoir préfervé jufqu'ici dans un voyage qui devroit nous paroitre fi formidable ? Des phénomenes moins importans, des dangers moindres que ceux-ci pourroit-ils encore ébranler notre courage, après ces preuves journalieres que nous avons de la protection du très-haut dans les plus importantes révolutions de la nature! Non, déformais banniifons toute défiance, furmontons toute crainte par la foi au Dieu toutpuiifant des cieux & de la terre, que nous avons droit de nommer notre pere par JéfusChrift qui nous a réconciliés avec lui. TROISIEME AVRIL. Des immenfes richejjes de la nature. Pour nous convaincre de 1'extrême libéralité de la nature dans la difpenfation de fes dons , il fuffiroit, ce femble , de réfléchir fur le nombre prodigieux d'humains qui reqoivent de cette mere bienfaifante, 1'entretien, les vêtemens & les plaifirs dont ils jouhfent. Mais comme c'ell peut-être la une de ces chofes qui, paree qu'elles fe reproduifenttous les jours, ne font plus fur nos cceurs 1'impreflïon T a  202, CONSIllERATI ONS qu'elles devroient produire, nous tournerons nos réflexions fur des créatures qui font faitcs en partie pour notre ufage, & dont quelques-uues font 1'objet de notre mépris. Cette méditation nous apprendra que tous les êtres répandus fur notre globe prêchent la bonté de leur auteur, Sc nous engagera a glorifier fon faint nom, fi nos cceurs font fufceptibles de fentiment. Une quantité innombrable de créatures vivantes, d'habitans de l'air, de la terre Sc des eaux, font journellement redevables de ieur lubfiflance a la nature. Les animaux même que nous avons foin de nourrir, ne doivent proprement qu'a elle cette nourriture. L'herbe qui croit fans qu'on la feme, eft leur principal aliment. La race entiere des poiffons fubfifte fans le fecours de l'homme , a moins que ce ne ibit pour fon amufement qu'il en nourriffe quelques-uns. De même les forêts produifent fans culture des glands, les prairies Sc les montagnes de l'herbe, & les champs de 1'ivraie. Entre les oifeaux 1'efpece la plus méprifée & peutêtre la plus nombreufe, eft celle des moineaux: leur nombre eft fi prodigieux, que le roi de France avec le produit de tous les champs de fon royaume, feroit trop pauvre pour les nourrir durant 1'efpace d'une année. C'eft la nature qui tire de fon immenfe magafin ce qui eft néceifaire a leur fubfiftance, & cependant ils ne font que la moindre partie de fes nourriifons. Le nombre des infeótes eft fi grand, que peut-être bien des fiecles s'écouleront avant qu'on en puiife déterminer les diverfes claifes & efpeces. Quel n'eft pas le nombre des moucherons ? & que d'efpeces différentes parmi ces petits animaux, dont nous fentons  Sur les ceuvres de Dieu. 293 lapiquure, & que nous voyons fe jouer dans les airs ! Le fang qu'ils nous dérobent, elt pour eux une nourriture très-accidentelle, & 1'on peutfuppofer que pour un moucheron qui s'en repait, il y en a des millions qui n'ont jamais goüté ni du fang humain , ni du fang de quelque animal que ce foit. De quoi viverïi toutes ces créatures ? II n'y a pas une poignée de terre qui ne renfermé des infectes vivans, & ils s'y nourriiTent ne füt-ce que des débris d'autres infectes. Dans chaque goutte d'eau 1'on découvre des créatures, dont les moyens de fubfiftance, auifi-bien que la multiplication, font incompréhenfibles. Auffi immenfementriche qu'eft la nature en êtres vivans, auffi féconde eft-elle en moyens de les faire fubfifter, ou plutót c'eft le Créateur qui a verfé en elle cette fource inépuilaIble de richcifes. Par lui chaque créature trouve fa nourriture & fa demeure. C'eft pour elles qu'il fait croitre l'herbe fur la terre, kuTfant choifir a chacune 1'aliment convenable a fa nature, & nulle d'entr'elles n'eft aifez chétive a fes yeux pour qu'il dédaigne de jetter fur elle un regard d'amour & de pourvoir a fes befoins. Et c'eft en ceci que fe manifefte ta grandeur, ö tout-puilfant! Ce qu'aucun homme , ce qu'aucun monarque , mème ce que tous les hommes & tous les monarques de la terre enfemble feroient incapables d'exécuter, tu le fais, ó Créateur, tu raffifies tous les animaux; tu repais le corbeau, tu nourris tous les infectes qui vivent dans 1'air, dans Peau & fur la terre. Eh! ne feroit-il pas pour toi ce qu'il fait pour eux, ó homme de peu de foi ? Si jamais le doute ou Pinquiétude vient a s'élever dans T 3  .294 CONSIDÉRATIONS ton ame, confidéré les créatures dont Dieu prend un foin journalier. Que les oifeaux qui font fous le ciel, les bëtes fauvages qui habitent les déferts, & ces millions de créatures dont nul homme ne prend foin , deviennenttes maitres dans 1'art de vivre content. Lui qui habille les fleurs , qui donne la pdture d tous les animaux, ce grand auteur de la nature connoit tous tes befoins ,• aie donc recours d lui, ame chre'tienne, dans tes affli&ions: feulement que tes prieres foient accompagnêes de confiance & de foi. aU ATRIEME AVRIL. Le lever du foleil. A.V E z-V O u s été quelquefois témoin , mon lecteur, du fuperbe phénomene qui fe renouvelle chaque jour avec le lever du foleil? Ou bien la mollelië, 1'amour du fommeil ou une indifférence condamnable vous auroient-ils empèché de contempler cette merveüle de la nature? Peut-être faut-il vous compter parmi cette multitude de gens qui n'ont jamais cru que Pafpect de 1'aurore valüt le facrifice de quelques heures de fommeil. Peut-être aufli etes-vous comme tant d'autres, qui fatisfaits que le foleil les éclairenefe mettent point en peine de rechercher la caufe de ce grand effet. Ou peut-être enfin êtes-vous aufli infenfible que tant de milliers de vos freres qui pouvant, dans cette faifon, aflifter commodément a ce ipeclacle, le voient tous les jours fans en être frappes , fans qu'il faffe naitre chez eux aucune idee, aucune réflexion. Peu importe dans quelle  Sur les ceuvres de Dieu. 29f clafle vous foyez; feulement fouffrez qu'011 vous réveille maintenant de cet etat d ïnlenfibilité, & qu'on vous montre quelles lont les penfées que doitexciter dans votre ame la vue du foleil du matin. II n'ett point de phénomene dans la nature qui fe mamfefte avec plus d'agrément & d'eclat que le foleil levant; la plus riche parure que 1'arthumain puiife inventer, les plus belles decorations, l'appareil le plus pompeux .Jes plus fuperbes ornemens des demeures qu habitent l^s rois, s'évanouiifent & ie réduifent a rien quand on les comparé a cette beauté de la nature D'abord c'eft la contrée oriëntale du ciel qui fe revêt de la pourpre de 1'aurore, & annonce l'approche du foleil. L'air peu-a-peu fe teint de couleur de rofe , puis il brille de Por le plus éclatant. Enfuite les rayons du foleil percent avec plus de force, & avec eux la lumiere & la chaleur fe répandent fur tout 1 horizon Enfin, l'aftre paroit dans tout 1 eclat de fa majefté; il s'éleve viliblement de plus en plus, & la terre fe montre fous un nouvel afpedt Toutes les créatures fe rejouiifent & femblent recevoir une nouvelle vie: les oifeaux faluent par des accens d'allégreffe la fource de la lumiere & du jour. Tous les animaux fe mettent en mouvement & fe fentent animes d'une force & d'une gaieté nouvelles. Elance-toivers Dieu, ö mon ame! que tes chants de louange montent auffi de la terre, & retentiflent jufqu'au ciel; au ciel ou refide celui par les ordres duquel le foleil le leve, & dont la main dirige tellement fon cours journalier & fon cours annuel, qu'il en réfulte pour nous 1'heureufe révolution du jour & de la nuit, & la fucceffion réguliere des faifons. Eleve-tol, T 4  29$ CONSIDÉRATIONS mon ame, vers le pere des lumieres & célebre ia majefte. Célebre-le par un faint aveu de la dependance oü tu es a fon égard, & par des aénons qui puiflènt luiplaïre! Vois la nature entiere annoncer 1'ordre & 1'harmonie. Le ioleil & toutes les étoiles accomplilTent leur carrière ; chaque faifon porte fes fruits ; chaque jour renouvelle 1'éclat du foleil. Voudroistu au milieu de 1'active création , ètre le feul qui ie lalfat de louer le Créateur par ta vertu & ta ndehte ? Non, il faut que ta vie exalte ia bonte; il faut que ton pieux zele enfeigne a lincredule combien eft grand, combien eft digne d adoration le Dieu qu'il méprife; il faut que la paix de ton ame apprenne au vicieux combien eft mifericordieux & doux le Dieu devant lequel il tremble. Deviens pour tes freres! ce qu'il eft pour toi; fois pour eux ceque Je ioleil eft pour tout 1'univers. De mème qu'il fait journellement fentir fa bénigne influence a la terre, qu'il fe leve fur l'homme reconnoiiiant comme fur 1'ingrat, qu'il luit fur les humbles vallons comme il éclaire le fommet des hautes montagnes : de même auffi que ta vie foit utde, bienfaifante, propre a récréer tes freres. Que chaque jour voie renouveller les chantables difpofidons de ton cceur, fais du bien a tous felon ton pouvoir, & fans égard au merite de 1'objet, en un mot, tache de vivre & dagir de maniere que ta vie foit un bienrait pour l humanité. Aujourd'hui encore tu as vu le lever du foleil: peut-être s'eft-il déja levé onze mille iois ltir ta tete; & peut-ètre eft-ce aujourd'hui pour la première fois que tu as fait de pareilJes reflexions fur ce phénomene. Et qui fait li ce n eft pas pour la derniere fois que tu as  Sur les ceuvres de-Dieu. 297 vu le foleil fe montrer dans ce bas univers! Ah! que cette incertitude' te rende d'autant plus attentif a glorifier ton fublime auteur, & a contempler le foleil d'aujourd'hui avec des fentimens tels qu'ils puiflènt fe prolonger dans 1'éternité bienheureufe. C I N aU I E M E A V R I L. Stru&urc merveilleufe de Voreille. L'Oreille, a 1'envifager par rapport a la beauté , doit, il eft vrai, céder la prérogative a 1'ceil, cependant elle eft parfaitement conformée & n'eft pas moins que lui un chef-d'ceuvre de la main créatrice. Déja la pofition de 1'oreille annonce beaucoup de fageife: elle eft placée dans l'endroit du corps le plus convenable, prés du cerveau, fiege commun de tous les fens. La forme extérieure de 1'oreille mérite auffi notre admiration. Elle a beaucoup de reffemblance avec la moule; mais elle eft auffi éloignée d'avoir la molleffe de la fimple chair, que la dureté de 1'os ; fi elle n'étoit que chair, fa partie fupérieure retomberoit vers le bas & empècheroit la communication des fotis j fi au contraire elle eüt été pourvue d'os fort folides, il en réfulteroit beaucoup d'inconvéniens & de douleurs lorfqu'on voudroit fe coucher fur le cóté. C'eft par cette raifon que le Créateur achoifi, pour la partie extérieure de 1'oreille, une fubftance cartilagineufe qui a la dureté, le poli & les plis les plus propres a réfléchir les fons. Car 1'ufage de toute cette par-  298 CONSIDERATIONS tie' externe eft de les réunir & de les envoyer au fonds de 1'oreille. La ftructure inférieure de cet organe eft encore plus propre a exciter notre furprife : il y a dans la conque de 1'oreille une ouverture qu'on nomme le conduit auditif,- 1'entrée en eft garnie de petits poils qui fervent de barrière aux infectes qui voudroient y pénétrer; & c'eft dans le mème but que 1'oreille eft humectée d'une humeur a la fois gluante & amere qui d'elle-mème fe fépare des glandes. Le tympan ou tambour, fe trouve placé obliquement dans Je conduit auditif: cette partie de 1'oreille a réellement beaucoup de reffemblance avec un tambour; car, premiérement il a dans la cavité du conduit auditif un anneau oflèux fur lequel eft tendue une membrane ronde, feche & mince; en fecond lieu , il y a fous cette peau un cordon fortement tendu qui rend ici le même fervice que la corde de boyau rend au tambour: il augmente par fes vibrations 1'ébranlement du tympan & fert tantöt a donner plus de tenlion a la membrane, tantöt a la relacher. Dans la cavité qui eft fous cette peau du tympan , fe trouvent quelques oifelets très-petits mais très-remarquables , appelles os auditifs & qu'on diftingue par ces noms: le marteau, 1'enclume, 1'orbiculaire, & 1'étrier. Leur ufage eft de contribuer a l'ébranlement & a la tenlion de la peau du tympan. Derrière la cavité du tambour, il faut encore obferver une ouverture a laquelle communiqué un canal quife rend versie palais, & qui eft également néceifaire a produire la fenfation des fons extérieurs. Vient enfuite le limacon, qui s'éleve tourné en fpirale; derrière ce canal eft le nerf auditif & celui-ci aboutit au cerveau.  