A   S ERMONS SUR DIVERS TEXTES D E L'ECRITURE S A I N T E, PAR FEU . MR. J. J. GUICHER.IT> Pasteur de l'Eglise Wallonne de la Haye, et Chapelain de S. A. S. le Prince d'Orangjl it de Nassau. A AMSTERDAM, Chez D. J. C HANG UI ON. M D C C X C V I |r  Ces Sermons ont été approuvés par les Eglifes examinatrices.  TA B XE DES SERMONS contenus dans ce Volume. I. SERMON. Sur la Confiance. Véchargez tout votre fouci fur Dieu. i Pierre V. 7. Page 1. II. SERMON. Pour un matin de Coramunion. je lave mes mams dans Tinnocence, & je fats le tour de ton Autel, 6 Et er nel! pseaume XXVI. 6. 3 8. III. SERMON. Sur la néceflïté & 1'utilité du Cuke Public. Et er nel des ar méés! Combien font aïmables tes Tabernacks! Mon Ame défire ardem* 2  iv T A B L E. ment, & même elk dêfaut après les paryis de 1'Eternel. o Qte bienheureux jont ceux qui habitent dans ta maifon, 6? qui fy louent incejfamment! Pseaume LXXXIV. 2> 3, 5. ?2. IV. SERMON Sur la Bénéficence. Ceft wie chofe plus heureufe de donner que de receyotr. Actes V. 35. a la fin. 11 o. V. SERMON. Sur 1'Abus qu'on peut faire de la Religion. Ne fois point trop jufïe, ê? ne te fais pas plusfage quil ne faut; pourquoi endeyiendrois-tu éperdu ? Ecclés. VII. j 6. 145. VI. S E R M O N. Sur rUtilicé des Affliótions. Notre légere Ajfiiftion, qui ne fait quepasfer, produit en nous un peids Eterneld'une gloirc Souyerainenwnt excellente. 2 Co- kjntiiiens tV. 17. 177.  T A B L E. v VIL SERMON Sur la Crainte des Hommes. Qui es4u que tu aies peur de ïhomme mortel, qui mourra, & du Fils de Vhomme qui deviendra comme dufoin? & tu as oublié V Eternel qui fa faite, qui a êtendu les Cieux, qui a fondé la tem. Esaïe LI. 12, 13. 2I2« VIII. SERMON. Sur la Paix que procure la Piété. II y a une grande Paix pour ceux qui aiment ia lol Pseaume CXIX. 165. 245* IX. SERMON. Sur le Devoir impofé au Chrétien de favoir rendre raifon de fa croyance. Soyez toujours prêts h répondre ayec douceur révérence a chacun qui vous demande raifon de Vefpérance qui eft en vous. i PlERJUi III. 15. *99- * 3  vi T A B L E. X. SERMON. Sur Ie Combat de la Foi. J"ai combat tu le bon combat; fai achevéïa courfe; fai gardé la foi: au refle la couronne de juflke m'efl rèfervée, £? le Seigneur jufte juge me la rendra en cette journée-la. 2 Timothée IV. 7, 8. 330- XI. SERMON. Sur Dieu qui ne veut point Ia mort . du pécheur, mais fa converfion & fa vie. Je fuis vivant, dit le Seigneur VEternel, que je ne prends point plaifir en la mort du méchant; mais que le méchant fe détourm de fa voye, & qull v'ive. Ezéchikl XXXIII. 11. 363  T A B L E. vn XII. SERMON. Sur la Perfévérance & les Progrès dans la Piété. Nous donc auffi, puifque nous fommes environnés iïune fi grande nuèe de témoins, rejetant tout fardeau, le pêché qui nous envelope fi aifément, pourfuiyons conftamment la courfe qui nous e(l propofée. hébreux XII. i. 395. XIII. SERMON. Sur la Foi d'Abraham. Par la foi > Abraham êtant éprouvé, ojfrit Ifaac; celui, dis-je, qui ayoit regu les promeffes offrit même fon Fils unique. A l'égard duquel il lui ayoit été dit; les descendans df Ifaac feront ta véritable poflérité. Jyant efiimè que Dieu le pouyoit même rejfufciter cfentre les morts: c'efi pourquoi aujfi il le recouvra par une efpéce de Réfurre&ion. HÉbreux XI. 17, 19. 432.  vin T A B L E. XIV. SERMON. Sur le Chrétien reffufcité avec Chrift. Si donc vous êtes rejfufcités avec Chrift, cherchez les chofes qui Jont en haut, oh Chrift efl ajjis a la droite de Dieu. Penfez dux chofes qui font en haut, ê? non point acelies qui font fur la ter re. Colossiens III. i, 2. 475- LIS.  L I S T E DES PERSONNES Qui ont foufcrit pour 1'irapresfion de eet Ouvrage. AMSTERDAM* Soufcrit chez D. J. Changuion. M. M. Exempt. Alewyn. (M.) * t • 3« Armenault. ("Jacob) i • *• Backer. (Ar) • u Backer, (C.) Willemsz. . . i. Benelle. . . . .1. Berkhoff. (B.) . - • 2- Bert. . . . 6. Madlle. Berthon. (E. M.) . . *. Mad. la Veuve Bongardt, née Martiil. i. Bosboom. CD. A.) . . • > Bousquec, (Louis) . . . i. Bousquet. (P. H.) . . t. M. & Mad. Calkoen & leurs quafreenfansainés. 6. Calkoen. (A.) . . . i. Cazabou. (J.) . . • • U Changuion. (Charles) . . t. Changuion, (D. }.) Libraire. • 12. Ch&telain, (D. Z.) ci devant Pafteur aRotterdam. 1. Chacelain. (Efaye) . . I. Chaufepié, (S. de) Pafteur. . . ï< Chevalier, (PO Pafteur. . . *• Corver Hooft (G) . ,. 5-  x LISTE DES SOUSCRIPTEURS. M- M' Exempl. Madlle. Couderc. (]. M.) . j, Dedel (W. GJ Salomonsz. . . Mad. la Baronne de Haaren. . ' i. De la Douespe. (W.) . . i. De Smeth. (P.) . ] 5[ De Veer, (?) ancien Capitaine de Hautbord. 10. Duflos. (A.) • . . ï. Dufour, (G.) Libraire. . . c, Mad. JaVeuveDutilh, née Martin. i Elliot. . Eyma. . . , . It Feitama. (A.) . 4 ï# Fizeaux. (Jacob) , ■ . Mesdlles. Fizeaux. . . i. Madlle. Fonvielle (Marie) . , I# Fouquet. (PO • . . i.' Fraiffinet. (J. M.) . \ x' Fremeaujr. (D. ].) , t x< Frefearode. (P.l . , j Mad. la Veuve Gillot, née Chabot. . 2 Griot. (J. T.) Pafleur. . . é] Heyliger. . • • . i. Hogguer. (P. J.) . . gt Hope. (A.) . . o Huët, (P. DO Pafteur. . . 7. L'Ange, Pafteur a Haarlem. -. . x< Langlois. (Jacob) . . . i. Le Jeune. (L. S.) . . j, Louis, Pafteur. . . I# Metayer. (L.) • • . i. Molière (AO • . . i. Mad. la Veuve Momma, née Vosmaer. . i. Muilman. (HO ... 5. Muilman. (P.) , 5.  LIS TE DES SOÜSCRI.PTEÜRS. xr M. M. Exempl. Munter. (C.) . . . i. Mad. la Veuve Mounier, néeDelprat. , . I. Mounier, Propofant. . . . i. Noortwyk. (Claude) . . i> _ Ortt de Nyenrode. . i. Rendorp. (Salomon) _ , . i. Renouard. (Edenne) . . 2. Renouard. (Paul) . . i. • Madlle. Renouard. (M. S) . . i. Robert, (/. S.) Pafteur. . . i. Mad. la Veuve Rondeau, née Brians. . j. Serrurier. (H. C.) . . u Steengracht d'Oofterland & fon Fils. . 2. Straalman. (Francois) , . 2. Mad. Ten Cate, née May, . . 1. Thin van Keulen. (J. G.) . • K Titfingh. (Guillelmo) . . 3. Madlle. Trotter. . 1. Madlle. Van Collen. (J. H.) . I. Van de Poll. (Jacobus) . . I. Van de Poll. (J.) . .1. Van de Poll. (J. Wolters) . . U Van de Poll. (W. G.) . . 2. Van de Poll. (J. S.) . . t, Madlle. van de Poll. . • U Van der Brugghen. . .. . I. Van der Oudermeulen. (C) . . 1. Mad. la Veuve van Eys, née Amfincq. . 1. Van Eys. (P. A.) . . 1. Van Hogendorp. (G. C.) . . 1. Van Hogendorp. (W.) . • I. Van Leanep. (C. Sylvius) . . 1. ** 2  xii LISTE DES SOUSCRIPTEURS. M. M. Exempl. Van Loon. (J. w0 S . i. Mad. van Nikkelen Kuyper, née Labée. !. Van Slingelandc. . . . i. Mad. la Veuve van Weede, née Straalman. ï. Veftieu. (N. A ) . . i. Voute. (J. JO ... 2. Voute. (P. F ) 2. Mad. la Veuve Warin. . . i. Warin. . . . i. Mad. la Veuve Wolters. . . i. Arnhem. Soufcrit chez la Veuve J, Nyhoff. M. M. Smits, (L. J) aNimegue. . . i. Mad. la Veuve J. Nyhoff. . . i. Delft. Soufcrit chez J. de Groot, Z. M. M. Certon, (J G. P.) Pafteur. . . U Docher, (C.) . . . ï* De 1'Efpaul. (A.G.) . . i. De Man. • • Si Hartz.(J. P.) ... i. Mad la VeuveL'Ange, néeTeifledre. i. Maifonnet. (T. G.), . .. i ■ Moofer. Cj.) , • '. . i. Mad. la Veuve Mounier, née deMonchy. . i- Onderdewyngaart. CCanzius.) . i. ' Overgaauw Pennis. (CJ . . i.  LISTE DES SOUSCRIPTEURS. xm M. M. Exempl. Scheidius, (JO Pafteur. . . I. Schol. (L. ].) . . I. Teding van Berkhout. (G. H.) • Mad. la Veuve van der Goes, née van Pabft. i. Van der Goes. (CO • • »• Van der Ley. . . . . i. Van Dyk. ... 2. Van Groenewegen. (M. WO • t. Mad. la Veuve van Hogendorp, née van Haren. 3. Van Hogeveen. (G.) • • Van Koetzveld. (J.) . • 1. Van Lidth de Jeude. (T.) • »• Van Royen. (H. J.) • • **• Van Swinden. (S. PO • • Van Vredenburch. (J.) • • *s Van Wefele Scholten. (B. P.) • I. Mad. la Veuve van Vredenburch. (A.) I. Mad. la Veuve Voute, née Icard. . I. Deventer. Soufcrit chez L. KarJJeberg. M. J. L. Bosc de la Calmette,ancien Bourguemaitre/; 1. Dordrecht. Soufcrit chez P. van Braam. M. M. Carp, (A.) M. D. S. E. . • I- Madlle. Rees. (J. C.) • • I* Van Braam, (PO Librnire. . . « Van den Santheuvel, (PO de DrieI- ? Iv ** 3  xrv LISTE DES SOÜSCRIPTEÜRS. Dordrecht. Soufcrit chez Blujjé fcf Füs. ExemPl- BluiTé, (A.) Propofant a Dordrecht. . 2 Gevaarts Johsz. . t - Haarlem. Soufcrit chez J. J.. Beets. M. M. Clarion, (A.) Pafteur. . . Langrune. . j Mad. le Leu de Wilhem, Veuve de R.F.van Zaanen. . j Quarles. (P. K) . \ , ' ,* La H a y e. Soufcrit chez Thierry & Menfmg. M. M. Bahler. (L. H.; . . u Boetzelaar van Kyfhoek. . j' Bichon Visch. (S._) , . , David. (MO . . *. £ De Dompierre de Jonquieres. (P. P. H.) i. Mad. Degailler. . . . ( Mad. la Veuve de Laet, née Jonquieres. . i. Delpierre. (F.) . t . Madlle. Delpierre. (E.) , Delpierre. (J. A.) a Muyden. . g" De Vries. (JJ . , / Dulle. (M.) . . Emants. (G.) . . . It Emants. CJ.) . . , m j Fallot, Docleur en Medecine. ... 2.  LI3TE DES SOÜSCRIPTEÜRS. xv M. M. Exempl. S. A. R. le Prince Ferdinand de Prufle. . 2. Madlle. Troufellier. . • *• F. V. M. . • • 14 Mad. la Veuve Giberc, née Vernet. . *• Mad la Veuve Graafland, née Barneveld. *• Graafland. (P.) G. Z. . • «• Hageman. (N.) . • .1. Hoyer van Brakel. (P.) . • 3' Madlle. Jenoteau. Q.E) . . »• Melvil. (PO '* Mad. la Veuve Nairac. . • *• Pauw. • • * Madlle. Pauw. (S.) • • lm Madlle. Pauw. (E.) • * *• Potier. (J. A) • • • Serrurier, CJ- J) Pafteur. . . I. Madlle. Thierry de Bie. • • !• Thierry & Menfing, Libraires. . I. V. D. Hoop. (H.) • • 1- Van der Hoop. (S.S.) • • »• Van der Linden. (J.) • • *• Madlle. van der Mieden. (A.) . * I. Van de Wynperfle, (J. H.) Pafteur. . I. Van Hamel (P.) • * *• Van Hoogftraten. (J) • • u Mad. la Veuve van Nispen, née Delpierre. 1. Van Olden. Van Vaftenhout. (J.) • "- u Voute (RO ,# Mad. la Veuve Voute, née Maifonnet. . u + * 4  xvi LISTE DES SOÜSCRIPTEÜRS. La H a y e. Soufcrit chez P. F. Gojfe. M- M- Exempl. Mad. la Veuve Barriël, née Richard. i. Madlle. Earriel. (A. E) . i. Mad. la Veuve Blom, nee van Affendelft. i. Mad. la Liaronne de Boifele.née de Wulcknitz. i. Carp, Miniftrea Wadenburg. . . ,. Mad. Certon, (H. G,) née Langlois. '. i. Madlle. Chais. . . . i. Changuion. ... 4 Chataigné. (P.) . . '. Chion, ancien Confeiller. . . 1, Mad. la Baronne Collot d'Efcury, née Fage'l. 1 Cnffy. (J.LO ... 1. Mad. la Baronne d'Ablaing. . . « Le Baron D'Ailva. . .1 Mad. la Baronne d'Ailva. , T> Le Baron de Bentinck d'Yrft. . , lt Mad- la Baronne de Bentinck d'Yrft. > 2. Le Baron C. de Boetzelaar, Lt. General. j Mad. de Boetzelaar, nee de Byland. . 1. Le Baron de Coehoorn. . . j. Mad de Dopff, née Bousquet, a Breda. . t, Madlle de Foreeft d'Egmond. . , I# Mad. de Grancé, née du Tour. , i# Madlle. de Hompesch (Charlotte) . lm Mad. Ia Veuve'de la Faille, née Gillot. 1. De la Sauffaye, Pafteur. . .1. Madlle. la Comtefle de Limburg Styrum, a Bois le duc. . . .1. Mad. la Comtefle Douairière de Lynden de Voorst. 1. Mad. la Douairière de Maasdam. . 1.  LISTK DES SOUSCRIPTEURS. xvir M. M. " Exempl. Mad. la Comtefle de Randwyck Poll, née de Bigot, a Nimegue. . . i. Mad. la Comtefle de Riccé. . i. Le Baron de Salis. . • l< Mad. de Tuyll, née de Wilmsdorff. . r. Le Comte de Waflenaar Twickel. . 3. Mad. la Comtefle de Waflenaar Twickel. 3. Le Comte de Waflenaar d'Obdam. . 3. Mad. la Comtefle de Waflenaar d'Obdam. 3. Mad. de Watteville, née Cafla. . 1. ( Mad. de Weftreenen, née üierkens. . 1. Madlle. la Baronne Louife de Wulcknitz. 1. Madlle. la Baronne jeannette de Wulcknitz. 1. Deutz (J. M.j receveur a. Bois le duc. . ï. Mad. la Veuve Drognat, née Borgers. 1. Mad. Engelman, née Chais. . . 1. Mad. la Veuve Efchauzier, née de Joncourt. 1. Ferrand. (J. P.) 1. Madlle. Gonzal. (E. J.) . . 1. Gaffe, (P. F.) Libraire. . 6. Hartingh Comans. . .1. Mad. Heins, (S, E.) née Vosmaer. . 1. Huyffea CJ. W.) . . 1. Huyffen de Kattendycke. . . 1. Mad. la Veuve la Bouchere. née Molière. 6. Macalefler-Loup, Lt. Colonel. . 1. Maclaine. (C. A.) . . 1. Mad. Merfen. . . j. N.N. . . . . 12. Mad. la Veuve Patyn, née van der Streng. 1. Madlle. Picard. Jrl.E.) . . 1. Quarles. (W.) . . 1. Mad. Rengers, née .van der Goes. . 1. **5  xvm LIS TE DES SOUSCRIPTEURS. M. M. Exempl. Mad. Rietmulder, née Tinne. . i. Madlle. Royer. (L. P.) . . Royer. (J. TO . i. Royer. (A. J.) . . i. S- N I2. Suaffo.Cp . . . * i, Le Baron Taats van Amerongen d'Offenbach. i. Taats van Amerongen de Schalkwyk. i. Tinne (J. A.) Comm. des dep. étr. . i. Tinne, (A- F.) Absz. . . i. Mad. Tinne, (E) née Favin. . . i. Madlle. Treuer. . . . r Le Baron van der Does, Seigneur de Noortwyk. i. W. H. Baron van der Duyn. . i. Van der Goes, ci-devant Envoyé en Efpagne. i. Van der Goes, (P. J.) Secretaire de laCham- bre des Comptes. . . R Van der Goes, (A ) ci-devant Bourguemaitre. i. Van Dieft. (H.) . R Vao Dyk, Cp V. D. M- émerit. . R Mad. van Effen, (D. A.) née Drognat. i. Van Hees. (J.) i. Madlle. van Hoppen. (J. H.) . . R VauSchinne, a Rotterdam. . . R VanSchuylenborch. (O.) . . R Mad. vanStryen, née v. d. Santheuvel. R Mad. van Zuilen, (A. M.) née Richard. R Madlle. Verdun. i. Vernede, (J. H.) Pafteur. . . R Vintcent, Soll. milit. . i. Le Baron Voigt d'Elfpe. . . 2. Vry, Pafteur a Fleflingue. . . I. Wynants, (J. P.) Libraire. . . 2. Madlle. Yrons. (A. M.) . . i-  LISTE DES SOUSCRIPTEURS. xix M. M. Exempl. Zanders, (C. C.) Agent. . . i. Madlle. Zanders. (M. H.) . . i. Madlle. Zanders. (H. J.) . . i. Bosc de la Calmette. . i.' Collard. (A. Z.) . i. Collard. (J.) . I. Gyer.iP.) • • l. Gyer. Cj.a) , . i. Mad. Lemker de Qjaade, née Burmania, i. Mettivier. . . i. UMaftricht. Roux, Profeflcur. . i. Mad. Schmid, née de Haren. . i. Van Panhuys. . . . i. Mad.vanSlype, née vanDyck. . y. Mad Watfon,(P.D.)née Tinne. t, Wilcke, Général. . x.. L -A H A Y E. Soufcrit chez J. van Cleef. M. M. Mad. Bisdom, a Leyde. . . u Bourcourd. • • . 2. Brandorph, Nég. k Coppenhagen. . 2. Madlle. Brians, a Voorburg. . . u Mad. Burmania Rengers, née de Beyer. 1. Le Comte de Byland de Marienwaard. ' . 1. Madlle. Christ. (A.) . . ï. Madlle. Christ. (E.) . ' . 1. De Coninck, (F.) Confeiller d'Etat a Coppenhage. 30. Madlle. de Coninck. . . i. De Drévon. . . . i. Madlle. de Falck. 1. De GrafFenried de St. Jean, a Bois le duc. i;  xx LISTE DES SOUSCRIPTEURS. M. M. Exempl. Mad de Heekeren de Keil. . . I. De Ligtenberg. i. Telprac, Pafteur. . , i. Le Comte de Marfay. . . i. De Na^el Rynenburg. . . 2. Mad. de Pal land Keppel. . , . i. Le Comte de Rechteren. . . i. Madlle. de Rechteren. (Sophie) . i. De Vayne van Brakèi. . . . 3* De Veer. ... 2. De Walien. . 'r . i- Mad. la Baronne M. S. de 'Waflenaar. . I. Euler. . . . .1. Ferrand. . . . .1. Geelvinck. (J ) de Caftricum. . 2. Hartman, Confeiller. . . »• i'elsdingen. i« Madlle. Imbyze van Batenburg. . *• Mad. le Chevalier, née Efchauzier, k Coppenhage. 2. Madlle. Le Clerc. . . I. Lynden de Blitterswyk. . • L Madlle. Macleaue. . . i- Macleane, Pafteur. . . .1. Madlle. Melvil. I. Molière. (Abel) . . .1. Molière. (S.) ... 6. Monod, Pafteur de PEglife Wallonne a Coppen- l hage. . . . 1. Madlle. Patyn. . . . li Plaat, (CO ïmpriïneur d'Etat. • U Madlle. Quarles. . . • 1. Ravens. cC. JO J. J. Fils. . . 1. Scheurleer, (B.j Libraire. . . 1.  LISTE DES SOUSCRIPTEURS. 2ö M. M Exempl. T. C k Zutphen. ... 3. Le Général D. W. H. van Brakel. . 3. Van Brakel. (J. AO . . 1. Van Brakel. (P. JO • \ i. Mad. van Buuren. • 1. Van Cleef, (J.) Libraire. . . 3. Mad. la. Douairière van der Duflen. . 1. Van der Hoop. CF.) . . 1. Van Loe. ... 6. Mad. van Neck, née De la Baflecour. . 1. Van Stralen, Junior. . . 1. Madlle. van Styrum. (M- J.) . 3. L E Y D E. Soufcrit chez A. 6? Honkoop. M. M. A. L. N. M. • • • 1. Benezet, (J. PO Propofant. . . 1. Mad. la Veuve Brutel de la Riviere,-née Chion. 1. Meyer, CPO Negociant. . . u J. C. Souchay, Pafteur. . . 1. Van Cafteel, CA. L.) Propofant. . 1. Van Noort. CG. J.) • .1. Van Noort. (W. JO • . ï. Mad. la Veuve Willer, née de Mainoe. t. Soufcrit chez Haak £f Comp. M. M. Van Boetzelaar. (A. G.) . . 1. Haak & Comp. Libraires. , . 1.  xxir LISTE DES SOÜSCRIPTEURS. L e y d e. Soufcrit chez Du Saar. M' M- Exempl. Bolderman, (J.) Phil. Stud. . . ,. Pasquier, ancien Pafteur a Maftricht. . j. Middelburg. Soufcrit chez Keel. M. M. Appelius, (L.) . . . . Ié Appelius, (N.) ... ■ f Mad. la Veuve Hurgronje. (P.) . . t. Landsheer. (J. P.) . . . j, Rotterdam. Soufcrit chez D. Vis. M. M. Madlle. Andrez. . . . .2. Beeldemaker. (N.) . .1. Mad. Benion. . '. ' . j. Bikker Caarten. . . I# Mad. Boudec. . . . . 1. Certon, Pafteur. • • • 1. Chaboc. (D.) 2. De Chaufepié, Propofant. . • . 1. Delprat. (M., . ... , x, D'Efcury, ancien Bourguemaitre. . . 2. Du Breuil. CA.) . . . 1. Fauchey. (P.) . . . 2. Geraud, Pafteur. . . . i. Mad. Gevers, née de Groot. . . j. Mad. Groeninx van Zoelen van Ridderkerk, née Cornet. * . . .1.  LISTE DES SOUSCRIPTEURS. xxin M. M. Exempl. Guilhemanfon. . . .2. Hubert, (J-) ancien Echevin. . . • \. Jacob. CSO ... .i. La Regnere, Pere. . . . 1. La Regnere, neveu. . . . j. Le Marchant. (J.) . . . j. Le Marchant. (J. P.) . . . f, Menil. (V.) • 1. Mad. Meyners.' . • . I. Madlle. Moreau. . . I, Mad. Van Berkel, née du Bois. . r Van der Hoeven, (J. A.) ancien Bourguemaitre. 1. Van Hogendorp, J. F.) ancien Bourguemaitre. 1. Van Hoogftraten. (S.) . . it Mad. Vingerhoed. . • >• . 1. Vis, (D.~) Libraire. • • . 1. Voute, Pafteur. . . . . . r, Wilkens. ... , .1, Soufcrit chez P. Holfiein. M. J. Moffel, ancien Confeiller. . . j. Utrecht. Soufcrit chez Wild Altheer. M. M. Chitelain, (J. H.) Pafteur. . . x, Mad. de Cafembrood, née van Weftreenen. j. W. E. Baron de Perponcher, Seigneur de Wolphaartsdyk . • . . 1. Mad. Karffeboom, née Neveu. x Pfling j] Mad. Ja Douairière van de Velde. . j. Mad, van de Velde, née Hartünck. . 1.  xxiv LISTE DES SOUSCRIPTEURS. B E R L I N. M. M. Exempl. Mad. la Reine Douairière de Prufle. . 2. Mgr. le Prince Héréditaire. * . 2. S. A. R. la Princefle. Héréditaire. . - 2. S. A, R. Mad. la Princefle Auguftc de Prufle, 1. Mesd. les Princefles F. & L. Radzvil. 2. Le Comte de Bylandt. • • I? Mad. la Comtefle de Golowkin. . 1. Mad. la Baronne de Munckhaufen. . 1. Le Comte de Winfingroode. . . 2. Mad. la Baronne Diest de Bomberger. 1. Erman, Confeiller. ... 2. Madlle. la Baronne Eflorf. • - • 1. Madlle Guicherit. (A.) • • i> Handel. *• Madlle. la Baronne Heekeren de Keil. . 1. Mad. Humbert. . . . . 1. Mad. Jordan. • ... 1. La Pierre. • • . . 1. L O N P R E S. M. M. Le baron Paflavent Paflcmbourg. • 28. Mad. Cartwrigbt. . • • 3- Sir C. Cottrell Dormar. • • I5'- Sir S. Cottrell. • • 3- * Lady Cottrell. ' 3- L. Faulkner, Efq. • . • • 3- Lord St. Helens. • • • 3- SER-  SERMON SUR LA CONFIANCE. Déchargez tont votre fouci fur Dieu. I PlKRRE V. 7, Mes Freres! Xous les hommes ne fdnt pas alTez méchans pour pécher toujours par inalice & de propos délibéré. Souvent, tres fouvent ils ne péchent que par diftraclion. Tres fouvent le trop grand foin pour lë corps, incompatible avec celui que demande le falut de 1'Ame, ne laiffe ni a leur efprit cette liberté, ni a leur coeur ce repos , & ce gofit qu'exigent 1'étude & la pratique des devoirs de la Religion. Dela cctte tiédeur pour la vertu, cette indifFérence pour le fervice divin. Dela tant de prieres imparfaites, tant de communions infruetueufes4 tant de pieufes réfolutions mal exécutées, Et qui de nous M. F., lorfqu'il en appelle a fon expérience particuliere, n'avouera, ne déplorera avec nous le torc A  2 SERMON qu'ont fait trop fouvent a fon Ame, a fa foi, a fa piété, ces diftraóHons mondaines que caufent les inquiétudes rongeantes pour 1'avenir, pour le fuccès des entreprifes & des affaires temporelles ? Mais puifque ces foins, des-la qu'ils font immodérés, troublent notre repos; puisqu'ils nous ötent, & le tems & le défir de travailler a notre falut d'une maniere convenable, & que d'ailleurs ils nous afllégent & nous emeloppent fi aifément', quoi de plus important que d'apporter a ce mal, fi univerfel & fi funefte, un remède également prompt & efficace ? Quoi de plus intéreflant, de plus propre a faire impreffion, qu'un Difcours deftiné, cómme 1'eft celui-ci, a indiquer aux Cbrétiens une Rejfouree toujours fure dans leurs grandes angoiffes, un Moyen toujours infaillible de faire celTer ces troubles & ces allarmes, quéprouve tout coeur trop inquiet pour les chofes de cette vie. Venez vous tous qui travaillês & chargés du fardeau accablant des foucis terreftres, ne fouhaitez rien tant que d'être foulagés; venez apprendre, par notre texte, & par les réflexions  fur ld CwfiaHièi 3 qu'il nous fourriira, que la voyê la plus courte & la plus füre pour trouver le repos de vos Ames, c'effc de déférer a cette exhortation que St. Pierre nous y adreiTe : Déchargez tout votre foud fur Dieu. Lecon importante pour tous les Chrétiensj quij au lieu de laiffer prendre fur eux trop d'empire aux inquiétudes pour leurs affaires temporelles, doivent fe repofer fur Dieu du foin & du fucces de ces chofes j auxquelles töute leur vigilahce ne fauroit fuffire. Précepte dont vous fentirez* je m'alTure M; F.j toute 1'importance & 1'utilité, lorfque * dans les trois Parties de ce DifcourSj nous en aurons fixé le vrai fens, établi la néceffité d'y déférer, & indiqué les moyens qui peuvent en faciliter la pratique. Tel eft notre deffein. Dieu veuille le bénir! Soins du monde dis^ paroiiTez * ceffez au moins dans ce Tempte de nous diftraire ! Mais vous, foins de plaire a Dieu & de veiller a notre falut * venez prendre leur place * venez tenir le principal lieu dans nos cceurs! C'eft le but de ce Difcours. Dieu veuille que r/en foit le fuccès! Amen.* A a  4 SERMON I. P A R T I E. Pour bien entrer dans 3e fens & le bue de notre texte, il iraporte que nous commencions par déterminer la Nature & YObjet de ces foins que St. Pierre défigne par le terme de fouci, & dont il nous ordonne de nous décharger fur Dieu. L'on ne pourroit en efFet fe former des idéés plus faufles de la penfée de 1'Apötre, & en général de toute la Morale Evangélique, quen s'imaginant que toutes fortes de foins foient interdites aux Chrétiens. Outre que c'efi le propre de notre Ame d'être aétive dans 1'exercice de fes facultés, de fe propofer un objet, de pourfuivre un delTein auquel elle donne fon attention , qui occupe fes penfées, fait la matiere de fes défirs ou de fes craintes: outre, dis-je, qu'il faudroit ceffer d'être, pour celTcr d'avoir quelque foin que ce foit; l'on ne fauroit ignorer, pour peu que l'on ait lu nos Saintes Ecritures, que s'il y a des foins défendus, il y a auffi des foins trés permis & même exprelTément ordonnés. Tels font ceux qui ont pour objet le  fur la Confiance. 5 raoyen de plaire a Dieu, & de travaiiler a notre falut. Le Chrétien ne fauroit porter trop Join fes précautions & fes foins, pour Êërtir une conduite agréable aux yeux de Dieu & falutaire a fon Ame. A eet égard loin de pouvoir décharger tout notre fouci fur Dieu, chacun de nous excité & conduït par 1'Efprit fanétifiant, doit porter fon propre fardeau. Par ce que nous. avons dit jufqu'ici, il eft clair que dans 1'Evangile, & en particulier dans notre texte, ne font donc condamnés que les foins temporels. Mais ces derniers encore font-ils défendus fans aucune reftriétion ? L'on ne fauroit le foutenir M. F., fans autorifer & fomenter la molleffe & 1'oifiveté, fource empoifonnée de plufieurs crimes. Si c'étoit- la la penfée de FApötre, elle ne tendroit qu'a la ruine de la Société, & de chacun des membres qui la compofent. Qu'arriveroit-il en effet, fi chacun fe laiffant aller a une indolence parelTeufe, a une infenfibilité llupide , attendoit, avec une confiance morte, de la part de Dieu ce qui lui eft: néceffaire pour la vie & pour la fanté? A 3  6 SERMON Bientöt fans doute chacun, devenant 1'ar-. (ifan de fa propre perte, entraineroit avec elle celle de la Société. Non, la Religion permet, difons plus, elle nous ordonne d'avoir un foin modéré de nos corps, de la nourriture & du vêtement. La bénédifton du Ciel & notre travail, loin d'être jncompatibles font infeparables, Dieu, dans le cours ordinaire de les dilpenfations, n'accorde fes graces qu'a ceux qui employent les moyens delïinés a les obprov. vi. tenir, Salomon confond le parefTeux par Aheir 1'exemple de la fourmi. St. Paul ordonne jU» 19? (}e refufer la nourriture a celui qui refufe 3 firn. V- §. de travailler, & déclare pke qiiun infidèle celui qui na pas foin des fiens, £? principalement de ceux de fa familie. Combien donc n'eft pas blamable & peu fenfée la conduite de ces fainéans, qui, pour croupir dans une inaction totale, fe repofent fur Dieu de tous les foins de la vie; fous ombre qu'ils le reconnoilTent pour un Etre parfaitement mflr-uit de leurs befoins, infiniment bon, & puiflantpour y fubvenir. Croireune Providence, & ne pas la tenter, pi par notre parefte, ni par nos murrnures,  fur la Confiance. 7 ni par notre témérité, voilé le parti le plus fur & Ie plus fage que puilTe prendre un vrai Chrétien. La Religion encore nous permet, elle nous ordonne même, de redoubler nos foins dans certains inftans critiques, oü 1'état & 1'églife , oü nos maifons, nos families & nos perfonnes femblent être menacés de quelque fubite calamité. Rien n'étoit plus jufte que la précaution que prenoient David, Jéfus-Chrift, & fes Difciples de fuir d'une ville a fautre, lorfqu'ils étoient perfécutés. Rien n'étoit plus jufte que la prévoyance qu'avoient Jacob & Jofeph de munir d'abondantes provifions leur Familie & leur Païs, lorfqu'ils voyoient approcher les fept années de famine. Tous ces foins & d'autres du même genre, dèsla qu'ils ne franchiffent pas les bornes d'une fage prévoyance, & d'une humble foumifllon a la volonté divine, ne peuvent être ni incompatibles avec les devoirs du Chrétien, ni par cela-même défendus dans 1'Evangile. Mais quels font donc les foins, les foucis que 1'Evangile condamne, & que A 4  5 S E R M O N St. Pierre a furtout en vue dans notre texte ? Les voici en deux mots, M. F. ! Ce font ces fonds criminels qui ont pour principe 1'avidité, Pinquiétude, la défiance de 1'autorité & des bontés infinies de Dieu. Ce font ces foucis, ces inquiétudes qui trop fouvent portent ceux qui s'y abandonnent è employer «Je< moyens illicites pour fe procurer les chofes néeeflaires a la vie. Ce font ces inquiétudes outrées, ces foucis rongeans, qui ont pour caufe un attachement exceflïf au monde; - qui, comme un fardeau accablent, abaüTent 1'efprit vers la terre, tiennent Ie coeur ferré & preffé; contribuent, fi nous ofons nous exprimer ainfi, a engourdir les facuités de 1'Ame, 6 a les rendre incapables de s'élever aux chofes fpirituelles: en forte que tout homme qui gémit fous leur poids eft en droit de dire de fes foucis ce que David rwiiï.;.*lifoit de fes péchés: m ont furmmtés ma '~'tête, 6? fe font appefantis comme ttnpefant fardeau au dela de mes forces. Des foins de eet ordre qui, loin de fe refferrer dans ïes juftes bornes du préfent & du néceflaire, p'étendent iufqu'au fuperflu & a un avenir?  fur la Confiance. y fbuvent auffi éloigné qu'incertain, font précifément cette charge que St. Pierre nous confeille, nous exhorte de dêcharger fur Dieu. Elle vous regarde donc plus particulierement cette exhortation, vous, qui oubliant que les chofes cachêes font pour VEternel, portez un regard curieux jusques dans 1'avenir, & prétendez découvrir les defleins de la Providence fur ce qui vous concerne! Vous, qui cherchez dans de fitnples apparences, dans de pures poffibilités des fujets certains de crainte & de fouci! Vous, qui des chofes les plus naturelles vous plaifez a tirer des conféquences facheufes; dont le caraclere fombre & inquiet fait envifager les événemensprochains fous les plus lugubres couleurs, & lire dans 1'avenir les plus fmiftres cataftrophes! Vous, qui vous rendez aétuellement malheureux a force de nourrir 1'idée que par quelque accident polfible vous pourrez Ie devenir un jour! Vous, qui au fein même de 1'abondance, n'ofez toucher a vos tréfors , & refufez durement d'en faire part a vos freres néceffiteux, par la feule A 5  io SERMON appréhenfion de pouvoir peut-être vousmêmes manquer un jour du néceffaire! Vous enfin, qui, oubliant que vous avez dans le Ciel un Père tendre qui veille pour fes enfans, & qui eft plein de bonté envers vous, demandez fans ceffe: que mangcrons nous, que boirons nous, de quoi fer ons nous yêtus? & qui, plus attachés aux biens temporels qu'aux biens fpirituels, négligez ceux-ci pour ne penfer qu'a vous procurer ceux-la! L'Apötre veut que vous bannifliez de votre efprit toutes ces inquiétudes , & d'autres de cette nature, & que, fans négliger les moyens qu'une fage prévoyance & une prudence éclairée dicte pour vous préparer, vous alTurer un avenir heureux & agréable, vous attendiez avec patience que le décrel de Dieu enfante, vous acquiefciez humblement aux ordres de la Providence, vous vous foumettiez avec réfignation a tout ce que 1'Arbitre Suprème de vos deftinées jugera a propos de régler a votre égard. - Déchargez tout votre fouci fur Dieu. Tel eft, M. F., le fens de cette exhortation. Exhortation falutaire fans doute, & a laquelle toutes  fur la Confiance. 11 lortes de Raifons doivent nous porter a déférer, C'eft a vous les expofer en détail que nous avons deftiné notre Seconde Partie. II. P A R T I E, A la tête des Motifs qui doivent nous engager a dècharger tout notre fouci fur Dieu, nous pla?ons celui que St. Pierre lui-mêine employé lorfqu'il ajoute, car Dieu a foin de vous. Vérité qui, une fois reconnue, doit nous porter a en con^ dure, que de fe lailTer aller après cela encore a des foucis immodérés, a des inquiétudes exceffives pour 1'avenir, c'eft faire injure a 1'Etre Suprème, ufurper fes droits, outrager fa Providence, Que Dieu prenne foin de fes créatures, & particulierement des hommes fes enfans; c'eft ce que la raifon enfeigne, & ce que 1'Ecriture confirme. Quand la première ne nous diroit pas que Dieu , avec une parfaite connoiffance de tous nos befoins, a, non feulement le pouvoir, mais encore la volonté d'y fubvenir; eet Etre Suprème nous dortne lui-même dans fa Parole,  ia SERMON tant par les déclarations les plus expreffes, que par les exemples les plus illuftres, au tant de garands certains qu'?7 ne sefi jamais laij/'é fur ce fujet fans témoignage, Nous n'avons pas delTein M. F. d'en dé* tailler au long les preuves. Ce font-la de ces vérités que l'on eft en droit de fuppofer connues, furtout lorfqu'on porte la parole a un auditoire Chrétien. Plut a Dieu feulement, ceux qui font profeflion de les croire & de les admettre comme certaines, le prouvaffent - ils par leur conduite ! Mais je le demande; ne démentent, ne renverfent-iis pas leur foi par leurs osuvres, ces Chrétiens qui, reconnoiffant im Dieu & une Providence, refufènt néanmoins de dêcharger tout leur foucïfur lui? Que jadis ceux d'entre les Payens, qui croyoient la confervation & le gouvernement des créatures indignes de la Majefté du Créateur, ayent été la proye de tout ce que les foucis de la vie ont dè plus cruel & de plus accablant; que même de nos jours les Libertins & les Déiftes d'un certain ordre, qui, contens de croire 1'exiftence d'un Etre Suprème, nient fa  fur la Confiance. 13 Providence; puiiTent, dans certains momens de la vie, en venir a eet excés d'inquiétudes & d'allarmes, qu'encore qu'ils ne foient pas fans Dieu au monde, ils femblent y être fans efpérance: il n'y a rien la d'étonnant. Mais que des Chrétiens qui font profeffion de reconnoitre la bonté, la fageffe, Ja puiiTance de Dieu & d'admettre fa Providence, que ceux-la foyent égalenient agités. & troublés par leurs foucis temporels , c'eft la une de ces contradictions de 1'efprit humain qui paroiffent inexplicables. S'il eft vrai en efFet que Dieu prenne foin de toutes fes Créatures, qu'il n'arrive rien, & qu'aucun mal ne peut nous approcher fans fa permilfion, qu'il dirige toutes chofes felon fon bon plaifir & pour le plus grand bien de fes enfans,- fi nous fommes bien perfuadés de tout cela, quelle contradiclion n'eft-ce point de nous inquiéter exceffivement fur ce qui doit, ou peut nous arriver? N'eftce pas la une défiance criminelle de la Providence ; & ne vaudroit - il pas autant dire que Dieu n'eft pas en état de nous aider dans le befoin, ou qu'il n'a pas la volonté  i4 SERMON de le faire? Mais aiTurés du contraireï perfuadés que Dieu joint, comme nous 1'avons déja dit * a une connoilTance par- faite dé touö nos befoins le pouvoir & la volonté d'y fubvenir, quelle plus grande fureté pourrions-nous défirer que de nous favoir fous la proteétion d'une fagelTe & d'une bonté infinie P D'ailleurs, environnés fans ceiTe de mille preuves de cette bonté, que Dieu étend non feulement fur nous, mais encore fur tant d'autres Créatures moins excellentes que nous; cette confi- dération ne doit-elle pas nous porter a conclure qu'il ne nous abandonnera point, & que d'une maniere ou d'autre fa Gra- tuité nous foutiendra ? Oui fans' doute M. F., & c'eft a nous le faire comprendre que tend ce Vaifonnement du Sauveur* lorfqu'il voulut inculquer a fes auditeurs Matt.vi. ie devoir que nous prêchons. Ne vous 25,26. . ... „ mettez pomt, leur dit-il, ne vous mettez point en fouci pour votre vie de ce que vous mangerez 6? de ce que vous boirez; ni pour votre corps de quoi vous ferez vêtus; la vie rfefl - elle pas plus que la nourriture, £j? k corps plus que le yêtemmt ?  fur la Confiance. 15 Conjidérez les oifeaux du Ciel; car ils ne jhnent, ni ne moiffonnent, ni nafemblent dans des grêniers, cependant votre Pere cèlefle les nourrit; n'êtes vous pas beaucoup plus excellens qu'eux? Raifonnement fimple, mais trés concluant, M. F.! Si 1'Etre Suprème nous a donné la yie, le mouvement SP F être, pourrions nous douter,lans outrager fes augufles perfeélions, que celui qui nous accorde un auifi grand bien que 1'exiftence, ne nous accorde aufli ce . qui eft moins confidérable, favoir tout ce qui nous eft: abfolument néceiTaire pour notre vie & notre bien-être ? Et s'il prend continuellement foin de créatures moins excellentes que nous, des oifeaux de 1'air, & des bêtes des champs, donnant a chacun Pr. civ. la nourriture en leur tems, ouvrant fa main *7>2ii£f les raffaftant de biens, pourrions - nous croire qu'il négligera 1'homme, le centre de fes bénédiétions, le chef d'ceuvre de fes mains, qu'il ne daignera pas faire attention a nous, qui fommes des êtres beaucoup plus excellens; a nous qu'il a formés capables de le connoitre & de 1'aimer, qu'il a ornés des plus nobles facul-  16 SERMON tés, pour le falut defquels il a livré a ia mort fon Fils unique & Bien-aiméj qu'il élève enfin a 1'efpérance de 1'immortalité & de la gloire ? Quelle impiété de le croire, d'ofer feulement le foupfonner! mais aulïï quelle impiété, lorfque nous avons tant de raifons de nous confierenl'Eterneli de lui témoigner notre défiance par des foucis immodérés! II y en a d'autant plus, M. F., que par - la nous entreprenons en quelque forte fur les droits de Dieu; qui feul étant inftruit de 1'avenir doit feul avoir le droit de le déclarer a fon gré, & d'éxécuter fon bon plaifir : tandis qu'il eft de notre devoir d'attendre avec foumiiïïon que fa volonté s'explique. Vouloir favoir d'avance le Confeil de Dieu & connoitre la penfée du Seigneur, c'eft prétendre orgueilleufement a des chofes qui font au delTus de notre portée, & qu'il appartient a Dieu feul de connoitre; c'eft méconnoïtre le charitable delTein que Dieu a fur nous, en nous cachant ce qui doit nous arriver un jour: favoir d'alTurer par - la notre repos & notre tranquillité. Repos, tranquillité, qui fe- roient  fur ld Confiance* 17 toient mdubkabJement troublés; li, pour fatisfaire des voeux indifcrets & d'orgueilleux défirs, Dieu levoit a nos yeux le voile qui nous dérobe la eonnoilTance de 1'avenir,, Laifiaiit donc ces chofes cachées a F Eter" nel: nous repofant fur fa bonté du foin d'expliquer a nötre égard fa volonté de la maniere qü'il jugera nous être la plus falütaire; gardons-nous par de coupables foucis d'ufurper fes droits, & de lui ravir une autorité qu'il n'exerce que pour notre plus grand bien. Ah! plutöt puifque nous reconnoiffons un Dieu, qui, foutenant toutes chofes par fa parole puiffante, ne ceiTe de veiller & de pourvoir aUx befoins de fes Créatures, & prend un foin tout particulier des hommes fes enfans; remettonsnous a eet être, iniiniment plus fage & plus puilfant que nous, de tout ce qüi pourroit nöus arriver: Déchargeons tout notre fouci fur lui, puifqull a pin de nous. Oui! ces foins, ces tendres foins qui furpalTent de beaucoup, & en étehdue & en efficace, ceux que peuvent nous fuggérer notre amour-propre, notre mécontemene B  i8 SERMON ou notre défiance, doivent nous rafllirer dans ces inftans même qui femblent demander un redoublement d'inquiétudes, & nous mettre a la bouche ce langage plein de confiance que tint le Pere des croyans, dans une des circonftances les plus accablantes de fa vie: U Eternel y pourvoira. II. Un fecond motif qui doit nous porter a être en garde contre les foucis immodérés, c'efl qu'ils font Je plus fouvent mutiles. A Ia bonne heure que l'on fe mit en fouci pour le lendemain, fi l'on pouvoit fe flatter que ces inquiétudes que l'on fe donne pour 1'avenir, ces mefures que l'on prend pour éloigner les malheurs dont on fe croit menacé, produiront 1'effet défiré. Mais fur quoi fondé peuton fe le promettre? Quelle multitude infinie d'accidens peuvent arriver qu'il eft impoffible a 1'homme de prévoir ! Que de dangers inconnus nous environnent, & nous menacent fans celTe! Prévoyezen cinquante, contre lefquels vous aurez foin de vous munir; mille au tres , qui vous font inconnus, renverferont toutes vos mefures, & les rendront inuti-  fur Ia Confiance. 19 les. Si les chofes du monde fuivoient toujours un même cours» enforte que l'on put furement conclure de ce qui eft arrivé autrefois, que la même chofe aura lieu dans la fai te, il feroit raifonnable & utile de prendre fes précautions d'avance. Que dis-je? il y auroit de 1'impmdence & du crime a ne pas mettre ces connoilTances a profit, & a n'en pas tirer avantage. Mais hélas! les événemens de la vie font fi incertains: ils dépendent de tant de refforts fecrets : ils font liés a tant de mouvemens cachés, & que toute notre pénétration ne fauroit appercevoir : ils arrivent fouvent d'une maniere fi contraire aux idees que l'on s'en étoit formé, ll oppofée aux régies ordinaires, qu'en vain voudroit-on effayer d'en tracer d'avance le plan. Et i'expérienee ne nous apprend-elle pas tous les jours, que le plus léger' changement de circonftances, auquel nous n'avions aucune raifon de nous attendre, vient rompre tout a coup les mefures qui nous avoient conté le plus de veilles & de travaux ? Que d'événemens imprévus n'ont pas déja trompé nos» efpéB 2  ao SERMON rances, ou réfuté nos craintes P Que de projets concus, diroit-on, avec fagefle & heureufement entrepris > ont été déconcertés & renverfés par une main invifible? Combien de gens, parvenus aujourd'hui a un ceitain dégré d'élévation, qui auroient du, ce femble, vivre toujours dans 1'obfcurité ? Combien d'autres réduits a la condition la plus médiocre, qui autrefois jouiflbient d'uue fortune éclatante ? Combien qui ne doivent leur élévation qu'a une combi-* naifon de circonftances quils n'euflènt jamais pu prévoir, & qui furpafle encore leur compréhenfion ? Combien qui ont échappé a des dangers éminens, & qu'ils croyoient inévitables, par un concours d'accidens auffi heureux qu'inattendus ? Telle circonftance, qui fait quelquefois le bonheur de 1'un, ne devient-elle pas fouvent en même tems le principe du malheur d'un autre ? Tous les jours mille & mille exemples ne juftifient-iis pas cette fentence Ecci.ixn.de Salomon? Je me fuis toumé, & fai vu fous le foleil que la courfe riefl point aux légers, ni aux forts la bataille, ni aux f iges te pain, ni aux prudens les riche(fes, ni la  fur la Confiance. 21 gr ace aux favans; mais que le tems & ïoccafion décide de ce qui arrivé a tous. Après cela M.( F.! dans cette incertitude oü nous fommes de ce qui peut nous arriver un jour , & de ce que Dieu a déterminé par rapport a nous; s'agiter fans ceffe par des foucis immodérés & qui ne fauroient rien changer a fes deffeins; n'eft-ce pas la véritablement fe travaüler pour nêant & fans fruit1? Mais je veux fuppofer encore que ces mefures que l'on prend pour 1'avenir foient bien prifes, & que les chofes arriveront comme on 1'a prévu; quelle aiTurance avons-nous que nous ferons a même d'en voir l'eftet? Ne pouvons-nous pas chaque jour être retranchês de la terre des vivansl Pourquoi donc nous inquiéterdece qui eft fi incertain ? Pourquoi notre vie d'ellemême 11 courte, la rendre encore défagréable par des foucis inutiles? A quoi bon nous donner tous ces foins & tous ces mouvemens pour un tems éloigné, & que nous. ne fommes pas fürs de voir? Le /m-Matt.vï34. demahiy dit Jéfus-Chrift, le lendemain prendra fob de ce qui le regarde: ci chaque jour R 3  22 SERMON fuffit fa peine. Si le lendemam arrivé, fi eet avenir devient préfent pour nous, il aménera avec lui les réflexions néceflaires. Jufques - la; a quoi fert-il de fe tourmenter avant le tems: de fubftituer a un mal futur, peut-être imaginaire, un mal préfent & réel : & de fouffrir mille fois en idéé ce que l'on ne fera obligé d'endurer qu'une fois en effet? Que fi ce lendemain ne fe préfente pas pour nous, nos craintes & nos inquiétudes anticipées ne font-elles pas, dans toute la force du terme, une yanitè & un rongement d'efpritl III. Enfin M. F.! ce qui doit nous empêcher de nous y livrer immodérément, & nous porter au contraire a pratiquer la lecon de notre texte; c'eft que ces foucis, dont nous parions, ne font pas feulement inutiles en eux-mêmes, mais encore nuifibles a notre repos & a notre bonheur, Quoique l'on ne puifie difconvenir que la vie, & fur-tout celle du fidéle, ne foit d'ordinaire traveriee de divers chagrins, qui rendent ce monde a plufieurs égards une vallée de larmes 6? de miféres; cependant, (Sc graces en foient rencues a la  fur la Confiance. 23 bonté infinie de Dieu!) mille & mille agrémens peuvent nous rendre cette vie toujours douce, & nous en faire aimerjufqu'au dernier foupir. Et qucl fujet n'aurionsnous pas de croire, permettez, M. F.! cette expreffion, de croire la Divinité un être cruel & barbare, fi elle ne nous avoit piacés fur la terre qu'afin que tout y concourut a nous y rendre mifcrables? Mais je le demande: chacun de nous n'eft-il pas a foi-même eet être cruel & barbare; lorfque, par des foins fans fruit & hors de iaifon, il empoifonne les plus doux momens de fon exiftence: lorfque, aux maux inféparables de 1'homme & du chrétien, il a le funefte fecret d'ajouter encore ceux qui n'exiftent que dans un avenir incertain (k dans une imagination effrayée ? A quoi nboutilTent en effet ces inquiétudes excesfives, ces foucis immodérés, qu'a rendre ceux qui s'y abandonnent, fombres, chagrins, mélancholiques, triftes, incapables de jouir du préfent avecplaifir? Tel, béni du ciel, dans fes biens, dans fes poiTesfions, dans fa familie, pourroit couler des jours heureux, qui, par fes foucis B 4  24 SERMON pour 1'avenir, par ces appréhenfions chi? mériques, y répand 1'amertume & le chagrin. Tel autre, moins aifé peut - être, mais qui dans fa médiocrité pourroit vivre heureux & content, fe rend malheureux par des craintes déplacées de manquer un jour du nécelTaire. Ainfi, cruels a euxmêmes, ils fe plaifent I'un & 1'autre a réalifer des chimères; & font que leur vie, qui déja fe diffipe comme une vapeur, n'elt encore pour eux, a la lettre, que facherie 6? que Uurment* Et que dirai-je du préjudice infaillible que portent a notre falut ces foins terreftres, que ni Ja raifon ni la Religion ne fauroient modérer ? Combien de fois, lorfqu'ils font portés a 1'excès, ne deviennent-ils pas la fource d'une infinité de vices, de péchés, de défordres: foit en . produifant une infatiable avarice: foit en fuggérant des moyens illicites pour fe garantir de ce que l'on craint: foit en rendant nos prieres inutiles, nos communions infrudueufes, nos meilleures réfolutions fans effetf é\ ne mettent-ils pas ainfi 1'homme hors d'état de penfer a Dieu  fur la Confiance. s$ & de s'acquiter comme il convient des devoirs que la Religion impofe ? O que 3a condition de celui qui fait pos* fèder fon ame par la patience, &qui, attendant paifiblement que le décret de Dieu enfante, décharge tout fon fouci fur lui, eft: bien différente & plus heureufe, M. F.! envifageant la fituation oü il fe trouve comme ordonnée par une Providence toujours fage, il s'en remet a cette même Providence de ce qui peut lui arriver dans la fuite. Laijfant au lendemain d'ayoir foin de ce qui le regarde, il ne trouble point par des réflexions anticipées , mais triftes, le calme dont il jouit aétuellement. Ignorant combien il fera encore fur la terre, il ne fe tourmente pas avant le tems; & ne comptant que fur le moment préfent, il en jouit avec gratitude, fans le rendre amer par de funeftes préfages. Servant Dieu comme un Pere & un Pere qu'il fait qui ne délailTera jamais fes enfans dans le belbin, il goüte les avantages qu'il en recoit avec fatisfaction, & ne permet pas a une prévoyance chagrine d'en altérer les douceurs. Condition heureufe , & qui fait de B 5  26 SERMON cette valUe de larmes £? de miféres un féjour agréable, un vrai Paradis anticipé ! Difpofition d'efprit, qui eft fans contredit la plus grande bénédiftion que Dieu puilTe accorder ici-bas aux mortels, puisqu'elle les met a même de mieux goüter toutes les autres! Si donc, M. F.! fi notre repos nous tient a cosur; fi notre bonheur nous eft cher: Déchargeons tout notre foucifur Dieu. Et que des efprits, depuis long-tems accoutumés a charger euxmêmes le fardeau de leurs foucis inquiets, ne nous difent point qu'un tel précepte eft plus aifé a prefcrire qu'a pratiquer. II eft plus d'un moyen qui en facilité la pratique, & que nous conjurons ces Chrétiens, trop efclaves des foins terreftres, de vouloir bien pefer avec attention, pour les employer avec ïuccès. Nous allons les indiquer & terminer par-la ce Difcours. m. PARTIE et CONCLUSION. I. Pour réulïïr dans la pratique du devoir, dont nous venons d'expofcr la Nature, & de prouver la Nécejffité; com-  fur la Confiance. 27 mencons, M.F.l par étudier les perfeclions de Dieu. D'oü vient en effet cette perplexité, cette épouvante qui nous trouble, a 1'idée du moindre revers qui peut nous arriver, & qui produit en nous ces inquiétudes que St. Pierre condamne ? C'eft que, malgré les nobles, les fublimes idéés que donne 1'Evangile, des attributs de Dieu, ou l'on s'en forme de faufles & d'imparfaites, ou l'on en perd le fouvenir. VToulez-vous donc gens inquiets & de petitefoi! voulez-vous avoir 1'ame toujours tranquille ? voulez-vous bannir de vos c(Burs ces foucis qui vous rendent la vie 11 amere? méditez fans celle, ayez continuellement préfentes a 1'efprit cette Providence de Dieu qui vous eft une muraille de feu B $airain: cette infinie fagelTe pour vous diriger: cette infinie puilïance pour vous défendre: cette infinie bonté pour vousconfoler: cette infinie véracité pour ne pas tromper votre attente: cette infinie miféricorde en Jéfus-Chrift pour vous fauver a plein. Et des - la que vous n'aimerez rien tant que de penfer a Dieu; que de vous convaincre de plus en plus qu'il Veut votre bien, vous  28 SERMON n'aimerez plus rien tant que de vous confier en Dieu, que de dêcharger tout votre fouci fur lui. II. Un fecond Moyen qui peut nous aider dans la pratique de ce devoir, c'efl d'avoir Fefprit content. L'on ne fe confume le plus fouvent en foucis & en défirs, que paree que mécontent de fon état, l'on s'efforce toujours de le rendre meilleur. Dela ces jaloufies qui tourmentent l'efprit & déchirent le creur a la vue de la profpérité plus riante de fes femblables. Dela ces comparaifons peu juftes qu'on fait de fa condition, non avec celle de tant d'autres moins heureux, mais avec le brillant éclat qui environne les plus fortunés. Ah! que l'on s'épargneroit de chagrins & de troubles, fi l'on favoit fe bomer, & que, felon la lecon de St. Paul, l'on riaffeclat point des chofes hautes £5? trop relevées, mais qu'on put s'accommoder aux chofes baffes & humbles. Ah! il, comme eet Apótre, nous étions toujours formés au grand art d'être contens des chofes felon que nous nous trouvons; bien tot celTeroient ces murmures audacieux qui  fur ta Confiance. 29 trop fouvent nous échappent; bientöt prendroient fin tant de foucis rongeans, mais inutiles, dont, par un étrange travers , nous aimons a nous furcharger. Alors, foit que r Et er nel nous donndt, foit que l'Eternel nous otdt ce qui peut nous être le plus cher, nous bënirions le mm de ïEternel. Alors, préparés a tout événement, a la pauvreté comme a 1'abondance, a la douleur de même qu'au plaifir, a 1'abaiflement aufli-bien qu'a Félévation, nous recevrions de F Eternel les biens £5? les maux avec une foumiifion, une férénité, une tranquillité d'ame toujours égale. Soyons donc contens des chofes que nous avons préfente- H^b.xiu. ment; puifqu'avec cette difpofition d'efprit, 5" qui jointe a la piété efl un grand gain, chacun de nous, libre de tout foin trop inquiétant, ufant du bien au jour du bien, au jour de ïadverfitè y prenant garde, déchargera tout fon fouci fur Dieu. III. La priere eft un troifieme moyen non moins propre a produire eet effet. S'il n'appartient qua Dieu de connoitre nos befoins, d'y fubvenir, & de nous décharger par la des foucis qu'ils nous ont  30 SERMON caufés; c'eft a nous d'exprimer par nos prieres le vif fentiment que nous avons de notre entiere dépendance & de la nécesfité de fon fecours. Cette reflburce, également douce & füre, qui refte aux Chrétiens pour fe délivrer de leurs plus grandes inquiétudes, St. Paul lui-même la leur indique dans fon Epitre aux Philippiens: Phii. iv. c. ne vous inquiëtez de rien, leur dit-il, mais en toutes chofes pref ent ez vos demandes d Dieu par des prieres & par des fupplications. Par la priere, le fidele, feul avec fon Dieu, lui expofe le fujet des foins qui le rongent & des chagrins dont il a le coeur navré. Par la priere, il parvient en quelque maniere a raccomplilTement de eet ardent fouhait que formoit le faint - homme job Job: O fi Vhomme raifonnoit avec Dieu, xvi. 21. comme m homme raifonne avec fon intime amil Avec un intime ami, l'on ne tarde point & l'on ne rifque rien a décharger fon cosur. Avec un intime ami, nous nous entretenons en toute liberté des befoins qui nous preffent, des maux qui nous menacent, des deffeins qui nous occupent. Mais avec un intime ami, l'on n'eft pas toujour?  fur la Confiance. 31 fur de trouver le fecours & le foulagement nécelTaire. Souvent le changement de notre 1 état change fes difpolltions a notre égard. ' Souvent dans nos infortunes il devient un confolateur facheux. Et lorfque fon amitié eft a toute épreuve, fouvent la puiffance n'eft pas en lui égale a la volonté. Souvent , malgré fes meilleures intentions, les moyens de nous fecourir lui manquent: il ■ne fauroit öter la charge qui nous péfe & nous accable. Au lieu que par des prieres, adrefTées a Dieu avec les conditions requi- ; fes, nous avons les raifons les plus fortes d'être affurés qu'il nous exaucera, qu'il aura foin de nous, & qu'il nous aideradans le tems opportun: aflurance, perfuafion qui doit nous engager naturellejment a rejetter notre charge fur V Et er nel, d décharger tout notre fouci fur lui. IV. Enfin M. F.! détachons nos cceurs : de la terre, & penfons a l'Eternité. Tant que nos cceurs feront attachés au monde, tant que nous y placerons notre fouverain : bien; il eft naturel que nous nous totirmentions a nous le procurer ici-bas. Mais m nous nous occupions moins des chofes  3s SERMON yifibles qui ne font que pour un tems: li nous confidérions plus fouvent que nous rfavons point ici-bas de citê permanente ; que la vie paffe comme une ombre, & que fi nous fubfiftons aujourd'hui, peut-être demain nous ne ferons plus. Comprenant alors que, quelque félicité que le monde puiffe procurer, elle eft toujours inconftante, paffagere; nous comprendrions auffi la folie qu'ii y a de donner a fa recherche des foins exceffifs. Et fi nous penfions fur-tout plus fréquemment a YEternité, a cette oeconomie qui fuit le tems, a ce grand jour des rétributions, lequel s'il nous trouvoit occupés a tout autre foin qu'a celui de notre falut nous plongeroit dans les derniers malheurs; fi, dis-je, cette penfée occupoit & rempliffoit nos efprits autant qu'elle le mérite; n'en doutons pas, celles de la terre ne nous cauferoient plus, ni foin illégitime, ni trouble inquiétant: mais en nous rendant plus attentifs a la voix du Sauveur, nous prendrions garde a nous-mêmes, de peur que nos coeurs nefoient appefantis par les foucis de cette vie, £? que ce jour-ld ne nous furprenne fubitement. O  fur la Confiance. 33 O vous donc qui comme amant de Démas aimez ce prêfent fiecle; qui n'avez d'ajfeclion que pour les chofes de la terre; qui donncz a la recherche d'une félicité terreflre, quelquefois imaginaire , fouvent nuifible, & toujours inconftante, toute fapplication de votre efprit, tout 1'attachement de votre coeur; mais qui voudriez qu'un bonheur parfait dans fa nature , éternel dans fa durée & toujours varié dans fes délices, fut prodigué a vos fouhaits languiffans & ftériles: détrompezvous enfin d'une illufion qui pourroit vous devenir a jamais funefte. Cherchez prémierement, & préférablement a tout, le Royaume de Dieu & fajufiice, toutes les autres chofes moins importantes vous fer ont données par dejfüs. Comprenez que vous nétes guères bien difpofés pour le Royaume des Cieux, lorfque mettant la main a la charme, vos foucis terreftres vous appellent, vous forcent a regarder en arriere. Que de plus nobles fentimens vous animent! Que de plus juftes foins vous occupent! Cefiez de prendre pour un avenir, que peut-être vous ne verrez jamais, des précautions C  34 SERMON pénibles & infru&uaufes. II y a un avenir certain, un avenir indubitable, infiniment plus digne de toute votre attention & de vos foins les plus emprefles. Cet avenir eelt FEternité. Ayez-la fouvent ? préfente a 1'efprit: & bientöt libres de tout fouci inquiétant, rejetant tout fardeau £«? le pêché qui vous enveloppe fi aifément, yous pourfuivrez avec confiance la courfe qui vous efi propofée. Pour vous, ames fidèles! qui, au lieu de vous inquiêter & de vous iravailler de beaucoup de chofes, penfez toujours a la feule nécejfaire; que votre fort eft heureux! que votre choix eft fage! que votre bonheur eft digne d'envie! Seulement donnez le premier, le principal de vos foins a cette bonne part qui ne vous fera jamais otée. Soyez de plus en plus perfuadés, que craindre Dieu ê? garder fes commandemens, c'eflla le tout de Fhomme: que c'eft - la fon occupation la plus importante, paree que • c'eft par la qu'il s'alTure le plus néceflaire, le plus parfait de tous les biens. Animés fans cefTe de ces pieux fentimens; ayez, quelqu'améres que foient vos difgraces  fur la Confiance. 