O M U N D O DO L I V R O ll-L. da Trindade-13 Telef. 36 99 51 Lisboa   (EUVRES MORALES DÊ M. LE DUC DE LA ROCHEFOÜCAULT.   RÉFLEXIONS/3; O u SENTENCES E T MAXIMES MORALES DE M. LE DUC DE LA ROCHEFOUCAULT. Avec des Observations de M, l'Abbi Brotier^ de £ Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, A MAESTRICHT, .Chez ƒ. P. Roux & Compag(1e> Imprimeurj-Libraires , associés* J 7 9 4. .   AVERTISSEMENT. Cet'W nouvelle édition des maximen du duc de la Bochefoucault, est le fruit; du travail d'un liltérateurparticulièrement Versé dans la connoissance des hommes, et ecvercc dans Vart d'apprécier les plus grands écrivains. Dêtude continuelle quil faisoit de ceucc-ci, une imaginalion vive. et hrillante. , une grande pénétralion, et sur-tout une vaste étendue de lumières lui rendoient propre et famiiiers le style et les pensees de tout auteur dont le génie Ou Vesprit méritoient de fiver son attention. 11 v'avoit eu d'ailleurs que, trop d'oocasions de connokre les hommes ! Privé éblouissent les yeux, sont représentées par les polititjues comme les effets des grand* desseins, au-lieu que ce sont d'ordinaire ,. -les effets de 1'humeur et des passions. Ainsi A  s RÉFI. EXIONS la guerre d'Auguste et d'Antoine , qu'on rapporte a I'ambition qu'ils avoient de se rendre maitrts du monde , n'étbit peutétre qu'un effet de la jalousie. 8. Les passions sont les seuls orateur9 qui persuadent toujours. Elles sont comme un art de la nature dont les régies «ont infailliblcs : et 1'homme le plus simple qui a de la passion , persuade mieux que le plus éloquent qui n'en a point. 9. Les passions ont une injustice et un propre intérêt , qui fait qu'il est dangereux de les suivre, et qu'on s'en doit défier lors même qu'elles paroissent les plus raisonnables. 10. II y a dans le coeur humain une génération perpétuelle de passions , en sorte que la ruine de 1'une est presque toujours 1'établissement d'une autre. 11. Les passions en engendrent souvent qui leur sont contraires : 1'avarice produit quelquefois la prodigalité , et la prodigalité Vavarice ; on est souvent ferme par foiblesse , et audacieux par timidité. 13. Quelque soin que 1'on premie de eouvrir ses passions par des apparences de piété et d'honneur , elles paroissent toujours au travers de ces voiles. l5. Notre amour-propre souffre plus impatiemment la condamnation de nos ootits que de nos opinions. 14. Les hommes ne sont pas seulement «ujets k perdre le souvenir des bientaits et des injures 5 ils haïssent même ceux qm les ont obligés, et cessent de haïr ceux  M O R A L E S. 3 é qui leur ont fait des outrages. L'applica| lion a récompenser le bien et a se venger ij du mal , leur paroït une servitude a. lalt quelle ils ont peine de se soumetlre. 15. La clémence des princes n'est sou1 vent qu'une politique pour gagner 1'afi fection des peuples. 16. Cette clémence , dont on fait une j vertu , se pratique tantöt par vanilé , quelI quefois par paresse , souvent par crainte , 1 et presque toujours, par tous les trois eni semble. 17. La modération des pcrsonnes heu| reuses vient du calme que la bonne forI tune donne a leur humeur. 18. La modération est une crainte de ' j tomber dans 1'envie et dans le mépris i i que méritent ceux qui s'enivrent de leur I bonheur: c'est une vaine ostentation de ' i la force de notre esprit; et enfin la mo■ i dération des hommes dans leur plus haute • O élévation , est un desir de paroitre plus t l grands que leur fbrtune. 19. Nous avons tous assez de force ( pour supporter les maux d'au'rui. i 20. La constance des sages n'est que 11 1'art de renfermer leur agitation dan* leur coeur. J! ai. Ceux qu'on condamne au supplice, » alïectent quelquefois une constance et un mépris de la mort, qui n'est en effet que rt la crainte de 1'envisager ; de sorte qu'on li peut dire que cette constance et ce méui pris sont k leur esprit ce que le bandeau «x tst a leurs yeux. A ij  4* RÉflexiok» 23. La philosophie triomphe aisémeii* des maux passés et des maux a venir ; mais les maux présens triomphent d'elle. a5. Peu de gens connoissent la mort ; on ne la souftre pas ordinairement par résolution , mais par slupidité et par coutume ; et la plupart des hommes meurent, paree qu'on ne peut s'empêcher de mourir. 24. Lorsque les grands hommes se lais. sent abattre par la longueur de leurs infortunes , ils font voii- qu'ils ne les soutenoient que par la force de leur ambition , et non par celle de leur ame ; et qua une grande vanité prés , les héros eont faits comme les autres hommes. 2,5. II faut de plus grandes vertus pour fi soutenir la bonne fbrtune que la mauvaise. 36. Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. 3n. On fait souvent vanité des passions , même les plus criminelles; mais 1'envie est une passion timide et honteuse que 1'on n'ose jamais avouer. 38. La jalou=ie est, en quelque manière , juste et raisonnable , puisqu'elle ne tend qu'a conserver un bien qui nous appartient; au-lieu que 1'envie est une fureui qui ne peut souftvir le bien des autres. 1 2g. Le mal que nous faisons ne nous attire pas tant de persécution et de haine que nos bonnes qualités. 3o. Nous avons plus de force que de volonté ; et c'est souvent pour nous ex, c user nous-mêmes, que nous nous imagi* nons que les choses sont knpos&ibles.  M O II A L E S. 6 itl 5r. Si nous n'avions point de défauts , :; I nous ne prendrions pas tant de plaisir a. il en remarquer dans les autres. Sa. La jalousie se nourrit dans lesdour tes ; elle devient f'ureur, ou elle unit, si-tót qu'on passé du doute a la certitude. 55. L'orgueil se dédommage toujours et ne perd rien, lors même qu'il renonce a ij. la vanité. n. i 54. Si nous n'avions point d'orgueil, nous r. i| ne nous plaindrions pas de celui des autres. bi. 35. L'orgueil est égal dans tous les homet mes, et il n'y a de difl'érence qu'aux moyens •os et a la manière de le mettre au jour. 36. II semble que la nature qui a si sa;r gement disposé" les organes de notre corps .. t pour nous rendre heureux , nous ait aussi ) donné l'orgueil pour nous épargner la E douleur de connoitre nos impertections. 5-y. L'orgueil a plus de part que la bonté .;( | aux remontrances que nous faisons a ceux M qui commettent des fautes ; et nous ne les • reprenons pas tant pour les en corriger , ;. que pour leur persuader que nouj en som> 1 mes exempts. 38. Nous promettons selon nos èèpéV(,jD rances, et nous tenons selon nos craintes. 59. L'intérêt parle toutes sortes de laugues, et joue toutes sortes de peisonuages, ,;M même celui de désintéressé. 40. L'intérêt, qui aveugle les uns , fait ,,]s la lumière des autres. tï. 41- Ceux qui s'appliquent trop aux pe;. tites choses, deviennent ordinairenient in«apables des gi andes. A iij  f> RÉl'tEXIONS 4a. Nous n'avons pas assez de force pour «uivre toute notre raison. 43. L'homme croit souvent se conduire lorsqu'il est conduit ; et pendant que par »on esprit il tend k un but, son coeur 1'entraïne insensiblement k un autre. 44. La force et la foiblesse de 1'esprit sont mal nommées , elles ne sont en effet que la bonne ou mauvaise disposition des organes du corps. 40". Le caprice de notre humeur est entore plus bizarre que celui de la fortune. 46. L'attachement ou 1'indifference que les phil isophes avoient pour la vie, n'étoient qu'un goüt de leur amour-propre , dont on ne doit non plus disputer que du gout de la langue ou du choix des couleurs. 47. Notre humeur met le prix a tout ce qui nous vient de la fortune. 48. La félioité est dans le gout et non pas dans les choses ; et c'est par avoir ce qu'on aime qu'on est heureux, et non par avoir ce que les autres trouvent aimable, 49. On n'est jamais si heureux ni si malheureux qu'on s'imagine. 50. Ceux qui croient avoir du mérite se font un honneur d'ètre malheureux j pour persuader aux autres et k eux-mêmes qu'ils sont dignes d'être en butte a la fortune. 61. Rien ne doit tant dimimier la satisfaction que nous avons de nous-mêmes que dé voir que nous désapprouvons dam un tems ce que nous approuvions dans un autre.  MORALES. 1 5i. Quelque difference qu'il paroisse entre les fortunes, il y a une certaine in -> compensation de biens et de maux qui ar 1 les rend égales. c '| ,53. Quelque grands avantages que la nat;ire donne, ce n'est pas elle seule , mais til» la fortune avec elle, qui fait les héros. Iel ' 5\, Le mépris des richesses étoit, dans lei les philosophes , un desir caché de ven- ger leur mérite de 1'injustice de la for:n.ij tune , par le mépris des mêmes biens dont nel elle les privoit ; c'étoit un secret pour se garantir de 1'avilissement de la pauvreté; 'e.1 c'étoit un chemin détourné pour aller a rel la considéralion qu'ils ne pouvoient avoir is:j par les richessts. .5.5. La haine pour les favoris n'est autre c(3 chose que 1'amour de la faveur. Le dépit de ne la pas posséder se console et s'ajcnf doucit par le mépris que 1'on témoigne d, de ceux qui la possèdent; et nous leur m refusons nos hommages , ne pouvant pas ble, leur óter ce qui leur attire ceux de tout i sii le monde. .56. Pour s'établir dans le monde , on riti fait tout ce qu'on peut pour j paroJtre uïf établi. nij 5q. Quoique les hommes sé flattent de «a " leurs grandcs actions, elles ne sont pas souvent les effcts d'un grand dessein , mais ü les efiets du hasard. nes ,58. II semble que nos actions aient des lan éloiles lieureuses ou malheureuses, h qui ;,ui elles doivent une grande partie de la louange et du blame qu'on leur donne. A ,v  8 RÉFtEXIONS &). Il n'y a point d'accidens si rnalïieureux dont les habiles gens ne tirent quelque avanlage , ni de si heureux que les imprudens ne puissent tourner k leur préjudice. 60. La fortune tourne tout a 1'avantage de ceux qu'elle favorise. 61. Le bonheur et le malheur des hommes ne dépend pas moins de leur humeur que de la fortune. 62. La sincérité est une ouverture de coeur. On la trouve en fort peu de gens; et celle que 1'on voit d'ordinaire n"e3t . qu'une fine dissimulation pour attirer la eonfiance des autres. 63. L'aversion du mensonge est souvent une imperceptible ambition de rendre nos témoignages considérables , et d'attirer h nos parol es un respect de religion, 64. La vérité ne fait pas autant de bien dans le monde que ses apparences y font de mal. 66. II n'y a point d'éloges qu'on ne donne a la prudence ; cependant elle ne sauroit nous assurer du moindre événement. 66. Un habile homme doit régler le rang de ses intéréts, et les conduire chacun dans son ordre. Notre avidité le trouble souvent, en nous faisant courir a tant de choses a la fois, que pour desirer trop les moins importante», 011 manque les plu* considérables. 67. La bonne grace est .au corps ceque le bon sejis est a Tesprit,  ar o r A li e s. 9 68. Il est diffieile de définir 1'amour ; cü qu'on en peut dire , esc que dans 1'ame ! c'est une passion de régner ; dans les esprits , c'est une sympathie ; et dans 1» corps, ce n'est qu'une envie cachée et délicate de posséder ce que 1'on aime après | beaucoup de mystères. 6g. S'il y a un amour pur et exempl j du mélange de nos autres passions , c'e3t celui qui est caché au fond du coeur , et que nous ignorons nous-mêmes. 70. II n'y a point de déguisement qui puisse long-tems cacher 1'amour oü il est, ni le feindre ou il n'est pas. 71. II n'y a guere de gens qui ne-soient honteux de 6'étre aimés, quand ils ne s'aiment plus. ■72. Si on juge de 1'amour par la plupart de ses eftets, il ressemble plus a. la haine , qu'a 1'amitié. n3. On peut trouver des femmes qui S 11'ont jamais eu de galanterie; mais il est rare d'en trouver qui n'en aient jamais eu qu'une. 7 i . tl n'y a que d'une sorte d'amour, mais il y en a mille dillerentes copies. r]6. L'amour , aussi bien que le feu, ne peut subsister sans un mouvement continuel ; et il cesse de vivre dés qu'il cesse d'espérer ou de craindre. -76. II est du véritable amour cömme de 1'apparition des esprits : tout le mond j en parle , mais oeu de gens en ont yu, 77. L'amour prête son nom h un nombre intini de commerces qu'on lui attribue. A v  io RÉfi. exïons et oü il n'a non plus de part que le doge a ce qui se fait a Venise. li 78. L'amour de la justice n'est, en la . plupart des hommes, que la crainte de i1 souffrir 1'injustice. ^g. Le silence est le parti le plus sur pour celui qui se défie de soi-meme. 80. Ce qui nous rend si changeans dans nos amitiés, c'est qu'il est diflicile de connoitre les qualités de 1'ame , et facile de connoitre celles de 1'esprit. 81. Nous nepouvons rien aimer que par rapport a nous , et nous ne pouvons que suivre notre gout et notre plaisir, quand nous préférons nos amis a nous-mêmes ; c'est néanmoinspar cette préfërence seule que 1'amitié peut être vraie et parfaite. 8a. La réconciliation avec nos ennemis n'est qu'un desir de rendre notre condition meillture, une lassitude de la guerre, et une crainte de quelque mauvais événement. 85. Ce que le» hommes ont nommé amitié , n'est qu'une société , qu'un ménagement réciproque d'intérêts , et qu'un échange de bons offices : ce n'e9t enfin qu'un commerce oü 1'amOur - propre se propose toujours quelque ehose k gagner. 8(.. II est plus honteux de se défier de ses amis que d'en être trompé. 8,5. Nous nous persuadons souvent d'aimer les gens plus pui'Sans que nous, et néanmoins c'est l'intérêt stul qui produit notre ainitié ; nous ne nous donnons pas a eux pour le bi.n que nous leur voulons  M O R A T. E S. II Füire , mais pour celui que nous e;i voulons recevoir. 86. Notre défiance justitie la tromperie d'autrui. 87. Les hommes ne vivroient pas long' 1 tems en société , s'ils n'étoient les dupes lts uns des autres. 88. L'amour-propre nous augmente ou ,'" I nous diminue les bonnes qualités de nos amis a propoi tion de la satisfaction que nous avons d'eux ; et nous jugeons de leur mérite par la manière dont ils vivent avec nous. 8y. Tout le monde se plaint de sa mé'; I moiré , et personne ne se plaint de son ■ jugement. go. Nous plaisons plus souvent dans Ie 181 commerce de la vie par nos défauts, que j par nos bonnes qualités. gi. La plus grande ambition n'en a pas i-| la moindre apparence, lors ju'elle se rencontre dans une impossibilité absolue d'arriver oü elle aspire. ga. Détromper un homme préoccupé J" de son mérite , c'est lui rendre un aussi 111 mauvais office que celui que 1'on rendit a >e ce fou d'Athènes, qui croyx.it que tous les vaisseaux qui arrivoient dans le port " étoient a lui, g3. Les vieillards aiment a donner de bons préceptes, pour se consoler de n'ctre ' plus en état de donner de mauvais exemples. 04. Les grands noms abaissent, au-lieu d'élever ceux qui ne les savent pas soutenir. A vj  12 RÉFLEXIONS gó". La marqué d'un mérite extraordinaire est de voir que ceux qui 1'envient le plus sont contraints de le louer. g6. Tel homme est ingrat, qui est moins coupable de son ingratilude, que celui qui lui a fait du bien. g^. On s'est trompé lorsqu'on a cru que 1'esprit et le ittgement étoient deux choses differente»: le jugement n'est que la grandeur de la lumière de 1'esprit; cette lumière pénètre le fond des choses ; elle y ïemarque tout ce qu'il faut remarquer , ct appercoit celles qui semhlent imperceptibles. Ainsi il faut demeurer d'accord, que c'est 1'étendue de la lumière de 1'esprit, qui produit tous les effets qu'on attribue au jugement. g8. Chacun dit du bien de son coeuT , et personne n'en ose dire de son esprit. g- . La politesse de 1'esprit consiste a penstr des choses honnêtes et délicate?. 100. La galanterie de 1'esprit est de dire des choses rlatteuses d'une manière agréable. 101. II arrivé souvent que des choses se piésentent plus achevé^s a notre esprit , qu'il ne les pourroit faire avec beaucoup d'art. 103. L'esprit est toujours la dupe du coeur. 103. Tous ceux qui connoissent leur esprit , ne connoiHsent pas leur coeur, 104. Les hommes et les affaires ont leur point de p< rspective. II v en a qu'il faut voir de prés pour en bien juger : et d'au-  II O R A L I 3. I* tres dont on ne juge jamais si bien que quand on en est óloigné. 105. Celui-la n'est pas raisonnable a qui le hasard fait trouver la raison ; mais celui qui la connoit, qui la discerne et qui la goüte. 106. Pour bien savoir les choses , il en faut savoir le détail; et comme il est presque infini, nos connoissances sont toujours superficielles et imparfaites. 107. C'est Une espèce de coquetterie da faire remarquer qu'on n'en fait jamais. io3- L'esprit ne sauroit jouer long-tem» le personnage du coeur. 109. La jeunesse change ses goüts par 1'ardeur du sang, et la vieillesse conserve les siens par 1'accoutumance. 110. On ne donne rien si libéralement que ses conseils. in. Plus on aimeune maitresse , et plu* on est prêt de la haïr. 112. Les défauts de 1'esprit augmentent cn vieillissant , comme ceux du visage. » 113. II y a de bons mariages; mais il n'y en a point de délieieux, 114. On ne peut se consoler d'être trompé par ses ennemis et trahi par ses amis , et 1'on est souvent satisfait de 1'ètre par soi-m me. lió". II est aussi facile de se tromper soi-mime sans s'en appercevoir , qu'il est difficile de tromper les autres sans :ju'iis s'en appercoivent. 116. Rien n'est moHla sincère que la I manière de deruandsr et da donner des  14 REirtEXIONS conseils. Celui qui en demande parolt avoir une détërence respectueuse pour les sentimens de son ami , bien qu'il ne pense qu'a lui faire approuver les L-iens , et a le rendre garant de sa conduite; et celui qui conseille , paie la confianee qu'on lui témoigne , d'un zèle ardent et desinteresse, quoiqu'il ne cherche le plus souvent, dans les conseils qu'il donne , que son propre mtérct ou sa gloire. 117. La plus subtile de toutes les fines•es est de savoir bien feindre de tomber dans les pièges qu'on nous tend , et 1'on n'est jamais si aisément trompé que quand on songe a tromper les autres. 118. L'intention de ne jamais tromper nous exposé a être souvent trompés. 119. Nous sommes si accoutumés a nous déguiser aux autres, qu'a la fin nous nous déguisons a nöus-mêmes. Iao. L'on fait plus souvent des trahitons par fbiblesse que par un dessein formé de trahir. 131. Ou fait souvent du bien pour pouYoir impunément faire du mal. laa. Si nous résistons a nos passions , c'est plus par leur foiblesse que par notre force. 133. On n'auroit guère de plaisir si 1'on ne se flatioit jamais. ia j.. Les plushabiles affectent toute leur Vie de bl r la marqué dun petit esprit, et il arrivé presque toujours que celui qui s'en sert : pour se couvrir en un endroit, se décou- le I vre en un autre. 136. Les finesses et lts traliisons ne viennent que de manque d'habileté. 137. Le vrai moyen d'être trompé, c'est de se croire plus {in que les' autres. 128. La trop grande subtilité est une fausse délicatesse ; et la véritable délica:. tesse est une solide subtilité. 133. Il suffit quelquefois d'être grossier n pour n'être pas trompé par un habile j homme. 150. La foiblesse est le seul défaut qu'on „ ne sauroit corriger. 151. Le moindre défaut des femmes qui „, se sont abandonnées a faire l'amour, c'est m de faire l'amour. iaa. II est plus aisé d'être sage pour les autres , que de 1'ètre pour soi-même. i53. Les seules bonnes copies sont celles qui nous font voir le ridicule des mé, j; chans originaux. l54- On n'est jamais si ridicule par les qualités que 1'on a , que par celles que , ! 1'on affeete d'avoir. 155. On est quelquefois aussi différent de soi-même que des autres. 156. Il y a des gens qui n'auroient jamais été amoureus , s'ils n'avoient jamais entendu parler de l'amour. 137. On pnrle peu quand la vanité ne fait pas par Ier. i58. On aime mieux dire du mal de soi-même que de n'en point parler.  ï6 Rétlexioks i3g. Une des choses qui fait que 1'oit trouve si peu de gens qui paroissent raisonnables et agréables dans Ia conversation , c'est qu'il n'y a presque personne qui ne pense plutöt a ce qu'il veut dire qu'a répondre précisément h ce qu'on lui dit. Les plus habiles et les plus complaisans se contentent de montrer seulement une mine attentive, en même-tems que 1'on voit dans leurs yeux et dans leur esprit un égarement pour ce qu'on leur dit, et une précipitation pöur retourner a ce qu'ils veulent dire: au-lieu de considérer que c'est un mauvais moyen de plaire aux autres ou de les persuader , que de ehercher si fort a se plaire a soi-mèrne , et que bien écoUter et bien répondre est une des plus grandes perfections qu'on puisse avoir dans la conversation. 140. Un homme d'esprit seroit souvent bien embarrassé sans la compagnie des sots. 141" Nous nous vantons souvent de ne nous point ennuyer ; nous sommes si glorieux c[ue nous ne voulons pas nous trouver de mauvaise compagnie. 142. Comme c'est le caractère des grands esprits de faire entendre en peu de paroles beaucoup de choses , les petits esprits au contraire , ont le don de beaucoup parler et de ne rien dire. 14". C'est plutöt par 1'estime de nos propres Sv ntimens que nous cxagérons les bonnes [ualités des autres, que par 1'estime de leur mérite ; et nous voulons nous attirer des louanges lorsqu'il semble que nous leur en donnoni.  H'Ó S i 4 1 «• '7 14 On n'aime point a loutr et on neloue J jamais personne sans intérêt. Tja louange est une flatterie habile , cachée et délicate , qui satisf'ait diftëremment celui qui ]a donne et celui qui la recoit : 1'un la prend comme une récompense de son méi rite : 1'autre la donne pour faire remar\ quer son équité et son discernement. I 145. Nous choisissons souvent des louanges empoisonnées, qui font voir par contre-coup , en ceux que nous louons , des défauts que nous n'osons découvrir d'un« autre sorte. 1 j.6. On ne loue d'ordinaire que pour être loué. 147. Peu de gens sont assez sages pour préférer le blame qui leur est utile a la louange qui les trahit. 148. II y a des reproches qui louent et des louanges qui médisent. 143. "Le refus des louanges est un desir d'être loué deux fois. l,5o. Le desir de mériter les louanges qu'on nous donne fortifie notre vertu ; et celles qu'on donne a 1'esprit, a la valeur et a la beauté , contribuent a les augm enter. 1S1. II est plus difficile de s'empêcher d'être gouverné , que de gouverner les autres. 1.5a. Si nous ne nous flattions point nousmêmes, la iiatterie des autres ne nouspourroit nuire. i.55. La nature fait le mérite , et la fortune le met en oeuvre.  18 K É V 1. EXrONS i5i. La fortune nous corrige de plusieurs défauts crue la raison ne sauroit corriger. 1.55. II y a des gens dégoutans avec du mérite , et d'autres qui plaisent avec des défauts. 1.56. II y a des gens dont tout le mérite consiste a dire et k faire des sottises utilement, et qui gateroient tout s'ils changeoient de conduite. ?*7- La gloire des grands hommes se doit toujours mesurer aux moyens dont ils se sont servis pour 1'acquérir. 168. La flatttrie est une fausse monnoie qui n'a cours que par notre vanité. l5g. Ce n'est pas assez d'avoir des grandes qualités ; il en faut avoir 1'économie. > 160. Quelqu'éclatante que soit une action , elle ne doit pas passer pour grande lorsqu'elle n'est pas 1'effet d'un grand dessein. 161. II doit y avoir une certaine proporfion entre les actions et les desseins, si on eu veut tirer tous les effets qu'elles peuvtnt produire. 162. L'art de savoir bien mettre en oeuvre de médiocres qualités , dérobe 1'estime et donne souvent plus de réputation que le véritable mérite. i65. U y a une infinité de conduites l qui paroissent ridicules , et dont les raisons cachées sont très-sages et très-solides. 164. II est plus facile de paroitre digne des emplois qu'on n'a pas, que de ceux que 1'on exerce.  m o r a i. e s. 19 ■ x6S. Notre mérite nous altire 1'estime tl des honnêtes gens, et notre étoite celle du public. 166. Le monde réeompense plus souvent i j les apparences du mérite que le mérite même. , , , eiJ z6rj. L'avarice est plus opposee a 1 economie que la libéralité. 168. L'espërance, toute trompeusequ elle est, sert au moins a nous mener a la fin de s1 la vie yav un chemin agréable. _ _ 169. Pendant que la paresse et la timidité nous retiennent dans notre devoir , notre vertu en a souvent tout Phonneur. 