Jf4 CONSIDERATIONS réfradion des rayons, au lieu que les animaux: qui vivent dans Fair, ont un cryftallin lenticulaire, ou de la figure d'une fphere applatie? Pourquoi les animaux qui ont des yeux mobiles, n'enont-ils que deux, tandis qu'au contraire ceux qui ne peuvent pas les mouvoir, en ont plufieurs? Pourquoi dans les animaux nodurnes, qui vont chercher leur proie dans lesténebres, la prunelle eft-elle plus large & les yeux plus brillans? Pourquoi l'oeil de la poule lui tient-il lieu tout a la fois & d'une hmette d'approche & d'un microfcope, fi ce n'eft afin qu'elle puilTe chercher les plus petits grains dans la terre & dans le gravier, & découvrir de loin les oifeaux de proie qui pourroient fondre fur fes pouffins? De quel étonnement ne devons-nous pas être frappés, enconfidérant 1'appareil des organes des animaux relativement a leurs divers mouvemens! Quelle multitude de membres, quelle fouplelfe, quelle flexibilité, que de muf* cles & de nerfs, que d'os & de cartilages n'exigent pas ces mouvemens fi variés! Quelques animaux ie meuvent avec lenteur, d'autres avec vitelfe; ceux-ci avec deux pieds, ceuxla avec plus; les uns avec des pieds & des ailes en mème tems, d'autres fans alles & fans pieds. La lenteur ou la vitelfe du mouvement fe regie toujours fur les divers befoins de chaque animal. Ceux qui font bien armés, & qui ont alfez de courage, d'adrelfe & de force pour fe défendre contre leurs ennemis, fe meuvent plus lentement que ceux qui font dépourvus de ces armes. Qui a donné aux ferpens & a d'autres reptiles la force de contrader leur corps & de fétendre, de fe rouler en cercle & de s'élancer enfuite pour palfer d'un endroit  Sur les ceuvres de Dieu. iff a 1'autre & pour failir leur proie? Qui a conftruit les poiffons de maniere qu'au moyen de leur veffie , ils puiffent, a volonté , monter ou defcendre dans l'eau? Qui a enfeigné aux efcargots ou limaqonsde terre, a contradter leurs corps & a faire entrer de l'eau dans leur petite maifon quand ils veulent fe lailfer tomber a terre? Quel art ne fe manifefte pas dans la ftruclure des oifeaux, de tout leur corps, & particuliérement de leurs ailes ! Combien leur corps n'eft-il pas difpofé pour le vol? mince & mgn par-devant, & groffiffant peu-a-peu jufqu'a ce qu'il ait acquis fon jutte volume; par-la il eft très-propre a fendre l'air, & a fe? faire un chemin au travers de eet élément. Les plumes font toutes rangées avec beaucoup d'art, & couchées les unesfur les autres dans un ordre régulier pour faciliter le mouvement du corps, & en même tems pour lui fervir de couverture & le défendre contre la rigueur du froid & du mauvais tems. Quoique fermes & fortement ferrées les unes contre les autres, elles peuvent s'étendre, fe relever, fe gonfler, & prendre plus de volume felon que les befoins de l'oifeau 1'exigent. Les ailes qui font les grands inltrumens du vol, font placées a 1'endroit le plus convenable & le plus propre a tenir le corps dans un exact équilibre au milieu d'un fluide auffi fubtil que l'air. Quel ouvrage admirable ne trouve-t-on pas dans chaque plume? Le tuyau en eft extrèmement roide & creux vers le bas, ce qui le rend en même tems fort & léger. La barbe des plumes eft rangée réguliérement, large d'un cöté, étroite de 1'autre, ce qui fert merveilleufement au mouvement progreffif des oifeaux, de même qu'a la tiffure forte & ferrée des ailes.  IfS CONSIDÉRATIONS .Quelle proportion ne remarque-t-on pas dans la maniere dont les plumes font rangées ? elles font toujours placées dans un ordre qui s'accorde exacfement avec la longueur & la force de chaque plume, & les groifes fervent d'appui aux moindres. Dans la partie oifeufe des ailes, quelle multitude de jointures qui s'ouvrent, fc ferment, ou fe meuvent, felon que le befoin 1'exige, foit pour étendre les ailes, foit pour les relferrer vers le corps! Quelle force finguliere dans les mufcles pectoraux, pour que 1'oifeau puilfe fendre l'air avec plus de rapidité! Quel art incomparable dans la conflru&ion de la queue, pour qu'elle ferve en quelque forte de gouvemail, qu'elle dirige le vol, qu'elle aide 1'oifeau a monter & a defcendre dans l'air, & qu'elle empëchele chancellement du corps & des ailes ? Combien la difpofition des jambes & des pieds n'eft-elle pas appropriée aux divers mouvemens? Dans quelques oifeaux les pattesfont larges& pourvues de membranes qui s'étendent & qui fe contractent, afin qu'ils puiffent nager; dans d'autres elles font aigues & recourbées a la pointe , afin qu'ils puiffent marcher d'un pas ferme, fe percher , failir & ferrer leur proie; dans les uns les jambes font longues pour marcher & fouiller dans les eaux & les marécages; en d'autres elles font plus courtes & toujours convenables a leur maniere de vivre & a leurs befoins. Qui ne reconnoitroit en tout cela 1'intelligence fuprème de notre Créateur & de notre bienfaiteur ! Seroit-il poffible que des chofes fi merveilleufes , fi régulieres , fi admirablement proportionnées fulfent Pouvrage d'un hafard aveugle? Pourroit-on fe perfuader que  l6l CONSIDÉRATIONS les nouvelles mouches qui naiffent dans une ruche. Des ceufs qu'elle a pondus dans les alvéoles, il fort d'abord des vers que les abeilles ouvrieres nourrilfent avec leur trompe. _ Enfuite, ce ver refte pendant prés de quinze jours dans un parfait repos & comme mort, dans fa celluie qui a été fermée avec un petit couverclede cire. Dans eet état d'immobilité on l'appelle mjmphe. Quand le tems en eft venu, il ouvre fon tombeau , & il en fort fous la torme d'une jeune abeille. Outre la reine , il y a dans chaque ruche deux autres fortes de mouches, les faux-bourdons & les abeilles ouvrieres. Les premiers font males: ilsfécondent la reine & lui fervent d'efcorte. Les abeilles ont a la tète deux antennes , qui garantilfent leurs yeux & qui les avertiflent des dangers; elles ont des machoires ou des ferres dont elles fe fervent dans leurs travaux, & une trompe, ou tuyau creux, qu'elles font fortir d'une gaine & qu'elles y font rentrer a volonté. Cet inftrument, fouple & mobile en toutfens, feporte jufques au fond du calice des fleurs pour y amafler le miel, qui pafle de la trompe dans la bouteille de miel, placée dans 1'intérieur du corps, d'oü le miel eft enfuite verfé dans les cellules du magafin. Les abeilles ont fix pattes. Avec les deux premières & leur machoires , elles forment en petites boules la cire ou les étamines des fleurs, & les font palier par les pattes du milieu dans un enfoncement, en forme de cuiller , qu'elles ont aux pattes de derrière , & qui eft garni de poils pour retenir la cire & 1'empêcher de tomber pendant que les abeilles voient. Ainfi chargées de miel & de cire, les abeilles ouvrieres retournent a leur ruche , fans s'égarer, quoiqu'elles en foient  164 CüNSIDÉRATIGNS DIX-HUITIEME JUIN. Farties extérieures des plantes. Pour nous faire quelqu'idée de 1'art inimitable qui fe découvre dans le regne végétal, il faut aller par degrés. Notre efprit eft trop borné pour voir tout dans 1'enfemble, & pour en acquérir ici-bas une connoifl'ance parfaite. II faut nous contenter de quelques obfervations, & palfer progreffivement des chofes vifibles aux invifibles; des objets fimples & individuels a ceux qui font plus compofés & plus généraux. Qui pourroit en effet failir d'un coup-d'ceil tout 1'enfemblc de 1'organifation des plantes 'i Commenqons donc par obferver leurs parties extérieures, & arrètonsnous d'abord aux racines. Elles font conftruites de maniere qu'au moyen de la racine principale, des chevelus & des petites racines qui en fortent, les plantes font affermies dans la terre. Les pores , ou les ouvertures qui fe trouvent dans les racines, fervent a recevoir les fucs aqueux & nourriciers que la terre renferme. De la racine fort le tronc, auquel la plante doit en partie fa force & fa beauté. Sa ftrudlure eftdiverfe felon la nature de la plante. Quelquefois le tronc a la forme d'un tuyau, fortifié par dilférens noeuds qui y font artiftement placés. D'autrefois la tige eft li foible, qu'elle a befoin d'un fupport autour duquel elle s'entortille & s'y attaché au moyen de quelques petits crochets. D'autrefois enfin, le tronc s'éleve majeftueufement comme une forte colonne, fait 1'ornement des forêts, &  Sur les ceuvres de Dieu. 167 monie, ce merveilleux arrangement de tout le regne végétal; en voyant que tout y eft beau, que tout fe regie d'après des loix générales mais dont 1'application eft différente, n'en conclurez-vous pas que 1'auteur de toutes ces beautés doit néceffairement avoir une fageffe infinie? Cette conféquence eft tout auffi naturelle, que celle que vous tirez lorfqu'en entendant parler une perfonne, vous en concluez qu'elle doit être prés de vous. Elevez donc votre ame vers le Créateur de toutes chofes : vous le trouverez & le reconnoitrez partout. C'eft pour cela qu'il a formé les plantes avec tant de magnificence, & qu'il étale a vos yeux toutes leurs beautés, toute leur utilité. Que la fageffe divine vous foit toujours préfente. Elle fe manifeftera jufques dans le moindre brin d'herbe, fi vous prenez la peine de 1'examiner attentivement. De telles réflexions vous rendront plus fenfible aux plaifirs de 1'été, & 1'embelliront encore avosyeux. Plus vous vous habituerez a méditer fur les ceuvres de Dieu, & plus aulfi vous trouverez de fatisfadion a contempler le fpedacle de la nature: a chaque fleur que vous verrez, vous vous écrierez avec raviffement : que mon Créateur eft grand, & que fa fageffe eft admirable! L 4  S6$ CONSIDÉRATIONS DIX-NEUVIEME JUIN. Cantique cVa&ions de graces pour les eeuvres de la création. A Toi, Seigneur, de qui procedent tous les biens, & qui les répands d'une main libérale , a toi appartiennent la gloire, Fhonneur Sz 1'adion de graces. Tu entends les cris du jeune corbeau, & tu te plais a écouter les hymnes de l'alouette. Daignes auffi prêter 1'oreille a mes chants, & agréer le tribut des louanges qui te font dues. La moindre des créatures que tes mains ont formées, prèche ta fageffe. Les traces de ta bonté & de ta puiffance fe voient d'un bout de 1'année a 1'autre & fe renouvellent continuellement. Chaque brin d'herbe m'annonce combien Dieu eft grand , & combien je fuis petit. Avec la tendreffe d'un pere tu pourvois aux befoins des hommes & des animaux; tu leur donnés a tous la nourriture qui leur eft convenable. D'une aurore jufqu'a 1'aurore fuivante, tes bénédidions fe fuccedent fans cette, & le méchant mème éprouve ta bonté. O Dieu qui eft femblable a toi! La terre eft pleine dc ta bonté & de ta fageffe , Seigneur daigne m'inftruire a te louer dignement. Ineline mon cceur a ton amour, & que je ne refpire déformais que pour celui qui me comble de tant de biens. C'eft en ton nom & dans 1'efpérance de ta bénédidion, que le laboureur confie fon bied a la terre. C'eft toi, qui en formant les graines, leur donnés la fécondité. Cette terre fur qui  Sur les ceuvres de Dieu. 1CT9 Ia malédiction repofoit a caufe du pêché, bénie de nouveau par fon Créateur, rapports abondamment des fruits. Tu fertilifes le fein de la terre; tu arrofes les fillons des champs; tu pares les prairies, les vallons & les plaines de fleurs , de bofquets, d'arbres & d'herbages; tu ordonnes a la fraiche & bienfaifante rofée, de ranimer nos jardins & nos campagnes , & d'y diftiller la fertilité & 1'abondance. Les terreins arides & altérés, tulesarrofes par des pluies bénignes; tu réchaufFes les lieux humides & froids , par les rayons du foleil, tu difpenfes les tems & les faifons avec fageflè & de la maniere la plus avantageufe aux humains; & parmi toutes les viciffitudes du chaud & du froid, des pluies & de la fécherefle, nous voyons verdir, eroitre & mürir les alimens que ta bonté nous deftiné. Tu couvres nos champs de riches moiflbns, & les ailes du vent redreflent nos épis & les font ondoyer ; tu ornes de raifinsles fommets des arides rochers ; tu pares de trefle nos pacages; par ton ordre les fontaines & les ruiffeaux abreuvent les animaux altérés. Tu fais prendre racine a 1'arbre & on le voit profpérer; tu fais circuler dans fa tige & dans fes branches une feve vivifiante; tu lui donnes la force de poulfer des feuilles, des rameaux & des fleurs; & les fruits abondans fous lefquels on voit plier fes branches, montrent combien tu te plais a faire du bien. Venez & rendez gloire a notre Créateur, k notre grand bienfaiteur; béniflezfon nom , célébrez avec tranfport fes gratuités. Grand eft 1'Eterncl notre Dieu: toutes fes oeuvres font faintes & merveilleufes! Venez & exaltons fa  170 CONSIDÉRATIONS puiffance. Le Seignenr eft bon , & il lied bietl aux juftes de publier fes louanges. VINGTIEME JUIN. Les chcnillcs. E s infecties fi défagréables aux amateurs des jardins, & fi dégoutans pour les perfonnes trop délicates, ne lailfent pas de mériter auffi notre attention. Les chenilles fe tiennent ordinairement fur nos arbres, & nous avons tant d'averfion pour elles, que par-tout oü nous en rencontrons nous ne manquons pas de les détruire. De-la vient auffi que nous ne daignons pas les honorer d'un regard, & moins encore les examiner avec quelque foin. Et cependant on eft très-fondé a foutenir que ces infectes peuvent occuper agréablement un obfervateur attentif des ceuvres de Dieu. Faifons-en maintenant 1'elfai: peut-être réuffirons-nous a piquer la curiofité de nos leef eurs, & a les engager a ne point 1'ouler aux pieds eet infecte, fans avoir au moins obfervé fa merveilleufe ftrucf ure, & fans en avoir pris occafion de remonter jufqu'au Créateur. Les efpeces connues des chenilles fe montent a plus de trois eens, & 1'on en découvre tous les jours de nouvelles. Leur taille, leur couleur, leur forme, leurs inclinations & leurs faqons de vivre, tout varie d'une efpece a 1'autre; mais elles ont toutes ceci de commun qu'elles font compofées de plufieurs anneaux, qui en s'éloignant & fe rapprochant les uns des autres, portent le corps par-tout oü il a be-  Sur les ceuvres be Dieu. 171 foin d'aller. La nature leur a donné deux fortes de pieds, qui tout ont leur utilité particuliere. Les lix pieds de devant font des efpeces de crochets, dont elles fe fervent pour failir fortement les objets & s'y cramponner; la plante des pieds poftérieurs eft large & armée de petits onglcsaigns. Avec les crochets, elles attirent les feuilles , 1'herbe, & les autres nourritures dont elles ont befoin, & elles alfermiifent la partie antérieure de leur corps jufqu'a ce qu'elles aientfait avancer les anneaux poftérieurs. Les pieds de derrière leur fervent a fe tenir ferme & a empoigner tout ce qui leur fert de repofoir. Lorfqu'elles font fur une branche ou une feuille, elles peuvent failir de loin ce qui doit leur fervir de nourriture, car en s'accrochantpar les pieds de derrière , elles redrelfent & élevent la partie antérieure de leur corps, Pagitent & la balancent en l'air , la tournent de tous cötés, débordent cónfidérablement la feuille , atteignent leurs alimens & les arrètent au moyen de leurs crochets. Quelque approprié que foit le corps des chenilles a leurs divers befoins, il eft cependant bien remarquable que fon état n'eft que palfager, que leurs membres ne fubfittent qu'un certaifi tems, & que bientót ce ver rampant de vient une chryfalide fans pieds & fans mouvement, jufqu'a ce qu'il ié métamorphofe en une créature qui appartient a la claife des habitans de l'air. Ne fut-ce que pour cette feule raifon, les chenilles mériteroient toute notre attention. Vers la fin de 1'été , & fouvent plutót, après s'ètre raffafiées de verdure & avoir changé de peau plufieurs fois, elles celfent de manger, & fe mettent a batir un domicile pour y quitter la vie & 1'état de chenille, & fe transibrmer  171 CONSIDÉRATIONS enfuite en papillons. Ce dcmicile qu'on appelle chryfalide, eft de forme ovale, &avers ïa pointe des anneaux qui vont toujours en diminuant. La chryfalide eft pleine d'une forte de bouillie, qui fert de nourriture au papilIon jufqu'a ce que le moment de fa fortie foit venu. Lorfqu'il eft entiérement formé, que fes parties ont pris toute leur confiftance , & qu'une douce chaleur 1'invite a abandonner fa prifon, il fe fait un palfage par 1'extrêmité la plus large & en mème tems la plus mince de la chryfalide. Sa tète qui a toujours été tournée vers ce bout, fedégage, les antennes s'allongent, les pattes & les ailes s'étendent, & le papilion prend 1'effor & s'envole. II ne conferve rien de fon premier état; la chenille qui s'eft changée en chryfalide, & le papilion qui en fort, font deux animaux totalement différens. Le premier étoit velu, hériifé, & fouvent d'un afped hideux: 1'autre eft paré des plus vives couleurs. Le premier fe bornoit a une nourriture grolliere: celui-ci va de fleur en fleur, jouit en liberté de toute la nature, & 1'embellit lui-même. Mais, mon cher ledeur, cette defcription vous réconciliera-t-elle avec ces infedes, & vous fera-t-elle perdre 1'averfion que vous aviez pour eux ? Peut-ètre vous croirez-vous encore fondé a demander, a quoi fervent, après tout, les chenilles, & ne feroit-il pas mieux que nous en fuflions entiérement débarraffes ? Non, aflurément; & il eft au contraire certain que le monde ne feroit pas auffi parfait qu'il Pelt, s'il n'y avoit point de chenilles. Supprimez ces infedes & vous privez les oifeaux d'une partie confidérable de leur fubfiftance. Or, comme les oifeaux devoient fe nourrir de chenilles,  Sur les ceuvres de Dieu. 17? il étoit jufte que le Créateur affignat a cellesei pour nourriture les feuilles & les plantes, auxquelles elles ont autant de droit que nous. II eft vrai que par leur voracité, ces infedes font quelquefois incommodes aux hommes. Mais c'eft la un mal que le Créateur permet avec beaucoup de fageflè. Car les dégats & les ravages que les chenilles font quelquefois, peuvent fervira noushumilier, &a nous rappeller la fragilité de toutes nos pofleffions terreftres. Et fuppofé même que nous ne puffions pas pénétrer les raifons pour lefquelles Dieu a formé de telles créatures, nous ne ferions cependant pas en droit de nier leur utilité. Nous devrions, au contraire, en prendre occafion de reconnoitre notre ignorance, & de rendre a Dieu la gloire qui lui eft due. VINGT-UNIEME JUIN. Commencement de Vétc. A-U jourd'hui 1'été commence. La plupart de mes leéteurs ont vu fe renouveller bien des fois les changemens que ce jour occafionne dans toute la nature; mais favent-ils comment il arrivé que le foleil féjourne aduellement fi long-tems de fuite fur l'horizon, pourquoi nous avons aujourd'hui le plus long jour de 1'année, & d'oü vient, a compter depuis ce jour jufqu'a fin de 1'automne, on voit diminuer en même proportion la chaleur & la longueurdes jours? Tous ces changemens dérivent du cours annuel de notre globe autour du foleil. Quand eet aftre entre dans le  174 CONSIDÉRATIONS figne du cancer, la terre eftfituéede maniere que tüutfon cöté feptentrional eft tourné vers ]e foleil, paree que le Créateur a incliné 1'axe de notre globe vers le nord & qu'il conferve invariablement cette direction. De cette inclinaifon & du paraléhfme de 1'axe conltant de la terre , dépendent proprement les changemens des quatre faifons de 1'année. Ici, mon lecfeur, arrête-toi un inltant: confidere la bonté & la fageffe que Dieu a manifeftées en inclinant ainfi 1'axe de la terre. Si la direction de eet axe étoit perpendiculaire, notre globe feroit un bien trilte féjour pour les plantes & les animaux. JSii 1'accroiffement, ni la diminution des jours ne pourroit avoir lieu, non plus que les divers changemens de faifons. Et combien ne ferions-nous pas a plaindre nous qui habiions 1'Allemagne, & par conféquent une contrée voiline du nord! L'air que nous refpircrions feroit toujours auffi apre que celui des mois de Mars & de Septembre; & a 1'exception d'un peu de mouffe & d'herbe, notre terroirne nous rapporteroit aucun fruit j en un mot, la plus grande partie des deux hémilpheres ne feroit qu'un défert affreux, habité feulement par quelques infedes. Maintenant la nature a prefque terminé dans nos climats fon ouvrage annuel. Elle a déja perdu quelque chofe de fa variété: rien de plus verd que les vignes, les vergers, les forêts, mais les nuances n'en font plus auffi agréables ; les prairies commencent a blanchir & les fleurs en font fauchées, le bied jaunit infenliblement & le nombre des couleurs diminue. Naguere la variété & la vivacité de cellesci, le chant tout auffi varié d'une multitude d'oifeaux, avoient pour nous tout le charme  Sur les ceuvres de Dieu. 17; de la nouveauté , & nous récréoientde la maniere la plus agréable. Mais a préfent, plus nous approchons de 1'autornne, plus ces agrémens diminuent, le roflïgnolfe tait, la promenade devient incommode a caufe de la grande chaleur. Ne vois-tu pas ici un tableau de ta vie, ö chrétien? Les plaifirs dont tu jouis ne fontils pas également fugitifs? les plus innocens même , teis que ceux que ia belle nature nous ofïre durant le printems, s'alterent & font place a d'autres objets. Ce que tu remarques a préfent dans 1'été de la nature, tu pourras 1'obferver dans 1'été de ta vie. Quand tu auras une fois atteint ta quarantiemeannée, qui eft ie commencement de Lage mur, le monde perdra pour toi une partie des agrémens qui te charmoient lors de tes jcunes années. Et toimême en approchant de 1'automne de ta vie, en proie a plus de foucis tu feras moins calme, moins fer ei n , moins vif & moins joyeux. Tu remarqueras que les forces du corps diminuent infenfiblementavec 1'age, enfin il viendra des jours defquels tu diras: je ny prends point de plaifir. Mais acluellement, avec quel vif fentiment d'allégrelfe j'éleve mon cceur vers toi, Seigneur, qui diriges les faifons, qui es le pere de tous les êtres , & le centre de la félicité! En ceci encore je reconnois ta fageffe & ta bonté, que tu fais fuccéder les faifons dans un ordre auffi régulier. Que je ne t'oublie jamais en jouiffant des plaifirs que 1'été répand dans toute la nature , toi qui as tout ordonné & dont chaque faifon manifefte la gloire. Que j'y fois d'autant plus excité , que ce fera peut-être le dernier été que je verrai commencer fur !a terre. Ah! combien de mes amis & de mes  Ij6 CONSIDÉRATIONS connoiffances qui lors du dernier été fe réjouiflbient avec moi de la beauté du monde terreltre, ont été enlevés par la mort avant même que 1'été fuivant eüt pris naiffance \ Peut-être j'irai bientöt les joindre, peut-ètre eft-ce pour la derniere fois que j'ai contemplé ici-bas les charmes de la nature. Eh bien, je jouirai de eet été comme s'il devoit être le dernier de ma vie; je veux te glorifier, mon Dieu, avec autant d'ardeur que fi j'étois fur de ne pouvoir plus m'acquitter a 1'avenir de ce devoir. Je veux vivre de maniere a ne jamais regretter d'avoir vu tant de fois le renouvellement des faifons. Seigneur! daigne m'affermir par ton efprit dans ces réfolutions; & comme c'eft toi qui me les infpires, donnemoi auffi la force de les mettre en exécution. VING T-D E U X I E M E JUIN. Le rojfflgnol. I_j E roflignol eft parmi les habitans de l'air un muficien de la première claflê. Quand tous les oifeaux qui durant le jour nous ont égayé par leurs accens, celfent de fe faire entendre, c'eft alors que la voix du roffignol s'éleve & vient animer les forèts & les bocages. Lorfqu'on écoute les fons éclatans de cette voix, on eft tenté de conclure que 1'oifeau dont ils parient, doit être grand, que fon gofier eft d'une force finguliere; & le charme inimitable de fes mélodieux accens fait préfumer que fa ügure furpaffe en beauté celle des autres oifeaux. Mais ce feroit en vain qu'on cherche- roit  Sur les ceuvres de Dieu. 177 rok ces avantages dans le roffignol; c'eft un oifeau de chétiveapparence, dont la couleur, la forme & tout l'extérieur n'ont rien d'attrayant ni de majeftueux & qui ne paroit avoir en foi rien qui le diftingue. Cependant la nature pour compenfer fa laideur, lui a donné une voix dont le charme eft irréfiftible. Prêtez J'oreille a fes longues inflexions cadencées: quelle richelfe, quelle variété, quelle douceur, quel éclat! Lorfqu'il commence a poulfer des fons, il femble étudier & compofer d'avance les mélodieux accords qu'il veut faire entendre; il prélude doucement, puis les fons fe prelfent & fe fuccedent avec la rapidité d'un torrent; il va du férieux au badin, d'un chant fimple au gafouiilement le plus bizarre, des tremblemens & des roulemens les plus légers a des foupirs languiffans , & toujours il a le fecret de charmer 1'oreille. Cet oifeau peut donner lieu a diverfes penfées utiles & édifiantes. Par exemple, vous pouvez apprendre de lui cette vérité: que la laideur du corps eft quelquefois alfociée a des qualités très-eftimables, & n'exclut point la beauté de 1'ame. Quelle eft donc 1'injuftice de ceux qui ne s'attachant qu'aux traits du vifage & aux qualités purement extérieures, ne louent ou ne blament que ce qui frappe les fens; qui méprifent ou fe permettentde mauvais procédés a 1'égard de ceux de leurs freres qui ont des défauts corporels ! Apprends, ö chrétien, a juger avec plus d'équité. Oui, cet homme qui dénué des avantages de la figure ou de la fortune, manifefte par fa conduite 1'ame d'un fage & d'un faint, eft digneaufli de ton eftime. Ce ne font que les perfeclions de Pame qui donnent un vrai prix a l'homme & Tomc IL M  178 C O K S I 1) h A T I O N s qui méritent d'ètre admirées; tout le refte n'eft féduifant que pour ceux qui ne lavent pas bien apprécier la fageffe & la vertu. Et n'a-ton pas vu fouvent des perfonnes qui n'etoient diftinguées ni par le rang, ni par 1'extérieur, rendre les plus importans fervices , a l'Etat & al'Egtife? Souvent des gens contrefaits & ditformes ont montré plus de grandeur d'ame, que tes perfonnes douées de la plus belle & de la plus noble figure. Ceft une lecon pour ne pas i'rrz fier d Capparencej fouvent celui que nous ofons mê"prifer fe trouve être fupe'rieur d nous. Et lorfque tu entendsla favante harmonie du roffignol, n'eft-il pas bien naturel qu'elle te ramene au Créateur de qui lui vient ce talent? Quelle fageffe dans la ftrudure qui rend cet oifeaucapable de produire de femblables fons ! Un vifcere auffi délicatque lepoumon du roffignol & dont les mouvemens font auffi violens, feroit aifément bleffé, s'il n'avoit le fingulier avantage d'ètre attaché aux vertebres du dos, par une multitude de fibrilles. L'ouverture de la trachée-artere eft très-large ,^ & c'eft-la fans doute ce quicontribue le plus a la diverfité de ces fons, qui en charmant l'oreille , répandent dans l'ame une joie douce &pieufe. Qui ne connoitroit ici les traces de la Providence & de la fageffe divine, & par-la mème ne fe fentiroit excité par les chants du roffignol a glorifier 1'auteur de la nature ? Chantre aimable, je ne veux point te quitter, fans avoir appris de toi 1'art de célébrer ton Créateur & le mien. Verfe par tes chants lai reconnoiffance & la joie dans le cceur de tand de mortels infenfibles, qui dans ces jours d'allégreffe contemplent fans en être émus, les; beautés de la création.  Sur les ceuvres de Dieu. 179 VINGT-TROISIEME JUIN. Des plaifirs que Vètéfournit d nos fens. X-i'ÉtÉ a des agrémens inexprimables, & nous donne journellement des preuves de l'infinie bienfaifance du Créateur. C'eft 1'heureufe faifon ou Dieu verfe le plus abondamment fur toute créature vivante le tréfor de fes bénédidions. La nature, après nous avoir ranimé par les plaifirs que fournit le printems , s'occupe fans relache pendant 1'été a nous procurer ce qui peut fatisfaire nos fens, faciliter notre fubliftance, remplir nos befoins & réveiller dans nos cceurs des fentimens de reconnoiifance. Sous nos yeux croilfent en vertu des loix fecrettes de la nature, une quantité innombrable de fruits dans les champs & les jardins; fruits qui après avoir réjouinos regards, peuvent être amafles & confervés pour fervir a notre entretien. .Les fleurs offrent a nos fens 3a plus agréable diverfité; nous admirons leur fuperbe parure, la richeffe, 1'inépuifable fécondité de la nature dans leurs efpeces fi multipliées. Quelle variété encore & quelle beauté dans les plantes depuis la plus humble mouffe jufqu'au chène le plus élevé ! Qu'on aille d'une fleur a 1'autre, jamais Póeil n'en fera raflafié. Qu'on gravifle les plus hautes montagnes, qu'on cherche la fraicheur al'ombre des bois, qu'on defcende dans les vallons, par-tout on trouvera de nouveaux charmes. Une multitude d'objets y vient frapper nos yeux; tous dif> M 2  Sur les ceuvres de Dieu. 18? bles a un foufflet, s'étendent & fe telferrent, tantöt pour mfpirer fair, tantót pour Cexnirer. Ils setendent des deux cótés & rempliifent prefque toute la capacité de la poitrine, afin de la rafraichir par l'air qu'ils afpirent, & pour empëcher en même tems que le fang ne s'atténue trop. La poitrine eft revêtue en dedans d'une peau fine nommce pleure. Sous les poumons eft placé Pejiomac, quireqoit & digere les alimens: fa figure eft celle d'une bourfe. A. droite eft le/o/e, qui enveloppe un des cótés de 1'eftomac, & dont la chaleur contribue a la digeftion. II fépare du lang la bile, qui fe raffemble dans une véficule particuliere & defcend dans les inteftins; Tirritation qu'elle y produit favorife la fortie des excrémens. Visa vis du foie eft la rate; c'eft un faG d'urte conliftance molle & très-facile a s'étendre, le fang y eft conduit par des arteres & il en reffort par des veines. Derrière le foie& la rate font les reins: il y en a deux, 1'uri a dróite, 1'autre a gauche; leur ufage eft de féparer de la malfe du fang les humeurs qui vont s'épancher dans la veifie. Sous ces parties font fitués les inteftins, attachés au mcfentere; ils achëvent de féparer les alimens digérés , & fervent a expulfer hors de notre corps ce qu'ils önt de plus grolfier. Le méfentere eft une grande membrane qui fe replie plufieurs fois fur elle-même, & oblige les inteftins a fe replier de la mème maniere les uns fur les autres. On voit furie méfentere une quantité innombrable de petites veines, plus fines que les cheveux; on le"s nomme veines la&ées, paree qu'elles contiennent un fuc qui relfemble au lait. Au milieu du méfentere eftplacée une groffe glande oü les veines laclées vont fe réunir comme dans leur M 4  JS4 CONSIDÉRATIONS centre. Une peau pleine de plis, de glanrles & de mufcles couvre tous les inteftins. Toute cette partie du corps nommée le bas-ventre, & qui commence a 1'eltomac, eft féparée de la poitrine par le diaphrqgme. II a diverfes ouvertures pour donner paffage aux vaiifeaux qui doivent defcendre dans les parties inférieures: le foie & la rate y funt attachés , & fon ébranlement non-feulement occafionne le rire , mais fert encore a dégager la rate des humeurs qui l'incommodent. Telles font les principales parties de la poitrine & du bas-ventre, indépendamment defquelles il y en a plufieurs autres qui communiquent a celles-ci. A Fentrée du col eft Pmfophagc &la trachéearterei 1'cefophage eft le canal que traverfent les alimens pour arriver a 1'ellomac; paria trachée-artere l'air pénctre dans les poumons. Pendant que le poumon renvoie l'air par ce canal, la voix fe forme, & en même tems la poitrine fe débarralfe de fes humeurs fuperflues. A fentrée de la trachée-artere il y aun petit couvercle, qui s'ouvre pour laiffer paffer ce qui doit être expulfé par ce conduit. L'orifice inférieur de 1'ellomae eft pourvu d'un pareil couvercle, qui s'ouvre lorfqu'il eft preffé par les alimens, puis fe referme pour éviter que ceux-ci ne remontent. Dans la partie fupérieure de la tète eft placé le cervcau, capable de recevoir les impreflions de« objets extérieurs ; la maffe entiere du cerveau eft c'ouverte de deux membranes fines & tranfparentes, dont 1'une, appellée lapie-mcrt, 1'enveloppe immédiatement, 1'autre nommée duremere, eft parfemé d'arteres & de veines. Indépendamment de ces parties dont chacune occupe une place détermiuée, il en eft  Sur les ceuvres de Dieu. i%f d'autres qui font répandues par tout le corps, tels que les os, les arteres, les veines, les vaiifeaux lymphatiques & les nerfs. Les os enchaffés dans leurs jointures fervent en partie a foutenir le corps & a le rendre capable du mou, vement, en partie a conferver & garantir fes parties nobles. Les arteres & les veines circulent dans tout le corps, afin de le nourrir par le fang qu'elles y portent. 11 y a auffi plufieurs vaiffeaux lymphatiques , qui tiennent d'ordinaire a certaines glandes , & qui reqoivent une liqueur tranfparente &jaunatre, qu'ils diftribuent enfuite a tout le corps. Les nerfs dont on compte dix paires principales, font de petits cordons qui fortent du cerveau & de-la fe diftribuent par-tout jufqu'aux extrêmités du corps; on prétend qu'ils font creux & qu'ils renferment une forte de moélle femblable a celle du cerveau. Les nerfs font les organes des fens & de tous les mouvemens de la machine. Toutes ces parties font percées de trous, afin que les matieres légeres & fubtiles qui fe trouvent en furabondance dans le corps puiffent s'évaporer; ces ouvertures que leur extréme fineflé rend invifibles, font appellées pores. Cette grande fageffe qui fe manifefte dans les parties internes & folides de notre corps, fe retrouve également dans fes parties fluides. Le fang, le chyle, la lymphe, labile, la moélle, le fuc nerveux & les différentes efpeces d'humeurs vifqueufes & gelatineufes , que fourniffent des glandes innombrables, leurs diverfes propriétés, leur deltination, leurs effets la maniere dont ils fe préparent, fe filtrent, fe féparent les uns des autres, leur circulation, leur répararion, tout annonce 1'art  194 C O N S 1 D Ü 1 T I O s s' arrivé furies cótes d'Iilande & c'eft 1'aile occidentale. Les harengs font fi nombreux alors dans cette iile, qu'en plongeant dans la mer la pelle qui fert a arrofer les voiles, on en prend l la fois une grande quantité. L'aile oriëntale s'avance toujours davantage dans la mer Balique 5 une partie de celle-la tourne vers le cap nSrd, defcend le long des cótes de la Norwege & entre par le détroit du Sund, dans la mer, une autre partie va gagner la pointe feptenmonale du Jutland, entre enfuite dans le Zuyde zée" & de-la repalfe dans la mer Bakique pour rètourner au lieu d'oü elle etoit veiiue. Mai- le detachement le plus nombreux de 1 aile oriëntale eft celui qui tourne du cóte de 1 ouelt, pour ferendre diredement vers les ifles Ürcades oü les Hollandois font venus l attendre. La vers le buit Juin la mer eft ,"mphe de harengs; puis ils tournent vers 1'Ecolfe & 1 Aneleterre oü ils remplilfent de leur fraic toutes les baies & les émbouchures. Apres avoir quitte 1'Angleterre, ilsretournentprobablement dans le nord & vont regagner leur patri e. Au moins ils difparoilfent alors, «Sc on ne fait ce quils deviennent. . , „ca*™ On a lieu d'ètre furpns quand on confidere la prodigieufe multitude de ces poiflons. üft feul hareng femelle dépofe au moins dix-mille «u s dansla mer prés de l^G«nde-Bretagne Cette extréme fécondité rend vraifemblable cei qu'on dit de la pêche des Hollandois qui leuls urennent annuellement environ deux cent Sons de harengs; pêche qui nournt un «and nombre de perfonnes & qm augmente de vingt millions d'écus les revenus des HoW lanii°eft bien jufte d'élevcr nos cceurs vers h  Sur les ceuvres de Dieu. iq$* tout-puiflant & bienfaifant Créateur, qui par unedirection pleine de fageflè, fait tomber ces poiifons dans les filets & entre les mains des hommes. Par combien de différens moyens il a fu pourvoir a 1'entretien de notre vie! Toutes les mers, tous les lacs, tous les fleuves font tributaires des humains, & contribuent a les nourrir. Combien la vajle mer ejlpeuple'e ! Combien cVarmees nagentdans fon fan.' Ldfejoue Icroi de fes habitans; ld au travers dc mille dangers les vaiffeaux fuivent leur route. Conduis, & conferve's par ta Providence, Seigneur, tout ce qui vit fur la terre, dans Z' Ocèan, ou dans lts airs, s'attcnd a toi, tu ouvresta main & raffojïes toutes les créatures. Et nous auffi, pere bienfaifant, nous fommes nourris par les armées dont tu peuples les mers. C'eft pour nous que les harengs entreprennent leurs voyages; c'eft par eux que tu fournis aux pauvres, comme aux riches, au peuple comme aux grands, une nourriture faine & peu coüteufe. Aulfi c'eft avec reconnoiff'ance que nous acceptons ce don de ta main; & chaque fois que nous en ferons ufage^ nous te bénirons de ce que tu as produit ces créatures fi utiles. vingt-huitieme juin. Eclipfes de foleil & de lune. Il eft honteux que dans un fiecle auffi éclairs que le nötre, non - feulement la multitude, mais encore des perfonnes qui fe prétendent n %  JOÓ" CONSIDÉRATIONS très-fupérieures au peuple , foient encore dans une fi grande ignorance a 1'égard de ces phénomenes. De-la viennent les idéés tuperftitieufes qui nailfent ordinairement dans les efprits a 1'apparition des éciipfes de foleil & de lune. Si 1'on fe donnoit la peine d'en étudier la caufe, 'on verroit combien il eft ridicule de fermer les puits pendant une éclipfe de foleil, de peur que les eaux n'acquierentune qualité nuifible, & de prendre d'autres précautions fuperllitieufes , qui font une trilte preuve de 1'ignorance, & du peu de piété des hommes. Cherchons donc a nous inltruire de ce phénomene, d'autant plus qu'il eft très-remarquable en lui-mème, & qu'il nous fournira une nouvelle occafion de glorifier notre grand Créateur. Une éclipfe de foleil eft un effet purement naturel; elle eft caufée par 1'ombre que la lune jette fur la terre. Mais elle ne peut avoir lieu que quand la lune, qui eft un corps opaque & naturellement obfcur, fe trouve placée en lligne directe, ou prefque directe entre le foleil & notre terre. Dans ce cas elle nous cache ou une partie de cet aftre, ou 1'aftre tout entiér; la première eft nommée dans les almanachs une éclipfe partielle, la feconde une éclipfe totale. Ainfi 1'éclipfe folaire n'eft autre chofe que la fituation oü fe trouve la terre, lorfque 1'ombre de la lune fe répand fur elle; & par cette raifon on pourroit a jufte titre appeller ce phénomene une éclipfe de terre. II faut bien fe garder de croire que le foleil foit alors réellement obfcurci, il n'eft que voilé par rapport a nous. Cet aftre conferve toute fa clarté, & tout le changement qui arrivé, c'eft que les rayons qui en étuanent, ne peuvent  Sur les ceuvres de Dieu. 197 parvenir jufqu'a nous, paree que Ia lune eft placée entre le foleil & notre globe. De-la vient qu'une éclipfe folaire n'eft jamais vilible en même tems fur tous les endroits de notre terre, car ce ne feroit qu'au cas que le foleil eüt effectivement perdu fa lumiere, que 1'éclipfe pourroit être apperque k la fois, & fous les mèmes rapports dans tous les points d'un hémifphere, au lieu qu'actuellement elle eft plus grande dans un pays que dans 1'autre, il y a même des contrées oü on ne la voit point du tout. Non-feulement Ia lune obfeurcit quelquefois la terre, mais celle-ci repand auffi fon ombre fur la lune, & par-la luiintercepte les rayons du foleil en tout, ou en partie: ce phénomene eft nommé une éclipfe de lune. Mais il ne peu6 avoir lieu que quand la lune eft a un des cótés de la terre, & le foleil du cóté oppofé, & par conféquent qu'il fait pleine lune. Comme cette planete eft réellement obfeurcie par 1'ombre de la terre, 1'éclipfe eft apperque en même tems fur tous les points d'un hémifphere de notre globe. Meslecteursfe demandent, j'en fuis fur, k quoi fervent les éclipfes de foleil & de lune? Pour ceux qui ne mefurent pas 1'utilité des chofes naturelles, feulement aux biens fenfibles qui en reviennent, les éclipfes ont des ufages importans. Par leur moyen on peut déterminer la vraie polition, & la diftance des villes & contrées, & 1'on eft parvenu par cette voie a tracer avec exactitude la carte gréographique des pays les plus éloignés. Les éclipfes bien obfervées fervent encore a confirmer la chronologie, & a diriger le navigateur en lui apprenant combien il eft éloigné de 1'orient ou de 1'occident. Quelque peu d'importance qu'on N ?  