35 dans Ia vie, ayez toujours préfentes è, fcfprit & gravées dans le coeur, ces paróles fi confolantes» dorit fe fervoit le RoiProphete dans fes plus grandes angoiflès: mon ome pourquoi fabas-tu ? Pourquoi frémis- Pf.XLiii.5* tu au dedans de moi? Atten-toi a l'Eternel, car je le célébrerai encore. II eft la dèlivrance de mon n'egard, & mon Dieu. Rejéte ia charge fur 1'Eternel, & il te foulagera. pr-LV'a3' Oui il vous foulagera i il aura foin de vous, dans les néceffités1 qui vous preflènt, dans les maladies qui vous accablent, dans les outrages qui vous oppritnent, dans les pertes que vous craignez ou que vous pleurez, dans tous vos divers befoins. // vous foulagera 4 il aura foin de vous, finon par une promte iflue de vos épreuves, du moins par les fecours néceffaires pour les fupporter. II vous foulagera, il aura foin de vous, en vous accordant la patience par laquelle Vous puiffiez poffèder vos ames. 11 vous foulagera, il aura foin de vous i en répandant fa dile&ion dans vos cceurs par le Si-Efpfit, & en vous foutenant par 1'efpérance de pofiëder bientöt cette gloire fouverainement excelknte, contre C 3  36 SERMON le poids de laquelle toutes les foujfranccs du tems pré/ent ne peuyent être balamèes: jufqu'a ce qu'enfin il vous déliyre de toute mauvaife oeuvre, ê? vous fauye dans fon Royaume Cèlefle, oü toutes larmes fer ont ejfuyées de vos yeux, & oü aucune inquiétude ne viendra plus troubler ce repos qui refle pour le Peuple de Dieu, ces plaifirs qui font d fa droite pour jamais. Puiflions - nous être tous de ce nombre! Dieu nous en faffe la grace, Amen! P/.XXXVII.3 a?4-LXII. 5-8.XClV.6-i2.  P R ï E R E. 27 Seigneur notre Dieu & notre Pere CélelTe! nous re venons encore a toi pour te fupplier de graver profondément dans nos cceurs les verités que nous avons méditées. Que comprenant le danger & le crime qu'il y a de fe donner pour la terre&pour les chofes yifibles qui ne font que pour un tems des foins immodéres, nous fentions plus que jamais combien font grands les obftacles qu'ils peuvent porter a notre faïut, auquel nous devons trayailler avec crainte & avec tremhlement. Ouainfi, O notre Dieu! au feul foin de te plaire & de nous fauver tous les autres cedent & foient fubordonnés. Oui Seigneur ! déformaïs nous voulons faire de la fanêiification fans laquelle nul ne yerra ta face, notre étude la plus férieufe & notre affaire la plus importante. Perfuadés que toutes chofes aident enfemhle en bien è ceux qui fajment, que tu es un bouclier, que tu donnés gr ace & gloire, & que tu nëpargnes aucun bien a ceux qui marchent dans l'intégrité; nous ofons nous remettre entre tes bras paterC 3  38 PRIERE. nels, Sachant que tu as pour nous des foins & des tendreües de Pere, nous allons, 1'efprit content de notre fort & le cceur dévoué a ton fervice, faire de toute notre vie une préparation continuelle a 1'éternité, afin que jamais la mort ne nous furprenne; mais que veillant priant fans celTe nous nous étudions plutöt d affermir notre vocation £p notre èleclion par de lonnes ceuvres, que par ce moyen nous mus ajfurions Tentrêe du Röiaume éternel de notre Seigneur Jêfus-Chrift.  SERMON POUR UN MATIN DE COMM UNION. j*e lave mes mams dans Vinnocence, je fais le tour de ton Jutel, 6 Eternel! Ps. XXVI. 6. Dêchaujfe tes fouliers de tes pieds, car le lieu Exod.iH.5. oh fit es arrêté efl une ter re fainte. C'eft, M. F.! la voix que Dieu fit entendre a Moyfe lorfqu'il fe manifefta a lui fur la montagne d'Horeb, du milieu d'un builfon qui brüloit fans fe confumer. Par cette voix, fymbole naturel de fa préfence, il vouloit faire fentir a ce faint homme, combien lui devoit être facrél'endroitoü/'ü^ernel lui apparoiflbit dans un phénomene fi extraordinaire, de peur qu'avancant témérairement fes pas, il ne trouvat en Dieu un feu confumant. Quelque particuliere qu'ait pu être a Moyfe cette exhortation, elle exprime cependant une vérité de tous les tems & de C 4  40 SERMON tous les lieux. C'eft que ce n'elï qu'avec un entier renoncetnent a toute impureté, avec les fentimens de la plus profonde vénération, avec un cceur contrit, repentant, purifiê des Jouillures d'une tnamaife confcience, que nous devons approcher de 1'Etre Suprème. Dans tous les endroits oü Dieu veut être fervi & adoré, nous devons apporter toute la dévotion, toute la fainteté quexige le deffein qui nous y améne, & Ja Majefté de celui qui y habite. Cbaque partie du culte public, pour être agréable a Dieu qui en eft 1'objet, demande des efprits attentifs & des cceurs bien difpofés. Jéfus-Chrift dcfavoue hautement, & condamne ces jeünes, ces prieres & ces aumöties oü le cceur n'entre pour rien. Et la Loi quoique pas moins févére que 1'Evangile a demander pour le fervice divin une pureté intérieure, étoit outre cela rigidement exacte a en régler & a en purifier le dehors. La moindre tache mettoit le Juif hors d'état de celébrer' la Paque, & lui interdiioit en général 1'accès aux chofes faintes. Et dela toutes ces purifications, toutes ces ablutions requifes avant que de  pour un matin de Communion. 41 pouvoir offrir quelque facrifice a Dieu, ou s'acquiter de quelque acte extérieur de fon culte. Une leélure attentive du Cantique, dont nous avons empruntés quelques paroles, fuffit pour nous apprendre que le Pfalmifte a deiTein d'exprirner la même vérité, lorsqu'il s'écrie dans mon texte: je laye mes mams dans Vinnocence, je fais le tour de ton Aiitel, 0 f. ternel! David auteur de ce Pfeaume, ainfi que le porte 1'infcription, le compofa vraifemblablement lors de fa fcconde retraite ckez les Philiftins, pendant .que ces peuples écoient encore en guerré avec Saül & les Ifraëlites. Perfuadé de fon innocence dans le parti qu'ilavoitpris,&de fon attachement inviolable au cultede Dieu, quoiqu'il demeurat parmi des infidèles, il en appelle au jugement de Dieu-même, & le preud a témoin du foin qu'il avoit eu de s'éioigner du mal, deviter le commerce des méchans, & de le fervir avec toute Tintégrité dont il étoit capable. EterneU dit-il, fais-moi droït; car fai marchê en mtigrjtè. Eternel, fonde-moi £5? méprouve; examine mes reins & mon 'cceur: car ta sraC 5  42 SERMON tuitë eft devant mes yeux, &? marchê en ta vérité. Je ne me fuis point ajjis avec les hommes vains, & je nat point frêquenté les gens couverts. J'ai haï la compagnie des méchans, & je ne hante point les impies. Ayant ainfi juftifié fa conduite, & protefté qu'il n'étoit en rien coupable de ce qu'on ponrroit lui imputer; il déclare, dans mon texte, qu'il eft par cela-même en état d'entrer avec confiance dans le Sancluaire du Dieu-Fort, & de lui rendre fes hommages avec un cceur pur & innocent: je lave, dit-il, je lave mes mains dans Finnocence, Sjefais le tour de ton Autel, o Eternel. Faifant donc allufion dans ces paroles a ce qui s'obfervoit dans le Tabernacle, oü les Sacrificateurs & les Lévites lavoient leurs mains dans la Mer d'airain , avant que d'approcher de 1'Autel & de faire Ie fervice; David y exprime manifeftement ce que nous avons déja infinué: c'eft que l'on ne fauroit approcher dignement de Dieu, qu'après avoir purifié fon cceur. Et cela prouvé; vous comprenez déja, je m'aflure, 1'application que nous avons desfein d'en faire a la circonftancedecejour.  pour un matin de Communion. 43 Si en général tout a&e de dévotion exige Ja pureté du cceur, la fanclification; la participation k la Sainte Cêne, étant de toutes les parties du culte religieux Ja plus importante & la plus folemnelle, demande fur-tout pour nous en acquiter convenablement & avec fruit, que nous foyons revêtus de cette difpofition. Et c'eft a vous en convaincre plus particulierement que nous voudrions travailler pendant cette heure. Nous voudrions vous faire voir que pour communier avec fruit, il importe de fe convertir & de fe fanclifier; & tacher de mettre ainfi chacun de vous en état de pouvoir, en allant a la table du Seigneur, lui dire avec la même confiance que David: je lave mes mains dans Finnocence, & je fais le tour de ton Autel, 6 Eternel! Dieu veuille nous aider lui-même dans ce pieux deffein, en fecondant nos efforts de fon fecours célefte; enforte qu'une Communion fainte & utile, après avoir été le feul but de ce Difcours, en foit auffi 1'efFet falutaire. Ainfi foit-il! Pour établir cette propofition, que rien  44 SER M O N n'exige plus la fainteté & la pureté du ceeur que la participation a la Sainte Cêne; que pour communier dignement & avec fruit, il faut fe purifier &Te fanétifier; il fuffira, M. F.! de vous rappeller avec quelque dérail tout ce qu'emporte eet acte foleranel. io. Participer a la Sainte Cêne; c'eft être admis d la Communion d'un Etre fouverainement pur & faint. 20. c'eft faire une ptofeffion puUique que nous fommes les disciples de Jéfus-Chrift. 30. c'eft aller receyoir les biens les plus excellens £5? les plus propres d nous rendre heurëux. 40. enfin c'eft célébrer la Mêmoire du plus intereflant de tous les faits, de la Mort de JéfusChrift, unique fondement de notre falut, & renouyeller alliance avec Dieu, Sous quel de ces points de vue que nous confidcrions la démarche a laquelle la grace divine nous invite encore aujourd'hui, il ne nous fera pas difficile de prouver qu'elle exige la fainteté & la pureté du cosur; & que pour s'en acquiter convenablement, il faut être dans des fentimens pareils a ceux que David exprime dans notre texfe, quand il dit: je lave mes mains dans ïinnocence, gf  pour nü matin de Communion. 45 je fais le tour de ton Autel, 0 Eternel! Suivez-nous, M. F.! avec une attention d'autant plus foutenue que nous aurons foin de la ménager, & que la circonftance de ce jour nous oblige de fournir ces quatre articles avec toute la briéveté poffible. I. A R T I C L E. Participer a la Sainte Cêne; c'eft difons nous d'abord, être admis a la Communion d'un être fouyerainement pur & faint. Dans eet acle folemnel, celui qui eft haut éleye', Efe- lvii. qui habite dans VEternitè, & dont le nom iJ' eft le Saint, daigne nous permettre de former avec lui 1'union la plus étroite, de nous regarder comme fes enfans & fes domeftiques, & d'attendre par cela - même tous les biens qui peuvent nous reven ir de ces auguftes relations. C'eft-la en effet ce que llgnifie le Repas facré auquel il nous invite, & oü nous fommes een fes manger avec notre Pere Célefte; ce qui de tout tems, même parmi lesPayens, lorfqu'ils mangeoient les reftes des viélimes confacrées a leurs Faux-Dieux, a été regardé comme 1'honneur le plus grand & le pri-  46 SERMO N vilége le plus glorieux. Mais plus eet honneur eft grand, plus ce privilége eft glorieux, &plus, vous le fentez, M.F.! la Sainte Cêne, envifagée fous ce prémier point de vue * nous impofe la neceffité de nous pu rifier, de nous fanétifier, de laver nos mains dans Finnocence. Lorfque, dans le monde, un grand, un puilfant, un riche nous admet a fon commerce intime & familier; quels foins ne nous donnons-nous pas pour 1'ordinaire de conformer, au moins en fa préfence, notre caractère au fien, de plier notre humeur a fon humeur, autant & trop fouvent, plus que la fincérité ne le peut permettre. Et quand il s'agit d'apEzech. procher d'un Dieu, dont les yeux font trop Xvii. 31. purs pQur yojr je m£. ne nous donnerons- nous aucun mouvement, aucune inquiétude, pour jetter loin de nous nos forfaits par lef quels nous avons trans gr effés? Un des principaux avantages que l'on goüte dans la Sainte Cêne; c'eft, difons nous, de former avec fon Dieu 1'union la plus étroite, & le commerce le plus familier. Mais ce Efa Lix a J'0!!t nOS °xul fmt fiparation entre ' 'mus & notre Dieu. La fainteté eft donc  pour un matin de Communion. 47 entre le Créateur & la créature le feul point de communication, fi je puis m'exprimer ainfi. Le moyen, 1'unique moyen de combler en quelque maniere ce vafte abime, c'eft la fanclification fans laquelle Heb. nul ne verra le Seigneur. Nadab & Abihu xn''4' furent confumés par le feu du ciel , par- Lév.x. 1-3. ce qu'ils avoient offert devant rEternel un feu étranger. Et la raifon que Dieu donna d'une punition auffi terrible qu'inopinée eft contenue dans ce peu de paroles: je ferai fanclifié en ceux qui s'approchent de moi. Qui efl-ce, s'écrie un Prophete , qui efl-ce Eft. $entre nous qui pourra féjourner avec le feu ^fl^.' dévorant ? Qui efl-ce d'entre nous qui pourra fubfifler avec les ar deurs éternelles? Mais il répond auffi-töt: celui qui obferve la juflice, 6? qui prof ére des chofes droites. Htureux donc ceux qui font nets de coeur; car ils verront Dieu! Dés-la que les Chrétiens viennent a Dieu avec des ames pures, faintes, bien préparées, Dieu vient a eux avec fes fecours & fes confolations. Alors il accomplit en faveur de chacun d'eux, mais dans un fens fpirituel, cette promelTe glorieufe: fentrerai chez lui, je fouperai avec lui, fip  48 SER M O N lui avec moi. Vous donc, Chréciens! qui entendez encore aujourd'hui la voix de Dieu qui vous crie: venez, mangez de mon pain C? buyez du vin qu$ fai mixtionnê, vous devez aller a lui avec des difpofitions convenables. Approchez-vous de Dieu avec repentance , & il s'approchera de vous jacq.iv.8, par fes graces. Pécheurs, nettoyez-vous; & vous qui etes doublés de cceur, purifiezvous. C'eft le grand Dieu, c'eft le Dieu Saint & Jufte qui vous invite. Lavez vos mains dans ïinnocence: puis venez, & faites le tour de fon Autel. II. A R T I C L E. Nous avons dit, en fecond lieu, que participer a la Sainte Cêne, c'eft faire une profeffion publique que Ton eft difciple de JéfusChrift. Et a eet égard encore, pour s'acquiter de cette démarche' convenablement; rien de plus nécelTaire que la fanclification, rien de plus propre a la produire. Tout vrai communiant déclare, a la face du ciel & de la terre, qu'il reconnoit JéfusChrift pour le Fils de Dieu, pour fon Sau- veur  pour un matin de Communion. 49 veur & pour fon Maitre; qu'il embralfe fon Evangile comme une doctrine célefte & divine; & qu'il s'engage a en fuivre les maximes, a en obferver les loix. Mais comment foutenir ce caraclère, juffifier ce titre de difciple. de Chrift , lorfqu'on n'obferve pas les régies de la piétéj de la fainteté, de la juftice? lorfqu'on ne travaille pas a être faint comme celui qui nous a apellé eft faint ? L'on reconnoit les difciples d'un maitre, lorfqu'on les voit mettre en effet les inftruélions qu'ils en ont recues, fuivre fa méthode, adopter fes fentimens. 11 en eft de même des difciples du Sauveur. Pour les connoitre, il fuffit de favoir s'ils obfervent fes lecons, s'ils marchent fur fes traces. Si donc ce divin Sauveur, en venant au monde, ne s'étoit propofé d'autre but que de faire part aux hommes de quelque découverte jufqu'alors ignorée; il fuffiroit, je 1'avoue, pour faire profeffion d'être fon difciple, d'ajouter foi a cette découverte, de la croire, de 1'adopter. Ou s'il n'avoit voulu autre chofe, fmon que ceux qui embralTent fa Religion fuffent batife's ieau% D  So SERMON il fuffiroit encore pour être fon difciple d'avoir recu le Batême. Mais puifque, comme l'on ne fauroit en difconvenir, le but du Fils de Dieu, pendant fon féjour fur la terre, a été auffi de nous enfeigner comment nous devons neus conduire pour plaire a Dieu, & de nous 1'enfeigner par fon propre exemple; qui ne voit qu'il faut quelque chofe de plus pour être vrai disciple de Chrift, que d'ajouter foi a fa doctrine, d'être recu dans fon Eglife par le Batême ? qui ne voit que, pour mériter le nom de Chrétien, il faut fe conformer aux maximes de 1'Evangiie , fuivre les régies que Jéfus-Chrift nous y a preicrit.es.> yivre en un mot comme il a yécu & manker comme il a marché? Or, M. F.! je le demande: comment Jéfus-Chrift a - t' - il vécu? comment a-t'-il marché? quel exemple nous a-t'-il laüTé? Ouvrez 1'Evangile; & vous n'aurez pas de peine a vous convaincre, que fa conduite eft bien différente de celle des mondains, & qu'elle nous préfente toutes les vertus pratiquées dans le dégré le p'us parfait & le plus fublime. Aimer Dieu par deifus toutes  pour un mat in de Communion. 51 chofes: chercher premiérement & préférablement a tout, fon Royaume & fa juflice: aimer fes ennemis, les bénir, prier pour eux, dans le tems qu'il eft 1'objet de leur fureur: être pur, jufte, faint, doux, débonnaire, humble de cceur, patiënt dans les tribulations, fincere & vrai dans fes difcours, toujours foumis aux difpenfations de la Providence, adorant fes voyes dans les circonftances les plus afHigeantes: voila, M. F.! les maximes du Fils de Dieu: voila ce qu'il $ lui-même pratique : voila par conféquent en quoi nous devons être fes imitateurs, fi nous voulons être en droit de nous nommer fes difciples. Et fi cela eft; je le demande encore, M. F. ! quand faudra-t-il y être fincérement difpofé: travailler a revêtir ces fentimens, a fe purifier & a fe fanctifier, fi ce n'eft dans une occafion oü l'on vient fe déclarer tel de la facon la plus folemnelle, a la face du ciel & de la terre ? De quel droit, de quel front après cela, oferoit'fe gliffer parmi les dignes communians ce faux-dévot, qui, tiayant que les apparences de la piété en a renié la force; D 2  Sa SERMO N & qui, ne prenant les livrées de JéfusChrift que pour le trahir plus furement, foutient, même a la table du Seigneur, l'odieux cara&ere de fourbe «Sc d'hypocrite? pourquoi, content de certaines marqués équivoques &faufies, refufe-t-il de prendre les feules véritables qui caraótérifent & diftinguent le vrai Chrétien ? Ou penfe-til, qüa la faveur d'une dévotion étudiée & contrefaite, il fera bien recu a ce Repas, dont fa conduite le rend indigne: qu'il y recevra les' graces que le Sacrement eft deftiné a repréfenter & a fceller? Mais qu'il fe défabufe. Si, au moyen d'un extérieur dévot, il réuffit a en impofer a fes femblables; qu'il ne fe flatte point de pouvoir parvenir a fe cacher aux yeux de celui, devant qui toutes chofes font nues & entiérement décowertes. Ah! qu'il fe confonde tant qu'il voudra parmi les dignes Communians. Celui quifonde les cceurs, qui èprouve les reins faura bien le démêler dans la foule, & lui faire porter ^ tot ou tard la peine de fon infigne hypocrifie. 'Celui qui invite, & qui préfide au feftin, diftinguera fins peine eet indigne convié.  pour un matin de Communion. 53 Jéiüs - Chrift, dans Ia parabole des nöces, ien ménace & Ten allure dans une peinture bien naive. Le Rot, die il, étant e^rfManXXIT. pour voir ceux qui étoient d table, il y vit un u-ij. homme qui nétoit pas vêtu d'une robe de noces. Et il lui dit; mon ami! comment es-tu entrè ici fans avoir une robe de noces ? 6f U eut la bouche fermée. Alors le Roi dit d fes ferviteurs; liez-le pieds & mains 6? le jétez dans les tènèbres de dehors: ld il y aura des pleurs £? des grencemens de dents. Oui, hypocrite! qui te mêlant parmi les fidèles difciples de Jéfus, ofes venir avec un cceur fouillé dans Ia fociété la plus fainte; tu es eet homme-la. Tel fera ton fort. Telle eft la jufte peine de ton audace & de ton infame duplicité. Ainfi, Chrétiens! pour éviter un pareil traitement; fongez a ce qu'emporte le caraclere de difciples du Seigneur, dont vous allés faire une profeffion ouverte, publique, & folemnelle; & fouvenez-vous, que pour vous préfenter comme tels a fa table, il faut avoir dans 1'ame ce qu'autrefois les Pontifes de la loi portoient en écrit gravé fur ie front: la fainteté a ïEternel. DifpoD 3  54 S E R M O N fkion d'autant plus néceffaire, que fans elle vous ne fauriez efpérer d'avoir part aux graces qui vous y feront retracées. Nous allons vous le faire voir dans un troifieme Article. III. A R T I C L E. Pour connoitre les graces que la Sainte Cêne offre è ceux qui viennent y participer, il ne faut que fe rappeller la nature & la fignification de ce Sacrement. La Sainte Cêne, dans fa fignification la plus générale eft un Repas facré, inftitué par JéfusChrift, oü les fidèles, mangeant du pain & buvant du vin, fe rappellent la mémoire de fa mort, & témoignent la communion qu'ils défirent avoir aux mérites de fa Paffion, dans 1'attente de fon retour. Le pain & le vin y font les fymboles du corps & du fang du Sauveur. Le premier , étant rompu, repréfente le corps de Jéfus déchiré & crucifié; 1'autre, répandu, marqué 1'effufion de fon fang fur la croix. Ce rapport, entre ces fignes & les chofes qu'ils repréfentent, devient plus fenfible,  pour un matin de Communion. 55 lorfqu'on réfléchit fur les qualités phyftques de ces-alimens, & qui font trèspropres a repréfenter les fruits précieux qui reviennent de la mort du Sauveur. Comme le pain ttr. tu as aujourd'hui exigé de l''Eternel qu'il te *7t ^. foit Dieu; auffi VEternel a exigé aujourd'hui de toi, que tu lui fois un peuple faint, comme il fen a parlé, «£? que tu gardes tous fes commmtdemens. A chaque communiant qui vient renouveller avec Dieu /''Alliance de grace, ne s'adreflè pas moins direéte-  pour un matin de Communion. 63 ment qu'aux Ifraëlites cette voix- également forte & refpeftable: lavez-vous, nettoyez- Efa.i,iö i8. vous, otez de devant mes yeux la malice de vos aélions, cejfez de mal faire, apprenez d bien faire; recherchez la droiture; redresfez celui qui eft foulê, faites juflice d 'ïorphelin, défendez la caufe de la veuve. Venez maintenant, dit F Eternel, 6? débattons nos droits: quand vos péchés feroient comme le cramoifi, ils fer ont blanchis comme la neige; £e? quand ils feroient rouges comme le vermillon, ils f er ont rendus blancs comme la laine. A chaque communiant il importe de pouvoir dire avec fincérité de cceur: je lave mes mains dans ïinnocence, & je fais le tour de ton Autel, 6 Et er nel! CONCLUSION. Ainfi, vous le voyez M. F!, fe vérifie la propofition que nous voulions etablir; c'eft, que rien nexige plus la fainteté & la pureté du coeur que la participation a la Sainte Cêne; que, pour communier dignement & avec fiuit, i' faut fe convertir & fe fanótifier. Souffrez après cela que nous  64 SERMON vous le demandions, Chrétiens! oü en êtes-vous fur eet article? quel fera le fruit de la démarche que plufieurs d'entre vous ont fait dimanche dernier & que d'autres fe propofent de faire dans quelques momens? en eft-il beaucoup qui puiffent dire avec la même confiance, par rapport a la célébration de 1'Euchariflie, ce que David fe croyoit fondé a pouvoir dire par rapport •au culte public en général: je lave mes mains dans Yinnocence je fais le tour de ton Autel, o Eternel! Ah! fi nous fommes fmceres, nous reconnoitrons fans doute pour la plupart que nous en fommes bien éloignés. Que nous refte-t'-il donc a faire, Chrétiens? Paree que nous fentons encore en nous beaucoup de fragilité & de mifère, beaucoup d'imperfeclion dans notre foi, dans notre amour pour Dieu & pour Jéfus-Chrift, dans notre obéiffance a fes loix, dans notre zèle pour fon fervice; les ups croiront-ils avoir mangè & hu leur propre condamnation, & les autres s'éloigneront-ils de ce tröne de grace dreffé a nos yeux? A Dieu neplaife! Non! ce feroit ignorer le but de cette folemnité. „ Nous  pour un mat in de Communion. 6$ ?, Nous ne venons pas pour proteller que >, nous foyons parfaits & juftes en nous-mê- mes. Nóus venons au contraire, comme „ le dit notre Liturgie, pour confeffer qu'en 99 cherchant notre jultice en Jéfus - Chr.it „ nous fommes en Ia mort, & que ce Sa- crement elt un remede pour les pauvres „ malades fpirituels." Auffi, M. F.! en parlant dans le corps de ce difcours de la lanctification, comme abfolument nécesfaire pour communier dignement, n'avonsnous pas eu delfein de foutenir qu'il faille apporter a la table du Seigneur une fainteté parfaite & accomplie, qui après-tout ne peut jamais avoir lieu, tant que nous fommes fur la terre; mais une difpofition, un défir fmcere de travailler a en approcher Ie plus qu'il nous eft poffible. En vous rappellant ce qu'il faut favoir & pratiquer pour communier faintement & utilement, nous avons voulu vous faire fentir combien vous êtes intérefles a redoubler dans cette occafion vos efforts, pour produire, conferver & augmenter en vous les difpofitions convenables; combien cette démarche doit vous être un motif a travailler E  66 SERMON è acquérir ce qui vous manque encore è eet égard. Voila ce que Dieu demande de vous. Voila ce dont il fe contente. Et c'eft la deffus qu'il vous importe de vous examiner férieufement vous - mêraes. Que fi votre cceur vous rend un bon témoignage; fi, comme la charité nous oblige de le croire & comme nous aimons a nous le perfuader, vous n'avez rien négligé pour vous mettre dans ces heureufes dispofitions; repofez-vous fur la célmence d'un Dieu, qui, connoiffant de quoi nous fommes faits, ne brife point le rofeau ca fé gp néteint point le lumignon qui f urne encore: mais qui, couronnant la fincérité de vos efforts, en fupporte & en pardonne les défauts involontaires. Seulement, ne négligez point d'apporter déformais toute diligence pour ajouter a la foi lavertu,d lavertu lafcience, d la fcience la tempêrance, d la temperanee la patience, a la patience la piété, a la piété Vamour fraternel, & d ïamour fraternel la charité. Car fi ces chofes font en vous, £P qu'elles y dbondent, elles ne vous laijferont point oififs ni fiér Hes. Déplorez votre conduite paffee, & prenez de juftes me-  pour un matin de Communion. 67 fures pous rectifïer votre conduite a venir. Soyez touchés d'un vif regret d'avoir ofFenfé Dieu par tant de péchés cornmjs contre les déclarations expreflès de fa Loi, & contre les lumieres de votre confcience. En un mot, quel que foit le principe qui Vous ait porté a faire le métier d'iniquité; ayez honte, ayez horreur de Votre conduite paffee. Rompez & rompez fans retour tout commerce avec le pêché* Nettoyez-vous de toutes fouillures de chair £5? d'efprit, achevant votre fanclification dans la crainte du Seigneur. Alors, mais feulement alors, Dieu pariera de paix d vos ames, de falut d fes bien-aimés. Alors, nous ofons vous promettre de la part de Dieu, avec fapprobation de vos pieux fentimens * une nouvelle mefure de fecours» de confolations & de graces. Alors, cette Communion, agréable a Dieu & filutaire k vos ames, ferrera de plus en plus les noeuds qui vous uniffent déja a JéfusChrift & vous donnera de nouvelles forces pour faire de continuels progrès dans la carrière de la fanétification : jufqu'a ce qu'enfin, après avoir fervi Dieu en fainteté E 2  68 SERMON fi? en juflice tous, les jours de votre vie, vous foyez admis a fa plus intime & parfaite Communion dans le Royaume célefte, oü vous venez fa face en juflice, &? ferez raffafiés de fa reffemblance. Veuille, pour eet effet, le Dieu de paix lui-même vous fanclifier entierement, fi? faire que votre efprit entier, fi? ïdme fi? le corps, foient confervés fans reproche jufqu'en la venue de notre Seigneur jfêfus - Chrift, Amen l Pf. XXVI. 6.  69 PRIERE. Eternel notre Dieu, Auteur de toute bonne donation & de tout don -parfait! Tu nous vois encore profondément abattus en ta fainte préTence, pour te demander avec toute 1'ardeur dont nous fommes capables les difpofitions que tu exiges de ceux qui approchent de toi. Quoique par le fréquent mépris de tes ordres & 1'oubli honteux de tes bienfaits, nous nous foyóhs' éloignés de ta face adorable, & que nous n'ayons que trop juftement mérité tout ce quune féparation de notre part, fi volontaire , fi infenfée, attire de tourmens & de miféres; tu daignes cependant, par uneffet de ton immenfe charité,nous prévenir encore en ton amour, nous rappeller encore a toi, nous tendre encore les bras de ta miféricordc ; pret a nous y recevoir, pret a pardonner nos rebellions & notre ingratitude, pourvu que nous ayons foin de les pieurer amérement & de nous en corricer E 3  70 PRIERE. fans délai. O Dieu! qui fommes-nous pour nous voir ainfi honorés de tes graces, de ton fupport paternel, & de ta charité prévenante ? Vivement fenfibles a une fa* veur auflï peu méritée que celle dont encore dans ce jour tu veux nous privilégier, en nous admettant a traiter alliance avec toi, fur le facrifice de ton cher Fils, nous reconnoilfons que nous fommes trop petits au prix de toutes tes gratuités. Mais Grand Dieu! quel aveuglement feroit pareil au notre, fi dans ce tems-même que tu nous cherches, nous penlions a te fuir? Si encore aujourd'hui que tu nous attires avec des Mens de douceur que lorfque les joignant a celles d'une multitude de fidèles nous faifons, comme 1'a dit un Pere de 1'Eglife, un parti pour aller forcer le ciel? Qu'y a-t'-il de plus propre a leur donrier cette vèhémence dont parle St. Jacques, qui jointe a la piété peut les rendre efficaces ? De quelle utilité par conféquent n'efl pas encore a eet égard Ie culte public, puifqu'ü nous fournit aini! G 2  ioo SERMON de puiffans fecours pour fortifier notre piété, & pour nous acquiter mieux de nos devoirs ? IV. Ce n'eft pas tout, M. F.! & un quatrieme avantage qui en revient; c'eft que dans ces afTemblées religieufes, oü nous nous réunifïbns pour rendre a Dieu nos hommages d'un commun accord, eet Etre Suprème s'y trouve préfent d'une facon toute particuliere Nous en avons pour garant les promeffes de Dieu luimême. Déja il en avoit ainfi parlé a Salomon, après que celui-ci eut imploré fa proteétion fur le temple qu'il venoit 2 ciiron. de conflruire; mes yeux feront déformais VIL15'l6' ouverts, £5? mes oreilles attentives d la priere qu'on f era dans ce lieu-ci. Car fai ma intenant choifi & fanclifié cette maifon, afin que mon'Nom y foit a toujours, & mes yeux & mon cceur feront toujours la. Et quoique, fous l Evangüe, Dieu n'ait pas attaché fa proteétion a de certains lieux plutót qu'a d'autres, il n'eft pas douteux cependant que Jéfus-Chrift n'ait fait des promefies particulieres de fa préfence aux affemblées des Chrétiens, lprfqüil affure  fur la nècejfitè & F ut Hit è du culte public. 101 que ld oh il y en aura deux ou trois affemblés en jon Nom, il feroit au milieu d"eux. Oui, M. F.! quoique par fon immenfué Dieu rempüffe l'univers entier de fa préfence, & qu'étant un pur Efprit nous ne puiffions concevoir qu'il occupe un lieu plutöt qu'un autre; il eft cependant certain que, comme tout Efprit, Dieu eft oü il opére. Ainfi Dieu eft préïent dans nos temples pour exaucer nos prieres, felon la promefle qu'il en avoit faite & par luimême & par la bouche de fon Fils. Et quel avantage quel bonheur de pouvoir être fur de trouver toujours dans ce faint lieu celui qui commande d la bénédiclion, attentif a nos demandes, propice a nos voeux ? Dieu eft préfent dans nos temples pour y donner efïicace a fa parole préchée. Et quoi de plus encourageant pour celui qui parle, quoi de plus confolant pour , ceux qui écoutent, que de fe dire: elle ne retournera pas a Dieu fans effet cette parole, qui plantée en nous peut fauver nos ames. Dieu eft préfent dans nos temples pour y renouveller fon Alliance avec nous, toutes les fois qu'il nous appelle a participer G 3  tta SERMON au Sacreraent augufte de la Sainte Cêne. Et qui, lorfqu'il envifage ainfi ce Sacrement comme un tröne de grace que Dieu dreflê dans 1'Eglife, n'y iroit ayec affurance pour y trouyev miféricorde, pour en retourner juftifié dam fa maifon, pour en remportet avec les fignes du corps & du fang de ChrilT, les effets de fa mort, les gages de fon amour, les fceaux du falut, les arrhes de la Rêdemption acquife ? Dieu eft; enfin préfent dans nos temples, pour mettre le fceau de fon approbation a chaque partie de notre culte, quand il lui eft rendu par des cceurs purs & droits. Et qui de nous ne s'emprefferoit dès-lors è venir dans ce faint lieu lui offrir le facriiice de fes louanges, de fes prieres, de fes aumönes, pour en remporter la confolation la bénédiétion & la paix? Ah! tels étant les précieux effets de la préfence de Dieu dans ces affemblées religieufes; qui n'en reconnoitroit 1'utilité? Qui ne reconnoitroit le bonheur de ceux qui les fréquentent affiduement? Et pourroit-on les négliger fans crime, fans irriter Dieu, fans nous rendre indignes de fa grace, lorfque lui-  fur la nêcejfité 6? hitilitédu culte public. 103 mé me a en vue de nous y attirer par des promel'fes fi avantageufes fi magnifiques? V. Chrétiens! dans tout ce difcours, & particulierement dans eet article, nous avons fuppofé que fi Dieu eft préfent dms nos temples, s'il y vient a nous avec les tréfors de fa grace, nous y allons a lui avec des Efprits attentifs, avec des cceurs bien difpofés. Et dans cette fuppofition, n'avez-vous pas déja pénfé a un dernier avantage du culte public qui couronne tous les autres ? C'eft que ceux qui habitent, uéquentent affiduement la maifon de Dieu y trouvent un vrai Paradis anticipé, une image naïve de notre félicité dans le ciel? Queiles font en effet les idees que 1'Ecriture nous donne de eet augufte féjour? N'en dépekit elle pas la félicité principalement par ces deux beaux traits: la prélènce de Dieu: 1'adoration de Dieu ? Ne nous ditelle point que la Dieu fera tout en tous, èc que notre occupation la plus délicieufe fera de le louer inceffamment, d'être toujours dans 1'admiration de fes glorieux attributs, toujours dans la méditation de fes ceuvr^s, toujours dans le chant de fes louanges, G-4  jo4 SER M O N toujours dans le concert des Anges & des Saints ? Or n'eft-ce pas, comme nous venons de le voir, n'eft-ce pas dans nos temples qu'on éprouve les effets particuliers de la préfence divine qui fait la félicité des bienheureux, & qu'a leur exemple on s'occupe a méditer fes ceuvres & fes perfeélions, a lui rendre des hommages fpirituels, & a chanter fes immortelles louanges ? O qu'il eft doux pour un fidéle de pouvoir ainfi anticiper fur ces délices éternelles qui fe trouvent a la droite de Dieu! I''Eternel, s'écrie-t-il a la vue des faintes affemblées, rEternel eft ici fi? je le [ais. Que ce lieu eft re[pe£table! Ceft ici la porte des deux. Ici je m'occupe a ce qui doit m'occuper éternellement. Ici je me forme a 1'heureufe habitude de rendre h celui qui eft affis [ur le trêne £? d ïAgneau, louange & honneur, gloire fi? force. Ici entonnant des Cantiques a 1'honneur dü Dieu immortel, invoquant fon Saint Nom, écoutant fa parole, approchant de fa fainte table, récréant par mes aumönes les entrailles de fes Saints, je me prépare pour 1'éternité, je me rens capable  ƒw la niceffité £r l'utilité du culte public. 105 ! de partkiper a Thêritage des Saints qui font I dans la lumiere. O que bienheureux efl ?r. lxv. 5. j celui que tu as choifi, 6 Eternel, fi? que tu << as fait approcher, afin qu'il habite dans | tes Parvis! CONCLUSION. Tels étant, M. F.! les précieux avantagcs du culte public, tel étant le bonheur de ceux qui habitent en la maifon de Dieu & qui l'y louent incejfamment; quel jugement doit-011 porter de ceux qui fe trouvent trés rarement a nos exercices publics de dévotion, qui s'en abfentent volontairemant & fans caufe, ou a qui le plus léger prétexte füffit pour s'en tenir écarté ? J'avoue qu'il ne fuffit pas que quelqu'un fré, quente affiduement nos faintes alfemblées, I pour en conclure furement qu'une fincére ; piété 1'anime & l'y conduit. Trop fbu1 vent cette exactitude fcrupuleufe a s'acquii ter des devoirs extérieurs de la Religion eft le manteau du vicieux & le mafque ; du faux-dévot qui ne perdent pas une feule occafion de fe trouver dans nos 1 temples & qui néanmoins n'en font ni plus G 5  roö SERMON remplis d'amour poiir Dieu, ni plus charitables envers leurs freres, ni moins médifans dans leurs entretiens, ni, moins durs envers leurs inférieurs & les indigens. Mais auffi peut-on dire que la piété tienne le principal lieu dans le coeur de ceux qui font fur Partiele des dévotions publiques d une indifférence fans égale, & qui, au mépris de ce que dit & 1'ancien & le Nouveau Teftament, conviennent a peine que le culte public foit d'inftitution divine? O zèle pour 1'ouïe de la parole de Dieu, fi brülant du tems de nos Peres, que vous êtes ralenti dans leur poftérité! Qui de vous ne fe rappelle ici ces jours mémorables oü fon alloit, oü l'on couroitaprès la pature fpirituelle, & oü fon fréquentoit les alTemblées religieufes au péril même de fa vie ? Et aujourd'bui que nous pouvons fervir Dieu en toute liberté: aujourd'hui que Dieu nous fournit, nous multiplie les occafions d'écouter fa parole: aujourd'hui que cette Manne tombe avec profufion a nos portes, comme les Ifraëlites ingrats nous en avons du dégout. Faudroit-il après cela s'étonner que Dieu, las  fur la nêceffiiê & hitilitè du culte public, 107 de prodiguer une faveur 11 précieufe, mais fi mal recue & li peu eftimée, vint a eter dans fa jufte colère fon chandelier de fa [place & le tranfportat a d'autres, qui plus reconnoiffans & plus pieux en feroient un meilleur ufage ? O! fi mus connoijfons ce don de Dieu pendant que nous en jouiffons encore , mettons a fon jufte prix eet avantage, grand en toute manier e. Combien de nos freres, hélas! qui ne fouhaitent rien , tant que d'être alfez heureux pour le paritager avec nous? Combien que les inflr• mite's de Page ou les fuites d'une longue maladie ont mis hors d etat de louer Dieu t en public, & qui en gémilfent comme de ileur plus grand malheur? Combien d'au\ tres a qui un zèle perfécuteur refufe rcruellement cette douce confolation? Et , nous plus heureux en Tabondance des graiftuités de VEternel, nous pouvons en tout tems entrer dans fa maifon; mais loin de I nous proferner au Palais de fa fainteté avec P révérence qui lui eft due, ou nous n'y '| allons que rareraent, que par bienféance |& pour ne point palier pour des gens fans Éeligion, ou nous y entrons avec des  io8 SERMON Efprits tout occupés du monde & de fes f vanités & non de la préfence de Dieu; avec des cceurs bien éloignés de lui. Ah! M. F.i eftitnons plus les graces f que Dieu nous fait, & ne le forcons point f a nous en faire fentir 1'excellence par une j funefte privation. Craignons de pécher' tandis que la grace abonde. Employons, faifilfons avec empreiTement tous les moyens propres a accroitre nos lumieres, l a perfeélionner nos vertus. Faifonsnous non feulement un devoir, mais un plaifir de nous trouver dans ces faintes I congrégations. Ne délaiffons point nos\ mutuelles affemblècs, oü l'on nous enfeignef ce qu'il faut faire pour avoir la vie Eternelle. Mais plutöt, convaincus de leurl utilité, demandons a 1'exemple de David, ] demandons une chofe d F Eternel fi? deman- \ dons-la fans cejfe; cefl que nous habitionsX dans la maifon de VEternel tous les joursl de notre vie, pour contempler la préfencel raviffante de ï Eter nel fi? pour vifiter foi-\ gneufement fon Palais: jufqu'a ce que vien- j ne le tems heureux oü il daigne nous intro-1 duire dans ces Tabernacles Eter wis, oü|  fur la nêceffité & Vutilitè du culte public, i op >riy aura plus de temples, parceque le {Seigneur Dku Tout-puijfant & ïAgneau feront notre temple, notre lumiere, tout en \tous. Sa Bonté nous en falTe la grace, I Amen! Pf. XXVII. 3. XLIII. 3,5. LXXXIV. 1. XC. 5, 6. I  SERMON SUR LA BÈNÉFICENCE C). Cejl une chofe plus heureufe de donner que de recevoir. Act. V. 35. a Ia fin. Oeft une plainte bien injufte, M. F. f que celle que l'on a faite de "tour. tems contre la Providence d'avoir permis cette différence d'états, de conditions, de fbrtune, que l'on voit parmi des hommes, qui formés tous d'un même fang, pofledant une même nature, égaux dans leur naüTance, égaux dans leur mort, confondus après leur mort dans une même pousfiere, fembleroicnt devoir être partagés également des biens du monde. En effet 5 fans dire que il cette inégalité n'avoit point lieu il n'y auroit nulle dépendance, nulle fubordination, nul ordre li néceflaire pour le maintien de la fociété; il fuffit d'obferver que cette inégalité des conditions qui (*) Pour !e jour de la colkfto en faveur de la maifon de charité.  fur la Bénêficence* ui I paroit d'abord fi choquante, fc-rt, par une ] admirable difpofition de la fagefiè de Dieu, I d'occafion k 1'exercice de plufieurs excel| lentes vertus qui n'auroient pu être pratiquées & qui ne feroient pas même connues fans elle. Dans la pauvreté nous apprenons a être humbles, patiens, (öumis a la : volonté de Dieu; a vivre dans un faint détachement de toutes les chofes de la 3 terre, «Sc a foupirer avec ardeur après les i biens du ciel. Dans 1'abondance, nous j apprenons k être reconnoifTans envers Dieu I qui nous donne libéralement toutes chofes pour en jouir; a nous confacrer tout eni tiers au fervice d'un maitre bon & bieni faifant, & a exercer les oeuvres de la mifé| ricorde & de la bénéficence. L'une & 11'autre font les Hens, de la fociété qui unisI fent les hommes entr'eux, & qui les I obligent a fe rendre les uns aux autres des I offices mutuels. Dieu veut que les uns | foient pauvres, afin que par leur travail j & par leur indufcrie ils fe rendent nécesIjfeires aux riches, & les engag nt a leur I faire part des biens que la providence leur a difpenfés. Dieu veut que les autres  ■na SERMON foient riches, afin que par Ia communiëntion de leur charité ils fubviennent aux befoins des pauvres, & qu'ils foient les miniftres de fa providence envers eux. Ainfi chacun ayant befoin de fon femblable, cette inégalité des conditions fait le j maintien de la fociété, juftifie la providence, & on ne fauroit alfez admirer & adorer les vues que cette bonne & fage providence s'effc propofée dans cette dispenfation. C'eft a nous, M. F.! de travailler a entrer dans ces vues d'une maniere qui nous concilie 1'approbaticm de notre Divin maïtre. Les pauvres en fe mon trant contens de leur état, doivent, autant qu'en' eux eft, ne pas refufer leurs travaux & leurs fecours a ceux qui font dans 1'aife & dans 1'opulence. Ceux-ci d'un autre cöté, reconnoiffant qu'ils tiennent de Dieu tout ce qu'ils poffédent, doivent lui en faire hommage en fe montrant, par leur bénéficence envers les pauvres, les difpenfateurs des biens que Dieu leur a confiés. Et ces derniers y font obligés d'autant plus que dans cette inégalité de conditions I's van-  fur la Bênèficeme. 113 ï'avantage eft entiéreraent de leur cöté, Vü que felon la parole de Jéfus-Chrift luiI même, c'eft une, chofeplus heureufe de donner que de recevoir. C'eft cette belle maxime que nous nous propofonsde développer dans ce difcours; & c'eft en vous en faifant fentir la vérité, que nous efpérons de vous porter a concourir de plus en plus par vos largeffes au foutien d'un établiffement qui fait tant d'honneur a la charité de ce Troupeau. Heureux fi en vous expofant les grands avantages que vous avez par un effet de la bonté divine, fur ceux pour lefquels nous follicitons aujourd'hui votre bénéfi: cence, nous pouvions vous engager a vous i élargir en leur faveur, & a afiurer par la ; de plus en plus votre bonheur pour le tems ] & pour 1'éternité. C'eft le grand but de ce difcours; Dieu veuille que c'en foit le fruit, Amen! Les paroles de notre texte font partie du difcours que St. Paul adrefla aux Anciens d'Ephèfe qu'il avoit fait venir a Mikt & par lequel il prit congé d'eux lorfqu'il s'en fut a Jérufalem. H  ii4 SERMON Après leur avoir rappellé la maniere dont il avoit exercé fon miniftère dans la première de ces Villes, & ce qu'il y avoit foulfert; il leur adreffe plufieurs exhortations, les unes plus touchantes que les autres, pour les porter a remplir avec diligence avec zèle & avec lincérité les devoirs de leur charge. Enfuite il forme en leur faveur les vosux les plus tendres, en les recommandant a la proteétion de Dieu. Leur propofant enfin fon propre exemple a fuivre, par rapport au défintéreffement avec lequel il avoit exercé fon miniftère, il conclut ainfi fon difcours: Aft. xx. je riai convoitê ni Vargent, ni Vor, ni la 3i 35' robe de perfonne. Et vous favez vous-mêmes que ces mains mi'ont fourni les chofes qui m'éloient nèceffaires, & cl ceux qui étoient avec moi. Je vous ai montré en toutes chofes quen travaillant ainfi, il faut fupporter les infirmes; ou comme l'on peut auffi traduire, affifter les pauvres, & fe fouvenir des paroles du Seigneur Jéfus qui a dit; que cefl une chofe plus heureufe de donner que de receyoir. L'on ne fauroit déterminer au jufte d'oü  fur la Bénéfcence. 115 St. Paul avoic appris cette maxime du Sauveur. Elle ne fe trouve nulle part en autant de termes dans 1'Evangile. Peutêtre la tira - t-il de certainS endroits de ce même Evangile qui la renferment en fubftance. Par exemple; lorfque le Sauveur dit au Chapitre XIV^. de St. Luc; quil L^vvaut mieux inviter d un repas les pauvres fi? ceux qui ne peuvent rendre la pareille que d'y inviter les riches, oü il fuppofe évidemment qu'il vaut mieux donner que de recevoir. Ou bien quand il dit au Chapitre VI°. :' faites du bien fi? prefózLuc.vi.3s. fans en rien efpe'rer, d'oü l'on peut encore tirer la même conféquence. Peut-être auffi, comme les Evangéliftes n'ont pas exaclement rédigés par écrit tous les faits & tous les dits du Fils de Dieu, cette maxime eft-elle une de ces fentences détachées, confervées parmi les Apótres qui vivoient du tems du Sauveur, & que St. Paul avoit recueiilies de leur bouche. Quoiqu'il en foit; l'on ne fauroit douteT que cette maxime ne foit véritablement du Sauveur, puifque St. Paul le dit, & que St. Luc rapportant le difcours de eet H 2  iió SERMON Apötre ne le contefte point. Auffi ne nous arrêterons-nous pas a le prouver plus au long; & ce qui doit a préfent nous occuper, c'eft d'éclaircir cette maxime & d'en faire fentir la vérité. Au premier abord, je 1'avoue, elle femble préfenter une efpéce de paradoxe. Les hommes en général eftiment heureux ceux qui, étant fujets a des difgraces quelconques, trouvent des amis puiffans & difpofés a les foulager a les fecourir; & l'on ne fauroit difcorrvenir qu'a certains égards ils ne foient fondés a porter ce jugement, puifqu'il n'eft rien de plus propre a alléger nos maux & a nous confoler que de trouver des perfonnes qui y compatiffent & qui nous aident. Cependant, M. F.! il n'en eft pas moins vrai que celui qui a le pouvoir de donner & d'affifter eft plus heureux encore; & vous n'aurez pas de peine a fentir la jufteffe & la vérité de la propofition de notre texte, fi vous réfléchiffez : i°. Sur la condition même d'un homme qui a le pouvoir de donner, par oppofition a celle d'un homme qui efl obligé de recevoir: 20. Sur les  fur la Bènéficence. 117 tentations aux quelles eft expofé ce dernier, tentations qui font bien plus grandes que celles que le premier doit craihdre: 30. Sur les défagrémens qu'eft fouvent obligé deffuyer celui qui recoit, & les plaifirs que goüte toujours celui qui donne: 40. enfin, Sur les avantages que celui-ci peut fe promettre par cette difpofition, & qui furpaffent infiniment ceux que fe procure celui qui recoit. I. ARTICLE. Nous tirons notre première preuve, pour établir la maxime de notre texte, de la confidération des circonftances mêmes oü fe trouve celui qui a le pouvoir de donner, par oppofition a celles oü fe trouve celui qui eft obligé de recevoir. II eft évident que la condition de celui qui eft dans le cas de pouvoir donner fuppofe un état, finon d'opulence & de richeffes, au moins un état de médiocrité & d'aifance; tandis que la fituation de celui qui recoit fuppofe la pauvreté ou le rnanque du néceffaire. Or quand il n'y H 3  xi8 S E R M O N auroit que cette différence confidérable entre ces deux états, elle fuffiroit fans doute pour nous faire donner la préférence au premier. Je fais bien que 1'état d'opulence n'eft pas toujours celui qui rend le plus heureux, & que la pauvreté ne rend pas toujours miférable. Souvent l'on voit le pauvre dans fa chaumiere jouir d'un • contentement d'une fatisfaction d'un bonhelir réel, tandis que le chagrin les inquiétudes les foucis rongeans dévorent le riche au milieu du fafte & de fes Palais fomptueux. Mais d'oü cela vient-il? C'eft que ce pauvre jouit du rare privilége de favoir, a 1'exemple de St. Paul, être content des chofes felon quil fe trouve: c'eft que fa raifon & fon Chriftianifme, en lui faifant apprécier.les chofes dela terre a leur jufte valeur, le confolent dans 1'efpérance d'une condition plus heureufe après la mort: au lieu que le riche mécontent pofféde 1'art de fe rendre malheureux, ne fait- pas mettre a profit les avantages dont il jouit, & que fon cosur mal - fait les rend pour lui Ja fource de mille chagrins. II n'en eft pas moins vrai pour  fur la Bénéficence. 119 cela que les circonftances oü la providence a placé celui-ci, a les conüdérer en ellesmêmes, ne foient infiniment plus favorables, «St pourroient contribuer plus efficacement a fon bonheur, s'il étoit fage. II n'en eft pas moins vrai que 1'état, je ne dis pas feulement de ceux qui nagent dans fabondance, mais des perfonnes qui vivent dans une certaine aifance, dans une honnête médiocrité, eft infiniment plus heureux que celui oü l'on fe trouve, lorfqu'on eft obligé pour vivre d'avoir recours a la Bénéficence des autres. Comparez en effet ces deux états. Que celui du pauvre & du néceffiteux me paroit déplorable! C'eft peu de dire que le bas rang que la fociété affigne a celui qui s'y trouve, & fur-tout les petites idéés qu'on fe forme ordinairement de fa perfonne «St de fon mérite même, le privent de mille agrémens, de mille douceurs, «Sc juftifient bien le nom que lui donne St. Jacques, en 1'appellant unfrere de bajfe condition. Ce qui m'en fait fur-tout jugerainfi, ce font les peines, les foucis, les chagrins, les maux, qui 1'accompagnent continuelleH 4  i2o SERMON ment. Voyez eet homme plongé dans la milere, chargé d'une nombreufe familie, manquant de tout, joignant quelquefois a une extréme indigence une impuilfance abfolue de fubvenir par lui-même aux befoins les plus prelTans de la vie. En vain fouhaiteroit-il de gagner un peu de pain, füt-ce a la fueur de fon front; 1'occafion lui manque, & il eft obligé de retourner a vuide au fein de fa malheureufe familie. La il ne voit autoür de lui que des objets qui le navrent & qui déchirent fon cceur. Dans cette trifle habitation, que la pale lumiere d'une lampe éclaire & rend plus lugubre encore, auprès de quelques charbons épars dans la cendre & prêts è s'éteindre, s'offrent a fes yeux une Epoufe chérie, faifie de froid, dévorée par la faim, & portant fur lui des regards qui implorent la pitié, d'innocens enfans qui lui tendent leurs foibles mains, & dont les cris déchirent fes entrailles paternelles. Accablé fous le poids de fes infortunes, le fommeil & le repos fe refufent a fon corps épuifé. Le jour & la nuit, il cherche mais inutilement le moven de fe tircr d'une  fur la Bénéficence. 121 lituation fi cruelle. La foif, la faitn, le froid, la nudité, la honte, le défefpoir le confument. Une inaladie le couche dans un lit de langueur, fans foulagement, fans confolation, fans fecours. 11 périroic enfin fi dans cette dure extrétnité la charité de fes femblables n'y apportoit un reméde promt & effieace. Quelle déplorable fituadon, M. F.! Oppofëz-y cclle oü vous vous trouvez pour la plupart par un effet de la bonté divine. Quelle fatisfaclion d'avoir, fi non le fuperflu, du moins le néceffaire ; de quoi vousnourrir, vous couvrir, vous loger! Quel bonheur de n'avoir point a redouter ces affreufes extrétnités oü la mifére entraine! Quelle confolation d'avoir de quoi vous procurer mille douceurs, mille commodités propres a vous faire palTer agréablement vos jours! Quel bonheur fur-tout d'avoir les moyens d'élever votre familie, de pouvoir vous aflurer quelque refiburce au tems de 1'adverfité, quelque foulagement en cas de maladie, quelques douceurs pour la vieilleffe! Encore une fois, M. F.! comparez ce dernier état au H 5  122 SERMON premier ; ou plutöt allez vous-mêmes, tranfportez-vous dans ces fombres & triftes réduits oü notre miniftère nous appelle quelquefois: la, témoins de tout ce que 1'indigence a d'affreux, faites un retour férieux fur vous-mêmes; & bientöt, je m'aiïüre, vous fentirez la vérité de cette parole du Sauveur: c'eft une chofe plus heureufe de donner que de recevoir. II. A R T I C L E. Èlle paroit encore, en fecond lieu, lorsqu'on réfléchit fur les tentations auxquelles font expofés ceux qui font dans 1'indigence. Ce n'eft. pas que nous penfions que les richeffes mettent ceux qui les poffédent a 1'abri de toute tentation. Trop fouvent, hélas! par une fuite de notre corruption, elles deviennent entre nos mains autant de préfens funeftes qui ouvrent la porte au crime. II eft difficile, lorfqu'on fe voit un certain dégré d'élévation & d'opulence, de ne pas fe laiffer aller a 1'orgueil, a la vanité, au luxe, a. la fenfualité, &par cela-même a toutes fortes de vices; & le  fur la Bénéficence. 123 Fils de Syrach n'avoit que trop de raifons de s'écrier: qui eft celui-la fi? tous le diront bienheureux; car il a fait des chofes magnifiques ? Qui efl-ce qui a èté eprouvë par Vor 1 fi? eft demeuré parfait ? Mais quelque grandes que foient ces tentations, elles nous le parohTent moins, lorfque nous les comparons a celles que préfente un état de pauvreté & d'indigence, paree que d'ordinaire dans ce dernier l'on n'a pas tant de fecours pour s'en pré- I ferver, & qu'il faut plus de force d'Efprit pour y réfifter. Quand on a 1'avantage d'avoir recu une bonne éducation, d'avoir ■! été inftruit de bonne heure dans la connoisfance de Dieu & de la Religion; l'on peut auffi, lorfqu'on a le ccsur bien placé & ; qu'on veut fe donner la peine de cultiver i ces femences de vertu qui y ont étéjetées, l'on peut dis-je fe munir contre les tentations aux quelles on fe voit expofé. Mais ceux dont nous déplorons le malheur font pour 1'ordinaire privés de ces reffources. Qu'il eft rare de voir parmi les pauvres, les Peres & les Meres s'étudier j a donner a leurs enfans une bonne éduca-  124 SERMON tion, qui puiffe les préferver dans la fuite des dangers de leur état! Et s'il en eft quelques uns, comme graces a Dieu il s'en trouve encore, qui aiment la vertu, & qui voudroient 1'infpirer a leurs enfans; combien de fois n'en font-ils pas empêchés paree qu'ils n'ont pas les moyens de leur donner une éducation convenable? Or ces enfans reftant dans une craffe ignorance, fecondée par la corruption naturelle du crjeur humain, ne courent-ils pas le plus grand rifque d'être entrainés dans des vices que des circonftances plus heureufes eusfent pu prévenir? Confidérez d'ailleurs quelle force d'Efprit & quelle mefure extraordinaire de grace il faut pour ne pas, lorfqu'on eft pauvre, fe laiffer aller a de certains péchés ? Agur en étoit bien convaincu, & c'eft ce qui lui fit demander a Dieu ctéloigner de lui la pauvreté; de peur, ajoute-t'-il, qu''étant pauvre je ne dêrohe & ne premie en vain le nom de mon Dieu. Tels font en effet fouvent les funeftes exces oü porte 1'indigence. D'abord l'on s'impatiente, l'on murmure, l'on doute des foins de la Providence. Enfuite, fe  fur la Bénéficence. 