EYHDEB \ \\ III \ ... - aMo^sieur ]\ [txter   3PHÏLOCTET3È a6and0nné dans L'lsLÊ dè lemnös, TRAGEDIE. Tradüite du Gfec de Sophóetei en irois AR es en Fers, ]?ar 1VL de la harpé, de l'Aca-demie Franeoife. Képréfentê pour la prémière fois au fhedire Frangois a la Haye le 3 Novembrè 1785. Sophocleo qua Carmina digna cothurno? Virg; A LA BAT Chêz H. CONST APELji Librairs» MDCCLXXXV.  ACTEURS. Philoctete, . . . Mr. du Beis. ÜLYSSE> Mr. Chevalief. Pyrrhus, Mr. Masfm. Hercule,dansmnuage. Mr. dn M*ih Un Grec. Sold ats. Li sem éji * mm.  philoctete', TRAGEDIE. ACTE PREMIER. Le Thédtre repréfente le hord de la mer. Os foit de cm £,> d'autre différente* ouvertures entre des rockers; mats la grotte de PhiloSlete tft fuppafée ne pouvoir être vue que dans 1$ fond du Théatre. SCÈNE PREMIÈRE* ÜLYSSE, PYRRHUS, deux Soldats Grecs. ULYSSE. w ou;s V0ICI dans Lemnos, dans cette Ifle lauvage, Dont jamais nul mortel n'habita le rivage. Fils d Aefaille , ó Pyrrbte I c'eflfw c4 bord fatal, As Au  4 P HILÖCTETÉ, Alt pied de ces rochers, prés de cette retraite t Que Ton abandonna le trifte Philoétete. % C'eft moi qui 1'ai rempli eet ordre de rigueur. 11 le fallait: frappé par qüelque Dieu vengeur, D'une incurable plaie éprouvant les fupplices, II troublait de fes cris la paix des lacnhces , De fon afcecl impur bles-fait leur fsinteté', Et fouillait tout le camp de fa calamité. Mais laisfons ce récit: le tems, le danger pretfe. Te veuK rendreaujourd'huiPhiloftetealiGrèce. 4'ü fait que dans cette Me Ulysfeeftdefcendu;, De nos trdvaux commüns tout fc frmt eft perdu le doisfuirfesregards. Vous,dontlenoblezèle promit a mes projets 1'appui le plus fidele, Approchez de eet antre,. & voyez fon féjour. Par une doublé isfue fl eft ouvert au jour; Un ruisfeau, fi le tems n a point tarifon onde Coule des flancs creufés d'une roche profonde Vous pouvez aifément reconnaltre a ces traits L'afyle qu'ilhabite: obferyez-en 1 acces. Tstchez de découvrrr s'il eft dans fa demeure. S'il eft abfent, je puis vous apprendre fur 1 heure Quels grands desfeins ici je dois exécuter Et fur-tout quels fecours vous devez leurprêter. FYRRHUS, s'atanfant au fond duThédtre. Au premier de vos foins je m'en vais fatisfaire. Oui, je crois voir déja ce fauvage repaire, Cette grotte..-. ï ULYSSE. Au fommeU peut-être eft-il livré'p yr.  TRAGEDIE. 5 PYRRHUS. Nul homme ne fe montre en ce lieu retiré. Tout ce que j'appercois , c'eft un lit de leuillage, Un vale d'un bois vil & d'un grosfier ouvrage,,, ULYSSE, Ce font-la fes tréfors, PYRRHUS. Des rameaux dépouillés ... Que dis-je!des iambeaux que le fang a fouillés. An! Dieux! ULYSSE. C'eft fa retraite: anosyeux toutl'attefte. Sans doute il n'eft pas loin ; fa blesfure funefte Laisfe bien peu de force a fes pas douloureux. Pourrait-il s'écarter? Hélas! le malheureux Eft allé fur ces bords chercher fa nourriture , Quelque plante, remède aux tourmens qu'il endure, ( Aux Soldats.) Vous, d'un ceil attentif, obfervez tout, Soldats; Que fon retour ici ne nous furprenne pas^ De tous lesGrecs.objets du courroux qui Tamme, C'eft Ulysfe fur-tout qu'i 1 voudrait pourvictime. (Les deux Soldats s'éloignent.) A 3 PYR*  6 PHILOCTETE, PYRRHUS. II fuffit. On fe peut asfurer fur leur foi, . Sur vos desfeius fecrets ouvrez-vous ayec moh Parlez. ULYSSE. Fils d'un Héros , fongezbien quelaGrèce A de fes intéréts chargé votre jeuiiesfe. L'E'tat n'a point ici befofn de votre bras, Et la feule prudeuce y doit giüder vos pas, Doit fléchir la hauteur de votre caractère. Quoi qu'nn exit><: enfin de notre niiniftère, Puurfervir la i'aii;e, il faut nous réuuir; El-le attend tuut de vous, & dok toot obteuir, PYRRHUS. Que faut-il? ULYSSE, II s'agit de iromper Philoctete. Jevoisl'étonnement oü ce feifl mot vous jette; Mais , n'importe, écoutez: il va vous demander Qui vous êtes, quel fort vous a fait abörder Sur les rochers déferts qui dé/endenr. cette Ifle: Dites-lui, fans détour, je fuis le fits d'Achille. Mais feigucz qu'animé d'un lier resfentiment, Et contre des i.ngrats irrité juftenieut, Vous ï-etournez au lieu oü vous prites naisfance, Que vous abandonnez lesGivcs &leur vengeance; Les Grccs qui, fbppTfaris, abaisfés devant vous , Trop inllruits qu'iliou doit tomber fous vos coups, Qnt  TRAGEDIE. 7 9at au piedde fesmurs conduit votre courage m qui de vos bienfaits vous nsvsnt Mrl'™,t-ra« r-1CÖ tyinoeaua AchUte ont dépouillé fon nis, iJe vos exploits, des fiens, vous ont ravi le pri*, Et prérerant Ulysfe, ont a votre prière Keluié 1 héntage & 1'armure d'un père. Contre moi-même alors , s'il le faut, éclatez kn reproches amers par le courroux dictés, bans craindre que ma gloire en paraisfe flétrie: On ne peut m'offenfer en fervant la Patrie; lt vous la trahisfez, fi Philo&ete enfin Ichappe au piége adroit préparé par ma main. Ne vous y trompezpas:fans les flèches d'Hercule, Xn vain vous nourrisfez 1'efpérance crédule Je renverfer les murs du fuperbe llion; Jlh, pour marquer le jour de fa deftruétion, \ faut que Philo&ete ailleaux remparts deTroye, Et des flèches qu'il porte llion eft la proye. vous kul de tüus ks Grecs, vous pouvez aujourd'hui, Sans crainte& lans danger, paraitre devantlui. Ji ne peut avec eyx vous confondre en fa haine; vous n'avez point prêté le ferment qui m'enehaine. /ous n'eütes point,trop jeune augré de votre ardeur, lepartanos exploits,non plus qui fon malheur. Aais, s'il favait qu'Ulysfe a touché ce rivage, N«usdevons,vous&moi,tout craindre defarage. C el la rufe,en up mot, qui feule dane vos mains rerapasfer ces traits dontles coups font certains; Ces iraits , dépot fatal, tréfor cher Sc terrible, Araesd'un demi - Dieu, qui lont fait invincible. A 4 Je  ff P H IL O CT ET B, Je connais votre cceur, il feint mal-aifément; Sans doute il n'eft pas né pour le déguifement. Mais le prix en eft doux,Seigneur;c'eft la viftoire. L'artifice eft ici le chemin de la glofire. Ofez i tromper pour vaincre, & n'en croyez que moi. Ailleurs de i'équité fuivons 1'auftère loi; Sachons-en refpecter les bornes légitimes; Aujourd'hui feulement oublions fes maximes,_ Je ne veuxrien qu'un jour,un feul jour;déformais A vous, k vos vertus, je vous rends pour jamais, PYRRHUS. A fuivre vos confeils comment puis-je defcem dre 2? Loin de les approuver, je foufFre a. les entendre. Ces- 1 Brumoy traduif. Ofons faire un crime Uier, mak nécesfaire. Cette phrafe , qui n'eft point dans 1'original, eft très-déplacée dans la traduöion. Sopho.de. ne met qu'un feul mot, qui fórme une efpèce de réticenee trés - adroite : roh/AtZ, " ofez, & nous fe•« rons enfuite vertueux." II ne fe fert point du mot de crime, qui eft beaucoup trop fort pour la fituation, & qui blesferait trop 1'oreille de Pyrrhus Ulyffe dit'feulement: " livrez-vous a moi , & oi> " bliez de rougir pendant quelques heures." (e«V oVifitS , qfAépcK lAifos /Sp«%ü , oo? jMii eixvróv. ï a pbfervé les convenances, & le Tradufteur les vble. 2 Brumoy traduit: vos confeils me font horreur } «»\tndrt. Tradufteur commet ici encore