Ï9g CONSIDÉRATIONS attaché a ces avantages , ils en ont cependant une très-réelle, & fans eux le monde feroit privé d'une partie de fon bonheur. Chaque fois que je vois une éclipfe de foleil ou de lune, je fonge aux grands événemens qui auront lieu au dernier jour du monde; quel afped que celui de la lune obfcurcie^& du foleil voilé de ténebres ? Quel effroi faifira les humains quand le foleil & la lune perdront leur clarté, quand les cieux paiferont avec un bruit fifflant de tempète, quand les élémens feront dilfous par fardeur du feu! II. Pierre III. 10. O combien je delire de participer alors au bonheur de ceux qui habiteront le briljant féjour, oü il n'y aura plus befoin de foleil ni delune! VINGT-NEUVIEME JUIN. Le tuyau de bied. Vo US voyez, mon leéleur, que le bied croit de jour en jour, que le tendre épimürit infenblement, afin de nous fournir dans quelques fernaines un pain nourriffant: bénédiction précieufe, que la nature accorde au travail de l'homme. Parcourez des yeux un champ de froment ou de feigle, calculez les millions d'épis qui couvrent la furface d'un feul de ces champs, & réfléchiifez fur la fageffe des loix qui vous procurent une telle abondance. Combien de préparatifs étoient néceffaires pour vous procurer la nourriture la plus indifpenfable ! Combien de changemens progreffifs devoient avoir lieu dans la nature , avant que  Sur les ceuvres de Dieu. 199 Tépt püt élever fa tète! Le voila difpofé a vous nourrir bientót de fes fruits, & il vous invite maintenant a méditer fur fa ftruclure. Quand le grain de bied a été quelque tems en terre, il pouife en haut un tuyau qui s eleve perpendiculairement, mais ne croitque par degtés, afin de favorifer la maturite du grain. C'elf par une raifon très-fage que ia hauteur eft de quatre a cinq pied, afin de preferver le grain de fhumidité de la terre qui \e cnrromproit. Cette hauteur de la tige contnbue auifi a la dépuration des fucs nourriciers, que la racine lui envoie, & fa forme arrondie favurife cette opération, car de cette maniere la chaleur pénetre dans le tuyau de tous cótes avec la même force. Mais comment elt-i! potfible qu'une tige aulfi mince puirfe fe loutemr, & porter fes fertiles épis fans fuccombcr lous le poids, fans être abattue par le foufhe du momdre vent? Le Créateur, en formant le tuyau de bied, aeu foin auffi deprevemr ces iuconvéniens. 11 a pour vu la tige de quatre nteuds très-forts, qui lui fervant en quelque forte de vis, 1'affermirfent fans cependant lui öter le pouvoir de fe plier. La feule ftrudure de ces noeuds manifefte une grande lageHe: tels qu'un crible très-fin, ils font remplis de petits pores, & au moyen de ces ouvertures, les fucs peuvent monter, & la chaleur du foleil y pénétrer. Celle-ciatténue les fucs qui s'y raflemblent, les épure en les faifant tous paljer par une forte de tamis. Le tuyau eft expole a etre renverfé par les tempètes & les fortes ondees;; mais fon peu d'épailfeur fert a fa fürete; il eft alfez flexible pour fe courber fans rompre. b U étoit plus dur ou plus roide , il pourroit lans doute réfifter a toutes les attaques, mais com- N 4  aoo CONSÏDÉRATIONS ment pourroit - il enfuite fervir de lit aux pauvres ? A cöté du tuyau principal, on en voit pouffer d'autres plus bas, ainfi que des feuilles qui ramatfant des gouttes de rofée & de pluie, fourniffent a la plante les fucs nourriciers qui lui font néceffaires. En attendant le grain, partie effentielle de la plante, fe forme peu-a-peu: pour préferver ces tendres nourriffons de la terre, des accidens & des dangers qui pourroient les faire mourir a 1'inftant de leur naiffance, les deux feuilles fupérieures de la tige fe joignent exactement & fe réunilfent, tant pour garantir foigneufement 1'épi, que pour lui faire parvenirles fucs nourriciers dont ila befoin. Mais auffi-tötquela tige eftaffez formée pour que le grain puiffe recevoir d'elle feule les fucs, les feuilles fe delféchent peu-apeu, afin que rien ne foit öté au fruit, & que la racine n'ait plus rien d'inutile a nourrir. Quand cet échaffaudage eft enlevé, le batiment même fe montre dans toute la beauté qui lui eft propre, 1'épi couronné fe balance avec grace, & fes pointes lui fervent d'ornement, auffi-bien que de défenfe contre les infultes des oifeaux. Rafraichi par des pluies bénignes, il fleurit au tems marqué, donne les plus belles efpérances au laboureur, & devient plus jaune de jour en jour, jufqu'a-ce que fuccombant fous le poids de fes richeffes, fa tête fe courbe d'elle-mème fous la faucille. Quelles merveilles de fageffe & de puiffance, on découvre dans la ftruclure d'un tuyau de bied! & cependant nous n'y faifons d'ordinaire aucune attention, paree qu'il eft journellement fous nos yeux. Mais quelle autre preuve de fa bonté le Créateur pourra-t-il nous donnet ,  Sur les ceuvres de Dieu. loi fi nous ne fommes pas touchés de celle-ci? Hommeinfenfible, hommeingrat, ouvre ton ame au doux fentiment de la joie & de la reconnoilfance. Auffi long-tems que tu feras capable de contempler un champs de bied avec indifférence, tu ne feras pasdigne de la nourriture qu'il te fournit avec tant de profufion. Viens apprendre a penfer en homme, a goutter le plus noble plaifir dont un mortel puifle être capable fur la terre, celui de découvrir ton Créateur dans chaque créature. Alors feulement tu t'éleveras au-deffus de la brute, & tu te rapprocheras de la béatitude des élus glorifiés. TRENTIEME JUIN. Les pucerons. C'Est le nom qu'on donne a cesinfedles qui s'attachent aux pointes, a la tige, & aux feuilles des plantes , au point qu'elles en font quelquefois entiérement couvertes. La claffe des pucerons eft prefque auffi nombreufe en efpeces que celle même des plantes, & ilsméritent de fixer 1'attention plus que tout autre infeéte, a caufe des fingularités qu'on y a découvertes. Ce qui les diftingue d'abord de toutes les efpeces d'animaux connus, c'eft que non-feulement ils pondent des ceufs , mais aulfi qu'ils mettent au monde des petits vivans. Tant que dure la belle faifon, ils font vivipares, c'eft-a-dire, que les petits fortent tout formés, & pleins de vie du fein de leur mere, fans doute paree que les plantes leur fournif-  ZOZ CONSIDÉRATIONS fent alors une nourriture fuffifante. Vers le milieu de l'automne, ils font des ceufs, mais qui n'éclofent qu'au printems fuivant, paree que le manque de fubfiftance feroit périr les petits s'ils naiifoient plutót. Précifément a 1'époque oü les pucerons femelles commencent a pondre, ón voit paroitre les males, ce qui femble indiquer que leur exiftence n'étoit pas néceffaire avant ce tems-la. Cette conjecture eft pleintment confirmée par les expériences, qu'on a faites fur les pucerons. Si 1'on en prend un au moment de fa naiffance, & qu'on le renferme a part dans un verre, ce puceron ainfi féqueflré, engendrera fon femblable dés qu'il aura acquis un certain degré de croitfance, & au bout de quelques jours, il fe verra entouré d'une nombreufe familie. Si on réitere 1'expérience fur un de fes petits , & même fur plufieurs générations , on obtiendra toujours les mêmes réfultats, & 1'on pourra fe convaincre que ces animaux engendrent d'euxmèmes & fans copulation. Obfervons encore une autre fingularité. Dans quelques efpeces d'infecles les males ont des ailes & les femelles en font privées; dans les pucerons les deux fexes en font également pourvus ou dépourvus; & les premiers font fi petits» en comparaifon de ceux qui n'ont point d'ailes, qu'ils fe promenent fur eux comme on voit un moucheron fe promener fur un fruit. Cet exemple remarquable de ce qu'on peut nommer les fingularités de la nature, exemple qui s'écarte fi fort des regies communes, & oü 1'on découvre cependant des vues fi pleines de fageffe, nous conduit naturellement a demander: d'oü vient y a-t-il des fingularités dans la nature, & qu'eft-ce qui a pu déterminer)e  Sur les ceuvres de Dieu. ao? .Créateur a s'écarter quelquefois des loixordinaires? Pour répondre a cette queition d'une maniere fatisfaifante, il faudroit que nous fuffions en état d'embrafTer 1'enfemble des chofes créées, de connoitre a la fois & toutes les parties de 1'immcnfe regne de la nature, &la liaifbn qui eft entr'elles, afin d'apprécier en quoi, & jufqu'oü quelque chofe peut être utile ou nuifible a 1'enfemble. Mais une connoiffance autfi approfondie de la nature étant interdite a nos foibles lumieres, contentons nous de quelques raifonnemens généraux qui peuvent en quelque forte fervir de folution a la queftion propofée. i°. Dieu nous montre par ces fingularités 1'empire qu'il a fur la nature. II eft le légiflateur fuprême, qui affigne a chaque être les loix qu'il doit inviolablement obferver; celui a qui tous les étres font foumis eft en droit de leur prefcrire telle ou telle regie; mais il a le pouvoir de fufpendre fes regies & d'en faire des exceptions a fon gré. 2°. Noustrouvons par-tout dans la nature une grande variété, qui nous fournit matiere & de nous réjouir en fa contemplation «Sc d'admirer la gloire du Créateur. A préfent il eft facile a concevoir combien les exceptions aux regies augmentent cette variété, & par conféquent les plaifirs de l'obfervateur, auifi-bien que fon admiration pour 1'auteur de la nature. 3°. L'expérience nous apprend alfez qu'accoutumés bientöt aux objets que nous avons journellement fous les yeux, une impreffion fouvent réitérée nous laiffe froids & infenfibles. Le magnifique fpedacle de la nature ne nous intérelfe pas toujours, paree que nous avons pris 1'habitude de palfer légérement fur les chofes qu'on revoit fans cefle. Ainfi chaque fin-  2o4 CONSIDÉRATIONS gularité , chaque phénomene extraordinaire, eft une nouvelle invitation a contempler les ceuvres de Dieu & fert a nous réveiller de notre indolence. 40. Enfin les fingularités du monde phyfique, qui bien loin de nuire a la perfedion de 1'enfemble, entrent dans le plan de la fageffe divine, nous apprennent que les fingularités du monde moral, & le fort des humains font également fous la diredion de 1'Etre tout-fage, qui faura bien conduire toutes chofes de maniere que fon faint nom en foit a jamais glorifié. TRENTIEME JUIN. * Hymne fur la fagcjje de Dieu. Un I oju E objet de mes louanges, je te glorifierai fans ceffe, 6 mon Dieu. Qui pourroit t'égaler, ö très-haut, car c'eft de toi que procédé lafcience, le confeil & 1'intelligence. Fais que mon efprit foit toujours attentif a la fageffe qui brille dans tes ceuvres, & qu'il fe joigne aux concerts des angespourla célébrer. Par-tout oüje porte mes regards, je ne découvre qu'harmonie & beauté. Quel éclat! quelle magnificence! L'Eternel crée, PEternel conferve, PEternel bénit. Sa main a fondé ce fuperbe univers pour y répandre le bonheur. Tu as fufpendu dans la célefte voute & les aftres de la nuit & le flambeau du jour, fource inépuifable de chaleur & de lumiere : ta feule main les foutient & les guide dans 1'immenfe efpace. Qui eft-ce qui tient en équilibre ces maffes  Sur les ceuvres de Dieu. 2of énormes? qui inftruifit notre globe a nager dans des flots de lumiere. Quelle main dirige les rayons avec tant de fageflè , que bien loin de nuire ils nous font utijes, qu'ils nous animent fans nous confumer ? Qui ordonne a l'air, principe de la vie & du mouvement, d'entourer notre globe ? Lesvapeurs fe raflemblent, elles fe changent en rofée, en pluies, en fécondité, en bénédictions pour l'homme & les animaux. Qui a formé l'air de faqon qu'il enfante 1'éclair, qu'il difperfe les vents, qu'il conduit les fons a 1'organe de 1'ouie, qu'il fouleve le léger oifeau, . qu'il fait nager le poiifon, & rend nos voix capables de te célébrer, ó très-haut ? Qui eft-ce qui a dégagé la terre de 1'Océan qui la couvroit; & pour la rendre fertile a divifé les eaux ? Qui les raflemble ? qui les retient dans les bornes qui leur font prefcrites , qui dit auxvagues: vous viendrez jufqu'ici & ne pafferez point au-dela. Qui foutient la terre, qui plante les forêts & les couvre d'herbages, qui fait croitre le bied & la vigne , qui éleve les montages, qui creufe les goulfres d'oü s'élancent des torrens de feu, qui a pofé le marbre & les métaux dans les profondeurs de la terre? Seigneur! c'eft ta fageffe qui enrichit, qui pare , qui maintient, Sc bénit ce monde habité par tant d'ètres divers. Mes chants la célébreront fans ceife, je te bénirai tant que je vivrai j que tout ce qui refpire adore 1'Etre feul fags.  Sur les ceuvres de Dieu. aij* qui t'éclaire, tout t'invite , chrétien , a une joie reconnoiirante. Qu'elle rempliiTe entiérement ton ame, que le fentiment de ton bonheur & des bienfaits de ton Dieu t'accompagne dans tes promenades, & qu'il te fuive dans la folitude. Tu éprouveras qu'il n'y a point de fatisfaclion plus touchante, plus durable , plus conforme a la nature humaine , que les plaifirs tranquilles que procure la contemplation des ceuvres du Seigneur. Plus tu étudieras les beautés de la nature, plus tu fentiras que ton Dieu eft un Dieu d'amour & de charité, & que la religion du chrétien eft une fource de joie, & un motif continuel de reconnoiifance & d'adoration. SEPTIEME JUILLET. RéJIexions fur un parterre. Ve nez, mon cher leefeur , vifiter avec moi ce parterre, & confidérons les nombreu1 es & différentes beautés qui fe trouvent raffemblées dans un fi petit efpace. L'art & 1'induftrie des hommes en ont fait le brillant théatre des plus belles fleurs. Mais que feroit ce parterre fans foins & fans culture? un défert ïauvage oü il ne viendroit que des épines & des chardons. — Telle feroit lajeunefle, fi on négligeoit de la former & de lui donner une education convenable. Mais lorfque les jeunes gens reqoivent de bonne heure les inftructions néceffaires & qu'ils font foumis a une fage difcipline , ce font des fleurs aimables qui réjouiffent par leur éclat, & ils ne tarde. Tornt IU P  %%$ CONSIDÊRATIONS ront pas a porter des fruits utiles a la fociété.' Voyez la violette de nuit ou la julienne , qui vers le foir embaume nos jardins de fes parfums. Toutes les autres odeurs font effacées paria fienne. Mais elle n'a aucune beauté. A peine reflemble-t-elle a une fleur. Elle eft petite & d'une couleur grife tirant fur le verd, de forte qu'on ne peut prefque pas la diftinguer des feuilles. Modelte, fans éclat & fans prétention, elle parfume tout le parterre, quoiqu'on ne la remarque pas dans la multitude, & Ton a de la peine a croire qu'une fleur de fi petite apparence puiflè répandre une odeur fi fuave & fi agréable. Elle reifemble a une perfonne qui n'eft pas belle , mais qui a beaucoup defprit, & que la nature a dédommagée par des dons plus folides, de ce qui lui manque du cöté de la figure. Le jufte fait fouvent du bien en filence & dans 1'obfcurité, & il répand tout autour de lui 1'agréable odeur de fes bonnes ceuvres. Et lorfque 1'on fouhaite de connoitre cet homme bienfaifant, il fe trouve que fon extérieur, fon état, fon rang, n'ont rien de diftingué. Mais Paillet réunit & la beauté & le parfum , & c'eft fans doute la plus parfaite de toutes les fleurs. Elle approche de la tulipe par fon coloris, & elle la furpaflé par la multitude de fes petales ou de fes feuilles, & par 1'élégance de fa forme. Une petite couche d'ceillets embaume tout un parterre. Cette fleur eft 1'emblème d'une perfonne qui réunit 1'efprit & la beauté , & qui fait fe concilier 1'amour & le refpect de fes femblables. Approchons a préfent de la rofe. La couleur, la forme, le parfum tout charme dans cette fleur. Mais elle paroit être la plus palfa-  Sur les ceuvres de Dieu. 229 rentes fortes d'inclinaifons. L'explofion qui accompagne 1'éclair, montre que les vapeurs qui forment la foudre, venant a s'enflammer tout a coup, agitent & dilatent l'air avec violence. A chaque étincelle électrique, on entend un éclat: c'eft le tonnerre qui eft quelquefois formé par plufieurs éclats, ou bien qui eft prolongé & multiplié par les échos. II y a d'ordinaire quelque intervalle de tems entre 1'éclair & le coup; & cela peut faire juger en quelque forte de la grandeur & de la proximité du danger. Car il faut toujours untems trés - fenfible pour que le fon arrivé jufqu'a notre oreille , au lieu que la lumiere de 1'éclair traverfe le mème efpace & vient a nos yeux avec bien plus de rapidité. Ainfi dès qu'on appercoit un éclair, on n'a qu'a compter les fecondes a une montre , ou qu'aremarquer combien de fois le poulsbat entre la lumiere & le coup. Celui qui depuis 1'éclair peut compter dix pulfations avant qu'il entende le tonnerre» elt encore a la diftance d'un quart de lieue de 1'orage; car on compte a- peu -prés quarante battemens de pouls pour le tems que le fon met a parcourir Pefpace d'une lieue. La foudre ne part pas toujours en ligne droite du haut en bas; fouvent elle ferpeute de tous cótés, elle va en zig-zag, & quelquefois elle ne s'allume que fort prés de la terre. La matiere de la foudre qui atteint la terre ou qui s'allume tout prés d'elle, ne manque jamais de frapper. Mais quelquefois elle n'a pas aflez de force pour venir jufqu'a nous, &, comme une bombe mal chargée, elle fe difiipe dans 1'athmofphere & ne fait aucun mal. Lors au contraire que les exhalaifons enflammées arrivent jufqu'a la terre, elles font quelquefois P ?  2}0 CONSIDÉRATIONS de terribles ravages. Mais comme les lieux incultes &déferts, & ceux oü il n'y a ni maifons, ni hommes , occupent la plus grande partie de notre globe, la foudre peut tomber plufieurs milliers de fois fans faire aucun dommage réel. Les routes de la foudre font tout-a-fait fingulieres , & il eft impoffible de les déterminer. Cela dépend de la diredion du vent, de la quantité d'exhalaifons , &c. La foudre fe porte fans doute par-tout oü elle peut rencontrer quelque matiere difpofée a prendre feu, comme lorfqu'on allume un grain de poudre a canon, la flamme parcourt toute la longueur de la trainée, & enflamme tous les corps qu'elle peut atteindre. On peut juger de la force prodigieufe de la foudre par les étonnans effets qu'elle produit. L'ardeurdela flamme eft telle qu'elle brüle & confume tous les corps combuftibles. Elle fond même les métaux, mais elle épargne fouvent les corps qui y font contenus, lorfqu'ils font alfez peu compades pour lui laifler un libre paifage. C'eft par la rapidité de la foudre, que les os des hommes & des animaux font calci» nés , quelquefois fans que les chairs foient en. dommagées, que les édifkes les plus folides font abattus,les arbres fendus ou déracinés, les murailles les plus épaiifes traverfées, les pierres & les rochers brifés & réduits en poudre. C'eft a la raréfadion & au mouvement violent^ de l'air, produits par 1'ardeur & la vélocité du feu du tonnerre, qu'il faut attri. buer la mort des hommes & des animaux, que 1'on trouve fuffoqués fans qu'il paroiflè qu'ils gient été frappés de la foudre, Réfléchüfez avec attention, chrétien, fuc  Sur les ceuvres de Dieu. 2?e ces étrangcs&redoutables phénomenes. Que de merveilles ne fe réuniifent.pasi dans un orage? Vous voyez une nuee fombre &: noire ; mais c'eft le tabernacle du tres-ham. Elle deicènd vers la terre; mais c'eft le Seigneur qm baifTe fa cieux & qui dcjcmd, ayant i objcunte fousfapicds. II.WXXII, 10. L.e vent fe leve, 1'orage fe forme ; mais Dieu lui-meme eft dans le tourbillon, & il fe promene fur fa ailes du vent. Pf. CIV, 3. A fa parole les nuees ie:1eparent,& 1'on voit partir a grele , les toudres & les carreaux. Ecoutez le Jon eff ayant de Ja voix, & le bruit menacant qui fort defaboucru. 11 lance Péclair depuis un bout des tieuxjujqua Tautre i & fa lumiere atteint jufquaux extremités du monde. Alors fa redoutablc voix fe ja t entendre: le tonnerre gronde, S? Ic frappélorfqu'onencntendles eclats Job XXX V U, 2-4. Mais fi fes feux redoutables eftraient 1 univers, fa main bienfaifante nournt abondamment toutes les créatures. NEUVIEME JUILLET. Les fourmis. Les fourmis, de même que les abeilles, peuvent être regardées,comme un petit peuple réuni en un corps de repubhque , qui a, pour ainfi dire, fon gouvernement, fes loix & ia police. Elles habitent dans une efpece de yiUe, partagée en diverfesrues, qui abounlfen a d fférensmagafins. Leur diligence & leur induftr afcpwcurer & a mettre en oeuvre les matériaux dont elles ont befoin pour leur fourV 4  S?2 CONSIDÉRATIONS milliere, font admirables. Elles fe joignenfc pour creufer la terre en commun, & pour 1 emporter enfuite hors de leur habitation. Mes raflemble.it une grande quantité de bruis dnerbe, de paille, de bois, &c. dont elles torment un tas, qui au premier coup-d'ceil, •paroit fort irregulier. Mais au milieu de tout ce delordre apparent, on découvre beaucoup d art lorlqu'on 1'examine avec attention. Sous les domes ou les petites collines qui les couvrent, & qui font toujours difpofés de maniere que 1 eau peut s'en écouler, on trouve des chemins en galeries, qui communiquent les uns avec les autres, & que 1'on peut regarder comrne les rues de cette petite ville. Mais ce qui eit fur-tout admirable, c'eft le foin que les tourmis ont de leurs ceufs, des vers qui en fortent, & des nymphes qui s'en forment. Elles les tranlportent avec prudence d'un endroit a 1 autre, elles nourriffent leurs petits, & écartent avec la plus tendre follicitude tout ce qui pourroit leur nuire. Elles ont même 1'attention d entretemr, tout autour d'eux, un degré cohvenable de chaleur. Leurs pénibles travaux pouramaffer des provilions pendant 1'été, ont principalement pour objet 1'entretien de leurs petits; car elles-mêmes n'ont pas befoin de nourriture pendant f'hiver, puifqu'elles font alors engourdies ou endormies jufqu'au retour du printems. Dés que leurs petits font fortis des oeufs, elles s'occupent a les nourrir, & il leur en coüte encore bien des peines. Pour 1 ordinaire elles ont plufieurs maifons, & elles tranlportent leurs petits d'une habitation dans quelqu autre qu'elles veillent peupler. Selon que le tems eft chaud ou froid, fee ou pluvieux, elles approchent les chryfalides de la  Sur. les ceuvres de Dieu. 23? fuperficie de la terre , ou les en éïoigneni Elles les en approchent dans un tems ferein; les étalent mème quelquefois après la pluie a un beau rayon de foleil, oü a une douce rolee après une longue féehereiTe. Mais aux approches de la nuit, de la pluie ou du froid, elles reprennent leurs chers nourriiTons avec leurs pattes, & les defcendent li avant dans la terre, qu'il faut quelquefois creufer un pied & plus de profondeur, pour pouvoir trouver ces chryfalides. II y a plufieurs efpeces de ces infedes. Les fourmis debois n'habitent que dans les forêts ou dans les broulfailles, & elles n'apportent aucun dommage aux prairies. On en connoit deuxfortes, les unes rouges , les autres noires. Quelques-unes fe logent en terre & dans des lieux fecs, & d'ordinaire elles choifilfent les endroits oü elles trouvent des racines de fapins oü de bouleaux, afin d'y établir leurs domiciles. D'autres s'arrangent dans de vieux troncs d'arbres au-delfus de la terre, mais alfez haut pour que 1'humidifé ne puilfe y parvenu". Elles fe font des chambres dans les cavités du tronc, & les couvrent de paille & d'autres chofes pour y être al'abri de la pluie & de la neige. Les fourmis des champs font aulfi rouges ou noires, de mème que les premières, mais elles font plus pétites. Elles fe logent foit dans les bleds, foit dans les prairies. Tant qu'il fait fee, elles s'enterrent alfez profondement; mais dès que le tems devient pluvieux, elles élevent de plus en plus leurs habitations, fuivant qu'il y a plus ou moins d'humidité; & lorfqu'elle vient a diminuer, elles ne manquentpas de retourner dans leurs appartemens fouterrains. II eft encore a remarquer que les  2?ö" CONSIDÉRATIONS devroit-il neiger au milieu même de 1'été, vu ce froid exceifif de 1'athmofphere fupérieure , fi la neige ne fe fondoit en tombant & avant d'arriver a Ia terre. Mais lorfque ces particules de neige viennent a fe réunir , les gouttes commencent a fè congeler. Et comme dans leur chüte elles traverfent fubitement des couches d'un air plus chaud , il arrivé qu'avant qu'elles aient pu fe pénétrer de cette chaleur, leur froid augmente de maniere qu'elles fe glacent entiérement. On pourroit croire que ce froid devroit diminuer, au contraire, amefureque elles pafTent dans un air plus chaud. Mais qu'arrive-t-il lorfqu'en hiver, de l'eau froide, qui a été expofée en plein air , eft portée dans un appartement bien échauffé ? Elle fe gele & devient de la glacé, ce qui ne feroit point arrivé fi on l'avoit mife dans une chambre froide. C'eft précifément ce qui arrivé au météore dont nous parions. Lorfque ces corps froids viennent a palfer fubitement par un air échauffé, leur froid augmente au point qu'ils fe convertiffent en glacé. C'eft a quoi contribuent beaucoup les fels volatils plusou moins répandus dans notre athmofphere. II ne faut donc pas être furpris que les orages ne foient pas toujoursaccompagnés de grêle; car il faut pour la produire, qu'il y ait une alfez grande abondance de vapeurs falines pour que les gouttes fe congelent fubitement. Quoique la grêle foit plus fréquente pendant 1'été, il en tombe auffi dans les autres faifons; car comme dans tous les tems de 1'année les exhalaifons falines peuvent fermenter dans 1'athmofphere, il peut aulfi grêler pendant l'hiver, 1'automne, ou le printems. La figure & Ia groffèur de la grêle ne font pas toujours les mêmes. Les grains  Sur les ceuvres de Dieu. 2?7 font quelquefois ronds, d'autrefois concaves & hémifphériques, fouvent coniques «Sc anguleux. Leur groifeur ordinaire eft celle des dragees de plomb , rarement celle des noix; on allure cependant qu'il en eft tombé quiéroient auffi gros que des oeufs d'oie. Les diiférences que 1'on remarque dans la figure & la groifeur des grèlons , beut venir de plufieurs caufes accidentelles. Les vents, fur-tout ceux qui font impétueux & qui fe croifent, y contribuent fans doute beaucoup. D'ailleurs , un grain peut rencontrer dans fa chüte plufieurs autres particules froides qui augmentent confidérablement fon volume , & fouvent plufieurs grèlons s'uniifent enfemble «Sc n'en forment qu'un feul. II eft certain que lorfque la grêle eft extrêmement grolfe, elle caufe des dommages inexprimables aux moilfons, aux vendanges, aux fruits , aux édifices, &c. Mais cela ne nous autorife pas a la regarder comme un fléau du ciel, un jugement, un chatimentde Dieu. Si la violence de ce météore ravage quelquefois plufieurs arpens de terre & cafle des milliers de vitres', ces dégats, quels qu'ils puilfent être, ne font rien en comparaifon des avantages qui nous en reviennent. La grêle rafraichit manifeftement l'air dans les chaleurs brülantes de 1'été. L'eau nitreufe & falce qu'elle répand, contribue beaucoup a fertilifer les terres. Et il eft très-remarquable que quoique tous les météores paroiifent fe fuccéder fans la moindre régularité, «Sc qu'ils foient tout différens dans une année de ce qu'ils avoient été dans une autre, ce défordre apparent ne lailfe pas de produire une conllante fertilité. Ici donc encore, ö mon Dieu , tu manifeftes ta bonté & ta fagelTe. Aulfi je te glorifierai au  2?8 CONSIDÉRATIONS milieu même de la grêle & des orages;carta main bienfaifante fait des chofes admirables, & elle ne cefle d'enrichir & de féconder la terre. ONZIEME JUILLET. Utilité des oranes. U. N devoir qui doit nous parokre d'autant plus indifpenfable qu'il eft plus négligé par une multitude de gens inattentifs, ignorans & ingrats, c'eft de confidérer tous les phénomenes de la nature du cöté oü la fageffe & Ia bonté de notre pere célelte fe découvrent le plus vjfiblement k notre efprit, & fe font le mieux fentir a notre cceur. II eft vrai qu'on ne fauroit difconvenir que le Seigneur ne fe ferve quelquefois des phénomenes naturels pour punir les péchés des hommes. Mais ces cas particuliers n'empêchent pas que Dieu ne fe propofe premiérement & principalement le bien & 1'avantage du tout. C'eft ce dont la nature entiere nous fournit des preuves inconteltables. Nous nous arrêterons aujourd'hui a un feul phénomene, qui eft particuüérement propre a nous en convaincre, & fur lequel nous avons fur-tout befoin que 1'on recufie nos idéés. Ne fommes-nous pas pour la plupart habitués , dés notre jeunelfe, a ne prononcer qu'en tremblant les mots d'éclair & de tonnerre? Telle eft notre injuftice que nous ne penfons qu'aux cas extrêmement rares oü les orages font funeftes a une très-petite partie de 1'uni-  Jt6o CONSIDÉRATIONS dent de vue ce grand Etre, qui donne a l'homme la lumiere du jour. Peut-être qu'a 1'arrivée du crépufcule , vous tombez a genoux & vous adorez le Créateur. " Pere du jour, au„ teur des crépufcules, je t'exalte & te bénis „ a 1'afpedl des premiers & des derniers rayons „ du foleil. Avec quels tendres foins ne veil3, les-tu pas fur le bonheur des hommes! Si „ j'étois un laboureur, & qu'après avoir fou„ tenu les ardeurs du foleil, je puife encore, „ a la fraicheur de la nuit, profiter de la foi„ ble lueur du crépufcule pour abattre mes „ moilfons , je te louerois peut-être avec plus „ de reconnoilfance. Si j'étois un voyageur, M combien le crépufcule du matin me feroit „ agréable ! Peut-être qu'alors je t'en bénirois „ en marchantf a fa douce lumiere; au lieu „ qu'a préfent je ne fais d'ordinaire aucune „ attention acebienfait, &je ne penfe point „ at'en remercier. Qye les matinéesd'été font „ fraiches & délicieufes ! Ah, s'il n'y avoit point „ de foleil, point d'athmofphere, fi tu n'exif„ tois pas, ó pere de 1'athmofphere & du foleil, 5, je ne fouhaiterois pas d'ètre fur la terre. „ Mais fans toi je ne ferois pasun de fes haJ5 bitans. Ah ! je bénis ton exiftence & la mienM ne; je te bénis de ce qu'il exilfe un mon„ de que tes mains bienïaifantes ont daigné jj enrichir de tant de beautés. "  Sur les ceuvres de Dieu. a<5ï DIX-HUITIEME JUILLET. Les agrémens de la campagne. Enez & jouiflez des plaifirs qui ne font goütés que par Ie fage. La douce lumiere du foleil vous appelle dans les champs. C'eft-la qu'une joie pure nous eft réfervée, c'eft dans ce vallon fleuri que nous allons pfalmodier un hymne au Créateur. Comme le fouffle du zéphir agite doucement chaque rameau , chaque feuille de ces buiffons! Tout ce qui paroit devant nos yeux faute, bondit, fe joue, ou bien entonne des chants d'allégreife, tout femble rajeuni & animé d'une nouvelle vie. Bois touffus, vallées & vous montagnes que 1'été pare de fes dons, votre afpecl récrée les fens & le cceur. Vos attraits ne doivent rien a 1'art & ils elfacent la parure des jardins. Le grain mürit & invitera bientót le laboureur ay porter la faux. Les arbres couronnés de feuilles ombragent les collines & les campagnes. Les oifeaux jouilfent de leur exiftence, ils chantent leurs plaifirs, leurs accens n'expriment que joie ou tendrelfe. Chaque année voit renouveller les tréfors du paifible cultivateur, la liberté & le fentiment du bonheur brille dans fes regards fereins. Ni 1'odieufe calomnie, ni 1'orgueil & les noirs foucis dont 1'habitant des villes eft 1'efclave, ne viennent troubler le repos de fes rnatins, ni pefer comme un fardeau fur fes nuits. Aucun lien ne peut empêcher le fage, qui aime R 3  Sur les ceuvres de Dieu. 317 fous la garde d'un pere réconcilié , fans la volcmté duquel pas même un cheveu de notie tète ne pourroit tomber. aU ATRIEME AOUT. Lc fommeïl. O N pafTe de la veille au fommeil, avec plus ou moins de rapidité, fuivant le tempérament & 1'état adluel de la fanté. Mais que le fommeil foit prompt ou tardif, il eft certain qu'il vient toujours de la même maniere, & que les circonftances qui le precedent font toujours les mêmes dans tous les hommes. La première chofe qui arrivé quand nous nous endormons, c'eft Fengourdilfement des fens, qui ne reccvant plus les impreflions extérieures , fe reiachent & tombent peu-a-peu dans l'inaclion. De-la il réfulte que 1'attention diminue & fe perd, la mémoire fe trouble, les paffions fe calment, la fuite des penfées & des raifonnemens fe déregle. Tant que 1'on s'apperqoit du fommeil , ce n'en eft que le premier degré; on ne dort point encore , on ne faitque fommeiller. Pour dormir tout-a-fait, il feut n'avoirplus cette cönfcience, ce fentimenc réfléchi de foi-mème qui dépend de Fexercice de la mémoire. A la ftupenr des fens fe joint bientot la roideur & la réfiftance infurmontable des mufclcs : c'eft-la le fecond degré du fommeil. Cet état produit dans la machine plufieurs fymptómes , que Pon peut obferver dans ceux qui s'endorment fur une chaife. Les yeux clignent, s'ouvrent & fe ferment  ?i8 Consid£rations d'eux-mêmes, les paiipieres s'abaifTent, latête chancele & tombe en avant. Nous tachons de laffermir, mais elle fe bailfe plus profondément encore, & nous n'avons plus la force de la relever; le menton fe repofe fur la poitrine, öc le lommeil continue tranquillement dans cette attitude. Tant que la tête ne fait que chanceler ca & la, tous les mufcles ne lont pas encore relachés ; mais peu après le relachement devient total, & la volonté ne dauroit 1 empêcher. Le fommeil eft-il devenu prorond toutes les fondions volontaires ou animales lont arrêtées ; mais les fondions na, turellcs ou vitales, /exécutent avec plus de torce. Ceit le troifieme changement que la lommeil opere en nous. La codion des humeurs par lechyle, fe faitmieux pendant que nous dormons. Dans la veille les mouvemens naturels lont quelquefois troublés par les mouvemens volontaires, & la vitelfes des fluides eft augmentee dans certains vaideaux, retardee dans d'autres. Le fang fe dépenfe, pour amli dire, en adions externes; & par conféquent tl n'arrofe pas avec tant d'abondance les parties internes. La circulation du fang eft trèstorte dans les parties de notre corps qui font en mouvement, & elle prefle continuellement les humeurs dans les vaiifeaux fecrétoires; tandis que dans d'autres, au contraire, elle elt ti roible, que le chyle peut apeine fe dranger en lang. Un doux fommeil rétablit partoi.t lequihbre, les vaiifeaux font également ouverts, les hqueurs coulent avec uniformité, Ja ciialeur leconferve au même point, enun mot, rienne fe perd, & tout va au pront de h machine De-la vient qu'après un bon fommeil , on eft delaffe, frais, difpos & vigouuux.  Sur les ceuvres de Dieu. 319 Toutes ces circonftances font bien propres, mon cher leefeur, a vous faire fentir la bonté de Dieu envers nous. Que de préparatifs, quels tendres foins pour vous procurer les bienfaits du fommeil! Ce qui mérite déja votre attention & votre reconnoilfance , c'eft que le fommeil eft accompagné d'un entier appefar.tiifernent des fens, & qu'il vous faifit a 1'improvifte fans que vous puiffiez lui réfifter. La première de ces circonftances le rend plus profond & plus reftaurant j la feconde en fait une nécellité inévitable. Et quelle fagelfe admirable de la Providence ne fe manifefte pas dans la réfolution des mufcles pendant le fommeil! Le premier qui s'engourdit, eft deftiné a défendre un de nos organes les plus précieux, & le plus expofé au danger, favoir 1'ceil. Dès que nous nous difpofons a dormir, la paupiere s'abaiffe d'elle-même , couvre & garantit 1'ceil jufqu'a notre réveil. Dans d'autres endroits du corps, les mufcles fe contradent avec plus de force , paree que leur relachement feroit incommode & dangereux. Que 1'heure en laquelle vous vous difpofez a jouir des douceurs du fommeil, foit donc toujours pour vous une heure de reconnoiffance envers votre pere célefte. BénifTez-le, non-feulement de ce que vos jours fe fuccedent heureufement les uns aux autres, mais auffi de ce qu'il vous a conftitué de maniere que le fommeil vous récrée & vous donne de nouvelles forces. Endormez - vous avec cette penfée, & qu'elle foit auffi la première qui fe préfente a votre efprit quand vous vous réveillez.  %%1 CONSIDÉRATIONS quel des millions de parties fe trouvent reünies & arrangées dans Pordre le plus parfait. Quelle fagelfe étonnante, que celle qui dans le petit comme dans le grand , fait opérer avec tant de régularité & de perfeétion! Quelle puiffance que celle qui a fu tirer du nóant cette multitude infinie de corps de toute efpece! Quelles richeffes la bonté divine ne déploiet-'elle point jufques dans les moitidres corps, puifqu'il n'en eft aucun qui n'ait fa perfectum & fes ufages! O Dieu, combien toutes ces confidérations ne font-elies pas ptopres a me faire fentir les bornes de mon intelligence! Le moindre vermilfeau, le moindre infecte, la moindre pouffiere, peuvent me convaincre qu'il y a mille & mille chofes que j'ignore & que je ne faurois expliquer. Eifaie, óhomme, de faire 1'é•numération des parties dont eft compofé le corps d'un animalcule, qui eft un million de fois plus petit qu'un grain de fable. Entreprends de déterminer quelle doit être la fubtilité d'un de ces rayons de lumiere, dont p'.ufieurs millions peuvent palier par une ouverture qui n'eft pas plus grande que le trou d'une aiguille. Mais bientöt tes idéés fe confondront, & tu feras obligé de reconnoitre ton ignorance & les bornes de tes lumieres. Comment peux-tu donc t'enorgueillir de tes connoilfances ! Comment as-tu la préfomption de blamer les voies du Seigneur, & de trouver a redire aux arrangemens qu'il a faits dans la nature ! Peux-tn te flatter de connoitre la millionieme partie des êtres qui exiftent? lei, mon lecteur , c'eft notre devoir, c'eft même notre gloire, de reconnoitre notre ignorau.ce, & 1'infinie grandeur de Dieu.  Sur les ceuvres de Dieu. 323 Tel elt auffi 1'ufage que je veux faire de cette méditation. Je ne réfléchirai fur 1'infinie divifibilitê des corps, que pour mieux fentir combien Dieu eft grand", & combien je fuis petit. Et ceci me donnera auffi lieu d'admirer la fagelfe du Créateur; car, au moyen de cette infinie fubtilité de la matiere, tous les vuides peuvent être remplis fans que le mouvement foit arrèté, & 1'univers nous offre un fpeélacle continuellement varié. SIXIEME AOUT. Stru&ure extérieure des membres dans les infe&es. D 'Ordinaire nous ne jugeons dignes de notre attention que les animaux qui fe diftinguent des autres par leur grandeur. Le cheval, 1'éléphant, le taureau, & d'autres créatures femblables, nous paroiffentmcriter quelques-uns de nos regards , tandis que nous ne daignons pas les arrëter fur ces armées innombrables de petits animaux qui peuplent l'air, les végétaux & la pouffiere. Que d'infedes nous foulons aux pieds, que de chenilles nous détruifons , que de mouches bourdonnent autour de' nous fans nous infpirer la moindre curiofité, & fans que nous penfions a autre chofe qu'aux moyens de leur óter la vie lorfqu'ellesnous incommodent. Rien de plus déraifonnable qu'une telle inattention , car , il eft certain que la fagelfe & la puiifance de notre Créateur ne fe manifeflent pas moins dans la ftru&ure d'un vermilfeau, d'un limaqon, &c. X 3  524 CONSIDÉRATIONS que dans celle de 1'éléphaut, du cheval, ou du Hon. Le corps de la plupart des infectes eft compote de plufieurs anneaux ou fegmens, qui s'emboitent les uns dans les autres , & qui ont part a tous les mouvemens de 1'animal. Le caraclere effentiel qui diftingue les infedes de tous les autres animaux, c'eft qu'ils n'ont point d'os proprement ainfi nommées.