170. II est difficile de jager si un procédé net, sincère et honnête, est un effet de probité ou d'habileté. _ i; texte de pleurer la perte n, pose a tout le monde : c'est 1'affliction de «a certaines personnes qui aspirent a la gloire -d'une belle et immortelle douleur. Aprèa ft que le tems qui consume tout , a fait cesser celles qu'elles avoient en eftet, elles ne lais™ sent pas d'opiniatrer leurs pleurs , leurs lt plaintes et leurs soupirs ; elles prennen* un personnage lugul)re , et travaillent a persuader , par toutes leurs actions, que li leur déplaisir ne Gnira qu'avec leur vie . B ij  »8 K É F I- E X I O N S Cette triste et f'atigante vanité se trouwe d'ordinaire dans les femmes ambitieuses. Comme leur sexe leur ferme tous les che- ' mins qui mènent a la gloire , elles s'efforcent de se rendre célèbres par la montre d'une inconsolable aflliction. II y a encore une autre espèce de larmes qui n'ont que de petites sources,*qui coulent et se tarissent facilement : on pleure pour avoir la réputation d'être tendre; on pleure pour être plaint, on pleure pour être pleuré , enfin on pleure pour éviter la honte de ne pleurer pas. a5 |. C'est plus souvent par orgueil que par défaut de lumières , qu'on s'oppose avec tant d'opiniatreté aux opinions les plus suivjes : on trouve les premières places prises dans le bon parti, et on ne veut point des dernières, a!ö5. Nous nous consolons aisément des disgraces de nos amis, lorsqu'elles servent a signaler notre tendresse pour eux. 0.36. II semble que l'amour-propre soit la dupe de la bonté , et qu'il s'oublie luimême lorsque nous travaillons pour 1'avantage des autreb. Cependant c'est prendre le chemin le plus assuré pour arriver h ses fins; c'est prêter h usure, sous prétexte de donner : c'est enfin s'acquérir tout le monde par un moyen subtil et délic: t- clö'J. Nul ne mérite d'être loué de si bonté, s'il n'a pas la force d'être méchant: toute autre bonté n'est le plus souvent que psresse ou impuijsance de la volonté.  It O R A L E S. ag ! a"8. II n'est pas si clangereux: de faire f !'l du mal a la plupart des hommes, crue de / ' il leur faire trop de bien. a3o. Rien ne flatte plus notre orgueil que la conliance des grands, paree que i nous la regardons comme un effet de notre mérite, sans considérer qu'elle ne vient le plus souvent que de vanité ou d'impuissance de garder le secret. a jo. On peut dire de 1'agrément sé' - paré de la beauté , que c'est une symétrie " ai dont on ne sait point les regies , et un I rapport secret des traits ensemble et des txaiis avec les couleurs et Vair de la perij sonne. !ii 341. La coquetterie est le fond et 1'humeur des femmes : mais toutes ne la mettent pas en pratique, paree que la coquetï| terie de quelque"«-snes est retenue par la I i crainte ou par Ia raison. 3 j.3. On incommode souvent les autres, quand on croit ns'les pouvoir jamais in; Jf commoder. '' i 343. II y a peu de choses impossibles v . 'A d'elles-mêmes; et 1'applica^tion , pour les j faire réussir , nous manque plus que les •3| moyens. ■fa 244. La souveraine habileté consiste a II :t bien connoitre le prix des choses. "H 245. C'est une grande habileté que de 'i savoir cacher son habileté. 246 Ce qui paroit générosité n'est sourt is: vent qu'une ambition déguisée, qui mé'!'■ prise de petits intéréts pour aller a de tt'i plus grands. B üj  3o RÉFLEXIONS 347. La iiclélité rfui paroit en ]a plupart des hommes, n'est qu'une invention de l'amour-propre pour attirer la confiance; c'est un moyen de nous élever audessus des autres et de nous rendre dépositaires des choses les plus importantes. 248. La magnanimité méprise tout pour avoir tout. 2j.q. II n'y a pas moins d'éloquence dans le ton de la voix , dans les yeux efc «lans 1'air de la personne qui parle , que clans le choix des paroles. a,'5o. La véritable éloquence consiste h tlire tout ce qu'il faut , et k ne dire que ' ce qu'il faut. s.5i. II y a des personnas k qui les dé- ! fauts siéent bien , et d'autres qui sont dis; graciées par leurs bonnes qualités. 2.5a. II est aussi ordinaire de voir changer les goüts , qu'il est extraordinaire de voir changer les inclinations. 2.53. L'intérêt met en*jeuvre toutes sortes de vertus et de vices. 204. L'humilité n'est souvent qu'une feinte soumissen dont on se sert pour soumettre les autres : c'est un artifice de l'orgueil qid s'abaisse pour s'élever ; et bien qu'il se transforme en mille manières, il n'est jamais mieux déguisé et plus capable de tromper que lorsqu'il se cache sous la figure de l'humilité. a55. Tous les sentimens ont chacun un ton de voix , des gestes et des mines qui j leur sont propres; et ce rapport bon ou j mauvais, agréable ou désagréable, est ee  M O R A I. E S. Jt j qui fait que les personnes plaisent ou dé3 14 plaisent. 2,56. Dans toutes les professions, chacuri afFeete une mine et un intérieur pour pa; m roitre ce qu'il veut qu'on le croie. Ainsi ; on peut dire que le monde n'est composa .u| que de mines. i a.5-7. La gravité est un mystère du corps, I jnventé pour cacher les défauts de 1'esprit. 268. Le bon goüt vient plus du juge, ft ment que de 1'esprit. 2.5g. Le plaisir de l'amour est d'aimer , ■ !» et 1'on est plus heureux par la passion que , '1 1'on a , que par celle que 1'on donne. 260. La civilité est un desir d'en reee' I voir, et d'être estimé poli. aui. L'éducation que 1'on donne d'or% dinaire aux jeunes gens est un second li amour-propre qu'on leur inspire. 262. II n'y a point de passion oü 1'aa: mour de soi-même règne si puissamment , I que dans l'amour; et 1'on est souvent plus 'i, disposé a sacrifier le repos de ce qu'on , ifl aime , qu'a perdre le sien. \ a63. Ce qu'on nomme libéralité n'est le i i j plus souvent que la vanité de donner , que . .ja nous aimons mieux que ce que nous don, I nous. 264. La pitié est souvent un sentiment 1 de nos propres maux dans les maux d'auI trui. C'est une habile prévoyance des mal» . ij heurs oü nous pouvous tomber. Nous don- ■ ïl nons du secours aux autres pour les engai,| ëer >d nous en donner en de semblables oc, iaj casions ; et ces services que nous leur ren- B iv  5-2 RÉFLEXrONS dons , sont, a proprement parler, un bien que mus nous faisons a nous-mémes par avance. *65. La petitesse de 1 'esprit fait l'o. piniatreté : nous ne croyons pas aisément ce qui est au - dela de ce que nous Voyons. 266. C'est se tromper que de croire qu'il n'y ait me les violentes passions , comme 1'ambition et l'amour , qui puissent triompher des autres. La paresse, toute languissante qu'elle est, ne laisse pas d'en £tre souvent la maitresse ; elle usurpe sur tous les desseins et sur toutes les actions de la vie; elle y détruit et y consume insensiblement les passions et les vertus. 267. La promptitude a croire le mal sans 1'avoir assez examiné, est un efiet de l'orgueil et de la paresse. On veut trouver' des coupables, et 1'on ne veut pas se donner la peine d'examiner les crimes. 268. Nous récusons des juges pour les plus petits intéréts, et nous voulons bien que notre réputation et notre gloire dépendent du jugement des hommes , qui nous sont tous contraires ou par leur jalousie, ou par leur préoccupation, ou par leur peu de lumières : ce n'est que pour les faire prononcer en notre faveur que nous exposons en tant de manières notre repos et notre vie. 269. II n'y a guère d'homme assez habile pour connoitre tout le mal qu'il fait. 370. 1'honneur acquis, est caution de celui qu'on doit acquérir.  M O R A L E S. 35 la 371. La jeunesse est une ivresse continuelle; c'est la fièvre de la raison. 273. Rien ne devroit plus humilier le» c. hommes qui ont mérité de grandes louanges, que le soin qu'ils prennent encore de j'usl «ie faire valoir par de petites choses. 37J. II y a des gens qu'on approuve iïl| dans le monde, qui n'ont pour tout méi,| rite que les vices qui servent au commerce nt j de la vie. e 274. La gr ace de la nouveauté est 4 'en i l'amour ce que la fleur est sur les fruits ; w j elle y donne un lustre qui s'efface aisément, et qui ne revient jamais. 276. Le bon naturel, qui se vante d'ê\ tre si sensible, est souvent étouffé par le u\ i moindre intérêt. i, 276. L'absence diminue les moindres ; ,er passions et augmente les grandes , comme p\ 3. i le vent éteint les bougies et allume le feu, 277. Les femmes croient souvent aimer , lei • encore qu'elles n'aiment pas. L'occupation ien 3 d'une intrigue , 1'émotion d'esprit quo & donne la galanterie , la pente naturelle ™ au plaisir 'd'être aimées , et la peine de L: refuser, leur persuadent qu'elles ont de ,ar i la passion , lorsqu'elles n'ont que de la ,,r coquetterie. 278. Ce qui fait que 1'on est souvent mélfj i content de ceux qui négocient , est qu'ils abandonnmt presque toujours l'intérêt de;. 1,. > leurs amis pour l'intérêt du succes de la •;. iiégoeia.ion, qui devient le leur par 1'honl; neur d'avoir réussi a ce qu'ils avoien t en- Irepris. B v  54 RK»£EXIONS 279. Quand nous exagérons la tendresse que nos amis ont pour nous, c'est souvent rnoins par reconnoissance que par le desir de faire juger de notre mérite. a8o. L'approbation que 1'on donne k ceux qui entrent dans le monde , vient souvent de 1'envie secrète que 1'on porte a ceux qui y sont établis. 201. L'orgueil qui nous inspire tant d'envie , nous sert souvent aussi a la madérer. 282. II y a des faussetés déguisées , qui représentent si bien la vérité que ce seroit mal juger que de ne s'y pas laisser tromper. 285. II n'y a pas quelquefois moins d'habileté a savoir profiter d'un bon conseil, qu'a se bien conseiller soi-même. 284. II y a des méchans qui seroient moins dangereux , s'ils n'avoient aucune bonté. 280. La magnanimité est assez bien définie par son nora : néanmoins on pourroit dire que c'est le bon sens de l'orgueil , et la voie la plus noble pour recevoir des louanges. 286. II estimpossible d'aimer une seconde fois ce qu'on a véritablement cessé d'aimer. 287. Ce n'est pas tant la fertilité de 1'esprit qui nous fait trouver plusieurs expédiens sur une même affaire , que c'est le défaut de lumière qui nous fait arrêter li tout ce qui se présente a notre imagination , et qui nous empêche de discerner d'abord ce qui est le meilleur.  M O R A ï. E S. at> a°>8. II y a des affaires et des maladies al que les remèdes aigrissent en certain tems , !'l et la grande habileté consiste a connoitre quand il est dangereux d'en user. 289. La simplieité affeetée est une in» ' c| posture délicate. 1 i ' 2,90. II 7 a plus de défauts dans 1'hu'a| meur que dans 1'esprit. 291. Le mérite des hommes a sa saison, J aussi bien que les fruits. 293. ün peut dire de 1'humeur de s hom» ;| mes comme de la plupart des batimens , J! I qu'elle a diverses faces , les unes agréables ' il| et les autres désagréables. 293. La modération ne peut avoir le mérite de combattre 1'ambition et de la 9 soumettrE : elles ne se trouvent jamais ensemble. La modération est la langueur et la paresse de 1'ame, comme 1'ambition en , : est 1'activité et 1'ardeur. 294. Nous aimons toujours ceux qtti A - nous admirent, et nous n'aimons pas tou- "' jours ceux que nous admirons. j 296. II s'en faut bien que nous connois- i! sions toutes nos volontes. 296. 11 est diilicile d'aimer ceux que j I nous n'estimons point : mais il ne 1'est , pas moins d'aimer ceux que nous estimons j beaucoup plus que nous. 297. Leshumeurs du corps ont un cour9 |j ordinaire et réglé , qui meut et tourne . imperceptiblement notre volonté : elles roulent ensemble , et exercent successivement un'empire secret en nous.; de sorte Les vieux fous sont plus fous que ^ ■ les jeunes. :s' 1 44& l-'a foiblesse est plus opposée a !a "r'l vertu que le vice. j 4 f.6. Ce qui rend les douleurs de la honte ij et de la jalousie si aiguës , c'est que la va- 1 • ij nité ne peut servir a les supporter. 447. La hienséance est la moindre de. toutes les lois et la plus suivie. 448. Un esprit droit a moins de peine 3] de se soumettre aux esprits de travers que 1 de les conduire. 419- Lorsque la fortune nous surprend 1 en nous donnant une grande place, sans ' (1 nous y avoir conduits par dégrés, ou t-ans I que nous nous y soyons élevés par nos ';' espérances, il est presque irnpossible de s'y bien soutenir et de paroitre digne de 1'occuper. 4,5o. Notre orgueil s'augmente souvent i de ce que nous retranchons de nos autres défauts. 461. II n'y a point de sots si income:t modes que ceux qui ont de l'esprit. 462. Il n'y a point d'hornme qui se croie en chacune de ses qualités au-dessous' de fhomnie du monde qu'il estime le plus. " c  ÖQ R É 1 L E X I O N S 4.55. Dans les grandes affaires, on doit moins s'appliquer a i'aire naïtre des occasions qu'a profiter de celles qui se présentent. 464. II n'y a guère d'occasion oü Ton fït un méchant marché de renoncer au bien qu'on dit de nous , a condition de n'en dire point de mal, 4<5fci- Quelque disposition qu'ait le monde a mal juger , il fait encore plus souvent grace au faux mérite , qu'il ne fait injuslice au véritable. 4.56. On est quelquefois un sot avec de x l'esprit; mais on ne 1'est jamais avec du jugement. /j57. Nous gagnerions plus de nouslais*ser voir tels que nous sommes , que d'es? tsayer de paroitre ce que nous ne sommes • pas. 458. Nos ennemis approclient plus de la vérité dans les jugemens qu'il tont de nous . que nous n'en approchons nous-mêmes. 4.5y. II y a plusieurs remèdes qui gué! rissent de l'amour, mais il n'y. en a poinl d'infaillibles. 460. II s'en faut bien que nous connoissions tout ce que nos passions nous lbn1 faire. 46 r. La vieillesse est un tyran qui défend sur peine de la vie tous les plaisin d,e la jeunesse. 46a. Le même orgueil qui nous fait bla, pier les défauts dont nous nous croypm exempis, nous porte h mépriser les bon> nes quaïités que nous n'avons pas.  M O R A L E S. .tl 46.Ï. II y a souvent plus (l'orgueil que ■1 de bonté a plaindre les malheurs de nos i-.-jl ennemis ; c'est pour leur faire sentir que J nous sommes au-dessus d'eux , que nous ?n leur donnons des marqués de compassion. .11 ' 464. II y a un excès de biehs et de a ' maux qui passé notre sensibilité. 46.5. II s'en faut bien que 1'innocence ti trou\*e autant de protection que le crime. ' mt fy 466, De toutes les passions violentes , us. celle qui sied le moins mal aux femmes , c'est l'amour. de 467. La vanité nous fait faire plus de du choses eontre notre gout que la raison. 468. II y a de méchantes qualités qui ais. font de grands talens. IVs. 45q- On ne souhaite jamais ardemment nes ce qu'on ne souhaite que par raison. 470. Toutes nos qualités sont incertai,1a nes et douteuses , en bien comme en mal; ai, et elles sont presque toutes a la merci .., „des occasions. m. 47Dans les premières passions, les oint |tfemmes aiment 1'amant; dans les autres, elles aiment l'amour. » 472- L'orgueil a ses bizarreries comme at les autres passions : 011 a honte d'a\ ouer ïqu'on ait de la jalousie , et 1'on se fait K. honneur d'en avoir eu et d'être capable n-s d'en avoir. 47.3. Quelque rare que soit le véritable % amour , il 1'est encore moins que la vériij table amitié. > 474- II y a peu de femmes dont le mérite dure plus que la beauté. C ij  R É F T, E X I O N S 470. L'envie d'être plaint ou d'être ad- ! miré , fait souvent la plus grande partie j de notre confiance. 476. Notre envie dure toujours plus long-tems que le bonheur -de ceux que j nous envions. 477. La même fermeté qui sert a ré- \ sister a l'amour , sert aussi a le rendre j violent et dura])le; et les personnes foibles , qui sont toujours agitées de passions, j n'en sont presque jamais véritablement remplies. 478. L'imagination ne sauroit inventer ; tant de diverses contrariétés qu'il y en a j naturellement dans le coeur de chaque personne. 470. II n'y a que les personnes qui ont de la fermeté , qui puissent avoir une vé- j ritable douceur ; celles qui paroissent douces , n'ont d'ordinaire que de la foibiesse, qui se convertit aisément en aigreur. 480. La timidité est un défaut dont il est dangereux de reprendre les personnes j qu'on en veut corriger. 481. Rien n'est plus rare que la véritable bonté ; ceux même qui croient en avoir , n'ont d'ordinaire que de la coraplaisance ou de la foibiesse. 48a. L'esprit s'attache par paresse et par constance a ce qui lui est facile ou agréable : cette habitude met toujours des bornes il nos cönnoissances, et jamais personne ne s'est donné la peine d'étendre et de conduire son esprit aussi loin qüil pouvoit aller.  M O R. A L E S. .53 485. On est d'ordinaire plus médisaut .1$ pai" vanité que par malice. 484. Quand on a le coeur encore agité i'-.é par les restes d'une passion , on est plus ai prés d'en prendre une nouvelle, que quand .9 on est entiérement guéri. ski 480. Ceux qui ont eu de grandes pasi.cj sions se trouvent toute leur vie heureux ,( J et malheureux d'en être guéris. }\M 486. II y a encore plus de gens sans il intérét que sans envie. pïi 4^7. Nous avons plus de paresse dans l'esprit que dans le corps. Kf 488. Le calme ou 1'agitation de notre I humeur ne dépend pas tant de ce qui nous .,.1 arrivé de plus considéra])le dans la vie , que d'un arrangement commode ou dssa,,.) gréable de petites choses qui arrivent tous tW les jours. 40Q. Quelque méchans que soient les jrCI hommes, ils n'oseroient paroitre ennemis .jij de la vertu; et lorsqu'ils la veulent peri secuter, ils feigntnt de croire qu'elle est ■;,at fausse , ou ils lui supposent des crimes. ' 490. On passé souvent de l'amour h 1'am,. I bition; mais on ne revient guère de 1'am)| bition a l'amour. etl 491- L'extrême avarice se méprend presMtl que toujours ; il n'y a point de passion 1*1 1ai s'éloigne plus souvent de son but, ni sur qui le présent ait tant de pouvoir au VI préjudice de 1'avenir. :M 493. L'avarice procluit souvent des effets contrairis : il y a un nornbre infini : de gens qui saerilient tout leur bien a des C iij  ' P4 Réïlkxioks espérances douteuses et éloignées : d'au'ir s méprisent de grands avantages k venir, pour de petits intéréts présens. 493. Il semble que lts hommes ne se trouyent pas assez de défauts; ils en augmentent encore le nombre par de certaiJies qualités singulières dont ils affecten* de se parer , et ils les cultivent avec tant de soin , qu'elles cleviennent k la fin des défauts naturels qu'il ne dépend plus d'eux de corriger. 494- Ce qui fait voir que les hommes corinoissent mieux leurs fautes qu'on ne pense , c'est qu'ils n'ont jamais tort quand on les entend parler de leur conduite : le même amour-propre qui les aveugle d'ordinaire , les éclaire alors , et leur donne des vues si pistes, qu'il leur fait supprimer ou déguiser les moindres choses qui peuvent être condamnées. 49-5- II faut que les jeunes gens qui entrent dans le monde soient honteux ou ëtourdis : un air capable et cornposé se tourne d'ordinaire en impertinence.. 49^- Les querelles ne dureroient pas long-tems , si le tort 11'étoit que d'un cöté. 497- II ne sert de rien d'être jeune sans ^ être belle, ni d'être belle sans être jeune. 498. II y a des personnes si légères et si frivoles , qu'elles sont aussi éloignées d'avoir de véritables défauts que des qua- 1 lités solides. 499. On ne compte d'ordinaire la pre-. miere galanterie des femmes , que lorsqu'elles en ont une seconde.  ■\r o n a l e s. óoo. II .y u des eens si rerripTts cFetix■ mêmes . que lorsqu'ils sont amoureus , ils trouvent moyen d'être óccupés de leur I passion , sans 1'ctre de la personne qu'ils si aiment. óoi. L'amour, tout agréable qu'il est, plait encore plus par les manièrés dont il se montre , que par lui-même. 5oa. Peu d'esprit avec de la droiture ennuie moins a la longue , que beaucoup d'esprit avec du travers. 5o5. La jalousie est le plus grand de tous les maux , et celui qui fait ie moins de pitié aux personnes qui le causent. .5o l. Après avoir parlé de la fauéseté de tant de vertus apparentes , il est raisonnable de dire quelque chose de la fausseté du mépris de la mort. J'entends parler de ce mépris de la mort que les payens se vantent de tirer de leurs propres forces , sans 1'espérance d'une meilleure vie. II y a de la difrérence entre soufFrir Ia mort constamrnent , et la mépriser. Le premier est assez ordinaire ; mais je crois que 1'autre n'est jamais sincère. On a écrifc néanmoins tout ce qui peut le plus persuader que la mort n'est point un mal ; et les hommes les plus fbibles, aussi bien que les héros ont donné mille exemples célèbres pour établir cette opinion. Cependant je doute que personne de bon sens 1'ait jamais cru; et la peine que 1'on prend pour le pirsuader aux autres et a soi-même , fait assez voir que cette entreprise n'est pas aisée. On peut avoir divers sujet* C iv  .56 11 É F L E X I O N 9 de dégouts dans la vie; mais on n'a jamais raison de mépiiser la mort. Ceux même» (jui se la donnent volontairement, ne la comptent pas pour si peu de chose, et ils s'en étonnent et la rejettent comme les autres , lorsqu'elle vient a. eux par un autre voie que celle qu'ils ont choisie. L'inégalité que 1'on remarque dans le courage d'un nombre infini de vaillans hommes , vient de ce que la mort se découvre différemment a leur imagination, et y paroft plus présente en un tems qu'en un autre. Ainsi il arrivé qu'après avoir méprise ce qu'ils ne connoissent pas , ils craignent enfin ce qu'ils connoissent. II faut éviur de 1'envisager avec toutes ces circonstances, si on ne veut pas croire qu'elle soit le plus grand de tous les maux. Les plus habiles et les plus braves sont ceux qui prennent de plus honnêtes prétextes pour s'empêcher de la considérer : mais tout homme qui la sait voir telle qu'elle est , trouve que c'est une chose épouvantable. La nécessité de mourir faisoit toute la constance des philosophes. lis croyoient qu'il falloit aller de bonne grace oü 1'on ne sauroit s'empêcher d'aller ; et ne pouvant éterniser leur vie , il n'y avoit riert qu'ils ne fissent pour éterniser leur réputation , et sauver du naufrage ce qui en peut être garanti. Contentons-nous , pour faire bonne mine , de ne nous pas dire a nous-mêmes tout ce que nous en pensons, et espérons plus de notre tempérament «pie de ces foibles raisonneincns , qui nous  ar O R A L E s. ó"7 1 i font croire que nous pouvons nous ap- t procher de la mort avec indifierence. La li gloire de mourir avec fermeté, 1'espérance 1 I d'être regrette, le desir de laisser une belle ' A réputation 1'assurance d'être atfranchi des : ■ mis res de la vie, et de ne dépendre plus " jf des caprices de la fortune , sont des re- ; m mèdes qu'on ne doit pas rejetter. Mais on • >a ne doit pas croire aussi qu'ils soient in'» faillibles. Ils font, pour nous assurer, ce qu'une simple haie fait souvent a la guer- )1 re , pour assurer ceux qui doivent appro- : H cher d'un lieu d"oü 1'on tire. Quand on >4 en est éloigné , on s'imagine qu'elle peut r 9 mettre a couvert : mais quand on en est 'J proche , on trouve que c'est un foible se- )| cours. C'est nous llatter , de croire que la ■ mort nous paroisse de prés ce que nous I en avons jugé de loin , et que nos senti- ' 1 mens , qui ne sont que foibiesse , soient ]t 1 d'une trempe assez forte pour ne point )S soufFrir d'atteinte par la plus rude de tou- • M tes les épreuves. C'est aussi mal connoitre 3 les èffcts de l'amour-propre, que de pensev '{ qu'ils puissent nous aider a compter pour •a i rien ce qui le doit nécessairement détrui•ï re; et la raison dans laquelle on croit 1 trouver tant de ressources, est trop foibla en cette rencontre pour nous persuader t" ,ce que nous voulons. C'est elle au con- "i 1 traire qui nous trahit le plus souvent, et « qui, au-lieu de nous inspirer le mépris », de la mort, sert k nous découvrir ce qu'elle it a cbafFreux et de terrible. Tout ce qu'elle ii>l peut faire pour nous, est cl nous coa-  'S8 RÉflexions seiller d'en détourner les yeux pour les arrêter sur d'autres objets. Caton et Brutus en choisirent d'illustres. Un laquais se contenta , il y a quelque tems, de danser sur i'échat'aud oü il alloit être roué. Ainsi , bien que les motifs soient diflérens , ils produisent les mêmes effets: de sorte qu'il est viai que, quelque disproportion qu'il y ait entre les grands hommes et les gens du commun , on a vu mille fbis les mis et les autres recevoir la mort d'un même visage ; mais c'a toujours été avec cette différence, que dans le mépris que les grands liommes ibnt paroitre pour la mort , c'est l'amour de la gloire qui leur en óte la vue ; et dan6 les gens du commun, ce n'est qu'un eflèt de leur peu de lumière qui les «mpêche de connoitre la grandeur de leusmal , et leur laisse la liberté de penser h, autre chose.  