CONSIDÉRATIONS SUR LE MAGNÉTISME ANItoAL, O u SUR LA THÉORIE DU MONDE ET DES ÉTRES ORGANISÉS, D'après les Principes de M. M E s M E R, Par M. Bergasse. Avec des penfées fur lc Mouvement, par M. Ie. Marquis de Chatellux, del'Académie Francoife. JEquiJfimo animo ad honeflum conjiïmm., per medïam infamiarn , tendam ; nemo mihi videtur pluris ajlimare virtutem, nemo ïlli ejji magis devolus, quam quiboni viri famamperdidit, ne confeientiam perderet. s E N E c . A L A H A Y E. I784.  /-KONINKÜJKE \[ BIBLIOTHEEK ]  AVANT-PROPOS. A Madame la Marquife de B* * Voici 1'Ouvrage que vous m'avez demandé , Madame; il n'eft pas bon» paree qu'on ne fait rien de bon en trois femaines, fur-tout quand il s'agit d ecrire fur des idees nouvelles & de quelque étendue. D'ailleurs je ne 1'ai pas travaillé fans répugnance ; mon goüt m'entraine vers les occupations paifibles, & vous favez que dans la fociété même qui me convient le mieux, tout ce qui a fair d'une difcuffion me rappelle bien vite au filence. Ici, j'ai vu les opinions fe heurter avec une vivacité jufqu'a préfent fans exemple, & le tout a propos d'une découverte qu'il falloit > felon moi, firnplement abandonner a fon fort; certain que fi, comme fon Auteur le prétend 'f A z  4 AVAN T-P R O P O S. & Ci, comme je le crois, elle eft unïverfellement utile , il y a du délire a vouloir en arrêter les progrès, & que fi, comme d'autres Paflurent, elle n'eft qu'une chimère, il y a du délire encore a s'amufer a la combattre. Dans de telles circonftances, on ne peut guère écrire fans fe faire remarquer, & fans fe faire remarquer prefqoe toujours autrement qu'on ne voudroit 1'être i 1'efprit de parti diéte les jugemens, & au moins, tant que dure le choc des opinions , difpofe de la renommée. Cependant, je le fens, il ne m'étoit plus permis de garder le filence; la perfévérance avec laquelle je me fuis occupé de la deftinée d'une doélrine dont je n'ai pu me diffimuler les nombreux avantages, commencoit a donner iieu a des interprétations défavorables pour moi. Déja même, tous ces Ecrivains mercénaires qui, dans leurs triftes Pamphlets,  AVANT-PROPOS. 5 diftribuent la louange ou le blame au gré des hommes qui difpofent de 1'opinion ou de la puiffance, fuppofoient a ma conduite des intentions dignes de la baiïeffe de leur ame, & par une étrange fingularité, j'avois une réputation équivoque , pour ainfi dire , avant que d'avoir une réputation. Vous favez néanmoins combien ont été nobles & purs les motifs qui, dans toute cette affaire, ont déterminé mes démarches; & n'euffé-je travaÜlê que pour une erreur , vous favez fi quelqu'un, quand je voudrai parler , peut faire taire , avec plus d'empire & de fierté que moi, la ealomnie. Vous pouvez montrer mon Ouvrage a M. C. * * * faites-y 1'un & 1'autre les retranchemens que vous croirez convenables, & puis décidez de 1'inftant de fa publication. Ce n'eft pas a vous, Madame, que j'ai befoin d'apprendre combien, en tout ce qui n'intérefle pas efTentiellement la vérité, je tiens peu a A 3  é AVANT-PROPOS. ïna manière de voir, & jufqu>" quel pomtla prudence de mes amis gouverne facilement la mienne. Recevez Murance de mon attachement & de mon refpeft. ft Paris y i j Ocïobre 1784. Nota. Cet Ecrit étant prefque pa.r-t0ut un Ouvrage J rflfonn«n«t, Pour 1'entendre aiftment, il feroit bon d achever la lefture du texte , avant que de parcourir c'eft-a-dire, un hommc qui a rccueilli, qui a comparé beaucoup d'idécs trouvées avant lui, peut entendre un homme de génie qui lui annonce un ordre de vérités nouvelles. L'efprit a fes habitudes comme le cceur & Tefprit ne renonce pas plus a fes habitudes que le cceur. Les habitudes de Tefprit font fes opinions; elles font plus ou moins profondes, felon qu'il les a plus ou moins travaillées, felon qu'elles fe compofent d'une plus ou moins grande quantité d> décs. Une opinion fondcc fur 1'examen & le rapprochement de beaucoup d'objets, une opinion quine peut être ébranlée, fans que, dans latête qui l'arecue,une foulc dopinions fecondaires ne s'ébranlent avec elles, a prefque toujours une force qu'il eft comme impoiifible de détmire. Or les Savans travaillent plus en général leurs opinions que les aurres hommes, & mettent enfemble pour les compofer une  fur le Magnétifme animal. i y plas grande maflc de réflexions & d'idées. Leur efprit a donc des habitudes plus profondes, plus diftkiles a détruire; a 1'apparition d un nouveau fyftême, ils ont donc pour 1'adopter, plus de préjugés a vaincre. II en eft peu parmi eux qui n'opèrent fur la vérité qui leur eft préfentée avec toutes leurs habitudes, c'eft-a-dire, avec tout ce qu'il faudroit abandonner pour bien voir & bien connoïtrc; peu qui ne portent comme involontairement leur opinion dominante dans 1'examen auquel ils fe livrent, a pcu-près comme on mêle fon caractère par-tout, & jufques dans les aciions de la vie ou il devroit fe montrer le moins. L'homme de génie qui veut fe faire comprendre par de tels hommes, a donc plus d'obftacles k furmonter, que lorfqu'il s'a* dreiTe aux hommes ordinaires; il faut qu'il redonne a leur intelligence la foupleiTe qu'elle a perdue par 1'ufage continué qu'ils en ont fait fur un cerrain ordre d'idées, & ce travail n'eft pas facile : car ft on ne refait pas fans peine fon propre efprit, il doit en couter prodigieufement pour refaire celui des autres, fur-tout, pour refaire des efprits qui, garantis par 1'orgueil, apanage orai-  16 Conjïdérauons naire de rhomme qui a beaucoup appris, du fentiment de leur imperfedion, n'éprouvent que rarement le befoin d'une éducation nouvelle. C'eft cncore a tort qu'on fe perfuade que tölérans par fyftême & avides de vérités les favans accueillent fans envie 1'homme de génie qui vierit leur ouvrir dans le ;domaine des fciences, des routes inconnues. Cc ne font pas des ignorans, comme on affccTe de le dire aujourd'hui, mais des favans, mais des hommes en poflcffion dans leur ilècle, ou dans leur pays, de diftribucr 1'eftime publiquc Sc de faire la renommée, qui fe font élevés contre Chriftophe Colomb,annoncant un monde nouveau, contre Copernic publiant le vrai fyftême des cieux, contre Harvée démontrant la circulation du fang. Ce font des favans qui ont crcufé le cachot de Galilée, qui ont dirigé contre Ramus les poignards du fanatifme, qui ont laifle mourir Kepler dans la pauvreté, qui montrant a Defcartes des büchcrs allumés, 1'ont contrahit de fortir de fa retraire pour aller fous un cicl rigoureux chercher une mort prématuréc; ce font des favans qui, dans des terns plus reculés, ont preparé le poifon  fur le Magnétifme animal. if foifon donné a Socrate, & forcé le philofophe de Stagirc a fe fouftraire par un exil volontaire a une deftinée femblable (i). Les ignorans n'ont rien de commun avec tous ces génies privilégiés qui, s'élevantaudelTus des opinions de leurtems, ont commencé pour les flècles a venir d'aurres opinions. Ccux-la feulement ont dü les perfécuter & les ont en effet perfécutés, dont ils ont fatigué 1'orgueil, & qui ayanr obtenu quelque gloire en travaillant fur des idéés anciennemenr recues, ont eu le plus ^rand intéret a faire profcrire les vérités nouvelles dont on leur annoncoit l'exiftence. Qüand un homme de génie paroit dans les fciences, il brife tous les liens de 1'intelligence humaine, Sc la porte lom des bornes dans lefquelles elle fembloit arrêtée. (i) Aux époques des grandes révolutions dans les Sciences, 1'épithète deSavant, de Philofophe , demeure a ceux qui ont combattu pour l'opmion qui eft enfin devenue la dominante ; mais les hommes qui ont attaqué cette opinion dans fa naiffance & perfécuté ceux qui la défendoient, étoient aufli des Savans, des Philofophes, des hommes qui avoient appris une grande partie des erreurs & des vérités avec lefquelles fecompofoit de leur tems le fyftéjne des cor.noiflances husnaines, n  i8 Confidératidns Les favans qui s'occupent autour de ces bornes, & qui ont paiTé leur tems a prouver qu'on ne peut aller au-dela, s'agitent prés de rhomme de génie, & empreiTés de réprimer fon eflbr, ils s'efforcent de le fatiguer dans fa marche. Lui, femblable au monde qui fe meut par une üifaillible loi, avance comme entrainé par une deftinée puiflante, vers le terme de la carrière qu'il lui eft donné de parcourir. La il dépole 1'intelligence humaine, riche d'une grande vérité de plus. Alors il fe forme d'autres favans pour travailler, pour polir cette grande vériré, fur-tout pour planter des bornes autour d'elle. Plufieurs fiècles s'écoulent quelquefois dans cette occupation peu nécclTairc. Enfin un autre homme de génie arrivé qui arrache les bornes, s'empare de nouveau de lïntclligence humaine, & lui fait faire un pas de plus, un de ces pas hardis qui femblent envahir tout 1'efpace, comme les pas des dieux d'Homère. Les favans déconcertés imitent leurs prédéceffeurs; ils crient, ils perfécutent avec le genre de perfécution qui eft en ufage dans le fiècle oii ils vivent, car pour perfécuter il ne faut pas toujours ouvrir des cachots.  fur le Magnétifme animal lp Cependant malgré les clameurs & les perfécutions , rhomme de génie remplit fa tache; rintelligence humaine demeure ou il 1'a placéej la vérité qu'il a trouvée s'établit; Sc bientöt de nouveaux favans vivent a l'entour * difpofés a devenir perfécuteurs comme ceux auxquels ils fuccèdent, fi par hafard encore quelqu'homme extraordinaire vient dans fa marche imporrune troubler le repos ftérile auquel ils s'abandonnent. Voila le tableau que préfente l'hiftoire des progrès de 1'efprit humain. Toujours la philofophie ancienne a perfécuté la philofophie nouvelle, & jamais ceux qu'on appelle Philofophes n'ont été tolérans que pour des opinions qui ne heurtoient pas celles qu'ils avoient adoptées. J'ai donc lu les rapporrs des Commiffaires, &c je n'ai été furpris ni des réfultats qu'ils préfentent, ni des circonftances qui en ont accompagné la publication. II étoit tout naturel que les Commiffaires ne vouluffcnt pas que le Magnétifme1 animal exiftat, Sc qu'ils difpofaffent tout pour que 1'Auteur du Magnétifme animal fut perfecuté. Les CommilTaires auroient B *  %o Confidérations eu, en adoptant cette découverte, trop d'habitudes a détruire, trop d'erreurs a rejetter, trop de chofes a refaire dans le fyftême de leurs connoiflanccs, & par conféquent aufli trop de chofes a refaire dans leur réputation; or quand on a bien ou mal arrangé fa réputation, quand on a déterminé les idéés, les opinions d'après lefquelles on la confervera, n'eft-il pas tout fimple qu'on traite en ennemi celui qui, avec des idéés & des opinions nouvellcs, vient imprudemment 1'ébranler; celui qui, après une tache très-pénible achevée, vient vous propofer une autre tache très-pénible a remplir ï II étoit donc tout naturel que, malgré la réclamation de M. Mefmer, Auteur du Magnétifme animal, réclamation qui cependant étoit de droit public, les Commiffaires allaflent conftater Timportance & l'efricacité du Magnétifme animal chez M. d'Eflon, annoncé par M. Mefmer comme n'en polfédant pas la théorie &c n'en connoiiïant 1'application que d'une manière imparfaite. II étoit donc tout naturel qu'entre les moyens expofés par M. d'Eflon pour conf-  fur le Magnétifme animal. z r tater rimportan.ee & 1'utilité dli Magnétifme animal, les Commiflaires n adoptaffent que les plus foibles, ceux qui, fufceptibles de plus d'une explication, pouvoient préparer a leur gré contre Ie Magnétifme animal, les conféquences dont ils avoient befoin pour le faire profcrire. Ainfi M. d'Ef Ion leur propofoit de conftater, non pas par de fimples effets fouvent équivoques, mais par des guérifons faites fous leurs yeux, l'exiftence du Magnétifme animal'; & ils ont rejetté les guérifons, quoique 1'objet de leur examen fut un nouvcl art de guérir; déclarant très-judicieufcment que les guérifons ne prouvent rien en médccine; ce qui a fait dire a quelqucs hommes de mauvaife humeur, que la médecine & Part de guérir font donc deux feiences qui n'ont rien de commun entr'elles. II étoit donc tout naturel que, pour juger le Magnétifme animal, les Commiflaires fe fiflent expres des régies faufles; qu'ils aifuraflent, par exemple, que rien n'exifte que ce qui peut être faifï par les organes des fens, que ce qui peut être vu, touché, goüté, entendu, fenti, & qu'ils concluffent de ces régies que le Magnétifme animal B 3  2,1 Cönfidérations ne peut exifter, paree qu'ils ne 1'ont ni vu, ni touché, ni goüté, ni entendu, ni feiati; comme s'il n'y avoit pas beaucoup de caufcs phyfiques dans la nature , dont l'exiftence n'eft pas immédiatement conftatée par les organes des fens, mais médiatement par les effets qu'elles produifent comme fi 1'on avoit conftaté autrement que par des effets, la gravité de 1'air qu'aucun fens ne peut appercevoir, & que cependant tous les fens éprouvent a-la-fois ; comme fi 1'on pouvoit voir, goüter, toucher, entendre, fentir le fluide Magnétique minéral, dont les effets font cependant fi certains & t'a&ion fi prodigïeufe. II étoit donc tout naturel que pour arriver a cette étonnante propofition, que le Magnétifme animal n'eft dans fes effets que le produit de 1'imagination , de 1'imitation (i), on évitat foigneufement toutes les expériences qui pouvoient démontrer l'exiftence d'une propofition contraire \ (2) Si on avoit dit que 1'imitation eft le produit & non la caufe du Magnétifme animal, que Timagination Duit fouvent & ne fert prefque jamais a 1'effet du Magnétifme anima!, on auroit dit une chofe vraie, comme on le verra dans la fuite.  furie Magnétifme animal. 15 qu'inftruits, par exemplc, par le bruit public qu'il y avoit a la campagne, aupres de Paris, un traitement fous des arbres maffriétiies, oü beaucoup de maux extérieurs, beaucoup de maux fur lefquels 1'imagination & 1'imitation ne peuvent rien, comme des ulcères, des paralyfies, des épilepfies anciennes, des cécités, des rachitifmes avoient été guéris, les Commiflaires s'abftinffent d'aller vérifier ces faits intéreffans; qu inftruits encore par le bruit pubhc que des animaux malades foumis au traitement Magnétique, avoient recouvré par ce traitement une fanté parfaite, ils ne fiflent aucun effai fur les animaux. Tout cela auroit trop dérangé le fyftême de 1'imagination &C de 1'imitation i & pour attribuer les phenomènes du Magnétifme a ces deux facultés il convenoit de ne recueillir que des effets peu caraftérifés, qu'on put faire dependre, en ufant de quelqu'adreffe, de la caufe qu'on jugeroit a propos de choifir. II étoit donc tout naturel qu'apres avoir interrogé M. d'Eflon , les Commiflaires allaflent interroger, non pas M. Mefmer, mais M. Jumelin, & qu'ayant recueilli ce que pouvoient dire & faire M. Jumdin B 4  *4 Confidérations & M. d'Eflon, ils annoncaffcnt au publir qu'ils avoient jugé M. Mefmer, quoiqu'ife ne 1 cuifent pas entendu, & que fa doOrinc etoit une chimère, quoiqu'ils n'en fuflent pas inftruirs. H étoit donc tout naturel que, pour rendre un tel jugement irrévocable, un M. Thouret préparat 1'opinion par un ouvrage tjm avec une mauvaïfe foi fimple & mo* dfftc (3), par un ouvrage ou, pour mieux ieduire, routes les aflertions portent le caraftère fcrupuleux du «foute, oii tous les doutes ont pour objet d'enlever a M. Mefmer jufqu'a- ia gloire d>avoir ^ grande erreur, car aux yeax du vulgaire une grande erreur eft encore une grande chofe , & il importoit fur-tout de faire croire que 1'homme dont on méditoit le facrmce, n'étoit qu'une vidtimc ordinaire. II étoit donc tout naturel que les rapports des Commiflaires fuflent rédigés de manière qu'ils conduififfent k des réfultats effrayans f de manière qu'en aflurant que le Magnétifme animal n'exifte pas , ils (3) On faura dans peu k quoi s'en tenir fur le compte de M. Thouret.  fur le Magnétifme animal. %\ puflent dire que les procédés qifon met en oeuvre pour le produire font fi dangereux, qu'il eft impoflïble qu'ils n'aient pas des conféquences funeftes, non-feulement pour les générations préfentcs, mais même pour les générations futurcs. Par-la, on alarmoit 1'autorité, on la forcoit en quelque forte de févir contre PAuteur de la découverte & contre ceux qui, ayant imprudemment recucilli fes lecons, s'occupoient de les mettre en pratique. Par-la, on fauvoit 1'honneur des Commiflaires, en étouffant tout-a-coup, avec la découvcrte , les réclamations auxquelles leur conduite fuififamment examinée, pouvoit donner lieu. II éroit donc tout naturel que, tandis qu'on répandoit avec une incroyablc profufion les rapports des Commiflaires, chez toutes les nations de 1'Europe (4), M. Mefmer ne put que difficilcment, & par des voies détournées, faire parvenir, dans les Provinces & chez PEtranger, les écrits qui devoicnt y opérer fa juftification5 que tandis (4 ) On aflure qu'il eft forti des prefles des 1'Imprimerie Royale plus de vingt mille exemplaires des Rapports des Commiflaires,  z6 Confidérations qu'a propos de ces rapports, les papiers publics retentiflbient contre M. Mefmer des plus noires calomnies, M. Mefmer n'eüt pas la liberté de faire inférer dans les papiers publics, une ligne pour fa défenfc; que par une précaution bien digne de ce fiècle de lumière Sc de philofophie, Sc très-propre a hater l'effet qu'on vouloit produire, tandis qu'un Journal (j) annoncoit hautement qu'il recevroit avec la plus grande impartialité toutes les lettres qu'on lui écriroit fur M. Mefmer, Sc toutes les réponfes que M. Mefmer feroit a ces lettres, fecrertement les Auteurs de ce même Journal refufaflent les réponfes de M. Mefmer aux articles calomnicux qu'ils imprimoient tous les jours contre lui. Ainfi le public qui ne connohfoit pas ces prudentes manoeuvres, jugeoit M. Mefmer par fon filence, Sc le croyoit coupable, paree qu'étant accufé, avec la liberté apparente de répondre, il ne répondoit pas. Enfin, il étoit donc tont naturel que les moyens étant pris pour étouffer les réclamations de M. Mefmer & de fes Difciples, ( 5 ) Le Journal de Paris.  