— On découvre deja beaucoup de fageffe dans cette partie de leur conformation : les mouvemens qui font propres a tous les infedes , la maniere dont ils font obligés de chercher leur nourriture, & fur-tout les diverfes métamorphofes qu'ils fubilfent, ne pourroient pas s'exécuter avec tant de facilité , fi , au lieu de ces anneaux mobiles qui s'éloignent & fe rapprochent les uns des autres, leur corps étoit lié & alfermi par des os. On remarque dans plufieurs infectes , qu'ils ont la faculté de rétrécir ou d'élargir leur tête a volonté, de l'allonger ou de la raccourcir, de la cacher & de la faire reparoltre felon qu'ils le jugent a propos & felon leurs divers befoins. II y en a d'autres dont la tête conferve toujours la même forme. La bouche des infecles eft d'ordinaire pour vue d'une efpece dedents, ou bien d'un trompe. Cette difpofition de la tête eft nécelfaire, tant a caufe des alimens dont ils fe nourriifent, qu'a caufe des diverfes pourfuites auxquelles ils font expofés. Plufieurs efpeces d'infectes font privés de 1'ufage de la vue; mais le toucher ou quelqu'autre fens les en dédommagent. Les infecles ont deux fortes d'yeux : ceux qui font liffes & brillans font d'ordinaire en petit nombre. Mais les yeux a réfeau, qui relfemblent a du cha-  Sur les ceuvres de Dieu. iif grin , & dont la cornée eft tailléeen facettes, font extrèmement nombreux : il y a en quelquefois plufieurs milliers. Ni les uns ni les autres ne font mobiles, mais leur multitude & leur pofition fuppléent a la mobilité. Les antennes dont la plupart des infectes font pourvus, leur font d'un grand ufage dans leur genre de vie: ces efpeces de cornes, en devancant le corps dans fa marche & en fondant le terrain, non-feulement avertiffent 1'animal des dangers qui le menacent, mais lui font auflï difcerner les alimens qui lui conviennent. Les jambes des infectes font ou écailleufes ou membraneufes: les premiers fe meuvent au moyen de plufieurs articulations, &les autres qui font plus molles, fe meuvent de tous les cótés. Souvent le même animal réunit ces deux fortes de jambes. II y a des infecles qui ont plufieurs centaines de pieds; mais il ne vont pas plus vite que ceux qui n'en ont que quatre. A 1'égard de cette partie du corps, 011 trouve une diverfité infinie dans les infecles. Avec quel art ne doivent pas être conftruites les jambes de ceux qui fe cramponnent a des furfaces liifes & polies! Combien ne font pas élaftiques les jambes de ceux qui fautent! Combien font fortes celles des infecles qui fouiffent la terre ! Deux ou quatre alles font placées au milieu du corps. II y en a qui font tranfparentes comme une gaze fine; d'autres font écailleufes & farineufes; quelques-unes font fans couverture, d'autres font cachées dans des étuis ou des fourreaux. Aux cótés ou a 1'extrèmité du corps, il y a des ouvertures, qui ont la forme d'une prunelle, & que 1'on appelle ftigmates; ce font les organes de la refpiration. X 2  3,26 CONSIDÉRATIONS La diverfité que 1'on obferve dans la ftructure & dans la conformation des membres des infectes , eft prodigieufe, & la vie de plufieurs hommes ne fuffiroit point a obferver & a décrire les différentes figures de ces petits animaux. Combien ne varient pas les formes des infectes qui marchent, qui volent, qui fautent, qui rampent? & cependant quelques diverfifiées que foient leurs figures, on y remarque toujours 1'harmonie & la proportion la plus parfaite. Ne feroit-ce pas le comble de 1'extravagance, ou de la perverfité , que de ïie pas reconnoitre en tout cela 1'infinie fagelfe du Créateur? On n'eft raifonnable & vertueux qu'autant que 1'on reconnoit Dieu, & qu'on. 1'adore en toutes chofes. Je veux m'acquitter déformais de ces devoirs; chaque fois que je verrai un infeöe , j'étudierai, autant qu'il me fera poilible, les merveilles de fa ftructure, pour mieux fentir la grandeur du très-haut. SEPTIEME AOUT. Comparaifon entre les fens de Vhomme £f ceux des animaux. Q U E L Q_u E s animaux ont-ils les fens plus parfaits que l'homme ? Ce n'eft que dans certains cas particuliers qu'on peut répondre affirmativement a cette queftion ; car on peut dire de l'homme qu'a eet égard auffi il eft en général plus favorifé que la brute. On foutient a la vérité que les araignées ont le tacl bien plus fubtil; que le vautour, l'abeiüe & le chien ont I'odorat beaucoup plus fin. On fait qu'au  Sur les ceuvres de Dieu. 317 moyen de ce fens, le chien de chafTe fuit la tracé du gibier, & qu'on dreffe d'autres chiens a découvrir la trurfe cachée fous terre. Leporc la fouille auffi avec fon mufeau , guidé de même par 1'odorat. On attribue aux cafs une ouie li fine, qu'ils entendent, dit-on, le fon des cloches a la diftance de plufieurs lieues; & la taupe entend mieux fous terre que 1'hommé qui habite fa furface & vit en plein air. A 1'égard de Ia vue, Vaigle parmi les oifeaux, & le linx parmi les quadrupedes, 1'emportent de beaucoup fur l'homme. Ces obfervations font fondces , il faut en convenir; maisfi 1'on vient a confidérer les animaux dans 1'enfemble comparativement a l'homme , on eft frappé d'une grande prérogative qui a été donnée au genre humain par delfus un trés-grand nombre de brutes. L'homme eft naturellement doué de cinq fens; & a peine eet avantage eft-il com. mun a la moitié des animaux. Les zoophytes qui forment 1'anneau entre le regne animal & le regne végétal, n'ont uniquement que le fens du toucher. Plufieurs animaux n'ont que deux fens, d'autres trois, & ceux qui en ont cinq font comptés au rang des plus parfaits. Mais les animaux, mêmes les plus parfaits , n'ont pas toujours des fens plus exquis que nous. Parmi les hommes, il en eft chez qui tel ou tel fens eft d'une fubtilité extraordinaire. On voitdes Indiens juger par 1'odorat du plus ou du moins d'alliage qu'il y a dans les métaux précieux, auffi-bien que nous le faifons en y appliquant la pierre de touche. D'autres , dit-on , découvrent a une trés-grande diftance le lieu qui fert de retraite a une béte féroce. Les habitans des ifles Antilles, diftinguen't a 1'odorat fi un Francais ou un noir a paffé X 4  318 CONSIDÈRATIONS fur leur chemin. La perfeclion des fens fupplée en quelque forte chez le fauvage a la foibleffe des facultés intellecfuelles. Bien des gens ont exercé & raffiné certains fens a un point étonnant; & fi 1'homme n'avoit comme les animaux d'autre fecours que les fens , pour fe procurer la nourriture & fe mettre a couvert du danger, fi la raifon n'étoit pour lui un guide plus fiïr & plus convenable, fes fens auroient fans doute acquis par 1'exercice le plus haut degré de perfection. Mais 1'homme en effet n'a pas befoin d'avoir des fens plus exquis que ceux qu'il poifede. La raifon le dédommage au centuple des pérogatives que certains animaux femblent avoir fur lui a eet égard. On peut mêmefoutenir avec affurance, que fi nos fens étoient plus raffinés, il en réfulteroit de grands inconvéniens. Prenons-en pour exemple lefens de 1'ouie; fi ce fens étoit auffifubtil chez nous que la fureté de quelques animaux exigeoit qu'il le fut chez eux, le bruit même le plus éloigné & le cahos étourdilfant d'un mélange de fons, interrompoient continuellement nos méditations, notre repos, & nos occupations les plus nobles. Graces foient rendues a 1'infinie fagelfe du Créateur, quia tellement mefuré le degré de nos fenfations, qu'il fuffit pour jouir pleinement des bienfaits de la nature, fans troubier toutefois les nobles occupations de la raifon humaine. Les bornes de nos fens font pour nous un gain plutót qu'une perte, une perfection plutöt qu'une imperfecfion. Heureux celui qui abandonne a la raifon 1'empire des fens, & qui jouit de tous les avantages qui doivent réfulter d'une parfaite harmonie entre les fens & la raifon!  Sur les ceuvres de Dieu. 319 HUITIEME AOUT. Le tonnerre. T ' E tonnerre gronde, ó mortel! qui eft-.ce qui fait entendre ce bruit menacant? qui fait jaillir 1'éclair du fein de la nue? Regarde, ö pécheur, c'eft le maitre du monde, c'eft le bras du très-haut qui lance la foudre. La nature repofe dans fa main , il la conferve & la bénit > mais il dit: & a fa parole les cieux & la terre font dévorés par les flammes, les cieux & la terre ne font plus. Le tonnerre gronde! qu'il eft effrayant ce ciel'orageux! 1'éclair brille , la foudre part. O Dieu que tu es grand, & que ta puilfance eft redoutable! L'Eternel du haut de fon tröne laiffe tomber fur nous des regards courroucés, & a la lueur de 1'éclair nous voyons le tombeau s'ouvrir fous nos pas. Quand le Seigneur s'affied fur les nuages, 1'homme & le héros tremblent; quand il aiguife le glaive de fa colore, 1'univers palit. Dieu tonne, le pécheur 1'entend & frémit, a peine il ofe lever les yeux vers celui dont la voix femble le menacer. Chrétien , que la majefté de ton Dieu ne porte aucun effroi dans ton ame , lorfqu'il s'affied fur les nuées orageufes & qu'il lance fes éclairs. Quand le bruit éclatant du tonnerre confterne le méchant & le remplit de terreur, ton Dieu veille fur toi & te met a couvert de la foudre.  CONSIDÉRATIONS Et quand il voudroit t'öter la vie, tous fes jugemens ne font que juftice , il eft ton maitre , & t-u lui diras : Seigneur, mon ame eft tranquille, que je vive ou que je meure, tout mon efpoir eft en toi. Le maitre du tonnerre eft 1'ami du chrétien: qu'importe qu'il m'enleve tout-a coup de cette terre des vivansj je fais qu'il a fur moi des penfées de grace, & qu'il me fera puifer le bonheur dans des fources éternelles. Celui qui lorfque le ciel eft ferein, glorifie fon Dieu par des cantiques d'allégrelfe & de gratitude , eft encore calme & tranquille quand ïe pécheur s'enfuit a la vue des nuées ténébreufes. Mais oü fuira le pécheur ? pourra t i! échnpper au regard du très-haut? C'eft en vain qu'il veut fe cacher, 1'éclair le pourfuit & 1'atteinr; dans fa fombre retraite. Ne fuis donc point, ó pécheur, renonce k ton illufion, ne crois pas te dérober a la face du Créateur , qui te fuit par-tout, qui a tout inftant peut te faifir. Quand le tonnerre gronde, tu frémis & frappes en gémilfant ta poitrine : 1'orage a-t-il ceifé , tu cours de nouveau après de faux plaifirs. Pécheur, fi tu veux obtenir grace, bénisle Seigneur du fupport dont il ufe envers toi. N'oublie point les voeux que tu formois dans ton angoiife, & fonge que Dieu ne peut être moqué. Dieu eft miféricordieux, il épargne le rebelle ; mais il ne 1'ép.irgne pas a toujours. L'Eternel eft jufte, & le juge fuprème citera le pécheur a fon tribunal. Qu'eft-ce que le tonnerre qui gronde fur nos têtes, en eomparai-  Sur les ceuvres de Dieu. 331 fon de ce jour folemnel oü nous entendronsun bruit fifflant de tempète, oü les élémens feront dilTous par le même feu, qui embrafera auffi la terre & tout ce qu'elle contient. NEUVIEME AOUT. Contemplation (Tune prairie. Ï3 O is fombres & majeftueux , oü le fapin éleve fa tête fuperbe, oü des chênes touffus répandent leur ombrage, & vous fleuves qui roulez vos eaux argentces entre des montagnes grifatres , ce n'eft point vous que je yeux admirer aujourd'hui: c'eft la verdure & 1'cmail des prés qui feront 1'objet de mes contemplations. Que de beautés s'offrent a mes regards, & qu'elles font diverfifiées! Des milliers de végétaux, des millions de créatures vivantes ! Celles-ci volent de fleur en fleur, tandis que d'autres rampent & fe trainent dans les fombres labyrinthes de 1'herbe toufTue: infiniment variés dans leur figure & dans leur beauté , tous ces infedes trouvent ici leur nourriture & leurs plaifirs, tous habitent avec nous cette terre, tous quelque méprifables qu'ils paroiffent, font parfaits chacun dans fon efpece. Que ton murmure eft doux, fource limpide qui coules entre le creffon de fontaine , le trefle, &.la luzerne dont les fleurs purpurines ou bleues font agitées par le mouvement de tes petites vagues. Tes deux bords font couverts d'une herbe épaifle entremêlée de fleurs, qui fe,courbant vers 1'or.de y tracent leur image.  CONSIDÉRATIONS Je me penche aduellement & regarde a travers cette forêt d'herbes ondoyantes ; quel doux éclat le foleil répand fur ces diverfes nuances de verd ! Des plantes déücates s'entrelaffent avecl'herbe, & y mèlent leur tendre feuillage; ou bien elles élevent orgueilleufement leurs tiges au-delfus de leurs compagnes, & étalent des fleurs qui n'ont point de parfum, tandis que Phumble violette crolt fur d'arides collines & répand autour d'elle les plus douces exhalaifons. Tel on voit dans Findigence l'homme utile & vertueux, tandis que les grands & les riches revètus de fuperbes habits, confument fouvent, dans 1'oifiveté, les biens de la terre. Des infedes ailés fe pourfuivent dansl'herbe: tantót je les perds de vue au milieu de la verdure, tantót j'en vois un eflaim s'élancer dans les airs & fe jouer aux rayons du foleil. Quelle eft cette fleur bigarrée qui fe balance prés du ruilfeau i que fes couleurs font vivcs, qu'elles font belles ! je m'approche , & ris de mon erreur ; un papillon s'envole & abandonne le brin d'herbe que fon poids faifoit fléchir. Ailleurs j'apperqois un infede revêtu d'une cuiraffe noire & orné de brillantes alles, il vient en bourdonnant fe pofer fur la campenelle, peut-ètre a cóté de fa compagne. Quel autre bourdonnement viens-je d'entendre ? pourquoi ces fleurs courbent-elles ainfi leurs têtes? c'eft un eifaim de jeunes abeilles. Elles fe font envolées gaiement de leur lointaine demeure, pour fe difperfer dans les jardins & les prairies. A préfent elles amaifent le douxnedardes fleurs, que bientót elles iront porter dans leur cellules. Parmi elles, il n'eft point de citoyenne oiiive: elles volent de fleur  Sur les ceuvres de Dieu. 3?? en fleuf, & en cherchant leur butin , cachent leur tête velue dans le caiice des fleurs, oü. bien elles pénétrent aveceftort dans celles qui ne font encore ouvertes, & qui fe refermenc enfuite fur fabeille. La , fur cette haute fleur de trefle s'eft pofe un papilion : il agite fes ailes bigarrées , il ajulte les plumes brillantes qui compofent fon aigrette, & femble fier de fes charmes. Beau papillon! fais plier la fleur qui te fert de tróne, & contemple ta riche parure dans le miroir des ondes. Mors tu feras 1'image de cette jeune beauté s'admirant dans la glacé qui réfléchit fes attraits: fes vêtemens font moins beaux que ne le font tes ailes; mais fes penfées font auffi légeres que toi. Voyez ce vermiflêau courir fur le gazon: toutes les recherches du luxe, tout 1'art humain ne pourroient imiter 1'or verdatre qui couvre fes ailes, oü toutes les couleurs de 1'arcen-ciel viennent fe jouer. O que la nature eji belle ! Cherbe & les fleurt croijfenten abondance i les arbres font counerts de feuillage,- le doux ze'phir nous careffèi les trou'peaux trouvent leur pature} les tendres agneaux bèlent, s'e'battent & fe rcjouifjent de leur exijlcnce. Des milliers de pointes vertes s'c'lcvent de cette prairie, & d chaque pointe pcnd une goutte de rofc'e. Combien de primeveres font ici raffcmblèes! comme les feuilles s'acptent! %f quelle harmonie dans lts fons que le rojjignol fait entendre de cette colline ! Tout exprime la joie , toutPinfpire j elle regne dans les vallons fur les cöteaux, fur les arbres fe? dans les bocagcs. O que la nature eft belle! Oui, la nature eft belle jufques dans fes moindres productions; & celui qui peut demeurer jnfenfible a la vue de fes charmes, paree qu'en  334 CONSIüéRATIONS proie a des defirs tumultueux, il ne pönrfuit que de faux biens, fe privé ainfi des plaifirs les plus purs. Heureux celui dont la vie innocente s'écoule dans la jouiifance des beautés de la nature! Toute la création lui fourit, & la joie Paccompagne dans quelque lieu qu'il porte fes pas & fous quelque ombrage qu'il fcrepofe. Le plaifir jaillit pour lui de chaque fource, s'exhale de chaque fleur, retentit dans chaque bocage. Heureux celui qui fe plait dans ces joies innocentes ! fon efprit eft ferein corarfieun beau jour d'été; fes affections font douces & pures comme le parfum que les fleurs répandcnt autour de lui. Heureux qui dans les beautés de la nature retrouve le Créateur ; heureux qui fe confacre a lui tout entier! DIXIEME AOUT. Dommages que caufent les animaux. Il eft affligeant de voir que tant de productions de la nature, & fouvent les plus belles , foient expofées aux ravages des animaux. Jamais 1'été ne s'écoule fans que nous n'appercevions, fur-tout dans le regne végétal, les dommages qu'occafionnent la voracité de diverfes efpeces d'oifeaux, d'infectes, &c. Combien d'arbres dévaftés & de fruits confumés, par les vers , les hannetons , les chenilles ! De combien de chofes néceifaires a notre fubfiftance, ne nous privent pas Pinfatiable moiiieau & le corbeau non moins avide? Qu'il eft trifte de voir un champ détruit par les rats & les fauterelles! —  Sur les ceuvres de Dieu. 341 de quelque rüiffeau, & propre poury faire un lac ou un réfervoir d'eau , ou ils puiifent aller prendre le bain. Ils commencent par y conftruire une chaulfée ou une levée , qui tienne 1'eau a niveau du premier étage de leur logement. Cette chaulfée eft quelquefois un ouvrage prodigieux. Elle peut avoir dix ou douze pieds d'épaiffeur a fon fondement; elle eft en talus & fon épaiifeur diminue infenfiblement, enforte que vers le haut elle n'a plus que deiix pieds. La matiere de cette chaulfée n'eft que du bois & de la glaife. Les caftors tranchent avec une facilité merveilleufe des morceaux de bois , gros comme le bras. Ils les enfoncent par un bout dans la terre, fort proches les uns des autres, & les entrelacent avec d'autres morceaux plus petits & plus fouples. Mais comme 1'eau s'échapperoit au travers, & mettroit 1'abreuvoir a fee, ils ont recours a la terre glaife qu'ils favent fort bien trouver , & avec laquelle ils rempliifent tous les vuides par dehors & par dedans , de forte que 1'eau ne fauroit avoir de fortie. A mefure que 1'eau s'éleve, on continue a élever la digue. La chaulfée ou la digue de 1'abreuvoir étant finie, ils travaillent a leurs cabanes, qui font des logemens ronds ou ovales partagés en trois pieces qu'ils élevent 1'une fur 1'autre: 1'une audeffous du rez-de-chaulfée, & ordinairement pleine d'eau, les deux autres au-delfus. Us fondent ces petits batimens d'une maniere trèsfolide furie bord de leur abreuvoir, & toujours par étage, afin que fi 1'eau monte, ils fe puiifent loger plus haut. S'ils trouvent une petite ifle voifine de 1'abreuvoir, ils y conftruifent leur demeure , qui eft alors plus folide , & oü ils font moins incommodés de 1'eau 5 Y ?  342 CONSIDÉRATIONS dans laquelle ils ne peuvent être que peu de tems. S'ils ne trouvent pas eet avantage , avec le fecours de leurs dents, ils enfoncent en terre des pilotis , pour maintenir 1'édifice contre 1'eau & contre les vents. Ils font au bas deux ouvertures pour aller a 1'eau: 1'une les conduit a 1'endroit oü ils fe baignent; 1'autre eft le paflage a 1'endroit oü 1'on charie tout ce qui pourroit falir les étages fupérieurs. Ils ont une troifieme potte placéeplus baut, de peur d'êtfe pris lorfque les glacés leur bouchent les portes inférieures. Quelquefois ils conftruifent leur maifon entiere a fee fur la terre ferme , & font des foiTés de cinq a fix pieds de profondeur pour defcendre jufqu'a 1'eau. Ils emploient les mèmes matériaux & la même induflrie pour les batimens que pour les levées. Les murailles font perpendiculaires, & ont deux pieds d'épaiffeur. Ils fe fervent de leurs dents pour trancher tous les bouts de bois qui excedent 1'aplomb de la muraille , puis mèlant de la glaife avec des herbes feches, ils en font une compofition dont ils enduifent, a 1'aide de leur queue, le dehors & le dedans de 1'ouvrage. Le dedans de la cabane eft voüté, & la grandeur en eft réglée fur le nombre des habitans. Douze pieds de long fur huit ou dix de large , fuffifent pour huit ou dix caftors. Si le nombre eft plus grand, ils élargiffent le batiment a proportion. Les inltrumens des caftors font quatre fortes dents incifives, deux pieds dedevant dont les doigts fontféparés , deux pieds de derrière garnis de membranes, & une queue couverte d'écailles, & femblable a une truelle oblongue. Avec ce peud'outils, ils font honte a nos jnac.ons & k nos charpentiers, tout pourvus  Sur les ceuvres de Dieu1. 3,4?; qu'ils font de truelles, d'équerres, & de haches. De leurs dents ils coupent le bois avec lequel ils conltruifent leurs batimens, & celui dont ils font leur nourriture. ils fe fervent de leurs pieds de devant pour fouir la terre, & pour amollir & gacher la glaife. Leur queue leur tient lieu de brouette pour porter le mortier ou la terre glaife, & enfuite de truelle pour 1'étendre & en faire un enduit. Les ouvrages des caftors ont donc la plus grande reifemblance avec ceux des hommes; & fi 1'on en jugeoit d'après la première imprelfion qu'ils font fur nous,^ on les croiroit réfléchis & raifonnés. Mais li on les examine de plus prés, on trouvera que dans toute leur architecture,ces animauxn'agiffent point par rérlexion, mais d'après 1'inttinct qui leur eft inné. Si dans leurs travaux, ils étoient cnpables de réflexion, ils batiroient tout autrement aujourd'hui qu'ils ne le faifoient autrefois: il fe perfectionneroient continuellement. Mais on voit qu'ils s'en tiennent toujours a la méthode de leurs peres , & qu'ils ne fortent jamais du cercle que la nature leur a prefcrit. Ainfi les caftors d'a-préfent, ne batilfent pas autrement que ne le faifoient ceux qui vivoient avant le déluge. Mais cela n'empèche pas qu'ils ne méritent notre admiration, puifque de tous les animaux qui vivent en fociété , ce font ceux qui approchent le plu's de la raifon humaine. II ne faut que les voir pour s'affurer que les bêtes ne font pas de fimples machines , & qu'un principe fpirituel dirige toutes leurs actions & tous leurs mouvemens. Mais quelle infinie diverfité le Créateur n'a-t-il pas mife dans leurs facultés! Combien 1'inctinct du caftor n'eft-il pas fupérieur a celui de la Y 4  •>f4 CONSIDÈRATIONS yivent pas même alTez long-tems pour voy: jeur poftérité: les poilfons & les animaux amphibiesne fauroient diftinguer leurs petits d'avec ceux de la même efpece. Et cependant la nature leur infpire les meilleurs moyens de pourvoir aux principaux befoins des nouvelles générations. Les poüTons viennent par troupes dépofer leurs ceufs tout prés des rivages, oü 1'eau étant rrroins haute, eft plus échauffée par les rayons du foleil, & oü ils puiifent éclore plus facilement, & trouver enlüite la pature néceffaire. Les amphibies fortent de 1'eau, pour mettre leurs ceufs dans le fable & les expofer a la chaleur du foleil, comme s'ils favoient que leurs petits trouveront bien d'euxmêmcs leur vrai élément & le lieu oü ils font deftinés a vivre & a chercher leur nourriture. Les moucherons & d'autres infecles qui font nés dans 1'eau, mais qui vivent dans l'air ou fur la terre, ne laiifent pas de répandre leurs ceufs oü leurs petits doivent commencer a viVre. Les infedes qui volent fur la terre, & qui pour la plupart n'ont plus befoin de nourriture pour eux-mëmes, ont cependant 1'attention de dépofer leurs ceufs dans des plantes , des fruits, des chairs , & d'autres fubftances qui peuvent fervir de nourriture a leurs petits. II y en a qui pourfuivent d'autres animaux pour infinuer leurs ceufs dans leur peau, dans leur poil, dans leur bouche, ou dans leurs entrailles. Quelques animaux dépofent même leurs ceufs dans desnids ou des cellules qu'ils ont préparés , & oü ils ont porté d'avanee une provifion convenable de la nourriture qu'il faudra a leurs petits. D'autres animaux, qui au moment de leur ajaiiTance, ne peuvent s'aider eux-mêmes, font  Sur les ceuvres de Dieu. -jfr confiés aux foins de leurs pareus. Quelle n'eft pas ia follicitude des oifeaux avant même qu'iLs pondent leurs ceufs! Chaque efpece afafaqon particuliere de conftruire des nids. Avec quells ailiduité, quelle patience ne couvent-ils pas leurs ceufs pendant plufieurs femaines, fe donnant a peine le tems de manger 'i Quel foin n'ont-ils pas d'échauffer leurs petits quand ils font éclos, & de leur donner la nourriture convenable a leur age! Quel courage ne mon:trent-ils pas pour les défendre & les mettre en füreté , en s'expofant quelquefois euxmêmes. .N'eft-cepas aulfi un inftinct bien fin;ier- dans les quadrupedes, de couper euxmërues, avec leurs dents, le cordon ombilical de leurs petits, & de le faire avec les précautions néeelfaires pour qu'ils ne perdent point trop de fang?- Avec quelle tendrelfe, quelle attention ne les allaitent-ils pas, & n'ont- ils pas foin de les avertir des dangers & de les en garantir ? En général, 1'inftincT: de tous les animaux pour la confervation de leurs petits, eft plus fort que le defir de fatisfaire a leurs propres befoins. Ils fouffrent la faim & la foif, ils fe f refufent le fommeil & toutes les commodités, ils expofent même leur vie, plutót que de né- , gliger leurs nourriffons. Dans eet inftinctque Dieu a donné aux animaux, je reconnois une fageffe qu'on ne fauroit affez admirer. Car la confervation de toute 1'efpece dépend des foins que les pareus ont de leur couvée & de leurs petits. Je ne fuis pas furpris que les animaux vivipares aient de la tendrelfe pour leurs petits : c'eft leur chair & leur fang. Mais que les ovipares aient tant de follicitude pour leurs ceufs, c'eft ce qui eft abfolument inexplicaZ %  qf6 CONSIDÉRATIONS ble. Les ceufs ont toute une autre figure que les parens, & ne relTemblent même en rien a un animal. De plus, les ceufs ne font pas encore villbles, lorfque les oifeaux commencent déja a conftruire leurs nids , & que les infecles cherchent des lieux oü la nouvelle génération puilfe trouver fa fubfiftance. Créateur adorable de tout ce qui exifte, qui n'admireroit ici ta fagelfe! Qui ne reconnoitroit la bonté avec laquelle tu veilles a la confervation & a la propagation du regne animal, afin de le faire fervir ainfi a nos befoins & a nos plaifirs ! Ouvre mes yeux afin que je reconnoiife de plus en plus la fagelfe qui brille dans tous tes ouvrages. DIX-SEPTIEME AOUT. Diverfes efpeces de pluies extraordinaires. Tous les phénomenes quelques naturels, quelques utiles même qu'ils foient, peuvent devenir des occafions de terreur & d'etfroi pour des hommes ignorans & fuperftitieux. On en voit une preuve dans ces pluies que la fuperftition regarde comme furnaturelles , & qui épouvantent tant de perfonnes. Qui eft-ce qui ne tremble pas lorfqu'il entend parler des pluies de fang.' Quelquefois & fur-tout dans les jours d'été, il tombe une pluie rougeatre a laquelle on donne ce nom; ou plutót on croit qu'il en eft tombé une femblable lorfqu'après une pluie ordinaire, la fuperficie de 1'eau paroit rouge, ou que 1'on trouve, a la campagne des gouttes tenues de  Sur les ceuvres de Dieu. ?f9 mes ont en général plus de penchant pour Terreur que pour la vénté, & qu'ils ne font pas convaincus, comme ils le devroient, de la fagelfe & de la bonté du gouvernement de Dieu. Ne déshonorons pas, mesfreres, notre raifon & Dieu lui-mème par ces préjugés & par d'autres femblables. Que ce foit pour nous une fource de confolation & de joie, de nous convaincre de plus en plus, que tout eft bien ordonné dans la nature, & que Dieu fe propofe toujours des vues infiniment fages. Laiffons aux païens & aux incrédules leurs idéés fuperftitieufes; mais nous qui avons le bonheur de connoitre le vraiDieu, glorifions-le par notre foi, honorons-le en nous confiant en lui, & travaillons de tout notre pouvoir a répandre de plus en plus la raifon, la fagelfe & la piété parmi les hommes. DIX-HUITIEME AOUT. Senjïbilité des plantes. jN^Ous obfervons dans les plantes certains mouvemens, qui ne permettent pas de déciderfi elles ont de la fenfibilité ou li elles n'en ont pas. II y a des végétaux qui retirent & contractent leurs fleurs & leurs feuilles lorfqu'on les touche. On en voit qui ouvrent & referment leurs fleurs a certaines heures marquées du jour, de forte que ces plantes indiquent avec affez de certitude 1'heure qu'il eft. D'autres prennent une forme toute finguliere pendant la nuit, en ce qu'elles replient alors leurs feuilles. Et ces mouvemens ont lieu foit Z 4  36"e> CONSIDÈRATIONS que les plantes reftenten plein air, ou qu'on les mette dans des appartemens fermés. Celles qui vivent toujours ïbus 1'eau, élevent leurs fleurs au-delfus de 1'eau dans le tems de la fé*condation. Les mouvemens d'une plante marécageufe, qu'on a découverte depuis peu dans la Caroline, font encore plus finguliers. Ses feuilles rondes font garnies par en haut, & par les cótés d'une multitude de crenelures, qui font extrèmement irritables. Lorfqu'un infecle fe hafarde a ramper fur la furface fupérieure de la feuille , elle fe replie , fe contrarie, & renferme 1'infecte jufqu'a ce qu'il foit mort. Alors la feuille fe rouvre d'elle-mème. Nous: pouvons obferver tous les jours certains mouvemens réglés dans quelques plantes de nos jardins. Les tulipes s'épanouiifent quand il fait beau, mais elles fe renferment lorfque le fo. leil fecouche, ou en tems de pluie. Les fruits a écofle, comme les poids & lesfeves, ouvrent leurs goulfes lorfqu'ils fe fechent, & le roulent même comme des copeaux de bois. L'avoine fauvage, quand on la met fur une table, fe remue fouvent d'elle-mème, fur-tout fi on 1'a réchauffé dans la main. Et ne voyons-nous pas que 1'héliotrophe & diverfes autres plantes, fe tournent toujours vers le foleil? Ce fontla des expériences inconteftables, que chacun peut faire fans aucune peine. On a voulu en conclure qu'on ne fauroit refufer entiérementla fenfibilité aux plantes; & il elf vrai que les faits qu'on vient de citer, donnent a cette opinion quelques degrés de vraifemblance. Mais d'un autre cóté, on ne découvre dans les plantes aucune autre marqué de fenfibilité: Tout en elles paroit être abfolument méchanique. Nous faifons croitre une plante, nous  Sur les ceuvres de Dieu. q6i fa détruifons fans y rien remarquer d'analogue a ce qu'on obferve dans un animal qu'on éleve ou qu'on détruit. Nous voyons une plante germer, croitre, fleurir, & monter en graine, comme nous voyons 1'éguille d'une montre parcourir infenfiblement tous les points du cadran. L'anatomie la plus exacte d'une plante, ne nous découvre aucun organe qui ait le moindre rapport a ceux qui font le fiege de la fenfibilité animale. Lorfque nous oppofons ces obfervations a celles d'oü 1'on pourroit inférer la fenfibilité des plantes, nous rettons dans 1'incertitude , & nous ne favons comment expliquerles phénomenes que nous avons rnpportés plus haut. Peut-être que tout ce qu'on obferve a 1'égard du mouvement des plantes, ne procédé que de la ftrucfure des diverfes fibres, qui tantöt fe contractent, tantöt s'étendent. Peut-être que les exhalaifons fubtiles de notre corps, font contracter les plantes Jenfitives lorfque nous les touchons. Mais peutêtre aufli que tout étant gradué dans la nature, il y a certaines plantes oü fe trouve le premier degré de fenfation, comme en effet le paflage eft trés-petit de la plante a la moule. Ainfi la fenfibilité s'étend peut-être jufqu'aux plantes, au moins jufqu'a celles qui approchent le plus de 1'animal. Vous voyez, mon cher lecteur, que nos connoiifances, fur ces matieres , font tres-imparfaites , & fe réduifent prefque a de fimples conjedlurcs. On ne peut ni attnbuer de lafenfiblité aux plantes, ni la leur refufer avec certitude. Tenons-nous en la-delfus a des peutétre, & ne cherchons point a palier les bornes prefcrites a nos connoiifances. Rendons feulement au Créateur la gloire qui lui eft due,  CONSIDJÉRATIONS & foyons perfuadés que quoi qu'il en foit de cette queftion, & quel que puiile être le principe des phénomenes dont nous avons parlé, les arrangemens qu'il a fait eet égard, comme a tous les autres, ont toujours été dictés par une fagelfe & une bonté fans bornes. Nous pouvons trés-bien nous palfer d'avoir des lumieres plus étendues fur cette partie du regne végétal; & quoique ce point reffe óbfeur & problématique pour nous, ce que nous avons fuffit pour fatisfaire une curioïité raifonnable , & nous exciter a gloiifier le Seigneur. Appliquons-nous a faire ufage des connoiffances que nous avons, fans nous perdre dans des fpéculations plus curieufes qu'utiles, & fans ambitionner des lumieres qui font peutêtre réfervées a ceux qui viendront après nous, ou même a 1'éternité. DIX-NEUVIEME A O U T. De la crainte des orages. D Ans une faifon oü toute la nature n'offre a nos yeux que des fcenes agréables & riantes, propres a infpirer le contentement & la joie, ils ne laiffe pas d'y voir des gens qui fe livrent aux plaintes & aux murmures. L'été feroit fans doute délicieux, difent-ils , fi les orages ne venoient le troubler, & étouffer dans* leur ame tout fentiment de joie. La crainte des orages & des tonnerres eft principalement fondée fur le préjugé qu'ils font les effets du courroux du ciel, & les miniftres de fa vengeance. Car d'ailleurs fi nous confidérions combien les orages contribuent a purger l'air d'une  Sur les ceuvres de Dieu. 3<5? multitude d'exhalaifons nuifibles , & a féconder les terres; li nous voulions employer les moyens néceffaires pour nous précautionner contre les terribles effets de la foudre , les orages cederoient de nous paroitre fi redoutables, & les gens fenféslcs regarderoient comme des bienfaits plus propres a nous infpirer de la reconnoiffance que de la terreur. Mais, dfrez-vous, on ne peut cependant nier que le tonnerre ne laffe fouvent les plus grands ravages. Combien de fois la foudre n'a-t-elle pas frappé des hommes & des animaux, confumé des villages & des villes entieres? A cela je réponds qu'ici, comme en bien d'autres chofes, les terreurs groffiffent beaucoup le mal & le danger. Pour fentir combien peu il eft vraifemblable que 1'on foit frappé de la foudre , il fuffit de favoir que de fept cent cinquante mille perfonnes qui font mortes a Londres dans 1'efpace de trente ans, il n'y en a eu que deux qui aient été foudroyées. Qbfervons auili que pendant les grands éclats du tonnerre, la plupart des gens prolongent leur crainte fans la moindre raifon. Celui qui a encore le tems de s'effrayer & de craindre les fuites naturelles de 1'éclair, eft déja entiérement hors de danger. L'éclair feul peut nous être funefte. Quand 110US i'aVons vu lans en être atteints & que le tonnerre ne 1'accompagne pas immédiatement, il y a une doublé folie a palir, a trembler a 1'ouie du coup, ou a feboucherles oreilles pour ne pas entendre un éclat qui n'a plus rien de dangereux. Ce qui doit abréger nos frayeurs ou les diffiper entiérement , c'eft qu'après l'éclair, on peut attendre avec la plus grande fécurité le tonnerre , paree qu'a coup fur il nous fera tout  3.54 CONSIDÉRATIONS aufli peu de mal que le bruit d'un canon. Lë tonnerre nous annonce alors que nous avons échappé au danger de la foudre , & il nous apprend en mème tems a quelle diftance elle fe trouve, car plus 1'intervalle entre l'éclair & le coup eft grand, plus le foyer de 1'orage eft éloigné. Le plus fur moyen de fe préferver de la crainte du tonnerre & des autres phénomenes effrayans de la nature, c'eft de travailler a avoir une bonne confcience. Le jufte tranquille & ferme ne craint point les jugemens du ciel. II fait qu'al'ordre de Dieu toute la nature s'arme contre les pécheurs. Mais lors même que le juge fuprême effraie & frappe les pervers, Thomme de bien fait qu'il eft toujours fous la garde du très-haut. II entend fans palir gr onder le tonnerre. Son Créateur, le Dieu quHl aimey ijl le maitre de la foudre, il fait quand il convient de menacer feulement, quand il convient de f rapper. Il fe joue des tempètes £5" des orages , il s'en fert pour convaincre de fon exrjience Vimpie qui ofe en douter, £u vient le Créateur a-t-il régie' le cours de la nature d'après des loix auffi invariables ? Mais c'eft précifément au moyen de eet arrangement, que l'homme, aidé par le travail & guidé par 1'expérience , peut faire ufage de fon intelligence & de fes forces , & devenir ainfi, jufqu'a un certain point, 1'artifan de fon bien-être. Voudrois-tu habiter un monde, oü lorfque tu aurois faim, il fuffiroit pour te raifafier que tu fouhaitalfe de 1'ètre ; oü les vëtemens tombafl'ent des nues lorfque voyageant par une nuit froide, tu aurois négligé de t'en pourvoir, oü tu pourrois a ton gré & fans recourir a aucun moyen chemiuer tantöt par terre, tantót par eau, tantót en traverfant les airs , oü l'eftomac ne feroit jamais lurchargé par le poids des alimens; oü la coignée de fer furnageroit lorfque, par accident, tu 1'aurois lailfée tomber dans l'eau; oü les corps s'écartant de leur diredion naturelle , décriroient une ligne oblique, dans le cas oü leur chüte pourroit blelfer quelqu'un ? Voudroistu habiter un monde oü tu n'aurois befoin d'aucune adivité, oü tu ne pourrois contribuer en rien a la multiplication de tes plaifirs, oü il n'y auroit aucune regie, aucune loi fondamentale, oü enfin le mieux, le mal & le pire étant également ignorés, rien ne nous rendroit attentifs aux loix de la nature? Sans contreditil y aura toujours nombre de chofes dans la nature, dont les fins, ou les rapports qu'elles ont avec 1'enfemble, te feront cachés. Tu en trouveras qui, vu les bornes de ton efprit, te paroitront contradidoires & peu afforties au plan de la divinité;  Sur les ceuvres de Dieu. 91 mais dans tous les cas arrête-toi a ce principe: que Dieu fait tout dans des vues fages & bienfaifantcs. Et lorfque ces énigmes, ces chofes inexplicables s'offriront a toi: dis avec l'apötre : 0 pmfondeur des rkhejjes & de la fageffe Ëf de la connoifjance de Dieu ! Que fes jugemerts font incompréhenfibles, & fes voies impojfibles d trouver ! Car qui ejï-ce qui a connu la pcnfe'e du Seigneur ? ou qui a été fon conf'eiller ? — Car de lui, G? por lui, & pour lui font toutes chofes. A lui foit gloire éternellement: Amen. Rom. XI. 5?' ?4> VINGT-HUITIEME MAL Des péchés qu'on ejl fujet d commettre durant le printems. Seroit-il poffible, ó chrétien , que vous profanaffiez par le pêché la faifon qui eft furtout faite pour vous animer a la pratique de la piété. Ne feroit-il pas naturel de préfumer que dans ces jours de printems, chaque prairie eft pour vous un temple oü vous apportez a votre Créateur mille tributs de louange & d'aclions de graces, oü chaque penfée, chaque fentiment, chaque action fe rapporte a la gloire de votre CréateurfMais , hélas , nous voyons journellement combien les hommes font ingrats envers leur célefte bienfaiteur. Ils voient Ia nature rajeunie , ils voient les fleurs & mille autres objets ravitfans; mais fans pcnfera celui qui a fait toutes ces grandes choles; ou s'ils penfent a Dieu , ils oublient de lui rendre graces pour les mcrveillcs de fa bonté. C'eft  92 CONSIDÉRATIONS la le vice qui regne dans cette faifon de 1'année, & il ett en mème tems la fource de tous les défordres qu'on y commet. L'homme eft donc ainfi la leule créature fur la terre quine fente pas fon bonheur, bien qu'il ait la faculté de le fentir dans toute fon étendue: coeur ingrat, coeur infenfible , c'eft a toi que je m'adrefle a préfent. Mais combien n'ai-je pas lieu de craindre que tu ne me prètes moins d'attention encore que tu n'en accordes a ton Dieu , qui te parle dans la nature d'une voix fi intelligible & fi forte. Comment fe peut-il cependant que tu méconnoilfes ton Créateur! Toutes fes oeuvres le révelent; & tu ne peux connoitre, ni toi-mème, ni le monde oü tu vis, fi tu ne connois pas ton Dieu. Chaque créature te ramene a fon auteur: chaque lieu du vafte domaiue de la nature eft plein de la divinité: elle fe découvre dans chaque brin d'herbe, dans chaque fleur, dans chaque oifeau; fans celle elle emprunte le langage fi doux fi perfuafif de la nature, elle s'adrelfe a tes fens , a ta raifon , a ta confcience , a chacune de tes facultés. Ecoute-le feulement ce langage, peut-ètre parviendra-t-il a te rendre fenfible & recounoiflant. Et comment les emploies-tu ces beaux jours du printems ? II eft jufte que tu abandonnes la chambre oü tu as été renfermé jufqu'ici, que tu refpires lebon air, que tu ailles vifiter les champs & les jardins pour contempler les beautés de la faifon. Mais garde-toi bien d'en abufer pour te livrer aux plaifirs extravagans qui entrainent a leur fuite 1'oifiveté & le repentir. Tu n'auras véritablement joui des beaux jours du printems, que lorfque ton ccil fe fixant fur les oeuvres du Créateur, ta raifon y décou-  Sur les oeuvres de Dieu. 95 vrira une bonté & une puiffance divines ; alors ton cceur éprouvera des joies bien fupérieures aux plaifirs de ceux qui mettent en oubli le Dieu qui les a formés. Pourquoi voudrois-tu. rechercher ces plaifirs qui offenfent Dieu & bleflent ta confcience ? Ici fe trouvent des plaifirs plus purs, & c'eft pour ceux-la feulernent que tu as requ des fens, que tu es doué de raifon & d'un coeur fenfible. Mes réflexions fe tournent maintenant vers les perfonnes qui, durant cette faifon de Pannée, fe livrent aux foucis, & appréhendent de ne pas trouver les moyens fuffifans de fournir a leur entretien. O gens de petite foi! vous méritiez quelque indulgence lorfqu'au fort de 1'hiver & prefles de divers befoins, vous tombiez dans la trifteffe & dans 1'inquiétude; mais acluellement c'eft une méfiance impardonnable que d'être en peine de fa fubfiftance. Regardez Pherbe & les fleurs des champs , celles qui couronnent les arbres , & 1'infouciant oifeau ! Pour qui Dieu fait-il fortir la femence de la terre, pour qui Pa-t-il ornée de tant de fleurs ? Pour 1'avantage de qui fait-il trouver a chaque animal fa nourriture? Ames foibles & timides, fortifiez-vous, & mettez votre confiance dans votre pere qui eft au ciel. Le printems eft la faifon de 1'efpérance, donnez-lui entrée dans votre cceur ;& fi quelques inquiétudes viennent a s'y glifler, jettez vos regards fur les champs & fur les prairies, & fouvenez-vous des paroles de votre rédempteur: Dieu qui revët Pherbe des champs & qui nourrit les oifeaux, n'aura-t-il pas plus de foin encore de fournir a l'homme la nourriture & le vêtement! Je veux donc, ö mon Créateur, employee  94 CuNSIDÉRATIONS la plus agréable partie de Pannée a contempler la grandeur de tes merveilles. Que les plaifirs que me prodigue a préfent la nature, in'excitent a me réjouir du privilege ineftimable que j'ai par-deifus tant de millions de créatures vivantes, de te reconnoitre pour 1'auteur de toute joie. Et fi parmi mes lemblables j'en rencontre quelques-uns qui, chagrins ou indifférens, négligent d'étudier tes ceuvres, bien loin d'imiter leur exemple, je m'efforcerai avec d'autant plus de zele a me diftinguer d'eux par ma dévotion & par ma fainteté. V INGT-NEl VIE ME MAL De Charmonie du patriotifme qui regne parmi les abeilles. L'Har monie & le patriotifme font fans contredit les fondemens du bonheur qu'on peut, jufqu'a un certain point, attribuer aux abeilles. Du moins elt-il fur que leur république feroit bientöt détruite, fi elles ne vivoient entr'elles dans une forte d'harmonie. Ceux qui nous ont fait part de leurs obfervations fur ce fujet, rapportent que ces mouches , lorfqu'elles reviennent dans la ruche chargées de matériaux qui leur fervent a batir, trouvent aufli-tót quelques-unes de leurs compagnes prêtes a les foulager de leur fardeau. Les voyagcufes recommenceut leurs courfes, & pendant qu'elles font de nouvelles récoltes, les ouvrieres qui font reftées dans la ruche pêtriffenta plufieurs reprifes les petits paquets que les autres ont apportés, & préparent ainfi  Sur les ceuvres de Dieu. of une maffe propre a la conftru&ion.