RIJKSUNIVERSITEIT LEIDEN 1 184 928 3  G U I D E DES VOYAGEURS est HOLLANDE; LETTRES, CONTENANT DES REMARQUES _ ET DES OBSERVATIONS SUR Lts prhcSpalei VILLES, la RKLIGION, Ie GOUVERNEMENT, le COMMERCE, la NAVIGATION, lts ARTS, les SCIENCES, let COUTUMES, les USAGES & les MOEURS des HAB1TANS DE LA HOLLANDE. A LA H AY E, -CflEfc D E T U N E, Libraire, M. D. CC. LXXXI.   AVERTISSEMENT. EN publiant ces Lettres nous ne nous fommes propofé d'autre but que d'être utiles aux Ktrangers, qui voyagent en Hollande, & qui n'onc pour guide que quelques Relations vagiics «Sc fautives de ce Pays. Peut être rnême que eet ouvrage ne fera pas entiérement inutile a plufieurs de nos Compatriotes, qui n'ont ni Toccafion ni le loifir de fe mettre au fait de bien des chofes, qui doivent cependant les intéreffer plus ou moins, en qualité de Citoyens. Divers Voyageurs FranQois ont publié leurs remarques fur cette Province. Mais ils fe font uniquement bornés a la description fuperficielle des principales Villes, fans entrer dans aucun détail un peu approfondi fur la Nature du Gouvernement j fur Tétat du Comraerce & de * 3 la  vj AV.ERiTISSEMENT. la Navigation, & fur plufieurs airtres objets auffi importans que cii- ♦ rieux. VAbbë Coyer (a) par exemple n'a rien vuquTen courant, & fe trompe lourdement a chaque page. Cependant peu de perfonnes fe donnent la peine d'examiner Ja vérité de toutes les allertions faufTes ou hazardées, dont la plupart de cesVoyages, ou Itineraires. fourmillent. Néanmoins la Hollande mérite d^tre bien connue. Cette contrée fmguiiére, qui fubfifte encore comme en dépit des Elémens, renferme plufieurs objets dignes de toute Fattention d'un obfervatenrPhilofophe; Son Etat Phyfique; les moyens, que la. fagacité induftrieufe de fes habitans a mis en oeuvre pour fe garantir dela fureur des Eaux; Cette heureufe conftitution du Gouvernement,qui affure la Liberté a chaque individu, fans (a) Voyages en Italië & en Hollande pa* VAbbë Cuyer. 11 eft I'Auteur des Bagatelles' Mm alt t & de qudaues autres ouvragts.  AVERTISSEMENT. xiy fans troubler 1'Ordre général; Cette fage Toiérance en fait de Réligion, qui renferrnée dans de juftes bernes affure la prospérité de cette République, en y attirant les Etrangers 9 & en y faifant lleurir les Arts «Sc les Manufadlures; Son Commerce étendu, qui entretient rabondance dans un fol humide «Sc ftérile; Sa Navigation, qui a porté le Nom Hollandois aux eKtrémités du Monde; Enfin les Arts utiles & toutes les Sciences que Ton y cultive avec autanr d'a&ivité que de fuccès, tout cela ne mérite t'jl pas Tattention d'un Voyageur éclairé, ou qui cherche aJe devenir? Cependant le plus grand nombre ne remporte de fes Voyages que desi idéés vagues, fuperficielles, & fouvent fauffes. D'ordinaire on n'a pas le tems d'approfondir plufieurs chofes. dignes d'être connues. Les difiractions continuellea que Ton éprouve en voyageant, la nouveauté des. objets, Pignorance de la langue, voilk les principaux obflacles qui P 4-. era-  tïfj AVEFTISSEMENT. empêchent la plupart des Etrangers de fe former de juftes idéés de la Hollande, Cet ouvrage efl principalement deftiné a leur faciliter les moyens de les furmonter. II nous manquoit une defcription abrégée mais exacte de cette Province , qui put fuppléer aux fecours dont plufieurs Etrangers font défütués; Ne fachant comment voir, ils fe trouvent dans la nécefilté de s'en rapporter fouvenc a leurs Conducteurs, ou mêmequelquefois a des Valets de place, a ces efpéces de Ciceroni, dont la fcience fe borne a indiquer les Edifices publiés, les Jardins, & les Promenades. C'eft donc, comme nous 1'avons déja dit, aux Etrangers que nous préfentons cet Ouvrage. II n'eft fait uniquement que pour eux, & encore pour ceux lk feulement d'entre eux, qui ne fauroient remonter aux fources, ni s'inftruire par eux mê-  AVE RT IS SE ME NT. * mêmes. Nous croyons pouvoir les aflurer qu'ils trouveront ici ce qu'ils chercheroientvaineraent ailleurs. On n'affirme rien dans ces Lettres que fur des autorités refpeftables, & Tori y obferveune exafte impartialité. Si quelques Lecleurs inftruits jugent que 1'on s'eft trop appéfanti fur certains fujets, nous répondons, que notre but étant de donner aux Etrangers une jufte idéé de ces chofes,. nous nous fommes vus dans la néceflité d'entrer dans des détails fouvent ennuyeux. Au refte nous dcclarons ici, que nous n'attachons aucun mérite quelconque a cette ■ Compilation; nous n'avons recherché d'autre gloire que celle de pouvoir nous rendre utiles. Un Citoyen obfcur n'en doit point rechercher d'autre, & nos talens répondent trop peu a notre bonne volonté, pour nous flatter que cette f oible produclion ait d'autre mérite que celui de PutiÜté. En un mot tout notre travail con-  x AVER TI SSE MEN T. fifte a avoir iu lire avec quelque fruit ce que d'autres ont écrit mieux que r nous fur les mêmes matiêres. Nous nous fommes un psu étendus fur les ouvrages des Hommes célèbres & des Artiftes en tout genre qui fè font diftingués dans cette Province, & nous efpérons qu'on ne nous en faura pas mauvais gré. 11 efl naturel a tout bon Citoyen d'ahner fa Patrie, & de la faire connoitre par les endroits qui peuvent lui faire honneur, «Sc lui concilier l'eftime des Etrangers. Si a divers égards ils n'ont pu lui refufer les éloges qui lui font dus, il en eft d'autres, auxquels ils n'ont pu lui rendre la même juflice; La Langue Hollandoife ne s'étendant pas au dela des bornes de cet Etat, les ouvrages écrits en Hollandois ne parviennent pas a PEtranger; Et voila la principale raifon , pourquoi les peuples voifins, a 1'excepcion d'un petit nombre de particuliers mieux inftruits, ignorent les progrès, que les  AVERTISSEMENT. xj les Hollandois font tous les jours dans i les Arts agréables & les Sciences utiI les. Ceux-ci peuvent néanmoins fe ; glorifier d'avoir eu & d'avoir encor parmi eux des Amateurs, qui les ; cultivent avec autant d'application : de goüt& de fuccès qu'aucune autre 1 Nation. On ignore par exemple I que la Hollande a produit des Poëtes , dont le génie & la fublimité égalent I fouvent Corneille & les auteurs les plus fameux. Pour les faire connoitre nous avons elTayé de donner une idéé de quelques uns de leurs Poëmes, & d'en traduire quelques endroits. Nous nous fommes bornés a ceux tfAntonides, de Hoogvliet & de Vondel, que Pon regarde a jufte titre dans ce Pays comme des Emu, les des meilleurs Poëtes Anciens. Les bornes de cet ouvrage ne nous ont pas permis de nous étendre fur plus lieurs autres Auteurs, tels que.Rfl/gans-i & furtout Smits, Auteur trés eftimé d'un Poëme intitulé de. I Rottefiroom {la Riviere de Rotte) &  xïj avertissement. & de quelques autres Poê'fies excellentes publiées aprês fa mort. Ainll Pon ne doit pas croire, que nous avons prétendu donner Pexclufion a divers grands Hommes, pour n'en avoir nommé que quelques uns d'entre eux. La forme épiftolaire nous a paru la plus convenable a la Nature de cet ouvrage. Elle excufe auiïi fouvent les fautes de ftyle, & c'eft fur quoi nou sdemandons la plus grande indulgence. let,  LETTRES D'U N VOYA GEUR. E N HOLLANDK lettr'e i. DORDRECHT. ■Anciennetê de cette Ville , fa GrandeuK Edifices publics, Scavans, Artijles, Pru vilèges, Conunercet Et At civil Religieux ; Par occajion du fameux Synode de 1619; en géneral de la Tolérancc Hollandoife, MONSIEUR. DOrdrecht la plus andenne& lx pro? mière Ville de la Hollande en rang orieux écrivuns du feifn'rne 5iéc!e. pétoit un homme d'unc ledure prodigknfe. On peut voir plufieurs circonftances de fa vie sflcz intereflantes, dans fes Lettres puWiées atondres en upo, Jla cinq Fils, dont il'asa eft le plus famewj.  Lettse I. Dordrecht. f .més font nés a Dordrecht , 1'Hiftorien Goedh.oven Ie Poëte Dekker la fca^ vante Marguerite GoDEWYKontpris naisfance dans cette ville. Le eélèbre graveur •Jéan de Teruenne vecut& mourut ici. Paul Merula, dont je viensde vous parler, étoit un Jurisconfulte, qui joignit a la connoiflance du Droit, celle des belles Lettres. II voyagea beaucoup , & enfeigna 1'hiftoire dans 1'Univerfité de Leiden. II fucceda dans cet emploi au eélèbre Jufle Lipje, & remplit dignemene cette place jusqu'en 1606. II mourut a Rostecb l'année fuivante, fes ouvragesfont trés eüimés. Dordrecht a la première voix dan& rafferablée des Etats foit a caufe de fon ancienneté, foit parceque ce fut dans cette ville , que les Comtes de Hollande. commencérent leur domination. Elle efl aufTi la feule des villes de la Hollande Méridionale qui ait le droit debattre de la Monnoye ,comme je vousl'aL dit.. Elle efl en poflesfion de faire décharger les vaiffcaux qui paffent devant fes murs, & de faire payer quelques droits fur les eftets vendus Ön nomme ce droit Stapel Regt. Stapel fignifie dans 1'ancienne .langue Anglo Saxonne mmché. Et comme ce fut Edouard ï Roi d'Angleter-re qui donna en 1282.ee privilégie a . A 2 ceux.  I Dordrecht. ceux de Dordrecht, il n'eft pas étonnant que 1'on dérive ce mot de 1'Anglois (n). Si c'eft un privilege , qi:e d'avoir Ie droit exclufif d'entretenir un Bourreau, Dordrtcht & Haarhui peuvent fe vanter d'en jouïr. Le Commercé languit un peu k Dordrecht. Jl confifte en Grains , Bois , Vins de Rhin , Chaux, Sel, Fer &c. Plufieurs fois dans l'année on voit descendre de Cologne des radeaux d'une longueur étonuante, & montez de plus de 3000 perfonnes. On croit voir une Ille flottante. Ces radeaux s'arrêtent devantla ville &il eft permis a tout le monde de venir admirer la. fmgulière conftruétion de ces batimens, & 1'ordre qui y regne. Le Directeur de la Plotte a un appartement rangé & distri bué avec beaucoup de goüt, & rempli de toutes les commodités de la vie; les matelots font distribués par Chambrées , & n'ont que Ie foin de veiller a la fureté des Cables , & des Cordes , qui unifïent les planches. Arrivés a Dordrecht on vendcebois, & les conducteurs retournent a pied dans leur pays. Ce fpeótacle, qui m'a beaucoup amufé,eft unique en fon genre. La Magiftrature de Dort fe divife en 2 Gaffes. £,a Stapk en Ang'ow IJgaiSe éarebi.  lettre I. DO rb hecht. f La prémière fe nomme Je Vieux Cm* feil y {Oud Raad) , corapofé de quarante Maires, (Vroedfc happen). . La feconde claffe eft compofee du BailJif,du premier Bourguemeftre & de neuf Echevins. Le Vieux covfeil a 1'intendance des criofes, qui regardent le bien être de la Ville en géneral , 1'autre eft prépoféau maintien du bon ordre , & de la Police. La ïoleraïice civile eft établieici comme partouc ailleurs dans ces Provinces; ce fut dans cette ville , que fe tinc en iój8 & 1619 le fameux Synode ou le parti Gomarifte triompha,& accabla les Arminiens. Les troubles. qui. défoloient la Hollande dans ce terfis-la femfcloient devoir fixer 1'attention fur des objets de plus grande importance, que fur ks querelles de deux 1 heologiens. Cependant cette dispute divifa 1'Etat, & il en fut ici comme dans les autres pais; la Religion fervit de prétexte aux animofitez, aux brigues, aux cabales, cbacun pric un "para fuivant fes interets , & cette querelle , qui auroit pü étre étouffeé dans fon berceau, fut la caufe de divers malheurs, ck de divers crimes, commis juridiquement. Qoqiqu'j] en foit, c'eft a ce temsqu'il faut rapporter 1'origine & 1'Epoque de la Con\ A 4 fes-  j? Dordrecht. feffion de foi, que profefient les Reformés en. Hollande. On convoqua un Synode general. Toutes lesEgliies Piotestautes de 1'Europe y envoièrent leur Députés, (a) & 1'on y fixa tous les Articles, dont on n'etoit pas généralemens d'accord. Ceux qui aspirent au Miniüère facré dans ces Provinces font oblige's de figaer lesréfolutions de ce Synode, & de promettre , de ne jamais enfeigner rien qui y foit contraire. Ceux qui favorifoient les fentimens d'Arminius , ne purent s'y réfoudre, & furent par la même exclus, ceux ci des charges & des Emplois, ceux-la des chaires qu'ils occupoipnt. Lear Pafteurs furent perfécutés; mais enfin la-raifon ne tarda pas a éclairer ïes esprits. Qn comprit que fi bruler neji fas-répondre (b) les autres-perfécutionsl quoique moins atroces, n'en e'toient .pas moins contraires a 1'Esprit de 1'Evangile, a la liberté, pour laquelle on avoit tant combattu , & au vrai bonheur d'un écat; Les fages Souverains de ces heureufes Provinces en veillant aux droits de l'Eglife Dominante, ne font pas moins attentie (j) Eyqepté celks da France, qui 'voient'e'é cor;VOquées; mai; Louïs XiV. leur defe'nditde ^> reudic • (,l>) Mo: de J. J. Rüufi'cau a 1'Aicheveque dc Paris..  LrTTRE I. ÜOKDSrCHT. 9 tifs a t'purer une des fpürces les plus folïdes de la grandeur & de la confervation de eer. Eta't , & la Hollande n'eft pas moins renommee par fa, fa ;e Tolerance, que par fon Commerce, & fon inJultrie. Comme on fe fait generalement des i'ces afléz fauffes fur la.Natun de cette Tolerance , que 1'on feint fouvent de ia cenfondre avec une criminelle indifTerence en matière de Ré'igion, j'ai tachéj Monfieur, pendant le féjour que j'ai fait ici de m'en procurer des notions claires & fuffifantes pour fatisfaïre a la jufte curio'itc ,cue vous avèz.de vous inftruiredé tout ce qui ré5arde ce pa\s ci ; voici en peu de mots le réfuïtaE de mes obferva-r tions & de mes récherches. Avant le Synode dont je viens de vous parler,on fuivoit fimplement la Doctrine de Calvin. Maïs comme les disputes ré* naiffantes laifToient une incertitud^ trop grande fur les principaux artielesdefoi, on convint.de choitirdes guides furs, deforte qu'apréfent le Catecbïsme de Heidelberg, fa Confijjion de Fo'i Brlgique & en particulier les Poji Ad.es du Synode de Dordre ht font ia regie invariablé de la foi en Hoüan e. Le Souverain en verf» des droits de. Ia Souveraineté a repris dans 1'Eglife, tou* tes ies préro&aüvea que Rome avoit afA 5 fee*  20 Dordrecht. feólées a fon fiége & que Ia fanarique faperftuion de Phiüppe fecond avoit iairoduke dans ces Provinces Les Miniftres des Autels ni leur Corps entier n'ont aucun Droit de s'ingérer ns les affaires pubüques, ou de fe foufrraire aux devoirs de Citoyen; Le premier de 2ous efl: pour eux comme pour toutes les autres clafies , \'bbê't(lane$. (a) II eft de même defendu aux Miniftres fous des peines trés févéres, de fe mêler de réprendre en chaire la conduite de ceux qui tiennent le timon de FEtat, d'exciter leurs auditeurs a. la fedition, a la révolte. Ainfi les Miniftres qui blamé~enr en chaire la paix de Munfter, & la décrioient comme pernicieufe & dangereufe a la République furent punis par les Etats, ainfi que le rapporte un Hiftoiien Hollandois (/;). Les Miniftres n'ont point ici de Tribunal particulier, & il eft permis d'appelier un Ecclefiaftique en juftice devant un juge féculier. On fcait les funeftes fuites qu'entrainérent après elles d'autres maximes, puifées dans le Code de Juftimen, (a) Ce qui arriva du tem; de Lciccfter n'eft pas une pituve du contraire. {bj Aytzma '1'.!. p. 527. V. Barbeyrac, s'il sfl permit ei'écbaffauder en chaire k May ft rat.  Léttre T. Dordrecht. ii nie * , favnrifées par les Papes, & tóüjouis 'fuivies par d'imbécilles Souverains. On fe rappelle le procés dé Malagrida, & 1'on frémit d'horreur. Ce n'eft: pas non plus aux Ecclefiafti ques a jüger ici,fi tetle' ou telle Religio' doit être tolerée, le Souverain s'eft ré fervé ce jugement, & 1'on ne s'en trouv que mieux. Cependant le Clergé a des droits ,ma ïnifigez p^r Ie Souverain. II lui eft permis de convoquer un Synode foit particulier foit genéral, mais. ne peut le faire fans connoiiiance & fans permifïion des Etats, qui y envoyent des Dépurez de leur Corps, que 1'on nomme CommiJJlihes Politiques, (a) qui doivent affifter aux delibérations du Sinode, empêcher des réfolutions contraires au bien de 1'Etat, & qui ont méme le Droit de rompre les alTemblées, lorsqu'ils le jugent a propos. Lorsqu'il ¥&&t de changer quelques chofe d'elfentiel aux Liturgies, & au culte extérieur, ce n'eft encor qu'avec la persniffion. du Souverain, que ces change- mens (e) Les Synodes Waltons ou Francais, quoique fonmis en toute chofe au Souverain . n'ont point de tels Commiflaires. M s'aiTemWeiit avpc la permiflion de L.L. HEL Pi'. & swn de qoetque PtöVince FsiticulisiSi A &  Dordrecht. mens fe font. Ljs Clergé a le droit dg juger des querelles Théologiques, & de fOrthodoxie de certaines propofitions, cependant lorsque cesdifputcs dégénéreDt en querelles fcandaleufes, & contrairts au mainticn de la paix, le Souverain a 3e droit d'impofer filcnce aux deux Par-; lis, & vous favez Monfieur, qu'en pareille, rnatiere c'eft toujours beaucour», gagner.. Les formules de priéres pour les pei:fonnes pubiiques font confignées par les Etats. 11 eft défendu aux Miniflres de rien changer a. ces. formule.?, & a 1'ordre indiqué. Le Souverain paye les Miniftres des fonds, qui dans le tems du Catholicisme étoient affeclez au Clergé.- On fe plaint avec raifon de 1'exiguité de la fomme, qui n'eft pas en tous lieux la même, mais ceux qui ont la plus forte penfion, -com» me les Pafteurs. d'Amfterdamj de Rotterdam. & de la.Haye-, ont tout au plus deux mille deux cent florins. Avec cela ils font rangés pourles Taxes fpus.une des plus fortes Claffes, & il eft irès difficile, que ceux qui font charges; d;.Knrants,&'ils n'ont rien par eux mêmes, fe, fc?utienrien| d'une maniere convenable 3  Lettre I. Dordrecht. 13 a leur état avec un fi foible revenu, fur tout dans u s grandes Villes. Le droit d'éüre un Pafteur. eft ordinairement attribué au Confiftoire du lieu, dans quelques endroits le Magiftrat a le droit de le choifir, dans d'autres il n'a que celui d'approbation , ce qui donne fouvent matiere a des difputes, qu'il feroit ai fes de prévenir, en établiffant une Loi uniforme pour tous les lieux. La Cenfure Ecclefiaftique fe fait par Ie Confiftoire du lieu, qui excomnfünie au befoin, c'eft-a-dire, qui exclue pour un tems de la participation a la Sainte Cène un membre de 1'Eglife, qui la dèshonore par une vie publfquement fcandaleufe. Cette excommunication , qui n'a lieu quebien rarement, fe fait fans aucun bruit. On avertit en particulier 1'accufé de s'abftenir de la Table Sainte, jusqu'a ce que par une meilleure vie il ait réparé lefcandale de fa conduite. Cependant fi celuïci fe croit cendamné injuflement,il peut s'addreffer a la Clafle (ö) ou au Synode, 2iitême au Souverain. Vous (n) La Clafle efl l'afistnblée des Fafleurs d'ua ccttain diftrifl., Tous ceux qui oat mie Eglife dwis.ce djflr.A fjnt feumis acettcClaffe. Et les Paftéurs qui vculent faiie imprimei leuts ouvages, doiveat priaUblement en A 7  14 Dordrecht. Vous a'lmirezfansdouteaVecmniMon- ■ fieur, la fage.Te de ces ordomances. . Vous y réconnoiilez la juftice & l'impartialké ordinaires aux loix & aux Coriftftutions de ce pays, maïs fi ces loix même toutes févéres qu'el'es font, fe trouvent fouvent impuiffantes pour réprim.r les audacieufes tentatives de quelques membres du Clergé, jager, qu'elles fuites ont eü dans les autres pays le pourair despotique donné au Ciergé,& dans :e fens aufii vous vous écrierés avec Lucrece. Tantum reüigio f otuit fuadsrc malorum. Cependant il faut rendre juftice au Sïergé de ces Provinces, fes membres 'ont en général remplis de 1'efprït d'une eligion, qu'ils annoncent digncment,, 3ons citoyens, ils favent rendre a Cefar :e qui lui appartient, & les annales de le ces Provinces ne font pas fouillées des ndécentes conteftations du Sacerdoce, & de n avoir obtenu 1'apptobation de la Claffe. Cette ap« robation condile. dans une Declaration, que la Cfoiïe i'a trouvé dans 1'ouvtage, qui a é'e remis a la eenure, rien qui foit rontr.ire a la faiftedoftrine, établie iat le Synoie de Dordrecht, le< Somulaltes d'UlliOD, 4 les poft i&t du Synode de Rotterdam,  Lettre I. Dordrecht. 15 de 1'Empïre. S'il fe trouve parmieux, quelque erprit féditieux, de ces hommes turbulens qui fe plaifent a faire naitre & a entreténir la discorde, &~la divifion, (&dans quelle claffède citojens ne trouve t'on pas de pareils hommes!) ils font en abomïnation'a leur Corps, & méprifez par lui comme les peftes de la Societé. On a fait fonner fort haut dans ces defniers tems les fervices qu'une Societé, proscrite a prefent, avoit rendu aux Lettres; les Pafteurs de ces Provinces ne font pas moins récommandables par leurs ouvrages, leur fgavoir & 'leur connoisfances, que par leurs inftructions & ■leur pieté. Mr. Martinet Pafteur a Zutphen en Gueldre, vient de donner a fa Nation un ouvrage, digne des fpéculations des Bonnets, & d'autres fgavans. Ce livre intitulé le Catechifme de la Nature fait remonter 1'homme a la connoiffance de 1'Etre fuprême par la connoiffance de fes ceuvres. C'eft peut-être ce qui a paru de meilleur en ce genre en Hollandois. On connoit les ouvrages des Basnages, des Beaufobres, des la Chapelle, des Saurins, & Meiïieurs Chais & Rover, font digiles d'être placez a coté de ces grands hom-  iö Dordrecht. hommes. Celui-ei eft depuis 30 An* Chapelain de S. A S Moafeigneur le Prince d'Orange ,& en méme tems Pafteur; de 1'Eglife Frangoife de la Have. *Celui la comme vous ne 1'ignor z pas, fans- doute, eft un des premiers , qui, ait défendu par- fa plume la falutaire pratique de 1'inoculation dans ces contrees, & il ne s'efE pas rendu moins utfle a fes Concitoyens par divers ouvrages fur cette matiere, que célèbre par fon Commen* taire fur le Vieux Teftament, dont le 6. Volume vient de paroïtre. Ayant obtenu 1'Em.éritat, il juflement. du aux. longs fervices qu'il a rendu. a 1'Eglife, il confacre le repos dont il jouit a conti-, nuer cet important ouvrage. Aprés vous aroir entrétenu ,Monfieur, des Droits du Souverain fur 1'Eglife Do^ minante, je vais achever ma tache, en vous inflruifant en peu de mots de ceux. qu'il a fur les Eglifes tolerées par le Gouvernement. Mais comme cette.lettre eft déja.allëz longue, jeréferve le refte pour le Courier prochain , & je finirai celle-Ci en vous alfurant que perfonne n'eft plus parfaitement que moi, &c..  LtTTRE II. Dordrecht. sp S;SS«©SB8©?S3SiS:5SSS;!©S!!a®SSS ■ L E T T R E II- DORDRECHT. Suite. Tolerance, SeBes défendues en Hollande. Départ dc ïAuteur. . MONSIEUR. LA République'a toujours confidéréia liberté de confcience comme un des fondemens de fa profperité, &defonbien Etre. Auffi toutes les Loix favorifent cette liberté, avec une fage modération, Perfbnne n'eft contraint d'embrafler la Religion Réformée, au contraire il eft permis' a tout le monde* de fuivre la Religion de fes Peres; La feule doctrine de So* cin y eft défendue. Les disciples de cet Héréfiarque ne font pas foufferts, & les li? vres qui favorifent cette doctrine font prohibez; A 1'exception de cette feéte toutes les autres font tolerées,. & elles jfikulffent de toutes les prérogatives de Citoyen de même que ceux , de la Keligion .Réformée , qui eft la dominante. Les. Catholigues llomains ont  DoitD HECHT. ont des Prêtres pour delTervir leurs Eglifês , comme les Rémonftrans, les Luthériens & les Anabatiftes leurs Miniftres & Jeurs Confiftoires. Les juifs y ont aufll plufieurs Synagogues. Quelle difterence, Monfieur, ce cette liberté avec les perfécutions que 1'on fouffre ailleurs; que le fort des 'Catholiques Romains dans ces Provinces eft doux, quand on le compare avec celui des Rcformez de France, qui jusqu'a prefent font cenfezne pasexifter (ö) , ou ne font foufferts que par connivence, & ou leur biens , leur état, leur vie même depend quelquefois du caprice on de la haine d'un Intendant. Ici nulle difference entre les citoyens de diverfes fe£les; excep» té celles que leur lleligion même demande. Un Memnonite par exemple appellé a ren dre temoignage,n'eft pas forcé d'aiiermenter fa dépoikion. Le Juif a une formule de ferment differente de celledu Chrètien. Le Souverain protégé les Relkions tolerées, & il n'eft pas permis aux Réformés d'infulter a ceux d'une' autre fecte, qui font comme euxpartie de la Republique. Que ( a \ Le Pariemcnt sllöJt s'oc:uper, difoit on , de ce«e importante affaire, & les efpeiaiices .ie tant de Cytoyens (eront er.eore, décues. & l'exiftéllce d'un fi giandnonibiede fujets rtfte encors precaire.  Lettre II. Dordrecht. 19 Quelques droits de moindre importance ne font pas accordez ici aux Réligions diffè'rentes de la Dominante. Par exemple, l'ufage des cloches dans leurs Eglifes, les Proceffions publiques, & plus fpécialement le Droit de féance dans aucun département de 1'Etat; Les Catholiques & autres Sectaires font cenfez inhabiles a tout emploi public; même a celui de Notaire; Un- Catholique peut cependant être Avocat, & j'en ai connu plus d'un a la Haye, & ailleurs, qui fe diftinguoit dans fon emploi par fa probité &.fa droiture auffi bien que par fon favoir. Les Prêtres, les Curez font tenus de jurer, qu'ils rejettent 1'abominable doctrine de Rome, que le Fape a le droïc de délier les fujets de robéiffance due a leur légitime Souverain; & au contraire ils engageront- toujours leurs Ouailles a la fidelité a 1 Etat, & que fous aucun pretexte il ne prendront d'eux de 1'argent pour la fondation, ou 1'entrétien de Monafteres, Couvens, & Hopitaux, fituez hors de la Jurisdicfion des Provinces-Unies. Les Juifs jouiiïent d'un fort auffi doux dans ces Provinces, que les Réformez. Ils ne fjauroient cependant exercer leurs loix Cérémonielles dans- toute leur^rigueur. Mais a cela prés, les Juifsqu'on nom-  so Dordrecht. nomme Portugais, font confidcrez & refpeclez comme les autres citoyens. l\e fe diftinguent des autres Juifs par leur propreté & leur maniere de vivre; Ils font rarement le Commerce. Le célèbre Mr. Pinto, connu par fes Leitres jur la Circulation cj? le credit , & par un Traité de Mstaphyfique, efl: du nombre des Juifs Portugais, qui jouiffent d'une réputation difünguée. Voila Monfieur en peu de mots ce que j'ai pu récueülir. foit par mes lectures, foit par la converfation , fur la Tolerance civile & religieufe de cet Etat. Je vous ai épargné beaucoup de dé» tails, qui ne font interreflans que pour les habi'ans de ces Provinces. J'ai feulement voulu fatisfaire a votre Curioficé, & vous donner unejufte idéedela Tolé-rance Hollandoife. Mes affaires ne. me. rétenant plus a Dordrecht je partis de cette Ville avant hier. Je préférai le chemin de terre a celui, qu'une barque fait tousles jours; & je confeillerois a tous les Ltrangers d'en faire de mème. On risque en allant par eau,de refter jusqu'a fix ou huit heures afaire un trajet, que 1'on fait par terre en deux heures. Outrequecette Barqueeft conitruite de fac.on, que la. meiikure place, &.confequemment la plu.;  I Lettre IL Dordrecht. 21 pfus chére, qui eft-dn cöté de fa poape, ; eft un petit appartement dans lequelon :i descend par une écheile, cette chambre eft fort étouffée; On n'y refpire fair j que par la trape, & 1'on n'eft par con|: fequent aucunément a 1'abri des injures i du tems, a moins que 1'on ne veuille fe |i réfoudre a créver par 1'odeur du ïabac, que 1'on f'umedans cette cave avec autanc | d'acharnement, qu'ailleurs. Le chemin de terre eft tres joli dans j k belle faifon; On paffe trois fois 1'eau; la première fois a Dordrecht, pour arriI ver a un village nommé Zwyndrecht, qui eft a 1'autre cöté de la Riviere. La I feconde fois a Yflëtmonde, & la troi» fième a la vue de Rotterdam. On dé1 couvre dela toute la Ville, &cefpe£tacle joint a celui de la Riviere, qui eft ! trés large en cet endroit, fait un coup I d'oeil raviflant. Je traverfai ia Meufe dans tme Barque fort légere, & le vent qui s'élévoit ne laifToit pas d'inquietter un nomme peu fait a ces fortes de voitures, fi le fiegme du Matelot qui ramoit, ne m'avoit raffuré. C'efr, une obfervation, que j'ai été a portée .de faire iouvent en Hollande, que ce fiegme fi fort réproI ché aux Hollandois, vient beaucoup moins d'indolence, que d'un fonds da ; itranquillité raifonnce, qui ne leur permet  sa Dordrecht." de s'effrayer qua la vue d'un danger biea éminent. L'eau, ce terrible ennemi des Hollandois, eft un élément, avec lequel ils fe familiarifent dés leur enfance; la Néceffité, mère de 1'induftrie , leur a fourni les moyens d'oppofer des barrières a fes attaques; & c'eft par cette raifon, que le ipeétacle le plus digne de 1'attention d'un Pbilofophe, eft celui d'un pays, qui par fa pofition fembloic inhabitable, entouré de la Mer, qui s'éléve fouvent au-defliis du niveau des terres de dix huit a vingt pieds, & qu'on croiroit ménacer ü'engloutir le pays. Auffi la réparation Sc 3'entrétien des Digues, eft une des plus fortes dépenfes de 1'Etat. La description de Rotterdam fera le fujet de ma lettre fuivante., en attendant j'ai 1'honneur d'être, &c. LET*  Lettre III. Rotterdam. 23 : LETTRE III. ROTTERDAM. Sa SUuation, Edifices, Scavans, Jrti/les', Covvnerce; Socièté Batave de Pbyjique experimentale. &c. MONSIEUR. "Tin) otterdam , efl: une des plus belles J|^X_ villes & des plus riantes de toute la HoMande , & la feptième de celles, qui ont une voix dans 1'Aflëmblée des Etats de cette Province. Elle doit fon état floriflant a fa fituation avantageufe pour le commerce, & pour la navigation. La Rotte arrofe» fes canaux , & fe joint a la Meufe, qui fe perd danslaMer. Des vaiileaux de 13 a 14 pieds d'eau entrent facilement a Rotterdam , & déchargent leur tréfors a la porte des Négocians. Les canaux font entourez de beauxEdifices; le Quai, qui regne le long de la Meufe eft planté d'une belle allee, & bordé de magnifiques maifons. L'aif de Rotterdam eft pur 3 & fort fain. Cette  24 Rotterdam. te Ville d'une forme triangulaire a dix portes. Six du cöté des terres, & quatre au S. E. du coté de la Meufe. Ces Portes font en général mal conftruites , ff vous en exceptéz celle de Delft, qui eft d'une trés belle architeclure, quoique peu proportionnée. 'Les Eglifes n'ont rien de fort remarquable. Une d'elles contient les tombeaux du fameux Mooi Lambert mort en 162 . du Vice Amiral de Wit , qui perit au combat de Ia Sonde, en 1658, en» fin celui du Lieutenant Amiral Kortenaar. L'ori dne du Zuider Kerk ( Fgüfe du Sad) eft finguliere. C'etoit autrefois te lieu , ou les anciens Comedü ns Hollandois, connus fous le nom de Rederykers , affez femblables aux anciens Troubadours, répréfentoient leurs miférables pièces. Après la Rcvolution,cetendroit fut deftiné au Service Divin des EcolToiscSt enfin on 1'adapta pour 1'ufage des Hollandois. Outre ces deux Eglifes on en compte encore deux autres pour les Réformez Hollandois. Onze Pafteurs defTervent ces Eglifes. Les Proteftans Francois en ont une. Les Anglicans en ont deux, & lesPresbytériens ont auffi 1'ufage d'une Chapelle. LesEcoflbis, les Rémonftrans les Luthériens, les Catholiques & le$_. Juifs ont des temples, des Eglifes, &.  i 'Lettre. III. Rotteream. 2^ ; des Synagogues. Sur lemarché, on voic la ftatue d'Erasme, en pied, & d'une grandeur coloffale. Les Connoiffeurs font cas de cet ouvrage. Des infcriptions indiquent le tems de réreétion de la ftatue, j qui fubit divers changemens. On parle d'élever un autre Hotel de i Ville a la place de celui, qui fe voic i aujourd'hui, & franchement la Ville ea 1 a-grand befoin. La Bourfe efl: trés belle. Cet édifice eonfifte dans un grand quarré, entouré de 1 larges galleries, foutenues par de belles [ Colonnes, La Faeade efl d'un bon gout. La Maifon nommée en Hollandois Ge. mèenlands Huys van Schieland efl: un grand batiment élevé en 1663. C'eft la que fe tiennent les aflèmblées , de ceux , qui font prépofez a la direttion de 1'entretien i des digues, &des chemins; On norame ces perfonnes Hoog Heemraden , & leur. emploi efl: conliderable. Cet Hotel bati dans 1'ancien göut Hollandois, a plus de 250 fenêtres. Le Cornmerce de Rotterdam efl: trés confidérable , furtout avec 1'Angleterre , & la France; La Biére de Rottardam efl: d'une excellente qualité ; & c'eft. celle, qui eft la ,plus eftimée en Hollande. Je ne ©ctendrai pas, Monjgeur f fuir § la  £0 . R O TTf EDAJÏ. Ia Conftitution de la Madftrature de cette Ville a peu de chofe prés, il en eft jci comme dans les autres villes de la Hollande. , tjn Confeil de 24. Maires, on Vroedfchoppcn, & un Confeil, dit de la Loi , de !>Vet,(\m confifle dans unLieutenant de Police , quatre Bourgmeftres , & fept" Echevins , forment ce que 1'on nomme cn Hollande la Regence de Rotterdam. L'Amirauté,ou Confeil de V'arine, eft après celui d'Amfterdam le plus confuiérable de la Hollande. Ses Magafins font bien fournis, &fes chantiers en bonétat. Rotterdam peut fe vanter avec raifon de plufieurs Grands hommes, qui ont pris nailfance dans fes murs, Erasme né le 28 Octobre 1467 tient fans contredit le premier rang. II a illuflré-fa Patrie; fonnom, &fon fiécle. II fit fes études en grande partie a Deventer en Overyffel.; fa mémoïre étoit fi heureufe, qu'il appric en peu de tems par coeur toutes les Comedies de Terecce, & tout Horace. H fut 1'ami de Morus ce célèbre Chancelier de 1'Angleterre; Celui civoyageant dans JesPaïs-bas, rencontre un homme vif, .preifant dansifesr raifons , & «'énongant Hvec beaucoup de faeilité; après- l'avoir ■entendu'Morus, s'écria,- Ou vous ites le Diahle, öu vous Jw &msw. C'étoit lui  Lïttre. III. Rotterdam. 27 même. On connoic auffi la réponfe dd Cardinal Ximénes a un des cenfeurs d'£rasme, réponfe qui peut trouver tous les jours ion application, Ou faites mieux-^ ou laiffèz faire a ceux, d qui Dien en a donnè le talent. L'Edicion !a plus com- I plette des oeuvres de ce Savant eft; de 1703 en 11 Volumes in folio. Joachiji Oud aan Poëce célèbre en Hollande naquit dans cette villé era 1628. II a compofé plufieurs Tragedies fort eftimèes dans le temps. David van 1 Hoozjlraten , & un grand nombre de Poëtes&dePeintresfont nés ici. Etien» ke Stbacy Ecoffbis, celui qui fabriqua la grande Sphére, que 1'on voit a la Bi- i bliothéque de Leiden ,écoit Bourgeois de Rotterdam. II y a peu d'Amateurs ici, qui ayenc : des Cabinets, dignes de 1'attention des •Etrangers; un particulier Memnonire nom*mé Bisfchop avoit une Col!e6t,ion immenfe de porcelaines fuperbes, de Lacques de la Ctiine , de deffeïns, & de '^ableaux des meilleurs Maitres. Mais : ce cabinet vient d'être vendu en detail, ; depuis la mort du PoflefTeur. Monfieur Le Bourguemeftre Geevers jsoflede un Cabinet d'Hiftoire Naturelle,quï par iordre qu'on y voit regner, ls beau-  2$ R OT T K U D A Vt. té & ia rareté des piéces efl un des plus -beaux de la Hollande. Mais ce n'eft qu'avec peine ,que 1'on .parvient a voir ce Cabinet; Monfieur •Geevers ne le montre qu'aux vrais Ama•teurs, & a des Etrangers de Diftinftion. .{Madame la Ducheffe de Chartres 1'a vifité pendant le fejour qu'elle a fait cet dEté en Hollande. Le Cabinet du Collége d'Anatomie fe • montre a tout le monde; II merite 1'at■tention des Connoiffeurs. Un Medecin nommé L. Stocke fut Tlnftituteur de la Soeieté de Phyfique „expérimentale de cette Ville. C'eit a lui en particulier que Uon doit le goüt que les Rotterodamois paroiffent avoir pour cette fcience: Les membres de cette Soeieté ont une trés belle colleólion d'ln■ftrumens de Phyfique fabriquez par 1'Arcifte Klay, connu par la netteté & 1'exac queurs fortes rendent cependant cette ' -iviile crès iioriffante. i I Onycompte 180 brafferies, dont 1'é- i Hpaüfe fumée fedécouvre deloin. Les mai- . .fons fout toutes noires de cette teinte, . & 1'odeur en eft fort désagréable. j • Les Edifices de Sehicdavi n'ont riefl de « rémarquable l.'kóul de Ville, & 1'Eglife Mollan- , . doif~- font baues dans 1'vtuc^ü gout go* j fttbique. . , li B 6. - s Le-  ■ Vfi S C H IE D A M5 Les crimes prétendus de Magie-, de Sorcellerie, ont été autrefois punis auffi" févérement a Schiedam, que fous ks Erapereurs d'Orient. En 1585 cinq Vieilles confeffèrent, d'avoir fait un Padïe avec. 1'Efprit infernal, & de s'être ftrvies de fon Pouvoir pour nuire aux hommas & aux Animaux.. Elles furent punies du dernier fupplice. En 1593. le Haut Confeil caffa une fentence dans un cas pareil, & depuis ce tems ni a Schiedam, ni autre part en Hollande, on ne.punit plus perfonne pour 3e crime de Magie. Cette datte eft trés remarquable. Depuis ces tems heureux ou la liberté religieufe & civile fut établie dans ces Provinces on n'entendit plus parlcr d'accufations de forcellerie, de poffcffions, Sc de tant d'autres crimes prétendus. Tandis qu'en Lfpagne&en Portugal Flnquifition continuoit debruler les forciers, que quelques années après le Curé de Loudun périfïbit dans les Flammes, & que 1'Eutope entiére fe refLntoit encore de 1'ancienne Barbarie. Permettez moi.une remarque a ce fujet. 1' xemple que je viens de vous don» ner de la douceur & de la fageiTe des Lxix de ce pays, & auquel je pourrois ca ajouter plufieurs autres, ne prouve t'il  Lettre IV.' Schiedam. 37 t'il pas, que c'eft a tort, que quelques Philofophes prétendent , que plus les moeurs d'un peuple font groffiéres, plus leur Loix font dures & cruelles. Cette aQértion trop générale eft démentie par 1'exemple de ces Provinces. l>ans un tems, ou les arts & les fciences étoient, pour ainfi dire, inconnus en Hollande, oü les Députez des Etats (d) prenoient leur-repas frugals daus les promenades publiques, oüle brulant amour de la liberté étoit le feul mobile de toutes les aótions, on fentit 1'afFreufe barbarie de ces peines cruelles pour des delits imaginaires. Depuis 1593 aucune accufation de ce genre ne fut intentée,& tout homme, mêmefuperficiellement inftruitde 1'hiftoire de ces tems la, ne peut ignorer quellesfanguinaires perfécutions on efTuyoit ailleurs. Ce n'eft que depuis un trés petit nornbre d'années, que les Nations en apparenee les plus polies, & dont les moeurs fembloieat ëtre fi douces, commencent a écouter fans préjugé la voix dé la raifon &jde 1'humanité; encore que de traits ae (a) On tapporte qu'tm Enwoyé de Madrid syam rencontré qui-ljues Depwez des Elacs, a(Iis fut un b»nc & naingcsnt un quignon de pain & de fromage, en a'.-'.ndant Vhtme de 1'AiTsmblée» i'lciia,C« tel {eupU tfl invintil/lü B7  3g Schik dam. faut il pas oublier dans les fafles de plus d'un Peuple! (a) VLAARDINGEN. . De Schiedam je me ren dis a Vlaak* eingf.n bourg a une demie lieue de cetre Ville. Ce lieu connu chez les Auteurs du moven age fous le nom de KJerditinga, & Phladithiga étoit autrefois une yiile ailéz puiffante, a préfent c'eft un bourg conlidérable. Son Port eft vafte & trés fur, il fut élargi en 1734. La Pêche aux Harengs faii le principal Comme ree de ce lieu, II fort plus de Vaiffeaux ( Buy zen ) pour cette pêche de ce bourg feul , que de tous les autres Ports. En 1563 on ne cotnptoit ici que deux Vaiffeaux, cn tv compte aujourd'hui plus de cent, jans parler de moindres Batimcns. Ce bourg eft aflVz joh, &. les Edifices publics bien t-ntenoir. La cuaritc ?.c!airée des Hollandois paroit ici corome dans toutes les autres Villes 1 ik Villages des 7 Provinces. Je veux-parler de ces fon. da- f» La punition de ce erand d*Efpagn( , auqucl 00 auioit du élévet des fls'ut-s, n'tn eft elle pas is. Rüuvtaii une tcuibi'c $£«u\2 ?  Lettre IV.' VlAardingen. 39 dations pieufes, connues dans ce pays fous le nom de Mnifins des Orrhdins, & Maifons d'S Mauves, fondations plus uti]es d beaucouo que les Couvens & les MonaOéres. Dans ces Maifons la vieilleflè trouve un azile agréable, & le repos fi néce.'aire a cec age. La Jeunefie eft inftruite dans les principes de la Religion ; & dans les premiers- élémens des fciences, dans la leóture, 1'écriture, & 1'Arithmetique. ■ On leur fait apprendre des Metiers hcnnêtes, la pareffe & fefprit de faineantife font proscrit de ces lieux, & a lage de 25 Ans, un jeune homme ou une jeune fille fortent de ces Maifons en état de fe foutenir avec honneur dans le monde. Les Régens de ces Maifons font ordinairement les Diacres du Lieu, & les Dames de la plus haute diftinétion ne fe réfufent pas a confacrer une partie de leur tems, aux fbins, qu'éxigent ces Etablifleraens. Monfieur van Leydeneft acluellement Seigneur de Vlaardingen II demeure a Leyden;& poflede un trés beau cabinet d'Eüarnpes, dont je vous parlerai dans la fuite. MAASLANDSLU YS. Mtaslandjluys eft un village charmant par  40 MA AS-LAND SLUYX" • par fa fituation, orné de belles maifons 3 Öi habité par des gens aifés. On y trouve 1'aifance, ]a propreté, 1'induftrie, chofes que 1'on voit ran-ment dans les Villages & même dans plufieurs Villes en d'autres Païs. Les Habitans de ce lieu vivent de la pêche aux Harengs & de la Morue. Ce dernier poiflbn fe prend dans la Mer du Nord, cipres des cötes d'lilande. Onfale cette Morue,&lepront de ce Commerce eft tres grand. Le petit peuple en confume beaucoup en Hollande. U y a deux Eglifes Hollandoifes dans ce village, 1'une n'a été batie que depuis quelques Années, ce qui prouve, que le nombredes Habitans augmente beaucoup,, De Maaslantljluys je me rendis a Delft, & c'eft dela que vous recevrez de mes nouvelles. Je fuis, c\c.; L t Tv  Lettre V. D-e l f t. 41 LETTRE V. D E L F T. Description de Delft. Edifices, Covfrairie des 'I b eurs. Tombeaux. des Princes, ci? de divers grands hommes. Sfavans, Artijlts, Commerce., Cifc. Delft, la troifième des Villes de Hollande, eft propre ëc bien conüriüte. Les Maifons font toutes alignéss, ScTair qu'on y relpire eft pur. Elle eft fitue'e au coeur du Delftland-, diftante au S. E. d'une lieue de laHaye,èe deux lieues au N. E. de Rotterdam, de 3 lieues au S de Leyden, & de 4 lieues a l'O. de Tergou. La forroe de cette Ville eft quarrée, elle eft entourée de prairies & de champs fertils, <3i arrofée par divers canaux, dont la Riviere le Schie entretient la fraicheur. Elle a fept Portes; Les Murailles font élèvées fuivant les anciennes regies de Forcifieation. Cetoit autrefois une des Villes les plus fortes de la Hollande. Toute la garnifon. confifte au-  42 Delft aujourd'hui dans une Compagnie d'In•vah'des, Lors de Kb een die, qui en 1536 confuma la plus grande partie de cette ville, on raconte qu'une Cigogne n'a^ant pu après d'inutiles efforts fauver fes petits, fe précipita fur le Nid enflammé, & fe lai.a confumer avec eux. Si ce fait efl: vrai, il n'eft pas unique., & l'Hjftóire Naturelle en fcurnit plus d'un exemple. L'Hotel de V-ille eil bien conftruit. 