125 croyant négligé ou abandonné de Dieu, on en vient, foit par ces voyes frauduleufes & obliques, foit direétement a pourvoir a fes befoins, en s'appropriant ce qui appartient a autrui. Aprés-quoi, comme les loix humaines aulfi-bien que les loix divines défendent le larcin fous des peines févéres; pour les éviter on ne fait pas fcrupule de mentir, en niant qu'on ait commis ce crime lorfqu'on s'en voit accui fé; ou même de faire un faux ferment en prenant Dieu a témoin de fon innocence, fi l'on voit moyen par la de fe fouftraire . a la punition. C'eft ainfi que d'un pêché on tombe dans un autre pêché; & que, - comme David dans fa chute, on tache de ) couvrir un crime par un autre crime. Or M. F.! fi ce font la des tentations aux quelles la pauvreté & 1'indigence exI pofent; qui ne reconnoïtra qu'elles font ) des plus violentes? Et puifque l'on en eft a couvert, lorfque jouiffant d'une cer: taine portion des bien de ce monde, au , lieu de dépendre de la Bénéficence des autres, on eft en état de 1'exercer foi1 même; qui ne conclura avec nous que  126 S E R M O N ëefl une chofe plus heureufe de donner que de recevoir. III. ARTICLE. Vous aurez une nouvelle preuve de cette vérité, M. F.! fi vous oppofez aux défagrémens qu'eft ordinaireraent obligé d'esfuyer celui qui recoit, les plaifirs & les douceurs que goüte toujours celui qui donne. Nous 1'avons déja dit: a certains égards il femble qu'il n'y ait rien de plus heureux, de plus propre a foulager nos maux & a nous confoler, que de trouver dans le befoin des perfonnes qui nous tendent une main fecourable. Mais fi vous examinez de plus prés la maniere dont quelquefois ces fecours & ces löulagemens s'accordent, vous conviendrez que ibuvent ils ne font qu'ajouter a 1'affiiétion de ceux qui en font les objets. Combien de gens chez qui tout le prix de 1'aumöne eft perdu par la maniere dont elle eft faite ? Combien qui donnent, non par charité, par compaffion, mais feulement pour être délivrés des cris du pauvre, & qui, com-  fnr la Bénéficence. ïay me le Juge inique, accordent a 1'importunité ce qu'ils auroient dü donner par un principe de charité Chrétienne? Combien qui accompagnent leurs dons d'un vifage févére, d'airs de hauteur, de termes rudes, de reproches amers, mille fois plus fenfibles pour un cceur bien placé que la pauvreté même? Or n'eft-on pas a plaindre, n'eft-il pas douloureux de devoir fouffrir de pareils traitemens de la part de ceux qui femblent nous obliger ? Mais je fuppofe même que ceux qui donnent donnent gaiement, avec plaifir, avec défintéreffement, accompagnant leurs dons de manieres obligeantes; n'y a-t-il pas toujours quelque chofe d'humiliant pour celui qui les recoit, de fe voir, pour ainfi dire, dépendant de la charité des autres ? Sans affeéter un certain orgueil déplacé dans tout homme qui penfe, mais fur-tout ridicule dans un pauvre couvert de haillons, qui en confidérant que c'eft Dieu qui a jugé a propos de le placer dans eet état, doit favoir s'y conformer avec humilité; n'eft il pas vrai que le plaifir qu'on goüte en recevant un fecours dont on ne peut fe  123 SERMON, palTer eft toujours imparfait, toujours altéré par 1'idée de nos imperfeétions & de nos befoins ? Et quand il n'y auroit que fimpoffibilité oü l'on fe voit de s'acquiter de fes obligations envers un bienfaiteur généreux; n'eft-ce pas, pour un coeur délicat & fenfible, un fujet de mortification qui ne contribue pas peu a rendre •facheux 1'état oü il fe trouve ? Oppofez a préfent, M. F.! a ces défagrémens, aux quels fe voit fouvent expofé celui qui eft obligé de recevoir, les plaifirs & les douceurs que gofite toujours celui qui donne. Qu'ils font vifs & délicieux! Ici c'eft a vos fentimens que j'en appelle, ames généreufes, ames que le Créateur femble n'avoir placées dans le monde que pour être les foutiens & les protecleurs des ma!heureux ! Quelle tendre, quelle douce émotion n'éprouvez-vous pas lorfque par votre Bénéficence vous pouvez prévenir d'extrêmes befoins , fécourir des miférables, les arracher des bras de la mort, rendre contens des cceurs attriftés, y répandre la confolation & 1'alégreffe! Quelle joie fecrette ne reffent point  fur la Bénéficence. 129 point 1'ame, lorfqu'elle peut faire du bien a ceux qui luttent contre la néceffité & qui gémiffent fous le poids accablant de ' 1'indigence! Quelle fatisfaótion plus fenfi; ble que de mettre un homme opprimé par 1'infortune dans une fituation heureufe & agréable, que de fecourir a propos une familie affligée, de prévenir fa chute, de la remettre fur pied! Quel ufage plus excellent de fes biens, que de les employer 1 a la fondation ou au maintien d'établiffemens deftinés au foulagement de ceux qui font dans le befoin! Qu'il eft doux de pouvoir fe dire: „ J'ai contribué a le „ former, a le foutenir eet établiffement „ fi pieux. C'eft la que 1'orphelin & la ,, veuve trouvent un doux afyle, une „ paifible retraite. C'eft la que par mes „ foins charitables la vieilleffe goüte la „ tranquillité, le contentement, ierepos; „ tandis qu'une jeunefle indigente y recoit „ une éducation propre a former d'utiles . „ citoyens a 1'Etat, de dignes membres „ de 1'Eglife. C'eft dans ce fanctuaire de , „ piété que l'on enfeigne aux enfans a , „ lever vers le Ciel leurs innocentes I  i3o SER M O N „ mains pour prier en ma faveur, «Sc oü la tremblante voix du viqjllard fait un „ effort pour me bénir." O quel plaifir plus pur que de fe voir ainfi la caufe des don ces impreffions qu'une charité bien placée fait dans 1'ame de celui qui en éprouve les doux fruits, & de s'attirer par ce moyen 1'innocent tribut de fes bénédiélions, de fes a&ions de graces ! Ah! M. F.! la joie, la douce joie qui paroit dans les yeux de ceux que l'on affille n'eft - elle pas un éloquent remerciment, une touchante récompenfe? Le plaifir que l'on en reflent n'eft - il pas un des plus purs, des plus délicieux, des plus réels que puiflè goöter un cceur bien placé ? Et chacun de vous, fe rappellant ici tout ce que fa Bénéficence doit lui avoir fait éprouver dans de pareilles, oecafions, n'eftil pas prêt a s'écrier par fentiment & par conviction? Certes c sfl une chofe plus heureufe de donner que de receyoir. IV. ARTICLE. II ne vous reftera aucun doute fur ce  fur la Bénéficence. 131 jtujet, M. F.! fi vous confidérez enfin les avantages qui reviennent a celui qui donne, & qui font fans comparaifon plus grands & plus réels que ceux que fe procure celui qui recoit. Ces derniers en effet, quoique pour le moment ils ne puilfent qu'être très-agréables, font cependant incertains & paffagers; fouvent fuivis de nouveaux foucis, de nouvelles peines, de nouvelles inquiétudes; toujours périffables & inutiles a 1'heure de la mort. Ah! les avantages que fe procurent ceux qui donnent font bien plus réels, plus folides, plus durables. Pour le prouver, nous pourrions vous obferver ici que par la ils deviennent les délices de la fociété; parceque la Bénéficence eft une vertu qui n'excite point f envie contre ceux qui 1'exercent , mais qui au contraire leur concilie 1'admiration, le refpeél & 1'estime de tous. Nous pourrions ajouter encore que par la on s'alTure des reflburces & des fecours prefque infaillibles pour les tems de calamité; vu qu'il eft très-rare qu'après s'être montré bienfaifant envers un chacun durant la profpérité, l'on manque I 2  ]32 S E R M O N totalement d'amis lorfque l'on eft dans le befoin. Mais fans nous arrêter a ces avantages, qui bien que précieux font cependant toujours incertains; bornons-nous uniquement aux récompenfes toujours alfurées, que fe procure 1'homme charitable de la part de Dieu. Et ici, M. F.! que de promefies fonnelles & réitérées ne lui font pas faites dans fEcriture? Ecoutez St. Heb.vi.io. Paul: Dieu riejl pas injufle pour oublier votre oeuvre & le travail de votre charité que vous avez témoigné pour fon Nom, en ce que vous avez fecouru les Saints 6? que vous pr. les fecourez encore. Ecoutez David: BienXLI'2'3' heureux eft celui qui fe conduit fagement envers raffligé! r Eter nel le délivrera au tems de la calamitë. L'Eternel le gardera & le préfervera en vie: il fera même rendu heureux en la terre: il ne fera point livré au pr. gré de fes ennemis. Le jufte qui a compasxxxvii.21. j.on ^ ^ jmmfera conduit par V'Eternel, pr. & il prend plaifir a fes voies. L'homme de CXÜ.5^. Yten qui fait des aumones & qui prête, ne fra jamais èbranlé: il fera en mémoire per* pétuelle: fon coeur fera ferme saffurant e%\\  fur la Bénéficence. T33 VEternel. Ecoutez Dieu lui-même s'exprimant ainfi par la bouche du Prophete ^ Efaïe: fi tu ouvres ton coeur a celui qui a ^01U ' faim, & que tu raffafies lAme affiigée; alors ta lumiere naitra dans les ténëbres, & les ténëbres feront comme le- midi. Alors l'Eternel te conduira contimellement: il rafafiera ton Ame dans les grandes'fécheresfes : il engraiffera tes os & tu fcras comme un jardih arrofë, c? comme unefource dont les eaux ne défaillent point. Alors ta lumie- L Eft. ^ re éclora comme l'aube du jour, & ta guérifon germera incontinent; ta juftice ira devant toi, & la gloire de 1'Eternel fera ton arriere - garde. Après de telles déclarations; qui ne reconnoïtroit le bonheur de. celui qui, piacé dans des circonftances oü il peut faire part de fes biens a ceux qui font dans la néceffité, peut auffi par la s'affurer toutes ces bénédiótions? Dèsici-bas, comme vous venez de 1'entendre: Dieu récompenfe fa Bénéficence, quelquefois en lui rendant fes bienfaits au centuple, toujours en N». lui accordant une abondante portion de biens fpirituels; cm 1'Eter nel ufe de graI 3  134 SERMON tuité envers celui qui ufe de gratuite: & lorfque, comme Corneille, on joint les auraönes a la priere, on trouve bientöt le chemin au tröne de Dieu, pour en obtenir grace & miféricorde. Mais ce fera fur-tout dans le Ciel que fa Bénéficence fera glorieufement récompenfée. Oui! d'après ce que nous en dit 1'Evangile, il n'eft pas douteux que par 1'exercice de cette vertu il ne difpofe le Pere des miféricordes a lui faire grace, a caufe du mérite réel & infini de JéfusChrift , dans ce jour folemnel oü il rendra a chacun felon fes ceuvres. C'eft alors que les richeffes de 1'Eternité feront difpenfées a proportion, non de ce qui a été recu, mais de ce qui a été donné, fuivant ces déclarations de St. Paul & de St. jacques: celui qui feme chichement recueillira auffi xvTii.ïtf. chichement: & celui qui feme libéralement recueillira aufi libéralement. Si alors // y aura condamnation fans miféricorde fur celui qui riaura point ufé de miféricorde; alors auffi la miféricorde de Dieu fe glorifera par dejfus par la condamnation en faveur des miféricordieux, Cet Etre Suprème  fur Ia Bénéficence. 135 1 leur fera goüter toute 1'étendue defescompaffions: il leur communiquera tous les tréfors de fa bonté: il verfera fur eux tou- , tes les richeifes de fa gloire & tous les biens raviffans du Royaume célefte. Ah, ' M. F.! fi tels font les fruits, les avantages glorieux que recueillen.t, & dans le tems & dans 1'éternité, ceux qui communiqüen't de leurs biens aux pauvres; ne pouvons-nous pas encore conclure a eet ég.ird, que cefl une chofe plus heureufe de donner que de recevoir. CONCLUSION. C'eft une chofe plus heureufe de donner | que de recevoir. Ce bonheur ne vous regari de donc point, Pauvres de ce monde! il Freres infoftünés! dont le fort eft de recevoir & de ne vivre que des effets de la Bénéficence des autres. Ah! en plaignant votre fort, nous vous exhortons a vous humilier (bus la puiffante 'main d'un Dieu qui, étant la charité & la fageffe-même, a fans doute fur vous des deffeins qui y I font conformes. /^pprenez dê St. Paul i être contens des chofes felon que vous vous • I 4  i36 SERMON trouyez; fachant que c'eft Dieu qui êléve & qui abaiffe, qui apawrit 6? qui enrichit. Si dans ce monde il ne vous a point donné les richefTes en partage; confolezvous-en par la penfée qu'elles fontfragiles, périffables, & que fouvent, lorfqu'on en fait un mauvais ufage, elles deviennent un obftaóe a facquifition des tréfors céleftes. Cherchez dans un travail honnête & affidu de quoi fournir a vos befoins & a ceux de vos enfans, en implorant la Bénédiétion de Dieu fur 1'ceuvre'de vos mains. Votre état, je 1'avoue, paroit trifte, facheux, méprifable même aux yeux du monde; mais il eft un Dieu qui en juge différemment. Pour être dans 1'indigence vous n'en êtes pas moins fes créatures, fes enfans, & des enfans dont les intéréts lui font chers: vous n'étes pas moins a même de vous enrichir pour le Ciel. Oui! notre Dieu & notre Pere commun a plus d'une Bênédiclion. Ecoutez, vous dit 1'Apötre St. Tacques, écoutez mes freres bien-aimès! Dieu n a-t -u pas choiji les pauvres de ce monde, lefquels font riches en la foi & héritiers du Royaume qu'il réferve d ceuxt qui ïaiment ?  fur la Bénéficence. 157 Pourvu donc que vous fupportiez votre j indigence avec humilité, avecréfignation; ; pourvu que vous ayez la crainte de Dieu 1 dans vos cceurs, vous pouvez vous affu; rer avec confiance des tréfors dans le Ciel. I Cettte légere afjliclion qui ne fait que paf er produira un jour en vous un poids éternel d'une gloire fouverainement excellente. O ! quelle ne fera pas alors votre joie, quelle > votre confolation; lorfque dépouillant ces haillons qui vous couvrent aujourd'hui, vous ferez reyêtus de la robe de noces, admis au banquet facré de YAgneau? lorfque, quittant ces fombres réduits oü vous habitez, vous ferez introduits dans le Palais duRoi des Rois? lorfque voyant ceffervos peines & vos miferes vous ferez admis a ce repos éternel qui refle pour le peuple de Dien? Que cette magnifique attente vous foutienne; quelle vous" porte a travailler avec un nouveau zèle a votre falut, & a fanélifier votre pauvreté par un attachement fincere &. conftant au fervice de JéfusChrift! Vous le devez fur-tout, vous, qui au moven d'un établiffement fondé par les I 5  i33 SERMON foins charitables de ce Troupeau, êtes a 1'abri des dangers de votre état, & jouisfez de tous les fecours propres a en adoucir les amertumes. Oui! votre condition ne doit point vous paroïtre fi affligeante, puisque vous vivez parmi des Freres qui jufques ici n'ont rien épargné pour en adoucir 1'amertume, & dont nous ne doutons pas que vous n'éprouviez encore dans ce jour les fecours puiffans. Ah! répondez, répondez a leur Bénéficence en vous rendant dignes de leurs foins généreux. Vous le pouvez, vous qui parvenus a un age avancé avez la confolation de finir vous jours en paix, fans foucis, fans inquiétudes. Employez-les ces jours a achever Toeuvre de votre fanclification dans la crainte du Seigneur, a vous préparer pour 1 eternité % & a folliciter en faveur de vos bienfaiteurs les bontés divines. Vous le pouvez, Jeunes-Gens! en concourant autant qu'en vous eft au but que l'on fe propofe de vous rendre gens de bien. Craignez Dieu & honorez le Souverain. Montrez-vous foumis a tous ceux qui font commis fur vous en autorité, & dont les foins vigilans  fur la Bénéficence, 139 & affidus, en méritant nos éloges, mentent votre jufte reconnoiffance. Refpe&ez vos maïtres «Sc foyez dociles a leurs avis i & a leurs inftructions. Souvenez-vous des : obligations infinies que vous avez a ceux 1 qui, en contribuant par leurs largefles a votre bien - être temporel, contribuent par cela-même auffi au falut éternel de vos ames. Rendez-vous par votre humilité, par votre modeftie, par votre application, approuvés aux yeux d'un Dieu qui ne fe laife pas fans témoignage envers vous en vous faifant du bien. En un mot, Vieillards & Jeunes*Gens! PvéunifTez-vous tous pour le bénir du fond de vos cceurs; & en rempliffant, chacun felon fes forces, les devoirs de fa vocation ici-bas, puiffiez-vous vous conciiier de plus en plus 1'affection dece Troupeau, attirer la Bénédiction de Dieu fur vous, «Sc faire un jour la douce expérience de cette parole du Sauveur: bienheureux font Ma«.v. 13. les pauvres: car le Royaume de Dieu leur appartientl Pour vous, M. F.! que la providence a placés dans des circonftances plus favo-  j4o SERMON rables pour le monde; bénhTez-en Dieu & ne ceflèz pas de lui en rendre graces. Vous venez d'entendre a combien d'égards votre fort eft plus heureux que celui de ces Membres infortunés du corps de Chrift, qui n'ont pour vivre que ce que votre Bénéficence veut bien leur accorder. Ah! montrez que vous connoiffez, que vous fentez tout le prix de votre bonheur, en continuant a communiquer aux néceffités des Saints. Vous 1'avez fait fi généreufement jufques ici; & les preuves effeétives & toujours nouvelles de votre affection & de vos tendres foins pour une Maifon que votre charité fonda, que votre charité foutient, nous font un fur garant qu'encore aujourd'hui vous vous élargirez en fa faveur. Ne vous reldchez point, M. T. C. F.! Ne vous Gal vi 9. reldchez point en faifant du bien; car vous moiffbnnerez en fon tems fi vous ne vous reldchez point. Convaincus que ceft une chofe plus heureufe de donner que de recevoir, . donnez avec plus d'abondance encore, & qu'a eet égard vos dernieres oeuvres furpaffent toujours les premières. Souvenezvous que fi la Bénéficence affure des dou-  fur la Bénéficence. 141 ceurs & des avantages dès cette vie, elle vous en procurera d'infiniment plus grands encore dans 1'Eternité; lorfque Dieu, qui écrit vos libéralités fur fon Livre, re cevra vos ames pour les rendre a jamais heureufes dans fon Ciel. Et puifque la récompenfe eft alTurée a celui qui feme 1'aumöne, & qui la feme dans 1'Efprit du Chriftianifme & pour famour de Chrift fon Chef, fon Modéle, fon Rémunérateur; jetez avec joie, jetez a fenvi ces faintes femences qui, tout oubliées qu'elles paroilfent, éclöront un jour & fortiront de leurs lieux fecrets pour produire la plus abondante moiflbn. Oui! un tems vient, peut - être il eft bien proche, oü, aux prifes avec la mort qui ferm era pour jamais vos yeux a 1'éclat de vos richelfes, vous tiendrez avec la plus intime conviction eet édifiant langage: ,, Tu vois, mon ,, Ame! tu vois maintenant a quoi te ,, ferviroient les biens aux quels tu vas „ être arrachée, fi tu n'avois appris a en „ récréer les entrailles du nécefiiteux, & ,, a en détacher ton cceur. Tu vois main„ tenant que ceux qui les poffédent ne  142 SËRMÖN fur la Bénéficence* » font heureux qu'autant qu'ils fe fouvien» „ nent d'en faire part a ceux que mon „ Sauveur ria pint dédaigné de nommer „ fesfreres. Ils n'ont pu ces biens fragi„ les & paffagers, qui n'ont rien de con„ ftant que-leur inconftance - même, ils „ n'ont pu te contenter: ils ne fauroient „ te fuivre. Mais dans le Ciel t'attendent „ ces vraies richeffes qui feules feront la „ fource intariffable de ta félicité. La le „ riche en bonnes ceuyres eft pour jamais „ riche en Dieu. Eternel! combien font „ grands les biens que tu rèferves d ceux qui „ te craignent! O que bienheureux eft celui „ qui a eu pitié du chétifl" Dieu veuille que ce foient la vos fentimens, vos discours, & votre fort, Amen! Pfi XLL i. CXII. 3 e 5-  '43 PRIERE. Pere Célefte! Auteur unique de toute bonne donation & de tout don parfait! Nous nous abattons encore humbletnent a tes pieds, pour te rendre graces de la faveur que tu viens de nous accorder, d'entendre & de méditer ta parole, & pour te fupplier de graver profondément dans nos cceurs les confolantes inftruclions que ton divin Fils vient de nous rnettre devant les yeux. Qu'appris a fon école que c'eft une chofe plus heureufe de donner que de recevoir, & placés pour la plupart, par un effet de tes divines bontés, dans la fituation li défirable de pouvoir donner, nous ne négligions jamais les occafions de nous alfurer le bonheur qui y eft attaché ! Mets-nous toi-même au cceur de faifir avec empreflement & avec joie celle qui nous en eft offerte aujourd'hui. Infpire-nous des fentimens de compaffion & de charité envers les pauvres qui nous font particuliérement recommandés; & que, les affiftantchacun felon notre pouvoir, nous contribuions de plus en rius par nos aumönes au foutien & a la perfeétion d'un établiffement con-  144 P R I E R E. facré a 1'avancetnent de ta gloire, & fondé dans les vues charitables de fubvenir aux befoins du Vieillard de la Veuve & de 1'Orphelin. Que 1'ceil de ta Providence foit ou ver t fans ceffe en bien fur cette Maifon. Daigne la bénir & la faire profpérer. Béni les inftruótions qui s'y donnent. Béni les foins charitables de ceux qui confacrent leurs tems & leurs peines a y maintenir le bon ordre & la paix. Que fe mon trant les Ver es & les Meres des pauvres, ils trouvent en toi le magnifique rémunérateur de leur piété & de leur charité. Qu'ainfi, ö notre Dieu! ta Bénédiélion repofant fans ceffe fur cette pieufe Fondation, ceux qui en recueillent déja les précieux fruits y trouvent de continuels fujetsde telouer, de te bénir, de faire éclater leur gratitude par un nouveau zèle a remplir leurs différens devoirs; & que nous, Seigneur! nous nous procurions a nous-mêmes ces plaifirs fi purs, ces avantages fi glorieux qu'aflure 1'exercice de la charité: & qu'après avoir ufé de gratuite envers nos freres, nous obtenions grace devant toi dans la derniere journée, quand tu rendras d chacun felon fes ozuvres l SER-  SERMON SUR L'A B U S qU'ON PEUT FAIRE DE LA RELIGION. Ne fois point trop jufte, ne te fai pas plus fagè qu'il ne faut; pourquoi en deyiendrois-tu éperdu ? Eccl. VII. i r5. Mes Freres! C'eft une vérité ihconteftable & dont notre fiecle fournit plus d'un exemple, qu'on peut abufer de Ia Religion & de la piété, comme de toute autre chofe; qu'on peut les outrer & les porter k des excès condamnables. Quelquefois l'on abufe de la Religion, lorfque, non content de ce qiie Dieu nous a révélé, l'on porte la témérité & 1'orgueil jufqu'a vouloir pénétrer dans les Myfteres les plus fublimes, & aprofondir certaines vérités, qui font au deffus de notre portée, & que Dieu a jugé a propos de ne nous faire connoitre qu'en partie. Quelquefois encore l'on abufe de la Reli* gion, lorfqu'expliquant trop a la lettre K  145 SERMON fur l'abus qu'on certains devoirs qu'elle prefcrit, Ton va au dela de ce que Dieu a commandé & l'on s'impofe des obligations qu'il n'exige point. C'eft, M. F.! a vous munir contre ces abus, par la confidération des fuites funeftes oü ils entrainent, que nous avons deffein de travailler aujourd'hui; & c'eft a nous les faire éviter que tend 1'exhortation de Salomon dans notre texte: ne fois point trop jufte fi? ne te fai pas plus fage qu'il nefaut; pourquoi en deviendrois-tu éperdu? Parmi les divers fens dont ces paroles font fufceptibles, nous croyons devoir donner la préférence a celui-ci, qu'ont adopté plufieurs Commentateurs, & qui nous paroit Ie plus naturel. Ne fois point trop juf e; pourquoi en deviendrois tu éperdu? c'eft-a-dire : n'entreprens point d'aller au dela de ton devoir; d'ajouter, a la tache que Dieu t'a prefcrite, une nouvelle tache qu'il n'a point exigée: tien-toi aux préceptes que Dieu t'a donnés , de peur que, loin de lui plaire, tu ne 1'irrites, & qu'au lieu de la récompenfe que tu t'en promets tu ne fois couvert de confufion. Ne te fai pas plus fage qu'il ne  peut faire de le Religion. 147 faut; pourquoi en deviendrois - tu éperdu? c'eft-a-dire: n'entrepren point de fonder, par une curiofké téméraire & orgueilleufe, ces Myfteres fublimes qui font 1'objet de ta foi , de peur que leur éclat ne t'éblouilfe & que tu ne te perdes dans leurs profondeurs. Tel eft, M. F.! le fens général que nous croyons devoir donner a notre texte; & c'eft en le confidérant fous ces deux idees qu'il nous offre, que nous allons, en commencant par la derniere, paree que c'eft fur elle que la première eft fondée, vous faire voir d'abord comment on peut être trop fage par rapport aux Vèrités que la Religion propofe a croire. Enfuite nous montrerons comment 011 peut être trop jufte par rapport aux Devoirs qu'elle ordonne de pratiquer. A mefure que nous déveloperons ces deux propofitions, nous tacherons de juftifier ce que Salomon avance ; c'eft, qu'a 1'un & a 1'autre égard on s'expofe au danger de fe confondre & de fe perdre. C'eft tout le plan & le partage de ce Difcours. Dieu vueille le bénir & le faire K 2  148 SERMON fur l'abus qiion contribuer a 1'avancement de fa gloire, a notre commune édification, & au falut de nos Ames immortelles, Ainfi foit-il! t P A R T I E. La première idee fous laquelle nous avons dit que 1'exhortation de notre texte pouvoit être comfidérée, c'eft en 1'envifageant par rapport aux Vêrités de la Religion. II n'eft pas douteux M. F.! que Dieu ne nous ait révélé ces vérités afin que nous les connoiflions; d'autant plus que cette connoifiance peut feule nous porter efficacement a la pratique des devoirs que la même Religion nous impofe, & que fervant pour ainfi dire d'teil a notre Ame, elle doit la diriger dans fes opérations, dans fes inclinations, dans fes recherches, dans fes attachemens. Auifi eft-ce afin que nous acquérions cette connoiflance falutaire, que Dieu nous a mis entre les mains fa parole diyinement infpirée, propre d enfeigner, d conyaincre, d corriger £5? d nous inftruire felon la jujlice. Source féconde oü chacun peut & doit venir puifer, a proportion de fes befoins, de nouvelles  peut faire de le Religion. 149 lumieres, & oü tous les hommes doivent venir s'inftruire fur ce qu'il leur importe de croire & de pratiquer, de craindre & d'efpérer. A eet égard nous ne faurions être trop fages, paree que nous ne faurions trop crottre dans la grace £? dans la connoisfance de notre Seigneur Jéfus - Chrift. Cependant, IV]. F.! dans ces mêmes vérités, qui font fobjet de notre foi & de nos connoiffances, il y a des cötés couverts d'ombres, & environnés de ténébres fi profondes, que nous ne devons ni entreprendre, ni efpérer jamais, de pouvoir les pénétrer. Dans ce que Dieu nous a clairement révélé nous trouvons fuffifamment de quoi étendre nos lumieres, perfectioneer nos connoiffances, alTurer notre falut; & c'eft a cela que nous devons nous en tenir. Entreprendre d'aller plus loin; d'aprofondir certaines vérites que Dieu a jugé a propos de nous cacher, ou de ne nous révéler qu'en partie; prétendre leur donner une clarté, une évidence, qu'elles n'ont point par elles-mêmes, du moins par rapport a nous, dans 1'état de foiblefïè cc d'imnerfeélion oü nous fommes fur la K 3  150 SERMON fur l'abas qu'on terre; c'eft tomber dans le défaut que Salomon condamne dans notre texte; c'eft fe faire plus fage qu'il ne faut. Mais pour mieux faire connoitre la nature de ce défaut & nous aider a f éviter, éclairciffons ce que nous venons de dire par quelques exemples. L'exiflence de Dieu eft une vérité certaine, & fi évidente, qu'il eft plus que vrai-femblable que ceux qui ofent la nier n'agiffent pas de bonne foi, & qu'ils démentent de la bouche leur propre fentiment & la conviclion de leur cceur. II n'eft pas moins clair & certain que ce Dieu eft un être fouverainement Parfait, Eternel, Immuable,Indépendant, Tout-Puiffant. Jufques-la la Raifon marché, fi je puis m'exprimer ainfi, a cöté de la Révélation. Mais quand après cela nous voulons nous former une idéé jufte, complette, de Dieu & de chacune de fes perfeótions confidérée en elle-même; quand nous voulons comprendre & expliquer comment il fubfifte par lui-même, comment il fubfifte fans commencement, comment il fubfifte fans que les années ni les fiecles ne puiffent rien ajouter a  peul: faire de la Religion. 151 fa durée ; comment il eft préfent par tout fans occuper aucun lieu, corni ment il prévoit avec certitude tous les événemens qui dépendent de la dé; termination libre de notre volonté: que de profondeurs! que d'abymes! que de ' iVlyftéres inexplicables! Quelle témérité a 1'efprit humain d'entreprendre de les expliquer & de les réduire au niveau de notre foible compréhenfion ! C'eft la tomber dans le défaut que Salomon cenfure; c'eft fe faire plus fage qu'il ne faut. La Providence de Dieu eft une autre vérité, non moins évidente que celle de fon Exiftence, mais en même-tems non moins myftérieufe a certains égards, que celle de fa Nature & de fes Aitributs. Nous favons en général que Dieu gouverne le monde, & que rien n'arrive fans fa permiffion, fans fa direction , fans fon concours. Mais que d'abymes oü nous nous perdons, lorfque nous voulons examiner plus particuliéreraent les raifons de cette Providence & la maniere dont elle agït? Que de difficultés fe préfentent a 1'eiprit, lorfqu'on veut rechercher pour• K 4  ï 52 S Ë R M O N fur ïabus qu'on quoi Dieu, qui hait fouverainement le pêché, pouvant empêcher 1'homme de le eommettre, a néanmoins voulu permettre qu'il le commit? comment il peut concourir dans tous les événemens fans préjudicier a fa Sainteté parfaite? comment fes opérations & fes décrets s'accordent avec la liberté de 1'homme? Vouloir réfoudre toutes les difhcultés que préfentent ces diverfes queftions, qui pourtant ne renverfent pas les vérités, fondées fur des raifons folides & inconteftables, qu'elles femblent attaquer; entreprendre de répondre a tout, de lever ce voile dont Dieu fe couvre encore a notre égard; de mettre en évidence toutes les raifons de fa conduite: c'eft encore la, M. F.! fe faire plus fage qu'il ne faut. A ces deux exemples, qui appartiennent proprement a la Religion naturelle, ajoutons - en un troifieme pris de la Religion révélée, & que fournit le dogme de la Irinitè. L'Evangile nous apprend qu'il n'y a qu'un feul Dieu, & que dans 1'Esfence divine il y a trois Perfonnes, le Pere, le Fils, £=? le Saint- Efprit, qui  peut faire de la Religion. 153 communiquent a cette Effence fans en détruire ïUnitè. Cette vérité eft une de celles que la raifon ne fauroit ni expliquer, ni comprendre. La croire paree qu'eüe eft enfeignée par un Dieu qui ne peut mentir ni tromper, c'eft être véritablement fage. Mais entreprendre, comme l'on a fait, de 1'expliquer, de déveloper comment ces trois Perfonnes divines poffédent la même nature fans la multiplier ou fans la divifer; de montrer quelle diftinélion il y a entre chacune de ces trois Perfonnes; en quoi confifte précifément la Génération Eternelle du Fils, & la Proceffion du Saint-Efprit; forger, pour en venir a bout, des termes,non feulement inconnus a 1'Ecriture, mais inintelligibles a la droite Raifon: c'eft abufer > de la Religion: c'eft pratiquer ce que Salomon cenfure: c'eft fe faire plus fage qu.il ne faut. Après ces exemples qui font voir comment on peut tomber dans ce défaut, la moindre réflexion fuffit, M. F.! pour fe convaincre comment, en agiffant de la forte, on s'expofe au danger de fe conK 5  154 SERMON fur ï.abus quon fondre & de fe perdre. Quoiquc plufieurs de ceux qui tachent d'aprofondir ces Myfteres aient fouvent de bonnes intentions, croyant mettre par la la gloire de Dieu dans un plus beau jour, & confirmer puilfamment leur propre foi & celle des autres; 1'expérience n'a-t-elle pas prouvé que leurs fpéculations, loin de difliper les ténébres dont ces Myfteres font environnés, n'ont fait que les rendre plus épaiffes, & donner de grands avantages aux ennemis de la Religion; paree que, voulant les éclaircir & les prouver par des raifonnemens humains, ils font obligés de reconnoltre la raifon pour juge compétent de ces vérités, indépendamment de la Révelation. Ce n'eft pas que nous penfions que la Raifon doive être bannie de la Religion. Le foutenir ce feroit donner gain de caufe aux incrédules & aux libertins, qui nous reprochent 1'incompatiblité de la Révélation avec la Raifon. Non! ces lumieres partenc d'une même fource & ne fe combattent jamais; feulement font-elles fubordonnées 1'une a 1'autre. La Religion eft un fer-  peut faire de le Religion. 155 vice raifonnable; mais cela n'empêche point qu'elle ne puiffe propofer des vérkés a croire, que la Raifon ne fauroit comprendre. Nous marchons ici-bas par la foi & non point par la vue. Notre Dieu efl un Dieu qui fe cache tant a 1'égard de fa Nature qu'a 1'égard de fes Deffeins. Et quand il ne fe cacheroit pas; quand il fe découvriroit a nos yeux tel qu'il eft; quand il dégageroit même notre efprit de fes préjugés, de fes ténébres, de fes erreurs, de cette pefanteur que doit lui donner 1'union étoite qu'il a avec le corps; nous ne faurions encore comprendre fa Nature & fes Voies. Comme Elie qui s'eweloppa dans fon man- ^ois teau, lorfque la gloire de Dieu paffa prés 'I3' de lui; ou plutöt comme les Sèraphins, qui Efa.vi.2. environnent le tröne de fa Majefté divine, fe voient obligés de fe couvrir la face de leurs atles; nous de même, éblouisd'unelumiere fi éclatante, nous devrions nous cacher, & nous nous contenterions d'admirer & d'adorer ce que nous ne faurions comprendre. Combien plus devons-nous Jc faire aujourd'hui dans 1'état d'imperfech'on & de foibleffe oü nous nous trouvons  156 SERMON fur Pabus quon ici-bas; dans un état, oü d'un cöté notre efprit naturellement fi borné eft encore plongé dans les ténébres de la corruption, j Rois & oü de fautre, Dieu habite, comme parle vin. 12. r Salomon, dans lobfcurité; ou, s'il habite dans la lumiere, c'eft dans une lumiere inaccejfble. Ah! M. F.! tandis qu'il fe cache, refpeétons la nuée dont il fe cou- vre. Attendons le tems oü il fe mani- feftera davantage. Craignons, en vou- lant tiop fonder fes profondeurs, d'atti- rer fur nous une punition pareille ou plus rigoureufe encore que celle de ces Ifraë- lites téméraires, qui voulurent porter leurs regards curieux jufques dans 1'inté- rieur de 1'Arche: ne nous faifons pas plus fages qu'il ne faut; pourquoi en devien- drions ■ nous éperdus ? Ce que nous venons de dire de ces vérités de la Religion qui font des Myfteres en elles - mêmes & par leur nature, doit auffi être appliqué, M. F.! a toutes ces queftions plus curieufes qu'utiles qu'on fait, tant fur la nature du bonheur des Juftes dans le Ciel, que fur celle des pei- nes des Réprouvés dans les Enfers: a ces  peut faire de la Religion. 157 aflèrtions hazardées & fouvent fauffes , touchant la proximité ou 1'éloignement de la fin du monde; touchant 1'année oü Jéfus-Chrift defcendra du Ciel; touchant ce qui doit arriver dans tel ou tel tems. Parler fur ces fortes de matieres affir- mativeraent; ofer décider ce qui en eft; c'eft s'ingérer témérairement dans les chofes qu'on n'a point vues, qu'on ne peut favoir, & dont il n'eft nullement néceffaire d'être inftruit: c'eft prétendre connoitre la pen- fée du Seigneur; c'eft fe faire plus fage quil ne faut. Et c'eft a ceux qui font tels, qu'on peut appliquer parfaitement ce que Saint Paul difoit de quelques Philo- fophes payens de fon tems: ils font devenus yains dans leurs difcours, fi? leur cozur deftitué iintelligence a été rempli de ténëbres: fe difant être fages ils font devenus fous. O que les Chrétiens feroient bien mieux de profiter de ce beau précepte du Fils de Ecc, Syrach! Ne cherche point les chofes qui font ni.ai-24. plus haut es que toi, & ne fenquiers pas follement des chofes qui font plus fortes que toi: mais penfe faintement aux chofes que Dieu fa commandëes, ne fois point cu- rieuxde plufieurs mvres?) Car tu nas que  158 SERMON Pabus qu'on faire de voir de tes yeux les chofes fecrdtes. Ne fois point curieux des chofes fuperfiues; car plufieurs chofes font été montrées qui furpajfent Tentendement de Vhomme \ vü que la préfomption en a dégu plufieurs, Topinion tfiauyaife les a fait déchoir de leurs penfées. Oui, M. F.! Dieu nous a découvert un affez grand nombre de vérités pour nous en occuper. Contentons - nous - en fans nous arrêter a la recherche de celles qu'il a jugé a propos de nous cacher & dont la connoiffance n'eft pas abfolument effentiell'e a notre falut: recherche, qui (comme nous 1'avons déja dit) ne peut que tourner a notre confufion & a notre per te. En effet, qu'en réfulte- t-il pour 1'ordinaire? On négligé ou l'on paffe légérement fur les vérités de la Religion les plus clairement révélées, les plus néceffaires, & qu'il nous importe fur-tout de connoitre. Donnant cnfuite 1'effor a 1'imagination, & s'arrêtant a de vaines fubtilités, on oublie que les Myfteres de la Religion font des Myfteres de piété, & que celui-la les connoit le mieux, non qui en fcait le mieux parler, mais qui en fent le mieux fefficace ;pour la Sanélification de fon  peut faire de la Religion. 159 cceur. On acquiert une fcience qui enfle, tandis que l'on s'éloigne, par de vaines difputes qui irritent les efprits, de la charité qui édife: charité néanmoins, qui, felon la dêcifion de Saint Paul , eft préférable fi? au don des langues, & d celui de la prophétie, fi? h la connoiffance des myfleres fi? des f eer ets de toutes les fciences. Qu'&rrive-t-'ii dela enfin? C'eft que 1'efprit, accoutumé a fubtilifer fur tout, veut rafiner de même fur les Devoirs qui lui font impofés; & après s'être fait plus fage quil ne faut, on veut être trop jufte. C'eft a montrer comment on peut mériter cette cenfure, que nous allons nous occuper dans notre feconde Partie. II. PART'I E, II faut 1'avouer, M. F.! la défenfe que fait ici Salomon d'être trop jufte, femble fuppofer une chofe qui, du premier abord, paroit un Paradoxe. Que 1'homme affeéte de pouffer fes recherches au dela.de ce qu'il peut favoir, on le concoit fans peine, paree que le défir d'apprendre lui  160 SERMON fur ïabus qüon eft comme naturel. Mais que, portant un cceur naturellement rebelle aux loix dc Dieu, il pouffe fon obéilfance au dela même de ce que ces loix exigent de lui * on ne peut qu'en être furpris. Cependant rien n'eft plus vrai, & vous en conviendrez je m'affure, M. F.! quand nous vousaurons fait voir,par la maniere même dont les hommes ontrent certains devoirs de la Religion, que cette obéilfance outrée part, ou de rignorance de leur Efprit, ou le plus fouvent de la corruption de leur cceur, & d'un fecret penchant a chercher les moyens de fe difpenfer du fervice raifonnable qu'ils doivent a Dieu. Nous diftinguons ici trois fortes de Chrétiens a qui l'on peut plus ou moins appliquer le défaut que Salomon condamne: le Chrétien Myjlique: le Chrétien Superftitkux: & le Chrétien Bypocrite. I. Le premier outre le devoir de 1'amour divin. Quoique Dieu nous ordonne de Vaitner de tout notre cceur, de toute notre Ame, & de toutes nos forces, c'eft - a- dire, avec toute fardeur dont nous fommes capables; cependant, M. F.! c'eft  peut faire de la Religion. 161 c'eft porter ce devoir au dela de fes justes bornes que de dire, comme fait le . Myjlique, qu'en aimant Dieu il faut fe dépouiller de toute confidération d'intérêt même légitime, & être fmcérement dispofé, non feulement a lui facrifier 1'efpérance du falut, mais même a fouffrir avec joie les peines éternelles des réprouvés. Qui ne voit que c'eft la une chofe touta-fait impoiTible, que penfer de la forte c'eft vouloir être trop jufte, & que jamais Dieu ne fauroit exiger rien de femblable? J'avoue que Dieu doit être aimé a caufe de lui-même & de fes perfeclions. j'avoue que Dieu dont nous fommes 1'ouvrage , & qui par cela - même a fur nous des droits fans bornes, pouvoit nous donner fes loix fans y ajouter aucune promeffe de récompenfe, & que s'il 1'avoit fait, nous aurions été également obligés de lui obéir. J'avoue encore que notre obéilfance, fut - elle parfaite, ne mériteroit rien & ne pourroit rien mériter auprès de Dieu; nous ferions toujours des Serviteurs inutiles, qui riaurions fait que ce que nous étions obligés de faire. Mais jL  i6a SERMON fur labus qu'on * puifque Dieu, dans fon immenfe bonté, a bien voulu relacher du droit abfolu qu'il a fur nous; puifqu'il a voulu nous porter a 1'aimer & h lui obcir par fes excellentes & g'orieufes promclfes qu'il a faites, même a 1'homme innocent; puifqu'il nous les fait fans celTe propofer, & qu'a peine trouvera-t-on un feul précepte particulier de la Religion, a 1'obfervation duquel Dieu n'ait attaché fa récompenfe; puisque Dieu a voulu que notre intérêt & notre devoir fulfent liés & comme confondus 1'un avec 1'autre: quel mal trouvet-on a être touché d'une confidération que Dieu lui-même emploie pour nous toucher, pourvu que d'ailleurs on ne regarde pas ces récompenfes comme dues a nos efforts, mais comme de purs dons de la grace & de la miféricorde de Dieu ? ' Sans cela il faudra conclurre que les promelfes de Dieu font captieufes , & qu'il nous tend des piéges en nous les faifant: ce qu'on ne fauroit penfer fans impiété ni dire fans blafphême. D'ailleurs le premier fondement de la Religion, cefi: de croire qu'il y a un Dieu, comme le dit  peut faire de Ia Religion. 163 , St. Paul. Le fecond c'eft, ajoute t'il, que Dieu efl le Rèmunérateur de ceux qui le cherchent: & dela vient que le même Apötre définit la foi une fubfijlance des chofes qu'on efpére. Ajoutez enfin que ; fi 1'idée de la récompenfe n'eft pas légitime, il faudra condamner & Abraham quittant fon pays, fes poffeffions, fa parenté, parcequ'il ayoit en vue une meilleure patrie: & Moyfe qui pref ér a l'opprobre de Chrijl aux tréfors de TEgypte, parcequ'il avoit égard a la rëmunération: 6? Jéfus-Chrift lui-même qui, pour la joie qui lui étoit propofée, a fouffert la croix & méprifé la honte. Concluons que, quoiqu'en difent les partifans d'une piété : défmtéreffée, il eft jufte il eft néceflaire : que ceux qui renoncent aux chofes viftbles 1 qui 11e font que pour un tems, regardent aux . chofes invifibles qui font éternelles. Con1 cluons que la confidération des grandes & i précieufes promeffes que Dieu nous a faiI tes eft un des grands motifs qui peuvent I & qui doivent nous engager a 1'aimer & a lui obéir,- & que d'ofer fe vanter que l'on ; aime Dieu jufqu'a être également indifL 2  i64 SERMON fur Pabus qu'on férent & pour la félicité du Ciel & pour les fupplices de 1'Enfer, jufqu'a être prêt a renoncer a la première pour fe précipiter dans les autres, c'eft foutenir 1'impoffible, c'eft fe haïr foi-même, c'eft s'oppofer aux vues de Dieu; & que ceux qui penfent de la forte méritent qu'on leur applique cette cenfure de notre texte: ne fois point trop jufte; pourquoi en deviendrois-tu éperdu? II. La morale du Superftitieux plus grosfiere que celle du Myjlique n'eft ni moins outrée ni moins dangereufe. La Religion ordonne de mortifierla chair avec fes convoitifes, c'eft-a-dire notre cceur charnel & corrompu, fes affections vicieufes & criminelles. Que fait le Superftitieux? Prenant cette expreffion a la lettre, il mortifie fon corps par des jeünes & par des auftérités, il le déchire par des coups, il s'abftient fcrupuleufement de 1'ufage des viandes que Dieu lui a donné pour s'en nourrir. L'Evangile déclare bienheurenx les pauvres en Efprit, c'eft-a-dire ceux qui ontl'Efprit & les vertus que demande la pauvreté, qui en pofledant des richefies font exempts de 1'avarice & de 1'orgueil qui les  peut faire de la Religion. 165 •«ïccompagnent fouvent, ou qui privés des biens du monde favent être contens des chofes felon quilsfe trouvent. Que fait encore le Superftitieux? II fe dépouille de tout, fe réduit a une pauvreté affeclée, & fe condamne a une perpétuelle mendicité. La Religion veut que nous haïffions pere, mere, freres foeurs pour fuivre JéfusChrift. Cette obligation, qui n'einporte rien autre chofe finon que nous devons aimer Jéfus-Chrift préférablement aux perfonnes qui nous font les plus tendrement unies, & qui prife a la lettre ne regarde que les tems de perfécution, les cas oü nous ne pouvons leur demeurer attachés fans nous expofer a trahir les intéréts du Sauveur; cette obligation , dis-je, le Superftitieux 1'applique a tous les tems, il rompt les liens du fang & de la nature , abandonne ceux dont il auroit du prendre foin, fe refufe non feulement aux plaifirs les plus innocens, mais encore a des devoirs que lui impofent les bienféances de fon état & les loix de la fociété dont il eft membre, pour vivre dans la folitude la plus retirée. L 3  i66 SERMON fur l'abus qu'on Qui ne voit, M. F.! que c'eft la être trop jufle, & aller au dela de ce que Dieu a comroandé? Qui ne voit qu'un tel homme, en outrant les Devoirs de la Religion, la deshonnore fouverainement? Au lieu d'une piété noble & éclairée que celle-ei eft fi propre a infpirer; qui ne voit qu'une telle fuperftition 1'expofe a une infinité d'abfiirdités, a des obfervances inutiles pour nous & qui n'ont aucun prix en elles-mêmes ? Donnant de fi fausfes notions de nos devoirs, elle doit nous faire chercher des moyens abfurdes pour lui plaire. Introduifant dans la Religion une multitude de chofes qui n'y appartiennent point, elle fait négliger celles qui font les plus effentielles au falut. Convertiflant enfin en devoirs des aétes indifférens en eux-mêmes , elle rend la Religion un joug rude, difficile, infupportable; elle 1'expofe aux railleries & aux mépris des mondains, tandis qu'elle ne peut qu'en dégoüter ou décourager les gens de bien, eh confondant la vraie dévotion, toujours refpeélable, avec une bigoterie qui, lorsqu'elle procédé d'ignorance, doit exciter  peut faire de la Religion. i6j la compaffion, mais qui lorfqu'elle a 1'orgueil pour principe, mérite le plus fouverain mépris. Après - cela, M. F.! que faut-il de plus pour fe convamcre que le Superftitieux, en voulant fe fauver, court rifque par une telle conduite de fe confondre & de fe perdre: & dès-lors ne peuten pas auffi lui appliquer cette exhortation ou Sage? Ne fois point trop jufte; pourquoi en deyiendrois-tu éperdu ? III. Enfin M. F.! elle peut convenir en quelque forte au Chrétien Hypocrite, qui efclave de fa corruption, tantöt posfédé par 1'avarice, tantöt rongé par 1'ambition, tantöt déchiré parl'envie, tantöt tourmenté par le défir de la vengeance, fait . fervir la Religion a fatisfaire ces paffions indignes, & en prend tous les dehors pour y réuffir. Outrant jufqu'au plus haut dégré les devoirs extérieurs que 1'Evangile prefcrit; affidu aux Saintes Affemblées, exa& a approcher dans 1'occafion de la Table du Seigneur; s'acquitant avec foin de tous les devoirs qui en impofent aux yeux des hommes; brülant en apparence L 4  163 SERMON fur Pabus qu'on de zèle pour Dieu & pour les intéréts de la gloire; frémiffant, diroit-on, d'horreur a 1'ouïe des outrages que l'on fait a la Divinité^ attentif a obferver fa propre conduite, fur-tout févére a condamner celle des autres, non feulement il a toutes les apparences de la piété, tandis quil en renie la force, mais encore il 1'étale avle tant de foin qu'on douteroit plutöt de celle du vrai fidéle que de la fienne. Un tel homme eft trop jufte, M. F.! mais eelt d'une juftice qui leperd. En effet; lorfque de la profeffion extérieure de la Religion, l'on n'en vient pas a un attachement inviolable a fes maximes: lorsque l'on approche de Dieu des levres, tandis que le coeur eft éloigné dè lui, notre piété, deltituée de ce qui en fait 1'ame & 1'effence, n'elt qu'apparente, & tout notre culte eltvain, faux, défagréable au Dieu a qui il elt offert. Celui donc qui fe borne a cé culte extérieur, celui fur tout qui prétend par la couvrir fes pasfions & fes vices, réuffira peut-être aen impofer aux hommes; mais il fe perfuaderoit a tort de tromper un Dieu qui  peut faire de la Religion. 161) fonde les coeurs & les reins, & qui ne peut être moqué. Un jour il démafquera fon Hypocrifie a la face de 1'Univers entier, & fes aétiohs qui aujourd'hui en impofent aux yeux des mortels, étant déduites par ordre en fa préfence, péfées dans la balance de la juftice, jugées felon les régies de 1'équité, tourneront a fa confufion & a fa perte, & juflifieront pleinement a fon égard que pour avoir voulu être trop jufte il s"efi rendu éperdu. Oui, M.F.! tel fera le fort de THypocrite:teleft celui auquel s'expofent tous ceux qui dans la pratique des Devoirs de la Religion n'ont pas pour but la fin principale qu'elle fe propofe, favoir de rendre f homme meilleur & de le faire croitre en vertu & en grace. Ne foyons donc pas trop juftes; pourquoi en deviendrions-nous éperdus ? APPLICATION. i Nous venons de voir, M. F.! comment on peut abufer de le Religion, fe porter a fon égard a des exces condamnables, & quels font les égaremens, les fuites fuL 5  170 SERMON fur Pabus quon neftes qu'entraine après-foi une pareille conduite. Un moyen fur & infaillible de 1'éviter, c'eft de prendre la parole de Dieu pour régie unique & invariable de notre foi & de nos mceurs, & de fuivre dans 1'ufage que nous en ferons ce confeil de Saint Paul: ne préfumez point au dela de ce qui eft écrit. Voulons-nous ne pas être plus fages qu Une faut 1 Appliquons - nous & bornons-nous a croire feulement les Vérités que Dieu nous y a clairement & diftinétement révélées. Voulons-nous ne pas être trop jufles ? Prenons a tache de remplir les Devoirs que Dieu nous y a prefcrits fans y rien ajouter. I. Au premier égard; féparons avec foin dans ce qui fait 1'objet de notre foi les Vérités révélées, d'avec ce que les hommes y ont ajouté par deffus. Faifonsnous un devoir indifpenfable de bien connoitre , & fur-tout de croire les premières avec une pleine certitude de foi; mais rejetons ce qui eft inutile & fouvent pernicieux pour le falut. II y a des gens qui s'imaginent qu'on ne fauroit croire affez, & qu'on ne peut mieux plaire a Dieu qu'en  peut faire de la Religion. ijl renoncant aux fens & a la Raifon. Ondiroit prefque, a les entendre, que la Religion Chrétienne, telle que 1'Evangile la propofe, eft trop aifée, qu'elle n'exerce pas affez la foi, puifqu'ils s'efforcent de la rendre plus difficile, en inventant de nouveaux Myfteres, ou en cherchant des difficultés inexplicables dans les articles qu'elle nous propofe a croire. Cependant il eft certain qu'une telle foi ne fauroit être celle d'un être raifonnable, ni nous rendre agrèables d Dieu, qui nous a donné cette Raifon pour nous éclairer & nous conduire, & qui ne fauroit fe plaire a voir que nous y reconcions, pour admettre comme des Vérités des chofes qui font en contradiótion avec elle. Suivant la déclaration du Sauveur lui-même; connoitre Dieu pour le feul yrai Dieu fi? celui qiiil a envoyé JéfusChrift: voila en quoi confifte la vie ètemelle. Que fi dans ce doublé objet mous trouvons des Myfteres que notre Efprit ne fauroit pénétrer, il n'y a rien en cela d'étonnant M. F.! & nous ne faurions nous fervir de ce prétexte pour les rejeter. Si en nous étudiant nous-mêmes nous fommes obligés  172 SERMON fur Pabus qu'on d'avouer que nous fommes a nous - mêmes un Myftere incompréhenfible, faut-il s'étonner qu'il y ait en Dieu qui eft un Efprit infini des chofes que nous ne comprenons pas, & que notre intelligence bornée foit incapable de fonder fes profondeurs ? Admettons donc comme des Vérités certaines & dignes d'être entiérement recues ce que Dieu a voulu nous faire connoitre de fa Nature & de fes Difpenfations; maislaiffant les chofes cachées d l'Eternel, écartons toutes ces vaines difputes, ces queftions folies qui, comme le dit un Apötre, ne font iTim.vi n.propres qua faire naitre des envies, des querelles, des médifances, des mauvais foup- jacq.1n.17 fo«5-. Souvenons-nous toujours que lafageffe qui vient d'en haut efl premierement pure, fi? enfuite pacifique, modèrèe, traitable, pleine de miféricorde & de bons fruits, ne faifant pas beaucoup de difficultés, fi? fans hypocrisie. En un mot que la parole de Dieu, cette lumiere célefte, nous guide & nous conduife; mais qu'elle nous foit ce que k colonne de feu fut pour les Ifraëlites dans ledéfert. Suivons-la par-tout oü elle nous précéde: mais la oü elle s'arrête, arrêtohs-nous.  peut faire de la Religion. 173 II. Quant a la pratique de nos Devoirs, fuivons la même méthode, Chrétiens! Gardons-nous d'être trop juftes, & pefons a la balance du Sanétuaire ceux qui nous font impofés. Entre les loix que Dieu nous a données,il y en a de plus importantes, & d'autres qui le font moins. II y en a qui font néceffaires a pratiquer par ellesmêmes, & d'autres dont 1'obfervation ne nous eft impofée que comme un moyen propre a nous mettre en état d'obferver les premières. Renoncer a nous-mêmes, combattre & furmonter les penchans déréglés de notre cceur, foumettre toutes nos affections a 1'obéiflance de Chrift, embraffer ce Divin Sauveur comme la feule caufe, & unique fondement de notre Salut, aimer Dieu de tout notre coeur & le prochain comme nous-mêmes, vivre dans ce préfent fiêcle fobrement juflement & religieufement: voila les premiers Devoirs qui font néceffaires par eux-mêmes. Fréquenter les Saintes Affemblés, vaquer a la priere, lire,écouter a certaines heures réglées la parole de Dieu, chanter fes louanges, participer aux Sacremens: voila les feconds qui font com-  1/4 SERMON fur Pabus qu'on me autant d'aides deftinés a nous mettre en état de mieux obferver les autres. Lors donc que nous nous arrêtons uniquement a ces derniers Devoirs, lorfque nous faifons notre affaire capitale de les obferver, lorfqu'en les obfervant nous nous flattons d'acheter, pour ainfi dire, le droit de violer impunément les autres; nous fommes trop jufles d'un cöté, pendant que d'un autre cöté nous nous rendons coupables de la plus criminelle injuftice, & nous nous expofons malgré notre juflice prétendue a toute la févérité des jugemens de Dieu. La juflice, la véritable juflice ne confifte pas uniquement a venir dans ces temples entendre des réflexions & des difcours entiers fur Ia nature de cette vertu & fur les motifs qui doivent nous engager a la pratiquer. Elle confifte a la pratiquer aéluellement & a en faire paroitre les fruits dans toute notre converfation. Tout ce que nous faifons ne fignifie rien, fi notre Sanélification n'eft pas le but principal que nous nous y propofons. Oui! nous 1'avons déja dit & nous le répétons: avec quelque  peut faire de la Religion. 