i. L'amour-propre est l'amour de soïmême, et de toutes choses pour soi; il rend les hommes idolatres d'eux-mêrnes, et les rendroit les tyrans des autres, si la fortune leur en donnoit- les moyens : il ne se repose jamais hors de soi, et ne s'arrête dans les sujets étrangers que comme les abeilles sur les lleurs , pour en tirer ce qui lui est propre. Rien n'est si impétueux que ses desirs , rien de si caché que ses desseins, rien de si habile que ses conduiles : ses souplesses ne se peuvent représenter , ses transformations passent celles des métamorphoses , et ses rafinemens ceux de la chymie. On ne peut sander la profondeur, ni percer les ténèbres de ses abymes. La, il est a couvert des yeux les plus pénétrans , il y fait mille insensibles tours et retours. Lk , il est souvent invisible a lui-mème , il y concoit, il y nourrit, et il y élève, sans le savoir, un grand nombre d'affections et de haines; il en forme de si monstrueuses, que, lorsqu'il les a mises au jour, il les méconnoit, oa il ne peut se résoudre a. le» C vj m o r a l e s. 09 PREMIÈRES PENSÉES DU DUC DE LA ROCHEFOUCAULT.  Co RÉplexions avoucr. ]3ï cette nuit qui le couvre nais- j sent les ridicules per^uasions qu'il a de lui-même; de-la viennent ses erreurs, ses ignorances, ses grossiéretés et ses niaiseries sur son sujet ; de-la vient qu'il croit que s^s sentimens söflt moits lorsqu'ils ne sont qu'endormis, qu'il s'imagine n'avoir plus envie de courir des qu'il se repose , et qu'il pense avoir perdu tous les gouts qu'il a rassasiés ; mais cette obscurité épaisse, qui le cache k lui-même, n'empêche pas qu'il ne voie parf'aitement ce |ui est hors de lui ; en quoi il est semblable a nos yeux , qui découvrent tout, et sont aveugles seulement pour eux - mêmes. En effet, dans ses plus grands intéréts et dans ses plus importantes affaires , oü la violcnce de ses souhaits appelle toute son attention , il voit, il sent , il entend , il imagine , il soupcjonne, il pénètre, il devine tout , de sorte qu'on est tenté de croire que chacune de ses passions a une magie qui lui est propre. Rien n'est si ; intime et si fort que ses attachemens, quil essaie de rompre inutilement a la vue des malheurs extrêmes qui le menacent. Cependant il fait quelquefois en peu de tems et sans aucun effort, ce qu'il* n'a pu faire avec tous ceux dont il est capable dans le cours de plusieurs années ; d'oü 1'on pourroit conclure assez vraisemblablementque c'est par lui-même que ses desirs sont allumés, plutót que par la beauté et par le mérite de ses objets ; que st>n gout est le prix qui les relèye , et le fard qui les  M O K A £ E S. 6*1 ïS embellit ; que c'est après lui-même qu'il )S court, et qu'il suit son gré , lors qu'il suit I les choses qui sont k son gré. II est de ; tous les contraires , jl est impérieux et I ohéissant, sineère et dissimulé, misériI cor-dieux et cruel , timide et audacitux : i il a différentes iiielinations , selon la diij; versité des tempéramens , qui le tournent j et le dévouent tantót k la gloire, tantö* I aux richesses et tantót aux plaisirs, II en I change selon le changement de nos ages , I de nos fortune» et de nos expériences : } mais il lui est indifferent d'en avoir pluI sieurs , ou de n'en avoir qu'une , paree I qu'il se partage en plusiturs , et se ra! i masse en une quand il le faut, et comme il lui plait. II est inconstant, et outre : les changemens qui viennent des causes i I étrangères , il J en a une intinite qui I 'naissent de lui et de son propre fonds. II est inconstant, d'inconstance , de légéreté , d'amour , de nouveauté, de lassii I tude et de dégo. t. U est capricieux , et il on le voit quelqu-fois travailler avec le ; dernier empressement et avec des travaux incroyables a obtenir des choses qui ne lui sont point av.mtageuses, et qui même : ! lui sont nuisibies, mais qu'il p ursuit paree } p I qu'il les veut. II est bizarre, et met soui m vent toute son application dans les emt A plois les plus frivole»; il trouve tout s in t j j plai-ir dans les plus fades , tt conserve toute sa fierté dans les plus mépris ibles. II est dans tous les états de la vie et dans toutes les conditions ; il \k par-tout, et  6"2 R é p r. e x i o n s il vit de tour, il vit de rien ; il s'accommode des choses et de leur privation ; il passé même dans le parti des gens'qui lui fbnt la guerre; il entre dans leurs desseins ; et , ce qui est admirahle , il se haifc lui-même avec eux , il eonjure sa perfe , il travaille lui-même a sa ruine ; enfin, il 1 ïie se soucie que d'être, et pourvu qu'il \ soit, il veut bien être son ennemi. II ne j faut donc pas s'étonner s'il se joint quel- i quefois a la plus rude austérité , et s'il entre si hardiment en sociélé avec elle pour se détruire, paree que dans le même tems qu'il se ruine en un end roit, il se réta- 1 blit en un autre. Quand on pense qu'il quitte son plaisir , il ne fait que le suspendre ou le changer, et lors même qu'il est vaincu, et qu'on croit en être défait j on le retrouve qui triomphe dans sa propre défaite. Voila la peinture de l'amourpropre , dont toute la vie n'est qu'une grande et longue agitation. La mer en est une image sensible , et l'amour - propre trouve dans le rlux et le reflux de ses vagues une fidelle expression de la succession turbulente de ses pensées et de ses éternels mouvemens. 2. Toutes les passions ne sont autre chose que les divers degrés de la chaleur ou de Ia froideur du sang. 5. La modération dans la plupart des hommes n'a garde de combattre et de soumettre 1'ambition, puisqu'elles ne peuvent se trouver ensemble ; la modération n'étant d'ordinaire qu'une paresse, une lan-  at o a. a & s s. 63 ■ 1 gat-ar et un manque de courage : de ma•ird nière qu'on peut justement dire a leur >l égard que la modération est une bassessc '1 de 1'ame , comme 1'ambition en est 1'élé;iYj yation. 4. La modération dans la bonne fortune n'est que 1'appréhension de la bonte qui 'M suit 1'emporiement, ou la peur de perdre I ce que 1'on a. 5. La modération des personnes heu• I reuses est le calme de leur humeur , adou- cie par la possession du bien. s 1 6. La modération est une crainte de 1'envie et du mépris, qui suivent ceux qui s'enivrent de leur bonlieur ; c'est une os- ■ J tentation de la force de notre esprit : enliïï fin, pour la bien définir , la moderatio^ des hommes dans leurs plus hautes élévations , est une ambition de paroitre plus grands que les choses qui les élèvent. 7. Tout le monde trouve a redire en autrui , ce qu'on trouve a redire en 8. La modération est comme la sbbriété ; on voudroit bien manger davantage, | mais on craint de se faire mal. 9. Si nous n'avions point de défauts , nous ne serions point si aises d'en remarquer aux autres, 10. La jalousie ne subsiste que dans les doutes , 1'incertitude est sa mntière : c'est S une passion qui cherche tous les jours de nouveaux sujets d'inquiétude et de nouveaux tourmens. On cesse d'être jaloux dès que 1'on est éclairci de ce qui causoit la jalousie.  D*4 ïlÉFtEXIONS ii. L'orgueil, comme lassé de ses artifices et de ses diflerentes métamorphoses, après avoir jóué to.it seul tous les personnages de la comédie humaine , sj montre avec un visage naturel , et se découvre par sa fierté ; de sorte qu'a proprement parler , la fierté est 1'éclat et la déelaration de l'orgueil. ia. La nature qui a si sagement pourvu a la vie de 1'homme par la dispo4tion admirable des organes du corps, lui a sans doute donné l'orgueil pour lui épargner la douleur de connoitre ses imperfections et ses misères. i5. Nous ne nous appercevons que des emporteimns et des mouvemens extraordinaires de nos humeurs et de notre tempérament, comme de la violenee de la colère ; mais presque personne ne s'appercoit que ces humeurs ont un cours ordinaire et réglé , qui meut et tourue doucement et imperceptiblement notre volonté a des actions diif,;rentes : elles roulent ensemble, s'il faut ainsidire, et exercent successivement un empire secret en nous-mêmes: de sorte qu'elles ont une part oousidérable en toutes nos actions, sans que nous le puissions reeonn utre. 14. La complexion qui fait le talent pour les petites choses , est contraire k celle qu'il taut pour le talent des grandes. t<5. C'est une espèce de bonheur de connoitre jusqu'a quel point on doit être malheureux. 16'. Quand on ne trouve pas son repos  tl O R A Ti E S. f>5 ,: en soi-même, il est inutile de le chercher ailleurs. 17. La fortune ne laisse rien perdre pour les hommes heureux. " 18. II faudroit pouvoir répondre de sa r'| fortune , pour pouvoir répondre de ce que 1'on fera. _ 19. Comment peut-on répondre^ de ce ... | qu'on voudra a 1'avenir, puisque 1'on ne i" sait pas préeisément ce que 1'on veut dans le tems présent. ao. On élève la prudence jusqu'au ciel; ., t et il n'est sorte d'éloge qu'on ne lui donne; ' elle est la règle de nos actions et de notre . Ij conduite , elle est la maitresse de la forjj tune , elle fait le destin des empires : sans 'r' elle on a tous les maux , avec elle on a 1' cj tous les biens ; et comme disoit autrefois 1 un po'ëte, quand nous avons la prudence , ' il ne nous man me aucune divinité ; pour dire que nous trouvons dans la prudence tout le secours que nous demandons aux dieux. Cependant la prudence la plus consommée ne sauroit nous assurer du plus 1 petit effet du monde ; paree que travail- * lant sur une matière aussi changeante et aussi inconnue qu'est 1'homme , elle ne peut exécuter surement aucun de ses pro- lt jets. D'oü il faut conclure que toutes les \ louanges , dont nous flattons notre pru.'' dence , ne sont que des efFets de notre * amour-propre , qui s'applaudit en toutes i choses et en toutes rencontres. ^ ai. L'amour est a 1'ame de celui qui. aime, . ce que 1'ame est au corps qu'elle aiume.  66 RÉflexions 22. La justice n'est qu'une vive appréhension qu'on ne nous öte ce qui nous appartient ; de - la vient cette cönsidération et ce respect pour tous les intéréts du prochain , et cette scrupuleuse application a n e lui faire aucun préjudice. Cette crainte retient 1'homme dans les bornes des l)iens que la naissance ou la fortune lui ont donnés : sans cette crainte , il feroit des courses continuelles sur les autres. 30. La justice dans lesjuges qui sont modérés n'est que l'amour de leur élévation. 24. On blame 1'injustiee, non pas par 1'aversion que 1'on a pour elle, mais par le préjudice que 1'on en recoit. a,5. Le premier mouvement de joie que nous avons du bonheur de nos amis ne vient ni de la bonté de notre naturel , ni de 1'amitié que nous avons pour eux : c'est un effet de l'amour-propre qui nous flatte de 1'espérance d'être heureux h notre tour, ou de retirer quelque utilité de leur bonne fortune. a6. Dans Fadversité de nos meilleurs amis, noustrouvons toujours quelque chose qui ne nous déplait pas. 27. Comme si ce n'étoit pas assez a l'amour-propre d'avoir la vertu de se transformer lui-même, il a encore celle de trans- 1 former les objets; ce qu'il fait d'une manière fort étonnante : car non-seulement il les déguise si bien , qu'il y est lui-même trompé, mais il change aussi 1'état et la nature des choses. En effet, lorsqu'une pereonnenous est contraire , et qu'elle tourne  M O K A L E S. 67 'e| saliaine et sa persécution contre nous, c'est ,| avec toute la sévéiité de la justice que 1'a"8 mour-propre juge ses actions; il donnea Jl ses défauts une étendue qui les rend énori| mes, et il met ses bonnes qualités dans un j jour si désavantageux , qu'elles deviennenfc ;1 plus dégoütantes que ses défauts. CepénJ dant, dès que cette même personne nous de vient favorable , ou que quelqu'un de 3 nos intéréts la réconcilie avec nous , notre '■ J seule s itisfaction rend aussi-tót h son mé•1 rite le lustre que notre aversion venoifc 11 de lui öter. Les mauvaises qualités s'effa, cent , et les bonnes paroissent avec plus I d'avantage qu'auparavant : nous rappel: I lons même toute notre indulgence pour : ij la forcer a justifier la guerre qu'elle nous ■ 4; a faite. Quoique toutes les passions mon! -ë trent cette vérité , l'amour la fait voir c M plus clairement que les autres : car nou* 1 4 voyons un amoureux agité de la rage ou : 'I 1'a mis 1'oubli ou l'infidélilé de ce qu'il I aime , méditer pour sa vengeance tout ce i rd que cette passion inspire de plus violent. ! ÉI Néanmoins, aussi-têit que sa vue a calmé li la fureur de ses mouvemens, son ravisse- ■ w ment rend cette beauté innocente ; il n'ac- ■ I cuse plus que lui-même, il condamne ses • i| condamnations; et par cette vertu de 1'a- • I mour-propre , il öte la noirceur aux maui I vaises actions de samaitresse, eten sépare ' »ï le crime pour s'en charger lui-même. 28. L'aveuglement des hommes est le • I plus dangereux effet de leur orgueil ; il : ■ sert a le nourrir et a 1'augmenter ; il nous  CS RÉflexions óre la connoissance des remèdes qui pourroient soulager nos misères et nous guérir de nos défauts. 39. On n'a plus de raison , quand on n espère plus d'en trouver aux autres 00. Les philosophes , et Sénèque sur-' tout , n'ont point óté les crimes par leurs preceptes : ils n'ont fait que les employé au^batiment de l'orgueil. Si. Le jugement n'est autre cliose que la grandeur de la lumière de l'esprit. Son etendue^ est la mesure de sa lumière ; sa profondeur est celle qui pénètre le fonds ües choses; son discernement les compare et les distnigue ; sa justesse ne voit que ce qu'il faut voir ; sa droiture les prend toujoms par le bon biais; sa délicatesse appercoit celles qui paroissent imperceutibles; et le jugement décide ce que les choses sont. Si on 1'examine bien, on trouvera que toutes ces qualités ne sont autre chose que la grandeur de l'esprit, lequel voyant tout ,^ rencontre dans la plénitude de ses lumières, tous les avantages dont nous venons de parler. 5a. II y a de jolies choses que l'esprit 1 ne cherche point, et qu'il trouve toutes achevées dans lui-méme. II semhle qu'elles y soient cachées comme 1'or et les diamans dans le sein de la terre. 53. II n'y a point de plaisir qu'on fasse i plus voloniicrs k un ami, que de lui don- I ner. conseil. 34. Rien n'est plus divertissant que de voir^deux hommes assemblés, 1'un pour  M O R A L E S. 6(J 'a ressé ; il cherche en même-tems dans ses "■'propres intéréts des régies de conseiller, ~Ë de sorte que son conseil lui est bien plus > I propre qu'a celui qui le rec/oit. i'.l oó. Si on étoit toujours assez habile, o't 'i ne feroit jamais de finesses ni de trahisons. >■ 56. C'est quelquefois assez d'être gros■9 sier , pour n'être pas trompé par un hai-l bile homme. '■ S^. Les plus sages le sont dans les choi ses indifFérentes ; mais ils ne le sont pres*| que jamais dans leurs plus sérieuses afit faires. 58. La plus subtile folie se fait de la ■■i plus subtile sagesse. 5t). La sobriété est l'amour de la santé, it ou l'impuissance de manger beaucoup. 40. On n'oublie jamais mieuxles choses ■> que quand on s'est lassé d'en parler. 41, La modestie, qui semble refuser les louanges, n'est en effet qu'un desir d'e.i ! avoir de plus délicates. i- 42- On ne blame le vies et on ne lou2 a la vertu que par intérêt. 40. La louange qu'on nous donne sert  f O R F. F t E X I O K S au moins ïi nous rixer dans la pratique ] des vertus. 44. L'approbation que 1'on donne a 1'es- 1 prit , a la beauté et a la valeur, les aug- ] mente , les perfectionne , et leur fait faire I de plus grands eft'ets , qu'ils n'auroient été capables de faire d'eux-mêmes. 4-5. L'amour-propre empêche bien que j celui qui nous flatte ne soit celui qui nous flatte le plus. 46. On ne fait point de distinction dans i les espèces de colères , quoiqu'il y en ait une légère et presque innocente, qui vient de 1'ardtur de la complexion, et une au■tre très-criminelle , qui est. a proprement parler , la fureur de l'orgueil. 47- Les grandes ames ne sont pas celles qui ont le moins de passions et plus de vertus que les ames communes ; mais : celles seulement qui ont de plus grands ■ desseins. 48. Comme il y a de bonnes viandes qui affadissent le coeur , il y a un mérite j lade, et des personnes qui dégoütent avec I des qualités bonnes et estimables. 4.9, L'art de savoir bien metlre en oeu- j vre de médiocres qualités, donne souvent ] plus de reputation que le véritable mérite, j óo. Les rois font des hommes comme ] des pièces de monnoie; ils les font valoir I ce qu'ils veulent, et 1'on est forcé de les j recevoir selon leur cours, et non pas se- j Ion leur véritable prix >5i. On se mécornpte toujours clans le jugement qu'on fait de nos actions, quand 1  Al O R. A L E S. "t '■telles sont plus grandes que nos desseins. .52. La gloire des grands hommes se doit "M mesurer aux moyens qu'ils ont pour 1'acM quérir. 'I .53. La férocité naturelle fait moins de ■ cruels que l'amour-propre. 5y. On piut dire de toutes nos vertus , ■'■M ce qu'un poëte' italien a dit de 1'honnê■>tm teté des fernrnes, que ce n'est souvent au- ■ tre chose qu'un art de paroitre honnête. '<*9 56. Ce que le monde nomme vertu n'est d'ordinaire qu'un fantó'me formé par nos ~A passions; a qui on donne un nom honnête ■A pour faire impunément ce qu'on veut. "'•I .56. jNous sommes si préoccupés en no- ■ tre faveur, que ce que nous prenons sou"Bj vent póur des vertus, n'e-,t en effet qu'un nombre de vices qui leur ressemblent, et que l'orgueil et l'amour-propre nous ont '\m déguisés. 07. La curiosité n'est pas, comme 1'on croit, un simple amour de la nouveauté. ■e II II y en a une d'intérêt qui fait que nous ; o| voulons savoir les choses pour nous en 1 prévaloir; il y en a une autre d'orgueil, -■il* qui nous donne envie d'être au-^dessus de 'M ceux qui ignorent les choses, et de n'étre '■M pas au-dessous de ceux qui les savent. :l , «58. La persévérance n'est digne ni de il blame, ni de louange, paree qu'elle n'est "■'que la durée des gouts et des sentimens - uj qu'on ne s'óte , et qu'on ne se donne point. óq. Ce qui nous fait aimer les connoisiffl sances nouvelles n'est pas tant la lassitude 'ijl que nous ayens des vieilks , ou le plaisij? I  RÉfi. exioss de chnnger , que le dégout que nous avcns de n'être pas assez admiréi de ceux qui nous connoissent trop, et 1'espérance que nous avons de 1'etre davahtage de ceux qui ne nous connoissent guère. 60. II y a des crimes qui deviennent innocens et même gl n-ieux par leur éclat, leur nornbre et leur excès : de-la vient que les voleries pubiiques sont des habiletés , et que prendre de3 provinces injustement-s'appelle faire des conquêtes. 61. Nous avouons nos défauts, afin qu'en donnant bonne opinion de la justice de notre esprit, nous réparions le tort qu'ils nous ont fait dans l'esprit des autres. 62. On peut haïr et mépriser les vices, sans haïr ni mépriser les vicieux : mais on a toujours du mépris pour ceux qui manquent de vertu. 65. Nous n'avouons jamais nos défauts que par vanité. 64. On ne trouve point dans 1'homme le bien ni le mal dans l'excès. 65. Quand il n'y a que nous qui savons nos crimes, ils sont bientót oubliés. 66. Ceux qui. sont incapables de com- j mettre de grands crimes, n'en soupgpnnent pas facilement les autres. 67. La pompe des enterremens regarde 1 plus la vanité des vivans, que 1'honneur ■ "", des morts. 68. La sévérité des femmes est un ajustemen* et un fard qu'elles ajoutent a leur beauté. C'est un attrait fin , délicat , et 1 une douceur déguisée. 69 ï  M O R A Ti E S. ",~> Gcj. Tl y a des gens qui ressemblent ■ t| aux vaudevilles que tout le monde chante d un certain tems, quelques lades et dégoü.i{fl tans qu'ils soient. 70. Quelque incertitude et quel ;ue va"M riété qui paroisse dans le monde , on y :l rtmar |ue néanmoins un certain t nchairlntmtnt secret et un ordre réglé de tout ■<Ë tems par la providence , qui fait que cha:..J que chose marche en son rang et suit le 9 cours de sa destinée. :i> 71. L'intrépidité doit soutenir le coeur!e dans les conjurations , au-lieu que la seule iii valeur lui fournit toute la fermeté qui lui est nécessaire dans les périls de la guerre. f. r]n. Ceux qui voudroient délinir la vic.li toire par sa naissanee , seroient tentés? ui comme les poëtes de 1'appeller la fïlle '1 du Ciel , puisqu'on ne trouve point sort ï'i origine sur la terre. En effet , elle est; produite par une infinité d'actions, qui, 'au-lieu de 1'avoir pour hut, regardenfc seulement les intéréts partieuliers de ceux qui les font, puisque tous ceux qui composent une armee , allant a. leur propre Ir gloire et a leur élévation , produiscnt un bien si grand et si général. n3. On ne peut répondre de son courage , quand on n'a jamais été dans le péril. < 74. II en est de la reconnoissance comme de la bonne foi des marchands ; elle soutient le commerce , et nous ne payons pas pour la justice qu'il y a de nous ncquitter , mais pour trouver plus facilement des gens qui nous pré-tent. D  y4 RÉflexions n&. Tous ceux qui s'acquittent cles devoirs de la reconnoissance , 11e peuvent pas A pour cela se flatter d'être reconnoissans. 76. On donne plus souvent des bornes a sa reconnoissance , qu'a ses desirs et a ses espérances. 77. L'orgueil ne veut pas devoir , et l'amour-propre ne veut pas payer. 78. L'imitation est toujours malheureuse , et tout ce qui est contrefait déplait avec les mêmes choses qui charment lorsqu'elles sont naturelles. 79. Nous ne regrettons pas la perte de nos amis selon leur mérite , mais selon nos besoins et selon 1'opinion que nous croyons leur avoir donnée de ee que nous valons. 80. Qui considérera superficiellement tous les efFets de la bonté qui nous fait sortir de nous - mêmes , et qui nous inimole continuellement k 1'avantage de tout le monde , sera tenté de croire que lorsqu'elle agit, l'amour-propre s'oublie et s'abandonne lui-même , ou se laisse dépouiller et appauvrir sans s'en appercevoir, de sorte qu'il semble que l'amour. propre soit la dupe de la bonté. Cependant c'est le plus utile de tous les moyens dont l'amour-propre se sert pour arriver a ses fins , c'est un chemin dérobé par oü .il revient k lui-même plus riche et plug abondant ; c'est un désintéerssement qu'il iv.st h une furieuse usure; c'est enfin un resnort delicat, ayec lequel il réunit, il dispose tc-urne tous les hommes en sa layeur.  M O R A Tj E S. p.a 81. II est bien mal - aisé de distinguer y| la bonté générale et répandue sur tout la is d monde , de la grande habileté. teS 82. Pour pouvoir être touiours bon , il : \ faut que les autres croient qu'ils ne peuI vent pas nous être impunément méehans. «il 85. Rien ne nou - plaït tant que la con- ■ fiance des grands et des personnes considérables par leurs emplois, par leur es- le.1 prit, ou par leur mérite. Elle nous fait un ;,tij plaisir exquis, elle élève merveilleusement I notre orgueil, paree que nous la regardon» ijri comme un effet de notre fidélité. Cepenlonl dant nous serions remplis de confusion , II si nous considérions Fimpen'éction et la -,ii bassesse de sa naissance. Elle vient de la ■ vanité, de 1'envie de parler, et de 1'imaiJ puissance de retenir le secret ; de sorte |llt!| qu'on peut dire que la confiance est comme . .I un relachement de 1'ame, causé par le vJ| nombre et par le poids des choses dont ,.i elle est pleine. Et fx 8^,. La confiance de plaire est souvent .t un moyen de plaire infailliblement. üfi. Nous ne croyons pas aisément ce ,ar, ;qui est au-dela de ce que nous voyons. „, ■ 86". La confiance que 1'on a en soi faifl ;ij naftre la plus grande partie de celle que ; r Pon a aux autres. ;i! 87. Tl y a une révolution générale qui change le gout des esprits, aussi bien que les fortunes du monde. 88. La vérité est le fondement et la raï4 BOti de la perfection et de la beauté. Une . 