la. fleme. ......... ~ • ' fau-  TRAGEDIE. ? Cesfez, fils de Laërte, un femblable discours; Achille ne m'a point inftruit a ces détours: A fon fang, comme a lui, la fraude eft étrangere , Et ce n'étaient point la les armes de mon père. S'il nousfaut entralnerPhiloftete aux combats, Je prétends contre lui n'employer que mon bras, 'Faibte & feul contre tous, oü ferait fa détente i J'ai promis avec vous d'agir d'intelligence; Mais düt-on m'accufer de faiblesie & derreur, Jecrainslenom de traitre,il me fait trop d horreur. J'aime mieux, s'il le faut, fuccomber avec gloire, 'Que d'avoir a rougir d'une indigne victoire. ULYSSE- Et moi, Pyrrhus , ausfi comme vous autrefois , 3 Sans peur dans les dangers, dans les confeils , fans voix, ' Je faute. II outre 1'expreffion qui eft jufte dans 1'onginal. II y a dans le grec: «Ayaf.. x.Avuv; mot a mot, je fouffre a les entendre. Si lé Tradadeur avojr fait réfledjon que Pyrrhus finit par facrifjerfes répugnances ft juftes & fi nobles, il n'auroit pas employé le mot A'horreur. Ces nuances font effen-, tielles a la vérité dramatique. • 3 Brumoy traduit : Prince trof généreux, j'apfrouve de fi beaux & de ft nobles feminiens. II n'y a pas un mot de cela dans l'original: "fils d'un Hétos,_ & moi auffi , " quandj'étais jeune, j'ai cru, &c." K*utostav vso? *W> 8cc. Combien ce dialogue eft plus. vif &plus précis! !'. " A5  ïe PHILOCTETE, Je crus que la valeur feule pouvait tout faire. Aujourd hui que le tems me détrompe & m'éclaire, Je vois qu'il faut fur- tout, pour régir desE'tats: Que la tête commande & conduife le bras. PYRRHUS. Mais qiioi! e'eft un menfonge enfin qu'on me aemande. ULYSSE. Le menronge ett léger; la récompenfe eft grande, PYRRHUS. De fléchk ce Guerrier n'eft-il aucufl moyen? ULYSSE. La douceur ui la force ici ne peuvent rien. PYRRHUS. L* force i ce mortel eft-il donc indomptable? ULYSSE. Ses trairs portent la mort, la mort inévitable. PYRRHUS. Ainfi, Pon risque même a soffrir devant lui? ULYS-  TRAGEDIE. m ULYSSE. Ouj, ü 1'art ne vous fert$deguide& d'appui. . PYRRHUS. Trahir la vérité! le peut-on fans basfesfe? ULYSSE. On le doit, s'il s'agit du falut de la Grèee. PYRRHUS. Me réfoudre a tromper! moi, Seigneur! Ten rougis. ULYSSE. Eh! comment rongit-on de fervir fonpayst PYRRHUS. Quoi! pour fervir les Grecs, n'eft-il point d'autrt voie? ULYSSE. A Philoftete enfin les Dieux ont promis Troie. PYRRHUS. Ainfi 1'on m'abufait, lorsqu'on a prétendu Qu'a mes deftins,a moi, cetriompheétaitdu; Et mon cceur que flatta fon erreur & la vótre, » eijiyrak d'un honneur réfervé pour un autre ! ULYS-  n PHILOCTETE, ULYSSE, La gloire entre tou« deux eft commune aujourd'hui; IJ ne peut rien fans vous, ni Pyrrhus rien fans lui, PYRRHUS, '„ Eh bien, des Immortels il faut remplir Poracle; A leurs profonds desfeins qui pourrait mettre „ obftacle? „ Je dois vengerunpère,& foutenirfon nom: „ Cet honneur n'appartient qu'aii vainqueur d'Ilion. „ J'ai, pour le mériter, fait plus d'un facrifice... „ A Pliiloétcte au moins je puis , fans artifice, 9, Me plaindredesaffrontsdontje fus indigné; 9, Je tairai feulement que j'ai tout pardonm!. „ Puisqu'il le faut enfin , je confens qu'il ignore, „ Qu'offenfö par les Grecs, Pyrrhus les fert en* core. „ II en eoüte a mon coeur, & je cède a regret, '1 ULYSSE. Accomplisfez des Dieux 1'immuable de'cret, Le prix de la fajresfe & celui du courage, De qui leur eft foumis eft le doublé apanage, PYRRHÜ S. Je bannis tout fcrupule... on le veut . . . j'obéis. ULYS-  TRAGEDIE. 13 ULYSSE. Mes confeils dans ce cceur font - ils bien affermis? Pais-je compter for vous ? PYRRHUS. Ma parole eft un gage,, Qui doit vous rasfurer. , ULYSSE. Je retourne au rivage. Demeurez: attendez Philoftete'en ces lieux. Je vous laisfe un moment; & que puislent les Dieux, Mercure protecïeur, Minerve tutélaire, De nos foins partagés alfurer Ie falaire. Adieu. SCÈNE II. PYRRHUS, fiul. ]C/a pitié parle i mon cceur combattu.Sous quel affreux deftin Philoclete abattu Traine depuis dix ans fa vie infortunée l Sa misère en ces lieux gémit abandonnéc, Tourmenté de fa plaie, asfiégé de befoins,  h philocteTe, II fouffre fans remêde, il pieure fans tcmoins Seal, il conté fes maux a la mer, au rivage Sans avoir un ami dont la voix Ie foulaee Ignorant la douceur des ibins compatisYa'ns II n a point de foutien de fes jours languisfans Pas même ce plaifir, fi cher aux miftrSlM * K rT'ieiltruteUir.' d'entend>-e fes femblables, Tvi Pr i j huma,ins privé dans fes malheurs, O, el fon "Vd£S r0C5er< l6.POnd * fes Quel fort! & ccpendant, illuftre dans la Grèce Egal atous nos Chefs , en courage, en „obksfe' Pour un autre avenir il femblait deftinéA cette épreuve hdlasüesDieux lont cond'amné ! Nos jours lont leurpréfentj nos deffins, feS ouvrage: ' ffinreux gm_de leuxmain ne recut en uartaM Elmgjiaagpngers qui TÜTvHnTgrmdeuVr MairïïïTTóldat reTient. __s_*""em - SCÈNE III. PYRRHUS, un SOL DAT. Le SOLDAT. je i ai vu ie trainer d un pas appefanti, Trem-  TRAGEDIE. U Tremblant, par la douleur fans cesfe rallenti. II m'a vu; fur mes pas fans douteil vaparaltre. S G E N E IV. PYRRHUS, PHILOCTETE, deux Soldats. PHILOCTETE. J3[elas! au nom des Dieux, qui que vous puisfiez être, Etrangers,que les vents dans cetteIfle ont portés Doiï venez-vous chercher ces bordsinhabités ? Et quel eft votre nom? quelle eft votre Patrie « Vous m'offrez de la mienné une image chérie üui, ceft 1'habit des Grecs qu'avec tranfporc je vois. r Répondez, que je puisfe entendre votre voix Reconnaftre des Grecs 1'accent & le iangage, ' Ahln'ayez point d'horreur de mon afpeft fauva°-e. Jene fuis point a craindre: avez, ayez pitié D un malheufeux, du monde cYdes Dieux oublié La graceque de vous ici je dois attendre, C eft qu'aa moins vous daigniez me parler & tó'eMténdre. PYRRHUS. Soyex d«nc ft&ftft, a©us fommes Grev&. PHI-  iö PHILOCTETE, PHILOCTETE. 4 O Ciel! Après un fi long temps d'un exil fi cruel, "£) que cette parole a mon oreille eft chère \ Quel desfein , ou pour moi quel vent asfei profpère, A guidé vosvaisfeaux&vousmèneeneesheux? Parlez, & contentez mes defirs curieux. P Y R R H Ü Si On me nomme Pyrrhus; ie fuis lefils d'Achille,. Je fuis né dans Scyros i & retourne a eette Ifle* 'Vous favez tout. PHILOCTETE; 5 O fils d'un mortel fenommé ^. D'un Héros que jadis tnon ceeur a tant aimé! 4. Réponfe favorable a mon impatience! Chère 8c douce parole, après tarit de fi ence! C'eft donc toi que i'entehds! Quoi! mon hls, je te vOi,Ouel deftiri, quelhafard, quel vent heureux pour moi, T'a conduit iufqu'ici* confolateur aima'ble, Pour esfuyer enfin les pleurs d'un miferab e ? 3 Racine le fils. e Fils d'un pèré fameüx, digne appei de fon nom, O' du vieux Lycomède illuftre nournsfon, Habitant d'un pays fi doux a ma tfiémoire.  