175 régularité que nous nous acquitions des aótes extérieurs de ia Religion, s'ils ne produifent pas un heureux changement dans nos mceurs & dans notre conduite, s'ils ne corrigent pas nos vices, s'ils ne réforment pas le cours de notre vie, nous fommes trop juf es; mais tant s'en faut que nous foyons Religieux qu'au contraire nous nous féduifons nous-mêmes & nous devenons les . Artifans de notre propre perte. Ne nous abufons donc pas nous-mêmes, Chrétiens! Appliquons-nous a ce qui fait 1'eiTentiel, le grand but de la Religion, favoir notre Sanétification ici-bas & notre bonheur dans 1'éternité. Rapportons a eet article capital toutes les Vérités qu'elle nous propofe a croire, tous les Devoirs qu'elle nous ordonne de pratiquer. Et puiifions-nous ainfi, croiffant chaque jour dans la grace £«? dans la connoiffance de notre Seigneur 6? Sauveur Jéfus -Chrifl, parvenir enfin a la mefure de fa parfaite fature, afin qu'après lui avoir été faits femblables ici-bas en juflice & en fainteté nous lui foyons auffi rendus un jour femblables dans la félicité & la gloire éternelle  176 SERMON fur Pabus qu'on, dont il jouit! Dieu nous en falTe a tous la grace! Et a ce grand Dieu Pere, Fils, & Saint-Efprit, très-fainte & très-adorable Trinité, foit honneur, louange & gloire dès maintenant & a jamais, Amen! Pf CXIX. 5, 6, 8, 17, 50,51,65,66. SER-  SERMON SUR L'U TIL1TÉ DES AFFLiCTIONS. Notre légere affliclion qui ne fait que paffer produit en nous un poids éternel d'une gloire fouyerainement excellente. 2 Cor, IV. 17. Mes Freres! C'eft porter un jugement peu raifonnable, quoique trop ordinaire, que de décider du bonheur ou du malheur réel des hommes, par les biens ou les manx que 1'Etre Suprème leur difpenfe ici-bas. Souvent ceux-la paüent pour heureux qui, étant a leur aife en ce monde, acquiérent de plus en plus des biens, des honneurs, desrichefles. On a de la peine a s'empêcher de croire* que, jouiflant de tous ces avantages, ils ne foient les objets particuliers de 1'amour & de la bienveif-ance de Dieu; tandis qu'on regarde comme les objets de fon M  178 SERMON mépris ou de fon indifférence ceux qui, étant privés des biens terreftres, pafiênt triftement leurs jours dans la pauvreté , dans l'afïïiction & dans les larmes. Cette facon de penfer eft. fi ordinaire, Chrétiens! que l'on a entendu plus d'une fois les fidéles les plus difcingués s'écrier comme Gédéon, lorfque 1'Ange lui déclara que joge». 1'Eternel étoit avec lui: hélasl eft- il poffiVL '3' ble que 1'Eternel foit avec nous? Et pourquoi dom toutes ces chofes nous font-elles arrive'es? Tant ils avoient de peine a ne pas conclure de la grandeur de leurs maux, qu'ils avoient encouru la difgrace de 1'Etre Suprème. Cependant, M. F.! rien de plus déraifonnable que cette conféquenee. L'on ne tarderoit pas a en découvrir la fauffeté, fi jugeant avec moins de précipitation, Ven réfléchiffoit & fur les perfeélions de Dieu & fur les vues qu'il fe propofe en nous affligeant. Oui! fi l'on confidéroit les affliélions en elles-mêmes par rapport è nous-pécheurs, & 1'utilité qui en revient, tant s'en faut que nous concluffions que Dieu nous rejéte, qu'au contraire nous  fur ïutilitê des afiiclionsi ï^Q ferions obligés de reconnoitre qu'il nous aime, & que, portant nos regards fur la fin glorieufe dont elles feront cöuronnées, nous ne pourrions que nous écrier avec Saint Paul: tout bien compté, fejlime que R0!r, les foujfrances du tems préfent ne jont point VIÏIi löi d comparer a la gloire d venir qui doit être révéleé en nous; & avec le même Apötre dans notre texte: notre légere affliclion qui ne fait que paffer produit en nous un poids éternel d'une gloire jouverainement excellente. Saint Paul voulant confoler les fidéles deCorinthe au milieu des maux & des perfécutions aux quels la profelfionde 1'Evangile les expofoit, les encourager a les fuppofter avec patience, a pour fuivre conflatnment leur courfe fans fe rebuter $ fans recu-^ Ier, leur avoit repréfenté que les affliétions ne peuvent nuire qu'au corpsj pendant qu'elles donnent a 1'ame une nouvelle vie j puifque tandis que 1'homme extérieur dé* choit, 1'homme intérieur fe renouvelle dö jour en jour* Après - quoi pour les y encourager plus efficacement encore* il leur met devant les yeux la gloire dont il fe* ïoient couronnés dans le Ciel, & paf la* M 2  180 SER M O N quelle il feroient abondamment dédoramagés de ce qu'ils auroient fouffert ici - bas: car, dit-il, notre légere affliclion qui ne fait que poffer produit en nous un poids éternel d'une gloire fouyerainement excellente. Pour méditer ces belles paroles avec fruit; nous y confidérerons d'abord la description que St. Paul fait des afli&ions aux quelles nous fommes expofés fur la terre, & 1'idée confolante du bonheur qu'il y oppofe: ce fera le fujet de notre Premier Point. Dans xmSecond, nous nous attacherons plus particuliérement a juftifier la pro-. pofition que 1'Apötre avance; c'eft que ces afflicJions produif ent un bonheur & une gloire éternelle.. M. F.! s'il eft qilelqu'un dans eet Auditoire qui puiffe fe vanter que fes jours ne font troublés d'aucun chagrin, d'aucun revers, d'aucune affliclion, & qui ofe s'asfurer que fon bonheur ici-bas durera toujours; nous 1'avouons, cette méditation ne fauroit avoir rien d'intéreffant pour lui, & il ne fauroit en recueillir aucun fruit. Mais fi comme vous ferez fans doute obligé d'en convemï, il n'eft perfonne qui  fur Vuüliïè des affli&ions. i8r n'ait ici-bas fes amertumes plus ou moins vives a effuyer ou a attendre, vous êtes tous intérelfes a donner votre attention a un Difcours deftiné principalement a vous les faire fupporter avec courage, avec joie, & a vous y faire trouver les plus douces confolations. Ne nous la refufez donc pas, Chrétiens! & puiiTe une méditation fi utile & fi confolante nous convaincre tellement de 1'excellence & du prix du bonheur célefte, que, nous élevant au-defiiis des maux & des difgraces de cette vie, nous portions toutes nos efpérances & nous tournions toutes nos vues du cöté d'une Eternité bienheuretife. Ainfi foit - il! I. P A R T I E. II paroit par la liaifon des paroles de notre texte avec celles qui les précédent, que, par ïaftliïïlon dont Saint Paul parle ici, il entend principalement les maux & les perfécutions, aux quelles la profeffion de 1'Evangile expofoit tous les jours les premiers Chrétiens, «Sc fur tout les Apötres. Cependant, M. F.! rien n'empêche qu'on M 3  ïÖ2 SER M O N ne pnifle donner un fens plus étendu a c© terme, & 1'entendre en général de toutes les affliclions quelconques aux quelles nous fommes fujets pendant notre féjour ici-bas. I. Dans la defcription qye 1'Apötre fait des affliclions de cette vie, il dit d'abord qu'elles font légcres. Non pas qu'il prétende qu'elles foient telles de leur Nature & a les confulérer en el les- mêmes. A eet égard, ellcs ne peuvent que paroïtre pénibles, facheufes, & comme il 1'óbferve lui-même ailleurs, elles ne font point fur Vheure un fujet de joie mais de trijlejfe, Mais ces affljétions font légeres pour les enfans de Dieu, pour les vrais fidèles, qui réfléchilTent & fur le hut que Dieu s'y propofe & fur ks fecours dont il les accompagne. D'un cöté lorfque eet Etre Suprème nous affligc, c'eft qu'il nous aime, c'eft qu'en ufant envers nous comme un bon & tendre Pere en ufe envers des enfans bienaimés, il nous chatie pour notre bien, pour nous rendre meilleurs, pour avancer notre fanélification & aiTurer notre falut. P/un autre cdté Dieu ne nous affiige presque ja.maiis au point que nous fuccombions  fur ïuülitè des affliclions. 183 entiérement fous le poids de nos maux. Se fouvenant toujours d'avoir compaffion, il ne refufe point fon Efprit de confolation & de force, qui nous aide a les fupporter, en foulageant de fa part nos foïbleffes. Sa ilikclion que eet Efprit répand dans nos exurs eft un poids qui contre-balance toutes nos amertumes, ou plutót qui 1'emporte fur elles infiniment, qui nous fait trouver des douceurs dans les fouffrances, de la patience dans les tribulations, de la gloire dans 1'opprobre, du repos & du calme dans les plus violentes agitations, Ia vie & une vie éternelle dans la mort même; en forte qu'en tout-tems le fidele peut dire avec David: i'Eternel nia chdtié levérement, mais il ne vria point livrê d la mort. Et 'avec Saint Paul: notre Dieu eft 1 cor. fidéle, qui ne permettra point que nous foyons 'J3< tentés au deld de nos forces; mais avec la tentaiim il nous donnera Tijfue, afin que nou> la puifjms foutenir. Si c'eft avec raifon que 1'apotre dit que les affli&ions font léger es, a les enviiager par rapport aux vues que Dieu s'y propofe & aux fecours dont il les accompagne; le fecond caraclère par lequel M -1  j84 SER M O N 1'Apötre les défigne n'eft pas moins fondé lorfquil ajoute, qu'elles ne font que pajfer: & une feule confidération fuffira pour vous en convaincre. Déja il eft certain que ces affliclions, dont Dieu nous vifite, ne font pas toujours fi continuelles qu'elles ne nous laiffent de tems en tems des intervalles tranquilles. Plus d'une fois, éprouvant les confolations de fa grace, l'on a occa- xxx ?'~ 6 fi°n dC sécrier avec David: Pfölmodiez d 5' 1'Eternel, vous fes bien-aimés; car il n'y a qu'un moment en fa colère, maïs il y a toute une vie en fa faveur. La lamentation loge* t-elle le foir chez nous? le chant de.triomphe y eft le matin. Suppofé néanmoins que les affliclions fuffent continuelles & fans un feul moment de r'elache; encore feroit - il vrai de dire qu'elles ne font que pafter: foit -que nous les mefurions au terme de notre vie, que 1'Ecriture compare a une vapeur qui fe diffipe, a un fonge qui s'évanouit, a une fleur qui fe fane: foit que nous les oppofions a la gloire dont elles feront fuivies, qui doit durer toujours, & dont 1'Apötre nous donne les plus fublimes idéés, en 1'appellant un poids éternel d'une gloire fouy er ornement excellente.  fur Tutïïité des affliclions. 185 II. En s'exprimant de la forte, vous le vöyez M. F.! il fait une oppofition des plus juftes & des plus exaétes, de la félicité célefte aux affliclions dont il vient de palier. Ces affliclions fon légeres: la félicité célefte eft un poids de gloire. Ces afflictions ne font que paffageres, momentanées, quand même elles dureroient fans interruption autant que la vie: la gloire du Ciel, au contraire, eft éternelle & ne doit jamais finir. N'attendez pas, M. F.! qu'entrant ici dans le détail des belles, des fublimes idéés que cette defcription préfente a 1'Efprit, nous vous tracions un tableau précis de cette gloire qui doit être révêlèe en nous. Non! le prix, fexcellence de cette félicité eft au-defTus de nos exprelïïons, de nos conceptions, de nos penfées, & nous ne favons que bégayer fur ce fujet. Demandez a Saint Paul qui en connoiffoit toute la grandeur par expérience; & il vous dira que ce font des chofes inénarrables. Contentons-nous de dire, qu'en f appellant dans notre texte un poids éternel d'une gloire fouverainement excellente , 1'Apötre veut infinuer ces deux chofes: i°. Que la gloiM 5  i86 S E R M O N ^ re célefte eft en tout propre a nous dédommager de tout ce que les affliclions de la vie nous font foufrir. ici-bas: & 20. Qa'eUe renferm tput ce qui peut nous rendre fouyerainement £«? éternellement heureux. T. Au premier égard, ces affliclions nous plongent-elles dans un état de mifere & de pauvreté? la gloire célefte-poone tous les tréfors du Paradis, oü la teigne ni la rouille ne gdtent rien, ou les larrons ne percent ni ne dérobent. Les affliclions confistent-elles dans des maladies, des douleurs, des chagrins ? la gloire célefte eik eet état, oü il riy aura plus ni deuil, ni cri, ni trayail, ou toute larme fera effuiée de nos yeux. Comprend - on fous les affliclions les perfécutions, les exils, les défaftres, les disgraces ? la gloire célefte eft cette Cité permanente, oü, contemplant Dieu face a face, l'on goüte ce rajfafiement de joie, ces plaifirs ineffables qui font d fa droite pour jamais. Les affliclions confiftent-elles enfin a être couverts d'ignominie & d'opprobre; a être calomniés, méprifés, eftimés par les gens du fiecle comme la raclure du monde? la gloire célefte renferme tout ce qu'on  fur ïutilitè des affliilions. 187 peut imaginer de plus honarable, de plus magnifique, de plus propre a nous rendre heureux. 2. Oui M. F.! & c'eft la encore ce que fignifie 1'expreflion dont St. Paul fe fert. Ce poids de gloire Souverainement excellente, c'eft-a-dire une gloire folide & durable, tout ce qui peut contribuer a rendre notre bonheur parfait, tant pour le corps que pour 1'ame. Ce corps, aujourd'hui fenfuel & corruptible, expoféaux maladies, a la douleur, a la mort, fera alors rendu in* csrruptible, conform au corps glorieux de Jéfus-Chrift. Nos ames, fujétes ici-bas aux préjugés, au pêché, a 1'erreur, feront alors plus parfaites. Nos affeétions feront foumifes a notre volonté, notre volonté a notre entendement, & notre entendement fera éclairé des lumieres divines. Alors, plus d'ennemis a combattre, plus de tentations a craindre, plus de befoins a remplir, plus de défirs a fatisfaire; paree que nous ferons toujours a la fource de la vérité & du bonheur. Alors, ne marchant plus par la foi, mais par la vue, nous verrons fans voile ? fms nuage, fans obfeurité tous les  188 SERMON tréfors de la bonté de Dieu, toutes les profondeurs de fa fageffe infinie & de fa puiffance incompréhenfible. En un mot, ce bonheur célefte réunira toutes les qualités qui font 1'effence du fouverain-bien. II remplira f Efprit & il fatisfera le cceur. II confiftera dans fünion intime avec eet Etre qui eft la fource de la félicité. Tout ce qui trouble, qui renverfe fur la terre les fortunes les mieux établies, ne pourra 1'altérer, ou y porter la moindre atteinte. Eternel, il ne fera point fujet aux révolutions du tems. Toujours Egal, il ne fera point fuivi de dégoüt. Toujours Pur, il ne laiffera point de remords après lui. Toujours Invariable, il ne fera point craindre de diminution ni de perte, ni fouhaiter d'augmentation. Toujours Vif, il ne fera point naitre de défirs qui ne fe trouvent accomplis. En faut-il davantage pour faire trouver courtes & lêgeres les fouffrances du tems préfent comparées a une pareille félicité? En faut-il davantage pour juftifier le titre de gloire fouverainement excellente que 1'Apötre lui donne ? M. F.! quel ne fera pas notre bonheur dans cenouvelétat!  fur l'utilité des affliclions. 189 quel le ravhTement de nos fens! quel le contentement de nos Efprits! quelle la joie de nos ames! Cité de Dieu! ce quife dit de toi font des chofes merveilleufes. Ce que nous f er ons M. F.! n'eft point encore apparu: car nous fayons que lorfque le Fils de Dieu fera apparu nous ferons femblables d lui, fi? nous le verrons tel qu'il eft. Cependant, Chrétiens! quelque fenfible que foit 1'oppofition, quelque grande que foit la différence qui fe trouve entre les affliclions de cette vie & la félicité célefte, elles font néanmoins étroitement liées enfemble, puifque celle - ci fera une fuite de celles - la. C'eft ce que St. Paul a deffein de nous faire comprendre lorfqu'il dit, que notre légere affliclion qui ne fait que pajjer produit en nous un poids éternel d'une gloire fouverainement excellente: & c'eft a juftifier cette propofition que nous allons travailler dans notre Seconde Partie. II. PARTI E. Nous ne nous arrêterons pas, M. F.! a refuter ici au long 1'opinion desDoóteurs  ipo SER M O N de Rome, touchant le mérite des ceuvres \ opinion qu'ils prétendent appuyer fur le texte que nous avons en main; comme fi ' c'étoit celle de St. Paul, lorfque, parlant des affliclions, il dit, qu'elles produifcnl la gloire célefte. Outre que 1'Apötre combat expreffément cette erreur en divers endroits de fes Epitres, déclarant & prou-. vant que 1'homme eft fauvé par la grace, par la foi, cela non point par les ceuyres) afin que nul ne fe glorifie; & qu'il dit ailleurs, que les fouffrances du tems préfent ne font point d contre-balancer avec la gloire d venir: voulant faire comprendre par-lè qu'elles n'ont aucune proportion avec elle, pour pouvoir la mériter. Outre cela, disje, il fuffit d'obferver que dans notre texte, en foutenant que notre légere ajfiiction produit cette gloire excellente; 1'Apötre veut fimplement nous apprendre qu'elle fera fuivie de la gloire célefte, & qu'elle eft la route qui y conduit. C'eft ainfi qu'il dit dans un autre endroit, que la lot engendre ou produit la colére; non qu'elle Ia produifè a proprement parler, mais paree que la colére ou la punition feit la trans-  fur Tutilitè des ajfBions. 191 greffion de la tok C'eft ainfi encore qu'il nous exhorte de travailler d notre falut; non pas comme fi nous pouvions par nos bonnes ceuvres le mériter: mais d'y travailler en remplilTant les conditions fous lefquelles ce falut nous eft offert. Id de même les affliclions font dites produire la gloire célefte, non par voie de mérite , mais paree qu'elles en feront fuivies, paree qu'elles font comme le chemin qui y conduit. Pour juftifier maintenant cette pröpofitiondel'Apötre, il fuffira de vous faire obferver , M. F.! que les affliclions de cette vie peuvent être dites produire en nous la gloire célefte, paree qu'elles nous qualifient pour le Ciel; & cela: i°. En nous amenant d la répentance: ao. En exercant fi? épu* rant nos yertus: 30. En nous détachant, du monde & nous faifant porter nos défirs vers le Ciel. I. Je dis d'abord que les affliclions de cette vie produifent en nous la gloire céleste, qu'elles nous qualifient pour le Ciel, en ce qu'elles font dans les vues de Dieu un Moyen tres - propre d nous amener d la  19* SERMON répentance. Dés-la qtie l'on admet comme une vérité inconteftable, quel'Etre Suprème préfide fur tout 1'Univers par fa Providence; l'on eft obligé de reconnoïtre que toutes chofes relêvent de fon Empire, & que par conféquent les maux comme les biens procêdent de lui. Soit qu'il agiffe immédiatement, foit qu'il intervienne dans nos affliétions par des caufes fecondes, il eft toujours certain que c'eft Dieu qui les dispenfe, «Sc que, comme parle 1'Ecriture, ce(l lui qui forme la lumiere & qui crêe les ténëbres, qui fait la paix & qui crée Vadverfitê, qui fait defcendre au fépulcre &> qui en fait remonter. Si nous confidérons aprèscela, M.F.! les idéés, que 1'Ecriture nous donne de Dieu comme d'un être miféricordieux, pitoyable, tardif d la colére, abondant en gratuitës; d'un être, dont les compaffions font Mnies, «Sr. qui nous chérit avec plus tendreife qu'un Pere ne chérit fon enfant; d'une être enfin qui eft la bonté «Sc la charité même ; il n'en faut pas davantage pour s'affurer que le but de Dieu, en nous vifkant par des affliclions, eft de nous amener par la a la répentance, &  fur Vutilitè des affliclions. 193 & par la répentance au falut. On peut, je 1'avoue, conferver fon intégrité au milieu de la fanté, de la profpérité, de 1'abondance. Mais ces cas font plus rares qu'on ne croit; & il faut un effort de vertu peu commune, une piété éminente, pour ne pas fuccomber aux tentations que ces états préfentent; pour tenir en bride fes paffions; pour réfifter aux appas féduifans qui alors nous amorcent; pour ne pas prendre avec le monde de funeftes engagemens. A eet égard l'on peut bien dire avec le Fils de Sirach: Qui eft celui- ld tous le diront bienheureux, car il a fait des chofes merveïlleufes ? Qiii eft - ce qui a été éprouyé par Yor & eft demeuré parfait? Qui eft celui qui a pu tranfgreffer 6?. qui na point tranfgrejfé; faire le mal & qui ne Va point fait ? II eft bien plus ordinaire de voir les hommes, quand rien ne trouble leur félicité, fe rélacher, fe laiffer aller au calme qui les endort, & céder au vice qui fe gliffe dans 1'ame. Tant que tout réuffit au gré de fes défirs, on fe fait illufion, on fe fiatte, on fe croit favori de Dieu, on envifage le fuccès de fes affaires & 1'abonN  i94 SERMON dance de fes biens comme autant de marques de diftinélion par lefquelles la Providence nous tire du pair d'avec le refte des humains. II n'appartient qu'a 1'adverfité de nous desabufer & de faire voir a nos yeux deflillés, que, depuis la plante dupied jufquau fommet de la tête, il n'y a rien #entier en nous; que, plus dignes mille fois de réffentir les coups de la juflice vengereffe de Dieu, que d'éprouver les effets de fa bienveillance, nous ne recevons dans nos chatimens que des chofes dignes de nos péchés. Dailleurs, la profpérité a pour fidéle compagne la diffipation. On n'eft gueres afoi. On fe fait peu a peu du recueillement une gêne, & de la retraite un fupplice. Les plaifirs & les amufemens du monde abforbent le peu de tems que nous laiflë le foin des affaires. On eft comme dans un tourbillon continuel qui nous étourdit, qui nous emporte; qui nous laiffe étrangers, inconnus a nous-mêmes. Au tems de fadverfité au contraire, l'on entre dans fexamen de fa confcience: on remonte a la fource de fes maux, & on la trouve en foimême. Une feule maladie vaut les Ser-  fur Futitité des affliclions. 195 nions les plus pathétiques, fur 1'abus de Ia fanté, & fur cette vérité hurailiante, que nous ne fommes que poudre fi? que cendre. Un feul revers nous apprend mieux que les meilleurs difcours, que tout eft vanité & combien eft criminel notre attachemenc exceflif aux chofes qui font au monde. Enfin, fi trop fouvent 1'aife & 1'abondance énervent la vertu, endorment la confcience, ou lui font croire qu'il lui eft prefque permis de tout dire «St de tout faire; les affliclions, quoique difpenfées par 1111 Pere tendre, le font néanmoins envifager comme irrité contre nos défauts, contre notre tiédeur, contre notre indifférence pour fes loix & pour fon fervice. Jamais 1'enfant prodigue ne fentit mieux la folie de fes égaremens, que lorfqu'il fe vit réduit a une entiere deftitution «Sc aux plus trifles extrémités. Jamais un cceur, qui n'a pas entiérement étouffé toute femence de vertu, ne dit a Dieu avec plus de fincérité: fai pêché contre le Ciel c5? devant toi; je ne fuis pas digne d'être appellé ton enfant: que lorsque les maux temporels, que le crime traine a fa fuite, lui font fentir la différence N 3  jq6 SERMON entre le joug accablant de ce Tyran cruel & le joug aifé & léger d'un Pere tendre. Ces affliclions ouvrent fes yeux, font tomber le bandeau qui 1'aveugloit, diffipent le charme qui les fafcinoit, & lui font entrevoir 1'abyme affreux oü il étoit prêt de tomber, Dès-lors auffi elles le rappellent dans le fentier de la vertu; elles affermisfent,elles avancent fes pas, dans la carrière de la Sancliftcation. Après favoir engagé a faire réflexion fur fes yoies, elles le portent a rebroufer chemin vers les tëmoignages de V Eternel, a prendre pour héritage perpétuel la loi de fon Dieu, e? d en faire déformais la joie de fon coeur. M. F.! fi, pour être fauvé, fi, pour jouir du bonheur célefte, il faut être converti, & les afflictions commencant, perfectionnant cette converfion; n'eft-il pas vrai de dire qu'elles nous qualifient par cela-même pour le Ciel? & ne fommes-nous pas en droit de conclure a ce premier égard avec St. Paul, que notre légere affJi&ion qui ne fait .que paf er produit en nous un poids éternel d'une gloire fouyerainement excellente? II. Ce qui confirme cette vérité,enfecond  fur l'utilité des aftlicJ'ions. ig-j lieu, c'eft que les affliclions fervent a exercer & épurer nos yertus; vertus, qui, en r-afancant de plus en plus notre Sanélifica111 n ici-bas, affiircut notre bonheur après la mort. Que tel foit le but des afflic. i nous envoie, c'eft ce que prouve, M. F.! & le nom Sépreuyes qu'on leur donne d'ordinaire, & 1'idée qu'en dqnneg,t ces paroles de St. Picrre: vous Zz^'Sdgayez quoiqm vous foyez maintenant ajfiigés pour un peu de tems par diverfes tentations, 'yê que cela eft conyenable; afin que Vépreuve de votre foi, beaucoup plus précieufe que Vor qui périt & qui cependant eft êprouyé par le feu, vous tourne a louange, d honneur & d gloire, quand Jéfus-Chrift fera révélé. Comme ces métaux précieux, que le fourneau & le creufet purifient de tout alliage étranger, pour les rendre de bon aloi, les vertus des fidéles, toujours mêlées ici-bas de beaucoup d'imperfections, font non feulement exercées, éprouvées, par l'affiiction, mais encore êpurées & rendues plus éclatantes. Quand nous difons que la foi d'un Abraham & Ja patience d'un Job furent mifes a 1'épreuve; N 3 gl|ancant de plus en plus notre Sanétifica-  ip8 SERMON nous entendons, d'un cöté , que Dieu le fit, non pour s'inftruire, mais pour faire connoitre, a eux-mêmes & aux autres hommes, de quels efforts leurs vertus caractériftiques étoient capables: de 1'autre, qu'il avoit deffein, en donnant a ces vertus un nouvel exercice, de leur ajouter un nouvel éclat & de nouvelles forces. Encore aujourd'hui Dieu a fur nous, en nous afiiigeant, ces vues miféricordieufes, favoir, de nous rendre & meilleurs & plus furs de nos vertus. Nous devons par exemple obéir a Dieu, nous réfigner, nous foumettre a fa volonté: mais jamais cette obéilfance, cette rélignation fe manifeftent avec plus d'éclat que dans les contre-tems & dans la fouffrance. Tant que nos défirs font accomplis; tant que nos affaires réuffiffent; tant que Dieu ne veut a notre égard, en quelque forte, que ce que nous voulons; il n'en coute pas beaucoup de lui obéir, de faire fa volonté; & on fe laiffe aifément aller au relachement & a la fécurité. Mais notre obéiffance demeure toujours équivoque, & jamais on ne peut mieux s'affurer qu'elle  fur Yutilitê^des affliclions. 190 eft fincére que lorfque nous nous foumettons a fa volonté, quand cette volonté eft en oppolition avec la notre; quand il veut ce qui eft contraire a nos inclinations. Or c'eft a cette épreuve que la mettent les affliclions que Dieu nous envoye, «St qu'elles nous mettent dans le cas de lui prouver que nous lui fommes fideles jufqu'd la mort; que nous avons toujours un même cceur pour le craindre & pour garder fes commandemens. Quelle école plus inftruclive encore que celle des afflictions, pour nous rendre humbles de cceur ? Quoique la confidération de ce que nous fommes un peu de pousfiere animée, des créatures viles & péchereffes; dut être un motif fuffifant pour nous remplir d'humilité; tel eft notre aveuglement «Sc notre foiblelfe, que lorsque nous fommes a 1'aife dans ce monde nous oublions que nous n'y avons rien ap* porté; que ce que nous y poffédons nous le tenons de Dieu feul, «St que nous fommes indignes de la moindre de fes gratuités. Mais point de reméde plus efficace encore, pour reclifier nos idees fur ce fujet & N 4  aco SERMON pour réprimer notre orgueil, que ce melange d'affliflions & de difgraces qui, par une fage difpenfation de la Providence, rappelle a 1'homme fa foibleffe, fes infirmités, fa dépendance, & fa mifére. Quand on fent la main de Dieu s'appéfantir, quoi de plus naturel que "de s'humi- Job lier & de s'écrier.avec Job: fai pêché; VI1'2°' que te ferai-je? Confervateur des hommes! job Déploieras - tu tes forces contre une feuille xllla3»aqUe ie yenf emporte? pourfuivras-tu du chaume tout fee ? Que tu donnés contre moi des arrêts d'amertume, & que tu me fas- Tob fes porter la peine de mes péchés? Voici, xxxix.37- je fuis un homme vil: que te répondrois - je? Je mettrai ma main fur ma louche. Enfin nous devons aimer Dieu de tout notre coeur, & mettre en lui feul toute notre confiance. Ces deux vertus font tout a la fois la bafe & la fource de toutes les autres. Mais tant que nous jouiffons d'une fanté, d'une profpérité conflante; on peut croire que c'eft uniquement notre intérêt tempprel que nous aimonsDieu paree qu'il nous comble de biens. D'ailleurs, aimer Dieu & nous confier en lui tant  fur Yutilitê des affliclions. 201' qu'il tourne fon vifage appaifé envers nous, cc n'eft pas faire un grand effort fur nousmêmes. Le moyen de haïr un bienfaiteur conftant, de fe défier de lui? Pour rendre donc eet amour plus defintéreffé, cette confiance a toute épreuve; Dieu fuspend fes bénignes influences: il cefle pour un tems de faire luire fur nous la clarté dè fa face, afin de voir fi nous baiferons fa main, lors-même qu'il nous frappe, & fi, quand il nous tueroit, nous efpérerions toujours en lui. Oui! & 1'aimer alorj, 1'adorer, le bénir, lorfque fa main s'appéfantit fur nous; lorfqu'il nous afflige, lorfqüil nous frappe; c'eft prouver d'une maniere convaincante que l'on a pour lui un attachement vif & fincere, un amour plus fort que la mort; & que rien dans Ia nature n'eft capable de nous féparer de fa dileélion. C'eft ainfi, M. F.! que les affiiótions, fervant de creufet a nos vertus, purifiant notre amour pour Dieu; exercant, épurant notre patience, notre réfignation, notre humilité, notre obéilfance; elles nous alfurent par cela-même les condiN 5  20i SERMON tions les plus néceffaires pour être en état de grace. C'eft ainfi que, bien qu'améres & facheufes en apparence, elles produifent en nous des fruits agréables de juftice & de fainteté, qui nous font un gage, & en même-tems un avant-goüt, de la félicité célefte. C'eft ainfi que, concourrant par cela - même a notre falut, on peut dire avec raifon qu'elles produifent en nous un poids éternel d'une gloire fouyerainement excellente. III. Mais ee qui acheve de prouver furtout cette vérité de notre texte; c'eft que les affliclions font un moyen très-efficace pour nous détacher du Monde, & pour élever fixer nos défirs vers le Ciel. Nous 1'avons déja dit, M. F.! 1'aife, le repos, 1'abondance, font par eux-mêmes propres a nous attacher aux chofes vifibles qui ne font que pour un tems ,& ils nous y attachent tellement qu'ils nous font perdre de vue les chofes invifibles qui font éternelles. Plus les chofes d'ici - bas répondent a nos fouhaits, & plus nous nous affeétionnons a cette amitié du monde qui eft inimitié contre Dieu. Semblables aux arbies a qui la graiffe de la  fur Put Uité des affliclions. 203 terre fait poufïër des racines plus profondes; nous tenons au monde par des liens d'autant plus forts que les bénédiétions temporelles & la féduclion du fiecle les ferrent de plus prés. Mais la coignée des affliclions eftelle mife k la racine? nous ne tenons plus a la terre que par notre condition iïétrangers & de voyageurs. Les incommodités de notre pélérinage tournent nos défirs & hatent nos pas vers notre célefte Patrie: notre conduite devient celle de Bourgeois des deux. Toutes les amertumes, qu'il plait a Dieu de mêler dans les dangereufes douceurs de cette terre étrangere, font d'excellens, d'infaillibles moyens pour nous en fêvrer. Ainfi la perte d'un bien, quiétoittoute ma reffource,m'expofe-t-elIe a ce que la pauvreté & fur-tout 1'injufte opprobre qu'on y attaché, ont de plus cruel ? J'en aurai plus de dégout pour les chofes yifibles, puifqu'elles ne font que pour un tems; plus d'éloignement pour Ie monde qui me maltraité; & plus d'empreffement pour les chofes invifibles qui font éternelles. Porte-t-on a ma réputation les coups les plus rudes & les moins mérités ?  204 SERMON J'en ferai plus difpofé a ne plus me rendre efclave du refpect humain, & a ambitionner uniquement par une conduite vertueufe 1'approbation de mon Dieu & celle de ma confcience. Un mal cuifant & dangereux me tient-il au lit attaché? Me vois-je réduit k trainer une vie infirme & languisfante? Mon dèpr tendra avec plus de véhémence a déloger, pour être avec Chrifl: ce qui mejl beaucoup meilleur. Un ami fidéle, . rare tréfor! un parent tendrement chéri, un Ifaac unique objet de mes efpérances, viennent-ils de m'être enlevés par une mort imprévue ? Je ne refuferai pas k la nature le jufte tribut de mes larmes: je defcendrai vers leur fépulcre avec douleur: mais, reprimant enfin mes inutiles regrêts; n'y voyant qu'un lien de moins pour m'attacher a la terre; une raifon de plus pour fouhaiter de fuivre ces objets de ma tendreffe dans le féjour de fimmortalité; je me rendrai, par mes ceuvres de piété & de miféricorde, capable d'être recu comme eux dans les tabernacles éternels, & de former enfemble des liaifons plus glorieufes. Voila M. F.! 1'ufage que le vrai  fur Yuülitê des affliclions. 205 Chrétien fait des affliclions que Dieu lui envoye. Voila comment, de quelque nature qu'elles foient, elles lui offrent des motifs puiffans & des moyens efficaces de fe détacher du monde, & de le remplir d'un défir ardent pour le Ciel. Que faut-il de plus après cela pour vous convaincre de cette vérité: que notre légere affliclion, en nous amenant a la Répentance, en exergant & épurant nos Vertus, en nous dëtachant du Monde, & en nous faifant porter nos défirs vers le Ciel, nous qualifie pour eet augufte féjour; & qu'ainfi elle peut être dite a jufte titre produire en nous un poids éternel d'une gloire fouverainement excellente. APPLICATION. Tels étant les doux, les précieux fruits que tout fidéle recueille de fes affliclions; ne fouffrirez-vous pas, Chrétiens! que nous vous adreffions cette exhortation de St. Jacques: Mes freres! tenezpour une par Jscq. 1.2. faite joie, quand vous ferez expofes d diverfes épreuves, fachant que ïè-preuve de votre foi produit la patience. Et celle-ci de St. Pier-  2o6 SERMON re: Ne trouyez point étrange quand vous Hes iv! fa"')-.cmme dans une fournaife pour votre épreuyé, comme s'il vous arrivoit quelque chofe ^extraordinaire. Mais en ce que vous participez aux foufffances de Chrift, réjouiffez vous; afin qu'auffi la rêvélation de fa gloire, vous vous réjouifftez avec allégreffe. Quand on compare les chofes vifibles avec les invifibles, les foujfrances du tems préfent avec la gloire a venir; quel motif a Ia patience! quel adoucilTement a nos maux! quelle confolation dans nos plus rudes épreuves! Un moment de trouble, une éternité de repos: un moment de peine, & une éternité de délices: un moment de combat, & une éternité de triomphes: de légeres affliclions qui ne font que poffer, qui même font tempérées par mille douceurs, & le poids éternel 'd'une gloire fouyerainement excellente; d'une félicité qui ne fera jamais troublée d'aucune amertume: quelle comparaifon, encore une fois, quelle comparaifon entre ces deux états! Et que faut-il de plus pour nous engager a vaincre, autant qu'en nous eft, la répugnance que nous avons tous a fouffrir les maux  fur Vutiütê des affliclions. 207 que Dieu nous envoye, & a préférer comme Moïfe, d'Étre affligès ici-bas, que de jouir pour un peu de tems des délices du pêché? Que nous profiteroit - il de gagner k monde entier, fi nous faifions la perte de notre Ame? Que nous ferviroit-il d'être heureux ici-bas, fi nous devons être malheureux dans 1'éternité? Et au contraire, fi nous fommes heureux après la mort, que nous importe d'être affligès «Sc miférables pendant une vie renfermée dans des bornes fi étroites ? Nous conviendroit-il après-cela, Chrétiens! de nous laifler aller a 1'impatience, au mécontentement «Sc au murmure, lorsque Dieu juge a propos de nous envoyer des affli&ions, dès-la que nous favons qu'il ne nous les envoye que dans des vues miféricordieufes, & que cette courte fufpen» fion de fes faveurs fera fuivie d'un redoublement de félicité ? Ah! plutöt, entrant dans ces vues qu'il fe propofe, humilionsnous fous fa puiffante main. Pleurons, corrigeons 1 les vices qui nous attirent fes coups; «Sc ne trouvons pas étrange que les remèdes par lefquels il veut guérir les  so8 SERMON maux de notre Ame, foient, comme tous les autres remèdes, amers & rebutans. Souvenons-nous que Dieu reprend £s? chdtie celui qu'il aime, & que, fi nous Heb. xii. 7. endurons la difcipline, Dieu fe prèfente a nous comme d fes enfans: car qui efl Venfant que le Pere ne chdtie point? & qu'il ne nous chdtie que pour notre profit, afin que nous foyons participans de fa fainteté, & dès-lors un jour participans de fa gloire. Convaincus de ces grandes vérités, remettons - nous en tout tems, avec une entiere confiance, entre fes mains paternelles. Et quelle que foit la portion d'affliclions & de difgraces qu'il nous ait aiïïgnée ici-bas, recevons-la avec cette humble réfignation, dont tant de fidéles, dont Jéfus-Chrift lui-uiême, nous a donné 1'exemple. Animés des mêmes fentimens, écrionsnous comme eux: ne hoirois-je point la coupe que mon Pere célefte m'a donné d boire ? C'eft Dieu, c'eft un Pere tendre, moir Sauveur, mon Rémunérateur & mon Maïtre, qui m'envoye cette affliétion; ne la recevrois-je point de fa part avec humilité? Me défierois-je d'une telle main? Non,  fur Vutïlitè des affliclions. 209 Non, non! cefl ï'Eternel; qu'il faffe ce qu'il lui femblera bon. Mon cceur recevra avec foumiffion & avec joie les coups qui partirom de cette main paternelle. Volei: quand il me tueroit, je ne laijferois pas d'efpérer en lui. Je me réjouirai toujours en 1'Eterncl, & je m'égairai au Dieu de ma délivrance; bien afluré que dans fes vues, toujours bienfaifantes & adorables, cette légere affliclion qui ne fait que pasfer, eft defÜnée a produire .en moi un poids éternel d'une gloire fouverainement excellente. Fuiflènt tels être nos fentimens, ' nos difcours & notre fort! Puiffe ainfi chacun de nous éprouver, & dans le tems, & dans 1'éternité, toute la vérité de ces confolantes pnroles: heureux efl 1'homme Iacq.1.12. qui endure la tentation; car quand il aura été éprouyé, il recevra la couronne de vie. Ceux qui Jèment avec larmes, moi'jfonneront Pr. cxxvi. avec chant de triomphe. Grand Dieu! 5Dieu de notre falut! fi tu nous envoyes le ma!, fai que le bien fe mette ainfi a la place. Amen! Amen! Pf XXVII. 7. XXXVIT. 19, 20. CXIX. 34 6? 36. ' O  aio P R ï E R E. Eternel! que tes biens font grands que tu réfèrves & ceux qui faiment! Tu es bon envers tous, & tes compajfons furpaffent toutes tes oeuvres. Non content de nous combler de mille & mille bienfaits dans la Nature & dans la Grace, tu veux encore te montrer un Pere tendre au milieu des affliclions dont tu juges quelquefois a propos de nous vifiter. Nous venons de méditer fur 1'utilité qui nous en revient, & fur les grands avantages qu'elles procureur, a ceux qui en font un ufage convenable. Veuille maintenant, 6 Dieu! graver profondément dans nos cceurs les confolantes vérités que nous avons entendues. Que bien convaincus que les fouffrances du tems préfent font propres a nous amener a la répentance, a exercer, a épurer nos vertus, & a nous en faire acquérir de nouvelles , a nous détacher du monde, & a nous qualifier ainfi pour le Ciel, ces confidérations nous engagent a entrer  P R i E R E. au dans ces vues paternelles & miféricordieuiès que tu as fur nous en nous affligeant. Que fur-tout les glorieux dédommagemens qtie tu nous réferves dans une meilleure vie» que cette gloire fouverainement excellente, dont tu promêts de couronner nos épreuves, fe préfente a nos Efprits, ö Dieu! comme une reffource toujours douce & füre pour les fïdèles affligès , comme un motif puiffant a nous montrer joyeux en efpérance fi? patiens dans la tribulation. Qu'ainfi, Seigneur! notre foi, notre piété, notre patience ayant paffées par le crêufet des affliclions en fortent plus pures cc plus vives ;& que nous-mêmes , ayant appris que ce n'eft que par plufieurs affliclions quon peut entrer dans le Royaume des deux, foyons rendus plus capables de participer d ïhéritage des Saints qui font dans la lumiere, oü il ny aura plus ni deuil, ni cri, ni travail, ê? oU toutes larmes feront d jamais ejfuyées de nos yeux. O 2  SER M O, N ■ SUR LA CRAINTE DES HOM M E S. Oui es-tu que tu des peur de 1'homme mortel, qui v.mirra, & du fis de 1'homme qui devïeudra comme du foin ? Lt tu as oublié rÉternel qui fafaite, qui a étendu les Cicux, qui a fondc la terre. Esa. LI. 12, 13. Craindre Dieu & ne craindre que lui , c'eft M. F. ! 'le plus haut point de grandeur & de magnanimité au quel puifFe parvenir une créature mortelle. De quelque nom que l'onhonore, dans le monde, ceux qui fe conduifent par d'idolatres égards pour les caufes fécondes, ils agisfent moins par le principe d'un véritable courage, que par le motif d'une lache pu-. fillanimité. Faire dépendre fon bonheur uniquement du mépris ou de 1'eftime des hommes, c'eft fe donner autant de Maitres  fur la crainte' des hommes. 213 qu'on a de témoins de fes acticns, ccft öublier 1'excellence de fon être, c'eft s'avilir. La crainte de Dieu eft la bafe du vrai courage, la fource de 1'indépendance & des plus héroïques vertus. Celui qui en eft pénétré dépouille les divinités fubalternes de eet extérieur redoutable par lequel elles en impofent aux aveugles mortels. II les regar- 1 dc comme des créatures deftituées par elles-mêmes de pouvoir, & incapables de nuire. Pour lui tout homme n'eft qu'un homme, un homme mortel, qui mourra, xxxvii.2. qm fera foudainement retranchê1 comme le foin, fi? fe fanera comme l'herbe verte. ' N'appréhendant que de déplaire, que d'offenfèr 1'Etre Suprème, qui tient feul entre fes mains notre félicité & notre mifcre éternelle, il eft a 1'épreuve de 1'allarme & du trouble, il ne craint pas même la mort. Ce font, M. F.! ces grands fentimens que nous voudrions exciter ou fortifier dans vos cceurs. C'eft k ce héroïfme que nous voudrions vous former; & c'eft dans ce desfein que nous avons choifi, pour faire le lujet dc notre méditation, ces ériergiques paroles d'Efaïe: qui es-tu que tu aks peur O 3  114 SER M O N de l'homme mortel, qui mourra, & du fils de 1'homme qui deyiendra comme du foin?' Et tu as oublié VEternel qui fa fait, qui a êtendu les Cieux, qui a fondê la terre. Elles nous donneront occafion de faire deux chofes dans ce difcours. Premierement nous ferons voir, en peu de mots, que la crainte de Dieu eft générakment moins ce qui régie notre conduite que la crainte des hommes. En fecond lieu, en montrant combien cette conduite eft injufte & déraifonnable, nous tacherons de rebJifier vos idéés fur le yéritable objet de la crainte, & nous nous fervirons pour cela des confidérations-mêmes que notre texte fournit. Accordez-nous, M. F.! une attention affortie a fimportance du fujet que nous allons traiter. Et daigne l'Eternel, qui a êtendu les Cieux fip qui a fondé la terre, exciter lui-même dans nos cceurs cette crainte magnanime , qui d'efclaves des hommes nous fait devenir enfans de Dieu, ainfi foit-il!  fur la crainte des hommes. 215 I. P A R T I E. Dans le Chapitre précédent, le Prophete, raenace les impies «Sc les idolatres de la colère divine: & dans celui dont notre texte fait partie, il confole les Gens-de bien, en leur promettant la délivrance de leurs maux, & la déftruótion de leurs oppresfeurs. Mais comme ils ne pouvoient attendre ces graces qu'autant qu'ils mettroient leur canfiance en Dieu; Efaïe les y exhorte fortement, en leur repréfentant le tort qu'ils avoient de craindre plus le pouvoir des hommes, tout borné qu'il eft, que celui ,d'un Dieu infiniment plus puiffant qu'eux: qui es-tu que tu aies peur de ïhomme mortel, qui mourra, & du Fils de Vhomme qui deyiendra comme du foin ? Et tu as oublié 1'Eternel qui fa fait, qui a êtendu les Cieux, qui a fandé la terre. Or M. F.! ce reproche, que fait le Prophete aux Juifs de fon tems, ne peut malheureufement que trop s'appliquer aux Chrétiens de tous les ages; & il ne nous fera pas difficile de faire voir, que chez le plus grand iiombre la crainte de Dieu eft moins ce qui O 4  üi6 SER M O N régie leur. conduite que la crainte de hommes. Et ici nous pourrions vous parler d'abord de ces laches Chrétiens, qui, apres avoir été illuminés, avoir goüté la bonne parole de Dieu, ont abandonné leurs premières ceuyres, £5? ont fait naufrage quant d la foi', des que 1'orage de la perfécution s'eft formé fur leurs têtes, & a 1'égard des quels il n'eft pas douteux que ce qui a fait échouer leur fermeté, c'eft 1'amour du fiecle préfent, la crainte des hommes, Voubli du pouvoir de Dieu. Mais cette conduite, également contraire au bon fens & a 1'amour propre, n'eft: point particuliere au feul crime de XApoftafe: c'eft encore celle que peuvent tenir & que ne tiennent, hélas que trop! plufieurs mêmes d'entre les Chrétiens que la Providence n'appela jamais au martyre. Et plut a Dieu! que dans le détail oü nous allons entrer fur eet article, en vous tracant le portrait de ceux chez qui, même dans les tems de calme oü nous vivons, la crainte des hommes prévaut fi fouvent fur celle de 1'Etre Suprème, plufieurs d'entre nous ne fuffent pas obligés d'avouer qu'ils en font les originaux.  fur la crainte des hommes. 217 En effet combien de Gens qu'une baiïe complaifance pour leurs femblables détourne fouvent de Ia pratique des devoirs les plus effentiels de la Religion? Efclaves des jugemens, dirai-je, ou des caprices de la multitude, ils rougifient & ceflent d'être partifans de la piété, des qu'un certain nombre de Perfonnes réuffiiTent dans •Tart infame de la tourner en ridicule ? Entendant ces injuftes appréciateurs de la vertu donner les titres de génies médiocres, d'humeurs bizarres, d'Efprits fiers & fingürTérs a ceux qui yiyerii fohrement juflement & religieufemeut, ils fuccombent a la dangëréufe tentation de vouloir éviter ces prétendus reproches. Et du moment que les égards humains ont gagné fur eux plus d'empire que n'en ont les loix de la Religion & du devoir, a la noble hardieffe qu'ils avoient de dire ouvertement la verité, fuccéde une lache & criminelle diffimulation de leurs fentimens, & la hónte qui les retient fe remarque également dans leurs difcours & dans leurs démarches. Mais ceux qui en ag'ITent de la forte, faifant dépendre leur félicité des faux jugemens de O 5  ai8 SERMON vils mortels, ne prouvent-ils pas qu'ils n'ont peur que de déplaire aux hommes, tandis qu'ils comptent pour rien le malheur de fe rendre coupables aux yeux de Dieu ? Ne montrent-ils pas autant & plus de lacheté que les Apoftats, puifqu'ils le redoutent encore moins que la mort? Qu'eft-ce qui fait agir eet homme qui flotte a tout vent de doctrine, qui a une Religion pour les tems les lieux les circouftances, qui change de principes felon 1'exigence des cas oü il fe trouve, qui fait taire la confeience oü 1'intérêt parle, qui prétend accorder la Religion avec une politique toute mondaine, & donner aux maximes de 1'Evangile le tour que les pasiions demandent? Ne craignons pas de le dire hardiment M. F.! eet homme a peur de V homme mortel, & il éloigne de fa penfée le pouvoir de Dieu. Voyez ce jeune homme. Le parti de la piété lui paroit préférable a celui du vice. Toutes les fois qu'il fe livre aux plaifirs, ils font empoifonnés par 1'idée du crime qu'ils lui coutent, & jamais il ne pêche fans remords. Cependant il n'embrafiè point le parti qu'il  fur la crainte des hommes. 219 approuve, mais continue a mener le train de vie qu'il condamne. Que penfez-vous qui 1'arrête? La faufié hpnte, une appréhenfion lache des jugemens & des railleries du monde, Que dira-t-on de moi fi je prens une route oppofée h celle que j'ai fuivie ? On imputera ma réforme a un Esprit de fingularité, a une humeur bizarre, a un caprice. Je me donnerai un air de ridicule. Je me rendrai odieux a ceux que j'ai jufqu'ici frequente, & leur fociété me fera déformais interdite. Voila a quoi il ne peut prendre fur lui de s'expofer. Ne pouvant fe réfoudre a réformer un plan de vie que les maximes du monde authorifênt, mais que la Religion & la confcience condamnent; il préfére de fe conformer ainfi par une lache complaifance au préfent fiecle, & dés - lors ne mérite-t-il pas d'être rangé dans la claffe de ceux qui ont peur de Phomme mortel, qui ouhlient P Et er nel qui les a fait s? Que fait encore eet homme qui pêche avec fécurité pourvu qu'il pêche a 1'écarr, pour qui les crimes cefiènt de 1'être dès qu'ils font commis fans témoin, & qui dans le filence de la retraite, ou dans les  22o SERMON ©mores de la nuit, tient ce langage: qui me volt? les ténëbres font autour de moi, perfonne ne me voit: que craindrois-je? quel autre principe pourroit lui diéter ce langage, que la peur de Vhomme mortel, & Toubli du pouvoir de Dieu. Et quel jugement porterons-nous de ces Hypocrites, de ces Faux-dévots, de ces Chrétiens de nom, ingénieux a cacher ce qu'ils font, pour paroïtre ce qü'ils ne font point? Quand on les voit, d'un cöté, revêtir un certain extérieur religieux, affecter un entier renoncement aux plaifirs les plus ïnnoceris, ne parler que des douceurs de la piété, de la grandeur des biens du Ciel, aflidus au dulte public, ne négliger aucun aéte folemnel de Religion, fe montrer humbles, compatiflans, charitables; & que, d'un autre cöté, l'on fait que ces vertus apparentes ne fervent qu'a mieux cacher des vices 'qui les deshonorent, que leur culte eft faux & hypocrite, qu'ils ne fe font aucun fcrupule de fe relacher dans le particulier, que dans la vie privée ils font pleins d'aigreur & de fie!, orgudlleux, durs, cruels: oü chercher le principe  fnr la crainte des hommes. 221 de leur duplicité ? N'eft-ce pas que voulant en impofer a leurs femblables, fans faire attention qu'ils ne fauroint en impofer a celui qui fonde les cceurs & les reins, ils ont peur de rhomme mortel, tandis qiiils cüblient le Dieu-fort? Ajouterai-je d'autres noms, M. F.! a ce Catalogue?Mais qui feroit exempt de cenfure, fi nous voulions faire mention de tous ceux que la crainte des hommes dirige, & qui font des jugemens du monde, la régie de leur conduite? II faudroit encore caraclérifer le vil Adulateur, qui en yue de plaire & d'avancer fes intéréts érige des autels au faux-mérite, &prodigue en tous lieux 1'indigne encens de la flatterie. 11 faudroit caractérifer ce Zélateur indifcret qui fe livre aveuglément au parti qu'il a embraffé, & qui pour le défendre employé 1'erreur, le menfonge, la perfidie, la calomnie, les armes les plus oppofées au zèle éclairé, au génie de la Religion. II faudroit caraétérifer le Juge qui dans les caufes qu'il décide, a égard aux liaifons du fang & de 1'amitié, fe laiffe entrainer par un Efprit d'intérêt, de parti, d'am-  aaa SERMON bition, & refufe a 1'accufé une jufte défenfe pour ne prêter 1'oreille qua des accufations deftituées de fondement & de preuves. II faudroit caractérifer ces hommes foibles & timides qui n'ofent foutenir & défendre la vérité, paree que ceux qui foppriment font les plus forts, & qu'une lachte appréhenfion de s'attirer leur inimitié leur fait garder le filence dans des tems Ef-Lvi!i,i.oü il faudroit crier d plein go fier, comme s'exprime 1'Ecriture. II faudroit mais arrêtons - nous. Nous ne finirions point fi nous voulions juftifier dans toute fon étendue que la crainte des hommes eft chez Ia plupart, bien plus que la crainte de Dieu, le grand mobile qui les fait agir. Ce que nous avons dit doit fuffire pour nous convaincre que ce reproche d'Efaïe: tu as peur de 1'homme mortel, fi? tu oublies V Eter nel qui fa fait, n'eft que trop applicable aux hommes & aux Chrétiens de tous les tems, qu'il en eft peu ou point qui ne foient plus ou moins dans le cas de le mériter. Travai]lons a préfent a montrer combien leur conduite eft injufte , déraifonnable, & a  fur la crainte des hommes. 223 i reclifier nos idéés fur le véritable objet de \ la crainte, en nous fervant pour eet effet 1 des confidérations-mêmes que notre texte ' fournit. C'eft le fujet de la Seconde & principale Partie de ce Difcours. li. PARTIE. Lörfqu'Efaïe adreflè cette cenfure: qui es-tu que tu aies peur de Vhomme mortel? il ne faut pas croire, M. F.! qu'il ait deffêin d'avancer que toute crainte des hommes foit criminelle. II en eft de cette paflion comme de toutes les autres, qui, tant que des objets légitimes les excitent, & que de juftes bornes les retiennent, n'ont en elles-mêmes rien de vicieux ni de criminel. II faudroit ou bien peu connoitre 1'homme, ou recourir a un miracle continuel, mais inutile, pour foutenir qu'a 1'ouie des plus terribles menaces, des plus fenfibles opprobres, fur-tout a 1'éi preuve des plus violentes perfécutions, des 1 plus cruels traitements, Ia nature puiffe • refter dans une affiette toujours tranquille. Ce prétendu héroïfrne, loin de rele- ver le gloire des Gens-de bien opprimés,  &u SERMON HEI . v**.!**^)** SM 3"*itW vi K« fouffrans ou perfécutés, en terniroit tout 1'éclat par cela - feul qu'il les rendroit infenfiblcs. II ri'appartenoit qu'a'ux feótateurs de Zénon de faire d'inutiles efforts pour parvenir a cette infenfibilité, dans laquelle confiftoit en partie, felon eux, le bonheur fouverain. Selon la doctrine de 1'Ecriture , il eft permis de fentir, de craindre même jufqu'a un certain point les maux que peüvent nous faire nos femblables. Mais tout ce que veut dire le Prophete, c'eft que cette crainte ne doit pas 1'empórter fur celle de Dieu, que celle ' ci doit lui être de beaucoup fupérieure en dégré & en efficace; de fórte que lorfque ces deux fentimens font en concurrence, la crainte des. hommes doit conftamment céder a celle de Dieu. Or M. F.! qu'il n'y ait rien de plus jufte & de plus raifonnable qu'une pareille conduite, il fuffira pour vous en convaincre; i". de faire d'abord une jufte eftimation de ce d quoi fe rêcluit le pony oir des hommes: & 20. de confidérer enfuite plus particuliérement quelle eft la grandeur 6? ïètendue du pouvoir de Dieu. Oui, Chrétiens! vou- lez-  fur la crainte des hommes. 225 lez-vous trouver des moyens efficaces pour vous affranchir de 1'efclavage auquel une crainte immodérée des hommes pourroit vous tenir aiïërvis; & pour arriver a cette magnanimité, a ce courage, que la crainte de Dieu infpire ? travaillez a réfbudre d'après notre texte ces deux queftions: Qui eft V Homme ? Qtii efl V Et er nel ? i. Première confidération: une jufte appréciation des forces de ïHomme. Aenjuger par Ia hauteur avec laquelle parient certains mortels, & par la contenance fiere qu'ils affeclent, on diroit que leur pouvoir eft fort étendu, & qu'ils tiennent entre leurs mains la deftinée de leurs femblables. II femble que fopulence, & ces titres qui éblouiflènt les yeux du vulgaire, les élévent au deffus de 1'humanité. Cependant que font-ils ces Etres en apparence fi redoutables? Ce fönt des hommes, des hommes mortels; & n'eft-ce pas tracer d'un feul trait le tableau de leurs foiblefles ? N'eft-ce pas dire que tout leur pouvoir eft un pouvoir dépendant, confidéré en lui-même; & un pouvoir limité, tant dans fon exercice que par rapport a fa durée ? P  22c5 SERMON Ceft un pouvoir dépendant, difons-nous d'abord. Les hommes, il eft vrai, ne font que trop enclins a s'arroger a eux-mêmes un certain dégré d'autorité & de puisfance, fans penfer que celui de qui ils le tiennent uniquement c'eft Dieu, &jque eet Etre Suprème peut le retenir, 1'arrêter, le réprimer quand il lui plait. Nefais-tu pas, difoit Pilate a Jéfus-Chrift: ne faistu pas que fai le pouvoir de te crucifier & le pouvoir de te délivrer ? Mais que lui répond le Sauveur ? Tu naurois aucun pouvoir fur moi, s'il ne fétoit donné d'en haut. Et ce fut pour convaincre fes Difciples de de la même vérité, que tous les efforts des hommes font foumis a f empire du SouverainMaïtre de 1'univers, qu'après les avoir exhortés de ne pas craindre ceux qui ne peuvent tuer que le corps, mais qui nefauroient tuer Vame, il leur dit: ne vend-on pas deux pafereaux pour une pite, & cependant aucun Seux ne tombe en terre fans la volonté de votre Pere célefte; &> les cheveux même de votre têtefont tous comptés. Ne craignez donc point: vous valez mieux que beaucoup de paffereaux. Si Dieu, veut-il dire, ü Dieu  fur la crainte des hommes. 