fur le Magnétifme animal zy JvL Bailly, dans une affemblée publique de 1'Académie des Sciences , annoncat au monde favant, avec toute la dignité de fon ftyle, le travail des Commiflaires fes Confrères , comme une vi&oire que la Philofophie venoit de remporter fur la fuperftition j qu'il traitat le Magnétifme animal avec ce mépris qu'on a pour les vieilles opinions qui font paffées de mode ; qu'il annoncat prefquc la mort civile de 1'Auteur de cette importante découverte, & des hommes qui fe font occupés de la développer avec lui, femblable tout a la fois & a ces politiques finguliers, qui font tuer, dans les Gazettes , les Généraux dont ils ont peur, & a ces Guerriers prudens qui dénent leur ennemi quand ils le voyentdans les fers. Tout cela n'étoit pas très-moral; mais tout cela étoit très-naturel. Le champ des fciences reffemble au fol de la Sicile , qui ne doit fa richeffe & fa fcrtilité qu'aux agitations du volcan qui brüle dans fon fein. II fout qu'a de certaines époques, ce champ fe bouleverfe fous les pas de ceux qui le cultivent; il fout que le génie , comme 1'Ethna, travaille puilfamment &z parmides  Confidérations fecoufiès profondcs les germes mcontms que ce champ récèle, & que pour le parer d'une fécondité nouvelle, il sème pendant quclques inftans fur fa furface défolée, le défordre, la tempête & la nuit. Mais 'les Patres de la Sicile voyent-ils fans murmurer leurs paifibles demcures ravagées, leurs riches moiflbns envahies par les torreas enflammés ,de 1'Ethna; & quand un hommc de génie vient ébranler dans le champ des Sciences une grande malTe d'idées, je le repète, pourquoi veut-on que les hommes qui vivent en repos fur cette maffe, demeurent fpeftareurs indifférens du bouleverfement qu'il produit.? Pourquoi veut-on qu'ils contemplent d'un ceil fee leurs mafures philofophiques chancelantes fur leurs bafes entr'ouvertes ï Pourquoi verroienr-ils avec indifférence la terre qui les a nourris, après de vives agitations, fe couvrir tout-a-' coup de plantes inconnues qui ne peuvenc devenir leur pature ? Sans doute on ne réfifte pas plus au génie qu'a la nature. Tous les deux font puiflans comme la néceffité j mais ü ces hommes croyent avoir un moyen d'arrêter le génie, quelque foit ce moyen, exenfés par 1'inftincl; de leur confervation,'  fur le Magnétifme animal. zp pourquoi craindroient-ils d'en Faire ufage ? Eft-on jamais coupablc en défendant fes foyers ? Et qu'eft-ce qui ne pardonne pas, méme un crime , au pauvre dont on vient d'envahir ia chaumièrc ? Je bornela mes réfléxions ïiir les rapports des Commiflaires; je n'en parlerai plus dans eet ouvrage, du moins d'une manière ex* prefle. Cependant lorfqu'on m'aura lu', je crois qu'on trouvera que je les ai réfutés. Je ne parlerai pas égalemenr des brochures qui ont précédé, accompagné ou fuivi les rapports des Commiflaires. Ces brochures n'ajoutent aux rapports que des injures, & je n'ai pas le tems de répondre aux injures. Je dirai trois chofes: 1°. Que le Magnétifme animal exifte, Sc 3. je prouverai, je crois, d'une manière incon- DiYif»°n «fe n 1 t .a cetOuvrage. teftable, qu il exifte. z°. Que le Magnétifme animal doit opérerdans nos idees Sc même dans nos mceurs, dans queiques - uncs de nos inftitutions, comme dans nos fciences, une révolution favorable a 1'humanité, Sc j'eflayerai de donner la mefure de cette révolution. . 30. Que l'exiftence Sc 1'utilitc du Magnc-  50 Confidérations tifme animal peuvent être démontrées phy- fiquement, &c j'expóferai les moyens qu'il faut employer pour parvenir a cette dé- monftration. Avant tout, il faut qu'on fache pourquoi j'écris. 4. Je luis 1'Auteur de la foufcription ouverte Motife qui pour aiïurer a M. Mefmer le fort auquel iie publier, il a le droit de prétendre , s'il eft vrai qu'il ait fait une découverte urile a 1'humanité (6); j'ai contribué avec un petit nombre (6) J'ai cru que perfonne n'avoit le droit de demander a M. Mefmer fa découverte , fans acquitter envers lui la dette de 1'humanité , & il m'a paru que dans les circonftances oü il fe trouvoit, je devois d'autant plus penfer ainfi, que fa découverte 1'expofant a beaucoup de haines & de perfécutions, ne pouvoit que lui préparer une deftinée malheureufe. Et voila ce qui m'a déterminé a former avec quel-ques perfonnes(M. le Comte de Chaftenet Puyfégur; M. le Comte Maxime de Puyfégur, M. le Bailli des Barres, le Père Gerard, Supérieur général de la Charité, & M, Kornmann qui m'en a le premier fuggéré 1'idée) la Soufcription dont je parle ici. II faut dire un mot des étranges caloinnies auxquelles cette Soufcription a donné lieu. S'il falloit en croire les rédacteurs des Journaux & des papiers publics, M. Mefmer , au moyen de fa Soufcription , gagqoit au moins tous les mais cent,  fur le Magnétifme animal. 31 d'hommes qui, ainfi que moi, ont éprouvé les effets bienfaifans de fa découverte, a mille écus qu'il faifoit paffer en Allemagne , & non content de ces bénéfices immenfes, il expédioit des émiffaires dans les Provinces Sc chez les Nations étrangères pour multiplier au loin fes dupes. Le fait eft que tous les millions gagnés par M. Mefmer ont été remis dans les mains de M. d'Harvelay, & conftitués en rentes viagères au Tréfor Royal. Le fait eft, que parmi les Elèves formés par M. Mefmer, il y en a environ cent feulement formés a Paris qui lui ont payé le prix fixé pour la Soufcription, & qui ont en conféquence recu de lui des reconnoiffances : ce qu'ont payé les deux eens autres dans les Provinces , fe réduit a des contributions volontaires , lefquelles ont été employees fur les lieux, de 1'ordre expres de M. Mefmer, a des eeuvres de bienfaifance. Le fait eft que les émiffaires qui fe font occupés, dans les Provinces & dans 1'Etranger, de favorifer , lorfque leurs affaires le leur ont permis, la propagation du Magnétifme animal, font en France , en Italië, en Amérique, M. le Marquis de la Fayette, M. le Bailly des Barres, M. le Comte de Chattenet Puyfégur, M. le Comte Maxime de Puyfégur, M. Ie Marquis de Puyfégur, M. le Marquis de Tiffard, M. le Comte d'Avaux, M. 1'Abbé de P...., Corueiller aa Parlement de Bordeaux, M. Duval d'Efpremenil, Confeiller au Parlement de Paris, &c. Sec. &c., tous gens f comme 1'on voit, on ne peut pas mieux choifis pour faire des dupes. On n'a pas manqué d'ajouter qu'il a'étoit pas poftible  3* ConfidêratïonS formcr la fociété a&uellement très-nom- brcufe, qui soccupe , non-fculcment en que je demeuraffe défintéreffé dans une fi belle fpéculation , & je fais que dans plus d'une cotterie littéraire cn s'eft efforcé d'accréditer cette opinion. Le fait eft, qu'un de mes frères , Négociant a Marfèille & rnoi, nous avons vouiu payer les premiers le prix de la Soufcription. Le fait eft que M. Mefmer, ïmpatient de former des Elèves, n'ayant pas cru devoir attendre que le nombre de cent Soufcripteurs que j'avois déterminé pour obtenir la révélation de fa doctrine fut complet, & defirant la faire connoitre a quelques perfonnes qui lui étoient demeurées ndèles après la défeétion de M. d'Eflon; mon frère & moi avec MM. le Comte deChaftenet Puyfégur, le Comte Ma^ xime de Puyfégur, Kornmann, le Pere Gerard, Bouvier, aéruellemsnt Médecin a V on fent que cette nature étant par tout plus ou moins diflemblable , il ne doit fe mouvoir dans chaque être que conformément a fon économie particulièrc. Des organifations dffé rentes, le modifieront donc différemment. Une même organifation, fuivant les changemens qu'elle fubira, ne le modiflera donc pas toujours d'une manière égale. Les êtres d'une même cfpèce, & ceux qui dans la même efpèce ont plus de reflemblance dans leur conftimtion , cxerceront donc réciproquement, les uns fur les au-  fur le Magnétifme anïmal. 51 trés, unc acfion plus profondc , plus puifünte & plus étenduc. Car les êtres d'unc même efpèce, & ceux qui dans leur efpèce font très-analogucs, -doivent afFeder, travailler de la même manière le milieu dans lequel ils font piongés & qui les pénètre en tous fens; ils doivent donc fe renvoyer mutuellement les mêmcs impreffions, & le fluide qu'ils recoivent étant modifié d'une facon toute fcmblable , doit potter dans leur conftitution phyfiqae les mêmes habitudes. De-la, ce phénomène de 1'imitation qu'il x r ne falloit pas décrire avec autant de pompe De r.mitaque 1'a fait le Rédadeur du travail de 1'Aca- £° pourquoi la haine, la colère , la peur font des pafTions contagieufes qui fe communiquent avec une rapidité qui tient quclquefpis du prodige. Peut-être on auroit compris pourquoi, par exemple, lorfque vous entrez dans une aflcmblée oü tout cft compofé pour 1'indignation , a moins que vous n'arrêtiez l'aótion de la nature par une volonté déterminéc (9), vous fentez comme malgrévous, (8) II s'agit ici des réfultats qui appartiennent a 1'efpèce & qui fe trouvent jufques dans les variétés qu'offrent les individus. ( 9 ) Ici, qu'il foit permis de dire combien c'eft a tort qu'on accufe le fyftême de M. Mefmer de condnire au matérialifme. Si ce fyitême nous apprend mieux qu'un autre ï'empire de la nature fur 1'homme, mieux qu'un autre aufli, il nous apprend Ï'empire de Thomme  fur le Magnétifme animal. 53 votrc organifation fe compofer auffi pour le même fcntiment; pourquoi, lorfque fortant de cette aflemb-lée, vous entrez dans une fociété de gens modérés, vous fentez encore, comme malgré vous, votre organifation s'appaifer & fe compofer pour des arrcêtions tranquilles. Peut-être on auroit compris pourquoi la douleur.d'autrui nous afteefe phyfiquemcnt; pourquoi, fi nous fommes délicatement conftitués, toutes les fenfations qu'éprouve un être malade en notre préfence, nous les éprouvons quelquefois prefque comme lui j pourquoi la pitié nous donne tous les maux que nous voyons fouffrir a nos femblables: pourquoi elle eft plus adtive, plus involontaire dans 1'hommc qui réfléchit pcu , qui n'a pas altéré les difpofitions naturelles de fon organifation, que dans rhomme qui fur la nature ; mieux qu'un autre, il nous fait connoltre Ï'empire de notre volonté fur nous-mêmes & fur tout ce qui nous envirenne, volonté dont il nous fera toujours impoflible de concevoir 1'exiftence dans le fyftême du matérialifme, & qui démontre fi bien,. fimplement paree qu'elle exifte , qu'au-dela de ce que nous appercevons il eft un ordre moral, principe & générateur de 1'ordre phyfique qui fe déploie fous nos yeux. D 4  5"4 Confidérations a forcé fon organifation a fubir le travaii de fon efprit & de fa volonté. Peut-être on auroit compris pourquoi les hommes d'une même fociété font difpofés a reccvoir, comme involontairement, les mêmcs opinions, les mêmes préjugés, a contractei- les mêmcs habitudes; pourquoi des hommes réunis ont toujours moins de force d'efprit, des penfées moins originales, un caracfère moins décidé que des hommes ifolés; pourquoi 1'homme qui a long-tems vécu dans la folitude , qui a de très-bonne heure difpofé fon organifation, pour reccvoir 1'aclion de tous les grands objets de la nature, qui n'a jamais été modifié que par des fenfations puiffantcs & profondes , pourquoi eet homme , au milieu du monde, demcure plus qu'un autre , étranger aux impreffions que le monde raffemble, prefque toujours malheureux de fa force &: foufFrant de fon génie. Ce jeu, fi varié, h* étonnant, des organifations les unes fur les autres j ce jeu, au moven duquel la nature départ a chaque individu les modifications qui conviennent a fa confervation & a fon développement, avec lequel elle prépare a chaque efpèce  furie Magnétifme animal les habitudes qu'U lui faut pour qu'elle s'entreticnne&fe perpétue; ce jeu, qu'ilcftbien furprenant qu'on n'ait pas obfervé d'avantage, & qu'on n'obferveaujourd'hui prcfque pour la première fois , que comme un effet indifférent, dont il eft a-peu-près inutile de rechcrcher la caufe ; ce jeu alors auroit pcut-être donné lieu a des réflexions aufll neuves qu'intéreffantcs, &: en ctudiant fes immenfes réfultats, on n'auroit pas vu fins admiration qu'il n'cft que Ys#& infiniment fimple d'une caufe infiniment fimple aufïï, mais iafiniment puiflfantc par fa fimplicité. C'eft toujours ce fluide, ce milieu avec lequel la nature fait tout, qui fc trouvant femblablement ou diverfement modifié, en raifon de 1'analogie ou de la différencc des organifations dans lcfquelles il eft recu, opère les phénomèncs fi nombreux, que dans leur aétion riciproque , ces organifations offrent a notre curiofki. Scmblablement modifié , ce fluide produit des phénomènes femblables ; il difpofc les êtres a 1'imitation ; diverfement modifié, ce fluide produit des phénomènesdifférens,quelquefois oppofés 5 il difpofe les êtres de maniere a ce qu'iis ne s'imitent pas, quelquefois de ma- D 4  'j 6 Cónfidérations nièreace qu'ilsfe contrarient. Mais comme la nature veuteflentiellement 1'ordre & fharmonic , comme en général tous les fluides tendent a fe mettre en équilibre , comme troublés par pluficurs mouvemens , 'ils finiffent par fe compofer pour un feul, en général auïïl , le fluide univerfel fe compofant pour une adion commune, tend toujours a mettre les êtres animés, comme tous les autres êtres s dans une relation uniforme entre eux , & quclquc foit d'abord leur peu de correfpondance, les difpofe infenfiblcment pour les mêmcs impreffions-. Donc enfin, & en quatrième lieu, quoique tous les êtres agiffent les uns fur les autres, quoiqu'il's aient tous les mêmes propriétés pour agir , ccpendant ils s'afFecfent avec d'autant plus d'intenfité qu'ils ont plus ou moins d'analogie entre eux , ou, ce qui eft la même chofe, qu'il y a une reffemblance aduelle plus ou moins cxade, entre leurs organifations. ix. Maintcnant, qu'eft-ce que prétend MonQueieMa- ficm Mefmcr > gnommcuni- c"felar"nM' ^U 11 CXifte entre tOUS leS COrPS » qiU' *~C Mefmer n'eft meuvent dans Tcfpace , une adion récipro- autre chofa * r que i-aftion que , la plus. generale de toutes les adions Confervatri- , , cedetousies de la nature.  fur le Magnétifme animal. 57 Que ccttc adion conftitue 1'infiuencc ou e^raegsn'ét^e le Magnétifme univerfel de tous les êtres XT^^t , qui reiul les entr eux. ?tres anime's Que cc Magnétifme univerfel eft exercé au moyen d'un milieu qui rccoit & communique les impreffions de tous les êtres. terter r«dfQue cc milieu ne peut être & n'eft en doubie Ma- , r 1 •, gnétifme, & effet qu'un fluide eminemment lubtil. q„e ia vraie Que le Magnétifme univerfel, paree qu'il doit réfulter eft la plus générale de toutes les acfions de ^"""1^" la nature, eft néceflairement 1'action par &*ti'«m. laquclle la nature modifié toutes les propriétés, entretient, difpofe , développe & confervc tous les êtres. Qu'il n'eft aucun être qui puiffc fe fouftraire a 1'adion du Magnétifme univerfel, paree qu'il n'eft aucun être dans 1'univcrs indépendant des loix auxquelles 1'univers eft foumis. Que tous les êtres obéiffent de la même manièrc au Magnétifme univerfel, qu'ils ont tous une même propriété pour y obéir, que cette propriété s exerce au moyen de póles femblables a ccux de 1'aimant par les effets qu'ils produifent. Que tous les êtres obéiflans au Magnétifme univerfel, agiflent les-uns fur les au-  5" 8 Confidérations tres avec d'autant plus d'énergie, qu'ils font plus analogues cntr'cux. Que puifque c'eft par le Magnétifme que tous les étres font confervés, que puifqu'ils agilfent magnétiquement les uns fur les autres avec d'autant plus d'énergie qu'ils font plus analogues, c'eft en étudiant les loix du Magnétifme & de leur analogie, qu'on peut trouver les loix de leur confervation, qu'on peut déterminer avec quclque certitude les moyens qu'il convient de mettre cn oeuvre pour les rétablir , lorfque leur organifation eft altérée. Que de cctte étude feulement doit réfulter, & réfulte en effet, le véritablc art de guérir, art jufqu'a préfent fi conje&ural, & de 1'aveu du petit nombre d'hommes de génie qui s'cn font occupés, dans les mains de la plupart de ceux qui 1'cxercent, art prefque toujours fi funefte. Or, je le demande, eft -il une fcule de ces propofitions dont on puilfe me contefter la vérité? & fi elles font vraies, n'ai-je pas démontré que le Magnétifme animal exifte ? car qu'eft-ce que le Magnétifme animal > pas autre chofe, que la faculté d'obéir a Tachon du Magnétifme univerfel, que ia  fur le Magnétifme animal. ^ fufceptibilité de 1'acïion du Magnétifme univerfel, confidérée dans les êtres animés-, maas comment s'y prendroit-on, après ce qu'on vicnt de lire, pour me prouver que cette facuité, que cctte fufceptibilité n'cxifte pas dans les êtres animés? Comment s'y prendroit-on pour me prouver que ce n'eft pas au moyen de cette facuité que ces êtres fe développent & fe confervent; Comment enfin s'y prendroit-on pour me prouver que c'eft hors des loix qui confervent les êtres animés, qu'il faut aller chercher les principes qui doivent conftitucr 1'art de les préfervcr ou de les rétablir ? Et cependant tout ce que j'ai dit, eft infiniment loin de tout cc que je pourrois dire; & a chaque pas, pour ainfi dire, j'ai été obligé de m'arrêter, pour ne pas aller audela des bornes que je me fuis prefcrites. Mais au moins voit-on combicn la doctrine de M. Mefmer a été jufqu'a préfent défigurée, quelle eft 1'immenfité des idéés qu'elle embraffe, & comme eft profonde &: toujours fimplc & toujours vraie la manière dont il les enchaine.  