Sur les ceuvres de Dieu. 299 L'ouie eft en Toi une chofe digne d'admiration. Simplement par une portion d'air infiniment petite que nous mettons en mouvement, fans favoir comment, nous pouvons dans un inftant faire connoitre a un autre nospeniees, nos conceptions, nos defirs , & cela d'une maniere aufli parfaite que fi fon ame pouvoit voir dans la nótre. Mais pour rendre plus compréhenfible 1'aÖion de L'air dans la propagation 'des fons, il faut fe fouvenir que l'air n'eft pas un corps folide, mais un corps fluide. Jettez une pierre dans une eau paifible & courante , il en réful'tera des ondulations qui s'etendront plus ou moins felon le degré de force aveclequel vous aurezjettéla pierre. Figurons-nous maintenant qu'un mot prononcé, produit dans l'air le même effet que le caillou produit dans 1'eau. Tandis que celui qui parle profere ce mot, il pouffe avec plus ou moins de force de l'air hors de fa bouche; cet air communiqué a l'air extérieur qu'il rencontre un mouvement d'ondulation , & cet air agité vient ebranler dans 1'oreille la membrane tendue du tympan. Cette membrane ainfi ébranlée communiqué des vibrations a l'air qui réfide dans la cavité du tambour & celui-ci ébranlelemarteau; le marteau a fon tour ébranle les autres ollelets ; 1'étrier tranfmet aux nerfs , par la fenetre ovale , le mouvement qu'il a requ , & ceux-ci frémilfent alors comme des cordes de violon. Ce mouvement de l'air fe renforce dans le labyrinthe & le limaqon, & fe communiqué a ce qu'on appelle proprement les nerfs auditifs. L'ame éprouve alors une fenfation proportionnée a la force ou a la foibleife de 1'impreflion reque, & en vertu d'une loi myftcneule du Créateur, elle fe fait des repréfentauons d'objets & de vérités.  300 CONSIDÉRATIONS Je reffens une vive joie de ce que je puis entendre; car je ferois dans la fituation la plus deplorablefi j'étois privé de la faculté de recevoir les fons. Oui, a certains égards je ferois plus malheureux encore que fi j'étois aveugle : par les yeux il ne peut entrer dans mon ame que des idéés fenfibles & corporelles; mais par louie je puis me former des notions d'objets ïnvifibles & fpirituels. Par conféquent fi j'étois ne fourd, il me feroit trés-difficile de recevmr des inftructions touchant la religion, Dieu, mon ame & mon falut. Je ne pourrois acquerir les lumieres nécefTaires pour pofféder un art ou une fcience quelconque. Afin de nous mieux faire fentir fa bonté pour la généralite des hommes, Dieu permet de tems en tems qu'il naiiPe des fourds. Jamais je ne confidererai 1'un de ces malheureux, fans apprendre a mieux eftimer le prix du fens dont ils iont privés , fans exalter la gratuité dont Dieu a cet egard encore a ufé envers moi. Mais un bon ufage de l'ouie, eft la meilleure maniere de lui témoigner ma reconnoiifance pour ce grand bienfait. S I X I E M E A V R I L. La voit laffée. r X-jOrsque nous examinons Ie ciel pendant la nuit, nous y découvrons au-deffusde nos tetes unelueur pale & irréguliere, &une certaine quantité d'étoiles dont les rayons confondus forment cette lueur, ce nuage apparent ou ces traces lumineufes qu'on appelle  Sur les ceuvres de Dieu. ?oi communément la voie lactée. Ces étoiles font trop lom de nous pour que chacune puiiie ie buffer appercevoir féparément a 1'ceil nud ht qui plus eft , entre celles qui font vifibles a 1'ceil armé, on découvre des efpaces qui, lelon les apparences , font remplis d'une immenfe quantité d'autres aftres, que le telelcope ne peut rendre vifibles. H eft vrai que le nombre de ceux qu'on a découverts eft déja prodigieux j mais fi nous pouvions faire nos obfervations d'un autre cóté du globe, d'un endroit plus voifin du pöle antarclique, nous ferions encore de nouvelles découvertes, nous vernons un grand nombre d'étoiles qui n'ont jamais paru fur notre hémifphere. Et avec cela nous ne ferions pas même en état de connoitre la moitié, peut-être pas la millieme partie des corps radieux qu'enferme 1'immenie etendue du firmament. Toutes les étoiles que nous appercevons dans la voie lactée, ne nous paroiifent que des points luifans , quoiqu'elles foient beaucoup plus grandes que tout le globe de la terre; de quelque inftrument que nous faflions ulage elles nous paroiifent toujours auffi petites qu'auparavant. Si un habitant de notre globe pouvoic voyager en s'élevant dansl air, & qu il atteignit la hauteur de cent foixante millions de lieues , ces corps de feu ne lui paroitroient encore que des points rayonnans. Quelque mcroyable que cela paroiffe, ce n'eft pas une idee chimérique, mais un fait qui eft effectivement arrivé, car vers les dix de Décembre, nous étions d'au-dela de cent foixante millions de lieues plus prés de la partie feptentnonale du ciel que nous ne le ferons le dix de Juin. Lt malgré cela nous n'avons apperqu dans ces  ?02 C O N S I I) É R A T I O N S étoiles aucune augmentation de grandeur. Cette voie lactée , qui eft fi peu confidérable en comparaifon de tout Pefpace du ciel, fuffit pour attefter la grandeur de 1'Etre fuprème ; & chacune des étoiles qu'on y découvre, nous inftruit de la fageife & de la bonté de notre Dieu. Et que font ces étoiles en comparaifon de cette immenfe quantité de globes, & de mondes qui roulent dans 1'enceinte du firmament! Ici la raifon demeure confondue: admirer, adorer, voila tout ce qui nous refte a faire. Ah! chaque fois que le ciel étoilé frappera' mes regards, puiife-je m'élever vers-toi, ö adorable Créateur! Combien peu, jele confeffe avec un fentiment de honte & de regret, combien peu a 1'afpect du firmament j'ai penfé a toi! combien peu j'ai admiré ta grandeur & celebre ta puiifance. Pardonne-moi cette infenfibilité, cette ingratitude; éleve cette ame enchainee par des Hens terreftres, éleve la vers toi, ó Créateur du ciel & de la terre. Fais qu'un vif fentiment de mon néant me porte a I humilite ; puis daignes me relever par cette penfee fublime, qu'un jour mon efprit rachete s'elancera au-deffus de la région des étoiles. SEPTIEME AVRIL. Réflcxions fur les femences des plantes. i- je vivrai de fiecle en jiecle. La durée conftante des êtres corporels peut me faire conclure avec beaucoup de vraiièmbiance, que mon ame fera aufli permanente. Puifqu'aucune des parties terreftres ne fera anénntie, eft-il a préftimer que mon ame fut de toutes les chofes créées la feule qui dut être détruite 'i Non , le monde corporel tout entier périroit plutöt qu'un efprit que Jéfus-Chrift. a racheté. DIX-SEPTIEME AVRIL. Utilité de la pluie. -A.U fensle plus propre la pluie mérite bien d'ètre appellée un préfent du ciel. Les bienfaits que notre pere célefte répand fur nous  Sur les ceuvres de Dieu. 329 par ce moyen, font également nombreux & ïndifpenfables pour nous. Autant que les fuitcs d'une fécherelfe conftnnte nous feroient funeftes, autant font précieux les biens qu'une pluie bénigne & rafraichiifante nous procure. Qui pourroit décrire ou connoitre feulement tous les avantages qui nous en reviennent? Mais fi nous ne faurions en faire une énumération exacte, nous pouvons au moins réfléchir fur quelques-uns des plus confidérables. La chaleur du foleil agit fans interruption fur les différens corps de la terre , & en détache continuellement des particules fubtiles qui, fous la forme de vapeurs, reroplilfent 1'athmofphere. Nous refpirerions avec l'air ces' exhalaifons dangereufes, fi de tems en tems elles n'étoient entrainées par la pluie, qui les précipite fur la furface de la terre, & qui purge ainfi & purifie l'air. Elle ne nous eft pas moins utile en modérant la chaleur brülante de 1'athmofphere , & la raifon en eft fenfible. Car plus l'air eft voifin de la terre, plus il eft échauffé par la réfraction des rayons: au lieu que plus il eft éloigné de nous , plus il eft froid. La pluie qui tombe d'une région plus haute, amene aux régions plus baffes une fraicheur vivifiante, dont nous éprouvons toujours les agréables effets lorfqu'il a plu. C'eft encore a la pluie qu'il faut rapporter en partie 1'origine des fontaines, des puits, des lacs, des ruiffeaux & conféquemment des fleuves. Tout le monde fait avec quelle abondance ces diverfes eaux nous font fournies pendant les faifons humides & pluvieufes, au lieu qu'elles s'évaporent pendant une longue féchereffe. Mais pour fentir combien la pluie eft utile & néceifaire , il fuffit d'obferver combien la terre & les végétaux lan-  CONSIDÉRATIONS guiifent après ces ondées fertiles, fans lefquelles tout dépériroit. La pluie elt a divers égards Ja nourriture des végétaux. Elle humecle & amollit la terre qui fe trouve deiféchée, & en quelque forte pétrifiée par 1'ardeur du foleil; elle circule dans les veines fubtiles & dans les vaiffeaux des plantes & des arbres, & leur charrie ces fucs bienfaifans qui entretiennent leur vie & qui leur donnent de 1'accroilfement; lorfqu'elle lave les montagnes, elle en détache un terre molle , friable , fécondé , qu'elle dépofe dans les vallées oü elle fe précipite & qu'elle fertilife. Oui, Seigneur, tu as tout arrangé avec fageife , & la terre elt remplie de ta bonté. Telle eft, fans doute, la conféquence que mes lecteurs tireront avec moi de cette méditation. Et fi par-la ils fe font trouvés excités a adorer & a louer Dieu , je vais leur indiquer quelques autres réflexions que le fujet, que nous venons de traiter, peut donner lieu de faire, & je fouhaite qu'ils lesimpriment profondément dans leur efprit. Quel plus beau fpectacle que celui qu'offre a nos yeux un ciel pur & ferein ! Cette belle voute azurée qui eft étendue audeifus de nous, n'eft elle pas bien propre a remplir tous les cceurs d'admiration & d'allégreflè? Mais toutes les beautés du ciel difparoiifent, dès qu'a 1'ordre des vents, les nuages viennent tirer un rideau épais devant nos yeux. Quels fentimens nous fait éprouver une telle révolution? Voici, au moins, ceux qu'elle devroit infpirer. Quelles que fuifentles beautés que nous contemplions avec tant de raviffement, il en eft fans comparaifon de plus grandes encore, qu'aucun nuage ne fauroit nous dérober & qui pourroient nous dédom-  Sur les ceuvres de Dieu. mager parfaitement de la privation des autres. Car que font toutes les beauté de la nature, en comparaifon de la beauté de ce grand Etre, dont la contemplation peut feule faire la félicité d'un efprit