22 j prend foin de ces créatures fi peu confidérables; fi rien ne leur arrivé fans fa permifïion; a combien plus forte raifon fa Providence s'intéreffera-t-elle a vous, a votre confervarion, a votre vie. Objets continuels de fes plus tendres foins, qu'auriez-vous a redouter du pouvoir des hommes, quelque grand qu'il puiffe être; puifque, toujours foumis a la direction & au gouvernement de cette même Providence , il ne fauroit fe deployer qu'autant que Dieu le juge a propos, & qu'il refte toujours mille moyens d'en empêcher les aétes. Oui M. F.! 1'homme, le plus puisfant des hommes, eft une créature qui tient de Dieu .feul fes forces, la confervation de fes forces, & qui ne peut les deployer qu'autant que Dieu veut bien le permettre. Cet Etre Suprème les fufpend, les arrête a fon gré; & lerenverfant lui-même, quand il le juge a propos, d'un fouffle de fa böuche, lui öte fes forces avec fa vie. Dès-lors le pouvoir de 1'homme n'eft qu'un pouvoir d'emprunt, un pouvoir dépendant; & n'ëft-ce point déja une raifon bien forte pour ne le P 2  228 SERMON point craindre exceffivement & par deffus celui de Dieu? Mais quand il feroit libre a 1'homme, d'exercer un pouvoir indépendant du Créateur, ce pouvoir n'en feroit pas moins limité tant par rapport a fon exereice que par rapport a fa durée. En admettant en effet ici comme une vérité inconteftable que nous fommes des Etres fpiiituels & immortels, vérité fi évidemment établie par la Raifon & par 1'Ecriture qu'il n'y a que 1'intérêt que l'on a a fouhaiter que la chofe ne foit point, que le jeu des paffions, que le libertinage du coeur, qui puiffent empêcher les hommes d'y foufcrire ,& les porter a foutenir le contraire; en admettant dis-je cette vérité: a quoi fe réduit le pouvoir des hommes pour qu'il doive être craint fi immodérément ? Ils peuvent, je 1'avoue, exercer un certain pouvoir fur nous. Ils peuvent nous injurier, nous calomnier, nous maltraiter, nous perfécuter, nous dépouiller de nos biens, de nos priviléges, de notre liberté, de notre vie même. Ils peuvent tuer Ie corps. Mais après-tout, leur pouvoir ne fauroit aller  fur la crainte des hommes. 229 plus Ioin. Et quel pouvoir que celui qui fe borne a tuer ce qui doit néceffairement mourir dans peu; a rompre un fil qui doit fe rompre par fa propre foibleffe; a faire ce que peut faire le moindre accident, le plus vil infeéte; è renverfer une maifon d'argile; a abréger des jours qui f af ent comme un fonge;k mettre fin a cette exiftence terreftre que termineront furement dans peu ou les maladies, ou fage. UAme, eet être fpirituel & immortel, qui eft au dedans de nous, ne fauroit tomber fous leurs coups. On ne fauroit la détruire, on ne fauroit la tuer. Sa Nature immatérielle, fimple, indivifible, rend la chofe impoffible a tout autre qu'au Créateur. Si les hommes ont quelque pouvoir fur elle, ce n'eft que par le moyen des organes du corps. Encore ce pouvoir eft-il fort limité dans fa fphère. UAme eft fufceptible de mille fenfations agréables, que tous les efforts humains ne fauroient éteindre, dont ils ne fauroient feulement diminuer la vivacité. Témoin la joie, la fatisfaction, les tranfports de tant de Martyrs au milieu des plus cruels tourmens. Témoins les cantiques d'allégreffe qu'ils P 3  23o SERMON ont entonné au fort de la tribulation. Témoin 1'efpérance de la gloire de Dieu, dans laquelle ils fe font glorifiés, malgré les cruels efforts de leurs perfécuteurs pour leur arracher cette efpérance. Elle peut bien, cette Ame, plier en quelque forte fous le poids des maux infligés au corps, mais elle ne fauroit y fuccomber. Et fi les hommes excitent en elle des fenfations plus douloureufes, plus violentes, que les loix de 1'union de 1'efprit avec la matiere ne le permettent, 1'union fe rompt, l'Ame s'envole, &, retournant a ce Dieu qui 1'a donnée, elle fe trouve bientöt a fabri de toute atteinte. , Ils peuvent donc bien, ces foibles mortels, me priver de quelques plaifirs de peu de momens: mais ils ne fauroient m'empêcher de jouir de ces plaifirs inènarrobles qui font a la droite de Dieu pour jamais. Ils peuvent bien flétrir ma rêputation fur la terre: mais ils ne fauroient ternir 1'éclat de la gloire qui m'attend dans le Ciel. Ils peuvent bien m'enlever mes dignités, mes honneurs: mais ils ne fauroient me ravir la couronne incorruptible de gloire. Ils peuvent bien m'enle-  fur la crainte des hommes. 231 ver des richefies périflables: mais ils ne fauroient m'arracher ces tréfors éternels que Jéfus-Chrift m'a acquis, & qui ne défaudront jamais. Ils peuvent bien ici-bas m'affervir a un rude efclavage: mais ils ne fauroient m'empêcher de jouir dans le Ciel de la glorieufe liberté des affranchis du Fils. Ils peuvent bien, en un mot, tuer le corps: mais YAme, mais le repos de YAme, mais fon innocence, mais fon bonheur eft hors de leur atteinte. Point de violence qui puiffe la bleffer; point de calomnie qui puiffe la corrompre; point de Tyran qui puiffe éteindre fa vie qui doit être immortelle: ils ne fauroient, malgré tous leurs efforts, réuffir a tuer V Ame. Voila M. F.! comment, en appréciant a fon jufte prix le pouvoir des foibles humains & notre grandeur propre, nous apprenons a nous élever au deffus de la crainte immodérée qu'ils nous infpirent. Connoiffant ainfi la dignité & 1'excellence de notre être, & percant eet extérieur redoutable par lequel ceux qui nous environnent cherchent a nous en impofer; chacun de nous n'eft-il pas fondé a fe faire P 4  c3a SERMON ' a foi-même cette énergique queftion de notre texte: Qui es-tu que tu aies peur de ïhomme mortel, qui mourra, £5? du Fils de F homme qui deyiendra comme du foin ? Qui es-tu, créature diftinguée, chérie du Ciel, & dont la plus excellente partie ne peut éprouver aucune atteinte, aucune corruption? Qui es-tu, créature privilégiée, que tu aies peur de ce foible mortel qui bientöt épuifera fes forces, & dont toute Ia puiffance fe borne a te dégager d'un corps abject & corruptible, oü tu es comme emprifonnée, & que tu dois recouvrer enfuite incorruptible 6? glorieux? Encore fi fon pouvoir étoit auffi étendu que ton exiftence eft illimitée. Encore fi la durée de fon empire égaloit la durée de ton être. Encore fi fa vie étoit éternelle comme ton Ame. Mais c'eft un homme, un homme mortel, qui mourra, un homme qui fe proméne parmi ce qui na que Fapparence, dont 1'empirefinitavec la vie,& dont la vie bornée réduite a la mefure de quatre doigts, fi fragile qu'il ne faut pour le confumer que la rencontre d'un y er mi ff eau. Qui es-tu homme immortel, que tu aies peur de F homme  fur la crainte des hommes. 233 mortel, qui mourra, fi? du Fils del homme qui deyiendra comme du foin ? II. Mais fi la foiblefTe de 1'homme eft une confidération bien propre a nous prouver, qu'une crainte exceffive de fon pouvoir eft injufte & déraifonnable; ce qui doit fur-tout nous en convaincre en fecond lieu, Sc achever de reélifier nos idees fur le véritable Sc légitime objet de notre crainte, c'eft la confidération de la grandeur & de 1'étendue du pouvoir de r Eternel qui nous a faits, qui a êtendu les Cieux, fi? qui a fondê la terre, Oui, M. F.! fi, après nous être fatisfait fur cette première queftion: Qui efl T'Homme ? 011 doit avouer que la crainte exceffive de nos femblables eft peu fondée, la folution de cette feconde: Qui efl VEternel? va achever de vous en convaincre, & vous faire fentir fobligation indifpenfable oü nous fommes de diriger toute notre conduite fur la crainte de Dieu. Cette queftion: Qui efl VEternel? feroit infoluble, M. F.! fi nous entendions que pour la réfoudre il faut pénétrer dans le fonds de 1'Fffence divine, & fe former P 5  234 SERMON une idee précife de chacune de fes perfecpt. tions. Non! cette fcience eft trop merveilCXXMX (-kufe pour nous: elle eft fi haut élevée que nous ny faurions atteindre. Nous n'en connoiffons pas la plus petite partie : elle abforbe nos penfées & nos conceptions. Pour de foibles mortels, tels que nous fomjobxu. mes, les attributs divins font les hauteurs des Cieux qu'ils ne fauroient mefurer; &, pour nous renfermer dans notre fujet, fa Puiffance eft un abyme, dont ils ne fauroient fonder la profondeur. Cependant, quelque refferrées que foient les notions, quelqu'imparfaites que foient les idees,que nous avons du pouvoir de Dieu; ce que notre texte nous en apprend fuffit pour nous inftruire, que celui qui en eftrevêtu mérite a tous égards 1'hommage de notre crainte, & qu'il le mérite lui feul. 11 eft VEternel qui nous a faits, qui a êtendu les Cieux quia fondé la terre. Que ce titre eft majeftueux! Que eet ade de puiffance remplit 1'efprit de grandes, de redoutables idéés! Etendre les Cieux & fonder la terre eft un effet qui réclame une caufe indépendante, une caufe éternelle, une caufe néceffaire & exiftente par elle-même. Des-  fur la crainte des hommes. 235 lors fon pouvoir ne fauroit être arrêté ou réprimé que par un pouvoir fupérieur. Com- ', me il n'en eft aucun qui n'émane de lui, il ne peut auffi y en avoir aucun qui conrraigne le fien. Son pouvoir eft toujours efficace, paree que, ne dépendant que de fa volonté, rien ne fauroit y mettre obftacle que cette volonté - même. Difpofant u fon gré de toutes les caufes fecondes, il na qua le vouloir, pour qu'auffi-töt elles fervent a notre deftru&ion. On peut échapper quelquefois a la fureur des hommes, fe dérober a leurs coups par lafuite, oppofer la force a la force. Mais il ny a jnh ni ténëbres, ni ombre de la mort, oü yèxxxiv.22. puijfent cacher les ouvriers iïiniquitê de devant les regards de 1'Eternel. Nul ne EC peut f oreer fa force, ni être plus fort que XXVII« s\\.lui, comme s'exprime Efaïe. Quelque •fermes que paroiffent les deffeins des hom; mes, on peut y mettre obftacle. Mais qui pourroit réfifter a la volonté de Dieu? \Son confeil tiendra, fi? il mettra en exé- Ef jcution tout fon bon plaifir. II fait tout xlvi.io. \ce qui lui plait, tant dans Varmèe des Cieux D9n.JV.35. \que parmi les habitans da la terre, fi? il ny  236 SERMON a perfonne qui 'empêche fa main, £? qui lui dife: qu'as-tu fait? Mais il y a plus, M. F.! étendre les Cieux ö? f onder la terre eft 1'ouvrage d'une puiflance illimitée, fans bornes; un aéle qui donne a celui qui 1'a fait un pouvoir abfolu fur 1'univers & fur toutes fes parties; qui le met en droit par cela-même de difpofer a fon gré, non-feulement de la vie & de la mort, mais encore de la deftinée éternelle de tout ce qui refpire. Oui! fi j la fpiritualité & 1'immortalité de notre Ame nous mettent au deffus de la peur de ïhomme mortel, elles ne fauroient nous fournir un azyle contre les poürfuites du Dp„r. Dieu-Fort, ni nous mettre hors des atteinxxxiii.27. tes de fes bras èternels, felon 1'expreffion de Moyfe. Tere des Efprits, Créateur de nos Ames, elles ne celfent jamais de lui être affujéties. II peut en troubler Ia tranquillité & le calme; en rendre les plaifirs infipides; en bouleverfer les facultés; y produire la douleur & famertume; y faire naitre la frayeur, les remords & le i kalvin ^éfefpoir; la rejeter enfin pour l'expofer 15,1* d toutes festerreurs, comme parle le Pfal-•  fur la crainte des hommes. 237 mille. Ce n'eft pas tout; & de eet abyme de maux oü il peut nous plonger dans le tems, il peut nous faire palier dans ce redoutable féjour, oü la fumèe des tourmens Apoc. monte aux fiecles des fiecles. L'Eternel, qui X1V*1K nous a faits, qui a étendu les Cieux, qui a fondé la terre, a le pouvoir de nous priver a jamais de ces plaifirs qui font a fa droite, de ces tréfors que Jéfus-Chrift a mérité a fes rachetés. II a le pouvoir de rendre notre honte éternelle, de nous empêcher de porter la main fur la couronne de vie, & de nous enchainer a jamais avec des chaines iobfeurité. II a le pouvoir , en un mot, de perdre l'ame (2? le corps, 6? de les jeter dans la géhenne, c'eft-adire dans le lieu des tourmens, pour y fervir pendant tous les fiecles de viótimes a fa formidable vengeance. Tel eft, M. F.! tel eft rEternel qui nous a faits, qui a êtendu les Cieux, fi? qui a fondé la terre. Tel eft le Dieu entre les mains duqnel on rifque de tomber, quand, outrageant fa puifïance, on ïoublie pour redouter celle de 1'homme mortel qui mourra. Peut-on y réfléchir férieufement,  a38 SERMON & ne pas fentir que nous lui devons, & a lui feul, 1'hommage de notre crainte, & d'une crainte infiniment fupérieure a celle que les hommes peuvent infpirer ? Si c'eft une maxime généralement recue & d'un ufage fort étendu, que de deux maux il faut choifir le moindre, la prudence & la fageffe ne nous interdifent-elles point d'abandonner, par une crainte outrée pour le pouvoir des hommes, le parti de la vérité & de la vertu ? Que font-ils ces maux que les hommes peuvent nous faire, comparés a ceux dont Dieu menace ceux qui 1'oublient? Donnez aux premiers tout 1'avantage dont ils font fufceptibles. Réuniffez fous un même point de vue, tout ce que la fureur & la rage des hommes peuvent inventer pour tourmenter leurs femblables, Y a-t-il encore lieu au parallele? Ces maux ne finiffent-ils pas toujours avec la vie ? & les peines, par oü s'exprimera la colére de Dieu, ne feront-elles pas éternelles? Efl-ce donc confulter fes intéréts, que d'affronter ces dernieres, & de redouter les autres ? Eft-ce agir conféquemment aux principes de la fageffe, de la prudence  fur la crainte des hommes. 239 & de 1'amour propre, que de négliger 1'approbation du Tout-Puiffant, pour mériter 1'eftime des hommes ? Ne nous dictent-ils pas au contraire de ne pas nous expofèr, en voulant éviter des fouffances, des afflictions, des difgraces momentanées, a des tourmens, a des opprobres, qui ne finiront jamais, «Sc de ne pas faire dépendre du dommage extérieur «Sc paffager, que peuvent nous caufer de foibles mortels, le total de notre félicité ? En agir autrement n'eftce point ravir a Dieu, du moins dans nos idéés & dans nos fouhaits, le droit & le pouvoir de rendre fes créatures éternellement heureufes ou malheureufes ? N'eft-ce point en fuppofer en quelque forte les hommes capables, & transférer par celamême a la créature eet hommage de dépendance Sc de refpeél qui n'eft juftement dü qu'au Créateur? Ah! qui ne te craindroit, qui ne feroit épouvanté devant ta face, ö Dieu revêtu de puiffance & de force, Etre immoreel, Pere d'éternité, Créateur des Cieux «Sc de la terre, Roi des nations; ca* cela fappartient! Et qui es-tu? créature fpirituelle, créature immortelle! qui es-tu 1  ■ 240 SERMON que tu aies peur de thomme mortel, qui mourra, & du Fils de Vhomme qui deyiendra comme du foin ? Qui es-tu, que tu falies dépendre ton bonheur du mépris ou de 1'eftime du monde, fans avoir égard a 1'approbation du Trés-Haut? Ou ceffe de ce glorifier de tes avantages, ou fai-les briller dans ta conduite. Ou renonce au titre de fage & de raifonnable, ou bannis cette crainte immodérée des hommes, pour faire de la crainte de Dieu la feule régie de tes aélions, & 1'unique principe de tes demarches. Oui, M. F.! craignons 1'Eternel, & ne craignons que lui. Craignonsle comme celui qui tient feul entre fes mains notre félicité & notre mifére éternelle. Craignons fa Grandeur & fa Puisfance, pour nous donner frayeur continuellement; pour prévenir fes jugemens en celfant de foffenfer; pour mettre tout notre devoir a le fervir, toute notre application a lui plaire, toute notre étude a garder fes Commandemens. Et, une fois pénétré de ce fentiment religieux, nous nous verrons bientöt au deffus de toute autre crainte. Ayant une fois 1'Etre Suprème ml  fur la crainte des hommes. 241 me dans notre parti, nous n'aurons plus rien a redouter. En effet cette même grandeur, cette mêmepuiffance, qui, lorfqu'on oublie le Dieu-Fort, doivent faire f objet de nos terreurs, deviennent pour ceux qui craignent 1'Eternel le fondement de leur efpoir, la fource de leur confiance & de leur confolation. Celui qui a fixé dans fon cceur ce refpect raifonnable, cette frayeur religieufe pour fEtre qui a êtendu les Cieux, qui a fondé la terre, & dont la Providence veille fur tout ce qui fe pasfe dans funivers, a lieu de s'affurer fUr le fecours & fur la proteétion de ce Dieu puiffant, & de fe perfuader qu'il eft a 1'abri de tout mal. Ne crains point, lui crie Dieu lui-même, ne crains point, Er- XLI- 10,14. vermiffeau dejacob! homme mortel cCIfrael! ne crains point; car je fuis avec toi. Ne fois point étonné; car je fuis ton Dieu qui te forti ferai, qui faiderai, qui temaintiendrai par la force de ma juftice. Ne crains point; je faiderai, dit ff.ternel, fi? ton Défenfeur c'eft le Saint d'Ifra'él. Avec un tel fecours qu'auroit-on a redouter? & qu'eft-ce qui feroit capable de porter le Q  242 SERMON trouble & 1'alarme dans une Ame, qui, fe propofant toujours V Et er nel devant foi, n'a pour but que de fe rendre agréable a celui qui peut feul traverfer efficacement tous les deffeins formés pour nous nuire, & les faire réuffir au contraire a notre bonheur ? Non! Oni craint Dieu fort de tout, felon le mot énergique & fententieux de Salomon. II fort des tentations, des dangers, des opprobres, de tous les maux de la vie. Què dis-je ? il triomphe de la mort même. Que les ennemis de fon falut, ligués enfemble contre lui, confpirent fa perte; RoisVi.16 il ofe les défier courageufement ? perfuadé que celui qui efl avec lui efl plus puijfant que pfxxvii.i.ceu% 4U* font avec eux' E'Eternel, s'écriet-il, P Eternel efl ma lumiere ê? ma vie; de qui aurai-je peur? P Eter nel eft la force de ma vie; de qui aurai-je frayeur? Que d'épais nuages feforment au deffus de fa tête; que forage gronde; quelemall'approche: il n'en fera point étonné. Du fond des ténébres qui fenveloppent, du fein des dangers qui 1'environnent, il s'attendra a voir éclöre fa clarté, & naïtre fon bonheur. Qu'il foit appelé a combattre 1'En-  fur la crainte des hommes. 243 nerai de 3a Patrie \ ce n'eft point chez lui que l'on verra le courage céder a la pufillanimité. Craignant 1'Eternel, il aftontera iCOWU. tous les périls & fera des a&ions de vakur en Dieu. Que les hommes, que les événemens lui foient contraires: que le conM des méchans s'aflèmble: qu ils intentent du mal contre lui: que par leurs calomnies, leurs injuftices, leurs menfonges, leurs perfécutions, ils réuniffent leurs elforts pour le perdre, pour 1'écrafer: craignant rÉternel, il méprue leurs vains elforts, & ne craint rien; perfuadé que le Dieu qu'il a choffi pour fa portion, & dont le Nom efl grand en force, peut, s'il le veut, fouffler fur leurs projets, rendre leur haine impuiflante, «Sc faire tourner en bien ce que fes ennemis avoient penfé en mal contre lm. Que les Cieux enfin, que les Cieux paffent avec un bruh fifflant de tempête: que les élémens fe confondent: que la Nature entiere foit bouleverfée: que la mort approche & lui ouvre les portes de 1'Eternité. Supérieur a toutes ces révolutions, il demeurera ferme; «Sc fur les ruines de 1'univers il fera tetentir cette voix, interprête de fa con- Q *  244 SERMON pr.Lxii. fiance: quoi qu'il en foit, mon Ame fe repofe l' en Dieu; c'eft de lui que vient ma délivrance. Pf.xxiu.4. Quand je marcherois dans la vallée de l'ombre de la mort, je ne crains aucun mal; car r Eternel eft avec moi. Son baton & fa houlette Pf.xic.i. font ceux qui me confolent. Celui qui fe tient dans la demeure du Souverain fe loge d Vombre du Tout-Puijfant. 11 n'y a point Dem. de Dieu femblable au Dieu-Fort, qui vient 2*7.'' * tm aide* PorU fur les Cieux &> furies nue'es en fa Majefté. C'eft une retraite que le Dieu qui eft de tout tems, & d'être fous les bras éternels. Puiffënt, M. F.! tels être nos fentimens, nos difcours, & notre fort, Amen! Pfi IX. 19,20. XVII. 1. XXXVII. 2, 3. XL. 2. LVI. 5.  SERMON SUR LA PAIX QUE PROCURE LA PIÉTÉ. II y a une grande paix pour ceux qui aiment ta Lou Pseaume CXIX. 165. La Piété a les promefes de la vie préfente. C'eft ainfi, M. F.! que St. Paul reléve 1'excellence de la Religion mife en pratique, en la faifant envifager comme la fource des plus précieux avantages, même pendant cette vie. Et pour peu qu'on ait étudië avec foin la Nature & les caractères de la Piété, fon doit reconnoitre la vérité de cette alfertion. Nous enfeignant a vivre dans ce préfent fiécle, fobrement, juftement fi? religieufement; il eft clair qu'elle procure a ceux qui la pratiquent les vrais moyens de s'affurer 1'amour & la bienveillance de Dieu, 1'eftime & famitié de leurs femblables, la confervation dela fanté, les douceurs d'une bonne réputatïon, tous les Q 3  246 SER M O N agrémens, en un mot, tout Ie bonheur dont cette vie mortelle eft fufceptible. Cependant M, F.! quoique cette propofition foit généralement vraie fous 1'Evangile, auffi-bien que fous la loi, elle fouffrenéanmoins des exceptions. Avancer qu'il foit conftarnment vrai, que tout homme qui craint Dieu ne fauroit manquer quelquefois des biens temporels, ou être fujet a des malheurs, a des difgraces, a des calamités, ce feroit démentir nos livres facrés, qui nous préfentent 1'exemple d'un Job dans la deftitution, d'un Dayid diffamé, d'un lïzéchias malade, des Apotres perfécutés. Souvent pour de fa ges raifons Dieu permet que fes enfans foient expofés a des épreuves; lors, par exemple, que fa propre Gloire ou leur falut le demande. Mais ce qui eft conftarnment vrai de la Piété, ce qui ne fut jamais fujet a aucune exception; c'eft qu'en tout tems, dans toutes les circonftances, même les plus triftes & les plus facheufes, elle procure une fatisfaction intérieure, une tranquillité inalrérable, a ceux qui la pratiquent. Oui! cette Paix de 1'Ame, cette joie pure, ce  la paix que procure la piété. 247 l' lifir fecret qui accompagne 1'obfervation des loix de Dieu, eft la grande, &, pour ainfi dire, la feule promejfe infaühble de la Vie préfente faice a la Piété. Indubitable dans fon accomplifferaent, indépendante de tous les objets & de tous les événemens extérieurs, elle feule nous rend tranqmlles & heureux au milieu des plus grands malheurs,& des plus grandesagitationsqui puiflent nous furvenir. II y a, (secne David dans mon texte, avec une pleine confiance & fans aucune réferve) ü ya me grande profpérité, ou comme nous preférons de traduire le mot de 1'origmal, ü y a une grande Paix pour ceux qm mrnent ia Lol. C'eft, M. F.! cette confolante vente que nous nous propofons d'établir dans ce Difcours. Et falTe Ie Ciel qu'elle foit ou devienne chez nous une vérité de fentiment «Sc d'expérience; afin que dans cette douce Paix de 1'Ame, nous trouvionstout a la fois, «Sc une affurance de notre réconciliation avec Dieu, & un avant-gout du repos éternel dans le Royaume celelte, ainfi foit-ü! Q 4  243 SER M O N Avant que d'établir la propofition de notre texte, il ne fera pas inutile de faire quelques courtes réflexions propres a en fixer le vrai fens. Et d'abord nous obfervons que par cette Paix, dont parle lePfalrnifte,il ne faut pas entendre une Paix, une tranquillité extérieure. C'eft ce qui paroït lorfqu'on fait attention a ce qui précéde. Parlant de cette Paix, comme fayart goütée au milieu des perfécutions & des tribulations qu'il avoit effuyées; il eft clair que David veut parler ici d'une Paix, d'une tranquillité, d'une fatisfaétion inférieure, par oppofition aux troubles & aux inquiétudes de VAme. Les Principaux du peuple, avoit-il dit quelques verfets plus haut, les Principaux du peuple iriont perfécuté fans fujet. Faifant enfuite 1'éloge de la Loi de Dieu, dont 1'obfervation 1'avoit foutenu & confolé au milieu de fespeines, ils'écrie après-cela dans notre texte: 11 y a me grande Paix pour ceux qui aiment ta Loi. Mais qui font ceux que le Pfalmifte défigne de la forte? Ce font, M. F.! des fidéles affermis dans la Piété, & qui fe font formés de juftes idéés de la Religion & de fon Divin Auteur. C'eft ce qu'il  la paix que procure la piété. 249 importe de bien obferver pour prévenir toute équivoque, & empêcher qu'on n'impute a la Piété ce qui doit être imputé a ceux qui la pratiquent. A 1'égard des fidèies dont nous parions, la Régie de notre texte efl füre: elle fe vérifie conftarnment & dans tous les cceurs. Que fi elle peut paroitre avoir des exceptions, ce n'eft qu'a ceux qui confondent la Religion avec les iilufions de certains Chrétiens qui la profeffent; tels que font des Chrétiens commencans: des Chrétiens mal-inflruits: oü des Chrétiens mélancoliques. Les Chrétiens commencans trouvent la porte étroite fi? le chemin étroit qui conduit d la vie; ont du premier abord de fi grands préjugés a dépouiller, & des penchans fi chéris a détruire, que ces répugnances de 1'efprit & du cceur ne peuvent que leur caufer des agitations & des troubles. Mais du moment qu'on a franchi ces premiers obftacles, & qu'on a fait quelques pas dans la carrière de la vertu, on éprouve bientöt ce que dit Salomon, que fes yoyes font des yoyes agréables, fi? que fes fentitrs ne font que Paix. Q 5  250 SERMON . Les Chrétiens mal-inflruits, qui dans la Religion féparent ce que Dieu a joint, peuvent encore ne pas éprouver la Paix qu'elle procure, lorfqu'elle eft bien comprife. Semblables aux Pharifiens du tems de JéfusChrift , ils fe bornent aux Cérémonies, aux devoirs extérieurs de Religion; & laiffent la les chofes les plus important es de la Loi; le jugement, la miféricorde, fif la fdélité. S'ils n'eprouvent point ce calme, ce repos dont nous parions, c'eft que n ayant que les apparences de la Piété ils en ont renié la force. 11 n'y a que la Religion, affortie & complette dans toutes fes parties, il n'y a que la parfaite Charité qui bannijfe la crainte. 11 faut encore ranger parmi les Chrétiens mal-inflruits ceux, qui, fe formant de fauffes idéés de 1'Etre Suprème, ifolent, autant qu'en eux efl, fes attributs, & s'arrêtent tellement a fa Juflice qu'ils oublient fa Bonté. Le moyen de ne pas tomber dans le découragement, de n'être pas faifi de crainte a 1'idée de fes fautes & de fes foibleffes, lorfqu'on n'envifage 1'Etre Suprème que du cöté de fa Sainteté, & de fa Juflice ? Quand a 1'exemple du lache Servi-  la paix que proeure la piété. 251 teur de 1'Evangile on dit a Dieu: je fayois que tu es un mattre rude? Le moyen de ne pas enfouir alors fes talens, & de ne pas croire que le compte qu'on en doit rendre eft au delfus de fes forces ? Au lieu que pour ouvrir fon cceur au calme ferein que procure la Religion, il faut encore fe repréfenter fon Divin Auteur comme un Etre chez qui la miféricorde fe glorifie fur la condamnation ; qui, fachant de quoi font faits les hommes, a fur-tout égard a la fmcérité de leurs efforts. Ce qui fait que les commandemens de Dieu ne font pas pénibles,c,eH. fon amour. Ceux qui aiment la Loi, aiment le Légiflateur, 1'envifagent par fon cöté aimable, rendent a fa Bonté rhommagc de leur confiance. Et des - Iors regardant ainfi Jéfus comme un maitre débonnaire, dont le joug efl aifé fi? le fardeau léser, ils ne tardent pas a trouyer auprès de lui le repos de leurs Ames. Enfin les Chrétiens mélancoliques, quoiqu ils aient bien compris & bien pratiqué la Piété, peuvent avoir le cceur rempli d'inquiétudes & d'alarmes. Mais confondra-t-on un effet du tempérament avec  252 SERMON 1'effet de la Religion? Croira-t-on la Piété ennemie du repos & de la joie, paree que des Efprits fombres & abatus voudroient faire paffer dans les nötres 1'humeur noire qui les ronge ? Après ces diftinétions néceffaires, nous foutenons qu'il n'eft pas de tranquillité, ni de fatisfaction comparables a celles que la Piété feule procure. Et pour nous en convaincre , il fuffit de prouver qu'elle ferme toutes les fources d'alarmes & d'inquiétudes, & qu'elle ouyre toutes les fources du repos & du calme. L'on peut réduire toutes les caufes de nos agitations & de nos alarmes a ces cinq principales. i°. Lts doutes de V Efprit. 20. Les paffions du cceur. 30. Les remords de Ia confeience. 40. Les I maux de Ia yie. 50. Les approches de la mort. Et fi nous prouvons que, dans chacun de ces cinq cas, la Piété, & te Piété feule, nous calme, nous tranquillife; nous croirons avoir établi cette propofition de notre texte: II y a une grande Paix pour ceux qui aiment la Loi de Dieu. Continuez-nous, M. F.! votre attention religieufe.  la paix que procure la piété. 253 I. A R T I C L E. Je dis d'abord que la Piété procure une grande Paix a ceux qui la cultivent, paree qu'elle diffipe les doutes de V Efprit, qui ont la Religion pour objet: première fource d'inquiétudes & d'alarmes. Et c'eft la, M. F.! ce qui eft vrai de quelque caufe que ces doutes procédent. Viennent-ils d'un fond d'incrédulité ou de libertinage, en forte que malgré la tranquillité que l'on affecte de montrer, malgré les efforts que l'on fait pour fe perfuader qu'il n'y a ni Dieu afervir,nienfer a craindre,onéprouvedans des momens de retraite & de folitude, des doutes inquiétans fur le parti que l'on a pris de nier tout ? La Piété, & la Piété feule, procure a eet égard la plus grande tranquillité. Elevant 1'homme a la connoiffance d'un premier Etre qui réunit dans fon Effence toutes les perfeótions, qui gouvernecevafte univers par fa Providence, & qui deftine a nos Ames dans une autre vie une immortalité bienheureufe; elle lui enfeigne des vérités fi amies de la raifon, fi chéres au cceur qu'elles ne peuvent qu'affurer fon repos.  254 SERMON Les chériffant, ne fuffent-elles que proba- ■ bles, paree qu'en croyant il nerifquerien, 1 & qu'en n'y ajoutant point foi il hazarde 1 tout; il a foin de les faire goüter a fon Efprit comme démontrées; de les faire :i approuver a fa confcience, entant que mifes au defliis de tout doute. Et quelle tranquillité, quelle fatisfaction ne goüte pas un homme qui fe conduit par la raifon, & répond a fa deftination dans le monde, qui eft de connoitre Dieu & de le fërvir; & li qui fur 1'importante alternative d'un bonheur éternel, exempt de tout doute, fe rend ie doux témoignage d'avoir pris le parti le : plus fur & le plus raifonnable ? Ces doutes, dont nous parions, viennent-ils d'un principe d'irréfolution, en forte que par rapport è la croyance, ne pouvant rendre raifon de ce que l'on croit, ou n'ayant aucun i principe de foi fixe & arrêté, l'on refte \ toujours flottant a tout vent de Doclrine; & que, par rapport a la pratique, l'on fe borne a ce qu'on appéle velléités, a une volonté indéterminée, a de bons mouvemens, mais qui n'ont ni confiftence, ni durée: irréfolution qui, roulant fur des objets auffi fé- ■  la paix que procure la piété. 255 rieux que le font Ia connoifTance & la pratique de la Religion, ne peut que mettre 1'Ame dans la fituation la plus agitée ? la Piété encore fournit feule un reméde a ces maux. L'homme Pieux difcerne, choifk le fyftême de croyance le plus conforme è la faine Raifon, le mieux fondé dans 1'Ecriture ; & apportant toute diligence pour ajouter h la foi la vertu, il eft ferme, immuable, abondant en ïoeuyre du Seigneur; fachant, & fachant avec autant de certitude que de joie, que fon travail ne fera pas yain au Seigneur. Différent du voyageur, qui ne marche qu'en tremblant, paree qu'il ne fait, ni d'oü il vient, ni oü il va; il reffemble au contraire a celui qui für de fa route y marche avec alégreffe. Le repos & la conviélion dans 1'Efprit, la joie & le contentement dans le cceur, il éprouve ce que dit le fage: celui qui marche dans l'intégrité marche en affurance. Enfin , ces doutes viennent-ils d un cceur partagé entre Dieu & le monde, défirant de fe rendre agréable a 1'un, craignant de déplaire a 1'autre; &qui, ne fachant que choifir,fe voit le trifte jouet des plus cruelles incertitudes  zs6 SERMON cc des plus affreux combats ? Ia .Pjïtó lui offre tout ce qu'il faut pour le fixer. L'homme Pieux décaché des Créatures, attaché au Créateur, fe donnant a lui fans partage, fans compofition; obfervant avec exaclitude les loix qu'il a jugé a propos de lui prefcrire, & embraffant avec foi les vérités qu'il lui a révélées, eft convaincu d'avoir choifila bonne part qui ne lui fera point ótèe. Et quel doux repos n'accompagne pas un choix dont jamais perfonne ne s'eft repenti ? II n'a la deffus aucun doute dans VEfprit: première & forte preuve que fa Piété fait fa tranquillité; qu'/7 y a une grande Paix pour ceux qui aiment, & qui aiment par perfuafion & par préférence la Loi de Dieu. II. ARTICLE. Les Paffons font, avons-nous dit, une feconde fource d'alarmes, mais que la Piété feule tarit. Ce n'eft pas, M. F.! que nous croyons que les Paffions, confidérées en . elles-mêmes, & telles que Dieu nous les a données, foient capables de répandre le trou-  fur la paix que procure la piété. 277 trouble dans nos Ames. En lesenvifageanr dans leur origine, on ne peut qu'y reconnoitre la fageffe du Créateur, des effets naturels de 1 uniqn de 1'Ame avec le corps5 qui, lorfqu'elles font bien dirigées, deviennent des fources fécondes de vertus. Mais elles troublent notre repos, elles nous deviennent funeftes, lorfque d'illégitimes objets les excitent, ou qu'elles paffent de juftes bornes. C'eft ainfi fans doute que 1'entend St. Pier re, lorfqu'il nous exhorte a nous abftenir des convoitifes charnelles qui font la guerre a TAme. Et que dans 1'un & 1'autre fens elles faffent effeélivement la guerre a ïAme, en banniffent la tranquillité & la Paix, c'eft ce dont fexpérience ne fournit tous les jours que trop de preu= ves. Quelles violentes agitations, par exemple, ne caufe pas une Ambition déméfurée ? Pour parvenir au pofte oü elle afpire, il n'eft rien qu'elle ne mette en C2uvre. Nuit & jour elle fe tourmente a y penfer, a inventer les moyens d'écarter ceux qui pourroient avoir les mêmes vues, & de tromper leurs deffeins. Voyez R  273 'S E R M O N encore les agitationsdef Avare. Serefufant le repos néceffaire, tous les momens de fa vie le trouvent occupé a accumuler tréfors fur tréfors, veilles, foucis, fatigues, dangers même, rien ne lui coüte pour affouvir fa Pajfwn. Voyez 1'Homme-colére & vindicatif; que de tourmens ne fe donnet-il pas pour fatisfaire fa haine & fa vengeance? que de crimes ne le voit-on pas fouvent commettre pour y réuffir? Et que dirai-je encore, M. F. ? Un homme, Pasjionné pour quelqu'objet illicite que cefoit, n'écoute ,> ne juge, ne raifonne plus. Son Ame, fa Perfonne entiere, de vient lefiége des plus cruels combats. La vérité lui eft cachée, le crime lui devient familier, jusqu'a ce qu'enfin les maux & les tourmens foient fon partage. ö PaJJions, qui futes mifes en nous par les mains du fage Auteu de la Nature, pour veiller a notre confèrvation & a notre félicité; que vous deve» nez, en paflant par celles des hommes corrompus, des fources de malheurs & d'inftrumens de perdition! M. F.! que la Piété doit nous paroïtrt aimable, lorfque nous réfiéchiffons, qu'elle  fur la paix que procure la piété. 279 feule eft capable de tarir la fource des maux que les Paffions occafionnent! Oui! c'eft la fon ouvrage. Non que pour cela elle prétende les anéantir abfolument: c'eft la, quoi qu'en dife le Stoïcien, prétendre 1'impoffible. Mais elle en vient a bout, en modérant ces Pajjions, en y mettant un frein, en les retenant dans de ju fles bornes , «Sc en ne les dirigeant que vers des objets légitimes. Nous faifant envifager les chofes de la terre fous leur vrai point de vue; elle nous apprend a les apprécier a leur jufte valeur * & a n'y attacher nos affeétions qu'autant qu'elles le méritent. Portant un jugement févére, mais impartial, fur tant d'objets qui nous flattent, & que 1'opinion vulgaire nous fait eftimer, bien que fouvent ilsn'aient aucun mérite, aucune excellence réelle; elle nousporteaconclure que nous ne devons pas nous montrer ft Paffionnés pour leur recherche. Elle nous enfeigne a ne pas fentir un défir immodéré pour leur poffeffion, ni une douleur trop vive pour leur perte. Nous délivrant ainfi de penfées inquiétes, du trouble des Pasfions, du bouleverfement que le corps R 2  a8o SERMON éprouve par leur impétuofïté; elle maintient au dedans de nous la Liberté & la Paix. Mais la Piété ne metpasfeulementl'Ame dans cette aiïiette tranquille, en donnant a nos Pajions la raifon pour guide; elle le fait encore & fur-tout en leur propofant Dieu & le Ciel pour objet. Oui! ceux qui la cultivent ne connoiffent d'honneurs & de plaifirs folides que ceux que la vertu leur faitgoüter, & que 1'Eternité leur prépare. Ils n'ont d'amour que pour Dieu, de défir que pour le Ciel oü eft leur tréfor, de haine que pour le pêché, de crainte que de s'en rendre coupable, de douleur que d'y avoir fuccombé, de colére que contre ceux qui oublient & qui outragent la Majesté de 1'Etre Suprème, d'ambition que pour les biens éternels qui fe trouvent a fa droite. ö! M. F.! que les Pajftons ainfi dirigées par la Piété font nobles! qu'il y a de plaifir pur a les fatisfaire! & qu'a eet égard encore il eft bien vrai de dire qu'il y a une grande Paix pour ceux qui aiment la Loi de Dieu!  fur la paix que procure la piété. 281 III. ARTICLE. Nous en fentirons encore mieux la vérité, M. F.! fi nous réfléchifTons fur une troifeme caufe de trouble & d'inquiétude, que nous avons dit que la Piété feule eft capable d'öter, & qui nait des remords de la confcience. Quelque peine que fe donne quelquefois le méchant & le pécheur pour éloigner ces remords, & pour cautérifer fa confcience; les fentimens naturels du jufte & de finjufte, du bien & du mal, gravésdans fon coeur en caraéléres ineffacables, les raménent bientöt, & ne lui permettent pas de les étoufer au point de ne pas fe fentir accufé, lorfqu'il a commis une mauvaife aétion. Ne pouvant fe cacher qu'il y a un Dieu jufte «Sc puiffant qui juge les hommes, aux regards duquel il ne peut fe fouftraire; cette penfée fuffit pour le jeter dans les plus cruelles agitations «Sc dans le plus grand trouble. Toujours cette idéé d'un Dieu vengeur qu'il a offenfé le pourfuit, «Sc la certitude de ne pouvoir échaper a fa vengeance, foit dans ce monde , foit dans celui qui eft a venir, proR 3  ö8a SERMON duit en lui une frayeur perpétuelle. La moindre apparence de danger, la feule vue de quelque calamité, alarme fon Ame criminelle, & lui fait craindre qu'il va en être la viétime.; La folitude la plus retirée, non plus que les diffipations les plus bruyantes, ne fauroient le calmer. Seul, il porie toujours avec foi fon bourreau qui le tourmente & le déchire. Au fein des plaifirs les plus rafinés, il fent un trouble fecret qui les empoifonne. Sans celfe agité par les plus vives inquiétudes, il efl, comme parle Efaïe, il efl femblable d la merqui .efl dans la tourmente, fi? qui ne fe peut appaifer. Condamné déja par ce témoin intérieur auquel il ne peut impofer filence, rongé déja par ce ver qui ne meurt point; le fommeil s'éloigne de fes paupieres. Le L<ce qui pourroit troubier fon repos ou inquiéter fon Ame ? Seroient-ce les avantages de la terre qui vont lui être enlevés pour toujours ? Mais les ayant poffédés fans attachement, il les quitte fans regret. Seroient-ce les douleurs qu'il fouffre, ces angoiffes, ces combats intérieurs , qui lui annoncent la féparation prochaine de fon Ame d'avec fon corps ? Mais la Religion lui apprend que ces fouffrances, après avoir fait fur lui leurs derniersefforts, bientöt épuifées, deviendront les premier.? S  594 SERMON pas vers fon éternelle félicité. Seroit-cê le fouvenir de fa conduite paffée ? Mais il n'y voit qu'osuvres de fainteté, de miféricorde & de juflice, qu'efforts pour plaire a Dieu, qu'intégrité & que droiture dans toutes fes démarches. Seroit-ce la vue de parens chéris, d'amis fidèles, d'entre les bras defquels il va être arraché? Ah! fi quelque chofe étoit capable de lui caufer quelque apparence de trouble; il 1'éprouveroit en les voyant, par leurs larmes & par leurs regrets, faire en quelque forte diverfion a la réalité de fon bonheur. Mais ne mourant pas comme ceux qui n'ont point jein xx. d efpérance; je monte, leur dit-il, avec un 17' air calme & ferein, je monte vers mon Pere fi? yersvotre Pere: vers mon Dieu fi? vers votre Apoc. Dieu. Bienheureux font les morts qui meurent au Seigneur! om pour certam, -dit VEfprit: car tls fe repofent de leurs travaux^ fi? leurs ceuvres les fuivent. Seroit-ce enfin 1'idée de 1'Eternité qui s'ouvre devant lui ? Mais fa foi lui découvrant la récompenfe dellinée a fa Piété, & acquife par le fang de Jéfus, un bonheur oü aucun trouble n'apportera jamais la moindre altération;  fur la paix que procure la piété. 295 'Seigneur '! s'éerie-t-il, tu laijfes mainienant aller ton Serviteur en Paix, felon ta promesfe; car nies yeux ont yu ton falut. Voila, M. F.! comment la Piété, en diflipant nos doutes * en modérant & eri réglant nos Paffons, en prévenant les remords de la confcience ou en les appaifant, en adöucifiant les maux de la %£\ & en nous raffuranc aüx approches de la mort, produit dans toutes les circonftances les plus propres a nous caüfer du trouble; des inquiétudes & des alarmes j une Paix^ une tranquillité, une fatisfaótion, un plaifir fecret qui ne laiffe rien a défirer. Faudra-t-il après cela remplir notre louche d'argümens, pourpröuver combien il vous importe d'en faire déformais le grand, le prirtcipal objet de vos études & de vos recherches ? Qui de nous* pour peu qu'il ait fon bonheur même temporel a coëur, ne fouhaiteroit d'acquérir ce qui eft fi propre k le procurer ? Ah! mettons-nous donc en état d'en éprouver 1'efficace. Laiflbns aux pécheurs & aux mondains de fe déchainer contre une Religiën prof table d tant de chofes, de Ja dédaigner* de la méconnoitré; Mais' pouï S i  2p6 SERMON nous, Chrétiens mieux inftruits! prévalons-nous de 1'ineftimable tréibr que la miféricorde divine nous a mis entre les mains. Que chacun de nous faififfe avec empresfement ce moyen, feul capable de nous rendre la vie douce agréable & heureufe. Oui divine Piété \ Fille du Cielï toi feule eft 1'objet le plus digne de pofféder mon coeur. Avec toi je veux vivre, avec toi je veux mourrir; puifque, & dans la vie & dans la mort, tu fais feule éprouver un repos folide & durable. Dieu veuille, M. F.! que ce foient la nos fentimens & nos difpofitions a tous! Dieu veuille que, défabufés enfin de la tranquillité que le monde promet toujours, & n'accorde jamais, la Piété, la folide, 1'heureufe Piété tienne déformais le principal lieu dans nos coeurs; afin que dans tous les états de la vie, a 1'heure de la mort, & dans tous les fiecles de 1'Eternité, nous éprouvions que fes fentiers ne font que Paix: qu'*/ y a une grande Paix pour ceux qui aiment la Loi de Dieu. Amen! oui, Amen! Pf. XCVII. 7. CXIX. 83, 84.  =97 PRIERE. Qui ne te craindroit, Roi des Nations! tar cela fappartient? Qui n'auroit pour toi feul,Légiflateur qui peux faüver (Superare, toute la vénération & toute la foumïffion qui te font dues? Qui n'auroit pour ta Loi, fource du bonheur & du repos, tout le refpeét., tout f attachement qu'elle mérite? Qu'aujourd'hui que tu as parlé de Paix & de falut a ton peuple g? a tes bien-aimés, nous formions les réfolutions les plus fincères de ne retourner plus a nos folies. Mais fur-tout que des aujourd'hui ces pieux delfeins foient fuivis d'une exé^ cution prompte & conflante. Qu'il n'en luit pas, Seigneur! de ces projets comme de tant d'autres formés dans dés jours pareils a celui-ci; qui, femblables d la rofée du matin qui sen va, & n'étant que les elfets d'une dévotion palfagére, fe font évanouis du moment que ces objets n'on plus été préfens a notre Efprit. Aide-nous y toi-mêmp j Bon Dieu! Donne-nous un coeur pénéS 3  2Q8 PRIERE. tré des fentimens d'une Piété folide. Guérisnous de 1'aveuglement funefte, qui jufque ici nous a caché les chofes qui appartiennent a notre Paix. Fais-nous comprendre 1'intérêt important que nous avons a aimer ta Loi par deffus toutes chofes. Qu'autant que nous avons eu jufqu'ici de négligence & de tiédeur a remplir nos devoirs, autant nous aypns déformais de zèle & d'ardeur a te fervir. Que regardant la Piété comme notre principale, &, en quelque fbrte notre-unique vocation, nous cherchions premiérement% & avant toutes chofes, ton Royaume ta. jufiice: & que, marchant felon cette régie, ta. Pa^x ta miféricorde foient fur nous comme fur ton Ifra'èl. Que cette Paix, qui furmonte tout entendement, garde nos coeurs. '£? nos fens en Jéfu^Chrifl: afin qiiaffranchis du pêché, & affervis a toi, nousayons notre fruit dans la Sanclipeation, & pour fin la yie éiernelle ï  SERMON SUR LE DEVOIR IMPOSÉ AU CHRÉTIEN DE SAVOIR RENDRE RAISOtf DE SA CROYANCE. Soyez toujours prêts h répondre avec douceur & 'révérence a chacun qui vous demande raifon de Vefpérance qui eft en vous. % PlERRE III. 15. Si tu confejfes le Seigneur Jéfus detahouche, fip que tu croyes en ton coeur que Dieu la res- Ron)X- * fufcité des morts, tu feras fauvé. C'eft ainfi, M, F.! que 1'Apötre St. Paul veut nous faire comprendre que pour parvenir au falut , il importe non feulement de croire les vérités de la Religion, mais encore de les confeflèr. Le premier de ces devoirs eft le devoir du cceur: 1'autre, le devoir de la bouche. En vain feroit-on ouvertement profeffion de 1'Evangile: en vain porteroit-on extérieurement la livrée de Jéfus-Chrift, fi dans le même tems le coeur n'étoit pas rempli de confiance pour ce Grand Sauveur, fi 1'Efprit n'étoit pas intimément perfuadé S 4  300 SERMON fur le devoir impofé au Ckrét. des vérités falutaires, ou fi l'on regardoit le fyltême de la Religion Chrétienne comme un compofé de fables ajuftées avec artifice. Par cette profeffion fimulée on pourroit tromper les hommes, furprendre leur eftime, pafTer dans leur efprit pour de vrais Chrétiens; mais on n'en impofe pas a un Dieu qui a égard au coeur, & qui connott ceux qui font few. Cependant, M. F.! en vain d'un autre cóté feroit-on intérieurement convaincu de la vérité de 1'Evangile: en vain croiroit-on dans fon coeur que Jéfus eft le Chrift, le Fils du Dieu vivant, le Rédempteur des hommes, fi dans le même temps on refufoit de faire une profeffion publique de fes fentimens, & fi les paroles de la bouche démentoient par une criminelle prévarication la conviclion du coeur. Le Fils de Dieu renoncera un jour devant fon Pere c2? devant les Saints Anges ces Ames baffes & timides, qui, par quelque vile confidération d'un intérêt mondain, n'auront pas eu le courage de le confeffer, ou auront eu Ia Jacheté de le renier devant les hommes. II faut que ces deux chofes marchent tou-  de fwoir rendre raifon de fa croyance. 3 o r jours enfemble, comme en effet elles ne peuvent gueres être féparées. Un Hypocrite, qui affcéte d'être bien perfuadé des vérités de la Religion, a beau fe montrer zelé en apparence, & facrifier même a cette perfuafion apparente quelques uns de fes intéréts temporels; prefque toujours il arrivé, qu'après avoir trompé fes femblables, il fe démafque enfin & fe montre tel qu'il eft. Au contraire un fidéle, vivement touché pénétré de la vérité de 1'Evangile, peut bien quelquefois, par furprife ou par 1'effort d'une violente tentation, lacher quelques paroles, ou faire quelques démarches qui ne s'accordent pas avec fes véritables fentimens; mais il fe reprend, il fe corrige bientöt, il croit: & paree qu'il croit fincérement de cceur, il fait de louche confesfon d falut. C'eft, M. F.! ce doublé Devoir que St. Pierre recommandoit aux Chrétiens de fon tems. II les avoit exhortés, dans les paroles qui précédent immédiatement celles que nous vous avons lues, de fanclifier le Seigneur dans leurs cceurs; c'eft-a-dire, d'avoir pour lui les fentimens de crainte, devénéraS 5  3Q2 SERMON furie devoir impofê au Chrét. tion,de foumiffion, d'amour, de confiance qne la Religion infpire: mais il ne veut point qu'ils s'en tiennent la. II leur ordonne de plus de faire paroitre ces mêmes fentimens dans toutes les occafions oü la Gloire de Dieu , 1'édification du prochain, 1'inté-, rêt de la vérité pourront le demander. Soyez toujours pr ets, dit-il, d rêpondre avec douceur & révérence d chacun qui vous de* mande raifon de ïefpérance qui efl en vous. Deux chofes méritent ici notre atten* tion. Prémièrement le Devoir même auquel 1'Apötre exhorte les Chrétiens. En fecond lieu la Maniere dont ils doivent s'en acquiter. Puiffe ce Difcours, accompagné de la bénédi&ion divine, conüribuer a nous affermir deplus en plus dans 1'efpérance, & dans la profeffion de 1'efpérance que JéfusChrift nous a donnée, ainfi foit-il! I. P A R T I E. i Pour nous former de juftes idéés du Devoir auquel St. Pierre exhorte les Chrétiens , lorfqu'il veut qu'ils foient toujours prêts d rêpondre & a rendre raifon de ïes-  de fay oir rendre raifon de fa croyance. 303 pér ame qui efl en eux; il importe de rechercher, avant toutes chofes, ce qu'il faut entendre par cette efpérance dont il parle. Nous obfervons donc que ce terme eft employé ici ppur exprimer, non cette vertu particuliere que le Saint-Efprit diftingue de la foi, mais une vertu générale qui comprend la foi même. C'eft dans ce fens qu'il fe prend . fouvent dans 1'Ecriture. Ainfi St. Paul nous 1 exhorte de retenir ferme la profeffion de Hebr.x. I notre efpérance fans yariër; c'eft-a-dire, la 23' profeffion de notre foi & de toutes les vertus qui en dépendent. Dela vient auffi | que crmre en Dieu, & efpérer en Dieu, font I des expreffions que les Auteurs facrés coni fondent fréquemment; comme quand St. Pierre, dans le Chapitre même dont notre I texte eft tiré, parle de certaines femmes qui ; efpéroient en Dieu; c'eft-a-dire, qui croyoient iPier.iri. en Dieu. Et quand St. Paul dit aux Ephé- 5* I fiens: Dieu nous a prédeflinês afin que nous foyons a la louange de fa gloire, nous qui ayons les premiers efpérés en Chrifl; c'eft; a-dire, qui avons les premiers cru en Chrift. [ Ici de même St. Pierre prend Xefpérance j pour la foi, en tant que la foi comprend &  304 SERMON furie devoirimpofèau Chrêt. renferme elfentiellement /'efpérance, qu'elle eu efl: le principe & la caufe, tandis que 1'efpérance foutient la foi lorfqu'elle efl; attaquée. Ce terme défigne donc ici cette ferme perfuafion, oü doit être tout Chrétien, que Jéfus-Chrift eft le Fils de Dieu, & que la Religion qu'il a établie dans le monde eft certaine, digne d'être entierement regue. Que c'eft lui qui eft ce grand Rédempteur promis de Dieu aux hommes depuis tous les fiecles, attendu par les fidèles des précédentes difpenfations, annoncé par les oracles des Prophetes , & figuré par les types de la Loi. Que fa mort a été un vrai & réel facrifice , d'une vertu infinie, par lequel nos péchés ont été expiés, & la juflice divine fatisfaite. Qu'il eft véritablement reffufcité des morts & monté au Ciel, afin de comparoïtre pour nous devant la Face de Dieu, & afin de répandre dela fur nous les graces & les bénédictions de fon Efprit. Que ceux qui embrasfent fa doctrine, & qui obfervent les faintes loix qu'il nous a laiffées, obtiennent par la non feulement la rémiffion de leurs péchés , mais encore un droit affuré a la vie  de favoir rendre raifon de fa croyance. 3 05 éternelle. Qu'un jour enfin ce même Jéfus, qui eft monté au Ciel, en defcendra pour juger les hommes: qu'alors les morls grands & petils fortiront de leur tombeau, & que ceux qui auront été fidèles pendant leur vie recevront la récompenfe de leur fidèlité, & feront en corps & en Ame mis en poffeffion d'une gloire qui ne fouffrira jamais la moindre altération: pendant que les incrédules, les infidèles, les impénitens feront précipités dans le feu éternel qui eft préparé au diable & d fes anges. Telle eft, M. F.! Vefpèrame dont St. Pierre dit qu'elle eft en nous, & dont il veut que nous foyons toujours prêts d rendre raifon-, exprimant ainfi la Nature du 1 Devoir au quel il nous exhorte. Quoique I 1'Apötre s'énonce dans un fens général; il eft clair qu'il n'entend pas ici qu'un Chrétien foit obligé de répondre toujours, indifféremment, Sc en toute occafion, a ceux qui le queftionnent fur fa Religion. Quek quefois ceux qui 1'interrogent ne le font que par un Efprit de curiofité; comme nous lifons au Chapitre XXIII. de St. Luc: Lne. que ce fut le motif qui porta Hérode a xxm 9*  3cö SERMON fur le deyoir hnpoféau Chrét* interroger Jéfus-Chrift. Quelquefois encore c'eft dans un Efprit de méchanceté & de malice, pour lui tendre des piéges & pour le furprendre* ainfi qu'il eft rapporté en plufieurs endroits de 1'Evangile: que les fcucxi. fcribes & les Pharifiens interrogeoient le L> 53» 54- saUveur. Quelquefois enfin c'eft par un Efprit de profanation & de dérifion; comA(5t me lorfque les Athéniens interrogérent St. xvii. 19, paui touchant la Réfurreótion des mofts. Dans ces occafions, le zèle du Chrétien doit être conduit & ménagé par la prudence. Et le plus fage parti que l'on puiffe prendre alors, c'eft, non de dire le contraire de ce que l'on penfe, ce qui n'eft jamais permis,, en quelqu'occafion & fous quelque pré« texte que ce puiffe être; mais au moins de fe taire, & de cacher fes fentimens fous le voile du filence. Quoiqu'un Chrétien ne doive jamais renier la vérité, il doit toujours 1'aimer & la refpeéler affez pour fe taire, plutöt que de s'expofer a la voir mocquée & méprifée en conféquence de fes difcours. Pourquoi, en effet, par une confesfion indifcrete , déplacée, hors de faifon , & dont il ne peut acluellement revenk  ée foir rendre raifon de fa croyance. 3 07 aucun .avantage , ni a nous en particulier, ni a 1'Eglife en Général, donner occafion aux ennemis de la vérité de commettre de nouveaux crimes, de vomir contre 1'Evangile de nouveaux blafphêmes, ou de nous attirer de nouvelles perfécutions ? Ne don- Mmh. nez point les chofes Saintes aux chiens, dit ^ll-s' Jéfus-Chrift, fi? ne jetez point vos perles devant les pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent d leurs pieds, & que fe retournant ils ne vous déchirent. Confeil qui reveint a celui que donne Salomon dans fon livre des Proverbes: celui qui inflruit le mocqueur en Pmv. recoit de ïignominie: fi? celui qui reprend le x 7,s' méchant en recoit une tache. Ne reprends donc point le mocqueur de peur qu'il ne te hdiffe. Ne parle point, le fou fécoutant; car il mé- Pm-,. prifera la prudence de ton difcours. Et c'eft XX[ïl s>ainfi que le Sauveur lui-même, qui néanmoins étoit venu au monde pour rendre témoignage d la vérité, avoit coutume d'en ufef, lorfqu'il avoit a faire a des gens de eet ordre. Ou il ne leur répondoit rien, ou il éludoit leurs queftions,en les interrogant a fon tour; ou bien il fe contentoit de leur dire fimplement: fi je vous rêponds fur ce  308 SERMON fur le devoir impofé au Chrêt. que vous me demandez, vousne mecroirezpas. Lors donc que St. Pierre exhorte les Chrétiens a être toujours prêts a répondre d chacun qui leur demande raifon del'efpérance qui ejl en eux; il veut feulement que nous pratiquions ce devoir, lorfque la Gloire de Dieu y eft vifibleraent intéreffée: lorsqu'il faut confondre une fauffe Religion, venger ou défendre contr'elle la véritable: lorfqu'il s'agit de réfifter a fimpiété dufiecle: lorfque nous appercevons que ceux qui nous intorrogent le font avec fincérité de coeur, dans ledelfein de s'inftruire, & qu'il y a lieu de fe flatter que nous pourrons leur infpirer, ou a d'autres qui nous écoutent, 1'amour de la vérité, ou du moins diminuer la haine qu'ils lui portent: lorsque nous y fommes appelés enfin par les Magiftrats, fuffent-ils des infidèles, & quand bien-même nous faurions qu'ils ne nous interrogent fur notre croyance que pour nous perfécuter & nous faire mourir. Dans toutes ces occafions, il faut toujours être prêt a répondre h chacun qui demande raifon de Vefpérance qui efl en nous. Mais qu'emporte ce Devoir, & que fautil  de favoir rendre raifon de fa croyance. 