TRAGEDIE. Q du vieux Lycomède & 1'élève & la joie ? De quels bords venez - vous ? PYRRHUS. Des rivages de Troye» PHILOCTETE. Comment ? vous n'étiez point au nombré des Guerriers Qui contre fes remparts marchèrent les premiers, P Y R R H Ü S." Vous'-même, en étiez-vous? PHILOCTETE. - Vous ignorez peut - être Quel mortel devant vous le deltin fait paraftre," PYRRHUS, {[apart') (haut) II faut disfimuler. „D'oü puis-je le favofr? Pour U première fois nou's venons de vous_vmr.. Hélas! eft - cz .oi mcme ? oi'erai-je le croire? D'oü Viéns - tü r quek vaisfeaux i'amènent en ces lieux ? Bflike le fils,  i8 PHtLÖÖTEfE, PJJ.IL OC TE TE. Quoi! mon nom, mes revers, mafunefte aveutute! . . PYRRHUS. Je n'en ai rien appris. PHILOCTETE. „. ,. ■ , . . 0 combie de I'injure! Eh bien! fuis-je en effet asfez infortuné, Des Dieux & des mortéls asfez abaudonné? La Orcce de mes maux n'eft pas même informéc; On en étoufïe amfi jufqu a la renommée; Et quand e mal affreux dont je fuis confumé, Devient plus dévorant & plus envenimé, •Mes Mches oppresfeurs, dans leur fecrète ioie , Infultentauxtourmensdont ils m'ontfaitlaproie! O mon fils! vous voyez délaisfédansLemnos, Ce Guemer, autrefois compagnon d'un Héros , ïnutile béntier des traits du grand Alcide, Philoclete, en un mot, que 1'un & 1'autreAtride , i,xcités par ülysfe k cette Mcheté, Et feul & fans fecours dans cette ifle ont jeté, S!f-S? Sar J™ ferpent de Ia dent impin-e ' M infecta des poifons d'une horrible morfure. Les cruels!.., De Chryfa, vers res bords Phry- giens, ' Lavictoire appelait leurs vaisfeaux &lesmiens. Nous touchons k Lemnos: fatigué du voyage, Lefommeil mefurprend fous un antre fauva^e! Oh  TRAGEDIE. ï$ Ön faifit eet inftant, on m'abandonne, on part; On part, en me laisfant, por un refte d egard , Quelques vafes grosfiers , quelque vile pature, Des voiles déchirds , pour fécher ma blesfure , Quelques lambeaux, rebut du dernier des humains: Puisfe Atride dprouver de femblables deftins ! Quel réveil ! quel moment de furprile êcd'alarmes! 6i Que 6 Ó réveil! ö momeflt de furprife & d'alarmes! O fpedtacle! ö douleur ! que de cris! que de larmes ! Lorfque je me vis feul couché dans ces déferts, Ét mes vaisfeaux fans moi fendant le fein des mers! J'appelle, mais en vain, mes compagnons perfides, Et d'imprécations accablant les Atrides, Quand je jette par-tout un regard empresfé, Je ne trouve par-tout que ce qu'ils m'ont laisfé, Un fauvage rocher, folitude cruellé. Èt de gémisfemens une fource étetnellé. Quel fera le foutien de mes malheureux jours ? Le tems m'y fit fonger: mon are fut mon fecours. Aux habitans de 1'air je déclarai la güerre; Mais réduit a trainer mes membres contre terre, Pour chercher les oüeaux, par mes flèches percés, Ou des reftes de bois avec peine amaflés, Par combien de douleur ma pénible induftrie Me fit - élle acheter une mourante vie ! Le feu qu'en foupirant j'arrache des caillout ï De mes triftes hivers m'adoucït le courroux, ' Dans 1'horreur de cette Ifle inculte, inhabitée, Sans commerce, fans port, loin du monde écartde. Et dont les voyageurs craignent totis 'd approcher, B 2 ' Dans  ao PHILOCTE T E< Que d'imprccations! que de cris & de larmes-! Lorsqu'en ouvrant les yeux, je vis fuir mes vaisfeaux Que loin de moi les vents emportaient fur les eaux! Lorsquc je me vis feul, fur cette plage aride, Sans appui dans mes maux, fans compagnon j fans guide .' Je tan t de tout cóté des regards de douleur, Je ne vis qu'un dcfert, hélas! &lemalheur, Tout ce qu'on m'alaisfé , le défespoir, la rage !... Le tems accrut ainiï mes maux & mon outrage. J'appris a foutenir mes miférables'jours. Mon are, entremes mains feul & dernier recours, Servit a me nourrir; 6c lorsqu'un trait rapide Fai- Dans ces hombles lieux , que viendroient-ils chercher ? Non, ce n'eft: qu'a des vents pour eux impitoyables. Que je dois la douceur de revoir mes femblables. Les uns m'ont accordé quelques vieux vêtemens, Les autres m'ont laifle des reftes d'alimens: Tous m'ont plaint; mais, hélas! ö tendreffeinutile ! Qu'ai-je gagné de plus de leur pitié ftérile ? ,Tous m'ont abandonné : d'un horrible fardeau , Qui voudroit, ö mon fils! infedler fon vaiffeau ? Tel eft 1 etat affreux oü depuis tant d'années, Je remplis conicamment mes dures deftinées. Aux Atrides cruels, voila ce que je doi. Ulylfe leur appnt a fe venger de moi. Dans ce fupplice lent, c'eft ma mort qu'ils attendent: Voila ce qu'ils m' ont fait; que lesDieux le leur rendent! Rarine ie filsr.  TRAGEDIE. 21 Faifait, du haut des airs , tomber 1'oifeau timide , Souvent il mefallait, pour aller le chercher, D'un pied faible & fouffrant, gravir fur le rocher, Me trainer, en ram pan t, vers ma chétivc proie; II falloit employer cette pénible voie Pour brifer des rameaux, & poury recueillir Le feu que des caillouxmes mains faifaient jaillir. B_:s glacoris, dont Ffaiver blanchisfait ce rivage, 7 J'ex- 7 J'ai fuivi ici un fens différent de celui de Brumoy; il traduit ainli: "je rampais de mÊme pour '« chercher de 1'eau, & quand il falloit couper le " bois qui m'étoit nécelfaire , fur-tout dans les rigueur: " de ïh 'iver, ou l'ljle eft inondée, je n'en venais a bout qu'avec d'extrêmes travaux." Voici les vers grecs: npo> rSr' av tï t' iSn t< kcci 7Fcrbv AaEêïy, Kal ttov iroLyd %u8si<7©-*, oï» '%it/Aa,li SyAov /< ^ecijfoii , t«s3] dv ifytftcav ■rcïKot; B jAtj'XliVcójAtjV, La feule équivoque qui puiffe s'offrir dans le textc-, eft dans ces mots TtcLyt , la glacé étant fondue , que Brumoy explique par Ylfte inondée. Mais pour adopter ce fens, il faut faire quelque violence a la conftruetion naturelle, & changer la ponctuation. Car Brumoy a dü lire ainfi le fecond Vers, en mettant une virgule après yi\iA.oi[it qui n'eft point dans le texte, Kcti ms irayjs %vte\i\<&, ol* ^luxn, Su'As» ]i 6a#uf«« B3  stz PHILOCTETE, J'exprimais avec peine un douloureux breuvage. Enfin , cette caverne & mon are deftructeur, Et le feu , de la vie heureux confervateur, (Ont foulagé du moins les befoins quej'endure; Mais rien n'a pu guérir ma funeste blesfure. Nul commerce, nul port aux voyageursouvert, N'attire les vaisfeaux dans ce triste défert. On nevient aLemnos quepousfé par 1'orage; Et depuis fi long-tems errant fur cette plage, .Si j'ai vu des nochers , malgré tous leurs efforts, Pour obéir aux vents, defcendre fur ces bords , Je n'en obtenais rien qu'une pitié ftérile, Des confolations le langage inutile, Des fecours pasfagers, ou de vieux vêtemens; Mais malgré ma prjère & mes gémisfemens, Nul n'a fur fes vaisfeaux accueilli ma mifére, Ni voulu fur les flots me conduire a monpère. Depuis dix ans,mon fils,jelanguis dans ceslieux, Sans cesfe dévoré d'un mal contagieux, Vic- & alors il a pu entendre, er gladt fufa , qualiter Inertie , ( fit) ligni aliquid frangere. Moi, au contraire, j'ai rnpponc ces mots, kxI vrts ndyx yubévro;, au Vers précédent; ii r' ISn t) viai icqtqv Act&{iv, "8c " s'il failait chercher quelque boiflbn , er quidemgla" cie fuut, que je ne ^trouvais que dans la glacé " fondue, & de même dans 1'hiver ramafTer du *' bois, " &c. J'ai joint enfemble la fin du fecond Vers & le commencement du troifième, comme il 1'eft dans le texte, & j'ai traduit of*, par de même, panter, comme a fait le Scholiaftc Latin qui a fuivi le même fens. C'eft aux Helléniftes a juger.  