6q Confidérations §• i I. 13. Je ne parlerai point ici de Ia révolution Quekcrc- qu'opérera dans tout le fyftême de nos con- ©ouverre du J Magnétifme noiflances phvfiques, la découverte du Ma«d'unema- gnetifine animal & Ia doctrine qui réfulte gcufe far de cette découverte. On fent qu'une doc- rhoinmc . . . , . confidéré tn- tnne qui a pour objct la theorie du monde, ment & dttts & la connoiffance des rapports de 1'éconodöfc ü~ mie particulière de 1'homme avec 1'économïe générale de tous les êtres, qui démontre non-feulement Ia vérité de ces rapports, mais qui en fait appercevoir Ie moyen, le méchanifme, fi je peux me fertïr de ce mot, qui lie tout dans 1'univers par 1'adtion d'une feule loi, &: qui prouve rexiftcnce & de cette loi & de 1'action qu'elle produit jon fent qu'une telle doctrine doit opérer dans les régions encorc trop peu connues de Ia haute phyfique, une révolution profonde; que cette révolution nc peut être opérée , que d'autres appercus y d'autres explications ne nous foient donnces, que nous n'ayons d'autres obfervatïons a faire fur cette multitude de phénomènes que confidère la phyfique particuliere i & qu'ainfi par le mouvement d'une  fur le Marnétifme anïmal 6t feule idéé, tout doit prendre dans le domaine des fciences naturelles une forme plus riche , plus heureufe & plus grande que celle que nous y avons jufqu'a préfcnt remarquée. Mais il n'eft pas encorc tems de pariet de toutes ces chofes; c'eft de 1'homme êc des hommes que je veux fpécialement m'occuper ici. Je veux voir fi en effét par rapport a 1'homme confidéré d'une manière individuclle , & par rapport aux hommes confidérés dans 1'état adtucl de la fociété, la doctrine du Magnétifme animal n'eft pas une doctrine bienfaifante, fi dans 1'ordre moral elle eft dangereufe, comme on Ta dit quelqucfois, & fi elle ne 1'eft pas, quels font les avantages qu'il faut en attendrc. Paree que tous les êtres agiflent les uns 14. fur les autres & qu'ils fe modifient entr'euxj cs0unrf|dh?^^ paree que de la connoiflance de la loi qui {r'™i:eUe^ les modifié, réfulte la connoiflance des loix qui lesdéveloppent & qui les confervent, on doit voir que le fyftême qui nous fait appercevoir jufques dans fes derniers détails 1'adtion réciproque de tous les êtres, &: qui nous montre le produit de cette adtion, ne peut qu'influer de la manière  é'z Confidérations Ia plus utile fur les principes d'après lef- qucls notre économie particuliere doit être gouvernée. i^- On a beaucoup voulu, depuis 1'Auteur Ie r7fcrme d'£milc > introduire une réforme dans les ci^eV'phyl- PrinciPes phyfiques de notre éducation. On ques de fon a très-bien compris qu'une organifation ma- éducation, . , lade, & dont le developpemcnt eft troublé a chaque inftant, ou par quelque vice intérieur ou par des caufes extérieures fans ccife agiifantes pour la gêner & la contraindre, ne doit préparer que trop fouvent a celui qui en eft malheureufement doué, des habitudes funeftes, & qu'il y a prefque toujours une différence prodigieufe entre le caraélcre d'un homme croiffant fous 1'action puiflante, harmomeufe & tranquillc de la nature, & le caracfère de celui qui n'obéit que d'une manière imparfaite a cette act ion. Mais pour opérer, avec quelque profondeur &r fur-tout quelque durée, la réforme intérelTantc dont a parlé Roufteau, ce n'étoit pas afiez de faire fentir la néceflité de refpecler 1'adtion de Ia nature fur le développement de nos facultés phyfiques; il falloit encore faire connoïtre la manière dont  fur le Magnétifme anbnal. 65 s'exerce cette action, les moyens de la fortifier, de la diriger même dans quelques circonftances, &: den varier comme d'en calculer les réfultats. Nous n'appartcnons prefque plus a Ia nature. Toutes ces affcclions, toutes ces paffions que la fociété nous donne; ces préjugés mêmcs, ces opinions, ces coutumes auxquellcs elle nous affervit j ces loix de toute efpèce avec lcfquelles en contraignant l'impétuoiité de nos penchans, elle les deprave prefque toujoursj ces arts qui font fon ouvrage, & qui portant a 1'ame des jouiffances trop multipliées, fatiguent, altèrent en mille manières notre fenfibilité encore plus qu'ils ne la dévcloppent & ne la fatisfontj ces tourmens de 1'cfpérance & de la crainte, fléaux ordinaires de tous les hommes qui mènent la vie fociale ; ces habitudes ou fauffes ou trop profondes, que donnent 1'ambition, le chagrin , 1'inquiétude long-tems prolongée, la contention d'efprit quelque puilfe en être 1'objet j cette divcrfité dans la manière de vivre , felon 1'aifmce, les befoins, les caprices de chacun, toutes ces chofes doivent travaiiler en mille manières les organifations humaines,  e'4 Confidérations & après un intervalle de tcms plus ou moins long les dépouiller en grande partie de leur premier caraétère. Paree qu'il y a une rclation très-intime entre notre manière d'être morale, & notre manière d'être phyfique; paree qu'il n'eft aucun mouvement dans notre ame, auquel ne correfponde un mouvement dans notre corps, & que 1'eftct néceffaire du mouvement, comme on le fait, eft toujours d'opérer une modification dans les corps; on concoit qu'il n'eft pas poffiblc qu'il exifte maintenant une feule organifation qui ne foit plus ou moins altérée; on concoit que 1'cnfant qui nait aujourd'hui appartenant a une organifation modifiée depuis plufieurs fièclespar les habitudes que donnent les évènemens qui fe fuccèdcnt dans 1'ordrc ordinaire de la fociété, doit toujours por ter en lui des germes de dépravation plus ou moins confidérablcs. Ce fcra donc, agir avec fagcffe, fi 1'on vcut, que de foumettre 1'enfant dans le développcment de fes facultés., a la fimple aétion de la nature, & de faire enforte que les a&ions particulieres des individus de fon efpèce avec lcfqucls il eft en relation, nc troublent pas cette acfion bienfaifante. Ainfi  fur le Magnétifme animal. 6$ Ainfi on n'ajoutera pas aux vices de fa con£ titution primirive, les vices accidentels qu'une fauffe éducation peut lui donnen Mais cela fuffit-il aujourd'hui ? la nature n'a pu faire entrer dans fon plan toutes les erreurs auxquelles notre volonté mal dirigée dans 1'état focial a pu donner lieü, & fi par 1'efFet de ces erreurs, nous ne fommes plus même en naiffant, ce que nous devons être, la nature eft-elle toujours affez puiffante pour rétablir le fyftême de nos facultés dans 1'ordre qui convient lc mieux? Non fans doute ; & que faut-il faire alors ï ajouter, s'il eft poflible, une force étrangère a eelle de la nature, ou plutöt doubler, s'il eft poflible, 1'énergie de la nature clle-même, Sc faire enforte que fon action devienne affez pénétrante pour qu'elle puiffe s'exercer jufques fur les vices les plus cachés, les plus imperceptibles de 1'organifarion qui lui eft foumife. Or, fi la doctrine du Magnétifme animal eft vraie, fi 1'on connoit en effet les loix d'après lefquelles la nature nous conferve , 11 on peut difpofer une organifation quelconque, de manière a ce qu'elle en reffente plus profondément 1'heureufe influence, ne  66 Confidérations voit-on pas combien la doctrine du Magnétifme animal peut dëvenït avantagcefe dans le premier dévcloppcmcnt de 1'enfancc, dans le méchaniline, fi je pcux me fèrvif de ce terme, de notre première éducation. Puifque tous les êtres font modinés par 1'adtion réciproque qu'ils exercent entr'eux, puifque le moyen de cette adion eft tift fluide, & que ce fluiHë acquiert divers caradlères de mouvement fclon les diverfes organifations qu'il traverfe , puifque ce fluide opère toutes les fenfations & produit tous les développcmcns : en raffèmblant autöur de 1'organifation d'un enfant, des organifations propres a n'agir fur lui que d'une manière favorable , en augmentant le jeu de ces organifations fur la flcnne , en difpofant la fienne, plus encore que ne ra fait la nature, a reccvoir 1'influence de toutes les organifations avec lcfquelles on la fera correfpondre, il fera donc poflible, quelque altérée qu'elle puiffe être, de la délivrer quelquefois abfolumcnt, toujours en grande partie, des vices qui la dépravent. On fait déja, &z indépendamment de la dodlrine du Magnétifme animal, que toutes les circonftanccs phyfiques ne font pas les  fur le Magnétifme animal. 6j mêmcs pour le développcment des facultés d'un enfant. Ce n'eft pas la menie chofe que de faire vivre un enfant a la ville ou a la campagne (xo); a la campagne mcme , ce ( io) Voici comment j'exprimols, il y a environ dijc ans, dans un Ellai fur 1'Education . qua mauvaife fanu ne me pcrmit pas d'achever alors , & que je me propofede refondre dans un autre Ouvrage , 1'inflnence que la vie thampètre exerce fur nos habitudes morales. o Nous avons tousun goüt naturel pour la vie cham» pêtre. Loin du tracas des villes & des jouiflances fac» tices que leur vaine & tumuhueufe fociété peut offrir, j> avec quelle fatistaftion nous allons y refpirer 1'air de » la fanté, de la liberté, de la paix. » Une fcène fe prépare plus intérefTante mille fois « que toutes celles que Part invente a grands frais pour » vous amufer ou vous diftraire. Du fommet de la j) montagne qui borne 1'horifon, 1'aftre du jour s'élance » brillant de tous fes feux. Le filence de la nuit n'eft » encore interrompu qsie par le chant plaintif & tenJie 3) du roflïgnol, ou le zéphir leger qui murmure dans le » feuillage , ou le bruit confus du ruiileau qui roule n dans la prairie fes eaux étincelantes, Voyrz-vous ces » collines fe dépouiller par degrés du voile de pourpre 3) qui les recèle, ces moiftons mollerrent agitées fe balan3> eer au loin fous des nuances incertaines , ces chateaux, » ces bois , ces chaum'ere ;, bifarrement groupés , s'é53 lever du fein des vapeurs , ou fe defiiner en traits n ondoyans dans le vague azuré des airs. L'homme des E 2  68 Confidérations n'eft pas la même chofe que de réiever dans un lieu oü il n'éprouvera que des impref- « champs s'éveille. Tandis que fa robufte compagne fait i> couler dans une urne groflïère le lait de vos trou» peaux, le voyez-vous ouvrir gaiement un pénible ■» fillon ou la ferpe a la main émonder en chantant » 1'arbulte qui ne produit que pour vous fes fruits fait voureux; cependant le foleil s'avance dans fa carj> rière enflammée; 1'ombre, comme une vague im3» menfe, roule & fe précipite versla gorge folitaire y> d'oü s'échappe les eaux du torrent; le vent fraichit; 3j 1'air s'épure ; le peuplier du rivage incline fa tête lu>3 mineufe; une abondante rofée tombe en perles d'ar« gent fur le velours des fleurs, ou fe réfout en étin- 33 celles de feu fur la naiffante verdure Oh! 3) combien votre ame eft émue! quelle fraicheur déli>3 cieufe pénêtre alors vos fens! comme elles font con33 folantes & pures les penfées du matin! comme elles 33 égayent le rêve mélancolique de Ia vie! en s'aban» donnant a leurs douces erreurs, combien aifément » on,oublie Sc les triftes projets de la grandeur, & les i3 vaines jouiffances de la gloire, & le mépris du monde » & fa froide injuftice. 33 Nous ne remarquons pas affez 1'influence prodii3 gieufe que la nature conferve encore fur nos amss, » malgré 1'étonnante variété de nos goüts & la profonde 33 dépravation de nos penchans. Je ne fais, mais il me 3» femble qua la campagne, notre fenfibilité devient J3 & moins orgueilleufe & plus vive; que nous y aimons v nos amis avec plus de franchife, nos femmes avec  fur le Magnétifme animal 69 lions vivcs & profondes , ou dans un lieu ou il ne recevra que des impreffions foibles & peu déterminées , que de 1'élever, par exemple, dans une forêt de chênes ou fous des berceaux de tilleuls , que de 1'environncr de ces organifations délicates avec » plus de tendrefle> que les jeux de nos enfans nous y 5> intèreffent davantage, que nous y parions de nos ji ennemis avec moins d'aigreur, de nos peines avec » moins d'amertume, de la fortur.e avec plus d'indif- « férer.ce. Eft-ce en refpirant la vapeur embaumée du j> foir, en fe promenant a la lueur tranquille & douce ji de 1'aftre des nuits, qu'on peut ourdir une trame 3) perfide ou méditer de triftes vengeances ? Ce berceau » que vos mains ont planté , oü le chevrefeuil , le » jafmin & la rofe entrelacent leuis tiges odorantes, h ne 1'avez-vous orné avec tant de foin que pour vous » y livrer aux rêves pénibles de 1'ambition ? Dans cette 3» folitude champêtre qu'ont habiré vospères, dans eet i) afyle des moeurs, de la confiance & de la paix, que » vous importe lesvains difcours des hommes , & leurs » laches intrigues, & leur haine impuiffante, & leurs 1» promeffes trompeufes ? Quelle impreffion peut en- » core faire (ur votre ame le récit importun de leurs » erreurs &. de leurs crimes ? Au déclin d'un jour ora- » genx , ainfi gronde la foudre dans le nuage flottant » fur les bords enflammés de 1'horifon: ainfi retentit n le torrent qui ravage au loin une terre agrefte & » fauvage »-  yo Confidérations lefqueiles la nature compofe tous les efFets gracicux qu'elle offre a nos regards, ou de ces organifations auftères fur lefqueiles elle fcmblc avoir empreint tout le caractère de fa force & de fa majefté. Celui qui n'a rcfipiré que le parfum des fleurs, & pour lequcl on n'a choili oarmi les êtres organifés qui peuplent les champs, que des êtres dont les formes font douccs, n'aura ccrtaincmcnt ni la même conftitution phyfique ni les mêmcs facultés morales, que celui qui n'a jamais refpiré que 1'odcur agrefte des bois, & qui ne s'eft mis en relation qu'avec des êtres qui ne fe développênt que fous des formes fières & hardies. De telles idees ne font plus combattucs aujourd'hui.On reconnoitla vérité des efFets dont je park, quoiqu'on n'ait pas fu jufqu'a préfent trouver la caufe qui les produit j mais maintenant qu'on a trouvé cette caufe, & qu'on peut cn augmenter 1'énergie, concoit-on jufqu'oü k méchanifmc de 1'éducation peut être porté ? D'après la nouvelle théorie des fenfations , dont j'ai laifle entrevoir quclqucs principes , & que j'ai montré comme dépendante de la théorie du monde & de 1'aélion générale de tous les êtres entre  fur le Magnétifme animal. 71 eux , concoit-on jufqu'a qucl point, par exemplc , 'en redinant i'orgatiifatioa d'un enfant, on peut déterminet fes habitudes > jufqu'a qucl point, fi on 1'cnvironne d'organifations propres a potter a ja fienne , fcion qu'il en eft bcfoin, des fenfations douccs ou fortcs, tumultueufes ou tranquilles, on peut modifier fon caradèrc, dirigerfes penchans, déterminer même les ppérations de fon cfprit, & préparer de loin les idees dont il doit s'occuper un jour ï Je touche, je le fens, a des conféquences fmgulières j mats je ne vois pas trop qu'il foit facile de m'en contefter la vérité. Des que vous avez admis 1'cxiftcncc de cc fluide avec icqiiel la nature dinribue tous les mouvemens , toutes les impreffions, toutes les fenfations ; des que vous reconnoiffcz que ce fluïde eft modifié différemment lelon les organifitions qui le recoivent, il faut bicn nécelTairement qu'il agiffc, fuivant ces différentes modifications j & ff fon peut accroitrc fon adion ordinaire, il faut bien qu'on cn obtienne dans 1'éducation phyfique de 1'homme tous les réfultats que je lui attribue. Ainfi 1'hommc cn naifiant, & dans la première période de fa duréc , devra aux E 4  7a Confiderations nouveaux principes annoncés par M. Mefmer un développement plus heureux que celui qui, dans Tordre adtuel de la fociété, Sc même dans 1'ordrè de la nature, lui eft ordinairement préparé. Mais dans le cours de fa vie, fhommc n'a-t-il pas a efpérer encore de la doétrine de M. Mefmer d'autres avantages \ i<5. Je ne dirai rien ici de la réforme que cette En fai&nt doctrine doit opérer dans 1'art de guérir. On connoitre la r . manière dont tent, &c je n'ai pa-s befoin de le prouver, il doit le pré- ,„ r ferver des combien une telle réforme fera falutaire, quel* iiTft & q1^1 bicn en tout genre elle doit pro^oCi-- duire. Mais il eft un art bien plus important que celui de guérir ; c'eft celui de préferver. En Médecine, 1'art de préferver eft a 1'art de guérir ce qu'en légiflation 1'art de prévenir les crimes eft a Part fi facile de lespunir, & malhcureufement en légiflation 1'art de prévenir les crimes, & en Médecine Part de préferver ont été jufqu'ici deux arts a peu prés ignorés. La Médecine & la Légiflation , telles qu'elles exiftentmaintenant, fe reflemblent: toutes deux paroiflent n'avoir pour objet que d'appaifer des fymptömes; mais trou^  fur le Magnétifme animal. 