3 09 il faire pour Ie reraplir felon le bilt de 1'Apötre? Le voici M. F.! il faut, avant toutes chofes, s'inftruire tellement des fondemens fur lefquels notre Sainte Religion eft étabüe, que nous foyons toujours en état d'en juftifier la vérité. Loin d'ici donc cette foi implicite & aveugle tant vantée par les Doéteurs de Rome, intéreffés a en faire 1'éloge afin de pouvoir mieux dominer fur les confciences. Le précepte de notre Apötre fuffit pour en montrer toute 1'abfurdité. Car comment répondre & rendre raifon, fi nous-mêmes nous ne favons ni ce que nous croyons ni pourquoi nous croyons? Un Catholique Romain, qui, fuivant les principes de fa Communion, ne croit a 1'Evangile que paree que ce qu'il appéle 1'Eglife a jugé qu'il falloit y croire, & dont la foi fe confond avec celle de cette Eglife, fans qu'il . fache précifément lui-même ni ce qu'elle croit ni pourquoi elle croit; que pourroit-il répondre a un infidèle qui lui demanderoit pourquoi il eft Chrétien? Car enfin quand il feroit vrai que 1'Eglifê eüt affez d'autorité, pour régler & fixer T  31 o SERMON fur le devoir impofé au Chrêt. la foi de ceux qui font dans fon fein; n'eft-il pas évident qu'a 1'égard d'un étranger, cette autorité n'étant point reconnue ne pourroit être alléguée comme une confidération capable de faire impreifionfurfon Efprit? En un mot le Catholique Romain pourroit bien dire qu'elle eft fon Efpérance, mais il ne pourroit pas en rendre raifon. Non! pour être en état de le faire; ilfaut, comme je viens de le dire, étudier & fe mettre bien dans 1'Efprit les preuves qui établiffent la vérité & la divinité de la Religion Chrétienne. Telle eft par exemple fon excellence. Jamais Doctrine ne fut plus propre & a faire éclater la Gloire de Dieu, & a procurer le bonheur de 1'homme: ce qui doit être la doublé fin de toute Religion. Elle nous répréfente Dieu comme un être infiniment parfait, & met toutes fes perfeétions, au moins celles qui ont du rapport a nous, dans le plus grand jour;. en nous dépeignant, avec des couleurs également vives, fa juflice & fa puiflance qui nous portent a le craindre, fa bonté & fa miféricorde qui nous engagent a 1'aimer. Elle prefcrit un culte proportionné alafimplicité & a la fpiritualité de Ja Nature divi-  de favoir rendre raifon de fa croyance. 311 ne. Elle nous ouvre un. moyen auffi jufte qu'infaillible de réconcilier Thomme pécheur avec, Dieu, en nous offrant une viétime qui eft Dieu & Homme tout enfemble, Homme pour fouffrir & pour mourir, Dieu pour donner a fes fouffrances cc a fa mort un prix infini, & fuiSfant par cèla-même pour réparer 1'outrage commis contre la divinité par le pêché de Thomme. Elle nous propofe tous nos devoirs avec une précifion qui ne nous en lailfe ignorer aucun: avec une clarté qui né nous permet pas de nous y tromper: avec une force qui nous les rend tous indifpenfables: avec une févérité qui ne ménage aucun de nos mauvais penchans. Elle met. enfin la vie & ïimmortalitè dans une entiere évidence; nous propofe, nous découvre, nous affaire au dela du tombeau.. une vie toujours tranquille, toujours heureufe. Convaincus de 1'excellence de la Religion Chrétienne, par deffus toutes les autres qui ont jamais eu lieu dans le monde; il faut encore, M. F.! afin de pouvoir nous affurer d'autant mieux de fa vérité & de fa divinité, nous mettre bien dans TEfprit T 2  312 SERMON fur le devoir impofèau Chre't. tous les témoignages irréfragables que le Ciel lui a rendus, tels que font tous ces prodiges & ces miracles qui en accompagnerent rétabliffement; miracles rapportés par des témoins dont on ne fauroit avec la moindre apparence de raifon foupconner la bonne foi; toutes ces Vrophéties, qui, tant de fiecles auparavant, avoient annoncé la plupart des faits fur lefquels cette Religion eft établie; ïaccomplifjement de toutes celles que Jéfus-Chrift a faites par lui-même ou par fes Apötres; la maniere enfin dont cette Religion s'eft foutenue, & les progrès qu'elle a fait depuis pres de dix huit fiecles, malgré les puiffans obftacles qu'elles a rencontrés. Ce n'eft pas tout, M. F.! apres s'étre mis ainfi en état d'établir la vérité & la divinité de notre Sainte Religion, il faut de plus s'étudier a lever lés difficultés qu'on pouroit former contr'elle. Car c'eft la ce qui eft évidemment compris dans 1'exhortation de St. Pierre; le terme de 1'original, que notre vèrfion a rendu par celui de répondre, fignifiant proprement faireïApolo7*l>*yZf.ee &e: f°yez toujours prêts d faire Tapologie de  de favoir rendre raifon de fa croyance. 313 £ efpérance qui efl en vous. Or faire 1'Apologie d'une Doctrine fuppofe des objeclions ou des accufations formées contr'elle. Et qu'on ne dife pas ici que c'eft fafFaïre des Docteurs & des Miniflres de foutcnir & de défendre ainfi les vérités du Chriftianifme. Cette obligation eft impofée a quiconque fait profeffion d'être Chrétien, de quelque rang ou condition qu'il foit. St. Pierre parle aux fidèles en général; & il veut que tous, fans diftinction & fans exception, foient ainfi prêts d répondre: il veut que chacun foit capable de rendre raifon de fa propre foi. Non que pour cela il foit befoin de favoir lever abfolument toutes les difficultés qu'on peut former contre tel ou tel Dogme de la Religion: qui le pourroit? Les Apötres eux-mêmes ne crient-ils pas fouvent au Myftere & a la profondeur? II n'eft pas néceffaire pour cela non-plus d'avoir une connoiffance aprofondie de 1'Antiquité , de la Critique, de THifloï* re , des Langues Saintes, pour favoir détailier a fond toutes les preuves qui établiffent la vérité & la divinité du Christianifme. On fait que le cernmun des T 3  314 SERMON fur k devoir impoféau Chré t. fidèles n'a pas le loifir d'entrer dans toutes ces difcuflions. C'eft Ia ce qui eft réfervé aux Miniftrcs, ou a ceux qui peuvent faire de la Religion toute leur étude. II feroit ridicule de prétendre qu'un Artifan, qui doit gagner fon pain a la fueur de fon front, en feut autant fur eet Article qu'en doit favoir un Théologien. II s'agit d'avoir une connoiffance générale, mais fuffifante, de la Religion & des preuves inconteftables qui 1'établilTent, pour pouvoir en foutenir la vérité & Ia défendre contre les calomnies de fes adverfaires. Or il n'eft Perfonne, pourvu qu'il veuille s'y appliquer avec quelque foin & comme il le doit, qui ne puiffe 1'acquérir, & fe mettre ainfi en état de répondre & de rendre raifon de Vefpérance qui efl en lui. Enfin, M. F.! pour remplir ce Devoir, felon les vues de 1'Apötre, il faut le remplir de la Maniere dont nous venpns de 1'expliquer; non feulemcnt lorfque nous le pouvons en toute fureté, mais encore lorfqu'en nous en acquitant, nous nous expofons a la haine & a la perfécution des hommes, pourvu que par la nous puifïïons  de favoir rendre raifon de fa croyance. 315 efpérer de glorifier Dieu, d'édifier 1'Eglife, ou de difpofer 1'incrédule & l'infkièle a embrafler la vérité: foyez toujours, ditSt. Pierre, foyez toujours prêts a répondre a chacun qui vous demande raifon de Vefpérance qui efl en vous. Le vrai Chrétien doit être animé, non d'un Efprit de timidité, mais d'un Efprit de force & de courage, qui lui faffe méprifer les plus grands dangers, lorsqu'il eft queftion de travailler a 1'avanceraent du regne de fon divin Maïtre. A 1'exernple de St. Paul, il ne doit faire cas de rien; fa vie même ne doit pas lui êtreprêcieufe: pourvu qiïavec joie il achéve fa courje, ; gez les devoirs! vous qui vivez dans 1'ha» Y s  36o SERMON bitude du pêché, qui courrez dans la route de Tiniquité, au lieu de eombattre avec courage le bon combat, rendez lachement les armes aux ennemis de votre falut! fur quel fondement ofez-vous encore vous fiatter d'être un jour couronnés dans le Ciel? Avez-vous oublié, que le Souverain diftributeur de biens céleftes eft le jufte juge, & que par conféquent il ne couronnera jamais ceux qui n'auront pas duement combattu ? avez-vous oublié que la couronne, qu'il s'agit de remporter, n'eft pas fimplement la couronne de vie, la couronne de gloire, la couronne d'immortalité, mais auffi la couronne de juftice; c'eft-a-dire uniquement promife, & des lors uniquement due a la juftice, a Ia piété, a la fainteté? Ah jufques a quand, vous féduifant vousmêmes , croirez-vous qu'il fufiit pour entrer dans le Royaume des cieux de dire Seigneur, Seigneur, fans vous attacher a faire la volonté de votre Pere célefte ? Non , non! 1'Efpérance bien fondée de la gloire & de 1'immortalité ne peut être le fruit que d'une Foi éprouvée par une longue patience, tant a fouffrir que fur-tout a bien faire.  fur le combat de la foi. 361 Jéfus-Chrift lui-même n'a demandé a être glorifiê, qu'après avoir ici-bas glorifié fon Pere, & achevé Tceuvre que celui- ci lui avoit donné d faire. Et St. Paul a la fuite de notre texte déclare, que la couronne de juftice feradonnèe, non a lui feul, mais d tous ceux qui auront aimé ïapparition du Seigneur Jéfus-Chrift; ceft-a-dire a ceux qui, fidèles imitateurs de eet Apêtre comme il ï étoit lui-même de Chrift, fe feront, par une vie Chrétienne & purifiée des fouillures du monde, mis en état d'attendre cette journèe avec joie, avec confiance; qui fe hdtent vers elle, comme parleTEcriture, & qui 1'anticipent par leurs vceux. Travaillons donc, M. T. C. F.! travaillons a être du nombre de ces bienheureux. A 1'exemple de notre Apötre, com- battons le bon combat. Prenons toutes les Ephef.vi. 7 13.14,10 armes de Dieu. Ayons nos reins ceints de &c.17. la vérité, & foyons revêtus de la cuiraffe de la juftice. Prenons fur-tout le bouclier de la foi, par lequel nous puifftons êteinclre tous les dards enflammés du malin. Prenons auffi le cafque du falut & Tepêe de ïEfprit qui eft la parole de Dieu. Munis de ces puisY 3  3«* SERMON fantes arrnes; combattons avec courage le démon, le monde, le pêché, nos pasfions, nos convoitifes charnelles qui font la guerre d nos Ames. Comme notre Apötre, courrens avec zèle dans la carrière de la Sanétificatiom Marchons de foi en foi& de vertu en vertu. Conduifons-nous toujours dune maniere digne de la vocation a laquelle peutfommes appelés. Comme notre Apötre, gardons la foi. Affermiflbns-nous de plus en plus dans la connoiffance de la vérité qui efl felon la piété. Tenons-nous fermement attachés a notre Sainte Religion. Etudions-, en les grandes vérités avec application, Obfervons-en les importans devoirs avec perfévérance. Comme St. Paul, en un mot, préparons-nous par une vie fainte a une mort heureufe; afin que chacun de nous, quand le moment en fera venu, puifle être fondé a dire avec une confiance égale a la fienne; fai combattu le bon combat; fai dchevé la courfe; fai gardé la foi; au refle la couronne de juflice meft réfervée, & le Seigneur jüfle juge me la rendra en cette journée-la. Dieu nous en faffe a tous la grace, Amen! ■ff XXXI. i & 4, XXVII. 7. CVI. 2, 3,  SERMON SUR DIEU QUI NE VEUT POINT LA MORT DU PÉCHEUR, MAIS SA CONVERSION ET SA VIE. Je fuis yivant, dit le Seigneur Y Eternel > que je ne prens point plaifir en la mort du méchant; mais plutot que le méchant fe détourne de fa voye, & quil vive. Ezéch. XXXIII. ii. Mes Freres! Une vérité que la Raifon & la Révélation nous enfeignent également, c'eft què la mort eft la peine du pêché. Pour peu que nous confultions la première, elle nous dit que ceux qui commettent des chofes injuftes font dignes de mort. Les idéés qu'elle nous donne de Dieu nous apprennent, qu'aux yeux de eet être Suprème le pêché ne fauroit trouver une molie indulgence, ourester impuni: que fa faintété, fa juftice, fa miféricorde même, qui eft ici la principale partie olfenfée, s'oppofent de concert a cette impunité. En vain, trop fujet a fe Y 4  3f4 SERMQN fur Dieu qui ne veut point tromper foi-même, le pécheur voudroit-il fe figurer que Dieu ne le voit point, pour fe livrer fans fcrupule a la fougue de fes palfions criminelles: il ne tarde pas longtems a fentir fa confcience fe réveiller, lui dénoncer d'avance les peines qu'il a meritées, & lui rappeler les droits d'un Dieu vengeur armé pour le punir.v Ce qu'enfèigne la Raifon, ce qu'attefte la confcienB,osn. ii. ce, la. Révélation le confirme. // y aura 9' tribulation fi? angoijfe peur toute Ame cfhomJtofolLs. me 1U* fait k mal- Pm ta duretéfi? par ton coeur qui eft fans répentance, tu famasfes la colere pour le jour de la cplère fi? du ftcm. vi. jufte jugement de Dieu. Le gage du pêché iJJ* ceft la mort. Si yous vivez felon la chair, c'eft-Mire felon les convoitifes de la chair, vous mourrez. Mais direz-vous peut-être; cette parole eft rude: qui la peut ouir? Quoi! pécheurs comme nous le fommes tousnatarellement; eft-ce donc la tout ce que nous avons a attendre: & n'avons-nous recus 1'exiftence que pour devenir malheureux ? Chrétiens! que votre coeur ne foit point trouhlé. GardezYQus dé former des penfées, ou de tenir  la mort du pécheur, &c. 365 un langage, qui, diólé par le défefpoir, feroit fouverainement injurieux aux corapasllons divines. Le gage du pêché c'eft la mort; refter impénitent, c'eft s'expofer a la mort & a une mort éternelle: rien de plus certain, Mais fi dans ces fupplices, dont dieu veut que le pécheur foit menacé, il a pour but de venger fa Majefté & fes Loix, il s'y propofe fur-tout d'empêcher 1'homme de périr, en 1'empêchant de violer plus long-tems les ordonnances de fa juftice. Plus ces menaces font terribles, plus elles font propres a faire fur les cceurs des impreffions profondes: & plus y a-t-il de bonté en Dieu a les faire ces ménaces, afin que le pécheur * fe hate d'en prévenir 1'exécution. En cela, comme dans toute fa conduite envers nous, il ne veut que notre converfion & notre vie. Loin de fe plaire a laiffer 1'homme en proie a la crainte de périr, a caufe de fon pêché, il lui indique les moyens les plus propres a prévenir fa perte; & rien ne lui eft plus agréable que de le voir les mettre a profit, & fe fauver ainfi éternellement. Je fuis vivant, dit le Seigneur l''Eternel, que je ne prens point plaifir en la mort du mé-, Y 5  3 66 SERMON fur Dieu qui ne veut point chant; mais que le méchant fe détourne de fa yoye, & qu'il vive. + Ce n'eft pas notre deflein M. F.! de confidérer aujourd'hui ces paroles rélativement a 1'Ancien Peuple, a qui Dieu veut que le Prophete les adreffe de fa part. C'eft par rapport a nous Chrétiens! qui avons tant de raifons de nous glorifier d'être Theureufe Nation dont TEternel efl le Dieu. Et quoique les motifs a la converfion, que renferme notre texte, foient tirés enpartie du bonheur & du malheur National; la circonftance de ce jour, oü le falut vient encore de- nous être offert, nous autorife a les entendre uniquement du fort éternel de nos Ames. En envifageant donc, fous ce point de vue feul, la déclaration touchante que Dieu fit jadis a fon Peuple, nous croyons pouvoir y diftinguer trois idéés particulieres, dont le déveloperaent fucceffif fera le partage général de ce Difcours. I. Une difpofition fayorahle, une affurance pofitive de la part de Dieu de recevoir en grace le pécheur qui fe conyertit. II. Un reproche indirecl que fi le pécheur meurt, c eft par fa propre faute; paree quil veut mourir.  la mort du pécheur, &c. 367 HL Enfin une exhortation des plus pathéti- ques d la converfion. Heureux fi ces paroles, prononcées dans le deflein de toucher par les endroks les plus fenfibles, nous touchent en effet! Heureux, fi aujourd'hui que Dieu met de1 yant nous la yie & la mort, nous avons : pitié de nous-mêmes, & voyons fe vériI fier a notre égard cette parole du fage : II y aura propitiation pour Tïniquité par la v™fm6 miféricorde del Eternel. La crainte de ï Eter- pf0V. ; nel efl une fource de vie pour fe détourner XIV'27' des flets de la mort. Amen! I, A R T I C L E. Je fuis yivmt, dit YEternel, qm je ne prens point plaifir en la mort du méchant; mais plutot que le méchant fe détourne de fa yoye, £s? quil viye. Une première idéé que ces paroles préfentent a 1'Efprit; c'eft, difons-nous, une difpofition fayorable, une affurance pofitive de la part de Dieu de recevoir en grace ie pécheur qui fe convertit. C'eft ce que l'on peut inférer de la liaifon qu'ont ces paroles avec le refte du Chapitre. Les  368 SERMON fur Dieu qui ne veut point Ifraëlites, eft-il dit au verfet XX, fe plaignoient que les yoyes de l'Éternel n'étoient pas bien rêglées; & la raifon qu'ils en donnoient, c'eft que, comme ils s'expriment dans un des Kzach. Chapitres précédens, leurs Peres avoient xvin. 2. mang$ Yaigret, & que pour eux leurs enfans en avoient les dents agacées: exprelfion proverbiale, qui emporte qu'ils étoient réduits a porter 1'iniquité de leurs Peres, que leurs Ayeux étoient feuls coupables, & qu'eux étoient feuls malheureux. Si jamais reproche fut injurieux a la Bonté de Dieu & a fa Juftice, c'eft celui-la. Auffi Dieu, quoique nullement obligé dc rendre compte de fes aclions a fes créatures, daigne-t-il s'abaiffer jufqu'a fe juftifier de cette odieufe accufation. Jl en vient même, tant elle lui eft fenfible, a faire intervenirle ferment; & ne pouvant, comme le remarque St. Paul, jurer par un plus grand que lui-même, il s'écrie: je fuis vivant,dit le Seigneur V Eternel , que je ne pretts point plaifir en la mort du méchant; mais plutot que le méchant fe détourne de fa voye, fip quil vive. Vérité confolante, M. F.! & dont la Révélatjon feule étoit capable de nous con-  / la mort du pécheur, £?c. [69 vaincre parfaitement. Le fupport & la longue attente, dont Dieu ufe envers le >écheur, peut, je 1'avoue, fairenaitreqislque efpérance de pardon dans fon cceir: mais un coup d'ceil jeté fur la juftice cvine fait bientöt évanouir eet efpoir. La miféricorde de Dieu , il eft vrai, toiours d'accord avec fes autres perfeciions eft eu lui une vertu dont la fource eft innie; mais f exercice en eft borné: il peut omme il lui plait, en choifir les objets en fixer les limites. Ce que nous favons onc de 1'immenfe étendue de la divine mëricorde, nous ne le favons que par la Rvélation. Mn d'être convaincus, a n'eipas douter, qu'un Dieu, qui quand mêie il feroit périr le méchant, feroit trouvé'ujle dans fa yengeance, étoit réfolu a fe iffer toucher par fes regrets, & ne vouloirpint fa mort, il ne falloit pas moins qu'undéclaration formelle émanée de fa bcche. Or cette déclaration il la fait dans otre texte de la maniere la plus forte & Jplus énergique. ót. Paul la confirme lcqu'il s'écrie: O homme! méprifes-tu les rheffes de la hénignité, de la patience & de»Ion-  3^ö SERMON fur Dieu qui ne veut point gu attente de Dieu, ne connoiffant pas que fa bonté f invite a la répentance ? Dieu veut qu tous les hommes foient fauvés, & qu'üs yiment d la connoiffance de la 'vérité. -Et St.Pierre quand il dit, que le Seigneur ne retrde point Fexécution de fa promeffe, mais quufl patiënt envers tous, ne voulant point qu'acun pèrijfe, mais que tous viennent d la repeiance. ^utes claires que font ces oéclarations, la onduite de Dieu en eft un commentaire perétuel. Bien différent de ces hommes fau: & menteurs, qui fouvent nous afTuren qu'ils s'intéreffent a ce qui nous concert', & qu'ils ne fouhaitent rien tant que de Dntribuer a notre bonheur, pendant quees premiers ils nous traverfent fourdemer, & qu'ils font les inftrumens cachés de ntre perte; bien différent, dis-je, de ces>erfides mortels, Dieu eft Ia véracité mêe: ce qu'il nous fait eft d'accord avec ce c'il nous dit. Mille exemples confirment, & tos les foins, toutes les difpenfations de fiProvidence nous font des preuvesréitéreés ies garans toujours nouveaux du rendre iiérêt qu'il prend a notre confervation, a nae falut.  la mort du pécheur, &c. 371 Parcourez THiftoire Sainte; & vous y trouverez des exemples fans nombre de pécheurs, qui avoient même porté le crime au plus haut dégré de noirceur, recus en grace du moment que, dans le fentiment d'un humble repentir, ils ont retourné a 1'Eternel. Voyez le peuple Juif. Combien de fois, ingrat & rébelle, ne fe revolta-t'-il point contre Dieu? & combien de fois Dieu, qui fembloit être prêt de 1'exterminer, ne lui fit-il pas miféricorde, fur les premiers témoignages qu'il donna de converfion & de retour? Voyez un Manajfé, qui furpalfa en méchanceté tous les plus méchans Rois de Juda qui 1'avoient précédé; qui tomba dans 1'idolatrie la plus déteftable, drelTant dans le Temple même desAutels a toute 1'armée des cieux; & qui répandit une fi grande abondance de fang innocent dans Jérufalem que cette ville en fut comme remplie. A peine s'eft-il humilié profondément devant Dieu, qu'il en eft recu en grace. Voyez David ceupable de meurtre & d'adultére: il na pss plutöt confeffé fon pêché, & témoigné combien il en a horreur, que Dieu  372 SERMON fur Dieu qui ne veut point lui rend la joie de fon falut. Voyez -St. Pierre Apötre de Jéfus-Chrift; il pbrte 1'infidélité jufqu'a renier le Seigneur de gloire: a peine reconnoït-il fon crime & le pleuret-il amérement, que fon divin Malrre Tas fure de fon amour. Voyez enfin St. Paul. De fon propre aveu il avoit été blafphéma* teur, perfécuteur, oppreffeur; mais il fe montre docile a la voix de Jéfus quil'appéle a la répentance, & miféricorde lui efl faite. Ce font la autantd'exemples, M. F.! de perfonnages illuftres, pour qui le moment de la pénitence fut Tinftant de la gra-" ce & du falut; autant de monumens de ce que peut la répentance, lorsqu'elie eft fincére, & de ce que fait la miféricorde divine dès que le pécheur y a fon recours. Tant il eft vrai que le Seigneur V Eternel ne veut pas, la ruine, la mort du pécheur, mais plutót fa corner fon & fa vie. Mais fans remonter fi haut pour trouver la preuve de cette vérité, THiftoire denos jours ne fuffiroit-elle pas pour la mettre au deffus de tout doute ? & nous-mêmes n'en faifons-nous pas journellement la falutaire expérience ? Si Dieu prenoit plaifir è la  la mort da pécheur, Sc- 373 la mort, a la perte du pécheur; nous dispenferoit-il encore tous les jours tant de moyens, qui n'ont d'autre but que de nous amener a lui pour nous rendre heureux ? Que font ces maux dont il afflige les uns, ces délivrances qu'il accorde aux autres, ces invitations de fon Efprit qu'il adreiTe a ceux-ci, ces coups qu'il frappe a la confcience de ceux*la, finon des moyens dont il fe fert pour nous corriger, nous préferver de maux éternéls , ou pour nous lailTer le tems & nous rappeler la néceffité de travailler a notre fanclification & a notre falut? Qu'eft encore 1'entretien du Miniftère de la Parole parmi nous, qu'une preuve continuée de la vérité de notre texte, qu'une voix forte qui nous dit de fa part: je ne veux point la mort du pécheur? Que font les Miniftres de 1'Evangile , finon des Miniftres de Paix, des mesfagers de bonne nouvelle, qui, comme Ambajjadeurs pour Chrift, nous exhortent de nous réconci/ier avec Dieu, publient Vannée de la bienveillance, le tems agréable, le jour du falut? Que nous rapéle enfin Ia Cérémonie Sainte que nous venons de céléZ  374 SERMON fur Dieu qui ne veut point brer, finon la preuve la plus forte du tendre intérêt que Dieu prend a notre confervation & a notre falut? N'eft-ce pas dans cette vue, qu'il a envoyè fon Fils unique au monde, afin que croyant en lui nousnepérisftons point, mais que nous eujfions la vieèter- . nette; qu'il Ta fait naitre dans la bafiefle; qu'il Ta expofé aux fouffrances & a la honte pendant fa vie; qu'il Ta fait mourir fur une croix infame? Quand Dieu nous auroit laiffé choifir la preuve qu'il ne veut pas notre perte, aurions-nous pu en fouhaiter de plus palpable? Ou plutöt aurions-nous ofé penfer que Dieu en vint jamais a nous en donner une fi démonftrative ? Et en nous permettant de faire la commémoration de ce grand facrifice, & de nous en appliquer 1'efficace, ne renouvelle-t-il pas a notre égard Taffurance de la difpofition favorable oü il eft de nous recevoir en grace, pourvu que nous retournions a lui de tout notre coeur ? N'eft-ce pas a la Table facrée que ratifiant TAlliance de grace, fcellée fur la croix par le fang de Jéfus, il nous rend fenfible fa charité qui pardonne a la répentance , & qu'il nous crie de la maniere la  la mort du pécheur, fi?f. 375 plus touchante: je fuis yivant, dit le Seigneur 1'Eternel, que je ne prens point plaifir il a la mort du méchant; mais que le méchant fe détourne de fa yoye, fi? quil yiye. Oui Chrétiens! tout, vos revers & vos fuccès, • vos épreuves & votre profpérité, tout ce 1 qui vous arrivé, vous prêche cette vérité. I Le Soufflé feul qui vous anime, mais que iDieu peut retirer en un inftant, doit vous i faire avouer, que ce font les gratuit és de P Eternel que yous navez point été confumés; j que Dieu vous fupporte, vous cherche, I vous prévient avec une patience, avec une Jdouceur au defliis de tout éloge, au deffus üde toute conception; & que fi Dieu mérii te un titre, c'eft celui que lui donne le Fils 3> brajfent: tous ceux qui me hdiffent, dit la pj»J« ft Souveraine fageffe, aiment la mort. 38. Oui cceurs vendus a 1'iniquité! fi vous périffez dans votre raauvais train , prenezvous-en a vous-mêmes: prenez-vous-en a votre dépravation obftinée, a votre endurciftèment incorrigible. Car enfin quelle autre raifon en alléguerez-vous, qui ne tienne du prétexte & de la défaite ? Déja vous ne fauriez vous récrier fur la Providence dont nous avons juftifié la conduite, ni fur le manque de fecours & de moyens, après que nous venons de vous en indiquer d'infiniment efficaces, & qu'il ne tient qu a vous de mettre a profit. Direz-vous donc que ce qui vous perd, c'eft 1'artifice du Démon ? Mais jufques a quand vous répétera-t-on que s'il- rode fans ceffe autour de yous, c'eft que vos pafïïons entretiennent avec lui de fecrettes intelligences ? Jufques a quand vous répétera-t-on que fi veillant & priant vous refiflez au Diable, il s'enfuira de yous? Ah! fi vous êtes fincéres, Z 3  378 SERMON fur Dieu qui ne veut point vous conviendrez avec nous, que le Démon qui vous perd eft votre propre confentement. Direz-vous que^ce qui hate votre perte ce font les tentations du monde? Mais fi vous êtes de bonne foi, vous nous avouerez que c'eft le plus fouvent vous-mêmes qui les occafionnez, qui les cherchez, qui les multipliez. Que pourroient fur vous les honneurs fans votre ambition, les richeffes fans votre avarice, les plaifirs fans votre fenfualité, les mauvaisexemples fans ce penchant malheureux a vous y confori.Tim. iv. mer ? Toute créature de Dieu efl bonne, dit un 4- Apötre, quand on en ufe avec aBiom de graces: mais toute créature de Dieu eft perjscq.1.13, nicieufe, quand chacun ejltenté, amorcé, non par le Créateur même, car // ne tente perfonne, mais par fa propre convoitife. Que dis-je? Dieu ne tente Perfonne! II nous follicite au bien beaucoup plus fortement que le monde ne nous follicite au mal: mais les follicitations de Dieu nous les méprifons, nous les traverfons de toutes nos forces, tandis que celles du monde trouvent en nous un cceur tout mondain, un cceur qui lui donne de malheureufes, de  la mort du pécheur, Sc. 379 continuelles facilités. J'ofe en appeler a la confcience de chacun de vous. J'ofe lui demander s'il n'eft pas vrai, de fon propre aveu, qu'aucun objet extérieur n'a un empire invincible fur fa volonté, ni ne la détermine , ne la force malgré lui a. fe livrer a fes féduétions? Et que font ces regrets & ces remords après avoir fuccombé, finon autant de témoignages authentiques qu'il vous refloit affez de liberté, pour vaincre les amorces de la tentation, fi vous 1'aviez voulu, mais voulu fincérement? Accuferez-vous enfin la Religion même? Direz-vous que ce font les loix pénibles qu'elle vous impofe & que vous êtes incapables de remplir, qui arrêtent votre converfion & qui achêvent de vous perdre ? Mais, 0 homme! qu'eft-ce que VEternel re- Mich. vi. quiert de toi, finon que tu fajfies ce qui efl jufte, que tu aimes la bénignité, & que tu marches en toute humilitè avec ton Dieu? Viyre dans ce préfent fiecle fobrement, jufte- TUeii.ia. ment, & religieufement: voila 1'abrégé de la Morale Evangélique. Qu'y a-t-il la que tout homme fage ne puiffe & ne doive faire? Encore ne demande-t-elle pas cette Z 4  380 SERMON fur Dieu qui ne veut point Religion, que les devoirs qu'elle nous impofe, a ces difFérens égards, nous les obfervions parfaitement. Tout ce qu'elle exige, c'eft que nous faffions des efforts fincéres pour les obferver. Et que de fecours ne fournit-elle pas a notre foiblelTe naturelle pour nous aider a y réuflir? Ecoutez cette Jacq. i.5. feule déclaration de 1'Evangile: fiquelquun a befoin de fageffe, qu'il la demande a Dieu, qui la donne a tous libéralement, £3? ne la refufe point. Après une telle promefle, qui ne voit que ceux qui fe privent de ce fecours ne doivent s'en prendre qu'a eux-mêmes, & non pas a Dieu qui 1'offre, & qui 1'accorde a tous fans exception ? Non, Pécheurs! toutes vos excufes font déformais inutiles. ö Que le Fils de Syrach avoit donc bien raifon de dire, que* Sap.1.12, Dieu na point fait la mort, & qu'/7 ne I3' prend point plaifir d voir périr les vivans; mais que ce font les hommes qui cherchent euxmêmes la mort par les égaremens de leur vie, 6? qui attirent la perdition par les oeuvres de leurs mains! o que Salomon a bien tracé Prov.xix. votre portrait, quand il a dit: la folie de s' 1'homme corrompt fes yoyes , «fi? puis il s'en  la mort du pécheur, cfc 381 prend dl''Eternel. öCra'Ofée a bienProphé- Oféexm. tifé de vous: ta perte vient de toi, 6 Ifra'êl! tandis qu'en Dieu étoit ton aide. ö Que le Sauveur, qui mieux que tout autre favoit ce qui fe paffe dans le coeur de 1'homme, étoit fondé a dire: Vous ne voulez pointvenir jean v.40. d moi pour avoir la vie. Jérufalem! Jéru- Mmh. falem! combien de fois ai-je voulu rajfem- xxm-27bier tes enfans, comme la poule raffemble fes poujfns fjus fes ailes ? mais vous ne l'avez point voulu. Ah! fi quelque chofe rend affreux les fupplices qu'endurent les victimes que la juftice de Dieu s'immole dans les Enfers; c'eft, fans doute, ce reproche continuel: fi tu es dans les tourmens, tu y regois des chofes dignes de tes forfaits. Reproche cruel mais inutile, paree que leur perte eft fans retour, & leur mal fans reméde. Mais graces immortelles en foient rendues a la patience de Dieu! quand il nous déclare quil ne veut pas notre mort; c'eft que nous fommes encore a tems pour vouloir fincérement notre converfion; c'eft qu'il nenous fait entendre cette invitante voix que pour nous témoigner a quel point il veut, il défire que renoncant a notre iniquité elle Z 5  382 SERMON fur Dieu qui ne veut point ne nous foit point en ruine. C'eft ce qui nous refte a vous prouver dans notre Tro'u fieme Article. III. ARTICLE. II n'eft pas difficile, M. F.! de découvrir dans la déclaration de notre texte une exhortation tendre & pathétique a la répentance. Des-la qu'il eft vrai que Dieu veut faire grace au pécheur qui fè convertit, & qu'il ne prend aucun plaifir a le voir caufer fa propre perte par fon impénitence; cela-même ne dit-il pas qu'il eft du devoir du pécheur de retourner a 1'Eternel pour être heureux? Auffi, M. F.! eft-ce la conféquence que Dieu lui-même entireimmédiatement après: je fuis vivant, dit-il, que je ne prens point plaifir en la mort du méchant; mais plutot que le méchant fe détour ne de fa voye, 0 quil vive. Après-quoi il ajoute: détournez-vous de votre méchante yoye: & pourquoi mourriez-vous ? 0 Maifon Slfra'èl! & dans un autre endroit parallele: convertiffez-vous donc, fi? vivez. Et comment ne fentirions-nous pas, M. F. !  la mort du pécheur, &c.. 383 la juftefie de cette conféquence ? Pour peu que nous réfléchiffions fur la conduite de Dieu a notre égard, la Reconnoijfance & notre Intérêt ne nous obligent ils pas également de la tirer ? I. Je dis d'ahord la reconnoijfance. Oü eft 1'enfant bien né, qui, connoifiant 1'inclination d'un tendre Pere a lui pardonner fes fautes, feroit affez ingrat pour s'en prévaloir afin de perfévérer dans fes défordres, & qui ne fe feroit pas un devoir.de s'en corriger & d'y renoncer pour jamais ? Et nous, M. F.! a qui notre Pere célefte veut pardonner nos péchés, quelque nombreux qu'ils foient; ne fentirions-nous pas fobligation indifpenfable oü nous fommes de répondre a cette difpofition favorable, par un prompt amendement ? Ce Dieu fi bon ne peut retirer aucun avantage de notre confervation & de notre bonhèur. Mille & mille raifons devroient le porter a nous punir & a nous perdre. Et malgré cela il déclare qu'// ne veut point notre mort, qiw7 n'y prend aucun plaifir, qu'il ne défire que notre converfion 6? notre vie. II ne négligé' rien pour nous en convaincre. .11 nous.en •  384 SERMON fur Dieu qui ne veut point donne les plus fortes preuves. II nous les réitére chaque jour. Quelle bonté! quelle miféricorde! comment y répondre, fi ce n'eft en concourant au but qu'il s'y propofe , & qui eft de nous ramener a lui, de nous fauver? Quelle ne feroit pas notre ingratitude , fi cette conduite miféricordieufe ne nous engageoit a lui rendre amour pour amour, & a lui témoigner la fincérité de nos fentimens, en nous dêtoumant de notre mëchante voye pour obferver déformais les ordonnances de fa juftice ? II. Mais quand la Reconnoijfance ne nous obligeroit pas a tirer cette conféquence de la conduite miféricordieufe de 1'Etre Suprème a notre égard, notre Intérêt ne devroitil pas nous y éngager ? Car enfin, M. F.! bien-que Dieu déclare qu'/7 ne prend point plaifir & la mort du pécheur; il ne dit pas pour cela que celui-ci ne mourra point s'il s'obftine a vóuloir fa perte. Ce neft pas yolontiers, il eft vrai, qu'il ajfiige les Fils des hommes, & quand il punit il fait fon oeuvre étrange. Mais cela n'empêche point que, pour des raifons de fageffe, iln'exerce fa juftice; il ne puniffe les pécheurs en-  la mort du pécheur, &c. 385 durcis en les abandonnant, & en les laiffant courir a leur perdition. Un fage Magiftrat, quoiqu'il ne prenne pas plaifir a faire mourir des criminels, ne lailfe pourtant pas de Je faire, lorfqu'il s'en préfente qui méritent la mort. Toutes les perfeótions de 1'Etre Suprème 1'obligent a en ufer de la forte. II la doit cette punition a fa gloire, a fon pouvoir bravé, a fa bonté outragée, a fa fainteté oubliée, afin qu'on ne le foupconne ni de conniver mollement au crime ni d'encourager celui qui le commet. Lors donc que Dieu différe encore: quand il patiënte encore; quand il déclare qu'il eft difpofé a nous recevoir en grace; la crainte de pouffer a bout fa patience & d'attirer notre ruine, en perfévérant dans 1'impénitence, ne doit-elle pas nous porter a répondre aux intentions favorables qu'il a fur nous, & nous engagèr a nous convertir? Oui M. F.! a ce grand but tendent, & fe réuniffent comme a leur centre, toutes les idéés de notre texte. S'il s'y montre fenfible aux intéréts de fa gloire, il parok encore attentif au feul bonheur de fon Peuple. Le malheur, auquel il le voit courir &  336 SERMON fur Dieu que ne veut point déja toucher, réveille toute fa tendreffe. „ ö Mon Peuple! femble t'il dire; je te „ déclare de la maniere la plus folemnelle „ que ce n'eft qu'a regret que je punis. „ Ma juftice aime a fe laifferdéfarmer. Ma „ miféricorde ne demande qu'a fe répandre; „ fi tu y as fincérement ton recours, elle ,, eft prête a te recevoir en grace. Pour- „ quoi ne pas te rendre amespreffantesin- „ vitations? Eft-ce ainlï que tu reconnois „ mes tendres foins ? Efl-ce ainfi que tu „ récompenfes lÉternel ton Dieu? Je t'ai „ facrifié ce que j'avois de plus cher. Je „ te parle felon ton cosur, entedifantqu'a- „ pres la mort de mon Fils unique je tiens „ ton iniquite' pour acquitée: je mets mon „ Efprit au dedansdetoi, pour te faire mar- „ cher dans mes ordonnances. Qu'y avoit-il „ d faire a ton Ame que je n'y ayefait? „ Quoi! voudrois-tu périr, paree que „ c'eft moi qui veux te fauver ? Serois-tu „ de gaité de cceur artifan de ta perte, par- „ ce que je fuis auteur de ton falut éternel? „ Non! tu ne payeras point d'une ingrati- jj tude fi noire, 1'amour le plus pur, Ie 5 j plus conftant. Non! tu ne pourras gagner.  la mort du pécheur, Sc. 387 „ fur toi, aujourdhui que tu entends encore „ ma voix, dendurcir ton cceur. Et s'il efl; „ vrai que mes compaffions te touchent; „ s'il eft vrai que tu crois mon défir de te . „ fauver fincére: pourquoi t'expoferois-tu a 1'affreux péril de laffer ma patience ? „ Affectant de ne pas connoitre que ma , „ longue attente f invite a la répentance; „ n'en méprifes point les richeffes, au point ( „ dè les convertir en tréfors de colere? „ Tandis qu'il ne tient qu'a toi de te ren- t „ dre heureux a jamais; ne vas pas t'ex- , „ pofer a te faire un reproche éternel d'avoir ( „ péri par ta propre faute. Je fuis yiyant, , „ dit le Seigneur F Eternel, que j ene veux ■ „ point la mort du méchant: mais plutot , „ que le méchant fe détourne de fa yoye, & I quil vive. Détournez-vous donc de votre t „ méchante voye: & pourquoi mourriez, „ vous? 0 Maifon dlfraél! Convertiffez- ■ vous, 6? vivez, CONCLUSION. Hatons-nons, M. T. C. F.! hatons-nous : de pröfiter d'une invitation fi touchante.  388 SERMON fur Dieu qui ne peut point Recevons-la, non comme la parole des hommes, mais telle qu'elle efl: véritablement, comme la parole de Dieu & d'un Dieu qui veut notre falut. Qu'il nous fait adreflee encore dans ce jour, comme ill'adreffa autrefois a fon Ancien Peuple; je n'en veux pour preuve que la grace qu'il nous a fait de drefler fa Table devant nous. Pourquoi, Maitre de fes bienfaits, a-t-il voulu y étaler a nos yeux ce que fes Myfteres ont de plus grand, & fes compaffions de plus tendre ? Pourquoi, malgré tant de graces changées en diflblution, malgré tant de chatimens méprifés, malgré tant de péchés accumulés, notre cceur nous a-t-il dit de la part de Dieu: cher chez ma face? Pourquoi, affis fur fon tröne de grace, nous a-t-il fait entendfe que c'étoit le tems convenable d'y aller avec affurance, d'y trouyer grace, d'y óbtenir miféricorde ? N'eft-ce pas autant que fi une voix du Ciel nous eut crié: Je ne yeux pas que le pécheur meure; mais quil fe conyertiffe, & quil yiye. Convertiffez - yous, £? yiyez. Oui! j'en conviens, dit ici en fecre" tout Chrétien a qui il refte encore quelque  la mort du pécheur, &c. 389 que refpeét pour la communion * quelque retour pour les bienfaits de fon Dieu , quelque fouvenir de fes vceux folemnellement renouvellés; oui! j'en conviens: encore aujourd'hui Dieu a parléJepaixa mon Ame: encore aujourd'hui il m'a donné les gages , de fon amour, les fceaux de fon Alliance, les arrhestdefaRédemption: encore aujourd'hui il m'a promis d'agréer mes regrets, defeconder mes elforts, daccomplir fa yertu dans mon ififrmité. Mais vque de jours auffi folemnels que celui-ci, & que mon cceur inconftant a eu le fecret de rendre inefficaces! II fut un tems, oü, comme aujourd'hui, je croyois ma paix faiteavec Dieu, mon cceur bien difpofé, ma piété, 1 fervente, mes réfolutions fmcéres. II fut un tems, oü, comme aujourd'hui, le falut étoit entre mes mains, & la dileclion de Dku répandue dans mon coeur par fon Efprit. II fut un tems, oü, comme au- i jourd'hui, une triftejfe que je croyois felon Dim avoit fait place a la joie de mon falut; oü le calme avoit fuccédé au trouble, 1'espérance a la crainte; oü je me fkttois de ; retourner juflifié dans ma maifon 5 & d'être Aa  390 SERMON fur Dieu qui ne veut point en droit de me dire: mon Ame t retourne en ton repos; car l" Eternel fa fait du bien. Mais doux momens de tranquillité, que vöus futes courts! Beaux jours de dévotion, combien peu vous a reffemblélelendemain même! Et que de raifons aprèscela de me défier encore aujourd'hui de mon propre cceur! Que de raifons de redouter le funefte retour des objets trop heureux a me féduire! Que de raifons de craindre que Dieu las, indigné de ces dévotions périodiques, ne m'abandonne a mon cceur pervers, neretire de moi TEfprit de fa Saint et é, ne me rcjéte de devant fa face! Et que je tremble que ces réflexions mêmes fur le fupport de Dieu, parvenu a fon comble de même qué mon iniquité, ne foient autant d'advertilTemens que je touche a 1'affreux période, oü, fa jufte fentence une fois prononcée, il voudra que je meure. Chrétiens qui tenez ce langage! s'il eft 1'exprefTion d'une vive douleur, d'une confufion falutaire, & d'un fond d'amour pour un Dieu patiënt; j'ofe dire que cette parole eft bienféante même dans la bouche des  la mort du pécheur, fipc. 391 hommes droits, & qu'elle faithonneur a vos fentimens de componétion. Mais fi ce langage eft celui du doute ou defignorance fur 1'étendue des miféricordes divines; il ne peut qu'être que peu glorieux k votre Chriftianifme, peu convenable a ce jour, peu agréable k celui qui feul entend ces difcours intérieurs. A la bonne heure que vous les tinffiez, fi celui k qui vous avez a faire étoit un fimple homme: car bon Dieu! que de cceurs durs qui fe piquent depitié, & qui ne pardonnent jamais! Oui! fi vous aviez offenfé un fimple homme avec autant d'ingratitude, de malice & d'obftination que vous avez offenfé Dieu, vous pourriez dire ce que jérémie reproche al'AncienIfraël: il ny aplusd"efpérance. Mais direz-vous que du cöté de Dieu il n'y a plus d'efpérance, quand a fa parole il ajoute fon ferment qu'il eft pret encore k vous recevoir en grace ? Direz-vous qu'il n'y a plus d'efpérance, quand la Providence vous fournit abondamment les occafions & les moyens, les motifs & les forces de travailler a votre falut? Et que font autre chofe ces promefies de pardon, ces Aa 2  392 SERMON fur Dieu qui ne veut point aflurances de grace, ces invitations a. la répentance, qui aujourd'hui vous ont été réitérées a la Sainte Table, répétées dans notre texte? Que vous ne vous flattiez de pardon par-devers Dieu, qu autant que votre coeur le craint d'une crainte filiale ; rien n'eft plus dans les vues de fes offres de miféricorde & dans les termes dè fon Alliance. Que vous n'efpériez dé^ruit de votre communion, qu'autant que vous ferez des fruits convenables d la répentance; vous ne fauriez mieux entrer dans le but de cette fiinte, de cette augufte Cérémonie. Que vous vous défiez d'un cceur volage & artificieux; rien de plus fage que cette défiance, qui eft véritablement la mere de votre fureté. Mais ne confondez point des foiblelfes avec des crimes, & des inadvertences avec des rechutes. Mais ne vous abandonnez pas aux horreurs du défefpoir, tandis que le Dieu de votre efpérance vous fupporte, vous invite, vous tend les bras: tandis que, felon 1'énergique expreffion UL ^'Un -^P°tre' vous ^evez tftör pour falut la longue attente de Dieu. Mais ne croyez pas le tems de fa patience expiré, quand  la mort du pécheur, &c. 393 chaque bienfait qu'il vous confére, chaque jour qu'il vous fait luire, vous eft un garant du contraire. Heureux donc, fi vos inquiétudes, étant celles d'un enfant bien rié qui fait avoir offenfé un tendre Pere, ne vous font pas oublier qu'au milieu de fa colereDicu fe fouvient $ avoir com- Hab. m. pafion! Heureux, fi fermement réfolus & a' conftarnment appliqués a Ster de votre coeur le mal, & a mettre le Men a la place, vous retranchez le feul fujet du courroux de Dieu, vous tariffez la feule fource de vos perpléxités, & vous renouez le doux commerce que la Sainte Cêne, vrai repas de réconciliation, a rétabli entre Dieu & vous! Heureux nous tous, M. ï. C. F.! fi trop enclins par le paffe a faire de la miféricorde de Dieu un oreiller de fécurité, nous avons enfin cette vraie délicateffe de fentimens, qui confifte a ne rien craindre tant que d'offenfer le plus grand le meilleur & le plus patiënt de tous les Etres! ö fi cette feule penfée nous accompagnoit toujours comme le fruit de la communion, & 1'effet des compaffions même d'un Dieu qui ne veut pas que nous mourrions! Alors Aa 3  394 SERMON devenus preuves vivantes, que les miféricordes & les par dons font du Seigneur notre Dieu, nous vivrons & mourrons dans la douce & ferme affurance que nous trouverons grace devant lui dans la dernierejournée. Non! pourra dire chacun de nous, non je ne mourrai pint, mais je yiyrai, afin que je raconte les gratuite's de ï'Eternel. Mon Ame yivra, afin que je le loue. Je vivrai dans la pureté de fa foi, dans 1'amour de fa loi, dans le fentiment de fa grace, dans 1'efpérance de fa gloire: & quand il éteindra ce fouffle a peine digne du nom de vie, j'irai vivre éternellement avec celui qui a racheté mon Ame. PuiiTent"tels être nos fentimens, nos difcours, & notre fort, Amen! oui, Amen! Pf. LXXXV. 3» 4- CÖ. 6, 7.  SERMON SUR LA PERSÉVÉRANCE ET LES PROGRÈS DANS LA PIÉTÉ. Nous dom aujfi, puifque nous fommes enviroime's d'une fi grande nuèe de témoins, re f tant tout fardeau, & le pêché qui nous enyelope fi aifémeni, pourfuiyons conftarnment la courfe qui nous eft propofée. HÉ3. XII. ï. Mes Freres! Il eft deux principaux moyens qu'on a coutume d'employer pour porter les hommes a leur devoir. L'un eft le raifonnement: lautre 1'exemple. Le premier eft une voye longue & fouvent inefficace, au moins chez les perfonnes qui n'ont ni affez de pénétration ni affez de patience, pour fuivre 1'enchainure des principes & des conféquences qui forme le raifonnement. Gens a qui l'on répréfente en vain ce qui convient le mieux a la dignité d'une créature raifonnable, a la gloire dc 1'adoption dont Aa 4  39Ö SERMON fur la perfêvèram ils ont été honorés en Jéfus-Chrift, & qui font affez pat dociles pour fermer les yeux a la lumiere de la Raifon, & les oreilles a la voix de 1'Evangile. Le fecond moyen, favoir celui des exemples; comme il fait iroprelfion fur les fens, & qu'il trouve dans tous les hommes un penchant trèsfort a 1'imitation, eft d'ordinaire employé avec plus de fuccès. Etant a la portée du plus grand nombre, paree qu'il anime les vertus qu'on recommande, & qu'il donne pour ainfi dire du corps au raifonnement, il produit fouvent d'étonnans effets & de merveilleufes révolutions. Auffi voyons-nous que le St.-Efprit, pour convertir les hommes , employé dans 1'Ecriture 1'un & 1'autre de ces moyens. Afin que 1'imitation des modèles qu'il veut propofer n'ait rien d'aveugle ni de machinal; il commence par porter la perfuafion dans 1'efprit, & la componclion dans le cceur. Mais pour nous convaincre & nous toucher avec plus de fuccès; pour rendre ces argumens plus perfuafifs, & ces motifs, s'il faut ainfi dire, plus entrainans; il nous met devant les yeux 1'exemple de ceux qui s'y font  & les progrés dans la Piété, 397 rendus,& dont Thiftoire fait encore aujourd'hui reluire devant nous fa lumiere de leurs bonnes oeuvres. C'eft en particulier la fage 1'heureufe methode qu'obferve St. Paul dans 1'Epitre dont notre texte fait Partie. Ayant pour but de porter les fidèles Hébreux alaperfévérance dans la foi & dans la Piété, au milieu des perfécutions qu'on leur fufcitoit de toutes parts; il leur allégue des raifons convaineantes, & des motifs preflans. .11 établit la dignité fouveraine du Fils de Dieu, la ^ vertu de fon Sacrifice, & la conféquence qu'il tire de ce principe eft la perfeótion de la nouvelle Alliance, la néceffité d'en foutenir inviolablement la profeffion. Mais pour les y porter plus efficacement encore; il leur tracé, dans le Chapitre qui précéde celui de notre texte, une hiftoire abrégée des merveilles de la foi, & des viéloires qu'elle a remportée fur le monde. II leur fait voir les plus Saints de leurs Ancêtre? devenus auffi célébres par leur confiance que par leurs tribulations. II leur fournit la glorieufe lifte de ces fidèles, qui, ayant exercés les plus grandes vertus au milieu Aa 5  398 SERMON fur la perfévérance des plus grandes difgraces, avoient porté Thêroïfme chrétien au 'plus haut dégré. Aprèsquoi, dans notre texte, il veut que ceux a qui il écrit, ayant fans celTe ces grands modèles devant les yeux, comme autant de témoins de leur conduite dignes de leur imitation, ils s'excitent a marcher fur leurs traces, & a pourfuivre comme eux une courfe qu'ils voyoient fi heureufement & fi glorieufement fournie. Nous donc auffi, dit-il," puifque nous fommes environnès d'une ft grande nuêe de témoins, rejetant tout fardeau & le pêché qui nous envelope Jiaifément, pourfuivons conftarnment la courfe qui nous eft propofée. Pour expliquer ces paroles avec ordre, nous ferons trois chofes dans ce difcours. L Nous vous expoferons la Nature £«? la Néceffttè du devoir que notre texteprefcrit. II. Nous déveloperons enfuite les Moyens £? les Précautions que 1'Apötre indique pour nous aider a le remplir, III. Enfin nous confidérerons F Exemple qu'il propofe pour nous y animer. M. F.! fi, comme les Hébreux, nous ne fommes pas nouvellement convertis a  & les progrés dans la Piété. 399 1'Evangile; fi, comme eux, nous ne fommes pas expofés a de cruelles perfécutions; nous avons cependant autant de raifons de nous appliquer 1'exhortation que 1'Apötre leur adrelfe, & les circonftances oü nous nous trouvons ne peuvent fervir qu'a les fortifier. Nous avons tout-récemment été adtnis a la Table du Seigneur: nous y avons renouvellés 1'Alliance que Dieu a bien voulu traiter avec nous en fon Fils: nous nous y fommes engagés d'en remplir les conditions avec fidélitér nous lui avons juré une obéiffance inviolable aux loix de 1'Evangile. Mais combien de fois n'avonsnous point déja eu eet avantage, & que nous avons tourné la grace de Deiu en dijfolution? Combien de fois n'avons-nous pas pris des réfolutions femblables, & que nous avons négligé d'exécuter? Combien de fois nos communions ne font-elles pasdevenues infru&ueufes, par notre inconftance &par notre légéreté ? Ah! s'il en efl ainfi, comme nous ferons obligés de 1'avouer, pour peu que nous foyons fincéres; comment ne fentirons-nous pas fobligation de travailler a perfifter dans les fentimens que lafolemnité  400 SERMON fur Ia perféyérance de ce jour doit nous avoir infpirés, a faire des progrès continuels dans la vertu & dans la Piété, ou pourparler avec notre Apótre, a pour fuivre conftarnment la courfe qui nous eft propofée? Venez donc Chrétiens! venez méditer avec nous fur la Nature de ce devoir, & VObligation de le remplir. Venez apprendre de "St. Paul quels Moyens il faut mettre eu ufage pour y réuffir: quels Exemples doivent nous fervir de Modéles. Et Dieu veuille que les réflexions que nous allons propofer faffent de fi vives impreffions fur nos cceurs, que, nous engageant a mettre fans délai la main a Tceuvre, nous nous montrions fermes, immuables , abondans en Foeuvre du Seigneur; afin qu'après avoir achevés notre fanblification dans fa crainte, nous obtenions un jour la couronne incorruptible de gloire, Ainfi foit-il! h P A R T I E. Ii eft évident, M. F.! que 1'Apötre fait allufion dans notre texte aux Jeux qui fe célébroient autrefois chez les Grecs, & enfuite chez les Romains.  Ê? les progres dans la Piété. 40? La courfe étoit un des principaux de ces Teux. On tracoit une carrière dans laquelle deux ou plufieurs Athlêtes fe défioient a la courfe, pour obtenir le prix qui étoit fuppendu au bout de la lke. Prix quiconfiftoit ordinairement dans une couronne de laurier's, & qui étoit adjugé a celui qui ayant dévancé 1'autre, étoit arrivé le pre; mier au but. St. Paul fait allufion a cette courfe, non \ feulement dans notre texte, mais encore dans plufieurs autres endroitsdefesEpitres, % ! en propofant aux Chrétiens une 'courfe fpiI rituelle, dans laquelle ils doivent tacher de j'Te dévancer les uns les autres. Son deifein ! dans cette Epitre prouve aifez qu'il entend, s par cette courfe, la profeffion du Chriftianifme, la vocation du Chrétien, la carrière de la Sanctifkation qui eft 1'affemblage de toutes les vertus. L'Jpotre dit, que cette courfe nous efl propofée; c'eft-a-dire marquée, tracée par Jéfus-Chrift, qu'il appéle, immédiatement après notre texte, le chef & le confommateur de notre foi; & qu'il répréfente ici comme faifant, dans Ia courfe du fidéle, 1'ofrice d'intendant & d'in-  4oa SÊRMON fur la perfévèrance fpeóteur: car c'étoit chez les anciens unMagiftrat, ou quelqu'autre perfonne diflinguée, qui ordonnoit les courfes publiques & qui y préfidoit: de forte que, pour réduire la Métaphore a la vérité, 1'Apötre nous exhorte de nous étudier fous les yeux de Jéfus-Chrift a perfévérer dans la Piété & a y avancer. C'eft fans doute beaucoup d'avoir, par connoiffance & par choix, embraffé le Chriftianifme; d'avoir commencé a profesfer cette Religion pure £^ fans tache, a ratifier le voeu qu'on efl cenfé faire dans le Batême de renoncer au Démon & a fes ceuvres,au monde & a fa pompe, a la chair & a fes convoitifes; fur-tout fi, pour fe montrer fincére dans fa foi & dans fa Piété, on a foutenu un grand combat de fouffrances, comme avoient fait les Hébreux. C'eft la certainement pofer le fondement, entrer dans la carrière, & c'eft un très-grandcommencement. Mais ce ne font la après-tout que les premières pieres de 1'édifice: ce ne font que les premiers pas dans la coürfe fpirituelle. II faut pour entrer dans 1'Efprit du Chriftianifme, & dans celui de St. Paul,  ê? les progrhs dans la Piété. 