TRAGEDIE. 23 Viclime d'une Mche & noire ingratitude, SoulFrant dans 1'abandon & dans la folitude. Les Atrides, Ulysfe, ainü m'ont attaché A ce fupplice'lent que leur haine a cherché; lis m'ont furpris ainfidans les piéges qu'ils"Te"ndent; lis m'ont fait tous ces maux: que les Dieux les leur rendent! PYRRHUS. Noble fils de Poean, je reffens vos malheurs; J'en détefte avec vous les coupables auteurs; Py reconnais la main d'Ulysfe & des Atrides; Eh! qui fait mieux que moi combien ils font perfides ? PHILOCTETE. Quoi!vous-même,Pyrrhus,vousont-ils outragé? PYRRHUS. Que puisfé-je du moins être bientót vengé! Puisfé-je apprendre aux Rois d'Ithaque & de Mycènes, A refpeéter le faug qui coule dans mes veines ! PHILOCTETE. De grace, inftruifez-moi de leur nouveaux forfaits. P Y Pv R H U S. Commentvous raconterles alTronts qu'ils m'ont iaits ? B 4 Quand  H PHILOCTETE, Quand la Parque d'Achille eut borné la carriè? re PHILOCTETE. Qu' entend -je? Achille eft mort! P Y R R II U S. Oui, Seigneur; mais mon père Sous les coups dun mortel' du möin's n'eft pas tombé, Sous les traits d'Apollon Achille a fuccombé. PHILOCTETE. O mort digne, en eflet, d'un Héros invincible ! Opèrtequi pour mpin'en eft pasmoins fenfible ! Pardonnez fi mes pleurs vous ont intcrrompu; Aux nünes d'un ami eet hommage était dü. PYRRHUS. Ce tribut douloureux pour mon cocur a des charmes ; Mais pour d'autres que vous , vous refte -1 - il des larmes ? PHILOCTETE. O mon fils! ... pourfuivez. PYRRHUS. Je pleurais ce Héros, Quand Ulysfe &Ph03nix , defcendus aScyrós', Alléguant un Oracle , &flattant ma jeunesfe, ' Vinrent, au pom des Dieux protecleurs de la Grèce l M'asfurer qua moi feul, h mon fang, a mon nom, Ap*  TRAGEDIE. 25 Appartenait 1'honneur de détruire llion , Que Pyrrhus héritait des grands deftins d'Achille. De me perfuader lans doute il fut facile. Le defir d'embrasfer les restes précieux D'un père que jamais n'avaient connu mes yeux, D'aller ofl'rir mes pleürs il des cendres aimées, Qui fous la tombe encor n'étaient point enler- L'ardeur de'le venger, le dirai-je? 1'orgueil De renverfer des murs qui furent fon écueil, Tout entralnait'mes pas. Par leCiel protégée, Ma Hotte, au fecondjour, touche au port de hi- Au fortir du vaisfeau, je me vois entouré De tout un camp, de ioie & d'espoir enivré. Tous jurent ala fois qu'on voit revivre Achille; Hélas! il n'était plus!... d'une douleur fténle A fes mines facrés je portc les tributs; Et 1'ceil humide encor de mes pleurs répandus, Je me préfente aux Chefs, & ma juste prière Réclame devant eux 1'héritage d'un père. Quelle fut leur réponfe! Oui, ces Mens font a vous; Dispofez-en, Seigneur, & les recueillez tous. Mais fes armes "d'.un autre ont étè le partage , Ulysfe les posfède. Indigné de 1'outrage, Des larmes de dépit coulèrent de mes yeux: Ces armes font a moi, j'en attest e les Dieux; (Dis-je alors.) de quel droit une tnain étrangere M'a-t-elle ofè ravir une armure fi chère? Je l'obtins, dit Ulysfe, & ce don mètait du; C'eft le prix du fervice a la Grèce rendu ^ Quand je fauvai l'armèe & votre per e même. A ces mots, révolté de fon audace extréme, B 5 Jex'  a6 PHILOCTE TE, J'exhale les tranfports d'un courroux éclatant, Et menace les Grecs de partir a l'iqftant. Si je n'obtiens raifon de ce vol facrilége. Jeune homme, medit-il, turi'ét ahpoint au Siëge, Tu n?as rien fait pour nous, & menaces encor t Ne crois pas a Scyros remporter ce trèfor, Tu ne Vauras jamais. Les Chefs, amis d'Ulysfe, Se déclarent pour lui, défendent 1'injuftice; Et moi, qu'un tel affront a percé jusqu'au cccur, Moi, qu'on dépouille ainfi fans égard, fanspu-. deur, Je retourne a Scyros, loin de cesllois perfides, Et plus qu'ölysfe encor, j'accufe les Atrides, Ce font eux qui, méchans avec impunité, Proteéteurs de la fraude & de 1'iniquité, Infeftent tous les cceurs de leurslaches maximes, Et tabtis du pouvoir cnfante tous les crimes. O Ciel! que rénnemi de ces Rois odieux, Soit 1'ami de Pyrrhus & foit 1'ami des Dieux! PHILOCTETE. Je vois qu'on vous a fait une cruelle injure. Ce n'eft pas fans raifon que loin d'un camp parjure, Vous avez vers Scyros prcsfé 1'heureux retour Qui vous a, gntce aux Dieux, conduit dans ce féjour. De Syfiphe en effet le rejeton profane. Du menfonge toujonrs fut 1'auteur & 1'organe; De 1'adroite impofture il aiguife les traits, Sa main eft occnpée a tramer des forfaits. Mais 5 de oucl eati Ajax a-t-il vu cette ofl'enfe? P Y R-  TRAGEDIE. 47 PYRRHUS. On ne 1'eüt pas ofé commettre en fa préTence. Mais le trépas d'Ajax a mis la Grèce en deuil, PIIÏLOCTETE, Dieux! Ulysfe refpire! Ajax eft au cercueü! Et ce fage mortel a qui 1'expérience Donnoit de 1'avenir la triste prévoyance, Neftor, mon vieil ami, 1'ame de nos confeils „ Qui confondit cent fois Ulysfe & fes pareils, Que fait-il? PYRRHUS. L'infortune accable fa viellcsfej II fe traine au tombeau, confumé de triftesfej II gémit d'être p.ère: il furvit a fon fils, PHILOCTETE- Antiloque? . . , PYRRHUS. Eft tombé fous des traits ennemis. PHILOCTETE, A de nouveaux regrets chaiiue moment me livre. Quoi! tous ceux que j'aimais ont donccesféde vivre, Ou fubi les rigueurs d'un deftin ennemi!... Et d'Achille du moins ce vertueux ami, Pa-  fi PHILOCTETE, Patrocle, dont les Grecs admiraientle courage? PYRRHUS. Du redoutable Heélor fon trépas fut 1'ouvrage. Telle eft la guerre enfin: Mars dans fes jcux fanglans , Moisfonne les yertus & fait grace aux méchansf PHILOCTETE. Grace au Ciel, mon attente eft trop bien confirmée, La mort a refpecté le rebut de 1'armée; Les Héros ne font plus ! auxlaches , aux pervers, Les Dieux femblent fermer le chemin des Enférs, Aux plus grands des humains ils en ouvrent la route. Ulysfe eft donc vivant!... &Therfite ,fans doute, Voila, 'voila les Dieux, & nous les adorons! PYRRHUS. Pour moi, je vous Pai dit, lasfé de tant d'aiFronts, Je m'éloigue a jamais d'nne odieufe armee Oü la vertu rougit par la briguè opprimée. Scyros eft pour mon coeur un léjour asfez doux, Et toujours la patrie a des charmes pour nous. Puisfc des Dieux fléchis la bonté tutélaire Guérir les maiixaffreux quevóüs fit leur colère ! Tels font, lils de Poean, tels font les juftes voeux Qüe Pyrrhus en partant peut joindre a fes adieu:;. PHILOCTETE. Vous partez! PYR-  TRAGEDIE. 