73 ver pourquoi 1'homme eft malade ou méchant , dans un meilleur ordrc de chofes le détourncr des caufes qui produifent en lui le vice ou la douleur, c'eft-la ce qu'elles font loin cncore de pouvoir faire. En Légiflation, on a bien quelquefois tenté de déterminer les principes de 1'art de prévenir les crimes\ & fi c'en étoit ici le lieu , il me fcmble que je dirois pourquoi les efforts qu'on a faits dans ce genre ont toujours été malheureux (11). En Médecine, on n'a pas même efiayé de déterminer les principes de 1'art de préferver (ia), ( 11 ) J'ai laiffé entrevoir quelques-unes de mes idéés Air eet objet, dans un Difcours fur l'humanité des Juges dans l'adminiftration de la JuJIice crïmindle, Ouvrage de ma première jeunefle, qui fe trouve fans nom d'Auteur, dans un Recueil imprimé de M. Brillbt de Varville, intitulé : Bibliotheque du Légïflateur. (12) II ne faut pas confondre 1'art de préferver dont je parle ici avec cette partie de la Médecine ordinaire appellée Hygienne , qui confifte en maximes fur la tempérance, & en recettes pour fe bien porter , maximes & recettes, qui, par cela feulement qu'elles font générales, demeurent prefque toujours fans une application utile , parmi cette prodigieufe variété d'organifations , fur lefqueiles on les effayc. II y a telle  74 Confidéraüons Ccpendant jettez les yeux fur la lociété, telle qu'elle exifte aujourdhui, écartez eet apparcil, ce tumulte de jouiffanccs qui vous trompc fur nos mifères , pénétrez dans fintérieur des families , Sc voycz prefque dans toutes les families le fpeclacle de la fouffrance prolongée ; voyez les m/d-aifes, pires cent fois que les grands maux, les malaifes qui tourmentent long-tems la vie avant que de la detruire, qui n'ötent a Ia doulcur tout ce qui abbat, tout ce qui tcrïaffe, fi je peux parlcr ainfi, que pour mieux lui lauTer tout ce qui inquiète, tout ce qui aigrït, tout ce qui défolc , voycz-les fe i épandre comme une contagion funefte dans toutes les clalfes de la fociété 5 voyez dans Ie peuple ces organifations contraintes, mal développécs, fe trainer en foule entre Ia peine & la pauvreté , jufqu'au terme de leur carrière dépiorab!e,par-tout voycz 1'cfpécc liumainc dépouillée de ces formes fouplcs &C faciles que lui avoient données la nature, organifation qui d'un inftant a 1'autre ne veut pas être phyfiquement gouvernée de la même manière Quel régime, par exemple, pouvoit convenir a 1'organifation d'Alexandre i  furie Magnêtifme*animaL s'éteindre & fe renouveller autour de vous dans des générations aftoiblies. A de te!s efFets , rcconnoiffez finflucnce de ces maladies chroniques fi communes aujourd'hui, & fur lefqueiles votrc Médecine a fi peu d'empire , de ces maladies défaftreufes comme le tems qui altère fourdcmcnt les principes de tous les êtres & les dévorc avec lcntcur, cherchez enfuitc d'oii naiffcnt de telles maladies; voycz-lcs réfultcr toutes de ces dérangemens peu rcmarqués, même par ceux qui les cprouvcnt, de ces ttoubles intérieurs, de ces afFedtions pénibles, que tant de caufes ou phyfiques ou moralcs produifent chaque jour dans notre organifation; & puis fongez que dans 1'étaf de chofes oüvous vivcz, heurtc, preffé en tant dc facons difFércntes par tout cc qui vous environne, chaque inftant, pour ainfi dirc, vous apportc une modification nouvelle , & que parmi ces modihcations il cn eft malhcureufement bien peu qui ne puhTcnt vous nuirc : alors fi vous avez mcfuré fur vos habitudes, fur vos jouiffanccs , fur tout votre être, fur toute votrc deftinée , 1'adtion de tant de fléaux auxqucls votrc exifteace^dans la fociété vous cxpoië3appré"  j6 Confidérations ciez, fi vous 1c pouvcz, les avantages quï doivent réfultcr pour 1'hütnanité entière de eet art de préferver dont je parle, & dont je voudrois bien que vous entrevifliez comme moi route 1'importance. Or maintenant il exifte eet art de préferver ; car il ne peut être autre chofc que la nature agilfantc par les loix qui nous confervent 5 & puifque nous connoiifons ces loix; puifqu'au befoin nous favons en accroitre 1'énergie, on voit bien que déformais a cóté du mal qui commence, il eft impofliblc que nous ne trouvions pas 1'art qui préferve. Ne croyez pas néanmoins, & je me hare de prévenir une conféquence outrée , ne croyez pas que eet art qui préferve vous garantiffe abfolument de tous les maux dont vous pouvez être la proie. Tout ce qui affecte d'une manière imprévue & en même tems très-profondc notre organifation; ces pertes inattendues qui laiffent des fouvenirs longs & pleins d'amertume ; ces événemens douloureux qui opèrent une révolution entière dans le fyftêmc de nos habitudes 5 tout ce qui imprime a 1'ame un caradlère de trifteffe, qu'elle fe plait a nourrir, de tels maux  fur le Magnétifme animal. 77 ifont fouvcnt point de remède , mais cn général, &: je ne veux rien dire de plus > combien la fomme de nos maux ne ferat-clle pas diminuée ? Combien ceux que nous ne pouvons évitcr ne feront-ils pas adoucis ? En apprenant comment nous appartenons a la nature , comment au befoin on peut en rendre 1'infiuence plus adtive, au moins nous faurons nous tenir plus prés d'elle, Sc beaucoup d'impixflions qui nous trouvent trop fenfibles aujourd'hui, ou demeurcront fans efFet, ou celferont de nous être funeftes ? Sc fous ce point de vue 1'art de préferver deviendra pour nous un art confolatcur, une portion de cette philofophie familière qu'il faut bien que chacun fe falfe au milieu des peines de la vie, philofophie qui malheureufement n'a confifté juf. qu'ici qu'en maximes trop fouvent impuiffantes contre notre mifère, mais qui émanant enfin de la nature, Sc nous en apportant toutes les relfources, pourra contribuer, d'une manière efficace, ou a notre bonheur ou a notre repos. Voila le bien que produira la doctrine de r7M. Mefmer, confidérée dans fes rapports mecórlfitóé avec 1'homme individuel. Voici maintenant &£t***  J% 'Conftdérations Ie bien qu'elle doit produire, cönfidéréè dans fes rapports avec 1'homme vivant au fein de la fociété. On a bcaucoup dit que la doctrine de M. Mcfmcr détruit les moeurs , & on eft allé jufqu'a prctendre que lors même qu'elle fcroit vraie , il faudroit la profcrire. Ccnx qui ent ainfi parlé ont bien mal défendu la caufe des meturs 5 car enfin il n'y a pas deux vérités centradidoires dans la nature, & fi le Magnétifme animal détruit les moeurs , & fi néanmoins il eft une vérité, &: de toutes les vérités phyfiques , la plus importante a notre confervation, il faut donc que les moeurs foient faulfes, qü'elfcs nc conviennent pas anotre confervation ; & , comme on ne doit pas faire le facrifice de la vérité a Terreur, & fur-tout a une erreur qui nous nuit,il eft dene utile de les détruirc. jg, Lailrbns-la tous ces vains raifonnemens; En influam dcfiniiTons d'abord ce qu'il faut entendre par fes moeurs. moeurs,&puisvoyons quellc doit être fur les moeurs 1'infiuence de la dodrine de M. Mcfmer, jufqu'a prefent appréciée avec une pré19. ventiori fi crucllc. « o^S! Les moeurs en général réfultent des rap-  fur le Magnétifme animal. 79 ports des hommes entre eux (13). II n'y a point de moeurs pour 1'hommc qui eft feul. Elles commencent avec la fociété, &c fe compofent de celles de nos affecKons & de nos habitudes, qui ont nos femblables pour terme & pour objet. Les moeurs font dans la nature comme une conféqucncc de cette loi univerfclle qui fait que tous les êtres fe modirient les uns & les autres par une action réciproque , de cette loi qui, en raifon de 1'analogie plus ou moins grande de leur organifation, les deftine plus ou moins aux mêmes impreffions, aux mêmes habitudes. Suppofez que la nature nous eüt donné des organifations fans aucune analogie entre elles, & qui fe fcroient mutucllement repouffés, vous ne coriccvricz pas comment, fous fempire des mêmes loix, nous aurions cbéi aux mêmes habitudes, tk. 1'exiftencc ( 13 ) II y a cette différence entre les mceurs & la morale, que les mceurs font le fyftême ou 1'enfemble de nos habitudes, & la morale la règle de nos habitudes; !a morale ne varie jamais, il eft de fon effence d'être immuablej les mceurs varient; elles fe perfeftionnent ou fe dépravent felon qu'elles s'approchent ou s'élolgnent de la morale.  8o Confidêrations des moeurs, comme de la fociété qui les fafr naiüfe, vous paroitroit impoiTïble. Les mceurs commencent dans la familie. Les rapportsqui exiftent entre 1'organifation d'une mère & celle de fon enfant préparent les premières affections & déterminent les premières mceurs. Les moeurs s'accroiflënt dans la fociété. Les rapports qui fe dcvcloppent entre 1'organifation de 1'hommc & celle de fes femblables, ajoutcnt a fes premières affections , & étcndcnt la fphère de fes premières mceurs. Les moeurs font bonnes quand les rapports des hommes entre eux font tellcment ordonnés, que les affeétions & les habitudes que ces rapports font naitrc, rendent 1'union des hommes plus intime , & les accoutument a ne pas féparer leur avantage de 1'avantage de tous. Les mceurs font mauvaifes quand les rapports des hommes entre eux font tellement ordonnés, que les hommes n'ont pas les affections & les habitudes qui doivent les unir, & que 1'avantage de chacun ne produit pas 1'avantage de tous. A cöté des bonnes moeurs font les bonnes opinions,  fur le Magnétifme animal. 81 opinions , c'eft-a-dire les opinions qui portent les hommes a s'aimer entre eux. A cóté des mauvaifes mceurs font les mauvaifes opinions, c'eft-a-dire les opinions qui portent les hommes a ufer des hommes fans les aimer. Ainfi que les mceurs font dans la nature , les bonnes mceurs font dans la nature bien ordonnée , & cela non pas iimplemcnt, comme on le croit, paree qu'elles rendent les hommes meilleurs , mais paree qu'elles contribuent phyfiquement a leur mutuelle confervation. Tout ce qui arrête Ie développement d'un individu lui nuit. Tout ce qui opère ce développement lui eft avantageux. Un homme qui n'éprouve que le fentiment de la haine, de 1'orgueil, de la défiance , de la crainte, met involontairement fon organifation dans un état de contrainte & il fouffre, un homme dont 1'ame eft ouverte aux fentimens de 1'amour, de 1'amitié, qui connoit la confiance, & que la crainte de fes femblables n'a pas encore tourmenté, favorife le jeu de fen organifation & il jouit. De plus une organifation contrainte n'envoie aux organifations avec lefqueiles elle £  %% Confidérauons correfpond que des fenfations pénibles. Une organifation développée nënvoie aux organifations qui réagiflënt fur elle que des fenfations douces, bienfaifantes. Avec toutes les pafïïons, toutes les habitudes que donnent les mauvaifes mceurs, 1'homme ne fe conferve donc pas , il ne conferve donc pas fes femblables, comme avec les habitudes &C les affections que les bonnes moeurs font naïtre. II eft donc vrai, comme je 1'ai dit quelque part, que la penfée du rriéchant eft un obftacle a facfion confervatrice de la nature (14). Puifque les paffions & les habitudes avec lefqueiles les mauvaifes moeurs fe compofent n'agiffent pas fur notre organifation de la même manière que les affections & les habitudes avec lefqueiles fe compofent les bonnes moeurs, il exiftera donc avec lc tems une différence phyfique entre deux individus, entre deuxpeuples quin'obéiront pas aux mêmes mceurs. Pour 1'obfervateur le moins attentif, certainement ces deux peuples, ces deux individus, n'auront pas la même phyfionomie, & Pon fait que notre (14) Dans un Difcours prononcé dans une Aiïen> £lée de la Société de rHarmonia de Paris,  fur le Magnétifme animal 83 phyfïonomie, en accufant ou cn révélant le fecret de notre caractère , accufe ou révèle aufli le fecret de notre organifation. Notre fenfïbilité n'a qu'une certaine me- 2-0. fure, ou elle fe concentre dans un petit ^^1*1nombre d'objets, & alors elle produit les vent* habitudes, les affections durables & nous avons des mceurs profondes \ ou elle s'étend fur un grand nombre d'objets, & alors elle produit les goüts frivoles & les habitudes faciles a détruire, &: nous avons des mceurs légèrcs. II y a une époque dans les progrès de la civilifition, oü nos moeurs perdent néceffairement de leur force. C'eft celle oü nos arts trop multipliés ont trop accru nos jouif> fances, alors notre fenfïbilité eft trop partagée & devient trop incertaine entre les imprefïïons qu'elle éprouve, pour qu'aucune prédomine avec quelque duréc. Lesmceurs légèrcs fontmauvaifes;carelIes rendent 1'homme indifférent a 1'homme : elles le font encore, paree qu'a 1'époque oü elles envahiffent la fociété, il n'eft pas aifé a 1'homme d'être bon: a cette époque les arts ont rendu les befoins plus nombreux ; s'il v a plu§ de jouiflauces, il y a donc aufïi F 2-  84 Confidéraüons plus de privations 5 & comme tous veulent jouir, vivre devient un art difficile , que nous ne pouvons prefque plus exercer fans nuire a ccux qui vivent avec nous. Les mceurs ne deviennent pas toujours mauvaifes de la même manière. Chez un peuple auquel la légiflation n'a pas imprimé un grand caractère, & qu'elle n'a pas deftiné au mouvement des grandes pafïions, les moeurs deviennent mauvaifes, plus en s'affoibliffant qu'en fe corrompant. Chez un peuple qui doit a fa légiflation un caractère fortement déterminé, & qui connoit les mouvemens orageux des pafllons, les moeurs deviennent mauvaifes, plus en fe corrompant qu'en s'affoibliffant. Chez le premier, les affections & les habitudes qui compofent les moeurs s'effacent j chez le fecond , elles fe dépravent. Les moeurs font le ciment de 1'édifice politique. Avec les loix on élève 1'édificc , avec les moeurs on en lie tous les matériaux. Quand le ciment eft mauvais, 1'édifice a peu de folidité ; cependant il ne croulc pas toujours , il fe fcutient par fa maffe, ou paree que les autres édifices politiques qui pourroient le heurter fojit peu folides comme lui.  furie Magnétifme animal. 85 II y a dans les mceurs une chofe qu'on 2 r n'a pas remarquée, & qui fait qu'elles exiftent Difficuité paree qu'elles ont exifté, & qu'il eft comme ï/s impoffible de les réformer quand elles font dép"" une fois corrompucs. C'eft cette action v5es' conftantc des organifations humaines les uncs fur les autres qui les difpofe comme involontairemcnt aux mêmcs habitudes. Pour nous donner d'autres mceurs que celles de la fociété a laquelle nous appartenons, il faut, pour ainli dire , nous défendre de toutes les fenfations que nous apportent les organifations qui agiflent fur la notre. Pour donner a une fociété d'autres mceurs que celles qu'elle a, il faut, pour ainli dire, changer tout le fyftêmc de correfpondance des organifations qui la compofent. Dans ces deux circonftances , on voit bien que c'eft la nature clle-même qu'il faut combartre, & la nature qui agit avec tout le mouvement de fa puiffance. Voila, fans doute, pourquoi dans Rome, quand les mceurs ont penché vers leur ruine, la légiflation & la philofophie ont fait d'inutiles efforts pour rendre leur chüte moins prochaine; voila pourquoi, a cette époque F 3  t6 Confidérations fameufe dans 1'hiftoire des nations, pour donner a 1'homme, d'autres mceurs il a fallu une religion nouvelle , cëft-a-dire , une opinion puiflante , qui l'afte&ant profondémcnt, modifiat fon être tout entier, &c changcat tout le fyfcême de fes habitudes (ij). Réformer les mceurs , ce n'eft pas feulemcnt réformer des habitudes morales, c'eft aufll réformer les habitudes phyiiques dont les habitudes morales font toujours enveloppécs : & paree que des habitudes phyilques fe fortifient mutuellement parmi des hommes affemblés, on voit bien qu'une révolution dans les mceurs ne peut jamais être le réfultat d'un événement ou d'une opinion ordinaire. li. Je voudrois parler de nos mceurs. De nos J'ai vu l'égoïlme né de 1'abus des jouif qu'elles font. fanccs & du dcilr immodéré de jouir, nous rapprocher fans nous unir. Je 1'ai vu nous foulant dans les routes de 1'avarice & de (15) Le mot opinion convient a la vérité comtne 4 Terreur. Une vérité qui n'a pas acquis la force de 1'opinion, eft une vérité ftérile qui édaire peu, qui n'échauffe pas, & n'influe en rien fur le mouvement de la Société. . . . ,  fur le Magnétifme animal 87 1'ambition, nous froifièr les uns contrc les autres , & brifer tous nos liens &: nous meurtrir avec nos liens. A cöté d'un petit nombre d'hommes qui vivent, c'eft-a-dire, qui ont des befoins & qui les fatisfont, j'ai vu beaucoup d'hommes qui fe tourmentent pour vivre , c'efta-dire, qui ont des befoins qu'ils s'efforcent vainement de fatisfaire. Dans un ordre de chofes fi convulfif, j'ai vainement cherché quelque place pour la confiance, pour 1'amitié, pour les fouvenirs attachans, pour les fentimens tendres & profonds, pour les affe&ions durables, pour toutes ces opinions qui viennent du cceur, & qui font que l'homm~ vit cn paix a cöté de 1'homme , & que les deftinces de plufieurs fe confondent doucement dans une feule deftinée. J'ai jetc les veux autour de moi, & j'ai vu 1'envie, 1'envie, cette paffion fi fécondc, fi univcrfelle & fi trifte, qu'on trouveroit plus ou moins agifiante dans tous les cceurs 11 on pouvoit les ouvrir. J'ai jeté les yeux autour de moi, &: j'ai vu quclques vertus générales, réfultat de 1'efpnt