^ D'autres qui ne lont pas direftement employees au travail, s'occupent a rendre de bons offices aux ouvrieres, & leur apportent a manger , afin que Pouvrage fe pouriuive fans que celles qui Poperenc fouffrent aucune privation. Cette harmonie avoifine de bien prés au patriotifme, qui eft fi remarquable parmi les abeilles. La richeffe de tout 1'étateft la richeffe de chaque citoyen, & cette nombreufe république ne forme qu'une feule familie. Tel point d'intérèt perfounel, point d'avarice , & par conféquent point de rapine. Ici jamais une troupe d'abeilles ne fe réunit pour ufer de violence, & livrer des combats aux abeilles leurs compatriotes. lei Pon ne voit jamais une abeille ambitionner le fuperflu, tandis qu'une autre manque du néceffaire; jamais non plus quand elles ont affez de raiel pour leur provifion d'hiver, elles ne cherchent a en acquérir davantage. O! puiffions-nous apprendre de cesinfecles fi méprifables a nos yeux, les vertus d'oü dépendent le repos & le bonheur de notre vie! Dans quelque état & dans quelque condition que tu te trouves, chrétien , il eft néceffaire que tu travailles de concert avec tes femblables, & que tu exerces le patriotifme. La fociété oütu vis, le chriftianifme, & ton propre bonheur le demandent. Porte gaiementta part du fardeau général, & s'il eft néceffaire, charge-toi encore du fardeau d'autrui, lorfque par ignorance ou par foibleffe tes freres fe trouveront en défaut. Et quand la religion ,1e devoir & la confeience exigeront que tu faffes pour tes femblables de grands facrifices , garde-toi de le regarder comme un dommage. Bien loin de-la, fi tu as plus de capacité que d'autres,  96 CONSIDÉRATIONS fi tu es en état de travailler avec plus de zele & de fuccès, envifage-le comrae un honneur. Qu'un vil égoïlme, ó mon frere , ne trouve jamais place dans ton ame. Ce font de méprifables membres de la fociété humaine que ceux qui cherchent a s'enrichir aux dépens d'autrui, & a s'approprier a eux feuls les tréfors communs de la patrie. Lorfque de maniere ou d'autre tu peux contribuer au bien général, qufe la crainte de n'en pas être récompenfé ne t'arrête jamais, le témoignage d'une confcience pure & les biens de 1'éternité ne font-ils pas une aifez belle récompenfé! II eft trop vrai cependant qu'entre les maux de cette vie fur lefquels on fe fait illufion, il faut compter celui-ci: c'eft qu'une parfaite harmonie dans les caradteres & les fentimens n'y fauroit avoir lieu. Mais cela mème doit nous faire admirer la fage Providence, qui malgré la défunion & les défordres qui regnent dans le monde, malgré 1'intérët propre qui domine les hommes , maintient néanmoins & fait fleurir les fociétés. Quand un pilote fait diriger fa nacelle de maniere qu'il évite les bancs de fable contre lefquels il eft jetté par les vagues, c'eft alors quej'admire fonhabileté & fon expérience. Et quand je vois que malgré la méchanceté des hommes au milieu des orages de leurs paffions, le regne de la fageffe & de la vertu fe eonferve, j'admire 1'innnie fageffe de celui qui gouverne le monde. O qu'il fera heureux ce nouveau monde vers lequel je tends! Quelle harmonie regnera dans le cceur de fes habitans ! Ah! je bénirai Pinftant quim'introduira dans ce féjour de la félicité. TRENTIEME  Sur les ceuvres de Dieu. 97 trentieme mal Du nombre prodigitux des plantes de notre terre. On compte déja au-dela de vingt mille efpeces de plantes , & tous les jours on en découvre de nouvelles. a 1'aide du microfcope , on en a trouve quelques-unes la oü 1'on pouvoit le moins s'y attendre. La mouffe , les éponges -ont été rangées parmi les végétaux, & ont offert aux yeux des amateurs des fleurs & des graines inconnues jufqu'alors. Les pierres de taille font fouvent couvertes de taches brunes & noiratres; on en découvre même fur le verre le mieux poli. Cette moifïffure s'attache a prefque rous les corps, & elle eft en petit un jardin, une prairie, une forêt, oü les plantes, malgré kur extréme petiteffe, ont des fleurs & des graines vifibles. Si 1'on réfléchit fur la quantité de mouffe qui couvre jufqu'aux pierres les plus dures & les lieux les plus arides; fur la quantité d'herbes qui fe voient fur la furface de la terre; fur les diverfes efpeces de fleurs qui récréent nos fens; fur tous les arbres & tous les buiffons, dont chacun peut être regardé comme 1'affemblage de mille différens végétaux; fi 1'on y joint les plantes aquatiques dont la finefle égale celle d'un cheyeu , & qui pour la plupart nous font encore inconnues, on pourra en quelque forte fe faire une idee de la multitude des plantes de notre globe. Ce qu'il y a encore de plus merveilleux dans tout ceci, c'eft de voir que toutes ces efpeces de plantes fe conferveut fans que 1'une dé- Terne II. 'Est dans ces jours-ci qu'on commence la pêche des harengs fur les cötes de 1'Angleterre & de l'Ecolfe , & par ce moyen nous recevrons dans peu une très-grande quantité de ces poiifons, qui, durant le cours de 1'année, ferviront a la nourriture des pauvres, auffibien que des riches. Examinons a préfent ce que fhiftoire naturelle de ces poiifons nous ofFre de plus important. Une multitude innombrable de harengs vivent dans la mer glaciale, prés du pöle arcfique. Mais a un tems déterminé ils quitcent ce féjour & viennent en foule prés des cótes d'Angleterre &deHollande. Onnefaitpasaujufte encore quelle peut être la caufe de cette émigration: les uns croient que c'eft pour fuir les baleines & autres grands poiifons de la mer glaciale. D'autres fe figurent que la prodigeuïe multiplication des harengs eft la raifon qui les oblige a ces voyages delongs cours, paree que fe trouvant cn trop grande quantité fous les glacés du nord, ils font forcés de fe féparer en colonies, afin que ceux qui reftent aient fuffifamment dequot fubfifter. Peut-être aufn" eft-ce le defir de fe propager, & un inftindl particulier qui les porte vers les lieux les plus favorables a la multiplication & a 1'entretien de leur race. C'eft fans doute pour toutes cesraifons que le nombreux elfaim de harengs part du nord au commencement de 1'année; car déja au mois de Mars, une alle de cette armée Tornt U, N  205 CONSIDÉRATIONS J U I L L E T. PREMIER JUILLET. Hymne pour louer Vauteur de la nature. Ombien tu es grand, ó Eternel mon Dieu! Le globe de la terre annonce ta majefté, les cieux Lont le tröne de ta gloire. Exiltez, leur as - tu dit, & a ta voix ils le font étendus dans 1'immenfe efpace. Le tonnerre fait retentirta louange, & fur les alles de 1'éclair tu te promenes dans un appareil formidable. Je t'appercois dans la fpiendeur du foleil, je te retrouve encore dansles fleurs qui parent nos cöteaux. Eft-il un Dieu femblable a notre Dieu? Qui marche fur lesvents? Qui tient le tonnerre en fa main ? Qui ordonne a 1'éclair d'allumer les forêts? C'eft toi, c'elt toi feul, ó Seigneur! Des milliers de mondes te glorifient; c'eft toi qui leur as donné 1'être, mais a ta menace ils fuient; ils s'anéantüfent, ourevètent une forme nouvelle. Toute la création eft un temple élevé a ta gloire. C'eft-la que tu entends célébrer ta louange ; la des millions de cceurs céleftes font monter vers toi, en t'adorant, des cantiques d'actions de graces. Depuis le féraphin qui contemple ta face,  Sur les ceuvres de Dieu. 207 jufqu'au vermifleau qui rampe fur !a terre, tout célebre ta gloire. Les créatures qui exiftent mairitenant & celles qui ne font point encore, tout eft ton domaine, tout elt foumis a ton empire. Qu'eft-ce que l'homme, cet enfant de la pouifiere, pour que tu penfesa lui avec tant d'amour? O Dieu en qui j'ai mis toute ma confiance, je t'adore & te bénis pour tous les biens que tu m'as fait. Tum'as placé dans unrang très-élevé. Les habitans de la mer & de l'air, des forêts & des campagnes me font foumis : toutes les créatures d'ici-bas reconnoiffent en moi leur fouverain. O Eternel, que ton nom eft magnihque! ta louangeretentit jufqu'aux barnes de 1'univers, tes ceuvres annonceront ta gloire d'éternitéen étermté! PREMIER JUILLET. * Plantes étrangeres. To u s nos bleds, & un grand nombre de nos légumes , tireut leur origine de pays étrangers, & d'ordinaire plus chauds que le nótre. La plupart viennent d'Italie. L'Italie les avoit requs des Grecs, & ceux-ci les tenoient de POrient. Lorfque 1'Amérique fut découverte, on y trouva une multitude de plantes & de fleurs inconnues jufqu'alors, & on les tranfplanta en Europe, oü elles ont très-bien réuffi. Adtuellement encore les Anglois fe donnent beaucoup de peine pour culüver dans leur  5o8 CoNSIDiRATIONS pays, diverfes plantes de l'Amérique feptentrionale. La plupart des différentes efpeces de bleds, qui font la meilleure nourriture des hommes & des animaux, font des plantes graminées; mais quoiqu'elles couvrent a préfent nos champs , elles font cependant étrangeres parmi nous. Le fcigle & le froment font indigenes dans la petite Tartarie & la Libérie, oü jls croiffent encore fans culture. Pour ce qui eft de l'orge & de Uaaoine, nous ignorons, a la vérité, d'oü ils viennent, mais il eft certain qu'ils ne font pasindigenes dans notre climat, puifqu'autrement il ne feroit pas néceffaire de les cultiver. Le ris eft une production d'Ethiopie, d'oü on 1'apporta d'abord en Oriënt, enfuite en Italië. Depuis le commencement de ce Oecle, on le cultive auffi en Amérique, & k préfent on nous envoie de-la tous les ans des vaiifeaux chargés en entier de ces grains fi utiles. Le bied farrafia eft originaire d'Afie: les Croifades le firent connoitre en Italië, d'oü il eft venu en Allemagne. La plupart de nos herbages & de nos légumes ont une femblable origine. La bourrache vient de Syrië, le crejj'on de Crète, le choufeur de Chypre, & 'Cqfperge d'Afie. Nous devons le cerfeuil a 1'Italie, ranet au Portugal & a 1'Efpagne, le fenouil aux ifies Canaries, l'anis & le perfil a 1'Egypte. Vail eft une production de 1'Orient; Véchalotte vient de la Sybérie, & leraifort de la Chine. Nous devons lesfafeoles, efpeces de harricots, aux Indes Orientales, les citrouilles k Aftracan , les lentilles a la France, & les pommes de terre au Bréfil. Les Efpagnols trouverent le tabac k Tabaco, proyince du Yusatan en Amérique, Les  Sur les ceuvres de Dieu. 209 Les ornemens de nos jardins, les plus belles fleurs, font aulfi des produclions étrangeres. Le ja/min vient des Indes Orientales, le fureau de Perfe, la tulipe de Cappadoce , le narcijje d'Italie, le lys de Syrië, la tubereufe de Java & de Ceilan , Vwillet d Italië , Üafier de la Chine, &c. Confidérons avecreconnoilfance & avec joie ces divers préfens du ciel. Avec quelle bonté Dieu n'a-t-il pas pourvu a notre bonheur & a nos plaifirs, en rendant les pays même les plus lointains nos tnbutaires? Mais apprénons aulfi a connoitre la conftitution du globe que nous habitons. II y a une tranfmigration univerfelle fur la terre : les hommes, les animaux & les végétaux fetranfplantent & paflent d'une région a 1'autre. Et cette tranfmigration ne finira qu'avec notre globe. Dans quelque endroit du monde qu'il te plaife de me tranfporter, ö mon Dieu, je tacherai d'y remplir mes devoirs, & de rapporter des fruits tanta 1'avantage de mes contemporains qu'a celui de Ia poltérité, jufqu'a ce que j'arrive dans ces régions du bonheur & de la perfedion, oü rien ne fera fujet au changement. DEUXIEME JUILLET. Métamorphofe des chenilles. La métamorphofe des chenilles en papillons , eft certainement un des phénomenes les. plus merveilleux de la nature, & il mérite a plufieurs égards toute notre attention. Déja la. Tomé IJ. o  aio CONSIDÉRATIONS maniere dont les chenilles fe préparent a leur changement d'état, eft. trés - étonnante. Wies ne deviennent pas tout d'un coup des papillons, mais elles paffent par un etat mitoyen. Après avoir mué trois ou quatre fois, la cnenille fe dépouille enfin de fa dermere peau, & devient une fubftance qui ne reifemble en rien a une créature vivante. Elle fe trouve enveloppée d'une coque dure, qu'on appelle chryfalide ou nymphe, & qui reifemble un peu a un enfant emmailloté. La chenille refte dans cet état une , deux ou trois femames, quelquefois mème fix a dix mois , jufqu'a ce qu enfin elle forte de cette efpece de fepulcre, ious la forme d'un papillon. II y a proprement deux fortes de papillons. Les ailes des uns font relevées, celles des autres font bailfées. Les premiers voient pendant le jour, les derniers ordinairement pendant la nuit. Les chenilles des papillons nocturnes ou des phalenes, fe filent une coque & s'y renferment lorfque le tems de leur métamorphofe approche, ou bien elles s'enterrent. Celles qui doivent devenir des papillons de jour ou diurnes, fe fufpendent en p em air a un arbre, a une plante, a un ecnalas, a une muraille ou a quelque autre chole lemblable. Pour cet effet, elles fe font un tres-petit tiflu avec un fil fort délié, fe renverfent enfuite, & fe fufpendent en forte que leur tete eft un peu recourbée vers le haut. Quelquesunes de ces chenilles , & particulierement toutes celles qu'on appelle épineufes, reftent en cet état fufpendues perpendiculairement la tete en bas; d'autres fe font encore un fil qui les environne par le milieu du corps & qui ett affermi des deux cótés. C'eft de 1 une ou de  Sur les ceuvres de Dieu. au 1'autre de ces deux manieres , que toutes les chenilles des papillons diurnes fe préparent a la grande révolution qu'elles doivent fubir. Ainfi les deux efpeces de chenilles , tant celles des papillons diurnes que celles qui doivent devenir des phalcnes, s'enfeveliflent, pour ainfi dire, toutes vivantes, & femblent attendre tranquillement la fin de leur état de chenille, comme fi elles prévoyoient qu'après un court repos, elles recevroient une nouvelle exiftence, & fe montreroicnt fous une forme brillante. La mort des juftes & leur réfurreclion ne fauroit être mieux comparée qu'a la métamorphofe des chenilles en papillons. Pour les vrais chrétieus la mort n'eft qu'un fommeil, nn doux repos après les peines & les miferes d'ici-bas, un moment pendant leque! ils ne font fins mouvement & fans vie qu'afin de paroitre enfuite avec plus de gloire, & d'entrer dans une vie nouvelle & meilleure. Qu'eft une chenille ? Un vermilfeau rampant, aveugle & méprifé, qui pendant qu'il fe train e, pour conferver fa vie, eftexpofé a uneinfinité d'accidens & de perlécutions: l'homme a-t-il un meilleur fort dans ce monde ? La chenille fe prépare avec le plus grand foin a fa métamorphofe, & al'état d'inadtion & de foiblelfe oü elle fe trouvera pour un peu da tems. C'eft précifément ainfi que fe conduiï le fidele. Long-tems avant que la mort arrivé, il fe prépare a cette grande révolution, & il atrend avec tranquillité& avec joie 1'heureux inftant oü il entrera dans un meilleur état. Le fommeil de la chenille ne dure pas toujours : il n'eft que 1'avant-coureur d'une nouvelle perfeéuoiu Après fa métamorphofe, elle O %  21% COHSIDÉRATIONS fe montre fous une forme gracieufe & brillante. Elle rampoit auparavant fur la terre: a préfent elle prend fon ellbr & s'éleve dans l'air au moyen de fes ailes. Elle étoit aveugle : a préfent elle elt pourvue de bons yeux , & elle jouit de mille fenfations agréables qui lui étoient inconnues. Naguere elle fe bornoit ftupidement a une nourriture groffiere; a préfent elle va de fleur en fleur, vit de miel & de rofée, & varie continuellement fes plaifirs. En tout cela j'apperqois une image fenfible du jufte mort & relfufcité. Son corps foible & terxeflre fe montre après fa réfurrection dans un étatbrillant, glorieux & parfait. Homme mortel, il étoit attaché a la terre, fujet aux pafjions, oecupé des objets fenfuels& terrelhes. Mais après fa réfurrection , fon corps ne uent plus a la terre, il plane fur des milliers de mondes , & d'un regard ferme & fur, il failit tout 1'enfemble de la nature. Son efprit s'éleve infiniment plus haut encore, il s'approche de la divinité, & fe livre aux méditations les plus fublimes. Avant fa mort, il étoit aveugle dans la recherche de la vérité, a préfent elle fe montre a fes yeux, & il peut en foutenir le brillant éclat. Son corps êtant fpirituel, glorifïé, incorruptible, il ne defire plus des nourritures grolfieres pour fatisfaire fa faim & fa foif: de tout autres fenfations font a préfent fa félicité, des joies plus pures inondent fon cceur, des alimens céleftes font déformais fa nourriture. Chrétien, quelle importante leqon ceci ne vous donne-t-il pas? Si telle eft Pheureufe révolution que vous avez a attendre, préparezvous y donc de bonne heure. Si votre étac acfuel n'eft qu'un état imparfait & momentané, n'en faites donc pas votre derniere fin,  Sur les ceuvres de Dieu. aij & que 1'inftant que vous avez a paffer ici-bas ne vous paroiife point une éternité. TROISIEME JÜILLET. Le ver a foie. L A république des chenilles, qui fe partage en deux clalfes générales, dont 1'une comprend les chenilles des papillons diurnes, & 1'autre celles des papillons de nuit, fe divife encore en diverfes families, defquelles chacune a fes propriétés & fes caraderes diftinctifs. On donne le nom de ver a foie a 1'une de ces families. Cette chenille eft compofée, comme les autres, de plufieurs anneaux mobiles, & elle eft bien pourvue de pieds & de crochets pour s'arrêter & s'accrocher ou bon lui femble. Elle a dans la bouche deux rangées de dents, qui ne travaillent point de haut en bas comme les nótres, mais de droite a gauche, & qui lui fervent a ferrer, a tailler & échancrer les feuilles. Tout le long de fon dos on apperqoit a travers la peau, un vailfeau qui s'enfle de tems en tems, & qui fait les fondions du cceur. A chaque cöté ce ver a neuf ouvertures, qui répondenta autant de ftigmates ou de poumons, & qui favorifent la circulation du chyle ou du fuc nourricier. Sous la bouche il a une efpece de filiere, par deux ouvertures de laquelle il fait fortir deux gouttes de la gomme dont fon fac eft rempli. Ce font la comme les deux quenouilles qui fourniffent continuellement la matiere dont il fait fon fil. La gomme qui coule par les deuxouO 3  Al4 CONSIDÉRATIONS vertures, en prend la forme, & s'allonge en un doublé fil, qui perd tout d'un coup la fluidité de la liqueur dont-il eft formé, & acquiert la confittance néceffaire pour foutenir ou pour envelopper le ver quand il en fera tems. II affemble les deux fils en un, en les collant 1'un fur 1'autre avec fes pattes de devant. Ce doublé fil eft non- feulement trés - délié, mais auffi très-fort & d'une longueur étonnante. Chaque coucon a un fil qui a prés de cinq eens aunes ( raflemblés &  Sur les ceuvres de Dieu. 219 agencés avec tant de choix & de peine, conftruits avec tant d'induftrie, d'élégance & de propreté, fans autres outils qu'un bec & deux pieds! Que la main des hommes puilfe élever, felon toutes les regies de 1'art, de grands édifices, cela n'eft pas fi étonnant, fi 1'on confidere que les artiftes font doués de raifon & qu'ils ont des inftrumens & des matériaux en abondance. Mais qu'un oifeau , a qui prefque toutmanquede ce qui feroit néceffaire pour un tel ouvrage, qui n'a que fon bec & fes pieds, fache cependant réunir tant d'adreife, de régularité & de foüdité dans la conftrudion de fon nid, c'eft ce qu'on ne fauroit alfez admirer. Ceci mérite bien d'ètre confidéré de plus prés. Rien n'eft plus merveilleux que le nid d'un chardonneret ou d'un pinqon. Lededans eft tapiifé de coton, de bourre , & de fils déliés & foyeux. Le dehors eft tiifu d'une mouffe épaiffe ; & afin que le nid foit moins remarquable & moins expofé aux yeux des paifans, la couleur de cette mouffe reifemble a celle de 1'écorce de 1'arbre fur lequel il eft pofé. II y a des nids dont les poils , les crins , & les joncs font adroitement croifés & entrelacés. 11 y en a dont toutes les pieces font proprement attachées & liées avec un fil, que 1'oifeau fe fait avec de la bourre, du chanvre , du erin, & plus ordinairement avec des toiles d'araignées. On voit d'autres oifeaux, comme le merle & la hupe, qui après avoir fait leur nid, en enduifent le dedans d'une petite couche de mortier qui cole & maintient tout ce qui eft deffous, & qui a 1'aide de quelque peu de bourre ou de mouffe qu'ils y attachent quand il eft encore frais, eft tout- a- fait propre a conferver la chaleur. Les nids des hirondelles font d'une  ZZO CONSIDéRATIONS ftrudure toute différente des autres. Tl ne leut faut ni bois, ni foin, ni Iien : elles favent gacher une efpece de platre ou plutót de ciment, aveclequel elles fe font&a toute leur familie, un logement également propre, fur & commode. Pour hun-ieder la pouffiere dont elles forment leur nid , elles paffent & repaifent fur la fuperficie de l'eau & fe mouillent i'ellomac, puis de la rofée qu'elles font réjaillir fur la pouffiere, elles la détrempent, & maconnent enfuite avec le bec. Mais les nids qui méritent le plus d'admiration, font ceux que certains oifeaux des Indes fufpendent artiftement aux branches des arbres, pour fe garantir de la pourfuite de plufieurs animaux & infedes. En général, chaque efpece d'oifeaux a fa faqon particuliere de fe loger. Les uns placent leurs nids dans les maifons, les autres dans les arbres, ceux-ci fous l'herbe; ceux-la dans la terre, mais toujours de la maniere la plus convenable a leur füreté, a 1'éducation de leurs petits , & a la confervation de leur efpece. Tel eft le merveilieux inftind des oifeaux dans la ftrudure & la difpofition de leurs nids : on peut, ce femble, en conclure avec certitude, qu'ils ne fauroient ètre de fimples machines. Combien d'induftrie & d'intelligence, d'adreffe & defagacité, d'adivité & de patience ne montrent-ils pas dans la conftrudion de leurs nids! Et n'eft-il pas clair que dans leurs travaux ils fe propofent certaines fins ? Ils font un nid creux prefque comme une demie fphere, afin que la chaleur s'y concentre mieux. Ce nid eft couvert par dehors de maderes pius ou moins groffieres, tant pour fervir de fondement que pour fermer l'entrée aux vents & aux infedes. Intérieurement il eft tapiffé de  Sur les ceuvres de Dieu. 221 matériaux plus délicats , delaine, deplumes, pour que leurs petits y foient couchés mollement & chaudement. N'eft-ce pas une forte de raifon qui enfeigne a 1'oifeau a placer fon nid de maniere qu'il foit a 1'abri de la pluie, & hors de la portee des animaux rapaces ? Ou a-t-il appris qu'il auroit des ceufs, qu'il lalloit un nid a ces ceufs pour les empècher de tomber & pour les échaufFer? que la chaleur ne fe concentreroit pas autour de ces oeufs fi le nid étoit trop grand? que tous les petits n'y pourroient pas tenir s'il le faifoit plus petit ? Comment connoit-il la jufte proportion de l'étendue du nid, avec le nombre des petits qui doivent naitre ? Qui lui. a appris a ne point fe tromper au tems, & a calcuier fi jufte qu'il ne lui arrivé jamais de ponure fes ceufs avant que fon nid foit achevé ? Tout ce que 1'on a die jufques ici pour répondre a ces queftions , n'eft pas fatisfaifant & ne lauroit expliquer ce myftere de la nature: il faudroit pour cela avoir une connoiflance plus parfaite de 1'ame des bêtes. Mais quoiqu'il en foit, & de quelque nature que puiffent être ces facultés des oifeaux , il eft au moins certain qu'elles font 1'effet d'une puiffance & d'une fageffe fupérieurs. Et comme les animaux ne font pas en état de connoitre leur Créateur, prévalons-nous de la raifon dont il nous a doués, pour croitre continuellementen la connoiffance de Dieu & pour employer nos lumieres a glorifier font faint & grand nom.  222 CoNSIDERATIONS rsr. SIXIEME JUILLET. Sur les plaifirs divers que nous trouvons dans la nature. iSür quelque partie de la création que je tourne mes regards, je trouve par-tout quelque chofe d'intéreiTant, foit pour mes fens, foit pour mon imagination , foit pour ma raifon. La nature entiere eft faice pour m'orfrir une multitude d'objets agréables , & pour me procurer des plaifirs variés qui fe fuccedent continuellement les uns aux autres. Le goüt que j'ai pour la variété eft toujours excité & toujours fatisfait. II n'y a point de partie du jour qui n'amene quelques plaifirs pour mes fens & pour mon efprit. Pendant que le foleil éclaire 1'horizon, les plantes, les animaux, mille objets agréables frappent mes yeux , & lorfque lanuit vient étendre fes voiles, la majefté du firmament me tranfporté & me ravit. De tous cótés la nature travaille a me furprendre par de nouveaux plaifirs. Le vermiffeau mème, une feuille, une grain de fable m'offrent des fujets d'admiration. Et certainement il faudroit être aveugle & ftupide pour n'ètre pas frappé de cette infinie diverfité, & pour n'y pas reconnoitre la bonté du Créateur. Cette même fource qui arrofe les vallons, m'invite au fommeil, flatte mon oreille, & fert encore a étancher ma foif. Cette forèt ombragée qui me garantit des ardeurs du foleil, oü j'éprouve une frakheur fi délicieufe, & oü j'entends les chants fi diverfifiés des oifeaux, nourrit encore une multitude d'ani-  Sur les ceuvres oe Dieu. ï%\ maux qui ferviront eux-mêmes a mon entretien. Ces mèmes arbres dont les fleurs réjouiffoient mes yeux , il y a quelques mois, me donneront bientót des fruits délicieux, & ces campagnes couvertes de bleds ondoyans, me lourniront d'abondantes moilTons. La nature ne nous préfente aucun objet qui ne foit agréable & utile pour nous qu'a un feul égard. Ses tendres foins lui ont fait choifir la couleur verte, fi douce & fi amie de 1'oeiU pour en revètir & tapiflèr la terre. Cela fuffifoit pour récréer notre vue, mais la diverfité pouvoit y ajouter de nouveaux agrémens encore. De-la viennent ces heureufes diftributions, ces accroilfetnens , ces dégradations de la lumiere, ces ombres & ces diverfes nuances du verd. Combien n'y a-t-il pas de fortes de verd, qui paflent du clair au fombre par une infinité de degrés? Chaque familie de plantes a fa couleur propre & conftante. Les pay iages couverts de bois, de brouflailles, de légumes, d'herbjs , de bleds , nous otTrent un magnifique tableau de verdure oü les teintes de cette couleur font variées a 1'infini, fe croifent, fe mèlent enfemble , tranchent ou fe fondent infenfiblement les unes dans les autres, & font toujours dans une parfaite harmonie. Chaque mois de 1'année nous préfente des plantes différentes & de nouvelles fleurs. Celles qui ont fait leur fervice, font remplacées par d'autres, & toutes fe fuccedent mutuellement afin qu'il n'y ait aucun vuide dans le regne végétal. Mais a qui fuis-je redevable de ces prelens fi nombreux & fi diverfifiés de la nature'{ Qui eft celui qui pourvoit avec tant de bonté & de munificence a mes- plaifirs & a mes befoins 'i —  224 CONSIDÉRATIONS Va ês? demande-le a toute la nature: les collines Sf les vallons te le diront. — La terre le peint d nos yeux, le ciel eji le miroir oü nous pouvons le contempler. Les orages & les tempètes Cannoncent ; la voix du tonnerre , l'arc-en-ciel, la pluie Èf la neige prêchent fa fageffe & fa bonté. Les vertes prairies, les champs couverts d'épis dor és, les montagnes couronnées de forêts ej? qui portent leurs cimes jufques dans les nues, les arbres chargés de fruits, les jardins émaillés de fleurs, la rofe avea fa brïlljnte parure, portent 'Cernpreinte de fon doigt. Les oifeaux le célehrent par leurs mélodieux concerts. Les troupeaux bondifjans , le cerf dans lts retraites des forêts, le vermijfeau dans la terre , le roi des mers, Ce'norme baleine qui fait rejaillir au loin les vagucs, qui renverfe & qui fubmerge lesnavires, letedoutable crocodille, cette montagne ambulante, ce majeftueux éléphant quiporte des tours, toute Vinnombrable armée des animaux qui peuplent l'air , la terre £ƒ la mer, racontent la gloire du Dieu fort £? nous prêchent fon exiflence. Que tu ferois impardonnable, chrétien, fi tu étois fourd a cette voix de toute ia nature ï O toi qui es alfez heureux pour être le témoin oculaire des merveilles de ton Dieu, viens & rends lui , en préfence des créatures, 1'hommage de reconnoiifance & d'adoration qu'il exige de toi a fi jufte titre. Ne ferme point 1'oreille a la voix de fa grace; n'endurcis point ton cceur contre les douces invitations de fa bonté. Regarde autour de toi: tout te rappelle fes bienfaits, tout te convie a la gratitude & a la joie. Ces riches guérêts oü fleurit ta nourriture, ces prairies oü pailfent tes troupeaux, ces forêts qui te donnent & de 1'ombre & du chauffage, ce ciel qui te couvre & qui  Sur les ceuvres de Dieu. 227 gere, la plus fragile, & elle perd bientöt les attraits qui la diftinguoient de tant d'autres fleurs. C'eft une utile leqon pour les perfonnes qui brillent par leur beauté; & ceci doit leur apprendre a ne pas s'enorgueillir de leurs charmes & a ne point s'y confier. Engénéral, c'eft un trifte fpedacle que de voir dans cette faifon fi belle , la terre déja couverte de tant de fleurs flétries & tombées. Je ne dois cependant pas me plaindre de ce que la Providence ne donne pas plus de ftabilité aux fleurs. Le monde eft un grand théatre, oü 1'on ne doit pas voir toujours les mèmes adeurs: il eft jufte que ceux qui ont achevé leur röle en defcendent pour faire place a d'autres. C'eft ce qu'exige la diverfité des ceuvres de Dieu; diverfité qui fait partie de leur perfedion. Nous fommes d'ailleurs fenfibles aux charmes de la nouveauté, il faut donc que les premiers objets difparoiflent. Si les fleurs confervoient leur éclat pendant toute 1'année, elles ne nous plairoient pas autant qu'elles le font a préfent qu'elles ne durent que quelques mois. Leur abfence nous fait defirer leur retour; au lieu qu'une préfence continuelle ne tarderoit pas a produire la fatiété & le dégout. Lorfqu'après avoir confidéré un objet fous toutes fes différentes faces, nous en avons en quelque forte épuifé les beautés, nous y devenons indifférens & nous afpirons après de nouveaux plaifirs. La variation & la fucceffion continuelle des biens terreftres, eft donc un moyen que la Providence emploie pour nous rendre la vie conftamment agréable. Telle eft la félicité du monde: tout eft vanité. Toute chair eft comme Vherbe, 8? toute la gloire de l'homme comme la fleur de Pherbe: Vherbe f? P 2  22§ CONSIDÉRATIONS feche & la fleur tombe. I. Pier. I. 24. Les lis & les rofes d'un beau vifage fe flétriffènt auffibien que les fleurs des jardins , & la mort n'en laiiTe aucune tracé. Soyons donc aflez fages pour chercher notre repos & notre bonheur dans des biens conftans & éternels. La fageffe , la vertu, & les privileges du vrai chriltianifme , ne fe fiétriflènt point: ils font la fource inépuifable d'une joie qui ne finira jamais. HUITIEME JUILLET. Defcription des phénomenes ordinaircs de Vorage. ^S^Uel q.ues formidables que foient les phénomenes des orages & du tonnerre, ils ont quelque chofe de fi grand & de fi remarquable, qu'ils méritent bien que nous en examinions les divers effets. Cette recherche elf d'autant plus néceffaire, que fouvent une crainte exceffive nousempêcJ'.ede confidérer avec alfez d'attention ce majettueux fpedacle. Lorfqu'une nuée orageufe, qui n'eft autre chofe qu'un amas d'exhalaifons fortement électrifé, s'approche alfez d'une tour, ou d'une maifon , ou d'une nuée qui n'a point d'éledricité ou qui en a une contraire, lors, dis-je, qu'elle s'en approche alfez pour qu'il parteune ctincelle, ilfe fait une explofion qu'on appelle un coup de tonnerre. La lueur qu'on voit alors c'eft 1'éclair ou la foudre. Quelquefois on n'apperqoit qu'un éclat de lumiere fubit & momentané, d'autrefois ce font des trainées de feu qui torment des courbures & prennent dilfé-  2?4 CONSIDÉRATIONS fourmis acquierent des ailes, & que vers 1'automne, on les voit voler en grandes troupes au-deifus des folfés & des autres eaux. Mais méritent-ils bien notre attention ces infeétes, malfaifans, qui font tant de dégats dans nos campagnes & dans nos prairies. Par leurs travaux fouterrains, ils creuient la terre, la bouleverfent, & empêchent ainfi les plantes & les légumes de croitre. On leur fait d'autres . reproches encore. Les fourrnis font les ennemies des abeilles & des vers a foie, & 1'on prétend qu'elles font beaucoup de mal aux fleurs & fur-tout aux jeunes arbres. On dit qu'elles dévorent les bourgeons , les rejettons, & qu'en s'infinuant entre 1'écorce des arbres, elles rongent jufqu'au vif. De-la vient auffi qu'on les perfécute cruellement, & qu'on les détruit par-tout oü on les trouve. Si les fourmis recueilloient du miel , füt-ce aux dépens d'un million d'autres créatures, on en feroit beaucoup de cas. Mais paree que leurs travaux nuifent a quelques plantes dont nous faifons «lage, nous nous croyons autorifés a les exterminer. Suppofé néanmoins qu'en effet elles caufent quelque dommage, en font-elles moins dignes de notre attention? N'y a-t-il donc que les animaux dont il nous revient quelque utilité, qui méritent d'ètre obfervés? Défaifons-nous de ce préjugé. Les fourmis mèmes peuvent fervir a notre inftruction & a notre amufement. La ftructure de leurs membres, leur induftrie, leur diligence infatigable, la police de leur république, les tendres foins qu'elles ont de leurs petits, & peut-être mille autres propriétés que nous ne connoilfons pas encore, pourroient nous convaincre de la fageffe de ce grand Etre qui eft leur Créateur aufli-  Sur les ceuvres de Dieu. 235* bien que le nötre. Car, mes freres, de toutes les oeuvres que Dieu a faites , il n'y en a aucune qui ne foit bonne & digne d'admiration, quelque inutile ou nuifible même qu'elle paroiife a la première vue. Le Créateur fuprême par qui tout refpire, ria rien créé fans de[fdn, rien qui n'ait Jon ufage éjf fa deftination. Les arbres n'ont pas une feuille, nos prairies pas un brin d'herbe, nos fieurs pas une étamine qui foit inutile, & le ciron mème n'a pas été fait en vain. Fourmis fi méprifées, vous pouyez m'enfeigner cette grande vérité; & fi je profite de vos leqons, je ne quitterai jamais une fourmilliere fans avoir fait des progrès dans la fageflè. DIXIEME JUILLET. £12 grêle. T j A grêle n'eft autre chofe que des gouttes de pluie, qui s'étant congelées en l'air, tombent par grains de figure fphérique, oblongue & anguleufe. S'il paroit étrange que précifément dans la faifon la plus chaude de 1'année, les vapeurs fe gelent dans 1'athmofphere, il faut confidérer que mème dans les plus grandes chaleurs, l'air fupérieur eft fenfiblement plus froid & rempli de neige. Si cela n'etoit pas, comment feroit-il pofïible que les plus hautes montagnes demeuraflent couvertes de neige pendant 1'été? Dans les régions les plus chaudes de 1'Amérique, il fait fur les plus hautes montagnes un froid fi vif, que 1'on y eft continuellement en danger d'ètre gele. Aulfi  Sur les ceuvres de Dieu. 239 vers, tandis que nous fermons les yeux fuc les grands avantages qui en réfultent pour la totalité des êtres. Hélas! nous ne tarderions pas a changer de langage, fi Dieu , irrite de notre ingratitude & de nos murmures, nous privoit des biens que nous procure le tonnerre. II eft vrai que nous ne fommes pas en etat d'indiquer tous les avantages qui nous en reviennent. Mais le peu que nous en favons, fuffit pour remplir notre cceur de reconnoitfance envers notre grand bienfaiteur. Reprefentez-vous, mes chers lecteurs.une athmotphere chargée d'une infinité d'exhalaifonsnuifibles & peftilentielles, qui s'épaiffiffent de plus en plus par 1'évaporation continuelle des corps terreftres, dont il y en a tant qui font corrompus & venimeux. Cet air il faut que vous le refpiriez. La confervation ou la deftruótion de votre exiftence en dépend ; la falubrité ou 1'infalubrité de fair vous procure la vie ou la mort. Vous favez vous-mème quel eft votre accablement dans les chaleurs étouffantes de 1'été , combien difficile eft alors votre refpiration , quel mal-aife & quelles anxiétés vous éprouvez. N'eft-ce donc pas un grand bienlait de Dieu & qui mérite toute votre reconnoiffance, qu'un orage falutaire vienne purifier l'air de tout ce qui le rendoit nuifible; qu'il allume les parties falines & fulfureufes, & qu'il prévienne ainfi leurs dangereux effets, qu'il rafraiche l'air, & qu'en lui rendantfon reflort, il facilite notre refpiration? Sans 1'orage, les exhalaifons meurtrieres fe feroient de plus en plus multipliées & corrompues, les hommes & les animaux auroient péri par milliers,ime pefte univerfelle auroit fait de Ia terre un höpital & un cimetiere. Qu'eft - ce donc qui eft  34° CONSIDÉRATIONS us raifonnable , de craindre ou de fouhaiter les orages ? de murmurer des dégats légers qu'ils occafionnent quelquefois , ou de bénir Dieu des avantages précieux qu'ils procurent au monde? Ajouteza cela que non-feulement les hommes & les animaux gagnent beaucoup a ce que 1'athmofphere foit purgée de tant d'exhalaifons pernicieufes, mais que cela elf encore très-utüe aux végétaux. L'expérience nous apprend que la pluie, qui tombe lorfqu'il tonne, elf plus propre qu'une autre a féconder les terres. Les parties falines & fulfureufes qui rempliifoient 1'athmofphere dans le tems de 1'orage, font entrainées par la pluie, & deviennent une excellente nourriture pour les plantes; fans parler de cette multitude innombrable de vermilfeaux, de femences, de petits infcctes, qui font auffi précipités par les pluies d'orage , & qu'a laide du microfcope on découvre dans les gouttes d'eau. De femblables réflexions pourront modérer cette crainte exceffive que nous avons du tonnerre, crainte qui ne montre que trop combien peu nous avons de confiance en Dieu. Au lieu de remplir notre efprit d'idées effrayantes & terribles , accoutumons - nous a penfer a ce que 1'orage a de grand & de majeltueux. Au lieu de nous entretenir des malheurs que caufe la foudre, parions de la néceffité & de la grande utilité des orages. Au lieu de prierDieu qu'il n'y ait point d^orages, demandons-lui qu'il daigne en envoyer de tems en tems, ou plutót rapportons-nous en entiérement a ce grand Etre qui gouverne toujours le monde avec fageffe & avec bonté. Toutes les fois qu'il fe formera quelque orage, dites de la plénitude de votre coeur & avec une en tier e  Sur les ceuvres de Dieu. 241 entiere confiance: Seigneur Dieu tout-puiifant, c'eft toi qui commandesau tonnerre & qui dirigcs le feu des éclairs. Notre fort eft dans ta main, & il ne dépend que de toi de nous conferver ou de nous détruire. A ta parole les orages ravageront nos campagnes ou les fertiliferont. Tu es grand, ö Eternel, & ta puiffance eft inexprimable. Que pouvons-nous contre toi, & oü fuirions-nous fi ta colere vouloit nous pourfuivre? Mais nous fommes tes enfans, & tu es pour nous un pere réconcilié. Tu nous parles par ton tonnerre, mais c'eft pour nous bénir & non pour nous maudire. Béni, fois-tu, Seigneur, d'éternité en éternité, & que tout le peuple dife Alleluya, Amen. , DOUZIEME JUILLET. De la terre & de fa conjlitution primitive. D Ieu a difpofé la terre de faqon qu'elle eft propre a produire & a nourrir des herbes, des plantes & des arbres. Elle eft alfez compacte pour que les végétaux y foient fuffifamment contenus & alfermis, enforte que les vents ne les renverfent pas; & cependant elle eft alfez légere & meuble pour que les plantes puiifent y étendre leurs racines & attirerl'humidité & les fucs nourriciers. Lors mème que la fuperncie de la terre eft aride & feche, cette légéreté fait que les fucs peuvent s'élever & monter comme dans des tuyaux capillaires pour fournir aux arbres la nourriture dont il& Tomé II, Q,  24* CONSIDÉRATIONS ont befoin. Outre cela la terre eft remplie de parties oléagineufes & de divers autres fucs, qui fervent a i'accroiifement des plantes. Et afin que toutes fortes de végétaux puiiTent croitre & tirer leur fubliftance de la terre, Dieu a fait plufieurs efpeces de terres, qui fervent d'ailleurs a différcns ufages. II y a des terres glaifes, argilleufes, calcaires, gypfeufes, Sec. Les unes fervent a faire des briques, d'autres a conftruire des batimens, des murailles, des fours, &c. d'autres encore a des ouvrages de poterie, &c. II y a aulfi différentes terres que 1'on emploie dans la teinture & même dans la médecine. Les inégalités de Ia terre ont des avantages confidérables. Un plus grand nombre & une plus grande diverfité d'animaux & de plantes peuvent trouver leur domicile fur les montagnes. Elles fervent a rompre la violence des vents ; elles produifent une grande variété de plantes & de fruits falutaires quine viendroient pas fi bien dans lts plaines; elles renferment dans leur fein les fhhié'raux & les métaux qui nous font fi utiles; c'eft d'elles que viennent les fources & la plupart des fleuves produits par la foute des neiges, par les pluies & par d'autres vapeurs. Les pierres qui font dans la terre, fervent a la conftrueftion des murailles, a la compofition de ia chaux Sc du verre. Quant aux métaux, leurs ufages font innombrables: que 1'on penfe feulement aux divers outils de nos ouvriers & de nos artiftes, aux uftenfiles & aux meubles de toute efpece qui en font formés, Sc qui nous fourniffent tant de commodités & d'agrémens. Nous retirons auffi des avantages confidérables de la dureté & de la pefanteur de ces corps. Perfonne n'ignore com-  Sur les ceuvres de Dieu. 24% bien les minéraux nous font utiles. Les fels fervent a relever le goüt de nos alimens, & a les préferver de la corruption. Les parties fulfureufes des corps les rendent combuftibles. Les volcans mèmes & les tremblemens de terre, quelques ravages qu'ils falfent quelquefois, ne laiifentpas d'ètre utiles & néceifaires. Si le feu ne confumoit pas les exhalaifons fulfureufes , elles fe répandroient trop dans l'air & lerendroient mal-fain; plufieurs bains chauds n'exitteroient pas, & divers minéraux & métaux ne feroient point produits. C'eft a notre ignorance que nous devons nous en prendre, s'il y a tant de chofes dont nous ne voyons pas 1'utilité. A la vue de certains phénomenes de la nature qui fonr quelquefois nuifibles nous devrions toujours nous fouvenir de cette maxime: fi Dieu permet de tems en tems que certaines imperfedions aientlieu, c'eft afin qu'elles contribuent a la plus grande perfedion du tout. Pour juger des oeuvres du Seigneur & pour en reconnoitre la fageife, il ne fimtdonc pas les envifager fous une feule face, mais en confidérer toutes les parties, tout 1'enfemble. Bien des chofes que nous croyons nuifibles, ne laiifent pas d'ètre d'une utilité inconteftable; d'autres nous paroiifent lüperflues, Sc cependant fi elles venoient a manquer, elles lailferoient un vuide dans l'empife de la création. Combien n'y a-t il pas de chofes qui ne; nous paroiifent méprifables que paree que nous n'en connoillbns pas le véritable ufage ? Que 1'on mette un aimant entre les mains d'un homme qui n'en connoit pas les vertus, a peine' daignera-t-il 1'honorer d'un regard; mais qu'onlui dife que 1'on doit a cette pierre les progrèsde la navigation & la découverte du nouveau a 3  2>44 CONSIDÉRATIONS monde, il en portera un tout autre jugement. II en eft de mème d'un million de chofes que nous méprifons ou dont nous jugeons mal, paree que nous n'en connoiflbns pas les fins, & que nous ne voyons pas les rapports qu'elles ont avec la totalité des ëtres. Seigneur, la terre eft remplie de tes biens. Tout ce qui eft fur elle & au-delfous d'elle, la pouffiere même, tout eft arrangé avec fagene. Voila déja bien du tems que je voyage fur la terre, & que j'y fuis le témoin de tes gratuités. Fais que je regarde toujours comme un de mes premiers devoirs de m'appliquer de plus en plus a te connoitre, & a te payer le jufte tribut de gratitude & d'amour que je te dois pour les biens fans nombre que me procure la terre. TREIZIEME J U I L L E T. Sur les phafes de la lune. Toute s les obfervations nous confirment que la lune a un mouvement particulier, par lequel elle tourne autour de la terre d'Occident en Oriënt. Car après s'être placée entre nous & le foleil, puis s'être retirée de deifous cet aftre, elle continue a reculer vers 1'Orient, en changeant d'un jour a 1'autre le point de fon lever. Au bout de quinze jours, elle fera arriyée dans la partie de 1'horizon la plus oriëntale , lorfque nous verrons le foleil fe coucher. Elle eft alors en oppofition: elle monte le foir fur notre horizon, quand le foleil s'en retirej elle fe couche le matin a-peu-près vers le tems  Sur les ceuvres de Dieu. 24f oü il fe leve. Si alors elle continue a parcourir le cercle qu'elle a commencé autour de la terre & dont elle a fourni la moitié, elle s'éloignera vifiblement de Ion point d'oppofkiort avec le foleil: elle fera peu-a-peu moins éloignée de cet aftre; on la verra donc plus tard que quand elle étoit en oppofition , & elle s'approchera tellement du foleil qu'on ne la rencontrera qu'un peu avant qu'il fe leve. Cette révolution de la lune autour de la terre, ex-* plique pourquoi elle fe leve & fe couche dans. des tems fi ditférens, & pourquoi fes phafes font fi diverfes & cependant 11 régulieres. Perfonne n'ignore qu'un globe éclairé par le foleil ou par un flambeau, n'en peut recevoir la lumiere immédiate que fur 1'une de fes deux moitiés. Nous reconnoiifons a la fimple vue que la lune eft un globe , qui recoit fa lumiere du foleil. Quand donc elle eft en conjondion, c'eft-a-dire, placée entre le foleil & nous, elle tourne vers lui toute fa moitié éclairée , & vers nous toute fa moitié obfcure. Elle eft par conféquent alors invilible pour nous. Elle fe leve avec le foleil dans la mème contrée du ciel, & elle fe couche auffi avec lui: c'eft ce qu'on appelle nouvelle lune ou la conjonfiion. Mais fi la lune fe retire de deifous le foleil & recule vers 1'Orient, alors ce n'eft plus toute fa moitié obfcure qui eft tournée vers nous : une petite portion , une légere bordure de la moitié éclairée commence a nous regarder. Nous verrons donc cette bordure lumineufe fur le cóté droit vers le foleil qui vient de fe coucher, ou mème avant qu'il fe couche ; & les extrèmitcs ou les pointes de ce croiifant feront tournées a gauche, ou regardcrent 1'Orient. Plus la lune s'éloigne du foleil, plus elle O. ?  