11 eft orné de plufieurs Tableaux c'e differens Maitres. ]\n vis un dans la charnbre des Echevin?, qui reprefentoit 1'asfaffinat de Guillaume panier ; ce tableau me parut de toute beauté. On conferve encor dans cet Edifïce une machine, faite en ferme de cloche-, (de Houten Huik), que 1'on fuspendoic autrefois au col de ceux, qui étoient convaincus d'adultère, ou d'autres crimes de cette nature, & on les conduifoit ainü par la Ville. Cette coutume fut abolie au commencement de ce Siècle. Le Piinfenbof , autrefois un Convent de Ste Agathe n'a rien de rémarquable. C'eft dans cette Maifon- que le Prince d'Orange fut aflafïiné. On montre encor les trous,que les balles firent dans lemur. VJrfenM 'de la Hollande eft i Drift; II eft un des, mieux entretenusdti'Europe. On  Lettre V. D fi t f t. 43 On y voit une immenfe provifion de i Canons, de Fufils & d'autres Armes. j Dans un autre endroit fe conferve le fal- pétre & le fouffre. Le Magazin des Poudres de la Généralité eft hors de la Ville du cöté de Rotterdam. Cet édifice eft entouré de Canaux; On prit toutes les précautions imaginabks pour fa conftruclion. La Pour dre fe conferve dans deux Tours, attenantes par un Pont lévis a une petite Ifle, qui les fépare. L'entrée de ces tours eft fermée de deux doublés portes ,couvertes de plaques de cuivre. Le dedans^ eft ii vouté, pour fe mettre ainfi plus a 1'abn L de la foudre, & d'autres accidens. Les :: eren aux, les ferrures, les clefs, tout ce j qui.dans d'autres endroits eft de fer >. eft ici en cuivre. Je ne vous parlerois pas d'un Logement nommé le Doelen, fi je ne croyois vous devoir faire connoitre une certaine ■Confrérie qui s'y raüemble, connue fous le nom de Tireurs au blanc, en Hollan^ dois, de Broedcrfchap van de Handbus. Un certain jour de l'année on y tire au Iblanc: celui qui remporte le prix, eft couronné. La fervante de 1'Auberge le pare d'un grand Cordon bleu, auquel pend une Medaille, que la Soeieté fait•battre a.cette occafion. Ce Roi eft pour toute  44 D E L F" T. toute l'année franc des Impots de iav Ville. Après un grand repas, on choiGé trois perfonnes, pour régler de concert avec Ie Roi les intéréts de la Soeieté. V Anatomie, ik le Jardin de plant es Medécinales n'ont rien de rémarquable. Les Eglifes de cette Ville font 1'objet \ de la curiofité des Etrangers; Et en efFet; les grands hommes qui y repofent, & les monumens qu'on y a élevé a leur gloire , xendent ces Eglifes intéreffantes non feu). Voyez^a Lettre. precédente. (">g, 33,  Lettre V. Delft» 43 'Philippe de Marnix, Seigneur de Ste Aldegonde, celui la même, qui tient une place fi honorable dans les Annales de la Répubfique. Ce Monument eft de la plus grande beauté. Dans une petite Chapelle on voit le tombeau de 1'Amiral Maarten Harte rts Tromp. La ftatue, qui repréfente ce Héros .eft couchée. La Téte répole fur un Canon, & le Corps fur le Gouvernail d'un VailTeau. On voit fur du marbre blanc la bataille,dans laquelle Tromp perdit la vie. Au deflus de la ftatue, on voit des Tritons, une -Rénommée, & des armes. Tromp fut un des plus habiles homcs de Mer de fon tems. II s'eft rendu .célébre par les vicloires, qu'il a remporté fur les Ennemis de la Republique. II défit en 1639 une nombreufe flotte Efpagnolle, & avec douze Yaiffeaux, il -en prit vingt, & brüla ou coula les autres a fond. II t'eft trouvé dans cinquante combats; & fut tué enfin d'un coup de Mousquet en 1655 en combattant, pour fa Patrie; Digne fin d'un fi ,grand homme. Antoine Leeuwenhoek célébre Phyficien Hollandois eft enterré dans la même Eglife. II a fait une iaïmké de décoav.ertes & d'expérjences, par  46 Delft par lesquelles il s'eft acquis une grande réputation. II excelloit furtout a tailler des verres pour des Microscope-s, & pour des Lunettes. II étoit de Delft , & mourut dans la même Ville en 1723. On lui a ëlevé un monument en 1739. C'eft dans 1'Eglife Neuve que 1'on voit 'etombeau de'Gu 1 llaoms Premier paiNCb d'Orange , le Liberateur de ces Provinces, & un des plus grands Capiraines du 16. fiècle. Les Etats Généraux lui firent éléver ce tombeau en 1609. Rien ne fut épargné de ce qui pouvoit contribuer a rendre-cet ouvrage magnifique. Sur trois Matches de pierre de touche pn voit le tombeau de la même matière. La ftatue du Prince y répofe, fous un del foütenu par vingt deux Colomnes de marbre noir. Au pied du tombeau fur la cinquième marche on voit une autre ftatue du Prince en èrirain , armé de toutes piéces, & fon casque a fes pieds. L'endroit ou la balie le frappa eft mar' qué au bas de 1'épaule gauche. Au haut de ce Monument on voit une Renommée en airain , tenant deux Trompettes; Cette ftatue d'un travail merveilleux eft en équilibre fur le pied droit. Le petic chien dü Prince, qui fe laüTa mourir de  Lettre V.. Dei ft. 47 de faim a la mort de fon Maitre, efl: au pied du tombeau en marbre noir. 'I out ce monument eft de la p'us grande beauté. Les connoifleurs mettent cet ouvrage au deffus de tout Ce que 1'Italie a produit d'excellent en ce genre. l es Corps des Princes d Orange, de leurs Epoufes, & de leurs Enfans font renfermts dans le même caveau. Grotius, qui étoit né dans cette 'Ville a été dépofé dans cette Eglife. Ce grand Homme efl trop connu , & fes ouvrages vous font trop famiiiers, pour qu'il foit néceffaire de vous en entretenir ici. ' Delft aproduitun grand nombre d'hommes illuflres en tout genre. Frederic Hknri Prince d'Orange, y prit naiflance. Ainfi que Van AuricBem, fcavant dans les antiquitez Judaiques , 1'Hiflorien Pontos Heute? r u s, les j urisconfultes G k a s wi n k e l & GiiOENEffegin; Leeuwenhoek, dont je viens de vous parler, & le fameux Penfionnaire Heinsiüs. On a de van Adrichem, qui fuivant 1'ufage de ces tems la fe faifoit appelier Adrichomios, le Théatre de la Terre Sainte wee des Cartes Geographiques. Cet ouvrage elf plus eitimé, qu'un autrc  4? Delft. autredu même Auteur, intitule', La Vis de J. C, Graswinkel étoit Avocat Fiscal de Hollande. Ses ouvrages principaux, font un traité de Jure Majejlatis, Mans liberi vindiciae, enfin une Diflèrtation de fide Haereticis & Rebellibus fervanda. Groene wegen a compofé un Traité de Legibus abrtgatis trés eftirné des Jurisconfultes Hollandois. Van Loon, Auteur d'une Hifloire Numismatique de la Hollande étoit de cette Ville. Son ouvrage trés recherché, réunit les graces du ftyle a la profondeur & au favoir. Jean Steen, étoit un Peintre de Delfi, dont les tableaus & la vie font également connus en Hollande. Toute fa vie ne fut qu'un enchainement d'avantu* res bizarres & burlesques,auxquel!es fon inconduite & fa gaieté donnoient lieu. II s'étoit marié a une Tripiere. Celleci s'étant mis en tête de fe faire peindre par fon Mari, & n'ayant jamais pü obtenir cette grace de lui,fe fit rendre cefervice parDf Mtor peintre de Leiden. Son Mari, a qui elle montra le Portrait le trouva trés beau, mais voulut y faire un léger changement. II prendfes pinceaux, & coëfe fa femme d'un £rand panier rernpü  Lettre V. D s t r t. 4$ de petits pieds & de têtes de MouCor. Le conftralte de cette coëffure avec 1'accoutrement endimanché de cette femme étoit fi comique, qu'elle partit elle méme d'un grand éclat de rire, & fe corrigea de fa vanité. Le caraétere comique de Jean Steen-, lui fuggéroit mille facéties, & mille tours plaifans. C'étoit le Scarron des Peintres* Son nomapaffe en proverbeen Hollande, de forte que 1'on dit d'un tour burlesque & comique; Ceji un tour de Jean Steen t ee peintre mourut en 1678 fi pauvre, qu'il fut enterré aux dépens de fes Confrères. Un Hameau prés de Delft donna naisfance a Poot, un des meilleurs Poè'tes Hollandois. L'Harmonie & la douceur de fes vers prouvent que la langue Hollandoife n'eft dure& réche, que pour ceux, qui ne favent pas la manier avec 1'habiletédePooT On peut comparer ce Poëte en quelque maniere a Racine, fi Racine n'étoit pas inimiiable. L'amour des belles lettres, & Ie goüt de la ledure fe manifefta de bonne heure en lui, II vendit un jour jusqu'a fa bague pour acheter un livre, dont il avoit en vie. Ses écrits lui aflurent 1'immortalité, & lapureté de fa diótion 1'a rendu 1'arbitre de iputes les diputes, qui s'élévent aufujet C 4*  $è Delft, de Ia Iangue Hollandoife. II mourut en 1734- ' La feule branche de Commerce qui fe foutienne a Delft, c'eft la Fayence. qu'on fabrique dans cette Ville. On fe fert de quatre differentes fortes de terre pour la faire, de la terre de Bralant, de celle ó'Jllemagne, que 1'on reecit deMuhlb im, petite Ville du Du^é ie i?e?^, de la terre noire, & de la terre de Delft. Ces quatres fortes bien melées fontmifes dans des tonneaux, ou elles.acquiérent ledégré Bé* ceftaire de confiflance , a force de les détremper dans 1'eau. Enfuite on les fait pafTer par un tamis de cuivre trés fin, & elles deviennent une terre glaife, après ê'.re féchées. De cette terre, q'ii acquiert beaucoup de fiexibiiité on forme toutes fortes de vahTeaux. On la fait cuire au four , & on 1'enduit d'un vernis blanc. Cette compofition confifte dans 1'étaim ou le plomb a"Angleterrc, mélé avec dufable, de fouda, Öz du fel. On y peint diverfes figures comme des fleurs , des oifeaux. Les couleurs dont on fe fert ordinairement font rouges ou bleues. Pour le bleu on employé du fouffre, & pour le rouge du Bolus." On met cette fayence de nouveau au four, & 1'on ne 1'en letire que vingt quatre heures après. Les frais de cette fabrique font confi- dé*  Lettre V. Delft. dérablcs. On employé trente ouvriers a Chaque four. L'etaim dont on fe fert pour faire le vernis efl: tres cher. La fayence de cette Ville efl: tres eflimée, cependant ou la imitée ailleurs, au grand prcjudice de ceux de Delft. Ceux cl ont depuis quelques années voulu-imker Ja Porcelaine des Indes, mais jusqu'icï' afTcz infruclueufement. II ne me refle plus en finiflant cette lettre que de vous faire remarquer, qu'il n'y a point de Juifs ici, ce qui eft affez fingulier en Hollande; Peut être cette n3tion indnflrieufe & commergante ne trouve t'elle pas fon compte dans une ville auffi tranquille que Delft. J'ai 1'honneur d'étre, &e.  R Y S W ï C K. LETTRE VI. R Y S W Y C K. €hdteau de Ryswyck; La Haye; Edificts Promenades fcf Amufemtns, Cabimts ,BiMotbeques, Sgavans, Artijies; Environs, Magijirature, & Cours dt Jujlice. MONSIEUR. DE Delft, je me rendis a la Haye; ëc en paflantje vifitai le Chiti.au de. Ryswyck, village fameux depuis la pair de 1697. clul y fut conclue emrcl'Efpagne, Ia Frame, YAr.gletcrre, l'Allemagne, & les Provinces Unies. Ce Chateau appartient aujourd'hui au Piince d'Orange, mais comme il n'eft point habité par ce Prince, on le laifie depérir. Toutes les chanrbres font démeublées. Celle ou fe tinrent les aflemblées eft vaffe, & remarquable par le ■fingulier effet de lecho, qui répéte ce qui fe dit d'une extremité de la chambre k 1'autre, meme torsqu'on parle bas; fans ,^ue peujc qui fout au milieu de la falie  LVttre VI; R'/swycx. $3 entendent rien. Les Jardins du Chateau font vaftes, & bien entretenus. , LA. HAYE. En arrivant'a la Have je ne fus pas furpris d'avoir entendu nommer ce I lieu le Bourg, le plus beau & le plus conI fjderable de 1'Europe. Sa fituation eft charmante; entourée I de vülages rians, de prairies fertiles, de I Vergers delicieux, & d'un Bois épais, on t| trouve les agrémens de la Campagne réuI nis aux plaifirs, que peuvent procurer le«plus grandes Villes. La Hay* eft fort peuplée, fuivant les calculs de M. Kerffèboom le nombre des habitans fe monte a 40000. L'air eft pur & fain. Le voiflnage de la Mer y contribue, & les rues font bien percées Les places publiques font en grand nombre, & même elles forment une efpèce de promenade. Le Vivier en eft une des plus agréables. On nomme ainfi une doublé allee ombragée de grands arbres^ qui regnent le long d'une piéce d'eau,qui entoure cet édifice que 1'on nomme ici la Cour. II ne feut pas oublier le Voorhout, ou avant bois, ainfi nommé paree que cette C 3 P1^  54 La Hay e, place efl; voifine du Bois, & Ie Pfoin ou ia Parade s'afiemble. Le plus grand de tous lesEdifices de la , Haye efl la Cour. Son enceinte conprendles appartemens du Stadhouder & de fa Maifon, ceux cü s'aflemblenc les Etats, & les Cours de juftice. GnUlaume II. dix huitième Comte de Hollande en fut le fondateur en 1249. Les Comtes y fixerent leur domicile qui avant ce tems ia étoit a Haarlem, ou a 'sGravezands, village a trois lieues de, la Haye. La Cour a trois entrees. La première fe nomme la Porte du Stadhouder. Paree q.u'il n'eft permis qu'a lui & a fon Illuftre. familie d'y pafler en voiture. La grande falie de la Cour eft dans Tanden gout. Le töit repofe fur du bus $ Mande, qui, dit on , ne p^urrit jamais, & dans lequel les araignées ne peuvent filer. On voit au haut de cette falie les Drapeaux & les Etendarts pris dans les differentes guerres que 1'Etat a foute* nu; C'eft auffi dans cette falie fur une efpèce de Tribune qu'on tire la Lotttrie. Les falies de Confeil, &.quelques au* tres appartemens font décorez de Tabjeaux des.pfus fameux Maitres. II y a une, j  \ Lettrü VI. La Haye. 55 «ne fuite de Tableaus, qui; reprcfentcnt les aclions deCiaudinsCmlis.par Huliein , que 1'on eftime cent mille écus. La chambre du Confeil de la Cour de Hol- * lande, eft ornée des chefs d'ccavres*du célébre Laireffe. Vous n'atiendez pas -Monöeur une des? cription particuliere de toutes les chambres des Etats, vous trouverez ces détails dans d'autres ouvrages; Au reftepouf une bagatelle on montre tous ces apparmens aux curieux. I.a iVlaifon, que Ie Prince Maurice de t&ffëu Gouverneur duBrezil, Sc batir,eft fort belle, mais les degrezqui étoient de bois de Ba-zil & les plancue-rs de bois de noyers furent confumez par une incendie en 1704. On rebatit depuis cette Maifon, telle qu'elle fe voit aujourd'hui. Le Grand Confeil de Guerre y tient fes afTemblées.' On y voit auffi une chambre qu'oeci.'pe les jours de féance une Academie ou Soeieté de Peëfie Hollandoife; Cette chambre eft ornée des Portraitsdes Mecenes de la Soeieté, & de ceux de» meiilenrs Poëtes Hollandois.. Cette Soeieté publie annuellement un Receuil des Piéces, qui ont merité le Prix, ou 1'Acceffit. • La La Fondtrie de Canons eft un objet C 4 digne  5$ Li Hay ï. digne de l'attention des Connoifleurs dé cet art deflructeur. Mrs de Maihz en qnt acluellemer^ la direftion, & remplisfent cet emploi d'une maniêre qui ne laifTë rien a defirer. VHStel de ville efl un Edifke enco? trés imparfait, la Fajade exigeroit bien une reparation; mais il faudroit conferve? la devife,qu'on y lit, Ne Juppiter quidcm minibus. Les appartemens de ce cet Hotel font trés beaux, & Ja galerie qui y eonduit eft d'un beau marbre blanc. On voit a la Haye, comme dans la plupart de Villes de Hollande des Ecoles Jjatines, ainfi nommées, paree que Temde de cette langue fait Toccupation principale des Ecoliersj Ceux qui preferent 1'E-ducation pubiique a Ja particuliere font cas de ces établiflèmens. On y enfeigne outre le Latin un peu de Grec, deforte que les jeunes gens qui fortent de ce3 Êcoles font ordinairement trés en état de profiter des Lecons Academiques. Au deflus de la Bourfe aux giains s'asfembie une Soeieté de Peimres & d'Amateurs; Les falies font ornées.de beaux tableaux. Les Maifons de Cbarilé font en grand nombre a la Haye. II y a au (Ti uneMai* fon pour les Orphelins, qui efl trés.bien diri-..  I Lettre VU La' Haye. 57 ; dirigée. On y diftingue deux clafles i d'Orphelins. On inftruit la première elafle dans la Religion, & on leur fait apprendre un metier. La feconde elafle eft comporée d'Orphelins nommée Renswouders: Ceux yi font idiftinguez des autres OrpfHins non fuulement par l'habit,mais furtout par 1'excellente education qu'ils recoivent. Une Dame de Rensivoude laifTaune fomme confiderable pour faire ap- • prenc're aux Orphelins, dans lesquels oa découvriroit des talens oudes dispofitions plus qu'ordinaires, la Phyfique & les au-» tres arts liberaux. De cette maifon fortent d'cxcellens artiftes. Mrs BlaJJïcrs & de la Fa'ille Mathématiciens connus leurs donnent des lecons. II y a trois Eglifes hollandoifes deflèrvies par neuf Pafteurs. On voit dans la grande Eglife le torn* beau du Lieutenant Admiral Obdam, qui ■ pent en combattant contre 1'Angleterre; en 1685. Franc-oife étoit autra* fois la Chapelle des Comtes de Hollande,. I que 1'on y enterroit; C'eft dans cette ! Eglife que repofe Jacqueline de Baviere. Le Celebre Saurin fut Miniftre dans ■ | cette Eglife. Ses fermons font trés efti* t lïies^ même par ies Catholiques. Les autres communions Chrétxennes ■ C. 5 onri  5$v' L A.., H"A Y.K. . ont toutes des Lieux d'aflêmblée, les Juifs ent deux Synagogues, dont celle qu'oceupentles Juifs Portugais eft la plus confiderable. Le Palais de la Vieille Cour appartient aujourd'hui aft Prince d'Orange. C'eft dans cet Hotel, que le Stadhouder donne des bals, & que fe tient le Cercle. . Les Ambaffadeurs & les Envoyez ont de trés beaux Hotels;Celui de l'-AmbafTadeur deFrance,& de 1'Envoyéd'Efpagne méritent d'être nommez. II y a deux Salles de Comedie k la Haye. L'une ne fert plus qu'a des Troudes ambulantes, fautre eft occupée par ics Acteurs Francoïs. La Salie eft petite & le théa're mesquin. Quelques Acteurs font affez bons, le refte eft déteftable. C'eft 1'ordinaire dans toutei les Troupes des Province. Voila Monfieur une notice bien courte des Edifices de la Haye; mais ces détails font fi peu intéreffans, que vous me fauxez gré fans doute de vous avoir éparrjué la faftidieufe description de Palais, d'appartemens, & de tableaux, dont les Voyageurs chargent d'ordinaire leurs Relations, f affons a des objets plus amuJgfc  i Lettre VI. • LA Haye.' 59 Le Cabinet d'H-Jiüiré Naturelle (a) ap- j partenant au Prince d'Orange a fixé mon attention; La difecïion en efl confiée a Monfieur Fcsmanr, %avant Naturalifte. Le Prince a affe&é quelques jours de la femaine-, ou ce Cabinet eft ouvert a tout le monde; & 1'ceil du Phi'lofophe s'arrête avec plaifir fur ces Magazins de beautez &-de cnofes rares. Ce qu'il y a de plus «urieiiK dans les trois regnes y eftdépofé. Les Gouverneurs desColonies Hollandoifes, les Voyageurs, en un mot. tous ceux qui poiïedent quelque pièce curieufe, fe (font un dévoir d'eu"faire part a un Prince gen.reux, Ami & protecleur des fciences & des Arts utiks, qui encourage les artiifes tic fertilife les talens par des recompenfes proportionnées au merite. Laüibliothéque & laColkctiond'EIram- pes (fl) M. de Couftanvaux dans fonu voynge fur /,« F.regntie t'rfwsre, dit que le Printte tient ce Cabinet lie fes Ancfirc?. II fe trómpe. S. A, en a fait l'ac« quifitlon il y a quelques amiées. Nous remarqucroiu Ici, que fi les Ca'culs & les obferuations de cet Auteur fur les Iongitudcs font juftes.il rie faut pas ajoatet également foi a la partie hittonque de fon Voysge. Au refte il'eft pr'csque mipofTible, que n'ayant éti qui cinq ou fix femaines en Hollande ce favant voyageur ne foit pas torrrbi dans quelque meptife. Les Auteurs i'un Journal intitulé Bibüeiblquc des Sciencei, cd ont islsvê. guclques-uneï dam U 39 vol. i?» l»/>. n°i& c 4  6o L A H'A Y 2* pes fe veient dans le même Hó tel;1. \ Ceux qui aiment les immenfes Maga* z?ns de livres, qui ne jugent de Ia bonté d'une Bibliothéque, que par fa grandeur f ne fe fatisferont point Li. Maïs ceux, qui préférent les choix des livres a leur nombre, leur bonté intpinfeque a leu* volume, trouveront ici ce que 1'on a écrit de - plus fatisfaifant dans tous lesgenres-. Comme ce n'eft. point une Bibliothéque publique comme celles du Vattican, de Paris ik de Leiden , on n'y> doit pas chercher des Manuscrits bien rajes, des foules de Commentateurs, des écrit,s polémïques & de controverfe, qui ïrouvent d'ordinaire leur tombeau dans «es Colleclions, mais on y tronve tout ce qu'il y a de mieux en fait de fciencesesacles, de plus raifonnabfe en Théologiês, de plus clair en Jurisprudence, de plus probable en Medecine, de plus lujaineux en Hiftoire, & de plus déiicat en, Litterature; La Colleélion d'Eftampes eÜ; fuperbe & d'une trés grande valeur. L'urte & I'autrefont admirer le gout du» Maitre, ik le choix du Bibliothécaire fait bpnneur a fon coeur & a fon. discernesjjent.. (a ); Le Prince pofféde auffi un Cabinet da Le? <^/;M. Pr fincmrt ancien Puc.pteur il«S.A.  Lettre VI. La Haye. ©ï Tsbleaux, ou 1'on trouve des morceaux dlun grand prix. On y voit les Chefs d'ceuvres de 1'Ecole Flamande , &• de plufieurs Maitres étrangers. Maisce qtii rend cette Golleftion vraiment unique, ce font plufieurs Tableaux en broderie d'un gofit .& d'un prix inefiimable, qui reprefentent- des carbeilles remplies de fleurs & de fruits. Mon admkation réioubla en apprenant que ces morceaux étoient 1'ouvrage d'une main auffi habiie que refpeétable, qui cn éxergantfurlestalens une generofité vraiment Royale-, les cultive avec autant da goütque de fuccè3: Ils font le fruit j)récieux des heures de loifir d'une Tête Augufte, qui fe fait un devoir de confaere principalement fes foins Li'éducation de fes Enfans, a 1'avancement des Arts, c* aux progrès des Sciences. Heureux les peuples, me difois-je ,qui ont le bonheur d'avoir de tels Chefs! II feroit impardonnable de ne pas vous parler do Cabinet deCoquilks deMr. Lyonnet ; Interprête, Maitre des Patentesoc Dechiffreur de LL. HH. PP., II joint a 1'exercice délicat de ces differens emplois un.goüt décidé pour 1'Hiftoire Naturelle, a i étude de laquelle il confacre fes momens de loifir. Le Cabinet de coquilles, qu'il a raüèmblé-avec autant de goüt lieue de long, & d'un quart de lieue de lai'ge. 11 eft ombragé de beaux Hêtres, & de chênesépais, qui portent le ca.raólère refpeclable de leur vétufié. La Nature y eft pour ainfi dire abandonïiée a elle méme, & 1'art n'en falfifie point la beauté. A la gauche du Bois eft le Mail, trés peu fréquente depuis plufieurs années. ' Dans Ie tems des troubles, & de la grande guerre contre 1'Efpagne, Philippe fecond défendit a fes foldats de caufer aucun dommage au Bois, & fes Soldats accoutumez a tout ravager, refpectérent cet ordre. En 1576, Leurs Hau» ,tes Puifiances réfolurent de le faire abattre & de vendre les arbres au profit de 1'Etat, mais les habitans de la Haye, ja? loux de le conferver,le rachétérent. Depuis ce tems on n'en a point abattu dix arbres, & il eft dcfendu fous les peines . les plus févéres d'y caufcr le moindredégac. •La ,  08 La Have. La Maifon du Bois auffi nommé-3r\ Orange Zaal (la Salie d'Orange) eft un grand Palais bati par Freieric Henri Prince d'Orange pour fon EpoafeJmelie de Solnis. Lafacade de cette Edifice eft afies belle,. & d'un bon gout. Les Tableaux imitant Ie bas reliëf que 1'on voit au defius des* pojtes & des- cheminées font d'un fini-, qui trompe 1'ceil le plus exercé, & les. chefs d'oeuvres de Rubens, & de van der Werf ajoutent un nouvel éclat a ce Palais. S. A. 1'habite vers la fin de 1'Eté en revenant de Loo en Gueldres, ou Elle a coutume de paffer la belle faifoni, A une demie lieue de la Maifon da Bois eft le petit Loo. C'eft une petite Campagne appartenante au Prince. On y voit auffi fa Menagerie. Elle eft remplie d'animaux rares= & curieux; Mais 1'humanitédu Princene lui permêt pasd'y conferver de ces monftres malfaifans, que la fage Nature fembioit avoir confrné dans des déferes ignorez^, mais que la cupidité des hommes y a déterrez^ & emmvnez dans nos ciimats, ptur multiplier nos maux. On voit dans cette menagerie 1'Oifeau f Trompette, des Faifans du Japon, des Moufons du Cap de bonne Efperanee, une Biche de B-_ngale, des Chevres du Gange d'une célérité prodigieufe a-la cour*-  ILettre VI. La 'Haye. - é§ icosrfe., un oifeau de proye nommé Je Roi des Vautours, & beaucoup d'autres : Animaux. S c heven in g , on plutöt Sthevelm' igen , eft un Village a une demie lieue au : Nord de~ la Haye. On y arrivé par un Ichemin uni, bordé d'arbres tirez au corijdeau; c'eft une des plus belles routes de Itoute la Hollande ; rien n'eft auffi .plus i agréable qu'une belle avenue terminée |par la Mer. Le Village eft peu de chofe, ifimple, mais propre; il n'eft habité que ! par des Pêcheurs,& par des Cabaretiers. |Ceux-ci font bien le quart des Habitans. lOn conferve .a Schevelingen -un Chariot j fait du tems du Prince Maurice, par le i célébre Stev'm. 11 pouvoit contenir vingt |huit perfonnes ; la forme de ce Chariot j étoit celle d'un Vaiiïeau, garni de voiles. iC'étoit le vent qui le mettoit en mouIvement , & fa vitefle étoit fi grande, iqu'en 1'espace de deux heures il faifoit . quatorze milles d' ngleterre. ] On voit en Hollande dans les tems de j forte gélee des voitures pareilles fur Ia glacé, mais au lieu de Roues on y ajufte |dcs especes de patins, qui les font glifler |avec une rapidité furprenante. C'eft fur le chemin de Schevelingen , il que fe voit la belle campagne de M. le | Ccmte de Bminsk. Le Penfionoaire Cats cél#r  70 L A H a y e. célébre parmi les Poëtes Hollandois Ia planta, ck y pafia fts vieux jours. On Y montre encor la terralle , fur la quelle il avoit coutume de compofer fes ouvrages. Depuis cette campagne fut confidérablement augmentée ; tout y eft 1'ouvrage de 1'art, & jamais la Nature ne me parut plus fimple & plus belle que dans cette campagne, qui eft a peu prés Ja feule en Hollande, que 1'on peut nommer ainfi. Loosduinen eft un village au iV. O. de la Haye, qui n'a rien de remarquable , on conferve dans 1'Eglife de ce lieu le Baffin qui fervit au Batême des 365 Enfans, dont accoucha Marguerite Comteflè de Hennebrge, Fille de Florent IV. Comte de Plollande, en punition d'avoir réfufé une iégére aumone a une gueufe chargéed'Enfans. Cet evenement trés vraifemblable eft attefté par le Bafiïn, & par un tableau, qui répréfente toutes les circonftances de cette merveilleufe avanture, digne de la Légende. Honsholredyk, vulgairement die Honslaersdyk, eft un hameauqui ne merite d'etre nommé qu'a caufe de fon Chateau, domaine du Prince d'Orange. On le lailfe aèluellement inhabité. On y voit quelques portraits de plufieurs Têteg couronnées de 1'JSurope du 16 & 17e fiécle  |Xettre Vr. La Haye. 71 ffiee'e, & l'appartement en vieux lacque i.du [apon mérite d'ètre vu. Voila Monfieur ce que j'ai pu recueil' ]ir de plus intereffant touchant la Haye; | il ne me refte plus avant que de terminer Lcette lettre, que de vous expofer en peu | de mots la Conititution de la Régence de I la Haye , & des divers Tribunaux qui I y fiëgent. ïous les habitans de la Haye ne rélejvént pas du Magiftrat. Les Cours de Juftice ont une jurisdiction trés étendue, [■& font Juges compétens d'une multitude c'affaires. Le territoire de la Haye eft ! auffi divifé eniplufieurs parties. Le Haut Consejl crée en 158a ireft un Tribunal fuperieur qui dccide en ■ dernier reifort de toute.s les caufes jugées 1 foit a la Cour d'Hollande , foit dans les J 'Viiles particulières. La Jurisdiótion de fee Tribunal s'étend fur la Hollande, la pélande, & la VVeft-Frife. II eft com- pofé d'un Préfident, & de neuf Confeili Iers, (la Province d'Hollande en nomme . lix,& ceile de Zélande trois ) d'un Grefi fier , d'un fubftitut Greffier , & d'un 1 Maitre des Exploits ( Rentmeejier van de l£xp hielen). On porte a ce Tribunal, outre les eau- 'fes en appel, toutes les caufes de poiïes'fions, celles ou deux JXégocians. etrangers  y% La Hat e. gers font intérefies, quelques caufes dè Navigation. C'eft auffi de ce Tribunal que 1'on obtient les lettres de Benefice d'Inventaire, les rellitutions, les ceffiona &c. &c. Le célébre Jurisconfulte van Byn ckershoek occupa long-tems avec éclat la place de Préfident de ce Tribunal. Nous avons dit que le Haut Confeil juge en dernier rellbrt & par voie d'Arreft; il y a cependant encor un moyen que la Loi fournit a celui, qui fe croit mal jugé$ c'eft la Rtvijkn. Mais comme cette voie eft extrêmement couteufe, & rarement fuivie d'un heureux fuccès, on ne s'en prévient que lorsque 1'on fe croit fondé fur de bonnes raifons. Cependant quand un PJaideur le défire,il lui eft permis en certains cas de demander Révifion du Proces ; alors on ajoute au Haut Confeil deux membres de la Cour d'Hollande, & quatre autres perfonnes , qui font ordinairement les Penfionnaires des Villes; après leur jugement il n'y a plus d'appel; & la fentence eft mife en éxécution. II y a quelques années , qu'un homme accufé d'avoir aflaffiné fa MaitrtlTe fut récu a Amfterdam en procés civil ; par ce que les preuves de Ion crime n'étoient pas afles convainquantes} on plaida la cauit  j Lettre VI. La Hay'E. 73 I caufe, la perdit; il en appella a Ia Haye, a la Cour d'Hollande & au Haut Con- | feil, mais ayant été eon lamné de nou- | veau par fes deux Tribunaux , il deman- | da la Révifion. Elle lui fut accordée Pro I Deo; mais cette fentence ne lui fut pas 0 plus favorable, & il fut décapité a AmsH terdam. Que de fagefTe, Monfieür, que d'hü- H manité dans toutes ces dispofitions. Ce ■ n'eft pas a la légére, fous une procédure | fécrette, qu'un tel homme eft jugé. Ce M n'eft qu'après les plus mures délibéra- | tïons, qu'après lui avoir fourni tous les 1 moyens poffibles de défence, & qu'aI prés les fentences de quatre Tribunaux | respeftables,' dont les lamiêres, & 1'im- partialité font réconnues ? Peut-on prendre plus de précautions pour he pas condamner un innocent ? Peut-on fuivre plus éxaórement le fublime mot de 1'Empereur Trajan. 11 vaut mieux quun coupable êcbapps, qu,jtm innocent perijjef La Cour d'Hollande de Zelande et de West-Frise, perte ce nom , par ce que dés le quinzième fiecle les Plabitans de ces trois Provinces réi lévoientdefa JurisdicTion. Le Prince dPÖ; range en qualité de Stadhouder, un Prefi, dent, onze Confeillers un Gréflier,unfub>| ftitut Gréffier, deux Sécrétaires, öjun MaïD tre  74- La Hay e. tre des Exploits compofent ce Tribunal. II y a deux Avocats Fiscals,Pun pour le Criminel, 1'autre pour les caufes Giviles. La Jurisdiclion & 1'autorité de cette Cour eft trés grande. Ellejuge en appel ]es caufes portées & décidées en première inftance dans les Villes. Toutes celles oü il s'agit'des Droits , des Prérogatives (a) & des Domaines du Souverain (avec cette reftriótion cependant, qu'elle ne peut juger celles-ei qu'en communiquant avec la chambre des Comptes ) les caufes des Veuves, d'Orphelins, & d'autres perfonnes défignées en terme de droit fous le nom de miferables. (Z?) Les caufes féodales, poffelfoires, les privileges & coutumes, lorsqu'on dispute fur leur éxiftence & leur étendue. &c. &c. &c. Enfin ce Tribunal punit tous les crimes &les délits commis dans fa jurisdiclion. La Cour d'Hollande & le Magiftrat de Haye ont eu plufieurs differens au fujet de leur autorité respective, ce qui paroit inévitable, & qui durera jusqu'a ce que i'on ait fixé exa&ement les limites de cha- («) Voy. Ififlrsitf- vandenUovt van Ho//: Ar:, tf (b ) On fcait ce qu'il faut er.tendre par ces mots perfonce mijerabi/es. Tels fünf les furieux, les fourds & mucis &e. Vty. la Loi un. Cod qunndo Itnj>, in* ter vid. & 133 Dig, de Vcrb, Sign.  ]Lettre VI. La Have. 7S eflaque jurisdiftion, & le pouvoir précis de chaque Tribunal. Le Magistrat de la Haye eft conipofé de Trois Bourguemeftres, &de fept Echevins. Tous les Marchands, Artifans& ceust qui ne dépendent point de la Cour d'Hollande rélévent de ce Tribunal. Le Confeil de la Societé eft comporé de députez du Haut Confeil, de laf Cour d'Hollande, du Confeil des Confeillers Députez de la Province, & de lai Régence de la Haye. La difficulté de lever les impöts, & de faire payer les I différentes charges de la ville a tant d'hai bitans, qui ne relé vent par du même Trit bunal, & qui font partie cependant dus f Corps entier de la Ville a donné lieu k , 1'Erecrion de la Societé. Ce Confeil a la même autorité & la même adminiftration a ia Haye, que les Magiflrats dans. les autres Villes. La Bourgeofie de la Haye efl: confidérable. Tous les ans on en fait la révue. Chaque compagnie fe diftingue par la i couleur du Orapeau, & de la Cocarde. i Au mois de Mai une de ces Compagnies i k tour de rolle plante des Mais aux portes des perfonnes les plus didinguées. Ce 1 font des grandes perchesproprementpeintes j au bout desquelks on fuspend ure D &  fë -La H sa y e. tableau allegorique avec une dévife Latine, rélative a la perfonne en 1'honneur de laquelle on plante le Mai. Le tout efl; orné de banderolles, c'e courronne-s de lauriers, & de buis, ce qui de loin fait un objet affez agréable. .La Foire de la Haye fe tient auffi au mois de Mai, c'eft une des .plus brillantes de toute la Hollande. Les ArmesdelaHaye font une Cicogne, animal facré pour le petit peuple Hollandois. II eft même défendu fous les peices les plus fortes de gater ou d'en.lommager les Nids de ces animaux, qui fe trouvent ordinairement, comme on fait, fur des toits bien élévez. Dans la défcription que je vous ai faite des divers Edifices de la Haye, j'ai gliffé légérement fur les appartemens de la Cour ou fe tiennent les /lffemblées Provinciales, & Générales. Connoiffant vötre fagon de penfer, Monfieur, il m'a femblé, que vous feriez moins curieux de connoitre les appartemens mêmes, & les diverfes beautez qu'on y appergoit, que d'avoir une idéé claire & diftincle des chofes, qui s'y font; vous préféréz d'approfondir la Nature du,Gouvernement de la Republique, öi d'en connoitre les différentes parties, aux descriptions vagues 4e,chofes t qui fe trouvent partout. C'eft pour  Lettre VI. L a H a y'e. jj' pour fatisfaire a ce défir , que j'ai deffeifi de vous entretenif dans la Lettre fuivants de la Conftitution Politique de cet Etat. En attendant j'ai Thonneur d'étre, &ct LETTRE VIL Idéé du Gouvernement Hollandois. Affenrblees des Etats Généraux du Confeil ■ d'Etat. AJJemb'èe des Etats d'Hollande; fcf des Confeillers Députe* de cette Province. Droits &? Prérogaüves du Stad* houder. MONSIEUR. EAtiguées d un joug tyrannique &■ intolérable les fept Provinces fe réunirent, & concturent a Utrecht le 29 Janvier 1579 le fameux Traite d'Union, (a) qui contient les loix fondarnentales de cet Etat, qui depuis ce tems la ont été toujours obfervées fort réiigieufement. Ce Traité eft trop long pour O) °n d'en célèbrer le fecond Jabilé ff en- hite avec -beaucoup de pompe. D 3-  78 L k H A ¥ E. pour être rapporté ici. II fuffira de vousen donner une idee generale. Un des principaux Articles eft celui (Art. IX.) parlequel il fut ftipulé, que 1'on neferoit aucun accord deTreve ou dePaix, que 1'on n'entreprendroit aucune Guerre' que 1'on ne léveroit aucune impofition, Bi aucune taxe concernant la Généralité, fans J'avis & le confentement unanime des Provinces. (Art. X.) Que nulleProvince ni aucune des Villes ne pourra faire aucune confédération ou alliance avec des Souverains ou Pays voifins fans le confentement des Provinces Unies, & desConféderez. Les autres Articles régardent (Art. II-IJl. 3'obligation de s'afïifter 1'une 1'autre, dans tous les cas qui furviendront contre tout Etat étranger , ( Art. IV. ) les Fortificauons des places Frontières, (Art. V.) Fégalité des impofitions, (Art. VI.') Faugmentation oa la diminution de cés jmpöts, (Art. VII.) 1'obligation ou feront les Villes Frontières de recevoir Garnifon (Art. XI.) le confentementcommun néceffaire pour recevoir des Alliez dans la Conféderation, (Art. XII.) legalité de Ja monnoye (Art. XIII. ) le grand Articie de la liberté de Religion dans chaque Province, conformément a la Paciöcation de Gand ( Art. XVI.) les pré-  Lettre VI, La H a t t, 79 précautions a prendre contre les difputes & les mésintelligences, ( Art. XVII. ) lajuftice également adminiftrée aux Etrangers qu'adx Habitans du Pays (Art.XVIII.) fa défenfe d'établir aucune impofition au préjudice des autres Provinces (Art.XXII.) celie de ne .faire aucun changement aces Articles lans 1'avis unanime de toutes les Provinces & non autrement. Les Conféderez uférent de la perroiffion^ accordée par cet Article en changeant 1'Article XIII. de la manière fuivante. „ Que la feule Religion Réformée feroit exercée publiquement, & qu'elle le, roit la dominante dans toute 1 'étendue \\ de la République fans pourtant^ con" traindre perfonne dans fa confcience, ' Que fi cependant quelques Provinces, H ou Villes, qui profefloient la Religion Romaine, vouloient entrer dans cette Union, elles y feroient admifes, moyen" nant qu'elles fignaftent les autres Arti" cles de la Conféderation, & qu'ellef " s'y conformaflent entièrement. Telle eft cette fameufe Union, base & fondement de la République, & fourcé d j fon bonheur, & de Ion état floriflant; Cette heureufè Hcptarchie lom de degénérer, dans unefunefte anarchie, refjene & fortifie les liens qui uniffenc D a w»  &> La Hay e. les Provinces, & 1'Expéiience prouve, que, quoique les déübérations feroient peut être plus promptes & plus vigoureufes, fi elles émanoient d'un méme Corps toujours affmblé, ]a forme actuelle de Gouvernement, cn laiffant chaque Province dans la poffefïion paifible de fa, Souveraineté & de fes Privilé; ges, en facilite l'Union^.A en éternife la. dure'e. Paffons acïuellement k une description plus détaillée du Gouvernement, & cony men^ons par. l'/iffemblée des Etats Généraux. Onfe fait commune'ment une idee affez iauffe de la Nature de cette Affemblée, qui n'eft rien moins que Ie Souverain, mais qui repréfente les fept Provinces Unies. II eft important d'en donner une définition exacte, VAjJemblée des Etats Généraux eft compofêe des Députez des fert Provinces, munis du pouvoir de traiter les affaires communes en fuivant Vefprit de l Union d''Utrecht, felon le pouvoir, qui Um efi confié. TeJJe eft cette affemblëe qn'il faut bien ce garder de confondre ayec la Généralité comme J'cn faic dorr dinaire, même dans ces Provinces. Toute leur puiffance n'eft uniquement fbndée que. fur la volonté de chaque Pro,- vince.  Lettre VI.- La Have. &t\ vince particuliere, dont ils doivent fuivre les inftrufcrions, & a laquelle ils forJ? obligez de rendre compte de leur conduite. Ainfi ces Députez ne peuvent deleur propre autorité aecorder une Tréve, ou déclarcr laGuerre, donner des privileges , aliéner ou engager des Domaines communs, ou faire grace aux criminelsde Léze Majefté. Chaque Province peut envoyer a 1'Asfcmblée Générale autant de Députez, qu'il lui ft-mble bon; mais tous ces Dé* putez n'ont qu'une voix, deforte qu'il n'y a que 7 voix. Ainfi la Gueldre envoye trois Députez, un de 1'ordre des Nobles , & un de chaque Ville tant grande que petite. La Hollande a onze Députez, fept de la Sud- Hullande, tröis de Ia Nordhollande, & un de 1'ordre des Nobles. Les Villes ufent du même droit (a); II ne faut pas confondre ces Députez, avec ceux, qui ayant éié une fois Dé* ; putez, confervent le droit de venir dans les Aiïemblées, d'y écouter & d'y voïr ce qui fe pafle. Ceux ci comme n'aywt aucune Commiflion , n'y ont point de voix. Aiuli la NobLelfe de Gueldre affiilë aux («) -Voy?z AUzïïm P. -. Fel- iSf. D 5  ft» La Havé.' aux Aiïèrnblées de cette Province, finsl que leur-voix foit comprée. Chaque Province préllde a fbn tour* dans 1'ordre fixé par les Confédérez. La; Gueldre efl: la prémière, par ce qu'avant la fondation de la République elle étoid décorée du titre de Duché , & que païJ cette raifon elle eut le pas avant les autres Provinces,, qui fe fuivent dans 1'ordreétabli du tems de Charles quint. Lal Hollande , laZilande, Utrecht , La Frife^ï L'OvsryJJcl, Groningue. En 1075 la Frife pretendit Ie pas avant* Utrecht, mais la dispute fut terminéeenj faveur de cette derniére Province par GitiJImime III. & par Ie Prince de Nc.Jfau (a). La pluralité des voix fuffit dans la plus-.; grande partie des affaires, exceptédans les cas oh il s'agit de 1'explication del'Unïon • iï Utrecht-, ou des anciens ufages. Alors. 11 faut 1'unanimité des voix. Le Confeil]kr Penfionnaire de Hollande (b) efl: le feul 1 (.») Voyez üiricbu PUc: Boek P. 1. pag. 7?» Ccrte importante •harge eft templie actuellement de la fjcon la plus diftinguéc & la plus glorieufe par M. P. van Bleiswyk. Politique habile, Jurisconfulte éclair* , & Littérareur inftruit & profond. Ses cernioiiTances font auffi étendues que rares. 11 aflembls avec foin & avec göut une Bibliothéque, dont le choia fssa ssedisnt, paicecjüft c'eft Lui qui la fonne,.  Lettre VK. La Haye.V 8$. Èul avec un Député de cette Province , qui ait le droit d'affifter tous les jours aux affemblées. Quoique les Etats Généraux ne foient pas effect i vemen t le Souverain , cependant les Titres qu'on leurdonne font plus grands, que ceux des Provinces particuliéres. Ainfi quoique les Etats .fflhïlanie fe faffent nommer Nobks a cj? Trés ■ PaiJJants Seigreurs > (c) & les Etats des autres Provinces Nobles & Puijans Scigreurs (d) le tïrre dés Etats Généraux efl: Phuts ty Puiffants Seigneurs, (e) ik .les-' Requétes, qu'on leur addrefie portent h Leurs Hautes PwJJances, (ƒ)_ L'Empereur leur donna le prémier ce titre en 1710 (g) après les allëmblées de Geertruidenberg, & Louis XV fuivit cet exemple en 1717. (Z>")Tels font leurs Titres, voyons leur Pouvoir, qui efl: trés grand, maïgré les bornes que nous lui avons affigné cideffus, . Ce (O EDELE GROOT MOGFNDE heek.en. (^VEDtLS MOGtNDE HliERfcN. (e) HOOG MOGENDE HEKREN. (ƒ) HUN HOOG MOGENDEN. ( e ) Voy. Groot Placaat Boek Tom.'ö. p. 3- V*%- 7«» (fcj Le Piefident de Semiine dans 1'aflemblée des Etats Généraux ne doit point ê;re rjommé Volrt Exetlence, titte que 1'on donne aux Amhaflideuts, par». ecque ce Prefident repréfente la majejlé du Peuple Hjllandois, Vtj.