3| chose, de quelque nature que ce soit; ne  f)6 R. É F I. E X I O .fl S sauroit être belle et parfaite, si elle n'est véritablement tout ce qu'elle doit être, et: si elle n'a pas tout ce qu'elle doit avoir. 8g. II y a de belles cboses qui ont plus d'éelat, quand elles demeurent imparfail tes, que quand elles so;,t trop aehevées. go. Le plus grand art d'un habile homme, est celui de savoir cacher son habileté. 91. La générosité est un industrieux emploi du désintéressement pour aller plutót a un plus grand intérêt. 93. La fidélité est une invention de l'amour-propre par laquelle 1'homme , s'érigeant en dépositaire des choses précieuses, se rend lui-même inliniment précieux. De tous les traücs de l'amour-propre, c'est celui ou il fait le moins d'avances, et de plus grands pronts. C'e^t un rafinement de sa politique , avec lequel il engage les hommes par leurs biens, par leur Jionneur , par leur liberté et par leur vie qu'ils sont obligés de confier en quelque occasions, a élever 1'homme fidéle au-desHUs de tout le monde. go. La magnanimité est un noble efforf de l'orgueil , par lequel il rend 1'homme maitre de lui-même, pour le rendre maïtre de toutes choses. g.j.. L'humili té n'est souvent qu'une feinte soumission que nous employons pour soumettre efFeclivement tout. le monde. C'esl un mouvement de l'orgueil, par lequel i s'abaisse devant les hommes pour s'élevei sur eux. C'est un déguisement et son premier stratagême; mais quoique ses chani  M O R A r> E sï 77 il gemens soient presque infmis, et qu'il soit J admirable sous toutes s ortes de iigures, il ■ faut avouer néanmoins , qu'il n'est jamais1 si rare ni si extraordinaire que lors qu'il; ■ se caehe sous sa tbrme et sous l'habit de 1 l'humilité : car alors on le voit les yeux J baissés , dans une conlenanee modeste et 1 reposée; toutes ses paroles sont douces et 1 respectueuses , pleines d'estime pour les. '!i autres et de dédain pour lui-mome. Si on ,. ï veut 1'en croire , il est indigne de tous les 'I honneurs, il n'est capable d'aucun em'! ploi; il ne reooit les charges que comme 'i un efl'et de la bonté des hommes et de la {' faveur aveugle de la fortune. C'est 1'or' gueil qui joue tous ces personnages qua l' 1'on prend pour l'humilité. ij gó". Dans toutes les proftssions et dans tous les arts, chacun se fait une mine et :i un extérieur qu'il met en la place de la f chose dont il veut avoir le mérite ; de sorte que tout le monde n'est compost; :i que de mines ; et c'est inutilement que nous travaillons a y trouver rien de réel. : 96. II y a des personnes a qui les dé'™ I f;:uts siéent bien , et d'autres qui sont disu' : graciées avec leurs bonnes qualités. 97. Le luxe et la trop grande politessa ':i dans les états sont le présage assuré de ?' leur décadence; paree que tous les,parti'f culiers s'attachant a leurs intéréts projjres, ils se olétournent du bien public. 98. Dc toutes les passions , celle qui est la plus inconnue a nous-mêmes, c'est la paresse : elle est la plus ardente et la* D iij  7^ R-Éflexions plus maligne de toutes , quoique sa violence soit insensible , et que les donima- ; «ges qu'tlle cause soient trés - cachés. Si nou., considérons attentivement son pouvoir , nou» verrons qu'elle se rend en toutes rencontres maitresse de nos sentiniens , de nos intéréts et de nos plaisirs. C'est la rémore qui a la force d'arrêter les plus grands vaisseaux ; c'est une bonaee plus dangereuse aux plus importantes affaires que les écueils et que les plus grandes tempêtes. Le repos de la paresse est un charme secret de 1'ame , qui suspend soudainement les plus ardentes poursuites et les plus opiniatres résolutions. Pour donner enfin la véritable idéé de cette passion, il faut dire que la paresse est comme une béatitude de 1'ame, qui la. console de tout.s ses pertes, et qui lui tieht lieu de tous les biens. 99 De plusieurs actions différentes que la fortune arrange comme il lui plait , il s'en fait plusieurs vertus. 100. La jeunesse est une ivresse continutlle. C'est la fièvre de la santé, c'est la folie de la raison. 101. On aime a deviner les autrts, mais 1'on n'aime pas k être deviné. lOa. C'est une tnnuyeuse malatlie que de eons rvtr sa santé par un trop grand régime. io5. II est plus facile de, prenrlre de l'amour quand on n'en a pas, que de s'en défaire quan 1 on en a. 104. La plupart des femmes se rendent  »r O R A I- E s. 79 ,.■ plutót par foibiesse me par passion. De-la 1 vient que pour l'ord'inaire les hommes encl treprenans réussissent mieux que les autres , quóiqu'ils ne soient pas plus aiJê mabics. IOÓ. N'aimer guère en amour , est ml J moyen assuré pour être aimé. I . 106". La sincérité qué se demantlent les ,.J amans et les maitresses , pour savoir 1'un et l'autre, quand ils ctsseront de s'aim r, ,,2'ï tst bien moins pour vouloir être avertis ,.r| quand on ne les aimera plus, que pour •| £tre mieux assurés qu'on les aime , lors:i qu'on ne dit pnint le contraire. ' I 107. La plus jusle comparaison qu'on , : 1 puisse faire de l'amour , c'est celle de la. Vk iièvre. Nous n'avons non plus de pouvoir \ i sur 1'un que sur l'autre , soit pour sa violence ou pour sa durée. 108. La plus grande habileté des moins habiles , est de savoir se soumettre a la bonne conduite d'autrui. 109. Comme on n'est jamais en liberté d'aimer ou de cesser d'aimer , 1'amant ne peut se plaindre avec justice de 1'inconstance de sa maitresse , ni elle de la légéreté de son amant. 110. L'amitié la p\us désintéressée n'est qu'un commerce oü notre amour - propre se propose toujours quelque cnose.a gagner. 111. Quand nous sommes las d'aimer, nous sommes bien - aises qu'on nous devienne infidèle pour nous dégager de notre intidélité. J.I9,. Comment prétendons-nous qu'un D ir  autre garde notre secret. si nous ne pouVons le garder nous-mêmes? n5. II n'y en a point qui pressent tan* j les autres que les paresseux , lorsqu'ils ont S satisfait leur paresse, afin de paroitre dihgens. 114. C'est une preuye de peu d'amitié , ] de ne s'appercevoir pas du refroidissement de».celle de nos amis. 110. On donne plus aisément des bornes a sa reconnoissance qu'a ses espérances et qu'a ses desirs. _ 116. On craint toujours de voir ce qu'on aime, quand on vient de faire des coquet- \ teries ailleurs. 117. On doit se consoler de ses fautes, quand on a la force de les avouer. 118. Dans l'amour , la tromp erie va pres- i que toujours plus loin que la méfiance. 119. II n'y a pas moins d'éloquence dans le ton de la voix, que dans le cljoix des paroles. lao. II y a une éloquence dans les yeux et dans Pair de la personne qui ne persuade pas moins que celle de la parole. 121. II y a de mécbans hommes , qui seroient moins dangereux s'ils n'ayoient j aucune bonte'.  I RÉFLEXIONS D1VERSES DU DUC DE LA ROCHEFOUCAULT. Dl VERS.ES. 8l De la Confiance. i. Bien que la sincérité et la confiance I aient du rapport , elles sont néanmoins» différentes en plusieurs choses. a. La sincérité est une ouverture de coeur quijious montre tels que nous somI mes; c'est un amour de la vérité, une ré- pugnance a se déguiser, un desir de se I dédommager de ses défauts , et de les diminuer même par le mérite de les I avouer. 5. La confiance ne nous laisse pas tant I de liberté; ses regies sont plus étroites : I elle demande plus de prudence et de reI tenue , et nous ne sommes pas toujours I libres d'en disposer. II ne s'agit pas de nous uniquement, et nos intéréts sont i mêlés d'ordinaire avec les intéréts des autres : elle abesoin d'une grande justesse | pour ne paslivrer nos amis en nous livranf: I nous-mêmes, et pour ne pas faire des I présens de leur bien, dans la vue d'aug| menter le prix de ce que nous donnons. D v  8« RÉFtjÈxiowü' 4' La confiance plait toujours a celui qui la reQoit ; c'est un tribut que nous payom a son mérite; c'est un dépot que 1'on commet a sa foi; ce sont des gage* qui lui donnent un droit sur nous, et une sorte de dépendance oü nous nous assujettissons volontairement. .5. Je ne prétends pas détruire par ce que je dis la confiance si nécessaire entre lts hommes, puis pi'elle est le lien dt la société et de 1'amitié. Je prétends sttilement y mettre des hornes, et la rendi e honnête et fidéle. Je veux qu'elle soit toujours vraie et tou ours prudente , et qu'tlle n'ait ni foibLsse ni intérêt. Je «ais bien ju'il est mal-aisé de donner de Justts limites a Ia manière de recevoir toute sorte de confiance de nos amis , et de leur faire part de la nöire. 6. On se conlie le plus souvent par vanité , par envie de parler , par le desir de s'attirer la confiance des auires , et pour faire un échange de secrets. 7. II y.a des personnes qui peuvent avoir raison de se fier en nous , vers qui nous n'aurions pas raison d'avoir la même conduite , et on s'aequitte avec ceux-ci en leur gardant le secret, et en les pajant de légères confidences. 8. II y en a d'autres dont la fidélité nous est connue , qu" ne ménagent rien avec nous, et a qui on peut se confier par choix et par esiime. On doit ne leur rien cacher de ce qui ne regarde que nous; se montrer a eux toujours vrais dans »qs  DIVERSE*. OS , 1 bonnes qualités et dans nos défauts mê'1 me , sans exagérer les unes et sans dimi53 mier les autres ; se faire une loi de ne leur "bï faire jamais des demi - confidenees ; elles 'J embarrassent toujours ceus qui les font, 'I et ne contentent jamais ceux qui les re: I coivent. On leur donne des lümières conj fuses de ce qu'on veut cacber ; on augmente leur curiosité ; on les met en droit de vouloir en savoir davantnge , et ils se croient en liberté de disposer de ce qu'iis ont pénétré, IL est plus sur et plus honnête de ne kur rien dire que de se taire quand on a cominencé a parler. II y a d'autres régies a suivre pour les choses qui nous ont été conliées ; plus elles sont importantes , et plus la prudence et la fidéLité y sont nécessaires. g. Tout le monde convient que le secret doit être inviolable ; mais on ne convient pas toujours de la nature et de 1'irnportance du secret. Nous ne consultons le plus souvent que nous-mêmes sur ce que nous devons dire et sur ce que nous devons taire. II J a peu de secrets de tous les tems , et le scrupule de les révéler ne dure pas toujours. io. On a des liaisons étroites avec des amis dont on connoit la fidélité ; ils nous ont toujours parlé sans réserve , et nous avons toujours gardé les mêmes mesures aVec eux. Ils savent nos habitudes et nos commerces , et ils nous voient de trop prés pour ne pas s'appcrcevoir du moindre changement. Ils peuvent savoir pa* D vj  84 K-ÉFlKxIONS ailleurs ce que nous sommes engagés de ne dire jamais h personne. II n'a pas été en notre pouvoir de les faire entrer dans ce qu'on nous a conüé ; iis ont peut-être même quelque intérêt de le savoir , on est assuré d'eux comme de soi , et on se voit ïéduitala cruelle nécessité de perdre leur amitié , qui nous est précieuse , ou de manquer a la foi du secret. Cet état est san9 doute la plus rude épreuve de la fidélité; mais il ne doit pas ébranler un honnête homme ; c'est alors qu'il lui est permis de «e préférer aux autres. Son premier devoir est de conserver indispensablement ce dépot en son entier. Il doit non-seuleïnent ménager ses paroles et ses tons , il doit encore ménager ses conjectures , et ne laisser rien voir dans ses discours, ni dans son air , qui puisse tourner l'esprit des autres vers ce qu'il ne veut pas dire; ii. On a souvent besoin de force et de prudence pour les opposer a la tyrannie de la plupart de nos amis , qui se font un droit sur notre confiance, et qui veulent tout savoir de nous; on ne doit jamais leur laisser établir ce droit sans exception. 11 y a des rencontres et des cirepnstances qui ne sont pas de leur jurisdiction ; s'ils s'en plaignent, on doit souffrir leurs plaintes , et s'en justitier avec douceur : mais s'ils demeurent injustes , ou doit sacrifier leur amitié a son devoir, , et ehoisir entre deux maux inévitables , dont "un se peut réparer , et l'autre ss* sans remède.  diverse s. 8,5 i De la diïfÉrekce des esprits. i. Bien que toutes les qualités de 1'es-:| prit se puissent rencontrer dans un grand ■it , génie, il y en a néanmoins qui lui sont r propres et partieulières; ses lumières n'ont n- R point de bornes , il agit toujours égale■i ment , et avec la même activité ; il dise, K cerne les objets éloignés comme s'ils étoient te |- présens , il comprend, il imagine les p!us i E. grandes choses , il voit et connoit les plus e. | petites; ses pensées sont relevées , étenEt f dues,justes et intelligibles : rien n'échappe e. k a sa pénétration , et elle lui fait souvent il l découvrir la vérité au travers des obscu,1 rités qui la cachent aux autres. ;i - 2. Un bel esprit pense toujours noblei; *' ment; il produit avec facilité des choses ■:, claires , agréables et naturelles ; il les fait Je- ft voir dans leur plus beau jour, et il les i; | pare de tous les ornemens qui leur conil ' viennent. II entre dans le gout des autres, n. L et retranche de ses pensées ce qui est inuj. | tile , ou ce qui peut déplaire.^ 5. Un esprit adroit, facile , insinuant, . | sait éviter et surmonter les dillicultés. II .. ft se plie aisément a ce qu'il veut, il sait con:. !. noitre l'esprit et 1'humeur de ceux avec ; qui il traite ; et en ménageant leurs intei i rêts , il avance et il établit les siens. . 4. Un bon esprit voit toutes choses comme elles doivent être vues, il l'eur donne ,,' : le prix qu'elle» méritent, il les fait tourner du cóté qui lui est le plus avautageux, et  86 RÉflexions il s'attache avec fermeté a ses pensées, paree qu'il en connoit toute la force et toute la raison. 5. II y a de la différence entre un esprit utile et uu esprit d'afraires; on peut enteudre les aft' ires sans s'appliquer a son intérêt particulier : 1 y a des gens habiles dans tout ce qui ne les regarde pas, et très-mal-habiles dans tout ce (|ui les regarde : et il y en a d'autres au contraire j qui ont une h ibileté bornée a ce qui les - touche, et qui savent trouver leur avan- j tage en toutes choses. 6. On peut avoir tout ensemble un air sérieux dans l'esprit, et dire souvent d^s choses agréables et, enjouées. Cette \Sorte d'esprit convient h toutes personnes, et a tous les ages. de la vie. Les jeunes gens ; ontd'ordiuairk l'esprit enjoué et moqueur, , ; sans 1'avoir sérieux , et c'est ce qui les rend souvent incommodes. 7. Rien n'est plus mal-aisé a soütenir que le dessein d'être toujours plaisant; et les applaudissemens qu'on recoit quelpiefois en divertissant les autres, ne valent pas que 1'on s'expose a la honte de les ennuyer souvent quand ils sont de méchante humeur. 8. La moquerie est une des plus agréables et des plus dangereuses qualités de l'esprit. Elle plait toujours quand elle est délicate, mais on craint toujours aussi ceux qui s'en servent trop souvent : la moquerie peut néanmoins être permise quand elle n'est mêlee d'aucune malignité , et quand  BIVERSES. 87 I on J fait entrer les personnes même dont I on parle. 9. II est mal-aise' d'avoir un esprit de I raillerie sans affecter d'.tre plaisant , oü I sans aimer k se mo juer; il faut une grande I iustesse p >ur railier long-tems sans tomI ber dans l'une ou l'autre de ces extrêmités. 3 10. La raillerie est un air de gaieté qui remplit 1'imaginaiion , et qui lui fut I vo'r en ridicule les objjts qui se pyésenI tent : 1'humeur y mêle plus ou moins de ' iM douceur ou d'apreté. 11. 11 y a une manière de railler déliI cate et uatteuse, qui touche seulement les 1 b!lj défauts jue les p jrsonnes, dont on parle , veulent bien avou r , qui sait déguiser les 1 H louanges ju'on leur donne sous des appaï|! rences de blame , et qui découvre ce qu'elle s ont d'aimable, en feignant de le vou! m loir eacher. 13. Un esprit fin et un esprit de finesse ■ li sont très-dill' rens. Le premier plalt touf| jours, il est délié , il pense des choses dé1 tl licates, et voit les plus imperceptibles : ! ai un esprit de finesse ne va jamais droit ; • tl il cherche des biais et des détours pour > ■ faire réussir ses desseins. Cette conduite est bientót découverte ; elle se fait tou(1 • jours craindre , et ne mène presque ja; Ê mais aux grandes choses. ï5. II y a quelque différence entre un > ! esprit de feu et un esprit brillant : un esprit de feu va plus loin et avec plus de rapidité. Un esprit brillant a de la vivacjté , de l'agrément et de la justesse.  ö8 RÉFLEXIONS i \. La douceur de l'esprit est un air facile et accommodant , et qui plait toujours quand il n'est point fade. i 5. Un esprit de détail s'applique avec de 1'ordre et de la régie a toutes les particularités des sujets qu'on lui présente. Cette application le ren ferme d'ordinaire a de petites choses; elle n'est pas néan- j moins toujours incompatible avec de grau- | des vues , et quand ces deux qualités se \ trouvent ensemble dans un même esprit, ! elles 1'élèvent infmiment au - dessus des j autres. 16. On a abusé du terme de bei-esprit, et bien que tout ce qu'on vient de dire des différentes qualités de l'esprit, puisse convenir a un bel-esprit; néanmoins com- ; me^ ce titre a été donné. a un nombre infini de mauvais poëtes et d'auteurs ennuyeux , on s'en sert plus souvent pour tourner les gens en ridicule, que pour les louer. 17. Bien qu'il y ait plusieurs épithètes pour l'esprit , qui paroissent une même chose ; le ton et la manière de les prononcer y mettent de la différence : mais comme les tons et les manièrcs ne se peuvent_ écrire , je n'entrerai point dans un détail qu'il seroit impossible de bien ex- > pliquer. L'usage ordinaire le fait assez entendre ; et en disant qu'un homme a de l'esprit , qu'il a beaucoup d'esprit, et qu'il a bon esprit , il n'y a que les tons et les manières qui puissent mettre de la différence entre ces expressions, qui pa-  r> i v e n s n s. 89 ■ roïssent semblables sur le papier, et qui : exi riment néanmoins diflerentes sortes ■ d'esprit. 18. On dit encore qu'un homme, n'a 9 qu'une sorte d'esprit, qu'il a de plusieurs ' ■ sortes d'esprit , et qu'il a toutes sortes 21 d'esprit. 19. On peut être sot avec beaucoup d'esi(j prit : et on peut n'être pas sot avec peu 9 d'esprit. 20. Avoir beaucoup d'esprit est un ter' 9 me équivoque. II peut comprendre toutes ■ les sortes d'esprits dont on vient de pari Ier : mais il peut aussi n'en marquer au- ; ■ cune distinctement. On peut quelquefois ■ faire paroitre de l'esprit dans ce qu'on ' I dit , sans en avoir dans sa conduite. On I peut avoir de l'esprit , et 1'avoir borné. I Un esprit peut être propre a de certaines 1 choses , et ne 1'être pas k d'autres : on H peut avoir beaucoup d'esprit, et n'être il propre k rien; et avec beaucoup d'esprit I on est souvent fort incommode. II semble ■ néanmoins que le plus grand mérite de I cette sorte d'esprit , est de plaire quel- iraj quefois dans la conversation. 21. Bien que les productions d'esprit ■ soient inlinies , on peut , ce me semble , U *les distinguer de cette sorte. ■ • 22. II y a des choses si belles, que I tout le monde est capable d'en voir et ff d'en sentir la beauté. 20. II y en a qui ont de la beauté et M qui ennuient. 3 y. II y en a qui sont belles, et que  9° RÉFtExroKs tout le monde sent, bien que tous n'en sachent pas la raison. a.5. II y en a qui sont si fines et si de'lieates, que peu de gens sont capables d'en remarquer t iutes les beautés. 2^-.H J en a d'autres qui ne sont pas j partaites , mais qui son- dites avec tant d'art, et qui sont soutenues et conduites avec tant de raison et tant de grace , qu'elle» méritent d'être admirées. Des Gouts. I. II y a des personnes qui ont plus d'esprit que de gout, et d'autres qui ont i plus de gout que d'esprit. II y a plus de Variété et de caprice dans le gout que dans 1 esprit. a. Ce terme de gout a diverses significations, et il est aisé de s'y méprendre. | II y a différence entre le gout qui nous porte vers les choses, et le gout qui nous en fait connoitre et discerner les qualités en n"iis attachant aux régies. 3. On peut aimer la comédie sans avoir J le gout assez fin et assez délicat pour en bien juger; et on peut avoir le gout assez bon pour bien juger de la comédie sans 1'aimer. II j a des goüts qui nous appro-* : chent imperceptiblement de ce qui se mon- \ tre a nous , et d'autres nous entrainent \ par leur force ou par leur durée. 4. II y a des. gens qui ont le gout faux en tout, d'autres ne 1'ont faux qu'en de eertaines choses; et ils 1'ont droit et juste  DÏVEH5ES. QT ui .dans ce qui est de leur portée. D'autres sA ont des goüts particubkrs, nu'ils connois- « sent mauvais, et ne laissent pas de les ■iita suivre. II y en a qui ont le gout incer- ;i tain ; le hasard en décide : ils changeut il par légéreté , et sont touchés de plaisir tl ou d'ennui sur la parole de leurs amis. ■XI D'autres sont toujours prévenus , ils sont ■ J esclaves de tous leurs goüts , et les res-< I pectent en toutes choses, II f en a qui j sont sensibles a ce qui esl bon, et choqués I de ce qui ne 1'est pas : leurs vues sont of nettes et justes , et ils trouvent la raison i l de leur g >ut dans leur esprit et dans leur I ia disctrnement. el 6. II y en a qui , par une sorte d'ins- [ I tinct dont ils ignorent la cause, décident | de ce qui se pré ente a eux , et prennent «. •oi toujours le bon parti. Ceux - ci font pari roitre plus de gout que d'esprit , paree II que leur amour-propre et leur humeur ne 5 ci prévalent point sur leurs lumières natuij« relles. Tout ügit de concert en eux, tout I y esi s.jr un même ton. Cet aecord les riis'jj fait juger sain. ment des objets , et leur !tja en 1'orme une idéé véritable : mais k parits! Ier généraltment, il y a peu de gens qui ! I aient le gotit fixe et indépendant de celui . ) "dts autres; ils suivent 1'exemple et la . .» coutume , et ils en empruntent presque toï tout ce qu'ils ont de goüt. 6. Dans toutes ces différences de gouts tl qu'on vient de m irquer, il est très-rare , et pres rue impossible de remontrer cette | »orte de bon goüt qui sait donner le prix  92 R É t I B Jt I O » S ü chaque ch >se , qui en connott toute Ia j valeur , et qui se porte généralemenf sur I tout. Nos connoissances sont trop hor- j nées, et' cette juste disposition de qualités qui font bien juger, ne se maintient d'or- j dinaire que sur ce qui ne nous regarde pas j directement. 7. Quand il s'agit de nous, notre gout n'a plus cette justesse 'si nécessaire ; la i préoccupation la trouble ; tout ce qui a '; du rapport a nous, nous paroit sous une autre figure. Personne ne voit des mêmes j yeux ce qui le touche et ce qui ne le touche pas. Notre goüt n'est conduit alors i que par la pente de l'amour - propre et de Phumeur , qui nous fournissent des vues \ nouvelles, et nous assujettissent a un nom- j bre infini de changemens et d'incertitudes. ) Notre goüt n*est plus h nous, nous n'en j disposons plus. II change sans notre con- I sentement; et les mêmes objets nous pa- J roissent, par tant de cötés diflcrens, que 1 nous méconnoissons enfin ce que nous i avons vu et ce que nous avons senti. De la SociÉtÉ. I. Mpn dessein n'est pas de parler de 1'amitié en parlant de la société : ]>ien qu'elles aient quelque rapport, elles sont . néanmoins trés - différentes : la première a plus d'él :vation et d'humilité , et le plus grand mérite de l'autre est de lui restembler. ü. Je neparlerai donc présentement que  d i v e ft s e s. g5 sa» tlu commerce particulier que les honnêtes 3J gtns doivent avoir ensemble. Tl seroit inu'M tile de dire combien la société est néces' m saire aux hommes ; tous la desir ent , et 'Ê tous la cherchent : mais peu se servent de9 '-& moyens de la rendre agréable et de la '■ faire durer. Chacun veut trouver son plaim, sir et ses avantages aux dépends des au'K tres. On se préfère toujours a ceux avec '•m qui on se; propose de vivre , et on leur &nt Presque toujours sentir cette préféI, rence; c'est ce qui trouble, et ce qui clétï lri.it la société. Tl f'audroit du moins sa1 vo*r cacher ce desir de pféféreHCé, puisÜ qu"ü est trop naturel en n us pour nous il en pouvoir déf'aire. II faudroit faire sou 'I plaisir de celui des aulres, ménager leur 'K amour-propre, et ne le blesser jamais. 