ft4<5 CONSIDÉRATIONS nous devient vifible. Enfin au bout de fept jours, lorfqu'elle elf parvenue au quart de fa courfe autour de la terre, elle dégage de plus en plus de notre cöté fa partie éclairée, & nous en laiiTe voir la moitié. La partie éclairée eft alors toumée vers le foleil, & la partie obfcure ne jette aucune lumiere fur la terre. Or, la partie éclairée eft précifément la moitié de la lune. La moitié de cette moitié ne peut donc être que le quart de tout le globe, & c'eft en effet ce quart que nous voyons. Alors donc la lune eft dans fon premier quartier. A mefure que la lune s'éloigne du foleil, & que la terre fe trouve prefque entre-deux, la lumiere occupe un plus grand champ dans la partie de la lune qui nous regarde. Au bout de fept jours, a compter du premier quartier, elle fe trouve prefque dans une oppofition entiere avec le foleil, & pour lors fon difque entier & lumineux s'offre a nos yeux. Elle fe leve alors al'Orient, précifément au moment que le foleil fe couche a 1'Occident, & nous avons pleirte lune. Dès le lendemain , la moitié éclairée s'eft déja un peu détournée de nous, & nous ne la voyons plus en entier. La lumiere abandonne peu-a-peu le cöté occidental en s'étendant d'autant fur la moitié qui ne regarde point la terre. C'eft le décours de la lune, & plus elle avance plus fon cöté obfeur augmente, jufqu'a ce qu'enfin elle tourne vers la terre la moitié de fon cöté obfeur, & par conféquent aulfi la moitié de fon cöté éclairé. Elle a pour lors la forme d'un demi-cercle, & c'eft ce qu'on appelle le dernier quartier. Adorons, mes freres, la fageffe & la bonté de notre Créateur , qui fe manifeftent a nos  Sur les ceuvres de Dieu. 247 yeux dans les phafes & les divers afpects de la lune. Par 1'admirable harmonie qui fe trouve entre le mouvement de cette planete , fur fon axe & fon mouvement de la terre, il arriveque la lune nous montre toujours la même moitié de fphere qu'elle a montrée dèslecommencementdu monde. Depuis tant de milliers d'années, ce globe a conftamment & dans un coursinvariable,achevé fa révolution en vingtfept jours & huit heures; Réguliérement & aux mèmes périodes, il a éclairé tantöt les nuits de notre climat, tantöt celles des contrées les piuséloignées. Avec quelle bonté la fagelfe divine n'a-t-elle pas voulu que notre terre eüt une compagne fidelle, qui éclairat conftamment prefque la moitié de nos nuits! Hélas! nous ne fentons pas alfez le prix de ce fage arrangement du Créateur. Mais il y adespeuples qui favent mieux 1'apprécier que nous, & auxquels la clarté de la lune eft fi nécelfaire qu'ils ne pourroient s'en palfer. Sans doute qu'ils ont plus de reconnoilfance pour ce préfent du ciel que nous n'en avons communément. Les changemens continuels de la lune , tant a l'égard de fes phafes qu'a 1'égard de fon cours, font une image bien vive des révolutions auxquelles toutes les chofes terreftres font conftamment fujettes. Quelquefois la fanté , la joie, 1'abondance & mille autres avantages concourent a nous rendre heureux, & nous marchons , pour ainfi dire, dans une brillante lumiere. Mais au bout de quelques jours tout cet éclat difparoit, & bientöt il ne nous refte que le trifte fouvenir d'avoir joui de ces fragiles biens. Combien donc devons-nous deiirer de paifer de ce monde inconftant a ces o. 4  248 CONSIDÉRATI ONS régions fortunées, oü tous les biens dont nous jouirons, nous paroitront d'autant plus précieux qu'ils ne feront pas fujets au changement ! Q_U ATORZIEME JUILLET. Des eaux mine'rales. S O I T que 1'on confidere les eaux minérales relativement a leur forrnation, ou par rapport aux utilités fans nombre qui nous en reviennent, elles font fans doute un précieux don du ciel. Mais en ceci, comme en bien d'autres chofes, il ne nous arrivé que trop fouvent d'ètre inattentifs & ingrats. Les lieux mèmes oü ces fources de fanté & de vie coulent en abondance pour nous, font rarement ce qu'ils devroient être, favoir , des lieux confacrés a la reconnoiifance & aux louanges de Dieu. Ayons déformais, mes freres, plus de gratitude pour les dons de notre célefte bienfaiteur. Déja les fources d'oü nous tirons le fel commun qui alfaifonne nos alimens, ne méritentclles pas notre attention ? II eft vraifemblable que ces fources tirentleur origine du fel gemme ou minéral, que les eaux diifolvent fous terre. Les eaux therm.iles & les bains chauds ne font pas moins remarquables. Non-feulement il y en a en fi grand nombre, que dans 1'AUemagne feule on en compte prés de fixvingt; mais encore ces eaux font fi chaudes, qu'il faut les lauTer rcfroidir pendant douze & quelquefois pendant dix-huit heures, avant  Sur les ceuvres de Dieu. 249 eue 1'on puiiTe s'en fervir pour les bains. D'oü peut venir cette chaleur fi extraordinaire? Ce n'eft affurément pas du foleil; car en ce cas les eaux ne conferveroient leur chaleur que pendant qu'elles éprouveroient durant le jour 1'action de cet aftre, & elles fe refroidiroient la nuit & pendant 1'hiver. Tout auffi peu pourroit-on attribuer cette chaleur a des ieux louterrains, car il refteroit toujours a expliquer d'oü vient la vertu medicinale de ces bains. Le plus fimple eft de dire que les eaux venant a palTer dans des terres qui contiennent des fubitances fulfureufes, pyriteufes & métalhques, acquierent ce degré de chaleur. Lorfque l'eau tombe fur ces carrières, les parties fulfureufes & ferrugineufes qu'elle diifout, s'echautfent & s'embrafent par le frottement & par la réaction de leurs principes, & communiquent cette chaleur aux eaux qui y coulent. Les eaux médicinales & particuliérement celles qui font acidules, font produites par la ditlblution & le mélange des fubftances minerales qu'elles lavent. Elles fe trouvent fur-tout dans les lieux oü il y a abondance de fer, de cuivre, de foufre ou de charbons de pierre. De-la vient que leur goüt & leurs effets font fi différens , a proportion qu'elles font plus ou moins chargées de ces divers principes. Elles font ameres quand elles font produites par des racines ameres, de la mauvaife réfine, du falpêtre , ou du cuivre. Elles font froides quand elles fortent des rochers , ou qu'elles font ïmprégnées de fel ammoniac, de falpétre, d'alun, &c. Des fubftances huileufes & butumineules les rendent oléagineufes. Le foufre mêlé avec des acides, les rend fulfureufes. Admirez avec moi, mes chers ledeurs, les  2fO CONSIDERATIONS richelTcs inépuifables de cette bonté divine qui a préparé pour les hommes ces fources falutaires qui ne tarilfent jamnis. Les eaux minérales peuvent fans doute avoir d'autres ufages encore; mais il eft inconteftable qu'elles ont auffi été produites pour la confervation & pour la fanté des humains. C'eft pour toi, ó homme , que le Seigneur fait fourdre ces eaux bienfaifantes. Reconnois donc fa bonté & foisen vivement touché. Vous fur-tout, mes freres, qui éprouvez leur vertu fortifiante & falutaire, que votre ame, pénétrée de gratitude & de joie, s'éleve vers votre pere célelte: g!orifiez-le en imitant fon exemple, & que vos richeffes foient des fources de vie & de confolation pour vos freres néceifiteux. QUINZIEME JUILLET. A&ioitê continuellc de la nature dans le regne ve'ge'tal. S11'on veut favoir pourquoi, dans tout le cours de 1'année, la nature n'eft jamais oifive, il n'y a qu'a réfiéchir fur les avantages fans nombre qui réfultent de cette conftante activité. Le regne végétal fert & aux hommes & aux animaux: aux premiers pour leur nourriture & pour leur agrément; aux fecondspour leur nourriture feulement. Le bienfaifant Créateur vouloit procurer aux hommes des alimens & des plaifirs: voila pourquoi il ordonna a la nature de ne point produire toutes les plantes ala fois , mais fucceffivement. En effet, fi elles paroüToient toutes dans le même tems, aucu-  Sur les ceuvres de Dieu. ayi ne des fins, que je viens d'indiquer, ne pourroient être rempiies. Comment les hommes trouveroient-ils alfez de tems pour faire leurs récoltes & leurs moiifons, fi tous les fruits parvenoient en même tems a la maturité? Comment pourroit-on les conferver tous, puifqu'ü y en a plufieurs dont la durée eft trèscourte & qui perdent bientöt leur goüt & leurs vertus. Et que deviendroient alors les fenfations agréables qu'ils procurent a nos yeux & a notre palais ? Quel goüt auroient les cerifes & les autres fruits d'été , fi nous les mangions au milieu de l'hiver environnés de neiges & de glacé? Le vin ne fe convertiroit-il pas en vinaigre, files raifins müriiibient pendant les ardeurs de 1'été? Et quel feroit le fort de tant de millions d'animaux, a la confervation defquels le bienfaifant Créateur veille auffi-bien qu'a celle des hommes? Comment pourroient-ils vivre , fi toutes les produtlions de la terre parvenoient en mème tems a leur maturité? IIya cent efpeces d'infecles quine fe nourriiTent que de fleurs: comment pourroient-ils fubfifter fi elles ne duroicnt qu'un ou deux mois ? Pourroient-ils en amalfer aflez pour avoir par-tout une nourriture fuffifante? II eft vrai que la plupart des infedes n'en trouvent point pendant l'hiver , mais auffi font-ils conftitués de maniere que dans le tems oü la pature leur manqueroit, ils tombent dans un profond fommeil, qui la leur rend mutile. Cela ne pourroit avoir lieu pendant 1'été , paree que la chaleur les réveilleroit. II eft donc certain que fi la nature étoit arrangée autrement, les hommes auffi-bien que les animaux en foufTriroient, ou qu'ils périroient mème de faim. Et nous fommes tres-fondés ii dire que  2fl CONSIDÉRATIONS 1'entretien tant des hommes que des bêtes eft une des principales fins que l'auteur de la nature s'eft propofées en établilfant une aclivité fi conftante dans le regne végétal. Si a préfent nous réfléchilfbns fur les plaifirs de la vue& de 1'odorat que Dieu a voulu procurer aux hommes, nous trouverons qu'a cet égard encore il étoit néceffaire que la nature fut conftituée de la maniere que nous Pavons dit. II falloit non-feulement qu'elle nous étalat les fleurs dans toute leur beauté, mais encore qu'elle le fit tout 1'année , afin que l'homme put jouir habituellement de cette fatisfaction. Au printems, lorfque l'homme fe rend a la campagne, afin d'y contempler les diverfes produclions que le Créateur fait germer pour fa nourriture, il voit les arbres fleurir dans toute leur beauté. Vers 1'été, lorfqu'il s'occupe principalement de fes bleds, mille belles fleurs viennent encore récréer fe<= yeux. Elles fe montrent fuccelfivement, & fe remplacent les unes les autres pendant toute la faifon oü l'homme peut jouir de ce fpeclacle. Enfin , lorfque le froid en hiver arrivé & nous renferme dans nos maifons , la nature produit d'autres végétaux qui, a la vérité , ne frappent point nos yeux, mais qui ont d'autres utilités confidérables. II paroit de tout cela, que le plaifir & la fatisfaclion de l'homme eft une des fins que Dieu s'eft propofées en arrangeant la nature de la maniere que nous Pavons décrit. Tel eft donc le plan felon lequel le Créateur a dipofé le regne végétal. Tout eft réglé de facon que l'homme & les animaux puiffent trouver une nourriture fuffifante; & de plus, que le premier jouiffe d'autant de plaifirs & de  Sur les ceuvres de Dieu. 2f? commodités qu'il eft puflible. En conféquence de cette loi, certaines plantes donnent leurs fleurs & leurs fruits dès le printems, d'autres 1'été , d'autres enfin l'automne ou l'hiver. Ainfi chacune a fon tems marqué, & paroit précifément lorfqu'elle peut être de la plus grande utilité. A peine les unes ont-elles achevé leur fervice , que les autres paroiifent déja dans toute leur beauté. Nous voyons plufieurs milliers de plantes & toutes fuivent la même loi. C'eft dans cet ordre fi régulier & fifage que fe trouvent toutes les chofes que Dieu a créées, quoique la foibleffe de nos lumieres nous empèche quelquefois den découyrir les fins & 1'utilité. Bénilfons donc notre Créateur, rendons lui gloire en toutes chofes, & reconnoilfons que dans toutes les révolutions qui arrivent dans le regne végétal, Dieu fe propofe toujours & notre bien & nos plaifirs. De quelle reconnoiifance une telle penfée ne doitelle pas nous pénétrer, & quelle douce joie n'éprouverons-nouspoint, toutes les fois que nous irons contempler la belle nature dans nos jardins ou a la campagne! SEIZIEME JUILLET. Beauté & utilité des prairies. L'Aspect d'un beau & grand jardin nous procure, dans ces jours d'été, un plaifir trèsfenfible que nous ne trouvons pas dans nos appartemens, & dont nous ne faurionsmème nous former une jufte idée. Mais le plaifir même que nous fait le jardin le plus régulier  2J4 CONSIDÉRAT IONS & le plus beau , n'eft pas comparable a celui que nous éprouvons lorfque nous nous promenons dans les prairies & dans les champs. L'orgueilleufe tulipe , Pélégant narcilfe , la belle hyacinthe , ne me flattent pas autant que les fimples fleurs qui émaillent un fertile vallon. Quelques charmes qu'aient les fleurs cultivees de nos jardins , celles des champs & des prairies me paroiifent plus agréables encore. La beauté fe trouve dans les premières, rnais celles-ci réuniflent & la beauté & 1'utilité: or , la beauté ne plak guere qu'un jour , lorfqu'elle n'eft point utile. N'eft-il pas vrai, mes chers lecteurs, que dans ces longues allées fi uniformes & toutes tapiflees de fable, dans ces cabinets de verdure, cesbofquets, ces parterres fi enjolivés, & fi bien compaflés; dans ces murailles, ces enclots fi bien peints , n'eft-il pas vrai qu'on s'y trouve a 1'étroit Sc comme opprefle? Tous ces lieux qui relferrent notre vue, paroiifent donner des bornes a notre liberté. Nous afpirons a prendre 1'eflbr dans les champs & dans de vaftes prairies. II femble que nous devenions en quelque forte plus indépendans & que nous foyons plus a 1'aife, a proportion que notre promenade s'élargit & s'allonge devant nous. A la campagne dans les jours d'été, la belle & féconde nature varie a chaque inftant fes afpetfs, au lieu que dans nos jardins fi ornésnous vovons toujours les mèmes objets. Leur ordre mème, leurs pro. porcions & leurrégularité nous empêchent de nous y plaire long-tems; bientöt ils n'ont rien de nouveau a nous offrir & ils ne nous donnent que de l'ennui. L'oeil au contraire s'égare avec plailir fur des objets continuellement iwines & qui s'étendent a perte de vue; C'eft  Sur les ceuvres de Dieu. ajy pour nous procurer cette fatisfadion que la nature a voulu que dans la plupart des lieux le terrain fut égal & uni; mais afin que nous euffions aulfi dans le lointain des perfpedives agréables, elle a environné notre horizon de collines & de hauteurs. Elle a fait plus encore: elle nous a épargné la peine de cultttiver ces jardins fleuris & de les arrofer. Elle y a femé une multitude innonibrable de graines , dont elle tire une verdure, qui n'eft prefque jamais interrompue , ou qui fe repare promptement. Cette prodigieufe diverfité de plantes qui couvre une prairie, n'eft pas pour le feul fpectacle. Elles ontchacune une fane, une fleur, des vernis & des beautés particulieres. 11 eft vrai que la même efpece d'herbes eft prodigieufement röultiphee dans chaque prairie ; mais nous ne faifons peut-etre pas deux pas lans en fouler de cent efpeces différentes, & chacune d'elles a fa ftrudure & fes utihtes particulieres. Et c'eft la, mes chers ledeurs, une des principales réflexions que nous devrious faire a 1'afped des prairies. Au plaifir que nous fait cette vue, notre bienfaifant Créateur a joint les avantages les plus confidérables. Les prairies produifent des plantes pour notre nourriture, & une multitude admirable de fimples qui fervent dans la médecine. Mais le grand bien que nous font les prairies , c'eft de nourrir prefque fans frais, les animaux dont nous pouvons le moins nous pafièr. Leboeuf, tant celui dont la chair nous nourrit, que celui dont le travail nous aide a faqonner nos terres , n'a befoin pour vivre que de 1'herbe de la prairie. Le cheval, dont les fervices lont innombrables, ne nous demande pour toute  2f 5 CONSIDÊ RATIO NS récompenfé de fa peine que le libre ufage da la prairie, ou une quantité fuffifante de foin. La vache, dont le lait eft un des grands foutiens de notre vie, n'exige rien de plus. La prairie eft le plus parfait de tous les héritages : il eft même préférable aux champs, puilque fes rapports font toujours fürs, & qu'il ne demande ni labour ni femailles; il ne coüte que la légere peine de recueillir ce qu'il don. ne. Ses produdions ne font point cafuelles, car il arrivé raremeut que les prairies foient ravagées par la féchereife ou par des inundations. Mais ij eft bien trifte que les hommes qui font généralement fi inattentifs, fi infenfibles aux bienfaits de Dieu, le foient aufli a cet égard! Nous regardons communément cette herbe avec mépris ou avec indifïérence, peutêtre paree que nous ne crayons pas que les prairies nous foient d'une utilité immédiate, peut-être paree que 1'herbe croit fous nos pieds, & que Dieu n'en a pas fait 1'objet de nos foins & de notre culture. Mais quel que puiffe être la caufe de notre indifférence, il eftcertain qu'elle eft entiérement inexcufabie. Plüt a Dieu qu'en nous promenant dans nos vallons & dans nos prairies, nous euffions toujours un cceur fenfible & reconnoiifant! Plüt a Dieu qu'a 1'afped des prés émaillés de fleurs, nous fullions vivement touchés de Ia bonté du très-haut, qui ouvre fur toute la terre une mainbienfaifante pour raifafierabondamment & les hommes & les animaux! Plüt a Dieu que nous füffions bien convaincus que fa gratuitéfe manifefte en tous lieux, & qu'il n'y a pas un coin de terre oü 1'on ne découyre des traces de fa bonne Providence. Oui, mes  Sur les ceuvres de Dieu. 2/7 mes freres, toutes les contrées, tous les terrains, les bons comme les mauvais, les fablonneux comme les marécageux, les pierreux comme les humides, annoncent la bienfaifance du confervateur de toutes chofes. La terre entiere n'eft qu'une prairie immenfe, oü toutes les créatures vivantes peuvent trouver la nourriture , la joie & 1'allégrefle. Je veux donc, ö mon Dieu, ne confidérer déformais les prairies qu'avecun fentiment de reconnoüfance & de joie. Affis fur un gazon fleuri, je porterai tout autour de moi des regards fatisfaits; & puis pénétré de gratitude & d'allégreife, je m'éleverai vers toi, ö mon tendre pere, & je raconterai tes bienfaits. Qu'elles font aimables Es? riantes ces fleurs qui nn'environnent par milliers ! Adam rien voyoit pas de plus gracicufes dans le paradis terrejlre. Ici des arme'es de chantres ailes ce'lebrent le maitre du monde i ld les vertes prairies & les fleurs dont elles font émaille'esi plus loin les bocages £s? les forêts^ Jout annonce la bonté, pere dc la nature, tout prêche ta munificence. DIX-SEPTIEME JÜILLET. Crépufcule du matin. O N ne fauroit douter que ce phénomene , que nous avons tous les jours fous les yeux, ne fe rapporte auffi-bien que tous les autres a 1'utilité du monde. Le crépufcule n'eft autre chofe qu'une prolongation du jour, qui tantót prépare utilement nos yeux a fupporter tout 1'éclat de la lumiere > tantót a foutenjr les approTome U% R  ft/8 CONSIDÉRATIONS ches de la nuit. Mais les crépufcules ne font pas toujours les mêmes: ils varient felon les faifons & felon les climats. Vers les poles , ils font de plus longue durée que dans la zone torride. Les peuples de cette zone voient le foleil monter diredement fur leur horizon & fe plonger, felon la mème direétion, fousl'hémifphere inférieur; d'oü il arrivé qu'il les lailfe tout d'un coup dans la nuit la plus profonde. Jettant au contraire obliquement fes rayons vers les póles , & ne s'abaiflant pas profondément fous les horizons des peuples qui en font voifins, il arrivé de-la que leurs nuits, quoique longues, font prefque toujours accompagnées de crépufcules, & en quelque facon lumineufes. C'eft un bonheur pour les premiers de n'avoir prefque point de crépufcules , & c'en eft un pour les autres d'avoir une aurore qui n'eft prefque pas interrompue. Quant a nous, qui fommes placés a une diftance a-peu-près égale des habitans de la zone torride, & des habitans des zones froides, nous remarquons fenfiblement que nos crépufcules deviennent plus courts, a proportion que les jours diminuent, & qu'ils croiifent a proportion de l'accroiifement des jours. Nous jouiifons encore du jour une heure après que le foleil s'eft couché, & quelquefois davantage. Un crépufcule tout auffi long a lieu avant que le foleil monte fur 1'horizon. Cet arrangement fi utile, nous le devons aux propriétés que Dieu a données a l'air. II a environné la terre d'une athmofphere qui s'éleve fort haut. II a mis une telle proportion entre cet air & la lumiere qui y arrivé, que quand elle y entre directement & a plomb, rien ne dérange fa directionj mais quand un rayon entre obliquement  Sur les ceuvres de Dieu. 2f9 ou de cöté dans cet air , le rayon , au lieu de traverfer l'air de part en part, fe courbe & defcend un peu plus bas, de forte que la plupartdes rayons, quipalfent dans 1'athmofphere a cöté de la terre, retombent par cette inflexion fur la terre: au lieu de fuivre leur route en paffant a cöté, ils fe trouvent fléchis par l'air; ils fe plient vers la terre. Ainfi lorfque le foleil approche de notre horizon, plufieurs de fes rayons qui paifent a cöté de nous, & qui ne font point envoyés vers nous, rencontrantla maffe de l'air qui nous environne, fe courbent dans cette maffe, & parviennent a nos yeux, de forte que nous voyons le jour long-tems avant que le foleil paroiffe a découvert. Cette loi des réfractions de la lumiere dans le corps d'air qui nous entoure, eft un ouvrage également plein de fageflè & de bonté pour tous les peuples de la terre ; mais c'eft un bienfait fpécial pour ceux qui habitent vers les zones froides. Ils feroient piongés plufieurs mois de fuite dans des ténebres alfreufes fans le fecours des crépufcules. Peut-etre qu'il y a quelques-uns de mes lecteurs, pour qui cette explication de 1'origine des crépufcules n'eft pas alfez intelligible. Mais abandonnons aux philofophes 1'explication détaillée de ce phénomene, & bomons-nous a le confidérer en êtres raifonnables & en chrétiens. II ne faut pour cela que le peu d'intelligence qu'un laboureur même peut avoir, mais fur-tout il faut un cceur droit qui cherche a glorifier fon Créateur. C'eft donc a préfent a vous que je m'adrefle, chrétien honnête, mais peu inftruit. Peut-èfrre êtes vous plus fage que plufieurs philofophes, qui en expliquant & calculant les crépufcules, perR %  9.62 CONSIDÉRATIONS a exercer fes fens & fa raifon, de venir goüter les plaifirs qu'on trouve au fein des campagnes. La de riches pacages, des prairies couvertes de rofée, & les rians tableaux qu'offre de toutes parts la nature, rempliffent fon ame d'une douce joie & 1'élevent a fon Créateur. DIX-HUITIEME JUIL LET. * Crépufcule du foir. I_i E crépufcule du foir eft cette foible lueur, qui, après le coucher du foleil, éclairé encore notre athmofphere, fur-tout du cöté de 1'Occident. Elle eft occafionnée en partie par la réfraction & la réflexion des rayons du foleil dans notre athmofphere, & en partie par 1'athmofphere propre du foleil qui elt connue fous le nom de lumiere zodiacale, & qui fe montre quelquefois, mais fur-tout au printems vers lefoir, & 1'automne vers le matin. Quand le ciel eft ferein on peut voir les plus petites étoiles pendant le crépufcule. II continue depuis que le foleil a entiérement difparu jufqu'a la nuit profonde, & fa durée eft d'ordinaire de deux heures. Dans 1'ifle du Sénégal, oü les nuits font prefque conftamment auffi longues que les jours, le crépufcule ne durë que peu de momens. L'intervalle entre le coucher du foleil & les ténebres de la nuit, n'elt guere que d'un quart d'heure. Ainfi dès que le foleil eft de dix a quinze degrés fous 1'horizon, les ténebres fe répandent fur tout le pays , & il fait auffi obfeur que s'il étoit minuit. C'eft vers le premier de Mars & le n d'Octobre  Sur les ceuvres de Dieu. aó"? que les crépufcules font les plus courts dans nos contrées. Quand la décltnaifon boréale du foleil & 1'abailfement de 1'équateur fous 1'horizon , font tels que le foleil ne defcend pas de dix-huit degrés au-delfus de 1'horizon, le crépufcule doit durer toute la nuit. C'eft pour cela que dans nos chmats , au folftice d'été, nous n'avons, pour ainfi dire , point de nuit , & que dans les climats plus feptentrionau^ il n'y en a point du tout, quoique le foleil foit fous 1'horizon. C'eft ce qui arrivé , quand Ta différence entre l'abaiifement de 1'équateur & la déclinaifon boréale du foleil eft plus petite que dix-huit degrés. f L'avantage que nous & plufieurs autres créatures retirons des crépufcules, eft très-fenfible. Paifer tout d'un coup du grand jour dans une nuit profonde, feroit très-incommode. Un paifage fi fubit de la lumiere aux ténebres blefferoit les organes de notte vue & pourroit les détruire. Bien des voyageurs furpris par une nuit foudaine s'égareroient, & la plupart des oifeaux feroient en danger de périr. Le fage auteur de la nature a prévenu tous ces inconvéniens, en donnant a notre terre une athmofphere, qui fait que nous ne perdons pas tout d un coup la lumiere, quoique le foleil foit déja au-delfous de 1'horizon; mais qu'au moyen du crépufcule, nous palfons doucement & pat degrés du jour a la nuit. R 4  DIX-NEUVIEME JUILLET. Sur les mouches e'phémeres. V-jEt infecleefl; nommé éphémere, a caufe de Ia courte durée de fa vie dans 1'état de mouche. C eft une des plus jolies efpeces de petites mouches EÜe fubit cinq métamorphofes. D abord 1 oeuf contient le principe de fa vie; il en iort une chenille, qui fe tranforme en chryialide, enfuite en nymphe & qui finit par être mouche. Cette mouche dépofe fes ocufs fur 1 eau, ou la chaleur du foleil les fait éclore. De chaque oeuf il fort un ver, très-petit, de couleur rouge, & qui fe meut en ferpentant. On les trouve en abondance dans les étangs & les marais pendant tout 1'été. Mais des que I eau eommence a devenir froide, le vermifieau le fait une coque ou un petit logement ou il paffe tout 1'hiver. Vers la fin de cette iai.on il ceffe d'être ver, il entre dans fon troifieme etat, & il fc transforrae en chryfalide. II dortalors jufqu'au printems, & devient peua-peu une jolie nymphe, ou une efpece de momie, qm a quelque chofe de la forme d'un poiflon. Au jour marqué pour fa métamorphoie, «a nymphe paroït engourdie & inatfive Au bout de fix heures, la tête fe montre la première & s'eleve peu-a-peu au-deffous de la fuperficie de 1'eau; le corps fe dégage enfuite lentement & par degrés, jufqu'lce qu enfin tout 1'animal foit forti de fa coque. La mouche nouvellement née tombe fur 1'eau & rette quelques minutes fans mouvement, l'eu-a-peu elle comnience a prendre de la vie »«4 CoNsiniRATioNs  Sur les ceuvres de Dieu. z6f & aremuer fbiblement fes ailes. Enfin elleles agite plus vivement, &s'elfaie d'abord a marcher & puis a voler. Comrne ces mouches éclofent toutes a-peu-près dans le même moment, on les voit en grandes troupes fauter & fe jouer fur la fuperficie de l'eau pendant deux heures. Le male & la femelle fe cherchent alors & s'accouplent pendant deux autres heures. Enfuite ces infecles recommencent leurs danfes & leurs jeux, pondent leurs ceufs, & bientöt après tombent & meurent. Ainfi ils terminent leur courte vie au bout de cinq ou de fix heures, & jamais ils ne furvivent au jour qui les a vus naitre. Que l'hiftoire de la vie de ces petits animaux, nous apprenne combien font faux les jugemens que nous portons de la durée de notre vie en comparaifon de 1'éternité. Suppofons qu'une de ces mouches air confervé fa vie active & laborieufe pendant douze heures, & qu'ainfi elle foit parvenue a 1'age le plus avancé, relativement a fes compagnes qui pour la plupart font mortes dès midi. Si eet infecle, fi vieux, pouvoit parler, peut-ètre qu'un peu avant fa mort & vers le coucher du foleil, il adrelferoitle difcours fuivanta fes amis raffemblés autour de lui. " Je reconnois a pré„ fentque la vie même la plus longue doit finir. „ Le terme de la mienne eft arrivé & je n'y „ ai point de regret; car la vieillelfe commen„ qoit a me devenir a charge, & d'ailleurs je ne voyois plus rien de nouveau fous le fow leil. Tout ce que j'ai vu pendant le cours „ de ma longue vie, m'a appris qu'ü n'y a rien „ ici de conftant & de durable. Toute une „ génération d'éphémeres a été détruite par „ une violente tempète. La fraicheur de fair  2.66 CONSIDÉRATIONS „ a moiifonné une grande partie de notre bril„ lante jeune/Te. J'ai vécu dans les premiers „ ages du monde ; j'ai beaucoup converfé „ avec des infecïes qui étoient tout autrement „ refpedtables , robuftes & entendus qu'aucun ju de ceux de la génération d'a-préfent. Je „ puis auffi affurer en toute vérité, que ce „ foleil qui ne paroit plus fort éloigné de la 5> terre, je 1'ai vu au milieu du ciel. Jadis fa „ lumiere étoit bien plus vive qu'elle ne 1'eft „ apréfent, & nos ancëtres étoient beaucoup „ plus fobres & plus vertueux que nous. J'ai j, vu bien des chofes, j'ai une longue expé„ rience & j'aifurvécua tous mescontempo„ rains. Ma vieacommencéprécifément lorf„ que le foleil fe [evoit. Pendant des années 3, fans nombre, il a parcouru majeftueufemenü „ le ciel, & il a répandu par-tout la plus gran„ de chaleur. Mais a préfent qu'il elt fur fon „ declin & qu'il va fe coucher, je prévois que „ la fin de toutes chofes approche. O mes yy amis, combien nc me flattois-je pas autre„ fois que ma vie feroit éternelle. Quelle n'é„ toit pas la beauté des cellules que je m'étois „ faites pour y établir ma demeure! Quelles „ efpérances ne fondois-je pas fur ma bonj, ne conftitution, fur ma vigueur, fur mon M agilité, fur la force de mes ailes! Mais après „ tout j'ai aifez vécu, & aucun de ceux que „ je lailfe derrière moi, ne fournira une auffi „ longue & auffi belle carrière. " Ainfi pourroit parler un infedte qui auroit vecu a-peu-près douze heures fur la terre. Mais un homme, qui auroit pafle quatre-vingt ans dans cemonde, ne pourroit-il pas tenir a-peuprès le même langage. En vérité, mes freres, la différence entre douze heures & quatre-  SufR LES CEUVRES DE DlEU. 267 vingt ans, eft bien peu de chofe relativement a 1'éternké. Et d'ordinaire employons - nous rnieux nos quatre-vingt ans que la mouche éphémcre n'emploie fes douze heures 'i VINGTIEME JUILLET. Rien ne périt dans la nature. S'Il y avoit dans le monde des chofes qui pérhTent fans qu'il en réfultat aucune utilité , on pourroit douter de la fageffe du gouvernement de Dieu. Mais nous fommes en droit de fuppofer que dans tout le cercle immenfe de la création, il n'y a rien qui périfle, pas même le moindre grain de pouffiere; mais que tout exifte pour certaines fins, & que chaque chofe remplit a fa maniere le but pour lequei elle a été créée. La graine qui tombe d'une fleur, n'eftpoint détruite: elle eft fouvent emportée par les vents pour féconder d'autres fleurs, ou bien elle prend racine en terre & deyient un arbre. D'autres femences ou d'autres fruits qui tornbent, font mangés par les oifeaux & par d'autres bêtes, fe mëlent avec leurs fucs , Jk fubiffent la codion & les préparations néceflaires pour fervir d'engrais aux champs, pour nourrir les hommes & les animaux, & pour d'autres ufages encore. Certaines chofes fe corrompent & fe décompofent a la vérité, mais par-la elles deviennent des parties de quelque autre matiere, & fervent fous une nouvelle forme a des fins auxquelles elles n'auroient pas été propres dans leur premier état, paree que  258 CONSIDÉRATIONS pour les remplir, il falloit qu'elles y fuflent préparées par diverfes métamorpbofes, & par la xéunion avec d'autres fubftances. Le papillon n'auroit jamais produit fon femblable, s'il n'avoit été atiparavant un ver. Un animal queleonque, tel que nous le voyons a préfent, n'auroit puexifter, fi le germe n'en avoitété préformé dans le premier animal de fon efpece. Rien donc ne périt dans la nature: tout eft feulement décompofé pour paroitre fous une nouvelle forme & devenir partie de quelque autrefubftance. Chaquegrain de pouffiere eft , pour ainfi dire, le germe de créatures nouvelles & tient fa place dans la chaine des êtres qui ont été produits pour la perfe&ion du tout. Si du fable que vous foulez aux pieds, vous en prenez une poignée, vous ötez peut-être la vie a des milliers d'infectes qui étoient les habitans de ces grains de fable. Si nous connoiffions mieux les parties intégrantes des chofes, nous pourrions déterminer avec certitude queltes étoient les autres fubftances, oü elles étoient, pour ainfi dire, cachées auparavant, & dans la compofition defquelles elles entroient. Mais les avortons, ou les enfans qui meurent d'abord après leur naiifance, ne doiventils pas ètre confidérés comme des créatures qui périlfent fans avoir été d'aucune utilité ? Non , aifurément: elles rempliffent a leurmaniere les vues duCréateur, & font préparées par diverfes révolutions a leur état futur. La nature ne fait rien par faut. L'homme étoit premiérement un enfant, 1'arbre un abrüTeau. Chaque créature exerce fes forces pendant fa courte durée, & fe développe pour un nouvel état. Le pas que l'homme doit faire pour  Sur les ceuvres de Dieu. 269 paffer de la vie purement fenfitive de 1'enfance, a la vie raifonnable de 1'age mur, n'eft certainement pas plus grand que celui que 1'enfant doit faire dans le fein de fa mere pour apprendre a fentir. Et 1'on n'eft pas plus fondé a dire, qu'un tel enfant n'a pas remph Ja deftination pour laquelle Dieu 1'avoit cree, qu'on ne le feroit a dire la même chofe d'uti homme fait paree qu'il n'auroit pas rempli icibas les fins , qu'il ne doit rempür que loriqu il feradevenuunhabitantdu ciel. Chaque creature répond a fa deftination a fa maniere, & proportionnellement a fes facultés: femblables aux roues d'une montre, les unes vont plus vite, les autres plus lentementj mais toutes tendent d'une maniere prochaine ou éloignée au grand but de leur exiftence: toutes exevcent & développent leurs forces , & contribuent felon leur pouvoir a l'exécution du plan général que Dieu a formé. Vous rencontretez, mes chers lecleurs, bien des chofes dans la nature, qui, a la première vue, vous paroitront n'ëtre d'aucune utilite, & avoir par conféquent été produites fans deffein. Vous croirez que d'autres ont été entiérement détruites & anéanties. Mais ne nous précipitons pas dans nos jugemens, & ne nous hatons point deblamerles voies du Seigneur. Croyez plutót, que tout ce que vou6 voyez, quelque étrange & pen Hé qu'il vous paroiife, eft arrangé de la maniere la plus fage, & que Dieu fait parvenir a fon but lors même que nous, foibLes & aveugles humains, ne pouvons nous faire une idéé des fins qu'il fe propofe. Croyez que la main du Seigneur a régie toutes chofes avec la plus haute fagejje. Regarde* tout autour de vous, tout eft enchalnê, tout  270 CONSIDÉRATIONS eji dfa place, ê? rien ne doit la fitnne au hafard. Il riy a aucune chofe dans le monde qui riaït fon ufage, lors même qu'elle tombe en poujjierc. Rien ne Jeperd dans la nature, rien ne périt, pas même la moindrc feuillc, pas un grain de fable, pas un de ces infc&es que 1'osil humain ne fauroit découvrir, pas une de cesgraines que le zrphir emporte. Et ce majejlueux firmament cü Vajlre du jour brille avec tant d'c'clat, £f cette poujfiere qui voltige aux rayons du foleil 6? que nous refpirons fans nous en appercevoir, tout a paru d la voix du Crcateur, tout s\fi palcé au lieu convenable, tout exijie pour ne point finir: tout eji bien , tout eji parfait dans le monde que le très-haut a créé. Et cependant que d'hommes te'méraires pre'fomptueux, qui ofent critiquer les oeuvres du Seigneur ! Ah! je ne reflemblerai point a ces infenfés. 3Wais je glorifierai Dieu, & jaflurerai ma propre tranquilité, en croyant que rien de ce qui a été créé, n'eft inutile, & ne périt. Mon corps auffi ne périra point, quoiqu'il s'ufe , qu'il s'évapore continuellement, & qu'il doive enfin fe décompofer entiérement dans le tombeau, pour circuler dans une multitude ds corps étraugers. VINGT-UNIEME JUILLET. Diverjite' des zones, Ï-j E Créateur ayant donné a notre terre une forme fphérique, & lui ayant imprimé un doublé mouvement, il falloit néceifairement que les régions de la terre diftenuXent entr'elles.  