immortel! Ce n'elt pas fans deffein que Dieu nous privé quelquefois pour un tems des chofes qui nous plaifent le plus. II veut nous npprendre a chercher en lui notre bonheur & notre joie, & a le regarder comme notre fouverain bien. De plus , ces privations mêmes que nous éprouvons quelquefois, ne font-elles pas compenfées par divers avantages extérieurs? Ces nuées qui nous cachent les beautés du ciel, font les fources des pluies bienfaifantes qui fertililent la terre. Qu'il vous enfouvienne, mon cher lecteur, & toutes les fois que des adverfités rendront vos jours triftes & fombres, foyez perfuadé que ces difgraces mêmes deviendront, entre les mains de votre pere célefte, les inltrumens de votre félicité. Confidérez encore dans la pluie 1'image des biens de la fortune. Car autant que les pluies modérées font utiles, autant peuvent-elles ètre nuifibles lorfqu'elles font de trop longue durée ou qu'elles viennent a contre - tems. II en eft de même des biens terreftres: leur trop grande abondance pourroit ètre la caufe de votre perte. Remerciez donc votre pere célefte de ce qu'il vous refufe des préfens, que vous reconnoitriez dans la fuite avoir été de vraies punitions. Enfin, apprenez de ce que nous avons dit aètre content de toutes les difpenfations de la fage Providence dans le gouvernement du monde. II n'y a que Dieu qui faehe de quelle maniere il convient que fes bienfaits foient dif-  3?2 CONSIDERAT IONS tribués. A fon ordre les nuées partent de loin l pour arrivenaux lieux oü elles doivent exécuter les volontés de leur Créateur. üferiezvous, ö homme, entreprendre de diriger leur cours, & vous charger de cette feule partie, peut-être la moins confidérable du gouvernement de 1'univers? Comment donc pourriezvous ètre aifez téméraire pour blamer les voies de la Providence dans des occafions tout autrement importantes. DIX-HÜITIEME AVRIL. De la refpiration. D E toutes les fonctions de la vie animale, la refpiration eft une des principales & des plus néceifaires. Sans elle, il feroit impoilible d'expulfer la falive & les excrémens, & de fe débarraifer, par la tranfpiration, deshumeurs fuperflues. La parole même & les diverfes inflexions de la voix ne fauroient avoir lieu fi Pon ne refpiroit pas. Elle fert a 1'odorat, a mêler exactement enfemblele chyle, la lymphe&le fang, a donner a celui-ci fa couleur rouge, & peut-être aufli a entretenir & a renouveller les efprits animaux par l'air mèlé avec le fang. II eft même certain que nous ne pourrions pas vivre un inftant fi nous étions privés de la refpiration. Mais d'oü procédé cette fource de ma vie ? D'oü me vient la faculté de refpirer? Mon poumon eft proprement Porgane par lequel j'infpire & j'expire l'air. Ce vifcere reffemble a une grande bourfe, au haut de laquelle eft  Sur les ceuvres de Dieu. 333 attaché un tuyau , par oü l'air pénetre dans une infinité de vélicules, de branches & de rameaux qui forment le tilfu intérieur du poumon. Quand l'air eft pompé dans le poumon, le bas-ventre fe gonfle, les cótes s'élevent, & la partie inférieure du fternum s'avance. Pendant 1'expiiation au contraire, le bas - ventte s'affaiife, les cötes s'abaüfent, & le fternum fe retire vers le dos. Pour que tout ce méchanifme put s'exécuter commodément, le Créateur a difpofé de la maniere la plus fage les parties intérieures du corps. Plus de foixante mufcles font continuellement en mouvement, pour procurer la refpiration en dilatant & en reiferrant tour-a-tour la poitrine. Rien de plus admirable que la ftructure de la trachée-artere: elle eft recouverte d'une valvule qui la ferme exaclement au moment de la déglutition, & qui empéche ainfi que les alimens n'y paffent & que la refpiration ne foit interrompue. On nc découvre pas moins de merveilles dansles parties inférieures de cet organe, dans les branches de la trachée-artere, dans les véficules du poumon, dans la diftribution des veines & des arteres qui accompagnent partout les bronchies & les vélicules, afin que le fang qu'elles contiennent puiffe recevoir de toutes parts les impreflions de l'air. II eft bien jufte, ö mon Créateur, que je te bénilfe de ce qu'après m'avoir donné la faculté de refpirer, tu as confervé jufques ici mon fouffle par ta bonté. Quels mouvemens de reconnoiifance & d'adoration ne doivent pas s'élever dans mon ame, lorfque je confidéré que dans chaque minute je refpire vingt fois, & par conféquent trois cent fois dans un quart-d'heure ? Mille & mille accidens pour-  CONSIDÈRATIONS roient interrompre & arrèter entiérement cette fonCtion. Combien ne feroit-il pas facile que pendant que je mange & que je bois, ou mème pendant mon fommeil, il entrat dans ma trachée-artere des chofes nuifibles qui pourroient fur le champ me caufer la mort! Ah ! Seigneur, il ta Providence ne daignoit conferver mon fouffle, fi tu ne prévenois les fuites funeftes de mon imprudence & de ma négligence, il y a long-tems que je ferois privé de la vie. Mais ai-je eu la reconnoiifance qu'exigeoient ces marqués continuelles de ta bonté? La refpiration eft une de ces faveurs dont je jouis k chaque inftant, fans me fouvenir, hélas ! que c'eft a toi que j'en fuis redevable. II feroit bien jufte cependant que je penfaife quelquefois a ce bienfait que je recois continuellement; & ii je m'accoutumois ainfi a être plus attentif aux graces particulieres & quotidiennes, je pourrois aufli contempler avec plus de raviffement 1'enfemble des ceuvres & des merveilles de Dieu, & j'en ferois plus vivement touché. Arbitre de mes jours, maitre de ma vie & de mon fouffle , veuilles m'infpirer toimëme les fentimens que je te dois , & me donner la force aufli-bien que le defir de célébrer ton infinie bonté.  Sur les ceuvres de Dieu. DIX-NEUVIEME AVRIL. Des preuves de la bonté de Dieu que nousfourniffent les aeuvres de la création. IjEs phénomenes les plus ordinaires & les plus fenfibles que nous voyons tant fur la terre que dans 1'air, fe rapportent mamfeftement au bien & a 1'utilité du monde animal. Tout ce que nous voyons autour de nous, fur nos tètes, & fous nos pieds , fert a notre entretien & a nos plaifirs. Qu'y a-t-il deplus néceifaire pour la confervation de notre vie, que les alimens? Or, la terre en eft couverte de toutes parts. L'herbe , les légumes , les fruits pour 1'entretien des hommes & des bêtes , font répandus fur toute la furface de la terre, enforte qu'il n'y a prefque aucun endroit oü les animaux ne puüfent trouver la nourriture qui leur eft convenable. Dieu ne s'eft pas même borné a pourvoir a notre fubfiftanee & a nos befoins; ila daigné nous fournir aufli 1'agréable & le commode. S'il n'étoit queftion que de foutenir notre vie, 1'eau & les racines les plus communes pourroient y fuffire. Mais quelle variété d'alimens le Créateur ne nous fournife-il pas avec la plus grande libéralité. 11 n'en ufe pas avec nous comme un économe avare, qui ne donne a ceux qui dépendent de lui qu'autant qu'il en faut pour qu'ils ne meurent pas de faim; mais comme un hóte généreux qui n'épargne rien pour bien traiter fes convives, & pour leur fournir avec profufion tout ce qui peut leur faire plaifir.  33$ CONSIDÉRATIONS Telle eft la munificence de Dieu envers tous lés êtres vivans. A peine y a-t-il fur toute la terre uu arbufte , une plante, une herbe , une eau, un marais, qui ne ferve de demeure & de nourriture a quelque créaturc vivante. Dans un arbre, par exemple, il y a outre les fruits, des feuilles, une écorce, & du bois. Or, chacune de ces parties nourrit une multitude innombrable de créatures. Les chenilles fe nourrilfent des feuilles; certains vers vivent dans 1'écorce; d'autres négligent les feuilles & 1'écorce pour fe loger dans le bois. C'eft ainfi. qu'il n'y a prefque rien dans toute la nature, qui ne foit utile a quelque créature vivante. Quelle ne doit donc pas être la bienlaifance de ce Dieu , qui n'oublie aucun des êtres que fa main a formés, & qui ne dédaigne pas de veiller fur eux & de puurvoir a tous leurs befoins ! Qu'y a-t-il de plus agréable que la lumiere! Certcs la lumiere eji douce , E-f il eji agréable aux yeux de voir le foleil. EccleJ". XI. 7. OrTes rayons rempiilfent toute 1'immenfe étendue des cieux, & tant que le jour dure 1'ceil en eft de toutes parts environné. II participea ce bienfait univerfel, & par ce moyen iljouit du fpectacle fi raviffant & fi varié de la création. La lumiere nous découvre toutes les richcifes des ceuvres divines. Sans elle la nature feroit déferte pour nous, & fes innombrables beautés nous feroient toujours inconnues. Avec quelle bonté Dieu n'a-t-il pas pourvu au bien de nos fens ? Par exemple , il a choifi les couleurs les plus douces & les plus propres a réeréer Sc a réjouir la vue : 1'expérience nous montre que les furfaces bleuesSc vertes, réfléchilfent les rayons qui blelfent le moins nos yeux,  Sur les ceuvres de Dieu. 337 yeux, & que nous pouvons foutenir le plus long-tems. De-la vient que la bonté divine a revétu le ciel debleu, & la terre de vert: deux couleurs qui fympathifent beaucoup avec nos yeux. Elles font aifez vives, aifez gaies pour frapper agréablement 1'ceil, & aifez douces pour ne pas le fatiguer & 1'offenfer. Elles ont cependant des nuances variées & fuffifantes pour diftinguerles objets, & pour prévenir une trop grande uniformité. Outre des plantes d'un verd très-diverfifié, la terre nous montre les plus belles fleurs, qui non-feulement réjouiifent nos yeux par mille & mille couleurs différentes , mais qui embaument aufli l'air, & qui flattent notre odorat par les parfums les plus délicieux. L'oreille de même n'eft pas oifive, elle fe déleéte a entendre le chant des oifeaux qui rempliifent l'air de leurs mélodieux concerts. D'un cieur pénétré de reconnoijjance & de joie je t'exalte, ö mon Dieu, & je célebre ta bonté. Seigneur , combien ejlurécieufe ta gratuite', que les foins que tu as ae nous font tendres Êf paternels .' Aucune de tes créatures n'eji cachée d tes yeux; tu n'en dédaignes & tu n'en méprifes aucune i toutes fans exception, font les objets de ta Providence, Êf tu veilles fur chacune d'elles. Auffi ta bienfaifancefera-t-elle toujours l'objet de mes méditations, mon ame ne cejfera de te bénir, & je me rêjouirai au fouvemr de ta bonté. Tornt 1. Y  2J8 CONSIDÉRATIONS VINGTIEME AVRIL. Douces influences de la chaleur du foleil. roche du printems, il fe fait fous nos yeux des révolutions qui doivent remplir d'étonnement tout obfervateur attentif. La nature reprend peu-a-peu la vie qu'elle paroilfoit avoir perdue pendant l'hiver. La terre fe tapiife de verdure. Les arbres fe couyrent de fleurs. De toutes parts on voit éclore les nouvelles générations d'infectes & d'autres animaux, qui fe réjouiifent de leur exiftence & qui.font doués de mille inftinds divers: touts'anime, tout renait, & cette nouvelle vie, qui fe matu^fte dans les deux plus ïiobles regnes de la nature, eft produite par le retour de la chaleur qui réveille les plantes & les animaux, & qui met en mouvement leurs forces rajeunies. C'eft au foleil que nous devons cette admirable révolution. II eft la fource de la vie, du fentiment & de la joie , puifque -fes rayons falutaires & vivifians fe répandent dans tous les regnes de la nature. Les graines eprouvent fa vertu & fe développent dans le fein de la terre. C'eft par lui que les plantes & tous