CONSIDÉRATIONS SUR LES (EUVRES DE DIEU. TOM E TRO ISIEME.   CONSIDÉRATIONS SUR LES (EUVRES DE^DIEU, Dans le regne de la nature et de la pro vidence. POUR TOUS LES JOURS DE L'ANNÉE. Ouvrage traduit de l'allemand D E M8. C. C. S T U R M. TOME TR0IS1EME, Qjii comprend les quatre derniers mois de l'Ann ée. t A LA H A Y E} Chcz Pierre-Fréderic Gosss, Libraire de S. A. S. ■s'1 ■ —rrr- „» M. DCC. LXXXVI»  KOWINKtIJKE muowm.  CONSIDÉRATIONS SUR LES (EUVRES DE DIEU, Dans le regne de la nature et de la providence. PREMIER SEPTEMBRE. Cantique d la louangt du très-haut. C H A N T E z avec un faint ravifTement, chantez un nouveau cantique a notre Dieu! Le Seigneur eft grand! je veux le célébrer a jamais eet Etre tont bon, tout fage, & au regard duquel rien n'échappe. C'eft lui qui a étendu, comme un pavillon au-deflus de nos tëtes, le ciel étoilé; c'eft-la qu'environné de la clarté des foleils, il a établi fon tróne ; c'eft-la qu'il habite dans une lumiere inacceffible aux mortels. O Dieu, je me perdsdans cettefplendeur; mais toi, Etre tout bon, je te retrouve fans ceffe, tu es auffi préfent au milieu de nous. Ravi de la fagefle de tes voies & pénétré d'admiration, je loue & j'exalte ton faint nom. A ?  Sur les cfuvres de Dieu. ij* aux aguêts; immobile & caché au bas de la folfe qu'il a creufée, il y attend la proie qu'il ne fauroit pourfuivre. Si quelque fourmi vient fur le bord du précipice, elle roule prefque toujours jufqu'au fonds , paree que le bord va en pence & s'éboule aifément; ainfi entrainé par la mobilité du fable qui s'écroule fous fes pieds , Pinfede tombe au pouvoir du chaifeur, qui, au moven de fes cornes, Pattire fous le fable, le fuce & en fait fon repas. Quand il ne refte plus que le cadavre fans fuc & fans humeur, il le jette hors de la foife; & fi celle-ci eft dérangée il la répare , puis fe remet de nouveau en embufcade. 11 ne réuffit pas toujours a faifir fa proie au moment oü elle vient a tomben fouvent elle lui échappe & s'efforce de remonter jufqu'au haut de Pentonnoir; mais alors le fourmi- lion travaille de la tête, & fait partir fur fa capture une pluie de fable qu'il lance plus haut que la fourmi, & qui la précipite de nouveau dans la foffe. Toutes les adions de ce petit animal renferment un art fi admirable, qu'on ne peut fe laffer de 1'examiner fouvent. Le fourmi-lion s'occupe a préparer des foifes, mème avant d'avoir vu 1'animal deftiné a lui fervir de nourriture; & cependant fes adions font réglées de maniere qu'elles deviennent les moyens les plus propres a fournir a fa fubfiftance. Comment un animal auffi peu agile que celui-ei, auroit-il pu attraper plus facilement fa proie qu'en creufant dans un fable mobile, en donnant de la pente a cette folfe, & en couvrant d'une pluie de fable les infedtes qui viennent a y gliffer? Toutes fes adions ont des principes fixes, fur lefquels il fe dirige. Sa foffe devoic être creufée dans le fable, fans quoi  16 CONSIDÉRATIONS elle ne feroit plus propre a attirer fa proie; il devoic, felon la ftrudure de fon corps, labourer a reculons, & fe fervir de fes cornes comme de deux pincettes pour jetter le fable fur les bords de 1'entonnoir. L'inftind qui dirige cet infede, nous découvre une première caufe , dont 1'intelligence a connu & ordonné tout ce qui étoit nécelfaire a la confervation & au bien-être de cet animal. L'habileté qu'il manifefte, n'eft pas chez lui le fruit de 1'expérience & de 1'exercice, elle eft née avec lui. II faut donc en chercher 1'origine dans la fagene, la puiflance & la bonté du grand Etre qui a proportionné l'inftind des animaux a la diverfe mefure de leurs befoins. Ces réflexions font un nouvel encouragement a te glorifier, ó toi, qui es le Créateur de l'homme, & qui 1'es auffi du fourmi-lion. Source de la vie, tu aimes a la répandre, & tu as formé cet infede de maniere que 1'exiftence eft pour lui un bien; tu lui as donne" tous les moyens qui lui étoient néceifaires pour jouir de la vie, & par 1'inftind que tu as gravé dans cet animal d'ailleurs fi borné, il s'éleve a une habileté qui approche de la raifon & même la furpalfe en quelque forte. Et dans tout ceci quel a été ton but, finon de me fournir, mème par les plus chétives créatures, une occafion d'apprendre a te connoitre. C'eft auffi a cet ufage que je veux rapporter cette partie de 1'hiftoire naturelle , & chaque infede, quelque méprifable qu'il paroilfe, élevera mes penfées vers toi, qui as créé le plus petit vermiifeau auffi-bien que 1'éléphant, & qui étends tes foins lur 1'un comme fur 1'autre. CINQUIEME  Sur les ceuvres de Dieu. 17 CINQ.UIEME SEPTEMBRE. Conformités entre lesp^antes & les animaux. I L eft plus difficile qu'on ne penfe de déterminer la difiërence qu'on trouve entre les plantes & les animaux. C'eft par des degrés imperceptibles que la nature defcend de ceux-cv a celles-la; & pour diftinguer exactement tous ces degrés, il faudroit la pénétration d'un archange. Mais ce que nous pouvons remarquer, c'eft qu'avec toutes les diiferences qu'on appercoit entre ces deux efpeces de corps organifës, il s'y trouve néanmoins beaucoup de reilèmblances. La graine eft a la plante ce que 1'ceuf eft k 1'animal. De la première fort une tige auparavant cachée fous les peaux de la graine, & cette tige fait eifort pour s'élever hors de la terre; de mème 1'animal une fois développé dans 1'ceuf, perce la coque pour refpirer en plein air. — Va>il ou le bouton de 1'arbre, eft dans le regne végétal ce que Pembryon eft chez 1'animal: cet ceil ne perce au travers de 1'écorce que lorfqu'ü eft parvenu a une certaine grollëur, & il y refte attaché afin d'en recevoir fa nourriture auffi-bien que des fibres de la plante. L'embryon, au bout d'un tems déterminé, fort de la matrice & vient au jour, & alors encore il ne pourroit vivre long-tems s'il n'étoit nourri par fa mere. La plante fe vourrit des fucs alimentaires qui lui font amenés de dehors, & qui , paffant par divers canaux, viennent enfuite fe changer en fa pro- Tome III. B  so considérations li ciel: Cre'ature dont une moitié pe'rit, comme périt la brute, & dont Vautre moitié vit. d'une vie immortelle : dejiinéc a la faintetc g? a la perfection , d être libre gf cepcndant foumife d Dieu, d le iouer d jamais, d vivre d jamais heureufc. SIXIEME SEPTEMBRE. Nature & propriétés du fon. CjHaq.ue fon eft produit au moyen de 1'air; mais il faut pour cela que celui-ci foit cn mouvement. Ce n'eft pas que chaque agitation de 1'air occafionne un fon, car en ce cas il faudroit que tout vent fut toujours accompagné d'un fon. Pour que le fon fe forme, il faut que 1'air foit fubitement comprimé & qu'il fe dilate & s'étende enfuite de nouveau par fa force élaftique. Par-lail fe fait une forte de tremblement & d'ondulation, a-peu-près comme d fe forme dans 1'eau des ondes & des cercles concentriques lorfque 1'on y jette une pierre. Mais fi ce mouvement ondulatoire n'avoit lieu que dans les particules d'air qui font comprimées , le fon ne parviendroit point jufqu'a nos oreilles. II faut donc que le corps fonore ayant fait fon impreflion fur 1'air contigu , cette imprellion foit continuée de particule en particule, & cela circulairement de toutes parts. Au moyen de cette propagation, les particules d'air arrivent dans notre oreille, & nous avons alors la perception du fon. Cette propagation fe fait avec une vïtelTe prodigieufe. Le fon parcourt mille pieds dans une feconde, & par conféquent une lieue d'Alle-  Sur les H A Q_u e arbre, quelque toufFu qu'il puiffe être, reqoic néanmoins fa principale nourriture de fes parties inférieures, & on a lieu de croire qu'il s'y fait une circulation de fucs aflez analogue a la circulation du fang dans les animaux. Les pointes extérieures des racines fontun amas prodigieux de fibres fpongieufes & de bulles d'air, mais qui font toujours ouvertes afin de pouvoir fe remplir du fuc que leur fournit la terre. Ce fuc n'eft d'abord que de 1'eau chargée d'une matiere terreufe, puis au moyen d'une forte de matiere laiteufe qui eft propre a chaque arbre & qui le diftingue, ce fuc acquiert une qualité nutritive avant que de monter aux parties de 1'arbre , qui s'élevent au-deifus de la fuperficie de la terre. On trouve a 1'aide du microfcope, que le bois n'eft autre chofe, malgré fa dureté, que 1'aiTemblage d'une multitude infinie de petites fibres creufes. La plupart, fur-tout dans les arbrilfeaux, montent perpendiculairement; mais pour donner a ces fibres plus de confiftance, il y a dans certains arbres, particuliérement dans ceux qui font deftinés S être plus forts ou plus durs, des tuyau qui vont horizontalement de la circonférence aucentre. Attiré paria chaleur du foleil, le fuc s'éleve par degrés dans les branches & dans leurs parties extérieures, de même que le fang parti du coeur eft porté par les arteres jufqu'aux extrêmités du corps de 1'animal. Quand le fuc s'eft répandu fuffifamment  12 CONSIDÉRATIONS par-tout oü il étoit néceflaire, ce qui en refte monte par de grands vaifleaux pofés entre l'écorce intérieure & extérieure , de mème que le fang retourne en arriere par les veines. 11 en réfulte un accroiflêment qui fe renouvelle chaque année, & c'eft-la ce qui forme 1'épailfeur de Parbre. Pour s'en convaincre, il fuffit de couper tranfverfalement une branche, & 1'on peut connoitre alors quel eft Page de 1'arbre. Pendant que la tige croit de plus en plus en hauteur, la racine ne ceife de croitre en bas en mème proportion. Quant a 1'écorce extérieure, elle paroit deftinée a fervir en quelque forte de vêtement a 1'arbre, a unir fortement entr'elles les parties qui le compofent, & a garantir les parties délicatcs, mais elTentielles, des accidens extérieurs & de Pintempérie de Pair. C'eft ainli que le fage Créateur a forme un fyftème admirable de matieres folides & fluïdes , afin de procurer la vie & Paccroiffement a ces arbres qui parent nos campagnes , qui ombragent nos troupeaux, nos bergers & nos hameaux ; & qui une fois abattus fervent a tant d'ufages utiles a Phomme. Ici Pon découvre une fagelTe qui ne fe trompe jamais, qui prefent a la nature des loix immuables a certains égards, & qui a giffen t fans interruption fous 1'ceil de Ja Providence. Une fagefle li profonde , un art fi merveilleux, tant de préparatifs & de combinaifons pour chaque arbre, doivent nous exciter avénérer, a admirer de plus en plus la mam créatrice. La contemplation de CDtte fagefïe eft une étude ravilfante, & nous anime a glorifier ce Dieu fi grand dans fes confeils & dans fes plans, fi merveilleux dans leur exé.cution; & plus nous découvrons de  Sur les ceuvres de Dieu. 13 traces de cette fage Providence, plus nous devons être portés a remettre tous nos intéréts entre les mains de celui qui ne fauroit manquer de moyens pour faire tourner toutes cholesau bien de fes créatures, plus enfin nous devons être encouragés aélever nos regards vers lui, pour le fupplier d'enrichir notre ame du don de la fageife, & de la faire croitre dans le bien. PuiiTe-je a 1'égard de mes progrès, reiTembler un arbre, puiife-je croitre fans celfe & m'élever a de grandes vertus, porter au dehors des fruits convenables a la place qui m'eft ailignée, aflbrtis aux facultés dont Dieu m'a doué. Puilfe-je en mème tems croitre intcrieurement, afin de fortifier mon ame dans le bien, de 1'affermir contre les orages de la vie, & d'y entretenir une falutaire humilité ! Mais puiife-je ne jamais trouver mon emblème dans ce vieux arbre , qui a proportion de fon age s'attache toujours plus a la terre. Plus j'approche du tombeau, plus je dois éviter de m'enraciner dans le monde. Q.UATRIEME SEPTEMBRE, Le fourmi-lion. Au cun infede n'eft plus renommé pour fon adrefl'e que le formica-teo, quoique fa figure n'annonce rien de remarquable. II relfemble aflez au cloporte; fon corps pourvu de fix pieds & compofé de plufieurs anneaux membraneux, fe termine en pointe. Sa tête plate & quatrée, eft armee de deux cornes mobiles  14 CONSIDÉRATIONS & crochues, dont la finguliere ftrudure montre combien la nature eit admirable mème dans les plus petits ouvrages. Cet infede eft Ie plus rufé & le plus dangereux ennemi de la fourmi; les dilpofitions qu i| tait pour attrapperfa proie, font des plus ingemeules. II mine une portion de terrain en rorme d'entonnoir, afin d'y attendre & d'attirer au fonds les fourmis que le hafard peut amener au bord de ce précipice. Pour le creuier, ü tracé d'abord dans le fable un fillon circulaire, dont la circonférence fait précifément l ouverture de 1'entonnoir; ouverture dont Ie diametre fe trouve toujours égal a la protondeur qu'il veut donner a fa fofle. Quand H a determine 1'efpace de cette ouverture & tracé le premier fillon, il en creufe auffi-tót un lecondconcentriqueal'autre, afin de ietter dehors tout le fable renfermé dans le premier cercle. II tait toutes ces opérations avec fa tete qui lui fert de pelle, & la forme plate & quarree de cette tète la rend propre a cet of- •J 1 Prend auffi du fable avec un de fes pieds de devant, pour le jetter au - dela du premier fillon , & cetouvrage fe répete jufqu'a ce que 1 infede foit parvenu dans le fable a une certaine profondeur. Quelquefois il reneontre enbêchant, des grains de fable un peu gros ou de petits morceaux de terre feche qu d ne peut pas fouffnr dans fon entonnoir; il s en debarraffe par un mouvement de tête prompt & bien mefuré. Trouve.til des corps plus gros encore, il tache de les pouifer dehors avec Ion dos, & il eft fi affidu dans ce travail qu il le repete jufqu'a fix ou fept fois. tnnn le iourmi-lion va recueillir Ie fruit de ies pemes. Ses filets une fois dredes, il eft  ï8 CONSIDÉRATIONS pre fubftance. La nutritten de Panimal a lieu de la mème maniere. II reqoit auffi fa nourriture de dehors, & après avoir palfé par différens vailfeaux, elle fe transforme en fa propre fubftance. La fccondation du germe s'opere dans le végétal lorfque la pouffiere des étaminespénetre dans les piftils; de mème la fécondation a lieu dans le regne animal, lorfque la liqueur pénetre dans l'ovaire ou dans la macrice. — La multiplication des plantes fe fait non-feulement par les graines & par la greft'e, mais encore par bouture. De mème auffi les animaux fe multiplient non-feulement en pondant des ceufs, ou en mettant au monde des petits vivans, mais encore par bouture, comme on le voit dans les polypes. — Les maladies des plantes ont des caufes foit externes, foit internes; & il en eft de mème des maladies des animaux. Enfin la mort eft le fort commun des uns & desautres, quand la vieilleiïë ayantdurci & obftrué les vailfeaux, la circulation des fucs fe trouve arrëtée. — Les plantes & les animaux habitent les mèmes lieux. La furface & 1'intérieur de la terre, 1'air, la mer & les fleuves font remplis d'animaux & de plantes. — Les uns & les autres font extrêmement nombreux , quoique les plantes foient moins multipliées que les animaux. — La me/ure du plus grand arbre fe rapproche aifez de la mefure du plus grand animal. Ainfi 1'on feroit prefque tenté de croire que les animaux & les plantes font des ëtres de la mème claife, puifque la nature paroit paifer des uns aux autres par des degrés imperceptibles. Ce qui eft fur au moins, c'eft qu'on a bien découvert jufqu'ici des reifemblances générales & eiTentielles entre ces deux regnes,  Sur les ceuvres de Dieu. 19 mais qu'on n'y a point encore démêlé de différences vraiment effentielles. Et quand on viendroit a en découvrir quelqu'une qui n'eüt pas encore été remarquée , toujours il refte certain que la nature diverfifie fes ouvrages par des nuances fi fines, que 1'intelligence humaine adela peine a les difcerner. Et qui fait quelles découvertes font encore réfervées a nos neveux ? Peut-être a 1'avenir connoitra-t-on des plantes dont les propriétés fe rapprocheront plus encore de celles des corps animaux; peutêtre on découvrira tels animaux, qui plus encore que les polypes, fe rapprocheront de la claffe des végétaux. Faifons de ces connoilfances, mon cher lecteur, 1'ufage auquel toutes les vérités de la nature & de la révélation font deftinées, & employons-les a glorifier Dieu & a nous aftermir dans la vertu. Que la grande relfemblance qui fe trouve entre les animaux & les plantes, nous rende fenfibles la puiifance & la fagelfe de cet Etre, qui fur toutes les créatures a imprimé, en quelque forte, un cararitere d'infinité. Mais, ö homme, apprends aufli a devenir humble. Toi-mème tu participes a la nature de la plante & a celle de 1'animal, & ce n'eft qu'a Jéfus que tu as 1'obligation d'être placé entre la brute & 1'ange. Tache par la piété de te rapprocher de plus en plus des efprits céleftes. Et puifqu'il t'eft donné d'avoit une forte de relfemblance avec 1'Etre des êtres, cherche fans ceife a parvenir a cette fublime félicité. Songe a ce que tu es, fonge a ce que tu dois être un jour. QiSelle eft merveilleufe cette crèature qui, femblable a la brute, tire Ja nourriture du fein de la terre, & femblable a l'angc, élcve fa penfée vers B a  22. CONSIDERATIONS comment il fe fait que lorfque 1'on prononce une parole, cela nous faife naitre 1'idée d'un mot & non pas d'un fimple fon; ou comment un ton peut agir fur notre ame & y produire tant de notions différentes , nous fommes obliges de reconnoitre fur tout cela notre ignorance. II me fuffit d'ètre convaincu en ceci comme en toute autre chofe , de la fagelfe & de la bonté de mon Créateur. S'il n'y avoit point de fon , tous les hommes feroient muets, & nous ferions auffi ignoransque les enfans qui n'ont pas encore 1'ufage de la parole. Mais au moyen du fon, chaque créature peut faire connoitre fes befoins, ou exprimer fon bien-être. Au refte, 1'homme a de grands avantages fur les autres animaux. II peut auffi exprimer les fentimens de fon cceur, & exciter mème toutes les paffions par certains tons de fa voix. Dieu ne nous a pas feulement doués de la faculté de diftinguer les fons par 1'organe de l'ouie, mais il nous a encore fourni divers moyens de conferver cette précieufe faculté. Lorfque une oreille vient a ëtre endommagée, 1'autre peut encore faire fon fervice. Et un homme dont l'ouie eft foible, peut s'aider d'un cornet acouftique. Lors même qu'il arrivé que le conduitauditif externe foit blelfé, 1'interne, dont 1'ouverture aboutit dans la bouche, peut ne pas 1'être. II y a plus: le Créateur a même daignè* pourvoir a cet égard a nos plaifirs. Une multitude d'inftrumens de mufique peuvent nous récréer & nous charmer, & nousavons la faculté d'en diftinguer les divers tons. Nos nerfs auditifs nous tranfmettent avec la plus grande fidélité les tons d'une infinité de corps fono-  Sur les ceuvres de Dieu. 2? res. — De quels fentimens de reconnoilTance 11e fuis-je pas pénétré , 6 mon bienfaifant Créateur, lorfque je confidere cette grace que tu me fais. Ne permets pas que j'en perde jamais le fouvenir. Mes cantiques d'actions degraces s'étendront auffi loin que le fon, 1'univers retentira de tes louanges, le ciel & la terre entendront les grandes chofes que tu as faites pour moi. SEPTIEME SEPTEMBRE. Myjleres de la nature. Dès que les hommes veulent approfondfr les chofes, & pénétrer les caufes des effets dont ils font les témoins, ils font obligés de reconnoitre combien leur entendement eft foible & borné. La connoilTance que nous avons de la nature, & dont nous fommes quelquefois fi fiers, ne s'étend guere plus loin qu'a connoitre quelques-uns des effets des chofes . que nous avons le plus fous les yeux , & qu'a les appliquer a notre ufage autant qu'il nous eft poffible. Mais de favoir quelles font les caufes de ces effets & comment ils s'operent, c'eft prefque toujours pour nous un myftere impénétrable. II y a même mille effets dans la nature qui reftent cachés a nos yeux; & dans ceux que nous fommes en état d'expliquer, il s'y mêle prefque toujours une certaine obfcurité qui nous fait fouvenir que nous fommes des hommes. II y abien des phénomenes dont nous ignorons les caufes prochaines, celles de plufieurs autres font encore douteufes, & il B 4  24 CONSIDÉRATIONS y en a tres - peu que nous connoiflions avec certitude. Nous entendons le vent fonffler, nous éprouvons fes grands & difTérens effets; mais nous ne favons pas au jutte ce qui le produit, ce qui augmente fa violence, & ce qui 1'appaife. D'une petite graine nous voyons fortir de 1'herbe, des tuyaux, des épis, & nous ignorons comment cela fe fait. Nous comprenons encore moins comment d'un petit tuyau il peut venir une plante, & puis un grand arbre, a 1'ombre duquel les oifeaux font leurs nids, qui fe couvre de feuilles & de fleurs pour nous récréer, qui donne des fruits pour nous nourrir, & du bois pour nos befoins & nos commodités. — Tous les alimens dont nous faifons ufage & qui font de nature fi différente, fe transforment au dedans de nous par un méchanifme incompréhenfible, & s'aüïmilent a notre chair & a notre fang. — Nous voyons les effets merveilleux de 1'aimant, & nous croyons qu'il faut qu'il y ait une certaine matiere qui les opere; mais fi elle agit par une force attractive qui lui eft propre, ou fi elle circule fans celfe autour de 1'aimant, & fi elle forme une efpece de tourbillon, c'eft ce que nous ne faurions déterminer. — Nous fentons le froid, mais aucun naturalilte n'a pu encore découvrir ce qui le produit. — Nous fommes plus inftruits fur le tonnerre que ne 1'étoient nos ancètres : mais quelle eft la nature de cette matiere élecftrique qui fe manifefte d'une maniere fi terrible dans les orages? — Nous favons que 1'ceil reconnoit les images qui fe peignent fur la rétine, & que 1'oreille a la perception des vibrations de 1'air : mais qu'eft-ce qu'avoir des perceptions, &  Sur les ceuvres de Dietj. 2f comment cela fe fait-il?— Nous avons la confcience de 1'exiitence d'une ame dans notre corps: mais qui peut expiiquer l'union de 1'ame & du corps & leurs influences réciproques ? — Les effets du feu & de 1'air font continuellement fous nos yeux : mais quelle eft propremcnt leur nature, quelles font leurs parties intégrantes , & comment s'operent tous leurs differens effets ? En un mot, fur la plupart des objets nous n'avons point de principes fürs & inconteftables: nous en fommes réduits a des coniecfures & des probabilités. Mais que font les hypothefes des philolophes, que des aveux tacites des bornes de leurs lumieres? La nature nous offre a chaque pas des merveilles qui nous confondent; & quelques recherches, quelques découvertes que nous ayons faites, il refte toujours mille chofes que nous ne faurions comprendre. On parvient, il eft vrai, quelquefois a donner des explications heureufes de certains phénomenes; mais les principes, les premiers relforts, leur nature & leur maniere d'opérer font certainement élevés au-deifus de la fphere de notre intelligence. Les myfteres de la nature nous donnent tous les jours des leqons de fagefle au fujet des myfteres de la religion. Dans la nature, Dieu a mis a notre portée les moyens de palier heureufement notre vie temporelle, quoiqu'il ait voilé les caufes a nos yeux. C'eft ainfi que dans le regne de la grace, il nous fournit les moyens de parvenir a la vie fpirituelle & éternelle, quoique la maniere dont ils operent nous refte cachée. Y a-t-il perfonne qui refufat de manger & de boire jufqu'a ce qu'il fut comment il fe fait que les aljmens lui confsrvent  26 CONSIDERATIONS la vie & les forces; qui ne voulut hi femernï planter, tant qu'tl n'auroit pas une idee jufte de la maniere dont la végétation s'opere; qui ne voulut fe fervir de la laine de fes brebis que lorfqu'il fauroit comment elle eft produitei' L'homme ne poulfe pas 1'extravagance a ce point. II obferve, au contraire, les produ&ions de la nature, 1'expérience lui montre leur utilité & 1'ufage qu'il en doit faire, & il s'en fert avec reconnoiflance pour fon Créateur. Mais pourquoi donc les hommes ne fe conduifent-ils pas avec la même fageife relativement aux myfteres de la grace ? On difpute fur la nature des moyens de falut, fur leur efficace, fur leur maniere d'opérer, & on négligé d'en faire le falutaire ufage auquel ils font deftinés. Oh, que ne fommes-nous auffi fagesdans les chofes fpirituelles, que nous le fommes dans les temporelles! Au lieu de nous livrer a de vaines & d'inutiles fpéculations, prévalons-nous des moyens de grace que Dieu nous fournit, & fervons- nous -en avec fidélité. C'eft pour cela qu'ils nous font accordés, & non afin que nous recherchions curieufement leur nature & leur maniere d'opérer. S'il fe trouve des chofes que nous ne puiiiïons pas comprendre ou approfondir, recevonsdes avec humilité & en reconnoiflant la foibleffe de notre entendement. II fuffit que 1'utilité qui nous en revient par le bon ufage que nous en faifons, nous convainque qu'elles font 1'ouvrage d'un Etre infiniment fage & bienfaifant. A Dieu ne plaife que je fois alfez préfomptueux pour me flatter d'approfondir les myfteres du regne de la nature & de celui de la grace, ou même aifez téméraire pour ofer les critiquer & les blamer ! Je reconnoitrai plu-  Sur les ceuvres de Dieu. 39 changemens dans notre corps. La lune peut caufer dans 1'athmofphere fupérieure des mouvemens & des altérations fi confidérables, qu'il en réfulte des tremblemens de terre, des vents, de la chaleur, du froid, des exhalaifons, des brouillards, &c. & en ce cas-la le bien-être de notre corps dépendra en grande partie de 1'influence de la lune. On remarque en effet que des gens qui ont certaines infirmités, éprouvent des redoublemens & des douleurs plus vives dans le tems de la nouvelle & de la pleine lune. Et cela n'eft pas étonnant, car s'il eft vrai qu'un air froid, humide, nébuleux & orageux, influe tout autrement fur notre fanté, qu'un air chaud, fee, pur & ferein, il faut bien que la lune ait de 1'influence fur 1'économie animale, puifqu'elle produit tant de variations dans la température de 1'air. L'a&ion de cette planete fur le corps humain, eft fondée fur un principe qui ne fauroit êtrecontefté, c'eft que notre fanté dépend en grande partie du tems qu'il fait & de la conttitution de l'air que nous refpironsj or perfonne ne niera que la lune ne puilfe occafionner bien des arrangemens dans 1'athmofphere. Peut-être mème qu'il y a dans le corps humain un flux & un reflux, qui eft produit par la lune comme celui de l'air & de la nier. Pourquoi la plupart des maladies qui ont quelque chofe de périodique, reviendroientelles au bout de quatre femaines, plutót que dans des périodes plus longs ou plus courts, fi elles n'avoient quelque relation avec les influences de la lune fur le corps humain? En général, c'eft un principe que nous devons admettre a la gloire de notre fage Créateur; qu'entre toutes les chofes naturelles, 41 C 4  '4o CONSIDÉRATIONS eft certains rapports qui influent de diverfes manieres fur 1'économie animale. II y a fans doute dans 1'athmofphere bien des merveilles qui nous font encore inconnues , & qui occafio nnent diverfes révolutions confidérables dans la nature. Qui fait li plufieurs phénomenes du monde corporel, auxquels nous ne penfons point ou^ que nous attnbuons a d'autres caufes, ne dépendent pas de la lune? Peutêtre que la lumiere dont elle nous favorife pendant la nuit, n'eft qu'une des moindres fins que le Créateur s'eft propofées en formant cette planete? Peut-être que fi elle eft fi voifine de notre terre, c'eft pour y produire certains effets que les autres corps céleftes ne pourroient occafionner vu leur grand éloignement. Au moins eft-il certain que tout dans 1'univers a des rapports plus ou moins éloignés avec notre globe. Et c'eft la précifément ce qui rend le monde un chef- d'ceuvre de la fagelfe divine. La beauté de 1'univers confifte dans la diverfité & dans l'harmonie des parties qui le compofent, dans le nombre, dans la nature, dans la variété de leurs effets, & dans la fomme de bonheur qui réfulte de toutes ces combinaifons. Comment fe pourroit-il donc, chrétien, que 1'influence de la lune & des autres aftres, fit naitre dans votre efprit des idéés & des craintes fuperftitieufes! Si vous croyez que c'eft Dieu qui a tout arrangé, & qui a établi les rapports qui fe trouvent entre tous les globes , comment pourriez-vous nourrir de vaines terreurs, qui font fi contraires a 1'idée que vous devez vous faire de la fagelfe divine ? Et fi vous êtes véritablementperfuadé que ce grand Etre gouverne toutes chofes avec une fagelfe & une  Sur les ceuvres de Dieu. 41 bonté infinies, n'eft-ü pas naturel que vous vous confiiez en lui, & que vous vous repofiez avec tranquillité & avec joie fur fa bonneProvidence 'i DOUZIEME SE-PTEMBRE. Des feux follets. I-iEs feux follets font de petitesflammeslégeres , qui voltigent dans l'air a quelques pieds de terre, & qui paroiifent aller qa & la a 1'aventure. Ces feux femblent quelquefois difparoitre & s'éteindre tout d'un coup, apparemment lorfque des broulfailles ou des arbres dérobent leur lumiere; mais ils fe rallument d'abord en d'autres endroits. lis font atfez rares dans les pays froids, & 1'on alfurequ'en hiver ils fe montrent principalement en des lieux marécageux. EnEfpagne, en Italië, & dans d'autres pays chauds, ils font communs en toute faifon , & ni la pluie ni le vent ne les éteignent. On en voit très-fréquemment dans les endroits oü il y a des plantes & des matieres animales putréfiées, comme dans les cimetieres, les voiries, les lieux gras & marécageux. On a fait encore trop peu d'expériences fur ces efpeces de feux aëriens, pour déterminer avec précifion leur nature. Mais les endroits oü on les voit d'ordinaire, peuvent donner lieu a des conjectures vraifemblables. Car comme ils fe montrent prefque toujours dans des contrées marécageufes, il eft naturel de penfer que ce font des exhalaifons fulfureufes qui s'enflamment. On fait que des cadavres & des plantes  4i CONSIDÉRATIONS pourries jettent quelquefois de la lueur. Peutêtre que des exhalaifons condenfées par le froid de la nuit, deviennent des feux follets. Peutêtre auffi font-ce les effets d'une électricité" foible, produite par le mouvement intérieur des exhalaifons qui s'élevent en l'air. Les chevaux, les chiens , les chats , & quelquefois mème des hommes peuvent devenir fi électriques, qu'ils jettent des étincelles, lorfqu'on les frotte ou qu'on les met en mouvement de quelqu'autre maniere. La mème chofe ne pourroit-elle pas arriver a quelques contrées de la terre? II fe peut que dans certaines circonftances un champ foit électrifé en quelques endroits, & pour lors il n'eft pas étonnant qu'il parodie Jumineux. L'air mème peut produire des feux follets, lorfqu'il eft électrifé d'une certaine fagon. Si la maniere dont ces pbénomenes aëriens font produits, eft encore incertaine, il eft au moins indubitable qu'ils ont des caufes naturelles , & qu'ainfi on n'eft pas obligé d'avoir recours a des caufes fuperftitieufes. La fuperftition regarde ces dammes avec tant de frayeur, qu'il y a peu de fpectateurs qui aient le courage d'en approcher. Le peuple croit que ce font les ames des trépalfés, ou mème des efprits malins qui errent qa & la, & qui fe plaifent a égarer les voyageurs pendant la nuit. Ce qui peut avoir donné lieu a cette opinion fuperftitieufe, c'eft qu'on a remarqué que les feux follets fuivent tous les mouvemens de l'air, & qu'ainfi ils fuient ceux qui les pourfuivent, & fuivent au contraire ceux qui cherchent a les éviteren courant devant eux, & qu'ils s'attachent auffi aux voitures qui roulent avec rapidité. Mais la raifon de ce phénomene eft  Sur les ceuvres de Dieu. 4; bien aifée a trouver; car la perfonne quipourfuit un de ces feux, chalfe l'air & par conféquent auffi le feu devant foi; au lieu que la perfonne qui fuit, laiffe après elle un efpace vuide, que l'air ambiant remplit inceffamment, ce qui produit un courant d'air qui va du feu a Ia perfonne & qui entraine ce feu néceffairement; c'eft pourquoi on obferve qu'il s'arrète quand la perfonne ceffe de courir. Combien les hommes ne fe tourmentent-ils pas eux-mèmes par de vaines frayeurs, qui n'ont d'autre fondement qu'une imagination déréglée! Nous pourrions nous épargner bien des craintes, fi nous voulions nous donner la peine de mieux examiner les objets qui nous elfraient, & de rechercher leurs caufes natuturelles. II nous en arrivé de mème a 1'égard des chofes morales. Avec quelle ardeur ne pourfuivons-nouspas les biens de la fortune, fans examiner s'ils méritent tant d'emprelTement» & s'ils pourront nous procurer le bonheur que nous en attendons ! La plupart des ambitieux & des avares ne font pas plus heureux dans la pourfuite des honneurs & des richeffes, que ne le fut Robert Flud, qui couroit après les feux follets fans pouvoir parvenir k les attrapper. Qu'obtenons - nous au bout du compte par les effbrts continuels que nous faifons pour acquérir des biens, qui par leur nature & leur durée font fi femblables a des feux follets ? D'ordinaire les biens terreftres échappent a celui qui les pourfuit, & tombent en partage a celui qui paroit les fuir.  44 CONSIDERATIONS TREIZIEME SEPTEMBRE. Du regne minéral. Pour fe prpcnrer des demeures faines & commodes, les hommes ont befoin de bien des provifions & de bien des matériaux. Si ces matériaux avoient été répandus fur la furface de la terre, elle en feroit toute couverte, & il ne feroit point refté de place pour les animaux & pour les plantes. Notre féjour fe trouve heureufement débarralfé de tout -cet attiiail. La furface de la terre aétérendue libre, & mife en état d'ètre cultivée & parcourue fans obftacle par fes habitans. Les métaux, les pierres, & cent autres matieres que nous mettons fans celfe en ceuvre, ont été enfermés fous nos pieds dans de valles celliers oü nous lestrouvons au befoin. Ces matieres ne font point cachées vers le cceur de la terre , ni a une profondeur qui nous les rende inacceflibles ; mais elles ont été rapprochées a deffein vers la furface , & logées fous une voute qui eft a la fois aflez épailfe pour fuffire a la nourriture de 1'homme, & aflez mince pour ètre percée au befoin, enforte qu'il puiffe defcendre quand il veut dans le magafin des provifions fans nombre quelle renferme pour fon fervice. Toutes les fubftances du regne minéral peuvent être divifés commodément en quatre claffes, qui ont des caracleres trés diftinciifs. La première contient les terra. On donne ce nom aux minéraux qui ne peuvent être dilfouts, ni dans 1'eau, ni dans 1'huile, qui ne font point  Sur les ceuvres de Dieu. 4f malléables, qui réfiftent au feu & qui n'y perdent rien de leur fubftance. A cette clalfe appartiennent non-feulement les terres fimples , mais auffi les pierres qui font compofées de ces fortes de terres. II y a deux efpeces de pierres: les précieufes & les communes. Celles-ct font les plus nombreufes , & nous offrent des malles différentes en figure, en couleur, en grolfeur & en dureté , felon les terres , les foufres, &c. dont elles font compofées. Les pierres précieufes font auffi trés-diverfes. Les unes font parfaitement tranfparentes, & paroiifent être les plus fimples. D'autres font plus ou moins opaques, felon qu'elles font compofées de parties plus ou moins bétérogenes. Les fels forment la feconde clalfe du regne minéral. Elle comprend les corps qui font folubles dans 1'eau, & qui produifent de la faveur. Les uns fe liquefient dans le feu , les autres y demeurent inaltcrables. On les divife en fels acides , qui font aigres & piquans, & en alkalis, qui impriment fur la langue une faveur acre, brülante & lixivielle: ceux-ciont la propriété de changer en verd les liqueurs ou teintures bleues des végétaux. Du mélange & de la combinaifon jufte & exacte de ces deux différens fels faturés 1'un par 1'autre, réfultent les fels ne'utres ou moyens. On compte parmi ceux-ci le fel commun ou fel de cuifine , qui eft, ou tiré de la terre , ou préparé avec 1'eau de mer, ou obtenu en faifant évaporer fur le feu dans de grandes chaudieres 1'eau des puits & des fontaines falées. Tous ces fels font une des principales caufes de la végétation des plantes. Ils fervent auffi peut-être k les unir & a les affermir, de même que tous les autres corps compofésj enfin ils produi-  45 CONSIDÉRATIONS fent les fermentations, dont les effets font 11 nombreux & fi divers. La troifieme clalfe du regne minéral comprend les corps inflammables, auxquels on donne le nom général de bitumes. Ils brülent dans le feu, & quand ils font purs, ils fe düfolvent dans les huiles, mais jamais dans 1'eau. Ces corps fe diltinguent des autres minéraux en ce qu'ils contiennent plus de cette fubltance inflammable , qui rend combuftibles les corps oü elle fe trouve en quantitéfuffifante. Du refte,ily en a plus ou moins dans prefque tous les corps. La quatrieme clalfe du regne minéral contient les métaux. Ce font des corps beaucoup plus pefansque les autres; ils deviennent fluïdes dans le feu, mais ils reprennent enfuite leur folidité lorfqu'ils font refroidis. Ils ont de 1'éclat & s'étendent fous le marteau. Parmi les métaux, il s'en trouve qui fe fondant par le feu, n'y éprouvent aucune diminution de poids, ni aucune autre altération fenfible, c'eft-ce qui les fait nommer métaux parfaits: il y en a deux de cet ordre, favoir, 1'or & 1'argent. D'autres métaux qu'on appelle imparfaits, fe détruifent, plus ou moins promptement, par 1'aclion du feu, & fe convertilfent d'ordinaire en chaux. L'un d'eux, le plomb, a la propriété de fe changer en verre & de vitrifier auffi tous les autres métaux, excepté 1'or & 1'argent. Les métaux imparfaits font au nombre de cinq: le vif argent, le plomb, le cuivre, le fer & l'étain. Enfin, il y a des corps que 1'on diftingue de ces métaux , en ce qu'ils ne font ni du&ilesni malléables; on les appelle demi métaux, & 1'on en comptefept: laplatine, le bifmuth , le nickel, 1'arfenic, 1'antimoine, le zinc & le cobalt.  Sur les ceuvres de Dieu. 47 Tout le regne minéral eft Pattelier de la nature , oü elle travaille en fecret pour le bien du monde. Aucun naturalifte n'a encore pu la furprendre dans fes opérations, & lui dérober 1'art avec lequel elle prépare, aifemble & compofe les terres, les fels, les bitumes, & les métaux. Si 1'on ne peut deviner comment la nature emploie les matieres qui s'engendrent encore tous les jours, il n'eft pas moins difficile de découvrir comment les parties s'allient, fe combinent, s'atténuent & forment enfin les dilférens corps que le regne minéral préfente. Nous ne connoilfons qu'alïez imparfaitement la furface de la terre; mais nous en connoilfons encore beaucoup moins 1'intérieur. Les mines les plus profondes ne defcendent qu'a fix eens trente toifes, ce qui ne fait pas la fix millieme partie du diametre de la terre. Cela feul fuffit pour nous faire comprendre combien il eft impofiible d'avoir une connoilfance exacte & univerfelle de la nature & de la formation des diverfes fubftances du regne minéral. Heureufement dans 1'ufage que nous faifons des dons de la nature, il importe peu que nous connoiffions exactement leur origine & leurs premiers principes. II fuffit que nous ayons les lumieres nécelfaires pour les appliquer a notre ufage. Nous en favons alfez pour glorifier notre Créateur, puifque nous fommes convaincus qu'il n'y a pas un point, ni fur la terre, ni au-delfous de la terre, oü il n'ait manifefté fa puilfance, fa fagelfe & fa bonté.  48 CONSIDÉRATIONS QUATORZIEME SEPTEMBRE. De quelques-unes desprincipales plantes exotiques. No us ne faifons pas aflez d'attention aux bienfaits de Dieu, & particuliérement a ceux qui nous viennent des pays lointains, & qui nous font devenus fi néceifaires. Si nous confidérions que de peines il en coüte, que de roues, pour ainfi dire, doivent être mifes en mouvement dans la machine du monde, & quelle réunion de forces & d'induftrie humaines il faut pour nous procurer un feul morccau de fucre ou de cannelle, nous ne recevrions pas les préfens de la nature aufli froidement que nous le faifons pour 1'ordinaire; mais nous remonterions avec la plus vive recounoirfance vers cet Etre bienfaifant, qui fe fert de tant de canaux pour faire parvenir fes biens jufqu'a nous. Nous alions nous occupec a préfent de quelques-unes de ces productions exotiques, qui font devenues pour nous des befoins, & dont nous aurions tant de peine a itous paiTer. Peut-être qu'il en réfultera quelques bonnes réflexions, & que nous penferons au moins avec attendrilfement a nos freres infortunés, a ces malheureux efclaves dont les travaux infatiguables nous procureut tant de chofes propres a flatter notre goüt. Le fucre ell proprement ie fel qui fe trouve dans le jus ou dans la moëlle d'un certain rofeau, qu'on cultive principalement au Bréfil & dans les files voifines; mais qui fe trouve auflï en abondance aux Indes Orientales & dans quelques  Sur les ceuvres de Dieu. 49 quelques ifles de 1'Afrique. La préparation du lucre n'exigepas beaucoup d'art; mais elle eft extrèmement pénible, & 1'on y emploie prefque toujours les mains des efclaves. Quand les cannesfont parvenues a leur maturité, on les coupe, & on les porte au moulin pour les brifer & en tirer le jus. On fait d'abord bouillir ce fuc, qui fans cela fermenteroit & s'aigriroit. Pendant qu'il bout onl'écumepour en öter les faletés, & 1'on répete quatre fois cette cuiflon dans quatre chaudieres différentes. Pour le purifier & le clarifier davantage, ony lette une forte leffive de cendres de bois & de chaux vive. Enfin, on le verfe dans des formes oü il fe coagule & fe feche. Lethé n'eft autre chofe que la feuille d'un arbnifeau qui croit au Japon, a la Chine & dans d'autres provinces afiatiques. Pandant le printems on cueille deux ou trois fois ces feuilles. Celles de la première récolte font les plus fines & les plus délicates: c'eft le théimpérial; mais il ne vient jamais en Europe. Celui que les^ Hollandois vendent fous ce nom, eft du the de la feconde récolte. Le caffé eft le noyau d'un fruit femblable a la cerife. L'arbre qui le porte eft originaire de 1'Arabie, mais on 1'a tranfplanté dans plufieurs pays chauds. Celui oüon le cultive le mieux, après 1'Arabie, c'eft 1'ifle de la Martinique. Nous appellons feve le noyau qui fe trouve au milieu du fruit. Cette feve, dans fafraicheur, eft jaunatre, ou grife, ou d'un verdpale, & lelie conlerve alfez cette couleur lorfqu'elle fe Jeche. On étend le fruit fur des nattespour le Jaire fecher au foleil, & on le brife enfuite lavec des rouleaux pour en faire iortir le noyau. De-la vient que chaque feve eft partagée env Tornt UI, D  fo CONSIDÉRATIONS deux moitiés. On feche encore une fois les feves au foleil avant de les tranfporter fur les vaiiTeaux. Les clous de girofle font les boutons ou les cmbryons des fleurs deiféchés d'un arbre, qui croilfoit autrefois fans culture dans les ifles Moluques, mais que les Hollandois onttranfplanté a Amboine. Cet arbre eft de la forme & de la grandeur du laurier. Son tronc eft revêtu d'une écorce , comme celle de 1'olivier. Des fleurs blanches nailfenten bouquet a 1'extrêmité des rameaux, & elles ont la figure d'un clou. Les boutons font d'abord d'un verd pale, enfuite ils deviennent jaunes, puisrouges, & enfin d'un brun noiratre, tels que nous les voyons. Ils ont une odeur plus penetrante & plus aromatique que le clou matricei nom qui défigne le fruit fee de 1'arbre. La cannelle eft la feconde écorce d'une efpece de laurier , qui ne croit prefque a préfent que dans rille de Ceylan. La racine du cannellier fe divife en plufieurs branches: elle eft couverte d'une écorce grifatre au - dehors , mais rouge en dedans. La feuillereifembleroit aifez a celle du laurier, fi elle étoit plus courte & moins pointue. Les fleurs font petites & blanches: elles ont une odeur très-agréable, qui approche de celle du muguet. Quand 1'arbre a quelques années, on en détache les deux écorces: 1'extérieure n'eft bonne a rien, & on lajette; pour 1'écorce intérieure, on la feche au foleil, elle s'y roule elle-mème de la groffeur du doigts c'eft ce qu'on appelle la cannelle. La noix mujeade, & la fleur demufcade, viennent d'un même arbre, qui croit dans les ifles Moluques. La noix eft couverte de trois écor-  Sur les ceuvres de Dieu. ff ces. La première tombe d'elle-mème dans le tems de la maturité. On voit alors la feconde, qui eft mince & très-délicate. On la détache , avec beaucoup de précaution , de la noix fraiche, & on 1'expofe au foleil pour la fécher. C'eft ce qu'on appelle mach aux Moluques , & qu'ici on nomme improprement fleur de mufcade. La troilieme écorce enveloppe immédiatement le noyau ou la noix mufcade. On tire cette noix de fa coque & on la met dans de 1'eau de chaux: elle y refte pendant quelques jours, & pour lors elle eft bien préparée & proprc pour palier la mer. Le coton croit dans la plupart des pays de 1'Afie, de 1'Afrique, & de 1'Amérique. II eft renfermé dans le fruit d'un certain arbufte. Ce fruit eft une forte de goulfe, qui, lorfqu'elle eft müre , s'entr'ouvre & lailfe voir une bourre, ou un duvet a floccons d'une blancheur extréme; c'eft ce qu'on appelle le coton. Quand cette bourre fe gonfle par la chaleur, elle devient grande comme une pomme. Avec un moulinet, on fait tomber la graine d'un cóté, & le coton de 1'autre ; puis on le file pour en faire toutes fortes d'ouvrages. L'huile d'olive eft le fuc exprimé de ce fruit qui eft fi abondant en France, en Efpagne, en Portugal, & en Italië, qu'on y trouve des forêts entieres d'oliviers. Les habitanÊ des provinces, oü il y a beaucoup de ces arbres, fe fervent de cette huile au lieu de beurre, paree qu'ils ont peu de befiiaux, d'autant que 1'extrême chaleur de la terre delfeche 1'herbe. Le poivre eft le fruit d'un arbrilfeau , dont la tige a befoin d'un échalas pour fe foutenir. Son bois eft noueux comme la vigne, a laquelle il relfemble beaucoup. Ses feuilles qui D x  fi CONSIDÉRATIONS ont une odeur très-forte, font ovales & fe terminent en pointe. Au milieu & a l'extrêmité des rameaux, il ya des fleurs bianches, d'oü fortent des fruits en grappes comme celles des grofeilliers. Chaque grappe porte vingt a trente grains. Ce n'eft pas une médiocre fatisfaclion pour des efprits qui réfléchüTent, que de penfer a cette grande variété d'alimens, deftinés nonfeulementa nos befoins, mais auffi a nos plaifirs. Confidérez, mon cher lecteur, cette profufion de biens que la divine bonté répand fur vous. Voyez comment tous les pays vous paient leur tribut, pour fournir aux néceffités & aux commodités de votre vie. On travaille pour vous dans les climats les plus reculés; & ces infortunés, hélas! qui mériteroient, auffi-bien que vous.de mangertranquillement leur pain & de mener une heureufe vie, vouspréparent, au prixde léurs fueurs, ces nourritures délicates que vous confumez avec tant de profufion. Si vous ne penfez pas a votre bienfaiteur célefte, penfez au moins aux inftrumens dont il fe fert pour vous procurer une partie de votre fubfiftance. Mais comment pourriez-vous oublier ce Dieu, qui drelfe par-tout votre table, & qui dans toutes les parties du monde fignale fa bonté envers vous 'i  Sur les ceuvres de Dieu. n QUINZIEME SEPTEMBRE. Reflexions fur moi-même. Te vis; mon fangcircule, fans que j'y penfe, dans mes veines agencées & garanties avec un art fi merveilleux. Je puis goüter les douceurs du fommeil, & dans un état oü je m'ignore moi-même, dans ce corps qui paroifc fans mouvement & fans vie, mon ame exilte encore. Je me réveille; mes lens reprennent leurs fon&ions, & mon ame reqoit des idéés plus vives & plus nettes. Je mange, je bois; & tout environné des beautés & des richeifes de la nature, j'éprouve mille fenfations agréables ! Et-ce moi qui fuis la caufe de ces effets? Ai-je imprimé aux premiers principes, aux premiers linéamens de mon corps ce mouvement merveilleux , lorfque j'étois plongé dans la nuit dunéant &quejene favois ce que c'étoit que le mouvement? Ai-je formé 1'aifemblage des diverfes parties demon corps, moi qui ne connois pas mème a préfent leur agericement & leurs combinaifons ? Etois-je plus fage, plus habile, lorfque je n'exiftois point encore, ou bien mon exiftence a-t-elle précédé celle de mon principe penfant? Comment arrive-t-il que je ne puilfe pas déterminer le point qui fépare le fommeil & la veille? Quel eftle méchanifme de mon eftomac, qui digere les alimens fans mon ordre & fans que j'y contribueen rien, & comments'opere cette digeftion? D'oü vient que toutes les créatures de mon efpece ont la même ftructure que moi, & pourquoi ne me fuis-je pas formé d'une autre D 3  f4 CONSIDÉRATIONS maniere ? Eft-ce moi qui ai créé toutes les beautés de la nature, ou bien fe font-elles auffi produites elles-mêmes ? Qui eft-ce qui m'a rendu fufceptible de plaifir & de chagrin? Qui eft-ce qui fait fortir le pain & fourdre les eaux de la terre, pour que mon corps ne fe deffeche pas, & que le mouvement de mes membres ne s'arrête point ? Qui fait tomber fur mes yeux des rayons de lumiere, pour que je ne fois pas enveloppé dans des ténebres perpétuelles? D'oü me vient le bien que j'éprouve , & d'oü procedent le mal & la douleur qui me font fi fenfibles? Pourquoi ne jouisje pas d'un bien-ètre continuel ? & pourquoi ai-je ete aifez cruel envers moi-même pour me former avec tant d'imperfedions ? Tout procede-t-il de moi, ai-je aifez de puilfance & d'activite pour cela; & ceux de mes femblables que je vois, que j'ai vus, & que je verrai peut-être encore, font-ils doués des mêmes facultes ? Penfées extravagantes & contradidtoires qui decelent la perverfité de ceux qui les forment' Mon ame malgré toutes fes imperfedlions & ies bornes , attefte la grandeur de 1'Etre qui 1'a creee , d'un Etre néceifaire, infiniment parfait, de qui je dépends entiérement. Ce corps que ie porte, & dont jeneconnois pas moi-même la ftrudure, montre qu'il doit v avoir un fage ouvner dont ma foible intelligence ne fauroit fonder la grandeur, & qui afait & agencé d'une maniere fi admirable ces mufcles, ces nerfs, ces veines, en un mot, toutes les parties qui me compofent. Comment 1'homme, cet être fi foible & fi borné, pourroit-il concevoir, & executer 1'original d'une machine fi compofée, li artiftement conftruite, «Sc dont les parties fe  Sur les ceuvres de Dieu. ff rapportent les unes aux autres avec tant d'harmonie, lui qui n'eft pas feulement en état d'en faire a préfent lacopie & une exade repréfentation! II n'y a pas jufqu'a la moindre particule de notre corps qui n'ait fa raifon fuffifante, qui ne foit indifpenfable , ou qui du moins n'ait une liaifon nécetfaire avec toutes les autres parties. L'expérience, auffi-bien que le raifonnement, ne lailfeaucun doute la-deifus. Et certes le Créateur doit être infiniment grand, puifque je ne fuis pas le feul être qui puilfe fe glorifier d'avoir été formé avec tant de fagelfe & un art fi merveilleux. Des millions de mes femblables, des multitudes innombrables de créatures animées & inanimées, femblent me crier d'une voix unanime: Regarde 1'invifible, reconnois-le dans fes ouvrages, vois comment fa grandeur & fes perfedions fe manifeftent & en nous tous & en toi- mème. Confidere le moindre d'entre nous : il vit comme toi, il a recu comme toi le mouvement & 1'être. Ah! béni celui qui nous a tous formés d'une maniere fi merveilleufe. Oui, ö mon Dieu , adorable auteur de mon être, je te dois des adions de graces éternelles. C'eft par toi que je vis, c'eft en toi que j'ai le mouvement & 1'être, c'eft par ta bonté que mon ame penfe & réfléchit encore dans un corps fain & biendifpofé; c'eft uniquement a toi que je fuis redevable de tous les plaifirs que les créatures, dont je fuis environné, me procurent. C'eft par ton ordre, Seigneur, que toute la nature remplit mon cceur de joie. Tu arrofes la terre, afin qu'elle ne devienne pas pour moi une terre d'airain , & que je ne périife point faute de fubfiftance. C'eft toi dont i'adore, avec toutes les créatures intelligenD 4  fS CONSIDÉRATIONS tes, la puiflance, la bonté & la fagefle; c'eft ta Providence que je bénis; c'eft a tes foins paternels que je me recommande pour 1'averur. lu connois tous les hommes , tu as 1'ceil iur nous, tu obferves toutes nos adions. Tu nexiges pas que nous paiïions nos jours dans les tenebres & dans la triftefle, & que nous regardions notre exiftence comme un malheur; tunous permets de jouir, avecuncoeur reconnoiflant, desplaifirs innocens de la vie. Lorique 1 oifeau qui vole dans les airs, me ravit en admiration par la rapidité de fon vol, par 1 elegance de fa flgure, & par la douceur de es accens , n'eft-il pas jufte que je me rappelle qu i I eft ton ouvrage; que fes chants font autant d hymnes au Créateur , & qu'ils doivent m exciter a te célébrer a mon tour? Tu pourvois a fa fubfiftance comme a la mie'nne. 11 le nourrit des grains que tu fais croitre pour lui, de meme que le bied qui paroit fe pournr en terre, devient par ton ordre le foutien de ma vie. Tu envoies la pluie & les rayons du foleil pour faire fortir de la terre les fruits les plus dehcieux, tandis que tous mes efPorts ne lauroient produire le moindre brin d'herbe. ±.t ce ne font pas feulement les chofes néceflairesa la vie que tunous diftribues; tu nous accordes encore ce que le monde appelle fortune, nchefles, plaifirs. Tu dinges même les evenemens de maniere, que ceux qui paroiflent les p us facheux contribuent cependant a notrebonheur. En un mot, après nous avoir tormes d une maniere admirable , tu nous con erves par une fuite continuelle de merveilles. O que les heures fi précieufes & fi courtes de mon pelermage terreftre, ces heures qui  Sur les ceuvres de Dieu. 57 ne reviendront point, je les emploie d'une maniere qui réponde fi bien au but de mon exiftence; que lorfque je fortirai de ce monde je palTe a un bonheur plus parfait encore, & je fois mis enétat de mieuxapprofondir tes myfteres de la nature & de la grace ! Puilfe la contemplation de tes merveilles , accompagnée de la vertu de ton efprit faint, m'exciter a te célébrer, 6 toi qui es mon Créateur & mon rédempteur, & a te glorifier auffi long-tems que tu feras 1'Etre desètres, le fouverain bien de tes créatures, d'éternité en éternité! SEIZIEME SEPTEMBRE. Comparaifon des farces de Vhomme avec celles des animaux. C^Uoiclue Ie corps de 1'homme foit k 1'extérieur plus dclicat que celui de Ia plupart des animaux, il eft cependant très-nerveux, & peut-être plus fort par rapport a fon volume, que celui des animaux les mieux partagés a cet égard. Car fi nous voulons comparer la force du lion a celle de 1'homme, nous devons confidérer que cet animal étant armé de griffes , 1'emploi qu'il fait de fes forces nous en donne une fauffeidée, & nous leur attribuons mal-a-propos ce qui n'appartient qu'a fes armes. Mais il y a une meilleure maniere de comparer la force de 1'homme avec celle des animaux, c'eft parle poids qu'il peut porter. S'il étoit poffible de réunir en un feul point ou dans un feul tout, les forces particulieres que 1'homme emploie chaque jour, il fe trou-  f8 CONSIDÉRATIONS veroit qu'un homme de moyenne grandeur fe-' roit en etat de lever tous les jours a un pied de terre fans nuire a fa fanté, un poids d'un milhon fept eens & vingt-huit mille livres. En general, des gensendurcis au travail, peuvent lans trop d'effets foulever des fardeaux de cent emquante & quelquefois de deux eens livres. Les porte-faix fe chargent fouvent d'un poids de lept a huit eens livres. A Londres , ceux qui travaillent fur les quais, & qui chargent ou dechargent des navires, portent quelquefois des fardeaux qui tueroient un cheval. Le volume du corps de 1'homme eft relativement au volume du cheval, comme un a fix ou fept; de forte que fi le cheval étoit a proportion auiii fort que 1'homme, il pourroit être charge de douze a quatorze milliers. Mais il s'en faut bien qu'il puilfe porter un tel fardeau, & il eft certain que fa force eft finon moindre au moins egale a celle de 1'homme, a proportion de fa grandeur. Un favant Franqois a iait une expenence au fujet de la force de 1 homme: il fit faire Une efpece de harnois par le moyen duquel il diftribuoit fur toutes Jes parties du corps d'un homme debout, un certam nombre de poids, en forte que chaque partie du corps fupportoit tout ce qu'elle pouvoit lupporter relativement aux autres & quil ny avoit aucune partie qui ne füt chargee comme elle devoit 1'être; on portoit au moyen de cette machine, fans être fort furcharge, un poids de deux milliers 1w!US pouvo,ns encore Pger de la force de homme t/ par la continuité de 1'exercice Sc par Ja legerete des mouvemens. Les hommes qui font exerces a la courfe, devancent les chevaux5 ou du moins foutiennent ce mouvement  Sur les ceuvres de Dieu. f9 luen plus long-tems; & mème dans un exercice plus modéré, un homme accoutumé a marcher fera chaque jour plus de chemin qu'un cheval; & s'il ne fait que le mème chemin, lorfqu'il aura marché autant de jours qu'il fera nécelfaire pour que le cheval foit épuifé de fatigue, 1'homme fera encore en état de continuer fa route fans en être incommodé. A Ifpahan, les coureurs de profeffion font prés de trente lieues en dix ou onze heures. Les voyageurs aifurent que les Hottentots devancent les lions a la courfe, & que les fauvages d'Amérique qui vont a la chalfe de 1'original, pourfuivent ces animaux, qui font auffi legers que des cerfs, avec tant de vitelfe qu'ils les laflènt & les attrappent. On raconte mille autres chofes prodigieufes de la légéreté des fauvages a la courfe, & des longs voyages qu'ils entrepennent & qu'ils achevent a pied dansles montagnes les plus efcarpées, dansles pays les plus difficiles, oü il n'y a aucun chemin battu, aucun fentier tracé. Ces hommes font, dit-on, des voyages de mille & douze eens lieues en moins de fix femaines ou deux mois. Y a-t-il aucun animal, a 1'exception des oifeaux, qui ait les mufcles aifez forts pour foutenir cette longue fatigue? L'homme civilifé ne connoit pas fes forces, il ne fait pas combien il en perd par la mollede , & combien il pourroit en acquérirparl'habitude d'un fort exercice. II fe trouve cependant quelquefois parmi nous des hommes d'une force extraordinaire ; mais ce don de la nature , qui leur feroit précieux s'ils étoient dans le cas de 1'employer pour leur défenfe, ou pour des travaux utiles, eft un très-petit avantage dans une fociété policée, oü 1'efprit fait plus que  60 CONSIDERATIONS le corps, & oü le travail de la raain ne peut etre que celui des hommes du dernier ordre. Ici encore je reconnois la fagelfe admirable avec laquelle Dieu a formé mon corps, & 1'a rendu capable de tant d'activité. Mais en mème tems je ne puis que regarder en pitié ces Jiommes indolens, qui pallënt leur vie dans 1 inaction , la fainéantife, la mollelfe, & qui ne peuvent fe refoudre a agir & a mettre leurs torces en exercice, de peur de nuire a leur tante ou même a leur vie. Et pourquoi Dieu nous a-t-il donné tant de forces, fi ce n'eft arm que nous en faffions ufage ? Lors donc que nous les confumons dans une indolente mol lelie, nous refufons de nous conformer a I ordre & aux intentions de notre Créateur, « nous nous rendons coupables d'une ingratitude mexcufable. Ah ! je veux déformais employer toutes mes forces au bien de mes temblables, felon la condition oü Dieu m'a place dans ce monde; & fi les circonftances 1 exigent, je mangerai mon pain a la fueur de mon vifage. Ne fuis-je pas plus heureux que tant de milliers de mes freres, qui font excédés de pemes & de fatigues, qui gémillent fous le joug & dans les travaux infupportables de lelclavage, dont le front honnête eft couvert de lueur, & qui lorfque leurs forces font prefque epuifees, n'ont pasle moyen de procurer aucun loulagement, aucun repos a leur corps abattu. Plus je me trouve heureux en comparailon de ces infortunés, plus je veux m'apphquer a remplir tous mes devoirs , & le fucces de mes travaux m'cxcitera a bénir avec reconnoilfance ce bon Dieu quia daigné m'accorder les forces qui me font nécelfaires, & me les conferver jufqu'a ce jour.  