Sur les (ewvres de Dieu. 271 tant par rapport a la température de 1'air & des faifons, qu'a 1'égard des animaux & des plantes qui s'y produifent. Dans certains pays de notre globe, il n'y a qu'une faifon, c'eft-adire, que 1'été y regne fans celTe, & que chaque jour il y fait aulfi chaud que dans nos jours d'été les plus brülans. Ces pays font fitués au milieu du globe, & occupent 1'efpace appellé la zone torride. Les fruits les plus odoriférans & les plus favoureux que la nature produit ^ ne croiffent que dans ces contrées, & en général c'eft-la qu'elle a verfé fes plus grandes richeifes. Les jours & les nuits y font d'égale longueur durant prefque toute 1'année. II y a des pays, au contraire, oü pendant la plus grande partie de 1'année, regne un froid fi violent, qu'il furpaife de beaucoup celui de nos hivers les plus rigoureux. Ce n'eft que pendant quelques femaines de 1'année, qu'il fait aifez chaud pour que le peu d'arbres & d'herbages qui s'y trouvent, parviennent a croitre & a verdir; mais, dans ces zones glaciales ni les arbres, ni la terre ne produifent des fruits dont l'homme puilfe fe nourrir. C'eft-la qu'on voit la plus grande inégalité entre les jours & les nuits, puifque les uns & les autres s'y prolongent pendant des mois entiers. Les deux zones tempérées, fituées entre la zone torride & les deux zones glaciales, occupent la plus grande partie de notre globe. Dans ces pays nn obferve quatre faifons, plus ou moins diftinctement, felon qu'ils avoifinentla zone torride ou 1'une des zones froides. Le printems, oü les arbres & les plantes pouffent & fleurilfent, oü la chaleur eft modérée, & cü les jours & les nuits font a-peu-près égaux.  CoNSlDéRATIONS L'été, durant lequel müriflent les fruits des champs & des arbres, oü la chaleur eft plus Forte, &oüles jours deviennent fenfiblement plus longs que les nuits. L'automne, oü les fruits & les femences tombent, & oü Fherbe fe deifeche, tandis que les jours redeviennent égaux aux nuits, & que la chaleur diminue de jour en jour. L'hiver, durant lequel la végétation des plantes s'arrête totalement ou en partie, oü les nuits s'allongent, & oü lefroid augmente plus ou moins. Les contrées des zones tempérées font fituées de maniere, que dans celles qui avoilment un des cötés de la zone torride, les faifons y font dans un ordre tout-a-fait oppofé a celui qui regne dans l'autre zone tempérée. Quand on eft en hiver dans les unes, on eft en été dans les autres, &c. C'eft dans ces pays que la nature paroit avoir mis le plus de diveriité tant dans les pro. ductions de la terre que dansles animaux: le vin eft propre a ces contrées, car on ne peut réuffir a cultiver la vigne ni dans les pays oü il fait une chaleur brülante, ni dans ceux oü le froid eft exceffif. Sur-tout les hommes qui vivent dans ce climat ont des avantages fur les autres. Les habitans des zones froides font ftupides & de petite taille; ceux de la zone torride font d'un tempérament plus foible, ont les paffions plus vives, & moins de forces phyfiques & intelleéhielles que les habitans des zones tempérées. Quelque diverfifiées que foient les régions de notre terre, le Créateur a pourvu par de fages arrangemens au bien être de ceux qui les habitent. II fait produire a chaque pays ce dont les habitans peuvent le moins fe palfer felon la nature du climat. Un ver qui fe nour-  Sur les ceuvres de Dieu. 373 rit des feuilles du mürier, file pour les peuples de la zone torride, un tiiïu dont ils préparent la foie qui leur fert d'habillement. Et un arbre auffi-bien qu'un arbrilfeau, portent une eipece de goulfe ou de coque, remplie d'une laine fine , dont on peut également fabriquer des étorFes légeres. Au contraire les régions froides abondent en quadrupedes, dont la peau fournit des pellilfes aux habitans du nord ; & elles font garnies d'épaifles forèts qui procurent du bois de chauffige en grande quantité. Pour que le fang naturellement échaurfé des habitans du fud ne s'enrlamme pas trop, leurs champs ou leurs vergers leur donnent des fruits rafraichiffans, & cela 'en fi grande abondance, qu'ils peuvent en céder d'amples provifions aux habitans des autres contrées. Dans les pays froids, Dieu fupplée aux fruits de la terre qui leur manquent, par la grande quantité de poiffotis que la mer & les lacs contiennent, & par le grand nombre d'animaux dont ils font peuplés ; animaux qui, a la vérité, errent dans les forèts & font pour l'homme un fujet d'erfroi, mais qui du refte lui fournilfent les plus belles pellhTes, une bonne nourriture, & divers matériaux qu'il fait fervir a des ufages économiques. Ainfi il n'eft aucune région fur notre globe, qui ne fe reifente de la grandeur & de la bonté du trés - haut. II n'eft point de contré fi pauvre & fi aride qu'on la fuppofe , oü la nature ne fe montre pas alfez généreufe pour fournic a fes habitans, de maniere ou d'autre, le néceifaire & même les agrémens de la vie. Partout, ö pere bienfaifant, on peut reconnoitre les traces de ta fage bonté. Même les déferts impraticables, & les montagnes efcarpées Tomc II. S  2/4 CONSIDÉRATIONS qui reraplirfcnt une grande partie de i'Afie & del'Arrique, contiennent des monumens de ta fageife & de ton amour libéral. Et des pays oü la neige & la glacé couvrent la terre, s'élevent vers toi, auffi-bien que des zones tempérées, des chants de louange. Dans toutes les langues, pere des êtres, ton nom eft glorifié! Ah! c'eft fur-tout dans nos climats qu'il doit être exalté, puifque tu nous favonfes bien plus que tant de millions d'habitans de la terre. VINGT-DEUXIEME JUILLET. Singularitês de la mer. O N ne confidere ordinairement la mer que du cöté effrayant, fans faire attention aux merveilles & aux bienfaits qu'elle nous offre d'une maniere fi vifible. On ne fauroit nier, il eft vrai, que la mer ne foit un des élémens les plus redoutables, quand fes vagues s'élevent, s'amoncelent, & qu'on entend mugir la tempête. Souvent alors elle jette les vaiifeaux bien loin de leur route, & les ébranle fi fortement qu'ils fe rempliifent d'eau & font fubmergés. Ou bien la tempête les poulfe fur des bancs de fable ou contre des rochers, oü ils font fracalfés. Les goufïres ou ces malles d'eau dont le mouvement circulaire fait tourner rapidement le vailfeau, finiffent par 1'engloutir &. le précipiter dans 1'abyme. Ces goufïres & ces tournoyemens d'eau font produits par de grandes cavités de la mer, oü fe rencontrent des jrochers & des courans oppofés. Non moins dan-  Sur les ceuvres de Dieu. 2j? gereux font les typhons, que le vent éleve de la mer vers le ciel; ils planent dans fair audeifus de 1'Océan, & le vent les fait tournoyer avec violence. Souvent ils crevent avec un grand fracas & caufent beaucoup de dommages; car ils s'approchent d'un vaiifeau, ils fe mèlent dans les voiles , enlevent le batiment, & fe laiifant enfuite retomber , ils le fracaflent ou le coulent a fonds: tout au moins s'ils ne 1'enlevent pas , ils brifent les mats , déchirent les voiles, & inondent le vaiifeau. Plufieurs navires pérhTent fur mer par des caufes femblables. Mais nous ferions bien ingrats de ne faire attention qu'aux dommages que la mer occafionne, fans daigner réfléchir fur les ceuvres magnifiques du Seigneur, & fur fa bonté qui éclate jufques dans les profondeurs de 1'abyme. La première chofe qui me paroit digne de remarque, c'eftla falure de la mer; elle eft telle qu'une livre d'eaux contient deux onces de fel. Le fel marin paroit plus léger que celui dont nous faifons communément ufage. Ce^ pendant il n'eft point attiré dans l'air & ne diminue point par 1'affluence continuelle d'eau douce: la caufe nous en eft cachée. II fe peut qu'il y ait dans la mer des montagnes de fel; mais il femble que la mer, en ce cas-la, devroit être plusfalée dans certains endroits que dans d'autres, ce dont nous n'avons aucune preuve certaine. II eft poffible que des torrens & des fleuves entrainent vers la mer des particulesfalées& des falpètres; cependant qu'eft-ce que cela eu égard a 1'étendue du vafte Océan ? Mais quelle qu'en foit la raifon, il eft certain que cette falure étoit néceifaire pour que certaioes fins fe remrlilfent. C'eft elle qui pré- S *  275 CONSIDÉfeATIONS ferve 1'enu defe corrompre, & qui contribue a la rendre fi pefante que les plus grands fardeaux peuventyêtre tranfporcés d'un endroit a Pautre. La couleur de l'eau de mer mérite auffi qu'on 1'obl'erve. Elle n'eft pas la même par-tout: outre que dans toutes les eaux la couleur du fonds & celle du ciel vont s'y peindre, qu'eües font noires dans les abymes , blanches & couvertes d'écume pendant la tempête, argentées, dorées & nuancées des plus belles couleurs quand le foleil couchant y fait luire fes rayons, outre cela, dis-je, les différens infedtes, les débris des plantes marines, le mélange des diverfes matieres que les rivieres & les fleuves charient dans la mer, varient encore qa & la fa couleur. Quand elle eft calme, elle paroit quelquefois parfemée de brillantes étoiles ; fouvent la tracé d'un vaiifeau qui fend les ondes, 'eft lumineufe, & femble être une riviere de feu. Ces phénomenes doivent être attribués, d'un cöté, aux parties fulfureufes , huileufes & autres fubftances inflammables de la mer, de 1'autre, aux infecles luifans. Une propriété connue de la mer, c'eft le flux & le reflux. Tous les jours, ou plutót dans 1'efpace de vingt-cinq heures, la mer monte & redefcend deux fois : quand la marée monte, c'ed le flux, & quand elle defcend, c'eft le reflux. Ce phénomene eft accompagné de plufieurs circonftances remarquables. II y a toujours flux & reflux en même tems dans deux endroits de la terre, & ces deux endroits font oppofés 1'un a l'autre, c'eft-a-dire, que lorfque nos antipodes font dans le tems du flux, nous 1'appercevons de même ici. Le flux eft toujours moindre quand nous fommes dans  Sur les ceuvres de Dieu. 277 le premier & le dernier quartier de la lune; & la plus haute marée fe voit d'ordinaire trois jours après la nouvelle ou la pleine lune. Cependant des raifons accidentelies peuventètre caufe que la marée arrivé plutöc & foit plus forte une fois que Pautre. Quelque peu en état qu'on ait été jufqu'ici de rendre raifon de ce phénomene & de Pexpliquer parfaitement, toujours eft-il certain qu'il en réfuite de grands avantages pour notre globe; d'un cöté, paree que le flux & le reflux fervent a puriner la mer, de Pautre, paree qu'ils favorifent la navigation. Et fuppofé que tout ceci, quelque merveilleux qu'il foit, ne fuffife point pour vous intérelfer, peut-être au moins que les créatures dont la mer eft remplie , exciteront votre furprife & votre admiration. Ici fe découvre un nouveau monde , & le nombre des ètres qui le compofent, eft prodigieux. Les animaux aquatiques ne font pas, a la vérité, auffi variés dans leurs efpeces que les animaux terreftres, mais ils les furpaffent par la taille, & leur vie eft plus longue que celle des habitans de la terre & de Pair. L'éléphant & 1'autruche font petits en comparaifon de la baleine; celle-ci eft le plus grand poilfon que renferme la mer: fa longueur eft fouvent de foixante afoixante & dix pieds; elle vit auffi long-tems que le chêne, & par conféquent il n'eft aucun animal terreftre dont la durée puilfe ètre comparée a la fienne. Si Pon ajoutefoi a certaines relations, il y a des animaux dans 1'Océanqui furpaffent mème la baleine en grandeur. C'eft une forte d'écreviffe qu'on appelle krak:n, qui fe trouve, dit-on, dans les mers feptentrionales, & donfc la circonférence eft d'une demi-lieue d'Allemagne. Et qui pourroit feulement faire la np- S 3  Ï78 CONSÏDÉRATIONS menclature des diverfes efpeces d'animaux qui peuplent la fuperficie & le fonds de la mer ? qui pourroit exprimer leur nombre , déterminer la forme, la ftruclure , la grandeur, Fufage de ces divers animaux ? Qu'elle eft infinie la grandeur du Dieu qui a créé la mer! c'eft la conféquence que vous devez naturellement tirer, mon lefteur, de 1'examen que nous venons de faire. Ce n'eft pas fans des raifons très-fages que le Créateur a voulu que 1'Océan & les mers occupaifent environ les deux tiers de notre globe. Les mers devoient être nonfeulement les grands réfervoirs des eaux , mais encore, au moyen des vapeurs qui s'en élevent, la matiere de la pluie, de la neige, & autres météores femblables. Quelle fagelfe ne découvre-t-on pas dans la connexion que les mers ont entr'elles, & dans le mouvement noninterrompu que le Créateur leur a imprimé! Ce qui n'eft pas moins digne d'ètre obfervé, c'eft que le fond de 1'Océan eft de même nature que la fuperficie dè la terre-ferme. On trouve dans la mer des rochers, desvallons, des cavernes, des plaines, des fources, des fleuves , des plantes & des animaux. Les ifles de la mer ne font autre chofe que les fommets d'une longue chaine de montagnes. Et quand on vient a confidérer, que les mers font la partie de notre globe fur laquelle on a fait le moins de recherches, on eft fondé a croire qu'elle renferme encore nombre de merveilles, auxquelles ni les fens, ni Pentendement de l'homme ne peuvent atteindre, mais qui toutes témoignent de la fagelfe & de la puilfanca du très-haut. Admire, ö chrétien, celui qui a étabh par-töut, dans 1'Océan comme fur la terre,, des monumens de fa grandeur.  Sur les ceuvres de Dieu. 279 VINGT-TROISIEME JUILLET. Des diverfes nuances qu'on obferve dans les fleurs. -L E coeur rempli d'émotion & de joie, je me tiens en préfence de ta création , auteur adorable de tout ce qui exifte. Mes regards s'étendent autour de moi, & par-tout je découvre des beautés fans nombre. Qu'elles font belles les couleurs qui fe réunilfent ici, que leur mélange eft gracieux & diverfifié! quel artifice admirable dans la dütribution de ces nuances! La c'eft un pinceau léger qui femble avoir appliqué les couleurs; ici elles font mèlangées felon les regies les plus favantes de 1'art. La couleur du fonds eft toujours choifie de maniere a faire reifortir le deffin qui y eft tracé, tandis que le vert qui entoure la fleur, ou bien 1'ombre qu'y répandent fes feuilles, fert encore a donner a 1'enfemble une nouvelle vie. En diftribuant & diverfifiant ainfi les couleurs, le Dieu tout bon femble n'avoir eu pour but que de nous procurer des fenfations agréables. Seigneur, que tes ceuvres font grandes & en grand nombre , tu les as toutes fagement ordonnées! Oui, raon Dieu, j'admire la grandeur des fins que tu t'es propOfées , & plus encore la fagelfe des moyens que tu emploies pour les exécuter. C'eft avec bien de la peine que les hommes viennent a bout d'un feul ouvrage ; après bien des efförts, fouvent fuperflus, nous parvenons quelquefois a imiter paffablement une feule des ceuvres de la nature. Mais toi, ö puiffance fuprème, en S 4  2$0 CONSIDÉRATIONS un feul inftant tu as donné 1'exiftence a des millions d'ètres, & les as créés dans un état de perfedion. Plus 1'on exaniine les ouvrages de 1'art, plus ils paroiffent défcdueux. Mais il y a déja prés de fix mille ans qu'on s'ett plu a contempler les grandes ceuvres que tu as faites, & jamais on n'a pu découvrir un feul défaut dans le plan, ni imaginer quelque chofe qui en puifle perfedionner 1'exécution. Plus nous obfervonsles ceuvres de Dieu, plus leur beauté nous ravit, & toujours nous découvrons de nouveaux traits de grandeur dans ces chefs-d'ceuvres d'une main divine. Pour moi ce qui me ravit fur-tout en admiration dans les teintes & les nuances des fleurs, c'eft la fimplicité de ce bel ouvrage. On pourroit penfer que le Créateur a dü employer uneinfinité dematériaux, pour embellir ainfi la nature , & diftribuer aux fleurs & aux plantes tant de couleurs fi riches , fi magnifiques, fi éclatantes. Mais Dieu n'a pas befoin de pénibles préparatifs pour faire de ja création un théatre de merveilles. Un feul élément prend fous fa main les formes les plus belles & les plus variées. L'humidité de la terre & de 1'air s'infinue dans les canaux des plantes, & fe filtre dans une fuite de tuyaux tranfparens. C'eft-la ce qui opere toutes les merveilles, toutes les beautés qu'on apperqoit dans le regne végétal. C'eft la caufe umque des agrémens, de la vie, du parfum des fleurs. Si chaque couleur avoit fa caufe particuliere, la furprife du fpedateur diminueroit: mais on contemple avec fatisfadion, & 1'on ne fe laffe point d'admirer comme l'effet d'une profonde fageffe, un ouvrage qui diverfifié dans fes par, ties 3 eft cependant fimple eu égard a fa caufe,  Sur les ceuvres de Dieu. a8i & oü 1'on voit qu'une multitude d'effets dépendent d'un feul reffort, qui agit toujours de la même maniere. , Dans eet inttant oü j'examine la diverfite des teintes qui colorent les fleurs, je fens plus que jamais le prix de la raifon dont je fuis douc. Sans cette faculté, je ferois privé de tous les agrémens que la vue des fleurs me procure; & leur exiftence feroit inutile par rapport a moi. Mais a 1'aide de ma raifon , je connois les beautés innombrables des fleurs, le mélange infiniment varié de leurs couleurs , & les nuances fi diverfifiées qu'offrent les prairies , les vallons, les montagnes & les forèts. Je puis non-feulement les connoitre , je puis encore apprécier ces beautés & les faire contribuer a mes plaifirs. Oui, je peux davantage encore, je peux de chaque fleur m'éleververs le Créateur , retrouver jufques dans leurs couleurs 1'empreinte de fes perfe&ions, & y trouver occafion de le bénir. O mon Dieu & mon pere, comment puis-je te témoigner affez ma reconnoilfance pour le don que tu m'as fait de la raifon! II eft bien jufte qu'a 1'afpeél de tes ceuvres, je te béniffe d'ayoir requ la faculté d'en connoitre la beauté & d'en jouir. Que ferois-je fans cette faculté, & que feroit le monde pour moi 'i  2§Z CONSIDÉRATIONS VINGT-Q_UATRIEME JUILLET. Des grandes chaleurs de Ve'té. C^'Est ordinairement dans ce tems-ci que nous éprouvons les plus grandes chaleurs. Peut-être il paroit extraordinaire d'entendre dire, que le foleil, qui entre acluellemcnt dans le figne du lion , s'éloigne de jour en jour davantage de nous. Lorfque nous étions plus prés de eet aftre, la chaleur étoit tempérée, & actuellement que nous en fomm.es beaucoup plus loin , elle eft a fon plus haut période. Ce phénomene s'accorde-t-il avec les loix de la nature? Oui, mon le&eur, & c'eft dans 1'arrangement de notre globe qu'il en faut chercher la raifon. Précédemment le foleil étoit plus prés de nous, mais comme fes rayons n'avoient pas affez de force pour pénétrer bien avant dans la terre, nous ne devions fentir qu'une chaleur tempérée; cependant dans 1'efpace de quelques femaines, ia terre & les corps qui la couvrent, fe font rechauffés au point, que même une moindreaclion du foleil produit plus d'effet qu'au commencement de fété, oü il agiifoit fur des corps refroidis. Cet arrangement de la nature déplait aun grand nombre de perfonnes: on les entend fe plaindre de cette chaleur brülante qui affoiblit nos corps, & nous rend incapables de vaquer a un travail fuivi. Mais n'eft-il pas bien déraifonnable de murmurer d'un arrangement, qui étant fondé fur les loix immuables de la nature, eft par-la même inévitable? N'eft-ce  Sur les ceuvres de Dieu. 283 point manquer de reconnoiffance envers notre pere célefte, que de blamer fon gouvernement, qui en dernier reffort ne manque jamais de procurer lebien-être du monde? Et vous qui me lifez , voudriez-vous férieufement que les jours aduels fuifent moins chauds? Quoi! paree que la chaleur vous incommode, vous voudriez que tant de fruits qui durant 1'hivec prochain ferviront de nourriture aux hommes, ne parvinffent point a mnturité? Je le répete, vos murmures vous rendent ingrats envers le Créateur, qui compenfe & adóucit toujours les inconvéniens par certains avantages qui y font attachés. Par exemple, les habitans de la partie occidentale de PAfrique & en particulier ceux du Cap Vert & de 1'ifle de Goerée, font expofés pendant tout le cours de 1'année aux plus vives ardeurs du foleil; mais leur corps eft conftitué de maniere qu'il réfifte a ces chaleurs brülantes fans que leur fanté en fouffre; & les vents qui foufflent continuellement dans ces contrées, fervent a tempérer Pair & a le rafraichir. Et le Créateur auroit-il manifefté moins de bonté a notre égard ? Oh! combien nous ferions impardonnables , fi nous méconnoiflions les marqués qu'il nous en donne dans les tems mème oü la chaleur nous accable! N'eft-ce pas déja un effet de fes tendres foins, que les nuits d'été foient fi propres a rafraichir l'air? Les nuits amenent avec elles une fraicheur qui arrête la dilatation de l'air, & le met en état d'agir d'autantplus fortementfur les corps. Une feule nuitranime les plantes qui languiffoient, rend une nouvelle vigueur aux animaux affoiblis, & nous récrée au point de pouvoir nous faire oublier le poids & la fatigue  384 CONSIDÉRATIONS du jour. Les orages mènies qui nous caufent tant de crainte , font entre les mairis du Créateur des moyens de rafraichir l'air & de modérer ainfi la chaleur. Et combien n'avonsnous pas de fruits qui ont la vertu de rafraichir le fang & de modérer 1'acreté de la bile; fecours d'autant plus précieux que les plus pauvres d'entre nous font a même d'en jouir. Ceffe donc, ó chrétien , de te plaindre des ardeurs du foleils, comme auflï du poids des fouffrances lous lequel tu languis. Les unes & les autres appartiennent au plan de la fagelfe divine; les unes & les autres font allégées par mille moyens, & doivent nous exciter a rendre au ibuverain du monde & au maitre de notre fort, hommage, honneur, gloire & actions de graces. VINGT-CINQUIEME JUILLET. De diverfes chofes remarquablcs dans les animaux. E tous les regnes de la nature , c'eft le regne animal qui nous ofFre le plus de merveilles & une étude bien intéreffante pour un amateur de 1'hiftuire naturelle , eft celle des propriétés & des divers inftincts dont les animaux font doués. Mais pour un être qui réfléchit, c'eft quelque chofe de plus qu'un objet agréable; & les opérations animales le font remonter a une fagelfe qu'il ne peut fonder, paree qu'elle furpalfe toutes les conceptions humaines. C'eft la 1'effet que je fouhaite de produire chez mes lecleurs, en les occupant des  Sur les ceuvres de Dieu. 28f fingularités qu'on obferve dans certains animaux. La maniere dont les oifeaux & les inlectes pondent leurs ceufs, eft digne d'admiration. La fauterelle, le lézard, la tortue & le crocodile, font au nombre des bètes qui ne s'embarrnffent ni de leurs ceufs, ni des petits qui en doivent éclore. lis pofent leurs ceufs dans la terre & abandonnentau foleil le foin de les couver. D'autres efpeces d'animaux, par un inftinct naturel, placent leurs ceufs dans des endroits ou les petits trouvent, au moment qu'ils voient le jour , une nourriture fuffifante. Les meres ne s'y trompent jamais: le papülon provenu de la chenille du chou, ne pofeia point fes ceufs fur de la viande, & la mouche qui fe nourrit de chair, ne placera point les fiens fur lechou. Certaines efpeces d'animaux onttant de follicitude pour leurs ceufs, qüils les trainent par-tout oü ils vont. L'araignée qu'on appelle vagabonde, porte les liens dans un petit fac de foie; lorfqu'ils font éclos, ils fe rangent dans un certain ordre fur le dos de leur mere, qui va & vient avec cette charge, & continue pendant quelque tems encore a les foigner. Certaines mouches dépofent leurs ceufs dans des corps d'infecles vivans ou bien dans les nids de ces infeétes. On fait qu'il n'exifte pas une plante , qui ne ferve a loger ou a nourrir un ou plufieurs infecles. Une mouche perce une feuille de chêne, & dépofe un ceuf dans le trou qu'elle a fortné ; cette plaie fe ferme très-vite; 1'endroit oü elle eft fe gonfle, & il y paroit bientot une excroiffance ou tubérofité qu'on appelle galk; 1'ceuf qui a été renfermé dans la galle naiifante, croit en même tems qu'elle, & 1'infede qui  285 C O N S I D É R A T I O N S en fort, trouve en naiifant fon logement & fa nourriture. Les foins des animaux pour leurs petits, font prefque incroyables, & leur araour pour eux eft tel qu'il 1'emporte quelquefois fur celui de la vie. Avec quelle affiduité les quadrupedes nourriffent leurs petits! ils les lechent & guériifent par-la leurs bleffures; ils les tranlportent d'un endroit a 1'autre quand quelque danger les menace; ils les retiennent^ autour d'eux, les défendent & les guident. S'ils font carnivores , combien la mere fe donne de peines pour leur procurer de la chair! avec quel art elle les inftruit a pourfuivre leur proie, a s'en amufer quand ils 1'ontfaifie, puis a la mettre en pieces! On ne peut lire fans en être ému 1'hiftoire d'une chienne , qui pendant qu'on la diiféquoit, léchoit encore fes petits, comme pour chercher dans ce foin maternel du foulagement a fes foutfrances & qui jetta un cri lamentableau moment qu'on lui enleva fa progéniture. Le chien de mer, durant la tempète , cache fes petits dans fon ventre, d'ou ils reifortent quand la frayeur eft paffee. Chaque efpece d'animaux a fes inclinations comme fes befoins particuliers, & le Créateur pourvoit aux uns & aux autres. Prenons-en pour exemple les bêtes qui font obligées de chercher leur nourriture dans 1'eau, & parmi celles-la les oifeaux aquatiques. La nature a enduit leurs plumes d'une huile gluante, aux travers delaquelle 1'eau ne peut pas pénétrerj par ce moyen ils ne fe mouillent point en plongeant, ce qui les rendroit enfuite incapables de voler. Les proportions de leurs corps font auflï difïerentes de celles des autres oifeaux; leurs jambes font plus en arriere, afin qu'ils puiifent  Sur les ceuvres de Dieu. 087 fe tenir debout dans 1'eau & étendre leurs ailes par-deifus; pour les mettre en état de nager, leurs pieds font pourvus de nageoires; pour qu'ils puiifent plonger, la nature a donné a leurs corps une ftructure particuliere; & pour qu'ils puiifent faifir leur proie, ils ont le bcc large & le col long; en un mot, ils font conformés comme leur fac,on de vivre exigeoit qu'ils le fulfent. — Le nautile eft un genre de coquillage, qui a quelque rapport avec 1'efcargot: quand il veut monter, il fe place fur le devant de fa coquille, & pour la rendre plus légere, il en fait fortirde 1'eau par une ouverture. Veut-il defcendre, il fe retire au fonds de fon domicile, qui fe rempliflant d'eau devient pefant. Veut-il voguer , il retourne adroitement fa coquille, qui devient une petite gondole, & pourlorsil tend une membrane mince & légere qui s'enfle au vent pour lui fervir de voile. Feut-être eft ce du nautile qua quelques hommes ont appris Part de la navigation. II en eft des actions des animaux comme de leur ftruclure. La même fagelfe qui a formé leurs corps, qui a ordonné leurs membres, & leur a aiïigné une deftination commune, a réglé auffi les diverfes aclions qu'on leur voit faire, & les dirige vers ce but qu'elle s'eft propofé en les créant. La brute y eft conduite par la main invifible de fon Créateur; elle produit tout d'un coup des ouvrages parfaits qui excitent notre admiration, & paroit agir d'après le raifonnement: elle s'arrête quand il le faut, regie fon travail felon les circonftances, & cependant ne fuit jamais que certains refforts cachés qui la font mouvoir. C'eft un inftrument qui ne fauroit juger de 1'ouvrage qu'il «xécute; mais il eft dirigé par ia fagelfe ado-  288 CoKSlDÉRATIONS rable de notre Créateur, quia circonfcrit chaque infecte comme chaque planete dans une fphere dont ils ne peuvent s'écarter. Lors donc que j'apperqois les divers inftincts &l'induttrie des animaux , j'éprouve un fentiment de vénération, & crois voir un fpe&aele oü le toutpuiflant ouvrier fe cache derrière un rideau. Mais celui qui contemple avec réflexion les ceuvres de la nature, découvrira par-tout la main de Dieu, & Pexamen de la mcrveiüeufe ftruéture des êtres créés, leremplira toujours de reconnoiflance & de refpeét pour le Créateur. VINGT-SIXIEME JUILLET. Du vifage humain. L'Extérieur du corps de l'homme annonce déja fes prérogatives fur tous les êtres vivans. Son vifage dirigé vers le ciel, annonce fa grandeur, qui eft en quelque forte empreinte dans tous fes traits; ainfi 1'on peut, jufqu'a un certain point, conclure du vifage de l'homme, quelle doit être fa dignité & fa deftination. Tant que 1'ame jouit d'une entiere tranquillité, les traits du vifage reftent dans un état de calme & de repos. Mais quand 1'ame eft agitée de mouvemens inquiets , le vifage devient un tableau vivant oü les paffions font peintes avec autant d'énergie que de délicatere. Chaque affedtion de T'ame a donc fon impreifion particuliere , & chaque changement dans les traits eft le figne caraéténftique des ; mouvemens les plus fecrets de notre cceur. L'ceil en particulier les exprime fi vifiblement; qu'on i  Sur les ceuvres de Dieu. 289 qu'on ne fauroit s'y tromper; il eft plus que les autres organes des fens 1'organe unmédiat de 1'ame. Les paffions les plus tumultueufes & les affections les plus douces fe peignent avec la plus grande vérité dans ce miroir. Auffi 1'on peut appeller 1'ceil le vrai interprête de 1'ame, & 1'organe de 1'entendement humain. La couleur des yeux, leurs mouvemens plus ou moins vifs, contribuent beaucoup a cara&érifer la phyfionomie. Quoiqu'il paroiife que 1'ceil fe promene de plufieurs cótés, il n'a pourtant qu'une maniere de fe mouvoir, c'eft-a-dire, en tournant autour de fon centre. Nos yeux font a proportion plus rapprochés qu'ils ne le font chez toutes les autres créatures vivantes. L'efpace qui les fépare eft fi grand dans la plupart des animaux, qu'il leur eft impoffible de voir a la fois le même objet des deux yeux, a moins qu'il ne foit placé a une grande diftance. Les fourcils font les parties du vifage qui, avec les yeux, contribuent le plus a la phyfionomie. Ces parties étant d'un genre tout différent que les autres, leur couleur particuliere les rend plus fenfibles & plus frappantes que le refte des traits du vifage. Les fourcils lont 1'ombre du tableau, qui en fait relfortir le deffin & le coloris. Les cils, quand ils font longs & épais, contribuent a rendre 1'ceil plus beau & leregard plus gracieux. II n'y a que les hommes & les finges dont les deux paupieres foient ornées de cils; les autres animaux n'en ont point fur la paupiere d'en bas, & chez. l'homme la paupiere inférieure en eft moins garnie que la fupérieure. Les fourcils n'ont que deux fortes de mouvemens , qu'ils exécutent a 1'aide des mufcles du front; au moyen Tornt II. T  aoo CONSIDÈRATIONS de 1'un ils s'élevent, & au moyen de 1'autre ils s'abaiifent en fe rapprochant. Les paupieres fervent a garantir 1 ceil & a. empècher que la cornée ne fe feche. La fuperieure peut d'elle-mème s'élever & s'abaiiler; 1'inférieure a peu de mouvemens. Quoique nous puiflions mouvoir nos paupieres a volonté, il ne dépend pourtant pas de nous de les tenir ouvertes quand la laffitude & le fommeil les appefantifïent. Le front eft une partie trés-importante du vifage , & une de celles qui contribuent le plus a fa beauté. II faut pour cela qu'il ait la proportion convenable , qu'il ne foit ni trop cemtré, ni trop plat, ni trop grand, ni trop petit, & que des cheveux bien plantés en laifent 'ie contour & 1'ornement. Le nez eft la partie la plus faillante du vifage, mais une des moins mobiles; & comme ce n'eft guere que dans de violentes paflions qu'il eft mis en mouvement, il fert plus a la beauté de lenfemble qu'a 1'expreifion qui en réfulte. La bouche & les levres au contraire font fufceptibles de beaucoup de changemens, & après les yeux c'eft la bouche qui exprime le mieux les paifions, par les diverfes tormes qu'elle prend; 1'organe de la voix vient auüi Tammer & la mettre en jeu. La couleur rouge des levres, & la blancheur des dents, ajoutent "al'agrément du vifage. Nous n'avons jufqu'ici examme le viiage humain, que relativement a la régularité & a la beauté des parties qui le compofent, fans développer les fins & les diverfes utilites de ces parties. Mais fous ce feul point de yue, on découvre déja 1'infinie fagelfe de celui qui dans toutes fes ceuvres a fu allier ie beau a  Sur les ceuvres de Dieu. 291 1'utile. Nous dont 1'admiration eft fi fouvent. excitée par la beauté qui brille dans nos femblables, nous devrions au moins fanclifier cette admiration , & 1'accroitre encore en penfant a celui par la fageflè & la bynté duquel le corps humain eft fi bien ordonné. Lorfque nous confidérons notre vifage, il feroit jufte de méditer en filence fur les prérogatives que le Créateur, en formant nos traits, nous a données fur tout le refte des êtres vivans. II feroit jufte de méditer en même tems fur les hautes deftinées de l'homme , dont la ftru&ure même de fon vifage peut 1'inftruire. Ses traits lui ont été donnés pour'les fins les plus nobles; fins que les brutes ne peuvent remplir. Notre ceil eft fait pour fe porter avec joie fur les ceuvres de Dieu; notre bouche doit s'ouvrir pour chanter les louanges de notre adorable Créateur; en un mot, tous nos traits doivent rendre témoignage de la bontéde notre cceur, de la droiture de nos fentimens. Et les ravages que la maladie & la mort font fur notre vifage, doivent nous empècher de nous enorgueillir de nos attraits. Cette derniere confidération doit nous faire penfer au bonheur dont fera fuivie cette rélürreclion, quitranfformera nos corps, qui les embellira, & les rendra capables de toutes les jouüTances de la béatitude éternelle. T *  i$Z. CONSIDÈRATIONS VINGT-SEPTIEME JUILLET. Sur la gravitê des corps. D IE u a doué les corps d'une force qui agit en tout tems, en tous lieux, & en tout lens. Si un corps s'efforce de fe mouvoir vers un point plus fortement que vers un autre , on dit qu'il gravite vers ce point. Car 1'expérience nous apprend que les corps tendent a defcendre, ou que s'ils font éloignés de la fuvface de la terre, fans être foutenus, ils y tombent en ligne perpendiculaire. Ce n'eft nullement dans le corps même qu'il faut chercher la caufe de fa pefanteur , car un corps qui tombe refte dans 1'état oü on 1'a mis, jufqu'a ce qu'une caufe extérieure vienne a le changer. II eft également impofllble que l'air occafionne cette gravité, puifque lui-mème étantpefant, doit au contraire retarder la viteflè des corps dans leur chüte. II faut donc en chercher la caufe ailleurs. Peut-être Popinion qui approche le plus prés de la vérité , eft celle qui fuppofe que la terre a la vertu d'attirer les corps places a une certainediftance, ainfi que Paimant attire le fer. Ou bien, peut-être faut-il chercher la caufe de la gravité dans une matiere étrangere qui a été diftnbuée dans tous les corps. Mais fi nous ne pouvons déterminer partaitement la caufe de la pefanteur, au moins rien n'eft plus fenfible que les avantages qui en réfultent. Sans la gravité nous ferions hors d'état de nous mouvoir comme nous Ie faifons, C'eft vers le milieu de notre corps que  Sur les ceuvres de Dieu.' 29? nous avons notre centre de gravité: quand nous levons le pied droit, il faut que nous portions ce centre fur le pied gauche. Si nous plions alors le corps en avant, nous fommes fur le point de tomber, mais en avanqant le pied droit, nous prévenons la chüte & formons un pas. Ainfi notre marche eft en quelque forte une fuite continuelle dechütes,durant laquelle le centre de gravité fe conferve entre nos pieds. De-la vient que nous plions le corps en avant, lorfque nous montons une montagne , & en arriere, lorfque nous defcendons; nous nous inclinons encore en avant lorfque nous portons un fardeau furies épaules, & en arriere , quand nous le portons devant nous. Tout cela arrivé d'après les loix de la gravité, qui reglent les mouvemens des animaux lorfqu'ils marchent, qu'ils nagent, ou qu'ils volent. Ces mëmes loix reglent les mouvemens des corps prodigieux qui roulent dans le firmament. Le foleil attire les planetes, & chaque planete a fon tour attire fes fatellites : ou , ce qui eft la même chofe, les planetes gravitent vers le foleil, & les fatellites vers les planetes j car un corps qu'on fait tourner en cercle s'écarte toujours de fon centre en ligne directe s'il n'y rencontre point d'obftacle. C'eft avec la plus grande que les planetes parcourent leurs orbites, & la lune n'eft point attachée par une chaine au globe de la terre. II femble donc qu'un mouvement auffi rapide que celui de la lune, devroit la jetter bien loin de nous dans 1'efpace incommenfurable, s'il n'y avoit pas une force qui la pouffat continuellement vers notre globe, & qui fit le contre-poids de la force quil'en éloigne. Cette première force eft T ?  &94 CONSIDÉRATIONS la gravitation de la lune vers la terre. Si notre terre elle-même étoit ou plus légere ou plus pefante qu'elle ne l'eft erFecuvement, qu'en arriveroit-il ? Elle s'approcheroit ou s'éloigneroit trop du foleil: dans le premier cas, perfonne ne pourroit fupporter la chaleur , & dans 1'autre, perfonne ne pourroit endurer le froid qui en réfulteroit; toutfur notre globe fe confumeroit ou fe geleroit. Et que deviendroient alors les faifons , que deviendroient mille chofes fi indifpenfables pour l'homme , & fi néceifaires a fes plaifirs! Ici donc encore, 6 fagelfe fuprême, je retrouve un monument de tes merveilles. Par un moyen fi petit en apparence , tu procures le mouvement & aux corps céleftes & aux animaux. Par les feules loix de la gravité, tu empêches que le moindre grain de poufllere ne fe perde & fur la terre & dans les autres globes. Mais c'eft en cela que confifte la grandeur de ta puilfance & de ta fagelfe, que tu produis fouvent par les plus méprifables a nos yeux, les plus grands & les plus furprenans effets. Combien l'homme eft différent de toi a eet égard, puifqu'il lui faut fouvent de grands préparatifs & des moyens très-compliqués pour arriver a des fins peu importantes. Celui qui ne découvre pas ici ta grandeur, doit être ou bien inattentif ou bien ingrat. Je me garderai bien déformais d'ètre 1'un ou 1'autre: j'envifagerai la gravité des corps comme un des moyens de notre bonheur fur la terre, je t'en bénirai, ó mon Créateur.  