qui combine, plus que du cceur qui F 4  Confidérations s'abandonne, remplaccr cette multitude de' VCrÉUipaiticuIières qu'enfante la pitié, la pitié toujours inquiète , toujours aclive, la pitié qui ne calcule ricn pour le foulagement de 1'efpèce humainc, mais qui fe tourmente auprès de 1'homme malheureux, qui fouffre a cöté de la douleur, & qui nc s'appaiie que lorfqu'eile eft appaifée. J'ai jeté les ycux autour de moi, &, fembiable a un de ces végetaux impofteurs qui couvre d'une ombre meurtriere un fol empoifonné, j'ai vu la philofophie (16) qui fe montre toujours dans le déclin des mceurs & des Empires, étouffer fous fon ombre froide & mortelle , parmi quelques erreurs funeftes, une foule de préjugés utiles (17), (16) Je ne parle ici que de cette Philofophie qui fait feóte, qui dégénéré en efprit de parti, &c & non pas de cette Philofophie folitaire qui a fait vivre Defcartes dans la retraite, qui a préparé les méditauons & les découvertes des Pafcal, des Newton , des Mallebranche , des Léibnitz, des Loke, des Buffon, des Roufleau. (17) En ralTemblant autrefo-s les matériaux d'un grand Ouvrage fur la Légiflation & les Moeurs, j'ai trane cette queftion : faut-il des préjugés au peuple, &> quels Jont, dans toutes les cïrconflances données, Us préjugés qui lui conviennent? C eft-la, felon moi,  fur le Magnétifme animal. Sj> tous ces préjugés avec lefquels le peuple allure fes mceurs & qui lui confervent les affeétions qui le rendent bon, & les vertus dont il a befoin pour fe confoler dans fa misère. Ainfi, nous n'avons plus de mceurs. Paree que les événemens &: les opinions 23* qui affeftent a-la-fois toutes les parties de Sffi^i notre être & opèrent ainfi de grandes révo- ™?flant S lutions dans les mceurs , ne fe reproduifent pe"rs pphr^cj" pas tous les jours , il feroit bon d'examiner i"es* li on ne modifié pas les mceurs d'une manière plus puifiante cn agiflant fur nos habitudes phyfiques, qu'en agiflant fur nos habitudes morales. Je ne fcais, mais il me femble qu'on ne peut guèrcs agir fur nos habitudes morales fans heurter eet amour propre fi fuperbe qui fe place a cöté de nos vices, comme a cöté de nos vertus , pour cn aflurer la durée. En agiflant fur nos habitudes phyfiques au contraire , on n'a pas un tel inconvénient a craindre, on n'intérefle alors que l'inftinct de notre confervation , & eet inf- une des plus grandes queftions de la morale politique, une de celle qu'a caufe de fes nombreufes conféquences, il eft le moins facile de réfoudre»  5>o Confidérations tinct mêrac corrompu veut bien plus facilement ce qui eft bon, que Pamour propre une fois dépravé ne veut cc qui eft honnête. Obfervez que chez les anciens qui avoient une énergie de mceurs ii prodigieufe, prefque toutes les inftitutions avec lefqueiles on formoit les hommes étoient phyfiques, ils regardoient Pamour propre comme une puilfance qu'il ne faut pas avertir de fes forces, & fe contentant, pour ainfi dire, de préparer a 1'ame un domaine facile a gouverner , ils croyoient avoir beaucoup fait pour les mceurs quand ils avoient développé les corps de manière a ne leur faire contractcr que des habitudes faines Sc avouées par la nature (18). Maintenant: i4- S'il exiftoit une doctrine qui nous apprit Kioe'ie S£ quclle eft en général Paction de la nature (18) Je penfe en général que lorfqu'on cherche a rendre 1'homme meilleur, & par conféquent plus heureux, il ne faut pas agir immédiatement fur fa volonté. La volonté eft un maitre qui veut choifir, qu'il faut fimplement environner de telle forte qu'il choififle toujours bien , & qui n'eft plus qu'un efclave corrompu dès qu'il eft privé de fa liberté; cette véritd fi fimple «ft très-importante en Légiflation......  fur le Magnétifme animal. 51 fur 1'homme; comment cette adion, ou Mefmer p» . rapport aux fufpendue , ou troublee , prodmt tous les mceurS;com. -„ ■ r ment elle maux qui l'affligcnt, comment ainu que je peut contri- , . buer a leur 1'ai prouve , en augmcntant, en variant rétabiiffecette adion dans le premier age, on peut ment' délivrer 1'organifation d'un enfant des vices qui la dépravent, cette dodrine feroit donc utile aux moeurs: car elle influeroit de la manière la plus avantageufe fur le premier développement de 1'homme, elle ramèneroit a fes vrais principes phyfiques tout le fyftême de notre éducation , & qui peut mefurer tout le bien qu'on feroit avec un fyftême d'éducation. délivré feulement de toutes les erreurs phyfiques dont nos fyftêmes en ce genre font encore infedés ï S'il exiftoit une dodrine qui nous apprït que tous les êtres s'affedent entre eux, & comment ils s'affedent entre eux; qui nous dït qucl eft le produit de ces affedions mutucllcs parmi des hommes alTemblés 5 qui nous montrat les impreffions, les fenfations , les habitudes avec lefqueiles fe compofent les moeurs , réfultantes de ces affections comme de leur caufe , cette dodrine feroit donc encore utile aux mceurs: car on a bcaucoup fait pour les mceurs quand on  3^ Confidérations a trouvé pourquoi 1'homme devient méchant & malheureux, on fait alors comment ïl peut celfer de 1'être. S'il exiftoit une dodrine qui nous apprïtque la nature nous a donné la facuité d'exercer fur tous les êtres qui co-exiftent avec nous un pouvoir confervatcur, qui nous enfeignat comment, fuivant les circonftances, on peut rendre ce pouvoir plus adif; cette dodrine feroit donc encore utile aux mceurs: car on devient bon fur-tout par le bien qu'on fait, & c'eft un grand moyen pour rendre les hommes meilleurs, que de leur donner un grand pouvoir de bienfaifance phyfique a exercer fur leurs femblables, un pouvoir qui n'éveille famour propre ni de celui qui 1'emploie , ni de celui qui 1'éprouve. S'il exiftoit une dodrine qui nous apprït que ce pouvoir de conferver qui nous a été donné, eft tel qu'il ne peut être mis en oeuvre fans rappeller a 1'ordre inftitué par la nature, forganifation fur laquelle il eft employé ; s'il nous étoit démontré qu'il eft de l'effence de ce pouvoir de nous rendre plus fenfibles a eet ordre ; cette dodrine feroit donc encore utile aux mceurs: car on a vu que toutes les aftedions, toutes les ha-  fur le Magnétifme animal. bitudes qui font les bonnes moeurs font dans la nature bien ordonnée, dans la nature qui conferve. Sournettre 1'homme a la nature qui conferve, & je voudrois bien qu'on rcmarquat cette vérité, c'eft donc le préparer a toutes les affections , a toutes les habitudes dont il faut que fes mceurs fe compofent. Et fi la doctrine dont je parle étoit quelque jour univerfellement pratiquée , fi, acquérant Ia force des grandes opinions, elle repla^oit par-tout 1'homme fous Ï'empire des loix confervatrices de 1'univers, fi, mife au nombre de nos inftitutions domeftiques , elle ordonnoit par-tout nos premières affections, nos premières & nos plus puiffantes habitudes; fi, mêlee aux inftitutions publiques, par-tout elle ordonnoit les rapports des hommes entre eux, & préparoit les opinions & les loix qui doivenf les gouverner Avcz-vous vu dans une campagne fertile des moiffons balancées par le fouffle de ce vent fi foible & fi doux qui fe léve avec? 1'aftrc du jour , les épis s'approchent & ne fe froiffent pas : ainfi feroient les hommes obéiffans au mouvement des moeurs qu'auroit formées la nature.  94 Confidérations ZS- Je vais plus loin : j'ai parlé des arts & j'ai Am'«que dit parvenus au dernier période de Usfenfaiions ^cms pf0»1"^ > us corrompent les moeurs, iis fe com- je voudrois examiner fi dans les arts qui polent, & de ' ± leurs princi- apparriennent de plus prés aux mceurs, dans ques. les beaux arts par exemple, la doctrine, dont je fais remarquer ici Pinfluence, ne pourroit pas opérer une réforme utile. I/objet des beaux-arts , en général, eft de porter a notre ame des fenfations qui Pémeuvent & qui lui plaifcnt: ils ont donc ün rapport nécelfaire avec Péconomie par• ticulière de 1'homme, & on ne peut en déterminer les principes avec quelque certitude, qu'autant qüe les loix auxquellcs notre économie particulière eft foumife fcront bien connues. II y a dans Péconomie particulière de 1'homme une manière d'être qui eft celle de 1'efpèce & qui fe retrouve dans tous les individus qui la compofent. II doit donc aufii fe trouver dans les beaux- arts des principes généraux pour émouvoir & pour plaire , qui réfultcnt de la manière d'être de 1'efpèce & qui font invariables comme elle. L'économie particulière de 1'homme peut être plus ou moins altérée , ce qui plak, cc qui convient a une organifation  fur le Magnétifme animal. 9J altérée , n'eft pas ce qui plaït, ce qui convient a une organifation faine. A cöté des principes généraux des beaux - arts, il y a donc des principes particuliers qui varient comme les organifations fur lefqueiles il s'agit de produire un effet , les mêmes fons n'affectcront pas de la même manière une oreille groftière & une orcille délicate. On a vu que tout ce qui contribue au développement de notre organifation nous conferve, que tout ce qui contrarie ce développement nous détruit. II pourroit donc y avoir dans les arts des fenfations, des émotions qui tendroient a nous confervcr; il pourroit donc y en avoir qui tendroient a nous détruire , telle combinaifon de fons trop prolongée fufpend Ie jeu de notre organifation & nous fait du mal, telle autre augmente le jeu de notre organifation & nous fait du bien. Si notre organifation eft altérée, au point qu'elle ne puilfe plus être afteétée, que par des fenfations heurtées, des émotions violentes, les arts ne fe compoferont que pour lui porter des fenfations, des émotions de ce genre, & ils ne feront pas conferva-  2& Confidérations teuts, car de telles fenfations, de telles émotions ne confervent pas. Si notre organifation eft affez faine, pour que des fenfations harmonieufcs & douces fuffifent pour 1'affecter, les arts fe compoferont pour lui porter des fenfations harmonieufes & douces, & ils feront conferyateurs, car de telles fenfations, de telles émotions en nous développant nous confervent. Les arts, quand ils ne nous confervent pas, altèrent encore davantage notre organifation, a peu-près comme les liqueurs fortcs dépravent davantage 1'eftomac débile auquel on en a fait contracfer 1'habitude. i6. Les arts, quand ils nous confervent, ont ^rea'ieb°dne1 une bonté morale; <*£ on a vu que toutes Art*. les fenfations, toutes les émotions qui nous font un bien phyfique, font auffi celles avec lefqueiles fe compofent les bonnes moeurs. Les arts, quand ils ne nous confervent pas, font moralcment mauvais, car on a vu que toutes les fenfations, toutes les émotions qui nous font un mal phyfique, font 'aufii celles avec lefqueiles fe compoiènt les mauvaifes mceurs. Lc  furie Magnétifme animal. 97 Lc beau &t le bon dans les arts, font h mcme chofe; le beau n'eft que le bon conüdété d'une manière fpécülarive. Si j'ccrivois fur la légiflation qui a pour objet la confervation & le bien-être des individus exiftans en fociété, je confidorcrois les arts comme diftribuant des fenfations bienfaiiantes ou malfaifantes; d'après cette idéé, je rechercherois quand ils peuvent nuire, & jufqtïöü ils peüvent nuire J je verrois fi dans les arts il ri'y a pas un point de civilifation au-dcla duquel ils font néceffairement dangcreux ; je mefurerois le danger des arts d'après leurs effets fur 1'organifation phyfique des hommes; j'effaycrois de dire comment il eft pofiible de modérer lc mouvement des arts, & jufqu'a quel point on peut augmehtcr ou changer leur moraiité, cn leur faifant produire les fenfations qui nous rendent ou moins méchans Ou meilleurs (19). Si j'écrivois fpécialcment fur 1'éducation. je ferois remarquer une grande erreur, je fcrois remarquer qu'en inftruifant un en- (19) Je parlerai quelque jour de toutes ces chofgs avec plus de détail. G  98 Confidèrations fant dans nos arts, c'eft prefque toujours notre .fenfïbilité que nous lui donnons, & non pas la fienne que nous cherchons a développer. La mufique que nous enfeignons a un enfant, par excmplc, eft notre mufique, celle qu'il faut a nos organes peut-être fingulièrement altétés, mais cftce la mufique, qui d'après fa conftitution phyfique, doit lui plaireJ Eft-ce celle qui doit contribucr a la réforme de cette conftitution phyfique, fi elle eft mauvailè ? Eft-ce celle qui ne doit portcr a fon oreille que des fons confervateurs? La manière feulcment dont nous combinons les fons pour leur faire produire des cffets caractérifés, fut-elle dans la nature , eft-elle toujours dans la nature du premier age, oii toutes les émotions pour ne pas nuire, doivent être flmples & doitces ? Et paree que nous n'avons jamais confidéré les arts, comme pouvant influer en bien ou en mal fur notre exiftence phyfique, entre les fenfations qu'ils peuvent produire, n'avons-nous pas trop peu remarqué, qu'il en eft beaucoup, qui inconfidérément excitécs, doivent altérer dans 1'enfant la jufteffc de fon organifation, & troubler ou contraindrc le développement de fes habitudes.  fur le Magnétifme animal. 9$ Mais parler de toutes ees chofes, d'après 4* Jes idéés qui s'amaffent en foule dans ma Influenc'e ^ tête, ce feroit faire un ouvragc dans un £ u°u"L autre ouvrage. Seiüement ici je veux qu'on ™er fr"r !3 ' bonte raorals obierve que li les beaux arts uniquement des ArtSi deftinés a augmenter la fomme de nos jouiffances, ont a caufe de ccla, un rapport immédiat avec notre exiftence phyfique, c'eft des loix confervatrices de 1'homme qu'il faut en faire réfulter les véritables principes, qu'il n'y a de bon dans les arts, que ce qui s'accordc avec ces loix, que tout ce qui les heurte eft néceffairement mauvais; je veux qu'on obfervc, que fi toutes les affections, toutes les habitudes, qui font les mceurs douces & pures, font auffi celles qui conviennent a notre confervation > les beaux arts rappellés a leurs principes, peuvent auffi devenir les amis des mceurs j & de cette doublé obfervation, je veux que 1'on conclue qu'une doctrine qui nous fait connoitre les loix confervatrices de 1'homme, ne peut influer que d'une manière avantageufe fur les arts comme fur les mceurs, foit que 1'on confidère les arts en eux-mêmes, foit qu'on les confidère dans leur rapport avec les moeurs. G M  10o Confidérations La doctrine de M. Meinier qui nous apprend quellcs font les loix qui nous confervent, & quel ufage il faut faire de ces loix, nc peut donc jamais devenir une doctrine dangercufc. Pour Phomme cn fociété comme pour Phomme individuel , il ne faut donc en attendre que des efFets utiles, & aucunes des conféquences fichcufes qu'on s'eft cftorcé d'en faire réfulter, ne fe mêleront aux avantages qu'elle doit produire. Je rrfefurc de 1'ceil maintenant la carrière Vue gêné- yok je viens de parcourir; on n'a pas du me th'/orie'1 du voir ^ans un étrange étonnement, avec une mo„de, de f le id£c & d'après une feule loi, orgainfer lnomme,des x , , . t 1 i moeurs & des ]c fyftême du monde, déterminer les Joix confervatrices de tous les etres,trouver fpeciakment pour Phomme, les rapports de fon économie particulière avec Péconomie univerfelk, créer la théorie de fes fenfations, expliquer tous les phénomènes qui réfukent de fa co-exrftence, foit avec fes femblabks, foit avec les autres êtres organifés; de-la, Pobfervant d'une manière plus intime, découvrir les principes phyfiques de fon éducation, enfeigner Part de rendre fa deftinéc moins malheuréufe, en lui fai-  fur le Magnétifme animal. ioi fant éviter, ou en adouciffant les maux auxqucls il peut être expofé; puis defcendant jufques dans le fein des moeurs & des arts, prendre dans les mceurs & dans les arts, tous les élémens phyfiques qui peuvent s'y trouver; faire remarquer comment fOUs ce point de vue, ils appartiennent encore a cette idee, a cette loi avec laquelle tout a etc fait, Sc avec cette feule idee, Sc cette feule loi, montrcr la pofllbilité d'une révolution dans les arts Sc dans les moeurs. Et cependant ce n'eft qu'ainfi que tout doit fe développer Sc s'cnchaïner dans 1'univers. Une feule idéé puiffante comme 1'Eterncl dont elle émane, eft defcendue dans la nuit du cahos; elle a repofé fur les germes innombrables dans lefquels dormoit la vie de tous les êtres fuccefiivement deftinés a fexiftence, & lc mouvement a commencé : & obéiffant a unc loi imique, lc mouvement a tout ordonné pour une grande &c profonde harmonie; &: toutes les combinaifons des êtres font vennes fe perdre Sc fe rcnouveller dans unc feule combinaifon ; & toutes les variétés des êtres font vennes fe confondrc Sc fe reproduire dans 1'uniformité dc 1'ordrc général; & tout ce qui ap- G 5  J*4 Confidérations partient au développement des êtres & 4 leur confervation, tous les phénomènes qu'ils offrent dans le cours plus ou moins long de leur durée, a été le réfultat d'une feule caufe, & va fe termincr conftamment a un feul effet; & funivers vivant par le mouvement, contenant toutes les fucceffions, toutes les reproduclions, comme des accidens néceffaircs de fon exiftence, développant dans fon fein, la deftinée de i'infecte & la deftinée des mondes, s'eft avancé, paifible comme Dicu , dans la route dc 1'érernité, §. I I I. 2.9. J'ai peu de chofes a dire dans cette trolwSnétiL fièmc Partic- Je crois qu'il n'eft guères pofituIX fible de me contefter a préfent 1'exiftcnce »LPthf&IUde; & rutilité du Magnétifme animal ; mais qoeiie ma- peut-on déniontrer phyfiquement cette mere il peut r j i ^«.l*, ètre démon- exiltcnce & cette utilité, & de quel genre de preuves phyfiques Ie Magnétifme animal eft-ii fufccptible ? Ii faut fe rappeller que j'ai nommé Magnétifme univerfel, cette influencc réciproque qui réfultc dc 1'action ou de la grayitation de tous les êtres entre cux,infiuence  fur le Magnétifme animal. i o 3 plus ou moins confidérabk en raifon dc la maffe des êtres, de leurs diftanccs & de leur analogie. II ne faut pas perdre dc vue que Ie Magnétifme univerfel s' excrce au moyen d'un milieu ou d'un fluide dans lequcl tous les êtres font piongés , & qui tranfmet de 1'un al'autre 1'adtion mutuellc qui les modifié. . . Enfin, il faut fe rappeller que ce que j ai nommé Magnétifme animal, eft cette propriété qui rend les êtres animés fufceptibles du Magnétifme univerfel, ou de 1'influencc réciproque de tous les êtres entre eux. Cela pofé : L'influence d'un être eft plus ou moins étendue, felon que eet être détermine des mouvemens plus ou moins généraux dans lc fluide univerfel dont il eft environne. Ainfi dans notre fyftême, le foleil a une influence plus étendue que les planètcs , paree que les mouvemens que le folcil ïmprime au fluide univerfel dans notre fyftême, font plus généraux que ceux qU'y impriment les planètes. L'influence d'un être eft plus ou moins profonde, felon que le mouvement que eet G 4  ï°4 Confidèrations étre imprime au fluide univerfel eft, relativement aux êtres qu'il modifié, plus ou moins confidérable. • Ainfi le foleil imprime un mouvement mcomparablementpius fort au fluide univerfel que la lunc; mais paree que la lunc eft bcaucoup plus vqifine de nous que le iolefl, fon mouvement fur le fluide urüverlei eft par rapport a nous, plus fort que celui du foleil, & dès-lors fon influenee fur notre organifation devient plus activc & plus penetrante, 30. Les influenccs des êtres s'enveloopent & " SS fc r^inent entre elles en raifon de 1'étendu© ÏÏÜ3S.