les végétaux germent, pouifent & croiffent. Son approche ranime-& fortifie les animaux. Tout ce qui refpire, tout ce qui vit, tout ce qui fent, tout ce qui végete, éprouve les bénignes influences de ce globe majeftueux. Que feroit-ce fi nous étions privés de la lumiere & de la chaleur du foleil? Qu'il feroit trifte 1'afbed de la terre devenue inhabitable  Sur les ceuvres de Dieu. 339 & déferte ? Dans quel engourdiffement ne tomberoient point la plupart des créatures, & combien leur vie ne feroit-elle pas miférable & languiifante? Et de quelle fource d'allégreffe & de joie ton cceur ne fèroit-il pas privé, ö homme, il tu ne pouvois plus jouir des rayons du foleil levant, ni de la clarté d'un ciel ferein ! Rien ne pourroit nous dédommager de la perte du foleil. La nuit la plus douce, la chaleur artificielle la plus tempérée , ne fauroit fuppléer cette vertu vivifiante que la lumiere du foleil communiqué a tous les êtres, & qui elf tout autrement efficace & falutaire que celle du feu terreftre. Les hommes & tous les animaux le favent & 1'éprouvent. Un valétudinaire renfermé bien chaudement dans fa chambrc & environné de fecours, ne reprendra pas dans plufieurs femaines autant de forces, que lui en communiqueroit en peu de tems les douces influences du foleil dans les beaux jours du printems. Les plantes qu'une chaleur artificielle fait pouffer, ne parviennent jamais a ce degré de force & de confitfance que 1'on voit dans celles qui naiffent & qui croüfent aux rayons du foleil. Ici tout fe réunit pour la perfection des plantes Sc des animaux; au lieu que dans la chaleur artificielle, on n'apperqoit que les foibles & languiffans efforts d'une nature impuiffante. Mais le foleil exifleroit - il, & pourroit-il nous communiquer la lumiere & la chaleur, li toi, ö mon Dieu, qui es le Créateur de toutes chofes, ne 1'avois formé & ne lui avois donné la force de répandre dans toute la terre fa vertu vivifiante? Oui, Seigneur, c'eft de toi que procedent tous les bienfaits que nous recevons de l'aftre du jour. C'eft toi qui 1'a» Y a  540 CONSIDÊRATIONS créé, qui as réglé fon cours, & qui entretiens fon éclat & fa iplendeur. Chaque matin tu le fais reparoitre, & tu nous fais éprouver, dans toutes les faifons, fes falutaires influences. Sans toi il n'y auroit ni foleil, ni lumiere, ni chaleur, ni printems. C'eft donc vers toi que mon ame s'éleve, vers toi qui es le Créateur du foleil. Sa chaleur bienfaifante, fa lumiere fi belle & fi pure, me ramenent a toi qui es 1'Etre des êtres, la fource de tous les biens & de tous les plaifirs, le pere de la lumiere. Les payens étoient trop aveugles pour te reconnoitre dans le foleil: ils s'arrëtoient aux effets & en méconnoiffoient la caufe. Mais je fais qu'il n'y auroit pas de foleil fi tu n'exiftois point, qu'il ne pourroit ni éclairer, ni échauffer, fi tu ne 1'avois ordonné. Jè fais que la végétation, 1'accroiflement & la fructification, tous les biens qui nous environnent, toutes nos fenfations agréables, tous ce qui nous ravit & nous délecte, vient de toi. Le foleil n'eft que 1'inftrument de ta bonté, le miniftre de tes volontés, le héraut de ta grandeur. Le monde feroit fans doute inanimé & défert, fans la lumiere & la chaleur du foleil; mais, ó foleil de juftice, mon cceur ne feroit pas moins deftitué de joie & de vie fans les falutaires influences de ta grace vivifiante. Si mon ame a quelque vie , quelque vertu, quelque joie, c'eft uniquement a toi que j'en fuis redevable. Tous les autres moyens que je pourrois employer pour devenir fage, pieux, & heureux, ne feroient d'aucune efficace. Je ferois un arbre mort, fans feuilles & fans fruits, li ta grace falutaire ne me vivifioit. Seigneur Iéfus, daigues donc lever fur moi la clarté  Sur les ceuvres be Dieu. 341 de ta face. Comme toutes les créatures languiifent après le foleil & attendent fa venue, ainfi mon ame nfpire a ta préfence, elle regarde vers toi avec les defirs les plus ardens. Récrée & foulage mon efprit languiffant, anime & vivifie mon cceur abattu, & que ta grace me faife frucfifier en toute bonne oeuvre. VINGT-UNIEME AVRIL. Rapports que toutes les créatures ont les unes avec les autres. C^'Est déja une cbofe bien digne de notre admiration , que le nombre prodigieux de créatures qui font fur la terre. Mais ce qui doit peut-être nousfrapper encore davantage, c'eft la proportion qui fe trouve entre toutes ces chofes, & les fages rapports qui lient cette multitude infinie d'êtres divers, enforte qu'ils ne forment qu'un tout régulier & parfait. L'étendue du regne animal eft incompréhenfible, & cependant tous les animaux trouvent une nourriture fuffifante. Aucune efpece, quelque peu nombreux qu'en foient les individus, quelque perfécutés qu'ils foient, ne s'éteint entiérement. II eft vrai que plufieurs d'entr'eux fervent de pature a d'autres, mais le nombre des animaux rapaces n'eft pas confidérable. La plupart d'entr'eux font folitaires & ne multiplient pas beaucoup; ceux même qui font aifez nombreux, fe contententde peu de nourriture; & pour fe la procurer, il leur faut beaucoup d'art & de peine. Plufieurs ont auffi des ennemis, qui empèchent qu'ils ne Y ?  34^ CONSIDÉRATIONS multiplient trop; ou bien les animaux foibles & timides fuppléent par leur nombre aux forces qui leur manquent, & par toute forte de rules & d'adreife, ils échappent a leurs perfécuteurs. II eft encore a remarquer que pour la confervation & la multiplication des efpeces , il y a un équilibre exact entre les deux fexes, enforte qu'il n'y a point d'animal qui ne trouve fon femblable avec lequel il peut s'apparier. Le regne minéral fert a la confervation des plantes, les plantes a la confervation des animaux, les uns & les autres fervent au bien & a 1'utilité de l'homme. Les plantes qui font du plus grand ufage, comme les bleds, viennent par-tout oü il y a des hommes & des animaux, fe multiplient le plus facilement, & lont le moins fujettes a fe gater. De même auffi les animaux dont l'homme peut le moins t j' ^e trouvent répandus par-tout en abondance. Les produdions des divers climats lont accommodées aux befoins particuliers des hommes. Ainfi les pays les plus chauds abondent en fruits rafraichiifans. Dans les contrées fujettes a une grande fécherelfe, il y a des plantes & des arbres qui font pour ainfi dire des fources d'eau, & qui en fourniifent aifez pour abreuver les hommes & les animaux. Si le bois manque quelque part, on y trouve une plus grande abondance de tourbes & de charbon de terre. S'il y a des pays qui foient privés des pluies & des autres moyens de fertilité, ils en font dédommagés par de bienfaiiantes inondations, comme celles du Nil en Egypte. Parmi les hommes on remarque auffi 1'équihbre le plus exad entre les deux fexes. La proportion qui regne entre les males & les fe-  Sur les ceuvres ue Dieu. 34; melles eft a-peu-près toujours égale: le nombre des males eft d'ordinaire a celui des femelles, comme vingt-fix a vingt-cinq. Dans la fociété civile, les biens & les talens font diftribués d'une maniere fi admirable, que comme chaque individu en particulier peut être heureux felon les circonftances oü il fe trouve, il ne manque aufli rien a la fociété en général de ce qui lui eft néceifaire. Si les inclinations & les penchans des hommes n'étoient pas fi variés, fi leurs difpofitions & leurs goüts ne leur faifoient embraifer des genrés de vie différens, s'il n'y avoit pas tant de diverfité dans le génie , dans la faqon de penfer, dans la beauté, dans les richeifes & dans les autres circonftances extérieures, la fociété humaine ne feroit bientót qu'un trifte défert. II n'y a aucune claife d'hommes qui puiife fe paifer des autres; chaque pays a fes avantages particuliers, & s'ils étoient communs a tous, il n'y auroit ni liaifons, ni commerce eritrè les hommes. En un mot, de quelque cóté que nous jêttions les yeux fous le ciel, nous trouverons piir-tout la plus admirable harmonie, & les plus exaétes proportions. Nonobftant 1'infinie variété des créatures, & rrtalgré le choc continueldetantdeloix de la nature, il fe trouve que dans cet immenfe univers tóut eft béau, tout eft parfaitement alforti au bien général, tout eft dans 1'ordre le plus exaél & le plus conftant. De quelque cóté que je po,te mes regards , je ne vois que ks rapports les plus fages & la plus ravijjante harmonie : elle brille de toutes parts, elle embellit tout, rien rieji ifole', tout confpire au même but, tout eji enchalnc avec uti art merveilleux. Y 4  344 CONSIDÉRATIONS t Sage auteur de la nature, je t'adore & je t exaite avec la plus profonde admiration. Je ne ierois pas digne de contempler la magnificence, 1'harmonie de tes ceuvres, je déshonorerois ma raifon, je te déshonorerois toimeme fi je n'admirois les profondeurs de ta iagene. Et que puis-je faire de plus? Tant que je vis ici-bas , je ne connois qu'en partie , & je n apperqois que les bords de tes voies adorables. Ce que j'en connois eft peu de chofe en comparaifon de ce qui eft caché a mes regards , & Ie peu même que j'entrevois me paron iouvent incompréhenfible & impénétrable Uuvre donc toi-même mes yeux , ö Seigneur, arm que je voie les merveilles de ta fageffe Apprends.moi a la reconnoitre dans toutes tes" ceuvres, qui font arrangées avec tant d'ordre & d harmonie; apprends-moi fur-tout a fentir & a admirer cette ineffable bonté, qui a tout regie de la maniere la plus avantageufe a tes créatures. VIN GT-DEUXIEME AVRIL. Des parties integrantcs de Veau. L O r s qu e nous buvons de 1'eau , nous croyons jouir d'un élément pur & fimple. Nous nous trompons, car les naturaliftes affurent que chaque goutte d'eau eft un petit monde, ou les quatre elemens, & les trois regnes de Ja nature fe trouvent réunis. II n'y a guere d eau qui ne foit chargée de matieres hétérogenes, que 1 on découvre manifeftement lorfqu on la diftiile ou qu'on la filtre. Quelque  Sur les ceuvres de Dieu. 2,4? incrovrible que la chofe puiife paroitre, elle eft mife hors de tout doute par les expénences les plus exactes & les plus certaines. Outre fes parties élémentaires, 1'eau contient diverfes particules terreftres; celles, par exemple , qui appartiennent au regne minéral, telles que les terres calcaires, le falpétre, & diverfes fortes de fels. On ne fauroit en douter, fi 1'on confidéré, combien de parties terreftres 1'eau doit rencontrer par-tout, foit dans l'air, foit fur la terre, parties qu'elle dilfout, ou qu'elle entraine & charrie avec elle. L'eau contient encore des parties inflammables ou fulfureufes, qui fe manifeftent lorfqu'elle vient a ie corrompre : fans ces particules ignées, elle deviendroit un corps folide & compacte; car dés qu'on la privé de toute fa chaleur, elle fe condenfe, elle devint plus pefante & acquiert la dureté d'une pierre. Enfin que l'eau foit aufli imprégnée d'air, c'eft ce dont 011 conviendra fans peine, fi 1'on fait attention a ce qui lui arrivé lorfqu'elle commence a bouillir. Ainfi l'eau commune contient de la terre, des fels , des parties ignées & de l'air ; deforte qu'il eft vrai de dire, que tous les élémens fe trouvent réunis dans une goutte d'eau. Mais y trouveroit-on aufli des plantes & des animaux? Ce qu'il yade certain, c'eft qu'elle contient les principes de la végétation, puifque toutes les plantes tirent de l'eau leurs fucs