5 L'esprit a beaucoup de part k un si H grand ouvrage; mais il ne sulfit pas seul pour nous conduire dans les divers che'■L mins qu'il faut tenir. Le rapport qui se ■f rencontre entre les esprits ne maintien' ■ droit pas long-tems la société , si elle n'éI toit réglée et soutenue p r le bon sens , ■ par 1'humeur et par les égards qui doivent I être entre les personnes qui veulent vivre ■ ensemble. 4. S'il arrivé queliuefois que des gens opposés d'humeur et d'esprit paroissent unis , ils tiennent sans doute par des raisons éti'angères , qui ne durent pas longttms. On peut être aussi en société avec dts personnes sur qui nous avons de la supériorite par la naissance, ou par dei  €)4 RÉF1BXIONS qualités personnelles; mais ceux qui ont , ctt avantage n'en doivent pas abuser : ils doivent ratement le faire sentir, et ne s'en Servir que pour instruire les autres. Ils doivent leur faire appercevoir qu'iis ont besoin d'être conduits , et les mener par la rai on , en s'accommodant, autant qu'il est possible, a leurs sentimens et a leurs intéréts. 6. Pour rendre la société commode , il faut que ehaoun conserve sa liberté. II ne faut point se voir, ou se voir sans sujettion, et pour se divertir ensemble. II faut pouvoir se séparer sans que cette séparation apporte de changement. II faut se pouvoir passer les uns des autres , si on ne veut pas s'exposer h emban asser rpielquefbis ; et on doit se souvenir qu'on incommode souvent, quand on croit ne pouvoir jamais ineommoder. II faut contribuer autant qu'on le peut au divertissement dep personnes avec qui on veut vivre ; mais il ne faut pas être toujours chargé du soin d'y conti■ibuer. 6. La complaisance est nécessaire dans la société , mais elle doit avoir des hornes : elle dëvient une servitude qu,;nd elle j est exces^ive. II faut du moins qu'elle paroisse libre , et qu'en suivant le sentiment de nos amis , ils soient persuadés que c'est le nótre aussi que nous suivons. 7. II faut être facile a excuser nos amis quand leurs défauts sont nés avec eux, et qu'ils sont moindres que leurs bonns s qualités. II faut souvent éyiter de leur faire . Ma.  DIVERSE S. g5 tl mêmes , pour leur laisser le mérite de s'en rel corriger. t 1* 8. II y a une sorte de politesse qui est Jn nécessaire dans le commerce des honnêtes ial gens : elle leur fait entenrlre raillerie, et I Ij elle les empêche d'être choqués , et de cho;1 J quer les autres par de certaines fatjons de tl parler trop sèches et trop dures , qui i-I échappent souvent sans y penser quand it ■ on soutient son opinion avec chaleur. g. Le commerce des honn tes gens ne e i peut subsister sans une certaine sor e de n I confiance ; elle doit être commune eni. tr'eux. II faut que chacun ait un air de - j süreté et de discrétion qui ne donne jamais . 'i lieu de craindre qu'on puisse rien dire i. j par imprudence. 10. II faut de la variété dans l'esprit: ' : )| ceux qui n'ont que d'une sorte d'esprit ne s J peuvent pas plaire long - tems : on peut 1 prendre des routes diverses, n'avoir pas is J les mêmes talens , p iurvu qu'on aide au ■ 1 p'aisir de la société , et qu'on y observe J: la même justesse , que les diffërentes voix, ■ ■ et les divers instrumens doivent observer t ■ dans la musique. ,t I ii. Comme il est mal-aisé que plusieurs ■ personnes puissent avoir les marnes iniéj§ rêts, il est nécessaire, au moins pour la t J douceur de la société , qu'ils n'en aient ' ■ Pa6 ^e contraires. ■ Ij 13, On doit aller au-devant dc ce qui  qS e-ÉyiiExroMs peut plaire a ses amis , cherelier les mo jen? de leur être utile , leurépargner dts chagrins, leur faire voir qu'on les partage aveu eux, quand on ne peut les détourner , les effacer insensiblement sans prétendre de les arraeher tout d'un coup , et mettre en la place des obiets agréables , ou du moi is qui les oceupent. On peut leur parler de choses qui les regardent , mais ce n'est qu'autant qu'ils le permettent , et on y doit garder beaucoup de mtsure. ii y a de la politesse , et quel |uefois même de 1'humanité a ne pas entrer trop avant dans les replis de leur coeur ; ils ont souvent de la peine a laisser voir tout ce qu'ils en connoissent , et ils en ont encore davantage quand on pénètre ce qu'ib ne connoissent pas bien. Que le commerce que les honnêtes gens ont ensemble leur donne de la famili rité-, et leur fournisse un nombre infini de sujets de se parler smcérement. l5. Personne presque n'a assez de docilité'et de bon sens , pour bien recevoir plusieurs avis qui sont nécessaires pour maintenir la société. On veut être averti jusqu'a un certain point , mais on ne veut pas 1'étre en toutes choses , et on craint de savoir toutes sortes de vérité-. 14. Comme on doit garder des distances pour voir les objets , il en faut garder aussi pour la société ; chacun a son point de vue , d'oü il veut être regardé. On a raison le plus souvent de ne vouloir pas étre éclairé de trop prés; et il n'y a presque  1) i v e k s e s. ijf 'f *fue point d'homme qui veuille en toutes i choses se laisser voir tel qu'il est. De la Convers ation. i. Ce qui fait que peu de personnes soul; '* agréables claris la conversation , cVst que cbacun songe plus a ce qu'il a dessein de ■l dire , qu'a ce que les autres disent, et que •'■BT'P" n'écoute guère, quand on a bien en- vie de parler. ï--M' 2. Néanmoins il est nécessaire d'écourl.ter c' ux 'lui Parlcnt. II faut leur donner '^■pe tems de se faire entendre , et souflrir * pméme qu'ils disent des choses inutiles. Bien i l loin de les contredire et de es interrom- pre on doit au contraire emrer dans leur i. «sprit et dans leur goüt, montrer qu'on ol( I les entend, louer ce qu'ils disent autant li. I qu'il mérite d'être loué , et faire voir que Jr. iyc'tst plutöt par choix qu'on les loue qua par complais :nce. > I 5. Pour plaire aux autres , il faut parler ,'ir |de ce qu'ils aiment et de ce qui les touw I phe , éviter les disputes sur des choses in- ii différente*, leur faire rarement des queseut 'j tions, et ne leur laisser jamais croire qu'on 1. ^préiend avoir plus dè raison qu'eux. 4. On doit dire les choses d'un air plus 'i • ou moins sérieux, et sur des sujets plus i. ï.ou moins reievés selon 1'humtur et la ca;,. pacité des personnes que Pon entretient, , ■ et leur céder aisément 1'avantage de dé0i■ der, sans les obliger de répondre, quand 'I* n'°nt PaS env*e ^ parler. i! E  g8 H É F l E X I O N » 5. Après avoir satisfait de cette sorte aux devoirs de la politesse,' on peu- dire. ses senfimens en nwjntrant qu'on cht rche _ alesappuy^r de l'avis de ceux qui écouttni , sans marquer de présomption ni d'opiniatrtte. * 6 Lvitons sur - tout de parler souvent de nöus-mémes , et de nous donner pour exemple. Rien n'est plus désagréable qu'un homme qui se cite lui-même a tout propos. n. On ne peut aussi apporter trop d ap- ' plitation a connoitre la pente et la portee de ceux a qui 1'on parle , pour se j indre k l'esprit de celui qui en a le plus, sans blesser 1'inclination ou 1'intéret des autres par cette préférence. 8. Alors on doit faire valoir toutes les raisons qu'il a elites , ajoutant modestement nos propres pensét s aux siennes , et lui; faisant croire autant qu'il est possible que c'est de lui qu'on les prend. q. II ne faut jamais rien dire avec un! air d'autorité , ni montrer aucune supéri-rité d'tspr t. Fuyons les expressions trop recherehées , les termes durs ou forj cés , et ne nous servons pomt de paroles plus grandes que les choses. lof II n'est pas* tléfendu de conserver ses opinions , si elles sont raisonnabies. Maïs il faut se rendre a la raison auss tót qu'elle parc-tt, de quelque part qu'elle vienne; elle seule doit régner sur nos sentimens ; mais suivons-la sans heurtcr les «entimens des autres , et sans faire paroitre du mépris de ce qu'ils ont dit.  Diviïrs sss. rjt}r : (I li. Tl est dangereux de vouloir être touwlij jours le maitre de la conversation, et de '■pousser trop ioin une bonne raison quand •' i on 1'a trouvée. L'honnêteté veut auv 1'on J'Bcache quelquefois la moitié de son esprit, ■ et qu'on ménage un opiniaire qui se Aé"'■fendmal, pour lui épargner la honte de "Hcedei. la. On déplait sürement quand on parle J:'Bdition , h leur sexe, a leurs talens, et choi•isir même le tems de le dire. ■ ij.. Obsurvons le lieu, 1'occasion , 1'huJ'^Hmeur oü se trouvent les personnes qui ■nous écoutent. Car s'il y a beaucoup) d'art 'taH£ savoir parler a propos, il n'y en a pas «■fnoins a savoir se taire. II y a un siience ''■éloquent qui sert a approuver et h conu«damner : il y a un siience de discrétion et f'Mde respect. 11 y a enfin des tons, des airs •ét des manieres qui font tout ee qu'il y -Ma d'ai réable ou de désagréable , de déli- l«at ou de choquant dans la conversation.  XOO 11ÉFLEXIONS i5. Mais le secret de s'en bien servir est donné k peu de personnes. Ceux-mêmes j qui en font des régies s'y méprennent_ouvent; et la plus süre qu'on en puisse donder , c'est écouter beaucoup, parler peu, et ne rien dire dont on puisse avoir sujet de se repentir. Du Faux. i. On est faux en différentes manières. II y a des hommes faux qui veulent-toujours paroitre ce qu'iis ne sont pas. II J en a d'auires de meilleure fbi , qui sont nés faux , qui se tromp nt eux-mêmes , et qui ne voient jamais les choses comme el les sont II y en a dont l'esprit est droit e' le goüt faux ; d'autres ont l'esprit faux e cruelque droiture dans le goüt; et il y er a qui n'ont rien de faux dans le goAt n dans fesprit. Ceux-ei sont très-rares puisqu a paihr généralement , il n'y a personne qui n'ait de la fausseté dans quel aue endroit de l'esprit ou du goAt. _ a. Ce qui fait cette fausseté si umver selle , c'est que nos qualités sont incertai mes et confuses , et que nos goüts le sor aussi. On ne voit point les choses prect sément comme elles sont; on les estm plus ou moins qu'elles ne valent, et o ne les fait point rapporter k nous en 1 maniêre qui leur convient, et qui conviet k notre état et k nos qualités. 5 Ce mécornpte met un nombre int» de faussetés dans le gout et dans 1'espn  U T V E R S E S. IOl' o| notre amour-propre est iiutté de tout ce .dl qui se présente a nous sous les apparenM ces du bien. 4. Mais comme il y a plusieurs sortes sl de biens , qui touchent nolre vanité öu '6 notre tempérament , on les suit souvent ■ par coutume ou par commodité. On les ■ suit paree que les autres les suivent, sans I considérer qu'un même sentiment ne doit . d pas être également embrassé par toutes ■'.sortes de personnes, et qu'on s'y doit at- 1 i tacher plus ou moins fortement, selon qu'il ,j convient plus ou moins a ceux qui le sui,".lvent. I' .5. On craint encore plus de se montrer ,1 faux par le goüi que par l'esprit. Les hon1 nêtes gens doivent approuver sans préï vention ce qui mérite d'être approuvé , 'I suivre ce qui mérite d'être suivi , et ne se I piquer de rien ; mais il y faut une grande 1 proportion et une grande justesse. II faut 1 ,| savoir discerner ce qui est bon en géné• ral , et ce qui nous est propre , et sui1-vre alors avec raison la pente naturelle 1 qui nous porte vers les choses qui nous ' JM plaisent. ï- 6. Si les hommes ne vouloient exceller 1 que par leurs propres talens , et en suiI vant leurs devoirs , il n'y auroit rien de .■|faux dans leur goüt et dans leur conduite : 1 ils se monlreroient tels qu'ils sont; ils ju"i.geroient des choses par leurs lumières , .1 et s'y attacheroient par raison. 11 y au'i roit de la proportion dans leurs vue9 , 1 f clans leurs sentunens : leur gout seroit vrat,  t03 RÉfL EXIONS il yiendroit d'eux, et non pas des autres;; et ils le suivroient par elioix , et non pas par coutume et par hasard. n. Si on est faux en approuvant ce qui ïie doit pas être approuvé, on ne i\st pas moins le plus souvent par 1'envie de se faire valoir par des qualités qui sont bonjies de soi, mais qui ne nous conviennent pas. Un magistrat est faux quand il se piqué d'être brave , bien qu'il puisse être Iiardi dans de certaines rencontres. II doit être ferme et assuré dans une sédition qu'il a droit d'appaiser , sans craindre d'être faux , et il seroit faux et ridicule de se battre en duel. 8. Une femme peut aimer les Sciences; mais toutes les Sciences ne lui conviennent pas : et 1'entêtement de certaines sciences ne lui convient jamais , et est toujours faux. g. II faut que la raison et le bon seni mettent le prix aux choses ; et qu'elles déterminent notre goüt a leur donner le rang qu'elles méritent , et qu'il nous convient de lui donner. Mais tous les hommes presque se trompent dans ce prix e dans ce rang ; et il y a toujours de la faus. seté dans ce mécompte. De l' a i r et des maniÈres. t. II y a un air qui convient a la figur et aux talens de chaque personne : 01 perd toujours quand on le quitte pour ei prendre un autre.  B I V E R S li S. I*>5 > 1 a. Il faut essayer de connobre celui srl qui nous est naturel, n'en point sortir , I et le perfcctionner autant qu'il nous est p I possible. 1 5. Ce qui fait que la plupart des petits .J etnans plaisent , c'est qu'ils sont encore «:>J renfermés dans eet air et dans ces maniè,4 res que la nature leur a donnés, et qu'ils n'en connoissent point d'autres. Ils les changent et les corrompent quand ils sor]>i tent de 1'enfance ; ils croient qu'il faut ijl imiter ce qu'ils voient, et ils ne le peu;;.m vent parfaitement imiter , il y a toujours liijl quelque chose de faux et d'incertain dans 1 cette imitation. Ils n'ont rien de fixe dans leurs manières , ni dans leurs sentimens ; r/f au-lieu d'être en effet ce qu'ils veulent paifl roitre, ils cherchent a paroitre ce qu'ils 3jjl ne sont pas. 4. Chacun veut être un autre , et n'être .'i'cj plus ce qu'il est: ils cherchent une con- . ï tenance hors d'eux-mêmes et un autre es: ui prit que le leur ; ils prennent des tons ct xll des manières au hasard ; ils en font des :i exj)ériences sur eux, sans considérer que ;,M ce qui convient a quelques-uns ,' ne conm vient pas k tout le monde , qu'il n'y a i point de règle générale pour les tons et I pour les manières , et qu'il n'y a point de bonnes copies. 5. Deux hommes néanmoins peuvent .M: avoir du rapport en plusieurs choses, A sans être copie 1'un de l'autre, si chacun suit son naturel ; mais personne presque >1 ne le suit entiérement : on aime a imiter. E iv  10 % E-EFI.EXÏONS 'On imite souvent même sans s'en appercevoir, et on négligé ses propres biens pour des biens étrangers , qui d'ordinaire ne nous conviennent pas. 6. Je ne prétends pas par ce que je dis nous renfermer tellement en nous-mêmes , que nous n'ayons pas la liberté de suiyre des exemples , et de joindre a nou* des qualités utiles ou nécessaires , que la nature ne nous a pas données. Les arts et les Sciences conviennent a la plupart de ceux qui s'en rendent capables. La bonne ^race et la politesse conviennent a tout le monde; mais ces qualités acquises doivent avoir un certain rapport et une certaine union avec nos propres qualités , qui ïes étende et les augmente imperceptilolement. q. Nous sommes élevés a un rang et a des dignités au-dessus de nous , nous sommes souvent engagés dans une profession nouvelle , ou la nature ne nous avoit pas destinés. Tous ces états ont chacun un air qui leur convient , mais qui ne convient pas toujours avec notre air naturel. Ce changement de notre fortune change souvent notre air et nos manières , et y ajoute 1'air de la dignité , qui est toujours faux quand il est trop marqué , et qu'il n'est pas joint et confonclu avec 1'air que la nature nous a donné. II faut les unir et les mêler ensemble , et faire en sorte qu'ils lie paroissent jamais séparés. 8. On ne parle pas de toutes choses sur un même ton , et avec les mêmes manié-  n t r E R S E S. IO/S res. On ne marche pas a la tête d'un réis 1 giment, comme on marche en se prome, nant. Mais il faut qu'un même air nous fasse dire naturellement des choses différentes , et qu'il nous rasse marcher différemment , mais toujours nalurellement i. et comme il convient de marcher k la tête j d'un régiment et a une promenade. q. II y en a qui ne se contëntént pas >, de renoncer a leur air propre et naturel [t pour suivre celui du rang et des dignité.-s 1( oü ils sont parvenus. I! y en a même qui Jt prennent par avance 1'air des dignités et j. du rang oü ils aspirent. Combien de lieut. tenans-généraux apprennent k être maij réchaux de France ; combien de gens de j. robe répétent inutilement 1'air de chancelier , et combien de bourgeoises se donj nent 1'air de duchesse. 10. Ge qui fait qu'on déplait souvent, M c'est que ptrsonne ne sait accorder son m ; air et ses manières avec sa figure, ni ses ;, tons et ses paroles avec ses pensées et ses .,. seniimens : on s'oublie soi-même, et 011 fj; ; s'en éloigne insensiblement; tout le monde j. presque tombe par quelque endroit dans ,,4 ce défaut: personne n'a 1'oreille assez juste x pour entendre parfaitement cette sorte de .- cadence. 11. Mille gens déplaisent avec des qua. lités aimables : mille gens p aisent avec de moindres talens. C'est que les uns veulent paroitre ce qu'ils ne sont pas, les autres m' ) sont ce qu'ils paroissent, et enfin quelques avantages , ou quelques d 'savantaget «t  ioG RÉfieïions bit e n ses. que nous ayons regus de la nature , on plait a proportion de ce qu'on suit 1'air , les tons, les manières et les sentimens qui conviennent a notre état et a notre figure, et' on dépiatt a proportion de ce qu'on s'en éloigne.  PORTRAIT DU CARDINAL DE RETZ, PAR LE DUC DE LA ROCHEFOUCAULT. Paul de Gondy, cardinal de Retz, a beaucoup d'élévation, d'étendue d'esprit, et plus d'ostentation que de vraie grandeur de courage. II a une mémoire extraordinaire, plus de force que de politesse dans Ses paroles ; l'humeur facile , de la docilité et de la foibiesse a souflrir lts plaintes et les reproches de ses amis; peu de piété, quelqu.s apparences de religion. II paroït ambitieux saus 1'ètre; la vanité et ceux qui Pont conduit , lui ont fait entreprendre de grandes choses, presque toutes opposées h sa profession ; il a suscité les plus grands désordres de 1'état, sans avoir un dessein formé de s'en prévaloir ; e; bien loin de se déclarer eunemi du cardinal Mazai in, pour occuper sa place , il n'a pensé qu'a lui paroitre redoutable , et a se flatter de la fausse vanité de lui être opposé. II a su néaumoius profiter avec habileté des malheurs pubüts pour se faire cardinal; il a soufE vj 107  10S Portrait fert sa prison avec fermeté , et n'a dü sa liberté qu'a sa hardiesse. La paresse Pa souteiiu avec gloire durant plusieurs années dans Pobscurité d'une vie errante ei cachée; il a conservé 1'archevêché dé Paris conire la puissance du cardinal Mazarin; mais après la mort de ce ministre, il s'en est dérnis sans connoitre ce qu'1 faisoit , et sans prendre cette conjoneture pour ménager les intéréts de ses amis et les ssiens propres. II est entré dans divers conclaves , et sa conduite a toujours augmenté sa réputation. Sa pente naturelle est 1'oisiveté; il travaille néanmoins avec activité dans les affaires qui le pressent , et il se repose avec nonchalance quand elles sont linies, ïl a une grande présence d'esprit, et il «ait tellement tourner k son avantage les occasions que la fortune lui offt e , qu'il semble qu'il les ait prévues et désirées. II ) aime a raconter , il veut éblouir inclifféremment tous ceux qui 1'écoutent par des aventures extraordinaires , et souvent son ïmagination lui fburnit plus que sa mémoire. II est faux dans la plupart de ses qualités ; et ce qui a le plus contribné h sa réputation , est de savoir donner un beau jour a ses déf.tuts. II est insensible a la haine et a 1'amitié , quelque soin qu'il ait pris de paroitre occupé de 1'une et de l'autre. II est incapable d'envie et d'avarice , soit par vertu, soit par inapplication. Tl a plus emprunté de ses amis , qu'un particulier ne pouvoit espérer dë  1) TT CA R T> ISAl DE RbTI. 101) leur pouvoir rendre ; il a senti de la va- I nité a trouver tant de crédit , et a en- 1 treprendre de s'acquitter. II n'a point de goüt, ni délicatesse; il s'amuse a tout , et ne se plait a rien , il évite avec adresse de laisser péuétrer qu'il n'a qu'une légere connoiss.ince de toute* choses. La retraite qu'il vient de faire, est la plus éclatante et la plus f'ausse action de sa vie ; c'est un sacrihee qu'il fait i a son orgueil sous prétexte de dévotion ; il quit e la cour oü il ne peut s'attacher , et il s'éloigne du monde qui s'éloigne de lui. LETTRE D'UNE DAME AU DUC DE LA ROCHEFOUCAULT. Je vous renvoie vos maximes, monsieur, en vous en rendant miLle et mille graces trés-humbles. Je ne les louerai point comme elles méritcnt d'cire louees , paree que je les l rouve trop au-dessus de mes louange. Elles ont un sens si juste et si délieat, quoi ju'il so:t quelquefois un peu détourné, qu'il ne faudroit pas moins de délicatesse pour vous dire ce qu'on en pense , qu il v ius en a fallu pour les faire. Vous avez une lumière si vive pour pénétrer le coeur de tous les hommes, qu'il semble qu'il n'apparüenne qu'a vous de donner un ju-  ïio Lettre tj'ukb Dame gement é piitable sur le mérite ou le démirite de tous ses mouvemens; avec cette ditférence pourtant qu'il me semble , monsieur, que vous avez encore mieux pénétré celui des hommes que celui des femmes. Car je ne puis pas , malgré la déférence que j'ai pour vos lumieres, m'empècher de m'opposer un peu a ce que vous dites, que leur tempérament fait toute leur vertu , puis iu'ü faudroit conclure de-la que leur raison leur seroit entiérement inutile. Et quand même i! Seroit vrai qu'elles eussent quel fuefois les passions plus vives que les hommes, 1'expérience fait assez voir qu'elles savent les surmonter contre leur tempérament ; de s:>rte que quand nous consentirons que vous metticz de 1'égalité entre les deux sexes , nous ne vous ferons pas d'injustice pour nous faire grace. Tl est même bien plus ordinaire aux femmes de s'opposer a leur tempérament , qu'aux hommes , 1 orsqu'elles l'ont mauvais, paree que la bienséance et la honte les y forceroient , quand même leur vertu et leur raison ne les y obligeroient pas. Voici les trois de vos maximes que j'aime Ie mieux, et qui m'ont le plus charmée. II ne fnudroit point être jaloux, quand on nous donne sujet de 1'ètre. II n'y a que les personnes qui éviteiit de donner de la jalou ie, qui soient dignes qu'on en ait pour elles. La fortune fait paroitre nos vertus et hos vices , comme la lumière fait paroitre les objets.  DlTC DE LA rvOCHEFOITCAtltT. III La vio enoe qu'on se fait pour demeu■ I rcr nd le a ce qu'on aime , he vaut guère mieux qu'une ihfidélité. Je vous avoue , monsieur , que quoique toutes vos maximes soient très-belles , ces trois -la me paroissent ineomparables : et qu'on ne sait a qui donner le prix , ou au sens , ou a l'expression. Mais comme vous m'avez engagée a parler franchement , trouvez bon que je vous dise que je n'entends pas bien votre première maxime , oü vous diles : L'accent du pays oü on est né , demeure dans l esprit et dans le cucur comme dans le langage. Je crois que cela est fort bien et fort juste; mais je ne connois point les accens qui demeurent dans le coeur et dans i'esprii. Je crois que c'est ma faute de neles pas eniendre ni de ne les pas sentir; et cette maxime me fait connoitre ce que vous dites dans la quatrième, que les occasions nous font connoiire aux autres et a nous-m mes. Cette autre maxime, oü vous dites que 1'on perd quel ruefois des personnes qu'on regrette plus qu'on n'en est affligé, et d'autres d'mt on est affligé quelque tems ét qu'on ne regrette guère , n'est pas a mon usage. Car la mesure de ma douleur seroit toujours la mesure de mon regret, et j'ai grand - peine a comprendre que je puisse séparer ces deux clioses, paree que ce qui auroit mérité mon attaehement mériteroit égalemeht et mon regret, et mes larmes et ma douleur.  