Sur les ceuvres de Dieu. 5i DIX-SEPTIEME SEPTEMBRE. InJlinB naturel du papdlon relativement a la propagation de Jon efpece. I-i Es papillons, dans la faifon oü nous fommes , ont difparu tout a coup du regne de la création. Mais 1'efpece feroit-elle entiérement détruite? Non, aifurément: cet infede vit encore dans fa poftérité; & par un inftincl merveilleux , il a eu foin de pourvoir a la confervation de fon efpece. Des ceufs qu'il pond fortiront de nouvelles générations; mais oü les dépofera-1-il aux approches de la faifon rigoureufe, & comment les garantira-t-il des pluies de l'automne & du froid de 1'hiver ? Ne font-ils pas en danger d'être ou noyés ou gelés ? L'Etre bienfaifant, qui donne la fagelfe a 1'homme, a auffi daigné inftruire lepapillon a mettre enfüreté 1'unique legs qu'il fait au monde qui doit lui furvivre, en enduifant fes oeufs d'une matiere gluante qu'il tire de fon corps. Cette efpece de cole eft fi tenace que la pluie ne peut y pénétrer, & que le froid ordinaire de 1'hiver ne fauroit tuer les petits que ces ceufs renferment. Mais il eft a remarquer que quoique chaque efpece fuive toujours la même méthode de génération en génération, il y a cependant bien de la diverfité dans les mefures que les différentes efpeces de papillons prennent pour la confervation de leur race. Les naturaliftes nous ont appris que quelques-uns de ces infedes pondent leurs ceufs au commenceraent de l'automne , & meurent peu  CONSIDÉRATIONS après couchés & collés fur leur chere familie Le foleil, qui a encore de la force, échauffe les ceufs: il en fort même avant 1'hiver quantité de petites chenilles, qui fe mettent d'abord a hier, & de leurs fils fe font des lits & un logement trés fpacieux, ou elles palïënt la froide iailon, fans manger & prefque fans mouvement. Quand on ouvre leur retraite, on trouve que ce qu'elles ont filé leur fert de tente, de ndeau & de matelas. II eft encore bien remarquable que le papillon, de même que d autres infedes, ne dépofe fes ceufs que fur des plantes choifies, qui conviendront a fes petits, & ou ils trouveront la nournture qui leur iera necelfaire: ainfi lorfqu'ils viendront a eclore , ils leront d'abord environnés des ahmens qui leur font propres, fans ètre obliges de le deplacer dans un tems oü ils font encore trop foibies pour entreprendre delongs voyages. Toutes ces chofes & quantité d'autres de même nature, font bien propres a nous faire admirer les fages arrangemens d'une Providence confervatrice. Si pour nous toucher & nous rendreattentifs, il ne falloit pas des miracles & des chofes qui foient abfolument hors du cours de la nature, la confidération des ioins que ces inledesont pour leur poftérité, loins fi divers dans les diiférentes efpeces mais toujours fi uniformes & G conltans dans chacune en partiulier, nous rempliroit du plus grand etonnement. — Nous qui fommes des etres railonnables, apprenons de ces petites créatures a entretenir dans notre cceur 1'amourde la poftérité , & a nous intérelfer efficacement a ceux qui viendront après nous. Dans les projets & les entreprifes quenousfor-  Sur les ceuvres de Dieu. 63 mons, ne nous décourageons pas par la penfée que la mort nous furprendra peut-être avant que nous les ayons exécutés. Souvenons-nous que nous nous devons au public, & qu'il convient de nous occuper au moins autant des intéréts de la poftérité, que ceux qui nous ont précédés fe font occupés des nótres. Sur-tout, c'eft en particulier le devoir des parens d'apprendre des meres des papillons a pourvoir au bien-être des enfans qui leur furvivront, & a lesplacer d'avance, autant qu'il leur fera poflible, dans une fituation agréable & avantageufe. On ne fauroit fans doute prévoir , ni par conféquent prévenir, les befoins & les malheurs auxquels ils pourront être expofés par des accideus imprévus ; mais il taut au moins que leur condition ne devienne pas trifte& facheufe par notre propre faute. Ah! plüt auciel, que tous les parens s'occupalfent, comme ils ledevroient, du bonheur futur de leurs defcendans, qu'ils ne fulfent jamais aifez imprudens pour laiifer leur fuccelfion dans le défordre, & qu'ils reglalfent fi bien leurs affaires domeftiques qu'après leur mort leurs enfans ne fulfent pas expofés a de facheux era. barras, &a voir peut-être des étrangers manger leurs biens & s'emparer de leur patrimoine. DIX-HUITIEME SEPTEMBRE. La vigrte. Il ne faut que confidérer les vignes, pour fentir combien les plaintes que 1'on fait fouvent des inégalités de la terre, font imal-fon-  64 CONSIDÉRATIONS dées & déraifonnables. La vigne ne réuffit iamais bien fur un terrain uni, & ce n'eft pas. meme fur toutes fortes de cöteaux qu'elle fe plait, mais feulement fur ceux qui font tournes au levant ou au midi. Les collines font en quelque forte les boulevards de la nature , qu'elle nous invite a garnir comme autant de grands elpaliers, oü la vivacité de la réflexion ie trouve unie a la bonté du plein air. Les cóteaux les plus arides, & tous ces terrains pendants oü 1'on ne peut mettre la charme, ne huttent pas de fe couvrir tous les ans de la plus belle verdure, & de produire le plus dehcieux de tous les fruits. Si le terrain qui nourrit la vigne paroit fi maigre & fi peu agréab e ia plante qui nous donne le vin n'a pas plus d apparence. Qui auroit cru, avant 1'expenence, qu'un vil bois, le plus uniforme de tous, Ie plusfragile, le plus inutile a tout Urage, put produire une liqueur fi précieufe > Et cependant le feu qui anime Ie cep eft tel, que Ja leve eft pouffée avec cinq ou mème huit iois plus ue force que le fang dans les veines des animaux. De plus , 1'évaporation de ia vigne eft li confidérable, que pour remplacer ce qui s'evapore par les feuilles, il faut que cent cmquante deux pouces de feve montent dans le cep dans 1'efpace de douze heures. Qui ? i l \ vifne des ^ualités fi fupérieures a la baflaffe de fon origine & a la féchereffe de ia terre natale? Qui lui a donné tant d'efprits & tant de feu, qui non-feulement fe confervent pendant plufieurs années, mais qui peuforce ™emC leCevoir de nouveaux degrés de Et avec quelle fagelfe Dieu n'a-t-il pas diftribue les vignobles fur la terre'? Ils ne réuflif- fent  Sur les ceuvres de Dieu. 6f fent pas également par-tout; & pour qu'ils profperent, il faut qu'ils foient fitués entre le quarantieme & le cinquantieme degré de latitude, par conféquent au milieu duglobe. L'Afie eft proprement la patrie de la vigne. De-la fa culture s'étendit peu-a-peu enEurope. Les Phéniciens, qui voyagerent de bonne heure fur toutes les cötes de la Méditerranée , la portere nt dans la plupart des ifles , & fur le continent. Elle réuilit merveilleufement dans les isles de 1'Archipel, & fut dans la fuite portee en Italië. Les vignes s'y multiplierent confidérablement, & les Gaulois, qui en avoient goüté la liqueur, voulant s'établir dans les lieux oü on la recueilloit, palferent les Alpes, & allerent conquérir les deux bords du Pó. Peu-a-peu les vignes furent cultivées dans toute la France , & enfin auffi fur les rives du Rhin, de la Mofelle, du Necker, & dans d'autres provinces d'AUemagne. Ces remarques peuvent, mon cherlecleur, donner lieu a diverfes réflexions importantes. Comme les terroirs les plus arides font trèspropres a la culture des vignobles, de même il arrivé fouvent que les pays les plus difgraciés font favorables aux fciences & a la fagelfe. On a vu s'élever dans des provinces, que leur pauvreté faifoit univerfellement méprifer, des génies dont les lumieres ont éclairé les autres contrées. II n'y a point de pays fi défert, de ville fi petite, de village fimiférable, que certaines branches de fciences n'y puiflent être cultivées avec fuccès. II ne s'agit que de les y encourager. Et quel bien ineftimable ne pourrions-nous pas procurer, fi nous voulions nous donner la peine de favorifer, autant qu'il nous eftpoffible, la culture du cceur humain. J lome Uh E  66 CONSIDÉRATIONS Souverains, pafteurs, inftituteurs de la jeunelfe, combiea ne pourriez-vous pas contribuer au bonheur de vos contemporains & de la poftérité, fi par des exhortations, des récompenfes, d'utiles établiiremens, & d'autres encouragemens femblables, vous vouliez vous effbrcer de ramener la fagelfe, la religion, & toutes les vertus fociales dans des villes déchues, ou dans de malheureux villages! De tels efforts ne font jamais entiérement inutiles. Nous en fommes récompenfés, ou du rnoins nos defcendans enrecueilleront le fruit, & nous ferons mis au rang de ces hommes refpedables, qui en devenant les bienfaiteurs de 1'humanité, fe font alfuré 1'approbation de Dieu & les bénédictions de leurs femblables. La vigne avec fon bois fee & informe, eft 1'image de cesperfonnes qui, deftituésde 1'éclat extérieur de la naiifance & des dignités, ne lailfent pas de faire beaucoup de bien. Combien de fois n'arrive-t-il pas que des hommes qui viventdans 1'obfcurité, & dont 1'extérieur ne promet rien, font cependant des adions & exécutent des entreprifes qui les élevent audelfus de tous les grands de la terre? Et ici, mon cher ledeur, je vous invite a penfer a Jéfus- Chrift lui-même. A en juger par 1'état abjed ouil paroilfoit, on n'auroitpas attendu de lui des ceuvres fi grandes, fi admirables, il falutaires au genre humain. II les a faites cependant: ce Jéfus qui, comme un cep aride , avoit été plante dans un terroir fténle, aporté des fruits qui ont été en bénédidion & en falut a toute la terre. Et il nousa montré, que ï'on peut être pauvre, méprifé, miférable dans ce monde, &travailler cependant avec fuccès • a la gloire de -Dieu & au bien des hommes.  Sur les ceuvres de Dieu. 67 DIX-NEUVIEME SEPTEMBRE. Cantique pour ce'lébrer les ceuvres de la cre'aiion & de la Providence. I-j O u e z notre Dieu ! Que tous les peuples le célebrent avec des chants d'allégreife. Louez avec des fons éclatans fa puiiTance & fa bonté! Adorez-le, profternez-vous devant lui. Chantez, exaltez, glorifiez le roi des nations! C'eft lui dont la puiflance tira du néant les élémens, les cieux & la lumiere, qui fépara la terre de 1'eau qui 1'environnoit. C'eft fa main qui forma la mer & cette armée innombrable de créatures, qui exiftent par fa bonté. C'eft lui qui doua le foleil de chaleur & de clarté, qui régla les divers afpeéls de la lune; qui enfeigna aux étoiles la route qu'elles doivent parcourir; c'eft lui qui allume les éclairs & qui parle dans le tonnerre. C'eft lui qui fe fait entendre dans les mugifTemens de la tempête. La force du lion & & l'organifation de l'infe&e font des monumens de fa puilfance; & pour réjouir les humains, il enfeigne au rollignol a former de mélodieux accens. II donne aux fleurs les parfums balfamiques que je refpire; il pefe & agite l'air, il appelle & dirige les vents. La mer qui mugit a fa parole puilfante , obéit & fe tait quand il la menace. Dieu regne dans les profondeurs de 1'abyme. Etre fuprême ! Combien ta magnificence cclate dans tes créatures! Combien les traces de ta puilfance y font merveilleufes! Teute)* Ë %  6$ considérations création teprêche, elle mecrie: ,c contemple „ moi, & glorifie mon auteur ! " Je rn'empreife, ö mon Créateur & mon maitre, a t'ofFrir un tribut d'adoration & d'a&ions de graces. Venez êtres divers, unilfez vous a moi pour célébrer le Créateur. Profternonsnous, adorons-le: Le Dieu qui a créé 1'univers mérite fon hommage. DIX-NEUVIEME SEPTEMBRE.* Mervcilles que Dieu operetous les jours. L'Uni vers entier, qui fubfiftetoujours dans toute fa beauté & dans 1'ordre une fois etabli, eft un miracle que nous avons conftamment fous les yeux. Quel monde en effet que celui que nous habitons! Quelle n'eft pas' la multitude, la grandeur, la variété, la beauté des créatures qu'il renferme ! Quelle autre mam que celle du très-haut a placé dans 1'immenfe étendue le foleil & tous ces aftres, dont la grandeur & la prodigieufe diftance oü ils font de nous étonnent 1'imagination ! Qui leur a marqué la carrière qu'ils parcourent depuis tant de milliers dannées? Qui a mefuré avec tant d'exaclitude les forces refpedives de tous ces globes, & qui a établi un 11 parfait équihbre entr'eux & l'air qui les foutient? Qui a place la terre a une fi jufte diftance du foleil, enforte qu'elle n'en eft ni trop éloignée ni trop voifine? Les vicilfitudes du jour & de la nuit, les révolutions des faifons, la multitude innombrable d'animaux & de reptiles, d'arbres & de plantes, & tout ce que la terre produit,  Sur les ceuvres de Dieu. 69 tout eft 1'ouvrage du Seigneur. Si un monde auffi admirable étoit aduellement créé fous nos yeux, qui ne le regarderoit comme le plus grand des miracles de la toute-puilfance divine ? La Providence particuliere de Dieu eft une preuve toujours exiftante de fa grandeur, de fa puilfance, de fa fagelfe & de fa toute-préfence. Les foins continuels que Dieu a de nous, & cette protedion 11 marqué dont il n'y a perfonne qui n'ait des preuves particulieresj les moyens divers que le Seigneur emploie pour attirer les hommes a fon fervice ; les routes par lefquelles il les conduit au bonheur; les adverfités dont il fe fert pour les réveiller & les faire rentrer en eux-mêmes; les événemens extraordinaires qu'il ménage pour le bien de fon empire ; événemens qui d'ordinaire font produits par de petites caufes, & dans des circonftances qui paroilfent les rendre impoffibles; les grandes révolutions qu'il opere pour faire palfer fon évangile & fa connoifiance d'une contrée du monde a 1'autre: ce font la tout autant d'effets oü nous devrions reconnoitre la main toujours agilfante de Dieu, & qui, fi nous y apportions 1'attention convenable, devroient nous faire dire: Cecia été fait par VEternel, & a été une chofe merveilleufe devant nos yeux. Pf. CXVIII. 23. Soyons attentifs, mes freres , a tout ce qui s'offre a nos regards, & nous retrouverons Dieu par-tout; nous verrons que par les moyens ordinaires de fa grace , il travaille eontinuellement a notre fandification ; que fa parole habite au milieu de nous, & que fans celfe il nous fait entendre fa voix falutaire. Affurément ceux qui refufent de 1'écouter, qui ré- E ;  fS CÖNSIDÉRATIONS fiflent aux mouvemens de fon efprit, & qui ne fe rendent point a fes opérations miféricordieufes, ne fe convertiroient pas davantage quand même de nouveaux miracles viendroient a frapper leurs yeux. Un homme qui voit que Dieu a créé ce monde , qui lui offre de toutes parts tant de merveilles, un homme qui efta toute heure comblé des bienfaits du Seigneur, & qui lui doit tous les avantages dontil jouit, ne devroit il pas croire en lui, l'aimer& luiobéir? II lui réfilte cependant.— Qu'eft-ce donc qui pourroit le toucher, Sc k quoi ne réfifteroit-il pas ? Chrétien , qui es tous les jours le témom des merveilles de ton Dieu , fois-y enfin attentif & ne ferme plus ton cceur a la vérité. Que les préjugés & les paflions ne t'empèchent plus de réfléchir fur les ceuvres admirables du Seigneur. Contemple ce monde vilible, confifidere-toi toi-même, & tu trouveras aifez de fujets de reconnoitre celui qui opere tous les jours tant de miracles fous tes yeux: occupé pour lors de ces grandes idees, & frappé d'étonnement & d'admiration , tu t'écrieras: Louan. gt, honneur, & gloire d ce Dieu qui eft mon fouverain bien le rédempteur de mon ame; d ce Dieu qui feul fait des chofes merveilleufes ,• d ce Dieu qui remplit mon cceur des plus douces conJolations; d ce Dieu qui calme nos peines , qui foulage nos maux, £«f qui effuie toutes les larmes de nos yeux: d lui foit gloire d'e'tcrnité en éternité!  Sur les ceuvres de Dieu. 71 VINGTIEME SEPTEMBRE. De la dicjejiion des alimens. L k digeftion eft un méchanifme admirable & très-compliqué, que nous exécutons tous les jours fans (avoir comment, & fans nous donner même la peine d'apprendre a connoitre ce qu'il y a de plus remarquable & de plus eifentiel dans cette fondion fi importante du corps humain. Tant de millions d'hommes prennent tous les jours leur nournture, lans avoir peut-être penfé une feule fois dans leur vie a ce que deviennent ces alimens qu'ils font difparoitre en les avalant. Heureufement pour nous, il n'eft pas néceffaire pour bien digerer de favoir comment la digeftion fe fait; mais il eft toujours agréable d'en être mftruit, & d'avoir au moins une idee des opérations de la nature a cet égard. Nous élaborons les alimens de maniere qu'après avoir éte broyes, atténués, humectés , ils font en etat detre poulfés de la bouche dans 1'cefophage. C eitla, relativement a la digeftion des alimens, la derniere fondion a laquelle notre volonte ait part; car tout le refte fe fait a notre mfu, & fans mème que nous puftions 1'empêcher au cas que nous le vouluffions. Dès qu'un morceau eft porti dans 1'cefophage , celui-ei le poulfe par un méchanifme qui lui eft propre, & le fait defcendre dans 1'eftomac, car il ny arriveroit point par fa propre pefanteur. Parvenus dans 1'eftomac, les alimens y font redutts, par quelque vertu que ce foit , en une pate molle, de couleur grifatre, qui apres avoic E 4  11 CONSIDÉRATIONS été fufEfarnment atténuée, paffe dans le premier inteftin qu'on appelle le duodenum. La maffe ahmentaire y fubit de nouvelles révolutions. Divers petits vaiffeaux qui partent de la véficule du fiel, & d'une glande fituée derrière le fond de 1'eftomac & qu'on appelle le pancreas, aboutilfentdans le duodenum, & y verfent la bile & le fuc pancréatique qui fe mêlent avec les alimens. II y a encore dans les inteftins une multitude de glandes, qui répandent leurs humeurs fur la pate alimentaire & la pénetrent intimément. C'eft après ce mélange qu'on decouvre un vrai chyle parmi cette maffe; & il y a tout lieu de croire que c'eft dans le duodenum que la digeftion s'acheve & fe perfectionne. La maffe alimentaire continue fa route dans les autres inteftins, oü elle eft continuellement humectée par les fucs qui fe féparent dans leur cavité; le chyle commence alors a paffer dans des veines la&ées, qui s'ouvrent de tous cótés dans les inteftins & qui vont aboutir au réfervoir du chyle. Celui-ci eftfitué a 1'endroit du dos oü commence la première vertebre des lombes, &il donne naiffance au canal thorachique qui remonte le long de la poitrine. Le chyle parcourt ce canal, &allant enfin le mêler au fang, il va fe rendre dans le cceur & de-la dans toutes les veines de notre corps, après avoir perdu fa couleur blanche ou grifatre. Mais il y a toujours quelques parties des ahmens qui font trop groflieres pour être converties en chyle & pour entrer dans les veines ladlees: que devient ce réfidu ? Les inteftins ont un mouvement périftaltique ou vermiculaire, au moyen duquel ils fe contractent & fe relachent alternativement, «Scpouf-  Sur les csuvres de Dieu. 7? fent ainfi vers le bas les matieres qu'ils contiennent. Ce mouvement ayant fait avancer la maife alimentaire jufqu'au troifieme inteftin, pouife enfuite le réfidu groffier dans le quatrieme, le cinquieme & le fixieme boyau. Les matieres, que 1'on peut regarder comme le mare des alimens, étant arrivées al'iifue du Tt&um, ou dernier gros boyau, s'évacueroient lentement & continuellement; ce qui feroit très-incommode pour tous les animaux, li la nature n'avoit environné cette iflue d'un mufcle, appelle fphin&er, qui la ferme. Ainfi les réfidus de chaque digeftion s'accumulent dans le re&um, & y féjournent jufqu'a-ce que la quantité de ces matieres & 1'irritation qui en réfulte, avertüTent de la néceflité de les dépofer. Alors les mufcles du bas-ventre & le diaphragme aidant 1'action du rectum , & furmontant laréfiftance du fphindter, les matieres fuperflues font expulfées. Voila une légere idéé de la maniere dont la digeftion s'opere dans notre corps; digeftion li néceifaire a notre fanté, a notre bien-ètre, & même a notre vie. Confidérez a préfent, mon cher le&eur, combien la fagelfe de Dieu fe manifefte en tout cela. Que de circonftances merveilleufes ne doivent pas fe réunir pour que la digeftion s'exécute! II faut que votre eftomac ait non-feulement une chaleur interne & unfuc dilfolvant, mais aufli un mouvement périftaltique, afin que les alimens foient atténués & réduits en une pate molle & convertis enfuite en chyle, qui fe diftribue dans tous les membres du corps & qui leur donne du lang & de la nourriture. II faut que vous ayez une liqueur, qu'on appelle falive, qui a les propriétés du favon, & la vertu de pou-  74 CONSIDERATIONS voir meier les matieres huileufes & celles qui font aqueufes. II faut qu'il y ait fur toute la route que parcourent les alimens, certaines machines qui féparent du fang diverfes humeurs nécelfaires pour leur entiere élaboration & pour la perfection du chyle. II faut que la langue, les mufcles desjoues, lesdents, & d'autres organes encore, divifent, broient, atténuent les alimens avant même qu'ils defcendent dans l'eltomac. Quelle fagelfe ne fe découvre point en tout cela, & que nous ferions inexcufables fi nousyétions inattentifs, & fi ces merveilles ne nous excitoient point a glorifier notre Créateur! VINGT-UNIEME SEPTEMBRE. Lafomme des biens l'cmporte de beaucoup dans le monde fur celle des maux. R I e n n'eft plus propre a nous confoler dans les revers & les difgraces qui peuvent nous furvenir, que d'admettre pour principe qu'il y a plus de bien que de mal dans le monde. Confultons, en effet, le plus miférablede tous les hommes , & demandons-lui s'il pourroit articuler autant de fujets de fe plaindre qu'il a de motifs a la reconnoilfance : il fe trouvera que quelles que puilfent être fes infortunes, elles ne font pas a comparer a la multitude de bienfaits qu'il a requs dans le cours de fa vie. Pour vous rendre cette vérité bien fenfible, faites le calcul de tous les jours que vous avez palfé en fanté, & du petit nombre de jours  Sur les ceuvres de Dieu. 7f que vous avez été malades. Oppofez au petit nombre de peines & de chagrins que vous éprouvez dans la vie civile &domeftique, les plaifirs 11 multipliés que vous y gotitez. Comparez toutes les adions bonnes & innocentes par leïquelles la plupart des hommes fe rendent utiles, foita eux-mèmes, foit aleurs femblables , avec le petit nombre d'adions par lefquelles ils fe nuifent a eux-mêmes ou aux autres. Comptez, 11 vous pouvez, toutes les fenfations agréables que chaque fens procure aux hommes. Comptez tous les plaifirs qui font attachés a chaque age, a chaque état, a chaque profeflion. Comptez les préfens que la nature nous fait avec tant d'abondance, & que 1'induftrie humaine fait mettre en ceuvre pour nous procurer une infinité d'agrémens & de commodités. Comptez tous les plaifirs que 1'on goüte quand on a évité ou furmonté quelque danger, quand on a remporté quelque vidoire fur foi-mëme, & qu'on a fait quelque ade de vertu & de fagelfe. Comptez tous les biens dont vous vous fouvenez d'avoir joui, & confidérez que vous ne pouvez vous rappeller que la moindre partie de vos jouilfances. Penfez que ceft l'habitude du bien qui nous rend fi fenfibles au mal; que nos nou velles profperités nous font oublier les premières, & que fi nos maux fe gravent fi profondément dans notre mémoire, c'eft précifément paree que nous n'y fommes pas accoutumés & qu'ils font rares. Comptez les heureux événemens dont vous pouvez vous fouvenir, & qui ne font cependant que la moindre partie de 1'enfemble du bien-être dont vous avez joui. Oppofez leur enfuite les maux dont vous vous fouvenez, & dont vous ne reconnoiifez pas encore  16 CONSIDÉRATIONS la grande utilité. Prenez garde que je ne dis pas tous les maux dont vous vous fbuvenez, car je ne parle point de ceux qui de votre propre aveu ont été pour vous 1'aifaifonnement du bien, ou qui font devenus la fource de plulieurs avantages confidérables; je ne parle point de ces maux qui étant les préfervatifs de maux plus grands, font difpenfés aux hommes pour les rendre meilleurs & plus heureux, ou pour inftruire les autres par leur exemple : ces fortes de maux font compenfés par des lmtes tres-avantageufes au genre humain. JJans Ie calculque je vous exhorte a faire, il ne faut donc oppofer aux biens dont vous vous rappellez la jouiffance, que les maux dont vous ne reconnoiifez pas a préfent 1'uII a JC d,s^uefi vous entreprenez ce calcaicul dans des momcns de calme & de férénite, & non pas dans des tems d'affliclion, de chagnn, dinquietude, ou de maladie, vous vous convaincrez qu'ici-bas le bien 1'emporte de beaucoup fur le mal. Mais pourquoi donc 1'homme s'occupe-t-il fl peu des preuvescontinuelles qu'il reqoitde Ia bonte de Dieu? Pourquoi aime-t-il mieux voir es chofes du mauvais cóté, & fe tourmenter Jui-meme par des foucis & des inquiétudes hors de laifon? La divine Providence ne nous environne-t-ellepas d'objets agréables! Pourquoi donc arreter toujours nos regards fur nos incrmites, fur ce qui nous manque, ou furies malheurs qui peuvent nous arriver? Pourquoi les groflir dans notre imagination, & détour ner obllinement nos yeux de tout ce qui nourroit nous tranquillifer & nous réjouir? Mais c eft ainfi que nous fommes faits. Les'moindres diigraccs qui nous arrivsnt fixent toute  Sur les ceuvres de Dieu. 77 notre attention, tandis qu'une longue fuite de jours heureux s'écoulent fans que nous y prenions garde. Nous nous attirons a nousmêmes des chagrins & des malheurs, qui ne nous arriveroient pas fi nous étions plus attentifs aux bienfaits de Dieu. Renoncons , mes freres, a une faqon de penfer li propre a nous rendre miférables. Soyons fortement convaincus que Dieu a répandu impartialement fes biens fur toute la terre, & qu'il n'y a point. d'homme qui foit fondé a fe plaindre & qui n'ait au contraire les plus juftes & les plus nombreux fujets de fe répandre en cantiques de louange & d'actions degraces. Bé ni foit donc ce Dieu qui ejl mon fouverain bien! II remplit mon cceur d'allégrejje & dejoie ; & sxil m'excrcc quelquefois par des affli&ions, fes confolations ne tardent pas d récréer mon ame , 6? fa bonté daigne me promettre un bonheur fans nuage & fans fin. II nous conduit par des voiesfecrettes qui nous font inconnues aux grandeurs qu'il nous defiine. Les épreuves mêmes qu'il nous envoie de tems en tems, ont un but miféricordieux que nous reconnoltrons un jour. En. attendant, il nous épargne les maux qui furpajjeroient nos forces, fa main puiffante paternelle nous prolege, & fes yeux, font toujours ouverts fur nous. VINGT-DEÜXIEME SEPTEMBRE. De la guerre que les animaux fefont entr'eux. IL y a une guerre conftante entre les animaux: ils s'attaquent & fe pourfuivent continuellement les uns les autres. Chaque élément eftun  78 CONSIDÉRATIONS champ de bataille pour eux: 1'aigle eft la terreur des habuans de l'air; le tigre vit de carnage lur la terre; le brochet dans les eaux ; la taupe lous terre. Dans ces efpeces d'animaux & dans plufieurs autres, c'eft le befoin de fe riournr qui les force a s'entre-détruire les uns les autres. Mais il fe trouve entre certaines betes une antipathie qui ne procédé point de la meme fource. II eft manifefte, par exemple, que les animaux qui s'entortillent autour de la trompe de 1'éiéphant & qui la preifent jufqu'ace qu'ils 1'aient étouffé, ne le font pas dans Ie deliein de fe procurer de la nourriture. Lorfque 1'hermine faute & s'établit dans 1'oreille de 1 ours & del'élan, & qu'elle les mord avec i.esndpn,ts ^igues, on ne peut pas dire que ces holtitites foient occafionnées par la faim. Du refte , il n'y a point d'animal fur la terre, quelque petit qu'il foit, qui ne ferve de pature a d autres animaux. Je fais bien qu'il y a des gens a qui cet arrangement de la nature paroit cruel & peu convenable. Mais je ne crains pas de foutenir que cette antipathie même & ces inimitiés, qui ont lieu entre les animaux, fournilfent une excellente preuve que tout eft bien. Oui, a confiderer les animaux dans 1'enfemble, il leur eft avantageux que les uns fervent a la fubfiftance des autres} car d'uncótéun grand nombre delpeces ne pourroient pas exifter fans cela, de 1 autre ces nouvelles efpeces , bien loin de nmre aux autres, leur font très-utiles. Les infedes & plufieurs reptiles fe nourrufent de charognes. D'autres s'établiffent dans le corps de certains animaux & y vivent de leur chair & de leur fang. Et ces infedes mèmes fervent de pature a d'autres bêtes. Les animaux carnaf-  Sur les ceuvres de Dieu. 79 fiers & les oifeaux de proie tuent d'autres créatures pour s'en nourrir. II y des efpeces qui multiplient fi prodigieufement , qu'ellesdeviendroient a charge fi leur population n etoit troubiée. S'il n'y avoit point de moineaux qui détruififlent les infedes, que deviendroient les fleurs & les fruits 'i Sans 1'ichneumon, qui, a ce qu'on dit, cherche les ceufs du crocodile pour les brifer & les détruire, ce terrible animal fe multiplieroit d'une maniere eftrayante. Une grande partie de la terre feroit deferte, & quantité d'efpece de créatures n'exifteroient point, s'il n'y avoit point de bêtes carnaiüeres. Ondira peut-être qu'elles fe nournroient de végétaux: mais en ce cas nos champs lufhroient a peine a la fubfiftance des moineaux & des hirondelles. II faudroit aufli que la ftructure du corps des animaux carnivores tut toute différente de ce qu'elle eft a préfent; & comment les poilfons pourroient-ils trouver leur fubfiftance, s'ils ne pouvoient pas fe nourrir des habitans des eaux ? 11 y a d'ailleurs tout lieu de croire que les animaux perdroient beaucoup de leur vivacité & de leur induftrie, fans les guerres continuelles qui regnent en.tr'eux. La création ne feroit pas fi animee, les bêtes feroient engourdies , & 1'homme même perdroit beaucoup de fon activite. Ajoutons, que plufieurs preuves frappantes de la 'fagefle de Dieu nous manqueroient , s'il y avoit une paix univerfelle entre les animaux, car 1'adrelfe, la fagacité, & rinftind merveilleux avec lefquels ils guettent & furprennent leur proie, nous découvrentbienfenfiblement la fagelfe du Créateur. Tant s'en faut donc que les guerres des animaux répandent quelques nuages fur la fagelfe  8° CONSIDÉRATIONS & Ia bonté de Dieu, que ces perfedions en recjoivent au contraire un nouvel éclat. II entroit dans le plan du monde qu'un animal en perlecutat un autre. J'avoue que nous pournons nous plaindre de cet arrangement, s'il en reiultoit I'entiere deftruction de quelques elpeces; mais c'eft ce qui n'arrive point, & les guerres continuelles des animaux font au contraire que leur nombre eft toujours conierve dans un parfait équilibre. Ainfi les bètes carnaiüeres font des chainons indifpenfables dans la chaine desêtres; mais par cette mème railori leur nombre eft très-petit fi on le compare a celui des animaux utiles. II eft encore a remarquer que les plus nuifibles & les plus iorts, font d'ordmaire ceux qui ontle moins d ïntelhgence, & le moins d'adrelfe. Usfe détuifent mutuellement, ou leurs petits fervent de pature a d'autres animaux. De-Ia vient auffi que la nature a accordé aux efpeces les plus foibles, tant d'induftrie & tant de moyens de defenfe. Elles ont les inftincts, la finelfe des iens, Ia vitelTe, 1'adrelTe & la rufe nécelfaires pour contrebalancer la force de leurs ennemis. Qui n'appercevroit en tout cela 1'infinie fa.geile du Créateur, en reconnoiffant que cet etat de guerre, qui paroit d'abord fi étrange dans la nature, eft au fond un véritable bien! Nous en ferions plus convaincus encore fi nous connoiffions mieux l'enfemble des chofes, les liaifons & les rapports que toutes les créatures ont les unes avec les autres. Mais c'eft la une connoilfance qui eft réfervée a 1'economie future, oü les perfeétions divines nous feront manifeftées avec infiniment plus de clarte. Ici-bas cependant nous pouvons déja com- prendre  Sur les ceuvres de Dieu. 8i prendre en quelque forte, pourquoi les hoftilités des animaux lont nécelfaires. Mais ce qui m'eft abfolument incompréhenfible , c'eft qu'entre des créatures plus nobles, entre les hommes, on voie rcgner tant de divifions & des guerres fi deftrudives. Hélas ! il faut avouec a la honte de 1'humanité & du chriftianifme, qu'il y a auffi parmi les hommes des animaux féroces & deftrudeurs , avec cette différence que leurs hoftilités font plus multipliées, & qu'ils fe fervent fouvent de voies plus détournées & plus fecrettes pour fe nuire les uns aux autres. Rien de plus contraire a notre deftination qu'ime telle conduite. L'intention de Dieu eft que chaque homme fe rende utile a fes femblables, qu'il leur rende la vie douce & agréable autant qu'il lui eft poffible, qu'il foit leur défenfeur , leur bienfaiteur , leur Dieu tutélaire ; en un mot, qu'il leur rende tous les bons offices qui dépendent de lui. Ne traverfons point ces vues miféricordieufes du Seigneur, mais appliquons-nous a vivre ici-bas en paix & en concorde. Que les animaux deftitués de raifon fe perfécutent, fes haïlfent, fe détruifent mutuellement; mais pour nous, ai: mons-nous a 1'exemple de Jéfus - Chrift, & tachons de nous rendre heureux les uns les autres. Tome III. t  %1 constdérations VINGT-TROISIEME SEPTEMBRE. Utilités moralcs des nuits. I-jEs jours commencenta devenirplus courts & les nuits plus longues. Et combien n'y a-til pas de gens qui font mécontens de cet arrangement de la nature? Ils fouhaitent peut ètre én fecret qu'il n'y eüt point de nuit, ou que du moins dans tout le cours de 1'année, les nuits ne fuïTent pas plus longues qu'eiles ne le font dans les mois de Juin & de Juillet. Mais de tels fouhaits font déraifonnables , & décelent notre ignorance. Si nous voulions nous donner la peine de réfléchir fur les avantages qui réfultent de la viciffitude des jours & des nuits, nous ne nous précipiterions pas ainfi dans nos jugemens, & nous ne ferions pas des plaintes fi malfondées; mais nous reconnoitrions les bienfaits de la nuit & nous en bénirions Dieu. Ce qui eft déja bien propre a nous faire fentir 1'utilité morale de la nuit, c'eft qu'elle interrompt le cours de la plupart des vices, ou du moins de ceux qui font les plus funeftes a la fociété. Les ténebres forcent 1'homme malfaifanta prendre du repos, & elles procurent quelques heures de foulagement a la vertu opprimée. Le négociant injufte & frauduleux celfe pendant la nuit de tromper fon prochain, & 1'arrivée des ténebres arrète mille défordres. Si les hommes pouvoient veiller le doublé de ce qu'ils font a préfent, a quel point effrayant les mauvaifes adions de toute efpece ne fe multiplier«?ient-elles pas ? Les méchans en fe  Sur les ceuvres de Dieu. 8? livrant au vice fans interruption, acquerroient une horrible f'acilicé a pécher. En un mot, on peut dire que plus les nuits font longues , moins il fe commetde crimes dans 1'efpace de vingtquatre heures ; & ce n'eft certainement pas la un des moindres avantages que nous procure la nuit. De combien d'inftrudtions & de plaifirs notre efprit neferoit-il pas privé, s'il n'y avoit point de nuits? Les merveilles de la création que le ciel étoilé ofFre a nos yeux, feroient perdues pour nous. Mais a préfent que chaque nuit nous manifefte dans les étoiles la grandeur de Dieu , nous pouvons élever notre creur vers lui & fentir d'autant plus vivement notre néant. Si chaque occafion qui rappelle Dieu a notre efprit, doit nous ètre précieufe, combien ne devons-nous pas aimer la nuit qui nous prêche d'une maniere fi énergique les perfeétions du Seigneur ! Ah! fi nous voulionsyétre attentifs, il n'y a point de nuit qui nous parut trop longue, il n'y en a point qui ne put nous ètre très-avantageufe, & une feule nuit oü nous méditerions fur les ceuvres de Dieu, auroit les plus falutaires influences fur toute notre vie. Contemplez donc déformais avec attention le théatre immenfe des merveilles de Dieu, que la nuit découvre a vos yeux. Une feule bonnepenfée que ce grand fpéclacle fera naitre , penfée avec laquelle vous vous endormirez, qui vous reviendra a votre réveil, & que vous entretiendrez enfuite pendant la journée, pourra ètre de la plus grande utilité pour votre efprit & pour votre cceur. En général, la nuit eftun tems très-heureux pour ceux qui aiment a méditer & a réfléchic fur eux-mêmes. Le tumuke & la dilfipation oü, F %  84 CONSIDÉRATIONS nous vivons d'ordinaire pendant le jour, ne nous laiifent que peu de tems pour nous rerecueillir, pour nous détacher de la terre, & pour nous occuper férieufement de notre deftination , & denos devoirs. Mais la tranquillité de la nuit nous invite a ces falutaires occupations & nous les facilite. Nous pouvons alors, fans être interrompus, nous entretenir avec notre cceur, & acquérir la fcience importante de Ia connoilfance de nous-mèmes. L'ame peut recueillir fes forces & les diriger fur les objets qui fe rapportent a fon bonheur eternel On peut alors eifacer les mauvaifes impreifions qu'on a recues dans le monde, & fe munir contre les exemples féduifans du fiecle. C'eft le moment de penfer fans diftraclion a la mort, & de s'occuper des grandes fuites qu elle don avoir. La tranquillité & la folitude de nos cabinets favorifent les penfées religieufes, & nous infpirent le delir de nous en occuper de plus en plus. Toutes les nuits qu'il plaira a Dieu de m'accorder encore, feront donc fanctifiées par ces meditations falutaires. Bien loin de murmurer de laviciifuudedes ténebres & de la lumiere ■I en remercierai Dieu ; & je bénirai chaque nuit dans laquelle j aurai mieux appris a connoitre ma mftere, la gloire du Seigneur, & les choies qui appartiennent a mon falut.  VINGT-QUATRIEME SEPTEMBRE. Sur Pindiffërence que Pon a pour les ceuvres de la nature. D 'Oü vient que 1'on eft fi indifferent & fi froid a 1'égard des oeuvres de Dieu dans la nature? Laréponfe a cette queftion peut donner lieu a diverfes réflexions importantes.^ L'une des caufes de cette indiftérence; c'eft Vinattention. Nous fommes fi accoutumés aux beautés de la nature, que nous négligeons d'admirer la fagelfe dont elles portent l'empreinte, & que nous ne fommes pas auffi reconnoiflans que nous le devrions pour les avantages fans nombre qui nous en reviennent. 11 n'y a que trop de gens qui reffemblent au bétail ftupide, qui pak 1'herbe des prés & qui fe défaltere le long des ruiffeaux, fans rechercher le moins du monde d'oü lui viennent les biens dont il jouit, & fans reconnoitre la bonté & la fagelfe de celui qui les lui a donnés. Ainfi les hommes, quoiqüils foient doués de facultés plus excellentes & qu'ils aient par cela mème plus de part aux bienfaits de la nature, ne penlent prefque jamais a la fource d'oü ils émanent. Et lors même que la fagelfe & la bonte de Dieu fe manifeftent le plus fenfiblement, ils n'en font point frappés, paree qu'ils y font accoumés: 1'habitüde tes rend indifferens & infenfibles, au lieu d'exciter leur admiration & leur reconnoitfance. Bien des gens font froids fur le fpeclacle de la nature par ignorance. Combien n'y en a-t-il pas qui n'ont aucune connoiifance despheno- SUR OS CEUVRES DE DlEU. 8f  85 CONSIDÉRATIONS menes même les plus ordinaires ? Ils voien* tous les jours le foleil fe lever & fe coucherleurs champs font humectés tantót par la pluie *cia rolee, tantót paria neige; les plus admirables revolutions s'operent fous leurs yeux a chaque printeras: mais ils ne fe mettent point en peine de rechercher les caufes & les iins de ces divers phénomenes, & ils vivent a cet egard dans la plus profonde ignorance. II elt vrai qu il y a toujours mille chofes qui reftent incomprehenfibles pour nous , avec que que loin que nous les étudions, & jamais les bornes de nos lumieres ne fe découvrent rmeux que lorfque nous entreprenons d'approlondir les opérations de la nature. Mais nous pourrions au moins en acquérir une connoiffance hiftorique; & le moindre laboureur pourroit comprendre comment il arrivé que le gram dont il enfemence fes terres, vienne a germer & a pouflèr, s'il vouloit fe donner Ja peine de s en inftruire. D'autres dédaignent les ceuvres de la nature paree quils ne font occupés que de leurs mterets aéluels. Je fms perfuadé qu'il y auroit des obfervateurs plus attentifs de la nature, li, par exerople , les araignées filoient des toiles dor (i les ecrevilfes renfermoient des perles, li les neurs de nos prairies avoient la vertu de rajeun.r les vicillards. Nous n'effimons d'ordmaire les chofes que relativement a notre interet & a nos fantaifies. Les objets qui ne atisfont pas immediatement & d'une maniere lenbble nos defirs effrénés, nous les jugeons indlgnes de notre attention. Notre amourpropre eft menie fi deraifonnable, & nous connoiilons fi mal nos vrais intéréts , que nous dedaignons les chofes qui nous font les plus  Sur les ceuvres de Dieu. 87 utiles. Le bied, par exemple, eft une des plan, tes les plus indifpenfablement nécelfaires a notre fubfiftance, & cependant nous voyons des champs entiers couverts de cette prpducïion fi utile de la nature, fans les confidérer avec réflexion. Plufieurs perfonnes negligent la contemplation de la nature p&rparejji. Elles aiment trop leur repos & leurs aifes, pour prendre quelques heures fut leur fommeil afin de contempler le ciel étoilé; elles ne peuvent pas fe refoudre a quitter leurs hts d'aifez bonne heure pour voir le lever du foleil; elles craindroient de fe trop fatiguer fi elles fe courboient vers la terre pour obferver 1'art admirable qui fe découvre dans la ftructure de 1'herbe. Et ces mèmes gens qui font fi attachés a leur aifes & a leurs commodités , font cependant pleins d'ardeur & d'activité quand il s'agit de fatisfaire leurs pafllons. Ce feroit une efpece de martyre pour 1'intempérant & le joueur que d'ëtre obligé de confacrer a la contemplatioit d'un beau ciel étoilé, les heures qu'il a coutume de paffer a boire & a jouer. Un homme qui aime la promenade , & qui feroit plufieurs lieues a pied pour aller voir un ami, feroit de mauvaife humeur fi on vouloit 1'engager a faire un voyage de deux lieues pour obferver une fingularité de la nature. Quantité de gens dédaignent les ceuvres de Dieu dans la nature par irréligion. Ils ne fe mettent point en peine d'apprendre a connoitre la grandeur de Dieu. Ils n'ont pomt de goüt pot»r la piété, ni pour les obligations qu'elle prefcrit. LouerDieu ,1'aimer, & reconnoitre fes bienfaits font poureux des devoirs défagréables & pénibles. Nous ne fommes que F 4  88 CONSIDÉRATIONS trop fondés a croire que c'eft la une des principales caufes de 1'indiiférence des hommes pour les ceuvres du Seigneur. S'ils eftimoient par- delfus tout la connoillance de Dieu ils iaiuroient avec empreffement & avec plaifir , toutes les occafions de s'affermir & de fe perfedionner dans la connoiifance & dans 1'amour de leur Créateur. Les deux tiers, peut-être, des habitans de Ja terre peuvent être rangés dans les diverfes clalles que nous venons d'indiquer. Au moins e ft-il certain qu'il y a peu de perfonnes qui etudient dune maniere convenable les ceuvres de Dieu, & qui s'y plaifent. C'eft-la une ttiite verite, dont nous voyons tous les jours des preuves. Ah ! pïüt a Dieu que nous fentilüons enfin combien peu il convient a des hommes d'etre fi infenfifales , fi inattentifs , aux ceuvres du Créateur, & combien nous nous degradons, nous nous ravalons par-la au-deiious des brutes mêmes! Quoi' nous aunons des yeux, & „ous ne contemplerions pa les merveilles qui nous environnent de toutes parts! Nous aurions des oreilles, & Jes parties de la creation entonnent a la louan- femnl,, nateU^! N,°US fou!^^ions de contempler Dieu dans le monde a venir, & nous refufenons de le confidérer dès ici-bas dans es admirables ouvrages! Ah! renoncons a une indifference fi criminelle, & tachons délormais de lentir quelque chofe de cette joie dont David etoit penétré toutes les fois qu'il  Sur les ceuvres de Dieu. 89 VINGT-CINQUIEME SEPTEMBRE. Sur divers phénomenes & mëteores noilurnes. D A n s un tems a-peu-près ferein , on voit fouvent autour de la lune une clarté circulaire, ou un grand anneau lumineux , que 1'on appelle halo ou couronne. Son contour extérieur a quelquefois les foibles couleurs de 1'arc-en-ciel. La lune fe trouve au milieu de cet anneau , & 1'efpace intermédiaire eft d'ordinaire plus obfeur que le refte du ciel. Quand la lune eft dans fon plein & fort élevée fur 1'horizon, 1'anneau paroit plus lumineux. II eft fouvent d'une grandeur confidérable. II ne faut pas croire que cette efpece de couronne foit réellement autour de la lune : la caufe doit en ètre cherchée dans notre athmofphere, dont les vapeurs font fubir aux rayons de lumiere qui les pénétrent, une réfra&ion propre a produire est effet. . On remarque quelquefois autour ou a cóte de la véritable lune, quelques fauffes lunes, que 1'on appelleparaféknes. Ces phénomenes ont la mème grandeur apparente que la lune; mais leur lueur eft plus pale. Ils font prefque toujours accompagnés de quelques cercles dont les uns ont les mêmes couleurs que l'arc-en-ciel, tandis que les autres font blancs, & plufieurs ont de longues queues lumineufes. Tout ce phénomene n'eft encore qu'une illufion produite par la réfraction. La lumiere de la lune tombant fur des vapeurs aqueufes & fouvent glacées, fe réfracle de diverfes manieres & fe fépare en rayons colorés, quiparvenant al'ccil  90 CONSIDERATIONS du fpectateur, lui préfentent de nouveau Pitna» ge de la lune. Quelquefois, mais très-rarement, on voit au clair de lune, après une forte pluie, un are-en ciel lunaire, qui a les mèmes couleurs que le folaire , excepté qu'elles font prefque toujours plus foibles. Ce météore eft auffi occalionné par la réfraclion des rayons. Lorfque dans 1'athmofphere fupérieure , des vapeurs fulfureufes, & autres, viennent a s'enflammer, nous voyons fouvent des fillons de lumiere partir rapidement comme des fufées. Quand ces vapeurs fe réuniffent en une malfe, & qu'écant enflammées, elles tombent en bas, on croit voir de petits globes de feu tomber du ciel; & comme dans 1'éloignement ils paroiifent avoir la grandeur d'une étoilé, on les nomme a caufe de cela des étoiles tombantes. Le peuple s'imagine alors que ce font de véritables étoiles qui fe déplacent, fe diffipent, ou du moins fe purgent & fe purifient. Quelquefois on voit ces prétendues étoiles, très-brillantes & magnifiquement colorées , defcendre lentement & acquérir toujours un nouvel éclat, jufqu'a-ce qu'enfin elles s'éteignent dans les vapeurs de 1'athmofphere inférieure, & tombent fur la terre, oü 1'on dit qu'elles lailfent «ne matiere gluante & vifqueulé. On a vu auffi de grands globes de feu, qui font plus lumineux que la pleine lune, & qui ont quelquefois des queues derrière eux. II eft vraifemblable que des vapeurs fulfureufes & nitreufes s'y font accumulées & enflammées; car d'ordinaire elles traverfent l'air avec beaucoup de rapidité , & crevent enfuite avec éclat: quelquefois auffi lorfque les parties enflammées, qui les compofent, font d'une autre nature, elles fe difperfent fans bruit dans les hautes régions de 1'athmofphere.  