nutritifs, ne croiifent & ne fe nourriffent que par elle. Quant au regne animal, il eft de la derniere évidence qu'il fe diftingue aufli dans l'eau. Sans parler des poiifons & des autres animaux aquatiques dont elle eft peuplée, il n'y a pas jufques aux fimples gouttes d'eau qui n'aient leurs habitans, que 1'on peut décou-  ?4<5 CONSIDÉRATIONS vrir a 1'aide du microfcope. On fait d'ailleurs avec quelle facüité les infectes s'engendrent dans les eaux croupiifantes , infectes dont le germe elt fans doute caclié dans l'eau, quoique des circonftances extérieures Pempêchent quelquefois de fe développer. Tout ceci eft bien propre a nous faire réfléchir fur la fage bonté du Créateur. Ce n'eft point par hafard que l'eau eft compofée de tant de parties. II eft vrai qu'elle feroit une des boiifons les plus pures, fi elle étoit un corps abfolument fimple; mais, d'un autre cóté, fes vertus médicinales fe réduiroient a bien peu de chofe pour le corps humain. Si 1'on penfe a la maniere dont l'eau nourrit les plantes, il eft aifé de préfumer qu'elle communiqué de la mème maniere, aux hommes & aux animaux, le peu de fucs nutritifs qu'elle contient. L'eau n'eft donc pas fort nourriifante par elle-même, mais étant trés-fubtile , elle diifout les parties nutritives des alimens, elle leur fert de véhicule, & les charrie jufques dans les plus petits vaiifeaux. C'eft par conféquentla boiflon la plus faine, celle dont les hommes & les animaux peuvent le moins fe paffer, & 1'on éprouve fa vertu falutaire dans les occafions même oü toutes les autres boiffons feroient nuifibles a la fanté. Quelle ne doit donc pas ètre votre reconnoiffance, mon cher lecteur, a chaque verre d'eau que vous buvez ? Voyez avec quelle bonté Dieu pourvoit a vos befoins. II a préparé chaque alimeut, chaque boiflon de la maniere la plus convenable a votre nature, la plus propre a conferver votre fanté & votre vie. II a communiqué une vertu bienfiifante aux moyens de fubfiftance les plus ordinaires  Sur les ceuvres de Dieu. 347 & les plus indifpenfables. BéniiTez donc le Seigneur pour l'eau qu'il vous a donnée afin d'étancher votre foif & de digérer les alimens dont vous vous nourriflèz. Et fuppofé même que pour foutenir votre vie, vous n'euffiez prefque que du pain & de l'eau , apprenez a vous en contenter, foyez toujours reconnoiffant, & priezDieu de bénir ces alimens & de vous faire la grace d'en jouir avec un cceur fatisfait. VINGT-TROI SIEME AVRIL. De la propagation des plantes. En général, les végétaux viennent de gratne, & dans la plupart des plantes, ce font les fleurs qui produifent la graine & qui la rendent fécondé. Prefque toutes les fleurs font pliées dans un bonton , oü elles fe forment en fecret, & font garanties par leurs enveloppes & leurs tuniques. Lors enfuite que la feve afflue en abondance, fur-tout vers le printems, la fleur groflit, le bouton s'ouvre, les enveloppes tombent , & la fleur fe montre a nos yeux. On voit extérieurement quelques feuilles très-minceS de différentes couleurs, qui fervent de défenfë aux organes de la fruclification, & peut-être auffi a la préparation du fuc nourricier qui fe porte dans ces parties. Mais c'eft proprement au milieu de la fleur que fe trouvent les organes de la fructification. On y voit un filet ou une petite colonne, appellée pijlil, quij particuliérement dans les tulipes, monte aifez haut. Autour du pijlil font les ctamines iurmon-  ?f8 CONSIDÈRATÏONS tées de Fora mets, qui renferment une pouffiere prohfique & diverfement colorée. Ces étamines font proprement les organes mafculins, deftines a feconder les germes; & le piftil eft Ja partie femelle de la génération , c'eft en quelque lorte la matrice qui recoit la pouffiere fécondante. Les végétaux fe propagent auffi par la greffe. JJ une branche tendre d'un arbre qui eft en leve, on detache un ceil ou un commencement de branche avec une partie de 1'écorce, & on I ente dans un autre arbre, c'eft-a-dire, qu'on iniere cet ceil entre 1'écorce & le bois, après quoi on he doucement le tout en y paifant plufieurs tours de fil de laine. De cet ceil il fort une branche, qui eft de la nature de 1'arbre doti l oeil a ete pns, quoique 1'arbre dans lequel il a ete mféré, & qu'on appelle fauvageon, loit d'une toute autre efpece. On perpétue encore 1'efpece des arbres & des autres plantes ligneufes, par des boutures. Dune iaule, par exemple, on détache une bouture, c'eft-a-dire, un feul baton ou rameau, on Ie meten terre après en avoir coupé les petites branches afin que dans les commencemens il ne prenne pas trop de feve; bientót il en fort des racines aux endroits oü il avoit des commencemens de branche, & il devient un arbre. Enfin, les végétaux fe propagent auffi par les racines; mais celles - ci doivent avoir des yeux, fans quoi elles ne poufferoient point. CertameS/ plantes jettent tout autour d'elles des trainees ou de longs filets, qui ont des nceuds ou des yeux. Les nceuds alongent leurs cnevelus en terre, & deviennent autant de nouveaux pieds, que 1'on peut féparer les uns  Sur les ceuvres de Dieu. 349 des autres pour avoir autant de nouvelles plantes. L'oignon mème eft une efpece d'ceil dans lequel la plante fe trouve renfermée, & il a entre fes feuilles de petits oignons ou de petits yeux, enforte qu'il peut auffi ètre propagé par les feuilles lorfque les petits oignons y reftent attachés. Quel concours de caufes ne faut-il pas pour produire les végétaux, pour les conferver & les propager ! En fuppofant mème que les germes préexiftoient, quel art ne faut-il pas pour les développer, pour donner de 1'accroüfement a la plante, pour la conferver & pour en perpétuer l'efpece ? La terre devoit ètre une mere fécondé, dans le fein de laquelle les plantes puifent ètre placées convenablement & s'y nourrir. L'eau qui contribue auffi a la nourriture des plantes, quoique dans un moindre degré, devoit ètre compofée de toutes les parties dont le mélange peut fervir a les faire pouffer & croitre. Le foleil devoit mettre tous les élémens en mouvement, faire germer les femences par fa chaleur, & mürir les fruits. II falloit établir un jufte équilibre & une exacte proportion entre les plantes, afin que d'un cóté elles ne multiptialfent pas trop, Sc que de l'autre, il y en eüt toujours fuffifamment. II falloit que letitfu, les vaüfeaux, les fibres & toutes les parties de la plante , fuifentdifpofés de maniere que la feve, le fuc nourricier put y pénétrer, y circuler, s'y digérer & s'y préparer de maniere que la plante requt la forme, la groifeur & la force convenables. II falloit déterminer exactement quelles plantes devoient venir d'elles-mëmes , & quelles autres auroient befoin des foins & de la culture des hommes. L'oeuvre de la génération & de la propagation  3fO CoNSIDÉRATIONS des plantes eft donc fi compliquée , elle pafle, pour ainfi dire, par tant d'atteliers, qu'il feroit impoflible de démëler cette longue fuite de caufes & d'effets qui la produifent. En tout cela je reconnois ta fageife & ta bonté, ó mon adorable Créateur. Quel autre que'toi auroit pu communiquer aux élémens la vertu néceifaire pour perpétuer les végétaux! C'eft toi qui as donné au foleil la grandeur & la chaleur convenables pour pouvoir agir fur notre terre, & lui faire éprouver fes heureufes influences. C'eft toi qui as créé les parties conftituantes dont les plantes devoient être compofées, & qui les a difperfées dans l'air, dans les eaux & fur la terre. C'eft toi qui as etabü les loix du mouvement, qui a formé 1'athmofphere, & qui produis ainfi la pluie, les brouillards & les nuages. C'eft toi qui vivifies les graines & qui donnés aux végétaux 1 exiftence & 1'accroüfement. Tous les ans encore la terre, par ton ordre, produit fes plantes. A chaque printems tu renouvelles la face de la nature, & tu couronnes 1'année de tes biens. Auteur des plantes & des hommes, que ta bonté, ta puiifance & ta fagefle foient célebrees a jamais. Que la terre, comme le ciel, annonce la gloire de ton grand nom dés maintenant & jufques dans 1'éternité.  Sur les ceuvres de Dieu. 3ft VINGT-Q_UATRIEME AVRIL. De la variété' qu'on remarque dans les traits des vifagcs. CZj'Est une preuve bien fenfible de la fagene adorable de Dieu, que quoique les corps des hommes foient fi conformes les uns aux autres dans leurs parties eiiëntielles , il y a cependant une fi grande diverfité dans leur extérieur, qu'on peut les diftinguer très-ailément & fans s'y tromper. Entre tant de millions d'hommes, il n'y en a pas deux qui fe reifemblent parfaitement. Chacun a quelque chofe de particulier qui le diftingue, fur-tout dans le vifage, la voix & le langage. Cette diverfité des phyfionomies eft d'autant plus étonnante, que les parties qui compofent le vifage humain, font en aifez petit nombre, & que dans chaque perfonne elles font difpofées felon le mème plan. Si tout étoit produit par un hafard aveugle, les vifages des hommes devroient être auffi femblables que le font des ceufs pondus par une même poule, ou des balles fondues dans un mème moule, ou des gouttes d'eau qui découlent d'un même feau. Mais cela n'étant pas, il faut reconnoitre ici 1'infinie fageife du Créateur, qui en diverfifiant d'une maniere fi admirable les traits de la face humaine, a eu manifeftement en vue le bonheur des hommes. Car s'ils fe reifembloient parfaitement enforte qu'on ne püt pas les dat tinguer les uns des autres, il en réfulteroit une infinité d'inconvéniens, de méprifes & de tromperies dans la fociété. On ne feroit  35*2 CONSIDÉRATIONS jamais fur de fa vie, ni de la poifeffion paifible de fes biens. Les voleurs & les brigands ne courroient prefque aucun danger d'ètre découverts, fi on ne pouvoit les reconnoitre ni aux traits de leur vifage, ni au fon de leur voix. L'adultere, le vtol, & d'autres crimes demeureroientimpunis, paree qu'on ne pourroit prefque jamais difcerner les coupables. On feroit expofé a tout moment a la malice des méchans & des envieux, & 1'on ne pourroit fe garantir d'une infinité de furprifes, de fraudes & de malverfations. Quelle incertitude dansles actes judiciaires, dans toutes les ventes, les tranfports, les marchés, lescontrats? Quel bouleverfement dans le commerce ? Que de fraudes & de fubornemens a 1'égard des témoins? Enfin, 1'uniformité & la parfaite reifemblance des vifages feroit perdre a la fociété humaine une partie de fes charmes , & diminueroit confidérablement le plaifir que les hommes trouvent a converfer Jes uns avec les autres. La diverfité des traits devoit donc entrer dans le plan du gouvernement de Dieu, elle eft une preuve frappante des tendres foin qu'il a de nous, & il eft manifefte que non feulement la ftructure générale du corps, mais auffi la difpofition des diverfes parties a été faite avec la plus grande fageife. Par-tout on voit la variété jointe a 1'uniformité, d'oü réfulte Pordre, les proportions, & la beauté du corps humain. Admirons, mes freres, toutes les fois que nous confidérons notre corps, admirons les fages arrangemens du Créateur. VINGT-CINQUIEME  Sur les ceuvres de Dieu. ?n VINGT-CINQUIEME AVRÏL. Soins généraux de Dieu pour fes créatures. Toutes les créatures qui vivent dans l'air, dans l'eau & fur !a terre, ont part aux foins de la divine Providence. C'eft par elle que ces êtres li divers fe maintiennent dans leur état, qu'ils