na Lettre d'une Dame, etc. La maxime sur l'humilité me par nt encore partYdtement belle. Mais j'ai été bien I surprise de trouver la l'humilité. Je vous avoue que je 1'y attendois si peu , qu'eneore qu'elle soit si fort de ma connoissance depuis long-tems, j'ai eu toutes les peiues du monde a la reconuoitre au milieu de tout ce qui la précède et qui la suit. C'est assurément pour faire prati juer cette vertu aux personnes de notre sexe que vous faites des maximes ou, leur amour propre est si peu flatté. J'en serois bien humiliée en mon particulier, si je ne me disois a moimême ce que je vous ai déja dit dans ce billet , que vous jugez encore mieux du coeur des hommes que de celui des dames, et que peut-être vous ne savez pas vousmême le véritable motif qui vous les fait rnoins es'tirner Si vous en aviez toujours rencontré dont le tempérament eüt été soumis h la vertu , et dont les sens eussent élé moins forts que la raison, vous pen-, seriez mieux que vous ne faites d un certain nombre qui se distingue toujours de la multitude; et il me semble que madame de la F.jyette et moi méritons bien que Vous ayez un peu meilleure opinion du sexe en général. Vous ne ferez que nous rendre cc que nous faisons en votre faveur, puisque malgré les défauts d'un million d'hommes . nous rendons jusiije a votre mérite par'iculier , et que vous s ul vous nous faites croire tout ce qu'on p ut dire de plu,s ayantageux pour votre sexe.  OBSERVATIONS DE M. L'ABBÊ BROTIER, SUR LES MAXI MES ET LES GEUV?IES MORA LES DU DUC DE LA ROCHEFOUCAULT.   OBSERVATIONS SUR LE PORTRAIT DU DUC DE LA ROCHEFOUCAULT, fait par l u i - m ê m e.' n recherche les portraits des grands peintres peints par eux-mèmes. Ceux que les grands écrivains et les hommes célAbres ont faits de leur vie et de leurs moeurs f présentent des objels plus piquans de curiosilé et d'intérêt. Mademoiselle , fille de Gaston , duc d'Orléans , aimoit les portraits et avoit le talent d'en faire. Elle en introduisit le goüt a la cour da s les premières années du règne de Louis XTV. On vil paroitre une multitude de portraits. Dans le reeueil imprimé en ib".58 , on distingue partieuliérement celui du duc de la Rochefoucault fait par lui - même , et celui de madame de Sévigné, par madame de la Fayette. Le portrait du duo de la Rochefoucault otfre une singularité remar -juable. II fait époque dans la littérature. En 1657, le Cid avoit donné l'idée de la langue ffahgöise ; et Cinna, le chefd'oeuvre du fhéatre , la iix;> en l63q. Ce fut alors une émulation générale dans la n5  ïi6 Orservations nation pour écrire en prose , comme Cor- , neille éerivoit en vers. L'essai fut long. Le portrait du duc de la Rochefbucault fait par lui-mème , est 1'époque des premiers succes , comme le portrait qu'il a fait du cardinal de Retz est le terme de la perfection ou 1'on peut s'élever. Q. Je ne m'arréterai pas a faire valoir les beautés de ce portrait , ou a remarquer quelques tours de phrases et quelques expressions , qui étoient encore foibles. Chacun aime a faire lui - méme ses réflexions ; mais ;e dois mettre sous les yeux un auti'e portrait du duc de la Rochefoucault , fait par le cardinal de Retz. Oest le moment de la comparaison. Quelle difHrence entre fesprit de réflexion et les caprices de 1'imagination ! PORTRAIT DU DUC DE LA ROCHEFOUCAULT, Pa r J.e cardinal de ReTZ. ,, ï l y a toujours eu du je ne sais quoi „ en M. de la Rochefoucault. II a voulu ,, se mêler d'intrigues dès son enfance, et en un tems oü il ne sentoit pas les petit:. intéréts, qui n'ont j imais été son 8 foible, et oü il ne connoissoit pas les  sur. le Portrait. h*J „ grands , qui, d'un autre sens , n'ont pas ' ■ té son fort. II n'a jamais été capable d'aucunes affaires , et je we sais pour, ]uni; car ii avoit des qualités qui eus,, sent suppléé en tout autre c Hes qu'il n'avoit pas (1) Sa vue n'é oit pas ' assez éiendue, et i ne voyoit pas même , tout ensemble ce qui étoit a sa portee : „ mais son bon sens, t. ès-bon dans la spéculation , joint k sa douceur , h s in ' ,, insinuation , et k sa tacili é de moeurs qui est admirable , dcvoit récompenser i> plus qu'il n'a fait le défaut de sa pé1 nétra ion. II a tou ours eu une irré- „ soiution habituelle ; m is je ne sais mê„ me a quoi attribuer cette irrésolution. • ,, Elle n'a pu venir en lui de la fecondilé ' ,, de son imagination, qui n'est rien moins }, que vive. Je ne la puis donner k la stérilité de son jugement : car quoi ju'il ne „ l'ait pas exquis dan Paction , il a un bon fond de rais n. Nous voy >ns les „ effets de cette ii résoiution , quoique nous n'en connoi-sions pas la c iuse. II n'a ,, jamais éte guerrier , rjuoiiu'il fut très,, soldat. II n'a jamais été par lui-mème ,, bon epurtisan, qusiqu'il ait eu toajours ,, bonne iutcntion de 1'ê.re. Tl n'a jamais „ été bon homme de parti , quoi rue toute ,, sa vie il y ait éié engagé. Cet air de honte et de timiclité , rrue v ms lui voy % (i) 11 y a deux l'gnes effacées Ces lacunes fréquentes dans les mémoires du ca dinal de Rei{ ne font honnettf ni a l'auteur ni tl l'éditeur.  iic? Observations dans la vie civile , s'étoii tourné dans ,, les affaires tón air d'apologie. II crovoit I ,, toujours en avoir besoin ; ce qui joint „ a ses maximes , qui ne marnuent pas, üssez de foi a la vertu et a sa prati„ que, qui a t ujours été a soi tir dis af,, faire» avec autant d'impaiicnee qu'il y „ etoit entré , me fait conclure qu'il eüt „ beaucoup mieux fait de se connoitre et ,, de se réduire a passer , comme il eüt pu , pour le couitisao le plus poli et ,, le plus honnête f;omme , a 1'égard de ,, la vie commune, qui eüt paru dans son ,, siècle ". 1 e cardinal de Retz cr< voit que le duc de la Rochefoucault le haïssoit; et p jtétre le méritoit-il , s 1'on en juge par ce qu'il i-apporte lui-même dans si s mémoires. Mais le duc de la Rochefoucault aimo:t peu, et h, ïssoit encore moins. Cette haine prétendue est cause du d-soi dre , de 1'abandon et du style embarrassé rjui règne dans le poi trait ti acé par le cardinal de Rttz. C'mment ne connoissoit - il p, s la source de 1'iirésolution du duc de la Rochefoueault? Elle venoit de son caractère timide par nature, par éducation, paria délicatesse même de sa polilesse, de son esprit et de ses réflexions. Sa timidité alloit si loin , qu'il n'a jamais pu prendre sur lui de rien prononcer en public. C'est ce nul a rivé I'académie francoise d'un des noms qui lui auroit fait le plus d'honneur. In homme timide et>t toujours irrésolu.  swr r. n Portrait. 115; il 5. Une chose que je reprocherois au duc I de la Rochefoucault dans son portrait, M c'tst sa manière de peiiser sur la pitié. II M ai roit voalu n'en p >int avoir; et il arm oit I son ame pour la durcir , et ne point re- 'ffl cevoir 1'impression d'un sentiment si na- m turel. C'esi le dér'aut trop ordinaire des I grands. Pleins d'eux-mêmes , ils font des I malheureux , et ne veulent pas les voir. I lis ne pensent qu'a leur félicité person- I nelle , et Youdroiènt bannir de Lur es- ■ prit, comme de leur présence, jus ju'h Pi. I mage même du malheur. Sentiment pusilI lanime, inbumaiii et contraire a la nature, I qui n'a rien mis de pl,us sacié dans le coiur I de 1'homme que la pitié. L'ame du duc de 1 la Rochet' ucault étoit trop honnête pour ■ ne pas revenir de cette errt ur de s s preI mières années. Madame de Sévigné , qui I a peint avec tant de naturel les dei nières I années de sa vie, nous a laissé de magni- Ifiques tableaux de sa sensihilité; et, pour mt serv>r de son expression, jamais le duc de la Rochefoucault ne paroissoit plus admirable.  OBSERVATIONS SU bi LES MAXIMES DU DUC DE LA ROCHEFOUCAULT. i. X. e s maximes sont Ie livre des Francais : et ;amais ils n'ont été plus grand* que dans le siècle de Louis XI V , oü ils savoienttous paf coeur Corneille et 'a Roel) foucault. Je ne .connois rien che', les Grecs, ni chez les Romains , qu'on puisse comp.in r aux maximes. Théophraste est élégant , mais sec ; Epict '-te est sage , mais sombre ; Marc-Aurele tst bon , mais Iriste. Je ne parle point de Sénèque : la Roihefoucault l'a jugé. Quant a Tacite , je n en ai rien a dire ici ^ il est dans une ciasse trop élev e : il regie le sort des états et des hommes , il domme la nalure entière. Par malheur pour nous , il a eu a peindre plus de crimes que de'vertus; et le tems nous a enlevé la plus belle partie de ees ouvrages. Que n'avons-nous ses règnes de Titus et de ï rajan , comme nous avons celui de 'f ibère ! Au moins nous reste-t-il la vie d'Agr -ola , supéiieure elle seule aux maximes p ir une délicatesse , une profond ur, une éloquence , un^ force et une vér'té Tu'il est plus aisé de sentir que d'exprimer. s. lio Osservations  sur. les Maximes. isi H 2. RÉflexions ou Sentences et Maximes m o r a l e s. Ce titre est singulier ; et cepentlant le duc de la P ochefoucault n'en devoit pas mettre d'autte. Madame de la Fayette , qui s'intëressoit a 1'ouvrage plus que 1'auteur même , avoit consulté quantité de personnes. Le savant Huet prétendoit que ce n'étoit point des maximes. D'autres y voyoient des réflexions , des sentences. Pour ne point ■"' trancher en maitre , et laisser a chacun ses idéés , le duc de la Rochefoucault a 'l' très-bien fait de faire connoitre cette va;- riété d'idées et de jugemens. Le public a i s prononcé en faveur cl es maximes, 5. Nos vertus ne sont le plus st souvent que u e s vices d E g u i - 111 sÉs. \'oila le principe universel et la conclusion générale des maximes du duc de la Rochefoucault. C'est une vérité facheu- 1;:l se, mais incontestable. De quel droit,. '; dans 1'édition faite a 1'imprimerie royale A en 1778, a-t-on supprimé cette impor- ' ■ tante leyon? Après cette première inlidé- ' * ]ité , on n'a plus rien respecté clans cette ! ' édition. Le style de quantité de maximes ™ est changé. On .y fait parler , écrire lc ii:S duc de la Rochefoucault, comme nous ls parions , comme nous écrivons mainte- •l riant. Respectons les siècles et les grands ™s hommes qui en ont fait la gloire. Quand ;- je lis la Rochefoucault, je veux le voir, £ je veux 1'entendre tel qu'il a écrit , tel 0 qu'd a parlé. Le style, comme les images antiques, a quelque chose de vénéraL K F  123 Observatjons ble , qui imprinie le respect. Et qui est as^-ez osé pour toucher a Corueille , pour changer les expressions de Condé et de Turenne ? La Rochefoucault a les mémes droits a notre aclmiration et a notre respect. Mais ce n'est pas la seule infidélité" de 1'édition de 1778 et de celles qui 1'ont suivie. J'en ai bien d'autres a lui reprocher. Je compte plus de cinquante maximes qu'elle a déplacées , altérées , défigurées , gatées. La licence y a été portée plus loin. On y supprime des maximes du duc de la Rochefoucault, et on en introduit qu'il avoit rejettées pour les plus justes raisons. Par une nouvelle supercherie , on annonce au public que c'est d'après les manuscrits de 1'auteur qu'on fait ces changemens , et qu'on 1'enrichit de nouvelles maximes. Je n'en dirai pas davantage. Lc public est instruit. II n'y a plus a craindre de séduction. Une observation plus essentielle , propre a nous faire sentir Pempire de l'amour-propre et 1'utilité , des maximes du duc de la Rochefoucault, c'est cette belle réflexion de Rossuet dans 1'oraison funèbre de la princesse Palatine. ,, Elle croyoit voir par-tout dans ses ac„ tions un amour-propre déguisé en ver„ tu. Plus elle étoit clairvoyante , plus ,, elle étoit tourmentée. Ainsi Dieu 1'hu., milioit par ce qui a coutume de nour„ rir l'orgueil , et lui faisoit un remède „ de la cause de son mal '». 4. Amelot de la Houssaye , remarque dans ses notes manuscrites sur la 58e. ma-  sur les Maximes. 125 xime : ,, Tel étoit le cardinal Mazarin ". II a raison. Personne n'a jamais plus promis , et personne n'a moins tenu, a moins que la crainte ou 1'espérance ne le forgat de tenir. Tacite , parlant des derniers momensde Tibère, dit que ses farces Pabandonnoient, mais que la dissimulation ne le quittoit pas. Le cardinal Mazarin donna le même spectacle au lit de la mort. II promettoit encore, et ne tenoit pas ce qu'il avoit promis depuis longues années , comme on le voit dans les mémoires de Cosnac , témoin oculaire , et Pesclave de 1'espoir de ses promesses. 5. Maxime 64e. ,, La vérité ne fait pas „ au ant 'de bien dans le monde que ses ,, apparences y font de mal ''. Maxime d'un grand sens et d'une profonde vérité. C'est le meilleur et le seul commentaire du traité de Plutarque sur la superstition. 6. La 65e. maxime mérite une attention particuliere. On peut en tirer une des plus grandes legons pour se former h Part de penser et d'écrire. Voici cette maxime. ,, II n'y a point d'éloges qu'on ne donno „ a la prudence; cependant elle ne sau,, roit nous assurer du moindre événe,, ment ". Que de sagesse et de précision ! Rien ne paroit plus naturel; ce n'est cependant pas ce qui s'est présenté d'abord h l'esprit du duc de la Rochefoucault. II n'a entrevu cette vérité que couverte de nuages. Telle étoit cette maxime dans la ïje première édition. Voyez les premières ,a' pensées , n°. 20. „ On élève la prudence F ij  124 Observations „ jusqu'au ciel , et il n'est sorte d'éloge „ qu'oii ne lui donne ; elle est la règle de j nos actions et de notre conduite , elle est la maitresse de la fortune , elle fait le destin des empires : sans elle on a , tous les maux , avec elle on a tous les , biens ; et comme disoit autrefois un poë); te, quand nous avons la prudence, il ,, ne nous manque aucune divinité, pour ,, dire que nous trouvons dans la prudence tout le secours que nous demandons aux Dieux. Cependant la prudence fa plus consommée ne sauroit nous assurer du „ plus petit effet du monde ; paree que travaillant sur une matière aussi changeante et aussi inconnue qu'est 1'hom., me , elle ne peut exéeuter sürement au,, cun de ses projets. D'oü il faut conclure „ que toutes les louanges , dont nous flat,", tons notre prudence, ne sont que des ,, effets de notre amour-propre , qui s'ap,, plaudit en toutes choses et en toutes ren,, contres ". Le duc de la Rochefoucault sentit bientót le défaut de cette multitude de paroles qui étouft'ent le germe d'une grande vérité. II se corrigea dès la seconde édition , oü 1'on lit : „ II n'y a ,, point d'éloges qu'on ne donne k la pru„ dence. Cependant quehiue grande qu'elle ,, soit , elle ne sauroit nous assurer du moindre événement , paree qu'elle tra„ vaille sur 1'homme qui est le sujet du „ monde le plus changeant ". Cette seconde manière vaut beaucoup mieux que la première; mais elle étoit encore loia  SUR LÉS M A T I M E S. t'ïS ■ de la pérfection oü le duc de la RocheI foucault pouv'oit la por ter , et oü il i'a , ■ portee dans ses dernières éditions, oü il dit avec tant de noblesse : ,, II n'y a ,, point d'él >ges qu'on ne donne a la pru,, dence , cependant elle ne sauroit noui „ assurer du moindre événement ''. Le croiroit-on , après une si belle maxime , si bien xongue , si heureusement exprimée , c'est la seconde manière quel'édition de 1778 a adoptée ! Est-il donc permis d'outrager et de flétrjr ainsi les clief-d'oeuvres? Je pourrois multiplier ces sortes de comparaisons, et les appliquer a quantité d'autres maximes. J'aime mieux laisser ce plaisir aux lecteurs. II leur est aisó de se le procurer , maintenant que les maximes sont rapprochées des premières pensées du duc de la Rochefoucault. Avant que de finir cette observation , je remarquerai que Montagne avoit déja dit : ,, Tant c'est chose vaine et frivole que ,, 1'humaine prudence : et au travers de ,, tous nos projets et de nos conseils et £ ,, précautions, la fortune maintient toujours la po session des événemens ". 7. Je ne parle pas de toutes les maxi- 1 mes que 1'édition dé 1778 a dépJacées. Mais il faut que je dise un mot de celles oü , dans cette édition, on a changé le ij style du duc de la Rochefoucault. On en a un exemple dans la 76e. maxime. II avoit dit : ,, II est du véritable amour ,, comme de 1'apparition des esprits : toufc ,, le monde en parle , mais peu de gens F iii  iaS Obs e r v a tions ,, en ont vu ■'. C'est ainsi qu'on parloit du tems de la Rochefoucault. Vaugelas \ même en avoit fait une règle. La phrase n'a ni ambiguité , ni équivoque. Pourquoi donc 1'édition de 1778 corrige - t - elle ? II en est du véritable amour comme de 1'apparition des esprits : tout le monde ,, en parle, mais peu de gens en ont vu '». N'est-ce pas une belle correction.de nous donner trois en dans si peu de mots?-Si les Romains avoient pris la même licence pour corriger Cicéron et Virgile , nous n'aurions , au-lieu du style du siècle d'Auguste , que des phi ases a la Sénèque , et des vers de Lucain. 8. Amelot de la Houssaye est souvent un mauvais interprète de Tacite et de la Rochefoucault. II reproche a celui-ci d'avoir fait une fausse comparaison dans sa 7^e. maxime : paree que, dit - il : ,, Le doge a part a tout ce qui se fait a Ve„ nise, puisqu'il assiste et préside a tous ,, les con:ei!s '". C'est justement paree que le doge assiste et préside a tous les conseils, sans les conduire, que la comparaison de la Rochefoucault est vraie t et la maxime excellente. g. La 83e. maxime étoit plus courte dans les premières éditions du duc de la Rochefoucault. II s'étoit contenté de dire ; ,, L'amitié la plus désintéressée n'est qu'un ,, trafic , oü notre amour-propre se pro,, pose toujours quelque chose a gagner ", II 1'a étendue, il 1'a développée dans ses dernières éditions ; et il a eu raison. Elle  sur les Maximes. 127 est plus belle et plus piquante. L'édition |l de 1778 avoit prélëré la première fagon : tij mais elle a été obligée de reconnoltre elleaj même son erreur. 10. Est-ce pour varier 1'expression que li le duc de la Rochefoucault a dit dans Ia maxime iaoe. : L'on fait plus souvent, etc. et dans la rnaxime suivante, on fait souij vent, etc. ^fs 11. Le duc de la Rochefoucault a doniié! de trés - beaux développemens de la maxime i5qe. , et d'excellentes regies dans || ses réllexions diverses sur la conversation , [ Pag- 97 et su*v> ia, La maxime i64e. nous rappelle une remarque de Segrais , qui dit que madame de Montausier n'avoit point d'arnitié , que U dès qu'elle fut en cour elle ne se souvint de personne ; et que c'est a cette occasion que le duc de la Rochefoucault fit cette maxime : ,, II 7 a des gens qui parois„ sent mériter de certains emplois , dont ,, ils font voir eux-mêmes qu'ils sont in,, dignes ". Sa seconde manière est plus délicate que la première. i5. L'observation du duc de la Rochefoucault dans la 172=. maxime est exacte. L'ennui est une maladie de 1'ame: l'intérêt est une passion. L'ennui doit dono faire manquer k plus de devoirs que l'intérêt. 14. La maxime 170=. fut mise en aetion d'une manière ingénieuse dans un ballet dansé sur le théatre du collége de Glermont, nomm* depuis de Louis-le-Grand, F iv  1:2,8' ObSERVATIONS en 167a. O11 y représenta la euriositÉ I dont le bon ou le mauvais usage peut beau- I coup contribuer a perfectionner lts es- ' prits , ou a les gater. Pour mieux marquer Je bon usage qu'il en faut faire, et le mauvais qu'il faut éviter , les quatre parties du ballet étoient divisées en au- j tant d'espèces de curiosité. Ija première , I une curiosité inutile , qui court après tou- j tes sortes de bagatelles. La seconde , une I curiosité pernicieuse , qui recherche des 1 connoissances défendues. La troisième , une curiosité raisonnable , qui étudie les 1 secrets de la nature, et qui perfectionne I les sciences. La quatrième , une curiosité nécessaire, qui examine les divers usages de chaque chose, et qui a inventé tous les arts. Les détails de ce divertissement étoient égaiement agréables et instructifs. 1.5. C'est a la I77e. maxime, que dans l'édition de 1778 on commence a faire une grande excursion pour déplacer , défigurer, altérer des maximes du duc de la Rochefoucault. En deux ou trois occasions on a eu recours a cette petite ruse pour mieux donner le change au public , et lui persuader qu'on lui présentoit des découvertes. 16. Amelot de la Houssaye a remarqué sur la iQOe. max me : ,, Le cardinal de ,, Richelieu étoit le plus vain de tous les ,, hommes , le cardinal Mazarin , le plus ,, intéressé et le plus masqué Le même homme avoit déja remarqué sur la ó"]e. maxime : „ Le maréchal de Yillars  SUR LES M A X I M ' K 8. lag ij ,, s'est avancé par sa témérité ". Je me ■ défie des jugemens d'Amelot , qui a tou.'B jours étudié les hommes et ne les a jamais y connus. Mais Richelieu eut-il été vain , ff Mazarin intéressé, masqué, Villars té,§& méraire , ces trois grands hommes ont été .8 si supérieurs , ils ont rendu des service? si importans qu'ils ont couvert tous leurs M défauts. L'Jiurope doit a Richelieu son équilibre. Le traité des Pjrénées est le chef-d'oeuvre de la politique de Mazarin, et le plus grand coup d'état qui ait jamais été fait. Villars, vainqueur a Denain est le sauveur de la France. On ne peut trop exalter les grands hommes. Ils sont 1'ame des états , qui languissent ou périssent sous les hommes médiocres ou sans talens. 17. Je ne sais pas si la io,8s. maxime fait sur les autres l'effet qu'elle produit en moi. Mais je ne 1'ai jamais lue sans Être saisi d'un sentiment de surprise. Je suis toujours frappé du tour ingénieux, de ba beauté et de la délicatesse de eet éloge des deux héros du siècle dernier. J'admire les oraisons funèbres du grand Condé , par Bossuet, et par Bourdaloue, chef-doeuvres d'éloquence, entre lesquels je ne voudrois pas prononcer , tant j'y vois de traits admirables : dans 1'une c'est tout le génie de 1'imagination , dans l'autre tout le génie de la raison. Sans être aussi magnifique , Fléchier n'est pas moins étonnant dans Vér raison funèbre de Turenne. C'est la perfection du bel esprit. Le duc de la Rochefoucault a écrit avant ces trois célèbres F v  ïóo Obseryaï'ions orateurs, et du vivant même des deux héros, tems oü il étoit si diificile de saisir et I de dire la vérité. Malgré cela la maxime est admirable; et peut être même donne- I t-elle plus a entendre que les trois discours. Seroit-il donc vrai que les grandes choses et les grandes vérités ne peuvent s'exprimer qu'en peu de mots , et qu'on ne dit Jamais plus, que quand on ne donne plus a penser! 18. La maxime ao6e. est belle. Ces* aussi une belle parole du duc de la Rochefoucault : „ L honnêttté n'est d'aucun „ état en particulier , mais de tous les états en général '\ iq. La 2.5oe. maxime est un chef-doeuvre de gout. Cicéron et Quintilien ont dit d'excellentes choses sur 1'éloquence; mais ils n'ont point écrit cette maxime ; et elle seule contient tout ce qu'ils ont dit. aO. Les sentimens ont toujours été partagés sur la a5'/e. maxime. Le duc de la Rochefoucault voulut avoir 1'avis de deux personnes qui faisoient alors beaucoup de bruit dans Paris, quoi jue de caractères bien différens, du docteur Arnauld et de Umon LencTos. Arnauld prit le parti de la maxime. Ninon Lenclos la condamna; et le public applaudit a son jugement. Malgré cela le duc de la Rochefoucault a conservé la maxime, et n'y a rien changé. II faut convenir qu'elle est vraie, et qu'il faut même un peu de mys-tère dans les pensées délicates. Mais ce mys ère du corps niest-il pas lui-même un peu trop mysté-  sur i. f. s Maximes. i3i rieux? C'est une question a proposer a des personnes d'esprit et de goüt : La maxime zóq*. de la Rocliefoucault peut■M .elle s'exprimer d'une manière aussi pré,a; cise , plus exacte et plus élégante? Quoi 'I qu'il en soit, cette maxime est très-ingé■M nieuse et trés-belle. Elle est comme ces i| j beautés du Guide, qui seroient peut-être ia moins piquantes, si elles étoient plus régulières. 21. Amelot de Ia Houssaye dit sur la ■ij maxime 26oe. : „ Tel étoit le père de la ■ j, „ Chaize ". II est vrai qu'il étoit trèsif l poli; et un homme poli reooit des poli- » tesses. M. de Boxe ajoute dans son éloge , i il qu'il avoit beaucoup de piété et beaucoup ! jt I d'esprit. s 22. Je suis non-seulement de 1'avis de la :'yi a6ie. maxime; mais je ne crois pas qu'on puisse donner une éducation qui n'inspire ■ r pas un second amour-propre. Si 1'on veut i| distinguer dans 1'homme plusieurs sortes t d d'amour-propre, il en a autant qu'il a de 4 belles qualités. L'amour-propre, source ^e- 23. II n'appartient qu'au duc de la Rochefoucault de saisir et d'apprécier les défauts et les caractères de 1'humeur. Pour bien concevoir les maximes 290 et ag2e., je ne connois rien de mieux que le sermon du père de Neuville sur 1'humeur : j sujet aussi important pour le monde que pour la religion , et traité d'une manière | neuve et brillante par ce célèbre orateur. 