Sur les ceuvres de Dieu. 91 Les petits éclairs que 1'on voit fi fouvent dans les nuits d'été après de fortes chaleurs , font produits par les vapeurs de 1'athmofphc-re ; vapeurs que 1'on voit d'autant moins qu'elles font plus élevées. Ce météore fe diftingue des vrais éclairs en ce qu'il n'eft jamais fuivi du bruit du tonnerre. Ces feux font proprement la réverbérationd'un éclair trop éloigné pour que 1'on puiife entendre le coup qui 1'accompagne. Car un éclair qui eft a lahauteur d'un quart de lieue d'Allemagne, peut ètre vu k une diftance de vingt-deux lieues & demic, & fa réverbération plus loin encore, au lieu qu'on peuta peine entendre le tonnerre a un éloignement de deux ou de trois lieues. Le dragon volant, la chevre dan/ante, la poutre hülante, & divers autres météores, doivent les nom bizarrres qu'ils portent aux figures fingulieres fous lefquelles 011 croit les voir. Ce ne font que des exhalaifons groffieres & vifqueufes, qui fermentent dans les régions humides de l'air inférieur, & qui étant prelfées en divers fens par 1'athmofphere agitée, prennent différentes figures auxquelles le peuple donne des noms extraordinaires. Plufieurs naturaliftes ont produit en petit, par le mélange de certaines matieres, quelques-uns de ces phénomenes. De tous les phénomenes nocturnes, il n'en eft point de plus remarquables & fouvent de plus brillans, que les aurorts boréales. On les oblerve d'ordinaire depuis le commencement de l'automne jufqu'a 1'entrée du printems, lorfque le rems eft clair & ferein, & que la lune n'a pas beaucoup de lueur. Les aurorea boréales ne font pas toujours accompagnées des mêmes ghénomenes. D'ordinaire ce n'eft  92 CONSIDÉRATIONS que vers minuit qu'on appercoit une lueuf qui refiemble a celle de 1'aube de jour. Quel. querois aulli on obferve des fiilons , des jets de lumiere, des nuées blanches & lumineufes qui font dans un mouvement continuel. Mais lorique l'aurore boreale doit fe montrer dans toute ja perredion, on voit prefque toujours, dans un temscalme & ferein, vers le feptentnon, un elpace obfcur, une nuée noire & epaiiie , dont le bord fupérieur eft entouré d une bande blanche & lumineufe, d'oü partent bientót des rayons, des jets brillans, des colonnes tres - refplendilfantes , qui en s'élevant de moment en moment, prennent des couleurs jaunes & rouges , fe rapprochent enluite, le joignent & forment des nuées lumineutes & denles , & fe terminent enfin par des couronnes blanches, bleues, couleur de ieu ou du plus beau pourpre, d'oü partent continuellement des jets de lumiere: c'eft alors que le phenomene eft dans toute fa pompe & dans toute fa fplendeur. Quelle n'eft pas la magnificence de Dieu 1 La nuit mème annonce fa majefté. Et comment pourrois-je me plaindre de ce que dans cette lailon les nuits deviennent de plus en plus longues, puifqu'elles m'oifrent des fpectacies li maguifiques & qui peuvent intérelfer mon elpnt & mes fens ? Les phénomenes dont nous venons de parler , rendent les longues nuits des peuples feptentrionaux non-feulement fupportables, mais même bri'lantes & agreables. Les nötres qui font bien plus courtes, pourroient cependant nous procurer des plaihrs tres-diverfifiés, fi nous voulions être attentifs a de tels phénomenes. Je veux donc m'accoutumer a élever non - feulement mes rtgkrd&/ ),i&,is attfifil ?non. c.oeur v8 CONSIDÉRATIONS vivent fur terre, font les plus petites; parmi celles de mer, il s'en trouve dont la longueur eft de cinq aunes, & qui pefent jufqu'a huit ou neuf eens livres. II y a diverfes fortes de lézards: les uns ont la peau unie , d'autres font couverts d'écailles; il y eu a d'ailés, d'autres qui ne le font point. On appelle dragons ceux qui ont des ailes. Parmi ceux qui n'en ont point, on compte le crocodde; le camélêon qui peut vivre fix mois fans prendre aucune nourriture; la falamandre qui a la propriétc d'ètre quelque tems dans le feu fans être confumée, paree que la vifcofité froide & glaireufe qu'elle dejedte de toutes parts, éteint les charbons. De tous ces animaux , le crocodile eft le plus redoutable. Cet amphibie, forti d'un ceuf qui n'eft pas plus gros que les ceufs d'oie, parvient a une grandeur fi monftrueufe qu'il a quelquefois vingt a trente pieds de long. II eft vorace, cruel & très-rufé. Les Jerpcns forment la feconde clalfe des ampaibies. Ils n'ont point de pieds , mais ils rampent par un mouvement finueux & vermiculaire , au moyen des écailles & des anneaux dont leur corps eft couvert: leurs vertebres ont une ftrudure particuliere qui favorife ce mouvement. Plufieurs de ces ferpens ont la propriété d'attirer les oifeaux ou les petits animaux dont ils veulent faire leur proie : faifisde frayeura la vue du ferpent, & peutêtre étourdis par fes exhalaifons venimeuïes, & par fa puanteur, ces oifeaux n'ont pas la force de fuir, & ils tombent dans la gueule beante de leur ennemi. Comme les machoires des ferpens peuvent s'étendre confidérablement, ils avalent quelquefois des animaux donc le volume eft plus gros que celui de leur  Sur les ceuvres de Dieu. 99 tête. Plufieurs ferpens ont dans la gueule certaines armes qui relfemblent beaucoup a leurs autres dents. Ce font des efpeces de dards qu'ils lancent & retirent a volonté, & c'elt par-la qu'ils gliifent dans les plaies qu'ils font une humeur venimeufe qui fort d'une bourfe placée a la racine de la dent. Ce venin a la propriété finguliere de n'être nuifible que dans les plaies , tandis qu'il peut être pris intérieurement fans danger. Les ferpens qui font pourvus des armes dont nous venons de parler, ne font que la dixieme partie de 1'efpece entiere: tous les autres ne font point venimeux, quoiqu'ils s'élancent fur les hommes, & fur les animaux avec autant de fureur que s'ils pouvoient leur faire du mal. Le fcrpent d fonnettes eft le plus dangereuxde tous. II a d'ornaire trois a quatre pieds de longueur, & eft; de la grolfeur de la cuiife d'un homme fait. Son odeur eft forte & défagréable. II femble que la nature la lui ait donnée de mème que les fonnettes, afin que les hommes fulfent avertis de fon approche , & qu'ils puifent 1'éviter. Ce reptile n'eft jamais plus furieux, & plus terrible que lorfqu'il pleut, ou qu'il eft tourmenté par la faim. II ne mord que lorfqu'il s'eftreplié en cercle; mais ce mouvement fe fait avec une vitelfe incroyable: fe rouler fur lui-mème, s'appuyer fur fa queue, s'élancer fur fa proie, la blelfer & fe retirer, eft pour lui 1'affaire d'un inftant. Plufieurs de mes ledteurs fe diront peutêtre: mais pourquoi donc Dieu a-t-il créé ces efpeces d'animaux, dont prefque tous femblent n'exifter que pour le to-urment & la deftruöion de 1'homme? Cette queftion & d'autres femblables, montrent que nous ne pen» G *  ioo Consid£rations fons qu'a nous-mcmes, que nous nous précipitons dans nos jugemens, & que nous fommes enchnsa blrimer les ceuvres de Dieu. Conhderees fous ce point de vue ces queftions iontindecentes& condamnables; mais fi nous les railons pour nous convaincre de plus en plus de la fagelfe & de la bonté de Dieu a 1'égard de toutes les chofes créées, il etl nonieulement convenable, mais c'eft même un devoir pour toute perfonne qui réfléchit, de demander: pourquoi Dieu a-t-il produit telles ou telles chofes qui paroilfent nous être nuiiuJ-P cXldonc * ceux qui font dans ces louab.es dilpohtions & qui cherchent a s'inftruire que je m adreife a préfent. II vous femble peutetre que des animaux tels que les lézards & ieslerpens, ne fauroient avoir été créés pour ie bien general du monde. Mais ce jugement elt precipite. Car fi parmi les amphibies, il y en a quelques-uns qui font beaucoup de mal, al.elt d un autre cóté certain que la plupart ii en font point. Et n'eft-ce pas une preuve de la bonte de Dieu, qu'il n'y aitque la dixieme partie des ferpens qui foient venimeux ? iJ aiileurs, ceux même qui font nuifibles ont le corps tormc de maniere qu'on peut leur echapper & le garantir de leurs attaques. Quelque redoutable, par exemple, que foit le ferpent a loiinettes, il ne peut point cacher fa marche : fon odeur & fesfonnettes nous avertillent de ne point 1'approcher. II eft encore a remarquer que la Providence a oppofé a cet animal li dangereux, un ennemi qui peut le dompter. Leicochon-marïn cherche par-tout ie ierpent a fonnettes, & le dévore avec avidite Ily a plus: un enfant eft aifez fort pour tuer le plus terrible de ces reptiles. Un trés-  Sur les ceuvres de Dieü. ioi léger coup de baguette frappé fur leur dos, les fait mounr incontinent, ou tout au plus tard un quart d'heure après. Et combien ne feroitil pas injufte, de ne porter en compte que le mal que ces animaux nous font, fans penfer aux avantages qu'ils nous procurent! Quelques amphibies nous fervent de nourriture; d'autres nous fournilfent des remedes ; les tortues nous font trés - utiles par leurs écailles, &c. En un mot, la fagelfe & la bonté de Dieu fe manifeftent ici, comme en toute autre chofe. Réfléchir fur ces perfections du Seigneur, les admirer , & les adorer, voila quel eft notre devoir a 1'afpect des créatures qui paroilfent nous ètre nuifibles ; mais il ne nous convient jamais deblamer fes arrangemens & d'en murmurer. Cela feroit d'autantplus condamnable, que nos lumieres font trop courtes pourpouvoir toujours découvrir les ufages auxquels ces créatures font deftinées. VINGT-HUITIEME SEPTEMBRE. Perfe&ion des ceuvres de Dieu. C^) U e pourroit on comparera la perfe&ion des ceuvres du Seigneur, & qui pourroit décrire 1'infinie puilfance qui s'y manifefte! Ce n'eft pas aifez que leur grandeur, leur multitude , leur variété nous rempliffenc d'admiration; il faut encore que chaque ouvrage en particulier foit fait avec un art infini, que chacun foit parfait en fon genre, & que l'exadlitude&la régularité desmoindres produélions G 3  302 CONSIDÉRATIONS annoncent la grandeur & 1'intelügence fans bornes de leur auteur. On s'étonne avec raiion des differens arts que les modernes ont ïnventes, & au moyen defquels ils exécutent des choles qui auroient paru furnaturelles a nos ancetres. Nous mefurons la hauteur, la largeur, la profondeur des corps; nous connoilfons les routes que parcourent les étoiles; nous dirigeons le cours des fleuves; nous pouvons elever & comprimer les eaux,nous conftruilons des batimens mobiles fur la mer, & nous venons a bout de quantité d'autres 'ouvrages qutfont honneur a 1'entendement humain. Mais que font toutes les inventions des hommes, que font leurs ou vrages les plus beaux & les plus magniques , en comparaifon de la moindre des ceuvres de Dieu ! Quelles foibles , quelles imparfaites imitations! Combien la copie n'eft-elle pas au-deffous de 1'original • Q_ue le plus habile artifte s'applique de tout Ion pouvoir, a donner afonouvrage uneforme agreable & utile, qu'il le travaille, qu'il le perleclionne, qu'il le polilfe avec tout le loin imaginable; & qu'après toutes fes peines, toute fon induftrie, tous fes efForts, il vienne a conlidérer ce chef-d'ccuvre a travers Ie microfcope, combien ne lui paroitra-1-il pas informe, rude & groffier? Q_uels défauts de rcgulante & de proportion n'y découvrirat-il pas? Mais que 1'on examine a la fimple vue, ou bien a 1'aide des meilleurs verres les ouvrages de la toute-puiffance, on les trouvera toujours admirables, toujours de laplus grande beauté. Peut-être qu'au nucrofcope, ils paronront moins reconnoiffables , & qu'on croira voir des corps tout differens de ceux que 1 on appercevoit a la fimple vue; mais  Sur les ceuvres de Dieu. 103 on y trouvera toujours des formes exquifes, une iuftefle,un ordre, une fymmétrie incomparables. Oui, la fagelfe divine a forme & arrange toutes les parties de chaque corps avec un art infini, & felon le nombre, le poids & la mefure. Telle eft la prérogative d'une puilfance qui n'a point de bornes, que toutes fes peuvres font régulieres & parfaitement proportionnées. Depuis la plus grande jufqu'a la moindre de fes produ&ions, par-tout on voit regnet un ordre admirable. Tout eft dans une fi parfaite harmonie, tout eft fi bien lié, qu'on ne trouve aucun vuide, & que dans cette chaine immenfe d'ètres créés, il ne manque aucun chainon, rien n'eft informe, tout eft neceffaire a la perfe&ion de 1'enfemble , comme chaque partie confidérée féparément & en ellemème, a toute la perfe&ion qui lui convient. Pourricz- vous décrire les beautés innombrables, les charmes fi variées, le mélange gracieux des couleurs, les teintes öt les décorations fi diverfifiées des prairies, des vallons , des montagnes, des forèts, des plantes, des fleurs, &c? Y a-t-il aucune oeuvre de Dieu qui n'ait fa beauté propre & diftin&ive? Ce qui eft le plusutile, n'eft-il pas en mème tems leplus beau? Quelle étonnante variété de formes , de figures, de grandeurs ne découvre-ton pas dans les créatures inanimées? Mais une diverfité bien plus confidérable encore a lieu entre celles qui font animées; & cependant chacune d'elles eft parfaite & 1'on ne fauroit y trouver rien a reprendre. Quelle ne doit donc pas être la puilfance de 1'Etre, qui par un feul a&e de fa volonté a donné 1'exiftence a toutes ces créatures! G 4  ÏC-4 C O N S I D i R A T I O N S Mais pour admirer la grandeur de Ia puilfance de mon Dieu , il n'eft pas nécelfaire que je remonte a ce tems oü a fa parole to2s les etres fortirent du néant, oü tout fut crei tlZn^N* ' & t0UteF°1S d3,1S ™ ï™ de pertection. Ne vois-je pas encore, a chaque pnntems, une nouvelle création ? Ouoi de plus admirable que les révolutions qui fe font pour ors ! Les vallons , leschamps, les pra ï fur'la finT.V tOUt meUrt 611 fi>»e lur la fin de l'automne, & la nature eft dépouillee de tous fes ornemens pendant 1'hiver lous les animaux languilfent, les oifeaux fê cachent & fe taifent, tout devient défert, & la nature paroit infenfible & engourdie. Cependant une vertu divine a?it en ferrei- * travaille fans quenous le re'cmmoi^n ,'au renouvellement de la nature. La vie rentre dans les corps engourdis, & tout eft dansl'attente d'une elpece de réfurredion Maïs comment puis-je être fi fouvent Ie témoin de ce magmfique fpedacle, fans admirer avec la plus profonde vénération la puilfance & la gloredu tres-haut! Ah! que jamais il uc rn'arnve de refpirer un air frais & vivifaant, fans me livrer a de femblables méditations! Dieu ne fe manifefte-t-il pas dnmla arbre ouffu , jamais je ne verrai une prairie ondovea„sde fleUrS' bdle forêt' desPbïede ondoyans ; jamais je ne cueillerai une fleur je n entrerai dans un jardin, fans me fouvel mt que c'eft Dieu qui a donné a 1'arbre fon fem lage, aux fleurs leur beauté & leurs parfums, aux bois & aux prairies leur anéable verduren que c'eft lui qui fait fortir dclZc  Sur les ceuvres de Dieu. iof i le pain, l'huile £f le vin, qui lêjouijjent le cceur l de 1'homme. Pf.ClV. 14, 1 T- Ravi alors d'ad- I rniration, pénétré de reconnoiffance & d'a- 6 mour, je m'écrierai: Eternel que tes ceuvres font \ grandes & nombreufes! Tu les as toutes faites avec fageffe: la terre eft pleine de tes richeffes. : Jbid. 24. VINGT-NEUVIEME SEPTEMBRE. Les fruits. Nous voici dans 1'heureufe faifon, oü la bonté divine nous prodigue avec tant d'abondance des fruits de toute efpece. Les charmes de tété ont fait place d des plaifirs plus folides, des fruits dclicieux ont remplacé les fleurs.^ La pomme dorêe, dont ïéclat ejl encore rehauffé par des filets couleur de pourpre, fait plier la branche qui la porte. Les poires fondantes, les prunes dont la douceur égale celle du miel, étalent leurs beautés & femblent appelier la main de leur maltre. Ne ferions-nous pas inexcufables , fi a la vue de tous ces biens dont la munificence de Dieu nous comble, il ne nous venoit pas quelques bonnes penfées, & fi nous ne fanctifions pas ainfi les plaifirs de l'automne i Avec quelle fagelfe le Créateur na-1-il pas diftribué les fruits dans les différentes failons del'année! II eft vrai que d'ordinaire c'eft en été & dans l'automne que la nature nous fait cespréfens; mais avec !e fecours del'art nous en fommes auffi favorifés au printems & en hiver, & nos tables peuvent être fourmes au moins de quelques fruits pendant tout le cours  105 CONSIDÉRATIONS de Pannée. Dés le mois de Juin, Ja nature nous fournu d'elle.raême& fa„s leVecoür de I«t, des framboifcs, des grofeilles, & les ce nies communes. Le mois de Juillct garnit nos tables de cerifes , de pêches, d'abricots & de quelques efpeces de poires. Le mois A'Aoüt femble moins donner que prodiguer fes frg! les hgi.es, les cerifes tardives, & une fou è d excellente* poires. Le mois de Septtmbn nous pourvoit deja de quelques raifins, des poirës d OSobre font diverfes fortes de poires des pommes, & le déhcieux fruit de la vigne C'eft avec cette fage économie que Ja nature" nous mefure & nous départit fes dons, d'un cöï afin que leur trop grande abondance ne nous foit point a charge, & de 1'autre afin de nous procurer tou,ours des plaifirs fucceififs & va nes. II eft yrai qu'a mefure que nous avancons dans 1'hiver le nombre des bons fruits commence confidérablement a diminuer/ma s iart nous a appris a en conferver quelquesuns pour cette faifon mème. Dieu n'a pas voulu difpenfer 1'homme des foins qu'il fau pour cela, afin deleten.r toujours enaclivité & de lexciter au travail par fes befoins. De! ^T^V^V mdbllé fes Wens avec tant de diverfité, & qu'il a voulu qu'ils fe gï talfent ou quMs perdiflènt de leur valeur dès qu on n aurott pas les attentions convenabies pour les conferver. ™«»ics Quelle n'eft pas 1'abondance des fruits & la Cv" T« laqflle Dieu nous !« diftr ! buej Nonobftant la guerre que leur font les o.leaux & les infedes, il nous en refte tou jours en aifez grande quantité pour nous dédommager de cette perte. Calculez feulement,  Sur les ceuvres de Dieu. 107 s'il eft poffible, le fruit que cent arbres portent dans les bonnes années , vous ferez étonné du réfultat, & vous adirurerez cette multiplication prodigieufe qui s'étend a Pinfini. Et pourquoi toute cette abondance de fruits ? II en faudroit fans comparaifon moins s'il n'étoit queftion que de conferver, & de propager les arbres. II eft donc évident que le Créateur a voulu pourvoir a la nourriture des hommes, & en particulier a celle des pauvres & des néceffiteux. En donnanta ceux-ci tant de fruits , il leur a fourni un moyen de fubfiftance peu coüteux, nourrilfant, falubre, & fi agréable qu'ils n'ont aucun fujet d'envier au riche fes méts recherchés & fi fouvent nuifibles. II y a peu de nourritures plus faines que les fruits. C'eft une attention bienfaifante de la Providence, de nous les avoir donnés dans une faifon oü ils font pour nous non-fculement des rafraichiffemens agréables, mais auffi d'excellens remedes. Les pommes nous viennent fort a propos pendant les chaleurs de 1'été, paree qu'elles temperentl'ardcur du fang, & qu'elles rafraichilfent 1'eftomac & les inteftins. Les prunes ont une douceur acide, & un fuc onétueux & émollient, qui peuvent les rendre utiles dans bien des cas. Elles purgent doucement, & corrigent cette acreté de la bde, & des autres humeurs, qui occafionne fi fouvent des inflammations. Et s'il y a quelques fruits dont Pufagepeut devenir nuifible, comme onPalfure des pëches, des abricots & des melons; c'eft une preuve qu'ils ne font pas deftinós pour notre climat, ou du moins pour les perfonncs qui ne peuvent pas obvier, par du vin & des aromares, aux mauvais effets de ces fruits trop rafraichiffans.  108 CONSIDERATIONS _ Rien de plus agréable enfin & de plus defc cteux que les fruits. Chaque efpece a un goüt qui lui elf particulier; & ii eft certain qu'ils perdroient beaucoup de leur prix , s'ils avoient tous la meme faveur, au lieu que cette diverftte nous enrend 1'ufage plus agréable & plus piquant. Ainfi Dieu, femblable a un tendre pere, pourvoit non-feulement a 1'entretien de les créatures, mais encore a leurs plaifirs. Que je n oublie donc jamais en faifant ufage des fruits, la bonté de 1'Etre bienfaifant qui me les difpenfe. Que mon devoir le plus cher ion toujours de me confacrcr au fervice d'un pere fi tendre. Quel ne fera pas mon bonheur ii je me devoue fincérement a lui! Quelle douce iatisfaction, quels plaifirs purs & nobles ne goüterai-je pas! Et a quelles magnifiques efnérances ne pourrai-je pas me hvrer pour 1'a- TRENTIEME SEPTEMBRE. Cantique de huange , imite' du Pfeaume CXL VIL Louez Je Seigneur, car il eft tout-puifiant II compte le nombre des étoiles, il les appelle toutes par leurs noms. Terre & cieux celebrez-le, fon nom eft grand & glorieux; ion iceptre gouverne avec majefté: célébrez Ie tout-puiffant. UnifTez vos accords pour bénir le Dieu de criante. Ames humiliées, venez a lui, venez a votre pere, car il eft doux, clément & miJencordieux: tout nous apprend qu'il eft un Dieu d amour & de grace.  Sur les ctuvres de Dieu. 109 Son ciel s'obfcurcit; mais c'eft pour arrofer la terre de pluies bienfaifantes. La verdure couvre nos champs, 1'herbe croit, les ftmts münlfent, car de fes nuees decoule la benedidtion. L'Eternel eft plein de gratuite. Que tout ce qui refpire glonfie le Seigneur > Oifcaux, poilfons, quadrupedes, infectes rien n'eft oublié, tous font l'objet de fes fouw, tous fe nourrilfent de fes dons. Louons, celébrons notre pere. . O combien il chérit ceux qui le craignent & qui fe confient en fa bonté ! Souvent ami1 ne peut aider fon ami, & fhomme eut-il la torce d'un géant ne peut fe fauver du danger Malheur, malheur au mortel qui cherche de vains appuis! Repofez-vous fur le rocher des fiecles: il eft votre Sauveur _ Rendez-lui graees de ce qu'il a fait connoitre fa volonté , de ce qu'il a donne les loix & fes préceptes. Sa parole eft une jouree de vie & de falut. O peuple de fon alhance, quel eft ton bonheur! Loue , celebre, exalte le Dieu de vérité!  HO CoftSIDÉRATIONS PREMIER OCTOBRE. Hymne d la louange de Dieu T . W & la majefte de mon Créateur, & toutes les fpheres qu, roulent dans 1'immenfe efpace celebrent la fagelfe de fes ceuvres; la mer, les montagnes , les forêts , les abymes , qu'un ade de fa vo onté a créés, font les hérauts de fon arauur lont les hérauts de fa puilfance. \P u garder ie fiIence ■ n'entonnerai- je point une hymne a fa louange ? Ah » je veux que mon ame s'élance jufqu'a fon tróne; & fi douceslarmesqui coulentde mes yeux, exprimeront 1'amour que j'ai pour lui. P Om ma langue begaye, mais tu le vois, ó ft?J2af ' aiilede mon coeur brüle des pi«s famts feux. Ah! quand je pourrois tremper mon timide pinceau dans les flammes du foleil, encore ne pourrois-je tracer un foible crayon, une égere efquilfe, un feul tr.it de ton elfenee. Meme les efprits purs ne peuvent toffnr que d'imparfaites louanges Far quel pouvoir des millions de foleils bri!ent-ils avec tant de fplendeur ? Qui détermine Ie cours merveilleux des fpheres roulantes? Quel hen les unit ? quelle force les anime ' 0 C T O B R E.  Sur les ceuvres de Dieu. iii I C'eft ton fouffle , ö Eternel! c'eft ta voix j puiffante. Tout eft par toi. Tu appellas les mondes, i & ils accoururent dans 1'efpace. Alors notre globe naquit: les oifeaux & les poilfons, le i bétaü & les bêtes fauvnges, qui fe plaifent dans ! les bois, Phomme enfin vinrent 1'habiter & y \ gouter la joie. I Tu réjouis nos yeux par des afpecls rians & i variés; tantót ils fe promenent fur la verte i prairie, ou bien ils contemplent des forêts qui j femblent toucher les nues; tantót ils voient briller la rofée que tu verfes fur les fleurs, & fuivent dans fon cours le ruiifeau limpide oü la forêt vient fe réfléchir. Pour rompre la violence des vents, & tout I. a la fois pour nous otFrir un fpeétacle enchan! teur, s'élevent les montagnes, d'oü jailliffent i des fources falutaires. Tu abreuves de pluies i & de rofée les vallons arides, tu rafraichis l'air i par le fouffle du zéphir. | C'eft par toi que la main du printems étend | fous nos pas des tapis de verdure; c'eft toi j qui dores nos épis, qui colores de pourpre nos raifins; & quand le froid vient engourI dir la nature , tu 1'enveloppes d'un voile i éclatant. Par toi Pefprit de l'homme pénetre jufques 1 dans la voute étoilée; c'eft par toi qu'il con- noit le palfé, qu'il fait difcerner le faux d'a vee I le vrai, 1'apparence d'avec la réalité; c'eft par ; toi qu'il juge, qu'il defire, ou qu'il craint, : qu'il échappe au tombeau & a la mort. Seigneur, ma bouche fera éternellement re; tentir tes hauts faits; feulement ne dédaigne j pas la louange de celui qui devant toi n'ell qu'un foible vermitfeau. Toi qui lis dans mon cceur,  112 considérations agrée les mouvemens qu'il éprouve fans pouvoir les exprimer. Quand Je front ceint d'une couronne immortelle, je me préfenterai devant ton tróne alors j exalterai ta majefté par des chantsplus iubhmes. O moment fi long - tems defiré, jiatez-yous ae paroitre , hatez-vous, mom-nt tortune, ou des joies fans mélange & fans fin inonderont mon cceur. DEUXIEME OCTÖBRE. Effets du feu. X\-Ien dans la nature ne furpaffe Ia vi< ce du reu , & 1'on ne peut confidérer fans etonnement les effets qu'il produit dans tous les corps , & 1'extrême viteffe avec laquelle les parties fe mettent en mouvement. Mais combien peu de perfonnes s'occupent de fes efiets, & les lugent digues de leur attention ' lous les jours cependant au milieu de nos affaires domeftiques, nous éprouvons la bieniailante influence du feu ; mais c'eft peut-être a eau e de cela même que nous n'y fommes pas d ordinaire aflez attentifs. Je crois donc devoir faire fouvenir mes lecteurs de ce bienfait de Dieu, & s'il eft poffible leur en faire lentir tout le prix. II y a un effet du feu qui tombe fous les lens d un chacun c'eft qu'il dilate les corps qu il penetre Les fers que 1'on fait palfer dans une plaque de metal, s'ils font encore neufs, ie gonflent au feu de maniere qu'ils ont de la peine a entrer; mais auffi-tót qu'ils font re- froidisj  Sur les ceuvres de Dieu. hj froidis, on les en fait fortir trés-facilement. Cette düatation, prodaite par le feu , eft encore plus fenfible dans les corps fluides, par exemple , dans le vin, la biere, & fur-tout dans 1'air. Sans cette propriété le thermometre, d'après lequel nous mefurons les divers degrés de chaleur, nous feroit tout-a-fait inutile. Obfervez les effets du feu fur les corps inanimés & compactes. En combien peu de tems il les fond & les change , partie en matiere fluide, partie en matiere folide d'une autre efpece! 11 communiqué fa fluidité a 1'eau, a l'huile, a toutes les grailfes , & généralement a tous les métaux & les met en fuüon. La raifon qui rend ces corps fufceptibles de ce changement, c'eft que leur combinaifon eft plus fimple, & que les parties qui les compofent, font plus homogenes que dans d'autres corps. Le feu péuetre donc plus aifément dans leurs pores, & parvienp plutót aféparerles parties lesunes des autres. De-la il arrivé auffi que ces matieres s'évaporent, quand le feu y pénetre en grande quantité, & avec véhémence. Certains corps foides fubiffent d'autres changemens ; le fable, le caillou, 1'ardoife, le quarts, & le fpath fe vitrifient dans le feu; 1'argille s'y change en pierre; le marbre, les pierres calcaires & la craie s'y transforment en chaux. La diverfité de ces effets ne vient pas du feu, mais des différentes propriétés des matieres fur lefquelleslefeu agit. II peut manifefter troisfortes d'effets fur le même corps, le fondre, le vitrifier & le réduire en chaux , pourvu toutefois que ce corps foit compofé de trois matieres différentes dont 1'une foit métallique, 1'autre vitrefcible, & la troifieme calcaire. Ainfi . le feu par lui-même ne produit rien de nou» Tomc III. " H  Ïl4 CONSIDÉRATIONS veau, il nefait que développer dans les corps des parties qui auparavant étoient cachées. Quant aux fluides, le feu opere fur eux deux effets: il les fait bouillir & il les réduit en vapeurs. Ces vapeurs font formées des parties les plusfubtiles du fluide unies a des particules de feu; de-la vient qu'elles peuvent monter, paree qu'elles font moins pefantes que l'air. A 1'égard des créatures vivantes, le feu produit dans toutes les parties de leur corps la fenfation de la chaleur: fans cet élément 1'homme ne pourroit conferver la vie ; car pour vivre, ilfaut avoir dans le fang une certaine quantité de feu qui en entretienne le mouvement. Pour entretenir ce mouvement & cette chaleur, nous refpirons a chaque int tantun air frais, auquel le feu fe trouve toujours uni; tandis que d'un autre cóté , nous rejettons l'air qui ayant féjourné dans nos poumons, a perdu fon relfort & fe trouve chargé d'humeurs fuperflues. Toutes les réflexions que nous venons de faire, doivent nous confirmer cette vérité importante : que Dieu a tout rapporté au bienêtre des humains, & qu'il a cherché a mettre par-tout fous nos yeux des preuves de fon amour. Combien d'avantages les feuls effets du feu ne nous procurent-ils pas? Par 1'union du feu & de l'air les faifons fe renouvellent, 1'humidité du fol & la fanté de 1'homme fe confervent; c'eft par le feu que 1'eau eft mife en mouvement & fans lui elleperdroit bientót fa fluidité. Par le doux mouvement qu'il entretient dans tous les corps organifés, il les amene par degrés a leur entiere perfe&ion. Ii conferve la branche dans le bouton , la plante dans la graine, & fembryon dans 1'ceuf: il  Sur les ceuvres de Dieu. jij procure a nos alimens la préparation néceffaire ; il contribue beaucoup a la formation des métaux, & les rend propres a notre ufage. Enfin, quand nous ralfemblons les diverfes propriétés du feu, nous voyons que le Créateur a répandu par fon moyen une multitude de bienfaits fur notre globe; vérité qui devroit faire la plus grande impreffjon fur notre cceur, nous exciter a aimer 1'auteur de notre être, & nous infpirer le contentement d'efprit. Plus nous recherchons la nature des chofes, plus nous découvrons que tout concourt au out le plus parfait. Par-tout nous découvrons des plans magnifiques; un ordre admirable, une liaifon, une harmonie conftante entre les parties & 1'enfemble , entre les fins & les moyens. Pour s'en convaincre, il n'eft pas befoin d'une grande contention d'efprit, il fuffit de contempler tranquillement la nature, & dans la plupart des cas de faire ufage de nos lens pour reconnokre, que tout ce que Dieu a fait eft rempli de fagefle & de bonté. TROISIEME OCTOBRE. De l,injiin& & de Vinduftrie des oifeaux. BlEN fouvent déja les oifeaux nous ont procuré d'innocens plaifirs. A préfent qu'une grande partie de ces joyeux habitans de l'air vont difparoitre pour long-tems a nos yeux, occupons-nous d'eux encore une fois ; que leur afpecl: nous récrée & nous excite a penfer avec un vif fentiment de reconnoilfance & de joie a Dieu leur auteur & le notre. AU H a  116 CONSIDÉRATIONS moins eft-il certainque j'éprouve toujours un iingulier piaiiir, en contemplant les divers inftincts dont le Créateur a doué chaque oifeau. Aucun de ces inftinéts n'eft inutile ou fuperflu, chacun eft indifpenfablement néceffaire a la confervatiou ou au bien-être de 1'animal; & quelque peu que nous en connoilfions, ce peu juffit pour nous donner la plus haute idéé de la fagelfe & de la bonté de Dieu. Quand je réfléchis en premier lieu fur 1'inftinct qui porte les oifeaux au mouvement, je trouve en cela feul un jufte fujet d'admiration. L'experience peut me convaincre que le mouvement eorporel exige quelque chofe de plus que de la force & des membres fouples & bien conformés. Ce n'eft qu'après beaucoup d'eifais & dechutes, que je fuis parvenu a garder 1'équilibre, a marcher avec aifance, a courir, a lauter , a m'afleoir & a me lever; cependant pour un corps conftruit comme le mien , ces mouvemens paroinent de beaucoup plus faciles qu ils ne le font pour les oifeaux. Ces animaux «ont aufli que deux pieds, mais leur corps ny repofe pas perpendiculairement, il dépafle les pieds par devant comme par derrière; & cependant un pouletpeutfe tenir debout & fe mettre a eourir dés qu'il fort de i'ccuf. Les jeunes canards qui ont été couvés par une poule connoiffent leur élément & nagent dans leau lans avoir été dirigés par 1'exemple ou i mttruction. D'autres oifeaux favent d'abord seleyer de leur nid dans les airs, s'y tenir en equihbre, pourfuivre leur route en faifant des battemens d'alle égaux & mefurés , étendre leurs pieds, déployer leur queue 8c s'en fervir en guife derame, achever même de longs yoyages qui les conduifent dans des contrées  Sur les ceuvres de Dieu. 117 bien éloignées du lieu de leur naiflance. — Combien n'eft pas admirable encore 1'art qu'on leur voit employer pour fburnir a leur fubfiftance ; art qu'ils apportent en naiifant ? Certains oifeaux qui d'ailleurs ne font pas aquatiques, fe nourrilfent cependant quelquefois de poilfons. Nécelfairement ils doivent avoir plus de peine a iaifir cette proie , que n'en ont les oifeaux aquatiques. Que leur apprendleur inftind naturel dans ce cas-ci ? Ils fe tiennent au bord de cet élément étranger, & quand les poilfons viennent a nager en grand nombre, ce qu'ils peuvent appercevoir de loin , ils les pourfuivent, planent au-delfus d'eux, piongent fubitement dans 1'eau & en enlevent un poilfon. Qui a donné aux oifeaux de proie la vueperqante, le courage & les armes fans lefquels il leur feroit impolfible de fubfifter? Qui montre a la cigogne les lieux ou elle découvrira les grenouilles & les infedes qui lui fervent de nourriture ? Pour les trouver, il faut qu'elle parcoure foigneufement les prairies auifi-bien que les fillons des champs, il faut mème qu'elle prolonge fes recherches bien avant dans la nuit, lorfque les autres oifeaux commencent a fe réveiller. Quelle force incroyable ne doit pas avoir le contour ou condor puifqu'il peut, dit-on , enlever un daim & faire fa proie d'un boeuf ? Comment accorder avec le naturel fauvage de la caille , caractere que 1'éducation ne corrige jamais entiérement, l'inftind maternel qui lui fait adopter de petits oifeaux de toute efpece , que nonfeulement elle prend fous faprotedion, mais a qui elle prodigue les plus tendres foins. Quelles rufes la corneille n'emploie-t-elle point pour mettre a couvert la proie qu'elle ne fauroit déli ?  ïlg CONSIDÉRATIONS yorer en une feule fois ? elle Ia cache dans des lieux ou d'autres corneilles n'ont pas coutume de venir ; & lorfque la faim la preife de nouveau, comme elle fait bien retrouver 1'endroit qu!elle a choifi pour magafin! On^ pourroit employer un grand nombre d annees a multiplier des obfervations de ce genre, fans parvenir cependant a expüquer les pnncipaux myfteres que nous offre 1'inftinct des oifeaux. Mais le peu que nous en favons iufht pour occuper de Ia maniere la plus agrab!e Ceux dont le cceur eft difpofe a contempler les merveiles de la nature, & pour les élever a des vues plus nobles encore. C'eft-la, mon lecleur, oü je voudrois vous conduire: ne vous arrêtez pas uniquement a confidérer 1'inftincl: & les facultés des oifeaux, ce ne doit etre qu'un premier pas qui vous conduife a des meditations plus fubümes. Qiie 1'admiration que vous infpirent ces facultés, vouséleveau Dieu de qui ces animaux les ont reques, & qui a preparé & combiné tant de chofes pour la iubfiftance & la multiplication de cette partie de fes créatures. Ne dites point que c'eft la nature quiapprend aux oifeaux cet art, cette induftriequi nous furprennent en eux; la nature , fi vous la féparez de fon auteur, n'eft qu'un mot vuide de fens. Glonfions plutötle Créateur en reconnoilfant que c'eft lui qui a forme les oifeaux avec tant de fagelfe.  Sur les ceuvres de Dieu. 119 Q.UATRIEME OCTOBRE. Reprodu&ions animales. Ici fe découvre un nouveau théatre de merveilles, qui paroiffent contredire totalement les principes qu'on avoit adoptes touchant la formation des corps organiques. On a cru long-tems que les animaux ne pouvoient fe multiplier que par des ceufs ou par des petits vivans. Mais il fe trouve a préfent que ce principe doit ètre reftreint, & qu'il eft fujet a diverfes exceptions, puifqu'on a decouvert certains corps animaux qu'on peut partager en autant de corps complets qu'on le juge a propos, paree que les parties qui manquent a chaque portion du tout ainfi divife , ne tardent point a fe réparer. Maintenant on ne doute plus que les polypes n'appartiennent a la claffe des animaux , quoiqüils reffemblent beaucoup aux plantes quant a la figure & a la maniere de fe propager. On peut couper le corps de ces infeétcs en travers ou en long, & de ces débris fe formeront autant de nouveaux polypes qu'on aura coupé de morceaux. Mème de la peau & des plus petites parties qu'on aura retranchées du corps, naitront un ou plufieurs polypes; & fi 1'on rapproche par les bouts les divers morceaux coupés , il fe reumflent ii bien les uns aux autres, qu'ils fe nournnent reciproquement & ne forment plus qu'un leul & même tout. Cette découverte a donne occafion a d'autres expériences, & 1'on a trouve que les polypes ne font pas les feuls animaux qui puiffent vivre & croitre après qu'on a parH 4  nó CONSIDÉRATIONS auiii apleS qu on 1'a coupé en deux : a la partie de la queue recroit une tête, & les deux morceaux font alors deux vers. Après les avo ï 2™ a"ro" les rapprocher il ne ]?RATIONS réciproque. Jamais encore le Seigneur ne m'a oublie: que mon cceur auffi ne 1'oublie jamais! HUITIEME OCTOBRE. Da pétrifications. -LE paflage de diverfesfubftances du regne animal ou du vegetal, au regne minéral, eft une particulame de 1'hiftoire naturelle qui mér"6, b!e„ notre/"ention. Les pétrifications lont reellement des efpeces de médailles, dont r fe1 10n peut rePa"dre beaucoup de jour lurlhiftoire naturelle de la terre La première chofe qu'il faut remarquer dans les pétrifications, c'eft leur figure extérieure: elle montre que ces foffiles ont indubitablement appartenuau regne animal ou au regne vegetal II eft très-rare de trouver des hom! mes petnfies: les pétrifications des animaux quadrupedes font auffi aflez peu commune? La plupart des fquelettes extraordinaires que It 1 ^"rn5e da?S la terre' fo™ des fquelettes d elephans , & 1'on en voit même en di- d'anima:0"5 ^ Us ^SLZnl d ai imaux aquatiques fe rencontrent fréquem- do> t on Ly qudqu^ois des poilfons entiers, f"™ diftingue jufques aux moindres écaill h muft mH "' # rien en comP^aifon de corner L ■ C0(lulUages & de vermilfeaux fein de 1 ? ^"S*' ?Ue Von trouve dans le eft nrnH- rre' Non-{e"lement leur nombre elt prodigieux, mais il y en a tant de dlffé. rentes efpeces que les animaux vivans de quel ques-unes d'entr'elles font encore inconnus.  Sur ies ceuvres de Dieu. 15? Les pétrifications des dépouilles de la mer, fe trouvent en grande abondance dans tous les pays. II y en a fur les fommets de hautes montagnes, en forte qu'elles font clevées de plufieurs millions de pieds au-deffus de la furface de la mer. Quantité ie voient dans la terre a différentes profondeurs. On rencontre auflï dans les divers lits de la terre toutes fortes de plantes ou de parties de plantes péttifiées; mais fouvent auffi onn'envoit que les empreintes, les corps mêmes ayant été détruits. En plufieurs endroits on trouve des arbres entiers enfevelis plus ou moins avant dans la terre & convertis en pierres; mais ces pétrifications ne paroiffent pas ètre d'ancienne date. Mais comment toutes ces fubftances pétrifiées font-elles venues dans la terre, & furtout comment eft-il poffible qu'il s'en trouve fur des montagnes aifez hautes ? Comment des animaux qui vivent d'ordinaire dans la mer, & qui n'appartiennentpas mème a notre climat, ont-ils été tranfportés fi loin de leur féjour naturel? On peut indiquer diverfes caufes de ce phénomene. Peut-être que ces pétrifications font unepreuve que 1'eau a couverts autrefois la plus grande partie de la terre. Et véritablement comme dans tous les lieux oü 1'on fouille depuis le fommet des montagnes jufqu'a de grandes profondeurs dans la terre, on trouve toutes fortes de produ&ions marines, ilfemble qu'on ne puiife guere en rendre raifon d'une autre maniere. La grande quantité de coquillages pétrifiés que 1'on voit fur des hauteurs fouvent aifez confidérables, & qui forment des couches régulieres, donnent lieu de croire que ces montagnes faifoient autrefois le fond de la mer, d'autant plus que I ï  I?4 CONSÏDÉRATIONS 1'on fait que le fond acluel de la mer relfemble entiérement a la terre ferme. Nous ne connoilfons encore que fort imparfaitement la maniere dont la nature opere ces pétrifications. ld eft certain déja qu'aucun corps ne peut fe pétrifier a 1'air libre , car les corps des animaux & des végétaux fe confument ou fe pourrillent dans cet élément; de forte qu'il faut exclure l'air des endroits ou les pétrifications doivent fe faire, ou du moins empëcher fon aclion. Une terre aride & fans humidité n'a auffi aucune vertu pétrifiante. Quant aux eaux courantes, elles peuvent incrufter certains corps , mais ne fauroient les changer en pierre: le cours même de 1'eau s'y oppofe. II eft donc vraifemblable qu'il faut pour les pétrifications une terre humide & molle, mèlée a des particules pierreufes & dilfoutes. Ces fucs lapidifiques pénetrent dans les vuides 011 les cavités du corps animal ou végétal 1'impregnent & s'unilfent a lui, a mefure que les parties du corps même fe dilfipent par Pévaporation, ou qu'elles lont abforbées par des matieres alcalines. De tout ceci nous pouvons tirer quelques conféquences qui éclaircilfent beaucoup ce phénomene^ de la nature. Tous les animaux & tous les végétaux ne font pas également propres a être convertis en pierre: il faut pour cela qu'ils aient une certaine dureté qui empêche qu'ils ne pourrilfent avant qu'ils aient eu le tems de fe pétrifier. Les pétrifications fe font principalement dans 1'intérieur de la terre, & il faut que le lieu oü fe trouvent les corps ne foit ni trop fee ni trop humide. Toutes les efpeces de pierres qui renferment des pétrifications, ou qui en conftituent la matiere, font 1'ouvrage du tems, & par conféquent elles fe produifent  Sur les ceuvres de Dieu. i5f encore journellement. Telles font les pierres calcaires, argilleulés, fablonneufes, 1'aimant, & autres femblables; & les corps pétrifiésprennent la nature de ces pierres, & deviennent tantót calcaires , tantót femblables a de 1'ardoife. Quand les pétrifications n'auroient d'autre utilité que celle derépandre beaucoup de jour fur 1'hiftoire naturelle de notre globe, elles mériteroient fans doute par cela feul notre attention. Mais nous pouvons auffi les regarder comme des preuves des opérations & des tranfmutations que la nature produit, pour ainfi dire, en fecret; & ici encore fe manifeftent admirablement la puilfance & la fagelfe du Seigneur. NEUVIEME OCTOBRE. Tout fe fait par degrés dans la nature. On remarque dans la nature une gradation admirable , ou un progrès infenfible d'une perfectum plus fimple a une perfectum plus compofée. Ainfi il n'y a point d'efpece mitoyenne qui n'ait quelque caraftere de celle qui la precede & de celle qui la fuit. En un mot, il n'y a ni vuide ni faut dans la nature. Lapoudre & la terre font le principe & la matiere de la compofition de tous les corps folides; auffi la trouve-t-on dans tous les corps que 1'art humain décompofe. De la réunion de la terre avec des fels, des huiles , des louffres, &c. il réfulte diverfes fortes de terres I 4  ï?6 CONSIDÊRATIONS radesVX? ComPorées' tógeres ou com: pactcs. Celles-ci nous conduifent infenfible ment au regne minéral. Les diverfes ëlne"ce ll pierres iont tres - nombreufes, & leur fieure fort diflerentes. On y trouve toutes fortes de s: ïr^^^ d'°Li«toSS cAA' précieufes- Dans la derniere clafle des pierres , il y en a qui font fibreufes, & qui „ntdes lamesou des%eces defeuilles, comme 1'ardoife, le talc? 1 s Ht2 phytes ou plantes marines pierreufes & \es Sal I , «1, ,ndu" du re^ minéral au vé getal. La plante qu, paroit ètre au plus bas degre des végétaux, c'eft la truffc Aprè el e pw/ioiu & des moa/fr, entre lefquelles les moi. femblent tenir le milieu. Toutes ces Plantes font imparfaites, & „e forment Pr0 prement que les limites du regne vége't" Les plantes p us parfaites fe divifent en «ois gran te?re TesT t W"*" terre les Af,A«, les arbrijfeaux & les arc,e, ani^ A lïJ ' "'^ ^ r^ne vé^< - ^ne finÏÏHere Drnd f2fUr' °n "e prendroit ce»e ïmguiiere produchon que pour une plante fi ZnVliïnZ™ CXlCUter de ^fonï ment I?Zt ƒ6 zrphyte forme apparem- ^ ouvSÏE3 r P,anteS 3UX animaux' Les we« ouvrentle regne anima , & ils nous mn duifent aux infeBes. Les vers don ecSDS eft tntxZ^r^iy -^'e-ouVeTut ïemoientunir les i„/tö„ aux coquillaL Entré S?,£X4 CÓté d'^. ?e trouvent Ses Snent auv '/r U mr°yen du faP«* tiennent aux poiffons. Le volant nous  Sur les ceuvres de Dieu. 137 conduit a 1'efpece des oifeaux. Uautruche dont les pieds font aifez femblables a ceux des chevres, & qui court plutót qu'elle ne vole, femble enchainer les oifeaux avec les quadrupedes. Le finge donne la main aux quadrupedes & a, 1'homme. 11 y a des gradations dans la nature humaine, comme dans toutes les autres chofes. Entre 1'homme le plus parfait & le finge, il y a une multitude étonnante de chainons. Et combien n'y en a-t-il pas entre 1'homme & Yangef Combien entre larchange & le C'éateur de tout ce qui exifte! Ici fe découvrent de nouvelles fuites d'échellons, de nouveaux plans, de nouvelles beautés , de nouvelles perfedions. Mais un voile impénétrable nous dérobe ces gradations du monde a venir. Ce qui meconfole, c'elt que je fais par la révélation, que 1'efpace immenfe qui fe trouve entre Dieu & le chérubin, eft rempli par Jéfus, leVerbe incarné, le Fils unique du pere. Par lui la nature humaine a été txaltée & glorifaée, par lui j'ai été élevé au premier rang des êtres crées , & je puis m'approcher du tróne de PEternel. RéfléchüTez, mon cher le&eur, fur ces gradations de la nature. Le peu que nous en avons dit fuffit pour vous montrer que tout eft nuancé dans 1'univers, que tout fe tient, que tout eft enchainé par des liailons & des rapports intimes. 11 ne s'y trouve rien.qui n'ait fa raifon fuffifante , rien qui ne foit 1'eftet immédiatde quelque chofe qui a précédé, ou qui ne détermine 1'exiftence de quelque chofe qui fuivra. La nature ne va point par fauts: tout va par degrés, du compofant au compole , du moins parfait au plus parfait, duplusprochain au plus éloigné, de 1'inanimé a 1'anime, de la perfe&ion corporelle a la perfe&ion fpiri-  I?8 CONSIDÉRATIONS tnelle. Mais combien Ia connouTance que nous avons de cette immenfe fuite d'êtres, eft encore Imparfaite . Nous ne ftifons qu.entrevoir cette gradatton, nous n'en connoiflbns qu'un petit nombre de termes, quelques chainons mal Hes & interrompus. Quelques défectueufes cependant que foient a cet égard „os lumieres, dies fuffifent pour nous donner la plus haute idee de cetadmirable enchainement, & de 1'infinie diverfité des ètres qui compofent 1'univers. Üt tout nous ramene vers toi, Etre inhm, quoiquil y ait entre toi & nous une diftance qu aucun entendement ne fauroit mefurer Tu es le feul Etre qui foit hors de la chaine de la nature. Depuis le grain de fable jufqu'au ieraphin, tous les ètres tedoivent leur exiftence & leur perfeclion. Souvent j'e/faie de m'élever en efprit fur 1'echelle de tes créatures; & forme, je voudrois fur les ailes de la dévotion melancer vers toi, Seigneur, qui es le premier des Etres 1'Etre infini, incompréhenfibte eternel! Ah!puiife-je ètre bientót introduit dans cette bienheureufe alfemblée des ef- IITJ T -S' °" l'Uni^rs fs d^oilera a mes yeux, & ou jeconnoitrai Dieu comme j'en ai ete connu! Tant que je vis ici-bas, je ne vais fenfiblement de 1'ignorance a plus de lumieres & deiagelfe, du corporel au fpirituel, des foiblelfes aux vertus Ma vie ne fait que commeneer eg neji encore qu'a fon aurora mais mon ame Je prepare a une plus grande lumiere. Je ne murmure pas contrc celui qui me fait vivre ici dans la pouffiere & dansles ténebres: je fais qu'il aime cette poudre qu'd a daigné farmer, & qu'il me Üejlme des grandeurs qui ne font que diffaées  Sur les ceuvres de Dieu. 159 DIXIEME OCTOBRE. Chütc des feuilles. ]N"ous commenqons peu-a-peu a nous appercevoir des ravages que 1'approche de fhiver fait dans les forêts & dans les jardins. Toutes les plantes, a la réferve d'un peut nombre d'entr'elles, perdentleurs feuilles, qui failoient un de leurs principaux ornemens. Mais quelle peut en être la caufe ? Celle qui fe prefente le plus naturellement, c'eft 1'arnvee du froid. Car a peine les feuilles font-elles couvertes du premier givre, qu'on les voit tomber en quantité, & bientót tous les végétaux font depouillés de leur parure. Et cela ne fauroit être autrement, puifque le froid occafionne une ltagnation dans la feve des plantes, & empeche qu'elle ne fe diflipe par la tranfpiration des feuilles. Mais le froid n'eft pas 1'umque caule de leur chüte, car elles ne laiffent pas de tomber lorfqu'il ne gele point de tout 1'hiver, & cela arrivé même aux arbres que 1'on a mis dans des ferres pour les garantir du froid. 