403 ne pas s'arrêter dans la carrière de la Piété & de la Sanétification, y faire des progrèsfoutenus, & couronner fes efforts par une perfévèrance finale. Ce n'eft point la, il eft vrai, f idee que fon s'en forme ordinaireraent. Les uns font confifter 1'effence du Chriltianisme a être recu dans 1'Eglife par le Batême., a être admis a la communion, a faire de tems-en-tems quelques aótes de Piété. On les voit affidus a invoquer dans de certains tems marqués le Nom du Seigneur; a lire* a méditer fa paröle: mais ils n'en donnent pas moins enfuite 1'elfor a leurs paffions. Ils fréquentent les Saintes Alfemblées; ils écoutent la Prédication de la parole de Dieu; ils en font émus, touchés: mais contens d'y avoir confidérés leurs faces naturelles, ils s'en retournent oubliant auffi-têt quels ils. étoient. Ils fe préfentent a la Table de1'F-uchariltie; ils participent aux précieux gages de 1'amour de Dieu; ils lui promettent de fe corriger de leurs fautes paffées; ils jurent de lui demeurer fidèles jufqua la mort: mais cette folemnité achevée; ils oublient leurs vceux, leurs fermens, leurs promefies; il reprennent leur premier genre de  404 SERMON fur la perfévérance vie, & ils perfiftent dans leurs défordres jufqu'a ia communion prochaine, oü, renouvellant leurs fermens, ils renouvellent en même-tems leurs parjures. Confumant ainfi toute leur vie dans un cercle de promefies & de violations, de crimes & de pénitence; fe contentant d'une Piété qui s'évunouit comme la nuée du matin; bornant la Religion a une dévotion périodique; ils s'imaginent répondre au but du Chriftianisme, remplir la tache qui leur eft presente , fournir la courfe qui leur efl propofée. D'autres, fe croyant plus fages que ceux que nous venons de dépeindre, jugent de cette courfe, des engagemens du Chriftianifme, par leur divers penchans & par finterêt de 1'amour propre. Chez eeux-ci le coeur feul décide de I etendue de leurs de- ' voirs. Ils foufcriront a tous les préceptes de la Morale Evangélique, pourvu qu'elle n'exige point le facrifice de la paffion chérie. Laiffez a chacun fon idole; & vous les verrez, immolant a la Religion tous les objets de 1'attachement des autres hommes, fe montrer foigneux a garder tous les commandemens de Dieu avec exaéb'tude, &  Ê? les progrès dans la Piété. 405 & avec perfévérance. Selon Tidée de ce» Chrétiens relachés, Ja tache qui nous eft prefcrite dans 1'Evangile confifte, diroit-on, dans 1'art d'offrir un culte partagé a un Dieu jaloux de fa gloire, de réunir les récompenfes de la vertu avec les délices du pêché, & d'accorder par un contraire inoui Chrift avec Bélial. Mais qu'il s'en faut, M. F.! que ce foient la les idees que St. Paul, que 1'Evangile nous donne des engagemens de notre Chriftianifme. Non! felon leurs décifions les plus formelles, la tache qui nous eft prefcrite, la courfe qui nous eft propofée9 c'eft une perfection univerfelle, une fainteté toute divine, une transformationdans 1'image de notre Créateur. Soyez parfaits comme votre Pere qui efl aux cieux eft parfait, boyez Saints comme celui qui vous a appelès eft Saint. Les grandes & précieufes pr ome ff es vous font données, afin que par elles vous foyez faits participans de la Nature divine. Soyez renouvellés en connoiffance felon Vimage de celui qui vous a crées. Voila. la tache qui nous eft prefcrite, la courfe qui nous eft propofée. La pourfuivre par Bb  4Q# SERMON fur la perfévérance confcquent ce n'eft pas fe bomer a une dévotion périodique, fe contenter d'un petit nombre de vertus en favorifant toujours le penchant dominant. C'eft au contraire perfévérer dans tous les devoirs de la Religion, fe montrer Saint dans toute fa converfation, ne pas f reldcher enfaifant le bien: c'eft fournir des preuves continuelles de notre attachement pour Dieu & pour Jéfus-Chrift: c'eft ajouter èffort a effort,pour déraciner le vice du cceur, &y faire regner la vertu. Et que ce foit ainfi que 1'entende St. Paul, c'eft ce que prouve la conduite qu'on lui voit conftarnment tenir. Lui, qui avoit donné tant de preuves de fa foi & de fa piété, ne fe croit pas encore au point oü il devoit être pourprétendre a la grace de Dieu, & pour parvenir a la gloire célefte. Malgré les progrès qu'il avoit déja faits, malgré les triomphes qu'il avoit déja remportés dans la carrière du falut; il craint que, s'il fe relache, il ne foit fruftré de la béatitude éternelle. PM. Hl. Je ne me perfuade pas, dit-il, d'avoir atU» '4« teint le hut', mais je fais une chofe, c'efl qu'oMiant les chofes qui font derrière moi, & mavangant vers celles qui font devant moi,  & les progrès dans la Piélé. 407 je cours au hut, favoir au prix de la célefte vocation, qui eft de Dieu en Jéfus-Chrift. t Cor. Je cours, mais non pas fans favoir com- 27' ment: je combats, mais non point comme battant Fair. Mais je mortifie mon corps, & je me le foumets; de peur qu après avoir prêché aux autres je ne fois trouvé moi-même en quelque forte non recevable. Ainfi parle St. Paul: & c'eft. ainfi a plus forte raifon que nous devons parler, Chrétiens! Quelqu'avancés que nous foyons dans la carrière du falut, nous avons toujours des progrès a faire. Dans eet imporitant ouvrage nous devons croire n'avoir rien fait, tandis,qu'il nous refte encore quelque chofe a faire. Tendant fans cesfe vers la perfeclion, chacun doit fe dire journellement a fbi-même : ne me refte■t-il plus rien a faire? Puis-je, dans 1'état ioü je me trouve m'aflurer de mon falut ? iSi la mort venoit a me furprendre, pourrois-je me préfenter devant mon juge 'avec une confcience fans reproche , ou du moins avec quelque confiance? Et fans •doute après un tel examen, fi l'on ne veut ;ipas fe faire illufion, l'on reconnoïtra qu'il Bb a  408 SERMON fur la perfèvèrame y a encore bien du chemin a faire avant de pouvoir dire comme St. Paul: fai acheyé ma courfe: la couronne de juflice m'efl réfervée. Ne pas s'arrêter dans la carrière de la Piété & de la Sanélification, y perfévérer, y faire de continuels progrès; marcher de foi "en foi, de vertu en vertu, & aprèss'être Sanétifié, travailler a feSanélifier encore; c'eft la ce qu'emporte le devoir prefcrit dans notre texte: c'eft pourfuivre conflamment la courfe qui nous efl propofée. La Nature & FEtendue de ce devoir ainfi dévelopés, vous comprenez déja, je m'asfure, Chrétiens! fobligation indifpenfable oü nous fommes de le remplir. Et s'il vous reftoit quelque doute fur ce fujet, une feule confidération, prife du danger auquel' on s'expofe en le négligeant, fuffira pour vous convaincre de fon abfolue Nèceffltè^ 1'Homme eft naturellemen t corrompu & enclin au mal. Nous portonstousaudedans de nous un germe de corruption qui s'étend cWaccroit dès que l'on ne met pas tout en ceuvre pour 1'étouffer. A moins que ■ l'on ne réprime ce penchant qui nous entraine au vice , nous nous y laiffons aller  la progrès dans la Piété. 409 facilement. Or telle étant notre foiblelTe naturelle, il eft aifé de comprendre que fi I Ton négligé de perfévérer, de faire des I progrès dans la Piété, l'on court rifque de * de fe laiffer aller a cttte corruption qui nousentraine, & de perdre tout le fruit des : efforts que l'on aura fait pour la furmonter. De plus c'eft le propre de toutes les vertus, , qu'elles commencent a s'affoiblir des qu'elles celfent de fe fortifier. Notre Ame, étant un être vif & actif, qui doit nécesfairement s'occuper; li nous détournons : fes penfées des grands objets que la Reli: gion préfente, & a la recherche defquels elle éléve notre cceur & nos affeétions, nous les portons nécelfairement fur d'autres : objets, qui peu a peu effacent 1'imprefTion I des premiers. S'arrêter au milieu de la courfe, c'eft donner accalion au tentateur de nous attaquer avec plus d'avantage. On tombe du relachëment dans la négligence, tle la négligence dans la fécurité, de la fécurité dans 1'oubli ou le mépris de fes devoirs. Ainfi M. F.! ainfi il arrivé que l'on s'expofe au danger éminent de déchoir entiéreraent, lorfqu'on négligé de faire des Bb 3  410 SERMON fur la peryfévérance progrès dans la fanctification, que l'on recule dès que l'on n'avance pas dans la carrière de la Piété; & qu a moins de fortifier continuellement nos faintes habitudes, notre foiblelfe naturelle, les tentations qui nous environnent fans celfe nous replongent de nouveau dans les fouillures du monde auxquelles nous avions renonce, &rendent notre derniere condition pire que la première. Qui de nous après-cela ne comprend ia Nécejfté indifpenfable qu'il y a de retenif ferme la profeffion de notre efpérance; dene pas devenir laches en défaillant dans notre courage; de mettre a profit les dégrés de foi & de fainteté que nous pouvons avoir déja atteints, pour y ajouter de nouveaux dégrés encore, & de pourfuivre ainfi conftarnment la courfe qui nous eft propofée. La tache eft grande, je 1'avoue; mais St. Paul qui nous exhorte a eet important Devoir, abrégé de tous les autres, veut auffi nous , en faciliter la pratique, en indiquant le» Moyens qu'il faut employer & les Précautions qu'il faut prendre, en nous confeillant de repeter dabord tout fardeau, fifenfuite le péehé que nous envelope ft aifément.  £«? les progrès dans la Piété. 411 C'eft a déveloper en peu de mots ces Moyens & ces Précautions que nous avons deftiné notre Seconde Partie. IL PARTIE. St. Paul, continuant arepréfenter la vocation du Chrétien fous 1'image des courfes en ufage parmi les Payens, y fait encore allufion dans les Moyens & les Précautions qu'il indique aux fidèles, afin qu'ils puiflent fournir leur carrière avec fuccès. Chez les Payens ceux qui alloient s'exercer auxjeux de la courfe avoient coutume, pour courir plus rapidement, de fe ceindre, & de fe dégager de put embarras, fur-tout de ces Robes longues & prefque trainantes que portoient & que portent encore les Orientaux, & ils en prenoient de plus propres a la courfe. De même 1'Apötre veut que les Chrétiens qui font entrés dans la carrière de la Sanctification, fe dépouillent de tout ce qui pourroit les y arrêter, & qu'ils rejétent pour eet effet tout fardeau, & le pêché qui les envclope fi aifément. Par ce fardeau, on peut entendre ici, Bb 4  4.i 2 SERMON fur la perféyérance le plus convenablement, 1'amour du monde & les foucis de cette vie. Ceux-la, en effet, ne font gueres proches du Royaume des Cieux, gueres propres a fournir d'un pas ferme & rapide la carrière qui y conduit , a qui les biens les plaifirs les honneurs de ce monde, & les foucis rongeans qu'ils exigent, font autant d'entraves pour les arrêter dès le premier pas. Un Riche, un Mauvais Riche, felon Texprelfion du Sauveur, y entre difficilement; moins encore peut-il y avancer avec facilité. Un Voluptueux, loin de marcher dans les fentiers de la juflice, marche comme fon coeur le méne, 6? felon le regard de fes yeux. Un Homme que 1'ambition domine ne fait gueres quel poids ont les grandeurs, combien péfent lesCouronnes même, &aquei point tous ces brillans fardeaux le courbent vers la terre, le retardent, 1'arrêtent dans la courfe vers le Ciel. Un Efprit, en un mot, que les foins exceflifs du monde appélent, forcent fans ceffe a regarder en arriere, n'eft gueres bien difpofé pour le Royaume des Cieux, & pour continuer le chemin qui y méne. Voulons-nous donc  & les progrès dans la Piété. 413 dans la courfe, que nous propofe le Sauveur , courir de telle maniere que nous remportions le prix ? rejetons tous ces fardeaux dont la pefanteur nous accable, épuife nos facultés, nous entraine vers la terre, & ralentit notre ardeur pour le Ciel. Ufons du monde fans en abufer. Rompons les Hens illégitimes .qui nons y attachent, & ne donnons nos cceurs aux biens, aux plaifirs , aux honneurs qu'il nous offre, qu'autant que nous le pourrons fans nuire aux intéréts de notre Ame immortelle. Ayoms les reins de notre entendement ceints, fi?foyons fobres. Balancons tous les Royaumes du monde & leur gloire contre la Couronne incorxuptible qui nous attend au bout de la carrière. Et nous fouvenant que St. Paul dit, que nul qui court dans la lice, non plus que celui qui va d la Guerre, ne sembaraffe des affaires de cette vie. Déchargeons tout notre fouci fur Dieu, comme fur un Protecteur puiflant, un Pere rendre qui aura foin de nous, & rappelons-nous que le Sauveur même nous donne eet avis falutaire :prenez garde a vous-mêmes, de peur que vos coeurs ne foyent appefantis par les foucis de cette vie. Bb 5  414 SERMON fur la perfévêrance . Un fecond Moyen a employer, une feconde Précaution a prendre, afin de pourfuiyre conjlamment notre courfe, c'eft de refter le pêché qui nous envélope fi aifément. C'eft le pêché, en effet, & la facilité avec laquelle nous nous y laiflbns aller, qui met le plus grand obftacle a nos progrès dans la Sanétification. II fe déguife fous mille formes différentes pour nous furprendre, s'infinue dans nos cceurs d'une maniere imperceptible, & parvient a nous enveloper a nous féduire, en nous offrant fans ceffe des tentations de tout genre. Tentations de fincrédulité, dont les argumens & les fophifmes, tout ufés, tout rebattus qu'ils font, fe revêtent de couleurs toujours nouvelles, trop capables d'éblouir, d'ébranler des Chrétiens peu enracinés dans t la foi, & de leur öter infenfiblement tout refpect pour la Révélation. Tentations du libertinage, dont les difcours & les écrits impurs ont plus que jamais Tart de s'asfaifoner au goüt du fiecle, & de colorer leur poifon. Tentations de Tindigence & de Tadverfité, oü les befoins & les revers deviennent les plus mauvais confeiiUers. Ten-  £? les progrès dans la Piété. 415 tations plus fortes encore de 1'abondance & de la profpérité; puifque plus les paffions trouvent de tout cöté dequoi s'alTouvir, & plus on rifque de ne leur rien refufer. Tentations de la fociété, oü, paroles, aéhons, coutumes, tout peut nous être en lags & en piége. Tentations de la jeuneffe, oü les paffions bouillantes font capables de tout. En un mot tous les tems, tous les lieux, tous les objets qui nous environnent ont leurs tentations particulieres. Affez fort quelquefois pour réfifter a Tune, on fera trop fouvent affez foible pour fuccomber a Tautre. Un danger qu'on ne connoiffoit point, une paffion dont on fe croyoit Maïtre, & qui pourtant étoit mal domptée, unerécréation trop innocente pour s'en défier, un moindre objet encore eft fouvent un écueil fatal a notre conftance. Et oü eft TAme tant affermie dans le bien qui n'en ait fait la trifte expérience ? Ah! fi nous rentrons en nous-mêmes, fi nous nous rappelons férieufement Thiftoire de notre vie, chacun de nous, ne ièra-t-il pas obligé d'avouer, qu'elle offre un commentaire trop clair de  4i6 SERMON fur la perfévérance cette partie de notre texte: le pêché nous envelope aifément? Mais s'il en eft ainfi, M. F.! vous comprenez déja fans doute combien il met par cela-même d'obftacles a nos progrès dans la fanétification, & par conféquent combien il nous importe, pour pour fuivre conftarnment notre courfe, de mettre en ufage le moyen que St. Paulindique, lorfqu'il veut que nous le rejetions; c'eft-a-dire que nons foyons attentifs aux piéges qu'il tend pour nous féduire, en garde contre les embüches qu'il nous drefle, vigilans fur tous nos devoirs. Le pêché nous envelope; notre Efprit nous féduit, 1'exemple nous entraine, notre cceur fe laifle allér a fon penchant: muniflbns-nous donc contre la féduótion de notre Efprit, oppofons-nous au torrent de 1'exemple, réfiftons au penchant de notre coeur, mortifions nos corps & réduifons-les en fervitude. Le pêché nous envelope aifément; il fe préfe.nte a nos yeux fous des images flatteufes: foyons en garde contre fes plaifirs enchanteurs, & rompons Ie charme qui nous aveugle.  £? les progrès dans la Piété. 417 Le pêché nous envelope aifément la préfence d'un objet fatal a notre innocence caufe notre chute: évitons les occafions, & fuyons les objets qui nous émeuvent: pofons la défiance pour principe de nos vertus. Le pêché nous envelope aifément; les converfatiöns oifives, les entretiens t profanes, les livres impurs nourrilfent la corruption & fomentent nos défordres: fuyons toute mauvaife compagnie, arrachons de nos cceurs les femences du vice, & faifons y regner la vertu. Le pêche nous envelope aifément enfin; tous les jours il fait defuneftes progrès, tous les jours il travaille a. notre perte, tous les jours il in vente quelque nouvel artifice pour nous furprendre: tous les jours donc auffi oppofons travail a travail, effort a effort: tous les jours déracinons quelque habitude mauvaife , & acquérons quelque vertu nouvelle. Joignons a nos efforts la Priere. Demandons a Dieu qu'il fupplée par fon Efprit a notre extreme foibleffe. Demandons-lui qu'z7 ne permette pas que nous fuccombions aux alfauts de nos ennemis fpirituels, mais plutöt qu'avec la tentation il nous donne auffi  4i3 SERMON fur la perfévérance Viffue, afin que nous la puijfions foutenir. Eph. vi. Fortifons.nous en notre Seigneur & en la puijfance de fa force. Soyons revêtus des armes de Dieu, afin que nous puijfions réfister aux embüches du diahle. Prenons le casEph^vi. que du falut £? Vèpèe de ïEfprit qui efl la 1 ' parole de Dieu, priant en notre Efprit par toutes fortes de prieres & de fupplications en tout tems, yeillant en cela avec une entiere perféyérance. Munis de fi puifiantes armes, il n'eft pas douteux que nous ne réïiftions aux tentations avec fuccès. Veillant ainfi contre le pêché, il n'eft pas douteux que nous ne parvenions k le rejeter, a empêcher qu'il nous envelope, & par cela-même a nous mettre en état de pourfuivre comflamment la courfe qui nous eft propofée. Oui Chrétiens! c'eft par la qu'ont réuffi a la fournir fi glorieufement cette multitude de témoins qui nous ont dévancés, & dont St. Paul propofe l'Exemple comme un motif puiffant pour nous engager a les imiter. C'eft fur Ia force de ce Motif qu'il refte a réfléchir dans Ia Troifieme Partie &laConclufion de ce difcours.  Êf les progrès daus la Piéfè. 419 III. P'ARTIE. Nous donc aujji puifque nous fommes enyironnés dune fi grande nuèe de témoins. Ceft encore ici, M. F.! une allufion aux Jeux de Ia courfe, pendant lefquels une foule de perfonnes, témoins de ce qui s'y paffoit, excitoient ceux quicourroient, foit par leurs acclamations, foit par le prix qu'ils avoient remporté, è imiter leur exemple & a fe foutenir jufqu'au bout. De même St. Paul, après avoir nommé les perfonnages qui s'étoient le plus diflingués par leur foi & par leurs vertus, veut que les fidèles les ayent toujours préfens a 1'Efprit, comme autant de témoins de leur conduite & de modèles a imiter. II en avoit fait fénumération dans le Chapitre précédent, & la connoilTance que nous vous en luppofons nous difpenfe d'en faire 1'Analyfe. Nous voulons feulement prévenir ici une difficulté qui frappe tout Leéteur attentif; c'eft que, dans cette lifte, 1'Apötre nous propofe pour modèles des gens dont la vie a été 'fouillée de plufieurs taches. Remarquons la delfus, en général, qu'il ne nous  42o SERMON fur la perfévérance propofe leur exemple que dans les rirconftances qu'il en rapporte, & dans lefquelles ils ont donné, fans contredit, des preuves non équivoques de la fincérité & delavivacité de leur foi. Mais Sc. Paul ne s'eft pas contenté de ces exemples. II infifte fur celui de ces Saints-Hommes, dont la foi ferme & conftante avoit particulièrement pour objet les promeffes de la félicité éternelle. Abel, Enoch, Noe, Abraham, Ifaac, Jacob, Moyfe, David, &, tous, les Prophetes; voila les Grands Perfonnages qui nous ont dévancés dans la carrière de la Sanétification écduSalut: & finousétudions THiftoire de leur vie, nous ferons frappés fans doute des preuves qu'ils ont donné de leur foi, de leur piété, & de leur confiance. Les uns Tont témoigné par leurs discours, les autres par leurs actions, ceux-ci par Tabandon de leurs biens, plufieurs par le facrifice même de leur vie. Mais fi ces exemples ne peuvent manquer de faire impreflion fur nous; foyons également frappés de TObligation, oü nous met la conduite de ces illuftres modèles, de marcher fur leurs traces. II eft vrai, direzvous  les progrès dans la Piété. 421 vous peut-être; ce font de beaux modèles: mais comment les imiter? c'étoient des perfonnages trop extraordinaires pour que nous puiifions leur relfembler. Ah! Chrétiens! la grandeur de ces exemples nous autoriferoit-elle a n'en tirer aucune conféquence pour notre conduite ? Non! nous pouvons les imiter. Nous pourrons, comme eux, pour fuivre conftarnment la courfe qui nous eft propofée, li comme eux nous pouvons dire, que notre falut nous tient a coeur plus que toute autre chofe. Trois confidérations, que nous ne ferons quindiquer, fufïïront pour nous en convaincre. i°. Ces Modèles, que St. Paul nous propofe a fuivre, étoient des hommes nés pécheurs comme nous, £5? expofés aux mêmes foiblesfes. 20. Les Motifs qui les ont foutenus dans leur courfe fuhfiftent encore, & beaucoup plus par rapport d nous. 3°. Enfin les Secours quils ont eu, nous pouvons nous les promettre a beaucoup plus jufte titre. I. Nous difons d'abord que les Perfonnages, que St. Paul nous propofe comme des Modèles d fuivre, étoient pécheurs comme nous, expofés aux mêmes foibleffes. On Cc  422 SERMON fur la perfévérance n'en fauroit douter, M. F.! defcendans comme nous d'un Pere coupable, ils portoient tous en naiffant ce germe de corruption, cette tache originelle qui nous rend incapables par nous-mêmes de faire le bien. Le pêché ayant pris racine dans le cceur de tous les hommes, les plus Grands Saints n'en ont jamais été tout-a-fait exempts. Aufli 1'Ecritiïre nous fait-elle le récit des chutes inféparables de leur humanité, & des éclipfes qu'on t fouffertes leurs vertus, même les plus brillantes. Ce que dit St. Jacques d'Elie en particulier eft vrai en général d'eux tous, & par conféquent auffi de ceux que nous avons principalement ici jacq, v. en vue; c'eft qu'ils étoient des hommes fujets h de femblahks infirmités que nous. Mais s'il eft vrai qu'il y a entre eux & nous conformité de Nature & de foiblelTe; ne feroit-ce pas a tort que nous irions nous récrier fur leur fainteté fupérieure, pour y trouver un prétexte de ne les point imiter? Ah ! s'ils ont pourfuiyi conjlamment la courfe qui leur étoit propojée, ce n'eft pas qu'ils fuüènt nés avec des principes plus purs, avec des penchans. plus faints que nous:  Ê? les progrès dans lit Piété. 423 mals c'efï qu'au lieu que nous nouriffons en nous ces principes, & que nous fommes alTez laches pour nous lailTer aller a ces penchans, ils ont travaillés avec courage a les furmonter & a les vaincre. Ils étoient nés avec un entendement borné, avec un cceur corrumpu & enclin au mal: mais ils ont fait des elforts pour fe perfeétionner. Ils étoient fujets comme nous aux miferes, de la condition humaine, a la fragilité de la chair, a la violence des paffions, a Timpreffion des objets fenfibles : mais ils fe font mis au deffus de leurs foibleffes, en combattant les unes & en corrigeant les autres. Ils avoient des vices: mais loin de leur laiffer prendre un empire abfolu, ils les ont banni de leur cceur, pour y faire régner 1'amour de Dieu & de la vertu. Et voila, M. F.! en quoi nous pouvons, en quoi nous devons les imiter, pour réuffrr comme eux a pourfuivre conftarnment la courfe qui nous eft propofée. II. Confidérons en fecond lieu, Chrétiens ! que les Motifs, qui ont porté ces illuflres Perfonnages a fe conduire de la forte, font les mêmes & beaucoup plus pre ffam Cc 2  4^4 SERMON fur la perfévérance pour nous. Quels étoient-ils, M. F.! ces Motifs? N'étoit-ce pas 1'efpérance d'une vie a venir, d'une immortalité bienheureufe, prornife par un Dieu Rémunérateur de ceux qui le cherchent? Or cette efpérance ne nous eft-elle pas plus clairement révélée qu'aux Fidèles de 1'ancienne Oeconomie ? Ils n'avoient qu'une connoiffance plus ou moins bornée des biens céleftes. Un voile épais les empêchoit d'en appercevoir la grandeur & 1'excellence. Leurs idees fur eet imn mb. portant objet n'écoient ni fi claires ni fi xxiv. 17. ftires que les nötres. Ils difoient du falut & du Sauveur: je le vois, mais non pas maintenant; je le regarde, mais non pas de prés. Et loin de recevoir 1'accompliflèment des promefies, ils les ont feulement, felon St. Paul, crues fi? f iluêes de loin. Cependant malgré 1'obfcurité qui les environnoit a eet égard, ils y ont trouvé un Motif fuffifant pour marcher dans la foi, & pour avancer leur Sanéhfication. Après-cela ce Motif ne feroit-il pas la plus vive impresfion fur nous, Chrétiens! qui croyons en un falut déja opéré, en un Sauveur déja venu; qui voyons la vie fi9 Vimmortaliti  £sP les progrès dans la Piété. 425 r dégagée des voiles qui la couvroient avant les temsEvangéliques, démontrée par une foule d'argumens inconteflables, mife en évidente par Jéfus-Chrift ? Ne feroit-il pas impreflïon fur nous, a qui le Sauveur luimême adrelTe cette déclaration: fois fidéle Apoc iiï. jufqu'a la mort, & je te donner ai la cou- ' ronne de vie. Celui qui vaincra je le ferai affeoir fur mon trom, comme aujft fai vainca & fuis affis avec mon. Pere fur fon trone? Ne feroit-il pas irapreffion fur nous enfin, que Dieu d règênérés pour avoir une efpéran- lPfer ^ ce vive par la, réfur reet ion de Jéfus-Chrif 3, 4dentre les morts; dobtenir Yhèritage incorruptïbk qui ne fe peut 'fouilkr ni flétrir, coiifervé dans les cieux pour nous ? Encore une fois, M. F.! fi les Anciens. Fidèles, malgré la connoiffance imparfaite qu'ils avoient du dogme de la Vie a venir, ont fourni leur carrière avec courage & avec confiance; nous qui voyons cette Vie éternelle & bienheureufe beaucoup plus a découvert; nous qui fommes environnés d'une fi grande nuêe de témoins: combien plus ne devons-nous pas pourfuivre conftarnment la courfe qui nous eft propofée? Cc 3  42C5 SERMON fur la perfévérance III. Pour achever de nous convaincre que rien ne fauroit nous excufer, fi nous négligeons ce devoir; confidérons enfin que nous pouvons, comme ces Anciens Fidèles, & a plus jufte titre qu'eux, attendre les Secours dont nous avons befoin pour le rempliravec fuccès. lis avoient pour Secours, comme nous, 1'afllftance du Saint-Efprit, fans laquelle nous ne pouvons rien. Mais eet Efprit, qui leur fut donné par mefure, & par mefure encore peu abondante, a été accordée aux Fidèles de la nouvelle Alliance avec cette pleine effufion que défigne Ezéchiel fóus la figure deaux net tes, & le Sauveur fous celle d'un fleuye d'eaux vives. Et ce qui rend a eet égard notre ayantage fur les Fidèles de 1'Ancienne Oeconomie grand en toutes manier es; c'eft qu'en nous promettant de fuppléer par fon Efprit a notre infirmité, Dieu nous a donné fon propre Fils pour gage certain de 1'accompliffèment de fes promelfes. Oui! portons les yeux fur Jéfus le Chef tf'k confommateur de la foi. Affis a la droite de Dieu, a Ia fource des Secours dont nous avons befoin, c'eft du Ciel qu'il nous les difpenfc abondamment.  cj? les progrès dans la Piété. 427 C'eft la qu'il prie le Pere pour que notre foi ne défaille point, & qu'il eft toujours exaucé. C'eft du Ciel qu'il envoye fon Saint- Efprit d ceux qui le lui demandent. C'eft dela enfin qu'encore aujourd'hui il a fait entendre k tout vrai Comrauniant cette voix confolante: voici je fuis avec vous jufqu'd la fin du monde. Je ne te dêlaifferai point, je ne fabandonnerai point. Ma grace tefuffit,&> ma vertu s'accoinplira dans ton infrmitè. Demandez, & il vous fera donné; cher chez, fi? vous trouverez; heurtez, & ilvous fera ouvert. Si vous qui et es méchant favez bien donner d vos enfans de bonnes chofes; combien plus votre Pere célefte donnera-t-il le Saint-Efprit d ceux qui le lui demandent ? Avec de tels Secours, avec de telles promelfes, balancerions-nons, Chrétiens! d'imiter les beaux Modèles que TApdtre nous propofe ? Ah! que rien ne nous arvèie plus déformais. Perfuadés que nous n'aurons pas travaillez en vain; foyons fervics, immuables, abondans en ïozuvre du Seigneur. Que It tems paffé nous fujfife pourviyre au monde. Laijjant les chofes qui font derrière 'nous, nous avangant vers celles qui Cc 4  4'j8 SERMON fur la perfévérance font devant nous, courrons au but; favoir au prix de notre célefte vocation qui eft de Dieu en Jéfus-Chrift. Encouragés par cette nuée de témoins, par cette multitude de Fidèles qui nous ont fi glorieufement devancés; foutenus par Taflurance du Secours de Dieu, dont nous avons encore recu les gages a la Sainte Table; animés par 1'idée de cette Gloire éternelle, de ce falut dont nos efforts feront couronnés: pourfuivons conftarnment la courfe qui nous eft propofée. Difons-nous fans cefiè, pour nous exciter a la perfévérance & aux progrès.... Ce que les autres ont pu, pourquoi ne le pourrois-je point ? Non! Fidèles de Tune & de Tautre Alliance! vous ne ferez pas au dernier jour une nuée de témoins contre moi. O mon Ame! foulfrirois-tu que tes Freres, fujets aux mêmes infirmités que toi, te dévancaffent au Royaume des Cieux? Seigneur-Jéfus! je regarde a toi, & tume fais voir le prix! Efprit-Saint! j'implore ton Secours, & tu me le fais efpérer! O Dieu de mon falut! Dieu de mon efpérance! puifque j'ai de telles promefies, puifque ta vertu saccomplit dans mon infirmité; je  & ks progrès dans la Piété. 429 releverai mon courage abattu: je me formerai fur les Modèles que tu me propofes: je vivrai & je mourrai dans ta Communion: je mar cher ai de foi en foi, & de vertu en vertu; jufqu'a ce qu'après avoir, comme St. Paul, combattu le bon combat, achevé ma courfe, gardé la foi, je puiffe auffi, comme lui, être fondé a m'écrier avec une pleine confiance: maintenant la couronne de jufice mefl réfervée, & le Seigneur juste juge me la ren dra en cette jour née-ld; fi? non-feulement d moi, mais encore d tous ceux qui auront aiméfon apparition, Amen! oui, Amen! Pf. CVI. 2, 3. CXIX. 8.  430 PRIERE. Seigneur notre Dieu, & notre Pere célefte! nous revenons encore a toi pour te rendre graces de ce que, par un effet de ta miféricorde, tu nous as appelés h la Communion de ton Fils Jéfus; & pour te fupplier de nous affermir fi puifiamment par ta grace que nous y perfévérions jufqu'a la fin de notre vie, & que croiflant en vertu & en fainteté, nous pourfuiyions conftarnment la courfe qui nous efl propofée. Tu le fais, 6 Dieu! nous marchons ici-bas au milieu de mille précipices: nous fommes de tous cötés environnés de piéges & de tentations. Les ennemis de notre falut font puifians, actifs, vigilans pour nous enyeloper, & pour nous perdre. Le Demon réde fans ceflfe auiour de nous, cherchant d nous déyorer. Le monde, par fes foucis rongeans, par fes charmes trompeurs, par fes funestes maximes, & par fes pernicieux exemples, s'efforce d'arracher de notre cceur la glorieufe efpérance que tu y as mife; notre propre chair nous féduit, & fait continuellement la guerre d nos ames. O Dieu! au milieu de tous ces  PRIERE.' obflacles, qui s'oppofent fans ceffe a notre perfévérance & a nos progrès dans la courfe fpirituelle qui nous efl propofée; foibles & pécheurs comme nous le fommes, nous fentons le befoin preffant que nous avons de ton Secours; & nous te fupplions, avec toute 1'ardeur dont nous fommes capables, de fubvenir par ta vertu d notre infirmité. Veuille nous foutenir & nous confirmer tellement dans ton Alliance & dans ton Amour, que rien ne foit déformais capable de nous en féparer. Ne permets pas que la profesi fion que nous faifons de ton Evangile foit I vaine & infruétueufe, qu'elle nous lailTe i oififs & ftériles; mais plutöt qu'a VExemj ple de tant d'illuftres fidèles, qui nous ont | préccdés dans cette glorieufe carrière, nous demeurions fermes dans la foi, & portions en abondance toutes fortes de fruits dejufli\ ce & de fainteté. Aide-nous toi-mêrae, Grand Dieu! a tendre a la perfeclion, a I croitre dans la grace; & qu'ainfi, laiffant les chofes qui font derrière nous, 6? nous avancant vers celles qui font devant nous, nous parvenions au hut, favoir au prix de la cêlefle vocation qui efl de toi en Jéfus-Chrifl. I obflacles, qui s'oppofent fans ceffe a notre  SERMON SUR LA FOI D'ABRAHAM. Par la foi, Abraham étant êprouvé, of rit Ifaac; celui, dis-je, qui ayoit recu les pr ome fes, of rit même fon Fils unique. A l'égard duquel il lui ayoit été dit; les descendans d'Ifaac feront ta yéritable poflérité. Ayant efiimé que Dieu le pouvoit même reffufciter d'entre les morts: c'eft pourquoifuf il le recouvra par une efpéce de réfurreêtion. Héb. XI. 17, 19. Mes Freres! De tout tems on a regardé les exemples illuftres comme autant de voix qui nous enfeignent notre devoir, & qui nous exhortent a nous en acquiter. Tous les SaintsHommes, particulièrement ceux dont la parole de Dieu fait mention, & dont elle nous a confervé les grandes a&ions pour nous fervir de Modèles, font autant de Prédicateurs pour nous, afin que par la patience & par la confolation des écritures nous ayons  fur la foi SAbraham. 433 i efpérance. Ils nous parient encore après leur mort par les vertus qu'ils ontpratiquées, & ij fur-tout par leur foi, dont ils ont donné ii des preuves fi éclatantes. L'auteur del'Ec pitre aux Hébreux en étoit fi perfuadé , I qu'il ne crut pas pouvoir employer un I moyen plus efficace, pour parvenir au but I qu'il fe propofoit d'affermir les Chrétiens nouvellement convertis dans la foi, dans I la profeffion de 1'Evangile, au milieu des cruelles perfécutions auxquelles ils étoient I alors expofés, que de leur rappeler les afflio tions & les fouffrances des Patriarches, des Prophetes, & des autres Fidèles qui avoient \ vccu avant la venue du Sauveur; afin i qu'ayant devant les yeux cette nuée de té\ tnoiens du vieux Teftament, & rappelant j a leur Efprit le pouvoir & 1'efficace de leur 1 foi a furmonter le monde & fes tentations, j ils fuffent animés d'une confiance & d'un f courage femblable dans la profeffion du 1 Chriftianifme. C'eft ce qu'il fait en par1 ticulier dans le Chapitre d'oü notre texte a efi tiré. Entre plufieurs exemples qu'il leur { Y propofe, il infifte fur celui d'Abraham, 3 comme étant un des plus illuftres & des  434 SERMON plus proprres a faire imprelfion. Après avoir indiqué diverfes preuves de fa foi, comme lorfqu'il quitta fa patrie & fes amis pour venir errer dans un Pays inconnu, & qu'enfuite il put fe perfuader, furlaproroeffe que Dieu lui en avoit faite, que malgré fon grand age & celui de Sara fon époufe, ü lui naitroit un Fils deftiné a devenir Chef d'un Grand Peuple; il s'arrête, plus particulièrement dans notre texte, a la preuve éclatante qu'il en donna, lorfqu'il fe difoofa a obéir a 1'ordre qu'il recut de Dieu d'offrir en Sacrifice fon Fils Ifaac. Par la foi, dit notre Apötre, Par la foi, Abraham étant éprouvé of rit Ifaac; celui, dis-je, qui avoit recu les pr ome fes, of rit même fon Fils unique. A Tégard duquel il lui avoit été dit; les defcendans iIfaac feront tavéritable poflérité. Ayant eflimé que Dieu le pouvoit même rejfufciter d'entre les morts: c'efl pourquoi aufi il le recouvra par une efpèce de réfurreclion. Trois objets fe préfentent ici a confidérer. I. röbéifance i'Abraham, & les traits que St. Paul indique pour en relever le prix & ia grandeur; étant éprouvé, il  fur la foi $'Abraham. 435 of rit Ifaac: celui qui avoit recu les prome fes, of rit même fon Fils unique, d 1'égard duquel i il Hui avoit été dit; les defcendans dIfaac I feront ta véritable poflèritè. II. Le Principe I de cette obéilfance; c'eft par la foi: ayant I g/?»B^ Z?is« /e pouvoit même reffufciter ) d'entre les mcrts. III. Enfin la Récompenfe ; qu'il en recut: c efl pourquoi il le recouvra I ##r une efpéce de réfurreclion. Puiffe la foi du Patriarche, que nous allons - vous mettre devant les yeux, vous exciter ou ) fortifier tellement la notre, que déformais 1 nous foyons difpofés a facrifier tout, même è nos intéréts les plus chers, pour gdgner I Chrift & être trouvés dignes de /«/.Ainfi foit-il! I PARTIE. Abraham étant éprouvé ofrit Ifaac. ï Rappelez-vous ici, M. F.! ce que fon a ij fouvent eu occafion de vous faire obferver; I que le terme de tenter ou d'éprouver que 3 St. Paul employé, & par lequel ilfaiulluI fion a ce que Moyfe rapporte, au Chapi9 tre XXII. de la Généfe, que Dien tenta ■ Abraham, fe prend dans 1'Ecriture, quel- Mi  436 SERMON quefois dans un fens odieux, & quelquefois dans un fens favorable. La raifon en eft qu'il y deux fortes de tentations; les unes qu'on peut appeler des tentations de féduclion; & les autres des tentations d'épreuye. C'eft ainfi que dans le premier fens il eft dit que le Démon nous tente, nous in- • citant par toutes fortes de motifs a commettre le pêché; que nous fommes tentés par nos propres conyoitifes qui nous féduifent, qui nous empêchent de faire le bien que nous voulons, fi? nous portent d faire le mal que nous ne youdrions point; que le Monde enfin nous tente, en nous follicitant au mal par fes exemples pernicieux, pa fes promeflès féduifantes, & par fes maximes corrompues. II eft clair que, dans ce fens, Dieu ne fauroit tenter les hommos; car, felon la remarque de St. Jacques; comme il ne peut être tenté, auffi ne tente-t-il perfonne. Rien ne feroit plus injurieux a 1'Etre Suprème que de foutenir qu'il excite les hommes au mal. Au contraire; fa conduite a leur égard, fa parole, fon Efprit, fes promeflès, fes menaces, fes bienfaits, fes chatimens, toutes les difpenfations de fa Providence n'ont  fur la foi d'Abraham. 439 n'ont pour but que de retirer 1'horntne du pêché, & de le porter a la vertu. Ce terme, lorfqu'il eft dit de Dieu, ne peut donc s'en' tendre que dans un fens favorable. Dieu tente fes Enfans, quand il les éprouvé, qu'il exige d'eux des marqués de leur foi, de leur foumilfion a fa volonté, de leur confiance en fes promefies, de leur amour envers lui. C'eft ainfi qu'il éprouva le Peuple d'Ifraël dans le défert: je le tenterai, Exod.xvi, difoit-il, pour voir s'il mar cher a dans ma loi 4* ou non; & c'eft dans ce même fens qu'il tenta Abraham. II lui ordonna d'offrir fon Fils unique en Holocaufte, afin qu'après le témoignage de fon obéiffance, il put lui dire, comme il le fit dans la fuite: maintenant fai connu que tu crains Dieu, puifque tu n'as pas èpargnè pour moi ton Fils, ton unique. J'ai connu; c'eft-a-dire, j'ai fait connoitre. Dieu fans doute nous connoït bien, avant que de nous mettre a 1'épreuve. U ria pas befoin quon lui rende témoignage de. I"homme; car lui-même fait ce qui eft dans Vhomme. Mais les autres ne nous connoilfent pas: fouvent nous ne nous connoiflbns pas nous-mêmes. Or les affliclions font un Dd  440 SERMON Miroir qui ne flatte point, une pierre de touche qui découvre ceux qui font de BonAlloi. Par elles, Dieu fait paroitre les vertus de fes Enfans avec un éclat qui édifie toute 1'Eglife, & qui frappe, qui ravit, qui gagne fouvent les infidéles même. Quand on voit un Chrétien fouffrir tranquillement les difgraces les plus douloureufes de la vie, quand on le voit facrifier gaiment a Dieu ce qu'il a de plus cher, quand on 1'entend dire des biens qu'il a perdus; c'eft l'Eternel qui les a redemandés; du mal qu'il fouffre: c'eft l'Eternel qui Va fait, & ajouter a tout cela; le Nom de VEternel foit béni: ah! un tel fpectacle fait plus d'impreffion que ne pourroient faire plufieurs Sermons fur la patience & fur la réfignation a la volonté du Ciel. Lors donc que Dieu voulut éprouver Abraham, en lui ordonnant d'immoler fon Fils unique, ce n'eft pas qu'il ne conntöt bien déja fa foi & 1'ardent amour qu'il avoit pour lui; mais afin qu'il püt fervir de modèle aux autres hommes, & que tous appriffent par fon exemple, jufqu'oü ils doivent porter leur foi & leur amour pour Dieu; fa-  I fur la foi $ Abraham. 441 voir, jufqu'a lui facrifier tout ce qu'ils ont de plus cher & de plus précieux, lorsque Dieu les y appéle. A eet Ordre St. Paul déclare que Ie Patriarche obéit, lorfqu'il ajoute, quVtant éprouvé il of rit Ifaac; c'eft-a-dire par la difpofition de fon cceur, quoique non point par 1'événement, comme il paroit par le récit de Moyfe. II voulut, il fe difpofa, il fut prêt de 1'offrir, & il fauroit effectivement offert, s'il n'en eüt pas été détourné par un ordre du Ciel, qui lui défendit d'immoler cette viétime innocente, & qui lui déclara que Dieu étoit fatisfait de la preuve qu'il venoit de donner de fon obéilfance. Obéilfance par conféquent qui, confidérée dans fon intention, étoit auffi entiere que fi elle eüt été fuivie de fon effet. Obéilfance que St. Paul envifage pour cette raifon comme telle, lorfqu'il dit op!Abraham ofrit Ifaac, & dont il relève la grandeur par deux traits principaux, qui doivent nous en faire juger de même, & que nous allons a préfent vous déveloper. Le premier, c'eft la Nature même de l''Ordre qu'il recoit. Le fecond, c'eft Dd 2  442 SER M O N VOppofition de eet ordre avec les promejfes que Dieu lui avoit fait es. I. Ce qui montre d'abord la grandeur & le prix de 1'obéilTance du Patriarche, c'eft la Nature même de la chofe commandée, & que 1'Apötre infinue avoir été le facrifice j d'Ifaac fon Fils unique. Prends, lui avoit dit Dieu lui-même, felon le récit de Moyfe, prends maintenant ton Fils, ton unique, celui que tu aimes, Ifaac, fi? fen vas au Pays de Morija, fi? Pof re ld en holocaufle fur Vune des montagnes que je te dirai. Ordre qui confidéré en lui-même & dans fes circonftances, devoit néceffairement faire naïtre de grandes difficultés, & fufciter de violens combats dans 1'Ame du Patriarche. Déja la feule humanité pouvoit-elle ne pas fe révolter a 1'ouïe d'un Ordre qui fembloit lui enjoindre d'en violer les droits ? Oter la vie a un homme fans autorité légitime, ou fans y être pouffé par la néceffité la plus urgente, c'eft pécher contre celle de la Religion. D'ailleurs faire mourir fon propre Fils, c'eft un facrifice qui paroït, diroit-on, plus digne du Démon qui fut meurtrier dès le commencement, que du vrai Dieu confervateur des hommes. C'eft une action  fur la foi d'Abraham. 443 condamnée par la Loi de la Nature, & direótement contraire a la tendrefle que Dieu lui-même a mife dans les cceurs de tous les Peres. Quelles larmes David ne répand-il pas pour la mort d'Abfalom, quoique méchant, quoique dénaturé, quoique rebelle au meilleur Pere qui fut jamais? Plüt a Dieu, s'écria t'il, plüt h Dieu que je fuffe mort moi-mêmepour toi, Abfalom mon Fils, mon Fils! Ici c'eft un Fils vertueux, un Fils obéiffant, un Fils qui aime autant quil eft aimé, dont Dieu demande le facrifice, & c'eft le Pere lui-même qui en doit être le Sacrificateur. Oü eft parmi nos Auditeurs le Pere qui ne frémitd'horreur a une telle penfée? Oü eft 1'homme de bien même, qui ne regardat la propofition qui lui en feroit faite comme une ïllufion du Démon, plutöt que comme un Ordre de Dieu ? Quel coup de foudre ne dut-ce donc pas être pour Abraham, lorfqu'il lui fut intimé; & qu'après s'être précautionné fans doute contre 1'illufion, après avoir examiné fi c'étoit bien Dieu qui lui parloit, il ne put douter que c'étoit, la voix de ceDieu qu'il connoiffoit, & Dd 3  444 SER M O N avec lequel il avoit tous les jours, a titre d'ami, le commerce le plus intime ? Prends maintenant ton Fils, ton unique, celui que tu aimes, Ifaac. On diroit que Dieu prend a tache de rendre a Abraham fa douleur plus fenfible, en caractérifant par fes plus doux titres la Perfonne dont il lui demande le Sacrifice, ton Fils, ton unique, celui que tu aimcs, ton Ifaac; c'eft-a-diretajoye: car c'eft ce que ce terme fignifie. C'eüt été peu de chofe fi Dieu lui eüt demandé fa propre vie. Déja raffafié de jours, ilfe feroit mis fans peine a la place d'Ifaac. C'eüt été moins encore, fi Dieu lui eüt demandé tous fes biens, tous fes troupeaux; c'étoit un Sacrifice qu'il avoit déja fait a Dieu: il auroit pu fans de grands efforts le faire une feconde fois. Mais Abraham avoit été fuffifamment éprouvé a tous ces égards. Dieu 1'éprouve par un autre endroit bien plus fenfible. II lui demande Je Sacrifice de fon Fils, de celui qu'il aimoit, & qu'il aimoit avec d'autant plus de tendreffe qu'il étoit unique, & que fon amour n'étoit point partagé entre d'autres; & Dieu veut encore que ce Sacrifice fe falie par fes pro-  fur la foi d'Abraham. 445 pres mains. Concevez-vous, M. F.! une fftüation plus douloureufe, une épreuve plus forte que celle a laquelle fut mife f obéilfance duPatriarche ? Apprendre qu'un Fils unique doit mourrir bientöt; c'eft une ti ifte & affligeante nouvelle pour un Pere: apprendre qu'il doit mourir d'une mort violente & tragique; c'eft une nouvelle plus rude & plus accablante encore. Mais fe voir condamné a être foi-même 1'inftrument de fa mort, a être non-feulement le fpeétateur mais Taéteur d'une fcêne fanglante dont il doit être le fujet; fe voir condamné a enfoncer le couteau dans le fein de fon Enfant, c'eft 1'épreuve la plus cruelle & la plus douloureufe par oü un Pere puiffe pasfer. Pour la foutenir & s'y foumettre, il faut la plus haute vertu. Ne pas y fuccomber, ne pas chercher a éluderunecommisfion auffi accablante; c'eft porter 1'obéiflancc au dégré le plus fublime. Avant d'en venir, en effet, a 1'exécution; que de combats affreux auxquels fon cceur paternel devoit être livré en proie! II me fëmble 1'entendre tenir ce langage fi naturel: Dieu me commande d'oter la vie a mon Dd 4  446 SERMON Enfant: mais puis-je me defaire des tendres fentimens que j'ai pour lui, fentimens que Dieu a lui-même mis au dedans de moi, & qui s'y font fortifiés d'autant plus que c'eft un Enfant qui le craint, & qui fait toute la confolation & la joie de ma vieilleffe? Puis-je en les confervant exécuter rOrdre affligeant que Dieu me donne?Ah! qu'il demande ma propre vie; je fuis prêt a la perdre. Qu'il reprenne 1'Enfant qu'il m'a accordé comme par miracle; mais faudra-t-il que je fois moi-même fon bourreau? Grand Dieu! tu t'es fervi de moi pour lui donner la vie: voudrois-tu que je fulfe le malheureux inftrument deftiné a lui donner la mort ? Peres & Meres! mettez-vous pour un moment a la place du Patriarche, & que votre tendrelfe fupplée ici pour nous aux mouvemens qui durent s'élever dans fon Ame. Cependant ■confidérant ce qu'il doit a fon Dieu, il ne penfe qu'a les vaincre. II ne prend point confeil de Ia chair & du fang; il ne confulte point fes parens & fes amis; il ne dit rien a fon Epoufe même de ce qu'il veut faire. La voix de Dieu lui eft adreffée la  fur la foi cïAlraham. 447 nuit; auffi tot qu'il eft jour, ilfelève, & fe met en chemin. Un autre, peut-être, déconcerté bouleverfé par un tel Ordre, auroit cherché aux paroles de Dieu un fens moins dur & moins choquant que celui qu'elles offrent d'abord a 1'Efprit: car voila comme la plupart des hommes s'y prennent. Les commandemens de Dieu neleur plaifent-ils pas? Ils donnent la torture a leur imagination pour trouver le moyen de les éluder; ils y cherchent des modifications, des reftricTtions, des adouciffemens; ils les interprétent d'une maniere qui ménage, & qui met a couvert les intéréts de la chair & delacorrupdon. Abraham , plus fincérement dévoué a la volonté de Dieu, en ufe d'une toute autre maniere. II prend fans doute fes précautions contre 1'illufion; il examine fi c'eft bien Dieu qui lui parle. II étoit difficile qu'il s'y trompat: il connoifToit trop bien la voix de Dieu. Mais une fois convaincu de la divinité de TOrdre qu'il recoit, il ne cherche point a en adoucir la rigueur. S'il eüt eu le raffinement des Chrétiens de nos jours, qui ont trouvé f art d'applanir les Dd 5  448 SERMON fentiers du Seigneur, Iorsqu'ils paroifient trop difficiles; il pouvoit penfer que c'étoit fpirituellement, myftiquement, & en figure, que Dieu lui comrnandoit de Sacrifïer fon Fils. Mais non! II prend les paroles de Dieu a la lettre. II prépare un couteau pour égorger Ifaac, du bois pour le confumer; & quelque dur d la chair que fut VOrdre de Dieu,. il n'attend pas que Dieu le lui donne une feconde fois; il fe leve de grand matin pour aller 1'exécuter. Quelle foumiffion! Quelle obéilfance! II. Ce n'eft pas tout cependant, M.F.! & St. Paul en relève en fecond lieu le prix par la confidération des Promejfes que Dieu avoit faites au Patriarche: Promeffes qui en oppofition avec YOrdre que celui-ci venoit de recevoir, ne pouvoient que lui fournir de nouvelles objeétions pour fe difpenfer d'y obéir. Celui, dit 1'Apötre, qui ayoit regu les Promejfes, offrit même Jon Fils unique. A Végard du quel il lui ayoit été dit; les enfans d'Ifaac feront ta Gen. xvu. yéritable pofléritê. Par ces Promejfes, il eft 3"1!' évident qu'il faut entendre celles que Dieu lui avoit faites, lorfqu'il daigna traiter Al-  fur la foi d'Abraham. 449 liance avec lui; favoir quil auroit une pojlè* rité aujfi nombreufe que les étoiks du CieU £P que le fdble qui efl fur le bord de la mer; qu'il feroit Pere d'une multitude de Nations; Gen. xii. que de lui naïtroit un jour le Meffie, cette femence en la quelle feroient bènites toutes les Nations de la terre; & qu'afin que ces Pro- Gen. xvu. meffes s'accompliffent, il auroit un Fils dans Ip" fa vieilleffe de fa femme ftérile; que ce Fils feroit fon héritier, & que ce feroit avec ce Fils que Dieu êtabliroit fon Alliance perpétuelle pour fa pofléritê après lui. Cette derniere Promeffe, a laquëlle St. Paul fait particulie'rement allulion, Dieu 1'avoit renouvellé au Patriarche, lorfque pour le, confoler du départ d'Ifmaël il lui Gen. xxi. avoit dit: n'aye point de chagrin au fujet de I2" V Enfant; car en Ifaac te fera appelé femence: c'eft-a-dire que ce feroit Ifaac feul qui feroit fon héritier, & qui auroit part a 1'Alliance divine. Mais cette promeffe, ainfi que les précedentes, comment en attendre 1'accompliffement, lorfqu'après qu'Ifma'él fut forti de la maifon d Abraham, Dieu commanda a celui-ci de Sacrifier Ifaac? Quelle confolation, quelle efpérance pouvoit-il lui refter^ Ifaac étant mort? II pouvoit, ala  45° SERMON vérité, avoir d'autres Enfans, comme il en eut depuis de Kétura fa femme. Mais c'étoit en Ifaac feul que devoient s'accomplir les Promefies, & lui feul devoit être la tige des Croyans. Ce qui fait dire k St. r.on. ix. Paul dans fon Epitre aux Romains, que c~*- tous ceux qui font dlfraël ne font pas pourtant d'Ifraël. Car, ajoute-t-il, pour être de la femence iAbraham, ils ne font pas tous fes enfans, mais cefl en Ifaac qu'on doit confidérer fa pofléritê; c'efl.d dire que ce ne font pas ceux qui font enfans dela chair qui font enfans de Dieu, mais que ce font les enfans de la promeff e, qui font réputés pour femence. Or eet Ifaac étant rétranché de de la terre des vivans, & ne laiffant point d'Enfans après lui, ne femble-t-il pas que les promeiTes divines étoient par cela-même ancanties, & qu'il ne reftoit plus aucun fujet d'efpérance? Comment les concilier avec un Ordre auffi pofitif? D'un cöté, Dieu redemandant au Patriarche fon Fils, fembloit par la les rétraéter. Le Couteau qui égorgeoit Ifaac fauchoit du même coup toutes les efpérances dAbraham. Cependant , d'un autre cöté, ces efpérances étoient fondées fur la parole de Dieu, laquelle  fur la foi $Abraham. 451 furpaffe les montagnes en fermeté. Le Dieu a qui Abraham a cru n'eft pas un homme pour mentir; il eft fidele a fes promeiTes; il fefouvient dperpétuité de f Alliance qu'il a une fois traitée avec les hommes. Comment accorder tout cela? Quelle contradiótion entre r Ordre de Dieu & faPromeflê? Quel combat entre la raifon & la foi ? Quel combat entre la foi & la foi; entre la foi qui embraffe les Promefes de Dieu, & la foi qui porte a 1' Obêijfance ? Mais plus le combat eft grand, & plus la vicloire eft glorieufe. Aucun de ces obftacles, aucune de ces confidérations n'eft capable de retenir Abraham. Dieu a parlé. ïl ne peut en douter. Dès-lors il ne penfe qu'a obéir. Sa foi triomphe de tout. 11 fe foumet a la volonté de Dieu, & fe repofant entiérement fur fa vérité immuable & fur fa puiffance infinie, il lui of rit Ifaac fon Fils unique, d ïégard duquel il lui avoit été dit; les defcendans dlfaac feront ta véritable poférité: ayant eftimé, ajoute 1'Apötre, ayant eftimé que Dieu le pouvoit même reffufciter d'entre les morts. Ce Principe, qui déterinina le Patriarche a obéir a un Ordre  45* SERMON li rigoureux, nous allons vous le déveloper dans notre Seconde Partie. II. PARTIE. C'eft une bien faufle idéé, M. F.! que celle que fe forment de Ia foi ceux qui 1'envifagent comme une difpofition qui exclut tout Raifonnement, qui nous oblige de renoncer a la Raifon; caraciére effentiel qui nous diftingue de toutes les autres créatures. Ce n'eft point la 1'idée que nous en donne 1'Ecriture. Lorfqu'elle veut, qu'en vertu de cette difpofition, nous acquiescions, nous embraflions les vérités falutaires que 1'Evangile propofe, elle ne nous défend pas pour cela de faire ufage de Ia Raifon & de nos lumieres naturelles; foit pour examiner les preuves qui établilfent la divinité de la Révélation; foit pour entendre & déveloper le véritable fens de ce qu'elle nous dit; foit pour nous confirmer de plus en plus dans la perfuafion de certaines vérités, qui, bien que Révélées, ne lailfent pas d'être encore du relfort de' Ja Raifon. La Révélation ne faifant que propo-  fur la foi d'Abraham. 453 fer a nos facultés intelleétuelles de nouveaux objets, fans nous douer de facultés nouvelles, c'eft k 1'aide de celles que nous avons déja, qu'il faut difcerner fi elle eft divine. Eprowez les Efprits pour voir sll font de Dieu, dit St. Jean. Mais comment les éprouver qu'en faifant ufage de notre Raifon ? auffi voyons-nous que lorfque les Ifraëlites & les Juifs du tems du Sauveur font condammés par lui a caufe de leur incrédulité, c'eft principalement paree qu'au milieu des prodiges qui les environnoient, ils refuférentde fe rendre aux fortes Raifons qu'ils avoient de croire. Si je riavois point fait parmi enx des ceuvres qu'aucun autre n'a fait, ils nauroient point eu de pêché :ce font les paroles du Sauveur lui-même. Au contraire; jamais la foi n'eft plus célèbrée que lorsqu elle eft fondée en Raifon. Témoin celle du Centenier & de la Cananêenne, qui ap-Wairh.vm. puiérent la leur fur des Raifonnemens foli- MattLw. des. Et c'eft ce que confirme parfaitement 23, 1'exemple de notre texte. Ce qui rend Ia foi d''Abraham fi célèbre, ce qui la! fait propofer par St. Paul pour modéle aux Fidèles de tous les fiecles; c'eft qu'elle fut  454 SERMON Raiibnnée; c'eft qu'au lieu de fermer les yeux, ou de paflër légérement fur les difficultés & les objections que devoit naturellement lui offrir 1'Ordre qu'il avoit recu de Dieu de Sacrifier fon Fils, il les exatnine, il les péfe, & n'obéit qu'aprés s'être fatisfait foi-même a leur égard. Deux Révélations lui avoient été faites, de la part de Dieu, qui paroiffoient contradiétoires entr'elles. Si la Raifon du Patriarche n'eutpu les concilier, il n'eüt pu croire qu'elles eulfent toutes les deux eet Etre Suprème pour Auteur; paree qu'il eft impofible que Dieu fe contredife foi.même, & aucune Révélation quelconque ne fauroit détruire ce principe. Mais ici la Raifon vient a fon fecours. 7/ ejlima, dit 1'Apötre, ou, comme 1'emporte le terme de 1'Original, il Raifonna en lui-même, que ce Dieu qui lui avoit Ordonné de faire mourir fon Fils pouvoit auffi le rejfufciter d'entre les morts: que fidéle a fes Promejfes, düt-il pour les ^ccomplir forcer toutes les loix de la Nature, le plus grand miracle ne lui coutera rien, lorfqu'il fera queftion de dégager fa parole: en un mot que rien ne lui eft impoffibJe, fi  fur la foi d'Abraham. 