vivent, qu'ils croiffent, qu'ils fe perpétuent, & que chacun a fa maniere & felon fes facultés, remplit le but pour lequel il eft fur la terre. Les animaux deftitués de raifon font doués des organes, de la force, de la fagacité convenables a leurs diverfes deftinations. Leurs inftincts les avertiifent de ce qui pourroit leur être dangereux & nuifible, & les mettent en état de chercher, de difcerner & de préparer les alimens & les demeures qui leur font deftinés. Tout cela eft abfolument involontaire, ce n'eft point le fruit de la réflexion & du choix, ils y font irréfiftiblement portéspar lespenchans qu'une puiifmce fupérieure leur a donnés pour la confervation de leur vie animale. Ils trouvent les alimens & les retraites convenables ; & il n'y a aucune efpece d'animaux qui foient deftitués de ce qui eft néceifaire a leur fubfiftance & a leur bien-être. Les hommes font d'une nature plus excellente , mais ils naiifent dans un état plus foible, & ils ont fans comparaifon plus befoin de fecours que la plupart des autres animaux. Leurs befoins, leurs facultés , leurs defirs font plus grands & plus nombreux, & demandent Tornt I, Z  2f4 CONSIDÉRATIONS plus de foins. Auffi font-ils diftingués par des attentions plus marquées & par de plus grands bienfaits de la divine Providence. La terre, Pair & l'eau, les nuées & la lumiere des globes céleftes contribuent plus abondamment & d'une maniere plus diverfifiée a leur confervation. Dieu diftribue fes biens a tous les êtres intelligens , avec un amour impartial. II a foumis a leur empire les créatures deltituées de raifon, afin que les travaux & la vie de celles-ci ferviifent a 1'entretien & aux commodités de l'homme. Ce qui mérite encore particuliérement notre attention, c'eft que toutes les parties de notre globe qui font habitées, fourniffent une nourriture fuffifante aux créatures qui y vivent. Admirables effets de la divine Providence ! Non-feulement le fein fertile de la terre, mais auffi les vaftes plaines de Pair, & les profondeurs de la mer, abondent en alimens propres a 1'entretien de cette multitude innombrable d'animaux qui vivent & qui fe meuvent dans ces élémens. Les tréfors de la bonté divine font également inépuifables. Les provilions que Dieu a préparées pour toutes fes créatures , fuffifent a tous les befoins & ne fauroient jamais être épuifées. Le monde ne dépérit point. Le foleil reparoit toujours avec fa clarté & fa chaleur accoutumées. La fertilité de la terre ne diminue pas; les faifons fe fuccedent conftamment; & la terre ne manque point de payer fon tribuc annuel de denrées pour la confervation & le foutien de fes innombrables habitans. Soit que nous confidérions la conftance , ou la richelfe, ou la diverfité des moyens de fubfiftance que la nature fournit en tous lieux, nous appercevons par-tout les traces d'une Providence  Sur les ceuvres de Dieu. iff bienfaifante & univerfelle. Toutes les chofes qui nous environne.nt, & qui fervent a nous fuftenter & a nous procurer les douceurs & les agrémens de la vie , font autant de moyens vifibles, tout autant de canaux par lefquels notre confervateur, notre bienfaiteur invifible nous diftribue continuellement fes graces. Les agens de la nature font les miniftres qui rempliifent les vues de fa Providence. Le monde eft fonmagafin, & nous en tirons tout ce qui nous eft néceifaire. C'eft a la bonté qui fait fon eiPence, c'eft a fes tendres foins que nous en fommes redevables. - Pere de tous les êtres, jufques oü ne s'étendent pas tes compaffions , qu'elles font grandes & inexprimables ! C'eft en toi que nous avons la vie, le mouvement & 1'ètre; & tu foutiens toutes chofes par ta parole puiffante. M A tes ordres la rofée humecte & rafraichit „ 1'épine comme le cèdre. Le fort des mortels M eft en ta main, & ils ne font heureux que „ par toi. Tu es leur fouverain bien, & tes " foins paternels s'étendent fur tous les hu' mains. Ton impartiaie bonté fait lever le fo" leil fur Pinjufte, au moment même qu'il ^ t'offenfe. C'eft par ton ordre que le zéphir ^ nous rafraichit, que la rofe nous embaume " de fes parfums, que les fruits les plus déli„ cieux flattent notre palais, que la rofée du M ciel nous récrée & nous ranime. Tu propor„ tionnes tes dons aux befoins de tes créatu- res: tu fais éprouver au juftes les douces „ & falutaires influences deta grace; tu donnés „ a 1'abéille le nedar des fleurs , au vermiifeay „ une goutte pour le défaltérer , au monde „ les rayons du foleil. O toi qui poifedes la „ fouveraine félicité & qui étant heureux par Z %  If6 Considèrati ons „ toi-même, ne dédaignes pas de communiM quer le bonheur mème au moindre infedte , „ qui ne pourroit exilter un moment fans ta „ volonté ; permets que je te confacre un nou„ veau cantique, & daignes agréer mes foi„ bles accens. Pénétré de reconnoiifance & de „ joie , je veux pfalmodier a ton nom , magni„ fier ta bonté, & te rendre 1'adoration, la „ louange & la gloire qui te font dues." VINGT-SIXIEME AVRIL. Fleurs du mois d'Avril. jPlus nous approchons du mois charmant qui offrira a nos yeux les campagnes , les prairies & les jardins dans toute leur beauté, plus on voit s'éclaircir cet afpect trifte & fauvage qu'avoit la nature. Chaque jour amene quelque création nouvelle; chaque jour la nature s'approche de fa perfection. Déja l'herbe commence a poindre , & les brebis la cherchent avec avidité; déja les bleds pouifent dans nos champs , & les jardins mème deviennent agréables & rians. D'efpace en efpace quelques fleurs fe montrent, & femblent inviter le fleurifte a les venir contempler. l'odoriférante & modefte violette eft un des premiers enfans du printems; fon odeur elt d'autant plus agréable, que nous avons été plus long-tems privés de ces parfums déücieux. La belle.;'aaWie s'éleve infenfiblement du milieu de fes feuiles, & laifle voir fes fleurons qui réjouiifent également & la vue & 1'odorat. La couronne impériale jette tout autour de foi une multi-  Sur les ceuvres de Dieu. 5f7 tude de feuilles étoilées, fa tige s'éleve fort haut, & fes fleurs rouges & jaunes, difpofées en cloche & fe penchant vers la terre, forment une efpece de couronne qui eft furmontée d'un bouquet de feuilles. Du milieu de fes feuilles VoreiUe cfnurs éleve fes étoiles dont la bordure imite 1'éclat du fatin & du velours : on lui pardonne volontiers fon peu d'élévation, en faveur de 1'élégance de fa forme & de la douceur de fon parfum. La tulippe fort plus lentement de fes feuilles: elle ne fe hafarde pas encore a s'ouvrir , paree que des nuits ou des pluies froides pourroient eifacer tout d'un coup 1'éclat de fes couleurs. La renoncule, Yasillet & la rofe, attendent pour s'épanouir que des jours plus doux leur permettent de fe montrer a nos yeux dans toute leur beauté. Un obfervateur attentif trouvera ici bien des fujets d'admirer la fageffe & la bonté de fon Créateur. C'eft dans des vues très-fages, qu'au retour de la belle faifon, chaque plante commence précifément dans le tems & dans 1'ordre qui lui font prefcrits, a développer fes feuilles & fes fleurs, & a tout préparer pour la production de fes fruits. Dans le regne végétal, les efpeces fe fuccedent les unes aux autres , depuis le commencement jufqu'a la fin de 1'année. A peine les unes font-elles vifibles, que d'autres s'apprëtent a paroitre, & celles-ci font fuivies de plufieurs centaines d'autres qui fe montreront chacune a fon tour & au tems marqué. Tandis qu'une plante amene fon fruit a la maturité, la nature en excite quelqu'autre afe propager, afin que fes fruits foient prèts lorfque la première aura déja rempli fa deftination. Ainfi la nature nous offre continuellement une agréable fucceflion de fleurs & de Z 3  2f8 CONSIDÈRATIONS fruits, elle ne laifle aucun vuid«, & depuis un bout de 1'année jufqu'a 1'autre, elle veille a la génération fucceflive des plantes. Mais pourquoi le Créateur ne nous fait-il pas jouir en mème tems d'un plus grand nombre de plantes ? La raifon en eft bien fenfible: car que feroit-ce II toutes les fleurs & tous les fruits paroiflbient en mème tems? N'y auroit-il pas alors des faifons abfolument dépourvues de végétaux? Ne ferions-nous pas privés alors du plaifir que nous procurent ces changemens agréables & progrelfifs, qui préviennent les dégoüts inféparables de Puniformité ? Combien de pjantes ne périroient pas, fi elles étoient a préfent expofées aux nuits froides que 1'on éprouve encore quelquefois au printems ? Tant de millions d'animaux & d'infe&es trouveiroient-ils leurs fubfiftance, fi toutes les plantes fleuriflbient ou portoienc leurs fruits en même tems? Le bienfaifant Créateur vouloit pourvoir & a notre entretien & a nos plaifirs: or, ces deux vues ne pouvoient être remplies qu'en ördonnant a la nature de ne pas produire les végétaux tous a la fois, mais fucceflivement & par degrés. Le fleurs printanieres que je contemplé & que j'admire a préfent, me conduifent naturellement a penfer au plus bel age de la vie. Aimable & vive jeunefle, confidéré dans ces fleurs 1'image de ta deftinée. Tu es placée dans un fol fertile, & tu as mille charmes qui te font aimer & rechercher. Mais n'as-tu pas obfervé combien vite la violette, 1'oreille-d'ours, ou la jacinthe fe fanent lorfque le cruel aquilon vient a paifer fur elles ? Ah ! penfe au fort dont tu es toi-même menacée. Jeune homme, ne te gloifie point de ta figure i ne te hafardes  Sur les ceuvres de Dieu. if9 «as a te mëlcr trop tót aux jeux de tes compagnons, peut-être plus robufles que toi: ne ïe glorifie point de la fleur de ta jeunefle. Ta vlegeft comme l'herbe, tu fleur» comme la fleur des champs : quand le vent pajje par-dejfus elle n'eft pi», & fin ^ ™ la rccom°lt plus. Pf. CIII, 16. VINGT-SEPTIEME AVRIL. Retour des oifeaux. A La réferve du petit nombre d'oifeaux qui ^ent l'hiver avec nous, des families entieres 5vo en difparu de nos contrées. Les unes ont cherché des climats moins froids que le notre, les autres onttrouvé des retraites &.delachaleur dans des antres, dans es «eux de la terre, & dans d'autres endroits ecartes. P™;*-Pe" ces oifeaux reviennent vers nous. La douce température du printems reveille le : hiron Helles de leur engourdüfement. Et un lecret inflSclr amene dans nos contrées les autres oifeaux, qui, 1'automne dern ere, avoiententrepris un long voyage au-dela des mers, pour trouver & la fubfitlance & la température que demande leur conftitution. Leur retour fe fat Sairement dans cet ordre, que ceux qui étoient partis plus card , reviennent p>u ot. L'air va être peuplé de nouveau de chanttes ailés: le roffignol fera entend*> dans,1e bocaees fes chants harmonieus; lhirondelle re v Sdra au nid qu'elle s'étoit conta dernier; la cigogne retrouveraprécifément la maifonqu'eUe^^ ju 4  ?6*o CONSIDERATIONS cement de l'hiver. Dans peu defemaines, les airs retentiront de nouveau du chant des 6iieaux, & leur retour ramenera la joie & 1'allegreffe dans nos vallens & dans nos plaines. Deux chofes fur-tout font très-remarquables dans cette emigration des oifeaux. La première elt qu ils connoiffent exactement le tems auquel ils doivent revenir. La cigogne connoit dans les cieux fa faifons, la tourter elle, Vhirondelle^ la grue prennent garde au tems r/u'elles doivent revenu. Jerem VIII, 7. Sans doute que la tem&C?iUr* ,f-1 a,-r reIativement au chaud & au