11 eft donc vraifemblable que d'autres caufes encore contribuent a dépouiller les arbres de leurs feuilles; & peut-être que celles-ci fe deflechent paree que la racine ne fournit plus ce qui e t nécelfaire pour leur tranfpiration. Car il eft inconteftable que les branches crouTent encore quelque tems en groffeur, lors même quelles ne croiifent plus en longueur. Quand donc au tems oü les branches groffiffent encore journellemenr, les queuesou les pédicules des feuilles ne groffiilent point de leur cöté, il faut ne-  Ï4° CONSIDÉRATIONS ceffairement que les fibres des feuilles fe détacliënt des fibres des branches, & pour lors les feuilles tombent. Mais il ne faut pas croire que ces feuilles tombees le perdent entiérement, & ne foient d aucune utilité. La raifon & Pexpérience nous apprennent le contraire. Rien ne périt, rien V eil ,"uöle dans le monde, & par conféquent Ja feuille qui tombe des plantes & des arbres, a aulii Ion ufage. Ces feuilles qui fe pourriflent apres leur chüte, font la grailfe de la terre. La neige & les pluies en détachent les fels qui y reltent, & les conduifent aux racines des arbres. Cette jonchée de feuilles préferve fous Jonepaifleurles racines des jeunes plantes, elle couyre les graines & entretient autour d'elles ia chaleur & fhumidité nécelTaires. C'eft ce qu on remarque fur-tout a Pégard des feuilles decnene. Elles fournilïêntun excellent engrais non-ieulement a 1'arbre même, mais auiïï a iesrejettons; & elles font d'ailleurs très-avantageuies aux paturages qui fe trouvent dans ies torets, en ce qu'elles favorifent 1'accroifiement de 1'herbe qu'elles couvrent & fur la» quelle elles pourrilfent. Ces avantages font fi importans que 1'on ne ramalfe jamais les feuilles tombees pour en faire du fumier, a moins qu elles ne fe trouvent en fi grande abondance dans les iorets que 1'herbe en foit plutót étoufiee que nourne. Les feuilles peuvent fervir d engrais de diverfes manieres: on les répand dans les etables, au lieu de paille, & on en fait une bonne litiere pour les beftiaux; ou bien onles mêle avec du fumier ordinaire Ce terreau eft fur-tout d'une grande utilité dans ies jardins, ou 1'on en faic des couches qui contnbucnt beaucoup a 1'accroüTement des  Sur les ceuvres de Dieu. 14* fruits & des jeunes arbres. — Mais, dira-t-on, combien la chüte des feuilles n'eft-elle pas deftructive pour une infinité d'infc&es qm font leur demeure fur les feuilles des arbres & des plantes? II eft vrai que l'automne abat des armées entieres d'infectes avec leur couvée, mais s'enfuit-il de-la que ces petites créatures périifent? Qui empëche que iur la terre même, elles ne vivent lous les teuiHes qui les couvrent & qui les garantilient du troid i La chüte des feuilles eft une image de ma vie, & de la fragilité de toutes les chofes terreftres. Je fuis une feuille qui tombe, & la mort marche d mes cötés. Dés aujourd'hui peut-être ;e me flc'trirai, & demainje ne ferai plus quun peu de pouffiere. Je ne tiens qu'a un fil, & je puis a toute heure être dépouillé de toute ma beauté & de toute ma vigueur. Un air troid, le moindre vent peut me renverfer, &mon corps rentrera dans la pouffiere. Maïs fi je taille après moi des fruits parvenus a leur matunte, des fruits de juftice, de charité & de tainteté, je pourrai fortir avec gloire de ce monde terreftre. ONZIEME OCTOBRE. Différentes efpeces de terres. O N ne connoit 1'intérieur de la terre que par coujedures. Ceux qui travaillent aux mines n'ont pu parvenir encore qüa la prolondeur de neuf eens pieds, ce qui fait a peine la vingtieme partie d'une lieue d'Allemagne. Sl 1'on vouloit pénétrer plus avant, la trop gran-  14* CONSIDÉRATIONS de prefllon de l'air tueroit les hommes , fuppofé même que 1'on put fe garantir des eaux qui crouTent a mefure que 1'on delcend. Or, qu'eft-cc que la vingtieme partie d'une lieue d'Allemagne, en comparaifon du demi-diametre de la terre, qui eft de huit eens foixante lieues ? II faut donc nécelfairement que 1'interieur de la terre nous foit en grande partie inconnu: a peine les travaux des mineurs en ont-ils eflieuré la première écorce. Tout ce que nous favons, c'eft quelorfqu'on la creufe de quelques centaines de pieds , cette écorce eft compofée de différentes couches placées les unes fur les autres. Ces couches font fort mêlangées, & leur diredion, leur matiere, leur épaiifeur, leurs pofitions refpedives, varient confidérablement d'un lieu a 1'autre. D'ordinaire fous la terre commune des jardins, on trouve de 1'argilie & des terres gralfes; mais quelquefois le fable alterne avec 1'argille & la marne. Les divifions que 1'on donne des différentes couches font donc aflez arbitraires: on peut les étendre plus ou moins; mais en les comparant les unes aux autres, la divifion qui nous paroit la plus commode, eft celle qui rapporte les terres a fept claffes. t La terre noire eft compofée de fubftances végetales & animales putréfiées : elle contient beaucoup de fels & de matieres inflammables. C'eft proprement du fumier. Uargilk eft plus compade que la terre noire, & elle retient plus long-tems 1'eau a fa furface. La terre fablonneufe eft dure, légere & feche; elle ne retient point 1'eau & ne s'y diflbut pas. C'eft de toutes les terres la plus mauvaife, quoique certaines plantes puilfent y croitre. LamaT-neeft plus douce, plus farineufe, moins dure & plus pro-  Sur les ceuvres de Dieu. 14? pre a attirer 1'eau. La terre limoneufe contient un fel vitriolique qui eft trop acre pour les plantes. La craie eft feche, dure & calcaire: quelques plantes y crouTent cependant. II en vient mème dans les terres picrreufes: les pierres les plus unies & les plus dénuées de terre, font au moins couvertes de mouife, qui appartient au regne végétal; & 1'on voit du bouleau croitre entre les pierres & dans les crevaffes des rochers, & parvenir a une aifez grande hauteur. Le Créateur a difpofé avec beaucoup de fagelfe & de bonté, ces différentes fortes de terres, dont les couches font compofées. Car, pour ne parler que des principaux avantages qui en réfultcnt, ces divers lits de fable, de gravier & de terre légere , favorifentle paffage de 1'eau douce, qui fe filtre en traverfant ces couches, qui s'adoucit & fe diftribue enfuite de tous cótés pour les befoins des hommes & des animaux. Ces lits font les réfervoirs & les canaux des fources & des fontaines. Et il eft remarquable que ces canaux fe trouvent dans tous les pays fur la fuperficie de la terre, & que prefque toujours ils font compofés d'une terre légere. Si quelquefois elle eft mëlée avec une terre plus dure & pierreufe, cela mème fert encore davantage a purifier 1'eau. Cette diverfité des terres a auffi des utilités très-fenfibles relativement au regne végétal. Car de-la il arrivé que des herbes, des plantes & des arbres croilfent d'eux-mêmes dans certains pays, tandis qu'ailleurs ils ne peuvent ètre produits que par le fecours de Part. Tout ce que 1'art peut faire en cela, c'eft imiter la nature, qui a préparé & ménagé aux plantes qui viennent d'eUes-mèmes le terroir, les fucs  144 CONSIDÉRATIONS venables a leur vegétation. Cette mème diverfiti des terres fait qu'en certains endroits Inrl ^esierbes' des 'égumes, des arbres 1 H, ftrudt,ureJ"^neure differe a quelques egards de celle des autres, quoiqu'ils foient de la meme efpece. Souvent dans le mème terwir certaines plantes profperent, tandis que d autres languifienti les mêmes fruits ont un gout different dans certaines contrées de celui qu .Is ont dans d'autres; les plantes dont les racines lont foible» , minces & chevelues , & qui n ont pas beaucoup de feve, doivent être femees & plantées dans une terr; fablonneufo & legere, afin que ies racines putten, s'éten! dre fans rencontrer trop de réliftance, que la pluie puilïe penetrerplus facilement, & qu'elles ne rencontrent pas trop de parties falines, ad! des & oleagineufes. On prétend que dans 1'efpace de quarante-huit heures, on peutfe procurer des laitues , des choux-fleurs, de la fa- "f 3 m,anger' fl !'on fait demper les grames dans de 1'eau de vie, & que la terre ou on les met enfuite, foit mêlee avec du iumier de p,geon , & avec de la pouffiere de chaux eteintes La préparation du terroir eft donc indifpenfablement néceffaire pour la vegétation. F * Tout cela, mon cher ledeur, doit vous faire reconnoitre avec quelle fageffe les terres ont etedffpofees parle Créateur, pour la produï t on des plantes & pourle bonheurdes créatures. I feroit donc très-injufte de fe plaindre de la ftenhté de tels.ou de tels terroff Car la bonre divine a tou ours eu foin que les con trees qu'elle a affignées a 1'homme pon yfafte" fa demeure, produiftifent auffi toift ce qui efï néc elfair e  Sur les ceuvres de Dieu. 14J* néceffaire pour fa fubfiftance. Et s'il fe trouve des terres qui ne paroilfent pas auffi fertiles que d'autres, le Créateur a compenfé cette perte par des avantages plus confidérables, ou bien il a infpiré a 1'homme une ardeur d'autant plus vive pour le travail. DOUZIEME OCTOBRE. Le vin. I_jE vin eft un préfent de la bonté divine, qui doit exciter notre admiration & notre reconnoiffance. Ce feroit déja beaucoup que Dieu nous eüt donné en abondance le pain & les autres alimens, qui font nécelfaires a notre entretien. Mais il ne s'en eft point tenu la. 11 a daigné pourvoir auffi a nos plaifirs & a notre récréation, & c'eft pour nous rendre la vie plus agréable & pour aflermir notre fanté, qu'il a créé la vigne. Les autres boiifons, qu'elles foient naturelles ou artificielles, ne produifent pas ces effets au même degré. Le vin feul a la vertu de diffiper la triftelfe, & de nous infpirer cette joie qui eft également nécelfaire au bien-être de 1'ame & du corps. Ses efprits réparent d'abord les forces épuifées par la fatigue :1e pain met l'homme en état d'agir; mais le vin le fait agir avec courage, & lui rend fon travail agréable. Des liqueurs fpiritueufes & produites par 1'art, 11e fauroient répandre fur le vifage cet air de gaieté que le vin luidonne. Ici, mon lecteur, penfez a Dieu qui a communiqué a ce jus bienfaifant des qualités fi fupérieures a la baf- Tome HL K  I4& CONSIDÉRAT IONS felfe de fon origine & a la fécherelfe de fa terre natale. Le Créateur a produit ces effets, uniquement par le mélange des trois parties principales dont toutes fortes de vins lont compofés: 1'huile, le fel, & ie volatil. Et combien la bonté divine ne fe manifeftet-el\e pas dans 1'abondance, & dans la diverfité des vins! Les différentes efpeces en font fans nombre: elles varient par la couleur, par 1'odeur, par le goüt, par la qualité, par la duree. On peut dire qu'il y a prefque autant de fortes de vins que de terroirs; & le Créateur a affigné a chaque pays les vins les plus analogues au climat, aulli-bien qu'au naturel & au genre de vie d'habitans. Mais qu'il eft trilte de voir comment les hommes fe conduifent a 1'égard du vin ! II y a eu des légiflateurs qui en ont févérement interdit 1'ufage ; & cela non point par des confidérations tirées de la fanté ou des mecurs des peuples, mais pour de faulfes raifons d'économie, ou même uniquement par fanatifme. II eft au moins certain que c'eft a ces caufes réunies, qu'il faut attnbuer la défenfe que fit Mahomet d'ufer de cette liqueur. Cette averfion pour le vin eft d'autant plus déraifonnable, que la plupart des peuples qui en défendent 1'ufage, permettent cependant de manger des raifins. Un autre reproche que 1'on n'a que trop de iujet de faire a bien des gens, c'eft la falfificationsdes vins, fur-tout celle qui fe fait avec de la chaux, de la cérufe, de la litharge d'argent, ou d'autres ingrédiens nuifibles. C'eft ici que le cceur humain lé découvre dans toute fa laideur & toute fa perverfité. Se peut-il en effet rien deplus honible! un pauvre , un malade, cherche a fe réciéer dans la mifere,  Sur les ceuvres de Dieu. 147 il emploie une partie du gain fi chétif que lui a valu fon travail, a fe procurer un peu de vin pour fe reftaurer & adoucir fespeines; & 1'on a la barbarie d'aggraver fes maux, & de lerendre plus miférable encore en lui préfentant une coupe empoifonnée, oü au lieu de la vie & des forces qu'il cherchoit, il ne trouve que la mort! Mais un abus bien honteux & bien déplorable encore, c'eft que les hommes s'empoifonnent eux-mèmes, par 1'excès qu'ils font dans 1'ufage du vin. Cette liqueur eft un remede falutaire, en ce qu'elle foutientla vie animale, & qu'elle contient des efprits vitaux qui peuvent réchauffer & animer nos humeurs, rétablir & renouveller nos forces. Mais 1'ufage continuel & excelfif du vin , n'eft plus un remedc. Cette liqueur eft pour le corps humain ce que le fumier eft pour les arbres: il hate les fruits, mais il nuit a 1'arbre. Un fage jardinier ne fume & n'amende pas continuellement: il ne le fait qu'a propos. II donne de 1'engrais a fes arbres quand ils en ont befoin, & il ne leur en donne que proportionnellement a leurs befoins & a leur nature. Voila toute la diététique du vin: celui qui ne 1'obferve pas nuit & k fon corps & a fon ame. Profite donc, lecleur, de ce confeil que je te donne fur 1'ufage du vin. N'en bois jamais fans réflexion, & uniquement pour le plaifir de boire. Souviens-toi toujours que fans la bénédiclion divine, les alimens mème les plusnéceifaires te manqueroient; que c'eft ton pere célefte qui te donne cette agréable liqueur pour te reftaurer & pour te réjouir, que fans fa Providence, le vin pourroit devenir pour toi un poifon & un principe de mort. Si tu te repréfentes vivement tout cela, & fi tu penfes Ka  142 CONSIDÉRATIONS auffi au compte que tu auras a rendre de 1'uiage des alimens que la bonté divine te fournit, tu n en abuferas jamais, tu feras modéré dans la jouiflance du vin, & tu n'en boiras pas au point de nuire a ta fanté, de troubler ta railon, & de te mettre hors d'état de remplir les devoirs de ta vocation , & du chnftianiime. 1 u ne chercheras point ton bonheur dans le vin, & tu t'en abftiendras même quelquefois afin de le confacrerau foulagement de quelque pauvre, ou de quelque malade. Les alimens que la bonté divine daigne te fourmr, exciteront de plus en plus ta reconnoilfance & ton amour pour le difpenfateur de tous les biens; tu te ferviras du vin & des autres choies agreables & reftaurantes, pour t'animer a lervir Dieu & a remplir les devoirs de ton jSa„ ?ve% d a,utant P|US d'ardeur, de 2ele & dallegreife; fur-tout tu te fouviendras toujours que ces préfens du ciel font les moindres de ceux dont Dieu te comble , & que dans le monde a venir, il récompenfera ta piéte par des biens & des plailks infiniment plus parfaits. r TREIZIEME OCTOBRE. VMigratiom des oifeaux. O i c i le tems oü la plus grande partie des oifeaux, qui pendant 1'été trouvoient leurs demeures & leur nourriture dans nos campagnes nos jardins & nos forêts, vont quitter nos climats pour palfer dans d'autres pays. II » y en a que peu qui palfent 1'hiver avec nous,  Sur les ceuvres de Dieu. 149 comme le loriot, le grimpcreau, la corneille, le corbeau, le moineau , le roitelet, la perdrix & la grive. Les autres s'abfentent pour la plupart, ou nous abandonnent entiérement. Cette migration eft a tous égards merveilleufe; & fi pendant le féjour que ces créatures ont fait parmi nous, nous ne les avons pas aifez étudiées, nous devrions au moins leur donner quelque attention a préfent qu'elles prennent congé de nous. Cela nous engagera peut-être a les mieux obferver lorfqu'elles reviendront au printems. Quelques efpeces d'oifeaux, fans prendre leur eifor fort haut & fans partir de compagnie, tirent peu-a-peu vers le fud, pour aller chercher des grains & des fruits qu'ils preferent, mais ilsreviennent bientót. D'autres, que 1'on appelle oifeaux de paifage, fe ralfemblent dans certaines faifons, partent par troupes & fe rendent dans #'autres climats. Quelques efpeces fe contentent de paifer d'un pays a un autre, oü l'air & les nourritures les attirent en certains tems. D'autres traverfent les mers & entreprennent des voyages d'une longueur qui furprend. Les oifeaux de paifage les plus connus font les cadles, les hirondelles, les canards Jauvages, les pluviers, les becajjes & les grues, avec quelques autres oifeaux qui fe nourrjifent de vers. Les cailles au printems paifent d'Afrique en Europe, pour y jouir d'une chaleur modérée. Elles vont par troupes, quelquefois comme des nuées: aifez fouvent elles tombent de lallitude fur les vailfeaux, & on les prend fans aucune peine. La méthode des hirondelles paroit différente. Plufieurs paffent la mer , mais il y en a beaucoup qui s'arrètent en Europe, & fe cachent dans des trous fous terre ou dans K ?  Ifö CONSÏDÉRATIONS des marais, en s'accrochant les unes aux autres , pattes contre patces, bec contre bec. Elles ie mettent par tas dans des endroits éloignés du paffage des hommes & des animaux. Les canards fauvages & les grues, vont auffi aux approches de 1'hiver chercher des climats plus doux. Tous s'alfemblent a un certain jour & partent de compagnie. Ils s'arrangent ordinairement fur deux lignes, réunies en un point, comme un V renverfé; un oifeau a la tète & puis les autres dans des rangées qui s'étendent toujours davantage. Le canard ou la grue, qui fait la pointe, fend l'air & facilité le paifage a ceux qui fuivent, & dont le bec eft toujours poie iur la queue de ceux qui les devancent. L oileau conducteur n'eft qu'un tems chargé de la commiffion, il paffe de la pointe a la queue pour fe repofer, & il eft relevé par un aU£re" uMalS tous les oifeaux de paifage ne fe raflemblent pas en troupes. ïl y en a qui font le voyage tout feuls, d'autres avec leurs femelles & toute leur familie, d'autres encore en petite compagnie. Ils font leur trajet en aifez peu de tems. On a compté qu'ils peuvent facilement faire deux eens milles, en ne volant que fix heures par jour, dans la fuppofition qu ils fe repofent par intervalles & durant la nuit. Selon cecalcul, ils pourroient fe rendre de nos climats jufques fous la ligne, en fept ou huit jours. Et cette conjecture s'eft vérifiee, puifqu'aux cötes du Sénégal, on a vu des hirondelles dés le 9 Odobre , c'eft-a-dire, huit ou neuf jours depuis leur départ del'Europe. On ne fauroit trop admirer ces migrations des oiieaux. Sans doute que la diverfité du chaud & du froid, &le défautde nourriture,  Sur les ceuvres de Dieu. ifi les avertiifent de changer de demeure. Mais d'oü vient que lorfque la température de l'aif leur permettroit de refter, & qu'ils trouvent encore des alimens, ils ne laiflent pas de partir au tems marqué? D'oü favent-iis qu'ils trouverontdans d'autres climats, ia nourriture & le degré de chaleur qui leur font convenables ? D'oü vient que tous s'éloignent de nos contrées en mème tems, comme s'ils avoient unanimément fixé d'avance le jour de leur départ? Comment dans 1'obfcurité des nuits, & fans connoitre les pays , ni les climats, pourfuivent-ils fi conftamment leur route? Ces queftions & d'autres encore que 1'on peut faire fur cet intéreifant fujet, font embarrafl'antes, & jufqüici on n'a pu y répondre d'une maniere fatisfaifante, paree que nous ne connoiffons pas aifez la nature & l'inftind de ces animaux. Au moins pouvons - nous reconnoitre dans ces migrations les fages & bienfaifantes diredions de la Providence. Qiiels moyens n'emploie-t-elle pas pour conferver & pour nourrir certaines efpeces d'oifeaux! Avec quels tendres foins ne pourvoit-elle pas a leur fubfiftance , lorfqu'elle vient a leur manquer dans quelques régions! Apprenons de-la que tout, dans le vafte empire de la nature, eft arrangé avec la plus grande fagelfe. L'inftind n'eft-il pas pour les oifeaux de paifage, ce que la raifon eft pour rhomme; & ne leur enfeignet-il pas a faire ce qu'ils feroient s'ils avoient de 1'intelligence, favoir, a changer a propos de demeure? Combien ne dois-je pas ètre honteux de mon incrédulité , de mes défiances & de mes inquiétudes, lorfque je réfléchis fur ces admirables diredions de la Providence! Les voyages des K 4  IfJ CONSIDÉRATIONS oifeaux rlevroient m'inftruire de mon devoir.1 Comment puis-jè me livrer, comme je le fais fi fouvent, au découragement, aux craintes & aux foucis! Ce Dieu qui guide fi bien les oileaux du ciel, ne me conduira-t-il pas avec la même tendrelfe, moi qu'il a daigné douer deraifonr' L'homme , ce roi des animaux, ieroit-il moins qu'eux 1'objet des tendres foins du Créateur! Toute la terre appartient au Seigneur; & fi je me trouve dans une contrée ou je nepuiifepas remplir le but auquelDieu m'a deftiné, fa main bienfaifante faura bien me conduire dans des lieux qui me feront plus convenables. Je fuivrai donc avec confiance & avec joie fes miféricordieufes diredions. Je marcherai d'un pas ferme dans la voie qu'il lui plaira de me marquer, &je ne choifirai point des Jentiers de'tournés. Il ne veut que mon bonheur, & je ne faurois manquer d'être heureux, en me laiffant conduire par mon pere. Je le fuivrai pas d pas avec une confiance filiale. Q_U ATORZIEME OCTOBRE. Diverfité entre les arbres. 0| N obferve parmi les arbres la mème diverfité qui fe voit dans toutes les produdions du regne végétal. Les uns, comme le chêne, ie diftinguent par leur force & leur dureté. D autres font minces & hauts, comme l'orme & le fapin. II y en a qui, comme l'épine & le buis, ne fauroient parvenir a une hauteur coniiderable. Quelques-uns font raboteux , & leur ecorce eft inégale, tandis que d'autres font  Sur les ceuvres de Dieu. ij*? unis & beaux, tels que Yérablc, le bouleau Sc tepeuplier. II y en a qui font delhnes a etre la matiere des ouvrages précieux, qui ornent les appartemens des grands & des riches; pendant que d'autres font mis en oeuvre pour des ufages plus communs & plus néceflaires. Les vns font fi foibles & fi délicats, que le moindre vent peut les renverfer; d'autres font immobiles & réfiftent a la violence des aquilons. On en voit qui parviennent a une hauteur & une groffeur extraordinaires, & depuis un fiecle, chaque année femble avoir ajoute a leur circonférence, tandis qüil ne faut a d autres qu'un petit nombre d'années pour acquerir toute la grandeur qu'ils peuvent avoir. Pline admiroit de fon tems ces grands arbres, de 1'écorce defquels on pouvoit conftrmre des barques capablesde contenir une trentaine de perfonnes. Mais qu'auroit-il dit de ces arbres duCongo, lefquels quand on les creuie, forment des bateaux oü deux eens hommes peuvent tenir; ou de ces arbres qui, felon les relations des voyageurs, ont onze pieds de largeur, & fur lefquels on peut tranlporter quatre a cinq eens quintaux. II y en a un de cette efpece dans le Malabar, que 1'on pretend avoir cinquante pieds de tour. Tel elt encore le cocotier: c'eft une efpece de palmier; & il s'en trouve dont les feuilles lont fi larges qu'elles peuvent couvrir vingt perfonnes. Le tallipot, arbre qui croit dans 1'ifie de Ceylan, & qui par fa longueur & fa hauteur reifemble aunmat de vailfeaux, eft auffi ceiebre par fes feuilles: elles font fi valles qüune feule fuffit, dit-on, pour mettre quinze a vingt hommes a couvert de la pluie. Elles fe confervent fi fouples en féchant, qu'elles fe phent  If4 CONSIDÊRATIONS a volonté comme des éventails; elles font alors extremement egcres, & ne paroüTent pas plus grolies que le bras d'un homme. On voit encore fur le Mont-Ltban vingt & trois cèdres antiques, que 1'on dit avoir échappé aux ravages dn deluge; & fi cela eft, ce font vrailemblablement les arbres les plus forts qu'il y au dans le monde. Un favant qui les a vus, allure que dix hommes ne pourroient embrafler un feul de ces cèdres: il faudroit donc qu us euflent trente a trente-fix pieds de tour, ce qui paron trop peu pour des arbres qui onc quelques milliers d'années. Les gommiers que Ion trouve aux ifles de 1'Amérique, ont ordinairement vingt-fix pieds de circonférence. II nelt donc pas apparent que ies cèdres du Liban ioient auifi vieux qu'on le dit. Du refte, li eft certain que les arbres peuvent parvenir a un tres-grand age. II y a des pommiers qui ont certainement au-dela de mille ans; & fi J on tait le calcul des fruits qu'un tel arbre porte annuellement, on ne peut qu'ètre furpns , comme nous l'avons dit ailleurs, de la prodigieufe fecondité d'un feul pepin, qui auroit iufh a fournir toute 1'Europe d'arbres, & de rruits de cette efpece. Cette grande diverficé qui a lieu entre les arbres , me fait penfer a celle qu'on obferve entre les hommes, relativement aux poftes qu ils occupent dans ce monde, a leur facon de penfer, a leur talens, & aux fervices qu'ils rendent. Comme il n'y a pas dans les forèts un feul arbre bien conftitué, qui ne puine etre de quelque utilité a fon propriétaire, il n y a auffi perfonne dans la fociété qui ne puiffe etre utile dans la profeffion qu'il a embrallée Lun, tel que le chêne, fe fait admirer par  Sur les ceuvres de Dieu. iff une fermeté, une confiance inébranlable, & rien ne fauroit le faire püer. Un aucre n'a pas Ia force du précédent, mais il a plus de complaifance & de foupleffe ; il fe fait tout atous, il eft flexible comme la faule aquatique, & il plie au moindre vent. S'il eft vertueux, il ne fera complaifant que dans les choles ïnnocentes & légitimes; mais s'il n'a que de 1'indirterence pour Dieu, pour fes devoirs, pour la religion, il embraifera toujours le pam du plus fort. Quelques differens que les arbres puiiient ètres les uns des autres, ils appartiennent cependant tous également au roi du monde, tous font nourris par la même terre, tous iont vivifiés par les pluies, & rechauffés par le meme foleil. Et plüt au ciel que tous les hommes, quelque diverfité qu'il y ait entr'eux, ie reuniffent a reconnoitre qu'ils font tous également les créatures de Dieu, également foumis a ia puilfance , également les objets de fes tendres foins, qu'ils lui doivent tous leur nournture & leur entretien, & que c'eft de lui qu'ils tiennent les talens divers dont ils font enrichis. Le cèdre qui s'éleve majeftueufement fur la cime du Liban, & la ronce qui croit a les pieds font également nourris des fucs de la terre & des pluies du ciel. Ainfi le riche ne peut pas plus fe paffer que lepauvre, de la bénédichon divine. Les plus grands &les plusélevés d entre les hommes, devroient toujours fe louvenir, que c'eft uniquement a Dieu qu'ils doivent toute leur élévation & toute leur grandeur, qu'ils ne fe foutiennentque par lui, & que dans un inftant, il peut les déraciner & les renverfer dans la poudre. Une telte penfee repnmera tous les mouvemens d'orgueil qui pour-  If* CONSIDERATIONS roient s'éiever dans notre cceur, & nous in: fpirera a foumifEon & 1'obéiffance que nous devons a 1'auteur & au confervateur de notre q.uinzieme octobre. De la température dam les differens climats de la terre. Il femble que la température & la chaleur des pays devroient fe régler fur leur pofition relativement au foleil, puifque cet aftre darde ies rayons de la même maniere fur les contrées quilont au même degré de latitude. Maisl'expenence nous apprend que lechaud, le froid, & toute la température dépendent de plufieurs autres circonfiances. Les faifons peuvent être tres-différentes dans les lieux placés fous le rneme parallele, & au contraire elles font quelquefois aflez femblables fous des climats trésditterens Comme donc des caufes accidentelles peuvent faire que la chaleur foit fort différente « la meme latitude, & qu'il s'en faut bien du 5:WliU' u tOU]TS telle *u* la dlfta"ce du loleil fembleroit 1'exiger, il eft difficile de determiner exadement les faifons & la température pour chaque pays. P Le yoifinage de la mer rend le climat plus doux. L Angleterre & les cótes de Ia Norweee en lont des preuves inconteftables. La mer peut le couvrir de glacés prés du rivage, paree qu elle s'y mêle avec beaucoup d'eau douce - Sr?Kl ƒ friVC P°im 3 un élo'gnement confiderable de la terre, tant a caufe du fel dont  Sur les ceuvres de Dieu. ïfj la mer eft remplie, qu'a caufe de fon agitation [continuelle. Ainlï le froid de la mer n'étant [point glacial pendant 1'hiver, les pays adjacens [s'en redentent & leur température eft plus dou|ce. Au contraire, plus un lieu eft élevé-au[detfus de la furface de la mer, plus il y fait I froid. Non-feulement l'air y eft plus fubtil, [& par-la mème il ne s'y échauffe pas 11 fort, Imais la plus grande partie de la chaleur qui eft [produite par la réflexion que fait la terre des I rayons du foleil, n'arrive point fur les hauteurs [ & s'arrète dans les lieux bas & dans les vallées, [oü il fait toujours plus chaud. D'ailleurs, s'il |y a, comme on le prétend, un feu fouterraiti [& central, les lieux élevés en font plus éloi■ gnés. Qidto eft prefque fous la ligne; mais fon ! élévation fait que la chaleur y eft très-modéIrée. Du refte, ces fortes de pays ont d'ordinaire un air ferein & léger, & une tempéraiture aifez égale. De hautes montagnes attirent les nuées, de-la vient que les pluies & les oraJges font plus fréquens dans les pays montaJgneux qüailleurs; & 1'on a obfervé qu'il ne Jpleut prefque jamais dans les plaines de 1'Arabie. Les pays oü il y a de grandes & de valles | forêts, font très-froids : la glacé s'y fond plus flentement pendant 1'hiver, paree qu'elle eft jicouverte de 1'ombre des arbres. Cette glacé Irefroidit l'air fupérieur, & ce nouveau froid | retarde le dégel. Ce qui tempere encore la chaleur dans les i climats chauds, c'eft que les jours n'y font pas |l fort longs, & que le foleil ne relle pas longl tems fur 1'horizon. Dans les contrées plus froi. des, les jours d'été font très-longs, cequi fait ii que la chaleur y eft plus grande qu'on ne s'y iattendoit. La férénité du ciel, le beau claire  If8 CONSIDERATIONS de lune, & les longs crépufcnles, rendent les longues nuits plus fupportables. Sous la zone tornde, on ne diftingue pas tant les faifons par 1'été & par 1'hiver, que par le tems fee, & le tems humide & pluvieux; car lorfque ce devroit être proprement 1'été, ou lorfque le foleil s'éleve le plus fur 1'horizon, & que fes rayons toni bent le plus dire&ement qu'il eft poilïble, alors viennent les pluies, qui durent plus ou moins long-tems. Mais dans ces contrées, la faifon la plus agréable eft celle oü le foleil eft a fon moindre degré d'élévation. Dans les pays qui font au dela du tropique, le tems eft d'ordinaire plus inconftant qu'en dedans du tropique. C'eft au printems & pendant l'automne que les vents regnent le plus. Enhiver la terre fe gele a plus ou moins de profondeur, mais rarement au-dela de trois pieds dans notre climat. Dans les contrées plus feptentrionales, il gele plus profondément pendant 1'hiver , Sc il ne dégele que de quelques pieds pendant 1'été. Les eaux dormantes, & puis auffi les rivieres fe couvrent de glacés, d'abord prés du rivage & enfuite fur toute la fuperficie de 1'eau. La différente qualité des terroirs, & la faculté qu'ils ont de conferver plus ou moins la chaleur acquife ,( contribuent auffi en quelque chofe a la différence du climat. Dans tous ces arrangemens, on découvre une fagelfe & une bonté, qu'on ne fauroit trop admirer. En réglant ainfi les faifons & la température dans les diverfes contrées, le Créateur a rendu chaque partie de la terre propre a ètre habitée par les hommes & les animaux. Nous nous faifons fouvent de faulfes idéés des zones glaciale Sc torride, & nous croyons mala-propos que les habitans de ces régions doi-  Sur les ceuvres de Dieu. ij*9 vent être les hommes les plus infortunés de la terre. Heureufement pour le monde & a la grande fatisfaclion de tous les cceurs fenfibles, il eft certain que les peuples des contrées les plus éloignées, fans en excepter mème ceux qui vivent fous la ligne ou fous le pole,jouiflent d'une portion de bonheur, aiforti a leur nature & a leur deftination fur la terre. Chaque pays a fes avantages & fes inconvéniens, qui fe contrebalancent de maniere qüa en juger fans prévention, il feroit difficile de décider quelle de ces contrées mérite la préférence. II n'y a pas un coin de la terre, oü Dieu n'ait manifefté fa bonté. Depuis nos climats jufjues aux zones les plus éloignées, tout eft rempli de la gratuite du Seigneur. Tous les habitans du globe éprouvent fes foins paternels. Aucune de fes créatures n'eft oubliéc. Tout ce qui refpire tient de lui la vie, la nourriture, le bonheur 8? Pallégrejje. SEIZIEME OCTOBRE. Athmofphere de la terre. L'Air dont la terre eft environnée, n'eft pas auffi pur & auffi fubtil quel'éthèr, puifqu'il eft chargé d'une multitude de particules ou d'exhalaifons qui fe détachcnt continuellement de la terre & fur-tout des eaux. On Pappelle athmofphere. Sa région inférieure, c'eft-a-dire, celle qui eft plus voifine de la terre, eft preifée par l'air fupérieur, & par-la mème elle eft plus épaufe & plus denfe. C'eft ce qu'éprouvent ceux qui montentfur de hautes montagnes: leur refpüation devient plus  l6o CONSIDÉRATIONS pénible a mefure qu'ils montent. Mais il n'eft pas poifibie de déterminer au jutte la hauteur de 1'athmofphere, paree qu'on ne fauroit s'élever fort haut dans l'air. De la durée mème des crépufcules, on ne peut inférer avec certitude jufqu'oii s'étend cette maife d'air, qui environne notre globe. Car en fuppofant que le crépulcule du matin commence & que celui du foir finit, lorfque le foleil eft a dix-huit degrés fous Phorizon, & que le dernier crépufcule eft produit par les rayons qui frappent la terre ,f & qui font réfléchis par les parties les plus élevées de 1'athmofphere, il refteroit toujours, en tout cela, bien des difficultés a eclaircir. Quoi qu'il en foit, on divife 1'athmofphere en trois régions. Vinféricurc s'étend jufqu'a la hauteur oü l'air n'eft plus échauffé par les rayons que la terre réfléchit. Cette région eft donc la plus chaude. La région moyenne commence oü finit la précédente, & va jut ques au fommet des plus hautes montagnes, ou j même jufques aux nuées les plus élevées, en forte qu'elle eft 1'efpace oü fe forment la pluie, la grèle & la neige. Cette région eft beaucoup plus froide que 1'inférieure, car elle n'eft échauffée que par des rayons qui y tombent diredement & a plomb. Mais la troifieme eft vraifemblablement plus froide encore: elle s'étend depuis la moyenne jufqu'a 1'extrêmité de 1'athmofphere; mais onne fauroit déterminer précifénient fes limites. * Les particules qui s'élevent de la terre dans fathmofphere, font de diverfe nature: ilyen a d'aqueufes, de terreftres, de métalliques , de fulfureufes, &c. Or, comme les unes abondent plus que les autres, dans certains endroits de la terre, il en réfulte une grande diverfité dans 1'air,  Sur. les ceuvres be Dieu. 161 1'air, & cette différence eft très-fenfible, même a une petite élévation. Un air pefant eft plus favorable a la fanté , qu'un air léger, paree que la circulation du fang & la tranfpiration infenfible s'y font mieux. Quand l'air eft pefant, il eft d'ordinaire ferein; au lieu qu'un air léger eft toujours accompagné de nuages , de pluie ou de neige, ce qui le rend humide. Les exhalaifons augmentent la pefanteur de l'air; & lors fur-tout que la chaleur les fait monter fort haut, l'air refte léger nonobftant les vapeurs aqueufes dont il eft rempli. Une trop grande féchereife deflèche le corps humain, & lui eft par conféquent trés - nuifible; mais elle n'a guere lieu que dans des contrées fort fablonneufes. Un air humide eft auffi très-mal-fain, car il relache les fibres, il arrête la tranfpiration infenfible; & s'il eft chaud avec cela, il difpofe les humeurs a fe putréfier. La chaleur de l'air dilate tous les fluides du corps humain, & occafionne des fueurs, qui aifoupilTent & qui affoibliifent. Quand, au contraire, l'air eft trop froid , les parties folides fe contractent exceffivement, & les fluides s'épaiffilfent, d'oü réfultent des obftruétions & des inflammations. Le meilleur air eft donc celui qui eft plutót pefant que léger , qui n'eft ni trop fee, ni trop humide, & qui n'eft que peu ou point chargé de vapeurs nuifibles. C'eft dans 1'athmofphere que fe forment les nuées, la pluie, la neige, la rofée, la foudre, & plufieurs phénomenes aëriens. C'eft encore a 1'athmofphere que nous devons les crépufcules du matin & du foir: comme les rayons fe brifent, fe plient & fe courbent dans cette mafle d'air, nous les voyons avant que le foleil ne fe montre, & nous en jouiflbns encore lome III. L  ï6l CONSIDÉRATIONS quelque tems après qu'il s'eft couché. De-li vient que les peuples qui vivent fous le pole, jouilfent pendant 1'hiver de quelques rayons du foleil, lors mème qu'il elt encore fous leur horizon. L'athmofphere elt le féjour des vents, qui ont une fi grande influence fur la fertilité de la terre, & fur la fanté des hommes. Les villes & les provinces feroient bientöt privées de leurs habitans, & changées en un tnfte défert, fi l'air étoit dans un repos continuel, & s'il n'étoit jamais agité. Le monde entier deviendroit un cimetiere, s'il ne s'élevoit de tems en tems des orages & des tempêtes qui purifient l'air, & qui difperfent au .loin ces vapeurs & ces exhalaifons nuifibles, ces miafmes des hommes & des animaux qui s'élevent continuellement dans l'athmofphere. Queljufte fujet n'avez-vous donc pas, mon lecteur, de bénirDieu pour cet arrangement fi avantageux de la nature! S'il n'y avoit point d'athmofphere, ou fi elle étoit dilférente de ce qu'elle eft, notre globe feroit un chaos & le plus trille féjour pour fes divers habitans. Reconnoiffez donc avec gratitude la fage bonté du Créateur, qui a tout réglé dans la nature de la maniere la plus propre a faire le bonheur des ètres qu'il a formés. A chaque avantage que l'athmofphere de la terre vous procure a vous &a vos femblables, fouvencz-vous que c'eft de Dieu que precedent tous les biens de la nature; & livrez-vous alors a tous les mouvemens de piété & de reconnoilfance , que la confidération des bienfaits de Dieu eft fi propre a exciter. Louez votre Créateur, aimez-le de toute votre ame, & dévouez-vous entiérement a lui.  Sur les ceuvres de Diêu. 163 DIX-SEPTIEME OCTOBRE. Proportion entre les naijfances & les morts. U e le très-haut n'ait point abandonné a unaveugle hafard la vie des hommes, & la confervation du genre humain , mais qu'il veille fur nous avec des foins paternels; c'eft ce quiparoit évidemment par 1'exacle proportion felon laquelle, dans tous les pays , & dans tous les tems, les hommes paroilfent fur le théatre du monde, & en fortent. Au moyen de cet équilibre, la terre n'eft ni trop déferte, ni trop chargée d'habitans. Le nombre de ceux quinaiffent, ejl prefque toujours plus grand que celui de ceux qui meurcnt > car on obferve que s'il meurt annuellement dix perfonnes, il en nait douze ou treize. Ainfi le genre humain multiplie continuellement. Si cela n'étoit pas, fi le nombre des morts 1'emportoit fur celui des naiflances, un pays devroit naturellement être dépeuplé d'habitans au bout de quelques fiecles, d'autant plus que la population du genre humain peut être arrêtée par divers accidens. Ces obftacles a Ia multiplication des hommes fontprincipalement la pefte, enfuite les guerres, lafamine, le cé[ libat, & enfin les villes, fur-tout celles qui font les plus peuplées, car il y meurt au moins autant de perfonnes qu'il en nait. Les regiftres des baptêmes montrent qu'ii 1 nait plus de garcons que de files. La proportion eft aifez conftamment de vingt a vingt-un, en forte que s'il nait mille enfans du fexe firni- L %  j64 Considérations nin, il en nait mille & cinquante du mafculin. Mais la mort, 1'état militaire, & divers accidens, rétablilfent 1'égalité entre les deux fexes. D'ordinaire il y a plus de femmes que d'hommes dans les villes: c'eft le contraire a la campagne. Le nombre des enfans relativement a celui des families, eft auffi réglé avec la plus grande fagelfe. On compte que dans foixante-lix families , il n'y a que dix enfans baptifés chaque année. Dans un pays bien peuplé, d'environ cinquante ou cinquante - quatre perfonnes, il ne s'en marie qüune tous les ans ; & chaque mariage, 1'un portant 1'autre, produit quatre enfans; mais dans les villes, on ne compte communément que trente-cinq enfans fur dix mariages. Les hommes en état de porter les armes, font toujours la quatrieme partie des habitans d'un pays. t En comparant les liftes mortuaires de differens pays, il fe trouve que dans les années ordinaires, c'eft-a-dire, dans celles ou iln'ya point eu d'épidémie, il meurt une perfonne Sur 40 dans les villages, Sur 32 dans les petites villes, Sur 28 dans les villes moyennes, Sur 24 dans les villes fort peuplses, Sur 56 dans toute une province. De mille vivans, il en meurt annuellement yingt-huit. De cent enfans qui meurent par an, il y en a toujours trois qui viennent morts au monde; & a peine fur deux eens y en a-t-il un qui meure au moment de la nailfance. Entre cent & quinze morts, on ne compte qu'une femme qui meure en couche; & parmi quatre eens morts, ilne fe trouve qu'une femme qui  Sur les ceuvres de Dieu. i6f foit morte dans les douleurs de Penfantement. La plus grande mortalité a lieu entre les enfans depuis la nailfance jufqu'a 1'age d'un an: de mille il en meurt communément deux eens quatrevingt- treize a cette époque ; mais entre la première & Ia feconde année de leur age, il n'en meurt que quatre-vingt; & la treizieme, la quatorzieme & la quinzieme année , le nombre des morts eft fi petit qu'il ne monte jamais audela de deux. Voila donc 1'époque de la vie oü il y a le moins de danger. Quelques favans ont obfervé qu'il y a plus de femmes que d'hommes qui atteignent 1'age de foixante-dix a quatre-vingt-dix ans; mais qu'il y a plus d'hommes que de femmes qui palfent les quatre-vingtdix , & qui aillent jufqu'a cent ans. Au moins trois mille millions de perfonnes pourroient vivre en même tems fur la terre; mais il en vit a peine le tiers de ce nombre, ou tout au plus mille quatre-vingts millions, favoir , fix eens cinquante millions en Afie; cent cinquante millions en Afriquej cent cinquante millions en Ame'rique; & cent trente millions en Europe. ' La conféquence la plus naturelle que je puifle tirer de tout cela, c'eft que Dieu a les plus tendres foins de la vie des hommes, & qu'elle eft très-précieufe a fes yeux. Seroit-il poifible que le nombre des naüTances & des morts, fut maintenu dans une telle égalité; & que leur proportion fut fi réguliere & fi conftante dans tous les tems & dans tous les lieux, fi la fagefle divine ne 1'avoit réglé de la forte?  x66 Considêrati ons DIX-HUITIEME OCTOBRE. Ravages dejlru&ions dans le regne de la nature. T J E vois a prérent que mème cette belle nature qui, au printems, ravifloit tous mes fens & me procuroit des plaifirs fi diverfifiés, eft ioumife a la loi commune a toutes les chofes creees. Sa beauté a difparu , & chaque jour amene de nouvelles révolutions, toutes les unes plus triftes que les autres. Mais tel eft le lort de la nature: elle contient en ellememe les fources des plus affligeantes devaftations. Quels ravages n'occafionnent pas les débordemens des mers & des rivieres, ies pluies trop abondantes, la fonte des neiges & des glacés' Des villages entiers fubmergés, des arbres fruitiers déracinés, des moiflons abymées, des troupeaux détruits, ofFrent a nos yeux de triftes monumens de la force deftrucfive des élémens Un naufrage paroit être un défaftre moins funelte ^mais il y auroit eu de quoi former toute une republique des hommes qui ont été engloutis par la; mer. Des fbmmes fi immenfes que peut-etre il faudroit des fiecles pour les rafiemblerde nouveau, fe perdent dans une minute. Des families entieres font ruinées par un naufrage; le feul afpecl de la meren courroux , fes cris lamentables des mourans, le fracas du vailfeau qui fe brife, quel effroi tout cela_ninfpire-t.il point! Quelles calamités une chaleur exceffive & de longues fécherelfes n'amenent-elles pas fouvent! Les herbes & les  Sur les ceuvres de Dieu. 1S7 plantes languiifent, la terre eft altérée, & fon fable brülant nous étouffe. Les eaux fe corrompent peu-a-peu & deviennent un breuvage mortel pour les troupeaux. La chaleur & la putréfadion multiplient prodigieufement les infedes: ils détruifent tout, ils dévorent les champs, & s'ils meurent aujourd'hui, ils reparoiifent demain dans une nouvelle génération. L'horrible compagne de la mort, la famine, vient alors, & la pefte marche fur fes pas. Une feule mauvaife année, une guerre, une maladie contagieufe , peut occafionner tous ces maux. — Quels bouleverfemens , quelles deftrudions ne font pas ces tremblemens de terre, qui deviennent de plus en plus communs ! Jut ques dans les entrailles de la terre bouillonnent des vapeurs peftilentielles, & un feu det trudeur qui répandra la mort de toutes parts. Subitement & fouvent au milieu de la nuit, la terre mugit & s'ébranle, renverfe des cités entieres, & engloutit des milliers de coupables. Et quel formidable afped les volcans & les incendies ne donnent-ils pas a la nature ! Ils fónti 1'image & les avant-coureurs des dammes dévorantes du grand & dernier jour. Ainfi cette nature, d'aiUeurs fi aimable, je la vois a préfent d'un cóté bien efFrayant. A ce terrible fpedable, je me dis d'abord a moimême : combien n'eft pas imparfait & défectueux tout ce qui n'eft pas le Créateur luimême! Bien des gens font de la nature leur Dieu, & fes beautés leur font oublier le grand Etre de qui elles émanent. Apprenons quelle eft la vraie condition de toutes les chofes terreftres, & reconnoiffons enfin les avantages qu'a 1'amour de Dieu fur tout ce qui peut attacher notre cceur. Trouver fes délices dans L 4  l6B CONSIDERATIONS la contemplation de fes auguftes attriburs;avoirparta fa grace, fentir qu'il eft notre fouyerain bien, c'eft la tnompher de toutes les dele- ations de la nature. Qijoi de plus propre d ailleurs a augmenter notre amour & notre reconnoilfance pour lui, que de nous fouvenir que ces calamités mêmes, il fait les rendre tres-avantageufes? Ces défordres apparens de a nature previennent des maux incomparablementplus funeftes», quine manqueroient pas d avoir heu, fi les matieres deftructives, les feux & les vapeurs fouterraines demeuroienc rentermes & s'amonceloient dans les entrailles de la terre. Les volcans & ies inondations nous preientent fouvent des plus grandes calamités. Des chaleurs brülantes fervent a delfécher la terre, qui, dans d'autres endroits, eft fubrnergee par les eaux. La pefte & la famine délivrent le monde d'une multitude d'habitans vicieux qui lui font a charge. Et la mortalité extraordinaire qui regne quelquefois parmi les hommes, eft un moyen très-fage pour entretenirlequilibre dans leur nombre, & pourempecher une population exceffive. Je conviens cependant que Dieu déployeroit moins de fleaux fur la terre, fi fa fainteté & fa juftice ne 1 obhgeoient a punir de tems en tems les crimes de ceux qui 1'habitent. Lorfque fimple fpedateur des dévaftations qui arrivent quelquefois ici-bas, ie n'y ferai point direclement intére/fé, il fera bien iufte que ma reconnoilfance pour le grand Etre qui maura epargné, foit accompagnée de feminiens de compaflion & de charité pour mes rreres infortunes. Jamais je ne ferai infenfible aux maux d'autrui, ni froid au récitdes calamités des peuples même les plus éloignés 3 com-  Sur les ceuvres de Dieu. 169 me fi je ne devois être touché que de ce qui me concerne perfonnellement. Dans l'immenfe chaine des événemens du monde, il n'y a pas un feul chainon auquel je ne tienne de prés ou de loin. Les infortunés qui ont éprouvé tant de défaftres, étoient-ils de plus grands pécheursqtie moi? Pourquoi font-ils tombés, tandis que je fuis encore debout? Les lieux que j'habite font-i's moins fouillés de crimes, que nele font les pays oü les tremblemens de terre & les volcans font de fi grands ravages? Les dernieres cataftrophes de la nature feront tout autrement terribles encore pour nous. Le monde n'eft point éternel: après avoir éprouvé fucceflivement des calamités de tout genre, le moment de fon entiere deftruction arrivera enfin. La nature fleurit encore, mais elle vieillit vifiblement. Ce n'eft qu'a force d'induftrie & de travaux, qu'on tire de fon fein ce qu'elle offroit d'elle-même a nos peres, & ce qu'ils recueilloient prefque fans peine. Péris donc, terre de mon pélerinage, puifque ta deftinée eft de périr ! Je n'ai point ici de cité permanente, mais je connois & je recherche la cité qui eft a venir, dont Dieu lui-mème eft 1'architecte & le fondateur. Je pleure fur vous pays, villes & villages défolés! Ah! que ne puis-je voler a votre fecours, vous délivrer , & partager mon pain avec vos infortunés habitans ! Humiliez-vous fous la puiifante main de Dieu, & fouffirez avec patience les maux qu'elle vous envoie. Souvenez-vous de tant de vos freres qui ont éprouvé des difgraces femblables aux vötres. lis étoient vos compagnons d'infortune, & a préfent leurs plaies font confolidées, leurs celliers font mieux fournis qu'ils ne 1'avoient  170 considérations jamais été, & leurs maifbns brulces fe font changées en palais. Détruire & créer, telle eft & telle fera 1'ceuvre de Dieu jufqu'a la fin des jours. S'il ne détruifoit jamais, nous ne verrions pas de nouvelles créations, nous n'aurions pas occafion de faire des acles de réfignation & de patience, nous ne fentirions pas aflez le prix d'une reügion qui nous fortifie, qui nous confole dans les calamités, & qui nous éleve au-deflus de toutes les difgraces. Tenons-nous- en donc a ceci, & que tel foit toujours le réfultat de nos réflexions: Dieu vit tout ce qu'il avoit fait, es? voild tout étoit trés-bon. Gen.1, 31. Oui, Seigneur, tu es revétu de fplendeur & demajefié, tes jugemens font Jaints £f jujies , toutes tes muvres ne font que grace & que vérité: qui n'y reconnoïtroit ta puiffance ta fageffe, qui ne béniroit avec des tranfports de gratitude & damour le roi de 1'univers ! DIX-NE QVIEME OCTOBRE. De la circulation du fang. De tous les mouvemens qu'on obferve dans le corps animal, il n'en eft point de plus important, mais en mème tems de plus myftérieux que la circulation du fang. On remarque dans ce mouvement une certaine grandeur qui frappe 1'efprit, qui lui fait fentir les bornes de 1'entendement humain , & qui lui infpire une profonde admiration pour 1'intelligence fuprème de fon divin Créateur. Le fang circule continuellement dans notre corps >. & voici quel eft le principe de ce mou-  SüR LES CEUVRES DE DiEU. 171 vement. Le cceur qui eft fitué au milieu de la poitrine entre les deux poumons, eft une vifcere mufculeux qui forme deux cavitésféparées 1'une de 1'autre par une cloifon. Cette machine eft dans un mouvement continue! de con.tradion & de dilatation alternatives. Du ventricule gauche du cceur fort letronc d'une artere, que 1'on appelle Vaorte ou la grande artere. Elle fe divife bientót en plufieurs rameaux, dont les uns moment & les autres defcendent; &ces ramificationsinnombrables, qui deviennent de plus en plus petites & étroites a mefure qu'elles s'éloignent du cceur, fe diftribuent de tous cötés, & pénetrent dans toutes les parties du corps. Le ventricule droit, en ferefferrant,pouife le fang dans cesarteres avec tant de force qu'il parvient jufqu'aux extrëmités des dernieres ramifications. On appelle ce mouvement le pouls j il n'eft donc 1'effet que de la pulfation du cceur, & il eft plus vite ou plus lent, a mefure que le cceur fe contrade avec plus ou moins de viteffe.Mais^que devientle fang lorfqüil eft parvenu jufqu'aux dernieres branches des arteres diftribuées dans tout le corps? La natureTemploie de la maniere la plus fage. Certaines arteres, par lefquelles le fang coule , en abforbent les parties aqueufes, d'autres les parties huileufes , d'autres enfin les parties falines. Dans d'autres parties du corps oü les arteres fe diftribuent, fe fait la fecrétion du lait, de la graiffe, ou de quelqu'autre humeur qui eft néceifaire a certains ufages , ou qui doit être expulfée du corps comme inutile. . La partie du fang qui refte après s'ëtre ainii épurée, coule dans les extrèmités des arteres, de maniere qu'a i'aide d'un microfcope on peut  IJ% CONSIDÉRATIONS voir très-diftin&ement les petits globules rouges rouler les uns après les autres. Mais alors ces petits canaux s'élargiffent peu-a-peu; il s'en forme de plus gros vailfeaux , & puis de plus grands encore, que 1'on appelle veines, par lefquelles le fang eft rapporté au cceur, ne la mème maniere qu'il en avoit été éloigné par les arteres. Ces veines ramenent donc le lang de toutes les parties, tant fupérieures qu'inferieures du corps, vers ie cceur oü elles forment un canal par lequel le fang fe décharge de nouveau dans le ventricule droit. De-la il ne palfe point d'abord dans le ventricule gauche, mais la contraction du cceur le pouffe dans 1'artere pulmonaire, qui le conduit aux poumons par une infinité de petits rameaux. Ici le fang, qui a circulé par tout le corps & qui s'eft échauffé par le frottement, doit, avant de pouvoir recommencer fa circulation, être rafraichi par l'air frais que 1'infpiration conduit aux poumons: au moyen de ce rafraichilfement, il fe condenfe de nouveau , au lieu que pendant fa circulation, il avoit été extrèmement dilaté par la chaleur. Repris enfuite par les veines pulmonaires, qui le portent a Toreillette gauche du cceur, celle - ci le rend au ventricule gauche, lequel, en fe contractant, le pouffe de nouveau dans 1'aorte, qui Ie diftribue dans toutes les parties du corps. Ainfi Ie fang circule, paifant du cceur aux extrêmités du corps^ par les arteres, & retournant des extrêmités vers le cceur par les veines. Telle eft l'admirable méchanique de la circulation du fang dans 1'homme , & dans les animaux fes plus connus. Mais combien ne reftet-il pas encore en tout cela d'obfcurités pour nous! Nousrencontrons ici des merveilles qui  Sur les ceuvres de Dieu. 173 nous font fentir que l'efprit humain ne fauroit expliquer parfaitement ce chef-d'ceuvre de la fagelfe divine. Par exemple, n'eft-il pas admirable que le mouvement du cceur continue fans interruption pendant foixante - dix, quatre-vingt, ou mème cent ans, fans que cette machine fi délicate s'ufe ou fe démonte! La circulation du fang fe fait vingt-quatre fois par heure, & par conféquent en vingt-quatre heures cinq eens foixante-feize fois; & comme a chaque pulfation le cceur poulfe deux onces de fang dans 1'aorte , il fe trouve que dans une heure il paffe par le cceur fept mille deux eens onces, c'eft- a-dire, fix eens livres de fang. Cela feul ne doit-il pas nous frapper d'etonnement. Et combien d'autres circonftances merveilleufes ne peuvent pas avoir lieu dans la circulation du fang , mais dont nous n'avons que des idéés trés - imparfaites ! En un mot, rhomme, dont tout reconnoit F empire icibas , eft un compofe' de merveilles. Le méchani fme le plus admirabie & toute la beauté corporelle fe trouvent réunü en lui} chacun de fes membres annonce qu'il eft le Seigneur de la création. Une multitude innombrable de canaux invifibles, faconnés & mefurés d'une maniere qui furpqffe infiniment Vart & la fageffe des hommes , conduifent, diftribuent de tous cótés , &font circuler réguliérement fans interruption ce fiuide précieux duquel dèpend la vie. Dans ce mouvement univerfel, dans ce flux ce reflux continuel, tout eft réglé £f compaffé, tout eft d fa place & dans la plus parfaite harmonie, rien ne difcordant, rien ne fe croife , rien ne s'anête, rien ne précipite fon cours. Cette admirabie circulation qu'on remarque dans tous les animaux, a lieu auffi dans toute la nature. Le foleil, la lune & les étoiles,  Ï74 CONSIDÉRATIONS parcourent la carrière qui leur eft prefcrite, dans un mouvement déterminé & conftant. II y a même une circulation continuelle dans les élémens; non-feulement l'air eft dans un mouvement perpétuel, puifqu'il circule fans cefle autour de la terre, mais 1'eau continue auffi ion cours fans interruption. Les fleuves fe jettent dans la mer, & de la vafte fuperficie de l'Océan s'élevent les vapeurs qui forment les nuées: celles-ci fe répandent en pluies, lefquelles pénetrent dans les montagnes, fourniifent d'eau les fources, qui croiflent infenfiblement & deviennent des rivieres, qui vont de nouveau groffir l'Océan. La terre toujours feconde, produit annuellement des plantes & des moilfons : elle ne s'épuife cependant point, paree que la circulation continuelle des fucs nourriciers répare fes pertes, & lui rend ce qu'elle nous a donné. Toutes ces révolutions de Ia nature-nous ramenent a une caufe première, qui a tellement arrangé le monde que tous lesêtres font continuellement en action, circulent, s'agitent, fe meuvent dans un labyrinthe infenfible de changemens , jufqu'a ce qu'ils reviennent a leur première place, & qu'ils recommencent de nouveau la courfe qui leur a été prefcrite.  