455 fi ce n'eft de manqucr a ce qu'il a promis. Telle fut, M. F.! la foi d''Abraham, qui le porta a offrir fon Fils Ifaac. La piété du Patriarche, & les juftes idéés qu'il avoit de 1'Etre Suprème pouvoient 1'aider, fans doute, a furmonter les difficultés que lui préfentoient la chair & le fang, pour fe difpenfer de ce Sacrifice. S'il eft Naturel qu'elles 1'arrêtaffent pendant quelques momens, vrai-femblablemeirt venanta réfiéchir fur ce qu'il devoit a Dieu, fur fobligation oü eft tout homme de bien de fuivre fa volonté toujours bonne & parfaite, lors qu'elle eft exprefie, pofitive, & bien connue; il ne lui en fallut pas davantage pour les lever & pour obéir. Ce que Dieu m'ordonne, pouvoit-il fe dire a foi-même, paroït injufte, indigne de fa fageffe, contraire a ce qu'il défend. N'importe; Dieu trouvera bien le moyen de s'accorder„avec lui-même, avec fes vertus, avec la loi qu'il nous a donnée. C'eft a moi d'obéir. Ce n'eft pas a moi. a lui demander Raifon de ia volonté. Dieu m'ordonne de faire mourir mon Fils: mais le meurtre eft un crime. Cela eft vrai, lorfqu'on le commec Ee  456 SERMON de fon propre mouvement & fans autorité Mais il ceffe de f être lorfqu'on a Ordre de Dieu de le commettre. Dieu notre premier Souverain efl le Maitre de la vie de chacun de nous. Comme il nous Ta donnée, il peut auffi la reprendre quand il lui plait, de la maniere, & par les organes qu'il lui plait. Mais je fuis Pere; c'eft Dieu luimême qui m'a donné des entraillesdecompaffion & d'amour pour mon Enfant. Cela eft vrai encore: mais c'eft fans préjudice de fes droits. II ne me fait aucun tort en reprenant ce qui lui appartient. Mais je me rendrai par la Texécration de tous les hommes, qui ne pourront voir fans horreur un Pere, qui, d'une main dénaturée, verfe le fang de fon propre Enfant. Que m'importe ? Les hommes ne font pas mes juges. Dieu jufte efh'mateur des chofes portera un autre jugement de ma conduite, & Tapprobation de mon Dieu ne doit-elle pas feule me fuffire ? j'obéirai donc, & j'obéirai fans délai. Voila, M. F.! jusqu'oü la foi & la piété du Patriarche pouvoient le conduire, tant qu'il n'eut a combattre que les difficultés  fiiï la foi d'"Abraham. 457 que lui préfentoient la chair & le fang, pour le difpenfer d'éxéeuter la comifliou qu'il avoit recue; Mais tout cela ne fuffifoit point pour le rafTurer, a 1'égard des Tromt fes que -Dieu lui avoit faites d'une nombreufe pofléritê dans la perfonne cl "Ifaac, & que VOrdre d'immoler ce Fils, objet de ces promeffes, fembloit anéantir abfolument. Ici donc fa foi prend un nouvel effor, & s'élève a un dégré plus fublime encore. Tandis qu'il cherche a concilier ces deux chofes qui lui paroiffoient fi oppofées, fa foi lui en découvre le moyen dans la ToutePuiffance de Dieu. Jufques la la difficulté paroiffoit infoluble: mais Raifonhant fur cette perfection que Dieu pofféde dans le dégré Ie plus éminent, fa foi embraffe, faifit avec joie cette idee. II ne doute point qu'en vertu de eet attribut Dieu ne puiffe rappeler a la vie celui qu'il auroit iramolé, & donner lieu par la a 1'accompliffement de fes promeffes. Si j'obéis, lui fait-elle dire, fi je fais mourir Ifaac, les promeffes que Dieu m'a faites feront vaines; je n'au» rai poit de bénéüclion a attendre de lui, Eb! aurois-je quelque bénédiction a efpdEe a  453 SER M O N rer de Dieu, fi je ne lui obéiffois pas ? Si Dieu m'a promis & a ma pofléritê fa bénédiélion, n'efl-ce point fous la condition de mon obéiffance? Quand j'aurai fait ce que Dieu m'a commandé, quand j'aurai immolé mon Enfant; Dieu, dont la fagejfe eft diyerfe en toutes chofes, n'a-t-il pas mille moyens pour accomplirfapromesfe? Ne pourra-t-il pas le reffufciter des morts? Lui qui me Ta donné par un miracle, ne pourra-t-il pas me le rendre par un miracle nouveau ? Et ne penfez pas, M. F.! que cette explication combatte ce que nous avons fuppofé dans tout ce difcours; qu'^r^ham ignoroit que Dieu dut Tempêcher d'achever le Sacrifice de fon Fils, paree qu'autrement fon obéiffance n'auroit pas mérité les éloges, que TEglife de tous les fiécles lui a conftarnment donnés. II y a une différence fenfible entre ces deux chofes : fe mettre en devoir de Sacrifier fon Fils, fachant que Dieu ne permettra point que le Sacrifice s'achéve , & Sacrifier aétuellement, ou vouloir Sacrifier fon Fils dans Tefpérance que Dieu le reffufeitera. L'un n'a rien d'extraordinaire, & dont le  fur la foi $ Abraham. 459 moindre fidele ne fut capable. L'autre eft TuTort d'une foi qui ne peut gueres être plus grande. C'eft témoigner hautement que l'on eft convaincu que la puiffance de Dieu n'a point de bornes, puifqu'on s'asfure qu'elle pourra s'étendre jufqu'a refluseiter un mort, jufqu'a ranimer des cendres froides, qui n'ont nulle difpofition a redevenir ce que le corps étoit autrefois. Acte de foi d'autant plus grand dans Abraham que jufqu'alors il ne s'étoit point encore vu d'exemple de Réfurrection. C'eft faire voir clairement qu'on ne doute pas un inftant que Dieu ne foit fidéle dans fes Prome fes, & qu'on croit même que pour les aceomplir il forcera toutes les loix de la Nature , que le plus grand miracle ne lui coutera rien lorfqu'il fera queftion de dégager fa parole, de donner a fes enfans des preuves de fa miféricorde & de fafidélké. C'eft témoigner, en un mot, qu'on croit que rien n'eft impolible a Dieu, fi ce n eft de manque» a ce qu'il a promis. Ainfi Raifonna le Pere des Croyans. Ainfi, comme le témoigne ailleurs St. Paul, il crut en Dieu, kittel fait vivre les morts, & qui appéle les iv. Ëe 3  46g SERMON chofes qui ne font point comme fi elles étoient. Ainfi fa foi le porta a donner a Dieu la plus forte preuve de fon obéiflance. Foi, Obéiffance, qui ne furent point fans fruit auprès de 1'Etre Suprème, vu qu'il les couronna du plus heureux fuccès. Abraham offrit Ifaac, ayant eftimé que Dieu le pouvoit même reffufciter d'entre les morts: cefl pourquoi auffi il le recouvra par une efpéce de rêfurreclion. C'eft fur-quoi il nous refte a faire quelques courtes réflexions dans un Troifieme Article. III. P A R T I E. ruktfin* Ces dernieres paroles de notre texte ont f?pagjt"'&& diverfement expliquées. Quelques inrmpw terPr^tes traduifent ie verfet entier de cetü'Crie./ur te maniere: Abraham eflima que Dieu étoit fe puiffant pour reffufciter Ifaac des morts, . puifquil 1'avoit recu par une efpéce de rêfurreclion, & les envifagent comme un exemple que le Patriarche allégue pour prouver la folidité de fon efpérance. Selon eux cette réfurrection doit s'entendre, non $ Ifaac mais iïsibraham; & St. Paula vouiu dire  fur la foi d'Abraham. 461 Abraham fe rappelant la naiffance mitaculeufe $ Ifaac, qu'il avoit obtenu lorfqu'il étoit déja accablé d'années, & par conféquent par une efpéce de réfurre&ion pour , il fe perfuada que comme Dieu lui avoit déja donné une fois ce Fils comme par mirade, il pourroit le lui rendre par un miracle nouveau en le reffufcitant, pour le faire enfuite le Pere de plufieurs Peuples. Mais quoique cette explication puiffe avoir Jféij & offre un beau fens, nous croyons r^.p.isd. devoir nous en terne a notre verfion, d'au- ^Üftnl, tant plus qu'étant auffi conforme a 1'Original.elle nous paroit fêtre davantage au but de 1'Apötre, & a la déiinition qu'il avoit donnée de la Foi, au commenceraent de flotre Chapitre, en difant qu'elle efl une ■Ave répréfentation des chofes que Ton ne voit point, ê? une démonftration de celles que Ion efpére. Voulant le prouver, & faire voir que la foi des fidèles n'a jamais été trompée; entre plufieurs exemples qu'il enallégue,. il cite celui $ Abraham. Ce SaintHemme, ayant recu un Ordre du Ciei direérement oppofé aux Promejfes que Dieu lui avoir faites, & obéiffant a eet Ordre föns Ee 4  46a SER M O N ceffër de croire a ces Promeffes, paree qu'il efl convaincu que Dieu peut les accomplir en refllifcitant Ifaac, fon efpérance n'eft point trompée, & il obtient ce Fils bienaimé a peu prés de la même maniere qu'il avoit efpéré de 1'obtenir, par une efpéce de réfurre&ion. En fuivant donc le fentiment le plus généralement recu, nous croyons devoir envifager ces paroles comme expriniant la récompenfe, le fuccès de la foi & de 1'obéiffance du Patriarche. II of rit Ifaac paree qu'il eftimoit qu'après Vavoir offert, Dieu étoit puifant pour le reffufciter dentre les morts; & c'eft pourquoi auffi il k recouyra par une efpéce de réfurre&ion. En effet, M. F.! comme Abraham avoit en quelque maniere déja offert fon Fils, favoir par Ja difpofition de fon cceur, Ifaac pouvoit auffi en quelque forte être confidéré comme mort, quoiqu'il ne le fut pas effeclivement encore. Ainfi lorfque Dieu, fe contentant de la bonne volonté du Patriarche, arrête fon bras prêt a enfoncer le couteau dans le fein d lfaac, cette délivrance fubite & iraprévue fut fans contredit pour celui-ci une efpéce de de réfurre&ion..  fur la foi d}Abraham. 463 C'eft par une facon de parler femblable, que la délivrance d'un danger préfent de mort eft appelée par St. Paul une délivrance de 2 Cor. h la mort. Et c'eft dans ce fens qu'on acou- 9' tune. de dire, lorfqu'un homme relève d'une maladie qui 1'avoit conduit jufques fur le bord du tombeau, que c'eft une efpéce de réfurre&ion, II en eft de même ici. Ifaac, qui avoit été regardé comme mort, fut rendu vivant a fon Pere par' quelque reffemblance, par une efpéce de réfurre&ion. Ainfi, M. F.! fut récompenfée la Foi & ÏObèifance du Patriarche. Ainfi Dieu fait voir que ce n'eft pas pour toujours qu'il affiige fes enfans. Après les avoir éprouvés, il les confole & les réjouit. Toujours il fe montre le rémunèrateur de ceux qui le cherchent, & qui' lui obéiffent, Toujours il récompenfe la foi des fidèles. Abraham crut a la promeffe que Dieu lui avoit faite, quoiqu'elle parut oppofée a F Ordre que ce même Dieu lui avoit donné: fon attente n'eft pas trompée. Voici fa foi qui fort viélorieufe de tous fes combats, & qui eft couronnée d'un heureux fuccès. Ayant eftimé que Dieu pouvoit reffufciter Ifaac .d'entre les Ee 5  464 SERMON morts, il le recouyre par une efpéce de réfur^ reclion. Mais c en eft affez pour 1'explication de notre texte. Donnons quelques momens aux inftruclions qu'il nous fournit. C'eft par la que nous allons terminer ce Difcours. APPLICATION. Parmi les inftructions que fournit le fujet que nous venons de traiter, il en eft qui vous regardent plus particuliéremenc, Peres & Meres! Apprenez ici de VExemple d''Abraham le droit abfolu que Dieu a fur vous, & fur les Enfans qu'il vous a donnés, & quelle doit être votre réfignation a fa volonté, lorfqu'il juge a propos de vous les redemander pour les retirer a lui. Toutes les ames font a moi, dit-il lui- I même par la bouche du Prophete Ezéchiel, VAme de VEnfant efl a moi comme ïAme du Pere. Quelque précieux que vous foient ces gages de fon amour, c'eft a vous è les lui Sacrifier du fond de votre cceur.Trop fouvent dans ces fortes d'épreuves, toujours rudes a la vérité }Ton fe plaint, quelquefois l'on  fur la foi d'Abraham. 465 murraure, ou du moins prefque toujours Ton s'afflige outre mefure, & l'on s'éloigne ainfi de la foi dAbraham. Et que feroitcefi, comme ace Patriarche, il vous Ordcnnoit de les lui Sacrifier vous-mêmes, de plonger vous-mêmes le couteau dans Jeurfein? Que feroit-ce fi eet Enfant, que Dieu vous demande, étoit en quelque .maniere le fondement de votre Foi, & que 1'accomplilfement des promefies divines dépendit en quelque forte de fa vie ? M. F.! fi voiis êtes les Enfans d'Abraham, faites les ccuvres dAbraham. Si ce Saint-Homme obéit a Dieu qui lui commanda d'offrir luimême fon Enfant, combien plus devez-vous facrifier auffi a Dieu l'affeélion que yous avez pour ceux qu'il vous a donnés, en vous montrant obéiflans & réfignés, lorsqu'il vous les redemande par des voyes plus douces ? Que fa foi nourriffe la votre. Dites a Dieu: les voici, Seigneur! ces Enfans que tu m'a vois donné. Je te les offre; ils font a Toi, & je fais que je les recouvrerai un jour, non par une efpéce de refurrection comme Abraham recouvra Ifaac, niais par une réfurreclion réelle & vérita-  466 SERMON ble. En effet, fi Abraham fe confoloit pa? Tidée d'une réfurrection poffible de la perte de fon Fils; Peres & Meres! n'eft-ce pas la confolation que vous donne fur tout 1'Evangile , oü Jéfus a mis la vie & Vhnmor* talité dans la plus grande évidence? N'en avez-vous pas des aflürances infiniment plus pofitives & plus expreffes ? N'eft-ce pas a vous que St. Paul dit encore aujourd'hui, comme il ledifoitautrefoisauxCorinthicns: M. F.! je ne yeux pas que vous ignoriez ce qui regarde ceux qui dorment, afin que vous ne foyez pas attriftés comme ceux qui n'ont point d'efpérance; car fi nous croyons que Jéfus-Chrift eft mort, qu'il eft reffufcitè, pareillement auffi ceux qui dorment en Jéfus, Dieu les ramenera avec lui. Efpérez donc en Dieu qui reffufcitè les morts, confiezvous en fa Providence, & confolez-vous les uns les autres par ces paroles. • Que fi Dieu vous conferve ces tendres objets de votre amour, imitez encore Abraham dans la confécration qu'il fit d'Ifaac au fervice de Dieu. Comme lui travailleza Gen.xvin. mériter 1'éloge que Dieu lui donna: je le eonnois, £5? je fais quil commandera a fes  fur la foi d'Abraham. A67 enfans de garder la voye de 1'Éternel, pour faire ce qui eft jufte £? droit. C'eft a eet égard encore que Dieu vous les demande, qu'ils lui appartiennent, & que vous ne fauriez les lui refufer fans crime. Au lieu donc de les donner au monde, offrez-les a Dieu, & enfeignez-leur a s'offrir eux-mêmes a lui. Que votre premier, que votre principal foin foit de les former de bonne heure a fa crainte , de leur infpirer le goüt ! de la piété, de la Religion, & de les accoutumer dès leur plus tendre jeuneffe è porter le joug du Seigneur. Servez-leur k i ces differéns égards d'exemples & de mo> dèles. Montrez-leur le chemin de la vertu, en y marchant vous-mêmes, & faites en forte que lorfqu'a la derniere journée vous ferez appelés a comparoitre devant le Juge Suprème, vous puiffiez dire avec confiance: Nous voici, Seigneur! & les enfans que tu nous as donnés. Mais fi YExemple d'Abraham doit être I f objet de 1'imitation des Peres & des Meres, c'eft encore un Modèle bien digne d'être I propofé a tous les Chrétiens en général. Apprenons ici Tidée que nous devons nous  4Ö3 SER M Ö N former de la Foi; & que le grand caracVe: e qui la diftmgue c'eft VObéiffance aux loix de Dieu. St. Paul, en nous montranc qu'Abraham fit paroitre Ia fienne par fes auyres, veut nous enfeigner par la que, Iorfqifelle eft véritable, elle porte toujours ceux qu'elle anime a fairé ce que Dieu ordonne. En vain donc nous fiatterionsnous de lui plaire ou d etre juftifiés par elle , tant qu'elle ne fe fait pas connoitre par notre obéilfance airx loix de Dieu. Pour être efficace & felutaire, ilfaut qu'elle foit Opérante en charité: Fertiken bonnes oeuvres. Apprenons fur-tout, M. F.! de 1'obéisfance du Patriarche a un Ordre auffi. difficile que celui qu'il recut, jufqu'oü nous devons porter notre amour pour Dieu; favoir jusqu'a lui Sacrifier tout ce que nous avons de plus cher, lorfqu'il nous y appéle. Oui Chrétiens! les combats & les triomphe: duPere des croyans font une véritable image de la vie du fidéle. Si ï1 Ordre que Dieu donna a Abraham combattoit les fentimens de la Nature, ceux que 1'Evangile nous fait entendre n'éxigent pas moins un renoncement abfolu anx fentimens les plus tencfres.  fur la foi d'Abraham. 469 Si ce facrifice nousparoit grand, il en eft un plus confid,érable encore que Dieu exige de nous; c'eft celui de la corruption, du vieil homme, celui de la pafïïon dominante, & qu'on peut appeler notre Ifaac, TEnfanc chéri de notre cceur. Si Dieu dit au Pa* triarche: prends maintenantTon Fils, tonunique, fij? Voffre en holocdujfe, Jéfus-Chnft dit au Chrétiens: fi qndquun yeut venir après-moi, quil renonce d foi-même: quil charge fa croix, & quil me fuive. Si quelquun vient après-moi, fi? ne hart, c'eft-adire n'aime moins, fon pere, fa mere, fa femme, fes enfans, fi? même fa propre vie, il ne peut être mon difciple. Ah ! ■ C'eft ici, M. F.! Que peu dignes du nom d'Lnfans d'Abraham nous dégénérons de fa piété. Ce Saint-Homme pour obéir è. Dieu confentit a fe défaire d'faac, quoique fes efpérances paruffent êcre fondées fur lui; & nous ne pouvons nous réfoudre è nous défaire du pêché, de notre panchant viéiettx, quoiqu'il nous óre 1'efpérance de la hénédiclion de Dieu & du fatat. La Raifon fembloit détourner Abraham du Sacrifice que Dieu lui demandoit; mais cette 1 même Raifon nous follicite, nous preffe  4?q S e r Al O N d'offrir a Dieu Ie Sacrifice quil nous de* mande. Car enfin ces répugnances que nous fentons a facrificr nos panchans criminels, penfons-nous que ce foit Ia Raifon qui les forme ? Détrompons-nous, Chrétiens! C'eft la corruption, c'eft ce qu'il y a de plus contraire a Ia Raifon. Confultons-la cette Raifon dans les momens que les paffions ne 1'aveuglent ni ne la troublent point elle nous dira qu'il n'eft rien de plus odieux que le pêché, rien de plus incompatible avec les intéréts de notre repos & de notre bonheur: elle nous dira que rien n'eft plus jufte que rOrdre que Dieu nous donne de le détruire, rien de plus indifpenfable que d'obéir a eet Ordre, puifque fans cela nous ne pouvons être heureux, ni dans cette vie, ni dans celle qui eft a venir. Et qu'eft-ce, qu'eft-ce qui nous empêcheroit encore d'offrir a Dieu ce Sacrifice? Ayant les mêmes Secours, les mêmes Motifs qu'Abraham, auronsnous moins de confiance & de fermeté? Difciples de la grace, notre Piété fera-telle furpalfeé par celle du Difciple des Promejfes ? Notre foi appuiée fur des fonde- mens  fur la fói d'Abfahani. 471 mens plus folides encore, ne nous fera- t>elle pas remporter la yicloire fur les tentations du monde, du pêché, & des convoitifes de notre cceur ? Je yous exhorte donc, M. F. I par les compaffons de Dieu, que yous lui ojfriez vos corps, vos paffions charnelles qui font la guerre a VAme; que vous les offriez h Dieu en Sacrifice. Et pourquoi? Paree que ceft yotre raifonnable feryice. Je yous y exhorte par les compajfons de Dieu: que ce motif eft touchant! qu'il nous peint avec des traits naïfs la miféricorde que Dieu nous a témoignée, lorfque, fans y être follicité par d'autre raifon que par le feul amour qu'il nous portoit, il a fait actuellement pour nous ce quAbraham fe difpofa a faire pour lui; puifqu'il a Sacrifié fon Fils unique, celui qu'il aimoit, & 1'a Sacrifié a notre bonheur, a notre falut. Pourrïonsnous après cela refufer quelque chofe a celuï qui nous a tant aimés ? II n'a eu rien de trop cher pour nous: aurions-nous quelque chofe de trop cher pour lui? Nos paffions, nos honteufes paffions valent-elles le fang de de fon Fils? II nous demande donc infi. niment moins quil ne nous a donné,* & il le demande, non pour ajouter a fa fé-  4?2 SERMON fur la foi 0Abraham. licité qui ne peut s'accroitre* mais pour afïürer, pour perpétuer la notre; puisqu'eniin nos propres intéréts, les intéréts de notre falut éternel font joints avec ceux de fon fervice. Oui! n'en doutons point; parvenus a ce dégré de foi qui nous anime a faire tout ce que Dieu ordonne» qui rend a Dieu amour pour amour, Sa* crifice pour Sacrifice, la récompenfe nous en fera auffi affurée. Et comme Abraham recouvra Ifaac par une efpéce deréfurreclion, nous ferons abondamment dédommagés de tout ce que nous 'aurons fait pour notre Dieu. Au milieu de nos tentations & de nos épreuves les plus rudes, nous aurons 1'efpérance füre & ferme d'obtenir cette immortalité glorieufe, qui fait 1'objet de tous nos vceux; jufqu'a ce qu'après avoir été féparés par la mort, nous nous rencontrions tous dans la bienheureufe réfurreélion, oü réunis a Jéfus qui nous a fait Sacrificateurs d Dieu fon Pere, nous lui offrirons pendant toute TEternité ce Sacrifice d'aélions de grace: d lAgneau qui a été mis d mort foit louange & gloire aux fiecles des fiecles, Amen! Pfi XXXVII. 2, 3. CXiX. 40.  473 PRIERE. Seigneur notre Dieu,. & notre Pere célefte ! nous nous proflernons encore au pied de ton tröne, pour t'adorer, & pour te rendre graces de la faveur que tu viens de nous accorder d'entendre & de méditer ta parole. O Dieu! qu'elle ne retourne point a toi, fans avoir produit fur nos cceurs 1'effet falutaire auquel elle eft deftinée. Que 1'exemple illuftre que tu viens de nous mettre devant les yeux excite déformais notre émulation. Qu'apprenant $ Abraham jufqu'oü nous devons porter notre foi & notre amour pour toi, nous foyons difpofés a quitter tout pour gdgner Chrift, & pour être trouvés dignes de lun O toi ! qui aimes mieux 1'obéiiTance que le facrifice! fais-nous bien comprendre quej fans la foumilfion de notre volonté a la tienne, tous nos aéles extérieurs de piété ne peuvent te plaire, & que tant que nous ne t'obéiffons point, nous nous glorifions vainement de t'aimer, puisque c'eft ici ton amour que nous gardions tes commandemens. Mais comme de nous-mêmes nous ne pouFf a  474 PRIERE. vons rien; aide-nous par ton Saint-Efprit a remplir nos jufles devoirs. Incline toi. même «os cceurs d tes têmoignages. Enfeignenous d faire ta volonté, quoique tu nous ordonnes; & a nous y fouraettre avec réfignation, quelque rudes que puilfent être les épreuves, quelque pénibles que foient les facrifices auxquels tu nous appéles icibas. Que confidérant fans ceffe ce que tu as fait pour nous, afin de nous prouver ton amour, en nous donnant ton Fils unique & bien- aimé, & en le facrifiant a notre bonheur & a notre falut; nous n'ayons plus rien de réfervé pour toi; nous nous confacrions entiérement a toi; nous faififfions ainfi avec zèle & avec joie toutes les occafions de te montrer notre foi pat nosoeuvres; perfuadez que tu ne la laifferas point fans récompenfe: mais qu'aprés avoir été éprouvés, & après nous être montrés fidèles jusqu'd la mort, nous recevrons un jour de ta main la Couronne de Vie.  S ER MON SUR LE CHRÉTIEN RESSUSCITÉ AVEC CHRIST. Si donc vous êtes reffufcitês avec Chrift, cherchez les chofes qui font en haut, oü Chrift eft affis ci la droite de Dieu. Penfez aux chofes qui font en haut, 6? non point d celles qui font fur la terre. Col. III. i, 2. Connoitre fon état, & s'y conformer; ceft, M.F.!un des plus fürs moyens de fe rendre la vie heureufe, & de s'affurer une eftimé univerfelle. Un homme diftingué par le rang qu'il tient, ou par le caraétère dont il eft revêtu dans la fociété, s'il ne s'y conduit pas dignement, devient bientöt 1'objet du mépris de fes inférieurs & de fes égaux. De même auffi celui que Dieu a placé dans une condition médiocre, s'il s'élève par orgue.il ou par ambition, nonfeulement, comme le premier, il fe rend méprifable, mais encore pour 1'ordinaire il devient f Artifan de fa perte. Rien donc Ff 3  47<5 SER M O N de plus propre a s'afTurer une approbation générale que de tenir un jufte milieu, en fe conduifant d'une maniere conforme a 1'état oü Dieu nous a placés. Mais fi la pratique de cette maxime eft néceffaire, appliquée a notre vocation temporelle, elle 1'eft fur-tout fi nous 1'envifageons par rapport a notre vocation fpirituelle. Quand on réfléchit fur la condition glorietfe des vrais Chrétiens, fur les privileges dont ils jouiffent; il eft aifé de comprendre fobligation qui leur eftimpofée, s'ils ne veulent pas déroger a leur dignité, de fe conduire en vrais Difciples de Chrift. Unis a lui par les liens les plus intimes, en tant que nous fommes fes Membres; devenus fe Freres par notre adoption ; faits participans des mêmes avantages dont il jouit; yiyifïés, rejfufcités, ajfts enfembh avec lui dans les lieux céleftes; il eft de la derniere importancc de nous conduire d'une maniere conforme a un état fi glorieux, de vivre comme Jéfus-Chrift a vêcu, de fuivre fes traces felon Ie modèle qu'il nous en a laifle;en un mot d'afibrtir nos fentimens aux fiens,en fixant nos défirs, non furies  fur le Chrétien rejfufcité avec Chrift. 477 chofes de la terre, mais fur celles qui nous attendent dans le Ciel, & en montrantpar toutes nos démarches que nous fommes véritablement reffufcités avec lui. C'eft, M. F.! a la pratique de ce devoir que St. Paul exhorte les Colofiens dans notre texte. II venoit de les munir, dans le Chapitre précédent, contre quelques Do&eurs qui vouloient rétablir 1'ufage des Cérémonies, & joindre diverfes pratiques fuperftitieufes a la foi en Jéfus Chrift. Afin d'y réuffir, il leur avoit repréfenté que dans la Religion Chrétienne, & dans elle feule, fe trouve tout ce qui eft néceffaire pour la Juftification & la San&ification; que par conféquent toutes les innovations. qu'on pourroit faire devenoient inutiles. II leur avoit montré enfuite, qu'en Jéfus-Chrift les fidèles font rendus parfaits, obtiennent la rémiffion des péchés, le droit è la vie éternelle /en tant qu'ils font morts au pêché, & reffufcités en nouveauté de vie. D oü il conclut, dans notre texte, que ces faveurs fignalées doivent les engager a fe conduire en conféquence, a renoncer aux chofes corruptibles de ce monde, pour Ff 4  478 SERMON afpirer après celles qui font au Ciel. Si, dit-il, fi donc yous étes reffufcités avec Chrift, cher chez les chofes qui font en haut, oh Chrift eft affis d la droite de Dieu. Penfez aux chofis qui font en haut, fi? non point a celles qui font fur la terre. Ces paroles nous offrent deux objets a confidérer. I. Le Devoir qui nous y efl: prescrit. II. Enfuite le Motif dont St. Paul fe fert pour nous porter a le pratiquer. Cherchez les chofes qui font en haut, oïi Chrift eft afis h la droite de Dieu. Penfez aux chofes oui font en haut, fi? non point a celles qui font fur la terre: voila le Devoir. Paree que vous étes reffufcités avec Chrift: voila le Motif. Venez, Chrétiens! méditer avec nous fur eet intéreflant fujet. Venez, aujourd'hui que jéfus vainqueur de la mort & du fépulcre, aujourd'hui que les graces qui nous ent été offertes a la Sainte Table, aujour- ' d'hui que tout nous crie: éleyez vos cceurs en haut! venez fixer vos regards fur les biens raviffans que le Ciel renferme. Et Dieu veuille que, convaincus de leur excellence «Sc de fobligation oü nous fommes  fur le Chrétien reffufcitè avec Chrifl. 479 de les rechercher, nous exécutionslepieux deflein formé dans ce jour, de mourir au pêché pour yiyre défonnais d la juflice! Ainfi foit-.il! I. P A R T I E. Pour fe former de juftes idees du De. voir prefcrit dans notre texte, il faut en confidérer & V Objet & la Nature. I. Par rapport a Y'Objet; St. Paul 1'exprime par les chofes qui font en haut, & non point celles qui font fur la terre. 1. F ar les chofes qui font en haut; nous entendons en général toutes celles qui appartiennent a une vie célefte, a la connoiffance & a la pofleffion defquelles nous fommes appelés; Ie Royaume des Cieux les biens Evangéliques, les dons de la grace , les tréfors de la gloire, en un mot toutes les chofes qui font réfervées dans le Ciel a la foi & a la piété des fidèles. Sous cette clalfe, il faut doncrangerd'abord cette félicité célefte dont jouiront les fidèles glorifiés, dans la communion d'un Dieu fouverainement bon, fouverainement aimable; d'un Dieu qui eft la fource de tout Ff 5  48q SERMON bien, & d la droite duquel il y a des plau Jirs ineffables pour jamais: félicité dont des milliers de fiecles ne fauroient diminuer la longueur: félicité qui n'eft point fujette aux révolutions, mais qui eft toujours la même, hier, aujourd'hui, èternellement: félicité fans mélange d'amertume, fans dégout, fans tiédeur, & dont la jouifJTance fournira toujours de nouveaux contentements, de nouveaux tranfports de joie: félicité enfin infinie dans fon dégré, éternelle dans fa durée. Nous n'entreprendrons pas ici, M. F.! d'en faire une defcription exacte, Un voile impénétrable cache a nos yeux les chofes qui font en haut. Nous manquons d'idées pour les concevoir, comme d'expreflions pour les décrire. Quand nous raflemblerions tout ce qui eft capable de vous toucher & de vous plaire; quand nous emprunterions des images de tout ce que 1'Univers fournit de grand & de beau, nous ne pourrions encore que vous en tracer une très-foible ébauche. Ce font des chofes que ï cs.il na point vues, que Voreille na point entendues, & qui ne font jamais monte'cs dans le coeur de 1'homme. Ce font des chofes inénarrables.  fur le Chrétien reffufcitè avec Chrift. 481 Par les chofes qui font en haut; il faut encore entendre les biens de la grace, la piété, le détacheraent du monde, Télévation a Dieu, un défir fervent & fincére de 1'immortalité, & en général toutes les vertus Chrétiennes, paree qu'elles font céltftes de leur Nature, paree qu'elles font les prémices d'une abondante moiffon & des avant-goüts de 1'entiére jouiflance des chofes qui font en haut. 1. Que ce foit la, M. F.! le véritable fens de ces paroles, c'eft ce qui paroït par 1'oppofiton que 1'Apótre fait des chofes qui font en haut, avec celles qui font fur la terre; exprimant ainfi 1'objet du Devoir qu'il nous impofe d'une maniere négative. Quoique par le but de St. Paul dans cette Epitre, il paroilfe évidemment qu'il entend fur-tout ici, par les chofes qui font fur la terre, cel- * les qu'il avoit appelées, dans le Chapitre précédent, les rudimens du monde; c'eft-a- vs. 20. dire, les loix cérémonielles de 1'Oeconomie Mofaïque: rien n'empéehe cependant qu'on ne puiffe donner un fens plus étendu a ces paroles, & les appliquer aux maximes du fiecle. En effet; fi les Chrétiens ne font \  482 SERMON pas alTujettis aux loix Mofaïques, a plus forte raifon ne doivent-ils pas 1'être a des loix purement humaines. De forte que par les chofes qui font fur la terre, on peut entendre les honneurs, les plaifirs immodérés, les richeffes, les inclinations, les raceurs, & les maximes des mondains, tout ce qui attaché les hommes a la terre, & leur fait oublier qu'ils ne font qxxètrangers fi? voyageurs ici-bas. La fuite de notre texte confirme cette explication. Après avoir dit de ne pas cher cher les chofes qui font fur la ter re, 1' Apötre ajoute immédiatement: car Vs. 3 yous êtes morts, fi? votre vie efl cqche'e avec Chrift en Dieu; c'eft-a-dire., „ car vous „ devez vous confidérer comme morts ,, pour les chofes du monde; & votre vie, „ la vie a laquelle vous afpirez après cel„ le-ci, eft cachée en Dieu avec Jéfus-Chrift. „ Elle efl comme en dépot & en fureté Vs'5 „ entre fes mains: mortifiez donc vos mem„ bres qui ftnt fur la terre: travaiüez a „ détruire tout ce qu'il y a en vous de ,, mondain, toutes les habitudes vicieufes „ qui vous attachent encore a Ja terre." II. Tel efl, M. F.! ïObjet du Devoir  fur le Chrétien refufcité avec Chrifl. 483 prefcrit dans notre texte. II s'agit a préfent d'en déveloper la Nature. Cher chez, dit St. Paul, chet-chez les chofes quifont en haut, ou Chrift eft ajfs a la droite de Dieu. Penfez aux chofes qui font en haut, & non pint a celles qui font fur la terre. En général chercher les chofes qui font en haut, c'eft y appliquer fon efprit & fon cceur, y donner toutes fes affeótions, travailler a acquérir les qualités qui en aflurent lapoffeifion; c'eft tourner vers le Ciel tous fes foins, tous fes défirs, toutes fes efpérances. Mais pour comprendre mieux la Nature de ce Devoir, entrons dans quelque détail, & difons que chercher les chofes qui font en haut; c'eft 1 °. Les connoitre & les méditer; c'eft sta Les défirer 6? les préférer; c'eft 30. Employer les moyens les plus efficaces pour les acquérir & les pojféder. I. Comme l'on ne cherche a acquérir les chofes qu'a mefure qu'on les eftimé , & qu'elles nous paroilfent plus ou moins excellentes; nous difons que pour chercher avec fuccès les chofes qui font en haut, il faut d'abord les méditer avec foin, travailler a s'en former de juftes idéés, afin  404 SERMON de pouvoir les mettre a leur jufte prix. Un objet inconnu eft un objet indifférent, 1'homme étant feit de maniere qu'il ne peut fe fentir plus d'empreffement pour une chofe qu'il ne lui connoit de qualités défirables. Et quoique l'on ne puis« fe parvenir a une connoiffance parfaite des biens céieftes; cependant, en méditant fur les fublimes tableaux que 1'Ecriture nous tracé, nous ne pouvons qu'en concevoir les plus hautes idéés, & nous plaire è en faire le principal fujet de nos penfées & de nos méditations. Dieu lui - même, 1'état des Saints glorifiés, le bonheur éternel réfervé aux Gens de bien: quels objets plus dignes d'occuper nos Efprits? Quand ici-bas il s'agit d'avancer notre intérêt particulier, de nous procurer quelque avantage, de former quelque projet dont il peut nous revenir de 1'utilité, cette idee ne nous occupe-t-elle pas entiérement? Ne penfons-nous pas fans ceffe comment nous pourrons y réuffir? cette efpérance d'un avantage confidérable ne nous accompagne-t-elle pas 'toujours ? Combien plus ne devons-nous pas penfer, méditer conti-  fur le Chrétien reffufcitè avec Chrift. 485 fiuellement fur ce qui mettra le comble a notre bonheur ? Combien plus ne devonsnous pas nous occuperférieufementdestóoƒ >,s qui font en haut ? Quel plaifir que de mèditer fur les perfeétions de Dieu, fur fa charité infinie, fur les bienfaits que fa miféricorde nous difpenfe, fur les fruits précieux qui nous reviennent de la mort & de la réfurreótion de fon divin Fils! Quel plaifir que de mèditer fur la Gloire qui nous attend dans le Ciel, que de fe tranfporter par la foi dans ce féjour heureux, dans la compagnie des Anges & des Saints glorifiés! O qu'une telle méditation efl; propre a remplir 1'Ame d'un fidéle de joie & de contentement! Avoir donc ces grands Objets préfens a 1'Efprit, fe plaire a étudier tout ce qu'ils ont d'excellent, fe bien convaincre que leur poflèfiion efl: Souverainement propre a nous rendre véritablement heureux: voila ce qu'emporte d'abord le f.eyoir que nous expliquons: voila par oü il faut commencer pour chercher les chofes qui font en haut. 2. Quand on s'en eft formé de telles idéés; il n'elt pas poffible, M. F.! que l'on n'en faffe,en fecondlieu, 1'objetconti-  486 SERMON nuel de fes Défirs les plus vifs & les plug fervens. C'eft une vérité de fentiment que tous les hommes fouhaitent d'être heureux; & c'eft une vérité d'expérience qu'ils cherchent avec ardeur tout ce qui peut contribuer a les faire parvenir a ce but. Mais autant qu'ils s'accordent fur ce Dêfir, autant différent-ils fur 1'objet de leur félicité. Les mondains, en n'afpirant qu'a jouir des avantages temporels, a couler des jours délicieux au fein de 1'abondance & de la joie, ne chercbent qu'une félicité apparente, palfagère. Au lieu que des hommes fages, & qui favent apprécier les chofes a leur jufte valeur, portent plus loin leurs regards, & percant jufques dans une Oeconomie future, ils font confifter leur vrai bonheur dans la polTelfion des biens céleftes. Et qu'y a-t-il, en effet, de plus propre a les fatisfaire a eet égard ? Les honneurs, les plaifirs, les richeffes, tout cela n'eft qu'une vaine fumée, incapable de contenter nos befoins. Quelque borné que foit notre Efprit, la capacité de notre coeur eft infinie, & il n'y a que la polTelfion de Dieu feul qui puiffe nous mettre en état de ne plus rien  fur k Chrétien reffufcitè avec Chrift. 487 rien défirer. Voila donc auffi, fi nous fommes fages, a quoi nous devons tendre Sc afpirer; & c'eft encore la le but de 1'Apötre, lorfqu'il veut que nous cherchions les chofes qui font en haut. Pour cela il nefuffit point que l'on foit convaincu du bonheur' qu'elles procurent; il faut que cette conviétion fe renouvelle fréquemment, Sc excite dans TAme des Dèfirs non languislans & momentanés, mais ardens & dura* bles pour le Royaume célefte: des Dèfirs qui, au lieu de fe ralentir, a caufe de la fpiritualité ou de 1'éloignement des chofes défirées, hatent par leur ardeur Ie tems heureux de la pleine jouiflance: des Dèfirs qui, joints a une efpérance füre & ferme , combient en quelque maniere 1'abïme qui Ten fépare, & réuffiffent même a faifir ce Rsyaume qui ne peut être éhranlé. 3. A ces Dèfirs, pour peu qu'ils foient fervens, le Chrétien doit encore ajouter de prompts, de fincéres efforts; travailler par choix, par préférence, non après la viande qui périt, mais après celle qui eft permanente en vie éternelle; & c'eft ce qu'emporte, en troifième lieu, le Devoir prelcric Gg  488 SERMON dans notre texte. Ce n'eft pas aflez de connoitre les biens céleftes, de méditer fur leur excellence, de les défirer fimplement; il faut encore travailler, agir. Loin d'ici ces Chrétiens indolens, ces ames parelTeufes & fainéantes, qui voudroient bien obtenir le Ciel, mais fans qu'il leur en coutat aucun travail, aucune peine: qui voudroient jouir du triomphe & de la victoire, mais fans être obligés de combattre : qui voudroient arriver au but, mais fans fournir la courfe qui leur eft propofée: qui voudroient, en un mot, jouir du fouverain bonheur & de Ia félicité éternelle, mais fans prendre aucun foin de rempür les conditions Souverainement justes & raifonnables qui y font attachées. Les biens céleftes font un don de Dieu, je J'avoue: nous ne faurions les mériter par nos ceuvres. C'eft une récompenfe gratuite; mais c'eft pourtant auffi un falaire qui ne fera donné qu'a ceux qui auront fervi fidélement leur Maitre, qui auront éiêferyens d Efprit cn feryant le Seigneur, qui auront fait tous leurs efforts pour entrer en posfeffion de ce grand falut que le Fils de Dieu nousaacquis. Or, M. F.! la feule expo-  fur le Chrétien reffufcitè avec Chrift. 489 fition de ces biens, propofés a nos recherches, fuffit pour nous faire comprendre quels font les vrais Mcyens, les Moyens les plus efficaces pour nous les ajfurer. Ces biens font la félicité célefte, la gloire, la jouisfance de plafirs inénarrables, une immortalité bienheureufe. Dela il paröit évidemment qu'il ne faut pas chercher ces Moyens dans les délices du fiecle, dans l'amour du monde qui efl inimitié contre Dieu; mais au contraire dans le détachement des chofes terreftres, dans une vie fainte, dans la pratique des vertus Chrétiennes. Oui M. F.! ce font la les vrais, les feuls Moyens de nous en affurer la poffelTion. 11 faut offrir h Dieu nos corps, nos ames, nos perfonnes entieres comme autant de victimes vivantes, faimes, agrèables & fes yeux. II faut s'attacher a cette fainteté que 1'Evangile exige-, obéir aux loix qu'il propofe, remplir les devoirs, pratiquer les vertus qu'il prefcrit; ne pas fe borner a en pratiquer quelques-unes9 mais afouter b la vertu la foi, ct la foi la fcience, h la fcience la tempérance, h la tempérance la patience, cl la patience la piété, 'h la piété l'amour fraternel, &a P amour f raGg 2  490 S E R M 0 N ternel la charité. \\ faut vivre des ici-bas en citoyens des cieux, détacher fon cceur du monde, crucifier fes paffions, renoncer ktoutpour gdgner Chrift, eftimer toutes chofes comme de la boue, dès qu'elles pourroient nous éloigner de ce divin Sauveur; ne faire cas de rien, pas même de notre vie, pourvu que nous achevions dans la crainte du Seigneur la cour- O fe qui nous eft propofée. En un mot, chercher les chofes qui font en haut; c'eft employer tous les moyens, pratiquer tous les devoirs, remplir toutes les conditions qui peuvent nous les procurer, perfévérer dans la pourfuite du bonheur célefte, jufqu'a ce que noUs en foyons mis en poffeffion. Ce n'eft pas au refte, M, F.! qu'en donnant cette étendu au Devoir que nous prêchons, nous prétendions que toute recherche des chofes de la terre nous foit abfolument interdite, ou que nous approuvions cette dévotion outrée, qui porte des Efprits fombres & atrabilaires a rompre tout commerce avec leurs femblables, a méprifer le refte des hommes, a fe diftinguer d'eux par une fingularité affecléedans leur maintien & dans leur extérieur, & a regarder les chofes les plus innocentes com-  fur le Chrétien reffufcitè avec Chrift. 491 me dignes de blame. A Dieu neplaife,que nous confondions ainfi la véritable Piété avec la Superftition, la Religion avec le Fanatifme! Non! la Piété n'eft point farouche: la Religion ne détruit pas les plus doux liens de la Société. Un amour bien réglé pour les chofes du monde n'a rien que de légitime. C'eft la un fentiment que Dieu lui-même a imprimé dans nos cceurs. II fait qu'étant hommes nous avons befoin des chofes qui appartiennent a la vie préfente; & loin d'en condamner la recherche légitime,il nous exhorte par-tout aremplir les Devoirs de notre vocation temporelle avec affiduité, afin de nous les procurer & de nous rendre la vie douce & agréable. Seulement veut-il que nous ufions de ces biens du monde fans en ahufer, que nous ne nous y livrions pas entiérement, que nous en jouiffions de maniere qu'ils ne nuifent point a notre véritable bonheur, en les envifageant comme des preuves non équivoques de la bonté de 1'Etre qui nous les difpenfe; en un mot, que notre plus grande, notre principale affaire foit de c/^rcher les chofes qui font en haut. Gg 3  493 SERMON Tel eft M. F.! 1'important Devoir au. quel St. Paul nous exhorte. Et fi Texcellence de fa Nature doit déja nous fournir un Motif bien puilfant pour nous engager a le remplir, 1'Apötre en allégue un dans mon texte d'une efficace toute particuliere; c'eft la réfurrection du fidele avec JéfusChrift. ci yous êtes reffufcités avec Chrift, cher chez les chofes qui font en haut, ou Chrift eft affis a la droite de Dieu. Penfez aux chofes qui font en haut, £? non point ó celles qui font fur la terre. L'Examen de ce Motif, c'eft ce qui va faire le fujet de notre Seconde Partie. II. PARTIE. Pour bien fentir toute la force du Motif dont St. Paul fe fert, pour porter les Chrétiens a la pratique du Devoir que nous venons d'expliquer; il fuffira, M. F.! de bien déterminer le fens de cette expreffion: être reffufcitè avec Chrift. I. Pour eet effet, nousobfervonsd'abord qu'elle efl prife ici dans un fens figuré, pour marquer une réfurreclion morale &  fur le Chrétien reffufcitè avec Chrift. 493 fpiricuelle. Afin de comprendre en-quoi elle confifte, il ne faut que remor.ter au verfetXIÏ. du Chapitre précédent, quicontient un principe dont notre texte efl la conféquence que 1'Apotre en tire. Après y avoir dit: vous êtes enféyelis avec Chrift ■par le Batême, en qui auffi yous êtes enfemble reffufcités par la foi de l'efficace de Dieu qui la reffufcitè des morts; il conclut dans notre texte: fi donc yous êtes reffufcités avec Chrift, cher chez les chofes qui font en haut. 11 efl clair que 1'Apötre applique ici figurément eux fidèles ce qui eft arrivé a Jéfus-Chrift a la lettre. De même que le Sauveur efl véritablement mort, a été enféveli, & eft reffufcitè; de même, dans un fens figuré, le fidéle en embraffant par le Batême la Religion de Jéfus, en s'appliquant les mérites de fa mort, en reconnoiffant qu'elle efl f unique fource du falut, meurt au pêché auquel il renonce pour toujours, efl régénéré, reffufcitè en nouveauté de vie, commence une vie nouvelle, conforme a celle du Sauveur. L'Apötre fe fert de la même figure dans le Chapitre VI. de fon Epitre aux Romains: paffage qui peu ferGg 4  494 SERMON vir de commentaire a celui que nous exvl^T'4 P1^110113, ^ favez-vous pas, dit-il, que nous ' tous qui avons été Batifés en Jéfus-Chrift, avons été Batifés en fa mort. Nous fommes donc enfévelis avec lui en fa mort par le Batême, afin que cowne Chrift efl reffufcitè des morts par la gloire du Pere, nous marchions auffi en nouveauté de vie. Le fens de ces paroles efl que tous ceux qui, par le Batême, deviennent les Difciples de jéfus s'engagent a mourir au pêché, comme Chrift eft mort a caufe de leurs péchés, & a vivre d'une vie nouvelle comme le Seigneur efl reffufcitè pour leur juflification. Comme Jéfus-Chrift, en reffufcitant, a quitté toutes les infirmités qu'il avoit éprouvées avant fa réfurreétion; comme il fe fit en lui une transformation entiere, & qu'il fe vit incorruptible, immortel; ainfi le fidéle, qui a été fait avec ce divin Sauveur une même plant e par la conformité de fa réfurreclion, reffufcitè en nouveauté de vie, eft changé, transformé par la vertu Toute-PuifTanteduSt-Efprit, en forte que i ce rieft plus lui qui vit, mais c'eft Chrift qui vit en lui.  fur le Chrétien reffufcitè avec Chrift. 495 Mais fi c'eft la être reffufcitè avec Chrifl; peut-on fe dire'tel, & ne pas fentir la néceffité de chercher'les chofes qui font en haut? Quelle abfurdité de continuer a vivre comme ceux dont le partage efl en ce monde, lorfqu'on eft appelé a une vie purement fpirituelle & célefte? Que penfer d'un homme qu'on auroit retiré d'un état qui lui étoit funefte par les malheurs auxquels il s'y voyoit expofé, fi, oubliant un tel bienfait, ou le négligeant, il fe plongeoit de nouveau dans ce même état, & s'expofoit ainfi volontairement a de nouveaux périls & a de plus grands malheurs? Un tel homme ne palferoit-il pas pour un infenfe; pour un homme, qui loin d'avoir fon propre bien-être a cceur, travaille a fa perdition ? II en feroit de même de nous, Chrétiens! fi, faifant profeffion dé être res.fufcités avec Chrifl, retirés par fa grace de 1'état affreux oü le pêché nous avoit piongé, nous venions a nous y laiffer entrainer de nouveau; fi, après nous être engagés par notre Batême a mener une vie fpirituelle & célefte, nous arrêrions uniquement nos défirs ici-bas, fans nous metGg 5  496 SERMON tre en peine de chercher les chofes qui font en haut. Non! par fa réfurreétion JéfusChrift a pris une vie fpirituelle, dégagée des infirmités, des foibleffes, & de tous les inrérêts de la terre; en un mot une vie toute fainte & célefte. Le fidéle eft resfufcité avec Chrifl: il doit donc auffi bannir de fon cceur les affections charnelles & les paffions vicieufes qui s'en étoient mifes en poffeffion! Le Sauveur reffufcitè mena plus que jamais une vie célefte, dégagée des foins de la terre: le fidéle, reffufcitè avec lui, doit auffi tout de même avoir fes penfées, fes affections, fes recherches tournées dn cöté des lieux céleftes, oü il attend une Citè permanente. Le Sauveur relfufcité ne forma de liaifons qu'avec fes Difciples affidés, ne les entretint que des Myftéres du Royaume des Cieux: tout de même le fidéle, relfufcité avec lui, renouvellé dans 1'Efprit de fon entendement, ne doit plus fe conformer a ce préfent fiecle mauvais, mais prendre plaifir aux Saints qui font fur la terre, & dont les entretiens les fentimens, le commerce ne peuvent que fortifier en lui le goüt pour les chofis  1 fur le Chrétien reffufcitè avec Chrifl. 497 qui font de l'Efprit de Dieu, & qui regardent la béatitude éternelle. Le Sauveur reffuscité enfin ne refta fur la terre, qu'autant que Ie demandoit cette réfurreétion même bien conltatóe,& Tinflruction de fesChers Apötres qu'il bénit avant de les quitter; & fe difpofa bientöt a remonter au Ciel d'oü il étoit defcendu, pour y vivre avec fon Pere d'une vie éternelle: le fidéle, rélTuscité avec lui, doit tout de même employer le tems de fon féjour tempor el a bien prouver fa réfurreétion fpirituelle, fa converfion; a laiffer en héritage a fes enfans des lecons faintes & des mceurs pures pour principale bénédiction, & a les rendre avec lui capables de participer a Vhéritage des Saints qui font dans la lumiere. II. Mais fi le fidéle peut fe dire reffufcitè avec Chrifl, en tant que comme ce divin Sauveur il eft appelé a une vie nouvelle fpirituelle & célefte; il peut encore fe confidérer comme tel, en tant que la réfurreétion du Fils de Dieu efl un gage affuré de la fienne. Et en donnant a cette expresfion ce fecond fens dont elle fufceptible, ■ elle ne fournit pas un Motif moins puiffant  498 'SERMON pour nous engager a chercher les chofes qui font en haut. Que la Réfurreétion du Sauveur foit un garant afliiré de la notre; que comme, après fa réfurreétion, Jéfus-Chrift eft entré dans le fejour étérnel de la gloire, le fidéle de même reflufcitera un jour, & fera rendu participant de 1'immortalité bienheureufe: c'eft fur-quoi M. F.! nous ne faurions avoir le moindre doute. Si le . Prince de notre falut, fi notre divin Chef fut demeuré dans la mort, nous n'euffions jamais pu nous promettre 1'immortalité; car comme nous voyons le corps d'Adam mort & réduit en poudre depuis plufieurs fiecles, nous qui fommes fes enfans nous ne pouvions attendre que le même fort. Mais lorfque nous voyons Ie corps de Jéfus reffufcitè; 1'union que nous avons avec lui, en tant qu'il eft le Chef & que nous fommes fes membres, produit en nous 1'efpérance que nous refllifciterons un jour; que la mort, qui n'a pu le retenir dans le tombeau, n'empêchera pas non plus que nous n'en foyons délivrés.' Lui-même nous en a fait la promefle: paree que je vis, vous jc»n. v. auffi yous yivrez. Comme le Pere reffufcitè* 21.  fur le Chrétien reffufcitè avec Chrift. 499 les morts, les vivifie, de même auffi le Fils vivifie ceux quil veut. Jefuis.laRéfurreclion jwn. H, ' & la vie: celui qui croit en moi, encore qu'il 2S' * foit mort, ilvivra. Suivant ces promeffes, nous pouvons être perfuadés que cette même vertu, par laquelle Dieu a reffufcitè Jéfus, fera répandue fur nous pour lui être rendus femblables; regarder notre Réfurreétion future comme déja arrivée; nous confidérer comme jouiffant déja de 1'immortalité & de la gloire éternelle, dont la Réfurreétion du Sauveur nous efl un fur garant. Nous pouvons être affurés que JefusChrift, que nous attendons des Cieux, transformera nos corps vïls pour les rendre conformes a fon corps glorieux. Jéfus-Chrift ayant vaincu la mort, il efl impoffible que la viéloire nous échappe; & dans 1'affurance de la remporter un jour, nous pouvons dès ici-bas braver les enneinis de notre falut, & entonner ce cantique de triomphe: oü eft, 0 mort! ton aiquillon ? OU eft, ê fêpulcre l ta viéloire ? Graces h Dieu qui nous a donné la viéloire par Jéfus-Chrift notre Seigneur. Mais, M. F.! fi en vertu de notre Réfurreétion avec Chrifl, nous fommes  5oo SERMON appelés a participer a de grands avantages; comment ne fentirions-nous pas Fobligation oü nous fommes de conformer nos fentimens a leur grandeur, a 1'excellence de notre condition, & de nous qualifier des ici-bas pour FEternité, en vivant comme des citoyens du Ciel, en cherchant les chofes qui font en haut ? Ayant cette efpérance, que la Réfurreclion des morts tant des juf es que des injufles arrivera; quoi de plus narurel que cette conféquence que St. Paul en tire ? c'efl pourquoi je métudie a ayoir une confcience fans reproche devant Dieu & devant les hommes. Faits pour une autre, pour une meilleure vie; quoi de plus fage que de s'y préparer dans celle-ci par la perfévérance d hen faire, qui affure Vhonneur la gloire <5? Vimmortalité? O vous donc, Chrétiens! qui nourrilfez cette glorieufe attente; que, comme Chrift efl reffufcitè, vous reffufciterez un jour comme lui en gloire: voulez-vous ne pas la voir fruflrée? Confacrez a votre divin Maitre, qui vous Fa donnée, toutes vos penfées, toutes vos affections. Rendez honorable en toutes chofes fa dotJrine, qui vous élève a de fi magnifiques efpérances. N'a-  furie Chrétien reffufcitè avec Chrifl. 501 yant pour les chofes de la terre pas plus d'attachement qu'elles ne méritent; fixez, arrêtez vos regards fur les chofes invifibles qui font éternelles: cher chez les chofes qui font en haut. APPLICATION. Nous aimons a nous perfuader, M. F.f que le fujet que nous venons de traiter, aura produit dans vos amesundéfirardent, une inclination forte & empreffée pour les biens fpirituels & céleftes, & que déja vous avez formé les réfolutions les plus fincéres d'en faire déformais le principal objet de vos foins & de vos recherches. Nous aimons a croire que, du moins pour le moment, vous fentez combien il vous importe que ces pieux deffèins foient fuivis d'une exécution auffi prompte que conftante. Nous aimons a croire que fi jusqu'ici, faifant profeffion d'être reffufcités avec Chrifl, vous avez eu a vous reprocher d'avoir ufurpé ce titre, en négligeant de chercher les chofes qui font en haut, vous allez déformais travailler avec plus de zèlea  5oa SERMON vous en rendre dignes, par votre renoncement a vous-mêmes, par votre détachement du monde, par une pratique conftante de toutes les vertus Chrétiennes. La tache que notre vocation fpirituelle nous impofe a eet égard eft difficile, je 1'avoue. Pour la remplir, il ne fuffit pas d'être Chrétien feulement de nom & de profeffion; il faut donner des preuves de notre union avec Jéfus-Chrift par une foi vive, par une charité ardente, par une piété non feinte, par un amour fincére pour Dieu, par un attachement inviolable aux maximes de .1'Evangile. II faut qu'une conduite, formée fur le modéle que le Fils de Dieu nous en a laiffé, juftifie que nous fommes dans la glorieufe claffe de ceux qui font reffufcités avec lui. Ah! fans doute , la grandeur de cette tache auroit dequoi nous intimider, fi nous ne devions en attendre le fuccès que de nos feules forces. Mais raffurons-nous, Chrétiens! en nous la prefcrivant, en nous exhortant a chercher les chofes qui font en haut, sparee que nous fommes reffufcités avec Chrift; St. Paul nous y montre ce divin Sauveur as»  fur le Chrétien reffufcitè avec Chrifl. 503 fis a la droite de Dieu. Et que cette confidération eft propre a nous encourager, a nous foutenir! Chrifl efl ajfis a la droite de Dieu: a la fource des fecours dont nous avons befoin. C'elt dela qu'il nous les dispenfe abondamraent. C'eft ia que, comme notre Avocat & notre interceffeur auprès du Pere, il recoit nos prieres & nos oraifons pour les lui faire agréer; qu'il le prie lui-même pour que notre foi ne défaille point, & qu'il eft toujours exaucé. C'eft du Ciel qu'il envoie fon St.-Efprit d ceux qui le lui demandent; qu'il répand les dons de fa grace pöur nous aider a réfifter aux embüches du Démon, a furmonter les tentations, a faire celfer ces combats entre la chair & 1'efprit. C'eft dela enfin qu'il nous crie: je ne te délaijferai point; je ne fabandonnerai point. Ma grace te fuffit, & ma vertu s'accomplira dans ton infirmitè. Avec un tel fecours, Chrétiens'! craindrions - nous de mettre la main a Tceuvre? Puifque nous avons de telles promejfes, nous pourrons tout en Chrifl qui tous fortifie. Puifque nous avons de telles promeffes; puifque nous favons que notre travail ne fera pas vain au Hh  504 SERMON Seigneur: foyons fermes, immuables, abondans en ïmvre du Seigneur. Cherchons les clwfes qui font en haut, oü Chrifl efl affis h la droite de Dieu. Penfons aux chofes qui font en haut,