-Gr. Pl: P. 3. tai- I0§'  Ce-sont les Etats Generatjx^ qui rejoivent toutes les Propofitions des. Sbuverains Etrangers, foit pour la Guers ie, ou pour la.paix,pu pour toute' autre chofe. Le pouvoir des Etats Généraux s'étenct fur toutes les Villes de Ia Généralité nous-verrons plus bas avec queile reftriciion il faut entendre ceci par rapport au. Stad houder. Jl peut éxifter descas, oü il efl: permis aux Etats Généraux de conclure une affaire fans confulter les Provinces, lorsque les, circonftances ne le permettent pas , ou que 1'affake n'eft pas extrémement interelfante.. Cependant 1'approbation des Provinces efl: toujours requife (?'). L'empJoi de Greffier des Etats Généraux efl: un des plus importans, & des plus difficiles (k). II aflifïe tous les jours aux . affemblées, & aux conférences , qu'ca («') 0.n en petit rrouver un cxemple dans les Pi. VHifft/es fur les Provinces Umes ter le Ckivaüer 'JTfiplt Cbap, .2.) ( *) M. Fi cel qui joint aux quslites nécefiaires pour. cetie Chaige , une longue experience & unegran 1'Etranger , & celles -, qu'on écrit aux Puiftances étrangères. II expédie auffi, & foelie toutes les Comraiffions. En., tems de Guerre les Etats Généraux. envoient des Députez a 1'Armée, & tous les deux ans ils envoyent deux Députez a Maajiricht -, poury changer le Magiftrat r. pour finir les procés , & terminer avec le Prince Evéque de Liége tous les différens, qui pourroient s'ètre élevéz. On nomme ces Députez Commiffariffen Decifeurs. Telle eft, Monfieur, la nature, la puisfance, & 1'Autorité des Etats Généraux ; je pafte ala description du Confeil cl'Etat. Le Conseil d'Etat fut érigé ea 1,583 par la Hollande, la Zélande & Utrecht de concert avec Guillaume I. Lesautres Provinces y confentirent peu après, & 1'autorité de ce Confeil fut trés étendue jusqu'a 1'arrivée de Leycefler, envoyé par la Reine Elizabeth avec quelques troupes, fuivant le Traité du 10 Aöuft 1585,. Deux Seigneurs Anglois eurent féancedans le Confeil au nom de la Reine > mais après Carlton aucun étranger n'y fuc D 7 fouf-  86 L i Hay e, fouffert. Les Etats réfuférent d'en admettre dans la fuite, vü, que la raifon, qui avoic obligé de les y fouffrir, ne fubfiflóit plus. (a) ^ -Après le rappel de Leycejler Ie Confeil d'luat ne jouïc pas longtems de 1'autorité qui lui avoit été confiée (/;). L'affemblée des Etats Généraux rendue réden taire a la Haye , n'a laif'é d'autre pouvoir au Confeil cl'Etat, que fur les affaires mi» h'taires, & fur celles des Fihances. Ce Confeil eft compofé de 12 membres. La Gueldre , Utiabt & Overyjfel nomme chacun un Député. La Hollande en nomme trois. Le prémier , qui efl: de 1'ordre des Nobles eft a vie, les autres font remplacez tous les trois ans. La Zelande nomne deux Députez a vie, la Frife & Groningue nomme le même nombre ; autrefois la Gueldre nommoit deux Députez mais depuis l'année 1674 cette Province n'en nomme plus qu'un feul (c). La . (") Voyez AlTZMA Part 6. pag. 430. ( i> ) Avant Leyce/fer les ConféJtua avoient donné i ce Confeil !e fom de la Guerre, des Elflarces, ëc de tout ce qui rrgsrdoit le bien itrc & la défer.ce de la République. Msis il étoit obügé de convoquer au moins deux fois 1'an les Etats Géréranx, & de rendre compte i cette alKniblée de fa conduite & dc fon admiiiiflra:ion. Sous Leyajlir , dort le gouvernement dura environ deux ans & demi, ce Confeil ne fut que 1'Exécuteut des Ordres de cet Étranger. s ( c) Voy, B x n K e a 5 h. Quaeji, 7ur. Pubh M>. li v«f • ié.  Lettre VIL La Hays. 8? La Préfidence paOTe chaque femaine d'un Député a.l'autre. Chaque membre a, la voix , ainfi que Ia Hollande ayant trois Députez peut 1'emporter fouvent par ]e nombre. Les charges de Trêforier & de Sécrétaire- ■ font trés importames dans ce Confeil. Les Etats Généraux nommeht a ces char-. ges, qui fonta vie {a). Le Trêforier a 1'infpection génerale fur les Finances, les Kéeeveurs, óclesCommis. C'eft lui qui drefle 1'Etat de Guerre & la petition, nommée Petitie van den Raad van Stact, il a voix deliberative dans le Confeil., m'ais fon préavis n'eft pas compté. On peut comparer cette charge enquel». que fac^on, a celle de Controleur Géneral des Finances en France. Le Sécrétaire du Confeil d'Etat (b) affifte de même que le Trêforier aux délibera» tions du Confeil. Sa fon&ion eft d'avertir des matières, qui doivent être traitées, il eft préfent aux conférences avec les Députez des Etats Généraux. Le f» M. p.A. Gillis occupe cet emploi diiïkile. (/>) M. ]. J. vah Hees, Seigneur deTtmpcl templit depuis dix Ans cette (.haije delicate avec unapplaudüTeruent univeifel,  88 La Haye.' Le-Réceveur Général (a) eft un trol- ■ fième Miniftre de ce Confeil. II reroft tout ies revenu» de la Képublique/ II rend annuellement fes Comptes, Jes Ordonnances fur lesquelles il doit faire quelque payement font fignéespar le Trêforier Óc par trois Députez. Le Receveur paye les intéréts des dettes de 1'Etat, & retire les intéréts des foinmes duesa VEtat; II a entrée au Confeil. Le Confeil d'état a Ia direcrion des affaires Militaires & des Einances. 11 efl chargé de Fadminiflration du Revenu de la Généralité, & fa jurisdiétion s'étend fur les caufes des impöts publiés, de méme que les Confeillers Députez de Hollande dans cette Province; II n'y avoit autrefois pas d'appel dss fentences de ce Confeil, que 1'on mettcit d'abord en exécution. Mais les Etats Généraux ont accordé depuis le privilege de Révifion (b) qui ne s'étend pas cependant aux fentences interlocutoires, ou a celles portées contre des.malfaiteurs convaincus, & a quelques au- (a) M. q. van Stsyen visHt de fuccc'der au défunt Comte de Hogtndorp,, qui occupa ce poft. treue buit aiu. (b) Rcjol, van dt Statm Qttitraal ij Sipt. 130?,  Lettre I. L a H a y s. 29 autres cas, compris dans la Pvefolution.. Lorsque la Révifion eft accordée, on pin*-aux premiers juges quelques Députez des fept Provinces, & après que ceux ci ont prononcé la fentence, elle eft exécutée fans aucune. provocation ultèrieure. Vous avez vu, Monfieur que le Receveur< Général recoit les revenus de P£tat; Trois différentes Provinces lui donnent 1'ordre pour payer; cet ordre,fignédu- 'J'réforier &du Sécrétaire, eftenyoyé eufuite a une autre Chambre nommée la Chambre des Comptes de la Généralité; (Generaliteits Rekenkamer) pour être revu, enregïtré & configné dans les livres, après quoi le Receveur fait fes. payemens. (a) Cette chambre examme, & arrête les comptes du Receveur Général, des autres Receveurs, & de tous les Comptables. , Chaque Province y envoye deux Députez a (és dépends. (b) Ce Collége n'examine point ce que les Provinces doivent, mais ce qu'elies ont payét (a) Voy. Aitzwa, p. 1- P- 457- (b) Les Villes de Scboonbo\en. Schieaw «. <* Britilr ue jouiffent point au Dxoit d'envoyer des Dép*; iti a ce College.  90 La Hay e. paye. C'eft au Confeil d'JEtat a examiner ij chaque Province a payé a raifon de Ia proportion une fois établie entte eljes. Cette matière eft alTez intéreflanre, pour m'y étendre un peut Vous avez vu, Monfieur, au commencement de cette lettre que par 1'Article IX. de 1'Union d'Utrecht les Confederez fe font engagez a ne léver aucune iropofition ni taxe concernant la Genéraiué, que dé 1'avis & du confentement unanime des Provinces (a). Ce confentement doit être rénouvêllé tous les ans. Vers la fin de l'année le Conto] d Etat fait aux Etats Généraux la téUtion des fraix nécefTaires, tant pour la defcnce & la fureté commune, pour Yentretieri des AmbaiTadeurs & des Envoyez dans les pays étrangers, que pour les autres depenfes a faire en commun; Les Provinces deiibérent fur cette petition, oc 1 accnrdent avant le mois de Mai de lanné.- fuivante; ap-ès ce tems elles font cen/écs y avoir confenti. Toutes les Provinces ne contribuent pas egalement. La Province d'HollandÊ paye ieule, autant que les autres Pro-" vin- OJ La ploralité des kOngu nc ftiBr p;S dar = cc cas, on ltc,uteK 1'uBaijlmitS des voii.  Lettre VII. La Haye. 9* vinces enfemble. Utrecht & Groningue pavent un dixième de la fomme que paye la Hollande. Voici Monfieur 1'ordre & la proportion dans laquelle fe font les. contributions. S'il s'agit par exernple de contnbuer cent florins, La Gueldre paye • - 5-I2'3( Hollands ..... 58- 6-2? Zilande 9- 3-ö> Utrecht 5- 10-7.T Frise overyssel - - " - 3'i5"8i Groningue & Ommelandes 5-l6'7* Drenthe ----- f 100- o" o (a) En 1634. la Gueldre fe plaignit d'étre trop chargée, mais a la pluralité. des luffrages il fut décidé, qu'elle payeroit toujours 5j dans le cent. (b) La Zélande & la Frife croyent aulTl trop contribuer, il n'eft pas de mon fujet de décider fur leurs plaintes, je me contente de rapporter les faits. C'eft. (a) Voy. Remar.ques fur la Provinces Unies th Cbe-. yjilier Temple pag. 1s0. , (b) Voy. mcors Ay I zm'a,/>. j. L, l^.pag.itj^  La Haye. C'eft-une grande queftion, & qui fut» qua prefent n'eft pas décidée, qu'elle voye il faut employer pour faire payer une Province, qui réfufe fon contingent? Le Traité d'Utrecht fe tait fur cefujet, &- vous favez, qu'en matiére pareilh les exemples ne font pas toujours loi. La République n'a pas approuvé jusqu'aujourd'hui plufieurs plans que le Conieil d'Etat avoit dreffé a ce fujet. La ré* fohtitn du 13 Juin 1579. eft ce qu'il y a de plus précis a cet égard (a). 11 y a des exemples, que les Etats on dinge des exécutions contre les Provinces, qui réfufoient de payer, comme cn 1600 contre ceux de Gronin?ue,en 1612 & en 1620 contre la Frifé, en 1622 contre le pays de Drenthe &c.; Mais ces moyens parurent trop violens, & 1'on ne s'en fervit plus. Si vous êtes curieux d'en favoir plus fur ce fujet confultez le favanc Bynkershoek (b). La Chambre des Financcsde la Gênèraliti eft, chargée de régler tous les comptes, qui regardent les fraix, de 1'Armée; da tous (fl) Viyez Rfo/ulien van Cou/ÏJeratte te» tyde van de Wil, pag. 6?I. & Bynckeiuji. Qutft, Jt;r. Puhl. Ui. 2. Cap. J3. ** * U}) Bxkckersh. eed.  Lettre VII. La H a t e. £3 tous les hauts & bas Officiers, de ceux de 1'Artillerie, &c., & de tout ce qui fert a 1'entretien &a la fubfiftancedel'Armée. Cette chambre efl: fubordonnée au Confeil d'Etat, & a la Chambre des Comptes, qucique cette dernière foit pofterieure a celle des Finances. Celle ci eft compofée de quatre Commisnommez par les Etats Généraux. Les Etats d'Hollande, qui fous les Comtes n'étoient que des fujets, (a) dévinrent après la Révolution de 1381, Souverains de cette Province, par (n) Sous les premiers Comtes 'les Etats d'Hollande t'afftmb'oient rarement; Avant le quaiotzièrrje Siècle on ne les vit point s'afletnbler en corps. Une arcierne Cbroiiiquc attcfle cepcr.dant que les Villes de Hollande dor.rerïnt cn io6r. a Robett deViies la tulèle des Eufsns du Corr.te Ftprent. t. Ce qu'clles ne pouvoieot faire fans sVfilmbier. On ponrroit en citti qu.-lqucs autres exemples. Les Etats nes'afitmbltrentau quatorziime Siècle que de'loin en loin , & toujoursavec plus ou moins de mécontanttment de la part des Comtes, Enfin fous les derniers Comtes de la Maifon de B n:tgogne & d'Autiiche 1'autoiité dea Etats déehut con. fidérabifment. Les Comtes ne les couvoquoicn) que pour avoit leur confentement daas les demandes qu'ils faifoient; le refte du temps fe pafioit a déliberei fut des affaires de tièi peu d'impottance. Les Comtes, leur Stadhouders & la Cour d'Hollande gouvetnoicnt la pays, & les Ewts s'adrefTaietit par requête i la Cour d'Hollande, c'ils veuloicr.t en obteuit ee qu'ils déBloient.  94 La Haye. par le confentement tacite de leurs Concitoyens. Cette fouveraineté réfide dans Je Corps des Nobles , & dans dixhuit Villes. Ainfi que la forme du Gouvernement eft Jrifiocratique. Les Etats d'Hollande ne font pas plus Souverains de la Province, que les Etats Généraux ne le font de la République. Ils ne font comme eux que les Répréfentans, les Députez, les mandataires des Villes & du Corps, qui les ont envoyé; Et c'eft a cet égard, qu'on a dit avec efprit, que la Souveraineté en Hollande n'étoit que re'préfentative. Ainfi que le Souverain en Hollande eft la rêunion de ■ceux qui compofent le Corps des Nobles fc? des Mnglfirats des Wies, confidercz enJemble, co'légialement ,& non féparez,car chaque membre de ces differens Corps pris en particulier eft un fujet foumis aux Loix, & ne conferve aucune puiifance, aucune autorité. Dans les autres Provinces les Nobles ont plufieurs voix dans les afiemblées, en Hollande il n'en ontqu'une; Au refte tous les membres de cette Afiemblée font égaux; & ceux qui prétendent quelque fuperiorité, ou quelque diflinction doivent la pruu \ er, foit par les Loix Fondamenuks, foit par la coucume, dont la  Lettke VII La HayI. 95 la force efl; en Hollande egale a celle de la Loi, foit enfin par quelque Traité particulier. Par exemple la NoblelTe a des droits exclufifs a certains emplois; II y a auffi quelques différences entre les Villes majeures & mineures. (a) L'Afle blée des Etats d'Hjllande efl: compofée du Député de la Noblefle & de ceux de 18 Villes, qui fe fuivent dans 1'ordre que voici. XI. Villes de laSud Hollands, Dordrecht, 'Haarlem, Delft, Leiden, Amsterdam, Gouda, Rotterdam,^ Gornichem, Schiedam, Schoonhoven, La B r i e l l e, VII. Villes de laNord Hollander Alkmaar, Edah {") Greeie tn kleine Slatin,  §5 La Hay e. Hoorn, EnKH u I ze n, E d a m, Monnikendam, Meden blik, P u r m e r e n d e. En 15^84 32 Villes afïiftérent a 1'Asfemblée, mais 14 d'emre elles fe ré;irérent & ne parurenc plus dans la fuite-, foit que les fraix de la Députation fuifenc trop forts, foit par quelque autre raifon, qui nous eft inconnue; Les Députez doivent êcre nez Hollandois , ou font exclus de 1'AiTernblée, a moins d'avoir obtenu des Lettres de Natursïité (fl^; Par ces Lettres un Etranger meme eft éligible. Le Grand Penfionnaire doit nécelfairement être né fous la domination des Etats d'Hollande, fans cela perfonne ne peut parvenir ace pofte. Les Penfionnaires des Villes, qui alftftent aux AiTemblées, doivent avoir 25 Ans accomplis, avant ce tems ils ne peuvent y paroitre. Ce font eux, qui expHquent les fentimens de leurs Villes, & qui portent la parole pour elles. Les Députez des Villes ne peuvent donder (<0 Bvitvsn wn Ngiurtt/fatït,  Lettre VIL La Hayjj. 97 ijer leurs voix, que fur les affaires dont les Villes font inftruites, & pour les quelles ils ont recu leur Commiffion; Pour les autres affaires ils ont Je droit (a) d'arrêter les deJibérations jusqu'a ce qu'ils ayent confulté Jeurs Villes. Mais afin de prévenir la njfe, que quelques Villes pourroient emploier,en retardani leur réponfe, les Etats ont le droit de fixer le tems, qui leur eft donné pour fe confulter (é). Les Etats s'affemblent ordinairement quatre fois dans l'année, aux mois de Mars, Juillet, Septembre, & Novembre. Les Confeiilers Députés ont le droit d'asfembler les Etatsextraordinairement, foit a la prière des Nobles ou de quelque Ville particuliere, foit Jorsqu'ils lejugent eux mêmes néceüaire. Le Sécrétaire convoque alors les Etats, en ajoutant les jnatières fur lesquelles il fera déliberé. (met infertie van de ToinBen van deliberatie) Après que les Etats font afiemblés, Ie Sécrétaire lit une prière, ik 1'on commence les déliberations. Le (<0 Het Rtgt van overneming, (b) Voy. Rejol. van cle Sifwun van Helln ij Februarj /innv 1585- sl't. 13. E  $8 La Hay f.. Le Député de la NoblefTe donne fa voix le premier par la bouche du grand Penfionnaire, lequel eft auffi chargé de propofer les affaires, & de recueiliir les fuffrages', enfuite chaque ville donne fa voix dans 1'ordre ind qué ci-deffus (a) de forte qu'il y a dix neuf voix. Dans tous les cas- la pluralité 1'empone , excepté, lorsqu'il s'agit rï du confentement aux pétitioxs &aux fubjides, 2. aux impofitions fur des Villes, des perfonnes, & des biens , 3. aux délibérations fur la Guerre, la Paix, changemens dans le gouvernement, ou a quelques autres affaires de cette importance; alors 1'unanimité de voix eft requife. (b) Les premières Charges de Ia Province fe oonnent dans cette alfemblée. Depuis te Staahouderat les emplois Militaires font a la dispofition du Prince d'Orange, comme nous le verrons dans la fuite. Tous les emplois ne fe donnent,quefous condition, & a charge de les reprendre. (by provifie en tot wederzeggtns toe) (c). On traite auffi dans cette affemblée les. affaires qui regardent 1. l'adminiftration de» (n) pig. 95 & 96 ^ O) Voy. Rtftl. 9 Ftbrumy iéU & Grrtf Pist* Bei fe III. Deel peg 88. (c) Rtfol, 20 'juli i6i*4  Lettre Viï. La Haye. 99 des revenus publics, (de gemecne Lmds middelen 2. la prolongation ik laduréo des impofitions, enfin. 3; 1'entretien de l'Armée,& de ra Marine. Chaque Député a le droit de parler lihremeht.öi fans craindre les fuites que pourroit avoir pour lui la liberté avec la quelle il a parlé. (d) Pendant le temps qu'il eft Député on ne peut' Tcrrêter, (b) & lorsqu'il parle dans 1'Aflernblée, ni le Grand Penficnnaire. ni accun des Membres a le droit de 1 interrompre. L'emploi de Grand Perftonraire eft un pofte de confiance, ik ne fe donne qu'a ceux, qui font en étac de le remplir dignement. (c) . Le premier qui remplit cette charge fut Albert Van Loo en i5io.La nécesfité dedéfendre 1'Etat & fes libertés contre la puifiance de la Maifon d'Jutricbe &de Chailes V. fit preadre .la réfolution de crécr cette charge. Après la mort de Van Loo en 1535, Abrt MaarTENzooN Van der Gois lui fuccéda. Celui ci fe rendit trés recommandable par (d) Rtjohtlcn van Con/td tin lyie êan dl Witt. p'g- 95. & Groot Pfoc. li. Tom. $.pag. 98. I» Rcfol..* Oflob. 1588. ér 13 i6S3. DENBAKNEVEtD, dont tout Je monde connoit Ja fin tragique. Cette fatale cataftrophe arriva Je 13 Mai 1619, & ce Vieillard mourüt en atteftant fon innocence par ces paroles fi firn pies & fi tonchantes, Mes smis, vies Concitoyens, ne le creyez point, non je n'ai point trahi ma Patrie. (a) Jacob Cats, donc je vous ai deia parlé , remplit auffi cette charge avec éclat, mais 1'amour de Ja retraite, peut être auffi celui des Mules, lui fit demander fa démiffion , qu'il obü'nt en 1651; il paffa Je refïe de fes jours h Zorgvliet, cette belle campagne fur le chemin de Schevelingen. Jean de Witt occupa 1'emploi de Penfionnaire depuis 1653 jusqu'en 1Ö72. La f» On ne pent fe rerufer au plaifir de rspporrer ici le mot «onnu de Madame Barneveld. Elle s'étoï- j ttée •ux pieds du Piince Maur/ce pour demnder Ia gracc de fon Fils Groei:eweid, entrainé par fou Frdre dans une confpiration contre les jours du Prince. Maurice lui temoijiia fon ftonnement, de ce qu'elle venoit demander la grace de ion fils,elle, qui n'avoit fait aucure demarche pour obtenir celle de fon Mari. C'eft que WW» Fils efl coupable répondir cette Dame, avec unc noble fermet*, & qut mn Mari nt l'éteii fviai.  Lettue VIL La Haye. u*i Le jour (a) même que les Etats d'Hollande avoienr réfolu ds le défendre ainfi que fon Frére contre tous les attentats , que 1'on pourroient former contre leurs jours, fut pour ces malheureux Frères le dernier de leur vie ; la populace de la Haye, excitée par quelques fcélérats commit fur ces illufires accufez des excès , qui révoltent l'humanité,& les horreurs, qu'on vit a Paris lors de raiTaffinat du Marechal d'Ancre, fe rétracèrent avec ia ■léme barbarie a la Haye. (/?) Antoine Heinsius,. fi connu dans 1'hiitoire de ces Provinces, & dans lesAnnales deFranee,fut fait grand Penfionnaire en 1689. U avoit été envoyé en France pour les affaires de la Principauté d'Orange après la paix de Nimegue, oü il eifuya toute la mauvaife humeur du.fameux Lsuvois, plus. accoutumé aux foumiffions des Courtifans , qu'au langage male & ferme d'un Répubücain. Louvois le ménaca de la Êaftille, & cette injure avöit jetté des ra:cines profonc'e? dans le cceur altier du Hollandois. Voici le portrait que M. De Toacv nous en a laüiè. (c) „ II (a) Rejol. vau He//: 20 Au?. 1672. ( /;) V. y. Wagenaar Vader; Hijlorie adAnn: {c) .Memoires de Toroy to>n, 2. [>. 2. E 3  102 La II a y e. „ II e'toit confommé dans les affaires, „ dont il avoit une longue experience ; „ intimément Jié, avec le Prince Eugéne „ ik le Duc de Marlborough , ils for„ moient enfemble les projets, régloier tj „ le tems de 1'éxécution ; ils en diri„ geoient la maniére ik les moyens; ils „ étoient comme 1'ame de la Ligue: mais, 5, le Penfionnaire n etoit accufé, ni de fe „ complaire afléz dans la continuation de „ Ia guerre pour Ia vouloir prolonger, „ ni d'aucune vue d'interêt perfonnel. 3, Son extérieur étoit fimple. Nul fafte s, dans fa maifon; fon domeflique com3, pofé d'un Sécrétaire , d'un cocher , „ d'un laquais , d'une fervante n'indi3, quoit pas le crédit d'un premier Minis3, tre. Les appoinftemens, qu'il recevoit „ de Ia République, étoient de vingt yt quatre mille florins , la plus grande 3, partie comme Garde du Sceau." Son abord étoit froid , il n'avoit 3, rien de rude ; fa converfation polie. „ II s'échauffoit rarement dans la dis„ pute. " Tout Ie fecond volume des Mémoires cicez, & dont la véracité efl au deffus da; toute conteftation, prouve la fidélitéde: ce Portrait. Hüinsius eut la gloire d'abaiffer IaJ Serté d'un Roi, qui quelques annees au- pa-.  Lettre VII. La Haye. 103 paravant ne mettoit aucun frein a fes pré. tentions ambitieufes ; fes Miniftres fuppfians a Ia Haye, & a üeertruidenberg, & offranc une paix auffi onéreufe pour leurs Maitre-, qu'avantageufe aux AHiez, ne laifTérent a Louis XIV que Ia douleur d'avoir fait des propofitions honteufes & inutiles Tout cela fut en grande partie 1'ouvrage du Penfionnaire fcieinflus, & ce même homme, qu'on avoit voulu mettre a la Bauilie.ébranla plus d'une fois les fondemens d'un Royaume puiflant & mortifia cruellement'le plas fier des Monarques. II mourut dans un age avancé en 1720. Les Penfionnaires Van Hoor ne eek, Van Slt n geland, Van der Hei ri Gilles & Steyn lui fuccéderent fucceffiviraent. Ce dernier fut remplacé en T772. par M. P. Van Bleiswyk. Voici en peu de mots la nature & la grandeur des fon&ions du grand Penfionnaire. ll doit être de la Religion Reformée, & entendre les langues Latïnes & r-rancoifes; il ne peut remplir aucun autre emploi, qu'avec 1'approbation des Krats,, il doit etre attentif au maintien des Privileges, des Coutumes, & de la Conitkution du gouvernement. Une parfaite■ impartialité lui eft récommandée dans E-4 tou-  ro4 La Haye, toutes les affaires. II doit afTïfter aux* sffemblces des Confeillers Députés, mais il n'y aqu'unevoix déliberative; a failem blée des Etats c'eft a lui d propo'ér lesaffaires, & a recuei'lir les voix ; il doit fe ranger a la pluralité, lorsqu'il voit qua celle ci 1'emporte. 11 tient le Régitre de toutes lesRéfolutions ,que 1'on prend,& en propofant les affaires il doit faire precéoer celles , qui font les plus prelféesc 'B doit doit cntretenir uae correspondance réglée avec les Miniflres de i'Etat chez 1'Etranger; & les avertir de ce qui ie paffe, fi ce font des chofes,dont ceuxd doivent étre informez. De tems esv tems il éxamine 1'état des Finances de la Province , pour en rendre compte aux Etats. II lui efl défendu de folliciter des emplois, des charges , ou des dignitez' pour perfonnes, pas même pour fts amis', cxcepté pour fa familie jusqu'au troifièine degré. Tel eft cet emploi, qui demande desgrandes connoiifances , toutes les qualirez des Politiques, & la plus exaéle probité. L'emploi de Garde de Sceau eftdonne. alternativement au grand Penfioniraire, & au plus ancien de la No; lelfe. Les Etats d'Hollande ont deux Secrétaires, le fècond eft aufii celui des Confeillers Députez. M. M. Uoitsr-bookc &>  Lettre VIL- La- Have. 105 J. J Royer rempHflent sftuellement ces eir.pl-.-is. . Les Etats netant pas toujours aflernbtez, il etoit neceffaire de créer un Confeil , qui remplit dans cet intervalle une partie de fes foncr'ions. C'eft ce qui donEa naiflance a ÏJJJembtte des Lonfdllcrs Députez. ( G' committeerde Raaden ) Sous les Comtes les affaires, que ces ConfeüLrs Députez traitent a préfent, éioient du département de la Cour d'Holc hinde, compofée du Stadhouder, & des GónfeÜlers qu'on lui aflbeioit. Mais après Ja mort du Guülaume I les Etats jugérent a propos d'ériger un Confeil different de 3a Cour, auqutl on remettroit le foih des affaires politiques, en ne laiffant a la Cour que celui des affaires- civilcs & criminelles. En 1590 1'on dreffa le plan de ce Confeil , on y fit dans la fuite plufieurs changemens (b) fur tout en 1751. Ce Confeil eft compofé de dix Membres ; dans la Sud Hollands & de lept membres dans la Nord Hollande , dont 1'autorité. ne s'étend que fur ce Quartier. A 1'aflemblée de la fud Holland.', a Ia ouelle je me bornerai, aftiftent un Dépuié " &s («VBpr fom. 3. jh-g. jo6, d* Lj} AïTZ¥* 1*1* (>• p: lca°' ei ;  I®6', "U A H A » E. Ja NoblefTe, (a) qui cn eft en mfme* tems Préfident, & les Députez . de 8 Villes, qui font Dordrecht, Haai km, Leiden,, Amfierdam, Gouda, Rotterdam . & Goiinchem. Schiedam Schoonhoven & La Brille en envoyent tour-a-tour tous les deux ans; les autres Villes changent leur Députez tous les trois ans. On leur récommande principaleroent de ne point préfèrer le bien particulier des Villes, qui les ont député, au bien (Général de toute la Province; (h), puisque cette aflemblée repréfente le Corps entier du Souverain , & non une de les porties. Cette AfTemblée a l'adminntration des aiFaires , que les Etats leur ont confié. Tel eft ce qui regarde en particulier la. dire&ion des Domaines de la Province, & celle des deniers publics; 1'adminiftration des biens Eccleliafti^ues. Les Confcillers Députez ont Ie foin de payer les intéréts desCapitaux, & ont le droit de lever des fommes ju?qu'a 30000 florins, même. en cas de néceffité jusqu'a icocoo, mais (.0) Le Député de la Nob'cfleeft 2 vie. Ceuxdellsarïilfl lui iisymitcat cc droit en 1669, i'aflMre fut n:ife 01 déüberation , mais ne fut, du mJins que neus fsidJiioDS, jamais décidée- i*) Gj;ot:jus I/W/: Conjult Tem 3. 627,  Lettre. VIL La Ha*i.~- ioy mais alorsils doivent en avertir les Etats, & obtenir leur approbation. lis ont auffi le foin des ï'ortifi cations öc de tout ce qui y efl: compris O). Leur Jurisdiclion setend aux affaires, qui regardent les revenus publiés; (b). Dans les villes, ce font des Echevins ad bcc, qui jugent en première inflance ceux, qui1 lont accufez d'avoir fraudé 1'Etat. Ccfl de\ ant ces Echevins , & non au Tribunal des Echevins Ordinaire* , que ces aff iires fe décident; ainfi qu'il a été refolu en 1756. On appelle de leur Jugement aux Confeillers Députez, après que ceux-ci ont jugé, il n'y a plus d'appel, cu'en certains cas la Révifion. Cette Affemblée peut auffi arrêter les disputes, qui s'élevent entre deux Tribunaux SupérLurs au fujet des hmites de leur jurisdiaion , en leur envoyant des lettres nommées (Brieven van cffchryving) afin que rien ne change en 1'abfence du Souverain. Au refle cette Affemblée eft entierement tbumife aux -Etats d'Hollande , qm peu- O) V: Gr. Plac. Stek. Tom. 7. f: 84. Vuy.J'hJh: ét i-t'jO. E 6  toS L A H'A Y E. peuvent au befoin annuller tout ce qu'e'^ le a fait. ( a Nous avons vu que cetfe AfT.'mblée a le foin des Revenus publics, mais elle> n'eft pas chargée d'examiner les Comptes. C'eft ce qui regarde la Chambre dc* Comptes de la Province a"Hollande(ProviiKiale tekenkamer van Holland en fFeJt-FrieJlan l ) érigée en. 1752, a la place d'une autre> Chambre (de Kamer tir auditie van-des geme ene lavds rekeningen in het Zuider en Noorderkwartier) aboiie en 1751. Après vous avoir indiquev, avec foute la briéveté que mon plan exigoit, Ia Cortffitution da Gouvernement de cette République tant en général, que par rapport a Ia Province d'Hollande, je vais mainïenantachever ma tSche vous iuftruire des Droks & des- Prérogatives du Stadhouder Héréditaire. J'ai "préferé deréferver cette matiére pour Ia fin , pour ne pas être obligé de repeter plufieurs fois les mêmes chofes ; ayant cependant eu foin de nevous rien dire, qui ne feit conforme a la- Conftitution ackielle , différente («O tcs CC. DD. peuvent accorder des Saufs Comduits dont,la force «Ytrnd juaqu'a la prochaine affemtajée ïtita. Voy, Rtjo). 4 OH: Am i6f<3, &  Lettre VIL1 • La Haye. mj> rem a beaucoup d'égards de celle quel'on conhoihbit avant la révolution de 1747. Lorsque les Ducs de la Mai'bn da Bourgogne tenoient les rênes du Gouverment de ces Provinces, il n'en .étoit pas alors , comme aujourdhui. Jamais ces psuplea ne voulurent entendre a fe réunir fous un gouvenement uniforme ; autant de Provinces, autant de diverfité dans les Loix politiques & civiles, & ces mêmes contrées, unies aprefent fous le plus doux & peut être le meilleur des Gouvernemens, fe déchiroient mutuellement alors. C'eft ce qui forca, les Souverains a fe choifir dans chaque Province un Gouverneur, qui les répréfenia, qui maintint en leur abfence les loix ik le bon ordre; tels furent les premiers Stadhouders. Sous Ia Maifon d'Autriche on vk un Stadhouder Général fur toutes les Provinces; répreièntant les Souverains, qui le conftituoit, ik adminiftrant la juftice en leur nom. Ce Stadhouder s'engageoit par ferment a foutenir les priviléges, &. les Loix Fondamentales du Pais; c'étoit lui qui maintenoit un jufte équilibre entre i'autorité du Souverain, ik les prérogatives des Sujets. 'Felle étoit la fituation de ces Provinces, lorsque Philippe II. en régut la Souveraineté,- avec un coeur mieux placé, E 7 des  Tio La Hay -e, des flntimens d'humanié & de jrerttr Philippc fe feroit faic adorer de fes nouveaux Sujets, avec les quaikez contraïres'il s'en fit détefter. (a) Alors il s'éléva un homme, dont le nam reftera en bénediclion dans ces contrees jusque dans les derniers ages. Parïni les ' inifires mêmes de Fbilippe on vit raitre le Libérateur de la Nation, l'mtrépide défenfeur des Lc ix méprifées, ces Privileges violez; \e Stalhouder da Roi fur hHetiande, & la Zêlmk, dépouillé depuis par ce Prince de ce titre glorieux, devint le Père de ces peuples qu'il avoit fauvez, fe fervk du pouvoir étendu qu'on lui confia a la défenfe des Pro» vinces,au maintien de fes Loix &de fes Privileges, éVle titre de Comte de Hollande étoit le dernier honneur,que la réconnoiiïance allok ajouter a fa gloire, lorsqu'un monftre digne inftrument du lache Monarque, qui s'en fervit, alfaiïina a Delft Guillaume I. II ne paroit nulle part, que les Etats ■syent jamais déclaré le Prince Stadhouder en leur nom. C'eft donc au Prince IVJausice qu'il faut fixer la Haifiknce du prelater- («O Voy. ttxalknU Wflsirs de PhiHppe II. JMT M. Watsoh.  Lettre VIII. La Haye. ui mier Stadhouder, crée par les Etats. Après le départ de Leyeeüer 1'autoritédu Prince s'accrut conüdérablernent Sa puilTance étoit presqu'égale, a. celle dont étoient révetus les anciens Stadhouders. Capitaine & Amiral Général, a la téte du Confeil d'Etat, de la Cour de Juftice, Défenfeur des loix, de la Religion, changeant lés Magiürats, conférant les Emplois, dont les aneiens Stadhouders avoient la Collation , accordant en quelques cas des lettres de grace , Telles étoient les prérogatives, dont jouiflbit Maürich, joignez y cette infiuence, qui ne peut étre fentie que par ceux, qui connoiflent les mouvemens des Corps Poütiques & vous aurez une idéé de ce qu'étoit alors le Stadhoudérat, reflemblant a divers égards a celui d'aujourd'hui, & portant les mêmes Caraétères eiTentiels £ autorité & de Jurisdiclion. Mauuice fut au jugement du Chevalier Folard le plus grand Officier d'fnfanterie, qui ait paru depuis les Romains. II avoit ce coup d'ceil infailliblei%i décide du fuccès des Batailles. U colpoisfoit cet art fi peu connu des marchtts & des Campemens, celui de fortifier les places, celui de faire fubfifter fes Armées dans les pays les plus fteriles. II  112 L a II a y Ei animoit le Soldat.,d'une nouvelle ardeufc & comme d'une nouvelle vie, le rendoit infenfibie a la fatigue, & favoit le feeree de menager fa vie. Son Camp devint 1'Ecoïe univerfelle du J'Europe, la cëiènre iVJaréchal .de Turenne, & beau-» coup d'autres fe faifoieiK gloire dc fe dire fes ciseipl.es. .(#). Jamais la guerre contre PEfpagne ne fut li vive, que durant le Scadhouderac de Maurice, & fa vie entiére ne fit qu'une chaioe non interrompue de conibats, de fic'ges & de viétoires. Après la mort de ce Prince en 1625 F r e d e s. 1 c Henki fon Frère 1 ui fuccéda dans radmiuiflration des affaires. Ce Prince deviht 1'idole des peupks p^r fa douceur & fon humanité, qui ne terniffoient pas fa gloire & fes vertus militaires. Son fils Guntauhe II. eut égalé peut étre fes Ayeux, & fes vertus muries par les annees & 1'expérience eulfent acquis un plus grand éclat, fi cette mar ladie terrible,contre laquelle on n'a corrtmencé que trés tard a fe munir, n'eut faucbé ce Prince, a la fieur d£ fes.Aas, en 1.650. , Ds- («) Voy. Vll/iolte du Siaibtudiw, ■  Lettre VIE La Haye. 113 - Depuis cette époque la République n-'eut point de Stadhouder jusqu'a ia farneufe année 1672. alors on fenüt-vivement le befdin d'un centre d'umm , qui donnat de 1'bamonie aux Confeifs & du reliëf mix Armee~s, (a) & Guillaume III. jetta les fondemens de cette grandeur, qui fé rnanifefta dans la République, qui répoufla les Armées du plus puiffant Monarque d'aiors, s'aflura une confidération méritée dans I'Europe, & donna enfin des Loix a ce même Louis XIV, le plus terrible fieau, qui ait jamais ravagé ces contrées. Guillaume communiqua a la République fon efprit de vigueur & d'expédition. II alluma dans la moitié de J'Europe le flambeau de la haine, qu'il portoit contre Louis; il regna paifiblement en Angleterre, paree qu'il ne voukfit pas y étre abfolu, valeureux fans oftentation, ennemi du fafte, politique confommé, fouvent défait, jamais-totalement vaincu, il trouvoit dans fes défaites memes des moyens pour rendre inuitilës les viflcires les plus complettes, & la Pjix de Ryswyck couronna en 1697 fa vie & fes exgloits. U mourut en 1702, au (n) Encyclopedie a'Y\ictJon, Tm», 39- A«. Stad. Beu der.  H4 La Iï a y e. au moment, oü Ia fameufe guerre de la Succeffion alloit de nouveau embrafer I'Europe; la mort le furprit au milieu de fes plus valles projets, de'üvra Louis XIV. de fon plus redoutable Ennemi , & ravit a la République un chef, & un defenfeur valeureux. (a) Vingt ans après en 1722 la Gueldre «boifit pour fon Stadhouder Guillaume Cirarles Henri Frifo, plus comme fous le nom de Guillaume IV. En 1747 il fut élu Stadhouder des fept- Provinces, & le Stadhoudérat fut rendu héréditaire dans fa familie. Tout le monde fait les détails de cette célébre révolution, qui xétablitje Stadhoudérat dans ces Provinces, aFura aux peuples des chefs, & des Défenfeurs, & la mort de Guillaume IV en 1751 ne tarit pas cette illuftre Maifon. Son époufi; exerga durant la minorité du Prince afituel le Stadhoudérat, avec la même gloire que fon illu- ftre (<0 0,i rsppntte de GiiHanaie !!*. qu'un Co!'<.reï trop cmieux syant ofe lui faire une queft.on indiscretie, m.tit lui dit le Prince,/? vont cor.t.oilj.ez met 'Uffeint, ne /es cowmunifne> iez v**s h pirffnnt ■•• Non aiï** rtment répoodxt le Cullonel; Le Ciel r?pliqui Gtn'bume , m'a mafii êtcwtli le don de ftvvir gnrder un jé. cet, ll.ft, de GuiPsnme 111. CYtoit tuili iui qui di'foit , que s'il troioii. que ft cbevuje fut Jon frcftl, il la biuürtii.  Lettre Vil. La Haye. xi5 flre Epoux, enfin S. A. S. prit lui même, lors de fa majorité ; les rénes de 1'adminiftration, qui lui a été confiée. Infrtuit par S. A. le Duc Louis de Wolfcnbuttel, dans toutes les chofes.qui for» ment le Politique, & le Guerrier , Guillaume V. fuit glorieufement les traces de fes illuftres ancêtres. Les peuples^ de ces contrées béniffent fon adminiftration. La liberté, les Loix, les priviléges voyent en lui leur protecteur, & la Religion un Défenfeur éclairé. De fon mariage avec la Princeife Royale de Pruffe, qui partage avec lui la vénération & 1'amour de la République, font nés des rejettons precieux, qui perpétueront cette Maifon fi chère a tout vrai Hollandois» & qui en éterniferont la gloire & la durée jusqu'a la pofterité la plus réculée. _ Après cette courte ésquifie de l'hiftoïre déja connue des Stadhouders,Je paffe a des détails généralement plus ignorez, & les fonüions & les priviléges des Stadhouders vont être le fujet de la fin de cette lettre. Voyons donc quels droits, quelles prérogatives le Stadhouder a récu i. des-. Etats Généraux, & 2. des Provinces. Guillaume IV. recut des Etats Généraux la dignité de Stadhouder Capitaine &  ï'i<5 La Iï k v f. & Amiral Général héréditaire. Par es titre après Ja mort d'un Stadhouder fon adminiftration paflé a fes Enfans maies, s'il n'en a point, a fes Filles, ou a leurs héritiers. II eft a remarquer, que fi le Stadhou lérat pafte aux Femmes, ce ne doit point être une Reine ou Electrice. Elle doit étre de la Religion Réïor. mee, & ne peut fe marier que du confentement des Etats, mais jamais avec un Roi, ou un tlecieur. Le Stadhouder commandeen chef toures les forces de 1'Etat, il peut ordonner aux gens de guerre tout ce qui convieit pour Ie maintien ik Ja confervation de J'union, & pour Ia fureté de 1'Etat; U ordonne les marches, change les garnifons, il confére tous les grades militaires ju^qu'a celui de Colone! inclufivement. II nomme les Gouverneurs & Commandeurs des Villes, en un mot tout ce qui regarde la guerre dépend uniquement ce Lui. II préfide aux Affémbic-es, sa Confeil d'Etat , aux .Amirautez, & a toutes les Cours de Juftice excepté au HW Confeil. en Hollande. II dispofe auffi des charges de Lieutenant Amira!, & des autres Officiers de Marine ; Le Stadhouder eft arbitre des différens entre les Confedérez; c'eft ce n iq lef-  I Lettre Vil. La Haye. 117 I 1'efpric du Traité d'Utrecht lui accor- de. O). - l II affifte, quand il lui plait, aux asI femblées des Etats Généraux, & a leur ]| conférences particulieres. II a une in| fluence confidérable dans le choix des J Miniftres , des Ambaffadeurs & des En1 voyez; II eft Gouverneur particulier I des Pays de la Ge'néralité, & a le i droit d'accorder la vie aux Criminels, I qui reffortent de la Cour de Bcaband, ! établie a la Ha e. II exerce fa Ju- risdi£lion fur Maaftricht, & Vryen- hoven. Les Etats Généraux lui accordérent Ie ! 12 Decembre 1747. le droit de changer 1 annuellement les Magiürats de Bois le Duc. (b) Enfin il eft Curateur de presque toutes les Académies. Le Stadhouder recoit une Penfion confidérable en qualité de Capitaine Général. II a une part dans les Prifes marnimes, & en qualité de Préfidenc du Confeil d'Etat- il tire 25000 florirs, fans .(/>) Att. IX. xvi. & XXI. (li) Voytz le Decret des Etats Géncraux 59 Mai 1747. quj dispofc en favtut du Stadhouder du Droit de faite gtaee aux Criminels.  nS La Haye, fans compter beaucoup d'autres émolu- mens, qu'il retire de fes diftérentes charges. .Pac. rapport .aux ProvinGes particulières fes droits font différens, & 1'on ne peut conclure d'une Province a 1'autre. A nsoins qu'une d'elles ne lui confére les mêmes droits, qu'une autre lui a accordé. Ainfi en 1747, la Nobleffe de Gueldre lui a conféré les mëmes Priviléges & Ui raêioss droits, dont il jouic en Hullande. Ce que ceux de Nimegue lui accordèrent auffi la même année.au moisde De.cembre. En Gueldre le Stadhouder fait partie de la Souveraineté comme membre du Corps des Nobles ; f! y dispofe de toutes !es charges, & décide. les differens, qui s'élevent entre les Qjartiers. En Hollande il donne en qmlitéde Capitaine Général tous les emplois militaires, qui font du reflbrt de cette Province. II eft Grand Maitre des Eaux & forêts,, grand,.Veneur. . II préfide a la Cour d'Hollande, & tous les mandemens font en fon nom, auffi bien qu'en celui de cette Cour II a le droit de faire grace aux criminels, excepté dans les cas d'homicide vo- lon;  Lettre VII. La Haye. tij» lontaire , & dans d'autres crimea- auffi graves. Le Stadhouder affifte a 1'aiTerablee dés Etats d'Hollande, les Confeillers' Dépur tés, lui ont cédé la nomination a tous les emplois, qui étoient a la dispo-fitiori de leur Confeil; & le Confeil Ier Pen^ fionnaire efl obligé de le confui'ter dans les affaires qui regardent le Gouvernement. II fait annuellement 1'éleélion des' Magiflrats dans les Villes fur une-doublé nomination. Mais ceci ne s'étend que fur quelques unes d'entre Eh'és. Dans d'autres il n'élit que. les EehevkiSrCommê par exemple a Leiden , dans d'autres il n'a que le droit d approbation ; Ceux e Dordrecht lui prètent ferment auffi bien qu'aux Etats. Le Prince d'Orange eft exempt.des charges perfonelles, & dü Collatéral. (//) Ses Gardes du Corps & la.Compagnie de Cent Suilfes font entretenus "aux dépends de la Province. En Zilanoe. 11 faut diflingutr les droits du Stadhouder ik ceux'du fremltr Noble de cette Province. {b). Dans (/i) Gr. PU. Paek. t»w. VU, f, 14*1, {!>) Uta'ct. a'« /'««»«;* 1751.  120 La Haye. Dans la Province d'Utrécht Ia •puiffance du Prince eft trés grande. II a le droit de changerannuellementleMagiftrat; II approuve la nomination des Députés de cette Province a l'aflemblée Générale; & il a le droit de terminer les différens qui s'élévent parmi les Magiftrats. (a) En Fris* le Stadhouder confére tous les emplois Militaires, & nomme les Coufeillers de la Cour de Juftice; le Sécrétaire de 1'AlTemblée Provinciale, ék fes Députés, le Receveur Général, 1'Avocat Fiscal, Ie Greffier de la Cour &c. &c II choilit a 1'emploi -de Grietman une des trois perfonnes, dont la nomination lui eft préfentée. Enfin le Stadhouder a le droit de faire grace aux Malfaiteurs, de la mêmemaniére qu'en Hollande. En Overyssel. Le prince eft le premier membre des Etats. II nomme a tous les Emplois Militaires. 11 a des priviléges fort étendus par rapport aux droits féodaux, ëi il termine tous les différens, qui ne peuvent fe décider, que par fon interpofition. Dans la Province de Gronincub on lui a accordé les mêmes droits, dcnt il {aJJJit.cbtt Boek. 7 m. 1. p. IeJ>,  Lettue VII. La Haye. -m il jouit en Hollande; II confére les ©mpïois militaires, il a droic de fémce dans tous les Confeils; fuivant 1'Article Xiï. du Reglement de 1748. Le Prince en donnant des Charges doit toujours préférer les habitans de la Province aux Etrangers, & s'il s'eléve quelque dispute le S.adhouder doit tacher de concilier les parties. S'il ne peut y parvenir, il peut terminer le different. 'Le Prince a les toêmes droits dans Ie Pays de Drenthe. La Majorité des Stadhouders efl fixée a dix huit ans. Tefle eft, Monfieur, l'autöntë & la nature du Gouvernement Stadboudérien-, Sous cette heureufe adminiftration la République conferve fes priviléges & fa liberté, objet de tantde peines, &récornpenfe de tant de patriotisme. Elle trouve dans fon Stadhouder ufl Conciliateur éclairé.qui attentifa conferver & a maintenir les droits & les prérogatives de chaque Province, en fixe 1'union , en faciüte les divers mouvemens, & protégé toutes les fources de profpérité, & de bonheur, qui ont rendu ce Peuple refpeclable a fes fnnemis, chet a fes Alliez, & heureux dans toutes fes parties. 