Sur les ceuvres de Dieu. 17? VINGTIEME OCTOBRE. Froportions de diverfa parties du corps humain. D I eu a formé le corps humain felon les rapports les plus fages , & il a obfervé les plus : exacles proportions jufques dans les moindres i parties. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'a calculer la hauteur & la grofleur du corps humain d'après certaines meiures convenues. On divife ordinairement la hauteur de notre corps en dix parties égales, que 1'on appelle faces en terme d'art, paree que la face de l'homme a été le premier modele de ces mefures. La première face comprend tout le vifage, ! qui commence au-delfus du front a la naif; fance des cheveux. Depuis ce point jufqu'au fommet de la tëte, il y a encore un tiers de : face de hauteur, ou, ce qui eft la même chofe, une hauteur égale a celle du nez; ainfi depuis le fommet de la tête jufqu'au bas du menton, c'eft-a-dire, dans la hauteur de la tête, il y a i une face & un tiers de face. Entre le bas du ; menton & la folfette des clavicules, qui eft au-deifus de la poitrine, il y a deux tiers de face; ainfi la hauteur depuis le deffus de la poitrine jufqu'au fommet de la tête, fait deux fois la longueur de la face, ce qui eft la cinquieme partie de toute la hauteur du corps.' Depuis la foflette des clavicules jufqu'au bas des mamelles , on compte une face. AudelfouS des mamelies commence la quatrieme face, qui finit au nombril; & la cinquieme va a 1'endioit ou fe fait la bifurcation du tronc, ce qui  176 C0NSIDÉRATI0N3 feit en tout la moitié de la hauteur du corps On compte deux faces dans la longueur de la cuifle mfqu au genou : le genou fait une demilace. 11 y a deux faces dans la longueur de la jambe depuis le bas du genou jufqu'au coude-pied, ce qui fait en tout neuf faces & denne; & depuis le cou-de-pied jufqu'a la plante du pied, il y a une demi face, qui complette es dix faces dans lefquelles on a divifé toute la hauteur du corps. Cette divifion a été faite pour lecommun des hommes; maispour ceux qui font d'une taille fort haute, il fe trouve environ une demi face de plus dans la partie du corps qui eft entre les mamelles & la bifurcation du tronc; c'eft donc cette hauteur de lurplus dans eet endroit du corps qui fait la belle taille. Lorfqu'on étend les bras de fa<;on quils foient tous deux fur une même ligne droite& horizontale, la diftancequi fe trouve entre les extrêmités des grands doigts des mains, eft egale a la hauteur du corps. Depuis la toflette, qui eft entre les clavicules, jufqu'a lemboiture de 1'os de 1'épaule avec celui du bras, il y aune face. Lorfque le bras eft étendu le long du corps, on y compte quatre faces favoir deux entre 1'embokure de 1'épaule & lextremite du coude, & deux autres depuis le coude jufqu'a la première nahTance du peut doigt, ce qui fait cinq faces pour un bras, & cinq pour 1'autre, en tout dix faces, c eit-a-dire, une longueur égale a toute la hauteur du corps. La main a une face de longueur; le pouceaun tiers de face ou une Ion- dnenirJeT'. demême^e le plus long doigt du pIed; Ia longueur du deiTous du pied eft egale a une fixieme partie de la hauteur du corps en entiers. La Sro/Teur du corps & des membres  Sur les ceuvres de Dieu. 177 membres a auffi fes mefures. L'épaifleur du doigt eft ordinairement la trente-fixieme partie de la longueur; la groffeur du petit doigt fait la quarante-huitieme partie; celle du pouce prife trois fois , donne la groifeur de la main; la groifeur de la main prife fix fois, donne 1'épaiifeur du corps entier. La hauteur du corps humain varie confidérablement. La grande taille eft depuis cinq pieds quatre ou cinq pouces , jufqu'a cinq pieds huit ou neuf pouces; la taille médiocre eft depuis cinq pied ou cinq pieds un pouce , jufqu'a cinq pieds quatre pouces; & la petite taille eft au-deifous de cinq pieds. Les femmes ont en général deux ou trois pouces de moins que les hommes. La partie antérieure de leur poitrine eft plus élevée, en foi te qu'ordinairement la capacité de la poitrine forméeparles cötes, a plus d'épaiifeur dans les femmes, & plus de largeur dans les hommes, proportionellement au refte du corps. Les hanches des femmes fontauffi beaucoup plus groifes, paree que les os des hanches, & ceux qui y font joints & qui compofent enfemble cette capacité, qu'oa appelle le baffin, font beaucoup plus larges qu'ils ne le font dans les hommes. L'homme a plus de cerveau quetousles autres animaux de même grandeur ; il en a même plus que le cheval & le bosuf. Un homme qui pefe cent livres, a d'ordinaire quatre livres de cerveau. Les enfans nés a terme, pefent d'ordinaire huit livres au plus, ou cinq livres au moins. Leur plus grande longueur eft d'un pied onze pouces; & la moindre d'un pied fix pouces. Tout le corps humain confidéré, foit dans 1'enfemble, foit dans fes diverfes parties, eft donc conftruit d'après les plus exacles mefii- Tome III, M  178 CONSIDERATIONS res. Tout y eft régulier, proportionné & dans la plus parfaite harmonie tant relativement a la grandeur & a la figure, qu'a 1'égard de la fituation des parties. II n'y en a aucune quï foit plus grande ou plus petite que ne le demandent les rapports qu'elle a avec les autres membres, & l'utilite générale de toute la machine. On ne fauroit imaginer de figure ni de fituation plus convenable & plus avantageufé a chaque partie & a la totalité des membres. II eft certain néanmoins qu'il peut s'y trouver des variétés & des irrégularités, qui ne détruifent pas la deftination principale du corps, c'eft ce que prouvent les monftres & les hommes mal conformés. Mais, fi certaines difproportions dans la grandeur, la figure & la pofition des parties peuvent être compatible avec la fin principale, elles nuifent cependant aux graces & a la beauté de 1'extérieur. Qiielle ne doit donc pas être la reconnoiifance des perfonnes bien conformées, & dont tous les membres font dans une jufte & agréable proportion! Ah! plüt au ciel que mon urne fut auffi belle aux yeux du Seigneur, que mon corps eft régulier aux yeux des hommes ! Plüt au ciel que mon ame & mon corps fe trouvaifent dans la même harmonie qui regne entre les membres de ce corps fi bien proportionné! Alors, ö mon Dieu, je ferois agréable a tes yeux, & je pourrois giorijitr mon Créateur & mon rédempteur dans mon corps & dans mon ejprit qui lui appartienncnt. I. Cor. yi, 20,  Sur les ceuvres de Dieu. 179 VINGT-UNIEME OCTOBRE. De la navigation. Pour un efprit quiréfléchit, Ia navigation jeit un objec qui peut donner lieu aux méditations les plus importantes. Ici notre curiofité ett excitée & tout a la fois fatisfaite en différentes manieres; ce qui devient pour nous unc fource de nouveaux plaifirs. Nous n'envifageons d'ordinaire la navigation que du cöté des avantages qu'elle nous procure ; mais nous devrions penfer auffi a la méchanique & au mouvement des vaiffeaux , fans leiquels la navigation ne Fauroit avoir lieu. . N'eft-il pas déja bien étonnant qu'une maiFe auffi énorme & auffi peFante que 1'eft un navire, puifFe nager Fur 1'eau? La charge d'un vaiiFeau eft plus confidérable qu'on ne le penFe, & il ne faut qu'un peu d'attention pour comprendre que fa preffion fur 1'eau doit être prodigieufe. Un vaiifeau de guerre de huit eens hommes d'équipage, a d'ordinaire les provifions qu'il faut pour nourrir cette multitude de perfonnes pendant trois mois, & il eft monté depuis foixante-dix juFqu'a cent pieces de canon. Or, en ne donnant a chaque homme que cent livres de poids, & a un canon qus neuf quintaux, quoiqu'il y ait des canons qui pefent quarante quintaux & plus, & en fuppoFantque chaque homme ne mange que trois livres peFant par jour, ce calcul fi modéréfera cependant une charge de trente-huit mille cent & vingt livres. Encore n'y comprend-on. pas la pefanteur propre du vaifleau, le-i agrits,  a8o Conside'rations & cette multitude de matériaux dont on a befoin pour 1'entretien du batiment & pour charger les canons; articles qui paflent ou qui égalent la fomme précédente. Or, cette maifo énorme de fix cent mille livres peut être pouffée par un vent aflez foible: cela n'eft-il pas inconcevable & oppofé aux loix de la nature ? Non , mon lecteur, cela ett tout naturel; & il feroit même miraculeux que le contraire arrivat. Ce n'eft pas le vent qui pouflè cette maffe : le navire avec toute ia charge nage fur 1'eau. Mais comment un corps auflï pefant peut-il flotcer ? Comment 1'eau dont les parties ne tiennent pas lesunes aux autres, peutelle avoir aflez de force & de confiftance pour Jbutenir une telle mafle? C'ett un effet de 1'équilibre: le vaifleau enfonce jufqu'a ce que le volume d'eau qu'il déplace, lui foit égal en grandeur. Suppofé que le vaifleau ait cent & /vingt pieds de long & quinze de large, & qu'il s'enfonce a la profondeur de deux pieds, ce font trois mille & fix eens pieds d'eau, ou bien autant de cargaifon, puifque 1'une prend la place de 1'autre. Ainfi la riviere n'eft pas plus chargé du navire qu'elle nel'étoit de 1'eau que le navire remplace. Autrefois la navigation étoit bien plus périlleufe & plus pénible qu'elle ne 1'eft a préfent. On n'ofoit fe hafarder fort avant fur la haute mer; mais on navigeoit terre a terre & fans s'écarter des cötes. Mais depuis 1'invention de la boulfole , on traverfe les mers avec plus de confiance & de füreté. Avant cette précieufe découverte, c'étoit une efpece de merveille que de faire de petits voyages fur mer. Du tems d'Homere, il falloit de grands préparatifs & de longues délibérations, avant  Sur les ceuvres de Dieu. i%i que les héros fe déterminaflent a traverfer la mer Egée. L'expédition de Jafon & des Argonautes, c'eft-a-dire, le trajet de laPropontide & du Pont-Euxin, fut regardé comme un exploit merveilleux. Et qu'étoit-ce que tout cela en comparaifon de nos navigations ? C'eft la découverte de la bouflble qui nous a mis en état de faire des voyages de long cours: 1'aiguille aimantée fe tournant conftamment vers le nord, inftruit le navigateur des régions oü il fe trouve, & des cötes vers lefquelles il cingle. Dans les ténebres de la nuit, dans les jours les plus nébuleux, au milieu de l'Océan, eet inftrument lui fert de guide, & le mene d'un bout de la terre a Pautre. Avez-vous jamais réfléchi fur les avantages de la navigation, & en avez-vous remercié" votre Créateur ? Qui que vous puiffiez être, c'eft aelle que vous devez, foit directement, foit indireétement, une grande partie des chofes nécetfaires a votre fubfiftauce. Les aroma, tes & les médicamens qui nous viennent des pays lointains, vous manqueroient , ou du moins vous ne pourriez-vous les procurer qu'avec beaucoup de peines & de dépenfes, (i les vaüTeaux ne les conduifoient dans nos ports. Que vous feriez a plaindre fi vous étiez obligé de faire venir par terre toutes les chofes dont vous avez befoin! Le calcul fuivant va vous le faire fentir. On compte la charge d'un vaiffeau par tonneau. Parmi les navires, il s'en trouve plufieurs qui portent fix eens tonneaux. Le tonneau pefe deux mille livres; ainfi un vauTeau, dont la charge eft de fix eens tonneaux, porte un million deux eens mille livres. Or, en comptant mille livres pour chaque cheval, il faudroit pour tranfporter eette M ?  Igï CONSIDÉR A T I O S S charge trois eens & douze chariots a quatre chevaux, au moins autant d'hommes, & mille deux eens quarante huit chevaux. Mais alors comment fe procurer les richeifes des autres parties du monde , & combien n'en coüteroitü pas pour acquérir les chofes même les plus néceifaires a la vie ? II y a plus: la navigation ne doit-elle pas être regardée comme un des grands bienfaits du Créateur, fi Pon confidere que c'eft par elle que la connoiifance de 1'évangile de Chrift eft parvenue jufqu'aux nations les plus éloignées ? Pour moi, cette penfée m'infpire une vive reconnoitfance pour Dieu ; & d'un autre cöté, je le bénis de ce que ma vocation n'eft pas d'aller affrontcr les flots de la mer, & d'expofer ma vie a des dangers continuels, pour m'enrichir ou pour me procurer feulement des moyens de fubfiftance. Mais tandis qu'éloigné de tous ces périls, je vis tranquillement au fein de ma familie, je dois au moins recommander a la protedion divine ceux de mes freres qui font obligés de courir les mers, & d'entreprendre les voyages les plus dangereux pour le bien de la fociété & par conféquent pour le mien propre. VINGT-DEUXIEME OCTOBRE. Des bêtes de charge £f de fomme. E s fortes d'animaux nous rendent tant de fervices & nous en retirons tant d'utilités, qu'il y a de 1'ingratitude a ne pas daigner les examiner de plus prés. Nous nous bornons d'ordinaire a les fubjuguer pour nous en nour-  Sur les ceuvres de Dieu. 18? rir ou pour fuppléer par leur force a notre foiblefle; mais nous négligeons» par indolence ou par jgnorance , de les confidérer dans leurs rapports avec toute la création, & de réfléchir fur la fageife & la bonté du Créateur qui fe manifeftent fi vifiblement dans la production de ces utiles auimaux. Peut-être que la méditation fuivante vous rendra plus attentifs, & fervira a exciter votre reconnoüfance pour Dieu. De tous les animaux domeftiques le cheval eft celui qui nous rend le plus de fervice & qui nous les rend le plus volontiers. II fe laiffe employer a cultiver nos terres, il nous conduit tout ce dont nous avons befoin, il fe foumet avec docilité a toutes fortes de travaux pour une nourriture médiocre & frugale, il partage avec nous les plaifirs de la charfe & les dangers de la guerre. C'eft une créature qui renonce a fon être, pour n'exifter que par la volonté d'un autre, qui fait même la prévenir; qui par la promptitude & la préciüon. de fes mouvemens Pexprime & 1'exécute; qui fe livrantfans réferve a fon maitre, ne fe refufe a rien, fert de toutes fes forces, s'excede & quelquefois meurt pour mieux obéir. La nature lui a donné un penchant a aimer & a craindreles hommes, & beaucoup de fenfibilité aux carefles qui peuvent lui rendre fon efclavage agréable. Le cheval eft de tous lés animaux celui qui, avec une grande taille, a le plus de proportion dans les parties de fon corps. Tout en lui eft élégant & régulier. L'exade proportion des parties de fa tête, lui donne un air vif & léger, qui eft encore rèlevé par la beauté de fon encolure. Son main-tien eft noble , fa démarche majeftueufe, & M 4  J84 CONSÏÜÉRATIONS tous les membres de fon corps femblent annoncer du feu, de la force, du courage, & de la fiercé. Le bxuf n'a point les graces & 1'élégance du cheval. Sa tête monftrueufe, fes jambes trop minces & trop courtes pour la groifeur du corps, la petiteiTe de fes oreilles, fon air ftupide & famarche lourde , le rendent difForme. Maisil compenfe bien ces irrégularités par les fervices importans qu'il rend a 1'homme. 11 eft aifez fort pour porter de grands fardeaux, & il fe contente d'une chétive nourriture. Tout eft utile dans eet animal: fon fang, fon cuir, fes ergots, fa chair, fa graiife, fes cornes, peuvent ètre employés a divers ufages. II n'y a pas jufqu'a fon fumier dont nous ne tirions parti: c'eft un excellent engrais pour fertilifer les terres, & pour les mettre en état de nous fournir toujours de nouveaux alimens. Une chofe bien remarquable dans eet animal, c'eft la ftruclure des organes de la digeftion. II a quatre eftomacs, dont le premier peut contenir jufqu'a quarante ou cinquante livres de nourriture ; le troifieme eftomac a quatrevingt-huit plis ou illlons, qui fervent a la digeftion, tandis que les brebis ou les chevres n'en ont que trente-fix. Vdne, quelquepeu avantageux que foit fon extérieur, & quelque dédaigné qu'il foit, ne laifle pas d'avoir d'excellentes qualités & de nous être très-utile. II n'eft pas ardent & impétueux comme le cheval, mais tranquille, Iimple & toujours égal. II n'a aucune fierté, il va uniment fon chemin, il porte fa charge fans bruit & fans murmure: il eft fobre, & fur la quantité & fur Ia qualité de la nourriture : il fe contente des chardons & des her-  Sur les ceuvres de Dieu. i8f bes les plus dures & les plus défagréables: il eft patiënt, vigoureux, infatigable, & rend a fon maitre des fervices importans & continuels. Comment eft-il pofïïble que nous fervant tous les jours de ces animaux, nous ne penfions pas en même tems au Créateur qui les a formés & qui leur a donné les propriétés au. moyen defquelles il nous deviennent fi utiles! C'eft déja une circonftance bien digne de 1'attention d'un efprit qui fait réfléchir, que le nombre des bètes de fomme & de voitures foit, fans comparaifon, plus grand que celui des animaux fauvages. Si ceux-ci fe multiplioient autant que les autres, la terre deviendroit bientöt un défert. Pourriez-vous, mon \ecteur, penfer fans reconnoiifance a la bonté de Dieu, qui vous a donné 1'empire fur ces créatures, la force ou 1'adreife de les fubjuguer, le droit de les faire fervir a votre ufage, de changer a votre gré leur état naturel, de les contraindre a 1'obéiifance, & de les employer comme bon vous femble. Cet empire fur les animaux eft un don de Dieu, par lequel 1'homme peutreconnoitre a toutinftant 1'excellencs de fon être. Du refte , fi Dieu n'avoit pas imprimé dans les animaux une crainte naturelle pour rhomme, il nous feroit impoilible^de les fubjuguer par la force. Puis donc que c'eft uniquement aDieu que nous devons 1'empire que nous avons fur eux, nous ferions bien injuftes fi nous abufions de ces créatures, foit en les excédant de travaux, foit en les maltraitant fans nécefllté.  lg étanchent lafoif fanW? ^ fa"Jaiüir Ces fources bien" ïnnX ' qm ta"tÓt COu!ent & ftrpentent Sic montAagnes, tantót fe précipitent en cafcades, tantot font groffies par les vapeurs 't*ere ou W de nouvelles fontai! nes. 1 ar eet arrangement fi fage, Dieu en tretient dans le regne de Ia nature cette d culat.on continuelle des ruiifeaux, des rivieres & des fieuves, qui contribue tant a la ferti&\%r T*'* ,a falub™é de nos demeur e, & al ecoulement des eaux dont la trop gran! de abondance pourroit nous devenir nuifible. SEIZIEME NOVEMBRE. Les cheveux. avfrmniV''^6' m°" ledeur' a «aminer avec moi les cheveux qui couvrent votre tète Si vous confiderez leur merveilleufe ftruclure, & les diverfes ut.lités qui vous en reviennent Se^cn"* ^V™ ^" d.gne? ^"voïê attention & que l'on y découvre bien fenfiblement les traces de la puilfance & de la fagene de votre Créateur. Dans chaquecheveu entier, on diftineue a Ia fimple vue, un filament oblong & dé li"!l un nceud qui eft d'ordinaire plus épais, mais toujours plus tranfparent que le refte. Le filament fait le corps du cheveu, & le nceud en eft la racine, quon nomme oignon ou bulbe. Les grandscheveux de la tête ont toute leur racine, & meme une partie du filament, enfer-  Sur les ceuvres de Dieu. 2,59 més dans un petit vak ou dans une capfule formée par une petite membrane. Lagrandeur de cette enveloppe eft proportionnée a la grandeur de la racine, enforte cependant que 1'enveloppe eft toujours plus grande afin que la racine ne foit point trop ferrée, & qu'il refte un petit interftice entr'elle & la capfule. C'eft donc dans cette capfule qu'on apperqoit la racine du cheveu. Cette racine ou eet oignon a deux parties : 1'une extérieure, l'autre interieure. L'extérieure eft une pellicule compofée de petites lames ; 1'intérieure eft un fluide glutineux, oü quelques fibrilles viennent fe réunir: c'eft la moelle de la racine. De la partie extérieure de l'oignon fortent cinq , & quelquefois , mais rarement, fix petits filets blancs, extrèmement déliés , tranfparens , durs, & fouvent deux fois plus longs que la racine. Outreces filets on voit encore s'élever par ci par la quelques autres petits nceuds, mais ils font vifqueux & fe fondent aifément par la chaleur. De la partie intérieure de l'oignon fort le corps même du cheveu. II a trois parties : l'enveloppe extérieure, les tuyaux interieurs , & la moelle. Quand le cheveu eft arrivé au trou de la peau par lequel il doit palfer, il eft fortement enveloppé par la pellicule de la racine, qui forme ici un tuyau fort petit. Le cheveu pouffe alors 1'épiderme devant foi & s'en fait une gaine extérieure, qui le garantit dans les commencemens oü il eft encore affez mou. Le refte de l'enveloppe ou de 1'écorce de tout le cheveu, eft d'une fubftance particuliere: elle eft tranfparente fur-tout a la pointe. Dans un jeune cheveu , cette écorce eftmolle; mais enfuite elle de vient fi dure & fi élaftique, qu'elle  27° CONSIDÊRATIONS recule avec bruit lorfqu'on veut la coun,r Cette enveloppe extérieure conferve Ion? ems le cheveu. Imniédiatement fou l'éco ce&" quVJ 1'exSfté El Iser„nrPU,S ^ raC^ 'uG en partieuUer de nos cheveJ ? Pu™ outre qu'en frénéraHl nV D,eu ! Mais lefquelles les cheveuï1 g'S HS pour  Sur les ceuvres de Dieu. 271 Ne fervent-ils pas manifeftement a garantir la tète, a la préferver du froid & de fhumidite, & a entretenir la chaleur naturelle du cerveau'' Ils procurent auffi fans doute une evacuation douce & infenfïble de quelque humeur du corps, ils favorifent la tranfpiration , & ils déchargent la tète, ou d'autres parties nobles des humidités fuperflues qui pourroient s'y amalfer. Et combien d'autres utilites ne peuvent-ils pas avoir qui nous ont été inconnues iufqu'ici! Mais qu'il nous fuffile d etre inftruits de quelques-unes des fins que Dieu s'eft propofées: elles nous fourniront aflez de fuiets de reconnoitre & d'adorer la puiilance, la fagelfe & la bonté de notre grand Créateur. DIX-SEPTIEME NO VEMBRE. Syjlêmc du monde. Jü s Q.u 'ici, mon lecleur, vous vous êtes occupé de la terre, de ce globe qui n'eft qu'un point en comparaifon de l'immenfe univers. A préfent élevez-vous jufqu'a ces mondes irw nombrables, a 1'afpeét defquels le point que vous & quelques millions d'autres créatures habitez, s'éclipfera & paroitra s'anéantir. Examinez, méditez, & adorez. Le foleil qui vivifie tout, eft prefque au centre du monde, & fans changer de place , il tourne en vingt-fept jours & douze heures, autour de fon axe, d'Occident en Onent. Autour du foleil tournent, dans des orbites oblongues ou des ellipfes, toutes les planetes depuis  271 CONSIDÈRATIONS nierciire jufqu'a faturne. Mercure, qui de tous ces globes elt le plus voifin du folïiï fa fa un u petit eloignement du foleil, qu'il eft ordinairernent caché dans fes rayons, de forte qu' 1 eft prelque toujours mvifible pour nous. Vénut decnt une plus grande ellipfe, & acheve fon cours en peu plus de deux eens vingt-quatre jours. La terre a befoin d'un an pour faire fa révolution & dans cevoyage annueï e le eft accompagnée de la lune. Man aeheve fJn co„„ en fix eens quatre-vingt-fept jours; jupitcr Sc fes quatre lunes en douze ans ou environ; & enhn Jaturnc qui de toutes les planetes aue nousconnoiifions, eft la plus ébignfe du'fo! fei' r .aVeC fS Clnc* fatellites, le tour de 1 empire folaire dans l'efpace de trente années Maïs fontceli]es bornes de l'univers? Non," afement. Bien loin au-dela de faturne, eft la region des étoiles fixes, dont la plus voifine de nous eft vingt-fept mille quatre eens fo s plus eloignee de la terre que ne 1'eft le foleil , quoique la diftance de eet aftre a not e v\tt 7' 3 ^ P}US grand Eloignement, de vingt-deux mille demi-diametres de la terre Et combien de globes que nous ne ftuS decouvnr peuvent encore remplir le grand lfesT "^j Wne& Ies étoi" Mais quoi? le foleil, que nous voyons de nos yeux parcourir journellement en douze heures a moitié du ciel, pourroit-1 refter immobile dans le centre 'du monde ? Ne g yoyons nous pas le matin a 1'Orient, & lVfofc a 1 Occident? La terre pourroit-elle fe mou voir continuellement autour du fole 1, S que nous nous en apperquffions ? Ó£l|ï tion  Sur les ceuvres de Dieu. 275 tion , qui n'a d'autre fondement que 1'illufion des lens , n'eft abfolument d'aucun poids. Eftce donc que lorfque nous traverfons une riviere, nous nous appercevons du mouvement de la barque? & lorfque nous fommes portés dans un bateau ou dans un cbariot, ne nous femble-t-il pas que tout fe meut autour de nous, & que les objets, qui font devant nous, fe déplacent & reculent, quoiqu'en effet ils foient immobiles? Quelque illufion que nos fens nous falfent a eet égard , notre raifon eft obligée de reconnoitre la vérité & la fagelfe du fyftême qui fuppofe le mouvement de la terre. La nature agit toujours par les voies 'les plus courtes, les plus faciles, & les plus limples. Paria feule révolution de la terre autour du foleil, on peut rendre compte des différentes apparences des planetes, de leurs mouvemens périodiques , de leurs ftations, de leurs rétrogradations, & de leurs mouvemens direds. Et n'eft-il pas bien plus naturel & plus facile que la terre tourne autour de fon axe en vingt-quatre heures, qu'il ne le feroit que d'auffi grands corps que le font le foleil & les planetes, filfent leur révolution autour de la terre dans le mème efpace de tems, c'eft-adire, en vingt-quatre heures? Unepreuveinconteftable que c'eft le foleil, & non pas la terre qui eft au centre du monde, c'eft que les mouvemens & les diftances des planetes ont rapport au foleil & non pas a la terre. Et fi nous fuppofions le contraire, que deviendroit 1'harmonie & la conformité parfaite qui a lieu entre tous les ouvrages du Créateur ? Mais, dans notre hypothefe, chaque planete a les mêmes mouvemens que nous attribuons a la terre. Tornt lil, S  274' considerations eft^rSmléditati°nrUr ^ fyftème du mo"de, ïr«n5/«en,/,me"t Pr°Pre a,no"s donner les plus grandes idees de notre adorable Créateur & a nous faire fentir plus vivement notre pett teffe. Avec quel plaifir notre efprit ne paffe I al pas d'une idéé a fat» , & ne fe perd- 1 ras dans la contemplation de ces grands objeï" Avec quels mouvemens d'admiration & de a' plus profonde vénération, ne fent-il pas la gran! deur de Ion Dien,! II eft vrai que es bon es de 1 entendement humain ne nous permettrónt r^Ll^ dvVOk' Une co»«o^ranceexade Pj ™ de larrangement du fyftême du nonde. Mais nous en fcvons aifeZ pou être convamcus, que tout eft arrangé avec u e fagelfe & une bonté infinies, & que 1'on e fauroit imaginer un fyftême plus beau! plus ré! guher, plus digne de 1'Etre infini, plus avaiï tageux aux habitans des différens globes DIX-HUITIEME NOVEMBRE. Les e'crevijjes. \J U a n d les écrevilfes ne nous ferviroient pas de nourriture, elles ne lailTeroient pa de menter notre attention. Les femelles de ces animaux cruftacées ont fubi, il y fe! maines, une grande révolution. EllesTnt dt pole leurs anciens vêtemens, & fe font cou vertes de nouvelles écailles: c'eft ce que 1W verture, elles prennent en même tems de 1'ac- cellfr?^ ? T'naniere de croitre eft celle de tous les infeétes cruftacées: ils aug-  Sur les ceuvres de Dieu. 275* mentent de volume toutes les fois qu'ils fe dépouillent de leurs anciennes écailles, & cette opération eft affez violente. Au tems de la mue, 1'eftomac des écreviifes fe renouvelle, il fe détache auffi-bien que les inteftins, il fe confume peu-a-peu, & il femble que Panimal fe nourriife pendant fa mue, des parties de fon corps qui fervoient auparavant a la digeftion. Les petites pierres, blanches & rondes, qu'on appelle improprement yeux d'e'crevijj'es, commencent a fe former quand 1'eftomac fe détruit, & fontenfuite enveloppées dansle nouveau, ou elles diminuent toujours de grandeur, jufqu'a-ce qu'enfin elles difparoiifent. II y a lieu de croire que 1'animal s'en fert comme d'un remede dans fes maux d'eftomac, ou peut-ètre qu'elles font le réfervoir de la matiere qu'il emploie pour réparer la perte de fon écaille. Hors le tems de Ia mue, les écreviifes fe tiennentau fond de 1'eau a peu de diftance du rivage. En hiver, elles préferent le fond du ruiifeau, mais elles s'approchent du rivage en été, fi le befoin de nourriture ne les oblige pas de s'enfoncer plus avant dans l'eau. Pour qu'elles puifent fe faifir plus facilement de leur proie, la nature leur a donné plufieurs bras & plufieurs jambes. Quelques-unes de ces pattes font quelquefois auffi groffes que la tète & le tronc pris enfemble. Ce qu'il y a de plus fingulier, c'eft qu'elles ont la faculté de reproduire leurs pattes & leurs cornes , qui ont été caifées ; elles peuvent même s'en défaire a volonté lorfqu'elles en font incommodées. Les écreviifes font cette opération dans quelque pofture que ce foit; mais elle s'efteclue plus facilement lorfqu'on les renverfe fur le dos* S *  27* CONSIDÉRATIONS 1 ecaille & que 1'on fro,fie la chair, a la troi^ n" u ]f quatrieme articulation de la Inè }?J ,Vd TCSrh bleffure l'écrevifle faifènV '* d?u,eurIlm falt agjter fa Patte en tout ie s, & b,entot la partie bleflee fe détache tout ™>l' ,unejefu,b(ian,ce gelatineufe vient couvnr laplaie& étancher le fang: fi 0n 1'ötoit fubfta1IiPerdr0!ttOUt f0" fan^& Périrolt" Cettê iubltance enveloppe, pour ainfi dire, le eerme de la nouvelle portion de jambe qufne S^ne a p0rd £JU'Un,e excroi^e ou' un pe! tit cone. Peu-a-peu le cóne s'allonge, prend la forme «Tune jambe d'écrev,lfe, & rempla e ennn i ancienne patte. W nvT^ d°nt Cr" 3nimaUX fe «produi?,Mlf Ti"S Cir}Suliete. Le male porte afubftance prohfique dans un fil extrèmemcnt long. Ce qui le d.lhngue principalement, c'eft un doublé crochet qu'il a fous la queue, au lieu que les femelles n'en ont point. Ces animaux s accouplent vers 1'automue; & fi 1'on ouvrc alors une mere écreviife , on trouve des ES* ïT.Tr' qi,ipf011tles marqués de fa iecondite. I s dilparouTent peu-a-peu, & fous la queue, ou la mere a plufieurs petites fibres! reffemblent a des grams de chanvre. Les pre miers cxufs paroiflent en Décembre, & bientót il y en a au-dela de cent. Ils groffilfent & mefure que la chaleur revient; & dès avant Ja Saint - Jean, on trouve parmi les oeufs dp Cmi'Tf8 vrtes' de'a ^iTkii tourrm, & qu reftant attachées aux fibres fous la queue de la mere, y font couvée» juf qu a-ce que tous Jes ceufs foient éclos. EliVs ft  Sur les ceuvres be Dieu. 277 détachent enfuite des fibres, & s'accrocbant aux chevelus de quelques racines d'arbres qt^elles trouvent dans 1'eau prés du rivage, elles y reftent enveloppées, jufqu'a ce qu'elles foient aiiez grandes & aflez fortes pour pouvoir s'abandonner aux flots. L'écreviife eft certainement une des plus extraordinaires créatures qui exiftent fur la terre. Un animal dont la peau eft unepierre, qu'il jette tous les ans pour revêtir une nouvelle cuiralfe ; un animal dont la chair eft dans la queue & dans les pieds, & dont le poil fe trouve dans 1'intérieur de la poitrine •, qui a fon eftomac dans la tète , & qui tous les ans en rec,oit un nouveau, dont la première fonction eft de digcrer Tanden ; un animal qui porte fes CKufs dans 1'intérieur du corps, lorfqu'ils ne font pas encore fécondés, mais qui après leur fécondation les porte cxtérieurement fous la queue, & qui fe perpétue avec un doublé" organe de génération; qui a quelquefois dans 1'eftomac deux pierres, qui y font aifermies, qui y prennent des accroilfemens, & dont il fe nourrit jufqu'a-ce qu'elles foient confumées; un animal qui fe défait lui-mème de fes jambes lorfqu'elles Pincommodent, & qui les remplace par d'autres; un animal enfin dont les yeux font placés fur de longues cornes mobiles: un être auffi finguüer reftera long tems encore un myftere pour l'efprit humain. II nous foumit au moins de nouveaux fujets de reconnoitre & d'adorer la puiflance & la fageffe du Créateur.  278 CONSÏDÏJRATIONS DIX-NEUVIEME NOVEMBRE. Situation avantacjeufe & commode des parties du corps humain. a^nienXaminantrn0tre COrpS avec ^dque attention, on ne fauroit manquer d'obferver que toutes les parties qui le compofent font S » ?r l\Tmttf. ,a P'us convenable, & la du CrLTeaieTdiVerS Uf^es' I'dépendoit du Créateur de les arranger comme bon lui membre la place la plus convenable: & en forTuxXTrV °*rp-S i U 3 P°Urvu non-feulement 1 ornement & a la beauté. „■JjimikemeM >*ïkvd des befoins, il eft ma- font fituees de ia maniere la plus avantageuil Notre corps deyoit être une machine qui püc fe mpuvo.r d'dle-mème par les forces^ui lü ont ete donnees, fa„s avoir befoin de recevoir e mouvement d'une force extérieure. II tallo t que nos membres exécutaifent prompte. ment & avec facilité les volontés de „ Jtre7nZ. gnent les uns aux autres; mais pour que nous puiffions nous fervir commodément de nos membres, etendre ou racourcirle bras, nous di ils Z "r rdeVer 3 V0l°nté ■ ]es os fon d vifes en p.ufieurs articulations, & chaque os e termine par une tête ronde, qui s'emboite dans la cavité fphérique d'un a'utre oT, & qui s y meut fans peine, paree qu'elle eft cou verte dun cartilage lifle & poli, & humeclée  Sur les ceuvres de Dieu. 179 par une humeur onclueufe qui arrofe ces car;. tilages pour empêcher le frottement. Ce qu'il y a de plus admirable en tout cela , c'eft que ces os font fi bien affermis, qu'ils ne gliifent pas & qu'ils ne fe détachent point les uns des autres, quoique les pieds aient a porterun fi grand fardeau, & que les mains foient quelquefois obligées de foulever des poids de cent livres. Dans 1'arrangement & la difpofition des parties de notre corps, Dieu a auffi eu égard a la commodité. Les déterminations & les volontés de 1'ame peuvent ètre exécutées fans obftacle & fans peine par les organes du corps. Au moyendes fens, elle eftpromptement avertie de ce qui 1'intéreife, & les divers membres du corps obéilfent d'abord afes ordres. Vwd, qui doit veiller fur toute la perfonne, occupe la place la plus élevée; il peut fe tourner librement de tous cótés, & obferver tout ce qui fe paife. Les oreilles font auffi placées dans un lieu éminent, aux deux cótés de la tête, & elles font ouvertes jour & nuit pour rendre d'abord 1'ame attentive au moindre bruit, & pour lui communiquer toutes les impreffions des fons. Comme les alimens doivent paifer par la bouche, pour fe rendre dans 1'eftomac, 1'organe de Yodorat eft placé immédiatement au-deifus d'elle pour veiller, de même que 1'ceil a ce qu'elle ne reqoive rien de corrompu ou de mal-propre. Quant au fens du toucher, il n'a pas fon fiege dans un endroit particulier, mais il eft répandu dans toutes les parties du corps, afin qu'elles puilfent difcerner le plaifir de la douleur, fe porter vers les chofes falutaires, & fuir celles qui leur feroient nuifibles. Les bras, qui font les miniftres dont Tam» S 4  28° CONSIDÉRATIONS fe fert pour exécuter la plupart de fes volorr-" tes , fitués prés de la poitrine, oü le corps a le plus de force, & fans être trop éloignés des parties inférieures, font placés de la maniere la plus commode pour toutes fortes d'exercices & d'ouvrages, pour la garde & la füreté de la tête & des autres membres. Enfin le Créateur, en formant notre corps, a daigne avoir aufli égard a la beauté. Elle confifteici dans 1'harmonie vifible, ou dans 1'exade proportion des membres, & dans 1'agréable mélange des couleurs d'une peau fine & délicatement tilfue. Ainfi nous voyons que les parties de notre corps qui font doublés , comme les yeux, les oreilles, les bras, les jambes, font placées aux deux cótés, a une hauteur egale, fe répondant a droite & agauche; au beu que celles qui font uniques , comme le front, le nez, la bouche & le menton, font iituees au milieu. Cette proportion fe remarque dans le grand comme dans le petit. La longueur de la plante du pied fait la fixieme partie de la hauteur du corps en entier, comme le vifage en fait la dixieme, & le coude la quatneme partie. Dans les enfans, la tête eft plus grande qu'elle ne devroit 1'être a proportion du refte; la raifon en eft que la tête étant la principale partie du corps & le fiege de quatre fens , devoit arriver plutót a fa perfedion j d autant plus que n'étant compofée que d'os, elle ne fauroit s'étendre autant que les membres charnus, ce qui devroit cependant arri.ver dans les accroiifemens ultérieurs. Car nous remarquons que dans 1'enfance , tous les membres croiffent en même tems , & qu'ils s'étendent felon les plus exades proportions en longueur, en largeur. & en épailfeur, pour être  Sur les ceuvres de Dieu. 281 toujours en harmonie avec la grandeur du corps entier. Admire, 6 homme, la perfection & la beauté de ton corps, les rapports, Pharmonie, les proportions admirables qui fe trouvent entre toutes fes parties. Tu vois que chaque membre fe rapporte aux autres, qu'ils ne s'embarraflent & ne fe gènent jamais 1'unl'autre dans leurs fonclions , qu'ils font placés aux endroits les plus convenables du corps, pour remplir le plus commodément leurs fon&ions , pour s'entr'aider & s'aflifter mutuellement les uns les autres. Tous ces organes font autant de relforts dans cette admirable machine; ils fe répondent les uns aux autres, & ils agiifent de concert pour remplir les diverfes fins auxquelleselle eft deftinée. Garde-toi bien de détruirecette machine fi artiftement conftruite, & de la rendre diftorme par tes excès & par tes défordres. Garde-toi de la déshonorer & de 1'avilir par de honteufes paflions. Fais en forte, au contraire, que ton corps foit toujours un monument de la fagelTe & de la bonte de Dieu. Mais fur-tout ne négligé rien pour que ton ame, qui a été fi dégradée par le pêché , foit rétablie dans fa beauté & dans fa pureté primitives par la juftice de ton Rédempteur. C'eft uniquement par-laquetu pourras être dédommagé de la révolution que fubira ton corps, lorfqu'ilretournera dans la poudre d'oü il a été tiré.  28Z CONSIDÉRATIONS VINGTIEME NOVEMBRE. Ordre & régularité' du cours de la nature S F XL N contemplant le monde nous découvrons en toutes chofes les traces d'une intelligence iupreme , qui a tout ordonné, qui a prévu tous leseftets qui devoientréfulter des forces qu'elle ïmpnmoit a la nature, qui a tout compté, tout pele, tout mefuré felon fes vues, avec une lagefle infime. Ainfi l'univers une fois formé, peut lubfifter toujours & remplir conftamment fa deftination, fans qu'il foit néceifaire de rien changer aux loix primitivement établies. Le contraire a fouvent lieu dansles ouvrages des hommes. Les machines les plus artittement conftruites commencent bientöta ne plus repondre a leur deftination , elles exigent des reparations fréquentes, elles fe déténorent, & fe détraquent de plus en plus. Le principe de ces dérangemens & de ces irréguIantes fe trouve dans leur conftrudion primitive ; car il n'y a point d'artifte, quelque hamie quil foit, quipuiffeprévoir tous les changemens auxquels fes ouvrages pourront être iujets , & moins encore y oh vier. Le monde corporel eft aufli uiie machine; mais les parties dont elle eft compofée, & leurs divers ufages , font innombrables. Elle eft divilee en plufieurs globes lumineuxou opaques, qui fervent d'habitations a une multitude infame de créatures vivantes de toute efpece. Les globes opaques fe meuvent dans les orbes qui leur lont prefcrits, & dans des tems ré-  Sur les ceuvres de Dieu. 28? glés, autour des globes lumineux, pour en recevoir la lumiere & la chaleur, le jour & la nuit, les faifons & les diverfes températures, la nourriture & l'accroilfement, felon les befoins & la nature des divers habitans. La pofition des planetes & leur gravitation mutuelle font fi diverfifiées, qu'il paroit prefque impoffible de déterminer d'avance le tems oü elles reviendront au point d'oü elles font parties, pour recommencer de nouveau leurs cours périodique. Et nonobftant la diverfité des phénomenes que ces globes nous préfentent, & 1'étonnante multiplicité de leurs mouvemens, il n'eft point encore arrivé, dans le cours de plufieurs milliers d'années, que ces mafles énormes fe foient entreheurtées ou embarraifées les unes les autres dans leurs révolutions. Toutes les planetes parcourent réguliérement leurs orbes dans le tems qui leur eft prefcrit. Elles ont toujours gardé leur ordre & leurs diftances refpedives, & ne fe font pas plus rapprochées du foleil. Leurs forces font toujours dans le même équilibre , & dans les mêmes rapports. Les étoiles fixes font telles aujourd'hui qu'on les obfervoit il ya deux mille ans : leurs diftances, leur force projedive , leur afcenfion droite, leurs déclinaifons, leurs parallaxes, leurs diredions font toujours les mêmes ; & toujours auffi la hauteur du foleil, les jours & les nuits , les années & les faifons, font ce qu'ils étoient autrefois. Preuve inconteftable que dans le premier arrangement des corps céleftes, dans la mefure, les loix & les rapports de leurs forces, dans la régularité & la rapidité de leur cours , 1'auteur de la nature a prévu & déterminé 1'état futur du monde & de fes parties dans toute la durée des fiecles.  284 CONSIDÉRATIONS II faut dire la même chofe de notre terre l en tant qu'elle eft annuellement fujette a di! verles revolutions & a des changemeiis de tem. perature. Car , quoiqu'il femble d'abord que le beau tems, le froid, la chaleur, la rofiée, la pluie, la neige, la grèle, les éclairs, les orages & toutes fortes de vents varient indiiféremment & fontdifpenfés au hafard; que c'eft par cas fortuit que les eaux inondent la terre & en bouleverfent la furface, qu'elles changent la terre-ferme en lacs, & qu'ailleurs on voit des contmens ou il n'y avoit autrefois que des rners; que des montagnes fe forment & que d,autres secroulent; que des rivieres fe deifechent ou que leurs cours fe détourne, il eft cependant certain que chaque modification de notre terre a fa raifon fuffifante dans la modffication precedente, celle-ci de même dans celle qui la precedoit, & toutes enfin dans celle om eut beu lors de la première origine des chofes. Mais rien n'eft plus propre a nous faire ientir combien nous ignorons les caufes particulieres des evenemens naturels & leur liaiion avec lavenir, que cette diverfité que nous oblervons dans la température de 1'air; diver ine qui a tant d'influence fur 1'afped, & ]a fert.lite de notre globe. Nous avons beau multiplier les obfervations météréologiques, nous nen pourrons pas déduire des regies & des conlequences certaines pour 1'avenir, & nous ne trouverons jamais d'année qui foit parfaitement femblable a une autre. Cependant ce dont nous lommes bien aifurés, c'eft que ces vanations continuelles, cette confufion apparente des elemens, ne bouleverfent pas notre globe, nen alterent pas la figure, n'en détruilent pas 1 equilibre, & n'en font point un  Sur les ceuvres de Dieu. a8f cahos inhabitable ; mais font au contraire les vrais moyens d'y maintenir d'année en année 1'ordre, la fertilité & 1'abondance. Puis donc que chaque modification actuelle eft fondée fur la modification précédente, il eft manifefte que les élémens n'ont pas été formés & combinés par un hafard aveugle ; mais que dés le commencement, une fagelfe éternelle a produit, combiné , mêlangé les élémens, a mefuré leurs forces, a déterminé leurs effets pour toute la fuite des tems. Ainfi le monde n'eft pas compofé de matériaux défunis ou mal Hés , ou de parties qui n'aient ni rapports , ni liaifons les unes avec les autres: c'eft un tout régulier & parfait, dont la ftructure & tout 1'arrangement eft 1'ouvrage d'une intelligence fuprème. Si nous voyons dans le monde une multitude d'ètres qui ont la même nature & la même deftination que nous, & font liés enfemble par une multitude de rapports ; fi nous découvrons des claifes & des efpeces plus nombreufes encore d'autres créatures, qui ont aufïi des rapports inutuelsplus ou moins éloignés ; fi nous reconnoilfons que par le melange & 1'aclion des élémens, tous ces ètres animés font entretenus & reqoivent tout ce qui leur eft néceifaire conformément a leur nature; fi élevant enfuite & portant plus loin nos regards, nous confidérons les rapports qu'il y a entre notre terre & les corps céleftes, la régularité conftante de tous les mouvemens des cieux, la conformité, la convenance , Paccord merveilleux qui fe trouve entre tous les globes qui font a la portée de nos regards, nous ferons de plus en plus remplis d'admiration a la vue de la magnificence, de 1'ordre & de la beauté de la na-'  285 considérations ture, & nous ferons intimément convaincus de 1 mfinie fageffe du Créateur. Mais tout ce que nous connoiffons a préfent de 1'ordre & de harmonie du monde corporel, n'eft pour ainfi dire qu un foible rayon qui parvient jufqu a nous, en attendant que nous arrivions a cette grande lumiere de 1'éternité, oü Ja fageffe divme, qui a tant d'égard nous, eft impénetrable aujourd'hui, nous fera manifeftée avec infiniment plus de clarté. VINGT-Ux\IEME NOVEMBRE. Vhiver des contre'es feptentrionales. ACtuellement nous voyons approcher ces |ours qui excitent le mécontentement dun grand nombre de perfonnes. L'hiver, cette faifon rigoureufe, leur paroit contredire le plan d ailleurs fi fage & fi bienfaifant du maure de 1 univers : le riche fe plaint de ce que la nature eftdevenue trifte & uniforme, & le pauvre dont Pindjgence & les befoins augmentent dans cette faifon , gémit & murmure Cependant, hommes ingrats, groiTilTez tant que vous voudrezles inconvéniens &les dommages de Ihiver, vous ferez forcés a la fin fi vous comparez votre fort avec celui de quelques autres nations, de reconnoitre combien a eet egard encore Dieu ufe de bonté envers vous. Dans une grande partie des pays feptentrionaux, ü ny a ni printems, ni automne : la chaleur y eft aufliinfupportable en été, quele iroid l eft en hiver. La violence de celui-ci eft  Sur les ceuvres de Dieu. 237 telle, que 1'efprit de vin fe gele dans les thermometres. Quand on ouvre la porte d'une chambre échauffée, l'air extérieur, en y pénétrant, convertit en neige toutes les vapeurs qui s'y trouvent, & 1'on fe voit environné de tourbillons blancs & épais. Sort-on de la maifon, on eft prefque fuffoqué, & l'air femble vous déchirer la poitrine. Tout paroit mort, perfonne n'ofant hafarder de quitter fa demeure. Quelquefois même le froid devient il rigoureux, & cela tout-a-coup , que fi 1'on ne peut fe fauver a tems, on eft en dangerde perdre un bras, une jambe & même la vie. La chüte de la neige eft plus dangereufe encore: le vent la pouife avec une telle violence qu'on n'eft plus en état de trouver fon chemin ; les arbres & les buüfbns en font couverts; les yeux de l'homme en font éblouis, & a chaque pas il s'enfonce dans un nouveau précipice. En été, il fait conftamment jour pendant trois mois, & une nuit perpétuelle regne en hiver durant le même efpece de tems. Nous qui nous plaignons du froid qu'il fait dans nos contrées , que dirions-nous s'il nous falloit vivre dans le climat que nous venons de décrire 'i II eft certain que nous ne connoiifonspas nos avantages, fans quoi un peu de réflexion fuffiroit pour nous rendre contens de notre fort. Les jours d'hiver quelques triftes, quelques rigoureux qu'on les trouve dans notre pays, font pourtant fupportables vu la nature de notre tempérament; & s'il y a des gens qui ne puiifent pas les fupporter, c'eft d'ordinaire a eux - mêmes qu'ils doivent s'en prendre. Mais d'ou vient le Créateur a-t-il afligné pour féjour atant de milliers d'hommes, des  488 CONSIDÉRATIQNS contrées oü la nature les remplit d'efFroi pendant une grande partie de 1'année > Pourquoi na-t il pas rendu ces peuples auffi fortunés que nous '< Queftions infenfées ! vous êtes dans Terreur en fuppofant que les habitans du pole lont malheureux par la violence & la longueur de leurs hivers. Pauvres, mais exempts par leur fimphcité de tout defir difficile a fatisfaire, ces peuples vivent contens au milieu des rochers de glacé qui les entourent, fans connoitre les biens que les habitans des contrées rmeridionales envifagent comme une partie eifentielle de la félicité. Si Taridité du lol empèche que les producfions de la terre ne foient auffi variées chez eux qu'elles le font chez nous, la mer en eft d'autant plus riche dans les dons qu'elle leur fait. Leur facon de vivre les endurcit contre le froid, & les met en état de braver les tempètes; & quant aux fecours particuliers, fans lefquels ils ne pourroient foutenir la rigueur du climat, Ia nature y a pourvu d'avance. Elle a peuplé leurs déferts de bêtes fauvages, dont Ia fourrure les garantit du froid. Elle leur a donné les rennes , dont ils recoivent leur nourriture & leur boiifon, leurs lits , leurs vêtemens & leurs lentes, qui fatisfont a la plupart de leurs befoins, & dont Tentretien ne leur eft point a charge. Quand Ie foleil ne fe leve point pour eux, & qu'ils font environnés de ténebres, la nature elle-mème leur allume un flambeau, & Taurore boréale vient éclairer leurs nuits. Peut-être que ces peuples regardent leur pays comme la plus vatte & plus heureufe contrée de la terre, & qu'ils nous plaignentautant que nous les trouvons a plaindre. Ainfi chaque climat a fes avantages & fes inconvéniens,  Sur les ceuvres de Dieu. 289 convéniens , qui d'ordinaire font tellement compenfés, qu'a moins de confulter certaines inclinations particulieres, il eft aflez diflficile de dire lequel mérite la préférence. a 1'envifager fous ce point de vue, il n'eft point de contrée fur la terre, foit que le foleil lance perpendiculairement fes rayons fur elle, foit qu'il ne 1'échauffe que par des rayons obliques, foit que des neiges éternelles couvrent fa furface, qui au fonds foit plus avantagée qu'une autre. Ici les commodités de la vie font en grand nombre; la cette variété de biens manque abfolument, mais ceux a qui ces biens manquent ne font pas fujets par-la même a nombre de tentations, a des foucis rongeurs, a decuifans remords; en un mot, ils ne connoiflent pas une foule d'obftacles a la félicité, & cela compenfe fans doute la privation d'une multitude d'agrémens. Ce que nous favons avec certitude, c'eft que la Providence a départi a chaque contrée ce qui étoit néceifaire a 1'entretien & au bonheur de fes habitans. Tout y eft aflbrti a la nature du climat, & Dieu a pourvu , par les moyens les plus fages, aux divers befoins de fes créatures. VINGT-DEUXIEME NOVEMBRE. Des métamorphofes qui je font dans la nature. Les transformations qui fe font dans la nature font trés- nombreufes, ou plutöt tout eft métamorphofe dans le monde phyfique. La figure des obiets varie continuellement; Tome III. T  290 CoNSIDÉRATIOtfS certains corps paflent fucceffivemen't par les trois regnesde la nature; & il y a des fubftances compofées qui deviennent par degrés minéral , plante, infe&e, reptile, poiflbn, oifeau, quadrupede, homme. Chaque année des millions de .corps dans la nature fe mêlent & fe réduifent en pouffiere. Oü font les fleurs qui, durant le printems & 1'été paifé, ont fait 1'ornement de nos champs, de nos jardins & de nos prés? Une efpece a paru, s'elt flétrie, & a fait place a d'autres. Les fleurs du mois de Mars & la modelte violette, après nous avoir annoncé la venue du printems, ont difparu pour nous laiflèr admirer la tulipe & la rofe. A la place de celles-ci, nous en avons vu d'autres encore jufqu'a ce que toutes les fleurs aient rempli leur deftination. II n'en eft pas autrement parmi les hommes. Une génération fe montre, 1'autre difparoit. Tous les ans des milliers de corps humains, retournent dans la poudre d'oü ils ontététirés; mais de ces corps diflbus, il s'en forme de nouveaux & de plus beaux encore. Les fels & les huiles dont ils étoient compofés, fe diflblvent dans la terre ; les parties les plns fubtiles font élevées dans 1'athmofphere par la chaleur du foleil, s'y mêlent avec d'autres matieres, font tranfportées c,a & la par les vents, & rctombent en pluies & en rofées, tantót dans un lieu , tantót dans un autre: quant aux parties plus groffieres, elles fe mêlent avec la terre. L'herbe qui en eft nourrie, poufle & s'éleve en longues tiges; & c'eft ainfi que la chair des hommes, transfbrmée en herbe, fert d'aliment a ces troupeaux, dont le lait falutaire fe convertit enfuite en notre propre fubftance. Ces transformations continuelles qui s'ope-  Sur les ceuvres de Dieu. 291: rent dans la nature, font une preuve certaine quele Créateur a voulu que rien ne fe perciït, ou fut inutile. La pouffiere des fleurs , qui eft employée a la fécondation des plantes, n'eft qu'une très-petite partie de la pouffiere que chaque fleur contient; mais ce fuperflu ne fe perd point, la fagefle Divine a créé les abeilles qui en font ufage pour compofer leur miel. La terre nous fait tous les jours de nouveaux préfens, & elle s'épuiferoit enfin fi ce qu'elle nous donne ne lui étoit point rendu. Tous les corps organifés fe décompofent, & fe convertiffènt enfin en terre. Pendant cette diflblution, leurs parties volatiles s'élevent dans 1'athmofphere, & font difperfées de tous cótés. Ainfi les dépouilles des animaux font répandues dans l'air, comme dans la terre & dans l'eau; & peut-être que les parties qui s'envolent dans 1'athmofphere, ne font pas a beaucoup prés les plus nombreufes. Toutes ces particules difperfées ca & la, fe réuniflent bientót dans de nouveaux corps organiques, qui fubiront a leur tour de femblables révolutions. Et cette circulation, ces métamorphofes continuelles qui onr commencé avec le monde, ne finiront qu'avec lui. Mais la tranfmutation la plus remarquable, ou du moins celle qui nous intérefle le plus, eft celle qui nous concerne nous-mèmes. Nous favons que notre corps n'a pas été compofé précédemment, & ne le fera point dans la fuite, du même nombre de parties qu'il 1'eft a préfent. Le corps que nous avions dans le fein de notre mere, étoit extrèmement petit; il étoit déja beaucoup plus grand lorfque nous vinmes au monde, & depuis lors il a encore augmenté quinze a vingt fois de volume} par' T %  292 CONSIDÉRATIONS conféquent du fang, de la chair, & d'autres matieres étrangeres , fournies par le regne animal ou par le regne végétal, & qui n'appartenoient point autrefois a notre corps, y ont été affimilées depuis, & font devenues des parties de nous-mèmes. Le befoin que nous avons de manger tous les jours, montre qu'il fe fait une difhpation continuelle des parties qui nous compofent, & que cette perte doit-être réparée par des alimens. Quanrité de parties s'évaporent imperceptiblement; car d'après les expériences certaines qu'un grand médecin a faites fur lui-mème, de huit livres de nourriture dont un homme bien portant fait ufage tous les jours, il n'y en a que la cinquantieme partie qui fe convertüfe en fa propre fubftance, tout ie refte s'en va par la tranfpiration ou par d'autres excrétions. II réfulte de-la que dans dix ans, il ne reftera pas beaucoup des parties qui nous conftituent a préfent. Et enfin lorfque notre corps aura paifépar divers changemcns, il fera transformé en pouffiere, jufqu'a ce qu'au jour de la réfurredtion, il fubiife cette heureufe & derniere révolution, qui le placera dans un état immuable & éternel. O que je me repréfente avec joie ce monde a venir, oü je ferai a 1'abri de tous les changemens que j'cprouve ici bas ! Je vois d'un ceil fereinles révolutions journalieres, auxquelles toutes les chofes terrettres font fujettes, & qui font néceiTaires dans notre état préfent. C'eft par cette route que nous nous approchons deplus en plus de la perfedion; & j'en approche moi-même continuellement. Pourrois je ne pas me réjouir dans 1'attente de cette grande révolution! Lorfque la terre aura fubi fon grand Si dernier changement, je ferai intro-.  