24. Si a la maxime 299= • Pon joint les quatre que nous avons vues, 223-226 et la 438e., on a tout ce qu'on peut dire de plus spirituel sur la reconnoissance. Le duc de la Rochefoucault a cependant encore fait dans ses mémoires une réilexion bien judicieuse qu'il ne faut pas oublier : ,, Depuis que nous avons des obligations ,, extraordinaires a des personnes , il sem,, ble jue nous redoutions leur présence, ,, comme si elle nous incitoit sans cesse „ a la reconnoissance , et blamoit notre ,, ingraiitude dans le moindre retarde„ ment ".  S TT R LES M A X I M E S. l33 a.5. Cette maxime 507 = . est noble ; et le bel emploi.du mot giorieuoo lui donne de 1'éclat. a6. La maxime 3ioe. estd'usage en plus d'une occasion. Le maréchal de Bellegarde disoit : „ A la guerre , il ne faut pas être ,, trop sage ". 27. La maxime 3a6e. fait bien sentir le mépris accablant , attaché au ridicule. Tout fut perdu, quand 1'infortuné Charles I arrêté par ses sujets , eut prononcé |j ces tristes mots : „ Rien de plus abject , qu'un roi méprisé ". La marquise de Lambert, dans la lettre k son fils sur la véritable gloire, rapporte cette maxime de la Rochefoucault d'une manière peu exacte : „ Le déshonorant oftënse moins „ que le'ridicule ". Les raisons qu'elle ïïl donne de cette maxime ne sont pas non plus les vraies. „ Les cair-es , dit-elle , du „ déshonneur sont connues et certaines; , le ridicule est purement arbitraire ". II y a un ridicule arbitraire, mais il y a aussi un ridicule réel; et la Bruyère a I. raison de dire qu'un homme est ridicule tant qu'il a les apparences d'un sot. 28. Je ne concois pas comment on a pu faire des diSicultés sur la maxime 54ae . Elle est de Ia plus grande vérité. C'est la loi de la nature; chaque sol a un accent, un cwactère : il les donne k tout ce qu'il voit naftre. Le Romain est Romain ; le CartLagi-ois est Cartbaginois; le Grec est Grec; ie Germain est Germain, et le Gaulois est Gaulois. Le I'rangois conquérant  i."4 Obs ervations de la Gaule , n'a pas donné au Gaulois son aceent ou son caractère, mais il a pris 'i ou il a regu l'accent et le caractère Gaulois. Que chacun de nous s'interroge soimême , et il ré pondra qu'il ne trouve point en lui les moeurs des Germains telles que Tacite les a peintes , mais celles des Gaulois telles qu'elles sont décrites par César. D'oü nous vient donc a tous eet accent, ce caractère de pays ? Cicéron nous 1'apprend. Non (i) ing-enbrantur hominibus mores tam a st1rpe generis, ac seminis , qtjam ex iis rebus , QUvE ab ipsa natura i.oci et a vitje consuetudine s u p r e O i t a n tIIr , q u i- bus alimur et vivimus. Et que de nuances , toujours variées , toujours admirables dans cette partie de la nature, comme dans toutes les autres ? Ce n'est pas seulement chaque royaume , cha uie province , chaque ville , c'est chaque pays qui a son accent. 29. La maxime 5o2c. paroit singuliere ; et les exemples en sont cependant sans nombre. L'abhé Martinet, qu'a vu Amelot de la Houssaye , jouoit souvent a la paume avec Louis XIV, et ce prince aimoit encore son talent pour la poésie et pour la conversation. Martinet ne goüte que la liberté et les plaisirs bourgeois. II s'ennuie avec son roi , et peut-être le plus aimable des rois lorsqu'il étoit jeune. II (1) Cicero, de lege ag.aria contra Rullum, II, 3;.  sub. les Maxim-es. i36* iij fuït la cour, et va languir et mourir dans Pindigence. Pageois , excellent joueur de billard , est du jeu de Louis XIV. II I , faut a Pageois de la grosse joie. Son roi Pennuie ; il le quitte pour vivre en liberté au cabaret. Peu de gens savent, comme le jeune Chamillart, élève de Pageois au i bidard , plaire , se soutenir a la cour , et devenir secretaire d'état. 5o. La maxime 55SC. est parfaitement I belle. On ne peut rien dire de mieux sur I l'humilité. Les meilleures pensées ne sont pas celles qui se présentent les premières. Elles sont le fruit de la réüexion et du go t. Voyez dans les premières pensées, n°. qq, comment le duc de la Rochefoucault avoit d'abord concu cette maxime. Dans l'édition de 1778 , on trouve ici quinze maximes déplacées ou déagurées. 3ï. Segrais nous apprend que c'est k Poccasion de Boileau et de Racine , que le duc de la Rochefoucault a fait la 4i5e. maxime. Ils ne parloient que de poésie : si vous les ótiez de la , ils ne savoient plus rien. La maxime est un peu adoucie : elle étoit plus dure dans la première facon.,, C'est une grande pauvreté de n'a„ voir qu'une sorte d'esprit ". Le duc de la Rochefoucault a développé cette maxime dans ses réttexions diverses, n°, 10 , de la société. 5a. C'est par une suite de la maxime 4-5ae. que Cicéron concluoit avec raison , que la nation Romaine étoit la plus brave des nations. Toutes les nations , dit-ü,  l36 O B K B R V A T T O N * lui accordent la seconde place en bra- I voure. Elle a donc la première. 53. La maxime 46ie. est fort ingénieuse. Heureux celui qui peut dire avec madame I de Coulanges : „ Je préfère la vieillesse aux „ belles années, par la grande tranquil„ lité dont elle me laisse jouir ''. Elle explique elle - même ce qui lui procuroit I cette tranquillité. „ Ma vie est très-éloi- j gnée de celle du monde ; je ne m'y trcuve „ plus du tout propre ; les nouveautés qu'il ij présente ne sont plus a mon usage , et „ mon antiquité n'est plus au sien ; ainsi, \ „ graces a Dieu , nous nous passons a ,, merveille 1'un de l'autre ". Pour M. de j Coulanges , il n'éprouva pas la" tyrannie de la vieillesse. Jusques dans 1'age le plus avancé, il jouit de sa belle humeur et de tous ses agrémens. 34. La 49.5°. maxime est une très-grande vérité et très-importante ; maintenant a peine est-elle connue. On veut que les enfans dès douze a quinie ans sachent tout, par] ent de tout , décident de tout. Ce n étoient point la les principes du siècle de Louie XIV. Le jeune duc de Longueville, celui qui fut tué au passage duRhin , s étoit choisi deux illustres amis de confiance, Turenne et la Rochefoucault, pour se guider par leurs conseils dans tout ce qui pouvoit lui être avantageux. C'est de lui que !a Rochefoucault et madame de la Fayette disoient : ,, II n'a rien de ce „ que les autres courtisans ont de trop ". Ils entendoient parler , dit Segrais , de  sur les Maxime s. 107 I la hardiesse que les courtisans ont h se próner eux - mêmes et a demander des tfl eraces. 56. La 5o+e. maxime se trouve dans toutes les éditions : elle a toujours été la conclusion de 1'ouvrage. Des ames Cortes sont peut-être surprises d'y voir le duc de la Rochefoucault représenter la mort comme le plus grand de tous les maux; et assurer qu'on ne peut pas la voir telle qu'elle est, sans trouver que c'est une chose épou.vantable. Mais ces expressions , lom de rnonirer en lui de la foibiesse, font connoitre son caractère modeste, sans ostentation , plein de défiance de lui - même , et d'une 'fermeté admirable dans les occasions. Cs sont les actions qui font connoitre le ; hommes. Et quels traits que ceux ' que madame de Sévigné rapporte du duc de la Rochefoucault! En 167a , au passage du Rhin , un de ses fils est tué , l'autre est bltssé , et le jeune duc de.Longueville , qu'il aimoit comme ses fils , périt. II reooit tout a la fois ces nouvelles acca■ blantes. Madame de Sévigné est témoin. „ J'ai vu, dit-elle, son coeur a découvert dans cette cruelle aventüre ; il est au „ premier rang de ce que j'ai jamais vu n ,, de courage, de mérite, de tendresse et ,', de raison. Je compte pour rien son es',, prit et son agrément ". Un mois auparavant elle 1'avoit vu a d'autres épreuves, qu'elle exprime d'une manière touchante. M. le duc de la Rochefoucault est tou" jours accablé de goutte. II a perdu sa  i58 Observations „ vraie mère (i), dont il est véritable„ ment affligé. Je 1'ai vu pleurer avec une „ tendrtsse qui me le f'aisoit adorer; c'é„ toit une femme d'un extreme mérite ; „ et enfin , dit-il , c'étoit la seule qui n'a jamais cessé de m'aimer ". Cette force N d'ame , cette sensibilité raisonnable parurent bien davantage , quand au mois de Mars de 1'année 1680 il toueha aux derniers jours de sa vie. Je compte au nombre de ses bonbeurs et des nötres , que madame de Sévigné ait immortalisé le souvenir, de ces derniers momens. Dès le 10 Mars, elle manda a la comtesse de Grignan , sa fille : „ M. de la Rochefbu„ cault a été et est encore considérable„ ment malade ; il est mieux aujourd'hui; „ mais c'étoit toute 1'apparence de la mort, „ une grosse fievre , une oppression, une „ goutte remontée ; il étoit question de ,, 1'Anglois , des médeeins , et de frère „ Ange ; il a choisi son parrain , c'est „ donc frère Ange qui le tuera , si Dieu „ 1'a ordonné ainsi. M. de Marsillac est „ venu en poste ". IJe 16, elle ajoute : ,, Jecrainsbien que nous ne perdions „ cette fois M. de la Rochefoucault , la „ fièyre a continué ; il recut hier notre „ Seigneur; mais son état est une chose „ digne d'admiration ; il est fort bien dis„ posé pour sa conscience ; voila qui est ,, fait : du reste, c'est la maladie et la „ mort de son voisin , dont il tst ques- (1) Madams du Plcssis de Liancourt.  sur les Maximes. 109 ij ',, tion; il n'en est pas effleuré; il n'en est 1 pas troublé ; il entend plaider devant j| ' lui la cause des médecins , du frère j ", Ange et de 1'Anglois, d'une tête libre, i|j ,, sans daigner quasi dire son avis. It ne ■ ,] „ voyoit point hier inatin madame de la J| „ Fayette, paree qu'elle pleuroit, et qu'il M recevoit notre Seigneur; il envoya sa.§j ,, voir a midi de ses nouvelles : croyex.9 , moi, ma fdle , ce n'est pas inutilement I )( qUqi a fait des réflexions toute sa vie ; il » ü s'est approché de telle sorte ces deri I , niers momens , qu'ils n'ont rien de nou>■ , veau , ni d'étranger pour lui. M. de . 1 ', Marsillac arriva avant hier a minuit , . I ', si comblé de douleur amère , que vous „ ne seriez pas autrement pour moi ; il '„ fut long-tems k se faire un visage et une contenance ; enfin il entra, et trouva „ M. de la Rochefoucault dans cette chai,, se , peu différent de ce qu'il est tou,, jours ; comme c'est lui qui est son ami , ,', de tous ses enfans, on fut persuadé que „ le dedans étoit troublé ; mais^ il n'en ' ,, parut rien , et il oublia de lui parler " de sa maladie. Ce fils resortk pour cre„ ver ; et après plusieurs agitations , plu,, sieurs cabales , Gourville contre 1'Anglois, Langlade pour 1'Anglois, chacun „ suivi de plusieurs de sa familie . et les ,| deux chefs conservant toute 1'aigreur „ qu'ils ont 1'un pour l'autre, M. de Mar„ sillac décida pour 1'Anglois ; et hier k ,, cinq heures du soir , M. de la Roche„ foucault prit son remède , k huit encore :  140 Obsbrvattons „ comme 011 n'entre plus dans cette mai- « son , on a peinc a savoir la vérité : on 1 ,, m'assure qn'après avoir été cette nuit k l ,, un moment pres de mourir , par le „ combat du remède et de 1'humeur de „ la goutte, il a fait une si considérabla „ évacuation , que quoique la fïèvre ne „ soit pas encof e diminuée , il j a sujet ' ,, de tout espérer : pour moi, je suis per,, suadéc quïl en réchappera. M. de Mar- ! ,, sillac n'ose encore ouvrir son ame a l'es- \ „ pérance ; il ne peut ressembler dans sa \ ,, tendressc et dans sa douleur qu'a vous , I „ ma chère enfant, qui ne voule/. pas que i, )e meure. Je suis quasi toujours cbez ma- j ,, dame de la Fayette , qui connoitroit mal ., les délices de 1'amitié et les tendres-es „ du coeur , si elle n'étoit aussi aflligée „ qu'elle 1'est. C'est chex elle que je fais ,, ce paquet h neuf heures du soir ; elle ,, a lu votre petit billet , car malgré ses „ craihtes , elle espère assez pour avoir „ été en état de jetter les yeux deüsus. „ M. de la Rochefoucault est toujours dans ,, la même situation ; il a les jamhes en,, flées; cela déplait h 1'Anglois, mais il „ croit que son remède viendra a bout ,, de tout ". Les espérances ne subsistent plus ; le moment fatal est arrivé. Madame de Sévigné reprend la plume le 17. Tout chei elle est deuil, douleur et tendresse :■„ Quni„ que cette lettre ne parte que mercredi , „ je ne puis m'empêcher de la commencer „ aujourd'hui , pour vous dire, ma fihe,  SUR LES M A X I M E 5. . 1 j.t || „ crue M. de la Rochefoucault est mjrt H „ cette nuit ; j'ai la tête si pleine de ce '■ » malheur et de 1'extrême affliction de || „ madame de la Fayttte , qu'il faut que ' I „ je tous en parle. Hier samedi , le re„ méde de 1'Anglois avoit fait des merveilles ; toutes les espérances du ven„ dredi que je vous écrivois , étoient aug„ mentées; on chaiiuoit victoire , la poi,, triue étoit dégagée , la tête libre , la „ fièvre moindre , des évacua tions salu„ taires ; dans eet état hier a six heures il ,, tourne a la mort tout d'un coup; les „ redoublemens de fièvre , Toppression , ,, les rêveries , en un mot , la goutte 1'é, trangle traïtreusement; et quoiqu'il eüt ., beaucoup de force, et qu'il ne fut point ,, abattu des saignées , il n"a fallu que „ quatre ou cinq heures pour 1'emporter , „ et a minuit il a rendu 1'ame entre les „ mains de M. de Condom. M. de Mar, sillac ne 1'a pas quitté d'un moment, ,, il est dans une afflictión qui ne se peut „ représenter ; cependant , ma fille , il . „ retrouvera le rol et la cour , toute sa familie se retrouvera a sa place ; mais , oü madame, de la Fayette retrouverat-elle un tel ami, une telle société, une , pareille douceur , un agrément , une , confiance, une considération pour elle ,, et pour son fils? Elle est infirme , elle „ est toujours dans sa chambre ; elle ne ., court point les rues ; M. de la TAochei ,, foucault étoit sedentaire aussi, eet état „ les rendoit nécessaires 1'un a l'autre.  142 Observations ,, Rien ne pouvoit être comparé k la ,, confiance et aux charmes de leur ami- i „ tié. Ma fille , songez-y , vous trouverez ,, qu'il est impossible de faire une perte „ plus sensible , et dont le tems puisse „ moins consoler ". Je ne pouvois , et je ne devois pas me refuser a des détails si intéressans, et qui font si bien connoitre 1'ame du duc de la Rochefoucault et l'esprit de ses maximes.  stjr LES PREMIÈRES PeNSEES.' I/yö i. Que n'avons-nous les premières pensees des Géorgiques de Virgile , comme nous avons celles des maximes du duc de la Rochetbucault! Dans ces deux ouvrages , quelque petits qu'ils fussent , nous aurions les régies les plus süres , les plus faciles et le» plus féeondes de 1'art de penser et d'écrire. Tant d'auteurs médiocres ont donné des préceptes minutieux, inutiles, faux, et le peu qui a été écrit par des hommes de mérite est si inférieur aux grands exemples , qu'on ne peut trop regretter que 1'antiquité ne nous ait pas con. servé les premières pensées de Virgile dans le plus parfait de ses ouvrages et le plus beau que l'esprit humain ait encore produit. Plus la perte est grande , plus on doit sentir le prix des premières pensées de la Rocheibucault. C'est la qu'un esprit réfléchi désouvre comment les écrivains que nous admirons ont coneu leurs idéés, par quel art les expressions leur donnent de la couleur et de la vie , par quels tours heureux on en rehausse 1'éclat, k quelle OBSERVATIONS SUR LES PREMIÈRES PENSÉES DU DUC DE LA ROCHEFOUCAULT.  144 Observji tions netteté , quelle précision il faut arriver pour les rnettre clans tout leur brillant , j quels*sacrifices il faut faire pour qu'il ne ! reste pas dans un ouvrage , je ne dis point des tacbes, mais des beautés même déplacées. C'est dans eet esprit que je voudrois qu'un père instruit Int avec son fils les maximes et les premières pensées de la j Rochefoucault , un instituteur avec son élève. Après ces premières comparaisons toujours foibles , paree que 1'age 1'est encore, et que tout ce qui est leoon porte un caractère de foibiesse, il faut répéter soi-même ces comparaisons , se livrer k ses réflexions , méditer prolbndément, sentir tous les rapports, et pénétrer enfin ce sebret qu'on n'écrit et qu'on ne dit jamais , mais qui perce dans tous les ouvrages excellens. Un habile politique disoit que tout j son art consistoit k faire et a défaire , far f è ciisfai- : celui des lettres, et de penser et de faire penser. Que je lise Corneille, Bossuet, Bourdaloue , la Fontaine et la Rpehefbucault, ils ont pensé , et je pense \ avec eux , et je ne cesse de penser , et tous'; les jours ils me fburnissent des pensées nouVelles : que je lise Racine,Fléchier, Neuville et Vol taire , ils ont beaucoup pensé ; mais ils me laissent peu k penser après eux. Tels sont dans les arts, Baphaël et Michel- j Ange , qui ont animé et animent encore tous les artistes , tandis que le Guide et le \ Etrnin plaisenf, sans qu'il sorte de leurs ouvrages presque aucune étincelle dc ce feu q_ui porte la lumière et la chalëur. V  SUR LES premières PeNSEES. a. Peu de personnes sont en état de taire la première pensée de Ia Rochefoucault. Ö Cependant il 1'a sacrihée ; et il a eu raison. IU Elle a plusieurs beautés de détail : elle en ■ la a trop. Ce n'étoit pas la un début qui conTj vint aux maximes. Le duc de la Rochefou- II cault Pa supprimée après sa première édi.Ëj tion; elle ne paroit pas dans les autres. ifl Mais cette pensée lui a fourni la matière M de plusieurs excellentcs maximes. Telle i'H qu'elle est, c'est encore le plus beau ta;:|0 hleau qu'on ait fait de l'amour-propre. il 5. La première pensée de la Rochefou- || cault péchoit par avoir trop de dévelop: la pement; la seconde par n'en avoir pas ; ,, n'ont fait que les employer au btitiment étl „ de l'orgueil "'. et reeus. Le chevalier Temple est plus G ij  148 Obsertations sêrieux , et ses avis sont bons. „ On doit „ égaiement éviter la rudesse et 1'autori,, té , en donnant des conseils ; trop de ,, faeilité a recevoir tous ctux qu'on nous donne , et trop d'obstination k n'en ,, point recevoir. Trop de délicatesse dans „ 1'un ou dans l'autre produit de mau„ vais eftéts ". 14. La 46e. pensée est le développement de la parole de David : „ Fachez, - vous , ,, et ne pécbez pas '». xS' La ,5oe. pensée demande une réflexion particuliere. Premiérement sa généralité est fausse. C'est sans doute pour cela que le duc de la Rochefoucault Pa proscrite de ses maximes. II ne convenoit qu'a l'édition de 1778 et a celles qui Pont suivie de Py rétablir. Les rois ne font point valoir les hommes, mais les hommes font valoir les rois. Ce n'est pas Louis XIV , le plus puissant des rois , qui a fait valoir Condé , Turenne , Vauban et Corneille ; mais ce sont ces grands hommes qui ont fait valoir Louis XIV. Les hommes médiocres que les rois font valoir comme des pièces de monnoie , ont le cours du moment, et sont toujours reconnus pour pièces de bas aloi. Secondemenfe il faut convenir que le tour de cette pensée est ingénieux et 1'expression heureuse. Aussia-t-ellepassé enproverbe; et quand, après la mort de Turenne, Louis XIV fit la nombreuse promotion de maréchaux de France en 167.5 , on dit que c'étoit la inonuoie de Turenne.  SUR Ij ES PREMIÈRES PENSEES. I.lO, 16. Dans les pensées 5\., 55, comme i I dans 'la maxime aoo , le duc de la Roche"M fbucault ne parle que des vertus du mon- b de, et les évalue a leur juste valeur , il les connoissoit bien ; et il s'accorde sur ce point avec Bossuet et Bourdaloue , qui ont si fort approfondi 1'un et l'autre le coeur humain. Je suis d'autant plus autorisé a faire cette remarqué , que le duo de la Rochefoucault a toujours déclaré k la tête de ses éditions , ,, qu'il n'a consi„ déré les hommes que dans eet état dé„ plorable de la nature corrompue par „ le pêché ; et qu'ainsi la manière dont ,, il parle de ce nombre infini de défauts „ qui se rencontrent dans leurs vertus apparentes, ne regarde point ceux que ,, Dieu en préserve par une grace parti„ culière ". Le cardinal de Retz , qui avoit en main ces éditions , a donc eu tort de dire que le duc de la Rochefoucault n'avoit pas assez de foi k la vertu. 17. La pensée 60 ne pouvoit pas être approuvée par la nation noble et géné reuse des Francais. Elle croyoit y voir " flétrir sous des noms odieux ses inclina' tions guerrières , la gloire de Louis XIV, et les lauriers de Condé et de Turenne. ' Qu >ique le duc de la Rochefoucault n'eut ' point ces idéés , il supprima prompteJ ment la pensée : elle n'a jamais reparu 11 daus ses maximes. II a fallu 1'édition de ' 1778 pour la reproduire. Voudroit-on en [ ' abuser pour autoriser de vaines déclamations , qui énerveroient et corromproient, G iij  i,5q Obseryations s'il étoit possible , une nation aussi vaillante que la nótre! Malgré ces laches diseours, la maxime des états subsistera toujours , si vis pacem , para BEttUM ; et tous les siècles attesteront la vérité de ces oracles de Tacite , inter impoten- ïes et valiuos falso quiescas tlTBI iiasïï agitur , modestia ac PROBI- ïas nominis superiores sunt mon ignavia , magna imperia costimee1i : virorum armorumque faciendum certamen. 18. L'édition de 1778 n'a pas manqué de renouveller la pensée 67 , quoique le duc de la Rochefoucault 1'eüt condamnée a ne plus paroitre dans ses maximes. En effet, ce n'est qu'une jolie phrase de conversation , partie vraie, partie fausse , et plus fausse que vraie. Est-ce pour la vanité des vivans que l'Egypte a élevé ses pyramides , que toutes les nations ont construit de superbes tombeaux , que 1'on a fait a Turenne de magnifiques obsè mes , ■ que les grandes families sont obligées de i'.ire de grands en:erremens? Dès les premiers tems et dans tous les siècles, on a réspecté 1'humanité, on ahonoré les morts. Le paganisme méme n'avoit pas encore les idéés assez corrompues pour ne pas regarder les morts comme des v choses sacrées. Ces idéés aussi anciennes que le monde s'altéreroient - elles donc parmi nous , dont toute la religion porte sur rimmortalité et la résurrection ? 19. La pensée 70 est belle , vraie , bien  sur i.es premières PeNSEES. *5l \ exprimée. S'il y avoit une pensée qu'on . tl düt ajouter aux maximes , ce seroit celle. M la.'Cependant l'édition de 1778 ne 1'a ü point fait , quoiqu'elle en ait tant ajouté* . I qui ne la valent pas. Mais pourquoi le 1 duc de la Rochefoucault 1'a-t-il lui-même , I retirée de ses maximes ? C'est que sans doute il aura jugé qu'une maxime seule, isolée , sur des objets aussi grands que Dieu et la religion ne suffisoit pas , qu'il faudroit 1'accompagner d'autres qui 1'éloigneroient du plan qu'il s'étoit fbrmé. D'ailleurs Pascal avoit écrit ses pensées. Nous avons déja vu, page 114, qu'une dame avoit écrit au duc de la Rochefoucault que sa maxime 264 lui sembloit déplacée. Elle se trompoit : mais quoiqu'elle se trompat, la Rochefoucault, a appuyé sa maxime d'une autre très-belle , qui est la 5<58e. 20. La 87e. pensée est singuliere et cependant vraie. Tout est sujet a cette révolution dans 1'univers , esprit et corps. Le chevalier Temple a dit : Le ca- ractère de l'esprit change comme les ,, modes ''. 21. Les pensées 88 et 89 expliquent I, bien et en peu de mots le principe et la , nature du beau , avec le charme secret, qui nous fait voir des beautés qui n'exis; tent pas. 22. On est peut-être surpris que le duc ^ de la Rochefoucault n'ait pas conservé la c„ pensée 97 au nombre des maximes. Je pense 'qu'il a été retenu par le succes de Colbert. Sous son administration a jamais Cj IV  sSz Observations mémorable, ce grand homme voulut que 1'état eüt un luxe public et un grand> ton de politesse. De-la ces fêtes publiques si i nobhs et si majestueuses , ces magnifiques ' travaux exécutés dans toute 1'étendue du ; royaume , cette protection sage et éclairee accordée aux lettres et aux arts. Le Francais fut alors fier d'être Francais. Nos grands hommes étoient trop grantls i pour se livrer au luxe particulier et a eet ; exces de politesse qui est ia marqué d'une ' ame basse ou d'un coeur corrompu. Leur exemple contenoit la nation.  I Le duc de la Rochefoucault nous ap- | prend dans ses maximes ce que 1'on peut | penser et écrire de plus parfait : dans ses I premières pensées il nous montre par | quelle voie il est arrivé a cette perfection. 