Sur les ceuvres de Dieu. 29f VINGT-HUITIEME JUILLET. Nombre d'effets dans la nature n'ont qu'une même caufe. rj_ Out ce qui conftïtue la nature, eft une chaine infinie de caufes & d'effets. Et comme toutes les parties de 1'univers font en rapport les unes avec les autres, chaque mouvement, chaque événement dépend d'une caufe précédente , & deviendra caufe a fon tour des effets qui lui fuccedent. Toute la conftitution du monde eft propre a nous convaincre, que ce n'eft point le hafard, mais un art divin & une fagelfe au-dela de toute conception, qui d'abord a érigé eet étonnant édifice, qui a imprimé le mouvement a fes différentes parties, & déterminé la grande chaine d'événemens dépendans 1'un de 1'autre, & fefuccédant 1'un a l'autre. Ce degré de connoiifance n'eft pas diffïcile a acquérir, car bien que celle que nous avons de la conftitution de la nature foit renfermée dans d'aifez étroites limites, nous ne lailfons pas de voir une multitude d'importans erfets dériver de caufes qui font fenfibles pour rintelligence humaine. Nombre de phénomenes naturels peuvent ici en fournir des exemples. Quelle diverfité d'effets ne produit pas vifiblement la chaleur du foleil! Non - feulement elle contribuë a la vie d'une multitude innombrable d'animaux, mais encore a la végétation des plantes, a la maturité de tous les grains & de tous les fruits, a la fluidité de 1'eau, a 1'élévation des vapeurs T 4  296 CONSIDÉRATIONS & a la formation des nuages, fans lefquels ïl ne tomberoit ni pluie, ni rofée fur la terre. L'air de même eft conftitué de maniere a rernplir a la fois diverfes fins. Au moyen de cec élément, les corps animaux fe confervent, les poumons fe rafraichilfent, tous les mouvemens vitaux acquierent de la force. C'eft l'air qui allume le feu & nourrit la flamme; qui, par fon ébranlement & fes ondulations, conduit avec viteffe a chaque oreille chaque genre de fon; quidonne un libre elfor aux animaux ailés & les met en état de voler de lieu en lieu, & qui ouvre a l'homme une route aifée fur la mer, dont fans lui il ne pourroit franchir les vaftes efpaces. C'eft par l'air que les nuages fe foutiennent dans 1'athmofphere, jufqu'a ce que devenus trop pefans, ils redefcendent en pluie; c'eft par l'air que le jour fe prolonge au moyen des crépufcules du matin & du foir; & fans lui le don de la parole & le fens de 1'ouie nous deviendroient inutiles. Tous ces avantages & bien d'autres encore, dépendent du tiflu de l'air dans lequel nous yivons & que nous refpirons. Ce merveilleux élément qui environne notre globe, qui eft trop fubtil pour que nos yeux puiifent 1'appercevoir, & dont toutefois la force eft telle qu'aucun autre élément ne fauroit lui réfifter, n'eft-il pas une preuve bien évidente de la fagelfe de notre Créateur'{ La feule force de gravité qui fe trouve dans tous les eorps, affermit la terre, conferve les niontagnes, & donne a 1'eau fa fluidité. Elle enchaine 1'Océan dans fes profondeurs, & la terre dans Porbite qui lui eft prefcrite; elle maintient chaque être a fa place dans la nature, & entre les corps céleftes les diftances  Sur les ceuvres de Dieu. 297 qui doivent les féparer. Qui pourroit décrire les diverfes utilités de 1'eau '< Elle fert en général a dilater, a amollir, a mèlanger un grand nombre de corps, dont fans elle nous ne pourrions faire ufage. C'eft la boiifon la plus faine; c'eft la meilleure nourriture desplantes; elle fait aller les moulins & plufieurs autres machines; elle nous procure une multitude de poiffons, & nous apporte fur fa furface les tréfors d'un autre monde. Qu'ils font variés, qu'ils font innombrables les effetsque produit Pélément du feu ! Par lui les corps folides font ou fondus & changés en fluides, ou redeviennent des corps lolidcs d'une autre efpece; il fait bouillir les fluides ou les réduit en vapeurs. Par lui la chaleur eft diftribuée dans tous les corps, & il contribue a procurer aux créatures vivantes la fenfation de la vue. Ce n'eft pas feulement dans le regne de la nature qu'on voit les effets les plus diverfifiés provenir de la même caufe; fouvent dans le monde moral, un feul penchant de 1'ame prodüit des effets non moins variés. Prenons-en pour exemple le penchant naturel qui nous porte a aimer nos femblables: c'eft de lui que dérivent les foins des pareus pour ceux qui leur doivent le jour, 1'union fociale, les liaifons d'amitié, le patriotifme, la bonté dans ceux qui gouvernent, la fidélité dans ceux qui obéiifent. Ainfi un feul penchant retient chaque individu dans le cercle qui lui eft prefcrit, fait le lien de la fociété humaine, eft le principe de toutes les actions vertueufes, de toutes les entreprifes louables, & de toutes les récréations innocentes. Tout ceia fournit la preuve la plus évidente, que le monde n'eft point fait par juxta-poil-  298 CONSIDÉRATIONS tion, ou que les matériaux, qui le compofent,' ne font pas pris au hafard , fans qu'il y ait de rapport, de connexion entr'eux ; mais au contraire, que le monde forme un tout régulier que la puiflance divine a ordor.né avec une fagelfe infinje. Dans chaque partie, dans chaque phénomene du monde viiible, brillent a nos yeux quelqucs rayons de cette fagelTe ineffable. Mais combien n'y en a-t-il pas qui échappent a 1'examen le plus attentif & aux profondes méditations des plus grands génies! Si nous cherchons dans un objet les traces de la lagene divine, quelquefois elle fe manifefte a nous dans un des cótés de eet objet, tandis que dans les autres elle fe dérobe a nos regards. N'en foyons que plus empreflés , mes freres, a méditer les ceuvres de Dieu, & a faire fervir les merveilles qu'il a rendues fi vifibles pour nous, a la glorification de fon nom. Alors nos cceurs fentiront la vérité de ces paroles de David: Les ceuores de l'Eternel font grandes i elles font recherchées de tous ceux qui y prennent plaijir. Rfitv. CXI, 2. VINGT-NEUVIEME JÜILLET. De quelques maladies des plantes. Ij Es végétaux font fujets a diverfes maladies. Quelquefois ils fe couvrent d'une matiere blanchatre qui s'y attaché comme de la poufliere. Elle ne vient pas des infectes, comme on le croit communément, mais d'une ftagnation naturelle dans les fucs & d'un commencement de corruption, qui attire les in- 133  Sur les ceuvres de Dieu. 299 fecles & qui les invite a y dépofer leurs ceufs. La ft agnation des fucs eft le premier degré de corruption, & 1'on croit que cela feul fufKt pour attirer les infeéles , paree qu'en femblable occafion on les voit venir par milliers, dès que par une caufe foit naturelle, foit artificielle, la circulation des fucs eft arrètée dans un arbre, quoique nous ne fachions comment & pourquoi cela arrivé. De-la vient que les arbres les plus foibles & dont 1'expofition n'eft pas avantageufe, font le plus fréquemment fujets a cette maladie. Si les infecties en étoient réellement la caufe, il feroit impoffible de la produire par art. Au lieu que fi on bleife un arbre de delfein prémédité, ou qu'on le privc des foins qu'il exige, q'en eft alfez pour y faire venir la nielle. Sur un arbre ainfi affoibli par art, fe trouvent d'abord tout ala fois des milliers d'infectes , tandis que les arbres voifins en font exempts. Ainfi, cette corruption doit être auffi peu attribuée aux infeétes que celle de la viande; mais il en faut chercher la caufe dans la ftagnation des fucs, accident que bien des circonftances peuvent occafionner. Souvent une fnatiere qui reifemble a la rofée, mais qui eft gluante, douce & corrofive, brüle & gate les plantes. On a cru que les infeéles pompoient ce liic gluant dans les végétaux, ou que les abeilles y venoient porter leur miel. Mais d'après de fréquentes expériences, on regarde actuellement comme prouvé que cette matiere tombe de l'air en forme de rofée. Dans certaines contrées elles fe pofe en petites gouttes & fans diftinction fur un grand nombre de végétaux d'efpeces différentesj & dans 1'efpace d'une nuk, elle couvre  30Ö CoNSIDÉRATIONS prefque toutes les feuilles d'une longue rangée d'arbres, fur lefquels on n'en avoit point appercu auparavant. Peut-être cette rofée fe forme-t-elle des exhalaifons qui s'élevent des fleurs & des arbres fleuris, dont les abeilles favent extraire un fi bon miel; & fi elle tombe en certain endroits plutót qu'en d'autres, c'eft un effet de la direction du vent. Peut-être auflï cette matiere eft-elle 1'effet d'une maladie des plantes dont les fucs font viciés, ce qui attire les infedtes comme la poulliere dont nous parlions plus haut. Car les épis, les rameaux, les branches, les buiffons & les arbres les plus foibles, font ceux qui font le plus fréquemment atteint de ce mal. On a remarqué en outre que les feuilles, fur lefquelles cette efpece de rofée tombe, fe tachent, fe noirciffent & fe gatent, & il eft trés-poffible que cette fubftance en foit la caufe. Ici on trouve encore les traces de la fagelfe du Créateur, car puifque les infecles ont befoin de nourriture pour fubfifter, il eft avantageux pour nous qu'ils foient obligés de la chercher fur des végétaux, qui, étant déja gatés, nous font par-la même devenus inutiles, ou nousferoient nuifibles. C'eft une nouvelle preuve des foins particuliers que Dieu a eus pour l'homme lorfqu'il arrangea le monde. En vertude eet arrangement, les animaux ne nous ótent rien des provifions qui nous font néceflaires, mais s'attachent au contraire a ce qui pourroit nous faire du mal. II eft vrai qu'il eft dans 1'ordre de la nature, que chaque plante, chaque arbre, & même chaque animal ferve a 1'entretien de quelques efpeces d'animaux. Nous nous vengeons des efpeces qui nous nuifent, en cherchant, autant qu'il  Sur les ceuvres de Dieu. 301. eft poflïble, a les détruire: peut-êtrenous les épargnerions davantage , fi nous confidérions combien peu de vrai dommage la plupart d'entr'elles nous occafionnent. TRENTIEME JUILLET. Moyens de fubfiflance que la nature procure aux animaux. 0-1'Est un des grands effets de la bonté & de la toute-puiffance divine, que par- tout il fe trouve affez de nourriture pour alimenter les créatures vivantes dont le monde eft rempli. II n'eft pas étonnant, a la vérité, que les pays qui font fous les zones tempérées , fourniffent la fubfiftance a ceux qui les habitent; mais que la même chofe aie lieu par-tout ailleurs, dans les endroits même oü 1'on s'attendroit le moins a trouver de la nourriture & des paturages , & que les alimens néceffaires ne manquent jamais a tant d'efpeces d'animaux, cela ne peut'être attribué qu'aux foins de la bienfaifante & fage Providence. Obfervons d'abord, que Dieu a proportionnè* les provifions alimentaires, au nombre & aux befoins des animaux qui doivent les confumer. Prefque par - tout elles fe trouvent en furabondance ; mais cette profufion n'eft pas telle que les alimens fe gatent & fe corrompent; inconvénient qui feroit préjudiciable au monde. Ce qu'il y a fans doute de plus remarquable en ceci, eft que parmi tant d'efpeces de nouriritures, les plus utiles, les plus néceffaires font en général les plus communes, & celles qui  301 CONSIDÉRATIONS fe multiplient le plus aifément. Comme il y a un grand nombre de créatures quine fe nourrilfent que d'herbes, les prairies fe trouvent en trés-grande quantité, elles font couvertes d'herbes & de plantes falubres, qui croiffent d'elles-mêmes & réfiftent facilement aux intempéries de l'air. N'eft. ce pas une chofe digne d'attention, que les bleds, qui font la principale nourriture de l'homme , puiffent être cultivés avec auffi peu de peine, & multiplier d'un faqon auffi étonnante? Par exemple, un boiffeau de froment, s'il eft femé dans unbon terroir,peut en rapporterjufqu'acent cinquante. N'eft-ce point par une bien fage direction du Créateur, que le goüt des animaux foit li varié, que les uns aiment a fe nourrir d'herbes, d'autres de bied, d'autres deviande, de vers, d'infectes, &c. Qiielques-uns fe contentent de peu, d'autres font prefque infatiabLes. Si toutes les efpeces d'animaux devoient avoir lemème genre de nourriture, la terre deviendroit bientöt une vafte folitude. Cette diveriité de goüts qu'on apperqoit chez les bêtes, eft donc une preuve certaine que ce n'eft point au hafard qu'elles s'attachent a telle ou telle nourriture, mais que cela arrivé en vertu d'un inftinét né avec elles, qui les porte vers les alimens appropriés a la nature de leurs corps, Par ce moyen toutes les produclions de la terre & de la mer fe trouvent bien diftribuées; nonfeulement tout ce qui refpire eft richement pourvu, mais encore les chofes qui en fe corrompant feroient devenues nuifibles, fervent ainfi a un ufage utile. Car les plantes les plus falutaires périroient, les cadavres des poilfons, des oifeaux & des quadrupedes exhalsroient  Sur les ceuvres de Dieu. 303» un poifbn meurtrier , fans la fage dire&ion du Créateur , qui a voulu que divers animaux trouvaflent dans ces chofes un aliment agréable. La nourriture s'ofFre d'elle-même k la plupart des bètes; cependant elles ont grand befoin de 1'art de la difcemer, & doivent ufer en quelque forte de précaution & de prudence. Leurs provifions alimentaires font tellement préparées, que ce qui eft utile a une efpece, eft nuifible a 1'autre, &luitourne en poifon. Les botaniftes onttrouvé, d'après plufieurs expériences, que les bceufs mangent de deux eens foixante-feizeefpeces d'herbes, mais qu'ils en laiflent deux eens dix-huit, que les chevres font ufage de quatre eens quaranteneuf, & qu'il y en a cent vingt-fix qu'elles ne touchent pas; que les brebis fe nourriifent de trois eens quatre-vingt-fept, & qu'il y en a cent quarante-un dont elles ne mangent point j que le cheval en pait deux eens foixante-deux, mais au contraire qu'il y en a deux eens doüze qu'il dédaigne ; que les pores fe contentent de foixante-douze végétaux, mais qu'il y en a cent foixante onze dont ils ne veulent pas faice ufage. D'autres animaux font obligés de chercher péniblement & de fort loin leur nourriture, defouiller dans le fein de la terre pour la trouver, ou de la raffembler de mille endroits oü elle eft éparfe, ou même de la tirer d'un autre élément. Beaucoup font obligés de choifir le tems le plus favorable de la nuit pour pouvoir en füreté contenter leur faim. D'autres de préparer leurs alimens, de dégager les grains de leurs enveloppes , de les brifer s'ils font durs, d'avaler de petites pierres pour aider a la digeftion, d'enkver la tète aux infedes  ?04 considérations dont ils font leur pature, de briferles os, ou lesarrëtes de la proie qu'ils ontfaifie, de renverfer les poiifons afin de les avaler par la tête. Plufieurs périroient, s'ils ne portoient dans leur nid des provifions pour 1'avenir. D'autres fans recourir a 1'adreffe & a la ruie, fans tendre des lacets , dreifer des pieges, ou creufer des folies, ne pourroient attraper leur proie. Les uns la pourfuivent fur la terre, d'autres dans l'air, & d'autres fous 1'eau. Plus la nourriture des animaux eft diverfifiee, ainfi que la maniere dont ils fe la procurent, plus ils faut admirer la fageife & la bonté de Dieu dans la confervation de ces créatures. Réfléchiifons , mes freres , fur les glorieufes perfedions de notre pere célefte; ö combien n'avons-nous pas d'occafions de les célébrer! TRENTE-UNIEME JUILLET. Cantiquc de louange. Cr L o i r e foit au Dieu très-haut! Vous cieux louez le Seigneur! qui ne fe plairoit a louer 1'Etérnel ? O foleil, exalte ta puiifance; 6 lune, exalte ton auteur. Et vous étoiles, brillans flambeaux de la nuit, glorifiez notre Dieu! Nuages qu'il foutient dans les airs, annonccz fa grandeur. II aparlé & vous avez requl'exiftence: que tous les êtres fe réiouiffent en fa bonté. Vous tous habitans de la terre , celebrez-le. Que du fein des abymes la baleine loue le Créateur. Que le feu annonce ia torce s que les montagnes atteftent fon pou- voir,  Sur les ceuvres de Dieu. gof voir, que les vapeurs, en s'exhalant, foient un encens qui s'éleve a ia louange. Que la tempète quia fa voix nous menace& ne lailfe pas de nous faire bien, foit un cantique a Phonneur de la puilfance. Et vous paifibles troupeaux quipailfez Pherbe deschamps, & vous arbres chargés de bénédictions, célébrez un Dieu bienfaifant. Que les accens des chantres de l'air, que Pinduftrie de Pinfecte qui rampe dans la pouflïere, que tout exalte fa majefté. Grand elt le Dieu Jéhovah ! Louons , exaltons fon faint nom. Le ciel & la terre font pleins de fa gloire. TRENTE-UNIEME JUILLET. * Variétés dans la jlaturc des hommes. Ï-j A hauteur totale du corps humain varie confidérablement, & le plus ou le moins elt ici peu effentiel. La taille ordinaire elf depuis cinq jufqu'a fix pieds. Quelques peuples qui vivent dans les pays feptentrionaux & le long des mers glaciales, ont moins de cinq pieds. Les hommes les plus petits que 1'on connoilfe, habitent le haut des montagnes qui fe trouvent dans 1'intérieur de 1'ifle de Madagafcar. Ils ont a peine quatre pieds. Plufieurs de ces peuples nains, tirent leur origine de nations qui étoient d'une nature ordinaire; & la principale caufe de leur dégénération doit fans doute être cherchée dans la nature du climat qu'ils habitent. Le froid exceflif qui y regne pendant la plus grande partie de Panné», fait que les végétaux. & les animaux y font plus Tomé II. V  3o5 CONSipÉRATIONS petits qu'ailleurs: pourquoi ne pourroit-il pas avoir la même influence fur les hommes? D'un autre cöté, ily a des nations entieres qui font d'une grandeur gigantefque. Les plus célebres font fans doute les Patagons, qui habitent prés du détroit de Magellan. On alfure qu'ils ont huit a dix pieds de hauteur. Au refte, il ne doit point paroitre impoffible qu'il y ait des peuples dc plus grande ftatnre que les Européens: outre les traces que 1'on en trouve dans les hiftoires & les monumens de 1'anriquité , on a vu quelquefois , même dans nos climats, des hommes qui avoient au-dela de fix pieds & demi de hauteur, & qui ne laiffoient pas d'être bien conformés , fains , & propres a tous les exercices & tous les travaux qui demandent de 1'adrelfe & de la force. Créateur adorable, ta fagelfe fe découvre auffi dans ces variétés de la nature humaine. Tout ce que tu as produit dans le regne animal, dans le végétal, & dans le minéral, a été fait avec poids, nombre & mefure; tout porte ton image: le nain comme le gcant, Ie brin d'herbe comme le chêne, le vermilfeau comme 1'éléphant.  Sur les ceuvres de Dieu. 307 A O U T. PREMIER AOÜT. Mèditation fur les ceuvres de la nature. Pere, Créateur de Punivers, qui nourris & conferves tout ce qui refpire, quelle eft ta majefté! & combien tu fais éclater de merveilles aux regards de l'homme ! c'eft ta main qui a étendu les cieux & les a pariemés d'étoiles ! Aujourd'hui encore je vois briller dans tout fon éclat le foleil qui vient ranimer la nature. Demain peut être ce ne fera plus pour moi que les oifeaux feront retentir de leurs fons mélodieux les bois, les vallons & les prairies: je fens que je fuis mortel, ma vie fe fane comme Pherbe des champs, elle fe flétrit comme la feuille détachée du rameau qui Pa vu uaitre. Qui fait quand cette parole du tout-puiffantfe fera entendre a moi: homme retourne dans la poulliere! Quand le tombeau m'aura cnglouti, quand les ténebres & le filence m'environneront, quand les vers auront fait leur pature de ma dépouille mortelle , alors que me reftera t-il de tous les biens terreftres? tout ne fera-t-il pas perdu pour moi, quand même tout auroit favorifé mes vceux & que j'eulfe goüté ici-bas un tonheur fans mélange? O! que je ferois infenfé, fi je m'attachois auJc V a  qo$ CONSIDÉRATIONS fragiles biens de la terre, fi j'afpirois a de grandes richeffes, fi j'ambitionnois de vains honneurs, & fi, me laiffant éblouir par un faux éclat, 1'envie &l'orgueil trouvoientaccès dans mon cceur ! Si trop avide dans mes fouhaits, j'ai pourfuiyi des biens auxquels je ne devois point afpirer, ó Dieu, je m'humilie devant toi. Me voici, qu'il m'arrive felon ce queleconfeil de ta fagelfe aura prononoé. L'homme, eet infenfé que 1'orgueil égare, prefcrit des loix a fon Créateur, il ofe blanier les décrets de 1'étemelle fageife. Et toi puilfant ami des hommes, tu les aimes plus qu'ils ne s'aiment eux-mêmes, quand ta bonté leur refufe les biens trompeurs qui font 1'objet de leurs vceux. Quand le matin fur des gazons couverts de rofée, tout m'offre un afpect riant & que les alles de la nuit ont rafraichi l'air brülant de 1'été, la fagelfe me crie: ó mortel, pourquoi nourris-tu des foucis pour 1'avenir? pourquoi te livres-tu a 1'inquiétude ? Dieu n'eft-il pas ton pere,^ n'es-tu pas fon enfant? Celui qui t'a formé, n'aura-t-il pas foin de fon ouvrage ! Le plan de ton exiftence ne fe borne point a la terre, il comprend le ciel. La vie eft un inftant, & la plus longue félicité terreftre n'eft qu'un fonge heureux. O homme! ta deftination eft d'etre immortel. Penfée de 1'immortalité , tu nous élevesaudeflus de la terre, de funivers & du tems. Réveille-toi dans mon cceur, quand, féduit par de faux biens, il eft prés d'abandonner le fentier de la vertu. Les rofes qui couronnent la tête du vicieux, ne tajedent point a fe faner; fes honteufe* jouif-  Sur les ceuvres de Dieu. 309 fances le déshonorent & le repentir leur fuccede. Je ne luis qu'un voyageur fur la terre; & les joies immortelles mentent feules d'attacher tout mon cceur. Donne-moi,ó toi qui aimes a répandretes dons, un cceur qui n'aime que le bien, un cneur oü la vertu & la fainteté regnent. Que d'autres parviennent aux grandeurs ; pour moi je te detnande,6 mon Dieu, d'être content demon état, fidele a mon devoir, digne du nom de fage & de chrétien. PREMIER AOUT.* Exhortation d louer Dieu. M On ame béni 1'Eternel, & que tout ce qui eft en moi béniife le nom de fa fainteté. Mon ame béni 1'Eternel, & n'oublie pas un de fes bienfaits. Pf. CIII. 1. 2. N'eft-il pas ton pere & ton fouverain? n'eft-ce pas lui qui t'a donné 1'ètre, qui t'a créé immortel, intelligent, capable de connoitre & de louer ton Créateur ? N'eft-ce pas lui qui a formé le tiifu merveilleux de tes veines & de tes chairs, qui maintient ton fouffle, qui conferve tes os, en forte que pas un d'eux ne s'eft brifé. Pf. XXXIV. A qui en effet es-tu redevable de la vie, de la fanté, du bien-être, fi ce n'eft a ton Dieu? Jette les yeux en arriere fur le chemin oü il t'a conduit depuis le premier moment de ta naiffance , regarde fi ce chemin n'eft pas couvert de monumens de fa bonté. Etre favorifé de ton Créateur, leve les yeux, V ?  3IO CONSIDÉRATIONS contemple fes bienfaits innombrables dont il t environne. Mais en même tems fixe ta peniee iur lavenir, regarde ceque la foi te montre au-dela du tombeau. Figure-toi le raviffement que tu éprouveras, lorfqu'affranchi de tout mal & de toute imperfedion , inondé dune joie divine, faint, & revêcu d'un corps gloneux, tu approcheras de Dieu ton Créateur & ton confervateur, de Jéfus qui t'a acquis cette beatitude célefte, «Sc qui te placcra prés de lui lur Ion tröne pour ypartager a jamais ia gloire. 1 Profterne-toi, enfant de Dieu, héritier de la beatitude eternelle, profterne-toi, & livre ton cceur tout entier aux mouvemens de la plus vive gratitude; commence, dés ici-bas 1 occupation de 1'éternité : mon ame béni lè beigneur. DEUXIEME AOUT. Ve'gètation du tuyau de bied. T i-J E tuyau de bied eft compofé de la tige principale, des tuyaux qui font k cóté, & des tiges qui.fortent enfuite de ceux-ci. II commence a fe former auffi-töt que quatre feuilles vertes viennent a paroitre. Si 1'on tire alors la plantule & que 1'on preffe ou fépare avec precaution la feuüle inférieure, on voic ordinaircment une petite pointe blanche, qui devient peu-a-peu un tuyau; & fous la première feuille femontre la petite racine. La pointe blanche fort de la moëlle d'un nceud, ie developpe en feuilles vertes, & pouffe de  Sur les ceuvres de Dieu. 311 coté une nouvelle pointe. Mais ces diverfes pointes & les tuyaux qui en proviennent, ne font pas tous detlinés aporter des iruits: pliafieurs fe flétriifent & fe perdent. Qua™ la tige principale a pris des accroiifemens, il ie fait une révolution confidérable dans la plante , & toute la feve n'eft plus employee qu'a la tormation des fleurs & des frutts. Mais avant cela, & lorfque la plante commence a végéter, on voit fe former quatre & quelquefois fix feuilles, qui partent d'autant de nceuds. Elles préparent le fuc nourncier pour 1'épi, qui fe volt déja en peut lorlqu au printems on fend un tuyau par le milieu. On peut mëme, dès lautomne, découvnr eet epi fous la forme d'une petite grappe, lorfque les nceuds font encore fort ferrés les uns contre les autres. Quand la plante commence a pouifer des grains , les deux feuilles fupeneures du tuyau fe joignent enfemble , embrafient 1'épi, & le garantiifent, jufqu'a-ce qu'il ait acquis quelque confiftance. Avant cela, tous les nceuds, & particuliérement les deux derniers, encore très-mous, font fort rapproches les uns des autres, & les entre-nceuds, ou les intervalles qui féparent les nceuds font. encore très-petits. Mais dès que 1'épi a perce fes enveloppes, toutes ces parties s'allongent, & es feuilles leur abandonnent tous les fucs qu elles contiennent. Peu-a-peu les nceuds le durciifent, & les feuilles d'en bas fe fechent, & les fucs, qui les nourrilToient, ne font plus employés qu'a fortifier la tige. Après tous ces préparatifs, on volt paroitre la fleur , qui fournit au fruit fa meilleure nourriture. Cette fleur eft un petit tuyau blanc extrêmement délié, qui fort du fuc des grai- V 4  312 CONSIDÉRATIONS nes. Plufieurs autres petits tuyaux environment ce fac: ,ls font d'abord jaunatres, enluite ils brumifent, enfin ils deviennent noiratres un peu avant qu'üs ne fe fanent & qu'ils ne tombent. Le principal ufage de ces tuyaux eft de nourrir uil petit bouquet que 1'on découvre dans le fac des graines. Dès que le bied a ceffe de fleurir, on voit des grains qui contiennent le germe, & qui arrivent a leur pertedlion long-tems avant que la fubftance fanneufe paroiife. Cette fubftance fe multiplie peu-a-peu, tandis que la feve s'amafle autour d'une partie extrêmement fine & delicate, qui relfemble a du duvet Ce du vet5> qui exifte encore après les fleurs, fert entr autres , a entretenir 1'ouverture du grand canal qm traverfe la graine. Le fruit mürit des quil a atteint fa jufte grandeur: alors le tuyau & les epis blanchüTent, & la couleur verdatre des grains devient jaune ou d'un brun obfcur. Ces grains font cependant encore fort mous & leur farine centiem beaucoup d humidite ; mais lorfque lebled eft par&düra 1 Cntiere maturicé> il devient fee Je ne faurois affez admirer la fagelfe qua D!eua manifetee dans la ftrutfure & dans la vegetation du bied. Vous la découvrirez jüf! ques dans Ie moindre tuyau, fi vous vous êtes feuilles qui 1 entourent avant qu'il ait atteint fa grandeur naturelle; ces feuilles mëmes ont earr£gC',&'lfemble qi]e ^%elfeduCréame r ^T* du tUyRU' P^lamè- lTl.fi Un archlte^ dreife autour de ledifice quil veut conftruire , un èchaffaudage, qu il renverfe des que le batiment eft ache-  Sur les ceuvres de Dieu. 313 vé. Car auffi-tót que le tuyau a acquis la longueur & la conliftance qu'il doit avoir, les feuilles, qui le garantilfoient, fefechent & périffent. II fe paffe des mois entiers avant que 1'épi hafarde de paroitre & de s'expofer aux impreffions de l'air; mais dès que tous les préparatifs pour la formation des fleurs & des fruits font faits , il fe montre tout a la fois en peu de jours. Remarquez auffi avec quelle intelligence les tuyaux & les épis font conftruits. Si les premiers étoient plus élevés, lefucnourricier n'y pénétreroit pas fi bien. Si au contraire le grain ent été logé plus bas, 1'humidité Pauroit fait germer avant qu'il fut recueilli, les oifeaux & d'autres animaux au■roient pu y atteindre & le détruire. Si la tige ^étoit plus foible & plus grêle, le vent la briIferoit; fi elle étoit plus forte &plus épailfe , de petits animaux pourroient s'y loger, les oifeaux s'y percher, & en béqueter les grains. Pere tendre & bienfaifant, puiifent tous ceux qui fe promenent a préfent autour d'un champ de bied, & qui contemplent avec joie cette forêt d'épis ondoyans, éprouver a eet afpecT: tous les fentimens d'admiration &c d'amour que ta fage bonté doit naturellement exciter! Puille chacun de ceux pour qui tu fais rnürir ces abondantes moiflbns, t'en rendre les aélions de graces qui te font fi juftement dues!  314 CONSIDÉRATIONS troisieme aout. Les canicules. Le foleil indépendamment du mouvement diurne qui paroit le porter d'Orient en Occident, & qui occafionne la révolution du jour & de la nuit, femble avoir un autre mouvement fenfible de 1'Occident en Oriënt, en vertu duquel il fe retrouve au bout de trois eens foixante - cinq jours prés des mèmes étoiles, dont il s'étoit éloigné fix mois durant, & dont il s'eft rapproché pendant les fix autres mois. De-la vient que les anciens obfervateurs du ciel ont divifé les faifons d'après les étoiles que Ie foleil rencontre dans fa carrière annuelle. Ils partagerent cette carrière en douze conftellations; ce font les douze fignes du zodiaque, qu'ils appellerent les douze maifons du foleil, paree qu'il femble féjourner un mois dans chacun de ces fignes. L'été commence chez nous quand le foleil entre dans le figne de 1'écreviflè, ce qui arrivé le 21 ou le 22 Juin. C'eft alors que le foleil eft le plus élevé fur notre horizon, & qu'il lance fes rayons plus direclement fur nous : aufli c'eft cette époque que commencent les chaleurs d'été , qui deviennent toujours plus fortes dans le mois fuivant, a mefure que notre globe eft plus échaurfé des rayons brülans du foleil. De-la il réfulte que le mois de Juillet & une partie du mois d'Aoüt , font communément le tems de 1'année oü il fait le plus chaud; & 1'expérience a prouvé que c'eft depuis le 20 Juillet jufqu'au 20 d'Aoüt, que la chaleur eft  SüR LES CEUVRES DE DlEU. qif a fon plus haut degré. Or, de toutes les étoiles avec lefquelles le foleil fe trouve en conjondion , la canicule eft la plus brillante : perdue dans les rayons du foleil, elle difparoit a nos yeux pendant 1'efpace d'un mois, comme il arrivé fucceflivement a toutes les étoiles que le foleil rencontre fur fa route; & le mois de fa difparution eft le tems de la canicule. Ces obfervations feroient alfez peu importantes, fi elles ne fervoient a combattre un préjugé enraciné chez un grand nombre de perfonnes. Une ancienne tradition attribue la cha- leur qu'on éprouve communément dans ce tems-ci, a 1'influencede la canicule fur la terre, fur les hommes & fur les animaux. Cette opinion eft abfurde, par cela feul que 1'occultation de la canicule, dans les rayons du foleil, n'a pas toujours lieu au tems que nous appellons let jours de la canicule. Ces jours proprement dits, ne commencent aduellement qu'a la fin d'Aoüt, & fe terminent vers le 20 de Septembre. Et comme l'étoile de la canicule, ou le firius , avance toujours davantage, elle atteindra avec le tems les mois d'Odobre & de Novembre : il fe trouvera même a la fin qu'elle tombera au mois de Janvier, & nous éprouverons alors dans les jours de canicule le froid le plus fenfible. Quand on réfléchit la-deifus, on voitbien qu'il eft impollible que cette étoile puiife occafionner les grandes chaleurs que nous éprouvons fur notre globe & les effets qui en réfultent. Lors donc que dans les prétendus jours caniculaires, le vin ou la bierre fe gatent dans de mauvaifes caves, quand des matieres fujettes a la fermentation s'aigriffent, quand des eaux ftagnantes fe deflechent»  3J6" COKSIDÉRATIONS & que les fources tariffent, quand deschiens, d'autres animaux & des hommes mèmes font attaqués de la rage, quand il nous furvient des maladies qu'une conduite imprudente, pendant les chaleurs nous attire, cela n'arrive point paree qu'une étoile fe cache derrière le foleil: c'eft la chaleur exceffive de l'air dans Cette failbn, qui eft la caufe unique de tous ces effets. II feroit tems enfin de renoncer a un préjugé qui fait fi peu d'honneur a 1'efprit humain. Celui qui vient a fe perfuader que certaines Égures que 1'imagination fuppofe dans le ciel, peuvent ayoir de l'influence fur notre globe, fur la fanté & la raifon de l'homme, décele un grand défaut de jugement. Ce ne font point les étoiles, c'eft nous-mêmes d'ordinaire qu'il faut acculèr des maux que nous fouffrons. Si donc des maladies mortelles le manifeftent dans ces jours- ci, gardons-nous bien de les attribuer a l'influence de la canicule, qui eft purementchimérique; croyons plutót qu'ellesf proviennent de notre inadvertance & de notre inconduite. Et a confidérer férieufement la chofe, nous péchons contre la fage Providence en nourriifant de tels préjugés. Peut-on penfer de 1'Etre fouverainement bon qui gouverne le monde, qu'il ait créé quelque chofe dans le ciel ou fur la terre pour le tourment & le malheur de fes créatures? Neferoit-ce pas croire a une fatalité inévitable, que nous ne pouvons cependant admettre fi nous reconnoiffons un Créateur dont la fagelfe & la bonté forment 1'elfence. Pour nous, bien loin de nous rendre coupables de cette erreur, nous glorifierons Dieu & nous affurerons notre propre tranquiüité, en croyant que nous fommes  220 CONSIDÉRATIONS C I N Q_U IEME A O U T. Divifibilitê des corps. V ▼ Ous pourrez, mon le&eur, vous convaincre fans peine de lïnfinie divifibilitê des corps, en vous promenant dans un jardin, & en y refpirant les parfums divers qu'exhalent les plantes & les fleurs. De quelle incotir cevable petitcife ne doivent pas être les corpufcules odoriférans d'un ceillet qui fe divifent, fe répandent dans tout ujn parterre, voltigent de toutes parts , & viennent frapper 1'odorat! Si cette expérience ne vous fuffit nas, confidérez d'autres objets encore que la nature vous offre, & jettez, par exemple, les yeux fur un de ces fils de foie , 1'ouvrage d'un chétif vermiffeau. Que ce fil ait trois eens foixante pieds de longueur, il ne pefera cependant qu'un grain, c'eft-a-dire, la foixante & douzicme partie d'une dragme. Maintenant repréfentez-vous en combien de parties une longueur de trois eens foixante pieds peut être divifée, fans néanmoins qu'aucune de ces parties devienne imperceptible. On peut divifer un pouce en fix eens parties égales, dont chacune a répaiifeur d'un cheveu d'enfant, & peut par conféquent être appercue a la fimple vue. Par conféquent un feul grain de foie contient au moins deux millions, cinq censi quatre-vingt-douze mille parties, dont chacune peut être vue fans microfcope. Et comme ces mèmes parties peuvent encore être di-. vifées en plufieurs autres millions d'autres parties, divifion que 1'on peut toujours con- tinuert  Sur les ceuvres de Dieu. tinuer ultérieurement par la penfée, il eft raanifefte que cette progreiTion peut s'étendre a 1'infini. Les dernieres particules, qui ne font plus féparables par 1'induftrie humaine, doivent cependant avoir toujours de 1'étendue, & font par conféquent encore fufceptibles de divifion, quoiqu'elle ne puiffe pas être réalifée dans ce monde. Si apréfentvous examinez le regne animal, vous y découvrirez de nouvelles preuves de T'infinie divifibilitê de la matiere. Un grand naturalifte a mis du poivre dans un verre d'eau, & au moyen du microfcope, il a découvert dans cette eau une multitude d'animalcules , qui étoient mille millions de fois plus petits qu'un grain de fable. De quelle inconcevable petiteffe ne doivent donc pas être les pieds , les organes des fens, les mufcles, les veines & les nerfs d'un tel animalcule! Quels feront leurs ceufs , leurs petits, les membres deceuxci, leurs vaiifeaux, & les liqueurs qui y circulent! Ici notre imagination fe perd, nos idéés fe confondent; & rien cependant de plus certain que ce que nous venons de dire. Ce qui mérite fur-tout notre attention en tout cela, c'eft que pluson agrandit, par le moyen des verres , les ceuvres de la nature, plus elles paroiffent régulieres & belles; tandis qu'il en eft tout autrement des ouvrages de 1'art, cac lorfque 1'on examine ceux-ci avec le microfcope, on eft étonné de les trouver fi raboteux, fi grofllers, fi imparfaits, quoiqu'ils aient été exécutés avec tout le foin imaginable par les plus habiles ouvriers. Ainfi Dieu a imprimé jufques dans le moindreatomeune image de fon infinité. Le corps le plus fubtil eft comme un monde , dans lelome U. X  Sur les ceuvres de Dieu. 33? Ces plaintes & d'autres femblables, font fouvent répétées par les hommes , & ils fe figurent que certaines races animales n'exiftent que pour le tourment du genre humain. Elles font en partie fondées ces plaintes , & ce feroit contredire 1'expérience de mettre en doute qu'il y ait des animaux nuifibles aux hommes auffibien qu'aux plantes. On ne fauroit nier furtout que les infedes ne caufent de grands dommages. Heft plus aifé d'exterminer les loups, les lions & d'autres bêtes féroces, que d'extirper des infedes quand leurs nombreufes arméescouvrentun pays. Au Pérou , une efpece de fourmi qu'on appelle chako, eft un vrai fiéau pour les habitans; leur vie même feroit en danger s'ils n'ufoient de précaution pour fe délivrer de ces infedes redoutables. On fait quel ravage font les chenilles fur les arbres fruitiers, & les fouris dans les champs. Mais quelques réels que foient ces inconvéniens, ils n'autorifent pas des plaintes auffi ameres que celles qu'on fe permet, plaintes oü 1'intérêt propre a trop de part. Nous fommes charmés de voir que les bêtes qui nous caufent du dommage, fe detruifent les unes les autres ; nous croyons pouvoir fans iniuftice öter la vie aux animaux, foit pour nons en nourrir, foit pour quelque autre raifon. Mars nous ne pouvons fouffrir qu'ils nous ótent quelque chofe: nous prétendons qu'ils fervent a notre fubfiftance, & ne voulons leur rien céder. Au fonds cependant avons-nous plus de droit fur la vie du moucheron, qu'il n'en a fur la goutte de fang qu'il nous enleve? D'ailleurs, en nous plaignant de la voracité des animaux, nous ne confidérons pas que eet arrangement de la nature n'eft pas auffi défa-  CONSIDÉRATIONS vantagcux qu'il le paroit. Pour s'en convaincre, il ne faut que confidérer le regne animal dans 1'enfemble. Telle efpece qui paroit nuifible, a cependant une utilité réelle, & il feroit fort dangereux de travaillera la détruire. II y a peu d'années que quelques habitans des colonies Angluifes Üe 1'Amérique , chercherent a extirper la race des geais * paree qu'ils fe figuroientque ces oifeaux caufoient du dommage aux grains. Mais a mefure que le nombre de geais diminuoit, on étoit frappé du ravage qu'une multitude énorme de vers, de chenilles, & fur-tout de hannetons faifoient dans les champs de bleds. Bientöt on cefla de pourfuivre les geais, & ceux-ci en fe multipliant mirent fin au fiéau qui avoit été une fuite de leur deftrucfion. II y a quelque tems qu'on forma en Suéde le projet de détruire les corneilles ; mais on vint a ob Ier ver que ces oifeaux ne s'attachent pas feulementaux grains & aux plantes, mais qu'ils dévorent les vers & les chenilles qui détruiient le feuillage ou la racine des végétaux. Dans 1'Amérique feptentrionale, on fe livra avec fureura lachaife du moineau; mais il arriva de-la que les moucherons fe multiplierent a tel point dans les contrées marécageufes , qu'on fut obügé de lailfer plufieurs terres incultes. La chaffe des faifans eft fi confijérable dans 1'ifle de Procida , qu'elle occaOonna de la part du roi de Naples , une défenfe aux habitans d'avoir des chats dans leurs maifons. Au bout de quelques années, les rats & les fouris, en fe multipliant,, cauferent tant de dommages, qu'on fut obligé d'abolir 1'ordonnance qui défendoit d'en-. tretenir des chats. Et pourquoi ferions-nous alfez intéreffési pour:  Sur les ceuvres de Dieu> 337 pour envier aux bêtes cette petite partie de nos proviiions qui eft néceifaire a leur fubfiftance? Fourrions-nous donc venir a bout de confumer toutes les productions de la nature! Manque-t-il quelque chofe a notre entretien ou a nos plaifirs, paree que les oifeaux , les fouris, les infedes nous aident a faire ufage des biens que Dieu nous accorde avec tant de profufion , & dont une partie fe gateroit fi ces animaux ne s'en nourriifoient. Au lieu de nous livrer a d'injuftes plaintes, reconnoiffons plutöt ici la fagelfe de notre Créateur. Tout eft liédans le vatte empire de la nature j aucune créature n'y eftinutile, ou placée fans delfein, quoique la deftination de plufieurs animaux nous foit inconnue. II fuffit qu'ils exiftent, pour que nous foyons en droit de fuppofer que leur exiftence a les fins les plus fages. Ainfi la vue des deltrucuons & des défordres apparens de la nature, doit nous faire remonter a Dieu qui n'a rien créé en vain, qui ne conferve rien fans raifon, & que s'il permet que quelque chofe fe détruife, ilne le permet pas fans deflein. Si nous fommes vivement convaincus de ces vérités, toutes les ceuvres de Dieu nous exciteront a le gloriner & a le bénir. ONZIEME AOUT. Diverjité des couleurs. C^Uand je confidere combien les jardins & la campagne feroient triftes & uniformes, & combien tous les objets y paroxtroient conTomeU. Y  338 CONSIDÉRATIONS fondus, s'il n'y avoit par-tout qu'une feule couleur, je reconnois encore ici la fage bonté de Dieu, qui par la variété des teintes a voulu multiplier aulli & diverfifier nos plaifirs fur la terre. S'il n'avoit pas eu deffein de nous placer dans un agréable féjour, pourquoi en auroit-il orné toutes les parties de peintures li brillantes & fi variées 'i Leciel & tous lesobjets qui font vus de loin, ont été peints en grand , 1'éclat & la magnificence en font le caractere. Mais la légéreté, la fineiTe & les graces de la miniature , fe retrouvent dans les objets deftinés aêtre vus de plus prés, comme font les feuillages , les oifeaux, les fleurs, &c. Mais d'oü vient cette diftinclion des couleurs ? Chaque rayon de lumiere paroit être limpie; mais par la réfraction, il fe divife en plufieurs, & c'eft de-la que nailfent les couleurs. Tout verre rempli d'eau & expofé au foleil, jette certaines couleurs fur un papier bianc. Des verres angulaires bien taillés & bien polis en donnent de plus vives encore. Mais fur-tout nous verrons tout prés de nous le plus bel arc-en-ciel, li nous tournons vers le foleil un prifme ou verre triangulaire, ou li avec ce prifme nous recevons un rayon qui entre par une petite ouverture dans une chambre bienfermée. De ia réfraction plus ou moins forte des rayons , vient le plus ou le moins de vivacité des couleurs. Le rayon le plus réfrangible eft le violet, & par conféquent auffi il doit avoirle moins de force. Enfuite viennent plus bas Vindigo, le bleu , le verd, \ejaune, l'orangé, & le rouge, qui de tous les rayons eft celui qui a le moins de réfrangibilité. Cependant la nature des corps colorés contribue auffi a la diverfïté des couleurs. Les plus petites  Sur les ceuvres de Dieu. 339 parties font tranfparentes dans prefque tous les corps. De-la vient qu'elles rompent, abforbent ou réfléchilfent les rayons, tantöt d'une maniere, tantót d'une autre, comme le font les verres angulaires. Du refte ce qui montre que les couleurs ne font pas inhérentes aux corps colorés, c'ett que la gorge, les plumes d'un pigeon ou d un paon, & même les étoffes qu'on appelle changeantes , les talfetas & d'autres étorfes de foie, changent de couleur felon leurs pofitions. Cela peut nous faire comprendre d'oü vient la diverfité des couleurs: letoutfe réduit a ceci, c'eft que la furface des corps eft compofée de lames d'une petitelfe extréme: qui felon leur différente épailfeur réfléchilfent certains rayons colorés , tandis qu'elles en admettent ou en abforbent d'autres dans leurs pores. Ainfi lorfqu'un corps dont la furface eft unie, réfléchit & fait rejaillir prefque tous les rayons de lumiere, il paroit blanc; & lorfqu'au contraire il les abforbe, il eft noir. Admirons ici la bonté & la fagelfe de Dieu. Si les rayons ne fe divifoient pas, & s'ils