Sur les ceuvres de Dieu.' 29? duit dans de nouveaux cieux & dans une nouvelle terre, oü il n'y aura aucune ornbre de varia tion. VINGT-TROISIEME NOVEMBRE. Grandeur de Dieu jufques dans les plus petites chofes. E l u i qui aime a contempler les ceuvres du Seigneur, reconnoitra fa main non-feulement dans ces globes immenfes qui compofent le fyftême de l'univers, mais auffi dans les petits mondes des infectes, des plantes & des métaux. II cherchera & adorera la fageffe Divine, auffi-bien dans la toile d'une araignée, que dans la force de gravitation qui attire la terre vers le foleil. Ces recherches font d'autant plus faciles aujourd'hui, que les microfpes nous découvrent de nouvelles fcenes & de nouveaux mondes, qui réuniffent en petit tout ce qui peut exciter notre admiration. Ceux de mes leéteurs qui n'ont pas occafion de fe fervir de ces initrumens, liront au moins avec plailir ce que je vais leur dire des objets microfcopiques. Confidérez d'abord le monde inanimé. Voyez ces mouffes & ces petites herbes que Dieu a produites en fi grande abondance. De combien de parties fubtiles & de filets déliés ces plantes ne font-elles pas compofées! Quelle variété dans leurs formes & dans leurs figures! Qui pourroit dénombrer tous leurs gen- . res & toutes leurs efpeces ! Penfez a la multitude innombrable de petites parties, dont T ?  294 CONSIDÉRATIONS un corps quelconque eft compofé & qui peuvent en être détachées. Si un corps hexagone qui n'a que la groifeur d'un pouce, contient cent millions de particules vifibles, qui pourroit cftlculer toutes les parties dont une mon* tagne doit être compofée! Si des millions de parcelles d'eau peuvent être fufpendues a la pointe d'une aiguille, combien ne doit-il pas s'en trouver dans une fontaine , combien-dans tous les puits , les vaifléaux, les fleuves & les mers! Si d'une bougie allumée il s'écouledans une feconde bien plus de particules de lumiere qu'il n'y a de grains de fable fur toute la terre, combien de particules ignées ne doivent pas s'echapper d'un grand feu dans l'efpace d'une heure! Si un grain de fable contient plufieurs millions de particules d'air, combien ne doitil pas y en avoir dans le corps humain! Si les hommes peuvent parvenir a divifer un grain de cuivre en des millions de parties fans arriver jufqu'aux élémens de la matiere; fi des corps odorans peuvent exhaler aflez de corpufcules odorifiques pour que le parfum s'en falfe fentir a de grandes diftances, fans que le corps odorant ait perdu fenfiblement de fon poids: il faudroit une éternité pour que 1'efprit humain pütfeulement calculerle nombre prodigieux de ces particules. Si nous paflbns a préfent au monde animé, la lcene s'étendra, pour ainfi dire, a 1'infini. Pendant 1'été, l'air fourmille de créatures vivantes. Chaque goutte d'eau eft un petit monde habite; chaque feuille d'arbre eftunecolonie d'infecles; & peut-être que chaque grain de fable fert d'habitation a unemultitude d'ètres animés. Chaque plante, chaque graine, chaque fleur nourrit des millions de créatures.  Sur les ceuvres de Dieu. 295* 11 n'y a perfonne qui n'ait vu ces eflaims innom» brables demouches, de moucherons, & d'autres infedes qui fe raifemblenc dans un trèspetit efpace: quelles armées prodigieufes ne doit il donc pas y en avoir qui vivent, qui fe jouent, qui fe propagent fur toute la fuperficie de la terre, & dans les efpaces immenfes de 1'athmofphere! Combien de miiliards d'infedes & de vermiifeaux plus petits encore, ne rampent pas fur la terre ou dans fes entrailles, & dont le nombre n'eft connu que de Dieu feul! Avec quel éclat ne fe manifefte pas la puilfance du Seigneur, lorfque nous penfons a la multitude de parties qui conftituent ces petites créatures, dont la plupart des gens foupconnenta peine 1'exiftence! Sl'onnepouvoit s'en affurer journellement par 1'expérience, s'imagineroit-on qu'il y eüt des animaux qui étant un million de fois plus petits qu'un grain de fable, ont cependant des organes^ de nutrition, de mouvement, de génération? II y a dss coquillages fi petits, que vus a 1'aide du microfcope, ils paroiifent a peine aufligros qu'un grain d'orge ; & cependant ils font compofés d'animaux vivans & de maifons fort dures, dont les plis & les enfoncemens divers ferment auffi diverfes chambres. Quelle n'eft pas 1'extrème petiteffe d'une mite ! & cependant ce point prefque imperceptible, vu au microfcope, eft un animal velu , parfait dans tous fes membres, d'une figure réguliere, plein de vie, de fenfibilité & pourvu de tous les organes qui lui font néceffaires. Quoique eet animalcule échappe prefque a notre vue, il a cependant une multitude de parties beaucoup plus petites encore. Et ce qu'il y a fur-tout d'admirable, c'eft que les verres qui nous découvrent ï 4  296" CONSIDÉRATIONS tant de défauts & d'imperfedions dansles ouvrages les plus finis des hommes, ne nous montrent que régularité & perfedion dans ces objets microfcopiques. Quelle n'eft pas la fineife & linconcevable tenuité des fils d'araignée ' Ona calculé qu'il en faudroit trente-fix mille pour faire 1'épaiffeur d'un de ces fils de foie dont on fe fert pour coudre. Chacun des fix mamelons d'oü 1'araignée tire cette liqueur gluante qui doit former fa toile, eft compofé de mille filieres infenfibles, qui donnent paflage a autant de fils, de forte que le fil le plus fort de 1'araignée eft compofé de fix mille fils plus petits. Vous êtes frappé d'étonnement, mon ledeur, & je le fuis auffi. Mais fuppofé que nous euffions des microfcopes qui grofffifent quelques millions de fois plus , que ne le font ces verres a travers lefquels la mite nous paroit de la groifeur d'un grain d'orge, quelles merveilles ne pourrions-nous pas découvrir! Et, alors même penfez-vous que nous aunons atteint de ce cóté-la les Iimites de la création? Non, affurément: il y auroit de la prelomption & de 1'extravagance a le croire Chaque creature a une efpece d'infinité , & plus vous contemplerez les ceuvres de Dieu, plus les merveilles de fa puiflance fe multiplieront a vos yeux. Notre imagination fe confond dans les deux points extrëmes de la nature dans le grand & dans le petit; & nous nefavons li nous devons plus admirer la puilfance divine dans ces malfes énormes, dans ces globes immenfes qui roulent fur nos têtes, ou dans ces animaux microfcopiques qui font prefque imperceptiblesa nos yeux. Faites donc déformais de la contemplation des ceuvres de Dieu, votre plus agréable occupation. La peine que  Sur les ceuvres de Dieu. 297 vous vous donnerez pour les étudier fera bien récompenfée par les plaifirs purs & innocens qu'elle vous procurera. Vous fentirez au moins fe réveiller en vous le defir ardent d'arriver bientót dans ces régions fortunées, oü vous n'aurez plus befoin de microfcopes ni de télefcopes, pour découvrir & pour étudier les merveilles du Seigneur; oü toutes fes ceuvres s'offriront fans voile avos yeux, oü vous diftinguerez dans chaque objet fa deftination , fa ftrudlure, & fes rapports; oü des cantiques immortels feront entonnés a la louange du Créateur de l'univers ; & oü la diiférence entre le petit & le grand celfant entiérement, tout fera grand pour vous, tout vous remplira d'admiration & de joie. VINGT-QUA'TRIEME NOVEMBRE. Le froid augmente par degrès. N Ous fentons que chaque jour le froid augmente par degrés. Déja le mois paifé nous a enlevé une partie de la chaleur de 1'automne. ^ Mais le froid alors étoit très-fupportable. paree que la terre étoit encore un peu échauffée par les rayons du foleil. Ce mois-ci eft déja plus froid, & plus les jours raccourciront, plusla terre perdra de fa chaleur & le froid par conféquent augmentera. Nous ne faurions en douter puifque nous 1'éprouvons journellement; mais penfons nous aifez a'fa fagelfe & a la bonté du Créateur, qui fe manifefte dans tout eet arrangement? II ne faut cependant  298 CONSIDÉRATIONS qu'une légere attention pour les reconnoitre dans ces progrès infenfibles du froid. ; D'abord cette augmentation graduelle eft indifpenfablement néceflaire pour prévenir le derangement, & peut-être la deftrudion totale de notre corps. Si le froid que nous éprouvons pendant les mois d'hiver, furvenoit tout d'un coup avec le commencement del'automve, nous ferions fubitement engourdis, & cette revolutions nous deviendroit mortelle. Avec quelle facilité ne nous enrhumons-nous pas dans les foirées fraïches de 1'été? & que feroitce fi nous paffions tout-a-coup des brülantes chaleurs de 1'été au froid glaqant de 1'hiver ? Avec quelle bonté le Créateur n'a-t-il donc pas pourvu a notre fanté & a notre vie, en nous menageant pendant les mois qui fuivent immediatement 1'été, une température qui prépare peu-a-peu notre corps a foutenirplus facilement 1'augmentation du froid. —Que deviendroient les animaux dont la conftitution ne peut pas fupporter le froid, fi 1'hiver venoit, pour ainfi dire, a 1'improvifte & fans s'ètre precedemment annoncé! Les deux tiers des infedes & des oifeaux périroient dans une feule nuit, & leur couvée feroit détruite avec eux ians relfource. Au lieu que ie froid augmentant par degrés, ils ont le tems de faire les preparatifs néceiTaires a leur confervation. Les mois d'automne qui féparent 1'été de 1'hiver, les avertüfent d'abandonner leurs demeures pour fe rendre dans des pays plus chauds, ou de chercher des endroits oü ils puiffent dormir tranquillement & en füreté pendant la rude lailon. — II ne feroit pas moins fatal pour nos champs & pour nos jardins, que la terre fut iubitement pnvée de la chaleur de 1'été: tou-  Sur les ceuvres de Dieu. 299 tes les plantes, & fur-tout les plus exotiques périroientinévitablement; le printems ne pourroit plus nous donner des fleurs , ni 1'été des fruits. II eft donc bien jufte, mon lecleur, que vous reconnoilliez & que vous adoriez dans eet arrangement la fageflè & la bonté de Dieu. Ne regardez pas comme une chofe peu importante , que depuis les derniers jours de 1'été jufqu'au commencement de 1'hiver , la chaleur diminue peu-a-peu, & la froidure augmente par degrés. Ces révolutions infenfibles étoient néceiTaires, pour que vous & tant d'autres millions de créatures, pulliez fubfifter, & que la terre put continuer a vous ouvrir fon fein. Homme préfomptueux, qui ofez fi fouvent blamer les loix de la nature, déplacez feulement quelques roues de Ia grande machine du monde, & vous reconnoitrez bientót a votre dommage, que fi vous pouvez détériorer les arrangemens de la nature, vous ne fauriez au moins les améliorer. Apprenez que rien ne s'y fait par faut; qu'il n'y arrivé point de révolution qui ne foit fuffifamment préparée. Tous les événemens naturels fe fuccedent par degrés, tous font dans 1'ordre le plus régulier, tous arrivent précifément au tems marqué: 1'ordre eft la grande loi que Dieu fuit dans le gouvernement du monde; & de-la vient que toutes fes ceuvres font fi belles, fi invariables, fi parfaites. Que votre conftante occupation foit donc d'étudier cette beauté, cette perfection des ceuvres du Seigneur, & de reconnoitre dans toutes les faifons de 1'année les traces de la fageflè & de la bonté divines. Alors cefleront toutes cesplaintes infenfées, par lefquelles vous  ?00 considérations outragez fi fouvent votre Créateur; vous troflB verez de 1'ordre, de la fagelfe & de la bonté, dans les choies même ou vous ne penfiez découvnr que du défordre & de 1'imperfedion ; «vous direz enfuite avec la plus intime conVlttion: Tous les fentiers de U Eternel nefont que gratuite ve'rité, toute fa conduite eft pleine de bonte £f de grace; mais ce n'ejt qu'aux yeux de cZx4^9ardent fon alliance gf ƒ« prêceptes. xy. AAV. 10. VINGT-CINQUIEME NOVEMBRE. Mèditation fur la neige. Pendant 1'hiver, cette faifon Ia plus tnfte de 1 annee, la terre eft fouvent couverte de neige. Tout le monde la voittomber; mais peu de gens fe mettent en peine de rechercher quelle eft fa nature, & quels font fes ufages. V, lorC des ob-iets que »ous avons journellementfous les yeux, & dont nous retirons divers avantages; fouvent même les chofes qui menteroient le plus notre attention, font celles que nous dédaignons le plus. Soyons plus railonnables déformais , & employons quelques momens a méditer fur la neige. Elle eft formée par des vapeurs très-fubtiles, qui setant congelées dans 1'athmofphere, retombent enfuite par flocons plus ou moins epais. Dans nos climats la neige eft alfez grofie, mais les voyageurs alfurent que dans la Laponie elle eft quelquefois fi petite qu'elle ref. iemble a une poufliere fine & feche. Cela vient lans doute du grand froid qu'il fait dans ce  Sur les ceuvres de Dieu. 501 pays la. Auffi remarque-t-on dans nos contrées, que les floconsfont plus gros a mefure que le froid eft plus tempéré, & qu'ils deviennent plus menus lorfqu'il gele fortement. Les petits flocons dont la neige eft compofée, reffemblent d'ordinaire a des étoiles hexagonesj mais il s'en trouve auffi qui forment huit angles, d'autres qui en ont dix, d'autres même dant la figure eft tout-a-fait irréguliere. Pour les bien obferver, il n'y a qu'a recevoir la neige fur du papier blanc; mais jufqu'ici on n'a encore rien pu dire de fatisfaifant fur la caufe de ces différentes figures. Quant a la blancheur de ce météore, elle n'eft pas difflcile a expliquer. La neige eft extrèmement rare & légere; par conféquent elle a une multitude de pores, qui font fans doute rernplis d'air; elle eft d'ailleurs compofée de parties plus ou moins épaüfes & compades: une telle fubftance ne donne point paifage aux rayons du foleil, & ne les abforbepas, au contraire, elle les réfléchit avec beaucoup de force , & c'eft-ce qui la fait paroitre blanche a nos yeux. t La neige nouvellement tombee eft vingtquatre fois plus légere que 1'eau ; & lorfqu'on fait fondre vingt-quatre mefures de neige, on n'en obtient qu'une mefure d'eau. Car la neige n'eft pas de l'eau gelée,^ mais feulement des vapeurs gelées. Elle s'évapore confidérablement, & le plus grand froid ne fauroit mettre obftacle a cette évaporation. On a mis en doute s'il neigeoit fur la mer; mais des voyageurs qui ont navigué pendant 1'hiver dans les mers feptentrionales, aflurent qu'il y ont vu beaucoup de neige. On fait que les hautes montagnes ne font jamais entiéreraent fans  lOZ C O N S I D É R A T I O N S neige; s'il s'en fond quelquefois une partie flócon^ )rt6\^ée par de nou've ux nos n Lp ' b,^C?UP P'us chaud dans nos p aines qu'il ne 1'eft fur les hauteurs- il peut pleuvoir cheznous tandis qu'ilT, eige abon demment fur les hautes montagnes geaÖ0U- de IW? PftPl,UfieUr> Ud,,ités- Comme Ie froid tlïuT 'ft beaucouP Plus nuifible au regne rofent HqH 3U W animal> ,es PIa»^ pér"! roient fi elles n'etoient pas garanties narouel que couverture. Dieu l donc vouI q2la P me qui pendant 1'été rafraichit & ranime leï Plantes, tombat 1'hiver fous la forme d'une la ne douce qui couvre les végétaux, & l"s delend contre les injures de la gelée & del vents. La neige a une certaine chdeur, mïï aflez temperée pour que les graines n'en foTenc pas etouffees. Et comme elle contient"demè me que toutes les vapeurs, d1Vers f s Sle" depofe en le fondant, elle contribue beaucouo par ce moyen a fertilifer les terres. Lors 5o"c que les neiges fe fondent, elles arrofent fSutairemenr la terre, & e„ mème tems el esla vent les; femences d'hiver & les p antes & es" Ce Ztti^ T* C,C q" P°Urr01t M Le qu refte enfuite des eaux de neige, con court a 1'entretien des fontaines, des^rivieres ïw s'qui s'étüient affoibIis Pe»S Ces réflexions doivent fuffire, mon lecleur pour vous convaincrede la bonté de Di-ni' qui fe manifefte dans le météore dont nous venons de nous entretenir. Vous feinire" de plus e„ plus que 1'hiver a fes avantages & que ce n eft pas une faifon auffi trifte que bien des gens fe 1 Winent. Elevez vos regards avec reconnoiffance & avec joie vers ce Dieubiel!  Sur les ceuvres de Dieu. faifant, qui des nuées même de neige fait découler fur la terre la bénédidion & 1'abondance. Vos plaintes & vos murmuresferoientinjurieux au gouvernement du Seigneur, & d'autant plus'criminels qu'il ne tient qu'a vous de découvrir en toutes chofes les traces de la fageife & de la bonté divine. VINGT-SIXIEME NOVEMBRE. Sommcil des animaux pendant 1'hiver. L A nature paroit comme morte a préfent qu'elle eft privée de tant de créatures, qui la rendoient fi belle & fi animée. La plupart des animaux qui ont difparu , font enfevelis pendant 1'hiver dans un profond fommeil. C'eft ce qui arrivé non-feulement aux chenilles, mais auffi aux hannetons, aux fourmis, aux mouches, aux araignées, aux limacons, aux grenouilles, aux lézards, & aux ferpens. C'eft une erreur de croire que les fourmis faifent des provifions pour 1'hiver ; le moindre froid les engourdit, & elles reftent dans eet état jufqu'au retour du printems; a quoi leur ferviroient donc des magafins, puifque la nature a pourvu a ce qu'elles n'euflent pas befoin de manger pendant 1'hiver? & il n'eft pas apparent qu'elles forment des magafins pour rfautres animaux. Les grams qu'elles amaflent avec tant de foin pendant 1'été, ne fervent pas a leur fubfiftance: elles les emploient comme des matériaux pour conftruire leurs habitations. Parmi les oifeaux, il y en a auffi plufieurs , qui lorfque les alimens vienneiu a leur  ?°4 CONSIDÉRATIONS manquer, fe cachent dans la terre ou dans quelques cavernes, pour y dormir pendant IJuyer. On allure au moins qu'avant 1'arrivée de I hiver, les hirondelles de rivage fe cachent dans la terre, les hirondelles de mwaüle dans des creux d arbres ou de vieux édifices, & que les hirondelles domejiiques ou communes vont chercher le fond des étangs oü elles s'attachent deux a deux a des rofeaux, pour y refter comme lans mouvement & fans vie, jufqu'a ce que le retour du beau tems les ranime. II l Y^q"el(3u.e* quadrupcdes, qui a la fin de lete s enfeveliifent dans la terre. Le plus remarquable d'entr'eux c'eft la mar motte, qui ad ordinaire fon domicile dans les Alpes. Quoiqu elle fe plaife fur les plus hautes montagnes, dans la regionde la neige & des glacés, elle eft cependant fujette plus que tout autre animal a s engourdir par le froid.De-la vient que les marmottes fe cachent d'ordinaire a la fin de ^eptembre ou au commencement d'Octobre dans leurs demeures fouterraines , pour n'en iortir qu au mois d'Avril. On remarque beaucoup d art & de précaution dans 1'arrangement de leur maifon d'hiver. C'eft une efpece de galerie, dont les deux branches ont chacune leur ouverture particuliere, &aboutuTent toutes deux a un cul-de-fac qui eft le lieu du féjour. De ces deux branches, 1'une eft en pente au-deflous du cul-de-fac, & c'eft dans cette partie la plus baife du domicile, qu'elles font leurs excremens, dont 1'humidité s'écoule aiiement au-dehors; 1'autre branche eft plus eleyee que tout le refte, & leur fert d'entrée & de lort.e Le lieu même du féjour eft tapiifé de mouife & de foin. Les marmottes ne font pas de provifions pour 1'hiver, paree qu'elles leur  Sur les ceuvres de Dieu. goj* leur feroient inutiles. Avant d'entrer dans leur quartier d'hiver , chacun d'elles fe prépare avec beaucoup de foin un lit de foin & de mouife; enfuite après avoir exadement fermé les deux portes de leur domicile, elles fe livrent au fommeil. Tant que eet état d'engourdilfement dure, elles ne mangent abfolument rien. A l'entrée de 1'hiver, elles font fi graifes que quelques-unes pefent jufqu'a vingt livres; mais peu-a-peu leur embonpoint diminue, & elles font maigres vers le printems. Comme elles ne mangent pas pendant 1'hiver, elles n'ont point de déjedions: leur ccecum, ou le premier de leurs gros inteftins, eft pourvu de valvules annulaires, qui retiennent les excrémens jufqu'au tems du réveil. On alfure que dés que ces animaux fentenc le premier froid, ils fe rendent a quelque fource, oü ils boivent long-tems & copieufement, jufqu'a ce que l'eau qu'ils rendent foit tout auffi claire & tout auffi pure qu'ils 1'avoient avalée. Un inftind naturel les y porte, pour prévenir la corruption que les matieres accumulées dans 1'eftomac pourroient y occafionner pendant la longue époque de leur engourdilfement. Lorfqu'on découvre la retraite des marmottes, on les trouve relferrées en boule, & fourrées dans le foin: leur nez eft appuyé fur le ventre pour ne pas refpirer trop d'humidité. Leur lymphe fe confume d'ailleurs aifez, & il leur eft très-avantageux d'avoir fuffifamment atténué leur fang par la quantité d'eau qu'elles ont bue. Pendant leur torpeur, on les emporte tout engourdies, & 1'on peut même les tuer fans qu'elles paroüfent le fentir. II y a une forte de rats, dont le fommeil eft auffi long & auffi profond que celui Tomcllh V  2o5 CONSIDÉRATIONS des marmottes: on les appelle a caufe de cela dormcws. Les ours mangent prodigieufement a 1'entrée de 1'hiver, & 1'on diroit qu'ils veulent fe nourriren une fois pour toute leur vie. Comme ils font naturellement gras, & qu'ils le font fur-tout a 1'excès fur la fin de 1'automne, cette abondance de grailfe leur fait fupporter 1'abftinence pendant leur repos d'hiver. Les blaircaux fe préparent de la même maniere a la retraite qu'ils font dans leurs terriërs. L'iuftincT de ces animaux, & de quelques autres encore, leur enfeigne donc ainfi les moyens de fe palfer de nourriture pendant un tems aflez confidérable. Dès leur premier hlver, & avant que 1'expérience ait pu les inftruire , ils ne laifl'ent pas de prévoir leur long fommeil & de s'y préparer. Dans leurpaifiblè retraite, ils ne favent ce que c'eft que la difette, la faim & le froid. Ils ne connoiifent d'autre iaiion que 1'eté ; & ce qu'il y a de plus remarquable, c'eft que tous les animaux ne dorment pas ainfi pendant 1'hiver, cene font que ceux qui, avec la rigueur du froid, peuvent foutenir auih une abftinence de plufieurs mois. Si 1'hiver les furprenoit a 1'improvifte, enfortequ'affoiblis & engourdis fubitement par le défaut de nourriture & par le froid, ils ne laiflalfent pas de vivre dans eet état, on pourroit dire que tout ce qu'il y a d'étonnant en cela, c'eft la force de leur conftitution. Mais comme ils lavent le preparer de bonne heure pour le tems de leur fommeil, & que la plupart d'en. tr eux SX préparent avec beaucoup d'induftrie & de precaution, il faut reconnoitre ici un ïnltind admirable qui leur a été donné par le Créateur. Oui, ó mon Dieu, ta fagefle & ta bonte ont pourvu aux befoins de toutes tes  Sur les ceuvres de Dieu. 307 créatures, & tu as pour cela mille moyens divers que 1'intelligence humaine n'auroit jamais pu imaginer. Et ne fuis-je pas en droit d'en conclure, que veillant comme tu le fais fur toutes les ceuvres de tes mains, tu daigneras veiller auffi a ma confervation! VINGT-SEPTIEME NOVEMBRE. XJtilités da tempêtes. Peut-Étre que dans cette faifon orageufe, plufieurs de mes lecleurs comptent les vents & les tempêtes parmiles défordres & les fléaux de la nature. On ne penfe point aux avantages qui nous en reviennent, & 1'on ne conlidere pas que fans eux nous pourrions être mille fois plus malheureux que nous ne le fommes en effet. Rien cependant de plus vrai. Les tempêtes font les moyens les plus propres a purifier 1'athmofphere. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'a faire attention a la température qui domine dans cette faifon. Que de brouillards épais & mal-fains, que de jours pluvieux, fombres & nébuleux n'amene-t-elle pas ? Les tempêtes font principalement deftinées a difperfer ces vapeurs nuifibles & a les éloigner de nous; & c'eft-la fans doute un bien trèsconfidérable qu'elles nous font. L'univers eft gouverné d'après les mêmes loix que l'homme , qu'on peut appeller un petit monde. Notre fanté confifte en grande partie dans 1'agitation & le mélange de nos humeurs, qui fans cela fe corromproient. II en eft de même du monde. Pour que l'air ne devienne pas V 3  CONSIDÉRATIONS nuifible a Ia terre & aux animaux , il faut qu'il ioit dans une agitation continuelle. Ces mouvemens & ces mélanges fi indifpenfables font operes par les vents; je ne dis par des vents ioibles & doux, mais par des ouragans & des tempêtes qui raifemblent les vapeurs de différente* contrées, & qui n'en formant qu'une ieule made, mêlent ainfi les bonnes & les mauvailes, & eorngent les unes par les autres. Les tempêtes font même utiles a la mer. Si elle n etoit pas fouvent agitée avec violence, le feul repos de l'eau falée , lui feroit contracter un degre de putréfacïion , qui non-feulement deyiendroit mortel a ces armées innombrables de poiifonsqui y vivent,mais qui pourroit aufii etre très-nuifible aux voyageurs Le mouvement eft 1'ame de toute la nature, il v entretient tout dans 1'ordre & en prévient la dettruclion. La mer feroit-elle exceptée de la regie generale, la mer, dis-je, qui eft le réceptacie commun oü tous les écoulemens de la terre vont fe rendre, & oü tant de millions de iubftances animales & végétales fe putrébent 6c depofent leurs excrémens & leurs dépouilles. Si la mer n'étoit continuellement agitee, les eaux croupiroient, & nous infecTeroient par une puanteur infupportable. Ia mer doit avoir fon mouvement comme le fan" des animaux a lefien; & les autres caufes qui Jut procurent une agitation douce, uniforme & prefque infenfible, ne fuffifentpas pour en lecouer & en purifier la maife entiere. II n'y a que les tempêtes qui puiffent opérer eet effet; & 1 on voit quels avantages en doivent réfulterpour les hommes, & pour tant de millions de créatures animées. .Voila une partie des utilités qui nous revien-  Sur les ceuvres de Dieu. ^c lé Juccesr des entrepnfes pour les plus faces & les ÏZtTri P3S touJ°urs' & fouvent un accident inattendu , une c.rconftance favorable , un fveriement qu'il étoit impofllble de prévoir, font plus que toute la force, tout Won! toute la prudence humaine, Combier£ les hommes ne feroient-ils pas a plaindre fi une mam fage & bienfaifante ne^églo t pas pourroit- gouyerner les hommes, fi ce que on appelle hafard n'obéjifoit pas'a fa voixl I-e lort des hommes , des families, & mème de royaumes entiers, dépend fouvent de quel! ques circonftances qui nous paroilfent petites L^T/abeS:' °r' fi "ous voulionsfouf! v dence Pf{? e,venemens a Empire de la Providence, ü faudroit en même tems lui fouf-  Sur les ceuvrès de Dieu. 511 traire auffi les plus grandes révolutions qui arrivent dans le monde. Nous voyons qu'il arrivé journellement des accidens, defquels notre bonheur ou notre malheur temporel dépendent en grande partie. II eft manifefte, que nous ne pouvons pas nous précautionner contre ces ibrtes d'accidens, puifque nous ne faurions les préyoir. Mais il s'enfuit de-la que ces événemens inopinés qui font au-deifus de notre entendement & de notre prudence, doivent être fpéeialement foumis a 1'empire de la Providence. La fagelfe & la bonté de Dieu nous abandonnent plus ou moins a nous-mêmes, felon que nous avons plus ou moins d'intelligence & de forces pour nous conduire raifonnablement. Mais dans les circonftances oü notre force & notre prudence ne peuvent rien , nous pouvons compter que Dieu veillera particuliérement en notre faveur. Dans tous les autres cas, le travail & 1'induftrie des hommes doivent concourir avec le fecours & Paffiftance du ciel: ce n'eft que dans les accidens imprévus que la Providence agit feule. Et comme dans tout ce que 1'on appelle hafard , nous découvrons fenfiblement les traces de la fageffe, de la bonté, & de la juftice de Dieu, il eft manifefte que le hafard même doit être foumis au gouvernement divin: c'eft même alors que 1'empire de la Providence paroit avec le plus d'éclat. Lorfque la beauté, 1'ordre & 1'arrangement du monde nous rempliffent d'admiration , nous concluonsfansbalancer qu'un Etre infiniment fage doit y avoir préfidé. A combien plus forte raifon devons-nous tirer la même conféquence, lorfque nous réfléchiffons fur les grands V 4  ?U CONSIDÉRATIONS événemens qui font produits par des accidens que la lageffe humaine ne pouvoit prévoir' JJ avons nous pas mille exemples, quele bon-"" heur & même la vie des hommes, le fort des royaumes, 1'iifue d'une guerre , les révolutions des empires, & d'autres chofes femblables, dependent d'accidens entiérement imprévus? Un evenement inopiné peut confondre les projets concertés avec le plus d'habileté & de mV, e'^^nanr?antir les forces les plusredoutables. C eft fur le dogme de la Providence que fout fondees notre foi, notre tranquillite, 6c notre efperance. Quelque puilfent ètre Jes maux qui nous environnent, quelque grands que foient les dangers dont nous fommes menaces, Dieu peut nous en délivrer par mille moyens qui nous font inconnus a nous-mêmes. La viye perfuafion de cette confolante vérité, doit dun cóte nous remplir du plus profond reipect pour le maitre du monde; & de 1'autre nous engagera chercher Dieu en toutes choïes, aremonter toujours jufqu'a lui, &amettre en lui feul toute notre confiance. Cette yerue doit encore réprimer notre orgueil, & mlpirer particuliérement aux grands de la terre cette crainte religieufe qu'ils doivent avoir pour le grand Etre , qui a dans fa main mille moyens inconnus pour renverfer tout 1'édifice de bonheur que nous avons orgueilleufement eleve. Enfin cette même vérité eft infiniment propre a bannir de notre ame toute défiance, tout iouci, tout découragement, &a nous remphr d une fainte joie. VEtre infiniment fage ci mille voies merveilleufes qui nous font cachées. Mes Jont des voies mife'ücordieufes gf charitables, Sftoutes Jes difp en fation s font réglées par la faSüJe & par la jujiice. Ilveut le bonheur de fes 'en-  Sur les ceuvres de Dieu. fans, & rien ne fauroit l'empêcher. Il ordonne, gf la nature entiere obeït d fa voix. VINGT-NEUVIEME NOVEMBRE. Grandeur de Dieu. R Ien ne convient mieuxa l'homme, que de tacher de fe faire des idees de Dieu, qui foient en quelque forte dignes de fa grandeur & de fa majefté. Heft vrai qu'il nous eft auflï impoflible de le comprendre parfaitement , que de renfermer la mer dans le creux de la main, ou de compafjcr les cieux avec la paume. Ejaie XL. 12. Dieu nous eft tout a la fois trés-connu & très-caché; il eft prés de nous, & fort élevé au-detfus de nous: connu & prés relativement a fon exiftence; élevé & caché, eu égard a fa nature, a fes perfeclions & a fes décrets. Mais par cela mème il eft de notre devoir de nous appliquer a connoitre fa grandeur , autant qu'il eft néceifaire pour concevoir les fentimens de vénération qui lui font fi juftement dus. Pour aider a eet égard notre foiblelfe, comparons-le avec ce que les hommes eftiment & admirent le plus, & nous verrons que Dieu eft infiniment élevé au-delfus de tout cela. Nous admirons la puilfance des rois, & nous fommes remplis d'étonnement lorfque nous voyons ou que nous apprenons qu'ds ont conquis de vaftes empires, pris des villes & des fortereifes, élevé de fuperbes édifices, fait le bonheur ou le malheur de nations entieres. Mais fi nous fommes irappés de la puiflance  ?I4 CoNSIDe'rATIONS d'un homme, qui n'eft au fond que poudrè & que cendre, & dont la plupart des exploits Font dus a des bras étrangers, quelle admiration ne de vons-nous pas avoir pour la puilfance de ce Dieu qui a fondé la terre, & dont les cieuxfontl'ouvrnge, qui tient le foleil dans fa main , & qui foutient 1'immenfe édifice de l'univers! Nous fommes étonnés avec raifon de la chaleur du foleil, de Pimpétuofité des vents, des mugiflemens de la mer, des éclats du tonnerre, de la lumiere rapide des éclairs; mais c'eft Dieu qui allume les feux du foleil, qui tonne dans les nuées, qui fe fert des vents comme de fes anges, & des foudres comme de fes miniftres, qui éleve & qui calme les flots de la mer. _ Nous refpedons a jufte titre ceux qui fe diftïnguent par 1'étendue de leur génie & de leurs connoiifances; mais qu'eft 1'intelligence, que font toutes les lumieres des hommes en comparaifon de celles du grand Etre, aux yeux duquel toutes chofes font nues & entiérement découvertes, qui compte les étoiles du ciel comme le fable de la mer, qui connoit la route que parcourt chaque goutte de pluie en tombant de Pathmofphere, & qui d'un feul regard voit tout a la fois le préfent, le palfé & 1'avenir. Quelle fagelfe ne brille pas dans la ftructure de l'univers, dans le cours des étoiles, dans Parrangement de notre globe, dans le moindre vermilfeau , & dans la plus petite fleur! Ce font la tout autant de chef-d'ccuvres, qui furpalfent infiniment les plus grands & les plus parfaits ouvrages des hommes. On eft ébloui de 1'éclat des richelfes , & 1'on admire dans les palais des rois la magnificence desmeubles, le luxe des habits, la beauté  Sur les ojuvres de Dieu. ^ij* des appartemens, 1'abondance d'or, d'argent & de pierreries qui brillent de toutes parts. Mais que tout cela eft peu de chofe en com-, paraifon desricheifes du Seigneur notre Dieu, dont le ciel eft le tröne & dont la terre eft le marche-pied! A lui fontdes deux, d lui aujji eji la terre, la terre habitable, & tout ce qui eji en elle. Pf. LXXXIX. ia. Ses domiciles font ceux qu'habitent toutes les créatures, fes magafins fournilfent a la fubfiftance de tous les hommes & de tous les animaux, fes prairies nourriflenttout lebétail. Tout ce que le monde a d'utile & d'excellent, eft tiré de fes tréfors. La vie, la fanté, les richeifes, la gloire, les plaifirs, tout ce qui peut faire le bonheur des créatures, tout eft en fa main, & il diftribue tout felon fon bon plaifir. On refpecfe les grands de la terre, lorfqu'ils commandent a une multitude de fujets & qu'ils regnent fur plufieurs contrées; mais qu'eft-ce que ce coin de la terre qui leur eft foumis, en comparaifon de 1'empire de l'univers, dont notre globe n'eft qu'une petite province, & qui s'étend fur toutes les étoiles du ciel & fur tous leurs habitans! Quelle n'eft pas la grandeur dumaitre, dont tous les monarques du monde font les ferviteurs, & qui voit autour de fon tröne les Chérubins & les Séraphins toujours prêts a voler pour exécuter fes ordres! On jugede la grandeur des hommes par leurs actions; on célebre les rois qui ont élevé des villes & des palais, qui ont bien gouyerné leurs états, & qui ont heureufement exécute de grandes entreprilès. Mais quelles ceuvres que celles du très-haut! Quelles ceuvres que la création de 1'immenfe univers, la confervation de tant de créatures, le fage & jufte  ?iufques a repanclre des larmes de joie II y a plus : fi les difgracês dont nous nous plargnons, ne nous arrivoient pas, nous ferions expofes a des maux incomparablemen plus grands encore. Si nous n'avions que de jours de profperite, nous nous livrerions a 1'orieif a la volupté, a fambition. Si nous n'édo s jamats preffes par le befoin , perfonne ne fe mettroit en peine d'être atfif & laborièux dins fa vocation, perfonne n'exerceroft fe talens & anune de zele pour 1'avancement du bien publ c. Si nous n'etions jamais expofés a aucun danger, comment nous formerions-nous t l" prndence, comment apprendrions-nousl et e compatiflans pour ceux dont la vie eft en 2 rif. bi nous n avions aucun malheur a crain dre, avec quelle facilité oublierions-nou danS hvreffe du bonheur, la reconnoiffance enve Dieu la chante pour le prochain, & en géneral tous nos devoirs ? Or, toutes ces ve tus tous CeS biens de 1'ame ne font-ils pal müS fo a preferer a une fuite continuelle de7eZ fations agreables, qui d'ailleurs netardero ent n en jouir/ Celui qui repofe toujours au fan du bonheur djvient bientöt Idche d faire le b en g? mcapabk dc toute grande aBion/mais aue ï'aï  Sur les ceuvres de Dieu. 347 verfitê lui faffe fentir fes coups, & il reviendra a la fageffe, d Fa&ivité £f d la vertu. Que les hommes font injuftes & brzarres dans leurs prétentions! Ils veulent vivre tranquilles, contens & heureux , & ils font mecontens des moyens qui peuvent les y conduire. Dans les chaleurs de 1'été, nous alpirons après la fraicheur , & cependant nous fommes chagrins lorfque nous voyons le foriner 1'orage qui doit nous la procurer. Le tonnerre purifie Fair & fertilife la terre , mais nous nous plaignons de ce que fes eclats portent la terreur dans notre ame. On reconnoit 1'utilité des charbons, du foufre, des mineraux, des bains; mais on ne veut pas quily ait des tremblemens de terre. On fouhaite qu'il n'y ait point de contagions Sc de maladies épidémiques; & cependant on fe plamt des tempêtes qui préviennent la corruptton de l'air. On aime a être fervi par^ des^ domeftiques; mais on voudroit qu'il n'y eüt dans le monde ni pauvreté, ni inégalité des condttions. En un mot, prefque en toutes cho es on veut la fin, & 1'on ne voudioit pas les moyens. , . Reconnois, ó homme, les vues lages & bienfaifantes de ton Dieu lors même qu'il permet qu'il y ait dans ta vie de fréquentes alternatives de joie & de trifteife, de bonheur & de malheur. N'eft-il pas 1'arbitre de ton fort, n'eltil pas le maitre de te rendre heureux ou malheureux , n'eft-il pas ton pere, de la bonte duquel tu dois être convaincu lors même qu il trouve a propos de te chatier? N'es-tu pas dans un monde, dont le caradere propre elt d'ètre fu'iet au changement & aux revolutions. N'as-tu pas plufieurs fois éprouvé dans le cours  348 CONSIDÈRATIONS de ta vie que ce que ton ignorance te faifoifj regarder comme un mal, a réellemem contr ! Sïn *T 'r31 bonheur? Reqois avec une tranquille refignation de la main de ton Dieu les maux qu ,1 trouvera a propos de te difpen! ier. lis ne te paroitront redoutables que dans les commencemens, mais plus tu y feras exer! ce, plus tu les trouveras fupportables, & tu jprouveras leurs falütaires effets.Si dan» Pao? verfite tu es rempli de patience & d'efpérance, tu en vicndras au point de bénir Dieu des epreuves memes qu'il t'aura envoyées. Quoi Vétllh'tU 1 en bénÜ'as «ornement dans i£5 ï tU P°rteras un touc autre )"gement; des peines que tu auras éprouvées ici- ïfflir? V73S a!01S que fans ces revers & ces ï2leSrnS„dT ^ Plai§,10iS' tU n'3UraS P* parvemr au bonheur qui t'étoit deltiné. Ld ccUeront pour jamais tes peines & tes plaintes Ld tranfporté de joie & de reconnoiffance, tuJrl ras aton Dieu des cantigues de louange & d'actwns de graces pour les maux que tu auras éproiu »es &foutenus avec courage ici-bas. Ld tu /c'crieras dans unfamtraviffement: Tout eji accompli > Tout eji bien! Le Seigneur a tout fait dans des vues de fageffe fcf de bonté. DIXIEME DÉCEMBRE. Révolutions accidentclles de notre globe JL O u s les jours la nature produit d'ellememe fur la furface de ]a ^ jeu* KSi,qUD?nr UnC grande '"fluence fur tout le globe. Plufieurs anciens monumens prol  Sur les ceuvres de Dieu. 349 vent qu'en divers endroits la furface s'aflaifle tantót plus lentement, tantót plus vite. La muraille que les Romains avoient conftruite enEcofle dans le fecond fiecle, & qui traverfok tout ce royaume d'une mer a l'autre,eft prefque entiérement fous terre a préfent, & 1'on en trouve encore tous les jours des reftes. Les montagnes, ces piliers de la terre, font expofées a des bouleveriemens femblables , occalionnés foit par la nature du terrain , foit par les eaux qui les minent & qui les fappent, loit enfin par des feux fouterrains. Mais fi quel, ques parties du globe s'affaiifent, d'autres au contraire s'élevent. Une vallée fertile peut au bout d'un fiecle être convertie en un marais, ou la glaife, la tourbe, & d'autres fubftances forment des couches les unes fur les autres. Des lacs & des golfes fe changent en terres. Dans les eaux dormantes , il croit quantite de joncs, d'algues & d'autres plantes; les fubftances tant animales que végétales, venant a s'y putréfier, forment peu-a-peu une efpece de limon & de terreau , & le fonds s'éleve enfin au point que la terre-ferme prend la place des Les feux fouterrains prodmlent aulii de grands changemens fur notre gjobe. Leurs effets fe manifeftent par trois diflerentes commotior.s, qui d'ordinaire fe font fentir féparement, mais qui fe réunilfent quelquefois toutes. La première confifte en ofcillations ou balancemens horizontaux. Qiiand ces balancemens font violens rSc inégaux, ils bouleverfent le terrain & renverfent les édifices. Ces fortes de commotions onduiatoires fe remarquent particuliérement dans les eaux. II y a d'autres trerablemens qu'on appelle de pulfation ou de  ?/0 COMSIDÉRATIONS foulevement Ils font quelquefois fortir touta-coup de nouvelles ifles du fond des mers. La croute de la terre étant foulevée avec vioJ?(T-lr ret,°,mbe ,enrutte Pius profondément, sa», s'ecroule & forme des lacs, des mal rais & des fources. Enfin, il y a des exploiions/emblables k celles des mines, & accompagnees de 1 eruption dematieres enflarnmées. Ces fecouffes & ces convulfions violentes oc- Snr^e'lt,defan,ds;av(ag:es &des altérations confiderables fur la furface de notre planete. droits, saffaiffe d'un cöté, & s'éleve de 1'au- ï?VffiTer.Pa r,CIrPu. 3Uffi 3 CCS c°mmotions , & 1 effet le plus fenfible que 1'on y obferve, fon les nouvelles niesbui s'y forment. Elles font produites par 1'élévation du fond de la mer ou bien elles font compofées de pierres ponces, de rochers calcinés, & d'autres matieres què quelque volcan a lancées. L'hiftoire nous apprend meme que par des tremblemens de terre que des feux fouterrains avoient produits, des fö L?,untler!f T ^"g'outies &abyméesa foixante pieds de profondeur, en forte que dans la luite on a pu enfemencer & cultiver la terre qui les couvroit. Plufieurs altérations que notre globe afouffer es, ont ete produites par le mouvement des Ti» A E 1C? decremPe"t les montagnes & en detachent beaucoup de terres, qui étant charnees dans la mer & dans les fleuves, en hauffent confiderablement le fond. Les eaux changent fouvent leur cours , les cótes mêmes fe depbcent; tantót la mer fe retire, & met taantAt ,llCOm,ne?S q,Ui ,ui fervoient de & tantót elle gagne fur les terres & couvre des comrees entieres. Des pays qui étoient autre-  Sur les g:uvres de Dieu. fois adjacens a la mer, en font a préfent fort éloignés. Les ancres, les gros anneaux de fer pour amarrer les vaiifeaux , & les débris de navire , que 1'on trouve fur des montagnes, dans des marais, & a de grandes diffances de l'Océan , prouvent inconteftablement que bien des endroits, couverts autrefois par la mer, font a préfent une terre-ferme. II y a toute apparence que 1'Angleterre tenoit autrefois a la France, les lits de terre & de pierre, qui font les mêmes des deux cótés du pas de Calais, & le peu de profondeur de ce détroit femblent J'indiqu'er. Les climats mêmes occafionnent de grandes révolutions fur le globe. Entre les tropiques, la chaleur & les pluies alternentj dans quelques endroits, il pleut pendant plufieurs mois de fuite, & dans d'autres tems la chaleur ell très-vive. Les pays plus voifins du pole font expofiés a de grandes révolutions par la rigueur du froid. En automne, l'eau pénetre par une multitude de petites crevaifes, dans les rochers & les montagnes , elle s'y gele l'hiver , & !a glacé venant afe dilater & a éclater, produit de grands boulevcrfemens. De telles révolutions, que des caufes accidentaies produifent fur la terre, font des preuves palpables de la fragilité du monde même. Elles prouvent aulfi que Dieu n'eft pas un fpectateur oifif des altérations que fubit notre globe ; mais qu'il arrange & dirige tout d'après des loix infiniment fages. Du refte, ceci m'apprend que toutes les chofes d'ici-bas font fujettcs au changement & a des viciffitudes cominuelles: je vois même que de fréquentes révolutions accidentelles font prendre une nouvelle face, non-feulement au monde inanimé, mais aufTI au monde animé, Une généracion difparoit,  3f2 CONSIDÉRATIONS pour faire place a une autre. Parmi les hom-" mes, les uns moment & les autres defcendentceux-ci s'elevent aux honneurs & aux dignites; ceux-la tombent dans la mifere & dans ie mepns. II y a des migrations & des déplacemens continuels parmi les créatures, des differences & des gradations fenfibles dans leur etat, dans leurs talens & dans leurs facultés. Dieii a afligue a tous les êtres différens périodes de duree: les uns font deftinés a uneI exiftence courte & momentanéc, d'autres a une Vie plus longue, d'autres enfin a une durée éternelle. Et en tout celaon voit fe manifefter avec eclat Ia fageffe, la puiffance & la bonté du Créateur. ONZIEME DÉCEMBRE. Sentimens de reconnoijjance d la penfce des vêtcmens dont nous fommes pourvus. L» A Providence fe découvre jufques dans nos habi lemens. Combien d'animaux nous donnent leur peau, leur erin & leur fourrure pour nous en vêtir! La feule brebis nous fourint par falaine les vêtemens les plus indifpeniables; & c eft au travail précieux d'un ver que nous devons les matériaux de nos habits de foie. Et combien de plantes fur Ia terre qui ierventa notre habillement! Le chanvre & le lm nous fourniffent des toiles, & fon forme divers tiflus avec le coton. Mais ce vafte magafin de la nature ne fuffiroit pas encore, li Dieu n avoit doue l'homme d'induftrie & dun elpnt inepmfable en inventions, & s'il ne  Sur les ceuvres de Dieu. ? ne lui avoit donné des mains habiles, propres a préparer fes vètemens de diverfes manieres. Qu'on réHéchilfe feulement fur tout le travail qu'exige la préparation de la toile, & 1'on verra qu'il faut la réunion d'une multitude de mains pour nous fournir quelques aunes de ce tiifu. II me femble que nous devons d'autant moins tirer vanité de nos habits; que pour nous les procurer, il faut avoir recours non-feulement aux animaux les plus méprifables a nos yeux, mais encore a cette claife d'hommes que notre orgueil dédaigne le plus. Mais pourquoi le Créateur nous a-t-il mis dans la néceifité de pourvoir nous-mèmes a nos vètemens, tandis que tous les animaux reqoivent les leurs immédiatement de la nature? Je réponds, que cette obligation nous elf très-avantageufe; d'un cöté, elle eft favorable a notre fanté, de 1'autre, convenable a notre genre de vie. Nous pouvons ainfi régler nos habillemens fur les diverfes faifons de Pannée , fur le climat oü nous vivons , fur 1'état & la profeffion que nous avons embraflé. Nos vètemens fa vorifent la tranfpiration infenfible, fi effentielle a la converfation de notre vie: 1'obligation de nous les procurer, a exercé 1'efprit humain & donné lieu a 1'invention de plufieurs arts; enfin le travail qu'ils exigent fournit a la fubfiftance d'une multitude d'artifans. Nous avons donc tout lieu d'ètre contens de eet arrangement de la Providence; feulement prenons garde de ne pas nous écarter du but qu'elle s'eft propofé en voulant que nous fufhons revêtus d'habits. Un chrétien ne doit point chercher fa gloire dans la parure extérieure du corps, mais dans les qualités vertueufes de 1'ame. L'orgueürêvet mille formes Tornt UU Z  3f4 CONSIDÉRATIONS différentes: il fe glorifie intérieurement des avantages les plus frivoles, s'en attribue qu'il n'a pas, ou bien attaché un trop haut prix a ceux qu'il poifede. Et pour ce qui eft de 1'extérieur, chez les uns 1'orgueil ie montre fous 1'éclat de la foie, de 1'or & des pierreries , tandis que chez d'autres il fe cache & fe nourrit fous des haillons. Le chrétien évite également ces deux excès. Le premier eft fouverainement infenfé ; car c'eft dégrader la nature humaine que de chercher fa gloire dans la parure extérieure. Nous portons des habits pour garantir nos corps des intempéries de l'air, précaution que la foibleife de l'homme depuis fa chüte a rendu néceifaire; pour couvrir notre nudité, pour marquer la différence des fexes, enfin pour établir des diftinclions entre les divers états qui compofent la fociété. Voila les fins raifonnables auxquelles les vètemens font deftinés, & 1'on ne doit s'en fervir qu'autant qu'il eft néceifaire pour remplir ces différens buts. Penfons ici, mes freres , a ceux de nos femblables qui poifedent a peine autant d'habits qu'il en faut pour fe couvrir. Ah! combien il en eft autour de nous , qui feulement a moitié revêtus, ne favent dans ces jours d'hiver comment fe mettre a 1'abri du froid. Que Pafpeét de ces infortunés nous faife vivement fentir le bonheur d'ètre en état de nous fournir tous Jes habits dont nous avons befoin. Plufieurs de ceux qui lifent cetécrit ont des vètemens en abondance; qu'ils fe fouviennent que tout prés d'eux, il y a peut-ètre cent de leurs freres qui ont bien de la peine a fe procurer un feul habit. O riches, votre devoir eft de reVêtir ceux qui font nuds, & de recevoir avec  Sur les ceuvres de Dieu. iff un cceur plein de reconnouTance les vètemens que la main de Dieu vous préfente. Béni fois-tu , ö mon confervateur, pour les bienfaits que tu m'as difpenfés a eet égard. De combien d'habits je me fuis fervi, combien j'en ai ufé, & abandonné depuis mon enfance jufqu'a préfent! Ici encore tu as joint pour moi 1'utile au néceifaire, 1'agréable a 1'utile. J'en rends graces a ta bonté. Apprends-moi a veiller tellement fur mon cceur, que mes habits ne foient jamais pour moi une occafion de me rendre coupable de vanité & d'orgueil; que je me plaife a revètir le pauvre, que je fache réunir la bienféance avec 1'humilité, & me refufer le fuperflu. Apprends-moi a parer mon ame de vertu, puifque la vertu feule a du prix a tes yeux. Bientót il ne faudraplus pour me couvrir qu'un drap mortuaire; mais auffi longtems que j'aurai befoin d'autre chofe, daigne me 1'accorder, fur-tout quand mes bras roidis par la vieilleffe fe refuferont au travail. Oui, tu daigneras y pourvoir, ó mon pere, toi qui connois fi bien les befoins de tes enfans. Je me confie enta bonté, qui foutient puiffamment lefoible. Oui, Seigneur, tout mon ejpoir eji en toi f augmente £f perfeclionne de plus en plus ma confiance.  3fS ConsidIrations DOUZIEME DÉCEMBRE. Vètemens des animaux. C-j'Est une oeuvre merveilleufe de la Providence, que tous les animaux foiont naturellement pourvus des vètemens les plus convenables au lieu de leur demeure, & a leur maniere de vivre. Les uns font couverts de poil, d'autres de plumes, plufieurs font revètus d'écailles, & d'autres de coquilles. Cette variété erf une marqué certaine qu'un fage artifte a préparé les vètemens des animaux, car ilsne font pas feulement aifortis en général aux différentes efpeces, mais encore appropriés a chaque membre des individus. Pour les quadrupedes, le poil étoit 1'habillement le plus convenable; la nature, en Ie leur donnant, a auffi tellement formé le tiifu de leur peau, qu'ils peuvent fans inconvénient fe coucher fur la terre quelque tems qu'il faife, & être employés au fervice de l'homme. L'épaüfe fourrure de quelques animaux non-feulement les garantit de 1'humidité & du froid, mais leur fert encore a couvrir leurs petits & a être couchés plus mollement. Pour les oifeaux & quelques efpeces d'infectes, les plumes étoient le vêtement le plus commode. Outre qu'elles les mettent a couvert du froid & de 1'humidité , elles font arrangées de la maniere la plus propre a les foutenir en l'air. Les plumes couvrent pour eet effet tout le corps, & leur ftrucfure eft fi délicate qu'elles favorifent le vol de 1'oifeau; légeres & creufes, leur tuyau eft rempli d'une fubftance moélleufe qui les fortifie; & des fila-  Sur les ceuvres de Dieu*. 