1'ai 1'honneur d'être, &c, ... F LET»  122 Leiden. LETTRE VIII. LEIDEN. Leidfendam; Description de ce Village', Description de Leiden, Eaijïces publiés, FaLriqucs; Unive>fité Privileges; I rofiO'citrs ilhijlre:. Cahinets & Bibliothê'.ues; Savars, drtiftes; Jntiquitez de Brittet.bnrg. Sctle des Rbynsbeurgeois. Description dc'taillée de cette JJJemblee. MONSIEUR. LE chemin, qui condnit de Ia Haye k Leidfendam, efl: dés plus agréables. Des paturages, des points de vue charmans rtpofent 1'ceil deiicieufement, & Ie Canal efl: bordé de Campagnes, dont les Propriéraires paroiflent plus occupé du foin de vouloir plaire aux yeux des PalTans, que de celui d'en jouir eux inêmes. Lgidsendam efl un petit Village li une bonne lieue de la Haje. Le paiTage coatinuel des Voyageurs, qui changenc  Lettre VIII. Leiden. ï2# de Barque dans cet cndroit, renJ ce-village trés agréable. On y va manger en été du Poiflbn de Riviere, qui efl: excellent, & fe prend avec abondance dans ces environs; Lkiden efl: la plus grande Ville de cette Province, après Amfferdam, mais infiniment moins peuplée; On y compte environ 6ocoo habitans. Cette ville efl fameufe dans l'hifloire par le courage de fes citoyens, qui eft 1574. foutinrent un fiége opiniatre, & fouffrirent avec cet héroifme, fruit de Pefpritde liberté & d'indépendance, tous les maux,que la guerre, la famine & les maladie< allument & répandent. On fait de quelle fac;on miraculeufe cette ville fut délivrée le 3 Octobre de la même anaée., Depuis ce tems ce jour efl: célèbré annuellement a Leiden. Les Prédicateurs font obiigés ce jour la de faire dans leurs fermons l'rtiffoire du fiége & de i délivrance de la Vilïfe; II feroit a dé» irer, que de telles infiitutions fuffens ?lus généralement répandues; que les anliverfaires de jours auffi mémorables 'uifent célèbrés chez tous les peuples ,qui pourrqient s'en glorifier, &que des Epoques auiTi remarquables fuffént plus cort» BU s. Quoi donc, tout le monde lerappelle Ia v^onlpiraiion des Poudres, les F z Ve-  t *4 L p. I [j fe h. Vêpres Sieiüeónés, Ja Sc Barthéiemi, la Révocation de 1'Edit de Nantes, lesDragonnades, & tant d'autres traits qui fouillent les Annales des Nations, & 1'on ne s'emprefferoit pas a éternifer 3a memoire de ces Evénemens heureux, de-ces Révolutions iubites, qui furent le figna! de la déüvrance d'un Etat? Dailleurs desinftitutionspareilksa celle de la celèbration annuelle de la déüvrance de Leiden precurent un bien infini. Elles fervent a réveiller dans 1'efprit de •tout un peuple ce courage & cette male fermeté,qu'on admire plus qu'on ne 1'imite .de nos jours;elles infpirent auxCytoyers une noble émulation, par la coroparaifon ■que 1'on fait des.vertus de leurs Ancêt nes, .avec les vertus modernes. Dans ces circonftances critiques le fouvenir de Ja conduite, que tinrent nos Ayeux, peut fervir de guide aux démarches, que 1'on doit faire. Enfin dans la plus grande fécurité même, au fein de la paix & de 1'abondance, 1'efprit de patriotifme ne doit il pasêtre entretenu dans les coeurs'? Quand cet araour s'éteint chez un Peuple, quel motif pourra 1'attacher a fon pais! Quand les raifonnemens les plus forts ne font plus impreftion fur lui, il ne refte d'auire rdTource, que de le réveiller de fon affou» I  Lf.ttre Vllf; LEIDEN. Ï2$ ttfobpiflément, par l'afpeéf. impofant da que'que cérémonie folemnelle, ou par le - fouvenir de quelque Evenement extraordinaire; & rien ce me femble, n'eft plus propre a cet efret ,que les Jubilés & ks Anniverfaires; E e i n h n - eft fituée trés agréablement» Le voifinage du Rhin, qui fe perd a une lieue de cette Ville dans les Sables de Canvyck, la falubrité de 1'air, tout concourt a la rendre un féjour delicieux* Leiden eft entourée de ramparts & de larges folies bordez par des allées charmantes; En général il y a peu de Villes en Hollande dont les environs foiem auffi; diverfifiés, & auffi agréables. Les Manufaófcures de Draps, cette bran* che deCommerce autrefois 11 utile a cette Ville, tombent- beaucoup. Les établilTemens de pareilles fabriques en Angleterre, en France, en Ailemagne &> en dernier lieu a Amersfoort, ont fait beaucoup de tort a celleste .LeidendLa cherté de ces Manufaclures les a féduites a la confommation intérieure; hs Hollandois méme fe fervent" fonvent des. ProducHons étrangères. Les' Camelots de Leiden égalent ceux de Hruxelles. Malgré la bonté du travail & de la matière ils font moins recherchés que ceux F 3 dc*  &2) Voy. Confïder allen «ver 't verval van 't debit sier Inlaad. Manufaél. f a°. 35. (/') La Nouvelle Societé Oeconomique ( de Oecs-.-omij ebt Tak) pcrf.ctioniKta fans doute \zi plan? furirus pour 1'sméliOtitipn des Manufadtures intérieiHcs, & ce ne fera pss un das favices les mo.SU jmfflirtiM que ceite Stcjcté readtaü fa Patde.  Lettre VIII. Leiden. 127; Manufaclares; on en comptoit plufieurs rrJiliers. Aujourd'hui ce nombre eft extrême-ment diminué. La chené de Ia main d'ceuvre, la mauvaife volonté & la parefle du petit peuple de cette Ville font les principales caufes de la décaden* ce des Fabrjques. LeBeurre de Leiden efl trés recherché, & il paffe pour lemeilleurde toute la Province. Les pro Ju ellens en fruits & en legumesfont tetlement eftimées, qu'Amfrerdam fe fournit presqu'entiérement de ces denrées dans le voifinagewde Leiden. La Ville efl bien pergée, décorée de belles ruè's, & de canaux entourés de grands arbres. La ruë nommée la Grande ou Btceftraat efl, dit on, une des plus belles & des plus larges de 1'Europe. Le > ong Pont eft une ruë' ainfi nommée, a caufe d'une voute, fur laquelle elle repofe; fous cette voute eft un ruifleau, qu'on nettoye tous les ans, afin qu'il ne vienne jumais a s'engorger. L'Hotel dc Vi'le bati en 1597 fereflêne des tems de fon origine; On n'y voit rien de remarquable, qu'un tableau de Liic de I dien, connu fous le nom dc Lucas, de Hollande, repréfentant le jugeF 4. ment  inent dernier. Ce peintre efl le premier des moderncs, qui ait eut quelque idee de la. pcrfpeétive, il rnoumt en *533- Ün voit aufïl a 1'Hótel de Ville i?ne chambre rempiie de fufils & d'un grand nombre d'armes dont on fe fervit au tems du fiege de Leiden, on y montre encor plufieurs autres efrofes, qui n'ont dautre mérite & d'autre prix, que leur ancienneté. La Grande Eglife dediée a S. Pierre dl vafle & belle. La familie de Boerhave a élevé i! y k quelques années un monument a la meirioire de ce grand homme , enterré dans cette Eglife. C'eft un piédeftal de marbre, noir portant une Urne de marbre bianc, entourée de plufieurs têtes cPèlées. Sur une des faces du piédeftal on voit un médaillon repréfentant le bufte de Boerhave, & plus bas fon cachet avec cette dévife , Simplex Jigillum veri. Cc monument eft dédié aux manes de ce favant, par ces mots energiques, Salutifcro Boer* havii Gcnio facrum. Je ne connois pas d'Epitaphe plus fimple & plus refpectable. Les Réformf's Franjois occupoient autrefois deux Eglifes; aujourd'hui leur nombre eft teliement diminué, que leur Eg Ij fe, de-  Lettre VUL. Ljeibznv 123, dediée jadis a la Ste. Vierge, efl do beaucoup trop grande. Les Anglois Presbyteriens , les Ré» roonftrans , Memnonites , Anabaptift.es 5, les Luthériens , ,& les Catholiques onttous ici des Eglifes & des Chapelles-. Le Burgt ou Chdtemi de Leiden efl le. plus ancien Edifice de cette. ville. Ce n'eft plus a prefent qu'une terralfe trés. élevée entou.ee de murailles-; on cécouvre de la toute la ville & jes campag-s nes d'alentour. On y voit un Puits exiremement profond, fous lequel étoit, diton , autrefois un chemin.fouterrein, qui conduifoit a Catwyk. On dispute beaucoup- fur fantiquitd de ce batiment; quelques favans en font, remonter 3 origine jusqu.'au commencemsnt de 1'EreChrêtienne, mais 1'opinion laplus: vraifemblable en .fixe 1'Epoque au neu-. vième fiede. La Poiflbnnerie eft décoree d'une bek le Fontaine, ornement utile, qui répand. <&. entretient la fraicheur dans des lieux* fans cela fort defagréables. Les autres Edifïcès font peu confide-? sables. Plufieurs hommes iüüftres prireht naisfatice a Leiden. Le fameux Remekakd 0j$L aus eayirons de cette Ville.- Jl F 5 . étoifr  tB* L E I B E N. étoit fils d'un Meunier & discïpïë d'un Peintre d'Amflerdam , nommé 'lafiman. IJ fuivoit toujours la Nature, & celle-ci paroiflbit animer fes Tableaux. 11 airopit les grandes oppofitions de lumiere & d'ombre, <& fon atteüer étoit conftruit de fagon, que le jour n'y entroie que par un trou, comme dans h chambre óbfcure. A une avance fordide Rhnbrétd joignoit malheureufement un esprit firigulier &capricieux, défaut ordinaire des gens a talens. II fe fervit de plufieurs moyens peu honnêtes pour vendre fort cher fes efhmpes; il les faifoit fouvent vendre a fon Fils, comme fi celui-ci les eut dé-' ïobées. On raconte de ce Peintre, qu'étant un jour occupé a peindre une familie entière dans un feul tableau, il apprit la mort d'un Singe , qu'il aimoit beaucoup. 11 fs fit apporter cet animal, & lans aucun égard il traca le portrait du Singe fur la même toile. II ne voulut jamais 1'effacer, & préléra de ne pas vendre fon ta3>leau. (a) 11 répondit un jour au reproche quW lui (ö)Voy. Diclknaairs dei Hummes illuflres "2om. 3. p. i?u J  Lêttre VIII. . Leiden, jji lui faifoit, que fa fagron partjculière d'empkr.er-ks couleurs rendoit fes ouvrages raboteux, qu'il étoit Peintre cjf non Teintur'.cr. ■ Enfin un dernier trait, qui vous fera 1'avarice de Rembrand comprendre, c'eft la plaifanreried'un de fes E!éves,quiconnoiffant fon avidité peignit un jour des piéces de monnoye fur des cartes , & Rembrand les ramaffa bien vice, & fouffrit ce tour fans fe lacher, mais malheureufement auffi fans fe corriger. II mourut a Amfterdam en 1674 fuivant quelques auteurs, & en 1688 fuivant d'autres; l'année de fa naiflance efl: auffi incertaine que celle de fa mort. On doute fi c'eft en 1600 0li en 1606 qu'il fauten fixer 1'époque. Ce fut en 1534 que Jcan van Leid h n , célébre feditieux & fanatique, fe fit connoitre. Né en 1510 de Parens pauvres,il fut Tailleur , enfuite Comédien , & s'affocia enfin a un Boulanger d'Amilerdam qui fe dilbit Envoyé de Dieu pour éclairer le genre humain, & élever une nouvelle Jérufaiem. Thomas Maneer avoit déja infecté précédemment une partie de ï'Allemagne de cette dangereufe doclrine, &. les efforts de Luther fe trouvant inutiles, on réfolut d'armer contre ce fanatique. l'Elecleur i" 6 de  J'gC- L E I & E N.. de. Svxe , le Landgrave de Ihjje , & . Duc de Erunsvic fe réunirent, & dtfirent fuccefllvement le parti de Muncer. Lui même futpris & décapité le 15 Mai 151^. Bien loin d'étre décóuragé par la fin tragique de Muncer , Jean van Leiden, fuivi d'une troupe de fanaciques fe rendie raaitra de Munfler en 1534, & y exer$a les plus horribles cruaute's. II permit la polygamie, &. do; na fexemple en prenanc quatorze femmes. 31 renverfa toutes les Eglifes, & changea entiéremen* le gouvernement, fe fit déclarer Roi, & rejpt comme tel d.s hohextraordinaires. Coninus auteur contemporain affure, qu'il avoi: tout le génie, nieeffaire pour bien gouverner, mais que fa cruauté & fes pafiions eftrénées cor~. ïompoient fes bonnes qualités.. Jl nom2»oit fon Royaume prétendu le Royaumc. d'Jsraëi, & fe difoit miniitre de la Juftice. dans le nouveau Temple de Dieu. Tant d'horreurs & d'abominauons ne demeurérent pas impunïes. L'Êvêque de Munfter alïiégea la Ville, & 1'a rêduifit fcientöt aux derrières entrémités. Cependant jean van Leiden fit décapiter ^.uarante lept perfonnes, qui parloient de rendre. On mangea des Chats, des Qiiens & jusqua, de la chair humaine, Malgré. tout. cela, ce fanatique ne pej-  Lettre VHL Leideh. 13,3. daic rien de fon aflurance, & promitaux. habitans, que la Ville feroit délivrée a la Féte procnaine de Paques. Mais ,cette prophctie fe trouva faufle &. la Ville fut, emportée au mois de Juin 1535- Gonduit devant 1'Evêque, celui-ci lui., réprocha fes cruautés & ia trahifon, mais loin de fe décpncerter van Lsiden répliqua, tranquillement. „ II eft en votre pouvoir de réoarer tous les maux * que j'ai pu vous 'faire. Que 1'on m'enferme dans. ,* une cage de fer,& que 1'on me montre. „' pour de 1'argent dans toute 1'Europe ^ \, vous gagnerés plus par ce moven ,que. „ la guerre ne vous a couté." Son fupplice fait frémir. On 1'attacna a un Poteau, & deux Bourreaux arrachcrent fes membres avec des tenailles ardentes, enfin [on le perga d'une épée,& fon corps fut expofé dans une cage. Ses principaux complices eurent le même fort; & cette fe.cle disparutavecfeschefs. On tenta bien a Amfterdam de la renouveller mais fans fuccès. Les Memnonites (a) d'aujourd'hui abhorrent les fureurs de ceux de Munfter ; & s'ils penfent .-omme eux au fujet du Baptéme & du fer- (a) les Memnonite? font ainfi nimwé; <3e leur chef Mtmno Sïmom Piêtfe ïs'uon, qai e-> 1536 P^cha ku3 ^■arine. _ E Z  ï34 & e I ■ d e n. ferment, ils détefte-nt 1'efbric de révolte de fédiiion, & de fanatisme , & feut des fujets fournis & pacflqiies. Pas qui er de Fvne Miniftre Rémonftrant éccit de cette Ville. 11 r.ic violemment perfécuté iors de la queretle entre les Gómarifles & les Arminiens, On avoit mérhe mis a prix ja têté de tous les Miniftres de fa feéte» Un jour fe trouvant a Amfterdam Pasquier alla voir un de fes anciens amis a é de 72 ans, miniftre & perfécuté comme lui A force de prïêrei ii i'engage a une promenade. Tous deux déguifés fortent de la Ville, & fe repofent fur un ponr. Une Fruiti re paffe. Ils achetent des cenfes, & fe mettent a les maneer a la derniere. Le vieux Miniftre ne pouvoit s empecher de montrer de 1'inquiétude , de tourner a tout moment la tétè, & de s'écrier , „ ah Ciel fi nous fommes dé,, couverts, c'eft fait de notre vie" Point de crainte répliqua Pasquier. ., Qui pour„ roit s'imaginer que deux bonnes gens mangeant des Cérifes fur un pont , „ foient deux Miniftres Arminiens dont * la tête eft proscrite? Ainfi mon cher „ Confrère conti'iuons notre collation." Cette tranquillité & ce fangfroid 1'accompagnérent dans toutes les occafions ciitigucs oü il fe trouva.  Lettre VIM; Leiden. 135 Leiden doit une partie de fa célè* brité a féreclion de fon Univerfité en 1575. Ce fut la récompenfe que Guillaume I. accorda au tiom de Philippe II, au courage, & a 1'intrépide défenfe des Habitans de cette Ville. (a ) l'Oclroi, qui accorde ce privilege eft trés rémarquabie. On y fait parler Philippe d'une manière ,qui s'accorde trés peu avec fa véritable facoh de penfer. „ li y 3, déclare, que comme la guerre avoitcau„ féun grand détriment aux belles Lettres, & que les habitans de la Hollande & de la Zélande ne pouvoient.a caufe de la différence des Kéligions, envoyer leurs „ Enfans a des Univerfités étrangéres , „ il étoit de toute néceiïité d'établir^une j, Univerfité dans la Province ; vü fur„ tout que les troubles inteftins ne par„ roiflbient pas pouvoir être termjnés fitöt, j, & que la magnanime défenfe des Ha3f bitans de Leiden exigoit une récompenfe 3, proportionnée a 1'étendue de leurs fer5, vices. " Avaiït que 1'on eut abjuré entièrement le pouvoir de Philippe, tous les Placards , & toutes les Ordonnances étoient faites en fon nom. Cependant Philippe déclara par un Edit du 26 Mars 1583 («) Vid. Groot. Pkc, Boek UL. Deel p*g. 52s.  *S5- L E I ö E K. 1582, que tous ceux qui iroient a l'Aca^ demie de Leiden feroient regarjés comme Hérétiqucs,& déchui du privilege de pouvoir aspirer aux charges (a). Cette Univerfité fut bientöt la plus célèbre des Pays bas & peu après de toute 1'JSur.ope. Le Prince d'Orange,trois Curateurs & les 4 Bourguemeftres de la Ville en onc Ja.fupreme dueftion. Le Sénat Acadé-' mique nomme tous les ans un Re&eur appeilé Magnifique, quj eft confirmé par' les Etats d'Hollande, & par les Bourguemeftres.. On lui ajoute 4 AlTelTeurs C'eft 1 a..ce Confeil q.ue fe rapporte en premie-' re inftance tout ce qui concerns 1'Academie. Le Tribunal Académique eft compofié du Recïeur.des IV AfTefieurs, IV Eourguemeftres, deux Echevins & un Secretaire. L'autorité de ce Tribunal eft tres etendue, tant dans le Civii que dans le' Crirmnel, Tous ceux qui font a Leiden a caufe de i'Academie, & tous les Etudians' refiortent du Senat immediatement, dans toutes les affaires. Soit qu'ils foient accu fa teurs on accufés, demandeurs ou intimés, même dans les querelles avec des, Bonr-  Lettre VIIE Leiden. 137 Bourgeois'; ainfi que Paxiöïne connu, actor fequhurforum Rei, n'eft ici d'aucune application. Les Profeffetirs font fournis en premie» re inftance a la Cour d'Hollande. 11 n'y a point d'appel des fentences du Tribunal Academique , la Révifion efl le feul moyen que 1'on puifte emplo- yer- (a) L'univerfité a le droit d'infliger despei-. nes corporelles ; meme celle de morr. Mais elle ufe de ce droit avec la plus grande modération , & le chatiment ufitépour les Etudians, qui a force de recidives fe font rendus indignes de ménagement, eft le bannifiement. Tous les membres de 1'üfiiverfité jouisfent de plufieurs franchi'ës ; & ne fons. pas obligés de loger des gens de guerre, ni de payer leur part a laréparatipn des murailles & des Fortifications. Tant d'avantages & de Priviléges ne furent pas lés feuls n oyensque 1'onem-. ploya pour faire fteurir 1'Academie de cette Ville, on eut foin d'y appeller les hommes les plus celebres, &unejeunes- fe («) Kous avons vu cn qi oi confiile la Révifioa d'un l'tocè:. pag. 72. Voju.* ce fejtt. R"-fl>lut S V0* Ctt&dt '«» tj<*s vm di Wit t"S- -'■ P  J3.§ Leiden. nombreufe ka fuivit bieotót: ce ferolc entreprendreun Catalogue, que de vouloir ater ,cl toUS les Profeffeurs, qui fe font «taguédans cette Univerfité;les noms de Voet , Saumaife, ÓY^M«£, Noodt. 'jGra:^fande Muffenbroeh, Boerhave, Minus, i^ö/j & detant d'autres prouveni fuffifam' ment, ce que j'avance. L'Êurope entière connoit le fameus tfoernave, maïs on ignore comniunémenc i anecdote qui obligea ce célébre Medecjn a abandonner J'Etude de la Théologie, & a fe confacrer a celle de Ja Me. «cme , dans Jaquelle jil eifaca bien tóe es noms les plus fameux. La voici tele qu elle efl rapportée dans 1'Eloge, qU2 Je favant Schultens fit de Boerhave i'p rrPefe S Boerhave etoit. Pafteur de i tglife de Voorhout, village a une lieue ae Leiden : Chargé d'une nombreufe famille ii fut lui meme le Précepteur de ies üntans , & réconnut bien-röt dans le jeune Boerhave, un génie extraordinaire. Celui - ci repondit avec zèle aux foins cue on pnt de lui, & a 1'age de u ans il Uioit-les auteurs Grecs & Latins avec a itant de facilité que d'intèfhgence. U fut attaqué d'une uicére envenimé a Ja cmife gauche. 'fous les rémédes ne tot quaignr Je m:d, & ij fouffirir pendant  Lettre VIII. Lei ü en; 13* dant quatre ans des douleurs infupportables. Enfin il s'avifa delaverla plaie avec fon urine, oü il avoit diifous du fel, ce reméde fit Ion effet, & il guérït radicalement. Préfage fi 1'on veut, dit M. df F o n t £ n u t e e , qui rapporte cette Anecdote , de 1'avenir qui 1'attendoit. ^ ^La mort de fon pére laHTa Boerhave fans proteaion, fans confeil, & fans bien. II s'adonnaal'Etudede la Théologie ,& une obscure mediocrité alloitpeut-être cacher a jamais Boerhave au genre humain, lorsque 1'avanture fuivante l'obligea_ de renoncer entiéréraenta la Théologie. II fe trouva dans la Barque d'Utrecht (oü il alloit fe faire recevoir Propofant,) avec quelques perfonnes, qui fe déchainoient furieufement contre le fyfleme de Spinoza , & n'oppofoient aux argumens de ce Philofophe, que les raifons de 1'ignorance, des' injures, & des dis. Boerhave impatienté de voir défendre fi mal une trés bonne caufe, interrompit tout a coup la dispute, en demandant froidement au plus emporté des dispüteurs, ïil avoit jamais lu ce livre dont il parloit fi mal 9 (/O Ve Boertjavt far M. AFoSts kule Tom IV [. 296.  L. E I D E N. «otf-Cette queftion inattendue fer a f* bouche a 1'antagonifle de Spinoza , qui pour (vil maihetir n'avoit jamais vu > Iivre Alors Boerhave fe mit a expiiqueï ourle fyfteme, aTexpofer avec nette, te, & a Ie refuter foiidemenr. : Pendant ce tems un horame , qui ne s etoit pas mélé de Ia dispute, fe léve öz demande au Batteüer le nom de celui qui prenoit fi vivement Ie parti d> bpinosa. On lui dit que c'étoit Boerhave jeune- Propofant en Théologie. Ce.'a fuffit, dicil, •«& écrk ce nora ur les tablettes. Arrivé a Utrecht celui -ci fut bien furpris de fe voir décri^ par tout comme un Athée & un Spinozifte Cette ridicule avaniure fut caufe qu'il fa relolut a rénoncer d& lors a une Vocanon, qai lui paroiffoit expofée a.tant de defagremens,oü.il lui fembloit, qu'on ne pouvoit avec. franchife réfuter d'imbecilJes Declamaceurs, fans courir le risque de palier fouve.nt foi mëme pour Athée ou tout au moins pour D.ifie. Qaoiquïl en oit des raifons qui ont pu engager Boerhave a abandonner Ia Théologie, le genre humain fe félicitera toujours de ce qn'il fcpru ce parti Au refte Ie fa van t Profesieur qui nous a confervé cette Anecdote pp nous. laiffc ancon lieu de douter de Ja merite du Chnftianif«fi. cie Ce gtmü Jiom-  Lettre VUL Leiden. 141 Horome, qui fans aucune oftcntation fe fit en toute occafion un devoir de ie confesfer, foit en public, foit en particulier, jusqu'au dernier moment de fa vie. Les Profefieurs acluels jouifient d'une réputation méritée. Les Amateurs de la belle Litterature connoifieist M. M. Valckenaar & R u 11 n k e n iu s , fameux par leurs grandes connoiflances, & par les fervices, qu'ils ont rendu aux l ettres. Le nom de M. Allamand eft fuffifamment connu en Europe ; M. Schultens petit fils du Profeiïeur, dont je viens de vous parler a remplacé dignement unPère,qne Ja mort vientde ravir; M. Pestkl, ProfeiTeur en Droit public joint a toutes les connoiflances qu'exige fa vocation une univerfa'ité de genie bien rare. L'ouvrage, (a) qu'il a fait paroitre il y a quelques annees fous un titre trés fimple,renferme .des vues excelleotes , des idéés neuves, & ce qui vaut mieux encor , ce livre établit les principes du Drois Na* («) Cet ouvrage ititltulé 'Tunfaminta Jurhprude** t'ne nalmalh a cu un fuccès mérite. On en a déjl' tiois Editiens. La Tiaiiuitwa Frao^ife eft «une scsia hM-s.  T42 Leid en. Naturel & de la Morale d'une facon fi claire & fi fati;faifante, qu'il ne feut que Jes luiyre, pour arriver au but de tous nos acïions, fuivant M. Peftel, au vrai bonli eur. M. M. Gaueius, Hahn, & van Doeveren-vous font éyalement connus. Ce dernier eit fameux particuliere, ment par la pra:ique falutaire de i'inoculation. M van Doeveren peut fe vanter, que de plus de deux mille fujets quil a inocuIé,p.'rfonne n'a péri,ni même confervéquelque fuke funefle de cette operation, dont ia bonté n'eft plus combattue,que par une dévotion mal entendue, une opiniatreté invincible, ou bien par une ignorance dangereufe. Vouloir, Monfieur, vous citer les xrolelfeurs qui fe diftinguent a cette Univerlüe, ce feroit entreprendre de vous les nommer tous. ■ L'Académie eft un batiment antique jadis un Monaftère des hceurs Grif» ' qui n a rien de curieux. Le Jardin de Botanique eft un des plus complets de 1'Europe, on y voit toutes avec r f? re-"e Vé«étal éta,ées avec profufion, mais dans le p!US grand c-rdre. b Le Cabinet d'IMoire Naturelle eft de ton-  Letthe VIII. Leiden. 143 toute beauté. M. Allamand en a la direélion, & s'acquitte de cette emploi avec cette intelligence & ce goflt, qui lui font propres. • Le Cabinet d'Antiquitez ne répond pas entiérement a fa deftination. On n'y voit que trés peu de morceaux vraiment anciens. En récompenfe le Cabinet d'Anatomie mérite toute 1'attention des plus grands Connoiffeürs. Cette colleaion eft enrichie du Cabinet que feu M. Albinus a donné al'Academie; Je ne m'entends pas affez en Anatomie, pour décider fur la valeur de ce préfent, que les favans jugent ineftimable. La Bibliothéque de l'Univerfité eft iramen fe. On y voit les manuscrits les plus anciens, mine féconde oü les favans puifent avec fuccès, & une colleaion de 11vres dans tous les genres Remplacement, quoique confiderable, ne fuffit par pour contenir tous les livres. II feroit a fouhaiter, qu'un nouveau batiment fit paroitre dans un plus beau jour lts richesfes de cette ColleciioH C'eft le vteu de M. Ruhnkenius, Bibliothécaire ft digne Je pars demain peur Haarlem, & eelt déla que vous recevrez de mes ncuvelles. Ea attendant j'ai 1'bonneuj setie ojc. LET-  E.etïke IS.- Haareeti. Ï5f LETTRE IX HAARLEM. $Jtè de Haarlem; fon Etendue; Descrïpthrr de Haarlem. Eglifes ; & Edifices; Sa■vans, Aitifles célebres. Dccouverte de l'Jmprimeiie dans cette ville; Ccmincrce?. %a}-dini; & fermoient apparemment des difficultes infurmontablasj & n'ont pas été exécu•tcs. (a) LV frt)'Ccux qui eatenieat 'e nóöanlqis troavMont des iéts.U tres imiieOans a ce fujet dasss Ie Ctg**ivoordige flatlt der ïiederl-anden.V. 6, S.p. it2-ipS. "ROUê y anvq^cns le leckux. & 5  *54 Haarlem. De Leiden a Haarlem il y a quatre grandes heues. ^ Cette Ville efl: trés grande, & la fei conde de celles, qui députent a 1'AfTemblee des Etats de la Province. On vi compte 45000 habitans. ^ La Ville efl bien percée , ornée de Jarges canaux, bordés d'arbres, & de' .behes rues. La Maison de Ville efl d'un bon. goOt, mais a mon gré défigurée par un large Echaffaut de pierre, Öqui lamas" que d un cöté. La Cour du Prince (Het Prin. cehof) efl un batiment, ou fe voit un Arienal, une Bibliothéque , & un jardin ennchi de Plantes Medécinales. La ftatue de Laurent Kofier eft au milieu de ce jardin. La Gkande Eglise efl un des plus beaux Ldifice.de ce genre en Hollande. Les Orgues repofent fur un beau groupe de marbre, ouvrage du célébre Xaveryj-On montre dans cette Eglife, un boulet de Canon , encbaHë dans Je mur Dans Je tems du Siége ij étoit parti de ï Armee ennemie, frifa Ja chaire , dans laqiieJle Je Miniftre préchoii alürs,&fe colla dans la muraille. Les Orgues font excellentes. Les Con-  Lettre IX. Haarlem. 155 Connoifleurs les admirent, & tout le monde peut fe procurer le plaifir d'entendre leur merveilleufe harmonie. La plus grande partie du Commerce de cette Ville confifte en Blanchiiiéries. Ceux de Haarlem favent donner a la toile un dégré de blancheur, que 1'on chercheroit vainement ailleurs. On apporte ces toiles de plufieurs Villes voifmes, & même de différens endroits de laFlandre, de la Siléüe, d'Ecoffe, & d'Irlande. v II faut néceflairement attribuer a la qualité des Eaux 1'avantage que les Blanchifferies de Haarlem , ont fur toutes les autres. Vainement des Blanchifleurs Hollandois employèrent ils tout lenr art pour donner dans d'autres contrées la même blancheur a la toile, toutes ces expériences furent fans fuccès; ce qui démon tre évidemment, que les Eaux de Haarlem}, filtrées par le fable des Dunes, d'oü elles fortent, ont feules cette proprieté. On prétend cependant que les préparations auxquelles on foumêt les toiles pour les blanchir, en altérent la la bonté. J'ignore combien cette aiTertion eft: fondée. Les Blancüfieries de Haarlem font extrémement encouragées par l'Etat,qui G 6 a  H A A -»É E M. « donné aux Blanchifleurs plufieurs privileges de trés grande importance. (a) Ils ont par exemple le. droit de preV rence fur les autres- Créanciers, defbïte quen cas d'infolvabilité ce qui leur eft du, fe paye prémierement. Les Manufaétures de velours, de da»as , de fatin , d'étoffes de foye, de differente* . fortes de Gis, & de Tg. pis font fleurir cette Ville, en y occupant un grand nombre d'ouvriers. On y fabrique méme des Ecoffes d'Or & d Argent.: Deux Superintetidans préfident- a ces tfabnques; Ceux ci font nommés par les Bourguemeftres, t\ fouvent tirés de Jeur Corps. Douze Plombeurs & leur Deyen jugent de la bonté & de la ouaJite des étoffes fabriquées, & Jes marquent d'un plomb, fuivant leur valeur Cette ville profita beaucoup il y un Siècle de la manie des fieurs, que 1'on pouffoit a un tel excès, que 1'on ach*ipit un oignon de Tulipe 4 a 5ocofl0. Jins. Cette folie un peu chére a préïeatement fan place a. d'autres, du moins elle {$) Loojti 1,  Letter IX. Haarlem; 157" elle n'eft plus fi générale. Cependant ' les Fleuriftes de Haarlem fourniftent encor la plupart des, Parterres del'Europe, & les jardins que 1'on cultive autour de cette ville font couverts au moisd'Avril & de Mai des plus belles fleurs.^ Haarlem dispute aMayence,&aStrasbourg 1'honneur de 1'invention de 1'Imprimerie.,&.noas ofoas croire avec avan- Cette découverte, fi utile aux progres des Lettres par la raüidité de fes opérations, eft .due a Laurent Kofter, Bourgeois de cette Ville. On raconte de cet Homme a jamais illuftre, que fe promenant un jour dans lebois ,il grava quelques cara&éres fur 1'écorce d'un arbre, qu'il imprima en fuite fur du papier. Etonné lui même du fuccès de fon expérience, il la réitera, & la perfecïionna dans la fuite. II inventa les lettres mobiles de bois, Gutenberg & d'autres en taillèrent de métalliques a Mayence, & Schoeffer les* Jetta en moule dans des matrices gravées a Strasbourg. Ainfi celui qui trouva le premier & mit en nfage les caraófères ifolés & mobiles, eft: 1'inventeur de la Typographie. Le favant M. Meerman ConfeillerPenSonnaire de Rotterdam, & que la mort G 7 trop  T53 Haarh»,, trop tót ravit a fa Patrie & ailx fcknces a ni. cette vérité dans tout fon ffVj II p ouve par une fouJe de témoiéna ges d'Auteur. Contemporains que Haarlem que 1'Imprimerie futkventee tórg.We 4 "*y°™ P"«» Ihéodore Martini fut le premier Hhi phie de Kofter jl„ '■ IyP°gra- I473-. Quatre Eduions du ó>c«A,™ ïW/owj & deux aun-P. °Peculunt V ;"',7 fü ë,0"fie d'un Artifte, qui fe peifcdhonna dans fon fcin. i\ fjJ,' XfleT T d" ^b.«che.°crÜ puleuks, &Ie Cabaret du coin en*lon. .y,.;o„t ce ,„e le Fiaceau taU$| Le fameux Van Dyck avant ouï ton Hals,.,  Lettre IX. Haaref.m. ^ Hals, voulut s'en éclai^cir par lui même, & av'ant de fe rendre en Angleterre, cü pirarles I, qui regnoit alors, 1'avoitfait appeller, il vint voir a HaarlemFArtifte dont nous parions. Celui ci étoit alcrs au Cabaret, & ce ne fut qu'avec beaucoup de peine, qu'il fe rtlolut a retourner chez lui pour peindre un Etranger de diftin£tion. . VanDyck, car c'étoit lui, le pna de faire fon portrait, & d'achever dans une féance, paree qu'il n'avoit que deux heures a lui donner. Pendant ce tems i\ ne laifla rien échapper, qui put le faire découvrir, mais après que notre irrogne cut achevé le portrait avec toute la verité & la force de fon talent, Van Dyek feignitde vouloir apprendre apeindre,en difant , que cela ne lui paroiifoit pas fi difficile. A la manière dont il manioit les pinceaux, Hals fe doutat bien, que c'étoit quelque Peintre fingulier, qui fe plaifoit a ces facéties; mais après que Van Dyck eut achevé le contour de ]a tête de Hals, celui ci s'écria, vous Hes Van Dyck, Monfieur, perfonne que lui ne peut tiavsiller ainfi, enfuite il fe jetta a fon cou, avec toute la cordiahte d'un buveur, & 1'admiration, que lui in- fpiroit.ee chef d'osuvxe. r Van  162 H a A R t E lt Utem.ni. I] etoit fi fort plongé dans |, touTm?' ne pouvoic rei1 dé- ArfCPieint^eexceIla ^pendant dans fiom ftm?'' T reP°ndu a fes foins. Le plus i comme 5 fonrMai;re ^ns fes débauches comme dans fon talent. Haarjem eft fi célébre par le nombre ges Parures, qu'elle a fair fonir de fon S g" n0mme CeUC Ville la faonde Le fameux Architefte van C a mps w d .Jmfterdam étoit de ce Lieu. il yaaHaarlem une Sociktb des ö cikn ces connue par Ie nombre & les talents de fts Affociez, & par les excellen s ouvrages qu*elle a publié. M. van mz ^,^eUrdeJ'EsJife Luthérienne de cette \file en eft Secretaire perpétuel; Ce favant eflimable remplit eet Emplo a un facon diftinguée. La Societé Oeconomiq^tje, (de  Lettre IX. Haarlem. 16*3 Ut Occonomifche Tak,) inftitut auffi utile que patriotique , a pris naiflance a Haarlem; & s'eft répandu dans toutes les Provinces. „ „ Le but de cette Societé eft d encourafrer les Manufaftures & les Fabriques du Païs. de trouver des moyens efficaces pour les faire fleurir, & d'exciter par des récompenfes 1'induftrie & le travail des Artifans. ; , , La Religion Catholique eft toleree a Haarlem, & fes feitateurs font en fi grand nombre qu'ils font obligez de mettre fur le fronton de leur porte la lettre C. arm que les Miniftres Rèformés ne fe trompent point en faifant leurs vifites Paftorales, & que lesCurez reconnoiflent amü plus facilement la demeure de ceux, qui défirent le Saint Sacrement, & aux quels iis vont adminiftrer les fecours del'Eghfe. Le nombre des Anabaptifl.es eft auiu très confidérable. r Le Bois de Haarlem eft fitue au Sudde cette Ville, non loin de la Puvière le Spaame II eft a mon gré trés inférieur a celui de la Haye. Celui la retrace les b autez incultes de la Nature, celui ci au contraire eft trop peigné, trop fymmétrique. Les Allées font tirces au cordeau, & tous les arbres font taillez, d une J facon,  1^4 Haarlem-. fajon uniforme. Mafgré ces defauts c'elï une trés jolie promenade. Strr la rute ós Haarlem a Amflerdam en rencontre leChateau de Zwanenburg; oïi s'aiTemble le Confeil des Direft urs des^ Ponts, Digues & Chauffées, de Rhynlahdl {Hoogbecmraadfchap van Rbynlan !) II y a deux bonnes lieues d'ici a Amflerdam; La Barque emploie deux heures & demie a faire ce trajet. Le chemin de terre efl; extrêmément agréable. On trouve a moitié chemin de grandes éduiès d'une conftrucTion trés furprenante. Le Canal qui facilitela communication du Lac de Haarlem avec un bras de mer voifin me parut être en trés mauvais etat J'arrivai affez tard a Amfterdam, defortê q'u'il mefallut attendre au lendemainpour commencer mes courfes & mes obfervationsj que je ne manquerai pas-de vous cpmmuniquer dans peu. J.'ai 1'honneur d'étre, &c. LET,'  Lettre X. Amsteddam. 16*5 LETTRE X. AMSTERDAM. Defaiption de la Ville d'Amfterdam. Simttion & pofition; Grandeur. Edijices remarquables, Religions toleiées,Dcfcriptwn détaiilée de l'HÖtel de Ville. Banque. grifons. Maifons de Farce. Spectacles. Savam, Littérateurs, Artijles. Comintree. Compagnies des deux Indes. Amivautez, Dfcription de la nature de ses Colléges, jgfe Be. MONSIEUR. ME voici a Amfterdam, la principale Ville des Provinces Unies. Elle eft fuuée fur unGolp .e nomméje T a 1'embouchure de YAmjlel, petite Riviere, d'oü elle tire fon nom. Amfterdam le cède a fort peu de Villes du monde, pour la grandeur, pour la beauté desRues, des Canaux, & des tdinces, auffi bien que pour le nombre de fes ha-  *fó Amsterdam. bitans; Mais il n'en eft point qui I egale pour les nchefTes, ik pour Ie Commeree On peut la regarder comme un grand Magazm, oulon rafiemble les produétions deS> quatre parties de ]a terre II v a toujours^dans fon port, qui eft fort grand & tort fur, unnjmbre incroyablede Navir s, & on les v oit fortir par Fioaes poLrla Mer Baicique, & !a MéditerraDee, lans compter ceux, qui partent tous Jes jours pour les autres endroits de 1'Km rops, del'Afie, del'Afrique, & defAmenquejn'y ayant pour ainfi dire aucune parcie.dü monde, oü fon Commeree ne s etende, Amfterdam eft batie fur un terraïn bas & marecageux, dans lequel on a enfoncé un nombre infini de Pilotis, fin- lesquels tous les Edifices de cette Ville renofent comme a Venife. On n'a point ici de fourced eau pure. Celle qui coule dans les Canaux eft faunutre. On n'y trouve d eau douce que celle de pluie. qui fe recueille dans des Citernes. .Les BraiTeurs font obligés de faire vemr leur eau de la Puvière leVegt^ trois heues d'Amfterdam. 6 * Cette Ville eft extrémement peuplée, on y compte environ 300000 habitans. Avant le trèifième Siècle Amfterdam n e-  Lettre X. Amsterdam. 167 n'étoit qn'un hameau, habité par de m|férables pecheurs; Vers le fin du quatorzièrae fiscle le Commeree s'etablk dans cette ville, & la fit fleurir jusqu'au point de grandeur & de puiiTance, qu'on la voit aujourd'hui. L'air efi ici fort fujet aux brouillards, & il s'éleve fouvent des Canaux des vapeurs trés mal faines, & trés dèsagreables. On compte 13 Eglifes deftinées pourle culte Reformé, le nombre des Sc&es tolerées a Amfterdam, & qui y ont des lieux d'Aflemblée, eft prodigieux. Dans la granlc Eglife on voit le tombeau de Jacques van H.erskerk, Lieutenant Amiral de la jRépubiique. II mourut en combattant pour elle en 1607 devant Gibraltar. II fut un des plus grands hommes de Mer de fon tems. II tenta le premier un paflage aux Indes par la Mer du Nord. Le Pcëte & hiftorien Hoofc honcra fon monument d'une Epitaphe dont voici Ie fens. Heemskerk,qui furmonta les glacés tous les dangers, laijfa fa gloire afa Patrie, fon corps fous cette tombe, & fa vie devant Gibraltar. II eft impoffible de rendre Huéralement cette Epitaphe, dont la concifion n'eft pas le moindre mérite. Plu-  ifj'S Amsterdam. •Plufieurs Héros ont recu une fépulture bonorable dans cette Eglife. L'Eglife Neuve eft trés bien batie. On a fuivi dans fa conftruclicn le Plan de la Cathédrale d'Amiens en Picardie. La chaire efl: fculptée dans le goöt le plus exquis, & Ie plus riche. La Baluftrade, quifépare le Choeur de la Nef efl: d'un bronze trés artiftement travaillé; 1'orgue approche de i'excellence de celui de Haarlem, c'eft tout dire. 'L'immortel JVïichel de RmyteR eft enterré dans cette Eglife, & ]e monument, qu'on lui éleva rétrace une partie de fes grandes Aclions. II commenjafes courfes a 1'age de onze Ans. II fut fucceflivement, Moufle, Matelot, Contre Maitre, Pilote & Capitaine de Vaifieau. Ses talens lui firent donner 1'emploi de Commandeur, & il parvint enfin, après avoir paflé par tous les grades,a celui de Lieutenant Amiral, la plus haute dignité, dont un Particulier pui è etre révêtu dans la Marine, (a) Ruyter acquit beaucoup de gloire en di- (<0 I! n'y a point d'Amiraux cn HoUwide, cette iigtiité eft confïrée su feu! Stadhouder comme nous tïWM vb.  LRTTftE X. AMA STERDAM. 160 diverfes aftions, & fut plus d'une fois ]e Défenfeur de fa Patrie. Tandis que Louis XIV. ravageoitces contrées,Ruiter faifoit refpeéïer dans POrient le nom Hollandois. II fe fignala devant Salé , & les Maures, enchantez de fa valeur, lui rendirent les plusgrands honneurs. En f659 il fecourut puitfamment le Roi de Dannemarc, & donna des marqués d'une ïntrépldité extraordinaire dans 1'lsle de Funen. II remporta en 1666 une vicloire complette fur les Anglois, & leur disputa bien des fois avec avantage 1'empire de la Mer. (Si tant efl; que cet Empire ne foit pas, comme on 1'a fi_ bien démontré, une chimé'-e orgueilleüfe, & le prétexte des plus criantes véxations.) Enfin ce Héros périt en 1670 en combattant contre des Vaifleaux Fran 5013 devanc la Ville d'Aouft. enSicile. Les Hollandois parient avec un enthoufiafme bien légitime des Aóïions immor» telles de ce valeureux Guerrier. On voit dans cette même Eglife le tombeau du Lieutenant Amiral Jéan vai» Galen, qui s'eft illuftré dans le dernier Siècle. Pour reconnoitre les fervices qu'il rendit a fa Patrie, 1'Amirauté d'Amfterdam par ordre des Etats Généraux lui dreffa ce Maufolée. Van Galen affura le Commeree du Levant par, une mémoH ra-  170 Amsterdam. rable bataüle gagnée fur les Anglols a Ia vue de Livourue. II mourut des fuites d'une bleffure en 1653. Le Capitaine Isaac Zweers repofe parmi ces grands hommes. 11 fit fon apprentiflage tant par mer, que par terre aux Indes Orientales. II fe livra enfin tout entier a Ja Marine. U battit plufieurs fois les Corfaires Turcs, & affura aux Hollandois la Navigation dans Ja Méditerranée, dans troifième combat qui ie donna contre les flottes combinées, de Trance & d'Angleterre, Ie21 Aouft 1673. Le Poëte van Vondel, dont je vous parlerai dans la fuite, eft entèrré dans cette BJife. La Nouvelle Eglife Luthérienne eft batie en forme de Rotonde, & le toit eft couvert de plaques de cuivre, dont Charles XI. Roi de Suéde gratifia cette Eglife en 1670. Vous avez vu Monfieur, (a) que toutes les Religions, dont les dogmes & le Culte ne font point nuifibles a 1'Etat, font tolérées en Hollande. Amflerdam en par* ticulier en fournit la preuve la plus complette. II n'y a point de Ville dans k monde oü () On les nomaie Rimonflrans & caufe d'une Ri. Vttonjïrance ou Mtmotre qu'ijs oJJrcfférent en ifiioaux Etais d'Hollande ; Arminiens tn Mémuiie dc Ja^ques Arminius . Piurefleur cn Théfogie * Leiden , qui fut un des iremiess 4 defendic Itu v>< clüne. B a  173 Amsterdam. III & IV. Que la grace divine efl bien néceffaire pour la converfion «Sc la fanclification des hommes, mais qu'elle n'opére pas irréfifiiblement. V. Enfin que les Saints peuvent décheoir. Sous Ie Stadhoude'rat du Prince Fréderic Henri on ufa de connivence a leur égard. Peu a peu ils établirent des Ecoles & des Eglifes, & cette Communion fut enfin tolerée par leGouvernement. Leur nombre eft confidérable dans ces Provinces, fur tout a Rotterdam & ici; On en voit fouvent retourner dans le fein de I'Egfifè Réformée, mais il eft de toute fauffeté, que les Arminiens s'attachent de préférence aux Eglifes Walionnes, comtne étant plus indulgentes. Celles-ci ne font pas moins attachées a la puretéde la foi que les Eglifes Hollandoifes; ces propos accréditez par 1'ignorarjce n'ont aucun fondement. On compte environ quarante Eglifes & cinquante Pafteurs Arminiens dans les Provinces de Gueldre,d'Hollande, d'Utrecht, & de Frife. _ II y a trois Pafleurs de cette communion a Amfterdam. Les Jnabaptiflts, nommés auffi Memnonites d'après Memno Simons un de leurs Dt&eurs, font tolerés enHoliande. Mais  Lettre X. Amiterdam. 173 Mais ils fe font beaucoup éloignés de la rigidité de famorale, & de fes préceptes. Parmi les Anabaptift.es mêmes .il y a des Sedtes différentes, connues fous les noms de Flamands, de Frifons, &c. (a) On fcait que leurs Dogmes principaux font, qu'il n'eft pas permis de batifer les petits Enfans, & que la guerre eft une chofe défendue, ainfi que le ferment. Leurs Mariages fe font devant le Magiftrat, ainfi que ceux des autres Seóies tolerées. On compte plufieurs Eglifes Anabaptiftes a Amfterdam. ^ Je ne vous parle point ici des Rbynsbourgeois ou Collègiens^ vous ayant fait con- f» Janicon fe trompe croflièremsM en ctiiant qoe la plus confiderable de fes Seétes efl celle des Drekjltgeis. Ce nom, qui fignifia ebariêt dimmtndices, r.'a été donné aux Arwbaptiftes que par leurs Knncnils; a caufe qr.e leurs ilées fur la rbltVance étoient trop génerales, fan. Et. des Provinces U»its. Tem. I. p. 19. Ce fxten is jy. iju'un Dofteurnorarré Bouw:nsdonn» ce fumom injarteux aux Anabaptiftes de Ia Nord H-:lündc. Les geas fag'S ont t. uj'iurs méprifé ces déQs de gnffiireté fi eommuns entre le? Théologlens du ró Siècle, & il til fuprenant que Janicon ait rcoeté ce m u. Ce qui prouve au refle ?vec combUn de défisnee il fiut lire tant de Relations & de Descripticns, faitcs ra.r ieS Etrwgcf'. H 3  174 Amsterdam. connoitre cette Se&e fingulière dans une de mes précédentes. (a) Les Primitifs nommez Quaker*, ont auffi une EgIPe a Amfterdam. On fcaic que George Fox, &Guiliau. me Pen furent les fondateurs de cette étrange Communion, plus connue en Angleterre & en Amérique, que dans ces contrées, oü leur nombre n'excède pas celui de cent perfonnes. (b) Leurs principaux dogmes font ; „ Que a, DLu donne a tous les hommes, fans ii en excepter aucun, les connoiffances 3t nécelfaires pour le falut, qu'il faut vi„ vre fêiorrces lumières, fans lesquelles „ on ne peut entendre les Ecritures "i ïls rejettent toutes les cérémonies réligïeufes. Dans leurs affemblées on affecle un filence profond, jusqu'a ce que 1'Esprit les excite a parler. Ils attachent une vertu-toute particuliére a ces infpiraaions. Ils out le ferment en horreur, & con- (rz> LetHe S. pag. (*) Voy.z, (s'il eft permis de cirerM. dcV.dtaire ïn inatièrede Réügion ) ce que cet Au-tw celebrèdif des Quakers. Mei. Htfl.