1 Dans ses réJlexions diverses, il se commu- I nique en quelque sorte lui-même avec ef- I fusion ; il explique ce qu'il avoit en vue B et ce qu'il a renfermé dans ses maximes. I Une chose admirabïe, c'est que ses ré- I flexions n'épuisent pas les maximes , efc I qu'on découvre continuellement dans les I maximes des vérités qui ne sont pas dans I les réflexions. EUes avoient été jusqu'a. I présent presque perdues pour nous. El- I les n'ont paru qu'une seule fois , encore I étoient-elles ensevelies dans un recueil de I pièces d'histoire et de littérature qu'on ne I lit pas. On en trouvoit quelques parties, I sur-tout ce qui regarde la conversation , I dans des bibliothèques particulières. 2. Pour rendre la lecture de ces réfle- I xions plus facile et plus agréable, je les ai I divisées comme les maximes. On sent que C v SUR LES RÉjfLEXIONS DIVERSES. 1.53 OBSERVATIONS SUR LES RÉFLEXIONS DIVERSES DU DUC DE LA ROCHEFOUCAULT.  1.54 Obsekvatïons c'étoit la manière d'écrire du duc de Ia Rochefoucault. Avec cette distinction , on en saisit bien mieux l'esprit, et on ne perd rijn de leur finesse. Ie n'ai point d'autres remarques k faire. C'est le duc de Ia Rochefoucault qui parle et qui s'explique. Personne ne peut le faire mieux que lui. 3. Les maximes i5g et 431 sur la conversation sont si bien développées dans ces réflexions, pag. 16 et 47 , que je n'ai point d'éclaircissemens k donner sur ce point, non plus que sur les autres matières. Mais j'ai pensé qu'on verroit avec plaisir quelques idéés du chevalier Temple sur le même sujet. II n'y a rien de plus utile qu'une conversation bien choisie, ni rien de si pernicieux qu'une mauvaise. On peut en avoir trop , aussi bien que trop peu. La solitude assoupit l'esprit : trop de compagnie le dissipe et 1'empêche de se fixer. II n'y a rien de plus déraisonnable , ni de plus insuportable dans la conversation , que la sullisance. L'humeur plait plus dans la conversation que l'esprit ; et la douceur , que la science : peu de personnes souhaitent d'apprendre : tout le monde aime le plaisir , ou au moins le repos. Un grain de folie est agréable dans Ia conversation. Cela fait prendre la liberté de dire des choses que des personnes pru-  SUR LES RÉl'LEXIONS DIVERSKS. ï.5o I derites n'oseroient dire; mais qu'elles ne I sont pas fachées d'entendre. Le premier assaisonnement de la conversation est la vérité ; le second . le bon I sens; le troisième, la bonne humeur; le ■ quatrième, l'esprit. Henri IV en France, Jacques premier I en Angleterre, ont les premiers mis en vogue l'esprit de saillie. Les personnes qui savent bien vivre tachent de faire paroitre l'esprit des autres dans la conversation : le secret de faire valoir le sien est de paroitre 1'ignorer soi-même. 4. J'ai dit un mot plus haut, page 107 , du portrait du cardinal de Retz par le duc de la Rochefoucault. C'est une pièce achevée. Nous n'avons rien de plus excellent dans notre langue. Ce portrait fait mieux connoitre le cardinal de Retz que tous ses mémoires. .5. La lettre d'une dame au duc de la Rochefoucault sur ses maximes n'avoit pas encore paru imprimée. Je la crois de madame de Rohan, abbesse de Malnoue, plus distinguée par ses éminenfes vertus , que par sa haute naissance. Cette pièce sera lue avec intérét, et méritoit d'être conservée. 6. Pour compléter les GEuvres morales du duc de la Rochefoucault et leur éclaircissement, je ne dois pas omettre deux fa- . bles célèbres de la Fontaine. La première est le plus bel éloge qu'on puisse faire des maximes. G v)  166 Observations L'HOMME ET SON IMAGE. Pour M. h duc de la Rochefoucault. Ün homme qui s'aimoit sans avoir de rivaux, Passoit dans son esprit pour le plus beau du monde. II accusoit toujours les miroirs d'être faux, Vivant plus que content dans une erreur profonde. Afin de Ie guérir, le sort officieux Présentoit par-tout a ses yeux Les conseillers muets dont se servent nos dames. Miroirs dans les logis, miroirs chez les marchands, Miroirs aux poches des galans , Miroirs aux ceintures des femmes. Que fait notre Narcisse ? II se va confiner Aux lieux les plus cachés qu'il peut s'imaginer, N'osant plus des miroirs éprouver 1'aventure : Mais un canal, formé par une source pure , Se trouve en ces lieux écartés. II s'y voit, il se factie; et ses yeux irrités Pensent appercevoir une chimère vaine. ïl fait tour ce qu'il peut pour éviter cette eau, Mais quoi ! le canal est si beau , Qu'il ne Ie quitte qu'avec peine. On voit bien oü je veux venir. Je parle a tous •, et cette erreur extréme Est un mal que chacun se plait d'entretenir. Notre amé, c'est eet homme amotireux de lui-même ï Tant de miroirs, ce sont les sottises d'aurrui , Miroirs, de nos défauts les peintres légitimes. Et quant au canal , c'est celui Que chacun sait, le livre des maximes. La seconde fable est des plus ingénieuses pour exprimer la légéreté des hommes. Le duc de la Rochefoucault en ayoit fourni ïe sujet è la Fontaine.  STJ* LES 11ÉFLBXI0NS DIVERSES. l5*] LES LAPINS. Discours a M. le duc de la. Rochefoucault. I Je me suis souvent dit, voyant de quelle sorte L'homme agit, et qu'il se comporte I En mille occasions comme les animaux : ^ I Le roi de ces gens-la n'a pas moins de défauts Que ses sujets ; et la nature A mis dans chaque créature Quelque grain d'une masse oü puisent les esprits; J'enrends les esprits corps , et petris de matière. Je vais prouver ce que je dis. A t'heure de 1'aftuc, soit lorsque la lumière Précipite ses traits dans l'humide séjour : Soit lorsque le soleil rentre dans sa carrière ; Et que n'étant plus nuit, il n'est pas encorjour, Au bord de quelque bois sur un arbr'e je grimpe ; Et nouveau Jupiter , du haut de eet Olynipe , Je foudroie a discrétion Un lapin qui ne pensoit guère. Je vois fuir aussi-tdt toute la nation Des lapins qui sur la bruyère, L'ceil éveillé , 1'oreille au guet, S'égayoient, et de thim parfumoient leur banquet, Le bruit du coup fait que la bande S'en va chercher sa süreté Dans la souterraine cité : Mais le danser s'oublie ; et cette peur si grande S'évanouit bientot. Je revois les lapins Plus gais qu'auparavant revenir sous mes mains. Ne reconnoit-on pas en cela les humains ? Dispersés par quelque orage, A peine ils touchent le port, Qu'i's vont hasarder encor Même vent, même naufrage. Vrais lapins on les revoit Sous les mains de la fortune. Joigr.ons a est exemple un? chose commune.  iSB Observations Quand des chiens étrangers passent par quelque en» droit Qui n'est pas de leur détroit , Je laisse a penser quelle fête, Les chiens du lieu n'ayant en tête Qu'un intérêt de gueule, a cris, a coups de dents Vous accompagnent ces passms Jusqu'aux confins da territoire. Un intérêt de biens, de grandeur et de gloire, Aux gouverneurs d'états , a certains courtisans, A gens de tous métiers, en fait tout autant faire. On nous voit tous, pour 1'ordinaire , Piller le survenant, nous jetter sur sa peau. La coquette et 1'auteur sont de ce caractère : Malheur a 1'écrivain nouveau. Le moins de gens qu'on peut a 1'entour du gateau, C'est Ie droit du jeu : c'est 1'affaire. Cent exemples pourroient appuyer mon discours: Mais les ouvrages les plus courts Sont toujours les meilleurs. En cela j'ai pour guide Tous les maïtres de 1'art, et tiens qu'il faut laisser Dans les plus beaux sujets quelque chose a penser. Ainsi ce discours doit cesser. Vous qui m'avez donné ce qu'il a de solide , Et dont la modestie égale la grandeur Qui ne pütes jamais écouter sans pudeur La louange la plus permise, La plus juste et la mieux acquise-, Vous enfin dont a peine ai-je encore obtenu Que votre nom recüt ici quelques hommages, Du tems et des censeurs défendant mes ouvrages, Comme un nom qui des ans et des peuples connu , Fait honneur a !a Franco en grands nomsplus féconde Qu'aucun climat de 1'univers, Permettez-moi du moins d'apprendre a tout le monde, Que vous m'avez donné le sujet de ces vers. 7. II ne me reste plus u parler que du discours que 1'on voit h la tête de la pre • mière édition des maximes. II est de Segrais, 1'ami du duc de la Rochefoucault,  buk les RÉflexions diverses. Ij et de la société de madame de la Fajetle. C'est une espèce d'apologie des maximes. Peut-être le cardinal de Retz a-t-il pris de-Ia eet air d'apologie dont il prétend ■ que le duc de la Rochefoucault orovoit avoir j toujoursbesoin. IIsetrompoit. Ce discours n'est qu'une attention prévenante de Seerais et de madame de la Fayette, Le duc I de la Rochefoucault le jugea fort inutile; et il n'a point reparu dans les autres éditions, oü 1'on déclare même qu'on ne pour\ roit faire plus de tort aux maximes que I de s'imaginer qu'elles eussent besoin d'aI pologie. Le public les admire depuis plus j> d'un siècle. C'est un livre qu'on ne peut trop lire et trop méditer. Boileau disoit qu'il falloit mettre au vin de Champagne 1 les gens qui ont peu d'esprit, comme on I met les pulmoniques au lait. Une recette I plus süre , c'est de les mettre aux maxij mts de la Rochefoucault. II n'y a pas de ■ meilleur moyen de connoitre , de déveI lopper , d'accroitre et de perfectionner ■ l'esprit. Le coeur y gagne autant que I l'esprit  L e duc de la Rochefoucault avoit trop d'esprit pour ne pas lier ensemble plusieurs de ses maximes, et trop de goüt pour ne pas en séparer plusieurs, et les répandre comme au hasard. C'éioit le moyen de soutenir 1'attention , d'exciter la curiosité, et d'écarter toute idéé d'ennui : aussi eet avertissement est-il a la tête de toutes les éditions : ,, Pour ce qui est de 1'ordre ., de ces réflexions, on n'aura pas de peine „ a juger, que comme elles sont toutes sur „ des matières difförentes, il étoit clifficile ,, d'y enobserver; et bien qu'il y en ait ,, plusieurs sur un même sujet , on n'a ,, pas cru les devoir toujours mettre de ,, suite, de crainte d'ennuyer le lecteur : „ mais oh les trouvera dans la table ''. Pour faciliter , autant qu'il est possible , 1'usage d'un livre si excellent, et qu'on ne- peut trop consulter , j'ai multiplié les tables. La première est celle des maximes , la seconde celle des premières pensées , et la troisième une table générale. AVIS SUR LES TABLES.  TABLE DES MAXIMES. I Les chiffres marquent les maximes , et non pas les pages". A. 1 A.BSENCE, 276. Accent du pays, 342. Accidens malheureux, heureux, 59. 310. Actions, 7. $7. 58. 160. 161. 382. 409. Affaires, 453. I Affectation , 134. Afflictions, 232. 233. 3ï5362. Agesdelavie, 405. Agrément, 240. 255. Air, 399. bourgeois, 393. composé, 495. Amans, 312. 362. 396. 471. Ambition , 24. 91. 246. 293. 490. Ame, 80. 188. 193. 194. Amitié, 80. 81. 83. 84. 85. SS. 114- «79- *T5- *79- i86- 294. 396. 321. 371. 410. 434. 44°- 441. 473- Amour, 68. 69. 70. 71. 72. 74- 75- 76. 77- i»n «3'. 136. 175. 176. 259. 262. 336. 374. 385. 417. 418. 44°. 44«- 473- 49°- 5°«.' Amour-propre, 2. 3. 4. 46. 143. 228. 236. 247. 262. 347. 386. 494. 500. Application, 4>- 243- Approbation , 51. 280. Avarice , 167. 491. 491- Avi" dité, 66. B. BEAUTÉ, 240. 497. Belles actions, 432. Bien,' 111, 229. 301. 304. 339. 365. 454. 464- Biea- i6*  l6a Table faits, 14. Bienséance, 447. Bon gout, 258. Bonheur, 49. 61. Bonne grace, 67. Bon sens, 67. 347. Bonté, 236. 237. 387. 4S1. Bouts-rimés, 382. Bravoure, voye\ Valeur. C. CHASTETÉ, I. Civilité , 260. Clémence, 15. 16. Coeur, 43. 98. ig2. 103. 108. 346. 478. Compassion de nos ennemis, 463. Conduite, 163. 227. Confiance, 365. 42U 475, Confiance des grands, 239. Connoissances, 106. 29;. 436, 482. Conseils, 110. 116.283. 37s- Consolation, 325. Constance, 20. 21. 175. 176. 420. Conter, 313. Contrariétés, 47S. Conversation, 139. 421. Coquetterie, 107. 241. 277. 332. 334. 349" 376, 406. 418. Corps, 222. Courage, voyt{ VaJeur. Crimes, 183. 267.465. Croire, 197. 267. Curiosité, 173, D. DÉFAUTS, 3f. 90. 112. 155. 184. 190. 194: 202. 251. 327. 354. 397. 4n. 414. 4i8. 44z. 493. 49S. Défiance, 86. 315. 366. Dégout, 155. X78. Dcguisement, 119.. 246. 2S1. Desirs, 439. Desseins, 160. i6t. Dévotion , 427. Douceur, 479. Douter, 348. Droituie , 502. E. ÉDUCATION, 261. EIévation. 399. 400. 401, 403. Eloquence, 249. 250. Emplois, 164. 419. 449- Ennemis, 463. Ennui, 141. 172, 304. 352.  bes Maximes. i63 [ Envie , 27. 28. 280. 328. 376. 433. 476. 486. Espérance , 168. 492. Esprit, 43. 44. 80. 97. 98. 99. 100. 101. 102. 103. 108. 112. 140. 142' 174. 222. 265. 187. 340. 346. 357. 404. 413. 415. 421. 456. 482. 487. 502. grands esprits, 357. médiocres, 375. petits, 142. 265. 357. esprit droit, 448. Eftime, 452. Etablir, 56. Exemple , 93. 230. Expédiens , 287, F. FAVORIS, 55. Faussetés, 282. Fautes, 37. 196. 494. Félicité, 48. Femmes, 131. 204. 20;. 220. 241. 277. 332. 533. 334. 340. 346. 36*- 367. 368. 418. 429. 440. 466. 471. 474- Fermeté, 477.479. Fidelité , 247. 331. 381. Fineffe, 117. 124.- 125. 126. 127. 162. 350. 394. 407- f'atrie, 123. 144. 152. 158. 329. Foibiesse, 120. 130. 316.445. 481. Folie, 207. 209. 210. 231. 300. 31S. 444. Force , 19. 30. 42. 44. 237. Fortune , 1. 52. 53. 60. 61, 154- »*2« 343- 3So' 391. 391. 435. 449. G. GALANTERIE, 73. 100. 402. 499- Générosité, 246, Gloire, 157. 19S. 221. 268. Glorieux , 307. Goüt, 13. 109. 252. 25S. 467. Gotiverner , 151. Grands, 239. Gravité , 257. Grossier , 129. H. HABILETÉ, 59. 199. 20S. 244. 245. 269. 283. a88. 350. 404, Habitude, 426, 482. Haine, 338.  ï6"4 Table Hasard, 57. Héros, 24. 53. iSy. 190. Hommei 43- «7- 104. 436. 437. 489. 493. Honnête homme , 202. 203. 206. 353. Honnête femme, 205. 367. 36S. Honnêteté , 205. Honneur, 270. Honte, 220, 412. 446. Humeur, 7. 17. 45. 47. 6l< ^ 292. 297. 4r4. 435, 48S. Humilité, 254.. 272, 358. Hypocrisie, 218. 233. J. JALOUSIE, 28. 32. 324. 336. 359. 361. Jeunesse, 109. 27r. 341. 49J. 497. Jeunes genJ>. 495- Jugement, 89. 97. 268. 456. 458.' Juftice, 78, r. IMITATION, 230. Incommoder, 242.'Incons* tance, rSt. Indiscrétion , 429. Infidélité , 359. 360, 381. Ingratitude, 14. 96. 226. 299. 306. 317- Injures, 14. Innocence , 465. Intérêt, 39. 40. 66. 85. 171. ,S7. 232. 2J3. 275. 302. 30j. 39°- 486. Intrépidité, 217, L. LARMES, 233. 362. 373. Légéreté, 498. Libé«lité, 167. 263. Louanges, 143. 144.'45- 146. 147. '48. 149. MO. 19S. 237. 320. 356. 432. M. MAGNANIMITÉ, 248. 28;. Mal, 121. 197. 229. 238. 267. 269. 454. 464. Malheur , 49. 50. 61. 183. Mariage, 113. Maux , 19. 22. 264. 3*>. 339- Méchans, 2S4. Médisance, 483, Mé-  des M a x i ai e s. i6,5 fiance, 335. Mémoire-, 89, 313, Mensonge, 63. Méprisable, 312. Mérite, 50. 92. 95. 153. 155. 156. 162. 16J. 166. 273. 279. 291. 379. Faux Ij mérite, 455. Mines, 256. Modération, 17. 18. 293. 308. Mort, 21.23. 26. Mépris de la mort, 'Ij 11. 5°4- ' I N' K NATURE, 365. Naturel, 275. 372. 431. Négociations, 278. Niais, 20S. Noms illustres, 94. Nouveauté, 274. 426. O. OBLIGATIONS, 317. Occasions, 345.453. 454.470. Opiniatreté, 234. 265. Opinions, 13. Orgueil, 33. 34. 35. 36.37.228,239.254. 267. , I 281, 450. 462. 472. P. PARD ONNER, 330. Paresse, 169. 266. 267. 398. 4S2. 487. Parler, 137. 13S. 141. 314. 364. 383. Passions, 5. 6, 7. 8. 9. 10. 11. 12. 122. 188. 266. 276. 334. 341- 404- 4"- 443- 460. 466. 471. 477. 484. 485. 500. Pénétration, 397. 425. Perspective, 104. Persévérance , 177. Peur, 370. PhiIosoph.es et philosophie , 22. 46. 54. 504. Pitié, 264. Plaire, 413. Plaisir. 123. Politesse , 99. Poltronnerie, 215. 370. Préoccupation, 92. Princes, 15. 320. Procédé, 170. Professions, 256. Promesses, 38. Propriétés des hommes, 344, Prudence, 65.  ï66 ' T A B TL 9 Q- QUALITÉS, ip. 83. '159, 162. 2jr. 337. 365. 397- 433- 437. 451. 462. 468. 470. 493. 498. Querelles , 496. R. RAISON, 42. 105. 365. 467. 469. Réconciliation , 82. Reconnoissance, 223. 224. 225 298. 299 438. Regrets,35j. Remèries, 28S. Remèdes de l'amour, 459. Remontrances , 37. Repentir, 1S0. Reproches, 148. Réputation, 268. 412. Richesse, 54. Ridicule, 311. 326. Rompre, 351. S. SAGESSE, 152. 2to. 231. 323. Sensibilité , 27 ji 434. 464. Sentimens , 255. 319. S'étonner, 384. Sévérité, 204. 333. Siience, 79. 137. 138. Simplicité , 289. Sincérité, 62. 316. 383. 457. Société, 87. 201. Sots , 140. 309. 387. 451. 456. Souhaits, 469. Subtilité, 128. T. TALENS, 468. Tempérament, 220. Tiédeur, 341. Timidité , 169. 480. Tort, 3S6. Trahison , 120. 126. Travers, 318. Tromperie, 86. 114, 115. 117. 118. 127. 129. 201. 395. V. VALEUR, 1. 213. 214. 215. 216. 219. 220. 365. Vanité, 137. 200, 232, 388. 3S9. 443, 467.483;  bes Maximes.' 1&7 Vaudevilles, 211. Vérité, 64. 458. Vertus, 1. 25. 171. 1S2. 1S6. 187. 1S9. 200. 218. 253. 489, Vices, 182. 1S6. 187. 1S9. 191. 192. 195. 218. 253. 273. Vie, 46. Vieillesse ,93. 109. 112. 210. 222. 408. 423. 461. Vieillesse de ramout, 430. Vieux foux , 408. 461. Violence , 363. 369. Vivacité, 416. Vogue, 212, Volonté, 30. 29;.  TABLE DES PREMIÈRES PENSÉES. Les chiffres marquent les pensées et non pas les pages. A. A.CTIONS, 51. 99. Adversité, 26. Amans ic6. 109. Amitié, no. 114, Amour, 21. 103, 105. 107. 109. in, 116. nS. Amour - propre, l. 25. 27. 45. 53. 77. 80. 92. Approbation, 44. Aveuglement, 28. B. BEAUTÉ, 88. S9. Bonheur, 15. Bonté, Se. Si, 82. 121. C. COLÈRE, 46. Complexion, 14. Confiance, 83. 84. 86. Connoissances nouvelles, 59. Conseil, 33. 34. Courage, 73. Crimes, 65. 66, d'éclat, 60. Croire, 85. Curiosité, 57. D. DÉFAUTS, 9. 61. 63. 96. Deviner, 101, E. ÉLOQUENCE, 119. 120, Enterremens, 67. Esprit, 32. 87, FAUTES, 168 Table  des premières Pensees. iGj F. FAUTES, 117. Femmes, 54. 68. 104. Férocité, 53. Fidélité , 92- Finesses, 35. Flatteries, 4J. Folie, 38. Fortune, 17. 18. G. 1 GÉNÉROSITÉ, 91. Gloire, 52. Grandes ames, 47. Grands hommes, 52. Grossier, 36. H. ,M HAB ILE, 35. 36. 90. Habileté, 90. 108. Heureux, 17 Hommes, 50. 64. Méchans hommes, 121. Humeur, 13. Humilité, 94. J. JALOUSIE, 10. Jeunesse, 100. Joie, 25, Jolies choses, 32. Jugement," 31. Justice, 22. 23. I. IMITATION, 78. Injustice, 24. Intérêt, 42, 97. Intrépidité, 71. L. LOUANGE , 43. Luxe, 97. M. MAGNANIMITÉ, 93. Mérite fade, 48. Mine», 95. Modération, 3. 4. 5. 6. 8, Modestie, 41, o. ; ORGUEIL , 11, 12, 28. 77. 93. Oubli, 40,, H  170 T A 11 r, E P. PARESSE, 98. ii?. Passions, 2. Perfection , 88. Fersévérance, 58. Petites choses , 14. Philosophes, 50. Politesse , 97. Providence, 70. Ifrudcnce, 20. Q. QUALITÉS bonnes, 96. médiocres, 49, R. RAISON, 29. Reconnoissance, 74- 75 76. 115. Regrets ,79. Repos, 16. Révolution, 87. Rois, jo. S, SAGES, 37. Santé, 39, t02. Secret, 112. Sénèque, 30. Sincérité, 106. Sobnété , 39. T. TROUVER a redire, 7. V. VALEUR, 71. Vanité, 63. Vaudevilles, 69. Vérité, 88. Vertus, 42. 54. 55- ?6. 62. 99. Vices , 42. 62. Victoire , 72, Voleries publiques, 60, Volonté, «9.  TABLE GÉNÉRALE. Les chiffres marqaent les pages. A. A BSENCE, 33. Accent "du pays, 39. 133. 134; Air, 102. Air des différens états , 104. Amelot de la Houssaye , 122. I2&. 128. 134. Amis , 82. Amitié, 92 Amour-propre , 131. Arnaud (le docteuf) 130. de penser et d'écrire : en quoi il con-« siste, 143. 144. D. BEAU, principe et nature du beau, Ijt. Beauté; 89. B elle garde , ( le maréchal de) 133. Belles choses, 89. Bemin, 144. Biens, 101. Boileau, 135. 159. Bonne grace , 104. £on «n* , 93. 94. 96. Bossuet , 122. 129. 144. 149. Bourdaloue, (Ie père) 129. 144. 149. .Bo^e , (M. de) 131. Bravoure romaine. Manière de 1'apprécier, 135. Brotier. (Gabriël) Hommage rendu a ce modeste et savant litterateur Jésuite, p. j. et suiv. dans l'avertissement. Raisons qu'il a eues de donner cette nouvelle édition des Maximes , p. vj. et suiv. de la pré/ace, C. CHAIZE, (le père de la) IJl. Chamillart, 135.1 Charles l", roi d'Angleterre, 133. Cicéron, 130, H ij © é n é r a i e. 17 i  j^a Table 134. 135. Colbert, 151. Complaisanct ; ses hornes, 94. Condé, (le grand) 122. 129. Confiance, 81. 95. Conseils, 147. Conversation, 97. Ses régies, 98. 99, Corneillt, (Ie grand) 116. 120. 122. 144. Coulanges, (monsieur et madame de) 136. Courtisans, 137, Curiosité, (le ballet de la) 127. D. I) ÈP LA1RE , 105. Dèshonntur, 133. Différence des esprits, Sj, 7?oge de Venise, 126. E. t D 1TEUR des maximes données a l'imprimerie royale en 1778, ses défauts, I2t. 122. 12;. 126. 127. 1*8. 135. 146- '47- 149- '50. Edueation, 131. En quoi elle consiste pour les maitres et pour les enfans , 132. Eloquence , 129. Lnfans , 103. 132. 136 Ennui , 127. Epicüts, i 20. Esprit, 85. 86. 87. 88. Bel-esprit, 85. SS. Esprit adroit, 85. Bon esprit, ibid. Esprit utile, 86. Esprit d'affaires , ibid. Esprit enjoué et moqueur, ibid. Esprit plaisant , ibid. Esprit railleur , 87. Esprit fin , ibid. Esprit de feu , ibid. Esprit brillant, ibid. Esprit doux, 88. Esprit de détail , ibid. Producrions d'esprit, 89 Sorte d'esprit, ibid et 95. Variété dans l'esprit, ibid. Caractère de l'esprit, fes changemens, 151. F. FAUX, 100. Fayette, (madame de Ia) 121. 136. 140. tjj. Femmes, 102, 115. Fléchier, 129. 144.  générale. Fontaine , (Ia) ibid. Ses fables , fur 1'homme et ! I son image ,156. Sur les lapins , 157. Francais , (les) leur inclination guerrière, 149. 150. G. GÉN IE i ses qualités propres et particulières , 85. Glorieux, bel emploi de ce mot, 133- Goüt, 90. Goüt faux, ibid. et ioo, 101. Goüt fixe et indépendant, 91. Bon goüt, ibid. Grands (les ) ont peu de pitié, 119. Gutrrt. Mot remarquable sur Iaguerre, 133. Guidi, (le) «3«- M4- H. HOMMES (les) font valoir les rois, 148. Honnétcté, 130. Huei , ni. Humeur, 92. 93- «}*• 145. 154. Bonne humeur, nj. Mélancolique et sanguine, 146. Humiliié, 135. I. IM1TATI0N. Ses défauts, 103. 104. Intérêt, U7. J. JEUNES gens, S6. v L. ƒ LAMBERT, (la marquise de) 133. d'une dame au duc de la Rochefoucault sur ses maximes , 109. Liancourt , (madame du Plessis de) 138 Longuevïlie , ( le jeune duc de) 54. 136. 137. Louis XIV , 148. 149-  37* Table M. MAD EMOISELLE; son goüt et son talent pour les portraits, 115. Manières, 124. MarcAurele, 120. Martinet, (1'abbé) 134. Maximes, observations sur les maximes, 120. Ma^arin , (le cardinal de) 123. 128. Miehei - Ange, 144. Montagne, 125. Montausier, (madame de) 127. Moquerie; ses dangers , 86. Mort, 137. Morts. Honneur qu'on leur rend, 150. N. NATUREL, 103. Neurille, (Ie père de) 132. 144. Ninon de Lendos , 130. P. PAGEOIS, 137. Pascal, 751. Pitié, 119. Plairi, 105. Plutarque , son traité de Ia superstition , 123. Politesse, 95. 98 Excès de poütesse, 152. Préceptes sur 1'art de penser et d'écrire, toujours inférieure aux grands exemples, 143. Premières pensées du duc de Ia Rochefoucault, 59. Observations sur ces peasées, 143. Manière de les étudier, 144. Q. QU1NT1LIEN, 130. R. RA C INE, 135. 144. Raillerie, 87. Raphaèl, 144. Reconnoissance, 132. Ret{, (Ie cardinal de) son  © É N É K A L E. 17,5 » .portrait par le duc de la Rochefoucault, 107. 155. Condamne a tort le duc de la Rochefoucault, 149. Est injuste envers le duc de la Rochefoucault, 159, Richelieu, (Ie cardinal de) |' 129. Ridicule, 133. Rochefoucault, (le duc de la) I 136. Son portrait fair par lui-même, xv et suiv. Ij Par le cardinal de Retz, 116. Observations sur tl ces portraits, 115. 117. 118. Source de soa ' ■ irrésolution , ibid. Sa timirlité , ibid. Sensibilité l et fermeté du duc de la Rochefoucault, 137. ij Sa maladie, sa moit, ibid et suiv. Comment ij il faux étudier ses maximes, 143. 144. Ce que 'ij ses nflexions sont a ses maximes et é ses pre- H mières pensées, 153. Sa manière d'écrire , ibid. Merite de ses maximes, 159. Rohan , (madame de) 155. Rois (les) ne font pas valoir les Ij hommes , 14S. S. h SCIENCES, 102. Secret, 83 Segrais , 127. 13;." 136. Sénèque, 120. 147. Sévigné,( madame de) 138. Siience, 99. Sincérité, 81. Société, 92. Socié'é commode, 94. Distances a observer dans 3a société, 96. Sot, avec beaucoup d'esprit, 89, T. I TACITE, 120. 130. Tempérament, 145. Templet ( 1-e chevalier) Ses pensées sur 1'humeur et Ie tempérament, 146. Sur les conseils, 147. Sur Ile caractère de l'esprit, 151. Sur la conver,. sation , 154. Théoghraitt , iio, Turenne , lil, 136. 14$.  I76 T A B 1, E G É N É B A L E. V. V AU BAN, (le maréchal de) 148. Viülhsse\ 136. V'dUrs, (Ie maréchal de) 128. Virtih, 143. Vokaire, 144. / koninklijke \ l BIBLIOTHEEK ƒ