3/7 mens capillaires entrelafles 1'un dans J'autte avec beaucoup d'arc, les rendent affez épaiifes pour entretenir la chaleur du corps, le garantir des intempéries de l'air, & donner aux alles la force convenable. Le vètement des reptiks eft parfaitement aiforti a leur genre de vie. Qu'on examine , par exemple, les vers de terre. Leur corps n'eft formé que d'une fuite de petits anneaux, & chaque anneau eft pourvu d'un certam nombre de mufcles, au moyen defquels le corps peut s'étendre & fe reiferrer beaucoup. Ces infecles ont fous la peau un fuc gluant qui tranfpire, & dont 1'effeteft de rendre le corps glilfant & plus propre par-la même a s'ouvrir des chemins fous terre, ce qu'ils ne pourroient faire s'ils étoient couverts de poils, de plumes, ou d'écailles. La fubftance qui couvre les animaux aquatiques, n'eft pas moins convenable a l'élément qu'ils habitent. Les poiifons ne pourroient avoir de vètemens plus commodes que les écaüles, dont la figure, la dureté, la grandeur, le nombre, & la pofition font parfaitement adaptés au genre de vie de ces animaux. De mème les poiifons a coquilles pouvoient-ils être mieux vêtus, ou mieux logés qu'ils ne le font? Ce qui eft encore finguliérement remarquable ici, c'eft la beauté de tous ces vètemens. Même les bêtes les plus mal-propres & dont 1'afpeél eft le plus défagréable, ne laiifent pas d'avoir leur beauté particuliere. Mais c'eft furtout a une grande partie des oifeaux & des jnfecfes que le Créateur a prodigué les omemens. Arrètez feulement vos regards fur les papillons, leur beauté excitera votre furprife & votre admiration. Plufieurs font vêtus iimplement «Sc leur couleur eft uniforme; d'autres font 1 3  3f8 CONSIDÉRATIONS ornés, mais avec économie; fur d'autres enfin brillent les couleurs les plus éclatantes & les plus vanees. Et combien la nature a diverfifié les charmes & le plumage des oifeaux! Le petit colibri, oifeau d'Amériqne, eft une de fes merveilles : il n'eft pas plus grand qu'une grolfe mouche, mais d'un plumage fi beau que fon col & fes ailes repréfentent 1'arc-en-ciel. Son 11 jJe rouge éclatant du mbis; le ventre & le deiïous des ailes font jaunes comme de 1'or, les cuiffes vertes comme une éméraude, les pieds & le bec noirs & polis comme de 1'ébene. Les males ont une petite hupe fur la tête, qui raffemble toutes les couleurs qui brillent dans le refte du corps. Auffi fervent-ils, après leur mort , de pendans d'oreilles aux femmes du Mexique. II eft impoffible de ne pas reconnoitre que dans le vetement des oifeaux, Dieu a eu également en vue la commodité, 1'utilité, & la beauté. Chaque animal a 1'habit qui lui eft le plus convenable ; & il feroit imparfait s'il étoit vetu d une autre maniere. II n'y a rien de trop, rien de luperflu, rien de défecf ueux dans leur habillement; & tout eft bien arrangé, fi fini, julques dansles plus petites de ces créatures, que toute hnduftrie humaine ne fauroit 1'imiter. Tout cela ne dcmontre-t-il pas l'exiftence d un Etre, qui, k tous les tréfors de fageffe & d inte hgence, joint une bonté fansbornes, & la volonte de rendre chaque créature auffi heureule que fa nature & fa deftination le comportent ?  Sur les ceuvres de Dieu. jf9 TREIZIEME DÉCEMBRE. Penfées fur les ravages de Vhiver. J'Entends mugir les vents & la tempète. Mon fang glacé dans mes veines , 1'obfcurité du jour, fa lumiere prête a s'éteindre, une difpofition de mon cceur a la crainte & a 1'effroi, tout concourt a me rendre plus redoutables, le tumulte & le défordre qui regnent dans la nature. Combien de fois n'arrive- t-il point que le vent renverfe les chaumieres & les palais, & détruit en un inftant le travail de plufieurs années? Combien de fois n'a-t-il pas précipité dans 1'abyme & le vaiifeau & les malheureux humains qui hafardoient leur vie fur un bois fragile! Combien de fois n'a-t-il pas déraciné les plus fuperbes chênes! Mais toi, mon Dieu, tu es fon Créateur & fon maitre. L'aquilon & la tempète font tes meifagers, les hérauts de ta puilfance, les miniflres de ta volonté. Ils doivent nous exciter a t'adorer & a te craindre. Si tu ne mettois des bornes a leur pouvoir deftrucfif, par-tout & toujours ils cauferoient les mêmes ravages; & cependant je vois encore fubfifter machétive cabane que rien ne met a couvert de leur fureur. Graces en foient rendues au bras divin qui tance la mer & les vents. Graces en foient rendues a ta fageife qui a tout ordonné pour le mieux. Cependant fi le monde & tous les événemens font 1'ouvrage & 1'effet d'une fagelfe infinie, comment le défordre, le ravage & la deffruction, qu'occafionnent les tempêtes, peuventr Z 4  ?6o CONSIDÉRATIONS ïls avoir lieu? Une fagefle parfaite peut-elle produire autre chofe que 1'ordre? Une bonté partaite peut-elle avoir d'autre but que le bien ? C'eft ainfi que tu penfes , 6 homme! mais qui es-tu pour contefter avec Dieu? La créature dira-t-elle a fon Créateur: pourquoi m'as-tu fait ainfi ? & s'enfuit-il de ce que nous ne pouvons tout expliquer, qu'il y ait des défauts dans les ceuvres du Seigneur? Pour jugerde fes ceuvres & des fins qu'il s'eft propofées, il faudroit 1'égaler en intelligence & en fagefle. — C'eft déja un miracle réel, que nous foyons en état d'appercevoir une partie de 1'ordre qu'il a établi, d'embraifer une partie de ce plan fi fage & fi yafte qu'il a exécuté, & de ce que malgré les ténebres de notre entendement, les objets ne fe préfentent pas a nous avec plus de confufion encore. Ah ! tout ne feroit que défordre & confufion, 1'ordre, 1'harmonie & le bonheur ne pourroient avoir lieu dans l'univers s'il n'exiftoit un Etre dont la fagefle, la bonté & ia puilfance furpalfent toutes nos conceptions , qui a créé le monde & les chofes qui y font, & qui a tout ordonné. Tout ce qu'on trouve dans le monde de lumiere, de bonté , de félicité, prouve la fagefle & la bonté de notre Créateur. Et fi 1'arrangement général & le cours ordinaire de la nature ne tendent • vifiblement qu'au bien des êtres créés, quelques accidens particuliers qui femblent contradicfoires a ce but, ne prouvent autre chofe que notre ignorance & les bornes de nos lumieres. Faire un tout des matériaux dont eft compofé ce monde vifible, oü fe produifent les fuperbes phénomenes, oü fe déploient les beautés diverfes & les tréfors de lumiere, de vertu & de félicité que nous y appercevons,  Sur les ceuvres de Dieu. ?6"i eft une oeuvre fi merveilleufe & fi divine qu'un Etre tout puiffanc, tout fage & tout bon peut feul l'avoir concue & exécutée. Plus nous avancons dans la recherche des ceuvres de la nature, plus cette bonté & cette fagelfe qui ont toutcréé & qui gouvernent tout, fe maniteftent clairement a nos yeux. D'après ces principes, tu jugeras tout différemment que tu ne 1'as fait jufqu'ici, des ravages dont tu accufes l'hiver. Même les tempêtes, la neige , la gelee, & tout ce qui te paroit défagréable durant cette faifon, eft enchainé a 1'ordre éternel des chofes: tout a fa raifon, tout arrivé au jour déterminé, & au moyen de toutes ces révolutions la fagelfe divine entretient 1'harmome dans 1'immenfe univers. Le vent qui erfraie le matelot fur la mer, chaife les eaux fur des terres arides. Les vapeurs fulfureufes, le lel & d'autres matieres pouifées par le vent d'une contrée dans une autre, rajeuniflènt la terre, & redonnent la fertilité aux champs couverts de chaume que les moiifons avoient epuites. Ainfi l'hiver, qui paroit fi deftrudteur, rend a nos guérets la force de produire de nouvelles récoltes. A préfent la terre, les femences & les jardins dorment enfevelis fous la glacé & fous la neige. Les habitans des forêts pouifent des hurlemens plus affreux, les bêtes fauvages lont preffées par la faim. Le monde paroit mort. Mais toi, Seigneur, tu conferves le monde fous cette mort apparente, tu veilles fur la nature prête a défaillir. Quels miracles ne faistu pas au milieu des fcenes cffrayantes de l'hiver! Tu réchauffes & nourris le pauvre ; le moineau qui maintenant ne trouve plus nen pour fa nourriture, vit cependant dans fa re-  ?52. CONSIDÉRATIONS traite, des dons de ta main bienfaifante. La terre dont le fein eft ferme, ne fournit plus d alimens; mais ta main qui n'eft jamais fermee, procure de l'eau & du pain, & tu appelles a 1 exiftence les chofes qui ne font point encore. Seigneur, tu es grand.' Même dans les tems les plus rudes, tu te montres un Dieu propice. Tufais de la glacé és? de la neige nous prc'parer des alimens■ j £? pour alléger d Vhomme le joug de la jroidure, tu le douas d'intelligence éi? d'indujtrie. Tu revêts ceux qui font nuds , tu fortifies la fok *£"•• ■« vioent & profperent. Incline nos cceurs d chercher ta face, d reconnoltre toujours en toi le bienfaiteur & l'ami des humains. Que ta bonté allume en nous un faint amour , que je ne refufe point eet amour même d mon plus cruel ennemi, qu dfoit nourri par moi s'il a faim , revétu s'il a fioid, éf? confolé s'il verfe des larmes. Que le monde foit d jamais gouverné felon les loix éternelles que tu lui as prefcrites ! Quand pour l amour de toi nous ajjljlons nos freres malheureux, daigne récompenfer le pauvre qui foulage l'indigent. Que ton clliance foit éternelle! Qu'aujji long-tems que la terre fubfiftcra, l'hiver éi? 1'été, les femailles éi? les moiffons s'y fuccedent, Êf que ta bencdiaion repofe fur l'univers.  Sur les ceuvres de Dieu. 363 QUATORZIEME DÉCEMBRE. Sagacité des animaux pour fe procurer les moyens de fubfifier pendant l'hiver. I L y a quelques animaux qui fe font des magafins pour l'hiver, & qui dans le tems de leur récolte les rempliifent de provifions pour fix mois. On diroit qu'ils prévoieut qu'il viendra une faifon pendant laquelle ils ne pourront amaifer leur nourriture, & que fe précautionnant pour 1'avenir, ils favent calculer combien il leur faudra de vivres tant pour eux que pour leur familie. Les abeilles font prefque iesfeuls infeélesqui falfent des provifions pour l'hiver. Elles ménagent leur cire avec une épargne étonnante, paree qu'elles ne peuvent plus en recueillir après la faifon des fleurs, & qu'elles n'ont alors d'autre retfource pour fubfifier & pour conftruire leurs loges , que les amas qu'elles ont faits. Elles ont auffi la prudence de recueillir une autre matiere, dont elles ont befoin pour garantir leurs ruches du froid , c'eft une efpece de glu qu'elles amaffent fur des fleurs & des plantes ameres, & dont elles fe fervent pour boucher exadement tous les trous de leur ruche. Leur économie fe manifefte jufques dans les moindres chofes , elles ne laiflentrien fe perdre , & ce dont elles n'ont pas befoin pour le préfent, elles Ie réfervent pour 1'avenir. Ceux qui les ont obfervées avec foin aflurent, que lorfqu'cn hiver elles décoëffent les alvéoles a miel, elles enleyent la cire dont toutes ces loges étoient fermées & la reportent au magafin. Entre les quadrupedes,  ?54 CONSIDÉRATIONS' les fouris des champs Sc les mulots fe font des provifions pour l'hiver, Sc dans le tems de la nioiifon ils portent quantité de grains dans leurs habitations fouterraines. Parmi les oifeaux, les pies Sc les geais amaifent des glands pendant 1'automne, & les confervent pour l'hiver dans les creux des arbres. Quant aux animaux qui dormentpendant l'hiver, ils ne font point de provifions, puifqu'elles leur feroient inutiles; mais pour les autres, ils ne fe bornent pas a fe raflafier pour le moment préfent, ils fongent aufiï a 1'avenir. Tous dans les tems d'abondance pourvoient aux tems de difette, & 1'on n'a jamais obfervé que les provifions qu'ils avoient amaifées , n'aient pas été fuffifantes pour tout l'hiver. Tous ces foins économiques ne fauroient être dans les animaux le fruit de la réflexion, car, cela fuppoferoit beaucoup plus d'intelligence, qu'on ne peut leur en attnbuer. Au fonds ils ne s'occupent fans doute que du préfent, & de ce qui affedte a&uellement leurs fens d'une maniere foit agréable foit défagréable. Et s'il arrivé que le préfent influe fur 1'avenir, eela fe fait fans delfein, & fans qu'ils aient la confcience de ce qu'ils font. Comment en effet pourroit-on fuppofer qu'il entrat de la prévoyance & de la réflexion dans eet inftind des animaux, puifqu'ils n'ont aucune expérience de la viciffitude des faifons & de la nature de l'hiver; & que n'ayant aucune idéé de la mefure du tems, ils ne favent pas quand l'hiver arrivera , ni combien il durera. On ne fauroit aufli leur attribuer des raifonnemens, des idéés de 1'avenir, ni une recherche réfléchie des moyens de fubfifter pendant la faifon rigoureufe, puifqu'ils agiflent  Sur les ceuvres de Dieu. 3<5f toujours de même fans variation, & que chaque efpece fuit conftamment & natureilement la même méthode, fans avoir été inttruite. Lors donc , par exemple , que les abeilles ouvrieres ne cedent point d'amaifer du miel & de la cire & qu'elles en rempliflent leurs magafins, tant que la faifon le permet, ce n'eft pas qu'elles prévoient qu'il viendra un tems ou elles ne pourront rien recueillir : une telle prévoyance ne fauroit leur être attribué. Comment des créatures qui n'ont que des perceptions purement fenfuelles, pourroient-elles juger de 1'avenir? Mais tout a été arrange de maniere, que les abeilles fe trouvent ayoir des provifions , fans qu'elles aient penfé a s'en amaifer. Elles font déterminées par la nature a recueillir de la cire & du miel, elles y travaillent tant que dure la belle failon; & lorique l'hiver arrivé, il fe trouve que leurs magafins font remplis. Ces animaux, aufii-bien que tous les autres, agilfent fans réflexion & fans vues, aveuglement, & prefque machinalement, quoiqu'ils paroiifent fe conduire felon les regies les plus fages de la prudence. Étant donc deftitués de raifon, il taut que cette fage économie, ces aétes de prévoyance & de réflexion que 1'on remarque en eux, foient produits par une intelligence fuperieure, qui a penfé & foigné pour eux, & dont ils remplnfent les vues fans le favoir. Et c'eft en ceci que confifte une partie des préropatives que j'ai fur les brutes. Je puis me repréfenter le pafle & 1'avenir , je puis agir par réflexion & former des plans, je puis me déterminer par des motifs, & choifir ce qui me convient. Mais combien n'importet-il pas que je faife un bon ufage de ces pre-  356" considérations rogatives! Inftruit, comme je le Tuis, des grandes révolutions qui m'attendent, & pouvant me repréfenter d'avance l'hiver de ma vie, ne dois-je pas me préparer un bon trédor de coniolations & d'efpérances, qui puifjent me rendre fupportable & même douce, Ja dermere pordon de ma vie ? Rien n'eft plus triite que de voir un vieillard, qui dans fes beaux jours a vécu fans fouci & fans prévoyance de 1'avenir, & qui, apréfent que fon hiver eft arrivé, manque de tout & fe trouve dans une indigence d'autant plus humiliante qu'il l a mentee. Je ne veux point me conduire d une maniere fi inconfidérée; & déformais , iemblable a un lage économe, j'aurai toujours 1 avenir devant les yeux , je m'y préparerai d avance, & je prendrai de bonne heure des melures pour être heureux non-feulement dans la vieilleiïe, mais auffi dans 1'éternité. Q.UINZIEME DÉCEMBRE. Avantages de Vhiver. Considérez, chrétien , les biens que Dieu vous accorde dans cette faifon qui paroit fi ngoureufe. Le froid & la gelee retiennent plulieurs vapeurs nuifibles dans les régions fupeneures de 1'athmofphere , les empêchent de delcendre fur nous, & purifient l'air xneme. Bien loin d'être toujours nuifibles a la iante des hommes, ils la fortifient fouvent, & ils preiervent nos humeurs de la putréfac tton qu'une {chaleur continuelle ne manqueroit pas de produire. Si les exhalaifons & les  Sur les ceuvres de Dieu. 367 vapeurs qui fe raflemblent dans l'athmofphere, retomboient toujours en pluies, la terre feroit trop hume&ée & trop amollie, les chemins deviendroient impraticables , notre corps fe rempliroit d'humeurs, & fes diverfes parties fe dilateroient & fe relacheroient trop : au lieu que le froid les raffermit & favorife la circulation du fang. Dans les pays très-chauds & dans ceux oü la terre eft humide pendant l'hiver , les maladies graves & mortelles font beaucoup plus fréquentes qu'ailleurs. Les voyageurs alfurent que dans le froid Groenland, oü des montagnes de glacés couvrentla terre, & oü pendant l'hiver les jours durent a peine quatre ou cinq heures, l'air y eft très-fain, pur, léger, & qu'a la réferve de quelques incommodités de la poitrine & des yeux, occafionnées en partie par la qualité des alimens, il eft aifez rare d'y éprouver les maladies qui font li communes en Europe. II eft mëme certain q*te iaconftitution du corps humain, varie felon les divers climats, en forte que les habitans des pays feptentrionaux ont un tempérament approprié au froid exceffif qui y regne , & que leur corps eft généralement fort & robufte. De même que l'homme, quoiqu'il aime l'a&ion & le mouvement, & quele travail lui foit néceifaire , eft cependant bien aife d'interrompre chaque foir fes travaux, de goüter les douceurs du fommeil, & de paifer dans un tout autre état que celui oüil étoit durant la veille ; de mëme auffi notre nature fe plie aux variations des faifons, &.elle s'y plait paree qu'elles contribuent effectivement a fon bienètre & a fon bonheur. Voyez, ö homme, vos champs & vos jardins. Ils font a la vérité enfevelis dans la nei* ■  36"8 CONSIDÉRATIONS ge, & ils repofent fous cette couverture; mais elle leur eft néceifaire pour les garantir des injures du froid , pour mettre les graines a couvert del'impétuofité des vents, & pour empêcher qu'elles ne fe corrompent. Vos terres avoient befoin de repos, après vous avoir donné dans la belle faifon tous les fruits dont vous aviez befoin pour fubfifter pendant tout l'hiver. ^Reconnoufez donc la fage bonté de Dieu : s'il n'avoit point pourvu a votre entretien aduel, & fi pour vousnourrir, vous deviez cultiverla terre dans ce froid rigoureux, vos plaintes pourroient avoir quelque fondement; mais il a commencé par remplir vos magafins, ils fufbfent a préfent a vos befoins, & vous jouiifez d'un repos convenable a la faifon. Quels tendres foins la Providence n'a-t-elle pas de nous pendant ces mois d'hiver! Dieu a donné aux hommes 1'indultrie, dont ils ont befoin pour fe munir contre le froid & la gelée, Leur efprit inventif leur a fait trouver les moyens de fe procurer une chaleur artificielle , au moyen de laquelle ils jouiifent dans leurs appartemens d'une partie des agrémens de 1'été. Les foins de la Providence ne fe découvrent pas moins dans la produélion annuelle du bois & fon étonnante multiplication, que dans la fertilité de nos champs. D'ailleurs , durant cette faifon nous avons a nos ordres une multitude de créatures qui nous la rendent fupportable. Plus les pays font froids, plus on y trouve de ces animaux utiles, dont les fourrures font deftinées a nous réchauifer. N'eftil pas fenfible que la fagelfe divine a prévu les befoins des divers pays, & qu'elle a voulu y pourvoir en y plaqanls des animaux qui n'au- roient  Sur les ceuyres de Dieu. 369 roient pu vivre ailleurs ? Nos bètes decharge fervent a nous amener les provifions qui nous font néceiTaires; & il eft a remarquer que nos baftiaux font principalement féconds dans le tems que nous en avons le plus de befoin. L'hiver ne nuit point en général au négoce, ni a 1'exercice des profeflions. L'eau des fleuves a perdu fa fluidité; elle eft devenue d'airain, & fa furface raffermie & couverte de neige facilite nos voyages & forme un nouveau lien entre les hommes. II ne font pas condamnés a 1'inacf ion & a 1'oifiveté pendant cette faifon; & s'ils font obligés d'interrompre les travaux de la campagne, ils ont mille moyens de s'occuper utilement dans la vie domeftique. Le fommeil de la nature les invite a fe replier fur eux-mèmes. Leurs regards, il eft vrai, ne peuvent plus fe promener fur les beautés que le printems & 1'été offroient a leurs yeux ; mais leur efprit peut s'occuper avec d'autant plus de Iiberté, au milieu même des ténebres & de la nuit. Ici, les réflexions que l'homme peut faire fur les révolutions & Pint tabilité de toutes les chofes terreftres, peuvent le conduire a la ferme réfolution de fe confacrer au fcrvice du grand Etre qui ne change jamais , & de travailler pour l'immuableéternité. Ici, dans une tranquille retraite, il a le loifir de cultiver fon efprit, d'étudier fon eceur, de fe corriger de fes défauts, & de faire un tréfor de bonnes ceuvres. Heureux, fi nous faifons un ufage fi falutaire de cette faifon! Si pendant l'hiver nous ne pouvons pas cultiver nos jardins, moiifonner nos champs, faire de nouvelles récoltes, nous pouvons au moins cultiver notre ame, & tacher de nous rendre utiles a notre proehain. Quelque rigou- Tornt 11L A a  ■tfa CoNSlüéRATIONS reufequc puiffe être cette faifon, elle nous fournira toujours alfez de fiijets de bénir Dieu , de reconnoitre fes bienfaits, & de nous confier en lui. Quelle ne feroit donc pas notre ingratitude, 11 tout occupés des incommodités de l'hiver, nousne faifions pas attention a fes avantages, & aux biens que Dieu daigne nous accorder dans cette faifon ! Je m'eftimerois heureux, fi cette méditation infpiroit a quelqu'un de mes lecfeurs des fentimcns plus équitables, &l'excitoit a célébrer en tout tems & en toute laifon les bontés du Seigneur. SEIZIEME DÉCEBMRE. Les élémens. S O l T que nous confidérions l'univers dans fon enfemble, ou que nous examinions les' diverfes parties , nous trouvons toujours aifez de fujets d'admirer la puilfance & la fageffe du Créateur. II eft vrai que nous ne connoilfons les chofes que trés -imparfaitement> & que dans la plupart des cas nous ne pouvons guere aller au-dela des comjedtures & des probabilités. Mais elles fuffifent pour nous faire reconnoitre , d'un cóté , la grandeur de Dieu , de 1'autre, la foiblelfe de notre raifon. Peut-être que tous les élémens font de même nature , & qu'ils peuvent fe réduire a un feul; peut- être font-ils combinés de maniere qu'ils ne forment qu'un tout. Mais il nous feroit trop difficile de nous repréfenter eet enfemble des élémens: il faut les divifer par la penfée, & confidérer  Sur les ceuvres de Dieu. 571 féparément les parties primitives qui conftituent les corps. Que de propriétés diverfes & admirables n'a pas eet air que nous refpirons a tous momens ! Quelle n'eft pas la force avec laquelle il divife & diifout toutes fortes de matieres, en contractant leurs différentes qualités ! Des vapeurs & des exhalaifons fans nombre, mille & mille odeurs diverfes, tant de fels volatils, alkalis & acides , tant d'huiles & d'efprits inflammables, qui fe mêlent & s'uniifent avec lui, le rendent quelquefois nuifible, mais d'ordinaire falutaire & bienfaifant. Ces parties étrangeres, dont l'air fe charge, fon reifort, la propriété qu'il a de fe raréfier, de fe condenfer, & de fe remettre dans fon état naturel, produifent ces agitations de l'athmoiphere, ces météores, qui difperfent les vapeurs nuifibles, qui purifient la terre, & favorifent la végétation des plantes. Et quoique les effets de 1'air foient quelquefois terribles, ils font cependant indifpenfables pour que la terre ne foit pas convertie en un trifte défert. Du refte, il y a dans eet élément , comme dans toutes les autres oeuvres de Dieu, des myfteres impénétrables. Qui pourroit expliquer, par exemple, comment les parties de l'air étant fubtiles au point qu'elles échappent a notre vue, c'eft cependant par leur moven que tous les objets nous deviennent vifibles ? Quoi de plus merveilleux que eet équilibre qui fe trouve entre l'air qui eft au-dedans de nous, & l'air extérieur, équilibre d'oü dépend notre füreté & notre vie! Et peut-on aifez admirer qu'un feul & même élément nous tranfmette le fon, les odeurs, & la lumiere! Aa %  37* CóNSIBÉRATIONS Veau a beaucoup de conformités avec l'air, & fes propriétés & fes effets ne font pas moins divers ni moins admirables. Que de vertus différentes Dieu n'a-t-il pas données a eet élément! Toute l'abonrlance& toute la falubrité de l'air, toutes les richelfes de la terre, toute la chaleur du feu , ne nous empècheroient pas de périr fi l'eau venoit a nous manquer. De combien de mélanges n'eft-elle pas ïulceptible ! Qui lui a donné la propriété de fe dilater, de fe diyifer & de fe volatilifer au point de pouvoir s'élevera la hauteur de plus d'une lieue dans 1'athfnofphere, d'y nager, & d'y formerdes brouillards & des nuées? Qui lui a donné la force de pénétrer dans les plantes, d'en fortir enfuite par leurs pores infenfibles, & de fe répandre fous la forme d'une rofée bienfaifante fur nos campagnes , & fur nos vattons! Combien n'eft pas étonnante la propriété qu'elle a de pouvoir quelquefois devenir plus légere que l'air, quoiqu'un volume d'eau foit prés de neuf eens fois plus pefant qu'un pareil volume d'air-, de reprendre enfuite fa pefanteur naturelle , de s'attacher a toutes fortes de corps, de devenir le diifolvant des matieres les plus compacles, & de s'unir même avec le feu. De tous les élémens, le feu eft celui dont nous connoilfons le moins la nature: il eft trop fubtil pour nos yeux; mais fes vertus, fes propriétés, & fes effets font aflez fenlibles. Que 1'eifence du feu confifte dans le mouvement feul, ou dans la fermentation des parties qu'on nomme inflammables, ou, ce que quantité d'expériences rendent très-vraifemblable , qu'il foit une matiere fimple, qui eft différente , par fa nature, de toutes les autres chofes cor-  Sur les ceuvres de Dieu. 37$ porelles, toujours eft-il certain que fa prodigieufe abondance , fon utilité, fes merveilleux effets méritent toute notre attention. 11 n'y a point de corps fi froid qui ne contienne des particules ignées qui fe font fentir dès qu'elles font échauffées par quelque mouvement violent. Le feu réfide par-tout, fa préfence eft liniverfelle, il fe trouve dans l'air que nous refpirons, dans l'eau que nous buvons, dans la terre qui nous nourrit. II entre dans la compofition de tous les corps, il en traverfe les plus petits pores, il s'unit étroitement avec eux, il fe meut avec eux d'un endroit a 1'autre; & quelque enveloppé , quelque bridé qu'il foit, il ne laiffe pas de fe faire enfin voir & fentir. Avec quelle force ne dilate-t-il pas l'air dont il eft environné , tandis qu'a fon tour l'air Pentretient, & le rend plus vif & plus impétucux. Le feu donne a l'eau fafluidité, a la terre fa fertilité, a l'homme la fanté, & a tous les animaux la vie. La terre, quand elle eft pure, fe diftingue des autres corps en ce qu'elle n'a ni faveur, ni odeur, qu'elle n'eft foluble' ni dans l'eau, ni dans 1'efprit- de - vin , & qu'elle fe laiffe facilement broyer entre les doigts. Elle paroit d'abord fort différente de tous les autres élémens; & cependant elle a tant de conformités avec eux, qu'il y a des naturaliftes qui croient que l'eau n'eft qu'une terre diffoute & détrempée, & la terre qu'une eau épaifiie & condenfée. Suivant eux, l'eau diminue continuellemenc fur notre globe , & forme peu-a-peu des corps compadtes , paree qu'autrefois notre planete, n'étoit qu'une maffe détrempée & fluide, Sc que plus anciennement encore tout étoit eau. Tous les élémens dont nous venons de parA a 3  574 CöNSIDÉRATIONS Ier, font abfolument néceffaires a notre exiftence & a notre confervation; & il n'en eft aucun qui nedoive nous remplir d'admiration , pour peu que nous réfléchiiïions fur fes merveilleufes propriétés, & fur les effets fi nombreux & fi diverfifiés qu'il produit. Que de propriétés différentes les unes des autres, Dieu n'a-t-il pas communiquées aux ceuvres de fes mains! Que d'agens dans le ciel & fur la terre ne font pas toujours en mouvement pour la confervation de l'univers & de chaque créature en particulier ! Que de révolutions , que de phénomenes ne font pas produits par la feule combinaifon des élémens! 11 feroit plus facile de faire le dénombrement des créatures de Dieu, que celui des forces fi multipliées qui font en aclion. Mais quelle puilfance que celle de qui toutes ces forces procedent! Elles dépendent toutes de ta volonté , ö fage & puiffant Créateur ! Tu les as toutes réalifées, tu leur as imprimé un mouvement conftant, uniforme , & falutaire. Tu fais maintenir entre les élémens un équilibre , auquel le monde doit fa confervation. Que ton nom en foit béni dés maintenant & a jamais! DIX-SEPTIEME DÉCEMBRE. A&ion du foleü fur la terre. I_i E foleil eft la principale caufe de tout ce qui arrivé fur Ia terre. II eft la fource conftante de cette lumiere qui eft répandue avec tant de préfufion fur notre globe. Cette lumiere du foleil eft le feu le plus fubtil: il pénetre dans  Sur les ceuvres de Dieu. 575* tous lés corps; & lorfqu'il fe trouve en quantité fuflfifante, il met toutes leurs parties en mouvement, les atténue , les décompofe, diffout celles qui font folides , raréfie encore celles qui font fluides, & les rend propres a une infinité de mouvemens. Or , qui nevoit que de cette adtion, fi diverfe du foleil furies corps , doivent dépendre tous les phénomenes, & toutes les révolutions du globe jufques dans les moindres circonftances ? Lorfque la force de la lumiere du foleil augmente, c'eft-a-dire, lorfque les rayons tombent moins obliquement & en plus grande quantité fur un efpace donné, & qu'ils agi(feilt chaque jour plus longtems, ce qui arrivé en été, cela doit néceifairement opérer des changemens tres-confidérables , tant dans 1'athmofphere que fur la furface de la terre. Et lorfque les rayons tombent plus obliquement dans le mëme efpace , qu'ils font par conféquent plus foibles & en moindre quantité, & que les jours étant plus courts , leur action eft moins prolongée , comme il arrivé en hiver, combien la face de la terre ne change t-elle pas, & que de phénomenes différens n'obferve-1-on pas dans 1'athmofphere ! Quels changemens graduels n'apperqoit-on pas, lorfque du figne éloigné du capricorne, le foleil s'approche de plus en plus de la ligne équinoxiale, jufqu'a ce qu'au printems les jours deviennent égaux aux nuits! Et quels nouveaux phénomenes lorfque ce globe lumineux & acfif, rétrogradant en été du tropiquedu cancervers la ligne, les jours & les nuits redeviennent égaux en automne, & que le foleil s'éloigne de notre zénith! C'eft de la diftance de eet aftre que dépendent toutes les diverfités qu'on obferve dans la végé. Aa 4  ?7<5 CONSIDÉRATIONS tation des plantes, & dans la conftitution intérieure des corps dans tous les climats &dans toutes les faifons. De-la vient que chaque faifon, chaque climat a des plantes & des animaux qui lui font propres, que les progrès de la végétation y font plus ou moins rapides, & que les produclions de la nature y fubfiftent plus ou moins long-tems. Mais il feroit au-defTus de nos forces non feulement de décrire , mais encore d'indiquer les divers effets du foleil fur notre terre. Tous les changemens , toutes les révolutions du globe ont leur principe dans l'acfion de eet aftre , paree que c'eit de lui que dépendent principalement les divers degrés du chaud & du froid. Je dis principalement, car la nature du fol , les divers mélanges qui ont plus lieu dans une province que dans une autre, les montagnes plus ou moins hautes , leur expofition différente , peuvent auffi contribuer en quelque chofe a ce qu'un pays foit plus ou moins froid, plus ou moins fujet a la pluie, aux vents & a d'autres variations de 1'athmofphere. Mais il ne laiffe pas d'ètre inconteftable, que ces caufes acceffoires ne fuffiroient pas a produire les effets que 1'on obferve en divers lieux & en divers tems; car certainement ces effets n'auroient pas lieu, fi la chaleur du foleil n'agiifoit pas au degré & dans 1'ordre qu'elle agit effecnvement. Et fi ce degré & eet ordre venoient a être altérés, les effets changeroient auffi dans la même proportion. II ne faut qu'une légere attention pour fe convaincre des effets nombreux & lènfibles dont le foleil eft le principe: tous les jours fon aétion fe manifefte a nos yeux. Tantöt U  Sur les ceuvres de Dieu. 377 faréfie, tantöt il condenfe l'air; tantót il élevé les vapeurs & les brouillards, tantöt il les précipite, tantót il les comprimé pour en fermer divers météores. C'eft lui qui fait monter la feve dans les arbres & dans les végétaux, qui fait poulfer leurs feuilles & leurs fleurs, qui convertit celles-ci en fruits, qui les colore, & les mürit. C'eft lui qui anime toute la nature. II eft la fource de cette chaleur vivifiante qui donne aux corps organifés leurs développemens, leurs accroiifemens, & leur perfedion ; il opere jufques dans les lieux les plus profonds de la terre, oü il produit les métaux & vivifie des créatures animées. II pénetre même dans les montagnes & dans les rochers, & porte fon influence jufques dans les profondeurs de la mer. Cela feul fuffiroit pour nous faire reconnoitre la puilfance de notre Créateur; mais fi nous confidérons avec quel art Dieu a fu tirer une multitude de grands effets d'un feul & même inftrument, & faire fervir la chaleur du foleil a produire tant de phénomenes de la nature, nous fentirons de plus en plus qu'il n'y a qu'une fageffe infinie , jointe a une puilfance fans bornes , qui ait pu opérer tant de merveilles. L'homme mériteroit-il d'ètre éclairé, réchauffé & récréé par le foleil, fi dans les falutaires influences de eet aftre bienfaifant, il ne reconnoiffoit les glorieufes perfectums de 1'Etre des ètres, s'il n'admiroit fa grandeur & fa bonté , & s'il ne 1'adoroit dans le fentiment de la plus profonde venération!  378 Considérations DIX-HUTTIEME DÉCEMBRE. Pluies d:hiver. c M B i e n ces pluies froides qui tombent a préfent, ne font-elles pas différentes de ces pluies chaudes qui en été embellilfent & récréent notre globe ! Ce changement donne un afpect bien trifte a toute la nature. Le foleil fe voile, & le ciel entier paroit n'ctre qu'une immenfe nuée. Nos regards ne fauroient s'étendre bien loinj une trifte oblcurité nous environne, & nous fommes menacés de la tempète. Enfin les nuées fe déchargent & inondent Ia terre j l'air fembje un réfervoir inépuifable d'eau; les rivieres & les ruiffeaux s'enflent, debordent, & fubmergent les campagnes & les prairies. Quelque défagréable & facheux que ce tems nous paroiffe, on ne laiife pas que d'y reconnoitre des vues de fageffe & de bienfaifance. La jterre épuifée , pour ainfi dire , par la fécondité, a befoin de reprendre des forces; & pour cela il faut non-feulement qu elle fe repofe, mais auffi qu'elle foit humedlée. La pluie abreuve & ranime cette terre aride & altérée. L'humidité pénetre, & arrivé jufqu'aux plus profondes racines des plantes. Les feuilles fechesqui couvrentla terre, fe putréfient & deviennent un excellent engrais. Les pluies abondantes de l'hiver rempliffent de nouveau les rivieres, & fourniifent a 1'entretien des fources & des fontaines. Jamais la nature n'eft oifiye : elle travaille toujours quoique fon activité foit quelquefois cachée. Les nuées en  Sur les ceuvres de Dieu. 379 répandantcontinuellementde la pluje ou de la tieige , préparent la fertilité de 1'année fuivante '& les Tichelles de 1'été. Et lorfque la chaleur du foleil ramene la féchereife , les fources abondantes que les pluies d'hiver avoient formées , fe répandent, arrofent les prairies & les vallons, & les parent d'une fraiche verdure. C'eft ainfi que le fage Créateur pourvoita 1'avenir; & que ce qui nous paroiffoit incommode & deftrudif, devient le germe des beautés & des richeflès que nous prodiguent le printems & 1'été. Les dons que le Seigneur nous fait par ce moyen, font auffi innombrables que peuvent 1'être les gouttes qui tombent des nuées; & lors même que l'homme, ignorant & aveugle, murmure dans le tems qu'il devroit fe répandre en adions de graces, la fagelfe éternelle , toujours invariable , continue a remplir fes vues bienfaifantes. Notre confervation eft donc le principal but que Dieu fe propofe en humectant la terre par les pluies. Mais la fageffe divine fait réunir diverfes fins, fubordonnées les unes aux autres, & de 1'heureufe combinaifon de ces fins réfultent 1'ordre & le bonheur de l'univers. Ainfi les animaux , qui exiftent non-feulement pour les hommes, mais encore pour eux-mêmes, devant auffi être nourris & entretenus, c'eft pour eux, comme pour nous, que les pluies defcendent des nuées & viennent fertihler la terrc. Mais ici, comme en toute autre chofe , nous découvronslaplus fage économie. Toutes les vapeurs & toutes les exhalaifons qui s'elevent journellement des corps terreftres , font ralfemblées & confervées dans i'athmofphere , qui les rend bieatót a la terre, foit en forme  38o CoNsinéRATioNs de petites gouttes, foit en grolfes pluies, foit en flocons de neige, felon les divers beloins j mais toujours avec économie , & fans que 1'abondance dégéncre en prodigalité. Tout eft mis a profit: les arrofemens mème qui nous font prefque infenfibles, les brouillards légers, les rofées, tout contribue a fertilifer la terre. Mais en vain les vapeurs s'éleveroient, en vainles nuages fe formeroient, fi la nature n'avoit établi les vents pour agiter & difperfer de tous cótés les nuées, pour les tranfporter d'un endroit a 1'autre, afin qu'ellesarrofent les terrains qui ont befoin d'ëtre humectés. Ici, un canton feroit inondé par des pluies continuclles; la, un autre éprouveroit toutes les horreurs de la féchereffe , fes arbres, fes herbes, fes bleds périroient, fi les vents ne chaflbient pas les nuées & ne leur affignoient pas les endroits fur lefquels elles doivent diftiller les pluies. Dieu dit d la neige, fois fur la terre, & elle defcend par flocons ; & quand il dit d lapluie d'hiver, tombe fur la terre , elle inonde aujfi-tötles campagnes. Job XXXVII. 6. Les pluies d'hiver , quelque incommodes qu'elles paroiflent, de même que toute la trifte température de cette faifon , font cependant abfolument indifpenfables: ainfi en eft-il des jours fombres & nébuleux de ma vie. Pour que je puiife fru&ifier en toutes fortes de bonnes ceuvres, je ne dois pas fouhaiter que le foleil de la profpérité luife conftamment fur moi; il faut néceflairement qu'elle foit entremëlée de quelques jours triftes & facheux. Je fuisdonc, ómon Dieu, réfigné a les recevoir de ta main, convaincu que je fuis de la fagefle & de la bonté de toutes tes difpcnfations.  Sur les ceuvres de Dieu. 581 DIX-NEÜVIEME DÉCEMBRE. Prétendueinfluence des planetes & des étoiles fixes. L E prodigieux éloignement de ces corps céleftes , & le peu de connexion que notre globe a avec eux, ne permet guere de penfer qu ils puiflent influer fenfiblement fur lui. Cependant bien des gens fuperftitieux ajoutent loi a ces influences, & difent que des étoiles & des planetes il fe fait continuellement des ernanations qui agüTent fur notre athmofphere & fur les corps terreftres. Mais qu'eft-ce que c'eft aue ces émanations? Si par-la on entend la lumiere propre des étoiles, ou bien la lumiere du foleil qui eft réfléchie par les planetes, il eft manifefte qu'elle fe réduit a bien peu de chofe, & qu'elle eft beaucoup moins confiderable que celle qui nous eft renvoyée par la lune feule. Or, la lumiere que nous recevons de la lune, n'avant aucune influence fenhble fur la terre ou fur 1'athmofphere, la lumiere des planetes & des étoiles fixes doit en ayoir encore moins. Que fi fon fuppofoit que d'autres matieres émanaifent des aftres, & parvinlfent jufqu'a nous, cette fuppofition feroit non-feulement deftituée de fondement, mais même entiérement fauife. Car fi ces émanations étoient réelles , il faudroit qu'en les raffemblant dansun miroir ardent, elles produillffent quelque altération , quelque changement fenfible dans les corps terreftres; mais cela eft démenti par 1'expérience. II faut donc  382 CONSIDÉRATIONS qu'il ne parte des corps céleftes aucune autre matiere que la foible clarté qu'ils nous envoicnt, ou bien que s'il en procédé quelques autres émanations, elles traverfent les corps terreftres fans les ébranler le moins du monde , & fans y produire le moindre dérangement. Ainfi les aftrologues , foit qu'ils fe trompent puérilement eux-mêmes, foit qu'ils veuillent en impofer aux autres, ne méritent que du mépris, lorfqu'ils nous parient d'un jupiter bienfaifant, d'un faturne malfaifant, d'un fpirituel mcrcure , d'un mars qui infpire le goüt des armes , d'une ve'nus qui donne du. penchant a 1'amour. Non-feulement les planetes ne fauroient produire les effets particuliers que les aftrologues leur attribuent, mais elles ne peuvent en général avoir aucune influence. Que penfer donc óe$ ple'iades, qui amenent la pluie; des 1'impétucux orion , qui annonce les orages ; des triftes hijades, du coucher de YarSurus & du . lever du capricorne, qui préfagent de la grèle & des tempêtes? Quelles influences peuvent avoir la conftellation du taureau fur les légumesa écoife, & celle de la canicule fur la rage des chiens? Que peut avoir de commun le fcorpion avec les moiifons & les récoltes? Au refte, fi 1'on ne regardoit le lever ou le coucher des diverfes conftellations , que comme 1'annonce des tems les plus propres aux divers travaux de 1'agriculture, & non pas comme les caufes des chofes naturelles, cela pourroit être fupportable. Dans les premiers tems, on ne défignoit pas le commencement, 'le milieu & la fin de chaque faifon par les noms des mois, mais par le lever & le coucher des étoiles en conjoncfion avec le foleil, ou par leur  Sur les ceuvres de Dieu. 38? ïmmerfion dans les rayons de eet aftre & par leur étnerlion. De-la vint 1'opinion vulgaire que les différens afpeds de ces étoiles produifoient les effets, qui dans la réalité ue doivent être attribués qu'aux faifons, & par conféquentau foleil. Vorion fe leve en automne, & fe couche en hiver: cela fait dire qu'il excite les tempêtes ; mais ce n'eft pas lui qui les excite, c'eft Pautomne & l'hiver; le lever & le coucher eVorion n'eft que 1'annonce de ces faifons. Quand la canicule fe leve avec le foleil, il fait une chaleur exceffive dans notre zone; mais cette conftellation n'en eft pas la caufe: ces chaleurs viennent de ce que notre foleil eft alors dans fa plus grande élévation. Je dis notre foleil, car dans la zone qui nous eft oppofée , il fe trouve que lorfque la canicule fe leve avec le foleil, il fait un froid qui engourdit les animaux, & qui couvre les rivieres de glacés. De forte que bien loin que les habitans des pays méridionaux regardent cette conftellation comme la caufe des chaleurs, ils la regardent au contraire comme la caufe du froid. 11 en eft de mème des pléiades, qui, dit-on, amenent la pluie , & de toutes les autres conftellations auxquelles 011 attribue des effets, qui dans la réalité n'appartiennent qu'aux faifons , oü ces' étoiles fe levent ou fe couchent. Si donc les planetes &les étoiles fixes n'ont aucune part a la température & aux révolutions naturelles de notre globe, elles auront bien moins d'influence encore fur les adions humaines. Le bonheur & le malheur civil des paniculiers & des peuples entiers , dépendent en partie des talens naturels & des paffions, en partie de la conftitution politique des états,  384 considêra. tions en partie de la réunion de certaines circonftances naturelles & morales. Mais les étoiles ne fauroient influer fur rien de tout cela; & fi elles y influoient, nous ferions fondés a douter de 1'empire de la Providence, & a croire que le monde n'eft pas gouverné par un Etre infiniment fage, bon, puiifant & jufte. Je ne voudrois pas habiterun globe, dont les révolutions dépendidént d'un hafard aveugle, ou de 1'influence des aftres, ce qui ne pourroit qu'être funefte a mon état tant phyfique que moral. J'abandonne au fuperftitieux cette leience fi ennemie de notre repos, &fi humiliante pour 1'efprit humain , qu'on appelle 1'aftrologie, & qui au fonds n'eft qu'un miférable abus de 1'aftronomie. Quant a moi, 1'unique fondement de ma tranquillité, c'eft que je vis fous 1'empire d'un pere fage , jufte & bon, qui tient mon fort entre fes mains , qui dirige tous les événemens de ma vie, qui regie, qui gouverné & qui conferve le foleil, la lune, les planetes & toutes les étoiles. VING T IE ME DÉCEMBRE. Vètoile polaire. XLN tre les conftellations feptentrionales, il n'en eft poirft de plus remarquable, que celle qui eft la plus voifine du pole ar&ique , & qu'on appelle la petite Outfe. La derniere étoile de fa queue n'eft qu'a deux degrés du pole: on la nomme pour cette raifon Ve'toik polaire. 11 eft facile de la diftinguer des étoiles voifines, paree qu'elle change très-peude pofition, &  Sur les ceuvres de Dieu. q2f 8c qu'on la voit toujours vers le même point du ciel. II eft vrai qu'elle tourne autour du pole; mais fon mouvement eft fi lent, 8c le cercle qu'elle décrit fi petit, qu'il eft prefque infenfible. Elle varie donc fort peu fa fituation, & on la voit en toute faifon dans la même partie du firmament; ce qui la rend un guide fur pour les navigateurs, particuliérement fur l'Océan. Avant la découverte de la boulfole, les mariniers n'avoient point de conducteur plus fidele que 1'étoile polaire; & aujourd'hui encore, lorfque le ciel eft ferein, ils peuvent dans bien des cas, fe repoferavec plus de füreté fur les avis de cette étoile que fur ceux de 1'aiguille aimantée. Les avantages qui nous reviennent de 1'étoile polaire, me font penfer aifez naturellement a ce guide moral, a ce préfent ineftimable que Dieu nous a fait en nous donnant fa parole & fur-tout fon évangile, qui nous indique la route que nous devons tenir fur la mer orageufe du monde, 8c au milieu des ténebres dont nous fommes environnés. Sans ce guide fidele, je m'égarerois continuellement, & je ne faurois trouverle chemin qui conduit a Dieu & a la gloire célefte. Si cette divine parole n'étoit comme un flambeau qui marche devant moi, & comme une lumiere qui me fait voir lefenticr que je dois fuivre, je ne pourrois qu'errer ici-bas, tantót agit? par la crainte, tantót concevant quelque foible efpérance , mais toujours dans 1'incertitude. C'eft dans la révélation feule que je trouve une regie certaine & invariable, d'après laquelle je puis pourfuivre avec courage la courfe qui m'eft propofée, & 1'acheverheureufement. Je fuivrai donc toujours déformais: Tomé III, Bb  385 CONSÏDÉRATIONS ce guide qui ne fauroit me trom per, je le confulterai comme le pilote confulte 1'étoile polaire, & je 1'aurai toujours devant les yeux pour ne pas m'égarer. Avec fon fecours j'éviterai tous les écueils, je me préferverai des naufrages, & j'arriverai enfin a ce port defiré, oü je me repoferai de mes travaux, & oü je jouirai d'un bonheur que rien ne troublera jamais. Ce que nous avons dit de 1'étoile polaire, eft aufïi-bien propre a nous faire admirer la bonté de Dieu, qui, par la pofition & le cours des aftres, nous donne une connoiifance fi certaine des tems, des lieux, & des divers points du cïelY Un aftronome qui feroit dans un pays entiérement inconnu, pourroit, au moyen des étoiles, favoir au jufte oü il fe trouve ; il pourroit s'aflurer du mois, du jour, & de l'heure avec la même exaditude que s'il confultoit la meilleure montre. Si feulement, par exemple, nous obfervons que tous les jours les étoiles arrivent quatre minutes plutöt a 1'endroit ou elles étoient la veille, nous favons par conféquent que cela fait chaque mois deux heures. Ainfi 1'étoile que nous voyons ce foir a dix heures dans certaine contrée du ciel , nous la reverrons le 20 Janvier a huit heures, fi nous 1'obfervons du même endroit oü nous fommes aduellement. L'étoile que nous voyons aujourd'hui a minuit au-delfus de notre tête, fera dans un an au mëme point du ciel. Reconnoiifons en cela les tendres foins du Seigneur pour tous les habitans de la terre: combien les peuples qui n'ont ni horloges, ni cartes^géographiques, ne feroient-ils pas a plaindre , s'ils ne pouvoient y fuppléer par robfervatic-n, des étoiles! Si nous faifons un  Sur les ceuvres de Dieu. qS7 retour fur ces peuples, la méditation que nous venons de faire ne fauroit nous paroitre indifférente ; car il faudroit être bien deftitué de fentiment & d'humanité , pour que des objets, qui a la vérité ne nous concernent pas direètement nous-mèmes, mais qui intéreffent tant de nos freres, ne nous paruffent dignes d'aucune attention. Pere & Créateur des affres, j'éleve avec reconnoiffance mes regards vers toi. Le bien que les étoiles font aux hommes a eet égard particulier , eft fans doute un des moindres avantages qui réfultent de Pexiftence de ces corps céleftes; & cependant eet avantage feul mérite déja nos louanges & nos aélions de graces. VING T-UNIE ME DÉCEMBRE. Effets de Vair enferme' dans les corps. Li E s effets de l'air enfermé dans 1'intérieur des corps font trés-étonnans. Perfonne n'ignore ce qui arrivé lorfque les fluides viennent a fe geler. L'eau quand elle eft dans eet état, brife ordinairement les vafes dans lefquels on 1'a mife. Le canon d'un moufquet, dont la bouche eft fermée hermétiquement, creve avec beaucoup de violence dans le grand froid. Cela paroit d'abord incompréhenfible: nous favons que l'eau n'eft point fluide par ellemème, mais par 1'infinuation du feu qui la pénetre de toute part, & que par conféquent elle devientune maffe folide lorfqu'elle eft dépouillse des particules du feu, ou lorfque fon Bb 3  383 C O S S I D i R A. T I ce n'eft pas le froid, caril n'eft point un être réel, ni une qualitépoütive, & a proprement parler, il ne fauroit pénétrer les corps. II eft bien certain aulli que la chaleur n'eft pas la caufe de ce phénomene. L'air ne peut pas s'infinuer dans des vaiifeaux de métal ou de verre fcellés hermétiquement; & cependant la glacé ne laiife pas de s'y former. II faut donc en chercher la caufe dans l'air intérieur que contient cette eau renfermée. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'a obferver l'eau lorfqu'elle commence a fe geler. A peine la première pellicule de glacé eft-elle formée, que l'eau fe trouble, & que 1'on voit s'en élever quantité de petites bulles d'air. Souvent cette croüte fupérieure de glacé s'éleve vers le milieu & fe fend : pour lors l'eau jaillit par 1'ouverture, s'élance contre le vafe, & tout en découlant le long des parois elle fe gele; de-la il arrivé que vers le milieu de la furface , l'eau paroit élevée & convexe. Ce font la tout autant d'effets de fair enfermé; effets qui n'auroient point lieu,  Sur les ceuvres'de Dieu. 389 ou qui du moins ne fe manifefteroient que dans un bien moindre degré, fi avant que 1'eau fefüt gelée on 1'eüt dépouillée autant qu'il etoic poflible de l'air qu'elle contenoit. II eft très-facilea préfent d'expliquer divers phénomenes finguliers. Un froid rigoureux eft très-nuifible aux végétaux. Nous favons que dans toutes les plantes il circule une feve, qui s'épaiflit un peu en hiver & en automne, mais qui ne lailfe pas d'ëtre fluïde. Un froid excefht convertit cette feve en glacé, & par-la même grolfitfenfiblement fon volume, ce quinefauroit fe faire fans que plufieurs fibres & plufieurs tuyaux des plantes ne fe fendent & ne crevent. Mais quand cela arrivé, il eft manifefte que la feve venant a fe raréfier au printems , ne peut plus circuler comme il faut, de même que la circulation du fang ne fauroit avoir lieu dans un animal auquel on auroit coupé les veines. Ainfi l'accroüfement de la plante eft arrêté; elle meurt paree que le fuc nourricier ne coule plus dans fes vaiifeaux. Obfervons cependant que ce froid même qui eft fi préjudiciable aux plantes, peut a certains égards devenir très-utile a la terre. Un champ labouré avant l'hiver,. eft mieux difpofé a recevoir les pluies d'automite & a s'en laifler pénétrer: s'il furvient enfuite une gelée , les parties terreftres fe dilatent, fe féparent les unes des autres, & le dégel du printems acheve de rendre la terre plus légere, plus meuble, plusproprea recevoir les heureufes influences du foleil & de la belle faifon. Ce que nous venons de voir fuffit pour nous convaincre de la force de l'air, & de cette vertu expanfive dont il revient de fi grands avantages a notre terre. La propriété qu'a eet ele5 Bb ?  39° CONSIDÉRATIONS ment de fe condenfer & de fe raréfier d'une maniere prefque incroyable, eft la caufe des plus grandes révolutions du globe. Ce n'eft que dans un petit nombre de cas, que la force de ce fluide peut devenir nuifible ; & alors mème Ie mal qui en réfulte eft compenfé par des avantages beaucoup plus confidérables. Mais il faut avouer qu'en ceci, comme dans tous les autres phénomenes de la nature , il refte encore bien des chofes que nousne faurions expliquer. Ce que nous connoüTons de la nature, des propriétés & des effets de l'air, fe réduit, en grande partie, a des conje&ures vraifemblables, qui s'éclairciront & fe vérifieront peut-ètre dans la fuite: peut-ètre même que ceux qui viendront après nous, trouveront que fur bien des chofes nous avons porte des jugemens précipités & faux. Combien donc n'eft-il pas jufte que lorfque nous contemplons les ceuvres de Dieu dans la nature, nous apportions a eet examen un efpritd'humilité & de défiance de nos lumieres, nous fouvenant toujours de la foibleife de 1'entendement humain , & de 1'incertitude de nos jugemens & de nos fyftêmes ! A 1'égad de quelque fcience que ce puiife être, la préfomption n eft guere-excufable; mais elle devient abfoment infenfée & ridicule , quand il s'agit de la connoinance de la nature.  