Ï ^ leurs fphèresd'aclivité, c'eft-a-dire que teftpf- ks PIus Srandes influenees enveloppent & t?rp£* reftlfient les plus petites, e„tre Ainfi l'influence des êtres animés entre eux, très-fpontanée & très-irrégulière eft enveloppée & reclifiée par l'influence plus reguhère & nullement fpontanée, qui s'e, xerce entre la terre, la lunc & les autres corps céleftes. L'influence des planètes entre elles eft enveloppée & reefifiée par fin. fluence du foleil, lequel voit a fon tour fon influenee fur les autres folells qui fe balan, cent avec lui dans i'efpace, enveloppée &*  fur le Magnétifme animal. ioy re&ifiéc par le mouvement auquel obéit 1'océan des mondes dans lcquel il eft plongé. Les petits mouvemens dans 1'univcrs font difHcilement bien ■ régies, paree que ce font des êtres qui participent plus ou moins a lïnteUigencê & a la liberté qui les produifent. Ces mouvemens fïniroient par opérer un boulevcrfcment général, s'ils n'alloicnt fe perdrc & fe reclifier dans des mouvemens plus vaftcs, & enfin dans le mouvement qui enveloppe & rectifie tous les autres (10). Le défordrc vient cn mourant, pour ainfi 3ldire, jufqu'au picd du trönc dc 1'Etcrncl, & fluence s'ede-la retournc fans ceffe un mouvement m"yln d'un réparateur, qui tend a effacer toutes les ^nuan*, aberrations des mouvemens particulicrs, a ^forcL** rétablir 1'équilibre des êtres & a les compo- 3ue les in_ 1 1 tluences par- fcr entre eux pour une même harmonie. ticuiièresoat * t pu produire. La erandc influence qui réfulte de ce ce«e m- ° , fluence eft a mouvement reparateur, rinfluencc qui cn- ProPrement vcloppe & redlifie toutes les autres, eft a qu'Ufau'tapproprement parler, ce qu'on doit appcller gnétifmeunt _. verfel, ( ao) C'eft air.fi que !a liberté des êtres animés s'ao corde avec la nécefiité de 1'ordre dans 1'univers. Je prie qu'on réfléchifle bien fur cette idéé, dont je ferai remar^ quer en un autre teras toute la profondeur,  i o 6 Confidèrations Magnétifme univerfel. II faut retenir ces principes. Maintenant : Un tout ne fe maintient ce qu'il doit ctre, que lorfque les partics qui le conftituent font tellement diftribuées, qu'il exifte entre elles un équilibre parfait. Intcrrompez eet équilibre & le tout eft détruit. Je viens de le dire, & je me fuis contenté de le dire fans le prouver, paree qu'une telle vérité n'a pas befoin de preuves, 1'univers lui -meme ne fubfifte que paree que les êtres qui le compofent font fans ceffe ramenés par le mouvement univerfel a 1'équilibre dont je parle; füppofez un inftant eet équilibre rompu pour n'être point rétabli, & 1'univers ne fubfiftera pas. Un corps organifé fera donc tout ce qu'il doit être, fi entre fes parties conftituantes, il règnc un équilibre ou un accord parfait. Un corps organifé ne fera donc pas tout cc qu'il doit être, fi 1'équilibre ou 1'accord qui devroit régner entre fes parties conftituantes, n'exifte pas. Dans le premier cas, le corps organifé eft fain.  fur le Magnétifme animal. 107 Dans le fecond cas, il eft malade {11). Que le corps organifé foit fain ou malade, il eft également modifié par le Ma- LeMagnétiP. , . „ „ , , me univerfel gnetifmc univerfel, ou par cette grande n'eft Pas fen- . n . . fible pour les influence qu- mamtient 1 univers. organifations Mais fi le corps organifé eft fain, cette [e"eVevLnt influence eft infenfible pour lui; elle nede- ^3^*1 vient fenfible que lorfqu'il eft malade. p^tioi. II faut expliquer ceci. Nos fenfations nc doivent pas être con- 33- Réflexions fondues avec les impreffions que produi- furiesfenfafent fur les organes de nos fens, les objets £°£*ceque qui nous environnent. Touchés de toute part & dans tous les points par ces objets, nous recueillons beaucoup d'imprefïions a-la-fois, & cependant nous n'avons a-lafois qu'une fenfation. Cette fenfation unique réfulte toujours de celle des impreffions que nous éprouvons qui eft la plus fortc, & entre plufieurs impreffions donnécs, celle-la eft toujours la plus forte, qui intéreffe le plus notre con« fervation. Cette plus forte imprcfïion arrivant juf- (21) Voila pourquoi M. Mefmer a dit qu'il n'y 9 tju'une maladic ou una manière d'être ma'ade.  lQ8 Confidérations qu'k notre ame, nous avertit rapidemenr dc cc que nous avons a craindre ou a efpércr au dchors, & la fenfation qu'elle produit exprime la différence de 1'état oii nous étions avant que dc 1'avoir recue, a 1'état oü nous fommes au moment oü nous Ia recevons. Sentir, n'eft donc autre chofc qu'éprouvcr toutes les différences d'être qui peuvent réfulter pour nous de l'acfion des caufes rriultipliées qui nous modifient. Quand on vous demande fi vous êtes aftecté par telle fenfation , que faites-vous? vous rechcrchcz li votre manière d'être diffère, au moment oü 1'on vous interroge, dc celle que vous aviez auparavant. Une impreftion unique prolongée fur route une vie , ne donneroit donc pas de fenfation a 1'être qui la fubiroit. Un tel être ne feroit pas infenflble s'il ctoit conftitué pour fentir, mais il ne fentiroit pas. Tant qu'un corps organifé eft dans eet état d'équilibre qui conftitué la fanté, il ne doit donc pas fentir le Magnétifme univerfel ou l'influence qui tend fans ceffe a maintcnir cct équilibre ; car il n'y a pas deux facons d'être en équilibre. Et vous voyez bien, par exemple , que fi votre organifa-  fur le Magnétifme animal. 109 tion eft en équilibre durant une anriëc, la force qui fait qu'elle eft cn eet état, agit abfolument dc la même manière dans tous les inftans de 1'annéé ; elle ne produit donc dans tous les inftans de 1'annéc que la même impreffion : d'après ce que je viens de dire, elle doit donc abfolument vous laifler infenfible. Lc corps organifé eft-il malade; les chofes changent : le corps organifé n'eft malade , comme on vierit de le voir, que paree qu'il n'y a plus d'équilibre entre les parties qui le compofent. Mais, dès que 1'équilibre par lequel un tel corps eft conferve ne fubfifte plus, il faut abfolument que cc corps fe diflblve, comme il faut qu'un édifice s'écroule fitöt auffi que 1'équilibre qui en maintient toutes les parties ceife d'exifter. Cepcndant le corps organifé qui a perdu fon équilibre ne fe diflbut pas toujours, &z cela paree qu'il exifte dans la nature une force quitendcontinuellement a le ramener a fon premier état. Et cette force, je n'ai pas befoiri dc le répéter , eft le Magnétifme univerfel, ou cette grande influence qui, par un mouve-  110 ConfidératiönS ment général, tend continuellement a cor nger les aberrations ou les défordres que les mouvemens particuiiers ont produits. - Ainfi, tandis que par fon défaut d'équihbre le corps organifé lutte fans ccffe vers fa deftrudion, la force dont je parle en le appellant a 1'éqüilibre, agit fans eclfe pour la confervation. Mais de-la, & par une conféquence infaulible, quedoit-il réfulter ? Une adion conftante de Ia caufe qui détruit fur la force qui conferve, une réadion conftante de la force qui conferve fur la caufe qui détruit ; de-la, fimpoflibilité d'une adion uniforme de la part de la force qui conferve, puifcm'a chaque inftant elle eft hcurtée par la force qui détruit; de-la, deux manières d'être fe fuccédant & fc contrariant fins celfe dans le corps organifé, I'une produite par la force qui conferve, 1'autre produite par la caufe 34. qui détruit; de-la enfin, la douleur, qui; leur6:'^ ^ d'affeaioils Pénibles, exprime *•«. la difrercnce de ces deux manières d'être, & par la douleur, le Magnétifme univerfel devenant fenfible, dc la même facon que toute autre force devient fenfible quand elle rencontre une réfiftancc.  fur le Magnétifme animal. 111 Ainfi • le Magnétifme univerfel ne peut produire des fenfations dans le corps organifé , que lorfqu'il eft malade; ainfi, paree que la douleur eft la fenfation qu'il produit, parmi les êtres foumis a fon aftion , il n', a que les êtres qui reflentent la douleur , ou qui fouftient, qui peuvent fervir a conftater fon exiftence. Les êtres malades font donc les feuls 3J. fujets propres aux expériences qu'il faut f^e0VT™i^ faire pour parvenir a connoitre d'une ma- fee/S^ nière fenfible , & la réalité du Magnétifme P^Tp^üuniverfcl, & la réalité du Magnétifme ani- gfc mal, qui n'eft autre chofe , comme on *öae^«. Jj* fait ciuc la facuité de fubir 1'aftion du univerfel & ' 1 du Magné- Magnétifme univerfel. ufme animal. Cette vérité reconnue. De quel genre doivent être fur les corps malades les expériences qui peuvent nous eonduire a la démonftration phyfique de 1'exiftence du Magnétifme univerfel & du Magnétifme animal. Dans mes principes & d'après les idéés 36. que je viens de développer, la douleur eft bien une preuve phyfique de ce doublé vent être ces Magnétifme, puifqu'elle eft un effet du feps*, Magnétifme univerfel, & qu'elle fuppofe  Iri Confidérations dans Pêtre qui 1'éprouve lc Magnérifrné animal. Mais le raifonnement ïeul m'a conduit a cette nouvelle manière d'envifagcr la douleur, & fans le concours du raifonnement, n'exifte-t-il pas, dans un certain ordre d expériences , d'autres preuvcs phyfiques &c du Magnétifme univerfel & du Magnétifme animal. 37. Ici, j'aurai peut-être quelque peine k me faire entendre. Un corps organifé ne denne^evic-nt vjcnt malade, ou ne perd 1'équilibre, par lequel fc maintiennent entre elles les particulcs de matière qui le compofent, que paree que ces particulcs dc matière font combinécs autrement qu'elles ne devroient lette. Suppofez les particules dc matière qui compofent lc corps organifé, combinécs comme il convient, 1'équilibre qui les maintient fiubfiftera, & je vous défie dé concevoir pour lc corps organifé la pofïïbjlité d'une maladie. Ce font donc des particulcs dc matière, combinées dans lc corps organifé autrement qu'il ne faut, qui forment la maladie, ou cette réfiftance dont jc viens de pariet contre laquellc lutte fans ccfie 1'aclion conferva'trice de la nature. Et  fur le Magnétifme animal. 113 Et 1'adion confervatrice de la nature s'exerce , comme on le fait, au moyen du fluide univerfel répandudans 1'efpace, fluide qui tend continuellement a vaincre les obftacles par lefquels eft brifé le mouvement réparateur de Punivers auquel il óbéit, fluide qui agit de telle manière , obfcrvez bien ceci, que de Pobftacle même qui lui réfifte, réfulte Peftort qu'il fait pöur le détruire. Je vais me fervir d'une comparaifon prefque triviale, mais elle expliquera clairement ce que je veux dire : fuppofez un pont jeté fur une rivière par-tout également profonde &tranquille, & recevant cette rivière dans des arches diftribuées fuivant les proportions les plus exades ; par un accident quelconque fous unc des arches fe forme un lit de gravier; c]u'arrive-t-il alors ? que la rivière lutte contre le gravier qui s'oppofe a fon paifage, qu'elle lutte par Peftet de la réilftance même qu'elle éprouve , qu'elle lutte avec d'autant plus d'impétuofité que la réilftance devient plus conlldérable. Eh bien, la rivière profonde &tranquille, . c'eft le fluide univerfel obéiflant a Pad ion harmonieufe & puiflante de la nature. Le pont jeté fur la rivière, c'eft le corps H  H4 Confidératións organifé , pénétré en tous fens par le fluide univerfel. Le gravier , c'eft la maladie. ■ Lc gravier qui rend la rivière plus impétueufe a mefure qu'il devient plus confidérable , c'eft la maladie qui rend 1'adtion de la nature plus énergique, en raifon de 1'obftacle qu'elle lui préfcnte a combattre. 38. Avant que d'aller plus loin , je defire Vues génd- qu'on remarquc ici trois idees d'une vafte rales fur Ia > * nature, opé- étendue. La première, que la nature veut feTa cönfer- toujours guérir, puifqu'elle veut eflentielleêtres & leur ment 1'ordre & qu'il exifte en elle un mourétabi.(ie- vemellt réparateur qui tend fans ccfle a le reproduirc ; la fcconde, que c'eft toujours la nature qui guérit, car fi elle ne vouloit pas guérir , & fi le mouvement dont je parle n'exiftoitpas dans fon fein, je demande comment on s'y prendroit pour opérer une guérifon ; la troifième , que la nature ne guérit que par des crifes, c'eft-a-dire, par un combat entre elle &: le mal qu'elle veut détruire , combat qu'il importe d'autant plus de ne pas interrompre dans les moments de fa grande activité , qu'en rendant alors 1'adfion de la nature plus énergique, il en augmente infailliblement 1'efticacité ;  fur le Magnétifme animal. \ i $■ cette feule idéé que je vois defcendre des hauteurs du fyftême du monde , quand elle fera bien approfondie, bannira de la médecine une foule d'erreurs. Je continue: Si 1'ordre dans lequel nous exiftons n'étoit pas depuis long - temps dépravé; fi les maux dont nous fommes la proie n'étoient pas maintenant prefque toujours le produit de quelque caufe lente, opiniatre & profonde , fans doute la nature fuffiroit toujours feule au rétabliffement de notre organifation altérée ; elle feroit pour nous ce qu'elle eft pour 1'animal, fur-tout pour 1'animal libre des liens de la domefticité , & offrant a fon acfion bienfaifante un inftinct que la fervitude n'a pas corrompu 5 comme 1'habitant des forêts, fitöt que nous fubirions quelque imprefllon douloureufe , nous trouverions fans effort, & par le mouvement involontaire de notre organifation, la pofition qui nous convient le mieux, celle qui doit rendre le mouvement réparateur , dont je viens de parler, plus efficace; & paifibles, & réiïgnés , & ne connoiifant pas ces inquiétudes cruelles qui ajoutent a la douleur 1'accablante triftefle, H a  11 ê Confidérauons pire encore cent fois que la douleur, nous abandonnerions entièrement a la nature le foin de réparer fon ouvrage (2z). Mais nos maux aujourd'hui ne font pas plus fimples que nos befoins; mille circonftances concourent a les faire naïtre; mille autres circonftanccs les maintiennent quand ils exiftent une fois , & s'ils ne cedent en effet qu'a 1'action de la nature, trop fouvent, on doit en convenir, la nature eft impuiifante pour les détruire. 39- II faut donc bien alors aider la nature. rer?agi'rnfur Or, elle ne peut être aidée que de deux ganifé^maul manièresou en diminuant par des moyens 4i* qui lui font étrangers 1'obftack qui s'op- pofe a fon action, ou en rendant fon adion contre eet obftack plus penetrante & plus énergique. 40. La première manière , eft celle de la L'une beer- Médecine , telle que nous la pratiquons taine & dan - . . , gereufe, & aujourd hui y cette manière eft neccffaireicaeMédccine ment dangereufe, paree qu'il eft impoiïï- wdu-irc. bj£ ^ qUOjqu>on £n fcfe ^ de ja £ajre r_fulter (2.2,) Si on avoit bien étudié la Médecine inftinétive des animaux, il y a long-tems qu'on auroit remarqué les rapports qui exiftent entre 1'art de guérir & la théorie du monde.  fur le Magnétifme animal. 