éf CVi'f.Tom. IlI.Chsp. XVXVjj. On les nomme Quakers, a caufe qu'ü's stfèc-. tent de ttcmhler qusnd ils prient. Quakt en Analois fl^tifle trembUt.  Lettre X. Amsterdam. *75' condamnentla guerre, comme je vousI'ai dé'a dit. Enfin tous leurs pr ci-prer ten Jent a la charité mutuelle, au maitt* Hert des bonnes mrëürs, & ^rtout almvre aveuglément lesinfpirations de 1 Elp'it. Les Hernhutters , connus autreioisfous le nom de Frères de Bohème & de Horavie, s'établirent dans ces Provinces en 175* Lefameux Comte de Zmztndorf fit" lui même plufieurs Proféhtes a Amfterdam, & cette Sede fe réumt a Zeik dans les environs d'Utrecht , ious ia direaion de Fréderic de Watevdle. Leurs dogmes. leur culte (Sc leurs moeurs méritent d'étre expliqués ende- 181 Vers le milieu du 15 fiécle cette Sefte prit naiflance fur les Frontières de la Sike, aux environs de Lmtz, Pais héréditaire de George Podiebrad, R01 de Bohème. Après avoir abandonne labecte des Taborites, celle-ci fe mit fous la prot. aion de 1'Archevêque de Prague. A i'exemple des premiers Chrêtiens, ils cenvinrent de fe donner le nom de F rehes Comme une partie d'entre eux étoient de BóbémeÓclu autresde Morame, on les nornma Frères de Bohème & de Moravie. Après la perfécution cruelle dans les Vallées de Piémont, on les apnjla Faudois: Ils renoncèrent depuis aux 1 H-4 non)5  176" Amsterdam. noms naionnaux, pour prendre celui de Frères de VUnité , ou Frères Unis. En Saxe ou les nomme Frères Evangéliqu.es, Ces Frères furent en liaifon e'troiteavec Luther, & ce Réformateur en faifoit css; Calvin de fon cöté les eflimoit beaucoup, & ie Synode de Sendomir,tenu en i57o, fut en partie fon ouvrage. Envircn cent ans après que cette Eglife paroifloit éteinte, ChrifiUan David,un des Frères, les conduifit dans la Haute Luface, en 1722, & les recommanda au Comte de Zinzendorf, qui leur procura une retraite & les y établit. II leur permit de batir une Eglife fur fes terres prés du Village de Bertholdsdorf; Ce fut la qu'on jetta les premiers fondemens de la Colonie,connuefous le nom de Herenhout. (la garde du Seigneur) Le nombre des Réfugiez s'augmenta depuis 1724 jusqu'a 1733 au point que le Comte fe trouva fort embarafië. Herenhout ne pouvant contenir tous ceux, qui fe joignoient a 1'Egüfe , les Freres prirent le parti de former d'autres etabhilemens dans divers païs; Ils furent recus dans 1'Electorat de Saxe, dans celui de Brandebourg, en Silèfie, dans le Vogtland, dans les psïs du Rhin , en An£leterre, en Wande, dans ces Contrées, de  Lettre X. Amsterdam. 177 de même que dans les Colonies Angloifes en Amérique. Ils regardent 1'Ecriture Sainte, comme divinement infpirée, & comme telle, ils prennent au pied de la lettre, tout ce qu'elle contient, fans admettre aucune eonciliation ni interprétation. Ils adoptent pour fymbole la Confeffion d'Augsbourg non variée, & quant a la prédication ils fuivent ce qui eft prescrit dans le Synode deBerne, mais fans entrer dans les controverles qui y font traitées, & ea fouscrivant uniquement au Dogmatique. Ils repréfentent J. C. comme 1'Agneau ïmmolé, qui a fait la propitiation par fon propre fang, & comme celui qui^eji toutes chofes en tout. Ils prelfent 1'Articie de la Juftification, & enfeignent, que le pécheur eft juftifié devant Dieu , pir pure grace, & par la foi au fang du Chrift. Le ftile des Discours & des Cantiques eft extrémement figuré,& chargé d'Allu* fions, d'Allégories & d'Amitrèfes. La matière principale de leurs Cantiques eft la Croix & les playes du S3Uveur. lis ont ceci de particulier, que dans leurs heures de chant, ils chantent rarement un Csntique entier. Au lieu de iuivre 1'ordre des verfets, ils en prenII 5 nent  3"7§ AMSfERflAM. rent un, & quelquefois même un demi% tantöt d'un Cantique, taptoe d'un autre. , I's ont des Synodes généraux & Provinciaux, Ie premier fe tient tous les trois ans, dans 1'intervalle il eft repréfenté par les gens de la Chambre d'Aóminiftra* tion, & de la Maifon du Discipk, aiïiftée d'un Confeil adjoint. Ils ont un Avocat, ce qui par mi eux défigne unhomme,qui fe déclare leurDéfenfeur 61 leur Proteéleur. Les Frères ont eu des Princes pour Avocats. Tels ont été Ie Rois Podiébrad & Uladislas, <8t les Empereurs Masimilien II. & Rodolphe IL La Chambre d'' Adminifiration, eft la Maifon, oü les Archives des Frères font dépoiées. Fe Siége de cette Chambre étoit en 1747 a Manenborn eu Wetteravie, enfuite a Zteyfl; prés d';ütrecht, a JLgndres, & enfin dans Ie Pais de Saxe. IJ ne faut pas confondre cette Cham&re avec la Maifon des Pèlerins, autrement dire la Maifon du Discip'e. Le Tiire de Disciple eft celui qu'on donne a 1'Avocat des Frères. Cette Maifon, qui *ft_ ambulante, 'eft celle du Disciple, fui garde un profond incognito. Les Frères ont des Evêques, qui ont fe.pouvoir de rétenir & de pardonner les pêche»,  Iettre X. Amsterdam:- 179 té-hés, & d'ordiner les Pafteurs. Leur habit eit fimpie & décent, fans fraife, r.i rabat, lis ont la tête couverte d'une Cotre de couleur violette. Quand ils conférent 1'ordination, ils font vétusd'une longue robe blanche, attachée par une ceimure rouge. La Discipline Eccléfiafhque des Hernhuterseft arbitraire. -Ilss'en rapportenten général a la courte méthode que J. C. a öecrite en St Matthieu Chap. XVIII, & fa laiflcr.t a chaquePafteurdiane Commune Ie droit de faire obferver 1'ordre &• la discipline convenable a 1'état de fon Eglife, & aux circor.ftances particulières, on il fe trouve. II font trés attentifs a cvicer les occafions de tomber en faute. S'il arrivé , que quelqu'un commette une aólion crimimile, dont le Magillrat ne prer.ne point ccnnoifXmce, le coupableeft mis lous une discipline plus ou moins févère. 11 ne fe trouve parmi eux aucun Mendia' t, ni aucun debiteur infa.vable. Leur fasen de s'habiller eft fimpie, & pmqu'uniforme. Le Sexe, n'eft gene par aucune Loi dans la facon de s'habiller. Celles de Herrenhout imitérent la facon de fe mettre des Dames du Pais■» h ur Coéfture eft attachée d'un ruban; dont la couleur fert a diftingusr les fernmes des H 6 «fi  JBo Amsterdam. différens ages. Les Enfans portent des couleurs vertes ou rouges. Les filles fe fervent de rubans blancs, ou couleur de rofe, les ferames mariées de rubans bleus. Les Hernhuters fuivent en matière de Teftamen ts, d'Hérédités, & de fucceffions fes loix & les coutumes rec-uës; & ils aiment a étre dispenfés de porter les arxnes , & de prêter ferment. Le fervice Divin efl célèbré de la même manière, qu'il eft d'ufage dans les Eglifes Evangéüques, mais avec plus de fimplicité encore, s'il eft poffible. Tous les Dimanches, & chaque jour d'Eglife on récite Ia Litanie de 1'Eglife. Ils chantent leur Cantiques, par cceur, & fans avoir de livre a la main. Lesfnftrumens dont on fe fert font 1'Orgue, le Violon, & le Cor de Cha.Te. Hg célèbrent les mêmes Fctes qu'on célébre dans la Chretienneté. Leurs Fetes particuliéres font les Dédicaces, les Jours des Apötres, les Jubilés de Réformation & quelques autres. La célèbration de ces Fêtes fe fait par une courte expofition de la circonftance du jour, par des aftions de graces, & par des Agapes, ou Repas d'Amour. _ Après Ie discours on accorde la Réception a ceux, qui ont défiré d'être admis è  Lettre X. Amsterdam. r$i a la Communion des Prières,&aux foins de 1'Eglife. Cette réception fe fait par le baifer de paix, qui leur efl donné par des perfonnes de leur fexe; Ce que les Hernhuters appellent Agapes , n'eft autre chofe , qu'un petit repas trés frugal, dont le but eft rhoins de fetisfaire aux befoins corporels, que de fe réiouir fpirituellement. On y fert du pain & du thé, & dans quelques affemblées on a des petits pains faits exprès pour ces repas. On a des Agapes domeftiques, que le Chef d une nombreufe familie donne a fes enfans, & a fes domeftiques, & qui leur tiwn alors lieu ce jour la d'un des repas ordinaires. Les Frères adminiftrent le Baptème, a peu prés comme cela fe pratique parmi lesProteftans. L'Officiant tient une grande taffe remplie d'eau, & la verfe par trois fois abondamment fur le ceeur de J'Enfant; après quoi les Ouvriers, les Parains & les Maraines lui impofent les mains. L'Exorcisme eft d'ufage quand on baptife des adultes, & il a toujours heu au Baptème des Nè?res , ce qui fe pratique fouvent en Amèrique. Les Hernhuters célèbrent 1'Euchanftie H 7 *°us  Ï82 AliS TEft t> A tf. tous les 'raois fur Je fuir. Chaque Coramumant a un entretien particulier avec Je Mmiflre, enfuite on fait la Confeffon génerale & publique, toujours fuivie de 1 Abfulution. Après fa Confécration un Pafieur & m Diacre diflribue le Pain aux iFrëres, Ia neme chofe fe pratique avec les ficirs par un Pafleur & une Diacomffe. Tous les Communians portent en mA■me teins 1'ftoftfe a Ia bouche, & fe prosternent Ia face contre terre. Les anciens prefentent enfuite Ia Coups a tous les Communians feecefi1«vemenT Chaque Frcre donne & récoit le baifer depaix. ce qui fe fait de 1'autre ccVé par les Soeurs.&la Cérémonie fe termine par la Benéciiclion. Le Lavement des pieds efl en ufape parmi les Hernhuters, ordinairementle Jour du JeuJi Saint. JJs regardent cette cérémonie comme une purificaticn fpir> tuelle, & yattachent une grande vertu. Les Frères font partaaés en deux clasfes g'nérales. Les Frères, & /„ Smrs Ces c!aiits font fubdivfées en autant de claffes partkulières, qu'il s'y trouve de perfcaines de différent age, état, & dégre d'avanceraent. On nomme ces peti» tes claffes des Ch emirs. Les Jeunes hommes non mariés,qu'oa nom»  Lettre X. Amstëida&. ' tS? nomfne Frères Gcrcovs, habitent une Maifon de chcsur ; a cóté eft celie des Vee fs , & ainfi de fuite. Ces fortes de maifons font d'tme ftrutture régulière, & trè> éclairé:-s. A 1'égard du mariage, il eft faux , que ce foit le fort, qui donne une époufe a. un garcon , & u:i époux a une fille. La Ben édict ion nuptiale efl: donnée a Herrenhout & en Angleterre par le Pafteur d'une autre Eg ife , mais en Hollande les Epoufailles fe font devant le Ma* gifirat. Ils regardent le mariale comme un état facré , & s'en font même des idees trop outrées; Ils confidérent la génération comme une des plus importantes & des plus faintes fonftions de la vie humaine. Ils enterrent leurs Morts dans unefoffe fraiche, & creufée exprès pour une feule perfonne. Ceux qui affiftent aux c-nvois n'ont ni manteaux ni trahits de deuil, & les feeurs acoompagnent auffi le cercueil iusqu'au cimetière. On fe fait fuivre d'une mufique douce & gaye,& 1'on n'entend a ces funèrailles ni cris ni lamentations, paree que les Hernhuters meurenï tous dans la ferme afluranee d'une bLnfeeureufe réfurre&ion. Le premier jour de Paques au léver  i8;4 Amster d-am; du foleil ils vont vifiter les tombeauxdes Défunts dans tous les endroits, oü il ont Jenrs propres Cimetières. Ils ont un Livre dans lequel font infcrits les noms de ceux qui font décéde's d'une année a 1'au. tre. Ils font la lecture de ces noms a haute voix, en confeffant qu'ils ont eu communion avec eux, & en demandans qu'elle foit rendue éternelJe. U ont grand foin de faire regner 1'ordre & la propreté dans leurs Cimetières. Ils les difpofent, les ornent & les cultivent comme on feroitun beau Jardin, & ils les regardent a fimitation d'Abraham comme des héritages de familie, réfervés uniquement pour les membres de Jeur Eglife. Telle efl, Monfieur, la véritableidée, que 1'on doit fe faire de 1'Eglife des Hernhuters. Si je fuis entré dans trop •de détails, fi je me fuis arrêté trop long. tems a des minuties, vous me pardonnerés en faveur du motif, qui étoit de vous expliquer clairement la conftitution d'une Eglife, généralement trés peu connue, on dont on fe fait des idees auOi fauffes que bizarres. Au refte les Hernhuters de Zeift font fameux, par leurs beaux ouvrages dont la conflruaion & h netteté font admirabley. Ceux d'Anglecerre furent invités par un.  Lettre X. Amsterdam. ï%5 un Acte du Parlement tenu en 1747 de former des établiffemens dans 1'Aménque Britannique, & on leur accorda pour cet effet plufieurs privileges conlide- rables. m , _ La fecte du fanatique Labbadit seiï êteinte depuis fa mort en 1674. Les Grecs, & autres Chrétiens Orientaux s'alTemblent a Amfterdam dans une chambre en ferme de Chapelle. Le nombre des Arméniens eft affez grand. On fait que cette fecle s'eft rendue indépendante du St. Siége, qu'il n'y a point d'images dans leur Eglife, & quils doanent la Coupe a tous les Commumans. 11 eft inutile de vous donner ici les noms des différens partïs, qui partagent les Réformés,des Coccéjcns par exemple, qui tont un grand ufage des types &des figuresde 1'ancienne Alliance, &qui permettent un travail néceffaire le jour du repos , des Voetiens, leurs antagoniftes, des Lam■piens, ainfi nommez du Profeffeur Lampc , & de tant d'autres, qui s'accordent tous dans les chofes effentielles, & lont connus fous le nom de Réformés. Ces feminiens particuliers influent fi peu fur la Profesfion de Foi générale, qu'il eft duiage dans quelques Eglifes Hollandoiles d appeller au Miniftère un nombre egat_ de  iSfj Amsterdam. Voetiens, de Coccéjens, & ainfi des autres. Les Fins font des perronnes d'une dévotion févére & minutieufe qui fe difiinguent non feulement par leur afiiduité aux Afièmbléss publiques, mais encor par la frequentation journaliére de certains Conventicuies ou Collèg-s, connus fous le nom è'Exercices. fo feningen) On peut les comparer en quelque facon aux Piétiftes, & meme aux Quietiftes, dont plu'eur» d'entre eux aJoptent lesidees. II feroit fi.iperflu de vous parler des Catholiques Ro-; aim . tplerés en Hollande, je me contenterai d'obferver que leur nombre efl: confidérable, en oaniculier a Amfterdam , oü 1'on comptê plus de vingt Eghfes de cette Communion. Treize pour les Moliniftes, & fept pour les Janfeniftes. L'Eglife nommée Moïfe 8" Jaren eft trés belle, & ornée magnifiquement. ^ On ne connoit ni Moines ni Couvens ni Réligieufes en Hollande, & Ce n'eft pas un desmoindres avantages, dont cette République puifie fe vanter. Mais on y roit des Béguines & des Clnpes. Les Béguines font des vceux pour : n ttmts, & jamais ceux de pauvreté & de •löture. jblJes vivent en commun, & p®r-  Lettre X. Amsterdam. 187 portent des habits différens de ceux des Laïques. Les Clopes ne font gu'une promelfede chafteté révocable a volonté. Elles ne demeurent point enfemble, & leur habit d'un brun foncé ne les diftingue que trés peu des gens du monde. Elles font a peu prés le fervice & les fonétions des anciennes Diaconeffes. Elles ncttojKnt 1'Eglife,donnent deschaifes, parent 1'Autel, & habillent lePrêtre. Aucune n'eft engagée par fa profeflion a ces fortes de fervices, & leur état de Clopes ne les empéche pas de s'appiiquer a quelque métier ,qü a quelque profeflion particulière. Ce qu'elles font de vraiment utile eft de Confoler & de föianer les malades, & d'enfeigner aux Enfans les élémcns de la Réiigion. Enfin les Juifs jouiflent d'une grande liberté. Ils furent recus a bras ouverts lors de leur érnigration d'Efpagne & de Portugal en 1530. En 1619 on leur accorda^e libre acercice de leur Religion. Mais on ne leur permit point, furtout a Amfterdam, d'entrer dans quelque Corps de métiers. Ils doivent lé conformer pour leurs maria res au Réglément de 1580. (dePoliïike Ordonnantie), qui leu* dé'  iSS Amsterbam. défend plufieurs mariages permis , & non ordonnês par la Loi Mofaique; Ainfi que cette défenfe ne les prejudicie en rien; Puisque la permifficn accordée par la Loi Mofaique étoit fondée fur des raifons, qui ne fubfiftent plus aujourd'hui. La Synagogue des Juifs Portugais & trés belle, & mérite d'étre vue avec attention, celle des Juifs Allemands eft ia« férieure a la première. Je paffe a la description del'hötel Bk Ville, édifice fameux par fa beauté & par fes richeifes. Un incendie ayant confumé en 1652 Panden Hotel, il faliut le rebatir, & l'architecre van Kampen fut chargé' de cette entreprife. On enfonca 13659 pilotis fur lesquels tout 1'Edifice repofe; & la conftruftion fut poufiee avec tant de vigueur, que trois ans après le Magiftrat y reprit féance. _ Les Ordres d'Architeclure, qui regneat ici, font YJonique, le Corinthien, le Cmnfefite ou Romain. II y a trois voutes 1'une fur Kantra eu:re les caves oü font les Tréfors de la Banque, & les cachots des Criminels. Tous les murs des fondemens font de bnque, tout le refte eft de bloes de pierre blanche de Bentham , ou de Brème. Dans  Lettre X. Amsterdam. 189 Dans la facade faillante intérïeure il y a neuf portails, arqués furie haut dun Perron. On a critiqué avec railon cette dispofition. 11 n'auroit fallu qu'une grande Porte , au lieu de fept petites, qui donnent a cet Edifice un air écrafe. La polüique, dit on, 1'a voulu ainfi, mais 1 oeil de 1'amateur ne fe contente pas de cette raifon. Les Figures de Reliëf que 1 on voit aux: Frontons des Saillies de devant& de derrière font trés belles. Dans celui de l» facade oriëntale on découvre la Ville d'Amflerdam repréfentée par une Vierge, avec tout les attributs du Commeree ö£ de la JNavigation. De 1'autre cöté, au defius de la tacade occidentale, on voit Atlas, portant fur fes épaules une fphère de dix pieds de diamètre. , . _ , La Tour eft foutenue par huit Colomnes d'ordre Corinthien, liées a leurs chariteaux par des Feftons trés artiftement travaillés. Le Döme a dix fept pieds de haut; 11 renferme une hor'oge a carillon. Sur la pointe du comble il y a.une^girouette, faite en forme d'un ancieniVaisfeau. On découvre de la toute la Vdle, & toutes les campagnes d'alentour. _ Ce feroit exiger de moi une chole impoffible, que da demander une descrip-  ijjo Amsterdam. tïon détaillée de toutes les beautés, que renferme cet Edifice, contemez vous Monfieur, de la foijle ébauche, que je vais vous en donner, & permettez moi de vous renvoyer pour les détails a un petit ouvrage, oü vous trouverez une description afiez complette de ce magnifique HöteJ. (a) Os voit en entrant un grand veftibule, dont les voutes font foutenues par fix gros piliers a doublé rang. II y a des deux cö és de? appartemens deft'inés au Géoher, a rHuifiier dép fitaire;(,) plu. fieurs prifbns, la chambre de laÓueftion & enfin Ia Bmque. ' On ignore 1'immenfité ,des richefles qu'clle contient. On ne peut dourer cependant de la valeur de ce tréfor, fi Ion confidére, qu'une lomme une fois enregitrée ne peut jamais être redemandée, & il eft a.éré, que 1'on y porte journeliement de 1'argent. Cet argent circule par le moyen de fes livres, fur lesquels on crédite tel ou tei Ven leur II y a donc une différence eilentielie entre la f>) Voy. Deieripthn de IWtel de Ville d'Am- Lf, desdeTur' i'^bks. CCS bien. funt Jl «tie les mms de la julbcc, tent dans les chambres, dont elles donnent 1'entrée. Ainfi, par exemple, on voit au desfus de la chambre des Echevins, la JuJlkc wec üneEpée dans la maiu droite „ & une Balance dans la gauche, fouiant aux pieds 1'avare Midas, & la Discorde* telle que les Poëtes la dépeignent. A eóté de la juftice efl: la Mort avec une faux, & un Sable écoulé, de 1'autre cöté le Chatiment détourne fes yeux. Sous fon bras droit il tient les inflrumerts de la Torture, & la hache de la juftice. fous fon bras gauche font diverfes fortes de Liens & de Chaines II a un pied de bois, pour marquer la lenteur, mais auftl la certitude de la peine. Les Tableaux dont la Salie eft remplïe font de toute beauté. On voit au milieu fur le pavé un platiisphère de 20 pieds de diamètre, & foixante-fix de circonférence, répréfentant la partie feptentrionnale du Ciel, projettée fur Ie pöle de 1'Ecliptique; des deux cötez on voit les deux parties de la Mappemonde. Le planisphère célefte méridional eft tracé au deffus fur le plafond. Lssfépajations&ks diftinttions de touc X ce  194 Amsterdam. ce que ces Cercles repréfentent font faïtes par des petites pierres de diverfes couleurs, du plus fin platre, & de ftuc verfé dans les jointures. Enfin tout y eft auffi régulier, que fur un globe ordinaire. La Chambre des Bourguemê/Ires efl re. marquable pour les figures de baflës tak. les artiftement travaillées dans le manteau de la cheminée; qui repréfentent le triomphe de Fabius Maximus, Conful Romain. On y voit auffi une table de pïerre de touche fur laquelle font écrits en lettres d'or des vers d'un Poè'te nommé Huygens. L'Ecriture ett. d'EHe Noski, Allémand d'origine. La Chambre du Confeil efl enrichie des Chefs d'ceuvres de Jacques de Wit, peintre d'Amfterdam; II escelloit furtout a imiter le bas reliëf; & perfonne n'a pouffé cet art plus loin que lui. La Régence d'Amfterdam accorda une chambre aux Peintres, & leur permit d'y expofer leurs Tableaux; cette Chambre eft remplie d'excellentes piéces, & renferme le précieux cabinet de tailles douces, raffemblé paf M. Hinlope, dont il fit préfent a Ia Ville. La Cbwnbre des Banqiieroutes 6° des fuc-  Lettre X. Amstêrdam. ïps fuccejjlons abandonne'es , (de defolate Boedelkamer) mérite d'être vue. On y ad~ inire un Reliëf trés artiftement travaillé, repréfentant 1'Hiftoire de Dêdale & d'Icare, trés analogue au fujet, qui fe traite dans cette chambre. Les Feftons accompagnent trés bien ce morceau. Dans la Chambre extraordinaire des Echevins on voit au haut du plafond un Oeil, qui fuit toujours ceux qui le regardent, de quelque fagon que 1'on fe place. Emblëme énergique de la vigilance des Loix. Dans la Chambre des Echevins on voic un morceau de fculpture, dont les Connoifleurs font le plus grand cas. Sur Ia Frife du manteau de la chemïnée, qui eft de marbre, on voit les Ifraè'lites fondant un Yeau d'or, autour duquel ils fe réjouiffent. Cette Pièce ne le cède point aux plus belles Antiques. Au fecond étage de cet Hotel on découvre le Magazin des groffes armes;On y voit auffi de quoi armer un Compagnie entière de Cuirafïiers, maïs comme ces fortes d'armes ne font plus en ufage, elles ne font ici que pour la montre. II y a autant de fufils qu'il en faut pour armer aubefoin toute la Bourgeoifie d'Am•fterdam; U y a des ouvriers prépofés a la garde de ces arm.es. Ia Om  196 Amsterdam. On voit dans une armoire les arme dont fe fervoit un fameux voleur, nomme Jaco, le Cartouche de la Hollande. On y conferve un baton d'ou fortoitSc rentroit a volonté un croc garni de trois pointes; II maiTacroit ainfi impunément, ceux qui fe croioient en état de lui réfifter. Les ftatues. qui font dans la grande gallerie, ne font pas une des moindres beautés de cet Hotel. I! en a fept qui marquent les fept Planètes, & une huitième, qui réprefente Ia DéefTe Cybèle. La ftatue de Diane eft un chef d'osuvre. On y travailla trois ans entiers. On a étéj obligé d'entourer le piédeftal de cette ftatue d'une pethe défenfe de lattes pour empêcher tout accident. On y voit tous les inftrumens delachafle, travaillés trés artiftement. Ce n'eft qu'a régret, Monfieur, que 1'on quitte ce magnifique Edifice, que je me propofe d'aller vifiter encor bien des fois pendant mon féjour ici. La Bourfe eft un grand Edifice fans toit, mais entouré de galleries, le bruit fourd que 1'on y entend a 1'heure ou les Marchands font affemblés, reffemble a celui des vagues de la mer. Les affaires les plus importantes fe traitent ici; ei ce n/eft pas un fpeclacle indifférent pour un Phi-  Lettre X. Amsterdam. 197 Philofophe , que celui d'une multïtude d'hommes, different de Religion, de mceurs & de patrie qui concourent tous una*niment &dans la plus grande intelligence au même but. Tant Eintérêt unit les extrêrnes. Au-deffus des galleries de la bourfe on voit des marchands, qui étalent plufieurs marchandifes. II y a encor une Bourfe plus petitepöur les Negocians en grains. On voit a Amfterdam un grand nombre d'Höpitaux, de Maifons pour lesOrphelins, & pour les pauvres, & un Hö utal pour les Enfans trouvés. EtablhTement humain & utile, qui bien loin d'encourager|le vice & le défordre, affure h vie aux nornbreufes vicfimes du libertinage, ou d'une foibleiTe fouvent bien excufable. II vaut mieux dit M. de Voltaire (a) prévenir ces ma'heurs, que fe borner a les punir. Affurés, ajoute t'il, autant que vous le pourrés une reffourcc a quiconque fera tenté de mal faire & vous aurez moins a punir. j'ai eu la curiofité de voir une Maifon de Force nommée ici Rafphuis. C'eft-la que 1'on'enferme des malfaiteurs flétris Jur 1'échaffaut, pour des crimes, contre les- c1) Cvmmtntnti Jur h Hvre des délits & dn pcii.es. I 3  ip8 Amsterdam. Jesquelles la loï ne diéte point la peine de mort. Rien de plus horrible que cetfe prifon, répaire impur des hommes les plus dégradés. Jls font condamnés a y fcier & a y (a) raper du bois. On les y xetient fouvent pour toute leur vie, öi cet efclavage eft pour eux une peine auffi douloureufe que la mort. Des cachots fouterreins font la demeure des plus endurcis. On les roffe impitoyablement ala moindre faute, ck perfonne n'eft refponfable de Ja mort de ces rnalheureux, hutée fouvent par les coups, & par Jes rnaladies occaiionnées par 1'humidité & le mauvais air» Je me rappellai en confidérant ces miférables les argumens de 1'ami de l'humanité, du célébre Marquis de Beccaria, & je ne pus m'empêcher malgré les fortes raif'ons qui combattentfonfentiment.d etre de fon avis, touchant la peine de mort. En effet, fi le degré d'intenfité de Ia peine fuffit pour détourner les hommes du crime, quelle proportion y a t'il, entre 1'avantage, que 1'on fe promet du crime, qui 1'on veut commettre>& la perte per- (i) CV ft de l <;ui vientle mort de Rafpbuh .Rafpin fig'iiiic rjQer ea ftollandqi».  Lettri X. Amsterdam. 199 perpéruelle de fa liberté? Tous les motifs qui engagent les hommes a fupporter avec une ïauffe conftance la mort la plus cruelle ceflént ici. Le fanatifme, la yanité abandonnent le criminel dans les chaïnes. II y a plus, il eft démontré, que nous réfiftons avec plus de fcrce a une douleur paffagére, quoique trés vive, qu'a une douleur moins forte, mais de beaucoup plus longu* durée. Ainfi qu'a cet égard, la peine du confinement rempüt le but que 1'on fe propofe par celle de mort; & même a mon avis celle-a eft plus forte, puisqu'alors le défefpoir même ne termine pas nos maux, mais les commence. , Cependant il n'eft pas neceffaire.il eft même inhumain d'aputer a tous les maux inféparables de la captivité, ceux qui refulKntdün air corrompu, & d'une nourriture mal faine. Ïréviennent ce qui doit arriver dans les actes fuivans, ce qui dérobe Ie plaifir de la furpnfe,oü enfin ils font étrangers au fujet, & par conféquent inutiles & enuuyeux.. Oa {fi Voy. Lt lettre ttermhti  Lettre X.. Amsterdam. 205 On fait qoe Racine & M. de Voltaire ne fe font permis l'introduclion des chceurs que trés rarement, le premier dans Efther & dans Atbalie & Ie fecond dans Otdipe. II me femble qu'en général les chceurs font peu eiTentiels a la Tragédie, qu'on ne doit les hazarder qu'avec beaucoup de précaution , & feulement lorsqu'ils font nécellaires a 1'ornement de la Scène. Ainfi les filles Juives & les Thébains comme intertfies dans le fujet d'Efther ou d'Oedipe, peuvent paroitre fans choquer les bienféances; mais feroit on bien recu a introduire des chceurs dans Mithridate dans Cinna & dans Zaire ? Je ne parle point da bizarre afiortiment du récit & du chant. On eft de nos jours & fort engoué de ce mélange monftrueux, on paffe fi légérement fur les fautes contre Ia vraifemblance, que cette raifon ne feroit d'aucun poids. Vondel fentit a quarante ans que fon raifonnement avoit befoin d'être mieux dirigé, & il s'appliqua a la Logique. Mais malheureufement les Logiques d'alors ne fervoient qu'a gater 1'efprit, & n'apprenoient, fuivant la remarque d'un liomme d'efprit, que 1'art de chicanner méthodiquement. I 7 Jeak  2o<5 Amsterdam. Jean Vos fut Ie rival de Vondel, dans la Tragédie. C'étoit un Vitrier, qui aimoit heaucoup a voir le Speclacle. Poufië par fon genie il entra dans la carrière, & compofaune Tragédie nommée Aran £f Titus digne des Dramaturges modernes. On röüt a petit feu, on pend , on étrangle & on poignarde dans tout le cours de la piéce, qui firiit enfin par Ja deftruction tqtale de tous les perfonnages. Cette Tragédie fut néanmoins extrémement goutée, & ce fuccès le f'or. tifia dansl'idée,denefuivre jamais d'autre régie que fon imagïnation. Jl difoit qu'o.'j doit mettre des hornes & non des entravcs aux talens, Plein de ces merveiJleufe? maximes il fit paroitre la Tragedie de Médte, oü les régies & le bon fens font facrifiés, aufii bien que les Enfans de cette EnchantereiTe. Peu de temps après il fut fait Directeur du Spectacle d'Amfterdam, & dans cette qualité il exerga fur les Auteurs une autorité despotique. II ne foulfroit au Théatre que des piéces inférieures aux fiennes, & écartoit foigneufement celles de fon Rf val Vondel, que s'en plaignoit amèrement. On ne peut réfufer a Vos beaucoup d'imagination , une ' verfification coulante & aifée, & fouvent des traïts- hen»  Lettre X. Amsterdam. 207 heureux; maïs ces qnalités ne font pas les feules qu'on défire <..ans un Auteur Dramatique. Ce Pcëte mourut en 1667 & ne cefla jusqu'a fa mort de faire des vers, & des vitres. Une femme nommée Catherike Les cai lee de familie Genèvoilë effaca la réputation de fon Pere par fes Tragedies. On lui donna le furnom de Snpbo moderne; titre devenu bannal de nos jours, mais; qu'elle méritoit. Gen/ene , Vcnceslas, Cnjfandre & Hercu!e fe voient toujours avec plaifir. Elle mourut en 1711 a 62 ans. M. Balthazar Hutdecoper d'une familie patricienne s'eft rendu fameux par deux Tragédies Jcbüle, & Arzaces. II joignoit a beaucoup de goót & d'imagination une ietture prodigieufe, Öc une rare érudidon. L'Edition qu'il a donnée du plus ancien Chroniqueur Batave, Melis Stoke, & les notes favantes & curieufes, dont il 1'a enrichi lui affurent une réputation diftinguée. Jeanns Koekten efl fameufe par fon adreffe & fes talens a peindre, a tifTer &c. Elle excelloit iurtout a faire des découpures, & elle fit de cet arau- fe-  zo8 Ams-tsrdam. femerrt puéril un art trés agreable. Le Czar Pierre Ll'honora düne vifite, & lui donna des preuves de fon eftime* elle mourut en 1715 a 63 ans. * Mais celui qui illuftra vraiment fa Patrie , Jemule de Tacite , & de Virgile ce fut Pierre Corneille Hooft. II naquit k Amfterdam en 1581; & s'appliqua de bonne heure aux arts & aux fciences. Après avoir voya^é pendant quelques années, il revint dans fa Patrie & publia en 1027, La Vie de Hemt h Grand. Cette Hiftoire fut recue avec tranfport, & Louis XIII. donna a 1'Auteur des lettres de noblefie & le Cordon de St. Michel. Le public Ie récompenfa d'une maniére encor plus flatteufe pour lui; Tous les fcavans 5'empreiférent de 1'encourager fa) & plufieurs éditions fucceflives de fon ouvrage lui en alfurérent Ie fuccès. Hooft meditoit dès lors J'Hiftoire des Pays-Bas & après avoir raffemblé tous les maté! naux néceflaires, il s'y appliqua avec tant d'ardeur qu'il en fit paroitre les vingt premiers livres en 1641. Pendant cet C") Grotius félicite les n»inei d'Herri IV d'avoir trouve un tel Hftoiiea. Ittlrtt d, Crotiut.  Lettre X. Amsterdam. 209 cet ïnrervalle il avoit publié une traduction excellente des Annales de Toette, & il's'étoit rendu le ftyle de cet écrivain fi propre, que 1'on avoit peine a diftinguer te traduétion de 1'original. Son Hiftoire des Pays-Bas eut Ie plus grand fuccès, & le plus mérité. Touc ce que le Hollandois a de nerveux, de concis & de grand eft; ramafie dans cet ouvrage. 11 ne le cède ni a Sallufte ni même a Tacite. La feule chofe, que 1'on pourroit reprendre en lui, c'eft que fon ftyle auffi précis, que celui de fon modéle, en a quelquefois 1'obfcurité. II étoit trop grand Atrateur de la pureté de la langue, öi il aimoit mieux fe fervir de vieux mots, que de termes etrangers, qui par un long ufage avoient acquis droit de Bourgeoifie. II commenca fon Hiftoire a 1'abdication de Charles V,& fe propofoit de la pousfer jusqu'a la Tréve de 1609, mais la mort le furprit au milieu de fes travaux; deforte qu'il ne put la conduire que jusqu'au Gouvernement de Leycetier en 1588. Hooft ne pas s'eft rendu moins célébre par fes Poè'fies. Son Fils en donna une édition complette peu après la mort de 1'Au* :s.eur, & Mr. Huydecoper a pubüé toute les  sto Amsterdam. les Lettres de ce grand hommeen 17?$ U mourut a Ja Haye en 1647, qüell ques jours aprés Je Prince Fréderic Henn, agé de 67 ans. Le lendemain de fa mort on prononcu fon élo^e fur le théatre d Amfterdam; & Ion répréfenta Gérard van Pelzen, une de fes meilleures 1 ragedies. . II eft inutile d'ajouter, qu'il étoit Seigneur de Muyden, & Juge ou Baillif de i»oyiand. Les titres n'honorent que ceux, qui n'ont que ce fcui moven de fe faire confiderer; Je mérite perfonnei, e favoir & les vertus ce font Ja Jes titres les plus gloneux , & les plus durables. Amfterdam donna naiflance au troo fameux Spinosa, dont Je monftxueux JyJteme a été plus fouvent combattu que reiute. Spinofa foutenoit qu'il n'v a qu'une fubftance dans la nature, douée d attnbuts comme 1'étendue & Ja penfée; que tous Jes corps, qui fe trouvent dans Jtmivers, font des modes & des modifications de cette fubftance en tant qu'étendue, & que les autres êtres font des modes en tant que penfées. II difoit cue tout fe fait néceffairement,& Ötoit toute idee de liberté. Plufieurs auteurs ont retüte ca fyftême avec plus au moins de lucces. Jaqudot & un Benedictin nom¬ me  Lettre X. Amsterdam. 211 mé Lam' nous paroillent 1'avoir détruit vlótorieufement Le Réformateur Koornhert, Spiegel réftaurateur de ia Langue Hollandoife, les Poëtes Brederode & Visser, ie Théologien Episcopius, 1'Hiftorien Brandt, & plufieurs autres naquirent a Amfterdam. Le célébre Wagenaar Auteur de la grande Hiftoire de la Patrie en 19 Vol. in 8°. d'une Description & d'une Hiftoir» d'Amfterdam étoit de cette Ville. Jamais on ne vit d'JHiftorien pfus impartial que lui, & jamais perfonne ne réunit a un tel' degré d'éminence toutes Jes qualités, qui conftituent le bon écrivain. Son Hiftoire de la Patrie eft le livre de la nation, un tréfor de connoiflances, & une fource, oü plufieurs Auteurs, qui ne s'en vantent pas, ont puifé avec fuccés. Les premiers volumes de cet ouvrage contiennent la description des mceurs & 1 des ufages des anciensBataves,leurs loix, & leur Hiftoire, & le fombre cahos qui couvre ces tems obfcurs eft développé par lui de la manière la plus ciaire & la plus fatisfaifante. Wagenaar mourut en 1774 régretté juftement de tous ceux, qui le connurcnt perfonnellement. Je ne finirois pas, Monfieur, fi je vous nommois tous les Amfterdam» mois,  212 Amsterdam. mois, qui fe font acquis quelque réputation dans les arts, & dans les fcienees Les bornes de cette Lettre ne me per«ettent pas d'entrer dans de plus longs details; qu'ils vous fuffife de favoir qu Amfterdam fe diftingue autant dans Je > monde litteraire par les Auteurs quelie a produit, & qu'elle fait naitre' encor tous les jours , que par fes ricbesÏÏ-4 • P,-r fon Com™erce,- Elle n'a pas d Umverlité , mais une Ecole IJluftre (Atheneum llhftre) On y enfeigne toutes les fcienees; & ]a feuje différence que 1 on remarque entre ces Ecoles öl Jes Académies, c'eft qu'on ne peut paryenir dans celles-ci au degré de Doófeur Jes Univerfitez ont feules le droit de le conférer. M. Burman, (a) neveu du celebre P. Burman, autrefois ProfeiTèur en Belles Lettres a Leiden, n'a pas peu contnbué a mettre cette Ecole en réputation. Les favans font un grand cas de fes ouvrages, tant en profe qu'en Vers. Le feul defaut qu'on puiflë lui réprocher, & qu il a de commun avec tous les Poëtes Latms modernes, c'eft le trop fré quent ufage qu'il fait de Ja Mythologie dvs fff) II fuccéda aM. d'Oa ville eéiè! rs Profes leui.dont o;i a p'ufiars ouviages aci eüimis.  Lettre X. Amsterdam. 213 des Anciens. Ce n'eft qu'avec goöt, & par conféquent trés rarement que 1'on doit, a mon avis, fe fervir de cete resfource, de crainte de donner dans 1'enflure, & fouvent dans la pédanterie. Cn veut dans la Poëfie de la naiveté & des fentimens, & il eft desagréable de ne pouvoir lëntir a la première ledture les beaurez d'une penfée, faute de fe rappeller a 1'inftant le nom du Pere ou de 1'Onsle d'un Heros ou d'un Demi-Dieu, que 1'on compare fans fagon avec la perfonne que 1'on célébre. La Ficlion, il eft vrai, eft 1'ame de la Poëfie, & je ne pretends point favorifcr auffi les progrès de 1'ignorance, & du mépris, avec lequel on traite aftuellement les Auteurs de 1'Antiquité, mais il me femble que le cceur parle fort bien fans le fecours de la Fable. II n'eft pas néceffaire de dépeupler le Ciel & le Parnaffe pour feliciter un Ami , oü pour déclarer fa pasfion a une JVaitreffe. Ce qui prouve au refte plus de mémoire qued'imagination, plus de ftérilité que d'invention. Au refte M. Burman a rendu des grands fervices a Ia] République des Lettres, öc les éditions qu'il a donné de plufieurs Auteurs, en facilitent beaucoup Tintelligence. M. Cr as ProfefTeur en Droit Civil eft  2i4 Amsterdam. efl: rornement de cette Ecole, & peu de Perfonnes ont comme lui le talent d'encourager les jeunes gens, de les exciter au travail, & a 1'application fi néceffaire dans toute? les fciences, & fur tout dans 1'étude du Droit, Le Jardin Botanique efl: rempli des plantes les plus rares, & des herbes les moins connues. Ce qui n'eft pas étonBant, vu le grand Commeree, dont Amfterdam eft 1'entrepót, & qui procure a cette ville les richefles, & les productions des contrées les plus éloignées. Le Commeree des Hollandois n'étoit que trés peu de chofe avant les troubles du feizième fiécle. fusqu'a ce tems la, il y avoit peu de communication entre eux" & les autres Nations Européennes. Le Commeree du Nord eft un des premiers, que les Hollandois ayent entrepris. La pêche aux « Harengs contribua beaucoup i le dé^ velopper, & le fecours que les Zélandois accordérent en 1403 au RoideDannemarc leur ouvrit le paffage du Zend, & de la Mer Baltique;& les villes Anféatiques virent décheoir Ifenfiblement leur Commeree. Ces Villes furent enfin forcées pour fe conferver le peu de négoce, qu'il leur reftoit, de figner en 1631, un Trai-  Lettre X Amsterdam; 215 Traité de confédération avec la République. Ces Peuples, que Philippe travailloit a rendre pauvres & malheureux, trouvérent des reflburces inattendues dans leur fermeté, leur courage & leur patrioufme. L'affluence d'ouvriers qui accouroïent de toute part, & 1'induftrie des habitans les rendit une nation rivale de 1'Angleterre; fit d'Amfierdam 1'entrepöc de 1'Univers, ruina le Comrr.erce d'Anvers, & les manufaólures de Flandres; Plufieurs caufi.s phyfiques & morales concoururent a aflurer a la Hollande cette fuperiorité. Une fituation avantageufe, des ports valles & furs,des grandsfleuvesquifacilitoient le tranfport des marchandifès, telles font une partie des caufes phyfiques qui rendirent la Hollande une des puiflances les plus for> midables. Le Commeree fleurit toujours dans les lieux, oü il y a le plus grand nombre de perfonnes, aux quelles il procure une fubfiftance aifée, & celles-ci fe trouvent en plus grand nombre la, oü les affaires fe font avec le plus de diligence, de fureté, & de bonne foi. D'après ce principe, il n'eft pas difficile d'afligner les caufes morales du grand Commeree de  2i6 Amsterdam. Ia République, & en particulier de la Ville d'Amfterdam Vous trouverJs dans plufieurs ouvrages & en particulier dans un livre, qui vient de paruïtre, intiiulé La Rr he/fe de la Hollande Qfe, les détails les plus iatisfaifans fur cette matiére. Comme je n'aime pas a copier ni a répéter fans néceftité ce que d'autres ont dit mieux que moi, je vous y renvoie avec confiance. Je me borne a vous entretenir en peu de mots de 1'état attuel dn Commeree des Hollandois, & particulierement d'Amfterdam en Europe, après quoi je paflerai a de plus grands détails touchant les deux Compagnies des Indes, & les Amirautez. Le Commeree avec laRuJJie étoit avant l'Adfe de la Navigation plus confidérable qu'aujourd'hui (a). La concurrence des Anglois fut trés desavantageufe aux Hollandois pour lesquels le fret a toujours été un objet trés important. Cependant, malgré ces entraves, le Commeree avec la Ruflie fleurit beaucoup, & 1'on compte fouvent jusqu'a quatre vingt Vaifleaux, qui partent tous les ans d'Amfterdam pour f» Cet Aéta interdic 1'emrée de tous les portsde U Crarde Brewgnc a tout Vaifleau itranger, chargé d'siitres marcluudiies. v°y- A'"™« & j->. 18, B. pag. 24I,  Lettre X. Amsterdam. 223 Puiflances de le conferver. Car fi d'un cöté les importations & les exportations de la Hollande, fon Cabotage furtout, & fa Navigation en Europe font des objets de la plus grande importance, de 1'autre auffi la prodigieufe quantité de denrées que les Hollandois tirent de la France tant pour leurfubfiftance,que (a) principalement pour 1'entretien de leur Gommerce avec les autres Nations ,& les grandsavantages que la France en regoit, prouve quelle utilité & quel profil ce Royaume en retire. Le Commeree d'Efpagne fouffrït beaucoup , depuis que les Hollandois formerent la réfolution d'aller chercher aux Indes Orientales & Occidentales toutes les Marchandifes, qu'ils tiroient autrefois de ce Royaume. Depuis la paix d'Utrecht en 1714 les Hollandois trafiquent beaucoup en Efpagne & dans les différens Ports de ce Royaume pour fes produótions naturel* (n) L'expoitation de la France fournit encore fi une tiche ré-exportation. Avant la dernière guerre on eftirroit les retours dc 1'Amérique en Franco cn Sucrs, Caffi Sc. i cent quarante cinq millions pat anriée. Prés de la moitié de ces denrées paffe a Amftardam &a Rotterdam, pour y être vendue foit pour le compte des Hollan>ioi5, foit pour celui des Frarcois. K 4  224 Amsterdam. relles; Caiix efl l'entrepöt du Commeree des produftions de J'Amérique dépendante de 1'Efpagne. Mais cette dermere branche n'eft plus a beaucoup pres fi fructueufe pour les Hollandois depuis Ja concurrence de la France , de i'Ancleterre, & des Villes Anféatiques. La République tire de 6V. Selaflkn une grande quantité de laine, des chataignes & des noifettes, de Bilbao du fer, du fafFran , des oranges &des citrons ; de bemlle des iaines, des groiFes oüves, de J nuile d'ohve, des vins,-& des cuirs de rnaroquin, de Malaga des vins, & des fruits fecs, tYAlicante de 1'anis, de la foude, & du fel, de Barcelonne des eaux de vie, & de Vaknee du vin, des raifins lees, des figues, & des amandes. Le Commeree des Hollandois par Cadix aux Indes Occidentales efl extrêmernent déchu, depuis le Commeree clandeitm des Anglois en Amérique. . h% P°rfllgal aPrês avoir fecoxié le iW des Cafhllans en 1Ö90 rechercha (a) le Commeree avec les Hollandois; mais ce ne fut qu'en 1661 qu'ils ont trafiqué librement dans tous les Ports de ce Royau¬ me r fa) V. yez AUz-va V, D, 21. B. par, 218. & u, 4I B. pag. iis.  