Sur les ceuvres de Dieu.' 391 VINGT-DEUXIEME DÉCEMBRE. No us devons a la mufique un des plaifirs les plus purs & les plus innocens que nous puiffions goüter. Elle a la vertu de charmer notre oreille, de calmer nos paffions , d'émouvoir notre cceur, d'influer fur fes penchans. Combien de fois la mufique n'a-t-elle pas dilfipé nos chagrins, ranimé nos efprits vitaux, ennobli nos feminiens ! Un art auffi agréable & auffi utile , mérite bien que nous nous en occupions, & que nous en faffions ufage pour glorifier notre bienfaifant Créateur. Mais d'oü vient 1'imprelfion que la mufique fait fur nos oreilles? C'eft un effet de 1'air, qui reqoit un mouvement d'ondulation , & qui frappe de différentes manieres nos nerfs auditifs. Lorfque 1'on pince une corde tendue, fa figure change; car ion élafticité fait que nonfeulement elle fe rétablit dans fa première fituation , mais qu'elle s'étend mëme en fens contraire, & qu'elle continue, en allant & en venant, a faire de pareilles vibrations jufqu'a ce qu'elle parvienne a 1'ëtat de repos d'oü on 1'a tirée. Ces frémiifemens de la corde fe communiquent a l'air, qui de fon cóté les communiqué a d'autres corps contigus. De-la vient, par exemple, que lorfque 1'on joue fur 1'org.ue, les cordes d'un luth voifin font auffi mife en mouvement, & ne manquent pas de réfonner. Mais d'oü procédé la différence des fons, & comme arrive-t-il que les uns foient aigus, & Bb 4 La mufique.  394 CONSIDÉRATI ONS les autres graves? Cela ne vient pas de la quantité d air qm eft mis en mouvement, car un Ion peut etre aigu & grave, & en même tems foible ou fort Cela ne doit pas non plus être attnbue a la viteife des ondulations, par lefquelles le fon eft propagé dans l'air, car'un fon aigu ne le tranfmet pas plus rapidement d'un endroit a 1 autre qu'un fon grave. La différence des fons du grave a 1'aigu ne procédé donc que de la viteife des trémouffemens de 1 air. Un corps fonore rend un ton aigu lorfVlb;atlons de &s parties font plus promptes; & un ton grave lorfque les vibrations ie font plus lentement. Mais d'oü vient que certains fons réunis font harraonieux & flattent loreille par leurs concours, tandis que d autres fons reunis la blelfent, & font des dilfonances? Tout ce qu'on peut répondre a cela c eft que le caracf ere phyfique des confonnances fe tire de leur production dans un meme Ion, au lieu que dans 1'accord diifonant, les lons quoique frappés a la fois , ne fe mal rient pas enfemble , produifent a 1'ouie un grTcieufe d'Une maniere dif" Mais de quoi me ferviroit 1'harmonie des accords, fije nepouvoispas la diftinguer d'avec les diflbnances? Je te bénis donc, ö mon U eu dece que tu as difpofé 1'organe de mon ouie de maniere que je puis recevoir & diftinguer les diverfes impreffions des fons, & de ce que tu as donné a mon ame la faculté ïlrrt^A™*^?* avec les fenfations corporelles Que d'adions de graces n'ai-je pas a te rendre pour tant de plaifirs purs & innocens que tu m a^mis en état de goüter! Auffi veux-je ten temoigner ma reconnoiflance  Sur les ceuvres de Dieu. 39? en faifant fervir la mufique a glorifier ton nom. Parmi les accords les plus mélodieux, j'éleverai fouvent mon ame vers mon grand bienfaiteur, & je célébrerai fes bonté envers moi. VINGT-TROISIEME DÉCEMBRE, Farallele entre Vhomme & la animaux. D A n s la comparaifon que nous allons faire entre l'homme & les animaux, il fe trouvera des chofes qui nous font communes avec les brutes , d'autres oü elles ont des avantages fur nous, d'autres enfin oü nous en avons fur elles. L'homme relfemble principalement aux animaux, paree qu'il a de matériel. Nous avons comme eux une vie, un corps organifé, qui eft produit par la génération & par la naiifance, entretenu par la nourriture. Nous avons les uns & les autres des efprits animaux, des forces pour remplir les fon&ions diverfes qui nous font aflignées, des mouvemens volontaires, le libre exercice de nos membres, des fens & des fenfations de 1'imagination & de la mémoire. Au moyen des fens , nous éprouvons les uns & les autres du plaifir & de la douleur, ce qui nous fait defirer certaines chofes & en craindre d'autres. Aufli-bien que les animaux, un penchant naturel nous porte a conferver notre vie & a perpétuer notre efpece. Nous fommes enfin fujets aufli-bien qu'eux a ces accidens corporels & généraux que Pen-  ?94 Considerati ons chainement & les divers rapports des chofes; les loix du mouvement , la ftrudure & 1'organifation de nos corps ne peuvent qu'occahonner. Relativement au bonheur qui réfulte des plaifirs fenfuels, les animaux ont diverles prerogatives fur les hommes. L'une des 5^nu?tales ceft qu'ils n'ont Pas ber°in de tant dhabillemens, d'armes & de commodités que nous, & qu'ils ne font pas obligés d'inventer eux-mêmes, ou d'apprendre & d'exercer les arts néceiTaires pour fe les procurer. Ils apportent èn venant au monde les vètemens, les armes & les autres chofes dont ils ont befoin; & s il leur en manque encore quelqu'une, ils 11 ont pour y fubvenir qu'a fuivre 1'inftind qui leur eftinné , & qui fuffita leur bonheur. Cet mftind ne les trompe jamais, il les conduit toujours ïurement; & dès que leurs appétits lont latisfaits, ils font parfaitement contens, lis ne defirent rien au-dela, & ils ne fe livrent a aucune forte d'excès. Ils jouiffent du préient, fans fe mettre en peine de 1'avenir; car tout donne lieu de croire que les animaux n ont pas la faculté de fe repréfenter ce qui pourra arriver dans la fuite. Un fentiment actuel les avertit de leurs befoins, &l'mftincT: les inftruit des moyens d'y pourvoir. Ils les emploient avec plaifir, ils fe procurent ce qu'ils iouhaitent & en jouilfent avec fatisfacfion. Ils ne penfent jamais au lendemain , ils ne favent ce que c'eft que de s'inquiéter pour 1'avenir, & la mort même les furprend fans qu'ils aient pu la prévoir ou s'en affliger d'avance. . A tous ces égards, l'homme le cede aux animaux. II faut qu'il médite, qu'il invente, qu'il travaille, qu'il s'exerce , & recoive des inftrucfions, fans quoi ii refteroit'daus une en-  Sur les ceuvres de Dieu. fance perpétuclle, & pourroit a peine fe procurer les chofes les plus indifpenfables. Ses inftinds & fes paffions ne font pas pour lui des guides furs, & il deviendroit malheureux s'il s'abandonnoit a leur conduite. La raifon feule & ce qui en dépend, met une ditférence eifentielle entre lui & les animaux, fupplée a ce qui lui manque, & a d'autres égards lui donne des prérogatives auxquelles les brutes ne fauroient jamais atteindre. Au moyen de cette faculté, non-feulement il fe procure le néceifaire, le commode & le fuperflu; mais il mukiplie encore les plaifirs des fens, il les ennoblit, & les rend d'autant plus touchans qu'il fait mieux foumettrefes defirs a la raifon. Son amegoüte des plaifirs qui font entiérement inconnus aux animaux; la fcicnce, la fagelfe, 1'ordre, la religion & la vertu en font les fources ; & ces plaifirs furpaflent infiniment tous ceux dont les fens font 1'organe, paree que bien loin d'être contraires a la vraie perfedion de l'homme, ils 1'augmentent continuellement; paree qu'ils ne 1'abandonnent jamais , pas mëme lorfque fes fens émoulfés par la maladie , la vieilleffe, ou quelqu'autre circonftance deviennent infenfibles a toutes les voluptés animales; paree enfin qu'ils le font de plus en plus reCfembler a Dieu , tandis qu'au contraire, plus il fe livre aux plaifirs des fens, plus il fe dégrade & devient femblable aux brutes. Ajoutons que les animaux font renfermés d;in<-une fphere fort étroite, que leurs defirs & leurs penchans font en petit nombre, & que par conféquent leurs plaifirs font peu diverfifiés; au lieu que l'homme a une infmité de goüts, il fait tirer parti de tous les objets, & il n'y a rien qui ne puiffe lui devenir utile de ma-  396" ConsidérationS niere ou d'autre. Lui feul enfin fe perfeclionfië de plus en plus, faitcontinuellemenc de nouvelles découvertes, acquiert des lumieres ultérieures, & fait des progrès illimités dans la carrière de la perfection & du bonheur ; au lieu que les bètes font toujours renfermées dans leurs étroites bornes, n'inventent & ne perfedtionnent jamais , reftent toujours au même point, &ne s'éleventpas par 1'exercice & par l application au-deifus des autres animaux de leur efpece. C'eft donc uniquement la raifon & ce qui en dépend, qui nous donne de la fupériorité fur les brutes , & c'eft en cela que confifte principalement fexcellence de la nature humaine. Faire ufage de la raifon pour ennobür les plaifirs des fens, pour goüter de plus en plus les plaifirs intellecfuels, pour croitre continuellement en fagelfe & en vertu, voila ce qui diftingue l'homme, voila fa deftination , & le but que Dieu s'eft propofé en le créant. Que notre grande affaire, notre étude conftante foit donc de répondre a ce but; car nous ne ferons heureux qu'autant que nous rechercherons ce que la raifon nous montrera être véritablement utile & bon.  Sur les ceuvres de Dieu. 397 VINGT-QUATRIEME DÉCEMBRE. Cakul rdatifd la réfurre&ion d venir. D E quelle foule de créatures humaines ne fera pas couvert au grand jour de ia reiurrection le lieu oü notre ville eft fituee! Quelle multitude répandue fur toute la furrace de ia terre! multitude prodigieufe , mais non pas innombrable, car chacun des morts reiiuicités fera connu du Seigneur Ion juge, chaque nom eft écrit dans le livre de 1'Eternel. Nul ne manquera, nui ne fera perdu, nul de ceux dont la dépouille a été confiee a la terre ne pourra échapper a 1'ceil du tres-haut. En fuppofant que notre AUemagne n ait commencé a fe peupler que cinq eens ans après le déluge univerfel, & par confequent depuis environ quatre mille cinq eens ans ? & que depuis la fondation de notre ville a cette époque, jufqu'au jour du jugement (s il arrivoit cette année) on n'y ait enterre annueilement, en comptant une annee parmi 1'autre, que deux eens perfonnes, le nombre des morts fe monteroit a neuf eens mille. m donc notre feule ville peut déja foumir, au iour du jugement, un nombre de neut eens mille perfonnes , combien fera grand le produit de toute 1'Allemagne! En admettant que le nombre des habitans de eet empire elt d environ vingt-quatre millions, nous ne pouvons plus compter notre ville que pour la trois millieme partie du tout. Si cela eft, cm peut fuppofer, en appliquant ici le calcul prece-  398 CONSIDÉRATIONS dent, que 1'Allemagne fournira deux mille & cent millions. Ce nombre eft prodigieux fans doute, & cependant qu'eft-il en comparailbn du produit de toute la terre, dont le nombre adtuel des habitans eft eftimé environ a mille mfiliöns. Si 1'on s'en tient a ce nombre, & qu'on y applique auffi le calcu! que nous avons fait plus haut, le total de ceux qui font morts durant l'efpace ci-deifus mentionné, doit monter a quatre-vingt-fept mille cinq eens millions. Si 1'on y ajoute maintenant ceux qui ont vecu avant le déluge, & ceux qui font morts après dans l'efpace de cinq eens ans, nombre qu'on peut évaluer au quart du précédent, nous aurons alors pour total cent neuf mille trois eens foixante-quinze millions. Enfin joignez-y encore les habitans de la terre qui feront en vie au jour du jugement, & n'en fixons le nombre comme auparavant qu'a mille millions, le total montera pour lors a cent dix mille trois eens foixante-quinze millions. A préfent donne 1'eifor a ton imagiuation, & figure-toi, autant qu'il t'eft poffible, cette prodigieufe multitude qui compatoitra au dernier jour devant le juge du monde. Qu'elle doit être grande 1'intelligence qui fondera 1'intérieur de chacun des individus dont cette multitude fera compofée, qui connoitra exactement leurs penfées, leurs paroles & leurs actions, qui fe fouviendra parfaitement du jour de leur naiffance, de la durée de leur vie iur la terre, du tems, de la maniere & des circonftances de leur mort; qui faura diftinguer les atomes fi difperfés de chacun d'eux, les leparer, les raifemhler, dut leur corps avoir été réduit en cendres, dilfout en des millions de parties, & avoir fubi des traus-  Sur les ceuvres de Dieu. 399 formations fans nombre. Quelle ceuvre de la toute-puilfance que de recueillir ces atomes terreftres, de les épurer, de les ennoblir, & d'en former des corps immortels! Dieu nous a révélé que 1'armée des anges ralfemblera les élus des quatre vents, & que le premier fon. de la trompette ne réveillera que les corps des faints endormis, paree que ceux qui Jont de Chriji, l. Cor. XV, 2}. doivent relfufciter les premiers. Quelle agréable occupation pour les dix mille milliers d'anges de raflembler & de préfenter a Jéfus leurs freres bien-aimés! Et quelle joie raviifante pour des myriades d'efprits bienheureux que Dieu avoit recucillis dans fon fein, de retrouver ces corps qu'ils avoieut laillés pales , hideux, minés par les fouffrances, ou mutilés par des actes de violence, ou confumés par les Hammes, de les retrouver, dis-je, revêtus d'une beauté & d'un éclat célefte, femblables a ceux des anges glorieux, auffi forts, auffi légers, auffi prompts, auffi radieux ! Ces corps ne feront plus comme autrefois des obftacles pour 1'efprit, mais a tous égards, ils feront alfortis a 1'état & aux occupations de 1'éternelle béatitude. Avec quelle joie je me repréfente la furprife & les fentimens ineffables de chacun des élus, a l'afpeét de ce changement merveilleux!  400 considérations VINGT- CINQÜIEME DÉCEMBRE. Pcnfc'es fur la naijfancc de Jéfus. C^Uels fentimens de joie, de reconnoiffance & d'amour s'élevent dans mon ame, aujourd'hui que nous célébrons la mémoire de la naiiTance de Jéfus ! Mais en même tems, quelle eft ma furprife en méditant fur les circonftances qui accompagnerent ce grand événement! Je vois un Fils de 1'Homme dans le plus protond abailfement, & ce Fils de 1'Komme eft auifi mon Dieu; je vois le Dieu fort, invifible, a la parole duquel les cieux & la terre ont été faits , a la parole duquel ils difparoitront, & je vois en mème tems un être vifible, un être foible & revètu d'une chair femblable a la mienne. Que cette union eft mcrveilleufe! Le Roi des rois, que les anges adorent, eft fous la forme d'un ferviteur; c'eft un enfant, foible, dénué , verfant des pleurs, couché dans une crèche. Qiielprodigieux abaiffement! La nature humaine fi bornée, fi corrompue , élevéeavec Jéfus-Chrift fur le tröne eternel de la gloire! Quel étonnant échange! Mais puis-je bien comprendre la grandeur de cette rmJéricorde divine ? ou plutót 1'étonnement & 1'admiration qu'elle m'infpire, ne redoublent-ils pas a mefure que je réfléchis fur mon indignité & fur la majefté infinie de celui qui vient a mon fecours? Certes, je découvre ici un amour qui furpailè infiniment tout ce que je puis mériter, un amour qui va même au-dela de tout ce que je pouvois con- cevoir  Sur les ceuvres de Dieu. 401 cevoir & efpérer, un amour a la penfée duquel je ne puis faire autre chofe qu'admirer, adorer, & me taire. Mais fi mon admiration eft vive, ma joie, mon efpérance ne le font pas moins. Dans mon Sauveur devenu homme, je contemple le figne heureux de la nouvelle alliance que Dieu a contradée avec moi. Ici, je reconnois que Dieu eft fidele dans fes promeifes, _& qu'il a envoyé fon fils au monde afin que je vive par lui. Et ne dois-je donc pas efpérer auffi que tout ce qui m'a été promis en fon nom fera accompli avec la mème fidélité ? Jamais Jéfus-Chriftn'auroit honoré notre nature jufqu'a l'unir fi étroitement avec Dieu, s'il n'avoit réfolu de guérir nos infirmités par fa vertu , de nous pardonner nos fautes, d'effacer nos taches, & de rendre ainfi a la nature humaine fa pureté & fon innocence primitives. Quelle confiance je puis avoir maintenant dans 1'amour de mon pere célefte! II m'a déja donné les preuves du plus grand amour qu'on puiife concevoir: non, toutes les graces inférieures a celle-ci, je ne puis plus les lui demander en vain. Que pourroit me refufer celui qui m'a donné, fans que je Pen euife prié, ce qu'il avoit de plus cher? Et ne puis-je pas avoir auffi la plus grande confiance en celui qui s'eft fait homme pour moi? Si Dieu eft enChrift, il accomplira certainement tout ce qu'il s'eft propofé en venant fur la terre; il mettra tous mes ennemis fous fes pieds, il eftacera toutes mes iniquités, Sc fa puiifante main me r'ouvrira les portes du ciel. Si je m'abandonne a fa conduite, il m'arrachera de 1'abyme du vice oü je m'étois plongé, il me donnera la force de vaincre le monde & le pêché; je devienTomc UL C «  401 CONSIDÉRATIONS drai un homme nouveau , femblable a lui, faint & glorieux comme lui. Et quoi de plus naturel & de plus jufte que de me livrer tout entier, en ce jour folemnel, au fentiment du plus faint amour! L'amour peut-il fe payer autrement que par l'amour? II eft vrai que celui de Dieu mon Sauveur envers moi, eft d'un prix ineftimable, & que tout celui que je puis avoir ne fauroit égaler le fien. Mais au moins je ferai pour lui tout ce qui dépendra de moi, je 1'aimerai avec toute 1'ardeur dont fa grace me rendra capable. Alors j'efpere que eet amour, foible , mais fincere, me rendra agréable a fes yeux. L'amour de Jéfus m'excitera a chercher en lui ma joie & mon bonheur, & la méditation de fes bienfaits fera mon occupation la plus chere. Je ne rechercherai rien avec plus d'ardeur que d'entretenir une fainte communion avec lui par la foi. Plein de zele, je m'efforcerai de purifier mon ame de tout ce qui pourroit déplaire a mon divin rédempteur. Je veux lui confacrer ma vie , & attirer fa faveur en accompliffant tout ce qu'il ma prefcrit. Oui, mon Sauveur, c'eft a toi que je veux me dévouer tout entier, c'eft a toi que je veux facrifier tous mes penchans, c'eft auprès de ta crèche que je veux apprendre a renoncer a moi-mème, a abjurer tout orgueil, a fouffrir, s'il le faut, pour l'amour du prochain des incommodités, des humiliations & des peines. Tels font les feminiens , chrétien, avec lefquels tu es obligé de célébrer la fête folemnelle de la nanfance de Jéfus. Chacun d'eux doit avoir fa fource dans une vive conviction des vérités de la foi, & être accompagné de divers autres mouvemens. Que ton admiration ne  Sur les ceuvres de Dieu. 40? foit pas le^ fruit de 1'ignorance, mais d'une perfuafion éclairée. Médite pour eet effet, médite foigneufement les merveilles de la grace divine, fi ce n'eft pour en fonder Ia profondeur, au moins pour en bien connoitre la nature & la cercicude. Et fi la grandeur & la fagelfe de Dieu & fon immenfe charité t'étonnent & te confondent, qu'elles excitent auflt dans ton cceur une profonde vénération pour celui qui habite les cieux des cieux, & un humble fentiment de ta foiblelfe. Prends garde auffi que ton efpérance ne foit pas 1'effet d'une perfuafion aveugle. Si elle eft' chez toi 1'ceuvre d'une foi pure, quelle douce confolation, quelle joie célefte ne répandra-t-elle pas dans ton coeur! Alors aidé par fa force vidorieufe, tu furmonteras toutes les peines de la vie, paree que rien ne pourra te ravir ta joie , que rien ne pourra détruire ta félicité. Enfin que ton amour pour Jéfus ne foit jamais féparé d'une vive gratitude. Travaille, ö chrétien, travaille fans celfe a offrir le facrifice d'un cceur pur & d'une vie fainte , a celui qui a tant fait pour toi. Que te rendrai-je pour tant d'amour, ö mon grand bienfaiteur ! Ceji toi qui m'as uni d Dieu, c'ejl toi qui m'as acquis le falut 8? la vie. Seigneur, agre'e rhommage de tout ce que je pojjede , de tout ce que je fuis ; recois le facrifice de mon corps & de mon efprit quit'appartiennent. G c %  404 C ONSIDÉRATIONS VINGT-SIXIEME DÉCEMBRE. Lieu de lanaijjancc de Jéfus. Il femble d'abord qu'il importe aflez peu de favoir quel a été le lieu de la naiflance de Jéfus. Nous devons toujours 1'envifager comme notre rédempteur, quelles que foient les circonftances dont fa vie mortelle a été accompagnée. Mais puifqu'il avoit plu a Dieu d'annoncer le lieu oü le Sauveur du monde devoit naitre, il devenoit néceifaire que cette naiflance arrivat précifément dans ce lieu , & ce fut la un des caraéteres auquel on put reconrtoitre que Jéfus-Chrift eft le vrai Meffie. C'eft auffi par rapport a nous une chofe aflez indifférente en elle-mème, que le lieu oü nous vivons , pourvu feulement que nous y trouyionsle vröi bonheur. II n'eft point d'endroit fur la terre, quelque pauvre & méprifé qu'il foit, qui ne puiflè avoir des habitans & meilleurs & plus contens que les citoyens des plus grandes & des plus célebres villes. Connoiffons-nous un feul endroit fur notre globe, oü les ceuvres de Dieu ne frappent nos regards lous mille formes différentes , & oü 1'on ne puiflè éprouver le doux contentement qui nait d'une bonne conduite, d'une vie pieufe & chrétienne? Pour un particulier, le lieu préférable a tous les autres eft celui oü il peut goüter le plus de bien-être, & faire le plus de bien aux autres. Pour un peuple, c'eft le 'lieu qui renferme le plus d'hommes vertueux & fages. Et tout au contraire, chaque pays  Sur les ceuvres de Dieu. 4of déchoit a proportion que la juftice & la religion y voient diminuer leur empire. Le lieu oü un jeune homme aura contemplé 1'aurore & la nature rajeunie, avec le plailïr le plus vif, & adoré fon Dieu avec tout l'amour, toute la vénération dont fon cceur étoit capable; le lieu oü deux époux vertueux ont appris a fe connoitre, ou bien celui oüdeuxamisfe font donné les preuves les plus nobles & les plus touchantes de leur tendreife; le hameau oü quelqu'un aura vu ou donné lui-mëme des exemples remarquables de bonté, de juftice, ou de patience, un tel lieu, dis-je, ne doitil pas être cher a leur cceur? Bethléem, felon cette regie, étoit nonobftant fa petiteffe, un lieu vénérable, puifqu'il avoit fervi de demeure a des gens pieux, & que la vertu y avoit été exercée. Déja le patriarche Jacoh s'y étoit arrêté pendant quelque tems, pour y érigerun monument a fabien-aimée Rachel. C'eft a Bethléem que 1'honnète Nahomi, & Ruth, fa modefte belle-fille, donnerent des preuves de leur foi & de leur vertu ; & c'eft la que Booz, ce généreux bienfaiteur, avoit fa demeure & poilèffions. A Bethléem féjournoit 1'humble Ifaï, heureux pere de plufieurs fiis, dont le plus jeune palfa de la condition de berger au tröne d'Ifraél. C'eft dans cette contrée que David fit vceu de batir une maifon au Seigneur, & qu'il fe montra vrai pafte,ur & pere de fes fujets; quant a 1'afpecl de 1'ange dont le glaive exterminateur répandoit par-tout la terreur & la mort, il demanda grace a Dieu pour fon peuple. C'eft a Bethléem que naquit le prince Zorohabel, ce defcendant de David, qui fut le type du dominateur & du pafteur, autour duquel Ifraël devoit fe raifembler un Cc 3  AoS ConsidIrations jour pour vivre heureux fous fon empire. Enfin parut dans cette ville Ie Fils de Dieu, qui rar ia naiflance jetta les fondemens de ce falut qu il devoit mériter a tous les hommes en quaUte de redempteur du monde. Ainfi dans un hen que fa petiteffe rend peu remarquable, on voit quelquefois naitre des hommes qui dans la fmte deviennent les bienfaiteurs du genre humain. Souvent un village inconnu a produit un homme, qui, par fa fageffe, ia droiture ou fon héroïfme, a été en bénédiction a des villes, a des pays entiers. C'eft a nous maintenaut a vivre dans nos villes, ou dans noshameaux, de maniere que le but de la naiflance de Jéfus s'accompliffe par rapport a nous. II eft certain que la vraie piete feroit les plus rapides progrès fur la terre, ll dans chaque lieu oü 1'on féjourneroit , on tachoit d y donner des preuves de 1'innocence de fes mceurs, de la ferveur de fa foi, d'y orfrir des modeles de patience, d'acfivité & de droiture Si nos villes fourniffoient un plus grand nombre d'exemples de vertu, leur influence s'etendroit bientöt fur les habitans des campagnes; & dans le moindre bourg, ou dans le plus petit hameau, on trouveroit des families qui , comme celles de Marlt & de Jofeph, fe dilfmgueroient par leur droiture & par leur ?leïf', « sattireroientle refpedtau fein même de 1 abaiffement & de la pauvreté. Alors Dieu repandroit fa benédiction fur la patrie de ces gens de bien ; & après quelques générations, on verrc.it fe former un peuple rempli de la crainte de 1 Eternel, & attentif a marcher dans les voies. Celui qui ale plus parcouru le monde, qui a viute les villes oü les rois font leur féjour,  Sur les ceuvres de Dieu. 407 & qui a été témoin des crimes de tout genre qu'on y commet, n'aura-t-il pas fujet de rendre graces a Dieu s'il trouve enfin un bourg, un vülage, oü dans une tranquille cabane, & environné de voifins paifibles, il puiflè fe confacrer tout entier au fervice de Dieu, au bien de 1'humanité, &parvenir ainfi a goüter le feul vrai contentement, celui qui nait du calme & de la paix de 1'ame. II ne regrettera point alors des lieux, plus fuperbes a la vérité, mais oü la volupté vient tendre tous fes pieges; plus grands, mais oü le vice regne; plus riches, mais oü 1'on vit dans 1'oubli de Dieu & de fes devoirs. II leur préférera 1'obfcure retraite oü a 1'abri de cuifans remords, il peut vivre paifible & fatisfait. VINGT-SEPTIEME DÉCEMBRE. Soins que Dieu apour les hommes dès leur naijjance. Ue l l e multitude de befoins n'avois-je pas lors de ma naiflance! Ce ne fut pas fans peine & fans le fecours d'autrui que je vins au monde; & certainement j'aurois bientöt perdu la vie que je venois de recevoir, fi on n'avoit pas préparé d'avance ce qui étoit néceifaire pour me nourrir & pour me vêtir, & fi je n'avois pas trouvé des hommes qui daignaflent prendre foin de moi dans eet état de foibleife & de dénuement total, ou plutót fi toi-même, pere célefte, n'avois veillé a ma confervation. Tu as eu foin de moi lorfque j'étois en* C c 4  4o% CoNSIDéRATIONS core dans le feinde ma mere, & que toute la fcience, toute 1'induftrie humaines ne pouvoient me fecourir. Ce font tes mains qui m'ont formé : elles ont arrangé & lié tous les membres de mon corps. Tu as marqué a mes veines la route qu'elles devoient tenir, & tu les as remplies de fucs vitaux. Tu m'as revêtu de peau de chair, £f tu m'as compofé d'os Ëf de nerfs. Job X, n. Je n'étois qu'une maife informe, mais ta toute-puiifance 1 a faqonnée, & 1'uniifant a un efprit intelligent & raifonnable, tu en as fait une créature digne de porterton image. Cette mème Providence qui veilloit fur moi lors de ma formation , m'a continué fes foins paternels, & ne m'a jamais oublié. Dés mon entree dans le monde, elle m'a procuré de tendres & de fideles amis, qui m'ont rec.u avec une affecfion extraordinaire, & qui n'ont épargné ni peine, ni dépenfes, pour me faire du bien. Ces amis fideles, c'étoient mes parens. Quelle miférable créature n'euffe-je pas été, fi toi, ö mon pere célefte, ne leur avois pas infpiré un amour fi défintéreifé pour moi! Mais a quot m'auroit fervi eet amour, fi mes parens euifent été dénués de tous les moyens de m'aflifter! Plus ils m'auroient aimé , plus leur indigence leur eüt paru amere , plus ils fe feroient trouvés malheureux de ne pouvoir rien faire pour moi. Tu as donc pourvu ace qu'ils euifent a point nommé tout ce qui leur eft néceifaire pour fubvenir a mes befoins. Mais, ö mon Dieu, tes tendres foins fe font étendus plus loin encore au moment de ma naiifance. Dés-lors tu as jetté les fondemens de tout mon honheur a venir. Foible & chétive créature, je ne favois & ne pouvois pas  Sur les ceuvres de Dieu. 409 favoir alors quelle feroit ma deftinée. Mais tout t'étoit parfaitement connu j tu voyois renfemble de ma vie; tu voyois tous les événemens contingens & futurs, avec toutes leurs fuites & tous leurs rapports. Tu favois ce qui me feroit le plus avantageux, tu réglas mon fort en conféquence , & tu déterminas en même tems les moyens dont tu te feryirois pour me procurer les biens que ta bonté me deftinoit. Dés ma naiifance exiftoient déja les caufes qui devoient influer fur mon bien- être a venir , & elles commenqoient déja a agir conformément a tes vues. Combien le bonheur ou le malheur de ma vie ne dépendoit-il pas de mes parens, de leur faqon de penfer, de leur état, de leur fortune & de leurs relations? Combien Péducation que je requs dans ma jeunelfe, les exemples que j'eus devant les yeux, les liaifons que je formai, les occafions qui fe préfenterent d'exercer mes forces & de développer mes talens, combien tout cela n'a-t-il pas influé fur le bonheur de mes jours! Et n'eftce pas toi, ó mon Dieu & mon pere , n'eft-ce pas ta fagelfe & ta bonté, qui a régie toutes ces chofes, qui as ménagé & préparé toutes ces circonltances qui m'ont été fi avantageufes? Je ne pouvois pas, avant ma naiifance, me choifir a moi-même des parens, ni déterminer leur état & leur fortune. Le choix des maitres & des amis que j'ai eusdans ma jeuneife, n'a pas entiérement dépendu de mes parens , & quelle que fut leur attention & leur prudence a eet égard, ils dépendoient euxmêmes des circonltances & des occafions. C'eft toi, ó mon Dieu, qui as ménagé ces conjonctures qui m'ont été fi favorables. Si tu as veillé fur mon bonheur, tu as auffi dirigé avec la  4IO CONSIDÉRATIONSJ même bonté les événemens qui ont pu më paroitre défagréables & malheureux. Tu les a tous prévus & déterminés, tu me les as difpenfés avec fageffe & dans des vues de miféricorde. Tu les as préparés dès ma naiifance; tu favois dès-lors combien les adverfités me feroient utiles, quand elles commenceroient & quelles en feroient les fources, quelle iffue elles auroient & quels fruits j'en retirerois. Toutes ces caufes ont agi quelque tems en fecret, peu-a-peu elles fe font développées, & j^'ai reconnu que mes difgraces & mes revers étoient néceffaires k mon vrai bonheur. Mais ilsn'auroientpas eu ces falutaires effets, fans Ie concours de plufieurs caufes qui long-tems auparayant agiffoient dans 1'éloignement & qui m'étoient mconnues. En un mot, ta fage bonté a dirigé tous les événemens de ma vie de la maniere qui m'étoit la plus avantageufe. Cette méditation doit naturellement remplir mon ame de confiance & de tranquillité. Quoi de plus confolant que d'ètre perfuadé qu'il y a un Etre invifible qui a foin de moi, un Etre infiniment bon, puiffant & fage, qui a veillé fur moi lorfque j'étois encore dans le fein de ma mere, qui dès-lors a déterminé & réglé tout ce dont j'aurois befoin dans tout le cours de ma vie, qui a compté mes jours, qui leur a marqué un terme qu'aucune puilfance humaine ne fauroit déplacer, qui dès 1'inftant de ma naiifance a préparé tout ce qui étoit néceifaire a mon bonheur temporel & éternel ? Une paix, une confiance qui repofe fur une telle perfuafion, ne doit-elle pas être inébranlable?  Sur les ceuvres de Dieu. 411 VINGT-HUITIEME DÉCEMBRE. Termc de la vie humaine. C H a q_u e homme meurt précifément au tems que Dieu a arrété dans fon confeil éternel. Comme le tems de notre naiifance eft déterminé, celui de notre mort 1'eft auffi. Mais Ie terme de notre vie n'eft point néceifaire , ou foumis a une fatalité inévitable : il n'y a point de tels événemens dans le monde. Tout ce qui arrivé, peut arriver plus tót ou plus tard , ou même ne point arriver du tout. Et il auroit toujours été poflible que l'homme qui meurt aujourd'hui, fut mort plutót, ou eüt vécu plus long-tems. Dieu n'a compté les jours de perfonne d'après un décret abfolu & arbitraire , & fans avoir égard aux circonftances oü eet homme fe trouvera. C'eft un Dieu infiniment fage, qui nefait rien fans des motifs dignes de lui. II faut donc qu'il ait eu de juftes raifons pour décréter qu'un tel homme fortiroit de ce monde dans un tems plutót que dans un autre. Mais quoique le terme de la vie ne foit en lui-mème ni néceifaire , nifatal, jl ne lailfe pas d'ètre certain, & jamais il n'eft réellement changé. Quand l'homme meurt, il y a toujours des caufes qui amenent infailliblement fa mort,a moins qu'elles ne foient arrêtées par unepuiffance fupérieure. L'un meurt d'une maladie mortelle, 1'autre par un accident fubit & imprévu. L'un périt dans le feu, 1'autre dans l'eau. Dieu a prévu toutes ces caufes; & ü  4U CONSIDÉRATIONS' n'en a pas été !e fpeclateuroifif & indifférent; mais il les^ a toutes examinées avec foin , il les a comparées avec Tes deffeins , & il a vu s'il pouvoit les apprauver ou non. S'il les a approuvees, il les a par-la même déterminées, &. ll exifle un décret divin en vertu duquel 1 homme mourra, dans tel ou tel tems, par tel ou tel accident. Ce décret ne fauroit être m revoqué, ni empêché; car les mêmes railons que Dieu pourroit avoir a préfent de retirer un homme du monde, lui étoient connues de toute éternité, & il en jugeoit alors comme il en juge a préfent : qu'efb-ce donc qui pourroit le porter a révoquer fes décrets? Mais il fe peut que Dieu en prévoyant les caufes de la mort d'un homme, ne les ait point approuyees. En ce cas, il aura au moins détermine de les permettre, fans quoi elles ne pourroient avoir lieu, & l'homme ne mourroit point. Mais fi la permiiTion de ces caufes de mort a été réfolue, Dieu veut donc que nous mourrions dans le tems que ces caufes exifteront. A la vérité, il feroit porté a nous donner une vie plus longue, & il n'approuve pas ces caufes de notre mort, mais il ne convenoit pas a fa fageffe d'y mettre obftacle. II voyoit l'univers dans fon enfemble , & découvroit des raifons qui 1'engageoient a permettre que l'homme mourüt en tel tems, quoiqu'il n'approuvat pas les caufes, la maniere & les circonftances de cette mort. Sa fageffe trouve les moyens de diriger cette mort a des fins utiles; ou bien il prévoyoit qu'une vie plus longue dans les circonltances oii 1'homme fe trouvoit, ne pourroit être avantageufe ni a lui-mème, ni au monde; ou bien enfin il voyoit que pour que cette mort put être  Sur les ceuvres de Dieu. 413 prévenue, il faudroic une nouvelle & toute différente combinaifon des chofes; combinaifon qui ne s'accorderoit pas avec le plan général de l'univers, & qui empêcheroit que d'autres biens confidérables n'euffent lieu. En un. mot, quoique Dieu défapprouve quelquefois les caufes de la mort d'un homme , il a cependant toujours des raifons trés - fages & trèsjuftes de les permettre, & d'arrêter par conféquent dans fon confeil que l'homme mourra en tel tems & de telle maniere. Ces confidérations font bien propres a nous faire envifager la mort avec des difpofitions courageufes & chrétiennes. Ce qui rend la mort fi redoutable, c'eft principalement 1'incertitude de fon heure, & de la maniere dont nous fortirons de ce monde. Si nous favions d'avance quand & comment nous mourrons, nous attendrions peut-étre la mort avec plus de fermeté & nous la craindrions moins. Or, rien de plus efhcace pour nous raffurer & nous tranquillifera eet égard, que la perfuafion d'une Providence qui veille fur notre vie , & qui, dès avant la fon dation du monde, a déterminé avec une fageffe & une bonté infinie, le tems, la maniere, & toutes les circonftances de notre mort. Le terme de notre vie eft marqué, & perfonne ne peut mourir plus tót ou plus tard que Dieu ne 1'a déterminé pour le bien de 1'homme mëme: chacun meurt précifément au tems qu'il lui eft le plus avantageux de mourir. Une Providence toute-puiffante veille fur nos jours, elle les prolonge ou les abrege felon qu'elle juge que cela eft plus utile aux enfans de Dieu , tant pour ce monde que pour celui qui eft a venir. Perfuadés de cette confolante vérité, nous attendrons  4H CONSIDÉRATIONS tranquillementla mort; & puifque fon heure eft incertame, foyons aifez fages pour nous preparer a la recevoir a chaque inttant. Certainement elle ne nous frappera que lorfque Dieu le jugera convenable. Nous ignorons, il eft vrai, quel fera le genre de notre mort, & quelles en feront les circonltances: mais il nous fuffit de favoir que nous ne pouvons mourir que de la maniere que ce pere bienfaifant, qui gouverne le monde, fait être la plusavantageufe tant pour nous que pour ceux qui nous appartiennent. Fortifiés par cette peniee, contmuons fans inquiétude notre pélerinage terreftre, foumettons-nous a toutes les dilpenlations de la Providence, & ne craignons jamais les périls auxquels notre devoir nous appelle a nous expofer. VINGT-NEUVTEME DÉCEMBRE. lnftabilité des chofes terreftres. I L n'eft rien dans Ia nature dont 1'état & Ia maniere d etre ne foit fujet au changement. 1 out eft le jouet de 1'inconftance & de la fragilité; rien n'eft aifez durable pour demeurer toujours femblable a foi-même. Les corps les plus fohdes n'ont pas un tel degré d'impénétrabihte, & 1 union des parties qui les compolent neft point aifez étroite, pour qu'ils foient toujours a 1'abri de la dilfolution & de la deftrudion Chaque particule de matiere change infenfiblement de figure. Combien de changemens mon corps n'a-t-il pas fubi depuis la formation dans le fein de ma mere'  Sur les ceuvres de Dieu. 4rf Chaque année il a perdu quelque chofe de ce qui faifoit partie de lui-méme, & chaque année il a acquis auffi des parties nouvelles, tirées des regnes minéral, végétal & animal. Tout fur la terre croit & décroit tour-a-tour, mais avec cette différence, que les changemens ne s'operent pas auffi promptement dans certains corps que dans les autres. Les globes céleftes paroilfent encore les mêmes qu'au moment de leur création, & ce font peut-ètre les plus invariables de tous les corps. Cependant des obfervateurs attentifs ont vu difparoitre du ciel quelques étoiles , & le foleil a des taches qui changent, & prouvent ainfi que eet aftre n'eft pas conftamment dans le même etat. D'ailleurs , fon mouvement le rend fujet a diverfes variations, & quoiqu'il ne fe foit jamais éteint, il a été néanmoins obfeurci par des brouillards, des nuages, & mème par des révolutions internes. C'eft la tout ce que nous en favons dans 1'éloignement prefqu'iucommenfurable oü nous fommes de lui. Combien d'autres changemens, foit externes, foit internes, s'oifriroient a nos yeux, fi nous pouvions nous rapprocher davanrage de eet aftre! Si 1'inftabilité des chofes terreftres nous frappe davantage, cela vient de ce que nous en fommes fi prés. Et combien elles font fragiles! combien leur état eft fujet a changer! 1'objet continue a reifembler a foi-même, & cependant qu'il eft différent de ce qu'il étoit! journellement nous voyons les chofes d'ici-bas fous de nouvelles formes, les unes croitre, les autres diminuer & périr. L'année qui va fe terminer dans deux jours, m'enfournit des preuves inconteftables. Combien, en m'arrètant feulement au petit cercla  416 CONSIDÉRATIONS oüje fuis, combien elle a été fertile en révolutions. Plufieurs de ceux que je connoiflbis depuis bien des années ne font plus. Plufieurs de ceux que j'ai vu riches font devenus pauvres, ou du moins font maintenant dans un état de médiocrité. Et fi je m'examine moinième, ne trouverai-je pas aufli que j'ai changé a divers égards? ma fanté, mon adivité, n'ont-elles pas fouffert de diminution? & toutes ces altérations ne font-elles point des avertilfemens de 1'approche de cette grande & derniere révolution que la mort doit opérer en moi? D'ailleurs, combien de chofes peuvent encore changer durant les trois jours qui reftent de cette année! Je puis devenir pauvre, je puis tomber malade , éprouver 1'infidélité de mes amis, mourir même dans eet efpace de tems. Au moins il elf fur qu'il peut s'y préfenter des cas qu'il m'eft aduellement impoffible de prévoir. Depareillesréflexions ne pourroient que m'abattre & même me réduire au défefpoir, fi la religion n'étoit mon foutien & ma confolation. Mais c'eft a toi qu'elle me ramene, Etre unique, invariable, éternel, qui par ta nature même ne faurois éprouver aucun changement. Etreimmuable! tu feras éternellement ce que tu es; c'eft pourquoi ta gratuité demeure a toujours, & ta juftice dure d'age en age. Que cette vérité me foit toujours préfente, & qu'elle adouciffe les défagrémens attachés aux viciffitudes continuelles que j'éprouve ici-bas. Heureux de ce que toutes les révolutions qu'amenent pour moi le tems , les années & les jours, me rapprochent de toi, ö mon fouverain bien, & du féjour conftant de la gloirè & de la félicité. Ainfi plein de confiance en ton invariable bonté,  Sur les ceuvres de Dieu» 417 bonté, je me foumettrai avec réfignation a tous les changemens que je dois éprouver fur la terre; car mon ame veut fe réjouir en toi, Etre immuable, qui es mon rocher, ma lumiere & ma haute retraite. TRENTIEME DÉCEMBRE. Calcul de la vie humaine. Ï-i' A p p r o c h e de la fin de 1'année m'invite a faire des réflexions, qui toutes importantes qu'elles font, ne m'occupent pas toujours aifez vivement. Pour m'exciter a bien fentir com* bien eft court le tems de ma vie, je vais examiner maintenant 1'emp.loi des jours que j'ai ' vécus , quoique j'aie lieu de croire que ce fera un fujet d'humiliation & de confufion pour moi. Je me rappelle d'abord ces jours dont il n'a pas été en mon pouvoir de régler l'ufage. Combien d'heures, durant l'efpace de cette année, j'ai employées a manger, a boire, a dormir, en un mot, a foigner mon corps, a pourvoir a fes divers befoins! Combien d'autres heures fe font écoulées dans des occupations prefque inutiles pour moi, je veux dire , fans fruit pour mon ame immortelle, par exemple, dans des voyages de néceflités, dans des fociétés défagréables, dans de longs & fatigans repas! Combien d'heures paifées dans 1'incertitude & par conféquent dans 1'inaction ; a examiner des queftions & des affaires embrouillées, ou a balancerle pour & le contre avant deprendre des réfolutions importantes, ou dans fatXomc Uh D d  4l8 CONSIDÉRATIONS tente de certains biens. Ainfi en ne jettant qu'un coup - d'ceil rapide fur 1'ufage que j'ai fait de cette année, je découvre une multitude de jours perdus pour eet efprit immortel quihabite dans ma loge d'argile; & après une telle déduclion que me reltera-t-il que jepuiife dire avoir été employé a la vie effective & réelle ? II eft évident que de trois eens foixante-cinq jours, a peine il y en aura cinquante defquels jepuiife dire: ceux-la font a moi, il eft en mon pouvoir de les faire fervir aux grands intéréts de mon ame, a 1'acquifition d'une félicité éternelle. Et ce petit refte de jours, combien encore n'eft-il pas diminué d'ordinaire par ma propre faute, par un erfet de ma foibleife! combien de jours ont été facrifiés au vice & fouillés par le pêché! Dieu de miféricorde, que cette penfée eft humiliante, qu'elle eft propre a me confondre! Ici, il n'y a que la doctrine a jamais falutaire du mérite de ton fils , qui puiife calmet mon eifroi & m'arracher a une mifere éternelle. Ah! combien d'heures que ton amour paternel me confioit pour acquérir 1'éternité, ont été prodigués follement & avec la plus noire ingratitude ! heures précieufes, durant lefquelles hélas! je me fuis égaré loin de toi, loin du meilleur, du plus tendre des peres! O Dieu ! peut-ètre les ai-je facrifiées ces heures au monde, a la vanité, a 1'oifiveté, a de faux plaifirs; peut-ètre les ai-je profanées par 1'impureté, 1'envie, la jaloufie, la médifance & par d'autres vices qui décelentun cceur dénué de refpect & d'amour pour Dieu, & de charité pour le prochain; peut-ètre qu'au lieu •«de les emplöyer a 1'ayancem-ent de ton regne,  Sur les ceuvres de Dieu. 419 je les ai confumécs a m'oppofer a tes vues, a combattre tes deifeins , a porter le trouble dans la fociété & dans 1'églife. — Et même depuis que Dieu m'arendu meilleur & m'a infpiré le defir de marcher dans fes voies, combien de mes jours ont été enlevés fans retour a cette vertu qui fait ma feule gloire, ma feule Félicité ï Diflradions, froideur, féchereife de 1'ame, doutes, inquiétudes, défaut de douceur, défaut de pureté, toutes ces infirmités & d'autres encore, effets des défordres aduels, de la fragilité de notre corps, de la foibleffe de notre raifon, de la force de nos anciennes habitudes; ces défauts, dis-je , peuvent fe rencontrer chez ceux-mêmes qui ont fait de grands progrès dans le bien. Et cependant ma vertu, mon bonheur, en font non-feulement retardés dans leur accroiffement, mais plus ou moins affoiblis ou diminués. — Enfin avec quelle rapidité s'envole ce petit efpace de tems dont nous pouvons difpofer! une année s'écoule prefque fans que nous nous en appercevions , & cependant une année importe beaucoup a un être, dont la vie effedive & réelle peut fe calculer par heures. — Avant que j'y aie bien fongé, une année fe termine, & cela fans qu'il foit poflible de la recommencer. Je ne fouhaiterois pas de rappeller cette année, ni en tout, ni en partie, fi je l'avois employée au falut de mon ame. Mais a préfent que je vois combien peu j'ai vécu d'une maniere conforme ama deftination, je voudrois au moins pouvoir rappeller cette partie de 1'année, dont je fuis convaincu d'avoir fait un mauvais ufage. Mais c'eft en vain, 1'année qui fe termine, avec les bonnes & les mauvaifes adions dont elle a été marquée, tout eft englouti pour jamais Dd %  420 considêrations dans Péternité. — Pere miféricordieux, avec qui je fuis réconcilié par Jélüs-Chrilf. , ne permets pas que cette année devienne pour moi un fujet d'angoiife, lors de ma derniere heure, ni de malédi&ion durant Péternité. Eifaces toutes les fautes que j'ai eu le malheur d'y commettre, & daignes me faire grace a 1'inftant de ma mort, grace au jour du jugement, grace pendant Péternité. TRENTE-UNIEME DÉCEMBRE. i Cantique de louange pour la clöture de l''année. Seigneur, tu es le Dieu du tems, tu es aufiï le Dieu de Péternité! Je veux entonner un cantique d'allégrelfe a ta louange , & célébrcr ton grand nora. Une année va terminer fon cours. A qui fuis-je redevable de la continuation de mon exiftence? a toi feulement, a ta grace, a ta bonté miféricordieufe. Eternel, reqois mes adorations. Etre immuable, tu n'es fujet a aucun changement: & nous, foibles mortels, nous fommes, nous avons été, nous fieuriifons, & nous retouruons en poudre. Toi feul ne peux éprouver aucune variation. Tu as été, tu es, & tu feras d'éternité en éternité. Seigneur, ta fidélité dure d'age en age, & ta bonté fe renouvelle fur nous chaque matin. Non, il n'eft point d'inftant dans ma vie, oü tu aies ceifé de répandre fur moi de nouveaux dons. Tu m'as conduit paternellement durant 1'an-  Sur les ceuvres de Dieu. 4Jr nee qui va finir: & quand mon cceur étoit en proie au fouci, tu m'as préparé des confolations & des fecours. Je te loue, je t'exalte du fonds de mon ame; & de nouveau, je m'abandonne a ta fage conduite. Pardonne, ö mon Dieu , pardonne les fautes fi multipliées dont je me luis rendu coupable pendant les jours qui fe font écoulés. Daigne me faire éprouver encore pour l'amour de Jéfus ton fupport paternel. Enfeigne-moi a faire ta volonté, enfeigne-moi a te plaire durant tout le tems de ma vie. Inlpire-moi un nouveau zele, accorde-moi de nouvelles forces pour marcher devant toi dans les fentiers de la juftice. Rends-moi toujours attentif a la voix de ma confcience, & qu'animé, fancfifié par ton Efprit, mon cceur, rempli de ton amour, fe détache du monde pour s'unir a toi, ö mon fouverain bien. Le monde paife & fes plaifirs s'envolent: ce n'eft donc point en eux que je dois chercher mon bonheur; dès ici-bas je puis afpirer a des joies plus nobles. Je fuis apparenté aux anges , & le ciel eft ma patrie ; fais Seigneur, quej'y tende fans ceife. O mon Dieu, apprends-moi toi-même a racheter le tems, a marcher avec une fainte prudence dans la route qui mene a Péternité. Daigne m'alléger le poids du jour, jufqu'a ce que j'arrive au terme defiré, au repos que rien ne fauroit interrompre. FIN. D d 3  C 4" ) 3? ~A JB X J£ DES CONSIDÉRATIONS, Contenues dans le Tome troifieme. CAntique a la louange du très-haut. pag. f La tout e-préfence de Dieu. j Beauté ef diverfité des papillons. g Accroiffement des arbres. 1i Le fourmi-lion. I j Conformités entre les plantes &f fcj animaux. 17 Nature propriétés du fon. 20 Myjleres de la nature. 2 ? _Dej i/ewa; cfo animaux. 2J Les poiffons. 3 I _De /a propagation des animaux. 34 Influence de la lune fur le corps humain. 3 8 J)e j ƒ eaac follets. 41 _D« repwe minéral. 44 De quelques-unes des principales plantes exoti- ques. 4g Réjlcxions fur moi-même. 7-3 Comparaijon des forces de Vhomme avec celles des animaux. fj Injiin& naturel du papillon relativement d la pro- pagation de fon efpece. 61 La vigne. 6^ Cantique pour célébrer les muvres de la création £jf de la Providence. 67 Merveilles que Dieu opere tous les jours. 68 De la digeftion des alimens. 71  Table des Considérations. 42? Lafommc dis biens l'emporte de beaucoup dans le monde fur celle des maux. pag. 74 De la guerre que les animaux fefont entr'eux. 7 7 Utilités morales des nuits. 82 Sur Vindifférence que 1'on a pour les ceuvres de la nature. 8f Sur divers phénomenes Es? météores noBurnes. 89 Formation de /'enfant dans le fein de fa mere. 9? Des animaux amphibies. 97 PcrfeBion des ceuvres de Dieu. 101 Les'fruits. i°f Cantique de louange , imité du Pfeaume CXLVII. 108 Hymne a la louange de Dieu. 110 Effets du feu. iïï De VinfiinB & de Vinduftrie des oifeaux. 11 ƒ ReproduBions animales. 119 Des organes du goüt. 122 Du gouvernement de Dieu a Végard des événemens naturels. 125 Rkheffes inépuifables de la nature. 128 Des pétripcations. I?2 Tout fe fait par degrés dans la nature. I? f Chüte des feuilles. l?9 Différentes efpeces de terres. 141 Le vin. I4f Migrations des oifeaux. 148 Diverfité entre les arbres. If2 De la température dans les différens climats de la terre. ifS Athmofphere de la terre. if9 Proportion entre les naiffances Es? les morts. 163 Ravages Es? deJiruBions dans le regne de la nature. j66 De la circulation du fang. 170 Proportions de diverfes parties du corps humain. nr D d 4  424 Table des Considérations: De la navigation. pag. 179 Des bêtcs de charge de fomme. 182 Les femailles d'hiver. Ig6 Soins de la Providence pour les individus. 188 Mefure & divifion du tems. 191 Fin de Vete'. 19 f Magnificence de Dieu dans les ceuvres de la création. 198 Loix de l'inertie. 203 Befoins des hommes. 206 Des preffentimens. 2lo Cantique fur la puiffance &? la providence de Dieu. 213 Cantique de louange. 21 ƒ Créatures qui vivent dans la mer. 215 Sagejfe de Dieu dans la liaifon que toutes les parties de la nature ont les unes avec les autres. 219 Le/ lit. 12? Méfiexions fur 1'été qui vient des'écouler. 227 Jncommoditês de la nuit. 230 Méditation fur les bois %? les forêts. 2?? Du fens du toucher. 237 Souvenir des biens dont le printems & 1'été nous ont fait jouir. 241 De quelques animaux exotiques. 244 Diverfité des vents. 243 La chafifc. 2f2 Lesfonges.^ 2f4 Tout efl lié dans Vunivers tout concourt d la confervation des créatures. 2f8 Le fel commun. 262 Origine des fontaines. 26y Les cheveux. 268 Syflèmc du monde. 271 Les écreviffes. 274 Situatiën avantageufe &f commode des parties du corps humain. 27%  Table des Considérations. 42? Ordre §■? régularité du cours de la nature, pag. 28* L'hiver des contrées feptentrionales. 2,8*5 Des métamorphofes qui fe font dans la nature. 289 Grandeur de Dieu jufques dans les plus petites chofes. ■ Le froid augmente par degrés. 297 Méditation fur la neige. 300 Sommeil des animaux pendant l'hiver. 3G? Utilités des tempêtes. Eoénemens fortuits. 110 Grandeur de Dieu. 31? Motifs de contentement. 3'6 Souvenir reconnoiffant des bienfaits de Dieu. 318 Cantique de louange. 1-*-° Epoque de l'origine du monde & du genre humain. 321 Utilité du bois. 32f Obfervations fur quelques animaux. ?2g De laformation de la neige & de fes differentes jigures. 31 ? Sur les plantes d'hiver. Exhortation d fe fouvenir des malheureux dans cette faifon. 3?7 La nature eji une école pour le cceur. 34^ La bonté de Dieu envers nous fe mamfefie jujques dans les chofes qui nous paroifjent nui- f'bks' , 7 l ?4£ Révolutions accidentelles de notre globe. 348 Sentimens de reconnoiffance d la penfée des vètemens dont nous fommes pourvus. 3f2 Vètemens des animaux. Penfécs fur les ravages de l'hiver. 3 f9 Sagacitédes animaux pour fe procurer lts moyens de fubfifier pendant l'hiver. 36? Avantages de l'hiver. 3 65 Les élémens. 37° A&ion du foleil fur la terre. 374  416" Table des Considérations. Pluies d'hiver. pag, ^7g Pr étendue infiuence des planetes £f des étoiles'fixes. , . ?8i L e*oile polaire. iï^èr* ck fair enfermé dans les corps. 387 La mufique. ^f Farallele entre Vhomme g? fcj animaux. 39? Ca/cu/ relatifd la réfurre&ion d venir. 397 Penfées fur la naijfance de Jéfus. 400 ie /z'eu tfe /a naiffance de Jéfus. 404 £oin* <7«e Di'ew a pour les hommes dès leur naif- fance- 407 Terme de la vie humaine. 4! t Infiabilité des chofes terrefires. 414 Calcul de la vie humaine. 417 Pqntiquc de louange pour la dóture de l'année. 410 FIN de Ia Table.