troid, & l inchnation naturelle de ces créatures a produire & a élever leurs petits, font Jes grands motifs qui les portent a changer de demeure. Mais c'eft néanmoins un inftinct tres-fingulier & qui eft a quelques égards inexphcable! II n'eft pas moins étonnamque ces tapTlUf' dueP°urvus de «ifon, fachent fi exactement lechemin qu'il leur faut tenir, & jufqu ou ils doivent aller. Sans bouifole, fans prov.fions, & dans 1'ordre le plus régulier, fis entreprennent & ils achevent un voyage qui eft quelquelois de plus de deux eens milles Qui eft-ce donc qui leur a apprisa fuivreune route certame dans un élément aufli inconftant V Q,1 leSin(fruit du c^nfin qu'ils om fait & de celui qui leur refte encore a faire? Qui eft-ce qui les conduit, les nourrit, & HanrH^Urn,t £T," ^ileur eft néceiTaire pendant le voyage ? Ces animaux ne font-ils point ce que les hommes eux-mêmes feroient hors d etat dI executer ? Pour entreprendre des vorige» den long cours, de quelle expérience, de quels fecours de quelles directions, de quels preparatifs n'aurions-nous pas befoin? Poiïr nons-nous a 1'aide même de notre raifon, dë  Sur les ceuvres de Dieu. 3.61 la bouffole, & des cartes géographiques, fuivre auffi invariablement la route au-deflus de tant de mers & de montagnes, que le font les oifeaux fans aucun de ces fecours? De quelque cóté que je confidéré ceci, j'y découvre manifeftement un pouvoir fupérieur au fitnple inftinct des animaux. Oui, Seigneur, j'y reconnois ta vertu toute - puiiTante. C'eft toi qui as imprimé dans 1'ame des oifeaux cet inftinct auquel ils obéiflent aveuglément. Tu marqués a chacun d'eux le pays, 1'arbre mème & la chaumiere ou il trouvera fa fubfiftance & fa demeure. Tu le conduis dans fes migrations lointaines, & tu entends fes cris lorfqu'il te demande fa nourriture. O mon Dieu & mon pere, c'eft avec la confiance la plus filiale que je remets mes voies & mon fort entre tes mains. Je fuis un voyageur fur la terre: conduis-moi dans la route qu'il te plaira de choifir & j'y marcherai fans murmurer. Guidé par toi, je ne craindrai aucun mal; & j'efpere de ta bonté que tu m'auras deftiné un lieu ou je pourrai trouver avec ma fubfiftance, quelque repos & quelque foulagement. Si cependant je dois mener toujours ici-bas une vie errante & fugitive, je m'en confolerai par 1'efpérance d'arriver enfin dans ce féjour éternel du repos, de la paix & du bonheur , d'oü aucune difgrace ne pourra jamais me bannir.  552 considérations VINGT-HUITIEME AVRIL. Utilité des forêts. Pendant l'hiver qui vient de s'écouler, nous avons éprouve bien fenilblement la grande utilité des forêts, elles nous ontfourni une proviiion de bois fans laquelle nous n'aurions pu nous garantir du froid. Mais ce feroit fe tromper que de croire que cefoit la leur unique ou même leur principal ufage. Car fi Dieu ne s'étoit propofé que cette fin en les créant, pourquoi auroit-il produit ces forêts im menfes qui forment une chaine non-interrompue a travers des provinces & des royaurnes entiers, & dont la moindre partie eft employée au chauffage ? II eft donc manifefte que le Créateur, en formant ces vaftes forêts, s'eft encore propofé de procurer quelques autres avantages aux hommes. Le plaifir que la vue des bois nous procure, ne feroit-ilpas une des fins pour lefquelles ils ont été formés ? Ils font une des grandes beautés de la nature, & c'eft toujours un défaut dans un pays que de n'avoir ni bois nibofquets. Notre impatience lorfqu'au printems les feuilles tardent a paroitre, & la joie que nous éprouvons lorfqu'enfin elles fe montrent, nous font fentir combien elles parent& embelliifent la nature. En réfléchiffant fur Putilité des bois, nous ne devons pas oublier les fruits que les nombreufes families des arbres nous donnent. II eft vrai qu'il y a quelques arbres dont les fruitsparoiffent n'être d'aucun ufage, au moins im-  Sur les ceuvres de Dieu. ?<5? médiat, pour les hommes. Mnis en fuppofant même qu'il y eüt plufieurs fruits dont nous ne pufiions tirer abfolument aucun parti, les arbres qui les portent nous feroient utiles ne füt-ce que par leur beauté, leur ornbre & leur bois. De plus, fi 1'on y réfléchit bien, on reconnoitra que ces arbres , qu'on appelle ftériles, ne laiifent pas d'ètre d'un grand ufagö pour nous. Leurs fruits ne nourriifcnt-ils pas une infinité d'infectes, qui fervent de paturè a des oifeaux deftinés eux-mêmes a nous fournir des méts exquis? Les glands de toutes les différentes fortes de chènes, les feines du hètre, & bien d'autres graines, font 1'aliment favori des pores & des fangliers. Et n'a-t-on pas reconnu de nos jours que ces fruits, lorfqu'ils font convenablement préparés, peuvent mème fervir de fubfiftance a l'homme? lis fervent d'ailleurs a conferver les graines qui perpétuent les forêts. En général, combien n'y a-t-il pas des efpeces d'animaux auxquelles la nature a affigné les bois pour y trouver leur demeure & leur nourriture, & qui périroient fi les forêts n'exiftoient point? De combien de commodités, d'uftenfiles , de meubles, de médicamens ne ferions-nous pas privés fans le bois, 1'écorce & les racines des arbres. Enfin, combien 1'afpect de la terre ne feroit-il pas uniforme & trifte, fi Ton n'y découvroit pas cette diverfité charmante de campagnes & de bois, deplaines & de forêts? C'eft précifément paree que les forêts font d'une fi grande utilité au genre humain, que la nature s'eft elle-mème chargée du foin de les perpétuer. Si leur confervation & leurpropagation avoient été abandonnées a 1'induftrie & a la vigilance des hommes, il y a long-tems  36"4 CONSÏDÉRATIONS que les bois feroient détruits. Mais le Créateur s'eft réfervé les arbres des forêts. Lui feul les aplantés, lui feul les entretient. C'eft lui qui en difperfe les petites graines fur toute une large contrée. C'eft lui qui a donné des alles ala plupart de ces graines, pour ètre plus aifément emportées par l'air & répandues en plus de lieux. Lui feul a fait germer enfuite ces vaftes corps qui s'élevent fi majeftueufement dans les airs & qui portent leurs cimes jufques dans les nues. Lui feul les aifermit par de fortes attachés , & les maintient durant plufieurs fiecles contre les efforts des vents. Lui feul tire de fes tréfors des rofées & des pluies fuffi.fantes, pour leur rendre tous les ans une verdure nouvelle, & pour y entretenir une efpece d'immortalité. Pere tendre, ta bonté s'étend fur toute la terre. Y a-t-il quelque pays, quelque endroit il écarté, fi fauvage oü 1'on n'appercoive les traces de ton fage & bienfaifant empire? Partout, dans les champs comme dans les forêts, dans les déferts arides comme dans les plaines fleuries, tu as érigé des monumens de ta bonté, paree que tu es un Dieu d'amour & de grace. Déja elle approche cette belle faifon, oü je pourrai me promener a 1'ombre des chënes fuperbes; & alors rempli de reconnoiifance & de joie, j'éleverai mes yeux vers toi, je pfalmodierai a ton nom, & je te bénirai de ce que^ tu as formé les forêts pour le bien & Putilité de tes créatures.  Sur les ceuvres de Dieu. 36/ VINGT-NEUVIEME AVRIL. Plaifirs que procure la contemplation de la nature. L A nature oifre a tous fes enfans, avec une bonté maternelle, le premier, le plus innocent, le moins difpendieux & le plus univerfel de tous les plaifirs. C'eft celui dont nos premiers pareus jouiifoient déja dans le paradis terreftre, & ce n'eft que la dépravation des humains qui leur fait chercher de nouveaux genres de récréations. Les hommes ont coutume de méprifer les biens dont ils jouiifent tous les jours, quelque excellens qu'ils foient, & ils ne penfent qu'a multiplier & a diverfifier leurs amufemens. II eft cependant certain que le plaifir dont je parle, eft de beaucoup preférable aux autres. II eft prefque impoffible de ne pas trouver des charmes dans la contemplation de la nature. Et que 1'on puiffe en jouir fans frais, cela eft manifefte: le pauvre comme le riche peut fe procurer cette jouiifance. Mais c'eft la précifément ce qui en diminue le prix. Nous avons la folie d'eftimer peu ce que les autres partagent avec nous, tandis que fi nous étions raifonnables , rien ne devroit donner plus de valeur a un bien que la penfee qu'il fait le bonheur de nos femblables auffi-bien que le nötre. En comparaifon de ce plaifir li noble & li touchant, combien ne font pas friyoles & trompeurs ces amufemens fi recherchés & fi magnifiques , que le riche fe procure avec tant de foins & de dépenfes! Ils laiifent un certain  ?ö"5 CONSIDÉRATIONS vuide dans 1'ame, & ils amenent toujours 1'ennui & le dégout. Au lieu que la bienfaifante & riche nature oifre continuellement de nouveaux objets è nos yeux. Tous les plaifirs qui ne font 1'ouvrage que de notre imagination, font de courte durée, & auffi fugitifs qu'un beau fonge, dont les charmes & Pillufjon s'évanouiffent au moment du réveil. Mais les plaifirs de la raifon & du cceur, ceux que nous goutons en contemplant les ceuvres de Dieu, font folides & conftans, paree qu'ils nous ouyrent une fource inépuifable de nouvelles délices. Le ciel étoilé, la terre émaillée de fleurs, le chant mélodieux des oifeaux, les payfages divers, & mille points de vue tous les uns plus raviffansque les autres, nous fourniifent continuellement de nouveaux fujets de fatisfaction & de joie. Et fi nous y fommes infenfibles, c'eft aifurément notre faute: c'eft que nous voyons les ceuvres de la nature d'un ceil inatjtentif & indiiférent. La grande fciencedu chrétien confifte a jouir innocemment de tout ce qui 1'environne; il fait tirer parti de tout, & il a 1'art de fe rendre heureux dans toutes les circonftances, a peu de frais, & fans qu'il en coüte a fa vertu. O mon bienfaifant Créateur, tu tefouviens aufli de moi dans cette aimable faifon , & tu me fournis en abondance les plaifirs les plus touchans. Mille fources de délices s'ouvrent pour moi; la joie & 1'allégrelfe pénetrent de toutes parts dans mon cceur. Si je veux m'élever vers toi, me livrer a de faintes méditations, éprouver des fentimens céleftes, toute la nature m'en fournira 1'occafion. Ah! puiffeje préférer toujours cette noble fatisfaction a tous les autres plaifirs des fens! Puiffent, dans  Sur les ceuvres de Dieu. 367 les jours du printems, la vue &la jouiflance de la belle nature, me toucher plus que ces plaifirs leducteurs, qui ne flattent que les fens & qui n'intérelfent point 1'ame! Seigneur , apprends-moi toi-même a reconnoitre & a fentir ta puiifance & ta bonté. Car ce n'eft qu'autant que je m'étudierai a te trouver dans toutes tes ceuvres, que je pourm m'ouvrir une fource pure & intariflable de délices; & j'aurai pour lors 1'avant-goüt de ce raflafiement de joie que j'éprouverai en ta préfence pour jamais. TRENTIEME AVRIL. Les animaux font pour Vhommc une occafion de glorifier Dieu. C E n'eft pas aifez, mes cherslecteurs, d'ufer des créatures He maniere que nous n'en abufions pas: il faut encore s'appliquer a en faire le meilleur ufage poflible. Et comment pourrions-nous les employer mieux, qu'en les faifant fervir a glorifier Dieu?