Lettre X. Amsterdam.' 225 me. Li lonv.eeW l'entrepöt du Commeree qui fe fait au Brézil, a Goa &c. Les Hollandois y portent des laines, des foies, & des fils, des toiles d'Hollande, des mouflelines, des batifles, des habits, de la quincaillerie , de 1'acier, de la pcudre,des boulets de canon & diverfes autres denrées. Ils en retirent des lingots d'or & d'argent, des diamans, des perles, de 1'ambre gris, du fucre, du tabac & plufieurs autres marchandifes. Les Hollandois débitent dans le Nord les vins de Port a Port qui font fort eflimés.- St. Ubes fournit beaucoup de fel, & ce commeree eft trés confidérable. On tirede Madère & des Isles Jfores desvins & des eaux de vie, des confitures., & du fucre. L''Italië eft pour la Hollande un grand débouché des marchandifes des Indes,& de fes pêches. Les Ports de Genes, de Livourne, de Venife, de Naples, & de MeJJïne font l'entrepöt des marchandifes, que 1'on tire & que 1'on porte dans cette Contrée. Tel eft Monfieur 1 immenfé Comme ree de la Hollande en Europe; cette efquifTe peut vous donner une idéé de fes richefTës , &de 1'influence qu'elle a dans cette partie du Monde. Jugés quelles fources presK 5 • que  £26 Amsterdam. que intarifTables de prospérité ce commeree fournit ala République Difons un moe de celui du Levant. Ce Commeree étoit avant la fin du feizième fiécle exclufivement aftéété aux Anglois & aux Francais, jusqu'a ce que les Hollandois en 1613 établirent un commeree direct dans les Etats du Grand Seigneur. La première idee en vint aux Juifs > chafies d'Efpagne, & refugiés dans ces contrées. lis formérent des établiflexnens fur les cêtes de Barbarie, & dans toutes les Echelles du Levant. Les Négocians Hollandois imitèrent 1'exemple de cette nation indufrrieufe, & pour Je favorifer les Etats Généraux érigèrent a Amfterdam une Chambre de Direclion pour ie Commerc» du l evant en 1624 («). Cette, chambre a le droi* d'irifpeétion fur tous les Vaifléaux , qui vont dans la Méditerranée. Elle demande aux Etats Généraux les convois qu'elle croit néceflairespour la fureté des vaifieauxmarchands, & elle nomme avec 1'agrément des Etsts tous les Confuls qui réfident dans les Echelles du Levant. La République emretient auffi a Ia Por- i") (tont P/ac, Both Vei' p. 907.  Lettre X. Amsterdam. 227 Porte un AmbalTadeur pour y protéger le Commeree des Plollandois. La chambre de direclion retire un florin par lafl de chaque Batiment, qui part pour la Méditerranée, & autant a fon re» tour. Voyez le Placard de 1652. Les Marchandifes que les Hollandois envoyent au Levant font toutes fortes d'épiceries, du gingembre, du thé, du Caeao, des porcelaines, des toiles fines de Hollande, de Silèfie & ó'Osnabrug, des draps de Hollande & d'Angleterre, des camelots, du fil blanc de Haarlem & de Ilan.ke, & nombre d'autres denréest Les draps font une des branches les plus précieufes du Commeree du Levant* Mais la cherté de la main d'ceuvre des Manufaéïures d'Angleterre & de Hollande a fait décrokre prodigieufement ca Commeree. Smirne efl: la ville la plus marchande de la Méditerranée ; Les Caravanes de. Perfe y viennent apporter régulièrement tous les ans des foies, des mouflelines, des toiles de coton, plufieurs herbes aromatiques, diverfes fortes de gommes ,.& une quantité de drogues. Les Hollandois fe fourniflent la de toutes ces chofes, comme aufli du poil de ché* vre d'Angora, des gros grains de Turfruie, des iaines fines de Mètelintd\x chaK 6 grin>  228 Amsterdam. grin, des éponges, du manie,du fafrran ) Voy. Trgersmordlge fiav.t der Nede,'anJen. iv«.i M'' lH /f5?- Nm,s 'uiv,ns detail» 1 «ad autcui de cec ouyraee t irimnh',.  Lettre X. Amsterdam. 231 fajon qui rien ne 1'arrête , lorsque la baleine efl; bleflee. II y a plufieurs de ces cordes que 1'on attaché 1'une a 1'autre pour donner a la baleine le tems de per-, dre fes forces. Car des qu'elle fe fent bleflee, elle fe donne des- mouvemens fi violens, que les Chaloupes risquent fouvent d'être renverfées. Quand la baleine ne tire plus la corde,c'eft un fignequ'elle efl morte, ou qu'elle a perdu toutes fes forces. Enfuite on la retire de desfous la glacé, on 1'amarre au Vaiffeau, & on en tire le lard pour en faire de 1'huile. On n'eft pas d'accord en Hollande, fi la pêche de la Baleine doit être regardée comme vraiment avantageufe aux Inté- L'Ópinion générale eft que cette branche de Commeree, reflemble a une Loterie, oü quelques perfonnes gagnent, mais oü le plus grand nombre en eft pour les fraix. II n'en eft pas ainfi de la Pêche auxHarengs, nommée encor aujourd'hui la grande Pêche. Guillaume Bcukelsz. inventa dans le quatorzième fiécle la maniére de faler & d'encaquer le Hareng ,* Ce Commeree fe répandit dans la fuite en Hollande 6c en Zélande, & s'établit particu- liè-  232 Amsterdam. Jièrement a Enckhuifcn, a Rotterdam, h Amfterdam, a Schiedam, h-F hardingen Qi a Zienkzee. ' Les^Etats d'Hollande fe font de tout temps occupés du foin de contribuer a faire fleunr cette pêche & font toujours encouragee & foutenue (a). II eft dêfendu aux pécheurs de jetter leurS> filets avant le H Juin; depuis ce jour jusquau 25 Juillet on pêche le Hareng a ja hauteur de Hitland, de Fairhill&c. depms le 25 JuiHet jusqu'au 14 Septembre a 1 Eft de Jarmóutri. Ent fuite palfant par les Mers d'Irlande les pecheurs retournent dans Ia Mer du Nord. II efl auffi defendu par les mêmes loix de ne vendre des Plarengs que dix jours apres quilsontétéfalés, de ne les porter ailleurs, que dans les Ports Hollandois, & d en vendre en pleine Mer Let Pilote., les Tonneliers, tous ceux qui travaillent a faler, & a encaquer les Harengs ne peuvent exercer leurs fonclions dans les pais etrangers, & ]es propriétaires des Vailfeaux (b) (Buizen) ne peu- vent («) Groot P/ac. Doek 1D. t„g. 68s.^s rr Dfft ÏAv n . 8 5 la P"ehe »a*Hircn««. Ce font te Vatfcaus de dnïlUBtó a foisame tonneL.  Lettre X. Amsterdam. 233 vent les vendre qu'a des Hollandois. Les Etats d'Hollande & de Zélande établirent eri 1588 desCommiflaires pour maintenir ces loix. On les nomme Pertr mngmeejlers der groote Vijjchery. Le profit fur le Hareng efl; immenfe , mais le calcul de Janifontk de plufieurs Auteurs qui 1'ont fuivi efl; manifeftement exagéré. Le Hareng vaut 150 fl. le laf!:, & s'il faut en déduire les fraix de 1'équlpage, & de 1'apprêt, il ne faut pas être grand calculateurpour s'appercevoir, de combien cet Auteur s'eft trompé. Le Hareng frais efl trés eflimé,& les premiers Tonneaux font payés fort chérement par les Amateurs. On envoye aufli dans letranger beaucoup de Harengsforez.. Amfterdam fait en grande partie ce Commeree. Ces Harengs fe prennent dans le Zuiderzee , & font peut être plus délicats que les autres, mais ne fe confervent pas fl longtems. Ajoutés a ce Commeree celui qui naït des ManufaÊtures & des Fabriques & vous aurés quelque idéé de la puiflance de cette République; Mais a comparer ces avantages, avec ceux que la Hollande retire de fes pofleflions en Afle, en Afri- que,  53"4 Amsterdam. des deux Compagnies des Indes,on verra biemot de que! cöté penche Ja balance >a Compagnie des Jndes Orientalesfuti engee par les Etats Généraux en 1603 qui lui accordérent pour vingt-un ans' ^privilege exclufif de négeer au*j «,wC^rfQa Societés réunies foor4 mrent une fomme de 6440200 fl^rins i argent de banque, de Ia manière fuivanTe Amsterdam - -ƒ3686430 Zeeande - - I275654 Delft ... 4ö6j62 Rotterdam - - l?4só2 Hoorn - . . 26^q ENK-HUIZEN - . 568562 ƒ 6440200 florins. di- (*) Vóyez Groot VUc. Hoek I Deel »-„ «Oltandois, Houtman s'acquita dignemcm «fel» fe com- p»-  Lettre X. Amsterdam. 235 On partaga cette fornme en a&ions de trois mille florins chacune. Le prix des aólions monte ou baiffe a raifon des profits que fait la Compagnie. La fuprême dircólion des affaires de la Compagnie a été déferée en 1749 au Prince "d'Orange Guillaume IV & en 1766 a fon Fils Guillaume V. fous les titres de Premier Diretleur ( Opperbewindbebber) & de Gouverneur Général. Le Prince a le droit de préfider aux affemblées; de les convoquer au befoin; Les Etats Généraux lui ont accordé plufieurs autres nrérogatives (a). Les fix Chambres, q ie je viens de vous indiquer forment un même Corps dirigé par 67 Dire&eurs; auxquels on ajouta 65 haut Participans. {Hoofd Deelgenoten) L'ordre de la Nobleffe de Hollande envoye auffi deux Députez, dans les deux quartiers de cette Province. La chambre d'Amfterdam, eft la plus con- pattiotes & fes bienfsitews; de qiiattc va'f&aux il en lamena trois chargés de marchandifes, dont le ptofit fflt évalué a 527S23 florit». " Ces heureux commercereens donnétent lieu a de grandes efpératices & divers Négocians formétent del focistés pout le m2me Commeree ; que les Etats Généraux téunitent fapement en 1602. («) Voy. Deetct du 30 Man 1766.  23Ö Amsterdam. confidérable de toutes, puisqu'elle pofTe-lq de feule environ fept douzièmesdu fond» total de la Compagnie. Elle efl compofée de vingt cinq Direc teurs, dont la Ville feule en nomme dixü huit, les autres font nommés parquatre-t Villes de Hollande, & par les Provio-J ces de Gueldre, d'Utrecht, & de Frifê.1 Chaque chambre a la direélion parti- i cuhere des affaires qui la concernent, Sc\ï : toutes font indépendantes les unes des» autres ; Les affaires qui regardent la Com- I •pagme en général fe traitent dans une ) alfemblee de 17 Directeurs, (Vergadering I van Zeventienen ) qui fe tient trois fois t i par an a Amfterdam pendant fix années \) confécutives, & pendant deux autres an- fl nées a Middelbonrg en Zélande. II fe tient encor une autre affemblée f tous les ans a la Haye; {Haaefcbe B>* I Joignes) compofée de dix Direaeurs On ■ ü y examine les lettres des Indes, & 1'Avo- Jc cat de la Compagnie minute les réponfes I que Jon porte enfuite a 1'AfTemblée des I dix fept. \] Les acquifitions des Hollandois aux I Indes Onentales font fi étendues&fi im- I portantes que la Compagnie a iugé a pro- A pos dy entretenir des forces fuffifames- I P°rU,r en f™e refPe^er & pour s'en affix! . xer Ja poffeffion. n  Lettre X. Amsterdam. 237 11 n'eft pas néceflaire d'entrer ici dans tout le détail des diverfes poiTeflions des Hollandois. Mais fi vous confiderésque Tlsle de Java eft entiérement foumile a ces peuples, ainfi que celles è'Jmboine, de Banda, de Ternate, de Malacca, & de Ceylcn, que les Gouvernements de Coromandcl, de Malabar ,de Macajfar, & du Cap de Bonne Efperance en dépendent ^auffi; que le Commeree de la Compagnie 's'étend au Japon, dans la Presqu'lsle de linde de$a & dela le Gange, a la Chine, & dans toutes les lsles du Dctroit de la Sonde vous n'aurés pas de peine a convenir de la fupériorité de la Compagnie Hollandoife fur toutes les autres afibciations de ce genre. II ne faut pas conclure de la grande puiflance de cette Compagnie, qu'elle foit une fource d'anarchie & de divifions inteftines, ou fuivant les Publiciftes Imperium in imperia. JNullement. Cette Compagnie n'exifte que par un Oaroi des Etats Généraux, accordé pour un certaïn temps (a). Elle ne peut rien changer dans la forme de fon Gouvernement fans une permiffion ex- ( a ) Le derm-et Octtoi que la Compagn*e a ott:nu eft du 31 Décecmbre 1774 pqur vit,Sl anf* Aptès cc tems elle feta o'jligée u\n demaniet la Ptolongation.  23S Amsterdam. expreffe de leur part; Et fi Ia Compagnie a le droit de conclurre desTraitez, ce n'eft qu'au nom & fous les aufpices des Etats. Les Direfteurs font oblige's tous les trois ans de faire examiner & approuver leurs comptes par les Etats. Au refte il eft impofiible de juger par les profits que la Compagnie fait dans une année de 1'état de fes affaires; Elle cache foigneufement fa recette & fa depenfe, bien différente en ceci de la Compagnie des Indes en Angleterre, qui eft obligée de rendre compte a la Nation de fon gain & de fa per te. La Cour d'Hollande eft le feul Tribunal auquel on puiffe citer la Compagnie. A moins que 1'on ne veuille s'adreffer d'abord aux Etats Généraux. (a) Les Peuples voifins n'ont pas toujours vu fans envie la puiffance de cette Compagnie, & les richeffes qu'elle faifoit circuler dans la République; Souvent ils tachent d'en détourner le cours, ou du moins d'en partager les avantages. Les Etats ont cependant toujours défendu vivement fes droits & Ion Com- mer- ( <») Voy. OSlroy aan dc Oojlmdljcbt Compagnie Verleent anno 1602 art. 33. & Gr, PI, B. I. c.  Lettre X. Amsterdam. 239 merce ; temoin la réponfe qu'ils firent a Colbert, & dans ce fiécle au Roi de PruiTe, qui leur notifïa Téreétion de la Compagnie d'Embden; temoin encore les mouvemens qu'ils fe donnérent avec les Anglois en 1730 pour 1'abolifiement de ia Compagnie d'Oftende, érigée par 1'Empereur Charles VI. (a) II n'eft pas de mon fujet de difcuter |ci, fi la Compagnie des Indes efl préjudiciable a la République, fi des Négocians pourroient faire le Commeree a moins de fraix, 011 fi des Compagnies, liroitant le Négoce & faifant un monopole du Commeree , nuifent a la Navigation des Habitans. ' On a répondu plufieurs fois de la facon te plus complette a tous ces raifonnemens, plus fpécieux que folides. On a dit, que fi des Négocians faifoient le Commeree a moins de fraix, ils le feroient auffi moins furement; & que jamais ils ne feroient en état de réfifter a la puiffance des autres Etats Européens, jaloux du Commeree de la République, & qu'infenfiblement la multitude des Marchandifes abforberoient le profit. La ( a ) U sVilïbit de l'interptétation de l'A-Mc'e 4 de la Psix de MuntVr. Voy. fur cette matiire Barbejrec I» Droits dc la Compagnie dei Indes &c.  24-0 Amsterdam. La Compagnie des Indes bien loin d'affoiblir la République lui a procuré depuis fon exiftence des avantages confidérables, qui augmenteroient peut être encore, fi la Compagnie donnoit a fes facteurs plus de pouvoir pour acheter des marchandifes, & ne leur imputoit point la perte qu'elle fait quelquefois fur des marchandifes achetées fans fon ordre & vendues en Europe a plus bas prix qu'on ne le croyoit. Si 1'on s'occupoit d'avantage de la population du Cap de Bonne Efpérance, que 1'on y envoyat plus de Colons propres a travailler aux vignes & aux champs, fi on donnoit a ces Colons plus de liberté pour vendre le bied & le vin, enfin fi 1'on travailloit plus efficacément aux moyens de prévenir cette terrible mortalité que 1'on voit fur les Vaifieaux de Ia Compagnie, & qui doit en particulier fon origine a 1'incapacité & a 1'ignorance de ceux, qui fous les noms de Médecins & de Chirurgiens y exercent impunément leurs ravages, le Commeree & la Navigation en retireroient des profits plus folides & plus rééls. Le Batiment de Ia Compagnie des Indes a Amfterdam mérite d'être vü. On y trouve des magazins immenfes remplis des  Lettre X. Amsterdam. 241 des Marchandifes des Indes , & en particüier de toutes fortes d'Epiceries. Les p!us communes font en tas comme les grains dans des greniers, L'Arfenal renferme des chantiers 8c des formes pour conftruire les vaifléaux. On y voic auffi des Magazins remplis de. munitions de guerre,& une Corderie de dix hudt cent pieds de longueur. Li Compagnie des Indes Occidentales fut étabiie en 1621 de la même maniére 8c pour les mêmes raifons, que je viens de détailler. Les premiers fonds de cette Compagnie furent de fept millions deux cent mille florins, partagés en aftions de fix mille florins chacune, argent de Banque. Cette Compagnie fit d'abord des pro«grès conlidérables; Elle enleva aux Portugais plufieurs Isles, 8c fous le Gouvernement du Comte Maurice de Naffau, qui dura huit ans, la Compagnie fit un Commeree trés profitable. Mais les répartitions exceflives qu'elle fut obligée de faire pendant les premières années, la 'Prève que la Hollande conclüt en 1641 avec les Portugais, le rappel du Comte de Naiïau, qui ramena deux mille Soldats avec lui, plufieurs divifions inteftines, 8c enfin la paix du L 16  243 Amsterdam. 16 Aouft i66r, qui entraina Ia perrec'u Brézil, ruina entiérement Ia Compagnie, déja furchargée d'une dette de fix millions, qu'elle ne pouvoir. rembourfer dc dont elle ne pouvoit payer les interets. Les Etats Généraux annullèrent la Compagnie en 16 4 & en créèrenc une nouvelle , compofée des anciens Interefies , & de leurs Créanciers. (a) Cinq Chambres ont 1'adminiitration de cette Compagnie celle d'Amfterdam, de Zélande , de Rotterdam, de Nord-Hollande , & de Groningue. Et 1'on en déféra en 1766 la fuprême dire&ion au Stadhouder. Les affaires les plus importantes, & qui concernent le bien de la Compagnie en général fe traitent dans XAffemblée des dix compofée de quatre Direéteurs de Ia Chambre d'Amfierdam, deux de Zélande, trois des autres,Chambres, & d'un Député des Etats Généraux. La Compagnie poflede en Afrique plufieurs Forts fitués fur la cöte de Guinée. Les principaux font ceux de St. Gecrge de las Minas, & de Naffau, fans compter quelques autres de moindre importance. Les principales Marchandifes qu'elle tire {a) Grott Placatt Buk IV. D. pig. 133 1.  Lettre X. Amsterdam. 243 tire de ces pays ia font de 1'or, de 1'ivoïre, des cuirs, des gommes, öc des efclaves. Elle poflede en Amérique les Isles de Curacao, de St. Euftache, $Ejfeqiiebo t & plufieurs autres , fans parler de la Societé de Suriname, dont la Compagnie ne pofiede cue la troifième partie, öc de la Colohie de Berbices, &c. La liberté de la Navigation autrefois reftreinte a la feule Compagnie efl: aujourd'hui accordée a tout le monde. Par ie premier Ocfroi elle étoit feule autorifée a négocier depuis le Tropique du Cancer jusqu'au Cap de Bonne Efpérance ,& fur toutes les Cötes de 1'Amérique, depuis la pointe méridionale de 'i erre neuve, les Détroits de Magellan & de le Maire jusqu'a celui d'Anjan, dans toutes les Isles entre la Mer du Nord & celle du Sud, de même que dans les Terres Auflrales. En 1^30 on ouvrit a tous les Hollandois la Navigation en Afrique a 1'exception de 60 milles depuis le Cap Jpollonia jusqu'a Rio de Volta, mais en 1734 on permit le trafic des Esclaves dans toute cette étendue. La Compagnie nomme un Directeur Général fur les cètes d'Afrique; Elle a L 2 auffi  £44 Amsterdam. atiffi plufieurs priviléges fort lucratifs. Par exemple elle a le droit d'exiger un tribut des Vaifieaux particuliers qui font la traite des Négres; & de conb'squer a fon profit les VaiiTeaux étrangers, qui femélent de ce Commeree. (a) Les avantages que la République retire de la Compagnie Occidentale font confidérables, furtout depuis que Pon s'occupe plus férieufement de 1'adminiftration & de la direérion des Colonies. Les Marchandifes que 1'on retire de 1'Amérique font utiles & bonnes par elles mêmes, au lieu qie la plupart de celles que 1'on retire de POrient n'ont de prix & de valeur, que celui, que le Luxe y mêt. De forte qu'il feroit tres avantageux d'envoyer dans les Colonies quelques perfonnes éclairées, & entendues, qui priflènt une connoifiance exacte de la nature du fol, de fes propriétés, & des moyens, qu'il faudroit employer, pour retirer encor de plus grands avantages de ces Contrées. En tems de guerre, fi la République refte neutre, la Compagnie peut faire de gros gains, furtout par la pofition avantageufe de St. Eujlacbe. On (a) Ce droit, q>?s la Compajme patoifibit avoir oublié fut foutenu avec vigueur ea 1-72.  Lettre X. Amsterdam. 24,5' On pourroit retirer auffi plui de profk de la traite des Négres,fi on prévenoit leur défertion, en les traitant plus hurosinement & en fe fouvenant qu'ils font hommes. II ne me refte plus, Monfieur ,avant ds finir cette longue lettre, qu'a vous donner une jutte idee des Confeils de Marine connus fous le nom d'Amirautez, On ne peut afïigner une époqueal'origine et a 1'état des Amirautez avant Pan 158Ó (a). Chaque Province avoit fon Amirauté particuüérejusqu'a l'année 1597, que les Etats Généraux réunirenc ces Confeils par YInftruction pour les Colleges de 1 Amirauté. (b) Le foin de la Marine fut donc confié a cinq- Confeils, celui de la Meufe éta« bli a Rotterdam, celui ó.'Amfterdam, celui de Hoorn & d'Enckbuifen alternativement r celui de Zélande établi a Middelbourg, & celui de Harlingne en Frife. Ces Colléges font compofés de plufieurs Députés, dont le nombre eft ré- glé.- (ti) Ce motvient dc l'Efpa~nol,ony-nomme leChef d'une Flotte Almirant, ce qui paroit déii-er de 1'Arabc Amir , qtii fignifie Seigneur. Vcy. Du C a « o e Gist-jur. Meel. & infim. Latinit. voet Amir.. Tom. ï. p. 3.71. ) Groet Plse«at Boek, U Deel p.ig. 1530. L 3  246" Amsterdam. glé. II n'y a point d'appel des fentences de 1'Amirauté, pour ce qui regarde les fraudes des droits d'entrée & de fortie, les différens fur les prifes, ainfi que dans les caufes criminelles, mais dans les grandes caufes civiles , c'efl-a-dire , excédant 600 florins, on peut demander révifion de la Sentence aux Etats Généraux. L'Amirauté n'a cependant aucun pouvoir légiflatif, & elle efl: foumife en toutes chofes a Leurs Hautes Puiffances. Les revenus de ees Colléges naiffent de diverfes fources. Us ont la recette des droits d'entrée 81 defortie. La Compagnie des Indes Orientales rachette annuellement ce tribut par une fomme de 364000 florins. On paye auffi une certaine fomme pour les Vaiffeaux de Guerre qui convoient les Flotte» Marchandes, &c. Lorsque les Etats Généraux ont pris la réfolution d'armer quelques vaiffeaux le Confeil d'Etat en expédie auflitöt 1'ordre a tous les Colléges, qui arment a proportion de leur Contingent. II eft a remarquer que 1'Amirauté d'Amfterdam fait toujours la troifiéme partie des ar. memens. La charge d'Amiral Général eft unie a celle de Stadhouder, ainfi que fe plus haut  Lettre X. Amsterdam. 247 haut degré ,auquel puiiTe afpirer un particulier , eft celui de Lieutenant Amiral. Les armemens fe font toujours a Ia charge de 1'Amirauté, mais lorsque les revenus de ces Colléges ne font pas fuffifans, les Provinces y fuppléent ,ou bien 1'on permet a 1'Amirauté d'emprunter Ia ibmme néceffaire. Le Collége d'Amfterdam équipe plufieurs Vaiffeaux pour fon ufage particulier en tems de paix, & c'eft le plus puiffant de tous. Ce qui n'eft pas furprenant, puisqu'il eft établi dans une ville peuplée de riches marchands,& qui fleurit par fon Commeree. Cependant en tems de guerre ce Collége a befoin de tous fes fonds , & fut même réduit en 1701 a des fubfides extraordinaires. Le batiment de 1'Amiraute d Amtlerdam eft trés remarquable. Son étendue qui eft fort grande comprend 1'Arfenal & les chantiers. On voit au centre de ce vafte édifice un grand baffin deftiné a la conftruclion des Navires. On conferve auffi dans 1'Arfenal les armes & les agrès des Vaiffeaux ; Le chantier a cinqcentvingt huit pieds de long, öc il avoifine les logemens pour les Charpentiers & les ConftrucL 4 teurs  248 A M ST E H D A M. teurs des Vaiffeaux. Jerecomrnande ici a tous les Etrangers, & a tous ceax qui viennent admirer cette fuperbe ville de fe procurer 1'cccafion de voir cet Arfenal, & ces Chantiers, qui font infiniinent remarquables. _ On compte communément foixante dix Vaiffeaux de guerre a Amfterdam; Un auteur moderne s'ed élevé contre ce calcul, qa'il traite de chimère & de ££tion. Ce que nous croions pouvoir aifurer, c'efl que l'/lmirauté d'Amfterdam efl en etat de les équiper. La Jurisdiction perfoinelle des AmiTautez ne s'étend que fur leurs Employés ; & elles font obiigées de fe conformer entièrement dans leur adminifiration & dans leurs jugemens aux Placards, & aux Ordonnances des Etats. Les Etats de la Province , & depuis I3 révolution S. A.S. nomment lesHauts Officiers, comme les Lieutenants Amiraux, & les Vice Amiraux, &c. Dés que les Capitaines ont été nommés chaque Collége affigne aux Vaiffeaux k nombre de fes Matelots & de fes Soldats. On n'a pas manqué jusqu'a préfenc de Matelots. Les Prifons & ceux de Gxoiüngue accoutumc's dés leur enfar.ee 1 k> nt'% ■ h I  Êettre X. Amsterdam. 24^ a la-Navigation fe defiinent ordinairement a cet etat, fans parler des Hollandois, & furtout des Zelandois, quifournifTent un grand nombre de Matelots. Les pavs du Nord , en particulierla Norwege, en donnent aulfi beaucoup,Joignés a cela cette multitude innombrable de gens fans aveu, de libertins, ik de défefpérés, qui eapofent a la merune vie, qu'il leur efl: impoflible de conferver fur terre. Cependant en tems de guerre la difficulté de trouver desMatelots efl: affez grande, & 1'on de-vroit a mon avis entretenir en tems de paix un plus grand nombre de gens de Mer, qui feroient prêts a tous événement, ik que 1'on pourroit en attendant" faire fervir fur terre, ainfi que cela fepratique ailleurs. Outre les Armemens des divers Colléges de 1'Amirauté, il arrivé en ternps de guerre que des Particuliers s'affocienc pour armer des Vaiffeaux que 1'on nomme Capres, mais ils ne peuvent fe mettre en mer fans une Commiflion de 1'Ainiraute ou de 1'Etat. (a) VA-'- («) Le? Zé!sndoTséqinpoientaurrefbi3ijn grand nojribre Je ces Capres. E.n 1703. viogt fix Car.rcs munis d'une CommitTion de 1'Eta: (irtirent du port de Mu'delfcourg, & vitiftt deux de celui de Fleffingue. EaMbexïi Mfuoires Tom; XII. p. 113. L 5  250 Amsterdam. L'Amirauté porte les mêmes armes , que le Confeil d'Etat avec cette différence que 1'EcuiTon eft pofé fur deux ancres de fable en croix. On nomme les Députés Nobles 6? Puijpins Seigneurs, & les Requêtes, qu'on leur addreffe, portent 8 Leurs Nobles PuiJJimces. Encor un mot d'Amfterdam. La Société de cette Ville eft trés bonne, & 1'on y jouit de beaucoup d'agrémens. Les Etrangers y font bien aecueillis, & le ton général eft celui de la bonne Compagnie. II faut croire, que le Baron de Föllmtz (a) étoit de bien mauvaife humeur, oü qu'il n'avoit aucune bonne maifon a fréquenter, lorsqu'il dit, que les Sociétés d'Amfterdam font peu agréables. „ On y voit, dit-il, d'affez beaux vi„ fages, mais qui 'ne difent mot, du „ moins a un Etranger, dont 1'afpecl: „ femble les éffaroucher. On y prend „ du thé , ony fait une reprife d'Hom„ bre ou de Quadrille, enfuite on va „ chercher a fouper. Les Sociétés oü ,, il n'y a point de Dames font encor „ moins amufantes. On y fume beau- „ coup («) Aitm/res du Bmtn de Fillinhz, Tom. iv. Ltttte 51,  Lettre X. Amsterbta-m: 2jt „ coup, on y boic de même ,7 on y „ parle de Commeree ou de Politique &c. " Ou les mceurs font bien changées, ou il faut croire que cet Auteur fe trompe trés fort. Les Dames ne font rien moins que ridicules & farouches. Au contraire celles d'entre elles, que j'ai eu le bonheur de connoitre, me parurent égaler la politeiTe & la prévenance fi vantée desDames Frangoifes, fans aucun mélange d'affe6r.ation ou de roideur. On eft trés bien chez les Négocians, ils s'ëmpresfent a faire les honneurs de leur Ville, & de leurs Maifons de la fa$on la plus honnête. Ce que le même Auteur dit (a) de la coutume de conferver une chambre inhabitée, & du refpecl qu'on porte a cet appartement, nommé la Belle Chambre , étoit peut-être vrai il y a un Siècle, mais a préfent a 1'exception des maifons des petits Bourgeois, on fe fert de tou3 les appartemens de la maifon, & 1'on régoit fréquemment Compagnie. M. de Pöllnitz relTembloit trop a ce Voyageur, qui s'étant querellé a Blois avec fon Hotefle, qui étoit rouffe, mit fur fon AU hum, N. B. Que toutes les femmesdeBloist font roujjes &f acaridtres. Les (a) Hiel. Lettre 50. L 6  flJ2 Amsterdam. Les Promenades font affez belles,maïs 51 faut les aller chercher trop loin. Le Plantage efl une efpèce de Cours, fort négligé aujourdhui. Le Pont qui joint le rempart d'un cöté de Amftel a 1'autre eft trés large. II a fix cent foxante pieds de long, fur feptante de large. On y jouit d'un vue délicieufe. On peut le eomparer au Pont Royal a Paris. On voit dans une Auberge nommée Blaauwe Jan une ménagerie oü 1'on conferve quelques Animaux éirangers, mais en petit nombre. Enfin il eft inutile de vous inftruire, que dans une autre Auberge, nommée le Labyrinthe (Doolhof) on voit le fpe'aacle de quelques automates gigantesques& autres Poupées, qu'un homme laie jnouvoir, en récitaix des vers emphatiques. On y voit entre autres la Nour.iinee du Rol David, qui étale fon fein d'une fagon fort indecente. Ce fpeétacle, autrefois Ie feul que 1'on connoifioit ici, eft fort couru de la populace & des Enfans. Voila, Monfieur, en affez grand détail, tout ce que j'ai remarqué a Amfierdam , je me flatte que vous ferés content de mon exaftitude. J'ai 1'honneur d'èïre, èvc. LET-  Lettre XI. Gouda. a$3 LETTRE XL GOUDA. Description de Gouda. Situatiën de cette Ville. Edifices publics. Vitres remarquables; Savans & Artiftes. Commeree & Fabriques. Description de Gornichem, de Schoonhoven, & de la Brille. MONSIEUR. Gouda efl: la fixiéme Ville de celles , qui députenc a 1'Aflembfée des Etats de Hollande. On y compte environ vingt mille habitans. Elle efl; fltuée prés de 1'Yflel, a quatre lieues au N. E. de Rotterdam, & a huit lieues au S. d'Amfterdam. Cette Ville, nommée auffi Tergouw, & Der Goude eft affez ancienne. On fixe communément fon origine au douziéme liécle. VBeitel de Ville n'a rien de fort remarquable. II a été rebad en 1691. Au deffous eft la Boucherie, & la Bourfe aux grains. L 7 La  254 Goud a; La grande Eglife dédiée a Sr. TeanBaptifte (S Ja J Kerk) eft trés beJ?e Un y voit les Tombcaux de plufieurs Arniraux tels que de Sater, de Haan, de Meyer & autres. Cette Eglife eft célébre par les carreaux de vitres, dont elle eft ornée Lespemtures, dont ces Vitres font décoreesfont de toute beauté. Elles repréfentent toutes des fujets tirés del'Hiftoire Sainte Un y remarque en particulier une vitre fur laquelle on voit Jefus enfeignant l douze ans dans le Temple. Dus et Wouter Craeeth Ereres excelJoient dans 1'art de peindre fur le verre Ils étoient de cette Ville. Après avoir voyagé en Italië & en France, ils' s'établirent a Gouda. C'eft a leur travail que 1'on eft redevaar T-rla PLUS grande P3rtie des v"res de 1'Eghfe. Ces Frères fe cachoient mutuellement leur fecret, de facon que fi Jun .deuxfe trouvoit embarraffé dans ]a compofition d'un ouvrage, il recouroit a I autre fans fuccès. J'ai cberchè avec beaucoup de peine, faites en de mime, fe difoient ils ordinairement. Les Réformés Fran9ois font en petit nombre a Gouda, & un feul Pafteurdesiert leur Eglife. La Ville a une Bibliothéque, oü 1'on con«  Lettre X. Gouda. 255 conferve plufieurs Manufcrits anciens,& plufieurs lettres originales d'Erafme, Öt d'autres favans. Gouda a produit plufieurs hommes célèbres en Hollande, tels que Guillaume van dtr Goude, plus connu löus le nom de Cornelius MreKus, Précepteur & amï d'Erasme, 1'Hiflorien Snoy, l'Hiftoriographe Bokkenherg, le fameux van Beverning & le célébre Hartzoeker. Corneille Houtman, dont je vous ai parlé dans ma précédente étoit auffi de Gouda. Le Commeree de cette Ville efl entiérement tombé. La feule Fabrique qu? y fleurit encor efl celle des Pipes, dont le débit efl prodigieux. On en compte plus de trois cent Fa- ■■ briques, ce qui n'efl pas étonnant, vu le grand ufage que les Hollandois font du 'I abac a fumer. Cependant dans les bonnes Compagnies, a la Haye furtout, on ne fume plus. Gornichem ou par abbréviation Gorcum eft la huitiéme des Villes de Hollande, dans 1'ordre que je vous ai in» diqué. La Merwe, ou k Waal arrofe fes murs. Cette Ville efl une des Frontières de la Hollande, & 1'Etat y entretient une for-. te Garnifon. Pen:  255 GORNICHEM. Pendant Ja guerre de 1672 les Franroï* tentérent vainement de s'emparc/ de cette Ville. On y compte environ fix mille habitans. II y a deux Egüfes Holfandoifes, on voit dans la Cathédrale le tombeau du Poe;e Jean van Paffenrode. Les Rémonftrans&Jes Catholiques ont- des Chapelles dan * cette Ville. On montre encor ici Ja-Maifon , oü fe, refugia le célébre Grotius, aprés s'être fauve de fa prifon de Loevenftevn. On y voit auffi 1'armoire dans Jaquelle il cacha, après être forti du coffre Guillaume Eftius hifforien, & ié favant lbomas Erpemus étoient de Gorcum ttS„CHJOONHoVEN la dix ème Ville de Hollande efl fituée a 1'embouchure du Lek, vis-a-vis de JNieuwpoort, a trois lieues de Gouda, & a fix lieues de Rou terdam. Cette ville efl fortifiée & entourée de lar es foffcZ. On y compte. trois mille habitans. * . L'Etat a un grand Magazin d'ammuni* tions de guerre a Schoonhoven • On voit dans la grande Eglife Je tombeau d Ohvier van Noord fameux Marin ilfut Je quatriéme apré fvlageJlan , qui fit le tour du monde. On lic cette Em.taphe fur fon monument.. lik  Lettre XI. Schoonhoven. 257 Hic Hls ejl totum velis qui circuit orlem A Magellano quartus, Oliverius. Schoonhoven fait tin grand Commeree en chanvre & en Saumon, qui fe prend dans le Lek, & dont on fait beaucoup de cas en Hollande. La Brille onziéme & dernière Ville de cette Province eft fituée dans le Pars de Voorne, prés de 1'embouchu re de la Meufe, a quatre lieues a 1'Eftde Rotterdam. Le Port eft vafte öc fur, tous les environs font fertiles, Sc l'air qu'on y refpire eft fort fain. Cette ville eft fameufe dans les Annales de la République depuis 1'an 1372. Vous favés que pendant cette terrible guerre les Flamands fous le commandement de Guillaume Comte de la Marck faifoient beaucoup de prifes maritimes. fur les Efpagnols, öc fe retiroient dans les Ports de l'Angleterre,oü ils croioient être en fureté pour vendre leurs prifes, öc fe pourvoir des chofes, dont ils pouvoient avoir befoin; Le üuc d'Albe fe plaignit yivement a Elifabeth de la perrnifilon, qu'elle accordoit aux ennemis de fon Maitre, & cette Reine ordonna que ■ tous les Vaiffeaux appartenans aux Flamands, vuidalfent fes ports, öc défendit a  258 La Brille. a fes fujets de leur fournir ni provifiom ui azyle. Chafle de 1'Angleterre, Lu. mey partie fuivide vingtquatre vaiffeaux, & fe propofa de faire une tentative fur' Enkhuifen en Nordhollande, mais Je vent étant contraire, & Ja ne'ceflitédes vivres le forcant d'aborder a 1'Isle de Voorne, il jetta 1'ancre devant la Brille le i Avril 1572. On prit d'abord fa f lotte pour des Vaiffeaux Marchands, mais on fut bientöt délrompé en voyant débarquer les Troupes. La confternation étoit générale, Lumey profita.du moment, & fit lommer au nom du Prince les habitans de fe rendre. Ceux-ci héfiterent quelque tems a rendre réponfe, mais Lumey par un coup de vigueur fe rendit Maitre de la Ville & y entra avec deux cent cinquante hommes. C'eft donc aux Gueux Marins que 1'on doit la première entreprife qui cimenta 1'édifice de la Liberté Hollandoife. La commodité de cette Ville & de fon Port & le Confeil des plus prudens Capitaines engagerent lesFlamands a garder Jeur conquête, & a y faire leur féjour. Ils furent d'autant plus portés a cela, que le Comte de Boffu, qui enconnoiflbit J'importance,vint avec des Troupes a deffein de les en chaffer; Mais une terreur panique aiant faifi fes Soldats, il n ofa pomfer fon entreprife plus avant. S'ils  Lettre XI. La Brille. 259 S'ils euflent été pourfuivis par 1'ennemi, tous auroient infailliblement péri. Voila comment la Brille fecoua la première le joug des Efpagnols. (a) Dana ia ( a) Elifabeth fit un traité avec la République, par Itquel etles'engaga d'entreteair au fervice des confédéiés cinq mille hommes de pied, i& milte cbevaux. Pout Ia fureié du rembourfement de fes avances, qui fe feroit après la guerre finie, on-conviut que les Villes de la.Brille.deFleffingue & leCk&teau de Rammekens ftloient mis en dépot; Et il fut flipulé nu'en reftituant les fommesque la Reine avancoit les Gatnifons Acgloifes fortiroient de ces placei. Les chofes en étoient de. meurées dans les teimes dont on étoit convenu jusques a l'année ióiö. Alorson fit fcntir a JacquesI., qui avoit fuccédé a Elifabeth, que s'il fe fetv oit de la conjonéture préfente pour dcmander fon rembourfement aux Etats, il feroit un grand coup. Les Etats futcut furpris de cette demande, la guerre n'étant pas encor finie. On mit Oldenbatneveld a la tête d'une Amboffade deftinée a o tenit de la juftice du Roi. qu'il n'exigat point le rembourfement d'une dette, que 1'on ne devoit payer qu'» la fin de l> guerre. Enfin 1'on eonfentit a rembourfet cet argent, & le Roi s'imaginant toujours qu'on ne pourroit le lui fburnir donna néanmoinsquelques otdres a fes Commandans. Mai3 il fut ttomyé dans fon aitente. On emprunta fourdement la fomme néceflaire, & le 14 Juin 1616 on fit voiturer 1'argent fur les lieux, & les Gouverneurs rendirent les Placcs felon leurs ordres. Ou fentit bicntöt les ftuits avantagcux de cette affaire. Jusques li Angleterre députoit un Seigneur au Confeil d'Etar, ce rembourfement délivra la Hollande d'un furveillant incommode. Tout ceci fut en granJe partie 1'ouvrage de Batneveld , qui iclicva par la d'afliirer entiérement la Liberté de fa Patrie ;On prétend que les fommes reftituées alots a 1'Angleïctre momoieut a 3 millions de florins.  26& La Brille. h fuite cette ville fut engagée en t«s> avec FJefTingue & Rammekens a la Cou-ronne d'Angleterre & 1'on v mit garnifon Angloife, & ce ne fut qu'en 161-6 que le Grand Penfionnaire OJdenbarneveld , trouva les moyens de les racheter. On compte ici environ cinq mille habitans. _ fl y a deux Eglifes Hollandoifes deffervies par trois Paffeurs, & une Eglife Wallonne ou Franc-oife. Dans Ja grande Eglife on voit Je tombeau del'Amiral Van Almonde mort en i7u. Ce monument efl trés beau. La Brille a donne' naufanee au Théologien Meruïa, (a) dont l'hiltoire traeique doit être ajoutée au Catalogue des Martyrs de la fuperftition & du fanatifme fl fut accufé d'Héréfie, & condamné a un» pnfon perpécuelie. Mais fes ennemis J'y pourfui varent encor,& après avoir etc trajné de cachoten cachot on le conduifit enfin a Bergen en Hainaut. La on inflruifit de nouveau fon procés, & après avoir été declare nexétigue, on Ie condamna a étre bru- (0)I II ne faut pa? confonlre ce ualheureux Prêtre avec Gcorges MtrulmiaX^n du XV Siéele-natif d Al«andtie de la Paille, qui s'acquit une grande ré» puratiorj par fes Lecon» fi: Par fes «mager, ni avec JW /l^Juri coufuite.doi: nous a Araspade dan» 1* première iettie. v  Lettre XL LaBrille. 261 brulé a petit feu. Arrivé au bucher ce malheureux vieillard agé de feptante cinq ans demanda & obtint la permiflion de faire une courte prière, & un moment après il ej.pira. On brula néanmoirs fon corps. Le Jurisconfulte Neoftadius étoit aufll de cette Ville, qui vit naïtre le célébre Amiral Tromp & le vice Am ral de Wit. Le Commeree de la Brille efl peu confidérable. De la Brille on fe rend a Hchoetjluys , un des plus trifles lieux de la Hollande, c'eft la que les Voyageurs prennent le Paquet-bot pour fe rendre en Angleterre; jetermine ici, Monfieur, la description des principales Villes de la Sud Hollande, pour paffer a celle des Villes de la Nord Hollande, qui députent a 1'Asfemblée Provinciale. Cette contrée conferve~ beaucoup plus de traces des anciennes mceurs que la Sud Hollande. Dans celle-ci le caractère du Peuple n'a plus rien de fort diftinclif; 1'imitation des mtEurs étrangères paroit avoir corrompu plus ou moins dans les habitans des grandes villes cette ancienne & précieufe fimplicité Batave, dont on fe glorifioit autrefois, & dont on rougit aujourd'hui. On  2ö2 La Brille. On a fouvent dit qu'il n'y a pas de peuple plus imitateur que le Hollandois, & cela eft trés vrai. A 1'excepiion de peu de families on ne voit dans les principales Villes non des Hollandois, mais des Franjois, des Anglois, ou des AUemands. Cependant le fond du caraclère des Hollandois eft excellent, Flegmatique & tranquille il ne fe livre que trés rarement, & jamais au premier abord; mais auffi dés qu'on a fa confiance, rien ne lui coute pour obliger réellement & fenfiblement. II fort alors de fon affiette naturelle & on le voit auffi ardent a réalifer fes offres & fes promeiïês, qu'un autre eft fouvent a les faire. L'efprit d'égalité fi puifiant dans les Républiques, eft fouvent poufTé a 1'excés par h populace, qui joint beaucoup de rufticité a une rudeffe des plus révoltantes; mais comme il ne faut point chercher le véritable caradtère d'une nation dans Ja clafie la plus bafle du peuple, on ne doit point juger ici du caradtère nationnal d'après les excès, oü fe porte fouvent la canaille. Le Hollandois eft en général charitable, enclin a 1'Hofpitalité & a 1'exercice de toutes les vertus morales. On lui [repro-  Lettre XI. La Brille. 