117 de régies certaines. Pour qu'elle rcfultat de régies certaines, il faudroit qu'elle nous fournit un moyen conftant de trouver dans le corps organifé le Iieu oü réfide 1'obftacle qui s'oppofe au mouvement réparateur dc la nature \ il faudroit de plus qu'elle nous fit connoitre exactement comment agiffent les forces, c'eft-a-dire, les remèdes que nous pouvons employer pour vaincre eet obftacle, &c la quantité dc leur a&iqn dans chaque circonftance donnée; or , qui ofera me dire qu'il exifte dans la Médecine ordinaire un moyen conftant de trouver 1'obftaclc dont je parle ? Qui ofera me dire que eet obftacle n'eft pas fouvent caché dc telle forte qu'il échappe a la fagacité la plus exercéc? Qui eft-ce qui a faiiï, je le demande , les rapports qui peuvent fe trouver entre unc organifation fouffrantc, & le remède employé pour la délivrer de la douleur 5 Qui eft - ce qui a mefuré Paction des remèdes a travers la prodigieufe variété des tempéramens &£ des ages ? Et ft* prefque jamais vous ne pouvez raflcmbler que des doutes, & fur le mal qu'il vous faut combattre, 3z fur Peffct des reflburecs que vous mettez en oeuvre pour le détruiie ; oh l H 3  ■ii 8 Confidérations combien de fois ne peut-il pas arriver que vous vous trompiez & fur le mal & fur le remède , que vous agiffiez contre la nature qui veut guérir, & non pas contre le mal dont vous êtes empreffé de fufpendre les progrès; & qu'eft-cc alors, jevousprie, que Tart que vous profeffez? Pour Phomme qui a le plus de génie, qu'eft-il autre chofc que Part d'aifembler affez fouvent, fi vous le voulez , d'heureufes conjectures \ Mais dans les mains de Phomme qui n'a point de génie, dans les mains de cette foule d'hommes médiocres qui le pratiquent chaque jour avec tant d'efffonterie dans la fociété, qu'eft-il 5 Quand vous mefurez fes ravages, je vous le demande, n'êtes-vous pas tenté cent fois de le regarder comme le droit funefte de didter des profcriptions & d'exercer des vengeances ? 41. La feconde manière d'aider la nature eft, mum?coÏE ainfl ie lensde le dire, d'augmenter fon aclion fur le mal qu'on veut détruire ; don "die nt cclle'la ne Peut ï^ais être que bienfaifante; croit ï éner- car qu'eft-ce que 1'action de la nature fur les corps organifés? C'eft une action qui, comme on Pa vu , tend fans ceffe a maintenir dans chaque corps organifé eet équi-  fur le Magnétifme animal. 119 librc précicux qui le conftitué cc qu'il doit être > Rendre 1'aftion de la nature plus énergique , c'eft donc faire enforte que le mouvement par lequcl elle rappelle tous les êtres a 1'équilibre , s'appliquc d'une manière plus immédiate & plus détermince a tel ou tel corps (13 V, c'eft donc agir neceflairement pour que tel ou tel corps retrouve fon équilibre' quand il 1'a perdu; c'eft donc agir néceflairement d'après la loi qui conferve , & Tart qui nous apprendroit a faire ufage de cette loi & a en accroitre au befoin Vénergie, ne feroit donc jamais cn dernière analyfe que 1'art d'employer la nature qui ne peut pas vouloir lc mal & qui fait fans ccffc effort pour le combattre (14)- Or maintenant, &c je prie qu'on me fuive & ^ • ^ avec quelqu'attcntion,fiuntei art exiftoit & conde __. (23) Voila pourquoi M. Mefmer a dit qu'il n'y a qu'un remède ou une maniète de rétablir la fanté. (a4) Le moment ou un homme ceffant de fe confier a la nature, a abandonné a un autre homme le fom de fa confervation, a peut-être été 1'époque des premières fuperftitions dans 1'univers; quel ferme ne rendra pas au genre humain celui qui fera de la connoüfance & de 1'étude des loix confervatrices de tous les ëues une pattie de notre éducation. H 4  Uo Confidérations niere exifte, ,., . t£ tt .s\ffu1^ connoiflance le Magnettlme univerfel & fur le Mao-né On fait combien 1'imagination eft puiflante , & il y a des exemples rares} fans doute, mais frappans,  m Confidérations des révolutions qu'elle peut opérer dans une organifation malade. Ceci vaut la peine d'être examiné. M. Bailly a beaucoup parlé de 1'imagination : mais quoiqu'il en ait beaucoup parlé, il me femble encore qu'il faut que je dife ce que c'eft & de quelle manière elle agit. 44. L'imagination, confidérée dans fes eftets Ce que ceft phyfiques, eft une facuité qui modifié notre nation , ce organifation , de manière a lui faire éprou- dans 1'hom- ver en 1'abfence des objets des impreffions £mmeda,nsce iembkbks a celles qu'on doit a leur préfcnce » ou en la Préfence des objets des men! elT imPreffi°nS ©U plus forteS OU plllS foibks cTrJforganT- que celles que les objets Peuvent naturellefés, & queiie ment produire. eft la durée T ,. . . - de fon ac- t .- JL imagination fe mek plus ou moins fron, ' r • ' mais prclquc toujours aux diverfes fenfations que nous éprouvons. Nous avons rarement des fenfations fimpies, c'eft-a-dire, qu'a la fenfation qu'un objet produit, fe mêk très-ordinairement le fouvenir d'une fenfation antérieurement éprouvée} un danger rappelk un autre danger , un plaifir un autre plaifir \ le fouvenir de la peine autrcfois refientie, rend plus infupportable la peine dont nous fentons ac-  fur le Magnétifme animal. 113 tueHemèrit les atteintes; nous comparons fans celfe , &: par un jugement très-rapide, cc que nous fommes a ce que nous fümes, & il n'eft prefque aucune des impixfiions que nous recevons qui ne fe trouve ainfi modifiée en plus ou en moins par les imprefïïons que nous avons reeues. L'imagination ne peut exifter fans la mémoire, c'eft-a-dire , fans cette facuité qui lie lc pafte au préfent, qui conftitué le moi de chaque être & qui fait que les inftans de leur durée ne demeurent pas épars, fi je peux me fervir de ce terme , mais fe fuccèdent & s'enchaïnent pour compofer une feule vie. L'imagination n'eft cependant pas la mémoire \ la mémoire rappelle les fenfations, les idees paffées , l'imagination les ajoute aux fenfations , aux idéés préfentes pour en augmenter ou diminuer 1'intenfité. Vient enfuite 1'efprit qui opère fur le travail de l'imagination & qui en reftifie prefque toujours les réfultats. Quand on examine les facultés de 1'homme d'une manière phyfique, on voit qu'il n'en eft aucune qui n'ait un rapport très-efléntiel a fa confervation ; cette ima-  I24 Confidérations gination , que Mallebranche appelloit Ia folie de Ia maifon, eft cependant néceffaire a notre exiftence , elle veille, pour ainfi dire, fur les mouvemens de tous les êtres dont nous fommes entourés, &nous donne promptement les modifications qui nous conviennent en conféquence du bien ou du mal qu'ils peuvent nous faire. L'imagination dans la femme eft plus mobile que dans 1'homme, & il falloit que cela fut ainfi, paree que la femme, deftinée par la nature au prémier développement de 1'enfance , doit avoir une prévoyance , une activité de tous les inftans, & pouvoir fe détacher en quelque forte de' plufieurs fenfations, deplufieurs idéés qu'elle vient d'aifembler, pour en alfcmbler fubitement pluficurs autres , felon les dangers & les befoins de la familie naiifante. L'imagination dans 1'homme eft plus forte que dans la femme, c'eft-a-dire, qu'elle rapproche une plus grande quantité' de fenfations & d'idées, & qu'elle y tient davantage; 8z il falloit que cela fut ainfi, paree que 1'homme obligé d'affurer audehors & d'une manière durable I'exiftence de la familie, forcé de prévoir au loin 8c  fur le Magnétifme animal. pour long-tems, ne devoit pas fe laifler modifier par toutes les impreffions que les objets extérieurs peuvent apporter a fes fens. Si je parlois de l'imagination relativement a 1'efprit, je dirois que la femme a plus de graces dans 1'efprit que 1'homme paree que la grace confifte dans le mouvement faeile des idéés; je dirois que 1'homme a plus d'énergie & d'étendue dans 1'efprit que la femme, ou, ce qui eft la même chofc, plus de génie, paree que le génie confifte a opérer fur beaucoup d'idées, & a les raflembler pour de grands réfultats (zy). II y a quelque chofe au-deflus de la grace, c'eft le charme, & il réfulte d'un certain abandon , d'une certaine mollefle , d'une certaine né°;li2:ence dans le mouvement des idéés; le charme eft a la grace, ce que la volupté eft au plaifir. (25) Je voulois parler ici de 1'éloquence, & dire comment 1'éloquence qui ne peut exifter fans l'imagination , réfulte des loix qui nous confervent. Je voulois donner 1'analyfe phyfique des efFets que produit 1'éloquence , & en conféquence déterminer les régies auxquelles 1'art de parler doit être aflujetti; mais tout cela me menoit trop loin, & faifoir perdre de vue le fujet que je traite.  f~ 3 Confidérations L'imagination agit fur notre organifation, ou en la contraignant ou en la développant; elle contraint notre organifation, par cxemple, a la vuc d'un dangcr, quand elle raffcmble des idees qui peuvent nous en infpirer 1'effroi, toutes les fois qu'elle nous foumet a une impreffion fachcufc; elle développe notre organifation a Ia vue d'un objet qui nous plaït, quand elle raffemble des idees qui peuvent nous en rappeller le fouvenir, toutes les fois que nous fommes modifiés par une impreffion favorable. L'imagination dans 1'homme malade peut donc faire ou du bien ou du mal; elle fera du bien, fi en Ie livrant a des impreffions agréables & douces, elle développe fon organifation, car elle aidera 1'action confervatrice de la nature, qui, comme on Fa vu, ne conferve qu'en développant; elle fera du mal, fi en le livrant a des impreffions importunes & chagrines, elle contraint fon organifation, car l'action confervatrice de la nature n'a qu'une influence bien foible fur une organifation contrainte, & dont une caufe quelconque empêche le développement,  fur le Magnétifme animal. \ry L'imagination fait plus fouvent du mal que du bien, car dans l'état acluel des chofes , nous avons plus fouvent a craindre qu'a efpérer, nous recueillons plus d'inquiétudes que de jouiffanccs. Sitót que nous fommes affeétés par la douleur, habituéc a raffembler plus d'idées pénibles que d'idées confolantes, l'imagination nous nuira donc plus qu'elle ne nous fervira; 1'homme du peuple, 1'homme qui vit aux champs, quand il eft malade, guérit bien plus vite & mieux que 1'homme qui vit dans le monde; & pourquoi? paree que fon imagination prefque nulle, n'ajoute rien a fes maux réels; il fouffre fans fe tourmenter, & la nature, lorfqu'elle n'eft pas détournée par le Médecin, fe rétablit avec la vie dans fon organifation , comme un fleuve arrêté quelques inftans par un obftacle imprévu, reprend par lc fimple mouvement de fes eaux fon cours accoutumé. L'imagination foit qu'elle fafle du bien, foit qu'elle faffe du mal, ne peut être excitée que par des idéés ou des fenfations nouvelles. Pour Pobliger a fe mouvoir, il lui faut ou parmi les objets fenfibles ou parmi les objets intelleduels, un objet qu'elle  ConfidératiortS n'ait point appercu & qui éveille pat une impreffion foudainc ou fa vigilance ou fa curiofité; mais toute fenfation long-term prolongée, toute idee iong-tems préfentc la laiffe fans aétivité; elle a fait pour une telle fenfation au moment oü elle l a éprouvee, pour une telle idee au moment oü elle 1'a recue, tout ce qu'elle pouvoit faire, Sc a cöté de cette fenfation, de cette idéé, elle demcurera conftamment cn repos, a moins que d'autres fenfations, d'autres idéés en fe mêlant a celles-la, Sc en leur donnant un autre caractère, ne la contraignent a s'en occuper encore. Ainfi en réfumant ce que je viens de dire, comme nos autres facultés, l'imagination nous a été effentiellement donnée pour notre confervation ; ainfi dans 1'ordre de chofes oü nous vivons, quelquefois elle produit des effets utiles; ainfi, paree que eet ordre eft rarement celui qui nous conVient, le plus fouvent elle ne produit que des effets funeftes; ainfi paree que dans eet ordre la plupart des objets fur lefquels elle s'exerce, n'apportent a notre ame que des fenfations ou des idéés importunes, plus elle aura de force dc d'activité, Sc plus faci- lement  fur le Magnétifme animal. r 2.9 Icmcnt elle fera dangereufe ; ainfi paree qu'il eft de fa nature de n'être excitée que par des idéés &c des fenfations nouvelles, foit qu'elle agifle en bien, foit qu'elle agifle en mal, elle agira moins, fitöt que les fenfations & les idéés qui 1'auront mifc en jeu pcrdront de leur nouveauté, elle n'agira plus, fitöt que ces fenfations & ces idéés deviendront anciennes. Et que conclure de tout cela? qu'il eft poflible que l'imagination feconde les effets du Magnétifme animal, mais qu'il eft trèspoflible auffi & indépendamment de toute circonftance donnée, qu'il doit être plus ordinaire, qu'elle contrarie ou troublc fon acfion ? Que conclure encore de tout cela :que 4^ pour que les effets du Magnétifme animal Que les pro puffent être confondus avec ceux de 1'ima- ttnT dé 'ia gination, il faudroit que les procédés que ITm^éÉ le Magnétifme animal met en oeuvre fuffent de nature a ne laiffer jamais repofer af^g^. l'imagination & a i'entretcnir dans unc rionperpétuelle aeïivité? qu'il faudroit que les maladies foulagées ou guéries par le Magnétifme animal, fuffent toutes d'une telle efpèce, qu'elles puffent offrir fans ceffe a I  13 o Confiderations l'imagination quelque moyen d'exercer fon empire; qu'il faudroit enfin que les individus malades, traités par le Magnétifme animal, fe rétabliffent d'autant plus promptement, qu'ils auroient uneimagination plus puiffante & plus énergique. Or, en premier lieu, rien n'eft fi fimple , li uniforme, d'une monotonie même plus fatigante que 1'appareil qu'offrcnt les procédés du Magnétifme; la médecine ordinaire met au moins quelque variété dans les remèdes qu'elle emploie, & chaque rcmède non encore éprouvé devient pour l'imagination des malades une occafion de raffembler des efpéranccs nouvelles. Mais avec le Magnétifme, vous agiffez le prer: mier jour, comme le dernier, & je ne vois pas trop comment l'imagination peut être exaltée par des moyens qui font toujours les mêmes, & qu'il voiis eft impoflible de varier dans 1'application que vous cn faites. En fecond lieu, je divife les maladies en maladies cxtérieures &z en maladies intéricures. J'appelle maladies extérieures celles qui affectent d'une manière très-vifible' quelques parties du corps humain, comme les cécités, les furdités, les plaies, les para-  fur le Magnétifme animal. 131 'lyfies locales; j'appclle maladies intérieures, celles qui paroiffent réfulter d'une difpofition fecrète & générale de 1'organifation; & celles-la, je les divife encore en maladies aiguës & en maladies chroniques: fous le nom de maladies aigues, je comprends toutes les maladies qui produifent la flèvre ou un trouble, une fermentation quelconque dans les humeurs 5 fous le nom de maladies chroniques, je comprends toutes les efpèces de maux de nerfs, depuis 1'épilepfic jufqu'aux vapeurs, toutes les efpèces d'obftruétions dans quelque lieu qu'elles foient fituées, & toutes les maladies qui réfultent oii des maux de nerfs ou des obftructions, comme le rachitifme, les paralyfies totales, les hémiplégics, les hydropifies, les apoplexies, &:c» Mais parmi tous ces fléaux qui altèrent, dépravent ou tourmentent 1'efpèce humaine, il me femble qu'il en eft un grand nombre fur lefquels l'imagination n'a que bien peu d'empire. Apprenez-moi, je vous prie, comment l'imagination doit modifier un aveugle , un fourd, un homme blefle, pour diftïper une cécité, une furdité, pour guérir une playe? Apprenez-moi I z  lj_ '*' Confidérations ce qu'elle peut dans la plupart des maladies aigues, & fur-tout lorfque les fondions du cervcau fe trouvant embarraifées ,elle n'a plus elle-même la liberté de fe mouvoir; entre les maladies chroniques, montrezmoi fa puilfance fur des épilepfies anciennes, des obftrudions invétérées, des hydropifïcs; il vous 1'ofez, tachez de me faire comprendre comment elle fe développe dans une têtc apopledique; & fi dans toutes ces circonftanccs vous êtes forcé de convenir que fon adion eft ou indifférente ou nulle, & fi au contraire on vous prouve que dans ces mêmes circonftances le Magnétifme guérit ou foulage, je vous le demande, comment vous y prendrez-vous pour établir que le Magnétifme &: 1'imagition ne font qu'une même chofe ? De plus, remarqucz qu'avec les maladies qu'on affure avoir été diflipées quelquefois par l'imagination (& 1'on cite des paralyfies ou partielles ou totales) vous ne me prouverez que lc Magnétifme & l'imagination ne différent pas entre eux, qu'autant que vous me ferez obferver qu'ils agiffent de la même manière; or l'imagination n'a jamais foulagé ou guéri s'il faut adopter les.  fur le Magnétifme animal. 