n'étoient pas diverfement colorés, tout feroit uniforme, & nous nepourrions diftinguer les objets que par des raifonnemens, & par les circonftances du tems ou du lieu. Mais a quelle longueur, a quelle perplexité euftions-nous été réduits, s'il eüt fallu a chaque inftant diftinguer une chofe d'une autre par des raifonnemens? Toute notre vie auroit été employee a étudier plutót qu'a agir, & nous nous ferions trouvés dans une incertitude éternelle. S'ÏU, n'y avoit qu'une couleur fur la terre , nos yeux en feroient bientót fatigués,. & cette conftante uniformité nous cauferoit plus de dégout que de plaifir. Mais les différentes couY %  340 ConsidIrations leurs que Dieu a praduites, fervent a répandre plus de beautés fur la terre, & aprocurer a nos yeux des p!aiiïr6 toujours nouvcaüx. C'eft une nouvelle preuve que Dieu s'eft occupé de nos plaifirs comme de nos befoins, & que dans la formation du monde, il a penfé non-feulement a la perfedlion elfentielle de fes ceuvres, mais auffi a les parer de tous les ornemens quipouvoient enrehaulfer le prix. Dans le mélange & les diverfes nuances des couleurs & des ombres, la beauté fe trouve toujours unie a l'utilité. Auffi loin que notre vue peut s'étendre, nous découvrons toujours de nouveaux charmes dans les campagnes, dans les vallons & fur les montagnes. Tout fert a nos plaifirs, & tout doit exciter notre reconnoüTance. DOUZIEME AOUT. Edijices da caflors. S 11'on montroit a un homme qui n'auroit jamais entendu parler de 1'induftrie des caftors & de leur maniere de batir, fi, dis-je, on lui montroit les édifices qu'ils conftruifent, il les prendroit fans doute pour 1'ouvrage de plufieurs habiles architecles. Tout eft merveilleux dans les travaux de ces amphibies. Le plan fi régulier, la grandeur, la folidité, & 1'art admirable de leurs batimens, ne peuvent que remplir d'étonnement tout obfervateur attentif. Pour établir leurdemeure, les caftors choifilTent un endroit abondant en vivres, arrofé  $44 CONSIDÉRATIONS brebis ? Et quelle fagelfe divine ne fe manifeftepas dans ces degrés par lefquels les brutes s'approchent infenfiblement de l'homme? Puiffiez-vous, mes chers ledeurs, profiter des décou vertes que vous ferez fur les diverfes facultés des animaux , & vous en fervir pour vous perfedionner de plus en plus dans la conTioilfance & dans 1'amour du Créateur de tous les êtres. TREIZIEME AOUT. Sur la maniere dont la nutrition du corps humain s'opere. I-iEs alimens ont deux fortes de parties: celles qui font nutritives & qui peuvent refter dans le corps, & celles qui en doivent être expulfées. A 1'un & a 1'autre égard , il eft néceifaire que les alimens foient broyés & divifés. Cela commence déja a fe faire dans la bouche par la maftication. Les dents incifives coupent & féparent les morceaux, les canines les déchirent, & les molaires enfin les broyent. La langue & les levres y contribuent auffi, en retenant les alimens fous les dents autant qu'il eft néceiTaire. Certaines glandes étant comprimées par la maftication, elles lailfent échapper lafalivequi humede les alimens, les pénetre & facilite leur fecrétion & leur élaboration. De-la vient qu'il importe beaucoup de macher pendant quelque tems. , Les alimens atténués ainfi, humedés , mêlés & déja élaborés en partie , font poulfés dans le pharynx; canal oü fe trouvent auffi des glan-  Sur les ceuvres de Dieu. 34^ des qui fourniflent continuellement une humeur propre a le lubrifier, afin que les alimens y puiifent paffer fans peine. S'il eft trop fec,le fentiment de lafoif nousavertit de boire. Les alimens fuivent enfuite la route del'cefophage d'oii ils defcendant dans 1'eftomac. Celui-ci eft arrofé par une liqueur glaireufe & par un autre fuc plus adtif. Ces diverfes humeurs qui portent lè nom de fuc gaftriqut, font de plus en plus fermenter les alimens , les cuifent & les élaborent. Lorfque 1'eftomac eft trop longtems vuide, ce fuc gaftrique ou ftomacal picote , irrite les houpes nerveufes du ventricule, & produit cette fenfation que nous appellons faim. L'eftomac eft toujours en mouvement par la contradtion de fes fibres de haut en bas, ce qui eft caufe que fa cavité fe retrécit en tout fens: le fond s'éleve, de forte que les deux extrêmités de l'eftomac étant attirées vers le milieu , le tout eft également contraclé. Si les alimens ne retournent pas dans 1'cefophage, mais font obligés de s'écoulèr par Ie pylore dansles inteftins, c'eft paree que 1'orifice fupérieur de l'eftomac eft pourvu d'un efpece de couvercle qui ferme le palfage aux alimens. L'inteftin eft comme la continuation de l'eftomac. C'eft un canal oü il y a continuellement un mouvement périftaltique, par lequel la maffe alimentaire eft remuée & agitée en tout fens , de droite a gauche , de deifous eti deffus, &c. Les alimens ont été rédiiits par la concoction & les élaborations précédentes , en une efpece de pate molle qui fcjourne aifez long-tems dans les inteftins, & s'avance lentement au moyen de leur mouvement vermiculaire. Cette pate fe mële eniuire avec la bile,  34^ CONSIDÉRATIONS qui fe fépare dans le foie pour fervir a la fscrétion du chyle, & a diffoudre les alimens. Dans chaque inteftin fe trouvent les orifices de vaiifeaux extrêmement fubtils, qu'on appelle veines ladlées. La partie blanche & la plus épurée de la maffe alimentaire paffe pat ces veines la&ées, qui la reverfent dans un plus grand vaiifeau, d'oü elle remonte jufqu'au-delfus de la poitrine prés de la clavicule, & fe répand enfuite dans les veines. Elle perd alors fa couleur blanche; & par fon mélange avec le fang & d'autres fucs, elle devient rouge. Préparé ainfi & perfectionné dans les veines & dans lés glandes, le fuc nourricier eft conduit par une multitude de canaux dans les diverfes parties oü il doit fe porter pour la nutrition & la confervation du corps. Quant a la partie grolïiere & excrémentielle des alimens qui fe trouve dans les gros inteftins, elle paffe du cascum dans le re&um, Sc elles'accumule dans ce dernier inteftin, jufqu'a-ce qu'elle y détermine enfin 1'aclion des organes qui doivent 1'expulfer. Vous voyez, mon cher lecteur, combien d'opérations il faut pour remplir un feul des befoins de votre corps. Que de parties & d'orgaues ne doivent pas concourir & travailler, pour qu'il puilfe recevoir la nourriture & 1'accroilfement nécelfaires! C'eft par les rapports & 1'union intime des parties internes & externes de votre corps, que la digeftion des alimens & la fecrétion de tant d'humeurs & de fucs difFérens doivent s'opérer. Ce qu'il y a de plus admirable, c'eft que toutes les fonctions que fait votre corps pour fa nutrition , fervent encore a d'autres ufages. La langue, par exemple, contribue a la maftication, mais  Sur les ceutres de Dieu. 247 elle eft auffi 1'organe de la parole & du goüt. Les organes par lelquels le corps fe débarraife de fes humeurs aores & fuperftues, fervent auffi a la propagation de l'efpece humaine. En un mot, il n'y a pas un membre de notre corps qui n'ait qu'une feule utilité. Et c'eft-la certainement une preuve bien frappante de 1'infinie fagelfe du Créateur. Penfons-y dans nos repas & faifons en quelquefois la matiere de nos entretiens. Ce feroit la un fujet de converfation bien riche & bien utile , & nous fuivrons ainfi ce fage confeil de 1'apótre : foit que vous mangicz, ou que vous buviez, ou qua vous fajfiez quelque autre chofe, faites tout a la gloire de Dieu. Q_U ATORZIEME AOUT. Spe&acle de la nature felon fes divers afpeil*. I_jEs ouvrages de la nature, fi fupérieurs en tout a ceux de l'art, le font particuliérement en ce que leur admirable diverfité nous fournit toujours denouveaux fujets d'étonnement & de plaifir. On confidérera une ou deux fois un ouvrage de Tart; & fuppofé même qu'on y rivienne plus fouvent, on s'en laffera a la fin , & on ne le verra plus qu'avec une certaine indifférence. Mais lorfque nous contemplons avec attention & en y réfléchiifant les ceuvres de la nature, notre efpnt ne s'en laffe jamais : il y trouve toujours de nouveaux charmes, & il feperddans cesnouvelles contemplations.  ?48 CottSIDÉRATIONS Confidérez d'abord la nature de fon cóté Ie plus majeftueux & le plus fublime. De quel étonnement ne ferez - vous pas frappé en voyant 1'immenfité des cieux, le nombre innombrable des étoiles , & Ia prodigieufe étenduede Ia mer. Comparez-y tous les ouvrages de 1'art, quelques grands, quelques excellens qu'ils puiifent ètre : qu'ils vous paroitront petits & de peu de valeur! Tout ce que Dieu fait & produit eft marqué au coin d'une grandeur , qui furpaiTc toutes nos idéés & toutes nos conceptions. Pour nous donner une idéé de fon infinité fans bornes, il n'avoit qu'a former le ciel. Celui-ci manifefte bien plus la magnificence & la grandeur du Créateur , que tout ce que la terre renferme. Y a-t-il rien de fi propre a nous infpirer la plus profonde vénération pour Dieu , que de le contempler dans ces grands ouvrages! De quel faifirfement, de quelle crainte religieufe ne devez vous pas ètre pénétré, en voyant ces grands phénomenes de la nature qu'aucun homme ne fauroit produire : les tremblemens de terre , les volcans, les inondations, les orages, & les tempètes ! Ces grandes fcenes de la nature font quelquefois offertes a yos yeux, & il n'y en a aucune qui ne doive nous faire fentir combien le Créateur du ciel & de la terre eft grand & majeftueux. La nature nous offre auffi un cóté agréable & gracieux. Vous voyez des vallons qui font parés de verdure & de belles fleurs, des champs qui vous promettent de riches moifJbns, des montagnes couvertes d'arbres, de vignes, & de toutes fortes de fimples & de plantes lalutaires. Dans toutes ces riantes fcenes, Dieu fe montre comme 1'ami & le bienfaiteur  Sur les ceuvres de Dieu. 349 des hommes, qui ouvre fa main libérale & qui raffafie abondamment toute créature vivante. Nous voici dans la faifon oü toute la nature vous en fournit des preuves parlantes. Tout confpire a préfent a réjouir & a flatter vos fens, a vous récréer & a vous nourrir. Mais bientót reviendra le tems oü la nature fe montrera fous une forme trifte & fombre. Bientót elle perdra quelque chofe de fa beauté & de fa diverfité, & reifemblera a un défert qui ne promet ni richelfes ni plaifirs. Chaque jour nous approche de cette lugubre faifon, & le déclin infeufible des jours vous avertit déja qu'il faudra dans, peu vous renfermer dans vos appartemens. Mais fous cette forme même la nature a droit encore de vous plaire: car 1'hiver concourt aufli a la perfe&ion du monde, & fans lui vous feriez privé des plaifirs du printems & de 1'été. Appliquez, mon cher le&eur, toutes ces réflexions a votre propre vie. Elle eft tout aufli fujette aux variations , & prend continuellement de nouvelles formes. Aux fcenes les plus riantes & les plus belles, ilen fuccede fouvent detriftes & de facheufes. Dans la profpérité, préparez-vous donc a 1'adverfité, & béniifez, Dieu dans 1'un & dans 1'autre état. Q.ÜINZIEME AOUT. Dommages qui peuvent être caufes par la pluie. Li A pluie quand elle eft modérée, contribue toujours a la fécondité & a Paccroilfement des plantes, & par coniéquent elle eft un bienfait  3fO CONSIDÉRATIONS ineftimable pour la terre. Mais a plufieurs égards, elle peut aulfi devenir nuifible aux végétaux, lorl'qu'elle tombe avec trop de véhémence ou qu'elle continue trop long-tems. Trop violente, elle enfonce les plantes délicates dans la terre, & fa trop longue durée leur óte la force de croitre. Une hutnidifcé exceiïive les privé de la chaleur néceifaire , la circulation de la feve eft troublée, les fecrétions ne fe font pas convenablement, les plantes languiifent & font en danger de périr. Mais ce n'eft point la la feule maniere dont les pluies peuvent devenir nuifibles, quoique ce foit la plus commune. Elles font quelquefois les plus ternbles dégats. Quand plufieurs nuées powTées par des vents impétueux, rencontrent fur leur chemin des tours, des montagnes & d'autres lieux élevés, elles crevent, & fe vuident tout d'un coup des eaux dont elles font chargées. C'eft-la ce qu'on appelle une fonte de nuées. II doit néceifairement en arriver de grands ravages. Car 1'eau n'étant point compreflible , il faut, lorfqu'.eileeft prelfée, qu'elle s'écoule fubitement, & qu'elle fe précipite avec la plus grande violence des montagnes & des hauteurs. 11 n'eft donc pas étonnant qu'elle entraine alors les plus grolfes pierres, qu'elle abatte des arbes , qu'elle renverfe des édifices. Car deux caufes concourent a rendre fes effets plus violens: d'un cóté, la grande quantité d'eau qui fe précipite, de 1'autre la viteffe de fa chüte augmentée paria hauteur d'oü elle tombe: 1'action d'un corps qui fe meutétant toujoursproportionnée a fa malle* & a fa viteife. Les trombes font bien plus formidables encore. Leur figure relfemble a celle d'une colon-  Sur les ceuvres de Dieu. -jfi ne ou d'un cone, dont la pointe eft tournee vers la terre , & dont la bafe aboutit a quelque .^jiuage. Ces trombes attirent , entrainent & élevent toutes les matieres qu'elles rencontrent fur leur route , & qui retombent enfuite avec 1'eau d'une chüte précipitée. Si la pointe de la pyramide frappe la mer, 1'eau bouillonne , écume, & s'éleve avec un bruit terrible; mais 11 elle tombe fur des vaiifeaux ou fur des édifices, elle fracalfe & renverfe ceux-ci, & elie agite fi violemment les autres que fouvent elle les fait couler a fonds. Selon toutes les apparences ce météore eft produit par 1'acfion des vems qui foufflent en fens contraire, & qui venant a rencontrer plufieurs nuées qui fe trouvent fur leur palfage, les poulfent avec violence les unes contre les autres. Lorfque ces vents oppofés frappent les nuées de cóté, ils leur donnent néceifairement un mouvement circulaire, & les font tourner avec rapidité. Elles prennent donc la forme d'un tourbillon, & leur pefanteur étant fubitement augmentée par la force de la prellion, elles tombent avec impétuofité & prennent dans leur chüte la figure d'une colonne tantót conique, tantót cylindrique, qui tourne fur elle-même avec beaucoup de rapidité. Leur violence eft proportionnée a 1'abondance de 1'eau qui tombe tout a la fois, & a la viteife de fa chüte. Les font.es de nuées, & les trombes font toujours dangereufes. Heureufement ces derniers phénomenes font aifez rares fur terre; mais ils font plus fréquens fur la mer. Quant aux fontes ou ruptures de nuées, les contrées montagneufes y font plus expofées que le plat pays; & elles arrivent fi rarement qu'il fe paffe fouvent bien des années avant que quelques arpens  CONSIDÉRATIONS de terre en foient dévaftés. Quoi qu'il en foit,. lorfque ces défaftres arrivent, il eft très-injufte de murmurer contre Dieu, & de fe livrer a la méfiance & aux plaintes. Bien des gens font exceffivement affeclés de ces événeniens; ils les confiderent du cóté le plus liniftre, & leur imagination multiplie & groiïïtles objets. Quand un petit coin de terre , qui n'eft qu'un point en comparaifon de notre globe, vient a ètre ravage par une trombe ou par quelque autre accident, nous nous plaignons comme fi toute la nature étoit en danger de périr. Et tout occupés de ces défaftres locaux & pat fagers , nous oublious les biens fans nombre que Dieu répand fur toute la terre, & 1'ernportent de beaucoup fur les jugemens qu'il exerce de tems en tems. Si nous étions équitabïes , nous ferions bien plus touchés de 1'ordre & du bonheur univerfel qui réfultent de 1'arrangement actuel de la nature, que des défordres particuliers qui fortent du cours ordinaire des chofes , & qui ne doivent être regardés que comme des exceptions a la regie générale. N'y auroit-il pas autant d'injuftice que d'ingratitude, a ne faire attention qu'aux tempêtes, aux tremblemens de tetre, aux orages, & aux inondations qui n'arrivent peutêtre qu'une fois en plufieurs années, tandis que nous oublions tant de bénédictions journalieres, & ces biens innombrables qui réfultent du retour conftant & réglé des faifons? Ne pécherions-nous pas contre Dieu, fi nous ne caculions que le dommage que nous caufent certains accidens paffagers, & fi nous ne tenions aucun compte de cette multitude d'avantages que 1'arrangement de la nature nous procure tous les jours? Ne  Sur les ceuvres de Dieu. 3^ Ne nous rendons jamais coupables d'une ingratitude fi infenfée & fi criminelle. Coniidérons plutót avec humilité & avec admiration les ceuvres de Dieu, «Sc tachons de nous en former des idees juftes & convenables. Car, certainement il y a une fageiTe, un ordre & une bonté infinis dans les chofes mêmes oünous en découvrons a peine quelques traces; mais qui fe développeront de plus en plus a nos yeux, fi nous apportons un efprit attentif & une ame religieufe a 1'étude de la nature. SEIZIEME AOUT. Soins des animaux pour leurs petits. Un des inftincls les plus remarquables que Dieu ait mis dans 1'ame des bètes, eft fans doute celui qu'elles manifeftent a 1'égard de la confervation de leurs petits. On ne trouve point d'animaux qui abandonnent leurs ceufs ou leurs petits a un hafard aveugle. Leur amour propre s'étend au contraire jufques fur leur poftérité , & cela de la maniere la plus indultrieufe & la plus convenable a leur efpece & a leurs différens genres de vie. Quelquesimes de ces petites créatures, que 1'on voit éclore des ceufs de poiifons & d'infedes, n'ont pas befoin d'ètre couvées, paree que la température & la chaleur de 1'été fuffit pour les animer & les fortifier, & paree que dès le moment de leur naiffance elles peuvent s'aider elles-mêmes, pourvu qu'elles fe trouvent dans un endroit convenable & oü il y ait des alimens a leur portée. La plupart des infectes ne> Tejne Ui Z  Sur les ceuvres de Dieu. cette couleur. Le peuple croit qu'une telle pluie eft tombée de l'air, & que c'eft eftecliyement du fang. Cela fuppolé, il n'eft pas étonnant que 1'on attribue cetre pluie a des caufes furnaturelles. II n'y a cependant rien la que de trés-naturel. Car l'athmofphere étant chargée de différentes fubftances & d'une multitude de corps étrangers, onne doit pas ètre furpris que la pluie participe a ce mélange, & que fa couleur & fes qualités en foient altérées. II peut très-facilement arriver que des particules colorées tombent avec la pluie. Le vent peut élever & difperfer au loin les étamines colorées de diverfes fleurs, & mème les excrémens rouges de certains papillons. II y a même fur la fuperficie des eaux, de petits infecles rouges, que les gens crédules peuvent prendre pour du fang. Quelquefois auffi une certaine humeur vifqueufe, produite par les matieres graffes & rougeatre qui flottent dans l'air, tombe avec la pluie, comme cela arriva en 1764 en Weftphalie & dans d'autres endroits. Mais tant s'en faut qu'il y ait en tout cela quelque chofe de merveilleux; qu'il feroit au contraire étonnant que ces phénomenes n'arrivatTent pas de tems en tems. II en eft de mème de ces pluies de foufre, que 1'on dit être tombées fouvent. Cette pluie n'eft pas proprement du foufre, quoiqu'il foit poffible que l'athmofphere étant remplie de particules fulfureufes, il s'en mêle quelquesunes avec la pluie. Mais on s'eft alfuré par une multitude d'obfervations, que ces pluies ne font autre chofe que des fleurs ou des graines colorées de quelques plantes, ou bien du menu fable, & une poufliere jaunatre que le vent enleve & amene de différentes contrées & qui Z ?  •Jfg CONSIDÉRATIONS fe mêlent avec la pluie. Les prétendues pluies de froment fe forment de la même maniere. Lorfqu'il tombe une forte pluie dans les endroits ou il croit beaucoup de petite chélidoine, elle en découvre les racines qui font très-grèles: les petites bulbes qui y font adhérentes, s'en détachent, & on les prend pour du froment qui eft tombé d'en haut, & que le peuple fuperftitieux croit être un préfage de cherté & de famine. Mais d'oü viennent toutes ces chenilles, dont certains endroits des jardins & deschamps font quelquefois parfemés lorfqu'il a tombé de la pluie ? Rien encore de plus naturel que cela. L'athmofphere contenant une multitude de corps de toute efpece, il eft bien vraifemblable qu'il s'y trouve aufli des infecles avec leurs ceufs. II ne manque a ceux-ci qu'un lieu oü ils puiifent éclore. Or, lorfqu'ils tombent avec la pluie , ils reftent collés fur les feuilles, & s'y développent. Que cela foit poflible, c'eft ce que prouve le fait fuivant, rapporté par des écrivains très-dignes de foi. Les pluies qui tombent enPhiladelphie pendant le mois d'Aoüt, entrainent aveceiles des infecles, que lorfqu'ils s'attachent a la peau des hommes & qu'on ne les en óte pas d'abord, la rongent & caufent de fortes démangeaifons. Et lorfque ces petits animaux viennent a tomber fur des étoffes de laine, il s'y établiffent & s'y multiplient comme les teignes. On ne fent pas alfez 1'obligation qu'on a aux naturaliftes, d'avoir par leurs recherches & leurs obfervations, combattu & déraciné tant de préjugés & d'opinions fuperftitieufes. II faut cependant avouer que le peuple en eft encore fort prévenu; & cela montre que les hom-  Sur les ceuvres de Dieu. 371 paternels. La chaleur & le froid nous font diftribués dans la plus lage proportion, & nous ferions les plus ingrats des hommes li nous ne reconnoiffions & ne célébrions ta bonté enveis nous. VINGT-DEUXIEME AOUT. Diverjiics des plantes. Uns des chofes qui méritent le plus notre admiration dans le regne végétal, c'eft la grande variété que 1'on remarque entre les plantes. Elles font diverfifiées a 1'égard de leurs parties, de leur génération, de leurs propriétés & de leurs vertus. La maniere dont s'operela fruclification dans certaines plantes, eft encore fort obfcure. On ne fait guere, par exemple, comment elle a lieu dans les moulfes, les champignons & les fougeres, II y a des plantes qui oflient des monftruofités fingulieres. On voit des fleurs qui n'ont point de couronne; il y en a du milieu defquelles fortent d'autres fleurs; certaines plantes qu'on appelle fommeillantes, prennent aux approches de la nuit une lituation différente de celle qu'elles avoient pendant le jour; d'autres fe tournent vers le foleil; d'autres encore fe retirent & fe contracfent quand on les touche. II y a des fleurs qui s'ouvrent & fe referment felon le tems qu'il fait, ou a certaines heures marquées. Quelques - unes pouffent, fleuriffent, portent du fruit, &perdent leurs feuilles plutót que d'autres. Les plantes different aulïl relativement aux lieiw; A a a  ?7* CONSIDÉRATIONS oü elles croilTent de préférence. Toutes font originairement fauvages , c'elt-a-dire, qu'elles viennent d'elles - mèmes & fans culture. Le Créateur a alligné aux plantes un climat convenable a leur nature & a leurs fins, & oü elles peuvent Ie mieux parvenir a leur perfection. Mais celles qui lont exotiques peuvent être naturalifées parmi nous & y réuffir trèsbien, pourvu qu'on ait foin de leur procurer un degré de chaleur conforme a leur nature. Ce qui charme lur-tout nos yeux , ce font les formes fi variées des plantes. Que 1'on compare les efpeces les plus parfaites avec celles qui le font moins, ou que J'on compare feulement les diverfes efpeces de la meme claife, on ne pourra qu'admirer 1'étonnante vanété des modeles d'après lefquels la nature travaille dans le regne végétal. Nous paffons avec furprife de la trufFe a la fenfitive, du champignon a 1'ceillet, du brouffin d'érable au lilas, du noftoch au roller, de la mouliè au cerifier, de la morille au chène, du gui a loranger, du lierre au fapin. Si nous confidérons la nombreufe familie des champignons, ou les diverfes efpeces de plantes qu'on appelle imparfaites, nous ne pouvons qu'admirer la fécondité de la nature dans la producfion de ces végétaux, qui par leur forme lont fi différentes des autres, qu'on peut a peine les ranger au nombre des plantes. Si nous nous élevons enfuite de quelques degrés fur 1'échelle des plantes, nous voyons avecplailir la fuite des plantes a tuyau, depuis 1'herbe qui croit entre les pierres, jufqu;a cette plante ineftimable a laquelle nous devons notre principale nourriture. Nous obfervons après cela la diverfité des ylantes rampantes, depuis le tendre liferon jufqu'a la vigne.  Sur les ceuvres de Dieu. 27? Ce qu'on ne fauroit aflez admirer dans les ouvrages de la nature, c'elfc que la plus parfaite harmonie s'y trouve jointe a la plus grande vanété. Toutes les plantes , depuis 1'hylfope qui croit fur les mumilles, jufqu'au cedre du Liban , ont les mèmes parties elfentielles. Une petite herbe eft auifi-bien une plante que la plus belle rofe; & celle-ci ne 1'eft pas moins que le plus fuperbe chène. Toutes appartiennent a la mème monarchie; toutes fuivent les mèmes loix générales d'accroilfement, de propngation & de multiplication. Kt cependant chaque efpece eft diftincfe de Pautre. De tant de milliers de plantes, il n'y en a aucune qui n'ait fon caractere diltindtif, fes propriétés , fa maniere particuliere de fe nourrir, de croitre & de fe perpétuer. Quelles richeffes inépuifables ne découvre-t on pas ici dans les formes, dans les couleurs, dans les proportions! Je me trouve heureux d'ètre en état d'obferver ces variétés, & de fentir les beautés fi diverfes du regne végétal! Que de plaifirs mon efprit nepeut-il pas trouver dans cette étude? Après les avoir une fois goutés, j'y trouve tant d'attraits , que je pourrois fans peine renoncer. aux autres pour me livrer entié'rement a ceuxci. iVIon ame alors ravie de ces douces contemplations, s'élevera vers toi, ö mon Dieu, qui e& le pere de la nature. Ta puiffance qui a produit toutes les plantes j ta fageffe qui les a fi bien arrangées, ta bonté, qui fe manifefte dans leur infinie diverfité, me fourniront de continuels fujets de bénir & de glorifier mon Créateur. Et comment pourrois-je manquer a ce devoir auquel toute la nature m'invite , fans avoir le cceur le plus infenfible & le plus ingrat! Mais fi cela étoit, comment A a ?  374 CONSIDÉRATIONS pourrois-je efpérer ton approbation & ton amour! VINGT-TROISIEME AOUT. Re'flexions fur le regne animal. O N peut confidérer le regne animal comme un état bien ordonné, oü fe trouvent un nombre convenable d'habitans, chacun dans la place qui lui eft aflignée; tous ont les facultés néceffaires pour s'acquitter des occupations qui leur fontimpofées ; ils font excités par des récompenfes & par des peines a remplir leur deftination, & iuffifamment protégés contre leurs divers ennemis. Dans cette république des animaux, les petits & les foibles, qui font le plus grand nombre, font foumis aux forts & aux puilfans; mais tous font aflujettis a l'homme comme au repréfentant de la divinité. Les habitans du regne animal trouvent dans toutes les parties de la terre de quoi s'occuper & de quoi fe nourrir: ils font donc difperfés par-tout, & leur nature, leurs divers tempéramens, leurs organes , font analogues aux différentes demeures qui leur font affignées. Leurs occupations font fort diverfes: toutes fe rapportent, foit a augmenter fuffifamment leur efpece, foit a maintenir un équilibre conftant entre le regne animal & le regne végétal, foit a pourvoir a leur propre fubfiftance, & a fe défendre contre leurs ennemis. Obfervons que toutes les parties de leur corps font afforties a leurs fonclions & a la nature  Sur les ceuvres de Dieu. 37? de leur ame. Le Créateur leur a donné certains inftincts, qui les dédommagent de la raifon dont iis font privés; inftincïs diverfifics en mille manieres, & appropriés a leurs divers befoins: inftin&s pour ie mouvement; inftincts pour la nourriture, pour la difcerner fürement, pour la trouver, pour la faifir & pour la préparen inftincts pour fe conftruire des nids & des habitations convenables, pour s'amaifer des provifions, pour fe métamorphofer; inftincts pour la propagation de 1'efpece; jnllincts pour fe défendre, pour fe mettre en füreté, &c. Dans chaque clalfe d'animaux il y en a quelques-uns quivivent de proie, & des individus qui furabondent dans d'autres claifes. Chaque efpece a fes ennemis propres: de-ia vient qu'il n'y en a aucune qui fe multiplie trop, & 1'équilibre convenable eft ainfi maintenu. Les animaux malades ou qui ont quelque défectuolité, font d'ordinaire les premiers qui fervent de pature a d'autres, les fruits & les cadavres qui fe corrompent font dévorés, la terre n'en eft pas embarralfée, ni l'air infecté, & la nature conferve fon luftre, fa fraieheur & fa pureté. Les animaux de proie ont une ftructure conforme a leur deftination ; ils font doués d'une force particuliere, ou bien d'agilité , d'induftrie & d'adreffe. Mais afin qu'ils ne détruifent pas des efpeces entieres, ils fout renfermés dans certaines limites: iis ne multiplient pas autant que les autres animaux, & fouvent ils fe détruifent mutuellement, au moins leurs petits fervent de nourriture a d'autres. Quelques-unes dorment pendant fhiver, digerentlentement, & fe nourrtlfent des fruits de la terre au défaut d'autre pature. Les aniA a 4  3.7$ CONSIDÊRATIONS maux foibles font pourvus de défenfes proportionnées au lieu de leur derneure & aux dangers auxquels ils font expofés; leurs armes naturelles, leur légéreté, leurs habitations, leurs écailles, leurs rufes les garantilfent de Ia deftrudion, & par ia 1'équilibre ou la balance convenable fe conferve toujours dans le nombre de toutes les efpeces de brutes. Les animaux font en quelque forte contrahits a s'acquitter des fondions qui leur font aflignées , paree que leur bonheur en dépend. Ils trouvent leur bien-être a fuivre les loix que la nature leur a prefcrites, comme, au contraire , ils ne fauroient les tranfgreifer fans s'attirer néceifairement toutes fortes de maux. Les animaux a mammelles font les plus grands, & par-la même ils font les moins nombreux ; mais ils rempliffent des fondions très-importantes. Celles des oifeaux font auffi forts variées, ils mangent le fuperflu des graines, ils dévorent les cadavres, ils diminuent le nombre des infedes de toutes les efpeces. La plupart des amphibies font des animaux de proie. Les plus petits animaux font les plus nombreux , & ils font plus voraces a proportion que les grands. Ils fécondent plufieurs végétaux, & fervent a d'autres fins utiles. Tout ce que nous voyons d'admirable dans le regne animal, démontre 1'exiftenced'un Etre qui poffede tous les tréfors de fagelfe & d'intelligence. Quel autre que lui auroit pu peupler ce vaife globe de tant de créatures vivantes d'efpeces fi diverfes, & les pourvoir de tout ce qui eft néceffaire a leur vie & a leur bienêtre? Quel autre que lui auroit pu nourrir cette multitude infinie d'animaux felon leurs différens goüts, les pourvoir tous des habille-  Sur les ceuvres de Dieu.' 383 les plus éloignés, les corps céleftes, par exemple, peuvent être difceniés a la fimple vue, ou a l'aide des télefcopes. Et fi nous avious des inftrumcns optiques qui étendilfent notre vue auffi loin que la lumiere fe peut répandre, nous verrions, par cela mème, les corps qui feroient placés aux extrëmités de 1'univers. II eft certain que notre entendement eft trop borné, pour approfondir toutes les vues de Dieu relativement a la nature & aux propriétés de la lumiere. Mais il n'eft pas moins vrai que nous pourrions expliquer bien des chofes, fi nous voulionsy apporter 1'attention convenable. Pourquoi, par exemple, la lumiere fe propage-t-elle de tous cótés avec une vitelfe fi prodigieufe, fi ce n'elt afin qu'un nombre innombrable d'objets puiifent être apperqus en même tems par une infinité de perfonnes? Si les rayons fe meuvent avec tant de rapidité, n'eft-ce pas afin que nous puiffions découvrir promptement les objets même les plus éloignés? Si la propagation des rayons étoit plus lente, il en réfulteroit de grands inconvéniens pour la terre. La force & la vivacité de la lumiere feroient extrêmement affoiblies & rallenties. Les rayons feroient beaucoup moins pénétrans, & 1'obfcuriténe fe difliperoit qu'avec peine & fort lentement. Pourquoi les particules de lumiere font-elles d'une fubtilité prefqu'infinie , fi ce n'eft afin qu'elles puiiTent peindre les objets dans les yeux même les plus petits ? Pourquoi ces particules n'ont-elles pas plus de denfité, pourquoi font-elles fi rares, fi ce n'eft afin qu'elles ne nous éblouiffent point par leur éclat, & qu'elles ne nous nuifent point par leur chaleur? Pourquoi les rayons font-ils réfractés en tant de manieres, li ce n'eft afin que nous  384 considérations puiffions mieux diftinguer les objets qui s'offrent a nos yeux? Atnfi le Créateur fe propofe toujours 1'utilité & les plaifirs de fes créatures. Quelle téconnoillance ne te dois- je donc pas, ö pere de la lumiere, pour des arrangemens fi fages & fi bienftifans! Si tu n'avois pas créé la lumiere, comment pourrions - nous jouir de la vie, que de fources de joies tarriroient pour nous, & dans quel cercle étroit ne leroient pas renfermées nos connoiifances & nos occupations 'i VINGT-SIXIEME AOUT. Struiïure des oifeaux. ÜLj E s oifeaux doivent inconteftablement être mis au nombre des plus belles créatures de la terre. La ftructure de leurs corps, jufques dans fes moindres parties, eft fi réguliere & li parfaite quelle fuffit pour nous convaincre de Ia fagelfe du Créateur. lis ont, comme les animaux a mammelle, de véritables os, mais ils font tout autrement revêtus. Leurs corps eft couvert de plumes, affermies dans la peau, couchées les unes furies autres dans un ordre régulier, & garnies d'un duvet mou & chaud. Les grandes plumes font recouvertes par de plus petites en deifus & en delfous. Chaque plume a un tuyau & des barbes. Le tuyau eft creux par en bas, & c'eft par lui que la plume reqoit fa nourriture: vers le haut, il eft rempli d'une efpece de moélle. Les barbes font Une enfilade de petites lames minces & plattes, ferrés  Sur les ceuvres de Dieu. 397 TRENTIEME AOUT. Sur le gouvernement de Dieu. u N Dieu, qui dans fon élévation fuprême feroit un fpectateur indifférent & oifif de toutes les révolutions qui arrivent dans ce monde, ne mériceroit pas nos hommages. Heureufement pour nous, le gouvernement du Dieu que nous adorons, embraiTe toutes fes créatures. Nous trouvons par-tout le centre de fon empire; mais nous n'en voyons nulle part les limites. Toutes fes ceuvres font continuellement préfentes a fes yeux. D'un regard il apperqoit le paffé, lepréfent & 1'avenir, & il en faifit tous les rapports & toutes les combinaifons. Les moindres événemens, les plus petites circonftances, rien ne lui échappe, tout entre dans le plan qu'il a formé pour parvenir aux fins infiniment fages & infiniment faintes qu'il fe propofe. Et ces fins fe réuniffent & fe concentrent a procurer a fes créatures le plus grand degré poffible de bonheur. Oui, Seigneur, tu t'intéreffes a toutes tes ceuvres, tu les vois d'un coup d'ceil, & tu les gouvernes par un feul acte de ta volonté. Tes loix font diclées par la fagelfe , & tes commandemens font une fource de joie & de bonheur. Dieu, par fa Providence, conferve toutes les efpeces de créatures qu'il forma au commencement du monde. Les animaux meurent, & d'autres viennent les remplacer. Les géné-  398 CONSIDÈRATIONS rations des hommes paflent, & d'autres leur fuccedent. Le maitre du monde fe fert des créatures inanimées pour conferver celles qui vivent & pour les rendre heureufes; enfin il les aifujettit toutes a l'homme, qui feul ici-bas eft capable de connoitre fes ceuvres & de 1'adorer. Ce Dieu qui eft la fainteté même, veut aufli que fes créatures raifonnables foient faintes. Par les preuves continuelles qu'il leur donne de 1'amour qu'il a pour le bien & de 1'horreur qu'il a pour le mal, il parle a leur cceur & les excite fans ceffe a marcher dans les voies qu'il leur a prefcntes. 11 dirige leurs acfions a fon but, il fait échouer leurs deffeins lorfqu'ils font contraires a fes vues miféricordieufes, & leur fournit les moyens de s'éloigner des routes de 1'iniquité. Quelles fages mefures ne pritil pas pour conduire les enfans d'Ifraël aux fins falutaires qu'il fe propofoit! En vain les nations idolatres conjurerent plus d'une fois leur perte, ils fubfiftoient toujours fous la protection de leur Dieu. II ne négligeoit rien pour maintenir parmi eux cette religion pure & fainte, qui les diftinguoit des peuples aveugles & fuperftitieux dont ils étoient environnés. Mais notre Dieu habite une lumiere inacceffible. II y a dans fon gouvernement des profondeurs de fagelfe, que nul autre que lui ne fauroit fonder. Notre intelligence eft trop foiblepour voir tout l'enfemble des plans du Seigneur, & pour fe faire une jufte idéé de fes vues avant que 1'événement les ait développées. Notre efprit eft trop borné pour pénétrer dans les confeils de 1'Etre infiniment fage, & pour découvrir d'avance les motifs de fa con-  Sur les ceuyres de Dieu. 399 duite & de fes difpenfations. Souvent 1'impie fiege entre les princes, tandis que le jufte lan; guii dans la pouffiere: le méchant triomphe, 1 & 1'homme de bien eft opprimé. Tout rit au Ipervers, tandis que 1'ami de Dieu n'éprouve 1 que des difgraces & des revers.— Et cepenidant il y a une Providence. — Oui, malgré Itous ces défordres apparens , le Seigneur eft toujours le pere tendre de fes créatures, ieuc Dieu infiniment fage, leur monarque équita;ble & jufte. Toutes fes difpenfations doivent iêtre adorées, quelques impénétrables qu'elles nous paroilfent. Ses confeils font merveilleux, fes plans furpaffent notre intelligence , mais ils font toujours formés & exécutés avec une fouveraine fagelfe. Tout ce qui arrivé dans ce monde, & qui nous étonne fi fouvent, fe rapporte a des fins excellentes. Ce fardeau d'afflictions & de mifere fous lequel tu gémis , aura peut-être la plus heureufe influence fur tes deftinées futures. Ce mal apparent eft peutjétre pour ton ame un femede indifpenfable , f& de ce chatiment falutaire dépend peut-être la perfecfion de ta foi, la pureté de ton cceur, &ton éternelle félicité. O toi, qui es mécontent de ton fort, confideres toutes ces chofes, & tucelferas de murmurer. Pourquoi, 6 homme, tntreprends-tu d''approfondir les de'crets d'après lefquels Dieu gouverne le monde? Ton entendement eji bornc, £s? Ut pre'tends ne'anmoins de'couvrir les vues que CEtre infini fe propofe.' Tu ne. oeux faifir l'enchainement des chofes qui fe paffent Tous tes yeux, tu ignores ce qui a précéde' 'e£ ce hui doit fuivre, cependant tu as la prefompiion de vouloir prononcer fur les caufes & fur les Mets! La Providence eji jufte dans tous Jes plans-  4oo CONSIDéRATIONS Ê? dans toutes fes difpenfations: il eft vrai que tu ne vois pas toujours les motifs de fa conduite, mais pour pouvoir les de'terminer, Ü faudroit que tu fuffes ce que Dieu eji. TRENTE-UNIEME AOUT. Hymne pour le tems de la moijfon. No s champs couronnés de fleurs & d'épis, font un cantique a 1'Eternel; la joie qui brille dans les yeux du moiflbnneur eft une hymne au Dieu de la nature. C'eft lui qui fait fortir le pain de la terre & qui nous comble de benédi&ions. Amis, raffemblons-nous, plalmodions au Seigneur, que fa louange foit a jamais le fujet de nos chants. Ecoutons la voix qu'il nous adrefle du fein de nos guérèts fertiles. " L'annéete couronnera de fes biens. O „ monde, ton bonheur eft mon ouvrage. J'ai J5 appelle le printems, & les moiflbns & lesré„ coltes font 1'ceuvre de ma puirfance. Les „ champs qui te nourriflent & les cöteaux couSJ verts de bleds, font a moi. Oui, mon Dieu, nous voyons ta grandeur & nous fentons le prix de tes graces. C'eft par toi que nous exiftons, la vie & la nourriture font des préfens de ta main. Soyez bénis, ó champs qui nourriffez les humains, fleuriflez belle prairie, forèts couvrez-vous d'un épais ombrage; ó nature, fois toujours bienfaifante envers nous. Alors depuis la naiiTance du jour jufqu'a la fin, le Seigneur fera i'objet de nos louanges  Sur les ceuvres de Dieu. 401 fouanges; exempts d'inquiétudes, nous nous réjouirons de fes bienfaits, & nos enfans répéteronfr après nous: Le Dieu du ciei eft notre pere; le Seigneur, le Seigneur eft Dieu. TRENTE-UNIEME AOUT. * A&ion de graces pour les foins que Dieu a de fes créatures. Seigneur, tu es digne de recevoir gloire, honneur &louange. Seigneur, mon Dieu, mon libérateur, mon rocher & ma haute retraite! Mon ame te bénit, & je raconterai tes merveilles. Je me réjouis, je m'égaie en toi, & je célebre le nom du très-haut. Je te rends graces pour cette ame immortelle dont tu m'as faig donf, que tu as rachetée par le fang de ton rils, & fandifiée par ta grace. Je te rends graces pour ce corps que tu m'as donné, & dont tu as conferve julques ici la fanté & les forces; pour ces membres li bien difpofés; pour ces fens qui ne font encore ni émoulfésni arfoiblis. Source éternelle de la vie & du bonheur, c'eft par toi que j'exifte, & je t'en bénis. Je te rends graces pour cette bonté paternelle avec laquelle tu pourvois tous les jours a ma fubfiftance; pour les biens & les bénédicf ions fans nombre que tu me difpenfes , & qui rendent ma vie agréable. Je te rends graces pour les tendres liaifons que j'ai formées, Tomc II, C c