263 proche un grand penchant a I'économie, qu'il porte, dit-on, quelquefois jusqu'a 1'avarice, mais je crois que ce reproche eft généralemenc peu fondé. Un peuple induftrieux qui tire toutes fes reflburces du Commeree doit naturellement avoir cet efprit d'ordre & d economie, fans lequel les families, & a plus forte raifon les Etats ne peuvent fubfifter. Une des principales caufes de la fituation florisfante des Hollandois c'eft, qu'ils avoienü appris a fe pafTer&de tout, c'eft qu'ils s'imaginoient que le luxe & les dépenfes frivoles énervoient les fources les plus abondantes de fubfiftance & de profpérité, c'eft qu'enfin ils fe font élevés par eux mêmes d'un état d'abjeclion & d'efclavage a un état de liberté & de bonheur, & qu'ils ont fenti, que le meilleur moyen d'éviter les chaines,dont ils s'étoient affranchis, c'étoit de conferver parmi eux 1'ordre, & I'économie, mere du Commeree & de toutes les richefles. • Les Femmes font belles & bien faites, fort attachées aleur ménage, &remplisfant trés bien tous les devoirs de leur état. Elles fe piquent d'une extréme propreté, & ont grand foin de la faire regner par tout. L'air de la Hollande eft généralement affez  20*4 La B r i t i i. ' affez fain, mais fouvent extrêmement humide, & par conféquent plus froid que chaud. Ces Provinces abondent en excellens paturages, qui nourrifleot beaucoup de beftiaux. il n'y a point de pais, ou 1'on voie une fi grande abondance de beurre & de fromage. Le terrein de la Province de Hollande efl fi marécageux, qu'on a été obligé de 1'entrccouper par une infinité de foffez, pour en faire écouler 1'eau, par le moyen des moulins, dans des canaux d'ou elle fe décharge dans les Rivieres. On tire de la terre un limon bitumineux que 1'on pétrit, feche & coupe en forme de erosies briques,c'eft cequel'on nomme Tourbes. On appelle la terre, d'ou 1'on tire ces Tourbes Feenlanden, ces endroits fe combient avec le tems, & forment de petits lacs, que 1'on defleche enfuite, & qui deviennent des bons paturages & des terres labourables. Le fcorbut, & la goutte font les maladies ordinaires des Hollandois; 1'humidité, le froid, furtout les changemens fubits dans 1'athmofphere en font lesprin-. cipales caufes. On aitribue auffi le fcorbut, qui regne beaucoup purmi le petit peuple a 1'ufage in moderé qu'ii fait de la chair & du poifion fald. Les  Lettre XI. La Brille^' 265 Les Hollandois parviennent rarement a un age fort avancé, & 1'on ne voic que de loïn en loin parmi eux des Centenaires. Cependant ces contrées font trés peuplées, M. de KerlTeboom compte environ 9, 80000 Ames en Hollande. Cette population doit être attribuée en partie a la grande facilité que 1'on y trouve a fe marier, & a fe foutenir honnêtement, même avec une nombreufe familie. Le Luxe n'a pas encor énervé tout a fait la jeunefie de ces Provinces , & 1'on permet plus facilement qu'autrefois au Soldat de fe njarier. J'ai eu occafion de vous faire remarquer dans le cours de mes Lettres, que peu de Nations égalent celle • ci par le nombre de favans en tout genre, qui font fortis de fon fein. Le Hollandois joint a un jugement folide, une affiduité rare, & une opiniatreté fans exemple dans le travail. On doit a cette Nation plufieurs découvertes utiles dans les Arts & dans les Sciences ; Elle a même produit plufieurs bons Poëtes, mais qui manquent orciinairemenc de goüt, c'efl: le défaut le plus général des Auteurs Hollandois. M La  266 La Brille. La Langue varie beaucoup dans chaque Province, & même chaque Ville a fon Dialeéle particulier. On s'appliqu'e beaucoup aujourd'hui a épurer 1'idiome Hollandois, un des plus riches & des plus énergiques de 1'Europe. Les Hollandois font partagés en quatre claiTes pour la fortune. On y voic des millionnaires, mais en plus petic nombre, qu'on ne le croit ordinairement, des gens aifés, des citoyens laborieux, qui gagnent leur vie par leur travail, & enfin beaucoup de pauvres, qui ne le font fouvent que par ia grande libéralité des riches,qui leur font trouverdel'agrément dans un état de fainéantife, & de rnoUefie. II y a de fortes loix contre les Vagabonds & les gens fans aveu, auxquels on défend 1'entrée de toutes les Villes. O) Les Hollandois étoient autrefois grands buveurs, & 1'on croyoit avoir mal régalé feshötes, s'ils ne s'en retournoientivres chez eux. Cette coutume efl: a peu prés abolie, & les gens comme il faut ont la crapule & 1'ivrognerie en horreur. En général 1'efprit. de Société & de dé- («) Voy. Dccret du a s Juin 1649.  Lettre XI La Brille. 267 décence fait Jes plus granJs progrès en Hollande, & s'il refte encor quelques veftiges des anciennes coutumes du païs, c'eft furtout en Nord-Hollande qu'on les rencontre. J'aurai peut-être occafion de faire quelques remarques ace fujet dans la description de cette contrée. J'ai 1'honnéur d'être, öic. M 2 LET-  268 S a e r> A. m. LETTRE XII. Description de la Nord Hollande, des principales Villes de cette Contrée, &c, MONSIEUR. Sardam ou plutot Zaandam eft un grand Village a 1'autre cöté de l'Y, dans le Baillage de Blois. Le Commeree efl; confidérable dans cet endroit. Plufieurs Manufaétures y entretiennent 1'abondance, On y voit un nombre étonnant de moulins a vent. On doit 1'invention de ces moulins fi utilespour fcier le bois defliné a la conftruction des vaisfeaux a Corneille van Uitgeeft. On compte plus de 250 moulins de bois ou fcieries a Sardam. On y voit aufli des moulins pour hacher&pulvérifer les bois de teintures, & les racinesqui fervent au même objet. On y trouve aufli des moulins a p udre, & plufieurs Manufactures de poudre a canon. La  Lettre XII. Sardam. 269 La Papeterie de Sardam efl la plus - confidérable de la Hollande. Lorsque Louis XIV fit en 1672 une irruption en Gueldre, plufieurs Papetiers fe réfugierent ici, & y porterenE 1'art de faire du papier blanc. On en fabrique annuelle- • ment plus de 80000 rames a Sardam, fans compter le papier gris, & bleu. Cet endroit eft aufli renommé pour la conflru&ion des Vaiffeaux. On fait que c'eft ici que le Czar Pierre • s'inftruifit dans cet art, cependant on ' compte aujourd'hui beaucoup moins de Chantiers a Sardam qu'autrefois, furtout - au commencement de ce fiécle. On prétend qu'un Charpentier acheva en cinq I femaines la conftruclion d'un Vdifleau, & qu'ün autre mit dans moins de deux : ans vingt Navires a flot. On voit auffi f ici une grande quantité de bois de conftruclion, & des grands Magazins remplis de toutes les chofes néceflairés pour conftruire & pour équiper toutes fortes de Vaiffeaux. Ce bourg eft fort peuplé, tout y annonce le travail, 1'induftrie & la profpérité, & le coup d'oeil de Sardam vaut bien a mon avis celui des plus grande* Vii'les. Sans fuivre ici exactemeat 1'ordre des M 3 lieu»  27° Sardam. lieux je vais vous décrire les Villes de la JYord Hollande, dont les Députés ont féance a 1'Aifemblée Provinciale. • ALKMAAR. Alkmaar eft la première de ces Villes. Sa fituation efl des plus agréables. Elle efl entourée d'un grand nombre de jardins.de vergers,& de prairies. On y, compte douze mille habitans. Dans la grande Eglife on voit le tombeau du Comte FJorent V. affafliné pari Gerard Van Velfen. On n'y conferve que fes entrailles, c'efl- ce qu'indique une infcription fort ancienne. Plufieurs Communions Chrétiennesont des lieux d'Afiemblée a Alkmaar. On voit ici de ces lieux de retraite pour la vieilleffe, connus en Hollande fous le nom de Hofje. Gerard Wildeman fit une pareille fondation en faveur de vieilles Filles, ou de Veuves de différente religion. Elles doivent déclarer -en entrant dans ce lieu; qu'elles renoncerit pour toujours au mariage, & qu'elles rompent tout commeree avec les perfonnes de 1'autre fexe; CeVoeu, affez femblable a celui des Religieufes, efl cependant plus raifonnable, puisqu'on ne 1'exi-  Lettre XÏL Alkmaar. 271 Texige que de celles, a qui 1'age ou ia figure en irnpofe la néceflité. Alkmaar a produic plufieurs grands I hommes, tels que le Confeiller van Foreejt, & fon frere Pierre, qui füt le premier profelTeur en Médecine a 1'Univerfité de Leiden. On croit communément que e'éft a un habitant de cette Ville nomrné Jacob Metius que 1'on efl; redevable des Telescopes, mais 1'opinion la plus vraifemblable en frxe la découverte avant la naiflance de ce Méchanicien. Cette Ville fait un grand Commeree en grains, & en fromage. La Bierre d'/Mkmaar efl presque aufli bonne que celle de Rotterdam. On voit dans le voifinage de cette Ville un petit bois, qui ne le céde guere aux plus beaux jardins de 1'Europe. Les promenades font trés _ agréabks, & ks points de vue fort variés. HOORN. Hoorn la feconde ville de cette contrée eft fituée fur les bords du Zuiderzée. C'eft un Port de mer confidérable. Du cöté de la terre la ville eft environnée de paturages excellens, & de plusM 4 de  272 Hoorn. de quatre cent jardins. Les Promenades font deücieuhfs & en grand nombre. On a pris les plus grandes préeautions contre les inondations en y élevant une des plus belles digues de toute la Hollande. II y a ici plufieurs chantiers pour conftruire des Vaiffeaux, Je Commeree de fromage eft affez grand, on exporte de cette Ville tous les fromages qui fe font dans la Nord Hollande. On trouve dans les environs de Hoorn des plantes trés recherchées, & connues fous le nom de Racints de Hoorn ( Hoornjche Wortels.) K Le nombre des habitans de Hoorn eft porté a douze mille. Les Edifices publics n'ont rien de fort remarquable. En général toutes les Villes de la Nord Hollande font baties de Ia même maniére, partout la mêmepropreté & Ia même uniformité. Hoorn eft cependant moins tranquifle que les autres villes, a caufe de la Chambre des Indes Orientales , qui entretient plufieurs chantiers, & divers Magazins. II ne faut pas oublier que le célébre Hadrianus Junius Auteur d'un ouvrage trés eflimé, mtku\éBataüa, naquit a Hoorn dans le feizième fiécle. Cette ville donna  Lettre XII. Hoor % if% ria aufli naiflance au fameux Hogerbeets Compagnon d'inforttines de Barneveld,, & de Grotius. Celui ci füt condamné a -une prifon perpétuelle dans le Chateau de Loevefteyn , mais quelques années après on lui permit de fe recirer a fa Campagne prés de Waflenaar. Hoger* beets ne jouit- pas longtems de cette fa-veur; Ia vieilleffe & les maux qu'il avoit fouffert pendant fa captivité 1'entraine-•rent au tombeau trois mois après fa délivrance le 7 Septembre 1625: Le chemin de terre dé Hoorn a Enkluizen offte le coup d'osil d'une riche prairie , coupée de fofléz & de canaux. Heft''impoflible de fe former une idéé de ce charmant païs , différent de tout ce que 1'on voit autre part en Hollande. LesHabitans des Campagnes ne le cédent ici en rien a ceux des villes pour le foin de tenir' leurs cabanes propres & riantes, & leurs jardins en bon état. ENEHUIZ'EE Enkhtjizen la troifiéme Ville m rang- efl: fituée prés du Zuiderzéej a trois lieues au N. E. de Hoorn. Elle efl: défendue par des digues immenfes,- ■Uw grand banc dj»» fable rend 1'approche de M s ce£t&  .274 Enkh.uizen. cette ville trés dangercufe pour les grand* Vaiffeaux. Elle efl auffi extrémement iortifiée du cöté de la terre. L'Hotel dc Ville efl un trés bel edifice m furpafTe de beaucoup la plupart des' baumens de ce genre en Hollande II y a ici trois Eglifes pour fe. c-ulte ïiationnalj les Luthériens, ]es Anabaptifles&lesCatholiquesy ont auffi des lieux d /rfJemblée. La Chambre de la Compagnie des In. des Onentales établie dans cette ville jend le Commeree afTez fioriffant, ainfi que la pêche aux Harengs, & ja vente du poiflon falé. On y conflruit auffi beaucoup de Vaiffeaux, & les Négociansfont un grand Commeree dans la Mer Baltique. On compte a Enkhuizen dix a onze mille habitans. Je remarquerai en paffan t, que le Traducteur Hollandois de la petite Comédie du Francais a Londres a jugé a propos de mettre la Scène a Enkhuizen & d'intituler fa piéce , De Hagenaar te Enkhuizen ;(LHabitant de la Haye a Enkbui. zen)ce qm ne donne pas une grande idéé du ton de cette Ville. Au refte ce tableau peut-être chargé,  | Lettre XII. Enk huizen. 2^5' ; igé, & je connois trop peu lesCitoyens | d'Knkhuizen pour vouloir juger de Ja res| femblance. EDA M«- Edam quatriéme Ville de celles, qui' i députent a 1'Affemblée Provinciale, efl: I pareillement fituée fur les bords du Zui1 derzée , & ne contient- que quatre mille fl habitans. Cette Ville efl: fameufe pour ie Com■ merce qu'elle fait en fromage, dont la d] bonté eft généralement reconnue. Même i tout le fromage qui fe fait a Alkmaar & a I Hoorn eft nommé fromage d'Edam. On1 comptoit autrefois plufieurs corderies & I dïverfes Salines, mais ce Commeree efl: I beaucoup déchu. On voit dans la Nord Hollande des riches prairies, qui étoient jadisI couvertes d'eau; dans les environs de cette Ville il y avoit autrefois un grand Lac, deflëché aujourd'hui dans une efpace de plus de fix lieues de circonférence. I Ce pais efl extrémement fertile,& prouve de quelle utilité font les defféchemeris de Lacs & de Marais. On voit aufli dans le voifinage plufieurs belles CampaM 6 gues*  276" Edam. gnes, & tout préfente 1'afpeél Ie pTt» riant, & Ie plus agréable. MONNIKENDAM. Monnikendam, cinqaiéme Villedans 1'ordre indiqué, efl: fituée a une lieue ■d'Edam, & a deux lieues & demie au IV. E. d'Amflerdam. On ne compte dans cette petite Ville que deux mille habitans. On y voit une aflez belle EgliJè nationnale, deflervie par trois Pafteurs & un Hótel de Ville, qui n'a rien de remarquable. On s'applique beaucoup ici a Ia Navi% gation, & a 1'équipement des Vaifieaux. On voit aufli a Monnikendam quelques* Corderies, plufieurs favonneries , & un bon nombre de Teinturiers. Cette Ville eft d'une propreté furprenante, & fes environs font charmans. BROEK. Le joli Village de Broek eft a une demie lieue de Monnikendam. C'eft fans contredit le plus confidérable de tous les Villages de la Nord-Hollande II eft fitué dans le Baülage de Waterland, pres d une petite Riviere, nommée ment intérieur, qui femblent être Je par-  aSö B r- o e k. partage des habitans de cette déJicieu> fe contrée. M E D E N B I K. Medenblik la dix feptie'me Ville de Hollande, & Ja fixiéme de ce quartier efl- fituée prés du Zuiderzée a quacre lieues au N de Hoorn, & a peu prés a Ja même diflance d'Enkhuizen. Cette Ville a trois Ports , qui peuyent contenir plus de trois ctnt Vakfeaux. On compte un peu plus de deux mille habitans a Medenblik. On y voit les reftes d'un Chateau, bati par liarent V. en 1287. 1'Hötel de Ville efl peu confidérable, ainfi que celui de la Monnoye. I+'Eglife Hollandoile efl affez :belle. Le Commeree de cette Ville efl fott peu étendu ; & en général il n'y a rien ici qui mérite de nous y arrêter plus longtems. P|U RMERENDE. Por merende feptiéme & derniére Ville efl fituée prés du Purmrr, grand Lac defféché en 1620, prés du Warmer, & du Beemjler , changés aufli en ferr  Lettre XII. P urm er ede. 281 fertiles plaines. Ainfi que cette Ville, placée autrefois au milieu des Marais a beaucoup gagné par le deflechement de ces Lacs. Le nombre de fes habitans fe monte a environ trois mille. Le Commeree de cette Ville fe bprne uniquement au fromage, & aux cuirs, que 1'on exporte aifez avantageufement. Mais ce qui rend Purmerende juftement célébre, c'eft que ce fut dans fes murs que vécut le fameux Bsrnard Nieuwentyi habile Philofophe & favant Mathématicien. II naquit a PTefigrafdyk en 1654, mais exercea la Médecine a Purmerende. On lui conféra la dignité de Confeiller & de Bourguemeftre, & il fe fit beaucoup eftimer par fon favoir II eft le premier des Philofophes Hollandois qui fit naitre parmi fes compatrïotes le gofit de la Phyfique expérimentale.^ On a de lui ülufieurs ouvrages, parmi lesquels on dlffingue un excellent Traité inxïiu\é,ÏExiftence deD'teu dèmntrèe par les merveilles de la Nature. Ce livre a été traduit en Fran$ois,& méritoit de f être; une Rèfutation de Spinofa, & quelques écrits contre les infiniment petits. II mourut en 1718 a 63 ans. Jefinisici, Monfieur, la description des Villes de la Nord Hollande, & je ter-  282 PrjRMER END E. terminerai cette lettre par quelques obfervations générales fur cette partie de la; Province, que j'avois entrepris de vousi décrire. NORD HOLLANDE. La Noud Hollande,ou laWEST' Fr i s e («) a de même que la Sud Hol-■ lande , un Confeil de Confeilkrs Députés des i Etats de Hollande de Wtft Frife, dans ■ la Wefl Frife £p dans le Qitarticr du 'tford. ( Het Collegie der Gecommitteerde Raden van i de Staat en van Holland en Wefl-Vriesland in Wefl Vriesland en 't Noorder Qiurticr.) Ce Confeil eft compofé de fept Députés, & d'un Sécrétaire. Pendant la guerre contre 1'Efpagne, la Nord Hollande fe trouva par la prife de Haarlem entiérement féparée du refte de la Province. C'eft ce qui donna naiffance a ce Confeil, prépofé a la fureté publique, & a veiller aux intéréts du Quarcier pendant la guerre. II s'affemble a Hoorn,. & c'eft la oü il tient depuis ce tems les affemblées. II n'eft pas néceffaire de m'é- (a ) Voyh dans le Tegenwoordige flaat der Ne. herlanden D. 5. 5". 5. H. s. ce qu'il faut cutendie par la Nord Hjllar.de, & la Wtjl-Frife.  Lettre XII. Nord Hollaïjde. 283 m'étendre fur les fonctions de ce Confeil, femblable a celui, qui fe tient a la Haye, & dont je vous ai parlé. (a) l a Nord-Hollande a le droit de battre la Monnoye; ce qui fe fait a tour de xöle a Hoorn, a Enkbuizen, öc a Medenblik. Les moeurs & les coutumes des Habitans de cette contrée différent efTentiellement de ceux de la Sud-Hollande. La caraótére général des Nord-Hollandois eft phlegmatique, & fouvent entiérement apathique, Lents a fe décidér, opiniatres dans leurs entreprifes öc inébranlables dans leurs réfolutions, on les voit.rarement s'emporter, mais auffi leur colère öt leur haine font redoutables, öz leur vengeance implacable. Par rapport a la religion, bien loin de fe laiffer em- - porter a 1'efprit d'intolérance, on les voit tolér r toutes es Secïes Chrétiennes; Dans le Gros bourg Beverwyk, il y a une Maifon des Orphelins, ,oü 1'on éleve jus- . qu'a 1'age de douze ans fans diftinciion les Catboliques öc les Réformés. ' Du refte ils font trés attachés aleur Religion, & les Catholiques, dont le nombre eft fort confidérable, fréquentent avec beaucoup («) Voy. Ltttre VI.  2S4 Nord-Hollande. coup d'affiduité les Eglifes,chomment les jours de Fète.v & iuivent minutieufement les Commandemens de 1'Eglife. ; Les Nord - Hollandois font en général bien faits, dégagés & nerveux. Par rapport aux femmes, ce que je vous ai dit de celles de Broek doit s'appliquer a toutes celles de cette Contrée. La blancheur de leur teint, & i'incarnat de leurs joues feroient un objet d'envie pour les • Dames des Villes. La coëffure platte des femmes Nord-Hollandoifes, entourée d'un ruban couvert d'un réfeau d'or leur élargit Je front. C'eft en quoi elles font confifler leur principale beauté: aufli dès^ leur naiflance les Meres ont grand foin de leur faire porter dés rubans, qui leur ferre Ia tête, & qui leur rend le front large & tendu. On ne voit ici que des blondes, & elles participent au défaut ordinaire des femmes de cette couleur, 1'indolence & un peu de mollefTe. II eft étonnant, que malgré cette apathie & ce fang froid, juftement reproché aux Nord-Hollandois, on les voit former les entreprifes les plus confidéra- bles, conferver & étendre leur Commeree, & augmenter toutes Jes branches de profpémé & de bien être. II faut le ré- pe-  Lettre XII. Nord Hollande. 285 peter, c'eft a cette lenteur, ,ou plutöc a ce mur examen dans les plans qu'ils fe propofent & a cette opiniatreté tenace dans 1'exécution, qu'il faut l'attribuer. L'amour de la Patrie efl: trés fort chez ces Peuples, & toutes leurs acfions ont ce doublé but, le bonheur de la Patrie, éi le maintien de la liberté. On leur reproche a tort un penchant vers 1'avarice ; Ils ne font qu'économes. II efl vrai, qu'ils ne donnent pas dans ce luxe ruineux, dans cette imitation des modes & des coutumes étrangéres, qui abatardit, ofons le dire, dans les Habitans des grandes Villes Méridionales 1'efprit nationnal; mais ee qui doit faire leur éloge, c'eft qu'on ne rencontre que trés rarement parmi eux la pauvreté, & la mifère. C'eft qu'ils ont foin d'éloigner ces fainéans, vrais fangfues , qui dérobent aux véritables indigens les dons, que des ames charitables leur deflinent. On ne connoit pas d'Amans plus conflans qu'en Nord - Hollande, & d'époux plus fidelles, rarement voit-on rompre la foi conjugale;les Maris font trèscomplaifans pour leurs femmes, & c'eft bien dans cette contrée, que les femmes font reines & maitrefles dans leur Maifon. Nous avons déja dit un mot de la propre-  286 NoRD-HoL LANDE, preté des habitans; Ils ia portent fi loin, que lors qu'on entre chez eux.on trouve des pantouffles fort propres, que 1'on efl: obligé de mettre pour ne pas gater Ie plancher. Mais ceci ne doit s'entendre que de ceux, qui vivent encor fuivant les anciens ufages, & leur nombre efl: aflez grand. Enfin, Monfieur, cette contrée offre h I'oeil d'un étranger attentif le fpe&acle le plus nouveau, & le plus intéreflant. Je pourrois vous communiquer encor plufieurs obfervations aflez intéreflantes fur ce pais, mais les bornes de cette lettre ne me permettent pas des plus longs détails, j'efpére que vous ferés fatisfait de ceux, dans lesquels j'ai cru devoir entrer, & je me hate de finir en vous priant de croire que c'efl, avec une parfaiteeflime, que j'ai fhonneur d'être, &c. LET;  287. LETTRE XIII. Réflexions fur l'Etat des Arts & des Sciences en Hollande, & en particulier fur la Poëfie Hollandoife. Poëtes célèbres, Antonides , Hoogvliet , Poot, Vondel, Exemples tire's de leurs ouvrages. De la Poëfie Dramatique &de ïétat du Tbêatre en Hollande. MONSIEUR. LA Hollande, ce petit coin de terre, ignoré du refte de 1'Europe jusqu'a 1'abdication de Charles V. & célébre depuis par le courage & 1'intrépidité de fes habitans dans la guerre contre 1'Efpagne,femblapendant longtems indignede 1'attention du Monde Littéraire. A peine les écrits de quelques favans traverferent ils les Marais, dans lesquels ils étoient nés, encor ces ouvrages étoient écrits en Latin, & a 1'exception de quelques Littératéurs, & de quelques Comnientateurs, aucun Hollandois n'étoic connu hors de fa Patrie. Colbert atten- tif  288 LïTTRï XIII. tif a déterrer & a récompenfer au nora i de fon Maitre ]e mérite & le favoir gra'tifia Heiiifms d'une peniion, mais 1'on ne fongeoit pas, qu'il exifloit alors en Hollande des hommes bien plus dignes de cet honneur. Meme a préfent que 1'Europe entiére efl clairée, que le flambeau, qui nous dirige dans la recherche du vrai & du beau en tout genre brille avec éclat dans toute cette partie de notre globe, a peine connoit on les noms d'un AnioniJes, d'un Vondel, d'un Hooft & de tant d'autres, tandis que le moindre Auteur du Siècle de Louis XIV efl connu de tous ceux qui lifent, taudis que les querelles littéïaires qui dèshonorent les beaux Espri-s du dix-huitiéme fiécle partagent & entrainent tout le monde. La caufe de cette différence n'eft pas difficile a trouver, c'eft la même qui déroba fi longtems la connoiflfance des ouvrages de Scbakespear, de Milton, de Dryden & de tous les bons Auteurs Anglois, cel la même caufe qui fortifia le préjugé commun contre les produftions Germaniques, en un mot c'eft J'ignorance, oü 1'on eft communément de la langue, dans laquelle ces Auteurs ont ccrit. L'Idi.  Lettre XIII. 289 L'Idiome Hollandois plus riche, plu» fort que le Franjois n'eft connu que dans les Provinces Unies, & dans les Colonies dépendantes de cette République; circonfcrits dans de fi étroites bornes il n'eft pas étonnant que les ouvrages écrits dans cette langue loient fi généralemenc jgnorés. Le Frangois au contraire, comme le Grec & le Latin autrefois, eft la langue de 1'Europe , la langue univerfelle. II n'eft point de pays, oü 1'on ne faïïe de 1'étude de 'cette langue une partie férieufe de 1'éducation. Et fi 1'on remontoit a la fource de cette fupériorité, peut étre la trouveroit on dans cette fameufe Révocation de 1'Edit de Nantes, dans cette foule d'émigrans , qui furent obligés de quitter leur patrie vers 1'an 1685. Les Bayle, les Le Clerc, les Bafnage, les Beaufobre, & tant d'autres allerent illuftrer d'autres climats, & fuivant la remarque de M. de Voltaire, ce font les1 malheurs de fes compatriotes qui ont étendu leur langue chez tant de Nations. Les produdlions des beaux génies du fiécle précédent, des Corneille, des Molière, des Boileau, des la Fontaine, & furtout de Racine, le plus parfait de tous, N con-  20o Lettre XIII. contribuerent beaucoup a répandre ailleurs Ia connoiflance de la langue Francoife. Tout ce qui efl; vraiment beau perce & plait enfin généralement, & les ouvrages fupérieurs des Auteurs dont nous parions ne tarderent pas a s'acquérir partout une réputation juftement inéritée. Nous fornmes bien loin de vouloir comparer les Auteurs Hollandois du dix leptiéme fiécle, a ceux qui honoroient alors la France, furtout pour la partie des Beaux Arts, & en particulier pour la Poëfie, nous convenons volontiers, qu'il n'y a pas un feul Poëte Hollandois digne d'étre comparé avec le toujours élégant, toujours parfait Racine ; nous avouons encor que parmi ceux des Hollandois, qui avoient des talens naturels pour la verfification, il y en a peu qui fe foient piqués d'une émulation infruclueufe; ils ont mieux aimé s'adonner a la Poëfie Latine, qui n'etant pas renfermée dans les bornes de la Hollande, pouvoit du moins les récompenfer de leur travail par une réputation acquife chez les Etrangers. Aucun Poëte Comique Hollandois n'approche ni de Molière, ni même de Re-  Lettre XIIL 291 Regnard; Après cet aveu, que la vérité exige , vous ne me foupconnerés pas j'efpère de partialité en faveur des Auteurs de la Nation , dont je vous entretiens. Cependant la Hollande a produit dans tous les genres des hommes juftemenc célèbres dans leur Patrie, & qui mériteroient fans contredit de 1'étre au dehors. Des Théologiens éclairés, des Jurisconfultes profonds, des Philofophes dignes de ce nom, des Littérateurs inftruits, & enfin des Poëces avoués d Apollon. Mais a 1'exception de quelques Phyficiens tels que Hartzoeker, (a) Leeuwenhoek, Huy- (<») Hartzoekcr né h Gouda cn d'un Pcre Miniftre parmi les Rémqnftrans, fut deiliné au fervi. ce des Aurcls. Mais le ciel & les itoiles que la jeune homme confidéroit avec beaucoup deplaifir & de euriofi'é traverferent ces vues. 11 étudia en fecret le» Mathétnatiques; 11 paffoit les nuits a ttaVailler, & de peur que fon Pete ne découvrit par la lumiere qui étoit dans fa chambre, qu'il n'étoit point coucné, il étendoit devant fa fenêtre les couvertures de fon h't, qui ne lui fervoient plus qu'è 'cacher qu'il ne dormoit pas» 11 fit comme on fait des obfervations trés curieufes au tnoyen du Mircro?cope. Aprés un long féjour a Paris, il retourna dans fa ?attie,oü il fe maria, mais il pafia depuis encor quatorze années & Paris. Son Ejjai de Dioptriquc lui acquit une grande réputation. Animé pat ce fuccés il publia deux an? après fes Principes de Phy N 2  292 L E T T ft B XIII gens, 'sGravezande , Mujjcbenbroek, des JMedecins tels que Boerhave, Oojïerdyk, van Doeveren, &c. des Jurisconfultes tels que Voet, des Littérateurs tels que Gronovïus, & Burman, quelle foule de favans en tout genre inconnus injuftement? L'Allemagne vient de fecouer depuis environ un demi fiécle cette poudreufe fcience de Collége, qui la rendoit ridicule aux yeux des Etrangers. Ce n'efl plus le pays des argumens & de la Philofophie d'Ariftote, c'efl; la patrie des Gellert, des Gesfner, des LeJJing, des Klopjïock, des Wieland, des Zacbarie. &c. Une fois connus on s'eft empreffé de traduire & de lire leurs ouvrages, & on les a gouté. On a lailfé crier aux Caillettes & aux petits Maitres, peut on êcrire avec goüt en Allemand? & les gens fages, qui font de toutes les nations, ont accueilli une nouvelle fource de connoisfances & de lumieres inconnues jusqu'a lors. La Pque. Da retour en Hollande II y reent Ia vifite du Czar, & du Landgrave de Hefle Caflel. II occupa depuis la charge de Profeflcur Hono ai-e en Phdofop.his a l'UniverGté de Heidelberg, & fut fort attachi i i'EIcéteur Palatin d'alots. II rr.ouut en 172j. Voyé.-dï plus grand details fur cet Homne üluftre' dans Fc HfutiEus Eloge da /tCidJmicicnt. Tom. IV. ik ffi Oeuvret pag. 4$,  Lettre XIII. 293 La même chofe eut lieu au commencement de ce fiécle par rapport a 1'Aneleterre, & c'eft M. de Voltaire qui fit le premier connoitre en France Ia plus grande partie des bons Auteur» Anglois. . Pourquoi la Hollande n auroit elle pas le fort de ces deux Nations? Pourquoi ne pourroit on pas efpérer de yoir un jour les ouvrages des bons Ecrivains Hollandois connus, traduits, & lus dans 1'Europa? j'ofe le dire ils mentent dtf pêtre. La gloire de cette République ne fera pas alors uniquementbornée au Commeree & a la Navigation, on connoitra non fealement la Hollande commercante, mais auffi la Plollande Littéraire, & 1'on fera étonné des Tréfors que la République renferme encor dans fon fein ,iources fécondes oü 1'on puifera avec fuccès. Vous n'attendés pas fans doute, Monfieur, que j'entreprenne cette tache; vous favés trop combien j'en ferois incapable. Je me borne a former les vceux fes plus fincéres, pour qu'une plu me plus exercée & plus habile que la mienne le charge de ce travail; & je me renferme dans les limites, que je me fuis present en eommencant cette Lettre. Tl v a peu de pays, oü les Arts & les 1 r N 3 Scien-  294 -Lettre XIIJ. Sciences foient autant eultivés qu'enHollande. On s'applique avec fuccès a toutes les branches de Ja Pbilofophie, furtout a Ja Phyfique, dont J'utilité, généralement reconnue, 1'eft encor pius parmi un peuple, qui Jui doit en grande partie fa fureté. Les Univerfités & les Académies des Provinces Unies font juftement célèbres, & 1'on apporte la plus grande attention a ne choifir pour Profcfieurs, que des gens dignes de ce Pofte. On trouve ici un nombre prodigieux de fimples Bourgeois qui étudient 1'Hiftoire, & qui s'adonnent même a 1'étude de la Pbilofophie Ja plus abftraite. Quant a la Poëfie Jes Hollandois ont produit dans le dernier fiécle des Poëtes excellens, & qili fe feroient peut être acquis plus de gloire, s'ils avoient été inftruits, comme on 1'eft a prefent des ventables regies de 1'Art Poëtique , mais c elt a quoi 1'on ne fongeoit etoit alors bien plus indulgens" po7r les fautes des grands Poëtes, !eur |,orn. feul couvroit tous lesdéfautsde leurs ouvrages, & fon ne jugeoit pas d'un Au. teur par fes produftions, mais de J'ouvrage par le nom de J'Auteur. Depuis on eft devenu pjus difBciJe, & la Critique- ten>  Lettre XIII. 295 tempera cet énorme licence. Mais malheureüfement le nombre des Poëtes aft fort fourmillé depuis, il n'y a point de ' petit Maitre d'Ecole qui ne s eft enge en faifeur d'Epkhalames & d'Epitaphes , que le goüt, qui commenjoit a le tormer,a cédé au torrent,& a 1'exeeption d'un trés petit nombre de Poëtes, lereite eft retombé dans les idéés empoulees,. dans les cornparaifons ridicules, dans les 'antithéfes, & dans les jeux de mots. Exceptons en cependant, pour etre: ji> ftes, plufieurs Auteurs, qui ne fe lont pas lailfé entrainer a la corruption generale, &qui nourris de la lecfure des bons ouvrages étrangers, ont montre par leur* produétions, que le bon goüt eft de tontes les Nations. . . o, o_ Les Plollandois ont pnncipalement réuffi dans la Poëfie Epique, & tandia que la France ne produifoit en ce genre, ^uedes^nV, {a)I de. fto«', (*)de* k Louis, (O & des Juceïles (d) aZélande comptoit déja fon Antomdes Amfterdam fon Rotgans, & depuis on («) Pa» Seudetj. ( b ) Psl DemarUS. ( c ) Par !e Pete Le Moitit. (d) Pat Cbapeki*. N 4  296* Lettre Xllf. vit Ie fameux Hoogvliet chanter dans de rres beaux vers 1'Hifloire d'Abraham. Rotgans naquit a Amfterdam en 164? d une familie diftinguée. U s'appliqua de bonne heure a 1 etude des Belles Lettres, & fe hvra enfuice a la Poëfie Hollandoile, dans Iaquelle il ne trouva bientót plus de Rivaux. On a de lui un excellent Poëme intitulé la Vie de Guillaume JU en huie hvres. 11 perfonalifa dans ce' goeroe les vertus & Jes vices, & i] les Mtroduific dans fes Vers d'une maniére floble & majeftueufe. Jean Antonides van der Goes, naquit a Goes en Zélande en 1647. le goüt de Ia Poefie lui vmt presque en naiffant, & fes premiers eifais en Latin ne déplürent pas aux Connoiïfeurs. Mais la grande réputaxion de Vondel & de Hooft excita en lui une noble émulation pour s'éxercer dans la meme carrière. Vondel lui même encouragea notre Auteur, & ies louanges d un aufli grand homme ne contribuerenc pas peu a Tammer. Trazil'ou la Conquête de la Chine par les lartares Tragedie,fQt Ie premier né de fa p urne, mais il fit oublier bientöt la foibleffe de cet ouvrage par une piéce de vers a I'occafion de la paix de 1667, mtitulée Bellone aux fers (Bellone aan  Lettre XIII. 297 aan bant) Vondel dit a cette occafion, qu'il n'auroit pas mieux fait lui même,& qu'il y mettroit volontiers fon nom. Animé par ces loaanges Antonides conjüt & digéra le plan de fon chef d'ceuvre, qui parut enfuite fous le titre d'Tpoom, oula Riviére d'T. Ce Poëme eft divifé en quatre Chants; 1'Etat floriffant d'Amfterdam fituée fur n lui donna 1'idée de cet ouvrage. Dans le premier chant ce qu'il y a de remarquable fur les bords de 1'Y du cöté d'Amfterdam eft décrit avec toute Ia pompe poffible. En faifant la description d'un Pont appellé le Pont Neuf il le repréfente comme le féjour de la Renomrnée & le rendez vous des Nouvellift.es; II y dépeint lenr chef entouré d'un cercle attentif decurieux, qu'il coropare a la Cour de Didon preffée autour du He, ros Troyen, lorsqu'il raconta la malheureufe deftinée de fa Patrie. Un quartier d'Amfterdam nomme™ tfeuve lui fournit un bel éloge de 1'Aroral de Ruiter, qui y avoit fixe fon fe- j°U,? Au nom, dit il, de ce Héros je vo's le Fleuve enfler fes eaux, je le vois " s'avancer au pied de fon Palais, & en " baifer les bords avec adnurauon öc re. " N 5 » c°n=  zpfr Lettre Xffi. „ connoiffance. Tel on vit le Tybre>, fortir du fein des Eaux, & le front », couvert de joncs temoigner fa joye), au tnomphe du grand Oef ave, vain„ queur de 1'Egypte & attacbant fes » Dieux aux Autels de Jupiter. Ruiter ï' «Ion nom plus grand que celui d'Au» gufte arrache aux Dieux des Eaux le3» refpeét. le plus profond, je les vois sincliner trois fois autour de ta deinenj, re & te rendre leurs hommages. '' II/étend enfuite fur le Magazin de1 Amirauté, & fur le Batiment de la Compagnie des Indes Orientales. Le Poè'tefait une peinture aulïi grande que terrible de tous- les Inflrumens de guerre entafTés dans ces lieux. Après avoir dans le commencementdu fecond hvre fait 1'éloge de la Navkaïion il parle des Flottes nombreufes quicouyrent YY comme une vafte forêt,des expeditions hardies de 1'Amiral Heemskerk, enfin des poffefïions immenfes er* Mie, cc dans 1'autre Hémisphère A cette occafion il tracé Jes malheur» des irfortunesAméricains, &il introduit Eombre du malheureux Attabaliba, qUï charme de voir dans les Hollandois les. ennemis de fes perfécuteurs, leur raconte iaa uiitoire, & fes malheurs. Après cette pein»  Lettre XI IL' peinture tracée fort énergiquementil décrit toutes les richeffes ,dont les Vaisfeaux Hollandois font chargés, II parle en affez grand détail de toutesles produftions . que le monde enticr apporte en Hollande, & en détaillant les chofes utiles,qui nous viennentde la France,.. il s'tleve avec autant de force que deraifon contre la manie, que 1'on a en Hollande,de fuivrefervilement lesmodeade ce Royaume. Le troifiéme livre prëfente un Epifode' fort ingénieux. Le Poëte fe tranfporte' au fond de i'Y, II voit le Fleuve fe préparer pour une Fête qui devoit fe faire a la Cour de Neptune pour célèbrer" 1'Anniverfaire du Mariage de Thétis <5s de Pelée. L'Auteur s'écarte ici d'Ovide & des autres Mythologiff.es. II efl conduit par une des Divinités aquatiques,. qui lui nomme tous les Fleuves, a mefure qu'ils- entrent dans la Salie du Feflin. „ Vois tu>, (lui dit la Déeffe) vois^ „ tu ce fleuve altier dont la longue che„ velure reffemble auPeuplier d'Alcide, „ c'eft 1'Eridan. On le nommoit ainfi „ avantton avanture fatale, prés omtueux „ Phaëton , mais dés que Jupiter te pré„ cipita du char brillant que tu conduiN 6 „ fois*  300 Lettre XIII. » fois dans Je fond de fes eaux, jj „ changea fon nom pour ne pas aigrir Ja douleur d'un malheureux Pere. On „ le nomina le Po. d'Abord fon onde „ pnfonmère eft cachée fous les Alpes „ mais bientöt roulant fes flots avec li' „ berté, il étanche Ja foif des fijlons de „ 1 Italië, & fe perd enfin par cinqbou» chjs dans le Golfe Adriatique, dont il „ enfle les eaux. Attentif autrefois a „ Ia Lyre d'Horace, il fuspendoit fon „ cours, foit que ce Poëte céJèbrat fa ti Lydie, & fon humeur badine, & Ja „ pudeur de fa Chloé, foit qu'il chantat „ les vertus de Mécene. . Et toi fa- „ vori d'Apollon. divin Virgile,tu fré. „ quentois fouvent ce rivage, alors Je „ Jleuve interdifoit jusqu'au murmure a „ fes flots, & fes Nymphes t'écoutoient „ avec admiration, quand tu fauvois „ Enee d'IJion embrafée, & que tu le „ conduifois dans la riche Aufonie' " Ce morceau eft de toute beauté'dans 1 onginal, & ne peut que perdre beaucoup dans la foible traduétion, que vous venes de lire. Thétis par ordre de Neptune place 1'Y au defliis de tous les autres fleuves Le Dieupréfomptueuxdela Seine s'en irrite Qiilimi dela une violente difpute entre cê fleu  Lettre XIII. 301 fleuve, & la Mer Baltique, la Tamife & 1'Y que le Souverain de la Mer termine enfin a 1'avantage de 1'Y. On voit que cette Fi&ion eft une Allegorie de 1'invafion de la France, & de la'lriple Alliance. Le quatriéme livre qui fourniffoit une matiére aflez féche poor unPoëmeHéroique, puisqu'il s'y s'agit de la description de 1'autrebord de 1'Y, eft embelli par 1'imagination d'Antonides. II y introduit une Sybile,quï fait une grande & magnifique peinture de tous les maux que les Bataves devoient fouffrir, avant quedeparvenira cedégré depuilfance& gloire, oü ils fe font vus depuis. Cette prophétie eft un abrégé de toute 1'Hiftoire de la Hollande, & la Poëfie d'Antonides rend ce morceau un des plus piquans de tout 1'ouvrage, qu'il termine enfin par un Discours aux Magiftrats d'Amfterdam, a lafageffe des quelsfAuteur rapporte la richefle de cette puisfan te Ville. Si a 1'égard du fujet & de 1'ordonnance on feroit tenté de refufer a ce Poëme le nom d'Epique, il paroit cependant qu'il n'eft pas indigne de ce titre par 1'heureufe ficfion qui y regne, par la nobleffe' despenfées, & par la grandeur des exN 7 pres-  3©2 Lettre XIIL preffions. Antonides n'efl: pourtant pas fupérieur a Vondel, furtout dans Ie technique des Vers. On lui reproche auffi d'être trop hardi en forgeant de fa, propre autorité ces termes combinés,qui néanmoins donnent tant de force a la Poëfie Hollandoife. II fentoit lui même ces défauts. Auffi difoic il a un Teune Poëte. Vvus me lijès trop, Hf és le feul Fonkel, & vout vous en trouverés bien. Je fais trop ce qu'il manque a mes vers. Cet aveu & ces confeils font le plus grand honneur a Antonides, & prouvent que Ie vrai talent méconnoit cette bafle envie, qui dévore les infecles du Parnaffe. 11 mourut a la fleur de fon age en 1689. Arnold Hoogvliet né vers la fin du dernier fiécle illuftra le commencement de celui ci ; öc s'acquit une grande réputation par fon Poëme intitulé Abraham le Patriarcbe ( Abraham de Aartsvader). Ce Poëme divifé en douze Livres, eft par conféquent trop long pour être analyfé avec tout le foin , qu'il mérite. Je me bornerai au dixiéme chant, oü ie Poëte décrit le facrifke de fon Héros» Je ne connois en aucune langue de morceau plus poëtique. Le fameux chant de la Hennade, oü M. de Voltaire dépeint fi  Lettre X. 303 fi fupérieurement l'aiTaflinat de Coligny, ne me paroit pas mériter la préférence. „ C'étoit le foir; le foleil qui doroit „ 1'horifon de fes brillans rayons, fem, bloit fe retirer, & disparoitre derrière ^ Berfeba, (a) & éteindre fes feux dans „ la vafte Mer. Tandis que cette même lumiére, ce même feu, & ces rayons „. dorés annoncent le retour du Jour aux „ habitans d'un autre Hemisphère. „ La Lune montroit fon vifage, & con-t foloitles mortelspar la réflexion de la lumiere. Une douce & fertile rofée „ tomboit fur les feuilles, &fur lesfleurs „ naiifantes, & inondoit les champ3 „ comme une Mer. Les vents étoient endormis, & toute la Nature, fembla„ ble a un fidelle ferviteur, qui attend „ fon maitre a 1'heure marquée, pour „ lui rendre tous les fervices, qui dé3] pendent de lui, paroiffbit vouloir com. „ bier la Terre de fes biens. » Tel- Berfeba , ou Eeerfebab étoit comme on fait Je lieu, oü Abimelec & Abraham traiterent Alliance enftmble. GeNes. Cbap. 21. v. 27. & 33. Et Ahabant* dit 1'Auteut facré , plantaune cbesnuye e» Beerjebab, & invoqua U Hom dc l'Eternel, le Dieu fort d'Etemité. Le Pcëte avoit di'crit ce Bois avec Kute la magie de fon ftyle dans le ccuvieme chant.  304 Lettre XITL „ Telle étoit cette belle foirée. AJors 3i leTout puiffant entouré du chceurimn mortel des Intelligences, monte fur un „ char de nuées, trainé par les Vents, descend de Ja voute célefte dans Je „ boii de Berféba, & appeile Abraham ,3 par fon Nom. „ Me voici répondit le Patriarche, profondément profterné, me voici „ Souverain Maitre, que veux tu de ta „ Créature? Et Dieu lui dit; Prensmain„ tenant ton fils, ton uriique, celui que tu aimes, & t'en va au pays de Morija „ & 1'offre Ja en HoJocaufte fur ] une des montagnes, que je te dirai. (a). „ A ces mots la nuée seleve „ Dieu remonte au Ciel, & Je tonnerl „ re gronde dans toute J'efpace, ou „ le char porte fon effieu enflammé. " „ Dieu! Dieu! Abraham effrayé tornbe inanimé. „ II fuccombe Sc avec lui ma ver- »> ve («) Le Peëte cmprunte ici littéralement !cs parotsde 1'Auteut facre. L'effrsyinte gradation qui regne dans cet ordre, que Dieu femble même vouloir aggraVer par la maniére, dont il le donne, ne peut erre eïprimfc avee plus d'énergie & cn même tems de Gmpliciteqte da >s le técit do Moyfc. Qne toute panph/afe qu'on \o,dioit y fubüitucr fetoit foible & lan? guiffante I  Lettre XIII. 3°S ve. (a) Mufe facrée foutien moi, & „ ne permets pas que mon feu fe rallen„ tille & s'éteigne. Prête moi une plu„ me tirée des ailes des Chérubins. Que „ je tracé cet ordre foudroyant, qui at„ terre mon Héros, 1'orage qui s'éleve dans fon fein, non point 1'orage des ., paffions humaines, mais celui qui y ,, excitent tour a tour la Nature la Rai„ fon & la Foy,qui triomphe enfin de „ 1'une & de 1'autre. Tu m'écoutes, Sc je fens mes efprits revenir avec ceux „ du Patriarche. II poufle un profond „ foupir. Ah!" dit il, puis-je vivre enj, cor après ce coup de foudre? Pour„ quoi mon ame échappée -de fa prifon, n'a felle pas fuivie le Tout-pujflant „ au milieu des airs? Mon coeur palpi,, te .... Ordre effrayant .... Je dois „ immoler mon fils, mon unique. . . „ O douleur! Lui arracher la vie, lui per„ eer le fein, & déchirer fes entrailles. , O Dieu! mon unique appui, ta béné,, diftion eft elle donc changée en ma- » la- (o) 11 nous eft impoffible de rendre comme nou» le fentons le fubtime de cette penfée. Le P'ëte bouleverfé du mime ehoc qui attene Abrsh>m fuccombe a 1'iilce de tout ce que cet ordte avcit de tenible dc de défespéram.  306 Lettre XHT. lédiclion, ta faveur en haine, & ten „ amour en fureur menacante. Le facrifice d'un moreel peut ij plaire a, ta „ bonté." L'Amour paternel oppofe a 1'obéiltance du Patriarche ces fentimens fi tendres & fi vifs que l'éloquente voix de la Nature fait entendre dans tous les cceurs, & qu'il femblequ'elle mêmea diclée a notre Poëte. Enfin après bien des combats il ie leve.abandonne le boccage de Berfeba, Sc Jjji fait fes adieux en ces termes.: Adieu boccage délicieux, bois touf„ fus, je tous quitte charmans bosquets, „ je vous quitte pour toujours. Qu'une furieufe tempête pyLGJe a wefeotTOt»„ abattre, afin que vous, qrue 'je "cultl„ vai avec mon ifiiac, ne me montriés 3r P-'ü5 après fa mort Ie fpeétacle de vos „ têtes altières. Je ne jouirai p'us'du ,. frais qu'entretiennent vos feuillaces. 