133 faits infiniment rares qu'on rapporte a 1'appui de cette affertion, qu'en opérant dans le corps organifé des révolutions fubitcs; & d'après 1'analyfe que j'ai faite de cette facuité, vous devez fentir en eftet qu'elle ne peut foulager ou guérir que de cette manière, puifqu'elle n'a dc force & qu'elle ne devient trés - active , qu'autant qu'une impreffion foudaine la met en jeu; mais fi le Magnétifme foulage ou guérit autrement, s'il agit graduellement & par nuances fur les organifations qui lui font foumifes, s'il lui faut plufieurs jours, plufieurs mois, une année, & quelquefois même plufieurs années pour rétablir une organifation malade, dites-moi donc encore comment vous me prouverez que le Magnétifme & l'imagination ne font qu'une même chofe ? En troifième lieu, dites-moi donc encore comment vous me prouverez que le Magnétifme & l'imagination font une même chofe, quand on vous fera voir que le Magnétifme produit des effets d'autant plus rapides & d'autant plus'falutaires, que 1'individu fur lcquel on effaye fes procédés eft doué d'une imagination qu'on ébranle I 3  134 Confidérations plus difficilement; quand on vous fera vóir que plus la moralité d'un être eft étendue, & moins le Magnétifme a de prife fur lui; quand on vous fera voir que 1'homme qui vit dans les fociétés convulfives de vos grandes villes eft plus long-tems rebelle a fon adtion que 1'homme qui cultivcvoschamps, & celui-ci plus que 1'enfant dont la raiion repofc encore, & celui-ci plus que 1'animal qui ne connoït d'autres loix que celles de 1'inftinct que lui a donné la nature. Eh bien! maintenant il fera donc vrai que le Magnétifme exifte a part de l'imagination, fi toutes les maladies que je cite obéiifent a fa puiffance, fi parmi les êtres organifés, ceux-la éprouvent fes effets bienfaifans, avec une facilité plus grande, qui ont une imagination qu'il eft moins aifé d'émouvoir. II fera donc vrai que le Magnétifme eft la feule médecine qu'il faut adopter , fi par des expériences comparatives, il eft démontré que le Magnétifme foulage, guérit, oii la médecine ne foulage & ne guérit pas; que, oü la médecine croit foulager & guérit , le Magnétifme foulage & guérit plus prompterhent & mieux.  fur le Magnétifme animal. 135" Et paree que le Magnétifme, confidéré comme 1'art de conferver, réfulte des prin- Qu'ils ptou- ' r ' • j vent cipes que j'ai dcveloppes fur la theorie du Phyfique- , _ , a -r> -i r J ment le Ma- lTlOnde & des etres organiies, 11 lcra donc gnétifme.Ré- _ \ •, • flexions fur vrai, & ce ne lera pas a tort que j aurai ïesguérifons avancé, que toute guérifon opérée par le Magnétifme, devient une preuve phyfique snétlfme' de cette théorie, attendu qu'en quelque forte elle n'en eft que la conféquence. Que refte-t-il donc a faire pour démontrer phyfiquement le Magnétifme ? il refte a tenter les expériences dont je vous parle ici fi elles ne 1'ont pas encore été, & fi elles 1'ont été, il refte a examiner ce qu'elles ont produit. Or elles ont été tentées ces expériences, & quoiqu'ayent pu faire pour empêcher qu'elles ne fuifent remarquées, des hommes qu'il faudra bien vouer un jour a 1'exéeration de tous les fiècles , & au mépris vengeur de la poftérité, il n'eft plus permis aujourd'hui d'en ignorer 1'uitéréflant réfultat. On connoït les cures opérées a Bufancy par M. lc Marquis de Puyfégur, k Bayonne par M. le Comte de Puyfégur, a Beaubourg par M. le Marquis dc Tiffard, a Bourbonne par M. le Comte d'Avaux, 14  * 3 £ Confidéradons a Verfailles par M. Bouvier- M. le Comte dc Chaftenet a publié celles qu'il a faites dans fes voyages fur mer, & dans peu on faura combien ont été heureux fes elfais en Amérique fur les maladies particulières au climat de cette vafte contréej les fociétés exiftantes a Lyon, a Bordeaux, a Gre* noble, a Amiens, a Chartres, a S. Etienne cn Forcz, a Turin , a Berrie, a Malte, dans toutes les Iflcs Francoifes de 1'Amérique, &c. pour le développement Sc la propagation du Magnétifme animal, vont faire connoitre également & de la manière la plus authentique les guérifons qui ont été opérées fous leurs yeux dans les traitcmens magnétiques qu'ont établis en ces divers licux des Médecins inftruits par M. Mefmer. Tout le monde a lu le recueil de M. d'Eflon, & on fait aujourd'hui que dans les Ecoles vétérinaires dc Paris Sc dc Lyon , les expériences tentées fur les animaux malades ont été fuivies du fuccès le moins équivoque, quelquefois même du fucccs le plus inefpéré. Et pour faire tous ces elfais, pour opérer toutes ces guérifons, a-t-on préféré aux imaginations lentes, parelfeufes, rebelles,  fur le Magnétifme animal. 13? les imaginations fouples, impétueufes, dociles> non. Dans tous les ages, dans toutes les clafles de la fociété, fur tous les tempéramens, & je viens de le dire, fur les animaux comme fur les hommes, le Magnétifme a diftribué fon influence bienfaifante; & c'eft fur-tout aux champs, parmi des hommes grofllers, fur les enfans, fur les animaux , que fes prodiges ont été plus multipliés & plus prompts. Et pour faire tous ces eflais, pour opérer toutes ces guérifons, a-t-on choifl des organifations foiblement altérées & dont le rétabliflement fut facile: non. II n'eft prefqu'aucun des individus qui doit au Magnétifme une meilleure exiftence, qui avant que d'en avoir approché n'ak épuifé les reflburces de la médecine ordinaire , & qu'on n'ait long-tems compté au nombre de fes victimes. Et pour faire tous ces eflais, pour opérer toutes ces guérifons, a-t-on aftecté 1'obfcurité, le myftère? non. A la campagne, c'eft en plein air; a la ville, c'eft dans des lieux dont il étoit trop facile peut-être d'approcher, qu'ont été traités les malades dont 1'hiftoire eft dé ja ou va être inceflamment offerte a la curioüté publique.  • Confidératiöns •' Et ces eflais ont-ils été peu fréquents? ces guérifons font-elles en petit nombre > non. Je compte dans 1'efpace d'une année, & dans peu tout le monde pourra compter comme moi, plus de huit eens individus foulagés confidérablcment ou abfolument guéris par le Magnérifme animal. Ainfi donc & en réfléchiflant fur les raifonnemens que je viens d 'enchaïner, s'il eft une chofe fur laquclle il ne faille plus former de doute, c'eft celle ei: que le Magnétifme animal eft non - feulement fufceptible d'être phyfiquement démontré, comme je 1'ai avancé dans la divifion de eet ouvrage, mais même que lespreuves phyfiques dc fon exiftence & de fon utilité font irrévocablement acquifes. J'ai fini & je fens qu'il eft tems de finir, §• I V. Condufion. ' J'ai voulu prouver, i°. que le Masnétifme animal exifte ; i°. qu'il ne doit réfuker du Magnétifme animal que des conféquences avantageufes a 1'humanité ; 3°. qu'on peut acquérir la démonftration phyfique de 1'exiftencc & dc 1'utilité du Magnétifme animal. Je crois que j'airempli,  fur le Magnétifme animal. 13 9 dans toute fon étendue , la tache que je me fuis impofée. II ne me refte plus qu'un mot a dire futla deftinée de eet Ecrit. Parmi les perfonnes qui le liront, beaucoup sürement n'y chcrcheront qu'une occafion de difputer fur les idéés jufqu'a préfent inconnues ou peu rcmarquées qu'il renferme, & Pon penfera y peut-être, que je ferai trés - emprefle de me mêler aux difputes auxquelles ces idéés pourront donner lieu. On fe trompera. La vérité eft amie dc la méditation & du filence. Je ne fais pas cc qu'elle eft pour les hommes qui ne font que la recevoir ; mais pour les hommes qui la cherchent, je fais qu'elle réfulte d'une manière plus profonde d'écouter fa fenfïbilité, paree qu'elle n'eft, en dernière analyfe , qu'une manière plus énergique de fentir les rapports de Phomme avec la nature. Celui qui cherche la vérité , accoutumé a vivre avec lui-même, n'aimera donc guère a fe détourner des penfées impérieufes & folitaires qui envahilfcnt de toute part fon intelligence, pour fe livrcr a de vaines querclles ; & ce ne fera jamais qu'a regret qu'on le verra fortir de fon repos, pour fc faire remarquer dans quel-  *4Ö Confidérauons ques-unes de ces difcuffions d'éclat que les opinions nouvellcs font éclorre. Une circonftance cepcndant pöurra me déterminer a revenir fur mes pas j ce fera celle oü quelques hommes ohéifiants a des haines cachées&piuffantes, ou bien égarés par ce fanatifme qui veille toujours a cöté des anciennes opinions, pour éternifer leur empire , elfaycront, dans le delfein de nuire a Ia doctrine que je viens d'cxpofer, dc ■ donner a mes principes des conféquences non pas fimplement fauffes, mais dangereufes; alors on m'aura calomnié; & de toutes les manières de calomnier, on aura trouvé pour moi la plus cruelle ; & il m'arrivera d'écrire encore; car il ne faut pas que la même renommée demcure a i'homme dc bien & a l'homme méchant, & avec des intentions pures & la certitude d'avoir travaillé au bonheur de fes femblables, il me lèmble qu'on manque a la vérité & a la vertu, quand on fe tak devant la calomnié. Hors de la, je n'écrirai pas (z6). II eft des (a6) Cela ne veut pas dire que je n'écrirai plus fur Ie vérités que je viens d'expofer, mais fimplement  fur le Magnétifme animal. i^t vérités qui font tellement puiifantes, qu'une fois jettées dans le fol de fopinion, elles s'y attachent trés - promptcment par des fibres vigoureufes , & que quoiqu'on faifc pour empêcher leur développement, elles s'élèvent comme par une végétation imprévue jufqu'aux plus incommenfurables hauteurs. De telles vérités croiifent fans culture. Elles reffemblent au pin altier qu'oa que je ne difputerai pas fur ces vérités. J'ai jetté a la hate dans eet Ouvrage plufieurs idéés nouvelles devantmoi; un jour, fi je peux enfin appartenir a des circonftances tranquilles, j'affemblerai enunfeul fyftême ces idéés avec beaucoup d'autres que je crois également nouvelles; & 1'on verra peut-être qu'il eft pofllble de faire dépendre d'un principe & d'un fait unique, 1'ordre entier de nos connoiiTances. En attendant je pourrai effayer dans le public quelques-unes de mes idéés; bientöt, par exemple, je me propofe d'examiner s'il n'y a pas une éducation univerfelle pour tous les êtres qui participent a 1'intelligence & a la fenfïbilité , ce que c'eft que cette éducation univerfelle , comment elle réfulte de la théorie du monde, de quelle manière il faut en appliquer les principes dans le développement des facultés de rhomme , comment au moyen de ces principes futfifamment connus, on peut donner a nos légiflations , jufqu'a préfent fx incertaines , une bafe déterminée, & a 1'opinion qui gouverne tout, mais qui varie fans ceffe, des élémens qui ne changent plus.  14* Confidér. furie Magnétifme animal rcmarque fur le fommet folitaire des Alpcs. La nature & le tems veillent fur fes progrès, & les pas de 1'homme ne font pas empreints fur la terre qui le nourrit. F I N.  PENSEES SUR LE MOUVEMENT, Par M. le Marquis de Chatellux, de 1'Académie Francoife. J'avois achevé eet Ecrit, quand M. le Marquis de Chatellux m'a conflé quelques penfées fur le mouvement qu'il venoit de rédiger, & dont 1'originalité m'a frappé. J'ai defiré qu'elles devinlTent publiques. II m'a paru que, fur cette matière, M. le Marquis de Chatellux voyoit d'une manière abfolument neuve , & je me fuis trouvé riche d'une grande idéé de plus , lorfqu'il a bien voulu permettreque fes réflexions fuflent lues k la fuite de mon ouvrage. i°. Il n'eft pas donné a 1'honimc de connoïtre les eflences des chofes, & nous ne pouvons nous cn former d'idées précifes que par 1'exiftence & la privation: c'eft ainli qu'on a 1'idée du jour par celle de la nuit, &■ réciproquement; car li 1'on voyoit toujours la lumière, cette perception continuclle ne feroit pas fentic, du moins on n'en auroit pas la confeience, & on ne lui donneroit pas de nom. 145  144 Penfées fur le Mouvement. z°. C'eft par une conféquence de cette limite de nos facultés, que nousne connoiffons le mouvement que paree que nous connoiflons le repos. Nous avons vu des êtres fe mouvoir & d'autres refter en place; de-la nous avons conclu que le mouvement n'exiftoit pas toujours. 3°. II eft pourtant impoflible d'imaginer comment lc mouvement fe détruit (i). Ma tabatière tombe de deffus ma table, roule fur ma chaife, tombe fur le plancher: qu'arrive-t-il? Refte-t-elle en repos? Non; fon mouvement trouve un obftacle, il continue, il exifte toujours; ou du moins fi elle perd le mouvement d'accélération pour ne conferver que celui dc fa gravitation propre, elle a communiqué le premier au corps qu'elle a touché, d'oii il fe fera répandu dans la matière , & divifé au point d'être devenu infenfible. 4P. S'il n'y avoit pas detres animés, il feroit peut-être aifé de calculer 1'eftet de (i) On n'entend pas ici par mouvementle fimple déplacement d'un corps, mais la force, qui eft le principe de fon mouvement, force qui peut fe communiquer, fe partager, mais jamais fe détruire, tous  Penfees furie Mouvement. 14^ tous les mouvemens poffibles, foit ceux des corps fublunaircs, qui vont aboutir au eentre de la terre, foit ceux des corps céleftes qui concourent tous a un centre de gravitc commun, Mais comme les êtres animés ont des mouvemens particüliers, des mouvemens fpontanés, des mouvemens d'effort, que deviennent ces mouvemens dans les fyftêmes adoptés dc nos jours, dans ces fyftêmes qui ne confidèrent la matière que comme morte, ou > fi fon veut, paflïve ? 5°. Je fuppofc que tous les êtres animés qui vivent fur la furface de la terre, la frappent du picd au même inftant, ne produiront-ils pas un mouvement additionncl, un mouvement qui ne peut avoir été prévu dans les loix que les Phyficicns ont ima*ginées ? Cc mouvement tend auffi vers le centre de la terre. Mais oü s'arrête^t-il ? Oü doit - il sanéantirj 6°. Si la matière animée peut produire des mouvemens irréguliers, ne faut-il pas que le centre oü ces mouvemens aboutiiTent, foit animé lui-même pour fe proportionncr a ces anomalies , & reftituer ainfi 1'équilibre ou les forecs confervatrices du monde \ K  ï 46 Penfées fur le Mouvement. 70. Je dis plus; il n'eft pas néceffaire d'avoir égard aux mouvemens imprimés pal* Ia matière animée, pour conclure que celle que nous croyons morte , que le globe même de la terre eft animé. Tout pèfe vers le centre de ce globe \ mais la pefanteur n'eft dans le fait qu'un mouvement imprime avec une direétion déterminée. Or , il faut de deux chofes 1'une , ou que du centre de la terre tous ces mouvemens foient renvoyés avec de nouvelles direttions, ou qu'ils foient anéantis ; mais s'il eft vrai que dans 1'art de raifonner 1'analogie ou la méthode de fimplifier les principes autant qu'il eft poflible, doive être confidérée comme la marche la plus süre, nous ferons fondés a croire que la nature modifié, altère , difttibue plutöt qu'elle n'anéantit. Ainfi donc, puifque nous reconnoiffbns dans tous les corps organifés une force qui partage, diftribue & renvoie au dchors tous les mouvemens dont ils recoivent rimprcffion, ou plutöt qui leur font communiqués; puifque nous voyons que ces mouvemens ne font jamais anéantis , pourquoi imaginerionsnous dans la nature un procédé incompréhenfible, une qualité occulte dont nous  Penféesfur le Mouvement. 147 rfavöns pas befoin ; pourquoi voudrionsnous nous perfuader qu'elle n'agit pas dans les fphères comme dans les individus? 8°. Si les loix connues de la pefanteur, de la communication du mouvement, &c. n'appartiennent qua la matière morte & que la matière animée puiffe agir arbitrairemcnt fur cette matière morte , toutes les forces animées ne feront plus que des forces perturbatrices, & la confufion fe mettra dans 1'univers : mais fi 1'on confidère toute la matière comme animée , alors les phénomènes du monde entier ne feront pas plus extraordinaires que ceux du corps humain dont les bons Phyfiologiftes ne pourroient pas expliquer un moment d'exiftence, s'ils n'admettoient pas un principe animé qui le conferve, & qui, par des loix que nous ne connoiflons pas, compenfc toutes les irrégularités de fes palTions & de fes impreffions. 90. Maintenant au lieu de poulTer plus loin ces rapprochemens, ces analogies dont il feroit difficile de fuivre le fil, contentonsnous d'obferver que tout ce qui peut être confidéré comme centre d'action, comme faifant lafonction de recevoir, diftribuer 8c K 1  148 Penféesfur le Mouvement. rcnvoyer le mouvement, femble toujoursêtre productif d'une matière plus fubtile, plus élaborée, plus diffemblabie de la ma' tière morte, plus approchante de ceque nous concevons par matière animée. Ne ci~ tons, par exemplc , que les liqueurs fpermatiques, & les cfprits qui paroinent en fortir pour donner la perfe&ion au corps humain , la tranfpiration, les émanations, ecs conrans établis entre les êtres qui nous portent a 1'imitation & qui nous font ohéir a des mouvemens étrangers, qui font- les defirs, les fympaties, les antipatics, &c. &c., & même l'éleétricité animale qui paroïtêtre le grand océan d'oü fe tire la matière vraiment animée. io°. La nature nous ayant mis ainfi fur la voie, qui nous empêche de penfer que fintérieur du globe étant un grand reccptacle de mouvement, & par confiéquent un grand centre d'aclivité , puifque dans nos principes, il n'y a pas dc mouvemens anéantis, qui nous empêche, dis.je, de penfer que 1'Electricité & le Magnétifme font des produits de cette élaboration inférieure , des fécrétions particulières du globe, des prin, cipes dc h vie. de ce vafte individu, de fes  Penfées fur le Mouvement. '149' correfpondances avec le monde entier. ii°. En fuppofant cette correfpondance générale de mouvemens établie, entrctenue par une matière fubtile &c plus ou moins animée, n'expliqueroit-on pas plus aifément la durée Sc I'égalité des mouvemens céleftcs\ car, fi d'un cöté il eft un peu répugnant a la raiion d'imaginer un vuide abfolu, Sc que de 1'autrc, toute matière, fi tenue qüelle foit, implique néceffairement 1'idée d'un frottcment Sc d'une diminution de mouvement , on fe trouvera bien foulagé par une hypothèfe qui fera voir les caufes même du mouvement dans les fluides qui devroient lc retarder, & cette différence ne viendroit que dc ce feul principe, qu'au lieu de confidércr 1'cfpacc comme rempli d'une matière morte & inerte, on le fuppofe fans ceffe traverfé par des courans qui entretiennent Sc confervent le mouvement. F I N.