^ Cela peut fe faire a 1'égard de toutes les créatures , mais fur-tout a 1'égard des êtres animés. Dans chaque plante, chaque arbre, chaque fleur, chaque pierre, la grandeur & la gloire du Créateur font vifiblement empreintes, & il ne faut qu'ouvrir les yeux pour les y reconnoitre; mais elles fe manifeftent avec bien plus d'éclat encore dans le regne animal. Examinez la ftructure d'un feul de ces êtres animés : quel art, quelle beauté, que de chofes admirables vous y découvrirez! Et combien ces merveilles ne  3.68 CONSIDÉRATIONS fe multiplieront-elles pas, fi nous penfons k la multitude prefqu'infinie & a 1'étonnante diverfité des animaux ! Depuis 1'éléphant jufqu'auplus petit ciron, qu'on ne péut appercevoir qu'a 1'aide du microfcope, que de degrés, que d'anneaux qui forment une chaine immenfe & non-interrompue ! Quelles liaifons, quel ordre , quels rapports entre toutes ces créatures ! Tout eft harmonie, & fi , a la première vue, nous croyons découvrir quelque imperfections dans certaines chofes, nous ne tardonspasa reconnoitre que notre ignorance nous a fait porter un faux jugement. Je n'exige pas que chaque particulier falfe de profondes recherches fur les animaux , je ne prétends point qu'il devienne un grand naturalifte: il fuffic de faire attention a ce qu'il y a de plus familier & de plus connu, a ce que nous avons fous les yeux. Vous voyez, par exemple, une multitude d'animaux, qui tous font formés d'une maniere admirable, qui tous vivent, fentent, fe meuvent comme vous, qui tous font fujets, comme vous, a lafaim, a la foif, au froid, & qui par conféquent ont journcllement befoin, comme vous, qu'on ait pourvu a ces diverfes néceflités. A toutes ces créatures Dieu a donné la vie, il les conferve, il leur donne tout ce qui leur eft néceifaire, il a foin d'ellcs comme un pere de familie a foin de ceux qui compofent fa maifon. N'en conclurez- vous pas qu'il faut donc que Dieu ait la bonté, la tendreife d'un pere ? N'en conclurez-vous pas encore qu'il faut donc aimer ce Dieu qui eftJa charité même? Si les foins du Créateur s'étendent jufques fur les animaux, que ne fera-t-il pas pour moi? S'il s'etudie5pour ainfi dire, a rendre la vie douce &  Sur les ceuvres de Dieu. 369 & agréable aux créatures deftituées de raifon, que ne dois-je pas actendre de fa bienfaifance ? Que 1'homme pufillanime & foucieux rougiife donc de fes inquiétudes, lui qui dés qu'il ne fe trouve plus dans 1'abondance, tombe dans le découragement & craint que Dieu ne le laiife périr de difette. Ah! cet Etre bienfaifant qui pourvoit aux befoins de tant d'animaux, faura bien auiii me fournir ce qui me fera néceifaire. Faifons une autre réflexion fur les infuncts des bêtes, & prenons en occafiond'admirer & d'adorer ce grand Etre qui fait combiner avec tant de fageife les moyens avec la fin. Comme ces inftindts des animaux fe rapportent tous a la confervation des animaux, ils fe manifeftent aufli de la maniere la plus frappante dans 1'amour & la follicitude que les bêtes ont pour leurs petits. Notre Seigneur lui-même, pour repréfenter les foins les plus tendres & les plus paternels, fe fert de 1'image d'une poule qui raffemble fes pouflins fous fes ailes. C'eft en effet un fpectacle bien touchant que de voie cette affecTion fi naturelle & fi vive que la poule a pour fes petits, & les foins continuels qu'elle en prend: jamais elle ne détourne fes yeux de deffus eux; elle voie a leur fecours a l'approche du moindre danger ; elle s'oppofe avec courage a 1'agreifeur; elle hafarde fa propre vie pour fauver celle de fes pouflins > elle les appelle & les raifure par fa voix maternelle; elle étend fes ailes pour les recevoir & lescouvrir; elle fe refufe toute forte de commodités, & dans la pofture la plus gênée, elle ne penfe qu'au bien-ètre & a la füreté des objets de fon amour. Qui ne reconnoitroit ici le doigt du très-haut? Sans cette follicitude Tornt 1. A a  !}70 CöNSIDÉRATIONS maternelle de la poule, fans cet inftinct fi puiffant & fupérieur a tout, les poulets & toute 1'cfpece périroient infailliblement.Or, dira-t-on que ce que la poule fait pour fes petits, elle le faife avec intelligence & avec réflexion , qu'elle juge, qu'elle raifonne, qu'elle prévoie , qu'elle combine, qu'elle tire des conféquences ? Non , fins doute, & quoiqu'a la première vue, il femble en effet que tout procédé de la tendreife & de 1'intelligence de cet oifeau, il faut reconnoitre ici une main fupérieure qui fe montre fans que nous fachions comment elle ^Je crois que ces deux exemples fuffifent au but que je me propofe. Sans donc m'étendre davantage fur ce fujet, je me contente de conclure en deux mots, qu'il eft du devoir de l'homme de chercher dans les animaux une occafion de glorifier Dieu, que c'eft un devoir indifpenfable qu'il doit nous être facré, & qu'il fera également agréable & falutaire pour nous. TRENTIEME AVRIL.* , c^a n t i hu e d"u c t i on s de graces Pour les ceuvres de la création. A-Dorons & chantons les louanges de notre grand Créateur. Hommage, honneur, force, empire & magnificence foient rendus a 1'Etre des êtres! Adorons-le; car il nous a créés: livrons nos cceurs a la joie, rendonslui d'éternelles actions de graces, car c'eft par lui que nous exiftons. Alleluya ! II a créé le monde, & c'eft lui qui le maintient. Que touc  Sur les ceuvres de Dieu.' 37* 1'univcrs le célebre: chantez, ó monde, chantez votre auteur! L'éternel lilence n'eft plus: la divinité 1'interrompt pour verfer fur nous le bonheur dont elle eft la fource. Exiftez, dit le tout-puiifant, & a fa voix le ciel & la terre foftent du néant. Alors jehova n'eft plus feul; déja le Chérubin, fils ainé de fa puiifance, entonne des chants de joie. Alleluya ! Cependant la lumiere qui doit éclairer le monde , n'eft point encore. 11 dit: que la lumiere foit; & la lumie, re fut. II forme avec les eaux une voute folide, & fufpend une mer fous la voute. Les ondes couvroient encore les montagnes, mais il tonne, les vents fouflient, les eaux fe difperfent, il dirigeleur cours, & la terre eft main. tenant dégagée du voile qui la couvroit: la terre, fon domaine, le théatre de fa gloire, un jour le domaine de fon fils. II dit, & les champs & les collines, les vallons, les montagnes & les forêts fleurhfent & fe fertilifent a fa pavole puiifante. Le foleil du lieu élevé de fa demeure regne fur les jours & les années, tandis que 1'empire paifible & iilencieux de la lune & des étoiles s'étend fur la nuit. II parle, & la mer fe remplit d'êtres vivans. Alleluya ! Les airs fe peuplent & 1'oifeau, par fes chants, célebre leDieu qui 1'appelle a 1'exiftence. O homme , interroge toute la nature, interroge les bêtes fauves qui, libres du joug, s'égaient dans les forêts, demande-leur de qui elles tiennent la liberté & le bonheur. Demande aux déferts qui leur a donné pour maitre le lion, terreur des animaux? C'eft Dieu, c'eft ce Dieu grand en puiifance, grand A a a  2.7* CONSIDÉRATIONS, &C. cn confeils! L'agile courfier, le tendre agneau, le bceuf docile, tout vient de toi, tout s'écrie : Le Seigneur eji Dieu! Le Seigneur eji Dieu.' Il n'en eji point d'autre. Redoublez vos adorations, redoublez vos alleluya, chantez & que vos accens deviennent plus fublimes! Créons rhomme, dit-il, créons rhomme a notre image, & Adam exifte. Adam étonné, chante: II eft mon Créateur. Dieu! Jéhovah! Zébaoth! Alleluya! Le Seigneur eft Dieu! II n'en eft point d'autre. Célébrons éternellement 1'Etre des êtres. Gloire, honneur, louange, actions de graces a celui qui nousacréés, qui nous a créés immortels. O Dieu, en qui nous avons la vie, le mouvement & 1'ètre, nous élevons vers toi des chants de rejouiilance. Alleluya! 11 a créé le monde, & c'eft lui qui le maintient; chantez , ö monde , chantez votre auteur! FIN du Tornt prtmitr.  ( 17? ) I £ DES CONSIDÉRATIONS, Contenues dans ce premier Tome. J\^.'Éditation pour le jour du nouvel-an. p. n Des bienfaits que Dieu nous accordé en hiver , auxquels nous faifons trop peu d'attention. 14 Des preuves journalieres que Dieu nous donne de fa Providence. 17 Diverfes u fages du feu. 19 Des amufemens de l'hiver. 21 Du foin que la Providence prend des animaux durant Phiver. 2f Des agre'mens de Vhiver. 28 Végétaux qui confervent leur verdure en hiver. 31 Sur Pétat ftngulier oü l'homme fe trouve durant le fommeil. 34 Des avantages du climat que nous habitons. 3 7 De la fertilité que la neige procure d la terre. 40 Contemplation du ciel étoile'. 43 Des découvertes qui ont étéfaites au moyen du microfcope. 47 Des bienfaits de la nuit. fo Réflexions Jur moi-même. f3 Dommages caufés par un froid extraordinaire, f6 Du repos de la nature durant l'hiver. f8 Les Lappnns. 61 De la fage ordonnance de notre globe. 6f Courtes méditations fur les ceuvres de Dieu , tirées de PEcriture Sainte. 69 Merveilles de la voix humaine. 71 Du devoir de fe rccucillir & de s''édifier en hiver. 74 A a 3  374 Table des Considérations.' De Ia crainte des fpeclres. pag. 77 Des feux fouterrains. 79 La comete. %2 De la neige. 8f De la rapidite' avec laquelle la vie s'écoule. % 8 Du givre qu'on obferve aux vitres desfenètres. 90 De l'utilité du pain. 9? De nos devoirs d 1'égard du fommeil. 95 Des révolutions qui fe font dans la nature. 98 Tout fe rapporte au bien des hommes. 101 De l'influence que le froid a fur la fanté. ) 04 Vne température toujours égale ne feroit pas avan- tageufe d la terre. 107 L'utilité des étoiles. I11 De la merveilleufeflruBure de 1'ceil. 11 f ie brouillard. 118 Du flux 8? du reflux. 121 Le Joleil ne fe montre pas toujours. I 2f ie tremblement de terre. 127 De l'ordre que Dieu a établi relativement d la vie & d la mort des hommes. 131 Jtéflexions Jur la glacé. 13 f De la figure fphérique de notre terre. 13 8 Sur le peu de durée de la neige. 140 Jiifloire abrégée de la création. 143 Avantages corporels que les animaux brutes ont fur nous. 146 La lune. 149 Les pluies arrofent & fertilifent la terre. 1 f 3 Images que l'hiver nous donne de la mort. 1 f6 Moyens de fe procurer du feu. J f% De l'égale diflribution des faifons. 161 De Putilité dc nos fens. 164 Elévations de 1'ame vers Dieu. 167 Caufes du froid & de la chaleur. 169 Singularité dans le regne minéral. 172 Preuves cxpérimentalcs de laProvidence divine. 17 f  Table des Considérations. vit Tranqui llité de la nuit. pag. 177 Vhiver eji une image de notre vie. 18» Utilité des montagnes. *8? Motifs de confiance en Dieu. 187 Invitation d contempler Dieu dans les ceuvres de la nature. 19° ie mauvais tems. J9? Etat de quelques animaux pendant L'hiver. 19» Les vents & la tempête. J93 Vaurore boréale. 201 De ï''extréme petitejje de certains corps. 2of L'hiver s'éloigne par degrés. 2°8 Du corps humain relativement d Jes parties extérieures. 21 * Lefpérance du printems. 2-H De la gelée blanche. 217 Des moyens qui contribuent d la fertilité de la nature. 219 Des avantages que procure la mer. 222 Différence entre les animaux & les plantes. 224 Uniformité £?? diverfité des ceuvres de la nature. 22% Des graines. Sur la grandeur & la diftance du foleil. 2? 4 Imperfe&ion de la connoiffance que nous avons de la nature. Utilité des végétaux. 241 Delaftru&ureducoeurhumain. 244 Du changement des faifons. 246 Sur diverfes chofes qui paroiffent n'être d aucune utilité. ■ 2f° Harmonie entre le mondephyftque & moral. 2f ? De la nature & des propriétés de l'air. 2$6 11 n'y a rien de nouveau jous le foleil. 2 f9 Des cavernes dans les montagnes. 26» Circulation de la feve dans les arbres. ^ . 264 Ighorance oü nous fommes de notre fort d venir. 267 Approches infenjibles de la nuit. 270  ?7