3, J'irai chercher la folitude dans des~déferts incultes Sc fauvages. ,, Et vous forêts , ombrages epais, te„ moins de la promefie que Dieu fit a „ Abraham , vous chênes qui naquir.es„ avec mon fils,& dont la cimeeftmon„ rèe-jusqu'aux cieux, écoutés 1'arrêt de fa mort, 1'ordre de 1'Eternel. „ Que Morija conferve fes triftes res- „ dé-  Lettre XIIL 307 ,, tes, & fes cendres facrées. Pour moi jj trifte&défespéré je traineraimes triftes „ jours dans les larmes, & j'adrelTerai mes„ plaintes aux rochers. " Revenu a lui même Abraharn fe demande comment il fpoarra concilierl'ordrë de Dieu avec la promeffe, que ce même Dieu lui avoit faite; mais fa foi le fait triompher de toutes ces apparentes contradi&ions, & il lailfe a fon Créateur le foin de concilier 1'acfion qu'il lui ordonne de commettre avec fes auguftes attributs. „ Le Dieu de vérité n'eft pas un hom^, me accoutumé au menfonge. II eft „ trop faint, pour vouloir quelque chofe „ de contraire a fa promefie, a fa paro„ le, & a fa fidélité. Oui, fi dans cet „ ordre il réfide de 1'obfcurité, que la „ foiblefle de 1'efprit humajnse peut per* „ eer. Dieii lüi< rnëme écartera ces nua- ges* Qu^ t'a^ête donc Abraham! la „ Nature entiére fera bouieverfée, le fo„ leil perdre fon éclat, les Etoiles tom,., beront des cieux, & les plus hautes montagnes feront ébranlées, avantque „ Dieu rompe fes promeffes. " Alors il ne balance plus & s'achemine avec Ifaac & deux de fes ferviteurs vers Morija. Le Poëte feint que ce faint homme  308 Lettre XIII. ine dirpofe fon fils a une obéiffance aveugle envers Dieu, & au mépris de Ja vie par les discours les plus touchans & les plus pathétiques. II Juï parJe de 1'immortalité de J'ame, d'un état futur de félicité pour ceux qui obéiffent aux ordres de Dieu. Arrivé au pied de la montagne il congédie Jes ferviteurs, & découvre une flamme qui deseend du cieJ & s'arrête fur Ie fommet d'une des plus hautes collines. Tel; dit-il, le foleil rougit & dore „ au matin Ia téte des montagnes, tan„ dis qu'une ombre épaiife enveloppe „ encor les vallées ". A la demandeque lui fait I aac,j> vois bien le feu &f le bois, mais je ne décou. •ore point de viclime pour 1'Holocaujle, Abraham répond „ Dieu y pouvoira mon „ nis, mak fon coeur déchirépar 1'amour „ paternel & la pitié fe fond au dedans ,, de lui & fes yeux fe changent en une „ fontaine de Larmes. Oui fi fon cceur „ brulant de tous les feux de 1'amour di- vin ne s'étóit pas comme endurci a „ cette fource de vie, il fe feroit fondu „ comme de Ia cire molle a l'approche de la flamme. Ralfemblant tout acoup „ fesefprits, fidelle aux ordres du Ciel, „ il monte avec Ifaac & drefle 1'Autel. „ Alors  Lettre XIII. 309 „ Alors tous les habitans des Cieux „ quittent leur célefte demeure: &con„ templent avec autant d'étonnement que „ d'admiration ce fpecfacle inoui. At„ tentifs a ce qui fe palfoit fur Monja ,, les Anges fe taifent, les hymnes ces„ fent, les Séraphins interrompent les „ louanges de 1'Eternel, Dieu lui même „ obferve Abraham de fon Tröne. " Abraham découvre enfin a lfaac fon fa. nefte fecret, & ce fils obéiflant fe dévoue au facrifice avec la fermeté la plus héroique. Le Poë:e dépeint les adieux d'Ilaac a fon Pere de la maniére la plus touchante. „ La vigne ne ferre öc ne „ s'entrelace pas plus fortement a 1 or„ meau, que les bras d'Ifaac ne ferrenc „ Abraham. On voit couler leurs larmes, „ une fource d'eau pure ne defcend pas „ avec plus de rapidité des montagnes . pour arrofer les campagnes. „ L'Autel efl dreffé, öc Abraham ra„ nimant fes forces & faifant le plus „ grand effort fur lui même, faifit Ifaac, ,| 1'enleve, & le place fur 1'Autel. La ' Nature frémit, la Terre s'émeut, le „ foleil palit, & ne perce que foible„ ment aux travers des nuées, le cxur „ bat aux montagnes, toutes les fources tariffent. on eut dit que les collines „ d'alen-  310 Lettrb XIH. „ d'alentour faifies d'effroi elevoientleur fommet. Ainfi lorsqu'une viclime dé„ vouée a la fureté pubiique va fubir'un i, fupplke mérité, au moment que le „ bourreau fait briller 1'inftrument de „ mort, on voit les fpeélateurs attentifs „ & effrayés fe prefier & éiever la tête. Dieu! je vois Ifaac tendre la gorge „ au fer meurtner. Le glaive eft faifi, „ la main fe leve ck ... Antte Abraham, „ Arrête, ne va pas plus loin. Ainfi paria „ la voix célefte. Ne mets point la „ mam fur ton fils & ne lui fais aucun „ maf Afaintenant j'ai connu que tu „ crains Dieu, puisque tu n'as point é„ pargné pour moi ton fils, ton uni„ que " (a). Les Anges témoignent leur jove de cet heureux dénouement par des "faints Cantiques. ,, La Terre m:"me fe réjouit, les ruis„ feaux coulent avec rapidité lelong des „ vallées, & des boccages touffus. „ Les Zéphirs font fentir leur haleine. „ La Nature même paroit refpirer plus „ librement, & feme de fleurs cette mê- „ me n ("l fe fert de "ouveau ici wroles de 1. Gcnefe. L. Kloge que Dieu fait de ia foi d'Abranun pouvojt il être mieux tendu ?  Lettre XIII. 311 „ me collïne, qu'elle regardoit naguere avec effroi. " Abraham fait un facrifice a 1'Eternel, & Dieu defcend une feconde fois pour lui réitérer fes promeiïes. Voila, Monfieur, une forble esquiiTe de ce chef d'ceuvre de Poëfie, juflement admiré en Hollande. Hoogvliet a évité le défaut trop commun aux Poëtes de fa Nation, celui_ de ne pas obferver le repos dans lesHémiftiches, ik les fréquens enjambemens. Ils en font quelquefois de fi fenfibles, qu'un vers finit fouvent par un car,o\i xmmais, ou par un adjeéfif, dont le fubftantif fe trouve dans le vers fuivant. Par cette inexaótkude la Rime, qu'on a joint a la rnefure des vers devient tout a fait inutile. L'Exemple des Poëtes Grecs&Latins qui ont fouvent pris de pareilles lices ne prouve rien , & ceux qui les imitent auroient dü fe fouyenir d'Armanie, dans les Femmes fcavantes (a). Le Penfionnaire Cats elt le feul des anciens Poëtes Hollandois, dont les vers fiient toujours aifés, coulans, & bien cadancés. Peut être fans le fréquent retour (fl) Quand fur une petfonne on pretend fe régler. C'eft pat les beaux cotez qu'il faut lui rcffemblcr.  3i2 Lettre Xlll. tour de certaines chevilles favorices, dont il furchargeoit fes vers, n'auroit il' pas perdu la réputation ,dont il jouiffoit de fon vivant. Ce Poëte intéreiTe öc attaché fes Leóteurs. II joignoit a une profonde connoiffance du coeur humain Tart de le peindre avec force & avec vérité. Sa dicïion efl pure & naturelle, fes penfées délicates öc fes descriptions toujours variées öc toujours agréables. II n'a jamais eu d'imitateurs, paree que perionne n'a eu fon goüt ni fes talents. Dans un autre genre on vit au commencement de ce fiécle le fils d'un Païfan des environs de Delft ouvrir a fes compatriotes une nouvelle carrière ,& fediflinguer avantageufement dans la Poëfie Erotique. Poot (a) fit retrouver dans fes vers cette douce harmonie fi naturelle a Racine, & toute la délicatefle des Desheulières,des la Fare & des Vbaulieu. II efl: bien difficile de rendre en Franjois les ouvrages de cet Auteur, öc c'efl; presque le feul des Poëtes Hollandois que je crois intraduifible. Le rythme qu'il a choifi, fes tours,fes expreffionsfont propres a la langue, dans («) Voy. Ltltrt V.  Lettre XIIL 31$ laquelle il éerivoit. Le traduire littéralement feroit lui rendre un trés mauvaisr fervice, & dans une imitation on ne reconnoitroit plus Poot. Parmi la multitude des bonnes piéces de cet Auteur on diftingue celle qu'il addreiTe a Galathée, dont le commencement paroit imité de Tibulle En voici la première ftance. „ Viens ma chére Galathée, livrons ,, nous aux jeux&aux plaifirs d'Amour^ „ avant que la tremblante vieillefle, qui „ s'approche imperceptiblement (a) ne „ nous dérobe notre printems. La Jeu„ nefle & 1'Amour s envolent, bien vite. Galathée, L'Amour a des ailes". — L'Idille intitulée Dlane cif Endytmott renferme auffi des beautés d'un ordre fupérieur. Les Hollandois ont fort bien réufli dans le genre burlesgue. Focquembrog imita par- fai- (<0 L'original j.erre a la Leltre, avant que la trevullante vieillefle qui s'apprethe fur dtt jeulicrs de laine. Cette fljjure fort belle d»ns 1'original fetoit ridicule en F.ancois. Chaque langue a fon génie particulier, & c'eft pour ne s'être pas convaincus de cette maxime, que tant dc Scholiaftes, de Commcntateuts & de Traducteurs des Anciens font parvenus 4 rendre leurs Auteur* infipides pour ceux, qui ne lifent que les Tiaductions. O  3H Lettre XIII. faitement Scarron, mais Ie même goüt qui fit proscrire Scarron, & dans ce fiécle le genre poijfard fait oublier en Hollande des Foëfies dignes des crocheteurs & des Halles (a). On n'a pas également réuffi en Hollande dans le Conté en vers, dans 1'Epigramme, dans le Madrigal & furtout dans les Poè'Ges légeres. lï paroit que ce genre appartient excluGvement aux Francois, Ia Grece même n'eut qu'un Anacréon , & Home ne compta que quelques Poè'fies d'Horace & de Catulle. Les Hollandois n'ont rien a oppofer a Ver-Vert, a la Chartreufe, ni a aucune producfion de cette efpéce du dernier fiécle, Maynard, Lingendes, Malleville ,Charleval, Pavillun, Cbapelle, les Marquis de la Fare de St. Aulaire font inconnus & fans imitateurs en Hollande, & M. de Foltaire, fupénenr dans tous les genres, ne 1'eft pas moins dans celui ci. Le Théatre Hollandois s'efi: foutenu pendant longtems par les feuls ouvrages de Vondel. Vondel le plus grand Poëte («) On fait, que le jujicieux Boileau s'éleva toujours comte le genre burlesquc , J: que devant Madame de Mrmenon mfme il fe déchainoit comte ces m/férehles piéeti dl Scarren,  Lettre XIII. 315 te de cette nation tient malgré fes défauts {a) le premier rang au P«rnaffa Hollandois. Une des plus belles piéces de ce Poëte eft a mon avis Gisbert d'dmfïel(Gysbrecht Fan Amjiel) ou Ia prife d'Amfterdam par ceux du parti de Florent F Comte de Hollande, tué par Gerard van Fel/en, neveu de Gisbert d'Amftel le Héros de cette Tragédie, dans laquelle le Poëte a imïté Virgile, dont il a même fouvent traduit des morceaux en entier. La Piéce commence vers le foir de la veïlle de Noël. Gisbert ouvre la fcene par un monologue trés long, (&) dans lequel il raconte, qu'il fut injuftement attaqué par les vengeurs de Florent Ff & que ceux ci furent enfin contrahits de fe retirer. Ceci fe paffe hors des portes de la Ville prés d'an Cloitre de Chartreux. Pvemarqués que-;ce monologue eft de toute beauté pour la verfification. Gisbert s'étonne de Ia prompte retraite de fes ennemis. Arrivé le Supérieur des Chartreux, qui témoigne aGisbert fa joye en ces termes. „ Seigneur, que le Ciel foit avec vous n öc vous préferve, vous & votre ville » de («) Voy. Lettre X. (4 ) De 160 vets. O 2  316 Lettre XIII. de tout danger. Tous les Frères de „ notre ordre refTentent Ia méme joye, „ que s'ils fe fentoient ravis au Thröne „ de Dieu. Oui la Féte follemnel„ le que nous célèbrons, ces tems de „ dévotion , oü toute 1'Eglife chante les „ louanges de Marie, & de Chrift fon „ fils, qui nous dëjïvra a la croix , cette „ Fête même ne nous fait pas fentir de „ plus vifs tranfports ". II lui raconte enfuite comment une querelle divifa les chefs de 1'armée ennernie, qu'une terreur panique diflipa entiéremenr. Arent van Amftel frere de Gisbert arrivé & conduit un prifonnier. C'eft le Sinon de 1'Enéide. Vosmeer ( ainfi fe nomme cet efpïon) fe jette aux genoux de Gisbeitöi lui tient ce discours perfide. „ Seigneur, puniffës moi, je fuis un „ de vos ennemis, & je mérite la mort. „ J'ai tenté fouvent la ruine de votre 3h ville. Je me rends a vous, prefle par „ mes malheurs. Ma mort réjouira vos „ ennemis, qui vous payeront chére„ ment mon fupplice (a); mais la mort „ me (rt) '■ Jam duêum fumitc poenas : Ikc nhacus veilt, & injgno mercentur Atridse. Abneid. Lib. a. va. 103-104.  Lettre XIII. 317 .„ me paroitraici moins cruelle, & j'aime ,, mieux périr par vos mains, que par „ celles de nos gens, qui récompenfent „ mes fidelles fervkes par la plus noire „ ingratitude ''. II raconte fa naiflance , & qu'après avoir longtems mené une vie errante, il, s'engagea enfin fous les étendarts d'Egmont. Gisbert ému de compaflion ordonne de lui óter fes liens, lui parie avec douceur (a) óifinterroge llir tout ce qu'il fait. LeFourbe, délivré de fes fers, s'écrie avec une feinte joye. Enfin il m'eft „ permis (Z>) devioler mes fermens, & „ Egmont n'a plus aucun pouvoir fur „ moi. II m'eft permis de réveler tous „ fes fecrets. Mais je vous conjure „ Seigneur d'avoir pitié de moi. Je vous „ rendrai en récompenfe un fervice im„ portaat (c), & je vous inftruirai de „ tous (que it 'faturamicif. (_b ) Las raihiGiaiotum facrata r.-t'olvere ju-a, Fas odiffe viros, atque oimiaferre fin auras, Si qua ttg.nt. (<) Quod te per fuperos, & confcia numina vcri . . . oro miferere laborum fi vera feram , fi magoa rependam, O 3  Si8 Lettre XIH. „ tous les deffeins pemicieux de vos en„ nemis. " II fait enfuite un faux narré d'une entreprife, qu'il avoit concertée contre la Viile, au moyen de fagots dont il comblercit les canaux, & dont le Vailfeau, que 1'on voyoit, étoit encor chargé. Cette entreprife manqua par la diffenfion des Chef?. 11 dit qu'on s'en prit alui, & qu'ayant été condamné a mort, un ami lompit fes liens. „ Je me cachai la nnit dans un marais (a) & lorsque j'entendis vos Soldats, je 31 criai au fecours. " Gisbert lui pardonne, & ordonne de faire entrer le Vailfeau dans la Ville, & 'd'en décharger les fagots. Le premier acte fe termine par les discours du Choeur des Filles d'Amfterdam, qui fe réjouiüent de la fuite de 1'ennemi. Vous-voyés, que le plan de cette Tragédie eft ehtiérement calqué fur le fecond Livre de 1'Enéide. Beaucoup de vers même font traduits littéralement de Virgile,&, nous ofons ledire, ne font pas indignes de lui. Au refte i'unité du lieu (0) Limnfoque Jacu ret noctem obfcurus in ulv3 Dditui. Jbid. vf. 13J.  Lettre XIIL 319 lieu eft fort mal pbfervée dans cette Tragédie, comme vous pourrés vous en convaincre, fi vous daignés me fuivre. Au fecond afte les chefs de l'armée ennemie prennent des mefures rélatives a 1'état des affaires, lis inftruifent les autres Capitaines de la fourberie de Vosmeer, & que 1'élite de leurs Troupes renfermée dans ce Vailfeau, chargé en apparence de bois, fe rendra Maitreffe de la Ville. Mais comme il faut cacher une partie des foldats , on fe réfout a les loger dans le cloitre voifin, & un des Capitaines fe charge d'y faire confentir le Supérieur. La converfation entre ce Capitaine & le Supérieur méiite d'ètre rapportée. Elle vous donnera une idéé de ce qu'étoit le Théatre alors, & du ton que Ton fepermettoic dans la Tragédie. „ LE SUPE'RIEUR. „ Seigneur! Que voulés vous. „ LE CAPITAINE. Je viens loger chezvous. O 4 „ LE  320 Lettre XIII. „ LE SUPE'RIEUR. „ Soyés le bien venu , quoique je ne "„ vous attendiiTed pas ce foir. Vous ne „ venés pas ici fans raifon, & je m'é„ tonne de vous voir revenir fi tot. „ LE CAPITAINE. ,, Je viens vous prier au nom de notre Général de me permettre de loger „ ici pendant cette nuit une partie de 3, nos troupes, c'eft la priére d'unGuer„ rier vous ne pouvés la refufer. „ LE SUPE'RIEUR. „ Vous voulés m'éprouver Seigneur. „ LE CAPITAINE. „ Non je parle trés férieufement, je '„ fuis les ordres d'Egmont. „ LE SUPE'RIEUR. „ Egmont a donné un tel ordre! Jamais il ne profana les Cloitres! c'eft j, un mal entendu. Vous Seigneur, je „ vous  Lettre XIIF. $2? vous le répete, vous étes le bien \e„ nu , vous & votre fuite. „ Mais je ne fouffrirai pas que lamaï„ fon de Dieu foit en proye a une folda„ tesque effrénée. Ce Cloitre appar- „ tient a Dieu & 3 Jéfus Ainfi; „ Seigneur je dois vous refufer. „ LE CAPITAINE. Ce n'efl: ici que 1'affaire de quelques „ heures. Je vous réponds de tout , a> Cd) A'exandre UI, Alcxandre IV, Urbttin li. O 5  322 .Lettre XIII. „ attachés a ce Cloitre, qui lui font „ accordé par toutes les Loix. „ LE CAPITAINE. „ Les Loix fe taifent devant les ar„ mes. Rècejfitè na point de Loi. „ LE SUPE'RIEUR. £ Voulés vous donc profaner les cho* 5, fes facrées? ,s LE CAPITAINE. A 1'exemple de David, qui fuyant '„ devant Saül, & preffé par la faim mangea des pains facrés. „LE SUPE'RIEUR. „ Souvenés vous d'Ufia & de fa puni3, tion pour avoir profané le Sancluaire. „ Les Prêtres font foutenus de Dieu & „ de fes Anges. Ce Cloitre efl; leur hé„ ritage. Voulés vous attirer fur votre „ téte la malédiclion que les Comtes ont y, prononcé contre ceux qui attente„ roient a nos droits, & a nos privi„ léges? „ LE  Lettre XIII. 323. „ LE CAPITAINE. „ Quelle efl donc cette terrible male'.» diólion. „ LE SUPE'RIEUR. „ Qu'un tel monflre fouffrira & fage'„ nération après lui toute la colére des faints, qu'il përira comme Judas, „ qui trahit Dieu, & brulera éteraelle„ ment avec Lucifer & fes Anges. Ne ■ „ tremblés vous pas d'horreur? „ LE CAPITAINE. Ce forst les Prêtres qui ont diéfcé' „ cette malédiclion. (a) „LE SUPE'RIEUR. Quoiqu'il en foit vous n'entrerés „ point.- (*) Réflexion phüofophique & vraie, l'Hiitoire ne confitme que trop cette vetité. On recoDnoit dans les paroles du Supérieur cet efprit de fanatisme & d'orgueil, cotnmun a tout les MoinesJ dans les tems d'igno. tpnce & de barbarie, oii eux feuls décidaient das aflVires les plus importantes, & tachoient de petfuader aux peuples, que de les ofieufer c'étoit oficnftr le Ciel neme, O 6  324 Lettre XIII. „ point. Le cloitre célébre la naiflart„ ce de fon Sauveur, la plus grande „ Fête de 1'Année, ainfi abandonnés „ ce deflein. „ LE CAPITAINE. „ Frere Chartreux, ni vos discours ni ",, vos fermons ne me détourneront de „ mon entreprife. Permettés moi d'en„ trer, finon j'entrerai de force. Le „ tems fe paffe, il efl; tard; & voici mes „ foldats. „ LE SUPE'RIEUR. ~y, Plutöt Ia mort; voulés vous attirer fur vous le feu infernal ? „ LE CAPITAINE. „ Allons, Soldata,avancés, & mettés Ie feu au cioitre,ii fait froid, vous vous „ chaufferés. (L?s Soldats s'avancent.) „LE SUPE'RIEUR. Arretés, arretés,ayés pitié de nous-  L fe T T R JS XIII. 325 „ II n'eft. pas d'un Chrêtien de brftler des „ Cloitres. Tout ce que cette maifon „ poflede, tout eft a votre discretion. „ LE CAPITAINE. „ Entre's donc Enfans, je vous fuis." Dans la fcene fuivante onvoit de nouveau 1'efpionFiwKeerquicherche Egmont pour lui rendre compte du fuccès de leur rufe. „ Les Citoyens réjouis ont eux mê- mes conduits notre Va iTeau dans leurs „ murs, en chantant des cantiques de » joye. (a) „ Tels on vit les Troyens introduire „ le funefte cheval dans leur ville. (b) „ Je me tenois au gouvernail; mais les „ Soldats cachés dans le vaifleau cour„ roient le plus grand risque. Ayant „ heurté contre une Poutre il s'y „ étoit fait une voie d'eau. Heureu. „ fcment elle fe boucha d'elle même. „ Une («) 1 1 ■ Cifcurn^pueti, innuptceque pucl'ar Sacia canunt. (_/>) Cette comparaifon eft tres déplacée daas la beuclie d'un Païfaa tel qu'on nous peiat Vosmeer. Vondel paroit avcrtir fes Ltcleur3 que tout cet eodtoit eft inm< de Virgile, ce qui n'eft pas adroir. o?  326 Lettre XIII. „ Une toux facheufe faillic a nous dé„ couvrir, on entendoit diftinótementce „ bruit, maïs Dieu lui même fembloit „ répandreun efprit d'étourdiffement fur „ les Amfterdammois. (a) " II raconce enfuite la joie du peuple a la vue du Vailfeau, & avec quelle diligence on s'empreffoit a ledéeharger ,empreffement qui penfa devenir funefle, par ce que les fagots, qui cachoient les Soldats,furent presque tous décbargés en un inftant. Vosmeer termine fon recit par le trait héroique d'un dcsCapitaines,quide crainte,qu'un violent accès de toux, dont il fe trouva incommodé, ne fit avorter 1'entreprife, tira fon poignard, & voulüt s'en percer. On le retint heureufejnent. (b) Vos. (e) - • ■ atque utero fonirum q»ater atmadederc. . Inftamus tarnen immemTes .cceciqne furore; lbid. vs £43 & 244. (b ) Ce trait n'eft point fsbultux , ii eft confacié dans les Aonales de la Hollande. Lors de l'expéJition de Breda en 1590, un Licutenant nonirr;e A1«ukien Helt étoit uu des feptante, qui furent thoifis pour cette entreprife. Le froid & le mauvais tems lui eau. ferent une toux facheufe & craignant que cetie incommodité n'empéefcflt l'sxécution de ce projet, il tita fun poignard, ptiant fes Camnrades de le lui enfoneer dans ie fein.  Lettre XIIL 327 Vosmeer fe fépare du Général,-en convenant de commencer 1'attaque vers la minuit. Le troifiéme A£te ne contient qu'une fcene, qui fe palfe dans la maifon de Gisbert. Son époufe lui fait le récit d'un fonge, qui 1'épouvante. Ste Ma.thilde lui apparut, & lui prédit d'une maniére circonftanciée tous les événemens de cette funefte nuit. „ Je vou„ lus 1'embraffer mais fon ombre dispa„röt, & fe refufa a mes embrafle„ mens (a), je me réveillai remplie „ d'horreur, voila quel trouble m'agite, „ & m'allarme. "' A peine Gisbert cherche t'il a la raiTurer, que 1'Aumónier (£) de la maifon arrivé, & crie aux armes. II raconte que Tennemi s'efl emparé de la Ville, &que tout eft en feu; „ Le funefte Vaiffeau introduit dans „ nos murs vomit des Soldats, le four- „ be («) J'aimerois mieux ce vers de Racine Et moi je lui tendois les maiDspourl'embrafler. Athalie. Ade ii. Sc. V. (b) C'eft un fingulier perfonnage dans une Tragédie qu'un Aumönier. 11 paroit fur le Theatte habillé en Eccléfiaftiqne. Nous verrons tout a 1'heure un Couver.t, des Réligleufes, un EvOquc, &c.  328 Lettre XIIL j, be Vosmeer, Ia flamme a Ia main, „ infulte a notre crédulité. (a) L'Armée s'avance, & Ia ville efl: „ inondée d'autant d'ennemis que la „ Hollande, le Zélandois & le Frifon „ en ont jamais produits. " (b) Gisbert monte a un Tour voifine & confirme a fon retour le récit de l'Aumonier. U s'arme, & demande fes amis. On lui nomme une petite troupe de fidelles guerriers, tels que Heemskerk, qui étoit venu a Amfterdam pour jépoufer fa foeur (c), les Seigneurs de Tellingen, de- JVarmont, & plufieurs autres. Gisbert les excite au combat. j, Vousvoyés, (dit il) I'ëtat, oü Ara„ fterdam efl réduit. La mort fe mon„ tre a nos yeux de toutes parts. AfM frontons tous les dangers, & fi vous „, avés la même réfolution, mourons » pour '% («.) Arduus armatos mediis in moenibns astans Fundit equus , viétorque Sinon incendia miscet Infultans: * Aeneib. Iib. II vs329 • 330. (b) Millia quot mij-nis unquam venere Myrenis. (e)*Vondel fint Virgile jusques dsns les raoiudreJ circonftacces, ■ ...... Juveoisque Chofoebus l Mygdonides, illis qui ad Tiojam fortedlebaa V«neï4t,infcno Cajandra; itc;nfui imose.  L E T T RE XIII. 329 „ pour Ia patrie en attaquant les vain„ queurs. (a) Le quatriéme A£te repréfente 1'intérieur d'un Couvent. Plufieurs Religieufes chantent avec 1'Evêque d'Utrechtdes Hymnes facrées dans le Chceur de l'Eglife. Ils interrompent le chant par une converfation fort édifiante, le bon Evêque veut mourir en digne Pafteur, & fe fait mettre fes habits Pontificaux, & fa mitre, prend 1'anneau & la crolfe, & entonne de concert avec 1'Abbeiïe & les Nonnes le Cantique de Siméon, traduit en beaux vers Hollandois. (b) Gi&- (a) • fi vobis audentem cxtrema cupido eft Certa fequi ( quae fit rebus fortuüa.videtis; ) " » Moriamur St in media arma ruamus» Vondel n'a pas imité le dernier vers fi éaergique de cette coutte harangue. Uaa falus victli nullam fperate falutem. lbid, vs 349 - 3J4(li) Les Lecteurs nourtis des chefs d'oeuvre de Racine nc reconnoitront point ici Joad & les belles Scènes d'Athilie. La msjefté, la décence qui regne danr cette Piéce, 1'art infini d'avoir fa attacher pendant cinq sctes fans le fecours d'aacun épifode, & fans amour, des vers na'urels fonores & fublimes, un ftile toujours élégant toujours put, voiii ca qui rend Athalie le chef d'oeuvre de la Scène Francoife, voila le mérite de celui , qui fit peut étte plus que balancer celui de Cor- Dttll«.  330 Lettre XIIL Gisbert arrivé Sc interrompt les Cantiques. 3, Que Ie Ciel vous bénifie, efl il „ terns de chanter? L'ennemi s'appro„ che & va fe rendre maitre de ce Cloi„ tre. Mon Oncle vene's, vous étes „ vieux & caffé, mettés vous fur mes „ épaules, (a) & vous Claire fuivés moi „ oü Dieu nous conduira. L'e v e q. u E. „ Non mon cher Néveu, épargnés 5, vous cette peine. „ Claire & les ReJigicufit. „ Nous fommes toutes difpofées a „ mourir avec lui. " Gisbert infifle & follicite fon Oncle & 1'Abbeffe par les plus touchantes priéres de neüle. Le plus bel éloge de Racine fe trouve i notre avis dans ces vus d'Hotace. " 1 ■ 1 - ■—— - 'i i« Ut flbi quivis Speret idem, fuiet multu^i, fruftta^ue laborct AufusiJem, &c. Hoe at. De arte Pnetk. (J>) Ergo age,chare pater, eer vici ircpouGrenoftix ; Ipfe .fubibo fcumeris. Aeneid. Lib, II. vs. 7©7.  Lettre XIIL 331 de prendre la fuite, & de ne pas s'expofer a Ia furtur de 1'ennemi. Mais 1'Evéque efl; inflexible , &. ne défire que Ia couronnedu Martyre, qu'il obtientun moment après. (a). Car a peine Gisbert s'efl: il retiré, que 1'Ennemi ferépand en foule dans le Couvent, & égorge fans diflinólion d'age ni de Sexe tout ce qu'il rencontre. Ce carnage fait les délices de la Populace, qui fe rend en foule a cette Piéce. On baiffe.alörs pour un moment le rideau, & après qu'on 1'afait remonter,on voit les Soldats d'Egmont;, & le perfide Vosmeer le bras levé fur les Religieufes aflaflinées. L'Abbefle efl; étendue aü milieu du Théatre, tenant fur fes genoux le vénérable Evêque maflacré dans fes Habits Pontificaux. On nomme cette efpéce de Pantomime, ReprèfentOr tion {Vertoning), (b) „ Non («) Tous les discours de Gisbert & de 1'ex . Evêque d'Uirecht font traduits piesque littéralement dn discours d'Euée & d'Anchii'e. Aeneid, Lib. 2. vs 638 ■ 650 , & vs 657 -678. (fi) Vi yés Rkcoboni Rifltxiont ftir les différent Tlèülres de l'Eurofe. fag, 140. Cet Auteur étoit affés bien infiruit de 1'état du Tbéatre Hollandois; mais les chofes font un peu chanitées depuis. 11 fe trompe, par exempie, en nommant La Mort de Guillaume l. une des rn.-illeu.es Piéces de ce Tbéatre.  332 Lettre XIIL „ Non tamtn intus „ Digna geri, promes in Jcenam: mul- ,, taque toiles „ Ex ocidis, quce mox nanet facundia „ preejens. Ce précepte d'Horace paroit un peu oublié ici. Le Théatre change, & repréfente de nouveau l'appartement de 1'Epoufe de Gisbert. Son Frere arrivé ik raconte, que rnalgré tous leurs efforts la Ville efl: en proie aux Hammes, ik a la fureur des Ennemis. „ Quelle bouche pourroit expri„ mer («) le carnage & les horreurs de „ cette cruelle nuit ? La mort offre par „ tout fon image- Toutes les rues font „ occupées par des Soldats. On n'en„ tend que des cris lamentables, le fang „ ruiflele de toutes parts. Cette ville „ ancienne & puuTame,redoutable afes „ en- (<0 Quis cladera illius noétis, quisfjnera fando Eïplicet, aut poffit lactymis aequare laburej ? Urbs antiqua tuit, tnultos düminata per annua , Pluiima perque vias fternuEtur incnia paffim Corpora - &c. AïNEIO. Ltb. 3. VS ;CI-3ÖJ.  Lettre XIIL 333 „ e»nemis,& fameufe par fon Commer,, ce & fa navigation efl; réduite en cen- dres, & disparoit en une nuit. Les défespoir nous donne des for,, ces, & les Amfterdammois ne péris„ fent pas feuls. (a) Les cadavres femul„ tiplient, & des monceaux de morts rem3, pliiïènt les rues " II raconte enfuite la malheureufe fin de fes freres, & d'une partie de fa familie. 1'Epoufe de Gisbert témoigne les plus vives inquiétudes pour fon mari, & fe retire avec fes enfans dans une Forterefle, oü elle efpére de revoir bientöt fon époux. Les cinquiéme Acte repre'fente cette Citadelle. Gisbert arrivé & embrafle fon époufe, & continue le récit de fes malheurs. „ Après que 1'ennemi fe füt rendu „ maitre de la grande place, je pris le „ le chemin de 1'Hötel de Ville fuivi ,, d'un petit nombre de guerriers é„ chappés au fer meurtrier. La nous „ réfiflons encor a 1'Ennemi. Tel on voit 1'habitant des campagnes s'éveil- „ lant « Nee foli roenas dant fanguineTcucri, . Quondam etiam viétis redit in prcecordia virtus, Aids il». Lib.2. vs 3<3ö-  334 Lettre XIIL „ lant au milieu de la nuit par le bruit -,, d'un fleuve courroucé, rompant fes „ digues ei: fe débordant au loin,oppofe „ a fes flots tout ce qu'il trouve fous fa „ main; des pierres, des poutres, de „ la terre, enfin tout ce qui peut arréter ,, la fureur des eaux. „ Le Géant (a) s'irrite de notre réfi3, ftance, il rugit de fureur. On le „ diffinguoit parmi les troupes, telle „ qu'une haute tour au deflus des mai„ fons. 11 choifit fa proye avec la mê„ me facilité qu'un Elephant enleve avec „ fa redoutable trompe ceux qui 1'ont „ attaqué. Sa lance étoit, le mat d'un „ des plus grands Vc-ifleaux. II fe faifit de nosSoldats, les empoigne, «St les „ froiife contre les pierres. — On eut crü voir Poiypheme fe jetter fur d'in„ nocens trou^eaux. La cour du Palajs „ s'e branloit a chaque coup que fa terri„ rible^main donnoit contre les portes. „ 11 eut défié Samfon &Hercule aucomt, bat. L'Elite des troupes ennemies le n W («) Ce Géant n'étoit qu'un Payfan d'un taille plus qu'ordi'iaire. qui fe nominoit Klaas van Kjtt». 11 étoit i'un village aux environs du Spaare, riviere prés de Haat'em. Retnarquons que les traits dont on vient de le dépeindre four pris de (Efêit de 1'lliade, & du Pohpheme de l'OdyfKe.  Lettre XIIL 335 „ fuivent avec confiance. On fe prépa„ re a 1'aiTai.it, e> 1'on drefle les echelles. „ D'une main ils préfentenc Je bouclier, „ qui les garamiflbit d'une grêle de traits, & de rautre ils font des efforts pour » grimper jusqu'au faïte & s'y tenir fu> ,, pendus. (a) „ Dans ce pe'ril extréme nos foldats' „ précipitent fur 1'ennemi des poutres, „ des tuiles, &arrachent même ces Jam- bris dorés, fuperbes ornemens de no„ tre ancienne fplendeur; ijs tachentd'é„ crafer les alfaillans fous la chute des „ tours. Reduits au dernier defespoir ils ne fongent qu'a vendre chérementleur „ vie. — Une partie des Citoyens dé„ fendentles premières portes & répous„ fent 1'ennemi a coups de fabre & de „ pique.^ Je montai a la grande tour, „ d'ou 1'on découvroit pendant le fiége „ les Tentes & Ie camp ennemi, & „ d'oü 1'on peut appercevoir Ie Döme „ d'Utrecht, quand Je Ciel efl: ferein. „ La je vis le combat & la défenfe vi„ goureufe des afliegés. Nous entrepri- „ mes (A) Hserent patietibus fsalae, poflcsque füb ipros Ni:u>;tur gradtous, dypeosquead tela finiftris Prolecti objiciunt, prtnfant fafttgia drxtris. Aeneid. Lib, 2. vs 442-444.  ,336 Lettre XIIL „ mes d'arracher toute la charpente de •„ cette tour & de la renverferfur 1'enne- mi. Elle tomba avec un bruit horri„ ble, & en écrafa un bon nombre; „ Mais d'autres prennent aufli-töt leur „ place, & forcent enfin la Porte. (a) „ 1'ennemi fe répand en foule de tous „ cötez , j'avois perdu tous mes amis, „ & je me trouvai feul, & müet dedou„ leur. " Son époufe lui fait alors cette queftion fi touchante. „ Et ne fongeois tu pas dans ce mo„ ment a ton époufe, & a tes enfans? " Une (a) DardamMae contra , turres ac tecta domorum Culmina convellunt (hisfe, quando ultima cernunt, ExtremS jam in morte parant defendere telt's) Aurausiuc trabes, vetciumdtcora altapareruum, Devolvunt: alii fhiétis mucronibus imas Obfedere fores: has fervant agmine denfo. Evado ad fummi fafligia cu;minis; unde Tela manu miferi jidabant ittita Teucri. Turrcminptaccipitiftamem, fummisqne fubafifi Eductam tcétt's, unda cmnis Ttoja vidcri Et Danaüoi foütae naves, & Acbaïca callra, Aggrenï ferru circum, qua fumma labmtes Junéluris tabulata dabant, convellinius altis Scdibus, impuümusque.calapfarepente ruinara Cum ftrepitu ttaliit , & Dansüm fuper agtcina lat» Incidit, aft alii iubeunt. 1b id. vs 445 • 457.  Lettre XIIL 337 Une célefte clarté le fit revenir a lui, & une voix lui cit d'aller fauver, s'il en étoit tems encor, fon Oncle, & 1'Abbeffe ;il raconte enfin qu'après s'être expofé inutilement aux plus grandsdangers, il fut obligé d'abandonner la ville, que les flammes dévoroient de toutes parts^ Un Soldat arrivé, & décrit le mafiacre de 1'Evêque & de toutes les Religieufes. Cette description eft magnifique dans Foriginal. Mais je crois en avoir dit affez, pour vous donner une idéé des talens de Vondel pour ce genre de Poëfie. La piéce fe termine aflez finguliéroment. Gisbert veut faire embarquer fa Femmes & fes Enfans pour les dérober aux infultes du Vainqueur. Mais cette fidelle époufe refufe ce parti, & elle fe réfout a fubir le fort de fon époux. Cette tendre dispute eft enfin terminée parl'Ange Raphaè'1, qui tombe des nues & exhorte cette familie défolée a fe foumettre aux décrets de la Providence, en quittanc laForterefle pourchercher une retraite en Prufle. II lui prognoftique la nouvelle grandeur d'Amfterdam, & lui prédit que fes malheurs feront un jour repréfentés fur le Théatre de cette Vil£ le.  338 Lettre XIIL le. («) Enfin il les exhorte a nepas aban- donner la foi de leurs ancêtres, & disparoit. Gisberc fe réfout alors a partir,& la piéce finie. Telle efl:, Monfieur, cette fameufe Tragédie, qui fait encor tous les ans les délices des Speclateurs. La pompe du fpeéfacle, öt la beauté desDécorations y attirent unefoule étonnante, mais Jes vers de Vondel en font le véritable prix, öc malgré les défauts nombreux de cette Piéce, malgré le mélange de Comique & de Tragique, malgré le dénouement aufli défeftueux que ridicule, elle fuffit pour immortalifer fon Auteur. Vondel reconnoit que la principale raifon qu'il eut de traiter ce fujet, fut le défir ardent d'imiter le fecond Livre dë 1'Eneïde & la description de la prife de Troye. Remarquons cependant que ce même Vondel, qui imita fi parfaitement Vir- («f) Nee Heus intetfit, nifi digntis vindice n'odns InciJeril. HoRAT.de Art. Poer. Sclon cete maxime il paioit bien ridicule qu'une conttïlation de Ia nature de celle de Gisbert & de fon Époufe foit tetminée -par un Ange. La pré.liétion que 1'Hiftoire de Gisbett.fera jouée fut le tbéatre paroit aulU fert déplacée dans fa bouche. Mais Vondel avertit dins la Dédicace de fa Piéce a Grotius, qu'il la fit repréfenterpout 1'ouvertute ëiraouveauThéatre d'Amfteidaai.  Lettre XIIL 339 Virgile dans cette Tragédie, efl; Auteur d'un Traduclion en vers de 1'Éneïde, auffi platte & auffi mauvaife que les vers de lés Tragédies font harmonieux & fublimes. On n'y reconnoitroit jamais 1'Auteur de PalameJe, de Phaëion & de Gisbert d'Jmftel. Peut-être que le génie de Vondel ne put s'afliijettir aux entraves d'une Traduótion. IJ y a du moins plus de différence entre cet ouvrage & fes Tragédies, qu'entre Cinna & Agéfilas. Le Théatre Hollandois s'eft beaucoup épuré vers la fin du dernier fiécle. On a commencé a goüter & a traduire Corneille & Racine, & les meilleures Piéces que 1'on repréfente aujourd'hui font des TraducTions des Auteurs Francois. Mais (& ceci ne fait point 1'éloge des Tradu61eurs)un traduifit indiftinólement 1'Abbé Pellegrin & Corneille, Mademoifelle Barbier, Campiflron & Racine,& toutes ces Piéces ontétérepréfentées avecfuccès. Parmi les Modernes on ne doic pasoublier M.M. Huydecoper& Afo/>;2,&Madame De Winter, dont les talens fupé-rieurs foutiennent la Scène Hollandoife. M. Nomz efl; Auteur de plufieurs Tragédies, qui ont eu le fuccès le plus mérité. II efl; le premier, qui ait confacré fur le Théatre 1'Hiftoire du Régulus HollanP 2 dois,  340 Lettre XIIL dols, ó'Antoine Hambroek, Miniftre Réformé a 1'Isle de Formofe (a). Madame De Winter a traité plufieurs fujets tirés de 1'Hiftoire de Hollande, & nous ofons affirmer, qu'elle a égalé finon furpalTé ceux qui courent la même carrière. La Coroédie efl ici dans fon berceau; A 1'exception des Piéces de Langendyk, (b) les Comédies Hollandoifes ne font pour la plupart qu'un tiffu informe d'ordures & de grofliéretés dignes tout au plus des Poiffardes & de Ja plus vile populace. Riccoboni fe trompe (c) étran- ge- (<0 Le Pirate Cosmga s'étoit tendu inaitre de 1'isle de Fotmofa fitiHe fut les Frentiéres de ia Chine. P.'uCeurs clirétiens parmi les guels fe trouva le Miciflrc Himbrotk & fe Familie, tornberem dans fes niains, lc ttfte fe retira dans le Fort Zélandia, 11 cnvoya Hamktoek au Général des Hoilandois avec crdie de le iomm*r de fe rendre, & en le ménscant que s'il ne revenoit pas, on feroit mouiir fa femme & fes Enfans, & que s'il ne réufüBöit pas dans foa AmbafTade on lui trancheroit la téte. Hambroek eut néanmoins le coutage de fortifier le Chef & Ia Garnifrn dans le delTein «le fe difsndre, il reviut vers Ccxinga,& fut exécuté. Voynges de Schouten. (i) Pierre Langendyk né a Amfterdam compofa plufieurs Piéces, oü 1'on rctrouve quelquefois le ton da la bonne CornéJie. On diftingue futtoot les AJlrohgues. Don Quicbotte eux noces de Gmhacbe, Xantippe &c. (c) R'$;xions jur les différent Jbéatres de l Europe  LïttRE XIII. 341 gement en difant que les Farces, qui font dans le go&t naturel du pays, 1'emportent infinirnent fur les tradu&ions des Piéces de Dancourt & de le Grand. Le Théatre de ces deux Auteurs peut palier pour une Ecole de vertu & de bonnes moeurs en comparaifon des ComédiesHollandoifes, dont le jeu eft quelque fois aflez plaifant, mais oü il eft difficile de concevoir, que des femmes, qui fe piquent de quelque pudeur, veuillent aflifter. Perfonnè ne s'eft encor avifé de prendre Molière & fes Succefleurs pour modéle, on s'eft contenté de les traduire: & les Comédies de Molière & de Deftouches font trés eftimées ici. On a traduit aufli plufieurs autres Comiques Francois, mais cestradu&ions littérales, repréfentant le ridicule propre aux Francois fur un Théatre étranger, ne plaifent point a un Speilateur, qui voit des portraits, dont il ne cennoit pas les Originaux. Tant il eft vrai, „ que le Mifantrope, le Tartuffg, „ rjvare, leGlorieux, le Médifant ,l'h„ réfolu font a peu prés les mêmes de „ Lisbonne a Paris,& de Paris a Péters„. bourg; tous les peuples y reconnoiflènt „ les originaux, que la Nature leur a „ mife fous les yeux; Au contraire les valets de Regnard, les Gaseons & les P 3 „ Nor-  L E T T R B XIII. ,i Normands de Dufresny,Ies Financiers „ dele Sage, les Provinciaux, les Pay,r fans, Jes Bourgeois de Dancourt font „ plus attachés au folqui les a vu naïtre, „ & moins faits pour [être tranfplantés „ ailleurs. " (a) Au refte il eft inutile de répéter ici,ce que nous avons dit (£)précédemment de 1'efpéce d'abandon auquel le Théatre Hollandois eft livré aujourd'hui. Une nouvelle caufe paroït fe joindre a celles que nous avons déja aflignées. C'eft Ja fureur des Drames, & de ces Piéces larmoyantes, quine tiennent ni a la Comedie ni a la Tragédie. La facilité de Ce genre excite naturellement les jeunes gens a s'y Jivrer; avec un peu d'imagination & du noir dans 1'efprit on eftfür de s'y faire applaudir, & les avantures les plus romanesques,les cruautés les plus dégoutantes occupent aujourd'hui la Scène, il n'eft pas difhcile de prévoir les fuites de ce goüt dépravév La déclamation Hollandoife n'eft qu'un chant trés éloigné de la Nature (c). Rjccoboni fe trompe encor en affurant, que les, (d) M. d'Alembtrt Elege dei Aceiêmiciens, Paris (t>) Voy. Lettre TU. (c) Riccibeni Réjlexiom, paf. 152.  Lettre XIIL 3*3' I lès Acteurs font ici des merveilles dansle | Tragique, qu'ils récitent noblement & 1 naturellement. A 1'exception du feul H Corver, le Le Kain Hollandois, tous les i autres Acteurs chantent les vers, & dé3 clament toujours. Leur récitation eft | d'une monotonie fatigante. La faine partie du Public ne goüte ce- ■ q pendant plus cette méthode, & les Punt'' 1 & les Duim (a~) font autant négligés i aujourd'hui, qu'ils étoient admirés autre] fois. Le bon goüt proscrit pendant fi long' tems leve enfin la tête. Les arts & les i fciences utiles fe perfeclionnent de jour ! en jour; le fl3mbeau ete la Critique en : éclaire toutes les parties, & cette heureui fe révolution opérée par quelques grands : hommes, perfécutés d'abord, comme il arrivé toujours, devient enfin générale. • J'ai 1'honneur d'être, &c. («) lbid. pag. 153. FIN.  CATALOGUE DES L I V R E S De Fonds. EfTaï fur la Vie de Seneq-je le Philofophe. fur les Ecnts&fur lesRegnes deClaude & de Néron, avec des notes ( par M. Diderot) :779 in iz. ElTais Hiftoriques fur les Deux Compagniesdes Mousquetaires du Roi de France, foppriméesle i Janvier 1776. ouvrage interesfant & curieux pour tout homme de guerre & particuliérement pour la Jeune NobleiTe qui fe deitine a la Profeffion des Armes. ( par M. le Thueux ) Inflituteur au Corps Impérial dè Meffieurs les Cadets de Terre aSt. Petersbourg, 2 parties 1 vol. in 12. 1778. Inftrucïion Secrate derobée a fa Majtfté le Roi de PruiTe, contenant les ordres fecrets expedi-rs aux Officiers de fon Armee, particuliérement a ceux de Ja Cavallerie, pour fc conduire dans la circonllance préfente. Traduit de 1'Original Allemand, par Je Prince de Ligne 1779, in 8. Refle xions fur 1'Economie Politique, ouvrage traduit de 1'Italien deM. le Comte de Vern par M. Mingard, avec un.AvertifTcment k la tete de 1'ouvrage (de JVJ. le Confeiller Pe/renot) in 12. 1779. Inftruction concernant lesPerfonnes mordues fur une Béte enrggé*, avec des obfervations fat.  Catalogue des Lhres. faites & redigées par lc Sieur Ehrmatin Medecin& Publiée par ordre des Magiftrats de Sa Ville de Strasbourg, compofant le Collége de Santé, 1778 in 8. H Rtflexions de fa Majefté leRoi deSuéde,fur la neceflité d'affranchir 1'habillement Suedois de 1'Empire des Modes Etrangeres, 1773. in 8. Entretiens, Drames, & Contes Moraux 4 1'ufage des Enfans, par Madamede la Fite, 1778. in 12. II Réftexions d'un Jurisconfulte fur 1'ordre de la I Procédure & fur les décifions Arbitraires& immediates du SouTerain, ( par M. Perrenot) 1777- in 8. , . . , , Lettre fur quelques objets d'Eléflncite, addreffée a 1'Académie Imperiale des Sciences de St. Petersbourg, par le Prince Dimitri de Gallitzm, Chambellan afluel de fa Majejlé Impériale de toutes les Rullies & fon Envoyé extraordinaire aupres de Leurs Hautes Puiffances, 1778. in 4. , Le Jugement de Midas, Cornédie en trois Actes & en profe Melée d'Anettcs, par M. d'Helé,Mufique de M. Grétry, 1779. H.ftoire de la Matfon d'Autriche ddpuis lfclévation de 1'Empereur Rodolphe I. en 1223 jusqu'en 1731. par M. le Comte de Girecoirt, Paris 1778. ó vol. in n. La Vie Militaire & privée de Mademoifelle Charles - Genevieve - Louife - Augufte- Andrée - Thimothée d'Eon de Beaumont, Ecuyer, Chevaüer de 1'ordre Royal & Militaire de Saint Louis, ancien Capitaine de Dragons & des Volontaires de 1'Armée, Aide-  Catalogue des Livrss. ^ide-de-Camp des Maréchal & Comfe de Brogl.e, c.-devant Docreur en Droit Civii & en Droit Canon, Avocat au ParlemeD bordfflrs:Uttres> Envdyé en Raffie d'abord fecretement, puis pubiiquement avec le Chevaher Douglas, pour la réunion de cette cour avec celie de Verfaiües- Seer». aire d-Arnbaffade d«i Marquls deJ^ tal, AmbaJTddeur extraordinaire & Piénipotentiaire de France prés fa Majefté lm. penale de toutes les Ruflïes • SSSfairJ d'Ambafrade du Duc de Ni rVoi"s?Am! bailadeur extraordinaire & PJedPotentia™a rJt p * » ,Mlniftre rélident nrès ctte nois; enfin MinMre Ple :ipotentia re de France a Ja même Cour & 1777 fous je nom deChevalierd'Ëon &é Par M. de Ja Fortelie, Paris ^ in ft' F I N.