4$ PYRRHUS. II le faut, & mes vaisfeaux n'attendent Que l'inftant d'obéïr aux vents qui nous com* mandent. PHILOCTETE. Ah ! par les Pmmortels de qui tu tiehs le jour, Par tout ce qui jamais fut dier ;i ton amour, Par les mines d'Achille & 1'ombre de ta mère , Mon fils, je t'en conjure, écoute ma prière,Ne me laisi'e pas feul en proie au défcfpoïr, En proie a tous les maux que tes yeux peuvent voir. Gher Pyrrhus, tire-moi des lieux oü ma mifère M'a long-temps féparé de le nature entière. C'eft te charger, hélas! d'un bien trifte fardeau , J* ne 1'ignore pas; Telfort fera plug beau De m'avoir fupporté : toi feul en étais digne; Et de m'abandonner la honte eft trop iniigne; Tu n'en es pas capable; il n'eft que les grands cceurs Qui fentent la pitié que 1'on doit aux malheurs , Qui' fentent d'un bienfait le plaifir & la gloire. II fera glorieux, fi tu daignes m'en croire, D'avoir pu me fauver de ce fatalféjour: Jüfqu'aüx vallons d'Oeta le trajet eit d'un jour. Jette - moi dans un coin du vaisfeau qui te porte, A la pouppe,a la proue, oü tu voudras.n'importe. Je t'en conjure encore, & j'attefte les Dieux: Le mortel fuppliant eft facré devant cux. Je tombe atesgenoux, ó mon fils! jclespresfe D'uiï  5» PHTLOCTETE, D'un effbrt douloüreux qui coftte k ma faiblesfe.Que j'obtienne de toi la fin de mes tourmens; Accorde cette grace a mes gémisfemens. Mène-moi dans 1'Eubcee, ou bien dans ta patrie; Le cliemin n'eft pas long a la rive chérie Oü j'ai recu le jour, aux bords du Sperchius.. Bords cbarmans , & pour rhoi depuis long- temps perdus! Mène-moi vers Pcean: rcnds un fils aforipère. Et que je crains, óCiel! que la Parque févère De les ans , loin de moi, n'ait terminé le cours ! J'ai fait plus d'une fois demander fes fecours. Mais il eft mort fans doute, ou ceux de qui le zèle Lui devait de mon fort porter 1'avis fidéle, Apeine en leur pays , out bien vite oublié Les fermens qu'avait faits leur trompeufe pitié. Ce n'eft plus qu'en toi feul que mon efpoir réfide;. Sois mon libératenr; ó Pyrrhus , fois mon güide! Confidère le fort des fragilès humains; Et qui peut nn moment_coinpter furies deftins ? TèT^ëpouste anjouTd'hui la milère importfine ,• Qüt"tombera dematn dans la même nTlorrXine.II ^ltjjejmrte prevöir ces retours riïiïïgërènx, Etlg^tHTielvTaifant» alors gTPon elt heureux. PYRRI1U & A la voix du malheur poufrais-je être infenfible ? Non, vous m'avez rendu le refus imposfible. Je cède a vos defirs; Venez fur mes vaisfeaux, Que leCiel, qui par moi veut terminervos maux, Accorde un vent propiCe a votre impatience, Èt nous conduife au port oü tend votre efpérancef PHf-  TRAGËDtÉ. 53 PHILOCTETE. Jourheureux! chef Pyrrhus, vous, compagnons chéris , O Grecsldans les tranfports de mes fens attendris Que ma reconnaisfance au moins fe fasfe entendre.' Pour un fi grand bienfait d'ailleurs cfue puis-ie rendre? Souffrez que Philodtete, abandonnant ce lieu A eet afyle encor dife un dernier adieu. ' Ma grotte, après dix ans, me doit être facrde. Venez voir ma demeure obfeure & resferrée, ' Et connaisfez quels maux vous daignez fecourfr • Vous nepourrez les voir, &j'ai pu les fouffrir' Et. la ndcesfitd . dxs loix la nlusfóyfr n». M'a rendu'bien fouvênt cette caverne chère„ HU H U S. Je ne m*oppofe point a de fi juftes foins' Prenez tout ce qui peut fervir a vos befoins. PHILOCTETE. Eh! quepuis-je emporter ? qu'eft-ce que ie posfèdej Daplantesde ces bords,feul ècfaible remède, M?c V f*?****" ^upn mes doüleurs. Mes feuls Wens font mon are & mes traits d^ isriicïetirs. PY&  & PHILÖCTETEf PYRRHUS.- Ah! fans doute ce font les flèches redouréeg Que de fon fang uripur 1'Hydre avait infeftées*' PHILOCTETE. Oüi, je ft'ai. point d'autre arme , & que puls-" fent les Ciéux Ne m'enlever jamais ce tréfor précieux! P Y R R H U S. Puïs-je toucher au moins ces armes révérées,. Que jadis d'un Héros les mains ont confacrées ? Puis-je les fegarder d'un o'eil religieux? PHILOCTETE. Ah! fur moi, irion Gher fris, tn peux ce quö tu veux. PYRRHUS. Rejetez, s'il le faut, ma prière timide, Et ne profanez point 1'héritage d'Alcide, PHILOCTETE, Ta piété me charme: hélas! n'eft-ce pas'toi Qui me rends a la vie , a ma familie, k moi? . Qui daignes fur ces bords, oü chaque inftanr me tue, . Relever nu «ifère * tes pieds abattue! Tü  TRAGEDIE. 3a Tu trompes les fureurs de mes vils ennemis; Jetais mort en ces lieux, tu parais, je revis; Prends fur moi déformaisune entière puisfance: Le plaifir des bons coeurs^e'eft la reconnaisfance., Cet are qui fut jadis un don creTamftiét"' Pourprix dé tes bienfaits,, te fera confié. Tu dois a tes vertus ceTiöble privilége; Nul n'y porta jamais unb main facrilége ; Nul, fans craindre la mort, ft'ofa s'en approcher: Viens , toi feul des mortels auras pu le toucher. Allons . . ; . Giel! .... 6 douleurs! PYRRHUS. Quellé fotldainé atteinte, Seigneur, de votre fein arraehe cette plainte ? PHILOCTETE. Rien . ; . . je te fuis .... ah! . . . Dieux! PYRRHUS. Que leur demandez-vous? PHILOCTETE. De nous ouvrir la route & de veiller fur nous. Dieux! PYRRHUS. Vous déguifez mal le trouble qui vous presfe; PHILOCTETE. Non: je reviens a moi; pardonne a ma faiblesfé , Marchons..... ah! je ne puis. C PYR-  34 PHILOCTETE, PYRRHUS. Comment? PHILOCTETE. II n'eft plus temps De te cacher encor de fi cruels tourmens. Non, c'eft trop,c"eft en vain dilïimuler mes peines Le poifon fe répand dans mes brülantes veines. Mon fils, avec le fer termine mes douleurs, Tranche, tranche mes jours .. .frappe, disje ... je meurs, Je meurs k chaque inftant. PYRRHUS. Mon ame intimidée De eet horrible état..... PHILOCTETE. Tu n'en as pas 1'idée. Mais prends pitié de möi, je t en conjure, hélas ! Que 1'aspeét de mes maux ne te rebute pas. Ne m'ahandonne point .... ma blesfure fatale Produit ces noirs accès , calmés par intervalle. Je dois te 1'avouer. PYRRHUS. Ne craignez rien. Qui! moi, Moi vous abandonner, quand vous avez ma foi' Venez, & rappelant votre force première.... PHILOCTETE. J'implo're, mon cher fils, une grace dernière. Le  TRAGEDIE. 3$ Le mal qui m'a furpris, fluit par le fommeil, Et le foulagement eft 1'effet du réveil. Maintenant abattu, trop faible pour te fuivre, A tes foins généreux Philoftete fe livre. Viens dans ma grotte, viens; je mets en ton pouvoir Ces flèches que tes yeux oflt fouhaité de voir; Mais prends garde fur tout que la force ou 1'adresfe N'enlève ce dépót qu'entre tes mains je laisfe. Je perds tout, fi jamais.... PYRRHUS. Non, foyez rasfuré, Je réponds fur mes jours dé ce tréfor facré. PHILOCTETE. C'eft mon unique bien, c'eft Ie feul qui me refte; Veuille le juste Ciel qu'il tefoit moinsfunefte Qu'ilnelefut, hélas ! pour Alcide & pour moi. PYRRHUS. Le Ciel nous eonduira;nousmarchons fous falois Puisje-1-il nous frayer une route profpèrei PHILOCTETE. II n'exaucera point tes vcemx & ta prière. L'indomptable venin, pasfant jüsqu'amon cosur. Dans mon fang embrafé bouillonne aveefureur; II redouble de rage, ils'acharne a fa proie Ahl ue me quittez-pas! amis,que je vous voie!.... C 2 Ne  36 PHILOCTETE, Ne vous éloignez point . . . , II faut, il faut qu'enfin. . . . Ulysfe, que ce feu ne brüle-t-il ton fein'! C'eft a vous, fils d'Atrée, a vous, o Rois perfides, A vous feuls qu'étaient düs ces tourmens ho- micides. O mort, dont tant de fois j'implorai le fecours, Mort, que toujours j'appelle & qui me fuis toujours, Quand me recevras-tu dans mon dernier afyle? C a Pyrrhus.) Prends le feu de Vulcain qui brule dans cette ifle^ Mets moi fur lebücher, comme jadis mesmains Ofèrent y placer le plus grand des humains. Le prix que j'en recus fera ta récompenfe Mais il'ne m'entend pas, je n'ai plus d'efpérance, Pyrrhus, oü donc es-tu, cherPyrrhus? PYRRHUS. T , Je gémïs , Je pleure fur vos maux. PHILOCTETE. Tu pleures, mon cher fils! Garde cette pitié; jure, quoi qu'il arrivé, De ne point me laisfer mourant fur cette rive. Ta bouche Pa promis; ton cceur ne peut changer. Mon mal eft effrayant, mais il eft pasfager. Je n'efpère qu'en toi. PYRRHUS. Soyez fans défiance. PHI-  TRAGEDIE. 37 PHILOCTETE., Qu'un ferment folemnel m'en donne 1'aflurance. PYRRHUS. J'en attefte les Dieux : recevez en ma foi. PHILOCTETE, Ah! neme touche pas, n'approche point de moi. PYRRHUS. Eh! quoi! de mes fecours voulez - vous vous défendre ? PHELOC TETE. Peut-être jusqu'a toi le poifon peut s'étendre, Laisfe - moi. . . . C'en eft fait. ... O terre de Lemnos! Recois donc un mourant qui fuccombe a fes maux. ( II tombe évanouifur un banc de pierre.) PYRRHUS, aux Soldats Grecs. Aidez-moi, chers amis; portons - le en fon afyle. Attendons le moment oü d'un fommeil tranquille La douceur falutaire aura calmé fes fens, Et fufpendu le cours de fes alfreux tourmens, (lis foutiennent Philoclete, & l'amenent hors du Thèdtre.) Fin du premier Acte, C3 ACTE  ACTE II. SCÈNE PREMIÈRE. PYRRHUS, feul. ( // tient h fa main Pare & les flèches (fliercule.) TT " JLjes voila donc ces traits, par qai la deftinée " Doit marquer d'Ilion la dernière journée, " Ces traits a qui le Ciel attacha notre fort, " Etqui d'Achnie èÜtiu doivent venger la mort. *f Philodtete en mes mains ainfi les abandonne! '' On veut les 1 ui ravir, & c'eft lui qui les donne! * Mais ce n'eft rien encor, fi lui-même avec nous " Ne marcheaces rempartsddvouésanos coups. « II eft loin d'y penfer, & tout prêt a me fuivre, " A mes foins, a ma foi 1'infortuné fe livre. *' Et je le trabirais ! Non : ce retour aflreux " Eft indigne d!un cceur qu'jja cru généreux. " II faut lui dire tout: c'elt trop en croire Ulysfe Trop contre Pifiloftete eiTndoyer 1'artin'ce ' " Abufer contre lui de fon honïbte état: " Tromper un malheureux eft un doublé at- " t'gntatP -«=5.' .-*~*~> Mais il vient. SCE-  T R A G' E D I E. ® SCÈNE II. PYRRHUS, PHILOCTETE, deux Soldats. PHILOCTETE. CX'éveil! 6 jour qui me ranime! Pyrrhus, eft il bien vrai! ta bonté magnanime, Par 1'excès de mes maux n'a pu fe rebuter! Pyrrhus prés d'un mourant a daigné s'arrêter! Et fans que mon malheur le fatigueoul'efFraye, II fupporte 1'aspecl &, 1'horreur de ma plaie! Achille t'a transmis fa générofité. Les Atrides ainfi ne m'avaient pas traité. Mais allons. Je fuis prêt a marcher au rivage. Le fommeil du poifon a fuspendu la rage. Viens. PYRRHUS. Que ferai-je, hélas! PHILOCTETE. Tu balances! ... ó Ciel! M PYRRHUS, apart. Oferai-je lui faire un aveu fi cruel? PHILOCTETE. La pitié que d'abord tu m'avais annoncée , Du poids de mes malheurs ferait-elle lasfée. C 4 PYR-  4° PHILOCTETE, PYRRHUS. O combien la vertu fouffre a fe démentir! PHILOCTETE. De quelle foute ici peux-tu te repentir? Les lecours que de toi j'attends dansmamifère, Ne feront point rougir les manes de ton père. PYRRHUS. C'eft moi qui dois rougir, moi qui fuis déformais Coupabl.e, fi je parle, & vil, fi je me tais. PHILOCTETE. Tuveuxm'abandonner, ton coeurfelepropofe; Tu veux partir fans moi. P Y R R I-I U S. Non, mais fi, je m'expofe A mériter de vous des reproches plus vrais? Même en vous emmenant,fi je vous trahisfais ?■ PHILOCTETE. "Toi!... que veux-tu me dire?explique cemyftère. PYRRHUS. Eh bien, fachez done tout: je nepuisplusrieu taire. PHILOCTETE. Comment ? PYRRHUS. Pour llion vous partez avec moi. f»H>.  TRAGEDIE, 41 PHILOCTETE. Qu'as-tu dit ? jufie Ciel | PYRRHUS. Daignez entendrc.., PHILOCTETE. Eh! quoi? Que veux-tu que j'écoute, & que prétends-tir faire ? PYRRHUS, A tant de maux enfin pour jamais vous fouftraire, Vous guérir, & bientót partager avec vous Un honneur que les Dieux n'ont réfervé qu'i nous. Sous vos coups, fous les miens , ils feront tomber Troye. PHILOCTETE, Ce font la tes desfeins ? PYRRHUS. Oui, le Ciel qui m'envoye, Du kfoin de les remplir nous a chargés tous deux, PHILOCTETE, Je fuis trahi, perdu; qu'as-tu fait, malheureux ? Pyrrhus, eftil bien vrai ? .. rends-moi, rendsmoi mes armes. C 5 PYR-  4i P H 1L O C T E T'Ey PYRRHUS. Je ne lepuis, Seigneur, & la Grèce en alarmes, JNe laurait aujpurd'hui voir changer fes deftins Quepar ces traits puisfans remisentremes inains' „ Je hu dois obéir, & je veux bien pour elle' „ Oublier, je 1'avoue, une injure cruelle. „ Mon coeur, qui s'en plaignait, ne vous a „ point décu, „ Mais j'immole a 1'Etat 1'affront que j'ai recu Imitez mon exemple. * PHILOCTETE. ^ O trahiibn ! ó rage! 8 Qtioi! tu me préparais eet exécrable outragel Lache, tu m'as féduit par d'indignes détours Pour m enlever ainfi Ie foutien de mes jours ! fct lorsque tu trabis la foi qui m'était due, 1 u peux me regarder & foutenir ma vue! Trom- 8 Brumoy traduit: è ra%e digne de ton nom ! c'eft un contre-fens étrange. Comment Philodete, qui ne parle jamais d'Achille qu'avec vénération, tomberaitil dans une contradidion fi choquante, lui qm un moment après dit a Pyrrhus, df*ï s^S'fflf yiywi, fils odieux du meilleur des pères • & ailleurs , quand ce même Pyrrhus lui rend fes armes, rt,y epuViv S' Un^t, u rinvov, e'£ |« , tu fais bien voir de quel fang tu es né ? 11 n y a pas dans Sophocle un mot qui puiffe fervir de pretexte ou d'excufe a cette iaute grave du Tradiiéteur. e  TRAGEDIE. 43 Tromper un fuppliant qui géinif. a tes pieds! Rends, mon fils, rends ces traits que je t'ai confiés. Tunepeuxlesgarder;c'eftmonbien,c'eftmavie, Et ma crédulité doit-elle etre punie? Rougis d'en abufer... au nom de tous les Dieux..» Tu ne me réponds rien ! tu détournes les yeux 1 je ne puis te fléchir!.... ö rochers ! ó rivages ! Vous, mes feuls compagnons , ö vous, moil* ftres fauvages, ( Car je n'aiplus que vous a qui ma voix, hélas! Puisfe adresfer des crisquel'on n'écoute pas,) Témoins accoutumés de ma plainte inutile, Voyez ce que m'a fait le fils du grand Achille. II promet de m'öter de ces triftes climats; 11 jure qua mon père il conduira mes pas; Et quand il me flattait de cette fausfe joie, Le perfide ! c'était pour me conduire k Troye. II confolait un coeur qu'il cherchait a frapper; Sa main touche la mienne, & c'eft pour me tromper! . It ofe me ravir mes flèches homicides , Pour en faire un trophée aux infolens Atrides! II triomphe de moi, comme s'ii m'eüt dompté! Il ne s'appercoit pas, dans ma calamité, Qu'il triomphe d'une ombre aux Enfers defcendue! Oh! devant que ma force en ces lieux fut perdue , S'il m'avait attaqué ! ... même tel que je luis, Ce n'eft que par furprife. . . Ah! Pyrrhus! ah! mon fils ! Souviens-toi de ton nom, reprends ton caractèfe, Sois femblable è toi-même, & femblable a ton père. Tu  44 PHILOCTETE, Tu gardes le filence , cV je te parle envain.... Antre qui m'as reeu, je reviens dans ton fein j J'y rentre dépouillé, privé de nourriture, Et je n'attends de toi rien que la fépulture. Tu me verras mourir: les liötes des forêts Ne resfentiront plus 1'atteinte de mes traits. Ma retraite contre eux n'a plus rien qui m'asfurc; J'en avais fait ma proie & fcrai leur pature; Et je fuis donc tombé dans ce revers affreux, Pour avoir cru Pyrrhus fincère &généreux! ... Ecoute : jusqu'ici mon courroux qui balance, N'a point auxlmmortels demandéla vengeance. Tu peux changer encore & céder k mes vee ux; Tremble d'y réfister, crains ma voix & les Dieux, FYRRHü S. Je ne crains que mon coeur: Philoftete, Ia Grèce, Les fermens que j'ai faits, la pitié qui me presfe... Ah! plüt au Ciel jamais n'avoit quitté Scyros! PHILOCTETE, Abjure des desfeins indignes d'un Héros. Aux yeux de 1'univers, aurais tu Ja basfesfe De tromper le malheur, d'accabler la faiblesfe? Tu n'es pas né méchant: quelque autre te con-. duit; Par de laxhes confeils, je vois qu'on t'a féduit, Le crime t'entralnait: que la vertu te guide, PYRRHUS. Quel parti prendre, ó Ciel! SCE^  TRAGEDIE. 45 SCÈNE III. PHILOCTETE, PYPJUIUS, ULYSSE, U LY S S E, arrivant avec précipitation. V^u'attenoezi-vous, perfide? Remettez - mor*» ces traits, PHILOCTETE. C'eft Ulysfe! grands DieuxI ULYSSE. Lui-même, PHILOCTETE, Ciel! oü fins-je ? Ulysfe dans ces lieux! Ah! lui feul a tout fait: ce cruel artifice, Tout eet affreux complot elt 1'ouvrage d'Ulysfe. Mes armes, c'en eft trop , mes armes .... Non, Pyrrhus Sait refpecler des Grecs les ordres abfolus. Ces armes font z nous: il ne peut vous les rendre. Vous , marchez fur nos pas : c'eft trop vous en défendre. Ne vous obftinez plus a réfifier aux Dieux, Ou je vous fais fur 1'heure enlever de ces lieux. PHI- fuite de Soldats. ULYSS E.  46 P H I L-0 C)T '£ TE, PHILOCTETE. Tu me menaces, traitre! .. . O Lemnos, mon afyle, Feux facrés de Vulcain, allumés dans cette ifle ! Vous, mes feuls proteéteurs, ó Bieux de ces climats, Vous voyez eet outrage, & ne le yengez pas! ULYSSE. Jupiter eft leur maitre, & c'eft lui qui m'amène. PHILOCTETE. Ainfi, tu fais les Dieux complices detahaine, Artifans du parjure & de 1'iniquité! ULYSSE. Je vous parle en leur nom; fuivezleur volonté. PHILOCTETE. Penfes-tu donc traiter Philoétete en efclave ? ULYSSE. Je le traite en guerrier & généreux & brave, En digne compagnon de tant de rois fameux, Qui doit renverfer Troye & triompher comme eux. Ne fuyez point la gloire a vos regards olferte: Venez , le Ciell'ordonne , & la route eftouverte. PHILOCTETE. Tant que eet antre obfeur pourra me recevoir, De m'arracher d'ici rien n'aura le pouvoir. Oui5  TRAGEDIE. 47 Oui, j'aime mieux mourir; du hant de cette 'roche, J'aime mieux a Finftant. ... ■ULYSSE, aux Soldats. Gardez qu'il n'en approche; Préfervez-le, Soldats, de fa propre fureur. ( Les Soldats envhonntnt Philoctete.) PHILOCTETE. O comble de 1'opprobre, ainfi quedel'horreur! O bras,jadis a craindre, aujour i'huifans défenfe! Du plus vil des morfels je recois cette offenfe! Lache,qui ne connaisni remords, ni pudeur, De ce jeune Héros tu féduis la candeur. Son ame noble & pure & femblable a la mienne, N'était pas faite, helas ! pour imker la tienne. ILdétefte en fecret les complots qu'il fervit; Sa faiblesfe docile a regret t'obéit. Son coeur fenfible & bon, dont j'entends le murmure, Se reprocbe a. prefent fa fraude & mon injure. A ton fatal génie il ne put.écbappEr, Et toi feul,en un mot, fus 1'inftruire a tramper! 9 Et 9 Brumoy traduit: ctfi {sou le fayoir qu'il a éié: le mniftre de ton lache a tifice. Cela n'eft ni exa.cfr pour la verfion, ni vraifemblable pour le fens. Pyrrhus ne pouvait pas ignorer les éeffeins d'Ulyffe. Ptó-. loctete lui même ne peut pas le croire,. & il lui reproche plus d'une fois tout le contraire. II y a daas le Grec iiQvn t' ohx x.' S%ihov]*, ce ieune hoi^.  +8 PHILOCTETE, Et maintenant encor, pour comblertes outragesV Tu prétends m'enlever de ces mêmes rivages Oü tu m'abandonnas , oü je vis délaisfé, Du nombre des vivans dès long-tems effacé! Ah! que puisfent les Dieux! . t , que dis-je? miférable, Les Dieux s'occupent-ils de mon fort déplorable? Et pourquoi répéter trop vainement, hélas ! Des imprécations que le Ciel n'entend pas ? Ses rigueurs font pour moi, fes faveurs pour Ulysfe. Tu triomphes, cruel, & ris de mon fupplice; Ma douleur fait ta joie, & ta profpérité Eft un affront de plus i ma calamité. Va, va t'en réjouir avec tes ehers Atrides; Vante-leurle fuccès de tes rufes perfides. Malgré toi cependant tufuivis leurs drapeaux, Tandis qui leur fecours j'ai conduit mes vaisfeaux. Us prodrguent pour toi kürs biéns&leur puisfance; lis m'ont abandoriné, voila ma récompenfe; Du moins tu les chargeais de ce crime honteux,Et toi-même a ton tour en es chargé par eux. Mais., dis moi, que veux-tu? Pourquoi dans fa retraite, Pourquoi dans fon tombeau troubles-tu Philoftete ? Je homme fimple & qui répugnait a t'obéir; ce qui sft trés différent de la tradudion de Brumoy.  TRACEDIÊ. 45» je fuis mort pour les Grecs ; & comment i tes yeux Ne fins-je plus un poids incommode, odieux, Offenfant les aiitels de ma préfenee impüre, L'horreur de tout un camp fouillé par ma olesfuref. C'étaient-la tes discours... . barbare, fi les Dieux Sontjuftes une fois , en exaucantmes vceux ... ; Et je vois qu'ils le font: je vois qu'ils vous punisfent; Leurs redoutables mains fur vous s'appefantisfent. De quelque trait fatal fi vous n'étiez frappés, A me chercher ici feriez-vous occupés? Eh bien ! égale enfin le fupplice a l'offenfe, Ciel, qui m'a fi long-tems refufé la vengeance! De mes longues douleurs entends le dernier crij Ëxtermine les Grecs, & je me crois guéri. ULYSSE; Aux transports violens d'une aveugle furie , Je n'oppofe qu'un mot: j'ai fervi la Patrie. C'eft-la mon feulhönneur, c'eft-la mon feul devoir. Sur les coeurs quelquefois ma voix eut du pouvoir; Mais je ne prétehds pas en avoir fur le vótre. Vous voulez demeurer, & jevoiis céde : un autrê Saura des lmmortels mériterles biénft^ts; Cet are eft dans nos mains garant de nos fuccèSi Le valeureux Teucer en faura faire ufage; Moi-même de cet art j'ai fait 1'aprentisfage, Et pourlancerces traits, arbitres descombats'^. ü Le  $o PHILOCTETE, Lt bras d'Uiysfe au moins peut valoir votre bras. Nournsfez k loifir la haine & la eolère, Habitez cette rive a votre ccsur li chère. Peut-être que les Dieux, en conduifant mes coups, M'accorderont un prix qu'ils deftinaieöt pour vous. PHILOCTETE. Toi! posféder mes traits & mon are homicide » Armes que fi long-tems portalegrand Alcide; Won,vous neferez point au dernie. des humains. Vous vous mdigneriez de pasfer dans fes mains. Quoi! tu te montrerais a ia Grèce étonnée. Paré de ma dépouille k ce point profanée l ULYSSE. Je n'écoüte plus rien: je pars. PHILOCTETE. v' • i Èt toi, Pyrrhus! vous, amis, a ma voix vous ne répondez plus ? pyrrhus, de votre coeur furmontez Jafaiblesfe bi vous ne me Imvtz, vous trahisfez la Grèce.' Venez fans lui parler, fans détourner les yeux P Y R R H U S. SoufFrezque nos Soldats demeurent en ces lieux 2ccoreduetvVon5 . VUl-  «|8 PHILOCTETE, PHILOCTETE. (Se levant avec joie & reprenant fes flêchos. ) Jereconnais ton fang a ce noble retour; Ce n'eft pas un Syfiphe a qui tu dois le jour. Tu viens de me montrer que la vertu t'eft chère , Que la gloire t'anime, &qu' Achille eft ton père. PYRRHUS. Ah! pour fon fils, Seigneur, il doit être bien doux De voir que ce grand nom eftfi facré pour vous. Vous avez oublié ma faute & ma faiblesfe. Eh bien, s'il eft ainfi , fouffrezquema jeunesfe, Inftruite par les Dieux, dicte leur voionré, Et s'arme contre vous de leur autorité. Seigneur, il eft des maux dont une loi févère Nous impofe"Tn""naistant le tardeau néceslaire, DeTtllaux dörit hul mortel ne péilt etTe èXénrpté , Que nous fait la nature & la fatalité. Mais lorsque nos malheurs font notre propre ou- vrage, ~~~r Lorsque nous repousfons la main qui nous fou- Rébelles aux confeils ckfojiirdjs_alJamitié, Noüs'dèvenons dès lors indgnesdepitié. Votre ameTrrinflêxTbTe,eIle aignTfiTblesfure; Les avis les plus chers font pour vous une injure. Tous Kk forns font perdus: le plus fidéle ami, S'il vent vous appaifer, vousfemble unennemi. Te parlerai pourtant, & je dois vous apprendre L'Oracle que fur vous les Dieux viennent de rendre. Le  TRAGEDIE. 5, Le Troyen Hélénus, ce Prophéte facré , Sur nos deftins communs eft par eux éclairé. Captif entre nos mains,il nous offre fa vie, Si fa prédiéiion fe trouve démentie. Le Ciel vous a puni: c'eft lui dont la rigueur Suscita contre vous le reptile vengeur, Du Temple de Chryfa le gardien redoutable, Alors que profanant 1'afyle inviolable A fes foins confié par les Dieux immortels, Vous alliez y porter des regards criminels. Vous ne verrez cesfer le fléau qui vous frappe» Qu'en cherchant parmi nous les enfans d'Escu« lape; » Qu'en prenant llion: la célefte faveur De fa chüte entre nous a partagé 1'honneur. De tous ces grands deftins digne dépofitaire, Avez-vous donc aux Dieux quelque reproche ü faire ? Ils vous offrent, Seigneur,les plus nobles travaux, Le bonheur, la victoire & la fin de vos maux. PHILOCTETE. Pourquoi trainé-je encore une inutile vie, Que leCiel dès long-tems devrait m'avoirravie ? Que fais-je, hélas! au monde oü je n'ai qu'a fouffrir? Faut-il combattre encor ce que je dois chérir 1 Qu'un mortel généreux qu'il fautquejerévère, M'adresfe cependant une vaine prière ! Pyrrhus, épargne-moi, cesfe de m'accufer; Va, mon dernier malheur eft de te refufer. Mais,  (q philoctete, Mais, que demandes-tu ? quelle eft ton injuftice? Veux-tu que Philoctese a ce point s'avilisiè ? Qu'il reparaisfe aux yeux des mortels indignés, Couvert de tant d'aiFronts qu'il aura pardonnés ? Oü porter déformais ma honte volontaire ? Ce t'oleil quivoittout, ce jour qui nous éclaire, Verra-t il Philoétete auprès d'Ulysfe aslis ? Et pourrai je d'Atrée envifager les fils? Qu'en puis-je attendre encore ? & lür quelle asfurance D'un avenir meilleur fondes-tu 1'efpérance ? Sais-tu quel traitement ils me gardent un jour? Va, de ces cceurs ingrats n'attends point de - retour. Le crime flétrit 1'aroe &ne conduitqu'aucrime. En leur faveur, dis-moi, qüel irltérêtt'ainmë? Je dois te 1'avouer; je m'étonne en effet Que tu ferves les Grecs après ce qu'ils t'ont fait. Toi mème me 1'as dit, que leur lache iniblence D'Ajax & de Pyrrhus outragea la vaillance, Et des armes d'Achille ofa priver fon fils; Et ton bras s'armerait contre leurs ennemis! Garde, garde plutöt le ferment qui te lie; Remène Philoétete aux bords de Thesfalie, Et toi-même a Scyros, tranquille & refpeété, Laisfe périr les Grecs comme ils l'ont mérité. Ainfi d'un malheureux tu finis la mifère; Ainfi dans fon tombeau tu confoles ton père; Et tu n'as plus la honte aux yeux de 1'Univers, De refter le complice & 1'appui des pervers. PYRRHUS. C'eft contre vous, Seigneur, que votre voix prononce, Le.  TRAGEDIE. 61 Le Ciel vent vous guérir: faclémence l'annonce: Le remède eft certain, & vous le rejetez! PHILOCTETE. Laisfe-les-moi ces maux: je les ai fupportés. PYRRHUS. Pyrrhus eft votre ami. PHILOCTETE. C'eft 1'ami des Atrides. Tu voudrais me trainer au camp de ces perfides , Ou de tous mes malheurs le cruel fouvenir.... PYRRHUS. II les vit commencer, il les verra finrr; Et pour vous delalutil n'eft point d'autrevoie. PHILOCTETE. Ne parle plus des Grecs, ne parle plus de Troye. Tous deux m'ont trop coüté de pleurs & de tourmens ; Je ne te dis qu'un mot; j'ai recu tes fermens. Veux-tu les accomplir? PYRRHUS. Je les tiendrai fans doute , Malgré tous les périls qu'il faut que je redoute» Dut la Grèce en fureur contre nous deuxs'armer. PHI-  6i PHILOCTETE, PHILOCTETE. Va, leur resfentïment ne doit pas t'alarmer. Pyrrhus aura pour lui la vertu qui le guide, La caufe la plus jufte, & les flèches d'Alcide, PYRRHUS. Eh bien donc, fuivez - moi. SCÈNE IV. PHILOCTETE,PYRRHUS,ULYSSE, de la fuite d'Ulysfe. N on, ne 1'efpérez pas$ Ulysfe & tous les- Grecs arrêteront vos pas. PHILOCTETE. Ulysfe! attends,mes traits vont punir cet outrage. PYRRHUS, le retenant. Ah! gardez-vous d'en faire un fi funefteufage, Vous les tenez de moi. PHILOCTETE. Dans un fang odieux Laisfe-moi les tremper.... PYR-  TRAGEDIE. $% PYRRHUS. Seigneur, au nom des Dieux... { Le tonnerre gronde. ) Ecoutez , leur voix parle , entendez le tonnerre j Leur pouvoir fe déclare. PHILOCTETE. r Oui, leur jufte colère M encourage a frapper mon indigne ennemi. SCÈNE V. & derntère. PHILOCTETft, PYRRHUS, ULYSSE, HERCULE, dam un nuage lumineux. Soldats. HERCULE. JVrrete, & reconnais Hercule & tonamï. Je defcends pour toi feul de la voute éternellfr. Je partage des Dieux la grandeur immortelle. 1 u iais par quel chemin je m'y fuis éïevé: " Par les mé mes travaux tu dois être énrouvé. ' l on fort eft de marcher dans l::s fentiers d'Alcide: buis ce jeune Héros quis'ofFre pour ton guide. L.a Crrèce fur tes pas conduira fes guerriers , £t Ie fang de Paris doit teindre tes Jauriars. ï>a vie elt dévouée aux flèches que tu portes. Du  É4 PHILOCTETE, Du coupable llion tu briferas les portes. Pour Pyrrhus & pour toi les deltins ont gardé Ce triomphe éclatant, fi long-temps retardé. Allez chercher tous deux votre commune proye; Préfente au vieux Pccan les dépouilles de Troye; Mais, lorfqu'en fon palais tu rentreras vainqueur, Rapportant dans Oeta le prix de ta valeur, Sur le tombeau d'Alcide offres- en les prémices j A mes flèches, a moi tu dois ees facrifices. Vas, de ta guérifon Efculape eft chargé. Rends gr&ce auxlmmortels qui t'auront protégé» Honore-les toujours: ta gloire eft leur ouvrage j D'un coeur religieux ils chérisfent 1'hómmage; Et la pure vertu, le plus beau don des Cieux, Ne meurt point avec Phomme v & fe rejoint —'■—aux Dieux. (Jl remonte dans fon nuage.) PHILOCTETE. Ö volx auguste & chère, & long-temps attendueF O voix avec tranfport de mon cteur entendue l Te vous obéirai: tous mes resfentimens Doivent être effacés dans de fi doux momens. Je me rends, c'en eft fait: fous ces heureux aufpices, Partons, brave Pyrrhus, avec les vents propices» Remplisfons le deftin qui nous eft confié: Je fers, en vous fuivant, les Dieux & l'amitié.- Fin du trotfome & dernier Actét